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in 2010 with funding from
University of Ottawa
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REVUE CELTIQUE
TOME XXV
CHARTRES.
IMPRIMERIE DURAND, RUE FULBERT.
^^^ CE^^^
FONDÉE
TAR
H. GAIDOZ
1870-1885
PUBT.IÉE SOUS LA DIRECTION DE
^
H. DARBOIS DE JUBAINVILLE
Membre de l'Institut, Professeur au Col.ège de France
AVEC LE CONCOURS DE
E, ERNAULT J. LOTH G. DOTTIN
Professeur à l'Université Doyen de la Faculté des Professeur à l'Université
de Poitiers
Lettres de Rennes
dt; Rennes
ET DE PLUSIEURS SAVANTS DES ILES BRITAMNIQUES ET DU CONTINENT
Tome XXV
^ r>. TV. 8AA0ËR
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PARIS (r)
LIBRAIRIE Emile BOUILLON, ÉDll'EUR
67, BUE DE RICHELIEU, AU PREMIER
1904
581479
TABLE DES MATIÈRES
Pages
ARTICLES DE FOND
La famille celtique, par H. d'Arbjis de Jubainville i, iSi
Pennovindos, Pinnevindum, Pavant, par A. Longnon 17
Esnada tige Buchet, The songs of Buchet's House, édités par Whitley
Stokes 18, 225
Notes étymologiques bretonnes, parJ. Loth 40, 382
Some Remarks on the irish third person in nn, nd, par Walter J.
Person 42
Le dieu celtique Medros, par Franz Cumont 47
Sur l'étymologie bretonne, par Emile Ernault 51,260,340
L'année celtique d'après les textes irlandais, gallois, bretons, et le
calendrier de Coligny, par J. Loth 113
Cicéron et les Gaulois, par H. de !a Ville de Mirmont 163
Les carnassiers androphages dans l'art gallo-romain, par Salomon
Reinach 208
Note sur le gaesum par Adrien Blanchet 229
Scela na esergi, Tidings of the résurrection, par Whitley Stokes.. . 232
Le mystère de saint Crépin et saint Crépinien, édité par Victor Tour-
neur 299, 420
Find and the man in the tree, par Kuno Meyer 344
Les mots vieil-irlandais du ms. de Laon, par J. Vendryes 377
Betha Fursa, The Life of P'ursa, éditée par Whitley Stokes. ... 385
CHRONIQUE
Alton (E.-.\. d'), History of Ireland, baye de Sainte-Croix de Quimperlé,
W)- >io, 361.
Berthou (P. de), Cartulaire de lab- Berthoud, Les noms de lieux habités
Table des matières.
du département de la Côte-d'Or, ç)\.
Best (R.-l.), Leabhar Oiris, 422.
Blanchet (Adrien), Influence de la
Sicile sur Massalia, 362.
Bouché-Leclercq, Histoire des La-
gides, 5^6.
Bro\vn(Arthur-C.-L.), Iwain, aStudy
in theOrigin of Arthurian Romance;
9'-
Burlet, La Savoie avant le christia-
nisme, 9^.
Champeval (J.-B.), Cartulaire des
abbayes de Tulle et de Rocamadour,
360.
Cymmrodor, 91.
Déchelette (Joseph), L'oppidum de
Bibracte, 90.
Dottin (Georges), La religion des
Celtes, 93.
Faraday (L. Winifrid), Traduction
ani.'laise du Tain bô Cùailngi, 3 ^ ^.
Guillevic, Exercices sur la grammaire
bretonne, 92.
Gwynn (E.^J.), Incendie de la maison
de P'inn, 422.
Halphen, Annales angevines et ven-
domoises, 111.
Herzog, Les Gaulois à Delphes, 84.
Hirschfeld (Otto), Le conseil des
Gaules, 362.
Holder (Alfred), Allceltischer Sprach-
schatz, 360.
Ihm, Les Druides, 360.
Joyce (P.-W), A social history of
ancient Ireland, 85.
Kittredge (G.-L.), Arthur and Gor-
lagon, 91 .
Le Braz (Anatole), Cognomerus et
sainte Tréfine, 3^6. — Essai sur
l'histoire du théâtre celtique, 3^7.
— Textes bretons pour servir à
l'histoire du théâtre celtique, 358.
— Manuscrits bretons donnés par
lui à l'Université de Rennes, 420.
Leclerc (L.), Ma beaj Jérusalem, 3 58.
Le Goff, Exercices sur la grammaire
bretonne, 92.
Leite de Vasconcellos, Geographia da
Lusitania na epoca proto-historica,
Longnon (A.), Documents relatifs au
comté de Champagne, tome II.
— Fouillés des provinces de Lyon,
Sens et Tours, 3 59.
Lloyd, Les formes impersonnelles du
passif dans- le verbe substantif ir-
landais, 421.
Maître (L.), Cartulaire de l'abbaye
de Sainte-Croix de Quimperlé, 1 10,
561.
Mat ruchot, Les noms de lieux habités du
département de la Côte-d'Or, 94.
Meyer(KunG),Soncours devieil irlan-
dais à Dublin, 362. — Eriu, 422.
Michon (Etienne), Les menhirs sculp -
tés de la Corse, 362.
Nicholson (Edward Williams Byron),
Keltic Researches, 5 50.
O'Farclly, The O'Grovvney Mémorial
Volume, 3 58.
O'Grady (Standish Hayes), catalogue
des manuscrits irlandais du musée
britannique, S4.
0'K.eeiTe,La mortdeConlaoch. — Col-
man mac Duach et le roi Guaire,
422.
O'Neill Lane, English-irish Diction-
nary, 355.
O'Nowlan, La querelle du pain, 422.
Prou (Maurice), Recueil des chartes
de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-
Loire, 360.
Raud (F.) prétend que Gien est l'an-
tique Cenabum, 89.
Table des matières.
vu
Reinach (Salomon), Les Gaulois à
Delphes, 84.
Romilly Allen, chronologie archéo-
logique, 361.
Roserot (Alphonse), Dictionnaire to-
pographique du département de la
Haute-Marne, 94.
Society of Cymmrodorion (the tran-
sactions of the), 561 .
Stokes (Whitiey), Thésaurus palaeo-
hibernicus, 1 10.
Strachan (John), Thésaurus palaeo-
hibernicus, 1 10. — Cours de vieil
irlandais à Dublin, 362. — Sélec-
tions from the old irish glosses,
375. — Eriu, 421.
Toutain (Jules), L'institution du culte
impérial dans les trois Gaules, 362.
Vidicr (Alexandre), Recueil des char-
tes de l'abbaye de Saint-Benoit-
sur-Loire, 560.
Ys (René d'), Ernest Renan en Bre-
tagne, S'6.
Zimmer (H.)., 1 ;o.
PÉRIODIQUES
Analecta Bollandiana, 371.
An Gaodhal, 103, 367.
Annales di Bretagne, 101, 365. 423.
Annales de la Faculté des Lettres de
Bordeaux. Revue des études an-
ciennes, 109, 372.
Archaeologia Cambrensis, 102.
Archiv fur celtische Lexicographie,
100, 365.
Beitraege zur alten Geschischte, 372.
Beitraege zur kunde der indogerma-
nischen Sprachen, 107, 370, 425.
Boletin de la real Academia de la
Historia, 104, 371 .
Bulletin archéologique du comité des
travaux historiques et scientifiques,
571-
Celtia, 103, 367.
Jndogermanische Forschungen, 106,
370.
Irisleabhar na Gaedhilge, 366.
L'Anthropologie, 107, 368.
Mémoires de la société de linguistique
de Paris, 370.
Polybiblion. 424.
Proceedings of the royal i-ish Aca-
demy, 109.
Publications of the modem language
association of America, 369.
Revue archéologique, 106, 368.
Revue des bibliothèques et archives
de Belgique, 109.
Revue des études anciennes, 109, 372.
Revue des traditions populaires, 108,
368.
Revue de synthèse historique, 96.
Revue épigraphique, 108, 423.
Revue historique. 105, 373.
Revue internationale de numismati-
que, 104.
Revue numismatique, 104.
Sitzungsberichte der Anthropologi-
schen Gesellschaft in Wien, 372.
The celtic Review, 374.
The Folklore, 10^, 368.
The Gael, 103, 367.
The Journal of theological Studios,
104.
The Journal of the royal Society of
.^ntiquarics of Ireland, 102, 366.
VIII Table des matières.
The Scoltish historical Review, 366. Zeitschrift fiir celtische Philologie,
Transactions of the Gaelic Society 97, 363, 373.
of Inverness, 371. Zeitschrift fur vergleichende Sprach-
Westdeutsche Zeitschrift fur Ge- forschung., 109, 369.
schichte und Kunst, 423.
TABLE, par M. E. Ernault, des principaux mots étudiés dans le t XXV
de la Revue Celti(]uc, p. 443.
LA FAMILLE CELTIQUE
PREMIER ARTICLE
Le Seuchiis Môr nous apprend que, dans la Eimille irlandaise,
fine, il y a quatre groupes de proches parents qui supportent la
responsabilité du crime ou du délit de quiconque fait partie de
ces groupes, ce sont la gclfine, la dcrhfi)ie, la iarfine et la indfim '.
Ces quatre groupes peuvent être contraints à payer la com-
position due pour crime ou délit commis par un de leurs
membres.
Gclfine veut dire « famille de la main » -, ou moins littérale-
ment « dans la main », c'est-à-dire « fomille qui est », comme on
dit en droit romain, « in manu, in niancipio » ; en général, en
droit romain, on dit que les descendants sont /';/ patria potestate^.
Mais on peut dire aussi qu'ils sont /;/ manu, in niancipio-^,
c'est-à-dire manu capti « pris dans la main », d'oii le mot
émancipation emprunté par le droit français au droit romain >.
1. It cetheora fine ata nesoin, combeirat cinaid cacha bunadaig : gelfine,
ocus dcrbtine, iarfine ocus indfine. Aiicieut Lau's of Irehiiid, t. I, p. 260,
I. 1-5. Bunadaig est le génitif singulier de bitnadath, signifiant « issu du
tronc commun » C'est un dérivé de hiiiiad « race » dérivé lui-même de
biiii « tronc » ; Whitley Stokes, Urkeltischer Sprachschali, p. 177; Windisch,
Irische Texte, t. I, p. 408; cf. Atkinson, Ghssary ta Brehoii Laivs, p. 114-
115.
2. Traduction de Sumncr Maine, Early Historv of Institutions, p. 216, et
de R. Dareste, Htiuhs d'histoire du droit, p. 371.
3. Voir par exemple les textes réunis au Digeste, livre I, titre vi, De his
qui sui vel alieni iuris sunt, lois 5, 4, 5, 8.
4. Matrem autem familias appellatam eam esse soiam qua: in mariti manu
mancipioque aut in eius in cuius maritus manu mancipioque essct. Aulu-
Gelle, livre XVIII, chap. vi, 5 9-
5. Digeste, 1. I, titre vu. Do adoptionibus et emancipationibus.
RivUi celtique, X.W. i
2 H. D'Arbois de Jubainville.
On sait que chez les Celtes comme chez les Romains la puissance
paternelle durait en principe aussi longtemps que la vie du
père, de l'aïeul, du bisaïeul ou même du trisaïeul. Ce droit
de l'ascendant a été fort réduit par les Gallois au moyen âge;
chez eux, le hls, dès l'âge de quatorze ans, doit être émancipé
par le père. Mais en Irlande, l'antique puissance paternelle
persiste au moyen âge '. On trouve en Irlandais, pour exprimer
l'idée de cette puissance, la même métaphore qu'en latin. On
s'y sert de deux mots :
Un de ces mots en ge] « main », de la même racine que le
grec ydp = *gber-sii-s - ; cette racine se reconnaît dans le sanscrit
harati = *ghën'ti « il tient, il prend » 3 ; gel « main » apparaît
sous une forme légèrement déformée gil.i.lâiii dans la copie
des anciennes lois d'Irlande exécutée par O'Curry, p. 1446.
De gel vient l'irlandais gilla « esclave » = *gelnios, mot que
M. Whitley Stokes a, non sans bonnes raisons, comparé au
grec -/cîpcç; y^tip'.c: veut dire « qui est sous la puissance d'un
autre 4 ».
y^ip:::; exprime la même idée que le latin mancipiiiui quand
ce dernier mot est employé au sens d'esclave; mais dans man-
cipium le premier terme est un mot différent de yiip et de gel,
c'est le latin iiuniiis. Ce mot latin se reconnaît dans le vieil
irlandais////////^?/', uioiilar « famille » au génitif singulier ;;////;/-
tire; iiiniilcir, inonlar'^ = *iiuiini-tera; ce mot veut dire « celle
qui est sous la main », c'est-à-dire « sous l'autorité ». Le sens
de iiniiititr est parfaitement établi par le dérivé niuinteras « ser-
vitude » et « bonté », « bonté » puisqu'il s'agit de l'autorité
paternelle. Servitude est le sens donné par le glossaire gaélique
de VHighland Society of Scolland^\ On trouve ce sens associé
1. Cours de titttralure cettiquc. t. VII, pp. 244, 245.
2. Brugmann, Grniidriss, t. I2, p. 745.
3. Brugmann, Grundriss, t. I^, p. 565.
4. Bi'itraege x,'ir vergleiiideit Sprachjorscliiing, t. VIII, p. 324.
5. Ms. de VVurzburg ; cf. mulnter, ilndeui ; iiiunlher, Aiiliplionarium Beucho-
rense, folio 30 recto, et Windisch, Grammatik, § 64.
6. Muinntearas, « service », « servitude », « office of a servant », ser-
vitus, servi officiuin vel inianis. Bha e air nihuinntearas ann-san teaglach sin.
« He was serving in that family ». Diclioiiary of tlic oacdic Lauguage... coin-
pited... iiiidi-r ll.w din\-lioii of ihc Hi^Ijlaiid Society of Scoltaïul, p. 674.
La Famille celtique. ^
au sens de bonté, kindness, dans le glossaire irlandais d'O'Reilly ^
Le sens de bonté, hindmss, avec divers synonymes ou analogues,
apparaît chez Atkinson, Glossaire des homélies-. Glossaire des
Thrce shafts of âeath « Trois dards de la mort », traité dû à
Geoffrey Keating', dans Ylrish-english Dictiouary de Thomas
de Vere Coneys4 et dans ces ouvrages le sens de servitude fait
défout.
Dans les gloses de saint Paul de Wùrzburg ce mot apparaît
sous la forme muntaras. Saint Paul vient de dire (Deuxième
aux Corinthiens, chap. vu, verset i8): « Vous êtes pour moi
des tils », Vos cstis iiiihi filii, et plus bas, dans une glose sur
le verset 30, le commentateur irlandais lui foit dire de ceux
qu'il qualifie ainsi de fils, « ceux qui sont placés sous mon
autorité paternelle », hite i-in muntaras \ on a traduit muntaras
par « communions » ; mais pour un prêtre ou un laïc, être
dans la communion de son évêque, c'est accepter sa paternité
spirituelle, son autorité paternelle. A muntaras on peut com-
parer le bas latin mundium qui, dans la loi des Lombards,
désigne la tutelle perpétuelle des femmes^. C'est un dérivé du
germanique mund « main » et « protection ». Mutid est usité
en anglo-saxon, en vieux frison; en vieux haut allemand on
dit muni'; manus paraît nous offrir la forme pleine d'une
racine max qui est réduite dans le germanique mund = ;//. -ti-s ;
n résonant devient //;/ en germanique^. Manus et mund suppo-
sent une racine max qui n'est pas indo-européenne 9. On
1 . Muintcradhas, « l<iiidncss », « service », « servitude ». Edward O'Rcilly,
An irish-eiiglish Diclioiiary, Dublin, 1817.
2. The passions anJ homilies in the Lcahhar hreac, p. 807: muineterus,
« friendship », « alliance ».
5. Tri bioy-ohaoilhe au bh.iis, p. 412 : muinntearas, « friendship, alliance ».
4. Muinnteardhus, « fiivour, kindness » (Niini., XI, 15; Kings, II, 7),
p. 25v
5. Whitley Stokes et John Straciian, Thésaurus paheohibernicus , t. I,
p. 606, 1. 29, 4) ; cf. Gramniaticci celtica, 2= éd., p. 492, 787.
6. Du Cange, Glossarium tnediae et infiniae lalinitatis, éd. Favre, t. V,
p. 546.
7. Oskar Schadc, Alldeulsches Wœrtcrbiich, i<^ édition, t. II, p. 626.
8. Le rapprochement de manus et de mund a été fait par plusieurs auteurs,
tels: Schade, loco cilalo; Fick, Vergteiclh'mles iVœrterbuch, 4<-' édition, t. I,
p. )20; Whitley Stokes, UrkeltiscJier SpraclisclMt^, p. 200.
9. Meillct, Introduction à l'étude comparative dis langues indo-européennes,
A H. D'Arhois Je JubamvUle.
pourrait expliquer de hi môme manière le grec ;j.2po « main »
qui tiendrait lieu d'un plus ancien *iJin-râK Le sens de main
donné au groupe inaii, iiin paraît spécial aux langues italiques,
au germanique, au celtique et au grec, sa présence en celtique
est attestée par la comparaison du latin manipulus « poignée »,
« gerbe de blé », avec le comique manal « poignée » 2, avec
le vannetais menai « gerbe composée de quatre, cinq ou onze
paquets » 5, avec le moyen breton inala::ji, pour *ina}ia^l
« gerbe », aujourd'hui nialaii'^, tous mots qui s'expliquent par
un primitif *«w;/a^/â S dérivé de man, racine de iiianus.
L'identité du sens du mot irlandais ^^7 « main » et du mot
celtique correspondant au latin inaniis est établie par une glose
qu'O'Donovan a extraite du Lehor na hUidrc : iii-a geihine .i.
in-a Diunieras ; gcilsine, dérivé àt gel « main », comme fa ith sine
f( prophétie » defàith «prophète», est synonyme de inunteras
=: *nianu-tera-ssu-; il s'agit dans ce texte de la protection
paternelle du Christ ^ et par conséquent de son autorité.
M. Whitley Stokcs, citant cette glose, rend les deux mots
irlandais par le latin faniulatio « servitude » 7.
Ainsi le premier groupe de hjîne, ou famille irlandaise, s'ap-
pelle gelfnic, et la gelfîiie se compose des hommes placés sous
la main, c'est-à-dire sous l'autorité du même ascendant que
l'homme coupable du crime ou du délit dont la composition
est due. Viennent ensuite la dcrh-fine ou famille certaine, la
iar-fnie ou famille d'après et la indfnic famille de la lin. Cette
p. 137-139, établit que ralternance d'à: lero ne se trouve pas à l'intérieur
des mots en indo- européen.
1. Curtius-Windiscli, Grund^uege der griechischen Ety)iiologie, 5<-' édition,
p. 528, propose une étymologie différente. Mais Prellwitz, Etyinologisches
IVoerterbiich dcr griechiichcn Sprachc, p. 107, donne la même étymologie
que nous.
2. Manal « a handful », Robert Williams, Lexicon conin-hritauuicHiii,
p. 245, comparez l'irlandais Diaiiclmine, « travad manuel ».
3. Chàlons, Dictionnaire hreton-Jrauçois du diocèse de Vannes, p. 119; cf.
Larmery, Dictionnaire françois-breion, p. 172, au mot gerbier.
4. Emile Ernault, Le mystère de sainte Barbe, p. 331.
^. Victor Henry, Lexique étymologique... du breton )nodenie, p. 194; cf.
Whitlev Stokes, Urkeltiscljer Sprachsclmti, p. 200.
6. d'Donovan, supplément à VLrish-engUsh Dictionary d'Edward O'Reilly,
p. 656.
7. Beitraegc :;jir X'ergleicbenden Spracljforschung, \. \\\\. p. 324.
l.a Famille celtique. 5
division quadruple de la parenté n'apparaît pas seulement dans
le Scncbits Môr. Elle est attestée par le vingt-neuvième des
canons attribués à saint Patrice'. Elle était encore usitée en
Irlande au xvi" siècle, comme l'établit une lettre d'un brehon
ou juge arbitral irlandais; on v lit que, suivant la tradition
juridique irlandaise contraire à la loi mosaïque et au droit
romain qui ne rendent pas le tiis responsable des crimes du père,
la responsabilité s'étend jusqu'à la quatrième génération, non
seulement en ligne directe, mais en ligne collatérale-.
Ces quatre groupes réunis forment un total de dix-sept
hommes. En effet, voici ce que nous lisons dans le Scnchits
Môr, au traité de la saisie : lorsqu'il s'agit du crime, soit
de ton descendant au quatrième degré, soit de ton descendant
au troisième degré, soit de tout autre parent [plus éloigné] en
allant jusqu'au dernier des dix-sept hommes, la décision devra
intervenir cinq jours après la saisie 5. Qu'est-ce que ces dix-
sept hommes ? Le sens de cette expression a été très bien
expliqué par M. Rodolphe Dareste, quoique ce savant se soit
servi d'un mot emprunté au droit romain (Digeste, I, v, i) et
qui n'est pas exact en droit irlandais : « dix-sept personnes » a dit
M. R. Dareste; le mot personne comprend en droit romain
les femmes; mais en Irlande les femmes ne figurent pas dans
cette liste de dix-sept. Je vais reproduire les paroles mêmes de
M. R. Dareste en remplaçant le mot « personne » par le mot
« homme ». Ici « le mot boni me a un sens abstrait et signifie
« tous les individus, quel qu'en soit le nombre, qui sont dési-
« gnés sous un même nom dans le tableau de la parenté. Ainsi
« le fils est un homme, le frère en est un autre. Peu importe
« le nombre des frères ou des fils. C'est au surplus le langage
« du droit romain 4. »
1. De consanguinatc in conjugio. — Intelligite quid lex loquitur, nec
plus, nec minus : quod autem observatur apud nos, ut quatuor gênera divi-
dantur, nec viJisse dicunt nec audisse. Haddan and Stubbs, Coimcils aiid
eccksiastical Docuntenis, t. II, p. 338. J. L. Villanueva, Sancii Patricti camiies,
opusciila, p. 109; Migne, Pnlrologia lalina, t. 53, col. 822 C.
2. On peut lire le texte de cette lettre dans le Cours de littérature celtique,
t. VII. p. 192-195.
5. Cin do indui, cin do iarmui. cin cacha comocais co a sccht déc it
gléithifor cuicthi. Ancieut Laws of Ireland, t. I, p. 182, 1. 22, 23.
4. Etudes d'histoire du droit, p. 572.
6 H. D'Aibois de Jubainville.
Le texte auquel M. R. Dareste renvoie se trouve au Digeste,
1. XXXVIII, titre x, loi x, § 12 et suivants, voici ce qu'on
y lit : Au premier degré de parenté, il y a en remontant deux
personnes, père et mère, en descendant deux personnes, fils et
fille, qui cependant peuvent être plusieurs. Le second degré
comprend douze personnes: 1° grand-père paternel; 2° grand-
père maternel ; 3° grand'mère paternelle ; 4° grand'mère mater-
nelle; .5° frère consanguin; 6° frère utérin; 7° sœur consan-
guine; 8° sœur utérine; 9° petit-fils par fils; 10° petit-fils par
fille; 11° petite-fille par fils; 12° petite-fille par fille'. De ces
douze personnes le droit irlandais supprime le grand-père
maternel, les deux grand'mères, le frère utérin, la sœur con-
sanguine, la sœur utérine, le petit-fils par fille, sauf cas d'adop-
tion, la petite-fille par fils, la petite-fille par fille, soit neuf
personnes. Restent trois : grand-père paternel, frère con-
sanguin, petit-fils par fils. L'auteur du texte latin que nous
venons de citer est le jurisconsulte Paul, membre du conseil
impérial sous Septime Sévère, 193-21 1, préfet du prétoire sous
Alexandre Sévère, 222-235-. Il date d'une époque à laquelle
en droit romain les cognats ou parents par les femmes, d'abord
exclus de la succession, y furent admis en concurrence avec
les agnats ou parents par les hommes ; c'est une laveur accordée
par le droit prétorien > : on la voit apparaître déjà l'an 74 avant
notre ère-t. Antérieurement au droit prétorien, la loi des douze
tables, au milieu du V^ siècle avant notre ère, avait admis à
la succession paternelle les filles 5 que le droit commun indo-
1. Primo gradu cognationis sunt susum vcrsum duo, pater et mater;
deorsum versum duo, filius et tîlia, qui tamen plures esse possunt. Secundo
gradu duodecim personae conlinentur : avus, hoc est patris et matris pater ;
item avia similiter, tam patertia quam materna ; frater quoque per utrumque
parentem accipitur, id est aut per matrem tantum aut per patrem... soror
similiter numeratur ut frater. Nepos quoque dupliciter intelligitur, ex filio
vel filia natus; idem est et in nepte.
2. Teutïel-Schwabe, Geschichlc der rociiiisibcii Litcvatiir, 5^ édition, p. 955.
5. Bonortim possasio imde cognai i. Frédéric Girard, Manuel clàncntaire de
droit romain, 2^ édition, p. 823.
4. Moritz Voigt, Roemische Rcchtsgcschiehle, t. I, p. 539-540; cf. t. II,
p. 764-
5. Fr. Girard, ibidem, p. 821; cf. Moritz Voigt, Die XII Tafelu, t. I,
p. 704
La Famille ccltic]ue. 7
européen réduit à leur dot^ et qui, en droit irlandais, sont
exclues de cette succession.
Revenons au Senchus Mûr. Nous avons cité un texte qui dit
que, lorsque la saisie a pour objet la composition due pour le
crime ou délit d'un descendant au quatrième ou au troisième
degré, elle doit être faite cinq jours d'avance et qu'il en est de
même pour les parents les plus éloignés jusqu'au dix-septième
homme. Cette règle est complétée par une autre où il est dit
que le délai est de trois jours seulement lorsque la saisie est
opérée contre un père à cause de son fils, contre un grand-père
à cause de son petit-fils, ou en d'autres termes lorsqu'il s'agit
d'un descendant au premier ou au deuxième degré-. Ces deux
textes nous apprennent comment est constituée h^^t'IJinc, l'an-
cêtre et quatre générations de descendants, soit cinq hommes.
Il y a quatre hommes dans chacune des trois autres sections
de la famille, dcrh-Jhie, iar-fme, ind-fine. Les Irlandais du temps
jadis ont exposé cette doctrine d'une façon qui ne manque pas
d'originalité. Voici comment s'exprime le traité intitulé: « Des
divisions de race dans la tribu » : De fodlaih cineôil tiïaithc.
Dans ce texte il s'agit d'abord, non plus de la responsabilité
pour crimes, mais des droits successoraux.
1° Gelfinc jusqu'à cinq hommes, c'est elle qui prend la suc-
cession de chaque tête de parent, quelque soit celui qui, dans
cette section de la flimille, meurt en laissant une succession >.
2° Dcrbfim jusqu'à neuf hommes. Si quelque chose prove-
nant d'elle vient à échoir, elle le partage selon le nombre des
têtes de parents».
3° larfine jusqu'à treize hommes qui ne portent que le quart
de la responsabilité du crime et ne prennent aussi que le quart
1. R. Dareslc, Eludes d'histoire du droit, p. 74, 112, 121, 145, 258, 287,
375, 410.
2. Athgabail treisi... im chinaid do mie... do huai. Aucient Laivs of Ire-
laitd, t. I, p. 156, 1. 27-29. Cf. p. 5, note 3.
3. Gelfine co cuiccr ; is [s]i side gaibes dibad cach cind comacuis dincoch
diba ûaid. Aucient Laws of Ireland, t. IV, p. 284, 1. i, 2.
4. Derbfine co nonbor ; ni daba ha sidc cobraind toi in ccnn comocuis.
Ibidem, 1. 3, 4. Il y a dans la traduction anglaise un gros contresens. Le
traducteur a cru que H/était la négation. La glose, p. 286, 1. 17, donne le
vrai sens -in ni didhhas ûaitlii dan fini, « ce qui, par succession, arrive de la
« derbfine à la famille », c'est-à-dire tant à h gelfine qu'à la derbfine.
8 H. D'Arbois de Jubainville.
de l'actif de la succession, tant de la terre héréditaire que des
acquêts produits par le travail'.
4° Indfine jusqu'à dix-sept hommes. Elle partage elle-même
la propriété familiale de chacun de ses membres qui meurt. Ce
partage se fait suivant le droit. Au delà les gens ont la pro-
priété. C'est là que les biens de famille se séparent-.
Si l'on additionne ces chiffres conformément aux règles de
l'arithmétique, on arrive au total de quarante-quatre. Mais la
glose nous apprend qu'il faut procéder autrement. Les cinq
hommes de \\x geilfim sont compris dans les neuf de la derbfine;
les neuf hommes de la derbfine s'intercalent dans les treize de
la iarfine et ceux-ci dans les dix-sept de la iiidjîiu'>, en sorte que
cinq plus neuf, plus treize, plus dix-sept arrivent à faire
seulement dix-sept, c'est-à-dire que sur les neuf hommes de la
derbfine, quatre seulement sont propres à cette section; sur les
treize hommes de la iarfine, quatre seulement lui appartiennent
réellement, les neuf autres proviennent des deux sections
précédentes; sur les dix-sept hommes de la indfine il y en a
treize qu'elle emprunte à la gdfine, à la derbfine et à la iarfine.
En réalité, il y a cinq hommes dans la gelfine et quatre dans
chacune des sections suivantes.
Nous avons déjà vu que la gdfine se compose, outre l'an-
cêtre, de ses descendants jusqu'à la quatrième génération
inclusivement. C'est la doctrine du Senchus Môr. Suivant la
glose, la gelfine dont nous venons de parler serait la gelfine
directe, mais il y aurait à côté d'elle une gelfine collatérale,
comprenant le frère de l'ancêtre et les descendants de ce frère
jusqu'à la quatrième génération inclusivement. Voici la tra-
duction littérale de la glose du Sencbns Môr :
« Lu gelfine apixs les lèvres (c'est-à-dire par devant), comme
« sont père et fils et petit-fils et arrière-petit-fils et fils d'ar-
1. lariîne co tri feraib déc, ni beride acht cetliramthain di chinaid na
semaine, di orbn na saethur. Ibidem, 1. 5,6.
2. Indfinc co secht firu déc; conranna fadeissin finteda di-neoch diba
uaide, amal bes choir. Duthaig duinc ôtha sen ; iss an scarait finthea. Ibi-
dem, 1. 7-9.
3. Derbfine .i. co n-athgabaid incuic Hier na fini romaind, .. Iarfine .i. co
n-athgabail in dà t'hine romaind... Indfine co n-athgabail na tri fini romaind.
Ibidem, p. 286, 1. 16, 17, 20, 21, 24.
La Famille celtique. 9
« rière-petit-fils jusqu'à cinq; et t^n'l/îiic après les derrières,
« c'est-à-dire frère de ton père et fils jusqu'à cinq encore ^ »
Mais la seconde de ces gclfuic se confond a\qc la dcrhfiuc, si
ce n'est qu'on lui donne cinq membres au lieu de quatre. Elle
a été imaginée en conséquence d'une finisse interprétation d'un
passage du Livre d'Aicill :
« Si le père est encore vivant, s'il a deux hls et si chacun
« de ces fils a famille complète de manière à former, lui com-
« pris, quatre générations, on admet que le père aurait fonction
« d'homme dans chacune de ces familles et qu'alors il y aurait
« deux gcljî lie-. » Mais chaque degré ne formant qu'un homme
dans la langue du droit, ces deux gelfîiic ne constituent qu'une
seule gelfiuc :
Voir le tableau de la fine, p. 10:
Le Lehar Aide contient une observation intéressante, c'est
que la gelfine est la plus jeune des quatre sections de la famille
irlandaise et que la indfinc est la plus âgée?. En effet, la indfine
comprend le trisaïeul et ses descendants seulement jusqu'au
troisième degré inclusivement. Or, le plus âgé des membres
de la gclfnie, le père, descend du trisaïeul au troisième degré;
les quatre autres membres de la gelfiiie descendent du trisaïeul
aux quatrième, cinquième, sixième et septième degrés. Suppo-
sons une famille dans laquelle les hommes se marient à qua-
torze ans et deviennent chacun à quinze ans père d'un fils; le
trisaïeul aura l'âge respectable de cent cinq ans ; en outre,
Vindfinc sera composée: i" d'un fils du trisaïeul, quatre-vingt-
dix ans, d'un petit-fils du trisaïeul, soixante-quinze ans, d'un
arrière-petit-fils du trisaïeul, soixante ans. L'âge total des
membres de V indfine sera 340 ans qui, divisés par quatre,
donnent un âge moyen de quatre-vingt-cinq ans.
1. In geilfinc iar m-bélaib, amuil atà athir ociis mac ocus ûa ocus iarmûa
ocus innùa co cuiccr, ocus gcilfine iar cùlaib .i. br.ithir th' atliar ocus mac
co cuicer beos. Ancicut Laws of Irclanâ, t. II, p. 160, I. 24; p. 162, 1. i.
2. Ma mairid in t-athair, ocus atait d:i mac aice, ocus atâ comlfn fine
cach mac dib, .i. cethrar, is cetfaid co n-gébad in t-athai'r greim fir in cach
fine dib, ocus comfbjad dâ geilfinc l'at and. Ancieiit Linvs of [rclaiid, t. III,
p. 532, 1. 19-22.
3. Geilfine is [s]i iss o[a], indfine is [si] i[s] s'me. Aiicient Laïcs of Irehind,
t. III, p. 33.1. 1. 26. Ce que j'ai dit de \3.i^'eljine ou i^eil/ine dans le Cours delil-
tératiire celtique, t. VII, p. 186 et suivantes, exigerait de fortes modifications.
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H. D\Arhois de Jubainville.
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GELFINE
La Famille celtique. 1 1
Dans la iarfiue, le membre le plus âgé, le bisaïeul, aura
quatre-vingt-dix ans, et ses descendants, soixante-quinze ans, au
premier degré, soixante au deuxième degré, quarante-cinq au
troisième, total 270 ans ; moyenne : soixante-sept ans et demi.
Passons à la derhfinc. L'aïeul qui en est le plus vieux membre
a soixante-quinze ans et l'âge de ses descendants au premier,
deuxième et troisième degré est respectivement de soixante,
quarante-cinq et trente ans, total deux cent dix ans; moyenne,
cinquante-deux ans et demi.
Nous terminons par la gelfiiw; le père a soixante ans, le fils
quarante-cinq, le petit-fils trente^ l'arrière-petit-fils quinze, le
fils de l'arrière-petit-fils a quelques mois à peine, total des
années, cent cinquante; moyenne trente-sept ans et demi.
Ainsi, répétons-le; voici les âges moyens de chacune des
quatre sections de la fine :
Indfine, quatre-vingt-cinq ans ;
larfine, soixante-sept ans et demi ;
Derhfine, cinquante-deux ans et demi ;
Gelfine, trente-sept ans et demi.
Voilà pourquoi l'auteur du Lehor Aide a dit que la gelfine est
la plus jeune des quatre sections de la famille irlandaise et
Vindfine la plus âgée.
Le tableau théorique de la famille tel que nous l'avons dressé
d'après les jurisconsultes irlandais ne parle pas de eo qiiod ple-
rnnique fit. Il est rare qu'on trouve encore en vie des hommes
de cent cinq ans, tel que serait le chef de V indfine s'il était
encore vivant. D'autre part l'hypothétique membre le plus jeune
de la i^elfine, un enfant qui vient de naître, ne peut avoir commis
un crime dont les autres membres de la famille auraient à sup-
porter la responsabilité.
Mais il n'y a qu'à effacer les ancêtres défunts et on peut
élever les âges. Le fils de l'arrière-petit-fils a dix ans, il s'est
rendu coupable d'un crime ou d'un délit ; sont morts le trisaïeul,
qui aurait cent quinze ans s'il vivait, le bisaïeul qui en aurait
cent, l'aïeul qui en aurait quatre-vingt-cinq ; le père a soixante-
dix ans, son fils cinquante-cinq, son petit-fils quarante, son
arrière-petit-fils vingt-cinq et le fils de ce dernier dix ans, sui-
vant l'hypothèse que nous avons émise. Tous les membres de
12 H. DWrhois de Jubainvilk.
la geljhic sont responsables du crime ou du délit commis par
cet enfant ou par n'importe quel autre membre de cette section
de la famille; la responsabilité des autres sections ne se produit
que si la î^clfiuc est insolvable.
Mais passons à une autre hypothèse : le crime ou délit a été
commis, non par un membre de la geJfinc, mais par un membre
d'une autre section de la jiiic; alors cette section de \a fuie
sera considérée comme gclfinc. Mettons qu'un membre de la
derhfinc, celui qui occupe le troisième rang à partir du bas, le
petit-hls de l'aïeul, ait commis un crime. L'aïeul, qui aurait
soixante-quinze ans s'il était encore en vie, est mort; son fils
est le chef d'une ^^t'/^7/^ qui comprend, lui compris, cinq géné-
rations, la gcljine de notre tableau perd sa génération la plus
jeune et devient derbfnie; elle n'est responsable que si h gelfine
nouvelle devient insolvable. Un phénomène analogue se produit
si le coupable appartient à la iarfine ou à Vindfiiu, celles-ci
deviennent gelfine et la gelfine de notre tableau devient iarfine
dans le premier cas, indfine dans le second. Enfin, si l'auteur
du crime est le descendant d'un quadrisaïeul, les membres de
la gelfine de notre tableau échappent à toute responsabilité.
C'est ce que veut dire le Lehar Aide quand il s'exprime comme
il suit :
« Si, venant de la grande branche en bas, quelqu'un sort
« de la gelfine, cet homme monte de L\ gelfine dans la derbfnie;
« il va de chaque section de la fine dans la voisine, jusqu'à
« ce qu'il entre dans Vindfine, enfin il sort du groupe des
« parents pour aller parmi les gens, c'est-à-dire dans le monde
« étranger à la famille ^ » Dans le texte irlandais le mot fer
« homme » désigne le membre de la fine et le pluriel daine
« gens », au singulier diiine, veut dire étranger à la famille.
Pourquoi les juristes irlandais ont-ils mis cinq hommes,
c'est-à-dire cinq générations ou cinq degrés dans la gelfine,
I. Mar tàinic nech di mâr-craibh anis ageilfine, is fer do dul eisti suas i
n-deirbfine, ocus fer do dul as cach fine in a ccile, no co n'a indfine, ocus
fer do dul eisti seich i n-duthaig daine. Anciml Laws of Ireland, t. III, p.
334, 1. 1-4. L'édition porte uiavcraidh que nous avons changé en màr-craihh
et nous n'admettons pas l'exactitude de la traduction anglaise. Ria est pour
rosia, Windisch, Irische Texte, t. I, p. 300, 1. 11 ; p. 773, au mot ro siachi.
La Famille celtique. I j
tandis que les trois autres branches de la fine comprennent
un homme, une génération, un degré de moins ? C'est le
résultat d'un jeu de mots. Le premier terme du mot composé
gcl~fine est ^i,''t7 qui veut dire « main », or la main comprend
cinq doigts. Ce calembour est reproduit dans l'expression qui
désigne la parenté quand elle s'établit par commune renommée,
lorsque celui qui se dit parent est depuis longtemps séparé de
sa famille et vit à distance d'elle. On dit alors que ce parent
est « ongle sur doigts » inocn ar uicraih'. Le jeu de mots sur
le premier terme du composé gel-Jiiie ne se rencontre pas dans
la langue juridique du pays de Galles.
Des quatre sections de la famille irlandaise une seule existait
en Galles, c'était la gcljine et au lieu de cinq hommes, pour
s'exprimer comme les légistes irlandais, elle en comptait quatre
seulement: i° Tancétre ; 2° ses fils; 3° ses petits-fils; 4° ses
arrière-petits-fils. Quand l'ancêtre mourait, on partageait sa
succession entre ses fils ; lorsque tous les fils de l'ancêtre étaient
morts, il y avait un second partage de la succession de l'ancêtre,
ce partage se fliisaitpar tête, sans représentation entre les petits-
fils; après la mort du dernier des petits-fils on procédait à un
troisième partage de la succession de l'ancêtre, c'était entre les
arrière-petits-fils et encore par tête sans représentation. Ce troi-
sième partage était définitif-. Cette geljîne galloise s'appelait
en gallois giuely, c'est-à-dire « lit » et la propriété collective
appartenant à ce groupe se nommait lir g-wch'awg qu'on peut
rendre par « terre de lit », c'est-à-dire terre de famille.
1. De fodlaih cineôil tûaitbi (Aiicient Laivs of Irclaiid, t. IV, p. 286, 1. i).
Pour « parent suivant commune renommée », l'expression irlandaise est:
i[s]sin(le do-dn-idnaig dûas do chiais do comccniail , « c'est celui qu'oreille donne
à oreille pour parent » {Ancient Lazcs of helaiid, t. IV, p. 286, 1. i, 2).
2. Teir gweith y rennir yr un tref rvvg leir grad kennedyl ; yn-gyntaf
rwg brodyr, eil wcith rwg kcuenderw, tryde weith rwg kyucrderW ; odyna
nyt oes rann ar tir : « Trois fois sera partage le même domaine entre trois
degrés de parenté ; d'abord entre frères, une seconde fois entre cousins ger-
mains, une troisième fois entre petits cousins, après cela il n'v a plus par-
tage de la terre. The Dimelian Code, 1. II, c. 23, 5 2. Ancient Laivs and Ins-
tilules of Waks, in-40, t. I, p. 544; in-fol., p. 266, cf. The Venedotian Code,
1. II, c. 12,5 4, 5; Ibidem, in-40, t. I, p. 168; in-fol., p. 81, 82. Suivant le
Code vénédotien le partage entre cousins germains et petits cousins n'a lieu
que s'ils le veulent. Sur ces textes, cf. John Rhys et David Brenmore Jones,
The welsh People, p. 220.
14
H. D'Arbois de Jubainville.
Les jurisconsultes anglais désignent le mode de transmission
de cette terre par une expression hybride, moitié galloise, moitié
anglaise : oavcl-kind, c'est-à-dire espèce de tenure : craveJ, ou sui-
vant l'orthographe galloise gafacl , veut dire « tenure » en gallois.
On a appliqué cette expression au droit successoral irlandais,
malgré les différences qui existent entre ce droit et le droit
successoral gallois. Nous avons déjà indiqué deux de ces diffé-
rences, l'une est que des quatre branches de la famille irlan-
daise, gelfine, dcrhfine, iarfinc, indfiuc, la première seule existe
en Galles; l'autre est que cette branche comporte un degré de
moins qu'en Irlande.
De ces deux différences il y a un résultat très important; en
Galles, quand le groupe composé par l'ancêtre et ses descen-
dants jusqu'à la troisième génération vient à s'éteindre, c'est-
à-dire lorsque les trois générations ont disparu et que d'elles
il ne reste pas de postérité vivante, que par conséquent la geljiiie
galloise, si nous pouvons ainsi nous exprimer, a cessé d'exister,
le bien de fomille est considéré comme vacant et devient pro-
priété du roi ^ saut une exception qu'on verra plus loin.
En Irlande, le sort du bien de fomille est tout autre.
Voici la doctrine des jurisconsultes irlandais:
Si c'est la gcljriic qui s'est éteinte, les trois quarts de son bien
passeront à la dcrbfiuc, l'autre quart se partagera entre la iarfine
qui recevra trois seizièmes et la 'nidfiuc à laquelle un seizième
sera attribué-.
Si c'est la dcrhfnic qui s'est éteinte, les trois quarts de son bien
appartiendront à la gdjinr, l'autre quart reviendra à la itirjnw
1. Gwedy ranho brodyr tref eu tat y rydunt, or byd marw un ohonunt
heb etiued oe gorff, neu y gytetiued hyt geifuyn, y brenhin a-vyd ctiucd
or tir hwnnw. « Après que les frères auront partagé entre eux le bien de
« leur père, si un d'eux est mort sans héritier descendant de lui ou sans
« cohéritier jusqu'à petit cousin (c'est-à-dire collatéral au sixième degré
« suivant le droit romain, au troisième degré suivant le droit canonique)
« ce sera le roi qui sera héritier de la terre en question. » The Diiiictian
code, 1. Il, c. xxxiii, § 5 {Aucient Laivs aiul Instilutes of Wales, in-40, t. I.
p. 544 ; in-fol., p. 267).
2. Masa geillîne dodibastur ann, teora cethramthana dibaid gcilfine do
derbfine, cethruimtliid-iarfine ocus d-indfinc, teora cetliramthananacethram-
tliana d-iarfme ocus a cetliramthu d-indfinc. f.rhnr AicJe (Aiicicut Laivs of
Irclaihl, t. 111. p. 350, 1. 7-10).
La Famille celtiijac. 1 5
et :i h iiiilfîiic; l.i iarfnic aura trois seizièmes, la 'nui fine un sei-
zième '.
Si c'est la iarfiuc qui s'est éteinte, trois quarts de son bien
passeront à la dcrhfiuc, l'autre quart à la gelfine et à la indjiiic,
c'est-à-dire trois sei/ièmes à hgcljinc, un seizième à la imifuic-.
Si c'est la iuâfine qui s'est éteinte, trois quarts de son bien
échoiront à la iarfinc, l'autre quart à la derbfine et à la gcifinc,
qui recevront, la derbfine trois seizièmes, la gelfine un seizième
seulement 5.
Si la gelfine et la derbfine sont toutes deux éteintes, trois quarts
de la succession iront ensemble à la iarfine, un quart à la ind-
finc^.
Si la indfiine et la iarfine sont toutes deux éteintes, trois quarts
de la succession iront à la derbfine, un quart à la gelfine^.
Si la derbfine et la iarfine sont toutes deux éteintes, les trois
quarts de la succession seront ensemble acquis à la gefine, le
quart à la indfine^.
Si la gelfine et la indfine sont toutes deux éteintes, trois quarts
de la succession de la gelfine appartiendront à la derbfine, un
quart à la iarfime ; trois quarts de la succession de la iarfine seront
attribués à Yindfine, un quart à la derbfine"^.
1. Masa deirbfine ro-dibastur ann, teora ccthranitliana do-dibad deirbfine
do geilfine. a ccthriiime d-iarfine ocus d-indfine, tcora cethramthana na
cethramthana d-iarfine ocus a cethranithu d'indline. Lehar Aide {Ancient
Laïcs of Irelaiid, ;. III, p. 330, 1. 11 -14).
2. Masi i n-iarfine ro-dibad ann, teora cethruimthi do dibad iarfine do
deirb fine, a cethramad do geilfine ocus d-indfine, teora cethramna na
cethruime do geilfine, ocus a cethruinie d-indfine. Lebai- Aide (Andetil
Laws oj Ireland, t. III, p. 550, 1. 15-18).
3. Masi indfinj ro-dibad ann, leora cethruimthi do dibadh infine d-iarfine,
a cethramtliu do geilfine ocus do deirbfine, teora cethruinithi na cethruimthi
do deirbfine ocus a cethranithu do geilfine. Lebar Aide {Aticient Laws of
Ireland. t. III, p. 330, 1. 19-22J.
4. Masi geilfine ocus deirbfine ro-dibad ann, teora cethraimthi a n-dibaid
mar aen d'iarfine ocus a cethruinithi d-indfine. Lebar Aide (Aiicietit Laïus
of Ireland, t. III, p. 352, 1. 1-5).
5. Masi indfine ocus iarfine To-dibastur and, teora cethruinithi a n-dibad
do deirbfine, a cethruinithi do geilfine. Lebar Aide {Ancienl Laivs of Ireland,
t. III, p. 532,1.4-6).
6. Masi deirbfi;;e ocus iarfine ro-dibastur ann, teora cethruinithi a n-dibaid
mar aen do geilfine, a cethranithu d-indfine. Lebar Aide (Ancient Laivs of
Ireland, t. III, p. 332, 1. 7-9).
7. Masi geilfine ocus indfine ro-dibastur and, teora cethruinithi do dibad
i6 H. D' Artois de Jubainville.
Il est bien entendu que dans ce dernier cas la mort a enlevé
la totalité de Vinàfine. Si un seul homme de Vindfine survivait,
il recueillerait la totalité de la succession des autres membres
de Yindfiue et les trois autres sections de \:\ fine ne se la parta-
geraient point, mais si cet homme disparaissait, le partage se
ferait entre les autres sections de la fine'^.
Ce système n'a guère de rapport avec celui des lois galloises
qui en règle générale et saut une exception n'admettent pas
de droit successoral après le sixième degré du droit romain.
En Irlande on peut succéder au dixième degré, c'est ce qui
arrive quand le plus jeune des membres de la gelfine hérite du
plus jeune membre de Viinifîiic; la distance qui sépare celui-ci
de l'ancêtre commun est de trois degrés, et la distance qui
sépare de l'ancêtre commun le plus jeune membre de hxgelfijic
s'élève à sept degrés.
Il y a eu un principe primitif, c'est que le droit sur les biens
appartenait à la famille par délégation de l'Etat et que les indi-
vidus en avaient seulement la jouissance. Le retrait lignager a
été en France un débris de cette antique législation dont émane
en Galles et en Irlande le droit de succession ; et la responsabilité
de la iamille en cas de crime commis par un de sec membres
est une conséquence du droit coUectit de la famille sur les
biens.
H. d'Arbois de Jubainville.
geilfine do dcirbfine, ocus a ceihruimthi d'iarfine ; teora cethruimthi do
dibad indfîne d-iarfine ocus a cethruimthi do dcirbfine. Lehar Aide (^Ancient
Laivs of Ireland, t. III, p. 332, L 10-13).
I. Iiidfine uile ro-dibadh ann .sin, ocus d[i]am-beit aen duine dib in a
taisce, ro berad in dibaid, na co.niraindhtis he na teora fine eturru ; ocus ma
na raairenn, is a comraind. Lehar Aide (Aiident Laïcs of IreJatnl, t. III,
p. 332, 1. 16-18).
PENNOVINDOS, PINNEVINDUM, PAVANT
Pour inscrire en ma « Carte de la Gaule carolingienne » le
nom latin Pinnevindniii sur l'emplacement de Pavant^ qui fut
jusqu'en 1790 une paroisse du diocèse de Soissons, située aux
confins du diocèse de Meaux, j'avais pour source un texte
iiagiographique que je n'ai retrouvé que tout récemment,
la Vie de saint Faron, écrite par l'évéque de Meaux, Hildegaire,
qui mourut en 875 . Hildegaire rapporte que Faron ayant renoncé
au monde, Blidechilde, son épouse, prit le voile et se retira
dans un domaine qui lui appartenait en propre: « Wxc cum
curis studiosissimis Deo militaret, in villa residendo quo; vulgo
Pinnevindo dicitur, ex jure su:t proprietatis... - » Pinuevhido,
ou mieux Pituicvindiim, est assurément le lieu qui est appelé
ensuite Penvetmum en 855, Peuvent en 1242, Panvenl en 1274,
Panvant au xiii" siècle, Pavent en 1337 et enfin Pavant, con-
formément à la forme actuelle, pour la première fois signalée en
1484 5. C'est d'autre part, comme l'a déjà remarqué M. d'Arbois
de Jubainville, la forme basse, en latin, d'un nom d'homme
gaulois Pennovindûs, littéralement « tète blanche », qu'on lit
sur une monnaie d'a-'gent de Rèmes4et, à ce propos, il n'est pas
sans intérêt de rappeler que le diocèse de Soissons, auquel appar-
tenait Pavant, représente partiellement au moins le territoire des
Suessions qui, à la veille de la conquête, ne formait en quelque
sorte avec les Rèmes qu'une seule et même nation').
A. LONGNON.
1. Pavant (Aisne, arr. de Château-Thierry, canton de Charly).
2. Mabillon, Acta sauctoium ordinis S. Beiiedicti, t. II, p. 618.
5. Matton, Dictionnaire topoo^rapliiqiie du dèp. de l'Aisne, p. 211.
^. Holder, Alt-celtisclier Sprachschal^, t. II, col. 966.
5. Caesar, De bello gallico, 1. II, c. 4.
bUvut Ctltiqac, XXV. 2
THE SONGS OF BUCHET S HOUSE
The following édition of this gmceful story is founded on
iivc vclluni mss., namely :
L, the Book of Leinster (pp. 270^45-271-^46) :
Y, the Yellow Book of Lecan (pp. ii3''-ii4'' of the focsi-
mile) :
R', Rawlinson B. 502 (ff. 73^-73'05 -^ twelfth-century ms. in
the Bodleian Hbrary :
R-, another Bodleian ms., dating from the fourteenth or
fiftecnth ccntLiry, and markcd Rawl. B. 512 (f. i22^-i22b);
and ,
H, a ms. in the library of Trinity Collège, DubUn, marked
H. 2. 17 (pp. 463, 464), for a loan of which I am indebted
to the Board of Trinity Collège. The part containing our taie
may date from the fifteenth century.
L, Y, R^ and H agrée so closely that they must hâve descended
from a single source. R' difîers in so many minute points that
it seemed better to print it iii cxlniso than to overload the foot-
notes with its various readings.
The taie is now for the first time published, though some
account of it lias been given by Keating in his Forns Fcasa
ar Eirnin (see OT<^earny's quaint version, cited by Sir Samuel
Ferguson, Lays of the Wcsteni Gacl, p. 242, and O'Mahony's
translation, pp. 330-332), and by Dr Atkinson (The Book of
Leinster, Contents, p. 61). Ferguson, too, has versified ist
most charming incident, which will remind ail Indianists of
Dushyanta's sudden passion for Çakuntalâ in the forest
hermitage. And Çakuntàlâ's révèrent love for the old her-
mit is parallelcd by Ethnc's dévotion to her tostertatlier.
The Songs of Buchet's House. 19
Though L and R^ the oldest copies of our story, are not
older than the middle of the twelfth century, its composition
may safely be ascribed to the tenth, when the Old-Irish verbal
System was beginning to break up, but infixation of pro-
noims was still common, e. g. fcib ro-m-bôi 3, ro-m-biad 11,
nacba-tn- sàraig {na-dom-sàraig R^) 9, mani-m-léicîher 9, ni-m-
thasa^, r-a-gaibsi i'^ ,atas-ci!d (for-das-nid K^) 10, niu-s-comairc
R' 1 1. The prefix ro is still intixed in compound verbs : fris-ro-
gart, do-ru-malt-sa 4, ar-ro-bert 7, at-ru-llai 12, fa-r-gabsat 2, fo-
rreinides (at-ro-as) 13. In the près. ind. -de-r-nim, -ro-rdaim
(for -ro-rethlni), -ro-lùgaim 4, the ro has still the force of
« can » (Kuhn's Zeitschrift, XXXVII, 67). But there are no
deponential forms Q\ce\n fallsigtbe 3, the 2'' sg. imperative of
fùiUsigiir, and -cuùgnaniar (cuingeoinemar, Y) 4, the près. ind.
pi. I of *con-gnàiir (cf. L^a. co-gnô-sco). This practical vanish-
ingofthe déponent inflexion, points, according to Strachan,
to the middle of the tenth century. The syntax of Hcrcun
iath 3, Caihàir crich, 3, crîde (leg. cridï) crâd 4, where the
genitive précèdes the governing noun, and oï fichîib ocus Irich-
taib « by twenties and thirties », where the préposition is
omitted, also belongs to the Old- Irish period. It is strange
that in so ancient a story we do not find that alternation of
prose and verse, which is the rule in Irish taies, and
which Hermann Oldenberg (Z)/V Litcratur des alten Indien,
S. 45) considers to bc characteristic of the dawn of Iiido-
european literary culture.
So much for students of the Gaelic language and litera-
ture. Folklorists will be interested in the proverb cited b}»-
Cathâir Môr, § 4, in the considération paid by Corniac for
the site of Tara, § 9, and in the method by which Ethne's
bride-price was determined, § 13. If the account of the foun-
ding of Tara, §§ 8, 9, be authentic, it proves that, as early
as the second century, private property in land cxisted in
Ireland.
Lastly, according to our practice iri this journal, the rarer
words in the text are collected in the glossarial index.
20 Whitlcy Stokes.
ESNADA TIGE BUCHET
SLICHT LEBUIR LAIGXIG.
1. Bôi coire feile la Laigniu, Buchat^ a ainm.Tech n-oeged
fer n-Herenn a thech- in Buchet [sin Y]. Ni ro dibdad? teni fo
a choiriu o ro gab4 threbad.
2. INgen do Chathair Môr mac ¥e\d\iiiiîbc do rig Herenn 5
[ar altram R^] in a hucht [lais Y. H.] .i. Ethni ingen Chathair^.
Da mac deac [ar iichit Y] la Cathair/. Tictis-[s];We [p. 270*^]
do oigidecht 7 do acalldaib^ a sethar [do thich Buichet R^].
Domeltis oigidechta lichtib 7 triclitaib. Ba robec leosom on co
mhenis aisceda. Ba menic di^M a timgaire 7 al-lin. Mani fag-
baitisdaîïoal-leôr dognitis michostud [mor fri niuintir niBuichet
R']. No bi'red fer na gerranu, a cheli na serraig9, araile
gescadina buaib '°, co ro fasaigset maie Cath^7/V fodeoid, coinvA
fargabsat" leis acht .un. riibai 7 tarb, baie ir-rabatar na .un.
n-drge^- [7 sccbt tige la cach n-airge, R^].
1. Buichet H. R2. Buiched Y.
2. om. H. theg Y.
3. ro digbad R2.
4. o ragaibh H.
5. Laigin Y. LaigiHg H. Laige« R2.
6. Eithne a hainm R^. Eithne ingrn Cliatliair Y.
7. .XII. maie ar .xx. la Cathi/r H.
8. acallaini Y. H. acallfl/»/ R2.
9. in sesrich Y. in sesrid H.
10. Ba menic a timgaire dono, uâir dob^ed fer dîb heocliu 7 in fer eli in
seisrig 7 fer eili scoi[r] dona buaib, R2. 110 bered in fer na gerranu, a cheli
in sesrich Y.
11. farcaibset Y. facsat aige R^.
.-2. n-airghe Y.
The Songs of Buchct's Hoiise. 2 i
THE SONGS OF BUCHET'S HOUSE
(Book of Leinsier, p. 270)
1. The Leinstermeii had a « caldron of hospitality », named
Buclict. A guest-house of the men of Eriii was the dwclling of
that Buchet'. From the time he began householding the tire
under his caldron was ne ver quenched.
2. A daughter of Cathâir Môr^, son of FeidHmid^, king of
Ireland, was in his bosom for fosterage, even Ethne Cathair's
daughter. Twelve sons 4 and twenty had Cathdir Môr, and
they used to corne for guesting and to hâve speech of their
sister. In scores and in thirties '■ they would enjoy the guestings.
This they deemed Httle till they got gifts. Fréquent, then, was
their asking and (great was) their number. Unless they obtained
what sufficed them they would grossly misbehave to Buchet's
household. One man would take the geldings, another the
foals^, a third the branches 7 of the kine; so that at last
Cathair's sons laid Buchet waste, and left him nought save
seven cows and a buU in the steading where there had been
seven herds of cattle, and seven houses with each herd.
1. The townland of Dunboyke, near Blessington, in the county of
Wicklow, still retains the namc of the hospitable franklin, Ferguson, Lays
of the IFfstein Gacl, p. 244.
2. ovcrking of Ireland A. D. 120-122 : his pedigree is given bv Keating,
O'Mahonv's translation, 307-8.
3. i. e. Feidliniid Fir-urglais (or Fer urghiass or iarglas, Côir Anmann,
§ 196), Book of Rights, 204, son of Cormac Gchagàith, Cuir Anmann, § 197.
4. The namcs of seven of them are given infra, 5 5. According to Keating,
Cathàir had onlv thirty sons.
5. cf. mani bet fichtib no trichtaib, LU. 67» : ind locain rô gabtha deis-
sib ocus tririb, Fél. Ocng. prol., 209, 210.
6. « the ploughteams », Y.
7. see the Glossarial Index, s. v. gesca.
22 Whitley Stokcs.
3. Luid-seom iavum [la and R] dia accôine fri CathrtzV.
Senôir dimiltni ^ s/Je dano intan sin. Ocus asbcrtBuchet^ :
A mmo choir Caihâir, coto recht ruacbath uas Herenn 5 iath!
adcoimse4 mo chrod dot chain m^rmiu), cen chintafira.
fallsigthe fô, ar ba fiu mo brug//.fsa cach riibrugas coin besaib
bruga dan bit^.
bid danim7 môr mo dith do Chathair crich.
Macne Chathair ro chloiset^ mo brugas bûar .i. Kiis Riiad-
bullech, Crimthand Cétguinech, Dare Trebanda, Loscdn An,
Echaid Airigda9. Dressai Enechglas'o, Fiacha Foltlebor'^ fortbia
cach.
Buchat ni bia feib ro m-bôi riam cor-ri ailethiiaith '^ nad
rosset h/h" Feidlinithi Find.
4. IS and-sin f/isrogart Cath(//r a n-asbrrt :
Fir, a Buchat ^5^ basa brugaid^4 blata dam.
Buaid do gai, do gart, do gaisced, dogen[ad]i5 failte fri cach
n-oen it midcliuairt mar.
Acht con messindse'"^ mo m^ccu ni diiigentais do chride'7
1. diblidc R2, dimelta Y, dimelta H.
2. dix/7 Buichcad Y. dixit Buichct H.
3. herind L. Erind Y. But sqc hdd km Èrend iath, LU. iK)^^ 42.
4. adcoimse Y. ad comsi R2, adcoimsi H. For the rest of Buchet's speech
R2 lias only 7c. For the first six words it has: Ni mo choir a Cathrt/r co
torracht. H has a mo Cathair cotoreacht.
5. mnccu Y, macu H.
6. danbith H. brugad anbith Y.
7. anim Y, badainim modith mor modith H.
8. doclocsat H. rochloeset Y.
9. airechtai Y, H.
10. enechlais Y, einechglas FI.
11. ibiltlcbarY, fohlebar H.
12. Buchet ni bia feib rombui riam coraili thuaid Y. Buichct ni bia feb ro
bui riam coraili tuaidh H.
13. buichct H. buchet Y.
14. basobrugaid Y. baso brugaid H.
15. dogene H. dogen Y.
16. conmeisindse mo mucai Y. (-o;mieissindsi momuccai H. commessindse
mo raaccu, L.
17. dochraide Y.
The Songs of Buchet's Hoiisf. 25
3 . So one day hc went to comphiin to Cathair, who, at that
time, was a décrépit old man. And Buchet said.
« O my just Cathâir, préserve... law over Erin's land !
I cry OLit ^ for my wealth (carried off) by thy fair sons,
without real faults (on my part).
Manifest (thy) goodness, for my landholding was wortS
any landholding with its land-dues...
My loss will be a great blemish to Cathâir's country.
My landholding (and) cattlc, Cathâir's sons hâve ruined,
namely Ross Red-striker-, Crimthan First-wounding', Dàre4
Loscân the splendid, Eochaid the Princely 5, Dressai Greenface^
the..., Fiacha Longhair" who will eut off(?)every one.
Buchet will not bc as he hath been before until he reaches
another tribe which the grandsons of Feidlimid the Fair^
would not reach. «
4. Then Cathâir answered what Buchat said:
« True, O Buchet, thou hast been a nourishinglandholder9
of mine.
Precious is thy fervour, thy hospitality, thy valour, which
would make welcome to every one in thy great midcourt.
But that 1 should hâve power over my sons (so that) they
1. Cf. the English « to raise (or make) hue and crv » (O. Fr. ha et cri),
2. Ross Failgc, said by O'Donovan, Bool< of Rights, p. 195, to mean
« Ros of the rings ». But this would be Ros iia falach, sce LL. 206b, coica
falacb.
5. Book of Rights, p. 198 n.
4. Dâirc Barrach, Côir Aiuiuinn, 5 40, Ir. Texte, III, 302, one of the
ancestors of Ethne, Mothcr of S. Columba.
5. Eochaid Temenn r- Eochaid Timinc, Coir Anmanii, § 202, Book of
Rights, 192-204.
6. Ancestor of the Ui Eineach-ghiis, a tribe in tlic barony of Arklow, co.
Wicklow, O'Donovan, Book of Rights, pp. I9r6.
7. Fiachaidh Bacheda = Fiacha Baiceda, Côir Aniiiaiin, '] 198, Ir. Texte,
III, 370.
8. Cathâir Môr's, father, gcnerally called Feidlimid Firurglais.
9. i. e. apparently, a hrugald who provided food for his chief.
24 Whnley Stokes.
clirdd, nt'it ni dernim, rith ni rordaim, leim ni rolngaim%
rodarc ni cian cuiignamar-.
Rige dorumalrsa .l. 5 mhliadan riibûan,
acht ro/nnessind dia^ fessind do Bûchai [a Y, H.] bûar,
nimthasa cumaiig duit, a Buchet, acht a[sj aithe5 [cach delg
as s6. As tir duit. K\]^.
5. Luid Buchet for teiched uadib assin tir .i. fut na haidchi
co matin i rigait, co mbâi i Cenannas na rig atùaid/. Ociis ba
bec ind immirgi rucad and .i. uii. riibai 7 tarb, ocus sesseom
7 a chaillcch 7 ind ingen .i. Ethni ingen Chath^//r.
6. Batar i mbothin bic and isin choill''', 7 ind ingen oca
timthirecht.
7. IS and di(/// ro bôi Corm^'c h/'ia Cuindi Cenannas9 riasiu
rogabad'°rige[n-Erenn, arniroltic, R-] MedbLethderghiTem-
raigiar n-écaib a athar[som Y] .i. i fliil Airt ro bôi in Medb Leth-
dcrg do Laignib, ocus arrobrrt-side in rige iar n-ecaib Airt 9.
Ba hé domsom'^ na rrig di(///^=, Cenan;z//.v. Coii'id iar ngahâil
rige do Chorm^/c ro clas hiis in Temair .i. ferand Odrain sin .i.
bachlach dona Dessib Breg.
1. ro lo»gaim H. roleHgaim Y.
2. radarc ni cian cuingeoinemar (facs. cumgeoinemar) Y. congumimar H.
3. choicit Y.
4. do Y, H.
5. as aithi Y. is aithi H.
6. For paragraph 4 R2 has only Nimthasa cumang duit, a Buich/V, ol
Cathair, acht as aithe cach delg as sô. As tir duit.
7. fot aidchi, co riacht Cenand^j na righ a ngoit R2. fut na haidci anagaid
coraibi oc Cenandus na righ atuaid H. fut na haidche a ngoid co mbai oc
Cenandass na rig atuaid, Y.
8. atùaid L. atuaid Y. ituaid H. Batar a mboith isin choill R2.
9. Do Laighnib in Medbh Leithderg sin 7 a farrad Airt rob.ii, 7 fuair si
an righe iar n-écaib Airt R2. riasiu rogabad rigi, ar ni rehg Medb Leithderg
i Temraig iar n-egaib a atharsom .i. Airt maie Cuind, 7 robai ben Airt in
Meadb Leithderg di Laignib arrobertside in rigi iar n-egaib Airt Y. resiu
rogabh righe nEre?»; ar vi[sic] rehg Mcdhbh Leithderg i Teamraigh iar
n-egaibh a atharsuni .i. Art mac Cuinn, 7 robi bean Airt in Medhbh
Leithderg do LaigH/è arrobert sidlie in righi iar n-egaib Airt H.
10. rogabh H. i Cenannas ar ind relie riasiu nogabad L.
11. arwj R2, domsodh Y, domsad H.
12. ind inhaid sin R2.
The Songs of Biichet's House. 25
should not cause thy heart's torment, strcngth I cannot
exercise, running I cannot run, Icaping I cannot leap, (as to)
sight, not flir do \ve pcrceive.
Kingship I havc enjoyed for tifty lasting years.
But tliat I should be able to bring his kine to Buchct I hâve
no powcrfor thee, O Buchet, (nothing)savc (the proxerl)) sharper
is cvcry thorn thaï is yoimgcr^. Get thee outof the country- ».
5. Buchet fled southwards from them out of the country,
by stealth, the length of the night till morning, so that he was
in Kells of the kingsî. And small was the drove that was taken
there, to wit, seven cows and a bull, and he himself, and his
old wife, and the damsel, Ethne daughter of Cathair.
6. They dwelt in a small cabin there in the forest, with the
damsel serving them.
7. Cormac grandson of Conn was then living in Kells before
he should take the kingship of Erin, for Maive Redside did not
Ict him into Tara after the death of his father (Art). Now
Maive Redside of Leinster had been Art's wife, and after his
death she enjoyed the kingship. Kells, then, was the résidence
of the kings. But after Cormac had gained the kingshipTara4
was founded by him, and that was the land of Odrdn, a
herdsman of the Déssi of Bregia.
1. cf. the proverb liiailhi matig ina mallmir « swifter is the fawn than its
dam », Corm. s. v. mang.
2. as tir for asin tir.
5. Cenannas. now Kells in Meath, first called Diin Cûile Sibriimc, which
O'Donovan (F. M. i, 56) renders bv Arx anguli adutterii.
4. see the Dindsenchas, Rev. Ceît., XV, 277 sq. for very diflerent legends
about the founders of Tara.
26 Whitley Stokes.
8. INtan di(/// ro bas ^ oc claide na rathaTemrach la Corm^Tc
adrand- [Odhran H] a theora eigme ass. Cid éigi ?or Connue.
Éigim dochraite^, or se, fothugud^ do rig hEre//;z fo/-m5 thir 7
(orm^ ihalniûiii co brdth.
9. INtan d'idii. ro bas oc intadud7 in ti[ge]^ ro eig-seom
héiis. Oc techt inti do solud^ do Chorm^fc dobtvt Odrdn a
druim frisin comlaid. Cid sin ? or Connac. Nacham-sdraig'°, ar
Odrdn. IS anfir do sarugnd, ol Cormar [p. 217'^]. Ni ba messi
dogena, acht manim-léictberind arlôg .i. dochomthromdoar-
gut, ocus accnabtha " nônbair cechà nôna céin ^- béosa i mbethu ^3
[7 atethur rige R^] ocus tir beschutr/,//;ana f/-i[t]tir'4 hi tôeb in
tiri- se fri athigid "> chuciiinsii [7 fri tairecdo chisa, R^]. IS maith,
ar Odrdn. Ataat da port mathifrind^^ aness^7 amwe, arOdran.
Ci a n-ainm^^? or Corm^f. Odra Temrach, or se.
Bisiu and, dâiw, or Cormac. Odor et^r Odraib '9.
IS de ata Odra Temrach.
10. Bui Corm^Tc matan moch fecht and i Cenannas iar liga-
I . roboth R-, robas Y, H.
9.. atrann R-, adhrann H. adhrand Y.
3. dochraidhi Y, dochraiii R^
4. Ibthuchadh Y.
5. for mo Y. (or nio H.
6. for mo Y, (or H.
7. oc intathad R2.
8. oc on indtsathad in tij^hi Y. oc iniinntathud in tigi H.
9. do sholaidh Y. do solaid H.
10. sasaid H.
11. accnabad Y. agnabtha R2.
12. gein Y.
13. bethaid Y. H. bethd/d R2.
14. tir bus commaith friad tir R^, tir bi-is commaith fritir Y, H.
I). for taithigud R^. fri tathaigi dochum na Temrach 7 chucamsa sund
Y. fri tatliaidi dochum na Temrach 7 cugumsa sunn H.
16. da primport maitiii ocamsa rind R^.
17. anndes Y.
i<S. cia hainm Y.
19. Bisiu and di(/H, ar Cormac .i. odar it/r Odraib. is de ata odra Temrach
Y. Bisiu ann di(//< ol Cormac .i. Odiir it/V Odraib. is de ita Odin^a Team-
rach H. Bisiu and da;/c', or Corm(/c. IS de ata Odor et/r Odraib L.
The Songs of Buchcfs House. 27
8. Now when tlie rath of Tara was being dug by Cormac,
Odran gave (?) his three groans out of him.
« Why groanest thou ? » says Cormac.
« I groan for my oppression », quoth lie, « thc support of a
king of Erin on my land and my soil for evcr. »
9. Then when they were settingthe stakes^ of the housc,
he groaned again; and when, on a lucky day^, Cormac was
entering it, Odrdn set his back against the doorvalve. « What
is that ? » says Cormac. « Do not outrage me ! » says Odran.
« Tis untruth to outrage thee », quoth Cormac; « it is not I
that will do it, unless I am not admittcd for (this) payment,
to wit, thy weight in silver-i, and rations for nine men every
noontide so long as I am alive, and land equal to thy land
beside this land, for visiting me and supplying thy tribute »
« Tis well », says Odrdn : « there are two good banks to
the south of us thus », says Odran.
« What is thcir name ? » asks Cormac.
« The Odra of Tara », says Odrdn.
« Then thou art », says Cormac, « Odor-i between Odra ».
Henceis(the place-name) Odra Temrach.
10. Early one morning, after he had taken kingship, Cormac
1. i. c. thc stakcs bctwecn which thc wickcrwork of thc walls was
woven.
2. i. e. a favourablc dav for going into the house for the first time.
This must bc the meaning, though do soliui Hterally means « to profit ».
It corresponds with tlie tria solud 7 laiscelad dniad « through liick and a
druid's ascertainment », of R'. don Iscùn 7 don tsoliid LL. ioi-'45.
5. Compare the instances of dctermining a pcnahy or ransoni by the
weight of the pcrson injured, injuring or ransomcd, Ir. Texte, IV, 301,
436.
4. a pun on thc man's namc Odrân, a diminutive oi odar « dun ». Thc
Odra Terni aci} were the équivalent of thc land taken by the king.
2 8 Wliitley Stokes.
hâil rige [oc uréirghi cona ûmthacbt sroill imbe ^ R^.), coniccïi
in n-ingin oc blcgon na mbô. A cétblegon il-lestar for leith, a
ndeadblegon il-lestar n-aile. Atas-ciid - duno oc bùain na luachra,
7 medôn in tuimm luachra lee i n-airbir foleith?. Oc tabairt
ind usci da»o assa ur [in tsrotha R-J issind-ara lestar, a n-aill
assa4 medôn issin lestar n-aile.
II. Ro iarfliig fecht and^ inti Connac in n-ingin: Cia tdi
a ingen ? or Corm^c ^.
INgen bachlaig7 tliruàig sund-ut'"^, ol-si.
Ccst, cid ma ndenaisi^ in n-usa' 7 in luachair 7 in t-ass do
chomraind ?
Ferro bai i n-airmitin^'^' riam, or si, dia mlvrar a medôn na
luachra 7 in t-iarniblegon, 7 damsa a n-aill rc^/ma raib-seom^^
d'ulK cen airmitin'- do neoch fogeb-sa. Dia tagbaind-se dimo
airmitin bad moo ro ni-biad som.
IS dochu a tagbail duit, or Cormac. Cia dia tabar ind
airmitiu '^ ?
Buchet a ainm, ol si.
Buchat Lagen on ? or Corm^r.
'S é im;//orro, or sisi.
IN t//j-su ind Eithni thoebibta [inghen Cathr//r Môir R-] ?
or Cornirtr.
IS dôig [anisin, R^], or sisi.
1, ocu 7 arnerged, Y. oc urergeo co»a timth.icht sroill imi H.
2. Adas cidh Y. Adascid H.
5. ar leith R2 Y. for leith H.
4. isi» H. asa Y.
5. Ro fiarfaidh fecht n-ann H. Ro fiarfaid fecht and Y.
6. Atchi diMio antî Cormac an inghen. Cid tài, a ingen, or Cormflc, 7
côich tû ? R-.
7. bachlaich Y.
8. sund ucat R2. sunn ucut H.
9. cid dia« cuirtcr so? R-.
10. in airmitniu Y.
11. conaroibi seom Y. ai;/arab sum H.
12. airmitne Y.
13. Cia dia tabrai in càiai môir sin? R2. Cia dia tabar ind airmitne Y.
cia dia tabar in airmidiu H.
The Songs of Bûche l' s House. 29
was in KcUs, arising witli his raiment of satin about him.
He saw the damsel milking the cows. Their first milking (she
put) into a vessel apart ; their last milking into anothcr vessel.
Then he sees her cutting rushes, and the middle ot the tussock
of rushes she puts into a bundle apart. So the water which she
took from the brink of the stream she put into one vessel,
and the water from the midst of it into another^
1 1 . Then Cormac asked the girl :
« Who art thou, O damsel? » says Cormac.
« The daughter of a poor herdsman yonder », she answered.
« Why dost thou divide the water and the rushes and the
milk ? >y
« A man» she answcrs « who was formerly honourcd, 'tis
to him that the middle of the rushes and the aftcr-milk is
given-, and the rcst to me, so that hc may not be without
honour h'om what I shall get. If I could find a greater
lionour he shoukl hâve it. »
« "Tis very likcly that thou wilt find it », says Cormac.
« To whom is this honour given ? »
« Buchet is his namc », she replied.
« Is that Buchet of Leinster ? », says Cormac.
« 'Tis he indeed », she answers.
« Art thou Ethne Longsidc, daughter of Cathair Môr ? »
says Cormac.
« So it seems », quoth she.
1 . This suggested the Unes in Ferguson*s Aideen's Grave :
lu sweeî remenibrancc of the days
When duteous, in the lowly vale
Unconscious of my Oscar's gaze
She fiUed the (ragrant pail,
And duteous, from the running broolc
Drcw water for the bath ; nor decmed
A king did on her labour look,
And she a fairy seemed.
He has substituted (poetarum licentia) Étâin for Ethne and Oscar for
Cormac.
2. Better ihus in R' : 'tis for him I gathcr the last milk, and the
fresh (part) of the rushes, and the midst of the stream.
3 a Whitley Stokes.
12. IArsintradochuas[oChormac R^] coBuchatdia cungid^
Nis-tarat s/We 2, ar nirbo leis acbl la hathair a tabairt. Asb^rat
trà is ar écin rucad-si chuca'-som dadaig, ociis ni toi leis'i aclit
in n-aidchi sin 7 atrullai liad k Ocus issin n-aidchi sin dorala
ina broinn in Corpri Lipli<r/;^//> mac Cormaic À. ro char ^ Liphe,
7 il-Liphechair ro hait et/V a maithre 7 a athre/. Ocns ni ragaib
Cormac m mac co ro luigset^ Lagin corbo leis [hé, H].
13. Ocus robôi-si iarsin ba rigan9 i £iil Cornw/V. Ni ragaib
[si, R^] xmmorro can a tindscra [do ûvàhain H] do Buchet,
\Ssed dorât Connut: dô, an ro siacht a radarc di mûr Chenandsa,
et/V boin 7 duine [7 or 7 arcad Y] 7 dam 7 cch i^, co cend
sechtmaine. Forreimdes" a mbreith la Buchat dar rigi fadess
na rruc d'indilib i crich Lagen aridisi^^
14. Esnad ^^ tige Buchet dona damaib .i. a gen gare ass frisna
dama'-i: Fochen dûib, bid maith diiib [linni R'], bud maith
dano dunni libsi '5.
15. Esnad in choicat lâech coivà n-etaigib corcraib 7 comx
n-erredaib do airhtiud intan bâtis mesca [na dama R-.].
16. Esnad da//o in choicat insjen {or lar in tige ina lennaib
1. ciiindchid Y. cuinnchid R2. cuingidli H.
2. Ni thard sein R2. Nistarait sidi Y.
3. chuici Y. cuigi H.
4. ni ro faid \d interlined] acht Icath na haidclie ina farrad [/' inscrted] Y.
ni ro foid achl leth na haidci ina farradh H.
5. ni raibe acht leth na liaidliclii ina farradh, ùi//-erla ûad isin matain, R2.
acht atrula uad H. acht atrula ua dh Y.
6. rochair Y.
7. itfcT a maithri 7 a aitliriu Y. it/r a maitji 7 a aitri lî.
8. gur' toingset R2. cor'iuigset Y. gur hiighset H.
9. ropoisi iarsin righan robai Y. H. IS hi Eithne robai 'na righain R^.
10. ixir boin 7 duinc 7 ôr 7 argat 7 coirmtlicch R-.
11. foremthes Y. H.
12. daridisi Y.
13. Easnam R^. Essnad Y. H.
14. damu Y.
15. dûinne sibsi R-. duine libsi H. Y.
The Songs of Biichet's Hoiise. 3 1
1 2 . Thcreafter then a message was sent by Cormac to Buchet
to ask lier (in marriage). He gave her not, for to give her
belonged, not to him, but to her fiither. So then they say that
on thc foUowhig evening she was hrought by force to Cormac,
and she staid with him only that night, and then escaped
from him. But on that night there entered her womb the son
of Cormac, Carbre Lifechair (so called because) he loved Liffey '
and in Lifechair he was fostered between his mother's tribe
and his father's tribe. And Cormac did not take him (as his
son) until the Leinstermen swore that the boy was his.
13. Afterwards Ethne as Cormac's wife became a queen-.
Howbeit she did not accept him without bestowing her bride-
price on Buchet. This is what Cormac gave him : ail that his
eyesight reached from the rampart of Kells, both cow and
man, and gold and silver, and horse and ox, to the end of
a week 5. It was impossible for Buchet to take again over
the kingdom southward into tiie country of Leinster ail the
herds that he (then') received.
14. The song of Buchet's house to the companies : his
laughing cr}- to thc companies: « Welcome to you ! It will
be well to you with us ! Let it then be well to us with you ! »
15. The song of the fifty warriors with their purplc gar-
ments and their armours, to makc music when the compa-
nies were drunk.
16. The song, too, of the hfty maidens in the midst of the
1. The sanie etyniology is given in the Càir Anmann, § 114, Ir. Texte,
III, 356. For thc « tegosc » which Carbre obtained from his fixther see H.
2. 17, p. 179-185.
2. For the subséquent carecr of Ethne Ollanida (« one of the four best
wonien that in her time lay with man »), see Silva Gadelica, II, 179, 230,
491. She was buried on Cenn Febrat, Rev. Celt., XV, 442.
3. For the use of eyesight combined with time as the measure of a gift,
tlierc seems no parallel. Jacob Grimm {Detilsche Rcchisallerthiïmer) and
Michelet (Origines du tirait français) give none.
32 Whitley Stokes.
corcraib con^. mongaib ôrbuidib dara n-etaige^ 7 a n-esnad^
oc airfîtiud in tslûaig.
17. Esnad iti chôecat chruitte 3 iarsin co mmatin [ac talgud
R2]4 in tsludig [do chiul R^].
18. IS de sin atd Esnada Tisri Buchat3.
1. n-etaigib Y. n-édaighibh R2.
2. 7 a sianan 7 a n-andord 7 a n-esnam R^. 7 sian [siar, Facs.] 7 a n-an-
dord 7 a n-esnadh Y.
3. cruitire R2.
4. oc talgad H.
5. is do sen is ainm esnad thigi Buiched. FINIT, Y. Et is do sin as ainm
esnad tighi Buichet H. fo»idli de sin ata csnamli tighi Buich//, FlNet.
Tlie Songs of Buchet's House. J3
hoLisc, in their purple dresses, witli their golden-yellow
mânes over their garments, and their song delightingthe host.
The song of the fifty harps afterwards till morning, soothing
the host with music.
Hence is (the name) « The Songs of Buchcl's House ^ ».
I. In H. the storv' is there followed by a copy of the Tochmarc Liiaiiie y
Aidcd Athinii, which begins on p. 464, col. 2, and ends on p. 468, col. i.
The Essai d'un catalogue de la littérature épique de l'Irlande, pp. 6, 127,
should be .iltered accordingly.
Revue CellKjue, XXV.
Î4 Wliitley Stokes.
ESNAD TIGE BUCHET INSO SIS
[Rawl. B. S02, fo. 7j"2.]
1. Boe coire feile la Laigniu .i. Buchet a ainm, mac hui
Inblae ^ a slonnud. Tech n-oiged fer n-Érenn a tliech.Ni rodibdad
tene a thige fo a choire o rogab céttrebad.
2. Ingen do Chathaer Mar, do rig hErenn, ar altram inna
hucht .i. Eithne Toebtata ingen Cathaer. Da mac dec cen
fuithchi/w cen forbba la Cathâir. Tictisede do oegidacht 7 do
acallaim a sethar do thich Buichet. Ocus co fichtib laech no
thictis, 7 ba bec leo co mbeirtis ascada. Ba menic a timgaire,
7 intan na beirtis ni fognitis michostud mor fri muint/V
mBuichet. No fuaitched fer dib a graige. No aidled a cheile
inse dam. Araile gresce dia alum. Co mba daidb/r diselbaid
Buchet o nv/ccaib Cathair fodeoid [co]na fargabsat acbt .uii.
mbu 7 oen tarb airm i mbatar .uii. n-airge 7 .uii. tige la car/;
n-airge.
3.-4. Luidis Buichet dia choeniu[d] tri Cathair, 7 ba senoir
dimilte Cath///V intan sin. « Ni chumgaim ni duit, a Bûchait,
acbt a galar oc«m namma. »
5. Luid Buchet for teched uaidib fut n-aidchi asa thir i
ngait, co ruacht Cenannas na rig, 7 ba bec lin a immirge .i.
.uii. ihbae 7 tarb, hé fein 7 a ben 7 a dalta .i. ingen Cath^//r.
6. Ba bec a n-aite 7 a n-adba i ndunaid ind rig, [7J a ndalta
'co timthirecht.
7. IS ann sain bae Cormacc hi Cenannas 'siu gabad rigi
Temrach. Medb Lethderg i Temraig intan sin. ISi bâe i fail
Airtt. Do Laignib da.no don Meidb, 7 si rogab rigi Temrach
iarna écaib Airtt. Ba hé artis na rig d'idii Cenannas. Conid iar
1. Thy be.
The Songs of Buchet's Hoiise. jj
rigabail rige do Chormflc ro clas leis rath Temrach A. ferann
[fo. yV'i] Odrain sain, cocarttc (.i. comaithich) sin do Dessib
Maige Brcg.
8. INtan d'ulu ro bas hic claide na Temrach la Corniflc, is
ann tue Odraii a thri heigmias. Cid éigi ? ar Covmac. Eginim
dochraite, ar Odran, fothugud do rig for mo chuit forbbae 7
feraind dogr^'s.
9. INtan daw ro clannad cli in tige, egis Odran afrithisi.
Oc teclît do Chormfl'c tna solud 7 taiscelad druad inna thech,
dob^rt Odran a druim frisin comlac. Cid inso ? ar Corm^r.
Na-dom-sàraig, ar Odran. Is anfir do sargud, ar Cormac, 7 ni
ba misse dogene achi mcnim-leicther ar log. Do chomthrom di
or 7 do argut, 7 doithin nt)//buir car/; nd;/a hi cein bamsa beo
7 atcthur rige, 7 tir bas chumma fr/[t]tir hi toeb nô i n-airchind
in tiri se fri tathigid chucumsa 7 tri tairec do chisa. Gcbthair,
ar Odran, anisin. Atat da phortt maithi niaithi frinn [andcss),
ar Odran. Cia a n-anmann ? ar Corinac. Odra Temrach, ar se.
Bi siu intib, ar Cormac Is de ata in t-Odur et/r hUdru.
10. Bae Cormac niatain moch hi Ccnannas iar ligab^/V rige.
cofacca in n-ingin .i. Eithne, hic blegun namriibo. Is^Y/dobcred,
in cetblegun hi lestur fo Icith 7 in liiblegun ridedenach hi
lest//;' n-aile. Fo/'das-cid Cormac daiio ictopag-sin urluachra, 7
glas car/; muine luachra le i n-airbir fo leith, a himbel 7 a
hodur inn-airbir n-aile. Fordas-cid dano hic tabairt usa, 7 no
lin|a|d indara lestar a hur in tsrotha 7 araile asa medon.
11. 'Mus-comairc Cormac fccht ann dinn ingin coich ba si.
Ingen bachlaig trûaig, ar si, tail hi sunna hi Ccnann/w, mise.
Cesl, cia dia comrainni-siu in loimm 7 in luachair 7 in n-usq//t' ?
Fer, ar si, ro bae i n-airmitin riam is do teclai?mimse (leg.
teclaimimsc) in lacht lidedenach 7 hur na luachra 7 hmcfc in
tsrotha : dom tadessin ani n-aill. Ni rabissiu dog/rs cen airmitin
aneich fogeba, 7 is dochu a fag^r/7 duit, ar Cormac: Cid iar«/;/
dia tabar in cad//jr|s]a? ar Corinac. Buchet a ainm, mac hui-
Blae a sloinniud, ar Eithne. INn é Buchf/ Laigncch son ? ar
Cormac. Is e, ar Ehhne. IS tùsu duiii, ar Cormac, Eithne
thoebfata ingen Cathair Môir? IS doaig anisin, ar si.
12. IS iar/mi docoas o Chorttiac dia cuingid co Buichet.
Nis-tuc Buchet, ar narbu leis a tabairt achl lia hathair. Atbtvat
56 IVhhley Stokes.
ira is il forecur eicne rucad se^ co Corm^c in n-aidchisin, 7
ni nibi letli n-aidclii inna tarrad, acht atrullae uaid. Ocus is'mn
aidchi sin dorala inna broind Cairp/'f Lipliecliair mac Corniaic
À. ro char Liphe, 7 hi Liphechair dano co derb ro hait eter a
mathre 7 a aithre. Ocus ni ro gaib Cormfl'c in m^/c-si co tucsat
Laigin tir lais.
13. Ocus is i ba rigan la Cormac iarsin. Ni ra gaib si tra
Eithne cen a slaibre do Buchiut iartain. IS d'^ tue Cormac do
ani ro siacht a rederc do muir - Chenannsa, cw boin 7 dam [7]
duinc, ech J or j argat, co cenn 5^r/;/maine. Atroas a n-immain
la Buichet dar rige Lagen fodes inna rue do beochrud hi crich
Lagt'?/ a frithisi.
14. Ba cain essnad tige Buchet .i. a gen gaire seom fria
damaib a n-asbfred fccht fothrî. Fochen duib. Bid maith duib
linni, bad maitli duinnc libsi, ar se.
15. Esnad dàno in .l. laech cona n-etgudaib corcraib 7 co
«-erredaib aicb datha do airfitiud intan bâtis mesca.
16. Esnad .l. ingen (or lar in tige inna lennaib ligaidib ic
airiuc thuile do oigidaib Buch/7. Ba cain cuissech 7 dord 7 air-
essnad na n-ocbud archena ic tuil mé';/man Buichit.
17. Esnad in .l. cruitti fo suantraige 'coa talgud.
18. Gein Carpr/ 7 Tochmarc n-Eithne 7 Esnad Tige Buchet
insin anuas.
1. leg. si.
2. leg. radarc do mûr.
The Songs of Bucliet's Hoiisc. 57
GLOSSARIAL INDEX
accnabtha, 9, rations, customary portions offood, pi. oi acnabad, Lism. Livcs,
p. 383, cf. fri com-acnahad (gl. contra consuetudinem) Sg. 143*5.
ad-cîu / see, près. ind. sg. 3, atasciid 10, for O. Ir. ad-das-ci.
ad-coim-se perhaps / crv ont for, and cognate with O. Fr. huer, ifthis be of
Teutonic origin (cf. O. H. G. hûwo « owl »).
adrand, atrann 8, corresponds with tue R'S, and seems prêt. sg. 3 (with
infixed ro) oï*ad-andaim, possibly cognate with Lat. ap-pendo.
aile-thûath, 3, auother tribe (or tribal territory), 3.
airber an armfui, a hundle, dat. airbir, 10, Corm. Tr. 9. Laws, IV, 312, 13.
airchenn end, dat. sg. airchinn, R'9, gen. inna airchiiii (leg. airehinne) LB.
In the Laws the c is not aspirated.
airessnad, R'i6, a high song.
an-fi'r, 9, untruth,
ar-biur, I enjoy, t- prêt. sg. 3, ar-ro-bert 7.
arus R'J, a résidence (from *ad-ros), Cymr. aros « to stay ».
alam a herd, dat. alum R12 (leg. alaim, as in LU. 57^10?).
atcthur, R'9, leg. atelbar, 3d sg. près, passive oi atetha « adit ».
at-ro-as, R'13, ivas unable, atroas techt ar in orggain LL. 269''37. atrôs a
thairmesc LL. 271 ''9.
athre = xrato-.x (Herodotus i. 200) a fathei's tribe or clan, 12.
beo-chrod, R'13, live-stock.
bothin, 6, dimin. of both but.
brugas, 3, land-holding , deriv. oîbrug, mrug.
cidus, R'ii, respect, gen. cadais, Bk of Fenagh 10.
caillech, 5, lit. hag, an old wifc.
Cdtai (leg. cataid) R^ 11, ace. sg. oi cdXM honour , respect.
cét-blegun, 10, firsl milking.
cét-guinech, }, Jirsl-wounding.
cét-trebad, R'i first householding.
(ro) clas 7, prêt. pass. oi claidini lit. I dig, but hère « I lay a foundation ».
Verbal noun c laide B.
cli in tige, R'9, pillar of the house.
cocartte .i. comaithich a-n, R'7, a neighbour.
con-midiur, s- subj. sg. i con-messind, 4.
con-nnnsiim, I separ aie, R'ii, conraindfet LU. 88», conrainfet LU. 93,
verbal noun comrainn.
3B Whitley Stokes.
coto, 3, préserve ! zd sg. imperativc of con-ôiin, with proleptic innxed
pronoun. Cf. con ii-ôU cota-ôei, Wb. 29J 29, cotd-ôith-si, Wb. 7^ 4,
fO/;?-Ofl/-50î?; Ml. II2b20.
cridi cràd 4, = cradh croidhe tornient ojhcart, Torr. Dh. p. 104.
cuissech R'i6, chorusincr} ace. cûisig, Cath Almaine, i\a'. Ce//., XXIV, 50,
note 5.
-cungnamar, 4 tve pcrceive. The cuingeoinemar of Y (where the facsi-
mile bas cuingeoinemar) seems to corne from a reduplicated fôrm *-cutn-
gegnemar : cf. Gr. y.Yvway.w.
dadaig, 12, ai nighl.
daidbir (do-aidbir) R'2, poor, opposite to s-aidhir (so-aidbir) « rich «.
dead-blegon, 10, the last milkiiig.
-dernim, 4, from *de-ro-gni'im / can do.
dimiltni, dimelta, diblide, 3, dimilte, R' 5. diblide (gl. senium tempus) Thes-
pal. hib. i, 4.
di-selbaid, Ri 2, one luho bas no property (selb).
dochraide, docliride 4, 8 seems derived from dochniid « liateful, » but may
be for do chridi « of thy heart. »
do fessind 41, past subj. of 19. do-fedim / bring: cf. du-d-fessed Ml.
78bi4.
dôithin, Ri 9, siifficiency.
dom-sod 7 (corruptly dom som), a résidence, compounded of (î'o;» = Lat.
domus, and sod.
dûnaid euclosiire, dat. sg. Ri 6, seems a mistake for ddnad.
enech-glas, ^, green-faced}
esnad, 14, 15, 16, 17, a song (corruptly csnam 14 n.), pi. esnada, 18, from
*en-son- : cf. Lat. iiisono.
fail, 7, 13, i fail along with, married to.
fâsaigim l lay ivastc, s. prêt pi. 3, ro fasaigset 2.
fi'r, proof, tucsat fir R' 12.
fiu, 3, .i. sic noinann, O'Dav. Gl. no. 863. uvrth. Like onctil, it takes the
accusative ; (fin... cach mhrugas), as in Laws V. 62, 21, 25, each is fin
botn, carpatt is fia cuniail, « a horse worth a cow, a chariot worth a
bondmaid», nidat fia turchail, laccu, suas iar-na maccu coema « they (my
arms)are not worth lifting, I déclare, over the comelyyouths », Song of
Caillech Bérre.
fô, 3, goodness.
foi, 12, pcrf. sg. 3 of/«.
for-ci'u I see, for-das-cid, Ri 10, Old Ix. for-das-ci, root kes.
for-ccur éicne, Ri 12, râpe. Laws V. 274, 12.
forreimdes, foremthes, 13, îrom fo-r-c-nides, root nied.
fortbia, 5, fut. sg. 3 oi forlbenim'> or a sister-form offorbia « will survive »
LU. I20b25.
fuithchius, R'2 (leg. faithchius?) a deriv. ot failhche}
gait thefl, i ngait 5, by stealth, gait a anmac Ml. 70''5, verbal noun oîgataim,
« I thieve «.
galar, R14, griej, sorroiv. Cymr. galar.
The Songs oj Buchet's House. 39
gesca dina buaib, 2, lit. branches of the cows, H. 'thc best or voungest of the
herd ? cf. the metaphorical use of ô'ro;, '6p-T\^ and k'pvo:.
iarrhblegon, 11 (iarmbleogun), aftermilking.
inde, Ri II, iiiiddk, Laws II, 12, 22; 34'', 4.
inis, (indis?) a milking-yard, Lism. Lives, p. 594, ace pi. inse R'2.
intadud, intathad, 9, inthrusiing, from iutsâthiid, a compd. of ind and
sdthud. Cymr. hodi.
li'gaide, shilling, pi. dat. ligaidib, R'i6, cogn. with lig, ligda, It'grad, Wind.
Wtb.
luigim î sicear, prêt. pi. 5, ro luigset, 12, luigini se fa laiin mo righ, Bk. of
Fenagh, 108, litige « oath », Ascoli Gloss., clxxxii.
macnc, 5, chiidreii, gen. sg. berta maicne .i. bratha mac, O'Dav., 59, s. v.
bert : ace. sg. coisc do maicne, O'Dav., 55, s. v. aithmess.
mâthre, mâithre, 12, a tnother's tribe or clan.
mi-chostud, 2, misbehavioiir .
-mus- for imm-us-, Riio.
odur, R'io, gray, the colour of withered rushes,
port, 9, a bank.
-rolngaim, 4, from -ro-lingim / can Icap.
-rordaim, 4, from -ro-rethim, I can run.
ruacbath, 3, an epithet for recbt : meaning obscure. Perhaps from ro-ad-
ciibaid « very well adjusted » « equable »?
ruad-bullech, 3, strong-striking.
sianan, 16 n. some kind of song, Rev. Celt., IX, 22, 11. 1,3. O'Currv, M. &
C. III, 385.
slaibre F. R' 1 3 = slabra Dinds. 60 (Rt^v. Celt., XV, 458), Laws, II, 364, 20,
where it is rendercd by « portion ». Probably identical with slabra
« cattle », LU. 85^.
sloinniud, R^ 11, patronyniic, = slondud, Wind. Wtb. and sluinned, CZ. i.
109.
solud, 9, a charm to procure benefit, liick, profit: solad, Ir. Texte, IV,427.
suantraige, R'17, sleep-causing intisic, lullaby, Rev. Celt., XII, 123.
taiscelad drûad, R'9, ascertainnient, observation by a tui^ard.
talgud, 17, a soothing.
teclaimim, Ri 11, for tecmaillim, tecmallaim I collect.
timgaire, 4, a prayer (to-imm-gaire) .
tindscra, 13, bride-price, LU. 54'', 127».
topag a cutting, dat. sg. topag, Ri 10 (from *to-od-bog). cf. encl. -lopacht
t- prêt, of dobongivi.
trcbandae, 3, tribunicius? (Cf. treabhan « a tribune » O'Br.) or perhaps
derived from treban « honeycomb »,
crialhor viela, Stockholm MS. Celt. Zeits. I. 116, trebthan, Hib. Min. 48.
nx-\u3^c\\3\r jreshrushes, gen. urluachra, R'io.
Camberley, December 1905.
Whitley Stokes.
NOTES ÉTYMOLOGIQUES BRETONNES
(Suite.)
58. MEZA, vann. meyein, meein, pétrir. Comme l'a fait remar-
quer avec raison M. Ernault dans son Glossaire m. -br., ces
formes sont à séparer de niera, nicrat qui, en breton moderne,
ont ce sens et, en moyen-breton, celui de manier, iastonner :
niera t, plus anciennement maerat, est dérivé de maer, intendant;,
majordome. On n'a, je crois, donné aucune étymologie satis-
faisante de nie^a. Ce mot est identique au gallois rnaeddu qui
a le sens, non seulement de battre mais encore de piler et de
mckr en battant (v. Meddygon Myddfai, II, 286 ; passim dans
ce recueil, et surtout p. 130, § 196 : a jiiaedd cf a'ib laiu yn
gymysgedig, et pétris-le avec ta main en le mêlant).
Il n'y a pas à se laisser arrêter par la variante haeddu qui
peut d'ailleurs avoir une autre origine, comme le prouve le
vieil-irlandais maistre, Butterfass = *niagstria, d'une racine
uiag- : cf. grec [J.y.yi: ^ ; '^.xiito suppose une variante [ixv.-, phé-
nomène qui n'est pas rare ; macddu est tiré d'un thème * niagid-
ou iiiaged-.
59. GROAH, en vannetais : étincelle qui éclate: bluelte(^Cillart
de Kerampoull à étincelle et bluetle^. Il est évident que ce mot
qui n'existe en breton qu'en vannetais, est le même que le
gallois gwreichion (2 syllabes) et le comique grychonen, gry-
ghonen.
I. Whitlev Stokes, Benenberger Beitr., XXV, 3-4.
Notes etymolo[ii(]iies bretonnes. 41
Le comique et le gallois, rapproches du breton, supposent
un thème vieux-brittonique *vracc-.
Le sens de se briser, éclater est nettement établi. Ces mots se
rattachent à la racine indo-européenne *vrak- que l'on retrouve
un peu partout :
/"p^y.-cç ; slave vrask-as, skr. vrçcati, déchirer (Pick, Vergl.
Wôrt., I, p. 772-773).
M. Whitley Stokes me propose d'y rattacher l'irlandais y^?;--
cha, ligthning, acljad farcha (Trip. Life), qui supposerait
* vrakaiâ.
J. LOTH.
(A suivre.)
SOME REMARKS ON THE IRISH ^^^^ PERSON
IN -NN -ND
This formation, the so-called consuetudinal Présent, has
been studied (i) by Whitley Stokes K. B. VII, p. 5 ff. (2)
by R. Atkinson Proceedings R. I. A. 3'''' séries vol. I. no. 3,
p. 416 ff. (3) by R. Thurneysen I. F. I. 3, p. 329. The first
paper, published now many years ago, will be referred to later
on. The second and third are so well known to ail interested
in Irish Grammar that the barest recapitulation of their con-
tents will be SLifficient. Atkinson's paper shews by overwhelming
évidence that in the period of modem Irish represented roughly
by Keating and the earlier issues of the Irish Bible the -un
forms are used exclusively in certain well defined enclitic posi-
tions and that the widely extended usage of later days has no
historic warrant.
Thurneysen's papers deals with the genesis of the formation.
He sees its starting point in phrases like dia teshand where the
11 has etymological foundation. Side by side with this indi-
cative stands the conjunctive tesba, so that we get the équation
co tesba, ni tesban(n) : co tôcba, ni tocbann (in place of ni
tôcaib) : co cara, ni carann, where tôchann and carann are
mère analogical forms. He considers that the doubling of the
n requires explanation.
It has been rcpeatedly stated that the formation appears ne
ither in the old Irish of the glosscs nor yet in the Saltair
Some Remarks. 45
naRann. Thcre secms reason to dcmur to thc huter sta-
tement.
In I. 3308 do nDia dia w-adnjnn Ahnim adrann has ail thc
appearance of being a form of the verb adraiiii (adoro).
In line 2919 cain adraim cacli tucht ro thecht, thc word is
apparently an adjective and pcrhaps also at 3303 int Abram
adrann ochein. Thcre docs not appcar to be any refcrcncc to
the word in Stoke's index.
Another passage which seems worth examining is 1. 4607.
where it will be well to quote thc context.
Taircc'd int-angcl do nim
i comdail Arôin imdil,
con-iniiisenii dô ccn len
adlaice macc n-Israhél.
The most natural scnsc seems to be « that he (Aaron) niay
tell him (the angel) thc désires of the Children of Israël ». If
the form be regarded as a hrst pcrson of the secondary présent
it would, I suppose mean, « that I (Moses) may (throiigh
Aaron) tell him... », etc.
For co with the enclitic 3'^' person cp. co trascrand feda
BB 243 ,3 14 imthigid in dall cen co faicend ni LB 212 «32 co
niarbànn cach dib aroilc BB 467 a 25 . (at LL 266 ^ 34 we hâve
condasmarband).
It will be wcll to examine thèse two torms more closely
namely thc i" pcrs. sing. secondary près, and the enclitic 3''^
singular.
In Windisch's grammar thc former is given as nohcriuu and
thc lattcr as no berend, but thc distinction is purcly lictitions.
The cight examples given by Zeuss of the former trom the
Wurzburg glosscs certainly ail shcw the n (six -nn two -n)
but the -nd forms are abundant in LU. (cp. 16 X44 ff. where a
number of them appcar) and conversely -nn forms of the y^
sing. are just about as common as -nd in middle Irish. In both
cases the -nn forms seem no doubt the older. As regards the
appearance of /, of the eight i" persons from the glosses two
lack \t da^nenn lo^^i duf^nén lo^ié. In middle Irish it appears
in a vast prépondérance ot examples; pcrhaps at LL 1373:20
44 W aller J. Piirton.
ban-tuathecha Tuatha d. d. is me noscanand co crûaid the
fac-similé is wrong. On the other hand i-forms are quite
common in the enclitic 3'"'-^ persons so that it seems impos-
sible to draw any distinction so far as the termination is
concerned.
A very large numbcr of instances ot the -un y-^ person in
middle Irisli belong to the category where the torm is used in
narration with no prehxed^ Thèse are referred to by Stokes in
the article mentioned above : « ein praeteritum der gewohnheit
wurde in derselben weise durch preehgirung von do oder no
vor das gewohnheits pr. gebildet ». It is strange to find Stokes
giving countenance to the « consuetudinal » myth. A very
short examination of the torm in LL and BB will shew that
no idea whatever of habit or frequencv attaches to it.
Consider nosleg (cloideam) uime 7 iiosnmrhann ien BB
459 a 23 7 nosiiuirbanii fen amlaid sin ib. 483 i^ 35- The example
given by Stokes from LU srengais lais isind crand 7 nosUbcnd
focétôir is however typical of a large number of mstances
where the tense and person are tixed by the tirst verb which
is followed by the colourless -nu form.
Not infrequently the -mi form takes the place of the 3'"'* pers.
in -ad of the secondary présent. Cp. LL 89 a 25 is cumma co
iigoiiiïd a araid, but 1. 37 is cumma co iigonaud ;i araid. Stokes
has remarked on this use. Concerning no fachand LL 109 a 14
he says R. C, XIV, p. 397 « sec. près. ... 3'''' sing. ;/() rannad
and other forms in -ad -cd but also 110 fachand ». Possibly this
association of usage may hâve had something to do with the
similarity ot the terminations.
A rather favourite use of the torm is in glosses thus at LL
61 a 28 tincais is glosscd .i. nosfcgand cp. ib. 74x35.
As a rule the -nn forms are exclusively singular cp. BB
256x42 na cuirp... ni lohait itir 7 ni lohann cid in feoil. But
evcn this rule does not seem without exception. In the gloss
on the Altus Prosator (Lib. Hymn., vol. I, p. 69) crand... for
'. It is to be noted, that no also appears, when -n« takes the place of the
regular relative torm. Compare mairg triallus cen luing dar 1er Sil". Gad.
563, 26 with : mairg thachrus... mairg nostriallann teiin fri tenn ib. 70, 9.
Some Remarks. 45
na lenain cuile... sed cadent, if the reading is right, lenain must
be an example of -iiii form. Before Icaving this narrative use
of the form it may be remarked that while do as a prefix is
very uncommon, there are a few instances o^ro-, cp. LL 203 x 1 1 ,
243 (i 7, BB 453 a 23, 461 z 28, 480347- But considering the
great similarity of r and // in manuscript it may perhaps be
doubtcd whether thèse are genuine.
In the article before referred to Stokes suggested that thèse
forms were in their origin verbal substantives (or adjectives).
And although this theory has long ago been superscded by
Thurneysen's explanation, it may be not without interest to
examine some torms, which shew, at least, the possibility of
such an origin.
In Scotch Gaeli: the 3'''' sing. in -//;/, strictly speaking, does
not exist; but in one verb at least forms appear bearing a stri-
king resemblance to it. [In the passages I am about to quote
O. G. stands for Orain Gaidhealach, Glasgow, 1870. F. G. for
A)n filidh Gaidhealach, Inverness, 1877. R. D. for Morrison's
édition of Rob Donn, London, 1899.]
ar luchd-eôlais nach'eil maireann F. G., p. 34.
thad's bu whaircann R. D., p. 33.
thad sa bhithinn beo na mairiunn O. G., p. 5.
(In this pièce the spelling is eccentric; ihad is cx'xiXtwûy jhad
and I hâve corrected the misprint bhithinu.)
's na daoine bh'ann, cha inhaircann iad O. G., p. 227.
mar lagh na linnibh nach iiiairionn (« as law of âges that
are not ») Campbell's Taies, II, 39).
rinn slâinte mhaireann a'm'chri O. G., p. 153.
Me Alpine s. v. maireann has :
« n. m. life time; adj. living... ri d'mhaireann during your
life time; cha mhaireann e he is not living; amfear nach mai-
reann... he that is no more. »
It is, of course, possible that maireann in thèse instances
and mairenn in e. g. Silv. GcuL, p. 290, 9. dd raibe
a btuair bas... dona tiannaib i gcionn a mairenn diob, similar
46 Waher J. Purton.
though they appear in form and mcaning, hâve a différent
history, still it seems plain.
That we havc hère a verb-noun, that is on the high road
to become a finite verb in the third person ; also, that such
a form might well hâve becn the starting point of a usage
developing on precisely similar lines to the Irish forms.
Note. — Another comparison suggests itself, supposing the Irish -un
forms to hâve been in origin a verb noun. In that case such a sentence
as gabais N. gai... 7 noscroithind BB 472 |3 4i which is typical of a very
large number in LL and BB bears a considérable resemblance to a Welsh
construction cp. Anwyl Gr., § 323, who gives as an example: aethant i 'r
ty ac eistedd a bwyta, where cistedd and Inuyia are verb-nouns.
Walter J. Purton.
LE DIEU CELTIQUE MEDROS
Schweighaûser a fait connaître autrefois un bas-relief trouvé
vers 1822 sur une colline près de Haguenau, en Alsace et
F!G. I.
qui porte une dédicace au dieu Medros (dat. Medru)\ Suivant
le dessin publié par le vieil érudit (lîg. i), ce dieu était figuré
I. Schweighaûser, Màn. Soc. des antiquaires de France, VI, 1842, pi. I,
48 Franz Cumont.
debout, tenant de la main gauche une lance et approchant la
droite des cornes d'un taureau placé derrière lui. Vêtu d'un
simple manteau, retombant derrière le dos, il avait la tête coiffée
d'un bonnet phrygien. Ce bonnet phrygien et la présence du
taureau induisirent Schweighaûser à reconnaître dans Medros
Mithra, dont le culte était, comme on sait, très répandu dans
les deux provinces de Germanie. Cette conjecture a depuis fait
son chemin. En 1878, M. Karl Christ \ tout en combattant
l'idée que le dieu représenté tût identique à Mithra, s'efforça de
démontrer que le celtique Medros ou Merdos, qu'il préfère,
était l'équivalent de l'iranien Mithra, et il crut que l'un et
l'autre remontaient à une origine aryenne commune. Cette
étymologie a été sanctionnée par la haute autorité de M. Holder
dans son Kdiischer Sprachschat^^^.
J'ai déjà repoussé le rapprochement que Schweighaûser avait
voulu établir entre son bas-relief et les monuments mithriaques3,
mais une discussion archéologique était difficile, car la princi-
pale pièce de conviction avait disparu. La pierre autrefois en
possession du savant alsacien fut léguée par lui à la Bibliothèque
de Strasbourg et périt, avec les autres richesses de celle-ci,
dans le déplorable incendie de 1871. Seulement, pour Medros,
ce malheur n'est pas irréparable. M. Gaidoz a bien voulu me
signaler récemment un trère jumeau du monument détruit,
conservé dans la collection de M. Nessel, ancien maire de
Haguenau. Ce bas-reliet, taillé dans le grès calcaire du pays,
mesure 64 centimètres sur 36 ; il fut découvert, il y a une ving-
taine d'années, à Gunstett, aux environs de Wôrth, et avait
2. « Ce bas-relief, dit l'auteur, est d'un grès assez fin; il a 23 pouces de
haut sur i pied de large, il a été trouvé en 1822 ou 1823 dans la forêt de
Haguenau et m'a été donné par Vincent Wernum de Haguenau, proprié-
taire du fonds où il a été déterré en dessouchant un vieux chêne. « Ailleurs,
il précise davantage le lieu de la découverte. « En arrachant des souches
d'arbres d'une colline appelée Dachshûbel [ou DaxhûbelJ et située aune lieue
de Haguenau sur la droite de la route de Wissembourg. » Cf. C. I. L., XIII,
6017. — M. Otto Hirschfeld a eu l'obligeance de me communiquer les
indications réunies dans ce volume non encore distribué du Corpus.
1. Karl Christ, Bonner Jahrbiïcber, 1878, p. 53 ss.
2. Holder, s. v. Medros « Keltische Form von Mithras ». Il en rapproche
le surnom de Meduris porté par Toutatis, Bull, coiniii. Roina, 1885, p. 141.
3. Cf. mes Mon. relatifs aux ntyst. Je Mithra, t. II, p. 425, n" 312.
Le dieu celtiejue Medros. 49
servi à recouvrir des vases à incinération de la dernière période
romaine : quelque colon s'était donc emparé d'une pierre votive
pour construire le tombeau de ses parents. M. Nessel, à qui je
dois ces renseignements, a eu l'extrême obligeance de m'adresser
une photographie de ce morceau de sculpture, en m'autorisant
à le publier (fig. 2). On y'^voit un personnage dont l'attitude,
le costume et les attributs rappellent absolument ceux du monu-
ment de Schweighaiiser: un homme debout, vêtu d'un grand
manteau militaire jeté sur ses épaules, tient de la main gauche
l'extrémité de la hampe d'une lance posée sur le sol et de la
droite il saisit une corne d'un taureau ou d'une vache. Seule-
ment il n'est pas coiffé du bonnet phrygien, mais porte un
casque rond, muni dejugulaires, qui encadre son visage, auquel
Revue CtltiquCy XX.V. 4
50 Franz Cnmont.
l'ariiste a prêté une expression farouche. Il est probable, pour
ne pas dire certain, que ce casque, grossièrement sculpté,
a été pris par Schweighaùser pour un bonnet phrygien garni
sur les côtés de brides ou fanons, et avec la disparition de cet
attribut caractéristique tombe la principale raison invoquée par
lui pour faire un Mithra de Medros.
Qu'était en réalité celui-ci ? Quelque génie local de la vieille
population celtique établie au Nord de Haguenau. Peut-être
son temple rustique s'élevait-il sur cette colline de Dachshiibel,
où fut mis au jour le bas-relief aujourd'hui détruit. Son casque,
sa lance et son manteau militaire prouvent qu'on le regardait
comme un dieu de la guerre. Le bœuf qu'il saisit par une corne,
n'est pas un animal destiné au sacrifice, ni, comme dans les
mystères mithriaques, le héros de légendes sacrées ; c'est sim-
plement, je pense, le butin que le vainqueur a conquis et
ramène. Plutôt que de songer à une relation étymologique
entre Medros et Mithra, je croirais volontiers que l'assonance
fortuite de Medru et Marti a facilité une confusion de ces divi-
nités protectrices des soldats ^
Franz Cumont.
I. L. Christ, /. c, a invoqué au contraire une inscription de Baden, qui
serait une dédicace. In h(o)iorem) d(oinus) i/(iviiiae) deo Merciir. Merdn, pour
conclure que Merdos (sic) aurait été assimilé à Mercure. Mais il faut lire le
texte: Deo Merciir(io) Merc(atoii); cf. C. I. L'., XIII, 6294 (communication
de M. Hirschfeld).
Remarque : Le dieu gaulois Medros est peut-être identique au dieu
irlandais Mider (Windisch, Irische Texte, t. I, p. 127, 1. 9, 11, 15 ; p. 128,
1. 16, 19; p. 129, 1. 1, 10; p. 130, 1. 18), génitif Midir (ibidem, p. 129,
1. 30; p. 132, 1. 7, 20), d2iXii^M\d\[u]r (ibidem, p. 129, 1. 24). — Consulter
aussi AcaUam na senôrach, édition donnée par M. Whitley Stokes, Irische
Texte, quatrième série, Fe livraison, p. 12, 138, 139, 141, 142, 143, 193;
édition de M. Standish Hayes O'Grady, Silva gadeJica, texte irlandais,
p, 103, 197-201; traduction anglaise, p. no, 223-225. — Dindknchas,
édition donnée par M. Whitley Stokes, Revue Celtique, t. XVI, p. 290,
291, 463, 464, 482, 483 ; t. XVII, p. 45, 46, 78, 79. — Cours de Uttèraliire
celtique, t. II, p. 274, 311-322. — Mémoire de M. H. Zinmier, dans la
Zeitschrift de Kuhn, t. XXVIII, p. 585-594.
Note de la Rédaction.
SUR L'ÉTYMOLOGIE BRETONNE
I. — BOKEDAO OSTALERI; DOUR DERV ;
UHELVAR, IHUEL-VAD; ISEL-VAR.
1. Le breton possède au moins qu:itre expressions distinctes
pour désigner le gui.
L'une, propre au dialecte de Tréguier, est à Lanrodec hohedao
ostaleri, à Trcvérec bohedo osiahri, c'est-à-dire « fleurs d'au-
berge », parce qu'une touffe de cette plante sert d'enseigne aux
cabarets bretons. Le gui ainsi employé est d'ordinaire celui du
pommier. Cette désignation est signalée comme omise par les
dictionnaires dans ma brochure De l'urgence d'une exploration
philologique en Bretagne, Saint-Brieuc, 1877, p. 9. L'usage auquel
elle fait allusion existe aussi en Haute-Bretagne, cf. P. Sébillot,
Traditions et superstitions, Paris, 1882, II, 316, 317.
2. Une autre qui a été commune à plusieurs dialectes, est
attestée d'abord dans le Nomenclator de 1633, où on lit, p. roo :
« guy, dour deru, 1. viscum, offic[inis] viscum quercinum » ;
cf. mon Glossaire moyen-breton, 2'-' éd., 195. Le P. Maunoir
l'écrit dour dero en 1659. Pierre de Châlons, dans son diction-
naire vannetais-français (paru, après sa mort, en 1723), donne
« deure derf... gui de chêne », et dans son dictionnaire franc. -
van. resté manuscrit: « guy de chesne, dcur derf... » Le P.
Grégoire de Rostrenen a : « gui, excroissance d'arbre, ou plante
qui nait sur le chêne, sur le poirier, pommier, prunier, etc.
dour-déro. Van... dëur-derv. »
Cette expression ne semble guère connue par la suite. D. Le
Pelletier donne seulement en van. « deur derr ou derf. Gui de
p E. Ernault.
chêne, mot à mot, eau de chêne » ; ce qui ne doit pas pro-
venir d'une observation directe, non plus que ce passage de
Roussel DIS (à doiir, sans indication de dialecte) : « deur derf
gui de chêne mot a mot eau de chesne ». Le Gonidec n'a
rien de semblable, ni Troude dans son Dictionnaire français et
celto-breton, Brest, 1842. Celui-ci, dans son Nouveau dictionnaire
pratique français et breton, 1869, donne donr-dero m., mais en
le faisant suivre de Gr., abréviation du nom du P. Grégoire,
auquel il a dû emprunter aussi le van. enn deur-derv. Son 'Nou-
veau dictionnaire pratique breton- français, 1876, reprend simple-
ment les mêmes données. « Ce mot, dit-il, est composé de dour,
eau, et de dero chêne. Cette acception (eau de chêne), ne me
paraît pas heureuse pour désigner le gui. Le P. Grégoire la
donne cependant. Tout au plus dour-dero pourrait-il signifier
semence du gui. Celle-ci, en eftet, est enveloppée dans une
baie dont le suc visqueux, appelé glu, retient la semence sur
la branche, et ne disparait que quand la semence a germé et
quand elle se trouve fixée sur la branche. »
Le mot existe pourtant en Léon, mais dans un autre sens.
G. Milin a écrit en marge d'un exemplaire du dernier diction-
naire de Troude : « dour dero eau de chêne. Cette eau est un
remède connu contre les blessures intérieures de l'homme.
Pour l'obtenir, on saigne les chênes au printemps en les per-
çant avec une vrille. La sève sort par ce trou mais l'arbre
meurt sans tarder. » Dour dero a le même sens en bas Tré-
guier, comme me l'apprend M. F. Veillée, d'après M. l'abbé
Le Pennée. M. du Rusquec, qui n'avait pas parlé de ce mot dans
?,o\'\ Dictionnaire français-breton , Morlaix, 1883- 1886, donne dans
son Nouveau dictionnaire pratique et étymologique, Paris, 1895 :
« dour-dérô, sm. Liqueur qui produit en se condensant le bois
de chêne; dour eau et derô, derv chêne ». Cette définition perd
de sa singularité si on la rapproche du renseignement fourni par
Milin : l'auteur a voulu parler de ce liquide qu'on extrait du
chêne; comparez son explication du mot français ^m': « liquide
qui forme le bois. »
A Trévérec, dour derv désigne la sève du chêne, quand elle
sort du bois qui brûle : on la met sur les verrues pour les faire
disparaître.
Sur VÉîymologie bretonne. 5 3
Avant Troude, Bullet a été choqué de cette association de
mots et d'idées : « eau de chêne » pour « gui de chêne ». Sans
même mentionner cette explication, il imagine une autre éty-
mologie. « Le gui de chêne est, dit-il, une excroissance de
chêne ; ainsi Dour signifie ici excroissance ; il est le même que
Tiurr, prononcez Tour ou Dour, congestion, amas, tas. » Mais
le correspondant du gallois hvr, amas, monceau, n'aurait ni
un d radical, ni une variante vannetaise avec eu.
Le passage de Pline l'Ancien cité par le savant directeur de la
Revue Celtique, XXIV, 345, aide à entrevoir la solution de ce
problème qui appartient à la sémantique et à l'histoire médi-
cale. L'expression « eau de chêne » a dû être appliquée au gui
(de cet arbre) par une extension abusive, venant de ce qu'on
emplo}ait comme remèdes divers liquides empruntés plus ou
moins directement au robuste végétal. D'après le texte le plus
ancien (Pline, XVI, 251), les Gaulois regardaient la tisane de
son gui comme propre à rendre fécondes les femelles et à
combattre tous les poisons. Selon d'autres témoignages récents,
mais qui ont l'avantage d'être liés à l'expression en question,
les Bretons prennent la sève même du chêne comme remède
« contre les blessures intérieures » et contre les verrues. Cette
seconde acception de dour dero s'explique d'elle-même ; elle a
chance d'être antérieure au sens de « gui de chêne ». On sait
que cet objet est une rareté; la tisane du gui de chêne étant
difficile à trouver, on y aura suppléé par des succédanés ayant
droit au nom d' « eau de chêne » qui lui-même a pu être,
d'un autre côté, une abréviation d' « eau de gui de chêne ».
Puis la plante rare a été désignée par cette « eau de chêne »
où elle n'entrait plus ni de nom, ni de fait. C'est à peu près l'in-
verse de ce qui est arrivé au français tilleul, qui désigne tantôt
l'arbre, tantôt sa fleur, tantôt une infusion de cette fleur.
La phrase du P. Grégoire, « le gui est bon pour plusieurs
maux », où M. d'Arbois de Jubainville a soupçonné une
influence savante, n'est, je crois, que l'expression d'une opinion
populaire, encore vivace en Haute-Bretagne. Cf. Sébillot, Tra-
ditions et superstitions, II, 316, 317, où l'on voit que le gui de
chêne est le plus recherché ; que le gui d'épines blanches guérit
la fièvre, la colique, et qu' « on le fait bouillir » ; que « le gui
54 £• Ernault.
mélangé à la nourriture des chèvres et des vaches leur fait
donner du lait », etc.; et les Additions aux Coutumes, tradi-
tions, etc., par le même auteur, Vannes, 1892 (extrait de la
Revue des traditions populaires, t. VII), § 209 : « On dit que le
gui de chêne guérit ceux qui tombent du haut mal. » Voir
plus loin, § 4.
Le procédé barbare signalé par Milin pour extraire 1' « eau
de chêne » rappelle l'expression d'argot « faire suer un chêne »,
c'est-à-dire « tuer un homme » ; on sait qu'une opération de
ce genre n'est pas mortelle pour d'autres arbres, comme le pin
résineux. Mais il peut bien y avoir là une coïncidence fortuite:
les rapports possibles entre deux idées sont en nombre illimité'.
Virgile ne pensait à tuer ni homme ni arbre, quand il voyait
d'avance les chênes « suer » du miel : El dura' qucrcus sudahunt
roscida niella; merveille réalisée — d'une façon toute naturelle
— par Brizeux, dans sa pièce symbolique « Le miel du chêne »
(au deuxième livre des Histoires poétiques^.
3. Les deux noms qui précèdent sont des juxtaposés à la
mode française, où le déterminant suit le déterminé. Il en est
autrement des autres appellations bretonnes du gui.
Uhelbar qui se trouve dans le nom trécorois K(er)ubelbar,
en 1540, voir Gloss. nioy. -breton, 731, 2, doit être une notation
archaïque de uhel-varr, gui Grég., uc'bel-var Pel., uc'hel var
Roussel nis, huel-var, uc'bel-var m. Le Gon., huel-varr, en
Cornouaille uc'bel-varr Troude, huelvar, puis huel-iuar, uchel-
-var du Rusq. ; van. ehilel var' « guy de chesne » Châl. nis,
ihuél-varrem. « gui ■», Dictionnaire fraiiçois-breton... du dialecte
de Faunes... par Monsieur L'A***.".. A Leide... MDCCXLIV;
ihuelvar m. Guillevic et Le Goff, Exercices sur la Grammaire
bretonne, Vannes, 1903, p. 72, etc. On dit en Tréguier huelvar.
Le sens propre de ce composé est aussi clan* que pour les
I. '< On comprend sans peine qu'il s'agit ici d'une sueur de sang », dit
Francisque Michel, Etudes de pliilologie coinparéL' sur l'aioot (1856) ; cependant
il cite l'ancienne locution faire suer, pour « piller ». Lorédan Larchey, Dic-
tionnaire... de l'argot parisien (1872), voit dans chêne « homme bon à voler,
riche » une abréviation de chenu. A. Delvau, Dict. de la langue verte, nouv.
éd., donne: chêne, homme victime, dans l'argot du bagne; chêne ajjranchi,
voleur, et dit que les voleurs anglais appellent oak un homme riche.
Sur FËlymologic bretonne. 5 5
précédents: c'est littéralement « haute branche », comme son
synonyme gallois uchelfar.
On l'a généralement expliqué ainsi, non sans quelques
variantes d'interprétation. « Il signifie, dit D. Le Pelletier,
Haute branche, ou Sur-branche , ce qui convient au Gui, espèce
d'arbuste né sur les grosses branches des vieux arbres. » Le
Gonidec traduit ici huel « haut », puis (dans la 2*= éd. posthume)
« haut, sublime » ; Milin nis : « branche élevée, détachée du
sol et faisant partie de l'arbre sur lequel il pousse » et « Huel
varr Dieu branche ? »
Roget de Belloguet, Ethnogénie gauloise, I, 2" éd., p. 232,
cite d'Em. Souvestre (Le foyer breton, p. 34) cette explication :
« l'herbe qui vient d'en haut » ; ceci semble une glose très
vague. M. du Rusquec, dans son premier ouvrage, décom-
pose huelvar en « huel haut, var dessus » ; dans le second, buel-
-ivar en « huel élevé, barr branche », et uchel-var en « nchel
haut, var dessus ou barr branche ». La préposition war n'a
rien à faire ici.
M. Loth, Rev. Celt., XIX, 13, dit que ce nom, commun au
gallois et au breton, paraît n'oftrir rien de mystérieux et semble
signifier branche, touffe élevée. Je crois qu'en effet le mot s'ap-
plique à cette plante parce qu'elle présente la singularité d'être
sans contact avec le sol, comme la plupart des autres et en par-
ticulier le lierre, comme elle végétal parasite et toujours vert.
Cf. un autre nom gallois du gui, pren aiuyr = « la plante
aérienne » ; en allemand Inflige et non lustige, comme porte
la 4^ édition de la Deutsche Mythologie de J. Grimm, Berlin, II
(1876), p. 1009; ce doit être une faute d'impression.
L'auteur explique le gall. pren uchelvar « baum des hohen
gipfels » (l'arbre du haut sommet) ; bar a plutôt ici le sens de
« branche ». Il cite à ce propos un passage de l'Hdda : « hoch
iiber das feld stand gcwachsen der zarte schône mistelstab » .
D'après le même ouvrage, t. III (1878), p. 354, le breton
huelvar est devenu plus tard heller. J'ignore la source de ce
renseignement, qui doit être erroné.
4. M. Loth a signalé, Rev. Celt., XIX, 13, le nom du gui
usité au Faouët, ihuel-vad, qui voudrait dire « [un] bien élevé ».
Il le regarde comme une variante de ihuel-var détorméc sous
56 E. Ernaiilt.
l'influence de propriétés singulières attribuées à cette plante.
Je crois qu'il a raison ; nous avons vu au § 2 que le gui jouit
encore en Bretagne d'une excellente réputation.
On peut ajouter que Vr final de ihuel-var était exposé à
divers accidents de dissimilation, à cause de l'autre liquide /
qui précède. Le gallois a multiplié davantage les variantes voi-
sines de uchelfar. Le dictionnaire anglais-gallois de Thomas
Johnes, 3" édit., 1826, donne, p. 490 : uchelfa, uchelfar, uchel-
fel... ; celui de Silv. Evans (1858): uchelfar,... uchelfal,... uchel-
fa...; celui de W. Spurrel, 3^^ éd., 1872: uchelfal, uchelfar, et
son dictionnaire gallois-anglais (3 '^ éd., 1866) : uchelfal, uchelfan,
uchelfar... Le Geiriadur cymraeg a saesoneg anonyme, Caerfyr-
ddin, 1832, n'a que uchelfa, uchelfal (et uchellawr').
Si le breton a eu une forme *ihuelva, comparable au gall.
uchelfa, ce *va pouvait faire l'efl^et d'nne variante de -vad: cf.
van. deit ma, bien venu, de deit mad, etc. C'est une question
spéciale que nous examinerons dans un autre article.
Les Gallois ne se sont pas contentés de faire subir à ce mot
de formation claire uchelfar « haute branche » des variations
en parties phonétiques qui l'ont métamorphosé en uchelfa,
uchelfan « haut lieu », etc. ; ils en ont aussi remplacé le second
terme, soit par un autre mot, soit par un suffixe : uchehuydd,
uchellawn, uchelawg, etc.
5 . En breton, la tendance à la difterenciation s'est exercée
en outre sur le premier terme de uhclvar et l'a remplacé par
son contraire isel bas. Chàlons donne: « ici [c'est-à-dke à
Sarzeau] isél-varre, gui de chêne » ; le P. Grégoire : van. en isel-
-varr « gui, excroissance d'arbre » ; aujourd'hui « chez les Van-
netais des côtes » isel-var (Loth, Rev. Celt., XIX, 13) et une
découverte inattendue de M. Stokes a montré que ce mot existait
en vieux breton, écrit hisxlharr {Zeilschrift fur cellische Philo-
logie, I, 18, 19, 23).
M. Loth interprète isel-var « touffe basse » et dit que « la
contradiction s'explique probablement par le fait que le gui
pousse à des hauteurs diverses suivant les espèces d'arbre ».
Cependant, ajoute-t-il, « en vannetais, il semble bien qu'il
s'agisse du gui de chêne », à cause de la synonymie entre ce
mot et dmre dcrf dans Châlons. Pour concilier ces deux remar-
Sur r Êtymologie bretonne. 57
ques, il faudrait supposer que hisœlbarr, isel-var a désigné à
l'origine le gui d'un autre arbre plus petit que le chêne. Il est
possible, en effet, que la création de cette variante ait été
amenée par le désir d'une pareille distinction. Mais ce n'est pas
sûr; et nous ne voyons pas que les Gallois aient songé même
à tirer ainsi parti de leur luxuriante synonymie. Il se pourrait
que isel-var fût une variante d'uhel-var créée en quelque sorte
machinalement et justifiable après coup, soit parce que le gui
est plus ou moins haut perché sur la même espèce d'arbre, ou
sur le même arbre — il pousse le parasitisme jusqu'à s'implanter
sur sa propre espèce ! — soit parce que c'est toujours une plante
basse ou de petite taille.
6. Le Bar^a:^ Brei^ (éd. de 1867) porte en cornouaillais :
huel-var ann derven, le gui du chêne, p. 62, puis losket ar var
gandann dero, laissez le gui au chêne, p. 63 . Il y a là abréviation
par aphérèse et non par décomposition, car « la branche » se
dit ar bar, m.
7. La Deutsche Mythologie, 4'-' éd., II, 1009, donne en bret.
ollyiach, gui; c'est un mot forgé d'après le gall. olhiach, cité
ibid. (holliach).
IL — IHUELVAD; CROÉ, FLÉYE, TIRLË, LEURHÉ,
BKEUÉK, REU ; DIBERDÉ, PERD RI, PREDI, PLE-
DERI, PIDIRI; KELTRÎ ; BREDIAH, BREDERAG' ;
-El, -AJ.
I. Nous avons réservé, dans l'article précédent (§ 4), une
question de détail ; celle de savoir si le remaniement d'ihuelvar
en ihuelvad par « êtymologie populaire » a été favorisé par une
forme intermédiaire d'origine phonétique *ihuelva, semblable,
au moins extérieurement, au gallois nchelfa.
Je ne vois pas en vannetais de cas tout à fait identique;
mais en matière de dissimilation, les lois phonétiques sont loin
d'avoir une rigueur absolue. Ainsi le moyen breton crotT^r,
crible, est devenu dans la langue moderne :
1° en Léon kroer, en Tréguier kreur, sans dissimilation;
58 E. Ernault.
2° en bas vannetais croc (Loth, éd. de Châl., 15), en haut
cornouaillais knue (F. Vallée), par suppression du second r;
3° dans le sous-dialecte vannetais de Batz (presqu'île du
Croisic, Loire-Inférieure) iir honcir, un crible, par suppression
du premier ;■ (voir § 5) ;
4° dans le haut vannetais clocrc Châl., clouire l'A., par trans-
formation de ce premier r.
On pourrait attendre aussi: 5° *kroel, d'après le trécorois
furol, fureur (à côté de furor et fulor), Gloss. moy. hrcL, 22,
572, etc. Cf. M. Grammont, La dissimilation consonantique,
26-32, etc.
2. Le van. fléyc m., puanteur l'A., ne correspond pas au moy.
hrct. fiacr,Jîear,flcr, mais doit sa forme au dénwéfléyuss, puant
l'A., de flerius Châl. nis, moy. hrti. flaeriiis, fleryus; cf. van.
derguéye, degré, du pluriel derguéyeu, etc., Gloss., 149, 150.
Le moy. bret. a gluesque, guescle et gluesquer, grenouille ;
mais cette dernière forme n'est pas la source des autres,
comme on le verra au n° suivant.
4. Le petit trécorois lirlc, le cheval du milieu de l'attelage
(à trois chevaux) doit venir de son synonyme lirlcr {Gloss.
moy. hrcl., 745), qui paraît composé du franc, tirerai de leur
c'har, kur-gor, timon de la charrette, voir mes Notes d'étviiiolo-
gie, n° 30, p. 50 ; M. Vallée a noté à Kerity tirleur. Mais l'ac-
tion de / était renforcée ici par celle du premier r.
5. Il en est de même pour leur-guar, van. leurhé, aire d'une
ville Grég., Rev. Celt., XV, 388, où les deux liquides se pré-
sentent dans l'ordre inverse.
Il est possible que Vr de iir, un, soit pour quelque chose
dans la réduction de ur c'hroer à nr honcir en vannetais de Batz
(§ i); mais ce langage a aussi hoiiadur, enfant, de kronadur.
Voir § 7- ^
6. Comme nous l'avons vu dans le bas van. croé = croe^r,
§ I, l'r final peut tomber dans une syllabe contenant un autre
r. Il y a un fait tout semblable dans le bas van. breu {brc, sans
la diphtongue vannetaise), frère, = breu:^r, Loth, Chrestomathie
Bretonne, 375, 379, Rev. Celt., XVIII, 394; cette chute persiste
même dans le dérivé breuék, petit frère, VII, 184.
Le bas van. rciu (reù) derrière = revr, Rev. Celt., XVIII,
Sur rP.tymologie bretonne. 59
394, montre qu'il n'est pas nécessaire que les deux r aient été
précédés d'une consonne.
On peut ajouter le trécorois ara ou arar, charrue, plur. cré
ou érer, Hingant, Eléments de la grantmaire bretonne, 17, moy.
br. ara::/, ala^r, haut Léon alar.
7. Les deux r ne sont pas toujours dans la même syllabe:
van. diberdé (ménage) où il n'y a rien de fait ni rien à faire
Châl., diberdé, sans inquiétude, diberdérr, oisif, diberdérr, fai-
néant, dibredér, qui est un sans souci l'A., dibreder, fainéant
Chàl., ReiK Celt., XX, 200.
Le bas van. predi, inquiétude Loth, éd. de Chàl., 71, ne
vient pas de predir pour predér {hep predér, à l'improviste Châl. ,
ne brediras, il ne s'avisa Buléon, Histoér sant., 1897, p. 62),
mais de *predri, varhnte de perd ri « souci « que Châl. wj- donne
avec un exemple {perdri bras endes, il a grand souci) et le
dérivé perdrius « chagrinant », à côté de perderi « chagrin »,
perderi, prederi « inquiétude ». Cf. van. qnerteri et keltri, fiimine,
Gloss., 549; petit tréc. kertri, indolence, paresse, kerlrius, pares-
seux, Rev. Celt., IV, 158. Pour l'/de keltri, on peut comparer
le léonais plederi = predir i, voir Gloss., 5 10 ; cf. plus haut eloére,
ala:(r.
Une variante pidiri sans le premier r (cf. § 5) est attestée
une fois en moy. breton, au lieu de la forme ordinaire y^nW/V)';
c't. comique pedeere pour predér aie soin, Kev. Celt., XXIV, 6.
Ceci rappelle pichirindet, pèlerinage Sainte-Nonne, 230, pour
pirchirindet.
8. Predi venant de prederi par *predri, d. perdri, permet de
poser entre le van. brediah, confraternité Châl., bredieh f., con-
frérie, société Châl. ms, berdiah, i. l'A. et*breuderiaei= gd\\.
brodoriaeth, l'intermédiaire *bredrieah, d'où *bredriah, *bredrieh,
*berdriah; ainsi la syllabe er n'est pas tombée en une fois,
comme je le supposais, Gloss., 82.
Un indice de la forme complète *breuderiae~, *brederieah est
resté en van. dans bredirag' , brederag', confraternité Châl. nis :
cf. moy. bret. baeleguie^, prêtrise, van. bcleguiah Châl., bœle-
gniah f. l'A., belegnieh Châl. ms, léon. badeguie- Gr., bélégie:;^ f.
Le Gon., à côté de léon. bceleguiaieh Gr., bélégiach f. Le Gon. ;
la même alternance se retrouve dans autroniez^ et autroiiniaig ,
6o E. Ernaidt.
seigneurie, m^stronye:(, mxstronyaich, autorité, maîtrise, hudiir-
ne:(, hudurnaig, hudurnyaich , saleté, Gloss., 'yii, etc. Le second
de ces suffixes vient du franc, -âge, voir Notes d'étym. bret., 9,
10, 13, nCn^s, §6, 7, 17).
9. Certaines variantes avec et sans r final après voyelle, en
dehors de l'action d'une autre liquide, s'expliquent tantôt par
la chute ou la transformation d'un ancien :^ doux, tantôt par
un échange de suffixe, tantôt par des influences analogiques;
voir Epcnthêse des liq., 48, 49 (§ 63).
m. — GWESKLE, GLESKER, TONOULOSCAN.
I. Le moy. bret. avait: gluesqucr « granoille, raine des
champs », Catholicon a; gluesqiicr (2 fois), C ins \ gluesque,
C h ; gluesque, guescle, C c.
Les formes modernes sont :
guësqle,goué'sqle, pi. guësqleved, gouësqleved « graisset, ou raine
verte, espèce de grenouille venimeuse «, Gr., gwesclê, bas cor-
nouaillais et léon. gwesclef, plur. giuesclêvet, grenouille, Pel.,
giuescle, gwesclef, pi. gwesclevet , gwescleyer , Roussel nis ; gwesklév ,
gzuesklé, f., pi. gzueskléved, grenouille de haie, Le Gon. ; gives-
klén. Le Gon., 2^ éd. ; giueskle, gwesklev f., pi. gweskieved, gre-
nouille verte ou de haie, T r oude, giueskkn, Milin ms ; gweskléon
f., pi. gweskieved, grenouille du Rusquec, gwesklé, id., dict.
bret.-fr. ; en GotWo gwesklev, à Ploubazlanec^îwVÀ'/a', à Paimpol
gwisklef, en petit Tréguier giuisiklé, gwichikU f. ;
gwescler, grenouille, Pel. ;
glesquer, pi. et, grenouille de haie, P. Maunoir, glesqer,
gluësqer, \'2in. gloësqer, pi. ed, graisset, glesqer, pi. r^_, grenouille
de haie, Gr., glesker m., pi. ed, grenouille de haie, mot trécorois,
Le Gon.,Trd, du Rusq., glesqer m. Fables de Goësbriand, i,
Fablou de Ricou, 4, etc., \an. glasquer « grenouille des jardins,
des prés » Chàl. lus., aujourd'hui gloeskêr, glueskér Çglëchqër à
Saint-Caradec, etc.), m. pi. ed, grenouille des champs, graisset ;
glesket, grenouille, Pel.
M. Rolland, Faune populaire, III, 74, donne, d'après Taslé,
Sur l' Étymologie bretonne. 6i
gtieslév, graisser, dans le iMorbihan ; il doit y avoir quelque
erreur.
M. Vallée a entendu et noté le pluriel gwesklevi, mais ne
peut dire si c'est en basse Cornouaille ou en bas Léon.
2. D. Le Pelletier voit dans ^ifwr/é/un composé de o^zf^:^, sau-
vage, et f/c;/î, plainte, ce qui est impossible à cause de la finale.
Il trouve une grande affinité entre ce mot et le nom fameux
du Guesclin, ce qui est plus plausible, cf. § 4.
3. Bullet tire les mots bretons de glas, vert, ainsi que le
français graisset. Il a tort; cependant, je crois que la variante
glasquer pour glesker doit son a à glas : cf. glasard, ran glas
« croisset, verder, lat. rana viridis », Nomenclator (G/oi5,, 257 ;
Zeitschrift f. celt. Philol., II, 394.
Il est possible aussi que l'autre variante isolée glesket doive
sa terminaison au franc, graisset.
4. La Grammatica Celtica, 2^ éd., 1075, hésite à rapprocher
du comique gitilschin, grenouille, les mots bretons auxquels
elle ajoute le nom du Guesclin (cf. § 2).
Le dictionnaire corniquc-anglais du Rev. Robert Williams
regarde guihchin comme un emprunt probable au vieil anglais
ivelkin, et cite la forme comique plus moderne kwilken ; on peut
voir, à l'article frog du dictionnaire anglais-cornique de Jago
(1887), beaucoup de variantes de ces mots.
5. M. Stokes, Beiirage de Kuhn, V (1868), p. 451, rappro-
chait avec doute guihchin du sanscrit varshâbhû et du lat. rana,
en ajoutant que l'irl. loscàn pouvait venir de *plosc- et être
parent de l'allem. //wr/; ; mais dans son Urkellischer Sprach-
schat~ (1894) ^^ rapporte losc/ni h la même origine que loscaiiii,
brûler, de *lop-sk-.
Pictet, Les origines indo-européennes, 2" éd., I, 638, s'appuyant
sur les premiers rapprochements de M. Stokes, voit ààws guils-
chin l'animal qui se montre au temps des pluies, d'après le
comique kinetel « gencratio », et compare loscàn et frosch au
sanscrit priish, plush, asperger, mouiller.
6. M. Nigra, Archivio Glottologico, XV(i899-i90i), p. 109-
112, 50^-507, assimile l'irl. losgàn pour *flosgàn au bret. gwes-
klcn, comique guilschin, d'où l'angl. ivelkin, et compare ce
thème celtique *vlosk-, *vlesk- au latin vulgaire bruscus « rubeta »
62 E. Ernault.
(Papias), à l'allem. frosch, au grec moderne iJ,zpaT/,7., crapaud,
anciennement ^^Tpa^cç, ^pôtx/oç, grenouille, etc., etc., tout
en reconnaissant que l'origine et les relations de ces mots sont
encore des plus obscures.
7. J'ai rapproché, Zeitschrift f. ccJl. PJjHoL, II, 394, 395,
les mots bretons en question du comique guilschin et de l'ir-
landais foloscain, têtard, en les décomposant en *vo-losc- « petit
batracien », cf. irl. loscann, grenouille, crapaud, gaélique
à'^cossQ losgann , crapaud. L'origine de ces derniers, auquel on
peut joindre le nom de lieu vieux breton Tonouloscan ( « vallée
de la grenouille », cf. Toulran dans le Morbihan, etc.), serait,
comme l'ont vu MM. Stokes et Macbain, la même que dans le
g-\éY\c\wQ Josgadh, brûlure; cf. \r\. foUscadh, action d'échauder,
gû\. folosgi, brûler un peu (Gloss., 286; Macb., v. falaisg;
Stokes, Bei:(enb. Beitr., XXI, 134). L'association d'idées est
justifiée par l'humeur acre que sécrète la peau du crapaud; le
peuple en dit autant du graisset. M. de Chambure donne dans
son Glossaire du Morvan: « Ampoule f., petite rainette qui
monte sur les arbres. On croit dans le pays que son venin
fait naître des humeurs séreuses. »
On peut ajouter que glesker veut dire, inversement, une
ampoule, à Coadout : ober eur glesker luar i vi\, se faire une
ampoule au doigt (F. Vallée); cf. gall. llosgedd, vésicatoire.
Comme le fait remarquer M. Schuchardt, Zeitschr. f. roman.
Philologie, XXVII, 611, le nom du crapaud est emprunté d'or-
dinaire à cet ordre d'idées : on l'appelle « Rauhe, Runzlige,
Raûdige, Warzige », etc.
8. M. Schrader, Reallexihon der indogerniauischen AlterluDis-
kiinde (1901), p. 483, dit que les noms du crapaud et de la
grenouille se confondent souvent. Il voit dans [ix-pxy^o: le parent
possible, non àc frosch, mais de krole (sifr d'autres explications
de ce mot grec, cf. Grammont, Dissiiiiilatioii, 28). Il ne cite
aucun rapprochement pour guilschin.
9. M. Henry, dans son Lexique, admet la parente du breton
avec le comique guilschin, mais regarde l'étymologie comme
inconnue; il remarque que « tous les noms indo-européens de
la grenouille sont de physionomie capricieuse et d'identification
difiicile ».
Sur l'Êtymologie bretonne. 6?
Je persiste à croire que l'histoire la plus ancienne de ceux
que nous venons d'étudier s'éclaire, si on les considère comme
de formation spécialement celtique. Ce qu'il y reste de plus
obscur, ce sont les changements de suffixes. J'ai eu tort de
regarder les formes en er comme identiques à celles en -e : ces
dernières seules proviennent phonétiquement de -ev, -eff =
*-em, *-im, dont la consonne finale reparaît aux pluriels -eved,
-evi.
10. Aux influences analogiques signalées plus haut, on
peut ajouter, pour expliquer gwishlev, -ef, et surtout gzuisiklc,
gwichiklé, celle du nom trécorois de la mésange, écrit eiir pisti-
klaou, Kroa:^ ar Vretoned, 8 nov. 1903, p. 2, col. i ; 29 nov.,
p. 2, col. 3 ; on dit en petit Tréguier eur bisiklaou, m., id., et
koc'h bisiklaouet (fiente de mésanges), chassie.
IV. — HOL, HOAL, OUALLEIGN, GWALLA.
J'ai expliqué, Rev. Celt., XXI, 140, 141, la phrase vannetaise
petra e hol doh ton ? qu'est-ce qu'il a ? qu'est-ce qui le prend ?
comme contenant le môme verbe que le petit trécorois pera
c'hoar d'an ? littéralement « qu'est-ce qui lui arrive ? » Cette
explication s'appuie sur des faits phonétiques et sémantiques
exacts; je crois cependant devoir la remplacer par une autre.
Si proche parent que soit le vannetais des autres dialectes
bretons, il faut commencer à l'expliquer par lui-même. Or,
dans l'expression en question e hol et sa variante e hoal sont
inséparables de hoalle qu'on lit Buhé er sœnl, Vannes, 1839,
p. 229 : a pe hoalle un dra benac doh-t-ou « quand quelque chose
le contrarie » (en un autre dialecte pa stoiirm un dra bennac
ouiàn, Bne:^ arsant, Saint-Brieuc, i84i,p.2i9). Hoalle est ici
la mutation de goalle, qui appartient à un verbe dérivé àe goal,
gol, mal, moyen breton goall.
Ce verbe ne se trouve en moy. brct. que dans dall ha goallet,
aveugle et infirme, Sainte Nonne, 11 10. Le Gonidec donne
giualla, faire du mal..., nuire..., préjudicier à, déshonorer,
séduire, comme verbe actif et neutre, avec des exemples seule-
ment de Tactil, comme ann dra-'é en Jaî~ va giuallel, cela m'a
64 E. Ernault.
fait du tort. Troude et M. du Rusquec n'ont plus que giualla,
actif, au sens de séduire, violer, qui existe en trécorois ; cf.
Giuer^iou Brei^-I:{el, I, 436, 438.
Le van. a dû avoir un verbe neutre correspondant, goalkin
« faire mal « {doh, à), et non « manquer », comme je l'ai
cru, Gloss., 264. On dit à Sarzeau oiiaUcigu, répandre, ce qui
paraît une mutation généralisée du même mot, cf. les deux sens
du franc, gâter {Rev. Celt., III, 59). La ressemblance du gallois
gwalïaw, dyiuallo, tywallt, verser, vider, peut être trompeuse;
ces mots rappellent d'autre part l'irlandais /(i/^';;//;, gaél. d'Ecosse
falamh, vide.
V. — ILYEAUENN, ILIO, ILIAVEK, DELIAURID,
DELIAÙ; DELYOU, DEÏLHAV ; ILLY; HIZIÙ,
IRI HÙ, HINIÙ; KIZIDIK, KIZILIK.
I. Le lierre s'appelle en moy. bret. ilycamiin, sans variante
connue; mais il ne s'y trouve nommé qu'une fois, dans le
Catholicon.
Aux formes modernes données Gloss., 333, il faut ajouter:
ilyau, ilyo, ilyavenu, ilyocnn Grég., clio, elia-w, iliaiu Pel., qui
cite // d'après le « Nouv. Diction. »; « elio v: illio, ilio,
iliaw, iliao,... hiliaven », Roussel ins; iJiô, éJiô m. en 2 syllabes,
iliôen, iliaven f.. Le Gonidec, ilio, cJio, iliavenn, iïioenn,
Troude ; Uyavccg, pi. ilyavegou « lieu où il croit beaucoup de
lierre » Gr., iliavek f., pi. -égou, id., iliavek, couvert de lierre
Gon., cf. gall. eiddeiuog. M. Vallée m'a appris qu'on pro-
nonce à Plounévez-Moëdec iJhiaou, à Pluzunet ilheaou, à Coa-
dout ilhë, à Trézény ilheo, toujours en 2 syllabes.
En van., Châl. adelian-nt, Chàl. ms deliav' , s. v. lierre, et
en deliau, en iliau, v. entortiller; MM. Guillevic et Le Goff,
Exercices sur la grammaire, Y ànne^, 1903, p. 64, dcliaii-rid m.;
M. Loth signale delya-kwarn à l'Ile-aux-Moines (Annales de
Bret., XIV, 84). M. l'abbé Guillevic m'a indiqué deyar à Saint-
Caradec, etc., et M. l'abbé Buléon oUdéau à l'île de Groix.
Dans les noms de lieux, on trouve au Finistère (Beuzec-
Sur l'Étymologie bretonne. 65
cap-Sizun et Plogoff) knicl illioii, touffe de lierre, bond ilhii,
bond illo (prononcés ilho), koa^ illou (pron. ilhou); dans le
Morbihan (à l'Ile-aux-Moines) Bodelio (pron. bouderyaiu), bou-
quet de lierre, Loth, Anii. de Bret., XV, 391, 301, 308, 309 ;
XIV, 284.
On peut ajouter, entre autres, pour le Morbihan : Bodillo,
Bodélio, Bodeliave; Kerdeliaud, cf. la forme française Liérotix,
nom de village (Dicî. topographique... du Morbihan). Il semble
aussi que Le Haut et Le Bas Ni:(iave, village et moulin à eau,
ibid., au xV' ou xvi^ siècle Eneie^iau, Ann. de Bret., XVIII,
145, contienne le même mot et soit pour enes e:(iau, l'ile du
lierre.
2. Le gallois eiddew montre que ilyeauenn w'ient de '^ilyeuenn
comme bleaiicnn, cheveu, de bleiienn, gall. blewyn, etc., cf.
Gloss., 441; et de même que ce mot avait un pluriel bleau,
bleu = gall. blew, ilye(a)uenn devait h\re*ilyeaîi, *ilyeu. Ceie
est tombé ensuite dans la plupart des variantes, à cause de l'ac-
cumulation des sons vocaliques; cf. comique idhio.
3 . Les formes eliaiu, elio, bien que se présentant tardivement,
paraissent avoir conservé une initiale plus primitive; cf. irl.
eidenn, eidhean, à côté de idu (Stokes, Urkelt. Sprachschai^,
29, 328; sur l'étymologie qui ferait le mot parent du lat.
pedica, piège, lacet, etc., voir ibid. et Indogermanische For-
schungen, XIV, 484).
4. Mais comment expliquer 17 au licudu- doux =:^^ gallois,
dh comique ? M. Stokes, après s'être contenté de constater cette
équivalence isolée, Middle-Breton Hours, 84 (comme aussi
M. d'Arbois de Jubainville, Études grammaticales, I, 23), se
demande, Urkelt. Spr., 29, s'il n'y aurait pas eu entre ;;; et /
un intermédiaire r.
Il est certain que *iiyeau (cf. Ene-;^e:{iau ?) eût pu devenir
*iryeau, comme hi:;ieau aujourd'hui est devenu hirio au début de
la période moderne, Gloss., 321 (le moderne bouderyaiv paraît
venir, inversement, de bod-elyaiv).
Je crois même que Vr venu de ;^ doux peut évoluer encore ;
et que le van. hiniu, expliqué autrement Ra'. Celt., XXIV,
321, vient de hiriu, que Châl. donne en même temps, ainsi
que hi:;jhuë. Sur ce changement d'r en n, on peut voir mes
Revue Celticjue, XXV. 3
GG E. Ernaiilt.
Notes d'étyni., 139, 140 (n° 74, § 5). Mais ce phénomène est
exclusivement vannetais ; il 3' a une présomption contre Texpli-
cation de ilyeaii- par */rv^£7//-, dans ce fait que le moy. bret. hi^iu,
hi^ieu, hi~ieau, hi:(io, etc. = gall. hcdàyiu, mot d'aspect phoné-
tique si semblable à eiddcw, a constamment le :{, et que ses
formes modernes, où la consonne est très variable (cf. Rcv.
Celt., IV, 467; V, 125, 127; XXIV, 258), ne l'ont jamais
changée en /.
On ne peut pas invoquer non plus l'alternance partielle des
suffixes -/i^/Â", -idik, -inik, -ilik, Gloss., 341, 342. Ce dernier ne
se trouve que dans h^ilik, sensible, qui n'a d'équivalent que
ki^idik, et qu'on trouve écrit une seule fois (peut-être sous
l'influence de hiUih, chatouillement, hilligu^, chatouilleux).
Il faut donc séparer le nom breton du lierre de son syno-
nyme gallois (comme l'ont fait D. Le Pelletier et M. Macbain),
ou admettre qu'une perturbation analogique a changé son ^
en /.
5. J'ai supposé l'influence d'un nom de plante, illy, le cor-
mier, qui, d'autre part, a supplanté en petit trécorois le mot
irin, prunelles, fruits de l'épine noire, Gloss., 333, 334 ;
M. Henry remarque à ce propos. Lexique, 163, que ce sont
là trois « plantes à baies ».
6. Sans renoncer absolument à cette explication, je crois
qu'un autre mot s'est aussi mêlé à l'ancien *e~ieii-, -e^iau
pour en faire ilyeaii-: c'est le nom de la feuille, en mo3\ bret.
delyenn, plur. del , delyoïi.
La relation des idées est facile à admettre : le lierre est une
plante à feuilles abondantes et persistantes ; appliquée à un mur,
l'épithète de « feuillu » se confond avec celle de « couvert de
lierre », pour le sens. Quant à la forme, il est impossible de
les distinguer en van. : deliaiïs, feuillu, touffu, Chàl., deliàus,
feuillu, Châl. ins, deliàiiss, id. l'A., pourraient aussi bien venir
de deliau, lierre, que de deliau, feuilles, Châl. ins.
Cette raison a favorisé la variante plus commune deliaùn'd
où le vannetais a vu « des feuilles qui courent » (de là les
àénwcs deliauéiin-rilt f., p\. delianêmieu-rilf l'A., cf. sivyeu-red,
sivy-red, eufraise Gr. = « fraisier qui court »), mais qui, à
à l'origine, devait être proclie parente du gall. eiddiorwj^, lierre,
Sur l'Êtymologie bretonne. 67
cf. léon. ilyavre:^^, chèvrefeiiille, Gon. De là aussi l'autre déter-
mination dans delya-kwarn = « feuilles du coin ».
7. Je crois que le nom vannetais du lierre doit son d initial
à celui de la feuille qui, de son côté, lui a pris les sons au.
Châl. donne deliaoucu, feuille, pi. dél, deliau ; déliait giiniec,
pampre de vigne; l'A. ddiaoïieenn, pi. deliau; MiM. Guillevic
et Le Goff, p. 64, délen f., pi. dél et deliaùen, pi. deliaù. On
attendrait, sauf en bas vannetais, *delieuen, *delieu, = moy. bret.
delyou. Grég. donne hors de Vannes delyou, delyaou. Ce dernier
ne se justifie phonétiquement qu'en cornouaillais.
Deliaù est donc un mélange de *delieu = delyou, feuilles,
avec *eliaù, iliau, lierre = ilyeau-: cf. dareu, larmes = léon.
daerou, moy. bret. da::jou, et bléaoueenn, pi. bléau, cheveux,
l'A., etc.
8. Le petit trécorois dit dcilhaven, feuilles, pi. deilhav, deilha,
ce qui parait tenir de même à l'influence de iliaven, lierre (mot
perdu dans ce sous-dialecte) ; pour le v, cf. bleven, pi. blev, blé,
cheveu. Cette prononciation est donnée par Grég. dans le dérivé
delyavus, feuillu, à côté du van. delyaûs.
9. \.r de deyar doit être une transformation dialectale de /'/
final; on dit dans les mêmes endroits Pléniar, Pluméliau. Cf.
kauir, toison, de kaniù à Cléguerec, etc., Loth, éd. de Châl., 43 .
10. Le g de gildéau est ajouté comme dans girin, girin speru,
prunelles, givin, ongle, variantes vannetaises de irin, ivin, etc.
Quant au d, je n'en vois pas d'explication probable.
11. Pel. dit que Dàvies donne en bret. hieuven et qu'il faut
lire hiliaven (Jago cite, d'après Borlase, hieauven comme cor-
nique). Il est possible que le mot breton se trouve écrit avec
un h dans Kerhilio, Kerhillio, le Bois-Hellio (Morbihan), etc.,
cf. Kerdéliaud.
12. Le Lexicon cornu-britaunicum donne un bret. iliarek et
un gall. ciliorwg qui doivent être purement imaginaires.
VL — FOUILHIR, FOULIAR, FOULIAU, FOULIAST ;
BROUST.
I. Les autres noms du lierre en breton ont aussi rapport à
68 E. Ernaiilî.
l'idée de feuilles. On dit h Sarzeau fouilhir (De l'urgence d'une
exploration philologique en Bretagne, Saint-Brieuc, 1877, p. 11),
par ailleurs, en van., fouliar (Exercices sur la gramni., 1903,
p. 64), et aussi fouliah, fouliast m.; fouliar en, fouliaùen, fou-
liaslen t., plant de lierre. Ce sont des dérivés du ïranç. feuille:
cf. fouillard, branche garnie de feuilles, L. Favre, Gloss. du
Poitou, de la Saintonge et de l'Aunis, Niort, 186S, feuillard,
id. Jaubert, Gloss. du centre de la France; fouyard id. dans
rille-et-Vilaine, Ann. de Bref., XI, 434; XV, 377; feuyar,
fouyar, id., dans \<:Bi\s-}Aàmc (Domn)-, feuilleron, fillas, m..,
id., E. de Chambure, Glossaire du Morvan; v. franc, foillard,
foullard, branchage; moy. hret. foui lle~, feuillée, etc., Gloss.,
Fouilhir vient de *fouilhér, du v. franc, fullier, fueiller, m.,
feuillage ; cf. le morvandeau feuillerou, cité plus haut, et l'es-
pagnol hojarasca, feuillage touffu. Fouliar est peut-être dû à
un mélange de fueiller avec foillart, foullard, car le d aurait
subsisté, surtout dans le dérivé en -en. Les formes romanes en
as, comme fouillas, m. (et fouillard^, feuillage, fouillis, de
Montesson, Vocah. du Haut-Maine, sont plus près de -ard que
du bret. -ast ; celui-ci répondrait à un franc, '^fouillasse, *feuil-
lassc, et. iiàWcn fogliaccio, mauvaise feuille de papier, \o\r Rev.
Celt., XI, 355. Fouliaù paraît avoir pris la finale de son syno-
nyme dcliaù.
2. Pel. dit que « hrousl au pays de Vannes est du lierre,
ce qui est aussi de l'usage de la Haute-Bretagne, où l'on parle
François, en y mêlant plusieurs paroles du Breton ». Ceci est
conlirmé par le nom de lieu morbihimmùs Kerbroustec, qui doit
être « la ville au lierre ». Broust, lierre, existe en petit Tréguier
avec un dérivé hroustari, chercher du lierre, cf. Rev. Celt., IV,
149. Dans son Gloss. des parler s du. Bas-Maine, M. Dottin
donne brou, lierre, gui; broutu, couvert de lierre ou de gui.
Divers parlers d'IUe-et-Vilaine ont brou (à Ercé, Sébillot, Tra-
ditions et super st.. Il, 318), brou, braou, breou, lierre, braoutu,
breoutu, garni de lierre, etc., voir Ann. de Bret., X, 99; XI,
428; XVI, 518; XVIII, 450, 562. Brou, lierre, se dit à Segré
(Ménière, Glossaire angevin, dans les Méui. de la Soc. acadé-
niigue de Maine-et-Loire, t. XXXM). Cf. Favre, Gloss. du
Sur l'Élymologie bretonne. 69
Poitou: hroiit m. « feuilles d'arbre que l'on cueille pour faire
brouter par les bestiaux » ; DelbouUe, Gloss. de la vallée
d'Yères: brou, m., gui; en v. franc, hrost, m., jeune pousse
des arbres au printemps, broiist, action de brouter; et en bret.
hroust, hroiicç, bourgeon, hallier, Maun. ; buisson, hallier,
Pal.; broiist, brou:;^, brout, pâture des bêtes fauves... dans les
jeunes bois qui repoussent au printemps, broustou, brous-
sailles, broHsta, bronza, brou:[al, brouter, Gr., brousta, broiicça,
bourgeonner, broustail, broussailles, Maun., brouta, brouçxa,
bronç:(a, brousta, van. broncein, bourgeonner, Gr.,, etc.
En petit Trég., broiist m. est une brosse et broustah, brosser;
c'est de ce sens que doit dériver le léon. brousta, rouer, moudre
de coups, broustet eo va c'horf ou:^in a daoliou... mon corps est
roué, moulu de coups, Milin ms. Voir Gloss., 84, 85 ; Lexique,
46; Kœrting, Lateinisch-romaniches Wœrterbuch, 2" éd., 1588,
1604, 1661; Ztschr. f. rom. PhiloL, XXV, 575.
VII. — FELU-MOR; FILIT ; BANAL FIL; LUDU ;
FUBU; GOUMOK.
1. Le Nomenclator traduit, p. 79, le lat. « alga, vlua, fucus
marinus » et le franc. « algue » p:[V felu-mor, en ajoutant: vu
seiirt lousaou à cresq en iiior hue (lisez hac') en reycr à ve:^^ anal
ou:^ lœttus (sorte de plante qui croît dans la mer et dans les
rochers, et ressemble à la laitue). Grég. rend « algue » pavfelu
mor et « goëmon » par felu-mor.
Le Gonidec donne félu ou félu-niôr m. « sorte de goémon,
d'algue, plante marine », sans astérisque, comme un mot cel-
tique. La seconde forme lui fait supposer « qu'il y a une plante
terrestre qui porte simplement le nom de félu ». Il ajoute:
« Le Pelletier n'a pas ce mot, mais il met Jîlit, que je ne connais
pas dans l'usage. »
2. Pel. avait défini filit « sorte de goémon, ou algue longue
comme une corde, et fort grasse » ; ce qui lui fait soupçonner
que c'est le franc. Jilel un peu altéré, « si ce n'est un dérivé
de Fil, qui a été autrefois en usage pour des cordes d'instru-
70 E. Enuuilt.
ment de musique: car Davies met Ffilor, Fidicen ». Il constate
à la tin que « ce goémon est transparent et lissé comme les
cordes de boyau, mais bien plus gros ».
Milin a écrit à la lin de l'article fclii de Troude : « felit,
ftlit » ; à l'art. « fjlit, s. m. Goémon qui a la forme d'une corde »,
il a ajouté : « ou mieux de ficelle ou de fil très long. Ce goémon
est recherché à Roscofi?" comme un excellent engrais. Ar filit a
âv mad da diriiipa » (lefilit est bon à fumer la terre).
M. du Rusquec, dans son Nouveau dict., donne : félii-morm.,
goémon, voyez///; /?// m., espèce de varech long et mince,
voyez félu.
Il est possible que /dit et //// soient simplement des méprises
suggérées par le désir de rapprocher les deux mots felii et filit.
3. La préoccupation étymologique a joué encore un rôle
d'autant plus tâcheux qu'il reste latent, dans l'article où Bullet
attribue au breton un mot «■ felu, excrément ». Ce mot n'est
autre que fell, donné avec ce sens par Grég. ; Bullet, qui n'y
regardait pas de trop près, a expliqué par là, sans le dire, felu-
mor comme une variante de *fell-inor « excrément de la mer,
ce qui est rejeté par elle » ; il en a conclu, toujours sans le
dire, que fell et felu, c est tout un ; puis il a carrément affirmé
que felu veut dire « excrément ». Voilà où mène la prévention
étymologique.
4. M. d'Arhois de Jubainville, Etudes grammaticales, I, 66,
a vu dans /('/// un sufiixc celtique -ovo-s, -avo-s, comme dans
Indu, cendres. Mais ceci n'est pas justifié phonétiquement,
et. ibid., 9, 10; il est naturel d'attribuer la forme prise par la
finale de ludu. à l'influence du premier // ; cf. Rev. Celt., IV,
466, 467; XIV, 320; Gloss., 379, etc.
5. Cette assimilation fréquente doit aussi être mise en cause
dans le cas de fiibn, moucherons : le vannetais, qui a toujours ici
l'initiale huib, ne présente jamais cet -u. Fibu etc'hvjibu peuvent
être le produit de deux analogies inverses. Cf. mes Notes d'étym.,
83-87 (n" 57). Le Lexique regarde fibu comme dissimilé de
fubu; je ne vois aucun exemple d'un paixil phénomène.
M. du Rusquec, dans son Nouv. dictionnaire, rapproche
c'houibuen du v. bret. guohi frelons, qui est tout ditîérent, cf.
Gloss., 428. A « c'houibii s m. Moucheron », il ajoute :
Sur iF.lymologic bretonne. 71
« Jubainvillc le tire de cbo-sc ». La source de cette information
est le passage suivant des Etudes grannn., I, 32 : « /vient de
sv initial : . . .fiibn, variante c'hùiiibu, moucheron ; or c'ho = sv » .
Cette façon de citer est peu scientifique.
6. Dans la première édition du Gloss. moy.-brct. {Méiiioires
de la Société de linguistique, VII, 217), je me demandais si le
rapport de fulen, étincelle, à une forme antérieure *ulvenn, cf.
élvenn, Gr., se retrouvait entre felu-mor et le lat. iilva ; en
ajoutant: « Le v. fr. feulu de mer, m., algue, God., serait d'o-
rigine bretonne, de même que goémon. Cf. filit... » La
seconde édition pose la même question, p. 249. Elle supprime
l'astérisque de ulveu, parce qu'il est attesté par Le Gonidec
(p. 225), et ajoute (p. 248) la citation d'une forme voisine,
ùlfen. Elle ajoute aussi au passage cité plus haut cette restric-
tion : « D'un autre côté, feulu pourrait être une torme nor-
mande de l'adjectif feuillu : cf. fieule, feuille, en patois du
Bessin, Méni. de la Soc. de ling. IV, 66. »
Cela est devenu dans le Lexique de M. Henry: « Fchi...
Empr. lat. ulva « algue », avec métathèse ; ou bien dér. d'un
celt. inconnu apparenté au lat. ulva. — Ern. »
Enfin cet article du Lexique a été ainsi critiqué par M. Loth,
Rcv. Celt., XXIII, 119 : « D'après M. Ernault, suivi par M. V.
Henry, ce serait un emprunt latin ulva, évoluant par une série
de métathèses qu'il est inutile de discuter : /<'/w est exactement
le V. fr. felu, algue ».
7. Jusqu'à preuve du contraire, je crois que ce « v. îv. felu,
algue » n'est qu'une réminiscence du « feulu de mer » que
j'avais cité, réminiscence altérée par le sentiment trop exclusif
de sa parenté avec le bret. felu. Cette parenté n'a jamais été
pour moi en question ; mais il s'agit de savoir quelle en est
la nature. Un synonyme breton <lt felu-mor, goémon, est exac-
tement le V. franc, gouesmon ; cela empèche-t-il le mot d'être
d'origine celtique ?
Notons à ce propos combien le Lateiniscb-ronianisches IVœr-
terb., 2"^ éd., 1901, est en retard, dans son article « Kelt. gou-
mou » ! (n° 4304). Voir Gloss., 283 ; le fournal des Savants,
août 1897, P- 495 > 496? etc. Le Lexique donne gou)non comme
vieilli, ce qui n'est pas exact pour tous les dialectes. On dit
72 E. Ernaiilt.
en vân. goumoil, goiiwh m., goémon; goumonat, gomonat, aller
chercher du goémon.
8. Felu-mor est-il aussi d'origine celtique ? C'est ce que j'ai
cherché, en indiquant de quelle façon il pourrait être parent
du Lit. ulva et aussi du mot de sens voisin filit.
Mais les définitions distinctes citées plus haut (§ i et 2) de
felu-mor et de filit engagent à séparer ces deux mots. Felu-
mor désignant proprement une algue qui a quelque ressem-
blance avec la laitue, vient sans difficulté du v. {ra.nç. feulu de
mer, si celui-ci veut dire littéralement « (végétal) feuillu qui
vit dans la mer «; cf. v. fr. fuellu, follu, foullu, etc., feuillu;
feul, feule, feulle, feuille.
9. Quant i\ filit, dont la forme est celle d'un fil très long,
il paraît dériver de ce français fil .
M. Loth, Ami. de Bret., XV, 391, 400; XVI, 139, compare
filit à park filixou, nom d'un champ à Plogofi, et à banal fil,
genêt cultivé, plus développé que le genêt ordinaire, en ajoutant
avec doute le gall. ffill, tour, ffillio, tordre, entrelacer. Mais la
tamille armoricaine de ces mots gallois devrait avoir / mouillé;
bamil fil parait plutôt être littéralement « genêt de fil » (=:
allongé comme un fil, ou peut-être dont on tire du fil, de la
filasse ?).
VIII. — FIL, FILEN, FILENNEIN; FEILHEN, FOL-
LEN; DELIEN; FILOUR, FILOUTER; FILACH,
FILAJ, FILAfO, FILAJEIN, FILAN, FILA, FIFO,
FIREIN; FILOCHENN, FILOCHER.
I. Le petit trécorois //'/, intelligence, idée, ruse, vient du
français populaire fil, adresse, habileté. Fil se dit aussi en
Goello, comme me l'apprend M. Vallée ; les exemples
qu'il en a recueillis le montrent toujours associé au verbe haout,
comme dans l'expression « avoir le fil », que L. Rigaud attribue
au jargon des voyous, cf. Rev. Celi., XV, 364: red e haout fil
eiuit arriout, il faut avoir du savoir-faire pour réussir; an holl
no deu:( ket ar mcmey^fil da vevaîi, tout le monde n'a pas le
Sur l'Ëtymologie bretonne. 7 5
même truc pour gagner sa vie (Coadout) ; ftl en ncii:^, il a de
l'adresse ; hennez^ 'n eu^ re a fil, il a trop de finesse ; henne^^ 'n
eii:^ kcmcnt fil a ^o, il a toutes les ruses.
Ceci appuie l'explication de Delvau : fil, adresse, habileté
« dans l'argot du peuple, qui assimile l'homme à un couteau»;
et de Rigaud : « allusion au til d'un couteau, d'un rasoir ».
Cf. l'expression familière: « C'est une fine lame », voir aussi
Notes d'étym., 95 (n° 63). On dit de même dans le Bas-Maine
avé l fil, avoir de l'adresse pour faire ses aftaires (Dottin);
dans le Midi, avé loti fiéu, être fin, habile, adroit (Mistral).
2. De là, en haute Cornouaille, filen, ruse ; en van. filennein,
débaucher (une fille), n'en dés meit erré sot hhn lausqu de filenein
guet er merhet « c'est à foire aux sots à se laisser embabouiner
par les femmes », Châl. ms; filennour, trompeur, séducteur.
3. Filen, f., pi. -non « partie mince d'une planche, éclat
allongé », du Rusq., Nouv. dict., s'il est exactement rapporté,
pourrait être le même mot, en un sens voisin de l'acception
primitive. Mais j'y verrais plutôt ^//m, que Pel. cite commeune
variante cornouaillaise de fi^llen dans fillen-coar, rayon de miel,
fillen-paper, feuille de papier. Roussel nis a aussi ces deux expres-
sions, sans indication de dialecte. Il n'y a aucun renseignement
sur la prononciation des /. Cf. cette note de Milinà l'article de
Troude, fiillenn f., feuille de papier, de métal, page d'un
livre, etc. : « Ce mot n'est pas de Léon où l'on dit fcillen...
feillen ne se dit que du papier et du fer-blanc et du bois scié. »
Feillen (par / mouillé) = vAnn. feillenn, pi. eu, feuillet, Châl.,
feilhenn, Gr., du fr. feuille, anciennement aussi feille; cf.
feilhetès, feuilletage, pâte feuilletée, feilheiir « feuillure, cane-
lure de portes, de fenêtres », Gr., van. feuillure, m. l'A.
3. L'emploi figuré du mot « feuille » a, comme on voit,
plus d'extension en breton qu'en français. Il a lieu aussi pour
l'expression celtique correspondante. Delienn, selon Troude, se
dit, en poésie, d'une tranche mince de' pain; Milin ne fait pas
cette restriction, dans sa note à follenn : « Le mot deillen s'ap-
plique particulièrement au feuillage des arbres et des plantes,
et aussi au pain coupé en tranches légères, en delien vara. »
Delyen a des formes sans y, par l'influence desquelles on peut
expliquer l'absence d'/ mouillé dans foleenn, follen.
74 E. Ernaull
4. Le haut cornoLiaillais obcr filach, pi. eu, réussir, tient
aussi à l'idée àc filen, filennein. Il concorde matériellement avec
fildj , veillée, avec ou sans danse, mont d'ar filàj, aller à la
soirée^ à la danse de nuit, cboin dafildjo, rester à veiller, faire
la veillée, rester tard, ibid. ; v.\n. filage, filerie, pi. -geu, Châl.,
f., filerie, veillée VA., filage, réunion du soir, Choas, 136, filaj,
veillée, Est, 54, Livr el Labourer, 26, pi. eu, 52, Est, 52, Foér
Veriadeh, 24, fiJaj m., pi. -eu, veillée, Exerc, ^6 ; filajerlon,
ceux qui sont à la veillée, Est, 56, du sing. filajour; filagein,
veiller à la filerie, l'A., etc.; cf. v. fr. filage, action de filer,
filloir, machine à filer, fillouer, atelier où l'on fabriquait du fil,
= dans rille-et-Vilaine fihua, veillée, voir E. Pichot, Ann. de
Bret., XV, 376.
5. Le van. filour, filou, Châl. nis, parait une adaptation de
ce mot français, dont l'origine est controversée. Grég. donne
hors de Vannes filouter, pi. -éryen, filou, qui vole par adresse,
par surprise ; filou tére:(, pi. ou, filouterie, filouti, filouter. On
dit dans le Haut-Maine filou, enjôleur (de Montesson), dans
le Bas-Maine filou, enjôleur de filles, hypocrite, filouté, flatter,
voler (Dottin), cf filouser et filouter, foire le filou, à Baugé
(Ménière, Gloss. angevin^ ; cela permet de supposer un haut
breton *filoux, qui rappelle le van. fileiinour. M. du Rusq. donne
/ilout, pi. ed, ei filouter, pi. ien, filou, du fr. ; liloutere::^, f., pi.
ed, femme qui voXn; filouta, filouter.
6. Le franc, filer a plusieurs sens très distincts. Une parodie
de la chanson « Il pleut, il pleut, bergère » contient cette
plaisanterie :
Ma mèr' s' moqu' bien qu'on s" mouille;
A m' dit : Veux-tu t' 'n aller.
Ou j' vas prend' ma quenouille
Pour te faire filer !
Le verbe breton correspondant, riche aussi à cet égard, a,
comme ici, le sens d' « aller vite », ou « s'en aller, s'échapper,
décamper » en petit Tréguier et Goello : î^iuasah filan re ! comme
il filait !
De là, d'un côté le sens de « céder, ne pas oser tenir tête »,
dans le cornouaillais filo (ce qui rappelle le franc, fier doux^;
Sur rpjymologie bretonne. 75
de l'autre, l'acception active « ôter » dans le bas léonais fila :
fila t- dok, ôter son chapeau (Vallée); cf. filer la carte.
Je crois qu'on doit joindre à fila le van. firein, qui a exacte-
ment le même sens dans Châl. uis: « il faut filer doux devant
lui... leiiel guetou, quelques-uns disent firein i^netou ».
7. Filochenn, pi. ou « retailles, que l'on taxe les tailleurs
d'emporter », Gr., vient du tr. filochc, sorte de tissu, au
centre de la France « frange d'une étoffe » Jaubert, cf. effi-
locher.
Filocber, pi. -cbcryen, filotier, celui qui prépare le lin ou le
chanvre, le séparant de l'étoupe, fém. -cherès, pi. -chcresed, Gr.,
vient de ce mot français.
Sur ses synonymes vannetais Jisîoiipér et huillasslrour, voir
Notes d'étym., n°^ 34 et 55.
IX. — CHIVONEN ; ChANNÉ; CHALA, ME CHAL,
EN EU DRECHALA.
1. M. l'abbé Le Goff m'a appris qu'à Brandivy et Plumergat
on d'ncbivonen, écume. C'est certainement un mélange des deux
synonymes chtiuien et ivoncn.
2. Un fait du même genre a dû se passer dans le mot plus
connu channai m., ennui, channaiein, charmai, ennuyer, chan-
naiuss, ennuyeux, que l'A. donne en même temps que annal,
annaiein, annaiuss. On prononce channè, channéein, chahnc,
chahnéus, et anné, ahnéein, annéiis. Ces derniers viennent du
franc, ennui. Quelle autre famille est venue s'y mêler ?
Le van. ne semble présenter de rapport possible qu'avec chi-
fein, chagriner, affliger.
2. Cependant il a eu aussi un mot dont le sens moins fort
conviendrait mieux. C'est le correspondant de iala, s'attrister,
Maun., jald, en hem jala, s'impatienter, jalaniand, pi. -nchou,
impatience, juins, inipatient, chagrin, de mauvaise humeur,
Gr., chala en Léon et Cornouaille, chagriner, /'rt/a « dans l'usage
ordinaire... importuner, chagriner », « M. Roussel écnxoït Jala,
ou Chala, se chagriner », Pel., « Jala,JaH, c'hali, se chagriner,
76 E. Ernaiih-
se dépiter, s'impatienter », Roussel nis; chah, jala, a. et n.,
chagriner, agacer, impatienter; se chagriner, s'impatienter,
être de mauvaise humeur, Gon., Trd, chalu::^, jalu^, chagrin,
impatient, qui est souvent de mauvaise humeur, Gon., chai m.,
impatience, id., dict. franc. -bret. ; chai m., inquiétude, beza e
chai gant eunn den, être inquiet de quelqu'un ; be^a e chai da ober,
n'être pas disposé à faire une chose pénible, désagréable, Trd ;
dans cette phrase, Milin a effacé la négation et les deux derniers
mots, en ajoutant: « Ce mot ne s'emploie jamais qu'avec la
négation, et plus souvent appliqué aux choses qu'aux personnes.
On dit cependant iieiiiaoïin kct e chai gant-han, gant-hi, je ne
raffole ni de lui ni d'elle ». M. du Rusquec donne chai m.,
impatience (comparé à « l'anglais shal »!); chai m. « Sans
nécessité, ncnioiin ht hé chai , je ne me soucie pas » ; chalu~,
chagriné, peiné; chala, a. et n., chagriner; jala, chala, se
plaindre, /rt/rt///^?;;^/, chalaiiiaiid m., pi. ou, chagrin, « grec ujjm,
frappe » !
Le van. n'a de cette famille que jalus chagrinant, chagrin,
adj. Châl. lus, et l'expression mechal, qu'on ne sait plus
décomposer : Mechal pin en dès reit er gnéled d'is ? qui donc t'a
donné la vue? Hisioér santél, 1896, p. m, =^ me chai, je
m'inquiète, je me préoccupe (de savoir)...
3. Pel. doute que chala soit breton d'origine, et remarque
qu'on dit dans les provinces voisines de la Bretagne achaler :
« vous m'achah\, vous me chagrinez. » Ceci est exact. Du côté
de Laval, on dit familièrement, par exemple: « Ah! j' m'a-
chale-t-i ! ». Cf. achaler, ennuyer, contrarier, Haut-Maine (de
Montesson) ; ennuyer, agacer, déchaler, désennuyer, Bas-Maine
(Dottin); achalé, fatigué, Ménière, Gloss. angevin.
Milin m s compare aussi avec raison le v. franc, chaloir, sou-
cier; de même M. Henry. Cf. dans le Midi, me chale de t' ausi,
ta voix fait mes délices. Mistral (= je me plais à t'entendre),
italien se vi cal di me, si vous avez de l'attachement pour moi,
non me ne cale, peu m'importe; à Saint-Brieuc, chaut pas guère ;
français nonchalant, etc.
4. Un composé de ce mot est en bas Trégmci' en em drechala,
en eni drechali, s'agiter, se préoccuper (Vallée); il est formé
comme irechwe:^!, souffler fortement et avec effort, Pel., etc.
Sur l'Ëtymologie bretonne. 77
X. — KOUMERZ, KONVERS, KEMM, GWERZ ;
CHAS, HÉALAT; GUINHEZR.
1 . Le français conunercc a donne en breton commerce . . . en m.,
commerce, négoce l'A., kouiiwr- m., id., kear gotimer-, ville
commerçante, koiimersant m., commerçant, J. Moai, Supplément
kxico-grammatical au dictionnaire. .. français-breton du colonel A.
Troude, Landerneau, 1890; koumeri m., commerce, koumerzj,
V. n., faire du commerce, du Rusquec.
Ce mot a été aussi altéré par l'influence du tranç. converser,
en moy. bret. coniiersaff, conuerssifu. De là, tréc. delc'helkonver:^,
derchen eur chômer s, tenir un commerce ; kât kohvers gant, avoir
des rapports, s'entendre avec; mont rnad ra'r chohvers etre^e,
ils s'entendent bien, ils sont en bons termes, cf. Gloss., 118.
2. Troude donne kemm-weri m., commerce en général, et
M. du Rusquec, kemm-weri m., commerce, de kemm, échange,
gijuer:;^, vente. Ce mot est une refonte de koumer^ d'après des
éléments celtiques. Son emploi aurait besoin d'être vérifié. Ces
sortes de calembours par à peu près sont nssez fréquents en
gallois, comme l'a remarqué M. Zimmer; par exemple, « capi-
taine », anglais caplain, y devient cadben d'après cad et pen (chef
de bataille).
Les mots bretons ainsi forgés passent moins facilement dans
l'usage réel que dans les recueils de lexicographes sans critique.
Tels sont: chasbcala, héler les chiens, « de chas chiens et de
héala héler »; kon)iher:^ m., chasseurs, de koun, chiens, et
« heri har:^, aboiement », dans le Nouveau dictionnaire pratique
et étymologique de M. du Rusquec, qui n'a pas cependant poussé
la logique jusqu'à enregistrer à leurs places ces fantastiques
héala héler, her^, aboiement. C/jai/^râ/a vient d'une explication
arbitraire de chaséal, chasser, par chas et héala, diriger (H. de
La Villemarqué, dict. bret.-fr. de Le Gonidéc); ce dernier est
« héala,... he'alat v. n. Gouverner la charrue », Gon.
Sur l'origine de l'erreur relative à ^kounher:^, voir mes Etudes
d'étyniologie bretonne, 50, 5 1 (n° XX, § 10). H. de La Villemarqué
n'en est pas le premier auteur. Pel. a cet article: « Goimbers,
78 E. Ernault.
chasseur. Je ne l'ai trouvé que dans un seul Dictionnaire assez
ancien... C'est un composé de Coiin, pi. de Ki, chien, et de
Hers, d'où vient Hersai, pousser, exciter... » La source de Pel.
pouvait Tponcr^guinher:^, variante du nioy. hïei.guinhe:^-, veneur,
cf. Ghsss., 306; il l'a lue et reproduite avec la disposition des
celtonianes, à voir dans toutes les syllabes bretonnes autant
d'éléments signiHcatifs, explicables par la môme langue.
XI. — MERIER, ME NIER, MANIER, MANIEL,
MAGNER, MENI ; PEUPLI ; MENESTIN.
I. M. Loth a proposé, Rev. Celi., XXIV, 356, de regarder
« le haut-vannctais nicricr, bruit confus; ur merier voeh, un
bruit confus de voix (Châlons) » comme un composé britto-
nique = *mer-gcr, littéralement « folle parole «. Je crois que
ce mot n'est ni brittonique, ni môme vieil armoricain, et qu'il
est dû à une altération purement vannetaise du français ma/z/Vr^.
Châl. lus donne, au mot bruit: « un bruit confus », ur merier
brut; « des voix confuses », ur merier uoeJj; au moi fièvre:
ft fièvre lente, ///■ merier derhiaii » ; au mot lent : « une fièvre
lente », //// da riant laiil', ur marier (mot elfacé ensuite) wfr/V;'
dariaiil. Au point de vue du sens, l'interprétation « bruit con-
fus » ne convient nullement à ce dernier exemple, qu'on peut,
au contraire, expliquer sans difficulté « une manière, une sorte
de fièvre », comme les deux autres « une sorte de bruit »,
« une sorte de voix ». Des expressions de ce genre sont d'ail-
leurs très tréquentes. Au mot manière, Châl. nis traduit « une
manière de gentilhomme »: //// manier entra; cf. moy. bret.
vn manier oliff « c'est une manière doliue », Cathol. /;, v.
oliuen, etc. Elles ont parfois en français une nuance dépréciative,
comme dans ur nwrier brut, une sorte de bruit (que je ne puis
définir), un bruit confus; ur merier uoeJj, une sorte de voix
(peu distincte), voix confuse.
Quant à la forme, elle est très variable; l'emploi de ce mot
comme une sorte de préfixe l'exposait à des perturbations pho-
nétiques qui pouvaient ensuite se généraliser. Grégoire donne
Sur l'Étymologic bretonne. 79
hors de Wmncs tuafixell-niaurycDi, moricaud, avec un change-
ment d'r en / justifiable ici par la dissimilation, cf. Gloss.,
22, etc. ; mais on lit en léonais inaniel cas, quelque sentiment
de haine, ar-vaiiiel-cas-se, cette aversion, Bali, 235 ; et par
ailleurs niauiel, air, contenance, 184, etc. ; van. rnnnniék, espèce.
Nous venons de voir dans Chàl. ins la trace d'une hésitation
entre merier et marier; l'auteur aurait pu aussi bien hésiter sur
le premier r : en même temps que manier, il avait probablement
à sa disposition meniér, dont j'ai cité deux exemples vannetais
de 1861 et 1873: iir meniér bouistr, une sorte de boîte, er
meniér fang-:^é, cette sorte de boue, Gloss., 390; cf.
Des hun pedet de meniér Jesl
Nenna Bréh get Luei:^^ Gall, hé mest
« qui nous a invités à une commémoration du mariage d'Anne
de Bretagne et de Louis de France, son royal époux », Revue
de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, juillet 1899, p. 61.
Marier et merier sont des variantes de manier, meniér légi-
times en vannetais, ce dialecte pouvant changer en r un n
entre voyelles, d. Gloss., 391 ; Notes d'étym., 140 (n° 74, § 6).
Ainsi merier, mot propre au vannetais, s'explique, quant à
la forme, par deux particularités de ce dialecte : changement
d'à en e dans manier, meniér, manière, et d'// en r dans d'autres
cas du même genre; quant à son emploi, c'est un de ceux du
mot français manière, que celui-ci a passé au breton moyen et
à d'autres dialectes du breton moderne.
2. Faut-il ajouter à ces modihcations variées de manier le
van. me)ii, Gloss., 390?
M. Loth a objecté, Rev. Cell., XYIII, 395, que manier existe
et a une variante magner en bas vannetais. Nous venons de voir
qu'il y en a plus d'une, entre auirc^ meniér, qui esta mi-chemin
entre manier et meni.
3 . Mon savant contradicteur s'est demandé si meni ne repré-
senterait pas le français manie; étymologie que j'ai écartée,
Rev. Cell., XX, 200, à cause du sens, et parce que la chute de
-er me paraissait certaine dans d'autres mots du même dialecte.
Le premier point est facile à vérifier. Je n'ai trouvé dans les
dialectes bretons aucune trace de manie, ni dans les emplois du
8o E. Ernault.
van. meni rien qui rappelle le sens du mot français allégué.
Tout ce qui distingue meni de manier, nieniér, merier, c'est que
l'A. n'emploie que la première de ces formes; qu'il en fait un
usage plus fréquent et plus libre que les autres textes ne le font
de manier, menier, et que pour lui c'est souvent un vrai préfixe,
bien qu'il donne comme nom masculin meni « manière, sorte «,
« race », « engeance », « espèce ». Il le fait synonyme de
manniéle m., espèce, et de ^oiirr m., manière, sorte, qui n'est
autre que le préfixe gour- : cf. encore v. huguenot où il traduit
« Manière ou espèce de » (huguenot), « Meni ou Gourr-Hugue-
nautt ». Il y ajoute d'ordinaire un trait d'union: meni-foll,
tolâtre, nwni-volanté, velléité, nieni-bosseenn, tac, maladie, d'où
l'adj. meni-hossennêc (fièvre) putride (v. sudorijique^, etc. Je crois
que Cillart s'est servi, pour ces formations, d'une prononciation
réduire de menier, qu'il a trouvée dans quelque variété de la
langue et qu'il l'a préférée précisément à cause de sa brièveté.
S'il a été influencé par quelque mot français, ce mot ne peut
être que demi. Mais ceci est fort peu probable.
4. Le rapport de menier à nn'iii se retrouve en van. entre
huiérr, hiiérr, égoût, et loul-Jjiii, trou d'un fossé pour attirer
l'eau l'A., du fr. évier; cf. daripoennie, arrière-point, où la com-
binaison des mots derrière et arrière a donné le préfixe dari-.
On peut citer aussi le trécorois givéen heupii, un peuplier, pi.
gzué peupli; koai peupli, du peuplier, quelquefois /)()/)//, que je ne
vois pas moyen d'expliquer autrement que par le franc, peuplier.
Tous ces mots sont d'origine française ; je crois que leur
traitement appartient aussi à une phonétique romane. En eft'et,
la terminaison -ier devient-/ à Montmartin-sur-Mer (Manche),
où l'on dit lori, laurier, péri, poirier, Jevri, février, kavali,
cavalier, pani, panier, greni, grenier, prenii, premier, liji,
léger, aûti, entier, sahii, sentier (F. Berthelot, Ann. de Brel.,
X, 90, 91). La finale -ère reparaît dans les mots comme franc.
entière, première, rivière. Mais la confusion entre -;>r et -;V/r était
facile en breton ; le franc, ne manque pas, d'ailleurs, de forma-
tions voisines telles que évier, aiguière; poivrier, poivrière, etc.
5 . Bullet tire le franc, manière de meni; il rapproche l'hébreu
)nin, ce qui n'a pas besoin d'être discuté, et mené, espèce, en
Provence et en Languedoc.
Sur VÉtymologie bretonne. 8i
M. du Rusquec donne : ))ieni m., mauvaise engeance; « latin
minutiis » ! et ajoute ineni-rouc, vice-roi, sans indication de
dialecte.
6. On lit, Foér Veriadec, 27, ///■ meiiesl in Eiitrii, traduit « un
étranger » ; M. l'abbé Buléon m'apprend qu'il faut corriger ur
menestin Euiru, et entendre « une manière de monsieur ». Ceci
rappelle les expressions citées plus haut ; mais il est clair qu'on
ne peut les ramener phonétiquement au même type. Menestin
paraît être venu de m'en est i ni « je l'estime », « je le crois »,
avec nuance ironique, cf. le proverbe 319 de Sauvé: Salud,
aotroii, mar-d-oc'h « salut, monsieur, si vous l'êtes ». Ur menestin
Eutru serait proprement « un monsieur, je le crois », c'est-à-dire
« un monsieur, à ce qu'il semble » ; il y a dans les Plaideurs
une restriction badine du même genre : « sa fille, au moins
soi-disant telle. »
Le même verbe, moy. bret. estiniaff, estimi, estyni, estimer,
croire, moderne istinioiit, istinia, van. istimeih Gr., a donné lieu
à une autre expression tamiliére, c'est le tréc. c'hivistiin ? pensez-
vous ? pour c'houi istini, vous pensez, Rev. Celt., XVIII, 328.
XII. — A ZREBI, A ZREBU
I. Un texte vannetais de 17I15 porte : a :;^rebi er pœnn béd er
groiiiss et à ^rebi er gouc béd er grouiss. M. Loth a traduit le pre-
mier passage, Rev. Celt., VIT, 327 : « du sommet de la tête à
la ceinture » ; le second, p. 331 : « du sommet du cou jusqu'à
la ceinture »; et expliqué, p. 330, cette expression par le haut
van. sirebi, léon. trébc\, trépied, en comparant le gall. trybedd
yr ysgwydd (le trépied de l'épaule), la clavicule.
J'ai fait remarquer, Rev. Celt., IX, 379, 380, que le Dic-
tionnaire de l'A. a employé plusieurs fois à ::j'ebi, à-:::j-ebi, a-
-:;j'ebi et à ::^rebu, a :(rebu au sens de « depuis », qui convient
aux deux passages en question, et qu'on lit a ~rebi avec le même
emploi dans un texte de 1857. Je tirais cette expression de *a-
:{rebui, imitation du français vulgaire du depuis, en justifiant
l'insertion d'r après d et l'alternance d'w et / final.
J'ai cité, Etudes vannelaises, iG (= Revue Morbihannaise, I,
Revui Cetliquc, XXV. 6
82 E. Ernault.
365), d'autres exemples récents de a ::^rebi et un de a drebi ;
on peut ajouter a :^rehL depuis, Graniniaire de Guillevic et Le
Goff, p. 62, etc.
Ayant eu l'occasion de revenir sur la première des questions
phonétiques soulevées par cette étymologie, Epenihèse des liqui-
des, 36 (§ 45), je n'ai pu trouver de cas absolument semblable
à drebi = depuis, ce qui m'a fait recourir à l'hypothèse d'une
influence analogique d'autres équivalences directement expli-
cables : van. dresspétt et desspéit, dépit (à cause de Vu de enn-
desspétt, enn-dresspéît, en dépit).
Je crois qu'à la place de cette action indirecte de la phonétique
bretonne, il vaut mieux mettre en cause une forme française.
A :^rebi se disant du temps comme de l'espace a pour synon3mies
en français, non seulement depuis, mais dès. Or, dès a un équi-
valent drès : « drès le matin », G. Sand, François Je Qjampi ;
« drès que le jour sera venu », Jaubert, Gloss. du centre de la
France ; drc, Edmont, Lexique Saint-Polois. Drebi, *drebui
supposerait une combinaison de ce drès avec depuis.
XIII. — ARDANT
Le haut cornouaillais ardant, pi. ou « quatre chevilles en
bois ou en fer qui se trouvent sous la charrette et servent à
fixer la corde que l'on tait passer en diagonale et en croix d'un
bout à l'autre de la charrette pour maintenir la charge » est
expliqué par M. Loth, Rev. Celt., XXIV, 408, comme venant
d'un celtique *arc-lantu-, d'après le gall. lanl, corde. 'Cette éty-
mologie est irréprochable au point de vue phonétique. Je crois
pourtant que le mot est plutôt composé du breton dafit, dent.
Quant à la forme, il n'y a guère de difficulté. On sait que
l'adoucissement de d en ~ n'a pas lieu partout; nous venons
de voir en vann. a drebi à côté de a ~rebi. Il y a précisément
en cornouaillais un composé ardu, noirâtre, de du, noir, Rev.
Cell.,lV, 147.
Le pluriel de daîit est dent ; mais les composés ne sont pas
toujours traités à cet égard comme les mots simples ; ainsi leandy
« monastère de filles » fait leandyou Gr., bien que ty, maison.
Sur l'Étymologie bretonne. 8^
fasse tye:^, tyêr Gr. Du reste, les noms Je parties du corps ont
souvent des pluriels en ou quand ils s'appliquent aux choses.
Ar-dant ainsi compris rappelle le franc, sur-dent. Grég. traduit
ce mot dreist-danl. pi. drcist-dcnt ; on dit en Trég. haddaht ;
*ardanl en ce sens n'aurait rien d'étonnant, cf. tréc. haddorn,
poing, à côté du léon. arzpurn, Epenthèse, 8.
Un eipploi technique de cette racine se montre dans daiilenn,
pi. ou, pierre d'attente Gr., danten f. Gon. = pierre qui avance,
qui fait saillie comme une dent. Mais il faut surtout considérer
le franc, dent-de-loup « cheville pour arrêter la soupente d'une
voiture », etc., Littré; dent de loup « gros clou qui sert dans
les pans de bois à arrêter les tournisses, ou dans les couvertures
à fixer les chevrons sans assemblage » (Grande Encyclopédie) .
Comme il arrive souvent dans le langage technique, cet objet
a été désigné en français, non par son emploi, mais par une
image tirée de son aspect. C'est le cas de dahtenn et, je crois,
de ardaiit.
XIV. — PLETRIN
Ciiâl. donne pletrin « grand coffre où l'on paitrit », pi. plei-
trinieu, et Grég. en van. pletrin, auge de bois. Ce mot vient
du franc, pétrin, c'est un de ceux qui auraient pu être étudiés,
Epenthèse, 55 (§ 71). Mais il n'est point prouvé que 1'/ ait été
ajouté par le breton. M. Mistral donne en gascon pestrin, pres-
tin, pétrin, pestri, presti, pétrir; le van. pletrin peut venir par
dissimilation d'une forme française *pretrin, combinaison de
pétrin et de pre(s)tin.
XV. — PILHOUSTENEK
Le petit tréc. pilhousteneh (jupe) dont les bords déchirés
pendent en lambeaux, (poule) aux plumes hérissées, appartient
à la famille du haut breton pillotoux, chiffonier, cf. Gloss.,
491 ; il est dérivé d'un nom *pilhoust(r)en, lambeau, voisin du
\)éarnx\spelhoustre, déguenillé; d. aussi languedocien et gascon
peious, pelhous, guenilleux, loqueteux, Mistr.
E. Eknault.
CHRONIQUE
SOMMAIRE: I. Découverte d'une inscription commémorative de la soi-disant défaite
des Gaulois à Delphes 270 ans avant notre ère. — II. Catalogue par M. Standish
Hayes O'Grady des mss. irlandais du Musée brit£,nnique. — III. M. P. W. Joyce,
A social History of ancicnt Irdand. — IV. M. René d'Ys, Ernest Renan en Bretagne. —
V. M. Raud et les prétentions de Gien contre Orléans. — VI. M. Joseph Déchelette,
L'oppidum de Bibracte. — VIII. Y Cymmrodor, t. XVI. — IX. MM. Guillevic et Le
Golf, Exercices sur la grammaire bretonne. — X. M. G. Dottin, La religion des Celtes.
— XI. MM. Berthoud et Matruchot, Étude historique et étymologique sur les noms
de lieux habites du département de la Côte-d'Or. — XII. M. Alphonse Roserot, Dic-
tionnaire topograpkique du département de la Haute-Marne. — XIII. M. Burlet, La
Savoie avant le christianisme.
I
A la séance de l'Académie des Inscriptions, le 23 décembre 1905, M. S.
Reinach a fait connaître la substance d'une très importante inscription
grecque découverte dans les ruines de l'Asklépiéion de Cos par M. le
Professeur Herzog, de Goettingue.
C'est un décret rendu par les habitants de Cos au moment où leur parvint
la nouvelle de la défaite des Gaulois devant Delphes (novembre 279 avant
J. C). Les habitants de Cos envoient des délégués à Delphes pour offrir un
magnifique sacrifice aux Pythia et rendre hommage en leur nom au dieu,
qui était apparu en personne pour repousser les envahisseurs.
Le décret est fort long et presque entièrement conservé. Le texte en sera
publié prochainement par M. Herzog.
II
La direction de la Revue Celtique a reçu, moyennant finances, les 672
premières pages du' catalogue des manuscrits irlandais conservés au British
Muséum. L'auteur de ce travail est M. Standish Hayes O'Grady, dont les
instructives publications sont connues de tous les celtistes.
Il a divisé son œuvre en cinq parties: 1° Histoire, p. 1-75; 2° Droit,
p. 76-157; 3° Lexiques, p. 158-170; 4° Médecine, p. 171-327; 5° Poésie,
p. 327-672. On peut se demander pourquoi le savant auteur a adopté ce
Chronique. 8^
classemciu. Parmi les mss. irlandais, un grand nombre sont des recueils de
mélanges. Ainsi, dans la section consacrée à l'histoire il y a des poèmes
nombreux. Par exemple, le nis. Egerton 94, p. 2-4 du catalogue, contient
huit poèmes; dans le ms. Egerton 105, p. 25-27 du catalogue, il y en a
dix-sept; dans le ms. Egerton 112, p. 34-57 du catalogue, trente-six. On
trouve également des poèmes dans la section affectée au droit, notamment
dans le ms. Egerton 90, p. 76-85 du catalogue. Le ms. Egerton 88, p. 85-
141 du catalogue, qui est également classé dans le droit et dont une des-
cription a été donnée par M. Whitley Stokes, Thiee irish Glossaries, p. lix-
LXii, nous offre : fos 63-76, une copie du traité grammatical inédit intitulé
Uraicept iia ii-cices, qui n'a aucun rapport avec le droit; f<^s yg et suivant, le
glossaire d'O'Davoren, publié par M. Whitley Stokes, 'l'hrt'e irish glossaries,
p. 47-121, dont la place véritable serait parmi les lexiques, enfin, divers récits
légendaires qui n'ont avec le droit aucune relation. M. Standish Hayes
O'Grady a donc eu tort, suivant nous, de prétendre classer les mss. par
ordre de matières; il aurait dû, imitant Eugène O'Curry, laisser les
mss. dans l'ordre des numéros qu'on leur a donnés au British Muséum,
et, ce que n"a pu laire l'auteur du premier catalogue, mettre à la fin un
bon index.
Autre observation critique.
Dans quelques cas, M. Standish Hayes O'Grady indique les éditions des
textes dont il a les manuscrits sous les yeux ; ainsi, p. 92, il dit que les
aventures de Condla Ruad, Egerton 88,- f° 11 /', col. i, ont été publiées par
M. E. Windisch, Kiir::^ge/asste irische Grammalik; mais il passe d'autres
éditions sous silence ; notamment à la même page 92 il néglige de dire que
les aventures de Bran, fils de Febal, même manuscrit, fo i\ b, col. 2, ont
été éditées par M. Kuno Mever, Grimni Lihrary, n" 4 ; et l'extase prophé-
tique de Conn aux cent batailles, i° 12 b, col. i, de ce ms., par O'Curry,
Lcclures on the manuscript iiiaterials, p. 620-622.
Quoi qu'il en soit de ces critiques, la publication de ce catalogue sera
chose fort utile, puisque jusqu'ici, dans la plupart des cas, lorsqu'on voulait
se renseigner sur les manuscrits irlandais du British Muséum, on était réduit
au catalogue dressé par Eugène O'Curry et que ce catalogue, resté manuscrit,
n'est accessible qu'à Londres.
On pourrait peut-être reprocher au savant auteur quelques développements
inutiles quand, par exemple, il emploie les seize pages 35-50 à nous donner
les divisions : 1° d'une traduction irlandaise moderne delà vie de saint Patrice
écrite par Jocelin ; 2° du traité de la messe ; 30 du traité de la mort composés
par GeofTrey Keating; 4" du livre 1'='' de l'histoire d'Irlande due au même
auteur. Mais, répondra-t-on : Ouod abuudat non vitial, et on aura raison.
III
M. P. W. Joyce, si connu comme auteur de trois ouvrages : i» TheOrigin
and History of irish Names of Places ; 2° Old celtic Romances ; 30 A short His-
lory 0) Jreland, et à qui l'on doit une édition de la première partie du livre I'^"'
86 Chronique.
de Keating, histoire d'Irlande, vient de publier deux volumes intitulés : A
social history oj Aucient hrlaiid ^ . Son sujet offre une grande ressemblance
avec celui qu'a traité Eugène O'Curry dans l'ouvrage dont le titre est : On
the Manuers and Ciistoms of the ancient Jrish. Dans le nouveau livre on trouve
plus et moins que chez O'Curry ; M.Joyce ne donne pas comme O'Curry des
textes inédits, mais il connaît, sur les divers détails qu'il traite, les publications
faites depuis l'édition par W. K. Sullivan de l'ouvrage d'O'Curry, 1873,
c'est-à-dire depuis trente ans. Le premier volume du nouvel ouvrage de
M. Joyce traite successiveinent du gouvernement, de la guerre, des lois,
de la justice, de la religion, de l'enseignement, de la langue, de la littéra-
ture, des arts du dessin, de la musique. Dans le second volume, il est
question de la famille, de la maison, du chauffage, de l'éclairage, du vête-
ment, de l'agriculture, du pâturage, des ouvriers, des moulins à blé, des
diverses industries, des mesures, des échanges, du commerce, des routes,
des voyages, des assemblées publiques, des jeux, etc., etc., enfin, de la
mort et des enterrements.
Les deux volumes de M. Joyce forment plus de treize cents pages in-
octavo. Parmi les nombreuses assertions que ces pages contiennent, il y en
a évidemment un certain nombre qui, malgré la science de l'auteur, peu-
vent être contestées. Telle est l'explication de beltene « premier mai », par
feu de Bel, c'est-à-dire du dieu phénicien Baal (t. I, p. 278, 279, 291). On
peut citer à l'appui de cette doctrine quelques autorités irlandaises. Dans le
glossaire de Cormac on lit: Bil .i. o-Bial À. dia hidal uiide Bcltinc À. toic
BU. « Bil de Bial, idole païenne, d'où Belline, feu de Bial »-. Dans le ms.
H. 5. 18 du collège de la Trinité de Dublin, p. 596, on trouve une doctrine
qui s'approche de celle-là : Beltaine, idon bcl-dine ; bel dano aiiim do idJial ;
is aini dothaissealbtha diiie cacha cethra for seilbh Bhcil. « Beltaine, c'est-à-dire
« bel-dine (nouveaux-nés de Bel). Bel est le nom d'une idole, c'était au jour
« de Beltaine qu'on offrait à Bel les nouveaux-nés {dine) de tous les bestiaux
« et qu'on l'en mettait en possession. » Mais le viel auteur n'est pas sûr
de cette étvmologie, car immédiatement il en propose une autre qu'il
emprunte au glossaire de Cormac dans un endroit différent de celui que
nous avons cité en premier lieu : Bil-liitc .i. Une t-soinmeach « Bil-tine »,
c'est-à-dire « feu heureux » ;. Q.uoi qu'il en soit, il paraît avoir tiré sa
première doctrine du Tochiiiarc Emere « Demande en mariage d'Emer par
Cûchulainn », publiée par M. Kuno Meyer ; cette pièce, en effet, débute
par les mots : Do-asselblhea diiie cacha cethrae for se[i\lb Be[i]l. Bel-dine iaroni
.i. belUine. « On présentait les nouveaux-nés (dine) de tous les bestiaux à
« Bel et on l'en mettait en possession. De là beldine, forme primitive de
« belliiie, nom du premier mai 4. » De ces textes, conclure que Bel fut un
dieu phénicien est un peu hardi.
1. Longmans, Green and Co., 39, Paternoster Road, Londres.
2. Whitley Stokes, Thrce irish glossaries, p. 9.
3. Pétrie, Tara, p. 84. Whitley Stokes, Three irish glossaries, p. 6.
4. Revue Celtiijue, t. XI, p. 442.
Chronique. • 87
On peut consulter sur cette question M. Wliitley Stokes, Urkeliischer
SpitichsilMiti, p. 164; ce savant considère bzUene ou belline comme un com-
posé dont le premier terme bel serait d'origine indo-européenne ; il en rap-
proche les noms divins gaulois Belcnos, Selisaniaet le sanscrit bhàla-m « éclat »,
dont le grec ça).o; « brillant » paraît nous oft'rir une forme réduite ' , le
celtique *bëh-s en serait une autre. La fête du premier mai, dite en Irlande
Bcïtctie, n'est pas autre chose que la forme celtique des palilia célébrés par
les Romains; à Rome les paysans et les bestiaux sautaient au travers d'un
feu :
Per flammas saluisse pecus, saluissc colonos,
Quod fit natali nunc quoque Roma tuo -.
Cette léte se célébrait à Rome neuf jours plus tôt qu'en Irlande, c'est-à-
dire le onze des calendes de mai, autrement dit le 21 avril >.
Je citerai encore un autre point sur lequel je ne partage pas la manière de
voir de M. Joyce. Il s'agit de ce que, dans un livre de grande valeur,
M. Alfred Nutt a appelé rebiiih « seconde naissance », une espèce de
métem psychose. On ne peut contester que la légende de Mongân ne donne
un exemple de seconde naissance : Mongân qui fut le fils putatif de Fiachra
Lurgan, mais qui avait pour vrai père le dieu Mananndn mac Lir 4, n'était
autre, dit-on, que l'illustre héros Find mac Cumail, revenu à la vie environ
trois siècles après être morts. Il était mort l'an 283 de notre ère; il serait
né une seconde fois entre 374 et 6066. Mais peut-on dire que le héros
Cûchulainn fût le dieu Lug mort et revenu à la vie par une seconde nais-
sance 7? Lug était le père de Cûchulainn; celui-ci avait été, si l'on veut,
un nouveau Lug comme les enfimts de M. Joyce, s'il en a, sont de nou-
veaux Joyce. Dans ce que M. Zimmer appelle la récension X du Tdin bô
Cûailugi, on voit Lug apparaître aux côtés de Cûchulainn 8; « Je suis le
dieu ton père », lui dit-il 9. II l'encourage et guérit ses blessures. Puis, peu
après, il combat de concert avec lui 'o. La naissance de Cûchulainn n'est pas
1. Cl. PrcWw'Hz, Etyniologisches ira'iierbuch tier trriechischcn SpiLiche, p. 338.
2. Ovide, Fastes, iV, 810, 811.
3. Corpus iuscriplionttin laliimriim, t. I, 2" édition, p. 315-316; cf. Mar-
quardt, Handbiuh der rocmischen Altcttbïiuicr, 2= édition, t. III, p. 207 ;
Preller, Rceniiscbe Mylboloi^k, p. 364-369.
4. Compert Mongdin, Kuno Meyer et Alfred Nutt, The Voyage of Bran,
t. I, p. 42-45-
5. Scél asa in-berar co m-bad hé Find mac Ciiiiiail Mongân, ibidem, p. 43-52.
6. The Voyage of Bran, t. I, p. 44, notes.
7. A Social hislory of ancienl Ireland, t. I, p. 299 ; cf. The Voyage of Bran,
t. II, p. 43, 93.
8. Zeitschrtjtfiir vergleichende Spracbforschung ,x . XX'VIII, p. 5 54, 5 36, 537.
9. Is messe do atha/r as-sidib .i. Lug mac Etlile«d. Lebor na hUidre,
p. 78, col. 1, I. 18, 19.
10. A.sberat araili : rofich Lug mac Eithle»d la Co'viculaind. Lebor na hUidrc,
p. 80, col. 2, 1. 23, 24; Livre de Leinster, p. 78, col. i, note marginale.
88 Chronique.
plus une seconde naissance du dieu Lug que la naissance d'Héraclès ou
Hercule et de Polydeukês ou Pollux n'est une seconde naissance de Zeus ou
de Jupiter pour parler comme les Romains. Lug et Cûchulainn sont deux
personnes distinctes, comme Héraclès et Zeus, comme Polydeukês et Zeus,
tandis que Mongân et Find, suivant la légende, sont la même personne. Le
texte du Tdin conservé par le Livre de Leinster a été expurgé par une main
chrétienne : la paternité de Lug y est supprimée ; Lug, dieu des païens, n'y
est pas nommé, il y est seulement question d'un ami dont le nom n'est pas
dit et qui, du pays des fées, vient au secours de Cûchulainn '. Pourquoi
cette suppression de Lug ? Elle est due à des scrupules religieux. Des chré-
tiens du XII'-' siècle ne pouvaient admettre que le grand héros Cûchulainn,
personnage historique suivant eux, fût fils d'un dieu des païens. Mais pour
reconstituer la mythologie irlandaise, nous devons faire disparaître cette
mutilation du texte primitif.
Nous ne sommes donc pas sur tous points d'accord avec M. Jovce, ce
qui ne nous empêche pas de considérer son ouvrage comme un bon livre.
IV
Ernest Renan en Bretagne est le titre d'un volume fort intéressant dû à la
plume élégante d'un écrivain qui signe d'un pseudonyme, René d'Ys.
Ernest Renan a été un des plus chauds amis de la Revue Celtique ; quand
elle commençait à paraître et que l'avenir des études celtiques en France
semblait bien incertain, il lui a donné un article sur l'étymologie du nom
d'Abélard 2.
D'autres études l'ont depuis absorbé ; mais les directeurs de la Revue Cel-
tique n'ont jamais rencontré accueil plus bienveillant que le sien. Il savait
parler breton, en l'entendant parler il le comprenait et rien ne lui plaisait
plus que les légendes bretonnes. Un soir, au dîner celtique qu'il présidait
et auquel j'assistais, le bon Q.uellien, un des protégés de Renan, lut un
poème breton de sa composition. C'était une histoire de revenant, comme
on en trouve plusieurs dans la Légende de la mort, de M. Anatole Le Braz 5.
Une nuit, à Tréguier, on entend, à minuit, sonner les cloches de l'église, un
curieux se lève et va voir ce que cela signifie. Il trouve l'église illuminée et
pleine de gens inconnus. Un prêtre, également inconnu, debout à l'autel,
célébrait la messe. Pourquoi? Le voici. Ce prêtre était mort avant d'avoir
dit sa première messe; accompagné d'une foule d'autres morts, il était venu
réparer cette omission. Qui était ce prêtre? C'était Ernest Renan! Renan,
1 . Lequel est-ce de mes amis du pays des fées? Cia do-m-chardib sidchairc-
sa ? (Livre de Leinster, p. 76, col. i, 1. 34, 35) demande Cûchulainn. A
cette question pas de réponse.
2. Revue Celtique, t. I, p. 265-268.
3. La légende de la mort che:{ les Bretons armoricains, 2« édition avec
des additions par M. Dottin, Paris, Champion, 1902, 2 vol. in-12. Voir,
par exemple, t. I, p. 87-89; t. 11, p. 106, m, 390, 392, 396, 397.
Chronique. 89
qui, comme je viens de le dire, comprenait parfaitement le Breton, écouta
la lecture de Quellien en pouffant de rire et avec la plus vive satisfaction.
Il m'a témoigné le même plaisir quand je lui ai raconté la légende de saint
Renan, accusé d'être loup garou et d'avoir, comme tel, dé%'oré plusieurs
moutons, puis, ô horreur ! mangé un petit enfant. L'innocence de saint
Ronan fut reconnue. En effet, des chiens de chasse lâchés contre lui ne lui
firent aucun mal ; s'il eut été un loup déguisé en homme, ils l'auraient mis
en pièces 1. Ce fut surtout cette manière de prouver l'innocence du saint
qui amusa son iiomonvme. M""-' Renan, présente à mon récit, avait d'abord
mal pris la chose : elle comprenait qu'on accusait son mari de manger les
petits enfants. Après un mot d'explication de son mari, elle se mit à rire
avec lui.
M. René d'Ys commence par la généalogie d'Ernest Renan qu'il a recon-
stituée par un grand travail et avec un vrai succès. Il nous montre Renan
faisant ses études secondaires à Tréguier, puis revenant en Bretagne faire un
séjour chaque année à la fin de sa vie. Les pages 288-298 sont consacrées à
la visite de l'association archéologique du Pays de Galles à Ernest Renan
dans son habitation de Ros-map-Amon le 22 août 1889. M. René d'Ys en
parle d'après la Saturday Reviezu de septembre 1889. Le compte rendu officiel
a paru en 1890 dans V Archaeologia Cainhrensis, Journal of thc Caiiibriau
aichaeohgical Association, 5c série, t. VII, p. 169-173. Après cette visite,
Renan accompagna les membres du Congrès à Ploumanach. Un des
mt numenis visités fut l'église gothique de Notre-Damede la Clarté, et, devant
le portail de cette église, deux gallois, membres du Congrès, prirent une
photographie d'Ernest Renan dont la reproduction très joliment gravée se
trouve dans le volume précité, en face de la page 175. On y reconnaît la
physionomie bienveillante du grand écrivain sans mélange de cet air
moqueur qui dépare certains de ses bustes et qui était contraire à sa nature.
Le livre de M. René d'Ys se termine par le récit de l'érection de la statue
de Renan, à Tréguier, en 1903.
M. F. Raud, dont la femme est originaire de Gien, a écrit pour lui plaire
une brochure in-80 de 149 pages. Il y prétend démontrer que le Geiiabinn de
Jules César {Cenabmn serait préférable) est Gien et qu'on se trompe quand
on le place à Orléans. Il a lu sur ce sujet beaucoup de mémoires et la tra-
duction française du De bello gallico qui se trouve dans la collection d'auteurs
latins publiée par Désiré Nisard. Ce qu'il parait ignorer, c'est que les formes
les plus anciennes que nous connaissions du nom de Gien excluent la pos-
sibilité de l'identification de cette ville avec Genabiim ou Cenabum. Ces formes
sont Giemagus dans VHistoria gloriosi régis Lndai'ici Fil-, dans VHisloria
1. Lobineau, Les vies des saints de Bretagne, in-f°, p. 42.
2. Dom Bouquet, Recueil des historiens de la France, t. XII, p. 128 B.
90 Chroni(]ae.
cpiscoponim aiitissiodoveusium ', Gieinum dans ce dernier ouvrage 2, dans la
chronique de Robert d'Auxerre 5, dans un diplôme d'Hervée, seigneur de
Donzy, 1 199 4, Giem en français dans les Grandes chro)iiques de France S . Gien
devrait aujourd'hui s'appeler Giem avec un m finale, son ;; tient lieu d'un
111 primitif, comme dans le nom de Rouen, mieux Rouem. Dans la forme
latine Gie-muiii, -iniim est un des représentants ordinaires de -magits à l'époque
de la basse latinité. On trouve aussi -inaus dont il n'y a pas d'exemple connu
pour Gien.
Je ne puis qu'approuver le désir qu'a eu M. Raud d'être agréable à
M'"c Raud; c'est acte de bon mari. Mais je n'ai, moi, aucun désir de faire
ma cour à M™*; Raud, pas plus qu'à telle autre dame de Gien. Je dis donc
que, suivant moi, M. Raud s'est scientifiquement fourvoyé, quoique mari-
talement il ait très bien agi; seulement il aurait pu, pour faire plaisir à
Mme Raud, employer un procédé moins antiscientifique, lui offrir par
exemple un voyage en automobile ou des fleurs ; elle aurait peut-être préféré
une gracieuseté de ce genre, moins chère que l'impression d'une brochure
de 179 pages, et M. Raud m'aurait évité l'ennui de le critiquer, mais cet
ennui qu'il me cause lui est évidemment fort indifférent.
VI
M. Joseph Déchek'tte, président de la Société Eduennc, continue au montl
Beuvray, depuis 1897, les fouilles qui ont rendu illustre le nom de Gabrie
BuUiot, mort à l'âge de quatre-vingt quatre ans, le 11 janvier 1902.
M. Déchclette vient de publier une notice sur l'archéologue défunt et un
joli petit volume intitulé : L'oppidum de Bibracte. Guide du touriste et de l'ar-
cliéologue au mont Beuvray et au musée de l'hôtel Rolin *=.
Le mont Beuvray, où était Bibracte, capitale des Aedui au temps de l'in-
dépendance, est situé sur le territoire de la commune de Glux, arrondisse-
ment et canton de Château-Chinon, Nièvre, près de la limite occidentale
du département de Saône-et-Loire, à vingt-quatre ou vingt-six kilomètres à
l'ouest d'Autun, l'antique Augustodunum, capitale des Aedui sous la domi-
nation romaine, aujourd'hui comprise dans le département de Saône-et-
Loire.
Dans un chapitre intitulé : « Historique des fouilles », M. Déchelettc
raconte comment l'identification de Bibracte avec le mont Beuvray, admise
1. Dom Bouquet, t. XVIII, p. 726 B.
2. Dom Bouquet, t. XII, p. 305 C; t. XVIII, p. 726 C; Migne, Patro-
logia latina, t. 138, col. 304 B, 314 ABC.
3. Dom Bouquet, t. XVIII, p. 263 C.
4. Dom Bouquet, t. XVII, p. 658, note; cf. t. XIX, p. 477, notes b, c.
A comparer les veteres consuetudines de Saint-Benoît-sur-Loire, citées par
Hadrien de Valois, Notitia Galliarum, p. 234.
5. Dom Bouquet, t. XII, p. 203 B.
6. Paris, Alphonse Picard, 77 pages in-i6.
chronique. 9'
par Gui Coquille au xvit siècle ' , abandonnce au xviii>: siècle, fut découverte
à nouveau par Gabriel Bulliot en 1855, acceptée par le colonel Stofiel en
1865 et confirmée par les fouilles subséquentes de Gabriel Bulliot, 1867-
1893, qui ont mis à découvert lesdébris 1° d'une partie des' maisons gauloises,
jadis construites sur le plateau de Beuvray, 2° d'une partie des remparts, 3"
d'un temple, etc. Des planches nombreuses ornent ce petit volume. Nous
signalerons un plan des fouilles, celui du temple, celui d'une maison impor-
tante, celui d'une portion de rempart.
VII
La direction de la Revue Celtique a reçu du Modem Langiiage Department
oj Hurvurd Universily, Cambridge, Massachusetts, États-Unis, un livre
intitulé Sludies and Notes in Philohgy and Lileiatnre, vol. VIII. Il contient
deux mémoires, l'un, de M. Arthur C. L. Brown, est intitulé: « Iwain, a
study in the Origin of Arthurian Romance » ; de l'autre, qui a pour auteur
M. G. L. Kittredge, le titre est « Arthur and Gorlagon ». Précédemment,
les auteurs nous avaient adressé les tirages à part de ces intéressants travaux.
Il en a été rendu compte dans la Revue Celtique, t. XXIV, p. 125-125.
VIII
Le tome XVI du recueil intitulé Y Cymmrodor, the Magasine of the hono-
rable Society oJ Cymmrodor ion, 1903-, contient trois mémoires.
Le premier, par M. W. Llewelyn Williams, parle d'une insurrection qui
eut lieu dans le Pays de Galles sous Henri VIII. Le second a pour auteur
M. Francis Green, c'est la continuation d'une étude de cet érudit sur les
anciennes familles du Dyfed, région méridionale du Pays de Galles; dans
le tome XV du Cymmrodor, p. 100-149, il s'était occupé des Gwgan ou
Wogan de Boulston établis dans le comté de Pembroke en Galles au Nord
du canal de Bristol ; dans le tome XVI, p. 94-105, il a écrit l'histoire d'une
branche de la même famille qui se transporta au sud du canal de Bristol
dans le comté de Somerset.
Le dernier des mémoires publiés dans le tome XVI du Cymmrodor est
anonyme ; il concerne le Saint-Graal ; l'auteur s'engage après plusieurs
autres érudits ; dans la recherche fort difficile des éléments gallois que dans
la légende si compliquée du Saint-Graal on pourrait séparer des éléments
1. Elle est établie par Hadrien de Valois, Notitia Galliarum, (1675) à
Y irX\c\c Augustodunum, p. 61-62.
2. London, issued by the Society, New Stone buildings, 64, Chancery
Lane.
5. Paulin Paris, Lei Romans de la Table ronde, t. I (1868), p. 89-119;
Alfred Nutt, Sludies on the Legend of the Holy Grail, tuith especial Référence to
ils celtic Origin, 1888; John Rhys, The Arthurian Legend (1891), p. 300-
527, etc.
92 chronique.
étrangers au Pays de Galles. Au commencement du xiii« siècle, le français
Hélinand, moine cistercien de Froidinont, au diocèse de Beauvais, écrivit
une chronique dont le commencement est perdu et dont on n'a que la
dernière partie, 634-1204. Sous la date imaginaire de 707 empruntée par
lui au roman français ' il raconte qu'un ermite eut, par l'entremise d'un
ange, une vision concernant 1° Joseph, décurion qui descendit de la croix le
corps de Jésus, 2'' le plat dans lequel le Seigneur soupa avec ses disciples.
« Cet ermite », continue-t-il, « a écrit à ce sujet ce qu'on appelle l'his-
« toire du gradal. On nomme gradal en France une écuelle large et un
« peu profonde dont le nom en langue vulgaire est graal^. » Ce plat pré-
cieux aurait été porté en Grande-Bretagne par le décurion Joseph, autre-
ment dit Joseph d'Arimathie 3.j C'estJ unj conte imaginé sur le conti-
nent au xiF siècle : « The Graal is a foreign élément in the Celtic legend «,
comme dit avec raison M. Alfred Nutt 4. Joseph d'Ariinathie et le Saint
Graal en Grande-Bretagne, c'est un conte forgé pour servir de pendant 1° à
la légende de l'apôtre saint Jacques en Espagne, 2° à celle de Lazare res-
suscité et de Marie-Madeleine la pécheresse, venus mourir en France. L'au-
teur du mémoire dont nous parlons fait de grands efïorts pour arriver à
démontrer que Robert de Boron, originaire d'un village voisin de Belfort,
cet écrivain français, le plus ancien des auteurs qui aient raconté la légende
du Saint Graal, avait entre les mains des documents plus anciens que lui.
Suivant nous, il ne réussit pas à l'établir. Je me bornerai à un exemple.
L'érudit anonvme, qui a composé le mémoire que nous critiquons, dit,
p. 126, que vers l'année 1200, date où écrivait Robert de Boron, il ne
restait plus en occident aucune trace de l'usage d'entourer l'autel de
rideaux ; or, cet usage était encore général en France au xv<=, au xvi^ et
au xvii'i siècles. On en cite même plusieurs exemples du XYiii^ siècles.
Du reste, le mémoire dont il s'agit devant être continué, on ne peut le
juger définitivement aujourd'hui.
IX
Le tome XXIIl de la Revue Celtique contient, p. 108 (cf. p. 217), l'annonce
d'une granniuire bretonne, dialecte de Vannes, publiée en 1902 par
MM. Guillevic et Le Goft". Pour compléter cet ouvrage, ils viennent de faire
paraître un recueil de textes bretons à traduire en fr.uiçais et de textes fran-
1. Hucher, Le S'iiiit Gnuil, t. II, p. 5. Sur le mot français graal, voir
Godefroy, Dictioiiuairc de J' ancienne langue française, t. IV, p. 526.
2. Migne, Patrologia latina, t. 212, col. 814-815.
5. Sur Joseph d'Arimathie, voyez les évangiles : Mathieu, XXVII, 57-59 ;
Marc, XV, 43-46; Luc, XXIII, 50-53; Jean, XIX, 38-40. La qualité de
décurion est donnée à Joseph d'Arimathie par Marc et Luc.
4. StuJies précitées, p. 165.
5. VioUet-le-Duc, Dictionnaire raisonné de l'ardjikclurc Jrançaise, t. II,
p. 26-30.
Chronique. 95
çais à traduire en breton. Chacun de ces textes est un recueil d'exercices
correspondant aux règles exposées dans une page de la grammaire, et le
numéro de cette page est reproduit en tête de la page qui contient chacun
de ces textes bretons et français. Le titre de ce volume est Exercices sur la
grammaire bretoiuie. Il a paru à Vannes, chez le libraire Lafolye. C'est un
petit in-8" de 222 pages.
M. Georges Dottin vient de publier sous un format modeste une savante
étude intitulée La religion des Celtes ' ; elle atteste une connaissance appro-
fondie de tous les textes de l'antiquité et de toutes les publications récentes
relatives à ce sujet.
Une liste des ouvrages qui ont traité de la religion des Celtes est placée
à la page 2 en tète du livre. Je ne puis blâmer l'auteur d'avoir passé sous
silence les deux volumes in-40 de Dom Martin, La religion des Gaulois tirée
des plus pures sources de l'autiquilè, Paris, 1727. C'est un ouvrage bien arriéré.
Cependant on y trouve quelques bonnes choses. Tel est le rapprochement
du passage de Lucien sur Ogmios avec un passage d'Eunapios dans la vie
de Porphyre. Les chaînes, a^'.oaî, attachées aux oreilles des prisonniers
d'Ogmios -, étaient aussi un attribut d'Hermès : Eunapios, parlant du talent
oratoire de Porphyre, prétend que ce philosophe paraissait avoir à sa disr-
position une chaîne telle que celle d'Hermès lpii.aV/.r; t-.ç astpâ 3. La
même idée est exprimée en d'autres termes dans le Z:J; -paywoo? de Lucien,
c. 45 ; il y est parlé d'un certain Dâmis, ennemi des Dieux ; l'éloquence de
ce Dâmis entraînait les hommes qu'il tenait liés par les oreilles 4. On pourrait
tirer de ces textes une conclusion, c'est que les chaînes d'Ogmios seraient
une formule grecque, employée par un artiste grec ou d'éducation grecque
pour exprimer une idée celtique dont la forme pouvait être toute
différente.
Le livre de M. Dottin est divisé en quatre chapitres qui traitent, le pre-
mier des sources, le second des dieux, le troisième des pratiques et des
croyances religieuses, le quatrième des druides. L'auteur connaît bien le
sujet qu'il traite; ce qui caractérise son œuvre est une grande prudence.
Peut-être pourrait-on être sur quelques points plus afiirmatif que lui.
1. Paris, Blond et C'"-", 1904, in-32, 64 pages.
2. Lucien, Héraclès, 3: '() yà^ otj yÉpwv 'JloaxXïj; exhivo; âvOptô^ïcJv ^îotfjL-
-oÀJ 7'. "Àr/io; îÀ/.c'. âz twv wtwv ccnavra; ô;^c|Xc'vO'j;. AsTai oÈ sla'!"/ 0'. aî'.oal
).:-Ta; /p-j'joj xa'i r,XîV.T,iOu. Lucien, édition Didot, p. 599.
5. La Religion des Gaulois, t. I, p. 507. Eunapii vilae philosophortim ,
édition donnée par Boissonade à la suite de Philostrate, chez Didot,
P- 4)6.
4. XtAy-'- ajTOJ; avaoir,^xij.3vo; -((u <<>-im'j ij Ai;/'.;. Lucien, édition Didot,
p. 489.
94 Chronic]ue.
XI
Dans le tome XXIII, p. 209-210, de la Revue Celtique, il a été rendu
compte de la première livraison du travail de MM. Berthoud et Matruchot
sur les noms de lieux habités du département de la Côte-d'Or. Une seconde
livraison a paru depuis', elle parle de la période gallo-romaine. Elle est
divisée en six chapitres comprenant, le premier les noms de lieu formés à
l'aide du suffixe celtique -dcos, latinisé en -dcus, c'est la section la plus
considérable. Viennent ensuite, chapitre II, le suffixe -dinis ; chapitre III, le
suffixe -0, -ôuis ; chapitre IV, les noms de personne employés directement
comme noms de lieu ; chapitre V, suffixes -atiis et -atis ; chapitre VI, vocables
d'étymologie douteuse, vraisemblablement gaulois ou gallo-romains, savoir :
1° composés dont le second terme est -mâras; 2° divers. Viennent ensuite
deux errata, l'un pour la première livraison, l'autre pour la seconde.
Ce travail, où se devinent fréquemment les conseils d'un maître,
M. Longnon, quand même il n'est pas cité, peut servir à mesurer les pro-
grès accomplis dans l'étude des noms de lieu depuis la publication de
J. Garnier, Nomenclature historique des comimuies, hameaux, écarts, lieux
détruits, cours d'eau et montagnes du département de la Côte-d'Or, bon petit
ouvrage de iv-287 pages qui a paru en 1869. Je vois très peu de critiques à
soumettre aux auteurs. En voici une : je suis étonné qu'ils n'aient pas rap-
proché de Segestrum, aujourd'hui Cestre, commune de Saint-Seine, p. 176,
Segessera, nom d'une station romaine située probablement sur le territoire
de Bar-sur-Aube, Aube, et Segustero, Segiisteroiiis, nom de Sisteron (Basses-
Alpes). M. Holder, Altceltischcr Sprachschat^, t. II, col. 459, propose Segu-
strtim comme forme primitive de Segestrum. Q.uant à la première livraison
du livre de MM. Berthoud et Matruchot, j'ai dit, Reinie Celtique, t. XXIII,
p. 210, que l'origine ibérique de certains mots ne me semblait pas démontrée
et j'ai donné dans le tome XXIV, p. 330, 331, mes raisons pour penser que
le mot calmo-, calma, en français « chaume », c'est-à-dire terrain friche et
sans arbres, est d'origine ligure et non ibérique.
XII
La collection des Dictionnaires topographiques publiés par le ministère de
l'Instruction publique vient de s'enrichir d'un volume nouveau qui a pour
objet le département de la Haute-Marne et pour auteur M. Alphonse Roserot,
ancien archiviste de ce département. Les archives de la Haute-Marne sont
un des dépôts français les plus fournis en documents originaux du moyen
âge. Ainsi, parmi les vingt-huit diplômes des vins ix^ et x^ siècles publiés
ou analysés par M. Th. von Sickel en 1869 chez Waitz, Forschungen ^ur
deutschen Geschichte, t. IX, p. 403-434, il y en a onze dont les originaux sont
I. Société nouvelle de librairie et d'édition, directeur Clément Rueil,
17, rue Cujas, Paris, 1902, un vol. in-8, 238 pages.
Chronique. 95
conservés aux archives du département de la Haute-Marne à Chaumont.
M. Roserot a donc trouvé dans ce dépôt d'excellents matériaux.
Mous ne pouvons analyser ici un volume in-40 de Lix-221 pages.
Nous signalerons comme particulièrement intéressants deux noms de lieu
terminés par le suffixe -asco- et par conséquent ligures : 1° Maiascus, Maiasch,
aujourd'hui Maast (p. 98); 2° Maiascus, aujourd'hui Marac, p. 99; puis
quelques noms gaulois : par exemple Algyorre, Atiotntm, aujourd'hui Aujeure
(p. 7), peut s'expliquer par un primitif Alio-dûron ou Allio-dùroii ; Chevillon,
au génitif Cavilloiiis (p. 44), thème cavillon-, tient probablement lieu d'un
primitif *t-aW/i'«-, nom d'homme, d'où dérive le nom de ville Cahillouum,
aujourd'hui Chalon-sur-Saône '. Deux noms de lieu se terminent en -siiuis,
probablement pour -samus, ce sont : Balesme, plus anciennement Balismiis
ou Belismus (p. 10), le masculin de Belisama ; Osismus, Usma, Huismes,
aujourd'hui Humes (p. 88). Enfin, Bevrona, aujourd'hui Brévannes (p. 25),
Brevoine (p. 26) tient lieu d'un plus ancien Behroiia ou Behrontut, dérivé du
gaulois behos « castor » 2.
XIII
M. l'abbé Burlet a publié en 1901 un volume intitulé La Savoie avant h
chistiaiiisme 5. Un chapitre préliminaire traite de la Savoie préhistorique, parle
des habitants des cavernes et de ceux dont les maisons étaient construites
au-dessus des lacs. Puis viennent deux parties, divisées chacune en quatre
chapitres. La première partie est consacrée à la Savoie gauloise, la seconde
à la Savoie gallo-romaine jusqu'au ne siècle de notre ère. Un recueil de
textes où, malheureusement, les auteurs grecs n'apparaissent que sous
forme de traductions latines, et une ample bibliographie terminent ce
volume. On peut s'étonner qu'à Chambéry on soit aussi complet et qu'il y
ait si peu de lacunes. Cependant, j'ai vu avec regret que V Altceltischer
Spruchschat- de M. A. Holder n'apparaît pas dans ce volume.
Paris, le i'^'' janvier 1904.
H. d'ArBOIS de JunAINVILLE.
1. Holder, Altceltischer Sprachschat\, t. I, col. 661, 662.
2. Holder, Altceltischer Sprachschat-, t. I, col. 363.
3. Chambéry, Imprimerie générale de la Savoie, in-S", vi-407 pages.
PÉRIODIQUES
SOMMAIRE : I. Revue de synthèse historique. — II. Zeitschrift ftir celtische Philologie.
— III. Archiv fiir celtische Lexicographie. • — IV. Annales de Bretagne. — V.
Archaeologia Cambrensis. — VI. The Journal of the royal Society of Antiquaries
of Ireland. — VII. Celtia. — VIII. An Gaodhal. — IX. Revue numismatique. —
X. Revue internationale de numismatique. — XI. The Journal of theological Stu-
dies. — XII. Boletin de la real Academia de la Historia. — XIII. Revue historique.
— XIV. The Folklore. — XV. Revue archéologique. — XVI. Indogermanische
Forschungen. — XVII. Beitraege zur ICunde der indogermanischen Sprachen. —
XVllI. L'Anthropologie. — XIX. Revue des traditions populaires. — XX. Revue
epigraphique. — XXI. Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux. Revue des
études anciennes. — XXII. Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung. — XXIII.
Proceedings of the royal irish Academy. — XXIV. Revue des bibliothèques et
archives de Belgique.
I
La Revue de synthèse HiSTORiauE, t. VI, p. 517 et suivantes, contient
un travail dont le sujet appartient à la spécialité de la Revue Celtique. C'est
« La littérature galloise », par M. G. Dottin, mérnoire divisé en douze
paragraphes. Le premier traite des manuscrits en langue galloise et de leurs
éditions ; le second résume l'histoire de la littérature galloise du ix^ siècle au
xix'-' ; le troisième paragraphe a pour objet les bardes gallois et leurs poèiTies,
considérés à un point de vue général ; dans le quatrième, leur histoire est
disposée chronologiquement ; le cinquième est consacré à la prose roma-
nesque, notamment aux Mabhiooion ; le sixième aux compositions historiques ;
le septièine aux triades ; le huitième aux recueils d'aphorismes, de proverbes,
de lettres, aux traductions de la littérature latine profane, aux œuvres dra-
matiques ; le sujet du neuvième paragraphe est la littérature religieuse :
vies de saints, traités de morale, etc. ; le droit apparaît au paragraphe dix,
la médecine au paragraphe onze; dans le douzième et dernier paragraphe,
M. Dottin parle des catalogues de manuscrits gallois et exprime le regret
qu'il y ait encore tant à publier pour faire connaître complètement la
littérature galloise au public de plus en plus nombreux qui s'intéresse à elle.
Des notes multipliées contiennent une bibliographie complète du sujet.
Périodiques. 97
II
Zeitschrift fur celtischf. Philologie, herausgegeben von Kuno Meyer
und L. Chr. Stern, t. IV, 3^ livraison. — Cette livraison comprend huit
articles. Le premier est de M. F. N. Robinson ; il contient le texte de deux
fragments d'une rédaction irlandaise du roman français « La quête du saint
Graal ». Ces fragments, qui paraissent dater du xv^ siècle, sont conservés
dans la collection des Franciscains de Dublin. M. Nettlau en avait donné, en
1889, trois extraits dans la Revue Celtique, tome X, 1° p. 186, 1. 20-30-,
2° même page, 1. 31-36, et p. 187, 1. i, 2; 3° p. 187, 1. 2-6. On trouve
le premier de ces extraits dans l'édition de M. Robinson, p. 387, 1. 51-34,
p. 588, I. 1-2; le second, p. 384, 1. 11-19; le troisième, p. 385, 1. i-). Le
premier extrait appartient au deuxième fragment, le second et le troisième
extraits viennent du premier fragment. Ainsi le texte primitivement fran-
çais de la Quête du saint Graal fut transporté en irlandais, comme elle le
fut en gallois, ainsi qu'on peut le voir dans le tome h^ des Sélections of Hen-
crurt mss. Le premier des fragments publiés par M. Robinson commence
dans les Sélections, vers la fin du § xl, p. 102 du texte, p. 502 de la traduc-
tion, le second commence vers la fin du § XLili, p. 109 du texte, p. 507 de
la traduction. On voit par la comparaison de ces deux traductions, l'une
irlandaise, l'autre galloise, quel succès le roman français a ou dans les Iles
Britanniques au moyen âge.
Le second article donne le texte et la traduction d'une composition irlan-
daise « La vision de Merlino », dont il n'y a pas de manuscrit antérieur au
xviiie siècle. C'est une promenade en enfer, au purgatoire et au ciel.
L'éditeur et traducteur est M. Steward Macalister qui date son travail de
Jérusalem, localité sainte, mais plus accessible aux vivants que l'enfer, le
purgatoire et le ciel.
Vient ensuite une note sur la composition irlandaise intitulée Aiiied
Fergusa mie Leti « Mort violente de Fergus, fils de Lete ». Cette légende,
existant déjà au x^ siècle, parait avoir été inspirée par une glose du
Senchus Môr, qui, non seulement était écrit déjà, mais avait été glosé dès
cette époque reculée.
Dans le quatrième article, iM. A. Anscombe propose une explication du
mot Ormesta. M. Cuissard, au tome V, p. 458-4)9, de la Revue Celtique,
a parlé de ce mot qu'un manuscrit met dans le titre de l'ouvrage si connu
d'Orose; c'est le manuscrit 160 de Berne, xi= siècle, coté O dans la préface,
p. xxi, de l'édition donnée en 1882 par M. Charles Zangemeister pour
l'Académie impériale de Vienne. Orose paraît avoir intitulé son ouvrage
Hisloiiae adversus paganos. Le ms. 160 de Berne remplace ce titre par Ormesta
mtindi. Suivant M. Anscombe, Ormesta est une mauvaise leçon pour orinesta,
mieux orihesta \ par un lapsus cahmi, les trois trois lettres ori ont été mal
placées, on doit lire hest[ori'\a pour historia.
Le cinquième article est de M . Friedel qui propose d'expliquer les armoiries
Rtvue Celtique, XXV . 7
98 Périodiques.
de l'île de Man par les miniatures d'un manuscrit de la bibliothèque
d'Auxerre.
Dans le cinquième article, M. Kuno Meyer continue à donner des extraits
d'un manuscrit irlandais datant de l'année 1300. Au commencement du
xixe siècle, ce ms., faisant partie de la«Stowe library» Bibliotheca Stowensis,
propriété du marquis de Buckingham, était coté, Press II, no xxxvi.
O'Conor l'a décrit très sommairement aux pages 280-282 de son volume
in-4° intitulé: Bibliotheca ins. Stowensis. A Descriptive Catalogue, qui a paru
en 18 18. Ce ms. est passé ensuite dans la bibliothèque de Lord Ashburnham
où il est devenu Stowe Ms. 992 ; puis il est entré dans la bibliothèque de
la Royal irish Acadcmy où il est coté Ms. D. 4. 2. Quand il s'appelait Stowe
Ms. 992, M. Kuno Meyer en a extrait : 1° le Conipert Conchohair « conception
of Conchobar » et deux morceaux irlandais plus courts, qu'il a publiés dans
la Revue Celtique, t. VI, p. 173-186 (188 5- 1885) ; 2° le Merugud UIUx'k Wan-
derings of Ulixes » (on disait autrefois en français « les erreurs d'Ulysse »),
un joli petit volume in- 12 de xii-36 pages, édité en 1886 par la maison
David Nutt. Les nouveaux extraits sont contemporains de la cote D. 4. 2
et ont paru dans le tome IV de la Cellische Zeitschrift, l'un dans la 2^ livraison,
p. 238-240, c'est l'histoire du Minotaure, les autres dans la y, p. 407-408.
M. Kuno Meyer termine ses extraits de ce volume par un proverbe irlandais :
Mairg chuindges ni for carait;
Minab lainn leis a tabairt,
Is é déde nosta de
Miscais ocus oirbirc
Malheur à qui demande un cadeau à un ami ;
Si l'ami n'a pas le plaisir de le donner,
Il y a deux choses qui leur arrivent,
Haine et malédiction.
Je ne crois pas que ni M. Kuno Mever, ni les Irlandais soient si méchants.
Au sixième rang se présente M. Strachan avec une étude sur les gloses
irlandaises du Priscien de Saint Gall. Le ms. est du ix'^ siècle. Les gloses
sont de dates ditïérentes. Ainsi, la notation breth. pour brîat]}ar « verbe »,
dobrelb. pour dobiiatlxv « adverbe » nous offre une orthographe identique
à celle du ms. de Cambrai, vhf siècle ; d'autres gloses sont notées avec une
orthographe plus récente. Ainsi, le Priscien de Carlsruhe a, f° 59 a, ho-
neut«r « du neutre « en regard de hûa-neut«r dans le manuscrit de Saint
Gall, p. 150 ii 2 ; liô est plus ancien que hûa. On ne pourrait reproduire ici,
quelques précieux qu'ils soient, les nombreux détails orthographiques réunis
par M. Strachan dans cet important mémoire.
Le septième article consiste dans la suite de l'étude de M. George Hen-
derson sur les dialectes gaéliques d'Ecosse.
En huitième lieu se présente un article de M. Gaidoz intitulé : « La pré-
tendue particule verbale a ». C'est une confirmation de la doctrine émise
comme hypothèse par M. Kuno Meyer, Peredur, p. 45, où on lit qu'en
Périodiques. 99
gallois (I est une particule relative et qu'elle sonhle être employée comme
explétive devant les verbes quand le sujet ou le complément commence la
phrase. C'est à peu prés le contraire de ce qu'on lit dans la première édition
de la Grainiiiatica Cellica, p. 397 : Cavtbrice proiiomii/is relativi loco est verbaïis
parlicula positiva setitentiae relativae A, doctrine reproduite à peu près dans
les mêmes termes dans la seconde édition, p. 391, et qui a reparu dans les
Eléments de la grammaire celtique, p. 95. Mais a en gallois et en breton
paraît avoir été primitivement pronom relatif et n'avoir été que postérieu-
rement employé comme particule verbale. M. Gaidoz confirme cette doctrine
par la comparaison du français populaire. Ainsi : au lieu de « m'a-t-il dit »,
le peuple emploie la formule kimadi, c-est-à-dire « qu'il m'a dit » ; au lieu
de « dit-il », le peuple articule kidi = « qu'il dit ». J'ai pour la première
fois entendu la première de ces formules sous le règne finissant de Louis-
Philippe, en janvier ou février 1848; on chantait alors une romance mise
dans la bouche d'un jeune homme déclaré impropre au service militaire pour
défaut de taille. Elle débutait ainsi :
T'es trop petit, kimadi, pour être militaire.
Les derniers mots étaient :
Vive le roi, qui ne veut pas de moi.
Vive le roi !
Depuis, j'ai eu la surprise d'entendre hidi pour « dit-il » sortir de la bouche
1° d'un français, prince de l'église ; 2° d'un des membres les plus éminents
de l'Institut de France. Nos neveux verront cette formule pénétrer dans le
dictionnaire de l'Académie et dans les grammaires françaises qui serviront à
l'enseignement dans les écoles. Le « que » explétif dans kimadi, kidi = pour
« qu'il m'a dit », « qu'il dit » joue le rôle de a devant les verbes en gallois
et en breton ; de là résulte qu'on peut considérer comme prouvée l'origine
de la particule verbale a dans ces dialectes néo-celtiques, c'est le pronom
relatif employé abusivement.
Le neuvième et dernier article est daté du Theological collège de Bala dans
le Pays de Galles au comté de Merioneth ; est-ce l'établissement que je vois
ailleurs appelé séminaire méthodiste indépendant? je l'ignore. L'auteur qui
signe Hugh Williams, est professeur dans ce collège théologique '. Il a pour
objet, dans cet article, la critique de l'ouvrage de M. Zimmer dont le titre
est Pelaoiiis iti friand ^ et de l'article du même auteur intitulé Keltische Kircbe,
traduit par M"c Antonie Meyer sous ce titre : The celtic Church in Britain
and Ireland ?. M. Hugh Williams commence par revendiquer pour les
1. Il est auteur d'un mémoire intitulé Some aspects oj the Christian Church
in Wales during the fifth and sixth Centuries, qui a été publié en 1895 dans
les Transactions of the honorable Society oJ Cymmrodorion, session 1893- 1894,
p. 55-132. Cf. Revue Celtique, t. XVI, p. 345-347.
2. Cf. Revue Celtique, t. XXII, p. 354-356.
5. Cf. Revue Celtique, t. XXIV, p. 326-327.
lûo Périodiques.
Bretons, c'est-à-dire pour les Gallois, l'honneur d'avoir donné naissance au
célèbre hérésiarque Pelage et par soutenir que le pape Jean IV (640-642),
s'est trompé quand, dans une lettre adressée aii episcopos et presbyteros Scotiae,
il a accusé les Irlandais de laisser revivre chez eux le virus de l'hérésie péla-
gienne >. C'est peut-être un peu hardi. Mais M. Hugh Williams s'aventure
moins, quand il refuse d'admettre que le Palladius de la chronique de
Prosper d'Aquitaine soit identique à saint Patrice, et quand il soutient que
l'hymne de Secundinus à la louange de saint Patrice date du v^ siècle 2. En
effet, cet h\'mne parle de saint Patrice comme vivant : il se sert du pré-
sent de l'indicatif pour raconter les actes du pieux êvêque et il ajoute
au futur que le même saint arrivera en paradis : regni celestis possessuriis
gaudhim. C'est par une observation analogue que la date de l'antiphonaire
de Bangor a été fixée 3. Je voudrais arrêter ici l'analyse de cet article dont
le savant auteur ne conteste pas la grande valeur du travail précité de
M. Zimnier, quoiqu'il en critique quelques parties. Suis-je suffisamment
informé pour juger la question de savoir si parmi les Brittons du iv« siècle,
en Grande-Bretagne, il y avait déjà, comme le croit M. Zimmer, des chré-
tiens, ce que nie M. Hugh Williams ? ou si tous les chrétiens de Grande-
Bretagne, à cette époque, étaient, comme il le croit, des Romains arrivés à
la suite des légions ? J'aime mieux m'abstenir, quant à présent, que de me
risquer à trancher la question ; cependant elle pourrait bien, ce me semble,
être résolue contre M. Hugh Williams, si l'on fait attention que le nom de
l'évêque d'York, Eborius, lisez Eburius, présent au concile d'Arles, 3144,
est d'origine celtique et qu"il dérive du thème gaulois ehiiro-, en breton evor,
nom d'arbrisseau, en gallois efiur, nom de la berce ou panais de vache î. On
peut admettre qu'en plus de trois siècles de contact avec les armées et les
magistrats romains un certain nombre de Brittons de Grande-Bretagne
avaient appris le latin, sans avoir oublié pour cela leur langue, comme ont
fait les Gaulois, et que l'évêque Eburius était un de ces Bretons bilingues.
N'y a-t-il pas aujourd'hui des Gallois bilingues parlant anglais et gallois?
III
Archiv fur celtische Lexicographie, t. II, 5^' livraison. — Elle com-
1. Migne, Palrologia lutiiia, t. 80, col. 60Î-602.
2. Cet hymne a eu de nombreuses éditions. Nous citerons les suivantes :
Migne, Patrologia latina, t. 53, col. 837-840; t. 72, col. 590-592; Haddan
and Stubbs, Coiwcils and eccksiastical Docuineiits, t. II, p. 324-327 ; Whitley
Stokes, Tbe tripartite Life, of Patrick, p. 386 ; Bernard et Atkinson, The irish
Liber iiyinnorum, p. 7-15.
3. Voyez Revue. Celtique, t. XV, p. 136.
4. Haddan and Stubbs, Councils, t. I, p. 7.
5. Holder, Altceltlscher SprachscJmt:^, t. I, col. 1402, cf. col. 1398; cf.
V. Henrv, Lexiqif. étymologique des termes les plus usuels du breton armori-
cain, p. 119: A. Macbain, An etymological Dictioiuiry of tbe gaelic Lan-
guage, p. 198.
Périodiques. loi
prend quatre articles: i" la continuation des extraits de mss. irlandais faits
par M. Kuno Mever ; on y remarque une table sommaire du livre des Hui
Maine, manuscrit du MVi-' siècle faisant partie de la collection Stowe aujour-
d'hui dans la bibliothèque de la Royal irish Academy ; 2" la suite des index
dressés par M. Anscombc pour les vieilles généalogies galloises ; ce travail
a commencé à paraître dans le tome I^-, p. 187-212, 513-549; 3° le com-
mencement d'une édition nouvelle du Glossaire d'O'Davoren par M. Whitley
Stokes. Le texte irlandais est accompagné d'une traduction anglaise placée
au-dessous de chaque article. La partie publiée forme trente-quatre pages et
demie, de la page 198 à la page 252. Ces 34 pages et demie correspondent
aux dix premières pages de l'édition primitive qui en a soixante-dix-huit ' ;
espérons que M. Whitley Stokes pourra prochainement terminer cette excel-
lente publication.
Le dernier article est la suite des Coiilribiitions to irish Lcxicography de
M. Kuno Meyer ; elle va de la page 337 a la page 400, de Ccn co à co, con-
jonction. Les 400 premières pages de cet ouvrage correspondent aux 94
premières pages, c'est-à-dire presqu'au cinquième du glossaire de M. Win-
disch qui 3533 pages; on peut donc supposer que les Contributions to irish
L-xicograpIn de M. Kuno Meyer ne dépasseront guère cinq fois la dimen-
sion du glossaire de M. Windisch et atteindront quelque chose comme deux
mille sept cents pages. La publication des 400 premières pages a demandé
quatre ans, il faudra probablement vingt-trois ans à M. Kuno Meyer pour
publier les 2 300 pages qui restent. Ce n'est pas moi qui verrai ce beau livre
terminé. J'aurai, avec mes contemporains, le plaisir de jouir du commen-
cement.
IV
An'K.xles de Bretagne, tome VI, n» i, novembre 1903. — Cette livraison
débute par un extrait du livre de René d'Ys, de son vrai nom Théophile
Janvrais, sur Ernest Renan ; cet ouvrage a été annoncé plus haut, p. 88-89.
Ensuite, M. F. Le Lay expose les raisons qui lui font penser que la l'illa du
Plaisir, une résidence de Judicaël, roi de Domnonée, vue siècle, serait Le-
Plessis-Jaulme, commune de Lanouée, Morbihan, arrondissement de
Ploërmel, canton de Josselin. L'article suivant est le rapport de M. Ernault
sur le concours de poésie en dialecte de Vannes, ouvert par l'Union régio-
nalistc bretonne à Quimperlé (cf. Reiuie Celtique, t. XXIV, p. 100, 223).
Nous terminerons en signalant les corrections faites par M. Duine à son
article sur le calendrier breton de Rennes (cf. Revue Celtique, t. XXIV,
p. 336). N'oublions pas toutefois le supplément où commence une nouvelle
édition du cartulaire de Quimperlé par MM. Léon Maître et Paul de Berthou 2.
1. Whitley Stokes, Three irish giossaries (1S62), p. 47-124.
2. Cf. Revue Celtique^ t. XVIII, p. 128, et ci-dessous, p. 110.
102 Périodiques.
Archaeologia Cambrensis, sixième série, vol. III, partie 3, juillet 1905.
— Nous signalerons deux savants mémoires archéologiques de M. Romilly
Allen. L'un concerne une base sculptée de croi.x à Llangefellach, comté
de Glamorgan ; cette base appartient évidemment au style celtique qui a
précédé la conquête normande. Le second de ces mémoires est relatif à une
hache de pierre ; la pierre a été percée de manière à pouvoir être pénétrée
par le manche. L'opinion du savant archéologue est que les haches de pierre
percée sont en Grande-Bretagne contemporaines de l'âge du bronze, tandis
qu'en Danemark elles datent de l'âge de la pierre. M. Romilly Allen pense
que les haches de pierre recueillies dans les musées ont été placées dans des
tombeaux pour trois raisons: 1° que de leur' vivant les défunts s'étaient
servis de ces haches et les avaient eues en estime ; 2° que les défunts, dans
leur vie nouvelle, auraient besoin d'armes ; 3° que la hache était un sym-
bole associé au culte d'une divinité. — Parmi les Archacological Notes and
Oueiies, nous mentionnerons une épitaphe gravée sur pierre en capitales
romaines : icori filivs potentini, avec une faute de latin, filius pour fili
ou filii, dont Hûbner, Inscriptiones Brilaimiae christianae, p. x, a relevé huit
exemples. Cette inscription a été trouvée à Llysdingwyn, comté de Carnar-
von, au Pays de Galles. Le surnom Potentiniis se trouve dans une inscription
de Caerleon (Corpus inscriptioniiiii latiuantiii, t. VII, no 107).
Même volume, partie 4, octobre 1905. — Mémoire de M. W. T. Granville
sur une croix de pierre sculptée à Ystafeld-fach, comté de Brecknock.
Première partie de la vie de saint Samson qui fut évêque de Dol au
¥!<= siècle. L'auteur, le Rév. W. Done Bushell, s'arrête à la date où (555)
saint Samson quitte la Grande-Bretagne et gagne la Bretagne continentale '.
Étude approfondie de MM. Baring-Gould et J. Fischer sur saint Brychan
qui vivait aux environs de l'année 4002 et qui a donné son nom à la région
du Pays de Galles dite Brycheiniog, depuis comté de Brecknock 3.
VI
The Journal of the royal Society of Antiq.uaries of Ireland, t.
XXIII, 1903. — Deux mémoires de M. J. Rhys sur des inscriptions ogha-
miques d'Irlande: 1° à Donaghmore, comté de Kildare : Netta Vro/co
1. Sur saint Samson, voyez les Bollandistes, Bibliotheca hagiographica
latina, p. iO(S3-io84; cf. Lobineau, Les Vies des saiiils de Bretagne, p. 95-
109.
2. Robert Williams, A biograpliical Dictiotiarv oj eininent Wetslimen, p. 49;
Rees, Lives of Cambro-british saints, p. 289, note.
3. Rhys, Early Britain, 2^. édition, p. 158; Rees, Lives of Cambro-british
Saints, p. 24, en bas, et pp. 272, 602.
Périodiques 105
MAQ.I Mucco/ Treha/?(GGO ; 2° à Inisvickillane : Av/ F/atiami Maqi G ;
30 à Donard, comté de Wicklow : Iaçeni pôi MuCadia ; 4° à Carncomb,
Connor, comté de Dublin, aujourd'hui au Musée de science et d'art de
Dublin : Cag^'AS boi maqi Vobaraci. Poi, boi signifierait fils, neveu ou suc-
cesseur.
Notice par M. Stewart Macalister sur le monument oghamique deKilbo-
nane. On y lit deux inscriptions: i" ...agni maq.i Addilona inagene
Muco BiDANi, c'est-à-dire « monument de ...agnos, fils d'Addilone, fille
de la tribu de Bidan » ; 2° une inscription inintelligible pour le commun
des mortels et où M. Macalister voit une cryptographie ayant le même sens
que l'inscription précédente.
Description par M. Seaton F. Milligan de cinq primitives petites cloches
de forme carrée et faites pour être portées à la main.
Annonce de la découverte d'une chambre souterraine à Rallywillan, comté
de Derry.
VII
Celtia, juillet, août, septembre 1903. — Discours prononcé par M. Kuno
Meyer pour l'ouverture du cours de celtique à Dublin. Nouvelles de cet
enseignement. M.John Strachan a professé le vieil irlandais pendant le mois
de juillet et eu trente-deux élèves. Le cours avait lieu tous les soirs de sept
à neuf, M. Strachan pariait d'abord pendant une heure, puis, si je comprends,
il faisait parler ses élèves pendant une seconde heure. Le journal donne un
portrait de M. Strachan et reproduit deux leçons de ce savant professeur,
l'une sur les pronoms infixes en vieil irlandais, l'autre sur un passage des
gloses du ms. de Wùrzburg, fo 9 f , 10 (Whitley Stokes et John Strachan,
Thésaurus palaeohibernicHS, t. I, p. 553; Zimmer, Glossae hibernicae, p. 55).
Le cours de paléographie par M. Kuno Meyer, celui de phonétique par
M. Sweet se sont laits pendant le mois de septembre suivant.
VIII
An Gaodhal, The Gael, août-décembre 1905. — Le n" d'août reproduit
la leçon d'ouverture de M. Kuno Meyer publiée dans Cellia. On lit à la
suite une analyse du discours approbatif de M. Douglas Hyde et la mention
de l'approbation de plusieurs assistants parmi lesquels nous citerons M. P.
W. Joyce et le père Hogan.
Dans le n» de septembre on a inséré un article de feu Eugène O'Growney
sur les différentes manières de souhaiter la bienvenue à quelqu'un en irlan-
dais.
Le n" d'octobre contient : un résumé en anglais de la légende irlandaise
connue sous le titre de « Poursuite de Diarmuid et Grainne » ; le texte et
la traduction par M. T. O'Neill Russel d'un poème irlandais sur le Boraiiia
(ce poème est conservé par le Livre de Leinster, p. 295); le compte rendu
des funérailles célébrées en Amérique pour Eugène O'Growney, mort âgé
104 Périodiques.
de irente-six ans, dans un hôpital à Los Angeles, en Caliiornic, et dont le
corps est parti de New-York pour l'Irlande le 19 septembre dernier.
Le compte rendu des funérailles d'O'Growney en Irlande a paru dans le
no de novembre de la même revue ' .
Un article littéraire sur le mystérieux pays appelé en irlandais Tir na
n-Oij « terre des jeunes « a été inséré dans le n» de décembre.
IX
Revue NuMiSMATiaUE, 1903. — Mémoire de M. Adrien Blanchet éta-
blissant qu'au temps de l'indépendance on a, dans le Nord de la Gaule, irnité
non seulement les statères de Philippe, roi de Macédoine, père d'Alexandre
le Grand, mais des monnaies de Tarente et de Cales en Campanie, aujour-
d'hui Calvi, et de Cnossos en Crète. C'est sur la monnaie de Cales 2 qu'a
été copiée la monnaie gauloise au coq, ce coq soi-disant gaulois est le coq
de Cales, c'est d'Italie qu'il est venu en Gaule.
X
Revue internatiok.\le de Numismatique, t. II, 1903. — Note de
M. Adrien Blanchet établissant que les monnaies gauloises de bronze portant
la légende Pixlilos peuvent être attribuées soit aux Carnutes, soit aux Aukrci
Eburovices.
XI
The journal of Theological Studies, octobre 1903. — Notice de
M. A. M. Bannister sur des fragments de sacramentaircs irlandais conservés :
10 en Allemagne, à la bibliothèque de Carlsruhe, où M. A. Holder les a
découverts ; 2'^ en Italie, à la bibliothèque de Plaisance. Sur les fragments
de Carlsruhe, il v a déjà un article de M. Whitley Stokes qui a paru en 1889
dans la Revue de Kuhn, t. XXXI, p. 246, et qui sera reproduit dans le t. II
du Thésaurus palaeohibcniicus, p. 236. Suivant M". Bannister, ces fragments
appartiennent à un sacramentaire gallican, antérieur à l'introduction du
sacramentaire romain et plus ancien que le missel de Stowe ?.
XII
BOLETIN DE LA REAL ACADEMIA DE LA HiSTORIA, t. XLilI, 3<^ livraison,
novembre 1903, inscription inédite de Tarragonc, publiée par M. Angel
i. Sur O'Growney, voir la Kaiuc Celtique, t. XII, p. 404; t. XVIII,
p. 118; t. XIX, p. 7(S; t. XXI, p. 123.
2. Voir l'article Cales dans la nouvelle édition de Pauly, Rcal-encydo-
paedie, 5e demi-volume, col. 1331.
3. Warren, Tlx litiirgv and riluiil oj thc ceJtic church, p. 207-248.
Péiiodiques. 105
de Arco; cette inscription nous offre le nom propre Baba, féminin de Bahus
(Holder, AUcellischer Spiachschat\, t. I, col. 322. — Même tome, 6= livrai-
son, décembre 1905. Reproduction en photogravure de l'inscription
publiée par Hûbner, Corpus inscriplioniim latiiiariun, tome II, no 2907, qui
est répitaphe d'un personnage d'origine celtique, T. Mai^ilius Reclugetii
/[iliiis], natif d'(7.V(j;«a Argaela « Osma de los Argelos », qu'il faut distin-
guer à'Uxama Barca.
T. XLIV, !■•'-■ livraison, janvier 1904. — Dans un article sur des inscrip-
tions romaines nouvellement découvertes, le R. P. Fita, à la p. 82, propose
pour joje-a Oîp;j.à « les eaux chaudes ' », ville des Aiisclani, les AùOr,Tavo'.
des mss. de Ptolémée, liv. II, chap. 6, §69, une situation différente de celle
qu'indiquait en 1885 C. Mùller, t. I, p. 194 de son édition de Ptolémée.
C. Mùller parle de Bafiolas. Le P. Fita préfère Caldas de Malavella. Ces
deux localités sont situées dans la province de Gerona, Bafiolas dans l'ayun-
tamiento de Gerona, Caldas de Malavella dans celui de Santa Coloma de
Farnés. En 1869, Emile Hûbner, Corpus inscriptioniiin Jatinariun, t. II,
p. 598, avait proposé Caldas de Mombuv, province de Gerona, ayunta-
miento de Granollers.
XIII
Revue historique, tome LXXXIII, 2<^ livraison, novembre-décembre
1905. — Notice par M. Bonnet-Maury sûr saint Colomban et sur la fonda-
tion des monastères irlandais en Brie au vii« siècle.
XIV
The Folklore, t. XIV, no 3, septembre 1903. — Notes: 1° de M. R.
C. Maclagan sur les superstitions des pêcheurs dans les Highlands d'Ecosse ;
2° de M. Gaidoz établissant que l'auteur d'une partie du volume intitulé
Li'popèe celtique en Irlande, tome I (1892), a négligé de citer le passage
du livre du dovcn de Lismore, où il est question de la mort de Conlaoch,
tué par Cùchulainn, son père. M. Gaidoz renvoie à l'édition de ce livre due
au Rév. Thomas Mac-Lauchlan (1862), traduction anglaise, p. 50-5 3 (cf. texte
gaélique, p. 34-57). On aurait pu citer aussi deux ouvrages plus récents:
Campbell, Leabhar na Feinne (1872), p. 9-15, Cameron, Reliquiae Celticae,
t. I (1892), p. 58-63, et un livre français plus ancien, l'Histoire de la poésie
Scandinave d'Edèlestaud du Méril, Paris, 1839, °"^> P- 44°' ^^ rédaction per-
sanne du combat du père et du fils est rapprochée de la rédaction gaélique,
telle que l'a donnée Macpherson ; en 1839, Edélestand du Méril ne
pouvait connaître de la rédaction gaélique un meilleur texte que celui de
Macpherson. A propos d'un autre ouvrage, nous voulons parler de VEssai
I. Il s'agit de la localité dont les habitants sont appelés Aquicaldcnscs par
Pline, 1. III,': 2V
io6 Périodiques.
d'un catalogue de la littérature épique de l'Irlaude, une critique analogue au
sujet du même morceau a été faite par M. Kuno Meyer, Revue Celtique,
t. VI, p. 17.
L'observation de M. Gaidoz et celles que nous y ajoutons peuvent com-
pléter la critique de M. Kuno Meyer.
XV
Revue archéologique, 4e série, t. II, juillet-août 1903. — Notices:
1° de M. l'abbé Breuil sur deux épées de fer hallstadiennes du musée de
Poitiers; 2° de M. A. Favraud sur deux statues gallo-romaines trouvées à
Sircuil (Charente) ; Tune se distingue par la présence d'un dragon ailé
entourant un personnage auquel, malheureusement, la tête fait défaut.
Septembre-octobre 1903. — M. Salomon Reinach signale six monuments
de la déesse Epona non compris dans le catalogue donné par lui. Revue
Archéologique, 1902, p. 231 (cf. Revue Celtique, t. XXIII, p. 366).
XVI
Indogermanische Forschungen herausgegeben von Karl Brugmann und
Wilhelm Streitberg, t. XIV, p. 490, et An:(eiger, p. 81. — Notice sur le
mot Morimarusa, qui serait germanique (cf. Holder, Altceltischer Sprach-
schati, t. II, col. 449).
T. XV. — Note additionnelle par M. Windisch à son article sur le pro-
nom infixé en vieil irlandais et dans le Rigvêda. Cet article a paru dans le
tome XIV des Lidogermanische Forschuiif^eii (d. Revue Celtique, t. XXIV,
p. 223-225). L'auteur de cette note est trop aimable pour son collègue de la
Revue Celtique.
Mémoire de M. G. Schùtte sur l'ancienne géographie politique des
peuples non classiques de l'Europe. L'auteur a une façon d'envisager la
géographie qui est au-dessus de ma portée, surtout quand, p. 322, il déclare
que de Vellauni les Français ont fait Guillaumes. Vellauiii est une variante
de Uellaui, qui est devenu en français Velay ; et, sans citer à ce sujet un
ouvrage français, on peut renvoyer à un livre élémentaire allemand, V Atlas
Antiquus de Kiepcrt, onzième édition, index, p. 25. M. G. Schùtte, habi-
tant Copenhague, est excusable de ne pas connaître cet ouvrage élémentaire
allemand. N'empêche : la traduction de Vellauni par Guillaumes vaut celle
de Galvadantis (lisez Gavaldanus) pagus par Calvados qui a fait en France la
célébrité de Charles Pertz ', fils de l'illustre Georges-Henri.
Le reste du volume est beaucoup meilleur, mais malheureusement ne
concerne pas les études celtiques.
I. Monunienta Gemnviiae historica, Diploinatum, tomus I (1872), p. 224;
cf. Longnon, Examen géographique du tome l'^'' àa Diplomata imper ii {i^-ji),
p. 23.
Périodiques. 107
XVII
Beitraege zur Kukde der Indogermanischen Sprachen heraiisgegeben
von D'' Ad. Bezzenberger und D"" W. Prellwitz, tome vingt-septième, 1902-
1903. — Les mots irlandais et gallois paraissent en grand nombre dans un
mémoire que M. Wiedcmann a intitulé Elymologien ; la liste en est donnée,
p. 341, dans l'index dressé par M. PrcUwitz ; on y trouve même des mots
gaulois: cintiis, p. 199; diiitiim, p. 218.
Tome vingt-huitième, fe livraison, 1904. — Suite du mémoire de
M. Wiedemann. Traitant du gothique faiihviis « monde », « Jilhaii >\
« cacher », du vieux haut-allemand yi-'/^'a « jante de roue » (aujourd'hui en
allemand ferge) et j'olgen « suivre », il a étudié le rapport du celtique Her-
c\nia avec le gothique /a;V^''«/// « montagne ». De Hercynia il semble ne pas
connaître la notation la plus ancienne 'Af-zûvia. Mais il est dans le vrai, ce
nous semble, en voyant dans Hercynia un composé celtique distinct de
Jairgtini. C'est dans ce mémoire que, pour la première fois, nous remar-
quons, p. 9, le rapprochement de Hercynia (mieux Ar-cunia') avec Argonne
= *Ar-cuna, écrit Argonna chez Richer au x«= siècle, 1. II, c. 103 (édition
de Waitz, Ad iisum scholarimi, p. 124), et chez d'autres auteurs plus récents
(D. Bouquet, Recueil des Insloriens de la France, t. VIII, p. 524 A; t. IX,
p. 18 B, 45 A), Argitnna dans VHistoria episcopornni Virdunensiiim (D. Bou-
quet, t. XI, p. 124). Quantaux 'ApzJv^a d'Aristoteque M. Wiedmann oublie,
il serait ii^éressant d'en rapprocher un nom de lieu d'Italie, ftindus Arcu-
nianiis, dans un diplôme de l'empereur Lothaire en faveur de l'abbaye de
Farfa en 840 (I. Giorgi e V. Balzani, // regesto di Far/a, vol. II, p. 234) et
dans un diplôme de l'empereur Otton I^"" pour la même abbaye, 967 (Sickel,
Diplontalum regiiin et iinperatoruin Gcrnianiae tomus I, p. 455, 1. 26). Ce
nom de Jiindus suppose un gentilice romain Arcuiiius dérivé d'un nom
d'homme gaulois *Arcunos.
Dans un mémoire sur l'idée du crâne chez les indo-européens, M. J.
Schefstowitz rapproche, p. 153, IS4, une foule de textes des deux passages,
l'un d'Ammien Marcellin, XXVII, 4, l'autre de Titc Live, XXIII, 24, oia il
est question de l'emploi de crânes d'hommes comme vases à boire chez les
Celtes. Dans les passages précités, Animien Marcellin parle des Scordisci,
Tite Live des Boii, établis les uns dans la péninsule des Balkans, les autres
en Italie, deux peuples d'origine celtique.
XVIII
L'anthropologie, t. XIV, mars-octobre 1903. — Mémoire de M. S.
Reinach sur l'art et la magie à propos des peintures et des gravures de l'âge
du renne. Il s'agit de découvertes faites dans huit cavernes situées en
France dans le Sud-Est. Les animaux représentés sont tous de ceux que l'on
désirait avoir, soit pour s'en nourrir, soit pour s'en servir comme bêtes de
lo8 Pcnodiijiies.
somme ou de trait. Le but de leur reproduction par les arts du dessin était
de les multiplier et de les attirer.
Le mémoire de M. S. Reinach nous fait remonter à une époque précel-
tique. L'étude de M. Cartailhac sur la station de Bruniquel, Aveyron, nous
maintient dans la même période.
Nous arrivons dans le monde celtique avec l'exploration du tumulusarverne
de Celles, près Naussargues, Cantal, par MM. Alary, Déchelette et Lauby.
Nous sommes aussi dans le monde celtique avec M. Wilser et sa note sur
l'origine des Celtes. Il la met dans la Suède centrale parce que les habitants
de la Suède centrale sont presque tous dolichocéphales, ont presque tous les
cheveux blonds, la barbe abondante, les veux bleus, la peau blanche, la
taille haute. Seulement la question se pose de\savoir si cette population n'est
pas arrivée en Suède à une date relativement récente et d'une contrée plus
méridionale. D'autre part il est regrettable que l'auteur puise ses notions
de linguistique chez Holtzmann, Kdtcn iind GcrDianeii, livre tout à fait arriéré
et qui ne mérite plus les honneurs de la discussion.
Le dernier mémoire, œuvre de M. l'abbé H. Breuil, traite des pointes de
llèches, des pointes de lances et des bases de lances qui, remontant à l'âge
du bronze, ont été trouvées dans le bassin de Paris.
XIX
Revue des TR,\DrrioNS popul.\ires, t. XVIII, juin-décembre 1903. —
Légendes bretonnes de saint Sané, de l'auge de sainte Anne et des sangliers
de Huelgoat par MM. F. Duine et Jean Le Goffic. Articles de M. F. Duine
sur les légendes de saint Thégonnec et de saint Gobrien. Rappel par
M. Sébillot d'un article de W^<^ Lucie de V. H. (même revue, t. XVII,
p. 352), où est mentionné un usage des environs de Dinan ; c'est de mettre
dans le cercueil des morts un morceau de pain pour les nourrir pendant le
voyage qu'ils feront en traversant l.i mer qui est sous nous. Ce voyage à
travers la mer semble d'origine celtique, mais la situation souterraine de
cette mer peut être de même provenance que le Styx des Grecs.
XX
Revue épigraphiq.l'h, avril-mai-juin 1905. — Suite du catalogue des
estampilles de potiers trouvées dans la collection de M. E. Kuhn, à Marcillat,
Allier (cf. Revue Celtique, X. XXIV, p. 251, 340). La plupart des noms
d'hommes qui apparaissent dans ces estampilles sont latins et ceux qui
semblent étrangers à la langue latine ont été en grande partie insérés par
M. Holder dans son AUccUiseher Sjvacljsehal:^, tels sont : Moxsius (Holder,
t. II, col. 647), Reburrus (tbhleiii, col. iO(S9), Rottalus (^ibidem, col. 1234),
Rutenus (ibidem, col. 1231). Cependant quelques-uns paraissent inédits, tels
sont: Niranus, Niritus (cf. Nironius, ibid., col. 749), Occocus (cf. Occus,
ibiil., col. 826), Retinicus (cf. Retinacius, ibid., col. 1179)-
Suitcde l'étude d'Allmer sur les noms de dieux gaulois : Ritona, Rudianus.
Périod'ujues . 109
XXI
Annales de la Faculté des Letpres de Bordeaux. Revue des études
ANCIENNES, t. V, n° 3, juillet-Septembre 1903. Remarques de M. C. Jullinn
sur la plus ancienne religion des Gaulois: Rituel domestique, rituel judi-
ciaire et politique, rituel de la chasse. Mémoires du même : 1° sur la thas-
salocratie phocéenne dans la partie occidentale de la Méditerranée; 2° sur
les tètes coupées et masques de dieux publiés par M. d'Agnel.
No 4, octobre-décembre 1903. — M. C. Jullian émet l'opinion qu'au
Nord des Pyrénées les Ligures ont précédé les Ibères qui seraient arrivés du
Sud après le vi^ siècle avant J.-C. Cette thèse exacte, certainement quand il
s'agit des Basques venus très tardivement, peut sembler douteuse quand il
est question des Ibères établis dans cette région quand Jules César fit la
conquête de la Gaule indépendante au i^'^ siècle avant notre ère.
XXII
ZeITSCHRIFT FilR VERGLEICHENDE SPRACHFORCHUNG, t. XXXVIII, 4^
livraison, p. 458-472. Recueil d'étymologies celtiques par M. Whitley Stokes.
On ne peut ici analyser ce savant mémoire que pour bien faire il faudrait
reproduire en entier. Remarquons cependant le rapprochement de ben imtha,
pellex avec l'adjectif /h/Z/wc/j « amoureux » qui permet, quant au sens et à
l'emploi, la comparaison avec le latin arnica.
XXIII
Proceedings of THE ROYAL IRISH AcADEMV, t. XXIV, section C, 4e par-
tie. — Htude de M. Joseph P. O'Reilly sur les vieilles églises de deux loca-
lités du comté de Dublin, la petite ville de Dalkey et l'île de même nom.
Ces églises étaient dédiées à sainte Begnet, identique suivant M. O'Reilly
à sainte Bega qui vivait au vii'-' siècle et sur laquelle on peut consulter la
Bibliotheca hagw^raphica hilina des Bollandistes, t. I, p. 161-162. Elles ont
été construites en pierre contrairement à l'usage général des Irlandais qui
bâtissaient en bois, bien qu'à cet usage il y ait des exceptions. Ces églises
paraissent antérieures à la conquête anglo-normande.
XXIV
Revue des bibliothèques et archives de Belgique, t. V, fascicule i .
— Intéressante étude par M. Victor Tourneur sur le Catholicon breton, son
auteur, ses éditions, et sur la copie manuscrite conservée à la Bibliothèque
nationale de Paris, fonds latin, no7656(cf. Revue CelUqiie, t. I, p. 59)-399).
Paris, le 6 janvier 1904.
H. d'Arbois de Jubainville.
1 10 Périodicjues.
POST-SCRIPTUM
Au moment de donner le bon à tirer de cette livraison nous pouvons
annoncer aux lecteurs de la Revue Celtique deux nouvelles très importantes
dans l'ordre des études auxquelles ce périodique est consacré.
I
L'une est le rétablissement de la santé de M. H. Zimmer. Ce résultat est
attesté par une lettre datée de Berlin et que M. Zimmer a écrite lui-même
au directeur de la Reinie Celtique. La Revue Celtique adresse ses félicitations
au savant professeur de l'Université de Berlin.
II
L'autre nouvelle est que le tome second du Thésaurus palaeohihernicus,
entrepris par MM. Whitley Stokes et John Strachan, vient de paraître, sor-
tant des presses de l'Université de Cambridge. Il en sera rendu compte dans
une prochaine livraison de la Revue Celtique. On ne peut trop admirer !a
science et l'activité avec laquelle cette publication si utile a été conduite. Le
premier volume avait paru en 1901 (Revue Celtique, t. XXIII, p. 94-96, 216-
217). Ces deux volumes serviront désormais de base aux études dont seront
l'objet l'histoire de l'irlandais, et, d'une façon plus générale, l'histoire des
langues celtiques.
III
Au moment où nous écrivions ces lignes, nous avons reçu la seconde
édition revue, corrigée et augmentée du cartulaire de Sainte Croix de Quim-
perlé par MM. Léon Maître et Paul de Berthou. C'est un volume in-S» de
XI et 408 pages ; il forme le fascicule IV de la Bibliothèque bretonne aniiori-
caiiie publiée par la Faculté des Lettres de Rennes. Cf. Revue celtique, t.
XVIII, p. 101-103; Archiv fiir celtische Lexicographie, t. I, p. 143-130.
IV
Au même instant il nous vient entre les hiains le Recueil iV Annales anve-
Périodiques. 1 1 1
vines et vemlomoises publié par M. Louis Halphen dans la Colkclion de textes
pour servir à l'ensei^neinent de l'histoire, édité à Paris par la librairie Alphonse
Picard et fils. Nous y remarquons, p. 57 et 84, le nom de lieu Chidriacus,
qui suppose un primitif *Cadriaciis. Il s'agit de Saint-Remy-la-Varenne
(Maine-et-Loire) ; ce nom de lieu, *Cadriacus, dérive d'un gentilice *Cadriiis,
dérivé lui-même de l'adjectif gaulois cadras, en breton kaer « beau » ; cf.
A. Holder, Altceltischer Spraclischati, t. I, col. 671, où est mentionné un
autre Cadriacus, aujourd'hui Charrey (Côte-d'Or). Dans Charrey le d est
tombé et IV a été doublé. Le même phénomène s'est produit en Maine-et-
Loire. En effet, dans le livre de M. L. Halphen, à côté de Chidriacus, on
trouve la variante Chirriacns, p. 435. A comparer l'article Saint-Rémy-la-
Varenne chez Célestin Port, Dictionnaire historique, géographique et biogra-
phique du département de Maine-et-Loire, t. III, p. 448, où sont réunis quatre
exemples de la variante Chiriacus. On trouve aussi à plusieurs cas Chiriacus
par une seule r dans le Cartulaire de Saint-Aubin d'Angers publié par
MM. Bertrand de Broussillon et Eugène Lelong, t. I, p. 203, 204, 205,
209, 213, 214, 215, 230; t. II, p. 21, 56, 408, 411. Mais dans ce même
cartulaire la bonne orthographe par double r = rd se rencontre quatre fois
au t. I, savoir p. 11 : Chirriacns; p. 12 : Chyrriacus; p. 226, 227 : Chyrriaci.
26 janvier 1904.
H. D'A. DE J.
Le Propriélairc-Géranl : \*euvc E. Bouillon',
Charyes. — Imprimerie Dura.nd, rue Fulbert.
PUBLICATIONS NOUVELLES
THESAURUS PALAEOH IBERNICUS
Par MM. Whitley Stokhs et John Strachan
Deux volumes in-8o.
Le premier, xxvi et 727 pages, contient les gloses irlandaises sur l'Ancien
et le Nouveau Testament; le second, xl et 422 pages, les gloses irlan-
daises sur divers ouvrages latins, des spécimens de vieille prose irlandaise,
une liste de vieux noms irlandais de personnes et de lieux, un recueil de
vieilles inscriptions irlandaises, enfin les plus anciens exemples que nous
ayons de la versification irlandaise. Suivent de copieux index.
Un troisième volume sera consacré au glossaire des mots contenus dans
les deux premiers.
ALTCELTISCHER SPRACHSCHATZ
Par Alfred Holdi-r
Quinzième livraison contenant les colonnes 1537 à 1792
du tome second.
Cette livraison commence à Si^ana et se termine à Tcloiniiiiu. La pre-
mière livraison a paru en 1891.
LES CELTES
DEPUIS LRS TEMPS LES PLUS ANCIENS JUSQU'HN L'AN 100
AVANT NOTRE ÈRE
Par H. d'Arbois de Jubaik ville
Un volume in- 12 de \11-219 pages.
L'ANNÉE CELTIQUE
D'APRÈS LES TEXTi'S IRLANDAIS, GALLOIS, BRETONS
ET LE CALENDRIER DE C0LI(;N'V
DES NOMBRES ET DU SYSTEME DE NUMERATION
CHEZ LES CELTES
Mémoire lu par l'auteur en séance de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres le 22 janvier 1 904.
L':in dernier, M. d'Arbois de Jubainville a bien voulu faire
en mon nom, à l'Académie des Inscriptions, une communica-
tion sur les o-()//n/<'~/o/^ bretons ou jours supplémentaires des-
tinés, selon moi, à établir im raccord entre l'année lunaire
celtique et l'année solaire babylonienne '. j'ai depuis continué
mes recherches en ce sens et peu à peu j'ai été ainsi amené,
je pourrais dire obligé, à les étendre à toute l'année celtique.
J'en expose aujourd'hui les résultats que je soumets à l'Aca-
démie dont je serais heureux de recevoir à ce sujet les observa-
tions.
Je n'ai pas la prétention de lui présenter un travail déhnitif,
mais je crois avoir posé, ou du moms entrevu les principaux
problèmes de cette épineuse branche des études celtiques et en
avoir résolu quelques-uns.
Mes sources sont tout d'abord le calendrier de Coligny que
je crois de plus en plus celtique, quoi que l'on puisse penser
I. Cf. Ri'viie Celtique, t. XXIV, p. 510-312.
Revue Ccitiifuc, XXV. 8
114 J- ^oth.
de certaines influences étrangères, les lois irlandaises et gal-
loises, les textes épiques irlandais, et, pour le pays de Galles,
surtout les Mabinogion, ceux qui sont sûrement d'origine
galloise pure.
J'ai aussi compulsé les textes les plus anciens dans les deux
groupes, sans me flatter, tant s'en faut, d'avoir tout vu.
Dans l'ensemble, ces textes représentent, avec plus de pureté
en certains cas en Irlande et d'une façon plus complète, l'an-
cienne civilisation païenne des Celtes, quelle que soit la date
des manuscrits d'où ils sont tirés et même l'époque de leur
rédaction (sur la question de l'ancienneté des textes irlandais,
v. d'Arbois de Jubainville, Inirodnction à l'cludc de la lillcralnrc
cdliquc, p. 29 et suiv, ; Etudes sur le droit celtique, I, p. 3 36 et
suiv.).
Il va sans dire que je n'ai pas négligé les remarques des édi-
teurs des textes irlandais et gallois. Les ouvrages de M. d'Arbois
de Jubainville sur l'histoire et la littérature celtique, en ^xyù-
cuYicr ses Etudes sur le droit celtique m'ont été d'un grand secours.
Pour le calendrier de Coligny, j'ai surtout profité des études
de MM. Scvmour de Ricci' et Thurnevscn-.
1. Rei'iic Ccttiquc, XIX, p. 215 ; XXIV, p. 513.
2. Cellisclk' Zeish'lin'ft, II, p. 523 et suiv.
Vannée celùquc d'après les textes irlandais, etc. i 1 5
PREMIÈRE PARTIE
L AWIÎE CELTIQ.UE
Sa durée.
L'année est lunaire chez les Celtes comme chez les autres
Inùo-Européens. N'en aurait-on pour preuve que le nom du
mois, nom. mi, génitif mis en irlandais ; gallois-breton-cor-
nique 7nis = indo-eur. *mêns, génitif *mêns-os, et leur habitude
de compter par nuits, qu'on n'en saurait douter.
Cette habitude est non seulement attestée par César {De bdlo
^allico, VI, 18), mais encore par les textes irlandais et gallois.
Dans les lois irlandaises, il est à chaque instant question de
délai de > nuits, de 9 nuits (d'Arbois de Jubainvillc, Eludes
sur le droit celtique, voir plus bas), sans parler de périodes plus
longues.
Les trois nuits d'hospitalité sont tort en usage {The voyage
of Mael Duin, Revue Celtique, IX, p. 494).
Le druide de Manannan Mac Lir est trois nuits sous l'ap-
parence d'une femme {The prose Taies in the Rennes Dindsenchas,
Revue Celtique, XVI, p. 152).
On compte à partir de la nuit: c'est ainsi que dans le Toch-
march Ferhe{h. Texte, 3, p. 472-3), on décide de procéder à
l'enlèvement du bétail de Cuahige, dans 7 -xnsjt partir de cettenuit .
Chez les Gallois, cette tradition est encore peut-être mieux
conservée :
Mabinogion (J. Loth, Mabinogioii), I, p. 37: 11 v aura un
an, ce soir ;
p. 44: dans un an, ce soir;
p. 46 : un délai d'un an, à partir de ce soir;
1 16 /. Lotli.-
p. 55 : tous les ans, la nuit de CaJanniei (Calendes de mai,
I" mai), la jument de Teyrnon met bas;
p. 225 : un an, à partir de ce soir;
p. 225 : Kei restait 9 nuits et 9 jours sans dormir;
p. 250 : Mabon a été enlevé la 3'' nuit de sa naissance;
p. 274: le combat dure 9 nuits et 9 jours;
p. 294 : Iddawc va en Prydein, 3 nuits avant la bataille de
Camlan ;
p. 314: Rhonabwy avait dormi 3 nuits et 3 jours.
Ancient Laïus of fVales {éd. Aneurin Owen, in-4", p. 172): en
cas de revendication de propriété, dans des conditions déter-
minées, le plaignant doit rester j nuits et ^ jours sans répondre.
p. 260: si on allume du feu chez un autre sans sa permis-
sion, on est responsable des donmiages jusqu'à la fin de la y
nuit et du 3^ jour (cf. ihid., p. 88, 260, 264 et 788).
II, p. 472, une vache d'amende, chaque nuit jusqu'à la fin
de la ^^ nuit.
La semaine galloise courante de 8 jours est connue sous le
nom de luythnos, huit nuits; la quinzaine, de pytbcfiios, 15
nuits.
L'irlandais ancien coiclbis^es signifie quiu~aiue, probablement
quinzaine de nuit.
La nuit, suivant l'expression de Tacite pour les Germains,
menait le jour. Et de fait, si on ne connaît cette habitude des
Celtes, on peut être exposé à de sérieux contre-sens; c'est
ainsi que dans The vision of mac Cono-liirne {Ku)io Meyer, § 17,
note), l'expression aidehe salhuini, nuit de samedi, doit se
traduire en réalité par nuit de vendredi à samedi, comme l'a
fait remarquer judicieusement l'auteur de l'édition'.
Il est important aussi de remarquer que l'expression nuit
employée seule indique généralement la nuit et le jour reunis.
Il y a cependant peut-être une réserve à finre pour wyllnhis
les 8 nuits des Gallois (v. ///o/.f et semaines, p. 130 et suiv.).
On a déjà pu remarquer par les citations précédentes qu'on
emploie à peu près indifféremment l'expression 3 nuits ou celle
I. En anglo-saxon, Friveoêfen (nuit de jeudi) signifie en réalité la nuit
pour vendredi (Schrader, Rcallex., p. 8^6).
Vannée ccltiqnc d'après les textes irLinJais, etc. i 17
de 5 nuits et 3 jours; on dit 9 nuits aussi bien que 9 nuits et 9
jours pour le même délai. Si on précise, le plus souvent c'est
qu'on était en présence d'un autre mode de comput dû à des
influences étrangères.
En cela les Celtes sont fidèles aux traditions indo-euro-
péennes; comme l'a établi Schrader {Reallcxicon au mot Tag),
les mots pour le jour n'indiquaient que la portion claire et
chaude de l'ensemble; l'expression nz//V désigne les deux parties
réunies. Schrader cite, à ce sujet, non seulement le témoignage
de César et de Tacite, mais encore des exemples des plus clairs
tirés de l'Avesta, du Rigveda, d'autres textes sanskrits, des
langues germaniques jusqu'en plein moyen âge ; les expressions
anglaises actuelles Forinight, Sennight.
Aucun texte gallois ni irlandais ancien non suspect d'in-
fluence savante et chrétienne ne donne la durée de l'année
lunaire celtique. Il semble qu'il y ait cependant une indication
dans The Prose Taies in the Rennes Dindknchas {Revue Cel-
tique, XVI, p. 60)^ : les 4 oiseaux de Baile poursuivent Cairpre
pendant 7 fois 50 nuits, ce qui fliit 350 nuits, de même dans
l'histoire du Cochon de Mac Dàthô (d'Arbois de Jubainville,
l'Epopée celtique, p. 710) :
Il y a, dans le château de Mac Dâthô, 7 portes et 50 lits d'une
porte à l'autre, ce qui donne 350 Uts. Cela supposerait une
année lunaire de 12 mois de 29 jours avec une très légère
fraction. Ce serait à peu près l'année lunaire de 12 mois syno-
diques; il n'y aurait guère entre cette année et celle du calen-
drier de Coligny qu'une difi"érence de 5 jours et une légère
fraction. Cette année, si année il y a, aurait été une étape entre
l'année lunaire de 12 mois sidéraux (le mois d'environ 27
jours) et l'année de mois synodiques, ou simplement une
année populaire-. Quant à l'année solaire, il en est question
1. La Icj^ende de Diannit el Graine renferme un exemple analogue.
Di.irmit et Grame, poursuivis, fuient pendant un an et un jour et ils élèvent
ce qu'on a appelé 566 lits (leabfi), c'est-à-dire crotiilcac, ce qui équivaut à
nos dot nw II s (Wakem.ui, Hundboo/c of Ir. ant., 3'= éd. revue parCook,p. 51).
Ce serait une indication d'année solaire de 566 jours.
2. Il y a trace dans l'Odyssée, a 129, no, d'une année de 550 jours
(v. Rosclier, Die Enncadischen und hebdom. Fristen itnd {'Vocben. der àltesten
I i8 ./. Lolh.
dans quelques textes irlandais comme dans les vies des saints
tirées du livre de Lismore, ligne 1787 ; cf. Calh Ahuaiue {Revue
Celtique, 1903, p. 55). Sa longueur paraît indiquée dans la vie
de saint Féchin (Revue Celtique, XII, p. 68) ; sur le tombeau
de Miach poussent 365 herbes représentant le nombre de ses
articulations et de ses nerfs.
Nous avons, grâce aux Gourde:(iou et au calendrier de Coli-
gny, un moyen plus sûr de retrouver la durée de l'année cel-
tique lunaire et solaire, à une période qu'on ne saurait pré-
ciser, mais à coup sûr tort ancienne.
MM. Thurneysen, Seymour de Ricci ont reconnu dans le
calendrier de Coligny un mois intercalaire évidemment destiné
à établir l'accord entre l'année lunaire de 355 jours et l'année
solaire. Thurneysen remarque sa présence avant le mois de
Giamon qui commence une des deux divisions de l'année et
aussi avant la 2^ demi-année ^ Il remarque aussi que le mois
ou les mois intercalaires présentaient toujours 30 jours (2 fois
"douze jours et i fois six jours); que les 12 jours donnaient les
noms des 12 mois à peu prés exactement dans l'ordre habi-
tuel. Je dois dire que M. Thurneysen a connu le travail de
M. Seymour de Ricci. Ce dernier a parfaitement reconnu 2
mois intercalaires et montré que tous les 2 ans et demi on
intercalait un mois de 30 jours.
Or, comme il le fait remarquer, après avoir eu connaissance
de ma communication sur les GourdciJGu, cela fliit 12 jours
complémentaires par an. Un autre fait intéressant, relevé éga-
lement par M. Seymour de Ricci, c'est que chaque jour du
mois intercalaire porte le nom d'un des trente mois qui sui-
vaient; ce qui, f:iit-il remarquer avec raison, est d'accord avec
l'indication du père Grégoire de Rostrenen, dans son Diction-
naire français-breton : que la qualité de ces douze premiers jours de
l'an dénote, d'après le peuple, celle des dou^c mois de l'année. A
cette occasion, il rappelle, d'après Schrader {Reallexicon, I,
p. 191), que dans la littérature brahmanique, ces jours sont J^/^
Griechen, extrait des AhJi. der plj.-liist. Id. dcr k. s. G. dcr tViss., tome
XXI, no IV. Leipzig, 1903).
1. Celt. Zeitschr., II, p. 337.
L\inricc celtique A\iprh les textes ii landais, etc. i 19
Ahhild des konimcndcn Jahrc.O . M. Sevmour de Ricci croi': que
le mois intercalaire portait le nom de Ciallos. C'est au-dessous
de ce mot qu'on a trouvé so)iiiO('iii^os qui, comme je l'ai montré,
signifie marche du soleil ; puis vient un passage malheureuse-
ment mutilé indiquant, semhle-t-il, un XIII'' mois et une année
de 385 jours-, c'est-à-dire l'année lunaire de 355 jours qui
est l'année ordinaire du calendrier, plus le mois intercalaire
de 30 jours. Je hasarde une étymologie à ce sujet. Il existe
en irlandais, et vraisemblablement en gallois, une racine kei,
sous sa forme fliible ki, ayant le sens de rassembler: irl. cinll
*keislo. Le ia irlandais représente une ancienne diphtongue
celtique ei. Je n'identifie donc pas l'irlandais ciall avec le ciallos
du calendrier; l'irlandais ciall supposerait heillos ou keislos, à
cette époque, mais je crois que ciallos est formé sur la racine
ki et peut signifier rassemblement, résumé, étymologie confir-
mée par le fait que le mois intercalaire rassemble en effet les
12 jours intercalaires de deux années et la moitié de ces 12
jours ou 6 jours de la première moitié de la troisième année.
Si on en jugeait d'après le calendrier de Coligny, les Gaulois
donneraient à leur année solaire 367 jours, ce qui est vraiment
excessif. Il est sûr que l'année lunaire celtique, à l'époque de
l'intrusion des 12 jours, ne devait compter que 354 jours;
354 -h 12 donne 366 jours, c'est-à-dire l'année sola'ire cou-
rante et usuelle des Babyloniens, comme l'a démontré Weber 3 :
je ne parle pas de l'année astronomique qui était de 365 jours
1/4. Cette année lunaire a été celle des Grecs et aussi, à un
certain moment, celle des Komains au témoignage de Censo-
rinus et de Macrobe^.
Pourquoi le trouve-t-on augmenté d'un jour à Coligny ?
Il n'y a aucune raison de supposer chez les Celtes, à
1. Revue Celtique, 1905, p. 515, 316.
2. Le mot ht (on a lac dans un autre passage) qui précède 385 indique sans
doute des jours. Préoccupé de retrouver dans le calendrier le cvcle <;aulois
de Pline, j'v avais vu des années. Tout n'est pas d'ailleurs limpide dans ce
passage, le premier M avant M. XIII n'est pas expliqué.
5.'Ved. Beilr., VII (Sitzungshcr. der k. pr. ak. d. Wiss., 1898,
XXXVII, p. 539 et suiv.).
4. Unger ap. Iwan MùUer, Handbucb, I, p. 725 ; Hartmann revu par
Lange, Der Romischc Kalender, Leipzig, 1888, p. 34-56.
I 20 ./. Lotli.
l'exemple des Romains, la superstition des jours impairs
qui a joué un rôle si important chez ces derniers, particuliè-
rement dans l'établissement du calendrier. Ce ne peut être
par souci d'exactitude astronomique. D'après le comput actuel,
la révolution de la lune est de 29 jours, 12 heures, 44 minutes,
3 secondes, ce qui donne en mettant le mois en moyenne à
29 jours et demi : 354 jours. Ce n'est pas, il est vrai, l'année
lunaire exacte ; il y a en plus une fraction de 8 heures, 48
minutes et 38 secondes, c'est-à-dire à peu près 9 heures, ce
qui, au bout de 3 ans, donnait plus d'un jour de retard sur la
marche de la lune, au bout de 6 ans, plus de deux jours. Donc,
pour que l'année fût d'accord avec la marche de la lune, l'on
ne pouvait se contenter d'années constantes de 354 jours; les
années de 355 jours devaient alterner avec celles de 354 jours
dans la proportion de 3 à 5 . Et de fait, comme le fait remar-
quer Hartmann, chez tous les peuples qui se sont servis ou se
servent encore d'années lunaires, les Grecs, les Juifs, les Arabes,
les Turcs, on trouve à côté des années de 354 jours des années
réelles et non théoriques de 355 jours \ L'année de 355 jours
est moins exacte encore; elle oWige à retrancher un jour tous
les deux ans, parfois même la troisième année ; si les pontifes
romains l'ont préférée, c'est par suite de la tyrannie du nombre
impair. Chez les Gaulois, la raison est d'autre nature. Si on
parcourt les textes irlandais et gallois, on est frappé de l'insis-
tance avec laquelle ils parlent de l'année cuticniiicul accouplic.
Dans les contrats, les promesses, la formule est un an et un
joiir^. Cette expression est d'ailleurs encore en vigueur dans les
pays celtiques, Galles, Bretagne, et même en territoire français.
Cette formule nous reporte probablement à l'époque où l'année
lunaire variait de temps en temps d'un jour de durée. Tout
en maintenant l'année populaire courante à 354 jours, on
évitait en prolongeant d'un jour la durée de contrat toute
chance d'erreur. Il suffisait qu'il manquât la fraction la plus
infinitésimale à la durée d'un contrat pour qu'il fût caduc. Il
1. Der Rôiii. Kiil., p. 4i.
2. L'Épopi'e celtique en Irlande, p. 248 ; Etudes sur le droit celtique, 1,
p. XX; II, p. 183; cf. Ancienl Laïcs of ll'alcs, I, p. 12S, 178, 106; II,
p. 198.
L'anncc cilt'u]ii<' iVaprcs Us textes irlandais, etc. 121
me paraît possible que ce soient des scrupules religieux et judi-
ciaires qui aient déterminé les Druides à augmenter officielle-
ment l'année d'un jour'. Peut-être aussi l'influence du calen-
drier romain n'est-elle pas étrangère à cette mesure. Les Gaulois
de Coligny avaient néanmoins conservé intacts les douze jours
complémentaires traditionnels, plus conservateurs en cela qu'un
Gallois très druide cependant de sentiments, lolo Morganwg,
comme on va le voir. J'ai eu la satisfaction de retrouver les
12 jours complémentaires chez les Gallois.
Dans le Barddas, compilation indigeste de William ab Ithel^,
reposant en grande partie sur les collections de lolo, il est
question du raccord par les anciens Cymry (Gallois) de l'année
lunaire à l'amiée solaire (p. 424). L'auteur qui puise à des sources
qu'il ne donne pas toujours nous dit qu'ils avaient deux années,
l'une solaire de 366 jours, l'autre lunaire de 354 jours; les jours
qui sou I, d'après son expression, eu surplus des jours de l'année
lunaire s'appelaient Dyddiau Dyddoii, que l'auteur traduit par
Days of Days. Selon lui, on les distribuait ainsi dans l'année:
2 jours complémentaires à Albany Arthnn (calendes de jan-
vier), 3 àAlhati Eilir (cal. de printemps), 3 -x Alhan Helfin (cal.
d'été), 3 à Albûii Elved (cal. d'octobre) : ce qui donne onze jours
supplémentaires. Il est évident que l'auteur a retranché un jour
complémentaire, supposant que l'année solaire ne pouvait être
que de 365 jours. En effet, à la page précédente (p. 422), il
est rapporté, d'après deux sources différentes, que l'année lunaire
est de 354 jours et l'année solaire de 366. Un des auteurs
ajoute même que l'année solaire savuulc et de comput est
de 364 jours seulement. Une réflexion du jtremier semble
prouver que ses renseignements sont plus fondés; il nous
dit que 30 années lunaires valent 29 années solaires, ce qui
est à peu près exact si on donne 354 jours à l'année lunaire
et 366 à l'année solaire ; il ne reste à l'actif de l'année
1. Les Druides étaient des juges et, à une époque déterminée de l'année,
chez les Carnutes, tranchaient les différends.
2. Barddas or a collection of original documents illustrative of the
theology, wisdom and usages of the bardo-druidic system, Llando-
very, 1862.
5. Alban indique solstices et équinoxes.
122 ./. Lotll.
lunaire qu'une supériorité de 6 jours. Ces Dydâiau Dyd-
doii, qu'on trouve dans les lois galloises avec le sens dç l'an-
glais i^/fif;;/; days, ce qui n'est sans doute pas leur sens primitif,
étaient donc sûrement au nombre de 12 et ont joué le même
rôle que les Gourdc:^ion bretons. Ces 12 jours se retrouvant
chez les Germains, les Indous, les Bretons, et leur sens étant
parfaitement établi par les acceptions très nettes du mot Gour-
dc:{iou en Bretagne ^ le fliit devient d'une grande importance.
Il prouve à l'époque de l'unité indo-européenne des rapports
d'inHuence et probablement de voisinage entre les Assyriens
et les Indo-Européens ou une fraction des Indo-Européens, et
rentorce singulièrement la thèse de Johannes Schmidt dans son
célèbre travail : Die Urheiiiuit dcr Iiidogcniiaiicn inid das
airopâischc Zahlsyslcui ÇAbh. dcr k. ak. dcr IFiss. -u Berlin,
1890, II, p. 1-56). Le problème s'est, il est vrai, quelque peu
compliqué depuis ma dernière communication par suite de
nouveaux matériaux que j'ai réunis. Mon collègue, M. Dottin,
après m'avoir appris que dans les campagnes canadiennes fran-
çaises, les 12 jours qui suivaient Noël (du 25 décembre au 6
janvier) indiquent respectivement la température des 12 mois
de l'année suivante, tradition connue aussi dans quelques loca-
lités du département de la Marne, me fiit remarquer que dans
le Bas-Maine ce sont les 6 derniers jours de l'année qui jouent
ce rôle vis-à-vis des 6 premiers mois de l'année suivante-. Ces
jours, dans le Maine, portent le nom d'acbets et dans le Canada
celui d\tjcls qui paraît y avoir le sens de pronostics. Il n'est pas
difficile d'expliquer l'usage des 6 jours représentant les 6 pre-
miers mois; c'est un souvenir de l'époque où l'année se divi-
1. Le mot Gourde:^ion ctait connu, comme en fait foi le dictionnaire de
Grégoire de Rostrenen, mais son sens précis de jours supplémentaires a été
établi par moi pour la première fois, sur les précieuses indications de mon
ami, M. Vallée, de Saint-Brieuc, qui s'occupe activement et avec autant
d'intelligence que de désintéressement de lexicographie bretonne. En m'en-
voyant une liste de mots nouveaux ou rares, il me signala le sens populaire
de Goiirdeiioii. qui lui paraissait de nature à modifier celui que donnait le
père Grégoire. Je suis responsable de tout le reste dans la première com-
munication.
2. Les sources de M. Dottin sont pour le Canada et la Marne, La Revue
des traditions populaires, XIII, p. 2)0, 419; Dottin, Glossaire des patois du
Bas-Maine, p. 3.
L'année cclti.jiie iVapiès les textes iriinJais, etc. 125
sait en deux moitiés exactes, à peu près indépendantes, division
très marquée chez les Celtes et notamment dans le calendrier
de Colignv. La question est plus compliquée en ce qui con-
cerne la tradition du haut-vannetais. A Bignan, canton de
Locminé, d'après une communication écrite d'un ancien étu-
diant de la Faculté des Lettres, M. l'abbé Buléon, curé de cette
paroisse : « C'est une croyance profondément enracinée que
les 6 derniers jours de l'année renferment une indication sûre
pour le temps qu'il fera chaque mois de l'année suivante. Les
anciens en tenaient compte pour leurs récoltes. Pour trouver
ces indications, on divisait les 6 jours en 4 quartiers comme
les mois lunaires et chacun de ces quarts de jour correspondait
à une quinzaine de Tannée suivante; par exemple, si le pre-
mier quart du 26 décembre était humide, il fallait s'attendre à
de la pluie pendant la première quinzaine de janvier et ainsi
de suite. »
Cette semaine s'appelant er gouh suhiin, la vieille semaine,
l'abbé Buléon croit que les Bretons de Bignan ont confondu
gouh où l'aspiration est très faible et se confond presque avec
le son ;', avec goiir qui se trouve dans Goiinh'~ioii ; on aurait
dit gour siihiiii, semaine supplémentaire ou la grande semaine;
puis, quand gouh fut adopté, il parut ridicule de qualifier de
vieux les premiers jours de l'année nouvelle : on se restreignit
aux derniers jours de l'année. J'ajoute qu'il est possible que
le terme de grande seiiiaiue ait été adopté et que plus tard ce
terme appliqué à 12 jours ayant paru incompréhensible, on
ait ramené cette semaine anormale à 6 jours. Ces explications
sont quelque peu forcées ; de plus, elles ne rendent pas compte
du fait de la division des 6 jours par 4 et de celle des 12 mois
en 24 portions de 15 jours. S'il ne s'était agi que de pronos-
tiquer en gros les 12 mois, il suffisait de diviser les 6 jours en
deux, ce qui faisait 12 sections correspondantes aux 12 mois
de l'année nouvelle. Il est évident qu'on a voulu trouver dans
ces 6 jours le reflet exact de l'année avec son nombre de jours
et la grande division du mois en deux parties. Les 6 jours
partagés en 4 donnent 24 sections correspondantes chacune
à une quinzaine. Or, en multipliant 24 par 15, on arrive à
un total de 360 jours exactement. C'est l'année lunaire chai-
1 24 J. Lolh. ^
dcennc^ courante. Dans les Vedas, il y '^ aussi une année de
360 jours avec un mois intercalaire tous les 5 ans. Je n'en
conclurai pas qu'il y ait eu une tentative de raccord entre
cette année de 360 jours et l'année ordinaire de 354 jours. Il
y a, en effet, un fait bien reconnu en cette matière, c'est que
chez beaucoup de peuples se servant de l'année de mois
lunaires synodiques, l'année populaire était considérée chez
le peuple comme étant de 12 mois de 30 jours, c'est-à-dire
de 360 jours. Cette année de 360 jours a d'ailleurs une raison
d'être connue, on le verra plus bas, à propos du cycle de
30 ans.
Il y a une autre hypothèse qui me séduirait davantage, parce
qu'elle expliquerait un fait étrange en ce qui concerne les mois
bretons et certaines anomalies dans la langue du calendrier de
Coligny.
L'alternance des mois pleins et des mois caves amena à unir
les mois par deux; on les considéra comme homme et femme,
ou comme frères. J. Grimm en cite des exemples en allemand
et dans les langues qui lui sont apparentées et de plus chez les
Arabes et les Syriens (Geschichie der d. Spr., p. m ; Weinhold,
Deutsche Monaîsnamcu ,\{:\\\g, 1869, p. 13, 23). Les Indous par-
tageaient l'année en 6 doubles mois. A Agrigente, un décret
est daté du sixième double mois (h-y.q ci[j:r,'izj) -.
Il me paraît très vraisemblable que cet usage a existé chez
les Celtes ou chez une partie des Celtes. Il est en effet frappant
que chez les Gallois, chez les Bretons du Cornwall et d'Ar-
morique, 6 des 12 mois aient pris des noms latins et que 6 seu-
lement aient des noms celtiques (sont celtiques, les noms des
mois de juin, juillel , septembre, octobre, novembre et décembre).
Il y a encore à remarquer qu'en vannetais, juillet porte le nom
de mebcveuic, petit }neheven ou petit mois de juin ^^. Cet usage des
6 grands mois admis, on arrive facilement à comprendre l'intru-
sion dans le calendrier de Coligny de noms de mois à apparences
peu celtiques ou au moins peu gauloises comme Equos. Arrivés
1. Lenormant revu par Babclon, Hisl. des peuples de l'OrieiU, 378.
2. Uscner, Drcilieit., Rhein. Mus. n. F. 58, p. 343.
3. M. Paul Mcyer me fait remarquer qu'il en est de même en français :
juillel est ^our juignet, petit ;«/«.
L'année celticjiie d'après les textes irlandais, etc. [21;
:ui dédoublement des 6 grands mois en 12 mois, à l'exemple
de leurs voisins, les Gaulois auront pu adopter, pour une partie
des mois qu'ils avaient à nommer, des termes étrangers à leur
langue nationale. L'usage des 6 grands mois aura eu pour
conséquence vraisemblablement de grouper aussi les 12 jours
intercalaires par deux, par suite de l'esprit de symétrie si
remarquable chez les peuples primitifs ou à moitié civilisés.
Il y aura eu ainsi une grande semaine de 6 grands jours destinés
à refléter les 6 grands mois. De même que chacun de ceux-ci
étaient divisés en 4, chaque mois, ou plutôt demi-mois, étant
divisé en deux moitiés, par symétrie, peut-être aussi à l'imita-
tion des phases de la lune, les 6 grands jours furent également
partagés par 4. Quand le souvenir de l'intercalation des 12 jours
se fut oblitéré, la division primitive resta néanmoins. Rien n'y
fut changé, si ce n'est que la division qui portait sur 6 grands
jours ne porta plus que sur 6 jours ordinaires.
2. Divisions de l'année celtique.
Comme chez tous les Indo-Européens, l'année chez les Celtes
se divisait nettement en deux moitiés de 6 mois ^ Cette division
est nettement marquée dans le calendrier de Colignv : de Samon
à Giamon, 6 mois; de Giamon à Samon, 6 autres mois^.
Comme on trouve devant Giamon aussi bien que devant Samon
un mois intercalaire, on ne peut savoir lequel de ces mois
commençait l'année. Anciennement, c'est sûrement Giamon
qui a dû être le premier mois de l'année. Cette division en deux
est encore fortement marquée dans les textes irlandais et gallois.
Il n'est pas rare qu'il y soit question de demi-année : Nuadu
est roi d'Irlande jusqu'à la fin d'une demi-année {Letb-hliadne):
Acall. na Scnôrach, Ir. Texte, IV, ligne 3497. Dans les lois irl.
(I, p. 29) l'année est exprimée par </</ se mis, deux fois 6 mois.
De même, dans les lois galloises, I, p. 90 : hanncr blnydyu, demi-
1. Idelcr, Handhiich der Chron., I, 241 ; cf. sur cette question, Usener,
Dreihcil. Rlicin. iMus. n. F., LVIII, p. 557.
2. Tluinieysen, Cdt . Zciisch., II, p. 325.
I 20 J. Loth.
nnnée. La période d'un an et demi, de deux ans et demi est
connue (Ir. T., IV, ligne 2514; v. notes, p. 294). Cliez les
Irlandais, l'année se partageait d'abord en deux moitiés : de
Sainhaiii (novembre) à Beltenc {i" mai)'. Dans les lois irlan-
daises (IV, p. 78), l'année est partagée en 2 également,
période d'hiver et période d'été; mais comme il s'agit surtout
d'évaluer les dommages et les amendes au sujet des productions
de la terre, les deux divisions sont inégales. La saison chaude
compte 7 mois, c'est-à-dire le dernier mois du printemps, les
3 mois d'été et les 3 mois d'automne ; la période dite d'hiver
ne correspond donc qu'à 5 mois. Il est fréquemment question
dans les textes épiques et légendaires de périodes allant de
SûDihaiii à Bi'llc'iie ou réciproquement-, l'année conmiençant le
i'^' novembre, sanibain ou saiii-fuiii ou jour de la fête de Tara.
Au lieu d'année, on dit souvent: d'une fête de Tara à l'autre
(Acall. na sen., Ir. texte, III, 3552).
Dans les lois galloises, les deux grandes périodes sont éga-
lement les calendes de mai {Calan iiwi, i^' mai), et les calendes
d'hiver (G/A/;/ Gayaf] i*^"" novembre) 5. Il semble que les Gallois
faisaient plutôt partir l'année du i*"' mai que du i*"' novembre;
Ane. L., I, p. 88 : si un Maer ne peut tenir seul sa maison, il
peut s'adjoindre un Taeog (vilain) pour un an, d'un calan mei
à l'autre. Mais pour les moitiés d'années on peut aussi partir
de Calaiigayaf pour arriver à Calan iiwi (ihid., 534). Dans le
vocabulaire néo-celtique, il y a des mots qui témoignent de
l'ancienne habitude de comprendre sous le nom d'hiver ou
d'été toute l'année. Les Irlandais anciens appelaient samaisc
(sanibaisr) une vache stérile, mot identique au breton hanvesken,
vache qui passe une année sans fliire de veau. La racine des
deux mots est clairement sanio- qui indique l'été et aussi la
moitié chaude de l'année. En revanche, le vieil-irl. ganiiiin,
veau d'un an, irl. actuel, ganihni)!, gaél. d'Ecosse, ganihainn,
veau vieux d'un an; irl. et gaél. d'Ecosse, gainhnach, vache
stérile, remontent tous à oanio-, hiver. Je viens de retrouver
1. O'Curry, Ou Ihr uiaiiuers, p. 217, d'après O'Donovan, Bool: o RioJils,
p. xlviii ; cf. d'Arb. de Jub., Étude sur le droit cctl., I, p. 29).
2. Acaïï. uaseuéracl) (Ir. T., IV, 1. 3497).
3. Ane. La-ws, I, p. 396, 453, 588.
L'année celtique d'après les textes irlandais, etc. 127
en breton réquivalcMit de gamhnach, c'est oiuviach, vache qui
ne vcle pas pendant un an, haut-corn, i^ciijycii; le suffixe breton
est différent, mais tous ces mots remontent à gaiiios, hiver, et
supposant un thcme gaiiioii-^ Qaiiihiiinn = *gamon-i-) . On le
voit, gamo-s, hiver, a eu le sens d'année tout comme samo-s,
celui d'été. Comme ce fait n'est pas isolé, on a proposé de
donner à l'équivalent indo-européen de sauios, skr. saiiià, le
sens de semblable (d;xi-r), moitié d'année: la partie équivalente
à la moitié hivernale de l'année (Schrader, Reallexicon : Jabr).
Cela paraît inutile. Si giatiws ou gamo-s a eu le sens de saison
hivernale et d'année, on ne voit pas pourquoi samo-s n'aurait
pas eu la même fortune. C'est ce qui explique que les Irlan-
dais aient pu appeler le i" mai Cct-soiiiaii ou cél-samaiu,
premier jour de *samono-s ou samciii- (gallois Cyiilcfyii ou
Cyntcfin = cinlu-sanumios) et le i" novembre samain et sam-
fiiin, fin de samos : samos a ici la valeur de moitié d'année, tandis
qu'au sens propre il ne désigne que trois mois de l'année
celtique-.
Comme chez d'autres peuples iiido-européens, Tannée, après
avoir été divisée en deux, l'a été de bonne heure, à l'époque
même de l'unité, en trois.
Il y a une preuve que les Celtes ont passé par cette étape,
c'est que, d'accord sur les noms des deux moitiés de l'année,
ils se divisent complètement en ce qui concerne les 4 divisions
de l'année et qu'il n'y a que 3 sur les 4 noms qui les dési-
gnent qui soient véritablement indo-européens : ceux qui dési-
gnent l'hiver, le printemps et l'été. Le printemps chez les
Irlandais errach remonte à (p)crsâko. Le vieux gallok guiannuin,
cormquG gnainloin, printemps, suppose*vesanteino-, et rappelle le
skr. vasanld, printemps. Au contraire, les noms désignant l'au-
tonme sont nés sûrement à l'époque celtique et séparément ; irl.
1. Il est fort possible que le oiaiiwn du cal. de Coligny soit un mot
incomplet : i^iaiiiotios ou giaiiioiiios.
2. M. Whitley Stokes, frappé sans doute de cette apparente anomalie, a
supposé ingénieusement que samain = saiiiaiii signifiait assemblée, ce qui
était rendu plausible par le fait que le i=r novembre avait lieu la «^rande
assemblée de Tara. Cette habitude de désigner une année par une des
rnoitiés me paraît expliquer le grec -Xc-^ov, année ; c'est l'année pleine réelle
vis-à-vis de l'année niétapliorique.
128 J. Loih.
fogmnr, irl. mod. foghinbair (sons l'hiver). Le gallois n'est même
pas d'accord -.wtc le breton ; en gallois, l'automne est Cyivihacaf
(avant l'hiver); en breton, l'automne paraît avoir été désigné
par hcré, moyen breton ht^ycjf, qui a été appliqué spécialement
au mois d'octobre (dans le pays de Galles hyciref^). Il y a peut-
être quelques souvenirs de cet état de choses dans les lois
galloises, I, p. i6 : le prêtre de la Cour a droit à des vêtements
3 fois l'an, p. 344 il en est de mêmcj d'après les lois de Dyfed,
pour tous les officiers de la cour. Dans le recueil de formules
médicales connu sous le nom de Mcddygon Myddfai, ou les
médecins de Myddfai, p. 91 : il y a 3 jours dans l'année où on
ne peut ni saigner, ni administrer de potions : le dernier jour
d'avril, le premier mardi d'août et le dernier lundi de septembre
(il devait y avoir dans le texte primitit plutôt le dernier lundi
d'octobre).
Quoi qu'il en soit, à l'époque de l'unité celtique, ou tout au
moins des Gaëls et des Bretons, l'année est divisée en 4 séries
de 3 mois. Chez les uns comme chez les autres, l'été comprend
mai, juin, juillet; l'automne, août, septembre, octobre; l'hiver,
novembre, décembre, janvier; le printemps, février, mars,
avril. Pour les Irlandais, le fait n'a pas besoin de démonstra-
tion ; cette division se trouve expressément dans les lois, connue
l'ont montré O'Curry après O'Donovan et plus récemment
M. d'Arbois de Jubainville (Éludes de droil celtique, I, p. 295
et suivantes). Comme l'a fait remarquer M. d'Arbois de Jubain-
ville, l'année judiciaire galloise se divise en 4 sections exacte-
ment correspondantes aux divisions de l'année irlandaise, avec
cette diflerence que les sections conrmencent le 9 des mêmes
mois. Pour l'année judiciaire, le fait est exact (Ane. Lazus, I,
p. 140-142); mais il n'en est pas de même dans d'autres cas,
même dans des cas relevant de la justice et des lois, par
exemple en ce qui concerne la valeur des animaux: pour un
poulain (ihid., p. 260), il vaut 4 pence depuis sa naissance
jusqu'au i'' août; 8 depuis août jusqu'aux calendes d'hiver;
12 des calendes d'hiver à la fête de sainte Brigitte (i" février);
1. l'robablcment, envieux celtique, "sn-treho-s, favorable aux champs, à
la récolte; cf. trevad. moisson.
L'année cehiquc d\iprcs les textes irlandais, etc. i 29
16 de la fcte de sainte Brigitte au i'"' mai; 20 du i*"" mai au
I" août ' ; 24 d'août aux calendes d'hiver ; 28 des calendes d'hiver
à sainte Brigitte (cf. I, 704; II, p. 806). La tyrannie du nombre
9 apparait néanmoins encore en semblable matière. C'est ainsi
que la vache prend le taureau en août ; elle doit vêler le 9 mai
(ibid., I, p. 270); le bœuf doit être mis sous le joug le 9 février
et attelé à la charrue également le 9 îcwïcr {i h iiL, p. 270-272)-.
L'été est nettement caractérisé par des noms de mois fort
anciens et de sens clair. Le i*"^ mai ou jour des calendes de
mai s'appelle en gallois cynlefyn et répond à cét-saiiiaiu, céd-
amain des Irlandais (dans le Gloss. de Corviac, cél-sonian, cél-sa-
mun = cintu-samono-s) ; le breton a adopté Cakuiai, calendes
de mai, nom également courant en Galles et qui même a évincé
en gallois Cyntefyu, qui a pris le sens-plutôt de printemps.
Juin s'appelle en gallois Myhefyn., en comique Melbevcn,
en breton de Vannes Mcheven, dans les autres dialectes Afqc-
ven. Il est évident que Myhefyn signifie milieu de l'été =
médio-sauwn-io-s, avec chute du d intervalique, comme dans
le gallois meiun, irl. niedhôii ; le breton ))ie:{cven remonte à
Mcd-heven qui, par suite de l'assourdissement produit par h
sortant de j", est arrivé l\*tnelh-eveii et de là régulièrement à
Mc-cre//. Juillet est dit en gallois gorphenhaf, fin de l'été. La
plupart des termes bretons désignant ce mois paraissent
remonter à Gonhe~}ej' ou gourhercf. Goidhief, forme du moyen
breton, de «^"oet he:[ref {o^\n est sous l'automne, qui précède l'au-
tomne) comme l'a supposé M. Ernault>. Juillet, en vannetais,
s'appelle aussi iiieheveiiic, le petit juin. L'étymologie de be~ref
donnée plus haut, p. 31, note r, c'est-à-dire he~reff, hydref
= '^su-lreho-s, favorable à la moisson, explique comment,
raisonnablement, les Celtes ont pu taire commencer l'automne
au i*"" août : c'est la saison de la moisson.
L'irlandais moderne donne encore à mai le nom de Béallaiiic,
1. Ancicnl Laïcs, I, p. 502 ; tout (.'ssaim du i^"" août jusqu'au i" novembre
vaut 24 pence; l'essaim qui sort après les calendes d'août, vaut 4 pence
jusqu'au !«■■ mai.
2. Le hafdy, maison d'été est habitée jusqu'au i" août.
5. Revue Celtique, XVI, 190, 191. Le comique gorlhercn (Bewn Mer.
2070, 2194) paraît identique au haut-vannetais gourhelin pour gourlh'rcn,
mais ces formes ne peuvent se ramener à gourhereff m à goiibeieff.
Revue Celtique, XXV. 9
I ^0 J. Loih.
au lieu de Ccd-anibiihi; juin porte le nom de mi nicadJjon sainh-
radh, le mois du milieu de Tété; juillet se désigne niî-dcireadh
an tscimhradb, le dernier mois de Tété.
Ces divisions se retrouvent-elles dans le calendrier de Coli-
gny ? Jusqu'ici je n'y vois nettement que deux divisions. L'année
commence d'après le mois intercalaire à satiion^ ; la deuxième
moitié commence avec giamon. Sanion(os) est à peu près exac-
tement l'irlandais sonian de ccî-somau et un dérivé de samo-;
giamon est clairement dérivé de giaiii- ; cf. le gâWo'is g a caf, breton
actuel ^'■(Wt', haut vannetais .(,"^0/0''*' = gaianio, vieux gallois o-^f^w
(peut-être *geiani, giani). Il est impossible que samon désigne
mai. En effet, si samon est mai, giamon sera novembre; or, le
deuxième mois avant Giamon est Ogron dont le sens, d'après
le gallois ocr = *ogro-s, est froid ; si on désigne, par giamon,
novembre, ogron sera septembre, ce qui est impossible.
Il semble qu'il faille reculer giamon au moins jusqu'à décem-
bre; auquel cas, samon représenterait ////'//. Or, tout justement,
on lit dans un fragment mid samon, ce qui représente à peu
près exactement le nom du mois de juin chez les Gallois et les
Bretons et même chez les Irlandais. Dans le LL. 44 à 37,
juin est dit : mis nùthcmain = mcd-iafnain = mcdio-samoni-
(Swkes,. A rcbivfiir Cell. Lcx., I, p. 127). On a vu dans le
mid un mot signifiant mois, mais cette forme est parfaitement
inconnue chez les Celtes. De plus, pourquoi mid en toutes
lettres devant samon et jamais ailleurs ? On peut dire, il est
vrai, que samon se trouve seul; mais il est fort possible qu'il y
ait quelque chose d'analogue à ce qui s'est passé en breton;
au lieu de mis mc~(vcn, on dit mis Evcn ; on a pu dire de
même, wu lieu de mis mid samon, mid samon et mis samon ymid
serait pour ////<//()- = *///('J/() et indiquerait peut-être une influence
dialectale.
3 . /.(' mois, SCS dii'isions.
Usener a montré que le mois a d'abord été partagé en
deux moitiés, l'une, en quelque sorte nionlanlc et l'autre dcs-
I. Ou stniioiio-s; les génitifs en -/ paraissent recommander ce nominatif.
L'année celtique d\iprcs les textes irLindais, etc. i ^ i
cendauic; l'une claire et bonne \ l'autre obscure et mauvaise,
blanche et noire, par exemple chez les Indous. La pleine lune
marquait une division fort naturelle du mois en deux parties.
Mais comme on devait régler tous les actes importants de la
vie d'après le nombre sacré trois, de la division en deux, on
passa, non à la division en quatre, qui eût été plus naturelle
et comme indiquée par les phases de la lune, mais à la division
en trois. De là, chez les Romains, la coupure de la première
moitié par les noues et la division en décades chez les Grecs'.
Chez les Celtes, il en a été sûrement de même. Dans le calen-
drier de Coligu}-, le mois est nettement divisé en deux; la
première moitié comprend toujours 15 jours, la seconde, 14
ou 15, suivant que le mois a 29 ou 30 jours. Il est important
de remarquer qu'après le 15, la numération reprend comme si
le mois commençait. C'est conforme à l'usage ancien.
Chez les Irlandais, la division eii deux est également nette-
ment marquée par côicthiges, quinzaine ; chez les Gallois
par pylhefnos ou pytheivnos, quinze nuits. Il n'est même pas rare'
de trouver en irlandais l'expression teôra côicthiges ^, trois quin-
zaines, correspondant à X ty^pxt^siovi quinA^aine et moisi. Il y a
d'ailleurs aussi une expression irlandaise identique à cette der-
nière formule: côicthiges for mîs'^, quinzaine sur mois.
La pleine lune tombant, soit le 14*-' jour et demi, soit le 15*^,
les Celtes ont adopté le nombre 15. 'Leur intention de faire
coïncider cette division avec la pleine lune est nettement expri-
mée dans un passage qui atteste l'importance de cette date. Le
visage d'une femme est comparé dans un passage de Y Acallamh
na senôrach (Ir. Texte, IV, 1. 3734) à la lune dans son 15"
jour ; un passage correspondant du Livre de Lismore dit : sa face
ressemblait à la lune dans son grand quinzième jour 5.
Sous rinlluence du nombre trois, la division en deux a été
suivie, non dune division en quatre, mais pcnu' la raison donnée
1. Dreibeit, p. 3 53-53 5 (Rhcin. Mus. N. F. 58).
2. Prose laies iii the Rennes Diiidsenchas, R. C, XVI, p. 39.
5. Mabin., p. 314 ; Ane. Laivs, p. 190 (mois et demi, Mcibitt, p. 79).
4. II-. Texte, IV, 1. 5867.
). In l-ésca ina chuiced dég ; LL., 265, 1. 48 ; ua oll chôiciud dec (Ir. T., IV,
notes à 5734, p. 507).
"32
J. Loih.
plus haut, d'une subdivision de la première moitié du mois.
Le wythuos, huit nuits, des Gallois en est encore un témoi-
gnage; c'est une division à peu près par moitié de la pytljcumos,
tombant au premier quartier de la lune (7 jours et demi envi-
ron). Par une dérogation à l'usage qui veut que le terme nuit
employé seul désigne la nuit ci Je jour, il est possible qu'ici le
nombre /;//// nuils comprenne en réalité huit nuits, mais seule-
ment sept jours, ce qui, dans notre façon de compter, donnerait
7 jours et demi. On comptait la nuit qui précédait le premier
jour et pour arriver à la demie qu'il fallait compter, on ajoutait
la nuit qui suivait le septième jour. Peut-être est-ce aussi une
transcription de la semaine de 8 jours des Romains.
Quelque étrange que cela puisse paraître, ce ne sont pas ces
divisions qui dominent dans les te.xtes irlandais et gallois. Ce
qui domine, c'est la période de 3 nuits et 3 jours ou 3 jours et
3 nuits et surtout son multiple, la période 9 nuits et 9 jours.
A. ] nuits et ^ jours.
Irlande. La période classique en quelque sorte pendant
laquelle on a droit à l'hospitalité, c'est 3 jours et 3 nuits.
M. Whitley Stokes en cite un grand nombre d'exemples, note
42 à ÏAeallain na senôrach (436, 1601, 1823, 2397, 3531,
7352, 7452; cf. Revue Celt., IX, 495, note 3).
Les héros jeûnent 3 jours et 3 nuits {Tain hô I-'uiieh, Rev.
Celt., XXIV, p. 132); ils continuent 3 autres nuits, p. 133.
Les héros séjournent 3 jours et 3 nuits {Find and the phan-
tonis, Rev. Celt., VII, p. 292-3).
Maelduin et ses compagnons voyagent 3 jours et 3 nuits (2"/;^'
voyage of Maelduin, Rev. Celt., IX, p. 292-3); ils continuent
3 jours et 3 nuits {ibid., 462, 464, 468; de même, 490, 494
(3 nuits d'hospitalité).
Amorgein jeûne 3 jours et 3 nuits {The Rennes Dindsenebas,
XV, p. 278).
Find séjourne 3 jours et 3 nuits {The Boronia, R. C, XIII,
P- 49)-
Rônâin reste auprès de son fds 3 jours et 3 nuits {Fiinyal
Rônâin, ibid., p. 386).
L'année celtique d'apics les textes irlandais, etc. 1 55
Fcchin jeûne 3 jours et 3 nuits (Life of st. Féchin, R. C,
XII, p. 324; de même, p. 326).
Les Uhites vinrent au bout de 3 jours et 3 nuits {iid'i Iri la
oc lis tri n-aiiicbi); cf. dia tri la ocus teôra n-aidchi, (Fled Bricr.,
/;•. Texte, I, 257, 274)'.
Ancieut Laivs of IrcL, III, p. 472 : vache d'amende toutes les
3 nuits jusqu'à la fin de 3 nuits ei demie.
ibid., p. 237: 3 nuits sont réclamées aux Bo-aire.
On trouvera réunis à l'index des Etudes de droit celtique de
M. d'Arbois de Jubainville un nombre considérable d'exemples
de délais de 3 nuits en matière judiciaire (I, 259, 260, 261,
267-8, 284, 288, 360, 364-6, 369, 374, 377, 379, 382, 383 ;
11,6,18-23,61,63,70,71,79-81).
L'expression tre-denus, trois jours, apparaît dans le Trip.Life
of s. Patrick (I, cliv; cf. CXCV et p. 31); dans les Gl. de
Wûrzburg, 24, a, triduiun est glosé par trédenus.
Pays de Galles. Mabin., I, p. 171. Les Bretons passent 3 jours
et 3 nuits à délivrer le château (songe de Maxime).
— p. 250: Mabon a été enlevé la 3^ nuit de sa naissance.
— p. 314: Rhonabwy avait dormi 3 nuits et 3 jours.
Ancient Laivs: I, p. 61 : si 3 nuits manquent aux 7 ans de
cohabitation, les époux se partagent leurs biens.
p. 172 : en cas de revendication de propriété, le plaignant reste
sans répondre 3 nuits et 3 jours; à la hn du <)" jour, on plaide.
p. 258 : celui qui allume du feu dans une maison qui n'est
pas la sienne, sans la permission du propriétaire, est responsable
durant 3 nuits et 3 jours.
p. 260 : la responsabilité dure également 3 nuits et 3 jours
si on fait sécher du grain sur le four d'un autre.
p. 264, 788 : délai de 3 nuits et 3 jours.
II, p. 338 : espace de 3 nuits et 3 jours ;
Meddygon Myddfai: § 192: être à jeun 3 matins.
§ 408 : 3 fois en 9 jours; une fois tous les 3 jours.
§ 4)7 : jeûner 3 jours.
I. Cf. ibid., p. 257, 10: Se. M. 4; Serg.-C, p. 205 ; etc. — Il faut 5
fois successivement $ nuits et ^ jouis, c'est-à-dire 9 nuits et 9 jours fr.incs
pour exproprier le débiteur qui, d'après un autre texte, est dépouillé de
son bien en 3 nuits seulement (Etudes sur le droit ccll., I, p. 865).
(54 J . Lolh.
B. Période 51 nuits et p jours.
Irlande. Anc. Laws, III : p. 472 : une vache d'amende chaque
nuit jusqu'au bout de 9 nuits.
ihid., V, 395-13; 397-13 • périodes de 9 jours sont accor-
dées pour payer les intérêts de certaines amendes.
La période de 9 nuits et 9 jours est exprimée le plus souvent
par un seul mot en irlandais, mot iéminin : nomad, gén.
iioinaide, ncuvaine.
Il y a eu, semble-t-il, plusieurs neuvaines. Il y a eu vraisem-
blablement une ncuvaine d'hcnrcs. C'est une expression due à
l'influence chrétienne. D'après Kuno Meyer, suivant en cela
M. Whitley Stokes ÇTbe vision of Mac Conglinne, 107-10,
27-13), l'ennéade d'heures comprendrait 72 heures ou 3 jours
et 3 nuits'. Ce serait une expression chrétienne. En effet, 72
heures comprennent 9 fois les 8 heures canoniques. Hennessy
(Chronicuni Scolonini, p. 10, note 9) donne à nomad, axhc
quelque hésitation, le sens de période de 9 jours ou 9 nuits,
ajoutant que le sens du mot n'est pas bien établi. Ce qui le
trouble, c'est qu'il est dit dans les Annales de Loch Ce que
la reine Marguerite d'Ecosse mourut tcôra nomada après le roi
Malcolm. Or, il est sûr que la reine mourut 3 jours pleins
après son mari. Ici, une nomad signitierait donc une période
d'un jour et une nuit. Il est de tait que, d'après des témoi-
gnages contemporains, la reine mourut le 4'' jour après la
mort de Malcolm-. Il y a probablement, soit une faute de
scribe, soit une erreur d'information. Il faut changer trois
nomada en une nomad, à moins qu'on ne suppose 9 veilles
dans les 24 heures?.
Si nômad désigne parfois une ciincadc d'heures, il n'en est
pas moins certain qu'il faut entendre par là une période pleine
de 9 nuits et 9 jours. L'expression co cend nomaide, jusqu'à la
fin d'une neuvaine (de jours et de nuits), revient très fréquem-
1. Cf. The second hattlc of Moylura, Rev. Celt., XII, p. 66-67.
2. Pinkerton, revu par Metcalf, Vitae ss. Scot., p. 207, p. 140.
3. Cf. nôi trath dans The Rennes Diudsenchàs, Rcv. Celt., XV, p. 465 ; )nnc
u'atches, LL, co cend nomaide.
L'année celtique d'aprcs les textes irlandais, etc. i 5 5
ment '. Quelquefois elle est rcniphicéc par iwilailhc, 9 jours (T/jj'
Trip. Life, cliv). Windisch traduit, Ir. Texte, I, nomad par dcr
nenntc lag der ivoche; ibid., lVôrtcrbuch;dia teôra nomad, après
trois semaines. Dans les gloses au mss. de Bâic à Carlsruhc,
on lit: i)id nomad, gl. nona lnna(Zciiss. Gr. Celt., p. 310).
Les délais de 9 nuits sont fréquents dans les lois irlandaises
(v. d'Arbois de Jub., Etudes sur le droit celt., I, 365, 366;
II, 1 12, etc.).
Ce qui, d'ailleurs, avec les exemples ci-dessus, suffirait à
montrer que régulièrement nonuid signifie 9 nuits et 9 jours,
c'est l'usage gallois de compter par 9 nuits et 9 jours.
Mabin., I, 225 : Kei restait 9 nuits et 9 jours sans dormir.
Ancient Laws, I, p. 84: si les époux se séparent, leurs
biens ne sortent pas de la maison avant 9 jours et 9 nuits.
Au bout du 9" jour, les objets de la femme doivent être
déménagés.
p. 94 : si le mari meurt, elle ne peut quitter la maison qu'au
bout de 9 jours.
p. 142 : si en cas de réclamation de terre, les plaignants ne
peuvent produire leurs témoins, s'ils sont dans leur propre
cymivt, un délai de 3 jours leur est accordé; s'ils sont dans un
cymwt adjacent, le délai est de 9 jours.
p. 788 : un espace de 9 jours est accordé à im chef pour
réfléchir sur son serment.
— il est donné 9 jours pour transférer une maison bâtie
indûment sur le territoire d'un autre, etc., etc.
Il est parfiiitement sûr que Tinfluence du nombre 9 a con-
tribué à la constitution de cette neuvaine, mais il est non
moins certain qu'à une période plus reculée que celle où le
mois synodique de 29 jours et demi fut adopté, elle a été
amenée par le partage en trois du mois sidéral qui, lui, ne se
compose que de 27 jours r/3. Cette vue qui est de Kant a été
soutenue par Roscher avec beaucoup d'érudition et d'ingénio-
sité. Il a montré notamment l'existence de ce mois composé
de 3 ennéades à l'époque de Thucydide : les \}.ti-v.z de Nicias le
I. Togail bruidiic dd Dcrga, p. 92. — Ir. Texte, I, Tochtii. Et., 129. 16,
co cend nomaidi.
n6 J. Loth.
déterminent à restera Syracus encore -çiz vniy. r,[j.épx;^ {Tlnic,
7, 50; Plut., Nih., 13-15), pour attendre àAAv ':iLqrr,: -nôpîîîov
(Thucydide, 7, 50).
Roscher signale l'existence de la semaine de 9 jours chez
les anciens Égyptiens, les Indous, Perses, Germains. En
note, p. 49, Roscher cite l'opinion de Kàgi et Diels disant
qu'en pareille matière 9 est un renforcement de 3 . C'est pos-
sible, mais la raison invoquée par Kant paraît ici d'un grand
poids. L'objection de Kiigi et Diels ne me paraît pas fondée. Si
c'est en qualité de multiple de 3 qu'on arrive à la semaine de
.9, on devrait avoir chez les Celtes des coupures, non seule-
ment de 3 jours, mais encore de 6 jours et de 18 jours. Or, à
ma connaissance, on ne les trouve pas. Il est manifeste, au con-
traire, qu'après avoir divisé le mois entier par j, on a encore
divisé par 3 la première neuvaine. La période de 27 nuits est
nettement signalée dans certains textes (Aiic. Laïus oj Ire!.,
III, p. 472 : amende exigée depuis la y nuit jusqu'au bout de
27 nuits). Les 3 neu vaines, Icôra noniaâa, doivent, dans la plu-
part des cas, être interprétées par trois semaines de 9 jours.
Le mois sidéral ayant été abandonné pour le mois synodique,
la neuvaine fut forcément indépendante du mois. Les trois
neuvaines qui représentaient l'ancien mois subsistèrent parce
que c'était un nombre consacré, mais on s'arrêta là. Le chiffre
de trois neuvaines n'est pas, à ma connaissance, dépassé.
En Galles, le souvenir de la neuvaine survit dans l'habitude
de dire couramment rtaiu diturnoâ (novein âiurnatus) pour une
semaine-. L'habitude de n'ouvrir les périodes judiciaires le 9
du mois vient aussi de la neuvaine 3. Les Irlandais se servi-
rent aussi assez longtemps de la neuvaine dans le sens d'-ime
semaine ordinaire 4.
1. V. Roscher, p. 27 ; dans d'anciens oracles et anciens rites, il est ques-
tion de Tp;ç ivvc'a Tjaî'pa;.
2. A remarquer Auc. Laws, I, p. 428, expression inidyd a wythnos., un jour
et huit nuits, ce qui équivaut vraisemblablement à la neuvaine.
3. Pline l'Ancien, H. N., X\'I, 95, nous dit que les Celtes commençaient
leurs mois et leurs années le ô'-' jour de la lune, à partir de la fin du pre-
mier quartier.
4. Dans les Ane. Laws oj Irel., II, p. 240, il est dit formellement que
la neuvaine artificielle équivaut à sept jours réels.
L'année celtique d'après les textes irlandais, etc. i ^7
Quant aux noms des jours de la semaine, ils sont latins et
païens chez les Bretons ; chez les Irlandais, les noms de quel-
ques-uns des jours sont latins, les autres sont dus à l'influence
chrétienne.
4. Cycles de j et de 7 ans.
Dans le calendrier de Coligny, il y a, comme nous l'avons
vu, un petit cycle de deux ans et demi. Chez les Irlandais et
les Gallois, les deux cycles ou périodes en usage sont les cycles
de 3 et surtout de 7 ans.
ÎRLAN-DE. Acall. na scnôracb (Ir. Texte, IV, p. 273): des
souhaits sont fliits pour 3 ans.
D'Arbois, Études, II, p. 313: la foire de Carman a lieu
tous les 3 ans.
The Rennes Dindsencbas (Rev. Cell.,XV,p. 3 12): tous les 3
ans, une foire se tient à Carman.
Fled Bi-icrend, Ir. Texte, I, p. 140, 14: mac na teôra blîadan,
le fils des 3 ans (cf. 144, 26).
Annales des 4 maîtres (O'Connor, Rer. hybern. script., III,
p. 13): les 9 rois des Firbolgs régnent pendant 27 ans: 3 ans
chacun.
D'Arbois de Jub., Études sur le droit celtique, II, p. 170:
quand le bailleur de cheptel meurt avant l'expiration des 3
premières années sur les 7 qui constituent la période pour
laquelle le bail est fait et que le premier a fourni 2 fois la rente
en nature qu'il doit au bailleur, il ne doit plus que le tiers du
cheptel qu'il a reçu.
P.\YS DE Galles. Mabin., I, p. 83 : les héros restent 3 ans.
II, 25 : Owein a disparu depuis 3 ans.
p. 30: il reste avec Arthur 3 ans au lieu de 3 mois. —
Gereint s'adonne aux tournois pendant 3 ans.
Ancient Laïcs: I, 263. La valeur d'un poulain augmente
jusqu'à 3 ans.
p. 488 : si un maer ne peut tenir seul sa maison, il s'adjoint
un tacog (vilain) pendant un an ; au bout de 3 ans, il doit se
suffire.
1 58 J. Loth.
Dans VAcûIldiub ua scnôrach (/r. T., IV, 1. 23 15, v. notes),
une période d'un an et demi, une autre de deux ans et demi
sont mentionnées. Loegaire entre en Leinster au bout de 2
ans et demi (Tlie Borôma, Revue Celt., XIII, p. 52): ce qui
rappelle le petit cycle de Coligny.
Le cycle favori, c'est 7 ans. Les exemples en sont très nom-
breux.
Irlande : Annales des 4 maîtres (O'Connor, Rerum hibern.
script., III) : les Irlandais restent 7 ans sans roi. Dans 7 ans,
à partir de ce jour, on enlèvera le bétail deCualnge (ror/;///.
Ferbe, p. 272-3).
— Il y aura 7 ans de trêve d'une fête de Tara à l'autre (JFJje
Ir. ordcals, Ir. T., IIL § 53).
— Brian termine son éducation en Alba au bout de 7 ans
(Death of Criinthann, Rev. Celt., 1903, p. 177).
— L'enflmt qui naîtra d'Aitfé viendra en Irlande dans 7 ans
jour pour jour {Tochm. Etaine, R. C, XI, p. 450).
— Ruaid reste chez son beau-père 7 ans (The R. Diiidseii-
chas, Rev. Celt., 'XV, p. 294).
— Eres est malade pendant 7 jours, 7 mois et 7 ans (jbid.,
P- 439)-
— Deux troupeaux de porcs prennent 7 formes en restant
une année sous chaque forme.
— Au bout de 7 ans aura lieu la bataille de Mag Mi'icrinie
{The baille of mag. m., Rev. Cclt., XIII, p. 442).
— Eochaid Eres, à 7 ans, avait la force d'un enfant de 14
ans {The second baltle of Moyliira, Rev. Celt., XII, p. 62).
— Eres demande à rester roi encore 7 ans {ibid., p. 72).
— Ils préparent leurs armes pendant' 7 ans (ibid., p. 82).
• — Le cochon de Mac Dàtho grandit jusqu'au bout de 7 ans
(The prose taies of the Rennes Diudsenchas, Rev. Celt., XVI,
P- 63).
— Il y_ aura une période de 7 ans avant le jugement der-
nier {ibid., p. 148).
— Tous les 7 ans, à la même heure, si les brebis blanches
vont à Loch Riach elles deviennent pourpres (jbid., p. 274).
— Les 3 rois unis d'Irlande s'arrangent pour régner chacun
7 ans (jbid., 279-280).
L'année celtique d'après les textes irlandais, etc. ijo
— Un personnage vit 7 ans avec 7 gâteaux (^The voyage oj
Mae Id ni 11, Rev. Cclt., X, p. 88).
— saint Patrice reste 7 ans chez Milchu {Trip. Life, I. p.
16)'.
— Assicus reste 7 ans dans une île {ibid., p. 96).
— Grâce aux prières de Patrice, aucun démon ne paraîtra
en Irlande pendant 7 ans, 7 mois, 7 jours et 7 nuits (ibid.,
— Nuadu règne 7 ans avant Tarrivce des luatha Dé Danann
(L'Épopée cclt., p. 389; //'/(/., 87, il est question de cochons,
de vaches de 7 ans, pour la même période, ibid., p. 47, 87,
354, 398, 408, 424).
— Dans le Fled Bricrcnd, il est question d'un personnage
qui avait 7 années pleines {slâna, Ir. T., I, p. 256, 295).
— ibid., Tochm. El.; Scrg. Conc, p. 131, 212: fri rc secht
m-bUadan, pendant une période de 7 ans.
Dans les Lois irlandaises, cette période joue également un
rôle important :
La durée du cheptel est de 7 ans (Etudes sur le droit cclt., II,
p. 170).
— à 7 ans tînis, on sait si un individu est sain d'esprit ou
idiot (//«t. Laws, III, p. i))).
Pays de Galles. Mabiii., I.
— Pwyll et Rhiannon gouvernent tranquillement pendant
7 ans (p. 5 1).
— La pénitence de Rhiannon dure 7 ans (p. 54).
— à Harddlech, Bran et ses compagnons restent 7 ans (p. 87).
— Au bout de 7 ans, le précepteur néglige les prescriptions
de Kilydd (p. 80).
— Iddawc va en Prydein et y reste 7 années (p. 292).
Aiicient Lau'S of Wales, I :
Si un homme enlève une femme, elle a droit jusqu'à la iin
de la ']" année à 3 bœufs de dédommagement (p. 58).
— Si un homme garde une femme pendant 7 ans pleins,
il partage avec elle comme avec une femme légitime.
I. En réalité, d'après le Lih. Hyiini. (Wind. Ir. Texte, I, Hym. 2. s), il y
este 6 ans ; l'obsession des 7 ans est si forte qu'elle amène à fausser l'histoire.
140 J. Lot h.
— Si un mari renvoie sa femme légitime avant 7 ans
accomplis, il lui rend sa dot {ibid., II, p. 794).
Il est rarement question de périodes dépassant 7 ans. Cepen-
dant, la période de 30 années ne paraît pas inconnue: Lough
Ree reste inoffensif pendant 30 ans (The Refînes Dindknchas,
Revue Cell., XV, p. 294). — Patrice avait 30 ans quand
il alla trouver saint Germain; il étudia pendant 30 ans; il
avait 60 ans quand il retourna en Irlande (Trip. Life, p. 26).
Dans le calendrier de Coligny, il y a manifestement, nous
l'avons vu, un cycle de 2 ans et demi ; à cette date on interca-
lait un mois de 30 jours (2 fois 12 jours intercalaires -h 6)
pour égaler l'année lunaire de 355 jours à l'année solaire de
367 jours. M. Seymour de Ricci suppose qu'il y a eu un cycle
plus long de 30 ans, comme Pline le prétend, et explique ingé-
nieusement son hypothèse {Revue Cell., XIX, p. 216). Que
l'on suppose l'année lunaire de 354 jours ou de 3 5 5 , la question,
au point de vue du cycle, reste la même; l'année solaire étant
dans le premier cas, avec l'intercalation des 12 jours par an,
forcément de 366 jours et, dans le 2'-" cas, de 367. Aucune des
deux années n'est exacte; mais couime l'année lunaire de 354
jours était plus courte à peu près de ce que l'année solaire avait
de trop, on pouvait tabler sur les chiffres 354 et 366 (ou de
3)5 et 367, la différence étant toujours de 12 jours par an).
Il me paraît très probable, pour ne pas dire sûr, qu'il fluit partir
du cycle de 30 ans pour expliquer le petit cycle de 2 ans et
demi, l'intercalation de 12 jours théoriquement par an et d'un
mois toujours de jo jours tous les 2 ans.
En 30 ans on obtient pour l'année lunaire de 354 jours:
10620 jours; pour l'année solaire: 10980 jours. La différence
est exactement de 360 jours, c'est-à-dire d'une année de 12
mois, tous de 30 jours, ce qui explique que les mois interca-
laires soient toujours de 30 jours dans le calendrier de Coligny.
On devait, en 30 ans, intercaler 12 fois un mois de 30 jours,
c est-à-dire tous les 2 ans et demi. Il n'est pas inutile de remar-
quer que l'année qui sert de base aux pronostics à Bignan
(v. Durée de l'année celtique, I) est de 360 jours.
Du cycle de 30 ans nous avons vu des traces plus haut,
ainsi que des cycles de 2 ans et demi.
Cannée celtique if après les textes irlandais, etc. 141
Les 2 cycles de 3 et surtout de 7 ans me paraissent n'avoir
pas de base chronologique.
Le cycle de 3 ans peut être, à la rigueur, une approximation
populaire, en cliitire rond, du cycle réel de 2 ans et demi, mais
il est peu probable que pour celui de 7 ans il en soit de même.
Il paraîtrait logique de supposer que 7 ans est une division de la
grande année de 30 ans correspondant à la division par 4 du
mois de 30 jours, mais la semaine de 7 jours n'apparaît nulle
part chez les Celtes, sinon à l'époque chrétienne. L'influence
du nombre fatidique 7 est évidemment ici pour quelque chose.
Une première conclusion se dégage de cette étude : c'est la
parfaite celticité du calendrier de Colign}-.
Le sens <\es gonrde^iou ou 12 jours supplémentaires nette-
ment établi acquiert aussi, rapproché de son existence chez les
Germains et les Indous, une grande importance. Il prouve, à
l'époque de l'unité, des rapports entre les Indo-Européens et
les Assyriens. La numération nous en fournira d'autres preuves.
Qu'en conclure ? Si on se représente les Indo-Européens, à
l'époque de l'unité, comme un peuple numériquement modeste,
parfliitement honiogène à tout point de vue, surtout phvsique-
ment, il est clair qu'il fiudra placer leur berceau avec Johannes
Schmidt et A. Weber, non loin de l'Assyrie. Mais si l'unité
s'est faite comme beaucoup d'unités nationales lentement, et
surtout sur une aire géographique étendue, impossible à déter-
miner nettement, mais allant d'Asie en Europe, il suffira de
supposer qu'à l'époque de l'unité, une portion des Indo-Euro-
péens a subi, par voisinage, l'influence des Babyloniens et que
cette influence s'est transmise de proche en proche. C'est
aujourd'hui la seule hypothèse plausible. Comme l'a très bien
dit Max Millier: « Celui qui parle de race aryenne, de sang
aryen, de cheveux et d'yeux aryens, est un aussi grand pécheur
que celui qui parlerait de dictionnaire dolichocéphale ou de dic-
tionnaire brachycéphale. » Quelques Scandinaves ambitieux (je
ne parle pas des grands archéologues du Nord) ont revendiqué
modestement pour eux à peu près exclusivement la qualifica-
tion d'Indo-Européens et même placé, contre toute vraisem-
blance, le berceau de la race indo-européenne en Scandina-
vie, en partant du /^cii/zz/rt///?// que l'Indo-Européen était grand,
142 ■/. Loth.
blond, dolichocéphale. Or, tout justement, la Scandinavie
offre peut-être la preuve manifeste que l'unité indo-européenne
a dû se faire peu à peu et sur un vaste espace. Il y a un fait
généralement admis aujourd'hui par les archéologues Scandi-
naves les plus estimés, c'est que la population actuelle de la
Suède et de la Norvège est à peu près la même qu'à l'époque
néolithique. Ces populations ne connaissaient sûrement pas
l'usage dés métaux. Or, il paraît sûr que les autres Indo-
Européens en connaissaient un qui devait être Je cuivre
(Schrader, ReaJlexicon, à Melalle). Il faut donc, ou exclure
les Scandinaves de la famille indo-européenne, ou admettre
que leur incorporation dans cette famille a eu lieu assez
tardivement, à une époque où ils occupaient déjà sûrement
le pays qui devait être la Suède et la Norvège.
L\ifinée celtique d\\prh les textes irLuiddis, etc. 145
DEUXIÈME PARTIE
REMARQUES SUR LA NUMERATION ET LES NOMBRES
CHEZ LES CELTES.
I. La nuDiéralion.
Comme chez tous les Indo-Européens, la numération chez
les Celtes est décimale et de plus, jusqu'à une certaine limite,
vigésimale. On a attaché à ce dernier foit une importance vrai-
ment exagérée au point de vue ethnographique; on y a vu une
influence préceltique. A priori, on s'explique facilement qu'un
peuple ait éprouvé le besoin de compter par proportions plus
fortes que 10. Il n'est pas rare de trouver en irlandais des mul-
tiples de 50, par exemple 3 fois 50 ou 150. De plus, il y a des
traces de la numération vigésimale en danois; on peut dire
qu'elle existe encore en allemand où on compte par Stiegen et
en anglais où la numération par score joue un grand rôle^
Au surplus, il me paraît fort possible que la ninnération
vigésimale ait une origine analogue à la numération duodéci-
male qui traverse, en germanique, d'une façon si frappante, le
système décimal et dont il est difficile de nier l'origine ass}'-
riennc, après le travail si connu de Johannes Schmidt : Die
Urbciinal cler Iiidoijcriiuvieii uiid das Eiiropitischc Zahisxsleiii. Une
des traces caractéristiques de ce système, c'est l'expression alle-
mande Gross Hundert, anglais Long hundred, signifiant 120.
Or, M. Thurneysen a signalé en moyen-irlandais un sens ana-
logue de cet qui habituellement ne signifie que cent (v.
append. à Die Urhciiiuit). 120 représente 2 fois 60, comme
I. Schradcr, Reallc.xicoii : Zahlen.
144 •^- ^0//;.
100 représente 2 fois 50. Le nombre 50 est très usité en irlan-
dais et en gallois. Il est en breton et en gallois considéré comme
moitié de 100: breton haiilcr-caiit, gaWols hûjuk'r-cant, demi-
cent.
La numération vigésimale peut avoir eu la même origine.
Un fait frappant, en effet, de cette numération, c'est qu'elle
paraît s'arrêter à 180, si je ne me trompe, chez les Bretons
comme chez les Galloise Les deux pôles de ce système sont
donc 20 et 180, ce qui semble indiquer comme base 60, nombre
fondamental du système duodécimal. Ce qui confirme la pré-
cédente induction, c'est le rôle que joue le nombre 3 comme
diviseur ou multiplicateur dans les textes irlandais et gallois :
éo divisé par 3 donne 20 (nombre assez souvent employé dans
les légendes); 60 multiplié par 3 donne 180. Les 9 nuits et 9
jours sont divisés par 3 et donnent une période de 3 nuits et
3 jours. Le mois sidéral de 27 jours est divisé par 3 et donne
3 neuvaines, etc. (voir plus bas, au nombre Irais).
Y a-t-il un indice d'une ancienne numération par 12 dans le
fliit que les Bretons armoricains font usage de la base 6 ? On
dit, en effet, pour 18 : tric'hiucch, c'est-à-dire 3 fois 6, Ce qui
donne à ce im une certaine importance et semble réellement
établir que cette base a été en usage, c'est l'existence en irlan-
dais ancien de l'expression mar-fescr, magnus scviraius, pour
indiquer un groupe de sept personnes. Cela rappelle l'expres-
sion Gross Hitnderi. C'est évidemment la base 6 qui était fomi-
lière aux L'iandais. Il y avait là un centre de numération. Le
groupement par 7 est probablement dû à une influence étran-
gère, car il est remarquable que ce nombre qui paraît leur
répugner comme base de numération joue chez les Celtes,
mais particulièrement chez les Irlandais, un rôle véritablement
stupéfiant.
Je dois dire qu'il n'est pas très vraisemblable que la numé-
ration par 6 ait pour base 12. Si on réfléchit que 18 paraît avoir
été un terme de numération probablement chez les Gallois
I. En français, la numération par vingt paraît avoir été plus étendue.
Dans le Bûok of Taîiesiii (Skene, Four anc. hoolcs of [Vales, II, p. 115, 6, 9),
il semble qu'il y ait seithdec ugeiut (16 fois 20) et pyinlhcc iigeiiit (i > fois 20),
mais cela paraît quelque peu fLintaisiste.
L\innée ce Itiijue d'après les textes irlandais, etc. 145
comme chez les Bretons, et aussi chez les Latins, on semble
logiquement amené à supposer que 18 a été divisé par 3, peut-
être même que l'on est parti de la multiplication par 3. En
gallois on prend aujourd'hui pour base 15 pour aller jusqu'à
20: 16 est un sur 15, etc., mais on dit encore fréquemment,
et l'usage est ancien: deunaw, 2 neuf, pour 18. En latin, 18
s'exprime par duodevigiuti. De prime abord, on serait tenté de
voir dans le fait de 15 pris pour base en gallois, une habitude
de compter par 5, le ~i\}.-xU'.'> des Grecs, ce qui n'aurait rien
d'invraisemblable. Mais si on réfléchit que 18 a été chez eux
aussi une limite de numération, on peut se demander si l'ori-
gine de cette habitude n'est pas la même que celle de la numé-
ration par 6. Il ne semble pas qu'anciennement, en gallois, la
numération basée sur 15 ait dépassé 18. D'autre part, la numé-
ration analogue est usitée aujourd'hui, à partir de 10 pour
arriver à 15. On trouve assez anciennement ce genre de
numération, mais, à ma connaissance, on ne décompose pas
ainsi anciennement dou^e. On trouve, au contraire, de tout
temps, pour ce nombre la forme commune aux Bretons d'Ar-
morique et de Cornwall : on a dit un ar dec, un sur 10 =: 11,
mais toujours doudcc (Lib Land.), deudcc en mo3'en-gallois,
deuddeg aujourd'hui. De même on disait pedwar ar ddcc, 4 sur
10 = 14, et lin ar bymihec, i sur 15 = 16, mais non habi-
tuellement pym ar ddcc, 5 sur 10. DotiT^e et quin:;e. ne sont pas
ordinairement décomposés, comme les nombres intermédiaires.
11 me paraît très probable que nous avons ici un des nombreux
cas de division et multiplication par 3. 11 est possible que la
première coupure de 18 ait été 9, puis que 9 ait été subdivisé
par 3. Ce qui semble confirmer cette manière de voir, c'est
que, dans le Livre de Taliesin (Skene, Four anc. books, II,
p. 176,1), le nombre 9 est exprimé par 3 fois 3 ' (fri ihrinodet).
On aurait eu ainsi: 3 fois 3, 9; 3 fois 4, 12; 3 fois 5, 15 ;
3 fois 6, 18. Après 18, le nombre 20 forme un point d'arrêt et la
I. Le nombre des guerriers qui vont à Catraetli est 3 et 3 fois 20 et 500 ;
il en revient ] (Livre d'Aneurin, Skene, Four anc. l , II, p. 96 v. 23,
26; cf. 97, préface). Les expressions 5 fois 9, 3 fois 20 sont fréquentes. Au
lieu de 9 mille hommes, dans le Bôronia (Rev. Celt., XIII), on dit 5 fois
3 mille. Lugh avait 3 fois 5 pères nourriciers.
Revue dlliijue, X.KV. 10
146 J. Loth.
numéiMtion décimale reprend. Le nombre, comme nous l'avons
vu, et nous en verrons d'autres preuves, a joué un rôle très
considérable chez les Celtes. Quant à la fortune du nombre 6,
elle peut avoir été aidée par des influences mythiques. Uscner
a remarqué que chez les Assyriens, les 12 dieux, qui étaient
d'abord des personnifications des 12 mois, furent groupés par
6 couples. Il a remarqué les mêmes procédés dans les listes des
Titans. Si on admet, comme je l'ai- proposé plus haut, le grou-
pement des mois 2 à 2, c'est-à-dire par 6 couples, on arrive
sans peine à comprendre que ce chifire ait eu une réelle valeur
mythique, à un certain moment, chez les Celtes'. De plus,
c'est la moitié de 12, un multiple de 3 et les deux tiers de 9,
nombres très importants chez les Irlandais comme chez les
Gallois.
2. Les nombres.
Les nombres les plus employés, en dehors de la numération
proprement dite, les nombres types sont: 3, 7 et 9. 12 et 50
jouent aussi un rôle important.
Trois. — Il est inutile d'insister sur ce nombre dont l'im-
portance est universelle. Je renvoie la-dessus, même en ce qui
concerne les Celtes, à la copieuse et profonde étude d'Usencr,
déjà cité, Dreiheil - (pour les Celtes, spécialement à la page 31).
On sait quel rôle a joué la triade chez les Irlandais et les
Gallois dans toutes les branches de leurs connaissances.
Ce qu'il ne me paraît pas superflu de fliire ressortir, c'est le rôle
particulier que joue 3 comme multiplicateur ou diviseur, ce qui
revient au même. Au lieu de traduire le nombre par l'expression
ordinaire de la numération, on cherche quel nombre se trouve
contenu ^ lois dans la quantité à déternnner: 21 sera 3 fois 7,
27 sera 3 tois 9, 60 sera 3 fois 20, 150 sera 3 lois 50, etc.
Exemples: nô mile et Iri iriutik, 3 tois 3 mille (The Bôroma,
1. Dans les Aiic. Laws of IreL, IV, p. 277, la piir.cipalc mesure est 6
dans les mensurations du Tir cumaile.
2. Les Trinités de Dieux étaient bien connues en Irlande. Par exemple,
dans The siroiiJ kitth' of Moyinra, Rev. CclL, XII, p! 82, Lugh, Dagdae et
Oo;ma vont trouver les 'Tiois Dieux de Danu.
L'année celîicjue d'après les textes irlandais, etc. 1^7
Rcv. CcU., XIII, p. 50). Au lieu de 27 heures, 27 jours, 27 ans,
27 hommes, etc., 3 fois 9 ou 3 neu vaines d'heures, de jours,
d'ans, d'hommes (v. plus haut, première partie. Divisions du
mois, p. 136; V. plus bas, \euf, p. 152).
— Lugh a 9 pères nourriciers; leurs noms sont donnés 3
par 3 (The second battle of Moytura, Rev. Celt., XII, p. 88).
— Le champion de Lugh se propose de repousser le roi et
3 fois 9 de ses amis (ibid., p. 90; cf. Rev. Celt., XVI, p. 59,
150, etc.).
— Uinche divise ses hommes en 3 fois 7 (The Rennes Din-
dsenchas, Rev. Celt., XV, p. 127-128).
Au lieu de 15 mille, 3 fois 50 centaines (The Boroma, Rev.
Celt., XIII, p. 40).
Au lieu de 45 jours, souvent 3 quinzaines.
Pour 3 fois 50, au lieu de 150, voir plus bas, à cinquante.
Au lieu de 60 chevaux, femmes, 3 fois 20 chevaux, femmes
{Revue Celt., XXIV, p. 134; XV, p. 290; Trip. Life of
S. Patrick, p. 190).
Il en est à peu près de même en gallois.
Un fait important à remarquer, c'est que généralement on
passe brusquement de 3 à 9. On a vu plus haut, V partie (mois),
que de la période de 3 nuits et 3 jours, on passe à 9 nuits et
9 jours. De même, dans les Lois galloises (Ane. Laivs, I, p. 212),
si le chef de fimille veut renier un enfant dont le père est
mort au nom de son clan, il peut le taire en joignant à son
témoignage celui de 6 hommes du clan ; s'il n'y a pas de
chef de famille, il faut le témoignage de 3 fois plus d'hommes,
c'est-à-dire de 21.
On retrouve cette préoccupation dans les formules médicales.
Dans les Meddy^on Myddfai, t. I, il faut faire 3 emplâtres 3 fois
(§503).
Si:pt. — Pour les périodes de 7 ans chez les Irlandais et les
Gallois, V. plus haut, i"" partie, à cycles, p. 137.
Irlandk. — Medb choisit 7 cents guerriers (Toch maire Ferbe,
Ir. Texte, III, p. 490).
— La laine pour les vêtements au pays de la Promesse est
fournie par 7 brebis (Acall. na senôrach, //•. Texte, \\\ note
3667, p. 275 ; d. Ir. Texte, III, p. 197, 48).
148 J. Lolh.
— Il y avait 7 portes dans le palais (Jbid., 1378).
— 7 hommes furent envoyés vers Patrice (Jbid., 6386).
— Un frein à 7 pointes (The vision of mac ConoJinne, 122,
33)-
— C'était 7 lois plus lourd (ihid., 61. 16).
— On place devant la tête de Fergal 7 bœufs, 7 béliers, 7
cochons (Cath Almaine, Rcv. Cdl., XXIV, p. 64).
— Les héros chassent 7 daims, '7 renards, 7 bêtes de la
plaine, 7 sangliers. Ils prennent 7 loutres. La maison a 7 roues,
7 chambres (Tdin hù Frdich, Rcv. CcU., XXIV, p. 130).
— Les troupes de Niall battent les ennemis 7 fois (The
Rennes Dindsenchas, Rcv. Cclt., XV, p. 296).
— Il y avait à Carman 7 courses de chevaux (Jbid., p. 3 12).
— Uinche divise ses hommes en 3 groupes de 7 (ihid., p.
327-328).
— Bres reste malade 7 jours, 7 mois et 7 ans (Jbid., p. 439).
— Chacun des 3 fois 50 corbeaux tués par Ciichulainn avait
dans son bec la longueur de 7 mains et, de tour de cou, 7 cou-
dées (ihid., p. 450).
— Les deux troupeaux de porcs se métamorphosent 7 fois
en restant une année pleine sous chaque forme (Jbid., p. 445).
— Aedan mangeait la nourriture de 7 hommes (Life of
S* Féchin, Revue Cclt., XII, p. 334).
— Eochaid Bres donne 7 otages aux champions d'Irlande
(The second battle of moytura, Rcv. Cclt., XII, p. 62).
— Le poète qui veut que son poème satirique produise un
effet va avec 6 hommes, lui 7% ayant les 6 degrés de poésie.
Le 7^, au lever du soleil, gravit une colline qui doit être aux
confins de 7 pays, etc. (Jbid., p. 119: extrait du Livre de Bal-
lymote).
— Lugaid Mal est exilé d'Erin avec l'équipage de 7 vaisseaux
(The prose taies in the Rennes Dindsenchas, Rcv. Cclt., XVI,
P- 48).
— Le cochon de Mac Ddthô grandit jusqu'au bout de 7 ans,
lorsqu'il y avait 7 pouces de graisse sur son groin (ibid.,
P- 63).
— - Les 4 oiseaux de Baile agacent Cairprc pendant 7 tois
50 nuits (ibid., p. 68).
L'année cclticjiic J\iprès les textes irlandjis, ete. 149
— l-'ochaid tue 7 milliers de guerriers de son lils (il'iiL,
p. 150).
— Les gages des 3 rois unis d'Irlande (qui régnaient chacun
7 ans) étaient 7 druides, 7 poètes, 7 chefs (ibiiL, p. 279-280).
— Un personnage se nourrit pendant 7 ans avec 7 gâteaux
(The voyage of Maelduin, Rev. Ccll., X, p. 88).
— Patrice impose à Cellachén une amende de 7 cumals (7
femmes esclaves = 21 vaches); il impose 7 années de péni-
tence {Ti'ip. Life of S. Patrick, cli; cf. p. 212, p. 355).
— Grâce à des prières de Patrice, aucun démon ne vint
en Irlande pendant 7 ans, 7 mois, 7 jours et 7 nuits (^ibid.,
-^ Les 7 Hls d'Amalgaid se convertissent (^ihid., p. 135).
— Patrice a 7 églises sur la rivière Fochaine (Jhid., p. 154).
— 7 églises appartiennent à Patrice en Connacht {ihid.,
p. 160).
— Un enfant vit 7 jours enfermé dans un cairn (^ibid.,
p. 160).
— 7 églises appartiennent à Patrice à Hûi-Tuirtri Çibid.,
p. 168).
— Le 7*^ de la personne des Fergus dépassait tout autre
homme; il y avait 7 pieds entre son oreille et sa bouche; 7
mains d'hommes auraient tenu entre ses 2 yeux; autant sur la
largeur de sa bouche. Il lui fallait 7 mains d'hommes pour
couvrir la trace de ses pieds, 7 femmes pour prendre soin de
lui; il lui fallait par jour 7 cochons, 7 cuves de bière, 7 bœufs;
il avait la force de 7 cents hommes (D'Arbois de Jub., L'é-
popée cell., p. 8 ; cf. ibid. : 7 chambres, 7 cochons; les 7 exploits
de Cûchulainn; 7 femmes; 7 fois 20 femmes; 7 rayons de la
lumière, etc. ; v. Indexa
— Depuis que j'ai pris les ordres, dit Brennain à Brigitte,
je n'ai pas franchi l'étendue de 7 sillons sans penser à Dieu
(Goidelica-, p. 134).
Ancient Laws of Irhlani) : Il v a 7 degrés de chefs. — Le
roi a 7 tenants inférieurs (I, p. 63).
— Le chef a 7 principaux sco/// (I, p. i ^5).
— 7 cumhals d'amende {ibid., III, p. 49, 70, 76, 98, 114,
lié, etc.).
1^0 J. Lotli.
Les amendes sont souvent des multiples de 7 ou, chose
étrange, des diviseurs de 7 :
III, p. 104: 4/7, 2/7, 1/14, 1/7 de 1/7; p. 114: le tiers de
7 cumhals; 2/3 de 7 cumhals (III, p. 116).
— 2/7, 1/14, I 1/7 dVr/V (//'/(/., p. 122; cf. 248: quelque-
fois il y a des 1/5).
— Le droit a été codifié par Ijcptadcs: il y en a 75 (v. pré-
face, iX-XIl).
— Le roi suprême a 7 rois sous lui; il a droit à une ciDual
de chacun d'eux.
— Le roi de territoire est estimé à 7 cumhals (IV, p. 346).
— On estime une personne d'après 7 choses (forme,
race, etc.).
— Il y a 7 degrés de connaissance {ibid., p. 354).
Galles. 7 gouverneurs sont laissés pour gouverner l'île de
Bretagne pendant l'expédition de Bran {Mahin., I, p. 81).
— 7 hommes s'échappèrent du combat (ihid., p. 89).
— Il fout réciter 3 fois 7 pater (Black Book, ap. Skene, Foitr
anc. books of W., II, p. 8, v. 12).
— 7 saints et 7 fois 20 et 7 cents (ibid., p. 12. 3).
— Les 7 fils d'Elifi'er (ibid., p. 4. 16).
— 7 lances qui percent {ibid., 4. 20).
— 7 fois 20 guerriers généreux (ibid., p. 5.1).
— Il y a 7 étoiles par les 7 dons de Dieu (Book of Tal. ap.
Skene, Four û ne. L, II, p. 162, i et 2) ^
— 7 guerriers seulement s'échappèrent de Caer Sidi (ibid.,
181. 16).
— Ils tuèrent 7 fois autant de Loegriens (Book of Aneur. ap.
Skene, Four anc. books, II, p. 80. 5).
— Lui, il tuait les Saxons le 7^ jour (ibid., 66. 9).
Ancient Laws : le serment, dans divers cas, de 7 hommes
ou de 7 femmes est exigé (I, p. 86, 88).
— En cas d'accusation pesant sur une femme vis-à-vis d'un
homme, la V fois, on exige le serment de 7 femmes ; la 2^ fois,
de 14 femmes; la 3^ fois, de 50 femmes (ibid., p. 102).
I. Il y a ici une influence chrétienne, sans doute. Il détestait tellement
les Saxons qu'il les tuait même le dimanche.
L'année ccltu]uc d'apvh les textes irlandais, etc. i ^ r
— Il V a 14 privilèges pour les hommes d'Arfon Çihid.,
— Les vihiins du roi doivent élever pour lui 7 maisons Qbid.,
p. 192).
— Le chef de la famille peut renier un enfant dont le père
est mort ■:x\qc l'appui de 6 hommes de son clan : s'il n'y a pas
là de chef de famille, il fliut le serment de 21 des notables
(Jbid., p. 212), c'est-à-dire 3 fois 7.
— Le (^alaiias (prix du sang) ne dépasse pas le j" degré
(ihicL, p. 224).
— 7 livres sont le prix d'un voleur qui doit être vendu.
— Le juge doit posséder 7 qualités (p. 614).
— Les 14 privilèges des hommes de Powys (II, p. 746).
— Pour dormir, graver le nom des 7 dormants sur la corne
d'un bouc en en fciisant un manche de couteau ÇMeddvgon
Myddfai, § 807).
Bretagne. Le nombre 7 y joue aussi un rôle : dans les chan-
sons populaires, il est souvent question de laps de 7 ans. Il
est vrai qu'ici diverses influences ont pu se croiser'.
Dans les Coûtes populaires de Luzel, I, p. 244, il est question
d'un nain dont la barbe fait 7 fois le tour du corps; d'un
bâton sur lequel le héros fliit 7 lieues à chaque pas Qbid., III,
98); d'un serpent à 7 tètes (II, p. 310); d'un serpent auquel
il faut livrer une princesse tous les 7 ans (II, p. 284); de
guêtres de 7 lieues (I, 209 ; III, 252).
Ce qui dépasse en intérêt ces citations, c'est la légende des
saints de Lanrivoaré (Finistère). Dans le cimetière, on remarque
une croix de calvaire plantée en tête d'une petite enceinte
dallée ; sur cette enceinte, on ne peut passer que déchaussé,
et le jour du pardon on en fait le tour à genoux; auprès de
la croix sont déposées 7 pierres rondes. La légende dit que
c'est le cimetière de 7 mille, 7' cents, 7 vingts et 7 saints
martyrs, et que les 7 pierres rondes sont des pains changés en
I. Le service militaire de 7 ans n'y a p.is été étranger, le nombre des
Bretons qui s'engageaient à prix d'argent, en outre de ceux que la loi appe-
lait, ayant été extrêmement considérable. Cela s'appelait couramment, en
Basse-Bretagne, vendre le cochon de son père. L'influence chrétienne est aussi
possible.
152 ./. Lot'i.
pierre par saint Hervé, à qui le boulanger du bourg en avait
refusé un pour sa nourriture ^
Fréminville (^;//. du F/h., I, 235-237) ne parle que dey 777
saints. M. Kerviler affirme que la légende dit bien 7 fois 20 et
non 7 dizaines. Il y voit un nombre traditionnel 7854 en
assimilant aux saints les 7 pierres rondes. Il voit dans ce chiffre
la théorie du cercle et V apothéose du iioinbre 7 sans compter ce qu'il
renferme sur le nombre 3 (p. 6)., Il me paraît d'abord arbi-
traire d'ajouter au nombre légendaire les 7 pierres. De plus,
il est évident que ce que la tradition a voulu faire ressortir,
c'est la présence des quatre 7, chiffre facile à retenir. Ce nombre
7 mille 7 cents 7 vingts 7 est d'un 7 plus grand que celui du
Livre noir de Carmarthen : 7 cents 7 vingts 7 saints: 847. Pas
plus ici qu'à Lanrivoaré, ce n'est le nombre total qui est en
question, c'est la répétition de 7 : 3 fois en Galles, 4 fois en
Bretagne, qui faisait l'intérêt de cette tradition-. Quant à 7
vingts, c'est fort naturel, étant donnée la prédilection des Celtes
pour la numération vigésimale et c'est bien là une preuve de
plus de ce que j'avance et de la fausseté de la théorie de
M. Kerviler, malgré l'ingéniosité et la science qu'il y apporte.
Une autre preuve et en même temps un fait des plus curieux,
c'est que 7777 est le nombre qui compose la grande année
(ijiyaç vHxj-îz:) dont parle Plutarque (de plac. phil. 2, 32, 5).
Roscher suppose que ce nombre repose peut-être sur les spé-
culations d'astrologues chaldéens {Die Enneadischen und hehdo-
niadischen Frislen, v. p. GG^.
Neuf. — Comme tradition commune aux Gaëls et aux
Gallois, il y a à noter l'heureuse influence de la 9"^ vague.
L'enfant de Cairpre était né avec une sorte de capuchon qui
le couvrait de la tête aux épaules, sans laisser voir de bouche.
Sa mère, conseillée par un personnage du monde surnaturel,
1. René Kerviler, Les iiicsuics de loiigiiciir et les nombres 7, 1 1 et 5 et, les
connaissances en arithmétique, en géométrie et en astronomie des construc-
teurs de monuments mégalithiques en Armorique. Lorient, 1904.
2. Cf. Trip. Life of S. Patrick, I, p. 115 : grâce aux prières de Patricet
aucun démon ne paraîtra en Irlande pendant 7 ans, 7 mois, 7 jours en
7 nuits. — Revue Celt., Tlie Reniws DiiidscuclMis, p. 4^9 : Bres est malade
pendant 7 jours, 7 mois et 7 ans.
L\xnncc celtique d\ipns les testes irlandais, itc. 1 5 ;
le porte à la mer et l'y plonge en lui laissant la tète au-dessus
de l'eau jusqu'à l'arrivée de la 9^ vague. A la 9*^ vague, la
membrane qui lui recouvrait la tête se déchire (Tiie taie of
the ordeals, Ir. Texte, III, p. 206).
Au contraire, la y vague est mauvaise. C'est ainsi que 3
vagues d'une fontaine atteignent Bôand, femme de Nechtan,
et lui enlèvent une cuisse, une main et un œil \
Dans la Tripartite Life of S . Patrick, I, cvii, cviii, M. Whitley
Stokes rappelle que, d'après le Liber Hyinnoniin, Colmdn va à
une île et est séparé ainsi de la terre par 9 vagues : /// tbic
teidm dar liai tonna ut ferunt periti (la peste ne franchit pas,
ne vient pas par-dessus 9 vagues.
Dans les Lois irL (Ane. Laws, V, p. 326.4, 327.5, 337.21,
32; 339.2), on a droit à un bien trouvé à une distance de 9
vagues entre soi et la terre ou transporté par-dessus 9 vagues
de la mer à la terre.
Dans le pays de Galles, la 9^ vague est synonyme de bonheur,
Bl. B. of Carm. (Skene, II, p. 21, v. 19):
a mi disgoganaf e rac ton navfed
« et moi je prophétiserai devant la p^ vague (c'est-à-dire devant Vhoiniiic
heureux) ».
B. Ta!., 169.5:
advvvyn gaer yssyd ar ton uawvct
« agréable la ville forte située sur la 9e vague. »
ibid., 142.10
Pan y m digonet
O dvvfyr ton nawvet
« Lorsqu'on me forma...
de l'eau de la 9c vague. »
I . Il y a peut-être un souvenir analogue dans le fait que les nains bretons
ne savent chanter que les 5 premiers jours de la semaine et qu'il faut pour
les désensorceler qu'un bossu leur apprenne à chanter jusqu'à 5 ou 6 (sui-
vant les variantes^
i$4 J Loth.
Cvnddelw, poète du xn" siècle {Myv. arch.-, 158, col. i),
donne à une de ses beautés la couleur de l'écume de la mer
devant la 9^ vague.
Dafydd ab Gwilym (p. 42) supplie la rivière Dysyni d'accorder
la 9^ vague à la nonne qu'il aime pour qu'elle puisse arriver à
Saint-Dewi.
Pour la période 9 nuits et 9 jours cliez les Irlandais et les
Gallois, voir plus haut.
Irlande. Niai est le personnage aux 9 otages(C6ir anmann,
Ir. Texte, III, p. 118).
— La harpe a 9 cordes (Acall. na senôrach, //'. Têxlc, IV,
note à 3793. M. Whitley Stokes rapproche l'expression iwsâ-
'/:pot: des Grecs).
Dans le même curieux morceau, je relève : 9 piliers d'or
(1. 1299); 9 vêtements, boucliers, lances, épées, chiens (1862);
9 défenses de sangliers (2225); 9 chariots (3865); 9 sœurs
nourricières (4148); 9 fils d'un vrai chef désignés pour jeûner
avec le fils du roi de Munster (5408); 9 des meilleures
vaches enlevées (7626); 9 serviteurs de la reine, 9 sorcières
(6763), etc.
Brian, à 7 ans, a la force de 9 hommes (Death of Crim-
thann, Rcv. CcU., XXIV, p. 17e).
— Il y a 9 corps d'un côté, 9 têtes de l'autre et ils font
entendre 9 cris perçants (Find and the phantoms, Rcv. CcU.,
VII, p. 298).
— Un seul des 9 guerriers est sauvé (Tochmarc Emire, Rcv.
GV/., XI, p. 453).
— Mess-dead, âgée de 7 ans, tuait 9 hommes chaque heure
du jour (The siège of Hovv'th, Rcv. CcU., VIII, p. 54).
— Eochaid assiège Bri Leith pendant 9 ans (The Rennes
Dindsenchas, Rcv. CcJt., XV, p. 290).
— Cairpre et ses enfonts perdent, à la bataille de Cndmros,
9 mille, 9 cents et 9 guerriers {ibid., p. 333).
— Il y a 9 coudriers de science {ibicL, p. 457, note).
— 3 fois 9 hommes (The battle of mag Mucrime, Rcv. CcU.,
XIII, p. 442).
— Les voyageurs de la barque étaient au nombre de 9 (The
voyage of the Hûi Corra, Rcv. CcU., XIV, p. 40).
L\\nnée celtique d\iprès les textes ii landais:, etc. 155
— Cùcluilainn saute par-dessus 9 sillons, loin de Goll (Tlie
violent Death of Goll, Rev. Celt., XIV, p. 408).
— Le champion de Lugh se propose de repousser le roi et
3 neuvaines de ses amis (The second battle of Moytura, Rev.
Celt., XII, p. 90).
— Lugh avait 9 chariots (ibid., p. 102).
— Patrice part avec 8 disciples et Beuén coiiinic serviteur.
— Les paysans voient 8 daims et un fao)i derrière Çlrip.
Life, p. ^6).
— D'Arbois de Jub., V Epopée celtique en Irlande: 9 chars
(34, 440)19 formes (10 1); 9 forgerons (157-158) ; 9 guerriers
(48, 138, 141, 153, 340, 342, 445); 9 groupes d'oiseaux
magiques (34, 35); 9 hommes (78); 9 lits (83); 9 messagers,
9 ouvriers en bronze (157); 9 tresses de cheveux (425); 3
fois 9 ans; 3 fois 9 hommes (344, 430), etc.
— 9 personnes (FI. Br., 42 Ir. Texte, I).
— 3 neuvaines d'hommes (Ir. Texte, I, FI. Br., 89, 84).
— Il y eut 9 personnes pour ordonner le Seuchus Môr (Ane.
Laws, I, p. 16).
— Il y a 3 périodes de 9 jours pour payer les intérêts du
dire (Ane. Laws, V, p. 395-13 ; 397-3)-
Galles. Il y a 9 rois puissants à Kaer Nevenhyr {Mab., I,
P- 197)-
— 9 louanges à Dieu (Bl. B. ap. Slane, I-'oiir anc. B., II,
P- 15, 19)-
— 9 degrés du ciel (ibici., p. 21.18; B. Tal. 110.4).
— 9 troupes du ciel (Bl. B., 46.19 ; Cvnddelw, Mn-. arch.-,
181. i).
— Kei et ses compagnons tuent les 9 portiers gardant
les 9 portes du château, ainsi que les 9 dogues (iMab., I,
P-23))-
— Il fiiut à Yspaddaden du miel 9 lois plus doux que le
miel du premier essaim (Jbid., p. 243).
— La corbeille de Gwyddneu fournirait à manger quand
même le monde entier se présenterait par groupes de 3 fois
9 hommes (jbid., p. 244-245).
— Kynedyr est plus sauvage 9 fois que les bêtes les plus
sauvages (Jbid., p. 252).
I $6 J. Loth '
■ — 9 rois couronnés se réunissent à Kaerlleon.
— Artiiur ;i 9 portiers Çihid., II, p. 112).
Ane. Laïus of Wales :
— Le saraad (wehrgeld) du Dystain (intendant) est de 9 fois
20 et 9 vaches (I, p. 18).
— Le Rhinghyll (appariteur) a droit à certains vêtements le
9*^ jour de novembre (I, p. 64).
— Il y a 9 maenaïul en Arfon (I, p. 106).
- — Il y a 9 tavodiog (gainsaying (Jbid., p. 108).
— La vache qui a pris le taureau en août doit vêler le 9"^
jour de mai ; le veau, ce jour-là, doit pouvoir faire 9 pas {ihid.,
P- 270).
— Le titre de propriété n'est pas éteint jusqu'au 9^^ homme
{ihid., p. 172).
— La longueur de l'île de Bretagne est de 900 milles (Jbid.,
p. 184).
— Il y a 9 actes qui touchent au meurtre {ibid., p. 224).
— Le bœuf doit être mis sous le joug le 9" jour de lévrier
(ibid., p. 272).
— Il doit être attelé à la charrue le 9 février {ihid., p. 274).
— ■ Il y a 9 degrés de parenté au point de vue du galarms •
(prix du meurtre); ibid., p. 408.
■ — Il y a 9 personnes qui doivent être crues sur serment
(ibid., p. 422).
— 6 daiunhuyd (devoir de manger) sont dus au roi avec un
plein vase de bière de 9 empans (ibid., p. 534).
— ■ Il y a 9 membres principaux de l'homme (II, p. 786).
— Il y a seize nciivaincs au point de vue jm-idique (ibid..
Il, p. 344).
— Pour le malade de l'estomac, il fliut 9 œufs (Meddy^on ■
Myddfai,$6i).
— Pour la gastralgie, boire ime décoction 9 matins,
se reposer ensuite 9 matins, puis boire et se reposer comme
auparavant, ensuite boire 9 matins pour la 3^^ fois {ibid., § 3).
— Compter jusqu'à 9 et adresser 10 à Dieu (§ 738).
— En cas de pneumonie, prendre 9 morceaux de flanelle
fine; on les applique sur la poitrine une fois plongés dans une
mixture pendant 9 jours (ibid., § 121).
L'année celtique iVaprh les textes irlandais, etc. 1 57
— boire h jeun 9 matins (§ 178).
— boire 4 fois jour et nuit pendant 9 jours (§ 248).
— prendre 9 feuilles de sauge (§ 400).
— 3 fois en 9 jours: une fois tous les 3 jours (§ 408).
— prendre 9 cuillerées, puis jeûner 3 jours (§ 457).
— faire 3 emplâtres 3 fois (§ 503).
Comme nous l'avons vu, le 9^ jour du mois est le jour judi-
ciaire et légal par excellence {Ane. Laws, I, 84, 94, 140-142,
172, 270, 274, 378, 392, 396, 453, 456, 542, 588, 758, 794).
Douze. — Irlande. — Les ordeals sont au nombre de 12
(Tlie taie of the twelve ordeals, Ir. Texte, III, p. 206).
— Les 12 sœurs
(Acall. na senôrach, Ir. T., IV, 1. 6230).
— Corpre Niafer a 12 filles (Tochmarc Emire, Rev. Cell.,
XI, p. 448).
— Outre les 15 chaudrons que doivent donner les gens de
Leinster, il y a un grand chaudron de cuivre pouvant contenir
12 porcs et 12 bœufs (The Borôma, Rev. Celt., XIII, p. 40).
— Le corps de Patrice est gardé pendant 12 nuits (Trip.
Lije, I, cxxxni).
— Patrice recommande à son disciple Mochtac 12 lépreux
Çihid., cxcvi).
— Patrice, dans son voyage de Rome, rencontre 6 jeunes
clercs et 6 ^^illies avec eux (p. 75).
— Patrice donne à baptiser à Muinisla 12"' partie de Tir-
lande {ibid., p. 83).
— L'idole Cenn Cruach est entouré de 12 autres idoles
{ibid., p. 91).
— Patrice reste à Hrnaise avec 12 hommes pendant une
semaine {ibid., p. 112).
— Deux fois 6 grands milliers {ibid., p. 131).
— Coilbad a 12 fils {ibid., p. 166).
— 2 fois 6 mois {Ane. Laws, I, p. 29).
— Il y a 12 espèces dV/'/^W {ibid., III, p. 90).
— La longueur d'une Tir-euniaile est de 12 forrach {ibid.,
IV, p. 277).
• — ■ Ailill demande à sa mère 12 vaches laitières {Rev. Cell.,
1903, p. 134).
1^8 J. Loth.
— Le délai de 12 nuits est assez fréquent (d'.\rbois de Jub.,
Etudes sur Je droit ceJt., I, 260, 287; II, 18).
— La mère de Fraech lui donne 12 vaches {^Rev. CeJt.,
t. XXIV, p. 145).
Galles. Gwydyon crée par enchantement 12 étalons,
12 chiens avec 12 colliers et 12 laisses {Mahiu, I, p. 125).
— Les otages de Scandinavie sont au nombre de 12 (jlnd.,
p. 196).
— Il y a, à partir de la fête de Saint-Jean d'été (hanner haf)
jusqu'en novembre, 12 morceaux légaux dans les cerfs (////r.
Laïus of Wales, I, p. 38).
— Il y a 12 macnaïul dans chaque cyimud (Jbid., p. 186).
— Duodeciesreddunturquatuordenarii(Leges\vallicae,y^»r.
Laïus, II, p. 875); parmi les objets figure un arc avec 12 flèches,
C1NQ.UANTE. — Irlande. La cour de Fraech se compose de
50 rois. Il prend 50 manteaux bleus (Tdin bô Fraich, Rev.
CeU., t. XXIV, p. 143).
— 50 femmes {ibid., p. 136).
— Find reçoit 50 armes, 50 chevaux, 50 vaches (Find and
the phantoms, Rev. Cclt., VII, p. 292-293).
— Athcrne emmène 3 fois 50 princesses (The siège ofHowth,
Rev. Celt., VIII).
— 3 fois 50 vaches (The Rennes Dindsenchas, Rev. Celt.,
XV, p. 427).
— Cûchulainn tue 3 lois 50 corbeaux Çibid., p. 450).
— Garb tue 50 hommes d'arrière-garde; il a tué 3 fois 50
esclaves; 3 fois 50 esclaves seront donnés par Conchobar au
bout de 3 quinzaines (The violent Death of Goll and Garb,
Rev. Celt., XIV, p. 419).
— - 3 fois 50 charpentes de navires (The prose taies in the
Rennes Dindsenchas, Rev. Celt., XVI, p. 33).
— Les 4 oiseaux de Baile agacent Cairpre pendant 7 fois 50
nuits (Jbid., p. 68).
— • 3 fois 50 gobelets (Jbid., 160).
— 50 guerriers de Laiglinnc (^ibid., p. 164).
— les 50 filles de Delbhnat (//'/</., p. 164).
— Patrice laisse en Connaught 50 cloches, 50 calices, 50
nappes d'autel (JTrip. Life, p. 146).
L'année celticjuc d'après les textes irlanJais, etc. î^C)
— 50 cavaliers viennent pour attaquer Patrice (il>ic1., p. 182).
— 50 blessures de Ci'icluilainn (K. Z., XXVIII, p. 447).
— 50 cavaliers (Ir. T., II, p. 199).
— 50 chariots, Epopée celt., 95.
— 50 chevaux (//■. T., II, 2, p. 199).
— 50 femmes {Épopée celt., p. 25, 26, 28, 30, 92-95, 208,
299, 212, 313).
— 50 guerriers (//'/J., p. 152, i6o-i6r, 392).
— 50 hommes (Jbid., 213).
— 50 lits {ibid., 71, 199).
— 50 veines (ibid . , 330, 353 ; \\\, Ir. Texte, I, p. 286).
— 3 fois 50 aiguilles.
— 3 fois 50 chambres (Serg. Conc, Ir. Texte, I, p. 210).
— 3 fois 50 chiens {Epopée celt., 227).
-^ 3 fois 50 femmes (Serg. Conc, Ir. T., I, p. 210; cf.
Ép. celt., 125, 184, 212, 217, 334).
— 3 fois 50 guerriers (Serg. Conc, Ir. Texte, I, p. 218).
— 3 fois 50 jeunes filles (Epopée celt., 117).
— 3 fois 50 jeunes gens (K. Z., XXVIII, p. 446, 454, 459).
— 3 fois 50 lits {Epopée celt., 159).
— 3 fois 50 manteaux bigarrés {Ir. Texte, I, p. 218).
— 3 fois 50 valets {Epopée celt., 227).
Au lieu de 3 fois 5 000, dans le Bôro)iia {Rev. Celtique, XIII,
p. 40).
3 fois 50 centaines de vaches;
3 fois 50 centaines de cochons;
3 fois 50 centaines de manteaux;
3 fois 50 centaines de chaînes d'argent;
3 fois 50 centaines de béliers;
3 fois 50 centaines de ciiaudrons.
Gallks. Auc. Laïcs, I: En cas de négation d'adultère,
l'homme doit apporter le témoignage de 50 hommes; la
femme, celui de 50 femmes (I, p. 86, 96).
— Accusé de rapt, un homme invoque le serment de 50
hommes {ibid., p. 92, 614).
— un rhnith est constitué par le serment de 50 propriétaires
{ibid., p. 480).
i6o J . Lolh.
CONCLUSIONS
Si j'ai rattaché la question des nombres à celle des périodes
de temps, c'est qu'il est avéré que les divisions du temps ont
eu une influence considérable sur la fixation des nombres types.
Ce fliit n'a jamais été mieux mis en lumière que dans Drcihcil
d'Usener et l'ouvrage de Roscher, non sans exagération, peut-
être, chez ce dernier.
Cette influence est évidente dans le domaine celtique. Le
nombre 9 doit, en partie, son importance à ce qu'il est bien
la division par 3 de 27, nombre des jours du mois sidéral. Des
neuvaines de jours, on est pasré aux neuvaines d'heures, d'an-
nées quelquefois; la neuvaine a même été en usage pour tous
les objets. Ce qui suffirait à prouver que c'est bien de la divi-
sion de 27 par 3 qu'elle provient, c'est qu'on ne trouve pas, à
ma connaissance, de neuvaines de jours en nombre plus élevé
que 3. Il est possible aussi qu'une autre influence soit venue
s'y joindre.
Neuf est en effet 3 fois 3 et représente la Trinité dans sa
multiplication la plus parfaite. De même que le mois avait été
divisé en 3, la première neuvaine paraît l'avoir été aussi (v.
Trois).
La fortune du nombre 7 est plus diilicile à expliquer. Dans les
divisions du temps, on trouve bien le cycle de 7 ans, mais c'est
tout. La semainede 7 jours n'apparaît nulle part chez les Celtes
avant l'époque chrétienne. A-t-elle existé ? C'est possible, sans
être absolument certain. Cependant, si on accepte le témoignage
de Pline, d'après lequel le mois, comme l'année, conmicnçait
chez les Celtes à la 6"' lune, c'est-à-dire évidemment au com- .
mencement du second quartier, on arrive ainsi à une période
importante du mois qui commence avec le 7" jour. C'est une
L'année celtique iVoprès les textes irlandais, etc. i6l
des raisons qui expliquent la fortune de ce nombre chez les
Grecs, comme l'a constaté Usener (Dreiheit, p. 359). Le 7" jour
est celui de la naissance d'Apollon, à Delphes, Athènes; il est
honoré sous le nom de 'Ecîiy.r.cç. Chez les Grecs, le 7^ jour
est un jour de congé. On offre à la déesse, incarnation de la
lune, un gâteau appelé |3;j; i6$::j.;ç.
Néanmoins, si on considère que le nombre 7 ne joue aucun
rôle particulier dans la numération ; si on considère, au con-
traire, d'après ce qui a été dit plus haut à propos de la numé-
ration, que la base 7 est une sorte d'anomalie, on ne peut
guère douter qu'il n'entre dans la fortune extraordinaire de ce
nombre des influences étrangères. La plupart des critiques qui
se sont occupés de cette question ont conclu de même^ Il
semble bien, pour en trouver la source, qu'il faille aller jus-
qu'en Assyrie. Il en est vraisemblablement de même pour le
système vigésimal. Des traces du système duodécimal existant
en irlandais, il me paraît logique de rapporter l'importance du
nombre 12 a la même origine-.
Quant à 50, c'est une moitié de cent. Usener a remarqué
que chaque fois qu'il y avait conflit entre 100 et 50 dans une
tradition, 50 était plus récent. Cette manière de voir est ici
confirmée par l'expression des Bretons et des Cornouaillais insu-
laires : hante r-caiil, demi-cent; l'expression n'est pas non plus
inconnue en gallois.
Pour ce qui est de 3 fois 50 pour 150, c'est un cas des nom-
breuses marques de la prédilection des Celtes pour la division
et multiplication par trois.
D'où vient cette influence du nombre trois ?
La dualité a précédé la trinité en nombre de cas^ : la divi-
sion de l'année, du mois en deux parties est très marquée
1. L'scner, Dreiheil, p. 349, 550, 351. Roschcr, Die Eniieaâ. tiiid hebdoiii.
Fristeii, p. yi'Ç croit pouvoir expliquer la fortune du nombre 7 seulement
par la division du mois en 4 phases, mais il ne le fiiit pas sans hésitation.
I! admet d'ailleurs que les Juifs et les Persans aient emprunté leur culte de
7 aux Babyloniens. L'élévation de 7 au rang de nombre sacré me parait dû
à des influences religieuses qui ne peuvent guère venir que d'Assyrie.
2. L'intrusion du système duodécimal dans le système des mesures en
Irlande transforme cette hypothèse en certitude, comme je l'établirai pro-
chainement.
5. Usener, Dreiheil, p. 323.
Revue Celtique, KXV. 11
i62 J- Loth.
chez les Celtes. Le groupement des mois par deux en est un
indice. Dans la numération, l'expression galloise dennaw, 2
neuf, pour i8, est à remarquer à ce point de vue. Mais le
nombre trois a une autre importance. Il a exercé dans tous les
actes et les croyances de la vie humaine une influence vérita-
blement tyrannique. Aristote en a donné une curieuse explica-
tion, citée par Usener : c'est que co nombre forme un tout : il
a un commencement, un milieu, une fin. Usener a supposé
fort ingénieusement que le nombre trois doit son importance
à ce fait qu'il introduit l'idée de pluralité et fait foire ainsi un
pas au delà de la dualité. Il cite l'exemple de peuples sauvages
actuels qui ne s'élèvent pas, dans la conception du nombre,
les uns au-dessus de deux, les autres au-dessus de trois. Il est sûr
que ces étapes, les peuples dits indo-européens ont eu aussi à
les franchir. Il y a eu manifestement une période où ils ont
été buttés à trois et le jour où ils ont franchi cette limite à une
époque qui nous reporte aux temps les plus lointains de la pré-
histoire, un grand progrès dans la numération a été accompli.
On a probablement un souvenir de ces temps lointains dans la
légende des nains bretons qui ne savent que chanter lundi,
mardi, mercredi. Le bossu qui leur fait franchir ce chiffre fatidi-
que de 3, les désensorcelé en quelque sorte; ils sont transportés
de joie au point qu'ils lui enlèvent sa bosse. Cela rappelle le
fou grec qui compte les flots de la mer sur le rivage et ne
dépasse pas trois ^ Cette mterprétation est justifiée par la
curieuse légende irlandaise mentionnée plus haut, que la 3'
vague est néfaste, tandis que la 9*^ est synonyme de bonheur.
Il y a un autre souvenir de cette époque dans la tendance si
frappante à prendre trois pour multiplicateur ou diviseur.
Cette étude n'est qu'une ébauche. Bon nombre de matériaux
de diverses sortes sont encore à compulser ; des difiicultés
sérieuses restent à résoudre. J'espère pouvoir reprendre ce tra-
vail et lui donner l'étendue qu'il comporte.
J. Loth.
I. Ap. Usener, Dieitml, Rh. m., 58, p. 354.
CICÉRON ET LES GAULOIS
I
Un an après avoir prononcé, avec le succès que l'on connaît,
la Divinatio in Caeciliiim et VActio prima in Verrem, après avoir
rédigé et fait répandre dans le public les cinq discours de VActio
seciinda, qui sont autant de pamphlets où l'administration cri-
minelle de Verres comme préteur urbain et comme propréteur
de Sicile est éloqucmment flétrie, en 685-69, Cicéron se char-
geait de la défense de M, Fonteius, ancien propréteur de la
Gaule Narbonnaise, qui était accusé par les Gaulois, ainsi que
Verres, au sortir de sa propréture, avait été accusé par les
Siciliens.
Questeur en 665-89, édile en 672-82, puis légat en Macé-
doine et en Espagne, préteur urbain l'an 676-78, propréteur
en Gaule de 677-77 à 679-75, M. Fonteius avait conscien-
cieusement pillé la Narbonnaise pendant les trois années de
son administration provinciale. Quand il tut sorti de charge,
les Gaulois envoyèrent à Rome une députation dont le prin-
cipal personnage était Indutiomarus, ditx Allobrogiini cetero-
riimqiie Galloruiii. Les plaintes des anciens administrés du
magistrat concussionnaire furent entendues par M. Plaetorius
Cestianus, futur édile curule de l'an 688-66, qui consentit à
se porter accusateur de M. Fonteius, en 685-69, sous le con-
sulat de Q. Hortensius et de Q. Caecilius Metellus Creticus.
L'avocat des Gaulois développait les trois chefs d'accusation
suivants: Fonteius avait fiiit contracter à la Gaule des dettes
énormes; il s'était attribué le produit des impôts levés pour
164 H. de la Ville de Minnont.
l'entretien des routes; il avait établi illégalement un impôt sur
les vins.
L'affaire de Fonteius ressemblait, en petit, à celle de Verres.
Il est intéressant de rechercher pour quelles causes Cicéron, qui
s'était fait, en 70, l'accusateur du propréteur de Sicile, se con-
stituait, en 69, le défenseur du propréteur de la Gaule Narbon-
naise.
Le patricien Verres était membre de cette aristocratie à qui
les Leges Corncliae du dictateur Sylla avaient conféré tous les
pouvoirs. Les Vcrrines avaient discrédité l'ordre sénatorial dans
l'opinion publique et permis au préteur L. Aurelius Cotta de
porter la Lex Aurélia judiciarin, qui remplaçait la Lex Comelia
judiciaria, et, au lieu d'une seule classe de juges, composée
uniquement de sénateurs, instituait, pour former les tribunaux,
trois décuries, l'une de sénateurs, l'autre de chevaliers, la troi-
sième de trihiini aerarii, employés supérieurs des finances. La
même année, la Lex Pompeia iribunicia, portée par les consuls
Pompée et Crassus avec le concours de César (ils préludaient
ainsi à leur triumvirat de l'an 60) rendait aux tribuns tous leurs
privilèges abolis par Sylla. L'ordre équestre, auquel Cicéron
appartenait, triomphait grâce à l'appui de la plèbe. Les che-
valiers et les plébéiens avaient appelé à l'édilité l'accusateur de
Verres et devaient, en 67, le faire élire le premier des huit
préteurs désignés. Fonteius était d'une illustre famille plé-
béienne, la gms Fonlcia.
D'autre part, les clients de Cicéron dans l'aftaire contre
Verres étaient les habitants de cette Sicile qui, délivrée des
Carthaginois à la fin de la deuxième guerre Punique, s'était
donnée à Rome dont elle avait été la première province ^ Les
accusateurs de Fonteius étaient les habitants de laGallia Trans-
alpina. Or, la Gaule ne s'était pas donnée volontairement,
comme la Sicile, à la République romaine; c'est seulement
vers l'an 125 que Rome avait réussi, après avoir battu les
AUobrogcs et les Arvernes, à former des territoires enlevés aux
I. In Verrem (II), II, i, 2 : Omnium nationuni extcrarum princcps Sicilia
se ad amicitiam lidemquc populi Romani appiicavic. Prima onniium, id
quod ornamcntum impcrii est, provincia est appcUuta.
Cicéron et les Gaulois. 165
peuples vaincus, Li Provincia Romaiia où furent fondées
Aquac Scxtiae (Aix), en 122, et la colonie de Narbo Martius
(Narbonne), en 118. La ville grecque de MassUia (Marseille)
qui avait, des l'an 154, appelé les Romains pour la défendre
contre les Ligures, conservait son autonomie; maîtresse de ses
colonies, Agathe (^Agde) et Antipolis (Antibes), elle avait le titre
de civitasjoedcrata et ne faisait pas partie de la Provincia Romana.
Mais il s'en fallait beaucoup que la conquête romaine eût
définitivement pacifié les pays transalpins. En 78, après la mort
de Sylla, le consul M. Aemilius Lepidus avait soulevé la pro-
vince de Gaule qui lui était attribuée par le Sénat et le pro-
préteur Fonteius avait eu de grandes difficultés à soumettre les
habitants de la Narbonnaise, révoltés contre la domination de
la République'. Plus tard, il avait traité en ennemis des admi-
nistrés contre qui il avait dû, pour commencer, soutenir une
guerre pénible. En 69, Rome n'avait pas oublié la récente
insurrection des Gaulois; elle les jugeait volontiers capables de
tous les crimes et de toutes les perfidies.
A entendre Cicéron, les habitants de la province de Fonteius
sont des gens sans foi ni loi. Aucun honnête homme ne peut
accueillir leurs dépositions-. Le réquisitoire contre les Gaulois,
qui est le développement le plus important du Pro Fonteioi,
fait antithèse avec les éloges que l'accusateur de Verres accor-
dait si complaisamment aux Siciliens -t.
Les dépositions des Gaulois sont accablantes pour Fonteius ;
mais peut-on accorder la moindre autorité aux témoignages
de ces barbares ? La foi du serment, la crainte des dieux a-t-elle
la moindre action sur ces Gaulois qui différent tellement de
tous les peuples par leur caractère, par leurs mœurs ? En effet,
1. Pio Foiiteio, V, 12 : Cum ipso M. Fonteio ferrum ac manus contule-
runt, multoquc cjus sudorc ac laborc sub populi Romani impcrium dicio-
nemquc ceciderunt.
2. Pro Fonteio, xii, 26: Vos Volcarum atque AUobrogum testimoniis
crcdcre non tinictis? — Les Volcae Tectosages, avec 7o/o5a (Toulouse) pour
capitale et les Volcae Arccomici, avec Nemausiis (Nîmes) pour capitale, occu-
paient le pays entre les Pyrénées et le Rhône. Le territoire des Allohros;es,
dont Geiiei'ii (Genève) était la capitale, correspond à la Savoie et à une faible
partie de la Suisse.
3. Pro Fonteio, XII-XV.
4. In Verrem (II), II, l-lil.
i66 H. de la \'illc de Mirmont.
les autres nations entreprennent des guerres pour défendre leur
religion ; les Gaulois, pour attaquer la religion de tous les
peuples. Les autres nations, lorsqu'elles font la guerre, implorent
la protection et la faveur des dieux immortels ; c'est aux dieux
immortels eux-mêmes que les Gaulois ont toujours déclaré la
guerre. N'ont-ils pas fltit jadis, bien loin de leur pays, une
expédition jusqu'à Delphes, pour prcfoner, pour dépouiller le
temple d'Apollon Pythien, l'oracle du monde entier? Ces
hommes que l'on représente si intégres, si religieux dans leurs
témoignages, appartiennent à la race qui est venue assiéger,
dans le Capitole, le grand dieu Jupiter par le nom duquel les
Romains d'autrefois ont voulu que fût enchaînée la foi des
témoignages. Peut-on admettre l'existence de quelque senti-
ment de religion et de piété chez des hommes qui, même
lorsque la frayeur leur conseille d'apaiser leurs dieux, ne savent
que souiller les temples et les autels de ces dieux par le sang
de victimes humaines et ne savent rendre hommage à la reli-
gion qu'en la profanant tout d'abord par des pratiques scélé-
rates ? Les Gaulois ont conservé l'usage barbare et monstrueux
des sacrifices humains. Quelles peuvent être la bonne foi et
la piété de gens capables de s'imaginer que les dieux immortels
se laissent apaiser par des crimes, par le sang d'hommes immolés
sur leurs autels ? La République romaine doit-elle associer de
pareils témoins à sa religion du serment, doit-elle attendre d'eux
quelque scrupule, quelque modération dans leurs témoignages ?
Cicéron les a vus — et tous les badauds de Rome les ont
vus comme lui — ces témoins à charge dans l'affaire deFonteius,
promenant leur joyeuse arrogance et leur fierté insolente en
plein Forum; vêtus du manteau d'étoft'e grossière, le saguni,
et des larges pantalons, les hraccoc, leur costume national, porté
avec ostentation, a été une insulte à la gens togaia. Ils ont paradé
impunément en proférant des menaces ; ils ont tâché d'intimider
les paisibles bourgeois romains par les sonorités effrayantes de
leur langage barbare; ils ont fait comprendre que, si Fonteius
était acquitté, Rome serait menacée d'un nouveau tuniullns
G allie II s K
I. Pro Fontcio, xv, 55 : Sic existimatis eos hic sagatos braccatosque ver-
Cicéron et les Gaulois. 167
Cette diatribe contenait toute la rhétorique nécessaire pour
produire une impression décisive sur un auditoire romain, dont
elle flattait la vanité et dont elle ranimait les vieilles rancunes
patriotiques.
Cicéron décrivait bien l'attitude et le geste de ces Gaulois,
délégués à Rome par les Volcae et les Allobroges, qui, au lieu
d'aflecter les manières suppliantes des plaignants envoyés par
une province pour demander justice, affichaient une tenue
insolente, avaient le verbe haut et menaçant. Au iv^ siècle,
l'historien Ammien Marcellin 'constatera encore que les Gaulois
sont arrogants à l'excès (sublatius iusolescentes) et qu'ils ont dans
la voix des tons menaçants et terribles (iiieluemiae voces et mi-
naces) .
Mais ces Allobroges, dont les auditeurs de Cicéron ont vu
avec indignation la démarche insolente et entendu avec eff'roi
les paroles de menace, sont-ils responsables de tous les crimes
dont le défenseur de Fonteius se plaît à les charger ? Le réqui-
sitoire de l'avocat confond dans une même haine et dans un
même mépris tout ce qui porte le nom de Gaulois; et, d'ail-
leurs, il accuse spécialement le peuple gaulois d'actions scélé-
rates qu'on peut reprocher à tous les peuples de l'antiquité.
L'impiété des Gaulois, tentée par les richesses du temple de
Delphes, a essayé de le piller; elle n'a pas hésité à assiéger le
Capitole, défendu par la majesté de Jupiter, dieu des serments,
comme le Zsj; "Opxis; des Hellènes; mais quel est le peuple
de l'antiquité qui, sûr de l'appui de ses dieux protecteurs, se
soit abstenu d'attaquer les dieux protecteurs d'une autre nation ?
Tous les héros historiques de la Grèce et de l'Italie ont suivi
l'exemple du légendaire Diomède de Vlliade, qui ne craignait
pas de porter la main sur l'Aphrodite protectrice des Troyens.
Dans le De Bel la Gallico, César rendra hommage aux sentiments
religieux des Gaulois. Il fout foire les mêmes réserves sur leur
impiété que sur la mauvaise foi des Carthaginois.
César constate que, parmi les sacrifices des Gaulois, il en
sari... Vagantur lacti atquc crccti passim toto Foro, cuni quibusdam niinis
et barbaro atquc immani terrorc vcrboruni... ut caverctis ne, hoc absoluto,
novum aliquid bellum Gallicum concitarctur.
I. Ammien .Marcellin, Histor., XV, xii.
i68 H. de Id Ville de Mu mont.
était dans lesquels on immolait des hommes ' . Mais les Romains,
eux aussi, lorsque la terreur leur conseillait d'apaiser leurs dieux,
n'avaient-ils pas l'habitude d'offrir en sacrihce des victimes
humaines, tout particulièrement des hommes et des femmes
de race gauloise ? Dans les moments de grand danger, Rome
dévouait, comme victimes expiatoires aux dieux infernaux, un
homme et une femme des nations qu'elle redoutait. Il est souvent
question de couples gaulois enterrés vivants à une place déter-
minée du Forum Boarium-. Pline rapporte que cet usage bar-
bare se maintint jusqu'à son temps ^, alors que, depuis la
conquête de César, les sacrifices humains avaient disparu dans
les Gaules.
Mais il est admis que les provinciaux, méprisés des Romains,
doivent toujours avoir tort. Cicéron le dit lui-même : on ne
peut pas comparer le citoyen le plus considérable de la Gaule
au dernier des habitants de Rome-^. Et l'apostrophe que l'Emilie
de Corneille adresse à Cinna exprimera dans toute leur pué-
rile intransigeance les sentiments orgueilleux de l'universalité
des Romains :
Pour être plus qu'un roi, tu te crois quelque chose ?
Aux deux bouts de la terre en est-il un si vain
Qu'il prétende égaler un citoyen Romain s ?
Cicéron tient à se faire l'interprète des préventions tradi-
tionnelles que les juges de Fonteius et le public qui assistait
aux débats du procès conservaient à l'endroit des Gaulois, vic-
torieux autrefois à cette journée de l'Allia, plus funeste encore
que la journée où Rome fut prise ^. Le défenseur de Fonteius
sait cependant beaucoup mieux que les juges et le public du
Forum ce que sont ces Gaulois de la Narbonnaise qu'il attaque
1. De Bello Gallico, VI, xvi.
2. Tite-Live, XXII, lvii, 6.
3. Pline, N. H., XXVIII, 11, 12.
4. Pro Fonleio, xii, 27 : Non modo cuni summis civitatis nostrae viris,
sed cum infimo cive Romano, quisquani aniplissimus Galliae comparandus
est ?
5. Cinna, acte III, scène iv.
6. Epist. ad Attic, IX, v^ 2 : Majores nostri funestiorem diem esse
voluerunt AUiensis pugnae quani Urbis captae, quod hoc malum ex illo.
Ciiéron tt les Gaulois. 169
sans mesure. Dès ses débuts, il a plaidé pour P. Quinctius,
qui exploitait en Gaule des pâturages où on élevait des trou-
peaux et des terres cultivées qui étaient d'un bon rapport'. Il
s'est trouvé en relations avec les nombreux Romains qui avaient
établi dans la Gaule Narbonnaise des exploitations industrielles
ou commerciales. Il le rappelle lui-même dans le Pro Foiileio:
« La Gaule est peuplée de négociants et de citoyens romains;
aucun Gaulois ne trafique sans le concours d'un citoyen romain ;
aucune pièce de monnaie n'est en circulation dans la Gaule,
qui ne soit mentionnée sur les registres des citoyens romains ^. »
Ces negoliatores, qui font le commerce en Gaule, comme les
iiegotiatorcs, qui font le commerce en Sicile, sont des chevaliers,
connus de Cicéron. Mais ceux de Sicile étaient des témoins à
charge contre Verres; ceux de Gaule témoignent en faveur de
Fonteius. Il est permis de supposer qu'ils étaient compromis
dans les tripotages du propréteur; et c'est en vertu de son pacte
avec l'ordre équestre que Cicéron devait défendre Fonteius. Les
villes de Sicile qui prenaient le parti de leur propréteur étaient
suspectes à l'accusateur de Verres : il ne trouve pas assez de
railleries pour la laiidntio Mamcrtina qui prétendait mnocenter
Verres 5; il ne trouve pas assez de termes d'estime pour la
Jaudatio des habitants de Marseille qui se portent garants de
l'administration intègre de Fonteius-». Syracuse et Messine,
ville des Mamertins, étaient complices du propréteur de Sicile :
les Romains de la colonie de Narbonne, sentinelle avancée de
la République, forteresse élevée contre les barbares 5, et les
Marseillais, alliés coiu'ageux et fidèles qui ont souvent délivré
Rome des attaques des Gaulois, sont les seuls parmi tous les
habitants de la Narbonnaise dont il convienne d'entendre le
témoignage, qui est en faveur de Fonteius.
1. Pro Quinctio, m, 12.
2. Pro Fonleio, v, 11.
3. In Verrem (II), V, xxii, 57.
4. Pro Fonteio, vi, 14.
5. Pro Fonteio, v, 13.
lyo H. de la Ville de Mirmont.
II
Six ans après qu'il avait attaqué les Gaulois — on a vu avec
quelle violence — et défendu Fontçius — on ignore avec quel
succès — le consul Cicéron se débattait au milieu des périlleux
embarras que lui causait cette conjuration de Catilina, qu'il
connaissait, mais que le manque de toute preuve décisive
l'empêchait de dénoncer et de poursuivre suivant la rigueur des
lois.
Les preuves nécessaires et si ardemment désirées devaient
lui être fournies par des Gaulois appartenant à un des peuples
qui avaient accusé Fonteius, par des Allobroges. On sait que,
au moment de la conjuration, des Allobroges se trouvaient à
Rome, délégués par leurs compatriotes pour porter certaines
réclamations au Sénat. Lentulus tcâcha de les attirer dans le
parti de Catilina ; les Gaulois promirent ce qu'on voulut ;
mais, bientôt après, saisis de scrupules et pleins d'inquiétudes,
ils firent des révélations à Q. Fabius Sanga qui, en sa qualité
de descendant de Q. Fabius Maximus AUobrogicus, vainqueur
des Allobroges en 121, était le principal patromis de la nation
soumise par son ancêtre. Prévenu par Fabius, Cicéron fit
recommander aux Allobroges d'affecter le plus grand zèle pour
la conjuration. Ils obtinrent les documents écrits qu'ils deman-
daient, disaient-ils, pour les communiquera leurs compatriotes.
Il fut convenu entre eux et Lentulus qu'ils accompagneraient
les principaux des conjurés au camp de Catilina où l'alliance
serait confirmée en présence du chef de la conspiration. Dans la
nuit du 2 au 3 décembre, Cicéron fit arrêter les Allobroges et
les conjurés auprès du pont Milvius, à trois milles de Rome.
Le 3 décembre au soir, le consul prononçait la Troisième
Calilinaire devant l'assemblée du peuple. Il expliquait longue-
ment comment le complot avait pu être découvert, grâce au
témoignage des Allobroges — ce témoignage qui ne mérite
aucune confiance, disait le défenseur de Fonteius. Mais, dans
le discours consulaire, il n'est plus question de l'attitude inso-
lente et des éclats de voix menaçants des accusateurs de Fonteius.
Cicéron et les Gaulois. 171
Les dénonciateurs de la conjuration sont des hommes sérieux
et dignes qui exposent avec calme et méthode tout ce qu'ils
savent; confrontés avec Lentulus, ils lui répondent catégori-
quement en peu de mots qui Taccablent^
Il semble que les Allobrogcs mériteraient la plus grande part
des éloges que le consul décerne à tous ceux qui ont collaboré
à la découverte du complot. Mais il serait imprudent de trop
exalter la conduite de ces barbares; il suffit d'en profiter. Et
c'est aux dieux immortels, qui ont fait agir les députés des
Gaulois, qu'il convient de rendre grâces: « Que des Gaulois,
représentants d'un pays encore mal pacifié, citoyens de la seule
nation à qui ne manquent peut-être ni le pouvoir, ni la volonté
de nous faire la guerre, aient renoncé d'eux-mêmes aux plus
magnifiques espérances, à l'empire que des patriciens venaient
leur offrir, qu'ils aient préféré votre salut à leur propre fortune :
je vous le demande, ne voyez-vous pas dans tout cela une
manifestation de la volonté divine, alors surtout que ces Gaulois
n'avaient pas besoin d'en venir aux armes, qu'il leur suffisait de
se taire pour être les vainqueurs de Rome- ? » On se contente
de décernera ces agents de la divinité protectrice des Romains
de magnifiques récompenses, au même titre qu'à V'olturcius,
ce complice de Catilina, qui avait dénoncé la conspiration 5.
Dans le Pro SiiUa, prononcé en 62, discours où il s'agissait
de défendre un neveu du dictateur accusé d'avoir pris part à la
conjuration, Cicéron rappelle le rôle des Allobroges, ces dénon-
ciateurs si véridiques défaits si importants 4; il loue leur zèle 5;
il les comble d'éloges, parce que, dans les témoignages des
Gaulois, le défenseur de Sulla ne trouve rien de compromet-
tant pour son client.
1. In CatiL, III. iv, 9-10; v, 11 : Qui cum illi [Lcntulo] brevitcr coii-
stanterque rcspondissent.
2. In CatiL, III, ix, 22. — La même idée se retrouve dans ces vers du
De ConsiihUii cités dans le De Diviiiationc, I, xii, 21 :
Et dades patriae flamma ferroque parafa
Vocibus Allobroguin patribus populoque patebat.
5. In CatiL, IV, m, 5 : Hesterno die praemia legatis Allobrogum Titoquc
Volturcio amplissima dedistis.
4. Pro Sulla, V, 17: Allobroges, maximarum rerum verissimi indices.
5. Pro Sulla, XIII, 36: Videte diligentiam Gallorum.
172 H. de la Ville de Mirmont.
La même année où l'ancien consul vantait ainsi les Allo-
broges, leur pays était dévasté par les armées romaines.
Les députés que Lentulus, à la fin de l'année 63, avait essayé
d'entraîner dans le complot formé contre le Sénat et le gou-
vernement régulier, étaient venus à Rome pour se plaindre des
dignes successeurs de Fonteius o,ui les opprimaient. Victimes
de déprédations et de cruautés, ils ne pouvaient rembourser les
sommes énormes que les negotiatores leur avaient avancées à
gros intérêts pour payer les impôts exorbitants exigés par l'ad-
ministration romaine ; leurs biens allaient être confisqués, leurs
enfants, vendus comme esclaves. Ils ne pouvaient espérer
d'autre remède à leur situation misérable que la mort, puisque
le Sénat ne voulait pas accueillir leurs plaintes". Ils eurent la
loyauté de ne pas trahir la République qui les réduisait à la
ruine et au désespoir; mais ils furent médiocrement récom-
pensés de leur fidélité par les éloges que les Catilinaircs leur
accordaient de mauvaise grâce et par les praeiiiia qu'on leur
décernait. Aiiiplissiiiia praeiiiia, dit Cicéron ; d'après Salluste^,
c'étaient simplement les diicenta scslcrlia — environ 40000
francs — promis à tout homme libre qui donnerait des indi-
cations sur le complot 5: il n'y avait pas là de quoi payer les
dettes de la nation des Allobroges. On comprend que, n'ayant
reçu d'autre satisfaction de Cicéron et du Sénat qu'ils avaient
sauvés, les députés soient revenus chez eux fort mécontents.
Ce mécontentement se traduisit aussitôt par une révolte dont
toute la responsabilité semble revenir à Cicéron : il aurait été
si f.Tcile au consul, qui se vantait d'avoir sauvé la République,
de faire donner satisfaction à ces victimes de Fonteius qui lui
avaient fourni le moyen d'accomplir son œuvre de salut !
Commandés par Catugnat, les Allobroges se soulèvent,
sortent de leurs frontières, envahissent la Gaule Narbonnaise,
infligent une défliite à Manlius Lentinus, l'un des légats du
propréteur C. Pomptinus. Mais l'armée de Catugnat, cernée
par celles du propréteur et de ses deux légats, L. Marins et
Servius Galba, fut anéantie en 61, sur les bords de l'Isère.
1. Sallustc, CatUina, xl.
2. Sallusie, CatUina, l.
3. Salluste, CatUina, xxx, 6.
Cicéron et les Gaulois. ly^
En 56, dans son discours De Pravinciis Consularibiis, où,
rallié à la politique de César, il demande que l'on maintienne
le proconsul à la tète de sa province de Gaule, Cicéron célèbre
la victoire de Pomptinus : « Il y a quelques années, un homme
de cœur qui fut associé à mes travaux, à mes dangers, à mes
desseins, C. Pomptinus, alors que s'était soulevée brusquement
chez les Allobroges une guerre excitée par la scélérate conju-
ration de Catilina — , C. Pomptinus écrasa sur les champs de
bataille et dompta détînitivement ces barbares qui s'étaient
attaqués à la République ^ » Préteur pendant le consulat de
Cicéron, Pomptinus avait dirigé l'arrestation des conjurés au
pont Milvius^; il avait pu reconnaître sur les champs de bataille
les députés gaulois dont le témoignage avait, en 63, assuré le
salut de la République; il savait, aussi bien que Cicéron, com-
ment la guerre des Allobroges avait été excitée par la scélérate
conjuration de Catilina (bel lu m Allohrogum bac scelerata coiiju-
ratione excitât um). Pomptinus réclama longtemps le triomphe
pour sa victoire sur les Allobroges; il l'obtint enfin, au mois
de novembre 54. La correspondance de Cicéron nous a])prcnd
que ce ne fut pas sans difficulté : les préteurs Servilius et Caton
et -le tribun Q. Mucius Scaevola faisaient une violente oppo-
sition. Ce n'était pas que l'on eût des scrupules sur la légitimité
de la guerre contre les Allobroges. Il n'était question que de
formes : le méticuleux Caton rappelait que Pomptinus n'avait
pas été nommé imperator par un décret régulier; il criait que, lui
vivant, Pomptinus ne triompherait pas, et Cicéron disait que,
suivant sa coutume, Caton faisait beaucoup de bruit pour rien 5.
Pomptinus tenait à triompher; Cicéron tenait à assister au
triomphe de son ami. Pomptinus triompha; mais il paraît que
le cortège triomphal fut mis en désarroi par une émeute. Il est
peu probable que parmi les injures qu'on lançait à Pomptinus
il s'en trouvât à l'adresse du préteur de 63 qui ne craignait pas
de triompher pour une victoire remportée sur le peuple gaulois
1. De Proz'itic. Cousular., xill, 32.
2. In Calil., III, II, 5, 6; vi, 14.
3. Epist. ad Qiiintum fratrem, III, iv, 6; Epht. ad Atticum, IV, xvi,
4, etc.
174 H. de la Ville de Mirmont.
dont les députes avaient permis à Rome d'écliapper à la destruc-
tion préparée par Catilina.
Les AUobroges étaient domptés. Au moment où César com-
mença la conquête des Gaules, on les suspectait d'être assez
mal disposés pour les Romains^ — • ce qui semble fort naturel.
Mais le De Bello Gallico, qui ne mentionne aucune révolte de
leur part, constate qu'en 52, malgré les sollicitations de Ver-
cingétorix, ils refusèrent de s'associer à la guerre générale contre
les Romains-,
Quand, après la mort de César, Antoine s'insurge contre le
Sénat, Cicéron apprend par les lettres de ses amis, D. Junius
Brutus et L. Munatius Plancus, que les AUobroges restent
fidèles au parti de l'ordre. Plancus se fortifie dans leur pays où
il est bien accueilli 3. Brutus a des conférences avec leurs députés
et les auxiliaires qu'ils lui font envoyer l'aident puissamment
à repousser l'armée d'Antoine 4. Le vieux consulaire pouvait se
rendre compte que les guerriers allobroges prêtaient leur con-
cours au Sénat pour le débarrasser de la tyrannie d'Antoine,
comme, vingt ans auparavant, les députés de leur nation avaient
utilement travaillé à le sauver de la conspiration de Catilina.
III
Les Philippiques se gardent bien de mentionner le préciçux
concours prêté par les Allobroges à Plancus et à Brutus.
Tous les éloges de Cicéron sont pour cette Gallia Cùalpina,
qui, soumise en 190, est depuis longtemps la GaJlia togaîa,
dont les habitants portent le costume des Romains, ont adopté
leurs mœurs, leur civilisation, leur religion. La province admi-
nistrée par le tyrannicide D. Junius Brutus, qui résiste à
Antoine, est considérée par Cicéi'on comme le poste avancé
qui défend Rome et la liberté; elle est la Heur de l'Italie, le
1. César, De Bdlo Gallico. I, vi, j : Allobrogibus... quod nondum bono
animo in populum Romanum viderentur.
2. De Bello Gallico. VII, LXiv, 5, 7.
3. Epist. Faiiiil., XI, xi, i ; xiii, 4.
4. Epist. Famil., X, xi, 2 ; xv, 5 ; xxiu, 7.
Cicéron et les Gantois. 1 7 5
boulevard de l'Empire romain ; tous les habitants de hi Cisal-
pine, qu'ils appartiennent aux niunicipcs ou aux colonies, n'ont
qu'une seule pensée: défendre l'autorité du Sénat et la majesté
du peuple romaine
Marseille, la ville grecque civilisatrice, alliée de Rome, obtient,
dans tous les ouvrages de Cicéron, les mêmes éloges que. la
Gaule cisalpine : le défenseur de Fonteius vantait les mérites
des Massilienses, fidelissimi socii. Dans le Pro Flacco, prononcé
en 59, Cicéron fait un magnifique panégyrique de « cette ville
qui, par ses institutions politiques et sa sagesse, l'emporte non
seulement sur la Grèce, mais peut-être sur toutes les autres
nations; cette république qui, si loin des autres républiques
grecques, de leur civilisation, de leur langue, isolée airx confins
de la terre, entourée de nations gauloises, telle une île battue
par les flots de la barbarie, est si bien gouvernée par l'habileté
de ses magistrats qu'il est plus fcicile de louer que d'imiter ses
institutions-. » L'éloge des lois, de l'administration, de la
sagesse et de la vertu de Marseille est un lieu commun que
Cicéron emprunte à Aristotc? et qu'il replace ailleurs avec
plus ou moins de développements 4.
Au moment de la guerre civile, l'orateur des Pbilippiques
verra dans l'inimitié de César et d'Antoine contre Marseille
une preuve de leur haine contre Rome elle-même. Ils se sont
attaqués à tous les soutiens de la République, à l'ordre équestre,
à l'ordre sénatorial, aux Marseillais, ces amis dévoués dont le
concours a aidé les anciens Romains dans toutes leurs guerres
transalpines >.
1. Philipp., III, V, i; : Ncc vero de virtute, constantia, gravitate provin-
ciac Galliac taccri potcst ; est ciiim illc flos Italiac, illud rirmamcntum imperii
Romani, illud ornamcntum dignitalis. Tantus autem est consensus niuni-
cipioriim coloniariimqiie piovinciae Galliae, ut omncsad auctoritatem hujus
ordinis, majcstatenuiue populi Romani defendendam conspirasse videantur.
— Philipp., V, XIII, 57: Galliaque quae semper praesidct atque praesedit
huic imperio libcrtatique communi.
2. Pro Flacco, xxvi, 65.
3. Aristote, Politique, VI, vu.
4. Cf. De Re Piihl., I, xxvii-xxviii.
5. Philipp., II, xxxvii, 94: [Caesar inimicus] huic ordini, cquestri ; Mas-
siliensibus, omnibus quibus Rem publicam populi Romani caram esse sen-
tiebat.
176 H. de la ville de Mirmont.
Furieux de la résistance que Marseille lui avait opposée,
quand il passait par la Gaule pour aller combattre en Espagne
les lieutenants de Pompée, César avait pris d'assaut à son retour
la vieille alliée de Rome, coupable de se refuser à ouvrir ses
portes au dictateur. Il avait voulu qu'une statue représentant
Marseille figurât dans son cortège, triomphal; le tyran prouvait
ainsi que c'en était fait de la République romaine : « Comme
un symbole de notre empire perdu pour nous, nous l'avons vu
porter Marseille dans son triomphe, triompher de cette ville
sans le concours de laquelle nos généraux n'ont jamais obtenu
de triomphe à la suite des guerres transalpines ^ »
Cicéron, qui varie si souvent dans ses affections politiques,
professe une admiration qui ne se dément jamais pour Marseille,
la vieille alliée de Rome, et manifeste une haine et un mépris
que rien ne peut modifier à l'endroit des Gaulois, ces éternels
ennemis de la République, ces barbares féroces qu'on ne saurait
comparer qu'aux sauvages espagnols et aux peuplades cruelles
de l'Afrique-.
En 56, dans le discours De Provinciis Consularibus, où il
demande que le proconsul César soit maintenu dans son gou-
vernement de la Gallia Cisalpina et de la GaJlia Transalpiiia,
Cicéron fait un tableau effrayant de la Gaule transalpine : le
pays est sauvage, la civilisation inconnue dans les villes, les
habitants sont des barbares?. Quand César a passé les Alpes,
à l'exception de la Narbonnaise qui donnait à la République une
bande de terre, un simple sentier (seiiiitûiii lautuni Galliae Iciie-
— VIII, VI, 18: [Massilia], urbs ea sine qua nunquam ex transalpinis
gentibus majores nostri triumpharunt.
— XIII, XV, 32: Quam sit huic rei publicae natus hostis Antonius q
tanto opère eam civitatem [Massiliam] oderit, quam scit liuic Rei public,
semper fuisse amicissimam.
1. Df OJJic, II, VIII, 28: Ad excmpluni amissi Imperii portari in
triumpho Massiliam vidimus et ex ea urbe triumphari sine qua nunquam
nostri imperatores ex Transalpinis bellis triumpharunt. — On a vu que la
H/iilièuie Pbilippiqiit', prononcée au commencement de 43, reproduit (vi, 18)
cette phrase du De Officiis qui avait été publié en 4\.
2. Più Archia, x, 25 ; Episl. ad Oiiuituin fratrcin, I, I,-ix, 27 ; Pro Flacco,
IV, 10. — Le Pro Archia est de l'an 62 ; la lettre à Q.uintus, de l'an 60; le
Pro Flacco, de l'an 59.
3. De Prov. Consul., Xll, 29: Quid illis terris asperius, quid incultius
oppidis, quid nationibus immanius?
m
cae
Cicéron et les Gaulois. 177
bamus), tout le reste du pays était occupé par des nations hos-
tiles, sans foi ni loi, sauvages, cruelles et belliqueuses, d'ailleurs
à peu près inconnues ^ Et Cicéron montre qu'il ignore ou qu'il
affecte d'ignorer que les Gaulois appartiennent à une tout autre
race que les Cimbres et les Teutons, quand, à propos des vic-
toires remportées par Marins en 102, près d'Aix, et en ici, sur
les bords de l'Adige, il s'écrie : « C. Marins lui-même, dont le
divin et excellent courage releva le peuple romain, abattu par
des défaites funestes, ne put que vaincre les hordes innom-
brables des Gaulois qui envahissaient l'Italie. Il ne pénétra
pas, quant à lui, dans leurs villes, dans leur pays-. » Tout
le monde attend de César l'écrasement et l'asservissement des
Gaulois : « Depuis que notre Empire existe, parmi les sages
politiques qui se sont occupés des intérêts de Rome, il n'en est
pas un seul qui n'ait pensé que nous n'avons pas d'ennemis
plus redoutables que les Gaulois 3. »
Cette déclaration est très importante. Elle prouve quel était
l'état général de l'opinion publique dont Cicéron, orateur
populaire, magistrat élu par la démocratie, devait se faire l'in-
terprète dans ses discours prononcés au Sénat ou à la tribune
aux harangues, dans ses lettres adressées à ses amis et à d'autres
que ses amis, dans ses ouvrages de philosophie lus par tous les
hommes qui s'occupaient de politique.
Les Romains ont toujours gardé le cuisant souvenir de l'in-
vasion gauloise et de la prise de leur ville, prédites par les oracles
de Véies4. L'amour-propre des vaincus a prétendu que les assié-
geants n'avaient pu pénétrer au Capitole que grâce à la ruse,
en se glissant par un chemin souterrain 5 ; il a exalté le courage
de xManlius qui les a précipités à bas de la forteresse^. Mais la
terreur causée par le lumultus Gallicus est devenue prover-
biale"; et, quand on veut donner l'idée d'un temps de trouble
1. De Piov. Consul., xiii, 33.
2. De Prov. Consul., xiii, 32.
3. De Prov. Consul., xiii, 53.
4. De DiuinuL, 1, XLiv, lOJ; II, xxxii, 69.
5. Pro Caecina, xxx, 88: Cuniciiluni qiui [GalliJ aggrcssi crant Capito-
lium. — Cf. Philipp., III, vin, 20.
6. De Domo, xxxviii, loi.
7. Cf. /// Catil, III, II, 4; Philipp., VIII, i, 2.
Revue Celtiijue, XXV. 12
lyS H. de la Ville de Mirmont.
et d'effroi, on ne peut mieux taire que rappeler cette îeuipcsîas
horrihilis Gallici advint us ^ . C'est pourquoi il convient de charger
de tous les crimes ces Gaulois qui ont une vigueur redoutable
(robiir), mais qui n'ont pas la piété et la religion (pieias ac
religio), et qui, par leur force brutale, ont terrorisé la Répu-
blique qu'ils scandalisaient par leur impiété 2. Dans le De Re
puhlica, ouvrage publié en 52 ou en 51, alors que les conquêtes
de César avaient déjà ouvert et foit connaître la Gaule aux
Romains, ouvrage destiné à des lecteurs plus lettrés que
n'étaient les gens qui peuplaient le Forum et recevaient pour
toute instruction celle qui leur était dispensée du haut de la
tribune aux harangues, Cicéron parlait encore des sacrifices
humains des Gaulois, dignes de ceux du légendaire Busiris; il
montrait les Gaulois s'avançant, l'épée à la main, pour mois-
sonner les champs cultivés par leurs ennemis vaincus 5.
Après avoir fait remarquer avec raison, à propos du discours
pour Fonteius, que « Cicéron mit au service de l'ex-proconsuH
sa merveilleuse éloquence plus d'une fois employée au service
des mauvaises causes », Henri Martin ajoute que « le druide
Diviciac réconcilia Cicéron avec le nom gaulois par les belles
qualités de son esprit et de son cœur, et par les hautes con-
naissances qu'il avait puisées dans les sanctuaires druidiques 5 ».
Cette affirmation est gratuite. Dans le De Diviiialione, Cicéron
se fait dire par son frère Quintus : « La Gaule a ses druides,
parmi lesquels j'ai connu moi-même l'Héduen Diviciac, qui tut
ton hôte et ton panégyriste (bospiteiii luiiin Jaudalorenique), qui
prétendait avoir la notion des causes naturelles, science que les
Grecs nomment physiologie, et prévoir l'avenir, partie par les
augures, partie par conjecture*^. » Quand Cicéron prend la
parole à son tour, loin de se faire le Jaudator de Diviciac, il ne
dit rien de ce personnage qui fut son hôte, nous ne savons pour
quelles raisons, lorsqu'il vint à Rome, en G}, délégué par ses
1. De. Rc Piihl., II, VI, II.
2. De Hariisp. Rcsp., IX, 19.
3. DeRe Piibl., III, viii, 15.
4. On a vu que Fonteius avait été propréteur et non proconsul en Gaule.
5. Henri Martin, Histoire de France (édition de iS)^), tome I, p. 128 et
151.
6. De Divin., I, xli, 90.
Cicéron et les Gduiois. 179
concitoyens les Héduens, qui demandaient l'appui du Sénat
contre les Séquanais', et, en 58, chargé de solliciter, au nom
de toutes les nations gauloises, l'appui de César contre Ario-
viste-. Les entretiens que Cicéron a pu avoir en 63 ou en 58
avec le druide gaulois que, d'après les renseignements donnés
par César, on devine orateur habile, politique réfléchi et pru-
dent, savant très instruit, ne semblent pas avoir réconcilié le
défenseur de Fonteius avec le nom gaulois: l'orateur du De
Provinciis Consiilaribiis, l'auteur du De Re publica, continue à
répéter sur la barbarie et l'impiété des Gaulois toutes les erreurs
traditionnelles, à rapporter toutes les légendes des guerres
gauloises qui pouvaient exciter le chauvinisme romain.
Tous ces lieux- communs sont scrupuleusement reproduits
par l'éloquence et par la poésie officielles du siècle d'Auguste,
alors que la Gaule est détinitivement vaincue et qu'on se plaît
à célébrer la gloire de César, fondateur de l'empire, qui a
délivré à jamais le Capitole des insultes gauloises et le monde
romain du péril transalpin.
Anchisc montre à Enée, parmi les plus illustres héros de
Rome, M. Claudius Marcellus qui a sauvé sa patrie du tumultus
Gallicus et suspendu dans le temple de Quirinus les armes
enlevées à Yiridomare, chef des Gaulois insubriens, qu'il a
vaincu et tué de sa propre main'. Sur le bouclier d'Enée,
Vulcain a représenté les Gaulois, dont la marche vers les som-
mets du Capitole est dénoncée par une oie au plumage argenté,
précipités par Manlius du haut de la forteresse tarpéienne. On
voit les barbares se glisser à travers les buissons, protégés par
les ténèbres et la complicité de la nuit épaisse; leurs cheveux
et leurs satons rayés ont l'éclat de l'or; leurs cous, blancs
comme le lait, sont entourés de colliers d'or; chacun des guer-
riers porte en main deux javelots alpins et leurs corps sont
abrités par de longs boucliers4. Enée admire l'œuvre de Vulcain
sans connaître les épisodes de l'histoire romaine qui y sont
représentés : mais les lecteurs de Y Enéide savent bien quels sont
1. D: Bello Gallico, I, xxxi, 9; VI, xii, 15.
2. /X' [kilo Gallico, I, XXXI, 3.
3. Enéide, VI, v. 8)S-8>9-
4. r.iicidc, VIII, V. 652-662.
I»0
H. de la Ville de Mirmont.
ces redoutables ennemis, décrits avec une exactitude si précise,
qui ne pourront plus menacer le Capiloli immobile saxum.
Tiie-Live répète presque textuellement les expressions de
Cicéron, quand il fait dire par les députés de Rhodes dans leur
discours au Sénat: « Nous avons appris que les habitants de
Marseille jouissent auprès de vo'as delà même estime et de la
même considération méritée que s'ils habitaient le centre de
la Grèce. C'est que leur civilisation d'origine a su rester intacte,
sans mélange, sans altération au milieu des nations barbares
qui les entourent ; ils ont conservé leur langue, leur costume,
leurs manières et surtout leurs lois, leur caractère national à
l'abri de la contagion de leurs voisins -\ »
Dans les deux discours qu'il adresse, en 189, à ses soldats,
pour les encourager à la bataille contre les Gallo-Graeci, alliés
d'Antiochus, et, en 187, après la fin de la guerre, au Sénat,
pour demander le triomphe 2, Cn. ManliusVulso reproduit tout
le réquisitoire contre les Gaulois que Cicéron prononçait devant
les juges de Fonteius. Le proconsul affirme, pour rassurer ses
soldats, que Rome méprise la vanité du îiiiiinllus Gallicus^K
Cette affirmation sera vraie au temps de Tite-Live ; elle ne
l'était pas cent trente-trois ans avant le discours De Provinciis
Consularihus.
H. DE LA Ville de Mirmoxt.
1. Tite-Live, XXXVII, liv.
2. Tite-Live, XXXVIII, xvii et xlvii-xlix..
3. Tite-Live, XXXVIII, xvii: Romanis, Gallici tumultus assuetis, vani-
tates notac sunt.
LA FAMILLE CELTIQUE
DEUXIEME ARTICLE
L'importance spéciale des trois degrés d'ancêtres précédant
le fils en ligne directe est commune au droit de l'Inde, à celui
de la Grèce et à celui de Rome ; elle peut être considérée comme
une règle du droit indo-européen. De là résultent les trois
degrés de descendants en ligne directe chez les Gallois : l'an-
cêtre, c'est-à-dire le bisaïeul, ses fils, ses petits-fils, ses arrière-
petits-fils, voilà la fomille dans son sens étroit. Elle peut se
développer à l'aide de collatéraux descendants d'ancêtres plus
éloignés. M. B. W. Leist, Altarisches Jus civile, ersteAbtheiliing,
1892, a publié, p. 236, un tableau de la parenté paternelle,
\\r;-/p-v.x -zlz r.x-pi:, qui est identique au tableau donné ci-
dessus de la famille ou fine irlandaise'.
Mais à Rome, la désignation complète d'un citoyen com-
porte la mention de trois ascendants, sans parler de la tribu qui
est une institution spéciale à Rome : Marcus Tulliiis, Marci
fin us, Marci nepos, Marci pronepos, Cornelia tribu, Cicero-.
Le célèbre orateur athénien Isée, qui vivait au iv^ siècle
avant notre ère, parle des ascendants, ycvîTç; et il en compte
trois degrés auxquels on doit des aliments : 1° mère et père, '.rr^r^p
■/.T. r.y.-.r,z; 2° grand-père et grand' mère, r.x--o- -kv. -rfir^; y le
père et la mère de ces derniers ; il le dit dans son plaidoyer
1. Voir p. 182, cf. p. 10.
2. iMarquardt, Hamibuch, 2= Odition, t. VII, p. 8.
l82
H. if Artois de Jubainvillc
TABLEAU DE LA PARENTE CHEZ LEIST :
4. o arrière-grand-
oncle.
5. o
6. o
y groupe
(indfine.)
3. o grand -
oncle.
4. o
5. o
2<= groupe
(iarfiuc )
2. o oncle.
o cousm-ger-
4. o cousin ISSU
de ger -
main.
\^' groupe
(dcrbfine.)
P.\RENTÉ COLLATÉRALE
3. O trisaïeul (buifiiie).
2. o bisaïeul (iarfnie).
I . o aïeul (derhfi)ic).
o Ego, père.
I. o fils.
!. O petit-fils. \ si
3. o arriere-petit-
fils.
4. o fi's d'arrière-
petit-hls.
Ligne directe
La famille celtique. 185
sur la succession de Kiron', C'est avec retranchement des
femmes, la théorie des trois ancêtres consacrée dans Tlnde par
la loi de Manu -. A Rome, la doctrine du droit attique se
trouve chez Festus 5 ; c'est la doctrine la plus ancienne des
jurisconsultes romains qui, plus tard, ont étendu à l'infini le
sens du mot parent, parais -i.
Dims l'Inde, les ancêtres plus anciens que le bisaïeul entrent
dans la masse des Kishi qui, lorsqu'on célèbre le culte des
ancêtres, perdent leur personnalité 5. Ainsi la loi galloise est là-
dessus d'accord avec le droit commun indo-européen.
Il peut sembler dur que la loi galloise refuse d'admettre le
droit successoral des collatéraux au delà du sixième degré. Mais
ici surgit une exception. Quelqu'un a été banni : ayant commis
un meurtre qui l'expose à être tué par les parents du mort, il
a quitté le pays sans pouvoir y rentrer, il est allé à l'étranger
fonder une autre £imille; les membres de cette famille nouvelle
ont un privilège dû à leur qualité d'absents: ils peuvent, jus-
qu'à la neuvième génération, venir réclamer la propriété qui
devait échoir à leur ancêtre exilé; celui qui se présente est,
suppose-t-on, le neuvième homme, c'est le descendant au hui-
tième degré de l'ancêtre à la succession duquel l'exilé n'a pas
pris part, en sorte que : i" cet ancêtre; 2° sept générations qui
séparent de lui le réclamant ; 3° le réclamant lui-même, donnent
un total de neuf hommes. Le réclamant spolié tait une plainte
à laquelle une loi galloise donne le nom de « grand cri sur
l'abîme », dyaspat iiiuch annuvyn^; une autre loi le nom de
« grand cri sur l'emplacement », diaspat uiuch aduaiP. L'abîme,
1. Oralores altici, cdition donnée chez Didot par Charles Mueller, t. I,
p. 293 ; R. Darcste et B. Haussoullier, Les plaidoyers d'isce, p. 158 ; cf. Leist,
Graeco-ilalisches Reeht, p. 20.
2. Leist, Gracco-italisches Recht, p. 21, note.
5. Parens vulgo pater aut mater appellatur, sed iuris prudentes aiios et
proauos, auias et proauias parentum nomine appellari dicunt; éd. Mueller,
p. 221.
4. Appellatione parentis non tantum pater, sed ctiam auus et proauus
et deinceps omnes superiores. Gains au Digeste, 1. L, t. xvi, loi 31.
5. Leist, Altarisches lus civile, p. 226-227.
6. The veih'dolian Code, 1. II, c. xiv, 5 2; Aiicicnl Latvs and Insliliiles of
IVaks, in-f", p. 568.
7. The giuentian Code, 1. II, c. XXX, 5 10; ibidem, p. 368.
184 H. iVArhois de Jiibainville.
c'est Li menace de forclusion si la famille de l'exilé laisse
expirer iwec le neuvième homme le dernier délai qui soit accordé
à cette famille; l'emplacement, c'est la propriété héréditaire que
le descendant de l'exilé vient réclamer.
Ce qu'un traité de droit irlandais appelle « ongles sur doigts »,
ingoi ar inéraih, peut être un phénomène juridique analogue au
privilège du neuvième homme. Le neuvième homme en Galles
est, avons-nous vu, le descendant d'un exilé. Les parents appelés
« ongles sur doigts » sont une branche de la famille « qui est
séparée de la famille»', « en sorte », ajoute la glose « qu'elle
n'a pas été avec eux ; elle s'éloigne de la f^tmille, de telle manière
qu'elle est pour eux en état d'absence pendant un temps »2. Seu-
lement nous ne voyons pas jusqu'à quel degré est maintenu le
privilège de l'ongle sur doigts. Les doigts, c'est la oclflnc.
Mais ce privilège, pas plus que le droit de tout autre héritier,
n'est conçu comme nous le comprenons aujourd'hui; c'est un
droit de copropriété sur la totalité du bien provenant de l'an-
cêtre commun. Les quatre branches de la ^zm' sont théorique-
ment propriétaires indivis de la succession laissée par l'auteur
de ces quatre branches. Il ne fout pas exagérer l'miportance du
commentaire ajouté au traité intitulé « Jugements sur abeilles »,
Bech-bretha, où l'on dit, semble-t-il, que la propriété d'un cours
d'eau se partage entre les quatre branches de la famille, la
source à la geljiuc, le canal d'amont à la derbfine, le bassin à la
iarfine, le canal d'aval à la iiidjinc^; il s'agit évidemment d'un
cours d'eau qui fait mouvoir un moulin, c'est une propriété
nécessairement indivise. Ce dont il est question dans ce texte,
c'est de savoir à qui appartiennent les essaims d'abeilles qui se
posent sur les bords de ce cours d'eau. Voici la réponse: sur
les bords de la source, c'est la gclfiuc. qui a le droit de s'em-
parer des essaims ; sur les bords du canal d'amont, la dcrhjiiic
les prendra; sur les bords du bassin, ce sera la iarfinc, et, sur les
1. Dedlaid fri fine. De fodlaih cinœil lûailln {Aiicient Laivs of Irelaiid,
t. IV, p. 286, 1. 2).
2. Conach acu robui, .i. delaigidh-si ri-sin-fine, gu n'i[bji [i]n-a n-egmais
athacli. De fodlaib cim'oil tàaitbi (Aiicieiit Laivs of Irclaiîd, t. IV, p. 290,
1. II- 12).
5. Gelfine .i. in tobor. Derbfine .i. in dire n tobur gu lind. Iarfine in
lind. Indfinc ô lind sis {Ancient Laivs of Ireland, t. IV, p. 168, 1. 9, 10).
La famille celtique. 185
bords du canal d'aval, ils seront propriété de Vindfinc. Mais
le cours d'eau reste propriété collective des quatre branches de
la ////('. De même, la propriété collective du sol par la f^cns est
de droit dans la période la plus ancienne de l'histoire romaine^ ;
Vheredium, propriété territoriale individuelle d'un demi-hectare,
date du roi Romulus. De la copropriété tamiliale résulte en
Irlande une conséquence: le bien de la tamille,y///r, venant de
l'ancêtre commun, ne peut être aliéné sans le consentement
de tous ceux qui descendent de cet ancêtre commun. Chaque
membre de la fine peut faire annuler l'aliénation de ce bien
quand cette aliénation n'a pas obtenu l'assentiment de toute la
fine. On lit dans le Senchus Môr : « chaque homme de la fine
« est capable de conserver le bien de sa fuie, non de le vendre,
« ni de l'aliéner d'une taçon quelconque... Il peut attaquer les
« contrats faits par safitie-. » « Tout contrat que lafJne ne ratifie
« pas est attaqué, rejeté par elle... il n'atteint ni la fhic, ni sa
« terre, ni ses animaux, ni ses autres biens meubles >. » « Per-
« sonne ne donne une propriété s'il ne l'a achetée lui-même,
« sauf le cas où il aurait le consentement de sa fine, et il doit
« laisser sa part déterre à sa fime en copropriété après lui h »
De toutes ces règles il ne se suit pas que le ij^avel-kiiid gallois
ait jamais existé en Irlande, c'est-à-dire qu'en Irlande pour
maintenir l'égalité entre les membres de la fomille on ait recom-
mencé le partage du bien héréditaire, d'abord après le décès
du dernier survivant des fils ou, si l'on veut, des frères, puis,
quand le dernier des petits-fils, autrement dit des cousins ger-
mains, était mort, puis enfin lorsqu'avait disparu le dernier
des arrière-petits-fils, c'est-à-dire le dernier des cousins issus
de (jermains.
1. Ist das Gcschlccln warsclicinlich fiir Jas privatc Bodcnrccht das altcstc
Tragcr gevvcsen. Mommsen, Roniisches Staatsrccht, i^e édition, t. III, p. 22.
2. Is mesiuch cach fear fine ciindi a fintiiid, na [s]id[e] inrean, na [sjide
sannu... Is mcsi im-us-fuicii curu a fine. Ancient Latvs of Irelaiid, t. II,
p. 282, 1. 7, 8, 9; cf. ibidem, 1. 13-16.
3. Nach cor nad atuim fine, fo-n-ûasnat, indarbenat... ni tascnai fine, na
orbii, na beôdil, na marbdil. Ancient Laws of Ireland, t, II, p. 288, 1. 1-5.
4. Ni udbair necii soilb, acht mad ni do-rn-aicle fadesin, acht mad a coni-
cétfaig a fine, ocus foracba a cuit tire la fine a condilse dar-a-éise. Ancient
Laxvs oj Ireland, t. III, p. 52, 1. 8-10.
i86 H. d'Arhois de Jubainpiiie.
Cependant, aux pages 129 et suivantes de l'ouvrage publié
en 1894 par un avocat anglais, M. Laurence Ginnell, barrister-
at-Law, sous ce titre : The Brchon Laïus, a légal Handbook, on
lit qu'il y avait en Irlande trois modes de dévolution de pro-
priété. Le premier mode était celui qui s'opérait conformément
aux règles du gavd-hind, le second était le partage de la pro-
priété privée, le troisième était ce qu'on appelle tanistry.
Nous allons dire un mot de chacun de ces procédés en com-
mençant par le dernier.
Tûiiisiry est un mot fabriqué par les jurisconsultes anglais
et substitué par eux à l'irlandais taiiaistcachd, désignant la règle
de droit aux termes de laquelle l'héritier d'un roi était, non
pas son fils aîné, mais le plus âgé des membres de sa famille,
par exemple son frère ou son neveu, quelquefois même un
membre d'une autre famille. L'héritier présomptif d'un roi
s'appelait tanaisi\ ou taiiaisle « second » du vivant de son
frère, de son oncle ou de son prédécesseur quelconque. Dans
le traité intitulé Crith gablach, littéralement « achat branchu »,
on lit ceci : « pourquoi quelqu'un est-il appelé tanaise rig
« [ou second de roi] ? Parce que toute la tribu s'attend à le voir
« régner sur elle sans opposition ^» Une autre expression pour
désigner l'héritier présomptif d'un roi étahrig-doiiina, «matière
de roi-». Les royaumes étant indivisibles, la /a^n/ry ne donnait
pas lieu à partage. La taiiislry ne s'appliquait pas seulement à
la royauté, elle s'appliquait aussi à d'autres dignités indivisibles
correspondant à ce qu'on appelait en France des baronies'.
Suivant M. Laurence Ginnell, la propriété privée donnait
lieu à partage et les parts étaient égales, si ce n'est que la
maison, ses dépendances et le matériel servant à l'exploitation
1. Tanassi rig ced ara n-eper ? Arindi frisaicci tûatli huili do rigiu cen
cosnum fris. Aricient Laws of Ircland, t. IV, p. 328, 1. 11-12.
2. Voir le traité intitulé Fotha catha Cnucha cliez U^indisch, Kiir:((iejassle
irische Gramiiialik, p. 121, 1. 6. On lit r/V daiiina dans la glose du Senchns
Mor, Anciciil Laivs of Irdand, t. 1, p. (S(i, 1. 9, et dans celle des Heptades,
Ibidem, t. V, p. 226, 1. 34. Ces deux textes placent le rig-dainna dans la
catégorie des gens de condition supérieure, ûas.
^. Sur la laiii'iliv en Ecosse dans les Highl.uids, voir William F. Skene,
'J'hf Hh^hlaiids of Scotluiid, 2'-' édition, p. 104-106 ; sur la lanistiy en général
le mémoire spécial de M. P. Viollet, 1891, in-40.
La famille celtique. 187
restaient indivisibles et appartenaient à un des fils, probablement
au plus jeune. Ceseraitcequ'on appelait en France droit de niai-
neté. Le droit de maineté a existé non seulement en France,
mais aussi dans divers autres pays. En France, on l'a signalé au
Nord-Est dans les coutumes de Valenciennes, d'Arras, de Cam-
brésis, des châtellenies de Lille et de CasseP, et à l'extrême
Ouest dans le comté de Cornouaille, qui correspond à une
partie du départementdu Finistère-. Hors de France, ledroit hon-
grois du xV^ siècle attribue la maison paternelle au plus jeune
rils', le Corpus jiiris Georgici lui donne le principal manoir4.
Mais dans les lois anciennes de l'Irlande, on ne voit pas trace
du droit de maineté; la règle était l'égalité du partage excepté
quand il s'agissait des magistratures, c'est-à-dire de royauté,
ou d'autres dignités inférieures, mais également impartageables.
Le droit de maineté n'y est pas plus mentionné que le gavel-
kind. Il ne manque pas de textes relatifs aux successions et nulle
part n'apparaissent ces procédés exceptionnels de partage.
Dans les Heptades, il est dit qu'en sept cas on peut se mettre
en possession sans devoir des dommages-intérêts, et un de ces cas
est celui du frère qui, après partage accepté, prend possession
de sa portion; il ne doit rien à son frère 5. Le Senchiis Môr
parle deux lois du procès injuste par lequel on conteste au fils
la succession de son père^'. La glose émet l'hypothèse d'une
attaque dirigée contre la filiation du défendeur; la question est
de savoir s'il sera maintenu en qualité d'enfant légitime, ou si
on le déclarera bâtard 7. Dans un autre passage du même ouvrage
on trouve mentionné le partage entre cohéritiers^. Suivant la
1. Article de Merlin, alors avocat au parlement de l-"landres, dans le
Répertoire de Guyot, t. XI, 1785, p. 79-86.
2. Paul Viollet, Histoire du droit civil français, 2e édition, p. 842.
5. Dareste, Etudes d'histoire du droit, p. 275.
4. Le même, ibidem, p. 132.
5. Ancient Lazvs of Ireland, t. V, p. 206, 1. 5-6; cf. p. 210, 1. 4.
6. Im gu-liud mec a orb. Ancient Lairs of Ireland, t. I, p. 1^4. 1. 18.
Im gu-liud mec a-horba, ibidem, p. 236, 1. 28-9. Par une contradiction fré-
quente, ce procès est mis à la fois dans les cas de saisie de cinq jours avec
délai, p. 184, et dans les cas de saisie de cinq jours sans délai, p. 256.
7. Im amus do cenéoil do dénamde, dûs in astaibther, no tuilithedor.ldh
ris. Ancient Laws of Ireland, t. I, p. 192, 1. 4-5.
8. Athgjbail rainde itir comorbaib. Ancient La-ws of Ireland, t. I, p. 214,
1. 9-10.
i88 H. d'Arhois de JuhainvUlc.
glose, il s'agit de la succession d'un père et cette succession
consiste en objets mobiliers ou en biens-fonds ^ Le droit héré-
ditaire des descendants existe du vivant même de l'ancêtre, il
n'est pas comme chez nous subordonné à l'éventualité de la
mort de l'ancêtre et le droit irlandais ne donne à ce point de
vue aucune supériorité ni à l'aîné w\ au puîné. On le voit, par
exemple, dans le traité : « Des divisions de race dans la tribu,
De fodJaih cinéoil li'iaiihi. » Il y est dit que le père ne peut rien
vendre sans le consentement de ses fils, de ses petits-fils, de
ses arrîère-petits-fils et des fils de ses arrière-petits-fils 2. Cette
énumération est identique à la liste des membres de la gelfinc
puisque la gelfine est composée, comme nous l'avons vu, du
père et de ses descendants du premier au quatrième degré, le
tout formant un total de cinq hommes. L'identité de ce groupe
et de la gelfine a été fort bien comprise par le glossateur?. Or,
ni le texte, ni la glose n'attribuent à un des descendants une
situation privilégiée au préjudice de ses frères ou cousins au
même degré.
Dans aucun des textes cités, il n'est question de parts iné-
gales, on n'y voit apparaître, pas plus le droit de maineté que
le droit d'aînesse.
Ce qui peut sembler particulier à l'Irlande, c'est l'hypothèse
de l'indivision permanente. Des cohéritiers sont tenanciers pour
une propriété qui n'est point partagée entre eux 4; ils labourent
en commun'; ils ont en commun une maison 6. Suivant la
glose, un des héritiers veut avoir sa part de cette maison?. Mais
le texte ne dit pas que telle soit la cause du désaccord entre
les copropriétaires. Il y a un terme de droit plus extraordinaire
1. Scoit àini roiacaib an athair acu... no ini rainn a icrainn. Ancieul Laivs
of IreJaud, t. I, p. 216, 1. 7-8, 10.
2. Ni rcn in t-athair ni sech macu, sccli ûa, sech iarmLi[a], sccli inJùa.
Ancient Laïus of Ireland, t. IV, p. 286, 1. 7-8.
3. Ancient Latvs of Ireland, t. IV, p. 290, 1. 17-18.
4. Comaithces, Senchus Môr, dans Ancient Laws of Ireland, t. I, p. 126,
I. 4; p. 142, 1. 19.
5. Comar, ibid., p. 126, 1. 3 ; p. 142, 1. 17.
6. Im corustreibc itir comoi'baib. «Pouu droit de maison entre licritiers »,
Sencbns Môr dans Ancient Lau's of Irehunî, t. I, p. 122, 1. 19.
7. A cuit don tig do dénam .i. in-trebcoitchenn, ibidem, p. 130, 1. 51-52.
« Pour faire sa part de la maison, c'est-à-dire la maison indivise. »
La famille celtique. 189
que la formule maison commune entre cohéritiers, Ireb coilchciiii,
c'est comkhaid « lit commun » des cotenanciers ^ ; cette expres-
sion aviilehaid « lit commun » se trouve dans un autre texte
juridique irlandais quand il s'agit du lit de la prostituée-. On
pourrait en conclure qu'en Irlande, à une époque reculée, la
communauté des femmes entre frères a existé d'une façon géné-
rale comme, suivant Jules César, elle se pratiquait en Grande-
Bretagne au I" siècle avant notre ère>. Cela nous expliquerait
pourquoi la légende irlandaise nous montre Clothru épouse
simultanée de ses trois frères et par là mère de Lugaid, roi
suprême d'Irlande, qui a trois pères dans le cvcle épique de
Conchobar et de Cuchulainn^. Cela expliquerait l'assertion
probablement exagérée de saint Jérôme quand il prétend qu'en
Irlande personne ne se marie, qu'aucun Irlandais n'a une
épouse, mais que dans cette île chacun s'abandonne à ses
passions de la même façon que les animaux >. Saint Jérôme
écrivait antérieurement à la mission de saint Patrice, c'est-à-dire
à une époque où il y avait en, Irlande fort peu de chrétiens,
mais son talent oratoire l'a, suivant toute vraisemblance,
entraîné beaucoup trop loin.
Quoi qu'il en soit, en Irlande, la maison commune, le lit
commun n'ont pas été attribués au puîné à l'exclusion de ses
frères.
J'arrive au gavelkind. M. Ginnell emprunte sa doctrine sur
ce point à Summer Maine, Lectures on the early history of Insti-
tutions, p. 99. Ce célèbre auteur puise sa doctrine dans un
rapport fait par un magistrat anglais du xvii'' siècle. Ce rapport
1. Im conileptlia comuitech, Senchus Môr dans Anciciil Laïcs of Lretand,
t. I, p. 126, I. 4 ; p. 142, 1. 20.
2. Fir-faemaid i-sin aidchi dorcha cach aen i n-a comlcbaid. « Vraiment
flic reçoit pendant la nuit sombre chacun dans son lit commun. » Do
faslad cil t ociis illic^id « confirmation de loi et droit » (Aiicieut Lazvs of
lretand, t. V, p. 454 1. 4.
5. Uxores habcnt inter se déni duodenique communes, maxime fratres
cum fratribus, De betio Galtico, 1. V, c. 14. § 4.
4. Livre de Leinster, p. 23, col. i, 1. 51; col. 2, 1. 1-3 ; cf. 'Iv/ HocTTavia
r.oWd: àvopï; ai'av vuvaï/.a î/out'., Bardesane, écrivain du iii^ siècle, repro-
duit par Euscbe, Pracparatio eiiangetica, VI, 10.
5. Scottoruni natio uxores proprias non habct ; nulla apud eos coniux
propria est, sed, ut cuique libitum fuerit, pecudum more lasciuiunt. Adiiersiis
louinianimi, II, 7 Mignc, Palrotogia tatiiia, t. 25, col. 296 A.
iço //. d\Arbois Je Jiibainville.
concluait à imposer le droit anglais, c'est-à-dire la Englisb coni-
iiioii Lii-w, a toute l'Irlande, à introduire en Irlande le droit du
fils aîné à l'exclusion des autres fils sur la totalité de la pro-
priété immobilière du père. Suivant ce magistrat, les succes-
sions étaient toutes dévolues en Irlande suivant les règles de la
tanistry, ou suivant celles du gaveljànd, c'est-à-dire, explique-
t-il, qu'à chaque décès d'un membre d'une famille, on procé-
dait à un partage par tète du bien de l'ancêtre commun. Ce
n'est pas le gavelkind gallois et les lois anciennes d'Irlande
n'ofïrent, à notre connaissance, aucun exemple de ce procédé
bizarre qui doit, en Irlande, avoir été exceptionnel.
Ainsi, des trois systèmes de dévolution dont parle M. Ginnell,
il y en a deux que les anciennes lois d'Irlande ignorent, comme
elles ignorent le droit d'aînesse, ce sont le droit de maineté et
le gavelkind, mais il y en a un que l'Irlande paraît avoir pra-
tiqué dès les temps les plus anciens, c'est la tanistry quand il
s'agit des dignités considérées comme impartageables. La prin-
cipale de ces dignités est la royauté.
Dans les textes que nous avons cités, il n'est question que
des hommes ^ Des femmes, il n'est rien dit. Les femmes pou-
vaient recevoir de leur père ou de l'héritier de leur père une
dot, mais elles n'héritaient pas. Parlons d'abord de la dot. Elle
s'appelait en irlandais linol ; tinol c'est l'apport de toute épouse
légitime. L'absence de dot est une cause d'irrégularité dans
l'union 2. Quand le mari était de condition égale à celle de la
femme, le tiers de la dot appartenait à la femmes. Telle est la
règle posée, non par le Senchiis Môr, mais par la glose la plus
ancienne du Seiichus Môr. Une glose plus récente du même
traité supprime en partie la condition à laquelle cette première
1. Par exemple: Lirfine co tri feraib déc, « larfiin' ou famille d'après
jusqu'à treize hommes » ; Indfine co secht firu dcc, « Indjlnc ou tamille de
la fin jusqu'à dix-sjpt hommes ». Lehar Aide dans Aucieul Laws of Ircland ,
t. m, p. 284, 1. 5-7.
2. Ben... cen tinol, Sciichns M6r dans Auciciit Laivsof Ircland, t. II, p. 556,
1. 7, 9. Glose: dia sétaib « de ses biens mobiliers », ibid., p. 356, 1. 24.
3. Trian tino[i|l le doc|h]um in comchinôil sin, « le tiers delà dot à elle
vers cet homme d'égale condition ». Glose du Scnchns Môr dans Aitcient
Laii'S of Ireland, t. II, p. 346, 1. 9.
La famille cdîiijue. - 191
glose subordonne le droit du mari ; le mari, dit cette nouvelle
glose, a les deux tiers de la dot et la femme un tiers seule-
ment, qu'il y ait ou qu'il n'y ait pas égalité de condition entre
les deux époux, à moins que la femme ne soit de rang infé-
rieur au rang du mari '. Mais cette attribution d'une partie de
la dot au mari semble être de date relativement moderne. Elle
est due à l'influence du droit romain qui donnait au mari la
jouissance de toute la dot. Elle a été introduite probablement
par le clergé chrétien. Dans un document plus ancien, le début
du Tàin hô Cuailuge, la reine Medb apparaît avec une lortune
mobilière indépendante de celle de son mari et à peu prés de
même valeur que celle de ce mari, le roi Ailill-.
Tinol, nom de la dot en irlandais, v^eut dire primitivement
« collecte, assemblage ». En effet, la dot irlandaise comprend,
outre le don fut à la future épouse par le père ou par l'héritier
du père, les cadeaux ofterts à cette future épouse par les parents
et les amis. En droit gallois, la dot s'appelle agueddy ou
gwaddol, elle est donnée au mari par le père de la femme le
lendemain de la nuit des noces?. Une autre expression apparaît
dans les textes juridiques et littéraires gallois, c'est argyfreuA,
paraphernaux, en breton argourou, d'abord argohrou ^ pour un
\)X\m\i\ï*are-co-hr-oues signifiant « apport » et où hr est la forme
réduite de la racine bher •(. porter w^. Jules César nous apprend
que l'usage de la dot existait en Gaule au i*"" siècle avant notre
ère". On le rencontre déjà dans la loi d'Hammourabi, pro-
1. Trian tinoil aicce-si masa hingcn ^raidh Ihcinc co mac graid (heine, no
ingean graidh fhlatlia co niaGgraidlitlilatha, no hingen graidliflilatba co mac
graidh fheine, ocus dàtrian tinoil ac an fliir. « Le tiers de la dot est à elle:
« 1° si, étant roturière, elle épouse un roturier; 2° si, étant noble, elle
« épouse un noble ; 3° si, étant noble, elle épouse un roturier; et les deux
« tiers de la dot appartiennent au mari. » Glose du Senchus Môr dans Aiicient
Laivs of Irelaïui, t. II, p. 350, 1. 7-10.
2. Vovez l'analyse du Tain par M. Zimmer, Zeilsclnijl de Kuhn, t.
XXXVIII, p. 443-444, et la traduction abrégée de M. Standish Hayes
O'Grady, chez Eleanor Hull, Tlie CuchulUn saga, p. 114.
3. The Vciiedotian Code, dans Aiicient Lau'S and Instilutes of WaJcs, in-f",
p. 223, in-40, t. I, p. 456, etc.
4. Silvan Evans, A Dicliouary uf Ihe wchh Language, p. 357.
5. Maunoir, Dicliontiairc françois-breton-anitorique, p. 45.
6. Victor Henry, lexique étymologique du breton modeiiw, p. 16.
7. Viri quantas pecunias ab uxoribus dotis nominc acceperunt, tantas ex
ig2 H..d\\rbois de Jnbaini'ille.
nuilguce à Bab3'lone il y a environ quatre mille ans. On trouve
dans ce vieux texte un ternie spécial pour la désigner, ce mot
est scriiqîn. ou sîriktiiK La dot se montre aussi à nous chez les
Juifs dans les livres de Josué, des Juges et de Tobie-. On la
rencontre en Hongrie î. Elle a existé en général chez tous les
Indo-Européens, sauf chez les Arméniens^.
Les Grecs l'ont appelé çepvY). Ce mot apparaît pour la pre-
mière fois chez Eschyle, mort en 456 ; on le trouve au vers 979
des Suppliantes, 'l7.ézioz.ç>. Mais la dot se rencontre déjà sans le
mot 5cpvY^ dans VIliade. Au neuvième chant, Agamemnon pro-
pose de donner en mariage une de ses trois filles au mécontent
et boudeur Achille. Pour sa fille il n'exigera pas le prix d'achat
que l'usage consacrait et qu'on appelait en grec ïFehx, de plus,
il lui donnera en mariage sept villes; l'expression par laquelle
il désigne cette dot est [xc-lX'.a^, forme grecque du slavon ecclé-
siastique ;////(' « dot » 7.
La dot existait aussi chez les Germains. Par dot, nous n'en-
tendons pas le don fait par le mari à la femme, ce qu'on appelle
en français douaire, en latin donaiio aiitc nuptias ou proptcr
nuptiûs^ et qu'abusivement les législateurs du moyen âge
suis bonis aestimatione facta cum dotibus communicant. De BeUo Gaîlico,
1. VI, c. 18, § I.
1. D. H. MùUer traduit par Mitgift ce mot qu'il écrit à V accusâûï seriigta
(articles 142, 149, 163, 164, 171, 172, 173, 174, 176), seriqtam (articles
138, 172, 176 rt, 178, 179, 180, 181, 182, 183, 184); génitif 5cr;7(/// (articles
162, 163, 164, 167), seriiqtini. (article 176). Kohler lit siriklii et traduit chis
ciiigehvachle G,ut, Geschenk ou Mitgijt.
2. Josué, XV, 18, :^; Juges, I, 15; Tobie, VIII, 24.
3. Dareste, Etudes d'histoire du droit, p. 258.
4. On l'apprend par un texte légal du bas empire romain, Novelle, XXI ;
cf. Dareste, Etudes d'Ijistoire du droit, p. 121.
Aavao; Oïpa;:oviîOa çlpvrjv.
« Ainsi qu'à chacune d'elles Danaos assigna des femmes esclaves en dot. »
6. Iliade, IX, 146-157. Sur la dot en Grèce, voyez R. Dareste, La science
du droit eu Grèce, p. 62.
7. Curtius-Windisch, Grund^ucge der griecliiscben Etymologie, 3^ édition,
p. 329. Prcllwitz, Etyniologisches Woerterhuch der griechischen SpracJ)e, p. 194.
Sur l'obligation de doter les filles en Grèce et à Rome, voir B. W. Leist,
Graeco-italisch' Recbtsgeschicbte, p. 75; Dareste, Les plaidoyers civils de Deiiios-
tbène, t. I, p. xxxii.
8. Institutes de Justiuieu, 1. II, titre vn, !i 3 ; cL Paul-Frédéric Girard,
Manuel élhtwnt aire de droit romain, p. 941.
La famille celtique. 193
désignent par le mot dos. Nous prenons le mot dot dans le
sens que les jurisconsultes romains attribuaient au mot dos.
Chez Tacite, dans sa Germania, on voit des armes apportées
par l'épouse au mari^ La loi des Alamans parle du droit
qu'après la mort de son mari la femme a sur ce qu'avec elle-
même elle a, en se mariant, apporté de la maison paternelle 2.
La loi des Bavarois se sert à peu près de la même formule
pour exprimer la dot 3. Nous trouvons aussi la dot dans l'ancien
droit de la Suède et de la Norvège 4.
Enfin, la dot nous apparaît dans le droit le plus ancien des
Perses 5 et des Slaves^.
La dot en droit romain est chose trop connue pour que nous
en parlions ici un peu longuement^. Cependant nous avons deux
observations à faire. La première est que les jurisconsultes
romains distinguaient la dos profectitia de la dos adventiîia. La
dos profectitia était celle qui provenait des biens du père, la
dos adveniitia avait une autre origine quelconque^. La seconde
observation est que les jurisconsultes romains ne confondaient
pas avec la dot les nuptialia dona9, le nuptiale munus. Deux
jurisconsultes romains. Gains et Ulpien, donnent comme
exemple de nuptiale munus le cadeau de noces fait par un tuteur
à la mère de son pupille quand, fatiguée du veuvage, cette dame
se remarie '°. Les Irlandais confondaient sous un même nom la
dos profectitia, la dos adventitia et les nuptialia dona, ou nuptialia
1. Ipsa armorum aliquid viro oflfert, Germania, c. 18.
2. Quicquici de sede paternica secum adtulit. Lex Atatnannorum, c. liv
(lv). Monitmenta Germaniae Jiistorica, in-4°, Leges, t. V, p. 112.
3. Quicquid de rébus parentum ibi adduxit. Lex Bajuvariorum, 7, 14.
4. R. D2irtiSXC,Ètudesd'lnstoiredndroit,p. 287, 288, 324 ; cf. Jacob Grimm,
Deiitsclie Recljts qlterllmmr, 2*= édition, p. 479.
5. Dareste, Eludes d'histoire du droit, p. 108.
6. Dareste, Études d'instoire du droit, p. 168, 189, 190, 238.
7. Voir sur la dot en droit romain, Voigt, Die XII Tafeln, t. II, p. 714-
720; Roemische Retbtsgeschicbte, t. II, p. 555 et suivantes.
8. Ulpien, livre XXXI ad Sahinum, fragment inséré au Digeste, livre XXIII ,
titre III, 5. Cf. Voigt, Roemisclie Rechtsgescliicljte, t. II, p. 554, note 17;
P. F. Girard, Manuel élémentaire de droit romain, p. 874.
9. Cicéron, Pro Cluentio, IX, 28.
10. Digeste, livre XXVI, titre vu, loi 13, 5 2 ; 1. XXXVII, titre m, loi i,
5 5 ; cf. Moritz Voigt, Roemisclie Rechtsgeschichte, t. II, p. 543, note 62.
Revue Cdtiqac, XXV. 13
194 W- cfArbois de Jnbainville.
munera. De là, en Irlande, pour la dot, le nom de tinol « col-
lection », « assemblage », expression qui comprend sous la
même dénomination le don du père et les dons des autres
parents ou amis de la future épouse.
Dans le droit indo-européen le plus ancien, la femme mariée,
étant sortie de la fomille de son pèt;e pour entrer dans la famille
de son mari, perdait tout droit à la succession paternelle et la
femme non mariée ne pouvait prétendre qu'à une dot, ordi-
nairement mobilière ^ Cette législation s'est maintenue en
Danemark jusqu'au xi*" siècle -, en Suède jusqu'au x]ii^3. De là
cette règle si connue du droit des Francs saliens : « Que de la
« terre salique aucune part héréditaire n'arrive à une femme 4 » ;
et la règle analogue des Francs Ripuaires : « Tant que, dans la .
parenté du défunt, il y aura des hommes, aucune femme ne
pourra hériter de la terre que le défunt a lui-même héritée de
ses aïeux 5.
La loi babylonienne d'Hammourabi exclut également, en
principe, de la succession paternelle, la fille dotée, Aplu, « part
dans la succession du père »^, c'est dans cette loi une part de
fils7,Dans les articles de ce monument législatif où les héritiers
du père sont désignés par leur titre à la succession, on voit
partout apparaître le fils, ma ni, les fils, mâré, nulle part, sauf
1. Voir là-dessus Suniner Maine, Études sur l'ancien droit et h coutume
primitive, traduction française, p. I2i et suivantes.
2. J. Grimm, Deutsche Rechts-alterthiïmer, 2^ édition, p. 407.
3. J. Grimm, ibidem; R. Dareste, Études d'histoire du droit, p. 287.
4. Dans la J.ex cmendata, LXII, 6, on lit : De terra vero salica nulla portio
hereditatis mulieri veniat, sed ad virilem sexum tota terrae hcreditas perve-
niat. Les codices, 7, 8, 9, 10, offrent la même doctrine en des termes légè-
rement différents. Mais les codices, i, 2, 3, 4, 5 et 6 n'excluent les filles
que s'il y a des fils. Lex Salica, édition Hcssels et Kern, col. 379-587.
5. Cuni virilis sexus extiterit, femina in hereditatem aviaticam non suc-
cédât.
6. Articles 137, 172, 178, 180, 182.
7. Le P. Scheil, grande édition, p. 68, traduit « part de fils » ; aux pages
88, 89, 90, il a écrit moins exactement « part d'enfant ». MM Kohler et
Peiser traduisent, art. 137 et 172 et « einen Teil wie einem Sohn » ; art.
178, « Sohnschaft » ; art. 180, « einen Anteil wie ein Sohn »; enfin à
l'art. 182, ils substituent Kiud à Sohn. M. MùUer a écrit, art. 137, a einen
Anteil wie den cines Sohn » ; art. 172, « einen Teil » seulement, mais art.
178, 182, « Kindes anteil » ; art. 180, « einen anteil wie cin Kind erhâlt ».
Il ne faut voir qu'un défaut de précision dans l'emploi de Kind pour Sohn,
La famille celtique. 195
une exception dont nous parlerons pins bas, la iîlle, inârat,
n'est mentionnée. L'article 165 prévoit le cas où le père a fait
une donation à son fils préféré ; ce fils garde ce que son père
lui a donné, les frères partagent le reste du bien qu'avait le
père; de leurs sœurs il n'est pas question. Dans l'article 167
il est parlé d'un homme qui a eu successivement deux femmes
et des fils de chacune d'elles. L'apport de chacune des mères
appartient à ses fils, mais le bien du père se partage entre tous
les fils sans distinction entre ceux du premier lit et ceux du
second; des filles, pas un mot.
A la fille non mariée que le père n'a pas dotée, la loi d'Ham-
mourabi donne seulement droit à une dot viagère, cette dot
est égale aux parts de ses frères et leur revient quand elle meurt
(art. 180). Cette règle ne s'applique pas aux filles consacrées
au service des temples, soit comme vierges, soit comme pros-
tituées, et que leurs pères n'ont pas dotées; ces deux catégo-
ries de filles ont seulement à titre viager le tiers de la part
qu'elles obtiendraient si elles étaient d'un autre sexe (art. 181).
Toutefois les prêtresses de Marduk ont un privilège, c'est de
pouvoir, par testament, disposer de la part d'héritage qu'elles
ont obtenue après la mort de leur père quand, avant de mourir,
leur père ne les avait pas dotées (art. 182).
On trouve ailleurs d'autres modifications au droit primitif.
Une de ces modifications est le droit pour les tilles d'hériter à
défluit de fils. Il fut introduit chez les Francs par un édit de
Chilpéric I", roi de Soissons, 561-584^ On le rencontre dans
la législation- mosaïque 2, en Chine 3, en Pologne4, chez les
Slaves du Sud 5, chez les Russes^, chez les Tchèques 7, dans
les pays Scandinaves^, enfin, dans la législation d'Athènes,
1. Edichim doinni Chilperki régis, § 5, chez Boretius, Capitularia regiim
Franconuii, tome I^"", p. 8.
2. Nombres, c. xxvii, verset 7 ; c(. R. 13areste, Etudes d'histoire du drcit,
p. 26.
3. R. Dareste, Nouvelles études d'histoire du droit, p. 297.
.1 R. Dareste, Etudes d'histoire du droit, p. 198.
j. R. Dareste, Études d'histoire du droit, p. 227.
6. R. Dareste, Études d'Insloire du droit, p. 217-220.
7. R. Dareste, Études d'histoire du droit, p. 168.
8. R. Dareste, Études d'histoire du droit, p. 288.
I C)6 H. d* Artois de Juhainvillc.
sauf une réserve : la fille d'un Athénien mort intestat héritait
quand elle n'avait pas de frère, mais c'était à condition d'épouser
un parent de son père; encore n'avait-elle pas le choix, elle
devait épouser parmi ces parents le plus proche de ceux qui
voulaient bien la prendre pour femme. En cas de doute, un
jugement décidait quel devait être l'époux ^ On trouve le même
droit chez les Ossètes, peuple iranien du Caucase^. Chez les
Juifs, il était prescrit aux femmes de se marier dans leur tribu 3,
Dans la législation la plus ancienne de la partie méridionale
du pays de Galles, la fille héritait à défaut de fils, et cela sans
que la loi lui imposât l'obligation d'épouser un parent •+.
Le droit de la fille à défaut de fils dans la partie méridionale
du pays de Galles paraît avoir existé en Grande-Bretagne au
I" siècle de notre ère. Prasutagus, roi des Iceni, n'avait évi-
demment pas de fils quand, vers l'an 60 de notre ère, craignant
l'ambition des Romains et voulant assurer une part d'héritage
à ses filles, il fit un testament où il les instituait héritières en
leur donnant pour cohéritier l'empereur Néron 5. Les Iceni,
sujets de Prasutagus, habitaient dans la partie Sud-Est de la
Grande-Bretagne. Leur principale ville. Venta Icenornm, était
située non loin de Norwich, dans le comté de Norfolk.
Au même moment, plus au Nord, chez les Brigantes, dont
une des villes était Elmracum, York, régnait une femme, Car-
timandua, qui, mécontente de son mari, épousa l'écuyer de
1. La fille héritière de son père s'appelait, chez les Athéniens, IrJv/Xripoi.
Voir sur ce point les textes réunis par Samuel Petit, Legcs Alticae, p. 441 et
suivantes. Cf. R. Da.rest.e, Nouvelles études d'histoire du droit, p. 21 ; Les plaidoyers
civils de Démos thène, t. I. p. xxxi, xxxii. Par testament, le père qui n'avait
pas de fils pouvait léguer ses filles avec ses biens aux époux que par ce tes-
tament il leur choisissait. Plaidoyer d'Isée sur la succession de Pyrrhos,
§ 68. Didot, Or at or es attici, t. I, p. 258, 1. 58-43.
2. R. Dareste, Études d histoire du droit, p. 145.
3. Nombres, c. xxxvi, v. 8.
4. Onnybyd y berchennawc tir etiued arall namyn merch, y verch a-vyd
etiued or îioll tir. « Si le propriétaire d'une terre n'a pas d'autre héritier
qu'une fille, la fille sera héritière de toute la terre. » The Diiiictian Code,
livre II, chap. xxiii, article 7 ; Ancie)it Laws ami Institules of Wales, in-f",
p. 267; cf. F. Walter, Das aile Wales, p. 437.
5. Tacite, Annales, livre XIV, c. 31 ; cf. l'article de M. Henze sur Bou-
diccn, d.ins l'aiih's Real-encYclopaedie, cdittion Wissow.i, 5^' demi-volume,
col. 796-797.
La famille celtique. \c)j
ce mari. Elle était déjà sur le trône en 51, elle y resta jusqu'en
69'.
Dans le vieux droit de la région septentrionale du pays de
Galles, contrairement au droit de la région méridionale, la
préférence archaïque pour les mâles persiste, sauf une réserve.
En principe, les femmes ne peuvent hériter parce que, si une
femme héritait, il y aurait deux patrimoines réunis dans la
même main, celui du père du mari et celui du père de la femme.
Ce danger disparaît quand le père et les frères de la femme lui
font épouser un étranger; car celui-ci n'a pas de patrimoine,
et le consentement de la famille au mariage, sans donner à la
femme droit à l'héritage de son père, donne aux fils de la femme
droit à l'héritage de leur aïeul -. C'est un système opposé à celui
des Athéniens et des Ossètes, chez lesquels la fille, qui n'a pas
de frère, ne peut hériter qu'en épousant un parent. L'idée gal-
loise est que l'étranger, entrant dans la famille, lui apporte une
force et que le neveu, fils de l'étranger, deviendra le continua-
teur de l'aïeul, sera en quelque sorte le fils de l'aïeul.
Cette idée apparaît dans la législation la plus ancienne de
l'Inde; suivant cette législation, « la fille ne succède pas, mais
« le fils de la fille succède, et même succède comme fils si le
« père, en donnant sa fille en mariage, s'est expressément
« réservé le fils à naître > ». Chez les Ossètes, peuple
1. Tacite, Annales, livre XII, c. 56, 40; Histoires, livre III, c. 4$ ; cf.
Stein, Paiilys Real-encyclopaedie, éd. Wissowa, 6^ demi-volume, col. 1627.
2. Herwyd gwyr Gwyned ny dyly gwreic caffel trew tat, cany dyly deu
ureynt or un llau... Na dyly meybyon un wreic trew tat o uamwys namyn
meybyon un wreic, sew vu honno gwreyc a rodho y that ay brodyr y all-
dut. The Venedotian Code, livre II, chap. xv, art. i et 2. Ancient Lau's and
Institiites of IVales, in-fo, p. 84-85.
Oderwyt roy Camaraes y alldut, a bot plant meybyon uthunt, e plant a-
dcle tref tat o uamuys, evthirna deleant ran or tetyn breynyaul hyd e tredet
dyn, eythyr mab alldut o pennaet. « Si une Galloise est donnée en mariage
« à un étranger et s'ils donnent le jour à des fils, leurs fils ont, du chef de
« leur mère, droit à la propriété de son père, mais ils n'ont pas droit à une
<c part du bien principal jusqu'à la troisième génération, à moins que l'étran-
« ger, leur père, ne soit fils d'un chef. » The Venedotian Code, 1. II, c. i,
article 59; Ancient Laïcs and Institiites of IVales, io-fo, p. 46. Si mulier indi-
gena detur exuli, filii ejus partem hereditatis habebunt praeter sedem prin-
cipalem. Leges IVallicae, livre II, chap. xr, art. 32; Ancient Laxus and Insti-
tiites of IVales, in-f°, p. 790.
3. R. Dareste, Etudes d'histoire du droit, p. 74.
ic)8 H. iVArhois de Jnbainvilk.
iranien du Ciuicase, l'adopté est généralement le fils de la
sœur ^
A Rome, Jules César n'ayant pas d'enfiints, au moins pas
d'enfants légitimes, adopta le petit-fils de sa plus jeune sœur.
Julia, la seconde des deux sœurs de C. Julius Caesar, avait
épousé M. Atius Balbus. De ce mariage naquit Atia qui épousa
C. Octavius. C. Octavius et Atia eurent un fils, nommé,
comme son père, C. Octavius. C. Julius Caesar l'adopta et,
après cette adoption, ce jeune C. Octavius s'appela C. Julius
Caesar Octavianus ; il reçut plus tard le surnom à'Augiistiis,
c'est l'empereur Auguste-. Tous ces faits s'expliquent par l'in-
fluence naturelle des filles sur ks pères, des sœurs sur les frères,
des nièces sur les oncles. Leur pouvoir est analogue à celui
des femmes sur les maris, dont il existe dans cet ordre d'idées
un exemple célèbre: l'adoption de Tiberius Claudius, l'empe-
reur Tibère, par Auguste, a été l'œuvre de la femme d'Auguste,
Livia, qui avait eu Tibère d'un premier mari. Il n'y a pas lieu
de chercher l'oriçjine de ces faits dans un matriarchat légendaire
dont l'existence préhistorique est encore à démontrer.
On trouve en Irlande, comme dans l'Inde, comme chez les
Ossètes, comme dans la région septentrionale du pays de
Galles, une faveur spéciale accordée au fils de la fille ou de la
sœur. Le droit d'hériter accordé à ce fils quand il est né d'un
père étranger est un privilège inscrit dans la loi et non un acte
isolé tel que l'adoption de C. Octavius par Jules César.
Le Sciicbus Mbr met dans la liste des saisies qui comportent
un délai de dix jours celle qui a pour objet le partage de la
succession immobilière laissée par le fils d'un neveu, fils lui-
même d'une sœur 3.
Ce partage n'apparaît pas dans la partie la plus ancienne du
Scnchiis Môr, celle qui concerne la saisie immédiate. Il y a deux
sortes de saisie, l'une, la plus récente, est précédée d'un comman-
1. R. DAYQSle, Éhuli's d'histoire du droil, p. 145.
2. De Vit, Totiiis Latinitatis Onoiiiaslicon, t. III, p. 645, 655 ; Paiilys
Real-encyclopacdie, édition Wissowa, 4<^ demi- volume, col. 2253, 2570.
3. Im orba mie niath do comruind, Aiicieiil Latvs of Ireland, t. I, p. 202,
1. 3-4; p. 206, 1. 16: Niath, génhU àcnia, est glosé par mac selhar « tils de
sœur », même volume, p. 206, 1. 16.
La famille celtique. 199
dément et à la suite de ce commandement se place avant la
saisie un délai égal à la durée du séjour en fourrière qui suit
la saisie ^ Dans l'autre sorte de saisie, qui est la plus ancienne,
il n'y a pas de délai entre le commandement et la saisie. A la
saisie immédiate sont consacrées les pages 214-250 du tomeP""
des Ancient Laïus of Irelatid; il n'y est pas dit un mot de pro-
priété appartenant à des femmes.
Deux fois il y est question de succession ; dans un cas c'est la
succession d'un père*, dans l'autre, c'est la succession d'un
homme mort 5. La succession de la mère et les immeubles pos-
sédés par les femmes apparaissent au traité de la saisie avec délai •^.
Ce traité est postérieur à l'année 500 ou environ, date de
l'établissement des Irlandais en Ecosse, car la coutume intro-
duite en Ecosse par les Irlandais et qui a survécu dans les
Highlands refusait aux femmes tout droit de succession 5.
En Irlande, les filles héritaient-elles seulement à défaut de
fils ? Si nous consultons la collection canonique irlandaise, qui
date de l'an 700 environ après J.-C, il semble évident qu'ab
intestat à cette date, les filles héritaient à défaut de fils ou, si
l'on veut, les sœurs à défaut de frères^, ainsi que l'avait décidé
chez les Francs l'édit de Chilpéric l", 560-584 ; mais aussi vers
l'an 700, en Irlande, il était recommandé par un texte ecclé-
siastique aux pères qui avaient des fils et des filles d'assurer par
testament une part de leur succession à leurs filles 7. C'est ainsi
1. Ancient Laïus of Ireland, t. I, p. 120-207.
2. Athgabail comorba conrandat curuan-athiir. «Saisie pratiquée contre
des cohéritiers afin qu'ils partagent les contrats de leur père. » Ancient Laïus
of Ireli-md, t. I, p. 216, 1. 3 ; p. 226, 1. 12.
3. Im thobacli do comorba fir mairb, « pour saisie contre héritier d'un
homme mort, » Ancient Laïus of Ireland, t. I, p. 256, 1. 24-25.
4. Par exemple : comorbus a mathar, « héritage de sa mère » ; bantellach,
« prise de possession d'immeuble par femme ». Ancùnt Laws of Ireland,
t. I, p. 147, 1. 31, 32 ; p. 148, 1. I.
5. William F. Skene, The Highlanders of Scqtland, 2"= édition, p. 106. Sur
la date de l'établissement des Irlandais en Ecosse, voyez les Annales de
Tigernach éditées par Withley Stokes, Revue Celtique, t. XVII, p. 124.
6. Die Irische Kanonen-sanimluncr, [. XXXII, c. 19, 2^ édition de Was-
serschleben, p. 115. On y trouve donnée, d'après saint Jérôme, la repro-
duction de la loi judaïque, Nombres, chap. xxvii, versets 1-9, qui attribue
à la fille la succession du père mort sans laisser de fils.
7. De eo quod dare débet pater hereJitatem filiae inter fratres suos. Die
irische Kanonen-sanirnlung, t. X\X.ll, titre du chapitre 17, p. 115.
200 H. iV Artois de Jubainville.
qu'en France déjà, au vii'= siècle, nous voyons dans une for-
mule de Marculfe un père, violant la loi des Francs Saliens,
décider que sa fille aura dans l'héritage, venant de son père à
lui, in alode paterna, une part égale à celle de ses fils à lui, de
ses fi"ères à elle^ Dans une autre formule de Marculfe, le père
appelle à sa succession, non pas sa fille, alors défunte, mais
les fils de sa fille, en concurrence avec leurs oncles, ses fils à
lui^
Il semble, avons-nous dit, que le testament a été aussi en
Irlande la forme adoptée par les pères pour faire arriver au
nombre de leurs héritiers les fils de leurs filles. Cela résulte des
termes dont s'est servi la collection canonique irlandaise citée
plus haut. Cette doctrine est confirmée par une expression
consacrée dans les vieux textes juridiques irlandais. La suc-
cession que la fille a eue de son père est appelée héritage de
main et de cuisse, orba cruih ocus sliasta^, moins exactement
héritage de main ou de cuisse, orba cruih no sliasiii'^.
Cette expression est empruntée à la Genèse où l'engagement
contracté par le mandataire chargé d'exécuter les dernières
volontés d'un mourant n'est pas seulement contracté verbale-
ment avec serment, mais est accompagné d'un geste symbo-
lique qui consiste à mettre la main sous la cuisse du testateur.
Pone manum iuam sub femore meo, dit au moment de mourir
Jacob à son fils Joseph, qu'il institue son exécuteur testamen-
taire5. C'est l'équivalent judaïque du itsid.vc\Qn\. per aes et libram
du droit romain^. Les Irlandais paraissent avoir emprunté ce
geste symbolique à la Bible sous l'influence du clergé chrétien.
Dans l'usage hébraïque de mettre la main sous la cuisse du
mandant, comme dans l'usage romain de peser l'airain, aes,
1. Marculfe, 1. II, c. 12. Rozière, Recueil général des forviules, t. I, p. 174.
Zeumer, Formulae meroiviiigici et karolini aevi, p. 83.
2. Marculfe, 1. II, c. 10 ; Rozière, ibidem, p. 168. Zeumer, ibidem, p. 81-
82.
3. Ancient Laws of Irctand, t. IV, p. 46, 1. 4.
4. Ancient Laws of Ireland, t. I, p. 148, 1. 5 ; t. III, p. 48, 1. i ; t. IV,
p. 14, 1. 26 ; p. 44, 1. 14.
5. Genèse, XLVII, 29. La même formule accompagne l'engagement d'un
simple mandataire, Genèse, XXIV, 2, q.
6. Moritz Voigt, Rômische Rechtsgeschichte, t. I, p. 74-83 ; Paul Frédéric
Girard, Manuel élémentaire de droit romain, 2'^ édition, p. 43.
La famille celtique. 201
sur la balance, libra, il y a un geste symbolique perceptible aux
yeux, geste qu'une civilisation plus avancée, par exemple celle
de Babylone au temps d'Hammourabi, a remplacé par un acte
écrite
En Irlande, la propriété que la fille devait au testament de
son père n'était pas transmissible indéfiniment par elle à ses
héritiers: « Propriété de femme revient, » ban-adba taisic^,
est un principe de droit irlandais. La fille, légataire du père,
héritière par testament si l'on veut, devait fournir caution de
la restitution future aux parents de son père par les hommes
— aux agnats de son père, — comme on dit en droit romain 5.
Quand cette restitution devait-elle avoir lieu ? Suivant le traité
de droit irlandais intitulé : « Des divisions de la race dans la
tribu, » De fodlaib cinéoil tûaithi, si la fille héritière a épousé
un étranger venu de Grande-Bretagne ou, suivant la glose, un
étranger quelconque arrivé par mer, le fils né de ce mariage 4
a droit à part de neveu, fils de sœur 5. Qu'est-ce que la part de
neveu, fils de sœur ? La glose nous répond : « La valeur d'une
femme esclave^. » Quand il meurt, que devient cette petite
part qu'il a reçue ? Elle passe à son fils; quand ce fils disparaît
à son tour, elle retourne aux parents de la grand' mère de ce fils
et ceux-ci se la partagent, voilà ce qu'on lit dans le Senchiis
Môri. Cf. p. 195 les art. 180 et 181 de la loi d'Hammourabi.
1. Loi d'Hammourabi, articles 178, 179, 182, 183; cf. 128.
2. Din tcchtugad, « De prise de possession, » Ancient Laws of Ircland,
t. IV, p. 16, 1. 24; p. 18, 1. 12.
5. Ro-bui trebuiri fri aisec « Il y a eu cautions de restitution », Dm
techlugiuî, dans Anc'unt Laws of Irelaml, t. IV, p. 18, 1. 15-16. Ce texte est
d'accord avec le droit canonique irlandais : ferainae heredes dent ratas et sti-
pulationes ne Iransferatur hereditas ad alienos. Collection canonique irlan-
daise, 1. XXXII, c. 20; 2= édition de Wasscrschlebcn, p. 116.
4. Mac murcuirthe, Ancient Laws of Ireland, t. IV, p. 190, 1. 6.
5. Mac mnâ di-t-fine beres do Albanach, ni gaib saide acht orba niad,
Ancient Laws of Ireland, t. IV, p. 284, 1. 19, 20.
6. Orba niad .i. fearand gormeic .i. meic seathar .i. 16g cumaile, « héri-
tage de neveu, fils de sœur, c'est-à-dire terre de fils adoptif, c'est-à-dire de
fils de sœur, c'est-à-dire prix de femme esclave. » Ancient Imws of Ireland,
t. IV, p. 290, 1. 7, 8. La femme esclave dont il s'agit semble être la cuinal
senorba dont il est question dans Ancient Laivs of Ireland, t. I, p. 206, 1. 20,
et dans plusieurs autres endroits.
7. Im orba mie niad do comruind, Ancient Laws of Ireland, t. I, p. 202,
1. 3, 4. La glose, p. 206, 1. 16, explique niad par mac sethar, gormac.
202 H. d'Arbois de JuhainviUe.
Un texte législatif irlandais plus récent traite plus favorable-
ment les neveux fils de sœur. Quand leur père est un étranger,
et que leur mère a testé en leur fliveur, ce texte leur attribue
la moitié du bien donné à leur mère par son père ^
La glose de ce traité dont le titre est Din techtugad « De la
prise de possession » fait encore plus d'avantages aux fils de
fille, elle leur attribue, quand leur père est un étranger, toute
la propriété laissée à leur mère par son père, leur grand-père
maternel, mais elley met la condition de remplir les obligations
que la parenté impose envers la famille: concours au paiement
de la composition pour crime, participation aux guerres privées
que fait la famille. Si leur père est un citoyen irlandais, ils
hériteront des deux tiers à condition que leur mère ait été
épouse légitime, de moitié seulement dans le cas où leur mère
aurait été concubine-.
Les filles sont traitées comme des fils quand il n'y a pas de
fils. En ce cas, elles héritent de la totalité du bien donné par
leur grand-père à leur mère, mais c'est à charge de faire le
service de guerre, quand Tintérét de la fiunille l'exige ; si elles
ne s'engagent pas à foire le service de guerre, elles n'héritent
que de moitié '.
I. Horba mâthar murchurthe (et non muncoirched), a mie 6 flaithaib a
ardtimna. Do-aisic a leath imurro dochum fine fir gria[i]n, a leath anaill a
fi'r-brethaib sil a feola fodlaigtt.ar. « Héritage de mère [femme de] naufragé
[prennent] ses fils par la noblesse de son haut testament. Toutefois, moitié
retourne à la famille de l'homme de la terre (c'est-à-dire de leur grand-père
maternel), l'autre moitié seulement est partagée par justes jugements entre
ses descendants. » Diii techtugad, « De prise de possession, » Aiiciciit Laivs
of Irelaiid, t. IV, p. 44, 1. 5-8.
2 Mad orba cruib no sliasta no dilsigthi d'athair di-a ingin ar duthracht,
is diles o fine do macaib deoraid ocus murcairthi, cein bciti oc fognam de
co a n-dibad, no a deirge ô fine. Mad mac imurro berus cétmuindtir do
urradh, is dilus dâ trian na n-orba-sa dô, ûair berait niic na n-urrad cinaid ;
mad mac imurro adaltraigi, is leth na n-orba-sa dô. « Si l'héritage est de
« main ou de cuisse, c'est-à-dire a été donné par le père à sa fille à cause
« d'affection, il est abandonné par la fiimille aux fils de l'étranger ou du
« naufragé tant qu'ils feront le service obligatoire jusqu'à leur mort ou leur
« sortie de la fiunille. S'il s'agit du fils qu'une épouse légitime a donné à
« un citoyen irlandais, ce fils a deux tiers dei héritages dont il est question,
« car les fils des citoyens supportent la responsabilité des crimes. Mais le
« fils d'une concubine a seulement un tiers. » Din techtugad. « De prise de
possession. » Ancient Laïus of Ireland, t. IV, p. 44, 1. 14-19.
3. Orba cruib (cnùd est une faute d'unpression) ocus sliasta na nii*har-sunn,
La famille celtitjue. 205
L'obligiition du service de guerre imposée h certaines femmes
explique le texte et une glose du martyrologe d'Oengus publiés
par M. Whitley Stokcs. Oengus avait inséré dans son marty-
rologe une strophe qu'on peut traduire ainsi :
A l'abbé Adamnan d'Iova,
donl la troupe monastique est si brillante,
le noble Jésus accorda
l'affranchissement perpétuel des femmes d'Irlande '.
Voici ce que raconte la glose :
Un jour, Adamnan traversait en Irlande là plaine de Mag
Breg. Bon fils, il portait sur son dos Ronait, sa vieille mère.
Or, tous deux aperçurent dans la plaine deux troupes armées
qui se livraient bataille. Dans une de ces troupes était une
femme armée d'une faucille de fer; elle avait en face d'elle une
autre femme qui faisait partie de la troupe ennemie, et, de sa
fliucille, elle avait percé la mamelle de cette adversaire. Ronait
s'assit par terre et adressa la parole h. son fils : « Tu ne m'em-
« porteras pas d'ici, » dit-elle, « tant que tu ne m'auras pas
« promis de faire en sorte que les femmes d'Irlande soient à
« jamais délivrées de l'obligation du service de guerre. » Peu
après eut lieu une grande assemblée des Irlandais où Adamnan
obtint ce que sa mère demandait, et même davantage : défense
de tuer, non seulement les femmes, mais aussi les enfants-.
On appela cette disposition législative « Loi des innocents »,
Lex iiniocL'iitiiiiii. Elle date des dernières années du vii"" siècle J.
ocus dibugad ro-dibaighi in m.ithir, ocus ni fuilit mie acht ingcana nama.
Ocus beraidh in ingean in fearann uili co fuba ocus co ruba, no a leth gaii
fiiba, gan ruba ; ocus comde fuirre re aiseac ûaithe iar sna ré. « Héritage de
main et de cuisse (c'est-à-dire provenant du testament) de cette mère, et la
mère est morte, il n'y a pas de fils, il n'y a que des filles ; la fille prend toute
la terre avec attaque et défense, ou moitié sans attaque, sans défense. Elle
est maîtresse de la terre à charge de restitution quand expire le temps
[déterminé par la loi|. Din kchliigad, « De prise de possession ». Aiiciciil
Ïmu'S of Iic'laiid, t. IV. p. 40, 1. 13-17.
1. The cakildar of Oengus, p. cxxxix.
2. The Ccilciidar of Oengus, p. cxLVii.
3. Adamnanus ad Hiberniam pergit et dédit legem innocentium populis.
Chronicon Scotoruin, édition Hennessy, p. 112; Annales d'Ulster, éditées par
le même, t. I. p, 144, 146. Adomnan tue recht lecsa i n-Erind, Annales de
Tlgenuich, éditées par Wliitley Stokes, Revue Celtique, t. XVII, p. 215.
204 ^^ d'Arbois de Juhainvilk.
Probablement ce droit nouveau, en exemptant les femmes de
l'obligation du service de guerre, mit à cette faveur la condi-
tion, que leurs droits héréditaires seraient diminués de moitié.
De là le texte cité plus haut du traité intitulé Din tcckugad.
Il ne faut pas confondre le neveu, fils de sœur, avec l'enfant
adoptif, en Irlande « fils de protection, » mac focs ma. Le neveu,
fils de sœur, tire son droit uniquement des dispositions testa-
mentaires de son grand-père maternel et de sa mère, fille de ce
grand-père. Pour l'adoption, il fout le consentement de la
famille, Jinc^. Ce consentement est présumé, quand dans la
fomille les branches éloignées n'ont pas formulé d'opposition
et lorsque la gcifinc ou la dcrbfinc a concouru à l'acte verbal
duquel l'adoption résulte. Si c'est la gcifinc, l'adoption est
complète, l'adopté a part de fils dans la maison et dans la terre.
Mais si c'est la dcrbfinc seulement, l'adoption est incomplète,
l'adopté n'a aucun droit sur la maison et il peut élever préten-
tion sur la terre en un seul cas, celui où il a donné les soins
d'un fils au vieux père '.
L'adoption irlandaise consommée par le concours des parents
peut être rapprochée de l'adoption romaine par adrogatîo,
c'est-à-dire par une loi que le peuple votait en comices et par
curies ; c'est la plus ancienne forme de l'adoption romaine,
cette forme provient d'une idée identique à celle qui a fait créer
le testament romain le plus ancien, kalatis comifiis. En Irlande
1. De là l'expression mac faosma fine « fils de protection de famille ». De
fodlaib cim'oil tûaithi, « Des divisions de race dans la tribu ». Ancient Laivs
of Ireland, t. IV, p. 62, 1. 5.
2. Fine taccuir iss-e-side do-m-berat cuir bel a foessam « famille con-
venable, c'est celle que donnent les contrats verbaux de protection ». Do
fodlaib cim'oil tûaiihi, texte, dans Ancient Laivs of Ireland, t. IV, p. 284,
1. 16. Mac faosma do geilfine, berid-side cuit i-sin fine itir brud ocus fearann,
manab tar brâghait fine. In mac faosma imoro do derbfine, manab tar
brdghait fine, beirid uili in fearann acht a chuit insin do brudh iar n-dul
anunn do gaire. « Le fils de protection de geilfine obtient part de maison et
de terre de la fine, à moins que [il ne soit entré dans la famille] sur la nuque
de la //"m; (c'est-à-dire des trois autres branches de \3.finé). Mais le fils de pro-
tection de la derbfine, quand il n'est pas [entré dans la famille] sur la nuque
de la fine (c'est-à-dire des trois autres branches de la fine) a droit à [une part
de] toute la terre ; quant à sa part de la maison, il n'y peut prétendre qu'après
être allé donner ses soins aux vieux parents. Do fodlaid cincoil tûaithi, glose,
dans Ancient Laivs of Ireland, t. IV, p. 288, 1. 20-23.
La famille celtique. 205
on n'exige pas, comme dans le droit primitif romain, le con-
sentement de tout le peuple à l'adoption, le consentement de
la famille suffit. La loi de la région septentrionale du pays de
Galles n'admettait d'autre adoption que celle du fils de la fille
mariée à un étranger, mais il fallait que le mariage eût été
conclu avec l'assentiment des frères dont il diminuait la part
dans la succession paternelle.
Pour nous résumer, en droit irlandais, le fils de la fille, en
irlandais 7iia ou gorinac, doit être distingué de l'enfant dit de
protection, mac foesma, c'est-à-dire de celui dont l'adoption a
été ratifiée par la famille ; la situation du mac foesma est beau-
coup meilleure que celle du fils de la fille, quand l'approbation
de la famille n'a pas transformé le fils de la fille en mac foesma.
Cette distinction apparaît notamment dans le traité de la ven-
geance et de la composition pour crime : For na huile cin ; il
y est dit qu'il y a des meurtres qu'on est obligé de commettre,
c'est notamment quand il s'agit de venger la mort: 1° d'un
fils de la derbfine; 2° d'un élève de h fne; 3° d'un fils de pro-
tection, mac foesma; 4° du fils d'une femme de h fine^. Le fils
d'une femme de la Jîih% c'est-à-dire le petit-fils par fille tenant
ses droits du testament de son grand-père et de celui de sa
mère est placé dernier des quatre, après le fils de protection,
mac foesma, c'est-à-dire après l'enfant adopté avec consente-
ment de la famille.
Une dernière observation pour terminer ce que nous avons
à dire au sujet du fils de la fille.
Nous avons parlé des avantages accordés par le droit gallois
et par le droit irlandais au fils de la fille, quand le mari de
cette fille est un étranger. Ces avantages expliquent deux faits
historiques observés par M. Zimmer et dont il a parlé en 1894
dans la Zeitschrift der Saviî^ny Slifiiiug fiir Rechlgescbichte, t. XV,
page 219-222: c'est d'abord qu'un roi des Pietés, Tallorcen
Jilius Enfrel- était vraisemblablement né du mariage d'une
femme picte, une princesse sans doute, avec Eanfrid, fils
1. Guin mie dcrbfinc, guin dalta na fine, guin mie faosma, guin mie
mnâ fine. Aitcient Laws of Irdand, t. IV, p. 214, I. 21, 22.
2. The piciish Chronicle chez William F. Skene, Chronicles of the Picts,
Cbronicles of the Scots, etc., p. 7.
2o6 H. ci'Ai'bois de Jiibainville.
d'Aedilfi'id, roi anglo-saxon de Bernicie. Après la mort
d'AcdilfridS son voisin Acduin, roi de Deira, s'empara de la
Bernicie et les fils d'Aedilfrid, parmi eux Eanfrid, furent obligés
de quitter le pays.
Bede nous apprend qu'ils se réfugièrent chez les Scots ou
chez les Pietés. Il est probable que ce fut chez les Pietés, Eanfrid
y passa seize ans, de 617 à 633 ^, et, par un mariage, y devint
père de Tallorcen. Tallorcen, par sa mère, fille d'un grand per-
sonnage, avait une position considérable qui le fit élire roi.
Un fait semblable se produisit au ix^ siècle. Cinaedh mac
Alpin, irlandais, roi des Irlandais établis en Ecosse et des Pietés,
dépouillés de leur indépendance primitive, était mort en 8573.
Il eut pour successeur, suivant les règles de la tanistry, son
frère Donmall mac Alpin ; à celui-ci succédèrent, suivant les
mêmes règles, ses neveux, fils de son fi'ère, Cinaedh mac Alpin ;
d'abord, en 861, Constantin mac Cinaedha4, puis, en 875,
Aed mac Cinaedha ■>. Le successeur de ce dernier, mort en 877 ^,
fut le fils de sa sœur, Eochaid, dont le père était Run, roi des
Bretons, c'est-à-dire roLgallois. Puis arriva sur le trône Domnall,
fils de Custantin, mieux Constantin, auquel succédèrent d'abord
Constantin, fils d'Aed, puis Maelcolaim, fils de Domnall; ces
trois derniers, suivant les règles de la tanistry.
Il n'y a pas à conclure de là qu'il y eût chez les Pietés un
droit héréditaire difi'érent de celui des Irlandais et des Gallois.
Les textes qui attestent l'importance des mères, c'est-à-dire
des épouses légitimes, en matière de succession chez les Pietés,
sont simplement la conséquence d'un principe du droit indo-
européen : il n'y a qu'une femme légitime; les enfants de cette
femme ont seuls droit à l'héritage du père, les enfants des
concubines sont exclus de la succession/. Un texte de Bède est
1. En 617, Bèdc, Historia ecclcsiaslica i^entis Anglonnn, 1. II, c. 12, chez
Pétrie, Moniiiueuta historica Brilannica, p. 164; édition Holder, p. 89.
2. Bède, 1. ni, c. I, chez Pétrie, p. 172 ; édition Holder, p. 105.
3. Annales d'Ulster, édition Hennessy, t. I. p. 366; cf. The pictish Chro-
nidc, chez William F. Skene, Chroniclcs of thc Picts, p. 8.
4. Annales d'Ulster, t. I, p. 370, cf. The pictish Chrouiclc, p. 8.
). Annales d'Ulster, t. I, p. 390, d. The pictish Chronick, p. 9.
6. Annales d'Ulster, t. I, p. 592.
7. C'est le sens de la ma.Kinic que les Pietés : i.ir ni.lthru gabait llaith ocus
LtJ famille celtique. 207
resté fameux: /// tibi res perveniret in dubiurn, magis de feminea
reguin prosapia quani de masculina regem sibi eligerent, qiiod
usque hcdie apiid Pictos, conslal esse servatum. Ce texte s'explique
par l'étonnement que causait aux Anglo-Saxons le droit héré-
ditaire attribué par les coutumes celtiques aux fils des filles,
en concurrence avec leurs cousins, fils des fils. Depuis long-
temps, en droit romain, les cognati ou parents par les femmes
étaient admis à hériter concurremment avec les adgnali, ou
parents par les hommes. Ils devaient cette faveur au droit
prétorien, c'est-à-dire à \^ bononim possessio tmde cognati intro-
duite par l'édit du préteur antérieurement à l'ère chrétienne ^
Pourquoi s'étonner que chez les Pietés, par l'effet ordinaire
de l'évolution progressive des idées juridiques une doctrine
analogue à cette bonoruni possessio romaine ait existé au vii^
et au viii^ siècle de notre ère ?
H. d'Arbois de Jubainville.
gach comarbus olchena, « d'après la descendance des mères ils saisissent le
« pouvoir et tout autre héritage ». De gcneleach Dalaraidc chez Skene, Chro-
nicles of the Picts, p. 519, 1. 15, 16. Cette règle existe en droit romain, en
droit grec. On la trouve déjà dans la loi d'Hammourabi, sauf la réserve
contenue dans l'article 170 qui permet au père d'y déroger.
I. Voir plus haut p. 6; cf. Digeste, 1. XXXVIII, titre viii.
LES
CARNASSIERS ANDROPHAGES
DANS L'ART GALLO-ROMAIN
En 1901, M. Chauvet, archéologue
à Rutfec, fit connaître un petit bronze
représentant un carnassier qui tient
dans sa gueule jusqu'à mi-corps un
homme dont les jambes sont pen-
dantes; ce bronze a été découvert à
Fouqueure (Charente) et appartient au
musée d'Angoulème ^
Peu de temps après, en étudiant la
collection des bronzes gallo-romains
et britanno-romains du British Mu-
séum, je remarquai une statuette d'un
type analogue, découverte, me dit-on,
près d'Oxford et donnée au Musée
en 1883 par feu A. Franks. La figure
d'Oxford, d'un travail plus soigné que
celle de Fouqueure, en diffère par un
détail d'ailleurs peu important : le corps de l'homme sort
aux trois quarts de la gueule de l'animal, alors que la moitié
seulement de la victime est encore visible dans la statuette du
musée d'Angoulême. J'ai fait photographier celle du British
I. Revue archèoL, 1901, I, p. 280. Il y a un moulage au musée de
Saint-Germain.
^^^^^H|i^n»^-(' ■■HH
Fie. I. — Bronze d'Oxford
(British Museuin).
Les Cdiriassiers aridropliages dans Fart gallo-roniain. 209
Muséum (fig. i) et je les publie ici toutes deux à la même
échelle (fig. 2 et 3).
Ce qu'il y a de particulièrement curieux dans ces deux
bronzes, c'est que le carnassier, chien ou loup, n'est pas en
mouvement, mais paisiblement assis sur son arrière-train. Il
n'y a aucune indication d'une lutte entre l'animal et l'homme ;
ce dernier pend de la gueule du carnassier plutôt à la façon d'un
attribut que d'une proie.
Les proportions de l'homme, par rapport à celles de l'ani-
mal, sont très petites. D'autre part, c'est bien un homme et
non un enfimt ; le dessin des jambes, assez élancées, ne laisse
Fig. 2 et 3. — Bronzes d'Oxford et de Fouqueure.
aucun doute à cet égard. Si donc le carnassier est de dimen-
sions colossales, c'est qu'il est quelque chose de plus qu'un
carnassier ordinaire ; c'est un animal divin ou un dieu à figure
animale. Cette conclusion s'accorde fort bien avec l'air calme
et la mine hautaine des deux fauves; M. Chauvet trouvait
à l'un d'eux « l'attitude du triomphe ».
Sur le vase de Gundestrup, dont les motifs sont empruntés à
la mythologie celtique, on remarque également une grande
disproportion entre le personnage debout, sans doute un dieu,
qui tient entre ses mains un homme la tète en bas', et les per-
sonnages nus à mi-corps, à l'extérieur du vase, qui sont diver-
sement groupés avec des hommes et des femmes beaucoup plus
I. Bertrand, Relii^ioii îles Gaulois, pi. 29.
Revue Celtiijue, XXV.
H
210 Salomon Reinach.
petits. Sur l'autel de Reims i, la taille énorme du dieu aux
jambes croisées et des deux divinités, Apollon et Mercure,
debout auprès de lui, ressort non moins nettement de la petitesse
du taureau et du cerf, placés devant le trône du dieu-.
L'art grec et l'art romain ignorent cet artifice un peu puéril,
familier aux arts orientaux, qui consiste à élever les dieux au-
dessus des hommes en les représentant comme des géants;
dans les nombreux bas-reliefs, les peintures de vases, etc.,
où des dieux et des hommes sont réunis, la taille des pre-
miers n'est presque jamais supérieure à celle des seconds.
Il n'y a d'exception que dans certains bas-reliefs votifs où les
donateurs, s'approchant d'une divinité ou d'un héros, sont
figurés à plus petite échelle 3 ; mais la disproportion n'est jamais
aussi forte que dans les reliefs du vase de Gundestrup.
Pour mettre en lumière la nature divine d'un animal, les
Asiatiques et, à leur exemple, les Grecs ont usé d'un autre
procédé : ils lui ont attribué des ailes. Ainsi l'on peut dire
qu'un lion ailé est l'équivalent d'un lion colossal, observation
qui trouvera son application dans ce qui suit.
La preuve que le motif des statuettes d'Angouléme et du
British Muséum est bien indigène, que ce n'est pas un type
gréco-romain emprunté, ressort du fait qu'on n'en connaît pas
d'autres exemples; ces deux figurines sont absolument isolées
dans le riche trésor de l'art antique. Je crois être en droit
d'affirmer cela, après avoir réuni et publié près de 1 5 000 statues
et statuettes grecques et romaines. Je conclus que ce motif est
celtique : 1° parce que les deux seuls exemples connus se sont
rencontrés en pays celtique; 2° parce que la diff"érence très
marquée entre la grandeur de l'animal et celle de l'homme
n'est pas conforme aux traditions de l'art classique ; 3° parce que
cette difierence est très fortement accusée dans d'autres œuvres
celtiques ou inspirées par la mythologie des Celtes.
Bien entendu, quand je parle de la mythologie des Celtes,
je n'entends pas dire qu'elle ait été créée par des tribus parlant
1. Bertrand, Rdigion des Gaulois, pi. 25.
2. Les légendes celtiques connaissaient des géants et des géantes (Dio-
dore, V, 24 ; Denys d'Halicanassc, XIV, i.)
3. Le lîas-Kcinach, Moriiimenlsfiourcs, pi. 41, 46, 49, 50, 51, 53, 54, etc.
Les Carnassiers androphages dans Fart gallo-romain. 21 ;
des dialectes celtiques; il est bien possible que ces tribus aient
adopté des conceptions mythologiques qui avaient été élaborées
avant leur arrivée ou avant l'établissement de leur suprématie
sur le sol de la Gaule, comme le firent les envahisseurs germa-
niques au v"-' siècle. Cette réserve faite, le mol cclli(]ne peut être
employé ici sans inconvénient.
Revenons à nos carnassiers. En dehors des deux exemplaires
en ronde bosse que j'ai reproduits, il existe quelques motifs ana-
logues,mais non identiques, isolés, eux aussi, dans le répertoire
des types classiques et qu'il est intéressant de passer en revue.
D'abord, sur une des plaques extérieures du vase d'argent
de Gundestrup^, on voit un monstre à deux têtes dont chaque
gueule a saisi la moitié du corps d'un homme (hg. 4); évi-
FiG. 4. — Relief du vase de Giindestrup.
demmcnt, nous sommes ici en pleine fable, car l'animal n'est
pas moins fantastique que la divinité barbare, avec torques
au cou, qui domine la scène, tenant dans chacun de ses bras
levés un autre animal fantastique également.
A ce propos, je veux protester une fois de plus- contre l'opi-
nion répandue, commune aux archéologues Scandinaves et à
mon feu maître Alexandre Bertrand, qui place le vase de
Gundestrup au i^"" siècle avant l'ère chrétienne ou, au plus tard,
aux environs de cette ère. J'ai toujours soutenu, et je maintiens
encore, que ce monument appartient au moyen âge, ce qui est
loin d'en diminuer l'importance à mes yeux, car la persistance
des motifs de la mythologie celtique n'y est que plus intéres-
sante à constater. Expliquer les éléphants du vase de Gundestrup
par ceux qui figurent sur les monnaies de Jules César m'a
1. Nordiske Forliilsmindcr, t. II, pi. 12.
2. Cf. VAntl>ropolo<Tic, iSc)|. p. 456.
212
Salomon Reinach.
toujours paru inadmissible; il y a là un écho de sculptures
romaines du Bas-Empire, en particulier d'ivoires. Mais voici
un rapprochement qui me semble décisif. Le Musée du Tro-
cadéro conserve le moulage d'un bas-relief du xii" siècle, appar-
tenant à la cathédrale de Bayeux; c'est la partie centrale du
FiG. (. — Relief de la cathédrale de Bayeux.
tympan compris entre deux archivoltes de la nef (fig. 5)^
Le relief figure un animal pourvu de griffes, dont le corps est
semé de points circulaires qui représentent sans doute les mou-
Fic. 6 et 7. — Reliefs du vase de Gundestrup.
chctures de la peau d'un fliuvc. Or, comme nos figures 6 et 7
permettent de s'en assurer, cet animal, avec les mêmes cavités
semé/es sur le corps, reparaît à plusieurs reprises sur les bas-
I. Enlart, Manuel d'archéologie française, t. I, p. 359. M. Enlart a bien
voulu m'autoriscr à reproduire une partie de la gravure qu'il a publiée de
ce curieux relief.
Les Carnassiers androphages dans l'art gallo-romain. ii 5
reliefs du vase de Gundestriap ^ ; les corps des éléphants sont
mouchetés de la même façon. Les sculptures de Bayeux sont
normandes et c'est bien aux Vikings Scandinaves, dont les
envahisseurs de la Normandie sont une branche, que je crois
devoir attribuer — sans pouvoir encore préciser la date — la
fabrication du vase de Gundestrup.
Les carnassiers androphages paraissent sur une autre série
de monuments beaucoup plus anciens, dont la plupart ont été
reproduits par Alexandre Bertrand et moi en 1894 -. Ce sont
des couvercles en bronze et des seaux ou situlcs, ornes de gra-
vures généralement disposées en zones. Le centre de fiibrication
des objets dont il s'agit semble avoir été la Vénétie; on en a
trouvé dans l'Italie du Nord et en Autriche, maison n'en connaît
pas qui proviennent de la Gaule ou de la vallée du Rhin. Les
archéologues ne sont pas d'accord sur la date qu'il convient de
leur assigner ; M. Hoernes les place, sans arguments bien solides,
entre 500 et 350 av. J.-C., je les ferais plutôt remonter, avec
M. Karo, jusqu'aux environs de l'an 5505. On les a autrefois
qualifiés de celtiques, puis d'illyriens ; nous les avons appelés,
Bertrand et moi, celto-illy riens, ce qui ne signifie pas grand'chose .
J'ai montré d'ailleurs, à la suite de Brunn, que l'art grossier et
évidemment dégénéré dont témoignent ces gravures se relie
directement à l'art homérique, tel qu'il nous est connu par la
description du bouclier d'Achille dans VIliade, et sans doute
aussi à l'art mycénien^ dont le rayonnement vers les rivages
de la Mer Noire, vers ceux de la mer Baltique, vers l'Italie
et la Sicile paraissait, dès 1894, suffisamment atteste^.
Un des caractères les plus remarquables de ces gravures,
c'est que les animaux herbivores tiennent souvent à la bouche
une fleur ou une branche d'arbre, tandis que les carnivores
(réels ou fmtastiques) tiennent de même une cuisse d'animal ou
un corps d'homme. Voici les exemples que j'ai relevés :
1. Nordiske Fortidsmi^idcr, t. II, pi. 7, 10.
2. A. Bertrand et S. Reinach, Les Celtes, p. 97 et suiv.
5. Karo, De arte vascularia, p. 42.
4. Bertrand et Reinacli, Us Celtes, p. 218-228. La même idée a été reprise
par M. Hoernes, Uesterr. Jahreshefte, 1905, Beiblatt, p. 72, qui ne s'est pas
souvenu de mon mémoire, antérieur de sept ans au sien.
214
Salomon Rcinach
1° Cervidés icnant à la bouche une branche ou une fleur : cou-
vercle de Hallstatt {Les Celtes, lig. 56)'; situle de Watsch
(Jbid., fig. 72); situle d'Esté (ibid., lig. 76); situle de Nesac-
tium en Istrie (Oesterr. Jahresh., 1903, Beiblatt, p. 69).
2° Lion ailé ou panthère tenant dans sa gueule une cuisse d'ani-
mal : couvercle de Hallstatt (Les Celtes, tig. 56); situle A de
Boldù Dolfin (Jbid., fig. 65).
3° Lion non ailé tenant le nicnie attribut : situle de Watsch
(ibid., fig. 72).
4° Lion ailé tenant dans sa gueule une cuisse d'honinu': situle
Zannoni de Bologne (ibid., fig. 68; ici, fig. 8 en bas).
FiG. 8. — Reliefs de la situle de Bologne.
Sur la situle trouvée à la Certosa de Bologne, dite situle
Zannoni, on voit aussi deux musiciens assis sur une sorte de lit
dont les extrémités sont décorées de deux protomés de lion ; l'un
de ces lions tient dans sa gueule la moitié d'un corps humain ;
l'autre paraît plutôt dévorer un animal, mais ce pourrait être un
homme mal dessiné. Je reproduis ce groupe et un des animaux
tenant une cuisse d'homme, d'après le moulage de la situle
conservée au musée de Saint-Germain (fig. 8). Ces lions ont
I . La légende porte à tort : de Grandate.
Les Carnassiers androphages dans l'art gallo-romain. 21 5
toute la placidité des carnassiers décrits au début de cet article ;
comme les herbivores, ils ont moins l'air de manger pour
satisfaire leur faim que de déclarer, à leur façon, de quelle
espèce d'aliments ils font leur pâture. Ces végétaux, ces cuis-
sots, ces corps ou ces jambes d'homme ne semblent pas des
proies, mais des attributs.
Les mêmes types paraissent, à une époque plus ancienne
encore, en Étrurie.
Sur les plus vieux vases noirs de fibrique étrusque, dits
vases de bucclk'ro, les motifs du lion ou de la panthère, tenant
dans sa gueule une cuisse d'animal ou des jambes humaines,
ne sont pas rares; on trouve aussi des herbivores tenant des
rinceaux'. Ces motifs sont associés à d'autres dont le caractère
oriental est évident, notamment à des sphinx et à des animaux
fantastiques; sur une grande oUa découverte à Veïes (Karo,
p. 6), des lions, tenant dans leur gueule des jambes humaines,
voisinent avec des pugilistes identiques à ceux qui sont figurés
sur plusieurs situles dites illyriennes. Sur une œnochoé-, on
voit une lionne marchant à gauche, la tête de face, et dévo-
rant un petit quadrupède dont l'arrière-train émerge encore de
sa gueule. Sur le même vase sont figurés un homme condui-
sant un cheval, une tète de Gorgone barbue, un sphinx à ailes
recoquillées et un lion dévorant un homme dont les jambes et
le ventre sortent de sa gueule.
Les lions tenant dans leur gueule des jambes humaines se
sont aussi rencontrés sur des ivoires découverts en Étrurie et
remontant, pour le moins, au vi^ siècle av. J.-C. 3.
Entre ces représentations et celles des situles, la parenté,
bien qu'indirecte, est incontestable. En est-il de même entre
les deux groupes, de monuments étrusques et illyriens et les
deux figurines gallo-romaines ? La réserve est d'autant plus
commandée à cet égard que ces dernières sont séparées des
premières par un intervalle d'au moins six siècles. En outre,
s'il existe des analogies frappantes — tout d'abord celle des
1. Karo, De arte vascidaria anliquissiina, Bonn, 1896, p. 6, 18, 31, 38,
41 ; Moiittincnti anlichi, t. IV, p. 330.
2. Musée du Louvre, C 565 (Pottier, Vases du Louvre, p. 31).
3. K:iro, op. hu.L, p 2:, 41-, Collection Tyskiewici, p. 61.
2 \6 Salomon Reinach.
petits bonshommes à demi dévorés — les différences sont peut-
être encore plus sensibles. Ainsi, sur les vases et les situles, les
animaux sont en marche, tandis que les carnassiers d'Oxford
et de Fouqueure sont assis. Dans les monuments ill3Tiens et
étrusques, il n'y a pas de disproportion entre les animaux et
leurs victimes; la nature divine des animaux est seulement
indiquée — et encore ne l'est-elle pas toujours — par l'addition
des ailes. On ne conçoit pas que l'imitation, sur le sol de la
Gaule, d'une situle ou d'un vase étrusque ait pu donner nais-
sance au type du carnassier androphage; tout ce qu'on peut
admettre, c'est qu'en Étrurie, en Illyrie et en Gaule ces types
divers reflètent une même conception, évidemment significative
à l'origine, mais qui, sur les monuments italiens, a revêtu un
caractère tout décoratif.
Cette conception, celle d'un fliuve divin dévorant un homme,
doit remonter à une antiquité très reculée et il peut sembler
surprenant de ne la trouver attestée en Gaule que par deux
bronzes de la fin du i" siècle. Mais nous ne pouvons pas juger
de l'ancienneté des motifs, non plus que de leur évolution, par
les exemplaires en. matières dures qui nous en sont parvenus.
Il a dû exister, dans le monde antique, une imagerie populaire,
consistant surtout en statuettes de bois dont il ne s'est natu-
rellement rien conservé. Cette imagerie a sans doute mis en
oeuvre un grand nombre de motifs que nous ignorons ou que
nous apprenons seulement à connaître le jour où ils affleurent,
pour ainsi dire, dans un art industriel plus élevé, lorsque des
artistes d'une condition moins humble se décident à les traiter
dans une matière plus durable, l'argile, la pierre ou le métal.
Ainsi peuvent et doivent s'expliquer, à mon avis, certains hiatus
apparents, certaines solutions de continuité qui sont très embar-
rassantes pour les archéologues dès qu'ils se préoccupent, comme
c'est leur devoir, d'expliquer la genèse et la filiation des types
plastiques. On a reconnu, dans l'art roman de l'Europe occi-
dentale, bien des motifs fomiliers à l'industrie celtique ou, du
moins, étrangers à l'art gréco-romain ; si l'on ne veut pas se
contenter d'explications quasi-mystiques, parler, par exemple,
d'une persistance obscure des types nationaux, il fiiut bien admettre
que ces analogies et ces survivances s'expliquent par l'existence
Les Carnassiers androphages dans l'art gallo-romain. 217
d'une industrie populaire, opérant sur des matériaux très péris-
sables, qui relie, à travers les quatre siècles de l'empire romain
et les quatre premiers siècles de la barbarie du moyen âge,
l'art celtique à l'art roman.
Précisément, le motif du carnassier androphage se retrouve
dans l'an roman, alors qu'il n'y en a aucun exemple dans l'art
Fie. 9. — Aquarnanile de Minden.
romain. J'en citerai comme exemple une aqiiaiiiûiiili' en bron/.e
du XI"" siècle, conservée à -la cathédrale de Minden (tig. 9)'.
Elle affecte la forme d'un lion qui dévore un petit homme,
sortant à moitié de la bouche du fauve. L'attitude du lion est
aussi « triomphante « et aussi placide que celle des carnassiers
de Fouqueure et d'Oxford; l'homme ne se défend pas davan-
tage. Le lion est pourvu d'une corne que mord un serpent.
Que signifie cela? Nous n'en savons rien ; l'artiste qui a fondu
I. Bjudcnknidkr Wcslfalciis, Kreis Minden, pi. 30.
2i8 ■ Salomon Reinach.
Yaquauianile n'en savait probablement rien non plus; mais il
s'inspirait de modèles plus anciens, les uns en métal, d'autres
sans doute en bois, qui remontaient, d'échelons en échelons,
jusqu'à l'art populaire de la Gaule ou des régions barbares
de l'Europe du Nord.
Ce qui est particulièrement curieux, c'est que l'autre motif
des vases noirs et des situles, celui de l'animal qui tient dans
sa bouche tm rinceau ou une fleur, se constate sur plusieurs
chapiteaux romans, tant au Louvre qu'au musée du Troca-
déro.
A l'époque gallo-romaine, on trouve, mais en Gaule seule-
ment, quelques monuments inexpliqués représentant des fauves
dévorant des hommes. L'un d'eux, en pierre, découvert à
Noves (Vaucluse) et conservé au musée d'Avignon, paraît
très ancien ; les têtes humaines sont presque aussi barbares
que celles des bas-reliefs d'Entremonts. Il est vrai que cette
extrême barbarie n'est pas une indication chronologique;
ce groupe de pierre, comme l'autel du musée d'Epinal^,
peut être du i"-'' siècle avant J.-C. comme du vi^ après notre
ère. Toujours est-il que le motif est inexpliqué et ne paraît
pas décoratif, mais religieux-. J'en dirai autant de celui d'une
poignée de clef en bronze découverte à Siders, en Suisse, qui
représente un lion dévorant un homme 3 ; ce n'est certainement
pas une scène de l'amphithéâtre et la victime, ici comme dans
d'autres monuments cités plus haut, ne semble offrir aucune
résistance. Ces sculptures en matière dure, que le hasard nous
a conservées, sont comme des jalons dans l'histoire de motifs
rustiques, ordinairement traités en bois, dont l'évolution nous
restera toujours inconnue, mais dont nous pouvons, à mon
1. Revue archcoL, 1883, pi. I-IV.
2. Le fauve de Novcs, généralement qualifié d'ours, est un lion, comme
le prouvent sa crinière et sa longue queue. L'animal est assis sur son train
de derrière. Sur chacune de ses pattes postérieures repose une tète barbue,
qui supporte" une patte antérieure du fauve. La gueule du lion, largement
ouverte, contenait probablement la partie inférieure d'un corps humain
(le groupe est mutilé en cet endroit), car deux tronçons de bras humains,
dont l'un est orné d'un bracelet, semblent avoir appartenu à ce corps. Un
croquis du lion de Noves paraîtra dans le t. III du Répertoire de la statuaire.
3. Indicateur d'antiquités suisses, 1874, pi. iii, i.
LesCarnassiers andropliages dans l'art gallo-romain. 2 i 9
avis, constater à la fois la haute antiquité et la persistance. Je
me demande si certains types de notre mythologie populaire,
comme ceux de la Tarasque et du GraouUi, ne se rattacheraient
pas à la même tradition iconographique, fondée elle-même
sur un cycle de légendes dont cette tradition était l'écho.
Dans un article publié par \a Revue des études anciennes {ic)0^,
p. 1-6), j'ai étudié récemment le motif du carnassier andro-
phage en Lydie. Il est nécessaire que je revienne brièvement
sur ce sujet avant de chercher à préciser la nature du carnas-
sier androphage gallo-romain.
La population de la Lydie paraît s'être composée d'au moins
deux couches, l'une commune à la Lydie, à la Phrygie et aux
régions avoisinantes, l'autre venue du dehors à une époque
que nous ne pouvons déterminer, mais qui ne doit pas être
fort ancienne, puisque l'épopée homérique ne connaît pas les
Lydiens, mais les Méoniens^. Ces Méoniens parlaient proba-
blement une langue indo-européenne : la langue des conqué-
rants lydiens était apparentée à l'étrusque, c'est-à-dire non
aryenne.
Un vers d'Hipponax nous apprend que Candoulès, nom royal,
signifiait, en méonien, ■/.yiy.x/r^z, c'est-à-dire « étrangleur de
chiens ». Ce nom est indo-européen, car le chien se dit y.jcov,
canis dans des langues aryennes et le second élément a été
expliqué avec vraisemblance par le vieux slave daviti « étran-
gler » (Deecke). Cette seule synonym.ie bien attestée suffit à
établir le caractère indo-européen de la langue méonienne ;
c'est un point qui peut être considéré comme acquis.
J'ai montré que l'épithète de Candaulès « étrangleur de
chiens » convient particulièrement à un lion; le roi Candaule,
dont Hérodote nous dit que le vrai nom (c'est-à-dire le nom
Ivdien) était Myrsilos, portait comme titre une épithète divine
qui l'assimilait au lion. Or, le lion était l'animal sacré de la
Lydie et de la Phrygie; cela ne résulte pas seulement des
monuments les plus anciens, y compris les monnaies, où le
lion est figuré, tantôt seul, tantôt groupé avec un autre lion,
mais de la nature de la grande déesse phrygienne Cybèle, que
I. Cf. Kretschmcr, Geschichte. icr griechlschm Sprache, p. 384.
2 20 Salomon Reinach.
l'on représente dans un char traîné par des lions ou entourée
de lions. C'est une loi générale que l'animal, attribut d'une
divinité à l'époque classique, n'est autre, primitivement, c'est-
à-dire avant le règne de l'anthropomorphisme, que cette divi-
nité elle-même. Cybèle devait être originairement une lionne
et il est probable que son amant Atys était un lion aussi. A
l'origine des traditions méoniennes, il y avait une ou plusieurs
familles de lions totémiques, dont les historiens firent plus tard
des dynasties, celles desAtyadesetdes Héraclides. Il est possible,
comme le pense M. E. Meyer, que la dynastie des Atyades soit
une invention postérieure; mais l'Héraklès lydien a si bien con-
servé sa nature léonine qu'on le hgure, à la différence de l'Hé-
raklès grec, revêtu d'une peau de lion. Avant la fin du vi*" siècle,
l'Héraklès à la dépouille de lion ne se rencontre que sur la
côte d'Asie, à Chypre, à Rhodes et dans l'art étrusque archaïque,
où il fut introduit par les émigrés lydiens.
La preuve que le lion était bien, en Lydie, ce que les ethno-
graphes appellent un lotein^ c'est qu'un ancien roi du pays avait
eu, disait-on, un lion pour fils et que ce lion, promené autour
de Sardes, avait rendu cette ville inexpugnable. On peut ajouter
que Crésus, roi de Lydie, envoya à Delphes, comme offrande,
un lion d'or du poids de dix talens^
Or, il devait exister, en Lydie, une très ancienne image
représentant un lion dévorant un homme ; c'est ce type, inconnu
de l'art grec classique, qui paraît dans l'art étrusque le plus
ancien et dans l'industrie des situles illyriennes, apparentée à
l'art étrusque primitif.
Si une telle image a existé, il ne pouvait manquer d'y avoir,
à son sujet, une tradition sacrée, ce que les anciens appe-
laient un '.$p:ç X^yoç. Et quand le lion totem s'est anthropo-
morphisé, la légende a dû se transformer aussi : le carnassier
royal a dû devenir un ogre royal.
Cette légende de l'ogre royal n'est heureusement pas un pos-
tulat: Athénée nous l'a conservée d'après l'historien Xanthos.
Un roi lydien, prédécesseur de Candaule, s'appelait Camblès ;
une nuit, il coupa sa femme en morceaux et la mangea. Le
I. Hérodote, I, 50, (S4.
Les Carnassiers aruirophaoes dans Part gallo-romain. 221
lendemain malin, on vit la main (ou le bras) de la tlnimc
arrêté dans sa bouche; cela fît scandale et le roi se tua'.
Dans le nom de Camblès, comme dans celui de Candaule,
il y a l'élément can, chien- ; c'est donc probablement aussi une
épithèie de lion, signifiant, non plus l'étrangleur, mais peut-
être le tueur de chiens. J'ai émis l'hypothèse que le mont
Sanibulfls en Assyrie, où Tacite décrit un culte archaïque d'Hé-
raklès chasseur 3, portait, en réahté, le même nom que le Kam-
blès lydien; une montagne peut être appelée du nom de la divi-
nité qui y est l'objet d'un culte ^. Entre la Lydie et l'Assyrie,
il a certainement existé des relations non seulement politiques,
mais religieuses; l'Héraklès lydien et l'Héraklès assyrien sont
des divinités très voisines. Je ne puis entrer ici dans l'examen
des analogies déjà signalées par O. Mûller dans son célèbre
mémoire Sandon und Sardauapah ; il me suffit de dire que les
rapprochements institués par lui ne me paraissent pas devoir
être contestés, bien qu'on puisse en tirer d'autres conclusions
et, notamment, ne pas accepter, comme il le fait, le caractère
sémitique des dieux lydiens.
Si l'on explique ainsi le lion androphage lydien, il faut trouver
une explication analogue et parallèle pour le carnassier andro-
phage celtique, qui est un loup. A priori, il me semble qu'on
peut admettre, chez une ou plusieurs tribus celtiques, un loup
divin, considéré comme l'ancêtre des hommes de la tribu et
considéré aussi comme leur protecteur, c'est-à-dire comme un
totem.
Or, il y a de bonnes raisons de croire que certains peuples
de la Gaule, à une époque très ancienne, ont connu un loup
totémique. En effet, à l'époque où prévalut l'anthropomor-
1. Fragm. hisi. graec, I, p. 59.
2. Il est digne de remarquer qu'un chef gaulois s'appelait Cambaulès
(Pausanias, X, 19, 5, 6). L'hypothèse d'une relation entre les Méoniens et
les Celtes n'aurait rien d'extravagant, puisqu'ils parlaient des langues de
la même famille.
3. Tacite, Annales, XII, 15.
4. Tacite, Hisl., II, -8: Est Judatam intcr Syriamque Carmelus : ita
vocant mouteni deunique.
5. Otfr. iMùller, Kleine Schrijten, t. II, p. 100-115. Je n'ai pas été con-
vaincu par la réfutation de M. E. Meyer, Zeitschrift der deulschen morgen-
làndischen GeseUschaft, t. XXXI, p. 756 sq.
22 2 Stiloluon Rcinacli.
phisme, nous trouvons le dieu que César appelle Dispater,
qui passait, nous dit-il, pour l'ancêtre des Gaulois (le totem
finit toujours par passer pour l'ancêtre) et dont les images, d'un
type analogue au Hadès-Pluton gréco-romain, portent souvent,
comme on l'a remarqué, une peau de loup^
De même qu'il y avait, en Arcadie, un Zeus Lykaios, qui
était un dieu-loup, il y avait à Rome un Jupiter Lucdiiis, que
Festus identifie à Dispater-. Silvain, auquel le Dieu-loup
gaulois a certainement été assimilé dans la Gaule romaine,
passait pour un « chasseur de loups », exactor luporurir^ ; mais
on sait qu'un des procédés constants de l'anthropomorphisme,
quand il remplace le totémisme, consiste à fliire de l'animal,
autrefois identique au dieu, soit le compagnon du dieu (par
exemple Apollon et le dauphin), soit sa victime (par exemple
Apollon Sauroctone et le lézard), soit, plus rarement, son
meurtrier (Adonis et le sanglier).
En Italie, Silvanus, le « forestier », est, à l'origine, un dieu-
loup comme Mars, que Caton identifie formellement à Sil-
vanus. Ce nom, « le forestier », est une épithète du loup,
qu'il est dangereux de désigner plus clairement ; en Suéde,
on appelle ce fauve « le silencieux. » Silvia, dite à tort Rhea
Silvia, est « la forestière » ; elle conçoit d'un loup, identifié
à Mars, deux jumeaux qui sont allaités par une louve. Si les
Héraclides de Lydie sont des lions, les Silvii d'Albe sont une
dynastie de loups. Chez les Samnites, les loups s'appellent
hirpi; on donnait le même nom aux prêtres du mont Soracte,
qui était aussi un dieu-loup. En Grèce, Hadés, qui porte une
peau de loup {xloo:; y.jvir;), doit avoir aussi, à l'origine, été
conçu sous l'aspect d'un loupt; il en est de même deThanatos,
qui, dans VAlceste d'Euripide (v. 845), s'arrête auprès d'une
tombe pour boire du sang.
Donc, toutes les indications tendent à confirmer notre thèse :
le dieu gaulois, avant d'être assimilé à Dispater, à Hadès, à
Silvain, était un dieu-loup. C'est de ce dieu-loup que deux
1. S. Reinach, Bronzes figures, p. 141, 162.
2. Ibid., p. 163.
3. Lucilius, a^). Nonn., p. iio.
4. Cf. mon article GaJea dans le Diclioniiaire de Saglio, p. 1429.
Les Caniiissiers androphages dans l'art gallo-romain. 225
images, les seules qu'on connaisse encore, ont été découvertes
à Fouqueure et à Oxford ; ces images relèvent d'une tradition
iconographique soustraite à l'influence de l'anthropomorphisme
et où, par suite, les bronziers gallo-romains ne devaient
chercher qu'exceptionnellement des inspirations.
Le dieu gaulois dont parle César est un dieu nocturne
comme le loup {lupus nocturnus obambulat, Virgile, Georg.,
III, 538); comme le loup, et comme le Zeus Lykaios d'Ar-
cadie, il réclamait des victimes humaines. Le fait que César
l'appelle Dispater et que les sculpteurs l'ont parfois figuré sous
les traits deZeus Serapis, prouve aussi qu'on lui attribuait un
caractère infernal. Le dieu-loup du mont Soracte est égale-
ment infernal, au témoignage de Servius^ Or, dans les con-
ceptions primitives, les démons infernaux sont androphages,
comme cet Eurynomos de l'Enfer de Polygnote qui mange
les chairs des morts et ne laisse que leurs os -. Cerbère lui-
même, avant de devenir le gardien des Enfers, a été le chien
vorace, vA^oip:; w[j.-/;7r(;;3, qui se repaissait de la chair des
trépassés. Un artiste aurait pu le représenter sous le même
aspect que les carnassiers de Fouqueure et d'Oxford^.
Les morts qu'avale le loup infernal ne se débattent pas, car
ils sont morts. Or, nous avons fait observer que les deux sta-
1. Serv., ad Aen., XI, 785.
2. Pausanias, X, 28, 7 ; cf. Dieterich, Nehia, p. 47.
3. Hésiode, Theog., 311. Les anciens expliquaient le nom de Cerbère par
/.oîooooo; (mangeur de chair) et Servius l'assimile à la terre qui consume
tous les corps : Cerberus terra est consumptrix omnium corporurn (ad Aen.,
VI, 593). Tout cela, bien entendu, est absurde, mais reflète, comme l'a vu
M. Dieterich (op. l., p. 50), l'ancienne conception d'un chien mangeur de
cadavres.
4. VOrctis latin, père de nos ogres, semble avoir été conçu par le peuple
comme un fauve vorace (faiices Orci*). L'ogre des contes est un Croque-
mitaine, comme le loup du Petit Chaperon Ronge; il a une grande bouche et de
longues dents. Dans les Mystères du moyen âge, l'ouverture do l'Enfer est
représentée par une gueule de lion ou de dragon ; les diables sont enveloppes
de peaux de loup. L'idée que le démon, qui participe à la nature du dieu
infernal, est un loup ou un serpent, paraît encore dans une étrange histoire
à la date de 1275 : une dame de Labarthe, à Toulouse, qui avait eu com-
merce avec le diable, accoucha d'un enfant à tète de loup et à queue de
serpent (DoWmiwr, Jahrbikher der Kaiserlichen Saimnhingen, "Vienne, 1898,
P- 355)-
* Virg., Aen., VI, 27;.
2 24 Salomon Reinach.
tuettcs gallo-romaines présentent ce caractère commun et sur-
prenant, que l'homme à moitié dévoré par le fauve ne semble
faire aucune résistance. A moins donc d'attribuer aux artistes
une singulière impuissance d'observation — d'autant plus sin-
gulière, en l'espèce, qu'il y en aurait deux exemples — il faut
admettre, je crois, que la proie du carnassier celtique est bien
un mort. Tout s'explique alors très simplement. Le loup totem,
ancêtre mythique de la tribu, joue le double rôle qu'on attri-
buera plus tard à la Terre et même au Dieu spiritualisé du mono-
théisme ; il est à la fois le père des hommes et leur tombeau ;
ils viennent de lui et ils retournent en lui ; il les appelle à la
vie et les résorbe quand ils ont vécu. C'est comme la traduction
zoomorphique d'une idée qui, sous une forme moins grossière,
est encore accréditée aujourd'hui, invoquée et variée à l'infini
dans les oraisons funèbres, dans les discours et les missives
de consolation. Si j'ai tort d'attribuer cette idée aux Celtes,
ou du moins à certains Celtes, je suis tout prêt à reconnaître
mon erreur, mais le jour seulement où l'on aura proposé, pour
les deux statuettes qui font l'objet de cette étude, une explica-
tion plus satisfaisante.
Salomon Reinach.
A NOTE ON ESKADJ TIGE BUCHET
Further considération, coupled with some friendly criticisms
from Mr O. J. Bergin, Father Henebry and Professer K. Meyer,
bas led me to présent the following text and translation of the
difficult dialogue between Buchet and Cathair Môr {Rev. Cel-
tique, XXV, 23-25).
TEXT
Ocus asbert Buchet :
A mmo choir Cathair, cotôrecht ru[f]âcbath ûas Hërenn iath!
Adcoirhse mo chrod dot châin macniu, cen chinta fira.
Fallsigthe fô, ar ba fiu mo brug/;5sa cach rhbrugas cona
bêsaib brugad anbitli.
Bid anim môr mo dîth do Chathâir crich.
Macne Chathâir ro chloiset mo brugas bûar .i. Ros Rùad-
bullech,
Crimthann Cétguinech, Dâre Trebanda, Loscan An, Echaid
Airegda, Brcssal Enechglas, Fiacha Foltlebor fortbia cach.
Buchet ni bîa feib ro mbôi riani cor-ri ailethuaith nad rosset
hûi Feidlimthi Find.
Is and sin frisrogart Cathrt/r a n-asbert :
Fir, a Buchet, basa brugaid biata dcâm.
Buaid do gai, do gart, do gaisced, dogên[ad] fâilti fri cach
n-ôen it midchûairr mdr.
Acht con messindse mo maccu ni diiigêntais do chridi crâd.
Nert ni dernim, rith ni rordaim, lêim ni rolrigaim, rodarc
ni cian cuiignamar.
Revue celtique, XXV. 15
2 26 Whitley Stokes.
Rige dorumaksa .l. riibliadan mbi'ian.
Acht con messind dofessind do Buchet a biiar.
Nimthâsa cumaùgduit, a Buchet, acht as aithe cach delgassô.
As tir duit.
TRANSLATION
And Buchet said :
« O my just Cathdir, préserve the hiw that has been left
over Erin's land !
« I cry out for my wealth carried off by thy fair sons without
faults of truth (on my part).
« Manifest (thy) goodness, for my hospitahty was worth
any hospitahty, with its fervid (?) hospitaler's customs.
« My loss will be a great blemish to Cathdir's country.
« My hospitahty and cattle Cathdir's sons hâve ruined,
to wit,
Ross Red-striking, Crimthann First-wounding, Ddre the
Tribunician, Loscdn the Splendid, Eochaid the Princely, Bressal
Greenface, Fiacha Longhair, who will eut off (?) every one.
« Buchet will not be as he hath been before until he reaches
another tribe which the grandsons of Feidlimid the Fairwould
not reach. »
Then Cathdir answered what he said :
« True, O Buchet, thou hast been a landholder nourishing
companies.
« Precious is th}^ fervour, thy hospitality, thy valour, which
would make welcome to every one in thy great midcourt.
« If only I had judged my sons, they would not cause. thy
hcart's torment.
« Strength I cannot exercise, running I cannot run, a leap
I cannot leap : (as to) sight, not far do we perceive.
« Kingship I hâve enjoyed for lifty lasting years.
« If only I had judged (my sons) I would bring his kine to
Buchet.
« (But now) I hâve no power for thee, O Buchet, (nothing),
save (the proverb) sharpcr is every ihorn that is younger.
Cet thee out of the country !
A Note on EsnaJa Tige Buchet. 227
NOTES
I. ruâcbaîh îox ro-fàcbaîh, a Middle-Irishism îoï fo-r-àcbath,
3^' sg. perf. pass. o( foâcbaiiii, with the particle ro infixed. So
in ro iarfaig, Rev. Celt., XXV, 28, the ro is prefixed to a
compound verb. In ;// ro-dibdad the position of ro is regular.
fira, gen. sg. of//;' « truth », an /^stem.
anbith seems cognate with the Old-Welsh anbitJnud (leg.
anbitanl^, which glosses « fervida » in the Cambridge Juven-
cus, and which is novv, according to Loth (Vocabulaire vieux-
breton, p. 39) y}ifyd « furious ». The root may be f^î (with
labiovehar 0"), whence Gr. ^(a and Skr. jâyali, jiiuVi.
brugas-bitar may be 3. dvandva compound,
dâiii, gen. pi. oi dàm = ^r,?-^-, is governed by bîata gen.
sg. of biathad.
acht con (in Modem Irish achl go-ii^ hcrc means « if only ».
Cf. dà fessed acht co vibad fer iilcach nodn-gonad, LU. 74'',
acht co taethsad Cûchulainn lais fo linn ccmad chomthoitim, YBL.
37, 39, acht con noathar, O'Dav., no. 1336. Ba chuma liom
acht go nibeadh an Jiiéid seo déanta agaiii. For tiie last quotation
I am indebted to Mr Bergin.
In § 2 {Rev. Celt., XXV, 20) gesca means, according to Father
Henebry, « small herds », « bunches of cattle », as they say
in Canada. This interprétation is supported by the JTo/[r] of
W . the pi. of scor À. ba no eich, « cows or horses » O'Davo-
ren's Glossary.
Whitley Stokes.
I April 1904.
AVERTISSEMENT AU LECTEUR
L'accident arrivé au directeur de la revue par effet de la rencontre d'une
bicyclette et l'incapacité momentanée de travail qui s'en est suivie, l'obligent
à renvoyer au n" de juillet la chronique et les périodiques. Il se borne à
constater que depuis le mois de janvier dernier les volumes suivants sont
arrivés à son bureau :
Historv of Ireland from tlie earliest times to the year 1547 by Rev. E.
A. D'Alton, with a préface by the most Rev. John Healy, D. D., LL. D.,
M. R. I. A., archbishop ol Tuam. — Dublin, Bryers and Walker, 1903.
Recueil des chartes de l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, réunies et
publiées par MM. Maurice Prou et Alexandre Vidier, t. I, 2^ fascicule. —
Paris, Picard, 1904.
Keltic Researches. Studies in the history and distribution of the ancient
goidelic language and peoples, by Edward Williams Bvron Nicholson,
M. A., Bodley's librarian. — London, Henry Frowde, 1904.
Ma beaj Jérusalem skrivet gant An Au. L. Le Clerc. — Prudhomme,
Saint-Brieuc, 1903.
The Cattle-Raid of Cualnge (Tâin bô Cûailnge) an Old Irish Prose-Epic,
translated for the first time from Leabhar na h-Uidhri and the Yellow Book
of Lecan by L. Winifrid Faraday, M. A. — London, David Nutt, 1904.
Le Propriétaire- Gérant : Veuve E. Bouillon.
Chartres. — Imprimerie Durand, rue Fulbert.
NOTE SUR LE G/ESUM
On s'accorde à reconnaître que le mot gxsum (J^at^cv ou
Paisiç), d'origine celtique, désigne les javelots des peuples
celtiques ^ Mais on est mal renseigné sur la matière et la forme
de cette arme. Certains auteurs, s'appuyant sur la glose
d'Hesychius, ï\}.ook'.o') ;/w7(sr,p:v, croient que le gxsiun était tout
en fer. D'autre part, les termes alpina gcesa (Virgile, Aen., VIII,
Gd r) ont été traduits par « deux gœsum dont le bois a été fourni
« par des sapins des Alpes- ».
Enfin, bien que des taisceaux de javelots figurent parmi les
trophées de l'arc d'Orange, on n'a pas encore pu distinguer,
parmi les armes conservées dans les musées, les ga'sa des javelots
ordinaires).
Je crois que la numismatique apporte un renseignement
utile en ce qui concerne la forme de l'arme.
On admet avec raison que les deniers des monétaires romains,
M. Aurelius Scaurus, L. Cosconius, C. Poblicius Malleolus,
L. Pomponius et L. Porcins, font allusion à la victoire rem-
portée par le proconsul Cn. Domitius Ahenobarbus, à Vinda-
lium, sur le roi Arvcrne Bituit et les Allobroges(i2i av. J.-C.)^,
1. Cf. S. Reinach, dans Dict. des ant. gr. et roiii., s. v., t. II, p. 142S.
2. H. d'Arbois de Jubainville, dans Rev. archéol., 1891, I, p. 192. Par
contre, M. S. Reinach dit que l'épithète alpina paraît se rapporter au pays
d'origine des guerriers armés du gœsum (Joe. cit., n. 9).
3. S. Reinach, loc. cit.
4. J. de Witte, L'Arc de triomphe d'Orange, dans Rev. archéol., 1887, II,
p. 129-157, pi. XIV (cette pi. héliogravée reproduit tous les deniers de
la série et permet de voir nettement les détails auxquels je fais allusion dans
la présente note).
Revue Celtique, XXV. 16
i]0 Adrien Blanchft.
En effet, le nom du censeur Cn. Domitius Ahenobarbus, fils
du consul du même nom, est inscrit sur ces monnaies, dont
le type peut donc logiquement se rapporter à un événement
où le consul joua le principal rôle. De plus, ces deniers repré-
sentent un guerrier combattant, nu^, sur un char 2, et tenant
un bouclier qui paraît plutôt de forme allongée. C'est ainsi
que les guerriers gaulois sont représentés sur divers mo-
numents.
Enfin, on remarque, sur tous les deniers de la série, un carnyx
ou trompette spéciale aux Gaulois. La présence de cet instru-
ment est une preuve que le graveur romain a eu réellement
l'intention de représenter un guerrier gaulois 3. L'artiste était,
avant tout, désireux de marquer nettement la nationalité du
combattant; et pour répondre à son idée, il n'a pas craint
de placer le carnyx dans une position que je crois peu
rationnelle 4.
J"ai insisté sur les caractéristiques du guerrier gaulois, repré-
senté sur les deniers romains précités, et cela m'autorise main-
tenant à proposer de tirer de ces monnaies un autre enseigne-
ment.
Puisque le guerrier combattant sur son char est bien un
Gaulois, l'arme qu'il lance doit être une arme essentiellement
gauloise et le graveur romain a dû traiter ce détail de son
œuvre avec le même soin que les autres. A la place du terme
de « javelot » ou de « lance » 5, employé par les auteurs anté-
1. Sur les Gaulois combattant nus, voy. S. Reinach, dans Rcv. archcoL,
1889, I, p. 337, et les textes cités de Polybe et de Diodore.
2. A la bataille de Clastidium (222 av. J.-C), le roi Virdumarus, sur
son char, menaça de son gccsiini le consul M. Claudius Marcellus. Cf. H.
d'Arbois de Jubainville, Le char de guerre des Celtes dans quelques textes histo-
riques, dans Rev. Celtique, t. IX, 1888, p. 387-393.
5. Probablement le roi Bituitus ou Betultus.
4. En effet, sur les deniers romains, le carnyx paraît maintenu par le
bras gauche du combattant, déjà chargé du bouclier ; la main droite tient
l'arme dont je vais parler. Il est peu probable que le combattant se soit
embarrassé du carnyx, au moment de lancer un trait. D'ailleurs, le carnyx
ne se voit plus sur une monnaie gauloise, copiée des pièces romaines (je
parlerai de cette copie dans mon Traité des monnaies gauloises, sous presse).
5. La manière dont le guerrier lève le bras paraît s'accorder mieux avec
je lancement d'un javelot qu'avec le maniement d'une lance.
Note sur le gaesum. 23 1
rieurs, qui ont décrit ces monnaies romaines, on pourrait
proposer celui de gœsiiiii '.
Et si l'on examine les monnaies elles-mêmes (ou la planche
héliogravée que j'ai citée), on remarquera que cette arme,
lancée par le Gaulois, est caractérisée par une pointe large
ressemblant à une feuille-.
Agrandissement ; d'après les deniers romains.
On pourrait rapprocher ce javelot à large pointe de ceux dont
se servent les guerriers représentés sur la plaque de ceinturon
de Watsch (Carniole)'.
Nous pouvons donc nous appuyer maintenant sur des don-
nées plausibles pour tenter de retrouver le gœsum parmi les
pointes de fer, larges, conservées dans les musées 4,
Adrien Blanxhet.
1. Je crois qu'il faut écarter du débat la cateia (au sujet de cette arme,
voy. Alex. Bertrand, dans A. Bertrand et S. Reinach, Les Celtes dans les
vallées du Pô et du Danube, 1894, p. 191 et 194).
2. On a trouvé à La Tènc un fer de cette forme, qui est conservé au
Musée de Bicnne.
3. A. Bertrand et S. Reinach, op. cit., p. 107, fig.
4. On peut même avoir l'espoir de retrouver l'arme entière.
TIDINGS OF THE RESURRECTION
Next to the Vision of Adamndn (Jrische Texte, I, 169-196)
and the Tidings of Doomsday {Revue Celtique, IV, 245-257),
the following tractate is the most important document now
existingfor the study of the eschatology ofthe mediaeval Gaels.
The unique copy is in pp. 34^-37'' ofthe Lebor na hUidre, a
ms. of the end of the eleventh, or the beginning of the
twelfth, century, preserved in the library of the Royal Irish
Academy. The paucity of infixed pronouns^ and of déponents,
and the Middle-Irish verbal forms collected by Strachan from
our tractate in CZ., II, 482, 490, 491, III, 476, 488, shew
that it cannot hâve been composed much before the date ofthe
ms. As to its sources, I am too unEuniliar with patristic and
mediaeval eschatology to point them out with confidence. The
writer seems to translate from the work of a nameless person
whom he calls « the author » (/// l-auglar^ in § 14, the « autho-
rity » (augtartas) in § 33, « the sage » (in t-ecnaid) in §§ 30,
36, 37. He quotes, or refers to the Bible in §§2, 8, 10, 16, 27,
28. Augustine is expressly mentioned in § 12, and that saint's
De civitate Dei is drawn upon in § 11. The réfutation by
S. Gregory (Nazianzenus ?) of an heretical opinion of Euty-
ches, § 19, I hâve not traced. Some ofthe questions raised
by the Irishman were answered, long after his time, by Thomas
Aquinas in the supplément to the third part of his Summa
Theologica, quaest. Ixxx, De integritate corporu)ii résurgent iuiii.
I. There are only thèse four perfects : doni-iiiémiir, jo-ro-dmalàr, ro
gêiuitiir, mon-gcnair, and one 5-preterite : ro lliirùarthcstar.
Tidings of the Résurrection. 2jî
A few points of contact with the Talmud and the Koran are
mentioncd in the notes to §§ 2, 6, 8, 29.
The tractate was edited, with an EngHsh version, as a pam-
phlet, in 1865, by the late Mr. J. O'Beirne Crowe, but with so
many textual errors^ and niistranslations- as to render a new
édition désirable.
The glossarial index contains Irish words occurring in the
tractate, but not found in Windisch's Worterbuch. It also
contains the Latin words quoted in § 33.
1. Thus the sigla Ja and ^7 arc misread, passim, as dan and diii. Further,
in p. 4, for Mihil rend Michil, and for cinudu read ciniud : p. 6, for roeirete
recid roesrete. P. 8, for feisin sin read féisin. P. 8, for fuilliuchta na cneth
read fulliuchta na crc[c]ht. P. 12, for hâisi read bais. P. 14, /or thcchtfat
read thechtfat, for aniail read amail, for innosa read innossa, and for uair
read ûar. P. 16, /or fdchraic read fochraic, /or cairdessa read cardessa, and
for Elsi read Elesi. P. 18, for for[s]airind read fairind, for theorségad read
theorfcgad ; for dcus read ocus, for naich read nach : for tôrtromad read tôr-
trommad ; and for sorordai read forordai. P. 20, /or perstrigia .i. ind esergi
read praestrigia esergi P. 22, for ség, ocur, beôgad, sairend, sirenaib, innosa
read fég, ocus, beôgud, fairend, firenaib, innossa. P. 24, for ra sualchi,
emiltiuf read na sûalchi, emiltius.
2. Thus in P. 4, bruiiiniiid « being burned ». P. 6, ocond fugiiill « at the
trial ». P. 8, trachtaid « interprets » : a folaid « of their notion » : cointhôither
« shall return ». P. 10, dhithfe « will contract », slaidrid « admixture ». P.
12, ro thiruartheslar « he destined » : sochma « easy », todochaide « expccta-
tion ». P. 14, ro foriiaslig « has rejected », ros fathgè « annulled it ». P. 16,
amail dlé « as he desenes », nam bia « the things that are ». P. 18, temcl
« shadow ». P. 20, lucht ind renieca « the previsionists », co coninius (leg.
comlainius) « in communion »: co forhlhe « firmly ». P. 22. triasa nderna
« through which were made », diafil inforbairt ocus in beôgad « which goes
to decav and revives ». P. 24, atragat « that arise » : cecha airir « of cvery
boLinty », atchichesLir « that siiall be worshippcd (?) ».
2 54 Whitlcy Stokes.
SCELA NA ESERGI INSO
[slicht Lebuir na liUidre.]
I. Tahrad cach dia airi co ticfli brath. Is ands/V/e bias esergi
dona hulib duinib tri erfuar/'a M^7/c De. Isind 16-sin .i. il-lô
bratha, c//mscaigfidfr nem 7 tiihvn 7 inna hidi duli filet intib.
Tudslaicfitrr 7 legfait ri tes tened bratha, acht cuirfittr na huli
sin hi cruth bas aldiu 7 bas [s]oc/;raidiu co môr andas in cruth
ir-rabatar iarna mbrunniud 7 iarna nglanad tria thenid mbratha.
2. Is and sin techtfas in teni-sin lathi bratha brig 7 nert
cosmail don tenid in ro faite na tri maie oc Nabcodow. Ni rô
loisc in tene sin na m^7ccu naema. Ro loisc ïmiiiorro na tim-
thirthidi ecrdibdecha batar imman sornd tened. Is amhtid sin
loiscfes teni bruthmar bratha na hidi pecthachu 7 na huli
ecraibdechu. Ni erchotigfi immorro do chorpaib na firen, ar
biâid in teni sin amail brôen n-ailgen dona naemaib '. Loscfid
iminorro na pecthachu.
3. Doraga Mac Duni de nim isind lo-sin .i. il-lô bratha .i.
îsu Crist, 7 artraigfid isind aeôr i soilsi 7 etrochta drrmair
zmail gmn, 7 linfoid in tsolsi-sin in n-uli ndomon o t/<rcbail
gmii co a fuiniud.
4. Atchluinfet andsin na huli duini filet in-adnaicthib guth
}Aaic De. Co mbad guth corptha atbivad Isu sund do estecht
dona marbaib .i. guth ind archaingil Michil doraga d'eriuacra
na hesergi co cohcbemi (or in cin[i]ud ndôenda ro »-epn friu fo
t/;ri .i. ergid uli a bas [34'']. Nô is guth nemchorpda aiher Isu
sund d'estecht dona marbaib .i. forcongra spirtalda 7 cz/machta
I. Like the « Thau der Auferweckung » of Rabbi Elieser, v. Eisen-
menger, Entdecktes Judentbum, II, 927.
Tidings of thc Résurrection. 2^5
THE TIDINGS OF THE RESURRECTION HERE
{TheBook of the Dun Cow, p. 54'.)
1 . Let evcry one take heed that thc Judgment will corne. 'Tis
then that ail men will arise through the proclamation of the
Son ofGod. On that day, to wit, on the Day of Doom, heaven
and earth will be shaken, and ail the éléments that are therein.
They will be dissolved and melted by the heat of the fire of
Doom ; but ail those, after bcing smelted and purified by the
fire of Doom S will be cast into a form more beautiful by far
than the form in which they existed.
2. 'Tis then that fire of Doomsday will possess vigour and
strength like unto the fire into which the threc Children were
sent by Nebuchadnezzar. That fire did not burn the holy
children; but it burnt the impious servants who were about
the fiery furnace-. Thus then the glowing fire of Doom will
burn ail the sinners and ail the impious. But it will do no
hurt to the bodies of the righteous, for that fire will be like a
soothing rain to the saints, but it will consume the sinners.
3. On that day, to wit, on Doomsday, the Son of Man, even
Jésus Christ, will comc from heaven, and will appear in the air
in vast light and radiance, like a sun ; and that light will fill the
whole world from the rising of the sun to the setting thereof.
4. Then ail the men who are in graves will hear the voice
of the Son of God. It may be a corporeal voice that Jésus
would hère utter to be heard by the dead, to wit, the voice
of thearchangclMichael who will come to proclaim the Résur-
rection generally to the human race, so that he says to them
thrice : « Arise ye ail out of death ! » Or it is an incorporeal
voice that Jésus hère utters to be heard by the dead, to wit,
1. Epistola B. Pétri II, c. 5, v. 10.
2. Prophetia Danielis, III, 22.
256 Whitley Stokes.
diasneti in Chomded nnd ch//maing nach nduil do imgahail.
Is triasin forcongra sin arresat na huli daine a bas .i. doneoch
ro sluic talam 7 atûatâr biasta 7 ro bâid uscc 7 ro loisc tene, 7
dano ro tiiaslaicthe for aicncd na ndul dia nder[n]ta. Atreset sin
uli a bas la brafad n-oenûaire, 7 gebaid cach dib a anmain féin
i n-oentaid a cliuirp dilis, 7 fedligfit iartain i mbet[h]aid tria
bithu.
5. IS andsin Bidfed in Comdiu a t[h]echtaire ùasli .i. na
aingliu nôcma, fôn n-uli ndomon, 7 tinoltait na huli firenu a
ccibrï ardaib in Vàliiiaii, 7 nos-b^rat léo hi comddil Crist isin
n-aer. Tinolfit immorro na demna Ico na hule pecdachu 7 na
liule ecraibdechu, Beti and sin na huli sin ïor aird i fiadnaisi in
Chomded ocond fugiull .i. aingil 7 demna 7 daini .i. eicr
phecthac[h]aib 7 firenu.
6. Ccs/naigthcr da/zo cia hinad àrithe asa mbia eisérge cach
duine. Asa n-adnaicthib ém co dtmin, iar ndesmirecht sin
chuirp in Chomded atraracht asa adnacul fcisin. INd [tjairend
immorro ro tomlithea o biastaib ^ 7 ro scailtc i n-inadaib écsam-
laib atreset sin iar comarli in Chomded nos-tinolta 7 nos-
athnuigfe asind inud bas ail dô. Araidi iss-ed as dochu and cô
mba hand atresat airm in ro tomlithe 7 in ro es[s]rete, ar isscd
sin armithtT ar adnacul doib.
7. Cestnaigthcr da//o i mbia esergi dona toglûasachtaib 7
dona torat/;raib- doennaib. Is e a frecra sin, co mbia co demin
esérgi thall i mbethaid3 do hulib ro thechtsat hi fos bas iar
mbethaid. Md ro thechtsat d'idit na togluasachta bas iar mbe-
thaid, cid i mbroind a mathar, is demin co mbia esergi dôib
thall 7 co techtflit bethaid iarsin bas[s]in. Mainp c/mitabairt
d'idu amlaid sin esérgi dona toglûasachtaib is lugu co mor as
c?/mtabairt esergi dona naedenaib 7 dona torothraib.
1. Rabbi Saadias discusses the question whether those vvho are devoured
by wild beasts will arise : sce Eisenmengei", Entdccklcs Judenthitm , II, 9 1 7.
2. Facs. toratraaib.
3. Facs. betluib.
TiJinns of the Résurrection. 237
the spiritual cornmand and the unspeakable power of the Lord,
which no créature can avoid. By that command ail men will
arise ont of death, to wit, whomsoever earth has swallowed,
and beasts hâve devoured, and water has drowned ', and lire has
burnt; and also those that hâve been dissolved, according to
the nature of the éléments of which they were formcd. AU
those will arise out of death in the flashing of a single hour^,
and each of them will take his own soûl into union wirh his
proper body, and they will afterwards remain alive for ever.
5 . 'Tis then the Lord will send his noble envoys, the holy
angels, throughout ail the world, and they will gather ail the
righteous out of the four quarters of the earth and bring them
into the air to meet Christ. The devils, however, will gather
with them ail the sinners and ail the impious. There shall ail
those be on high in the présence of the Lord at the Judgment,
to wit, angels and devils and human beings, that is, both sinners
and righteous.
6. Now it is asked, what is the exact place out of which
every one's résurrection will be ? Out of their graves assuredly ),
after that example of the Lord's Body, which arose out of its
own sepulchre. Those, however, who hâve been devoured by
wild beasts and dispersed in différent places, will arise according
to the counsel of the Lord, who will gather them and renew
them, out of the place that He desires. Yet it is likelier in this
case that they will arise there where they hâve been devoured
and dispersed, for that is what is counted as their tomb.
7. It is asked, now, will there be a résurrection for human
abortives and monsters ? The answer to that is, that beyond
there wnW certainly be a résurrection into life for ail who hâve
had death hère after life. If, then, the abortives had death after
life, even in their mother's womb, it is certain that they will
hâve a résurrection beyond, and that they will hâve life (again)
after that death. If, then, there is thus no doubt of the résur-
rection of abortives, much less is there doubt of the résurrec-
tion of infants and monsters.
1. Apoc. XX, 13.
2. Ep. ad Corinthios I, c. xv, v. 52.
5. And the trumpet shall be blown, and, lo, they shall spccd out of
their scpulchrcs to their Lord, Rodwell's Koraii, p. 147.
2]S Whitley Sîokes.
8. Qs^naigth^r d'idu uair atresat na huli daini a bas, cia haes
nô cia delb i mbia esérgi dôib. Ocus tràchtaid in t-apstal in
cesta sin, co ;z-abair: Atresat na huli daini a bas, ar in t-apstal,
iar cosmailiwi' aesi 7 delbi Cm/. T?'i bliadna trichât immorro
ropsat sldna do Cvist, 7 is i cosmaïlius na haisi sin atracht-som
a bas. IN àis da/zo Cvist, athcir in t-à^stal, inna huH daine do
eserge, 7 ni inna méit .i. ni commétiz/5 a chuirp, ar ni hairchend
co mbat comméti ule cuirp na esergi. Fedligfid hnmorro Crist
dogrés cen tulled, cen digbdil, isin delb 7 isin méit in ro
arthraig dia apstalaib iar n-esergi, 7 is airi sin cid i n-6en-ais
atresat inna huli dôini .i. i n-ais trichtaigi. Araidi techtfait méit
n-écsamail 7 méit n-ecutrumma ina corpaib iar cosmailiwi' 7 iar
«-aicniud na n-amser 7 na ferand ir-rogenatar.
9. Ani duhi testa do chomlain///j a cuirp forna toglûasachtaib
7 arna nôedenaib becaib 7 ar arailib torothraib derôlib na techtat
a meit ndlechtaig 7 ara n-esbat araile baill a cuirp, comslanaigfid
[35'*] in Comdiu sin uli thall isind esergi conna heseba nach ni
fortho do rudilse a ndelbe nach a n-aicnid dilis. Uair ni techtaid-
sium intib féisin^ iar ndligud nemaicsidi 7 inclithi a n-aicnid
céin co ro techtsat iar n-adbar nach iar méit chorpdai.
10. INd forcraid \m)iiorro fil for aicniud isna corpaib rorem-
raib 7 dano isna hulib torothraib techtait meit n-anmesarda
digébthair ind forcraid sin forro thall isind esérgi 7 fedliglid
iarsin i meit dlechtanaig 7 i méit mesardai a folaid 7 a n-aicnid
dilis. Na torothair dano techtait da chorp i n-ôen-accomol
I. Facs. féiHsin.
Tiiiings of Jlir Résurrection. 239
8. It is then asked, since ail human beings will arise out of
(icath, in what âge or form will their résurrection be ? And the
apostle deals with that question when he says : « Ail men »,
quoth the apostle, « will arise out of death in the likeness of
the âge and form of Christ. » Three years and thirty were
completed by Christ, and in the likeness of that âge He arose
out of death. At the âge of Christ, then, the apostle says that
ail men will arise, but not in His size, that is, not equal in
bulk to His body, for it is not certain that ail the bodies of the
Résurrection will be of equal size. Christ, however, will abide
for ever, without addition or diminution, in the for mand in the
bulk in which He appeared to His apostles after (His) résurrec-
tion ; and it is therefore that ail men will arise at the same
âge, to wit, at the âge of thirty ^ Howbeit, they will hâve in
their bodies varying size and unequal bulk, in accordance with
the likeness and the nature of the times and the countries in
which they hâve been born.
9. Whatsoever, then, is wanting of completeness in their
body to abortives and to little infonts and to certain puny
monsters which liave not their lawful size and are defective in
certain corporeal members, the Lord will supply beyond in
the Résurrection, so that naught shall be lacking to them of
the full propriety of their form or of their proper nature. For
(that is) a thing which they possess^ in themselves, according
to the invisible and hidden law of their nature, though they
hâve not possessed it according to material nor according to
bodily size.
10. The excess, however, over nature in the too bulky
bodies and also in ail the monsters that hâve immoderate
size, that excess will be taken from them beyond in the Résur-
rection, and they will abide thereafter in the legitimate size
and moderate bulk of their proper substance and nature. The
monsters also, that hâve two bodies in one union 3, they will be
1. Sic infra, ^ 34. Cf. the Muhammacian belief tliat at whatever âge men
happen to die they will beraised at about thirty vears of âge, Sale's Koran,
London, i83(S, p. 71.
2. techlaid for techlait.
3. Like the Siamese twins, whose case is mentioned by Alger in his
Crilical History of the Doctrine of a Future Life.
240 Whitley Stokcs.
deligfitcr sin tall isind eséirgi 7 gélxiid cdch dib fo leith a chorp
ndiles, avnail demniges lob sin ic tairchetul inna libur, intan
aibeir na huli daini do esérgi ina corpaib dilsib ^
II. IS tomtiu immorro icond eclais co techtfat cuirp na mar-
tîri nôem intib idr n-esergi fulliuchta na crécht- forodmotar
ar Ciist cen esbaid cen digbail dëilbe no soc/;raidechta forthu
do talsigud a mbuada 7 a coscair 7 da/zo do falsigud na foc/;;'aici
môri dlegait on Chomdid ara mmartra, iar ndesmirecht sin
chuirp in Chomded techtas and iar n-esergi fulliuchta na crécht
forodaim 6 Iu[dai]dib do folsig//^ a umalloti forbthi dond Athair
nemda, 7 da;/o do thuilliud phene 7 todcrnama dona h lûdaidib
o ro torodaim-sium na crechta sin.
12. Cestnaigthfr da;/o do forcraid na foltni 7 na n-ingen,
cia ord bias forru isind esérgi. Ernid Aug//5tin in fer naem in
cesta sin, 7 is i a thonitiu, forcraid na foltni 7 na n-ingen con-
nach intib féin nammâ cointhôithcr thâll isind esérgi, acbt i
n-aicned in chuirp hi coiichittnn. Uair ni de ïii na foltni .i.
dia forcraid, acht dia n-drim nammd cwmnigesisu isin t[s]oscelu
intan aithnes ani-seo dia a^stalaib, co //-abbair : Foltni ïor cind-si,
ar Isu fria aps/Y/lu, atdt i n-drim chinti? 7 i n-aichni//^ demin
icon Chomdid, 7 mértait ule duibse aci thall isind esérgi 4.
13. Nô dâiio maso intib fein nammd comthothir f'rc/'aid
na foltni 7 na n-ingen, am^/7 is chetfaid do fairind — ar issed
as chosmail forc/-aid cech baill do thinol 7 do thimarcain ind
téin corop isin bul[l]sa fein fogaba ciped do phéin iiô do foc/;yaic
dliges tria chomchétfaid 7 comopred in baill sin — is ed as
chretithe co //dluthta 7 co timaircfea thall in Comdiu isind esérgi
tria elathain diasneti ind ecnai dîadai curpu trûalnidi na ndôeni
1. Et rursum circumdabor pelle mea, et in carne mea videbo Dcum
meum. Liber Job, XIX, 26.
2. Facs. créth.
3. Luke, XII, 7: Sed et capilli capitis vestri omnes numcrati sunt.
4. See S. Augustine, De Civ. Dei, XXII, 19, 20, 21, etc.
Tidings of îhe Résurrection. 241
separated be3-ond in the Résurrection, and each of them will
receive his ownbody separare, as Jobaffirms when prophesying
in his book and saying that ail men will arise in their proper
bodies.
1 1 . The Church, however, holds the opinion that the bodies
of the holy martyrs will after résurrection bear the traces of
the wounds which they endured for Christ's sake ^, without
defect or diminution of form or bcauty, to manifest their victory
and triumph, and also to manifest the great reward to which
they are entitled from the Lord for their martyrdom : according
to that example of the Body of the Lord, which hath in it after
(His) Résurrection the trace sof the wounds which he endured
from the Jews, to manifest His perfect submission to the
heavenly Father, and also to increase pain and punishment to
the Jews from whom He endured those wounds.
12. Then it is asked with regard to the excess of the hairs
and to nails, how will they be disposed of in the Résurrection ?
Augustine the holy man puts that question, and his opinion is
that in the Résurrection heyond the excess of the hairs and the
nails will not be returned into themsclves merely, but into the
nature of the body in gênerai. For it is not of tiie length of
the hairs, that is, of their excess, but of their number only that
Jésus in the gospel is mindful when he commits this to His
apostlcs, and says « the hairs of your head », says Jésus to
His apostles, « are in a definite number and in sure knowledge
with the Lord, and they will ail rcmain for you with Him
there at the Résurrection ».
13. Or again, if, as is the opinion of some, it is into
themselves only that the excess of the hairs and the nails is
turned — for it is likely that the excess of every member would
be gathered and compressed into itself, so that in this member
itself one would receive whatever punishment or reward one
deserves through the consent and coopération of that member
— we are to believe that the Lord will, through the unspeak-
able science of the Divine wisdom, condense and compress
in the Résurrection the corrupt bodies of men into the slen-
I. See S. Augustine, De Civ. Dei, XXII, c. 20.
242 Whhley Stokes.
i sémi 7 i fdelli ind folaid nemt/;rualnidi 7 a n-aicnid spirtdllai,
iarna td'rbud 7 iarna ndeligud o cech elniud, iar ndesmirecht
sin 7 intsamail inna tinni dogniw do dlûthad 7 timarcain t7'ia
eladain ind ecnai dôennai i sémi 7 i foilli a cuirp dilis iar
ndic/;/f;' cech élniuda [35''] 7 cech slaidrid ûadib.
14. Nô daiw is tomtiu and co cruthaigfea in-Comdiu and-
all curpu na esergi dind adbur toltanaigfes dô, cip é méit nô
luget i mbé in t-adbar sin .i. do neoch ro thirûarthestar din
churp doenna isin duine arcind bais, amail c/nnthaiges innossa
inna c//rpu môra dena silaib dereolaib 7 da/zo amail ro chz/m-
taig thall i cétt//^tin na ndul na c//rpu dcrmara den dligud nem-
aicside 7 den dHgud nemchorptha ro techtsat co hinchUthe
intib na dûH dia ro tw^midea na cu[ijrp sin. Ar is [s]ochma do
Dia co ro ci/mtaige cen adbar nô de adbar derôil cech n-admat
nô cech n-aicde bes ail dô, 7 co mbad aire sin atberad in t-augtar
na ro taithmr;? Isu do forcraid na foltne 7 na n-ingen nô na
mbaill archena, 7 is [sjochma do Dia co ro athnuige i comlai-
nius a ndelbe 7 a n-aicnid diUs cen in forcraid sin do thinôl
doridisi isin churp. Acbt araidi is dohg nacb mball isin churp
nô nach rand de do sechmall on phein 7 on dammain dliges tria
chonichetfliid n-imarbais ;/(' ond fochraic dliges tria chomchetfaid
deg[g]nima.
15. Co;z.id ed is dôig duiu as chreti and comlaniw.^ in chuirp
dôennai ule do athnugud isind esergi, co fagba ind anim i
n-oentaid fôn innas[s]in ceped dliges di phéin nô di foc/;raic
ara ndegariltib nô ara ndrochariltib.
16. Ar fomtin dïdu 7 ar imgabail rcmslatratad ' .i. demnigthea
neich ^ na dlegar do demnigw^, acbt is coir do bith i czniitabairt
ata in brechtrad tomten-sa. Uair cidat demni 7 cidat falsi araile
1. Ms. rcmlatrad.
2. Facs. dewnitïthc aneich.
Tidings of the Résurrection. 24}
derness and tenuity of the incorruptible substance and of their
spiritual nature, after scparating and dividingthem from every
detîlcment, according to that example and analogy of the
ingots which, through the science of human wisdom, are
caused to be condensed and compressed into the slenderness
and tenuity of their proper body, after every défilement and
every dross h as bcen expelled from them.
14. Or again, there is an opinion that the Lord there will
form the bodies of the Résurrection of the substance that will
please Him, whatever be the largeness or the smallness in
which that substance may be, that is, of what remained of the
human body in the man before death, just as He builds up at
présent the large bodies from the little seeds, and also as at the
primai création of the éléments He has built up the vast bodies
from the invisible principle (?) and from the incorporeal princi-
ple (?) which the éléments, from which those bodies hâve been
created, held latent within them. For it is possible for God to
build up without substance or with little substance any material
or any structure that He pleases. Wherefore the author would
say that Jésus did not think of the excess of the hairs or of
the nails, or of any other member. And it is possible for God
to renew the completeness of their proper form and nature
without gathering again that excess into the body. Howbeit
'tis hard that any member in the body, or any part thereof,
should be omitted from the punishment and the condemnation
it deserves through its consent to sin, or from the reward it
merits through its consent to a good deed.
15. So then this is probably what we should believe in the
case, that the completeness of the whole human body is to be
renewed in the Résurrection, so that the soûl united to it in
that wise may receive whatever it deserves of punishment or
reward for their ill déserts or their good déserts.
16. For précaution then, and for avoidance of presumption,
that is, of affirming what is not lawful to affirm, but what should
properly remain in doubt, this variety of opinion exists. For
though some of the mysteries of the Résurrection are certain
244 Whitley Stokcs.
di ruinib na esergi — ar is todochaide n-airchend ind esergi
fein iar forcetul ind apstail 7 na screptra archena — araide atat
ruini dib indemni 7 anflilsi. Conid trebairiu 7 con'ià ecnaidiu
a mbith i ndôchus 7 i tomtin andds i ndemmgiid tria slatrataid.
17. Atresat tra na huli ddini thall i ndeilb 7 i n-écosc ecsa-
mail .i. na fir i n-ecosc ferda 7 na mnâ i n-ecosc banda. Uair
airm i n-apair in t-aps/a/ na ule dôeni do esergi i fer forbthe,
ainm fir dorât andsin for[s]in duine co'iichenn eter firu 7 mnd.
Uair digebthair thall a lochta 7 a n-anmi ar a corpaib na ndâeni %
cométfaider immorro intib rudilse a ndelbe 7 a n-ecosca dilis.
18. Ni thechtfat dano cuirp na esergi intib elscoth no accobor
nô ndch ndudlaig archena, 7 is aire sin dano ni bi nar/; n-im-
ndire dôib cid lomnochta beti .i. cen a fortugi et^r 6 etuch.
19. Hi corpaib dlûtaib dano 7 i corpaib tiugaidib bias esergi
na ndôeni, 7 ni i corpaib sémib 7 rofo[e]llib mar aer nô gdith,
amal ropo chetfliid sin dond eritecdu do Éotaic, doruniénair
curpu na esergi comtis semiu 7 comtis fôiUu indas der nô gdeth.
Ro forudslig ïmniorro Gregoir [36-'] naem in cetfaid sin 7 ros-
fathgé.
20. Cestnaigtht'r di^?^ uair is i corpaib dlùthib 7 tiugaidib
atresat na doeni cid ar n-apair in t-apstal spirtalda dib-. Co
mbad aire atberad ara chuibde 7 ara chosmaili intib féin iar
ndhgud imfrecrai cach baill diaraile, 7 dano ara n-aille 7 ara
soc/;raide, ara soilse 7 ara n-et/^ochta. Ar taitnébtdit na ndim
thall amal m-ém isind flaith nemda.
21. Nô is aire atb«V in t-apstal spirtaldai dib, ara cuibde
7 ara n-ôentadchi thall do spirut inna hanma, amal is ôentadach
1. Cf. « Where our pious friends live joyouslv, liaving left bchind the
aliments of thclr bodics » Hyimis of thc Alliarva-vcda, tr. M. Bloomficld,
2. I Cor. XV, 44 : Scminatur corpus animale, surgct corpus spiritale.
Tidingsofthc Résurrection. 24^
and manifest — for, according to the teaching of the apostle
and the rest of the Scripture, the Résurrection itself is sure to
corne — yet others are uncertain and obscure. So that it is
more prudent and wiser that they should bc hoped for and
supposed than that they should be boldly affirmed.
17. Now ail men will arise beyond in various shape and
form, to wit, the men in the form of men and the women in
the form of women, for whcre the apostle says that ail human
beings will arise in perfect man he has there given the name
of « man » to humankind in gênerai, both men and women.
For their imperfections and their blemishes \vill be removed
from the bodies of human beings, but the peculiarity of their
proper shape and form will be preserved in them.
18. Moreover the bodies of the Résurrection will hâve in
them neither lust nor désire nor any other vice ; and therefore
they will hâve no shame though they will be stark-naked, that
is, without any covering at ail of raiment^
19. In condensed bodies and in thickish bodies will be the
résurrection of the human beings, and not in thin and very
subtile bodies, like air or wind, as was the opinion of the
heretic Eutyches, who thought that the bodies of the résurrec-
tion would be thinner and more subtile than air or wind. Saint
Gregory, iiowever, overruled and contradicted that opinion.
20. It is asked then, since it is in dense and thickish bodies
that men will arise, why does the apostle call them « spiri-
tual » ? Maybe this is why he used (so) to call them, because
of the harmony and the similarity in themsclves according to
the law of correspondence of every member to the othcr, and
also because of their beauty and comeliness, their brightness
and their splendour. For the saints will shine there like a sun
in the heavenly kingdom^.
21. Or this is why the apostle calls them « spiritual »,
because of their harmony and oneness there with the spirit of
the soûl, just as at présent the spirit of the soûl is united with
1. Otherwise according to the Talmud, Eiscnmengcr, o/). cit., II, 934,
935- . , . „ •
2. Matth., XIII, 45. Tune iusti fulgebunt sicut sol in regno Patns
eoriini.
Revue Cdtiqac, XXV. 17
246 Whitley Stokes.
innossa spirut na hanma dôib sium. Uair bid ôentadach (leg.
ôentu ?) thall co môr eter in corp 7 in n-anmain, 7 bid inund
comarli fora mbiat. Uair ni bia nacli frithbrrt //() ndch n-imre-
sain tall o neoch dib diaraili .i. on churp dond anmain nô ônd
anmain don ciiurp.
22. A'(i da/zo spirtallai do râd dib, ûair fcdligfid tall t;ia bithu
isna sostaib spirtallaib ewr aingliu Dé for nim.
23. Mi daiio spirdaltai do rad dib dond apstal on mud-sa ;
uair cwmscaigfitt'r thall asin trôge 7 asin trûalniud 7 asin
doc/;raidecht i foilet i nglôir 7 i n-etrochta, i solse 7 i sochrâi-
decht in bethad nemtriialnide 7 in bethad nemmarbdai i fed-
ligfet dogrt^'s. Ocus araide ni ba inund soc/;raidecht do chorpaib
na naem uli thall, ûair nac/; inund cid fochraic. Acht âmal is
écsamail etrochta gréni 7 ésca 7 etrochta rétland, 7 daz/o cacha
retlainde riaraili, is amlaid sin bas écsamail fochraic na firen
iar n-esérgi, 7 is airisin techtfait som sosta écsamla in-nim ara
n-âriltib écsamlaib.
24. Ardidi ni bia format neich dibsium fri araile, ar ita do
met dethiten 7 grada caich dibsium feib oc araili, iar ndesmi-
recht sin ind ôen chuirp techtas and bullu écsamla, 7 buUu ata
iiasliu araile, 7 araide ni bi format neich dibside ria cheli. Ocus
daiio anaill and, uair ni chesend nech dib som for a foc/;raic
fein, ar is e Dia a ôenur bas cosmaili//j cech mathiz/^a tall dona
hulib noemaib 7 firenaib.
25 . Cid écsamail d'ici 11 foc/;raic na firen, araide is ôen-foc/jraic
techtait-sium oraile mud .i'. ind fechtnaige 7 ind foelti chomlan
fil dôib i nDia, 7 dano ar is inund frisinti fil isind fochraic as
inisliu 7 no beth fein isind [fjôchraic as uasliu inti as chom-
inmain lais fris féin do bith isind foc/;raic sin.
26. Dobmi iminorro cach duine thall aich[ne] for araile iar
n-esergi, acht araide ni bia dethitiu neich dib thall for araile
Tidings of the Résurrection. 247
them. For bcyond there will be a union grently between the
body and the soûl, and what thcy résolve on will be the same.
For there will be no opposition or contention yonder by one
of them towards the other, that is, by the body to the soûl,
or by the soûl to the body.
22. Or again they were called « spiritual » since they will
abide beyond for ever in the spiritual stations among God's
angels in heaven.
23. Or again, they were called « spiritual » by the apostle
in this wise : since they will be changed beyond out of the
misery and corruption and the ugliness in which they are into
the glory and the splendour, into the brightness and the beauty,
of the incorruptible existence and ofthe immortal life in which
they will abide for ever. And yet not the same will be the
beauty of ail the bodies of th:; saints beyond, since even the
reward will not be the same. But even as the splendour ofthe
Sun and moon and the splendour ofthe stars are différent, and
also (the splendour) of each star from another, even so the
reward ofthe righteous will be différent after the Résurrection ;
and therefore they will possess différent stations in heaven
according to their différent déserts.
24. And yet none of them will envy the other, for there
is as much solicitude and love with one as with another,
according to that example of the single body which possesses
in it différent members, and members (some of which) are
nobler than others; and yet none of them envies the other.
And another thing also, since none of them grumbles at his
own reward, for it is God alone that will be the like,ness of
every good thing beyond for ail the saints and righteous.
25 . Though, then, the rewards oi the righteous are différent,
yet there is one reward which they hâve in another way,
namely, the complète blessedness and joy which they possess
in God, and also because to one who has a lower reward it is
the same as if he had a higher reward when that reward is
given to one who is as dear to him as himself.
26. Now every one yonder will recognise the other after the
Résurrection. Howbeit none of them yonder will feel solicitude
fbr another according to the law of gossipred or rehitionship;
248 Whitley Stokes.
iar ndligud chardessa 710 chondalbais, acbt ôentadaigfit ule do
fugiull firdii in Chomded ernifes do chach amal dlé.
27. Dofucfa dano cdch thall na mbia fo m^ninain a chéli cen
a falsigud o hrhthraib nô o chomarthaib ailib, 7 tucfait o teor-
fégad spirtalla a mm£?7man na réta atd ecnairce doib 7 ara
etrrciana ùadib, iar ndesmirecht [36^] sin ind fdtha nôim Elesi
ro thuc t;ia sp'irut fastine ana ndtrnai a descipul Gezi ina ecmais
p. 7 se i n-etercèni ûad, 16g on do gabdil o Nemdn Sireta ar
a ic don claime. tJair cia rét fil i n-anfis ocond fairind dofucat
in Comdid oc ndch fil ndch n-anfis ?
28. Ni dingnet iminonv na firéoin ndch monor aile thall
acbi ani dorairngert in fdith D^v/;/d co «-érbairt : Mon-genair don
fairind attrebait it [tjegdais[s]iu, a Chomdiu, not-molfat 7 not-
adamraigfet dogyés triasna saeglaib suthainib^ Ni ô hnatbraib
imniorro nô ô gothaib corpdaib sechtair dogénat na nôim in
molad-sa for Dia, acbt o theorfegad spirtalla 7 o scrutan inme-
donach a ndligid 7 a n-intliuchta.
29. Atreset da;/o na huli ecraibdig i n-ôge 7 i comlaintiMi
a corp cen digbdil 7 cen esbaid nach mbaill forthu. Acbt araide
is amlaid beti na cu[i]rp sin, co tôrtrommad 7 co ii'emilnus,
co «dodelbi 7 co iidocbnmc dc/'mair nia comaitecht. Ni thatnéba
da//c' i n-anmannaib na n-ecraibdech dliged intliuchta nd tucsen
solsi ecnai nô éolais, acbt beti fô brôn 7 torsi co temel dorchaide
a n-anéolais 7 a n-anecnai ar medôn. Duba da;/o uH sechtair
o churp.
30. Mairg iarom, (or in t-ecnaid, dond fairind filet oc ernaidi
na esergi sin, ar ni lugu as ainni dond esergi sin tathchor a
I. Beati qui habitant in domo tuo Domine! in secula scculorum lauda-
bunt Te. Ps. LXXXIII, 5.
Tidings of the Résurrection. 24g
but ail will ngree to thc rightcous judgment of the Lord who
will rendcr to every one as he may deserve.
27. Every one also yonder will understand what shall be
in another's mind without its being manifested by words or
by other signs, and they will understand, by the spiritual insight
of their minds, the things that are absent and are far away from
them, after that example of the holy prophet Elisha, who
understood, through the spirit of prophecy, what his disciple
Gehazi had donc in his absence, and he far away from him,
taking a reward from Naaman the Syrian for healing him of
leprosy ^ For what is there unknown to those that understand
the Lord unto whom nothing is unknown ?
28. The rightcous, however, perform no other work beyond,
save what thc prophet David foretold when he said : « Happy
are those that dwtll in thy house, O Lord : they will praise
thee and admire thee continually through the everlasting
âges ». It is not, however, by words, or by corporeal voices
externally, that the saints will make this praise of God, but by
spiritual insight and by internai méditation of their law (?) and
their intelligence.
29. Ail the impious also will arise in integrity and in com-
pleteness of their bodies, without diminution and without
defect of any member upon them. Howbeit, thus will those
bodies be, with ovcrburthening and molestation, with unsha-
peliness and excessive oppression accompanying them. Again,
in the soûls of the impious, thc law ot intelligence or of under-
standing, of illumination, of wisdom, or of knowledge, will
not shine ; but they will abidc in sorrow and sadness, with the
dark obscurity of their ignorance and thtir unwisdom within.
They will ail, moreover, be black of body^ outside.
30. « Woe, then », says the wise man, « to those who
are awaiting that résurrection, for not less may that rcsurrec-
1. Sec Lib. IV Regum, c. v. •
2. « On thc dav ot résurrection some faces shall become white and other
faces shall become biack. And unto them whose faces shall become black,
God will say, Havc ve returned unto your unbclief after ye had bclicved ?
therefore taste the punishment, for that yc hâve been unbelievcrs », Sale'g
Korarij p. 45, and sec RodwcH's Koran pp. 373 n., 508.
2'io Whitley Stokes.
bas i mbds do fcdlig//(f i mhds andis [dond esérgi na firén]
tadchor a bas i mbethaid do {^dïigiul i mbethaid.
31. IS é dano bas na hanma, a herchra 7 a hélûd tria phecdaib
7 dualchib on bethaid forordai .i. o Dia. Uair amail is é bethu
in chuirp ind anim, is amlaid is é bethu na hanma Dia, 7 amal
is é bas in chuirp a dtTge ônd anniain is anilaid sin is é bas
na hanma a d^'rge o Dia ara phecdaib 7 ara dualchib. IS and
imiiiorro atâ esérgi dond anmain, intan tathcures tria sualchib
7 deg|g]nimaib cosin Comdid, 7 ni hetar innas aile sin acbt
tria guth Maie Dé .i. tria forcetul in Chomded do chomollad.
32. IS coir a fis co filet da esérgi and .i. cétesergi 7 esérgi
tanaisi. Is i in cétesergi' .i. esérgi na hanma ôna pecdaib hi
sualchib tri athrigi do denam, 7 ni fil acbt dona firenaib namma
ind esérgi sin. IS i hniiwrni ind esérgi tanaise ind esérgi bias
il-lô bratha dona ulib dainib a bas, 7 cid ôen 7 cid inund in
bas sin iar n-aiciiiiid chohcbijin araide techtaid delba 7 gnei
écsamla fair ar immad na tc/chor 7 na tecmong triasa fagaib
cich and.
33. Ind esérgi cohcbcnn tra bias tall il-lo bratha, ni hinund
7 ind esérgi dianid ainm isind augtartas pr^estrigia .i. esérgi
fuathaigthi, amal in pitondacht. No ni inund 7 ind esérgi dianid
ainm reuolutio .i. tathchor na hanma i corpaib ecsamlaib iar
ndesmirecht na tathcorthe. Nô ind esérgc dianid ainm metafor-
matio .i. tarmchrwtad, iar ndesmirecht na conncht. Nô ni inu[n]d
7 ind t'sérge dianid ainm subductio .i. fothudchestu .i. amal
bite lucht ind remeca. Nô ind (^sérge dianid ainm SMJcitatio .i.
tod/zicud marb tria mirbail, iar ndesmirccbt Lazâir.
34. [37''| ISscii so da;^(' bias and, atrésat na hule daini thall
I. Tlic phrase, resiirrectio piiDia, is found, but witli a diftcreiit mcaning,
in Apoc. XX, 5,6.
Tidings of thc Résurrection. 25 i
tion be namcd a rcrurn ont of death into death to abide in
death than the résurrection of the righteous a return out of
death into life to abide in iife. »
31. This, then, is the death of the soûl, its perishing and
departure, through sins and vices, from the all-golden hfe, that
is, from God. For as the soûl is the life of the body so God
is the life of the soûl. And as the death of the body is its
departure from the soûl, so the death of the soûl is its depar-
ture from God because ofits sins and its vices. Then, however,
there is a résurrection for the soûl, when it returns, through
virtues and good works, to the Lord, and that is possible no
other way except through the voice of the Son of God, that is,
through fulfîlnient of the teaching of the Lord.
32. It is propcr to know that there are two résurrections,
namely, a first résurrection and a second résurrection. This is
the first résurrection, the résurrection of the soûl from sins in
virtues through making repentance; and that résurrection is
for the righteous only. The second résurrection, however, is
the Résurrection which, on Doomsday, will be for ail men out
of death. And though that death is one and the same accor-
ding to gênerai nature, yet it bears varions shapes and forms
because of the multitude of happenings and accidents through
which it leavcs each one therein.
33. Now the gênerai Résurrection which shall be beyond on
the Day of Judgment is not the same as the résurrection which
in the authority is called Praestrigia, that is, an apparitional
résurrection, like the pythonism. Nor is it the" same as the
résurrection called Reuolutio, that is, the transmigration of the
soûl into varions bodies, after the example of the transmigrated
persons. Nor the résurrection called Metaformatio, that is,
transfiguration, after the example of werwolves. Nor is it the
same as the résurrection called Subductio, that is subduction,
as in the case of the prematurely dead. Nor thc résurrection
called Suscitatio, that is, the awakening of the dead by a miracle,
after the example of Lazarus.
34. This then is what will happen there. In the gênerai
2 s 2 Whitley Stokes.
isind esergi choitchinn, i n-âis trichtaigi ina ndeilb 7 ina n-écosc
diles co com[ld]ni/7i- a cuirp 7 a n-ule cetfaide, co comlani?/^
d-Mio a folrne 7 a n-ingen 7 cech baill archena, 7 congéba cach
tria nert 7 c//maclita in Chomded a anmain féin i n-6entaid a
chuirp di\is, 7 fedligfit dogrcs isin hethaid suthain cen des cen
crchra. Ar is i sin co demin ind fircsergi is di ainm isin scrip-
tiiir esergi tan^w^' i rc/zdiulg na cetcsergi .i. na esergi bis tria
athrigi.
35. Cip é im;;wrr() na c/vte co forbthe 7 co comlan esergi
in ciniuda dôennai fon n-innas-sa sechmalfaid^ tall on tslanti
suthain tarngirth^r dona naemaib 7 dona firénaib for a n-iris.
36. Acht a duine, for in t-ecnaid, maso dodaing lat co ro
chrete in mirbuil-sea na esergi, fég lat gnima aile in Chomded,
7 cidat gnàthchiu sidc ni lugu ata mirbaile. Fég ém lethet ind
nimi 7 a farsingi, méit in tiûinan, abis- in mara timchcllas in
iahnain sin do cech aird 7 na hule dule filf/ indib. Feg da;?o
angliu nime. Fég ém na duli sin 7 na dule archena ro ;zdt'r[n]ta
do nemni tria nert 7 c//machta in Chomded. Ar is lugu co mor
di mirbuil nâch n-aicde do dénam innossa do adbar tria bréthir
nDé andat na hule dule do dcnam thall ar thiis di nemni triasin
mhrethir sin. Ar is inund guth Dé atbrrar sund innossa triasa
mbia thall esergi dona ulib marbaib 7 in hnathar triasa ndt'rna
thall arth/h" na huli duli de nemni.
37. Aduineiarom,forin t-ecnaid, demnig[et] duit in mirbuil-
sea inna esergi, na craind dt'rmara, cuirp na ndaine 7 na
n-anmanna archena genit 7 t//.fmitir dina silaib dé;réolaib :
tcrcbala da;;() na rind iar funiud : athnugud dâiio na fér 7 na lubi
7 cech réta archena dia fil in fcrbairt 7 in beôgud.
1. leg. scchmallidcr, which is translated.
2 leç. abcis.
Tiiiiniis of the Résurrection. 2ç ^
Résurrection ail men will arise at the âge of thirty in thcir
proper shape and forni, with completeness of their bodies and
ail their sensés, with completeness also of their hairs and their
nails and every other member. And every one will, throuç^h
the strength and might of the Lord, take his own soûl into
union with his proper body, and will abide continuallv in
eternal life, without âge, without decay. For that assuredly is
the true résurrection which is called in Scripture a second
résurrection, in comparison with the first résurrection, that is,'
the résurrection which takes place through repentante.
3 5 . But whosoever does not believe perfectly and completelv
in the résurrection of the human race in this wise shall be left
out of the everlasting salvation which is promised to the saints
and to the righteous for their faith.
^6. « But, O man », saith the sage, « if thou deem it dif-
ficult to believe in this miracle of the Résurrection, consider
the other works of the Lord ; and though thèse are more
numcrous, not the less are they miracles. Behold the breadth
of the sky and its amplitude, the she of the earth, the abyss of
the sea which surrounds that earth on every quarter, and ail
the créatures that are therein. Behold, again, the angels of
heaven, yea, behold those créatures and the other créatures
that hâve been made of nothing through the strength and
might of the Lord. For it is much less of a miracle to make
of matter at présent any structure through the Word of God
than to make there at the beginning ail créatures of nothing
through that Word. For the Voice of God which is now^
declared hère (as being that) whereby the Résurrection will be
for ail the dead is the same as the Word whereby He made at
first ail créatures out of nothing.
37. « O man, then », saith the sage, « let the huge trees
assure for thee this miracle of the Résurrection: the bodies of
men and of the other animais which are born and brought forth
from the petty seeds : the risings, also, of the stars after setting :
tiie renewal of the grasses and the herbs and of every other
thing in which there is increase and quickening^
I. Cf. S. Gregor., lib. 14, moral, c. 28, 29, 30.
2i;4 Whitlf'y Stokes.
38. Doraga tra ind luiir i mbia esergi dona hulib marbaib
tria erfuacra Maie Dé, 7 at;rset and sin ind fairend dorônsat
na mathi i n-eserge mbethad. Ind fairend immorro dorônsat
na hulcLi i n-eserge ndigla 7 fugill. IS andsin arthraigfes in
bretliem diada isin delb sin in ro mided fô brithemain dôennai.
IS and sin midfed som co Hrcn fo/'sna dôenib isin deilb in ro
mided co hanfirén ôna dôenib. IS and sin dano arthraigfes
brithem firen in ciniuda dôennai .i. in Comdiu Isu Cvîst, isin
deilb inad sochma do cliach a fcSad, cwr firenu 7 pectachu .i.
i ndeilb a dôennachta.
39. IS and sin dawo ernifes foc/;raice dona firenaib 7 piana
dona écraibdechaib. Uair ind fairend na techtat errann//j-
innossa [37''] isin chetna eserge .i. inn eserge na hanma, atresat
sin uli thall isind eserge choitcbiim, 7 araide ni fliigbet sith no
ôentaid fechtnaige nô flielti ocon Chomdid, acht laefit/V ûad i
carcair n-aduathmair n-iffirnd, 7 fodémat and sin piana 7 toder-
nama ecutr//nima ara mmiaraltib ecsamlaib. Ociis cid môr 7
cid adbol ind airi dob^Va nech f(;)f[sjin pein sin, is nemni sin
i rt)/Kiiulg 7 i tegad na peni fcssin ani(7/ atd.
40. Ind fairend ïmniorro atragat innosa tria Cvisl isin chetna
esergi .i. ind esergi bis tria aithrigi, atreset da;w thall tria Chr/5/
in esergi in bethad suthain, 7 nos-b^ra leis isin flaith suthain i
frecnarcwi ind Athar nemda tria bithu na mbetha. IS and sin
fogébat na fireôin foc/^raic ndt'rmdir ara sualchib 7 ara ndeg-
[gjnimaib .i. in Comdiu fein o fûaratar na sûalchi sin 7 na
deg[g]nima. Ar is é in Comdiu bas chomlanti//^ cer/;a airir 7
ce^/;a hairfite thall dond celais. IS e dam) atchichestâr tria
bithu ond eclais cen cr/'ch, cen forcend, carfaidcr cen emilti//.T,
molfaidrr cen scis. Ar is e seo iar fir in bethu suthain tarngir-
thcr dona naemaib 7 dona lirénaib iar n-esergi, frecnarc/o- na
nôem-Thrinoti ûasli, Athar 7 Maie 7 Spirta Naim.
Tidings of the Résurrection. 2 5 5
38. The hour will corne when ail the dead will arise throiigh
the proclamation of the Son of God^ and then those that hâve
donc good will arise to the résurrection of life, but those that
hâve done evil to the résurrection of punishment and Doom.
There will appear the Divine Judge in the shape in \vhich He
was sentenced by a human judge. There will He pass judgment
righteouslv on men in the shape in which he was judged un-
righteously b}* men. Then, too, will appear the righteous Judge
of the human race, the Lord Jésus Christ, in a shape where-
in it is possible for ail — both righteous and sinners — to
behold Him, that is, in the shape of His Manhood.
39. Then also He will bestow rewards on the righteous and
inflict punishmentson the undevout. For those that hâve no par-
ticipation now in the first résurrection, that is, in the résurrection
of the soûl, those will ail arise in the gênerai Résurrection, and yet
they will receive neither pcace nor union, prosperity nor joy at
the hands of the Lord ; but they will be hurled from Him into
the awful prison of hell, and there, for their varions ill-deserts,
the}' will endure unequal pains and punishments. And though
great and vast be the heed that one may give to thar pain, it
is nothing in comparison to beholding the pain itselt as it is.
40. Those, however, that will now arise through Christ in
the first résurrection, thatis, the résurrection which takes place
through repentance, will also arise there through Christ in the
Résurrection of life everlasting, and He will take them with Him
into the everlasting kingdom in the présence of the Heavenly
Father for evermore. Then for their virtues and for their good
Works, the righteous will receive a vast reward, to wit, the Lord
Himself, from whom they got those virtues and good works;
for the Lord will be there the fuUness of every happiness and
delight for the Church. 'Tis He then that will be seen for ever
by the Church, without limit, without end, that will be loved
without tedium, that will be praised without weariness; for
this is, of a truth, the everlasting life which is promised to the
saints and to the righteous after résurrection, the présence
of the noble, holy Trinity, Father and Son and Holy Ghost.
I. John, V., 2).
5 6 Whitley Stokes.
GLOSSARIAL INDEX
abéis, 36, ahyss of tbe sea, aibhéis, i. muir O'Cl. Cyvar. ajjiuys. Cognate
with pc'vOo;? abis Ml. 55^ 11, LB. 14')'% pi. ace. abissiii, Ml. 51J 8, is a
différent word, borrowed frora abyssus.
aicde, 36, structure, a techt i n-aicdi Ml. 31^,10, shews that in Old-Ir.
this word was féminine,
aichnius, 12, knoivlcdge. cf. aichnim l knoiv, the encl. form oi ailh-giiiiu'in.
aicside, v. nem-aicside.
âldiu, 1, compar. oi alaiiid « beautitul ».
and-all, 14, there bcyond.
ana-n, 27, rel. pron. See Pedersen, C. Z. II, 381.
an-ecnae, univisdo})i, gen. anecnai, 29.
an-éolas, Ignorance, gen. aneolais, 39, dat. anéolus, Tigernach, A. D. 354.
an-foUus, nnclear, doubtfitl, 29, 38, pi. n. anfalsi, 16.
anmanna, 37, an aniiual.
an-mesarda, 10, niiiiieastirnblc, torsi ainmesarda, LB. 187^21.
ârilliud deserviiigness, dat. âriltib, 23.
atchichestar, 40, for ad-d-chkhcstar, 3d sg. fut. pass. o{ atciii « I see ».
atcluinfet, 4, fut. pi. 5, oi atchdnim.
ath-geoim, / contradict, contest, ros.-fathgé, 19, with prothetic f: verbal
noun : dia aithgiud LU. 133^, dunini aithgead LU. 133'% aithcheo Ac.
na senôrach 3003, v. aidcheôd Meyer Contribb.
ath-nûigim, 6, I reunv, conj. sg. 3 co ro athnuige, 14, verbal noun athnu-
gud, 15, 37-
atracht, 8, 3d sg. t-pret., atreset, atresat, 6, 8, 17, 26, 39, 40, atrésat, 34,
from ad-d-reset, 3d pi. s. fut., oicss-rhig with infixed pron. and substitu-
tion of ad for css.
atâatar, 4, for ad-d-ûatar, where the infi.xed d seeins a relative.
augtar, 14, aiithor, augtartas, 33, antboritv.
banda, 17, u'Oiiumly, femaJe, bandae, O'MuIc. 796.
beôgud, 37, verbal noun of bcoigidir « vivifies ». Wb. 13^7, uo-iii-bcoigcdar
Wb. 19^20.
brafad, 4, a flashUig, a twinkJiiig, also spelt brathad ; from *mrachad, cogn.
with Lith. vh'rkti, and perhaps Goth. brahiv.
bruinniud, i, a smelting, verbal noun oî brubnuin.
bruthmar, 2, gloiuing, fiery. deriv. of briitb.
carcair, prison, ace. carcair, 39, borrowed from Lat. carcer.
Tidings of thc Résurrection, 257
cardess, rdationship, gen. cardessa, 26.
cesim for / griimble at ? près. ind. sg. 3, ni chesend, 24, s. prêt. sg. 3
cessis a menma LL. 70*17, 175*2: verbal noun cessacht.
cesta, 8, 12, question, gen. pi. aithle na cesta ndùr ndub, LL. 143^41.
cét-esérge, 52, ^4, Jîrst résurrection.
cét-tuistiu, /r.f/ création, dat. sg. céttuistin, 14.
com-inmain, 25, equally dear.
com-méit, 8, equally large.
com-mctius, 8, equality in si{e.
com-opred, 13, coopération, collaboration.
com-thôither, 12, is converted: verbal noun comthoud, comthôth.
condalbas, 26, relationship.
conricht, 33, werwolj. See Mcyer Contribb., p. 479.
cruthaigim (-iur?), 14, Iform.
cuibde, 21, harmony.
dammain, 14, damnation = dammin Wb. 24^17.
deg-arilliud, ivell-deservingness, dat. pi. degariltib, 1 5 , deg-gnim, a good uvrk,
pi. ace. deg[g]ni'ma, 40, dat. deg[g]nimaib, 40.
demnigud, certifyiug, gen. demnigthea, 16, verbal noun of demnigim.
didu, 7, 8, 9, 15, 16, 20, 25, Old Ir. didiu.
dlé, 26, 3d sg. sub). of dligitn. After awal, the relative dks would hâve
been more regular.
dlechtach, 9, dleclitanach, 10, lawful, due.
dochraidecht, 11, 23, ugliness.
dochraite, 29, oppression ?
déchus, 16, verisiinilitude, probahility, gen. dochusa, Fierabras, 4, cf. ando-
chas « presumption », Meyer, Contribb.
dodelbe, 29, itnshapeliness .
do-moiniur, l think, dep. perf. do-ru-ménair, 19.
droch-arilliud, ill-deservingness, dat. pi. droch-ariltib, 15.
duine, 17, hiimankind, seems a fem. absiract noun: see Brugmann C. Z.,
III, 597, and cf. Sg. 28* 2: as coitchennfolad duine huile « that thcre is a
common substance of ail mankind ».
ecnaide tvise, compar. ecnaidiu, 16, cogn. with ecnaid 30, 36, 37, and ecne
(aith-gne).
clùd, 51, evading, fleeing. gen. éelutha Wb. 11- 11.
erfuacra, i, 4, -^^y proclamation.
eritecda, heretic, dat. sg. eritecdu, 19. gen. pi. heretecdae, Thés. pal. hib.,
II, -^^-j a sage.
ernaide, 30, awaiting, cognate with arneut-sa Wb. 14*18.
errannus, 59, participation, cogn. with rann « part ».
es-srédim, I scatter, spread, prêt. pass. pi. 3, ro esrete, 6.
etar, 31, better etcr, able, possible, as in ni hetear le tiachtain isin tinol sashe
cannât go into this assenibly, B. Bail. 461 ''41.
cterciân, 27, remote; cf. etarcéin, /ar au'ay Wb. 26*14.
ctercéine, 27, remoteness.
258 Whitlcy Stokcs.
ferda, 17, masculine, iiuiuly. Hence ferdatu iiianhood.
fi'r-eserge, 34, true résurrection.
fôill, subtile, thin, compar. fôilliu, 19.
faille, faille, 13, subtility.
fo-ro-daim, 11, 3d sg. prêt, (o ro fodaim, 11) forodmotâr, 11, jd pi. dcpo-
nential prêt, oî fo-damaim, redupl. fut. pi. 3, fodémat, 39.
fortho, 9, forthu, 11, 29, for Old-Ir. forru.
for-tuge, 18, a covering, clothing ; Cymr. gortho: cf. imtbuge Wb. 6''3.
fothudchestu, 35 (gl. subductio).
frithbert, 21, verbal noun oî frishiur (gl. obnitor), Sg. 22^6.
fùathaigthe, 33, Y\X. fornicd: spectral, apparitional. irom fiiatb an image,
spectre, apparition, O'Br.
gainiur, I aniborn, près. ind. pi. 3, genit, 37 (O. Ir. gainetar, Sg. 39226),
perf. ro genatar, 9. Gr. yii'voaai, Lat. gi-gno.
i affixed pron. pi. 3, bet-i, 5, 29.
im-naire, 18, shame.
in-demin, tmcertain, pi. indemni, 16.
luget, M, smallness, cogn. with lugu less, 30, 36.
mértait, 12, redupl. fut. 3d pi. of maraim I remain.
mesardae, 10, moderate, deriv. o{ messar « measure », Sait. naRann, 7925.
metaforinatio, 33.
mi-arilliud, undescrvingness, pi. dat. miaraltib, 39.
mon-génair, 28, happilywas born, mongénar, Br. Da Derga, 1 1 1. O'Dav. Gl.,
1240, s. V. matulaid. The mon may be cogn. with Lat. niilnus, i. q. bonus,
and génair is 3d sg. perf. o( gainiur, q. v.
ncm-aicside, 10, invisible, pi. ace. na renna aicsidi 7 nemaicsidi, Dinns.,
81.
nem-chorpda, 4, incorporeal, dat. nem-chorpthu, 14.
nem-thrùalnide, 13, 24, incorruptible, ace. sg. fem. amal gréin nemthrual-
nide, LE. 34a.
nôem-thri'nôit, holy Trinily, gen. ni'emtrinoti, 40.
ôentadach, 21, uniled.
ôentadaigira, 26, 1 unité.
ôentadche, 21, unionism.
pitôndacht, 33, pythonisni} see Ducange s. v. phitoncs and pythoni:^are.
praestrigia, 33.
rem-éc, 3 3 , prématuré death ?
rem-slatratu, presumption, LU. 3)'-'5i, gen. renislatratad, 16.
reuolutio, 33.
ro-fôill, very subtile, pi. dat. rofo[e]llib, 19.
ro-remar, very llnck, dat. pi. roremraib, 10.
s infixed pron. of pi. 3, no-s-bera, 40, no-s-berat, 5, no-s-tinôlfa, 4, no-s-
athnuigfe, 6.
sîreta, 27, Syrian = Serdae Ml. 37^6.
slaidred, 15, dross, sli^dred n-argait litharge. Ml. 85^7.
slatratu, boldness, ace. sg. slatrataid, 16, v. Laws, III, 92.
Tidings of the Rniirrection. 2J9
sochraidecht, conieliness, gen. -echta, ii, dat. sochraideclit, 23, deriv. of
sochraid « comely ».
suhdiictio, 55.
suscitatio, 33.
t infixcd pron. of 2J sg. no-t-adamraigfet, no- 1- mol fat, 28.
tatnéba, 29, taitnébtait, 20, they will shine, b-fut. of luitiiini with the
same ending as in matait, 12.
teor-fégad, 27, 28, contemplation, a conipd. oï teoir = Lat. theoria, a.ndfégail,
38, 39, verbal noun of fegaiin « I see » : cf. nad j'egar, Ml. 36'>38.
terchor, 32, a happening.
tirûarthim, I reniain, 14, dep. s-pret. ro-thirûarthestar, 14, enclitic forms
of which the first élément is to : cognate forms, of which the first élément
is de,àrQnideruaridM\. T,ï^6,pl. dortiarthatar (g\. remanserunt) Sg. 5'''i5.
tiugaide, thickish, pi. dat. tiugaidib, 19, 20. deriv. of tiug cogn. with Eng.
thick, Germ. dick.
trichtaige, 34, the space of thirty years. But in the Carisruhe Beda, Thés. pal.
hib. II, 10, it means a space of 30 days.
trùalniud, 23, défilement, corruption, hom* to-for-ess-liniud ?
London, April 1904.
Whitlcy Stokes.
SUR L'ÉTYMOLOGIE BRETONNE
(Suite.)
XVI. — PLOK.
M. du Rusquec donne: « Plok, adj. Net. » Il a pris ceci à
l'cirticle de Troude : « Plok, adj. V. Net », en supprimant la
mention du dialecte de Vannes. En réalité, il n'y a, pas plus
en vannetais qu'ailleurs, d'adj. plok, net. Si Troude l'a cru,
c'est qu'il a été trompé par le dictionnaire de l'A., qui donne :
« Ploc Ploc Fil de poil de vache, Nastt ploc. m. » Il a coupé
cet article en deux parties qu'il a interverties ainsi :
« Plok, adj. V. Net.
Plok, s. m. V. Le fil de poil de vache. »
La simple disposition typographique montrait pourtant que
dans le texte de l'A., natt est breton, comme ploc qui suit:
nœtt ploc traduit « fil de poil de vache » et signifie littéralement
« fil de ploc ».
Le dictionnaire de Trévoux définit ploc: « composiiion
de verre pilé et de poil de vache qu'on met entre le dou-
blage et le bordage des vaisseaux pour les préserver des vers » ;
il ajoute: « ploc, ... fil de poil de vache... couvertures... à
ploc ». Voici la définition du Dictionnaire général Hatzfeld-
Darmesteter-Thomas : « poil grossier amalgamé avec du
goudron pour protéger le bordage des navires contre le ravage
des vers. »
Bullet tirait le franc, ploc du breton ; il y a tout lieu de croire
que c'est l'inverse. M. du Rusquec donne « plok, sm. Le fil
Sur l'Étymologie bretonne. 261
du poil d'une vache », en comparant, outre le franc, ploc, le
lat. plicare et le grec z:\'.z; ! Littré compare aussi ploc à pli-
cnre; Jal avait pensé au bas lat. pelorcus étofle velue, peluche.
XVII. — DANZEAT, DANZE, DANS El, DANZEI,
DAXZEN, DANZEL, DAKZERI.
1. Pel. donne: « Dan:^eat, Bien nourri, qui a profité de la
nourriture, qui a de l'embonpoint. Il se dit des hommes et des
bêtes. Ce mot n'est pas commun dans l'usage et son origine
m'est inconnue. Davies n'a point ce nom. » Roussel )iis porte :
« Da7i:;eat bien nourri qui a profité de la nourriture qui a
de l'embonpoint. «
Ce mot manque chez les autres lexicographes bretons, sauf
Troude qui, seulement dans son Nouveau dictionnaire... breton-
français, écrit: « dai\eat, adj. V. Bien nourri, parlant des gens
et des bétes »; il le marque encore comme vannetais, p. 696.
Mais il a été sans doute déterminé à cela par le / final, parce
que, dans ces sortes de terminaisons, le léonais préfère d. Milin
a, dans cet article dan:^eat, effacé « V » et ajouté : « (Léon)
qui a de l'embonpoint, qui a profité de la nourriture. » Il est
très possible que cette rectification s'appuie simplement sur Pel.
et sur Roussel ms, document léonais qui était en la possession
de Milin.
2. A défaut de confirmation directe du renseignement fourni
par ces deux autorités, qui sont dans une étroite relation, nous
trouvons une forme voisine de dan:-eat, dans le nom de famille
Le Dan::^é, en 1768, Inveniaire-soinniaire des archives du Finistère,
série B, p. 1 17. Il existe encore à Plogoff, écrit Dan^e, on pro-
nonce danii::^e part' fermé (Loth, Annales de Brelaone, XV, 398).
Ce mot a tout l'air d'un adjectif tiré du participe dauÀ^eat, ou
plutôt d'une variante moins strictement léonaise *dan:^eet; le
procédé est fréquent, cf. mon Glossaire nioy. bref., s. v.
ac'hubi, etc.
3. Cette induction est appuyée par l'existence en trécorois
d'un verbe inconnu des dictionnaires, dont voici un exemple
Revue Celtique, XXV. , 18
262 E. Ernault.
de 1857:0 iansei arc'hant evit soutoiidige:^^ Giuillcrni, recueillant
de l'argent pour soutenir Guillaume, Hisloarioii ha parahoJenou
an Tad Bonavcntur, Sant-Briec, p. 233. Dans le geriadiirih ou
petit glossaire qui termine son intéressant volume Ma heaj
Jeni::ak}n, Saint-Brieuc, 1903, p. 362, M. l'abbé Le Clerc
explique dan:(cii par « préparer ».
M. F. Vallée a bien voulu me communiquer à ce propos les
notes suivantes: dan^ei, dan^ei, préparer (bas Trèg.); dan^ei
Icin, préparer le déjeuner; se dit, mais rarement, à Plounévez
Moëdec. E oamp 0 tan::^ci Duvit a-roh, nous nous préparions à
partir, Li^ero hreuriez^ar Je, sept. 1898, p. 30. Oian:{ci dichaJan
'nian ar môr, la mer est près de se retirer. Variantes : à Plou-
névez Moëdec, daii^eri; 0 tan~eri iiicni ou lein 'ver, on est à
préparer le repas. Dan^^el, id. ; dan:(eet e lein, le déjeuner est
préparé. A Coadout, on dit dan':^cn : dan^en tara d'e vugale,
gagner du pain pour ses enhnîs ; Ma r gai l dan-cu arc'hant d'ober
korfadou inad, s'il peut amasser de l'argent pour faire bombance
(Dir-na-dor). Les formes les plus usitées en bas Goello, où
ce mot est surtout connu, sont dah::^ci et dan~en. M. Le Clerc
a employé le dérivé dan:^eer au sens d' « économe (de col-
lège) ».
Le rapport du sens de dan:(eat à ceux de dan:^eet, etc., ne
peut être déterminé a priori; il fout d'abord s'assurer de leur
origine commune.
4. On peut être tenté de la chercher dans le voisinage du
bret. hoahxe, (le) séant; mais c'est une forme purement tréco-
roise, qui ferait attendre en Léon *da:(e:(et et non danxeat ; cf.
Gloss., 121, 122.
5. Le mot de l'Aunis dan:^er, dompter, dresser les animaux
(cf. Littré, Supplément , v. dompter; poitevin id. Favre, danzé,
don^é, Lalanne, centre de la France donner, Jaubert), suppo-
serait une dérivation insolite. Sur les verbes bretons en -en,
part, -eel, qui sont empruntés au français, on peut voir
Zeiischrift fiïr celt. Phi loi., II, 510.
6. Dan^eat, dan~en, etc., se rattacheraient-ils au franc.
essayer} Un examen attentif montrera que l'explication est
moins hardie qu'elle n'en a l'air.
D'abord, le d aura été préfixé, comme dans d'autres mots
Sur l'Pjymologie bretonne. 26^
tels que van. davé, davéein, envoyer; renvoyer, à côté deavéein,
aveu, atteler, harnacher; v. franc, aveier, aveer, mettre sur la
voie, conduire (et de convaye, convayein, couvayein, convoyer,
l'A., convaiein, escorter, Suppl.^; cf. Gloss., 333.
Quant à la nasale, elle prouve que le :( suivant vient d'un s,
car le breton évitait les sons ndh, nth, cf. Ztschr. /. celt. Phi-
lol., I, 38-46; Noies d'étym. bret. 121 (n°70, § 29). Et elle se
retrouve dans les formes vannetaises ansi, m., essai, ahsiein,
essayer, usitées à Saint-Caradec-Trégomel, etc. ; du reste, le
vieux français l'avait aussi: ensayer, essayer (P. Meyer,
Alexandre le Grand dans la littérature française du moyen âge,
I, 317). Cf. espagnol ensayar, etc.
L'j" ancien, qui se montre encore dans 0 tansei, a été supplanté
par -. Cela rappelle ansavoutet ah:^avout, avouer, où la question
est d'ailleurs loin d'être purement phonétique, cf. Notes d'étym.
bret., 122-128 (n° 71, § 1-7) ; un exemple plus sûr est le
moy. bret. hasoue:(, honneur, devenu plus tard an::^aoiie, bon-
heur, occasion, voir ibid., 128-129, § ^•
7. A côté de V m'àmixi dan~en, la forme dansei, dan:[ei n'est
pas isolée : cf. tréc. eréih, lier.
Dan::tl s'explique par le fait que le trécorois a souvent le
choix entre les terminaisons -el et -en : gelvel et gelven, appeler,
bien que d'ordinaire le rapport soit inverse, / étant plus ancien,
et que les participes ne soient pas eneet. *Dan:^eal eût été moins
isolé; cf. cantren et cantrcal, errer, etc.
Dan:;eri est une autre corruption spéciale ; nous pouvons
l'associer à la forme c'hoantre:^is, je désirai, au lieu de c'hoanteïs,
citée Ztschr. f. celt. Phi loi., Il, 511.
8. Dan~cet est seul régulier comme participe : dan:^eat sup-
poserait un infinitif *dan::riat. Mais c'est là un passage analo-
gique facile, *dan^aat pouvant aussi faire au participe dan^eet.
Le fait se montre précisément dans le verbe « essayer » : infin.
.-cf~rt/^ Gr., part, trécorois w^'/, Rev. Celt., XI, 113; cf. dkal,
dù,saieteat, sauvé, 114, etc.
9. Reste la question des sens. Ils peuvent avoir été succes-
sivement « essayer », « se mettre à, préparer », « chercher à
fournir » ; et au participe-adjectif « prêt, dispos, en bon état »,
« (animal) bien nourri ».
264 E. Ernaiilt.
XVIIL — TRUBARD; ROBART, JOBARD; IFFERN.
I. Pel. donne: « Trubar, et Tr/z/'^r/^ Traître, perfide. Plur,
Truhartet. Triibardere::^, et Trubaniii\, trahison, perfidie. Tru-
bart, qui est un substantif... peut être composé de Trii, misé-
rable, selon Davies, et de Part, partie et parti... » Le second
/ de trubartet doit avoir été suggéré ici par cette étymologie,
d'ailleurs insoutenable.
Roussel ms porte en cinq articles : « trubar, trubart, traître
perfide, misérable, gueux, faux-pauvre pi. trubardet » ; « tru-
barderes, trubardeureus , perfide, trompeuse, gueuse. Celle qui
étale une fausse misère pour obtenir ce qui ne lui appartient
pas, qui vole laumone qui trompe tout le monde de quelque
manière que ce soit » ; « trubardere^, trubardiach , trahison,
perfidie, friponerie, tromperie » ; « trubardi » (non traduit) ;
« trubardi traoïi dionch en ail, engager par des fliux discours
quelqu'un a nous donner des effets dont nous feignons avoir
besoin, se rendre faux ami de quelqu'un pour attraper son bien,
le trahir, le friponner, le subtiliser ».
Grég. a trubard, pi. trubarded « double, fourbe, trompeur,
qui dit d'une façon, et pense d'autre, qui fait bonne mine, et
mauvais jeu » ; « fourbe..., traître » ; « nftronteur » ; trubardès,
pi. -escd, femme fourbe; trubardi, affronter, foire un affront
(« tromperie malicieuse et fine ») ; fourber, tromper finement
ceux qui agissent avec sincérité; trubardérc^, pi. ou, -erc:{Ou,
duplicité, ce qui vient d'une âme double; tourbe, fourberie,
action de fourbe.
Le Gon. donne trubard, adj. et s. m., pi. cd, traître, per-
fide, trompeur, fém. -f~, pi. -ed ; trubardére^, m., trahison,
duplicité; trubardi, v. a. et n., trahir, faire une perfidie; il
remarque que « ce verbe est peu usité » ; à quoi H. de la Vil-
lemarqué ajoute cette restriction : « hors de Corn(ouaille). »
Troude traduit trubard « traître, fourbe, perfide, faux-
pauvre » ; il a encore trubard-iud, hypocrite, et trubardi, v. a.,
obtenir une chose par suite de feintes ou de mensonges : tru-
Sur FEtymologie bretonne. 26^
bardi eunn dm dioc'h eiiun dcn, obtenir par feintes quelque chose
de quelqu'un.
On dit encore en coxnou^xiWdXS trubardérei, f., femme fourbe,
trompeuse.
Le plur. iriibardereçziou, trahisons, se lit dans les Bar:(ounegou,
Morlaix, 1847, p. i (cf. Gloss., 39).
Je ne vois rien de tout cela en vannetais.
2. M. de Rusquec, s. v. fourbe, compare trubard au grec
« Tpîcw, brise «. Son second dictionnaire rapproche trubardi,
trahir, du gall. Irulh, flatterie, ce qui est plus spécieux, mais
ne rend pas compte de la syllabe -bard.
3. M. V. Henry, Lexique, 273, s'exprime ainsi: « trubard,
adj. fourbe : contamination possible de deux empr. fr., soit
truffer « tromper » (mbr. trufla) et fourber, avec finale déri-
va tive. »
Trufla, soutirer, P. Maunoir, était plutôt en moy. bret.
*truftafj; on n'en a pas d'exemple à l'infinitif, cf. Gloss.,
727.728.
Roussel VIS associe aussi les deux mots : « trucha, trufla,
trubardi a le même sens pour ainsi dire, tirer par adresse, en
flatant, en séduisant par attraits, item gueuser, trucher » ; il
ajoute : « trucheu, une gueuse, une coureuse » ; « trucher, trufler,
séducteur, truchcur et trufleur se dit dun homme et surtout
dun enfint, dun jeune homme qui recherche adroitement de
quoi baffrer » ; « truch signifie proprement adulation, telle que
celle dont usent certains gueux fripons, pour soustraire les
petits enfans, à dessein de s'en servir pour faire leurs fripon-
neries. Ce sont des malheureux gueux qui font métier de
trucher... undé truant » (le mot latin unde a été ensuite
barré). Sur trucha, cf. Rev. Celt., XIV, 289. Mil. ms donne
trufla, gueuser; « truflen subst. f., tartuffe, courtisane intri-
gante, insinuante, adroite, rusée, qui flatte, trompe et vole à
l'occasion ».
Il est naturel de comparer tous ces mots, mais leurs rapports
ne sont pas clairs. L'explication de la syllabe finale de trubard
que propose le lexique est loin d'être satisfaisante: le franc.
fourbe ne paraît pas avoir été emprunté en breton.
4. Je crois que le plus proche parent de irubart, trubard est
266 E. Ernault.
le V. franc, truhert, qui se trouve dans le Martire S. Esiiene
(Ed. Fournier, Théâtre français avant la Renaissance, p. 2 a):
Qui me tient que je [ne] t'assomme,
Meschant trubert, coquin moquart ?
On trouve dans les langues romanes d'autres mots plus ou
moins semblables : provençal trefart, trompeur, que M. Kœrting
tire de l'hébreu (2*^ éd., n° 9462); italien trujfaldino, fourbe
vénitien, arlequin, qu'il tire du lat. tuher (n° 9794), etc. ; cf.
E. Chevaldin, Les jargons de la farce de Pathelin, Paris, 1903,
p. 401-406. Le nom propre français Truffant, cité dans cet
intéressant ouvrage, p. 405, suppose un ancien *Trnffalt, cf.
ital. Triiffald-, où 1'/ peut venir de r par dissimilation, comme
dans le bret. hragaldie:(ou «^ braveries » iMaun., à côté du moy.
bret. bragard, brave (soldat), etc., cf. Ztschr. f. celt. PhiloL, II,
517-
Le V. franc, présente encore: truhert, adj., débauché; Tru-
hert, nom propre. Faut-il ajouter truhers, brancards, God., et
les formes actuelles truhard, truhert, m., garde-genoux à l'usage
des laveuses, Jossier, Dictionnaire des patois de l'Yonne,
1882?
5. Le passage de //'«/;(';■/ à truhart, truhard ne ferait pas diffi-
culté en breton, où la syllabe -erd est peu commune en dehors
du vannetais. Ce dialecte la présente précisément comme suf-
fixe, dans un mot de sens analogue: loherdein, enjôler, lober-
donr, enjôleur (voir Etudes d'ctyni., n° XXIII, § 9).
Il a aussi changé start, stard, ferme, fort, en sterd, etc.
Mais Grég. donne Rohert et Rohart, Robert ; fouilbe-inard,
pi. fonilbeinarded, fouille-merde, scarabée; cf. moy. bret. certen,
certain, certes, avec rime de la première syllabe en art, etc.,
Gloss., 102, 103 ; dans Pe heny gloar nw'n goar certes, laquelle
gloire, je le sais, certes, Mirouer de la Mort, f° 53, cer-tes doit
de même rimer en ar.
6. Un exemple du passage inverse se trouve dans le nom
moy. bret. de la joubarbe, iohert que le Catholicon, éd. a, tra-
duit en français iobarde, et non iohart comme a imprimé Le
Men. On dit en trécorois johard ; le haut breton a jouharde
(Sébillot, Traditions et superst., II, 337).
Sur l'Ëtymologie bretonne. 267
Le Cathol. traduit loitsoueun an cahte~^ en latin anmricus et
ioberti berba; ce dernier doit être une faute pour Rohcrli herha,
franc. « l'herbe cà Robert », dans l'ancienne nomenclature «t/;//-
lea, cf. E. Rolland, Flore populaire, III, 308 (bret. mod. lon-
saoucnn ar c'balve^ « l'herbe au charpentier, et au cocher,...
mille feuille », Gr., loiixaouenn-ar-cbalvex^ « achillée, mille-
feuille », Trd, cf. Liègard, Flore de Bretagne, 60, etc.).
7. La syllabe er devient aussi ar devant d'autres consonnes;
;iinsi :
moy. bret. Ropcr::;^ et Ropar::^, même origine germanique que
Robert, Gloss., 583, cf. bret. moy. et mod. enebar^, douaire, v.
bret. enepiiiicri(b), Rev. Celt.,Wl\, 32, 33 ; Loth, Cbresiomatbie
bret., 128, 259 ; d'Arbois de Jubainville, Etudes grarnni., I, 2 ;
moy. bret. Gnilbelm, Guilhrm, autre nom germain, = mod.
Guïlberm Gr., Gilkrm, GuiUenn J. Moal, Supplément lexico-
gramrnatical, Landerneau, 1890, p. 15, mais Guillarm, forme
constante dans Tragédien sant Guillarm, coiidt deus a Poetou,
Morlaix, 181 5 ; diminutif Guillarmic, ibid., p. 124;
moy. bret. sermon et sarmon, sermon, léon. sarmonn Gr.,
tréc. ■^armon ;
mod. difarlea, diferla, déferler, etc., Rev. Celt., XIX, 324,
325.
8. Des faits analogues se passent en français: par ^= lat.
per, mais surtout dans les patois : au commencement du second
acte de Don Juan, Molière écrit Biarrot, renvarsés, la niar, des
mottes de tarre, aparçu, un varre, des maries, etc.
En breton, er final ne devient ar que dans certaines variétés
dialectales, cf. Rev. Celt., XIX, 204, 205.
Devant une voyelle, ce changement est rare. On trouve en
moy. br. beraut, pi. beraiidet, héraut, Grég. donne pour la langue
moderne harod, baroud, pi. ed (avec une forme ancienne herald,
pi. ed, non attestée par ailleurs); il a, sans variantes, haros,
pi. ed, héros, harosês, pi. -esed, héroïne, harosus, héroïque. On
lit harros, héros, et le plur. harroset, p. i et 2 de la chanson sur
feuilles volantes, Da ~oudardet cô^ Napoléon, Morlaix, chez
Ledan, 1840.
C'est surtout la syllabe eni qui devient facilement arn; par
exemple dans :
265 E. Eniaiill.
V. br. -fieni et Tiarn, chef, gaulois tigcnio- Chresloni., 47,
148, 167;
V. br. loiiueni-, -Jocrn, renard, gaul. Acjepv-, Chrest., 45, 147 ;
moy. br. louarn et louern, comme le prouve la rime « Gat na
\ouani ne espernaff », Sainte-Nonne, 285, mod. Jouarn, van.
luheruc, l'A., luern , loern, pi. luernet, Châl. ///J;, GIoss., 375;
moy. br. siffernet, enroué, mod. sifern, rhume, Maun., sifern,
sivani, rhume, pituite qui découle du cerveau, éternuemenr,
sifcrui, siverni, sivarni, enrhumer, éternuer, Roussel lus; Pel.
n'a que sifern, siferni, l'A. donne sifrenein, tousser.
9. Le cas inverse de celui qui est signalé plus haut pour le
moy. bret. louarn, à lire quelquefois louern, se présente dans
ifferu, enfer, qui rime en arn à cette époque dans deux pas-
sages, cf. Gloss., 332.
Le second est certainement le texte en moyen breton qui a
été le plus souvent étudié, et dans les publications les plus
répandues.
— Pol de Courcy, De Rennes à Brest el à Saiut-Malo (dans
la collection des guides-Joanne), Paris, 1864, p. 294, dit de
l'église de La Martyre (Finistère) :
« De nouvelles additions furent faites... à cette église, par
l'adjonction d'une chapelle... Cette chapelle porte la date de
16 19... Elle a servi de charnier, d'après les inscriptions de
deux cartouches que tiennent des anges. Sur le cartouche de
gauche on lit :
Han maro : han barn : han ifern :
ien : pa : ho : soing : den : é : tlé : crena :
fol : éo : na préder.
« La mort, le jugement, l'enfer; il fait froid d'y penser;
l'homme doit trembler; fou celui qui ne médite pas. »
Sur le cartouche de droite:
Esperout : guélet : ez : eo : ret : décédi.
« Espérer, voir, il faut mourir. »
— La France artistique et pittoresque, Bretagne, par Henri
du Cleuziou, tome T, Paris, 1886, p. G6, 68, porte ceci :
Sur rÉtymologie bretonne. 269
(( L'ossuaire contient une dernière inscription en langue
bretonne, d'un effrayant caractère :
Haii. iiiaro. — Haii barn. — Han ifern.
Icn pa ho soiiig. Den e tk crena.
Fol eo na preder.
« La mort, le jugement, l'enfer.
« Froid quand on y pense, l'homme en doit trembler.
« Fou celui qui n'en médite. »
La suite se lit sur un cartouche de droite :
Espcret guclel e~ eo ret decedi
1619
« Espérez voir il faut mourir. »
De la coniparaison de ces deux lectures résulte l'impression
qu'elles sont diversement inexactes. La première a changé esperet
en csperotit parce que l'épigraphiste breton voulait voir un infi-
nitif là où son successeur a vu un impératif. Celui-ci a introduit
dans la 2^ ligne une coupe suggérée par leur façon commune
de comprendre les 4 derniers mots. Mais cette explication est
en révolte ouverte contre la grammaire : si den était le sujet du
verbe suivant, il y aurait a die.
— Dans la Revue de Paris du 15 juin 1902, M. A. Le Braz
parle, p. 797, 798, de « l'inscription de La Martyre, en vers
bretons », qu'il lit et traduit ainsi :
« An Maro, an Barn, an Ifern ien
Pa ho soing den e tle crena
Fol eo na preder e speret
Guelet ez-eo ret deceda.
« La Mort, le Jugement, l'Enfer froid, — quand l'homme y
songe, il doit trembler. — Fol est à coup sûr son esprit, —
s'il ne voit qu'il faut décéder. »
De même, dans l'introduction à la seconde édition de La
légende de la Mort che^ les Bretons Armoricains, Paris, 1902,
p. xxxii, xxxiii, où il y a un point après crena.
270 E. Ernault.
Voila une nouvelle lecture qui surprend par la transforma-
tion radicale de la forme. Est-il possible qu'un même objet
soit vu de tant de manières différentes par des érudits qui s'at-
tachent à le décrire ?
Quant au fond, il a évidemment gagné beaucoup. Nous avons
maintenant un texte en vers, où décoda, et non plus decedi,
rime à creua; pour compléter la régularité métrique, il ne faut
plus qu'une chose : admettre la prononciation Ifani, qui rime
à harn, comme cren-a à den, etc.
Au point de vue de la langue, nous voyons disparaître le
solécisme den e tic, et la division e speret écarte définitivement
le verbe « espérer », non moins déplacé -ici pour la grammaire
que pour le sens.
Il y a pourtant dans cette traduction deux méprises : na preder
ne signifie guère « à coup sûr »,et guekt peut encore moins
s'interpréter « s'il ne voit ».
— Dans les Annales de Bretagne, II, 437, M. Loth pubhe,
d'après la copie de M. l'abbé Corre, et traduit ainsi des vers
qui se trouvent à la fin du Mironcr de la Mort, composé en
15 19 et imprimé en 1575 (appelé deux fois par erreur « ma-
nuscrit », cf. p. 255) :
« An Maru, han Barnn, han Iffern yen.
Pan ho soing den ez die crenaff":
Foll eu na preder e speret,
Guelet ez eu ret decedafi^.
La mort et le jugement et l'enfer troid, lorsque l'homme
y songe, il doit trembler: Il est fou si son esprit n'est inquiet,
en voyant qu'il faut mourir. »
Il est clair que ce texte est, sous une forme plus archaïque,
le même que l'inscription de la Martyre; en citant cette der-
nière, M. Le Braz a brouillé les deux en une rédaction mixte.
M. Loth a, dans sa Chrestomathie, p. 295, reproduit ces
« quatre vers » du Mironcr de la Mort, avec quelques variantes :
ban... ha'n (altération qu'il avait expliquée, p. 242) ; c? pour
ho, et point et virgule au lieu de deux points après crenaff.
Je crois que ces quatre lignes forment plutôt deux vers de
seize syllabes. La traduction de M. Loth est irréprochable dans
Sur rÉtymologie brelonne. 271
la première partie; à mon avis, la fin signifie: « il est fou,
celui dont l'esprit ne réfléchit pas (à ces choses), puisqu'il faut
mourir. »
Giielet est expliqué par M. Loth comme un infinitit, p. 486,
ce qui ne justifierait pas encore la traduction « en voyant » :
il feindrait l\ guclet. GneJet est un participe signifiant ici « vu
que ». Cette expression, imitée du français, se trouve deux fois
dans la vie de sainte Catherine, où je l'avais d'abord mécon-
nue ; la rectification indiquée Rev. Celt., XI, 364, s'applique
également au passage étudié ici.
On peut citer, en breton moderne, ifarn, dans TouU al lakc^,
par Lan Inisan, p. 56 {ifern, 32, 65).
La prononciation iffarn est donc parfiutement légitime dans
les deux vers du moyen breton publiés Chrestom., 295 ; ce
qui n'empêche pas la vraie orthographe d'avoir été iffern.
10. La rime, intérieure ou finale, du breton moyen était
fondée sur une prononciation réelle (habituelle ou non), mais
n'entraînait pas de changement dans l'écriture traditionnelle;
cf. Rev. Celt., XIII, 241, 243, etc.
Voici d'abord un exemple que je n'ai fait qu'indiquer au
Dicl. et y m., v, stcrnaff {Miiouer de la Mort, f° 12 v°) :
Pénaux oar pen an B^rw ez viher em slcniet
que pour le Jugement on se soit préparé (à être sans péché).
Roussel ))is donne « stem starn, métier dun tisseran, machine
qui sert a faire la toile et autres pareils ouvrages, atteiier d'ar-
tisan ; quadre de tableau, châssis, bois de lit, etc. » ; « dislarna,
dislerna, desourdir, dételer ». Pel. n'a que stem, et « distemcin,
[Ven.] Desourdir, désencombrer », ce dernier article est pris
à Châlons. Cf. Gloss., 651; Brugmann, Grundriss, 2*= éd., I,
474, 480.
11. On lit dans Buhe:( mabden, str. 253 : An tan creff a seff
en ho baru ; H. delà Villemarqué a traduit : « les flammes dévo-
rantes qui montent jusqu'à leur barbe. » Mais ce vers n'a pas
la rime intérieure régulière de l'avant-dernière syllabe; il faut
corriger: he baru « sa barbe », prononcé e varv:
An tan cvcff a scjf en ht' bàïw.
272 E. Ernaiilt.
Ceci est d'ailleurs justifié par le contexte, l'objet possesseur
est le singulier dcii, homme, du vers suivant (où il manque une
syllabe; lire probablement an den). Une mutation semblable
paraît dans Bra:(eben = « grosse sa tête », xv^ siècle, R. Ker-
viler, Répertoire de bio-bibliographie bretonne.
12. Un autre cas plus instructif se trouve dans ces vers du
Mirouer (f° 7 v°, copie de H. de la Villemarqué) :
Petra so fleriussoch eguit quic ha crochenn
Map den goude e maru, en beu nac eo mar guenn ?
(Qu'y a-t-il de plus fétide que la chair et la peau de l'homme
après sa mort, si brillant qu'il soit de son vivant ?)
Le dernier vers exige, pour avoir sa rime obligatoire à maru
{inarv ou mani'), la prononciation niar venu ou mar luenn « si
blanc ».
Ce mot mar, si, tellement, n'a été gardé que par le vannetais,
où il ne produit pas d'ordinaire de mutation; j'y ai trouvé seu-
lement un exemple d'affaiblissement au féminin : mar goh oai,
tant elle était vieille, Gloss., 393. Mais ce dialecte a beaucoup
supprimé de mutations. Mar est une variante non accentuée
de meitr, beaucoup, qui a donné l'expression meiirbet de *meur
pet « grandement combien », «■ c'est étonnant combien »,
« oh combien! ». L'adoucissement existe aussi en gall. : mor
zvyn, si blanc, combien blanc, et en comique : mar vcur, si
grandement (Gloss., 412, 542, etc.).
XIX. — MAR^SS, MALÉZ.
I. L'A. donne marœss, m., pi. -œ^eu, marœ^att, m., pi. -adeu,
grand champ; marœss, pi. -tXeu, plaine, marœ:^att caire à étt
« belle plaine de grain ». On lit iir mares, une plaine, Voyage
misterius, 80; ur maré~ad-èd, une plaine de blé, Vocabul., 1863,
p. 12.
Dans son second dictionnaire, M. du Rusquec donne mare~,
m., (c plaine, étendue considérable » et mare::ad, m., pi. ou
« plaine fertile », sans indication de dialecte; mais ces mots
Sur rÉtymologie bretonne. 273
sont spécialement vannetais, et niare:{adùn n'a pas plus de réalité
que vwec'hiou, les voix, etc., cf. Notes d'étym., 198, 199.
On dit man\ et niaU:^, m., pi. en, plaine, vaste champ cul-
tivé; )uaré:[aâ, malé::jad, m., pi. eu, contenance d'un grand
champ, d'une plaine.
2. M. du Rusqucc tire ce mot de « maur, grand » ; M. Loth
propose, non sans hésitation, Rev. Celt., XXIV, 293, 294,
d'y voir un composé celtique = *mâr-a(g)-es- « grand champ ».
Il me semble plutôt venir du franc, marais. L'A. traduit ce
dernier: marass, pi. -a^eu. Les deux sens ne sont pas très
éloignés: le franc, maraîcher montre que l'idée de culture
prospère peut s'attacher à celle de marais. Cf. aussi brct.
geun, ieun, marécage, ar y union, les plaines, Gloss., 303.
XX. — STIU, STIUEIN ; GOUSTIÙEIN.
1. Chàl. donne stivage, les séparations de la charge d'un
navire; stivcin « séparer, etc. »; Grég., en van., slivach, pi. eii,
séparations de la charge d'un navire ; stiveih, faire ces sépara-
tions; l'A. siihuage, m., séparation de la charge d'un vaisseau,
afin qu'il soutienne mieux le roulis; stihuagcin, stihuein, faire
ces séparations; et, au Supplément, stihuage, m., pi. -geu, étive.
Selon Pel., « stiveiu, au pays de Vannes, veut dire séparer,
retenir à part, et se dit des séparations que Ton foit dans un
navire, pour empêcher que les marchandises ne soient brouillées
et confondues ensemble » ; il ajoute : « Je ne sçai d'où vient ce
verbe, si ce n'est le même originairement que Slevia » (clore,
fermer, boucher, étouper). Roussel ms n'a pas cet article. J'ai
adopté l'étymologie de Pel., Gloss., 660.
Le Gonidec donne en van. slîv ou stivach, pi. eu, et le verbe
act. et neutre stivein. Le simple du nom existe en effet, mais
on prononce plutôt stiù par 11 consonne.
M. du Rusquec donne, sans indication du dialecte: « stir-
-stivach, sm. compartiment, cloison; Loth cite stabill appar-
tement » ; et stivein, emmagasiner. Il fout lire stiv, stivach, et
stebill, appartements (en vieux gallois).
2. iM. Henry regarde stiv comme un emprunt au bas-latin
274 ^- ^'''^'^"/^•
stûba « pièce à feu, salle de bain, chambre », d'où l'allem.
stuhe, chambre, et le franc, éinve. Cette étymologie, meilleure
que les deux précédentes au point de vue phonétique, n'est
guère satisfaisante pour le sens.
3. Je crois aujourd'hui que stiùein, stiù, stiiiaj représentent
respectivement les mots français cstiver, estive, estivage, que
Littrè définit ainsi : « comprimer des marchandises d'un grand
volume, afin qu'elles tiennent moins de place » ; « contre-poids
qu'on donne à chaque côté d'un bâtiment pour en balancer la
charge,... chargement en coton, laine, et autres marchandises
ayant plus ou moins d'élasticité » ; « chargement d'un navire ».
Jal tirait estive iXe l'ital. stiv.i, et celui-ci du grec moderne aTioa,
lequel viendrait de stîîS;.), je foule aux pieds; M. Kœrting,
comme Littré, identifie l'ital. stivare, entasser, lester, à stipare,
condenser, entasser, du lat. stipare.
Le rapport de stiùein à l'autre mot vannctais goustiùein, con-
stiper (= con-stipare) est, en conséquence, plus étroit que je
ne le pensais, Gloss., 660, 661.
XXI. — STIVEL, STIFELLEK, STOVEL, CHIVEL ;
SIFOC'H.
I. M. d'Arbois de Jubainville a expliqué, Etudes gramm.,
II, 65*, 33, le bret. stivel, lavoir, par le bas-lat. stûba, d'où le
franc. ctuve\ cette étymologie est admise dans mon Gloss.,
p. 655, et dans le Lexique de M. Henry, p. 253. Je la crois
encore exacte; mais l'histoire antérieure de stûba donne lieu
à tant d'incertitudes, cf. Kœrting, Lateiniscb-nviian. Wœrterb.,
2^ éd., 3538, qu'un surcroît de renseignements sur sa descen-
dance bretonne peut n'être pas inutile.
A la diff'érence de stiùein, stiù, le mot stivel est étranger au
vannetais. On trouve cependant ce nom dans le Morbihan :
Stiffel, fontaine et ruisseau de la Fonlaine-Stijfel (commune de
Guern) ; Stivel, hameau, commune de Bubry.
Il n'est guère connu en Tréguier.
Pel. dit que « Stivel, en Léon et Cornwaille, est tort com-
Sur ffltymologie bretonne. 275
mun, pour désigner une source d'eau tombante d'un rocher.
Plur. Stivelloii. Si cette eau sort par une canule, on la nomme
Stivel hcr, fontaine de broche. On dit en François Broche, pour
Canule ». Suivent des rapprochements peu concluants axQC le
gallois. Roussel ms donne: stivel, source... ; le reste comme
les trois phrases de Pel., sauf l'écriture stivel ber.
Le Gon. donne stivel, f., pi. stivellou « fontaine dont la
source sort d'un rocher, et qui est ordinairement accompagnée
d'un lavoir. Quelques-uns donnent le même nom au lavoir
lui-même ».
Troude a : stivell, f., source d'e-au sortant de la roche, et, par
extension, fontaine; et stivell, f., pi. ou, en cornouaillais lavoir.
M. du Rusquec distingue aussi stivel, source, et stivel, lavoir,
qu'il compare respectivement au lat. slilla et au gall. ystafell
(chambre).
Grég. avait donné styjjell, styvéll, pi. styveUou, lavoir, en
ajoutant: « à Ouëssant : slyff ». Troude écrit: « Styjf s. m.
(anc). Source d'eau sortant déroche, lavoir. Dans ce dernier
sens, ce mot se dit encore à Ouëssant. » Mil. ^«5 ajoute : « et
bien ailleurs, à Morlaix par exemple, à Saint-Cadou près Sizun,
Léon, où s tiff marque [un] courant d'eau douce. Ainsi aussi à
Ouëssant où ce mot marqué sur la carte indique un courant
de mer mais moins fort que celui qu'indique le mot froiid. »
Milin a écrit aussi à la suite de l'article styf: « nom du port
ou de l'embarcadère de l'île d'Ouessant. »
Au premier article stivell de Troude, Milin ms ajoute :
« pompe ».
M. Vallée m'a fourni les renseignements suivants, avec l'in-
dication de leurs garants, dont j'ai pu apprécier la compétence
et l'exactitude.
D'après M. l'abbé Caer, recteur de Gouézec, stivel désigne,
dans cette partie du Léon, non pas la source, mais bien le
tuyau d'où l'eau tombe et aussi l'eau tombant de ce tuyau. —
Stivel veiir::^, période de froid sec, en Goello (M. l'abbé Biler).
— Stivel, synonyme de morgat, la seiche, en Tréguier (M. Even).
2. Mil. DIS donne, par ailleurs: (.<■ stifellek, s. m. encornet,
poisson à l'île de Batz, Syn. sifoc'h » ; « sifoc'h s. m. encornet,
poisson, Plougastel et bas Léon du voisinage. Voir stifellek. »
276 E. Ernault.
On dit en van. cbiveJ, encornet, avec initiale altérée,
semble-t-il, d'après chifleti, shivlcn, dent longue, défense,
griffe.
L'encornet ou calmar est, de même que la seiche, un mol-
lusque marin remarquable par la liqueur noire ou sépia qu'il
sécrète. Son autre nom sifoc'h fait également allusion à cette
propriété : il provient de siffoc'hcl « espèce de seringue den-
fans, qui a le même effet, soit pour jetter de l'eau, soit pour
pousser ou vibrer de petits morceaux détoupe mouillée et
mâchée » Roussel }ns, cf. Pel., qui compare avec raison « le
Latin Siplniuculiis, ou Sipbuncclliis », voir Rev. Cclî., XIV,
314, 315, GIoss., 626.
L'idée de « jaillir » est sensible dans plusieurs des sens de
stivel et dans stifellek, ce qui serait conforme à l'hypothèse de
M. Kœrting : *cxtûbare, de tuhus, et *cxtfifare, de tjs:;, d'où
aussi *cxtûbare.
Les formes bretonnes les plus anciennes sont sîichel, stiffel
(xvi^ siècle), GIoss., 655, qui permettent d'admettre à l'origine
*strif- à côté de*.s7///^-; la distinction phonétique n'est pas facile,
cf. Notes d'étym., 112. Il peut même y avoir une trace de *stùb-
dans lecornouaillaisifazr/, pi. stoveilhao, ornière (Saint-Mayeux).
M. du Rusquec donne stoiifd, m., pi. ou, étuve.
XXII. — TRIHORL
I. Tribori, attesté à plusieurs reprises, au xvi'^ siècle, comme
nom d'une danse de Basse-Bretagne, cf. GIoss., 720, ne se lit
dans aucun texte breton; et quoique la chose paraisse exister
encore (voir Rcv. Celt., XVI, 181, 182), le mot a disparu de
l'usage. Il semble, du moins, qu'il se trouve dans un vers,
en français bretonisé, de la farce de Pathelin :
Ne sont il jas ung beau p'bopy
à lire Sont il pas (c'est-à-dire « n'est-ce pas ») ung beau iri-
hory, avec p'bopy = pribopy pour *pribory, altération de tribory
sous l'influence du latin priori; voir Chevaldin, Les jargons de
la Farce de Pathelin, 94, 99-101.
Sur l'Étymologie bretonne. 277
Il a survécu aussi, avec un sens plus étendu, dans un lan-
gage voisin de la Bretagne : le Glossaire des parlers du Bas-Maine,
par M. Dottin, donne: trihori, bruit, vacarme.
2. L'expression ainsi restituée dans le Pathelin, ung beau
trihory, rappelle ittig beau hery, au refrain du Noël du xvi'' siècle
« en breton qui parle François », pièce qui se chantait sur « le
trihory de basse Bretaigne » ; Rev. Celt., XVI, 168, 180.
Il est possible que la composition avec tri, trois, soit plus
apparente que réelle, l'origine du mot doit être une sorte d'in-
terjection ou d'onomatopée servant de refrain. On peut com-
parer :
1° les imitations du cri du moineau, qui lui ont fait donner
en France les noms de //;■/, pillery, guillery, etc., cf. compère
Guilîeri, proyer, brct. kilheri, ortolan, etc.. Notes d'élym., 63,
66 (n°43);
2° le mot énigmatique qui se présente au premier vers des
Gouspero ar raned: Câii caer, Killoré; Cân, cân, Killore; Joaïc
gwenn Gillore; Groac'hic wenn a c'hniUere, Luzel et Le Braz,
Soniou Brei~-Ix,d, I, 94-108; Kan ker, Killore, Quellien, Rev.
Celt., VI, 500; Chansons et Danses, 195 ; Kan haer, kill, ore, de
Penguern, Mémoires de la Société archéologique et historique des
Côtes-du-Nord , Saint-Brieuc, 1867, p. 54 (traduit « chante de
belles choses, père, réponds-moi », p. 55, avec essai de justi-
fication étymologique de ce mot £mtastique kill, p. 64); cf.
Daik, mab gwenn droui:;^; ore, Bar^a- Brei^, 2, leçon qui
repose sur quelque variante comme *drouiyore, de *druilhore (Jl
représente / mouillé, dans les citations précédentes).
XXIII. — KET, KOUKl... KAD E.
I. Un autre emprunt fait par le langage du Bas-Maine au
breton est le mot ket (ne) pas, employé seulement avec le
verbe « entendre », à cause d'une locution spéciale propre à
frapper les non-bretonnants ; voir Notes d'étym., n° 3 . La même
explication doit s'étendre au haut breton de Pléchâtel (canton
de Bain, Ille-et-Vilaine) i n'antah qèt (il n'entend pas), donné,
Kevuc Celtique, XXV. iç)
278 Ê. Ernault.
sous une autre forme graphique, dans VinstruciK Glossaire de
MM. Dottin et Langouët (Rennes et Paris, 1901).
2. Un emprunt de ce genre, dans le même parler, paraît être
le mot kàltê que crie, au jeu de cache-cache, la personne qui
a découvert l'enfant dissimulé derrière un meuble, etc. A ce
jeu, qui souvent n'est qu'une fiction amusante pour les tout
petits, on dit en français : Coucou ! (Littré), et aussi, du moins
en Bretagne: Coud... Ah le voilà! En breton de Tréguier :
kouk !... kad e; littéralement : Couc(ou) !.., il est trouvé ! Kàlîè
doit reproduire une forme plus complète, kav't e.
XXIV. — GUERP, GUERBL, VERBLE ; DIGUEGAEF,
DIGUECH, DIGEIJAN, DEGIZA; DIAUGLE.
I. Le V. bret. guerp (et non goerp) traduit « stigmate (lepr^e
percusa est) », gloses d'Orléans, 96.
En moy. bret., le Catholicon, éd. a, donne guerbl « caple » ;
Le Men propose d'ajouter en lat. a funis », mais le sens est
tout différent; le Cath. b donne : « 1. hic glans, tis », le Cath. c
a: « 1. glans ». Cet article manque au Cath. )ns. C'est l'édi-
tion de Le Men quia suggéré à Troude son mot (s^guerbl... m.
(anc), grosse corde, câble » ; ce qui est devenu dans le dict.
du Rusquec : « guerbl, sm. Grosse corde; pi. ou » ! « Caple »
est le mot écrit plus souvent chapk, coup violent, rude combat,
resté dans le provençal chapk, abatage, massacre, chapk de
niarîèu, battement de marteaux, Mistral.
Le Nomenclator a, p. 263, « inflammation, flegmon, » vn
verbl; le P. Maunoir donne guerbl, glande, et en français
verbre, qu'il rend par goagren.
Pel. agiuerbl « tumeur douloureuse qui se forme dans l'aine,
sous les aisselles, et ailleurs. Les Chirurgiens prétendent que
c'est le Bubon. Un vieux Diction, porte An-verbI, Phlegmon,
Phlegmone, es. M. Roussel l'écrivoit de même Giverbl, et
convenoit de la signification que je lui donne, laquelle est
commune en Léon et Cornwaille ». Le vieux dictionnaire cité
ainsi doit être le Nomenclator ; cf. Gloss., 300, 372. Roussel nis
Sur l'Étymologie bretonne, 279
a les deux premières phrases de Pel., et ajoute seulement: «^r
verbl, phlegmon, phlegmone. »
Le P. Grégoire donne:
« Bubon, tumeur aux glandes des aines. Droucq ar guërbl.
ar guërbl. ar verbl. gor cr gucrbl. p. goryou, gorou êr gucrbl »;
« Glandes, ou, émonctoire de l'aine, ou se forment les bubons
pestilentiels, et les maux vénériens. Giierblen.p. giierbl. giierbl
toull ar vorsed. Avoir l'aine enflée. Caboul ar giierbl. Cahout ar
verbl... be^a clan gand ar verbl. Guérir l'aine enflée, par malé-
fice. Discounia ar verbl... On supose une Déesse appellée en
breton ar verbl Qu'on dit pour véucr, Venus et qui avoit neuf
filles, qu'il faut réduire d'une seule baleinée, de neuf à une et
d'une à point. Ar verbl he devoa nao merc'h, a nao e teuas da ei\,
a ei^ da sei:^^ etc. a :;iou da unan, a unan da qet. Mais tout
cela suppose un pacte précèdent, sans quoi ce n'est qu'une
rêverie, qui néanmoins est répandue dans tous les quartiers
de Basse-Bretagne » ; « Phlegmon, tumeur faite de sang. Gor
goadecq... ar verbl » ; « Glande, partie du corps, molle et spon-
gieuse. Goagrenn... guërblenn. p. gnërblennou, gucrbl. Van. can-
grenn... gouagrenn... Glandes qui s'enflent en l'aine. Ar guërbl.
ar verbl... Petite glande. Guërbl ennicq. p. guërblennouigoti. goa-
grennicq... Se former en glandes. Goagrenna... guërblenna...
Plein de glandes. Guërblennus. goagrenmis. goa^rennecq . . . Glan-
duleux..., composé de glandes. Guërblennus. goagrennus... Les
mammclles sont des corps glanduleux. An divron a so guërblen-
nus, ou, goagrennus. »
Le Gon. donne gwerbl, f., bubon, tumeur très douloureuse
qui vient aux aines, aux aisselles et au cou ; glande; un bubon,
une glande, ar zverbl; giverblenna, se former en bubons, en
glandes; gwerblennek, adj., qui a des bubons, des glandes.
H. de la Vilkmarqué ajoute: gwerbl, ^^angVion ; gwerblennik,
petite glande ; giuerblek = gwerblennek.
Troude z gwerbl, m., bubon, glande, c\-ys'\^c\c; giverblenna,
V, n., se former en bubon, gwerblennek, adj., qui a des
bubons.
M. du Rusquec donne: bubon, giuerbl, f., pi. ou; se for-
mer des bubons, gwerblenni; puis, gwerbl, m., bubon, gwer-
blenna, se former en tumeur, gwerblennek, adj., qui a des
28o E. Ernaiilî.
tumeurs, gwerblennih , m., pi. gwerbleniiigoii, petit bubon,
tumeur légère.
On lit dans Sauvé, Proverbes, 249 : ar werbJ, le bubon; 908 :
Ar Werbl hen deu:^^ nao merch... Ar WcrbI n'ben den^ ket nierc'h
ebet. C'est la formule indiquée par le P. Grégoire, et qui se
trouve déjà, en latin, chez Marcellus de Bordeaux: Novem
glandulïe sorores, etc. Voir Rev. Celt., VI, 70, 71, où Sauvé a
publié aussi une autre variante bretonne. « Le mot breton
gwerbi, dit-il, nom spécifique du bubon, sert aussi à désigner
toute tumeur douloureuse, tout abcès qui affecte l'aine, les
aisselles et le cou. Le givcrbl est regardé par nombre de gens
comme un être animé, une sorte d'esprit malfaisant... On
l'oblige à battre en retraite en récitant... la formule... C'est ce
que l'on appelle décompter le bubon, diskounta ar luerbl... »
En Basse- Cornouaille, comme me l'apprend M. l'abbé Perrot,
on dit dans le même sens degi^a ar werbl. Ce verbe est une
variante de « dighis, dighich, appeller ou epeller les lettres »,
Roussel ms, diguech, part, diguegct, épeler, diguecb ar baier,
synonyme de discounta « bénir un malade, ou, une bête incom-
modée » ; « guérir par des oraisons... en vertu d'un pacte», Gr.,
mot francisé dans l'article de M. Le Carguet sur les supersti-
tions du cap Sizun, au t. IX de la Rei'uc des traditions populaires :
« Le Vif est un livre... en déguisant le vif, c'est-à-dire, en
épelant par la fin, à rebours, tout ce que vous avez déjà lu. Il
vous faut aller vite, plus vite que le Pater », voir Méin. Soc.
ling., X, 339, 340. Pel. donne dighcis, dighis et dighich, épeler;
il ajoute digheisa et dighcisia ou dikeisia, sous l'influence de son
étymologie par un prétendu keisia, chercher. Le Gonidec donne
ûigei^a, digiza et digi:^, digich; H. de la Villemarqué dit que
ce mot n'est guère usité qu'en Léon, et ajoute : digonéga, digoueg,
id., « le P. Grég. écrit n-\i\ diguech. En Galles égwé^i » ; digouégor,
f., alphabet « (Lag.). En Galles, égiué^our ». C'est que, croyant
à tort que le diguegaff, digueg du Catholicon de Lagadeuc avait
les sons gu et g (au lieu de g et /) et appartenait à la famille
du gall. egwyddor, f., alphabet, il a suppléé, d'un côté le verbe
gallois, de l'autre le nom breton. Troude adopte une de ces
erreurs, en attribuant au participe digechet une variante digeget.
M. du Rusquec donne digei^^a, digech, puis digich, dégech, et les
Sur FÊtymologie bretonne. 281
fantastiques digoncga et digoiiégor, non sans nouvelles explica-
tions erronées sur ces derniers. Le Lexique en ajoute d'autres
sur digouéga, tout en expliquant bien digei^^a (= van. digeijein,
démêler, cf. GJoss., 168). M. Even a trouvé en Tréguier
digeijah et digeij, épeler. M. Le Lay a employé digech au sens
de « prononcer (distinctement un mot) ». Il est possible que la
variante dcgi:;a ait subi l'influence du franc, déguiser, d'où le
petit tréc. degi:^ah (cf. Études d'étym., n° XIII, § 2 ; XII, 8, 9).
En vannetais, l'A. donne verbk, f., bubon, tumeur aux
aines; vêrble, m., glande, vcrbUnnuss, vêrbluss, glanduleux; on
dit verbl, f. pi. eu, glande, bubon, érésipèle. On lit dans
Guionvac'h, 2^ éd., p. 49, ^r zw/', traduit « le verbe » ; il faut
entendre « le bubon » ; voir mes Eludes vannetaises, II, 10.
Enfin, le mot de Vléch^lû, g'ërp (par o- palatal), goitre, est,
je crois, inséparable de cette famille bretonne, qui paraît incon-
nue au trécorois.
2. La forme deg'ërp montre que c'est un emprunt au breton ;
elle semble même se rattacher au v. bret. guerp.
Le cas est moins clair pour le verbre du P. Maunoir. Ce ne
serait pas le seul bretonisme admis en français par cet auteur,
qui traduit minhuiquen (mie) par minhiiie, cf. Gloss., 419. Mais
.si verbre peut s'expliquer par *verble, emprunt à la forme léo-
naise adoucie ar verbl, il rappelle, d'autre part, le v. franc.
verbere, m. coup, verberer, frapper (cf. le caple du Cathol.).
3 . Le breton témoigne d'une hésitation étrange entre ar guerbl
et ar verbl. Cela peut tenir à ce que ar guerbl est le pluriel,
ou plutôt le collectif de gucrblen, une tumeur, et ne demande
pas de mutation après l'article; ar verbl étant un mot diffé-
rent, singulier féminin, = la tumeur, souvent personnifiée.
Gwerblennik doit être indiqué à tort comme masc. par M. du
Rusquec. Le v initial se serait produit et généralisé en van.
sous l'influence du haut breton (ou du léonais ?) car on atten-
drait *hucrbl.
4. Guerbl n'est pas nécessairement identique à guerp : il peut
en être dérivé, comme en latin glandula de glans. En tout cas,
cet / permettrait de rendre compte du maintien de la labiale,
sans l'hypothèse d'un emprunta quelque forme romane, bien
qu'un primitif *zrr^- ou "^verp- eût dû aboutir à *guerv-, *guerf.
282 E. Ernaiilt.
Un cas analogue est celui du moy. br. merglaff, rouiller, part.
vierckt ; merci, rouille, mercladur, rouillure, merclus, rouillé ;
mod. merci, rouille, mercla, rouiller, Maun., mergl, van. mergl,
melgr, merci, rouille, mergla, rouiller, mcrgla, van. mergleih,
melgreiù, mercleih, se rouiller, mergladur, van. id., rouillure
Gr., merci, mêler, rouille, mercla, mêlera, rouiller, divercla,
divelcra, dérouiller, Roussel ms, etc., cf. v. irl. meirg, meirc,
gaélique d'Ecosse meirg, rouille.
5. Guerhl n'est guère inséparable du v. irl. ferh, pustule qui
vient au visage de l'homme après une calomnie ou un faux
jugement ; plus tard fearba cJuiche, masse ronde de pierre
(Stokes, Brct. Glosses at Orléans) ; cf. Urkeltischer Sprachscbat-,
274, où le type ancien de ces mots, *verbâ, est comparé avec
doute au lat. vàrus, pustule (d'où vàrix, varice).
6. M. du Rusquec, v. bubon, rapproche gwerbl du lat. ver-
ber(a) ; MM. Stokes et Henry ont proposé la môme conjecture.
J'admettrais plutôt une contamination du premier mot par
une forme française du second (cf. § 2). Mais un rapport
autrement probable est celui de verblé « ver ou larve d'une
espèce de mouche qui produit une tumeur sur la peau des
bêtes à cornes ; gonflement ou tumeur causée par cet insecte
qui, ordinairement, se loge dans l'épaisseur de la peau et s'y
nourrit aux dépens de l'animal », Edmont, Lexique Saint-
Polois; cf. verbled, m., larve du hanneton, = ver (\\.n attaque
le blé, selon M. DelbouUe, Glossaire de la vallée d'Yères; ver
blanc, ver du blé, id., Dict. français de Bescherelle; luarbô,
«gros ver qui devient hanneton », Remacle, Dict. wallon-franç.,
2'' éd. ; famille extraordinairement pullulante et sujette aux
métamorphoses comme les insectes rongeurs qu'elle désigne:
guéribé, garibet, urbet, urbére, hubert, durbec, barbeul, etc., etc.
Voir Zcitschrift fiir romanische Philologie, XXVI, 394-396, où
M. Schuchardt admet comme point de départ les germaniques
luicbcl et werre, tenant eux-mêmes aux verbes lueben et wirren,
et s'étant mêlés dans *iuerr-ibel, werbel, comme les verbes
dans ivirbelii. Notons que l'anglais luarbles réunit les sens
« larves d'œstre » et « tumeurs, piqûres », de même que le
verblé du Pas-de-Calais; pour la forme, celui-ci est plus près
de la variante anglaise ivarblel, larve d'œstre.
Sur l'Étymologie bretonne. 285
7. On peut laisser de côté le lat. verpus et verpa, dont parle
Pel., etc.
8. L';- des simples guerp et *merg a contribué à la victoire
des formes guerbl et mergl, d'où melgr. L adventice après g
final, sans influence d'une autre liquide dans le même mot,
se montre dans le van. diaiigle, dîme, Histoer a viihe Jesus-
Chrouist, Lorient, 1818, p. 206, 249, = deaug l'A., etc.
XXV. — MOZOGEL ; BONBARDIO.
r. Mont da vo^ogel da di unan henak veut dire à Pleubian
et dans d'autres variétés trécoroiscs « aller comme troisième
épouse chez quelqu'un qui est devenu veuf deux fois ». L'ini-
tiale radicale peut être h ou m. Je crois que c'est m et que ce
moiogel « femme d'un homme deux fois veuf » n'est autre que
le petit trécorois mo:;ogel (second 0 grave), moiixpugel, pi. 0,
femme sale, étudié dans mon Glossaire moyen-breton, p. 432-
cf. bas vannetais monsen, femme malpropre (Loth, Vocabulaire
vieux-breton, 33), van. nwu^ein « vêner, vessir » Chàlons ;
dans le Nomenclator, bernou mous, tas d'ordures, Kev. Cclt.,
XIV, 287, 288, etc.
Ce mot, auquel son emploi spécial donne une apparence si
technique, est ainsi un sobriquet railleur, menaçant l'épouseur
de l'incommodité dont souffrit Jenin de Quinquenais, dans le
« dizain joliet » de Rabelais (Pantagruel, IV, 44),
2. Une semblable association d'idées se trouve dans l'expres-
sion plaisante du petit Tréguier, bohbardio goz^, ancêtre, ascen-
dant éloigné, Gloss., 337; cf. eur go:{ vohbard (une vieille
bombarde, un vieux hautbois) := une vieille péteuse, Kp'j--
-ll'.x, VIII, 268.
XXVI. — YEULC'H, YOURCH, YOURCHES,
BISOURC'H, YOULCHEN.
I. Une idée plus gracieuse, celle de la jeune fille dans l'in-
284 F.. Ennnilt.
tervalle des fiançailles au mariage, est rendue également d'une
façon détournée par le trécorois yeidc'h, qui est, je crois, une
variante de yourc'b, chevreuil.
Ce nom d'animal était en moy. bret. yourch, féminin your-
chcs. Grég. donne yourc'b, pi. ed, chevreuil, yourchicq, pi.
yourc'hedigoii, petit chevreuil, yoiirchès, pi. -esed, chevrette,
femelle du chevreuil, youirbcsicq, pi. -esedigou, petite chevrette.
Le Gon. écrit dans sa Grammaire (comme exemple de la
diphtongue ioiî) eiinn iourc'h, un chevreuil; de même, dans sa
Bible, Cantique des cantiques, I, 9; VIII, 14, et au fém. eunn
iourc'hei, IV, 5 ; VII, 3 . Ceci a été suivi dans le Celtic Hexapla
(sauf VII, 3, où la traduction est différente). Mais on prononce
eur yourc'b; le cas n'est pas le même que pour ioul, désir (à
côté de youï). lurgcbell (gl. caprea) cité dans le Lexique comme
vieux breton est vieux gallois.
2. Pel. dit que le plus ancien dictionnaire qu'il a vu porte
yourc'b, biche; cela doit f-iire allusion au Nomenclator, qui
paraît employer le mot au fém., p. 33, dans colen vn yourch
« faon » ; vn speçc à yourcb pe carfues « espèce de chevreuil ».
On pourrait soupçonner, dans yeulc'b ^= *yorc'b, le des-
cendant d'un V. celtique *iurca, fém. de *iurcos = yourc'b;
mais cette délicate distinction vocalique n'eût guère pu se main-
tenir en breton. Le van. prononce toujours 0 : iorb, m. pi.
étt, chevreuil, l'A., iorh, m. pi. cd, Guillevic et Le Goff,
Exercices sur la gramm. bret., Vannes, 1903, p. 54; quïocb, ur
c'buïocb, pi. guiocbi, Châl. nis (c'est ainsi que j'ai lu; M.
Loth donne guiolb, ur c'buiolb, pi. guiolbi, éd. de Châl.,
ici). La gutturale est ajoutée comme dans yen et guicn froid
Gr., etc. On dit au fém. en van. yorbé^ chevrette.
Un autre féminin de yourc'b est bisourc'b, pi. ed, Gr., hisourc'b
et hicbourc'b, Pel., bi:^ourc'b, Gon., à Sainte-Trifine bidourc'b;
il paraît en van. sous la forme bouiorb, pi. étt, l'A. C'était,
semble-t-il, à l'origine un composé = « biche de chevreuil »,
cf. Gloss., 68, 69.
3. Pel. dit que « iourc'bés, biche, pris au sens moral, est
pour une femme ou une fille, une injure atroce » ; de même
Roussel nis, qui écrit ïourc'bes.
Selon Troude, iourc'b joue le rôle d'un adjectif au sens de sau-
Sur l'Étymologir bretonne. 285
vage, farouche, dans eurverc'hioiirc'h, une fille sauvage (comme
chevreuil). Mil. ;;75 ajoute : « coureuse, sauteuse, tête éventée ».
A Plounévez Moëdec, yourc'h se dit d'une fille légère; de
même à Txcy.èny youlc'h, celle qui aime la danse. On dit encore
enTréguier e 11 r ga:(ek yourc'h, une jument stérile ; et à Pleubian
youlc'hcn, graine abâtardie (F. Vallée),
Ainsi yourc'h, dans ses emplois accessoires, s'est souvent
restreint au sens féminin ; on y a joint les idées de sauvagerie,
de légèreté physique ou morale, de jeunesse (pas encore
mariée; qui n'est pas mère; qui ne peut point l'être). Cf.
Brizeux, La fleur d'or, livre V (^Les Cornemuses):
... La fille d'Arvor a passé dans la brume;
Plus légère en passant qu'une biche aux abois...
4. Le mot est plus rarement employé au figuré comme mas-
culin. M. Vallée me signale, d'après la Breuriex^ Vrei^, yourc'h,
abruti, brute, et en Tréguier, d'après M. Even, eur youlc'h pôtr,
un garçon qui aime la danse.
XXML — LOUAZR, LOUEZR, LAOUEZR, LAQUER,
LOAR, LOUAR, LOEHER, LOER, LOUER, LAOUR,
LEUR; DAZRE.
y
I. Le nom de l'auge en moyen breton présente de remar-
quables variations, bien qu'il ne nous soit connu que par le
Catholicon: loua:{r, auge, 1. alueus, loua:(i' an iiioch, auge à
pourceaux, 1. linter, C a ; loueur, C b; laouer an toas, le lieu à
pétrir, 1. pistrinum, Cb; laoue^r an toas, Ce.
Le P. Maunoir donne laouer, auge; Pel. laouer ou laiver,
auge, cuve ou bassin de pierre ; Roussel ins, laouer, id. ; lavoir;
« laouer toasoc v : eo, maie a pâte » ; Grég. laouer, pi. you, van.
loëhér, pi. yeû, auge, laoiïer-vxn, pi. laoiieryou-vœn, auge de
pierre, laouer, laoiïer-brén, laoiier-goad, pi. laoûeryou (-brén,
-goad), van. loar, pi. eu, loéhér, pi. yeiï, loiïér, auge de bois;
laoiïeryad, pi. ou, van. loiléryad, pi. eu, leih ul louer, augée,
plein une auge; laouer doas, pi. laouëryou-doas, van. loar, pi.
286 E. Rrrumlt.
eu, Joéhér, pi. ym, pétrin, laoïiër-doas , van. loèhér, pi. yëu,
huche; LeGon./flo«er_, f., pi. iou, van. louer, loer auge, pétrin;
laouériad, f., pi. ou, augée; et (dans le dict. franc. -bret. et la
2^ éd. de l'autre) laouérik, f., pi. laouériouigou, auget, petit
vaisseau où l'on met la mangeaille des oiseaux nourris en cage ;
M. du Rusquec, laouérik, m., pi. laoucrigou, auget (ce qui doit
être une méprise, en ce qui concerne le genre); Châl., loare
« huche, auge d'une pièce pour paitrir », pi. loareu; loilere,
auge; Châl. nis, loher, auge ; /tvr, cuve, loerat giïin, cuvée de
vin; l'A., loaire, f., pi. -rcu, auge, pétrin, lohaire, f., pi. -reu,
auge, loaire-docess, f., huche, loairaît, f., pi. -adcu, augée;
M. Loth, lohèr, par o fermé, en bas-vannet. (éd. de Châl., 58).
Le dict. franc. -bret. de Le Gon. traduit « crèche »: laouer ;
de même, le Vocahul . de Troude donne en van. à ce mot louer,
loer. M. Buléon emploie loèr, Hist. sant., 97, et explique à la
fin : « loér, vasque, grand vase » ; il s'agit des « lapideaî
hydriie » de la noce de Cana (Saint Jean, II, 6). Dans le
même récit, on lit loer vein, pi. loèreu, Histoer a vuhe J.-C,
18 18, p. 42; loair-mein, pi. loaireu, Officeu, 1870, p. 207.
On dit en trécorois louer, f. (en 2 syll.), pi. io, auge, pétrin.
M. Vallée m'apprend que la forme de la Basse Cornouaille
est laouer, celle du Goello louer (2 syll.); celle du bas Tré-
guier louar (2 syll.), ordinairement avec un complément:
louar-viii, auge (de pierre), louar-doa^, pétrin.
Nous voyons là se continuer les divergences anciennes. \Ja
de loua:^r se retrouve surtout en vannetais. Cf. dareu, larmes
= da^rou; léon. talareg, lançon, tréc. talêrek (yeux) perçants,
de iala:^r, tarière, Gloss., 6j^.
2. Faut-il identifier toutes les formes du moy. bret., en sup-
posant une série loua^r, *louac:^r, laoue::^r, laouer ?
Ce n'est pas impossible. Ca:(r, beau, avait une variante (7i't':(r-^
et il y a quelques indices de ^ non prononcé: la 2^ syllabe de
quebe^lou rime parfois en el ; on trouve seulyou, plur. de seu:;^l,
talon. Le bret. moderne présente à la fois da^^re, daëre, Gr.,
daré, Gon., marée basse, dére, en bas Léon de~re:(, Pel., poisson
laissé par la marée basse, Gloss., 147 (en Goello dar::^e, pi.
dar^eier, mer étale, 'rog ma vo dar^e ar inor, avant que la mer
soit étale, Lec'hvien ; emah ar mor en dar^e, la mer est étale ;
Sur VÉtymologic bretonne. 287
une autre variante, an daxe, la marée basse, se lit Ann. de
Bret., XVIII, 344, 346).
Mais d'ordinaire ces deux changements ne se montrent pas
si anciennement. Ainsi a:;j-, serpent {fic:^}- dans les Noueliou)
est a'i'r seulement dans le Nomenclator (1632). D'un autre
côté, l'intermédiaire *louaexr manque.
Aussi peut-on supposer que loueur, laoner étaient originaire-
ment distincts de loim^r. Le passage de -e:(r à -er n'est pas
nécessairement phonétique, on a pu imiter les cas comme pes-
qtie'^r et pesquer, pêcheur, peche::^rien et pecheryen, pécheurs ; cf.
surtout le nom d'instrument lrae~er, entonnoir. Cf. Gloss., 367,
V. lyfre.
3. Il est curieux que ce mot manque au comique et au gal-
lois. Le V. irlandais a lôalhar, gl. pelvis, lôthur, gl. canalis,
lothor, gl. alveal ; et pour que rien ne manque à la singularité
de son histoire, il jouit du rare privilège d'une glose gauloise :
« lautro, balneo ». M. Stokes, Urkelîischer Sprachschal:^, 250,
pose les deux types celtiques *hvatro- et *louîro-, bain.
*Lovàtro- répond bien à Ioua:{r, van. loar ; cf. l'homérique
AOETcdv et le latin lavâcnim (refiiit sur lavâré).
*LoutrO', lautro est peut-être l'origine de Joiic~j-, laoue:^r, pour
*laott:;r. Sur l'insertion de e, on peut voir Gloss., 359; Rev.
Celt., XIX, 323, 324. Dans tous les autres cas, Ve forme diph-
tongue avec la voyelle précédente, mais aussi cette voyelle est
unique, ce qui n'a pas lieu pour *lou:(^i-, c'est-à-dire = *loza2;^r,
*law:;j-; cela justifie la différence de loe^n (i syll.), bête, et
lou-cx)', laou-e:^r.
4. Il n'y a pas à s'arrêter aux rapports imaginaires que
Pel. trouve entre laouer, auge, et le gall. llaiver, beaucoup;
il était sur une voie meilleure, en comparant aussi le franc.
lavoir.
Il a un second article ainsi conçu : « Laoiier est aussi une
Bière ou cercueil, dans lequel on porte les corps morts à la
fosse. En Bas-Léon on prononce Ldonr et Lawr. L'application
de ce nom à la bière vient peut-être de ce que ces auges sont
quelquefois faites en forme de cercueil. J'ai vu plusieurs anciens
tombeaux de cette même figure, et de pierre. » Roussel ins
donne: « Laouer et en bas leon Laour, et archet, est aussi une
288 E. ErnauU.
bière, ou cercueil dans lequel on porte les corps morts à la
fosse. »
Grég. dit, à bière: « H. Corn. Laoilr, p. laoitroii, de laoûer,
auge. ».
Le Gon. donne, sans indication de dialecte, laoïir, f., pi.
iou, bière, cercueil, sarcophage, et ajoute que ce doit être une
contraction de laouer, auge : « les anciens cercueils des Gaulois
étaient en pierre, et ressemblaient parfaitement à des auges, et
ils en tiennent même lieu encore aujourd'hui, dans les endroits
où l'on en a découvert ». C'est par suite d'une méprise qu'il
fait ce mot masc, ï cercueil ; il traduit « sarcophage » : laour-
-choullô, f. (cercueil vide).
Troude regarde laour, f., pi. ion, comme un mot cornouail-
lais, paraissant contracté de laouer.
M. Vallée m'apprend qu'en Basse-Cornouailie on prononce
laouer cercueil comme laouer auge.
M. du Rusquec donne : sarcophage, cercueil vide, « Laour
f. glose bretonne louer sol, breton laur leur, leuren » ; ce
n'est pas *louer, mais Jaur qui est la glose en question, aujour-
d'hui leur, leurcn, sol, aire; mot de sens tout différent de laour.
En van., l'A. donne leure, m., pi. leureu, bière; leure, m.,
cercueil. Châl. ms porte : « bière pour les morts ur. arch'
quelques-uns disent ur chass\ ul leur, le moing. »
M. Henry croit que laouer, auge (qu'il fait masc. par inad-
vertance) n'a aucun rapport avec kiour, f., cercueil; pour
celui-ci, il donne ces conjectures: « cf. mbr. laur,^^ douleur,
peine », cmpr. fr. labour, altéré ; mais bien plutôt empr. fr.
lûor s. f , « largeur, étendue », d'où « mesure du corps
étendu » (par euphémisme). »
5 . Ces explications sont loin d'être suffisantes pour obliger
à séparer laour de laouer.
Le moy. bret. laur, c'est-à-dire laur, en 2 syll. vient de
*lavur, forme qu'il fout probablement lire à la place de la
variante laour, Poèmes brelons, 280 ; en tout cas, c'est cette pro-
nonciation du mot que réclame ce passage, où la- rime à saff:
Am saff gant \a[v-]ur, han c?/;'-un.
Il répond au gall. llafur et vient du lat. labOreni et non du
Sur F^.tymologie bretonne. 289
franc. Le sens du v. fr. laor permet aussi de l'écarter, en
l'absence de tout indice de son existence en breton.
Que laour puisse être une contraction dialectale de laouer,
c'est ce que prouve, entre autres, le tréc. mouchoiir = moii-
chouer, mouchoir. Mais le van. leur {où en doit être diphtongue)
indiquerait plutôt une forme restée sans e, *Iou~r = lautro-.
XXVIII. — GELER.
I. Le bret. moy. avait gueler, bière à porter les morts.
Pel. donne : « Ghelher, Lectique, bancs et trétaux, sur les-
quels on pose les corps morts pendant les cérémonies funèbres.
On les nomme ainsi en Léon et Cornwaille. » De même
Roussel ms, sauf cette dernière phrase.
Le Gon., qui déclare ne connaître ce mot que par Pel., l'écrit
geler, m., pi. iou.
Troude a: gelcher, m. « Tréteaux funèbres dans les églises.
On trouve ce mot écrit ... gueler, oueler, goueler, geler. Je ne
sais auquel donner la préférence » ; gueler, m., « dais mor-
tuaire dans les églises, et anciennement bière pour ensevelir les
morts. J'ai trouvé ce mot écrit gueler, gweler, goueler, oueler...
Il y a lieu de penser que goueler Çgouela, goela, pleurer), est le
préférable » ; oueler, m. « En quelques localités on appelle ainsi
le dais sous lequel on place les morts à l'église, ar oueler. Il
me semblerait plus régulier de dire ar goueler Çgouela, pleu-
rer). » Il donne comme suranné gueler, m., bière pour ensevelir
les morts, tréteaux funèbres. A cet article, Milin a ajouté:
« de gouela pleurer, le pleureur. » Cela me fait croire que ni
lui ni Troude ne connaissait ce mot dans l'usage; les textes
vaguement cités par ce dernier peuvent être de simples notes
étymologiques prises à propos de l'ancien gueler.
M. du Rusquec àonnQ geler , m., pi. iou, probablement d'après
Le Gon., et compare le v. bret. gueltoguat « thème valti, élé-
vation » ; mais ce guelt- a un tout autre sens : voir Notes
d'étyin., n° 80.
J'ai entendu, dans une chanson léonaise, ar c'heler, la bière.
290 E. Ernault.
ce qui suppose un fém. geler, cf. Rev. Celt., IX, 383. C'est la
seule forme qui me semble vraiment attestée. Le gelc'her de
Troude doit provenir du ghelher de Pel. ; celui-ci avait dit que
« Gbclber... est pour Kelchcr, qui est fait de Kelc'h, cercle,
comme Cercueil l'est de Circus ». Le second /; a dû être suggéré
à Pel. par son étymologie.
2. Geler, f., répond régulièrement au gall. gelor, t., bière,
comique geler, cercueil.
H. de la Villemarqué a rapporté geler au gall. cel, gel, cadavre,
mais c'est le c qui est la consonne radicale.
Il y a un équivalent gall. elor, comique elor, elar; et Tir-
landais paraît y répondre par les mots eilitrum, eiliotrom,
eleathrain, gaélique d'Ecosse eilitriom, etc.
Cependant, ces formes gaéliques ne peuvent guère s'accor-
der avec le brittonique pour le radical (O'Reilly donne aussi
elc, m. « a bier, a litter »). Le suffixe semble, au moins
en partie, reproduire celui du latin feretrnm, cf. Vendryes,
De hibernicis vocahulîs quse a latina lingua orîginem duxe-
ritnt, 137.
On peut supposer deux mots celtiques distincts, *gelâr et
*elelr-, dont le mélange aura donné lieu à *elâr. Le premier,
seul représenté en armoricain, rappelle le gaélique giùlan,
bière, et action de porter, que M. Macbain explique Tpar*gesulo-,
en comparant le lat. gero, gestuui.
3. Grég. donne fyertr, p. Jyertraou « châsse, pour mettre les
Saintes Reliques ». Mais il traduit « bière, cercueil » ^^ar fyertr,
pi. au, en le notant comme suranné. Si ce mot a existé en
breton, c'était un emprunt au v. ix. fierire, de feretruui.
XXIX. — ENOUELEZR; OUELERENK, KELER ;
KELCHIER, KILIER.
I. Le Catholicon donne enquele:^}-, « géant, 1. gigas »; et
quelerenn, « cest une manière de feu qui fait faillir les gens de
leur chemin de nuit», Ch, «ardent, une manière de feu quon
voit de nuit», Ce, guelerenn dans les initiales que-, C i? (taute
Sur l'Etymologie bretonne. 291
que Le Mena corrigée sans le dire), «1. intumus, et pluraliter
intuma ». Le P. Maunoir a « cnq uele:(r geam ».
D. Le Pelletier écrit : « Enhekr, ou plutôt Enhdhcr. Voyez
ci-devant Aukelher. Le P. Maunoir a mal écrit Enquek^r, et l'a
mal interprété Géajit » ; « Ankelher, feu nocturne et errant, dit
communément feu follet. C'est l'explication que m'en a donnée
Mr. Roussel, qui rejettoit celle de Géant, que le P. Maunoir
donne de ce nom, qu'il écrit mal Enqiiele^r. A?ikelher est pour
An-kelcher, l'errant, le circulant. An est l'article prépos. et
Kelcher, autrement Kelhier, est celui qui circule, qui va obli-
quement. D'ici est venu notre Harquelier, qui signifie un vaga-
bond. En Haute Bretagne un Arquelier est un homme gagé
par un Religieux quêteur pour le conduire de Village en Village.
L'article est An, Ar et Al » ; « Kelc'hia, et par adoucissement
Kelhia, ou Kilhia, et Kelia, Cercler, faire un cercle, ou le
mettre sur un vaisseau, entourer; faire des enchantements par
des cercles tracés sur la terre. Ceci est de M. Roussel. Kelcher,
et Relier, Enchanteur; Feu follet et errant, qui trompe les
voyageurs pendant la nuit. Ce nom signifie proprement, Cer-
cleur, ou circidateur, si on le disoit, celui qui tourne à l'entour,
qui circule, qui rôde. Si on met l'article au-devant, on en fait
Ar-Kelier, d'où vient tout naturellement notre Herquelier, ou
Harquelier, qui est un vagabond. En Haute-Bretagne, on donne
ce nom par dérision à celui qui fliit la quête, pour, ou avec
les Religieux mendiants par les villages. Ailleurs on appelle
Harquelier tout homme vagabond et fainéant, qui fait métier
de gueuser. L'autre mot François... Viedase, viendroit aussi du
Latin Vietus, que Davies employé, pour expliquer son Cylch,...
de Viere, lier avec un cercle etc. Le composé de Kelc'hia, est
Dikelchia, que l'on prononce Dic'helia, et Dic'helc'ha, Errer,
être errant et vagabond, duquel le participe passif est le plus
usité, sçavoir Dichelc'het, un vagabond, à la lettre Décerclé,
qui est hors de son cercle, de sa sphère. »
Roussel ms n'a pas d'article enkeler. Il porte : « kelch, cercle,
pi. Ici le' hou, kelc'hou, kilhiou » ; « kilhia, kelc'ha, kelc'hia, cer-
cler, finre un cercle, ou le mettre sur un vaisseau, entourer;
faire des enchantcmens par des cercles tracés sur la terre » ;
« kilhieur, kelc'heiir, cercleur herquelier harquelier, vagabond
292 E. Ernault.
et teneant qui fait métier de gueuser. viédase Arquelier, hoe
gagé par un religieux quêteur pour le conduire de village en
village kelc'her, feu follet et errant, qui trompe les voyageurs
pendant la nuit » ; « hlher, feut nocturne ».
Le P. Grégoire a ehqeler, p. ehqeUrim « fantôme, spectre » ;
qeleren « feu follet, ou les ardens, feu qui court çà et là dans
la campagne la nuit ». Le Gonidec donne enkéler ou enkelc'her,
le môme que ankek'her; ahhelc'her, m., pi. ien ou ed, feu follet,
feu nocturne et errant; lutin, et kéléren, f., pi. -nnou ou -nned
qu'il traduit de môme. Troude a ahhelc'her, m., pi. ien, ed,
lutin, feu follet; ahkeler, en cornouaillais, id.; enhelcr, voy.
ankclcher; kckrenn, f., pi, ed, lutin, feu follet.
Milin iiis donne, au moi ahkelcher de Trd, une étymologie
par an-, ain-, autour, et kelcb, cercle ; il reproduit des indica-
tions de Le Men, Rev. CeJt., I, 422: « On l'appelle ^;zMc7;^;'
(l'errant, le circulant), à Saint-Pol-de-Léon ; ... Keleren dans
d'autres localités », avec cette remarque rectificative après la
première phrase : « c'est ar c'heJer à Saint-Fol et environs ». Il
a encore, sur ce même mot : « ar geler (L de Batz) » ; et par
ailleurs: « keler, s. f. pi. kelerou feu follet, feu nocturne, feu
errant, sautillant au dessus des marécages ou des lieux bas et
humides renfermant des gaz. Ce mot semble venir de kilia,
kelc'ha, cercler, entourer. On l'appelle encore kiler ou kilier
au h. L. Le peuple s'imagine qu'il égare les personnes la nuit
en leur faisant faire cent tours et détours. Ar c'heler a :(o
spountus da ivelet enn no:^, le feu follet est effrayant à voir la
nuit ».
M. Vallée me communique cette note manuscrite de Milin :
« Keleren s. f. lutin, feu-follet; plur, ed. bac'h-keleren, lumière
du feu-follet, éclat » ; et cette expression recueillie par la Breurie^
F7-eii: kiliet gant ar c'heler, dérouté par le feu follet.
J. Moal traduit « feu follet » : kelerenn, f., ankelc'hcr, m., ou
ankeler (C.^, ce qui doit provenir du dict. bret.-fr. de Troude;
et « lutin » : keler-no^, ankek'her, kelerenn, t. M. du Rusquec
donne « feu follet, enkcler m., de kel nouvelle ».
2. BuUet insiste sur l'identité de cnqueh:{i-, géant, Maun.,
enquêter, fantôme, spectre, Grég., et ankelher, feu follet, Pel.
Croyant ce dernier sens le plus ancien, il essaie d'en déduire
Sur l'Étymologic bretonne. 293
les autres et rapproche ces mots, ainsi que qelcren, de kela, gela,
feu follet, en patois de Franche-Comté. La racine est pour lui
kel, agile, prompt, d'où le lat. celer, etc.
Le Men, Rev. Cclt., I, 422, semble s'étonner que Le Gonidec
ait écrit anhelc'her en un seul mot, et regarde comme évident
que c'est un composé de l'article an et de kelc'hia, cercler, faire
un cercle.
M. Stokes, Middk- Breton Hours, 84, identifie enquele:(r au
comique enchinethel, géant. M- d'Arbois de Jubainville, Etudes
gramm., I, 19, 23, 29, 56*, explique enquele:{r, enheler,
ankelcher comme venant de *en-kenetr ou *en-kenetl, et répondant
au vieux comique enchinethel, géant, de *ande-cenefro- ou *ande-
cenetlo-.
J'ai exprimé des doutes sur l'exactitude des transcriptions
ankelher, ahkelc'her, en regard de l'ancien enquele^r, Rev. Celt.,
VIII, 36, et admis le rapprochement de ces mots avec le cor-
nique, dans mon Dict. étym. du breton moyen.
M. Henry l'adopte aussi dans son Lexique, en interprétant
^ande- kene-tlo- par « génération contraire », d'où « mons-
trueuse », et en ajoutant que la métathcse qui a donné
naissance à la forme actuelle « a évidemment été favorisée
par la circonstance que ces êtres fantastiques dansent en rond
(an-kek'h-er, comme qui dirait « en-cercl-eur ») autour de
leur victime » ; il voit dans kéléren un emprunt au latin celer,
rapide.
Enfin, M. Loth, Rev. Q//.,XXII, 334, dit en substance que
le Lexique a reproduit mon opinion : moy. bret. enquek:^}-, géant
= comique enchinethel, proprement « génération monstrueuse » ;
mais qu'il y a des « difficultés phonétiques réelles », et que
l'identification du feu follet avec un géant est « bien extraor-
dinaire et des plus invraisemblables » . Anhelc'her lui paraît être
composé et dérivé de kelch, cercle, circuit : c'est « celui qui va
de droite et de gauche, le circuleur, le rôdeur (pour an-, cf.
clasc et enclasc ») ; étymologie confirmée par keleren « mani-
festement pour kelheren : cf. kilhorou, avant-train de la charrue,
mb. qiiilhorou pour kilc'h-, = kelch-iorou yy .
Il y a dans tout cela plus d'un point discutable.
3. Que le peuple emploie, des mots en question, certaines
Revue celtique, XXV. 20
294 ^- Ernault.
formes qui se kissen: rattacher à kek'b, c'est possible, bien que
la plupart des témoins que nous en avons aient été visiblement
sous l'influence de préoccupations étymologiques. Mais le peuple
aussi est influencé partiellement par bien des étymologies
fausses. Le P. Grégoire, qui ne parle point de l'origine de ces
mots, et se montre indépendant de toute autre source écrite,
fournit seulement le radical -keler-, et donne à enquekr le sens
de « fantôme, spectre », qui pourrait passer pour un inter-
médiaire entre « géant » et « feu follet ».
Dans la citation de Pel., on a vu à quel point cet auteur
laisse fausser ses transcriptions et même ses définitions par des
suggestions étymologiques : dic'hdia et dic'heJc'ha (qui devraient
d'ailleurs être *digek'ha) sont des formes fantastiques de dibcl-
c'ha quePel. ne cite même pas, bien qu'il donne, à sa place, le
van. diheJhet « qui n'en peut plus » (cf. Rev. Celt., XXII, 77).
Malgré sa prévention en faveur de l'explication par hic h,
Milin n'atteste qu'une forme qui l'appuie ; c'est le haut léo-
nais kilier, qui d'ailleurs, est plutôt une variante d'un autre
mot kdc'hicr « enchanteur, magicien, sorcier ; tout homme qui,
selon l'opinion du peuple, a un pacte avec le diable, pour faire
des maléfices », Gon. L'expression kiliet gant ar c'beler nmenAit
tout naturellement cette association entre kilier etkekr.
Notons aussi que le mot quilhoroii, donné comme moy. bret.
par M. Henry et par M. Loth, n'a pas été signalé avant le
xvii^ siècle ; la forme la plus anciennement attestée est quillo-
rou, Nom., 178; d'après 3'é/<:/;/«r, bourses, etc., on est autorisé
à supposer à l'époque du Catholicon *queJchieroii comme forme
la plus rapprochée de quelerenn {Gloss., 530).
4. M. Stokes, pour appuyer son explication enquch^r =
enchinethel, cite trois exemples de / pour ;/ en moy. bret; un
seul est exact, c'est chaloniet = chanoniei, chanoines.
M. d'Arbois de Jubainville, Et. gramm., 1,23, n'en donne
qu'un, glin, genou, v. irl. gliln de *gnfi-n-; mais M. Henry a
trouvé, depuis, une explication meilleure, par *gnil-l-, cf. angl.
io hml, s'pgenouiller. Il y aurait donc là une ancienne méta-
thèsc celtique, comme il s'en est produit beaucoup d'autres en
breton : hanakc, balance , genetaie ; banal, alan, haleine ; menai,
malan, gerbe ; cbarnell, cbarlenn, saloir; turxiinel, tur^ulen, tour-
Sur l'Ëtymologie bretonne. 295
terelle, etc. ; voir GIoss., 457. M. Loth, Les mots latins dans
les langues brittoniques, 206, dit que seuknn, seine, vient pro-
hahlcmcm de * se une nn par dissimilation (cf. Gloss., 625).
J'ai proposé, Gloss., 328, de tirer milgiiin, manche, de
*manicinna; on peut voir, p. 453, d'autres exemples dans
plusieurs mots d'origine française, comme van. melestrein,
administrer.
La plupart de ces changements d';? en / ont lieu dans des
mots contenant d'autres liquides ; enquele^)- pour *enquene:^r ne
serait donc pas isolé.
6. Quant à l'échange de :{r et :;], il se montre en moy.
bret. dans guinhe:{i- et giiinhe::!, veneur; da:;j-ou, dation,
larmes.
7. La langue moderne a prêté aux formes récentes de
enquele^j' le sens de quekrenn, et les deux mots avaient pu
s'influencer précédemment, mais il n'est point sûr qu'ils
aient la même origine. Le second étant étranger aux autres
langues celtiques, il est naturel de lui chercher une source
romane. Le kela de Bullet a grand'chance de n'être pas à cet
égard une lueur trompeuse. C'est une variante de quelar, que
La Monnoye faisait rimer en ar ; cf. qiteular, feu follet ;
enfant mort sans baptême, de Chambure, Gloss. du Morvan
(où l'association des deux idées est pleinement justifiée).
L'auteur cite cet ancien passage sur les « ardans » : « tantost
ils sont grands, tantost plus petits » ; réponse anticipée au
scrupule de sémantique qu'on a vu § 2. Il compare les formes
du Berry, etc., calard, du Jura kla, kela, de Bourgogne clia
feu follet; de Metz queulat, dernier né d'une flimille; du Dau-
phiné culut ver-luisant (ce qui n'est exact que pour la pre-
mière syllabe), et le breton glaou charbon embrasé (ce qui
est un emprunt malheureux à Mignard, Histoire de Vidiome
bourguignon, Dijon, 1856, p. 38). On peut ajouter: lan-
guedocien culard, quiéulard rectum; follet, lutin qui ... porte
une lanterne sur le dos, en Forez, Mistral ; culton feu follet,
Contejean, Glossaire du patois de Montbéliard. Le mot est
proche parent des termes techniques français culard, culeton,
culière, culeron, que donne le Dict. général; mais pour l'idée,
il se rattache au vulgaire culot (dernier né).
296 E. Ernault.
XXX. — BRULUS QUEN, BRINISKEN; RUS.
1. Les deux vers qui terminent le quatrain du Mirouer de
la Mort cité plus haut, n° XVIII, § 12, sont:
Charoignn en bet nen deux equichen coz cleusenn
A ve quen yfFamus han rus e brulus quen.
Il n'y a pas de charogne auprès d'un vieil arbre creux qui
soit plus horrible que le... de son...
Le contexte indique quelque chose comme « l'odeur, ou
l'aspect de son cadavre ». La séparation de quen sugghre pour
ce mot la traduction « peau », avec brulus adjectif; mais il en
résulterait une construction peu usuelle. D'ailleurs le mot quen,
fréquent en composition, vient toujours après un autre nom ;
cf. Gloss., 548.
2. Je suppose que brulus quen est un seul mot, variante de
*brinisken, sur lequel Milin ms donne les renseignements sui-
vants : « Brinisken s. f. C'est un lacet qu'on place intérieure-
ment au haut et au bas des deux pièces de bois appelées parounou
en terme d'attelage, pour être noué sur ces pièces en haut et
en bas et les retenir contre le collier du cheval. Ce mot usité
au haut Léon et à Plougastel n'est dans aucun dictionnaire.
Oc'h ar parounou e:{ eu:{ eur vrinisken d'an traou hag en ail d'an
neac'h. Bien que je ne puisse analyser ce mot peu éloigné en
apparence de briniden je le crois breton néanmoins. »
Troude définit parounou : « chevilles placées sur le devant
du collier d'un cheval de charrette » ; Milin a remplacé « che-
villes » par « deux pièces de forme ovale de 50 a éo centi-
mètres de haut sur 5 ou 6 centimètres et quelquefois plus de
large », et ajouté: « et retenues sur ce collier au moyen de
lacets (brinisken, voir ce mot) placés intérieurement en haut et
en bas de chacune de ces pièces de bois. »
Brinisken est en etfet parent de brinidenn, f. « bavette d'un
tablier », Trd ; c'est, je crois, un dérivé de brennid, poitrine,
formé comme dorgen, anse, de dorn, main, etc. ; il représente
*brennil-kcn, comme le petit tréc. maousken, peau de mouton
Sur FEtymologie bretonne. 297
= mov. bret. matitguenn, Gloss., 392, cf. 81; Ztschr. f. celt.
Philol.] II, 500.
L'r de brinisken facilitait l'altération du premier n en /, cf.
n° XXIX, §4; quant au changement d'/ en u, il est loin
d'être rare.
3. Rus ne se trouve par ailleurs en moy. bret. que dans le
Grand Mystère de Jésus, p. 8b, où heb ober rus doit signifier
« sans faire de feinte, sans mentir ». Peut-être est-il parent du
mot du Pas-de-Calais ril:^^ rus qui s'emploie ordinairement au
pluriel et que le Lexique Saint-Polois de M. Edmont traduit
« peine, mal, embarras, difficulté, chagrins, tracasserie, soins ».
D'après ces hypothèses, on aurait pour rus e brulusquen ce
sens approximatif: « le train de sa défroque, l'emibarras de sa
dépouille. »
Le style de cet ancien Baudelaire breton, maître Jehan, ne
brille point par sa précision ; c'est un défaut qu'il a en commun
avec ses confrères, restés anonymes, et c'est surtout la flmte
du système trop compliqué de versification qu'ils se croyaient
tenus de suivre, en l'exagérant quelquefois encore. Ainsi,
deux strophes avant celle que nous venons d'étudier, se
trouve ce vers :
Da m/q entre' n b//~uc gant vn hue antruGar
littéralement « ta mue (sera) parmi les vers, avec une cape
impitoyable » ; il flmt entendre, « ta prison étroite », « avec un
linceul rigide ».
E. Ernault.
(A suivre.)
LE MYSTERE BRETON
DE SAINT CRHPIN ET DE SAINT CRÉPINIEN
INTRODUCTION
I. Sources. — L'histoire de saint Crépin et de saint Cré-
pinien a été racontée par une vie latine ^ quelque peu antérieure
au ix^ siècle-. Elle est courte et concise. En voici les grands
traits : fuyant Rome à cause des persécutions dirigées contre
les chrétiens par Dioclétien et Maximien, Crépin et Crépinien
se retirent à Soissons où ils vivent en pratiquant le métier de
cordonnier et en convertissant de nombreux païens. Maximien
en est informé ; il lance à leur recherche Rictiovaire (l'artisan
de son impiété 3, dit le texte) qui lui amène les saints. Maximien
les interroge sur la religion qu'ils professent ; ils refusent de
sacrifier à ses dieux et l'empereur, courroucé, les livre à Ric-
tiovaire pour qu'il les fasse périr par la torture. C'est ainsi
que: i° ils sont attachés à la trochka et battus de verges;
2° des alênes leur sont enfoncées sous les ongles; toutefois,
elles en ressortent d'elles-mêmes et blessent les bourreaux ;
3° des meules de moulin leur sont pendues au cou, puis on
les jette en plein hiver dans l'Axona; mais ils se débarrassent
des pierres et gagnent l'autre rive à la nage ;
4° on les met bouillir dans du plomb fondu; une goutte de
métal liquide crève un œil à Rictiovaire ;
1. Acla Sanctorum, Oct. .\I, pp. 535-37.
2. O. c, p. 505-04.
3. Siia impietalis aJniinistrum.
500 Victor Tourneur.
5° Rictiovaire les fait précipiter dans un mélange bouillant
de poix, de résine et d'huile, mais un ange les en fait sortir
indemnes.
Alors Rictiovaire, de rage, se jette dans la chaudière et est
brûlé.
Les saints demandent à Dieu de les rappeler à lui ; la nuit,
ils ont une vision annonçant leur mort prochaine. Le lende-
main, Maximien les fait décapiter et leurs corps sont abandonnés
pour servir de proie aux animaux sauvages.
Pendant la nuit qui suit le supplice, un ange vient ordon-
ner à un vieillard et à sa sœur de transporter les corps des
saints dans leur maison pour les y enterrer. Ils y réussissent :
les cadavres sont légers comme des plumes; une barque les
attend au bord de la rivière ; elle se meut d'elle-même contre
le courant.
Enfin, sur la tombe, s'accomplissent de nombreux
miracles, et, d'un commun accord, le peuple et le clergé
transportent en grande pompe les reliques des martyrs dans
deux tombeaux construits à l'endroit où s'éleva plus tard la
cathédrale.
Ce récit hagiographique a servi de canevas au mystère français
de saint Crépin et de saint Crépinien ', Les nombreuses phrases
en discours direct qui se remarquent dans la vie latine facili-
taient son adaptation au théâtre. Naturellement, le mystère
français a considérablement multiplié les personnages : il entoure
Rictiovaire de conseillers; il fait intervenir directement Dieu,
la Vierge et les anges, etc. Certaines parties du récit sont
modifiées : le supplice de la îrochlea- est supprimé ; la quatrième
journée se passe à la fois en paradis, où on retrouve les deux
saints dans la gloire éternelle et sur la terre, où s'accomplit
en grande cérémonie la translation des saints corps dans une
1. Il existe deux manuscrits — dont l'un incomplet — du mystère fran-
çais ; ils appartiennent à deux versions qui ne concordent complètement
qu'en ce qui concerne la quatrième journée, paraît-il. Vov. Petit de Julie-
ville, Les Alystcres, Paris, 1880, II, p. 498. L'un de ces manuscrits, malheu-
reusement celui où manque la première journée, a été publié par L. Dessalles
et P. Chabaille. Mystère de saint Crespin et saint Crespinien, Paris, 1856. Cf.
C. r. de Raynouard dans le Journal des Savants, 1836, p. 365-74.
2. Sur la trochlea, voy. Acta Sanctornm, Oct. XI, p. 539.
Le Mystèrr de SiXint Crcpin et de saint Crépinien. :;oi
chapelle. Saint Éloi, le pape, des archevêques, etc., sont pré-
sents, et saint Crépin, en paradis, remercie Dieu d'avoir suggéré
au pape l'idée d'établir un oratoire en son honneur.
Le mystère breton qui va suivre ne procède pas du
mystère français qui est conservé i; il ne remonte pas non
plus directement à la vie latine ; le supplice des alênes
est supprimé et deux épisodes nouveaux apparaissent : au
troisième acte, Constantin arrive en vengeur de la foi et la
pièce se termine par le transport à Rome des reliques des
deux saints.
2. Date de la composition. — Cette dernière partie de
l'œuvre permet de la dater avec assez d'exactitude. On a vu
que la vie latine et le mystère français ne parlent pas d'un
transfert des reliques hors de Soissons. En effet, la plus
ancienne- mention connue du transport à Rome des ossements
de saint Crépin et de saint Crépinien se trouve dans l'édition
du martyrologe publiée sur l'ordre de Grégoire XIII en 1584'.
Le mystère breton doit par conséquent avoir été écrit d'après
une vie du xvii^ siècle dans laquelle les données nouvelles du
martyrologe avaient été introduites. Il ne peut, par consé-
quent, remonter au delà du xvii'^ siècle, ce que l'étude de la
langue ne fait que confirmer.
3. Un autre MYSTÎiRE BRETON DE SAINT CrÉPIN ET DE SAINT
Crépinien. — Un autre mystère breton, ayant également pour
sujet la vie de saint Crépin et saint Crépinien, est conservé
dans la collection de M. Em. Picot, le polygraphe distingué
1 . Il pourrait avoir existe d'autres mystères de saint Crcpin et de saint
Crépinien se rapprochant davantage de la version bretonne; mais celle-ci
est si bretonne d'esprit, qu'il serait difficile d'y voir une traduction d'une
œuvre française perdue.
2. Acta Sanctontm, Oct. XI, p. 513.
3. Suessione in Gallia smictorttm martyrum Crispini et Crispiniani nobiliuiii
romanoriuii qui in persecuiione Diocletiani siih Rictiovario praside post inunania
tormenta glailio trucidati coronam martyrii consecult suiit ; quorum corpora postea
Romani delata fuerunt, atque in ecclesia sancti Laurentii in pane et perna hono-
rifice tumulata. Martvrologium romanum jussu Gregorii XIII. Pont. Max., éd.
Anvers, 1608, p. 352.
p2 Victor Tourneur.
bien connu'. C'est une version très abrégée du même sujet
transformé, je dirais presque en drame lyrique. Un des person-
nages les plus importants, Rictiovaire, disparaît, et, avec lui,
tous les épisodes de torture. Celle-ci se réduit à des menaces.
Crépin est accompagné de son épouse, Mandillas; Crépinien
devient un simple compagnon cordonnier et quant aux per-
sonnages accessoires, ils portent des noms très différents de
ceux qu'on trouvera dans la version publiée ci-après.
Cette pièce paraît avoir été écrite en alexandrins, mais bien
rares sont les vers corrects. Le dialogue est plusieurs fois coupé
par des romances d'une poésie très relative. Le ms. passe pour
avoir fait partie de la collection de la troupe de Joseph Coat
et avoir été écrit par Job Coat- (probablement dans la première
moitié du xix^ siècle), mais aucune indication à ce sujet ne
s'y rencontre.
Comme cette seconde version bretonne de l'histoire de saint
Crépin et de saint Crépinien n'est pas sans intérêt, en voici
une analyse complète, avec toutes les indications scéniques
données dans le manuscrit.
Ms. in-f° en papier de 0,302 X 0,22; le premier et le der-
nier feuillets manquent.
<CBueSiint Gcorg gant eiindcn yaouauq^ (y^J- Pi'ol., str. 11,
V. 3).
f° I, Fin du prologue dont les 6 1/2 premiers quatrains
manquent.
f° 22. 5"^';'/ a ra ar ridoch. Prolog a vue Saut Cripin ac ini e
gompagnon Cripinian .
Ar prolog da garia ; 8 quatrains; le 8° n'a que 2 vers.
f° 22 v°. Btie Saut Cripin ac ini Sant Cripinian e gom-
pagnon.
Sene ac act qnenta.
Maximian Roiic ac aiiipcrciir; daoïi brinc ; Valcrius ar henta.
Ar coniarisK Cripin a Cripinian ac Urjrati, cln'va illier.
1. M. Em. Picot a eu l'extrême amabilité de m'envoyerle manuscrit; ce
dont je tiens à le remercier vivement.
2. Voy. H. Gaidoz et P. Sébillot, Bibliographie des traditions et des litté-
ratures populaires de la Bretagne. Rev. Celt., V (1881-85), p 33^-
3. Arcomaris, nom propre.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 505
L'empereur est content de ses princes, mais il ne veut les
recompenser qu'après l'expulsion des chrétiens de son royaume ;
il est disposé à les persécuter; ses princes l'y engagent vive-
ment; il s'y décide. Valerius amène devant lui une demoiselle
(dinie:(el, puis ftiniellen) chrétienne. Le roi l'interroge, puis la
fait conduire en prison par Crépin et Crépinien.
f° 25. Restés seuls, Crépin et Crépinien décident de s'cntuir
en France, à Soissons. Crépin consulte sa femme, Armindas
(dénommée Mandillas dans toute la suite de la pièce) qui se
déclare prête à l'accompagner'; ils partent.
f° 25 \°. Arrivés à Soissons, ils quittent leurs habits princiers
et s'installent dans une boutique de cordonnier.
Eilvet act. Sant Cripin a:{eet var eun tabore, a Cripinian var
eun<iall^, a pyiet Cripin 0 :(ri.
f° 26. Les saints travaillent à leur métier en priant. Mandillas
borde les souliers.
f° 26 v°. A la demande de Crépin, Crépinien nomme par
leur nom les outils de cordonnier (passage peu intéressant au
point de vue du vocabulaire).
f° 27. Crépinien, à la prière de Mandillas, chante son tour
de France.
f° 27 v°. Le tranchet de Crépin ne coupe plus; un rémou-
leur arrive.
f° 28. Tout en aiguisant divers outils, le rémouleur chante
une chanson sur son métier et ses aventures.
f° 28 v°. Crépin et Mandillas donnent encore quelques objets
à aiguiser, puis le rémouleur s'en va.
f° 29. Une citadine rapporte une paire de souliers trop étroits.
Crépin lui en donne une autre, puis il fait taire sa femme et
Crépinien, et annonce qu'il va prophétiser.
f° 29 v°. Sous couleur de prophétie, Crépin annonce que la
mode des souliers changera. Le diable arrive pour se faire prendre
mesure.
f" 30. Le diable, reconnu à son pied de mule, s'enfuit en
proférant des menaces contre les cordonniers.
Serri a ra redoch, a digiieri querquent. Maximian a tout t
suite.
Maximien est satisfiit des persécutions contre les chrériens;
504 Victor Tourneur.
il s'étonne de l'absence de Crépin et de Crépinien et en demande
la raison.
f' 30 v°. Les princes apprennent à l'empereur que Crépin et
Crépinien sont des chrétiens et que, pour ce motif, ils se
sont réfugiés en France. Maximien ordonne de les amener
devant lui pour qu'il les flisse démembrer.
f° 3 I. Valerius et Urfratti partent à la recherche des fugitifs.
Ceux-ci sont dans leur boutique en proie à un malaise général
dont ils ne connaissent pas la cause. Mandillas voit venir les
envoyés du roi et les signale à ses compagnons.
f° 31 v°. Crépinien, interrogé, dit qui il est, et Valerius
ordonne de le garrotter,
f° 32. ce qui est exécuté séance tenante. Valerius interroge
Mandillas et Crépin.
f° 32 v°. Crépin prétend avoir oublié son nom. Menacé d'être
frappé à coups de sabre, il avoue son identité.
f° 33. Mandillas a beau prier les princes de prendre tout ce
qu'elle possède, mais de lui laisser son mari, ils sont inflexibles
et se préparent à conduire les saints devant Maximien.
f° 33 v°. Amenés devant l'empereur, celui-ci les exhorte à
abandonner leur foi, mais ils restent inébranlables.
f° 34. Maximien ordonne que les saints soient roués; ils se
résignent.
f° 34 v°. Urfratti exhorte Crépinien à changer de religion;
le saint refuse. Maximien insiste en vain et finit par les faire
simplement jeter en prison.
f° 35 . Les saints emprisonnés chantent une prière demandant
le secours de Dieu ; l'ange Gabriel vient les consoler et leur
annoncer que, bientôt, ils seront couronnés dans le paradis.
f° 35 v°. Les saints remercient Dieu. Maximien les fait
comparaître à nouveau devant lui ; il les exhorte une der-
nière fois à abandonner la religion du Christ, mais c'est en
vain .
f° 36. Maximien les fait exécuter. Valerius tue Crépin d'un
bon coup de sabre, et Urfratti traite de même Crépinien.
f° 36 v°. Maximien se retire, laissant les cadavres pour servir
de proie aux vautours. Deux religieux viennent célébrer leur
sainteté et annoncent que, quand le calme sera rétabli dans le
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinicn. 505
pays, le pape en aura connaissance, et que Crépin et Crépinien
seront canonisés patrons des cordonniers. Ils sortent avec les
corps pour aller les enterrer en terre bénite.
Ce dernier f° est déchiré vers le bas et au bord extérieur.
Probablement le mystère s'arrêtait ici, et en tout cas, il ne pou-
vait pas y avoir grand'chose sur la page suivante qui a dis-
paru : la pièce est finie. Telle est cette version écourtée et
sans valeur littéraire du mystère de saint Crépin et de saint
Crépinien.
4. Le MS, de la BiBLIOTHÈaUE NATIONALE DE PaRIS. Le
texte du mystère de saint Crépin et saint Crépinien donné ci-
après reproduit le ms. n° 20 du fonds celtique de la Bibliothèque
nationale de Paris. C'est un petit in-folio de 0,398 X 0,20 à
reliure moderne, comprenant 36 feuillets. L'écriture est du
xviii^ siècle. Le volume est complet. Il semble que les deux
premiers feuillets aient disparu, puis aient été recopiés à nou-
veau, déjà au xviii^ siècle, car, ces deux feuillets sont d'une
autre main que les suivants ; l'écriture en est plus petite, et,
bien qu'il n'y ait pas de lacune dans le premier prologue, un
tiers du verso du f° 2 est laissé en blanc, après le vers 119,
tandis que la suite, avec le vers 120, reprend au haut du
troisième feuillet.
Malheureusement, le £" i, recto et verso, et le f° ^6 verso
sont complètement noircis par une sorte de décomposition du
papier; le texte y est presque entièrement effacé et d'opiniâtres
tentatives de lecture ont été nécessaires pour arriver à y déchif-
frer quelques mots. De plus, le f° 15 présente une petite lacune
centrale à sa partie supérieure; les bords de ce trou sont com-
plètement noirs; de même, les f°^ suivants, 16-25, offrent une
large tache noire vers le haut.
Enfin, les bords extérieurs des f"' i et 36 sont déchirés et le
commencement d'un assez grand nombre de vers écrits à leurs
versos est perdu.
Ce ms. fait partie de la collection recueillie en Bretagne
par Lu;<el pour le gouvernement français.
5 . MÉTRIQ.UE. — La pièce est écrite en alexandrins réguHè-
3o6 Victor Tourneur.
rement partagés en deux hémistiches égaux. Ces vers riment
deux à deux.
Les rimes ne sont pas toujours extrêmement rigoureuses.
Parfois, les différences sont purement graphiques; ainsi, riment
ensemble bardy et seruigin, 220-21 ; cref et re, 656-57, où le
copiste aurait dû employer les variantes servigi et cre.
Ailleurs, la rime est remplacée par l'assonance de sons très
parents. On trouve l'alternance de -/ et de -r précédés d'une
même voyelle: saluer, aniel, 1476-77; saniel, saluer, 1903-04;
ou bien -/, -n: cruel, sorserycu, 1621-22; ou encore -f, -s:
0 chorjf, fors, 1627-28.
Parfois, l'une des syllabes contient un r de plus que l'autre:
ty, martyr, 1579-80; querdeii, csquern, 1623-24; sur, tu, 1937-
38; ary, martir, 2023-24; il y a également un cas avec m,
relego, Rom, 1 599-1600, et un avec s, Berda, bras, 2015-16.
A noter particulièrement les assonances -/ : -c, -t : b(I) ; -g :
-st. edit, iiiiq, 268-69; vat, partahl, 6^6-^j ; fanlastig, christ,
276-77.
Une prière en vers de huit syllabes occupe les vers 1899 à
1910.
6. Valeur de auELQUES lettres. — La métrique montre
que 0 final doit souvent se prononcer v. Ainsi, on a fréquem-
ment inaro pour marv, salo pour salv, etc.
Le V intervocalique est noté uu : scriuuan, 3 5 8 ; deuueus, 721 ;
releuuet, 784; creuuan, 939; greuual, 1884, etc.
/; est parfois remplacé par r/; : ma cboaut, 153, 21 12, etc.
7. Composition du texte. — Le texte donné ci-après repro-
duit fidèlement le ms. de la Bibliothèque nationale de Paris.
Seulement là où soit la métrique, soit une faute évidente
l'exigeait, je me suis permis d'introduire une correction et
toujours cela est mentionné en note. Le ms. ne contient ni
ponctuation, ni majuscule, sauf quelques exceptions pour ces
dernières. J'ai séparé les mots réunis à tort dans le ms. par le
signe -; les mots qui sont illisibles et restitués figurent entre
[ ]; ceux qui sont introduits pour rétablir le vers et manquent
dans le ms. entre <C > ; ceux qui doivent disparaître du texte
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crepinien. 307
pour des raisons de métrique entre ( ). Enfin la '[ précède les
vers corrompus qui ne se laissent pas aisément rectifier.
M. Em. Ernault a bien voulu relire mon travail et me signaler
les erreurs que j'y avais commises. Je tiens à l'en remercier vive-
ment. Il n'a pas dépendu de lui que cette édition ne fût meil-
leure.
V. T.
jo8 Victor Tourneur.
.E PREMIER PROLOGUE
t" 1 En n-ano on chrouer Doue oU buissant,
compaignones meulabl, pan n-och aman presant,
me am eus choant da anons un ystoar assurer;
ra veset atantif ma hellet em chleuet.
Marche '
5 Nen d-eo quet un histoar profan audittoret
on n-eus da resittan, nag eur fars quen neubeut.
Eun ystoar eo memeus ag a so [verlitabl^,
ag a so bet tennet dimes ar scritur sacr,
Marche
[an ystoar] da daou sant, daou vartir glorius,
10 seruigeryen fidel don redemptor Yesus,
ganet er quer a Rom daou den a galite
ch nesj , (ba]lamo[ur] da Doue.
Marche
Cals a so er vro man serten na ousont quet
o chaliteo [disp]ar, nag o hano quen neubet ;
1 5 me ya da henuel dach, compaignones, breman :
unan a so Crepin, un ail Crepinian.
Marche
. . . . audittoret nte
20 Soixon.
Marche
I. Ce mot est une indication scénique. On le trouve après chaque qua-
train des prologues dans la plupart des mystères bretons. L'usage voulait,
en effet, que, tous les quatre vers, l'actear chargé de déclamer le prologue,
fît une évolution sur le théâtre. Voy. J. M. Luzel dans son Introduction au
mystère breton Sainte Tryphine et le roi Arthur, texte revu par l'abbé Henry,
QjLiimperlé, 1863, p. xxv ; id., Une représentation de Sainte Tryphine, Revue
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 509
LE PREMIER PROLOGUE
Au nom de notre créateur, Dieu tout puissant,
compagnie digne d'être louée, puisque vous êtes ici présents,
j'ai envie de vous annoncer une vraie histoire.
Soyez attentifs si vous voulez m'entendre.
Marche
Ce n'est pas une histoire profane, auditeurs,
que nous avons à réciter, ni une farce non plus ;
c'est même une histoire qui est vraie,
et qui a été tirée de l'Ecriture sainte,
Marche
l'histoire de deux saints, deux glorieux martyrs,
serviteurs fidèles de notre rédempteur Jésus,
nés dans la ville de Rome, deux personnes de qualité,
pour l'amour de Dieu.
Marche
Il y en a certainement beaucoup en ce pays qui ne connaissent pas
leurs qualités sans pareilles, ni leur nom non plus ;
je vais vous les nommer maintenant, compagnons :
l'un est Crépin, un autre Crépinien.
Marche
Marche
Celtique, III, 1876-78, p. 392. D'après Em. Souvestre (Les derniers Bretons,
nouvelle éd., Paris, s. d., I, p. 242), à chaque promenade de l'acteur « réhecs
et bignious » devaient sonner.
2. Je crois lire dans le ms... Utacr, mais je n'ai pas trouvé de mot bretoïi
se terminant ainsi. Il est probable qu'il faut corriger en veritabl qui, à la
rigueur, peut rimer avec sacr.
Revue Celtique, XXV. 21
310 • Victor Tourneur.
Anfin compaignones
a . . . ma ar seis ma gontre.
euit clasq an n-ent mat a vesan evurus
ag vo basiantet a seruigin Jésus.
Mar^e
2) mo suply ag o pet
crin . . . uas gant . . . basiantet
dia ar . . . [e choulejnomp silans
[me] a ya da gomans
Marge
Er bla daou chant a seis ' goude maro 2 on Saluer,
Euoa Diocletian voar an douar o ren,
30 an ympalaer cruel méchant ag obstinet
enep ar gristenien mar poe 5 blscoas [er b]et
Marge
fo I yo doueo,
adorin . . . dre oll n-e gueryo
. . . e laquas try roue dindandan
35 enep ar gristenien euit o distrugean.
Marthe
Vn edit [a rc|as a voa cruel meurhet :
[neusej vguent mil den a voe niartiriset ;
[rag mech]ant voa heman, opiniatr yue
[en e lesjeno faous, enep ar guir Doue.
Marche
40 [Bea so] eur loen a so hanuet ar basiliq ;
[o] sellet ous an dut e teu do lasan miq.
[An] aspiq er chontrel, da der 4 den chomeret
[gan]t son an tabouhn, a deu sur d-e gafet.
Marche
1 . L'auteur de la pièce ne paraît pas avoir eu des connaissances très exactes
en fait d'histoire romaine; il antidate ici le règne de Maximien. Plus loin,
il n'est pas plus heureux quand il parle de Constantin.
2. niaro pour inarv que demande le vers. Cf. de même, tao, queudero ;
maro, salo.
3. pour boe.
Le Mystère Je siiiiit Crépin et de saint Crépinien. 3 1 1
Enfin, compagnons,
ces sept
pour chercher le bon moyen d'être heureux,
et avoir de la patience à servir Jésus.
Marche
je vous supplie et vous demande
avec patience
nous demandons le silence
je vais commencer.
Marche
En l'an deux cent sept après la mort de notre Sauveur,
régnait sur la terre Dioclétien,
l'empereur cruel, méchant et obstiné
contre les chrétiens, s'il y en eut jamais au monde
Marche
dieux,
adorer dans toutes ses villes
il mit trois rois sous lui
contre les chrétiens, pour les détruire
Marche
Il fit un édit qui était très cruel :
alors, vingt mille hommes furent martyrisés
car celui-ci était méchant, et aussi, opiniâtre
dans ses croyances fausses, contre le vrai Dieu.
Marche
Il y a une bête qui est appelée le basilic ;
en regardant les gens, elle les tue net.
L'aspic, au contraire, lorsqu'on va le prendre
au son du tambour, on est sûr de l'attraper 1.
Marche
4. Probablement erreur pour pa der\ der, forme impersonnelle de deu.
Il V a ici anacaluthe ; on attendrait encore der au lieu de deu au vers 43 ;
pa der est traité comme si on avait an hiiii a deu deu choiuerel... a deu sur d-e
gajet.
I. litt. il est sûr de l'attraper.
312
Victor Tourneur.
[Ar re ma]n so loenet so meurbet dangerus,
45 [rag] o broq serpantin ' so meurbet benimus.
(Hoguen ar] basiliq, aspiq nag amprefan
[na so] quen benimus a Deocletian.
Marche
[Neuse, goud(e) e] edit e posas eun neubeut ;
[hoguen o] cleuet coms mes ar gatoliquet,
50 [a reas heb] dale un edit a neue
[enep ar gri]stenien a grede en Doue.
Marche
a raport
. . . [marjtiriset dimes ar g[ristenien]
54 chom a
55 cruel seruiger da Satan.
Marche
adare
vn edit a neue
gantan e doueo
[gant ar brassan] tourmant o laquât dar maro.
Marche
60 ... regret voa dar seis cauaillier
. . . aret e rage de meruel
. . . vaillant bras generus a hardy
euit e seruigin.
Marche
[Ar seis ma voa] Crepin, e vreur Crepinian,
65 [Valaire a Quintin] Rufian a Lusian 2,
[a neuse Eugène, ar] cheuaillier vaillant,
laque e speret en tourmant.
Marche
I . Le mot bro(] ne se trouve dans aucun dictionnaire. Le contexte indique
clairement ici que broc serpantin désigne les dents creuses qui renferment
le venin chez les serpents venimeux Broq est un emprunt au vieux français
broche, broqiie, croc, pointe, arme aiguë, qui a dû être employé par méta-
phore pour «forte dent», croc. En wallon, il a encore ce sens métaphorique
et désio^ne les canines des animaux carnassiers : « Ci tchin la a désjameusès
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. ^i 3
Celles-ci sont des bêtes qui sont très dangereuses,
car leurs dents serpentines sont très venimeuses.
Mais le basilic, aspic, ni reptile
ne sont aussi venimeux que Dioclétien.
Marche
Alors, après son édit, il s'arrêta un peu ;
mais, en entendant parler les catholiques,
il fit sans retard de nouveau un édit
contre les chrétiens qui croient en Dieu.
Marche
. . . martyrisé d'entre les
cruel, serviteur de Satan.
Marche
de rechef
un édit à nouveau
avec lui ses dieux
de les mettre à mort avec les plus grands tourments.
Marche
regret des sept cavaliers
arrêt qu'il les ferait mourir
très vaillants, généreux et hardis,
pour le servir.
Marche
Ces sept étaient Crépin, son frère Crépinien
Valère et Quentin, Rufien, Lucien,
Et ensuite Eugène le vaillant chevalier,
mettait son esprit à la torture.
Marche
brocs, n Ce chien là a de fameuses canines ! Godfroy ne donne pas d'exemple
de ce sens en vieux français. Je crois pourtant le retrouver dans une expres-
sion dont il ne donne pas l'explication: rogner la broche aux jaloux (Dict. de
l'ancienne langue française, Paris, I, 1881, p. 737), qui me paraît signifier
limer la dent aux jaloux pour qu'ils ne mordent pas.
?.. Cf. 215-14.
î I 4 Victor Tounienr.
f° 2 O diemen a ra euit cleuet gante
ag y (a) sentge outtan, a quittât o doue.
■ 70 Promettin a ra de ar charge vhellan :
o reseo er pales metneus a re guentan.
Mtiicbc
Promettin a ra choas dese dignitteo
mar cargent adorin gantan e doueo ;
o charge biruiquen euel e vugale,
75 comandin er cheryo, a rein de Hberte.
Marche
Y, euel soudardet da Jésus on Saluer,
a respontas desan gant eur chomso fier,
e uige goell gante meruel gant pep sort poan,
quent en-ein abusin gant grandeur ar bet nian.
Marche
80 Crepin a respont choas d-an ampereur cruel,
e uige goel gantan soufr martir a meruel,
euit quittât Jésus on saluer biniguet
map Doue éternel eil ferson an Dreindet.
Marche
Neuse an ampereur, vel eur chv conaret,
83 a yes en n-eur furv a voa cruel meurbet,
ma lauaras neuse memeus hep arettin,
ma vigent punisset hep exanlin hiny.
Marche
Q.uer cruel voa (a)n aret enep ar gristenien
ma voe laquet dar maro mu euit cant mil den,
90 dre dourmancho cruel er guer dimes a Rom.
Me o les da songeai pes désolation.
Marche
Mes Doue éternel a n-eus bet prescruet
ar seis seuaillier man ous o enemiet,
ma hegeont dan daoulin da ober oreson,
95 ynspiret gant Doue da choas pep a ganton.
Marche
Bras a voa ar glachar en devoa ar seis man
o vesan obliget d-en-cm dispartian,
Le Mystère de saint Crcpin et de saint Crépimen. 5 1 5
Il les fait venir pour apprendre d'eux
s'ils lui obéiraient et quitteraient leur dieu.
Il leur promet les plus hautes charges,
même de les recevoir dans le palais comme premiers dignitaires.
Marche
Il leur promet encore des dignités,
s'ils voulaient adorer ses dieux avec lui ;
il les aimerait toujours comme ses enfants,
il leur donnerait des villes à gouverner, et la liberté.
Marche
Eux, en soldats de Jésus notre Sauveur,
lui répondirent avec de hères paroles
qu'ils aimeraient mieux mourir avec toute sorte de tourments
que de se laisser abuser par les grandeurs de ce monde.
Marche
Crépin répond encore au cruel empereur
qu'il aimerait mieux souflfrir le martyre et mourir
que de quitter Jésus, notre Sauveur béni,
fils du Dieu éternel, deuxième personne de la Trinité.
Marche
Alors, l'empereur, comme un chien enragé,
entra dans une colère qui était très cruelle,
tellement qu'il dit alors, même sans s'arrêter,
qu'ils seraient punis sans aucune exception.
Marche
L'arrêt contre les ciirétiens était si cruel
que plus de cent mille iionmies furent mis à mort
par de cruels tourments dans la ville de Rome.
Je vous laisse à penser quelle désolation.
Marche
Mais le Dieu Eternel a préservé
ces sept chevaliers de leurs ennemis,
si bien qu'ils se mirent à genoux pour prier,
inspirés par Dieu de clvoisir chacun son canton.
Marche
La douleur qu'avaient ces sept hommes était grande,
d'être obligés de se séparer,
î l6 Victor Tourneur.
ma corneront congé an eil eus eguile,
ous en-em ambrassin dre eur guir amittie.
Marche
fo 2 v° loo Sant Crepin ag e vreur a gomer hent Soixon i ;
|ar] pemp ail a gomer vue pcp a ganton
|da] buplian ar fe, preseq an auiel,
(eulel ma presegas goessal an ebestel.
Marche
An seis sant man a voa ganet er guer a Rom,
10) |e] renqjont e chouittat a choas pep a ganton;
[S]ant Crepin ag e vreur, ynspiret gant Doue,
[a] disquenas en Franc, goles^ a voa neuse.
Marche
Un hent bras a regeont mes pa voeljont Soixon ■
le] hejont dan daoulin da ober oreson
iio jejuit goul assistans ag ar chras ous Doue
da veuan en-e chras ag en-e garante.
Marche
|D]re Providans divin vnspiret oent neuse
|da] gomer an état, ar vicher a guère,
|a] dre ma telchent stal er guer mes a Soixon,
115 [njombr a de do chafet dimes a bep canton.
Marche
(Anlfin, compaignones, prouidans vn Doue
a so bras en douar ag en eft";
|monet] a ra ar bobl mes ar vro tro voar sro
Ida] gat an daou sant man euit prenan boto.
Marche
fo 3 120 Neuse an daou sant man, audittoret christen,
a instrue ar bobl ebars en guir iesen ;
quer couls o doctrinent da anauout ar fe,
ma tent da ananout Iesen ar guir Doue.
Marche
Chettu disclervet dach. compaignones, breman,
125 ar resit pen da hen dimes on act quentan ;
I . L'autre version du Mystère de saint Crepin et de saint Crcpinien appelle
Soissons tantôt Sosson (fo 25), tantôt Soison (fo a) v").
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 3 17
si bien qu'ils prirent congé l'un de l'autre,
en s'embrassant par vraie amitié.
Marche
Saint Crépin et son frère prennent le chemin de Soissons ;
les cinq autres prennent aussi chacun leur canton,
pour publier la foi, prêcher l'évangile,
comme prêchèrent autrefois les apôtres.
Marche
Ces sept saints-ci étaient nés dans la ville de Rome,
ils durent la quitter et choisir chacun son canton.
Saint Crépin et son frère, inspirés par Dieu,
descendirent en France, qui était alors gauloise.
Alarcbe
Ils firent un long chemin jusqu'à ce qu'ils vissent Soissons ;
ils se mirent à genoux pour prier,
pour demander à Dieu assistance et la grâce
de vivre dans sa grâce et son amitié.
Marche
Ils furent alors inspirés par la divine Providence
de prendre l'état, le métier de cordonnier.
Et comme ils tenaient boutique dans la ville de Soissons,
nombre de gens venaient les trouver de chaque canton.
Marche
Enfin, compagnie, la providence de Dieu
est grande . . . sur la terre et dans le ciel :
le peuple vient du pays des alentours
trouver ces deux saints pour acheter des souliers.
Marche
Alors CCS deux saints, auditeurs chrétiens,
instruisaient le peuple dans la vraie religion.
Ils lui apprenaient aussi à connaître la foi,
pour qu'il vint à connaître la religion du vrai Dieu.
Marche
\'oici que vous est expliqué maintenant, compagnons,
le récit de notre premier acte d'un bout à l'autre.
2. goles, emprunt au français gaulois. Employé substantivement ar Goleset,
les Gaulois. 970, 978, 980, 985, 1012, etc.
5 1 8 l'iiioi Toiiniciir.
ragse, audittoret, m-o suply ag o pet,
beset oU attantif ma hellet en chleuet.
Marche
Anfin, compaignones, m-o pet ag o suply,
da gat a charitte da dont d-on yscusy :
130 me a ya de nem den, rag Deocletian
a gleuan a tonet, an ampereur payan.
Lempereur dcoclclicn. deux pai^c. iitaulointici . le piins cordonnier, arj^oinedy.
Lisliitiis entre a gauche.
LEMPEREUR parle.
Me eo an ampereur hanuet Deocletian,
puissantan roue a so bars er bet man ;
na gredan-quet efe, voar an douar hinv
133 a guement en defe quer bra.^ efrontery
da dont d-en-em vantin, dre eur bresompsion
da vesan egall din, ebars en nep leson.
Rag, me na doujan quet ampereur, na rfoue],
na sultant ', na basra -, na timuttasg '^ yuc.
140 Q.ucment roue a so er bet man en antier,
n-en dint-quet euidon4, an dra-se a so scier:
car try roue a meus (en) i en taer rouanteles,
a so sugedet din, Jaqueet tout espres,
euit ma assistan dre ma chomandamant,
145 ag euit ma suport dan n-eur ma<m>> beso-choant.
Na so den voar ar bet a quenient a grette
dont da laret eur guir enep dam majesté,
fo - vo Nan, na so nation n-cn dint y oU contant.
a prest da senty tout ous ma chomandamant ;
130 nemert ar gristennien gant o faous leseno.
Arese so bepret contrel dam doueou.
[CJouls goude m- eus laquet cals dar maro ane,
dre ma choant abuset o (d)-cridin ^ d-o doue ;
eis edit a m-eus groet a so executtet ;
155 bepret uguent mil den a so sur massacret
ebars er quer a Rom, dimes ar gristenien ;
me rey choas de mcrucl a<Cn>« drase so serten.
1 . Le ms. donne snllanl ou snttanL L7 et le / se font de la même manière ;
la barre seule diftérencie le / de 17 et ici elle traverse les deux, bien qu'il se
puisse qu'elle n'appartienne qu au second.
2. basra, corruption du français baseball (Rabelais, Panlagrtiel, II, 14),
bassa (La Fontaine, Fables, VIII, 18), variante de pacba.
3 timuttasg ou litnultasg. Je n'ai pas trouvé le sens de ce mot. Peut-être
est-ce une corruption de Tinioiir-lcnk, Tainerlau.
Lf Mystère de saint Crépin et de saint Crépinicn. 3 1 9
C'est pourquoi, auditeurs, je vous supplie et vous dcniandc
d'être tous attentifs pour pouvoir rcntendrc.
Marche
Enfin, compagnie, je vous prie et vous supplie
d'avoir la charité de nous excuser :
je vais me retirer, car voici Dioclctien
que j'entends venir, l'empereur païen.
L'empereur DiocUlieii, Mantoniiicr, le prince cordonnier, Argoniedy,
Lisintiis, entrent à oauche.
l'empereur parle.
Je suis l'empereur appelé Dioclétien,
le roi le plus puissant qui soit dans ce monde,
je ne crois pas qu'il y ait, sur la terre, quelqu'un
qui ait assez d'effronterie
pour venir se vanter, par présomption,
de m'ètre égal en quelque manière.
Car moi, je ne crains empereur ni roi,
ni sultan, ni pacha, ni même...
Tous les rois de ce monde tout entier
ne sont pas capables de me faire peur, cette chose est claire,
car j'ai trois rois, dans trois royaumes,
qui me sont assujettis, placés tout exprés
pour m'assister dans mon gouvernement
et pour me venir en aide à l'heure dû j'en aurai envie.
Il n'y a personne au monde qui oserait
venir dire un mot contre ma majesté.
Non, il n'y a pas de nations qui ne soient toutes contentes
et prêtes à obéir en tout point à mes ordres :
si ce ne sont les chrétiens avec leurs fausses doctrines.
Ces gens-là sont toujours adversaires de mes dieux.
Cependant, j'en ;ii mis beaucoup à mort,
parce qu'ils étaient abusés en croyant à leur dieu.
J'ai fait huit édits qui sont exécutés ;
Il y a toujours bien vingt mille hommes qui ont été sûrement massacrés
dans la ville de Rome parmi les chrétiens ;
j'en ferai encore mourir, cette chose est certaine.
4. Sur cette signiticatiun de evil, voy. l:m. Ernault, Glossaire du moyen
breton, p. 227.
5. Probablement dittographie, le premier en rompt la mesure et ne signifie
rien.
6. 0 (d)-cridin. L'introduction de ce (i entre o et tr/Jz» ne s'explique pas.
On pourrait avoir 0 s-oridin, mais pas 0 d-cridiit.
5 20 Victor Tourneur.
Biquen na reposan quen am bo distruget
dimes ma ampire ar ras fal, miliguet.
i6o Coll a reont ma fobl gant o faous leseno :
me rey de finissan dre doiirmancho garo.
Ragse ta, ma frinset, reit o ch-auis dime ;
petra a songettu ag a leret voarse?
Rag, mar veont leset bars er vro-man da ren,
i6s euouluersoint ar bobl dre ma sint christenien.
Ret eo din absolu ober o distrugean.
Biruiquen em presans christen ne anduran ;
goell a ue gueny coll ma ampire romen
euit rein nep cartier yames dar gristenien.
MANTONNIER, 1"= prillS.
170 Pa bermettet dime, ma prins a ma roue,
Me a laro breman dirag o majesté.
Pupliet un edit n-o ch-ampire romen,
ma veso massacret partout ar gristennien.
|E]uelse martese chuy a deuo a ben
175 da ober de cuittat o fe ag o lesen.
Ar-nep na sento quet ous o comandamant
uo laquet dar maro dre ar brassan tourmant.
LE PBINS CORDONNIER
Ampereur redouttet carguet a buissans,
me a laro brema gant pep sort assurans,
180 pa bermettet dime dont breman da barlant,
f° 4 me laro dirasoch assur ma santimant :
nombr bras a gristenien a so bars er guer ma ;
ma na ret ar voyen da dont do distrugean,
e-ueso martese quent euit pen try bla,
185 o ch-ampire gante reduiset da netra.
Ragse, mar em chredet, groet o tiampicho '
euit 0 distrugean, d-o laquât dar maro.
Neuse, veset en peuch ag en patiantet
dimes ar choste-se pa voint 2 distruget.
ARGOMEDY, 3'= priHS.
190 Ouspen e-leront choas an cill da eguile,
|e) soufroint ar maro quent cuittat o doue,
penos, ma ympalaer, perag o ch-cus morchci?
ag o ch-oll edigeo dreoll executcct(e),
1 . Cl. (il a III pu bail, le plus vile |H)s.siblc, cl. Kmault. (ilo.s.sdiic moyen bidon,
p. 160.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 321
Jamais je n'aurai de repos avant d'avoir exterminé
de mon empire cette race mauvaise, maudite.
Ils perdent mon peuple avec leurs fausses doctrines ;
je les ferai périr par des tourments cruels.
C'est pourquoi, mes princes, donnez-moi votre avis.
Qu'en pensez-vous et qu'en dites-vous ?
Car, si on les laisse vivre dans ce pays,
ils bouleverseront le peuple parce qu'ils sont chrétiens.
Il me faut absolument les faire détruire.
Jamais je n'endurerai de chrétiens en ma présence.
J'aimerais mieux perdre mon empire romain,
que de faire jamais aucun quartier aux chrétiens.
M.WTOXNIER, i^'^ prince.
Puisque vous me le permettez, mon prince et mon roi,
je parlerai maintenant devant votre majesté :
publiez un édit dans votre empire romain,
pour que les chrétiens soient massacrés partout.
Comme cela, peut-être, vous viendrez à bout
de leur faire quitter leur foi et leur doctrine.
Quiconque n'obéira pas à vos ordres
sera mis à mort par les supplices les plus grands.
LE PRINCE CORDONNIER
Empereur redouté, plein de puissance,
je dirai maintenant en toute assurance ;
puisque vous me permettez de venir maintenant m'exprimer,
je dirai devant vous certainement mon avis.
Il y a un grand nombre de chrétiens dans cette ville ;
si vous ne prenez pas le moyen de les détruire,
peut-être avant trois ans,
votre empire sera réduit à rien par eux.
C'est pourquoi, si vous m'en croyez, faites diligence
pour les détruire, pour les mettre à mort.
Alors, vous serez en paix et en tranquillité
de ce côté, lorsqu'ils seront détruits.
ARGOMEDY, 3e prince.
De plus, ils disent encore l'un à l'autre
qu'ils souffriront la mort plutôt que de quitter leur dieu.
Comment, mon empereur, pourquoi avcz-vous de l'inquiétude?
Tous vos édits sont partout exécutés ;
2. voint, en deux syllabes.
p2 Victor Tourneur.
a massacret un nombr dimes ar gristenien,
195 a choas esoch en dont na deufent da difen ?
Consultet Apollon quer couls ag a re ail,
da ober d-e cuittat o religion fall.
LisiNTUS, 4e prias.
Guir eo se, ma roue, groct o ch-eus distrugean
nombr bras a gristenien, partout dre ar vro-man.
200 Couls goudee leront daouist do ch-edivo
biquen na cuitteont Yesus o guir otro
en n-enes e credont a ma leront a gren,
biruiquen na grcdont ebars en-o lesen.
LEMPEREUR
Teribl eo goellet se, n-oufemp quet dont a ben
205 da donet da drcchin voar on aduersouryen,
oar ar gristenien fall méchant a didalue,
eur bagat sorseryen a gret er faous doue.
Me a rey un edit ma voint massacret,
difromet a damo a tolet dar loenet.
210 Mes, ma brassan regret eo da seis seuailler :
o puplian an edit mv a rey de meruel.
A re-ma so Crepin, e vreur Crepinian,
Valaire a Qiiintin, Lusian, Rufian,
f" 4 V" fa] neuse Eugène, ar seuailler vaillant.
21 $ |a]r seis-ma a garan asur fidelamant :
.\y re-se so voillant mar boe biscoas er bet ;
ebars en armeo e s-int tut redouttet.
Drese, me a gare galout donet a ben
da lacat anese da gridin dam lesen.
220 Dre ma s-int tut vaillant generus a hardy
[a] m-eus choant d-o chafet euit ma seruigin :
mar queront ma senty, cuittat ar gristenes
m-o groev are quentan da chom bars em pales
ag o eleuuo sur ebars en dignitte
mar renonsont d-o fe, d-o lesen, d-o doue.
Mes, ma na reon-quet m-o lequey d-ar maro,
[d]re ar brassan suplis ag ar brassan poannio.
22)
LE PREMIER P.\GE
Ma monarq souueren, en-em rejouiset :
[a]n oraclo memeus a n-eus o ch-assuret
230 eman eo an nauet, an edit diuesan,
[a] gonit a-reet euel a-re quentan.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. ^2^
et nombre de chrétiens ont été massacrés,
et vous êtes encore en doute s'ils se défendront?
Consultez Apollon aussi bien que les autres
pour leur faire quitter leur mauvaise religion.
LisiNTUS, 4e prince.
Il est vrai, mon roi, que vous avez fait détruire
un grand nombre de chrétiens partout par ce pays.
Cependant, ils disent qu'en dépit de vos edits
jamais ils ne quitteront Jésus leur vrai seigneur,
c'est en celui-là qu'ils croient, si bien qu'ils disent hautement
que jamais ils ne croiront à votre religion.
l'empereur
C'est terrible de voir cela que nous ne puissions venir à bout
de vaincre nos adversaires,
les chrétiens mauvais, méchants et pervers,
une bande de sorciers qui croient en un faux dieu.
Je vais faire un édit pour qu'ils soient massacrés,
déchirés en morceaux et jetés aux bêtes.
Mais mon plus grand regret est pour sept chevaliers :
en publiant l'édit, je les ferai mourir,
Ce sont : Crépin, son frère Crépinien,
Valère et duentin, Lucien et Rufien,
puis Eugène, le vaillant chevalier ;
Ces sept là, je les aime, certes, fidèlement :
ceux-là sont des vaillants, s'il y en eut jamais au monde ;
dans les armes, ce sont gens redoutés.
C'est pourquoi je voudrais pouvoir venir à bout
de les amener à croire à ma religion.
Comme ce sont des gens vaillants, généreux et hardis,
je désire les avoir à mon service.
S'ils veulent m'obéir, quitter le christianisme,
je les ferai les premiers pour rester dans mon palais,
et je les élèverai certainement en dignité,
s'ils renoncent à leur foi, à leur religion, à leur dieu.
Mais, s'ils ne le font pas, je les mettrai à mort
par les plus grands supplices et les plus grands tourments.
LE PRE.MIER PAGE
Mon roi souverain, réjouissez- vous.
Les oracles mêmes vous l'ont assuré :
celui-ci est le neuvième, le dernier édit,
et vous vaincrez, comme pour les précédents.
524
Victoi Tounitiir.
LE 2° PAGE
Goel oe dach, ma monarq o diemen ama
[qu|ent ma vo pupliet edit d-o distrugea,
a chousout digante ag y a obeise
235 [o| ch-oll gomandamant, a renons d-o doue.
LEMPEREUR
[Da gu)enta, Lisintus, groa depech, ma mignon,
groa de donet ama, ma cleuin o reson ;
rag un hast vras a meus da gleuet digante
ag y sento ousy a cuittat o doue,
240 ag adorin ma re so meurbet galoudus.
Ma groent quementse e voint evurus.
Me a ya, ma monarq, ag a rey de donet.
Mar obeissont dach, o deueso respet.
Perag [ne] deuendy pa rer faueur dese
245 [d-o c]hoa[s aj vesq an oll da donet o pette
[en o pales] ' aman presant dirag o fas.
fo 5 Chuy a dlecat respet ag enor en pep plas.
IJsiiit/is sort a droit, mantonnier parJe.
Me fel dy larat dach, ampereur puissant,
en queit ha ma medy ar messager absant,
250 Na vet-quet rust oute voar an dabort^ quentan,
rag aon na deufe dach o laquât da spontan.
Goelloch e caffen dach dre douster coms oute,
a quentoch martese e cuittaent o doue.
Mar groeont quementse, ma frins, e-ueset cuit
2S5 d-o lacat dar maro, na pretaniin '•• edit.
LEMPEREUR
Mar gueront ma senty euel ma leueret,
m-o groy ar re guentan en mesq ma oll prinset.
Lisintus, Oiiintiii, Liisian, Rufien, Valaire, Eugène, Crepin,
Crepinien entre a droit.
LISINTUS parle.
Chettu-indy ary, ampereur puissant :
obeissct o deus pront d-o comandamant,
1. Le ms. est complètement noir et illisible.
2. daboii, emprunt au français d'abord, confondu avec le substantif a/wrf.
On trouve d'autres formations analogues, darcm = d'airain, daccord = d'ac-
Le Mystère de saint Grépin et de saint Crépinien. p^
LE 2^^ PAGE
Il vaudrait mieux pour vous, Sire, les faire venir ici
avant que soit publié l'édit pour les détruire,
et d'apprendre d'eux s'ils obéiront
à tous vos ordres, et renonceront à leur dieu.
l'empereur
Tout d'abord, Lisintus, dépêche-toi, mon ami,
fais-les venir ici pour que j'entende leur pensée,
car j'ai grande hâte d'entendre d'eux
s'ils m'obéiront, quitteront leur dieu,
et adoreront les miens qui sont très puissants. '
S'ils le font, ils seront heureux.
J'y vais. Sire, et les ferai venir.
S'ils vous obéissent, ils seront respectés
Pourquoi ne viendraient-ils pas quand on leur fait la faveur
de les choisir parmi tous pour venir vers vous
dans votre palais, ici, en votre présence.
Vous devez être respecté et honoré en tout lieu.
Lisintus sort à droite, m.antonnier parle.
Je veux vous dire, puissant empereur,
pendant que le messager est absent,
que vous ne soyez pas rude avec eux au premier abord,
de crainte que vous ne les fassiez s'eftVayer.
Je crois qu'il vaudrait mieux pour vous de leur parler avec douceur,
et peut-être quitteraient-ils plus tôt leur dieu.
S'ils le font, mon prince, vous serez quitte
de les mettre à mort ou d'apprêter un édit.
l'empereur
S'ils veulent m'obéir comme vous dites,
je les ferai les premiers de tous mes princes.
Lisintus, Quentin, Lucien, Rufiin, VaUre, Eugène, Crépin,
Crépinien entrent à droite.
LISINTUS parle.
Les voilà arrivés, puissant empereur.
Ils ont promptement obéi à vos ordres,
cord. Voy. Em. Ernault, Glossaire moyen breton, p. 143.
3. pretantin, dérivé de prêt? A moins qu'il ne faille lire presau lin, pré-
senter, prendre un arrêt.
Revue Celtique, XXV. 22
5 20 Victor Tourneur.
260 obeisset o deus hep contestasion,
ag y oll dispose! da gleuet ho reson.
LEMPEREUR
Orsus enta, Crepin, a chuv Crepinian,
Valaire, Eugène, Qiiintin, Lusian, Rutian,
chuy a so christenien herue ma m-eus cleuet,
265 chuy ador vn doue ha ne aneuean quet.
Breman e-uo ret dach assur e renonsin,
pe chuy soufifro ar maroi. Ragse, sentet ousin,
adoret ma doueou, pe me rey vn edit ;
vn nombr bras a varuo, me rey o lasan miq ;
270 memeus, chuy vo are a soufre da guentan,
men tou, dre Apolon, dre ar poannio brassan.
QUINTIN
Penos, ydollat ven ag yncarnel 2 yue,
te soiich e hadoromp da doueo na te?
Goel ve guenimp meruel, andurin cant martir,
275 quent cuittat Jésus Christ. Hennés eo on désir.
fo 5 v" LUSIAN parle.
O méchant apostat, ydolat fantastig î,
perag e fel dide e lesemp Jésus Christ,
eill ferson an dreindet, mab Doue éternel ?
ous liennes e sentonip. Contant onip da veruel.
280 Me a so Rufien a discler(y)4 dit, méchant,
biruiquen na sentan ous da gomandamant.
Me a so guir gristen, ag a gar ma doue;
biquen n-en dilesan vit nep aduersitte.
Petra ag e fel dit, ydolat miserabl,
283 e quittaemp vn doue a so quen adorabl?
goel ve guene meruel en n-ano a gristen
euit na ve cafet da ampire romen.
O ympalaer farouch, biscoas na voe goellet
quen ydolat a te, na da quen abusetS.
1. niaro, lisez marv.
2. yncarnel paraît provenir de la contamination de incarné et de charnel.
3. Peut-être l'auteur a-t-il voulu dire fa)iatiqne.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. ^27
ils ont obéi sans contestation,
et tous sont disposés à vous entendre.
l'empereur
Or ça donc, Crépin, et vous, Crépinien,
Valère, Eugène, Quentin, Lucien, Rufien,
vous êtes chrétiens d'après ce que j'ai entendu dire,
vous adorez un dieu que je ne connais pas.
Maintenant, il vous faudra assurément le renier,
ou vous souffrirez la mort. C'est pourquoi, obéissez-moi,
adorez mes dieux, ou je ferai un édit ;
bien des gens périront ; je les ferai tuer net ;
même vous serez ceux qui souffriront les premiers,
je le jure par Apollon, les plus grands supplices.
QUENTIN
Comment I idolâtre vain et aussi charnel,
Tu songes que nous adorerons tes dieux ou toi !
Nous aimerions mieux pour nous mourir, endurer cent martyres
que de quitter Jésus-Christ. Voilà notre désir.
LUCIEN parle.
O méchant apostat, idolâtre fantasque,
pourquoi veux-tu que nous, nous abandonnions Jésus-Christ,
deuxième personne de la Trinité, fils du Dieu Eternel ?
C'est à lui que nous obéissons. Nous consentons â mourir
Je suis Rufien, et t'assure, méchant,
que jamais je n'obéirai â tes ordres.
Je suis un vrai chrétien et j'aime mon Dieu ;
jamais je ne l'abandonnerai, quelque malheur que m'arrive.
V.^LÈRE
Quoi ! veux-tu, misérable idolâtre,
que nous quittions un dieu qui est si adorable ?
J'aimerais mieux mourir sous le nom de chrétien
que d'avoir ton empire romain.
EUGÈNE
O farouche empereur, jamais on n'a vu
quelqu'un de si idolâtre que toi, ni de si abusé.*
4. Cet V est muet; en moyen breton, il indique que la consonne précé-
dente est mouillée. Voy. Em. Ernault, Revue Celtique, XI (uSgo), p. 381.
5. Tournure archaïque. Voy. Em. Ernault, Glossaire moyen breton, p. 536.
528 Victor Tourneur.
290 Ma Doue, ma clirouer 3'ames n-o tilesan
euit quement tourmant a enfes da forvan.
CREPIN
Me sô eur seruiger da Jésus, ma Doue,
ag a désir meruel euit e garante.
Meurbet on estonet gant âr leopart man :
295 on deuorin a rey mar heuillomp anesan.
Da doueo a te a yello da néant ;
a nin, gant on saluer, a veso trionfant,
[ejbars er barados, e lech selestiel,
[n]in ueso-evurus p-on lequy da veruel.
300 [A] goude quementse Constantin ar vaillant
deuv da ranuersin da ydolo méchant,
[aj discar da demplo yust betteq an douar.
Biruiquen anese nas peso nep memoir ' ;
[e-ues]o 2 yliso en gloar ar guir Doue,
305 [a voar] da ydolo e-uo plantet ar fe.
CREPINIAN
fo 6 Sa, sa, ma breudeur quer, ne n-em estoni-quet
euit nep promesse na tourmant quen neubeut.
AUon, ma breudeur quer, besomp oll courajus
d-andurin ar maro dindan bannier Jésus.
310 Scuillomp yoaus on goat, Jésus on goaranto,
ag on groey trionfant en pales an nefto.
LEMPEREUR
O cleuet a ni-eus oll ; meu[r]bet och auurtet 5.
True a m-eus ousoch dn ma s-och obstinet.
Mar cargeach ma chridv, cliom guene er pales
31s ni-o croage ar chentan ves ma rouanteles ;
me roye dech pouer ag ous pen liberté ;
ar prouinso caeran a so em ampire ;
ma estonin a-ret o coms ves o toue,
pa n-en dileset4 cren ag adorin ma re.
320 No ch-eus nemert vnan, me m-eus cals anese,
avurtet o cafan pa na gredet enne.
Q.UINTIN-
Penos, o ydolat vmpv ag )'mpudant,
e-fel dit on deseo dre gomso frodulant s !
I. Littéralement: jamais d'eux tu n'auras aucun souvenir. On peut se
demander si nas peao n'a pas remplace na veso qui a le même sens mais peut
aussi signifier : il n'v aura (il ne restera) aucun souvenir, ce qui vaudrait
mieux.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 329
Mon Dieu, mon créateur, jamais je ne vous abandonnerai
pour quelque tourmant que tu puisses forger.
CRÉPIN
Je suis un serviteur de Jésus, mon Dieu,
et désire mourir pour l'amour de lui.
Je suis bien étonné par ce léopard :
il nous dévorera si nous le suivons.
Tes dieux et toi, vous irez à rien,
et nous, avec notre sauveur, nous serons triomphants,
dans le paradis, dans l'endroit céleste,
nous serons heureux quand tu nous feras mourir.
Et après cela, le vaillant Constantin
viendra renverser tes méchantes idoles,
et abattre tes temples au ras du sol.
Jamais ceux-là n'auront de souvenir;
les églises seront dans la gloire du vrai Dieu,
et sur tes idoles, la foi sera plantée !
CRÉPINIEN
Çà, çà, mes chers frères, ne vous émouvez
pour aucune promesse ni aucun tourment.
Allons, mes chers frères, soyons tous courageux,
pour endurer la mort sous la bannière de Jésus.
Versons gaiement notre sang, Jésus nous protégera
et nous fera triompher dans le palais des cieux.
l'empereur
Je vous ai entendus tous ; vous êtes bien opiniâtres.
J'ai pitié de vous, parce que vous êtes obstinés.
Si vous vouliez m'en croire, rester avec moi dans le palais,
je vous créerais les premiers de mon royaume ;
je vous donnerais pouvoir et aussi liberté,
les plus belles provinces qui sont dans mon empire.
Vous m'étonnez en parlant de votre dieu,
que vous ne l'abandonniez pas franchement pour adorer les miens.
Vous n'en avez qu'un, j"en ai beaucoup,
Je vous trouve obstinés de n'y pas croire.
Q.UENTIN
Comment, idolâtre impie et impudent,
tu veux nous tromper par des paroles perfides !
2. ou bien [hen Sii2']o il fConstantin) élèvera des églises.
3. aiiurtet ::=■ ahiirtet, obstiné, emprunt au v. fr. abeiirtc.
4. Mss. diselet.
5. jrodulant, du lâùn fraiidiilcnius.
3 50 Victor Tourneur.
ny ador vn doue en deus crouet ar bet
325 ny en char a viscoas, ag en charo bepret.
Da oll bromeseo na da oU vannitte
n-on surmonte yames : na reomp fors ane.
arese (a)berjso cret dy hep laquât mar
pa deuo Jesus-Christ da varn ar gênerai ' .
LEMPEREUR
330 Enem den a les-e ! va ha na dart pas:
Quitta cren a les-e ! a tech dimes m<;a>> fas !
Techet ves ma fales buana ma hcllet !
Pe, me rey o serin enn-eur plas assuret.
Ne allquet ma spered o ch-andurin pelloch ;
335 Me a va da ober preparin a hanoch.
Seuiic 2 par chacun haut. Deocletian a gaiicJ}e. et les saint a droit. Dcocictian,
Le priiis cordonnier, Argoniedy, greffier entr a gaucli.
LEMPEREUR parle.
fo 6 vo Penos a posibl ve na deufen quet a ben
dimes a seis méchant ag a so christennien î ?
Chuy, breman, Jupitter, tat an oll doueo
oar ben ar gristenien distrinquet o ttardo 4 !
340 Diguenach e talchan ma seruigeo fidel î ;
me a ya da ober vn edit so cruel.
Sa, enta, ma speret, yntant 6 din ar voyen
ag <ar> brassan suplis enep ar gristenien.
Er spas a bemseg de n-o defo quen amser
54) ma voint massacret gênerai ag antier ;
me rey scuillan o goat voar ma faue en Rom,
ma vin maist absolu pan-d-on enny o chom.
A re a achapo ma vo toret o fen,
dispennet euel cheas, dre ma s-eint christennien
350 ma vesoint exempl da guement o goello.
Me gret en defo (e)r7 cheas 8 cals a drue outo.
Neuse, me a voello ag y vo sicouret
gant an doue'' ma credont dre ma s-int abuset.
1. da varn ar gênerai peut être corrompu de de ar varn gênerai, au jour
du jugement dernier.
2. La scène est une subdivision de l'acte ou de la journée. Voy., sur la
signification qu'a parfois ce mot dans le théâtre breton, F. M. Luzel, Une
représentation de sainte Trxphine, Rev. Celt., III (1876-78), p. 391.
3. Ms. crhistennien.
4. emprunt au français dard.
5. Vers obscur. Seruicc, seruich, en moyen breton désigne parfois le ser-
vice divin. Vov. Em. Ernault, Glossaire moyen breton, p. 624. Il faut proba-
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. ]]i
Nous adorons un Dieu qui a créé le monde,
Nous l'aimons de tout temps et l'aimerons toujours.
Toutes tes promesses et toutes tes vanités
ne nous vaincront jamais. Nous n'en faisons pas de cas.
Celles-là périront, crois-moi sans élever de doute,
lorsque Jésus-Christ viendra pour juger tout le monde.
l'empereur
Retire-toi d'ici ! oui, et ne tarde pas.
Sors vite d'ici et fuis ma présence.
Fuyez mon palais le plus vite que vous pourrez
ou je vous ferai enfermer en lieu sûr.
Mon esprit ne peut vous endurer plus longtemps.
Je vais vous faire arranger !
Scène de chaque coté. Dioclétien à gauche et les saints à droite. DiocUlien,
Le prince cordonnier, Argomedy, greffier entrent à gauche.
l'empereur parle.
Comment serait-il possible que je ne vienne pas à bout
de sept méchants qui sont des chrétiens?
Vous, maintenant, Jupiter, père de tous les dieux.
Lancez vos traits sur la tête des chrétiens.
C'est de vous que je tiens mes fidèles services ;
Je vais rendre un édit qui est cruel.
Or ça, mon esprit, suggère-moi le moyen (d'être cruel)
et les plus grands supplices contre les chrétiens.
Dans l'espace de quinze jours ils n'auront pas d'autre délai
pour qu'ils soient complètement massacrés ;
Je ferai ruisseler leur sang sur mon pavé, à Rome,
pour être maître absolu, puisque j'y demeure.
Ceux qui échapperont, que leur tête soit brisée,
qu'ils soient mis en pièces comme des chiens, parce qu'ils sont cliréticns,
pour qu'ils servent d'exemple à quiconque les verra.
Je crois que les chiens en auront beaucoup de pitié.
Alors, je verrai s'ils seront secourus
par le dieu auquel ils croient, parce qu'ils sont trompés.
blement paraphraser cette phrase : c'est de vous que je tiens le culte que je
vous rends fidèlement.
6. yntanl, emprunt au latin intendo}
7. er, notation pour ar très affaibli et réduit à r par nécessité métrique.
8. cheas, forme intéressante. L'e empêche la prononciation ch'as. Le moyen
breton employait parfois / à cet effet. Voy. Rm. Ernault, Glossaire du moyen
breton, p. 505, s. v. guilchat.
9. Une seule svllabe. Synérèse très rare dans ce dialecte.
3 5 2 Victor Tourner.
LE PRINS CORDONNIER
Penos, ma ympalaer, chuy a so puissant,
3 55 andurin quement man breman gant tut vechant ?
Obstinet vnt meurbet, teribl ynt efFrontet.
Pupliet vn edit ma voint massacret.
LEMPEREUR
M-o pet breman, greffier da scriuuan an aret
enep ar gristenien, ma veso pupliet
560 partout dre ar guer-man a dre ma ampire,
euit ne ailo den ygnory quement-se.
LE GREFFIER
Ma frins a ma monarq, ympalaer puissant,
bepret on somettet do ch-oll gocnandamant,
a Igant rjeson bepret guenach en o pales,
365 herue o .tisiryo me a scriuo espres.
(Che]ttu-indy scriuet a laquet oar baper.
[Le]quet o fuplian euel m-o ch-eus pouer.
fo 7 LEMPEREUR
Cleuet enta, greffier, chuv renquo mont breman
da choas din vn herot euit e puplian.
370 Ma veso pupliet dre oU em ampire.
Souet vo ar gristenien pa gleuoint quement se.
Biscoas ne voe edit neb-lech voar ar bet man
enep ar gristenien quer cruel a heman.
Sa, breman vn neubeut reposomp ma frinset
375 da chortos vn yssu ves er ras obstinet.
Senne a gauch.
LE GREFFIER entre a gauche et ditte
Me a so deputlet gant Deocletian
euit choas vn herot da buplian breman.
Sanglant eo an edit va cruel meurbet ;
pen chleuo ar christen e-ucso cstonet.
380 Ragse me ya breman bars en quer tout espres
euit choas vn herot da vonet voar ar mes.
An démon entre a droit, le greffier continue:
Mes, me oel an dcmon ary euel dre chans,
a rey ar veach-se gant pep sort diligeans.
An démon ! ma mignon, me a so deputet
385 abeurs an ampcreur da donet do cafet
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. ? 5 5
LE PRINCE CORDONNIER
Comment, mon empereur, vous qui êtes puissant,
endurer cela maintenant de méchantes gens ?
Ils sont très obstinés, ils sont extrêmement eflFrontés,
publiez un édit pour qu'ils soient massacrés.
L EMPEREUR
Je vous prie, maintenant, greffier, d'écrire l'arrêt
contre les chrétiens, pour être publié
partout dans cette ville et dans mon empire,
afin que personne ne puisse l'ignorer.
LE GREFFIER
Mon prince et mon roi, puissant empereur,
toujours je suis soumis à tous vos ordres,
et, comme de raison, toujours dans votre palais,
suivant vos désirs, j'écrirai rapidement.
Voilà que les édits sont écrits et mis sur papier.
Faites-les publier comme vous en avez le pouvoir.
l'empereur
Écoutez donc, greffier, il faut que vous alliez maintenant
me choisir un héraut pour le publier.
Qu'il le soit partout dans mon empire.
Les chrétiens seront saisis quand ils l'entendront.
Jamais nulle part en ce monde il n'y eut édit
contre les chrétiens si cruel que celui-ci.
Ça, mes princes, reposons-nous un peu maintenant,
pour attendre la fin de cette race obstinée.
Scène à gauche.
LE greffier entre à gauche et dit :
Je suis député par Dioclétien
pour choisir un héraut pour faire une publication maintenue.
L'édit est sanglant, oui, très cruel ;
lorsque le chrétien l'entendra, il sera étonné.
C'est pourquoi je vais maintenant expressément en ville
pour choisir un héraut pour aller par la campagne.
Le démon entre à droite, le greffier continue.
Mais, je vois arriver comme par hasard le démon
qui fera ce voyage en toute diligeance.
Démon, mon ami, je suis envoyé
par l'empereur, pour venir vous trouver
5 34 Victor Tourneur.
da rein dach vn aret enep ar gristenien
d-en puplian dre oll en ampire romen.
Ragse, groet diligeans, an termen a so ber :
n-o ch-eus quet dauantach pemseg derues amser.
AN DEMON
390 Credet en assurans, Ar greffier ', ma mignon
esan da bartian bars em chomission.
Me ya da preparin ma march presantamant :
n-en deus quet voar ar bet vn ail quer diligeant.
Senne.
An démon a droit ; Argoinedx a gauche, an démon entre et ditte :
fo 7 yo Me a so un herot a m-cus comandamant
595 da puplian vn aret dar gristenien méchant.
Me a so deputtet entre an oll prinset.
Ma charet a ra sur, a din e toug respet.
Marcljc
Ragse, ma march Galis, di;lchettu mat d-o chern 2 ;
posteall 5 a renquet breman dre an dachen.
400 Chettu 4 aman an aret euel ma so dittet.
Me va da puplian pan d-co din ordrenent.
Marche
Er spas a bemseg de amser — nen deuucus quen —
ma veso massacret quement a so christen,
a scuillo G goat S voar ar paue en Rom,
403 ma uo eur voes otro pa man enny o chom.
Marche
A re a achapso, a vo toret o fen,
dispennet a damo dre ma s-eint christenien,
ma choello ma monarq ag y vo sicouret
gant an doue ma crcdont pan ynt quen abuset.
Marche
410 Rag se, ncp a n-eus choant da gafet e vue
a renquo dilesel a rcnons d-c doue.
1. Le ms. porte ar goniede, ce qui donne une syllabe de trop au vers.
Il faut remplacer le nom du personnage par celui de sa fonction pour rétablir
la mesure.
2. cheru. On attendrait cern (kern), plur. de coni avec sens de carnoii.
Cf. Em. Ernault, Glossaire iiioxen breton, p 97.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 5 5 5
pour vous donner un arrêt contre les chrétiens
à publier partout dans l'empire romain.
C'est pourquoi, dépéchez vous, le délai est court,
vous n'avez pas plus de quinze journées de temps.
LE DÉMON
Croyez bien, greffier, mon ami,
que je vais partir pour ma mission.
Je vais préparer mon cheval à l'instant.
Il n'y en a pas au monde un autre aussi rapide.
Sùiie.
Le démon à droite, Arcromedx à gauche, le démon entre et dit:
Je suis un héraut qui ai l'ordre
de publier un arrêt contre les méchants chrétiens.
Je suis député entre tous les princes.
Il m'aime certainement et me respecte.
Marche
C'est pourquoi, mon cheval Galis, tenez bien sur vos sabots;
il vous faudra courir la poste maintenant sur le terrain.
Voici l'arrêt comme il m'a été dicté.
Je vais faire la publication, puisque ce m'est ordonné.
Marche
Dans l'espace de quinze jours, — il n'y a pas d'autre délai —
pour que soient massacrés tous ceux qui sont chrétiens,
ils verseront leur sang sur le pavé, à Rome,
pour qu'il soit une fois le maître, puisqu'il y demeure.
Marche
Ceux qui échapperont, leur tête sera brisée,
(ils seront) coupés en morceaux, parce qu'ils sont chrétiens
pour que mon roi voie s'ils seront secourus
par le dieu auquel ils croient, puisqu'ils .sont si trompés.
Marche
C'est pourquoi, celui qui désire conserver sa vie
devra abandonner son dieu et y renoncer.
5. Posleall, cf. van. postal, postein, courir, aller en toute lune, s'élancer au
galop, faire courir un cheval.
4. chettii aman, synérèse.
). diérèse rare en trégorrois.
3 3 6 Victor Tourneur.
Chettu aman ' an aret enep ar gristenien ;
pa m-eus groet ma deuer, me a va d-en-em den.
Senne a gauche.
Le Bourgeois et sa femme et son enfant entre a droit.
LE BOURGEOIS parle :
Pa deuan da grompren crueldet an tirant,
415 nen deus quet a vrasoch dindant 2 ar hrmamant
euit an ampereur hanuet Diocletien,
a laqua massacrin partout ar gristenien.
Vn edit en deus groet enep ar gristenien,
[d]a lacat dar marc mu euit cant mil den.
4?.o Breman so vn edit a so cruell meurbet.
Quement christen a so a veso massacret.
Quement na gredon quet da e ? faous doueo
a renquo sur meruel ag andurin poannio.
Nin, ma friet, yue so on daou christenien
{° 8' 425 Nin gret dar guir doue ag a rey pinigen.
O cleuet quementse on n-eus cuittet an oll,
a ma s-omp dre ar vro breman euel tut foll.
Pa na gredomp antren breman en-e gueryo,
demp d-en-em refugin en mesq ar forestyo,
450 en mesq ar leonet 4 goe eneur garet Doue
da rentan melody a gloar d-e vajeste.
A pa dlefen meruel, m-o ch-assur, biruiquen,
biruiquen na gollan an n-ano a gristen.
Mes, breman, ma friet, m-o pet, leueret dv
435 pan d-omp on daou en poan ag yue en annouy,
a chuy a so contant da derchel mat dime,
pe chuy retorn en quer voar o quis adare ?
LA BOURGEOISE
Estonet on en bras serten ous o cleuet :
cuit oll vat ar bet me n-o cuitteint^ quet ;
440 monet a rin guenach, me a ma ynosant
euel eur guir briet a uo obeysant.
Me a die o caret bepret dreist pep hiny,
m(o]net gueneech dreoll en lech ma leret dy.
Mes, regret bras a m-eus cuittat ar guer a Rom,
445 dilescl tat a mam, a min^ yny o chom :
1. chettu aman, synérèse.
2. dindanl pour diiidan ; inversement v. 422, gicdoii pour gredont. Dindant
est inusité.
X. da e. On a ordinairement de.
Le Mystère Je saint Crépin et Je saint Crépinien. ^57
Voilà l'arrêt contre les chrétiens.
Puisque j'ai fait mon devoir, je m'en vais m'en aller.
Scém à gauche.
Le Bourgeois et sa femme et son enfant entrent à droite.
LE BOURGEOIS parle.
Quand je réfléchis à la cruauté du bourreau,
il n'y en a pas de plus grand sous le firmament
que l'empereur nommé Dioclétien
qui fait massacrer partout les chrétiens ;
il a fait un édit contre les chrétiens,
pour faire mettre à mort plus de cent mille hommes.
Maintenant, voici un édit qui est très cruel :
quiconque est chrétien sera massacré ;
quiconque ne croit pas à ses faux dieux
devra certainement mourir et endurer des tourments.
Nous aussi, mon épouse, sommes tous deux des chrétiens.
Nous croyons au vrai dieu et ferons pénitence.
En entendant cela, nous avons tout quitté,
et nous sommes maintenant par le pays comme des fous.
Puisque nous n'osons maintenant entrer dans ses villes,
allons nous réfugier parmi les forêts,
parmi les bêtes sauvages, dans l'amour de Dieu
pour louer et glorifier sa majesté.
Quand je devrais mourir, je vous l'assure, jamais,
jamais je ne perdrai le nom de chrétien.
Mais, maintenant, mon épouse, je vous en prie, dites-moi,
puisque nous sommes nous deux dans la peine et l'inquiétude,
est-ce que vous consentez à persévérer avec moi,
ou retournez-vous en ville, sur vos pas de rechef?
LA BOURGEOISE
Je suis fort étonnée certainement de vous entendre :
pour tout le bien du monde, je ne vous quitterai pas.
J'irai avec vous, moi et mon innocent,
comme une vraie épouse obéissante.
Je dois vous aimer toujours par dessus tout,
aller avec vous, partout oij vous me direz.
Mais je regrette beaucoup de quitter la ville de Rome,
d'abandonner père et mère, moi qui y demeure.
4. pour loenct, contamination de ce mot avec leonel, lions. Ce phénomène
se reproduit nombre de fois dans ce texte.
5. Le ^ final est arbitraire.
6. min, forme trégorroise de inen, je? Peut-être faut-il corriger en nin.
5 j8 Victor Tourneur.
ha ny ganet en Rom, e rencomp mont en n-ent,
a Icsel on mado, a cuittat on cherent.
Euit quement se oll, ne roan quet a gas,
nin seruigeo bepret Jésus maruet er groas.
LE BOURGEOIS
430 011 vado ar bet man a se treou pereillus ' :
lesomp oll anese, a seruigeomp Jésus.
Hastemp monet en n-ent, ne dardomp mu}^ aman,
rag na vemp surprenet gant Deocletian ;
n-or besomp2 quet a spont dimes ar poannio bras ;
45) soufronip euit Jésus a so maruet er groas,
ag e renquemp meruel, soulromp a galon vat,
anduromp pep sort poan quent besan ydolat.
fo 8 vo Senne a droit.
Deodetieii. Gahrien, Gcndcriq, Glinseioii, AJbieniis entre a gauch.
LEMPEREUR parte.
Ebien, ma trinset, dime e leueret 5,
ma edit, ar voes ma, ag en so pupliet?
360 [Bre]ma ar christenien, droug a mat uo gante,
perissan a rencont, lesel ma bro guene.
Assur, ma monarq bras, serten eo pupliet :
ar gristenien en quer, a so epouuantet.
Dre ar pourchos rer de e enchapont er mes,
465 certen a villero, ragse lequet eues.
LEMPEREUR
Heman an de quentan ma chonesan voarne.
Sonet an taboulin ag an drompill yue :
me a ya d-am pales da gafet ma frinset.
M-o pet, lequet eues n-en-em gafach tromplet.
Senne.
Leniperenr a gauche; les autres a droi. Crepin, Crepinien, Ouintin, Lusian,
Rtifien, Vataire, Eugène entre a droit.
CREPIN parle.
470 O Doue éternel, chuy n-eus crouet ar bet,
me |a] rent dach grasso d-on besan preserue<Ct>
1. pereillus, emprunt au français périlleux avec le sens de périssable.
2. n-or besonip, n'ayons. Cf. Revue Celtique, IX (1888), 262-63 ; XI
(1890), p. 473.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 559
Et nous, nés à Rome, il nous faut nous mettre en route,
abandonner nos biens et quitter nos parents.
De tout cela, je ne fais aucun cas.
nous servirons toujours Jésus-Christ mort en croix.
LE BOURGEOIS
Tous les biens de ce monde sont choses caduques :
abandonnons-les tous et servons Jésus.
Hâtons-nous de nous mettre en route, ne lardons pas davantage
de peur d'être surpris par Dioclétien.
N'ayons pas peur des grands supplices ;
souffrons pour Jésus qui est mort sur la croix,
quand même il nous faudrait mourir, souffrons de botî cœur,
endurons toute sorte de tourments plutôt que d'être des idolâtres.
Scètie à droite.
Dioclétien, Gabrien, Geuderic, Glinseron, Albienus entrent à gauche.
l'empereur parle.
Eh bien ! mes princes, dites-moi,
mon édit, cette fois-ci, est-il publié?
Maintenant, les chrétiens, bon gré, mal gré,
doivent périr, m'abandonner mon pays.
Assurément, grand monarque, certes il est publié.
Les chrétiens, dans la ville, sont épouvantés.
Par la chasse qu'on leur fait, ils s'échappent au dehors
certainement par milliers. C'est pourquoi faites attention.
l'empereur
Voici le premier jour que je triomphe d'eux :
Battez le tambour et sonnez la trompette,
[e vais dans mon palais retrouver mes princes
Je vous en prie, prenez garde de vous trouver trompés.
Scène.
L'empereur à gauche ; les autres à droite. Crépin, Crépinien, Quentin, Lucien,
Rufien, Falère, Eugène entrent à droite.
CRÉPIN parle.
O Dieu éternel, vous qui avez créé le monde,
je vous rends grâce de nous avoir préservés
5. dime e leveret, litt. vous me direz. Expression rare pour remplacer
l'impératif.
540
Victor Tourneur.
ous fury ag arach vn Deocletian
persecutteur dar fe a d-o lesen gristen.
Chuy a eure ma Doue, d-an Ysraellittet
47) trauersy ar Mor Ru pa voant bet poursiuet
gant arme Faraon persecutteur d-ar fe
ma oe angloutiset en ag e oll arme,
chuy a ra dimp hirve, ma saluer biniguet,
ar grasso a rejoch dan Ysraellittet,
480 tremen dre ar mor ru a oat ar gristenien
père a voa fidel ebars en-o lesen.
Brcman, ma breudeur quer, rentonip gras da Do[ue],
prosternomp dan douar dirag e vajeste.
A gênons Crépi 11 ieii continue
Pa neus on deliuret dimes ar perill man,
48) [bras] eo sur ar grasso on deus bet digantan.
fo 9 [o] Majesté diuin, pliguet guenach bepret
sicour ar gristenien. N-o anbandonnet quet.
Delchett-int bepret ferm ebars en-o lesen,
an despet dan arach a Dcocletien,
Q.UINTIN
490 Ma hano so Quintin, mab hennan Tursenon,
[ta]t a galitte vat, ag en defoa renom ;
[eu]it an ylustran a oa bars er guer man.
m[es v]it ar grandeuryo na ystiman netra ;
obliget on da Doue pan d-eo e garante
493 d-am bout vluminet da anauout ar te.
Me a so Lusian, ves a ras Lusius,
[badejet gant sant Per, abostol glorius,
ag a m-eus esperans gant sicour ma Doue,
ma vin illuminet da anauout ar fe ;
500 drese, me o suply ma Yesus, ma otro,
ma tfe]uy ar bajanet d-anauout ahanoch.
RUFIEN
Me a so Rufien, so en em errollet
dindan assaign Yesus ma saluer biniguet
ag a gombatto ferm bette n-cur diuesan.
505 Pliguet gant ma Doue dont d-am fortifian.
Me a so Valaire, ag a désir yue
besan ylluminet ag en gras gant Doue.
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. ^41
de la furie et de la rage d'un Dioclétien,
persécuteur de la foi et de votre religion chrétienne.
Vous qui fîtes, mon Dieu, aux Israélites
traverser la mer Rouge quand ils étaient poursuivis
par l'armée de Pharaon, persécuteur de la foi,
si bien qu'il fut englouti lui et toute son armée,
vous nous faites aujourd'hui, mon Sauveur béni,
les grâces que vous fîtes aux Israélites :
traverser la mer rouge du sang des chrétiens
qui furent fidèles à votre religion.
CRÉPINIEN
Maintenant, mes chers frères, rendons grâce à Dieu,
prosternons-nous à terre devant sa majesté.
A genoux, Crépinien continue.
Puisqu'il nous a délivrés de ce péril,
grandes, assurément, sont les grâces que nous avons reçues de lui.
O Majesté divine, qu'il vous plaise toujours
de secourir les chrétiens. Ne les abandonnez pas.
Gardez-les toujours fermes dans votre doctrine,
en dépit de la rage de Dioclétien.
QUENTIN
Mon nom est Q.uentin, fils aîné de Tursenon,
père de qualité et qui en avait du renom ;
il passait pour le plus illustre dans cette ville,
mais, pour ce qui est des grandeurs, je n'estime rien.
Je suis obligé envers Dieu, puisque c'est par un effet de son amour
qu'il m'a illuminé, pour connaître la foi.
Je suis Lucien, de la race de Lucius,
baptisé par saint Pierre, glorieux apôtre,
et j'ai l'espoir, avec le secours de Dieu,
d'être illuminé pour connaître la foi.
C'est pourquoi je vous supplie, mon Jésus, mon Seigneur,
que les payens en arrivent à apprendre à vous connaître.
Je suis Rufien, qui me suis enrôlé
sous l'enseigne de Jésus, mon sauveur béni,
et qui combatterai ferme jusqu'à l'heure dernière.
Q.u'il plaise à mon Dieu de me fortifier.
VALÈRE
Je suis Valère, qui désire également
être illuminé et en grâce avec Dieu.
Revue Celtique, XKV. 23
542 Victor Tourneur.
Ya sur, ma Yesus, ma saluer biniguet,
chuy vo ma esperans ebars en pep andret,
510 [m]a veso och-ano Doue oll buissant,
[mjeuleut ag enoret dre oll antieramant.
Ar bajanet auuers ' a meurbet avurtet,
[gr]it dese sclerigen, ma voint ynspiret
[da] gridin d-o ch-ilis so eur lest abordet
515 gant tempest a tourmant. Groet ma veso parfet.
Doue oll buissant, pan d-eou guenach pliget
Jimes ar perill man d-on besan preseruet,
ni a ofF dach bepret on chalon ac speret
[euit] o seruigin ebars en pep andret,
fo cj yo 520 a groet ma trionfo gant goat ar vartiret
o ch-ilis milittant voar e henemiet.
Diliuret anesy, Doue oll buissant,
a versecution ar bayanet méchant.
0// ce levé, crepinian parle :
Seuomp, seuomp on seis, p-on dcus groet oreson,
525 ma s-eomp dre ar vro, da choas pep a ganton.
Euit ma breur a me, Soixon on deus choaset.
Chuy a yel, me a gret, en mesq ar Goleset.
I. auuers, du latin «trr^i/^ ? détourné, égaré?
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien ^4^
Oui certainement, mon Jésus, mon sauveur béni,
vous serez mon espoir en tout lieu.
Que votre nom soit, Dieu tout-puissant,
loué et honoré partout complètement.
Les païens égarés et fort obstinés,
donnez-leur de la lumière ; qu'ils soient inspirés
de croire à votre église qui est un navire assailli
par la tempête et la tourmente. Faites qu'elle soit tranquille.
EUGÈNE
Dieu tout-puissant, puisqu'il vous a plu
de nous préserver de ce péril,
nous vous offrons toujours notre cœur et notre esprit
pour vous servir en tout lieu,
et faites que triomphe avec le sang des martyrs
votre église militante sur ses ennemis.
Délivrez-la, Dieu tout-puissant,
de la persécution des méchants païens.
Ou se lève, crépinien parle.
Levons-nous nous sept, puisque nous avons prié
pour aller à travers le pays choisir chacun notre canton.
Pour mon frère et moi, nous avons choisi Soissons.
Vous irez, je le crois, au milieu des Gaulois.
FINN AND THE MAN IN THE TREE
The first four volumes ohlisAiicicni Laivs ofIrcJaud published
under the auspices of the Brehon Laws Commissioners hâve
repeatedly been made the subject of severe but just criticism.
Among other things, the urgent necessity of a coHation of
the printed text with the original manuscripts from which
O'Donovan and O'Curry made their transcripts hasoften been
pointcd out. Such a collation I hope will soon be undertaken
H. 3. 18, p. 361 b.
I. Fo chosmailius dorigne Finn hua Baiscne. In tan bûi in
fîan oc Badamair for brû Siûire dodechaidh Cùldub mac hûi
Birgge a sîd ar Femun ut Scotti dicunt co mb^rt a fulacht n-
ùadaib. Co teôr^ aidchi aiinn degêni friu. Isin très fecht iarum
norat Finn co luid riam i ^ sîd ar Femun -. Fortngaib Finn la
techt isa sîd co torchair allda anall. A ndosreng fris a Lâim frit-
ninnle in ben asin tsïd 7 escra fliuch ina lâim iar ndâil isin
ûair riam 7 doinsort a comlaid frisa sîd co ndruid Finn a mer
hir in comlaid 7 in ursain, Gabais iarom a mér ina bêoh/. A
1. a MS.
2. femin MS.
Finn and the Man in The tree. 345
by members of the School of Irish Leirning reccntly founded
in Dublin, and the results laid before the public. But fiir more
than this would be necessary if the student is to be supplied
with a critical édition of the varions texts contained in the four
volumes. O'Donovan and O'Curry selected certain manuscript
versions without consulting and comparing, except in a few
instances, other copies which often furnish bctter readings,
supply gaps, or contain additional matterof importance. Perhaps
now that the first volume is out of print, the Commissioners
may see their way to entrust a new édition of the Senchas Môr
based upon ail existing copies to a scholar of recogniscd stand-
ing. To show by an example what important additions to
our knowledge may be expected from such an édition I print
hère an interesting story of the Finn cycle taken from the
version of the Senchas Môr contained in the vellum codex
H. 3. 18. It is given as an example of the practice of incanta-
tion called iinhas forosnai, and has, so far as I am aware, not
been preserved elsewhere.
TRANSLATION
I. As did Finn ua Baiscne. When the fian were at Badamair
on the brink of the Suir, Cùldub the son of Ua Birgge came
out of the fairy-knoU on the plain of Femen (ut Scotti dicunt)
and carried otî thcir cooking from them. For three nights lie
did thus 10 them. The third time however Finn knew' and
went before him to the fiiiry-knoll on Femen. Finn laid hold
of him as he went into the knoll, so that he fell yonder î. When
he withdrew his hand, a woraan met him (?)ï coming out of
the knoll with a dripping vessel in her hand, having just dis-
1. I take noral as the Latin word.
2. alldd aiiall = alla anall, LL., 88 a 6, contractcd into allâiiall, LU.,
84 b 17.
5. frilninnle, from fris-indlim, with infixed dit; but I do not know the
exact mcanin".
346 Kiino Meycr.
donic as afrithisi fooprt/rt dicetal. Fortnosmen an imbas con-
debert : « Tair Femen fuigial formuig meis mui muic cetsow
sirc/;mnd sirlûath laith li//d sra [leg. fri] aulad Cûlduib ^
c/;anmae. »
2. Cinn ree iarom dobertatar mnâ braite a Dùn lascaich^ a
tir na nDësea. Dobreth ingen âlainn léo, Atecoboride menma
Find in bcn dô. Focairdd si mcnmain for in gilla bûi lëo .i.
Dercc Corra mac Imi Daigre. Ar ba hë a abras-side5. Cëin
fonnuith[e]a fulacht lëo Ië[i]m 7 dolëim (p. 36*2 a) in gilla
tarsin n-indiu. Tre sin d'uiiu tarais an ingen ë 7 asbert fris laa
n-aill ara tised cuice i lighe. Ni foët son Dercc Corra dëag
Finn. Atagegai domnid4 dô. Cotsfiid fri Finn 7 asbert: « ¥or-
taprom ar ccin ! » Asbert iarum Finn fris: « Éirgg es », ol se,
« de m' inchaib 7 ro[tjbia essomon tri laithi 7 teôra n-aidchi
7 fomcialta-sa ô suidhiu inund! »
3. Luid d'uliii Derc Corra for loinges 7 arfoët caill 7 imtighed
for luirgnib oss n-allta (si uernm^ est) ar a ëtrumai. Laa n-aill
dïdiii do Find isin caill oc a cuingidh-som co n-aca Find in fer
i n-Liachtar in craind 7 Ion for a gCialainn ndeis 7 find-lestar
n-iima for a lâimh"cli'^% ose co n-usce 7 hë brecc bedcach and
7 dam allaith fo bun in craind 7 ba hë abras ind fir teinm cnô
7 dob^red7 leth n-airne na cnô don lun nobith for a gùalaind
ndeis, no-ithed feisin al-lcth n-aill 7 doicsed a uball asin^lestar
n-uma bui for a lâimh cil 7 noranda[d] i ndë 7 docuireth a
Ictb don dam aWaici bûi fo bun in craind. No-ithad som iarom
1. Cullduib MS.
2. i dun lascaih MS.
3. abraside MS.
4. perbaps doinnid
5. uerus MS.
6. incli MS.
7. dobcridli MS.
8. isin MS.
Finn and the Man in The tree. ^47
tributed drink, and she jammed thc door against the knoll, and
Finn squeezed his finger between the door and the post. Then
he put his nnger into his mouth. When he took it out again
he began to chant, the iinbas illumines him and he said [Hère
follows an untranslatable « rhetoric »].
2. Sonie timcaftcrwardsthey (i. e. the fian)carriedoft"captive
women from Dùn Liscaiij' in the land of the Dési. A beautiful
maiden was taken by thcm. Finn's mind desired- the woman
for himself. She set her heart on a servant whom they had,
even Derg Corra son of Ua Daigre. For this was his practice.
While food was being cooked by theni, thc lad jumped to and
fro across the cooking hearth. It was for that the maiden loved
him. And onc day she said to him that he should come to her
and lie with her. Derg Corra did not accept that on account
ofFinn '.,. She incites Finn against him 4 and said : « Let us set
upon him by force ! » Thereupon Finn said to him : « Go
hence, said he, out of my sight, and thou shalt hâve a truce
of three davs and three nights, and after that beware of
me > ! »
3. Then Derg Corra went into exile and took up his abode
in a wood and used to go about on shanks of deer (si uerum
est) for his lightness. One day as Finn was in the wood seeking
him he saw a man in the top oi a tree, a blackbird on his right
shoulder and in his left hand a white vessel of bronze, filled
with water, in which was a skittish trout, and a stag at the
foot of the tree. And this was the practice of the man, cracking
nuts; and he would give half the kernel of a nut to the black-
bird that was on his right shoulder while he would himself
eat the other half; and he would take an apple out of the
bronze vessel that was in his left hand, divide it in two, throw
one halfto the stag that was at the foot of the tree, and then
eat the other half himself. And on it he would drink a sip of
1. oc Dùn lascaig for Siuir, Rcu. Celt., XI, p. 242.
2. atecoboriclc secins to contaiii somc form ot the verb ad -cabrai m.
3." atagcj^ai (she desincd him?) tlomn'ul do is obscure to me.
4. cotsJid, 3. sing. près. ind. witli infixed pronoun of con-sâidim, verb
nouii cossâil.
5. fom-ciaha-sa, 2. sing. imper, ol fo-ciullitr.
348 Kuno Mcyer.
the water in in lefb n-aill 7 no-ibed loim fair den uisce asin '
leslwr huma biii for a lâim co mbo comôl dô frisin n-iich 7
a n-oss 7 in Ion. Friscomarcar di^/z/ a muinter do Finn cia bo
hê hisin crunn, ar nïnathgêntar som dâigh celtair dïclithe bùi
imbe.
4. Is de dobert Finn ahordain ina bcolo. Addonich aseisib^
afrithisi fortnosna a imbus 7 dichan dirc/al co n-eipert : « Cou
fri Ion lethcno coineûvAvi cotith in dithraib Dercc Corra comôl
fri hich ni ba filliad fabaill a uball fin mblais cona fricarbaith
mac ûi co dedail Daigre. » « Dercc Corra mac hûi Daigre »,
ol se, « fil isan crund ».
3. isin MS.
4. There is a horizontal stroke through the stem of the first s = âser-
eisib (as ar éisib) ?
Finn and thc Man in The trce. 34O
the bronze vessel that was in his hand, so that he and thc
troLit and the stag and the blackbird drank together. Then his
followers asked of Finn who he in the tree was, for they did
not recognise him on account of the hood of disguise which
he wore.
4. Then Finn put his thumb into his mouth. When lie took
it out again, his 'unhas illumines him and he chanted an incan-
tation and said : [Hère follows another rhetoric in which the
name of the person is revealed to Finn.] « Tis Derg Corra son
of Ua Daigre », said he, « that is in the tree ».
Pôstyén, Hungary, May 1904.
Kuno Meyer.
CHRONIQUE
SOMMAIRE: I. Les A'(7//f Researches de M. Nicholson. — II. Lane's english-irish
Dictionary. — III. E. A. d'Alton, Htstory of -Ireland. — IV. L. Winifrid Faraday,
traduction anglaise du Tdin bô Cûailngi. — V. Les Gaulois dans VHistoire des Lagides
de M. Bouché- Leclercq. — VI. Les thèses de doctorat de M. A. Le Braz : i° Cogno-
merus et sainte Tréfine ; 2° Essai sur l'histoire du théâtre celtique. Du même ; Textes
bretons pour servir d l'histoire du théâtre celtique. — VII. Funérailles solennelles
d'Eugène O'Growney. — VIII. L. Leclerc, Ma beaj Jérusalem. — IX. Auguste
Longnon, Documents relatifs au comté de Champagne et de Brie, t. II ; Fouillés de la
province de Lyon, de Id province de Sens, de la province de Tours. — X. Ihm, Les
Druides. — XI. Maurice Prou et Alexandre Vidier, Recueil des chartes de l'abbaye
de Saint-Benoit-sur-Loire. — XII. J.-B. Champeval. Cartulaire des abbayes de Tulle
et de Rocamadùur. — XIII. A. Holder, Altceltischer Sprachschatz. — XIV. .1. Leite
de Vasconcellos, Géographie protohistorique du Portugal. — XV. The transactions
of the Society of Cymmrodorion. — Nouvelle éd.tion du Cartulaire de Sainte-Croix de
Quimperlé. — XVII. Centenaire des antiquaires de France. — XVIll. Cours de
MM. Strachan et Kuno Meyer à Dublin.
I
Ab foiv pr/iiiipiiini. — M. Etiward Williams Byron Nicholson, adminis-
trateur de la bibliothèque bodléienne d'Oxford, membre de l'Association
des bibliothécaires et de la société calédonienne de médecine, veut joindre
à ces trois titres si importants un quatrième bien-plus modeste et qu'il devrait
dédaigner, celui de celtiste. De là un volume inùxulé lùltic Researches, Stitdies
in the History and Distribution of the ancient Goidelic Laiigtiage and Peuples,
Londres, H. Frowde, 1904, in-80, xix-211 pages.
Ce volume est le développement d'un mémoire plus court et antérieur de
trois ans. M. Nicholson en 1901, comme il le raconte lui-mêine, p. vi, avait
offert ce mémoire aux directeurs de la revue intitulée Zeitschrift fur Celtiscbe
Philologie ; ces Messieurs avaient refusé de l'accepter. En effet, ce mémoire
devait former quatre-vingt-dix pages de la revue ; c'était trop long. On avait
pu insérer de M. Whitley Stokes, en 1898, un article de cent cinquante
pages -, on devait plus tard admettre la vie de saint Coluraba éditée par le
Rév. Henebry et dont il a déjà paru cent soixante-quatorzes pages, bien
qu'elle ne soit pas encore publiée tout entière; en 1901, trois articles de
M. Nicholson, formant trente-neuf pages, étaient le maximum de ce qu'on
pouvait insérer des élucubrations du savant bibliothécaire. « Vous trouvez
chronique. 3 5 1
« mon mémoire trop long », pensa M. Nicholson. « Eh bien ! je vais l'al-
« longer encore, je lui donnerai une étendue plus que double et le succès
« qu'il aura vous fera bien regretter votre mauvais procédé à mon égard.
« Mon livre sera un flambeau qui éclairera le monde savant et dissipera les
« obscurités dont vos partis pris couvrent et cachent les origines celtiques. »
La thèse fondamentale de M. Nicholson est qu'en certains cas le p initial
et le /> intervocalique indo-européens se sont maintenus en celtique. Com-
mençons par le p initial. La racine du nom des Pictavi ou Pictoncs conti-
nentaux et de celui des Picti insulaires, dit M. Nicholson, est l'indo-euro-
péen PEIK qui veut dire « tatouer » (p. 8). On lit chez Brugmann, Griindriss,
t. I, 2e édition, p. 610, que le latin pingere s'explique par une racine peig,
d'où le sanscrit pinjaras « rouge » ; dans sa prochaine édition, M. Brugmann
devra, au lieu de peig, écrire peik : M. Nicholson l'a décidé ainsi. Il a décidé
aussi qu'il ne fout pas croire les celtistes suivant lesquels q.ik « graver » est
la racine qui explique le nom des Pictavi et celui des Picli. Inclinons-nous
respectueusement devant sa haute autorité; nous n'avons pas l'honneur
d'être bibliothécaire.
J'ai cru jusqu'à présent que 1'/; initial à'Helvelii pour Elvetii était dû à
l'influence du latin Helvius, Vh initial d'Hacdni pour Aediii à l'influence du
latin hacdus, Vh initial à'Hercynia silva à l'influence du latin Hercules, her-
cisco; non : cet h est un débris d'un p initial tombé tardivement. Il est assez
curieux que cet /; n'apparaisse pas dans la notation d'Aristote, le plus ancien
auteur qui parle de cette forêt ; Aristote l'appelle 'Av/.yv.a ooï) avec esprit
doux sur l'A initial {Meteorohgica, I, 15). Mais l'autorité de M. Nicholson
est au-dessus de celle d'Aristote qui n'a jamais été bibliothécaire en chef à
Oxford ni ailleurs.
Une preuve incontestable du maintien du p initial en celtique est donnée
par des formules magiques. Ce sont d'abord celles de Rom (Deux-Sèvres) :
M. JuUian les a publiées dans la Revue Celtique, t. XIX, p. 170-172. Le
savant professeur français n'a pas risqué de traduction. Mais la poussière
des livres de la bibliothèque bodléienne inspire les bibliothécaires comme
les vapeurs de Delphes inspiraient la pythie. M. Nicholson a donc traduit
ces deux formules et de là résulte l'existence chez les Pictavi de sept mots
qui commencent par un p et ce p est indo-européen, Zeitschrift fïir Celtische
Philologie, t. III, p. 318, 319 ; Kellic Researches, p. 139-140. De ces sept mots
le hasard veut que deux paraissent latins, pia, pura, et que les autres soient
des â-aÇ £!pr,;jLîva dont le sens est inconnu. M. Nicholson a décidé que tous
ces mots sont celtiques. Inclinons-nous encore, si notre échine est assez
flexible.
Nous parlerons ensuite d'une formule empruntée à Marcellus de Bordeaux,
qui écrivait au commencement du v^ siècle, c'est-à-dire à une époque où le
gaulois était, suivant toute vraisemblance, tombé en désuétude. Au tome II
des Kleine Schriften de J. Grimm, p. 114-151 et p. 152-172, on a réimprimé
deux mémoires de ce savant germaniste intitulés l'un Ueber Marcellus Bur-
digaknsis, l'autre Ueher die Marcellischcn Formeln. Le premier a été lu à
l'Académie des sciences de Berlin le 28 juin 1847. Six ans plus tard, Zcuss,
5$2 Chronique.
dans la préface de sa Graniniatica celtica, p. xlviii, le jugeait ainsi : Quae
apiid Marceîhim Burdigalensem... îegunttir peregrt?ia, inaiidita vel incognita,
si quis quaesiverit in hoc opère, non inveniet ; in his omnibus enim equidem nec
inveni vocem celticam nec invenio. Ce jugement est daté de Bamberg, 7 août
1853. Il a été reproduit dans la seconde édition, 1871, de la Grammatica
celtica, p. xxxii-xxxiii. Le second mémoire de J. Grimm est une protesta-
tion contre l'opinion exprimée si nettement par Zeuss en 1853 ; il a été lu
à l'Académie des sciences de Berlin le 30 avril 1855. J. Grimm y donne
tantôt ses doctrines à lui, tantôt celles d'Adolphe Pictet dont le livre sur
l'affinité des langues celtiques avec le sanscrit, 1857, ne peut aujourd'hui
servir qu'à montrer quel énorme progrès la Grammatica celtica de Zeuss a fait
foire aux études celtiques.
Voici une doctrine de Grimm : Visumanis, nom du trèfle chez Marcellus
de Bordeaux, chap. m, § 9 ', est un composé dont le premier terme est ui,
génitif singulier et nominatif pluriel de lia « petit-fils » 2. Le savant germa-
niste ignorait que ni est une forme abrégée qui appartient au moyen irlan-
dais et qui tient lieu du vieil irlandais aiti 3.
Ce qui est le plus contestable dans le mémoire de J. Grimm, ce sont les
explications de formules magiques aussi inintelligibles au v^ siècle qu'elles
le sont au xxe et qui devaient leur puissance curative à l'impossibilité où le
malade se trouvait de les comprendre. Une de ces formules avait été étudiée
par A. Pictet, dont J. Grimm reproduit le texte français. Elle commence
ainsi Heilen prosaggcri 4 . Au milieu de ce groupe de syllabes, A. Pictet croit
reconnaître une seconde personne du singulier de l'impératif gaulois qui
serait /To-Mcr composé de la préposition pro et de sag, cf. l'irlandais saighim
« je viens ». Mais le verbe irlandais saigim, puis saighim « adeo » fait à la
seconde personne du singulier de l'impératif, non sag, mais d'abord saig^,
puis saigh qui supposent un primitif *sage6. L'hypothèse d'A. Pictet pour
l'explication de prosag est, suivant M. Nicholson, une preuve incontestable
que le gaulois conservait \q p initial, mais cette preuve n'existe pas puisqu'il
n'est pas établi que prosag soit un mot gaulois. Je regrette d'avoir cédé jus-
qu'ici et mon épine dorsale refuse de se courber davantage.
Passons au p intervocalique indo-européen. La preuve évidente de son
maintien en gaulois serait donnée, suivant M. Nicholson, par le thème
gaulois vepo- qui apparaît dans le nom propre de personne Vepus et dans les
composés de deux termes: Vepo-talos, Vepo-genos, etc., enfin, dans le dérivé
1. Édition donnée en 1889 chez Teubncr par George Helmrich, p. 41,
L25.
2. J. Grimm, IQctne Schriften, t. Il, p. 157.
3. Priscien de Saint-Galî, p. 30 b, glose 12. Tl.vsanrus palacohihernicus,
t. II, p. 82, 1. 31. Graiiim. celt., 2^ éd., p. 33.
4. J. Grimm, Kkinc Schriften, t. II, p. 167 ; cf. Marcellus de Bordeaux,
c. XV, § 105 ; édition Helmrich, p. 152, 1. 10.
5. 'Windisch, Irische Texte, t. I, p. 754.
6. Cf. Brugmann, Grundriss, t. II, p. 1320,
Chronique. 5 5 5
Vipins >. Vi-po, suivant M. Nicholson, veut dire « corbeau » et provient d'une
racine indo-européenne veip, en sanscrit vlp « trembler » 2. Mais si le thème
vepo- a le sens que M. Nicholson lui attribue, ce qui n'est pas prouvé 3, ce
thème pourrait être identique à celui de l'irlandais /ac/; «corbeau » ^=vcquo-
= iieiquo-, ainsi que sembleraient l'établir 1'/; et le iv du vieux haut allemand
•wiho, U'iïco « milan », qui supposent un thème primitif *îra(^»fl«. Par con-
séquent, M. Nicholson n'a pas démontré le maintien du p intervocalique en
celtique.
En fait de celtique, J. Grimm et A. Pictet sont des autorités incompé-
tentes, et les opposer à Zeuss c'est faire acte de bibliothécaire, bibliothécaire
cminent tant qu'on voudra, mais de linguiste, non. Inutile maintenant de
parler des conséquences que M. Nicholson prétend tirer de la doctrine, si
mal établie, qu'il a exposée au sujet du p indo-européen en celtique.
II
Il vient de paraître un nouveau dictionnaire anglais-irlandais, Lane's
English-Irish Dictionary (Focloir bearla-gaedhilge) compiled froiii the viost
authentic Sources byT. O'Neill Lane, London, David Nutt, 1904, in-8°, ix-
581-11 pages.
Le but de l'auteur n'est pas de constater l'état actuel de la langue irlan-
daise ni d'en donner l'histoire. M. O'Neill Lane a voulu mettre à la dispo-
sition de ses compatriotes un vocabulaire assez complet pour qu'ils puissent
rendre en leur langue tous les mots anglais dont ils ne connaissent pas
d'équivalents irlandais, soit que ces équivalents irlandais, après avoir existé,
soient tombés en désuétude, soit que ces équivalents aient toujours fait
défaut à la langue irlandaise. Pour constater l'usage présent il a voyagé dans
toutes les parties de l'Irlande où l'irlandais se parle encore, et, pour compléter
le vocabulaire actuel, il a consulté un grand nombre de textes moyen-
irlandais où se rencontrent des mots aujourd'hui malheureusement inusités.
A notre grand regret, la plupart du temps, M. O'Neill Lane ne se donne
pas la peine d'indiquer pour chaque mot l'endroit, texte ou comté, où il l'a
trouvé et quand il le dit, ou la formule qu'il emploie manque de précision
et le contrôle est impossible, ou la citation qu'on peut vérifier amène quel-
quefois de fâcheux résultats.
Il est difficile de considérer comme assez précise la rédaction suivante à
l'article ahundance, p. 5 : Keating, neart airgid, « abundance of money ».
Littéralement neart airgid veut dire « force, puissance d'argent ». Dans quel
1. Keltic Researches, p. 143, 144; Zeitschrijt Jnr cdlischc Philologie, t. III,
p. 522-324.
2. Whitney, Die Wur\ehi... der sansh-it-sprache, p. 160.
3. Suivant Pline, 1. X, § 135, il y a dans les îles Baléares des oiseaux
appelés tiipiones, sic enim vacant grues minores. Il n'est pas établi que les
habitants des îles Baléares fussent gaulois, ni que gruis minor signifie « cor-
beau ».
^154 Chroniijiie.
ouvrage et à quelle page Keating a-t-il employé cette expression? Sur ce
point, M. O'Neill Lane garde le silence. Nous dirons, nous, que pour être
puissant, l'argent n'a pas toujours besoin d'être abondant ; souvent la quan-
tité nécessaire pour rémunérer un travail quelconque dépend de la pénurie
plus ou moins grande de celui à qui on offre un salaire et de celui qui offre
ce paiement.
A l'article ahigail « servante », « suivante », on voit citer par M. O'Neill
Lane le mot acuiaing avec un renvoi précis B\ooh of] L[au's], II, 284, 30 ; il
s'agit des Ancient La-ius of Ire! and, tome II, page 284, ligne 30. Acinaing est
une variante orthographique de eacmaiitg (même tome, même page, ligne
14), que la traduction anglaise, p. 285, rend par flZ'/e « capable » ; à la même
page, un peu plus bas, aciuaing est traduit par capability « capacité ». Dans
l'ancienne langue, ce mot est une 3e p. du s. du parfait signifiant « il a
atteint », « il est arrivé » (Windisch, Irische Texte, t. I, p. 517, ^18). Ce
mot paraît avoir pris dans la glose du Senclms Môr la place du substantif
écnioug servant d'infinitif au verbe et désignant le fait d'atteindre le but
(Windisch, Iriscbe Texte, t. I, p. 518), d'où le sens de dérivé àt capacity
proposé par M. R. Atkinson, Glossary to Brehon Laws, p. 289; atteindre le
but prouve qu'on a la capacité d'y arriver. Mais entre cette idée et celle de
servante il n'y a pas de rapport.
D'autre part, M. O'Neill Lane ne se pique pas de copier exactement les
mots: p. 3, à l'article Abh (strong), il renvoie à la Genèse, vi, 4, pour un
mot signifiant « fort » et pour lequel il donne d'abord la notation ârachdach,
puis la notation drrtaclida. Mais dans l'édition de la bible irlandaise qui est
datée de 1852, on lit ârrachdach avec deux r au lieu <ï drachdach avec une
seule r; et dans l'édition princeps, 1685, drrtachta avec un i et non un d à
la dernière syllabe drrtachda comme écrit M. O'Neill Lane. S surmonté
d'une barre veut dire aclil et non aclid {The eiiglish-irisb Dictioiary, Paris,
1732, p. 716).
D'après le même dictionnaire de 1732, M. O'Neill Lane a écrit, p. 82,
Biiskin (brodequin), hiiatais. Or, le dictionnaire en question porte : Bitskins
(brodequins) buatiiisidhe. M. O'Neill Lane a substitué au pluriel le singulier
sans en avertir le lecteur, il a en outre de son chef remplacé par un a Vit
de la seconde syllabe de buatiiisidhe.
Ailleurs, M. O'Neill Lane a reproduit sans critique les énonciations du
dictionnaire de 1732. Dans ce livre, au mot buffet « soufflet », on lit do7nn
nô bas nô bas. Je ne nie pas qu£ dormi dont le sens propre est « poing » que
bos, bas, dont le sens propre est « paume de la main » n'aient pris le sens
accessoire et insultant de soufflet. Ce sens que ne justifie pas, dans le dic-
tionnaire de 1732, l'exemple do bhiialadh h dornnuibh no le basaibh, est donné
pour dorn dans les dictionnaires d'O'Reilly et de la Highiand society of
Scotland. Mais M. O'Neill Lane, qui prétend travailler à créer une langue
littéraire en Irlande devrait éviter le danger d'attribuer au même mot
trop de sens différents: dorn signifie « poing », « poignée »,« manche » :
pourquoi y ajouter le sens de « soufflet » que doniadh exprime plus claire-
ment?
Chronicjiie. ] Ç <
Le livre de M. T. O'Neill Lane ne fera pas faire grand progrès à la science
des langues ni à la clarté de l'irlandais.
III
Un autre ouvrage nouveau est celui du Rev. E. A. d'Alton : Hiilory of
Irehnâ from Ihc carliest Urnes lo Ihe Ycar 1547. Il est fort regrettable que
l'auteur ait eu une bibliothèque si mal montée. P. 2, il cite Avienus d'après
l'histoire d'Angleterre de Lingard et paraît dire qu'Avienus écrivait l'an 3 50
avant J.-C. II renvoie souvent à l'histoire d'Irlande écrite en irlandais au
xviie siècle par Keating, mais il n'en connaît que la traduction anglaise
d'D'Connor, xviii'ï siècle ; il paraît ignorer : 1° l'édition de 181 1 où l'on trouve
le commencement du texte irlandais avec la traduction de Haliday ; 2° celle
qui a été commencée en 1902 et qui donne le texte irlandais avec la traduc-
tion de David Comyn. Ainsi par exemple la légende de Nemed et de ses
descendants, dont M. d'Alton parle, page 5 de son histoire d'Irlande, en ren-
voyant à O'Conor, p. 73 de la 4= édition, 1809, je crois, commence chez
Keating à la page 174 dans l'édition de 181 1, à la page 172 dans celle de
1902. Voilà les renvois que nous aurions voulu trouver en note.
La source principale pour les origines mythiques, le Lehar Gabàla, est
inconnue à M. d'Alton, comme les Flaithiiisa Erend, les Annales de Tiger-
nach, le Chronicon Scotonim. pour les époques suivantes. Habituellement les
seules annales irlandaises dont il fasse usage sont celles de Clonmacnois et
les Quatre Maîtres ; par exception, il a consulté quelquefois les Annales
d'Ulster et celles de Loch Ce.
On peut constater qu'il a dans sa bibliothèque quelques bons ouvrages
traitant chacun de première main un point déterminé d'histoire : Whitley
Stokes, The tripartite Life of Patrick ; Reeves, The life of St. Columha zvritten
hy Adamnan ; Todd, Tlje ivar of the Gaedhil tuith the Gaill, etc. Mais la plupart
du temps il se borne à reproduire des renseignements puisés dans des
ouvrages de seconde main : les Manners and Customs d'O' Curry ; les Moines
d'Occident de Montalembert ; Douglas Hyde, A litterary History of Ireland ;
Lanigan, Ecclesiastical History; Healy, Ancient Schools and Scholars; Moran,
Essays on the early irish Chiirch, etc. Pour la partie la plus ancienne de
l'histoire de l'Irlande, le livre de M. d'Alton ajoute peu de chose à ce que
l'on savait déjà. Quant aux temps postérieurs à la conquête anglaise, l'auteur
de ce compte rendu est peu compétent; mais, à en juger par les notes, il
lui semble que dans cette partie M. d'Alton n'a pas plus remonté aux sources
qu'il n;j l'a fait pour la période antérieure.
IV
La traduction anglaise du Tâin bô Cûailngi par L. Winifrid Faraday ' est
I. The Cattle Raid of Cualnge (Tâin bô Cûailnge) an Old Irisli Prose
epic... London, David Nuit, 1904, petit in-8°, xxi-141 pages.
5^6 Chroni(jue.
fort intéressante à un point de vue, c'est qu'elle nous offre en anglais la
forme que cette épopée a prise dans le Lebor na hUidre et dans le Livre
jaune de Lecan ; la traduction abrégée écrite en anglais par M. Standish
Hayes O'Grady et publiée par Eleanor HuU, The CuchiiUin saga, p. iii-
227, a pour base le manuscrit du Musée britannique, Additional, 18748,
or, ce manuscrit nous offre un texte analogue à celui du Livre de Leinster
et sensiblement différent de la rédaction malheureusement incomplète que
le Lebor na hUidre nous a conservée.
Il y a un petit détail qui manque dans le livre que nous annonçons.
M. Standish Hayes O'Grady s'est souvent donné la peine de mentionner en
tête de chacun de ses paragraphes le folio correspondant à ce paragraphe
dans le livre de Leinster. Ce genre d'indication fait défaut dans le volume
de L. Winifrid Faraday; en sorte que, si d'un passage de sa traduction on
veut se reporter au fac-similé du Lebor na hUidre, il faut consulter le tome
XXVIII de la Zeitschrift de Kuhn où, p. 442-475, M. Zimmer a donné
ranal3'se du Tain d'après le Lebor na hUidre et le livre de Leinster, en indi-
quant en tête de chaque paragraphe les pages, les colonnes et les lignes
correspondantes à ce paragraphe dans les deux manuscrits. Veut-on par
exemple comparer avec le texte original la traduction, donnée, p. 64, par L.
Winifrid Faraday, de l'épisode qui concerne le combat de Munremur et de
Cûroï, il faut se reporter à la Revue de Kuhn, t. XXVIII, p. 454, et on y
apprend que le texte irlandais se trouve au Lebor na hUidre, p. 71, col. 2,
lignes 9-39. Mais tout le monde n'a pas à sa disposition le tome XXVIII de la
Zeitschrift de Kuhn et, quand on amis ce volume devant soi sur un pupitre,
trouver le renseignement dont il s'agit demande beaucoup de temps, car
les noms de Munremur et Cûroï manquent dans l'index.
Cette critique n'empêche qu'on ne doive remercier de son travail l'auteur
du joli petit volume intitulé: TIjc Cattlc-Raid of Cnahige.
V
Sur les Gaulois mercenaires en Egypte et sur les circonstances au milieu
desquelles ils furent enrôlés dans les troupes du roi Ptolémée II, Philadelphe,
se révoltèrent et périrent, on consultera avec profit le savant ouvrage de
M. Bouché-Leclercq, Hiitoirc des Lagides, t. I, p. 167, en comparant au récit
contenu dans cette page ce qui est raconté dans les pages précédentes et dans
celles qui suivent. Enfin, au t. II, p. 386, on trouvera la date probable, 277,
de la révolte de ces Gaulois sitôt suivie de leur extermination.
VI
M. Anatole Le Braz est bien connu des lecteurs de la Revue Celtique qui
leur a parlé deux fois de sa Légende de la mort en Basse-Bretagne, t. XV, p.
124-126, et tome XXIV, p. 216. Il vient de présenter avec grand succès à
la Faculté des lettres de Paris deux thèses de doctorat : 1° Cognomeriis et sainte
Tréfine, mystère breton en deux journées, texte et traduction, Paris, Champion,
chronique. 557
1904, in-8°, XLIV-185 pages ; 2° Essai sur l'histoire du théâtre celtique, Paris,
Calman-Levy, in-S», viii-)44 pages.
Dans le premier de ces deux ouvrages, le texte breton est la reproduction
exacte et sans aucune modification quelconque du manuscrit qui porte le
no 39 dans la collection des mss. celtiques et basques de h Bibliothèque
nationale ' dont le catalogue a été dressé par M. Omont. Le système suivi
par M. Le Braz est l'opposé de celui qu'avait adopté l'abbé Henry quand il
a établi le texte du BarT^a:^ Brei^ et celui du Mystère de sainte Triphine
publié par le même ecclésiastique en collaboration avec Luzel en 1863.
L'abbé Henry ne se faisait aucun scrupule de remplacer par des mots à son
goût les mots qui lui déplaisaient soit dans les chansons populaires, soit dans
le texte manuscrit du mystère, et il s'abstenait d'avertir en note des change-
ments arbitraires et sans nombre par lesquels il avait altéré le texte primitif.
Par réaction contre ce système inacceptable, M. Le Braz suit le système
opposé, il va peut-être un peu loin: ainsi, p. 48, vers 334, adversour rime
avec en pep guis ; il est évident qu'adversour aurait dû être rejeté en note et
remplacé dans le texte par aneniis ou eneniis.
P. 5, la traduction de la quatrième marche du premier prologue commence
ainsi :
Nerocus le renverra - de nouveau à Qiiimper
Dire au seigneur qu'il arrivera chez lui.
Voici le texte breton correspondant :
Nerocus en renvoin ada[re]...
Da laret da notro panar...
Il est évident qu'il fallait imprimer :
Nerocus en renvoi ada[re da Gemper]
Da laret dan otro pan ar[rivo er ger],
en suppléant à la fin des deux vers les quatre syllabes qui sont entre cro-
chets. Il y avait en outre d'autres corrections à faire. Au lieu de da notro
écrire da n-otro ou dan otro, au lieu de panarrivo en un mot, pa it-arrivo ou
pan arriva.
Les mots sont mal coupés dans le ms. : ainsi, p. 12, v. 45 de la thèse, au
lieu de vel mo cheux machacret « comme vous avez massacré », lisez: vel
m-oc'h eux machacret, etc., etc. M. Le Braz peut défendre son système, il a
donné un calque de son manuscrit, j'aurais préféré une édition, mais il
avait le droit de ne pas nous la faire.
\J Essai sur l'histoire du théâtre celtique, livre écrit avec beaucoup de talent,
est le premier ouvrage où nous trouvions une sérieuse étude comparée :
1. Revue Celtique, t. XI, p. 415.
2. Je préférerais « le renvoie ».
Revue Celtique, XXV. 24
558 Chron'ié^ue.
1° des mystères gallois; 2° des mystères comiques pour la connaissance
desquels nous devons tant à M. Whitley Stokes ; 3° des mystères bretons
encore pour le plus grand nombre inédits. Nous recommandons vivement
le savant travail de M. Le Braz à nos lecteurs sans pouvoir en entreprendre
l'analyse pour laquelle l'espace nous manque '.
M. Le Braz a complété cet ouvrage par une petite brochure où il donne
le texte breton des fragments de mystère dont son gros livre contient la
traduction. Le titre de cette brochure est Textes bretons pour servir à l'His-
toire du Tlk'dlre celtique {Paris, Champion, 1904, in-8°, 38 pages).
VII
La Revue Celtique a eu plusieurs fois occasion de parler des travaux d'Eugène
O'Growney, auteur : 1° de Simple Lessoiis in Irish, sur lesquelles on peut voir
nos t. XVIII, p. 118, et XXIII, 103 ; 2" d'études sur le dialecte irlandais
d'Aran qui ont paru dans le tome I^*'' de V ArcJjiv fur ceUisclje Lexicographie,
et que nous avons mentionnés dans nos tomes XIX, p. 78, XXI, 125,
XXIV, III. O'Growney mourut à Los Angeles en Californie dans un hôpital
et fut enterré dans le cimetière de ce lieu. Au bout de quatre ans ses restes
ont été triomphalement ramenés en Irlande et enterrés à Maynooth. A
l'occasion de ces funérailles solennelles, il a été publié un beau volume in-40
de xi-378 pages, avec de nombreuses illustrations : Leabhar an athar Eoghan,
The O'Growney Mémorial Volume, par Agnes O'Farelly, Londres, David
Nutt, 1904.
VIII
Ma heaj JerusaLmi, par L. Leclerc, est un volume in-12 de xiv-380 pages,
écrit principalement en dialecte de Tréguier. L'auteur prévient qu'il n'a pas
écrit pour les Vannetais, mais qu'il pourra être lu par les Léonards et par
les Cornouaillais. Le son qu'il représente par w est ou en Trécorois, u après
g en Léon et en Cornouaille; a devra être lu é ou mieux ê en Trécorois et
en Cornouaille, ca, ae en Léon ; au sera lu 0 en Trécorois et en Cornouaille,
ao en Léon. Il avoue que dans son texte il v a quelquefois mélange du dia-
lecte de Léon avec celui de Tréguier.
I. Au sujet du Purgatoire de saint Patrice on pourrait faire, p. 348, une
addition bibliographique. De La vida y purgatorio de S. Patricio, par J. Perez
de Montalban, il existe trois éditions : Madrid, 1627, 1656; Séville, 1696.
Il y en a deux traductions françaises, l'une de F. A. C., chartreux, Bruxelles,
1640 : La vie admirable du grand saint Patrice, patriarche d'Hibernie, avec î'Ins-
toire véritable de son tant fameux purgatoire; l'autre traduction, celle de
François Bouillon, franciscain, a eu sept éditions datées de 1643, 1659,
1665, 1675, 1676, 1689, 1752, plus une édition sans date, Troyes, vers
^735- J'apprends par M. L. Delisle que la Bibliothèque nationale possède
l'édition de Bruxelles sous la cote N A' 859, et les autres sous les cotes
N X 860, 860 A-860 G.
Chronique. ^59
IX
Au tome XXIV, p. 210-21 1, de la Rnnie Celtique, nous avons parlé du
tome premier des Documents relatifs au comté de ChciDipague publiés par
M. Longnon et des Fouillés de la province de Rouen édités parle même savant.
Depuis il a mis au jour un second volume de Documents relatifs au comté de
Cljjmpagne et de Brie et trois volumes de Pouillès.
Dans le volume des Documents (Paris, Leroux, 1904, in-40, xux-743
pages) qui présente un grand intérêt pour l'histoire du xiii^ et du xiv^
siècles, il v a peu de découvertes à faire au point de vue celtique : nous
signalerons cependant, p. 64, note, la forme Cadusia du nom de lieu *Catussia
« Chaource », Aube, cf. Holder, Altceltischer Sprachschat\, t. I, col. 862-
863.
Dans les Pouillès de la province de Lyon, Paris, Klincksieck, 1904, in-40,
LUI- 3 19 pages, on rencontre plusieurs noms de lieu dont le second terme
est dunuin : Mons Ferduni, p. 5, 35, Montverdun (Loire) ; Arteun, p. 8, pour
Arlodunum, Arthun (Loire), cf. Holder, t. I, col. 227 ; Gordunnm, p. 174,
182, Gourdon, Saône-et-Loire ; Rrancedunum, p. 175, ou Brancidunum, p.
184, Brancion (Saône-et-Loire), cf. Holder, t. I, col. 511 ; Sedunus, p. 64,
71, Suin (Saône-et-Loire), cf. Seduni, Holder, t. II, col. 1435-1437; et le
second terme de ces composés apparaît isolé: Dunus, p. 72, Dun-le-roi (Saône-
ct-Loire), et Dunus, p. 93, Dun-lcs-Places (Nièvre), cf. Holder, t. I, col.
1375-1377; Verdunum, p. iSo, 181, 186, Verdun-sur-Saône (Saône-et-
Loire).
Le second terme Iriga doit se reconnaître dans Cotohrius, p. 193, 199,
Coutouvre (Loire), et dans Mardobrius, p. 193, ou Mardubrius, p. 199,
Mardore (Rhône). Le second terme durus apparaît dans Ysodorum, p. 65,
Yseures (Allier). Le suffixe ligure -oscus se trouve dans Blanoscus, p. 190,
203, Blanot (Saône-et-Loire).
Les Pouillès de la province de Sens, Paris, Klincksieck, 1904, in-80, LXXXV-
790 pages, nous offrent plusieurs noms de lieu dont le second terme est
ma^^us réduit à mus: dans le diocèse de Sens, Xoviomus, p. i , Noyen (Seine-
et-Marne), cf. Holder, t. II, col. 790-792 ; Senomus, p. 2, Senan (Yonne),
cf. Holder, t. II, col. 1484; dans le diocèse d'Auxerre, Gionius, p. 232, 234,
Gien-le-vieil (Loiret). Nous citerons deux noms dont le second terme est
dunum : au diocèse de Sens, Kravodunum, p. 2, Cravon (Seine-et-Marne),
cf. Cravum, Holder, t. I, col. 11 57; au diocèse d'Auxerre, Curcedonus, p.
231, 234, Courson (Yonne); deux noms dont le second terme est durus:
au diocèse de Sens, Tanotram, p. 2, Tannerre (Yonne) ; au diocèse d'Orléans,
Culodorus, p. 323, Chilleurs (Loiret). Enfin le diocèse d'Orléans nous offre,
p. 325, Litmarus, Limiers (Loiret), nom de lieu identique au nom d'homme
Litu-marus (Holder, t. II, col. 249).
Les Pouillès de la province de Tours, Paris, Klincksieck, 1904, in-40, ci-
601 pages, sont intéressants à divers points de vue. Par exemple les noms
de lieu en -ac, si nombreux dans les diocèses de Nantes, Vannes, Léon,
^6o Chronique.
Saint-Brieuc, Saint-Malo, Dol, Quimper, sont autant de témoins remontant
à la période gallo-romaine. Ils nous conservent la prononciation gallo-
romaine du suffixe -âco-s par a commun, tandis que la prononciation insu-
laire de ce suffixe était â long qui est devenu sur le continent, dans les
bouches d'origine insulaire o, eu, é avec maintien de la gutturale suivante.
Dans la région occidentale occupée par les Bretons, l'a commun gallo-
romain s'est pétrifié, tandis qu'à TEstles populations romanes du diocèse de
Rennes sont arrivées à le prononcer ê avec chute de la gutturale suivante,
conformément à l'évolution qu'a subi la langue romane parlée chez elles.
X
La seconde partiedu tome V de Paiilys Realencyclopaedie, édition Wissowa,
contiendra, col. 1750-1738, un savant article de M. Ihm sur les Druides.
XI
MM. Maurice Prou et Alexandre Vidier viennent de faire paraître à la
librairie Picard le 2^ fascicule, p. 209-400, de leur Recueil des chartes de l'ab-
baye de Saint-Benott-sur-Loire. La plus ancienne charte date de 107 1, la
plus récente de 1161-1167. On y peut remarquer un nom de lieu terminé
primitivement en hriga: Lescuvrio à l'ablatif, p. 251, aujourd'hui Le Q.ueuvre,
commune de Férolles-le-Queuvre (Loiret). Les variantes Peleverensi, mieux
Petverensi castro, p. 210, Pelverensis castrl, p. 211, du nom de Pithiviers,
nous font remonter à la forme primitive probable Petuarii fitndi du nom
de cette localité dont le britannique Pet!iaria[vilh] est une sorte de doublet
remontant à un propriétaire appelé Petuarios. Le nom de ce propriétaire
était la forme gauloise du latin quartus employé comme prénom et comme
surnom (voir par exemple C. 1. L., t. XII, p. 899).
XII
Dans le Cartulaire des abbayes de Tulle et de Rocaïuadour publié par J.-B.
Champeval, Brive, 1903, in-80, 732 pages, nous avons remarqué un nom
de lieu dont le second terme est -dumim et qui, ce nous semble, n'a pas été
signalé jusqu'ici, c'est Cantadunus, 1084-1091 (no 196), appelé Cantau dans
d'autres chartes, 1071-1104 (nos 144, 180, 201, 205, 247, 253, 256), ce
serait aujourd'hui Chanteix (Corrèze).
Signalons aussi Bonna, aujourd'hui Vomies, commune de Vayrac(Lot) ;
cf. Bormio, en allemand Wormes, dans l'Italie septentrionale, province de
Sondrio ; Bonna et Bormio paraissent ligures (voir Holder, Altceltischer
Sprachschati, t. I, col. 491, 492).
XIII
Nous espérons voir bientôt paraître la seizième livraison de V Altceltischer
Sprachschati, de M. Alfred Holder. Nous annonçons les livraisons de ce
grand et utile ouvrage, quand elles paraissent ; mais nous le faisons trop
chronique. 361
brièvement et sans appeler l'attention sur ce qu'elles offrent de plus inté •
ressant. Ainsi, en annonçant la douzième livraison, dans notre t. XXI,
p. 119, nous n'avons rien dit de Vixrùdc pctru-dixaiiietos « quatorzième »,
en breton f>cvdr-:^eh>ed. Le nom de nombre ordinal gaulois petrti-decamelos
nous a été conservé par une inscription de Gelignicu (Ain), C. I. L., XIII,
2494; AUceUischer Sprachschat:^, l. II, col. 980, où l'on trouve aussi le nom
de nombre cardinal au datif pluriel tricoutis, en breton tirgoitl « trente ».
XIV
Sous le titre de Geographia da Lusilania na epoca protohistorica, M. J. Leite
de Vasconcellos a publié en portugais un mémoire très important de 51
pages sur la géographie la plus ancienne du Portugal. Nous regrettons qu'il
ne l'ait pas écrit en français comme il est parfaitement capable de le faire
et qu'il ne l'ait pas inséré dans la Revue Celtique.
XV
The trait sacl ions of the honourahle Society of Cymmrodorion, session 1902-
1903, 64, Chancery-Lane, Londres, 1904, in-80, xxxii-96 pages, contien-
nent d'abord le rapport du conseil suivi de la liste des membres. Viennent
ensuite trois mémoires, le premier de M. Edward A. Lewis sur la décadence
de l'organisation par tribu dans le Nord du pays de Galles; le second, du
Rév. H.Elvet Lewis sur la métrique galloise; le troisième,deM. J. Romilly
Allen sur l'art celtique en Grande-Bretagne aux temps païens et chrétiens.
— Suivant M. Edward A. Lewis c'est en 1282 que commença la décadence
de la tribu galloise qui fut définitivement détruite au xiv^ siècle. — Le
travail du Rév. H. Elvet Lewis est une critique de celui de M. Lotli sur la
métrique galloise; la parole est à M. Loth pour dire ce qu'il en pense. —
M. J. Romilly Allen conclut son mémoire par la chronologie suivante:
Art celtique de l'âge du bronze de l'an 1000 à l'an 350 avant notre ère;
Art celtique du premier âge du fer divisé en deux périodes:
1° La période antérieure aux Romains, 350-50 avant J.-C. ;
2° La période britto-romaine, de l'an 50 avant J.-C. à l'an 450 après
J-C;
Art chrétien celtique qui, après l'art romain et avant la période nor-
mande, aurait duré de l'an 450 à l'an 1050 après J.-C.
Naturellement ces dates ne peuvent être proposées que connue approxi-
matives.
XVI
MM. L. Maître et P. de Berthou ont donné une seconde édition du Car-
tulaire de l'abbaye de Sainte-Croix de Ouimperlc, Paris, Champion, 1904, in-8",
xi-408 pages. Dans cette publication nouvelle, les auteurs ont fait à leur
première édition les corrections indiquées par M. 'W'hitley Stokes, Archiv Jiïr
celtische Lexicographie, t. I, p. 143-150. M. L. Maître a mis en tête du texte
une introduction intéressante, mais où l'on peut être étonné de voir citer
3^2 chronique.
comme mots bretons minot et 05/; ces deux mots se trouvent dans le Diclion-
naire de la langue française que nous devons à Littré et le premier désigne
une mesure de capacité, non de pesanteur, comme dit M. L. Maître.
XVII
La Société des Antiquaires de France vient de publier, à l'occasion de son
centenaire, 1 804-1904, un recueil de mémoires écrits par les membres de
cette compa_gnie. C'est un volume in-40 de 495 pages et vingt-cinq planches
qui a paru chez le libraire Klincksieck.
Quelques-uns des articles qu'il contient ont rapport à la Gaule. Nous
citerons en première Hgne un mémoire de M. Otto Hirschfeld sur le conseil
des Gaules institué en l'an 12 avant J. -G. par Drusus près de Lyon '. M. Otto
Hirschfeld considère comme certaine l'origine gauloise de cette institution.
Le même sujet a été étudié par M. Jules Toutain, sous ce titre: « L'institu-
tion du culte impérial dans les trois Gaules » ; cet auteur préfère comme
date l'an loavant J -G. — M. Adrien Blanchet, dans un mémoire intitulé
« Influence de la Sicile sur Massalia, », établit que le monnayage de Mar-
seille a été quelquefois imité de celui de Syracuse et de Tauromeniiiin. —
Signalons enfin l'article où, pour le mot avolis, accolé à des noms gaulois
de potiers, est proposé le sens de chef d'usine. — LeméraoiredeM. Etienne
Michon sur les menhirs sculptés de la Gorse nous transporte géographique-
ment hors de la Gaule, mais peut aider à déterminer quelle est la population
à laquelle les menhirs de Gaule peuvent être attribués.
XVIII
Le cours de vieil irlandais que MM. Strachan et Kuno Meyer ont com-
mencé l'année dernière à Dublin s'est ouvert de nouveau le 4 de ce mois.
M. Kuno Meyer, obligé par sa santé d'aller aux eaux sur le continent, est
malheureusement absent. M. Strachan a annoncé quatorze heures de leçons
par semaine, savoir: six heures de notions grammaticales d'après la gram-
maire de M. Windisch, deux heures d'explication de gloses en vieil irlandais
d'après son livre intitulé : Sélections from okl irish Classes 2, deux heures con-
sacrées au Togail Bruidne Dâ Derga publié par M. Whitley Stokes dans la
Revue Celtique et dont il y a un tirage à part; enfin quatre heures pendant
lesquelles le professeur expliquera le Taiit hô Ciiailngi.
M. Kuno Meyer devait enseigner la paléographie irlandaise et donner six
heures de leçons par semaine. Le total des heures aurait été ainsi de vingt
par semaine, soit quatre par jour.
Paris, le 20 juillet 1904.
H. d'Arbois de Jubainville.
1 . Voir ce qu'a écrit à ce sujet M. Otto Hirschfeld, Corpus iuscriptiouum
latinariun, t. XIII, p. 227 et suivantes.
2. Voir ci-dessous, p. 375.
PÉRIODIQUES
SOMMAIRE:!. Zeitschrift ffir celtische Philologie. — II. Archiv fiir celtische Lexico-
graphie. — !ll, IV, V. Annales de Bretagne. — VI. The Journal of the Royal
Society of Antiquaries of Ireland. — VII. The Scottish historical Review. — VIII.
Irisleabhar na gaedhilge. — IX. The Gael. — X. Celtia. — XI. Revue archéolo-
gique. — XII. Revue des traditions populaires. — XIII. L'anthropologie. — XIV.
The Folklore. — XV. Publications of the modem Language Association of America.
— XVI. Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung. — XVII. Indogermanische
Sprachforschungen. — XVIII. Beitraege zur Kunde der indogermanischen Spra-
chen. — XIX. Mémoires de la société de linguistique de Paris. — XX. Transac-
tions of the gaelic Society of Inverness. — XXI. Bulletin archéologique du comité
des travaux historiques. — XXII. Boletin de la real Academia de la Historia. —
XXIII. Analecta Boilandiana. — XXIV. Sitzungberichte der Anthropologischen
Gesellschaft in VVien. — XXV. Revue des études anciennes. — XXVI. Beitraege
zur alten Geschichte. — XXVII. Rectification a^t compte rendu des périodiques,
plus haut, p. 99. — XXVIII. Revue historique. — XXIX. The celtic Review.
PosT scRiPTUM. Sélections from irish Glosses.
I
Zeitschrift fûr celtische philologie, herausgegeben voti Kuno Meycr
and L. Chr. Stern, t. V, v^ livraison. — Cette livraison contient les
articles suivants : i" R. Thurneysen, Mélanges concernant la grammaire
du vieil irlandais, savoir d'abord : étude sur les circonstances où la nasale
finale de l'accusatif singulier, et du génitif pluriel des trois genres, plus celle
du nominatifsingulier neutre deviennent initiales du mot suivant (ce sujet a
été traité brièvement dans Gr. Celt. 2, p. 173 ; Windisch, IiischeGranimalik,
5 39) ; ensuite viennciitdes exemples de l'emploi duthème/«Ha « savoir »
au présent de l'indicatif ; enfin le neutre en nt, lochet « éclair » (cf. Irische
Texte, t. I, p. 666). — 2° Trois pièces de vers extraites par M. Kuno
Meyer du livre des Hui Maine qui fait partie de la collection Stowe aujour-
d'hui conservée dans la bibliothèque de l'Académie royale d'Irlande ;
ces pièces de vers concernent : d'abord trois arbres d'Irlande qui ont
été célèbres ; (ce poème composé par Cuan O'Lothcain n'a pas été
mentionné par E. O'Reilly, Irish uriters, dans l'article consacré à ce
poète, p. LXXiii) ; ensuite les merveilles iiigaiila d'Irlande, dont il existe
d'autres descriptions énumérées par Todd, The irish Version of the His-
^64 Périodiques.
toria Britoiniui of Neiiniiis, p. 192, note 3 ; enfin les dix-sept miracles
qui auraient eu lieu à la naissance deJ.-C. — 3° Suite de la vie de saint
Columba, texte irlandais publié et traduit en anglais par Richard Henebry.
— 40 Suite des observations de Georges Henderson sur la phonétique des
dialectes gaéliques d'Ecosse. — 5° Etude de M. Anscombe sur les noms de
lieux compris dans la section de Nennius que Mommsen a publiée sous le
titre d'Arthiiriaiia aux pages 199-201 du tome XIII des Aiictores antiquis-
simi compris dans la collection in-40 des Moinmienta GciDimiue historica. —
50 Mémoire de M. Charles Plummer sur la légende de saint Brendan. —
6" Note de M. Gaidoz sur sainte Onenne. — 7° Index par M Anscombe
des mots contenus dans les poèmes gallois intitulés Gododin dont M. Wil-
liam F. Skene a publié.le texte : Four ancient Books of fVales, t. II, p. 63-107 ;
la traduction anglaise, tome I^'', p. 574-430, et les notes au tome II, p. 359-
396 ; cet index est un travail purement mécanique : ainsi, p. 1 5 3 le singulier
caat « bataille », vers 1275, forme un article, le pluriel caJfw, vers 1014,. en
forme un autre séparé du premier par deux articles, cadarn « fort », « puis-
sant », cadawy « lutte » ; et lorsque le c initial de ce substantif est changé
en ^ par l'effet des lois phonétiques, vers 98, 11 52, t. II, p. 65, 100, des Foitr
ancient Books of Walcs, cf. t. I, p. 377, 417, c'est-à-dire, lorsque ce pluriel
est écrit gadeu, il faut l'aller chercher à la page 160 de l'index, c'est-à-dire
sept pages plus loin que cadeti qui est le même mot. C'est aussi à la page
160 que l'on trouve gadivn, tandis que cadani, le même mot, est à la page
IS5 ; M. Anscombe ferait bien de lire le glossaire placé par M. Windisch
à la fin du tome ler des Irische Texte, il y verrait par exemple, p. 853,
ihuath mis dans l'article tuatlj, et il pourrait parvenir à comprendre comment
travaille un vrai savant. Mais, me dira-t-on, le Gododin est gallois et non
irlandais. Prenons le Percdur de M. Kuno Meyer : c'est page 32, col. 2, à
l'article C(/vw que l'on trouve la variante gcfyn ; c'est p. 55, col. i à l'ar-
ticle cilvdd qu'a été placée la variante ,<,t//v<7(/. — 8°. Notes brittoniques par
par M. J. Loth : les doublets gallois sedd, hcdd, signifiant « maison », se
et he signifiant « semence » ; le moyen breton bleiir^ff « fleurs » s'ex-
pliquant par un primitif /'/<//-//«•// dont le / serait devenu sonore par l'in-
fluence de Vin suivant. — 9 M. L. Chr. Stern publie treize quatrains
irlandais conservés par le ms. Laud 610, 9 b, de la bibliothèque Bodleyenne
d'Oxford ; ils concernent la légende qui fait survivre à la bataille de Gabra,
283, quelques guerriers de la milice dite Fianna qui plus tard se seraient
convertis au christianisme. M. Stern avait en 1892, publié dans la Revue
Celtique, t. XIII, p. 5-12, un poème irlandais conservé par unms. de l'Uni-
versité de Leyde et où l'on voit Finn mac Cumail, après un songe, prédire
l'établissement du christianisme en Irlande, p. 11 (traduction, p. 21). Des
prédictions analogues se trouvent dans le Boroina (St. H. O'Grady, Silva
Gadelica, texte, p. 366, traduction, p. 406; Whitley Stokes, Revue Celtique,
t. XIII, p. 48, 49), et dans VAgallanib na senorach (voir dans la Silva Gadelica
le texte, p. 134, et la traduction, p. 147 ; cf. Whitley Stokes, Irische Texte,
t. IV, p. 52). — Suivent un recueil de mélanges et la bibliographie. Dans
les mélanges se trouve une lettre de Jacob Grimm datée de Berlin le 5 dé-
Périodiques. 365
cembrc 1858. Le savant germaniste prétend expliquer le mot driiiila en
supposant à l'origine des druides une prophétesse, appelée Driiida. Il ne
comprend pas que druida est la conséquence tirée de l'accusatif pluriel zq\-
ùquc ditéidas par un romain qui connaissait /«t:o/fl5, agricolas, accusatifs plu-
riels d'incohi, agricola, et qui croyait qu'en gaulois le nominatif pluriel
druides {De bello galïico, VI, xiv, i) aurait dû correspondre à un accusatif
pluriel druides. De là chez Cicéron, De Divinationc, le nominatif pluriel
druidae, cf. agricolae, incolae (cf. Holder, Altceltischer Sprachschat:{, t. I, col.
1325-13 30).
II
La 4e livraison du tome II de VArchiv fiir celtische Lexicographie n'a
pas encore paru que je sache, mais nous avons reçu de M. Whitley
Stokes un des articles, c'est la fin de sa seconde édition du glossaire d'O'Da-
voren dont le commencement a paru dans la 3e livraison ( voir Revue Cel-
tique, tome XXV, p. ici). Cette seconde partie comprend 272 pages,
numérotées 235-504 ; il y a 34 pages dans la première partie d'où un total
de 506 pages, tandis que dans les Tlnee irish Glossartes, 1862, le glossaire
d'O'Davoren n'occupe que 78 pages. Dans l'édition nouvelle les articles
sont numérotés et traduits de l'irlandais en anglais, enfin un index des mots
renvoie aux numéros des articles dans lesquels ces mots sont expliqués.
Cette publication rendra de grands services aux ccltistes.
III
Annales de Bretagne, t. XIX, no i janvier 1904. Notes d'étymologie
bretonne par M. Emile Ernault ; le soufflet y tient une place considérable
— Biobibliographie de saint Méen ou indication des textes relatifs à ce per-
sonnage légendaire parM. Duine. — M.J.Nicolas exposeque le poème breton
Buhei Mab-den paraît être une imitation du grand testament de Villon. —
Note de M. J. Loth sur la légende bretonne suivant laquelle les vieillards
à charge à leurs héritiers étaient envoyés à Loc-mel-tro, où avec une massue
bénie on les assommait. C'est un pendant à la tradition romaine suivant
laquelle les sexagénaires étaient du haut du pont précipités dans le Tibre
(Festus, édition MùUer, p. 534; Nonius, XII, 22; cf. Ovide, Fastes, V,
655). On peut comparer ce qu'on lit sur le meurtre rituel du vieux père
dans le volume intitulé: Les populations finnoises des bassins de la Volga et de
la Kania par Jean-N. Smirnov, ouvrage traduit du russse par P. Boyer,
Paris, Leroux, 1898, p. 552. La massue de Loc-mel-tro était une boule de
granit, d'où le nom de lieu qui veut dire chapelle du creux de la boule. —
Le même M. Loth explique par le o^Wo'xs gwledd v. festin » le nwi ghied au
cartulaire de Quimperlé, p. 20. — Étude de M. J. Le Gall sur l'accent, le
timbre et l'intensité des voyelles dans le dialecte breton de Botsorhcl.
IV
Annales de bret.\gne, t. XIX, no 3, avril 1904. — Mémoire de M. Henri
]66 Périodiques.
Sée sur l'administration au xviiie siècle de deux seigneuries de Basse-
Bretagne, Toulgouet et Le Tref ; ce travail est très intéressant en ce qu'il
raconte de l'histoire du domaine congéable, mode detenure spécial à la Bre-
tagne. — Etude de l'abbé L. Campion sur saint Servatius, évêque de
Tongres et patron de Saint-Servan.
V
Annales de Bretagne, t. XIX, 11° 4, juillet 1904. — -Notes d'étymologie
bretonne, suite, par M. Emile Ernault. — Fin de l'étude de l'abbé Campion
sur saint Servatius, évêque de Tongres. — M. Loth expose que saint Ser-
vatius et saint Servan confondus dans la légende sont phonétiquement
deux personnages différents.
VI
The journal of the Royal Society of antiquaries of Ireland, t.
XXXIII, no 4, 31 décembre 1903. Notice par M. Thomas Johnson Westropp
sur les antiquités d'Ardmore, dont un évêque, saint Declan, aurait été, dit-on,
contemporain de saint Patrice ', ve siècle, mais serait probablement mort
en 527 ou en 550, ce qui n'est pas la date où a vécu saint Patrice. Il n'est
pas question de saint Declan dans les textes que M. Whitlcy Stokes a réunis
sous le titre de Tripartite Life of Patrick, et les Bollandistes, Bihiiotheca
hagiographicalatiiia, t. I, p. 319, mettent Declan au vi^ siècle. Parmi les
antiquités chrétiennes décrites dans le mémoire de M. Westropp y en a-t-il
qui remontent à cette date ? — Étude par M. John Rhys sur les deux ins-
criptions ogamiques d'Ardmore : elles sont encore en place ; M. Rhys lit
la première Amadu; la seconde : fe partie Licgiideccas'maqui ma[qii]i [inH]coi
neta Seganionas, ce qui paraît signifier « [tombe] de Lugaid fils d'un fils de
la parenté du champion du dieu Segamo » ; seconde partie : Dolali
higaiscûbbi qu'W propose de traduire par: « de Dolad vice-évêque ».
VII
The scoTTisH historical REVIEW, vol. I, no 4, juillet 1904. — Mémoire
de M. David iMac Ritchie sur l'usage de la culotte dans les hautes terres
d'Ecosse. Il fait remonter cet usage au xvie ou au xyii^ siècle. Au xviic
siècle ce vêtement n'était encore porté que par les gens distingués, le peuple
s'en passait.
VIII
Irisleabhar na gaedhilge. — Depuis le mois de novembre 1903 cette
i C'est entre autres auteurs ce que rapporte Ware, TI.v -ivliole uvrks of
sir f unies Ware, éd. Harris, 1739, t. I, p. 10, 21.
Périodiques. 367
revue mensuelle publie des morceaux du Tdin hô Cûailiigi dont le texte est
établi et accompagné de notes grammaticales, par M. John Strachan. Ces
morceaux sont au nombre de neuf savoir :
1° Comment Cùchulainn vint à Emain Mâcha, no de novembre 1903,
cf. traduction Faraday, p. 17-20.
2° Comment Cùchulainn emporta Conchobar du champ de bataille, no de
décembre 1903, cf. traduction, p. 21-22.
30 Comment Cùchulainn tua le chien du forgeron, no de janvier 1904,
cf. traduction p. 25-23.
40 Comment Cùchulainn prit les armes et se mit en route, no de février
1904, cf. traduction, p. 26-29.
50 Suite du morceau précédent, no de mars 1904, cf. traduction, p. 29-
34-
60 Comment Cùchulainn retarda Tinvasion de l'Ulster; no d'avril 1904,
cf. traduction, p. 13-16.
70 Comment Cùchulainn tua Froech, n" de mai 1904, cf. traduction,
p. 34-36.
80 Comment Cùchulainn tua Etarcomol, première partie, n° de juin 1904 ;
cf. traduction, p. 51-53.
90 Comment Cùchulainn tua Etarcomol, seconde partie, n" de juillet 1904 ;
cf. traduction, p. 53-55.
Cette publication nous fait connaître, pensons-nous, un des cours pro-
fessés l'année dernière à Dublin par M. Strachan et ne peut qu'en donner
bonne opinion.
IX
The gafx, 140, Nassau Street, New-York, janvier-mai 1904. — N" de
janvier. Mémoire anonyme sur les légendes et les chants des Gaels. — No
de février. Cùchulainn l'Achille irlandais par Henry Morris. Le tribut de
Leinster, Boroina, par T. O'Neill Russel. — N" de mars. Coutumes et su-
perstitions du comté de Meath par Miss A. H. Singleton. L'or de la Sor-
cière par Douglas Hyde. Compte-rendu de l'enseignement donné par
M. Strachan en juillet 1903, par MM. Kuno Meyer et Henry Sweet en
septembre la même année à l'école de science irlandaise nouvellement
fondée à Dublin. Suit une note de M. Kuno Meyer sur l'importance de la
littérature irlandaise. — N" d'avril. Mémoire de M. Wm. H. Grattan Food
sur la cornemuse irlandaise et les musiciens qui jouent de cet instrument.
— No de mai. Les tribus de Galway, jusqu'en 1640. La mort de Conlaoch
mise en vers anglais par Mary A. O'Reiliy.
X
Celti.\, novembre-décembre 1903, janvier, février, mars 1904. — J'ai
oublié de dire que dans les nos Je septembre et octobre 1903 avait paru le
commencement des gloses irlandaises du ms. de Wùrzburg commentées
^68 Périodiques.
par M. J. Strachan. Une suite a été publiée dans les nos de novembre-
décembre, janvier, février, mars. Les numéros suivants ne me sont point
parvenus. Le n" de novembre-décembre contient outre le travail précité de
M. Strachan un résumé du mémoire de M. Arthur C.-L. Brown sur l'ori-
gine des romans d'Arthur (cf. Revue Celtique, t. XXIV, p. 323). Dans le
no de janvier 1904, on trouve une étude sur les noms de lieu comiques; et
le récit de la bataille de Moytura chez Keating, texte irlandais de l'édition
donnée par David Comyn pour la Irish Text Society, p. 198 ; ici ce texte est
accompagné d'une traduction interlinéaire. A la page 31, du no de février,
on lit un texte modernisé du § 31 de la seconde des éditions de la Bataille
de Ross na Rig données par E. Hogan, Todd lectures séries, IV, p. 86, 88;
cf. i^e édition, § 35, p. 42 du même volume. Ce texte modernisé est accom-
pagné d'une traduction interlinéaire.
XI
Revue archéologique, nos de janvier-février et mars-avril 1904. —
Mémoire de MM. F. Hermet et Joseph Déchelette sur les graffites de Grau-
senque. Ces graffites ont été tracés sur de la poterie. Parmi les noms
d'hommes il y en a un qui est incontestablement gaulois, c'est [Me]ddilos par
deux rf barrés, p. 201, et p. 80; cf. Holder, Altceltischer Sprachschat:^, t. II,
col. 494, Mcddila, Meddilltis ; et même tome, col. 575, Messilla, Messiliis.
XII
Revue des tr.^ditions populaires. Janvier-juin 1904. — Faune popu-
laire de la Basse-Bretagne : l'abeille, gucnanen ; la belette, ar garelic; le blai-
reau, troc'/;; l'alouette, ar/^Je; la bécasse, kevelek; le bouvreuil, peughiùuil: ;
la bécassine, Icioc'h; le chat, his, par H. Le Carguet. — Aux environs de
duimper, le crapaud, le chat noir par H. Divcrrés. — Deux quatrains
d'une chanson bretonne du Morbihan publiés par Lucie Guillaume. —
Pèlerins et Pèlerinages en Bretagne, par F. Duine. — Coutumes et supers-
titions de Basse-Bretagne, par Lucie de V.-H.
XIII
L'anthropologie, novembre-décembre 1903, janvier-avril 1904. — Ces
numéros sont presque exclusivement consacrés à l'étude de faits antérieurs à
la période celtique. Il n'y a d'exception que dans la bibliographie où divers
ouvrages relatifs à cette période sont analysés avec compétence non moins
qu'avec bienveillance.
XIV
The folklore, t. XV, nos i et 2, 24 mars et 24 juin 1904. — Élude
par Éleanor Hull sur la Légende de Derdriu et sur les modifications qu'elle
a subies dans le cours des siècles. — Arthur et Gorlagon, traduction par
PcriOiiiqiics. ^6<)
F. -A. Milne avec notes par Alfred Nutt. La traduction faite précédemment
par le Professeur Kittredgc a éié annoncée par la Revue Celtique, t. XXIV,
p. 324-52) ; M. Alfred Nutt ne ménage pas les éloges à M. Kittredge. —
Nouvelles variantes au thème du combat du père et du fils (en Irlande
Cûcliulainn et Conlaoch), réunies par M. Murray A. Potter, auteur d'un
livre intitulé Sohiab and Ruslein, qui a été critiqué deux fois dans The Folklore,
t. XIII, p. 444-447, et t- ^I^^ P- 307"309 (cf- Ri^vue Celtique, t. XXV, p.
105-106).
XV
Publications of the modern language association of america,
t. XVIII, 1905. — Mémoire de M. William Wells Newell intitulé : Wil-
liam of Malmesbury on the Antiquity of Glaslottbury, with especial Référence
to the Equation of Glastonbury and Avalon. Le traité De Antiquitate Glasto-
niénsis ecclesia est un livre rempli de renseignements apocryphes. Voici un
exemple : l'auteur de cet ouvrage avait dit dans ses Gesta regum qu'on ignorait
où se trouvait la sépulture du fameux roi Arthur'. Dans le De antiquitate,
il prétend qu'au cimetière des moines de Glastonbury existe le tom-
beau de l'illustre roi Arthur et de sa femme 2. En conséquence il imagine
que Glastonbury s'est appelée Avalonia 5. Suivant le même ouvrage l'apôtre
de l'Irlande, saint Patrice, après un séjour de trente-neuf ans à Glastonbury
y serait mort et y aurait été enterré 4. Cette assertion est suffisante pour
montrer que le De antiquitate n'a guère de valeur historique. Mais dans
l'opinion de M. William Wells Newell le De antiquitate que nous possédons
n'est pas tout entier l'œuvre de Guillaume de Malmesbury ; les fables que cet
ouvrage contient sont des interpolations dont Guillaume de Malmesbury
n'est pas responsable.
XVI
Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, t. XXXIX, deu-
xième livraison. — Mémoire de M. Whitley Stokcs sur les formes rela-
latives du verbe passif irlandais. Pedersen est le premier celtiste qui ait
parlé des formes relatives du passif en irlandais (Jbid., t. XXXV, p. 376).
M. Whitley Stokes donne vingt-cinq exemples du présent de l'indicatif,
sept du futur. Une partie de ces formes est identique à celles de l'impératif,
exemple : berar, « qui est porté » ; bertar « qui sont portés » et toutes
peuvent être rapprochées de celles du présent de l'indicatif conjoint : dobe-
rar, « il est porté » dobertar « ils sont portés » ; etc.
i. Arturis sepulcrum nusquam visitur, éd. Stubbs, p. 342; Migne, Patro-
logina latina, t. 179, col. 1259 G.
2. Praetermiîto de Arturo, inclyto rege Britonum, in coenieterio mona-
chorum inter duas pyramides cum conjuge sua tumulato. Migne, Patrologia
latina, t. 179, col. 1700 A.
5. Migne, Patrologia latina, t. 179, col. 1687 G.
4. Migne, Patrdogia latina, t. 179, col. 1688-1690.
^yo Périodiques.
XVII
Indogermanische Forschungen, Zeitschrift fiïr indogermanischu Sprach-
U7ui Aller tiniiskiinde, herausgegeben von KarlBrugmann undWilhelm Streit-
berg, t. XVI. Dans le mémoire de M. R. Meringer, Wôrler tirid Sachen,
on peut signaler, p. 138, l'étymologie proposée par l'auteur pour le mot
français landier, d'abord andier « chenet » dont l'origine est incertaine sui-
vant Iq Diclio)inairc' oénêral de la langue française de MM. Hatzfeld, Darmes-
teteret Antoine Thomas, p. 1376 ; c'était un chenet à tête d'animal, à tête de
bête à corne : en gallois moderne anner « génisse » tient lieu d'un plus
ancien auder, comme le prouve en gallois ancien le diminutif enderic, « veau ».
Landier serait donc un mot français d'origine celtique.
XVIII
Beitraege zur Kundeder indogermanischen Sprachen, herausgegeben
von Ad. Bezzenberger et W. Prellwitz, t. XXVIII, 5e et 4e livraisons. —
Dans un mémoire M. Scheftelowitz sur les lois phonétiques du vieil armé-
nien, beaucoup de mots vieil irlandais sont rapprochés de mots arméniens,
exemples :
arménien i/r/ « cœur », irlandais cride, même sens.
— karcr « dur », — S^^'S' 'l'^'n^ sens.
— acem « je conduis », — agaiin, même sens.
— cnatit « joue, mâchoire », — gin « bouche ».
— kclc « hypocrite », — celg « tromperie ».
— anjûl-, ancnk « étroit », — • cmn-nug, même sens.
— kur « dur », — crûaid, même sens.
— hakan « je courbe », — ècath «■ hameçon ».
— vèg « querelle », — fichim « je combats ».
— hek « brisé », — comhoing « il brise ».
— jov « branche », — gabiil « fourche ».
— diirgn « roue de potier », — drocb « roue ».
— yalbarem « je détruis », — calh « bataille ».
— nnt/ « fumée », — - viûch, même sens.
Citons encore l'arménien knink « s;rue » en gallois et en breton garan.
XIX
Mémoires de la société de linguisticii-'f. de Paris, t. XIII. Premier fas-
cicule. Rapprochement de l'irlandais gahini et du latin capio, du gaulois
gabros et du latin caper ; correction de Silvanecti en Selvanccti. — Troisième
fascicule. Étude par M. Vendryes sur les anciennes formes du nom de
Melun, Mello-sediun probablement dans l'archétype des mss. de la 2^ classe,
Metlo-dnninn dans l'archétype des mss. de la première classe qui paraît
Périodiques. ^71
remonter à l'an 500 de notre ère et être moins ancien que l'archétype de
la 2<^ classe.
XX
Transactions of the Gaelic Society of Inverness, t. XXIV. —
Mémoire de M. David Mac-Ritchie sur le shelta « langue des chaudron-
niers», dont le nom gaélique moderne est ceard, au pluriel ceaird, en vieil
illandais cerd, au pluriel ceird. Leur langue est un argot dont il a été ques-
tion dans la Revue Celtique, t. XII, p. 176, 301-302; t. XIII, p. 403. Cet
argot serait le résultat d'une déformation systématique de l'irlandais tel
qu'il se parlait avant le onzième siècle. Tel est la conclusion des travaux
faits sur ce langage par MM. John Sampson en 1890 et Kuno Meyer en
1891. M. Mac Ritchie après avoir reproduit avec éloge l'exposé de la doc-
trine de M. Kuno Meyer, donne deux textes shelta avec traduction anglaise,
et des vocabulaires shelta recueillis par plusieurs auteurs dont le plus
récent est M. Alexandre Carmichael. Il résulte de là que le shelta est
souvent mélangé de mots qui ne sont pas d'origine gaélique. Certains ont
été par exemple empruntés à la langue des gypsy, ou, comme on dit en
français, des Bohémiens.
XXI
Bulletin ARCiiÉOLOGiauE du comité des travaux historiq.ues et
SCIENTIFIQ.UES, année 1904, k^ livraison. — M. Héron de Villefosse cons-
tate qu'à Doué (Seine-et-Marne) a été trouvée la marque de potier Divix[ti]
m[anu], déjà relevée au musée de Clermont-Ferrand par M. Hirschfeld, Cor-
pus iîiscriplioiium latinarum, t. XIII, 3*= partie, lOOio, 791^.
XXII
BOLETIN DE LA REAL ACADEMIA DE LA HiSTORIA, tOme XLIV, livraisons
2-6, février-juin 1904. — Parmi les inscriptions romaines inédites des envi-
rons de Caceres, l'antique NorbaCaesarina, publiées par M. Mario Roso de
Luna, nous signalerons: les nos 12, 16, 23, 49, 52, p. 125, 125, 128, 135,
136, où se lit le surnom Taiiciiius, écrit Tangin avec un g au n» 30,
p. 130 (cf. Holder, Altceltischer Sprachschati, t. II, col. 1717, 1718, 1719);
le n° 54, p. 131, où apparaît l'adjectif géographique Tui-ibrice\nsi5]\
le no 47, p. 154, qui nous offre le nom d'homme Cellius. Dans une ins-
cription de la province d'Orense publiée par le P. Fita, p. 355 on a lu le
nom de femme Talavia, cf. Tulavns, Holder, Allcellischer Sprachschat:^,
t. II, col. 1708. Enfin, p. 554, on peut signaler dans une inscription inédite
le nom de Celliatus, Veiiiati filius.
XXIII
Analecta Bollandiana, t. XXIII, fascicules II-III. — Vie métrique de
^72 Périodiques.
saint Bricuc, Brioiiiagliis, premier évoque de la ville de Saint-Brieuc, partie
finale, publiée d'après le ms. A 202 de la bibliothèque de Rouen, p. 246-
251 des Analcctd. Epilogue de la vie en prose, p. 264-265; cf. Analecta
BoUandiana, t. II, p. 162-188 où la vie en prose, moins l'épilogue, a été
publiée par D. Plaine d'après le ms. de Rouen, U. 119.
XXIV
SiTZUNGSBERICHTE DER AnTHROPOLOGISCHEN GeSELLSCHAFT IN WIEN,
lahrgang 1904, p. 8. — Résumé par le D"" L. Bouchai d'une communica-
tion faite par le Professeur Rud. Much sur la question ligure. Suivant M. Rud.
Much M. d'A. de J. n'a pas donné la preuve de différence entre la langue
des Ligures et celle des Celtes. M. Much croit que la langue des Ligures
se rapproche beaucoup de celle des Celtes et ressemble aux langues de
l'Europe septentrionale, beaucoup plus qu'aux langues de l'Europe du sud.
Il est d'avis que M. d'A. de J. se trompe sur l'étendue qu'aurait eu le
domaine géographique des Ligures et que la nomenclature géographique
la plus ancienne de la Germanie méridionale contient beaucoup de noms
hgures.
Mais M. L. Bouchai ne considère pas comme démontrée la parenté de
la langue des Celtes et de celle des Ligures. Il lui paraît même douteux que
la langue des Ligures soit indo-européenne. Il lui semble difficile de déter-
miner quelle peut avoir été la contrée où les Ligures ont eu leur plus ancien
établissement.
XXV
Revue des Études anciennes, t. VI, no* 1-3, janvier-septembre 1904.
— Camille Jullian. Remarques sur la plus ancienne religion gauloise, suite :
Rituel militaire, cosmogonie, théogonie, anthropogonie, prêtres et prêtresses.
L'érudit auteur émet sur plusieurs points des doctrines qui ne sont pas
celles du directeur de la Revue Celtique. Cependant il serait à désirer que le
travail de M. Jullian, résultat de recherches considérables, et appuyé sur
de nombreuses citations d'auteurs anciens, fût réuni en volume et pourvu
d'index; ce savant travail deviendrait alors plus flicile à consulter que dans
la Revue des éludes aueienues où il est dispersé et n'a paru que par frag-
ments.
XXVI
Beitraege 7,ur alten Geschischte, t. IV, i''^ livraison, 1904. —
Mémoire de M. Otto Hirschfeld sur la date à laquelle devait se terminer le
commandement de Jules César en Gaule. Était-ce, comme Dion Cassius,
XXXIX, 33, l'a dit et comme Cicéron et Pompée l'ont pensé, le i'^'' mars
de Tan 50 avant J. C. ' ? Etait-ce le premier mars de l'an 49, comme il
i . Ciceron, Ad Allicum, 1. VII, ep. ix, ^,4 ; Ad Jivuiliares, 1. VIII, ep. IX,
§5.
Périodiques. ^-/■^
semble résulter du dire d'Hirtius lui-même, quand il raconte qu'après
l'année 51 avant J.-C, Jules César n'avait plus qu'un été à passer en
Gaule". Enfin était-ce le 31 décembre 49, veille de la future entrée en
fonctions de Jules César, consul pour la seconde fois, comme lui-même
l'a prétendu 2? Suivant M. Hirschfeld Jules César avait pour lui, non la
lettre de la loi, mais l'équité.
XXVII
J'ai plus haut, p. 99, parlé des formules populaires qu'il dit, prononcé
kidi pour « dit-il » et qu'il m'a dit, prononcé kimadi pour « m'a-t-il dit ».
M. Pierre Le Roux m'a fait observer que decet emploi, abusif ce nous semble,
du pronom relatif, il y a un exemple chez Victor Hugo, Heruaui :
Altesse, pas d'affront, ma tête est encore belle.
Et vaut bien, que je crois, la tête d'un rebelle.
Littré, Dictionnaire de la langue française, t. II, p. 14 10, col. I, cite des
exemples de cette formule chez Molière et chez Quinault.
XXVIII
Revue historiq.ue. — Dans le tome XXIV, p. 337, de la Revue Cel-
tique nous avons parlé d'un compte rendu critique du volume intitulé Elé-
vients de la Grammaire celtique. Ce compte rendu avait paru dans les Annales
de la Faculté des Lettres de Bordeaux, Revue des Etudes anciennes. Voici une
autre appréciation du même ouvrage qui vient de paraître dans la Revue
historique, n° de juillet-août, p. 315 : « La langue que parlaient les Gaulois
« est encore ce que nous connaissons le moins de leur civilisation:
« M. d'Arbois de Jubainville, suivant les traces de Windisch et d'autres,
« essaye de restituer les formes primitives de la déclinaison et de la conju-
« gaison celtiques, à l'aide des formes modernes et connues des gram-
« maires néo-celtiques. Je ne sais encore ce que pensent de cette méthode
« de reconstitution les philologues de profession -, j'ai peur, en ce qui con-
« cerne le celte, qu'elle n'amène beaucoup de désillusions ; les résultats
« auxquels elle aboutit nous obligent déjà de refuser aux langues celtiques
« les inscriptions du Midi, celle du calendrier de Coligny, d'autres encore.
V Malgré l'admirable science de M. d'Arbois, de ses confrères d'Angleterre
« et d'Allemagne, je ne perçois encore rien de net sur le celte des temps
« anciens. »
En note l'auteur ajoute ce qui suit :
« M. Dottin dit (Revue critique, 21 sept. 1903, p. 228), à propos du livre de
« M. d'Arbois : « Dans quelle mesure l'irlandais peut-il servira reproduire
« les traits essentiels de la piiysionomie du vieux celtique cojnt nental ; c'est
1. De bello gallico, 1. VIII, c. 39, ^ 3.
2. De bello civili, I, 9 ; cf. Suétone, César, I, 9.
Revue Celtique, XXV. 25
574 Périodiques.
« évidemment difficile à déterminer. On ne devra donc pas chercher dans
« le livre de M. A. de J. une grammaire complète du celtique, mais plutôt
« un exposé de l'état ancien de l'irlandais. » — Notez que, tout compte
« fait, il n'y a aucun motif concluant à appeler « celtiques » les langues
« irlandaise, bretonne, etc. »
Le temps nous manque pour apprécier cette doctrine ainsi que d'autres
du même érudit qui croit, p. 319, que briga est un mot ibérique et non
celtique et que les noms de lieu tels que Pavant = Pcnno-iiindos doivent
s'expliquer par des phénomènes topographiques, que par conséquent on se
trompe quand on pense y reconnaître un nom de propriétaire, c Topo-
graphie et toponymie sont sœurs » : oui, quelquefois, mais non toujours.
Ce qu'il y a de plus fort est d'affirmer, p. 515, que les deux termes penno-
et uindo- ne sont pas gaulois.
XXIX
Au moment de mettre sous presse nous recevons le premier n° de Jhc
celtic Revinv, publiée à Edimbourg sous la direction du Professeur Mackin-
non et de Miss E. C. Carmichael. On y trouve les articles suivants : 1° Le
ms. Glenmasan de la bibliothèque des avocats d'Edimbourg, copie faite au
xv"-' siècle d'un ms. daté de 1238; commencement de reproduction et de
traduction d'après ce ms. d'un récit inédit des aventures de Fergus qui
sont d'abord la cause, ensuite, la conséquence du meurtre des fils d'Usnech.
L'auteur de cet article, qui sera continué, est le Professeur Mackinnon. —
2° Proverbes rimes publiés par M. Douglas Hyde. — 3° Etude sur les noms
de lieu des Highlands, par W. J. Watson. — 4° Origine du nom de Caol
Reathain, récit légendaire recueilli par M. Alexander Carmichael. — 5°
Ballade de Garabhagus na M>iathan, extraite de la collection recueillie par
le Rév. Patrick Mac Donald. — 6° Delà nécessité d'étudier la littérature
gaélique quand on veut connaître l'histoire des Gaels, article de M. Alfred
Nutt; etc. La vieille Revue Celtique souhaite bonne chance à son jeune,.
savant et intéressant confrère.
Paris, le 21 juillet 1904.
H. d'ARBOIS DE JUBAINVILLE.
POST-SCRIPTUM
Les comptes rendus qui précèdent étaient en pages, quand nous avons
reçu de notre aimable collègue, M. John Strachan, professeur à l'Université
de Manchester un très sérieux petit volume de 135 pages, intitulé: Selcc-
iious froin the old irish glosses 1 . C'est un recueil de textes préparé par le
savant celtiste pour servir aux élèves qui suivent à Dublin, les cours de
l'Ecole de science irlandaise : School of irish Learning. Les textes sont extraits
du Thésaurus palaeohibernicus et empruntés principalement aux mss. irlandais
de Milan, Wùrzburg, et Saint-Gall ; quelques-uns proviennent des mss. de
Carlsruhe, de Turin et du Hvre d'Armagh. Chaque glose irlandaise est pré-
cédée du texte latin qu'elle était destinée à expliquer et qui nous offre à
nous modernes le principal commentaire du texte irlandais. Suivent de
nombreuses notes et un vocabulaire avec traduction anglaise de mots
irlandais. Ce volume semble avoir été écrit pour servir de base au cours
fait par M. Strachan en juillet 1904, tandis que les Sélections frovi irish
glosses, publiées dans Celtia, 1903-1904 (cf. ci-dessus, p. 367-368) se rap-
porteraient au cours de 1903.
Jubainville, le 30 juillet 1904.
H. d'ARBOIS DE JUB.\I\VILLE.
I. Dublin, Hodges, Figgis and co. ; prix : trois shillings and six pence ou
cinq francs vingt centimes.
Le Propriétaire-Gérant : Veuve E. Bouillon,
Chartres. — Imprimerie Durand, rue Fulbert.
LES MOTS VIEIL-IRLANDAIS DU MANUSCRIT
DE LAON
Le manuscrit n° 444 de la bibliothèque de la ville de Laon
est un bel in-folio en onciales sur vclin, de la fin du ix*^ siècle,
qui comprend en tout 318 feuillets formant 38 cahiers d'iné-
gale longueur. La partie principale (feuillets 5 recto à 255
verso) en est consacrée à un glossaire gréco-latin, et à ce
titre il a été étudié et utilisé par Gœtz au tome II du Corpus
glossarionim Lalinoriim, pp. XXVI et suiv. Mais il offre une
particularité intéressante que Gœtz a négligé de relever, bien
qu'elle ait déjà été mentionnée par Miller au cours de l'étude
détaillée qu'il fit de ce même manuscrit dans les Notices et
Extraits, tome XXIX, 2" partie (1880), pp. 1-230. A trois
reprises, à côté des chiffres romains numérotant les cahiers,
figurent des signatures en vieil-irlandais. Ces signatures se
trouvant tout au bas des pages, on peut supposer qu'il y en
avait d'autres semblables dans la môme langue, qu'un relieur
maladroit fit disparaître lorsqu'il rogna les feuillets. En foit,
les chifi"res romains numérotant les cahiers XXXII et XXXIV
(feuillets 275 et 291) ont disparu en totalité ou en partie sous
le couteau du relieur; et au bas du feuillet 272, qui termine
le XXXP cahier, on distingue les sommets d'une ligne en
notes tironiennes qui a disparu de la même manière.
Quoi qu'il en soit, à la fin des cahiers XXII, XXIII et
XXVIII, soit au verso des feuillets 194, 202 et 244, on lit
très nettement écrits les mots suivants :
f° iç}^jichatm(ithkin.
Revue celtique, XXV. 26
578 J. Vendryes.
f° 202 kinarfichchit.
f° 244 tresficheîK
Ces trois groupes de mots ont déjà été copiés exactement
par Miller, loc. cit, p. 8 et 9, qui en donna une interprétation
suggérée par son collègue de l'Institut, A. Maury. Mais cette
interprétation est en grande partie inexacte et demande à être
rectifiée.
La signature du î° 194 doit être coupée fichaiinath kiii et
signifie « vingtième cahier ». Le mol fiel jatmaih est le nom de
nombre ordinal formé régulièrement en vieil-irlandais du nom
de nombre cardinal fiche (gén. fichct) « vingt » au moyen du
suffixe-/«i7J; c'est ainsi que de côica « cinquante » on a l'or-
dinal côical-uiad « cinquantième » dans le glossaire de Cormac
(Z. E., p. 310). La graphie //; pour d à la finale n'a rien
d'étonnant; elle se trouve attestée ailleurs en vieil-irlandais
(par exemple buâid « victoire », \Vb. 11 a 4 et 11 a 6, est
écrit huâiih, Wb. 11 a 7) et provient de la difficulté qu'éprou-
vaient les Irlandais, aussi bien du reste que les Bretons, à
noter au moyen des signes de l'alphabet latin les sons de leur
propre langue (cf. Thurneysen, Kubii's Zciischrift, XXXII,
568 Qi Zeitschrifî fiir CeUische Philologie, III, 49). Les noms
de nombre ordinaux fichatniad, côicatinad sont spéciaux au
vieil-irlandais; en irlandais moderne, on ■àjicheadh, cwgadûdb,
issus d'une autre formation (cf. d'Arbois de Jubainville, Elé-
nieuls delà grammaire Celtique, p. 113 -114).
Quant au mot hin, c'est un emprunt au \ai\w q uln a (Zixnmtr,
Kuhns Zeiîschrifl, XXXII, 208), ou qn'uuim (K. Meyer, Con-
tributions to Iris]} lexicography, p. 370), désignant un cahier
de cinq feuilles, comme le mot quaternio désigne un cahier de
quatre. On trouve l'irlandais hin (ou r//z) employé ailleurs
au sens général de « cahier » (cf. Vendryes, De hihernicis
uocabulis, p. 125; K. Meyer, loc. cit.^, mais le manuscrit de
Laon en fournit sans doute le plus ancien exemple. En passant
en irlandais, le latin quïna (ou quïnuni) a conservé son ; long,
I. Dans les deux derniers exemples, la lettre /est surmontée dans le
manuscrit d'un double point, qu'on a réduit ici à un seul pour la commo-
dité de l'impression.
Les mots vieil-irlandais du Manuscrit de Laon. 579
et voilà pourquoi khi (ou ciu} s'écrit avec un apex. A vrai
dire, dans le manuscrit de Laon, ce n'est pas un apex qui
surmonte le mot khi, mais bien une sorte de crochet indi-
quant un mot abrégé. Il y a tout lieu de croire que ce crochet
représente l'ancien apex qu'un scribe ignorant prit plus tard
pour le signe d'une abréviation. En effet, les signatures étu-
diées ici n'ont pas été inscrites par une main irlandaise sur le
manuscrit que nous avons; elles ont été recopiées d'un autre
manuscrit. Il en est du vieil-irlandais de Laon comme du
vieil-irlandais de Cambrai reproduit au milieu d'un texte latin
par la scrupuleuse exactitude d'un scribe qui ignorait totale-
ment l'irlandais. Cela explique que le chiffre donné par la
signature en question ne se rapporte pas au cahier où elle
est placée : les mots fichatinalh khi terminaient sans doute le
vingtième cahier du manuscrit archétype; aujourd'hui, ils
terminent par hasard le vingt-deuxième du manuscrit actuel.
Les signatures des folios 202 et 244 nous ont été conservées
par un hasard analogue, et pas plus que pour la signature
précédente, il n'y a lieu de fliire état du numéro du cahier où
elles sont placées. Toutes les deux ont été copiées par un
scribe qui en ignorait le sens, et il est aisé de s'en apercevoir.
Celle du i° 244 tresfichst signifie « vingt-troisième », mais il
manque le mot khi qui devrait se trouver après 1res. L'usage
irlandais est en effet d'intercaler le substantif entre le nom de
l'unité et celui de la dizaine : côic méich ficbet « vingt-cinq .
boisseaux » {Fled Bricrciid, chap. 9); ro suidig in très cuibrend
dec « elle plaça la treizième part » (L. Br., p. 63 a 18). On
attendrait donc très kiii ficbet; l'irlandais qui a écrit les signa-
tures a sans doute négligé de répéter ici le mot kîn, et le •
scribe qui a copié le passage a respecté cette omission, comme
il a respecté le double point marquant l'infection de la con-
sonne/.
Reste la signature du f" 202, intermédiaire aux deux autres.
Dans le manuscrit archétype, elle ne pouvait se rapporter
qu'au XXL ou au XXIL cahier; plutôt au XXL toutefois,
puisqu'elle est séparée par 8 feuillets seulement de la précé-
dente, mais par 42 de la suivante. Or, les mots « vingt-ct-
unième cahier » se diraient en irlandais re//;^' kiii ar/icbit;
380 J. Vcndryes.
c'est seulement en effet pour la première unité que l'on peut
employer la proposition ar devant le chiffre de la dizaine
(Hogan, OutJines of the grammar of Old-irisb, p. 15). Mais par
suite de quel accident le mot cétne a-t-il disparu de cette
signature? C'est ce qu'il est impossible de dire; peut-être l'ar-
chétype était-il détérioré à cet endroit (on remarquera que
l'apex de /cm a également disparu); peut-être encore le mot cétne
était-il écrit en abrégé. Mais quelque explication que l'on
propose pour expliquer cette bizarrerie, il paraît difficile de ne
pas reconnaître dans les mots subsistants la signature du XXP
cahier de l'archétype.
Sur la disposition de cet archétype lui-même, nous ne
savons rien, sinon qu'il devait comprendre, comme le manus-
crit de Laon, des cahiers d'inégale grosseur. Aussi bien cela
n'a-t-il que peu d'intérêt ici. Toutefois, il convient de remar-
quer que si les cahiers XXII, XXIII et XXVIII du manuscrit
de Laon se terminaient chacun au même endroit qu'un cahier
de l'archétype, on ne doit pas conclure de là qu'il en fût de
même partout ailleurs. Le fait même que les cahiers XXIII-
XXVIII contiennent la matière de trois cahiers de l'archétype
(XXI-XXIII) prouve que la coïncidence n'était pas régulière.
L'inégalité des cahiers et par suite l'absence de coïncidence
entre les signatures des deux manuscrits explique d'ailleurs,
autant que la maladresse supposée d'un relieur, qu'à trois
endroits seulement les signatures de l'archétype aient été con-
servées dans la copie que nous possédons.
L'archétype auquel on doit les signatures irlandaises étudiées
ci-dessus ne contenait peut-être que le glossaire gréco-latin
qui comprend les feuillets 5-255 du manuscrit actuel. Les
autres ouvrages que ce dernier contient auraient alors été
copiés d'ailleurs. En tout cas, il importe de signaler que l'un
d'eux au moins porte la trace manifeste d'une origine irlan-
daise. C'est le Traclalus de dcclinalionibus qui figure aux
feuillets 300-302 du manuscrit 444 de Laon'; on le retrouve
en efl'et presque semblable dans le manuscrit XXV d 86 de
I. Sur l;i présence d'Irlandais au monastère de Laon, voir Zeilschrift fiïr
Cellischc Philologie, IV, 180 c. n.
Les mots vieil-irlandais du Manuscrit de Laon. 381
Saint Paul en Carinthic, qui contient les frimeuses pièces de
vers irlandais, successivement publiées par MM. Wh. Stokes,
Goidclica, 2^ éd., p. 176, Windisch, Irische texte, I, 312,
Zimnier, Glossne Hibcniicac, p. 267, et enfin récemment dans
le Thésaurus Pahicohibcrnicus, tome II, p. 293.
J. Vendryes.
GAONACH; GAMHUIM ET GAMHNACH
— MEHEFYN; MID SAMON
Le mot breton gaonac'b (écrit aussi gaituarl^^ a le sens de
stérile, vache qui ne porte plus cie veaux et s'applique aussi
quelquefois aux femmes. M. Ernault (Glossaire, p. 255) reporte
ce mot à un vieux celtique î^(b)au-n-accâ et le rapproche du
grecxa'jvx;, vain, orgueilleux, dérivé de yy/s/oç, vain, frivole.
Le pluriel gaiinéyen suppose (^a in icc. Tout d'abord o-^////- vieux
celtique n'eût donné que giin, an dipht. étant traité comme
ou, eu ; mais on peut supposer un thème gavo. Néanmoins, la
prononciation fortement nasale de la première syllabe (gào ou
gaà) est une première présomption contre cette étymologie,
De plus, le rapprochement de sens est des plus forcés.
Le sens de gaoïmc'b peut être précisé. Au Faouët (Haute-
Cornouailles) gào-yen, désigne une vache qui n'ii pas porté de
veau dans l'annce, quoiqu'ayant été au taureau. La parenté,
l'identité avec le gaélique d'Ecosse gamhnach (prononcez
gàonacb), vache stérile, saute aux yeux. De même pour gain-
baiiui, veau vieux d'un an, v. id. ganiuiin, même sens.
L'année était divisée à l'époque de l'unité indo-européenne en
deux moitiés, partagées entre l'hiver et l'été, une des deux parties
est fréquemment employée pour l'année entière. Le sanscrit
sàmà a le sens d'année, tandis qu'en zend, bama ne désigne
que l'été. En ske bàjana- est employé pour qualifier l'année
et cependant ne désigne proprement que l'hiver. Le proverbe
écossais cité par Mac-Bain à propos de gamba'un est très inté-
ressant : Oldbrbe sbanibna ibeirear ganibna ris na laoi'gb, la nuit
de Samain (i" novembre) ou appelle ganibna les veaux.
Gandjainn signifie vieux d'un an en prenant hiver dans le sens
d'année. Cf. "/''y.zp;; en dorien, bouc vieux d'un an.
Notre mot breton, qui s'est orné d'un suffixe péjoratif bien
Gaonac'h, Gamhuim et Gamhnach, de. ^85
en situation ici, remonte comme le mot gaélique à un thème
gamoni-, plus exactement peut-être ganion-i. Il y a lieu de
rappeler ici les noms de certains mois dans le calendrier de
Coligny. Le plus intéressant et le plus important est uiid
smnon. On a, contre toute vraisemblance, vu dans mid un
mot signifiant mois. En réalité, mid samon est à peu près exac-
tement, la forme vieille-celtique du gallois mchefyu, juin,
breton de Vannes meheïuen et du Léonard-Cornouallais me::c-
ven.
Les formes galloises et bretonnes remontent à medi-samon-
io-s, mchefyu suppose chute du J intervocaliquede bonne heure:
cf. niewn. id. iiicdôn. Me:ievcn a été précédé de nùth-even et plus
tôt de mid-heven. Le changement de la spirante dentale sonore
en spirante sourde par l'influence de /; suivant est un fait
courant. Pour expliquer ce sens de milieu de l'été donné au
mois de juin, il faut savoir que chez les Irlandais comme chez
les Gallois, l'été comprenait les mois de mai, juin et juillet.
Mai est cct-shamain chez les Irlandais et cyntefyn chez les
Gallois {cinlu-samon-io-), ou début de l'été; mehcfyn est le
milieu ti gorphenhaf, fin de l'êtes
GWELY, GWELE.
M. d'Arbois de Jubainville, dans le numéro de janvier 1904,
p. 13, explique correctement l'expression des lois gallois Tir
giueliaiic par terre de famille : le mot gively, en gallois, n'est
pas seulement employé dans le sens de lit; fréquemment, au
moyen-âge, il a le sens àe famille, clan. A-t-il eu la même
acception en breton? Cela est certain, comme je l'ai établi
dans ma chrestomathie, p. 208, à guele. Le nom de la com-
mune actuelle de Guilligomarh, aujourd'hui dans le Finistère,
mais de dialecte vannetais et qui était d'ailleurs, avant la révo-
lution, une paroisse de l'évêché de Vannes, nous en fournit
la preuve. L'orthographe Guilligomarch est fmtaisiste; on pro-
nonce Gïuelegwarc'h (le dialecte est le bas-vannetais). La forme
I . Voir pour plus de détails mon trav.iil sur Vanncc celtique.
384 J- Loth.
la plus ancienne de ce nom se trouve dans un acte de 1323 :
Guch-couniavho, c'est-à-dire, la famille des Comarch; c'est la
forme avec le second terme au singulier qui a dominé;
comarch doit être décomposé en com-arc- {m est spirant) et
rapproché du gallois actuel cyfarch, salutation, arch, demande,
requête. Il se retrouve dans un nom aujourd'hui fort répandu:
Helgoarch, Helgouakh (L'HcIgoualcb), en vieux breton Hael-
comarcb. lun-gomarc a subsisté en Bretagne francisée sous la
forme Gingoiuar.
Quant à giuely, je crois que c'est un dérivé de gival qui a
quelquefois le même sens.
J. LOTH.
THE LIFE OF FURSA
The following Life, now for the first time published, forms
part of the rich collection of biographies of Irish saints, pre-
served in the Royal Library, Brussels. The ms. is in the hand
writing of Michael O'Clery, one of the Four Masters, who
died about 1644, and the Life is said in the colophon to hâve
been copied out of the Book of the Muinter Diiinnin in the
year 1629. The dateof that book, and whether it still exists,
I hâve been unable to ascertain.
The Life is a tolerably close version of chap. XIX of the
third book of Baeda's Hisloria Ecchsiastica Gentis Angïorum^.
It seems worth publishing, first, as a further contribution to
the eschatology of the Irish ^, secondly, as being, in a Celtic
shape, the earliest of the séries of mediaeval visions > which
culminated in the Divina Commedia; and, lastly, as containing
several words absent froni Prof. Windisch's Wôrterbuch.
Our saint's naine appears in two forms, Fiirsa and Fursw^.
Fursa is a Middle-Irish corruption o(Fiirsac,gcn. Fiirsai, which
occurs (as is proved by the rhyme) in the Martyrology of
Oengus, Jan. 16. The latinised Fiirseus is from Fursae. The
form Fursa is found in the Book of Leinster 349 f, 372 d,
the Annals of Ulster, A.D. 647, and the Yellow Book of
1. For this I hâve uscd Moberly's édition, Oxford, 18S1, and Plummcr's
Bacdae Opéra Historica, Oxford, 1896.
2. See Revue Celtique, XXV, 232.
3. For a useful note on visions of the oîher world, see Plummer, op.
cit., II, 294-295. See also Ward's Catalogue of Romances, II, 397-513.
4. So in the Martyrology of Oengus togae,]An. 6, beside /og'Zf, Prol. 123.
385 Whitlfy Stokcs.
LecMi, 410 d 17, where a short collection of maxîms (illegible
in the focsimile) is headed A.pgitcr crabaidh inso sis Fursu
(Craibdigh)^ « This below is the Alphabet of Piety ot Fursu
the Pious ». Fursac and Fursu may corne from a root *voyt
and be cognate with Lat. vcrsûtus, vortere, etc.
« The Irish authorities », says Mr Plunnner {op. cit., II,
176) « differ widely as to Fursa's pedigree »; and indeed it is
impossible to reconcile the genealogical statements in the Book
of Leinster, p. 349* 38, with those in the same ms. p. 372'^,
and in the Martyrology of Donegal, p. 18, unless by the sup-
position that there were two or more saints ofthatname^.
Thus according to the Book ot Leinster, p. 349' :
Vel ita:
Fursu ¥msu
}Aac Fintain lAac ¥ intain
Maie Findloga Maie Yiudloga
M Degrota M Conaill
M Luachain M Luachain
M Laga Lethain M Lugdach Laga 3
M Conaill Anglonuaig M Eogain Moir qui et Mog
M Feic }^uadat.
M Rosa
M Fachtna
M Senchada
M AU Ah
M Cestaig
M Rudraige
Gelges ingen Aeda Find mâ-
ll.hiiï: Fursu.
1. This Ap^itcr (Abecedariam) is the onlv composition whicli I l:ave
secn ascribed to Fursa. But in the Dictionary of Christian Biography (Lon-
don, 1880), vol. II, p. 588, « some poenis and a htany, said to hâve been
coniposed by him », are stated to be preserved in a ms. (H. i. 11, Nos. 6, 7J
in the hbrary of Trinity Collège, Dublin.
2. Two Fursas are mentioned in the Annals ot the eighth century — -an
abbot of Lecan Mide (ob. 74^1) and Fursa of Ess mac nEirc (ob. 74'').
3 . So Kcating : « St Fursa, of the line of Lugaidh Laga, brother of Olild
Oluni )>, O'iMahony's translation, p. 477,
The Life of Fur SiX. 587
AnJ according to the Book of Leinster, p. 372^60:
Brônach iufitii Milchon maie Buain ca mbde ^àtnc i nddire,
mnibair Mochae Noendromma oc Loch Cuan, 7 Colmaiii
Chomraire oc Uisniuch ociis Cohnâin Malind oc Daire Chae-
chain i nDal Riatai 7 epscnip Maie Erca oDomnuch M6r Maige
Coba 7 Damnatan Slc'be Betha 7 Fursu Craibdig in Perona.
« Brônach, daughter of iMihuc son of Bûan, with whoni
Patrick was in bondage, (was the) mother of Mochoe ofNoen-
druim at Loch Cuan, and of Cohndn of the Casket at Uisnech,
and of Colmân of the iMill at Daire Caechain in Dalriada, and
of bishop Mac ErcaofDomnach Môr Maige Coba, and of Dam-
natan of Sliab Betha, and of Fursu the Pious in Péronne. »
According to the Martyrology of Donegal, (Jan. 16),
Fursa's father was Lochin, of Dahiradia and his mother was
Gelgéis (« Bright Swan »), who was, according to one autho-
rity, daughter of Guaire Aidne, (ob. A. D. 662), and, according
to another, daughter of Aed Finn.
The very modem appearance of the text is probably due
to the transcriber, who seems to hâve substituted ce for g,
ceh ior gh, tl [or el, /for //, (i. e. echpsed /), ao for oe, aoi for
ôi, in accordance with the spelhng usnal in the I7th cen-
tury. The présence of the infixed pronouns, / and n points
to the Middle-Irish period as the date of the translation. But
the absence of déponents, and the occurrence of the prêt.
passive in -// (ro eaJmaigif) and the 2d pi. in -hoir (fedahair),
prove that et cannot be older than (say) the thirteenth or
fourteenth century.
Whitley Sîokes.
BETHA FURSA
(Bibl. Royale, Ms. 2324-40, fo. 50.)
1. INtan ro bdi Sigbert hir-righe Saxan, is annsin dochuaidh
Fursa Craibhtcach tar muir d'iarm/Wh luic 7 ionaid i ngéhadh,
udir bâ hedrocht o breithir ocns o ghniomh é, ociis rob ergna
6 fertaibh ocus o miorbuilibh, ocus is aire sin roba cuhaidh iais
teacht ar deoraidhecht^ 7 ion^dh deoradh do ghabhail. O rainic
an fer sin co cennathaigh airthir Saxan ro g3.hacJh go honôr^ch
hé on righ, 7 tucc^ifh ionadh do, ocus ro obair breithir ^ nDé
do irrdrrciicch(7(/ ann, ocus lucanih sochaide do daoinibh lais
docum creidmhc, 7 ro cahiiaighit foirenn ele ina ccreidemh,
7 ro médaighcdh iris 7 gradh Dé lais.
2. IS ann sin ro gab treabhlaid 7 aimhncrte cuirp eisidhe,
7 ro airiltnigh tréna dheghairilledh go ftaccaidh se aingle nimhe
ina fiadhnaisi 7 co ffàcaidh fis ann; ocus as hi so fisi ro forcha-
nadh-somh gomadh gres^yJh hé i mbreithir nDé d'foircctal, uair
roba cinnte lais bas d' faghbhail 7 ni fidir cuin fogcb^ri/h, amal
atbrrt Crist : Frithair/Wh, uair ni fedabair an la no an uair? i
ngehtbar lamh foraibh. Ocus as triasan fis sin do tuair siumh
cudhnodh 7 tinnisniucc//^fh a mhainistrech do chumhdach ocus
a horduccLifif/; o ibircetlaibh riaghaltaibh. Ro bai iiiiniorro mai-
nistir aoibhinnann, 7 sicumdaighthi i ccoic/ich na caillr^h ocus
an mhara i n-araile longport ann, 7 rob é a ainm 'san mbt'rla,
Cnombcrbrug .i. cathair dianid ainm Cnobtve; 7 ro tuillestair
1. Ms. deoraighecht.
2. Ms. breitir.
3. Vigilatc itaque, quia nescitis diem neque horam, Math. XXV, 13.
The Life oj Fur sa. 389
THE LIFE OF FURSA
1. Whcn Sigcbcrt^ was on the throne of (East) Anglia then
Fursa the Pious- crossed the sea5 to seek a phicc and stead
wherein he might dwell; for he was shiningin word and deed,
and wise in miracles and marvels, wherefore it was meet for
him to go for pilgrimage and to get a pilgrim's stead. When
that man came to the province of the East Saxons he was
honorably received by the king, and a stead was bestowed upon
him, and there he wrought to manifest the word of God; and
a multitude of men were brought by him to behef, and others
were confirmed in their belief, and faith and love of God were
greatened by him.
2. Then tribulation and bodily weakness attacked him, and
through his wcll-deservingness he was deemed worthy to behold
the angels of heaven before him ; and he saw a vision there ;
and this is the vision (wherein) he w^as admonishcd to be an
incitement in teaching the word of God, inasmuch as he was
certain tofind death, and it was not known when he would find
it, as Christ said : « Watch, for ye know not the day or the
hour in which a hand will be laid upon you ». And because of
that vision he made haste and speed to build his monastery and
to set it in order with regular disciplines. It was indeed a beau-
tiful monastery there, built on the edge of the woods and the
sca in a certain camp, and this was its name in English,
Cnobheresburg 4, i. e. a town named Cnobheri ; and after-
1. Sigberct.
2. Craibthech(« Religiosus», Ann. Ult. A. D. 626) is a standing epithet
for Fursa. Tiic gen. sg. occurs in ihe Féliie Oeiigusso, Jan. 16, where Crdib-
digiféil Fiirsai is (foi- sai<e of rhyme) put for i fi'il Fiirsai Crâihdig 'on the
feast of Fursa the Pious'. For a taie of his compassionate tenderness, see
Lisinon Lives, p. X, and the Book of Leinster, pp. 285-286. For a legend
of a Fursu driving a fiery dragon into a lake, see LL. 169=147 = Dindscn-
chas, no. 47. Rev. Cell., XV, 441.
3. about A. D. 635.
4. now Burghcustle in Suffolk, « near Yarniouth », says Plummer.
590 Whitley Stokes.
da.no ri na cennait[hch-]e sin .i. Anna, ociis an \ucbl socenelach
ele robhadar 'san chathraigh sin iarttain.
3. Ro bai tra Fursa do cenel na nGaoidt'/, acht cena gérbho
soicenelach hé iar ccolainn^ ro bai soichenelcha iar menmain,
uair ô ainisir a naidhentachta ro bai deithitte aicce dona
leabhraib coisnoc[th]aib ociis dona fcrcetlaibh naomhaibh, 7
anni as mô maisighij- na naomha .i. gniomha sochraidliQ do
dhenamh, is lad sin doghniodh som.
4. Cidh fil ann tra acht ro cumlid^/^di se an ccclas adubhra-
mur, ocus roghabh?/jw;'galar mor hé innte on tsatharn go 'roile,
■àvaaJ innisess [)0''j Icabhar a bethrtJ fein ; cens ruccm/h asa curp
hé o fcscc//r go gairm an choil/'^^h, 7 ro cuala se cantairecht
aingel ninihe, ocus atfo/niairc iâtt ina fiadhnzVe. Ocus isscc/h so
no chandais .i. ibunt- sancti de u/Vtute in u/rtutem .i. raghait
na naoimh do nirt for nirt. Ocus isedh fôs atbt'rtis .i. uidebit;/;-
Deus deorura [in Sion] .i. atcifider Dia na ndia hi Sleibh Sioin.
5. Ro leica'Jh iarsin he ina corp co cend tri la, ocus isin
tres-ld rviccadh. suas doridhisi, 7 atfo;mairc se ann sin ni ba lia
d'ainglib ag cathucc;^(/ fri shw^^h mor do dhemhn^/Mi, ocus
ïssedh. do thairgdis, slige nimbe do gab^hV 7 d'iadhadh fri Fursa,
7 olc 7 aithis do radha fris. Ardi sin tra ni ro fetsat somh sin,
uair ro bhattar aingil nimhe aga imdiden somh isin tslig/V/h.
6. INti im//wrrt), ar Béda, dia mba bail an lis atrtJ/znairc
siumh do innisin co comhlan legadh féin leabhar bethrtJ Fursa.
7. Ata mvnorro, ar Béda, énni ann is ail diiinne d'faisnéis
1 . According to tlie Annals of Ulster, he was a bishop, and sec Plumnicr,
op. cit., II, 171. The e itry in Hennessy's édition of those Annals at A.D,
626, should be printed thus : Visio quam uidit Furseus Religiosus (= Ir.
Craibthech), episcopus, and translated « The vision whlch Fursa the Pious,
a bishop, behcld ».
2. Ms. ibant.
The Life of Fursa. 391
wnrds Ann;i^, the king of that province, and thc other noble
folk who dwelt in th;u town, added to it afterwai'ds.
3. Now Fursa was of the kindred of the Gaels-, but though
lie was noble in blood he was nobler in spirit ; inasmuch as
from the time of his infancy he cared for sacred books and for
holy disciplines, and, what is most becoming to holy men,
doiiig bcautiful deeds, those are what he uscd to do.
4. Howbeit, when he had built the church we hâve men-
tioned, a serions illness attacked him therein from one Saturday
to another, as the Book of his own Life relates; and from
evening to cockcrow he was taken out of his body, and he
heard the chantingof the angels of heaven, and he beheld theni
before him. And this is what they were chanting Ibmit sancii
de iiirtnte in uirtiitein[Ps. 83, 8], i. e. « the saints shall advance
from virtue to virtue ». And this also they were saying : Vick-
bitur Deus deornin in Sion [Ps. 83, 8] « the God of gods will be
seen on Mount Zion ».
5. Thcreafrcr he was restored to his body till the end of
thrce days, and on the ihird day he was taken up again, and
then he beheld manv more angels fÎ2:htins;againsta ijreat hostof
devils ; and this is what they were endeavouring, to seize the
road to heaven and to close it against Fursa, and to utter evil
and abuse against him. However, they were unable to do that,
for there were angels of heaven defending him on the road.
6. Now, says Beda, Ict him who wishes the vision which
Fursa saw to be fuUy related read the Book of Fursa's Life 3,
7. However, says Beda, there is one thing which we désire
1. He began to rcign A. D. 655, or ihereabouts.
2. « de nobilissimo génère Scottorum, » Beda. According to a note in
the Martyrology of Gorman, Jan. 16, Fursu was from Conaille in the pré-
sent county of Louth. His niother, according to the Book of Leinster,
p. 372'', was Brônach daughter of St Patrici<'s niaster Miliuc niaccu Buain.
But according to the Book ot Leinster, p. 349*^, and the Martyrology of
Uonegal her name was Gelgéis.
3. Probably the Life first printed by Surius (De piibatis sauctonim His-
toriis, i. 381), and lately by De Sniidt and De Backer in cols. 77-102 of
their édition of the Codex Sahiunticcnsis, 1888. The Latin Life is more
skilfully abridged by Aelfric {An^lo-saxon Homilies, éd. Thorpe, II, 332-
348) than by Beda.
392 Whitley Stokes.
À. antan ruccadh somh suas ar animas nimhe adubhrattar na
haingil ris : Fegh liait an domhan sios, ar siatt. Ro iompâ somh
ann sin 7 ro fegh anùas, ocus atconnahc glend môr domhain
dorchœ fdoi anis i n-iochtor an talm^';/. Atco/znairc ceithre teindte
dt'rmara ar derghsadh isin aer os in nglionn sin, ocus nir bo
lanfada eter na teinntibh sin. Ro tiarfo/Vh siumh annsin dona
hainglibh cata reda na teinnte atro;/nairc, ocus ro raidhsiot na
haingil : Teindte sud, ar siatt, iîlet oc loscc//Jh an domiiin.
IN cédna teine, imniorro, ar siatt, teine na breicce sin, uair antan
hiùsinher cech duine is edh gheall//^', f/ithbhrudh 7 obadh do
Dhiabal 7 da ghniomhaibh. An \ucbt Immorro na coimhlionn
sin iarttain 7 teccat thairis, is latt lolsccter isin teine ûtt. An
teine thânaisi ïnvnorro, teine an accobhair .i. saint isidhe, uair
an \ucht derscaiges nô accobrwj' na rétta saoghalta ara saint seach
na rétta nemhdha, is iatt loisgter annsin. An très teine, imiiwrro,
teine na hesaonta[d] [fo. 5 l'j isidhein .i. antan nach doih^h
ocus nach cned libh bar mhrïnbn ocus bhar comhfoiccsi do
beith hir-retaib forbasaibh ocus hi réttaib dimaine, is annsin
loisctéT sibh isin teine ûtt. IN cethramtïJh teine dano teine
in eccnxhaidh isidhe. Is iatt loisccitt'/- annsin, an lucht leis nach
grain na fliinn 7 na truaigh do fodhbhadh ocus do chrechrtif, is
iad loisgittT isin teine sin.
8. Ro tbirbritcr divio 7 ro mètaighset na teinnte, 7 ro com-
raigset co ;/dt'rnta an teine dermair dib. O ro chomhfoiccsigh
tya Fursa dona teinntibh ron-gabh eccla 7 ro rai.lh risan aingeal :
A thigerna, ar se, ag sin an tene chugainn. Ro freccair an
t-aingel annsin 7 issft//; ro raidh : uair nach tusa ro tadâidh
iatt, ol se, nit-loisccfither ionntu, uair gidh mor 7 gidh uathmar
an tene ûd, ol se, ni loisccfe nech acbf doréir a airillto féin :
uair accobhar gach duine, or se, issé loiscces hé isin tene ût,
uair cerh duine loisgit/;t,'r ima curp o thoil indilmain 7 urchôi-
digh bodéin loisccit/;^r he tall iar ndeiliuccnih a chuirp fria
anmain tria péin dleistion^//<,'h.
The Life of Fursa. 393
to déclare, namely, when he was taken up towards hcaven the
angels said to him : « Look down at the world- », say they.
Tliere he turned and looked from above, and beheld beneath
him a valley deep and dark in the lower part of the earth. He
beheld four vast tires red-tiaming in the air over that valley,
and not far was the distance between those fires. Then he
asked of the angels what things were the fires that he beheld,
and the angels spake : « Yon », they say, « are the fires that
are consuming the world. The first fire, now, is the fire of
Falsehood, for when each one is baptised he promises this, to
renounce and refuse the Devil and his works. Those who
afterwards do not fulfil that (promise) and transgress it, they
are burnt in yonder fire. But the second fire is the fire ot
Covetousness, that is greed, when those that mark out or covet
the things of the world for their greed rather than the
heavenly things, 'tis they that are burnt thcrein. Now the
third fire, that is the fire of Disunion, when ye do not deem
it lamentable or sad that your brethren and your neighbours
should be engaged in very vain things and in idle matters, 'tis
then ye are burnt in yonder fire. The fourth fire, then, this is
the fire of Impicty. They that are burnt therein are those who
do not deem it loathsome to spoil and to plunder the weak and
the wretched : 'tis they that are burnt in that fire ».
8. Then the fires grew and greatened, and they met so that
(one) vast fire would be made of them. Now when Fursa drew
nigh to the fires, fear seized him and he said to the angel :
« Lord », says he, « behold the fire coming towards us ! » Then
the angel answcred : and this he said : « Since it was not thou
that has kindled them, thou wilt not be burnt in them ; tor
though great and fearful is yon fire, it will not burn anyone
save according to his merits; for every one's concupiscence »,
saith he, « is that which burns him in yonder fire. For every
one who is burnt in his body by unlawful désire, and hurts
himself, after the séparation of his body from his soûl is burnt
there by the punishment which he deserves ».
I. Plummer, op. cil., II, 171, quotcs Apocalypsis Pauli, § 15, and com-
pares Dante, Parad. XXII, 133-135, and D. G. Rossetti's Blessai Daino:^el,
stanza 6.
Revue Celtique, XXV. 27
594 Whitley Stokes.
9. IS annsin atro;mairc Fursa don dona tri hainglibh ro
bhattar maille fris ina fis, 7 se riasan teinidh, 7 an da aingel
ele immaccuairt mon teinidh. Ocus atro;znairc se na demhna ar
foluamhain triasin teine, 7 siatt ag cathucc//^fh frisna firénchaibh
7 aga ttarraing isin tene ar éiccin. Ro bhattar na demhna dano
ag aithisiuccWh Fursa. Ro hhaiar ivnmorro na haingil aga
diden. At<:o?mairc se dano sluagh d'ainglibh ann 7 sochaide
dona daoinibh naomhaibh don chinedh ghaoidhelach féin do
neoch roptar aithenta dô fein dona saccartaibh do lucht na
hErenn. Atcuak/Wh sein dàno beccan do briat/;raib sldnaighibh
na thaibh-siumh. Ociis o thairnic doibh na briat/;;a becca sin
do ràdh docûatt^zr manion risna hainglibh docum nimhe, 7 ro
tansat na tri cedaingii maille f/isiinii dia thab;i'/Vt dochum an
chuirp.
10. Antan tra ro comlitoiccsighett^rr don teine rem;aite ro
fodhail an t-aingel an teine. Fursa, imniorro, antan do riar/;/ se
an dorus dorinne an t-aingel [51''] tresan teine, rogabhsat na
demhna duine dona daoinibh ro bhdttar aga losc/aih isin tein/t/h,
7 ro dhiubhraicset dochum Fursa, co ro loiscc a tbrmna 7 a
slinnén 7 a lecain^ Ocus dbrad Fursa aithne forsan duine ro
diubraiccedh dô, 7 ro cuimhnigh co ttarat ni dia édach dô reme.
Ro gabh ïmmorro an t-aingel naomh an duine ainnsein, 7 ro chuir
isin teinidh doridhisi. Adub^r/rt an Démon ainnsein : Na cuiridh
uaib hé i nddirsi, uair raar do gabh sibh crodh an duine pheac-
thaigh ûtt, as âmhlaidh dlighthi cuidlucc/zr/h dia pianaibh. Ro
freccair an t-ningel 7 is edh ro raidh : Ni har saint an tsaoga// ro
gabh se crodh an duine iitt, ûchl ardhaigh slainte a anma. Ociis ro
thoirn an teine amlaid sein. Ocus dochnaid an t-aingr/ le Fursa
7 is cdh ro raidh : An tene ro taddidhis is lu rott-loiscc, uair
muna ghabhtha sa, ar se, ni do deolaid an duine pheacthaigh
I. So the Karens believe that the spirit or personal life-phantom « is apt
to wander from the body and thus suffcr injury », Tylor, Primitive Cultuie,
\. 470.
The Life of Funa . j c^ j
9. Then Fursa behcld one ot the tlircc angels who had
accompanicd him in his vision whcn he was before the fire,
and the two other angels (flying) ail around about the tire.
And he behcld the devils flying through the lire, and warring
against the righteous, and dragging them into the fire perforée.
Then the devils were revilingFursa; the angels, however, were
protecting him, Then he beheld an army of angels there and
a multitude of the holy men of his ovvn Gaelic nation % who
were known to himself as priests of the folk of Ireland. So he
heard a few vvords salutary as regarded him. And when they
had tînished saying those few words, they went together vvith
the angels to heaven ; but the three first angels remained with
him to bring him (back) to his body.
10. Now when they drew nigh the aforesaid fire, the angel
divided the flame-. But when Fursa reached the passage which
the angel had made through the flame- the devils seized one
of the men whom they were burning in the fire, and flung him
at Fursa, so that his shoulder and his shoulder-blade and his
check burnt5. And Fursa knew the man who had been flung
at him, and remembered that the man had formerly given him
part of his raimcnt. However, the holy angel then laid hold
of the man and cast him again into the fire. Then said the
Devil : « Do not cast him away into bondage, foras you accepted
the goods of yon sinful man, so you must share his punish-
ments. » The angel answered and said : « Not through worldly
greed did Fursa receive yon man's property, but in order to
save his soûl ». And thus the fire abated. And the angel w'ent
beside Fursa and said : « The fire which thou hast kindled is
what has burnt thee, for hadst thou not received something
by favour of yon sinful man the reproach of his sin would not
1. quorum alter Beanus [Ir. Beôun}], altcr uocabatur Meldanus. Vita,
§ 13-
2. lit. fire.
3. This is quite in accordarice with the Algonquin beHcf as to men lying
in trance : « their soûls hâve iravelled to the banks of the River of Death,
but hâve been driven back and return to re-animate their bodies », Tylor,
Priinilive CuUnrc, third cd. i. 436.
596 Whitley Stokes.
ûtt ni raghad aithber a pheacaidh fort. Ociis ro bdi an t-a'ingel
iarsin aga forcetal somh im cech. ni hadh côir dô do denumh
im caingin na ndaoine do dénddis ait/;ricche fri [a] mbas.
11. Tucc^^li tra Fursa iarsin ina corp, 7 ro bai ina churp
iartain comhartha an loisccthi tuccaJli for a anmain, gur uo
follus d'ftYaibli domuin do neocli aiconnairc amal ro bdi 'na
slinnen 7 ina gualainn 7 ina lecain. Ocus roba sgel iongn^ih
le gach nduine comhartha in neich ^ tucc(7^h ar in anmain do
bhith hi fiadhnaisi caich isin cliurp.
12. Ro bi im/;/();v6) a betha somh 'na diaidh^ sin foircettal
d'fcraib an talmaii 7 briat/;y'a Dédoirrdcrcucch//^/;^ amaildonidli
reme. Ocus gach ni no errd^rcaiga/ do cuiredh fein i ngniomh.
13. Ord ïmDionv a fisi 5 as doibh amhdin nô innisrt/h hl .i.
don \ucbt nô iarn/Jh ardaigh ro/zgaine c/idhe. Ocus maraidh fôs,
ar Béda, araile scnôir do lucht ar mainistrech-ni, ocus is hé sin
innises gur' aigill féin araile duine craibht/;irh fireb^Ttach, ocus
is é sin ro innis co ffac(7^yh féin Fursa ocus gur' aigill i n-airthir
Saxan, ocus co ccualaidh féin ag an ccleirt'fh an fis sin, 7 conidh
i n-aimsir geimhridh [52''] ro hinnisedh. Ocus co raibhe sioc
mor ann maille fri snechta, 7 nach raibhe ucbt edach tana fôill
uime, ocus co ttainic allwj mor dhe tre cuimhniug/Y^/h na heccla
romhoire ro bhai fliir ina ils amhail bidh i medhôn in tsamradh
no innisedh.
14. Cidh fil ann tra, antan ro fulaing Fursa craibht/;(rh
séselbhe na morshl/w^^'h ticcdis ar a ammass ina tir féin .i. i
n-Er/;/;/, ro taccaibh an tir sin .i. Ere, 7 tain/V go Saxanu :UYiuil
ro raidhsioinar, 7 ûathflJ do brait/;ribh maille fris, iar fdgbhail
a charat uile 7 gach neich 4 ele ro bdi aicci, 7 ro cumd(Z/>h
se mainistir sochraidh ann, 7 ro errdcrcaigh bhreit/;/r nDé
ainnsein.
15. O thairnic do tra na neche 5 sin tainic fdi a mhainistir
1. Ms. neith.
2. Ms. aôisi : but the Latin bas Oïdincm autem visionum suarum.
3. Ms. diaigh.
4. Ms. ncith.
5. Ms. nethe.
The Life of Fur sa. 597
hâve fliUcn iipon thee. And after that the angel was instructing
him as to what was propcr for him to do in the case of mcn
vvho repent at their dcath.
11. Thereafter then Fursa was restorcd to his body, and
afterwards in his body was the mark of the burning which had
been inflicted on his soûl, so that it was manifest to the world's
men who beheid how it was on his shoulderblade and his
shoulder and his chcck. And everyone deemcd it a wondrous
taie that the mark of what was inflicted on thj soûl should
be in présence of ail on the body ^
12. His life afterwards (was spent) in teaching the men of the
earth and celebrating the words of God, as he used to do bcfore.
And whatever he celebrated he himsclf would put into practice.
13. The séries of his visions, he would relate only to those
who asked (for them) from compunction of heart. « And
still », says Beda, « there remains a certain ancient of our
monastic community, and he asserts that he conversed with a
certain pious truth-telling man who declared that he himself
saw Fursa, and conversed with him in Essex, and heard that
vision from the cleric's mouth, and that it was related in winter-
time. And though there was then a hard frost together with
snow, and Fursa wore nothing but a thin, little garment, a
copious sweat came from him, as if he were telling his talc at
midsummer, through remembering the excessive fear that was
on him in his vision.
14. Howbcit, when Fursa the Pious suffered from the
tumult of the great crowds thaï used to corne to him in his
own country, to wit, in Ireland^, he Icft that country and
came to England, as we hâve said, together with a few brethren,
after leaving ail his friends and every thing else that he had.
And there he built a beautiful monastery, and therein he cele-
brated the word of God.
15. So when ne had finished thèse things, it occurred to
1. With this conception of ihc quasi-materiality of tlie human soûl and
its close connexion with the body, compare the story of Find slaying Cuir-
rech bv hurling a spear through his shadow, Rev. Celt., XV, 444.
2. Beda's Scottia.
398 Whitlcy Stokcs.
7 a dheithitte d'fiigbdil ar FuUan ^ 7 ar na huasalsacc^rtaibh ele
.i. ar Guban 7 ar Dicuill, 7 rob ail do a dhul féin os é sâer
ona huile rètaibh sdoghultaibh ar ammas ionaid bhadh innil-
liunih. DocLiaidh miiwrro Fursa 7 Ultan asin mainistir, 7
dochuaMr 1 ndit[h]reibh, 7 ro bhatMr hVmdain innte ar saot/;ar
al-lamh co congàin cridhe 7 erna/V/he.
16. 0'ta)//nairc da;/t) Fursa iarsin geinutlidhi- 7 aimhirisigh
ag lot na mainistrech 7 na cennaith[ch]e uile, iar fagbail ccrh
reda do reiruird isin mainistir, docuaidh tar muir soiri Ftrang-
coibh, ociis ro frithailf^h é co honor^'fh 6 righ Frange .i. Clouis
Ercinbald 'san ait dar' bh'ainm Latiniacum, 7 ro cumhdaigedh
mainistir leis; ocus nir'bo cian tra 'na diaidh? sin co ro gabh
galar a bais eissiumh, 7 co riar/.;/ co deiredh a heûxad.
17. Corp im/;/o/Tt) Fursa rucc an righ Clouis Ercinbald leis
é, 7 ro coimhéitt é i n-erdomh na heccailse ccn co tairnic an
ecclas do choisrccca^/h. INtan ïmmorvo tucc^Jh an corp asin
erdomh dia adhnacal hi farn?Jh na haltora in uair rob uUamh
an ecclas, as amh/('?n/h f/ith è, mar nô dheachsadh d'écc in uair
sin .i. a cinn sear/;t laithe hchet iarna ég, ocus ro hadhnaicedh
co hoirmidntrh onôrach é 'san ecclais .i. isin ccathraigh dianid
ainm Perona, 7 ro hardaigedh é co honorach and .i. bhaile i
ndcntt/r [52''] ferta ocus miorbaile lomda ar Fhursa cerh dia.
1. Ms. ultnn.
2. Ms. ocinntliglii. Thcy were the Mercians undcr Pcnda, Plummer, 0/).
cit., II, 172.
3. Ms. diaigh.
The Life of Fur sa. 399
him to leavc his monaster}' and the care thereof to (his bro-
thcr) Fullan ' and to the other archpriests, namely Gobbàn and
Dicuill, and he was fain to go, free from ail mundane matters,
to a stcad that was safcr. So Fursa and Ultan^ quitted the
monastery and went into a hermitage; and there they remai-
ned a year, labouring with their hands and in compunction
of heart and 'prayer 3,
• 16. Thereafter then, when Fursa beheld heathens and unbe-
lievers destroying the monasteries and the whole province, he
left everything in order in the monastery, and went over sea
eastward to Frankland, and was honourably receivcd by the
king of the Franks, namely Clovis4, [or by]Ercinbald5, in the
place named Latiniacum^, and a monastery was built by him ;
and not long after that he contracted his death-illness and
reached the end of his life".
17. The king Clovis, [or] Ercinbald, tookthebody, and guar-
ded it in the porch of the church (which he was building at
Pcrona) until the consécration of the church (itself) had
endcd. Kow (when the church was ready and) when, the body
was brought out of the porch to be buried ncar the altar, thus
was it found, as if Fursa had died that hour, to wit, at the end
of sevcn and twenty days after his dcath. And he was buried
with vénération and honour in the church, that is, in the
town called Perona^, and he was honourably exalted there, to
wit, where many miracles and marvels are wrought for Fursa
every day.
1. Bctter Fôelân, or Fôilan (Foylaniim... sancliim, CocJ. Salmant. col.
99). He is said to bave founded a monastery at Fosse in tlie diocèse of Liège,
A. D. 648, and to hâve been slain about À. D. 656, on Oct. 3 1, his day in
the Irish martyrologies.
2. He became abbot of Péronne, and died Mav i, A. D. 685. IntheMar-
tyrology of Gorman, at May i, he is called « the son of Mael-snechta ».
3. On hermits living in pairs see Raine's Hexhani, vol. i. Appendix,
p. xxxii, cited by Plummer, o/>. cit., II, 172.
4. This was Clovis II, who reigned A. D. 658-656.
5. Beda's « Ercanualduspatricius ». He became maire du palais A. D. 640.
6. Lagny, near Paris, on the Marne; or Lezigr.y ?
7. He died circa A. D. 650, at Maceriae (now Mazeroeles in Ponthieii,
Plummer).
8. Beda's Perrona, now Péronne, ou the Somme, which the Irish called
Calhair Fursa, v. Four .\I.\I., A. D. 774.
400 Whitlcy Stokes.
i8. A ccinn ceithre mhlindan inviiorro iarsin ro cumdaighedh
teghdhais fo leith do, 7 tuccadh a corp indte, ocus frith a chorp
fôs gan acht amhail ro bai an tan atbath.
19. Ni fil t;'a acht becc do sccelaibh Fursa sunn, 7 anti dia
mba bail ni hiis mô dibb fcghadh Betb(7/V/ Fursa 7 fogbeba iatt.
FINIT.
20. As leabhar Muinntire Duinnin ro scriobflf^h an betha
sin Fursa i cconueint na mbrathar i Ccorcaigh. 1629.
The Life of Fur sa. 401
18. However, ai the end of four years afterwards, a taber-
nacle was built for him apart, and into ir his body was brought;
and it was still found without doubt as it had been when he
died.
19. There is hère nought save a few of the tidings of Fursa.
Lct him who desires more of them see the Life of Fursa and
he wiU hnd them. IT ENDETH.
20. That Life of Fursa was copied out of the Book of the
Muinter Duinnin in the convent of the friars in Cork, 1629.
40 2 Whitley Stokes.
GLOSSARY
acht, gan acht i8, u-llhout doiibt: see K. Meyer, Contribb. 12, aiid O'Davo-
ren, no. 166.
aimh-irisech, 16, uiifaithfiil, iinhclicving : cf. ircssach, Wind. Wtb.
aimh-nerte, 2, infirmity : d c-iicrle, Kev. Cclt., X, 78, and Cymr. ncrthedd.
aithber, 10, rcproacb.
aithenta, 9, knoiuii, from aitbgiiithae, part. pass. oî aithgniiiim.
aithis, 5, revileineul, O. Ir. aithiss « dedecus, contumelia », etc. Asc. Gloss., li.
allus, 13, siveat, so LU. 98^, allas (gl. sudor), Thés. pal. hib., II, 42.
altôir, altar, gen. na haltora, 17, nom. ind altôir, Wb. 5 t'a.
amhdin, 1 3, o»/v.
ardaigim, 17, / c.vrt//, denom. of aid « high ».
baistither, 7, for baitsither is bapli\cJ, 3d sg. près. ind. pass. of baitsim.
beccân, 9, a Jittle, a modicum.
bérla (Old Ir. bélre) 2, Vie Englisl) langtia<yc .
caingen : im caingin na ndaoine, 10, lit. coiiccniiuc^ ilie business of the iiien.
calmaighim, I coiifinn, prêt. pass. sce Zimmcr KZ.,XXVni, 552, Straclian
Celt. Zeits., Il, 483. ro calmaighit, i.
cantaireclit, 4, chanling.
cennadach, pravince, ace. cennathaigh, i,. gen. cennaith[ch)c, 16, dat.
cennadich. Thés. pal. hib., Il, 240.
coimlinn, 7, complètes, julfils, should be coimliii, 3d sg. près. ind. oi coinli-
nawi {do coiiulinamar, O'Gradv'^ Cat., 256).
coisrictha, 3, coitsecrated, holy, part. pass. of coisrecaim. verbal noun cois-
reccadh, 17, consécration.
comfoicsigim, 8, 10, / dra^v nigh, approach, denom. of conwctis « near ».
conguin cridi, 13, 15, compiinclion of heart. O. Ir. congiiin, Ml. 23'>5, eatla
.i. ciamhaire, congain chroidhe, aithrighe no dcra, O'Cl. dogniat...
aithrige ndichra tria chongain cride, Rev. Celt., IV, 230.
conueint, 20, a couvent.
crechad, 7, phindering, verbal noun o( crecbaiiii, y.Epa'X'').
cudhnôdh, 2, haste, .i. deithneas no deithbhir, O'Cl.
cuimnigim, 10, / retiiember, O. Ir. déponent aiiinnigur, whence ciiinuiigedar
(gl. reminiscentis), Wb. i6l'24.
cuimnigud, 13, verbal noun of ciiiiiiiiigiiii.
cuitiugud, 10, verbal noun of cuitigiui « I participate », denom. of cuit « por-
tion ».
Tlie Life of Fursa. 40^
dcrntn, 8, 5d sg. impf. ccnj. pass. of dogni'u : the coi'ideuta of Sg. 9^2 should
be amended to condernta, Thurnevsen (Coït. Zeits. i. 35, note 2).
dlestinach, 8, duc, Imvfiil, cogn. with dleslantis' a a due share », spelt dJis-
teanach in H. 2. 13.
déirse hondage, ace. dàirsi, 10, derived from dôir.
ccrabud, (en-crabud) 7, iiiipiely, hence écraibdech, Wind. Wtb.
-erdercaigim, Icelehratc, prêt. sg. 3 ro erdercaigh, 14. fut. sg. i -erdarcuguh,
MI. 55^5, et V. Ml. 89^4, 28bi5.
ess-ôentu, disuuion, gen. esaontad, 7.
f-atcini, I hiiidle, là sg. s. prêt. 10 fatdidhis, 10 (where the/is prothetic
and the dh inserted to prevent hiatus), 3d sg. ro fadaidh, 8 = 10 adddi,
LL. 287^50.
fedabair 2, Middle Irish 2d pi. o( Jetar «Iknow». Forotlicr such forms see
Celt. Zeitschr., II, 492, where « i pi. » should be « 2 pi. »
fi'r-ebertach, 15, trulh-speaking.
fodbad, 7, itripping, spoilùig, ace. sg. air' licsead a fodbad, Rev. Cell., XVI,
137-
fôill, 13, siiiall: hence fôille « smallness ».
forbas for *for-fâs « very vain », or froni *for-bacs « grcat folly », pi. dat.
forbasaib, 7.
gabim lâim for, 2.
geintlide, 16, healheii. Hence gentlidecht « paganism ».
indilmain, 8, iinlaw/iil, from the neg. prefix in (01) and diliiiaiii « legitimus ».
innilliumh 15, seems a scribal error for innilUu the comparative oî inn'dl
« safe ».
irdercughad, i, 12, verbal noun oî erdarcaigivi.
lan-fada, 'J,Jiill long.
loc, gen. luic, 1, a place (\ocus) consecrated or about to be consecrated :
V. Thés. pal. hib., II, 242, § 13, and Loth, Les mois latins, etc., p. 182 ;
Chrestomathie bretonne, p. 145.
maisighim I adorn, beaittify, maisighis, 5, denom. from niaisse « beauty ».
métaighim I greaten, s-pret. pi. 3 ro metaighset, 8, ro médaighedh, i.
môr-sluag, 14, agréât host or crou'd.
n infixed pron. sg. 3 msc. ro-n-gabh, 8.
nâidhtntacht, 3, injancy, deriv. oî nôiditi, gen. tiùiden.
ni h is not, ni har saint, 10: from *mh, *nls, *mst, ncst, ne-est, Thur-
neysen, Celt. Zeitschr., i, 2.
obairim, opero, s. prêt. sg. 3, ro obair, i, ro obair .i. ro triall, H. 3, 18,
P- si''-
oirmitnech, 17, vénérable, deriv. of airniitiu.
onôrach, 16, honorable, deriv. o( onôir from Lat. honor.
os 15, and .i. ocus, O'Davoren's Glossary, nos. 100, 1318 {Archiv. f.
celtische Lexicographie, II, pp. 212, 429).
ri'agalta, 2, discipUnary, deriv. of riagiil borrowed from Lat. régula.
séselbe, 14, tuinult. Hence inl[s]essilbech (gl. tumuhuarie). Ml. 63^'8, inna
sisilbecha (gl. tumultaria), Ml. 1201^4.
404 Wintley Stokes.
sioc, ï-^,frost. Hcnce^siccet, Ann. Ult. A. D., 855.
slânaigthe, salutary, slanaigibh, 9, for sldnaighthibh.
t, tt, infixed pron. 2d sg. nî'-t-loisccfithcr, 8, ro-tt-loisc, 10.
tairgim, 1 offer, try, endcavour. do thairgdis 5. O. Ir. taircini (to-air-icim),
Ascoli, Gloss., XCVII.
teccat thairis, 7, they transgress it.
tinnisniugud, 2, spccdiug, cogn. with tiiuiisnech, tiniiisiiach « festinosus », Ir.
GL, 615.
ûasalsacart, 15, archpricst, or perhaps only a sanctus presbyter « as in Hogan,
Latin Lires, p. 23.
ullamh, 17, ready, O. Ir. eUam, Ml. 95*^2, from aith-lâ-: from ess-lâ- accor-
ding to Ascoli Gloss., cxlv. But this would hâve given èlam: cf. éhid
« evasio », ibid., clxxix, from css-hid.
Whitlcy Stokes.
London, April 1904.
SUR L'ÉTYMOLOGIE BRETONNE
(Suite.)
XXXI. — GUINEFEL, GUIR-HEFEL: FORZ.
1. Une ancienne^ édition bretonne de Vhitrodudmi à la vie
dévote, par Charles Le Briz (signée, à la fin de 1' « Epitre »
initiale, « Charles *** Prêtre », avec approbations datées de
1710), porte, p. 297 : ar charité pe ar garante^ he deveus aon na
rancontre an droug, guinevel de glcisq e :^ae; une autre plus
récente (E Ouemper, E Ty Youen-Yan-Lois Derrien), n'a de
variantes que e deveus, d'e. Cela rend la phrase qui est, dans
l'édition française du P. Jean Brignon, Rouen 1802, p. 320 :
« La charité craint de rencontrer le mal, bien loin qu'elle aille
le chercher. »
Dans l'orthographe de Le Briz, gui- peut représenter o-/- ou
gui-. La première lecture semble appuyée par le breton gin
contraire, envers. Mais en ce cas, il faudrait admettre dans
-evel une terminaison adverbiale, à la façon des adjectits irlan-
dais en -anihiiil ; ce qui est peu probable.
2. En dehors des vieux noms d'hommes composés de
hamal, heniel semblable (cf. Loth, Chrestomathie 136), on ne
trouve en breton qu'un adjectif de cette sorte, et il est imité
du français : c'est guïr-hêvel, van. gnïr-haoual vraisemblable,
probable Gr., giuîr-hénvel Gon., g ilir hanval Châl., gùirhavale,
gùirhanvale vraisemblable, ^c^»z>r-/;ai/a/ probablement l'A., d'où
giiir-hêveledigei, ^'''^'"'- guïrhaoiialedigueah vraisemblance, guïr-
-beveledigiie:^ probabilité Gr., gwîr-héhvélédige^ f. Gon., gwir
I. La première page manque dans mon exemplaire.
4o6 E. Ernault.
hcvi'IiiUgL'y, giuir henveJidigc:^ du Rusq., gùirhavalcdiguiah f. l'A.
Troude donne g-wir-bevel comme cornouaillais.
3. Le changement d'r en «se montre dans aminal amiral,
van. minaql miracle, etc., Gloss. 66; guir-hevel a donc pu
aboutir à giiincvd.
Quant au sens, il supposerait une ironie : « apparemment »;
ou plutôt une interrogation, comme en français « quelle appa-
rence que... », « le moyen de s'imaginer que... »? Ceci est
appuyé par le traitement du verbe suivant, qui est au sub-
jonctif (= conditionnel) : guinevel... e :{ae = guir-hevel (eo) e^
ae} est-ce vraisemblable qu'elle aille ?
4. On peut remarquer, à ce propos, qu'en Tréguier
l'expression inc ra vo)\, proprement « je fais cas », n'a point
le sens affirmatif. Elle est toujours interrogative : « qu'est-ce
que cela me fiiit ? » Pour la négation, on dit me ran vor:^;
la conjugaison personnelle indique qu'il faut entendre iiie m ran
vor:^ (qui se dit aussi). Cf. Gloss. 242 ; pour la locution eur
pot a voel for:( un gaillard sans souci (de foeltr for:^, = ne ra
focltr for:0, citée à cet endroit, voir Rev. Ccli., XIII, 354.
XXXII. — AMGUIN; QUYNNET; GIN, REKIN,
RISKIGNAL; GENOU.
1. La même question de prononciation se pose pour le
moyen breton aingitin, Sainte Barbe 394, 736. En étudiant
cette alternative, Gloss., 25, 26, je ne connaissais pas un fait
qui rend la lecture gi- assurée : c'est l'existence du van. en
aingin en sens contraire, é ma é beii en amgin, il a la tête à
l'envers (se dit à Kervignac). Il faut entendre de même, B 394:
en amgnin me flf~ irahiiio, je te traînerai en arrière, à rebours
(parles cheveux). Dans l'autre passage (iffain bac) amgnin, le
contexte indique le sens de misérable, affreusement torturé.
2. L'accord du breton moderne avec le gallois prouve que
le préfixe ani- adoucissait les consonnes muables (sauf les
labiales). Un dérivé du simple *(]nin paraît se trouver dans un
vers de la Destruction de Jérusalem, cité et traduit par D. Le
Pelletier, v. keini : « Lequel y en poan ha quynnet, mettez-les
Sur PÉtymologie bretonne. 407
en punition et sujet de plaintes ou de gémissemens »; cf.
Gloss. 556. Cette traduction inspire à son auteur des scrupules
légitimes. Il ne s'agit pas, pour les malheureux en question,
d'être « plaints » (ce qui d'ailleurs ne pourrait se rendre par
keinct gémi), mais d'être « tourmentés, torturés »; lequel y...
quynnet rappelle bien ma laça... amguin, B736.
3. Le P. Grégoire traduit « rebours, le contrepoil, l'oppo-
site » an tu giiin; a c'hiii; « le rebours de l'étoffe, de la toile,"
de Ihabit» an tu guin eus ac me:^er, eus an lien, eus an ahyd;
« mettre les choses à rebours » lacqaat an traou a-c'hin, ou
var an tu guin ; « envers, le vilain côté de l'étotfe » an tu
guin; « tourner à l'envers, une étoffe, etc. » trei var an tu
guin; « ses affaires vont à l'envers, ne réussissent pas » e
affœryou a ya var an tu guin; « la débauche pour les femmes,
et pour le vin, met une maison à l'envers. (C'est un pro-
verbe breton) » Ar grague:(^ sioila~, bac ar guïn, a lacqa an
iyegue^^var an tu guin; « l'opposite du drap, le côté opposé,
l'envers », « le côté de l'envers » (de l'étoffe), « revers d'une
pièce de monnoie » an tu guin; « le revers d'une médaille »
an tu guin eus a ur vadelenn (lisez vedalenti); « à contre-poil,
contre le sens ordinaire » a-c'hin, dre an tu guin; « à recu-
lons » a-c'hin; « chagrin, mauvaise humeur » ^wy»; « chagrin,
triste, d'habitude » guyned. Le proverbe cité par Grég. est un
distique; Sauvé l'écrit et le traduit ainsi (Lavarou /co;^,
n° 468) :
Ar grage:^, sioua~! hag ar giuinn
'Lak' ann tiege^ war ann tu gin
« Les femmes hélas ! et le vin bouleversent un ménage. »
4. Le Gonidec donne dans son premier dictionnaire gîn
adj. opposé, contraire, a» //? cr/« le côté opposé, l'envers, le
revers, gîn-ouc'h-gîn directement opposé; gîn m. chagrin, mau-
vaise humeur, tristesse; gi}ia v, n. se chagriner, se mettre de
mauvaise humeur, devenir triste, se tourmenter, gina a râ
bépréd il se chagrine, il se tourmente sans cesse; ginet adj. et
part, chagrin, qui est souvent de mauvaise humeur, triste,
bourru.
Son dict. franc. -bret., après avoir rendu « ennemis » par
4o8 E. Ernaiilt.
énébouricn y) , ^]o\MQ '. « Vieux, tùd f^in. » C'est probablement
une addition de H. de la Villemarqué; je ne sais sur quoi elle
s'appuie.
Celui-ci, dans la seconde édition du dict. bret.-fr. de Le
Gon., a comparé à gîn chagrin le gall. giuen et le gaël-écos-
sais gwin. Il s'agit sans doute du gall. gwyn (par y long)
tourment et du gaélique caoin pleurer, qu'il n'est plus possible
de comparer entre eux ni avec le bret. gin.
5. On lit en cornouaillais dans le Bar:;a:(-Brei:(, p. 138: M
a laJcai ar hed-man da drei ivar be chinaou « nous ferons tour-
ner ce monde à rebours » ; cf. la variante Ain hije laket (et
lakad) ar bed da vont luar he ^osîe « j'aurais renversé ce
monde », Gwerxiou Brei:^-I~eJ i, 52, 56. On pense tout d'abord
au mot giniiON, léon. genou bouche, qui a donné lieu aux
expressions trei luar he genou chavirer, parlant d'une barque ;
haut cornouaillais eur rod luar he genou une roue d'angle, à
denture tournée en bas, dans le manège (Vallée). Mais luar
hc c'hinaou s'exphquerait aussi par un dérivé de gin, pouvant
être le pluriel du nom auquel Grég. et Gon. ne donnent que
le sens moral: « chagrin ». Voir n° xxxiii.
En tête de ses Kanaouennou santel, Saint-Brieuc 1848, l'abbé
Henry, dans sa liste de mots peu connus, surtout des jeunes
gens, explique 0'/;//? « chagrin, mauvaise humeur »; de même
l'abbé Durand, à la fin de Ar fei^ hag ar vro, 1847, p. 390,
glose gin par iristidige^.
On lit dans les Bar^ounegou var drnhardere:;^ Jusas, Morlaix,
1847, p. 168: drc c'hin par mauvaise humeur; p. 218: hep
ghin sans mauvaise humeur, sans murmure; p. 225 : re c'hined
trop affligé.
6. Troude a gin m. mauvaise humeur; adj. opposé, aiin lu
gin l'envers, gi)ia v. n. rechigner, se chagriner, crier comme
font les petits enf.mts, ginet adj. qui est de mauvaise humeur;
M. du Rusquec ac'hin à reculons; gin m. pi. ou mauvaise
humeur (comparé au « vieux breton quodccs, haïr, giiichr,
guichir impétueux, colère » ! et au « grec yiovîovîî; angu-
leux » !); gina rechigner, ginct adj. refrogné, de mauvaise
humeur. M. Vallée me signale en Léon ginct rechigné ; eun
ear s'inet, un air maussade.
Sur l'Étymologie bretonne. 409
7. En Tréguier, on dit aji tu gin l'envers; de là daotiiagad
war an tu gin yeux à l'envers, troubles; voir aussi Kpj--:io'.x
II, 313, V. reor. M. Le Garrcc a employé en ce dialecte l'ex-
pression e gin au contraire.
8. Le van. a énn-tiiin à l'envers l'A.; énn tuin caire (rester)
à la renverse Rtv. Cclt. vu, 342, uni laquad énn luin se ren-
verser l'A.; on dit en é duein (\\ tomba) à la renverse.
9. Le Z.('A7(///é' propose de voir dans gîn adj. l'envers une
« variante muée de kein » (dos), et ajoute en note: « Cf.
pourtant cymr. gin « peau brute ». — Le sens « chagrin »
(contrariété), d'où gina « se chagriner » est probablement
secondaire ».
Ces rapprochements, indiqués avec beaucoup de doute, sont
en effet peu satisfoisants.
10. Gm s'accorde bien mieux avec les mots suivants: van.
arequin « à reculon, à rebour » Châl., « à reculon », a requein
(aller) à reculons, a requin « à rebours de bien », ober er
requin « écorcher l'anguille par la queue », e :^m requin « (toute
médaille a) son revers », Châl. ms; a requin à reculons; à
rebours, requin rebours, gohér er requin og er-péh a oulennêr
guenemp faire le rebours de ce qu'on demande de nous, requin
bizarre, requinereah m. pi. eu bizarrerie, requinuss difficile,
revêche l'A.; hui er chervige goal ê requin, Magasin spirituel er
beurerion, Vannes 1790, p. 10, = « (je ne vois pas trop...
comment Dieu pourroit vous donner le Ciel, car) vous le servez
très-mal » Magasin des pauvres, nouv. édit. Vannes 1791,
Grég. explique le van. a reqin à reculons par ar e c'hi>i sur
son revers, ce qui est inadmissible. Le van. rekin appartient à
la famille du franc, rechigner, comme le prouvent les autres
dialectes : moy. bret. richinaff « richiner, faire mauluaise
chère », richinnat, reclinajf Usez recbiiuiff'id. Gloss. 575, mod.
recignat, ricignat, rinqinat rechigner, être de mauvaise humeur,
recignal rechigner, parlant des plantes qui ne poussent pas
bien, recign, ricign adj., rinqin m. pi. ed rechm, rechigné,
chagrin, de mauvaise humeur habituellement Gr., rinkin ris
moqueur, railleur et insultant, rinkinn rire pour se moquer
Pel.; R'^' nis a ces deux mots qu'il explique de même, et en
Revue Celtique, XXV . 28
410 £.'. ErriiUilt.
outre richiii qu'il ne traduit pas. M. du Rusquec donne rinkin
m. rire moqueur, rinhiual rire d'une façon moqueuse.
M. l'abbé Biler a employé risif^n (le) rire, ricanement, et risign
il rit. On dit en petit tréc. rishignal ricaner; riskign-riskign a
demi ordinal da luaJl fin, rire sans cesse amène toujours mau-
vaise fin (proverbe).
Rcchin, rechigner, etc. sont rapportés à une origine germa-
nique, d'ailleurs peu claire, cf. Kœrting, Lateiniscij-ronian.
Wœrt. 2^ édit. 5276.
1 1. On a vu (§ 2) que l'afiaiblissement de k en g se justifie
directement dans amgin, qui peut être une refonte à moitié
celtisée de rekin. Dans in-gin, il est moins régulier; mais on
l'admettra d'autant plus aisément, qu'un fait semblable a eu
lieu parla suite; le vannetais a affaibli tu-gin en tuin, inein.
Le franc, guigne, guignon, l'angl. against, gainsay, etc. parais-
sent être hors de cause.
XXXIII. — HERSOUINAFF, HESOINAT, ESOIGNAT,
ISOUINAT, HISKIGNAT, OSIGNANET, KOSIGAN,
SQUIGNAN, CHIGNAN, SKIN, CHIN.
I. Le Catholicon donne bersqninaj]' comme synon3-me de
goapal moquer, et de richinnat, richinajf « richiner, faire
mauluaisc chère », que nous venons d'étudier.
Le P. Maunoir écrit esquignat , i.ujniiuil agacer; le P. Gré-
goire bersijinn, esqignaf, ijesqinat agacer, provoquer, irriter;
bisqiiièr pi. ien, fém. hisqinercs pi. cd celui, celle qui agace;
hesqiiiére- agacement, irritation; bisqinns- adj. qui est sujet à
agacer les autres; pointilleux.
D. Le Pelletier donne : « hkina, Eskina et Eskigna, Agacer,
irriter, importuner, chagriner. C'est proprement pointilkr,
soit en piquant avec une pointe, soit par des paroles de chi-
cane importune: car je le crois composé d'£"jr, et de Kin, dont
la vraie signification est Poi}ile »; Roussel nis: « iskiu agace-
ment, clasq iskin chercher aftaire, querelle »; « iskina, iskinat,
agacer, irriter, importuner, chagriner, pointiller soit en piquant
Sur l'Etymologit' bretonne. 41 1
avec une pointe, soit par des paroles de chicane importune ».
L'étymologie de Pel. est fausse ; k kiii pointe, point », qu'il
donne à kiiia germer, a tout l'air d'un mot imaginaire. Kina
lui-même est loin d'être certain : l'auteur l'aura extrait de
eghina, cf. Gloss. 203. 0\\ ne trouve ni kin ni kina dans R*'
ms, qui est bien plus sobre de mots forgés, parce qu'il ne fait
guère d'étymologie.
2. Le Gonidec a heskin, eskin m. agacement, irritation,
provocation, vexation, persécution, « quelques-uns pronon-
cent hishin »; hcsk'nia, cskina, selon plusieurs hiskina agacer,
etc., persécuter, harceler, obséder, importuner, incommoder,
qu'il tire de heskeiin scie, en comparant l'emploi trivial du
franc, scier pour « agacer »; heskiner, eskiner (ou hiskiner, dict.
fr.-br.) celui qui agace, etc., persécuteur, importun; heskinH:^,
eski)iu:^ agaçant, irritant, vexatoire (persécutant, au dict. fr.-
br.); H. de la Villemarquc ajoute heskinérei syn. de heskin.
Dans son Katéki:^ hislorik, 1826, p. 53, Le Gon. emploie ««;?
Heskinou les persécutions; dans son Testaniant neve:(, 1827,
Actes VIII, I, ennii heskin brâ^ une grande persécution; ix, 4,
heskine:^ tu persécutes, etc. (la traduction de M. Le Coat ne
donne ces mots que. comme gloses, dans la grande édition).
L'étymologie proposée par Le Gon. se heurte A cette objec-
tion, que hesquennal (Cathol.), mod. heskenna, scier, et sa
famille n'ont jamais cette acception figurée; les Bretons n'ont
pas l'équivalent de la plaisanterie peu galante sur un mari
donnant le bras à sa femme : « il se promène en menuisier, sa
scie sous le bras. »
3. Troude et Milin nis n'ont ici rien de spécial. M. l'abbé
Caer a trouvé en haut Léon hiskignal, agacer, chercher affaire
à. On dit à Coadout heskinat.
Après avoir comparé heskiner persécuteur au v. gall. egiiin
ongle, ce qui n'a pas besoin de réfutation, M. du Rusquec dit
de heskina agacer : « Lavillemarqué tire ce mot de hisken scie,
locution française, scier le dos, esquine, échine ». H. delà
Villemarqué n'est pour rien dans la comparaison de hesken
(c'est ainsi qu'il faut lire); et ce rapprochement exclurait celui
de échine.
4. Le Lexique penche pour ce dernier, en voyant dans
412 £• F.rncjult.
hesldna agacer, moy. br. hcrsquinajf railler un emprunt du
franc, ancien ^JT/;//?er (en prononciation normande) « échiner»;
mais il ajoute en note : « Peu sûr: ni le sens du mbr., ni IV
qu'il insère, ne s'expliquent par cet emprunt ».
Je crois que la famille (germanique), de échiner, esch'nier,
échine est représentée en breton par squin carr rayon d'une
roue Nom. i8o, shin, sing. shinen, rayon d'une roue, d'un
champ labouré, et rayon en général Pel., « shin, sing. shinen,
rayon dune roue, dun champ labouré etc. pi. skinou » R^'
ms, shin m. pi. oit rayon d'une roue, shiua v. a. mettre des
rayons à une roue du Rusq., shin pi. ou rayon d'une roue, en
Léon et basse Cornouaille (Vallée), etc., voir GJoss. 648;
Lexique 241.
5. Quant à hcrsquinaff, heshina, etc., ils doivent tenir au v.
fr. de sens bien plus satisfoisant eschiguier, esquignier, hesqui-
gnier grincer, faire la grimace, se railler, parent de re(s)chi-
gnier, rechigner, richiner, etc.; cf. VEpeiithèse des liquides ^ 10,
32 etsuiv., où l'on trouvera des exemples plus récents d'r
inséré dans les mêmes conditions.
6. Le vannetais, qui n'a pas ces mots, en présente d'autres
qui m'en semblent inséparables, savoir :
Osignanel êtres fantastiques que Dufilhol associe aux Tourî-
ganct et aux Poulpiqnet, en définissant le tout « diverses tribus
d'êtres malfaisants et difformes. On se les représente tantôt
sous la figure de chauves-souris d'une grandeur démesurée...
tantôt sous une forme humaine et grimaçante » Guionvac'h, p.
194 de la nouvelle édition, Nantes 1890; cf. la troisième des
Eludes sur la Bretagne du même auteur (Revue de Bretagne,
1833-1834), p. 32: « C'est la métropole des Osignanets, des
Tourignanets, des Courils, des Poulpiquets, toutes tribus de
la même fomille..., peuple léger, dansant, frétillant, plein de
ricanements et de malice » ;
hosigan, nain imaginaire, mélange de horrigaii avec le nom
précédent, Osigmiuet ; celui-ci a aussi passé son gn au « Tou-
rignanets » précité, si c'est une variante réelle de Touriganet
= horriganued;
squignan m. grenouille l'A., chigiuvt pi. ('(/ id. Grammaire
de Guillome, Vannes 1836, p. 12 ; ehignaii m. pi. cJ grenouille
Sur l'Étymologie bretonne. 4 1 5
des champs, Guillcvic er Le Goff, Exercices 62; chigiioni!,
environs de Lorient, Rolland, Faune pop. m, 66; on dit
aussi chegnaû, skignan, m. pi. -aniicd.
On peut ajouter les noms de lieux du Morbihan Toiil-
Cbianuct, Toul-Chiganct = « trou aux grenouilles », cf. l'oul-
ran, Tcul-Rauec, Poiilrauuet, Poulrcaucl {rcaïuièt grenouilles
Histoè'rien ng en eu Teslnniûini 81); Goalj-Ranct, etc.
7. Ces mots ont l'ancien suflixe diminutit au, qui manque
dans le petit trècorois skia, animal difforme qui, dit-on, naît
d'une femme et va aussitôt se cacher sous le lit ; on ajoute
qu'il finit le tuer, pour l'empêcher de nuire. Cf. Etudes vaiuie-
taises 22 ■=^ Revue Morbihaunaise i, 197.
8. On peut rapporter à la même origine le mot « chin,
sorte d'adj. risible, drôle, farce, bouffon, plaisant, comique »
Mil. ms.
XXXIV. — MERCI, MERGL, MÈLEGET, MELE-
GANN ; GOUZERGL; KERRL, KERL, KELC'H,
KLEC'H, KLERL
I. Le bret. moy. avait navel rouille; les tormes modernes
sont inerki, nwrgl, melgr (voir n° xxiv, § 4). Le petit trècorois
a remplacé ce mot par son dérivé ancien mcrcJadnr, rouillure,
qu'il prononce luèlcgadur (sur l'insertion de Ve, voir Gloss.,
496); il dit de même inèleget, rouillé, avec accent tonique sur
la première syllabe, de nielgei pour nielgret, = merglel. Mèle-
get veut dire aussi qui a des mches de rousseur : bck mèlegct,
visage ainsi tacheté. Une expression semblable existe en fran-
çais : Lorsqu'une femme enceinte « a la face rouillée, elle aura
un garçon; si elle ... conserve sa fraîcheur, elle aura une
fille », F. Chapiseau, Le folk-lore de la Beauce et du Perche, Paris
1902, II, 5.
C'est à cette racine que doit se rattacher mèlegahn verdier
mâle, expliqué par * nielenegahn , Gloss. 401, d'après son syno-
nyme plus répandu melenek: il correspond bien plutôt au nom
de sa femelle dans le même sous-dialecte, rouiegann. M. Even
414 ^- Eynaidt .
a recueilli l'expression cur î>ieh'gûH, un homme qui mange
peu; ce qui rappelle le français « un appétit d'oiseau ». En
petit Tréguier et en Goello ce mot veut dire « un homme
blond ». M. Vallée a entendu en has Tréguier: cur niclcgant,
un blond, cur vchganc:^, ime blonde, et lu dans une compo-
sition de jeune Breton : roufciiucl ha iiic}c;:;aucf gant au oad
(visage) ridé et hàlé par l'âge.
2. Merci, lucrgl, est une variante, peut-être diminutive, de
*uicrc, *uu'rg, = v. irl. nwirc, uwirg, gaél. uicirg; voir Macbain
à ce mot. On attendrait *iiicri'h; il y a, toutefois, des exemples
du g maintenu, comme dans le van. et cornouaillais rt/'o-a///,
argent (i^CL'. Cclt. vu, 155, 157).
La finale / a contribué ici à cette préservation. Une alter-
nance semblable h*uicrc'b, uicrgl se trouve dans <^HV/~c;r7;(léon.),
gou~crgl (van.) dorade, voir GIoss. 623 (J. Moal donne en
van. gouT^erh, que je n'ai pu retrouver). Le sens paraît avoir
été analogue à celui de viôr-c'hast femelle du marsouin, selon
d'autres roussette ou chat de mer Gon., etc.
3, Aucun mot breton ne finit en rc'])l, ni même en c'hJ,
comme le gall. cochl manteau. La langue s'est débarrassée de
diverses façons de *kerc'hl = circ'Jus, en en faisant : kerrl, kerl
(van.), pi. hcrlo cercles de barriques: âi:^am âkvar ar c'hcrJo,
ôter la charge des cercles de barrique, c'est-à-dire boire (en
haute Cornouaille, abbé Besco) ; heJch (léon., etc.), moy. br.
quclch, gall. cxich; Jclec'h (argot tréc. de La Roche); kirri
(petit tréc), avec / provenant du pluriel, cf. hlcriaù cercler
= léon. IrJc'hia, hilhia, Irlia Pel. (Gloss. 530, 531); voir plus
haut, n" XXIX.
Kkc'Jj et klcr-i permettent de supposer ime torme *klcrc'h,
qui pourrait venir de *kerc'hl connue cicrcc, cercle de barrique,
de tonneau, Favre, Gloss. du Poitou, vient de cercle.
XXX\^ — DINASOUET, DIKASKA, DIKASKLEIN;
PENNASKA, DIBENNASK; KALOUKASK; XASK.
I. Le Diuasquet, nom d'un Breton dans un texte du xiv^
siècle {Bibliothèque de l'École des Chartes, LIX, 301) est iden-
Sur l'Etymologie bretonne. 41 ^
tique à diuasqct, participe passé de dinasqa détacher les bêtes
à cornes attachées pour paître, ou à l'ctablc Gr.; dinaska
détacher les bêtes à cornes à l'établc Trd (Mil. tus ajoute
« délier » au-dessus de « détacher »); tréc. dinaskah; ci. l'adj.
diiiask qui n'est pas attaché à la crèche Trd, libre, sans
attache, sans lien Mil. 111s (avec un exemple de Combcau),
« sans point d'attache » du Rusq., ce dernier a encore dinaska
« détacher les bêtes », dinaskoi adv. « sans lien », diuaskenna
V. a. « enlever les liens ». Le Diuasquct est ainsi quelque
chose comme Le Dicarc'bcr, gall. digarchar non emprisonné,
libre, Gloss. 164. C'est un des composés de di- qu'on peut
faire remonter au vieux celtique (cf. Eludes d'élyni. brcl., xii,
§ 14): il répond à l'irl. diouasgaiui « I disjoin, loosen, ungird »
O'R., et a donné lieu au haut brct. dcnâcber, détacher (les
vaches à l'étable), Rev. Cclt. V, 223.
2. Sa forme vannetaise est dinassqlcin détacher les bêtes à
cornes l'A., avec addition de l, voir xxiv, § 8; cf. rangl rang,
P. Michel, Fiorelti... pé Bokeligeu sant Fransé:(, Vannes 1902,
p. 79; a ^iiffroucle inarh « à étripe de cheval », de difronqiiein
ébrouer l'A., Gloss. 166, etc.
3. Un composé, à forme ancienne, du simple nasqa atta-
cher (les bestiaux) Gr. est pennasqa « empêtrer, attacher la
têtu à un des pieds de devant » Gr., pennaska Gon., du Rusq.^
pennaska, penn-naska, Trd, pet. tréc. pcnaskih, penaskcigii ; d'où
le haut bret. penâchcr, einpeitdcher, embarrasser, embrouiller,
Rev. Celt. V, 223 ; Gloss. 477. M. du Rusquec donne pennask
m. pi. ou, entrave; M. Vallée a trouvé dans \\\s:{gQ pennask,
lien qui attache le pied d'ime vache à ses cornes.
On dit aussi en Léon dibennask (jeune homme) trop libre,
déréglé {Brcuriei Vrci:{).
4. M. du Rusquec explique de même kalounask f. pi. ou
nausée (kalounask f. Trd, kalounask en haut Léon le malaise
qui résulte d'une digestion pénible, Caer) comme formé de
kaloun cœur, nask lien; mais pourquoi le mot serait-il féminin?
Je n'admets pas cependant avec J. Moal Suppl. 354 que kalou-
nask soit un simple dérivé de kaloun. Il fltut comparer les
expressions caloun-losq « brûlure de cœur, douleur causée par
la bile qui brûle l'estomac, et qui vient ordinairement d'indi-
4i6 E. Ernaiilt.
gestion », caloii-losq ain'ais « la bile me brûle le cœur, d'in-
digestion » Gr., haut cornouaillais halon-Iosk aigreurs d'es-
tomac, petit trécorois kalon-dc, cf. loshct, devet brûlé; kalounask
paraît de même être pour kaloiin naskct = (( cœur entravé ».
Pour la réduction des n, cf. plus haut penaskin de penn-nask- ;
voir Gloss. V. asq^ ycJI.
5. Le haut breton a fait, du masculin nask, miche fém.; on
retrouve le mot dans le haut Maine: nâche f. longe ou lien
pour attacher les bestiaux à la mangeoire, de Montesson. Pour
le bas Maine, M. Dottin n'indique pas le genre de nâch
« attache qui lie une vache à la mangeoire; collet pour
prendre le gibier ». Quelque emploi analogue à ce dernier
sens aurait-il donné lieu à la locution flimiliére citée par
Troude : e nask eiiia, il est marié (comme en franc. « il est
dans la nasse »)? Mil. uis a kas d'e nask mettre à la raison.
XXXVI. — TRECHONEIN, TOSONA, TAZENI , TA-
ZON ; TRECHON, TRINCHONENN, TRENCH
KOUKOUG, TRENK, TROAZ.
1. Le van. Irccboiiein agacer les dents Châl., trechonein en
dent Ch. nis, trcchonncin id., irechon m. agacement des dents
l'A. n'est pas à séparer entièrement du mot des autres dialectes
îosona, taioni, toujona, iourjouna, etc., moy. bret. tosonajf
(voir Gloss. 682, Epcnihèse § 10, 32), tréc. UiyCni agacer (les
dents), émousser (un outil) Even, à Coadout en bas Goello
la:{0}i rassasié; dégoûté (d'un travail, etc.) Y. Le Moal ; mais
il a subi l'influence de tnrlhvi oseille Ch., tréchon l'A., bas
van. trechahn (Loth, éd. de Châl. 89), hors de Van. trihchin,
Irihchen Gr., pet. tréc. irchchon {Gloss. 720, 721).
Le Cath. a le singulatif trincbonenii, Irinrbenenn, qu'il tra-
duit « trinchon ou uinete, ou oseille ». Ce mot Irinchon existe
encore en haute Bretagne ; comme il n'a été trouvé que là, il
y a lieu de le croire d'origine bretonne, cf. Rcv. Celt. V, 224.
2. Trinrhoncini, irincbt'nenn doit être dérivé de iimc aigre
Maun., van. trcang Châl., iyaingu' aigre, tirang acide Ch. nis,
Sur VÈtymologie bretonne. 417
treang, tréancr l'A., bas van. Iriùgiik, Loth (éd. de Châl. 89,
cf. Gloss. 715); avec influence de wclchoueun , niclchenenn trèfle
Cath.?
M. Vallée me signale Ircnch kouhoni^, espèce de primevère
moins commune que les autres et qui a plusieurs fleurs sur la
même tige; proprement sans doute « oseille de coucou ». Ce
doit être un second pluriel lormé sur trincbcn, où -en aura été
pris pour le singulatif, proprement -cnn (la prononciation est
loin de faire toujours cette distinction).
Treuc, non attesté en moy. bret., appartient à la tamille de
troa:;^ urine, bas van. iroeh, haut van. Ireah, = gall. tnvyth,
troeth ■=^ de *lrnc-l-, *lroc I-, cf. le synonyme gallois tricuc.
Le mot du haut Maine Iriiicle, trinque f. petit lait, lait caillé,
sérosité (de Montesson) est emprunté au breton; ci. van.
leah tretik lait caillé. L7 de trinrle n'est pas nécessairement
armoricain.
XXXVII. — RÉGNKLHN, DIRÉGNKLAN ; RONKEL,
RONKONEL, ROKONEL, ROUKOUNEL, ROCHA;
SOROCH, SOROC'HEL; HOCHA.
I. Le petit tréc. rcùkJcii (ou plutôt rcgnkkn, qu'on prononce
également ainsi à Coadout), râle, est rattaché, Gloss., 578, à
la famille de rohkcl, ronkonel, rckoncl, id. Gon., en bas Léon
roukouncl (Brcurie^ Vrei^). Comme les autres formes bretonnes
difiérent par la voyelle et n'ont pas k suivi immédiatement de
/, il faudrait supposer que ce mot a gardé seul le vocalisme du
comique rencia, ronfler, et qu'il est abrégé de *renkeUcnn.
Ce qui me fait douter maintenant de ces explications, c'est
surtout la forme romane ringlier, respirer avec bruit, péni-
blement, à Etivey (Jossier, Dict. des patois de l'Yonne, 1882).
Elle a tout l'air de venir, comme l'ital. ringhiare, de *ringii-
lare, dérivé de ringi (Kœrting-, 8091). Régnklen serait pour
*refighnn, d'un verbe *rengln d'origine française (le latin eût
donné *rifigl-, *riiikl-). Je n'ai pas entendu le simple, mais
son composé dirégnklan, râler.
41 8 ' E. Ernaiilt.
2. Le Lexique explique roc'ha, ronfler, râler, par *roccare,
combinaison de roncare et de raiicarc, et ajoute la comparaison
de l'angl. rooh, freux. Ces deux derniers sont, je crois, tout à
fait étrangers à l'histoire de rocba, rohkel, etc. Si quelque
analogie a aidé à l'assimilation de ne en ce ou à l'introduction
du son c'I), il vaut mieux la chercher dans les mots imitatifs
sorOi'J], cri des pourceaux, soroc'ha, grogner, gronder, quereller,
murmurer (mot qui a déterminé la forme de soroeljcl, vessie
pleine de pois, dont l'origine est *syriiiccJla, Gloss., 634,
Lexique, 248); doe'ha, hoc'ha, grogner (dérivé de bouc' h, pour-
ceau, Lex., 165, mais cf. plutôt gall. och, grognement, Gloss.,
191).
XXXVIII. — KERHONNEN, KONTRON, KONTRAM ;
KIRINEN, KERZINEN.
1. Le van. kerJjonueii, f. pi. kerhon, ver (de charogne), est
un nouvel exemple du double traitement de /// qui tantôt
donne en breton ;//, fil, tantôt s'assimile en *//, d'où *//; (;^
dur), van. h. En effet, kerbofi =■ *keyi])on, métathése de *kelbron
pour *keiitroii, dans les autres dialectes kofil rori , de con-j r-, même
racine que -rsr^îfôv, etc. Cf. moy. br. eula et e^a donc, Rev.
Celt., XI, 356. A Coadout on dit boùlrain, par l'influence de
koniûin, poison, bien que celui-ci soit inconnu dans cette
localité.
2. Un autre mot intéressant que les récentes recherches sur
le dialecte de Vannes ont mis en lumière est kirinen, f. pi.
kiyi)i, alisier, fruit de l'alisier, de *kerbiiicii, bas cornouaillais
kcjiinen, irl. caortbaiu, etc., Gloss., 346. La réduction de rb à
r peut être due à l'influence de irinen, girinen, prunellier (cf.
plus haut, V, 10; XXVI, 2).
XXXIX. — POUREN.
La première phrase du u logogriphe bretonlrançais de la fin
du xvi^ siècle » publié et commenté A)ii!. de Bref. III, 251,
Sur rf-tymologie bretonne. 419
252, d. Rev. Ct'It. XVI, 200, est: « Constant mon ami prie
li demain à manger son Icyn en boas pouren en anduil trnllien
en sihii'ucn or an ^laon ». M. I.oth traduit : « Constant mon
ami, prie-le à manger son lihwr dcnia'ui (ou encore) des tranches
d'andoiiilles, des haillons (morceaux) de saucisse sur le charbon »;
il remarque en note que « pourren est employé à contresens».
Je crois pouvoir présenter sur pouren (ou pourren ?) une
hypothèse plus acceptable que l'explication pM' pourchen mèche
{cL Gloss. 509). On lit dans les Propos rustiques de Noël du
Fail, éd. de la Borderic, p. 95 : « et croyez de asseurance,
que ie mangerois tout mon saoul de febues, et de pois, ...
autant en ferois de ces belles Andouilles, avec de la porree. »
Nous voyons ici, dans un esprit breton de la même époque,
une association d'idées culinaires qui justifie, si je ne me
trompe, la présence de pouren = pourenn pi. pour « porreau,
qu'on apelle à Paris, poireau » Gr., à côté de fl!»^///7 andouilles.
Le Cath. écrit pourr porreaux. La poirée est proprement une
plante potagère différente, la bette; mais en haute Bretagne
ce mot, qu'on prononce porrée, désigne d'ordinaire le porreau.
E. Erkault.
(A suivre.)
LE MYSTÈRE BRETON
DE SAINT CRÉPIN ET DE SAINT CRÉPINIEN
SUITE DU TEXTE
[CREPINIAN|
a presegonip d-ar bobl breman an [ajiiiel.
Esplicomp scier dreoll guir lesen on saluer.
530 Adieu, enta, Quintin, adieu dach, Lusian,
Adieu dach, Valaire, adieu dach Rufian,
adieu dach a-laran ; adieu dach Eugène,
adieu dach, ma breudeur, quen aueso en eft.
Q.UINTIN
Me a ma breur Lusian a ya da pep a quer
535 en mesq ar Goleset. Adieu dach, ma breu(deu)r,
mar en-em voellomp mu, ne on penos vo se.
Adieu a laran dach. Qucn a veso neuse.
RUFIAN
Adieu, enta, Q.uintin, adieu dach, Lusian,
biqucii ne n-em voellomp assamples er bet man.
Scniw.
epiii et Crepiiiieit a droit et les antre a gaiich. Les soJdar Grabien, Genderiq,
GUnceron, Albietiiis entre a ganch.
GRABIEN parle.
540 Orsus ny entresomp a so oll soudardet.
Ebars er quer vras man esomp oll estonet.
On chleueyer (a) so ru gant goat ar gristenicn,
a villero e s-int niaro voar an dachen,
rag ma chleue (a) so lem a droch an dao'.i goste;
545 betteg ar bomellen es-eo fouret enne.
LE MYSTÈRE BRETON
DE SAINT CRÉPIN ET DE SAINT CRÉPINIEN
SUITE DE LA TRADUCTION
[crépixien]
et prêchons maintenant l'Hvangile au peuple.
Expliquons clairement partout la vraie doctrine de notre Sauveur.
Adieu donc, Quentin, adieu, Lucien,
Adieu Valère, adieu Rufien,
Je vous dis adieu ; adieu Eugène,
adieu, mes frères, au revoir dans le ciel.
QUENTIN
Moi et mon frère Lucien, nous allons chacun dans une ville
au milieu des Gaulois. Adieu, mes frères,
Si nous nous revoyons encore, je ne sais comment ce sera.
Je vous dis adieu. Au revoir, alors.
RUFIEN
Adieu donc Quentin, adieu Lucien,
Jamais nous ne nous reverrons ensemble en ce monde.
Cri'pin et Onpiiiien à droite et les antres à gauche. Les soldats Grabien,
Genderic, Gliiiceron, Albieiius entrent à gauche.
gr.\bii:n païk.
Or ça, nous, tant que nous sommes, sommes des soldats.
Dans cette grande ville nous sommes tout étonnés :
nos épées sont rouges du sang des chrétiens.
Ils sont morts sur place par milliers,
car mon épée est affilée et tranche des deux côtés ;
je l'y ai enfoncée dans leurs corps jusqu'au pommeau.
42 2 Victor Tourneur. >
GENDERia
Tao, poultron brabanser, te en-em-gont vaillant
Gant ma halabarden, me m-eus bet mu (e)uit cant.
Me leque bern voar vern, an eill voar eguile.
fo lO Me droche o fenno gant ma chleue yue.
550 Ouspen, gant ma grondin ', me m-eus ynt discaret
na voient en pes tu nag en pelech monet.
GLINSERON
Huit quement-se oll, nen deo quet vaillantis:
me discare a ne <a>> quer stang ag ar glis.
Me m-eus eur voareg vras (a)so bantet start yue ;
555 pa ren vn ten hep quen, me darde 2 anese.
Serten, es-on hardy a meurbet courajus ;
dirag ma chabiten, ou bct victorius.
ALBIHNUS
Try diot ma s-och-u, n-ousoch pctra leret,
ar seis seuaillier nobl pcllech e s-ind-\'et?
560 Abalamor dese e oa groet an arct :
a rese, dreist pep tra, a rencomp da gafet.
On lot vcs an buttin on neus ny oll collet,
pa n-on deus arese laset a sacaget.
Voarse on soueset pan n-on <eus> vnt goellet.
565 Me gret eo o doue e neus-int sicouret.
O chafet a rencomp, a se och-assuran,
choas e-uesomp blamet gant Deoclctian.
Sfjiiie a gauche.
Crephi et Crepiiiiaii entre a droit, crepin parle.
Ma breur Crepinian, pa boursiuomp en nent,
petra a reonip ny? N-on deus quet a squicnt
570 euit disquin micher pan n-on neus ny disquet.
Ny voa bugale nobl, en se na songemp quet.
Goulenomp ous Doue ar chras <ag> ar pouer
dre ma s-omp chtistenien, da disquv eur vicher.
Mar goulenomp netra digant roue an tron,
573 digant ar bayanet n-or bou remission.
CREPINI.\N
En pen hart ; na micher e hallemp ni goellan
seruigin on chrouer, a rentan gras desan?
I. Les soldats de Dioclétien se servent'de carabines; anachronisme ana-
logue à celui qui faisait habiller les quatre tils Aymond en lignards dans
certaines représentations de celte tragédie au siècle dernier.
Le Mystère de saint Crcpin et de saint Crépinien. 42 ?
GENDÉRIC
Tais-toi, poltron de fanfaron, tu te donnes pour vaillant!
Avec ma hallebarde j'en ai atteint plus de cent.
Je les mettais tas sur tas, l'un sur l'autre.
Je leur coupais la tête avec mon épée, aussi.
En outre, avec ma carabine je les ai abattus,
qu'ils ne savaient de quel côté ni où aller.
GLIKCERON'
Tout cela, ce n'est pas de la vaillance:
Je les abattais aussi dru que la rosée.
J'ai un grand arc qui est durement bandé aussi.
Qiiand je disais un coup ."seulement, je les perçais d'un dard.
Certainement, je suis hardi et très courageux;
devant mon capitaine, j'ai été victorieux.
AI.IilENUS
Trois imbéciles que vous êtes, vous ne savez ce que vous dites :
les six chevaliers nobles, où sont-ils allés?
C'est pour eux qu'était fait l'arrêt.
Ceux-là, par-dessus tout, nous devons les prendre.
Notre part du butin, nous l'avons toute perdue,
puisque nous n'avons pas tué et massacré ceux-là.
A ce propos, je suis étonné que nous ne les avons pas vus.
Je crois que c'est leur dieu qui les a secourus.
Il faut que nous les ayons, je vous l'assure.
Encore serons-nous blâmés par Diocletien.
Scèi.e à gauche.
Crêpin et Crépinien entrent à droite, crépin' parle.
Mon frère Crépinien, puisque nous suivons la route,
que ferons-nous ? Nous n'avons pas d'intelligence
pour apprendre un métier, puisque nous n'en avons pas appris.
Nous étions des enfants nobles, nous ne songions pas à cela.
Demandons à Dieu la grâce et le pouvoir,
puisque nous sommes chrétiens, d'apprendre un métier.
Si nous ne demandons rien au roi du ciel,
de la part des païens, nous n'aurons pas de pitié.
CRliPlXIEN
Dans quel art ou quel métier pourrions-nous le mieux
servir notre créateur et lui rendre grâces?
2. Cf. V. 359, dislriuquet 0 Itardo.
3. en pen hart, Vu de peu est sans doute une répétition machinale de celui
de eti.
424 Victor Tourneur.
CREPIN
fo 10 vo Ar vicher a quere a so dissimuler,
retirtt a pesibl ag yue recherchet.
CREPINIAN
580 O chauis a so mat, ma breur, ag a blich din :
bonnes so disimul serten mar deus hiny.
Cals a deuy don chafet cuit prenan botto,
a ny gomso dese mes 0 faous doueou.
CREPIN
Me voel a diabel an tour bras a Soixon :
585 prosternomp dan daoulin da ober oreson.
A genoux.
Pa on n-eus bet ar chras da vesan trcmenet
quen lies a gontre hep besan ofanset,
ar montaigno a bel a so meur <bet> uliel
— pemp derues a renquer da disquen, da seuel,
590 a Sauoix da Loraine a ncuse da Lcon, —
chettu ny quent ar fin ariet gant Soixon.
Majesté éternel, Doue oll buissant,
gouarner souueren dimes ar firmamant,
distreit o taoulagat gant eur sell a drue,
595 da rein dimp assistans en n-on nesesitte.
On se hune. Lahittant de Soixon entre a droit.
CREPINIAN parle.
De mat dach, ma otro, ag en a ve moyen
da gafet plas eur stal euit quereeryen ?
Fourniset dimp eur plas, mar guellet, ma mignon,
euit ober botto er guer man a Soixon.
LABITTANT
600 Ma vech abittantet mes ar guer a Soixon,
me o ch-acomotte en désir o calon.
Mes, mar doch tut onest ', euel ma tiscoeset,
me gaffo dach eur plas. Deut en ty, antreet.
Sellet ag en so mat ar plas dious o michour 2 :
60 j quement a vo possibl a ry vit o sicour.
CREPIN
Nin so obliget dech, otro, ebars en bras,
f nin boannio <d>o contantin î p-ocheus roet dimp-plas.
1. Ms. onert.
2. michour, altération arbitraire de micher pour obtenir une rime corres-
pondant à sicour.
3. Le premier hémistiche de ce vers a mie syllabe de trop ; l'omission de
Le Mystcrc de saint Crcpin et de saint Crépinicn. 42^
CRÉPIX
Le métier de cordonnier est dissimule,
retiré et paisible et aussi reciierciié.
CUia'INIEN
Votre avis est bon, mon frère, et il me plaît.
Ce métier là est dissimulé, certainement, s'il en est un.
Beaucoup viendront nous trouver pour acheter des souliers,
et nous leur parlerons de leurs faux dieux.
CRÉPIN
Je vois de loin la haute tour de Soissons ;
prosternons-nous à genoux pour prier.
A genoux.
Puisque nous avons eu la grâce de traverser,
sans être maltraités, tant de contrées,
les montagnes au loin qui sont très hautes,
— il faut cinq jours pour descendre et monter
de Savoie en Lorraine et ensuite à Lyon, —
nous voici enfin arrivés à Soissons.
Majesté éternelle, Dieu tout puissant,
gouverneur souverain du firmament,
tournez vos j'eux avec un regard de pitié
pour nous donner assistance dans nos nécessités.
On se lî've. L'habitant de Soissons entre à droite.
CRÉPIKIEN parle.
Bonjour, monsieur, y aurait-il moyen
de trouver une boutique pour cordonnier?
Fournissez-nous une place, si vous pouvez, mon ami,
pour faire des souliers dans cette ville de Soissons.
l'h.\bitant
Si vous étiez des habitants de la ville de Soissons,
je vous arrangerais suivant le désir de votre cœur.
Mais si vous êtes des gens honnêtes comme vous le paraissez,
je vous trouverai une place. Entrez dans la maison, lùnrez.
Voyez si cette place est bonne pour votre métier :
tout ce qu'il sera possible, je le ferai pour vous aider.
CRhPIN
Nous vous sommes fort obligés, monsieur. |la place.
Nous nous efforcerons de vous contenter, puisque vous nous avez donné de
d dans le ms. porte à supposer que boaiinio a été substitué à un verbe se
construisant sans préposition. Peut être y avait-il : iiiii gtasco 0 conlaiitin,
avec synisèze des deux 0.
Revue Celliiju:, .\XV. 29
426 Victor Tourneur.
LABITTANT
Pa o ch-eus cafct plas, tacliet da labourât;
yoa bras a vo ousoch mar labouret er fat.
fo II CREPINIAN
610 Huit en n-on micher, ny a rey labour vat ;
ny seruigeo an oli quercouls nobi a partabl.
Labittant sorti: a droit. Crepin et Crepinian a genoux.
CREPIN parle.
Otro, chuy eo ar fin ag ar chomansarnant,
chuy gomant quement so crouet er firmamant,
chuy a rent tut abil a re ignorantan,
615 pliget guenech, otro, on assistan breman.
Chettu nin, ar voes man, on saluer biniguet
en or brassan esom ma n-on sicouret quet.
Pliget guenech, otro, rein lumier d-on speret,
da ober vn ouuraech on n-eus antreprcnet.
On se Icuue. CREPIN'IAN parle.
620 Orsus, ma brcur Crephi, comansomp labourât.
Pa n-e Doue contant, a pan d-e eur mest mat,
da vo e volante rey dimp gras a moyen,
euit gonit on boet dindant e chourchemen.
CREPIN
Comcrct ma snmchct pa meusy blerimct.
625 Coniansct da daillaii, me biscoas na meus groet.
CREPINIAN
Pardonet din, ma breur, rag me ne daillin quet,
chuy eo ma enaour, dcch e tougan respet.
Ynsiuil ven meurbet, quemeret an enor
ousoch e haparchant pan n-och ma enaour.
CREPIN
650 Pan d-och enta contant, a-ue me a daille.
Lemmet o mineuet ag o tranchet yue.
Dalet daou gartier ; breman po enebo ;
quent ma po ynt yuntct, men bo clasquet furmo.
Ma lequet voar goat ' euit comans simplan,
655 antretant, me droclio daou re sollio ncsan.
Crepinian eoinnians a Irjuailler et vu peu après il dilte en âoiineut les
sonillier a Crepin a regarder.
I. Ma lequet vcar goat. Littéralement, si vous mettez sur bois. Après le
vers 634 Crepin s'interrompt et prend une forme en bois qu'il donne à
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 427
l'habitant
Puisque vous avez trouvé une place, tâchez de travailler.
On vous aimera beaucoup si vous travaillez bien.
CRÉPINIEN
Pour ce qui est de notre métier, nous ferons de bon ouvrage.
Nous servirons tout le monde, aussi bien nobles que roturiers.
L'habitant sort à droite. Crépin et Crépinien à genoux.
CRÉPIN parle.
Seigneur, vous qui êtes la fm et le commencement,
vous qui commandez tout ce qui est créé dans le firmament,
vous qui rendez habiles les gens les plus ignorants,
qu'il vous plaise, Seigneur, de nous assister maintenant.
Nous voici cette fois, notre sauveur béni,
dans notre grande détresse si vous ne nous secourez pas.
Qu'il vous plaise. Seigneur, de donner de la lumière à notre esprit,
pour faire un ouvrage que nous avons entrepris.
On se lève, crépinien parle.
Orsus 1 mon frère Crépin, commençons à travailler.
Puisque Dieu le veut bien et qu'il est un bon maître,
que sa volonté soit de nous donner la grâce et le moyen
de gagner notre nourriture sous ses ordres.
Prenez mon tranchct puisque je l'ai aiguisé ;
commencez à tailler; moi, jamais je ne l'ai fait.
CRÉPINIEN
Pardonnez-moi, mon frère, car moi, je ne taillerai pas;
vous êtes mon aîné, je vous porte respect.
Je serais très impoli de vous prendre l'honneur
•qui vous appartient, puisque vous êtes mon aîné.
CRÉPIN
Puisque vous le voulez, que Ce soit moi qui taille.
Aiguisez votre alêne et votre tranchet aussi.
Prenez deux quartiers ; maintenant vous aurez des empeignes ;
avant que vous ne les ayez joints, j'aurai cherché des formes.
Si vous mettez sur forme, simplement, pour commencer,
pendant ce temps, je couperai deux paires de semelles.
Crépinien commence à travailler, et un peu après, il dit en donnant les souliers
à Crépin pour qu'il les regarde.
Crépinien en prononçant le vers 635.
428 Victor Tourneur.
CREPINIAN parle,
Dalet, sellet, ma breur, ag y a so groct mat.
Marchadouryen or bo o chafo dcreat? •*
CREPix rcgiirdc les souiUicr cl ditte:
Pligeout a reont din ; groet mat eo arese.
duent aiians dauantach, trugarequeomp Doue.
CREriNIAN"
fo 1 1 N'O 640 Hennés co goellan tra a oufemp da ober,
pan co pliget gantan disquy dinip on micher.
A genoux, crepin parle.
O iMajcste diuin quer dous a quer benign,
bepret ^es-^och gucninip cuit on ynstruin.
Nin a rcnt dach grasso dimcs o madclcs ;
645 euit ncp sort tourmant n-o tilcsomp yames.
0)1 se leiiiie. labittant entre et ditte :
De mat déchu, Crepin, a chuy Crepinian.
CREPIN
A dach, on osiis mat ; deut och don bisittan?
LABITTANT
Ya sur, otrone, me so deut do cafet
euit clasq eur botto. Teripl on esomeq.
650 Vn nombr o ch-eus dcya re vras a rc vian ;
biscoas na oe goellet o sort ' bars er guer man.
On lui dcvnie des soiiillier. labittant continue:
Memcus, ne gafet quet en quer arîisanct
a rae ar vicher quen couls na quen 2 parfet.
Chettu aman botto a so groet diHquat ;
655 taillet ynt exelant ouspen ynt grouiet mat.
Aparans uat o dcus, o sollio a so ci'cl.
Lerct din pegucmcnt a; gousto din eur re.
CREPIK
Pa n-int quenient d-o crat. choaset ar re voelian;
en reson o poynt pan ocli ar chans quentan.
I. 0 sort grammaticalement a pour antécédent l>ollo. Mais il est très pos-
sible qu'il signifie : des gens de votre sorte et qu'il faille traduire : jamais on
n'a vu de gens tels que vous dans la ville.
Le Mystère de saint Crcpin et de saint Crépinien. 429
CRKPINIEN parle.
Tenez, regardez, mon frère, s'ils sont bien faits.
Aurons-nous des marchands qui les trouveront convenables ?
CIIÉPIN' let^ardc les souliers et dit :
Ils me plaisent ; ils sont bien faits.
Avant d'avancer davantage, remercions Dieu.
CRÉPIXiEX
Voilà la meilleure chose que nous puissions faire,
puisqu'il lui a plu de nous apprendre notre métier.
.■1 oemux, CRÉPix parle.
O Majesté divine, si douce et si bénigne,
vous êtes toujours avec nous pour nous instruire.
Nous vous rendons grâce de votre bonté ;
pour aucun tourment nous ne vous abandonnerons jamais.
On se lève, l'habitant enlre et dit.
Bonjour à vous, Crépin et Crépinien.,
CRÉPIN
Ht à vous aussi notre bon hôte. Vous venez nous f;iire visite ?
l'habitant
Oui, certes, messieurs, je suis venu vous trouver
pour chercher une paire de souliers. J'en ai grand besoin.
Vous en avez déjà un grand nombre de grands et de petits.
Jamais on n'en a vu de tels dans cette ville.
On lui donne des souliers, l'habitant continue :
Même, on ne trouverait pas en ville d'artisans
qui fissent le métier si bien et si parfaitement.
Voilà des souliers qui sont faits délicatement ;
ils sont excellemment taillés; de plus, ils sont bien cousus.
Ils ont bonne apparence ; leurs semelles sont fortes ;
dites-moi combien me coûtera une paire.
Puisqu'ils sont tant à votre goût, choisissez les meilleurs ;
vous les aurez à juste prix, puisque vous êtes la première pratique.
2. Ms. quel.
5. Ms. 0.
430 Victor Tourneur.
LABITTANT
660 Acordy areomp voar a leret, Crepin.
CREI'IN
Reit ar pes a guerct ma mignon contant (a) vin.
LABITTANT
Dalet ! chettu ase eis reall euitte.
A chuy a so contant dimes a gnement se ?
CREPIN
Pa rogeach neubeuttoch, contant vigen yue.
LABITTANT
665 Ycchet dach da ober. Q_uen auo ar chcntan !
Chans vat a bedan dach, pan d-och dcut dar guer man.
Yechet dach da vsan ! chans vat da veset dimp!
gras dach da anauout ar vageste diuin.
Lahittaiit sort ; vn coiiipaigiion entre avec ces oiisty.
LE COMPAIGNON parle,
[o 12 Bonjour a yoa dach maist a dachu, compaignon.
670 Me |a] so hirye voar var a vacation.
CREPINIAN
Me gret och deut a bcll ; teribl o cafan squis.
(A) deut och a Vro Uhcl peotramant a Vreis 2 ?
LE COMPAIGNON
N-en deon quet hep sujet; vn n-ent bras ani eus groet,
o tonet dar guer man. Ma goug a so toret
675 o touguen ma sresor a ma iîncedotan '.
Ar rese dreist pep tra a garen da voersan.
Me so o clasq labour. Me o pet, compaignon,
chuy o ch-eus connessans gant maistro a Soixon,
adrcset alianon da vnan benaquet,
680 m-a lieUin labourât euit i;onit ma boet.
Mar o cheus bolante, gucnimp e labouret,
ha me o contanto cuel ma seo dleet.
2. Bro Uhcl, la Haute-Bretagne, par opposition à /)/r/~, la Basse-Bretagne.
L'auteur oublie ici que la scène se passe à Soissons et que, p. c. s. q., les
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 45 1
l'habitant
Nous nous entendrons, d'après ce que vous dites, Crépin.
CRÉPIN
Donnez ce que vous voudrez, mon ami, je serai content.
l'habitant
Tenez, voici huit réaux pour eux.
Êtes-vous content de cela?
CRÉPIN
Quand vous auriez donné moins, j'aurais été content aussi.
l'habitant
Bonne santé au travail. Au revoir. A la prochaine!
Je vous souhaite bonne chance, puisque vous êtes venus en cette ville-ci.
CRÉPIN
Bonne santé à les user ! Que vous nous portiez bonheur !
Je vous souhaite la grâce de connaître la Majesté divine.
Lhihitanl sort. Un compagnon entre avec ses outils.
le compagnon parle.
Bonjour et joie à vous, maître, et à vous, compagnon.
Je suis aujourd'hui sans ouvrage.
CRÉPINIEN
Je crois que vous ètcs venu de loin ; je vous trouve bien fatigué.
Est-ce que vous venez des Terres hautes ou bien de Bretagne ?
LE CO.MP.'VGNON
Ce n'est pas sans sujet : j'ai fait une longue route
pour venir en cette ville. Mon cou est rompu
à porter mon trésor et mes pincettes à feu.
Celles-là, par-dessus tout, je voudrais les vendre.
Je suis en quête de travail. Je vous prie, compagnon,
vous qui connaissez les maîtres de Soissons,
adressez-moi à quelqu'un d'eux,
que je puisse travailler pour gagner ma nourriture.
CRÉPIN
Si vous voulez, vous travaillerez avec nous,
et je vous paierai comme il convient.
personnages ne peuvent s'orienter co:nm; ils le font ici.
1. Ms. fincedo cun.
4) 2 Victor Ton me tir.
LE COMPAIGNON
Yoaus bras on ous-se ; ne choulcnan quel goell.
Mar plicli dacli ma labour, mo seruigeo fidel.
685 Dre lies a guervo es-on bet tremenet ;
nag en nep sort bouttiq biscoas na meus goellet
bottoo vel are nian, quen neubet micherour
a guement a rae quen disy ' o labour.
Me a esper, ma maist, penos em ynstruet
690 rag nen d-on-quet capap da douguen mineuoet.
CREPIN
Mar deus nep exelans er boto a reomp,
rentomp gras d-ar maist mat piny a scruigeomp.
Lequet o tauuanger breman voar o parlen,
comeret vn tam coar, coaret o niguelen 2.
LE COMPAIGNON nicllcs SOU UibllcT Cil cJ.hiiitc VU chaiisoii a la victoiie des faux
dieu .
695 Ma doue Apolon, chuy dre o victoeryo
a verit mclodv dreist an oU doueo.
Me a rent dach grasso ves a greis ma chalon,
dam besan ynspiret da donet da Soixon.
Breman meus rancontret maist ar guereerven.
700 Ne galet quet e-bar voar ar bet man biquen.
fo 12 v^i Me a dacho breman da ober labour vat,
d-en seruigin tîdel, ma lisquin [n|drabenag.
CREPINUAN
Pe sort den eo breman on neus ny rancontret?
Ny songe voa christen, payen eo, assuret.
CREPIN
705 Petra eo aresc ma comset anese?
M-o-quef abuset bras mar deut da gridv de.
Mes, euit o distrein a sclerat o speret,
a cat anadougues î on mister an dreindet,
credet an tat, ar mab ag ar speret santel,
710 tr\' lerson en vnan, vn doue éternel,
egall en madeles en puissans, en gloar,
piny a neus crouet an et! ag an douar.
Man ne gredet enne, comeret o congé,
me tel din cafet tut a aret er cuir Doue.
1. dh\, trécorrois disi, sans défaut, vannetais dissi. Vov. Revue Celtiqui
Vni, 1887, p. 507.
Le 'Mystère de s.iint Crépiii et de saint Crépinim. 4; 5
L1-: COMPAGNON'
J'en suis bien joyeux; je ne demande pas mieux.
Si mon travail vous plaît, je vous servirai fidèlement.
Je suis passé par bien des villes,
et, en aucune sorte de boutique, je n'ai vu
dvS souliers comme ceux-ci, ni non plus d'ouvriers
qui fissent leur travail de façon si irréprochable.
J'espère, mon maître, que vous m'instruirez,
car je ne suis pas capable de tenir l'alêne.
CKl-l'lN'
S'il y a quelque qualité dans les souliers que nous faisons,
rendons grâce au bon maître que nous servons.
Mettez votre tablier maintenant sur votre giron,
prenez un morceau de cire, cir(z votre iigneul.
LK coMP.AGN'OX ilict soii tablier 01 cbaiiliinl une chanson à la victoire des Jaux
dien.x.
Mon dieu Apollon, vous, par vos victoires *
méritez d'être loué par-dessus tous les dieux.
Je vous rends grâces de tout mon cœur
de m'avoir inspiré de venir à Soissons.
Maintenant, j'ai rencontré le maître des cordonniers.
On ne trouverait son pareil en ce monde.
Je vais es.saver maintenant de faire de la bonne besogne,
de le servir fidèlement, pour apprendre quelque chose.
CKKPIN'IEN
Quelle sorte d'iiomme est-ce que nous avons maintenant rencontré?
Nous pensions qu'il était chrétien ; il est certainement payen.
CRhPIN
Qu'est-ce que c'est que ceux-là dont vous parlez?
Je vous trouve bien abusé si vous croyez en eux.
Mais, pour vous détourner et éclairer votre esprit,
et avoir la connaissance de notre mystère de la Trinité,
croyez au Père, au Fils et au Saint Esprit,
trois personnes en une, un dieu éternel,
égales en bonté, en puissance et en gloire,
qui a créé le ciel et la terre.
Si vous n'y croyez pas, prenez votre congé,
je veux avoir des gens qui croient ?.u vrai Dieu.
2. iiii^nckn, variante de lignelen. Vov. V.m. Ernault, Glossaire moyen breton,
p. 5)6.
3. variante de anvudegues.
4^4 Victor Tourneur.
LE COMPAIGNOX
715 Ma maist, guir a leret betteg an n-eur bresant
me a so bet abuset gant doueo méchant.
Biniguet vo an n-eur ma meus o chanaueet.
Me ya dam bro breman pan d-on conuertisset.
Le compaignon sort ; le premier marchand entre et ditte
A chuy a gafe din, Crepin, eur re votto,
720 rag esom bras a meus euit retorn dam bro.
Ar re man so em sreit goel fin o deuueus groet :
n-en deus quet choas eis de (a)boe ma meus-int prenet.
CREPIN
Ya sur, marchadour, quement ag a queret
(pr]e[s]t a vin da rein dach ag crue o souet.
725 Chcttu aman cur re a so labouret mat,
sellet ag y a so a vent dious o troat.
Yl lui donne des son il lier.
LE MARCHANT prendre et mettes son pies dedans et ditte :
Manifiq e s-int din ; meurbet e s-int eset ;
a chuy a gafe din eur boto talonet?
daou re voto munut euit ma bugale?
730 Pan ariuin er guer, voa bras a vo outte :
en troat ar biannan, hes ' un drcin an de-all,
ag ef donet d-ar guer gant poan, en n-cur griall.
A me, touet neuse, dre doue Apolon,
o dige pep a re pa deogen da Soixon.
fo 15 735 Me ya da gat ma suit a ma chompaignones.
Mirct din ar botto. Chcttu ase ares ;
mar permettet guene monet d-o discoes d-e,
me gret perlettamant e prenoint yue.
CREPIN
Queset ane guenach na difiomp en den.
740 En reson a poy mar enem groet ch[r]istï;n.
/.(' nuuel.hint m troiiivr ces camarades ponr niontrer ces souillier.
Le i^ le 2^ Je Y marchant entre. LE premier alvrchant /wr/c.
Alianta, potret vat are-man so eur botto!
A chuy voehas biscoas couls ag y en ncp bro ?
le 2'^ MARCHANT pr'ils Ics souHlier et difte :
A doue Yupitter ! peguer brao yngJy groet.
i. Jies forme dialectale du Gocllo, 3^" pers. du sing. du prêt. prim. de
Le Mystère de saint Crépin et de saint Crépinien. 435
LE COMPAGNON
Mon maître, vous dites vrai, jusqu'à l'iieure présente,
j'ai été trompé pur de méchants dieux.
Bénie soit l'heure oij je vous ai connu.
Je vais maintenant dans mon pays, puisque je suis converti.
Le compa^)ion sort, le premier marchand entre et dit:
Est-ce que vous me trouveriez une paire de souliers, Crépin ?
Car j'en ai grand besoin pour retourner dans mon pays.
Ceux-ci qui sont à mes pieds ont bien fait leur fin
il n'y a pas encore huit jours que je les ai achetés.
CRÉPIN
Oui certes, marchand, tout ce que vous voudrez.
Je vais vous le donner et selon votre désir.
Voici une paire qui est bien travaillée.
Voyez s'ils vont à la mesure de votre pied.
// lui donne les souliers.
LE MARCHAND prend et met son pied dedans et dit :
Ils me vont très bien ; ils sont très commodes.
Est-ce que vous me trouveriez une paire de souliers à talons?
Deux petites paires pour mes enfants?
Quand j'arriverai à la maison, ils en auront grande joie:
dans le pied du plus petit, une épine entra l'autre jour,
et lui de revenir à la maison avec peine, en criant.
Et moi, je jurai alors par le dieu Apollon,
qu'ils auraient chacun leur paire quand je viendrais à Soissons.
Je vais retrouver ma suite et ma compagnie.
Gardez-moi les souliers. Voilà des arrhes.
Si vous me permettez d'aller les leur montrer,
je crois bien qu'ils en achèteront également.
CRÉPIN
Emportez-les avec vous, nous ne nous défions "de personne.
Vous en aurez à bon prix, si vous vous fiiites chrétiens.
Le niarcliand va trouver ses camarades pour montrer ses souliers.
Le ler, le 2<=, le 3c marchand entrent, le premier M.\Rcn.\'SD parle-
Eh bien, mes gars, voilà des souliers !
En avez-vous jamais vu d'aussi bons nulle part?
LE 2'-- MARCHAND pjend ks souUcrs et dit :
O Dieu Jupiter, qu'ils sont bien faits !
mont. Voy. J. Loth, Chreslomathie Bretonne, p. 368.
4^6 Victor Tourneur.
Cals a gucrccryen a m-eus anaueset ;
745 pa vent oU assambles, n-ouffet quet, a grcdan,
obcr cur re votto quer brao ag ar rc man.
Ouspcn o brauenty ', labouret 3-nt cr fat,
rag groct ynt start a fcrm, ag o sollio so mat.
Huit mat n-o lescn, ma vent diousieme 2 ;
750 en ncblcch ne gafet eur botto evelte.
Dal, sel ase, quindero, m-es tefy gant da veut
da blegan o sollio. Meurbet o cliafan reut.
i7 (/()//;/(' h's soiiilîicy au 5'-" niarcbaiiL le 5^' M. \kcii.\>;t parle.
(L)uit goasquan o sollio cretian |a]ma liallan,
a pa dlefen creuuin, n-oufi'en quet o flegan.
7)) Muan tra a blich d-in an tu-ont d-ar sollio,
niui euit ; ar voulous co dous o enebo,
A bellech (e) teiis-int bet, (e)uit ma s-in da brenan,
me reng cafet c^.\v re quent mont ves ar guer man,
nom pas (e)uidon hep quen, mes choas euit ma groeg,
760 euit ma mittigen, ag euit ma fotret.
LE 2'-' MARCHANT
Quement so en-e stal, a gases guenit oU !
Pren try re da guentan, lia na ra-quet da foU.
D.\ valeh so poneroch euit ma liinimei*
Me reng enem csy }'ue quercouls a te.
fû I 5 V" LE PREMIER MARCHANT
76) Teuet tout, otrone, ne n-em disputtet quet;
cals en deus a votto, contantet a veset.
Deut guene de gafet; promettet en deus din
e-rey dinip en reson, mar queromp e bidy.
1. ordinairement braueiilcs. Pour la terminaison, voy. Em. Ernault, Glos-
saire moyen breloii, p. 415.
2. diousienne = diousi-me.
;. Ms. ni' s eiiel.
Le Mystère de iainl Crcpin et de saint Crépinien. 457
J'ai connu beaucoup de cordonniers;
quand ils seraient tous ensemble, on ne pourrait, je crois,
faire une paire de souliers si belle que ceux-ci.
Outre leur beauté, ils sont bien travaillés,
car ils sont faits durs et solides et leurs semelles sont bonnes.
Pour sûr, je ne voudrais pas les laisser, s'ils étaient à tna mesure.
Nulle part on ne trouverait une paire de souliers comme ceux ci.
Tiens, vois, cousin, je te défie avec ton pouce
de plier les semelles. Je les trouve fort raidcs.
// donne les souliers au 3e marchand. LÉ 3e m.-^rch.akd parle.
J'ai beau presser les semelles le plus fort que je puis,
quand j'en devrais crever, je ne pouri-ais les plier.
Ce qui me plaît le plus, en outre, à ces souliers,
leurs empeignes sont plus douces que du velours.
D'où les as-tu eus, pour que j'aille en acheter,
il faut que j'en aie une paire avant de sortir de cette ville,
non pas pour moi seulement, mais encore pour ma femme,
pour mes servantes et mes garçons.
LE 2'-' M.\RCHAND
Tout cj qui est dans sa boutique, tu l'emportes avec toi !
Achètes-en trois paires pour commencer et ne fais pas le fou.
Ta bourse est plus lourde que la mienne?
Il faut que je me mette aussi à l'aise que toi.
LE PRH.MIER .MARCHAND
Taisez-vous tous, messieurs, ne vous disputez pas ;
il y a beaucoup de souliers, vous serez contentés.
Venez le trouver avec moi, il m'a promis
qu'il nous (en) donnera à bon compte, si nous voulons r(en) prier.
Victor TouRNi'UR.
(A suivre.)
CHRONIQUE
SOMMAIRE : I. Manuscrits contenant des mystères bretons et donnés à la Bibliothèque
de l'Université de Rennes. — II. Nouveau recueil intitulé Eriu.
I
On a pu lire dans le journal Le Temps du 6 août 1904 l'article suivant:
Manuscrits In-etons. — M. A. Le Braz, professeur à la Faculté des lettres
de l'Université de Rennes, vient de faire présent à la Bibliothèque univer-
sitaire de cette ville de vingt-sept volumes renfermant les textes manuscrits
d'autant de mystères bretons.
C'est le fonds le plus précieux et le plus considérable de documents
manuscrits en langue bretonne c]ui existe en province, et, si celui que
possède la Bibliothèque nationale est plus grand par le nombre (73 au lieu
de 27), on peut dire que la collection de l'Université de Rennes a, au point
de vue de la valeur propre des manuscrits, une importance égale sinon
supérieure à celle de la collection parisienne.
Les manuscrits donnés par M. Le Braz proviennent de deux sources. Les
uns, recueillis par M. F. Vallée, en partie grâce aux soins de la Société pour
la préservation du breton, ont été remis par lui à M. Le Braz pour per-
mettre à ce dernier d'écrire son travail sur le théâtre celtique, avec charge
d'en faire don, quand bon lui semblerait, à tel dépôt pubHc de son choix.
Ces tiunuscrits sont au nornbre de douze. Les autres ont été légués à
M. Le Braz par M. Luzel ou découverts par M. Le Braz lui-même, au cours
des missions qui lui furent accordées à cet effet par M. le ministre de l'ins-
truction publique, en 1893 et 1894.
L'importance de ces mystères est capitale pour l'histoire de la langue et
•de la littérature bretonnes, puisque le théâtre constitue, à vrai dire, la seule
littérature écrite de la Bretagne. Ceux que M. Le Braz a déposés à la Biblio-
thèque universitaire de Rennes ne valent pas seulement par le nombre,
mais aussi par leur mérite intrinsèque. Parmi eux figure un Mystère de Saint-
Laurent, qui a sur son analogue de la Bibliothèque nationale l'avantage d'être
complet. C'est de plus un document des plus curieux pour l'histoire du
théâtre breton. Nous en dirons autant d'un Saint-Jean-Baptiste, recopié en
entier de la main de Luzel. Signalons encore une copie de la Vie de Louis
Chroniijiic. 4>9
Einuiis, que Liuel avait ùite pour l'impression. Mais nous appellerons sur-
tout l'attention sur deux pièces intitulées, l'une la Vie de Mallargc, l'autre
Jean Mchrgè, qui représentent à elles seules presque tout le théAtre comique,
actuellement connu, de la Basse-Bretagne. Les autres manuscrits fournissent
des variantes particulièrement intéressantes des mystères déposés à la Biblio-
thèque nationale et que quelques-uns (en particulier une Création du Monde,
de Claude Le Bihan, et une Passion, sans nom de copiste) sont d'un
intérêt unique.
II
Il vient de paraître un volume in-8o de 138 pages intitulé: Eriu. The
Journal of the School of Irish Learning, Dublin, edited by Kuno Meyer aud John
Strachan, vol. I, part. I. Ce volume est daté de Dublin, School of irish
Learning, 28, Clare Street. Il contient quatorze articles parmi lesquels nous
signalerons en premier lieu deux articles grammaticaux.
Le principal est de M. Strachan : il traite d'abord du nominatif pluriel
des thèmes masculins en -11- qui aurait été d'abord en celtique primitif -oucs,
puis en vieil irlandais -ae, -e, enfin -a ; les finales -ai, -i seraient dues à la
contamination des thèmes en -i. Viennent ensuite diverses constatations :
l'usage vieil irlandais est, comme on sait, de terminer en u le vocatif et
l'accusatif pluriel des thèmes en -0-, mais les mêmes cas des adjectifs se
terminent en a ; c'est par exception que dans les adjectifs Vu final primitif
de ces cas est conservé. Dans les thèmes masculins en -io-, -iu est au même
cas la désinence des noms, -/ celle des adjectifs. Pour les noms et les adjectifs
neutres terminés en -io- la désinence à ces deux cas est -/sauf une exception
où l'on trouve -e. L'auteur étudie ensuite les formes diverses du pronom
interrogatif, 1° cia masculin singulier, 2° ce-d, ou ci-d, neutre singulier,
50 ce-si, ou ci-si, féminin singulier (2° et 3° avec addition d'un pronom dé-
monstratif, (/ au neutre, si au féminin) : 4° citne, pluriel des trois genres.
Par exception cia est employé à tous les genres. Il y a un autre pronom
interrogatif, cote, cate au singulier, cotéet, cateet au pluriel des trois genres.
M. Strachan explique par la sourde initiale des pronoms suffixes sa, se,
su, som, si la sourde finale t- de certains verbes aux trois personnes du
singulier là où l'on devrait s'attendre à trouver un d ou un //;. Eola, pkuitus,
est suivant lui le génitif archaïque d'un substantif râ/ 1 qui plus tard sortant
de la déclinaison en u est passé dans la déclinaison en -0 et a donné le génitif
eâil, iiîil. Dans indinni-sc, talis, inni est le datif du substantif féminin innc.
« sens, qualité ». In-did signifie « puisque », in-nach « puisque non » ; dans
ce composé in est le pronom relatif signifiant « dans quoi ».
Le second mémoire grammatical a pour auteur M. J. H. Lloyd, il a pour
objet les formes impersonnelles du passif dans le verbe substantif irlandais.
Ces deux mémoires sont accompagnés d'éditions de textes irlandais, dont
I. Sergli'^e Concutainn chez Windisch, Iriuhc Texte, t. I, p. 225, 1. 10.
440 Chromquf.
le plus important à nos yeux est Li mort de Conla ou Conlaoch, fils d'Aife.
M. Kuno Meyer publie la rédaction contenue dans le ms. le plus ancien,
le livre jaune de Lecan ; M. J. G. O'Keeffe celle que nous a conservé le
ms. H. 3 17 du collège de la Trinité de Dublin. Chacun des deu.\ éditeurs
a joint au texte irlandais une traduction anglaise.
Nous mentionnerons ensuite une nouvelle édition de l'avis à une femme
par Daniel hua Liathaide, abbé Cork et Lismore, dont la mort est mise en
861 par les Annales des quatre niaîlres. Ce morceau avait été publié d'après
le livre de Leinster, p. 278 a, par M. E. Windisch dans les Bcrichte der
Kônigl. Sikhs. Gesellschafl dcr M'issenschaflen, 1890. M. Kuno Meyer s'est
servi d'une autre copie, le ms. du Trinity Collège de Dublin, coté H. 3.
18, p. 731. Le texte et la traduction donnés par M. K. Meyer diffèrent sur
quelques points de ceux que nous devons à M. Windisch.
M. Kuno Meyer reproduit aussi et traduit d'après le livre de Leinster un
poème du xii^: siècle attribué à l'illustre et mythique Cailte et d'après deux
mss. de l'Académie d'Irlande deux poèmes pieux chrétiens.
Le plus long des textes réunis dans ce volume est le LeahJnir Obis ou
« Livre des Chroniques », publié d'après un manuscrit du xviiie siècle,
1717, par M. R. L Best. Il concerne l'histoire d'Irlande de 979 à 1027.
M. E. J. Gwynn donne d'après un ms. de l'Académie d'Irlande un poème
sur l'incendie de la maison du célèbre et légendaire Finn mac Cumhail.
M. J. G. O'Keeffe publie avec traduction le texte conservé par le Livre
jaune de Lecan, d'un récit légendaire concernant Colman mac Duacli et le
roi Guaire si fameux par son hospitalité et qui vivait au vn^ siècle.
Nous devons à M. T. P. O'Nowlan l'édition faite avec traduction d'un
poème relatif à la « duerelle du Pain », d'après le Livre de Leinster, p. 46 a.
A propos de ce pain les habitants de Munster et ceux de Leinster se livrèrent
trois batailles. On était fort belliqueux en Irlande à l'époque où ce poème
nous fait remonter.
H. D'y\RIîOIS DK JUBAINVILLE.
jubainvillc, le 29 septembre 1904.
PERIODIQUES
SOMMAIRE; I. Beiiraege zur Kunde der indogermanischen Sprachen. — II. Annales
de Bretagne. — 111. Revue epigraphique. — IV. Westdeutsche Zeitschritt fur
Geschichte und Kunst. — V. Polybiblion.
I
Beitraege zur kunde der indogermanischen sprachen, herausgegeben
von Dr. Ad. Bezzenbergcrund Dr. W. Prellwitz, t. XXIX, i''^ livraison.
— Suite du mémoire de M. J. Scheftelowitz sur les lois plionétiques du
vieil arménien (cf. ci-dessus, p. 370). Des rapprochements avec les langues
celtiques se trouvent dans cette partie du mémoire comme dans la précé-
dente.
II
A propos d'une note publiée dans les Annales de Bretagne, t. XIX, no i,
par .\1. Loth sur la massue bénie à l'aide de laquelle, à Loc-mel-tro, suivant
la tradition, on assommait les vieillards, nous avons oublié de citer ci-dessus,
p. 365, un passage de Cicéron : Fro Sexto Roscio, § 100: « Habeo etiam
« dicere quem contra morem maiorum minorem annis sexaginta de ponte
« in Tibcrim deiecerit ». Ce texte doit être rapproché de celui où Plu-
tarque, Roniuhis, XXII, 6, constate que le droit royal romain le plus ancien
ne punissait pas le meurtre du père par son fils: urioz'v.x-t o!.V.t)v r.apà. -axpo-
zTovojv ôp^'aavTa et de ces mots de Festus au mot parrici : « Paricida non
« utique is qui parentem occidisset dicebatur, sed qualemcunquc homi-
nem 1 . »
III
Revue ÉPlORAPHiauE, t. V, livraison de janvier-février-mars 190.1I.
A Oppedettc, Basses-Alpes, dédicace MarU Brtialo (?).
A Vachères, même département, épitaphe de Calventius Birrus.
M. Héron de Villefosse continue la publication de remarques épigra-
phiques dont une partie a déjà paru dans le tome IV et dans deux livraisons
précédentes du tome V. Elles sont intéressantes pour l'histoire de la Gaule
romaine.
IV
Westdeutsche ZEnsciiuuT fur Geschichte und Kunst, t. XXIll. —
Mémoire de M. O. Hirschfeld sur le jour de la dédicace de l'autel d'.A.uguste
I. Cf. Cours de littéralure celtique, t. VI, p. 513-317.
Rtvue Celtique, XXV. 30
44 2 Périodiques .
à Lyon. Le savant auteur admet l'origine celtique de la fête célébrée annuel-
lement à cet autel, mais la concordance de la date de cette fête avec la date
de la dédicace de l'autel est suivant lui purement fortuite. L'autel fut dédié
en l'an 12 avant notre ère le premier août, parce que c'était le premier août
de Tan 50 avant J.-C. que la prise d'Alexandrie en Egypte avait terminé la
guerre civile. Le même jour de l'an 15 avant notre ère, Tibère et Drusus
avaient remporté sur les Vindélicicns une victoire décisive. L'importance du
premier août à cette époque au point de vue du gouvernement romain est
d'ailleurs établie par un fait caractéristique, c'est que la dédicace du temple
de Mars Ultor eut lieu en ce jour de l'an 2 avant J.-C.
V
PoLYBiBLioN. — M. H. Gaidoz vient de consacrer dans cette revue un
très aimable compte rendu au volume intitulé : Les Celtes depuis les lewps les
plus anciens jusqu'en l'an 100 avant notre ère. Quelques critiques, légers coups
d'épingle, agrémentent cet article et en rendent la lecture plus attrayante.
11 y a telle de ces critiques dont on ne peut contester la justesse. Par
exemple, M. Gaidoz constate que dans les livres de « Villemain et d'autres
« professeurs de notre grande époque..., l'ensemble était plus harmonieux
« et la lecture plus attrayante ». Telle autre critique est moins acceptable.
M. Gaidoz reproche à l'auteur d'avoir employé le mot Necker « pour dési-
« gncr, non pas le ministre de Louis XVI, mais l'affluent du Rhin appelé
« toujours Neckar » . Le savant M. Gaidoz n'a pas consulté à ce sujet l'ouvrage
intitulé : Encyclopédie ou dictionnaire raisonne des sciences, des arts et des métiers
par une société de gens de lettres, mis en. ordre et publié par M. Diderot et quant
Il la partie mathématique par M. d'Alemheii. Il y aurait pu lire, édition de
Genève, 1777- 1779, t. XXII, p. 820 : « Necker ou Neckar, les François disent
« Nécre, grande rivière d'Allemagne. « Cette doctrine avait apparu déjà en
1768 dans Le grand dictionnaire géographique, historique et critique de Bruzen
de La Martinière, 6 volumes in-fo, t. IV, p. 512 : « Neckar, Necker ou Nécre,
« rivière d'Allemagne. » Au xix^ siècle, Louis Q.uicherat, dans son Thé-
saurus poeticus linguae latinae, traduit Nicer par Necker; Théophile Lavallée,
Géographie physique, historique et militaire, ouvrage adopté par le ministre de la
guerre pour l'École spéciale militaire deSaint-Cyr, édition de 1841, énumérant
les affluents de gauche du Rhin, écrit, p. 201, Le Necker (Nicer). Enfin,
chez Bouillet, Dictionnaire universel d'histoire et de géographie, vingt-cin-
quième édition, 1876, on lit, page 1331 : « Neckar ou Necker, rivière
d'Allemagne. » Si je n'étais pas réduit ici aux. livres de ma bibliothèque
rurale je pourrais citer d'autres exemples. Necker, dont la prononciation
au xviiie siècle était Nécre, est la forme française du nom de la rivière que
les Allem.mds appellent Neckar. Necker conserve Ve du latin A'/V,r qui est
la plus ancienne forme connue du nom de cette rivière. liUe a un nom
français à côté du nom allemand comme le Rhin, le Danube et Ratisbonne,
comme lAlIcmagne elle-même.
H. m'Arbois de Jub.\invii i.u.
Jubain\ille, le 2 octobre 190).
TABLE
DES PRINCIPAUX" MOTS ÉTUDIÉS DANS LE TOME XXV
DE LA KKVUE CELriQLrE ' .
I. Gaulois ou viEux-CELTiaur.,
ET OGAMIQUH.
■aco-s, 94, ? ^9, ?6o.
ADDIl.ONA, 103.
Aedui, 551.
-AGNI, 105.
Aliotrum, 95.
AMADU, 366.
Arcunianus (fundus), 107.
'Apy.jv'.a (o'.rj), 107, 35:.
Argonna, Argunna, 107.
Artodunum, 5 ^9.
AVI, 103.
avotis, chef d'usine? 362.
Biba, 105.
Babus, 105.
Balismus, 95.
bïbro-, castor, 95.
Belisama, 9^.
Belismus, 95.
Bevrona, 9^.
Bibracte, 90.
BiDANi, 103.
BIGAISCOI5H1 du vicc-évêque, 366.
BOi, 103.
Hoii, 107.
Brancedunum, 3 ^9.
Erancidunum, 3 59.
-briga, 559, 300, 374.
Briomaglus, 372.
Cabillonum, 95.
Cadriacus, 111.
-cadros, beau, 111.
Cadusia, 3 59.
GAGEAS, 103.
Calodorus, ]<,<).
Cambaules, 221 .
('antadunus, 360.
Cavillonis, 9^.
Celtiatus, 371 .
Celtius, 571.
Cenabum, 89.
Chidriacus, Chirriacus, Chiriacus,
Ml.
ciallos, mois intercalaire? 1 19.
cintu-, 107.
Cotobriiis, 3^9.
Cravum, 359.
Curcedonus, 359.
I. Cette table a été faite par M. Emile Ernauit.
444 ^''''^^ '■'" pyindpaux mots étudiés dans le tome XXV.
Divixtus, 571 .
DOLATI, 366.
druida, druide, 56^.
-dunum, 1 07, 5 59, 360.
Dunus, 3 59.
-durus, 3 59.
Epona, 106.
equos, 124.
gabro-, chèvre, 370.
gassum, yai-jov, yaïao';, javelot, 229-
231.
giamon, 125, 127, 130.
Giemagus, 89.
Giemum, 90.
Giomus, 5 59.
Gordunum, 5 59.
Helvetii, 351.
Hercynia (silva), 107, 351.
IAQ.ENI, 103.
Icori, 102.
iNAGENE, de la tille, 105.
Kravodunum, 3 59.
lat, jour, 1 19.
Latiniacum, 598, 399.
Idutro, bain, 287.
Lescuvrio. 360.
Litmarus, 3 59.
Litumarus, 3 ^9.
Àouspv-, renard, 268.
LUGUDECCAS, 366.
Magilius, 105.
-magus, plaine, 90, 359.
MAQ.I, du tils, 103, 366.
Mardobrius, Mardubrius, 3^9.
-maros, grand, 94.
Meddila, 568.
Meddillus, 368.
Meddilos (par deux (/ barrés), 368.
Medru, 47, 48, ^o.
Messilla, 368.
Messillus, 368.
Metlusedum, 370.
mid sainon, 1 30, 383.
Moxsius, 108.
MucADiA, 103.
MUCCOI, 103.
MUCOI, 103, 366.
NETA SEGAMONAS, 366.
NETTA, 102.
Niranus, io8.
Niritus, 108.
Nironius, io8.
Noviomus, 3 ^9.
Occocus, 108.
Occus, !08.
Ogmios, 93.
ogron, 1 30.
Pennovindos, à tête blanche, 17,
574-
petrudecaiîietos, quatorzième, 361.
Petuaria, 360.
Petverensis, 360.
Pictavi, 351.
Picti, 351.
Pictones, 351.
Pinnevindo, 17.
PIXTILOS, 104.
poi, 103.
Reburrus, 108.
Rectugeni, 105.
Retinacius, 108.
Rétiniens, 108.
Ritona, 108.
Rottalus, 108.
Rudianus, 108.
Rutenus, 108.
samo-, été; la moitié chaude de l'an-
née, 126, 127.
samon, 12^, 130.
Scordisci, 107.
Sedunus, 3 ^9.
SEGAMONAS, 366.
Segessera, 94.
Segestrum, 94.
Table des principaux mots étudiés dans le tome XXV. 44^
ârus,'résidence, 57.
afhre, tribu ou clan du père, ;o, 37.
aui, du petit-fils, 5p.
beltene, beltine, béaltaine, premier
mai, 86, 87, 126, 1 50.
berar, qui est porté, 569.
bertar, qui sont portés, 569.
brafad, clin d'œii, 256.
briatliar, verbe, 98.
bûaid, bûaith, victoire, 578.
buatuisidhe, brodequins, 554.
bun, tronc, 1 .
bunadach, issu du tronc commun, 1 .
caogadadh, cinquantième, 578.
caorthain, alisier, 418.
carcar, prison, 256, 458.
cath, bataille, 370.
celg. tromperie, 370.
cet, cent; cent vingt, 145.
cét-samain, cét-soman, cét-samun,
cét-shamain, i"" mai, 127, 129,
150, 383.
cin, kin, cahier, 377-380.
clùas, oreille, 1 3.
côicatmad, 50e, 378.
côicthiges, quinzaine, 116, 131.
comboing, ii brise, 370.
comlebaid '< lit commun », 189.
crechad, pillage, 402.
cride, cœur, 370.
crûaid, dur, 370.
cumung, étroit, 370.
cungnamar, nous apercevons, 19, 24,
58.
dâ se mis, deux fois six mois, 125.
derbfine « famille certaine », 1,4,7-
II, 14, 15, 182, 184, 204, 20^ .
dionasgaim, je détache, 415.
doberar, il est porté, 369.
dobertar, ils sont portés, 369.
domsod, résidence, 24, 38.
dorn, poing, 3 54.
S?gustero, 94.
Selvanecti, 370.
Senomus, 3 59.
-smus, 95.
sonnocingos, marche du soleil, 119.
Tancinus, 371 .
Tangin, 571.
Tanotram, 359.
tigèrno-, chef, 268.
TRENALUGGO, I03.
tricontis, aux trente, 361.
Turibrice[nsis], 571 .
Uxaina, 10^.
Vellauni, 106.
Vellavi, 106.
Veniati, 371.
V'epogenos, 352.
Vepotalos, 3 5 2.
Vepus, 352..
Verdunum, 359.
Vipius, 353.
visumarus, trèfle, 352.
vLATiAMi, 103,
VOBARACI, 103.
VROICCI, 102.
Ysodorum, 359
II. Irlandais.
(Voir pp. 10, 19, 21, 2^, 2^, 27, 31,
37-U;, 227, 2S6-2S9, 34Ç-348, 402-
404. 459-)
abéis, abîme de la mer, 2^6.
abis, abîme, 256.
adcoimse, je crie.'' 22, 23, 37.
adraim, j'adore, 43.
adrand, atrann, il poussa (un gémis-
sement).-' 26, 37.
agaim, je conduis, 370.
aidche, nuit, 1 16.
aimhnerte, faibless?, 402.
ar, sur, 379, 380.
àrrachdach, fort, 3 54.
446 Table des principaux inoti étudies dans le tome XXV
droch, roue, 570.
eacmaing, il a atteint, 354.
écath, hameçon, 370.
eidenn, eidhean, lierre, 65.
eiiitrum, eiliotrom, eleathrain, bière,
290.
ellam, prêt, 404.
énerte, faiblesse, 402.
errach, printemps, 1 27.
esnad, chant, 38.
faithsine, prophétie, 4.
farcha, éclair, 41.
fearba cluiche, masse ronde de pierre,
282.
ferb, pustule qui vient au visage après
une calomnie ou un faux jugement,
282.
fiach, corbeau, 355.
tichatmath, 20e, 377-379-
ficheadh, 20'^, 378.
fi'chim, je combats, 570.
fine, famille, 1,4, 11, 15, 16, 181,
184, 185, 204, 20^.
fogmur, foghmhair, automne, 128.
folamh, vide, 64.
follscadh, action d'échauder, 62.
foloscain, têtard, 62.
fortuge, vêtement, 2^8.
Fursae, 384, 38^.
Fursu, 384, 385.
gabim, je prends, 57c.
gabul, fourche, 370.
gainiur, je suis né, 2 58.
galar, douleur, 38.
gamhnach, vache stérile, 126, 127.
gamuin, gamhuin, veau d'un an, i 26,
127.
garg. dur, 370.
geilsine, autorité paternelle, 4.
gel, main, 2, 4, 15.
gelfine « famille de la main », 1, 4,
7-1 1 , 15-16, 182, 184, I 88, 204.
gesca, petits troupeaux? 20, 21, 39,
227.
gil, main, 2.
gilla, esclave, 2.
gin, bouche, 370.
glûn, genou, 294.
gormac, fils de la fille, 20^.
hô, hua, de, 98.
iarfine « famille d'après », 1 , 4, 7, 8,
10, M , 14, 15, 182, 1S4.
idu, lierre, 65.
imthach, amoureux, 109.
in-, préfixe négatif, 403.
indhne « famille de la fin », 1, 4, 7-
11, 14-16, 182, 184, 185.
ingen, ongle, 1 3, 184.
intadud, intathad, enfoncer, 39.
leth-bliadain, demi-année, 125.
lôathar, bassin, 287-.
loc, lieu consacré, 405.
lochet, éclair, 363.
loscann, grenouille, crapaud, 61,
62.
mac foesma, fils adoptif, 204, 205.
maistre, tinette à beurre, 40.
manchuine, travail manuel, 4.
mar-fheser, sept personnes, 144.
mathre, mJithre, tribu ou clan de la
mère, 30.
nicdnn, medhûn, milieu, 129, 583.
meirg, mcirc, rouille, 282, 414.
mi, mois, 115.
mi deireadh an tsamhradh, juillet,
I ÎO.
mi nuadhon samhradh, juin, 130.
Mider, 50.
mis nuthemain, juin, 1 30.
mongénair, il naquit heureusement,
2^8.
mùch, fumée, 370.
muinteras, servitude; bonté, 2.
muntar, montar, famille, 2.
Table des principaux mots ctiuiiés dans le tome XXV. 447
muntaras, munteras, autorité pater-
nelle, 5, 4.
nia, neveu, fils de sœur, i;i8, 20.;,
205.
-nn, -nd, je pers. sing. du présent
d'habitude, 42-46,
no, particule verbale, 44.
nomad, neuvaine, 9 nuits et 9 jours,
154-156.
onôrach, honorable, 405.
ri'agalta, régulier, 403.
ri'g-domna, rig-damna, héritier pré-
somptif d'un roi, 186.
saighim, je viens, 5 52.
samaisc, vache stérile, 126.
samhain, sam-fuin, i'^'' novembre,
126, 127.
■sine, suffixe de noms abstraits, 4.
tanaise, tanaiste, héritier présomptif
d'un roi, 1 86.
tanaisteachd, règle de droit instituant
comme héritier d'un roi le membre
le plus âgé de sa famille, 186.
teorfégad, contemplation, 259.
tinol, collecte, assemblage ; dot, 1 90,
191, 194.
tiugaide, épais, 259.
Ireb coitchenn, maison commune en-
tre cohéritiers, 188, 189.
tresfichet, 2?'^, 379.
tri, trois, 146.
ui, du petit-fils, 5^2.
ullamh, prêt, 404.
m. G.\ÉLiQ.UE d'Ecosse.
cilitriom, bière, 290.
falamh, vide, 64.
gamhainn, veau d'un an, 126, 582.
gamhnach, vache stérile, 126, 127,
382.
giùlan, bière; action de porter, 290.
losgadh, brûlure, 62.
los^ann, crapaud, 62.
maireann, vie ; vivant, qui vit, 45.
meirg, rouille, 282, 4 1 4.
muinntearas, servitude, 2.
IV. G.\LLOIS.
a, qui, que ; particule verbale, 98,
99.
affwys, abîme, 256.
agueddy, dot, 191.
alban, solstice, équinoxe, 121.
anbithaul, très agité, 227.
anner, génisse, 370.
ar, sur, 145.
arch, demande, 384.
argyfreu, paraphernaux, 191.
arcs, rester, 37.
baeddu, battre, 40.
blewyn, cheveu, 65.
brodoriaeth, fraternité, 59.
cadben, capitaine, 77.
calan gaeaf, ler novembre, 126.
calan mei, i^r mai, 1 16, 1 26.
cel, cadavre, 290.
ccchi, manteau, 41 4.
cyfarch, salutation, 384.
cylch, cercle, 41 4.
cynnhaeaf, automne, 128.
cyntefyn, i" mai; printemps, 127,
129, 383.
deuddeg, douze, 145.
deunaw, dix-huit, 145, 162.
digarcliar, non emprisonné, 415.
doudec, douze, 145.
dyddau dyddon, jours supplémen-
taires, 121, 122.
dywallo, verser, répandre, 64.
egwyddor, alphabet, 280.
eiddew, lierre, 6^, 66.
eiddewog, couvert de lierre, 64.
448 Table des principaux mots étudies dans le tome XXV.
eiddiorwg, lierre, 66.
elor, bière, 290.
enderic, veau, 370.
ffillio, tordre, entrelacer, 72.
gaeaf, hiver, i 30.
gaem, hiver, 1 30.
gafael, tenure, 14.
galar, douleur, 38.
gelor, bière, 290.
gin, peau brute, 409.
golosgi, brûler un peu, 62.
gorphenhaf, juillet, 129, 383.
gortho, couverture, toit, 258.
guiannuin, printemps, 127.
gwaddol, dot, 191 .
gwal, couche: clan, 384.
gwallaw, verser, répandre, 64.
gwelz, lit; famille, clan, 1 3, 583, 384.
gwelyauc, (terre) de famille, 13, 583.
gwledd, festin, 365.
gwreichion, étincelles, 40.
hanner bluydyn, demi-année, 125.
hanner-cant, cinquante, 144.
he, semence, 364.
hedd, maison, 564.
lieddyw, aujourd'hui, 66.
hodi, pousser, 39.
holiiach, gui, 57.
hydref, automne, octobre, 128, 129.
iurgchell, chevrette, 284.
llafur, labour, 288.
llosgedd, vésicatoire, 62.
maeddu, battre; piler; mêler en bat-
tant, 40.
mehefyn, juin, 383.
mewn, au milieu, 129, 383.
mis, mois, 115.
mor, si, tellement, 272.
myhefyn, juin, 1 29.
naw diwrnod, semaine, 136.
nerthedd, force, 402.
och, grognement, 418.
oer, froid, i ^0.
pren awyr « plante aérienne », gui,
pythefnos, pythewnos, quinzaine,
quinze nuits, 116, 131, 152.
se, semence, 364.
sedd, maison, :!64.
tant, corde, 82.
tredenus, trois jours, 133.
truth, flatterie, 265.
trwyth, troeth, urine, 417.
tywallt, verser, vider, 64.
uchelfa, gui, 56, 57.
uchelfar, gui, 55, 56.
ugeint, vingt, 1 44.
wythnos, semaine, 116, 132, 136.
ynfyd, furieux, 227.
V. C0RNIQ.UE.
elor, elar, cercueil, 290.
enchinethel, géant, 295, 294.
geler, cercueil, 290.
gortheren, juillet, 1 29.
grychonen, gryghonen, étincelle, 40.
guaintoin, printemps, 127.
guilschin, grenouille, 61, 62.
hanter cans, cinquante, 161 .
hieauven, lierre, 67.
idhio, lierre, 65.
kwilken, grenouille, 61 .
manal, poignée, 4.
mar, si, tellement, 272.
metheven, juin, 1 29.
pedeere, aie soin, 59.
rencia, ronller, 4 1 7.
VI. Bretox armoric.mx.
-nat, infinitifs, 263.
-aj, suff. de noms abstraits, 59, 60.
am-, 406.
Table di's principaux mots ctiidics dans le tome XXV
449
amgin, (à l')cnvors, 406, 407, 410.
aminal, amiral, 406.
ankeler, feu follet, 291-293.
aîïné, ennui, 75 .
ansavout, anzavout, avouer, 265.
ansiein, essayer, 26?.
anzaoue, bonheur, occasion, 265.
arar, ara, charrue, ^9.
arazr, alar, charrue, 59.
ardant, cheville sous la charrette, 82 ,
ardu, noirâtre, 82.
a rekin, à rebours, à reculons, 409.
argant, argent, 414.
argourou, dot, 191.
arzourn, poing, 85.
-ast, 68.
autroniez, seigneurie, ^9.
autrouniaig, seigneurie, 59.
avéein, aven, atteler, harnacher, 265.
auuers, égaré .'^ 542.
avurtet, obstiné, 328, 342.
a ziffroncle marh « à étripe de che-
val », 41 ^.
azr, aezr, aër, serpent, 287.
a zrebi, a drebi, a zrebu, depuis, 8 1 ,
82.
baeieguiez, bélégiez, prêtrise, ^9.
banalec, balance, genetaic, 294.
bar, branche, 55, 57.
basra, pacha, 3 18.
bélégiach, prêtrise, 59.
bisikiaou, pistikiaou, mésange, 63.
bisourc'h, bidourc'h, chevrette, 284.
bléau, blev, cheveux, 65, 67.
bleauenn. cheveu, 6^.
bleuzff, Heurs, 364.
Fodelio, Bodeliave « bouquet de
lierre », 65.
bokedo ostaleri « fleurs d'auberge »,
g"'> S'-
bonbard. bombarde, hautbois, 285.
bofibardio goz, ancêtre, ascendant
éloigné, 283.
bouiorh, chevrette, 284.
bragaldiezou, braveries, 266.
bragard, brave, 266.
Brazeben « à grosse tête », 272.
brederaj, confraternité, ^9.
brcdiah, berdiah, bredieh, confrater-
nité, confrérie, ^9.
brennid, poitrine, 296.
breuék, petit frère, ^8.
breuzr, breu, frère, ^8.
brinidenn, bavette de tablier, 296.
brinisken, lacet au collier d'un cheval,
296, 297.
broq, dent, croc, 5 1 2.
brouçc, broust, brouz, bourgeon ;
buisson, brout, 69.
broust, lierre, 68.
broust, brosse, 69.
brousta, brouza, brouzai, brouter, 69.
brousta, broucça, bronçza, broncein,
bourgeonner, 69.
brousta, rouer, moudre de coups, 69.
broustan, brosser, 69.
broustafi, chercher du lierre, 68.
brul'jsqucn, dépouille mortelle? 297.
calemai, premier mai, 129.
cantreal, cantren, errer, 265.
cazr, caezr, 286.
certen, certain, 266.
certes, certes, 266.
chai, impatience, inquiétude, 76.
chaloniet, chanoniet, chanoines, 294.
channé, ennui, ennuyer, 75.
charnell, charlenn, saloir, 294.
chas, cheas, cliiens, 77, 330, 531.
chaséal. chasser, 77.
chifein, chagriner, affliger, 7^.
chignafi, chegnan, chegnofin, gre-
nouille, 4 1 3.
chin, risible, drôle, bouffon, 413.
4^0 Table des principaux mots étudiés dans le tome XXV.
chivei, encornet, 276.
chivlen, skivlen, dent longue, défense,
griffe, 276.
chivonen, écume, 7^.
c'hoanteis, c'hoantrezis, je désirai,
26;.
c'hoar, il arrive, 63.
c'iumen, écume, 7 c.
c'hwistim? pensez- vous? 81.
cloer. clouir, crible, ijS, 59.
convjye, convayein, couvayein, con-
voyer, 265.
croezr, crible, ^7, 58.
dabort, (au premier) abord, 324.
daccord, d'accord, 324.
da e, à son, 356.
dant, dent, 82, 83.
danten, pierre d'attente, 83.
Danzé (Le), 26 i .
danzeat, bien nourri, 261-263.
danzei, danzen, danzel, dansei, dan-
zeri, préparer, 262, 263.
darde, dards, 3 50.
darem, d'airain, 324.
dareu, larmes, 67.
daripoennte, arrière-point, 80.
darze, mer étale, 286.
davé, davéein, envoyer, renvoyer,
263.
dazre, daere, dare, daze, marée basse,
286, 287.
dazrou, dazlou, larmes, 286, 295.
dcaug, diaugle, dîme, 283.
de_::,i/.a, décompter, 280, ;8i.
degi/an, déguiser, 281 .
deliau, dcilhav, feuilles, 66, 67.
dcliau, deliaùrid, lierre, 64, 66-68.
deliaùs, feuillu, touffu, 66, 67.
delicn, feuille ; tranche mince (de
pain), 73.
delya kwarn « feuilles du coin »,
lierre, 64, 67.
delyaou, deiyou, feuilles, 66, 67.
der, on vient, 311.
derguéye, degré, 58.
desspétt, dresspétt, dépit, 82.
deyar, lierre, 64, 67.
dezrez, dêre, poisson laissé par la mer
basse, 286.
di-, préf. privatif et négatif, 415.
diampicho, (faire ses) diligences, 3 20.
dibennask, trop libre, déréglé, 41 ).
diberdé, sans inquiétude, 59.
diberdérr, dibreder, fainéant, 59.
Dicarc'ner (Le), « non emprisonné »,
diferla, difarlea, déferler, 267.
difronquein, ébrouer, 415.
digeijein, démêler, 281 .
digeiza,digeijan, digccli, épeler, 280,
281.
diguegaff, épeler, 280, 281.
dihelhet, qui n'en peut plus, 294.
dinask, qui n'est pas attaché, 415.
dinaska, détacher (les bêtes cà cornes),
414, 415.
dinasklein, détacher (les bêtes à cor-
nes), 415.
dindan, sous, 3 36.
dirégnklan, râler, 417.
disclery, il déclare, 326, 327.
diskounta, décompter ; guérir par
oraisons, 280.
dleat, dîj, 263.
doc'ha, grogner, 418.
dorgen, anse, 296.
dour derv, deur derv « eau de chê-
ne », gui, 51-54, 56.
dreist-dant, surdent, 83.
e, son (à lui), 27 1 , 272.
-eat, suff. de participes, 263.
-cet, participes, 261-263.
eghina, germer, 411.
-el, infinitif, 263.
Table lifs principaux mots étudiés JcUis le tome A' AT. 45 i
eliaw, elio, ilio, lierre, 64, 6^.
élvenn, étincelle, 71 .
-en, infinitif, 265.
enebarz, enepuuert(h), douaire, 267.
Enezeziau « île du lierre »? 65.
efikeler, fantôme, spectre, feu follet,
291-294.
enklask, rechercher, 293.
-enn, singulatif, 41 7.
enquelezr, géant, 290-295, 295.
enta, donc, 418.
-er, suff. de subst., 287.
erein, eren, lier, 263.
esât, essayé, 265.
eskignat, heskinat, iskinat, agacer,
provoquer, irriter, 410, 411.
estimaff, istimout, estimer, croire, 8 1 .
-et, participe, 261 .
-ev, -eff, sufT. de subst., 60, 63.
even, juin, 1 30.
evit, pour ; supérieur à. 318, 319.
eza, donc, 418.
-ezr, suff. de subst., 287.
fantastig, fantasque.'' fanatique.^ 327.
fede, alouette, 368.
feilhètès, feuilletage, pâte feuilletée,
75-
feilheùr, feuillure, cannelure, 73.
feillen, feuille (de papier, etc.); feuil-
let, 73.
fell, excrément, 70.
felu-mor, algue, 69-72.
fibu, c'houibu, moucherons, 70, 71.
fil: banal fil, genêt cultivé, 72.
fil, intelligence, idée, ruse, adresse,
truc, 72, 73.
fila, ôter, 75.
fiiach: ober f., réussir, 74.
filaj, filerie ; veillée, 74.
filajein, filàjo, faire la veillée. 74.
filajour, celui qui est à la veillée, 74.
filan, filer, décamper, 74.
fiien, ruse, 73, 74.
filennein, débaucher, 73, 74.
filennour, trompeur, séducteur, 73,
74-
filit, goémon long comme une corde,
69-72.
tilizou (park), 72.
tillen, rayon (de miel), feuille (de
papier), 73.
filo, céder, ne pas oser tenir tête, 74,
7S-
filochenn, retailles, 75.
filocher, tilotier, 75.
filour, filou, 74.
filouter, filou, 74.
fircin, filer dou.x 7^.
tistoupér, filotier, 71;.
flaer, flear, fier, puanteur, ^8.
tlaerius, fleryus, puant, 58.
fléye, puanteur, ^8.
fléyuss, puant, ^8.
follenn, feuille (de papier, etc.), 73.
forz, (ne pas faire) cas, 406.
fouilhe-mard, scarabée, 266.
fouilhir, lierre, 68.
fouillez, fcuillée, 68.
foiiliar, fouliast, fouliaù, lierre, 68.
frodulant, perfide, 328, 329.
fubu, moucherons, 70.
fulcnn étincelle, 71 .
furor, furol, fulor, fureur, 58.
gaonac'h. gaunac'h, (vache, femme)
stérile, 127, 382.
gaonyen, vac'.ie qui ne vêle pas pen-
dant un an, 1 27, 382.
garan, grue, 370.
geler, bière, tréteau.x funibres, 289,
290.
gelvel, gelven, appeler, 263.
genou, bouche, 408.
geun, ieun, marécage, 273.
gildéau, lierre, 64, 67.
4'i2 Tabl<: Jrs principuiix mots étudies dam Ir tome XXV.
gin, opposé, à l'envers; chagrin,
mauvaise humeur, 407-409.
ginaou, bouche, 408.
girin, prunelles, 67.
glas, vert, 61 .
glasard, graisset, 61 .
glesker, grenouille; ampoule, 60, 62.
glin, genou, 294.
glued, sorte de redevance, 365.
gluesque, gluesquer, grenouille, ^8,
60.
goall, gol, mal, 65.
goallet, infirme, 63.
goanv, hiver, 1 50.
goat, sang, 335.
goémon, goumon, gomoiï, goémon,
7>-
goles, gaulois, 3 17.
gouela, pleurer, 289.
gouheretT, juillet, 1 jg.
gouh suhun (er), les six derniers |ours
de l'année, 123.
goumonat, gomonat, aller chercher
du goémon, 72.
gour-, manière, espèce de, 80.
gourdeziou, jours supplémentaires,
113, 118, 122, 123, 141 .
gourhelin, juillet, 1 29.
goustiùein, constiper, 274.
gouyan, hiver, 1 50.
gouzerc'h, dorade, 414.
gouzergi, dorade, 4 1 4.
groah, étincelle qui éclate, bluette,
40.
guele, lit, 383.
Gueie-coumarho, 384.
gueict, vu que, 27 1 .
guerbl, tumeur douloureuse, bubon,
glande, 278-283.
guerblen, une tumeur, 279, 281.
guerp, marque (de lèpre), 278, 281,
283.
guescle, grenouille, 58, 60.
gueltoguat, lieu plein d'herbe haute,
289.
Guilhelm, Guiilarm, Guillaume, 267.
Guilligomarch, 383.
guinevel, est-ce vraisemblable, 405,
406.
guinhezr, guinhczl, veneur, 78, 29^.
guir-hevel, vraisemblable, 405, 406.
gwalla, faire du mal, nuire, déshono-
rer, 63, 64.
gwerz, vente, 77.
gwesklev, gwisklev, grenouille, 60,
61, 65.
gwisiklé, gwichiklé, grenouille, 60,
haddant, surdent, 83.
haddorn, poing, 83.
Haelcomarch, 384.
hamsl, hemel, semblable, 405.
halan, alan. haleine, 294.
hanter-kant, cinquante, 144, 161.
hahvesken, vache qui passe une année
sans faire de veau, 126.
haros, héros, 267.
hasouez, honneur, 263.
héala conduire la charrue, 77.
Helgoarch, Helgoualch, 384.
héraut, harod, héraut, 267.
héré, octobre, 1 28.
hersquinaff, railler, 410, 412.
heskenn, scie, 411.
hezretf, octobre, 128, 129.
hillik, chatouillement, 66.
hiniù, hiriù. aujourd'hui, 65.
hirio, aujourd'hui, 65 .
hisquignat, heskinat, agacer, 411,
412.
hizieau, hizieu, hizio, hizià, aujour-
d'hui, 65, 66.
hoc'ha, grogner, 418.
houc'h, pourceau, 418.
Table des principaux mots ctiidics dans le tome XXV. 453
hue, cape, 297.
hudurnaig, hudurnyaich, saleté, 60.
hudurnez, saleté, 60.
huiérr, huérr, égcût, 80.
huiilasstrour, filotier, 75.
-i, plur., 61, 63.
-iez, suff. abstrait, 59, 60.
iffern, ifarn, enfer, 268-271.
ihuelvad, gui, ss, S7-
ihuelvar, gui, S4-57.
ili, prunelles, fruits de l'épine noire,
66.
iliau, lierre, 67.
iiiavecg, lieu oià il croît beaucoup de
lierre, 64.
iliavek, couvert de lierre, 64.
iliaven, lierre, 67.
illy, cormier, 66.
ilyavrez, chèvrefeuille, 67.
ilyeauenn, iliavenn, ilioenn, lierre, 64,
6s.
ioul, youl, désir, 284.
irin, fruits du prunellier, 67.
irinen, girinen, prunellier, 418.
iselvar, gui, 56, 57.
lungortiarc, 384.
ivin, givin, ongle, 67.
ivonen, écume, 75.
-izik, -idik, -inik, -ilik, adj., 66.
jala, jali, chala, chagriner, se chagri-
ner, 7S, 76.
jaius, impatient, chagrin, chagrinant,
7 S, 76-
iobert, joubarbe, 266.
kad e, il est trouvé, 278.
kaer, beau, 111.
kalon dé, aigreurs d'estomac, 416.
kalounask, nausée, 415, 416.
kaloun-losk, kalon-losk, aigreurs d'es-
tomac, 415, 416.
kaniù, kanir, toison, 67.
karelik, belette, 368.
kein, dos, 409.
kelc'h, cercle. 290-294, 414.
kelerenn, keler, feu follet, 290, 292-
29$.
kemm, échange, 77.
Kerbroustec « la ville au lierre « ? 68.
Kerdéliaud « village du lierre », 65,
Kerhilio « village du lierre n? 6-j.
kerhon, vers de charogne, 418.
kerri, kerl, cercle, 414.
kern, sabots de cheval, 334.
kerteri, keltri, famine, 59.
kertri, indolence, paresse, 59. '
kerzinen, aiisier, 41 8.
ket, (ne) pas, 277.
kiler, kilier, feu follet, 292, 294.
kilia, enchanter, ensorceler, 291 , 292,
294.
kilheri, ortolan, 277.
Kilhore,_277.
kirinen, alisier, 418.
ki/idik, kizilik, sensible, 66.
kleri, cercle, 41 4.
koanze, (le) séant, 262.
koc'h bisikiaouet « fiente de mésan-
ges », chassie, 63.
kohtam, poison, 418.
kontram, vers de charogne, 418.
kontron, vers de charogne, 418.
konvcrs, konverz, commej-ce, rap-
ports, 77.
korrigan, nain, 41 2.
kosigan, nain imaginaire, 412.
kouk ! coucou ! 278.
koumcrz, commerce, 77.
koun, chiens, 77, 78.
krouadur, kouadur, enfant, ^8.
kroer, kreur, crible, 57.
krwe, crible, 58.
laouer, laour, bière, cercueil, 287-
289.
454 Table des principaux mots
laouezr, laouer, auge, pétrin, 285-
288.
laur, douleur, peine, 288.
leur, bière, cercueil,' 288, 289.
leur-gar, leur c'iiar, timon de char-
rette, 58.
leur-gua?r, leurhé, aire d'une ville,
58.
leveret, vous direz, 358, 3 39.
loar, loer, loéhér, louer, louar, auge,
pétrin, 28^-287.
loberdein, enjôler, 266.
loezn, loen, bête, 287, 336, 337.
-loscan, grenouille? 62.
louazr, louezr, auge, pétrin, 285-
287.
louern, luern. louarn, renard, 268.
lou/.aouenn ar c'halve/., achillée,
mille-feuille, 267.
ludu, cendres, 70.
mad, ma, bien, 55, 56.
maer, intendant, majordome, 40.
maîstronyaich, autorité, maîtrise, 60.
msstronyez, autorité, maîtrise, 60.
magner, manière, sorte, 79.
malazn, malan, gerbe, 4.
maniel, manière, sorte, espèce ; air,
contenance, 79, 80.
manier, manière, sorte, 78-80.
mar, si, tellement, 272.
maréz, malé/, plaine, 272, 273.
m.iréz, marais, 273.
niautguenn, maousken, peau de mou-
ton, 296, 297.
mechal, je ne sais, 76.
meein, meyein, pétrir, 40.
meheven, m.'heùen, juin, 124, 129,
383.
mehevenic, juillet, 1 24.
melchonenn, melclicncnn, trèlle, 417.
mèlegadur, rouille, 413.
meleganet, (visage) liàlé, 414.
étudiés dans le tome XXV.
mèlegann, melegan, melegant, verdier
mâle; homme qui mange peu;
homme blond, 413, 414.
melenek, verdier, 413.
melestrein, administrer, 295.
melget, mèleget, rouillé; qui a des
taches de rousseur, 413.
menai, malan, gerbe, 4, 294.
menestin ; ur m. eutru, une manière
de monsieur, S i .
meni, manière, sorte, 79-81.
meni-bossennêc, (fièvre) putride, 80.
meniér, manière, sorte, 79, 80.
meni-full, folâtre, 80.
méra, mérat, pétrir; manier, 40.
merci, m^rgl, melgr, rouille, 282,
285, 41 3, 414.
mercladur, rouillure; rouille, 282,
41 3.
merier, marier, manière, sorte, 78,
79-
meur, grand, grandement, 272, 273.
meurbet, beaucoup, 272.
meza, pétrir, 40.
mezeven, juin, 129, 130, 3S3.
milguin, manche, 295 .
minaql, miracle, 406.
miniiuiquen, mie, 28 1 .
môr-c'hast, femelle du marsouin,
414.
mouchouer, mouchour, mouchoir,
mous, ordures, 283.
mousen, femme malpropre, 283.
mozogel, femme sale ; troisième é-
pouse, 283.
muz, mue, 297.
nask, attache, 416.
naska, attacher (les bestiaux), 41^.
ne, ne pas, 406.
0, en (f.iisant), 318, 519.
or besomp, ayons, 338.
Tiiblc des pnncifhuix mots étudiés dans le tome XXV. 45 5
osignanet, êtres fantastiques, malfai-
sants et difformes, 4:2.
-ou, plur., 82, 85.
oualleign, répandre, 64.
parounou, pièces de bois ovales, at-
tachées sur le devant du collier d'un
cheval, 296.
peche'zrien, pechcryen, pécheurs, 287.
pennask, lien qui attache le pied d'une
vache à ses cornes, 415.
pennaska, penaskin, attacher la tête
d'un animal à un des pieds de de-
vant, 41^,416.
perderi, prederi, inquiétude, 59.
perdri, souci, 59.
perdrius, chagrinant, 59.
pereillus, périssable, 558.
pesquezr, pesquer, pêcheur, 287.
peupli, popli : koad p., du peuplier,
80.
pevarzekved, 14e, 561 .
pilhoustenek, (jupe) dont les bords
déchirés pendent en lambeaux :
(poule) aux plumes hérissées, 83.
pirchirindet, pichirindet, pèlerinage,
59-
pjederi, inquiétude, ^9.
Pléniar, Plumcliau, 67.
pletrin, pétrin, auge, 85.
plok, ploc, 260.
posteall, postal, courir la poste, 3 54,
33S-
pouren. porreau, 418, 419.
predér, inquiétude, 59.
predi, inquiétude, ^9.
pridiry, pidiri, inquiétude, ^9.
queheziou, nouvelles, 286.
quen, peau, 296.
quen, aussi, 326.
quillorou, avant-train d'une charrue,
293, 294.
quynnet. torture? 406, 407.
rannet, reannèt, grenouilles, 413.
recign, rechigné, chagrin, 409.
régnklen, râle, 417.
rekin, (le) rebours ; bizarre, 409, 4 10.
renvoin, il renvoie, 5^7.
revr, reij, derrière, 58.
richinafT, richinnat, rechigner, 409,
410.
rinkin, rechigné, chagrin; rire mo-
queur, 409, 410.
risign, rechigné, chagrin ; ris, rica-
nement, 410.
riskignal, ricaner, 4 10.
riskign-riskign, ricanemenV continuf 1,
410.
Robert, Robart, Robert, 266, 267.
rcc'ha, ronfler, râler, 418.
rofikel, râle, 417, 418.
ronkonel, rokonel, roukounel, râle,
417.
Roperz, Roparz, 267.
rouzegafin, verdier femelle, 41 ^
rus, f>"inte, 297.
saveteat, sauvé, 265.
sermon, zarmon, sermon, 267.
servich, service, 330.
seulenn, seine, 295 .
seuzl, seul, talon, 286.
sifern, sivarn, rhume, 268.
siffoc'hel, sarbacane, 276.
sifoc'h, encornet, 27s, 276.
sivyen-red, eufraise, 66.
skignan, grenouille, 412, 413.
skin, rayon, 412.
•skîn, animal difforme qu'on dit né
d'une femme, 415.
Soison. Soissons, 5 1 6.
soroc'ha, grogner, grondvT, quereller,
418.
soroc'hel, vessie pleine de pois, 418.
start, sterd, ferme, fort, 266.
stem, starn, châssis, 271.
456 Table des principaux mots étudiés dans le tome XXV.
sternaff, préparer, 271.
stevia, boucher, étouper, 273.
stifellek, encornet, 275, 276.
stiff, courant d'eau douce, 275.
stiùaj, séparation de la charge d'un
navire, 273, 274.
stivel, stifFel, stichel, lavoir; source
tombant d'un rocher, 274-276.
stovel, ornière, 276.
sultant, sultan, 3 18.
talareg, lançon, 286.
talazr, tarière, 286.
talèrek, (yeux) perçants, 286.
tazeni, agacer (les dents); émousser
(un outil), 416.
tazon, rassasié ; dégoûté (d'un tra-
vail), 416.
tazoni, tazeni, agacer les dents, 41 6.
-tiern, Tiarn, chef, 268.
timuttasg? 3 18.
tirlër, tirlë, le cheval du milieu de
l'attelage, ^8.
Tonouloscan « vallée de la grenouil-
le »? 62.
tosonaff, tosona, agacer les dents, 4 1 6.
Toul-Chiannet, Toul-Chiganet « trou
aux grenouilles », 41 5.
toul-hui, trou d'un fossé pour attirer
l'eau, 80.
touriganet, nains imaginaires, 412.
tourjouna, agacer les dents, 416.
traezcr, entonnoir, 287.
treah, urine, 41 7.
trechala : en cm drechala, en cm dre-
chali.se préoccuper, 76.
tréchon, trechann, trénchon, oseille,
4,6. ^
trechonein, agacer les dents, 416.
trec'hwezi, souffler foitenicnt et avec
effort, 76.
tregont, trente, 361 .
trenc, treank, tringnk, aigre, acide ;
(lait) caillé, 416, 417.
trench koukoug, sorte de primevère,
417.
trevad, moisson, i 28.
tri, trois, 277.
tric'hwec'h, dix-huit, 144.
trihori, sorte de danse, 276, 277.
trinchin, trihchen, oseille, 416,
417.
troaz, troeh, urine, 417.
trubard, fourbe, traître, faux pauvre,
264-2Ô6.
trubardi, tromper, gueuser, 264, 265 .
trucha, tromper, gueuser, 265.
trufla, gueuser, tromper, 26^.
tu-gin, tuin, tuein, envers, 407, 409,
4 10.
turzunel, turzulen, tourterelle, 294.
ty, maison, 82, 83.
-u, 70.
uhelvar, gui, 54"S7-
ulven, étincelle, 7 1 .
verbl, phlegmon, inflammation, bu-
bon, 278, 279, 28 I .
voint, ils seront, 3 20, 321.
yelchier, bourses, 294.
yeulc'h, fiancée, 284.
yncarnel, charnel, 526.
yorhéz, chevrette, 284.
youlc'h, celle qui aimj la danse,
28v
youlc'hen, graine abâtardie, 285.
yourc'h, chevreuil; biche; tille lé-
gère ; (jument) stérile ; abruti,
brute, 284, 285.
yourc'hes, biche; femme de mauvaise
conduite, 284.
yùnioii, plaines, 273 .
ERRATA
P. 5, 1. 10, 1 1, nu lieu de chapitre vu, lisez chapitre vi.
— êtes
— serez.
— esiis
— eiitis.
— filii
— in filios,
P.
62, 1
• 14,
folosgi, lire golosgi.
p.
64, 1
■ '4,
iRi HÙ, lire HiRiù.
p.
81, 1
1. 18,
c'hnisllm. lire c'htù.
itiin.
p.
:8o, 1
• 29,
aigciza, lire digeiza.
p.
282, 1
■ 9,
inséparable, lire sép;
jrabie.
Revue dUque, XKV. 31
CORRECTIONS AND ADDITIONS
REV. CELT. T. XXIV
P. 284, 1. I, after Beann /;mT/ Atharni 7 roinursad.
405, I. 10, {or •zvaebda read aebda.
REV. CELT. T. XXV
P. 232, 1. 9, transfert /o déponents.
11. 20, 21, 22, read The réfutation by S. Gregory the Great of an
heretical opinion of Eutychius, § 19, is mentioned hj
Baeda, Hist. ecch, lib. 2, c. i. For this correction I am
indebted to the Rev. Charles Plummer.
233, note 2, 1. 6, /or desenes rra^/ deserves.
239, 1. II, for for mand read form and.
1. 14, af 1er ûnxly insert y Q-àYS,.
241, 1. 12, /or trace sofrmf? traces of.
1. 20, for will not be read are not.
243, 1. 21, for Eutyches read Eutychius.
249, 1. 4, add a note: So, according to 'D-in\.è(Devulgari Eloqnio), the
angels communicate intuitively. And see Revue Celtique,.
t. XX, p. 174, 1. 9.
1. 16, /or through r^arf throughout.
255, 1. 18, for numerous read usual.
1. 35, after renewal insert too.
255, 11. 5 and 6, for There i-ead Then.
256, 1. 10, after and-all insert (for and-tall, Strachan).
last line, for carcair, prison read carcar prison.
257, I. 8, îor equally large read of eqiial si^e.
1. 39, dele a sage.
2)8, 1. 5, from bottom, after pron. insert of sg. 3 fera, ro-s-iathgé 19..
259, 1. 18, for -liniiuU read Icniiid}
W. S.
Les ouvrages dont les titres suivent sont récemment parvenus à la rédac-
tion de la Ri-viie Celtique. Il en sera prochainement rendu compte :
Patrick S. Dinneex. An irish-english Dictiouary, publication de l'Irish
Texts Society. Londres, David Nutt, in-S", 802 pages.
Henry Jenner. A Handbook of tbe Cornish Latiguage, chiefly in its latest
Stages, u'ith sonie acconnt of its History and Literature. Londres, David Nutt,
in-80, XVI, 208 pages.
W. J. W.\TSOX, Place Naines of Ross and Croniurty. Londres, David Nutt,
in-80, Lxxxvi, 302 pages.
W. Kr.\use, Die Keltische LJrbcvôlkerting Deutschlands. Erldcirung dei
Namen vieler Berge, Wiilder, Fliïsse, Bâche und Wohnorle. Leipzig, Paul Eger,
in-8", V1-135 pages.
Yves Berthou, Dre an delen hjg ar c'horn-houd. Paris, Le Dault, in-12,
213 pages.
J. Rhys, Early Britain, Celtic Brilain, 3-^ édition, Londres, Society for
promoting Christian Knowledge, petit in-8, xvi, 239 pages.
Camille Jullian, Recherches sur la religion gauloise, Bordeaux, Ferct,
in-8, 1 1 1 pages.
J. Rhys, Sludies in early irish History froni the Proceedings of the Brilisb
Acadeniy, vol. I, in-8, 60 pages.
Antoine Thomas, Nouveaux essais de philologie française, Paris, Bouillon,
petit in-8, xii, 416 pages.
Le Propriétaire-Gérant: Veuve E. Bouillon.
Chartres. — Imprimerie Durand, rue Fulbert.
vil
H
oo
O
H
0)
PL, ^^ ^L,
Universityoi Toronto
Library
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REMOVE
THE
CARD
FROM
THIS
POCKET
Acme Lîbrary Gard Pocket
LOWE-MARTIN CO. limited
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