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Full text of "Revue celtique"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2010  with  funding  from 

University  of  Ottawa 


http://www.archive.org/details/revueceltique25pari 


REVUE   CELTIQUE 


TOME  XXV 


CHARTRES. 


IMPRIMERIE    DURAND,    RUE   FULBERT. 


^^^  CE^^^ 


FONDÉE 

TAR 

H.    GAIDOZ 

1870-1885 

PUBT.IÉE    SOUS   LA    DIRECTION    DE 


^ 


H.    DARBOIS    DE    JUBAINVILLE 

Membre  de  l'Institut,  Professeur  au  Col.ège  de  France 
AVEC   LE   CONCOURS   DE 

E,  ERNAULT  J.   LOTH  G.   DOTTIN 

Professeur  à  l'Université       Doyen  de  la  Faculté  des       Professeur  à  l'Université 
de  Poitiers 


Lettres  de  Rennes 


dt;  Rennes 


ET    DE    PLUSIEURS    SAVANTS    DES    ILES    BRITAMNIQUES    ET    DU    CONTINENT 


Tome  XXV 


^  r>.  TV.   8AA0ËR 

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PARIS  (r) 

LIBRAIRIE   Emile    BOUILLON,    ÉDll'EUR 

67,    BUE  DE    RICHELIEU,    AU    PREMIER 


1904 


581479 


TABLE   DES   MATIÈRES 


Pages 
ARTICLES  DE  FOND 

La  famille  celtique,  par  H.  d'Arbjis  de  Jubainville i,  iSi 

Pennovindos,  Pinnevindum,  Pavant,  par  A.  Longnon 17 

Esnada  tige  Buchet,  The  songs  of  Buchet's  House,  édités  par  Whitley 

Stokes 18,  225 

Notes  étymologiques  bretonnes,  parJ.   Loth 40,  382 

Some  Remarks  on  the  irish  third  person  in  nn,  nd,  par  Walter  J. 

Person 42 

Le  dieu  celtique  Medros,  par  Franz  Cumont 47 

Sur  l'étymologie  bretonne,  par  Emile  Ernault 51,260,340 

L'année  celtique  d'après  les  textes  irlandais,  gallois,  bretons,  et  le 

calendrier  de  Coligny,  par  J.  Loth 113 

Cicéron  et  les  Gaulois,  par  H.  de  !a  Ville  de  Mirmont 163 

Les   carnassiers   androphages   dans   l'art  gallo-romain,  par  Salomon 

Reinach 208 

Note  sur  le  gaesum  par  Adrien  Blanchet 229 

Scela  na  esergi,  Tidings  of  the  résurrection,  par  Whitley  Stokes..     .  232 
Le  mystère  de  saint  Crépin  et  saint  Crépinien,  édité  par  Victor  Tour- 
neur          299,  420 

Find  and  the  man  in  the  tree,  par  Kuno  Meyer 344 

Les  mots  vieil-irlandais  du  ms.  de  Laon,  par  J.  Vendryes 377 

Betha  Fursa,  The  Life  of  P'ursa,  éditée  par  Whitley  Stokes.   ...  385 


CHRONIQUE 

Alton  (E.-.\.  d'),  History  of  Ireland,  baye  de  Sainte-Croix  de Quimperlé, 

W)-  >io,  361. 

Berthou  (P.  de),  Cartulaire  de  lab-       Berthoud,  Les  noms  de  lieux  habités 


Table  des  matières. 


du  département  de  la  Côte-d'Or,  ç)\. 
Best  (R.-l.),  Leabhar  Oiris,  422. 
Blanchet  (Adrien),    Influence   de    la 

Sicile  sur  Massalia,  362. 
Bouché-Leclercq,   Histoire   des   La- 

gides,  5^6. 
Bro\vn(Arthur-C.-L.),  Iwain,  aStudy 

in  theOrigin  of  Arthurian  Romance; 

9'- 
Burlet,  La  Savoie  avant  le  christia- 
nisme, 9^. 
Champeval    (J.-B.),    Cartulaire    des 

abbayes  de  Tulle  et  de  Rocamadour, 

360. 
Cymmrodor,  91. 
Déchelette  (Joseph),   L'oppidum    de 

Bibracte,  90. 
Dottin   (Georges),    La    religion    des 

Celtes,  93. 
Faraday   (L.   Winifrid),  Traduction 

ani.'laise  du  Tain  bô  Cùailngi,  3  ^  ^. 
Guillevic,  Exercices  sur  la  grammaire 

bretonne,  92. 
Gwynn  (E.^J.),  Incendie  de  la  maison 

de  P'inn,  422. 
Halphen,  Annales  angevines  et  ven- 

domoises,  111. 
Herzog,  Les  Gaulois  à  Delphes,  84. 
Hirschfeld    (Otto),    Le    conseil    des 

Gaules,  362. 
Holder  (Alfred),  Allceltischer  Sprach- 

schatz,  360. 
Ihm,  Les  Druides,  360. 
Joyce  (P.-W),   A  social   history  of 

ancient  Ireland,  85. 
Kittredge  (G.-L.),  Arthur  and  Gor- 

lagon,  91 . 
Le  Braz  (Anatole),  Cognomerus  et 

sainte  Tréfine,  3^6.  —  Essai  sur 

l'histoire  du  théâtre  celtique,  3^7. 

—  Textes  bretons   pour   servir  à 
l'histoire  du  théâtre  celtique,  358. 


—  Manuscrits  bretons  donnés  par 
lui  à  l'Université  de  Rennes,  420. 

Leclerc  (L.),  Ma  beaj  Jérusalem,  3  58. 
Le  Goff,  Exercices  sur  la  grammaire 

bretonne,  92. 
Leite  de  Vasconcellos,  Geographia  da 

Lusitania  na  epoca  proto-historica, 

Longnon  (A.),  Documents  relatifs  au 
comté    de    Champagne,    tome    II. 

—  Fouillés  des  provinces  de  Lyon, 
Sens  et  Tours,  3  59. 

Lloyd,  Les  formes  impersonnelles  du 
passif  dans-  le  verbe  substantif  ir- 
landais, 421. 

Maître  (L.),  Cartulaire  de  l'abbaye 
de  Sainte-Croix  de  Quimperlé,  1 10, 

561. 
Mat  ruchot,  Les  noms  de  lieux  habités  du 

département  de  la  Côte-d'Or,  94. 
Meyer(KunG),Soncours devieil  irlan- 
dais à  Dublin,  362.  — Eriu,  422. 
Michon  (Etienne),  Les  menhirs  sculp  - 

tés  de  la  Corse,  362. 
Nicholson  (Edward  Williams  Byron), 

Keltic  Researches,  5  50. 
O'Farclly,  The  O'Grovvney  Mémorial 

Volume,  3  58. 
O'Grady  (Standish  Hayes),  catalogue 

des  manuscrits  irlandais  du  musée 

britannique,  S4. 
0'K.eeiTe,La  mortdeConlaoch. —  Col- 

man  mac  Duach  et  le  roi  Guaire, 

422. 
O'Neill  Lane,  English-irish  Diction- 

nary,  355. 
O'Nowlan,  La  querelle  du  pain,  422. 
Prou  (Maurice),  Recueil  des  chartes 

de   l'abbaye  de  Saint-Benoît-sur- 

Loire,  360. 
Raud  (F.)  prétend  que  Gien  est  l'an- 
tique Cenabum,  89. 


Table  des  matières. 


vu 


Reinach  (Salomon),  Les  Gaulois  à 
Delphes,  84. 

Romilly  Allen,  chronologie  archéo- 
logique, 361. 

Roserot  (Alphonse),  Dictionnaire  to- 
pographique du  département  de  la 
Haute-Marne,  94. 

Society  of  Cymmrodorion  (the  tran- 
sactions of  the),  561 . 

Stokes  (Whitiey),  Thésaurus  palaeo- 
hibernicus,  1  10. 

Strachan    (John),  Thésaurus  palaeo- 


hibernicus,  1  10. —  Cours  de  vieil 
irlandais  à  Dublin,  362.  — Sélec- 
tions from  the  old  irish  glosses, 
375.  —  Eriu,  421. 

Toutain  (Jules),  L'institution  du  culte 
impérial  dans  les  trois  Gaules,  362. 

Vidicr  (Alexandre),  Recueil  des  char- 
tes de  l'abbaye  de  Saint-Benoit- 
sur-Loire,  560. 

Ys  (René  d'),  Ernest  Renan  en  Bre- 
tagne, S'6. 

Zimmer  (H.).,  1  ;o. 


PÉRIODIQUES 


Analecta  Bollandiana,  371. 

An  Gaodhal,  103,  367. 

Annales  di  Bretagne,  101,  365.  423. 

Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de 
Bordeaux.  Revue  des  études  an- 
ciennes, 109,  372. 

Archaeologia  Cambrensis,  102. 

Archiv  fur  celtische  Lexicographie, 
100,  365. 

Beitraege  zur  alten  Geschischte,  372. 

Beitraege  zur  kunde  der  indogerma- 
nischen  Sprachen,  107,  370,  425. 

Boletin  de  la  real  Academia  de  la 
Historia,  104,  371 . 

Bulletin  archéologique  du  comité  des 
travaux  historiques  et  scientifiques, 

571- 
Celtia,  103,  367. 
Jndogermanische  Forschungen,  106, 

370. 
Irisleabhar  na  Gaedhilge,  366. 
L'Anthropologie,  107,  368. 
Mémoires  de  la  société  de  linguistique 

de  Paris,  370. 
Polybiblion.  424. 


Proceedings  of  the  royal  i-ish  Aca- 

demy,  109. 
Publications  of  the  modem  language 

association  of  America,  369. 
Revue  archéologique,  106,  368. 
Revue  des  bibliothèques  et  archives 

de  Belgique,  109. 
Revue  des  études  anciennes,  109, 372. 
Revue  des  traditions  populaires,  108, 

368. 
Revue  de  synthèse  historique,  96. 
Revue  épigraphique,  108,  423. 
Revue  historique.  105,  373. 
Revue  internationale  de   numismati- 
que, 104. 
Revue  numismatique,  104. 
Sitzungsberichte    der   Anthropologi- 

schen  Gesellschaft  in  Wien,  372. 
The  celtic  Review,  374. 
The  Folklore,  10^,  368. 
The  Gael,  103,  367. 
The  Journal  of  theological   Studios, 

104. 
The  Journal  of  the  royal  Society  of 

.^ntiquarics  of  Ireland,  102,  366. 


VIII                                        Table  des  matières. 

The  Scoltish  historical  Review,  366.  Zeitschrift    fiir  celtische    Philologie, 

Transactions  of   the   Gaelic   Society  97,  363,  373. 

of  Inverness,  371.  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprach- 

Westdeutsche    Zeitschrift    fur    Ge-  forschung.,  109,  369. 

schichte  und  Kunst,  423. 


TABLE,  par  M.  E.  Ernault,  des  principaux  mots  étudiés  dans  le  t    XXV 
de  la  Revue  Celti(]uc,  p.  443. 


LA    FAMILLE  CELTIQUE 


PREMIER    ARTICLE 


Le  Seuchiis  Môr  nous  apprend  que,  dans  la  Eimille  irlandaise, 
fine,  il  y  a  quatre  groupes  de  proches  parents  qui  supportent  la 
responsabilité  du  crime  ou  du  délit  de  quiconque  fait  partie  de 
ces  groupes,  ce  sont  la  gclfine,  la  dcrhfi)ie,  la  iarfine  et  la  indfim  '. 
Ces  quatre  groupes  peuvent  être  contraints  à  payer  la  com- 
position due  pour  crime  ou  délit  commis  par  un  de  leurs 
membres. 

Gclfine  veut  dire  «  famille  de  la  main  » -,  ou  moins  littérale- 
ment «  dans  la  main  »,  c'est-à-dire  «  fomille  qui  est  »,  comme  on 
dit  en  droit  romain,  «  in  manu,  in  niancipio  »  ;  en  général,  en 
droit  romain,  on  dit  que  les  descendants  sont  /';/  patria  potestate^. 
Mais  on  peut  dire  aussi  qu'ils  sont  /;/  manu,  in  niancipio-^, 
c'est-à-dire  manu  capti  «  pris  dans  la  main  »,  d'oii  le  mot 
émancipation  emprunté  par  le  droit  français  au  droit  romain  >. 

1.  It  cetheora  fine  ata  nesoin,  combeirat  cinaid  cacha  bunadaig  :  gelfine, 
ocus  dcrbtine,  iarfine  ocus  indfine.  Aiicieut  Lau's  of  Irehiiid,  t.  I,  p.  260, 
I.  1-5.  Bunadaig  est  le  génitif  singulier  de  bitnadath,  signifiant  «  issu  du 
tronc  commun  »  C'est  un  dérivé  de  hiiiiad  «  race  »  dérivé  lui-même  de 
biiii  «  tronc  »  ;  Whitley  Stokes,  Urkeltischer  Sprachschali,  p.  177;  Windisch, 
Irische  Texte,  t.  I,  p.  408;  cf.  Atkinson,  Ghssary  ta  Brehoii  Laivs,  p.  114- 
115. 

2.  Traduction  de  Sumncr  Maine,  Early  Historv  of  Institutions,  p.  216,  et 
de  R.  Dareste,  Htiuhs  d'histoire  du  droit,  p.  371. 

3.  Voir  par  exemple  les  textes  réunis  au  Digeste,  livre  I,  titre  vi,  De  his 
qui  sui  vel  alieni  iuris  sunt,  lois  5,  4,  5,  8. 

4.  Matrem  autem  familias  appellatam  eam  esse  soiam  qua:  in  mariti  manu 
mancipioque  aut  in  eius  in  cuius  maritus  manu  mancipioque  essct.  Aulu- 
Gelle,  livre  XVIII,  chap.  vi,  5  9- 

5.  Digeste,  1.  I,  titre  vu.  Do  adoptionibus  et  emancipationibus. 

RivUi  celtique,  X.W.  i 


2  H.  D'Arbois  de  Jubainville. 

On  sait  que  chez  les  Celtes  comme  chez  les  Romains  la  puissance 
paternelle  durait  en  principe  aussi  longtemps  que  la  vie  du 
père,  de  l'aïeul,  du  bisaïeul  ou  même  du  trisaïeul.  Ce  droit 
de  l'ascendant  a  été  fort  réduit  par  les  Gallois  au  moyen  âge; 
chez  eux,  le  hls,  dès  l'âge  de  quatorze  ans,  doit  être  émancipé 
par  le  père.  Mais  en  Irlande,  l'antique  puissance  paternelle 
persiste  au  moyen  âge  '.  On  trouve  en  Irlandais,  pour  exprimer 
l'idée  de  cette  puissance,  la  même  métaphore  qu'en  latin.  On 
s'y  sert  de  deux  mots  : 

Un  de  ces  mots  en  ge]  «  main  »,  de  la  même  racine  que  le 
grec  ydp  =  *gber-sii-s  -  ;  cette  racine  se  reconnaît  dans  le  sanscrit 
harati  =  *ghën'ti  «  il  tient,  il  prend  »  3  ;  gel  «  main  »  apparaît 
sous  une  forme  légèrement  déformée  gil.i.lâiii  dans  la  copie 
des  anciennes  lois  d'Irlande  exécutée  par  O'Curry,  p.  1446. 
De  gel  vient  l'irlandais  gilla  «  esclave  »  =  *gelnios,  mot  que 
M.  Whitley  Stokes  a,  non  sans  bonnes  raisons,  comparé  au 
grec  -/cîpcç;  y^tip'.c:  veut  dire  «  qui  est  sous  la  puissance  d'un 
autre 4  ». 

y^ip:::;  exprime  la  même  idée  que  le  latin  mancipiiiui  quand 
ce  dernier  mot  est  employé  au  sens  d'esclave;  mais  dans  man- 
cipium  le  premier  terme  est  un  mot  différent  de  yiip  et  de  gel, 
c'est  le  latin  iiuniiis.  Ce  mot  latin  se  reconnaît  dans  le  vieil 
irlandais////////^?/',  uioiilar  «  famille  »  au  génitif  singulier  ;;////;/- 
tire;  iiiniilcir,  inonlar'^  =  *iiuiini-tera;  ce  mot  veut  dire  «  celle 
qui  est  sous  la  main  »,  c'est-à-dire  «  sous  l'autorité  ».  Le  sens 
de  iiniiititr  est  parfaitement  établi  par  le  dérivé  niuinteras  «  ser- 
vitude »  et  «  bonté  »,  «  bonté  »  puisqu'il  s'agit  de  l'autorité 
paternelle.  Servitude  est  le  sens  donné  par  le  glossaire  gaélique 
de  VHighland  Society  of  Scolland^\  On  trouve  ce  sens  associé 


1.  Cours  de  titttralure  cettiquc.  t.  VII,  pp.  244,  245. 

2.  Brugmann,  Grniidriss,  t.  I2,  p.  745. 

3.  Brugmann,  Grundriss,  t.  I^,  p.  565. 

4.  Bi'itraege  x,'ir  vergleiiideit  Sprachjorscliiing,  t.  VIII,  p.  324. 

5.  Ms.  de  VVurzburg  ;  cf.  mulnter,  ilndeui  ;  iiiunlher,  Aiiliplionarium  Beucho- 
rense,  folio  30  recto,  et  Windisch,  Grammatik,  §  64. 

6.  Muinntearas,  «  service  »,  «  servitude  »,  «  office  of  a  servant  »,  ser- 
vitus,  servi  officiuin  vel  inianis.  Bha  e  air  nihuinntearas  ann-san  teaglach  sin. 
«  He  was  serving  in  that  family  ».  Diclioiiary  of  tlic  oacdic  Lauguage...  coin- 
pited...  iiiidi-r  ll.w  din\-lioii  of  ihc  Hi^Ijlaiid  Society  of  Scoltaïul,  p.  674. 


La  Famille  celtique.  ^ 

au  sens  de  bonté,  kindness,  dans  le  glossaire  irlandais  d'O'Reilly  ^ 
Le  sens  de  bonté,  hindmss,  avec  divers  synonymes  ou  analogues, 
apparaît  chez  Atkinson,  Glossaire  des  homélies-.  Glossaire  des 
Thrce  shafts  of  âeath  «  Trois  dards  de  la  mort  »,  traité  dû  à 
Geoffrey  Keating',  dans  Ylrish-english  Dictiouary  de  Thomas 
de  Vere  Coneys4  et  dans  ces  ouvrages  le  sens  de  servitude  fait 
défout. 

Dans  les  gloses  de  saint  Paul  de  Wùrzburg  ce  mot  apparaît 
sous  la  forme  muntaras.  Saint  Paul  vient  de  dire  (Deuxième 
aux  Corinthiens,  chap.  vu,  verset  i8):  «  Vous  êtes  pour  moi 
des  tils  »,  Vos  cstis  iiiihi  filii,  et  plus  bas,  dans  une  glose  sur 
le  verset  30,  le  commentateur  irlandais  lui  foit  dire  de  ceux 
qu'il  qualifie  ainsi  de  fils,  «  ceux  qui  sont  placés  sous  mon 
autorité  paternelle  »,  hite  i-in  muntaras \  on  a  traduit  muntaras 
par  «  communions  »  ;  mais  pour  un  prêtre  ou  un  laïc,  être 
dans  la  communion  de  son  évêque,  c'est  accepter  sa  paternité 
spirituelle,  son  autorité  paternelle.  A  muntaras  on  peut  com- 
parer le  bas  latin  mundium  qui,  dans  la  loi  des  Lombards, 
désigne  la  tutelle  perpétuelle  des  femmes^.  C'est  un  dérivé  du 
germanique  mund  «  main  »  et  «  protection  ».  Mutid  est  usité 
en  anglo-saxon,  en  vieux  frison;  en  vieux  haut  allemand  on 
dit  muni';  manus  paraît  nous  offrir  la  forme  pleine  d'une 
racine  max  qui  est  réduite  dans  le  germanique  mund  =  ;//.  -ti-s  ; 
n  résonant  devient  //;/  en  germanique^.  Manus  et  mund  suppo- 
sent  une   racine   max   qui   n'est   pas   indo-européenne  9.   On 


1 .  Muintcradhas,  «  l<iiidncss  »,  «  service  »,  «  servitude  ».  Edward  O'Rcilly, 
An  irish-eiiglish  Diclioiiary,  Dublin,  1817. 

2.  The  passions  anJ  homilies  in  the  Lcahhar  hreac,  p.  807:  muineterus, 
«  friendship  »,  «  alliance  ». 

5.    Tri  bioy-ohaoilhe au  bh.iis,  p.  412  :  muinntearas,  «  friendship,  alliance  ». 

4.  Muinnteardhus,  «  fiivour,  kindness  »  (Niini.,  XI,  15;  Kings,  II,  7), 
p.   25v 

5.  Whitley  Stokes  et  John  Straciian,  Thésaurus  paheohibernicus ,  t.  I, 
p.  606,  1.  29,  4)  ;  cf.  Gramniaticci  celtica,  2=  éd.,  p.  492,  787. 

6.  Du  Cange,  Glossarium  tnediae  et  infiniae  lalinitatis,  éd.  Favre,  t.  V, 
p.  546. 

7.  Oskar  Schadc,  Alldeulsches  Wœrtcrbiich,  i<^  édition,  t.  II,  p.  626. 

8.  Le  rapprochement  de  manus  et  de  mund  a  été  fait  par  plusieurs  auteurs, 
tels:  Schade,  loco  cilalo;  Fick,  Vergteiclh'mles  iVœrterbuch,  4<-'  édition,  t.  I, 
p.  )20;  Whitley  Stokes,  UrkeltiscJier  SpraclisclMt^,  p.  200. 

9.  Meillct,   Introduction  à  l'étude  comparative  dis  langues  indo-européennes, 


A  H.  D'Arhois  Je  JubamvUle. 

pourrait  expliquer  de  hi  môme  manière  le  grec  ;j.2po  «  main  » 
qui  tiendrait  lieu  d'un  plus  ancien  *iJin-râK  Le  sens  de  main 
donné  au  groupe  inaii,  iiin  paraît  spécial  aux  langues  italiques, 
au  germanique,  au  celtique  et  au  grec,  sa  présence  en  celtique 
est  attestée  par  la  comparaison  du  latin  manipulus  «  poignée  », 
«  gerbe  de  blé  »,  avec  le  comique  manal  «  poignée  »  2,  avec 
le  vannetais  menai  «  gerbe  composée  de  quatre,  cinq  ou  onze 
paquets  »  5,  avec  le  moyen  breton  inala::ji,  pour  *ina}ia^l 
«  gerbe  »,  aujourd'hui  nialaii'^,  tous  mots  qui  s'expliquent  par 
un  primitif  *«w;/a^/â  S  dérivé  de  man,  racine  de  iiianus. 

L'identité  du  sens  du  mot  irlandais  ^^7  «  main  »  et  du  mot 
celtique  correspondant  au  latin  inaniis  est  établie  par  une  glose 
qu'O'Donovan  a  extraite  du  Lehor  na  hUidrc  :  iii-a  geihine  .i. 
in-a  Diunieras  ;  gcilsine,  dérivé  àt  gel  «  main  »,  comme  fa  ith  sine 
f(  prophétie  »  defàith  «prophète»,  est  synonyme  de  inunteras 
=:  *nianu-tera-ssu-;  il  s'agit  dans  ce  texte  de  la  protection 
paternelle  du  Christ  ^  et  par  conséquent  de  son  autorité. 
M.  Whitley  Stokcs,  citant  cette  glose,  rend  les  deux  mots 
irlandais  par  le  latin  faniulatio  «  servitude  »  7. 

Ainsi  le  premier  groupe  de  hjîne,  ou  famille  irlandaise,  s'ap- 
pelle gelfnic,  et  la  gelfîiie  se  compose  des  hommes  placés  sous 
la  main,  c'est-à-dire  sous  l'autorité  du  même  ascendant  que 
l'homme  coupable  du  crime  ou  du  délit  dont  la  composition 
est  due.  Viennent  ensuite  la  dcrh-fine  ou  famille  certaine,  la 
iar-fnie  ou  famille  d'après  et  la  indfnic  famille  de  la  lin.  Cette 


p.  137-139,  établit  que  ralternance  d'à:  lero  ne  se  trouve  pas  à  l'intérieur 
des  mots  en  indo- européen. 

1.  Curtius-Windiscli,  Grund^uege  der  griechischen  Ety)iiologie,  5<-'  édition, 
p.  528,  propose  une  étymologie  différente.  Mais  Prellwitz,  Etyinologisches 
IVoerterbiich  dcr  griechiichcn  Sprachc,  p.  107,  donne  la  même  étymologie 
que  nous. 

2.  Manal  «  a  handful  »,  Robert  Williams,  Lexicon  conin-hritauuicHiii, 
p.  245,  comparez  l'irlandais  Diaiiclmine,  «  travad  manuel  ». 

3.  Chàlons,  Dictionnaire  hreton-Jrauçois  du  diocèse  de  Vannes,  p.  119;  cf. 
Larmery,  Dictionnaire  françois-breion,  p.  172,  au  mot  gerbier. 

4.  Emile  Ernault,  Le  mystère  de  sainte  Barbe,  p.  331. 

^.  Victor  Henry,  Lexique  étymologique...  du  breton  )nodenie,  p.  194;  cf. 
Whitlev  Stokes,  Urkeltiscljer  Sprachsclmti,  p.  200. 

6.  d'Donovan,  supplément  à  VLrish-engUsh  Dictionary  d'Edward  O'Reilly, 
p.  656. 

7.  Beitraegc  :;jir  X'ergleicbenden  Spracljforschung,  \.  \\\\.  p.  324. 


l.a  Famille  celtique.  5 

division  quadruple  de  la  parenté  n'apparaît  pas  seulement  dans 
le  Scncbits  Môr.  Elle  est  attestée  par  le  vingt-neuvième  des 
canons  attribués  à  saint  Patrice'.  Elle  était  encore  usitée  en 
Irlande  au  xvi"  siècle,  comme  l'établit  une  lettre  d'un  brehon 
ou  juge  arbitral  irlandais;  on  v  lit  que,  suivant  la  tradition 
juridique  irlandaise  contraire  à  la  loi  mosaïque  et  au  droit 
romain  qui  ne  rendent  pas  le  tiis  responsable  des  crimes  du  père, 
la  responsabilité  s'étend  jusqu'à  la  quatrième  génération,  non 
seulement  en  ligne  directe,  mais  en  ligne  collatérale-. 

Ces  quatre  groupes  réunis  forment  un  total  de  dix-sept 
hommes.  En  effet,  voici  ce  que  nous  lisons  dans  le  Scnchits 
Môr,  au  traité  de  la  saisie  :  lorsqu'il  s'agit  du  crime,  soit 
de  ton  descendant  au  quatrième  degré,  soit  de  ton  descendant 
au  troisième  degré,  soit  de  tout  autre  parent  [plus  éloigné]  en 
allant  jusqu'au  dernier  des  dix-sept  hommes,  la  décision  devra 
intervenir  cinq  jours  après  la  saisie  5.  Qu'est-ce  que  ces  dix- 
sept  hommes  ?  Le  sens  de  cette  expression  a  été  très  bien 
expliqué  par  M.  Rodolphe  Dareste,  quoique  ce  savant  se  soit 
servi  d'un  mot  emprunté  au  droit  romain  (Digeste,  I,  v,  i)  et 
qui  n'est  pas  exact  en  droit  irlandais  :  «  dix-sept  personnes  »  a  dit 
M.  R.  Dareste;  le  mot  personne  comprend  en  droit  romain 
les  femmes;  mais  en  Irlande  les  femmes  ne  figurent  pas  dans 
cette  liste  de  dix-sept.  Je  vais  reproduire  les  paroles  mêmes  de 
M.  R.  Dareste  en  remplaçant  le  mot  «  personne  »  par  le  mot 
«  homme  ».  Ici  «  le  mot  boni  me  a  un  sens  abstrait  et  signifie 
«  tous  les  individus,  quel  qu'en  soit  le  nombre,  qui  sont  dési- 
«  gnés  sous  un  même  nom  dans  le  tableau  de  la  parenté.  Ainsi 
«  le  fils  est  un  homme,  le  frère  en  est  un  autre.  Peu  importe 
«  le  nombre  des  frères  ou  des  fils.  C'est  au  surplus  le  langage 
«  du  droit  romain  4.  » 

1.  De  consanguinatc  in  conjugio.  —  Intelligite  quid  lex  loquitur,  nec 
plus,  nec  minus  :  quod  autem  observatur  apud  nos,  ut  quatuor  gênera  divi- 
dantur,  nec  viJisse  dicunt  nec  audisse.  Haddan  and  Stubbs,  Coimcils  aiid 
eccksiastical  Docuntenis,  t.  II,  p.  338.  J.  L.  Villanueva,  Sancii  Patricti  camiies, 
opusciila,  p.  109;  Migne,  Pnlrologia  lalina,  t.  53,  col.  822  C. 

2.  On  peut  lire  le  texte  de  cette  lettre  dans  le  Cours  de  littérature  celtique, 
t.  VII.  p.  192-195. 

5.  Cin  do  indui,  cin  do  iarmui.  cin  cacha  comocais  co  a   sccht  déc   it 
gléithifor  cuicthi.  Ancieut  Laws  of  Ireland,  t.  I,  p.  182,  1.  22,  23. 
4.  Etudes  d'histoire  du  droit,  p.  572. 


6  H.  D'Aibois  de  Jubainville. 

Le  texte  auquel  M.  R.  Dareste  renvoie  se  trouve  au  Digeste, 
1.  XXXVIII,  titre  x,  loi  x,  §  12  et  suivants,  voici  ce  qu'on 
y  lit  :  Au  premier  degré  de  parenté,  il  y  a  en  remontant  deux 
personnes,  père  et  mère,  en  descendant  deux  personnes,  fils  et 
fille,  qui  cependant  peuvent  être  plusieurs.  Le  second  degré 
comprend  douze  personnes:  1°  grand-père  paternel;  2°  grand- 
père  maternel  ;  3°  grand'mère  paternelle  ;  4°  grand'mère  mater- 
nelle; .5°  frère  consanguin;  6°  frère  utérin;  7°  sœur  consan- 
guine; 8°  sœur  utérine;  9°  petit-fils  par  fils;  10°  petit-fils  par 
fille;  11°  petite-fille  par  fils;  12°  petite-fille  par  fille'.  De  ces 
douze  personnes  le  droit  irlandais  supprime  le  grand-père 
maternel,  les  deux  grand'mères,  le  frère  utérin,  la  sœur  con- 
sanguine, la  sœur  utérine,  le  petit-fils  par  fille,  sauf  cas  d'adop- 
tion, la  petite-fille  par  fils,  la  petite-fille  par  fille,  soit  neuf 
personnes.  Restent  trois  :  grand-père  paternel,  frère  con- 
sanguin, petit-fils  par  fils.  L'auteur  du  texte  latin  que  nous 
venons  de  citer  est  le  jurisconsulte  Paul,  membre  du  conseil 
impérial  sous  Septime  Sévère,  193-21 1,  préfet  du  prétoire  sous 
Alexandre  Sévère,  222-235-.  Il  date  d'une  époque  à  laquelle 
en  droit  romain  les  cognats  ou  parents  par  les  femmes,  d'abord 
exclus  de  la  succession,  y  furent  admis  en  concurrence  avec 
les  agnats  ou  parents  par  les  hommes  ;  c'est  une  laveur  accordée 
par  le  droit  prétorien  >  :  on  la  voit  apparaître  déjà  l'an  74  avant 
notre  ère-t.  Antérieurement  au  droit  prétorien,  la  loi  des  douze 
tables,  au  milieu  du  V^  siècle  avant  notre  ère,  avait  admis  à 
la  succession  paternelle  les  filles  5  que  le  droit  commun  indo- 


1.  Primo  gradu  cognationis  sunt  susum  vcrsum  duo,  pater  et  mater; 
deorsum  versum  duo,  filius  et  tîlia,  qui  tamen  plures  esse  possunt.  Secundo 
gradu  duodecim  personae  conlinentur  :  avus,  hoc  est  patris  et  matris  pater  ; 
item  avia  similiter,  tam  patertia  quam  materna  ;  frater  quoque  per  utrumque 
parentem  accipitur,  id  est  aut  per  matrem  tantum  aut  per  patrem...  soror 
similiter  numeratur  ut  frater.  Nepos  quoque  dupliciter  intelligitur,  ex  filio 
vel  filia  natus;  idem  est  et  in  nepte. 

2.  Teutïel-Schwabe,  Geschichlc  der  rociiiisibcii  Litcvatiir,  5^  édition,  p.  955. 
5.   Bonortim  possasio  imde  cognai i.  Frédéric  Girard,  Manuel  clàncntaire  de 

droit  romain,  2^  édition,  p.  823. 

4.  Moritz  Voigt,  Roemische  Rcchtsgcschiehle,  t.  I,  p.  539-540;  cf.  t.  II, 
p.  764- 

5.  Fr.  Girard,  ibidem,  p.  821;  cf.  Moritz  Voigt,  Die  XII  Tafelu,  t.  I, 
p.  704 


La  Famille  ccltic]ue.  7 

européen  réduit  à  leur  dot^  et  qui,  en  droit  irlandais,  sont 
exclues  de  cette  succession. 

Revenons  au  Senchus  Mûr.  Nous  avons  cité  un  texte  qui  dit 
que,  lorsque  la  saisie  a  pour  objet  la  composition  due  pour  le 
crime  ou  délit  d'un  descendant  au  quatrième  ou  au  troisième 
degré,  elle  doit  être  faite  cinq  jours  d'avance  et  qu'il  en  est  de 
même  pour  les  parents  les  plus  éloignés  jusqu'au  dix-septième 
homme.  Cette  règle  est  complétée  par  une  autre  où  il  est  dit 
que  le  délai  est  de  trois  jours  seulement  lorsque  la  saisie  est 
opérée  contre  un  père  à  cause  de  son  fils,  contre  un  grand-père 
à  cause  de  son  petit-fils,  ou  en  d'autres  termes  lorsqu'il  s'agit 
d'un  descendant  au  premier  ou  au  deuxième  degré-.  Ces  deux 
textes  nous  apprennent  comment  est  constituée  h^^t'IJinc,  l'an- 
cêtre et  quatre  générations  de  descendants,  soit  cinq  hommes. 

Il  y  a  quatre  hommes  dans  chacune  des  trois  autres  sections 
de  la  famille,  dcrh-Jhie,  iar-fme,  ind-fine.  Les  Irlandais  du  temps 
jadis  ont  exposé  cette  doctrine  d'une  façon  qui  ne  manque  pas 
d'originalité.  Voici  comment  s'exprime  le  traité  intitulé:  «  Des 
divisions  de  race  dans  la  tribu  »  :  De  fodlaih  cineôil  tiïaithc. 

Dans  ce  texte  il  s'agit  d'abord,  non  plus  de  la  responsabilité 
pour  crimes,  mais  des  droits  successoraux. 

1°  Gelfinc  jusqu'à  cinq  hommes,  c'est  elle  qui  prend  la  suc- 
cession de  chaque  tête  de  parent,  quelque  soit  celui  qui,  dans 
cette  section  de  la  flimille,  meurt  en  laissant  une  succession  >. 

2°  Dcrbfim  jusqu'à  neuf  hommes.  Si  quelque  chose  prove- 
nant d'elle  vient  à  échoir,  elle  le  partage  selon  le  nombre  des 
têtes  de  parents». 

3°  larfine  jusqu'à  treize  hommes  qui  ne  portent  que  le  quart 
de  la  responsabilité  du  crime  et  ne  prennent  aussi  que  le  quart 

1.  R.  Dareslc,  Eludes  d'histoire  du  droit,  p.  74,  112,  121,  145,  258,  287, 
375,  410. 

2.  Athgabail  treisi...  im  chinaid  do  mie...  do  huai.  Aucient  Laivs  of  Ire- 
laitd,  t.  I,  p.  156,  1.  27-29.  Cf.  p.  5,  note  3. 

3.  Gelfine  co  cuiccr  ;  is  [s]i  side  gaibes  dibad  cach  cind  comacuis  dincoch 
diba  ûaid.  Aucient  Laws  of  Ireland,  t.  IV,  p.  284,  1.  i,  2. 

4.  Derbfine  co  nonbor  ;  ni  daba  ha  sidc  cobraind  toi  in  ccnn  comocuis. 
Ibidem,  1.  3,  4.  Il  y  a  dans  la  traduction  anglaise  un  gros  contresens.  Le 
traducteur  a  cru  que  H/était  la  négation.  La  glose,  p.  286,  1.  17,  donne  le 
vrai  sens  -in  ni  didhhas  ûaitlii  dan  fini,  «  ce  qui,  par  succession,  arrive  de  la 
«  derbfine  à  la  famille  »,  c'est-à-dire  tant  à  h  gelfine  qu'à  la  derbfine. 


8  H.  D'Arbois  de  Jubainville. 

de  l'actif  de  la  succession,  tant  de  la  terre  héréditaire  que  des 
acquêts  produits  par  le  travail'. 

4°  Indfine  jusqu'à  dix-sept  hommes.  Elle  partage  elle-même 
la  propriété  familiale  de  chacun  de  ses  membres  qui  meurt.  Ce 
partage  se  fait  suivant  le  droit.  Au  delà  les  gens  ont  la  pro- 
priété. C'est  là  que  les  biens  de  famille  se  séparent-. 

Si  l'on  additionne  ces  chiffres  conformément  aux  règles  de 
l'arithmétique,  on  arrive  au  total  de  quarante-quatre.  Mais  la 
glose  nous  apprend  qu'il  faut  procéder  autrement.  Les  cinq 
hommes  de  \\x  geilfim  sont  compris  dans  les  neuf  de  la  derbfine; 
les  neuf  hommes  de  la  derbfine  s'intercalent  dans  les  treize  de 
la  iarfine  et  ceux-ci  dans  les  dix-sept  de  la  iiidjîiu'>,  en  sorte  que 
cinq  plus  neuf,  plus  treize,  plus  dix-sept  arrivent  à  faire 
seulement  dix-sept,  c'est-à-dire  que  sur  les  neuf  hommes  de  la 
derbfine,  quatre  seulement  sont  propres  à  cette  section;  sur  les 
treize  hommes  de  la  iarfine,  quatre  seulement  lui  appartiennent 
réellement,  les  neuf  autres  proviennent  des  deux  sections 
précédentes;  sur  les  dix-sept  hommes  de  la  indfine  il  y  en  a 
treize  qu'elle  emprunte  à  la  gdfine,  à  la  derbfine  et  à  la  iarfine. 
En  réalité,  il  y  a  cinq  hommes  dans  la  gelfine  et  quatre  dans 
chacune  des  sections  suivantes. 

Nous  avons  déjà  vu  que  la  gdfine  se  compose,  outre  l'an- 
cêtre, de  ses  descendants  jusqu'à  la  quatrième  génération 
inclusivement.  C'est  la  doctrine  du  Senchus  Môr.  Suivant  la 
glose,  la  gelfine  dont  nous  venons  de  parler  serait  la  gelfine 
directe,  mais  il  y  aurait  à  côté  d'elle  une  gelfine  collatérale, 
comprenant  le  frère  de  l'ancêtre  et  les  descendants  de  ce  frère 
jusqu'à  la  quatrième  génération  inclusivement.  Voici  la  tra- 
duction littérale  de  la  glose  du  Sencbns  Môr  : 

«  Lu  gelfine  apixs  les  lèvres  (c'est-à-dire  par  devant),  comme 
«  sont  père  et  fils  et  petit-fils  et  arrière-petit-fils  et  fils  d'ar- 

1.  lariîne  co  tri  feraib  déc,  ni  beride  acht  cetliramthain  di  chinaid  na 
semaine,  di  orbn  na  saethur.  Ibidem,  1.  5,6. 

2.  Indfinc  co  secht  firu  déc;  conranna  fadeissin  finteda  di-neoch  diba 
uaide,  amal  bes  choir.  Duthaig  duinc  ôtha  sen  ;  iss  an  scarait  finthea.  Ibi- 
dem, 1.  7-9. 

3.  Derbfine  .i.  co  n-athgabaid  incuic  Hier  na  fini  romaind, ..  Iarfine  .i.  co 
n-athgabail  in  dà  t'hine  romaind...  Indfine  co  n-athgabail  na  tri  fini  romaind. 
Ibidem,  p.  286,  1.  16,  17,  20,  21,  24. 


La  Famille  celtique.  9 

«  rière-petit-fils  jusqu'à  cinq;  et  t^n'l/îiic  après  les  derrières, 
«  c'est-à-dire  frère  de  ton  père  et  fils  jusqu'à  cinq  encore ^  » 

Mais  la  seconde  de  ces  gclfuic  se  confond  a\qc  la  dcrhfiuc,  si 
ce  n'est  qu'on  lui  donne  cinq  membres  au  lieu  de  quatre.  Elle 
a  été  imaginée  en  conséquence  d'une  finisse  interprétation  d'un 
passage  du  Livre  d'Aicill  : 

«  Si  le  père  est  encore  vivant,  s'il  a  deux  hls  et  si  chacun 
«  de  ces  fils  a  famille  complète  de  manière  à  former,  lui  com- 
«  pris,  quatre  générations,  on  admet  que  le  père  aurait  fonction 
«  d'homme  dans  chacune  de  ces  familles  et  qu'alors  il  y  aurait 
«  deux gcljî lie-.  »  Mais  chaque  degré  ne  formant  qu'un  homme 
dans  la  langue  du  droit,  ces  deux  gelfîiic  ne  constituent  qu'une 
seule  gelfiuc  : 

Voir  le  tableau  de  la  fine,  p.  10: 

Le  Lehar  Aide  contient  une  observation  intéressante,  c'est 
que  la  gelfine  est  la  plus  jeune  des  quatre  sections  de  la  famille 
irlandaise  et  que  la  indfinc  est  la  plus  âgée?.  En  effet,  la  indfine 
comprend  le  trisaïeul  et  ses  descendants  seulement  jusqu'au 
troisième  degré  inclusivement.  Or,  le  plus  âgé  des  membres 
de  la  gclfnie,  le  père,  descend  du  trisaïeul  au  troisième  degré; 
les  quatre  autres  membres  de  la  gelfiiie  descendent  du  trisaïeul 
aux  quatrième,  cinquième,  sixième  et  septième  degrés.  Suppo- 
sons une  famille  dans  laquelle  les  hommes  se  marient  à  qua- 
torze ans  et  deviennent  chacun  à  quinze  ans  père  d'un  fils;  le 
trisaïeul  aura  l'âge  respectable  de  cent  cinq  ans  ;  en  outre, 
Vindfinc  sera  composée:  i"  d'un  fils  du  trisaïeul,  quatre-vingt- 
dix  ans,  d'un  petit-fils  du  trisaïeul,  soixante-quinze  ans,  d'un 
arrière-petit-fils  du  trisaïeul,  soixante  ans.  L'âge  total  des 
membres  de  V indfine  sera  340  ans  qui,  divisés  par  quatre, 
donnent  un  âge  moyen  de  quatre-vingt-cinq  ans. 

1.  In  geilfinc  iar  m-bélaib,  amuil  atà  athir  ociis  mac  ocus  ûa  ocus  iarmûa 
ocus  innùa  co  cuiccr,  ocus  gcilfine  iar  cùlaib  .i.  br.ithir  th'  atliar  ocus  mac 
co  cuicer  beos.  Ancicut  Laws  of  Irclanâ,  t.  II,  p.  160,  I.  24;  p.  162,  1.  i. 

2.  Ma  mairid  in  t-athair,  ocus  atait  d:i  mac  aice,  ocus  atâ  comlfn  fine 
cach  mac  dib,  .i.  cethrar,  is  cetfaid  co  n-gébad  in  t-athai'r  greim  fir  in  cach 
fine  dib,  ocus  comfbjad  dâ  geilfinc  l'at  and.  Ancieiit  Linvs  of  [rclaiid,  t.  III, 
p.  532,  1.  19-22. 

3.  Geilfine  is  [s]i  iss  o[a],  indfine  is  [si]  i[s]  s'me.  Aiicient  Laïcs  of  Irehind, 
t.  III,  p.  33.1.  1.  26.  Ce  que  j'ai  dit  de  \3.i^'eljine  ou  i^eil/ine  dans  le  Cours  delil- 
tératiire  celtique,  t.  VII,  p.  186  et  suivantes,  exigerait  de  fortes  modifications. 


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H.  D\Arhois  de  Jubainville. 


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GELFINE 


La  Famille  celtique.  1 1 

Dans  la  iarfiue,  le  membre  le  plus  âgé,  le  bisaïeul,  aura 
quatre-vingt-dix  ans,  et  ses  descendants,  soixante-quinze  ans,  au 
premier  degré,  soixante  au  deuxième  degré,  quarante-cinq  au 
troisième,  total  270  ans  ;  moyenne  :  soixante-sept  ans  et  demi. 

Passons  à  la  derhfinc.  L'aïeul  qui  en  est  le  plus  vieux  membre 
a  soixante-quinze  ans  et  l'âge  de  ses  descendants  au  premier, 
deuxième  et  troisième  degré  est  respectivement  de  soixante, 
quarante-cinq  et  trente  ans,  total  deux  cent  dix  ans;  moyenne, 
cinquante-deux  ans  et  demi. 

Nous  terminons  par  la  gelfiiw;  le  père  a  soixante  ans,  le  fils 
quarante-cinq,  le  petit-fils  trente^  l'arrière-petit-fils  quinze,  le 
fils  de  l'arrière-petit-fils  a  quelques  mois  à  peine,  total  des 
années,  cent  cinquante;  moyenne  trente-sept  ans  et  demi. 

Ainsi,  répétons-le;  voici  les  âges  moyens  de  chacune  des 
quatre  sections  de  la  fine  : 

Indfine,  quatre-vingt-cinq  ans  ; 

larfine,  soixante-sept  ans  et  demi  ; 

Derhfine,  cinquante-deux  ans  et  demi  ; 

Gelfine,  trente-sept  ans  et  demi. 

Voilà  pourquoi  l'auteur  du  Lehor  Aide  a  dit  que  la  gelfine  est 
la  plus  jeune  des  quatre  sections  de  la  famille  irlandaise  et 
Vindfine  la  plus  âgée. 

Le  tableau  théorique  de  la  famille  tel  que  nous  l'avons  dressé 
d'après  les  jurisconsultes  irlandais  ne  parle  pas  de  eo  qiiod  ple- 
rnnique  fit.  Il  est  rare  qu'on  trouve  encore  en  vie  des  hommes 
de  cent  cinq  ans,  tel  que  serait  le  chef  de  V indfine  s'il  était 
encore  vivant.  D'autre  part  l'hypothétique  membre  le  plus  jeune 
de  la  i^elfine,  un  enfant  qui  vient  de  naître,  ne  peut  avoir  commis 
un  crime  dont  les  autres  membres  de  la  famille  auraient  à  sup- 
porter la  responsabilité. 

Mais  il  n'y  a  qu'à  effacer  les  ancêtres  défunts  et  on  peut 
élever  les  âges.  Le  fils  de  l'arrière-petit-fils  a  dix  ans,  il  s'est 
rendu  coupable  d'un  crime  ou  d'un  délit  ;  sont  morts  le  trisaïeul, 
qui  aurait  cent  quinze  ans  s'il  vivait,  le  bisaïeul  qui  en  aurait 
cent,  l'aïeul  qui  en  aurait  quatre-vingt-cinq  ;  le  père  a  soixante- 
dix  ans,  son  fils  cinquante-cinq,  son  petit-fils  quarante,  son 
arrière-petit-fils  vingt-cinq  et  le  fils  de  ce  dernier  dix  ans,  sui- 
vant l'hypothèse  que  nous  avons  émise.  Tous  les  membres  de 


12  H.  DWrhois  de  Jubainvilk. 

la  geljhic  sont  responsables  du  crime  ou  du  délit  commis  par 
cet  enfant  ou  par  n'importe  quel  autre  membre  de  cette  section 
de  la  famille;  la  responsabilité  des  autres  sections  ne  se  produit 
que  si  la  î^clfiuc  est  insolvable. 

Mais  passons  à  une  autre  hypothèse  :  le  crime  ou  délit  a  été 
commis,  non  par  un  membre  de  la  geJfinc,  mais  par  un  membre 
d'une  autre  section  de  la  jiiic;  alors  cette  section  de  \a  fuie 
sera  considérée  comme  gclfinc.  Mettons  qu'un  membre  de  la 
derhfinc,  celui  qui  occupe  le  troisième  rang  à  partir  du  bas,  le 
petit-hls  de  l'aïeul,  ait  commis  un  crime.  L'aïeul,  qui  aurait 
soixante-quinze  ans  s'il  était  encore  en  vie,  est  mort;  son  fils 
est  le  chef  d'une  ^^t'/^7/^  qui  comprend,  lui  compris,  cinq  géné- 
rations, la  gcljine  de  notre  tableau  perd  sa  génération  la  plus 
jeune  et  devient  derbfnie;  elle  n'est  responsable  que  si  h  gelfine 
nouvelle  devient  insolvable.  Un  phénomène  analogue  se  produit 
si  le  coupable  appartient  à  la  iarfine  ou  à  Vindfiiu,  celles-ci 
deviennent  gelfine  et  la  gelfine  de  notre  tableau  devient  iarfine 
dans  le  premier  cas,  indfine  dans  le  second.  Enfin,  si  l'auteur 
du  crime  est  le  descendant  d'un  quadrisaïeul,  les  membres  de 
la  gelfine  de  notre  tableau  échappent  à  toute  responsabilité. 
C'est  ce  que  veut  dire  le  Lehar  Aide  quand  il  s'exprime  comme 
il  suit  : 

«  Si,  venant  de  la  grande  branche  en  bas,  quelqu'un  sort 
«  de  la  gelfine,  cet  homme  monte  de  L\  gelfine  dans  la  derbfnie; 
«  il  va  de  chaque  section  de  la  fine  dans  la  voisine,  jusqu'à 
«  ce  qu'il  entre  dans  Vindfine,  enfin  il  sort  du  groupe  des 
«  parents  pour  aller  parmi  les  gens,  c'est-à-dire  dans  le  monde 
«  étranger  à  la  famille  ^  »  Dans  le  texte  irlandais  le  mot  fer 
«  homme  »  désigne  le  membre  de  la  fine  et  le  pluriel  daine 
«  gens  »,  au  singulier  diiine,  veut  dire  étranger  à  la  famille. 

Pourquoi  les  juristes  irlandais  ont-ils  mis  cinq  hommes, 
c'est-à-dire   cinq  générations  ou   cinq   degrés  dans  la  gelfine, 


I.  Mar  tàinic  nech  di  mâr-craibh  anis  ageilfine,  is  fer  do  dul  eisti  suas  i 
n-deirbfine,  ocus  fer  do  dul  as  cach  fine  in  a  ccile,  no  co  n'a  indfine,  ocus 
fer  do  dul  eisti  seich  i  n-duthaig  daine.  Anciml  Laws  of  Ireland,  t.  III,  p. 
334,  1.  1-4.  L'édition  porte  uiavcraidh  que  nous  avons  changé  en  màr-craihh 
et  nous  n'admettons  pas  l'exactitude  de  la  traduction  anglaise.  Ria  est  pour 
rosia,  Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  300,  1.  11  ;  p.  773,  au  mot  ro  siachi. 


La  Famille  celtique.  I  j 

tandis  que  les  trois  autres  branches  de  la  fine  comprennent 
un  homme,  une  génération,  un  degré  de  moins  ?  C'est  le 
résultat  d'un  jeu  de  mots.  Le  premier  terme  du  mot  composé 
gcl~fine  est  ^i,''t7  qui  veut  dire  «  main  »,  or  la  main  comprend 
cinq  doigts.  Ce  calembour  est  reproduit  dans  l'expression  qui 
désigne  la  parenté  quand  elle  s'établit  par  commune  renommée, 
lorsque  celui  qui  se  dit  parent  est  depuis  longtemps  séparé  de 
sa  famille  et  vit  à  distance  d'elle.  On  dit  alors  que  ce  parent 
est  «  ongle  sur  doigts  »  inocn  ar  uicraih'.  Le  jeu  de  mots  sur 
le  premier  terme  du  composé  gel-Jiiie  ne  se  rencontre  pas  dans 
la  langue  juridique  du  pays  de  Galles. 

Des  quatre  sections  de  la  famille  irlandaise  une  seule  existait 
en  Galles,  c'était  la  gcljine  et  au  lieu  de  cinq  hommes,  pour 
s'exprimer  comme  les  légistes  irlandais,  elle  en  comptait  quatre 
seulement:  i°  Tancétre  ;  2°  ses  fils;  3°  ses  petits-fils;  4°  ses 
arrière-petits-fils.  Quand  l'ancêtre  mourait,  on  partageait  sa 
succession  entre  ses  fils  ;  lorsque  tous  les  fils  de  l'ancêtre  étaient 
morts,  il  y  avait  un  second  partage  de  la  succession  de  l'ancêtre, 
ce  partage  se  fliisaitpar  tête,  sans  représentation  entre  les  petits- 
fils;  après  la  mort  du  dernier  des  petits-fils  on  procédait  à  un 
troisième  partage  de  la  succession  de  l'ancêtre,  c'était  entre  les 
arrière-petits-fils  et  encore  par  tête  sans  représentation.  Ce  troi- 
sième partage  était  définitif-.  Cette  geljîne  galloise  s'appelait 
en  gallois  giuely,  c'est-à-dire  «  lit  »  et  la  propriété  collective 
appartenant  à  ce  groupe  se  nommait  lir  g-wch'awg  qu'on  peut 
rendre  par  «  terre  de  lit  »,  c'est-à-dire  terre  de  famille. 

1.  De  fodlaih  cineôil  tûaitbi  (Aiicient  Laivs  of  Irclaiid,  t.  IV,  p.  286,  1.  i). 
Pour  «  parent  suivant  commune  renommée  »,  l'expression  irlandaise  est: 
i[s]sin(le  do-dn-idnaig  dûas  do  chiais  do  comccniail ,  «  c'est  celui  qu'oreille  donne 
à  oreille  pour  parent  »  {Ancient  Lazcs  of  helaiid,  t.  IV,  p.  286,  1.  i,  2). 

2.  Teir  gweith  y  rennir  yr  un  tref  rvvg  leir  grad  kennedyl  ;  yn-gyntaf 
rwg  brodyr,  eil  wcith  rwg  kcuenderw,  tryde  weith  rwg  kyucrderW  ;  odyna 
nyt  oes  rann  ar  tir  :  «  Trois  fois  sera  partage  le  même  domaine  entre  trois 
degrés  de  parenté  ;  d'abord  entre  frères,  une  seconde  fois  entre  cousins  ger- 
mains, une  troisième  fois  entre  petits  cousins,  après  cela  il  n'v  a  plus  par- 
tage de  la  terre.  The  Dimelian  Code,  1.  II,  c.  23,  5  2.  Ancient  Laivs  and  Ins- 
tilules  of  Waks,  in-40,  t.  I,  p.  544;  in-fol.,  p.  266,  cf.  The  Venedotian  Code, 
1.  II,  c.  12,5  4,  5;  Ibidem,  in-40,  t.  I,  p.  168;  in-fol.,  p.  81,  82.  Suivant  le 
Code  vénédotien  le  partage  entre  cousins  germains  et  petits  cousins  n'a  lieu 
que  s'ils  le  veulent.  Sur  ces  textes,  cf.  John  Rhys  et  David  Brenmore  Jones, 
The  welsh  People,  p.  220. 


14 


H.  D'Arbois  de  Jubainville. 


Les  jurisconsultes  anglais  désignent  le  mode  de  transmission 
de  cette  terre  par  une  expression  hybride,  moitié  galloise,  moitié 
anglaise  :  oavcl-kind,  c'est-à-dire  espèce  de  tenure  :  craveJ,  ou  sui- 
vant l'orthographe  galloise gafacl ,  veut  dire  «  tenure  »  en  gallois. 
On  a  appliqué  cette  expression  au  droit  successoral  irlandais, 
malgré  les  différences  qui  existent  entre  ce  droit  et  le  droit 
successoral  gallois.  Nous  avons  déjà  indiqué  deux  de  ces  diffé- 
rences, l'une  est  que  des  quatre  branches  de  la  famille  irlan- 
daise, gelfine,  dcrhfine,  iarfinc,  indfiuc,  la  première  seule  existe 
en  Galles;  l'autre  est  que  cette  branche  comporte  un  degré  de 
moins  qu'en  Irlande. 

De  ces  deux  différences  il  y  a  un  résultat  très  important;  en 
Galles,  quand  le  groupe  composé  par  l'ancêtre  et  ses  descen- 
dants jusqu'à  la  troisième  génération  vient  à  s'éteindre,  c'est- 
à-dire  lorsque  les  trois  générations  ont  disparu  et  que  d'elles 
il  ne  reste  pas  de  postérité  vivante,  que  par  conséquent  la  geljiiie 
galloise,  si  nous  pouvons  ainsi  nous  exprimer,  a  cessé  d'exister, 
le  bien  de  fomille  est  considéré  comme  vacant  et  devient  pro- 
priété du  roi  ^  saut  une  exception  qu'on  verra  plus  loin. 

En  Irlande,  le  sort  du  bien  de  fomille  est  tout  autre. 

Voici  la  doctrine  des  jurisconsultes  irlandais: 

Si  c'est  la  gcljriic  qui  s'est  éteinte,  les  trois  quarts  de  son  bien 
passeront  à  la  dcrbfiuc,  l'autre  quart  se  partagera  entre  la  iarfine 
qui  recevra  trois  seizièmes  et  la  'nidfiuc  à  laquelle  un  seizième 
sera  attribué-. 

Si  c'est  la  dcrhfnic  qui  s'est  éteinte,  les  trois  quarts  de  son  bien 
appartiendront  à  la  gdjinr,  l'autre  quart  reviendra  à  la  itirjnw 


1.  Gwedy  ranho  brodyr  tref  eu  tat  y  rydunt,  or  byd  marw  un  ohonunt 
heb  etiued  oe  gorff,  neu  y  gytetiued  hyt  geifuyn,  y  brenhin  a-vyd  ctiucd 
or  tir  hwnnw.  «  Après  que  les  frères  auront  partagé  entre  eux  le  bien  de 
«  leur  père,  si  un  d'eux  est  mort  sans  héritier  descendant  de  lui  ou  sans 
«  cohéritier  jusqu'à  petit  cousin  (c'est-à-dire  collatéral  au  sixième  degré 
«  suivant  le  droit  romain,  au  troisième  degré  suivant  le  droit  canonique) 
«  ce  sera  le  roi  qui  sera  héritier  de  la  terre  en  question.  »  The  Diiiictian 
code,  1.  Il,  c.  xxxiii,  §  5  {Aucient  Laivs  aiul  Instilutes  of  Wales,  in-40,  t.  I. 
p.  544  ;  in-fol.,  p.  267). 

2.  Masa  geillîne  dodibastur  ann,  teora  cethramthana  dibaid  gcilfine  do 
derbfine,  cethruimtliid-iarfine  ocus  d-indfinc,  teora  cetliramthananacethram- 
tliana  d-iarfme  ocus  a  cetliramthu  d-indfinc.  f.rhnr  AicJe  (Aiicicut  Laivs  of 
Irclaihl,  t.  111.  p.  350,  1.  7-10). 


La  Famille  celtiijac.  1 5 

et  :i  h  iiiilfîiic;  l.i  iarfnic  aura  trois  seizièmes,  la  'nui fine  un  sei- 
zième '. 

Si  c'est  la  iarfiuc  qui  s'est  éteinte,  trois  quarts  de  son  bien 
passeront  à  la  dcrhfiuc,  l'autre  quart  à  la  gelfine  et  à  la  indjiiic, 
c'est-à-dire  trois  sei/ièmes  à  hgcljinc,  un  seizième  à  la  imifuic-. 

Si  c'est  la  iuâfine  qui  s'est  éteinte,  trois  quarts  de  son  bien 
échoiront  à  la  iarfinc,  l'autre  quart  à  la  derbfine  et  à  la  gcifinc, 
qui  recevront,  la  derbfine  trois  seizièmes,  la  gelfine  un  seizième 
seulement  5. 

Si  la  gelfine  et  la  derbfine  sont  toutes  deux  éteintes,  trois  quarts 
de  la  succession  iront  ensemble  à  la  iarfine,  un  quart  à  la  ind- 
finc^. 

Si  la  indfiine  et  la  iarfine  sont  toutes  deux  éteintes,  trois  quarts 
de  la  succession  iront  à  la  derbfine,  un  quart  à  la  gelfine^. 

Si  la  derbfine  et  la  iarfine  sont  toutes  deux  éteintes,  les  trois 
quarts  de  la  succession  seront  ensemble  acquis  à  la  gefine,  le 
quart  à  la  indfine^. 

Si  la  gelfine  et  la  indfine  sont  toutes  deux  éteintes,  trois  quarts 
de  la  succession  de  la  gelfine  appartiendront  à  la  derbfine,  un 
quart  à  la  iarfime  ;  trois  quarts  de  la  succession  de  la  iarfine  seront 
attribués  à  Yindfine,  un  quart  à  la  derbfine"^. 

1.  Masa  deirbfine  ro-dibastur  ann,  teora  ccthranitliana  do-dibad  deirbfine 
do  geilfine.  a  ccthriiime  d-iarfine  ocus  d-indfine,  tcora  cethramthana  na 
cethramthana  d-iarfine  ocus  a  cethranithu  d'indline.  Lehar  Aide  {Ancient 
Laïcs  of  Irelaiid,  ;.  III,  p.  330,  1.  11 -14). 

2.  Masi  i  n-iarfine  ro-dibad  ann,  teora  cethruimthi  do  dibad  iarfine  do 
deirb  fine,  a  cethramad  do  geilfine  ocus  d-indfine,  teora  cethramna  na 
cethruime  do  geilfine,  ocus  a  cethruinie  d-indfine.  Lebai-  Aide  (Andetil 
Laws  oj  Ireland,  t.  III,  p.  550,  1.  15-18). 

3.  Masi  indfinj  ro-dibad  ann,  leora  cethruimthi  do  dibadh  infine  d-iarfine, 
a  cethramtliu  do  geilfine  ocus  do  deirbfine,  teora  cethruinithi  na  cethruimthi 
do  deirbfine  ocus  a  cethranithu  do  geilfine.  Lebar  Aide  {Aticient  Laws  of 
Ireland.  t.  III,  p.  330,  1.  19-22J. 

4.  Masi  geilfine  ocus  deirbfine  ro-dibad  ann,  teora  cethraimthi  a  n-dibaid 
mar  aen  d'iarfine  ocus  a  cethruinithi  d-indfine.  Lebar  Aide  (Aiicietit  Laïus 
of  Ireland,  t.  III,  p.  352,  1.  1-5). 

5.  Masi  indfine  ocus  iarfine  To-dibastur  and,  teora  cethruinithi  a  n-dibad 
do  deirbfine,  a  cethruinithi  do  geilfine.  Lebar  Aide  {Ancienl  Laivs  of  Ireland, 
t.  III,  p.  532,1.4-6). 

6.  Masi  deirbfi;;e  ocus  iarfine  ro-dibastur  ann,  teora  cethruinithi  a  n-dibaid 
mar  aen  do  geilfine,  a  cethranithu  d-indfine.  Lebar  Aide  (Ancient  Laivs  of 
Ireland,  t.  III,  p.  332,  1.  7-9). 

7.  Masi  geilfine  ocus  indfine  ro-dibastur  and,  teora  cethruinithi  do  dibad 


i6  H.  D' Artois  de  Jubainville. 

Il  est  bien  entendu  que  dans  ce  dernier  cas  la  mort  a  enlevé 
la  totalité  de  Vinàfine.  Si  un  seul  homme  de  Vindfine  survivait, 
il  recueillerait  la  totalité  de  la  succession  des  autres  membres 
de  Yindfiue  et  les  trois  autres  sections  de  \:\  fine  ne  se  la  parta- 
geraient point,  mais  si  cet  homme  disparaissait,  le  partage  se 
ferait  entre  les  autres  sections  de  la  fine'^. 

Ce  système  n'a  guère  de  rapport  avec  celui  des  lois  galloises 
qui  en  règle  générale  et  saut  une  exception  n'admettent  pas 
de  droit  successoral  après  le  sixième  degré  du  droit  romain. 
En  Irlande  on  peut  succéder  au  dixième  degré,  c'est  ce  qui 
arrive  quand  le  plus  jeune  des  membres  de  la  gelfine  hérite  du 
plus  jeune  membre  de  Viinifîiic;  la  distance  qui  sépare  celui-ci 
de  l'ancêtre  commun  est  de  trois  degrés,  et  la  distance  qui 
sépare  de  l'ancêtre  commun  le  plus  jeune  membre  de  hxgelfijic 
s'élève  à  sept  degrés. 

Il  y  a  eu  un  principe  primitif,  c'est  que  le  droit  sur  les  biens 
appartenait  à  la  famille  par  délégation  de  l'Etat  et  que  les  indi- 
vidus en  avaient  seulement  la  jouissance.  Le  retrait  lignager  a 
été  en  France  un  débris  de  cette  antique  législation  dont  émane 
en  Galles  et  en  Irlande  le  droit  de  succession  ;  et  la  responsabilité 
de  la  iamille  en  cas  de  crime  commis  par  un  de  sec  membres 
est  une  conséquence  du  droit  coUectit  de  la  famille  sur  les 
biens. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


geilfine  do  dcirbfine,  ocus  a  ceihruimthi  d'iarfine  ;  teora  cethruimthi  do 
dibad  indfîne  d-iarfine  ocus  a  cethruimthi  do  dcirbfine.  Lehar  Aide  (^Ancient 
Laivs  of  Ireland,  t.  III,  p.  332,  L  10-13). 

I.  Iiidfine  uile  ro-dibadh  ann  .sin,  ocus  d[i]am-beit  aen  duine  dib  in  a 
taisce,  ro  berad  in  dibaid,  na  co.niraindhtis  he  na  teora  fine  eturru  ;  ocus  ma 
na  raairenn,  is  a  comraind.  Lehar  Aide  (Aiident  Laïcs  of  IreJatnl,  t.  III, 
p.  332,  1.  16-18). 


PENNOVINDOS,     PINNEVINDUM,      PAVANT 

Pour  inscrire  en  ma  «  Carte  de  la  Gaule  carolingienne  »  le 
nom  latin  Pinnevindniii  sur  l'emplacement  de  Pavant^  qui  fut 
jusqu'en  1790  une  paroisse  du  diocèse  de  Soissons,  située  aux 
confins  du  diocèse  de  Meaux,  j'avais  pour  source  un  texte 
iiagiographique  que  je  n'ai  retrouvé  que  tout  récemment, 
la  Vie  de  saint  Faron,  écrite  par  l'évéque  de  Meaux,  Hildegaire, 
qui  mourut  en  875 .  Hildegaire  rapporte  que  Faron  ayant  renoncé 
au  monde,  Blidechilde,  son  épouse,  prit  le  voile  et  se  retira 
dans  un  domaine  qui  lui  appartenait  en  propre:  «  Wxc  cum 
curis  studiosissimis  Deo  militaret,  in  villa  residendo  quo;  vulgo 
Pinnevindo  dicitur,  ex  jure  su:t  proprietatis...  -  »  Pinuevhido, 
ou  mieux  Pituicvindiim,  est  assurément  le  lieu  qui  est  appelé 
ensuite  Penvetmum  en  855,  Peuvent  en  1242,  Panvenl  en  1274, 
Panvant  au  xiii"  siècle,  Pavent  en  1337  et  enfin  Pavant,  con- 
formément à  la  forme  actuelle,  pour  la  première  fois  signalée  en 
1484  5.  C'est  d'autre  part,  comme  l'a  déjà  remarqué  M.  d'Arbois 
de  Jubainville,  la  forme  basse,  en  latin,  d'un  nom  d'homme 
gaulois  Pennovindûs,  littéralement  «  tète  blanche  »,  qu'on  lit 
sur  une  monnaie  d'a-'gent  de  Rèmes4et,  à  ce  propos,  il  n'est  pas 
sans  intérêt  de  rappeler  que  le  diocèse  de  Soissons,  auquel  appar- 
tenait Pavant,  représente  partiellement  au  moins  le  territoire  des 
Suessions  qui,  à  la  veille  de  la  conquête,  ne  formait  en  quelque 
sorte  avec  les  Rèmes  qu'une  seule  et  même  nation'). 

A.   LONGNON. 


1.  Pavant  (Aisne,  arr.  de  Château-Thierry,  canton  de  Charly). 

2.  Mabillon,  Acta  sauctoium  ordinis  S.  Beiiedicti,  t.  II,  p.  618. 
5.  Matton,  Dictionnaire  topoo^rapliiqiie  du  dèp.  de  l'Aisne,  p.  211. 
^.  Holder,  Alt-celtisclier  Sprachschal^,  t.  II,  col.  966. 

5.  Caesar,  De  bello  gallico,  1.  II,  c.  4. 

bUvut  Ctltiqac,  XXV.  2 


THE    SONGS    OF    BUCHET  S    HOUSE 


The  following  édition  of  this  gmceful  story  is  founded  on 
iivc  vclluni  mss.,  namely  : 

L,  the  Book  of  Leinster  (pp.  270^45-271-^46)  : 

Y,  the  Yellow  Book  of  Lecan  (pp.  ii3''-ii4''  of  the  focsi- 
mile)  : 

R',  Rawlinson  B.  502  (ff.  73^-73'05  -^  twelfth-century  ms.  in 
the  Bodleian  Hbrary  : 

R-,  another  Bodleian  ms.,  dating  from  the  fourteenth  or 
fiftecnth  ccntLiry,  and  markcd  Rawl.  B.  512  (f.  i22^-i22b); 
and  , 

H,  a  ms.  in  the  library  of  Trinity  Collège,  DubUn,  marked 
H.  2.  17  (pp.  463,  464),  for  a  loan  of  which  I  am  indebted 
to  the  Board  of  Trinity  Collège.  The  part  containing  our  taie 
may  date  from  the  fifteenth  century. 

L,  Y,  R^  and  H  agrée  so  closely  that  they  must  hâve  descended 
from  a  single  source.  R'  difîers  in  so  many  minute  points  that 
it  seemed  better  to  print  it  iii  cxlniso  than  to  overload  the  foot- 
notes  with  its  various  readings. 

The  taie  is  now  for  the  first  time  published,  though  some 
account  of  it  lias  been  given  by  Keating  in  his  Forns  Fcasa 
ar  Eirnin  (see  OT<^earny's  quaint  version,  cited  by  Sir  Samuel 
Ferguson,  Lays  of  the  Wcsteni  Gacl,  p.  242,  and  O'Mahony's 
translation,  pp.  330-332),  and  by  Dr  Atkinson  (The  Book  of 
Leinster,  Contents,  p.  61).  Ferguson,  too,  has  versified  ist 
most  charming  incident,  which  will  remind  ail  Indianists  of 
Dushyanta's  sudden  passion  for  Çakuntalâ  in  the  forest 
hermitage.  And  Çakuntàlâ's  révèrent  love  for  the  old  her- 
mit  is  parallelcd  by  Ethnc's  dévotion  to    her  tostertatlier. 


The  Songs  of  Buchet's  House.  19 

Though  L  and  R^  the  oldest  copies  of  our  story,  are  not 
older  than  the  middle  of  the  twelfth  century,  its  composition 
may  safely  be  ascribed  to  the  tenth,  when  the  Old-Irish  verbal 
System  was  beginning  to  break  up,  but  infixation  of  pro- 
noims  was  still  common,  e.  g.  fcib  ro-m-bôi  3,  ro-m-biad  11, 
nacba-tn-  sàraig  {na-dom-sàraig  R^)  9,  mani-m-léicîher  9,  ni-m- 
thasa^,  r-a-gaibsi  i'^ ,atas-ci!d (for-das-nid K^)  10,  niu-s-comairc 
R'  1 1.  The  prefix  ro  is  still  intixed  in  compound  verbs  :  fris-ro- 
gart,  do-ru-malt-sa  4,  ar-ro-bert  7,  at-ru-llai  12,  fa-r-gabsat  2,  fo- 
rreinides  (at-ro-as)  13.  In  the  près.  ind.  -de-r-nim,  -ro-rdaim 
(for  -ro-rethlni),  -ro-lùgaim  4,  the  ro  has  still  the  force  of 
«  can  »  (Kuhn's  Zeitschrift,  XXXVII,  67).  But  there  are  no 
deponential  forms  Q\ce\n  fallsigtbe  3,  the  2''  sg.  imperative  of 
fùiUsigiir,  and  -cuùgnaniar  (cuingeoinemar,  Y)  4,  the  près.  ind. 
pi.  I  of  *con-gnàiir  (cf.  L^a.  co-gnô-sco).  This  practical  vanish- 
ingofthe  déponent  inflexion,  points,  according  to  Strachan, 
to  the  middle  of  the  tenth  century.  The  syntax  of  Hcrcun 
iath  3,  Caihàir  crich,  3,  crîde  (leg.  cridï)  crâd  4,  where  the 
genitive  précèdes  the  governing  noun,  and  oï  fichîib  ocus  Irich- 
taib  «  by  twenties  and  thirties  »,  where  the  préposition  is 
omitted,  also  belongs  to  the  Old-  Irish  period.  It  is  strange 
that  in  so  ancient  a  story  we  do  not  find  that  alternation  of 
prose  and  verse,  which  is  the  rule  in  Irish  taies,  and 
which  Hermann  Oldenberg  (Z)/V  Litcratur  des  alten  Indien, 
S.  45)  considers  to  bc  characteristic  of  the  dawn  of  Iiido- 
european  literary  culture. 

So  much  for  students  of  the  Gaelic  language  and  litera- 
ture.  Folklorists  will  be  interested  in  the  proverb  cited  b}»- 
Cathâir  Môr,  §  4,  in  the  considération  paid  by  Corniac  for 
the  site  of  Tara,  §  9,  and  in  the  method  by  which  Ethne's 
bride-price  was  determined,  §  13.  If  the  account  of  the  foun- 
ding  of  Tara,  §§  8,  9,  be  authentic,  it  proves  that,  as  early 
as  the  second  century,  private  property  in  land  cxisted  in 
Ireland. 

Lastly,  according  to  our  practice  iri  this  journal,  the  rarer 
words  in  the  text  are  collected  in  the  glossarial  index. 


20  Whitlcy  Stokes. 


ESNADA    TIGE    BUCHET 

SLICHT    LEBUIR    LAIGXIG. 


1.  Bôi  coire  feile  la  Laigniu,  Buchat^  a  ainm.Tech  n-oeged 
fer  n-Herenn  a  thech-  in  Buchet  [sin  Y].  Ni  ro  dibdad?  teni  fo 
a  choiriu  o  ro  gab4  threbad. 

2.  INgen  do  Chathair  Môr  mac  ¥e\d\iiiiîbc  do  rig  Herenn  5 
[ar  altram  R^]  in  a  hucht  [lais  Y.  H.]  .i.  Ethni  ingen  Chathair^. 
Da  mac  deac  [ar  iichit  Y]  la  Cathair/.  Tictis-[s];We  [p.  270*^] 
do  oigidecht  7  do  acalldaib^  a  sethar  [do  thich  Buichet  R^]. 
Domeltis  oigidechta  lichtib  7  triclitaib.  Ba  robec  leosom  on  co 
mhenis  aisceda.  Ba  menic  di^M  a  timgaire  7  al-lin.  Mani  fag- 
baitisdaîïoal-leôr  dognitis  michostud  [mor  fri  niuintir  niBuichet 
R'].  No  bi'red  fer  na  gerranu,  a  cheli  na  serraig9,  araile 
gescadina  buaib '°,  co  ro  fasaigset  maie  Cath^7/V  fodeoid,  coinvA 
fargabsat"  leis  acht  .un.  riibai  7  tarb,  baie  ir-rabatar  na  .un. 
n-drge^-  [7  sccbt  tige  la  cach  n-airge,  R^]. 


1.  Buichet  H.  R2.  Buiched  Y. 

2.  om.  H.  theg  Y. 

3.  ro  digbad  R2. 

4.  o  ragaibh  H. 

5.  Laigin  Y.  LaigiHg  H.  Laige«  R2. 

6.  Eithne  a  hainm  R^.  Eithne  ingrn  Cliatliair  Y. 

7.  .XII.  maie  ar  .xx.  la  Cathi/r  H. 

8.  acallaini  Y.  H.  acallfl/»/ R2. 

9.  in  sesrich  Y.  in  sesrid  H. 

10.  Ba  menic  a  timgaire  dono,  uâir  dob^ed  fer  dîb  heocliu  7  in  fer  eli  in 
seisrig  7  fer  eili  scoi[r]  dona  buaib,  R2.  110  bered  in  fer  na  gerranu,  a  cheli 
in  sesrich  Y. 

11.  farcaibset  Y.  facsat  aige  R^. 
.-2.  n-airghe  Y. 


The  Songs  of  Buchct's  Hoiise.  2  i 


THE  SONGS  OF  BUCHET'S  HOUSE 

(Book  of  Leinsier,  p.   270) 


1.  The  Leinstermeii  had  a  «  caldron  of  hospitality  »,  named 
Buclict.  A  guest-house  of  the  men  of  Eriii  was  the  dwclling  of 
that  Buchet'.  From  the  time  he  began  householding  the  tire 
under  his  caldron  was  ne  ver  quenched. 

2.  A  daughter  of  Cathâir  Môr^,  son  of  FeidHmid^,  king  of 
Ireland,  was  in  his  bosom  for  fosterage,  even  Ethne  Cathair's 
daughter.  Twelve  sons  4  and  twenty  had  Cathdir  Môr,  and 
they  used  to  corne  for  guesting  and  to  hâve  speech  of  their 
sister.  In  scores  and  in  thirties  '■  they  would  enjoy  the  guestings. 
This  they  deemed  Httle  till  they  got  gifts.  Fréquent,  then,  was 
their  asking  and  (great  was)  their  number.  Unless  they  obtained 
what  sufficed  them  they  would  grossly  misbehave  to  Buchet's 
household.  One  man  would  take  the  geldings,  another  the 
foals^,  a  third  the  branches  7  of  the  kine;  so  that  at  last 
Cathair's  sons  laid  Buchet  waste,  and  left  him  nought  save 
seven  cows  and  a  buU  in  the  steading  where  there  had  been 
seven  herds  of  cattle,  and  seven  houses  with  each  herd. 


1.  The  townland  of  Dunboyke,  near  Blessington,  in  the  county  of 
Wicklow,  still  retains  the  namc  of  the  hospitable  franklin,  Ferguson,  Lays 
of  the  IFfstein  Gacl,  p.  244. 

2.  ovcrking  of  Ireland  A.  D.  120-122  :  his  pedigree  is  given  bv  Keating, 
O'Mahonv's  translation,  307-8. 

3.  i.  e.  Feidliniid  Fir-urglais  (or  Fer  urghiass  or  iarglas,  Côir  Anmann, 
§  196),  Book  of  Rights,  204,  son  of  Cormac  Gchagàith,  Cuir  Anmann,  §  197. 

4.  The  namcs  of  seven  of  them  are  given  infra,  5  5.  According  to  Keating, 
Cathàir  had  onlv  thirty  sons. 

5.  cf.  mani  bet  fichtib  no  trichtaib,  LU.  67»  :  ind  locain  rô  gabtha  deis- 
sib  ocus  tririb,  Fél.  Ocng.  prol.,  209,  210. 

6.  «  the  ploughteams  »,  Y. 

7.  see  the  Glossarial  Index,  s.  v.  gesca. 


22  Whitley  Stokcs. 

3.  Luid-seom  iavum  [la  and  R]  dia  accôine  fri  CathrtzV. 
Senôir  dimiltni  ^  s/Je  dano  intan  sin.  Ocus  asbcrtBuchet^  : 

A  mmo  choir  Caihâir,  coto  recht  ruacbath  uas  Herenn  5  iath! 

adcoimse4  mo  chrod  dot  chain  m^rmiu),  cen  chintafira. 

fallsigthe  fô,  ar  ba  fiu  mo  brug//.fsa  cach  riibrugas  coin  besaib 
bruga  dan  bit^. 

bid  danim7  môr  mo  dith  do  Chathair  crich. 

Macne  Chathair  ro  chloiset^  mo  brugas  bûar  .i.  Kiis  Riiad- 
bullech,  Crimthand  Cétguinech,  Dare  Trebanda,  Loscdn  An, 
Echaid  Airigda9.  Dressai  Enechglas'o,  Fiacha  Foltlebor'^  fortbia 
cach. 

Buchat  ni  bia  feib  ro  m-bôi  riam  cor-ri  ailethiiaith  '^  nad 
rosset  h/h"  Feidlinithi  Find. 

4.  IS  and-sin  f/isrogart  Cath(//r  a  n-asbrrt  : 
Fir,  a  Buchat  ^5^  basa  brugaid^4  blata  dam. 

Buaid  do  gai,  do  gart,  do  gaisced,  dogen[ad]i5  failte  fri  cach 
n-oen  it  midcliuairt  mar. 

Acht  con  messindse'"^  mo  m^ccu  ni  diiigentais  do  chride'7 


1.  diblidc  R2,  dimelta  Y,  dimelta  H. 

2.  dix/7  Buichcad  Y.  dixit  Buichct  H. 

3.  herind  L.  Erind  Y.  But  sqc  hdd  km  Èrend  iath,  LU.  iK)^^  42. 

4.  adcoimse  Y.  ad  comsi  R2,  adcoimsi  H.  For  the  rest  of  Buchet's  speech 
R2  lias  only  7c.  For  the  first  six  words  it  has:  Ni  mo  choir  a  Cathrt/r  co 
torracht.  H  has  a  mo  Cathair  cotoreacht. 

5.  mnccu  Y,  macu  H. 

6.  danbith  H.  brugad  anbith  Y. 

7.  anim  Y,  badainim  modith  mor  modith  H. 

8.  doclocsat  H.  rochloeset  Y. 

9.  airechtai  Y,  H. 

10.  enechlais  Y,  einechglas  FI. 

11.  ibiltlcbarY,  fohlebar  H. 

12.  Buchet  ni  bia  feib  rombui  riam  coraili  thuaid  Y.  Buichct  ni  bia  feb  ro 
bui  riam  coraili  tuaidh  H. 

13.  buichct  H.  buchet  Y. 

14.  basobrugaid  Y.  baso  brugaid  H. 

15.  dogene  H.  dogen  Y. 

16.  conmeisindse  mo  mucai  Y.  (-o;mieissindsi  momuccai  H.  commessindse 
mo  raaccu,  L. 

17.  dochraide  Y. 


The  Songs  of  Buchet's  Hoiisf.  25 

3 .  So  one  day  hc  went  to  comphiin  to  Cathair,  who,  at  that 
time,  was  a  décrépit  old  man.  And  Buchet  said. 

«  O  my  just  Cathâir,  préserve...  law  over  Erin's  land  ! 

I  cry  OLit  ^  for  my  wealth  (carried  off)  by  thy  fair  sons, 
without  real  faults  (on  my  part). 

Manifest  (thy)  goodness,  for  my  landholding  was  wortS 
any  landholding  with  its  land-dues... 

My  loss  will  be  a  great  blemish  to  Cathâir's  country. 

My  landholding  (and)  cattlc,  Cathâir's  sons  hâve  ruined, 
namely  Ross  Red-striker-,  Crimthan  First-wounding',  Dàre4 
Loscân  the  splendid,  Eochaid  the  Princely  5,  Dressai  Greenface^ 
the...,  Fiacha  Longhair"  who  will  eut  off(?)every  one. 

Buchet  will  not  bc  as  he  hath  been  before  until  he  reaches 
another  tribe  which  the  grandsons  of  Feidlimid  the  Fair^ 
would  not  reach.  « 

4.  Then  Cathâir  answered  what  Buchat  said: 

«  True,  O  Buchet,  thou  hast  been  a  nourishinglandholder9 
of  mine. 

Precious  is  thy  fervour,  thy  hospitality,  thy  valour,  which 
would  make  welcome  to  every  one  in  thy  great  midcourt. 

But  that  1  should  hâve  power  over  my  sons  (so  that)  they 


1.  Cf.  the  English  «  to  raise  (or  make)  hue  and  crv  »  (O.  Fr.  ha  et  cri), 

2.  Ross  Failgc,  said  by  O'Donovan,  Bool<  of  Rights,  p.  195,  to  mean 
«  Ros  of  the  rings  ».  But  this  would  be  Ros  iia  falach,  sce  LL.  206b,  coica 
falacb. 

5.   Book  of  Rights,  p.  198  n. 

4.  Dâirc  Barrach,  Côir  Aiuiuinn,  5  40,  Ir.  Texte,  III,  302,  one  of  the 
ancestors  of  Ethne,  Mothcr  of  S.  Columba. 

5.  Eochaid  Temenn  r-  Eochaid  Timinc,  Coir  Anmanii,  §  202,  Book  of 
Rights,  192-204. 

6.  Ancestor  of  the  Ui  Eineach-ghiis,  a  tribe  in  tlic  barony  of  Arklow,  co. 
Wicklow,  O'Donovan,  Book  of  Rights,  pp.  I9r6. 

7.  Fiachaidh  Bacheda  =  Fiacha  Baiceda,  Côir  Aniiiaiin,  ']  198,  Ir.  Texte, 
III,  370. 

8.  Cathâir  Môr's,  father,  gcnerally  called  Feidlimid  Firurglais. 

9.  i.  e.  apparently,  a  hrugald  who  provided  food  for  his  chief. 


24  Whnley  Stokes. 

clirdd,    nt'it  ni  dernim,   rith  ni  rordaim,    leim  ni  rolngaim% 
rodarc  ni  cian  cuiignamar-. 

Rige  dorumalrsa  .l.  5  mhliadan  riibûan, 

acht  ro/nnessind  dia^  fessind  do  Bûchai  [a  Y,  H.]  bûar, 
nimthasa  cumaiig  duit,  a  Buchet,  acht  a[sj  aithe5  [cach  delg 
as  s6.  As  tir  duit.  K\]^. 

5.  Luid  Buchet  for  teiched  uadib  assin  tir  .i.  fut  na  haidchi 
co  matin  i  rigait,  co  mbâi  i  Cenannas  na  rig  atùaid/.  Ociis  ba 
bec  ind  immirgi  rucad  and  .i.  uii.  riibai  7  tarb,  ocus  sesseom 
7  a  chaillcch  7  ind  ingen  .i.  Ethni  ingen  Chath^//r. 

6.  Batar  i  mbothin  bic  and  isin  choill''',  7  ind  ingen  oca 
timthirecht. 

7.  IS  and  di(///  ro  bôi  Corm^'c  h/'ia  Cuindi  Cenannas9  riasiu 
rogabad'°rige[n-Erenn,  arniroltic,  R-]  MedbLethderghiTem- 
raigiar  n-écaib  a  athar[som  Y]  .i.  i  fliil  Airt  ro  bôi  in  Medb  Leth- 
dcrg  do  Laignib,  ocus  arrobrrt-side  in  rige  iar  n-ecaib  Airt 9. 
Ba  hé  domsom'^  na  rrig  di(///^=,  Cenan;z//.v.  Coii'id  iar  ngahâil 
rige  do  Chorm^/c  ro  clas  hiis  in  Temair  .i.  ferand  Odrain  sin  .i. 
bachlach  dona  Dessib  Breg. 


1.  ro  lo»gaim  H.  roleHgaim  Y. 

2.  radarc  ni  cian  cuingeoinemar  (facs.  cumgeoinemar)  Y.  congumimar  H. 

3.  choicit  Y. 

4.  do  Y,  H. 

5.  as  aithi  Y.  is  aithi  H. 

6.  For  paragraph  4  R2  has  only  Nimthasa  cumang  duit,  a  Buich/V,  ol 
Cathair,  acht  as  aithe  cach  delg  as  sô.  As  tir  duit. 

7.  fot  aidchi,  co  riacht  Cenand^j  na  righ  a  ngoit  R2.  fut  na  haidci  anagaid 
coraibi  oc  Cenandus  na  righ  atuaid  H.  fut  na  haidche  a  ngoid  co  mbai  oc 
Cenandass  na  rig  atuaid,  Y. 

8.  atùaid  L.  atuaid  Y.  ituaid  H.  Batar  a  mboith  isin  choill  R2. 

9.  Do  Laighnib  in  Medbh  Leithderg  sin  7  a  farrad  Airt  rob.ii,  7  fuair  si 
an  righe  iar  n-écaib  Airt  R2.  riasiu  rogabad  rigi,  ar  ni  rehg  Medb  Leithderg 
i  Temraig  iar  n-egaib  a  atharsom  .i.  Airt  maie  Cuind,  7  robai  ben  Airt  in 
Meadb  Leithderg  di  Laignib  arrobertside  in  rigi  iar  n-egaib  Airt  Y.  resiu 
rogabh  righe  nEre?»;  ar  vi[sic]  rehg  Mcdhbh  Leithderg  i  Teamraigh  iar 
n-egaibh  a  atharsuni  .i.  Art  mac  Cuinn,  7  robi  bean  Airt  in  Medhbh 
Leithderg  do  LaigH/è  arrobert  sidlie  in  righi  iar  n-egaib  Airt  H. 

10.  rogabh  H.  i  Cenannas  ar  ind  relie  riasiu  nogabad  L. 

11.  arwj  R2,  domsodh  Y,  domsad  H. 

12.  ind  inhaid  sin  R2. 


The  Songs  of  Biichet's  House.  25 

should  not  cause  thy  heart's  torment,  strcngth  I  cannot 
exercise,  running  I  cannot  run,  Icaping  I  cannot  leap,  (as  to) 
sight,  not  flir  do  \ve  pcrceive. 

Kingship  I  havc  enjoyed  for  tifty  lasting  years. 

But  tliat  I  should  be  able  to  bring  his  kine  to  Buchct  I  hâve 
no  powcrfor  thee,  O  Buchet,  (nothing)savc  (the  proxerl)) sharper 
is  cvcry  thorn  thaï  is yoimgcr^.  Get  thee  outof  the  country-  ». 

5.  Buchet  fled  southwards  from  them  out  of  the  country, 
by  stealth,  the  length  of  the  night  till  morning,  so  that  he  was 
in  Kells  of  the  kingsî.  And  small  was  the  drove  that  was  taken 
there,  to  wit,  seven  cows  and  a  bull,  and  he  himself,  and  his 
old  wife,  and  the  damsel,  Ethne  daughter  of  Cathair. 

6.  They  dwelt  in  a  small  cabin  there  in  the  forest,  with  the 
damsel  serving  them. 

7.  Cormac  grandson  of  Conn  was  then  living  in  Kells  before 
he  should  take  the  kingship  of  Erin,  for  Maive  Redside  did  not 
Ict  him  into  Tara  after  the  death  of  his  father  (Art).  Now 
Maive  Redside  of  Leinster  had  been  Art's  wife,  and  after  his 
death  she  enjoyed  the  kingship.  Kells,  then,  was  the  résidence 
of  the  kings.  But  after  Cormac  had  gained  the  kingshipTara4 
was  founded  by  him,  and  that  was  the  land  of  Odrdn,  a 
herdsman  of  the  Déssi  of  Bregia. 


1.  cf.  the  proverb  liiailhi  matig  ina  mallmir  «  swifter  is  the  fawn  than  its 
dam  »,  Corm.  s.  v.  mang. 

2.  as  tir  for  asin  tir. 

5.  Cenannas.  now  Kells  in  Meath,  first  called  Diin  Cûile  Sibriimc,  which 
O'Donovan  (F.  M.  i,  56)  renders  bv  Arx  anguli  adutterii. 

4.  see  the  Dindsenchas,  Rev.  Ceît.,  XV,  277  sq.  for  very  diflerent  legends 
about  the  founders  of  Tara. 


26  Whitley  Stokes. 

8.  INtan  di(///  ro  bas  ^  oc  claide  na  rathaTemrach  la  Corm^Tc 
adrand-  [Odhran  H]  a  theora  eigme  ass.  Cid  éigi  ?or  Connue. 
Éigim  dochraite^,  or  se,  fothugud^  do  rig  hEre//;z  fo/-m5  thir  7 
(orm^  ihalniûiii  co  brdth. 

9.  INtan  d'idii.  ro  bas  oc  intadud7  in  ti[ge]^  ro  eig-seom 
héiis.  Oc  techt  inti  do  solud^  do  Chorm^fc  dobtvt  Odrdn  a 
druim  frisin  comlaid.  Cid  sin  ?  or  Connac.  Nacham-sdraig'°,  ar 
Odrdn.  IS  anfir  do  sarugnd,  ol  Cormar  [p.  217'^].  Ni  ba  messi 
dogena,  acht  manim-léictberind  arlôg  .i.  dochomthromdoar- 
gut,  ocus accnabtha "  nônbair  cechà  nôna  céin  ^-  béosa  i  mbethu  ^3 
[7  atethur  rige  R^]  ocus  tir  beschutr/,//;ana  f/-i[t]tir'4  hi  tôeb  in 
tiri-  se  fri  athigid  ">  chuciiinsii  [7  fri  tairecdo  chisa,  R^].  IS  maith, 
ar  Odrdn.  Ataat  da  port  mathifrind^^  aness^7  amwe,  arOdran. 
Ci  a  n-ainm^^?  or  Corm^f.  Odra  Temrach,  or  se. 

Bisiu  and,  dâiw,  or  Cormac.  Odor  et^r  Odraib '9. 
IS  de  ata  Odra  Temrach. 


10.   Bui  Corm^Tc  matan  moch  fecht  and  i  Cenannas  iar  liga- 

I .  roboth  R-,  robas  Y,  H. 

9..  atrann  R-,  adhrann  H.  adhrand  Y. 

3.  dochraidhi  Y,  dochraiii  R^ 

4.  Ibthuchadh  Y. 

5.  for  mo  Y.  (or  nio  H. 

6.  for  mo  Y,  (or  H. 

7.  oc  intathad  R2. 

8.  oc  on  indtsathad  in  tij^hi  Y.  oc  iniinntathud  in  tigi  H. 

9.  do  sholaidh  Y.  do  solaid  H. 

10.  sasaid  H. 

11.  accnabad  Y.  agnabtha  R2. 

12.  gein  Y. 

13.  bethaid  Y.  H.  bethd/d  R2. 

14.  tir  bus  commaith  friad  tir  R^,  tir  bi-is  commaith  fritir  Y,  H. 

I).  for  taithigud  R^.  fri  tathaigi  dochum  na  Temrach  7  chucamsa  sund 
Y.  fri  tatliaidi   dochum  na  Temrach  7  cugumsa  sunn  H. 

16.  da  primport  maitiii  ocamsa  rind  R^. 

17.  anndes  Y. 
i<S.  cia  hainm  Y. 

19.  Bisiu  and  di(/H,  ar  Cormac  .i.  odar  it/r  Odraib.  is  de  ata  odra  Temrach 
Y.  Bisiu  ann  di(//<  ol  Cormac  .i.  Odiir  it/V  Odraib.  is  de  ita  Odin^a  Team- 
rach  H.  Bisiu  and  da;/c',  or  Corm(/c.  IS  de  ata  Odor  et/r  Odraib  L. 


The  Songs  of  Buchcfs  House.  27 

8.  Now  when  tlie  rath  of  Tara  was  being  dug  by  Cormac, 
Odran  gave  (?)  his  three  groans  out  of  him. 

«  Why  groanest  thou  ?  »  says  Cormac. 
«  I  groan  for  my  oppression  »,  quoth  lie,  «  thc  support  of  a 
king  of  Erin  on  my  land  and  my  soil  for  evcr.  » 

9.  Then  when  they  were  settingthe  stakes^  of  the  housc, 
he  groaned  again;  and  when,  on  a  lucky  day^,  Cormac  was 
entering  it,  Odrdn  set  his  back  against  the  doorvalve.  «  What 
is  that  ?  »  says  Cormac.  «  Do  not  outrage  me  !  »  says  Odran. 
«  Tis  untruth  to  outrage  thee  »,  quoth  Cormac;  «  it  is  not  I 
that  will  do  it,  unless  I  am  not  admittcd  for  (this)  payment, 
to  wit,  thy  weight  in  silver-i,  and  rations  for  nine  men  every 
noontide  so  long  as  I  am  alive,  and  land  equal  to  thy  land 
beside  this  land,  for  visiting  me  and  supplying  thy  tribute  » 

«  Tis  well  »,  says  Odrdn  :  «  there  are  two  good  banks  to 
the  south  of  us  thus  »,  says  Odran. 

«  What  is   thcir  name  ?  »   asks  Cormac. 

«  The  Odra  of  Tara  »,  says  Odrdn. 

«  Then  thou  art  »,  says  Cormac,  «  Odor-i  between  Odra  ». 

Henceis(the  place-name)  Odra  Temrach. 

10.  Early  one  morning,  after  he  had  taken  kingship,  Cormac 


1.  i.  c.  thc  stakcs  bctwecn  which  thc  wickcrwork  of  thc  walls  was 
woven. 

2.  i.  e.  a  favourablc  dav  for  going  into  the  house  for  the  first  time. 
This  must  bc  the  meaning,  though  do  soliui  Hterally  means  «  to  profit  ». 
It  corresponds  with  tlie  tria  solud  7  laiscelad  dniad  «  through  liick  and  a 
druid's  ascertainment  »,  of  R'.  don  Iscùn  7  don  tsoliid  LL.  ioi-'45. 

5.  Compare  the  instances  of  dctermining  a  pcnahy  or  ransoni  by  the 
weight  of  the  pcrson  injured,   injuring  or  ransomcd,  Ir.  Texte,  IV,  301, 

436. 

4.  a  pun  on  thc  man's  namc  Odrân,  a  diminutive  oi  odar  «  dun  ».  Thc 
Odra  Terni  aci}  were  the  équivalent  of  thc  land  taken  by  the  king. 


2  8  Wliitley  Stokes. 

hâil  rige  [oc  uréirghi  cona  ûmthacbt  sroill  imbe  ^  R^.),  coniccïi 
in  n-ingin  oc  blcgon  na  mbô.  A  cétblegon  il-lestar  for  leith,  a 
ndeadblegon  il-lestar  n-aile.  Atas-ciid  -  duno  oc  bùain  na  luachra, 
7  medôn  in  tuimm  luachra  lee  i  n-airbir  foleith?.  Oc  tabairt 
ind  usci  da»o  assa  ur  [in  tsrotha  R-J  issind-ara  lestar,  a  n-aill 
assa4  medôn  issin  lestar  n-aile. 

II.  Ro  iarfliig  fecht  and^  inti  Connac  in  n-ingin:  Cia  tdi 
a  ingen  ?  or  Corm^c  ^. 

INgen  bachlaig7  tliruàig  sund-ut'"^,  ol-si. 

Ccst,  cid  ma  ndenaisi^  in  n-usa'  7  in  luachair  7  in  t-ass  do 
chomraind  ? 

Ferro  bai  i  n-airmitin^'^'  riam,  or  si,  dia  mlvrar  a  medôn  na 
luachra  7  in  t-iarniblegon,  7  damsa  a  n-aill  rc^/ma  raib-seom^^ 
d'ulK  cen  airmitin'-  do  neoch  fogeb-sa.  Dia  tagbaind-se  dimo 
airmitin  bad  moo  ro  ni-biad  som. 

IS  dochu  a  tagbail  duit,  or  Cormac.  Cia  dia  tabar  ind 
airmitiu  '^  ? 

Buchet  a  ainm,  ol  si. 

Buchat  Lagen  on  ?  or  Corm^r. 

'S  é  im;//orro,  or  sisi. 

IN  t//j-su  ind  Eithni  thoebibta  [inghen  Cathr//r  Môir  R-]  ? 
or  Cornirtr. 

IS  dôig  [anisin,  R^],  or  sisi. 


1,  ocu  7  arnerged,  Y.  oc  urergeo  co»a  timth.icht  sroill  imi  H. 

2.  Adas  cidh  Y.  Adascid  H. 
5.  ar  leith  R2  Y.  for  leith  H. 

4.  isi»  H.  asa  Y. 

5.  Ro  fiarfaidh  fecht  n-ann  H.  Ro  fiarfaid  fecht  and  Y. 

6.  Atchi  diMio  antî  Cormac  an  inghen.  Cid  tài,  a  ingen,  or  Cormflc,  7 
côich  tû  ?  R-. 

7.  bachlaich  Y. 

8.  sund  ucat  R2.  sunn  ucut  H. 

9.  cid  dia«  cuirtcr  so?  R-. 

10.  in  airmitniu  Y. 

11.  conaroibi  seom  Y.  ai;/arab  sum  H. 

12.  airmitne  Y. 

13.  Cia   dia   tabrai   in  càiai  môir  sin?  R2.    Cia  dia  tabar  ind  airmitne  Y. 
cia  dia  tabar  in  airmidiu  H. 


The  Songs  of  Bûche l' s  House.  29 

was  in  KcUs,  arising  witli  his  raiment  of  satin  about  him. 
He  saw  the  damsel  milking  the  cows.  Their  first  milking  (she 
put)  into  a  vessel  apart  ;  their  last  milking  into  anothcr  vessel. 
Then  he  sees  her  cutting  rushes,  and  the  middle  ot  the  tussock 
of  rushes  she  puts  into  a  bundle  apart.  So  the  water  which  she 
took  from  the  brink  of  the  stream  she  put  into  one  vessel, 
and  the  water  from  the  midst  of  it  into  another^ 

1 1 .  Then  Cormac  asked  the  girl  : 

«  Who  art  thou,  O  damsel?  »  says Cormac. 

«  The  daughter  of  a  poor  herdsman  yonder  »,  she  answered. 

«  Why  dost  thou  divide  the  water  and  the  rushes  and  the 
milk  ?  >y 

«  A  man»  she  answcrs  «  who  was  formerly  honourcd,  'tis 
to  him  that  the  middle  of  the  rushes  and  the  aftcr-milk  is 
given-,  and  the  rcst  to  me,  so  that  hc  may  not  be  without 
honour  h'om  what  I  shall  get.  If  I  could  find  a  greater 
lionour  he  shoukl  hâve  it.  » 

«  "Tis  very  likcly  that  thou  wilt  find  it  »,  says  Cormac. 
«  To  whom  is  this  honour  given  ?  » 

«  Buchet  is  his  namc  »,  she  replied. 

«  Is  that  Buchet  of  Leinster  ?  »,  says  Cormac. 

«  'Tis  he  indeed  »,  she  answers. 

«  Art  thou  Ethne  Longsidc,  daughter  of  Cathair  Môr  ?  » 
says  Cormac. 

«  So  it  seems  »,  quoth  she. 


1 .  This  suggested  the  Unes  in  Ferguson*s  Aideen's  Grave  : 

lu  sweeî  remenibrancc  of  the  days 

When  duteous,  in  the  lowly  vale 
Unconscious  of  my  Oscar's  gaze 

She  fiUed  the  (ragrant  pail, 
And  duteous,  from  the  running  broolc 

Drcw  water  for  the  bath  ;  nor  decmed 
A  king  did  on  her  labour  look, 

And  she  a  fairy  seemed. 
He  has  substituted   (poetarum  licentia)  Étâin  for  Ethne  and  Oscar  for 
Cormac. 

2.  Better  ihus   in   R'  :   'tis  for  him    I   gathcr  the  last    milk,   and   the 
fresh  (part)  of  the  rushes,  and  the  midst  of  the  stream. 


3 a  Whitley  Stokes. 

12.  IArsintradochuas[oChormac  R^]  coBuchatdia  cungid^ 
Nis-tarat  s/We  2,  ar  nirbo  leis  acbl  la  hathair  a  tabairt.  Asb^rat 
trà  is  ar  écin  rucad-si  chuca'-som  dadaig,  ociis  ni  toi  leis'i  aclit 
in  n-aidchi  sin  7  atrullai  liad  k  Ocus  issin  n-aidchi  sin  dorala 
ina  broinn  in  Corpri  Lipli<r/;^//>  mac  Cormaic  À.  ro  char  ^  Liphe, 
7  il-Liphechair  ro  hait  et/V  a  maithre  7  a  athre/.  Ocns  ni  ragaib 
Cormac  m  mac  co  ro  luigset^  Lagin  corbo  leis  [hé,  H]. 


13.  Ocus  robôi-si  iarsin  ba  rigan9  i  £iil  Cornw/V.  Ni  ragaib 
[si,  R^]  xmmorro  can  a  tindscra  [do  ûvàhain  H]  do  Buchet, 
\Ssed  dorât  Connut:  dô,  an  ro  siacht  a  radarc  di  mûr  Chenandsa, 
et/V  boin  7  duine  [7  or  7  arcad  Y]  7  dam  7  cch  i^,  co  cend 
sechtmaine.  Forreimdes"  a  mbreith  la  Buchat  dar  rigi  fadess 
na  rruc  d'indilib  i  crich  Lagen  aridisi^^ 

14.  Esnad  ^^  tige  Buchet  dona  damaib  .i.  a  gen  gare  ass  frisna 
dama'-i:  Fochen  dûib,  bid  maith  diiib  [linni  R'],  bud  maith 
dano  dunni  libsi  '5. 

15.  Esnad  in  choicat  lâech  coivà  n-etaigib  corcraib  7  comx 
n-erredaib  do  airhtiud  intan  bâtis  mesca  [na  dama  R-.]. 

16.  Esnad  da//o  in  choicat  insjen  {or  lar  in  tige  ina  lennaib 


1.  ciiindchid  Y.  cuinnchid  R2.  cuingidli  H. 

2.  Ni  thard  sein  R2.  Nistarait  sidi  Y. 

3.  chuici  Y.  cuigi  H. 

4.  ni  ro  faid  \d  interlined]  acht  Icath  na  haidclie  ina  farrad  [/' inscrted]  Y. 
ni  ro  foid  achl  leth  na  haidci  ina  farradh  H. 

5.  ni  raibe  acht  leth  na  liaidliclii  ina  farradh,  ùi//-erla  ûad  isin  matain,  R2. 
acht  atrula  uad  H.  acht  atrula  ua  dh  Y. 

6.  rochair  Y. 

7.  itfcT  a  maithri  7  a  aitliriu  Y.  it/r  a  maitji  7  a  aitri  lî. 

8.  gur'  toingset  R2.  cor'iuigset  Y.  gur  hiighset  H. 

9.  ropoisi  iarsin  righan  robai  Y.  H.  IS  hi  Eithne  robai  'na  righain  R^. 

10.  ixir  boin  7  duinc  7  ôr  7  argat  7  coirmtlicch  R-. 

11.  foremthes  Y.  H. 

12.  daridisi  Y. 

13.  Easnam  R^.  Essnad  Y.  H. 

14.  damu  Y. 

15.  dûinne  sibsi  R-.  duine  libsi  H.  Y. 


The  Songs  of  Biichet's  Hoiise.  3 1 

1 2 .  Thcreafter  then  a  message  was  sent  by  Cormac  to  Buchet 
to  ask  lier  (in  marriage).  He  gave  her  not,  for  to  give  her 
belonged,  not  to  him,  but  to  her  fiither.  So  then  they  say  that 
on  thc  foUowhig  evening  she  was  hrought  by  force  to  Cormac, 
and  she  staid  with  him  only  that  night,  and  then  escaped 
from  him.  But  on  that  night  there  entered  her  womb  the  son 
of  Cormac,  Carbre  Lifechair  (so  called  because)  he  loved  Liffey  ' 
and  in  Lifechair  he  was  fostered  between  his  mother's  tribe 
and  his  father's  tribe.  And  Cormac  did  not  take  him  (as  his 
son)  until  the  Leinstermen  swore  that  the  boy  was  his. 

13.  Afterwards  Ethne  as  Cormac's  wife  became  a  queen-. 
Howbeit  she  did  not  accept  him  without  bestowing  her  bride- 
price  on  Buchet.  This  is  what  Cormac  gave  him  :  ail  that  his 
eyesight  reached  from  the  rampart  of  Kells,  both  cow  and 
man,  and  gold  and  silver,  and  horse  and  ox,  to  the  end  of 
a  week  5.  It  was  impossible  for  Buchet  to  take  again  over 
the  kingdom  southward  into  tiie  country  of  Leinster  ail  the 
herds  that  he  (then')  received. 

14.  The  song  of  Buchet's  house  to  the  companies  :  his 
laughing  cr}-  to  thc  companies:  «  Welcome  to  you  !  It  will 
be  well  to  you  with  us  !  Let  it  then  be  well  to  us  with  you  !  » 

15.  The  song  of  the  fifty  warriors  with  their  purplc  gar- 
ments  and  their  armours,  to  makc  music  when  the  compa- 
nies were  drunk. 

16.  The  song,  too,  of  the  hfty  maidens  in  the  midst  of  the 


1.  The  sanie  etyniology  is  given  in  the  Càir  Anmann,  §  114,  Ir.  Texte, 
III,  356.  For  thc  «  tegosc  »  which  Carbre  obtained  from  his  fixther  see  H. 
2.  17,  p.  179-185. 

2.  For  the  subséquent  carecr  of  Ethne  Ollanida  («  one  of  the  four  best 
wonien  that  in  her  time  lay  with  man  »),  see  Silva  Gadelica,  II,  179,  230, 
491.  She  was  buried  on  Cenn  Febrat,  Rev.  Celt.,  XV,  442. 

3.  For  the  use  of  eyesight  combined  with  time  as  the  measure  of  a  gift, 
tlierc  seems  no  parallel.  Jacob  Grimm  {Detilsche  Rcchisallerthiïmer)  and 
Michelet  (Origines  du  tirait  français)  give  none. 


32  Whitley  Stokes. 

corcraib  con^.  mongaib  ôrbuidib  dara  n-etaige^  7  a  n-esnad^ 
oc  airfîtiud  in  tslûaig. 

17.  Esnad  iti  chôecat  chruitte  3  iarsin  co  mmatin  [ac  talgud 
R2]4  in  tsludig  [do  chiul  R^]. 

18.  IS  de  sin  atd  Esnada  Tisri  Buchat3. 


1.  n-etaigib  Y.  n-édaighibh  R2. 

2.  7  a  sianan  7  a  n-andord  7  a  n-esnam  R^.  7  sian  [siar,  Facs.]  7  a  n-an- 
dord  7  a  n-esnadh  Y. 

3.  cruitire  R2. 

4.  oc  talgad  H. 

5.  is  do  sen  is  ainm  esnad  thigi  Buiched.  FINIT,  Y.  Et  is  do  sin  as  ainm 
esnad  tighi  Buichet  H.  fo»idli  de  sin  ata  csnamli  tighi  Buich//,   FlNet. 


Tlie  Songs  of  Buchet's  House.  J3 

hoLisc,  in  their  purple  dresses,  witli  their  golden-yellow 
mânes  over  their  garments,  and  their  song  delightingthe  host. 

The  song  of  the  fifty  harps  afterwards  till  morning,  soothing 
the  host  with  music. 

Hence  is  (the  name)  «   The  Songs  of  Buchcl's  House ^  ». 

I.  In  H.  the  storv'  is  there  followed  by  a  copy  of  the  Tochmarc  Liiaiiie  y 
Aidcd  Athinii,  which  begins  on  p.  464,  col.  2,  and  ends  on  p.  468,  col.  i. 
The  Essai  d'un  catalogue  de  la  littérature  épique  de  l'Irlande,  pp.  6,  127, 
should  be  .iltered  accordingly. 


Revue  CellKjue,  XXV. 


Î4  Wliitley  Stokes. 


ESNAD  TIGE  BUCHET  INSO  SIS 

[Rawl.  B.   S02,  fo.  7j"2.] 


1.  Boe  coire  feile  la  Laigniu  .i.  Buchet  a  ainm,  mac  hui 
Inblae  ^  a  slonnud.  Tech  n-oiged  fer  n-Érenn  a  tliech.Ni  rodibdad 
tene  a  thige  fo  a  choire  o  rogab  céttrebad. 

2.  Ingen  do  Chathaer  Mar,  do  rig  hErenn,  ar  altram  inna 
hucht  .i.  Eithne  Toebtata  ingen  Cathaer.  Da  mac  dec  cen 
fuithchi/w  cen  forbba  la  Cathâir.  Tictisede  do  oegidacht  7  do 
acallaim  a  sethar  do  thich  Buichet.  Ocus  co  fichtib  laech  no 
thictis,  7  ba  bec  leo  co  mbeirtis  ascada.  Ba  menic  a  timgaire, 
7  intan  na  beirtis  ni  fognitis  michostud  mor  fri  muint/V 
mBuichet.  No  fuaitched  fer  dib  a  graige.  No  aidled  a  cheile 
inse  dam.  Araile  gresce  dia  alum.  Co  mba  daidb/r  diselbaid 
Buchet  o  nv/ccaib  Cathair  fodeoid  [co]na  fargabsat  acbt  .uii. 
mbu  7  oen  tarb  airm  i  mbatar  .uii.  n-airge  7  .uii.  tige  la  car/; 
n-airge. 

3.-4.  Luidis  Buichet  dia  choeniu[d]  tri  Cathair,  7  ba  senoir 
dimilte  Cath///V  intan  sin.  «  Ni  chumgaim  ni  duit,  a  Bûchait, 
acbt  a  galar  oc«m  namma.  » 

5.  Luid  Buchet  for  teched  uaidib  fut  n-aidchi  asa  thir  i 
ngait,  co  ruacht  Cenannas  na  rig,  7  ba  bec  lin  a  immirge  .i. 
.uii.  ihbae  7  tarb,  hé  fein  7  a  ben  7  a  dalta  .i.  ingen  Cath^//r. 

6.  Ba  bec  a  n-aite  7  a  n-adba  i  ndunaid  ind  rig,  [7J  a  ndalta 
'co  timthirecht. 

7.  IS  ann  sain  bae  Cormacc  hi  Cenannas  'siu  gabad  rigi 
Temrach.  Medb  Lethderg  i  Temraig  intan  sin.  ISi  bâe  i  fail 
Airtt.  Do  Laignib  da.no  don  Meidb,  7  si  rogab  rigi  Temrach 
iarna  écaib  Airtt.  Ba  hé  artis  na  rig  d'idii  Cenannas.  Conid  iar 

1.  Thy  be. 


The  Songs  of  Buchet's  Hoiise.  jj 

rigabail  rige  do  Chormflc  ro  clas  leis  rath  Temrach  A.  ferann 
[fo.  yV'i]  Odrain  sain,  cocarttc  (.i.  comaithich)  sin  do  Dessib 
Maige  Brcg. 

8.  INtan  d'ulu  ro  bas  hic  claide  na  Temrach  la  Corniflc,  is 
ann  tue  Odraii  a  thri  heigmias.  Cid  éigi  ?  ar  Covmac.  Eginim 
dochraite,  ar  Odran,  fothugud  do  rig  for  mo  chuit  forbbae  7 
feraind  dogr^'s. 

9.  INtan  daw  ro  clannad  cli  in  tige,  egis  Odran  afrithisi. 
Oc  teclît  do  Chormfl'c  tna  solud  7  taiscelad  druad  inna  thech, 
dob^rt  Odran  a  druim  frisin  comlac.  Cid  inso  ?  ar  Corm^r. 
Na-dom-sàraig,  ar  Odran.  Is  anfir  do  sargud,  ar  Cormac,  7  ni 
ba  misse  dogene  achi  mcnim-leicther  ar  log.  Do  chomthrom  di 
or  7  do  argut,  7  doithin  nt)//buir  car/;  nd;/a  hi  cein  bamsa  beo 
7  atcthur  rige,  7  tir  bas  chumma  fr/[t]tir  hi  toeb  nô  i  n-airchind 
in  tiri  se  fri  tathigid  chucumsa  7  tri  tairec  do  chisa.  Gcbthair, 
ar  Odran,  anisin.  Atat  da  phortt  maithi  niaithi  frinn  [andcss), 
ar  Odran.  Cia  a  n-anmann  ?  ar  Corinac.  Odra  Temrach,  ar  se. 
Bi  siu  intib,  ar  Cormac  Is  de  ata  in  t-Odur  et/r  hUdru. 

10.  Bae  Cormac  niatain  moch  hi  Ccnannas  iar  ligab^/V  rige. 
cofacca  in  n-ingin  .i.  Eithne,  hic  blegun  namriibo.  Is^Y/dobcred, 
in  cetblegun  hi  lestur  fo  Icith  7  in  liiblegun  ridedenach  hi 
lest//;'  n-aile.  Fo/'das-cid  Cormac  daiio  ictopag-sin  urluachra,  7 
glas  car/;  muine  luachra  le  i  n-airbir  fo  leith,  a  himbel  7  a 
hodur  inn-airbir  n-aile.  Fordas-cid  dano  hic  tabairt  usa,  7  no 
lin|a|d  indara  lestar  a  hur  in  tsrotha  7  araile  asa  medon. 

11.  'Mus-comairc  Cormac  fccht  ann  dinn  ingin  coich  ba  si. 
Ingen  bachlaig  trûaig,  ar  si,  tail  hi  sunna  hi  Ccnann/w,  mise. 
Cesl,  cia  dia  comrainni-siu  in  loimm  7  in  luachair  7  in  n-usq//t'  ? 
Fer,  ar  si,  ro  bae  i  n-airmitin  riam  is  do  teclai?mimse  (leg. 
teclaimimsc)  in  lacht  lidedenach  7  hur  na  luachra  7  hmcfc  in 
tsrotha  :  dom  tadessin  ani  n-aill.  Ni  rabissiu  dog/rs  cen  airmitin 
aneich  fogeba,  7  is  dochu  a  fag^r/7  duit,  ar  Cormac:  Cid  iar«/;/ 
dia  tabar  in  cad//jr|s]a?  ar  Corinac.  Buchet  a  ainm,  mac  hui- 
Blae  a  sloinniud,  ar  Eithne.  INn  é  Buchf/  Laigncch  son  ?  ar 
Cormac.  Is  e,  ar  Ehhne.  IS  tùsu  duiii,  ar  Cormac,  Eithne 
thoebfata  ingen  Cathair  Môir?  IS  doaig  anisin,  ar  si. 

12.  IS  iar/mi  docoas  o  Chorttiac  dia  cuingid  co  Buichet. 
Nis-tuc  Buchet,  ar  narbu  leis  a  tabairt  achl  lia  hathair.  Atbtvat 


56  IVhhley  Stokes. 

ira  is  il  forecur  eicne  rucad  se^  co  Corm^c  in  n-aidchisin,  7 
ni  nibi  letli  n-aidclii  inna  tarrad,  acht  atrullae  uaid.  Ocus is'mn 
aidchi  sin  dorala  inna  broind  Cairp/'f  Lipliecliair  mac  Corniaic 
À.  ro  char  Liphe,  7  hi  Liphechair  dano  co  derb  ro  hait  eter  a 
mathre  7  a  aithre.  Ocus  ni  ro  gaib  Cormfl'c  in  m^/c-si  co  tucsat 
Laigin  tir  lais. 

13.  Ocus  is  i  ba  rigan  la  Cormac  iarsin.  Ni  ra  gaib  si  tra 
Eithne  cen  a  slaibre  do  Buchiut  iartain.  IS  d'^  tue  Cormac  do 
ani  ro  siacht  a  rederc  do  muir  -  Chenannsa,  cw  boin  7  dam  [7] 
duinc,  ech  J  or  j  argat,  co  cenn  5^r/;/maine.  Atroas  a  n-immain 
la  Buichet  dar  rige  Lagen  fodes  inna  rue  do  beochrud  hi  crich 
Lagt'?/  a  frithisi. 

14.  Ba  cain  essnad  tige  Buchet  .i.  a  gen  gaire  seom  fria 
damaib  a  n-asbfred  fccht  fothrî.  Fochen  duib.  Bid  maith  duib 
linni,  bad  maitli  duinnc  libsi,  ar  se. 

15.  Esnad  dàno  in  .l.  laech  cona  n-etgudaib  corcraib  7  co 
«-erredaib  aicb  datha  do  airfitiud  intan  bâtis  mesca. 

16.  Esnad  .l.  ingen  (or  lar  in  tige  inna  lennaib  ligaidib  ic 
airiuc  thuile  do  oigidaib  Buch/7.  Ba  cain  cuissech  7  dord  7  air- 
essnad  na  n-ocbud  archena  ic  tuil  mé';/man  Buichit. 

17.  Esnad  in  .l.  cruitti  fo  suantraige  'coa  talgud. 

18.  Gein  Carpr/  7  Tochmarc  n-Eithne  7  Esnad  Tige  Buchet 
insin  anuas. 


1.  leg.  si. 

2.  leg.  radarc  do  mûr. 


The  Songs  of  Bucliet's  Hoiisc.  57 


GLOSSARIAL  INDEX 


accnabtha,  9,  rations,  customary  portions  offood,  pi.  oi  acnabad,  Lism.  Livcs, 

p.  383,  cf.  fri  com-acnahad  (gl.  contra  consuetudinem)  Sg.  143*5. 
ad-cîu  /  see,  près.  ind.  sg.  3,  atasciid  10,  for  O.  Ir.  ad-das-ci. 
ad-coim-se  perhaps  /  crv  ont  for,  and  cognate  with  O.  Fr.  huer,  ifthis  be  of 

Teutonic  origin  (cf.  O.  H.  G.  hûwo  «  owl  »). 
adrand,  atrann  8,  corresponds  with  tue  R'S,  and  seems  prêt.  sg.  3  (with 

infixed  ro)  oï*ad-andaim,  possibly  cognate  with  Lat.  ap-pendo. 
aile-thûath,  3,  auother  tribe  (or  tribal  territory),  3. 

airber  an  armfui,  a  hundle,  dat.  airbir,  10,  Corm.  Tr.  9.  Laws,  IV,  312,  13. 
airchenn  end,  dat.  sg.  airchinn,  R'9,  gen.  inna  airchiiii  (leg.  airehinne)  LB. 

In  the  Laws  the  c  is  not  aspirated. 
airessnad,  R'i6,  a  high  song. 
an-fi'r,  9,  untruth, 

ar-biur,  I  enjoy,  t-  prêt.  sg.  3,  ar-ro-bert  7. 
arus  R'J,  a  résidence  (from  *ad-ros),  Cymr.  aros  «  to  stay  ». 
alam  a  herd,  dat.  alum  R12  (leg.  alaim,  as  in  LU.  57^10?). 
atcthur,  R'9,  leg.  atelbar,  3d  sg.  près,  passive  oi  atetha  «  adit  ». 
at-ro-as,  R'13,  ivas  unable,  atroas  techt  ar  in  orggain  LL.  269''37.  atrôs  a 

thairmesc  LL.  271 ''9. 
athre  =  xrato-.x  (Herodotus  i.  200)  a  fathei's  tribe  or  clan,  12. 
beo-chrod,  R'13,  live-stock. 
bothin,  6,  dimin.  of  both  but. 
brugas,  3,  land-holding ,  deriv.  oîbrug,  mrug. 
cidus,  R'ii,  respect,  gen.  cadais,  Bk  of  Fenagh  10. 
caillech,  5,  lit.  hag,  an  old  wifc. 

Cdtai  (leg.  cataid)  R^   11,  ace.  sg.  oi  cdXM  honour ,  respect. 
cét-blegun,  10,  firsl  milking. 
cét-guinech,  },  Jirsl-wounding. 
cét-trebad,  R'i  first  householding. 
(ro)  clas  7,  prêt.  pass.  oi  claidini  lit.  I  dig,  but  hère  «  I  lay  a  foundation  ». 

Verbal  noun  c  laide  B. 
cli  in  tige,  R'9,  pillar  of  the  house. 
cocartte  .i.  comaithich  a-n,  R'7,  a  neighbour. 
con-midiur,  s-  subj.  sg.  i  con-messind,  4. 
con-nnnsiim,  I  separ aie,  R'ii,  conraindfet   LU.   88»,    conrainfet  LU.  93, 

verbal  noun  comrainn. 


3B  Whitley  Stokes. 

coto,    3,  préserve  !   zd  sg.    imperativc   of   con-ôiin,  with  proleptic    innxed 
pronoun.    Cf.  con  ii-ôU    cota-ôei,    Wb.    29J  29,  cotd-ôith-si,    Wb.  7^   4, 

fO/;?-Ofl/-50î?;  Ml.    II2b20. 

cridi  cràd  4,  =  cradh  croidhe  tornient  ojhcart,  Torr.  Dh.  p.  104. 
cuissech  R'i6,  chorusincr}  ace.  cûisig,  Cath  Almaine,  i\a'.  Ce//.,  XXIV,  50, 

note  5. 
-cungnamar,  4  tve  pcrceive.   The  cuingeoinemar   of    Y  (where    the   facsi- 

mile  bas  cuingeoinemar)  seems  to  corne  from  a  reduplicated  fôrm  *-cutn- 
gegnemar  :  cf.  Gr.  y.Yvway.w. 
dadaig,  12,  ai  nighl. 

daidbir  (do-aidbir)  R'2,  poor,  opposite  to  s-aidhir  (so-aidbir)  «  rich  «. 
dead-blegon,  10,  the  last  milkiiig. 
-dernim,  4,  from  *de-ro-gni'im  /  can  do. 
dimiltni,  dimelta,  diblide,  3,  dimilte,  R'  5.  diblide  (gl.  senium  tempus)  Thes- 

pal.  hib.  i,  4. 
di-selbaid,  Ri  2,  one  luho  bas  no  property  (selb). 
dochraide,  docliride  4,  8  seems  derived  from  dochniid  «  liateful,  »  but  may 

be  for  do  chridi  «  of  thy  heart.  » 
do  fessind  41,  past  subj.    of  19.   do-fedim  /  bring:  cf.   du-d-fessed  Ml. 

78bi4. 
dôithin,  Ri 9,  siifficiency. 
dom-sod  7  (corruptly  dom  som),  a  résidence,  compounded  of  (î'o;»  =  Lat. 

domus,  and  sod. 
dûnaid  euclosiire,  dat.  sg.  Ri 6,  seems  a  mistake  for  ddnad. 
enech-glas,  ^,  green-faced} 
esnad,  14,  15,  16,  17,  a  song  (corruptly  csnam  14  n.),  pi.  esnada,  18,  from 

*en-son-  :  cf.  Lat.  iiisono. 
fail,  7,  13,  i  fail  along  with,  married  to. 
fâsaigim  l  lay  ivastc,  s.  prêt  pi.  3,  ro  fasaigset  2. 
fi'r,  proof,  tucsat  fir  R'  12. 
fiu,  3,  .i.  sic  noinann,  O'Dav.  Gl.  no.  863.  uvrth.  Like  onctil,  it  takes  the 

accusative  ;  (fin...  cach  mhrugas),  as  in  Laws  V.  62,  21,  25,  each  is  fin 

botn,    carpatt  is  fia  cuniail,  «   a   horse   worth  a  cow,   a  chariot  worth  a 

bondmaid»,  nidat  fia  turchail,  laccu,  suas  iar-na  maccu  coema  «  they   (my 

arms)are  not  worth  lifting,  I  déclare,  over  the  comelyyouths  »,  Song  of 

Caillech  Bérre. 
fô,  3,  goodness. 
foi,  12,  pcrf.  sg.  3  of/«. 

for-ci'u  I  see,  for-das-cid,  Ri  10,  Old  Ix.  for-das-ci,  root  kes. 
for-ccur  éicne,  Ri  12,  râpe.  Laws  V.  274,  12. 
forreimdes,  foremthes,  13,  îrom  fo-r-c-nides,  root  nied. 
fortbia,  5,  fut.  sg.  3  oi forlbenim'>  or  a  sister-form  offorbia  «  will  survive  » 

LU.    I20b25. 

fuithchius,  R'2  (leg.  faithchius?)  a  deriv.  ot  failhche} 

gait  thefl,  i  ngait  5,  by  stealth,  gait  a  anmac  Ml.  70''5,  verbal  noun  oîgataim, 

«  I  thieve  «. 
galar,  R14,  griej,  sorroiv.  Cymr.  galar. 


The  Songs  oj  Buchet's  House.  39 

gesca  dina  buaib,  2,  lit.  branches of  the  cows,  H.  'thc  best  or  voungest  of  the 

herd  ?  cf.  the  metaphorical  use  of  ô'ro;,  '6p-T\^  and  k'pvo:. 
iarrhblegon,  11  (iarmbleogun),  aftermilking. 
inde,  Ri  II,  iiiiddk,  Laws  II,  12,  22;  34'',  4. 

inis,  (indis?)  a  milking-yard,  Lism.  Lives,  p.  594,  ace   pi.  inse  R'2. 
intadud,   intathad,   9,  inthrusiing,    from   iutsâthiid,   a   compd.   of  ind  and 

sdthud.  Cymr.  hodi. 
li'gaide,  shilling,  pi.  dat.  ligaidib,  R'i6,  cogn.  with  lig,  ligda,  It'grad,  Wind. 

Wtb. 
luigim  î  sicear,  prêt.  pi.  5,  ro  luigset,  12,  luigini  se  fa  laiin  mo  righ,  Bk.  of 

Fenagh,  108,  litige  «  oath  »,  Ascoli  Gloss.,  clxxxii. 
macnc,  5,  chiidreii,  gen.  sg.  berta  maicne  .i.  bratha  mac,  O'Dav.,  59,  s.  v. 

bert  :  ace.  sg.  coisc  do  maicne,  O'Dav.,  55,  s.  v.  aithmess. 
mâthre,  mâithre,  12,  a  tnother's  tribe  or  clan. 
mi-chostud,  2,  misbehavioiir . 
-mus-  for  imm-us-,  Riio. 

odur,  R'io,  gray,  the  colour  of  withered  rushes, 
port,  9,  a  bank. 

-rolngaim,  4,  from  -ro-lingim  /  can  Icap. 
-rordaim,  4,  from  -ro-rethim,  I  can  run. 
ruacbath,  3,  an  epithet  for  recbt  :  meaning  obscure.  Perhaps  from  ro-ad- 

ciibaid  «  very  well  adjusted  »  «  equable  »? 
ruad-bullech,  3,  strong-striking. 
sianan,  16  n.  some  kind  of  song,  Rev.  Celt.,  IX,  22,  11.  1,3.  O'Currv,  M.  & 

C.  III,  385. 
slaibre  F.  R'  1 3  =  slabra  Dinds.  60  (Rt^v.  Celt.,  XV,  458),  Laws,  II,  364,  20, 

where  it  is  rendercd  by   «   portion   ».   Probably  identical  with  slabra 

«  cattle  »,  LU.  85^. 
sloinniud,  R^  11,  patronyniic,  =  slondud,  Wind.  Wtb.  and  sluinned,  CZ.  i. 

109. 
solud,  9,  a  charm  to  procure  benefit,  liick,  profit:  solad,  Ir.  Texte,  IV,427. 
suantraige,  R'17,  sleep-causing  intisic,  lullaby,  Rev.  Celt.,  XII,  123. 
taiscelad  drûad,  R'9,  ascertainnient,  observation  by  a  tui^ard. 
talgud,  17,  a  soothing. 

teclaimim,  Ri  11,  for  tecmaillim,  tecmallaim  I  collect. 
timgaire,  4,  a  prayer  (to-imm-gaire) . 
tindscra,  13,  bride-price,  LU.  54'',  127». 
topag  a  cutting,  dat.  sg.  topag,  Ri  10  (from  *to-od-bog).  cf.  encl.  -lopacht 

t-  prêt,  of  dobongivi. 
trcbandae,  3,  tribunicius?  (Cf.  treabhan  «  a  tribune  »    O'Br.)    or   perhaps 
derived  from  treban  «  honeycomb  », 

crialhor  viela,  Stockholm  MS.  Celt.  Zeits.  I.  116,  trebthan,  Hib.  Min.  48. 
nx-\u3^c\\3\r  jreshrushes,  gen.  urluachra,  R'io. 

Camberley,  December  1905. 

Whitley  Stokes. 


NOTES    ÉTYMOLOGIQUES    BRETONNES 

(Suite.) 


58.  MEZA,  vann.  meyein,  meein,  pétrir.  Comme  l'a  fait  remar- 
quer avec  raison  M.  Ernault  dans  son  Glossaire  m. -br.,  ces 
formes  sont  à  séparer  de  niera,  nicrat  qui,  en  breton  moderne, 
ont  ce  sens  et,  en  moyen-breton,  celui  de  manier,  iastonner  : 
niera t,  plus  anciennement  maerat,  est  dérivé  de  maer,  intendant;, 
majordome.  On  n'a,  je  crois,  donné  aucune  étymologie  satis- 
faisante de  nie^a.  Ce  mot  est  identique  au  gallois  rnaeddu  qui 
a  le  sens,  non  seulement  de  battre  mais  encore  de  piler  et  de 
mckr  en  battant  (v.  Meddygon  Myddfai,  II,  286  ;  passim  dans 
ce  recueil,  et  surtout  p.  130,  §  196  :  a  jiiaedd  cf  a'ib  laiu  yn 
gymysgedig,  et  pétris-le  avec  ta  main  en  le  mêlant). 

Il  n'y  a  pas  à  se  laisser  arrêter  par  la  variante  haeddu  qui 
peut  d'ailleurs  avoir  une  autre  origine,  comme  le  prouve  le 
vieil-irlandais  maistre,  Butterfass  =  *niagstria,  d'une  racine 
uiag-  :  cf.  grec  [J.y.yi:  ^  ;  '^.xiito  suppose  une  variante  [ixv.-,  phé- 
nomène qui  n'est  pas  rare  ;  macddu  est  tiré  d'un  thème  *  niagid- 
ou  iiiaged-. 

59.  GROAH,  en  vannetais  :  étincelle  qui  éclate:  bluelte(^Cillart 
de  Kerampoull  à  étincelle  et  bluetle^.  Il  est  évident  que  ce  mot 
qui  n'existe  en  breton  qu'en  vannetais,  est  le  même  que  le 
gallois  gwreichion  (2  syllabes)  et  le  comique  grychonen,  gry- 
ghonen. 


I.   Whitlev  Stokes,  Benenberger  Beitr.,  XXV,  3-4. 


Notes  etymolo[ii(]iies  bretonnes.  41 

Le  comique  et  le  gallois,  rapproches  du  breton,  supposent 
un  thème  vieux-brittonique  *vracc-. 

Le  sens  de  se  briser,  éclater  est  nettement  établi.  Ces  mots  se 
rattachent  à  la  racine  indo-européenne  *vrak-  que  l'on  retrouve 
un  peu  partout  : 

/"p^y.-cç  ;  slave  vrask-as,  skr.  vrçcati,  déchirer  (Pick,  Vergl. 
Wôrt.,  I,  p.  772-773). 

M.  Whitley  Stokes  me  propose  d'y  rattacher  l'irlandais y^?;-- 
cha,  ligthning,  acljad  farcha  (Trip.  Life),  qui  supposerait 
*  vrakaiâ. 

J.   LOTH. 
(A  suivre.) 


SOME   REMARKS   ON   THE    IRISH    ^^^^   PERSON 

IN  -NN  -ND 


This  formation,  the  so-called  consuetudinal  Présent,  has 
been  studied  (i)  by  Whitley  Stokes  K.  B.  VII,  p.  5  ff.  (2) 
by  R.  Atkinson  Proceedings  R.  I.  A.  3''''  séries  vol.  I.  no.  3, 
p.  416  ff.  (3)  by  R.  Thurneysen  I.  F.  I.  3,  p.  329.  The  first 
paper,  published  now  many  years  ago,  will  be  referred  to  later 
on.  The  second  and  third  are  so  well  known  to  ail  interested 
in  Irish  Grammar  that  the  barest  recapitulation  of  their  con- 
tents will  be  SLifficient.  Atkinson's  paper  shews  by  overwhelming 
évidence  that  in  the  period  of  modem  Irish  represented  roughly 
by  Keating  and  the  earlier  issues  of  the  Irish  Bible  the  -un 
forms  are  used  exclusively  in  certain  well  defined  enclitic  posi- 
tions and  that  the  widely  extended  usage  of  later  days  has  no 
historic  warrant. 

Thurneysen's  papers  deals  with  the  genesis  of  the  formation. 
He  sees  its  starting  point  in  phrases  like  dia  teshand  where  the 
11  has  etymological  foundation.  Side  by  side  with  this  indi- 
cative stands  the  conjunctive  tesba,  so  that  we  get  the  équation 
co  tesba,  ni  tesban(n)  :  co  tôcba,  ni  tocbann  (in  place  of  ni 
tôcaib)  :  co  cara,  ni  carann,  where  tôchann  and  carann  are 
mère  analogical  forms.  He  considers  that  the  doubling  of  the 
n  requires  explanation. 


It  has  been  rcpeatedly  stated  that  the  formation  appears  ne 
ither  in  the  old  Irish  of  the  glosscs  nor  yet  in   the  Saltair 


Some  Remarks.  45 

naRann.  Thcre  secms  reason  to  dcmur  to  thc  huter  sta- 
tement. 

In  I.  3308  do  nDia  dia  w-adnjnn  Ahnim  adrann  has  ail  thc 
appearance   of  being  a   form  of  the  verb  adraiiii  (adoro). 

In  line  2919  cain  adraim  cacli  tucht  ro  thecht,  thc  word  is 
apparently  an  adjective  and  pcrhaps  also  at  3303  int  Abram 
adrann  ochein.  Thcre  docs  not  appcar  to  be  any  refcrcncc  to 
the  word  in  Stoke's  index. 

Another  passage  which  seems  worth  examining  is  1.  4607. 
where  it  will  be  well  to  quote  thc  context. 

Taircc'd  int-angcl  do  nim 
i  comdail  Arôin  imdil, 
con-iniiisenii  dô  ccn  len 
adlaice  macc  n-Israhél. 

The  most  natural  scnsc  seems  to  be  «  that  he  (Aaron)  niay 
tell  him  (the  angel)  thc  désires  of  the  Children  of  Israël  ».  If 
the  form  be  regarded  as  a  hrst  pcrson  of  the  secondary  présent 
it  would,  I  suppose  mean,  «  that  I  (Moses)  may  (throiigh 
Aaron)  tell  him...  »,  etc. 

For  co  with  the  enclitic  3'^'  person  cp.  co  trascrand  feda 
BB  243  ,3  14  imthigid  in  dall  cen  co  faicend  ni  LB  212  «32  co 
niarbànn  cach  dib  aroilc  BB  467  a  25 .  (at  LL  266  ^  34  we  hâve 
condasmarband). 

It  will  be  wcll  to  examine  thèse  two  torms  more  closely 
namely  thc  i"  pcrs.  sing.  secondary  près,  and  the  enclitic  3''^ 
singular. 

In  Windisch's  grammar  thc  former  is  given  as  nohcriuu  and 
thc  lattcr  as  no  berend,  but  thc  distinction  is  purcly  lictitions. 
The  cight  examples  given  by  Zeuss  of  the  former  trom  the 
Wurzburg  glosscs  certainly  ail  shcw  the  n  (six  -nn  two  -n) 
but  the  -nd  forms  are  abundant  in  LU.  (cp.  16  X44  ff.  where  a 
number  of  them  appcar)  and  conversely  -nn  forms  of  the  y^ 
sing.  are  just  about  as  common  as  -nd  in  middle  Irish.  In  both 
cases  the  -nn  forms  seem  no  doubt  the  older.  As  regards  the 
appearance  of  /,  of  the  eight  i"  persons  from  the  glosses  two 
lack  \t  da^nenn  lo^^i  duf^nén  lo^ié.  In  middle  Irish  it  appears 
in  a  vast  prépondérance  ot  examples;  pcrhaps  at  LL  1373:20 


44  W aller  J.  Piirton. 

ban-tuathecha  Tuatha  d.  d.  is  me  noscanand  co  crûaid  the 
fac-similé  is  wrong.  On  the  other  hand  i-forms  are  quite 
common  in  the  enclitic  3'"'-^  persons  so  that  it  seems  impos- 
sible to  draw  any  distinction  so  far  as  the  termination  is 
concerned. 

A  very  large  numbcr  of  instances  ot  the  -un  y-^  person  in 
middle  Irisli  belong  to  the  category  where  the  torm  is  used  in 
narration  with  no  prehxed^  Thèse  are  referred  to  by  Stokes  in 
the  article  mentioned  above  :  «  ein  praeteritum  der  gewohnheit 
wurde  in  derselben  weise  durch  preehgirung  von  do  oder  no 
vor  das  gewohnheits  pr.  gebildet  ».  It  is  strange  to  find  Stokes 
giving  countenance  to  the  «  consuetudinal  »  myth.  A  very 
short  examination  of  the  torm  in  LL  and  BB  will  shew  that 
no  idea  whatever  of  habit  or  frequencv  attaches  to  it. 

Consider  nosleg  (cloideam)  uime  7  iiosnmrhann  ien  BB 
459  a  23  7  nosiiuirbanii  fen  amlaid  sin  ib.  483  i^  35-  The  example 
given  by  Stokes  from  LU  srengais  lais  isind  crand  7  nosUbcnd 
focétôir  is  however  typical  of  a  large  number  of  mstances 
where  the  tense  and  person  are  tixed  by  the  tirst  verb  which 
is  followed  by  the  colourless  -nu  form. 

Not  infrequently  the  -mi  form  takes  the  place  of  the  3'"'*  pers. 
in  -ad  of  the  secondary  présent.  Cp.  LL  89  a  25  is  cumma  co 
iigoiiiïd  a  araid,  but  1.  37  is  cumma  co  iigonaud  ;i  araid.  Stokes 
has  remarked  on  this  use.  Concerning  no  fachand  LL  109  a  14 
he  says  R.  C,  XIV,  p.  397  «  sec.  près.  ...  3''''  sing.  ;/()  rannad 
and  other  forms  in  -ad  -cd  but  also  110  fachand  ».  Possibly  this 
association  of  usage  may  hâve  had  something  to  do  with  the 
similarity  ot  the  terminations. 

A  rather  favourite  use  of  the  torm  is  in  glosses  thus  at  LL 
61  a 28  tincais  is  glosscd  .i.  nosfcgand  cp.  ib.  74x35. 

As  a  rule  the  -nn  forms  are  exclusively  singular  cp.  BB 
256x42  na  cuirp...  ni  lohait  itir  7  ni  lohann  cid  in  feoil.  But 
evcn  this  rule  does  not  seem  without  exception.  In  the  gloss 
on  the  Altus  Prosator  (Lib.  Hymn.,  vol.  I,  p.  69)  crand...  for 


'.  It  is  to  be  noted,  that  no  also  appears,  when -n«  takes  the  place  of  the 
regular  relative  torm.  Compare  mairg  triallus  cen  luing  dar  1er  Sil".  Gad. 
563,  26  with  :  mairg  thachrus...  mairg  nostriallann  teiin  fri  tenn  ib.  70,  9. 


Some  Remarks.  45 

na  lenain  cuile...  sed  cadent,  if  the  reading  is  right,  lenain  must 
be  an  example  of  -iiii  form.  Before  Icaving  this  narrative  use 
of  the  form  it  may  be  remarked  that  while  do  as  a  prefix  is 
very  uncommon,  there  are  a  few  instances  o^ro-,  cp.  LL  203  x  1 1 , 
243  (i  7,  BB  453  a  23,  461  z  28,  480347-  But  considering  the 
great  similarity  of  r  and  //  in  manuscript  it  may  perhaps  be 
doubtcd  whether  thèse  are  genuine. 


In  the  article  before  referred  to  Stokes  suggested  that  thèse 
forms  were  in  their  origin  verbal  substantives  (or  adjectives). 
And  although  this  theory  has  long  ago  been  superscded  by 
Thurneysen's  explanation,  it  may  be  not  without  interest  to 
examine  some  torms,  which  shew,  at  least,  the  possibility  of 
such  an  origin. 

In  Scotch  Gaeli:  the  3''''  sing.  in  -//;/,  strictly  speaking,  does 
not  exist;  but  in  one  verb  at  least  forms  appear  bearing  a  stri- 
king  resemblance  to  it.  [In  the  passages  I  am  about  to  quote 
O.  G.  stands  for  Orain  Gaidhealach,  Glasgow,  1870.  F.  G.  for 
A)n  filidh  Gaidhealach,  Inverness,  1877.  R.  D.  for  Morrison's 
édition  of  Rob  Donn,  London,  1899.] 

ar  luchd-eôlais  nach'eil  maireann  F.  G.,  p.  34. 

thad's  bu  whaircann  R.  D.,  p.  33. 

thad  sa  bhithinn  beo  na  mairiunn  O.  G.,  p.  5. 

(In  this  pièce  the  spelling  is  eccentric;  ihad  is  cx'xiXtwûy  jhad 
and  I  hâve  corrected  the  misprint  bhithinu.) 

's  na  daoine  bh'ann,  cha  inhaircann  iad  O.  G.,  p.  227. 

mar  lagh  na  linnibh  nach  iiiairionn  («  as  law  of  âges  that 
are  not  »)  Campbell's  Taies,  II,  39). 

rinn  slâinte  mhaireann  a'm'chri  O.  G.,  p.  153. 

Me  Alpine  s.  v.  maireann  has  : 

«  n.  m.  life  time;  adj.  living...  ri  d'mhaireann  during  your 
life  time;  cha  mhaireann  e  he  is  not  living;  amfear  nach  mai- 
reann... he  that  is  no  more.  » 

It  is,  of  course,  possible  that  maireann  in  thèse  instances 
and  mairenn  in  e.  g.  Silv.  GcuL,  p.  290,  9.  dd  raibe 
a  btuair  bas...  dona  tiannaib  i  gcionn  a  mairenn  diob,  similar 


46  Waher  J.  Purton. 

though  they  appear  in  form   and  mcaning,  hâve  a  différent 
history,  still  it  seems  plain. 

That  we  havc  hère  a  verb-noun,  that  is  on  the  high  road 
to  become  a  finite  verb  in  the  third  person  ;  also,  that  such 
a  form  might  well  hâve  becn  the  starting  point  of  a  usage 
developing  on  precisely  similar  lines  to  the  Irish  forms. 

Note.  —  Another  comparison  suggests  itself,  supposing  the  Irish  -un 
forms  to  hâve  been  in  origin  a  verb  noun.  In  that  case  such  a  sentence 
as  gabais  N.  gai...  7  noscroithind  BB  472  |3  4i  which  is  typical  of  a  very 
large  number  in  LL  and  BB  bears  a  considérable  resemblance  to  a  Welsh 
construction  cp.  Anwyl  Gr.,  §  323,  who  gives  as  an  example:  aethant  i  'r 
ty  ac  eistedd  a  bwyta,  where  cistedd  and  Inuyia  are  verb-nouns. 

Walter  J.  Purton. 


LE   DIEU   CELTIQUE   MEDROS 


Schweighaûser  a  fait  connaître  autrefois  un  bas-relief  trouvé 
vers  1822  sur  une  colline  près  de  Haguenau,  en  Alsace     et 


F!G.     I. 


qui  porte  une  dédicace  au  dieu  Medros  (dat.  Medru)\  Suivant 
le  dessin  publié  par  le  vieil  érudit  (lîg.  i),  ce  dieu  était  figuré 

I.   Schweighaûser,  Màn.  Soc.  des  antiquaires  de  France,  VI,  1842,  pi.  I, 


48  Franz  Cumont. 

debout,  tenant  de  la  main  gauche  une  lance  et  approchant  la 
droite  des  cornes  d'un  taureau  placé  derrière  lui.  Vêtu  d'un 
simple  manteau,  retombant  derrière  le  dos,  il  avait  la  tête  coiffée 
d'un  bonnet  phrygien.  Ce  bonnet  phrygien  et  la  présence  du 
taureau  induisirent  Schweighaûser  à  reconnaître  dans  Medros 
Mithra,  dont  le  culte  était,  comme  on  sait,  très  répandu  dans 
les  deux  provinces  de  Germanie.  Cette  conjecture  a  depuis  fait 
son  chemin.  En  1878,  M.  Karl  Christ \  tout  en  combattant 
l'idée  que  le  dieu  représenté  tût  identique  à  Mithra,  s'efforça  de 
démontrer  que  le  celtique  Medros  ou  Merdos,  qu'il  préfère, 
était  l'équivalent  de  l'iranien  Mithra,  et  il  crut  que  l'un  et 
l'autre  remontaient  à  une  origine  aryenne  commune.  Cette 
étymologie  a  été  sanctionnée  par  la  haute  autorité  de  M.  Holder 
dans  son  Kdiischer  Sprachschat^^^. 

J'ai  déjà  repoussé  le  rapprochement  que  Schweighaûser  avait 
voulu  établir  entre  son  bas-relief  et  les  monuments  mithriaques3, 
mais  une  discussion  archéologique  était  difficile,  car  la  princi- 
pale pièce  de  conviction  avait  disparu.  La  pierre  autrefois  en 
possession  du  savant  alsacien  fut  léguée  par  lui  à  la  Bibliothèque 
de  Strasbourg  et  périt,  avec  les  autres  richesses  de  celle-ci, 
dans  le  déplorable  incendie  de  1871.  Seulement,  pour  Medros, 
ce  malheur  n'est  pas  irréparable.  M.  Gaidoz  a  bien  voulu  me 
signaler  récemment  un  trère  jumeau  du  monument  détruit, 
conservé  dans  la  collection  de  M.  Nessel,  ancien  maire  de 
Haguenau.  Ce  bas-reliet,  taillé  dans  le  grès  calcaire  du  pays, 
mesure  64  centimètres  sur  36  ;  il  fut  découvert,  il  y  a  une  ving- 
taine d'années,  à  Gunstett,  aux  environs  de  Wôrth,  et  avait 


2.  «  Ce  bas-relief,  dit  l'auteur,  est  d'un  grès  assez  fin;  il  a  23  pouces  de 
haut  sur  i  pied  de  large,  il  a  été  trouvé  en  1822  ou  1823  dans  la  forêt  de 
Haguenau  et  m'a  été  donné  par  Vincent  Wernum  de  Haguenau,  proprié- 
taire du  fonds  où  il  a  été  déterré  en  dessouchant  un  vieux  chêne.  «  Ailleurs, 
il  précise  davantage  le  lieu  de  la  découverte.  «  En  arrachant  des  souches 
d'arbres  d'une  colline  appelée Dachshûbel  [ou  DaxhûbelJ  et  située  aune  lieue 
de  Haguenau  sur  la  droite  de  la  route  de  Wissembourg.  »  Cf.  C.  I.  L.,  XIII, 
6017.  —  M.  Otto  Hirschfeld  a  eu  l'obligeance  de  me  communiquer  les 
indications  réunies  dans  ce  volume  non  encore  distribué  du  Corpus. 

1.  Karl  Christ,  Bonner  Jahrbiïcber,  1878,  p.  53  ss. 

2.  Holder,  s.  v.  Medros  «  Keltische  Form  von  Mithras  ».  Il  en  rapproche 
le  surnom  de  Meduris  porté  par  Toutatis,  Bull,  coiniii.  Roina,  1885,  p.  141. 

3.  Cf.  mes  Mon.  relatifs  aux    ntyst.  Je  Mithra,  t.  II,  p.  425,  n"  312. 


Le  dieu  celtiejue  Medros.  49 

servi  à  recouvrir  des  vases  à  incinération  de  la  dernière  période 
romaine  :  quelque  colon  s'était  donc  emparé  d'une  pierre  votive 
pour  construire  le  tombeau  de  ses  parents.  M.  Nessel,  à  qui  je 
dois  ces  renseignements,  a  eu  l'extrême  obligeance  de  m'adresser 
une  photographie  de  ce  morceau  de  sculpture,  en  m'autorisant 
à  le  publier  (fig.  2).  On  y'^voit  un  personnage  dont  l'attitude, 


le  costume  et  les  attributs  rappellent  absolument  ceux  du  monu- 
ment de  Schweighaiiser:  un  homme  debout,  vêtu  d'un  grand 
manteau  militaire  jeté  sur  ses  épaules,  tient  de  la  main  gauche 
l'extrémité  de  la  hampe  d'une  lance  posée  sur  le  sol  et  de  la 
droite  il  saisit  une  corne  d'un  taureau  ou  d'une  vache.  Seule- 
ment il  n'est  pas  coiffé  du  bonnet  phrygien,  mais  porte  un 
casque  rond,  muni  dejugulaires,  qui  encadre  son  visage,  auquel 
Revue  CtltiquCy  XX.V.  4 


50  Franz  Cnmont. 

l'ariiste  a  prêté  une  expression  farouche.  Il  est  probable,  pour 
ne  pas  dire  certain,  que  ce  casque,  grossièrement  sculpté, 
a  été  pris  par  Schweighaùser  pour  un  bonnet  phrygien  garni 
sur  les  côtés  de  brides  ou  fanons,  et  avec  la  disparition  de  cet 
attribut  caractéristique  tombe  la  principale  raison  invoquée  par 
lui  pour  faire  un  Mithra  de  Medros. 

Qu'était  en  réalité  celui-ci  ?  Quelque  génie  local  de  la  vieille 
population  celtique  établie  au  Nord  de  Haguenau.  Peut-être 
son  temple  rustique  s'élevait-il  sur  cette  colline  de  Dachshiibel, 
où  fut  mis  au  jour  le  bas-relief  aujourd'hui  détruit.  Son  casque, 
sa  lance  et  son  manteau  militaire  prouvent  qu'on  le  regardait 
comme  un  dieu  de  la  guerre.  Le  bœuf  qu'il  saisit  par  une  corne, 
n'est  pas  un  animal  destiné  au  sacrifice,  ni,  comme  dans  les 
mystères  mithriaques,  le  héros  de  légendes  sacrées  ;  c'est  sim- 
plement, je  pense,  le  butin  que  le  vainqueur  a  conquis  et 
ramène.  Plutôt  que  de  songer  à  une  relation  étymologique 
entre  Medros  et  Mithra,  je  croirais  volontiers  que  l'assonance 
fortuite  de  Medru  et  Marti  a  facilité  une  confusion  de  ces  divi- 
nités protectrices  des  soldats  ^ 

Franz  Cumont. 


I.  L.  Christ,  /.  c,  a  invoqué  au  contraire  une  inscription  de  Baden,  qui 
serait  une  dédicace.  In  h(o)iorem)  d(oinus)  i/(iviiiae)  deo  Merciir.  Merdn,  pour 
conclure  que  Merdos  (sic)  aurait  été  assimilé  à  Mercure.  Mais  il  faut  lire  le 
texte:  Deo  Merciir(io)  Merc(atoii);  cf.  C.  I.  L'.,  XIII,  6294  (communication 
de  M.  Hirschfeld). 


Remarque  :  Le  dieu  gaulois  Medros  est  peut-être  identique  au  dieu 
irlandais  Mider  (Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  127,  1.  9,  11,  15  ;  p.  128, 
1.  16,  19;  p.  129,  1.  1,  10;  p.  130,  1.  18),  génitif  Midir  (ibidem,  p.  129, 
1.  30;  p.  132,  1.  7,  20),  d2iXii^M\d\[u]r  (ibidem,  p.  129,  1.  24).  —  Consulter 
aussi  AcaUam  na  senôrach,  édition  donnée  par  M.  Whitley  Stokes,  Irische 
Texte,  quatrième  série,  Fe  livraison,  p.  12,  138,  139,  141,  142,  143,  193; 
édition  de  M.  Standish  Hayes  O'Grady,  Silva  gadeJica,  texte  irlandais, 
p,  103,  197-201;  traduction  anglaise,  p.  no,  223-225.  —  Dindknchas, 
édition  donnée  par  M.  Whitley  Stokes,  Revue  Celtique,  t.  XVI,  p.  290, 
291,  463,  464,  482,  483  ;  t.  XVII,  p.  45,  46,  78,  79.  —  Cours  de  Uttèraliire 
celtique,  t.  II,  p.  274,  311-322.  —  Mémoire  de  M.  H.  Zinmier,  dans  la 
Zeitschrift  de  Kuhn,  t.  XXVIII,  p.  585-594. 

Note  de  la  Rédaction. 


SUR    L'ÉTYMOLOGIE    BRETONNE 


I.  —  BOKEDAO  OSTALERI;   DOUR  DERV ; 
UHELVAR,  IHUEL-VAD;  ISEL-VAR. 

1.  Le  breton  possède  au  moins  qu:itre  expressions  distinctes 
pour  désigner  le  gui. 

L'une,  propre  au  dialecte  de  Tréguier,  est  à  Lanrodec  hohedao 
ostaleri,  à  Trcvérec  bohedo  osiahri,  c'est-à-dire  «  fleurs  d'au- 
berge »,  parce  qu'une  touffe  de  cette  plante  sert  d'enseigne  aux 
cabarets  bretons.  Le  gui  ainsi  employé  est  d'ordinaire  celui  du 
pommier.  Cette  désignation  est  signalée  comme  omise  par  les 
dictionnaires  dans  ma  brochure  De  l'urgence  d'une  exploration 
philologique  en  Bretagne,  Saint-Brieuc,  1877,  p.  9.  L'usage  auquel 
elle  fait  allusion  existe  aussi  en  Haute-Bretagne,  cf.  P.  Sébillot, 
Traditions  et  superstitions,  Paris,  1882,  II,  316,  317. 

2.  Une  autre  qui  a  été  commune  à  plusieurs  dialectes,  est 
attestée  d'abord  dans  le  Nomenclator  de  1633,  où  on  lit,  p.  roo  : 
«  guy,  dour  deru,  1.  viscum,  offic[inis]  viscum  quercinum  »  ; 
cf.  mon  Glossaire  moyen-breton,  2'-'  éd.,  195.  Le  P.  Maunoir 
l'écrit  dour  dero  en  1659.  Pierre  de  Châlons,  dans  son  diction- 
naire vannetais-français  (paru,  après  sa  mort,  en  1723),  donne 
«  deure  derf...  gui  de  chêne  »,  et  dans  son  dictionnaire  franc. - 
van.  resté  manuscrit:  «  guy  de  chesne,  dcur  derf...  »  Le  P. 
Grégoire  de  Rostrenen  a  :  «  gui,  excroissance  d'arbre,  ou  plante 
qui  nait  sur  le  chêne,  sur  le  poirier,  pommier,  prunier,  etc. 
dour-déro.  Van...  dëur-derv.  » 

Cette  expression  ne  semble  guère  connue  par  la  suite.  D.  Le 
Pelletier  donne  seulement  en  van.  «  deur  derr  ou  derf.  Gui  de 


p  E.  Ernault. 

chêne,  mot  à  mot,  eau  de  chêne  »  ;  ce  qui  ne  doit  pas  pro- 
venir d'une  observation  directe,  non  plus  que  ce  passage  de 
Roussel  DIS  (à  doiir,  sans  indication  de  dialecte)  :  «  deur  derf 
gui  de  chêne  mot  a  mot  eau  de  chesne  ».  Le  Gonidec  n'a 
rien  de  semblable,  ni  Troude  dans  son  Dictionnaire  français  et 
celto-breton,  Brest,  1842.  Celui-ci,  dans  son  Nouveau  dictionnaire 
pratique  français  et  breton,  1869,  donne  donr-dero  m.,  mais  en 
le  faisant  suivre  de  Gr.,  abréviation  du  nom  du  P.  Grégoire, 
auquel  il  a  dû  emprunter  aussi  le  van.  enn  deur-derv.  Son  'Nou- 
veau dictionnaire  pratique  breton- français,  1876,  reprend  simple- 
ment les  mêmes  données.  «  Ce  mot,  dit-il,  est  composé  de  dour, 
eau,  et  de  dero  chêne.  Cette  acception  (eau  de  chêne),  ne  me 
paraît  pas  heureuse  pour  désigner  le  gui.  Le  P.  Grégoire  la 
donne  cependant.  Tout  au  plus  dour-dero  pourrait-il  signifier 
semence  du  gui.  Celle-ci,  en  eftet,  est  enveloppée  dans  une 
baie  dont  le  suc  visqueux,  appelé  glu,  retient  la  semence  sur 
la  branche,  et  ne  disparait  que  quand  la  semence  a  germé  et 
quand  elle  se  trouve  fixée  sur  la  branche.  » 

Le  mot  existe  pourtant  en  Léon,  mais  dans  un  autre  sens. 
G.  Milin  a  écrit  en  marge  d'un  exemplaire  du  dernier  diction- 
naire de  Troude  :  «  dour  dero  eau  de  chêne.  Cette  eau  est  un 
remède  connu  contre  les  blessures  intérieures  de  l'homme. 
Pour  l'obtenir,  on  saigne  les  chênes  au  printemps  en  les  per- 
çant avec  une  vrille.  La  sève  sort  par  ce  trou  mais  l'arbre 
meurt  sans  tarder.  »  Dour  dero  a  le  même  sens  en  bas  Tré- 
guier,  comme  me  l'apprend  M.  F.  Veillée,  d'après  M.  l'abbé 
Le  Pennée.  M.  du  Rusquec,  qui  n'avait  pas  parlé  de  ce  mot  dans 
?,o\'\  Dictionnaire  français-breton ,  Morlaix,  1883- 1886,  donne  dans 
son  Nouveau  dictionnaire  pratique  et  étymologique,  Paris,  1895  : 
«  dour-dérô,  sm.  Liqueur  qui  produit  en  se  condensant  le  bois 
de  chêne;  dour  eau  et  derô,  derv  chêne  ».  Cette  définition  perd 
de  sa  singularité  si  on  la  rapproche  du  renseignement  fourni  par 
Milin  :  l'auteur  a  voulu  parler  de  ce  liquide  qu'on  extrait  du 
chêne;  comparez  son  explication  du  mot  français  ^m':  «  liquide 
qui  forme  le  bois.  » 

A  Trévérec,  dour  derv  désigne  la  sève  du  chêne,  quand  elle 
sort  du  bois  qui  brûle  :  on  la  met  sur  les  verrues  pour  les  faire 
disparaître. 


Sur  VÉîymologie  bretonne.  5  3 

Avant  Troude,  Bullet  a  été  choqué  de  cette  association  de 
mots  et  d'idées  :  «  eau  de  chêne  »  pour  «  gui  de  chêne  ».  Sans 
même  mentionner  cette  explication,  il  imagine  une  autre  éty- 
mologie.  «  Le  gui  de  chêne  est,  dit-il,  une  excroissance  de 
chêne  ;  ainsi  Dour  signifie  ici  excroissance  ;  il  est  le  même  que 
Tiurr,  prononcez  Tour  ou  Dour,  congestion,  amas,  tas.  »  Mais 
le  correspondant  du  gallois  hvr,  amas,  monceau,  n'aurait  ni 
un  d  radical,  ni  une  variante  vannetaise  avec  eu. 

Le  passage  de  Pline  l'Ancien  cité  par  le  savant  directeur  de  la 
Revue  Celtique,  XXIV,  345,  aide  à  entrevoir  la  solution  de  ce 
problème  qui  appartient  à  la  sémantique  et  à  l'histoire  médi- 
cale. L'expression  «  eau  de  chêne  »  a  dû  être  appliquée  au  gui 
(de  cet  arbre)  par  une  extension  abusive,  venant  de  ce  qu'on 
emplo}ait  comme  remèdes  divers  liquides  empruntés  plus  ou 
moins  directement  au  robuste  végétal.  D'après  le  texte  le  plus 
ancien  (Pline,  XVI,  251),  les  Gaulois  regardaient  la  tisane  de 
son  gui  comme  propre  à  rendre  fécondes  les  femelles  et  à 
combattre  tous  les  poisons.  Selon  d'autres  témoignages  récents, 
mais  qui  ont  l'avantage  d'être  liés  à  l'expression  en  question, 
les  Bretons  prennent  la  sève  même  du  chêne  comme  remède 
«  contre  les  blessures  intérieures  »  et  contre  les  verrues.  Cette 
seconde  acception  de  dour  dero  s'explique  d'elle-même  ;  elle  a 
chance  d'être  antérieure  au  sens  de  «  gui  de  chêne  ».  On  sait 
que  cet  objet  est  une  rareté;  la  tisane  du  gui  de  chêne  étant 
difficile  à  trouver,  on  y  aura  suppléé  par  des  succédanés  ayant 
droit  au  nom  d'  «  eau  de  chêne  »  qui  lui-même  a  pu  être, 
d'un  autre  côté,  une  abréviation  d'  «  eau  de  gui  de  chêne  ». 
Puis  la  plante  rare  a  été  désignée  par  cette  «  eau  de  chêne  » 
où  elle  n'entrait  plus  ni  de  nom,  ni  de  fait.  C'est  à  peu  près  l'in- 
verse de  ce  qui  est  arrivé  au  français  tilleul,  qui  désigne  tantôt 
l'arbre,  tantôt  sa  fleur,  tantôt  une  infusion  de  cette  fleur. 

La  phrase  du  P.  Grégoire,  «  le  gui  est  bon  pour  plusieurs 
maux  »,  où  M.  d'Arbois  de  Jubainville  a  soupçonné  une 
influence  savante,  n'est,  je  crois,  que  l'expression  d'une  opinion 
populaire,  encore  vivace  en  Haute-Bretagne.  Cf.  Sébillot,  Tra- 
ditions et  superstitions,  II,  316,  317,  où  l'on  voit  que  le  gui  de 
chêne  est  le  plus  recherché  ;  que  le  gui  d'épines  blanches  guérit 
la  fièvre,  la  colique,  et  qu'  «  on  le  fait  bouillir  »  ;  que  «  le  gui 


54  £•  Ernault. 

mélangé  à  la  nourriture  des  chèvres  et  des  vaches  leur  fait 
donner  du  lait  »,  etc.;  et  les  Additions  aux  Coutumes,  tradi- 
tions, etc.,  par  le  même  auteur,  Vannes,  1892  (extrait  de  la 
Revue  des  traditions  populaires,  t.  VII),  §  209  :  «  On  dit  que  le 
gui  de  chêne  guérit  ceux  qui  tombent  du  haut  mal.  »  Voir 
plus  loin,  §  4. 

Le  procédé  barbare  signalé  par  Milin  pour  extraire  1'  «  eau 
de  chêne  »  rappelle  l'expression  d'argot  «  faire  suer  un  chêne  », 
c'est-à-dire  «  tuer  un  homme  »  ;  on  sait  qu'une  opération  de 
ce  genre  n'est  pas  mortelle  pour  d'autres  arbres,  comme  le  pin 
résineux.  Mais  il  peut  bien  y  avoir  là  une  coïncidence  fortuite: 
les  rapports  possibles  entre  deux  idées  sont  en  nombre  illimité'. 
Virgile  ne  pensait  à  tuer  ni  homme  ni  arbre,  quand  il  voyait 
d'avance  les  chênes  «  suer  »  du  miel  :  El  dura'  qucrcus  sudahunt 
roscida  niella;  merveille  réalisée  —  d'une  façon  toute  naturelle 
—  par  Brizeux,  dans  sa  pièce  symbolique  «  Le  miel  du  chêne  » 
(au  deuxième  livre  des  Histoires  poétiques^. 

3.  Les  deux  noms  qui  précèdent  sont  des  juxtaposés  à  la 
mode  française,  où  le  déterminant  suit  le  déterminé.  Il  en  est 
autrement  des  autres  appellations  bretonnes  du  gui. 

Uhelbar  qui  se  trouve  dans  le  nom  trécorois  K(er)ubelbar, 
en  1540,  voir  Gloss.  nioy. -breton,  731,  2,  doit  être  une  notation 
archaïque  de  uhel-varr,  gui  Grég.,  uc'bel-var  Pel.,  uc'hel  var 
Roussel  nis,  huel-var,  uc'bel-var  m.  Le  Gon.,  huel-varr,  en 
Cornouaille  uc'bel-varr  Troude,  huelvar,  puis  huel-iuar,  uchel- 
-var  du  Rusq.  ;  van.  ehilel  var'  «  guy  de  chesne  »  Châl.  nis, 
ihuél-varrem.  «  gui  ■»,  Dictionnaire  fraiiçois-breton...  du  dialecte 
de  Faunes...  par  Monsieur  L'A***."..  A  Leide...  MDCCXLIV; 
ihuelvar  m.  Guillevic  et  Le  Goff,  Exercices  sur  la  Grammaire 
bretonne,  Vannes,  1903,  p.  72,  etc.  On  dit  en  Tréguier  huelvar. 

Le  sens  propre  de  ce  composé  est  aussi  clan*  que  pour  les 


I.  '<  On  comprend  sans  peine  qu'il  s'agit  ici  d'une  sueur  de  sang  »,  dit 
Francisque  Michel,  Etudes  de  pliilologie  coinparéL'  sur  l'aioot  (1856)  ;  cependant 
il  cite  l'ancienne  locution  faire  suer,  pour  «  piller  ».  Lorédan  Larchey,  Dic- 
tionnaire... de  l'argot  parisien  (1872),  voit  dans  chêne  «  homme  bon  à  voler, 
riche  »  une  abréviation  de  chenu.  A.  Delvau,  Dict.  de  la  langue  verte,  nouv. 
éd.,  donne:  chêne,  homme  victime,  dans  l'argot  du  bagne;  chêne  ajjranchi, 
voleur,  et  dit  que  les  voleurs  anglais  appellent  oak  un  homme  riche. 


Sur  FËlymologic  bretonne.  5  5 

précédents:  c'est  littéralement  «  haute  branche  »,  comme  son 
synonyme  gallois  uchelfar. 

On  l'a  généralement  expliqué  ainsi,  non  sans  quelques 
variantes  d'interprétation.  «  Il  signifie,  dit  D.  Le  Pelletier, 
Haute  branche,  ou  Sur-branche ,  ce  qui  convient  au  Gui,  espèce 
d'arbuste  né  sur  les  grosses  branches  des  vieux  arbres.  »  Le 
Gonidec  traduit  ici  huel  «  haut  »,  puis  (dans  la  2*=  éd.  posthume) 
«  haut,  sublime  »  ;  Milin  nis  :  «  branche  élevée,  détachée  du 
sol  et  faisant  partie  de  l'arbre  sur  lequel  il  pousse  »  et  «  Huel 
varr  Dieu  branche  ?  » 

Roget  de  Belloguet,  Ethnogénie  gauloise,  I,  2"  éd.,  p.  232, 
cite  d'Em.  Souvestre  (Le  foyer  breton,  p.  34)  cette  explication  : 
«  l'herbe  qui  vient  d'en  haut  »  ;  ceci  semble  une  glose  très 
vague.  M.  du  Rusquec,  dans  son  premier  ouvrage,  décom- 
pose huelvar  en  «  huel  haut,  var  dessus  »  ;  dans  le  second,  buel- 
-ivar  en  «  huel  élevé,  barr  branche  »,  et  uchel-var  en  «  nchel 
haut,  var  dessus  ou  barr  branche  ».  La  préposition  war  n'a 
rien  à  faire  ici. 

M.  Loth,  Rev.  Celt.,  XIX,  13,  dit  que  ce  nom,  commun  au 
gallois  et  au  breton,  paraît  n'oftrir  rien  de  mystérieux  et  semble 
signifier  branche,  touffe  élevée.  Je  crois  qu'en  effet  le  mot  s'ap- 
plique à  cette  plante  parce  qu'elle  présente  la  singularité  d'être 
sans  contact  avec  le  sol,  comme  la  plupart  des  autres  et  en  par- 
ticulier le  lierre,  comme  elle  végétal  parasite  et  toujours  vert. 
Cf.  un  autre  nom  gallois  du  gui,  pren  aiuyr  =  «  la  plante 
aérienne  »  ;  en  allemand  Inflige  et  non  lustige,  comme  porte 
la  4^  édition  de  la  Deutsche  Mythologie  de  J.  Grimm,  Berlin,  II 
(1876),  p.  1009;  ce  doit  être  une  faute  d'impression. 

L'auteur  explique  le  gall.  pren  uchelvar  «  baum  des  hohen 
gipfels  »  (l'arbre  du  haut  sommet)  ;  bar  a  plutôt  ici  le  sens  de 
«  branche  ».  Il  cite  à  ce  propos  un  passage  de  l'Hdda  :  «  hoch 
iiber  das  feld  stand  gcwachsen  der  zarte  schône  mistelstab  » . 

D'après  le  même  ouvrage,  t.  III  (1878),  p.  354,  le  breton 
huelvar  est  devenu  plus  tard  heller.  J'ignore  la  source  de  ce 
renseignement,  qui  doit  être  erroné. 

4.  M.  Loth  a  signalé,  Rev.  Celt.,  XIX,  13,  le  nom  du  gui 
usité  au  Faouët,  ihuel-vad,  qui  voudrait  dire  «  [un]  bien  élevé  ». 
Il  le  regarde  comme  une  variante  de  ihuel-var  détorméc  sous 


56  E.  Ernaiilt. 

l'influence  de  propriétés  singulières  attribuées  à  cette  plante. 
Je  crois  qu'il  a  raison  ;  nous  avons  vu  au  §  2  que  le  gui  jouit 
encore  en  Bretagne  d'une  excellente  réputation. 

On  peut  ajouter  que  Vr  final  de  ihuel-var  était  exposé  à 
divers  accidents  de  dissimilation,  à  cause  de  l'autre  liquide  / 
qui  précède.  Le  gallois  a  multiplié  davantage  les  variantes  voi- 
sines de  uchelfar.  Le  dictionnaire  anglais-gallois  de  Thomas 
Johnes,  3"  édit.,  1826,  donne,  p.  490  :  uchelfa,  uchelfar,  uchel- 
fel...  ;  celui  de  Silv.  Evans  (1858):  uchelfar,...  uchelfal,...  uchel- 
fa...; celui  de  W.  Spurrel,  3^^  éd.,  1872:  uchelfal,  uchelfar,  et 
son  dictionnaire  gallois-anglais  (3 '^  éd.,  1866)  :  uchelfal,  uchelfan, 
uchelfar...  Le  Geiriadur  cymraeg  a  saesoneg  anonyme,  Caerfyr- 
ddin,  1832,  n'a  que  uchelfa,  uchelfal  (et  uchellawr'). 

Si  le  breton  a  eu  une  forme  *ihuelva,  comparable  au  gall. 
uchelfa,  ce  *va  pouvait  faire  l'efl^et  d'nne  variante  de  -vad:  cf. 
van.  deit  ma,  bien  venu,  de  deit  mad,  etc.  C'est  une  question 
spéciale  que  nous  examinerons  dans  un  autre  article. 

Les  Gallois  ne  se  sont  pas  contentés  de  faire  subir  à  ce  mot 
de  formation  claire  uchelfar  «  haute  branche  »  des  variations 
en  parties  phonétiques  qui  l'ont  métamorphosé  en  uchelfa, 
uchelfan  «  haut  lieu  »,  etc.  ;  ils  en  ont  aussi  remplacé  le  second 
terme,  soit  par  un  autre  mot,  soit  par  un  suffixe  :  uchehuydd, 
uchellawn,  uchelawg,  etc. 

5 .  En  breton,  la  tendance  à  la  difterenciation  s'est  exercée 
en  outre  sur  le  premier  terme  de  uhclvar  et  l'a  remplacé  par 
son  contraire  isel  bas.  Chàlons  donne:  «  ici  [c'est-à-dke  à 
Sarzeau]  isél-varre,  gui  de  chêne  »  ;  le  P.  Grégoire  :  van.  en  isel- 
-varr  «  gui,  excroissance  d'arbre  »  ;  aujourd'hui  «  chez  les  Van- 
netais  des  côtes  »  isel-var  (Loth,  Rev.  Celt.,  XIX,  13)  et  une 
découverte  inattendue  de  M.  Stokes  a  montré  que  ce  mot  existait 
en  vieux  breton,  écrit  hisxlharr  {Zeilschrift  fur  cellische  Philo- 
logie, I,  18,  19,  23). 

M.  Loth  interprète  isel-var  «  touffe  basse  »  et  dit  que  «  la 
contradiction  s'explique  probablement  par  le  fait  que  le  gui 
pousse  à  des  hauteurs  diverses  suivant  les  espèces  d'arbre  ». 
Cependant,  ajoute-t-il,  «  en  vannetais,  il  semble  bien  qu'il 
s'agisse  du  gui  de  chêne  »,  à  cause  de  la  synonymie  entre  ce 
mot  et  dmre  dcrf  dans  Châlons.  Pour  concilier  ces  deux  remar- 


Sur  r Êtymologie  bretonne.  57 

ques,  il  faudrait  supposer  que  hisœlbarr,  isel-var  a  désigné  à 
l'origine  le  gui  d'un  autre  arbre  plus  petit  que  le  chêne.  Il  est 
possible,  en  effet,  que  la  création  de  cette  variante  ait  été 
amenée  par  le  désir  d'une  pareille  distinction.  Mais  ce  n'est  pas 
sûr;  et  nous  ne  voyons  pas  que  les  Gallois  aient  songé  même 
à  tirer  ainsi  parti  de  leur  luxuriante  synonymie.  Il  se  pourrait 
que  isel-var  fût  une  variante  d'uhel-var  créée  en  quelque  sorte 
machinalement  et  justifiable  après  coup,  soit  parce  que  le  gui 
est  plus  ou  moins  haut  perché  sur  la  même  espèce  d'arbre,  ou 
sur  le  même  arbre  —  il  pousse  le  parasitisme  jusqu'à  s'implanter 
sur  sa  propre  espèce  !  — soit  parce  que  c'est  toujours  une  plante 
basse  ou  de  petite  taille. 

6.  Le  Bar^a:^  Brei^  (éd.  de  1867)  porte  en  cornouaillais  : 
huel-var  ann  derven,  le  gui  du  chêne,  p.  62,  puis  losket  ar  var 
gandann  dero,  laissez  le  gui  au  chêne,  p.  63 .  Il  y  a  là  abréviation 
par  aphérèse  et  non  par  décomposition,  car  «  la  branche  »  se 
dit  ar  bar,  m. 

7.  La  Deutsche  Mythologie,  4'-'  éd.,  II,  1009,  donne  en  bret. 
ollyiach,  gui;  c'est  un  mot  forgé  d'après  le  gall.  olhiach,  cité 
ibid.  (holliach). 


IL  —  IHUELVAD;  CROÉ,  FLÉYE,  TIRLË,  LEURHÉ, 
BKEUÉK,  REU  ;  DIBERDÉ,  PERD  RI,  PREDI,  PLE- 
DERI,  PIDIRI;  KELTRÎ ;  BREDIAH,  BREDERAG' ; 
-El,  -AJ. 

I.  Nous  avons  réservé,  dans  l'article  précédent  (§  4),  une 
question  de  détail  ;  celle  de  savoir  si  le  remaniement  d'ihuelvar 
en  ihuelvad  par  «  êtymologie  populaire  »  a  été  favorisé  par  une 
forme  intermédiaire  d'origine  phonétique  *ihuelva,  semblable, 
au  moins  extérieurement,  au  gallois  nchelfa. 

Je  ne  vois  pas  en  vannetais  de  cas  tout  à  fait  identique; 
mais  en  matière  de  dissimilation,  les  lois  phonétiques  sont  loin 
d'avoir  une  rigueur  absolue.  Ainsi  le  moyen  breton  crotT^r, 
crible,  est  devenu  dans  la  langue  moderne  : 

1°  en  Léon  kroer,  en  Tréguier  kreur,  sans  dissimilation; 


58  E.  Ernault. 

2°  en  bas  vannetais  croc  (Loth,  éd.  de  Châl.,  15),  en  haut 
cornouaillais  knue  (F.  Vallée),  par  suppression  du  second  r; 

3°  dans  le  sous-dialecte  vannetais  de  Batz  (presqu'île  du 
Croisic,  Loire-Inférieure)  iir  honcir,  un  crible,  par  suppression 
du  premier  ;■  (voir  §  5)  ; 

4°  dans  le  haut  vannetais  clocrc  Châl.,  clouire  l'A.,  par  trans- 
formation de  ce  premier  r. 

On  pourrait  attendre  aussi:  5°  *kroel,  d'après  le  trécorois 
furol,  fureur  (à  côté  de  furor  et  fulor),  Gloss.  moy.  hrcL,  22, 
572,  etc.  Cf.  M.  Grammont,  La  dissimilation  consonantique, 
26-32,  etc. 

2.  Le  van.  fléyc  m.,  puanteur  l'A.,  ne  correspond  pas  au  moy. 
hrct.  fiacr,Jîear,flcr,  mais  doit  sa  forme  au  dénwéfléyuss,  puant 
l'A.,  de  flerius  Châl.  nis,  moy.  hrti.  flaeriiis,  fleryus;  cf.  van. 
derguéye,   degré,  du   pluriel  derguéyeu,  etc.,  Gloss.,  149,  150. 

Le  moy.  bret.  a  gluesque,  guescle  et  gluesquer,  grenouille  ; 
mais  cette  dernière  forme  n'est  pas  la  source  des  autres, 
comme  on  le  verra  au  n°  suivant. 

4.  Le  petit  trécorois  lirlc,  le  cheval  du  milieu  de  l'attelage 
(à  trois  chevaux)  doit  venir  de  son  synonyme  lirlcr  {Gloss. 
moy.  hrcl.,  745),  qui  paraît  composé  du  franc,  tirerai  de  leur 
c'har,  kur-gor,  timon  de  la  charrette,  voir  mes  Notes  d'étviiiolo- 
gie,  n°  30,  p.  50  ;  M.  Vallée  a  noté  à  Kerity  tirleur.  Mais  l'ac- 
tion de  /  était  renforcée  ici  par  celle  du  premier  r. 

5.  Il  en  est  de  même  pour  leur-guar,  van.  leurhé,  aire  d'une 
ville  Grég.,  Rev.  Celt.,  XV,  388,  où  les  deux  liquides  se  pré- 
sentent dans  l'ordre  inverse. 

Il  est  possible  que  Vr  de  iir,  un,  soit  pour  quelque  chose 
dans  la  réduction  de  ur  c'hroer  à  nr  honcir  en  vannetais  de  Batz 
(§  i);  mais  ce  langage  a  aussi  hoiiadur,  enfant,  de  kronadur. 
Voir  §  7-  ^ 

6.  Comme  nous  l'avons  vu  dans  le  bas  van.  croé  =  croe^r, 
§  I,  l'r  final  peut  tomber  dans  une  syllabe  contenant  un  autre 
r.  Il  y  a  un  fait  tout  semblable  dans  le  bas  van.  breu  {brc,  sans 
la  diphtongue  vannetaise),  frère,  =  breu:^r,  Loth,  Chrestomathie 
Bretonne,  375,  379,  Rev.  Celt.,  XVIII,  394;  cette  chute  persiste 
même  dans  le  dérivé  breuék,  petit  frère,  VII,  184. 

Le  bas  van.  rciu  (reù)  derrière  =  revr,  Rev.  Celt.,  XVIII, 


Sur  rP.tymologie  bretonne.  59 

394,  montre  qu'il  n'est  pas  nécessaire  que  les  deux  r  aient  été 
précédés  d'une  consonne. 

On  peut  ajouter  le  trécorois  ara  ou  arar,  charrue,  plur.  cré 
ou  érer,  Hingant,  Eléments  de  la  grantmaire  bretonne,  17,  moy. 
br.  ara::/,  ala^r,  haut  Léon  alar. 

7.  Les  deux  r  ne  sont  pas  toujours  dans  la  même  syllabe: 
van.  diberdé  (ménage)  où  il  n'y  a  rien  de  fait  ni  rien  à  faire 
Châl.,  diberdé,  sans  inquiétude,  diberdérr,  oisif,  diberdérr,  fai- 
néant, dibredér,  qui  est  un  sans  souci  l'A.,  dibreder,  fainéant 
Chàl.,  ReiK  Celt.,  XX,  200. 

Le  bas  van.  predi,  inquiétude  Loth,  éd.  de  Chàl.,  71,  ne 
vient  pas  de  predir  pour  predér  {hep  predér,  à  l'improviste  Châl. , 
ne  brediras,  il  ne  s'avisa  Buléon,  Histoér  sant.,  1897,  p.  62), 
mais  de  *predri,  varhnte  de  perd  ri  «  souci  «  que  Châl.  wj- donne 
avec  un  exemple  {perdri  bras  endes,  il  a  grand  souci)  et  le 
dérivé  perdrius  «  chagrinant  »,  à  côté  de  perderi  «  chagrin  », 
perderi,  prederi  «  inquiétude  ».  Cf.  van.  qnerteri  et  keltri,  fiimine, 
Gloss.,  549;  petit  tréc.  kertri,  indolence,  paresse,  kerlrius,  pares- 
seux, Rev.  Celt.,  IV,  158.  Pour  l'/de  keltri,  on  peut  comparer 
le  léonais  plederi  =  predir i,  voir  Gloss.,  5 10  ;  cf.  plus  haut  eloére, 
ala:(r. 

Une  variante  pidiri  sans  le  premier  r  (cf.  §  5)  est  attestée 
une  fois  en  moy.  breton,  au  lieu  de  la  forme  ordinaire  y^nW/V)'; 
c't.  comique  pedeere  pour  predér  aie  soin,  Kev.  Celt.,  XXIV,  6. 
Ceci  rappelle  pichirindet,  pèlerinage  Sainte-Nonne,  230,  pour 
pirchirindet. 

8.  Predi  venant  de  prederi  par  *predri,  d.  perdri,  permet  de 
poser  entre  le  van.  brediah,  confraternité  Châl.,  bredieh  f.,  con- 
frérie, société  Châl.  ms,  berdiah,  i.  l'A.  et*breuderiaei=  gd\\. 
brodoriaeth,  l'intermédiaire  *bredrieah,  d'où  *bredriah,  *bredrieh, 
*berdriah;  ainsi  la  syllabe  er  n'est  pas  tombée  en  une  fois, 
comme  je  le  supposais,  Gloss.,  82. 

Un  indice  de  la  forme  complète  *breuderiae~,  *brederieah  est 
resté  en  van.  dans  bredirag' ,  brederag',  confraternité  Châl.  nis  : 
cf.  moy.  bret.  baeleguie^,  prêtrise,  van.  bcleguiah  Châl.,  bœle- 
gniah  f.  l'A.,  belegnieh  Châl.  ms,  léon.  badeguie-  Gr.,  bélégie:;^  f. 
Le  Gon.,  à  côté  de  léon.  bceleguiaieh  Gr.,  bélégiach  f.  Le  Gon.  ; 
la  même  alternance  se  retrouve  dans  autroniez^  et  autroiiniaig , 


6o  E.  Ernaidt. 

seigneurie,  m^stronye:(,  mxstronyaich,  autorité,  maîtrise,  hudiir- 
ne:(,  hudurnaig,  hudurnyaich ,  saleté,  Gloss.,  'yii,  etc.  Le  second 
de  ces  suffixes  vient  du  franc,  -âge,  voir  Notes  d'étym.  bret.,  9, 
10,  13,  nCn^s,  §6,  7,  17). 

9.  Certaines  variantes  avec  et  sans  r  final  après  voyelle,  en 
dehors  de  l'action  d'une  autre  liquide,  s'expliquent  tantôt  par 
la  chute  ou  la  transformation  d'un  ancien  :^  doux,  tantôt  par 
un  échange  de  suffixe,  tantôt  par  des  influences  analogiques; 
voir  Epcnthêse  des  liq.,  48,  49  (§  63). 


m.  —  GWESKLE,  GLESKER,   TONOULOSCAN. 

I.  Le  moy.  bret.  avait:  gluesqucr  «  granoille,  raine  des 
champs  »,  Catholicon  a;  gluesqiicr  (2  fois),  C  ins  \  gluesque, 
C  h  ;  gluesque,  guescle,  C  c. 

Les  formes  modernes  sont  : 

guësqle,goué'sqle,  pi.  guësqleved,  gouësqleved  «  graisset,  ou  raine 
verte,  espèce  de  grenouille  venimeuse  «,  Gr.,  gwesclê,  bas  cor- 
nouaillais  et  léon.  gwesclef,  plur.  giuesclêvet,  grenouille,  Pel., 
giuescle,  gwesclef,  pi.  gwesclevet ,  gwescleyer ,  Roussel  nis  ;  gwesklév , 
gzuesklé,  f.,  pi.  gzueskléved,  grenouille  de  haie,  Le  Gon.  ;  gives- 
klén.  Le  Gon.,  2^  éd.  ;  giueskle,  gwesklev  f.,  pi.  gweskieved,  gre- 
nouille verte  ou  de  haie,  T r oude,  giueskkn,  Milin  ms  ;  gweskléon 
f.,  pi.  gweskieved,  grenouille  du  Rusquec,  gwesklé,  id.,  dict. 
bret.-fr.  ;  en  GotWo gwesklev,  à  Ploubazlanec^îwVÀ'/a',  à  Paimpol 
gwisklef,  en  petit  Tréguier  giuisiklé,  gwichikU  f.  ; 

gwescler,  grenouille,  Pel.  ; 

glesquer,  pi.  et,  grenouille  de  haie,  P.  Maunoir,  glesqer, 
gluësqer,  \'2in.  gloësqer,  pi.  ed,  graisset,  glesqer,  pi.  r^_,  grenouille 
de  haie,  Gr.,  glesker  m.,  pi.  ed,  grenouille  de  haie,  mot  trécorois, 
Le  Gon.,Trd,  du  Rusq.,  glesqer  m.  Fables  de  Goësbriand,  i, 
Fablou  de  Ricou,  4,  etc.,  \an.  glasquer  «  grenouille  des  jardins, 
des  prés  »  Chàl.  lus.,  aujourd'hui  gloeskêr,  glueskér  Çglëchqër  à 
Saint-Caradec,  etc.),  m.  pi.  ed,  grenouille  des  champs,  graisset  ; 

glesket,  grenouille,  Pel. 

M.  Rolland,  Faune  populaire,  III,  74,  donne,  d'après  Taslé, 


Sur  l' Étymologie  bretonne.  6i 

gtieslév,  graisser,  dans  le  iMorbihan  ;  il  doit  y  avoir  quelque 
erreur. 

M.  Vallée  a  entendu  et  noté  le  pluriel  gwesklevi,  mais  ne 
peut  dire  si  c'est  en  basse  Cornouaille  ou  en  bas  Léon. 

2.  D.  Le  Pelletier  voit  dans  ^ifwr/é/un  composé  de  o^zf^:^,  sau- 
vage, et  f/c;/î,  plainte,  ce  qui  est  impossible  à  cause  de  la  finale. 

Il  trouve  une  grande  affinité  entre  ce  mot  et  le  nom  fameux 
du  Guesclin,  ce  qui  est  plus  plausible,  cf.  §  4. 

3.  Bullet  tire  les  mots  bretons  de  glas,  vert,  ainsi  que  le 
français  graisset.  Il  a  tort;  cependant,  je  crois  que  la  variante 
glasquer  pour  glesker  doit  son  a  à  glas  :  cf.  glasard,  ran  glas 
«  croisset,  verder,  lat.  rana  viridis  »,  Nomenclator  (G/oi5,,  257  ; 
Zeitschrift  f.  celt.  Philol.,  II,  394. 

Il  est  possible  aussi  que  l'autre  variante  isolée  glesket  doive 
sa  terminaison  au  franc,  graisset. 

4.  La  Grammatica  Celtica,  2^  éd.,  1075,  hésite  à  rapprocher 
du  comique  gitilschin,  grenouille,  les  mots  bretons  auxquels 
elle  ajoute  le  nom  du  Guesclin  (cf.  §  2). 

Le  dictionnaire  corniquc-anglais  du  Rev.  Robert  Williams 
regarde  guihchin  comme  un  emprunt  probable  au  vieil  anglais 
ivelkin,  et  cite  la  forme  comique  plus  moderne  kwilken  ;  on  peut 
voir,  à  l'article  frog  du  dictionnaire  anglais-cornique  de  Jago 
(1887),  beaucoup  de  variantes  de  ces  mots. 

5.  M.  Stokes,  Beiirage  de  Kuhn,  V  (1868),  p.  451,  rappro- 
chait avec  doute  guihchin  du  sanscrit  varshâbhû  et  du  lat.  rana, 
en  ajoutant  que  l'irl.  loscàn  pouvait  venir  de  *plosc-  et  être 
parent  de  l'allem. //wr/;  ;  mais  dans  son  Urkellischer  Sprach- 
schat~  (1894)  ^^  rapporte  losc/ni  h  la  même  origine  que  loscaiiii, 
brûler,  de  *lop-sk-. 

Pictet,  Les  origines  indo-européennes,  2"  éd.,  I,  638,  s'appuyant 
sur  les  premiers  rapprochements  de  M.  Stokes,  voit  ààws  guils- 
chin  l'animal  qui  se  montre  au  temps  des  pluies,  d'après  le 
comique  kinetel  «  gencratio  »,  et  compare  loscàn  et  frosch  au 
sanscrit  priish,  plush,  asperger,  mouiller. 

6.  M.  Nigra,  Archivio  Glottologico,  XV(i899-i90i),  p.  109- 
112,  50^-507,  assimile  l'irl.  losgàn  pour  *flosgàn  au  bret.  gwes- 
klcn,  comique  guilschin,  d'où  l'angl.  ivelkin,  et  compare  ce 
thème  celtique  *vlosk-,  *vlesk-  au  latin  vulgaire  bruscus  «  rubeta  » 


62  E.  Ernault. 

(Papias),  à  l'allem.  frosch,  au  grec  moderne  iJ,zpaT/,7.,  crapaud, 
anciennement  ^^Tpa^cç,  ^pôtx/oç,  grenouille,  etc.,  etc.,  tout 
en  reconnaissant  que  l'origine  et  les  relations  de  ces  mots  sont 
encore  des  plus  obscures. 

7.  J'ai  rapproché,  Zeitschrift  f.  ccJl.  PJjHoL,  II,  394,  395, 
les  mots  bretons  en  question  du  comique  guilschin  et  de  l'ir- 
landais foloscain,  têtard,  en  les  décomposant  en  *vo-losc-  «  petit 
batracien  »,  cf.  irl.  loscann,  grenouille,  crapaud,  gaélique 
à'^cossQ  losgann ,  crapaud.  L'origine  de  ces  derniers,  auquel  on 
peut  joindre  le  nom  de  lieu  vieux  breton  Tonouloscan  (  «  vallée 
de  la  grenouille  »,  cf.  Toulran  dans  le  Morbihan,  etc.),  serait, 
comme  l'ont  vu  MM.  Stokes  et  Macbain,  la  même  que  dans  le 
g-\éY\c\wQ  Josgadh,  brûlure;  cf.  \r\.  foUscadh,  action  d'échauder, 
gû\.  folosgi,  brûler  un  peu  (Gloss.,  286;  Macb.,  v.  falaisg; 
Stokes,  Bei:(enb.  Beitr.,  XXI,  134).  L'association  d'idées  est 
justifiée  par  l'humeur  acre  que  sécrète  la  peau  du  crapaud;  le 
peuple  en  dit  autant  du  graisset.  M.  de  Chambure  donne  dans 
son  Glossaire  du  Morvan:  «  Ampoule  f.,  petite  rainette  qui 
monte  sur  les  arbres.  On  croit  dans  le  pays  que  son  venin 
fait  naître  des  humeurs  séreuses.  » 

On  peut  ajouter  que  glesker  veut  dire,  inversement,  une 
ampoule,  à  Coadout  :  ober  eur  glesker  luar  i  vi\,  se  faire  une 
ampoule  au  doigt  (F.  Vallée);  cf.  gall.  llosgedd,  vésicatoire. 

Comme  le  fait  remarquer  M.  Schuchardt,  Zeitschr.  f.  roman. 
Philologie,  XXVII,  611,  le  nom  du  crapaud  est  emprunté  d'or- 
dinaire à  cet  ordre  d'idées  :  on  l'appelle  «  Rauhe,  Runzlige, 
Raûdige,  Warzige  »,  etc. 

8.  M.  Schrader,  Reallexihon  der  indogerniauischen  AlterluDis- 
kiinde  (1901),  p.  483,  dit  que  les  noms  du  crapaud  et  de  la 
grenouille  se  confondent  souvent.  Il  voit  dans  [ix-pxy^o:  le  parent 
possible,  non  àc  frosch,  mais  de  krole  (sifr  d'autres  explications 
de  ce  mot  grec,  cf.  Grammont,  Dissiiiiilatioii,  28).  Il  ne  cite 
aucun  rapprochement  pour  guilschin. 

9.  M.  Henry,  dans  son  Lexique,  admet  la  parente  du  breton 
avec  le  comique  guilschin,  mais  regarde  l'étymologie  comme 
inconnue;  il  remarque  que  «  tous  les  noms  indo-européens  de 
la  grenouille  sont  de  physionomie  capricieuse  et  d'identification 
difiicile  ». 


Sur  l'Êtymologie  bretonne.  6? 

Je  persiste  à  croire  que  l'histoire  la  plus  ancienne  de  ceux 
que  nous  venons  d'étudier  s'éclaire,  si  on  les  considère  comme 
de  formation  spécialement  celtique.  Ce  qu'il  y  reste  de  plus 
obscur,  ce  sont  les  changements  de  suffixes.  J'ai  eu  tort  de 
regarder  les  formes  en  er  comme  identiques  à  celles  en  -e  :  ces 
dernières  seules  proviennent  phonétiquement  de  -ev,  -eff  = 
*-em,  *-im,  dont  la  consonne  finale  reparaît  aux  pluriels  -eved, 
-evi. 

10.  Aux  influences  analogiques  signalées  plus  haut,  on 
peut  ajouter,  pour  expliquer  gwishlev,  -ef,  et  surtout  gzuisiklc, 
gwichiklé,  celle  du  nom  trécorois  de  la  mésange,  écrit  eiir  pisti- 
klaou,  Kroa:^  ar  Vretoned,  8  nov.  1903,  p.  2,  col.  i  ;  29  nov., 
p.  2,  col.  3  ;  on  dit  en  petit  Tréguier  eur  bisiklaou,  m.,  id.,  et 
koc'h  bisiklaouet  (fiente  de  mésanges),  chassie. 


IV.  —  HOL,  HOAL,  OUALLEIGN,  GWALLA. 

J'ai  expliqué,  Rev.  Celt.,  XXI,  140,  141,  la  phrase  vannetaise 
petra  e  hol  doh  ton  ?  qu'est-ce  qu'il  a  ?  qu'est-ce  qui  le  prend  ? 
comme  contenant  le  môme  verbe  que  le  petit  trécorois  pera 
c'hoar  d'an  ?  littéralement  «  qu'est-ce  qui  lui  arrive  ?  »  Cette 
explication  s'appuie  sur  des  faits  phonétiques  et  sémantiques 
exacts;  je  crois  cependant  devoir  la  remplacer  par  une  autre. 

Si  proche  parent  que  soit  le  vannetais  des  autres  dialectes 
bretons,  il  faut  commencer  à  l'expliquer  par  lui-même.  Or, 
dans  l'expression  en  question  e  hol  et  sa  variante  e  hoal  sont 
inséparables  de  hoalle  qu'on  lit  Buhé  er  sœnl,  Vannes,  1839, 
p.  229  :  a  pe  hoalle  un  dra  benac  doh-t-ou  «  quand  quelque  chose 
le  contrarie  »  (en  un  autre  dialecte  pa  stoiirm  un  dra  bennac 
ouiàn,  Bne:^  arsant,  Saint-Brieuc,  i84i,p.2i9).  Hoalle  est  ici 
la  mutation  de  goalle,  qui  appartient  à  un  verbe  dérivé  àe  goal, 
gol,  mal,  moyen  breton  goall. 

Ce  verbe  ne  se  trouve  en  moy.  brct.  que  dans  dall  ha  goallet, 
aveugle  et  infirme,  Sainte  Nonne,  11 10.  Le  Gonidec  donne 
giualla,  faire  du  mal...,  nuire...,  préjudicier  à,  déshonorer, 
séduire,  comme  verbe  actif  et  neutre,  avec  des  exemples  seule- 
ment de  Tactil,  comme  ann  dra-'é  en  Jaî~  va  giuallel,  cela  m'a 


64  E.  Ernault. 

fait  du  tort.  Troude  et  M.  du  Rusquec  n'ont  plus  que  giualla, 
actif,  au  sens  de  séduire,  violer,  qui  existe  en  trécorois  ;  cf. 
Giuer^iou  Brei^-I:{el,  I,  436,  438. 

Le  van.  a  dû  avoir  un  verbe  neutre  correspondant,  goalkin 
«  faire  mal  «  {doh,  à),  et  non  «  manquer  »,  comme  je  l'ai 
cru,  Gloss.,  264.  On  dit  à  Sarzeau  oiiaUcigu,  répandre,  ce  qui 
paraît  une  mutation  généralisée  du  même  mot,  cf.  les  deux  sens 
du  franc,  gâter  {Rev.  Celt.,  III,  59).  La  ressemblance  du  gallois 
gwalïaw,  dyiuallo,  tywallt,  verser,  vider,  peut  être  trompeuse; 
ces  mots  rappellent  d'autre  part  l'irlandais /(i/^';;//;,  gaél.  d'Ecosse 
falamh,  vide. 


V.   —   ILYEAUENN,   ILIO,   ILIAVEK,   DELIAURID, 
DELIAÙ;   DELYOU,    DEÏLHAV ;   ILLY;   HIZIÙ, 
IRI  HÙ,  HINIÙ;  KIZIDIK,  KIZILIK. 

I.  Le  lierre  s'appelle  en  moy.  bret.  ilycamiin,  sans  variante 
connue;  mais  il  ne  s'y  trouve  nommé  qu'une  fois,  dans  le 
Catholicon. 

Aux  formes  modernes  données  Gloss.,  333,  il  faut  ajouter: 
ilyau,  ilyo,  ilyavenu,  ilyocnn  Grég.,  clio,  elia-w,  iliaiu  Pel.,  qui 
cite  //  d'après  le  «  Nouv.  Diction.  »;  «  elio  v:  illio,  ilio, 
iliaw,  iliao,...  hiliaven  »,  Roussel  ins;  iJiô,  éJiô  m.  en  2  syllabes, 
iliôen,  iliaven  f..  Le  Gonidec,  ilio,  cJio,  iliavenn,  iïioenn, 
Troude  ;  Uyavccg,  pi.  ilyavegou  «  lieu  où  il  croit  beaucoup  de 
lierre  »  Gr.,  iliavek  f.,  pi.  -égou,  id.,  iliavek,  couvert  de  lierre 
Gon.,  cf.  gall.  eiddeiuog.  M.  Vallée  m'a  appris  qu'on  pro- 
nonce à  Plounévez-Moëdec  iJhiaou,  à  Pluzunet  ilheaou,  à  Coa- 
dout  ilhë,  à  Trézény  ilheo,  toujours  en  2  syllabes. 

En  van.,  Châl.  adelian-nt,  Chàl.  ms  deliav' ,  s.  v.  lierre,  et 
en  deliau,  en  iliau,  v.  entortiller;  MM.  Guillevic  et  Le  Goff, 
Exercices  sur  la  grammaire,  Y  ànne^,  1903,  p.  64,  dcliaii-rid  m.; 
M.  Loth  signale  delya-kwarn  à  l'Ile-aux-Moines  (Annales  de 
Bret.,  XIV,  84).  M.  l'abbé  Guillevic  m'a  indiqué  deyar  à  Saint- 
Caradec,  etc.,  et  M.  l'abbé  Buléon  oUdéau  à  l'île  de  Groix. 

Dans  les  noms  de  lieux,  on   trouve  au  Finistère  (Beuzec- 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  65 

cap-Sizun  et  Plogoff)  knicl  illioii,  touffe  de  lierre,  bond  ilhii, 
bond  illo  (prononcés  ilho),  koa^  illou  (pron.  ilhou);  dans  le 
Morbihan  (à  l'Ile-aux-Moines)  Bodelio  (pron.  bouderyaiu),  bou- 
quet de  lierre,  Loth,  Anii.  de  Bret.,  XV,  391,  301,  308,  309  ; 
XIV,  284. 

On  peut  ajouter,  entre  autres,  pour  le  Morbihan  :  Bodillo, 
Bodélio,  Bodeliave;  Kerdeliaud,  cf.  la  forme  française  Liérotix, 
nom  de  village  (Dicî.  topographique...  du  Morbihan).  Il  semble 
aussi  que  Le  Haut  et  Le  Bas  Ni:(iave,  village  et  moulin  à  eau, 
ibid.,  au  xV'  ou  xvi^  siècle  Eneie^iau,  Ann.  de  Bret.,  XVIII, 
145,  contienne  le  même  mot  et  soit  pour  enes  e:(iau,  l'ile  du 
lierre. 

2.  Le  gallois  eiddew  montre  que  ilyeauenn  w'ient  de '^ilyeuenn 
comme  bleaiicnn,  cheveu,  de  bleiienn,  gall.  blewyn,  etc.,  cf. 
Gloss.,  441;  et  de  même  que  ce  mot  avait  un  pluriel  bleau, 
bleu  =  gall.  blew,  ilye(a)uenn  devait  h\re*ilyeaîi,  *ilyeu.  Ceie 
est  tombé  ensuite  dans  la  plupart  des  variantes,  à  cause  de  l'ac- 
cumulation des  sons  vocaliques;  cf.  comique  idhio. 

3 .  Les  formes  eliaiu,  elio,  bien  que  se  présentant  tardivement, 
paraissent  avoir  conservé  une  initiale  plus  primitive;  cf.  irl. 
eidenn,  eidhean,  à  côté  de  idu  (Stokes,  Urkelt.  Sprachschai^, 
29,  328;  sur  l'étymologie  qui  ferait  le  mot  parent  du  lat. 
pedica,  piège,  lacet,  etc.,  voir  ibid.  et  Indogermanische  For- 
schungen,  XIV,  484). 

4.  Mais  comment  expliquer  17  au  licudu- doux  =:^^  gallois, 
dh  comique  ?  M.  Stokes,  après  s'être  contenté  de  constater  cette 
équivalence  isolée,  Middle-Breton  Hours,  84  (comme  aussi 
M.  d'Arbois  de  Jubainville,  Études  grammaticales,  I,  23),  se 
demande,  Urkelt.  Spr.,  29,  s'il  n'y  aurait  pas  eu  entre  ;;;  et  / 
un  intermédiaire  r. 

Il  est  certain  que  *iiyeau  (cf.  Ene-;^e:{iau  ?)  eût  pu  devenir 
*iryeau,  comme  hi:;ieau  aujourd'hui  est  devenu  hirio  au  début  de 
la  période  moderne,  Gloss.,  321  (le  moderne  bouderyaiv  paraît 
venir,  inversement,  de  bod-elyaiv). 

Je  crois  même  que  Vr  venu  de  ;^  doux  peut  évoluer  encore  ; 

et  que  le  van.  hiniu,  expliqué  autrement  Ra'.   Celt.,  XXIV, 

321,  vient  de  hiriu,  que  Châl.  donne  en  même  temps,  ainsi 

que  hi:;jhuë.  Sur  ce  changement  d'r  en   n,  on  peut  voir  mes 

Revue  Celticjue,  XXV.  3 


GG  E.  Ernaiilt. 

Notes  d'étyni.,  139,  140  (n°  74,  §  5).  Mais  ce  phénomène  est 
exclusivement  vannetais  ;  il  3'  a  une  présomption  contre  Texpli- 
cation  de  ilyeaii-  par  */rv^£7//-,  dans  ce  fait  que  le  moy.  bret.  hi^iu, 
hi^ieu,  hi~ieau,  hi:(io,  etc.  =  gall.  hcdàyiu,  mot  d'aspect  phoné- 
tique si  semblable  à  eiddcw,  a  constamment  le  :{,  et  que  ses 
formes  modernes,  où  la  consonne  est  très  variable  (cf.  Rcv. 
Celt.,  IV,  467;  V,  125,  127;  XXIV,  258),  ne  l'ont  jamais 
changée  en  /. 

On  ne  peut  pas  invoquer  non  plus  l'alternance  partielle  des 
suffixes -/i^/Â",  -idik,  -inik,  -ilik,  Gloss.,  341,  342.  Ce  dernier  ne 
se  trouve  que  dans  h^ilik,  sensible,  qui  n'a  d'équivalent  que 
ki^idik,  et  qu'on  trouve  écrit  une  seule  fois  (peut-être  sous 
l'influence  de  hiUih,  chatouillement,  hilligu^,  chatouilleux). 

Il  faut  donc  séparer  le  nom  breton  du  lierre  de  son  syno- 
nyme gallois  (comme  l'ont  fait  D.  Le  Pelletier  et  M.  Macbain), 
ou  admettre  qu'une  perturbation  analogique  a  changé  son  ^ 
en  /. 

5.  J'ai  supposé  l'influence  d'un  nom  de  plante,  illy,  le  cor- 
mier, qui,  d'autre  part,  a  supplanté  en  petit  trécorois  le  mot 
irin,  prunelles,  fruits  de  l'épine  noire,  Gloss.,  333,  334  ; 
M.  Henry  remarque  à  ce  propos.  Lexique,  163,  que  ce  sont 
là  trois  «  plantes  à  baies  ». 

6.  Sans  renoncer  absolument  à  cette  explication,  je  crois 
qu'un  autre  mot  s'est  aussi  mêlé  à  l'ancien  *e~ieii-,  -e^iau 
pour  en  faire  ilyeaii-:  c'est  le  nom  de  la  feuille,  en  mo3\  bret. 
delyenn,  plur.  del ,  delyoïi. 

La  relation  des  idées  est  facile  à  admettre  :  le  lierre  est  une 
plante  à  feuilles  abondantes  et  persistantes  ;  appliquée  à  un  mur, 
l'épithète  de  «  feuillu  »  se  confond  avec  celle  de  «  couvert  de 
lierre  »,  pour  le  sens.  Quant  à  la  forme,  il  est  impossible  de 
les  distinguer  en  van.  :  deliaiïs,  feuillu,  touffu,  Chàl.,  deliàus, 
feuillu,  Châl.  ins,  deliàiiss,  id.  l'A.,  pourraient  aussi  bien  venir 
de  deliau,  lierre,  que  de  deliau,  feuilles,  Châl.  ins. 

Cette  raison  a  favorisé  la  variante  plus  commune  deliaùn'd 
où  le  vannetais  a  vu  «  des  feuilles  qui  courent  »  (de  là  les 
àénwcs  deliauéiin-rilt  f.,  p\.  delianêmieu-rilf  l'A.,  cf.  sivyeu-red, 
sivy-red,  eufraise  Gr.  =  «  fraisier  qui  court  »),  mais  qui,  à 
à  l'origine,  devait  être  proclie  parente  du  gall.  eiddiorwj^,  lierre, 


Sur  l'Êtymologie  bretonne.  67 

cf.  léon.  ilyavre:^^,  chèvrefeiiille,  Gon.  De  là  aussi  l'autre  déter- 
mination dans  delya-kwarn  =  «  feuilles  du  coin  ». 

7.  Je  crois  que  le  nom  vannetais  du  lierre  doit  son  d  initial 
à  celui  de  la  feuille  qui,  de  son  côté,  lui  a  pris  les  sons  au. 
Châl.  donne  deliaoucu,  feuille,  pi.  dél,  deliau  ;  déliait  giiniec, 
pampre  de  vigne;  l'A.  ddiaoïieenn,  pi.  deliau;  MiM.  Guillevic 
et  Le  Goff,  p.  64,  délen  f.,  pi.  dél  et  deliaùen,  pi.  deliaù.  On 
attendrait,  sauf  en  bas  vannetais,  *delieuen,  *delieu,  =  moy.  bret. 
delyou.  Grég.  donne  hors  de  Vannes  delyou,  delyaou.  Ce  dernier 
ne  se  justifie  phonétiquement  qu'en  cornouaillais. 

Deliaù  est  donc  un  mélange  de  *delieu  =  delyou,  feuilles, 
avec  *eliaù,  iliau,  lierre  =  ilyeau-:  cf.  dareu,  larmes  =  léon. 
daerou,  moy.  bret.  da::jou,  et  bléaoueenn,  pi.  bléau,  cheveux, 
l'A.,  etc. 

8.  Le  petit  trécorois  dit  dcilhaven,  feuilles,  pi.  deilhav,  deilha, 
ce  qui  parait  tenir  de  même  à  l'influence  de  iliaven,  lierre  (mot 
perdu  dans  ce  sous-dialecte)  ;  pour  le  v,  cf.  bleven,  pi.  blev,  blé, 
cheveu.  Cette  prononciation  est  donnée  par  Grég.  dans  le  dérivé 
delyavus,  feuillu,  à  côté  du  van.  delyaûs. 

9.  \.r  de  deyar  doit  être  une  transformation  dialectale  de  /'/ 
final;  on  dit  dans  les  mêmes  endroits  Pléniar,  Pluméliau.  Cf. 
kauir,  toison,  de  kaniù  à  Cléguerec,  etc.,  Loth,  éd.  de  Châl.,  43 . 

10.  Le  g  de  gildéau  est  ajouté  comme  dans  girin,  girin  speru, 
prunelles,  givin,  ongle,  variantes  vannetaises  de  irin,  ivin,  etc. 
Quant  au  d,  je  n'en  vois  pas  d'explication  probable. 

11.  Pel.  dit  que  Dàvies  donne  en  bret.  hieuven  et  qu'il  faut 
lire  hiliaven  (Jago  cite,  d'après  Borlase,  hieauven  comme  cor- 
nique).  Il  est  possible  que  le  mot  breton  se  trouve  écrit  avec 
un  h  dans  Kerhilio,  Kerhillio,  le  Bois-Hellio  (Morbihan),  etc., 
cf.  Kerdéliaud. 

12.  Le  Lexicon  cornu-britaunicum  donne  un  bret.  iliarek  et 
un  gall.  ciliorwg  qui  doivent  être  purement  imaginaires. 


VL  —  FOUILHIR,  FOULIAR,  FOULIAU,  FOULIAST ; 

BROUST. 

I.   Les  autres  noms  du  lierre  en  breton  ont  aussi  rapport  à 


68  E.  Ernaiilî. 

l'idée  de  feuilles.  On  dit  h  Sarzeau  fouilhir  (De  l'urgence  d'une 
exploration  philologique  en  Bretagne,  Saint-Brieuc,  1877,  p.  11), 
par  ailleurs,  en  van.,  fouliar  (Exercices  sur  la  gramni.,  1903, 
p.  64),  et  aussi  fouliah,  fouliast  m.;  fouliar  en,  fouliaùen,  fou- 
liaslen  t.,  plant  de  lierre.  Ce  sont  des  dérivés  du  ïranç.  feuille: 
cf.  fouillard,  branche  garnie  de  feuilles,  L.  Favre,  Gloss.  du 
Poitou,  de  la  Saintonge  et  de  l'Aunis,  Niort,  186S,  feuillard, 
id.  Jaubert,  Gloss.  du  centre  de  la  France;  fouyard  id.  dans 
rille-et-Vilaine,  Ann.  de  Bref.,  XI,  434;  XV,  377;  feuyar, 
fouyar,  id.,  dans  \<:Bi\s-}Aàmc  (Domn)-,  feuilleron,  fillas,  m.., 
id.,  E.  de  Chambure,  Glossaire  du  Morvan;  v.  franc,  foillard, 
foullard,  branchage;  moy.  hret.  foui lle~,  feuillée,  etc.,  Gloss., 

Fouilhir  vient  de  *fouilhér,  du  v.  franc,  fullier,  fueiller,  m., 
feuillage  ;  cf.  le  morvandeau  feuillerou,  cité  plus  haut,  et  l'es- 
pagnol hojarasca,  feuillage  touffu.  Fouliar  est  peut-être  dû  à 
un  mélange  de  fueiller  avec  foillart,  foullard,  car  le  d  aurait 
subsisté,  surtout  dans  le  dérivé  en  -en.  Les  formes  romanes  en 
as,  comme  fouillas,  m.  (et  fouillard^,  feuillage,  fouillis,  de 
Montesson,  Vocah.  du  Haut-Maine,  sont  plus  près  de  -ard  que 
du  bret.  -ast  ;  celui-ci  répondrait  à  un  franc,  '^fouillasse,  *feuil- 
lassc,  et.  iiàWcn  fogliaccio,  mauvaise  feuille  de  papier,  \o\r  Rev. 
Celt.,  XI,  355.  Fouliaù  paraît  avoir  pris  la  finale  de  son  syno- 
nyme dcliaù. 

2.  Pel.  dit  que  «  hrousl  au  pays  de  Vannes  est  du  lierre, 
ce  qui  est  aussi  de  l'usage  de  la  Haute-Bretagne,  où  l'on  parle 
François,  en  y  mêlant  plusieurs  paroles  du  Breton  ».  Ceci  est 
conlirmé  par  le  nom  de  lieu  morbihimmùs  Kerbroustec,  qui  doit 
être  «  la  ville  au  lierre  ».  Broust,  lierre,  existe  en  petit  Tréguier 
avec  un  dérivé  hroustari,  chercher  du  lierre,  cf.  Rev.  Celt.,  IV, 
149.  Dans  son  Gloss.  des  parler  s  du.  Bas-Maine,  M.  Dottin 
donne  brou,  lierre,  gui;  broutu,  couvert  de  lierre  ou  de  gui. 
Divers  parlers  d'IUe-et-Vilaine  ont  brou  (à  Ercé,  Sébillot,  Tra- 
ditions et  super  st..  Il,  318),  brou,  braou,  breou,  lierre,  braoutu, 
breoutu,  garni  de  lierre,  etc.,  voir  Ann.  de  Bret.,  X,  99;  XI, 
428;  XVI,  518;  XVIII,  450,  562.  Brou,  lierre,  se  dit  à  Segré 
(Ménière,  Glossaire  angevin,  dans  les  Méui.  de  la  Soc.  acadé- 
niigue   de    Maine-et-Loire,   t.  XXXM).   Cf.  Favre,  Gloss.  du 


Sur  l'Élymologie  bretonne.  69 

Poitou:  hroiit  m.  «  feuilles  d'arbre  que  l'on  cueille  pour  faire 
brouter  par  les  bestiaux  »  ;  DelbouUe,  Gloss.  de  la  vallée 
d'Yères:  brou,  m.,  gui;  en  v.  franc,  hrost,  m.,  jeune  pousse 
des  arbres  au  printemps,  broiist,  action  de  brouter;  et  en  bret. 
hroust,  hroiicç,  bourgeon,  hallier,  Maun.  ;  buisson,  hallier, 
Pal.;  broiist,  brou:;^,  brout,  pâture  des  bêtes  fauves...  dans  les 
jeunes  bois  qui  repoussent  au  printemps,  broustou,  brous- 
sailles, broHsta,  bronza,  brou:[al,  brouter,  Gr.,  brousta,  broiicça, 
bourgeonner,  broustail,  broussailles,  Maun.,  brouta,  brouçxa, 
bronç:(a,  brousta,  van.  broncein,  bourgeonner,  Gr.,,  etc. 

En  petit  Trég.,  broiist  m.  est  une  brosse  et  broustah,  brosser; 
c'est  de  ce  sens  que  doit  dériver  le  léon.  brousta,  rouer,  moudre 
de  coups,  broustet  eo  va  c'horf  ou:^in  a  daoliou...  mon  corps  est 
roué,  moulu  de  coups,  Milin  ms.  Voir  Gloss.,  84,  85  ;  Lexique, 
46;  Kœrting,  Lateinisch-romaniches  Wœrterbuch,  2"  éd.,  1588, 
1604,  1661;  Ztschr.  f.  rom.  PhiloL,  XXV,  575. 


VII.  —  FELU-MOR;  FILIT ;  BANAL  FIL;  LUDU ; 
FUBU;  GOUMOK. 

1.  Le  Nomenclator  traduit,  p.  79,  le  lat.  «  alga,  vlua,  fucus 
marinus  »  et  le  franc.  «  algue  »  p:[V felu-mor,  en  ajoutant:  vu 
seiirt  lousaou  à  cresq  en  iiior  hue  (lisez  hac')  en  reycr  à  ve:^^  anal 
ou:^  lœttus  (sorte  de  plante  qui  croît  dans  la  mer  et  dans  les 
rochers,  et  ressemble  à  la  laitue).  Grég.  rend  «  algue  »  pavfelu 
mor  et  «  goëmon  »  par  felu-mor. 

Le  Gonidec  donne  félu  ou  félu-niôr  m.  «  sorte  de  goémon, 
d'algue,  plante  marine  »,  sans  astérisque,  comme  un  mot  cel- 
tique. La  seconde  forme  lui  fait  supposer  «  qu'il  y  a  une  plante 
terrestre  qui  porte  simplement  le  nom  de  félu  ».  Il  ajoute: 
«  Le  Pelletier  n'a  pas  ce  mot,  mais  il  met  Jîlit,  que  je  ne  connais 
pas  dans  l'usage.  » 

2.  Pel.  avait  défini  filit  «  sorte  de  goémon,  ou  algue  longue 
comme  une  corde,  et  fort  grasse  »  ;  ce  qui  lui  fait  soupçonner 
que  c'est  le  franc.  Jilel  un  peu  altéré,  «  si  ce  n'est  un  dérivé 
de  Fil,  qui  a  été  autrefois  en  usage  pour  des  cordes  d'instru- 


70  E.  Enuuilt. 

ment  de  musique:  car  Davies  met  Ffilor,  Fidicen  ».  Il  constate 
à  la  tin  que  «  ce  goémon  est  transparent  et  lissé  comme  les 
cordes  de  boyau,  mais  bien  plus  gros  ». 

Milin  a  écrit  à  la  lin  de  l'article  fclii  de  Troude  :  «  felit, 
ftlit  »  ;  à  l'art.  «  fjlit,  s.  m.  Goémon  qui  a  la  forme  d'une  corde  », 
il  a  ajouté  :  «  ou  mieux  de  ficelle  ou  de  fil  très  long.  Ce  goémon 
est  recherché  à  Roscofi?"  comme  un  excellent  engrais.  Ar  filit  a 
âv  mad  da  diriiipa  »  (lefilit  est  bon  à  fumer  la  terre). 

M.  du  Rusquec,  dans  son  Nouveau  dict.,  donne  :  félii-morm., 
goémon,  voyez///;  /?//  m.,  espèce  de  varech  long  et  mince, 
voyez  félu. 

Il  est  possible  que  /dit  et  ////  soient  simplement  des  méprises 
suggérées  par  le  désir  de  rapprocher  les  deux  mots  felii  et  filit. 

3.  La  préoccupation  étymologique  a  joué  encore  un  rôle 
d'autant  plus  tâcheux  qu'il  reste  latent,  dans  l'article  où  Bullet 
attribue  au  breton  un  mot  «■  felu,  excrément  ».  Ce  mot  n'est 
autre  que  fell,  donné  avec  ce  sens  par  Grég.  ;  Bullet,  qui  n'y 
regardait  pas  de  trop  près,  a  expliqué  par  là,  sans  le  dire,  felu- 
mor  comme  une  variante  de  *fell-inor  «  excrément  de  la  mer, 
ce  qui  est  rejeté  par  elle  »  ;  il  en  a  conclu,  toujours  sans  le 
dire,  que  fell  et  felu,  c  est  tout  un  ;  puis  il  a  carrément  affirmé 
que  felu  veut  dire  «  excrément  ».  Voilà  où  mène  la  prévention 
étymologique. 

4.  M.  d'Arhois  de  Jubainville,  Etudes  grammaticales,  I,  66, 
a  vu  dans  /('///  un  sufiixc  celtique  -ovo-s,  -avo-s,  comme  dans 
Indu,  cendres.  Mais  ceci  n'est  pas  justifié  phonétiquement, 
et.  ibid.,  9,  10;  il  est  naturel  d'attribuer  la  forme  prise  par  la 
finale  de  ludu.  à  l'influence  du  premier  // ;  cf.  Rev.  Celt.,  IV, 
466,  467;  XIV,  320;  Gloss.,  379,  etc. 

5.  Cette  assimilation  fréquente  doit  aussi  être  mise  en  cause 
dans  le  cas  de  fiibn,  moucherons  :  le  vannetais,  qui  a  toujours  ici 
l'initiale  huib,  ne  présente  jamais  cet  -u.  Fibu  etc'hvjibu  peuvent 
être  le  produit  de  deux  analogies  inverses.  Cf.  mes  Notes  d'étym., 
83-87  (n"  57).  Le  Lexique  regarde  fibu  comme  dissimilé  de 
fubu;  je  ne  vois  aucun  exemple  d'un  paixil  phénomène. 

M.  du  Rusquec,  dans  son  Nouv.  dictionnaire,  rapproche 
c'houibuen  du  v.  bret.  guohi  frelons,  qui  est  tout  ditîérent,  cf. 
Gloss.,    428.   A    «  c'houibii  s   m.    Moucheron    »,    il  ajoute  : 


Sur  iF.lymologic  bretonne.  71 

«  Jubainvillc  le  tire  de  cbo-sc  ».  La  source  de  cette  information 
est  le  passage  suivant  des  Etudes  grannn.,  I,  32  :  «  /vient  de 
sv  initial  : . .  .fiibn,  variante  c'hùiiibu,  moucheron  ;  or  c'ho  =  sv  » . 
Cette  façon  de  citer  est  peu  scientifique. 

6.  Dans  la  première  édition  du  Gloss.  moy.-brct.  {Méiiioires 
de  la  Société  de  linguistique,  VII,  217),  je  me  demandais  si  le 
rapport  de  fulen,  étincelle,  à  une  forme  antérieure  *ulvenn,  cf. 
élvenn,  Gr.,  se  retrouvait  entre  felu-mor  et  le  lat.  iilva  ;  en 
ajoutant:  «  Le  v.  fr.  feulu  de  mer,  m.,  algue,  God.,  serait  d'o- 
rigine bretonne,  de  même  que  goémon.  Cf.  filit...  »  La 
seconde  édition  pose  la  même  question,  p.  249.  Elle  supprime 
l'astérisque  de  ulveu,  parce  qu'il  est  attesté  par  Le  Gonidec 
(p.  225),  et  ajoute  (p.  248)  la  citation  d'une  forme  voisine, 
ùlfen.  Elle  ajoute  aussi  au  passage  cité  plus  haut  cette  restric- 
tion :  «  D'un  autre  côté,  feulu  pourrait  être  une  torme  nor- 
mande de  l'adjectif  feuillu  :  cf.  fieule,  feuille,  en  patois  du 
Bessin,  Méni.  de  la  Soc.  de  ling.  IV,  66.  » 

Cela  est  devenu  dans  le  Lexique  de  M.  Henry:  «  Fchi... 
Empr.  lat.  ulva  «  algue  »,  avec  métathèse  ;  ou  bien  dér.  d'un 
celt.  inconnu  apparenté  au  lat.  ulva.  —  Ern.  » 

Enfin  cet  article  du  Lexique  a  été  ainsi  critiqué  par  M.  Loth, 
Rcv.  Celt.,  XXIII,  119  :  «  D'après  M.  Ernault,  suivi  par  M.  V. 
Henry,  ce  serait  un  emprunt  latin  ulva,  évoluant  par  une  série 
de  métathèses  qu'il  est  inutile  de  discuter  : /<'/w  est  exactement 
le  V.  fr.  felu,  algue  ». 

7.  Jusqu'à  preuve  du  contraire,  je  crois  que  ce  «  v.  îv.  felu, 
algue  »  n'est  qu'une  réminiscence  du  «  feulu  de  mer  »  que 
j'avais  cité,  réminiscence  altérée  par  le  sentiment  trop  exclusif 
de  sa  parenté  avec  le  bret.  felu.  Cette  parenté  n'a  jamais  été 
pour  moi  en  question  ;  mais  il  s'agit  de  savoir  quelle  en  est 
la  nature.  Un  synonyme  breton  <lt  felu-mor,  goémon,  est  exac- 
tement le  V.  franc,  gouesmon  ;  cela  empèche-t-il  le  mot  d'être 
d'origine  celtique  ? 

Notons  à  ce  propos  combien  le  Lateiniscb-ronianisches  IVœr- 
terb.,  2"^  éd.,  1901,  est  en  retard,  dans  son  article  «  Kelt.  gou- 
mou  »  !  (n°  4304).  Voir  Gloss.,  283  ;  le  fournal  des  Savants, 
août  1897,  P-  495  >  496?  etc.  Le  Lexique  donne  gou)non  comme 
vieilli,  ce  qui  n'est  pas  exact  pour  tous  les  dialectes.  On  dit 


72  E.  Ernaiilt. 

en  vân.  goumoil,  goiiwh  m.,  goémon;  goumonat,  gomonat,  aller 
chercher  du  goémon. 

8.  Felu-mor  est-il  aussi  d'origine  celtique  ?  C'est  ce  que  j'ai 
cherché,  en  indiquant  de  quelle  façon  il  pourrait  être  parent 
du  Lit.  ulva  et  aussi  du  mot  de  sens  voisin  filit. 

Mais  les  définitions  distinctes  citées  plus  haut  (§  i  et  2)  de 
felu-mor  et  de  filit  engagent  à  séparer  ces  deux  mots.  Felu- 
mor  désignant  proprement  une  algue  qui  a  quelque  ressem- 
blance avec  la  laitue,  vient  sans  difficulté  du  v.  {ra.nç.  feulu  de 
mer,  si  celui-ci  veut  dire  littéralement  «  (végétal)  feuillu  qui 
vit  dans  la  mer  «;  cf.  v.  fr.  fuellu,  follu,  foullu,  etc.,  feuillu; 
feul,  feule,  feulle,  feuille. 

9.  Quant  i\  filit,  dont  la  forme  est  celle  d'un  fil  très  long, 
il  paraît  dériver  de  ce  français  fil . 

M.  Loth,  Ami.  de  Bret.,  XV,  391,  400;  XVI,  139,  compare 
filit  à  park  filixou,  nom  d'un  champ  à  Plogofi,  et  à  banal  fil, 
genêt  cultivé,  plus  développé  que  le  genêt  ordinaire,  en  ajoutant 
avec  doute  le  gall.  ffill,  tour,  ffillio,  tordre,  entrelacer.  Mais  la 
tamille  armoricaine  de  ces  mots  gallois  devrait  avoir  /  mouillé; 
bamil  fil  parait  plutôt  être  littéralement  «  genêt  de  fil  »  (=: 
allongé  comme  un  fil,  ou  peut-être  dont  on  tire  du  fil,  de  la 
filasse  ?). 


VIII.  —  FIL,  FILEN,  FILENNEIN;  FEILHEN,  FOL- 
LEN;  DELIEN;  FILOUR,  FILOUTER;  FILACH, 
FILAJ,  FILAfO,  FILAJEIN,  FILAN,  FILA,  FIFO, 
FIREIN;  FILOCHENN,  FILOCHER. 

I.  Le  petit  trécorois  //'/,  intelligence,  idée,  ruse,  vient  du 
français  populaire  fil,  adresse,  habileté.  Fil  se  dit  aussi  en 
Goello,  comme  me  l'apprend  M.  Vallée  ;  les  exemples 
qu'il  en  a  recueillis  le  montrent  toujours  associé  au  verbe  haout, 
comme  dans  l'expression  «  avoir  le  fil  »,  que  L.  Rigaud  attribue 
au  jargon  des  voyous,  cf.  Rev.  Celi.,  XV,  364:  red  e  haout  fil 
eiuit  arriout,  il  faut  avoir  du  savoir-faire  pour  réussir;  an  holl 
no  deu:(  ket  ar  mcmey^fil  da  vevaîi,  tout  le  monde  n'a  pas  le 


Sur  l'Ëtymologie  bretonne.  7  5 

même  truc  pour  gagner  sa  vie  (Coadout)  ;  ftl  en  ncii:^,  il  a  de 
l'adresse  ;  hennez^  'n  eu^  re  a  fil,  il  a  trop  de  finesse  ;  henne^^  'n 
eii:^  kcmcnt  fil  a  ^o,  il  a  toutes  les  ruses. 

Ceci  appuie  l'explication  de  Delvau  :  fil,  adresse,  habileté 
«  dans  l'argot  du  peuple,  qui  assimile  l'homme  à  un  couteau»; 
et  de  Rigaud  :  «  allusion  au  til  d'un  couteau,  d'un  rasoir  ». 
Cf.  l'expression  familière:  «  C'est  une  fine  lame  »,  voir  aussi 
Notes  d'étym.,  95  (n°  63).  On  dit  de  même  dans  le  Bas-Maine 
avé  l  fil,  avoir  de  l'adresse  pour  faire  ses  aftaires  (Dottin); 
dans  le  Midi,  avé  loti  fiéu,  être  fin,  habile,  adroit  (Mistral). 

2.  De  là,  en  haute  Cornouaille,  filen,  ruse  ;  en  van.  filennein, 
débaucher  (une  fille),  n'en  dés  meit  erré  sot  hhn  lausqu  de  filenein 
guet  er  merhet  «  c'est  à  foire  aux  sots  à  se  laisser  embabouiner 
par  les  femmes  »,  Châl.  ms;  filennour,  trompeur,  séducteur. 

3.  Filen,  f.,  pi.  -non  «  partie  mince  d'une  planche,  éclat 
allongé  »,  du  Rusq.,  Nouv.  dict.,  s'il  est  exactement  rapporté, 
pourrait  être  le  même  mot,  en  un  sens  voisin  de  l'acception 
primitive.  Mais  j'y  verrais  plutôt  ^//m,  que  Pel.  cite  commeune 
variante  cornouaillaise  de  fi^llen  dans  fillen-coar,  rayon  de  miel, 
fillen-paper,  feuille  de  papier.  Roussel  nis  a  aussi  ces  deux  expres- 
sions, sans  indication  de  dialecte.  Il  n'y  a  aucun  renseignement 
sur  la  prononciation  des  /.  Cf.  cette  note  de  Milinà  l'article  de 
Troude,  fiillenn  f.,  feuille  de  papier,  de  métal,  page  d'un 
livre,  etc.  :  «  Ce  mot  n'est  pas  de  Léon  où  l'on  dit  fcillen... 
feillen  ne  se  dit  que  du  papier  et  du  fer-blanc  et  du  bois  scié.  » 
Feillen  (par  /  mouillé)  =  vAnn.  feillenn,  pi.  eu,  feuillet,  Châl., 
feilhenn,  Gr.,  du  fr.  feuille,  anciennement  aussi  feille;  cf. 
feilhetès,  feuilletage,  pâte  feuilletée,  feilheiir  «  feuillure,  cane- 
lure  de  portes,  de  fenêtres  »,  Gr.,  van.  feuillure,  m.  l'A. 

3.  L'emploi  figuré  du  mot  «  feuille  »  a,  comme  on  voit, 
plus  d'extension  en  breton  qu'en  français.  Il  a  lieu  aussi  pour 
l'expression  celtique  correspondante.  Delienn,  selon  Troude,  se 
dit,  en  poésie,  d'une  tranche  mince  de' pain;  Milin  ne  fait  pas 
cette  restriction,  dans  sa  note  à  follenn  :  «  Le  mot  deillen  s'ap- 
plique particulièrement  au  feuillage  des  arbres  et  des  plantes, 
et  aussi  au  pain  coupé  en  tranches  légères,  en  delien  vara.  » 

Delyen  a  des  formes  sans  y,  par  l'influence  desquelles  on  peut 
expliquer  l'absence  d'/  mouillé  dans  foleenn,  follen. 


74  E.  Ernaull 

4.  Le  haut  cornoLiaillais  obcr  filach,  pi.  eu,  réussir,  tient 
aussi  à  l'idée  àc  filen,  filennein.  Il  concorde  matériellement  avec 
fildj ,  veillée,  avec  ou  sans  danse,  mont  d'ar  filàj,  aller  à  la 
soirée^  à  la  danse  de  nuit,  cboin  dafildjo,  rester  à  veiller,  faire 
la  veillée,  rester  tard,  ibid.  ;  v.\n.  filage,  filerie,  pi.  -geu,  Châl., 
f.,  filerie,  veillée  VA.,  filage,  réunion  du  soir,  Choas,  136,  filaj, 
veillée,  Est,  54,  Livr  el  Labourer,  26,  pi.  eu,  52,  Est,  52,  Foér 
Veriadeh,  24,  fiJaj  m.,  pi.  -eu,  veillée,  Exerc,  ^6  ;  filajerlon, 
ceux  qui  sont  à  la  veillée,  Est,  56,  du  sing.  filajour;  filagein, 
veiller  à  la  filerie,  l'A.,  etc.;  cf.  v.  fr.  filage,  action  de  filer, 
filloir,  machine  à  filer,  fillouer,  atelier  où  l'on  fabriquait  du  fil, 
=  dans  rille-et-Vilaine  fihua,  veillée,  voir  E.  Pichot,  Ann.  de 
Bret.,  XV,  376. 

5.  Le  van.  filour,  filou,  Châl.  nis,  parait  une  adaptation  de 
ce  mot  français,  dont  l'origine  est  controversée.  Grég.  donne 
hors  de  Vannes  filouter,  pi.  -éryen,  filou,  qui  vole  par  adresse, 
par  surprise  ;  filou tére:(,  pi.  ou,  filouterie,  filouti,  filouter.  On 
dit  dans  le  Haut-Maine  filou,  enjôleur  (de  Montesson),  dans 
le  Bas-Maine  filou,  enjôleur  de  filles,  hypocrite,  filouté,  flatter, 
voler  (Dottin),  cf  filouser  et  filouter,  foire  le  filou,  à  Baugé 
(Ménière,  Gloss.  angevin^  ;  cela  permet  de  supposer  un  haut 
breton  *filoux,  qui  rappelle  le  van.  fileiinour.  M.  du  Rusq.  donne 
/ilout,  pi.  ed,  ei  filouter,  pi.  ien,  filou,  du  fr.  ;  liloutere::^,  f.,  pi. 
ed,  femme  qui  voXn;  filouta,  filouter. 

6.  Le  franc,  filer  a  plusieurs  sens  très  distincts.  Une  parodie 
de  la  chanson  «  Il  pleut,  il  pleut,  bergère  »  contient  cette 
plaisanterie  : 

Ma  mèr'  s'  moqu'  bien  qu'on  s"  mouille; 
A  m'  dit  :  Veux-tu  t'  'n  aller. 
Ou  j'  vas  prend'  ma  quenouille 
Pour  te  faire  filer  ! 

Le  verbe  breton  correspondant,  riche  aussi  à  cet  égard,  a, 
comme  ici,  le  sens  d'  «  aller  vite  »,  ou  «  s'en  aller,  s'échapper, 
décamper  »  en  petit  Tréguier  et  Goello  :  î^iuasah  filan  re  !  comme 
il  filait  ! 

De  là,  d'un  côté  le  sens  de  «  céder,  ne  pas  oser  tenir  tête  », 
dans  le  cornouaillais  filo  (ce  qui  rappelle  le  franc,  fier  doux^; 


Sur  rpjymologie  bretonne.  75 

de  l'autre,  l'acception  active  «  ôter  »  dans  le  bas  léonais  fila  : 
fila  t-  dok,  ôter  son  chapeau  (Vallée);  cf.  filer  la  carte. 

Je  crois  qu'on  doit  joindre  à  fila  le  van.  firein,  qui  a  exacte- 
ment le  même  sens  dans  Châl.  uis:  «  il  faut  filer  doux  devant 
lui...  leiiel  guetou,  quelques-uns  disent  firein  i^netou  ». 

7.  Filochenn,  pi.  ou  «  retailles,  que  l'on  taxe  les  tailleurs 
d'emporter  »,  Gr.,  vient  du  tr.  filochc,  sorte  de  tissu,  au 
centre  de  la  France  «  frange  d'une  étoffe  »  Jaubert,  cf.  effi- 
locher. 

Filocber,  pi.  -cbcryen,  filotier,  celui  qui  prépare  le  lin  ou  le 
chanvre,  le  séparant  de  l'étoupe,  fém.  -cherès,  pi.  -chcresed,  Gr., 
vient  de  ce  mot  français. 

Sur  ses  synonymes  vannetais  Jisîoiipér  et  huillasslrour,  voir 
Notes  d'étym.,  n°^  34  et  55. 


IX.  —  CHIVONEN ;  ChANNÉ;  CHALA,  ME  CHAL, 
EN  EU  DRECHALA. 

1.  M.  l'abbé  Le  Goff  m'a  appris  qu'à  Brandivy  et  Plumergat 
on  d'ncbivonen,  écume.  C'est  certainement  un  mélange  des  deux 
synonymes  chtiuien  et  ivoncn. 

2.  Un  fait  du  même  genre  a  dû  se  passer  dans  le  mot  plus 
connu  channai  m.,  ennui,  channaiein,  charmai,  ennuyer,  chan- 
naiuss,  ennuyeux,  que  l'A.  donne  en  même  temps  que  annal, 
annaiein,  annaiuss.  On  prononce  channè,  channéein,  chahnc, 
chahnéus,  et  anné,  ahnéein,  annéiis.  Ces  derniers  viennent  du 
franc,  ennui.  Quelle  autre  famille  est  venue  s'y  mêler  ? 

Le  van.  ne  semble  présenter  de  rapport  possible  qu'avec  chi- 
fein,  chagriner,  affliger. 

2.  Cependant  il  a  eu  aussi  un  mot  dont  le  sens  moins  fort 
conviendrait  mieux.  C'est  le  correspondant  de  iala,  s'attrister, 
Maun.,  jald,  en  hem  jala,  s'impatienter,  jalaniand,  pi.  -nchou, 
impatience,  juins,  inipatient,  chagrin,  de  mauvaise  humeur, 
Gr.,  chala  en  Léon  et  Cornouaille,  chagriner, /'rt/a  «  dans  l'usage 
ordinaire...  importuner,  chagriner  »,  «  M.  Roussel  écnxoït  Jala, 
ou  Chala,  se  chagriner  »,  Pel.,  «  Jala,JaH,  c'hali,  se  chagriner, 


76  E.  Ernaiih- 

se  dépiter,  s'impatienter  »,  Roussel  nis;  chah,  jala,  a.  et  n., 
chagriner,  agacer,  impatienter;  se  chagriner,  s'impatienter, 
être  de  mauvaise  humeur,  Gon.,  Trd,  chalu::^,  jalu^,  chagrin, 
impatient,  qui  est  souvent  de  mauvaise  humeur,  Gon.,  chai  m., 
impatience,  id.,  dict.  franc. -bret.  ;  chai  m.,  inquiétude,  beza  e 
chai  gant  eunn  den,  être  inquiet  de  quelqu'un  ;  be^a  e  chai  da  ober, 
n'être  pas  disposé  à  faire  une  chose  pénible,  désagréable,  Trd  ; 
dans  cette  phrase,  Milin  a  effacé  la  négation  et  les  deux  derniers 
mots,  en  ajoutant:  «  Ce  mot  ne  s'emploie  jamais  qu'avec  la 
négation,  et  plus  souvent  appliqué  aux  choses  qu'aux  personnes. 
On  dit  cependant  iieiiiaoïin  kct  e  chai  gant-han,  gant-hi,  je  ne 
raffole  ni  de  lui  ni  d'elle  ».  M.  du  Rusquec  donne  chai  m., 
impatience  (comparé  à  «  l'anglais  shal  »!);  chai  m.  «  Sans 
nécessité,  ncnioiin  ht  hé  chai ,  je  ne  me  soucie  pas  »  ;  chalu~, 
chagriné,  peiné;  chala,  a.  et  n.,  chagriner;  jala,  chala,  se 
plaindre, /rt/rt///^?;;^/,  chalaiiiaiid  m.,  pi.  ou,  chagrin,  «  grec  ujjm, 
frappe  »  ! 

Le  van.  n'a  de  cette  famille  que  jalus  chagrinant,  chagrin, 
adj.  Châl.  lus,  et  l'expression  mechal,  qu'on  ne  sait  plus 
décomposer  :  Mechal  pin  en  dès  reit  er  gnéled  d'is  ?  qui  donc  t'a 
donné  la  vue?  Hisioér  santél,  1896,  p.  m,  =^  me  chai,  je 
m'inquiète,  je  me  préoccupe  (de  savoir)... 

3.  Pel.  doute  que  chala  soit  breton  d'origine,  et  remarque 
qu'on  dit  dans  les  provinces  voisines  de  la  Bretagne  achaler  : 
«  vous  m'achah\,  vous  me  chagrinez.  »  Ceci  est  exact.  Du  côté 
de  Laval,  on  dit  familièrement,  par  exemple:  «  Ah!  j'  m'a- 
chale-t-i  !  ».  Cf.  achaler,  ennuyer,  contrarier,  Haut-Maine  (de 
Montesson)  ;  ennuyer,  agacer,  déchaler,  désennuyer,  Bas-Maine 
(Dottin);  achalé,  fatigué,  Ménière,  Gloss.  angevin. 

Milin  m  s  compare  aussi  avec  raison  le  v.  franc,  chaloir,  sou- 
cier; de  même  M.  Henry.  Cf.  dans  le  Midi,  me  chale  de  t'  ausi, 
ta  voix  fait  mes  délices.  Mistral  (=  je  me  plais  à  t'entendre), 
italien  se  vi  cal  di  me,  si  vous  avez  de  l'attachement  pour  moi, 
non  me  ne  cale,  peu  m'importe;  à  Saint-Brieuc,  chaut  pas  guère  ; 
français  nonchalant,  etc. 

4.  Un  composé  de  ce  mot  est  en  bas  Trégmci'  en  em  drechala, 
en  eni  drechali,  s'agiter,  se  préoccuper  (Vallée);  il  est  formé 
comme  irechwe:^!,  souffler  fortement  et  avec  effort,  Pel.,  etc. 


Sur  l'Ëtymologie  bretonne.  77 


X.   —  KOUMERZ,    KONVERS,   KEMM,    GWERZ ; 
CHAS,  HÉALAT;  GUINHEZR. 

1 .  Le  français  conunercc  a  donne  en  breton  commerce . . .  en  m., 
commerce,  négoce  l'A.,  kouiiwr-  m.,  id.,  kear  gotimer-,  ville 
commerçante,  koiimersant  m.,  commerçant,  J.  Moai,  Supplément 
kxico-grammatical  au  dictionnaire. ..  français-breton  du  colonel  A. 
Troude,  Landerneau,  1890;  koumeri  m.,  commerce,  koumerzj, 
V.  n.,  faire  du  commerce,  du  Rusquec. 

Ce  mot  a  été  aussi  altéré  par  l'influence  du  tranç.  converser, 
en  moy.  bret.  coniiersaff,  conuerssifu.  De  là,  tréc.  delc'helkonver:^, 
derchen  eur  chômer  s,  tenir  un  commerce  ;  kât  kohvers  gant,  avoir 
des  rapports,  s'entendre  avec;  mont  rnad  ra'r  chohvers  etre^e, 
ils  s'entendent  bien,  ils  sont  en  bons  termes,  cf.  Gloss.,  118. 

2.  Troude  donne  kemm-weri  m.,  commerce  en  général,  et 
M.  du  Rusquec,  kemm-weri  m.,  commerce,  de  kemm,  échange, 
gijuer:;^,  vente.  Ce  mot  est  une  refonte  de  koumer^  d'après  des 
éléments  celtiques.  Son  emploi  aurait  besoin  d'être  vérifié.  Ces 
sortes  de  calembours  par  à  peu  près  sont  nssez  fréquents  en 
gallois,  comme  l'a  remarqué  M.  Zimmer;  par  exemple,  «  capi- 
taine »,  anglais  caplain,  y  devient  cadben  d'après  cad  et  pen  (chef 
de  bataille). 

Les  mots  bretons  ainsi  forgés  passent  moins  facilement  dans 
l'usage  réel  que  dans  les  recueils  de  lexicographes  sans  critique. 
Tels  sont:  chasbcala,  héler  les  chiens,  «  de  chas  chiens  et  de 
héala  héler  »;  kon)iher:^  m.,  chasseurs,  de  koun,  chiens,  et 
«  heri  har:^,  aboiement  »,  dans  le  Nouveau  dictionnaire  pratique 
et  étymologique  de  M.  du  Rusquec,  qui  n'a  pas  cependant  poussé 
la  logique  jusqu'à  enregistrer  à  leurs  places  ces  fantastiques 
héala  héler,  her^,  aboiement.  C/jai/^râ/a  vient  d'une  explication 
arbitraire  de  chaséal,  chasser,  par  chas  et  héala,  diriger  (H.  de 
La  Villemarqué,  dict.  bret.-fr.  de  Le  Gonidéc);  ce  dernier  est 
«  héala,...  he'alat  v.  n.  Gouverner  la  charrue  »,  Gon. 

Sur  l'origine  de  l'erreur  relative  à  ^kounher:^,  voir  mes  Etudes 
d'étyniologie  bretonne,  50, 5 1  (n°  XX,  §  10).  H.  de  La  Villemarqué 
n'en  est  pas  le  premier  auteur.  Pel.  a  cet  article:  «  Goimbers, 


78  E.  Ernault. 

chasseur.  Je  ne  l'ai  trouvé  que  dans  un  seul  Dictionnaire  assez 
ancien...  C'est  un  composé  de  Coiin,  pi.  de  Ki,  chien,  et  de 
Hers,  d'où  vient  Hersai,  pousser,  exciter...  »  La  source  de  Pel. 
pouvait  Tponcr^guinher:^,  variante  du  nioy.  hïei.guinhe:^-,  veneur, 
cf.  Ghsss.,  306;  il  l'a  lue  et  reproduite  avec  la  disposition  des 
celtonianes,  à  voir  dans  toutes  les  syllabes  bretonnes  autant 
d'éléments  signiHcatifs,  explicables  par  la  môme  langue. 


XI.  —  MERIER,   ME  NIER,    MANIER,   MANIEL, 
MAGNER,  MENI  ;  PEUPLI  ;  MENESTIN. 

I.  M.  Loth  a  proposé,  Rev.  Celi.,  XXIV,  356,  de  regarder 
«  le  haut-vannctais  nicricr,  bruit  confus;  ur  merier  voeh,  un 
bruit  confus  de  voix  (Châlons)  »  comme  un  composé  britto- 
nique  =  *mer-gcr,  littéralement  «  folle  parole  «.  Je  crois  que 
ce  mot  n'est  ni  brittonique,  ni  môme  vieil  armoricain,  et  qu'il 
est  dû  à  une  altération  purement  vannetaise  du  français  ma/z/Vr^. 

Châl.  lus  donne,  au  mot  bruit:  «  un  bruit  confus  »,  ur  merier 
brut;  «  des  voix  confuses  »,  ur  merier  uoeJj;  au  moi  fièvre: 
ft  fièvre  lente,  ///■  merier  derhiaii  »  ;  au  mot  lent  :  «  une  fièvre 
lente  »,  ////  da riant  laiil',  ur  marier  (mot  elfacé  ensuite)  wfr/V;' 
dariaiil.  Au  point  de  vue  du  sens,  l'interprétation  «  bruit  con- 
fus »  ne  convient  nullement  à  ce  dernier  exemple,  qu'on  peut, 
au  contraire,  expliquer  sans  difficulté  «  une  manière,  une  sorte 
de  fièvre  »,  comme  les  deux  autres  «  une  sorte  de  bruit  », 
«  une  sorte  de  voix  ».  Des  expressions  de  ce  genre  sont  d'ail- 
leurs très  tréquentes.  Au  mot  manière,  Châl.  nis  traduit  «  une 
manière  de  gentilhomme  »:  ////  manier  entra;  cf.  moy.  bret. 
vn  manier  oliff  «  c'est  une  manière  doliue  »,  Cathol.  /;,  v. 
oliuen,  etc.  Elles  ont  parfois  en  français  une  nuance  dépréciative, 
comme  dans  ur  nwrier  brut,  une  sorte  de  bruit  (que  je  ne  puis 
définir),  un  bruit  confus;  ur  merier  uoeJj,  une  sorte  de  voix 
(peu  distincte),  voix  confuse. 

Quant  à  la  forme,  elle  est  très  variable;  l'emploi  de  ce  mot 
comme  une  sorte  de  préfixe  l'exposait  à  des  perturbations  pho- 
nétiques qui  pouvaient  ensuite  se  généraliser.  Grégoire  donne 


Sur  l'Étymologic  bretonne.  79 

hors  de  Wmncs  tuafixell-niaurycDi,  moricaud,  avec  un  change- 
ment d'r  en  /  justifiable  ici  par  la  dissimilation,  cf.  Gloss., 
22,  etc.  ;  mais  on  lit  en  léonais  inaniel  cas,  quelque  sentiment 
de  haine,  ar-vaiiiel-cas-se,  cette  aversion,  Bali,  235  ;  et  par 
ailleurs  niauiel,  air,  contenance,  184,  etc.  ;  van.  rnnnniék,  espèce. 
Nous  venons  de  voir  dans  Chàl.  ins  la  trace  d'une  hésitation 
entre  merier  et  marier;  l'auteur  aurait  pu  aussi  bien  hésiter  sur 
le  premier  r  :  en  même  temps  que  manier,  il  avait  probablement 
à  sa  disposition  meniér,  dont  j'ai  cité  deux  exemples  vannetais 
de  1861  et  1873:  iir  meniér  bouistr,  une  sorte  de  boîte,  er 
meniér  fang-:^é,  cette  sorte  de  boue,  Gloss.,  390;  cf. 

Des  hun  pedet  de  meniér  Jesl 
Nenna  Bréh  get  Luei:^^  Gall,  hé  mest 

«  qui  nous  a  invités  à  une  commémoration  du  mariage  d'Anne 
de  Bretagne  et  de  Louis  de  France,  son  royal  époux  »,  Revue 
de  Bretagne,  de  Vendée  et  d'Anjou,  juillet  1899,  p.  61. 

Marier  et  merier  sont  des  variantes  de  manier,  meniér  légi- 
times en  vannetais,  ce  dialecte  pouvant  changer  en  r  un  n 
entre  voyelles,  d.  Gloss.,  391  ;  Notes  d'étym.,  140  (n°  74,  §  6). 

Ainsi  merier,  mot  propre  au  vannetais,  s'explique,  quant  à 
la  forme,  par  deux  particularités  de  ce  dialecte  :  changement 
d'à  en  e  dans  manier,  meniér,  manière,  et  d'//  en  r  dans  d'autres 
cas  du  même  genre;  quant  à  son  emploi,  c'est  un  de  ceux  du 
mot  français  manière,  que  celui-ci  a  passé  au  breton  moyen  et 
à  d'autres  dialectes  du  breton  moderne. 

2.  Faut-il  ajouter  à  ces  modihcations  variées  de  manier  le 
van.  me)ii,  Gloss.,  390? 

M.  Loth  a  objecté,  Rev.  Cell.,  XYIII,  395,  que  manier  existe 
et  a  une  variante  magner  en  bas  vannetais.  Nous  venons  de  voir 
qu'il  y  en  a  plus  d'une,  entre  auirc^  meniér,  qui  esta  mi-chemin 
entre  manier  et  meni. 

3 .  Mon  savant  contradicteur  s'est  demandé  si  meni  ne  repré- 
senterait pas  le  français  manie;  étymologie  que  j'ai  écartée, 
Rev.  Cell.,  XX,  200,  à  cause  du  sens,  et  parce  que  la  chute  de 
-er  me  paraissait  certaine  dans  d'autres  mots  du  même  dialecte. 

Le  premier  point  est  facile  à  vérifier.  Je  n'ai  trouvé  dans  les 
dialectes  bretons  aucune  trace  de  manie,  ni  dans  les  emplois  du 


8o  E.  Ernault. 

van.  meni  rien  qui  rappelle  le  sens  du  mot  français  allégué. 
Tout  ce  qui  distingue  meni  de  manier,  nieniér,  merier,  c'est  que 
l'A.  n'emploie  que  la  première  de  ces  formes;  qu'il  en  fait  un 
usage  plus  fréquent  et  plus  libre  que  les  autres  textes  ne  le  font 
de  manier,  menier,  et  que  pour  lui  c'est  souvent  un  vrai  préfixe, 
bien  qu'il  donne  comme  nom  masculin  meni  «  manière,  sorte  «, 
«  race  »,  «  engeance  »,  «  espèce  ».  Il  le  fait  synonyme  de 
manniéle  m.,  espèce,  et  de  ^oiirr  m.,  manière,  sorte,  qui  n'est 
autre  que  le  préfixe  gour-  :  cf.  encore  v.  huguenot  où  il  traduit 
«  Manière  ou  espèce  de  »  (huguenot),  «  Meni  ou  Gourr-Hugue- 
nautt  ».  Il  y  ajoute  d'ordinaire  un  trait  d'union:  meni-foll, 
tolâtre,  nwni-volanté,  velléité,  nieni-bosseenn,  tac,  maladie,  d'où 
l'adj.  meni-hossennêc  (fièvre)  putride  (v.  sudorijique^,  etc.  Je  crois 
que  Cillart  s'est  servi,  pour  ces  formations,  d'une  prononciation 
réduire  de  menier,  qu'il  a  trouvée  dans  quelque  variété  de  la 
langue  et  qu'il  l'a  préférée  précisément  à  cause  de  sa  brièveté. 
S'il  a  été  influencé  par  quelque  mot  français,  ce  mot  ne  peut 
être  que  demi.  Mais  ceci  est  fort  peu  probable. 

4.  Le  rapport  de  menier  à  nn'iii  se  retrouve  en  van.  entre 
huiérr,  hiiérr,  égoût,  et  loul-Jjiii,  trou  d'un  fossé  pour  attirer 
l'eau  l'A.,  du  fr.  évier;  cf.  daripoennie,  arrière-point,  où  la  com- 
binaison des  mots  derrière  et  arrière  a  donné  le  préfixe  dari-. 
On  peut  citer  aussi  le  trécorois  givéen  heupii,  un  peuplier,  pi. 
gzué  peupli;  koai peupli,  du  peuplier,  quelquefois /)()/)//,  que  je  ne 
vois  pas  moyen  d'expliquer  autrement  que  par  le  franc,  peuplier. 

Tous  ces  mots  sont  d'origine  française  ;  je  crois  que  leur 
traitement  appartient  aussi  à  une  phonétique  romane.  En  eft'et, 
la  terminaison  -ier  devient-/  à  Montmartin-sur-Mer  (Manche), 
où  l'on  dit  lori,  laurier,  péri,  poirier,  Jevri,  février,  kavali, 
cavalier,  pani,  panier,  greni,  grenier,  prenii,  premier,  liji, 
léger,  aûti,  entier,  sahii,  sentier  (F.  Berthelot,  Ann.  de  Brel., 
X,  90,  91).  La  finale  -ère  reparaît  dans  les  mots  comme  franc. 
entière,  première,  rivière.  Mais  la  confusion  entre  -;>r  et -;V/r  était 
facile  en  breton  ;  le  franc,  ne  manque  pas,  d'ailleurs,  de  forma- 
tions voisines  telles  que  évier,  aiguière;  poivrier,  poivrière,  etc. 

5 .  Bullet  tire  le  franc,  manière  de  meni;  il  rapproche  l'hébreu 
)nin,  ce  qui  n'a  pas  besoin  d'être  discuté,  et  mené,  espèce,  en 
Provence  et  en  Languedoc. 


Sur  VÉtymologie  bretonne.  8i 

M.  du  Rusquec  donne  :  ))ieni  m.,  mauvaise  engeance;  «  latin 
minutiis  »  !  et  ajoute  ineni-rouc,  vice-roi,  sans  indication  de 
dialecte. 

6.  On  lit,  Foér  Veriadec,  27,  ///■  meiiesl  in  Eiitrii,  traduit  «  un 
étranger  »  ;  M.  l'abbé  Buléon  m'apprend  qu'il  faut  corriger  ur 
menestin  Euiru,  et  entendre  «  une  manière  de  monsieur  ».  Ceci 
rappelle  les  expressions  citées  plus  haut  ;  mais  il  est  clair  qu'on 
ne  peut  les  ramener  phonétiquement  au  même  type.  Menestin 
paraît  être  venu  de  m'en  est i ni  «  je  l'estime  »,  «  je  le  crois  », 
avec  nuance  ironique,  cf.  le  proverbe  319  de  Sauvé:  Salud, 
aotroii,  mar-d-oc'h  «  salut,  monsieur,  si  vous  l'êtes  ».  Ur  menestin 
Eutru  serait  proprement  «  un  monsieur,  je  le  crois  »,  c'est-à-dire 
«  un  monsieur,  à  ce  qu'il  semble  »  ;  il  y  a  dans  les  Plaideurs 
une  restriction  badine  du  même  genre  :  «  sa  fille,  au  moins 
soi-disant  telle.  » 

Le  même  verbe,  moy.  bret.  estiniaff,  estimi,  estyni,  estimer, 
croire,  moderne  istinioiit,  istinia,  van.  istimeih  Gr.,  a  donné  lieu 
à  une  autre  expression  tamiliére,  c'est  le  tréc.  c'hivistiin  ?  pensez- 
vous  ?  pour  c'houi  istini,  vous  pensez,  Rev.  Celt.,  XVIII,  328. 


XII.  —  A  ZREBI,  A  ZREBU 

I.  Un  texte  vannetais  de  17I15  porte  :  a  :;^rebi  er  pœnn  béd  er 
groiiiss  et  à  ^rebi  er  gouc  béd  er  grouiss.  M.  Loth  a  traduit  le  pre- 
mier passage,  Rev.  Celt.,  VIT,  327  :  «  du  sommet  de  la  tête  à 
la  ceinture  »  ;  le  second,  p.  331  :  «  du  sommet  du  cou  jusqu'à 
la  ceinture  »;  et  expliqué,  p.  330,  cette  expression  par  le  haut 
van.  sirebi,  léon.  trébc\,  trépied,  en  comparant  le  gall.  trybedd 
yr  ysgwydd  (le  trépied  de  l'épaule),  la  clavicule. 

J'ai  fait  remarquer,  Rev.  Celt.,  IX,  379,  380,  que  le  Dic- 
tionnaire de  l'A.  a  employé  plusieurs  fois  à  ::j'ebi,  à-:::j-ebi,  a- 
-:;j'ebi  et  à  ::^rebu,  a  :(rebu  au  sens  de  «  depuis  »,  qui  convient 
aux  deux  passages  en  question,  et  qu'on  lit  a  ~rebi  avec  le  même 
emploi  dans  un  texte  de  1857.  Je  tirais  cette  expression  de  *a- 
:{rebui,  imitation  du  français  vulgaire  du  depuis,  en  justifiant 
l'insertion  d'r  après  d  et  l'alternance  d'w  et  /  final. 

J'ai  cité,  Etudes  vannelaises,  iG  (=  Revue  Morbihannaise,  I, 
Revui  Cetliquc,  XXV.  6 


82  E.  Ernault. 

365),  d'autres  exemples  récents  de  a  ::^rebi  et  un  de  a  drebi ; 
on  peut  ajouter  a  :^rehL  depuis,  Graniniaire  de  Guillevic  et  Le 
Goff,  p.  62,  etc. 

Ayant  eu  l'occasion  de  revenir  sur  la  première  des  questions 
phonétiques  soulevées  par  cette  étymologie,  Epenihèse  des  liqui- 
des, 36  (§  45),  je  n'ai  pu  trouver  de  cas  absolument  semblable 
à  drebi  =  depuis,  ce  qui  m'a  fait  recourir  à  l'hypothèse  d'une 
influence  analogique  d'autres  équivalences  directement  expli- 
cables :  van.  dresspétt  et  desspéit,  dépit  (à  cause  de  Vu  de  enn- 
desspétt,  enn-dresspéît,  en  dépit). 

Je  crois  qu'à  la  place  de  cette  action  indirecte  de  la  phonétique 
bretonne,  il  vaut  mieux  mettre  en  cause  une  forme  française. 
A  :^rebi  se  disant  du  temps  comme  de  l'espace  a  pour  synon3mies 
en  français,  non  seulement  depuis,  mais  dès.  Or,  dès  a  un  équi- 
valent drès  :  «  drès  le  matin  »,  G.  Sand,  François  Je  Qjampi ; 
«  drès  que  le  jour  sera  venu  »,  Jaubert,  Gloss.  du  centre  de  la 
France  ;  drc,  Edmont,  Lexique  Saint-Polois.  Drebi,  *drebui 
supposerait  une  combinaison  de  ce  drès  avec  depuis. 


XIII.  —  ARDANT 

Le  haut  cornouaillais  ardant,  pi.  ou  «  quatre  chevilles  en 
bois  ou  en  fer  qui  se  trouvent  sous  la  charrette  et  servent  à 
fixer  la  corde  que  l'on  tait  passer  en  diagonale  et  en  croix  d'un 
bout  à  l'autre  de  la  charrette  pour  maintenir  la  charge  »  est 
expliqué  par  M.  Loth,  Rev.  Celt.,  XXIV,  408,  comme  venant 
d'un  celtique  *arc-lantu-,  d'après  le  gall.  lanl,  corde. 'Cette  éty- 
mologie est  irréprochable  au  point  de  vue  phonétique.  Je  crois 
pourtant  que  le  mot  est  plutôt  composé  du  breton  dafit,  dent. 

Quant  à  la  forme,  il  n'y  a  guère  de  difficulté.  On  sait  que 
l'adoucissement  de  d  en  ~  n'a  pas  lieu  partout;  nous  venons 
de  voir  en  vann.  a  drebi  à  côté  de  a  ~rebi.  Il  y  a  précisément 
en  cornouaillais  un  composé  ardu,  noirâtre,  de  du,  noir,  Rev. 
Cell.,lV,  147. 

Le  pluriel  de  daîit  est  dent  ;  mais  les  composés  ne  sont  pas 
toujours  traités  à  cet  égard  comme  les  mots  simples  ;  ainsi  leandy 
«  monastère  de  filles  »  fait  leandyou  Gr.,  bien  que  ty,  maison. 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  8^ 

fasse  tye:^,  tyêr  Gr.  Du  reste,  les  noms  Je  parties  du  corps  ont 
souvent  des  pluriels  en  ou  quand  ils  s'appliquent  aux  choses. 

Ar-dant  ainsi  compris  rappelle  le  franc,  sur-dent.  Grég.  traduit 
ce  mot  dreist-danl.  pi.  drcist-dcnt  ;  on  dit  en  Trég.  haddaht  ; 
*ardanl  en  ce  sens  n'aurait  rien  d'étonnant,  cf.  tréc.  haddorn, 
poing,  à  côté  du  léon.  arzpurn,  Epenthèse,  8. 

Un  eipploi  technique  de  cette  racine  se  montre  dans  daiilenn, 
pi.  ou,  pierre  d'attente  Gr.,  danten  f.  Gon.  =  pierre  qui  avance, 
qui  fait  saillie  comme  une  dent.  Mais  il  faut  surtout  considérer 
le  franc,  dent-de-loup  «  cheville  pour  arrêter  la  soupente  d'une 
voiture  »,  etc.,  Littré;  dent  de  loup  «  gros  clou  qui  sert  dans 
les  pans  de  bois  à  arrêter  les  tournisses,  ou  dans  les  couvertures 
à  fixer  les  chevrons  sans  assemblage  »  (Grande  Encyclopédie) . 
Comme  il  arrive  souvent  dans  le  langage  technique,  cet  objet 
a  été  désigné  en  français,  non  par  son  emploi,  mais  par  une 
image  tirée  de  son  aspect.  C'est  le  cas  de  dahtenn  et,  je  crois, 
de  ardaiit. 

XIV.  —  PLETRIN 

Ciiâl.  donne  pletrin  «  grand  coffre  où  l'on  paitrit  »,  pi.  plei- 
trinieu,  et  Grég.  en  van.  pletrin,  auge  de  bois.  Ce  mot  vient 
du  franc,  pétrin,  c'est  un  de  ceux  qui  auraient  pu  être  étudiés, 
Epenthèse,  55  (§  71).  Mais  il  n'est  point  prouvé  que  1'/  ait  été 
ajouté  par  le  breton.  M.  Mistral  donne  en  gascon  pestrin,  pres- 
tin,  pétrin,  pestri,  presti,  pétrir;  le  van.  pletrin  peut  venir  par 
dissimilation  d'une  forme  française  *pretrin,  combinaison  de 
pétrin  et  de  pre(s)tin. 

XV.  —   PILHOUSTENEK 

Le  petit  tréc.  pilhousteneh  (jupe)  dont  les  bords  déchirés 
pendent  en  lambeaux,  (poule)  aux  plumes  hérissées,  appartient 
à  la  famille  du  haut  breton  pillotoux,  chiffonier,  cf.  Gloss., 
491  ;  il  est  dérivé  d'un  nom  *pilhoust(r)en,  lambeau,  voisin  du 
\)éarnx\spelhoustre,  déguenillé;  d.  aussi  languedocien  et  gascon 
peious,  pelhous,  guenilleux,  loqueteux,  Mistr. 

E.  Eknault. 


CHRONIQUE 


SOMMAIRE:  I.  Découverte  d'une  inscription  commémorative  de  la  soi-disant  défaite 
des  Gaulois  à  Delphes  270  ans  avant  notre  ère.  —  II.  Catalogue  par  M.  Standish 
Hayes  O'Grady  des  mss.  irlandais  du  Musée  brit£,nnique.  —  III.  M.  P.  W.  Joyce, 
A  social  History  of  ancicnt  Irdand.  —  IV.  M.  René  d'Ys,  Ernest  Renan  en  Bretagne.  — 
V.  M.  Raud  et  les  prétentions  de  Gien  contre  Orléans.  —  VI.  M.  Joseph  Déchelette, 
L'oppidum  de  Bibracte.  —  VIII.  Y  Cymmrodor,  t.  XVI.  —  IX.  MM.  Guillevic  et  Le 
Golf,  Exercices  sur  la  grammaire  bretonne.  —  X.  M.  G.  Dottin,  La  religion  des  Celtes. 
—  XI.  MM.  Berthoud  et  Matruchot,  Étude  historique  et  étymologique  sur  les  noms 
de  lieux  habites  du  département  de  la  Côte-d'Or.  —  XII.  M.  Alphonse  Roserot,  Dic- 
tionnaire topograpkique  du  département  de  la  Haute-Marne.  —  XIII.  M.  Burlet,  La 
Savoie  avant  le  christianisme. 


I 

A  la  séance  de  l'Académie  des  Inscriptions,  le  23  décembre  1905,  M.  S. 
Reinach  a  fait  connaître  la  substance  d'une  très  importante  inscription 
grecque  découverte  dans  les  ruines  de  l'Asklépiéion  de  Cos  par  M.  le 
Professeur  Herzog,  de  Goettingue. 

C'est  un  décret  rendu  par  les  habitants  de  Cos  au  moment  où  leur  parvint 
la  nouvelle  de  la  défaite  des  Gaulois  devant  Delphes  (novembre  279  avant 
J.  C).  Les  habitants  de  Cos  envoient  des  délégués  à  Delphes  pour  offrir  un 
magnifique  sacrifice  aux  Pythia  et  rendre  hommage  en  leur  nom  au  dieu, 
qui  était  apparu  en  personne  pour  repousser  les  envahisseurs. 

Le  décret  est  fort  long  et  presque  entièrement  conservé.  Le  texte  en  sera 
publié  prochainement  par  M.  Herzog. 

II 

La  direction  de  la  Revue  Celtique  a  reçu,  moyennant  finances,  les  672 
premières  pages  du'  catalogue  des  manuscrits  irlandais  conservés  au  British 
Muséum.  L'auteur  de  ce  travail  est  M.  Standish  Hayes  O'Grady,  dont  les 
instructives  publications  sont  connues  de  tous  les  celtistes. 

Il  a  divisé  son  œuvre  en  cinq  parties:  1°  Histoire,  p.  1-75;  2°  Droit, 
p.  76-157;  3°  Lexiques,  p.  158-170;  4°  Médecine,  p.  171-327;  5°  Poésie, 
p.  327-672.  On  peut  se  demander  pourquoi  le  savant  auteur  a  adopté  ce 


Chronique.  8^ 

classemciu.  Parmi  les  mss.  irlandais,  un  grand  nombre  sont  des  recueils  de 
mélanges.  Ainsi,  dans  la  section  consacrée  à  l'histoire  il  y  a  des  poèmes 
nombreux.  Par  exemple,  le  nis.  Egerton  94,  p.  2-4  du  catalogue,  contient 
huit  poèmes;  dans  le  ms.  Egerton  105,  p.  25-27  du  catalogue,  il  y  en  a 
dix-sept;  dans  le  ms.  Egerton  112,  p.  34-57  du  catalogue,  trente-six.  On 
trouve  également  des  poèmes  dans  la  section  affectée  au  droit,  notamment 
dans  le  ms.  Egerton  90,  p.  76-85  du  catalogue.  Le  ms.  Egerton  88,  p.  85- 
141  du  catalogue,  qui  est  également  classé  dans  le  droit  et  dont  une  des- 
cription a  été  donnée  par  M.  Whitley  Stokes,  Thiee  irish  Glossaries,  p.  lix- 
LXii,  nous  offre  :  fos  63-76,  une  copie  du  traité  grammatical  inédit  intitulé 
Uraicept  iia  ii-cices,  qui  n'a  aucun  rapport  avec  le  droit;  f<^s  yg  et  suivant,  le 
glossaire  d'O'Davoren,  publié  par  M.  Whitley  Stokes,  'l'hrt'e  irish  glossaries, 
p.  47-121,  dont  la  place  véritable  serait  parmi  les  lexiques,  enfin,  divers  récits 
légendaires  qui  n'ont  avec  le  droit  aucune  relation.  M.  Standish  Hayes 
O'Grady  a  donc  eu  tort,  suivant  nous,  de  prétendre  classer  les  mss.  par 
ordre  de  matières;  il  aurait  dû,  imitant  Eugène  O'Curry,  laisser  les 
mss.  dans  l'ordre  des  numéros  qu'on  leur  a  donnés  au  British  Muséum, 
et,  ce  que  n"a  pu  laire  l'auteur  du  premier  catalogue,  mettre  à  la  fin  un 
bon  index. 

Autre  observation  critique. 

Dans  quelques  cas,  M.  Standish  Hayes  O'Grady  indique  les  éditions  des 
textes  dont  il  a  les  manuscrits  sous  les  yeux  ;  ainsi,  p.  92,  il  dit  que  les 
aventures  de  Condla  Ruad,  Egerton  88,- f°  11  /',  col.  i,  ont  été  publiées  par 
M.  E.  Windisch,  Kiir::^ge/asste  irische  Grammalik;  mais  il  passe  d'autres 
éditions  sous  silence  ;  notamment  à  la  même  page  92  il  néglige  de  dire  que 
les  aventures  de  Bran,  fils  de  Febal,  même  manuscrit,  fo  i\  b,  col.  2,  ont 
été  éditées  par  M.  Kuno  Mever,  Grimni  Lihrary,  n"  4  ;  et  l'extase  prophé- 
tique de  Conn  aux  cent  batailles,  i°  12  b,  col.  i,  de  ce  ms.,  par  O'Curry, 
Lcclures  on  the  manuscript  iiiaterials,  p.  620-622. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  critiques,  la  publication  de  ce  catalogue  sera 
chose  fort  utile,  puisque  jusqu'ici,  dans  la  plupart  des  cas,  lorsqu'on  voulait 
se  renseigner  sur  les  manuscrits  irlandais  du  British  Muséum,  on  était  réduit 
au  catalogue  dressé  par  Eugène  O'Curry  et  que  ce  catalogue,  resté  manuscrit, 
n'est  accessible  qu'à  Londres. 

On  pourrait  peut-être  reprocher  au  savant  auteur  quelques  développements 
inutiles  quand,  par  exemple,  il  emploie  les  seize  pages  35-50  à  nous  donner 
les  divisions  :  1°  d'une  traduction  irlandaise  moderne  delà  vie  de  saint  Patrice 
écrite  par  Jocelin  ;  2°  du  traité  de  la  messe  ;  30  du  traité  de  la  mort  composés 
par  GeofTrey  Keating;  4"  du  livre  1'=''  de  l'histoire  d'Irlande  due  au  même 
auteur.  Mais,  répondra-t-on  :  Ouod  abuudat  non  vitial,  et  on  aura  raison. 

III 

M.  P.  W.  Joyce,  si  connu  comme  auteur  de  trois  ouvrages  :  i»  TheOrigin 
and  History  of  irish  Names  of  Places  ;  2°  Old  celtic  Romances  ;  30  A  short  His- 
lory  0)  Jreland,  et  à  qui  l'on  doit  une  édition  de  la  première  partie  du  livre  I'^"' 


86  Chronique. 

de  Keating,  histoire  d'Irlande,  vient  de  publier  deux  volumes  intitulés  :  A 
social  history  oj  Aucient  hrlaiid  ^ .  Son  sujet  offre  une  grande  ressemblance 
avec  celui  qu'a  traité  Eugène  O'Curry  dans  l'ouvrage  dont  le  titre  est  :  On 
the  Manuers  and  Ciistoms  of  the  ancient  Jrish.  Dans  le  nouveau  livre  on  trouve 
plus  et  moins  que  chez  O'Curry  ;  M.Joyce  ne  donne  pas  comme  O'Curry  des 
textes  inédits,  mais  il  connaît,  sur  les  divers  détails  qu'il  traite,  les  publications 
faites  depuis  l'édition  par  W.  K.  Sullivan  de  l'ouvrage  d'O'Curry,  1873, 
c'est-à-dire  depuis  trente  ans.  Le  premier  volume  du  nouvel  ouvrage  de 
M.  Joyce  traite  successiveinent  du  gouvernement,  de  la  guerre,  des  lois, 
de  la  justice,  de  la  religion,  de  l'enseignement,  de  la  langue,  de  la  littéra- 
ture, des  arts  du  dessin,  de  la  musique.  Dans  le  second  volume,  il  est 
question  de  la  famille,  de  la  maison,  du  chauffage,  de  l'éclairage,  du  vête- 
ment, de  l'agriculture,  du  pâturage,  des  ouvriers,  des  moulins  à  blé,  des 
diverses  industries,  des  mesures,  des  échanges,  du  commerce,  des  routes, 
des  voyages,  des  assemblées  publiques,  des  jeux,  etc.,  etc.,  enfin,  de  la 
mort  et  des  enterrements. 

Les  deux  volumes  de  M.  Joyce  forment  plus  de  treize  cents  pages  in- 
octavo.  Parmi  les  nombreuses  assertions  que  ces  pages  contiennent,  il  y  en 
a  évidemment  un  certain  nombre  qui,  malgré  la  science  de  l'auteur,  peu- 
vent être  contestées.  Telle  est  l'explication  de  beltene  «  premier  mai  »,  par 
feu  de  Bel,  c'est-à-dire  du  dieu  phénicien  Baal  (t.  I,  p.  278,  279,  291).  On 
peut  citer  à  l'appui  de  cette  doctrine  quelques  autorités  irlandaises.  Dans  le 
glossaire  de  Cormac  on  lit:  Bil  .i.  o-Bial  À.  dia  hidal  uiide  Bcltinc  À.  toic 
BU.  «  Bil  de  Bial,  idole  païenne,  d'où  Belline,  feu  de  Bial  »-.  Dans  le  ms. 
H.  5.  18  du  collège  de  la  Trinité  de  Dublin,  p.  596,  on  trouve  une  doctrine 
qui  s'approche  de  celle-là  :  Beltaine,  idon  bcl-dine  ;  bel  dano  aiiim  do  idJial  ; 
is  aini  dothaissealbtha  diiie  cacha  cethra  for  seilbh  Bhcil.  «  Beltaine,  c'est-à-dire 
«  bel-dine  (nouveaux-nés  de  Bel).  Bel  est  le  nom  d'une  idole,  c'était  au  jour 
«  de  Beltaine  qu'on  offrait  à  Bel  les  nouveaux-nés  {dine)  de  tous  les  bestiaux 
«  et  qu'on  l'en  mettait  en  possession.  »  Mais  le  viel  auteur  n'est  pas  sûr 
de  cette  étvmologie,  car  immédiatement  il  en  propose  une  autre  qu'il 
emprunte  au  glossaire  de  Cormac  dans  un  endroit  différent  de  celui  que 
nous  avons  cité  en  premier  lieu  :  Bil-liitc  .i.  Une  t-soinmeach  «  Bil-tine  », 
c'est-à-dire  «  feu  heureux  »  ;.  Q.uoi  qu'il  en  soit,  il  paraît  avoir  tiré  sa 
première  doctrine  du  Tochiiiarc  Emere  «  Demande  en  mariage  d'Emer  par 
Cûchulainn  »,  publiée  par  M.  Kuno  Meyer  ;  cette  pièce,  en  effet,  débute 
par  les  mots  :  Do-asselblhea  diiie  cacha  cethrae  for  se[i\lb  Be[i]l.  Bel-dine  iaroni 
.i.  belUine.  «  On  présentait  les  nouveaux-nés  (dine)  de  tous  les  bestiaux  à 
«  Bel  et  on  l'en  mettait  en  possession.  De  là  beldine,  forme  primitive  de 
«  belliiie,  nom  du  premier  mai  4.  »  De  ces  textes,  conclure  que  Bel  fut  un 
dieu  phénicien  est  un  peu  hardi. 

1.  Longmans,  Green  and  Co.,  39,  Paternoster  Road,  Londres. 

2.  Whitley  Stokes,  Thrce  irish  glossaries,  p.  9. 

3.  Pétrie,  Tara,  p.  84.  Whitley  Stokes,  Three  irish  glossaries,  p.  6. 

4.  Revue  Celtiijue,  t.  XI,  p.  442. 


Chronique.  •  87 

On  peut  consulter  sur  cette  question  M.  Wliitley  Stokes,  Urkeliischer 
SpitichsilMiti,  p.  164;  ce  savant  considère  bzUene  ou  belline  comme  un  com- 
posé dont  le  premier  terme  bel  serait  d'origine  indo-européenne  ;  il  en  rap- 
proche les  noms  divins  gaulois  Belcnos,  Selisaniaet  le  sanscrit  bhàla-m  «  éclat  », 
dont  le  grec  ça).o;  «  brillant  »  paraît  nous  oft'rir  une  forme  réduite  '  ,  le 
celtique  *bëh-s  en  serait  une  autre.  La  fête  du  premier  mai,  dite  en  Irlande 
Bcïtctie,  n'est  pas  autre  chose  que  la  forme  celtique  des  palilia  célébrés  par 
les  Romains;  à  Rome  les  paysans  et  les  bestiaux  sautaient  au  travers  d'un 
feu  : 

Per  flammas  saluisse  pecus,  saluissc  colonos, 

Quod  fit  natali  nunc  quoque  Roma  tuo  -. 

Cette  léte  se  célébrait  à  Rome  neuf  jours  plus  tôt  qu'en  Irlande,  c'est-à- 
dire  le  onze  des  calendes  de  mai,  autrement  dit  le  21  avril  >. 

Je  citerai  encore  un  autre  point  sur  lequel  je  ne  partage  pas  la  manière  de 
voir  de  M.  Joyce.  Il  s'agit  de  ce  que,  dans  un  livre  de  grande  valeur, 
M.  Alfred  Nutt  a  appelé  rebiiih  «  seconde  naissance  »,  une  espèce  de 
métem psychose.  On  ne  peut  contester  que  la  légende  de  Mongân  ne  donne 
un  exemple  de  seconde  naissance  :  Mongân  qui  fut  le  fils  putatif  de  Fiachra 
Lurgan,  mais  qui  avait  pour  vrai  père  le  dieu  Mananndn  mac  Lir  4,  n'était 
autre,  dit-on,  que  l'illustre  héros  Find  mac  Cumail,  revenu  à  la  vie  environ 
trois  siècles  après  être  morts.  Il  était  mort  l'an  283  de  notre  ère;  il  serait 
né  une  seconde  fois  entre  374  et  6066.  Mais  peut-on  dire  que  le  héros 
Cûchulainn  fût  le  dieu  Lug  mort  et  revenu  à  la  vie  par  une  seconde  nais- 
sance 7?  Lug  était  le  père  de  Cûchulainn;  celui-ci  avait  été,  si  l'on  veut, 
un  nouveau  Lug  comme  les  enfimts  de  M.  Joyce,  s'il  en  a,  sont  de  nou- 
veaux Joyce.  Dans  ce  que  M.  Zimmer  appelle  la  récension  X  du  Tdin  bô 
Cûailugi,  on  voit  Lug  apparaître  aux  côtés  de  Cûchulainn  8;  «  Je  suis  le 
dieu  ton  père  »,  lui  dit-il  9.  II  l'encourage  et  guérit  ses  blessures.  Puis,  peu 
après,  il  combat  de  concert  avec  lui  'o.  La  naissance  de  Cûchulainn  n'est  pas 


1.  Cl.  PrcWw'Hz,  Etyniologisches  ira'iierbuch  tier  trriechischcn  SpiLiche,  p.  338. 

2.  Ovide,  Fastes,  iV,  810,  811. 

3.  Corpus  iuscriplionttin  laliimriim,  t.  I,  2"  édition,  p.  315-316;  cf.  Mar- 
quardt,  Handbiuh  der  rocmischen  Altcttbïiuicr,  2=  édition,  t.  III,  p.  207  ; 
Preller,  Rceniiscbe  Mylboloi^k,  p.  364-369. 

4.  Compert  Mongdin,  Kuno  Meyer  et  Alfred  Nutt,  The  Voyage  of  Bran, 
t.  I,  p.  42-45- 

5.  Scél  asa  in-berar  co  m-bad  hé  Find  mac  Ciiiiiail  Mongân,  ibidem,  p.  43-52. 

6.  The  Voyage  of  Bran,  t.  I,  p.  44,  notes. 

7.  A  Social  hislory  of  ancienl  Ireland,  t.  I,  p.  299  ;  cf.  The  Voyage  of  Bran, 
t.  II,  p.  43,  93. 

8.  Zeitschrtjtfiir  vergleichende Spracbforschung ,x .  XX'VIII,  p.  5  54,  5  36,  537. 

9.  Is  messe  do  atha/r  as-sidib  .i.  Lug  mac  Etlile«d.  Lebor  na  hUidre, 
p.  78,  col.  1,  I.  18,  19. 

10.   A.sberat  araili  :  rofich  Lug  mac  Eithle»d  la  Co'viculaind.  Lebor  na  hUidrc, 
p.  80,  col.  2,  1.  23,  24;  Livre  de  Leinster,  p.  78,  col.  i,  note  marginale. 


88  Chronique. 

plus  une  seconde  naissance  du  dieu  Lug  que  la  naissance  d'Héraclès  ou 
Hercule  et  de  Polydeukês  ou  Pollux  n'est  une  seconde  naissance  de  Zeus  ou 
de  Jupiter  pour  parler  comme  les  Romains.  Lug  et  Cûchulainn  sont  deux 
personnes  distinctes,  comme  Héraclès  et  Zeus,  comme  Polydeukês  et  Zeus, 
tandis  que  Mongân  et  Find,  suivant  la  légende,  sont  la  même  personne.  Le 
texte  du  Tdin  conservé  par  le  Livre  de  Leinster  a  été  expurgé  par  une  main 
chrétienne  :  la  paternité  de  Lug  y  est  supprimée  ;  Lug,  dieu  des  païens,  n'y 
est  pas  nommé,  il  y  est  seulement  question  d'un  ami  dont  le  nom  n'est  pas 
dit  et  qui,  du  pays  des  fées,  vient  au  secours  de  Cûchulainn  '.  Pourquoi 
cette  suppression  de  Lug  ?  Elle  est  due  à  des  scrupules  religieux.  Des  chré- 
tiens du  XII'-'  siècle  ne  pouvaient  admettre  que  le  grand  héros  Cûchulainn, 
personnage  historique  suivant  eux,  fût  fils  d'un  dieu  des  païens.  Mais  pour 
reconstituer  la  mythologie  irlandaise,  nous  devons  faire  disparaître  cette 
mutilation  du  texte  primitif. 

Nous  ne  sommes  donc  pas  sur  tous  points  d'accord  avec  M.  Jovce,  ce 
qui  ne  nous  empêche  pas  de  considérer  son  ouvrage  comme  un  bon  livre. 

IV 

Ernest  Renan  en  Bretagne  est  le  titre  d'un  volume  fort  intéressant  dû  à  la 
plume  élégante  d'un  écrivain  qui  signe  d'un  pseudonyme,  René  d'Ys. 

Ernest  Renan  a  été  un  des  plus  chauds  amis  de  la  Revue  Celtique  ;  quand 
elle  commençait  à  paraître  et  que  l'avenir  des  études  celtiques  en  France 
semblait  bien  incertain,  il  lui  a  donné  un  article  sur  l'étymologie  du  nom 
d'Abélard  2. 

D'autres  études  l'ont  depuis  absorbé  ;  mais  les  directeurs  de  la  Revue  Cel- 
tique n'ont  jamais  rencontré  accueil  plus  bienveillant  que  le  sien.  Il  savait 
parler  breton,  en  l'entendant  parler  il  le  comprenait  et  rien  ne  lui  plaisait 
plus  que  les  légendes  bretonnes.  Un  soir,  au  dîner  celtique  qu'il  présidait 
et  auquel  j'assistais,  le  bon  Q.uellien,  un  des  protégés  de  Renan,  lut  un 
poème  breton  de  sa  composition.  C'était  une  histoire  de  revenant,  comme 
on  en  trouve  plusieurs  dans  la  Légende  de  la  mort,  de  M.  Anatole  Le  Braz  5. 
Une  nuit,  à  Tréguier,  on  entend,  à  minuit,  sonner  les  cloches  de  l'église,  un 
curieux  se  lève  et  va  voir  ce  que  cela  signifie.  Il  trouve  l'église  illuminée  et 
pleine  de  gens  inconnus.  Un  prêtre,  également  inconnu,  debout  à  l'autel, 
célébrait  la  messe.  Pourquoi?  Le  voici.  Ce  prêtre  était  mort  avant  d'avoir 
dit  sa  première  messe;  accompagné  d'une  foule  d'autres  morts,  il  était  venu 
réparer  cette  omission.  Qui  était  ce  prêtre?  C'était  Ernest  Renan!  Renan, 


1 .  Lequel  est-ce  de  mes  amis  du  pays  des  fées?  Cia  do-m-chardib  sidchairc- 
sa  ?  (Livre  de  Leinster,  p.  76,  col.  i,  1.  34,  35)  demande  Cûchulainn.  A 
cette  question  pas  de  réponse. 

2.  Revue  Celtique,  t.  I,  p.  265-268. 

3.  La  légende  de  la  mort  che:{  les  Bretons  armoricains,  2«  édition  avec 
des  additions  par  M.  Dottin,  Paris,  Champion,  1902,  2  vol.  in-12.  Voir, 
par  exemple,  t.  I,  p.  87-89;  t.  11,  p.  106,  m,  390,  392,  396,  397. 


Chronique.  89 

qui,  comme  je  viens  de  le  dire,  comprenait  parfaitement  le  Breton,  écouta 
la  lecture  de  Quellien  en  pouffant  de  rire  et  avec  la  plus  vive  satisfaction. 

Il  m'a  témoigné  le  même  plaisir  quand  je  lui  ai  raconté  la  légende  de  saint 
Renan,  accusé  d'être  loup  garou  et  d'avoir,  comme  tel,  dé%'oré  plusieurs 
moutons,  puis,  ô  horreur  !  mangé  un  petit  enfant.  L'innocence  de  saint 
Ronan  fut  reconnue.  En  effet,  des  chiens  de  chasse  lâchés  contre  lui  ne  lui 
firent  aucun  mal  ;  s'il  eut  été  un  loup  déguisé  en  homme,  ils  l'auraient  mis 
en  pièces  1.  Ce  fut  surtout  cette  manière  de  prouver  l'innocence  du  saint 
qui  amusa  son  iiomonvme.  M""-'  Renan,  présente  à  mon  récit,  avait  d'abord 
mal  pris  la  chose  :  elle  comprenait  qu'on  accusait  son  mari  de  manger  les 
petits  enfants.  Après  un  mot  d'explication  de  son  mari,  elle  se  mit  à  rire 
avec  lui. 

M.  René  d'Ys  commence  par  la  généalogie  d'Ernest  Renan  qu'il  a  recon- 
stituée par  un  grand  travail  et  avec  un  vrai  succès.  Il  nous  montre  Renan 
faisant  ses  études  secondaires  à  Tréguier,  puis  revenant  en  Bretagne  faire  un 
séjour  chaque  année  à  la  fin  de  sa  vie.  Les  pages  288-298  sont  consacrées  à 
la  visite  de  l'association  archéologique  du  Pays  de  Galles  à  Ernest  Renan 
dans  son  habitation  de  Ros-map-Amon  le  22  août  1889.  M.  René  d'Ys  en 
parle  d'après  la  Saturday  Reviezu  de  septembre  1889.  Le  compte  rendu  officiel 
a  paru  en  1890  dans  V Archaeologia  Cainhrensis,  Journal  of  thc  Caiiibriau 
aichaeohgical  Association,  5c  série,  t.  VII,  p.  169-173.  Après  cette  visite, 
Renan  accompagna  les  membres  du  Congrès  à  Ploumanach.  Un  des 
mt  numenis  visités  fut  l'église  gothique  de  Notre-Damede  la  Clarté,  et,  devant 
le  portail  de  cette  église,  deux  gallois,  membres  du  Congrès,  prirent  une 
photographie  d'Ernest  Renan  dont  la  reproduction  très  joliment  gravée  se 
trouve  dans  le  volume  précité,  en  face  de  la  page  175.  On  y  reconnaît  la 
physionomie  bienveillante  du  grand  écrivain  sans  mélange  de  cet  air 
moqueur  qui  dépare  certains  de  ses  bustes  et  qui  était  contraire  à  sa  nature. 

Le  livre  de  M.  René  d'Ys  se  termine  par  le  récit  de  l'érection  de  la  statue 
de  Renan,  à  Tréguier,  en  1903. 


M.  F.  Raud,  dont  la  femme  est  originaire  de  Gien,  a  écrit  pour  lui  plaire 
une  brochure  in-80  de  149  pages.  Il  y  prétend  démontrer  que  le  Geiiabinn  de 
Jules  César  {Cenabmn  serait  préférable)  est  Gien  et  qu'on  se  trompe  quand 
on  le  place  à  Orléans.  Il  a  lu  sur  ce  sujet  beaucoup  de  mémoires  et  la  tra- 
duction française  du  De  bello  gallico  qui  se  trouve  dans  la  collection  d'auteurs 
latins  publiée  par  Désiré  Nisard.  Ce  qu'il  parait  ignorer,  c'est  que  les  formes 
les  plus  anciennes  que  nous  connaissions  du  nom  de  Gien  excluent  la  pos- 
sibilité de  l'identification  de  cette  ville  avec  Genabiim  ou  Cenabum.  Ces  formes 
sont  Giemagus  dans  VHistoria  gloriosi  régis  Lndai'ici  Fil-,  dans  VHisloria 


1.  Lobineau,  Les  vies  des  saints  de  Bretagne,  in-f°,  p.  42. 

2.  Dom  Bouquet,  Recueil  des  historiens  de  la  France,  t.  XII,  p.  128  B. 


90  Chroni(]ae. 

cpiscoponim  aiitissiodoveusium  ',  Gieinum  dans  ce  dernier  ouvrage  2,  dans  la 
chronique  de  Robert  d'Auxerre  5,  dans  un  diplôme  d'Hervée,  seigneur  de 
Donzy,  1 199  4,  Giem  en  français  dans  les  Grandes  chro)iiques  de  France  S .  Gien 
devrait  aujourd'hui  s'appeler  Giem  avec  un  m  finale,  son  ;;  tient  lieu  d'un 
111  primitif,  comme  dans  le  nom  de  Rouen,  mieux  Rouem.  Dans  la  forme 
latine  Gie-muiii,  -iniim  est  un  des  représentants  ordinaires  de  -magits  à  l'époque 
de  la  basse  latinité.  On  trouve  aussi  -inaus  dont  il  n'y  a  pas  d'exemple  connu 
pour  Gien. 

Je  ne  puis  qu'approuver  le  désir  qu'a  eu  M.  Raud  d'être  agréable  à 
M'"c  Raud;  c'est  acte  de  bon  mari.  Mais  je  n'ai,  moi,  aucun  désir  de  faire 
ma  cour  à  M™*;  Raud,  pas  plus  qu'à  telle  autre  dame  de  Gien.  Je  dis  donc 
que,  suivant  moi,  M.  Raud  s'est  scientifiquement  fourvoyé,  quoique  mari- 
talement il  ait  très  bien  agi;  seulement  il  aurait  pu,  pour  faire  plaisir  à 
Mme  Raud,  employer  un  procédé  moins  antiscientifique,  lui  offrir  par 
exemple  un  voyage  en  automobile  ou  des  fleurs  ;  elle  aurait  peut-être  préféré 
une  gracieuseté  de  ce  genre,  moins  chère  que  l'impression  d'une  brochure 
de  179  pages,  et  M.  Raud  m'aurait  évité  l'ennui  de  le  critiquer,  mais  cet 
ennui  qu'il  me  cause  lui  est  évidemment  fort  indifférent. 

VI 

M.  Joseph  Déchek'tte,  président  de  la  Société  Eduennc,  continue  au  montl 
Beuvray,  depuis  1897,  les  fouilles  qui  ont  rendu  illustre  le  nom  de  Gabrie 
BuUiot,  mort  à  l'âge  de  quatre-vingt  quatre  ans,  le  11  janvier  1902. 
M.  Déchclette  vient  de  publier  une  notice  sur  l'archéologue  défunt  et  un 
joli  petit  volume  intitulé  :  L'oppidum  de  Bibracte.  Guide  du  touriste  et  de  l'ar- 
cliéologue  au  mont  Beuvray  et  au  musée  de  l'hôtel  Rolin  *=. 

Le  mont  Beuvray,  où  était  Bibracte,  capitale  des  Aedui  au  temps  de  l'in- 
dépendance, est  situé  sur  le  territoire  de  la  commune  de  Glux,  arrondisse- 
ment et  canton  de  Château-Chinon,  Nièvre,  près  de  la  limite  occidentale 
du  département  de  Saône-et-Loire,  à  vingt-quatre  ou  vingt-six  kilomètres  à 
l'ouest  d'Autun,  l'antique  Augustodunum,  capitale  des  Aedui  sous  la  domi- 
nation romaine,  aujourd'hui  comprise  dans  le  département  de  Saône-et- 
Loire. 

Dans  un  chapitre  intitulé  :  «  Historique  des  fouilles  »,  M.  Déchelettc 
raconte  comment  l'identification  de  Bibracte  avec  le  mont  Beuvray,  admise 


1.  Dom  Bouquet,  t.  XVIII,  p.  726  B. 

2.  Dom  Bouquet,  t.  XII,  p.  305  C;  t.  XVIII,  p.  726  C;  Migne,  Patro- 
logia  latina,  t.  138,  col.  304  B,  314  ABC. 

3.  Dom  Bouquet,  t.  XVIII,  p.  263  C. 

4.  Dom  Bouquet,  t.  XVII,  p.  658,  note;  cf.  t.  XIX,  p.  477,  notes  b,  c. 
A  comparer  les  veteres  consuetudines  de  Saint-Benoît-sur-Loire,  citées  par 
Hadrien  de  Valois,  Notitia  Galliarum,  p.  234. 

5.  Dom  Bouquet,  t.  XII,  p.  203  B. 

6.  Paris,  Alphonse  Picard,  77  pages  in-i6. 


chronique.  9' 

par  Gui  Coquille  au  xvit  siècle  ' ,  abandonnce  au  xviii>:  siècle,  fut  découverte 
à  nouveau  par  Gabriel  Bulliot  en  1855,  acceptée  par  le  colonel  Stofiel  en 
1865  et  confirmée  par  les  fouilles  subséquentes  de  Gabriel  Bulliot,  1867- 
1893,  qui  ont  mis  à  découvert  lesdébris  1°  d'une  partie  des' maisons  gauloises, 
jadis  construites  sur  le  plateau  de  Beuvray,  2°  d'une  partie  des  remparts,  3" 
d'un  temple,  etc.  Des  planches  nombreuses  ornent  ce  petit  volume.  Nous 
signalerons  un  plan  des  fouilles,  celui  du  temple,  celui  d'une  maison  impor- 
tante, celui  d'une  portion  de  rempart. 

VII 

La  direction  de  la  Revue  Celtique  a  reçu  du  Modem  Langiiage  Department 
oj  Hurvurd  Universily,  Cambridge,  Massachusetts,  États-Unis,  un  livre 
intitulé  Sludies  and  Notes  in  Philohgy  and  Lileiatnre,  vol.  VIII.  Il  contient 
deux  mémoires,  l'un,  de  M.  Arthur  C.  L.  Brown,  est  intitulé:  «  Iwain,  a 
study  in  the  Origin  of  Arthurian  Romance  »  ;  de  l'autre,  qui  a  pour  auteur 
M.  G.  L.  Kittredge,  le  titre  est  «  Arthur  and  Gorlagon  ».  Précédemment, 
les  auteurs  nous  avaient  adressé  les  tirages  à  part  de  ces  intéressants  travaux. 
Il  en  a  été  rendu  compte  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XXIV,  p.  125-125. 

VIII 

Le  tome  XVI  du  recueil  intitulé  Y  Cymmrodor,  the  Magasine  of  the  hono- 
rable Society  oJ  Cymmrodor  ion,  1903-,  contient  trois  mémoires. 

Le  premier,  par  M.  W.  Llewelyn  Williams,  parle  d'une  insurrection  qui 
eut  lieu  dans  le  Pays  de  Galles  sous  Henri  VIII.  Le  second  a  pour  auteur 
M.  Francis  Green,  c'est  la  continuation  d'une  étude  de  cet  érudit  sur  les 
anciennes  familles  du  Dyfed,  région  méridionale  du  Pays  de  Galles;  dans 
le  tome  XV  du  Cymmrodor,  p.  100-149,  il  s'était  occupé  des  Gwgan  ou 
Wogan  de  Boulston  établis  dans  le  comté  de  Pembroke  en  Galles  au  Nord 
du  canal  de  Bristol  ;  dans  le  tome  XVI,  p.  94-105,  il  a  écrit  l'histoire  d'une 
branche  de  la  même  famille  qui  se  transporta  au  sud  du  canal  de  Bristol 
dans  le  comté  de  Somerset. 

Le  dernier  des  mémoires  publiés  dans  le  tome  XVI  du  Cymmrodor  est 
anonyme  ;  il  concerne  le  Saint-Graal  ;  l'auteur  s'engage  après  plusieurs 
autres  érudits  ;  dans  la  recherche  fort  difficile  des  éléments  gallois  que  dans 
la  légende  si  compliquée  du  Saint-Graal  on  pourrait  séparer  des  éléments 


1.  Elle  est  établie  par  Hadrien  de  Valois,  Notitia  Galliarum,  (1675)  à 
Y irX\c\c  Augustodunum,  p.  61-62. 

2.  London,  issued  by  the  Society,  New  Stone  buildings,  64,  Chancery 
Lane. 

5.  Paulin  Paris,  Lei  Romans  de  la  Table  ronde,  t.  I  (1868),  p.  89-119; 
Alfred  Nutt,  Sludies  on  the  Legend  of  the  Holy  Grail,  tuith  especial  Référence  to 
ils  celtic  Origin,  1888;  John  Rhys,  The  Arthurian  Legend  (1891),  p.  300- 
527,  etc. 


92  chronique. 

étrangers  au  Pays  de  Galles.  Au  commencement  du  xiii«  siècle,  le  français 
Hélinand,  moine  cistercien  de  Froidinont,  au  diocèse  de  Beauvais,  écrivit 
une  chronique  dont  le  commencement  est  perdu  et  dont  on  n'a  que  la 
dernière  partie,  634-1204.  Sous  la  date  imaginaire  de  707  empruntée  par 
lui  au  roman  français  '  il  raconte  qu'un  ermite  eut,  par  l'entremise  d'un 
ange,  une  vision  concernant  1°  Joseph,  décurion  qui  descendit  de  la  croix  le 
corps  de  Jésus,  2''  le  plat  dans  lequel  le  Seigneur  soupa  avec  ses  disciples. 
«  Cet  ermite  »,  continue-t-il,  «  a  écrit  à  ce  sujet  ce  qu'on  appelle  l'his- 
«  toire  du  gradal.  On  nomme  gradal  en  France  une  écuelle  large  et  un 
«  peu  profonde  dont  le  nom  en  langue  vulgaire  est  graal^.  »  Ce  plat  pré- 
cieux aurait  été  porté  en  Grande-Bretagne  par  le  décurion  Joseph,  autre- 
ment dit  Joseph  d'Arimathie  3.j  C'estJ  unj  conte  imaginé  sur  le  conti- 
nent au  xiF  siècle  :  «  The  Graal  is  a  foreign  élément  in  the  Celtic  legend  «, 
comme  dit  avec  raison  M.  Alfred  Nutt  4.  Joseph  d'Ariinathie  et  le  Saint 
Graal  en  Grande-Bretagne,  c'est  un  conte  forgé  pour  servir  de  pendant  1°  à 
la  légende  de  l'apôtre  saint  Jacques  en  Espagne,  2°  à  celle  de  Lazare  res- 
suscité et  de  Marie-Madeleine  la  pécheresse,  venus  mourir  en  France.  L'au- 
teur du  mémoire  dont  nous  parlons  fait  de  grands  efïorts  pour  arriver  à 
démontrer  que  Robert  de  Boron,  originaire  d'un  village  voisin  de  Belfort, 
cet  écrivain  français,  le  plus  ancien  des  auteurs  qui  aient  raconté  la  légende 
du  Saint  Graal,  avait  entre  les  mains  des  documents  plus  anciens  que  lui. 
Suivant  nous,  il  ne  réussit  pas  à  l'établir.  Je  me  bornerai  à  un  exemple. 
L'érudit  anonvme,  qui  a  composé  le  mémoire  que  nous  critiquons,  dit, 
p.  126,  que  vers  l'année  1200,  date  où  écrivait  Robert  de  Boron,  il  ne 
restait  plus  en  occident  aucune  trace  de  l'usage  d'entourer  l'autel  de 
rideaux  ;  or,  cet  usage  était  encore  général  en  France  au  xv<=,  au  xvi^  et 
au  xvii'i  siècles.  On  en  cite  même  plusieurs  exemples  du  XYiii^  siècles. 

Du  reste,  le  mémoire  dont  il  s'agit  devant  être  continué,  on  ne  peut  le 
juger  définitivement  aujourd'hui. 

IX 

Le  tome  XXIIl  de  la  Revue  Celtique  contient,  p.  108  (cf.  p.  217),  l'annonce 
d'une  granniuire  bretonne,  dialecte  de  Vannes,  publiée  en  1902  par 
MM.  Guillevic  et  Le  Goft".  Pour  compléter  cet  ouvrage,  ils  viennent  de  faire 
paraître  un  recueil  de  textes  bretons  à  traduire  en  fr.uiçais  et  de  textes  fran- 


1.  Hucher,  Le  S'iiiit  Gnuil,  t.  II,  p.  5.  Sur  le  mot  français  graal,  voir 
Godefroy,  Dictioiiuairc  de  J' ancienne  langue  française,  t.  IV,  p.  526. 

2.  Migne,  Patrologia  latina,  t.  212,  col.  814-815. 

5.  Sur  Joseph  d'Arimathie,  voyez  les  évangiles  :  Mathieu,  XXVII,  57-59  ; 
Marc,  XV,  43-46;  Luc,  XXIII,  50-53;  Jean,  XIX,  38-40.  La  qualité  de 
décurion  est  donnée  à  Joseph  d'Arimathie  par  Marc  et  Luc. 

4.  StuJies  précitées,  p.  165. 

5.  VioUet-le-Duc,  Dictionnaire  raisonné  de  l'ardjikclurc  Jrançaise,  t.  II, 
p.   26-30. 


Chronique.  95 

çais  à  traduire  en  breton.  Chacun  de  ces  textes  est  un  recueil  d'exercices 
correspondant  aux  règles  exposées  dans  une  page  de  la  grammaire,  et  le 
numéro  de  cette  page  est  reproduit  en  tête  de  la  page  qui  contient  chacun 
de  ces  textes  bretons  et  français.  Le  titre  de  ce  volume  est  Exercices  sur  la 
grammaire  bretoiuie.  Il  a  paru  à  Vannes,  chez  le  libraire  Lafolye.  C'est  un 
petit  in-8"  de  222  pages. 


M.  Georges  Dottin  vient  de  publier  sous  un  format  modeste  une  savante 
étude  intitulée  La  religion  des  Celtes  '  ;  elle  atteste  une  connaissance  appro- 
fondie de  tous  les  textes  de  l'antiquité  et  de  toutes  les  publications  récentes 
relatives  à  ce  sujet. 

Une  liste  des  ouvrages  qui  ont  traité  de  la  religion  des  Celtes  est  placée 
à  la  page  2  en  tète  du  livre.  Je  ne  puis  blâmer  l'auteur  d'avoir  passé  sous 
silence  les  deux  volumes  in-40  de  Dom  Martin,  La  religion  des  Gaulois  tirée 
des  plus  pures  sources  de  l'autiquilè,  Paris,  1727.  C'est  un  ouvrage  bien  arriéré. 
Cependant  on  y  trouve  quelques  bonnes  choses.  Tel  est  le  rapprochement 
du  passage  de  Lucien  sur  Ogmios  avec  un  passage  d'Eunapios  dans  la  vie 
de  Porphyre.  Les  chaînes,  a^'.oaî,  attachées  aux  oreilles  des  prisonniers 
d'Ogmios  -,  étaient  aussi  un  attribut  d'Hermès  :  Eunapios,  parlant  du  talent 
oratoire  de  Porphyre,  prétend  que  ce  philosophe  paraissait  avoir  à  sa  disr- 
position  une  chaîne  telle  que  celle  d'Hermès  lpii.aV/.r;  t-.ç  astpâ  3.  La 
même  idée  est  exprimée  en  d'autres  termes  dans  le  Z:J;  -paywoo?  de  Lucien, 
c.  45  ;  il  y  est  parlé  d'un  certain  Dâmis,  ennemi  des  Dieux  ;  l'éloquence  de 
ce  Dâmis  entraînait  les  hommes  qu'il  tenait  liés  par  les  oreilles  4.  On  pourrait 
tirer  de  ces  textes  une  conclusion,  c'est  que  les  chaînes  d'Ogmios  seraient 
une  formule  grecque,  employée  par  un  artiste  grec  ou  d'éducation  grecque 
pour  exprimer  une  idée  celtique  dont  la  forme  pouvait  être  toute 
différente. 

Le  livre  de  M.  Dottin  est  divisé  en  quatre  chapitres  qui  traitent,  le  pre- 
mier des  sources,  le  second  des  dieux,  le  troisième  des  pratiques  et  des 
croyances  religieuses,  le  quatrième  des  druides.  L'auteur  connaît  bien  le 
sujet  qu'il  traite;  ce  qui  caractérise  son  œuvre  est  une  grande  prudence. 
Peut-être  pourrait-on  être  sur  quelques  points  plus  afiirmatif  que  lui. 


1.  Paris,  Blond  et  C'"-",  1904,  in-32,  64  pages. 

2.  Lucien,  Héraclès,  3:  '()  yà^  otj  yÉpwv  'JloaxXïj;  exhivo;  âvOptô^ïcJv  ^îotfjL- 
-oÀJ  7'.  "Àr/io;  îÀ/.c'.  âz  twv  wtwv  ccnavra;  ô;^c|Xc'vO'j;.  AsTai  oÈ  sla'!"/  0'.  aî'.oal 
).:-Ta;  /p-j'joj  xa'i  r,XîV.T,iOu.  Lucien,  édition  Didot,  p.  599. 

5.  La  Religion  des  Gaulois,  t.  I,  p.  507.  Eunapii  vilae  philosophortim , 
édition  donnée  par  Boissonade  à  la  suite  de  Philostrate,  chez  Didot, 
P-  4)6. 

4.  XtAy-'-  ajTOJ;  avaoir,^xij.3vo;  -((u  <<>-im'j  ij  Ai;/'.;.  Lucien,  édition  Didot, 
p.  489. 


94  Chronic]ue. 


XI 

Dans  le  tome  XXIII,  p.  209-210,  de  la  Revue  Celtique,  il  a  été  rendu 
compte  de  la  première  livraison  du  travail  de  MM.  Berthoud  et  Matruchot 
sur  les  noms  de  lieux  habités  du  département  de  la  Côte-d'Or.  Une  seconde 
livraison  a  paru  depuis',  elle  parle  de  la  période  gallo-romaine.  Elle  est 
divisée  en  six  chapitres  comprenant,  le  premier  les  noms  de  lieu  formés  à 
l'aide  du  suffixe  celtique  -dcos,  latinisé  en  -dcus,  c'est  la  section  la  plus 
considérable.  Viennent  ensuite,  chapitre  II,  le  suffixe  -dinis  ;  chapitre  III,  le 
suffixe  -0,  -ôuis  ;  chapitre  IV,  les  noms  de  personne  employés  directement 
comme  noms  de  lieu  ;  chapitre  V,  suffixes  -atiis  et  -atis  ;  chapitre  VI,  vocables 
d'étymologie  douteuse,  vraisemblablement  gaulois  ou  gallo-romains,  savoir  : 
1°  composés  dont  le  second  terme  est  -mâras;  2°  divers.  Viennent  ensuite 
deux  errata,  l'un  pour  la  première  livraison,  l'autre  pour  la  seconde. 

Ce  travail,  où  se  devinent  fréquemment  les  conseils  d'un  maître, 
M.  Longnon,  quand  même  il  n'est  pas  cité,  peut  servir  à  mesurer  les  pro- 
grès accomplis  dans  l'étude  des  noms  de  lieu  depuis  la  publication  de 
J.  Garnier,  Nomenclature  historique  des  comimuies,  hameaux,  écarts,  lieux 
détruits,  cours  d'eau  et  montagnes  du  département  de  la  Côte-d'Or,  bon  petit 
ouvrage  de  iv-287  pages  qui  a  paru  en  1869.  Je  vois  très  peu  de  critiques  à 
soumettre  aux  auteurs.  En  voici  une  :  je  suis  étonné  qu'ils  n'aient  pas  rap- 
proché de  Segestrum,  aujourd'hui  Cestre,  commune  de  Saint-Seine,  p.  176, 
Segessera,  nom  d'une  station  romaine  située  probablement  sur  le  territoire 
de  Bar-sur-Aube,  Aube,  et  Segustero,  Segiisteroiiis,  nom  de  Sisteron  (Basses- 
Alpes).  M.  Holder,  Altceltischcr  Sprachschat^,  t.  II,  col.  459,  propose  Segu- 
strtim  comme  forme  primitive  de  Segestrum.  Q.uant  à  la  première  livraison 
du  livre  de  MM.  Berthoud  et  Matruchot,  j'ai  dit,  Reinie  Celtique,  t.  XXIII, 
p.  210,  que  l'origine  ibérique  de  certains  mots  ne  me  semblait  pas  démontrée 
et  j'ai  donné  dans  le  tome  XXIV,  p.  330,  331,  mes  raisons  pour  penser  que 
le  mot  calmo-,  calma,  en  français  «  chaume  »,  c'est-à-dire  terrain  friche  et 
sans  arbres,  est  d'origine  ligure  et  non  ibérique. 

XII 

La  collection  des  Dictionnaires  topographiques  publiés  par  le  ministère  de 
l'Instruction  publique  vient  de  s'enrichir  d'un  volume  nouveau  qui  a  pour 
objet  le  département  de  la  Haute-Marne  et  pour  auteur  M.  Alphonse  Roserot, 
ancien  archiviste  de  ce  département.  Les  archives  de  la  Haute-Marne  sont 
un  des  dépôts  français  les  plus  fournis  en  documents  originaux  du  moyen 
âge.  Ainsi,  parmi  les  vingt-huit  diplômes  des  vins  ix^  et  x^  siècles  publiés 
ou  analysés  par  M.  Th.  von  Sickel  en  1869  chez  Waitz,  Forschungen  ^ur 
deutschen  Geschichte,  t.  IX,  p.  403-434,  il  y  en  a  onze  dont  les  originaux  sont 

I.  Société  nouvelle  de  librairie  et  d'édition,  directeur  Clément  Rueil, 
17,  rue  Cujas,  Paris,  1902,  un  vol.  in-8,  238  pages. 


Chronique.  95 

conservés  aux  archives  du  département  de  la  Haute-Marne  à  Chaumont. 
M.  Roserot  a  donc  trouvé  dans  ce  dépôt  d'excellents  matériaux. 

Mous  ne  pouvons  analyser  ici  un  volume  in-40  de  Lix-221  pages. 

Nous  signalerons  comme  particulièrement  intéressants  deux  noms  de  lieu 
terminés  par  le  suffixe  -asco-  et  par  conséquent  ligures  :  1°  Maiascus,  Maiasch, 
aujourd'hui  Maast  (p.  98);  2°  Maiascus,  aujourd'hui  Marac,  p.  99;  puis 
quelques  noms  gaulois  :  par  exemple  Algyorre,  Atiotntm,  aujourd'hui  Aujeure 
(p.  7),  peut  s'expliquer  par  un  primitif  Alio-dûron  ou  Allio-dùroii  ;  Chevillon, 
au  génitif  Cavilloiiis  (p.  44),  thème  cavillon-,  tient  probablement  lieu  d'un 
primitif  *t-aW/i'«-,  nom  d'homme,  d'où  dérive  le  nom  de  ville  Cahillouum, 
aujourd'hui  Chalon-sur-Saône  '.  Deux  noms  de  lieu  se  terminent  en  -siiuis, 
probablement  pour  -samus,  ce  sont  :  Balesme,  plus  anciennement  Balismiis 
ou  Belismus  (p.  10),  le  masculin  de  Belisama  ;  Osismus,  Usma,  Huismes, 
aujourd'hui  Humes  (p.  88).  Enfin,  Bevrona,  aujourd'hui  Brévannes  (p.  25), 
Brevoine  (p.  26)  tient  lieu  d'un  plus  ancien  Behroiia  ou  Behrontut,  dérivé  du 
gaulois  behos  «  castor  »  2. 


XIII 

M.  l'abbé  Burlet  a  publié  en  1901  un  volume  intitulé  La  Savoie  avant  h 
chistiaiiisme  5.  Un  chapitre  préliminaire  traite  de  la  Savoie  préhistorique,  parle 
des  habitants  des  cavernes  et  de  ceux  dont  les  maisons  étaient  construites 
au-dessus  des  lacs.  Puis  viennent  deux  parties,  divisées  chacune  en  quatre 
chapitres.  La  première  partie  est  consacrée  à  la  Savoie  gauloise,  la  seconde 
à  la  Savoie  gallo-romaine  jusqu'au  ne  siècle  de  notre  ère.  Un  recueil  de 
textes  où,  malheureusement,  les  auteurs  grecs  n'apparaissent  que  sous 
forme  de  traductions  latines,  et  une  ample  bibliographie  terminent  ce 
volume.  On  peut  s'étonner  qu'à  Chambéry  on  soit  aussi  complet  et  qu'il  y 
ait  si  peu  de  lacunes.  Cependant,  j'ai  vu  avec  regret  que  V Altceltischer 
Spruchschat-  de  M.  A.  Holder  n'apparaît  pas  dans  ce  volume. 

Paris,  le  i'^''  janvier  1904. 

H.   d'ArBOIS  de  JunAINVILLE. 


1.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat\,  t.  I,  col.  661,  662. 

2.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat-,  t.  I,  col.  363. 

3.  Chambéry,  Imprimerie  générale  de  la  Savoie,  in-S",  vi-407  pages. 


PÉRIODIQUES 


SOMMAIRE  :  I.  Revue  de  synthèse  historique.  —  II.  Zeitschrift  ftir  celtische  Philologie. 

—  III.  Archiv  fiir  celtische  Lexicographie.  • —  IV.  Annales  de  Bretagne.  —  V. 
Archaeologia  Cambrensis.  —  VI.  The  Journal  of  the  royal  Society  of  Antiquaries 
of  Ireland.  —  VII.  Celtia.  —  VIII.  An  Gaodhal.  —  IX.  Revue  numismatique.  — 
X.  Revue  internationale  de  numismatique.  —  XI.  The  Journal  of  theological  Stu- 
dies.  —  XII.  Boletin  de  la  real  Academia  de  la  Historia.  —  XIII.  Revue  historique. 

—  XIV.  The  Folklore.  —  XV.  Revue  archéologique.  —  XVI.  Indogermanische 
Forschungen.  —  XVII.  Beitraege  zur  ICunde  der  indogermanischen  Sprachen.  — 
XVllI.  L'Anthropologie.  —  XIX.  Revue  des  traditions  populaires.  —  XX.  Revue 
epigraphique.  —  XXI.  Annales  de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux.  Revue  des 
études  anciennes.  —  XXII.  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung.  —  XXIII. 
Proceedings  of  the  royal  irish  Academy.  —  XXIV.  Revue  des  bibliothèques  et 
archives  de  Belgique. 


I 

La  Revue  de  synthèse  HiSTORiauE,  t.  VI,  p.  517  et  suivantes,  contient 
un  travail  dont  le  sujet  appartient  à  la  spécialité  de  la  Revue  Celtique.  C'est 
«  La  littérature  galloise  »,  par  M.  G.  Dottin,  mérnoire  divisé  en  douze 
paragraphes.  Le  premier  traite  des  manuscrits  en  langue  galloise  et  de  leurs 
éditions  ;  le  second  résume  l'histoire  de  la  littérature  galloise  du  ix^  siècle  au 
xix'-'  ;  le  troisième  paragraphe  a  pour  objet  les  bardes  gallois  et  leurs  poèiTies, 
considérés  à  un  point  de  vue  général  ;  dans  le  quatrième,  leur  histoire  est 
disposée  chronologiquement  ;  le  cinquième  est  consacré  à  la  prose  roma- 
nesque, notamment  aux  Mabhiooion  ;  le  sixième  aux  compositions  historiques  ; 
le  septièine  aux  triades  ;  le  huitième  aux  recueils  d'aphorismes,  de  proverbes, 
de  lettres,  aux  traductions  de  la  littérature  latine  profane,  aux  œuvres  dra- 
matiques ;  le  sujet  du  neuvième  paragraphe  est  la  littérature  religieuse  : 
vies  de  saints,  traités  de  morale,  etc.  ;  le  droit  apparaît  au  paragraphe  dix, 
la  médecine  au  paragraphe  onze;  dans  le  douzième  et  dernier  paragraphe, 
M.  Dottin  parle  des  catalogues  de  manuscrits  gallois  et  exprime  le  regret 
qu'il  y  ait  encore  tant  à  publier  pour  faire  connaître  complètement  la 
littérature  galloise  au  public  de  plus  en  plus  nombreux  qui  s'intéresse  à  elle. 
Des  notes  multipliées  contiennent  une  bibliographie  complète  du  sujet. 


Périodiques.  97 


II 

Zeitschrift  fur  celtischf.  Philologie,  herausgegeben  von  Kuno  Meyer 
und  L.  Chr.  Stern,  t.  IV,  3^  livraison.  —  Cette  livraison  comprend  huit 
articles.  Le  premier  est  de  M.  F.  N.  Robinson  ;  il  contient  le  texte  de  deux 
fragments  d'une  rédaction  irlandaise  du  roman  français  «  La  quête  du  saint 
Graal  ».  Ces  fragments,  qui  paraissent  dater  du  xv^  siècle,  sont  conservés 
dans  la  collection  des  Franciscains  de  Dublin.  M.  Nettlau  en  avait  donné,  en 
1889,  trois  extraits  dans  la  Revue  Celtique,  tome  X,  1°  p.  186,  1.  20-30-, 
2°  même  page,  1.  31-36,  et  p.  187,  1.  i,  2;  3°  p.  187,  1.  2-6.  On  trouve 
le  premier  de  ces  extraits  dans  l'édition  de  M.  Robinson,  p.  387,  1.  51-34, 
p.  588,  I.  1-2;  le  second,  p.  384,  1.  11-19;  le  troisième,  p.  385,  1.  i-).  Le 
premier  extrait  appartient  au  deuxième  fragment,  le  second  et  le  troisième 
extraits  viennent  du  premier  fragment.  Ainsi  le  texte  primitivement  fran- 
çais de  la  Quête  du  saint  Graal  fut  transporté  en  irlandais,  comme  elle  le 
fut  en  gallois,  ainsi  qu'on  peut  le  voir  dans  le  tome  h^  des  Sélections  of  Hen- 
crurt  mss.  Le  premier  des  fragments  publiés  par  M.  Robinson  commence 
dans  les  Sélections,  vers  la  fin  du  §  xl,  p.  102  du  texte,  p.  502  de  la  traduc- 
tion, le  second  commence  vers  la  fin  du  §  XLili,  p.  109  du  texte,  p.  507  de 
la  traduction.  On  voit  par  la  comparaison  de  ces  deux  traductions,  l'une 
irlandaise,  l'autre  galloise,  quel  succès  le  roman  français  a  ou  dans  les  Iles 
Britanniques  au  moyen  âge. 

Le  second  article  donne  le  texte  et  la  traduction  d'une  composition  irlan- 
daise «  La  vision  de  Merlino  »,  dont  il  n'y  a  pas  de  manuscrit  antérieur  au 
xviiie  siècle.  C'est  une  promenade  en  enfer,  au  purgatoire  et  au  ciel. 
L'éditeur  et  traducteur  est  M.  Steward  Macalister  qui  date  son  travail  de 
Jérusalem,  localité  sainte,  mais  plus  accessible  aux  vivants  que  l'enfer,  le 
purgatoire  et  le  ciel. 

Vient  ensuite  une  note  sur  la  composition  irlandaise  intitulée  Aiiied 
Fergusa  mie  Leti  «  Mort  violente  de  Fergus,  fils  de  Lete  ».  Cette  légende, 
existant  déjà  au  x^  siècle,  parait  avoir  été  inspirée  par  une  glose  du 
Senchus  Môr,  qui,  non  seulement  était  écrit  déjà,  mais  avait  été  glosé  dès 
cette  époque  reculée. 

Dans  le  quatrième  article,  iM.  A.  Anscombe  propose  une  explication  du 
mot  Ormesta.  M.  Cuissard,  au  tome  V,  p.  458-4)9,  de  la  Revue  Celtique, 
a  parlé  de  ce  mot  qu'un  manuscrit  met  dans  le  titre  de  l'ouvrage  si  connu 
d'Orose;  c'est  le  manuscrit  160  de  Berne,  xi=  siècle,  coté  O  dans  la  préface, 
p.  xxi,  de  l'édition  donnée  en  1882  par  M.  Charles  Zangemeister  pour 
l'Académie  impériale  de  Vienne.  Orose  paraît  avoir  intitulé  son  ouvrage 
Hisloiiae adversus paganos.  Le  ms.  160  de  Berne  remplace  ce  titre  par  Ormesta 
mtindi.  Suivant  M.  Anscombe,  Ormesta  est  une  mauvaise  leçon  pour  orinesta, 
mieux  orihesta  \  par  un  lapsus  cahmi,  les  trois  trois  lettres  ori  ont  été  mal 
placées,  on  doit  lire  hest[ori'\a  pour  historia. 

Le  cinquième  article  est  de  M .  Friedel  qui  propose  d'expliquer  les  armoiries 

Rtvue  Celtique,  XXV .  7 


98  Périodiques. 

de  l'île  de  Man  par  les  miniatures  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
d'Auxerre. 

Dans  le  cinquième  article,  M.  Kuno  Meyer  continue  à  donner  des  extraits 
d'un  manuscrit  irlandais  datant  de  l'année  1300.  Au  commencement  du 
xixe  siècle,  ce  ms.,  faisant  partie  de  la«Stowe  library»  Bibliotheca  Stowensis, 
propriété  du  marquis  de  Buckingham,  était  coté,  Press  II,  no  xxxvi. 
O'Conor  l'a  décrit  très  sommairement  aux  pages  280-282  de  son  volume 
in-4°  intitulé:  Bibliotheca  ins.  Stowensis.  A  Descriptive  Catalogue,  qui  a  paru 
en  18 18.  Ce  ms.  est  passé  ensuite  dans  la  bibliothèque  de  Lord  Ashburnham 
où  il  est  devenu  Stowe  Ms.  992  ;  puis  il  est  entré  dans  la  bibliothèque  de 
la  Royal  irish  Acadcmy  où  il  est  coté  Ms.  D.  4.  2.  Quand  il  s'appelait  Stowe 
Ms.  992,  M.  Kuno  Meyer  en  a  extrait  :  1°  le  Conipert  Conchohair  «  conception 
of  Conchobar  »  et  deux  morceaux  irlandais  plus  courts,  qu'il  a  publiés  dans 
la  Revue  Celtique,  t.  VI,  p.  173-186  (188 5- 1885)  ;  2°  le  Merugud  UIUx'k  Wan- 
derings  of  Ulixes  »  (on  disait  autrefois  en  français  «  les  erreurs  d'Ulysse  »), 
un  joli  petit  volume  in- 12  de  xii-36  pages,  édité  en  1886  par  la  maison 
David  Nutt.  Les  nouveaux  extraits  sont  contemporains  de  la  cote  D.  4.  2 
et  ont  paru  dans  le  tome  IV  de  la  Cellische  Zeitschrift,  l'un  dans  la  2^  livraison, 
p.  238-240,  c'est  l'histoire  du  Minotaure,  les  autres  dans  la  y,  p.  407-408. 

M.  Kuno  Meyer  termine  ses  extraits  de  ce  volume  par  un  proverbe  irlandais  : 

Mairg  chuindges  ni  for  carait; 
Minab  lainn  leis  a  tabairt, 

Is  é  déde  nosta  de 
Miscais  ocus  oirbirc 

Malheur  à  qui  demande  un  cadeau  à  un  ami  ; 
Si  l'ami  n'a  pas  le  plaisir  de  le  donner, 

Il  y  a  deux  choses  qui  leur  arrivent, 
Haine  et  malédiction. 

Je  ne  crois  pas  que  ni  M.  Kuno  Mever,  ni  les  Irlandais  soient  si  méchants. 

Au  sixième  rang  se  présente  M.  Strachan  avec  une  étude  sur  les  gloses 
irlandaises  du  Priscien  de  Saint  Gall.  Le  ms.  est  du  ix'^  siècle.  Les  gloses 
sont  de  dates  ditïérentes.  Ainsi,  la  notation  breth.  pour  brîat]}ar  «  verbe  », 
dobrelb.  pour  dobiiatlxv  «  adverbe  »  nous  offre  une  orthographe  identique 
à  celle  du  ms.  de  Cambrai,  vhf  siècle  ;  d'autres  gloses  sont  notées  avec  une 
orthographe  plus  récente.  Ainsi,  le  Priscien  de  Carlsruhe  a,  f°  59  a,  ho- 
neut«r  «  du  neutre  «  en  regard  de  hûa-neut«r  dans  le  manuscrit  de  Saint 
Gall,  p.  150  ii  2  ;  liô  est  plus  ancien  que  hûa.  On  ne  pourrait  reproduire  ici, 
quelques  précieux  qu'ils  soient,  les  nombreux  détails  orthographiques  réunis 
par  M.  Strachan  dans  cet  important  mémoire. 

Le  septième  article  consiste  dans  la  suite  de  l'étude  de  M.  George  Hen- 
derson  sur  les  dialectes  gaéliques  d'Ecosse. 

En  huitième  lieu  se  présente  un  article  de  M.  Gaidoz  intitulé  :  «  La  pré- 
tendue particule  verbale  a  ».  C'est  une  confirmation  de  la  doctrine  émise 
comme  hypothèse  par  M.   Kuno  Meyer,   Peredur,  p.  45,  où  on  lit  qu'en 


Périodiques.  99 

gallois  (I  est  une  particule  relative  et  qu'elle  sonhle  être  employée  comme 
explétive  devant  les  verbes  quand  le  sujet  ou  le  complément  commence  la 
phrase.  C'est  à  peu  prés  le  contraire  de  ce  qu'on  lit  dans  la  première  édition 
de  la  Grainiiiatica  Cellica,  p.  397  :  Cavtbrice  proiiomii/is  relativi  loco  est  verbaïis 
parlicula  positiva  setitentiae  relativae  A,  doctrine  reproduite  à  peu  près  dans 
les  mêmes  termes  dans  la  seconde  édition,  p.  391,  et  qui  a  reparu  dans  les 
Eléments  de  la  grammaire  celtique,  p.  95.  Mais  a  en  gallois  et  en  breton 
paraît  avoir  été  primitivement  pronom  relatif  et  n'avoir  été  que  postérieu- 
rement employé  comme  particule  verbale.  M.  Gaidoz  confirme  cette  doctrine 
par  la  comparaison  du  français  populaire.  Ainsi  :  au  lieu  de  «  m'a-t-il  dit  », 
le  peuple  emploie  la  formule  kimadi,  c-est-à-dire  «  qu'il  m'a  dit  »  ;  au  lieu 
de  «  dit-il  »,  le  peuple  articule  kidi  =  «  qu'il  dit  ».  J'ai  pour  la  première 
fois  entendu  la  première  de  ces  formules  sous  le  règne  finissant  de  Louis- 
Philippe,  en  janvier  ou  février  1848;  on  chantait  alors  une  romance  mise 
dans  la  bouche  d'un  jeune  homme  déclaré  impropre  au  service  militaire  pour 
défaut  de  taille.  Elle  débutait  ainsi  : 

T'es  trop  petit,  kimadi,  pour  être  militaire. 

Les  derniers  mots  étaient  : 

Vive  le  roi,  qui  ne  veut  pas  de  moi. 
Vive  le  roi  ! 

Depuis,  j'ai  eu  la  surprise  d'entendre  hidi  pour  «  dit-il  »  sortir  de  la  bouche 
1°  d'un  français,  prince  de  l'église  ;  2°  d'un  des  membres  les  plus  éminents 
de  l'Institut  de  France.  Nos  neveux  verront  cette  formule  pénétrer  dans  le 
dictionnaire  de  l'Académie  et  dans  les  grammaires  françaises  qui  serviront  à 
l'enseignement  dans  les  écoles.  Le  «  que  »  explétif  dans  kimadi,  kidi  =  pour 
«  qu'il  m'a  dit  »,  «  qu'il  dit  »  joue  le  rôle  de  a  devant  les  verbes  en  gallois 
et  en  breton  ;  de  là  résulte  qu'on  peut  considérer  comme  prouvée  l'origine 
de  la  particule  verbale  a  dans  ces  dialectes  néo-celtiques,  c'est  le  pronom 
relatif  employé  abusivement. 

Le  neuvième  et  dernier  article  est  daté  du  Theological  collège  de  Bala  dans 
le  Pays  de  Galles  au  comté  de  Merioneth  ;  est-ce  l'établissement  que  je  vois 
ailleurs  appelé  séminaire  méthodiste  indépendant?  je  l'ignore.  L'auteur  qui 
signe  Hugh  Williams,  est  professeur  dans  ce  collège  théologique  '.  Il  a  pour 
objet,  dans  cet  article,  la  critique  de  l'ouvrage  de  M.  Zimmer  dont  le  titre 
est  Pelaoiiis  iti  friand  ^  et  de  l'article  du  même  auteur  intitulé  Keltische  Kircbe, 
traduit  par  M"c  Antonie  Meyer  sous  ce  titre  :  The  celtic  Church  in  Britain 
and   Ireland  ?.   M.    Hugh   Williams   commence   par  revendiquer   pour   les 

1.  Il  est  auteur  d'un  mémoire  intitulé  Some  aspects  oj  the  Christian  Church 
in  Wales  during  the  fifth  and  sixth  Centuries,  qui  a  été  publié  en  1895  dans 
les  Transactions  of  the  honorable  Society  oJ  Cymmrodorion,  session  1893- 1894, 
p.  55-132.  Cf.  Revue  Celtique,  t.  XVI,  p.  345-347. 

2.  Cf.  Revue  Celtique,  t.  XXII,  p.  354-356. 
5.  Cf.  Revue  Celtique,  t.  XXIV,  p.   326-327. 


lûo  Périodiques. 

Bretons,  c'est-à-dire  pour  les  Gallois,  l'honneur  d'avoir  donné  naissance  au 
célèbre  hérésiarque  Pelage  et  par  soutenir  que  le  pape  Jean  IV  (640-642), 
s'est  trompé  quand,  dans  une  lettre  adressée  aii  episcopos  et  presbyteros  Scotiae, 
il  a  accusé  les  Irlandais  de  laisser  revivre  chez  eux  le  virus  de  l'hérésie  péla- 
gienne  >.  C'est  peut-être  un  peu  hardi.  Mais  M.  Hugh  Williams  s'aventure 
moins,  quand  il  refuse  d'admettre  que  le  Palladius  de  la  chronique  de 
Prosper  d'Aquitaine  soit  identique  à  saint  Patrice,  et  quand  il  soutient  que 
l'hymne  de  Secundinus  à  la  louange  de  saint  Patrice  date  du  v^  siècle  2.  En 
effet,  cet  h\'mne  parle  de  saint  Patrice  comme  vivant  :  il  se  sert  du  pré- 
sent de  l'indicatif  pour  raconter  les  actes  du  pieux  êvêque  et  il  ajoute 
au  futur  que  le  même  saint  arrivera  en  paradis  :  regni  celestis  possessuriis 
gaudhim.  C'est  par  une  observation  analogue  que  la  date  de  l'antiphonaire 
de  Bangor  a  été  fixée  3.  Je  voudrais  arrêter  ici  l'analyse  de  cet  article  dont 
le  savant  auteur  ne  conteste  pas  la  grande  valeur  du  travail  précité  de 
M.  Zimnier,  quoiqu'il  en  critique  quelques  parties.  Suis-je  suffisamment 
informé  pour  juger  la  question  de  savoir  si  parmi  les  Brittons  du  iv«  siècle, 
en  Grande-Bretagne,  il  y  avait  déjà,  comme  le  croit  M.  Zimmer,  des  chré- 
tiens, ce  que  nie  M.  Hugh  Williams  ?  ou  si  tous  les  chrétiens  de  Grande- 
Bretagne,  à  cette  époque,  étaient,  comme  il  le  croit,  des  Romains  arrivés  à 
la  suite  des  légions  ?  J'aime  mieux  m'abstenir,  quant  à  présent,  que  de  me 
risquer  à  trancher  la  question  ;  cependant  elle  pourrait  bien,  ce  me  semble, 
être  résolue  contre  M.  Hugh  Williams,  si  l'on  fait  attention  que  le  nom  de 
l'évêque  d'York,  Eborius,  lisez  Eburius,  présent  au  concile  d'Arles,  3144, 
est  d'origine  celtique  et  qu"il  dérive  du  thème  gaulois  ehiiro-,  en  breton  evor, 
nom  d'arbrisseau,  en  gallois  efiur,  nom  de  la  berce  ou  panais  de  vache  î.  On 
peut  admettre  qu'en  plus  de  trois  siècles  de  contact  avec  les  armées  et  les 
magistrats  romains  un  certain  nombre  de  Brittons  de  Grande-Bretagne 
avaient  appris  le  latin,  sans  avoir  oublié  pour  cela  leur  langue,  comme  ont 
fait  les  Gaulois,  et  que  l'évêque  Eburius  était  un  de  ces  Bretons  bilingues. 
N'y  a-t-il  pas  aujourd'hui  des  Gallois  bilingues  parlant  anglais  et  gallois? 

III 

Archiv  fur  celtische  Lexicographie,  t.  II,  5^'  livraison.  —  Elle  com- 

1.  Migne,  Palrologia  lutiiia,  t.  80,  col.  60Î-602. 

2.  Cet  hymne  a  eu  de  nombreuses  éditions.  Nous  citerons  les  suivantes  : 
Migne,  Patrologia  latina,  t.  53,  col.  837-840;  t.  72,  col.  590-592;  Haddan 
and  Stubbs,  Coiwcils  and  eccksiastical  Docuineiits,  t.  II,  p.  324-327  ;  Whitley 
Stokes,  Tbe  tripartite  Life,  of  Patrick,  p.  386  ;  Bernard  et  Atkinson,  The  irish 
Liber  iiyinnorum,  p.  7-15. 

3.  Voyez  Revue.  Celtique,  t.  XV,  p.  136. 

4.  Haddan  and  Stubbs,  Councils,  t.  I,  p.  7. 

5.  Holder,  Altceltlscher  SprachscJmt:^,  t.  I,  col.  1402,  cf.  col.  1398;  cf. 
V.  Henrv,  Lexiqif.  étymologique  des  termes  les  plus  usuels  du  breton  armori- 
cain, p.  119:  A.  Macbain,  An  etymological  Dictioiuiry  of  tbe  gaelic  Lan- 
guage,  p.  198. 


Périodiques.  loi 

prend  quatre  articles:  i"  la  continuation  des  extraits  de  mss.  irlandais  faits 
par  M.  Kuno  Mever  ;  on  y  remarque  une  table  sommaire  du  livre  des  Hui 
Maine,  manuscrit  du  MVi-'  siècle  faisant  partie  de  la  collection  Stowe  aujour- 
d'hui dans  la  bibliothèque  de  la  Royal  irish  Academy  ;  2"  la  suite  des  index 
dressés  par  M.  Anscombc  pour  les  vieilles  généalogies  galloises  ;  ce  travail 
a  commencé  à  paraître  dans  le  tome  I^-,  p.  187-212,  513-549;  3°  le  com- 
mencement d'une  édition  nouvelle  du  Glossaire  d'O'Davoren  par  M.  Whitley 
Stokes.  Le  texte  irlandais  est  accompagné  d'une  traduction  anglaise  placée 
au-dessous  de  chaque  article.  La  partie  publiée  forme  trente-quatre  pages  et 
demie,  de  la  page  198  à  la  page  252.  Ces  34  pages  et  demie  correspondent 
aux  dix  premières  pages  de  l'édition  primitive  qui  en  a  soixante-dix-huit  '  ; 
espérons  que  M.  Whitley  Stokes  pourra  prochainement  terminer  cette  excel- 
lente publication. 

Le  dernier  article  est  la  suite  des  Coiilribiitions  to  irish  Lcxicography  de 
M.  Kuno  Meyer  ;  elle  va  de  la  page  337  a  la  page  400,  de  Ccn  co  à  co,  con- 
jonction. Les  400  premières  pages  de  cet  ouvrage  correspondent  aux  94 
premières  pages,  c'est-à-dire  presqu'au  cinquième  du  glossaire  de  M.  Win- 
disch  qui  3533  pages;  on  peut  donc  supposer  que  les  Contributions  to  irish 
L-xicograpIn  de  M.  Kuno  Meyer  ne  dépasseront  guère  cinq  fois  la  dimen- 
sion du  glossaire  de  M.  Windisch  et  atteindront  quelque  chose  comme  deux 
mille  sept  cents  pages.  La  publication  des  400  premières  pages  a  demandé 
quatre  ans,  il  faudra  probablement  vingt-trois  ans  à  M.  Kuno  Meyer  pour 
publier  les  2  300  pages  qui  restent.  Ce  n'est  pas  moi  qui  verrai  ce  beau  livre 
terminé.  J'aurai,  avec  mes  contemporains,  le  plaisir  de  jouir  du  commen- 
cement. 


IV 

An'K.xles  de  Bretagne,  tome  VI,  n»  i,  novembre  1903.  —  Cette  livraison 
débute  par  un  extrait  du  livre  de  René  d'Ys,  de  son  vrai  nom  Théophile 
Janvrais,  sur  Ernest  Renan  ;  cet  ouvrage  a  été  annoncé  plus  haut,  p.  88-89. 
Ensuite,  M.  F.  Le  Lay  expose  les  raisons  qui  lui  font  penser  que  la  l'illa  du 
Plaisir,  une  résidence  de  Judicaël,  roi  de  Domnonée,  vue  siècle,  serait  Le- 
Plessis-Jaulme,  commune  de  Lanouée,  Morbihan,  arrondissement  de 
Ploërmel,  canton  de  Josselin.  L'article  suivant  est  le  rapport  de  M.  Ernault 
sur  le  concours  de  poésie  en  dialecte  de  Vannes,  ouvert  par  l'Union  régio- 
nalistc  bretonne  à  Quimperlé  (cf.  Reiuie  Celtique,  t.  XXIV,  p.  100,  223). 
Nous  terminerons  en  signalant  les  corrections  faites  par  M.  Duine  à  son 
article  sur  le  calendrier  breton  de  Rennes  (cf.  Revue  Celtique,  t.  XXIV, 
p.  336).  N'oublions  pas  toutefois  le  supplément  où  commence  une  nouvelle 
édition  du  cartulaire  de  Quimperlé  par  MM.  Léon  Maître  et  Paul  de  Berthou  2. 


1.  Whitley  Stokes,  Three  irish  giossaries  (1S62),  p.  47-124. 

2.  Cf.  Revue  Celtique^  t.  XVIII,  p.  128,  et  ci-dessous,  p.  110. 


102  Périodiques. 


Archaeologia  Cambrensis,  sixième  série,  vol.  III,  partie  3,  juillet  1905. 
—  Nous  signalerons  deux  savants  mémoires  archéologiques  de  M.  Romilly 
Allen.  L'un  concerne  une  base  sculptée  de  croi.x  à  Llangefellach,  comté 
de  Glamorgan  ;  cette  base  appartient  évidemment  au  style  celtique  qui  a 
précédé  la  conquête  normande.  Le  second  de  ces  mémoires  est  relatif  à  une 
hache  de  pierre  ;  la  pierre  a  été  percée  de  manière  à  pouvoir  être  pénétrée 
par  le  manche.  L'opinion  du  savant  archéologue  est  que  les  haches  de  pierre 
percée  sont  en  Grande-Bretagne  contemporaines  de  l'âge  du  bronze,  tandis 
qu'en  Danemark  elles  datent  de  l'âge  de  la  pierre.  M.  Romilly  Allen  pense 
que  les  haches  de  pierre  recueillies  dans  les  musées  ont  été  placées  dans  des 
tombeaux  pour  trois  raisons:  1°  que  de  leur' vivant  les  défunts  s'étaient 
servis  de  ces  haches  et  les  avaient  eues  en  estime  ;  2°  que  les  défunts,  dans 
leur  vie  nouvelle,  auraient  besoin  d'armes  ;  3°  que  la  hache  était  un  sym- 
bole associé  au  culte  d'une  divinité.  —  Parmi  les  Archacological  Notes  and 
Oueiies,  nous  mentionnerons  une  épitaphe  gravée  sur  pierre  en  capitales 
romaines  :  icori  filivs  potentini,  avec  une  faute  de  latin,  filius  pour  fili 
ou  filii,  dont  Hûbner,  Inscriptiones  Brilaimiae  christianae,  p.  x,  a  relevé  huit 
exemples.  Cette  inscription  a  été  trouvée  à  Llysdingwyn,  comté  de  Carnar- 
von,  au  Pays  de  Galles.  Le  surnom  Potentiniis  se  trouve  dans  une  inscription 
de  Caerleon  (Corpus  inscriptioniiiii  latiuantiii,  t.  VII,  no  107). 

Même  volume,  partie  4,  octobre  1905.  —  Mémoire  de  M.  W.  T.  Granville 
sur  une  croix  de  pierre  sculptée  à  Ystafeld-fach,  comté  de  Brecknock. 

Première  partie  de  la  vie  de  saint  Samson  qui  fut  évêque  de  Dol  au 
¥!<=  siècle.  L'auteur,  le  Rév.  W.  Done  Bushell,  s'arrête  à  la  date  où  (555) 
saint  Samson  quitte  la  Grande-Bretagne  et  gagne  la  Bretagne  continentale  '. 

Étude  approfondie  de  MM.  Baring-Gould  et  J.  Fischer  sur  saint  Brychan 
qui  vivait  aux  environs  de  l'année  4002  et  qui  a  donné  son  nom  à  la  région 
du  Pays  de  Galles  dite  Brycheiniog,  depuis  comté  de  Brecknock  3. 

VI 

The  Journal  of  the  royal  Society  of  Antiq.uaries  of  Ireland,  t. 
XXIII,  1903.  —  Deux  mémoires  de  M.  J.  Rhys  sur  des  inscriptions  ogha- 
miques  d'Irlande:   1°  à  Donaghmore,  comté  de  Kildare  :  Netta  Vro/co 

1.  Sur  saint  Samson,  voyez  les  Bollandistes,  Bibliotheca  hagiographica 
latina,  p.  iO(S3-io84;  cf.  Lobineau,  Les  Vies  des  saiiils  de  Bretagne,  p.  95- 
109. 

2.  Robert  Williams,  A  biograpliical  Dictiotiarv  oj  eininent  Wetslimen,  p.  49; 
Rees,  Lives  of  Cambro-british  saints,  p.  289,  note. 

3.  Rhys,  Early  Britain,  2^.  édition,  p.  158;  Rees,  Lives  of  Cambro-british 
Saints,  p.  24,  en  bas,  et  pp.  272,  602. 


Périodiques  105 

MAQ.I  Mucco/  Treha/?(GGO  ;  2°  à  Inisvickillane  :  Av/  F/atiami  Maqi  G  ; 
30  à  Donard,  comté  de  Wicklow  :  Iaçeni  pôi  MuCadia  ;  4°  à  Carncomb, 
Connor,  comté  de  Dublin,  aujourd'hui  au  Musée  de  science  et  d'art  de 
Dublin  :  Cag^'AS  boi  maqi  Vobaraci.  Poi,  boi  signifierait  fils,  neveu  ou  suc- 
cesseur. 

Notice  par  M.  Stewart  Macalister  sur  le  monument  oghamique  deKilbo- 
nane.  On  y  lit  deux  inscriptions:  i"  ...agni  maq.i  Addilona  inagene 
Muco  BiDANi,  c'est-à-dire  «  monument  de  ...agnos,  fils  d'Addilone,  fille 
de  la  tribu  de  Bidan  »  ;  2°  une  inscription  inintelligible  pour  le  commun 
des  mortels  et  où  M.  Macalister  voit  une  cryptographie  ayant  le  même  sens 
que  l'inscription  précédente. 

Description  par  M.  Seaton  F.  Milligan  de  cinq  primitives  petites  cloches 
de  forme  carrée  et  faites  pour  être  portées  à  la  main. 

Annonce  de  la  découverte  d'une  chambre  souterraine  à  Rallywillan,  comté 
de  Derry. 

VII 

Celtia,  juillet,  août,  septembre  1903.  —  Discours  prononcé  par  M.  Kuno 
Meyer  pour  l'ouverture  du  cours  de  celtique  à  Dublin.  Nouvelles  de  cet 
enseignement.  M.John  Strachan  a  professé  le  vieil  irlandais  pendant  le  mois 
de  juillet  et  eu  trente-deux  élèves.  Le  cours  avait  lieu  tous  les  soirs  de  sept 
à  neuf,  M.  Strachan  pariait  d'abord  pendant  une  heure,  puis,  si  je  comprends, 
il  faisait  parler  ses  élèves  pendant  une  seconde  heure.  Le  journal  donne  un 
portrait  de  M.  Strachan  et  reproduit  deux  leçons  de  ce  savant  professeur, 
l'une  sur  les  pronoms  infixes  en  vieil  irlandais,  l'autre  sur  un  passage  des 
gloses  du  ms.  de  Wùrzburg,  fo  9  f ,  10  (Whitley  Stokes  et  John  Strachan, 
Thésaurus  palaeohibernicHS,  t.  I,  p.  553;  Zimmer,  Glossae  hibernicae,  p.  55). 

Le  cours  de  paléographie  par  M.  Kuno  Meyer,  celui  de  phonétique  par 
M.  Sweet  se  sont  laits  pendant  le  mois  de  septembre  suivant. 

VIII 

An  Gaodhal,  The  Gael,  août-décembre  1905.  —  Le  n"  d'août  reproduit 
la  leçon  d'ouverture  de  M.  Kuno  Meyer  publiée  dans  Cellia.  On  lit  à  la 
suite  une  analyse  du  discours  approbatif  de  M.  Douglas  Hyde  et  la  mention 
de  l'approbation  de  plusieurs  assistants  parmi  lesquels  nous  citerons  M.  P. 
W.  Joyce  et  le  père  Hogan. 

Dans  le  n»  de  septembre  on  a  inséré  un  article  de  feu  Eugène  O'Growney 
sur  les  différentes  manières  de  souhaiter  la  bienvenue  à  quelqu'un  en  irlan- 
dais. 

Le  n"  d'octobre  contient  :  un  résumé  en  anglais  de  la  légende  irlandaise 
connue  sous  le  titre  de  «  Poursuite  de  Diarmuid  et  Grainne  »  ;  le  texte  et 
la  traduction  par  M.  T.  O'Neill  Russel  d'un  poème  irlandais  sur  le  Boraiiia 
(ce  poème  est  conservé  par  le  Livre  de  Leinster,  p.  295);  le  compte  rendu 
des  funérailles  célébrées  en  Amérique  pour  Eugène  O'Growney,  mort  âgé 


104  Périodiques. 

de  irente-six  ans,  dans  un  hôpital  à  Los  Angeles,  en  Caliiornic,  et  dont  le 
corps  est  parti  de  New-York  pour  l'Irlande  le  19  septembre  dernier. 

Le  compte  rendu  des  funérailles  d'O'Growney  en  Irlande  a  paru  dans  le 
no  de  novembre  de  la  même  revue  ' . 

Un  article  littéraire  sur  le  mystérieux  pays  appelé  en  irlandais  Tir  na 
n-Oij  «  terre  des  jeunes  «  a  été  inséré  dans  le  n»  de  décembre. 


IX 

Revue  NuMiSMATiaUE,  1903.  —  Mémoire  de  M.  Adrien  Blanchet  éta- 
blissant qu'au  temps  de  l'indépendance  on  a,  dans  le  Nord  de  la  Gaule,  irnité 
non  seulement  les  statères  de  Philippe,  roi  de  Macédoine,  père  d'Alexandre 
le  Grand,  mais  des  monnaies  de  Tarente  et  de  Cales  en  Campanie,  aujour- 
d'hui Calvi,  et  de  Cnossos  en  Crète.  C'est  sur  la  monnaie  de  Cales 2  qu'a 
été  copiée  la  monnaie  gauloise  au  coq,  ce  coq  soi-disant  gaulois  est  le  coq 
de  Cales,  c'est  d'Italie  qu'il  est  venu  en  Gaule. 

X 

Revue  internatiok.\le  de  Numismatique,  t.  II,  1903.  —  Note  de 
M.  Adrien  Blanchet  établissant  que  les  monnaies  gauloises  de  bronze  portant 
la  légende  Pixlilos  peuvent  être  attribuées  soit  aux  Carnutes,  soit  aux  Aukrci 
Eburovices. 


XI 

The  journal  of  Theological  Studies,  octobre  1903.  —  Notice  de 
M.  A.  M.  Bannister  sur  des  fragments  de  sacramentaircs  irlandais  conservés  : 
10  en  Allemagne,  à  la  bibliothèque  de  Carlsruhe,  où  M.  A.  Holder  les  a 
découverts  ;  2'^  en  Italie,  à  la  bibliothèque  de  Plaisance.  Sur  les  fragments 
de  Carlsruhe,  il  v  a  déjà  un  article  de  M.  Whitley  Stokes  qui  a  paru  en  1889 
dans  la  Revue  de  Kuhn,  t.  XXXI,  p.  246,  et  qui  sera  reproduit  dans  le  t.  II 
du  Thésaurus  palaeohibcniicus,  p.  236.  Suivant  M".  Bannister,  ces  fragments 
appartiennent  à  un  sacramentaire  gallican,  antérieur  à  l'introduction  du 
sacramentaire  romain  et  plus  ancien  que  le  missel  de  Stowe  ?. 

XII 

BOLETIN   DE   LA  REAL   ACADEMIA    DE  LA   HiSTORIA,   t.    XLilI,    3<^  livraison, 

novembre  1903,   inscription  inédite   de  Tarragonc,  publiée  par  M.  Angel 

i.  Sur  O'Growney,  voir  la  Kaiuc  Celtique,  t.  XII,  p.  404;  t.  XVIII, 
p.  118;  t.  XIX,  p.  7(S;  t.  XXI,  p.  123. 

2.  Voir  l'article  Cales  dans  la  nouvelle  édition  de  Pauly,  Rcal-encydo- 
paedie,  5e  demi-volume,  col.  1331. 

3.  Warren,  Tlx  litiirgv  and  riluiil  oj  thc  ceJtic  church,  p.  207-248. 


Péiiodiques.  105 

de  Arco;  cette  inscription  nous  offre  le  nom  propre  Baba,  féminin  de  Bahus 
(Holder,  AUcellischer  Spiachschat\,  t.  I,  col.  322.  —  Même  tome,  6=  livrai- 
son, décembre  1905.  Reproduction  en  photogravure  de  l'inscription 
publiée  par  Hûbner,  Corpus  inscriplioniim  latiiiariun,  tome  II,  no  2907,  qui 
est  répitaphe  d'un  personnage  d'origine  celtique,  T.  Mai^ilius  Reclugetii 
/[iliiis],  natif  d'(7.V(j;«a  Argaela  «  Osma  de  los  Argelos  »,  qu'il  faut  distin- 
guer à'Uxama  Barca. 

T.  XLIV,  !■•'-■  livraison,  janvier  1904.  —  Dans  un  article  sur  des  inscrip- 
tions romaines  nouvellement  découvertes,  le  R.  P.  Fita,  à  la  p.  82,  propose 
pour  joje-a  Oîp;j.à  «  les  eaux  chaudes  '  »,  ville  des  Aiisclani,  les  AùOr,Tavo'. 
des  mss.  de  Ptolémée,  liv.  II,  chap.  6,  §69,  une  situation  différente  de  celle 
qu'indiquait  en  1885  C.  Mùller,  t.  I,  p.  194  de  son  édition  de  Ptolémée. 
C.  Mùller  parle  de  Bafiolas.  Le  P.  Fita  préfère  Caldas  de  Malavella.  Ces 
deux  localités  sont  situées  dans  la  province  de  Gerona,  Bafiolas  dans  l'ayun- 
tamiento  de  Gerona,  Caldas  de  Malavella  dans  celui  de  Santa  Coloma  de 
Farnés.  En  1869,  Emile  Hûbner,  Corpus  inscriptioniiin  Jatinariun,  t.  II, 
p.  598,  avait  proposé  Caldas  de  Mombuv,  province  de  Gerona,  ayunta- 
miento  de  Granollers. 

XIII 

Revue  historique,  tome  LXXXIII,  2<^  livraison,  novembre-décembre 
1905.  —  Notice  par  M.  Bonnet-Maury  sûr  saint  Colomban  et  sur  la  fonda- 
tion des  monastères  irlandais  en  Brie  au  vii«  siècle. 


XIV 

The  Folklore,  t.  XIV,  no  3,  septembre  1903.  —  Notes:  1°  de  M.  R. 
C.  Maclagan  sur  les  superstitions  des  pêcheurs  dans  les  Highlands  d'Ecosse  ; 
2°  de  M.  Gaidoz  établissant  que  l'auteur  d'une  partie  du  volume  intitulé 
Li'popèe  celtique  en  Irlande,  tome  I  (1892),  a  négligé  de  citer  le  passage 
du  livre  du  dovcn  de  Lismore,  où  il  est  question  de  la  mort  de  Conlaoch, 
tué  par  Cùchulainn,  son  père.  M.  Gaidoz  renvoie  à  l'édition  de  ce  livre  due 
au  Rév.  Thomas  Mac-Lauchlan  (1862),  traduction  anglaise,  p.  50-5  3  (cf.  texte 
gaélique,  p.  34-57).  On  aurait  pu  citer  aussi  deux  ouvrages  plus  récents: 
Campbell,  Leabhar  na  Feinne  (1872),  p.  9-15,  Cameron,  Reliquiae  Celticae, 
t.  I  (1892),  p.  58-63,  et  un  livre  français  plus  ancien,  l'Histoire  de  la  poésie 
Scandinave  d'Edèlestaud  du  Méril,  Paris,  1839,  °"^>  P-  44°'  ^^  rédaction  per- 
sanne  du  combat  du  père  et  du  fils  est  rapprochée  de  la  rédaction  gaélique, 
telle  que  l'a  donnée  Macpherson  ;  en  1839,  Edélestand  du  Méril  ne 
pouvait  connaître  de  la  rédaction  gaélique  un  meilleur  texte  que  celui  de 
Macpherson.  A  propos  d'un  autre  ouvrage,   nous  voulons  parler  de  VEssai 


I.  Il  s'agit  de  la  localité  dont  les  habitants  sont  appelés  Aquicaldcnscs  par 
Pline,  1.  III,':  2V 


io6  Périodiques. 

d'un  catalogue  de  la  littérature  épique  de  l'Irlaude,  une  critique  analogue  au 
sujet  du  même  morceau  a  été  faite  par  M.  Kuno  Meyer,  Revue  Celtique, 
t.  VI,  p.  17. 

L'observation  de  M.  Gaidoz  et  celles  que  nous  y  ajoutons  peuvent  com- 
pléter la  critique  de  M.  Kuno  Meyer. 

XV 

Revue  archéologique,  4e  série,  t.  II,  juillet-août  1903.  —  Notices: 
1°  de  M.  l'abbé  Breuil  sur  deux  épées  de  fer  hallstadiennes  du  musée  de 
Poitiers;  2°  de  M.  A.  Favraud  sur  deux  statues  gallo-romaines  trouvées  à 
Sircuil  (Charente)  ;  Tune  se  distingue  par  la  présence  d'un  dragon  ailé 
entourant  un  personnage  auquel,  malheureusement,  la  tête  fait  défaut. 

Septembre-octobre  1903.  —  M.  Salomon  Reinach  signale  six  monuments 
de  la  déesse  Epona  non  compris  dans  le  catalogue  donné  par  lui.  Revue 
Archéologique,  1902,  p.  231  (cf.  Revue  Celtique,  t.  XXIII,  p.  366). 

XVI 

Indogermanische  Forschungen  herausgegeben  von  Karl  Brugmann  und 
Wilhelm  Streitberg,  t.  XIV,  p.  490,  et  An:(eiger,  p.  81.  —  Notice  sur  le 
mot  Morimarusa,  qui  serait  germanique  (cf.  Holder,  Altceltischer  Sprach- 
schati,  t.  II,  col.  449). 

T.  XV.  —  Note  additionnelle  par  M.  Windisch  à  son  article  sur  le  pro- 
nom infixé  en  vieil  irlandais  et  dans  le  Rigvêda.  Cet  article  a  paru  dans  le 
tome  XIV  des  Lidogermanische  Forschuiif^eii  (d.  Revue  Celtique,  t.  XXIV, 
p.  223-225).  L'auteur  de  cette  note  est  trop  aimable  pour  son  collègue  de  la 
Revue  Celtique. 

Mémoire  de  M.  G.  Schùtte  sur  l'ancienne  géographie  politique  des 
peuples  non  classiques  de  l'Europe.  L'auteur  a  une  façon  d'envisager  la 
géographie  qui  est  au-dessus  de  ma  portée,  surtout  quand,  p.  322,  il  déclare 
que  de  Vellauni  les  Français  ont  fait  Guillaumes.  Vellauiii  est  une  variante 
de  Uellaui,  qui  est  devenu  en  français  Velay  ;  et,  sans  citer  à  ce  sujet  un 
ouvrage  français,  on  peut  renvoyer  à  un  livre  élémentaire  allemand,  V Atlas 
Antiquus  de  Kiepcrt,  onzième  édition,  index,  p.  25.  M.  G.  Schùtte,  habi- 
tant Copenhague,  est  excusable  de  ne  pas  connaître  cet  ouvrage  élémentaire 
allemand.  N'empêche  :  la  traduction  de  Vellauni  par  Guillaumes  vaut  celle 
de  Galvadantis  (lisez  Gavaldanus)  pagus  par  Calvados  qui  a  fait  en  France  la 
célébrité  de  Charles  Pertz  ',  fils  de  l'illustre  Georges-Henri. 

Le  reste  du  volume  est  beaucoup  meilleur,  mais  malheureusement  ne 
concerne  pas  les  études  celtiques. 

I.  Monunienta  Gemnviiae  historica,  Diploinatum,  tomus  I  (1872),  p.  224; 
cf.  Longnon,  Examen  géographique  du  tome  l'^''  àa  Diplomata  imper ii  {i^-ji), 
p.   23. 


Périodiques.  107 


XVII 

Beitraege  zur  Kukde  der  Indogermanischen  Sprachen  heraiisgegeben 
von  D''  Ad.  Bezzenberger  und  D""  W.  Prellwitz,  tome  vingt-septième,  1902- 
1903.  —  Les  mots  irlandais  et  gallois  paraissent  en  grand  nombre  dans  un 
mémoire  que  M.  Wiedcmann  a  intitulé  Elymologien  ;  la  liste  en  est  donnée, 
p.  341,  dans  l'index  dressé  par  M.  PrcUwitz  ;  on  y  trouve  même  des  mots 
gaulois:  cintiis,  p.  199;  diiitiim,  p.  218. 

Tome  vingt-huitième,  fe  livraison,  1904.  —  Suite  du  mémoire  de 
M.  Wiedemann.  Traitant  du  gothique  faiihviis  «  monde  »,  «  Jilhaii  >\ 
«  cacher  »,  du  vieux  haut-allemand  yi-'/^'a  «  jante  de  roue  »  (aujourd'hui  en 
allemand  ferge)  et  j'olgen  «  suivre  »,  il  a  étudié  le  rapport  du  celtique  Her- 
c\nia  avec  le  gothique /a;V^''«///  «  montagne  ».  De  Hercynia  il  semble  ne  pas 
connaître  la  notation  la  plus  ancienne  'Af-zûvia.  Mais  il  est  dans  le  vrai,  ce 
nous  semble,  en  voyant  dans  Hercynia  un  composé  celtique  distinct  de 
Jairgtini.  C'est  dans  ce  mémoire  que,  pour  la  première  fois,  nous  remar- 
quons, p.  9,  le  rapprochement  de  Hercynia  (mieux  Ar-cunia')  avec  Argonne 
=  *Ar-cuna,  écrit  Argonna  chez  Richer  au  x«=  siècle,  1.  II,  c.  103  (édition 
de  Waitz,  Ad  iisum  scholarimi,  p.  124),  et  chez  d'autres  auteurs  plus  récents 
(D.  Bouquet,  Recueil  des  Insloriens  de  la  France,  t.  VIII,  p.  524  A;  t.  IX, 
p.  18  B,  45  A),  Argitnna  dans  VHistoria  episcopornni  Virdunensiiim  (D.  Bou- 
quet, t.  XI,  p.  124).  Quantaux  'ApzJv^a  d'Aristoteque  M.  Wiedmann  oublie, 
il  serait  ii^éressant  d'en  rapprocher  un  nom  de  lieu  d'Italie,  ftindus  Arcu- 
nianiis,  dans  un  diplôme  de  l'empereur  Lothaire  en  faveur  de  l'abbaye  de 
Farfa  en  840  (I.  Giorgi  e  V.  Balzani,  //  regesto  di  Far/a,  vol.  II,  p.  234)  et 
dans  un  diplôme  de  l'empereur  Otton  I^""  pour  la  même  abbaye,  967  (Sickel, 
Diplontalum  regiiin  et  iinperatoruin  Gcrnianiae  tomus  I,  p.  455,  1.  26).  Ce 
nom  de  Jiindus  suppose  un  gentilice  romain  Arcuiiius  dérivé  d'un  nom 
d'homme  gaulois  *Arcunos. 

Dans  un  mémoire  sur  l'idée  du  crâne  chez  les  indo-européens,  M.  J. 
Schefstowitz  rapproche,  p.  153,  IS4,  une  foule  de  textes  des  deux  passages, 
l'un  d'Ammien  Marcellin,  XXVII,  4,  l'autre  de  Titc  Live,  XXIII,  24,  oia  il 
est  question  de  l'emploi  de  crânes  d'hommes  comme  vases  à  boire  chez  les 
Celtes.  Dans  les  passages  précités,  Animien  Marcellin  parle  des  Scordisci, 
Tite  Live  des  Boii,  établis  les  uns  dans  la  péninsule  des  Balkans,  les  autres 
en  Italie,  deux  peuples  d'origine  celtique. 

XVIII 

L'anthropologie,  t.  XIV,  mars-octobre  1903.  —  Mémoire  de  M.  S. 
Reinach  sur  l'art  et  la  magie  à  propos  des  peintures  et  des  gravures  de  l'âge 
du  renne.  Il  s'agit  de  découvertes  faites  dans  huit  cavernes  situées  en 
France  dans  le  Sud-Est.  Les  animaux  représentés  sont  tous  de  ceux  que  l'on 
désirait  avoir,  soit  pour  s'en  nourrir,  soit  pour  s'en  servir  comme  bêtes  de 


lo8  Pcnodiijiies. 

somme  ou  de  trait.  Le  but  de  leur  reproduction  par  les  arts  du  dessin  était 
de  les  multiplier  et  de  les  attirer. 

Le  mémoire  de  M.  S.  Reinach  nous  fait  remonter  à  une  époque  précel- 
tique. L'étude  de  M.  Cartailhac  sur  la  station  de  Bruniquel,  Aveyron,  nous 
maintient  dans  la  même  période. 

Nous  arrivons  dans  le  monde  celtique  avec  l'exploration  du  tumulusarverne 
de  Celles,  près  Naussargues,  Cantal,  par  MM.  Alary,  Déchelette  et  Lauby. 

Nous  sommes  aussi  dans  le  monde  celtique  avec  M.  Wilser  et  sa  note  sur 
l'origine  des  Celtes.  Il  la  met  dans  la  Suède  centrale  parce  que  les  habitants 
de  la  Suède  centrale  sont  presque  tous  dolichocéphales,  ont  presque  tous  les 
cheveux  blonds,  la  barbe  abondante,  les  veux  bleus,  la  peau  blanche,  la 
taille  haute.  Seulement  la  question  se  pose  de\savoir  si  cette  population  n'est 
pas  arrivée  en  Suède  à  une  date  relativement  récente  et  d'une  contrée  plus 
méridionale.  D'autre  part  il  est  regrettable  que  l'auteur  puise  ses  notions 
de  linguistique  chez  Holtzmann,  Kdtcn  iind  GcrDianeii,  livre  tout  à  fait  arriéré 
et  qui  ne  mérite  plus  les  honneurs  de  la  discussion. 

Le  dernier  mémoire,  œuvre  de  M.  l'abbé  H.  Breuil,  traite  des  pointes  de 
llèches,  des  pointes  de  lances  et  des  bases  de  lances  qui,  remontant  à  l'âge 
du  bronze,  ont  été  trouvées  dans  le  bassin  de  Paris. 


XIX 

Revue  des  TR,\DrrioNS  popul.\ires,  t.  XVIII,  juin-décembre  1903.  — 
Légendes  bretonnes  de  saint  Sané,  de  l'auge  de  sainte  Anne  et  des  sangliers 
de  Huelgoat  par  MM.  F.  Duine  et  Jean  Le  Goffic.  Articles  de  M.  F.  Duine 
sur  les  légendes  de  saint  Thégonnec  et  de  saint  Gobrien.  Rappel  par 
M.  Sébillot  d'un  article  de  W^<^  Lucie  de  V.  H.  (même  revue,  t.  XVII, 
p.  352),  où  est  mentionné  un  usage  des  environs  de  Dinan  ;  c'est  de  mettre 
dans  le  cercueil  des  morts  un  morceau  de  pain  pour  les  nourrir  pendant  le 
voyage  qu'ils  feront  en  traversant  l.i  mer  qui  est  sous  nous.  Ce  voyage  à 
travers  la  mer  semble  d'origine  celtique,  mais  la  situation  souterraine  de 
cette  mer  peut  être  de  même  provenance  que  le  Styx  des  Grecs. 

XX 

Revue  épigraphiq.l'h,  avril-mai-juin  1905.  —  Suite  du  catalogue  des 
estampilles  de  potiers  trouvées  dans  la  collection  de  M.  E.  Kuhn,  à  Marcillat, 
Allier  (cf.  Revue  Celtique,  X.  XXIV,  p.  251,  340).  La  plupart  des  noms 
d'hommes  qui  apparaissent  dans  ces  estampilles  sont  latins  et  ceux  qui 
semblent  étrangers  à  la  langue  latine  ont  été  en  grande  partie  insérés  par 
M.  Holder  dans  son  AUccUiseher  Sjvacljsehal:^,  tels  sont  :  Moxsius  (Holder, 
t.  II,  col.  647),  Reburrus  (tbhleiii,  col.  iO(S9),  Rottalus  (^ibidem,  col.  1234), 
Rutenus  (ibidem,  col.  1231).  Cependant  quelques-uns  paraissent  inédits,  tels 
sont:  Niranus,  Niritus  (cf.  Nironius,  ibid.,  col.  749),  Occocus  (cf.  Occus, 
ibiil.,  col.  826),  Retinicus  (cf.  Retinacius,  ibid.,  col.  1179)- 

Suitcde  l'étude  d'Allmer  sur  les  noms  de  dieux  gaulois  :  Ritona,  Rudianus. 


Périod'ujues .  109 


XXI 

Annales  de  la  Faculté  des  Letpres  de  Bordeaux.  Revue  des  études 
ANCIENNES,  t.  V,  n°  3,  juillet-Septembre  1903.  Remarques  de  M.  C.  Jullinn 
sur  la  plus  ancienne  religion  des  Gaulois:  Rituel  domestique,  rituel  judi- 
ciaire et  politique,  rituel  de  la  chasse.  Mémoires  du  même  :  1°  sur  la  thas- 
salocratie  phocéenne  dans  la  partie  occidentale  de  la  Méditerranée;  2°  sur 
les  tètes  coupées  et  masques  de  dieux  publiés  par  M.  d'Agnel. 

No  4,  octobre-décembre  1903.  —  M.  C.  Jullian  émet  l'opinion  qu'au 
Nord  des  Pyrénées  les  Ligures  ont  précédé  les  Ibères  qui  seraient  arrivés  du 
Sud  après  le  vi^  siècle  avant  J.-C.  Cette  thèse  exacte,  certainement  quand  il 
s'agit  des  Basques  venus  très  tardivement,  peut  sembler  douteuse  quand  il 
est  question  des  Ibères  établis  dans  cette  région  quand  Jules  César  fit  la 
conquête  de  la  Gaule  indépendante  au  i^'^  siècle  avant  notre  ère. 

XXII 

ZeITSCHRIFT    FilR    VERGLEICHENDE     SPRACHFORCHUNG,    t.     XXXVIII,     4^ 

livraison,  p.  458-472.  Recueil  d'étymologies  celtiques  par  M.  Whitley  Stokes. 
On  ne  peut  ici  analyser  ce  savant  mémoire  que  pour  bien  faire  il  faudrait 
reproduire  en  entier.  Remarquons  cependant  le  rapprochement  de  ben  imtha, 
pellex  avec  l'adjectif /h/Z/wc/j  «  amoureux  »  qui  permet,  quant  au  sens  et  à 
l'emploi,  la  comparaison  avec  le  latin  arnica. 

XXIII 

Proceedings  of  THE  ROYAL  IRISH  AcADEMV,  t.  XXIV,  section  C,  4e  par- 
tie. —  Htude  de  M.  Joseph  P.  O'Reilly  sur  les  vieilles  églises  de  deux  loca- 
lités du  comté  de  Dublin,  la  petite  ville  de  Dalkey  et  l'île  de  même  nom. 
Ces  églises  étaient  dédiées  à  sainte  Begnet,  identique  suivant  M.  O'Reilly 
à  sainte  Bega  qui  vivait  au  vii'-'  siècle  et  sur  laquelle  on  peut  consulter  la 
Bibliotheca  hagw^raphica  hilina  des  Bollandistes,  t.  I,  p.  161-162.  Elles  ont 
été  construites  en  pierre  contrairement  à  l'usage  général  des  Irlandais  qui 
bâtissaient  en  bois,  bien  qu'à  cet  usage  il  y  ait  des  exceptions.  Ces  églises 
paraissent  antérieures  à  la  conquête  anglo-normande. 

XXIV 

Revue  des  bibliothèques  et  archives  de  Belgique,  t.  V,  fascicule  i . 
—  Intéressante  étude  par  M.  Victor  Tourneur  sur  le  Catholicon  breton,  son 
auteur,  ses  éditions,  et  sur  la  copie  manuscrite  conservée  à  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris,  fonds  latin,  no7656(cf.  Revue CelUqiie,  t.  I,  p.  59)-399). 

Paris,  le  6  janvier  1904. 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


1 10  Périodicjues. 


POST-SCRIPTUM 


Au  moment  de  donner  le  bon  à  tirer  de  cette  livraison  nous  pouvons 
annoncer  aux  lecteurs  de  la  Revue  Celtique  deux  nouvelles  très  importantes 
dans  l'ordre  des  études  auxquelles  ce  périodique  est  consacré. 


I 

L'une  est  le  rétablissement  de  la  santé  de  M.  H.  Zimmer.  Ce  résultat  est 
attesté  par  une  lettre  datée  de  Berlin  et  que  M.  Zimmer  a  écrite  lui-même 
au  directeur  de  la  Reinie  Celtique.  La  Revue  Celtique  adresse  ses  félicitations 
au  savant  professeur  de  l'Université  de  Berlin. 


II 

L'autre  nouvelle  est  que  le  tome  second  du  Thésaurus  palaeohihernicus, 
entrepris  par  MM.  Whitley  Stokes  et  John  Strachan,  vient  de  paraître,  sor- 
tant des  presses  de  l'Université  de  Cambridge.  Il  en  sera  rendu  compte  dans 
une  prochaine  livraison  de  la  Revue  Celtique.  On  ne  peut  trop  admirer  !a 
science  et  l'activité  avec  laquelle  cette  publication  si  utile  a  été  conduite.  Le 
premier  volume  avait  paru  en  1901  (Revue  Celtique,  t.  XXIII,  p.  94-96,  216- 
217).  Ces  deux  volumes  serviront  désormais  de  base  aux  études  dont  seront 
l'objet  l'histoire  de  l'irlandais,  et,  d'une  façon  plus  générale,  l'histoire  des 
langues  celtiques. 

III 

Au  moment  où  nous  écrivions  ces  lignes,  nous  avons  reçu  la  seconde 
édition  revue,  corrigée  et  augmentée  du  cartulaire  de  Sainte  Croix  de  Quim- 
perlé  par  MM.  Léon  Maître  et  Paul  de  Berthou.  C'est  un  volume  in-S»  de 
XI  et  408  pages  ;  il  forme  le  fascicule  IV  de  la  Bibliothèque  bretonne  aniiori- 
caiiie  publiée  par  la  Faculté  des  Lettres  de  Rennes.  Cf.  Revue  celtique,  t. 
XVIII,  p.   101-103;  Archiv  fiir  celtische  Lexicographie,  t.  I,  p.  143-130. 

IV 

Au  même  instant  il  nous  vient  entre  les  hiains  le  Recueil  iV Annales  anve- 


Périodiques.  1 1 1 

vines  et  vemlomoises  publié  par  M.  Louis  Halphen  dans  la  Colkclion  de  textes 
pour  servir  à  l'ensei^neinent  de  l'histoire,  édité  à  Paris  par  la  librairie  Alphonse 
Picard  et  fils.  Nous  y  remarquons,  p.  57  et  84,  le  nom  de  lieu  Chidriacus, 
qui  suppose  un  primitif  *Cadriaciis.  Il  s'agit  de  Saint-Remy-la-Varenne 
(Maine-et-Loire)  ;  ce  nom  de  lieu,  *Cadriacus,  dérive  d'un  gentilice  *Cadriiis, 
dérivé  lui-même  de  l'adjectif  gaulois  cadras,  en  breton  kaer  «  beau  »  ;  cf. 
A.  Holder,  Altceltischer  Spraclischati,  t.  I,  col.  671,  où  est  mentionné  un 
autre  Cadriacus,  aujourd'hui  Charrey  (Côte-d'Or).  Dans  Charrey  le  d  est 
tombé  et  IV  a  été  doublé.  Le  même  phénomène  s'est  produit  en  Maine-et- 
Loire.  En  effet,  dans  le  livre  de  M.  L.  Halphen,  à  côté  de  Chidriacus,  on 
trouve  la  variante  Chirriacns,  p.  435.  A  comparer  l'article  Saint-Rémy-la- 
Varenne  chez  Célestin  Port,  Dictionnaire  historique,  géographique  et  biogra- 
phique du  département  de  Maine-et-Loire,  t.  III,  p.  448,  où  sont  réunis  quatre 
exemples  de  la  variante  Chiriacus.  On  trouve  aussi  à  plusieurs  cas  Chiriacus 
par  une  seule  r  dans  le  Cartulaire  de  Saint-Aubin  d'Angers  publié  par 
MM.  Bertrand  de  Broussillon  et  Eugène  Lelong,  t.  I,  p.  203,  204,  205, 
209,  213,  214,  215,  230;  t.  II,  p.  21,  56,  408,  411.  Mais  dans  ce  même 
cartulaire  la  bonne  orthographe  par  double  r  =  rd  se  rencontre  quatre  fois 
au  t.  I,  savoir  p.  11  :  Chirriacns;  p.  12  :  Chyrriacus;  p.  226,  227  :  Chyrriaci. 

26  janvier  1904. 

H.  D'A.  DE  J. 


Le  Propriélairc-Géranl  :  \*euvc  E.  Bouillon', 


Charyes.  —  Imprimerie  Dura.nd,  rue  Fulbert. 


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Par  MM.  Whitley  Stokhs  et  John  Strachan 
Deux  volumes  in-8o. 

Le  premier,  xxvi  et  727  pages,  contient  les  gloses  irlandaises  sur  l'Ancien 
et  le  Nouveau  Testament;  le  second,  xl  et  422  pages,  les  gloses  irlan- 
daises sur  divers  ouvrages  latins,  des  spécimens  de  vieille  prose  irlandaise, 
une  liste  de  vieux  noms  irlandais  de  personnes  et  de  lieux,  un  recueil  de 
vieilles  inscriptions  irlandaises,  enfin  les  plus  anciens  exemples  que  nous 
ayons  de  la  versification  irlandaise.  Suivent  de  copieux  index. 

Un  troisième  volume  sera  consacré  au  glossaire  des  mots  contenus  dans 
les  deux  premiers. 


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Quinzième  livraison  contenant  les  colonnes  1537  à  1792 
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Cette  livraison  commence  à  Si^ana  et  se  termine  à   Tcloiniiiiu.  La   pre- 
mière livraison  a  paru  en  1891. 


LES  CELTES 

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AVANT  NOTRE  ÈRE 

Par    H.    d'Arbois    de    Jubaik ville 

Un  volume  in- 12  de  \11-219  pages. 


L'ANNÉE    CELTIQUE 

D'APRÈS    LES    TEXTi'S    IRLANDAIS,    GALLOIS,    BRETONS 
ET    LE    CALENDRIER    DE    C0LI(;N'V 


DES    NOMBRES    ET    DU    SYSTEME    DE    NUMERATION 
CHEZ    LES    CELTES 


Mémoire  lu  par  l'auteur  en  séance  de  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  le  22  janvier  1 904. 

L':in  dernier,  M.  d'Arbois  de  Jubainville  a  bien  voulu  faire 
en  mon  nom,  à  l'Académie  des  Inscriptions,  une  communica- 
tion sur  les  o-()//n/<'~/o/^  bretons  ou  jours  supplémentaires  des- 
tinés, selon  moi,  à  établir  im  raccord  entre  l'année  lunaire 
celtique  et  l'année  solaire  babylonienne '.  j'ai  depuis  continué 
mes  recherches  en  ce  sens  et  peu  à  peu  j'ai  été  ainsi  amené, 
je  pourrais  dire  obligé,  à  les  étendre  à  toute  l'année  celtique. 

J'en  expose  aujourd'hui  les  résultats  que  je  soumets  à  l'Aca- 
démie dont  je  serais  heureux  de  recevoir  à  ce  sujet  les  observa- 
tions. 

Je  n'ai  pas  la  prétention  de  lui  présenter  un  travail  déhnitif, 
mais  je  crois  avoir  posé,  ou  du  moms  entrevu  les  principaux 
problèmes  de  cette  épineuse  branche  des  études  celtiques  et  en 
avoir  résolu  quelques-uns. 

Mes  sources  sont  tout  d'abord  le  calendrier  de  Coligny  que 
je  crois  de  plus  en  plus  celtique,  quoi  que  l'on  puisse  penser 

I.  Cf.  Ri'viie  Celtique,  t.  XXIV,  p.  510-312. 

Revue  Ccitiifuc,  XXV.  8 


114  J-  ^oth. 

de  certaines  influences  étrangères,  les  lois  irlandaises  et  gal- 
loises, les  textes  épiques  irlandais,  et,  pour  le  pays  de  Galles, 
surtout  les  Mabinogion,  ceux  qui  sont  sûrement  d'origine 
galloise  pure. 

J'ai  aussi  compulsé  les  textes  les  plus  anciens  dans  les  deux 
groupes,  sans  me  flatter,  tant  s'en  faut,  d'avoir  tout  vu. 

Dans  l'ensemble,  ces  textes  représentent,  avec  plus  de  pureté 
en  certains  cas  en  Irlande  et  d'une  façon  plus  complète,  l'an- 
cienne civilisation  païenne  des  Celtes,  quelle  que  soit  la  date 
des  manuscrits  d'où  ils  sont  tirés  et  même  l'époque  de  leur 
rédaction  (sur  la  question  de  l'ancienneté  des  textes  irlandais, 
v.  d'Arbois  de  Jubainville,  Inirodnction  à  l'cludc  de  la  lillcralnrc 
cdliquc,  p.  29  et  suiv,  ;  Etudes  sur  le  droit  celtique,  I,  p.  3  36  et 
suiv.). 

Il  va  sans  dire  que  je  n'ai  pas  négligé  les  remarques  des  édi- 
teurs des  textes  irlandais  et  gallois.  Les  ouvrages  de  M.  d'Arbois 
de  Jubainville  sur  l'histoire  et  la  littérature  celtique,  en  ^xyù- 
cuYicr  ses  Etudes  sur  le  droit  celtique  m'ont  été  d'un  grand  secours. 
Pour  le  calendrier  de  Coligny,  j'ai  surtout  profité  des  études 
de  MM.  Scvmour  de  Ricci'  et  Thurnevscn-. 


1.  Rei'iic  Ccttiquc,  XIX,  p.  215  ;  XXIV,  p.  513. 

2.  Cellisclk'  Zeish'lin'ft,  II,  p.  523  et  suiv. 


Vannée  celùquc  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  i  1 5 


PREMIÈRE  PARTIE 


L  AWIÎE  CELTIQ.UE 


Sa  durée. 


L'année  est  lunaire  chez  les  Celtes  comme  chez  les  autres 
Inùo-Européens.  N'en  aurait-on  pour  preuve  que  le  nom  du 
mois,  nom.  mi,  génitif  mis  en  irlandais  ;  gallois-breton-cor- 
nique  7nis  =  indo-eur.  *mêns,  génitif  *mêns-os,  et  leur  habitude 
de  compter  par  nuits,  qu'on  n'en  saurait  douter. 

Cette  habitude  est  non  seulement  attestée  par  César  {De  bdlo 
^allico,  VI,  18),  mais  encore  par  les  textes  irlandais  et  gallois. 

Dans  les  lois  irlandaises,  il  est  à  chaque  instant  question  de 
délai  de  >  nuits,  de  9  nuits  (d'Arbois  de  Jubainvillc,  Eludes 
sur  le  droit  celtique,  voir  plus  bas),  sans  parler  de  périodes  plus 
longues. 

Les  trois  nuits  d'hospitalité  sont  tort  en  usage  {The  voyage 
of  Mael  Duin,  Revue  Celtique,  IX,  p.  494). 

Le  druide  de  Manannan  Mac  Lir  est  trois  nuits  sous  l'ap- 
parence d'une  femme  {The prose  Taies  in  the  Rennes  Dindsenchas, 
Revue  Celtique,  XVI,  p.  152). 

On  compte  à  partir  de  la  nuit:  c'est  ainsi  que  dans  le  Toch- 
march  Ferhe{h.  Texte,  3,  p.  472-3),  on  décide  de  procéder  à 
l'enlèvement  du  bétail  de  Cuahige,  dans  7  -xnsjt  partir  de  cettenuit . 

Chez  les  Gallois,  cette  tradition  est  encore  peut-être  mieux 
conservée  : 

Mabinogion  (J.  Loth,  Mabinogioii),  I,  p.  37:  11  v  aura  un 
an,  ce  soir  ; 

p.  44:  dans  un  an,  ce  soir; 

p.  46  :  un  délai  d'un  an,  à  partir  de  ce  soir; 


1 16  /.  Lotli.- 

p.  55  :  tous  les  ans,  la  nuit  de  CaJanniei  (Calendes  de  mai, 
I"  mai),  la  jument  de  Teyrnon  met  bas; 

p.  225  :  un  an,  à  partir  de  ce  soir; 

p.  225  :  Kei  restait  9  nuits  et  9  jours  sans  dormir; 

p.  250  :  Mabon  a  été  enlevé  la  3''  nuit  de  sa  naissance; 

p.  274:  le  combat  dure  9  nuits  et  9  jours; 

p.  294  :  Iddawc  va  en  Prydein,  3  nuits  avant  la  bataille  de 
Camlan  ; 

p.  314:  Rhonabwy  avait  dormi  3  nuits  et  3  jours. 

Ancient  Laïus of  fVales  {éd.  Aneurin  Owen,  in-4",  p.  172):  en 
cas  de  revendication  de  propriété,  dans  des  conditions  déter- 
minées, le  plaignant  doit  rester  j  nuits  et  ^  jours  sans  répondre. 

p.  260:  si  on  allume  du  feu  chez  un  autre  sans  sa  permis- 
sion, on  est  responsable  des  donmiages  jusqu'à  la  fin  de  la  y 
nuit  et  du  3^  jour  (cf.  ihid.,  p.  88,  260,  264  et  788). 

II,  p.  472,  une  vache  d'amende,  chaque  nuit  jusqu'à  la  fin 
de  la  ^^  nuit. 

La  semaine  galloise  courante  de  8  jours  est  connue  sous  le 
nom  de  luythnos,  huit  nuits;  la  quinzaine,  de  pytbcfiios,  15 
nuits. 

L'irlandais  ancien  coiclbis^es  signifie  quiu~aiue,  probablement 
quinzaine  de  nuit. 

La  nuit,  suivant  l'expression  de  Tacite  pour  les  Germains, 
menait  le  jour.  Et  de  fait,  si  on  ne  connaît  cette  habitude  des 
Celtes,  on  peut  être  exposé  à  de  sérieux  contre-sens;  c'est 
ainsi  que  dans  The  vision  of  mac  Cono-liirne  {Ku)io  Meyer,  §  17, 
note),  l'expression  aidehe  salhuini,  nuit  de  samedi,  doit  se 
traduire  en  réalité  par  nuit  de  vendredi  à  samedi,  comme  l'a 
fait  remarquer  judicieusement  l'auteur  de  l'édition'. 

Il  est  important  aussi  de  remarquer  que  l'expression  nuit 
employée  seule  indique  généralement  la  nuit  et  le  jour  reunis. 
Il  y  a  cependant  peut-être  une  réserve  à  finre  pour  wyllnhis 
les  8  nuits  des  Gallois  (v.  ///o/.f  et  semaines,  p.   130  et  suiv.). 

On  a  déjà  pu  remarquer  par  les  citations  précédentes  qu'on 
emploie  à  peu  près  indifféremment  l'expression  3  nuits  ou  celle 


I.   En   anglo-saxon,  Friveoêfen  (nuit  de  jeudi)  signifie  en  réalité  la  nuit 
pour  vendredi  (Schrader,  Rcallex.,  p.  8^6). 


Vannée  ccltiqnc  d'après  les  textes  irLinJais,  etc.  i  17 

de  5  nuits  et  3  jours;  on  dit  9  nuits  aussi  bien  que  9  nuits  et  9 
jours  pour  le  même  délai.  Si  on  précise,  le  plus  souvent  c'est 
qu'on  était  en  présence  d'un  autre  mode  de  comput  dû  à  des 
influences  étrangères. 

En  cela  les  Celtes  sont  fidèles  aux  traditions  indo-euro- 
péennes; comme  l'a  établi  Schrader  {Reallcxicon  au  mot  Tag), 
les  mots  pour  le  jour  n'indiquaient  que  la  portion  claire  et 
chaude  de  l'ensemble;  l'expression  nz//V désigne  les  deux  parties 
réunies.  Schrader  cite,  à  ce  sujet,  non  seulement  le  témoignage 
de  César  et  de  Tacite,  mais  encore  des  exemples  des  plus  clairs 
tirés  de  l'Avesta,  du  Rigveda,  d'autres  textes  sanskrits,  des 
langues  germaniques  jusqu'en  plein  moyen  âge  ;  les  expressions 
anglaises  actuelles  Forinight,  Sennight. 

Aucun  texte  gallois  ni  irlandais  ancien  non  suspect  d'in- 
fluence savante  et  chrétienne  ne  donne  la  durée  de  l'année 
lunaire  celtique.  Il  semble  qu'il  y  ait  cependant  une  indication 
dans  The  Prose  Taies  in  the  Rennes  Dindknchas  {Revue  Cel- 
tique, XVI,  p.  60)^  :  les  4  oiseaux  de  Baile  poursuivent  Cairpre 
pendant  7  fois  50  nuits,  ce  qui  fliit  350  nuits,  de  même  dans 
l'histoire  du  Cochon  de  Mac  Dàthô  (d'Arbois  de  Jubainville, 
l'Epopée  celtique,  p.  710)  : 

Il  y  a,  dans  le  château  de  Mac  Dâthô,  7  portes  et  50  lits  d'une 
porte  à  l'autre,  ce  qui  donne  350  Uts.  Cela  supposerait  une 
année  lunaire  de  12  mois  de  29  jours  avec  une  très  légère 
fraction.  Ce  serait  à  peu  près  l'année  lunaire  de  12  mois  syno- 
diques;  il  n'y  aurait  guère  entre  cette  année  et  celle  du  calen- 
drier de  Coligny  qu'une  difi"érence  de  5  jours  et  une  légère 
fraction.  Cette  année,  si  année  il  y  a,  aurait  été  une  étape  entre 
l'année  lunaire  de  12  mois  sidéraux  (le  mois  d'environ  27 
jours)  et  l'année  de  mois  synodiques,  ou  simplement  une 
année  populaire-.  Quant  à  l'année  solaire,  il  en  est  question 


1.  La  Icj^ende  de  Diannit  el  Graine  renferme  un  exemple  analogue. 
Di.irmit  et  Grame,  poursuivis,  fuient  pendant  un  an  et  un  jour  et  ils  élèvent 
ce  qu'on  a  appelé  566  lits  (leabfi),  c'est-à-dire  crotiilcac,  ce  qui  équivaut  à 
nos  dot  nw  II  s  (Wakem.ui,  Hundboo/c  of  Ir.  ant.,  3'=  éd.  revue  parCook,p.  51). 
Ce  serait  une  indication  d'année  solaire  de  566  jours. 

2.  Il  y  a  trace  dans  l'Odyssée,  a  129,  no,  d'une  année  de  550  jours 
(v.  Rosclier,  Die  Enncadischen  und  hebdom.  Fristen  itnd  {'Vocben.  der  àltesten 


I  i8  ./.  Lolh. 

dans  quelques  textes  irlandais  comme  dans  les  vies  des  saints 
tirées  du  livre  de  Lismore,  ligne  1787  ;  cf.  Calh  Ahuaiue  {Revue 
Celtique,  1903,  p.  55).  Sa  longueur  paraît  indiquée  dans  la  vie 
de  saint  Féchin  (Revue  Celtique,  XII,  p.  68)  ;  sur  le  tombeau 
de  Miach  poussent  365  herbes  représentant  le  nombre  de  ses 
articulations  et  de  ses  nerfs. 

Nous  avons,  grâce  aux  Gourde:(iou  et  au  calendrier  de  Coli- 
gny,  un  moyen  plus  sûr  de  retrouver  la  durée  de  l'année  cel- 
tique lunaire  et  solaire,  à  une  période  qu'on  ne  saurait  pré- 
ciser, mais  à  coup  sûr  tort  ancienne. 

MM.  Thurneysen,  Seymour  de  Ricci  ont  reconnu  dans  le 
calendrier  de  Coligny  un  mois  intercalaire  évidemment  destiné 
à  établir  l'accord  entre  l'année  lunaire  de  355  jours  et  l'année 
solaire.  Thurneysen  remarque  sa  présence  avant  le  mois  de 
Giamon  qui  commence  une  des  deux  divisions  de  l'année  et 
aussi  avant  la  2^  demi-année  ^  Il  remarque  aussi  que  le  mois 
ou  les  mois  intercalaires  présentaient  toujours  30  jours  (2  fois 
"douze  jours  et  i  fois  six  jours);  que  les  12  jours  donnaient  les 
noms  des  12  mois  à  peu  prés  exactement  dans  l'ordre  habi- 
tuel. Je  dois  dire  que  M.  Thurneysen  a  connu  le  travail  de 
M.  Seymour  de  Ricci.  Ce  dernier  a  parfaitement  reconnu  2 
mois  intercalaires  et  montré  que  tous  les  2  ans  et  demi  on 
intercalait  un  mois  de  30  jours. 

Or,  comme  il  le  fait  remarquer,  après  avoir  eu  connaissance 
de  ma  communication  sur  les  GourdciJGu,  cela  fliit  12  jours 
complémentaires  par  an.  Un  autre  fait  intéressant,  relevé  éga- 
lement par  M.  Seymour  de  Ricci,  c'est  que  chaque  jour  du 
mois  intercalaire  porte  le  nom  d'un  des  trente  mois  qui  sui- 
vaient; ce  qui,  f:iit-il  remarquer  avec  raison,  est  d'accord  avec 
l'indication  du  père  Grégoire  de  Rostrenen,  dans  son  Diction- 
naire français-breton  :  que  la  qualité  de  ces  douze  premiers  jours  de 
l'an  dénote,  d'après  le  peuple,  celle  des  dou^c  mois  de  l'année.  A 
cette  occasion,  il  rappelle,  d'après  Schrader  {Reallexicon,  I, 
p.  191),  que  dans  la  littérature  brahmanique,  ces  jours  sont  J^/^ 


Griechen,   extrait  des  AhJi.  der  plj.-liist.  Id.  dcr  k.   s.    G.  dcr    tViss.,    tome 
XXI, no  IV.  Leipzig,  1903). 
1.   Celt.  Zeitschr.,  II,  p.  337. 


L\inricc  celtique  A\iprh  les  textes  ii landais,  etc.  i  19 

Ahhild  des  konimcndcn  Jahrc.O .  M.  Sevmour  de  Ricci  croi':  que 
le  mois  intercalaire  portait  le  nom  de  Ciallos.  C'est  au-dessous 
de  ce  mot  qu'on  a  trouvé  so)iiiO('iii^os  qui,  comme  je  l'ai  montré, 
signifie  marche  du  soleil  ;  puis  vient  un  passage  malheureuse- 
ment mutilé  indiquant,  semhle-t-il,  un  XIII''  mois  et  une  année 
de  385  jours-,  c'est-à-dire  l'année  lunaire  de  355  jours  qui 
est  l'année  ordinaire  du  calendrier,  plus  le  mois  intercalaire 
de  30  jours.  Je  hasarde  une  étymologie  à  ce  sujet.  Il  existe 
en  irlandais,  et  vraisemblablement  en  gallois,  une  racine  kei, 
sous  sa  forme  fliible  ki,  ayant  le  sens  de  rassembler:  irl.  cinll 
*keislo.  Le  ia  irlandais  représente  une  ancienne  diphtongue 
celtique  ei.  Je  n'identifie  donc  pas  l'irlandais  ciall  avec  le  ciallos 
du  calendrier;  l'irlandais  ciall  supposerait  heillos  ou  keislos,  à 
cette  époque,  mais  je  crois  que  ciallos  est  formé  sur  la  racine 
ki  et  peut  signifier  rassemblement,  résumé,  étymologie  confir- 
mée par  le  fait  que  le  mois  intercalaire  rassemble  en  effet  les 
12  jours  intercalaires  de  deux  années  et  la  moitié  de  ces  12 
jours  ou  6  jours  de  la  première  moitié  de  la  troisième  année. 
Si  on  en  jugeait  d'après  le  calendrier  de  Coligny,  les  Gaulois 
donneraient  à  leur  année  solaire  367  jours,  ce  qui  est  vraiment 
excessif.  Il  est  sûr  que  l'année  lunaire  celtique,  à  l'époque  de 
l'intrusion  des  12  jours,  ne  devait  compter  que  354  jours; 
354  -h  12  donne  366  jours,  c'est-à-dire  l'année  sola'ire  cou- 
rante et  usuelle  des  Babyloniens,  comme  l'a  démontré  Weber  3  : 
je  ne  parle  pas  de  l'année  astronomique  qui  était  de  365  jours 
1/4.  Cette  année  lunaire  a  été  celle  des  Grecs  et  aussi,  à  un 
certain  moment,  celle  des  Komains  au  témoignage  de  Censo- 
rinus  et  de  Macrobe^. 

Pourquoi   le  trouve-t-on   augmenté   d'un    jour  à  Coligny  ? 
Il    n'y    a    aucune    raison   de   supposer    chez    les    Celtes,    à 


1.  Revue  Celtique,  1905,  p.  515,  316. 

2.  Le  mot  ht  (on  a  lac  dans  un  autre  passage)  qui  précède  385  indique  sans 
doute  des  jours.  Préoccupé  de  retrouver  dans  le  calendrier  le  cvcle  <;aulois 
de  Pline,  j'v  avais  vu  des  années.  Tout  n'est  pas  d'ailleurs  limpide  dans  ce 
passage,  le  premier  M  avant  M. XIII  n'est  pas  expliqué. 

5.'Ved.  Beilr.,  VII  (Sitzungshcr.  der  k.  pr.  ak.  d.  Wiss.,  1898, 
XXXVII,  p.  539  et  suiv.). 

4.  Unger  ap.  Iwan  MùUer,  Handbucb,  I,  p.  725  ;  Hartmann  revu  par 
Lange,  Der  Romischc  Kalender,  Leipzig,  1888,  p.  34-56. 


I  20  ./.  Lotli. 

l'exemple    des   Romains,    la  superstition    des     jours   impairs 
qui  a  joué  un  rôle  si  important  chez  ces  derniers,  particuliè- 
rement dans  l'établissement  du  calendrier.  Ce  ne   peut  être 
par  souci  d'exactitude  astronomique.  D'après  le  comput  actuel, 
la  révolution  de  la  lune  est  de  29  jours,  12  heures,  44  minutes, 
3  secondes,  ce  qui  donne  en  mettant  le  mois  en  moyenne  à 
29  jours  et  demi  :  354  jours.  Ce  n'est  pas,  il  est  vrai,  l'année 
lunaire  exacte  ;  il  y  a  en  plus  une  fraction  de  8  heures,  48 
minutes  et  38  secondes,  c'est-à-dire  à  peu  près  9  heures,  ce 
qui,  au  bout  de  3  ans,  donnait  plus  d'un  jour  de  retard  sur  la 
marche  de  la  lune,  au  bout  de  6  ans,  plus  de  deux  jours.  Donc, 
pour  que  l'année  fût  d'accord  avec  la  marche  de  la  lune,  l'on 
ne  pouvait  se  contenter  d'années  constantes  de  354  jours;  les 
années  de  355  jours  devaient  alterner  avec  celles  de  354  jours 
dans  la  proportion  de  3  à  5 .  Et  de  fait,  comme  le  fait  remar- 
quer Hartmann,  chez  tous  les  peuples  qui  se  sont  servis  ou  se 
servent  encore  d'années  lunaires,  les  Grecs,  les  Juifs,  les  Arabes, 
les  Turcs,  on  trouve  à  côté  des  années  de  354  jours  des  années 
réelles  et  non  théoriques  de  355  jours \  L'année  de  355  jours 
est  moins  exacte  encore;  elle  oWige  à  retrancher  un  jour  tous 
les  deux  ans,  parfois  même  la  troisième  année  ;  si  les  pontifes 
romains  l'ont  préférée,  c'est  par  suite  de  la  tyrannie  du  nombre 
impair.  Chez  les  Gaulois,  la  raison  est  d'autre  nature.  Si  on 
parcourt  les  textes  irlandais  et  gallois,  on  est  frappé  de  l'insis- 
tance avec  laquelle  ils  parlent  de  l'année  cuticniiicul  accouplic. 
Dans  les  contrats,  les  promesses,  la  formule  est  un  an  et  un 
joiir^.  Cette  expression  est  d'ailleurs  encore  en  vigueur  dans  les 
pays  celtiques,  Galles,  Bretagne,  et  même  en  territoire  français. 
Cette  formule  nous  reporte  probablement  à  l'époque  où  l'année 
lunaire  variait  de  temps  en  temps  d'un  jour  de  durée.  Tout 
en  maintenant  l'année   populaire  courante    à    354  jours,   on 
évitait  en  prolongeant  d'un  jour  la  durée  de  contrat  toute 
chance  d'erreur.  Il  suffisait  qu'il  manquât  la  fraction  la  plus 
infinitésimale  à  la  durée  d'un  contrat  pour  qu'il  fût  caduc.  Il 

1.  Der  Rôiii.  Kiil.,  p.  4i. 

2.  L'Épopi'e  celtique  en  Irlande,  p.  248  ;  Etudes  sur  le  droit  celtique,  1, 
p.  XX;  II,  p.  183;  cf.  Ancienl  Laïcs  of  ll'alcs,  I,  p.  12S,  178,  106;  II, 
p.  198. 


L'anncc  cilt'u]ii<'  iVaprcs  Us  textes  irlandais,  etc.  121 

me  paraît  possible  que  ce  soient  des  scrupules  religieux  et  judi- 
ciaires qui  aient  déterminé  les  Druides  à  augmenter  officielle- 
ment  l'année  d'un  jour'.  Peut-être  aussi  l'influence  du  calen- 
drier romain  n'est-elle  pas  étrangère  à  cette  mesure.  Les  Gaulois 
de  Coligny  avaient  néanmoins  conservé  intacts  les  douze  jours 
complémentaires  traditionnels,  plus  conservateurs  en  cela  qu'un 
Gallois  très  druide  cependant  de  sentiments,  lolo  Morganwg, 
comme  on  va  le  voir.  J'ai  eu  la  satisfaction  de  retrouver  les 
12  jours  complémentaires  chez  les  Gallois. 

Dans  le  Barddas,  compilation  indigeste  de  William  ab  Ithel^, 
reposant  en  grande  partie  sur  les  collections  de  lolo,  il  est 
question  du  raccord  par  les  anciens  Cymry  (Gallois)  de  l'année 
lunaire  à  l'amiée  solaire  (p.  424).  L'auteur  qui  puise  à  des  sources 
qu'il  ne  donne  pas  toujours  nous  dit  qu'ils  avaient  deux  années, 
l'une  solaire  de  366  jours,  l'autre  lunaire  de  354  jours;  les  jours 
qui  sou I,  d'après  son  expression,  eu  surplus  des  jours  de  l'année 
lunaire  s'appelaient  Dyddiau  Dyddoii,  que  l'auteur  traduit  par 
Days  of  Days.  Selon  lui,  on  les  distribuait  ainsi  dans  l'année: 
2  jours  complémentaires  à  Albany  Arthnn  (calendes  de  jan- 
vier), 3  àAlhati  Eilir  (cal.  de  printemps),  3  -x  Alhan  Helfin  (cal. 
d'été),  3  à  Albûii  Elved  (cal.  d'octobre)  :  ce  qui  donne  onze  jours 
supplémentaires.  Il  est  évident  que  l'auteur  a  retranché  un  jour 
complémentaire,  supposant  que  l'année  solaire  ne  pouvait  être 
que  de  365  jours.  En  effet,  à  la  page  précédente  (p.  422),  il 
est  rapporté,  d'après  deux  sources  différentes,  que  l'année  lunaire 
est  de  354  jours  et  l'année  solaire  de  366.  Un  des  auteurs 
ajoute  même  que  l'année  solaire  savuulc  et  de  comput  est 
de  364  jours  seulement.  Une  réflexion  du  jtremier  semble 
prouver  que  ses  renseignements  sont  plus  fondés;  il  nous 
dit  que  30  années  lunaires  valent  29  années  solaires,  ce  qui 
est  à  peu  près  exact  si  on  donne  354  jours  à  l'année  lunaire 
et    366   à    l'année  solaire  ;  il   ne    reste    à    l'actif    de    l'année 


1.  Les  Druides  étaient  des  juges  et,  à  une  époque  déterminée  de  l'année, 
chez  les  Carnutes,  tranchaient  les  différends. 

2.  Barddas  or  a  collection  of  original  documents  illustrative  of  the 
theology,  wisdom  and  usages  of  the  bardo-druidic  system,  Llando- 
very,  1862. 

5.  Alban  indique  solstices  et  équinoxes. 


122  ./.    Lotll. 

lunaire  qu'une  supériorité  de  6  jours.  Ces  Dydâiau  Dyd- 
doii,  qu'on  trouve  dans  les  lois  galloises  avec  le  sens  dç  l'an- 
glais i^/fif;;/;  days,  ce  qui  n'est  sans  doute  pas  leur  sens  primitif, 
étaient  donc  sûrement  au  nombre  de  12  et  ont  joué  le  même 
rôle  que  les  Gourdc:^ion  bretons.  Ces  12  jours  se  retrouvant 
chez  les  Germains,  les  Indous,  les  Bretons,  et  leur  sens  étant 
parfaitement  établi  par  les  acceptions  très  nettes  du  mot  Gour- 
dc:{iou  en  Bretagne  ^  le  fliit  devient  d'une  grande  importance. 
Il  prouve  à  l'époque  de  l'unité  indo-européenne  des  rapports 
d'inHuence  et  probablement  de  voisinage  entre  les  Assyriens 
et  les  Indo-Européens  ou  une  fraction  des  Indo-Européens,  et 
rentorce  singulièrement  la  thèse  de  Johannes  Schmidt  dans  son 
célèbre  travail  :  Die  Urheiiiuit  dcr  Iiidogcniiaiicn  inid  das 
airopâischc  Zahlsyslcui  ÇAbh.  dcr  k.  ak.  dcr  IFiss.  -u  Berlin, 
1890,  II,  p.  1-56).  Le  problème  s'est,  il  est  vrai,  quelque  peu 
compliqué  depuis  ma  dernière  communication  par  suite  de 
nouveaux  matériaux  que  j'ai  réunis.  Mon  collègue,  M.  Dottin, 
après  m'avoir  appris  que  dans  les  campagnes  canadiennes  fran- 
çaises, les  12  jours  qui  suivaient  Noël  (du  25  décembre  au  6 
janvier)  indiquent  respectivement  la  température  des  12  mois 
de  l'année  suivante,  tradition  connue  aussi  dans  quelques  loca- 
lités du  département  de  la  Marne,  me  fiit  remarquer  que  dans 
le  Bas-Maine  ce  sont  les  6  derniers  jours  de  l'année  qui  jouent 
ce  rôle  vis-à-vis  des  6  premiers  mois  de  l'année  suivante-.  Ces 
jours,  dans  le  Maine,  portent  le  nom  d'acbets  et  dans  le  Canada 
celui  d\tjcls  qui  paraît  y  avoir  le  sens  de  pronostics.  Il  n'est  pas 
difficile  d'expliquer  l'usage  des  6  jours  représentant  les  6  pre- 
miers mois;  c'est  un  souvenir  de  l'époque  où  l'année  se  divi- 


1.  Le  mot  Gourde:^ion  ctait  connu,  comme  en  fait  foi  le  dictionnaire  de 
Grégoire  de  Rostrenen,  mais  son  sens  précis  de  jours  supplémentaires  a  été 
établi  par  moi  pour  la  première  fois,  sur  les  précieuses  indications  de  mon 
ami,  M.  Vallée,  de  Saint-Brieuc,  qui  s'occupe  activement  et  avec  autant 
d'intelligence  que  de  désintéressement  de  lexicographie  bretonne.  En  m'en- 
voyant  une  liste  de  mots  nouveaux  ou  rares,  il  me  signala  le  sens  populaire 
de  Goiirdeiioii.  qui  lui  paraissait  de  nature  à  modifier  celui  que  donnait  le 
père  Grégoire.  Je  suis  responsable  de  tout  le  reste  dans  la  première  com- 
munication. 

2.  Les  sources  de  M.  Dottin  sont  pour  le  Canada  et  la  Marne,  La  Revue 
des  traditions  populaires,  XIII,  p.  2)0,  419;  Dottin,  Glossaire  des  patois  du 
Bas-Maine,  p.  3. 


L'année  cclti.jiie  iVapiès  les  textes  iriinJais,  etc.  125 

sait  en  deux  moitiés  exactes,  à  peu  près  indépendantes,  division 
très  marquée  chez  les  Celtes  et  notamment  dans  le  calendrier 
de  Colignv.  La  question  est  plus  compliquée  en  ce  qui  con- 
cerne la  tradition  du  haut-vannetais.  A  Bignan,  canton  de 
Locminé,  d'après  une  communication  écrite  d'un  ancien  étu- 
diant de  la  Faculté  des  Lettres,  M.  l'abbé  Buléon,  curé  de  cette 
paroisse  :  «  C'est  une  croyance  profondément  enracinée  que 
les  6  derniers  jours  de  l'année  renferment  une  indication  sûre 
pour  le  temps  qu'il  fera  chaque  mois  de  l'année  suivante.  Les 
anciens  en  tenaient  compte  pour  leurs  récoltes.  Pour  trouver 
ces  indications,  on  divisait  les  6  jours  en  4  quartiers  comme 
les  mois  lunaires  et  chacun  de  ces  quarts  de  jour  correspondait 
à  une  quinzaine  de  Tannée  suivante;  par  exemple,  si  le  pre- 
mier quart  du  26  décembre  était  humide,  il  fallait  s'attendre  à 
de  la  pluie  pendant  la  première  quinzaine  de  janvier  et  ainsi 
de  suite.  » 

Cette  semaine  s'appelant  er  gouh  suhiin,  la  vieille  semaine, 
l'abbé  Buléon  croit  que  les  Bretons  de  Bignan  ont  confondu 
gouh  où  l'aspiration  est  très  faible  et  se  confond  presque  avec 
le  son  ;',  avec  goiir  qui  se  trouve  dans  Goiinh'~ioii  ;  on  aurait 
dit  gour  siihiiii,  semaine  supplémentaire  ou  la  grande  semaine; 
puis,  quand  gouh  fut  adopté,  il  parut  ridicule  de  qualifier  de 
vieux  les  premiers  jours  de  l'année  nouvelle  :  on  se  restreignit 
aux  derniers  jours  de  l'année.  J'ajoute  qu'il  est  possible  que 
le  terme  de  grande  seiiiaiue  ait  été  adopté  et  que  plus  tard  ce 
terme  appliqué  à  12  jours  ayant  paru  incompréhensible,  on 
ait  ramené  cette  semaine  anormale  à  6  jours.  Ces  explications 
sont  quelque  peu  forcées  ;  de  plus,  elles  ne  rendent  pas  compte 
du  fait  de  la  division  des  6  jours  par  4  et  de  celle  des  12  mois 
en  24  portions  de  15  jours.  S'il  ne  s'était  agi  que  de  pronos- 
tiquer en  gros  les  12  mois,  il  suffisait  de  diviser  les  6  jours  en 
deux,  ce  qui  faisait  12  sections  correspondantes  aux  12  mois 
de  l'année  nouvelle.  Il  est  évident  qu'on  a  voulu  trouver  dans 
ces  6  jours  le  reflet  exact  de  l'année  avec  son  nombre  de  jours 
et  la  grande  division  du  mois  en  deux  parties.  Les  6  jours 
partagés  en  4  donnent  24  sections  correspondantes  chacune 
à  une  quinzaine.  Or,  en  multipliant  24  par  15,  on  arrive  à 
un  total  de  360  jours  exactement.  C'est  l'année  lunaire  chai- 


1 24  J.  Lolh.  ^ 

dcennc^  courante.  Dans  les  Vedas,  il  y  '^  aussi  une  année  de 
360  jours  avec  un  mois  intercalaire  tous  les  5  ans.  Je  n'en 
conclurai  pas  qu'il  y  ait  eu  une  tentative  de  raccord  entre 
cette  année  de  360  jours  et  l'année  ordinaire  de  354  jours.  Il 
y  a,  en  effet,  un  fait  bien  reconnu  en  cette  matière,  c'est  que 
chez  beaucoup  de  peuples  se  servant  de  l'année  de  mois 
lunaires  synodiques,  l'année  populaire  était  considérée  chez 
le  peuple  comme  étant  de  12  mois  de  30  jours,  c'est-à-dire 
de  360  jours.  Cette  année  de  360  jours  a  d'ailleurs  une  raison 
d'être  connue,  on  le  verra  plus  bas,  à  propos  du  cycle  de 
30  ans. 

Il  y  a  une  autre  hypothèse  qui  me  séduirait  davantage,  parce 
qu'elle  expliquerait  un  fait  étrange  en  ce  qui  concerne  les  mois 
bretons  et  certaines  anomalies  dans  la  langue  du  calendrier  de 
Coligny. 

L'alternance  des  mois  pleins  et  des  mois  caves  amena  à  unir 
les  mois  par  deux;  on  les  considéra  comme  homme  et  femme, 
ou  comme  frères.  J.  Grimm  en  cite  des  exemples  en  allemand 
et  dans  les  langues  qui  lui  sont  apparentées  et  de  plus  chez  les 
Arabes  et  les  Syriens  (Geschichie  der  d.  Spr.,  p.  m  ;  Weinhold, 
Deutsche  Monaîsnamcu ,\{:\\\g,  1869,  p.  13,  23).  Les  Indous  par- 
tageaient l'année  en  6  doubles  mois.  A  Agrigente,  un  décret 
est  daté  du  sixième  double  mois  (h-y.q  ci[j:r,'izj)  -. 

Il  me  paraît  très  vraisemblable  que  cet  usage  a  existé  chez 
les  Celtes  ou  chez  une  partie  des  Celtes.  Il  est  en  effet  frappant 
que  chez  les  Gallois,  chez  les  Bretons  du  Cornwall  et  d'Ar- 
morique,  6  des  12  mois  aient  pris  des  noms  latins  et  que  6  seu- 
lement aient  des  noms  celtiques  (sont  celtiques,  les  noms  des 
mois  de  juin,  juillel ,  septembre,  octobre,  novembre  et  décembre). 
Il  y  a  encore  à  remarquer  qu'en  vannetais,  juillet  porte  le  nom 
de  mebcveuic,  petit  }neheven  ou  petit  mois  de  juin  ^^.  Cet  usage  des 
6  grands  mois  admis,  on  arrive  facilement  à  comprendre  l'intru- 
sion dans  le  calendrier  de  Coligny  de  noms  de  mois  à  apparences 
peu  celtiques  ou  au  moins  peu  gauloises  comme  Equos.  Arrivés 

1.  Lenormant  revu  par  Babclon,  Hisl.  des  peuples  de  l'OrieiU,  378. 

2.  Uscner,  Drcilieit.,  Rhein.  Mus.  n.  F.  58,  p.  343. 

3.  M.  Paul  Mcyer  me  fait  remarquer  qu'il  en  est  de  même  en  français  : 
juillel  est  ^our  juignet,  petit  ;«/«. 


L'année  celticjiie  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  [21; 

:ui  dédoublement  des  6  grands  mois  en  12  mois,  à  l'exemple 
de  leurs  voisins,  les  Gaulois  auront  pu  adopter,  pour  une  partie 
des  mois  qu'ils  avaient  à  nommer,  des  termes  étrangers  à  leur 
langue  nationale.  L'usage  des  6  grands  mois  aura  eu  pour 
conséquence  vraisemblablement  de  grouper  aussi  les  12  jours 
intercalaires  par  deux,  par  suite  de  l'esprit  de  symétrie  si 
remarquable  chez  les  peuples  primitifs  ou  à  moitié  civilisés. 
Il  y  aura  eu  ainsi  une  grande  semaine  de  6  grands  jours  destinés 
à  refléter  les  6  grands  mois.  De  même  que  chacun  de  ceux-ci 
étaient  divisés  en  4,  chaque  mois,  ou  plutôt  demi-mois,  étant 
divisé  en  deux  moitiés,  par  symétrie,  peut-être  aussi  à  l'imita- 
tion des  phases  de  la  lune,  les  6  grands  jours  furent  également 
partagés  par  4.  Quand  le  souvenir  de  l'intercalation  des  12  jours 
se  fut  oblitéré,  la  division  primitive  resta  néanmoins.  Rien  n'y 
fut  changé,  si  ce  n'est  que  la  division  qui  portait  sur  6  grands 
jours  ne  porta  plus  que  sur  6  jours  ordinaires. 


2.  Divisions  de  l'année  celtique. 

Comme  chez  tous  les  Indo-Européens,  l'année  chez  les  Celtes 
se  divisait  nettement  en  deux  moitiés  de  6  mois  ^  Cette  division 
est  nettement  marquée  dans  le  calendrier  de  Colignv  :  de  Samon 
à  Giamon,  6  mois;  de  Giamon  à  Samon,  6  autres  mois^. 
Comme  on  trouve  devant  Giamon  aussi  bien  que  devant  Samon 
un  mois  intercalaire,  on  ne  peut  savoir  lequel  de  ces  mois 
commençait  l'année.  Anciennement,  c'est  sûrement  Giamon 
qui  a  dû  être  le  premier  mois  de  l'année.  Cette  division  en  deux 
est  encore  fortement  marquée  dans  les  textes  irlandais  et  gallois. 
Il  n'est  pas  rare  qu'il  y  soit  question  de  demi-année  :  Nuadu 
est  roi  d'Irlande  jusqu'à  la  fin  d'une  demi-année  {Letb-hliadne): 
Acall.  na  Scnôrach,  Ir.  Texte,  IV,  ligne  3497.  Dans  les  lois  irl. 
(I,  p.  29)  l'année  est  exprimée  par  </</  se  mis,  deux  fois  6  mois. 
De  même,  dans  les  lois  galloises,  I,  p.  90  :  hanncr  blnydyu,  demi- 


1.  Idelcr,  Handhiich  der  Chron.,  I,  241  ;  cf.  sur  cette  question,  Usener, 
Dreihcil.  Rlicin.  iMus.  n.  F.,  LVIII,  p.  557. 

2.  Tluinieysen,  Cdt .  Zciisch.,  II,  p.  325. 


I  20  J.  Loth. 

nnnée.  La  période  d'un  an  et  demi,  de  deux  ans  et  demi  est 
connue  (Ir.  T.,  IV,  ligne  2514;  v.  notes,  p.  294).  Cliez  les 
Irlandais,  l'année  se  partageait  d'abord  en  deux  moitiés  :  de 
Sainhaiii  (novembre)  à  Beltenc  {i"  mai)'.  Dans  les  lois  irlan- 
daises (IV,  p.  78),  l'année  est  partagée  en  2  également, 
période  d'hiver  et  période  d'été;  mais  comme  il  s'agit  surtout 
d'évaluer  les  dommages  et  les  amendes  au  sujet  des  productions 
de  la  terre,  les  deux  divisions  sont  inégales.  La  saison  chaude 
compte  7  mois,  c'est-à-dire  le  dernier  mois  du  printemps,  les 
3  mois  d'été  et  les  3  mois  d'automne  ;  la  période  dite  d'hiver 
ne  correspond  donc  qu'à  5  mois.  Il  est  fréquemment  question 
dans  les  textes  épiques  et  légendaires  de  périodes  allant  de 
SûDihaiii  à  Bi'llc'iie  ou  réciproquement-,  l'année  conmiençant  le 
i'^'  novembre,  sanibain  ou  saiii-fuiii  ou  jour  de  la  fête  de  Tara. 
Au  lieu  d'année,  on  dit  souvent:  d'une  fête  de  Tara  à  l'autre 
(Acall.  na  sen.,  Ir.  texte,  III,  3552). 

Dans  les  lois  galloises,  les  deux  grandes  périodes  sont  éga- 
lement les  calendes  de  mai  {Calan  iiwi,  i^'  mai),  et  les  calendes 
d'hiver  (G/A/;/  Gayaf]  i*^""  novembre)  5.  Il  semble  que  les  Gallois 
faisaient  plutôt  partir  l'année  du  i*"'  mai  que  du  i*"'  novembre; 
Ane.  L.,  I,  p.  88  :  si  un  Maer  ne  peut  tenir  seul  sa  maison,  il 
peut  s'adjoindre  un  Taeog  (vilain)  pour  un  an,  d'un  calan  mei 
à  l'autre.  Mais  pour  les  moitiés  d'années  on  peut  aussi  partir 
de  Calaiigayaf  pour  arriver  à  Calan  iiwi  (ihid.,  534).  Dans  le 
vocabulaire  néo-celtique,  il  y  a  des  mots  qui  témoignent  de 
l'ancienne  habitude  de  comprendre  sous  le  nom  d'hiver  ou 
d'été  toute  l'année.  Les  Irlandais  anciens  appelaient  samaisc 
(sanibaisr)  une  vache  stérile,  mot  identique  au  breton  hanvesken, 
vache  qui  passe  une  année  sans  fliire  de  veau.  La  racine  des 
deux  mots  est  clairement  sanio-  qui  indique  l'été  et  aussi  la 
moitié  chaude  de  l'année.  En  revanche,  le  vieil-irl.  ganiiiin, 
veau  d'un  an,  irl.  actuel,  ganihni)!,  gaél.  d'Ecosse,  ganihainn, 
veau  vieux  d'un  an;  irl.  et  gaél.  d'Ecosse,  gainhnach,  vache 
stérile,  remontent  tous  à  oanio-,  hiver.  Je  viens  de  retrouver 

1.  O'Curry,  Ou  Ihr  uiaiiuers,  p.  217,  d'après  O'Donovan,  Bool:  o  RioJils, 
p.  xlviii  ;  cf.  d'Arb.  de  Jub.,  Étude  sur  le  droit  cctl.,  I,  p.  29). 

2.  Acaïï.  uaseuéracl)  (Ir.  T.,  IV,  1.  3497). 

3.  Ane.  La-ws,  I,  p.  396,  453,  588. 


L'année  celtique  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  127 

en  breton  réquivalcMit  de  gamhnach,  c'est  oiuviach,  vache  qui 
ne  vcle  pas  pendant  un  an,  haut-corn,  i^ciijycii;  le  suffixe  breton 
est  différent,  mais  tous  ces  mots  remontent  à  gaiiios,  hiver,  et 
supposant  un  thcme gaiiioii-^  Qaiiihiiinn  =  *gamon-i-) .  On  le 
voit,  gamo-s,  hiver,  a  eu  le  sens  d'année  tout  comme  samo-s, 
celui  d'été.  Comme  ce  fait  n'est  pas  isolé,  on  a  proposé  de 
donner  à  l'équivalent  indo-européen  de  sauios,  skr.  saiiià,  le 
sens  de  semblable  (d;xi-r),  moitié  d'année:  la  partie  équivalente 
à  la  moitié  hivernale  de  l'année  (Schrader,  Reallexicon  :  Jabr). 
Cela  paraît  inutile.  Si  giatiws  ou  gamo-s  a  eu  le  sens  de  saison 
hivernale  et  d'année,  on  ne  voit  pas  pourquoi  samo-s  n'aurait 
pas  eu  la  même  fortune.  C'est  ce  qui  explique  que  les  Irlan- 
dais aient  pu  appeler  le  i"  mai  Cct-soiiiaii  ou  cél-samaiu, 
premier  jour  de  *samono-s  ou  samciii-  (gallois  Cyiilcfyii  ou 
Cyntcfin  =  cinlu-sanumios)  et  le  i"  novembre  samain  et  sam- 
fiiin,  fin  de  samos  :  samos  a  ici  la  valeur  de  moitié  d'année,  tandis 
qu'au  sens  propre  il  ne  désigne  que  trois  mois  de  l'année 
celtique-. 

Comme  chez  d'autres  peuples  iiido-européens,  Tannée,  après 
avoir  été  divisée  en  deux,  l'a  été  de  bonne  heure,  à  l'époque 
même  de  l'unité,  en  trois. 

Il  y  a  une  preuve  que  les  Celtes  ont  passé  par  cette  étape, 
c'est  que,  d'accord  sur  les  noms  des  deux  moitiés  de  l'année, 
ils  se  divisent  complètement  en  ce  qui  concerne  les  4  divisions 
de  l'année  et  qu'il  n'y  a  que  3  sur  les  4  noms  qui  les  dési- 
gnent qui  soient  véritablement  indo-européens  :  ceux  qui  dési- 
gnent l'hiver,  le  printemps  et  l'été.  Le  printemps  chez  les 
Irlandais  errach  remonte  à  (p)crsâko.  Le  vieux  gallok guiannuin, 
cormquG  gnainloin,  printemps,  suppose*vesanteino-,  et  rappelle  le 
skr.  vasanld,  printemps.  Au  contraire,  les  noms  désignant  l'au- 
tonme  sont  nés  sûrement  à  l'époque  celtique  et  séparément  ;  irl. 

1.  Il  est  fort  possible  que  le  oiaiiwn  du  cal.  de  Coligny  soit  un  mot 
incomplet  :  i^iaiiiotios  ou  giaiiioiiios. 

2.  M.  Whitley  Stokes,  frappé  sans  doute  de  cette  apparente  anomalie,  a 
supposé  ingénieusement  que  samain  =  saiiiaiii  signifiait  assemblée,  ce  qui 
était  rendu  plausible  par  le  fait  que  le  i=r  novembre  avait  lieu  la  «^rande 
assemblée  de  Tara.  Cette  habitude  de  désigner  une  année  par  une  des 
rnoitiés  me  paraît  expliquer  le  grec  -Xc-^ov,  année  ;  c'est  l'année  pleine  réelle 
vis-à-vis  de  l'année  niétapliorique. 


128  J.  Loih. 

fogmnr,  irl.  mod.  foghinbair  (sons  l'hiver).  Le  gallois  n'est  même 
pas  d'accord  -.wtc  le  breton  ;  en  gallois,  l'automne  est  Cyivihacaf 
(avant  l'hiver);  en  breton,  l'automne  paraît  avoir  été  désigné 
par  hcré,  moyen  breton  ht^ycjf,  qui  a  été  appliqué  spécialement 
au  mois  d'octobre  (dans  le  pays  de  Galles  hyciref^).  Il  y  a  peut- 
être  quelques  souvenirs  de  cet  état  de  choses  dans  les  lois 
galloises,  I,  p.  i6  :  le  prêtre  de  la  Cour  a  droit  à  des  vêtements 
3  fois  l'an,  p.  344  il  en  est  de  mêmcj  d'après  les  lois  de  Dyfed, 
pour  tous  les  officiers  de  la  cour.  Dans  le  recueil  de  formules 
médicales  connu  sous  le  nom  de  Mcddygon  Myddfai,  ou  les 
médecins  de  Myddfai,  p.  91  :  il  y  a  3  jours  dans  l'année  où  on 
ne  peut  ni  saigner,  ni  administrer  de  potions  :  le  dernier  jour 
d'avril,  le  premier  mardi  d'août  et  le  dernier  lundi  de  septembre 
(il  devait  y  avoir  dans  le  texte  primitit  plutôt  le  dernier  lundi 
d'octobre). 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  l'époque  de  l'unité  celtique,  ou  tout  au 
moins  des  Gaëls  et  des  Bretons,  l'année  est  divisée  en  4  séries 
de  3  mois.  Chez  les  uns  comme  chez  les  autres,  l'été  comprend 
mai,  juin,  juillet;  l'automne,  août,  septembre,  octobre;  l'hiver, 
novembre,  décembre,  janvier;  le  printemps,  février,  mars, 
avril.  Pour  les  Irlandais,  le  fait  n'a  pas  besoin  de  démonstra- 
tion ;  cette  division  se  trouve  expressément  dans  les  lois,  connue 
l'ont  montré  O'Curry  après  O'Donovan  et  plus  récemment 
M.  d'Arbois  de  Jubainville  (Éludes  de  droil  celtique,  I,  p.  295 
et  suivantes).  Comme  l'a  fait  remarquer  M.  d'Arbois  de  Jubain- 
ville, l'année  judiciaire  galloise  se  divise  en  4  sections  exacte- 
ment correspondantes  aux  divisions  de  l'année  irlandaise,  avec 
cette  diflerence  que  les  sections  conrmencent  le  9  des  mêmes 
mois.  Pour  l'année  judiciaire,  le  fait  est  exact  (Ane.  Lazus,  I, 
p.  140-142);  mais  il  n'en  est  pas  de  même  dans  d'autres  cas, 
même  dans  des  cas  relevant  de  la  justice  et  des  lois,  par 
exemple  en  ce  qui  concerne  la  valeur  des  animaux:  pour  un 
poulain  (ihid.,  p.  260),  il  vaut  4  pence  depuis  sa  naissance 
jusqu'au  i''  août;  8  depuis  août  jusqu'aux  calendes  d'hiver; 
12  des  calendes  d'hiver  à  la  fête  de  sainte  Brigitte  (i"  février); 


1.   l'robablcment,  envieux  celtique,  "sn-treho-s,  favorable  aux  champs,  à 
la  récolte;  cf.  trevad.  moisson. 


L'année  cehiquc  d\iprcs  les  textes  irlandais,  etc.  i  29 

16  de  la  fcte  de  sainte  Brigitte  au  i'"'  mai;  20  du  i*""  mai  au 
I"  août  '  ;  24  d'août  aux  calendes  d'hiver  ;  28  des  calendes  d'hiver 
à  sainte  Brigitte  (cf.  I,  704;  II,  p.  806).  La  tyrannie  du  nombre 
9  apparait  néanmoins  encore  en  semblable  matière.  C'est  ainsi 
que  la  vache  prend  le  taureau  en  août  ;  elle  doit  vêler  le  9  mai 
(ibid.,  I,  p.  270);  le  bœuf  doit  être  mis  sous  le  joug  le  9  février 
et  attelé  à  la  charrue  également  le  9  îcwïcr  {i h iiL,  p.  270-272)-. 

L'été  est  nettement  caractérisé  par  des  noms  de  mois  fort 
anciens  et  de  sens  clair.  Le  i*"^  mai  ou  jour  des  calendes  de 
mai  s'appelle  en  gallois  cynlefyn  et  répond  à  cét-saiiiaiu,  céd- 
amain  des  Irlandais  (dans  le  Gloss.  de  Corviac,  cél-sonian,  cél-sa- 
mun  =  cintu-samono-s)  ;  le  breton  a  adopté  Cakuiai,  calendes 
de  mai,  nom  également  courant  en  Galles  et  qui  même  a  évincé 
en  gallois  Cyntefyu,  qui  a  pris  le  sens-plutôt  de  printemps. 

Juin  s'appelle  en  gallois  Myhefyn.,  en  comique  Melbevcn, 
en  breton  de  Vannes  Mcheven,  dans  les  autres  dialectes  Afqc- 
ven.  Il  est  évident  que  Myhefyn  signifie  milieu  de  l'été  = 
médio-sauwn-io-s,  avec  chute  du  d  intervalique,  comme  dans 
le  gallois  meiun,  irl.  niedhôii  ;  le  breton  ))ie:{cven  remonte  à 
Mcd-heven  qui,  par  suite  de  l'assourdissement  produit  par  h 
sortant  de  j",  est  arrivé  l\*tnelh-eveii  et  de  là  régulièrement  à 
Mc-cre//.  Juillet  est  dit  en  gallois  gorphenhaf,  fin  de  l'été.  La 
plupart  des  termes  bretons  désignant  ce  mois  paraissent 
remonter  à  Gonhe~}ej' ou  gourhercf.  Goidhief,  forme  du  moyen 
breton,  de  «^"oet  he:[ref  {o^\n  est  sous  l'automne, qui  précède  l'au- 
tomne) comme  l'a  supposé  M.  Ernault>.  Juillet,  en  vannetais, 
s'appelle  aussi  iiieheveiiic,  le  petit  juin.  L'étymologie  de  be~ref 
donnée  plus  haut,  p.  31,  note  r,  c'est-à-dire  he~reff,  hydref 
=  '^su-lreho-s,  favorable  à  la  moisson,  explique  comment, 
raisonnablement,  les  Celtes  ont  pu  taire  commencer  l'automne 
au  i*""  août  :  c'est  la  saison  de  la  moisson. 

L'irlandais  moderne  donne  encore  à  mai  le  nom  de  Béallaiiic, 

1.  Ancicnl  Laïcs,  I,  p.  502  ;  tout  (.'ssaim  du  i^""  août  jusqu'au  i"  novembre 
vaut  24  pence;  l'essaim  qui  sort  après  les  calendes  d'août,  vaut  4  pence 
jusqu'au  !«■■  mai. 

2.  Le  hafdy,  maison  d'été  est  habitée  jusqu'au  i"  août. 

5.  Revue  Celtique,  XVI,  190,  191.  Le  comique  gorlhercn  (Bewn  Mer. 
2070,  2194)  paraît  identique  au  haut-vannetais  gourhelin  pour  gourlh'rcn, 
mais  ces  formes  ne  peuvent  se  ramener  à  gourhereff  m  à  goiibeieff. 

Revue  Celtique,  XXV.  9 


I  ^0  J.  Loih. 

au  lieu  de  Ccd-anibiihi;  juin  porte  le  nom  de  mi  nicadJjon  sainh- 
radh,  le  mois  du  milieu  de  Tété;  juillet  se  désigne  niî-dcireadh 
an  tscimhradb,  le  dernier  mois  de  Tété. 

Ces  divisions  se  retrouvent-elles  dans  le  calendrier  de  Coli- 
gny  ?  Jusqu'ici  je  n'y  vois  nettement  que  deux  divisions.  L'année 
commence  d'après  le  mois  intercalaire  à  satiion^  ;  la  deuxième 
moitié  commence  avec  giamon.  Sanion(os)  est  à  peu  près  exac- 
tement l'irlandais  sonian  de  ccî-somau  et  un  dérivé  de  samo-; 
giamon  est  clairement  dérivé  de  giaiii-  ;  cf.  le  gâWo'is  g  a  caf,  breton 
actuel  ^'■(Wt',  haut  vannetais  .(,"^0/0''*'  =  gaianio,  vieux  gallois  o-^f^w 
(peut-être  *geiani,  giani).  Il  est  impossible  que  samon  désigne 
mai.  En  effet,  si  samon  est  mai,  giamon  sera  novembre;  or,  le 
deuxième  mois  avant  Giamon  est  Ogron  dont  le  sens,  d'après 
le  gallois  ocr  =  *ogro-s,  est  froid  ;  si  on  désigne,  par  giamon, 
novembre,  ogron  sera  septembre,  ce  qui  est  impossible. 

Il  semble  qu'il  faille  reculer  giamon  au  moins  jusqu'à  décem- 
bre; auquel  cas,  samon  représenterait ////'//.  Or,  tout  justement, 
on  lit  dans  un  fragment  mid  samon,  ce  qui  représente  à  peu 
près  exactement  le  nom  du  mois  de  juin  chez  les  Gallois  et  les 
Bretons  et  même  chez  les  Irlandais.  Dans  le  LL.  44  à  37, 
juin  est  dit  :  mis  nùthcmain  =  mcd-iafnain  =  mcdio-samoni- 
(Swkes,. A rcbivfiir  Cell.  Lcx.,  I,  p.  127).  On  a  vu  dans  le 
mid  un  mot  signifiant  mois,  mais  cette  forme  est  parfaitement 
inconnue  chez  les  Celtes.  De  plus,  pourquoi  mid  en  toutes 
lettres  devant  samon  et  jamais  ailleurs  ?  On  peut  dire,  il  est 
vrai,  que  samon  se  trouve  seul;  mais  il  est  fort  possible  qu'il  y 
ait  quelque  chose  d'analogue  à  ce  qui  s'est  passé  en  breton; 
au  lieu  de  mis  mc~(vcn,  on  dit  mis  Evcn  ;  on  a  pu  dire  de 
même,  wu  lieu  de  mis  mid  samon,  mid  samon  et  mis  samon  ymid 
serait  pour  ////<//()- =  *///('J/() et  indiquerait  peut-être  une  influence 
dialectale. 

3 .  /.('  mois,  SCS  dii'isions. 

Usener  a  montré  que  le  mois  a  d'abord  été  partagé  en 
deux  moitiés,  l'une,  en  quelque  sorte  nionlanlc  et  l'autre  dcs- 

I.   Ou  stniioiio-s;  les  génitifs  en  -/  paraissent  recommander  ce  nominatif. 


L'année  celtique  d\iprcs  les  textes  irLindais,  etc.  i  ^  i 

cendauic;  l'une  claire  et  bonne  \  l'autre  obscure  et  mauvaise, 
blanche  et  noire,  par  exemple  chez  les  Indous.  La  pleine  lune 
marquait  une  division  fort  naturelle  du  mois  en  deux  parties. 
Mais  comme  on  devait  régler  tous  les  actes  importants  de  la 
vie  d'après  le  nombre  sacré  trois,  de  la  division  en  deux,  on 
passa,  non  à  la  division  en  quatre,  qui  eût  été  plus  naturelle 
et  comme  indiquée  par  les  phases  de  la  lune,  mais  à  la  division 
en  trois.  De  là,  chez  les  Romains,  la  coupure  de  la  première 
moitié  par  les  noues  et  la  division  en  décades  chez  les  Grecs'. 
Chez  les  Celtes,  il  en  a  été  sûrement  de  même.  Dans  le  calen- 
drier de  Coligu}-,  le  mois  est  nettement  divisé  en  deux;  la 
première  moitié  comprend  toujours  15  jours,  la  seconde,  14 
ou  15,  suivant  que  le  mois  a  29  ou  30  jours.  Il  est  important 
de  remarquer  qu'après  le  15,  la  numération  reprend  comme  si 
le  mois  commençait.  C'est  conforme  à  l'usage  ancien. 

Chez  les  Irlandais,  la  division  eii  deux  est  également  nette- 
ment marquée  par  côicthiges,  quinzaine  ;  chez  les  Gallois 
par  pylhefnos  ou  pytheivnos,  quinze  nuits.  Il  n'est  même  pas  rare' 
de  trouver  en  irlandais  l'expression  teôra  côicthiges  ^,  trois  quin- 
zaines, correspondant  à  X ty^pxt^siovi  quinA^aine  et  moisi.  Il  y  a 
d'ailleurs  aussi  une  expression  irlandaise  identique  à  cette  der- 
nière formule:  côicthiges  for  mîs'^,  quinzaine  sur  mois. 

La  pleine  lune  tombant,  soit  le  14*-'  jour  et  demi,  soit  le  15*^, 
les  Celtes  ont  adopté  le  nombre  15. 'Leur  intention  de  faire 
coïncider  cette  division  avec  la  pleine  lune  est  nettement  expri- 
mée dans  un  passage  qui  atteste  l'importance  de  cette  date.  Le 
visage  d'une  femme  est  comparé  dans  un  passage  de  Y Acallamh 
na  senôrach  (Ir.  Texte,  IV,  1.  3734)  à  la  lune  dans  son  15" 
jour  ;  un  passage  correspondant  du  Livre  de  Lismore  dit  :  sa  face 
ressemblait  à  la  lune  dans  son  grand  quinzième  jour  5. 

Sous  rinlluence  du  nombre  trois,  la  division  en  deux  a  été 
suivie,  non  dune  division  en  quatre,  mais  pcnu'  la  raison  donnée 


1.  Dreibeit,  p.  3  53-53  5  (Rhcin.  Mus.  N.  F.  58). 

2.  Prose  laies  iii  the  Rennes  Diiidsenchas,  R.  C,  XVI,  p.  39. 

5.   Mabin.,  p.  314  ;  Ane.  Laivs,  p.  190  (mois  et  demi,  Mcibitt,  p.  79). 
4.  II-.  Texte,  IV,  1.  5867. 

).   In  l-ésca  ina  chuiced  dég  ;  LL.,  265,  1.  48  ;  ua  oll  chôiciud  dec  (Ir.  T.,  IV, 
notes  à  5734,  p.  507). 


"32 


J.  Loih. 


plus  haut,  d'une  subdivision  de  la  première  moitié  du  mois. 
Le  wythuos,  huit  nuits,  des  Gallois  en  est  encore  un  témoi- 
gnage; c'est  une  division  à  peu  près  par  moitié  de  la  pytljcumos, 
tombant  au  premier  quartier  de  la  lune  (7  jours  et  demi  envi- 
ron). Par  une  dérogation  à  l'usage  qui  veut  que  le  terme  nuit 
employé  seul  désigne  la  nuit  ci  Je  jour,  il  est  possible  qu'ici  le 
nombre  /;////  nuils  comprenne  en  réalité  huit  nuits,  mais  seule- 
ment sept  jours,  ce  qui,  dans  notre  façon  de  compter,  donnerait 
7  jours  et  demi.  On  comptait  la  nuit  qui  précédait  le  premier 
jour  et  pour  arriver  à  la  demie  qu'il  fallait  compter,  on  ajoutait 
la  nuit  qui  suivait  le  septième  jour.  Peut-être  est-ce  aussi  une 
transcription  de  la  semaine  de  8  jours  des  Romains. 

Quelque  étrange  que  cela  puisse  paraître,  ce  ne  sont  pas  ces 
divisions  qui  dominent  dans  les  te.xtes  irlandais  et  gallois.  Ce 
qui  domine,  c'est  la  période  de  3  nuits  et  3  jours  ou  3  jours  et 
3  nuits  et  surtout  son  multiple,  la  période  9  nuits  et  9  jours. 

A.  ]  nuits  et  ^  jours. 

Irlande.  La  période  classique  en  quelque  sorte  pendant 
laquelle  on  a  droit  à  l'hospitalité,  c'est  3  jours  et  3  nuits. 
M.  Whitley  Stokes  en  cite  un  grand  nombre  d'exemples,  note 
42  à  ÏAeallain  na  senôrach  (436,  1601,  1823,  2397,  3531, 
7352,  7452;  cf.  Revue  Celt.,  IX,  495,  note  3). 

Les  héros  jeûnent  3  jours  et  3  nuits  {Tain  hô  I-'uiieh,  Rev. 
Celt.,  XXIV,  p.  132);  ils  continuent  3  autres  nuits,  p.  133. 

Les  héros  séjournent  3  jours  et  3  nuits  {Find  and  the  phan- 
tonis,  Rev.  Celt.,  VII,  p.  292-3). 

Maelduin  et  ses  compagnons  voyagent  3  jours  et  3  nuits  (2"/;^' 
voyage  of  Maelduin,  Rev.  Celt.,  IX,  p.  292-3);  ils  continuent 
3  jours  et  3  nuits  {ibid.,  462,  464,  468;  de  même,  490,  494 
(3  nuits  d'hospitalité). 

Amorgein  jeûne  3  jours  et  3  nuits  {The  Rennes  Dindsenebas, 
XV,  p.  278). 

Find  séjourne  3  jours  et  3  nuits  {The  Boronia,  R.  C,  XIII, 

P-  49)- 

Rônâin  reste  auprès  de  son  fds  3    jours  et  3  nuits  {Fiinyal 

Rônâin,  ibid.,  p.  386). 


L'année  celtique  d'apics  les  textes  irlandais,  etc.  1 55 

Fcchin  jeûne  3  jours  et  3  nuits  (Life  of  st.  Féchin,  R.  C, 
XII,  p.  324;  de  même,  p.  326). 

Les  Uhites  vinrent  au  bout  de  3  jours  et  3  nuits  {iid'i  Iri  la 
oc  lis  tri  n-aiiicbi);  cf.  dia  tri  la  ocus  teôra  n-aidchi,  (Fled  Bricr., 
/;•.  Texte,  I,  257,  274)'. 

Ancieut  Laivs  of  IrcL,  III,  p.  472  :  vache  d'amende  toutes  les 
3  nuits  jusqu'à  la  fin  de  3  nuits  ei  demie. 

ibid.,  p.  237:  3  nuits  sont  réclamées  aux  Bo-aire. 

On  trouvera  réunis  à  l'index  des  Etudes  de  droit  celtique  de 
M.  d'Arbois  de  Jubainville  un  nombre  considérable  d'exemples 
de  délais  de  3  nuits  en  matière  judiciaire  (I,  259,  260,  261, 
267-8,  284,  288,  360,  364-6,  369,  374,  377,  379,  382,  383  ; 
11,6,18-23,61,63,70,71,79-81). 

L'expression  tre-denus,  trois  jours,  apparaît  dans  le  Trip.Life 
of  s.  Patrick  (I,  cliv;  cf.  CXCV  et  p.  31);  dans  les  Gl.  de 
Wûrzburg,  24,  a,  triduiun  est  glosé  par  trédenus. 

Pays  de  Galles.  Mabin.,  I,  p.  171.  Les  Bretons  passent  3  jours 
et  3  nuits  à  délivrer  le  château  (songe  de  Maxime). 

—  p.  250:  Mabon  a  été  enlevé  la  3^  nuit  de  sa  naissance. 

—  p.  314:  Rhonabwy  avait  dormi  3  nuits  et  3  jours. 
Ancient  Laivs:  I,  p.  61  :  si  3  nuits  manquent  aux  7  ans  de 

cohabitation,  les  époux  se  partagent  leurs  biens. 

p.  172  :  en  cas  de  revendication  de  propriété,  le  plaignant  reste 
sans  répondre  3  nuits  et  3  jours;  à  la  hn  du  <)"  jour,  on  plaide. 

p.  258  :  celui  qui  allume  du  feu  dans  une  maison  qui  n'est 
pas  la  sienne,  sans  la  permission  du  propriétaire,  est  responsable 
durant  3  nuits  et  3  jours. 

p.  260  :  la  responsabilité  dure  également  3  nuits  et  3  jours 
si  on  fait  sécher  du  grain  sur  le  four  d'un  autre. 

p.  264,  788  :  délai  de  3  nuits  et  3  jours. 

II,  p.  338  :  espace  de  3  nuits  et  3  jours  ; 

Meddygon  Myddfai:  §  192:  être  à  jeun  3  matins. 

§  408  :  3  fois  en  9  jours;  une  fois  tous  les  3  jours. 

§  4)7  :  jeûner  3  jours. 

I.  Cf.  ibid.,  p.  257,  10:  Se.  M.  4;  Serg.-C,  p.  205  ;  etc.  —  Il  faut  5 
fois  successivement  $  nuits  et  ^  jouis,  c'est-à-dire  9  nuits  et  9  jours  fr.incs 
pour  exproprier  le  débiteur  qui,  d'après  un  autre  texte,  est  dépouillé  de 
son  bien  en  3  nuits  seulement  (Etudes  sur  le  droit  ccll.,  I,  p.  865). 


(54  J .  Lolh. 


B.   Période  51  nuits  et  p  jours. 

Irlande.  Anc.  Laws,  III  :  p.  472  :  une  vache  d'amende  chaque 
nuit  jusqu'au  bout  de  9  nuits. 

ihid.,  V,  395-13;  397-13  •  périodes  de  9  jours  sont  accor- 
dées pour  payer  les  intérêts  de  certaines  amendes. 

La  période  de  9  nuits  et  9  jours  est  exprimée  le  plus  souvent 
par  un  seul  mot  en  irlandais,  mot  iéminin  :  nomad,  gén. 
iioinaide,  ncuvaine. 

Il  y  a  eu,  semble-t-il,  plusieurs  neuvaines.  Il  y  a  eu  vraisem- 
blablement une  ncuvaine  d'hcnrcs.  C'est  une  expression  due  à 
l'influence  chrétienne.  D'après  Kuno  Meyer,  suivant  en  cela 
M.  Whitley  Stokes  ÇTbe  vision  of  Mac  Conglinne,  107-10, 
27-13),  l'ennéade  d'heures  comprendrait  72  heures  ou  3  jours 
et  3  nuits'.  Ce  serait  une  expression  chrétienne.  En  effet,  72 
heures  comprennent  9  fois  les  8  heures  canoniques.  Hennessy 
(Chronicuni  Scolonini,  p.  10,  note  9)  donne  à  nomad,  axhc 
quelque  hésitation,  le  sens  de  période  de  9  jours  ou  9  nuits, 
ajoutant  que  le  sens  du  mot  n'est  pas  bien  établi.  Ce  qui  le 
trouble,  c'est  qu'il  est  dit  dans  les  Annales  de  Loch  Ce  que 
la  reine  Marguerite  d'Ecosse  mourut  tcôra  nomada  après  le  roi 
Malcolm.  Or,  il  est  sûr  que  la  reine  mourut  3  jours  pleins 
après  son  mari.  Ici,  une  nomad  signitierait  donc  une  période 
d'un  jour  et  une  nuit.  Il  est  de  tait  que,  d'après  des  témoi- 
gnages contemporains,  la  reine  mourut  le  4''  jour  après  la 
mort  de  Malcolm-.  Il  y  a  probablement,  soit  une  faute  de 
scribe,  soit  une  erreur  d'information.  Il  faut  changer  trois 
nomada  en  une  nomad,  à  moins  qu'on  ne  suppose  9  veilles 
dans  les  24  heures?. 

Si  nômad  désigne  parfois  une  ciincadc  d'heures,  il  n'en  est 
pas  moins  certain  qu'il  faut  entendre  par  là  une  période  pleine 
de  9  nuits  et  9  jours.  L'expression  co  cend  nomaide,  jusqu'à  la 
fin  d'une  neuvaine  (de  jours  et  de  nuits),  revient  très  fréquem- 

1.  Cf.  The  second  hattlc  of  Moylura,  Rev.  Celt.,  XII,  p.  66-67. 

2.  Pinkerton,  revu  par  Metcalf,  Vitae  ss.  Scot.,  p.  207,  p.  140. 

3.  Cf.  nôi  trath  dans  The  Rennes  Diudsenchàs,  Rcv.  Celt.,  XV,  p.  465  ;  )nnc 
u'atches,  LL,  co  cend  nomaide. 


L'année  celtique  d'aprcs  les  textes  irlandais,  etc.  i  5  5 

ment  '.  Quelquefois  elle  est  rcniphicéc  par  iwilailhc,  9  jours  (T/jj' 
Trip.  Life,  cliv).  Windisch  traduit,  Ir.  Texte,  I,  nomad  par  dcr 
nenntc  lag  der  ivoche;  ibid.,  lVôrtcrbuch;dia  teôra  nomad,  après 
trois  semaines.  Dans  les  gloses  au  mss.  de  Bâic  à  Carlsruhc, 
on  lit:  i)id  nomad,  gl.  nona  lnna(Zciiss.  Gr.  Celt.,   p.    310). 

Les  délais  de  9  nuits  sont  fréquents  dans  les  lois  irlandaises 
(v.  d'Arbois  de  Jub.,  Etudes  sur  le  droit  celt.,  I,  365,  366; 
II,  1 12,  etc.). 

Ce  qui,  d'ailleurs,  avec  les  exemples  ci-dessus,  suffirait  à 
montrer  que  régulièrement  nonuid  signifie  9  nuits  et  9  jours, 
c'est  l'usage  gallois  de  compter  par  9  nuits  et  9  jours. 

Mabin.,  I,  225  :  Kei  restait  9  nuits  et  9  jours  sans  dormir. 

Ancient  Laws,  I,  p.  84:  si  les  époux  se  séparent,  leurs 
biens  ne  sortent  pas  de  la  maison  avant  9  jours  et  9  nuits. 
Au  bout  du  9"  jour,  les  objets  de  la  femme  doivent  être 
déménagés. 

p.  94  :  si  le  mari  meurt,  elle  ne  peut  quitter  la  maison  qu'au 
bout  de  9  jours. 

p.  142  :  si  en  cas  de  réclamation  de  terre,  les  plaignants  ne 
peuvent  produire  leurs  témoins,  s'ils  sont  dans  leur  propre 
cymivt,  un  délai  de  3  jours  leur  est  accordé;  s'ils  sont  dans  un 
cymwt  adjacent,  le  délai  est  de  9  jours. 

p.  788  :  un  espace  de  9  jours  est  accordé  à  im  chef  pour 
réfléchir  sur  son  serment. 

—  il  est  donné  9  jours  pour  transférer  une  maison  bâtie 
indûment  sur  le  territoire  d'un  autre,  etc.,  etc. 

Il  est  parfiiitement  sûr  que  Tinfluence  du  nombre  9  a  con- 
tribué à  la  constitution  de  cette  neuvaine,  mais  il  est  non 
moins  certain  qu'à  une  période  plus  reculée  que  celle  où  le 
mois  synodique  de  29  jours  et  demi  fut  adopté,  elle  a  été 
amenée  par  le  partage  en  trois  du  mois  sidéral  qui,  lui,  ne  se 
compose  que  de  27  jours  r/3.  Cette  vue  qui  est  de  Kant  a  été 
soutenue  par  Roscher  avec  beaucoup  d'érudition  et  d'ingénio- 
sité. Il  a  montré  notamment  l'existence  de  ce  mois  composé 
de  3  ennéades  à  l'époque  de  Thucydide  :  les  \}.ti-v.z  de  Nicias  le 


I.    Togail  bruidiic  dd  Dcrga,  p.  92.  —  Ir.  Texte,  I,  Tochtii.  Et.,  129.  16, 
co  cend  nomaidi. 


n6  J.  Loth. 

déterminent  à  restera  Syracus  encore  -çiz  vniy.  r,[j.épx;^  {Tlnic, 
7,  50;  Plut.,  Nih.,  13-15),  pour  attendre  àAAv  ':iLqrr,:  -nôpîîîov 
(Thucydide,  7,  50). 

Roscher  signale  l'existence  de  la  semaine  de  9  jours  chez 
les  anciens  Égyptiens,  les  Indous,  Perses,  Germains.  En 
note,  p.  49,  Roscher  cite  l'opinion  de  Kàgi  et  Diels  disant 
qu'en  pareille  matière  9  est  un  renforcement  de  3 .  C'est  pos- 
sible, mais  la  raison  invoquée  par  Kant  paraît  ici  d'un  grand 
poids.  L'objection  de  Kiigi  et  Diels  ne  me  paraît  pas  fondée.  Si 
c'est  en  qualité  de  multiple  de  3  qu'on  arrive  à  la  semaine  de 
.9,  on  devrait  avoir  chez  les  Celtes  des  coupures,  non  seule- 
ment de  3  jours,  mais  encore  de  6  jours  et  de  18  jours.  Or,  à 
ma  connaissance,  on  ne  les  trouve  pas.  Il  est  manifeste,  au  con- 
traire, qu'après  avoir  divisé  le  mois  entier  par  j,  on  a  encore 
divisé  par  3  la  première  neuvaine.  La  période  de  27  nuits  est 
nettement  signalée  dans  certains  textes  (Aiic.  Laïus  oj  Ire!., 
III,  p.  472  :  amende  exigée  depuis  la  y  nuit  jusqu'au  bout  de 
27  nuits).  Les  3  neu vaines,  Icôra  noniaâa,  doivent,  dans  la  plu- 
part des  cas,  être  interprétées  par  trois  semaines  de  9  jours. 

Le  mois  sidéral  ayant  été  abandonné  pour  le  mois  synodique, 
la  neuvaine  fut  forcément  indépendante  du  mois.  Les  trois 
neuvaines  qui  représentaient  l'ancien  mois  subsistèrent  parce 
que  c'était  un  nombre  consacré,  mais  on  s'arrêta  là.  Le  chiffre 
de  trois  neuvaines  n'est  pas,  à  ma  connaissance,  dépassé. 

En  Galles,  le  souvenir  de  la  neuvaine  survit  dans  l'habitude 
de  dire  couramment  rtaiu  diturnoâ  (novein  âiurnatus)  pour  une 
semaine-.  L'habitude  de  n'ouvrir  les  périodes  judiciaires  le  9 
du  mois  vient  aussi  de  la  neuvaine  3.  Les  Irlandais  se  servi- 
rent aussi  assez  longtemps  de  la  neuvaine  dans  le  sens  d'-ime 
semaine  ordinaire  4. 


1.  V.  Roscher,  p.  27  ;  dans  d'anciens  oracles  et  anciens  rites,  il  est  ques- 
tion de  Tp;ç  ivvc'a  Tjaî'pa;. 

2.  A  remarquer  Auc.  Laws,  I,  p.  428,  expression  inidyd  a  wythnos.,  un  jour 
et  huit  nuits,  ce  qui  équivaut  vraisemblablement  à  la  neuvaine. 

3.  Pline  l'Ancien,  H.  N.,  X\'I,  95,  nous  dit  que  les  Celtes  commençaient 
leurs  mois  et  leurs  années  le  ô'-'  jour  de  la  lune,  à  partir  de  la  fin  du  pre- 
mier quartier. 

4.  Dans  les  Ane.  Laws  oj  Irel.,  II,  p.  240,  il  est  dit  formellement  que 
la  neuvaine  artificielle  équivaut  à  sept  jours  réels. 


L'année  celtique  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  i  ^7 

Quant  aux  noms  des  jours  de  la  semaine,  ils  sont  latins  et 
païens  chez  les  Bretons  ;  chez  les  Irlandais,  les  noms  de  quel- 
ques-uns des  jours  sont  latins,  les  autres  sont  dus  à  l'influence 
chrétienne. 


4.  Cycles  de  j  et  de  7  ans. 

Dans  le  calendrier  de  Coligny,  il  y  a,  comme  nous  l'avons 
vu,  un  petit  cycle  de  deux  ans  et  demi.  Chez  les  Irlandais  et 
les  Gallois,  les  deux  cycles  ou  périodes  en  usage  sont  les  cycles 
de  3  et  surtout  de  7  ans. 

ÎRLAN-DE.  Acall.  na  scnôracb  (Ir.  Texte,  IV,  p.  273):  des 
souhaits  sont  fliits  pour  3  ans. 

D'Arbois,  Études,  II,  p.  313:  la  foire  de  Carman  a  lieu 
tous  les  3  ans. 

The  Rennes  Dindsencbas  (Rev.  Cell.,XV,p.  3 12):  tous  les  3 
ans,  une  foire  se  tient  à  Carman. 

Fled  Bi-icrend,  Ir.  Texte,  I,  p.  140,  14:  mac  na  teôra  blîadan, 
le  fils  des  3  ans  (cf.  144,  26). 

Annales  des  4  maîtres  (O'Connor,  Rer.  hybern.  script.,  III, 
p.  13):  les  9  rois  des  Firbolgs  régnent  pendant  27  ans:  3  ans 
chacun. 

D'Arbois  de  Jub.,  Études  sur  le  droit  celtique,  II,  p.  170: 
quand  le  bailleur  de  cheptel  meurt  avant  l'expiration  des  3 
premières  années  sur  les  7  qui  constituent  la  période  pour 
laquelle  le  bail  est  fait  et  que  le  premier  a  fourni  2  fois  la  rente 
en  nature  qu'il  doit  au  bailleur,  il  ne  doit  plus  que  le  tiers  du 
cheptel  qu'il  a  reçu. 

P.\YS  DE  Galles.  Mabin.,  I,  p.  83  :  les  héros  restent  3  ans. 

II,  25  :  Owein  a  disparu  depuis  3  ans. 

p.  30:  il  reste  avec  Arthur  3  ans  au  lieu  de  3  mois.  — 
Gereint  s'adonne  aux  tournois  pendant  3  ans. 

Ancient  Laïcs:  I,  263.  La  valeur  d'un  poulain  augmente 
jusqu'à  3  ans. 

p.  488  :  si  un  maer  ne  peut  tenir  seul  sa  maison,  il  s'adjoint 
un  tacog  (vilain)  pendant  un  an  ;  au  bout  de  3  ans,  il  doit  se 
suffire. 


1 58  J.  Loth. 

Dans  VAcûIldiub  ua  scnôrach  (/r.  T.,  IV,  1.  23 15,  v.  notes), 
une  période  d'un  an  et  demi,  une  autre  de  deux  ans  et  demi 
sont  mentionnées.  Loegaire  entre  en  Leinster  au  bout  de  2 
ans  et  demi  (Tlie  Borôma,  Revue  Celt.,  XIII,  p.  52):  ce  qui 
rappelle  le  petit  cycle  de  Coligny. 

Le  cycle  favori,  c'est  7  ans.  Les  exemples  en  sont  très  nom- 
breux. 

Irlande  :  Annales  des  4  maîtres  (O'Connor,  Rerum  hibern. 
script.,  III)  :  les  Irlandais  restent  7  ans  sans  roi.  Dans  7  ans, 
à  partir  de  ce  jour,  on  enlèvera  le  bétail  deCualnge  (ror/;///. 
Ferbe,  p.  272-3). 

—  Il  y  aura  7  ans  de  trêve  d'une  fête  de  Tara  à  l'autre  (JFJje 
Ir.  ordcals,  Ir.  T.,  IIL  §  53). 

—  Brian  termine  son  éducation  en  Alba  au  bout  de  7  ans 
(Death  of  Criinthann,  Rev.  Celt.,  1903,  p.  177). 

—  L'enflmt  qui  naîtra  d'Aitfé  viendra  en  Irlande  dans  7  ans 
jour  pour  jour  {Tochm.  Etaine,  R.  C,  XI,  p.  450). 

—  Ruaid  reste  chez  son  beau-père  7  ans  (The  R.  Diiidseii- 
chas,  Rev.  Celt., 'XV,  p.  294). 

—  Eres  est  malade  pendant  7  jours,  7  mois  et  7  ans  (jbid., 

P-  439)- 

—  Deux  troupeaux  de  porcs  prennent  7  formes  en  restant 
une  année  sous  chaque  forme. 

—  Au  bout  de  7  ans  aura  lieu  la  bataille  de  Mag  Mi'icrinie 
{The  baille  of  mag.  m.,  Rev.  Cclt.,  XIII,  p.  442). 

—  Eochaid  Eres,  à  7  ans,  avait  la  force  d'un  enfant  de  14 
ans  {The  second  baltle  of  Moyliira,  Rev.  Celt.,  XII,  p.  62). 

—  Eres  demande  à  rester  roi  encore  7  ans  {ibid.,  p.  72). 

—  Ils  préparent  leurs  armes  pendant' 7  ans  (ibid.,  p.  82). 
• —  Le  cochon  de  Mac  Dàtho  grandit  jusqu'au  bout  de  7  ans 

(The   prose   taies    of  the  Rennes  Diudsenchas,  Rev.  Celt.,    XVI, 
P-  63). 

—  Il  y_  aura  une  période  de  7  ans  avant  le  jugement  der- 
nier {ibid.,  p.  148). 

—  Tous  les  7  ans,  à  la  même  heure,  si  les  brebis  blanches 
vont  à  Loch  Riach  elles  deviennent  pourpres  (jbid.,  p.  274). 

—  Les  3  rois  unis  d'Irlande  s'arrangent  pour  régner  chacun 
7  ans  (jbid.,  279-280). 


L'année  celtique  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  ijo 

—  Un  personnage  vit  7  ans  avec  7  gâteaux  (^The  voyage  oj 
Mae  Id  ni  11,  Rev.  Cclt.,  X,  p.  88). 

—  saint  Patrice  reste  7  ans  chez  Milchu  {Trip.  Life,  I.  p. 
16)'. 

—  Assicus  reste  7  ans  dans  une  île  {ibid.,  p.  96). 

—  Grâce  aux  prières  de  Patrice,  aucun  démon  ne  paraîtra 
en  Irlande  pendant  7  ans,  7  mois,  7  jours  et  7  nuits  (ibid., 

—  Nuadu  règne  7  ans  avant  Tarrivce  des  luatha  Dé  Danann 
(L'Épopée  cclt.,  p.  389;  //'/(/.,  87,  il  est  question  de  cochons, 
de  vaches  de  7  ans,  pour  la  même  période,  ibid.,  p.  47,  87, 
354,  398,  408,  424). 

—  Dans  le  Fled  Bricrcnd,  il  est  question  d'un  personnage 
qui  avait  7  années  pleines  {slâna,  Ir.  T.,  I,  p.  256,  295). 

—  ibid.,  Tochm.  El.;  Scrg.  Conc,  p.  131,  212:  fri  rc  secht 
m-bUadan,  pendant  une  période  de  7  ans. 

Dans  les  Lois  irlandaises,  cette  période  joue  également  un 
rôle  important  : 

La  durée  du  cheptel  est  de  7  ans  (Etudes  sur  le  droit  cclt.,  II, 
p.  170). 

—  à  7  ans  tînis,  on  sait  si  un  individu  est  sain  d'esprit  ou 
idiot  (//«t.  Laws,  III,  p.   i))). 

Pays  de  Galles.  Mabiii.,  I. 

—  Pwyll  et  Rhiannon  gouvernent  tranquillement  pendant 
7  ans  (p.  5 1). 

—  La  pénitence  de  Rhiannon  dure  7  ans  (p.  54). 

—  à  Harddlech,  Bran  et  ses  compagnons  restent  7  ans  (p.  87). 

—  Au  bout  de  7  ans,  le  précepteur  néglige  les  prescriptions 
de  Kilydd  (p.  80). 

—  Iddawc  va  en  Prydein  et  y  reste  7  années  (p.  292). 
Aiicient  Lau'S  of  Wales,  I  : 

Si  un  homme  enlève  une  femme,  elle  a  droit  jusqu'à  la  iin 
de  la  ']"  année  à  3  bœufs  de  dédommagement  (p.  58). 

—  Si  un  homme  garde  une  femme  pendant  7  ans  pleins, 
il  partage  avec  elle  comme  avec  une  femme  légitime. 


I.   En  réalité,  d'après  le  Lih.  Hyiini.  (Wind.  Ir.  Texte,  I,  Hym.  2.  s),  il  y 
este  6  ans  ;  l'obsession  des  7  ans  est  si  forte  qu'elle  amène  à  fausser  l'histoire. 


140  J.  Lot  h. 

—  Si  un  mari  renvoie  sa  femme  légitime  avant  7  ans 
accomplis,  il  lui  rend  sa  dot  {ibid.,  II,  p.  794). 

Il  est  rarement  question  de  périodes  dépassant  7  ans.  Cepen- 
dant, la  période  de  30  années  ne  paraît  pas  inconnue:  Lough 
Ree  reste  inoffensif  pendant  30  ans  (The  Refînes  Dindknchas, 
Revue  Cell.,  XV,  p.  294).  —  Patrice  avait  30  ans  quand 
il  alla  trouver  saint  Germain;  il  étudia  pendant  30  ans;  il 
avait  60  ans  quand  il  retourna  en  Irlande  (Trip.  Life,  p.  26). 

Dans  le  calendrier  de  Coligny,  il  y  a  manifestement,  nous 
l'avons  vu,  un  cycle  de  2  ans  et  demi  ;  à  cette  date  on  interca- 
lait un  mois  de  30  jours  (2  fois  12  jours  intercalaires  -h  6) 
pour  égaler  l'année  lunaire  de  355  jours  à  l'année  solaire  de 
367  jours.  M.  Seymour  de  Ricci  suppose  qu'il  y  a  eu  un  cycle 
plus  long  de  30  ans,  comme  Pline  le  prétend,  et  explique  ingé- 
nieusement son  hypothèse  {Revue  Cell.,  XIX,  p.  216).  Que 
l'on  suppose  l'année  lunaire  de  354  jours  ou  de  3  5  5 ,  la  question, 
au  point  de  vue  du  cycle,  reste  la  même;  l'année  solaire  étant 
dans  le  premier  cas,  avec  l'intercalation  des  12  jours  par  an, 
forcément  de  366  jours  et,  dans  le  2'-"  cas,  de  367.  Aucune  des 
deux  années  n'est  exacte;  mais  couime  l'année  lunaire  de  354 
jours  était  plus  courte  à  peu  près  de  ce  que  l'année  solaire  avait 
de  trop,  on  pouvait  tabler  sur  les  chiffres  354  et  366  (ou  de 
3)5  et  367,  la  différence  étant  toujours  de  12  jours  par  an). 
Il  me  paraît  très  probable,  pour  ne  pas  dire  sûr,  qu'il  fluit  partir 
du  cycle  de  30  ans  pour  expliquer  le  petit  cycle  de  2  ans  et 
demi,  l'intercalation  de  12  jours  théoriquement  par  an  et  d'un 
mois  toujours  de  jo  jours  tous  les  2  ans. 

En  30  ans  on  obtient  pour  l'année  lunaire  de  354  jours: 
10620  jours;  pour  l'année  solaire:  10980  jours.  La  différence 
est  exactement  de  360  jours,  c'est-à-dire  d'une  année  de  12 
mois,  tous  de  30  jours,  ce  qui  explique  que  les  mois  interca- 
laires soient  toujours  de  30  jours  dans  le  calendrier  de  Coligny. 
On  devait,  en  30  ans,  intercaler  12  fois  un  mois  de  30  jours, 
c  est-à-dire  tous  les  2  ans  et  demi.  Il  n'est  pas  inutile  de  remar- 
quer que  l'année  qui  sert  de  base  aux  pronostics  à  Bignan 
(v.  Durée  de  l'année  celtique,  I)  est  de  360  jours. 

Du  cycle  de  30  ans  nous  avons  vu  des  traces  plus  haut, 
ainsi  que  des  cycles  de  2  ans  et  demi. 


Cannée  celtique  if après  les  textes  irlandais,  etc.  141 

Les  2  cycles  de  3  et  surtout  de  7  ans  me  paraissent  n'avoir 
pas  de  base  chronologique. 

Le  cycle  de  3  ans  peut  être,  à  la  rigueur,  une  approximation 
populaire,  en  cliitire  rond,  du  cycle  réel  de  2  ans  et  demi,  mais 
il  est  peu  probable  que  pour  celui  de  7  ans  il  en  soit  de  même. 
Il  paraîtrait  logique  de  supposer  que  7  ans  est  une  division  de  la 
grande  année  de  30  ans  correspondant  à  la  division  par  4  du 
mois  de  30  jours,  mais  la  semaine  de  7  jours  n'apparaît  nulle 
part  chez  les  Celtes,  sinon  à  l'époque  chrétienne.  L'influence 
du  nombre  fatidique  7  est  évidemment  ici  pour  quelque  chose. 

Une  première  conclusion  se  dégage  de  cette  étude  :  c'est  la 
parfaite  celticité  du  calendrier  de  Colign}-. 

Le  sens  <\es  gonrde^iou  ou  12  jours  supplémentaires  nette- 
ment établi  acquiert  aussi,  rapproché  de  son  existence  chez  les 
Germains  et  les  Indous,  une  grande  importance.  Il  prouve,  à 
l'époque  de  l'unité,  des  rapports  entre  les  Indo-Européens  et 
les  Assyriens.  La  numération  nous  en  fournira  d'autres  preuves. 
Qu'en  conclure  ?  Si  on  se  représente  les  Indo-Européens,  à 
l'époque  de  l'unité,  comme  un  peuple  numériquement  modeste, 
parfliitement  honiogène  à  tout  point  de  vue,  surtout  phvsique- 
ment,  il  est  clair  qu'il  fiudra  placer  leur  berceau  avec  Johannes 
Schmidt  et  A.  Weber,  non  loin  de  l'Assyrie.  Mais  si  l'unité 
s'est  faite  comme  beaucoup  d'unités  nationales  lentement,  et 
surtout  sur  une  aire  géographique  étendue,  impossible  à  déter- 
miner nettement,  mais  allant  d'Asie  en  Europe,  il  suffira  de 
supposer  qu'à  l'époque  de  l'unité,  une  portion  des  Indo-Euro- 
péens a  subi,  par  voisinage,  l'influence  des  Babyloniens  et  que 
cette  influence  s'est  transmise  de  proche  en  proche.  C'est 
aujourd'hui  la  seule  hypothèse  plausible.  Comme  l'a  très  bien 
dit  Max  Millier:  «  Celui  qui  parle  de  race  aryenne,  de  sang 
aryen,  de  cheveux  et  d'yeux  aryens,  est  un  aussi  grand  pécheur 
que  celui  qui  parlerait  de  dictionnaire  dolichocéphale  ou  de  dic- 
tionnaire brachycéphale.  »  Quelques  Scandinaves  ambitieux  (je 
ne  parle  pas  des  grands  archéologues  du  Nord)  ont  revendiqué 
modestement  pour  eux  à  peu  près  exclusivement  la  qualifica- 
tion d'Indo-Européens  et  même  placé,  contre  toute  vraisem- 
blance, le  berceau  de  la  race  indo-européenne  en  Scandina- 
vie, en  partant  du /^cii/zz/rt///?// que  l'Indo-Européen  était  grand, 


142  ■/.  Loth. 

blond,  dolichocéphale.  Or,  tout  justement,  la  Scandinavie 
offre  peut-être  la  preuve  manifeste  que  l'unité  indo-européenne 
a  dû  se  faire  peu  à  peu  et  sur  un  vaste  espace.  Il  y  a  un  fait 
généralement  admis  aujourd'hui  par  les  archéologues  Scandi- 
naves les  plus  estimés,  c'est  que  la  population  actuelle  de  la 
Suède  et  de  la  Norvège  est  à  peu  près  la  même  qu'à  l'époque 
néolithique.  Ces  populations  ne  connaissaient  sûrement  pas 
l'usage  dés  métaux.  Or,  il  paraît  sûr  que  les  autres  Indo- 
Européens  en  connaissaient  un  qui  devait  être  Je  cuivre 
(Schrader,  ReaJlexicon,  à  Melalle).  Il  faut  donc,  ou  exclure 
les  Scandinaves  de  la  famille  indo-européenne,  ou  admettre 
que  leur  incorporation  dans  cette  famille  a  eu  lieu  assez 
tardivement,  à  une  époque  où  ils  occupaient  déjà  sûrement 
le   pays  qui  devait  être  la  Suède  et  la  Norvège. 


L\ifinée  celtique  d\\prh  les  textes  irLuiddis,  etc.  145 


DEUXIÈME  PARTIE 


REMARQUES    SUR    LA    NUMERATION    ET    LES    NOMBRES 
CHEZ   LES  CELTES. 

I.  La  nuDiéralion. 

Comme  chez  tous  les  Indo-Européens,  la  numération  chez 
les  Celtes  est  décimale  et  de  plus,  jusqu'à  une  certaine  limite, 
vigésimale.  On  a  attaché  à  ce  dernier  foit  une  importance  vrai- 
ment exagérée  au  point  de  vue  ethnographique;  on  y  a  vu  une 
influence  préceltique.  A  priori,  on  s'explique  facilement  qu'un 
peuple  ait  éprouvé  le  besoin  de  compter  par  proportions  plus 
fortes  que  10.  Il  n'est  pas  rare  de  trouver  en  irlandais  des  mul- 
tiples de  50,  par  exemple  3  fois  50  ou  150.  De  plus,  il  y  a  des 
traces  de  la  numération  vigésimale  en  danois;  on  peut  dire 
qu'elle  existe  encore  en  allemand  où  on  compte  par  Stiegen  et 
en   anglais  où  la  numération  par  score  joue  un  grand  rôle^ 

Au  surplus,  il  me  paraît  fort  possible  que  la  ninnération 
vigésimale  ait  une  origine  analogue  à  la  numération  duodéci- 
male qui  traverse,  en  germanique,  d'une  façon  si  frappante,  le 
système  décimal  et  dont  il  est  difficile  de  nier  l'origine  ass}'- 
riennc,  après  le  travail  si  connu  de  Johannes  Schmidt  :  Die 
Urbciinal  cler  Iiidoijcriiuvieii  uiid  das  Eiiropitischc  Zahisxsleiii.  Une 
des  traces  caractéristiques  de  ce  système,  c'est  l'expression  alle- 
mande Gross  Hundert,  anglais  Long  hundred,  signifiant  120. 
Or,  M.  Thurneysen  a  signalé  en  moyen-irlandais  un  sens  ana- 
logue de  cet  qui  habituellement  ne  signifie  que  cent  (v. 
append.    à  Die   Urhciiiuit).   120  représente  2  fois  60,  comme 

I.   Schradcr,  Reallc.xicoii  :  Zahlen. 


144  •^-  ^0//;. 

100  représente  2  fois  50.  Le  nombre  50  est  très  usité  en  irlan- 
dais et  en  gallois.  Il  est  en  breton  et  en  gallois  considéré  comme 
moitié  de  100:  breton  haiilcr-caiit,  gaWols  hûjuk'r-cant,  demi- 
cent. 

La  numération  vigésimale  peut  avoir  eu  la  même  origine. 
Un  fait  frappant,  en  effet,  de  cette  numération,  c'est  qu'elle 
paraît  s'arrêter  à  180,  si  je  ne  me  trompe,  chez  les  Bretons 
comme  chez  les  Galloise  Les  deux  pôles  de  ce  système  sont 
donc  20  et  180,  ce  qui  semble  indiquer  comme  base  60,  nombre 
fondamental  du  système  duodécimal.  Ce  qui  confirme  la  pré- 
cédente induction,  c'est  le  rôle  que  joue  le  nombre  3  comme 
diviseur  ou  multiplicateur  dans  les  textes  irlandais  et  gallois  : 
éo  divisé  par  3  donne  20  (nombre  assez  souvent  employé  dans 
les  légendes);  60  multiplié  par  3  donne  180.  Les  9  nuits  et  9 
jours  sont  divisés  par  3  et  donnent  une  période  de  3  nuits  et 
3  jours.  Le  mois  sidéral  de  27  jours  est  divisé  par  3  et  donne 
3  neuvaines,  etc.  (voir  plus  bas,  au  nombre  Irais). 

Y  a-t-il  un  indice  d'une  ancienne  numération  par  12  dans  le 
fliit  que  les  Bretons  armoricains  font  usage  de  la  base  6  ?  On 
dit,  en  effet,  pour  18  :  tric'hiucch,  c'est-à-dire  3  fois  6,  Ce  qui 
donne  à  ce  im  une  certaine  importance  et  semble  réellement 
établir  que  cette  base  a  été  en  usage,  c'est  l'existence  en  irlan- 
dais ancien  de  l'expression  mar-fescr,  magnus  scviraius,  pour 
indiquer  un  groupe  de  sept  personnes.  Cela  rappelle  l'expres- 
sion Gross  Hitnderi.  C'est  évidemment  la  base  6  qui  était  fomi- 
lière  aux  L'iandais.  Il  y  avait  là  un  centre  de  numération.  Le 
groupement  par  7  est  probablement  dû  à  une  influence  étran- 
gère, car  il  est  remarquable  que  ce  nombre  qui  paraît  leur 
répugner  comme  base  de  numération  joue  chez  les  Celtes, 
mais  particulièrement  chez  les  Irlandais,  un  rôle  véritablement 
stupéfiant. 

Je  dois  dire  qu'il  n'est  pas  très  vraisemblable  que  la  numé- 
ration par  6  ait  pour  base  12.  Si  on  réfléchit  que  18  paraît  avoir 
été  un  terme  de  numération   probablement   chez  les  Gallois 

I.  En  français,  la  numération  par  vingt  paraît  avoir  été  plus  étendue. 
Dans  le  Bûok  of  Taîiesiii  (Skene,  Four  anc.  hoolcs  of  [Vales,  II,  p.  115,  6,  9), 
il  semble  qu'il  y  ait  seithdec  ugeiut  (16  fois  20)  et  pyinlhcc  iigeiiit  (i  >  fois  20), 
mais  cela  paraît  quelque  peu  fLintaisiste. 


L\innée  ce Itiijue  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  145 

comme  chez  les  Bretons,  et  aussi  chez  les  Latins,  on  semble 
logiquement  amené  à  supposer  que  18  a  été  divisé  par  3,  peut- 
être  même  que  l'on  est  parti  de  la  multiplication  par  3.  En 
gallois  on  prend  aujourd'hui  pour  base  15  pour  aller  jusqu'à 
20:  16  est  un  sur  15,  etc.,  mais  on  dit  encore  fréquemment, 
et  l'usage  est  ancien:  deunaw,  2  neuf,  pour  18.  En  latin,  18 
s'exprime  par  duodevigiuti.  De  prime  abord,  on  serait  tenté  de 
voir  dans  le  fait  de  15  pris  pour  base  en  gallois,  une  habitude 
de  compter  par  5,  le  ~i\}.-xU'.'>  des  Grecs,  ce  qui  n'aurait  rien 
d'invraisemblable.  Mais  si  on  réfléchit  que  18  a  été  chez  eux 
aussi  une  limite  de  numération,  on  peut  se  demander  si  l'ori- 
gine de  cette  habitude  n'est  pas  la  même  que  celle  de  la  numé- 
ration par  6.  Il  ne  semble  pas  qu'anciennement,  en  gallois,  la 
numération  basée  sur  15  ait  dépassé  18.  D'autre  part,  la  numé- 
ration analogue  est  usitée  aujourd'hui,  à  partir  de  10  pour 
arriver  à  15.  On  trouve  assez  anciennement  ce  genre  de 
numération,  mais,  à  ma  connaissance,  on  ne  décompose  pas 
ainsi  anciennement  dou^e.  On  trouve,  au  contraire,  de  tout 
temps,  pour  ce  nombre  la  forme  commune  aux  Bretons  d'Ar- 
morique  et  de  Cornwall  :  on  a  dit  un  ar  dec,  un  sur  10  =:  11, 
mais  toujours  doudcc  (Lib  Land.),  deudcc  en  mo3'en-gallois, 
deuddeg  aujourd'hui.  De  même  on  disait  pedwar  ar  ddcc,  4  sur 

10  =  14,  et  lin  ar  bymihec,  i  sur  15  =  16,  mais  non  habi- 
tuellement pym  ar  ddcc,  5  sur  10.  DotiT^e  et  quin:;e.  ne  sont  pas 
ordinairement  décomposés,  comme  les  nombres  intermédiaires. 

11  me  paraît  très  probable  que  nous  avons  ici  un  des  nombreux 
cas  de  division  et  multiplication  par  3.  11  est  possible  que  la 
première  coupure  de  18  ait  été  9,  puis  que  9  ait  été  subdivisé 
par  3.  Ce  qui  semble  confirmer  cette  manière  de  voir,  c'est 
que,  dans  le  Livre  de  Taliesin  (Skene,  Four  anc.  books,  II, 
p.  176,1),  le  nombre  9  est  exprimé  par  3  fois  3  '  (fri ihrinodet). 
On  aurait  eu  ainsi:  3  fois  3,  9;  3  fois  4,  12;  3  fois  5,  15  ; 
3  fois  6,  18.  Après  18,  le  nombre  20  forme  un  point  d'arrêt  et  la 

I.  Le  nombre  des  guerriers  qui  vont  à  Catraetli  est  3  et  3  fois  20  et  500  ; 
il  en  revient  ]  (Livre  d'Aneurin,  Skene,  Four  anc.  l  ,  II,  p.  96  v.  23, 
26;  cf.  97,  préface).  Les  expressions  5  fois  9,  3  fois  20  sont  fréquentes.  Au 
lieu  de  9  mille  hommes,  dans  le  Bôronia  (Rev.  Celt.,  XIII),  on  dit  5  fois 
3  mille.  Lugh  avait  3  fois  5  pères  nourriciers. 

Revue  dlliijue,  X.KV.  10 


146  J.  Loth. 

numéiMtion  décimale  reprend.  Le  nombre,  comme  nous  l'avons 
vu,  et  nous  en  verrons  d'autres  preuves,  a  joué  un  rôle  très 
considérable  chez  les  Celtes.  Quant  à  la  fortune  du  nombre  6, 
elle  peut  avoir  été  aidée  par  des  influences  mythiques.  Uscner 
a  remarqué  que  chez  les  Assyriens,  les  12  dieux,  qui  étaient 
d'abord  des  personnifications  des  12  mois,  furent  groupés  par 
6  couples.  Il  a  remarqué  les  mêmes  procédés  dans  les  listes  des 
Titans.  Si  on  admet,  comme  je  l'ai-  proposé  plus  haut,  le  grou- 
pement des  mois  2  à  2,  c'est-à-dire  par  6  couples,  on  arrive 
sans  peine  à  comprendre  que  ce  chifire  ait  eu  une  réelle  valeur 
mythique,  à  un  certain  moment,  chez  les  Celtes'.  De  plus, 
c'est  la  moitié  de  12,  un  multiple  de  3  et  les  deux  tiers  de  9, 
nombres  très  importants  chez  les  Irlandais  comme  chez  les 
Gallois. 

2.  Les  nombres. 

Les  nombres  les  plus  employés,  en  dehors  de  la  numération 
proprement  dite,  les  nombres  types  sont:  3,  7  et  9.  12  et  50 
jouent  aussi  un  rôle  important. 

Trois.  —  Il  est  inutile  d'insister  sur  ce  nombre  dont  l'im- 
portance est  universelle.  Je  renvoie  la-dessus,  même  en  ce  qui 
concerne  les  Celtes,  à  la  copieuse  et  profonde  étude  d'Usencr, 
déjà  cité,  Dreiheil  -  (pour  les  Celtes,  spécialement  à  la  page  31). 
On  sait  quel  rôle  a  joué  la  triade  chez  les  Irlandais  et  les 
Gallois  dans  toutes  les  branches  de  leurs  connaissances. 

Ce  qu'il  ne  me  paraît  pas  superflu  de  fliire  ressortir,  c'est  le  rôle 
particulier  que  joue  3  comme  multiplicateur  ou  diviseur,  ce  qui 
revient  au  même.  Au  lieu  de  traduire  le  nombre  par  l'expression 
ordinaire  de  la  numération,  on  cherche  quel  nombre  se  trouve 
contenu  ^  lois  dans  la  quantité  à  déternnner:  21  sera  3  fois  7, 
27  sera  3  tois  9,  60  sera  3  fois  20,  150  sera  3  lois  50,  etc. 

Exemples:  nô mile  et  Iri  iriutik,  3  tois  3  mille  (The  Bôroma, 

1.  Dans  les  Aiic.  Laws  of  IreL,  IV,  p.  277,  la  piir.cipalc  mesure  est  6 
dans  les  mensurations  du  Tir  cumaile. 

2.  Les  Trinités  de  Dieux  étaient  bien  connues  en  Irlande.  Par  exemple, 
dans  The  siroiiJ  kitth'  of  Moyinra,  Rev.  CclL,  XII,  p!  82,  Lugh,  Dagdae  et 
Oo;ma  vont  trouver  les  'Tiois  Dieux  de  Danu. 


L'année  celîicjue  d'après  les  textes  irlandais,  etc.  1^7 

Rcv.  CcU.,  XIII,  p.  50).  Au  lieu  de  27  heures,  27  jours,  27  ans, 
27  hommes,  etc.,  3  fois  9  ou  3  neu vaines  d'heures,  de  jours, 
d'ans,  d'hommes  (v.  plus  haut,  première  partie.  Divisions  du 
mois,  p.  136;  V.  plus  bas,  \euf,  p.  152). 

—  Lugh  a  9  pères  nourriciers;  leurs  noms  sont  donnés  3 
par  3  (The  second  battle  of  Moytura,  Rev.  Celt.,  XII,  p.  88). 

—  Le  champion  de  Lugh  se  propose  de  repousser  le  roi  et 
3  fois  9  de  ses  amis  (ibid.,  p.  90;  cf.  Rev.  Celt.,  XVI,  p.  59, 
150,  etc.). 

—  Uinche  divise  ses  hommes  en  3  fois  7  (The  Rennes  Din- 
dsenchas,  Rev.  Celt.,  XV,  p.  127-128). 

Au  lieu  de  15  mille,  3  fois  50  centaines  (The  Boroma,  Rev. 
Celt.,  XIII,  p.  40). 

Au  lieu  de  45  jours,  souvent  3  quinzaines. 

Pour  3  fois  50,  au  lieu  de  150,  voir  plus  bas,  à  cinquante. 

Au  lieu  de  60  chevaux,  femmes,  3  fois  20  chevaux,  femmes 
{Revue  Celt.,  XXIV,  p.  134;  XV,  p.  290;  Trip.  Life  of 
S.   Patrick,  p.  190). 

Il  en  est  à  peu  près  de  même  en  gallois. 

Un  fait  important  à  remarquer,  c'est  que  généralement  on 
passe  brusquement  de  3  à  9.  On  a  vu  plus  haut,  V partie  (mois), 
que  de  la  période  de  3  nuits  et  3  jours,  on  passe  à  9  nuits  et 
9  jours.  De  même,  dans  les  Lois  galloises  (Ane.  Laivs,  I,  p.  212), 
si  le  chef  de  fimille  veut  renier  un  enfant  dont  le  père  est 
mort  au  nom  de  son  clan,  il  peut  le  taire  en  joignant  à  son 
témoignage  celui  de  6  hommes  du  clan  ;  s'il  n'y  a  pas  de 
chef  de  famille,  il  faut  le  témoignage  de  3  fois  plus  d'hommes, 
c'est-à-dire  de  21. 

On  retrouve  cette  préoccupation  dans  les  formules  médicales. 
Dans  les  Meddy^on  Myddfai,  t.  I,  il  faut  faire  3  emplâtres  3  fois 

(§503). 

Si:pt.  —  Pour  les  périodes  de  7  ans  chez  les  Irlandais  et  les 
Gallois,  V.  plus  haut,  i""  partie,  à  cycles,  p.   137. 

Irlandk.  —  Medb  choisit  7  cents  guerriers (Toch maire  Ferbe, 
Ir.  Texte,  III,  p.  490). 

—  La  laine  pour  les  vêtements  au  pays  de  la  Promesse  est 
fournie  par  7  brebis  (Acall.  na  senôrach,  //•.  Texte,  \\\  note 
3667,  p.  275  ;  d.  Ir.  Texte,  III,  p.  197,  48). 


148  J.  Lolh. 

—  Il  y  avait  7  portes  dans  le  palais  (Jbid.,  1378). 

—  7  hommes  furent  envoyés  vers  Patrice  (Jbid.,  6386). 

—  Un  frein  à  7  pointes  (The  vision  of  mac  ConoJinne,  122, 

33)- 

—  C'était  7  lois  plus  lourd  (ihid.,  61.  16). 

—  On  place  devant  la  tête  de  Fergal  7  bœufs,  7  béliers,  7 
cochons  (Cath  Almaine,  Rcv.  Cdl.,  XXIV,  p.  64). 

—  Les  héros  chassent  7  daims, '7  renards,  7  bêtes  de  la 
plaine,  7  sangliers.  Ils  prennent  7  loutres.  La  maison  a  7  roues, 
7  chambres  (Tdin  hù  Frdich,  Rcv.  CcU.,  XXIV,  p.  130). 

—  Les  troupes  de  Niall  battent  les  ennemis  7  fois  (The 
Rennes  Dindsenchas,  Rcv.  Cclt.,  XV,  p.  296). 

—  Il  y  avait  à  Carman  7  courses  de  chevaux  (Jbid.,  p.  3  12). 

—  Uinche  divise  ses  hommes  en  3  groupes  de  7  (ihid.,  p. 
327-328). 

—  Bres  reste  malade  7  jours,  7  mois  et  7  ans  (Jbid.,  p.  439). 

—  Chacun  des  3  fois  50  corbeaux  tués  par  Ciichulainn  avait 
dans  son  bec  la  longueur  de  7  mains  et,  de  tour  de  cou,  7  cou- 
dées (ihid.,  p.  450). 

—  Les  deux  troupeaux  de  porcs  se  métamorphosent  7  fois 
en  restant  une  année  pleine  sous  chaque  forme  (Jbid.,  p.  445). 

—  Aedan  mangeait  la  nourriture  de  7  hommes  (Life  of 
S*  Féchin,  Revue  Cclt.,  XII,  p.  334). 

—  Eochaid  Bres  donne  7  otages  aux  champions  d'Irlande 
(The  second  battle  of  moytura,  Rcv.  Cclt.,  XII,  p.  62). 

—  Le  poète  qui  veut  que  son  poème  satirique  produise  un 
effet  va  avec  6  hommes,  lui  7%  ayant  les  6  degrés  de  poésie. 
Le  7^,  au  lever  du  soleil,  gravit  une  colline  qui  doit  être  aux 
confins  de  7  pays,  etc.  (Jbid.,  p.  119:  extrait  du  Livre  de  Bal- 
lymote). 

—  Lugaid  Mal  est  exilé  d'Erin  avec  l'équipage  de  7  vaisseaux 
(The  prose  taies  in  the  Rennes  Dindsenchas,  Rcv.  Cclt.,  XVI, 

P-  48). 

—  Le  cochon  de  Mac  Ddthô  grandit  jusqu'au  bout  de  7  ans, 
lorsqu'il  y  avait  7  pouces    de   graisse  sur   son    groin    (ibid., 

P-  63). 

— -  Les  4  oiseaux  de  Baile  agacent  Cairprc  pendant  7  tois 
50  nuits  (ibid.,  p.  68). 


L'année  cclticjiic  J\iprès  les  textes  irlandjis,  ete.  149 

—  l-'ochaid  tue  7  milliers  de  guerriers  de  son  lils  (il'iiL, 
p.   150). 

—  Les  gages  des  3  rois  unis  d'Irlande  (qui  régnaient  chacun 
7  ans)  étaient  7  druides,  7  poètes,  7  chefs  (ibiiL,  p.  279-280). 

—  Un  personnage  se  nourrit  pendant  7  ans  avec  7  gâteaux 
(The  voyage  of  Maelduin,  Rev.  Ccll.,  X,  p.  88). 

—  Patrice  impose  à  Cellachén  une  amende  de  7  cumals  (7 
femmes  esclaves  =  21  vaches);  il  impose  7  années  de  péni- 
tence {Ti'ip.  Life  of  S.  Patrick,  cli;  cf.  p.  212,  p.  355). 

—  Grâce  à  des  prières  de  Patrice,  aucun  démon  ne  vint 
en  Irlande  pendant    7  ans,  7  mois,  7  jours  et  7  nuits  (^ibid., 

-^  Les  7  Hls  d'Amalgaid  se  convertissent  (^ihid.,  p.  135). 

—  Patrice  a  7  églises  sur  la  rivière  Fochaine  (Jhid.,  p.  154). 

—  7  églises  appartiennent  à  Patrice  en  Connacht  {ihid., 
p.   160). 

—  Un  enfant  vit  7  jours  enfermé  dans  un  cairn  (^ibid., 
p.  160). 

—  7  églises  appartiennent  à  Patrice  à  Hûi-Tuirtri  Çibid., 
p.   168). 

—  Le  7*^  de  la  personne  des  Fergus  dépassait  tout  autre 
homme;  il  y  avait  7  pieds  entre  son  oreille  et  sa  bouche;  7 
mains  d'hommes  auraient  tenu  entre  ses  2  yeux;  autant  sur  la 
largeur  de  sa  bouche.  Il  lui  fallait  7  mains  d'hommes  pour 
couvrir  la  trace  de  ses  pieds,  7  femmes  pour  prendre  soin  de 
lui;  il  lui  fallait  par  jour  7  cochons,  7  cuves  de  bière,  7  bœufs; 
il  avait  la  force  de  7  cents  hommes  (D'Arbois  de  Jub.,  L'é- 
popée cell.,  p.  8  ;  cf.  ibid.  :  7  chambres,  7  cochons;  les  7  exploits 
de  Cûchulainn;  7  femmes;  7  fois  20  femmes;  7  rayons  de  la 
lumière,  etc.  ;  v.  Indexa 

—  Depuis  que  j'ai  pris  les  ordres,  dit  Brennain  à  Brigitte, 
je  n'ai  pas  franchi  l'étendue  de  7  sillons  sans  penser  à  Dieu 
(Goidelica-,  p.  134). 

Ancient  Laws  of  Irhlani)  :  Il  v  a  7  degrés  de  chefs.  —  Le 
roi  a  7  tenants  inférieurs  (I,  p.  63). 

—  Le  chef  a  7  principaux  sco///  (I,  p.  i  ^5). 

—  7  cumhals  d'amende  {ibid.,  III,  p.  49,  70,  76,  98,  114, 
lié,  etc.). 


1^0  J.  Lotli. 

Les  amendes  sont  souvent  des  multiples  de  7  ou,  chose 
étrange,  des  diviseurs  de  7  : 

III,  p.  104:  4/7,  2/7,  1/14,  1/7  de  1/7;  p.  114:  le  tiers  de 
7  cumhals;  2/3  de  7  cumhals  (III,  p.  116). 

—  2/7,  1/14,  I  1/7  dVr/V  (//'/(/.,  p.  122;  cf.  248:  quelque- 
fois il  y  a  des  1/5). 

—  Le  droit  a  été  codifié  par  Ijcptadcs:  il  y  en  a  75  (v.  pré- 
face, iX-XIl). 

—  Le  roi  suprême  a  7  rois  sous  lui;  il  a  droit  à  une  ciDual 
de  chacun  d'eux. 

—  Le  roi  de  territoire  est  estimé  à  7  cumhals  (IV,  p.  346). 

—  On  estime  une  personne  d'après  7  choses  (forme, 
race,  etc.). 

—  Il  y  a  7  degrés  de  connaissance  {ibid.,  p.  354). 
Galles.  7  gouverneurs  sont  laissés  pour  gouverner  l'île  de 

Bretagne  pendant  l'expédition  de  Bran  {Mahin.,  I,  p.  81). 

—  7  hommes  s'échappèrent  du  combat  (ihid.,  p.  89). 

—  Il  fout  réciter  3  fois  7  pater  (Black  Book,  ap.  Skene,  Foitr 
anc.  books  of  W.,  II,  p.  8,  v.  12). 

—  7  saints  et  7  fois  20  et  7  cents  (ibid.,  p.  12.  3). 

—  Les  7  fils  d'Elifi'er  (ibid.,  p.  4.  16). 

—  7  lances  qui  percent  {ibid.,  4.  20). 

—  7  fois  20  guerriers  généreux  (ibid.,  p.  5.1). 

—  Il  y  a  7  étoiles  par  les  7  dons  de  Dieu  (Book  of  Tal.  ap. 
Skene,  Four  û ne.  L,  II,  p.  162,  i  et  2)  ^ 

—  7  guerriers  seulement  s'échappèrent  de  Caer  Sidi  (ibid., 
181.  16). 

—  Ils  tuèrent  7  fois  autant  de  Loegriens  (Book  of  Aneur.  ap. 
Skene,  Four  anc.  books,  II,  p.  80.  5). 

—  Lui,  il  tuait  les  Saxons  le  7^  jour  (ibid.,  66.  9). 
Ancient  Laws  :  le  serment,  dans  divers  cas,  de  7  hommes 

ou  de  7  femmes  est  exigé  (I,  p.  86,  88). 

—  En  cas  d'accusation  pesant  sur  une  femme  vis-à-vis  d'un 
homme,  la  V  fois,  on  exige  le  serment  de  7  femmes  ;  la  2^  fois, 
de  14  femmes;  la  3^  fois,  de  50  femmes  (ibid.,  p.  102). 


I.  Il  y  a  ici  une  influence  chrétienne,  sans  doute.  Il  détestait  tellement 
les  Saxons  qu'il  les  tuait  même  le  dimanche. 


L'année  ccltu]uc  d'apvh  les  textes  irlandais,  etc.  i  ^  r 

—  Il  V  a    14   privilèges   pour   les  hommes  d'Arfon   Çihid., 

—  Les  vihiins  du  roi  doivent  élever  pour  lui  7  maisons  Qbid., 
p.  192). 

—  Le  chef  de  la  famille  peut  renier  un  enfant  dont  le  père 
est  mort  ■:x\qc  l'appui  de  6  hommes  de  son  clan  :  s'il  n'y  a  pas 
là  de  chef  de  famille,  il  fliut  le  serment  de  21  des  notables 
(Jbid.,  p.  212),  c'est-à-dire  3  fois  7. 

—  Le  (^alaiias  (prix  du  sang)  ne  dépasse  pas  le  j"  degré 
(ihicL,  p.  224). 

—  7  livres  sont  le  prix  d'un  voleur  qui  doit  être  vendu. 

—  Le  juge  doit  posséder  7  qualités  (p.  614). 

—  Les  14  privilèges  des  hommes  de  Powys  (II,  p.  746). 

—  Pour  dormir,  graver  le  nom  des  7  dormants  sur  la  corne 
d'un  bouc  en  en  fciisant  un  manche  de  couteau  ÇMeddvgon 
Myddfai,  §  807). 

Bretagne.  Le  nombre  7  y  joue  aussi  un  rôle  :  dans  les  chan- 
sons populaires,  il  est  souvent  question  de  laps  de  7  ans.  Il 
est  vrai  qu'ici  diverses  influences  ont  pu  se  croiser'. 

Dans  les  Coûtes  populaires  de  Luzel,  I,  p.  244,  il  est  question 
d'un  nain  dont  la  barbe  fait  7  fois  le  tour  du  corps;  d'un 
bâton  sur  lequel  le  héros  fliit  7  lieues  à  chaque  pas  Qbid.,  III, 
98);  d'un  serpent  à  7  tètes  (II,  p.  310);  d'un  serpent  auquel 
il  faut  livrer  une  princesse  tous  les  7  ans  (II,  p.  284);  de 
guêtres  de  7  lieues  (I,  209  ;  III,  252). 

Ce  qui  dépasse  en  intérêt  ces  citations,  c'est  la  légende  des 
saints  de  Lanrivoaré  (Finistère).  Dans  le  cimetière,  on  remarque 
une  croix  de  calvaire  plantée  en  tête  d'une  petite  enceinte 
dallée  ;  sur  cette  enceinte,  on  ne  peut  passer  que  déchaussé, 
et  le  jour  du  pardon  on  en  fait  le  tour  à  genoux;  auprès  de 
la  croix  sont  déposées  7  pierres  rondes.  La  légende  dit  que 
c'est  le  cimetière  de  7  mille,  7'  cents,  7  vingts  et  7  saints 
martyrs,  et  que  les  7  pierres  rondes  sont  des  pains  changés  en 

I.  Le  service  militaire  de  7  ans  n'y  a  p.is  été  étranger,  le  nombre  des 
Bretons  qui  s'engageaient  à  prix  d'argent,  en  outre  de  ceux  que  la  loi  appe- 
lait, ayant  été  extrêmement  considérable.  Cela  s'appelait  couramment,  en 
Basse-Bretagne,  vendre  le  cochon  de  son  père.  L'influence  chrétienne  est  aussi 
possible. 


152  ./.  Lot'i. 

pierre  par  saint  Hervé,  à  qui  le  boulanger  du  bourg  en  avait 
refusé  un  pour  sa  nourriture  ^ 

Fréminville  (^;//.  du  F/h.,  I,  235-237)  ne  parle  que  dey  777 
saints.  M.  Kerviler  affirme  que  la  légende  dit  bien  7  fois  20  et 
non  7   dizaines.  Il  y   voit  un  nombre  traditionnel  7854  en 
assimilant  aux  saints  les  7  pierres  rondes.  Il  voit  dans  ce  chiffre 
la  théorie  du  cercle  et  V apothéose  du  iioinbre  7  sans  compter  ce  qu'il 
renferme  sur  le  nombre  3  (p.  6).,  Il  me  paraît  d'abord  arbi- 
traire d'ajouter  au  nombre  légendaire  les  7  pierres.  De  plus, 
il  est  évident  que  ce  que  la  tradition  a  voulu  faire  ressortir, 
c'est  la  présence  des  quatre  7,  chiffre  facile  à  retenir.  Ce  nombre 
7  mille  7  cents  7  vingts  7  est  d'un  7  plus  grand  que  celui  du 
Livre  noir  de  Carmarthen  :  7  cents  7  vingts  7  saints:  847.  Pas 
plus  ici  qu'à  Lanrivoaré,  ce  n'est  le  nombre  total  qui  est  en 
question,  c'est  la  répétition  de  7  :  3  fois  en  Galles,  4  fois  en 
Bretagne,  qui   faisait  l'intérêt  de  cette  tradition-.  Quant  à  7 
vingts,  c'est  fort  naturel,  étant  donnée  la  prédilection  des  Celtes 
pour  la  numération  vigésimale  et  c'est  bien  là  une  preuve  de 
plus  de   ce  que   j'avance  et  de  la  fausseté  de   la   théorie  de 
M.  Kerviler,  malgré  l'ingéniosité  et  la  science  qu'il  y  apporte. 
Une  autre  preuve  et  en  même  temps  un  fait  des  plus  curieux, 
c'est  que  7777  est  le  nombre  qui  compose  la  grande  année 
(ijiyaç  vHxj-îz:)  dont  parle  Plutarque  (de  plac.  phil.  2,  32,  5). 
Roscher  suppose  que  ce  nombre  repose  peut-être  sur  les  spé- 
culations d'astrologues  chaldéens  {Die  Enneadischen  und  hehdo- 
niadischen  Frislen,  v.  p.  GG^. 

Neuf.  —  Comme  tradition  commune  aux  Gaëls  et  aux 
Gallois,  il  y  a  à  noter  l'heureuse  influence  de  la  9"^  vague. 

L'enfant  de  Cairpre  était  né  avec  une  sorte  de  capuchon  qui 
le  couvrait  de  la  tête  aux  épaules,  sans  laisser  voir  de  bouche. 
Sa  mère,  conseillée  par  un  personnage  du  monde  surnaturel, 


1.  René  Kerviler,  Les  iiicsuics  de  loiigiiciir  et  les  nombres  7,  1 1  et  5  et, les 
connaissances  en  arithmétique,  en  géométrie  et  en  astronomie  des  construc- 
teurs de  monuments  mégalithiques  en  Armorique.  Lorient,  1904. 

2.  Cf.  Trip.  Life  of  S.  Patrick,  I,  p.  115  :  grâce  aux  prières  de  Patricet 
aucun  démon  ne  paraîtra  en  Irlande  pendant  7  ans,  7  mois,  7  jours  en 
7  nuits.  —  Revue  Celt.,  Tlie  Reniws  DiiidscuclMis,  p.  4^9  :  Bres  est  malade 
pendant  7  jours,  7  mois  et  7  ans. 


L\xnncc  celtique  d\ipns  les  testes  irlandais,  itc.  1 5  ; 

le  porte  à  la  mer  et  l'y  plonge  en  lui  laissant  la  tète  au-dessus 
de  l'eau  jusqu'à  l'arrivée  de  la  9^  vague.  A  la  9*^  vague,  la 
membrane  qui  lui  recouvrait  la  tête  se  déchire  (Tiie  taie  of 
the  ordeals,  Ir.  Texte,  III,  p.  206). 

Au  contraire,  la  y  vague  est  mauvaise.  C'est  ainsi  que  3 
vagues  d'une  fontaine  atteignent  Bôand,  femme  de  Nechtan, 
et  lui  enlèvent  une  cuisse,  une  main  et  un  œil  \ 

Dans  la  Tripartite  Life  of  S .  Patrick,  I,  cvii,  cviii,  M.  Whitley 
Stokes  rappelle  que,  d'après  le  Liber  Hyinnoniin,  Colmdn  va  à 
une  île  et  est  séparé  ainsi  de  la  terre  par  9  vagues  :  ///  tbic 
teidm  dar  liai  tonna  ut  ferunt  periti  (la  peste  ne  franchit  pas, 
ne  vient  pas  par-dessus  9  vagues. 

Dans  les  Lois  irL  (Ane.  Laws,  V,  p.  326.4,  327.5,  337.21, 
32;  339.2),  on  a  droit  à  un  bien  trouvé  à  une  distance  de  9 
vagues  entre  soi  et  la  terre  ou  transporté  par-dessus  9  vagues 
de  la  mer  à  la  terre. 

Dans  le  pays  de  Galles,  la  9^  vague  est  synonyme  de  bonheur, 
Bl.  B.  of  Carm.  (Skene,  II,  p.  21,  v.  19): 

a  mi  disgoganaf  e  rac  ton  navfed 

«  et  moi  je  prophétiserai  devant  la  p^  vague  (c'est-à-dire  devant  Vhoiniiic 
heureux)  ». 

B.  Ta!.,  169.5: 

advvvyn  gaer  yssyd  ar  ton  uawvct 
«  agréable  la  ville  forte  située  sur  la  9e  vague.  » 


ibid.,   142.10 


Pan  y  m  digonet 

O  dvvfyr  ton  nawvet 

«  Lorsqu'on  me  forma... 
de  l'eau  de  la  9c  vague.  » 


I .  Il  y  a  peut-être  un  souvenir  analogue  dans  le  fait  que  les  nains  bretons 
ne  savent  chanter  que  les  5  premiers  jours  de  la  semaine  et  qu'il  faut  pour 
les  désensorceler  qu'un  bossu  leur  apprenne  à  chanter  jusqu'à  5  ou  6  (sui- 
vant les  variantes^ 


i$4  J    Loth. 

Cvnddelw,  poète  du  xn"  siècle  {Myv.  arch.-,  158,  col.  i), 
donne  à  une  de  ses  beautés  la  couleur  de  l'écume  de  la  mer 
devant  la  9^  vague. 

Dafydd  ab  Gwilym  (p.  42)  supplie  la  rivière Dysyni  d'accorder 
la  9^  vague  à  la  nonne  qu'il  aime  pour  qu'elle  puisse  arriver  à 
Saint-Dewi. 

Pour  la  période  9  nuits  et  9  jours  cliez  les  Irlandais  et  les 
Gallois,  voir  plus  haut. 

Irlande.  Niai  est  le  personnage  aux  9  otages(C6ir  anmann, 
Ir.   Texte,  III,  p.  118). 

—  La  harpe  a  9  cordes  (Acall.  na  senôrach,  //'.  Têxlc,  IV, 
note  à  3793.  M.  Whitley  Stokes  rapproche  l'expression  iwsâ- 
'/:pot:  des  Grecs). 

Dans  le  même  curieux  morceau,  je  relève  :  9  piliers  d'or 
(1.  1299);  9  vêtements,  boucliers,  lances,  épées,  chiens  (1862); 
9  défenses  de  sangliers  (2225);  9  chariots  (3865);  9  sœurs 
nourricières  (4148);  9  fils  d'un  vrai  chef  désignés  pour  jeûner 
avec  le  fils  du  roi  de  Munster  (5408);  9  des  meilleures 
vaches  enlevées  (7626);  9  serviteurs  de  la  reine,  9  sorcières 
(6763),  etc. 

Brian,  à  7  ans,  a  la  force  de  9  hommes  (Death  of  Crim- 
thann,  Rcv.  CcU.,  XXIV,  p.  17e). 

—  Il  y  a  9  corps  d'un  côté,  9  têtes  de  l'autre  et  ils  font 
entendre  9  cris  perçants  (Find  and  the  phantoms,  Rcv.  CcU., 
VII,  p.  298). 

—  Un  seul  des  9  guerriers  est  sauvé  (Tochmarc  Emire,  Rcv. 
GV/.,  XI,  p.  453). 

—  Mess-dead,  âgée  de  7  ans,  tuait  9  hommes  chaque  heure 
du  jour  (The  siège  of  Hovv'th,  Rcv.  CcU.,  VIII,  p.  54). 

—  Eochaid  assiège  Bri  Leith  pendant  9  ans  (The  Rennes 
Dindsenchas,  Rcv.  CcJt.,  XV,  p.  290). 

—  Cairpre  et  ses  enfonts  perdent,  à  la  bataille  de  Cndmros, 
9  mille,  9  cents  et  9  guerriers  {ibid.,  p.  333). 

—  Il  y  a  9  coudriers  de  science  {ibicL,  p.  457,  note). 

—  3  fois  9  hommes  (The  battle  of  mag  Mucrime,  Rcv.  CcU., 

XIII,  p.  442). 

—  Les  voyageurs  de  la  barque  étaient  au  nombre  de  9  (The 
voyage  of  the  Hûi  Corra,  Rcv.  CcU.,  XIV,  p.  40). 


L\\nnée  celtique  d\iprès  les  textes  ii landais:,  etc.  155 

—  Cùcluilainn  saute  par-dessus  9  sillons,  loin  de  Goll  (Tlie 
violent  Death  of  Goll,  Rev.  Celt.,  XIV,  p.  408). 

—  Le  champion  de  Lugh  se  propose  de  repousser  le  roi  et 
3  neuvaines  de  ses  amis  (The  second  battle  of  Moytura,  Rev. 
Celt.,  XII,  p.  90). 

—  Lugh  avait  9  chariots  (ibid.,  p.   102). 

—  Patrice  part  avec  8  disciples    et   Beuén  coiiinic  serviteur. 

—  Les  paysans  voient  8  daims  et  un  fao)i  derrière  Çlrip. 
Life,  p.  ^6). 

—  D'Arbois  de  Jub.,  V Epopée  celtique  en  Irlande:  9  chars 
(34,  440)19  formes  (10 1);  9  forgerons  (157-158)  ;  9  guerriers 
(48,  138,  141,  153,  340,  342,  445);  9  groupes  d'oiseaux 
magiques  (34,  35);  9  hommes  (78);  9  lits  (83);  9  messagers, 
9  ouvriers  en  bronze  (157);  9  tresses  de  cheveux  (425);  3 
fois  9  ans;  3  fois  9  hommes  (344,  430),  etc. 

—  9  personnes  (FI.  Br.,  42  Ir.   Texte,  I). 

—  3  neuvaines  d'hommes  (Ir.  Texte,  I,  FI.  Br.,  89,  84). 

—  Il  y  eut  9  personnes  pour  ordonner  le  Seuchus  Môr  (Ane. 
Laws,  I,  p.  16). 

—  Il  y  a  3  périodes  de  9  jours  pour  payer  les  intérêts  du 
dire  (Ane.  Laws,  V,  p.  395-13  ;  397-3)- 

Galles.  Il  y  a  9  rois  puissants  à  Kaer  Nevenhyr  {Mab.,  I, 

P-  197)- 

—  9  louanges  à  Dieu  (Bl.  B.  ap.  Slane,  I-'oiir  anc.  B.,  II, 

P-   15,   19)- 

—  9  degrés  du  ciel  (ibici.,  p.  21.18;  B.  Tal.  110.4). 

—  9  troupes  du  ciel  (Bl.  B.,  46.19  ;  Cvnddelw,  Mn-.  arch.-, 
181. i). 

—  Kei  et  ses  compagnons  tuent  les  9  portiers  gardant 
les  9   portes  du   château,   ainsi    que  les   9   dogues   (iMab.,    I, 

P-23))- 

—  Il  fiiut  à  Yspaddaden  du  miel  9  lois  plus  doux  que  le 
miel  du  premier  essaim  (Jbid.,  p.  243). 

—  La  corbeille  de  Gwyddneu  fournirait  à  manger  quand 
même  le  monde  entier  se  présenterait  par  groupes  de  3  fois 
9  hommes  (jbid.,  p.  244-245). 

—  Kynedyr  est  plus  sauvage  9  fois  que  les  bêtes  les  plus 
sauvages  (Jbid.,  p.  252). 


I  $6  J.  Loth  ' 

■ —  9  rois  couronnés  se  réunissent  à  Kaerlleon. 

—  Artiiur  ;i  9  portiers  Çihid.,  II,  p.  112). 
Ane.  Laïus  of  Wales  : 

—  Le  saraad  (wehrgeld)  du  Dystain  (intendant)  est  de  9  fois 
20  et  9  vaches  (I,  p.  18). 

—  Le  Rhinghyll  (appariteur)  a  droit  à  certains  vêtements  le 
9*^  jour  de  novembre  (I,  p.  64). 

—  Il  y  a  9  maenaïul  en  Arfon  (I,  p.  106). 

- —  Il  y  a  9  tavodiog  (gainsaying  (Jbid.,  p.  108). 

—  La  vache  qui  a  pris  le  taureau  en  août  doit  vêler  le  9"^ 
jour  de  mai  ;  le  veau,  ce  jour-là,  doit  pouvoir  faire  9  pas  {ihid., 
P-  270). 

—  Le  titre  de  propriété  n'est  pas  éteint  jusqu'au  9^^  homme 
{ihid.,  p.   172). 

—  La  longueur  de  l'île  de  Bretagne  est  de  900  milles  (Jbid., 
p.  184). 

—  Il  y  a  9  actes  qui  touchent  au  meurtre  {ibid.,  p.  224). 

—  Le  bœuf  doit  être  mis  sous  le  joug  le  9"  jour  de  lévrier 
(ibid.,  p.  272). 

—  Il  doit  être  attelé  à  la  charrue  le  9  février  {ihid.,  p.  274). 
— ■  Il  y  a  9  degrés  de  parenté  au  point  de  vue  du  galarms  • 

(prix  du  meurtre);  ibid.,  p.  408. 

■ —  Il  y  a  9  personnes  qui  doivent  être  crues  sur  serment 
(ibid.,  p.  422). 

—  6  daiunhuyd  (devoir  de  manger)  sont  dus  au  roi  avec  un 
plein  vase  de  bière  de  9  empans  (ibid.,  p.  534). 

— ■  Il  y  a  9  membres  principaux  de  l'homme  (II,  p.  786). 

—  Il  y  a  seize  nciivaincs  au  point  de  vue  jm-idique  (ibid.. 
Il,  p.  344). 

—  Pour  le  malade  de  l'estomac,  il  fliut  9  œufs  (Meddy^on    ■ 
Myddfai,$6i). 

—  Pour  la  gastralgie,  boire  ime  décoction  9  matins, 
se  reposer  ensuite  9  matins,  puis  boire  et  se  reposer  comme 
auparavant,  ensuite  boire  9  matins  pour  la  3^^  fois  {ibid.,  §  3). 

—  Compter  jusqu'à  9  et  adresser  10  à  Dieu  (§  738). 

—  En  cas  de  pneumonie,  prendre  9  morceaux  de  flanelle 
fine;  on  les  applique  sur  la  poitrine  une  fois  plongés  dans  une 
mixture  pendant  9  jours  (ibid.,  §  121). 


L'année  celtique  iVaprh  les  textes  irlandais,  etc.  1 57 

—  boire  h  jeun  9  matins  (§  178). 

—  boire  4  fois  jour  et  nuit  pendant  9  jours  (§  248). 

—  prendre  9  feuilles  de  sauge  (§  400). 

—  3  fois  en  9  jours:  une  fois  tous  les  3  jours  (§  408). 

—  prendre  9  cuillerées,  puis  jeûner  3  jours  (§  457). 

—  faire  3  emplâtres  3  fois  (§  503). 

Comme  nous  l'avons  vu,  le  9^  jour  du  mois  est  le  jour  judi- 
ciaire et  légal  par  excellence  {Ane.  Laws,  I,  84,  94,  140-142, 
172,  270,  274,  378,  392,  396,  453,  456,  542,  588,  758,  794). 

Douze.  —  Irlande.  —  Les  ordeals  sont  au  nombre  de  12 
(Tlie  taie  of  the  twelve  ordeals,  Ir.  Texte,  III,  p.  206). 

—  Les  12  sœurs 

(Acall.  na  senôrach,  Ir.  T.,  IV,  1.  6230). 

—  Corpre  Niafer  a  12  filles  (Tochmarc  Emire,  Rev.  Cell., 
XI,  p.  448). 

—  Outre  les  15  chaudrons  que  doivent  donner  les  gens  de 
Leinster,  il  y  a  un  grand  chaudron  de  cuivre  pouvant  contenir 
12  porcs  et  12  bœufs  (The  Borôma,  Rev.  Celt.,  XIII,  p.  40). 

—  Le  corps  de  Patrice  est  gardé  pendant  12  nuits  (Trip. 
Lije,  I,  cxxxni). 

—  Patrice  recommande  à  son  disciple  Mochtac  12  lépreux 
Çihid.,  cxcvi). 

—  Patrice,  dans  son  voyage  de  Rome,  rencontre  6  jeunes 
clercs  et  6  ^^illies  avec  eux  (p.  75). 

—  Patrice  donne  à  baptiser  à  Muinisla  12"'  partie  de  Tir- 
lande  {ibid.,  p.  83). 

—  L'idole  Cenn  Cruach  est  entouré  de  12  autres  idoles 
{ibid.,  p.  91). 

—  Patrice  reste  à  Hrnaise  avec  12  hommes  pendant  une 
semaine  {ibid.,  p.  112). 

—  Deux  fois  6  grands  milliers  {ibid.,  p.   131). 

—  Coilbad  a  12  fils  {ibid.,  p.  166). 

—  2  fois  6  mois  {Ane.  Laws,  I,  p.  29). 

—  Il  y  a  12  espèces  dV/'/^W  {ibid.,  III,  p.  90). 

—  La  longueur  d'une  Tir-euniaile  est  de  12  forrach  {ibid., 
IV,  p.  277). 

• — ■  Ailill  demande  à  sa  mère  12  vaches  laitières  {Rev.  Cell., 
1903,  p.  134). 


1^8  J.  Loth. 

—  Le  délai  de  12  nuits  est  assez  fréquent  (d'.\rbois  de  Jub., 
Etudes  sur  Je  droit  ceJt.,  I,  260,  287;  II,  18). 

—  La  mère  de  Fraech  lui  donne  12  vaches  {^Rev.  CeJt., 
t.  XXIV,  p.  145). 

Galles.  Gwydyon  crée  par  enchantement  12  étalons, 
12  chiens  avec  12  colliers  et  12  laisses  {Mahiu,  I,  p.  125). 

—  Les  otages  de  Scandinavie  sont  au  nombre  de  12  (jlnd., 
p.  196). 

—  Il  y  a,  à  partir  de  la  fête  de  Saint-Jean  d'été  (hanner  haf) 
jusqu'en  novembre,  12  morceaux  légaux  dans  les  cerfs  (////r. 
Laïus  of  Wales,  I,  p.  38). 

—  Il  y  a  12  macnaïul  dans  chaque  cyimud  (Jbid.,  p.  186). 

—  Duodeciesreddunturquatuordenarii(Leges\vallicae,y^»r. 
Laïus,  II,  p.  875);  parmi  les  objets  figure  un  arc  avec  12  flèches, 

C1NQ.UANTE.  —  Irlande.  La  cour  de  Fraech  se  compose  de 
50  rois.  Il  prend  50  manteaux  bleus  (Tdin  bô  Fraich,  Rev. 
CeU.,  t.  XXIV,  p.  143). 

—  50  femmes  {ibid.,  p.   136). 

—  Find  reçoit  50  armes,  50  chevaux,  50  vaches  (Find  and 
the  phantoms,  Rev.  Cclt.,  VII,  p.  292-293). 

—  Athcrne  emmène  3  fois  50  princesses  (The  siège  ofHowth, 
Rev.  Celt.,  VIII). 

—  3  fois  50  vaches  (The  Rennes  Dindsenchas,  Rev.  Celt., 
XV,  p.  427). 

—  Cûchulainn  tue  3  lois  50  corbeaux  Çibid.,  p.  450). 

—  Garb  tue  50  hommes  d'arrière-garde;  il  a  tué  3  fois  50 
esclaves;  3  fois  50  esclaves  seront  donnés  par  Conchobar  au 
bout  de  3  quinzaines  (The  violent  Death  of  Goll  and  Garb, 
Rev.  Celt.,  XIV,  p.  419). 

— -  3  fois  50  charpentes  de  navires  (The  prose  taies  in  the 
Rennes  Dindsenchas,  Rev.  Celt.,  XVI,  p.  33). 

—  Les  4  oiseaux  de  Baile  agacent  Cairpre  pendant  7  fois  50 
nuits  (Jbid.,  p.  68). 

— •  3  fois  50  gobelets  (Jbid.,  160). 

—  50  guerriers  de  Laiglinnc  (^ibid.,  p.  164). 

—  les  50  filles  de  Delbhnat  (//'/</.,  p.  164). 

—  Patrice  laisse  en  Connaught  50  cloches,  50  calices,  50 
nappes  d'autel  (JTrip.  Life,  p.  146). 


L'année  celticjuc  d'après  les  textes  irlanJais,  etc.  î^C) 

—  50  cavaliers  viennent  pour  attaquer  Patrice  (il>ic1.,  p.  182). 

—  50  blessures  de  Ci'icluilainn  (K.  Z.,  XXVIII,  p.  447). 

—  50  cavaliers  (Ir.   T.,  II,  p.  199). 

—  50  chariots,  Epopée  celt.,  95. 

—  50  chevaux  (//■.   T.,  II,  2,  p.   199). 

—  50  femmes  {Épopée  celt.,  p.  25,  26,  28,  30,  92-95,  208, 
299,  212,  313). 

—  50  guerriers  (//'/J.,  p.  152,  i6o-i6r,  392). 

—  50  hommes  (Jbid.,  213). 

—  50  lits  {ibid.,  71,  199). 

—  50  veines  (ibid . ,  330,  353  ;  \\\,  Ir.  Texte,  I,  p.  286). 

—  3  fois  50  aiguilles. 

—  3  fois  50  chambres  (Serg.  Conc,  Ir.  Texte,  I,  p.  210). 

—  3  fois  50  chiens  {Epopée  celt.,  227). 

-^  3  fois  50  femmes  (Serg.  Conc,  Ir.  T.,  I,  p.  210;  cf. 
Ép.  celt.,  125,  184,  212,  217,  334). 

—  3  fois  50  guerriers  (Serg.  Conc,  Ir.  Texte,  I,  p.  218). 

—  3  fois  50  jeunes  filles  (Epopée  celt.,  117). 

—  3  fois  50  jeunes  gens  (K.  Z.,  XXVIII,  p.  446,  454,  459). 

—  3  fois  50  lits  {Epopée  celt.,  159). 

—  3  fois  50  manteaux  bigarrés  {Ir.  Texte,  I,  p.  218). 

—  3  fois  50  valets  {Epopée  celt.,  227). 

Au  lieu  de  3  fois  5  000,  dans  le  Bôro)iia  {Rev.  Celtique,  XIII, 
p.  40). 

3  fois  50  centaines  de  vaches; 

3  fois  50  centaines  de  cochons; 

3  fois  50  centaines  de  manteaux; 

3  fois  50  centaines  de  chaînes  d'argent; 

3  fois  50  centaines  de  béliers; 

3  fois  50  centaines  de  ciiaudrons. 

Gallks.  Auc.  Laïcs,  I:  En  cas  de  négation  d'adultère, 
l'homme  doit  apporter  le  témoignage  de  50  hommes;  la 
femme,  celui  de  50  femmes  (I,  p.  86,  96). 

—  Accusé  de  rapt,  un  homme  invoque  le  serment  de  50 
hommes  {ibid.,  p.  92,  614). 

—  un  rhnith  est  constitué  par  le  serment  de  50  propriétaires 
{ibid.,  p.  480). 


i6o  J .  Lolh. 


CONCLUSIONS 


Si  j'ai  rattaché  la  question  des  nombres  à  celle  des  périodes 
de  temps,  c'est  qu'il  est  avéré  que  les  divisions  du  temps  ont 
eu  une  influence  considérable  sur  la  fixation  des  nombres  types. 
Ce  fliit  n'a  jamais  été  mieux  mis  en  lumière  que  dans  Drcihcil 
d'Usener  et  l'ouvrage  de  Roscher,  non  sans  exagération,  peut- 
être,  chez  ce  dernier. 

Cette  influence  est  évidente  dans  le  domaine  celtique.  Le 
nombre  9  doit,  en  partie,  son  importance  à  ce  qu'il  est  bien 
la  division  par  3  de  27,  nombre  des  jours  du  mois  sidéral.  Des 
neuvaines  de  jours,  on  est  pasré  aux  neuvaines  d'heures,  d'an- 
nées quelquefois;  la  neuvaine  a  même  été  en  usage  pour  tous 
les  objets.  Ce  qui  suffirait  à  prouver  que  c'est  bien  de  la  divi- 
sion de  27  par  3  qu'elle  provient,  c'est  qu'on  ne  trouve  pas,  à 
ma  connaissance,  de  neuvaines  de  jours  en  nombre  plus  élevé 
que  3.  Il  est  possible  aussi  qu'une  autre  influence  soit  venue 
s'y  joindre. 

Neuf  est  en  effet  3  fois  3  et  représente  la  Trinité  dans  sa 
multiplication  la  plus  parfaite.  De  même  que  le  mois  avait  été 
divisé  en  3,  la  première  neuvaine  paraît  l'avoir  été  aussi  (v. 
Trois). 

La  fortune  du  nombre  7  est  plus  diilicile  à  expliquer.  Dans  les 
divisions  du  temps,  on  trouve  bien  le  cycle  de  7  ans,  mais  c'est 
tout.  La  semainede  7  jours  n'apparaît  nulle  part  chez  les  Celtes 
avant  l'époque  chrétienne.  A-t-elle  existé  ?  C'est  possible,  sans 
être  absolument  certain.  Cependant,  si  on  accepte  le  témoignage 
de  Pline,  d'après  lequel  le  mois,  comme  l'année,  conmicnçait 
chez  les  Celtes  à  la  6"'  lune,  c'est-à-dire  évidemment  au  com- . 
mencement  du  second  quartier,  on  arrive  ainsi  à  une  période 
importante  du  mois  qui  commence  avec  le  7"  jour.  C'est  une 


L'année  celtique  iVoprès  les  textes  irlandais,  etc.  i6l 

des  raisons  qui  expliquent  la  fortune  de  ce  nombre  chez  les 
Grecs,  comme  l'a  constaté  Usener  (Dreiheit,  p.  359).  Le  7"  jour 
est  celui  de  la  naissance  d'Apollon,  à  Delphes,  Athènes;  il  est 
honoré  sous  le  nom  de  'Ecîiy.r.cç.  Chez  les  Grecs,  le  7^  jour 
est  un  jour  de  congé.  On  offre  à  la  déesse,  incarnation  de  la 
lune,  un  gâteau  appelé  |3;j;  i6$::j.;ç. 

Néanmoins,  si  on  considère  que  le  nombre  7  ne  joue  aucun 
rôle  particulier  dans  la  numération  ;  si  on  considère,  au  con- 
traire, d'après  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  à  propos  de  la  numé- 
ration, que  la  base  7  est  une  sorte  d'anomalie,  on  ne  peut 
guère  douter  qu'il  n'entre  dans  la  fortune  extraordinaire  de  ce 
nombre  des  influences  étrangères.  La  plupart  des  critiques  qui 
se  sont  occupés  de  cette  question  ont  conclu  de  même^  Il 
semble  bien,  pour  en  trouver  la  source,  qu'il  faille  aller  jus- 
qu'en Assyrie.  Il  en  est  vraisemblablement  de  même  pour  le 
système  vigésimal.  Des  traces  du  système  duodécimal  existant 
en  irlandais,  il  me  paraît  logique  de  rapporter  l'importance  du 
nombre  12  a  la  même  origine-. 

Quant  à  50,  c'est  une  moitié  de  cent.  Usener  a  remarqué 
que  chaque  fois  qu'il  y  avait  conflit  entre  100  et  50  dans  une 
tradition,  50  était  plus  récent.  Cette  manière  de  voir  est  ici 
confirmée  par  l'expression  des  Bretons  et  des  Cornouaillais  insu- 
laires :  hante r-caiil,  demi-cent;  l'expression  n'est  pas  non  plus 
inconnue  en  gallois. 

Pour  ce  qui  est  de  3  fois  50  pour  150,  c'est  un  cas  des  nom- 
breuses marques  de  la  prédilection  des  Celtes  pour  la  division 
et  multiplication  par  trois. 

D'où  vient  cette  influence  du  nombre  trois  ? 

La  dualité  a  précédé  la  trinité  en  nombre  de  cas^  :  la  divi- 
sion de  l'année,  du  mois  en  deux  parties  est  très  marquée 

1.  L'scner,  Dreiheil,  p.  349,  550,  351.  Roschcr,  Die  Eniieaâ.  tiiid  hebdoiii. 
Fristeii,  p.  yi'Ç  croit  pouvoir  expliquer  la  fortune  du  nombre  7  seulement 
par  la  division  du  mois  en  4  phases,  mais  il  ne  le  fiiit  pas  sans  hésitation. 
I!  admet  d'ailleurs  que  les  Juifs  et  les  Persans  aient  emprunté  leur  culte  de 
7  aux  Babyloniens.  L'élévation  de  7  au  rang  de  nombre  sacré  me  parait  dû 
à  des  influences  religieuses  qui  ne  peuvent  guère  venir  que  d'Assyrie. 

2.  L'intrusion  du  système  duodécimal  dans  le  système  des  mesures  en 
Irlande  transforme  cette  hypothèse  en  certitude,  comme  je  l'établirai  pro- 
chainement. 

5.   Usener,  Dreiheil,  p.   323. 

Revue  Celtique,  KXV.  11 


i62  J-  Loth. 

chez  les  Celtes.  Le  groupement  des  mois  par  deux  en  est  un 
indice.  Dans  la  numération,  l'expression  galloise  dennaw,  2 
neuf,  pour  i8,  est  à  remarquer  à  ce  point  de  vue.  Mais  le 
nombre  trois  a  une  autre  importance.  Il  a  exercé  dans  tous  les 
actes  et  les  croyances  de  la  vie  humaine  une  influence  vérita- 
blement tyrannique.  Aristote  en  a  donné  une  curieuse  explica- 
tion, citée  par  Usener  :  c'est  que  co  nombre  forme  un  tout  :  il 
a  un  commencement,  un  milieu,  une  fin.  Usener  a  supposé 
fort  ingénieusement  que  le  nombre  trois  doit  son  importance 
à  ce  fait  qu'il  introduit  l'idée  de  pluralité  et  fait  foire  ainsi  un 
pas  au  delà  de  la  dualité.  Il  cite  l'exemple  de  peuples  sauvages 
actuels  qui  ne  s'élèvent  pas,  dans  la  conception  du  nombre, 
les  uns  au-dessus  de  deux,  les  autres  au-dessus  de  trois.  Il  est  sûr 
que  ces  étapes,  les  peuples  dits  indo-européens  ont  eu  aussi  à 
les  franchir.  Il  y  a  eu  manifestement  une  période  où  ils  ont 
été  buttés  à  trois  et  le  jour  où  ils  ont  franchi  cette  limite  à  une 
époque  qui  nous  reporte  aux  temps  les  plus  lointains  de  la  pré- 
histoire, un  grand  progrès  dans  la  numération  a  été  accompli. 
On  a  probablement  un  souvenir  de  ces  temps  lointains  dans  la 
légende  des  nains  bretons  qui  ne  savent  que  chanter  lundi, 
mardi,  mercredi.  Le  bossu  qui  leur  fait  franchir  ce  chiffre  fatidi- 
que de  3,  les  désensorcelé  en  quelque  sorte;  ils  sont  transportés 
de  joie  au  point  qu'ils  lui  enlèvent  sa  bosse.  Cela  rappelle  le 
fou  grec  qui  compte  les  flots  de  la  mer  sur  le  rivage  et  ne 
dépasse  pas  trois  ^  Cette  mterprétation  est  justifiée  par  la 
curieuse  légende  irlandaise  mentionnée  plus  haut,  que  la  3' 
vague  est  néfaste,  tandis  que  la  9*^  est  synonyme  de  bonheur. 

Il  y  a  un  autre  souvenir  de  cette  époque  dans  la  tendance  si 
frappante  à  prendre  trois  pour  multiplicateur  ou  diviseur. 

Cette  étude  n'est  qu'une  ébauche.  Bon  nombre  de  matériaux 
de  diverses  sortes  sont  encore  à  compulser  ;  des  difiicultés 
sérieuses  restent  à  résoudre.  J'espère  pouvoir  reprendre  ce  tra- 
vail et  lui  donner  l'étendue  qu'il  comporte. 

J.  Loth. 

I.  Ap.  Usener,  Dieitml,  Rh.  m.,  58,  p.  354. 


CICÉRON   ET    LES   GAULOIS 


I 

Un  an  après  avoir  prononcé,  avec  le  succès  que  l'on  connaît, 
la  Divinatio  in  Caeciliiim  et  VActio  prima  in  Verrem,  après  avoir 
rédigé  et  fait  répandre  dans  le  public  les  cinq  discours  de  VActio 
seciinda,  qui  sont  autant  de  pamphlets  où  l'administration  cri- 
minelle de  Verres  comme  préteur  urbain  et  comme  propréteur 
de  Sicile  est  éloqucmment  flétrie,  en  685-69,  Cicéron  se  char- 
geait de  la  défense  de  M,  Fonteius,  ancien  propréteur  de  la 
Gaule  Narbonnaise,  qui  était  accusé  par  les  Gaulois,  ainsi  que 
Verres,  au  sortir  de  sa  propréture,  avait  été  accusé  par  les 
Siciliens. 

Questeur  en  665-89,  édile  en  672-82,  puis  légat  en  Macé- 
doine et  en  Espagne,  préteur  urbain  l'an  676-78,  propréteur 
en  Gaule  de  677-77  à  679-75,  M.  Fonteius  avait  conscien- 
cieusement pillé  la  Narbonnaise  pendant  les  trois  années  de 
son  administration  provinciale.  Quand  il  tut  sorti  de  charge, 
les  Gaulois  envoyèrent  à  Rome  une  députation  dont  le  prin- 
cipal personnage  était  Indutiomarus,  ditx  Allobrogiini  cetero- 
riimqiie  Galloruiii.  Les  plaintes  des  anciens  administrés  du 
magistrat  concussionnaire  furent  entendues  par  M.  Plaetorius 
Cestianus,  futur  édile  curule  de  l'an  688-66,  qui  consentit  à 
se  porter  accusateur  de  M.  Fonteius,  en  685-69,  sous  le  con- 
sulat de  Q.  Hortensius  et  de  Q.  Caecilius  Metellus  Creticus. 
L'avocat  des  Gaulois  développait  les  trois  chefs  d'accusation 
suivants:  Fonteius  avait  fiiit  contracter  à  la  Gaule  des  dettes 
énormes;  il  s'était  attribué  le  produit  des  impôts  levés  pour 


164  H.  de  la  Ville  de  Minnont. 

l'entretien  des  routes;  il  avait  établi  illégalement  un  impôt  sur 
les  vins. 

L'affaire  de  Fonteius  ressemblait,  en  petit,  à  celle  de  Verres. 
Il  est  intéressant  de  rechercher  pour  quelles  causes  Cicéron,  qui 
s'était  fait,  en  70,  l'accusateur  du  propréteur  de  Sicile,  se  con- 
stituait, en  69,  le  défenseur  du  propréteur  de  la  Gaule  Narbon- 
naise. 

Le  patricien  Verres  était  membre  de  cette  aristocratie  à  qui 
les  Leges  Corncliae  du  dictateur  Sylla  avaient  conféré  tous  les 
pouvoirs.  Les  Vcrrines  avaient  discrédité  l'ordre  sénatorial  dans 
l'opinion  publique  et  permis  au  préteur  L.  Aurelius  Cotta  de 
porter  la  Lex  Aurélia  judiciarin,  qui  remplaçait  la  Lex  Comelia 
judiciaria,  et,  au  lieu  d'une  seule  classe  de  juges,  composée 
uniquement  de  sénateurs,  instituait,  pour  former  les  tribunaux, 
trois  décuries,  l'une  de  sénateurs,  l'autre  de  chevaliers,  la  troi- 
sième de  trihiini  aerarii,  employés  supérieurs  des  finances.  La 
même  année,  la  Lex  Pompeia  iribunicia,  portée  par  les  consuls 
Pompée  et  Crassus  avec  le  concours  de  César  (ils  préludaient 
ainsi  à  leur  triumvirat  de  l'an  60)  rendait  aux  tribuns  tous  leurs 
privilèges  abolis  par  Sylla.  L'ordre  équestre,  auquel  Cicéron 
appartenait,  triomphait  grâce  à  l'appui  de  la  plèbe.  Les  che- 
valiers et  les  plébéiens  avaient  appelé  à  l'édilité  l'accusateur  de 
Verres  et  devaient,  en  67,  le  faire  élire  le  premier  des  huit 
préteurs  désignés.  Fonteius  était  d'une  illustre  famille  plé- 
béienne, la  gms  Fonlcia. 

D'autre  part,  les  clients  de  Cicéron  dans  l'aftaire  contre 
Verres  étaient  les  habitants  de  cette  Sicile  qui,  délivrée  des 
Carthaginois  à  la  fin  de  la  deuxième  guerre  Punique,  s'était 
donnée  à  Rome  dont  elle  avait  été  la  première  province  ^  Les 
accusateurs  de  Fonteius  étaient  les  habitants  de  laGallia  Trans- 
alpina.  Or,  la  Gaule  ne  s'était  pas  donnée  volontairement, 
comme  la  Sicile,  à  la  République  romaine;  c'est  seulement 
vers  l'an  125  que  Rome  avait  réussi,  après  avoir  battu  les 
AUobrogcs  et  les  Arvernes,  à  former  des  territoires  enlevés  aux 


I.  In  Verrem  (II),  II,  i,  2  :  Omnium  nationuni  extcrarum  princcps  Sicilia 
se  ad  amicitiam  lidemquc  populi  Romani  appiicavic.  Prima  onniium,  id 
quod  ornamcntum  impcrii  est,  provincia  est  appcUuta. 


Cicéron  et  les  Gaulois.  165 

peuples  vaincus,  Li  Provincia  Romaiia  où  furent  fondées 
Aquac  Scxtiae  (Aix),  en  122,  et  la  colonie  de  Narbo  Martius 
(Narbonne),  en  118.  La  ville  grecque  de  MassUia  (Marseille) 
qui  avait,  des  l'an  154,  appelé  les  Romains  pour  la  défendre 
contre  les  Ligures,  conservait  son  autonomie;  maîtresse  de  ses 
colonies,  Agathe  (^Agde)  et  Antipolis  (Antibes),  elle  avait  le  titre 
de  civitasjoedcrata  et  ne  faisait  pas  partie  de  la  Provincia  Romana. 

Mais  il  s'en  fallait  beaucoup  que  la  conquête  romaine  eût 
définitivement  pacifié  les  pays  transalpins.  En  78,  après  la  mort 
de  Sylla,  le  consul  M.  Aemilius  Lepidus  avait  soulevé  la  pro- 
vince de  Gaule  qui  lui  était  attribuée  par  le  Sénat  et  le  pro- 
préteur Fonteius  avait  eu  de  grandes  difficultés  à  soumettre  les 
habitants  de  la  Narbonnaise,  révoltés  contre  la  domination  de 
la  République'.  Plus  tard,  il  avait  traité  en  ennemis  des  admi- 
nistrés contre  qui  il  avait  dû,  pour  commencer,  soutenir  une 
guerre  pénible.  En  69,  Rome  n'avait  pas  oublié  la  récente 
insurrection  des  Gaulois;  elle  les  jugeait  volontiers  capables  de 
tous  les  crimes  et  de  toutes  les  perfidies. 

A  entendre  Cicéron,  les  habitants  de  la  province  de  Fonteius 
sont  des  gens  sans  foi  ni  loi.  Aucun  honnête  homme  ne  peut 
accueillir  leurs  dépositions-.  Le  réquisitoire  contre  les  Gaulois, 
qui  est  le  développement  le  plus  important  du  Pro  Fonteioi, 
fait  antithèse  avec  les  éloges  que  l'accusateur  de  Verres  accor- 
dait si  complaisamment  aux  Siciliens -t. 

Les  dépositions  des  Gaulois  sont  accablantes  pour  Fonteius  ; 
mais  peut-on  accorder  la  moindre  autorité  aux  témoignages 
de  ces  barbares  ?  La  foi  du  serment,  la  crainte  des  dieux  a-t-elle 
la  moindre  action  sur  ces  Gaulois  qui  différent  tellement  de 
tous  les  peuples  par  leur  caractère,  par  leurs  mœurs  ?  En  effet, 

1.  Pio  Foiiteio,  V,  12  :  Cum  ipso  M.  Fonteio  ferrum  ac  manus  contule- 
runt,  multoquc  cjus  sudorc  ac  laborc  sub  populi  Romani  impcrium  dicio- 
nemquc  ceciderunt. 

2.  Pro  Fonteio,  xii,  26:  Vos  Volcarum  atque  AUobrogum  testimoniis 
crcdcre  non  tinictis?  —  Les  Volcae  Tectosages,  avec  7o/o5a  (Toulouse)  pour 
capitale  et  les  Volcae  Arccomici,  avec  Nemausiis  (Nîmes)  pour  capitale,  occu- 
paient le  pays  entre  les  Pyrénées  et  le  Rhône.  Le  territoire  des  Allohros;es, 
dont  Geiiei'ii  (Genève)  était  la  capitale,  correspond  à  la  Savoie  et  à  une  faible 
partie  de  la  Suisse. 

3.  Pro  Fonteio,  XII-XV. 

4.  In  Verrem  (II),  II,  l-lil. 


i66  H.  de  la  \'illc  de  Mirmont. 

les  autres  nations  entreprennent  des  guerres  pour  défendre  leur 
religion  ;  les  Gaulois,  pour  attaquer  la  religion  de  tous   les 
peuples.  Les  autres  nations,  lorsqu'elles  font  la  guerre,  implorent 
la  protection  et  la  faveur  des  dieux  immortels  ;  c'est  aux  dieux 
immortels  eux-mêmes  que  les  Gaulois  ont  toujours  déclaré  la 
guerre.  N'ont-ils  pas  fltit  jadis,  bien  loin  de  leur  pays,  une 
expédition  jusqu'à  Delphes,  pour  prcfoner,  pour  dépouiller  le 
temple   d'Apollon   Pythien,   l'oracle   du   monde  entier?   Ces 
hommes  que  l'on  représente  si  intégres,  si  religieux  dans  leurs 
témoignages,  appartiennent  à  la  race  qui  est  venue  assiéger, 
dans  le  Capitole,  le  grand  dieu  Jupiter  par  le  nom  duquel  les 
Romains  d'autrefois  ont  voulu  que  fût  enchaînée  la  foi  des 
témoignages.  Peut-on  admettre  l'existence  de  quelque  senti- 
ment de  religion  et  de  piété  chez  des  hommes  qui,   même 
lorsque  la  frayeur  leur  conseille  d'apaiser  leurs  dieux,  ne  savent 
que  souiller  les  temples  et  les  autels  de  ces  dieux  par  le  sang 
de  victimes  humaines  et  ne  savent  rendre  hommage  à  la  reli- 
gion qu'en  la  profanant  tout  d'abord  par  des  pratiques  scélé- 
rates ?  Les  Gaulois  ont  conservé  l'usage  barbare  et  monstrueux 
des  sacrifices  humains.  Quelles  peuvent  être  la  bonne  foi  et 
la  piété  de  gens  capables  de  s'imaginer  que  les  dieux  immortels 
se  laissent  apaiser  par  des  crimes,  par  le  sang  d'hommes  immolés 
sur  leurs  autels  ?  La  République  romaine  doit-elle  associer  de 
pareils  témoins  à  sa  religion  du  serment,  doit-elle  attendre  d'eux 
quelque  scrupule,  quelque  modération  dans  leurs  témoignages  ? 
Cicéron  les  a  vus  —  et  tous  les  badauds  de  Rome  les  ont 
vus  comme  lui  —  ces  témoins  à  charge  dans  l'affaire  deFonteius, 
promenant  leur  joyeuse  arrogance  et  leur  fierté  insolente  en 
plein  Forum;  vêtus  du  manteau  d'étoft'e  grossière,  le  saguni, 
et  des  larges  pantalons,  les  hraccoc,  leur  costume  national,  porté 
avec  ostentation,  a  été  une  insulte  à  la  gens  togaia.  Ils  ont  paradé 
impunément  en  proférant  des  menaces  ;  ils  ont  tâché  d'intimider 
les  paisibles  bourgeois  romains  par  les  sonorités  effrayantes  de 
leur  langage  barbare;  ils  ont  fait  comprendre  que,  si  Fonteius 
était  acquitté,  Rome  serait  menacée  d'un  nouveau  tuniullns 
G  allie  II  s  K 

I.  Pro  Fontcio,  xv,  55  :  Sic  existimatis  eos  hic  sagatos  braccatosque  ver- 


Cicéron  et  les  Gaulois.  167 

Cette  diatribe  contenait  toute  la  rhétorique  nécessaire  pour 
produire  une  impression  décisive  sur  un  auditoire  romain,  dont 
elle  flattait  la  vanité  et  dont  elle  ranimait  les  vieilles  rancunes 
patriotiques. 

Cicéron  décrivait  bien  l'attitude  et  le  geste  de  ces  Gaulois, 
délégués  à  Rome  par  les  Volcae  et  les  Allobroges,  qui,  au  lieu 
d'aflecter  les  manières  suppliantes  des  plaignants  envoyés  par 
une  province  pour  demander  justice,  affichaient  une  tenue 
insolente,  avaient  le  verbe  haut  et  menaçant.  Au  iv^  siècle, 
l'historien  Ammien  Marcellin  'constatera  encore  que  les  Gaulois 
sont  arrogants  à  l'excès  (sublatius  iusolescentes)  et  qu'ils  ont  dans 
la  voix  des  tons  menaçants  et  terribles  (iiieluemiae  voces  et  mi- 
naces) . 

Mais  ces  Allobroges,  dont  les  auditeurs  de  Cicéron  ont  vu 
avec  indignation  la  démarche  insolente  et  entendu  avec  eff'roi 
les  paroles  de  menace,  sont-ils  responsables  de  tous  les  crimes 
dont  le  défenseur  de  Fonteius  se  plaît  à  les  charger  ?  Le  réqui- 
sitoire de  l'avocat  confond  dans  une  même  haine  et  dans  un 
même  mépris  tout  ce  qui  porte  le  nom  de  Gaulois;  et,  d'ail- 
leurs, il  accuse  spécialement  le  peuple  gaulois  d'actions  scélé- 
rates qu'on  peut  reprocher  à  tous  les  peuples  de  l'antiquité. 

L'impiété  des  Gaulois,  tentée  par  les  richesses  du  temple  de 
Delphes,  a  essayé  de  le  piller;  elle  n'a  pas  hésité  à  assiéger  le 
Capitole,  défendu  par  la  majesté  de  Jupiter,  dieu  des  serments, 
comme  le  Zsj;  "Opxis;  des  Hellènes;  mais  quel  est  le  peuple 
de  l'antiquité  qui,  sûr  de  l'appui  de  ses  dieux  protecteurs,  se 
soit  abstenu  d'attaquer  les  dieux  protecteurs  d'une  autre  nation  ? 
Tous  les  héros  historiques  de  la  Grèce  et  de  l'Italie  ont  suivi 
l'exemple  du  légendaire  Diomède  de  Vlliade,  qui  ne  craignait 
pas  de  porter  la  main  sur  l'Aphrodite  protectrice  des  Troyens. 
Dans  le  De  Bel  la  Gallico,  César  rendra  hommage  aux  sentiments 
religieux  des  Gaulois.  Il  fout  foire  les  mêmes  réserves  sur  leur 
impiété  que  sur  la  mauvaise  foi  des  Carthaginois. 

César  constate  que,  parmi  les  sacrifices  des  Gaulois,  il  en 

sari...  Vagantur  lacti  atquc  crccti  passim  toto  Foro,  cuni  quibusdam  niinis 
et  barbaro  atquc  immani  terrorc  vcrboruni...  ut  caverctis  ne,  hoc  absoluto, 
novum  aliquid  bellum  Gallicum  concitarctur. 
I.  Ammien  .Marcellin,  Histor.,  XV,  xii. 


i68  H.  de  Id  Ville  de  Mu  mont. 

était  dans  lesquels  on  immolait  des  hommes  ' .  Mais  les  Romains, 
eux  aussi,  lorsque  la  terreur  leur  conseillait  d'apaiser  leurs  dieux, 
n'avaient-ils  pas  l'habitude  d'offrir  en  sacrihce  des  victimes 
humaines,  tout  particulièrement  des  hommes  et  des  femmes 
de  race  gauloise  ?  Dans  les  moments  de  grand  danger,  Rome 
dévouait,  comme  victimes  expiatoires  aux  dieux  infernaux,  un 
homme  et  une  femme  des  nations  qu'elle  redoutait.  Il  est  souvent 
question  de  couples  gaulois  enterrés  vivants  à  une  place  déter- 
minée du  Forum  Boarium-.  Pline  rapporte  que  cet  usage  bar- 
bare se  maintint  jusqu'à  son  temps  ^,  alors  que,  depuis  la 
conquête  de  César,  les  sacrifices  humains  avaient  disparu  dans 
les  Gaules. 

Mais  il  est  admis  que  les  provinciaux,  méprisés  des  Romains, 
doivent  toujours  avoir  tort.  Cicéron  le  dit  lui-même  :  on  ne 
peut  pas  comparer  le  citoyen  le  plus  considérable  de  la  Gaule 
au  dernier  des  habitants  de  Rome-^.  Et  l'apostrophe  que  l'Emilie 
de  Corneille  adresse  à  Cinna  exprimera  dans  toute  leur  pué- 
rile intransigeance  les  sentiments  orgueilleux  de  l'universalité 
des  Romains  : 

Pour  être  plus  qu'un  roi,  tu  te  crois  quelque  chose  ? 
Aux  deux  bouts  de  la  terre  en  est-il  un  si  vain 
Qu'il  prétende  égaler  un  citoyen  Romain  s  ? 

Cicéron  tient  à  se  faire  l'interprète  des  préventions  tradi- 
tionnelles que  les  juges  de  Fonteius  et  le  public  qui  assistait 
aux  débats  du  procès  conservaient  à  l'endroit  des  Gaulois,  vic- 
torieux autrefois  à  cette  journée  de  l'Allia,  plus  funeste  encore 
que  la  journée  où  Rome  fut  prise ^.  Le  défenseur  de  Fonteius 
sait  cependant  beaucoup  mieux  que  les  juges  et  le  public  du 
Forum  ce  que  sont  ces  Gaulois  de  la  Narbonnaise  qu'il  attaque 


1.  De  Bello  Gallico,  VI,  xvi. 

2.  Tite-Live,  XXII,  lvii,  6. 

3.  Pline,  N.  H.,  XXVIII,  11,  12. 

4.  Pro  Fonleio,  xii,  27  :  Non  modo  cuni  summis  civitatis  nostrae  viris, 
sed  cum  infimo  cive  Romano,  quisquani  aniplissimus  Galliae  comparandus 
est  ? 

5.  Cinna,  acte  III,  scène  iv. 

6.  Epist.  ad  Attic,  IX,  v^  2  :  Majores  nostri  funestiorem  diem  esse 
voluerunt  AUiensis  pugnae  quani  Urbis  captae,  quod  hoc  malum  ex  illo. 


Ciiéron  tt  les  Gaulois.  169 

sans  mesure.  Dès  ses  débuts,  il  a  plaidé  pour  P.  Quinctius, 
qui  exploitait  en  Gaule  des  pâturages  où  on  élevait  des  trou- 
peaux et  des  terres  cultivées  qui  étaient  d'un  bon  rapport'.  Il 
s'est  trouvé  en  relations  avec  les  nombreux  Romains  qui  avaient 
établi  dans  la  Gaule  Narbonnaise  des  exploitations  industrielles 
ou  commerciales.  Il  le  rappelle  lui-même  dans  le  Pro  Foiileio: 
«  La  Gaule  est  peuplée  de  négociants  et  de  citoyens  romains; 
aucun  Gaulois  ne  trafique  sans  le  concours  d'un  citoyen  romain  ; 
aucune  pièce  de  monnaie  n'est  en  circulation  dans  la  Gaule, 
qui  ne  soit  mentionnée  sur  les  registres  des  citoyens  romains  ^.  » 
Ces  negoliatores,  qui  font  le  commerce  en  Gaule,  comme  les 
iiegotiatorcs,  qui  font  le  commerce  en  Sicile,  sont  des  chevaliers, 
connus  de  Cicéron.  Mais  ceux  de  Sicile  étaient  des  témoins  à 
charge  contre  Verres;  ceux  de  Gaule  témoignent  en  faveur  de 
Fonteius.  Il  est  permis  de  supposer  qu'ils  étaient  compromis 
dans  les  tripotages  du  propréteur;  et  c'est  en  vertu  de  son  pacte 
avec  l'ordre  équestre  que  Cicéron  devait  défendre  Fonteius.  Les 
villes  de  Sicile  qui  prenaient  le  parti  de  leur  propréteur  étaient 
suspectes  à  l'accusateur  de  Verres  :  il  ne  trouve  pas  assez  de 
railleries  pour  la  laiidntio  Mamcrtina  qui  prétendait  mnocenter 
Verres  5;  il  ne  trouve  pas  assez  de  termes  d'estime  pour  la 
Jaudatio  des  habitants  de  Marseille  qui  se  portent  garants  de 
l'administration  intègre  de  Fonteius-».  Syracuse  et  Messine, 
ville  des  Mamertins,  étaient  complices  du  propréteur  de  Sicile  : 
les  Romains  de  la  colonie  de  Narbonne,  sentinelle  avancée  de 
la  République,  forteresse  élevée  contre  les  barbares  5,  et  les 
Marseillais,  alliés  coiu'ageux  et  fidèles  qui  ont  souvent  délivré 
Rome  des  attaques  des  Gaulois,  sont  les  seuls  parmi  tous  les 
habitants  de  la  Narbonnaise  dont  il  convienne  d'entendre  le 
témoignage,  qui  est  en  faveur  de  Fonteius. 


1.  Pro  Quinctio,  m,  12. 

2.  Pro  Fonleio,  v,  11. 

3.  In  Verrem  (II),  V,  xxii,  57. 

4.  Pro  Fonteio,  vi,  14. 

5.  Pro  Fonteio,  v,  13. 


lyo  H.  de  la  Ville  de  Mirmont. 


II 

Six  ans  après  qu'il  avait  attaqué  les  Gaulois  —  on  a  vu  avec 
quelle  violence  —  et  défendu  Fontçius  —  on  ignore  avec  quel 
succès  —  le  consul  Cicéron  se  débattait  au  milieu  des  périlleux 
embarras  que  lui  causait  cette  conjuration  de  Catilina,  qu'il 
connaissait,  mais  que  le  manque  de  toute  preuve  décisive 
l'empêchait  de  dénoncer  et  de  poursuivre  suivant  la  rigueur  des 
lois. 

Les  preuves  nécessaires  et  si  ardemment  désirées  devaient 
lui  être  fournies  par  des  Gaulois  appartenant  à  un  des  peuples 
qui  avaient  accusé  Fonteius,  par  des  Allobroges.  On  sait  que, 
au  moment  de  la  conjuration,  des  Allobroges  se  trouvaient  à 
Rome,  délégués  par  leurs  compatriotes  pour  porter  certaines 
réclamations  au  Sénat.  Lentulus  tcâcha  de  les  attirer  dans  le 
parti  de  Catilina  ;  les  Gaulois  promirent  ce  qu'on  voulut  ; 
mais,  bientôt  après,  saisis  de  scrupules  et  pleins  d'inquiétudes, 
ils  firent  des  révélations  à  Q.  Fabius  Sanga  qui,  en  sa  qualité 
de  descendant  de  Q.  Fabius  Maximus  AUobrogicus,  vainqueur 
des  Allobroges  en  121,  était  le  principal  patromis  de  la  nation 
soumise  par  son  ancêtre.  Prévenu  par  Fabius,  Cicéron  fit 
recommander  aux  Allobroges  d'affecter  le  plus  grand  zèle  pour 
la  conjuration.  Ils  obtinrent  les  documents  écrits  qu'ils  deman- 
daient, disaient-ils,  pour  les  communiquera  leurs  compatriotes. 
Il  fut  convenu  entre  eux  et  Lentulus  qu'ils  accompagneraient 
les  principaux  des  conjurés  au  camp  de  Catilina  où  l'alliance 
serait  confirmée  en  présence  du  chef  de  la  conspiration.  Dans  la 
nuit  du  2  au  3  décembre,  Cicéron  fit  arrêter  les  Allobroges  et 
les  conjurés  auprès  du  pont  Milvius,  à  trois  milles  de  Rome. 

Le  3  décembre  au  soir,  le  consul  prononçait  la  Troisième 
Calilinaire  devant  l'assemblée  du  peuple.  Il  expliquait  longue- 
ment comment  le  complot  avait  pu  être  découvert,  grâce  au 
témoignage  des  Allobroges  —  ce  témoignage  qui  ne  mérite 
aucune  confiance,  disait  le  défenseur  de  Fonteius.  Mais,  dans 
le  discours  consulaire,  il  n'est  plus  question  de  l'attitude  inso- 
lente et  des  éclats  de  voix  menaçants  des  accusateurs  de  Fonteius. 


Cicéron  et  les  Gaulois.  171 

Les  dénonciateurs  de  la  conjuration  sont  des  hommes  sérieux 
et  dignes  qui  exposent  avec  calme  et  méthode  tout  ce  qu'ils 
savent;  confrontés  avec  Lentulus,  ils  lui  répondent  catégori- 
quement en  peu  de  mots  qui  Taccablent^ 

Il  semble  que  les  Allobrogcs  mériteraient  la  plus  grande  part 
des  éloges  que  le  consul  décerne  à  tous  ceux  qui  ont  collaboré 
à  la  découverte  du  complot.  Mais  il  serait  imprudent  de  trop 
exalter  la  conduite  de  ces  barbares;  il  suffit  d'en  profiter.  Et 
c'est  aux  dieux  immortels,  qui  ont  fait  agir  les  députés  des 
Gaulois,  qu'il  convient  de  rendre  grâces:  «  Que  des  Gaulois, 
représentants  d'un  pays  encore  mal  pacifié,  citoyens  de  la  seule 
nation  à  qui  ne  manquent  peut-être  ni  le  pouvoir,  ni  la  volonté 
de  nous  faire  la  guerre,  aient  renoncé  d'eux-mêmes  aux  plus 
magnifiques  espérances,  à  l'empire  que  des  patriciens  venaient 
leur  offrir,  qu'ils  aient  préféré  votre  salut  à  leur  propre  fortune  : 
je  vous  le  demande,  ne  voyez-vous  pas  dans  tout  cela  une 
manifestation  de  la  volonté  divine,  alors  surtout  que  ces  Gaulois 
n'avaient  pas  besoin  d'en  venir  aux  armes,  qu'il  leur  suffisait  de 
se  taire  pour  être  les  vainqueurs  de  Rome- ?  »  On  se  contente 
de  décernera  ces  agents  de  la  divinité  protectrice  des  Romains 
de  magnifiques  récompenses,  au  même  titre  qu'à  V'olturcius, 
ce  complice  de  Catilina,  qui  avait  dénoncé  la  conspiration  5. 

Dans  le  Pro  SiiUa,  prononcé  en  62,  discours  où  il  s'agissait 
de  défendre  un  neveu  du  dictateur  accusé  d'avoir  pris  part  à  la 
conjuration,  Cicéron  rappelle  le  rôle  des  Allobroges,  ces  dénon- 
ciateurs si  véridiques  défaits  si  importants 4;  il  loue  leur  zèle 5; 
il  les  comble  d'éloges,  parce  que,  dans  les  témoignages  des 
Gaulois,  le  défenseur  de  Sulla  ne  trouve  rien  de  compromet- 
tant pour  son  client. 


1.  In  CatiL,  III.  iv,  9-10;  v,  11  :  Qui  cum  illi  [Lcntulo]  brevitcr  coii- 
stanterque  rcspondissent. 

2.  In  CatiL,  III,  ix,  22.  —  La  même  idée  se  retrouve  dans  ces  vers  du 
De  ConsiihUii  cités  dans  le  De  Diviiiationc,  I,  xii,  21  : 

Et  dades  patriae  flamma  ferroque  parafa 
Vocibus  Allobroguin  patribus  populoque  patebat. 
5.  In  CatiL,  IV,  m,  5  :  Hesterno  die  praemia  legatis  Allobrogum  Titoquc 
Volturcio  amplissima  dedistis. 

4.  Pro  Sulla,  V,  17:  Allobroges,  maximarum  rerum  verissimi  indices. 

5.  Pro  Sulla,  XIII,  36:  Videte  diligentiam  Gallorum. 


172  H.  de  la  Ville  de  Mirmont. 

La  même  année  où  l'ancien  consul  vantait  ainsi  les  Allo- 
broges,  leur  pays  était  dévasté  par  les  armées  romaines. 

Les  députés  que  Lentulus,  à  la  fin  de  l'année  63,  avait  essayé 
d'entraîner  dans  le  complot  formé  contre  le  Sénat  et  le  gou- 
vernement régulier,  étaient  venus  à  Rome  pour  se  plaindre  des 
dignes  successeurs  de  Fonteius  o,ui  les  opprimaient.  Victimes 
de  déprédations  et  de  cruautés,  ils  ne  pouvaient  rembourser  les 
sommes  énormes  que  les  negotiatores  leur  avaient  avancées  à 
gros  intérêts  pour  payer  les  impôts  exorbitants  exigés  par  l'ad- 
ministration romaine  ;  leurs  biens  allaient  être  confisqués,  leurs 
enfants,  vendus  comme  esclaves.  Ils  ne  pouvaient  espérer 
d'autre  remède  à  leur  situation  misérable  que  la  mort,  puisque 
le  Sénat  ne  voulait  pas  accueillir  leurs  plaintes".  Ils  eurent  la 
loyauté  de  ne  pas  trahir  la  République  qui  les  réduisait  à  la 
ruine  et  au  désespoir;  mais  ils  furent  médiocrement  récom- 
pensés de  leur  fidélité  par  les  éloges  que  les  Catilinaircs  leur 
accordaient  de  mauvaise  grâce  et  par  les  praeiiiia  qu'on  leur 
décernait.  Aiiiplissiiiia  praeiiiia,  dit  Cicéron  ;  d'après  Salluste^, 
c'étaient  simplement  les  diicenta  scslcrlia  —  environ  40000 
francs  —  promis  à  tout  homme  libre  qui  donnerait  des  indi- 
cations sur  le  complot  5:  il  n'y  avait  pas  là  de  quoi  payer  les 
dettes  de  la  nation  des  Allobroges.  On  comprend  que,  n'ayant 
reçu  d'autre  satisfaction  de  Cicéron  et  du  Sénat  qu'ils  avaient 
sauvés,  les  députés  soient  revenus  chez  eux  fort  mécontents. 

Ce  mécontentement  se  traduisit  aussitôt  par  une  révolte  dont 
toute  la  responsabilité  semble  revenir  à  Cicéron  :  il  aurait  été 
si  f.Tcile  au  consul,  qui  se  vantait  d'avoir  sauvé  la  République, 
de  faire  donner  satisfaction  à  ces  victimes  de  Fonteius  qui  lui 
avaient  fourni  le  moyen  d'accomplir  son  œuvre  de  salut  ! 

Commandés  par  Catugnat,  les  Allobroges  se  soulèvent, 
sortent  de  leurs  frontières,  envahissent  la  Gaule  Narbonnaise, 
infligent  une  défliite  à  Manlius  Lentinus,  l'un  des  légats  du 
propréteur  C.  Pomptinus.  Mais  l'armée  de  Catugnat,  cernée 
par  celles  du  propréteur  et  de  ses  deux  légats,  L.  Marins  et 
Servius  Galba,  fut  anéantie  en  61,  sur  les  bords  de  l'Isère. 

1.  Sallustc,  CatUina,  xl. 

2.  Sallusie,  CatUina,  l. 

3.  Salluste,  CatUina,  xxx,  6. 


Cicéron  et  les  Gaulois.  ly^ 

En  56,  dans  son  discours  De  Pravinciis  Consularibiis,  où, 
rallié  à  la  politique  de  César,  il  demande  que  l'on  maintienne 
le  proconsul  à  la  tète  de  sa  province  de  Gaule,  Cicéron  célèbre 
la  victoire  de  Pomptinus  :  «  Il  y  a  quelques  années,  un  homme 
de  cœur  qui  fut  associé  à  mes  travaux,  à  mes  dangers,  à  mes 
desseins,  C.  Pomptinus,  alors  que  s'était  soulevée  brusquement 
chez  les  Allobroges  une  guerre  excitée  par  la  scélérate  conju- 
ration de  Catilina  — ,  C.  Pomptinus  écrasa  sur  les  champs  de 
bataille  et  dompta  détînitivement  ces  barbares  qui  s'étaient 
attaqués  à  la  République  ^  »  Préteur  pendant  le  consulat  de 
Cicéron,  Pomptinus  avait  dirigé  l'arrestation  des  conjurés  au 
pont  Milvius^;  il  avait  pu  reconnaître  sur  les  champs  de  bataille 
les  députés  gaulois  dont  le  témoignage  avait,  en  63,  assuré  le 
salut  de  la  République;  il  savait,  aussi  bien  que  Cicéron,  com- 
ment la  guerre  des  Allobroges  avait  été  excitée  par  la  scélérate 
conjuration  de  Catilina  (bel  lu  m  Allohrogum  bac  scelerata  coiiju- 
ratione  excitât um).  Pomptinus  réclama  longtemps  le  triomphe 
pour  sa  victoire  sur  les  Allobroges;  il  l'obtint  enfin,  au  mois 
de  novembre  54.  La  correspondance  de  Cicéron  nous  a])prcnd 
que  ce  ne  fut  pas  sans  difficulté  :  les  préteurs  Servilius  et  Caton 
et -le  tribun  Q.  Mucius  Scaevola  faisaient  une  violente  oppo- 
sition. Ce  n'était  pas  que  l'on  eût  des  scrupules  sur  la  légitimité 
de  la  guerre  contre  les  Allobroges.  Il  n'était  question  que  de 
formes  :  le  méticuleux  Caton  rappelait  que  Pomptinus  n'avait 
pas  été  nommé  imperator  par  un  décret  régulier;  il  criait  que,  lui 
vivant,  Pomptinus  ne  triompherait  pas,  et  Cicéron  disait  que, 
suivant  sa  coutume,  Caton  faisait  beaucoup  de  bruit  pour  rien  5. 
Pomptinus  tenait  à  triompher;  Cicéron  tenait  à  assister  au 
triomphe  de  son  ami.  Pomptinus  triompha;  mais  il  paraît  que 
le  cortège  triomphal  fut  mis  en  désarroi  par  une  émeute.  Il  est 
peu  probable  que  parmi  les  injures  qu'on  lançait  à  Pomptinus 
il  s'en  trouvât  à  l'adresse  du  préteur  de  63  qui  ne  craignait  pas 
de  triompher  pour  une  victoire  remportée  sur  le  peuple  gaulois 


1.  De  Proz'itic.  Cousular.,  xill,  32. 

2.  In  Calil.,  III,  II,  5,  6;  vi,  14. 

3.  Epist.  ad  Qiiintum  fratrem,  III,  iv,  6;  Epht.  ad  Atticum,  IV,   xvi, 
4,  etc. 


174  H.  de  la  Ville  de  Mirmont. 

dont  les  députes  avaient  permis  à  Rome  d'écliapper  à  la  destruc- 
tion préparée  par  Catilina. 

Les  AUobroges  étaient  domptés.  Au  moment  où  César  com- 
mença la  conquête  des  Gaules,  on  les  suspectait  d'être  assez 
mal  disposés  pour  les  Romains^  — •  ce  qui  semble  fort  naturel. 
Mais  le  De  Bello  Gallico,  qui  ne  mentionne  aucune  révolte  de 
leur  part,  constate  qu'en  52,  malgré  les  sollicitations  de  Ver- 
cingétorix,  ils  refusèrent  de  s'associer  à  la  guerre  générale  contre 
les  Romains-, 

Quand,  après  la  mort  de  César,  Antoine  s'insurge  contre  le 
Sénat,  Cicéron  apprend  par  les  lettres  de  ses  amis,  D.  Junius 
Brutus  et  L.  Munatius  Plancus,  que  les  AUobroges  restent 
fidèles  au  parti  de  l'ordre.  Plancus  se  fortifie  dans  leur  pays  où 
il  est  bien  accueilli  3.  Brutus  a  des  conférences  avec  leurs  députés 
et  les  auxiliaires  qu'ils  lui  font  envoyer  l'aident  puissamment 
à  repousser  l'armée  d'Antoine  4.  Le  vieux  consulaire  pouvait  se 
rendre  compte  que  les  guerriers  allobroges  prêtaient  leur  con- 
cours au  Sénat  pour  le  débarrasser  de  la  tyrannie  d'Antoine, 
comme,  vingt  ans  auparavant,  les  députés  de  leur  nation  avaient 
utilement  travaillé  à  le  sauver  de  la  conspiration  de  Catilina. 


III 

Les  Philippiques  se  gardent  bien  de  mentionner  le  préciçux 
concours  prêté  par  les  Allobroges  à  Plancus  et  à  Brutus. 

Tous  les  éloges  de  Cicéron  sont  pour  cette  Gallia  Cùalpina, 
qui,  soumise  en  190,  est  depuis  longtemps  la  GaJlia  togaîa, 
dont  les  habitants  portent  le  costume  des  Romains,  ont  adopté 
leurs  mœurs,  leur  civilisation,  leur  religion.  La  province  admi- 
nistrée par  le  tyrannicide  D.  Junius  Brutus,  qui  résiste  à 
Antoine,  est  considérée  par  Cicéi'on  comme  le  poste  avancé 
qui  défend  Rome  et  la  liberté;  elle  est  la  Heur  de  l'Italie,  le 

1.  César,  De  Bdlo  Gallico.  I,  vi,  j  :  Allobrogibus...  quod  nondum  bono 
animo  in  populum  Romanum  viderentur. 

2.  De  Bello  Gallico.  VII,  LXiv,  5,  7. 

3.  Epist.  Faiiiil.,  XI,  xi,  i  ;  xiii,  4. 

4.  Epist.  Famil.,  X,  xi,  2  ;  xv,  5  ;  xxiu,  7. 


Cicéron  et  les  Gantois.  1 7  5 

boulevard  de  l'Empire  romain  ;  tous  les  habitants  de  hi  Cisal- 
pine, qu'ils  appartiennent  aux  niunicipcs  ou  aux  colonies,  n'ont 
qu'une  seule  pensée:  défendre  l'autorité  du  Sénat  et  la  majesté 
du  peuple  romaine 

Marseille,  la  ville  grecque  civilisatrice,  alliée  de  Rome,  obtient, 
dans  tous  les  ouvrages  de  Cicéron,  les  mêmes  éloges  que.  la 
Gaule  cisalpine  :  le  défenseur  de  Fonteius  vantait  les  mérites 
des  Massilienses,  fidelissimi  socii.  Dans  le  Pro  Flacco,  prononcé 
en  59,  Cicéron  fait  un  magnifique  panégyrique  de  «  cette  ville 
qui,  par  ses  institutions  politiques  et  sa  sagesse,  l'emporte  non 
seulement  sur  la  Grèce,  mais  peut-être  sur  toutes  les  autres 
nations;  cette  république  qui,  si  loin  des  autres  républiques 
grecques,  de  leur  civilisation,  de  leur  langue,  isolée  airx  confins 
de  la  terre,  entourée  de  nations  gauloises,  telle  une  île  battue 
par  les  flots  de  la  barbarie,  est  si  bien  gouvernée  par  l'habileté 
de  ses  magistrats  qu'il  est  plus  fcicile  de  louer  que  d'imiter  ses 
institutions-.  »  L'éloge  des  lois,  de  l'administration,  de  la 
sagesse  et  de  la  vertu  de  Marseille  est  un  lieu  commun  que 
Cicéron  emprunte  à  Aristotc?  et  qu'il  replace  ailleurs  avec 
plus  ou  moins  de  développements 4. 

Au  moment  de  la  guerre  civile,  l'orateur  des  Pbilippiques 
verra  dans  l'inimitié  de  César  et  d'Antoine  contre  Marseille 
une  preuve  de  leur  haine  contre  Rome  elle-même.  Ils  se  sont 
attaqués  à  tous  les  soutiens  de  la  République,  à  l'ordre  équestre, 
à  l'ordre  sénatorial,  aux  Marseillais,  ces  amis  dévoués  dont  le 
concours  a  aidé  les  anciens  Romains  dans  toutes  leurs  guerres 
transalpines  >. 


1.  Philipp.,  III,  V,  i;  :  Ncc  vero  de  virtute,  constantia,  gravitate  provin- 
ciac  Galliac  taccri  potcst  ;  est  ciiim  illc  flos  Italiac,  illud  rirmamcntum  imperii 
Romani,  illud  ornamcntum  dignitalis.  Tantus  autem  est  consensus  niuni- 
cipioriim  coloniariimqiie  piovinciae  Galliae,  ut  omncsad  auctoritatem  hujus 
ordinis,  majcstatenuiue  populi  Romani  defendendam  conspirasse  videantur. 

—  Philipp.,  V,  XIII,  57:  Galliaque  quae  semper  praesidct  atque  praesedit 
huic  imperio  libcrtatique  communi. 

2.  Pro  Flacco,  xxvi,  65. 

3.  Aristote,  Politique,  VI,  vu. 

4.  Cf.  De  Re  Piihl.,  I,  xxvii-xxviii. 

5.  Philipp.,  II,  xxxvii,  94:  [Caesar  inimicus]  huic  ordini,  cquestri  ;  Mas- 
siliensibus,  omnibus  quibus  Rem  publicam  populi  Romani  caram  esse  sen- 
tiebat. 


176  H.  de  la  ville  de  Mirmont. 

Furieux  de  la  résistance  que  Marseille  lui  avait  opposée, 
quand  il  passait  par  la  Gaule  pour  aller  combattre  en  Espagne 
les  lieutenants  de  Pompée,  César  avait  pris  d'assaut  à  son  retour 
la  vieille  alliée  de  Rome,  coupable  de  se  refuser  à  ouvrir  ses 
portes  au  dictateur.  Il  avait  voulu  qu'une  statue  représentant 
Marseille  figurât  dans  son  cortège,  triomphal;  le  tyran  prouvait 
ainsi  que  c'en  était  fait  de  la  République  romaine  :  «  Comme 
un  symbole  de  notre  empire  perdu  pour  nous,  nous  l'avons  vu 
porter  Marseille  dans  son  triomphe,  triompher  de  cette  ville 
sans  le  concours  de  laquelle  nos  généraux  n'ont  jamais  obtenu 
de  triomphe  à  la  suite  des  guerres  transalpines  ^  » 

Cicéron,  qui  varie  si  souvent  dans  ses  affections  politiques, 
professe  une  admiration  qui  ne  se  dément  jamais  pour  Marseille, 
la  vieille  alliée  de  Rome,  et  manifeste  une  haine  et  un  mépris 
que  rien  ne  peut  modifier  à  l'endroit  des  Gaulois,  ces  éternels 
ennemis  de  la  République,  ces  barbares  féroces  qu'on  ne  saurait 
comparer  qu'aux  sauvages  espagnols  et  aux  peuplades  cruelles 
de  l'Afrique-. 

En  56,  dans  le  discours  De  Provinciis  Consularibus,  où  il 
demande  que  le  proconsul  César  soit  maintenu  dans  son  gou- 
vernement de  la  Gallia  Cisalpina  et  de  la  GaJlia  Transalpiiia, 
Cicéron  fait  un  tableau  effrayant  de  la  Gaule  transalpine  :  le 
pays  est  sauvage,  la  civilisation  inconnue  dans  les  villes,  les 
habitants  sont  des  barbares?.  Quand  César  a  passé  les  Alpes, 
à  l'exception  de  la  Narbonnaise  qui  donnait  à  la  République  une 
bande  de  terre,  un  simple  sentier  (seiiiitûiii  lautuni  Galliae  Iciie- 

—  VIII,  VI,  18:  [Massilia],  urbs  ea  sine  qua  nunquam  ex  transalpinis 
gentibus  majores  nostri  triumpharunt. 

—  XIII,  XV,  32:  Quam  sit  huic  rei  publicae  natus  hostis  Antonius  q 
tanto  opère  eam  civitatem  [Massiliam]  oderit,  quam  scit  liuic  Rei  public, 
semper  fuisse  amicissimam. 

1.  Df  OJJic,  II,  VIII,  28:  Ad  excmpluni  amissi  Imperii  portari  in 
triumpho  Massiliam  vidimus  et  ex  ea  urbe  triumphari  sine  qua  nunquam 
nostri  imperatores  ex  Transalpinis  bellis  triumpharunt.  —  On  a  vu  que  la 
H/iilièuie  Pbilippiqiit',  prononcée  au  commencement  de  43,  reproduit  (vi,  18) 
cette  phrase  du  De  Officiis  qui  avait  été  publié  en  4\. 

2.  Più  Archia,  x,  25  ;  Episl.  ad  Oiiuituin  fratrcin,  I,  I,-ix,  27  ;  Pro  Flacco, 
IV,  10.  —  Le  Pro  Archia  est  de  l'an  62  ;  la  lettre  à  Q.uintus,  de  l'an  60;  le 
Pro  Flacco,  de  l'an  59. 

3.  De  Prov.  Consul.,  Xll,  29:  Quid  illis  terris  asperius,  quid  incultius 
oppidis,  quid  nationibus  immanius? 


m 
cae 


Cicéron  et  les  Gaulois.  177 

bamus),  tout  le  reste  du  pays  était  occupé  par  des  nations  hos- 
tiles, sans  foi  ni  loi,  sauvages,  cruelles  et  belliqueuses,  d'ailleurs 
à  peu  près  inconnues  ^  Et  Cicéron  montre  qu'il  ignore  ou  qu'il 
affecte  d'ignorer  que  les  Gaulois  appartiennent  à  une  tout  autre 
race  que  les  Cimbres  et  les  Teutons,  quand,  à  propos  des  vic- 
toires remportées  par  Marins  en  102,  près  d'Aix,  et  en  ici,  sur 
les  bords  de  l'Adige,  il  s'écrie  :  «  C.  Marins  lui-même,  dont  le 
divin  et  excellent  courage  releva  le  peuple  romain,  abattu  par 
des  défaites  funestes,  ne  put  que  vaincre  les  hordes  innom- 
brables des  Gaulois  qui  envahissaient  l'Italie.  Il  ne  pénétra 
pas,  quant  à  lui,  dans  leurs  villes,  dans  leur  pays-.  »  Tout 
le  monde  attend  de  César  l'écrasement  et  l'asservissement  des 
Gaulois  :  «  Depuis  que  notre  Empire  existe,  parmi  les  sages 
politiques  qui  se  sont  occupés  des  intérêts  de  Rome,  il  n'en  est 
pas  un  seul  qui  n'ait  pensé  que  nous  n'avons  pas  d'ennemis 
plus  redoutables  que  les  Gaulois  3.  » 

Cette  déclaration  est  très  importante.  Elle  prouve  quel  était 
l'état  général  de  l'opinion  publique  dont  Cicéron,  orateur 
populaire,  magistrat  élu  par  la  démocratie,  devait  se  faire  l'in- 
terprète dans  ses  discours  prononcés  au  Sénat  ou  à  la  tribune 
aux  harangues,  dans  ses  lettres  adressées  à  ses  amis  et  à  d'autres 
que  ses  amis,  dans  ses  ouvrages  de  philosophie  lus  par  tous  les 
hommes  qui  s'occupaient  de  politique. 

Les  Romains  ont  toujours  gardé  le  cuisant  souvenir  de  l'in- 
vasion gauloise  et  de  la  prise  de  leur  ville,  prédites  par  les  oracles 
de  Véies4.  L'amour-propre  des  vaincus  a  prétendu  que  les  assié- 
geants n'avaient  pu  pénétrer  au  Capitole  que  grâce  à  la  ruse, 
en  se  glissant  par  un  chemin  souterrain  5  ;  il  a  exalté  le  courage 
de  xManlius  qui  les  a  précipités  à  bas  de  la  forteresse^.  Mais  la 
terreur  causée  par  le  lumultus  Gallicus  est  devenue  prover- 
biale"; et,  quand  on  veut  donner  l'idée  d'un  temps  de  trouble 

1.  De  Piov.  Consul.,  xiii,  33. 

2.  De  Prov.  Consul.,  xiii,  32. 

3.  De  Prov.  Consul.,  xiii,  53. 

4.  De  DiuinuL,  1,  XLiv,  lOJ;  II,  xxxii,  69. 

5.  Pro  Caecina,  xxx,  88:  Cuniciiluni  qiui  [GalliJ  aggrcssi  crant  Capito- 
lium.  —  Cf.  Philipp.,  III,  vin,  20. 

6.  De  Domo,  xxxviii,  loi. 

7.  Cf.  ///  Catil,  III,  II,  4;  Philipp.,  VIII,  i,  2. 

Revue  Celtiijue,  XXV.  12 


lyS  H.  de  la  Ville  de  Mirmont. 

et  d'effroi,  on  ne  peut  mieux  taire  que  rappeler  cette  îeuipcsîas 
horrihilis  Gallici  advint  us  ^ .  C'est  pourquoi  il  convient  de  charger 
de  tous  les  crimes  ces  Gaulois  qui  ont  une  vigueur  redoutable 
(robiir),  mais  qui  n'ont  pas  la  piété  et  la  religion  (pieias  ac 
religio),  et  qui,  par  leur  force  brutale,  ont  terrorisé  la  Répu- 
blique qu'ils  scandalisaient  par  leur  impiété  2.  Dans  le  De  Re 
puhlica,  ouvrage  publié  en  52  ou  en  51,  alors  que  les  conquêtes 
de  César  avaient  déjà  ouvert  et  foit  connaître  la  Gaule  aux 
Romains,  ouvrage  destiné  à  des  lecteurs  plus  lettrés  que 
n'étaient  les  gens  qui  peuplaient  le  Forum  et  recevaient  pour 
toute  instruction  celle  qui  leur  était  dispensée  du  haut  de  la 
tribune  aux  harangues,  Cicéron  parlait  encore  des  sacrifices 
humains  des  Gaulois,  dignes  de  ceux  du  légendaire  Busiris;  il 
montrait  les  Gaulois  s'avançant,  l'épée  à  la  main,  pour  mois- 
sonner les  champs  cultivés  par  leurs  ennemis  vaincus 5. 

Après  avoir  fait  remarquer  avec  raison,  à  propos  du  discours 
pour  Fonteius,  que  «  Cicéron  mit  au  service  de  l'ex-proconsuH 
sa  merveilleuse  éloquence  plus  d'une  fois  employée  au  service 
des  mauvaises  causes  »,  Henri  Martin  ajoute  que  «  le  druide 
Diviciac  réconcilia  Cicéron  avec  le  nom  gaulois  par  les  belles 
qualités  de  son  esprit  et  de  son  cœur,  et  par  les  hautes  con- 
naissances qu'il  avait  puisées  dans  les  sanctuaires  druidiques  5  ». 
Cette  affirmation  est  gratuite.  Dans  le  De  Diviiialione,  Cicéron 
se  fait  dire  par  son  frère  Quintus  :  «  La  Gaule  a  ses  druides, 
parmi  lesquels  j'ai  connu  moi-même  l'Héduen  Diviciac,  qui  tut 
ton  hôte  et  ton  panégyriste  (bospiteiii  luiiin  Jaudalorenique),  qui 
prétendait  avoir  la  notion  des  causes  naturelles,  science  que  les 
Grecs  nomment  physiologie,  et  prévoir  l'avenir,  partie  par  les 
augures,  partie  par  conjecture*^.  »  Quand  Cicéron  prend  la 
parole  à  son  tour,  loin  de  se  faire  le  Jaudator  de  Diviciac,  il  ne 
dit  rien  de  ce  personnage  qui  fut  son  hôte,  nous  ne  savons  pour 
quelles  raisons,  lorsqu'il  vint  à  Rome,  en  G},  délégué  par  ses 

1.  De.  Rc  Piihl.,  II,  VI,  II. 

2.  De  Hariisp.  Rcsp.,  IX,  19. 

3.  DeRe  Piibl.,  III,  viii,  15. 

4.  On  a  vu  que  Fonteius  avait  été  propréteur  et  non  proconsul  en  Gaule. 

5.  Henri  Martin,  Histoire  de  France  (édition  de  iS)^),  tome  I,  p.  128  et 
151. 

6.  De  Divin.,  I,  xli,  90. 


Cicéron  et  les  Gduiois.  179 

concitoyens  les  Héduens,  qui  demandaient  l'appui  du  Sénat 
contre  les  Séquanais',  et,  en  58,  chargé  de  solliciter,  au  nom 
de  toutes  les  nations  gauloises,  l'appui  de  César  contre  Ario- 
viste-.  Les  entretiens  que  Cicéron  a  pu  avoir  en  63  ou  en  58 
avec  le  druide  gaulois  que,  d'après  les  renseignements  donnés 
par  César,  on  devine  orateur  habile,  politique  réfléchi  et  pru- 
dent, savant  très  instruit,  ne  semblent  pas  avoir  réconcilié  le 
défenseur  de  Fonteius  avec  le  nom  gaulois:  l'orateur  du  De 
Provinciis  Consiilaribiis,  l'auteur  du  De  Re  publica,  continue  à 
répéter  sur  la  barbarie  et  l'impiété  des  Gaulois  toutes  les  erreurs 
traditionnelles,  à  rapporter  toutes  les  légendes  des  guerres 
gauloises  qui  pouvaient  exciter  le  chauvinisme  romain. 

Tous  ces  lieux- communs  sont  scrupuleusement  reproduits 
par  l'éloquence  et  par  la  poésie  officielles  du  siècle  d'Auguste, 
alors  que  la  Gaule  est  détinitivement  vaincue  et  qu'on  se  plaît 
à  célébrer  la  gloire  de  César,  fondateur  de  l'empire,  qui  a 
délivré  à  jamais  le  Capitole  des  insultes  gauloises  et  le  monde 
romain  du  péril  transalpin. 

Anchisc  montre  à  Enée,  parmi  les  plus  illustres  héros  de 
Rome,  M.  Claudius  Marcellus  qui  a  sauvé  sa  patrie  du  tumultus 
Gallicus  et  suspendu  dans  le  temple  de  Quirinus  les  armes 
enlevées  à  Yiridomare,  chef  des  Gaulois  insubriens,  qu'il  a 
vaincu  et  tué  de  sa  propre  main'.  Sur  le  bouclier  d'Enée, 
Vulcain  a  représenté  les  Gaulois,  dont  la  marche  vers  les  som- 
mets du  Capitole  est  dénoncée  par  une  oie  au  plumage  argenté, 
précipités  par  Manlius  du  haut  de  la  forteresse  tarpéienne.  On 
voit  les  barbares  se  glisser  à  travers  les  buissons,  protégés  par 
les  ténèbres  et  la  complicité  de  la  nuit  épaisse;  leurs  cheveux 
et  leurs  satons  rayés  ont  l'éclat  de  l'or;  leurs  cous,  blancs 
comme  le  lait,  sont  entourés  de  colliers  d'or;  chacun  des  guer- 
riers porte  en  main  deux  javelots  alpins  et  leurs  corps  sont 
abrités  par  de  longs  boucliers4.  Enée  admire  l'œuvre  de  Vulcain 
sans  connaître  les  épisodes  de  l'histoire  romaine  qui  y  sont 
représentés  :  mais  les  lecteurs  de  Y  Enéide  savent  bien  quels  sont 

1.  D:  Bello  Gallico,  I,  xxxi,  9;  VI,  xii,  15. 

2.  /X'  [kilo  Gallico,  I,  XXXI,  3. 

3.  Enéide,  VI,  v.  8)S-8>9- 

4.  r.iicidc,  VIII,  V.  652-662. 


I»0 


H.  de  la  Ville  de  Mirmont. 


ces  redoutables  ennemis,  décrits  avec  une  exactitude  si  précise, 
qui  ne  pourront  plus  menacer  le  Capiloli  immobile  saxum. 

Tiie-Live  répète  presque  textuellement  les  expressions  de 
Cicéron,  quand  il  fait  dire  par  les  députés  de  Rhodes  dans  leur 
discours  au  Sénat:  «  Nous  avons  appris  que  les  habitants  de 
Marseille  jouissent  auprès  de  vo'as  delà  même  estime  et  de  la 
même  considération  méritée  que  s'ils  habitaient  le  centre  de 
la  Grèce.  C'est  que  leur  civilisation  d'origine  a  su  rester  intacte, 
sans  mélange,  sans  altération  au  milieu  des  nations  barbares 
qui  les  entourent  ;  ils  ont  conservé  leur  langue,  leur  costume, 
leurs  manières  et  surtout  leurs  lois,  leur  caractère  national  à 
l'abri  de  la  contagion  de  leurs  voisins -\  » 

Dans  les  deux  discours  qu'il  adresse,  en  189,  à  ses  soldats, 
pour  les  encourager  à  la  bataille  contre  les  Gallo-Graeci,  alliés 
d'Antiochus,  et,  en  187,  après  la  fin  de  la  guerre,  au  Sénat, 
pour  demander  le  triomphe  2,  Cn.  ManliusVulso  reproduit  tout 
le  réquisitoire  contre  les  Gaulois  que  Cicéron  prononçait  devant 
les  juges  de  Fonteius.  Le  proconsul  affirme,  pour  rassurer  ses 
soldats,  que  Rome  méprise  la  vanité  du  îiiiiinllus  Gallicus^K 
Cette  affirmation  sera  vraie  au  temps  de  Tite-Live  ;  elle  ne 
l'était  pas  cent  trente-trois  ans  avant  le  discours  De  Provinciis 
Consularihus. 

H.  DE  LA  Ville  de  Mirmoxt. 


1.  Tite-Live,  XXXVII,  liv. 

2.  Tite-Live,  XXXVIII,  xvii  et  xlvii-xlix.. 

3.  Tite-Live,  XXXVIII,  xvii:  Romanis,  Gallici  tumultus  assuetis,  vani- 
tates  notac  sunt. 


LA    FAMILLE   CELTIQUE 


DEUXIEME    ARTICLE 


L'importance  spéciale  des  trois  degrés  d'ancêtres  précédant 
le  fils  en  ligne  directe  est  commune  au  droit  de  l'Inde,  à  celui 
de  la  Grèce  et  à  celui  de  Rome  ;  elle  peut  être  considérée  comme 
une  règle  du  droit  indo-européen.  De  là  résultent  les  trois 
degrés  de  descendants  en  ligne  directe  chez  les  Gallois  :  l'an- 
cêtre, c'est-à-dire  le  bisaïeul,  ses  fils,  ses  petits-fils,  ses  arrière- 
petits-fils,  voilà  la  fomille  dans  son  sens  étroit.  Elle  peut  se 
développer  à  l'aide  de  collatéraux  descendants  d'ancêtres  plus 
éloignés.  M.  B.  W.  Leist,  Altarisches  Jus  civile,  ersteAbtheiliing, 
1892,  a  publié,  p.  236,  un  tableau  de  la  parenté  paternelle, 
\\r;-/p-v.x  -zlz  r.x-pi:,  qui  est  identique  au  tableau  donné  ci- 
dessus  de  la  famille  ou  fine  irlandaise'. 

Mais  à  Rome,  la  désignation  complète  d'un  citoyen  com- 
porte la  mention  de  trois  ascendants,  sans  parler  de  la  tribu  qui 
est  une  institution  spéciale  à  Rome  :  Marcus  Tulliiis,  Marci 
fin  us,  Marci  nepos,  Marci  pronepos,  Cornelia  tribu,  Cicero-. 

Le  célèbre  orateur  athénien  Isée,  qui  vivait  au  iv^  siècle 
avant  notre  ère,  parle  des  ascendants,  ycvîTç;  et  il  en  compte 
trois  degrés  auxquels  on  doit  des  aliments  :  1°  mère  et  père,  '.rr^r^p 
■/.T.  r.y.-.r,z;  2°  grand-père  et  grand'  mère,  r.x--o-  -kv.  -rfir^;  y  le 
père  et  la  mère  de  ces  derniers  ;  il  le  dit  dans  son  plaidoyer 

1.  Voir  p.  182,  cf.  p.  10. 

2.  iMarquardt,  Hamibuch,  2=  Odition,  t.  VII,  p.  8. 


l82 


H.  if  Artois  de  Jubainvillc 


TABLEAU  DE  LA  PARENTE  CHEZ  LEIST  : 


4.    o  arrière-grand- 
oncle. 


5.    o 


6.    o 


y  groupe 
(indfine.) 


3.    o  grand - 
oncle. 


4.    o 


5.    o 


2<=  groupe 
(iarfiuc  ) 


2.    o  oncle. 


o  cousm-ger- 


4.  o  cousin  ISSU 
de  ger - 
main. 


\^'  groupe 
(dcrbfine.) 


P.\RENTÉ    COLLATÉRALE 


3.   O  trisaïeul  (buifiiie). 


2.    o  bisaïeul  (iarfnie). 


I .    o  aïeul  (derhfi)ic). 


o  Ego,  père. 


I.    o  fils. 


!.    O  petit-fils.  \  si 


3.    o  arriere-petit- 
fils. 


4.    o  fi's  d'arrière- 
petit-hls. 


Ligne  directe 


La  famille  celtique.  185 

sur  la  succession  de  Kiron',  C'est  avec  retranchement  des 
femmes,  la  théorie  des  trois  ancêtres  consacrée  dans  Tlnde  par 
la  loi  de  Manu  -.  A  Rome,  la  doctrine  du  droit  attique  se 
trouve  chez  Festus  5  ;  c'est  la  doctrine  la  plus  ancienne  des 
jurisconsultes  romains  qui,  plus  tard,  ont  étendu  à  l'infini  le 
sens  du  mot  parent,  parais -i. 

Dims  l'Inde,  les  ancêtres  plus  anciens  que  le  bisaïeul  entrent 
dans  la  masse  des  Kishi  qui,  lorsqu'on  célèbre  le  culte  des 
ancêtres,  perdent  leur  personnalité  5.  Ainsi  la  loi  galloise  est  là- 
dessus  d'accord  avec  le  droit  commun  indo-européen. 

Il  peut  sembler  dur  que  la  loi  galloise  refuse  d'admettre  le 
droit  successoral  des  collatéraux  au  delà  du  sixième  degré.  Mais 
ici  surgit  une  exception.  Quelqu'un  a  été  banni  :  ayant  commis 
un  meurtre  qui  l'expose  à  être  tué  par  les  parents  du  mort,  il 
a  quitté  le  pays  sans  pouvoir  y  rentrer,  il  est  allé  à  l'étranger 
fonder  une  autre  £imille;  les  membres  de  cette  famille  nouvelle 
ont  un  privilège  dû  à  leur  qualité  d'absents:  ils  peuvent,  jus- 
qu'à la  neuvième  génération,  venir  réclamer  la  propriété  qui 
devait  échoir  à  leur  ancêtre  exilé;  celui  qui  se  présente  est, 
suppose-t-on,  le  neuvième  homme,  c'est  le  descendant  au  hui- 
tième degré  de  l'ancêtre  à  la  succession  duquel  l'exilé  n'a  pas 
pris  part,  en  sorte  que  :  i"  cet  ancêtre;  2°  sept  générations  qui 
séparent  de  lui  le  réclamant  ;  3°  le  réclamant  lui-même,  donnent 
un  total  de  neuf  hommes.  Le  réclamant  spolié  tait  une  plainte 
à  laquelle  une  loi  galloise  donne  le  nom  de  «  grand  cri  sur 
l'abîme  »,  dyaspat  iiiuch  annuvyn^;  une  autre  loi  le  nom  de 
«  grand  cri  sur  l'emplacement  »,  diaspat  uiuch  aduaiP.  L'abîme, 


1.  Oralores  altici,  cdition  donnée  chez  Didot  par  Charles  Mueller,  t.  I, 
p.  293  ;  R.  Darcste  et  B.  Haussoullier,  Les  plaidoyers  d'isce,  p.  158  ;  cf.  Leist, 
Graeco-ilalisches  Reeht,  p.  20. 

2.  Leist,  Gracco-italisches  Recht,  p.  21,  note. 

5.  Parens  vulgo  pater  aut  mater  appellatur,  sed  iuris  prudentes  aiios  et 
proauos,  auias  et  proauias  parentum  nomine  appellari  dicunt;  éd.  Mueller, 
p.  221. 

4.  Appellatione  parentis  non  tantum  pater,  sed  ctiam  auus  et  proauus 
et  deinceps  omnes  superiores.  Gains  au  Digeste,  1.  L,  t.  xvi,  loi  31. 

5.  Leist,  Altarisches  lus  civile,  p.  226-227. 

6.  The  veih'dolian  Code,  1.  II,  c.  xiv,  5  2;  Aiicicnl  Latvs  and  Insliliiles  of 
IVaks,  in-f",  p.  568. 

7.  The  giuentian  Code,  1.  II,  c.  XXX,  5  10;  ibidem,  p.  368. 


184  H.  iVArhois  de  Jiibainville. 

c'est  Li  menace  de  forclusion  si  la  famille  de  l'exilé  laisse 
expirer  iwec  le  neuvième  homme  le  dernier  délai  qui  soit  accordé 
à  cette  famille;  l'emplacement,  c'est  la  propriété  héréditaire  que 
le  descendant  de  l'exilé  vient  réclamer. 

Ce  qu'un  traité  de  droit  irlandais  appelle  «  ongles  sur  doigts  », 
ingoi  ar  inéraih,  peut  être  un  phénomène  juridique  analogue  au 
privilège  du  neuvième  homme.  Le  neuvième  homme  en  Galles 
est,  avons-nous  vu,  le  descendant  d'un  exilé.  Les  parents  appelés 
«  ongles  sur  doigts  »  sont  une  branche  de  la  famille  «  qui  est 
séparée  de  la  famille»',  «  en  sorte  »,  ajoute  la  glose  «  qu'elle 
n'a  pas  été  avec  eux  ;  elle  s'éloigne  de  la  f^tmille,  de  telle  manière 
qu'elle  est  pour  eux  en  état  d'absence  pendant  un  temps  »2.  Seu- 
lement nous  ne  voyons  pas  jusqu'à  quel  degré  est  maintenu  le 
privilège  de  l'ongle  sur  doigts.  Les  doigts,  c'est  la  oclflnc. 

Mais  ce  privilège,  pas  plus  que  le  droit  de  tout  autre  héritier, 
n'est  conçu  comme  nous  le  comprenons  aujourd'hui;  c'est  un 
droit  de  copropriété  sur  la  totalité  du  bien  provenant  de  l'an- 
cêtre commun.  Les  quatre  branches  de  la  ^zm' sont  théorique- 
ment propriétaires  indivis  de  la  succession  laissée  par  l'auteur 
de  ces  quatre  branches.  Il  ne  fout  pas  exagérer  l'miportance  du 
commentaire  ajouté  au  traité  intitulé  «  Jugements  sur  abeilles  », 
Bech-bretha,  où  l'on  dit,  semble-t-il,  que  la  propriété  d'un  cours 
d'eau  se  partage  entre  les  quatre  branches  de  la  famille,  la 
source  à  la  geljiuc,  le  canal  d'amont  à  la  derbfine,  le  bassin  à  la 
iarfine,  le  canal  d'aval  à  la  iiidjinc^;  il  s'agit  évidemment  d'un 
cours  d'eau  qui  fait  mouvoir  un  moulin,  c'est  une  propriété 
nécessairement  indivise.  Ce  dont  il  est  question  dans  ce  texte, 
c'est  de  savoir  à  qui  appartiennent  les  essaims  d'abeilles  qui  se 
posent  sur  les  bords  de  ce  cours  d'eau.  Voici  la  réponse:  sur 
les  bords  de  la  source,  c'est  la  gclfiuc.  qui  a  le  droit  de  s'em- 
parer des  essaims  ;  sur  les  bords  du  canal  d'amont,  la  dcrhjiiic 
les  prendra;  sur  les  bords  du  bassin,  ce  sera  la  iarfinc,  et,  sur  les 

1.  Dedlaid  fri  fine.  De  fodlaih  cinœil  lûailln  {Aiicient  Laivs  of  Irelaiid, 
t.  IV,  p.  286,  1.  2). 

2.  Conach  acu  robui,  .i.  delaigidh-si  ri-sin-fine,  gu  n'i[bji  [i]n-a  n-egmais 
athacli.  De  fodlaib  cim'oil  tàaitbi  (Aiicieiit  Laivs  of  Irclaiîd,  t.  IV,  p.  290, 
1.   II- 12). 

5.  Gelfine  .i.  in  tobor.  Derbfine  .i.  in  dire  n  tobur  gu  lind.  Iarfine  in 
lind.  Indfinc  ô  lind  sis  {Ancient  Laivs  of  Ireland,  t.  IV,  p.  168,  1.  9,  10). 


La  famille  celtique.  185 

bords  du  canal  d'aval,  ils  seront  propriété  de  Vindfinc.  Mais 
le  cours  d'eau  reste  propriété  collective  des  quatre  branches  de 
la  ////('.  De  même,  la  propriété  collective  du  sol  par  la  f^cns  est 
de  droit  dans  la  période  la  plus  ancienne  de  l'histoire  romaine^  ; 
Vheredium,  propriété  territoriale  individuelle  d'un  demi-hectare, 
date  du  roi  Romulus.  De  la  copropriété  tamiliale  résulte  en 
Irlande  une  conséquence:  le  bien  de  la  tamille,y///r,  venant  de 
l'ancêtre  commun,  ne  peut  être  aliéné  sans  le  consentement 
de  tous  ceux  qui  descendent  de  cet  ancêtre  commun.  Chaque 
membre  de  la  fine  peut  faire  annuler  l'aliénation  de  ce  bien 
quand  cette  aliénation  n'a  pas  obtenu  l'assentiment  de  toute  la 
fine.  On  lit  dans  le  Senchus  Môr  :  «  chaque  homme  de  la  fine 
«  est  capable  de  conserver  le  bien  de  sa  fuie,  non  de  le  vendre, 
«  ni  de  l'aliéner  d'une  taçon  quelconque...  Il  peut  attaquer  les 
«  contrats  faits  par  safitie-.  »  «  Tout  contrat  que  lafJne  ne  ratifie 
«  pas  est  attaqué,  rejeté  par  elle...  il  n'atteint  ni  la  fhic,  ni  sa 
«  terre,  ni  ses  animaux,  ni  ses  autres  biens  meubles  >.  »  «  Per- 
«  sonne  ne  donne  une  propriété  s'il  ne  l'a  achetée  lui-même, 
«  sauf  le  cas  où  il  aurait  le  consentement  de  sa  fine,  et  il  doit 
«  laisser  sa  part  déterre  à  sa  fime  en  copropriété  après  lui  h  » 
De  toutes  ces  règles  il  ne  se  suit  pas  que  le  ij^avel-kiiid  gallois 
ait  jamais  existé  en  Irlande,  c'est-à-dire  qu'en  Irlande  pour 
maintenir  l'égalité  entre  les  membres  de  la  fomille  on  ait  recom- 
mencé le  partage  du  bien  héréditaire,  d'abord  après  le  décès 
du  dernier  survivant  des  fils  ou,  si  l'on  veut,  des  frères,  puis, 
quand  le  dernier  des  petits-fils,  autrement  dit  des  cousins  ger- 
mains, était  mort,  puis  enfin  lorsqu'avait  disparu  le  dernier 
des  arrière-petits-fils,  c'est-à-dire  le  dernier  des  cousins  issus 
de  (jermains. 


1.  Ist  das  Gcschlccln  warsclicinlich  fiir  Jas  privatc  Bodcnrccht  das  altcstc 
Tragcr  gevvcsen.  Mommsen,  Roniisches  Staatsrccht,  i^e  édition,  t.  III,  p.  22. 

2.  Is  mesiuch  cach  fear  fine  ciindi  a  fintiiid,  na  [s]id[e]  inrean,  na  [sjide 
sannu...  Is  mcsi  im-us-fuicii  curu  a  fine.  Ancient  Latvs  of  Irelaiid,  t.  II, 
p.  282,  1.  7,  8,  9;  cf.  ibidem,  1.  13-16. 

3.  Nach  cor  nad  atuim  fine,  fo-n-ûasnat,  indarbenat...  ni  tascnai  fine,  na 
orbii,  na  beôdil,  na  marbdil.  Ancient  Laws  of  Ireland,  t,  II,  p.  288,  1.  1-5. 

4.  Ni  udbair  necii  soilb,  acht  mad  ni  do-rn-aicle  fadesin,  acht  mad  a  coni- 
cétfaig  a  fine,  ocus  foracba  a  cuit  tire  la  fine  a  condilse  dar-a-éise.  Ancient 
Laxvs  oj Ireland,  t.  III,  p.  52,  1.  8-10. 


i86  H.  d'Arhois  de  Jubainpiiie. 

Cependant,  aux  pages  129  et  suivantes  de  l'ouvrage  publié 
en  1894  par  un  avocat  anglais,  M.  Laurence  Ginnell,  barrister- 
at-Law,  sous  ce  titre  :  The  Brchon  Laïus,  a  légal  Handbook,  on 
lit  qu'il  y  avait  en  Irlande  trois  modes  de  dévolution  de  pro- 
priété. Le  premier  mode  était  celui  qui  s'opérait  conformément 
aux  règles  du  gavd-hind,  le  second  était  le  partage  de  la  pro- 
priété privée,  le  troisième  était  ce  qu'on  appelle  tanistry. 

Nous  allons  dire  un  mot  de  chacun  de  ces  procédés  en  com- 
mençant par  le  dernier. 

Tûiiisiry  est  un  mot  fabriqué  par  les  jurisconsultes  anglais 
et  substitué  par  eux  à  l'irlandais  taiiaistcachd,  désignant  la  règle 
de  droit  aux  termes  de  laquelle  l'héritier  d'un  roi  était,  non 
pas  son  fils  aîné,  mais  le  plus  âgé  des  membres  de  sa  famille, 
par  exemple  son  frère  ou  son  neveu,  quelquefois  même  un 
membre  d'une  autre  famille.  L'héritier  présomptif  d'un  roi 
s'appelait  tanaisi\  ou  taiiaisle  «  second  »  du  vivant  de  son 
frère,  de  son  oncle  ou  de  son  prédécesseur  quelconque.  Dans 
le  traité  intitulé  Crith  gablach,  littéralement  «  achat  branchu  », 
on  lit  ceci  :  «  pourquoi  quelqu'un  est-il  appelé  tanaise  rig 
«  [ou  second  de  roi]  ?  Parce  que  toute  la  tribu  s'attend  à  le  voir 
«  régner  sur  elle  sans  opposition  ^»  Une  autre  expression  pour 
désigner  l'héritier  présomptif  d'un  roi  étahrig-doiiina,  «matière 
de  roi-».  Les  royaumes  étant  indivisibles,  la /a^n/ry  ne  donnait 
pas  lieu  à  partage.  La  taiiislry  ne  s'appliquait  pas  seulement  à 
la  royauté,  elle  s'appliquait  aussi  à  d'autres  dignités  indivisibles 
correspondant  à  ce  qu'on  appelait  en  France  des  baronies'. 

Suivant  M.  Laurence  Ginnell,  la  propriété  privée  donnait 
lieu  à  partage  et  les  parts  étaient  égales,  si  ce  n'est  que  la 
maison,  ses  dépendances  et  le  matériel  servant  à  l'exploitation 


1.  Tanassi  rig  ced  ara  n-eper  ?  Arindi  frisaicci  tûatli  huili  do  rigiu  cen 
cosnum  fris.  Aricient  Laws  of  Ircland,  t.  IV,  p.  328,  1.  11-12. 

2.  Voir  le  traité  intitulé  Fotha  catha  Cnucha  cliez  U^indisch,  Kiir:((iejassle 
irische  Gramiiialik,  p.  121,  1.  6.  On  lit  r/V  daiiina  dans  la  glose  du  Senchns 
Mor,  Anciciil  Laivs  of  Irdand,  t.  1,  p.  (S(i,  1.  9,  et  dans  celle  des  Heptades, 
Ibidem,  t.  V,  p.  226,  1.  34.  Ces  deux  textes  placent  le  rig-dainna  dans  la 
catégorie  des  gens  de  condition  supérieure,  ûas. 

^.  Sur  la  laiii'iliv  en  Ecosse  dans  les  Highl.uids,  voir  William  F.  Skene, 
'J'hf  Hh^hlaiids  of  Scotluiid,  2'-'  édition,  p.  104-106  ;  sur  la  lanistiy  en  général 
le  mémoire  spécial  de  M.  P.  Viollet,  1891,  in-40. 


La  famille  celtique.  187 

restaient  indivisibles  et  appartenaient  à  un  des  fils,  probablement 
au  plus  jeune.  Ceseraitcequ'on  appelait  en  France  droit  de  niai- 
neté.  Le  droit  de  maineté  a  existé  non  seulement  en  France, 
mais  aussi  dans  divers  autres  pays.  En  France,  on  l'a  signalé  au 
Nord-Est  dans  les  coutumes  de  Valenciennes,  d'Arras,  de  Cam- 
brésis,  des  châtellenies  de  Lille  et  de  CasseP,  et  à  l'extrême 
Ouest  dans  le  comté  de  Cornouaille,  qui  correspond  à  une 
partie  du  départementdu  Finistère-.  Hors  de  France,  ledroit  hon- 
grois du  xV^  siècle  attribue  la  maison  paternelle  au  plus  jeune 
rils',  le  Corpus  jiiris  Georgici  lui  donne  le  principal  manoir4. 
Mais  dans  les  lois  anciennes  de  l'Irlande,  on  ne  voit  pas  trace 
du  droit  de  maineté;  la  règle  était  l'égalité  du  partage  excepté 
quand  il  s'agissait  des  magistratures,  c'est-à-dire  de  royauté, 
ou  d'autres  dignités  inférieures,  mais  également  impartageables. 

Le  droit  de  maineté  n'y  est  pas  plus  mentionné  que  le  gavel- 
kind.  Il  ne  manque  pas  de  textes  relatifs  aux  successions  et  nulle 
part  n'apparaissent  ces  procédés  exceptionnels  de  partage. 

Dans  les  Heptades,  il  est  dit  qu'en  sept  cas  on  peut  se  mettre 
en  possession  sans  devoir  des  dommages-intérêts,  et  un  de  ces  cas 
est  celui  du  frère  qui,  après  partage  accepté,  prend  possession 
de  sa  portion;  il  ne  doit  rien  à  son  frère  5.  Le  Senchiis  Môr 
parle  deux  lois  du  procès  injuste  par  lequel  on  conteste  au  fils 
la  succession  de  son  père^'.  La  glose  émet  l'hypothèse  d'une 
attaque  dirigée  contre  la  filiation  du  défendeur;  la  question  est 
de  savoir  s'il  sera  maintenu  en  qualité  d'enfant  légitime,  ou  si 
on  le  déclarera  bâtard  7.  Dans  un  autre  passage  du  même  ouvrage 
on  trouve  mentionné  le  partage  entre  cohéritiers^.  Suivant  la 

1.  Article  de  Merlin,  alors  avocat  au  parlement  de  l-"landres,  dans  le 
Répertoire  de  Guyot,  t.  XI,  1785,  p.  79-86. 

2.  Paul  Viollet,  Histoire  du  droit  civil  français,  2e  édition,  p.  842. 
5.  Dareste,  Etudes  d'histoire  du  droit,  p.  275. 

4.  Le  même,  ibidem,  p.  132. 

5.  Ancient  Lazvs  of  Ireland,  t.  V,  p.  206,  1.  5-6;  cf.  p.  210,  1.  4. 

6.  Im  gu-liud  mec  a  orb.  Ancient  Lairs  of  Ireland,  t.  I,  p.  1^4.  1.  18. 
Im  gu-liud  mec  a-horba,  ibidem,  p.  236,  1.  28-9.  Par  une  contradiction  fré- 
quente, ce  procès  est  mis  à  la  fois  dans  les  cas  de  saisie  de  cinq  jours  avec 
délai,  p.  184,  et  dans  les  cas  de  saisie  de  cinq  jours  sans  délai,  p.  256. 

7.  Im  amus  do  cenéoil  do  dénamde,  dûs  in  astaibther,  no  tuilithedor.ldh 
ris.  Ancient  Laws  of  Ireland,  t.  I,  p.  192,  1.  4-5. 

8.  Athgjbail  rainde  itir  comorbaib.  Ancient  La-ws  of  Ireland,  t.  I,  p.  214, 
1.  9-10. 


i88  H.  d'Arhois  de  JuhainvUlc. 

glose,  il  s'agit  de  la  succession  d'un  père  et  cette  succession 
consiste  en  objets  mobiliers  ou  en  biens-fonds  ^  Le  droit  héré- 
ditaire des  descendants  existe  du  vivant  même  de  l'ancêtre,  il 
n'est  pas  comme  chez  nous  subordonné  à  l'éventualité  de  la 
mort  de  l'ancêtre  et  le  droit  irlandais  ne  donne  à  ce  point  de 
vue  aucune  supériorité  ni  à  l'aîné  w\  au  puîné.  On  le  voit,  par 
exemple,  dans  le  traité  :  «  Des  divisions  de  race  dans  la  tribu, 
De  fodJaih  cinéoil  li'iaiihi.  »  Il  y  est  dit  que  le  père  ne  peut  rien 
vendre  sans  le  consentement  de  ses  fils,  de  ses  petits-fils,  de 
ses  arrîère-petits-fils  et  des  fils  de  ses  arrière-petits-fils  2.  Cette 
énumération  est  identique  à  la  liste  des  membres  de  la  gelfinc 
puisque  la  gelfine  est  composée,  comme  nous  l'avons  vu,  du 
père  et  de  ses  descendants  du  premier  au  quatrième  degré,  le 
tout  formant  un  total  de  cinq  hommes.  L'identité  de  ce  groupe 
et  de  la  gelfine  a  été  fort  bien  comprise  par  le  glossateur?.  Or, 
ni  le  texte,  ni  la  glose  n'attribuent  à  un  des  descendants  une 
situation  privilégiée  au  préjudice  de  ses  frères  ou  cousins  au 
même  degré. 

Dans  aucun  des  textes  cités,  il  n'est  question  de  parts  iné- 
gales, on  n'y  voit  apparaître,  pas  plus  le  droit  de  maineté  que 
le  droit  d'aînesse. 

Ce  qui  peut  sembler  particulier  à  l'Irlande,  c'est  l'hypothèse 
de  l'indivision  permanente.  Des  cohéritiers  sont  tenanciers  pour 
une  propriété  qui  n'est  point  partagée  entre  eux  4;  ils  labourent 
en  commun';  ils  ont  en  commun  une  maison 6.  Suivant  la 
glose,  un  des  héritiers  veut  avoir  sa  part  de  cette  maison?.  Mais 
le  texte  ne  dit  pas  que  telle  soit  la  cause  du  désaccord  entre 
les  copropriétaires.  Il  y  a  un  terme  de  droit  plus  extraordinaire 

1.  Scoit  àini  roiacaib  an  athair  acu...  no  ini  rainn  a  icrainn.  Ancieul  Laivs 
of  IreJaud,  t.  I,  p.  216,  1.  7-8,  10. 

2.  Ni  rcn  in  t-athair  ni  sech  macu,  sccli  ûa,  sech  iarmLi[a],  sccli  inJùa. 
Ancient  Laïus  of  Ireland,  t.  IV,  p.  286,  1.  7-8. 

3.  Ancient  Latvs  of  Ireland,  t.  IV,  p.  290,  1.  17-18. 

4.  Comaithces,  Senchus  Môr,  dans  Ancient  Laws  of  Ireland,  t.  I,  p.  126, 
I.  4;  p.  142,  1.  19. 

5.  Comar,  ibid.,  p.  126,  1.  3  ;  p.  142,  1.  17. 

6.  Im  corustreibc  itir  comoi'baib.  «Pouu  droit  de  maison  entre  licritiers  », 
Sencbns  Môr  dans  Ancient  Lau's  of  Irehunî,  t.  I,  p.   122,  1.  19. 

7.  A  cuit  don  tig  do  dénam  .i.  in-trebcoitchenn,  ibidem,  p.  130,  1.  51-52. 
«  Pour  faire  sa  part  de  la  maison,  c'est-à-dire  la  maison  indivise.  » 


La  famille  celtique.  189 

que  la  formule  maison  commune  entre  cohéritiers,  Ireb  coilchciiii, 
c'est  comkhaid  «  lit  commun  »  des  cotenanciers  ^  ;  cette  expres- 
sion aviilehaid  «  lit  commun  »  se  trouve  dans  un  autre  texte 
juridique  irlandais  quand  il  s'agit  du  lit  de  la  prostituée-.  On 
pourrait  en  conclure  qu'en  Irlande,  à  une  époque  reculée,  la 
communauté  des  femmes  entre  frères  a  existé  d'une  façon  géné- 
rale comme,  suivant  Jules  César,  elle  se  pratiquait  en  Grande- 
Bretagne  au  I"  siècle  avant  notre  ère>.  Cela  nous  expliquerait 
pourquoi  la  légende  irlandaise  nous  montre  Clothru  épouse 
simultanée  de  ses  trois  frères  et  par  là  mère  de  Lugaid,  roi 
suprême  d'Irlande,  qui  a  trois  pères  dans  le  cvcle  épique  de 
Conchobar  et  de  Cuchulainn^.  Cela  expliquerait  l'assertion 
probablement  exagérée  de  saint  Jérôme  quand  il  prétend  qu'en 
Irlande  personne  ne  se  marie,  qu'aucun  Irlandais  n'a  une 
épouse,  mais  que  dans  cette  île  chacun  s'abandonne  à  ses 
passions  de  la  même  façon  que  les  animaux >.  Saint  Jérôme 
écrivait  antérieurement  à  la  mission  de  saint  Patrice,  c'est-à-dire 
à  une  époque  où  il  y  avait  en, Irlande  fort  peu  de  chrétiens, 
mais  son  talent  oratoire  l'a,  suivant  toute  vraisemblance, 
entraîné  beaucoup  trop  loin. 

Quoi  qu'il  en  soit,  en  Irlande,  la  maison  commune,  le  lit 
commun  n'ont  pas  été  attribués  au  puîné  à  l'exclusion  de  ses 
frères. 

J'arrive  au  gavelkind.  M.  Ginnell  emprunte  sa  doctrine  sur 
ce  point  à  Summer  Maine,  Lectures  on  the  early  history  of  Insti- 
tutions, p.  99.  Ce  célèbre  auteur  puise  sa  doctrine  dans  un 
rapport  fait  par  un  magistrat  anglais  du  xvii''  siècle.  Ce  rapport 

1.  Im  conileptlia  comuitech,  Senchus  Môr  dans  Anciciil  Laïcs  of  Lretand, 
t.  I,  p.  126,  I.  4  ;  p.  142,  1.  20. 

2.  Fir-faemaid  i-sin  aidchi  dorcha  cach  aen  i  n-a  comlcbaid.  «  Vraiment 
flic  reçoit  pendant  la  nuit  sombre  chacun  dans  son  lit  commun.  »  Do 
faslad  cil  t  ociis  illic^id  «  confirmation  de  loi  et  droit  »  (Aiicieut  Lazvs  of 
lretand,  t.  V,  p.  454  1.  4. 

5.  Uxores  habcnt  inter  se  déni  duodenique  communes,  maxime  fratres 
cum  fratribus,  De  betio  Galtico,  1.  V,  c.  14.  §  4. 

4.  Livre  de  Leinster,  p.  23,  col.  i,  1.  51;  col.  2,  1.  1-3  ;  cf.  'Iv/ HocTTavia 
r.oWd:  àvopï;  ai'av  vuvaï/.a  î/out'.,  Bardesane,  écrivain  du  iii^  siècle,  repro- 
duit par  Euscbe,  Pracparatio  eiiangetica,  VI,  10. 

5.  Scottoruni  natio  uxores  proprias  non  habct  ;  nulla  apud  eos  coniux 
propria  est,  sed,  ut  cuique  libitum  fuerit,  pecudum  more  lasciuiunt.  Adiiersiis 
louinianimi,  II,  7    Mignc,  Palrotogia  tatiiia,  t.  25,  col.  296  A. 


iço  //.  d\Arbois  Je  Jiibainville. 

concluait  à  imposer  le  droit  anglais,  c'est-à-dire  la  Englisb  coni- 
iiioii  Lii-w,  a  toute  l'Irlande,  à  introduire  en  Irlande  le  droit  du 
fils  aîné  à  l'exclusion  des  autres  fils  sur  la  totalité  de  la  pro- 
priété immobilière  du  père.  Suivant  ce  magistrat,  les  succes- 
sions étaient  toutes  dévolues  en  Irlande  suivant  les  règles  de  la 
tanistry,  ou  suivant  celles  du  gaveljànd,  c'est-à-dire,  explique- 
t-il,  qu'à  chaque  décès  d'un  membre  d'une  famille,  on  procé- 
dait à  un  partage  par  tète  du  bien  de  l'ancêtre  commun.  Ce 
n'est  pas  le  gavelkind  gallois  et  les  lois  anciennes  d'Irlande 
n'ofïrent,  à  notre  connaissance,  aucun  exemple  de  ce  procédé 
bizarre  qui  doit,  en  Irlande,  avoir  été  exceptionnel. 

Ainsi,  des  trois  systèmes  de  dévolution  dont  parle  M.  Ginnell, 
il  y  en  a  deux  que  les  anciennes  lois  d'Irlande  ignorent,  comme 
elles  ignorent  le  droit  d'aînesse,  ce  sont  le  droit  de  maineté  et 
le  gavelkind,  mais  il  y  en  a  un  que  l'Irlande  paraît  avoir  pra- 
tiqué dès  les  temps  les  plus  anciens,  c'est  la  tanistry  quand  il 
s'agit  des  dignités  considérées  comme  impartageables.  La  prin- 
cipale de  ces  dignités  est  la  royauté. 

Dans  les  textes  que  nous  avons  cités,  il  n'est  question  que 
des  hommes  ^  Des  femmes,  il  n'est  rien  dit.  Les  femmes  pou- 
vaient recevoir  de  leur  père  ou  de  l'héritier  de  leur  père  une 
dot,  mais  elles  n'héritaient  pas.  Parlons  d'abord  de  la  dot.  Elle 
s'appelait  en  irlandais  linol  ;  tinol  c'est  l'apport  de  toute  épouse 
légitime.  L'absence  de  dot  est  une  cause  d'irrégularité  dans 
l'union  2.  Quand  le  mari  était  de  condition  égale  à  celle  de  la 
femme,  le  tiers  de  la  dot  appartenait  à  la  femmes.  Telle  est  la 
règle  posée,  non  par  le  Senchiis  Môr,  mais  par  la  glose  la  plus 
ancienne  du  Seiichus  Môr.  Une  glose  plus  récente  du  même 
traité  supprime  en  partie  la  condition  à  laquelle  cette  première 

1.  Par  exemple:  Lirfine  co  tri  feraib  déc,  «  larfiin'  ou  famille  d'après 
jusqu'à  treize  hommes  »  ;  Indfine  co  secht  firu  dcc,  «  Indjlnc  ou  tamille  de 
la  fin  jusqu'à  dix-sjpt  hommes  ».  Lehar  Aide  dans  Aucieul  Laws  of  Ircland , 

t.  m,  p.  284, 1. 5-7. 

2.  Ben...  cen  tinol,  Sciichns M6r  dans  Auciciit  Laivsof  Ircland,  t.  II,  p.  556, 
1.  7,  9.  Glose:  dia  sétaib  «  de  ses  biens  mobiliers  »,  ibid.,  p.  356,  1.  24. 

3.  Trian  tino[i|l  le  doc|h]um  in  comchinôil  sin,  «  le  tiers  delà  dot  à  elle 
vers  cet  homme  d'égale  condition  ».  Glose  du  Scnchns  Môr  dans  Aitcient 
Laii'S  of  Ireland,  t.  II,  p.  346,  1.  9. 


La  famille  cdîiijue.       -  191 

glose  subordonne  le  droit  du  mari  ;  le  mari,  dit  cette  nouvelle 
glose,  a  les  deux  tiers  de  la  dot  et  la  femme  un  tiers  seule- 
ment, qu'il  y  ait  ou  qu'il  n'y  ait  pas  égalité  de  condition  entre 
les  deux  époux,  à  moins  que  la  femme  ne  soit  de  rang  infé- 
rieur au  rang  du  mari  '.  Mais  cette  attribution  d'une  partie  de 
la  dot  au  mari  semble  être  de  date  relativement  moderne.  Elle 
est  due  à  l'influence  du  droit  romain  qui  donnait  au  mari  la 
jouissance  de  toute  la  dot.  Elle  a  été  introduite  probablement 
par  le  clergé  chrétien.  Dans  un  document  plus  ancien,  le  début 
du  Tàin  hô  Cuailuge,  la  reine  Medb  apparaît  avec  une  lortune 
mobilière  indépendante  de  celle  de  son  mari  et  à  peu  prés  de 
même  valeur  que  celle  de  ce  mari,  le  roi  Ailill-. 

Tinol,  nom  de  la  dot  en  irlandais,  v^eut  dire  primitivement 
«  collecte,  assemblage  ».  En  effet,  la  dot  irlandaise  comprend, 
outre  le  don  fut  à  la  future  épouse  par  le  père  ou  par  l'héritier 
du  père,  les  cadeaux  ofterts  à  cette  future  épouse  par  les  parents 
et  les  amis.  En  droit  gallois,  la  dot  s'appelle  agueddy  ou 
gwaddol,  elle  est  donnée  au  mari  par  le  père  de  la  femme  le 
lendemain  de  la  nuit  des  noces?.  Une  autre  expression  apparaît 
dans  les  textes  juridiques  et  littéraires  gallois,  c'est  argyfreuA, 
paraphernaux,  en  breton  argourou,  d'abord  argohrou  ^  pour  un 
\)X\m\i\ï*are-co-hr-oues  signifiant  «  apport  »  et  où  hr  est  la  forme 
réduite  de  la  racine  bher  •(.  porter  w^.  Jules  César  nous  apprend 
que  l'usage  de  la  dot  existait  en  Gaule  au  i*""  siècle  avant  notre 
ère".  On   le  rencontre  déjà  dans  la  loi  d'Hammourabi,  pro- 


1.  Trian  tinoil  aicce-si  masa  hingcn  ^raidh  Ihcinc  co  mac  graid  (heine,  no 
ingean  graidh  fhlatlia  co  niaGgraidlitlilatha,  no  hingen  graidliflilatba  co  mac 
graidh  fheine,  ocus  dàtrian  tinoil  ac  an  fliir.  «  Le  tiers  de  la  dot  est  à  elle: 
«  1°  si,  étant  roturière,  elle  épouse  un  roturier;  2°  si,  étant  noble,  elle 
«  épouse  un  noble  ;  3°  si,  étant  noble,  elle  épouse  un  roturier;  et  les  deux 
«  tiers  de  la  dot  appartiennent  au  mari.  »  Glose  du  Senchus  Môr  dans  Aiicient 
Laivs  of  Irelaïui,  t.  II,  p.  350,  1.  7-10. 

2.  Vovez  l'analyse  du  Tain  par  M.  Zimmer,  Zeilsclnijl  de  Kuhn,  t. 
XXXVIII,  p.  443-444,  et  la  traduction  abrégée  de  M.  Standish  Hayes 
O'Grady,  chez  Eleanor  Hull,  Tlie  CuchulUn  saga,  p.  114. 

3.  The  Vciiedotian  Code,  dans  Aiicient  Lau'S  and  Instilutes  of  WaJcs,  in-f", 
p.  223,  in-40,  t.  I,  p.  456,  etc. 

4.  Silvan  Evans,  A  Dicliouary  uf  Ihe  wchh  Language,  p.  357. 

5.  Maunoir,  Dicliontiairc  françois-breton-anitorique,  p.  45. 

6.  Victor  Henry,  lexique  étymologique  du  breton  modeiiw,  p.  16. 

7.  Viri  quantas  pecunias  ab  uxoribus  dotis  nominc  acceperunt,  tantas  ex 


ig2  H..d\\rbois  de  Jnbaini'ille. 

nuilguce  à  Bab3'lone  il  y  a  environ  quatre  mille  ans.  On  trouve 
dans  ce  vieux  texte  un  ternie  spécial  pour  la  désigner,  ce  mot 
est  scriiqîn.  ou  sîriktiiK  La  dot  se  montre  aussi  à  nous  chez  les 
Juifs  dans  les  livres  de  Josué,  des  Juges  et  de  Tobie-.  On  la 
rencontre  en  Hongrie  î.  Elle  a  existé  en  général  chez  tous  les 
Indo-Européens,  sauf  chez  les  Arméniens^. 

Les  Grecs  l'ont  appelé  çepvY).  Ce  mot  apparaît  pour  la  pre- 
mière fois  chez  Eschyle,  mort  en  456  ;  on  le  trouve  au  vers  979 
des  Suppliantes,  'l7.ézioz.ç>.  Mais  la  dot  se  rencontre  déjà  sans  le 
mot  5cpvY^  dans  VIliade.  Au  neuvième  chant,  Agamemnon  pro- 
pose de  donner  en  mariage  une  de  ses  trois  filles  au  mécontent 
et  boudeur  Achille.  Pour  sa  fille  il  n'exigera  pas  le  prix  d'achat 
que  l'usage  consacrait  et  qu'on  appelait  en  grec  ïFehx,  de  plus, 
il  lui  donnera  en  mariage  sept  villes;  l'expression  par  laquelle 
il  désigne  cette  dot  est  [xc-lX'.a^,  forme  grecque  du  slavon  ecclé- 
siastique ;////('  «  dot  »  7. 

La  dot  existait  aussi  chez  les  Germains.  Par  dot,  nous  n'en- 
tendons pas  le  don  fait  par  le  mari  à  la  femme,  ce  qu'on  appelle 
en  français  douaire,  en  latin  donaiio  aiitc  nuptias  ou  proptcr 
nuptiûs^  et    qu'abusivement   les   législateurs   du    moyen   âge 


suis  bonis  aestimatione  facta  cum  dotibus  communicant.  De  BeUo  Gaîlico, 
1.  VI,  c.  18,  §  I. 

1.  D.  H.  MùUer  traduit  par  Mitgift  ce  mot  qu'il  écrit  à  V accusâûï  seriigta 
(articles  142,  149,  163,  164,  171,  172,  173,  174,  176),  seriqtam  (articles 
138,  172,  176  rt,  178,  179,  180,  181,  182,  183,  184);  génitif  5cr;7(/// (articles 
162,  163,  164,  167),  seriiqtini.  (article  176).  Kohler  lit  siriklii  et  traduit  chis 
ciiigehvachle  G,ut,  Geschenk  ou  Mitgijt. 

2.  Josué,  XV,  18,  :^;  Juges,  I,  15;  Tobie,  VIII,  24. 

3.  Dareste,  Etudes  d'histoire  du  droit,  p.  258. 

4.  On  l'apprend  par  un  texte  légal  du  bas  empire  romain,  Novelle,  XXI  ; 
cf.  Dareste,  Etudes  d'Ijistoire  du  droit,  p.  121. 

Aavao;  Oïpa;:oviîOa  çlpvrjv. 
«  Ainsi  qu'à  chacune  d'elles  Danaos  assigna  des  femmes  esclaves  en  dot.  » 

6.  Iliade,  IX,  146-157.  Sur  la  dot  en  Grèce,  voyez  R.  Dareste,  La  science 
du  droit  eu  Grèce,  p.  62. 

7.  Curtius-Windisch,  Grund^ucge  der  griecliiscben  Etymologie,  3^  édition, 
p.  329.  Prcllwitz,  Etyniologisches  Woerterhuch  der  griechischen  SpracJ)e,  p.  194. 
Sur  l'obligation  de  doter  les  filles  en  Grèce  et  à  Rome,  voir  B.  W.  Leist, 
Graeco-italisch'  Recbtsgeschicbte,  p.  75;  Dareste,  Les  plaidoyers  civils  de  Deiiios- 
tbène,  t.  I,  p.  xxxii. 

8.  Institutes  de  Justiuieu,  1.  II,  titre  vn,  !i  3  ;  cL  Paul-Frédéric  Girard, 
Manuel  élhtwnt aire  de  droit  romain,  p.  941. 


La  famille  celtique.  193 

désignent  par  le  mot  dos.  Nous  prenons  le  mot  dot  dans  le 
sens  que  les  jurisconsultes  romains  attribuaient  au  mot  dos. 

Chez  Tacite,  dans  sa  Germania,  on  voit  des  armes  apportées 
par  l'épouse  au  mari^  La  loi  des  Alamans  parle  du  droit 
qu'après  la  mort  de  son  mari  la  femme  a  sur  ce  qu'avec  elle- 
même  elle  a,  en  se  mariant,  apporté  de  la  maison  paternelle  2. 
La  loi  des  Bavarois  se  sert  à  peu  près  de  la  même  formule 
pour  exprimer  la  dot  3.  Nous  trouvons  aussi  la  dot  dans  l'ancien 
droit  de  la  Suède  et  de  la  Norvège  4. 

Enfin,  la  dot  nous  apparaît  dans  le  droit  le  plus  ancien  des 
Perses 5  et  des  Slaves^. 

La  dot  en  droit  romain  est  chose  trop  connue  pour  que  nous 
en  parlions  ici  un  peu  longuement^.  Cependant  nous  avons  deux 
observations  à  faire.  La  première  est  que  les  jurisconsultes 
romains  distinguaient  la  dos  profectitia  de  la  dos  adventiîia.  La 
dos  profectitia  était  celle  qui  provenait  des  biens  du  père,  la 
dos  adveniitia  avait  une  autre  origine  quelconque^.  La  seconde 
observation  est  que  les  jurisconsultes  romains  ne  confondaient 
pas  avec  la  dot  les  nuptialia  dona9,  le  nuptiale  munus.  Deux 
jurisconsultes  romains.  Gains  et  Ulpien,  donnent  comme 
exemple  de  nuptiale  munus  le  cadeau  de  noces  fait  par  un  tuteur 
à  la  mère  de  son  pupille  quand,  fatiguée  du  veuvage,  cette  dame 
se  remarie  '°.  Les  Irlandais  confondaient  sous  un  même  nom  la 
dos  profectitia,  la  dos  adventitia  et  les  nuptialia  dona,  ou  nuptialia 


1.  Ipsa  armorum  aliquid  viro  oflfert,  Germania,  c.  18. 

2.  Quicquici  de  sede  paternica  secum  adtulit.  Lex  Atatnannorum,  c.  liv 
(lv).  Monitmenta  Germaniae  Jiistorica,  in-4°,  Leges,  t.  V,  p.  112. 

3.  Quicquid  de  rébus  parentum  ibi  adduxit.  Lex  Bajuvariorum,  7,  14. 

4.  R.  D2irtiSXC,Ètudesd'lnstoiredndroit,p.  287,  288,  324  ;  cf.  Jacob Grimm, 
Deiitsclie  Recljts  qlterllmmr,  2*=  édition,  p.  479. 

5.  Dareste,  Eludes  d'histoire  du  droit,  p.  108. 

6.  Dareste,  Études  d'instoire  du  droit,  p.  168,  189,  190,  238. 

7.  Voir  sur  la  dot  en  droit  romain,  Voigt,  Die  XII  Tafeln,  t.  II,  p.  714- 
720;  Roemische  Retbtsgeschicbte,  t.  II,  p.  555  et  suivantes. 

8.  Ulpien,  livre  XXXI  ad  Sahinum,  fragment  inséré  au  Digeste,  livre  XXIII , 
titre  III,  5.  Cf.  Voigt,  Roemisclie  Rechtsgescliicljte,  t.  II,  p.  554,  note  17; 
P.  F.  Girard,  Manuel  élémentaire  de  droit  romain,  p.  874. 

9.  Cicéron,  Pro  Cluentio,  IX,  28. 

10.  Digeste,  livre  XXVI,  titre  vu,  loi  13,  5  2  ;  1.  XXXVII,  titre  m,  loi  i, 
5  5  ;  cf.  Moritz  Voigt,  Roemisclie  Rechtsgeschichte,  t.  II,  p.  543,  note  62. 

Revue  Cdtiqac,  XXV.  13 


194  W-  cfArbois  de  Jnbainville. 

munera.  De  là,  en  Irlande,  pour  la  dot,  le  nom  de  tinol  «  col- 
lection »,  «  assemblage  »,  expression  qui  comprend  sous  la 
même  dénomination  le  don  du  père  et  les  dons  des  autres 
parents  ou  amis  de  la  future  épouse. 

Dans  le  droit  indo-européen  le  plus  ancien,  la  femme  mariée, 
étant  sortie  de  la  fomille  de  son  pèt;e  pour  entrer  dans  la  famille 
de  son  mari,  perdait  tout  droit  à  la  succession  paternelle  et  la 
femme  non  mariée  ne  pouvait  prétendre  qu'à  une  dot,  ordi- 
nairement mobilière  ^  Cette  législation  s'est  maintenue  en 
Danemark  jusqu'au  xi*"  siècle  -,  en  Suède  jusqu'au  x]ii^3.  De  là 
cette  règle  si  connue  du  droit  des  Francs  saliens  :  «  Que  de  la 
«  terre  salique  aucune  part  héréditaire  n'arrive  à  une  femme  4  »  ; 
et  la  règle  analogue  des  Francs  Ripuaires  :  «  Tant  que,  dans  la  . 
parenté  du  défunt,  il  y  aura  des  hommes,  aucune  femme  ne 
pourra  hériter  de  la  terre  que  le  défunt  a  lui-même  héritée  de 
ses  aïeux  5. 

La  loi  babylonienne  d'Hammourabi  exclut  également,  en 
principe,  de  la  succession  paternelle,  la  fille  dotée,  Aplu,  «  part 
dans  la  succession  du  père  »^,  c'est  dans  cette  loi  une  part  de 
fils7,Dans  les  articles  de  ce  monument  législatif  où  les  héritiers 
du  père  sont  désignés  par  leur  titre  à  la  succession,  on  voit 
partout  apparaître  le  fils,  ma  ni,  les  fils,  mâré,  nulle  part,  sauf 


1.  Voir  là-dessus  Suniner  Maine,  Études  sur  l'ancien  droit  et  h  coutume 
primitive,  traduction  française,  p.  I2i  et  suivantes. 

2.  J.  Grimm,  Deutsche  Rechts-alterthiïmer,  2^  édition,  p.  407. 

3.  J.  Grimm,  ibidem;  R.  Dareste,  Études  d'histoire  du  droit,  p.  287. 

4.  Dans  la  J.ex  cmendata,  LXII,  6,  on  lit  :  De  terra  vero  salica  nulla  portio 
hereditatis  mulieri  veniat,  sed  ad  virilem  sexum  tota  terrae  hcreditas  perve- 
niat.  Les  codices,  7,  8,  9,  10,  offrent  la  même  doctrine  en  des  termes  légè- 
rement différents.  Mais  les  codices,  i,  2,  3,  4,  5  et  6  n'excluent  les  filles 
que  s'il  y  a  des  fils.  Lex  Salica,  édition  Hcssels  et  Kern,  col.  379-587. 

5.  Cuni  virilis  sexus  extiterit,  femina  in  hereditatem  aviaticam  non  suc- 
cédât. 

6.  Articles  137,  172,  178,  180,  182. 

7.  Le  P.  Scheil,  grande  édition,  p.  68,  traduit  «  part  de  fils  »  ;  aux  pages 
88,  89,  90,  il  a  écrit  moins  exactement  «  part  d'enfant  ».  MM  Kohler  et 
Peiser  traduisent,  art.  137  et  172  et  «  einen  Teil  wie  einem  Sohn  »  ;  art. 
178,  «  Sohnschaft  »  ;  art.  180,  «  einen  Anteil  wie  ein  Sohn  »;  enfin  à 
l'art.  182,  ils  substituent  Kiud  à  Sohn.  M.  MùUer  a  écrit,  art.  137,  a  einen 
Anteil  wie  den  cines  Sohn  »  ;  art.  172,  «  einen  Teil  »  seulement,  mais  art. 
178,  182,  «  Kindes  anteil  »  ;  art.  180,  «  einen  anteil  wie  cin  Kind  erhâlt  ». 
Il  ne  faut  voir  qu'un  défaut  de  précision  dans  l'emploi  de  Kind  pour  Sohn, 


La  famille  celtique.  195 

une  exception  dont  nous  parlerons  pins  bas,  la  iîlle,  inârat, 
n'est  mentionnée.  L'article  165  prévoit  le  cas  où  le  père  a  fait 
une  donation  à  son  fils  préféré  ;  ce  fils  garde  ce  que  son  père 
lui  a  donné,  les  frères  partagent  le  reste  du  bien  qu'avait  le 
père;  de  leurs  sœurs  il  n'est  pas  question.  Dans  l'article  167 
il  est  parlé  d'un  homme  qui  a  eu  successivement  deux  femmes 
et  des  fils  de  chacune  d'elles.  L'apport  de  chacune  des  mères 
appartient  à  ses  fils,  mais  le  bien  du  père  se  partage  entre  tous 
les  fils  sans  distinction  entre  ceux  du  premier  lit  et  ceux  du 
second;  des  filles,  pas  un  mot. 

A  la  fille  non  mariée  que  le  père  n'a  pas  dotée,  la  loi  d'Ham- 
mourabi  donne  seulement  droit  à  une  dot  viagère,  cette  dot 
est  égale  aux  parts  de  ses  frères  et  leur  revient  quand  elle  meurt 
(art.  180).  Cette  règle  ne  s'applique  pas  aux  filles  consacrées 
au  service  des  temples,  soit  comme  vierges,  soit  comme  pros- 
tituées, et  que  leurs  pères  n'ont  pas  dotées;  ces  deux  catégo- 
ries de  filles  ont  seulement  à  titre  viager  le  tiers  de  la  part 
qu'elles  obtiendraient  si  elles  étaient  d'un  autre  sexe  (art.  181). 
Toutefois  les  prêtresses  de  Marduk  ont  un  privilège,  c'est  de 
pouvoir,  par  testament,  disposer  de  la  part  d'héritage  qu'elles 
ont  obtenue  après  la  mort  de  leur  père  quand,  avant  de  mourir, 
leur  père  ne  les  avait  pas  dotées  (art.   182). 

On  trouve  ailleurs  d'autres  modifications  au  droit  primitif. 
Une  de  ces  modifications  est  le  droit  pour  les  tilles  d'hériter  à 
défluit  de  fils.  Il  fut  introduit  chez  les  Francs  par  un  édit  de 
Chilpéric  I",  roi  de  Soissons,  561-584^  On  le  rencontre  dans 
la  législation-  mosaïque 2,  en  Chine 3,  en  Pologne4,  chez  les 
Slaves  du  Sud 5,  chez  les  Russes^,  chez  les  Tchèques 7,  dans 
les  pays  Scandinaves^,  enfin,   dans  la  législation    d'Athènes, 


1.  Edichim  doinni  Chilperki  régis,  §  5,  chez  Boretius,  Capitularia  regiim 
Franconuii,  tome  I^"",  p.  8. 

2.  Nombres,  c.  xxvii,  verset  7  ;  c(.  R.  13areste,  Etudes  d'histoire  du  drcit, 
p.  26. 

3.  R.  Dareste,  Nouvelles  études  d'histoire  du  droit,  p.  297. 
.1     R.  Dareste,  Etudes  d'histoire  du  droit,  p.  198. 

j.   R.  Dareste,  Études  d'histoire  du  droit,  p.  227. 

6.  R.  Dareste,  Études  d'Insloire  du  droit,  p.  217-220. 

7.  R.  Dareste,  Études  d'histoire  du  droit,  p.  168. 

8.  R.  Dareste,  Études  d'histoire  du  droit,  p.  288. 


I  C)6  H.  d* Artois  de  Juhainvillc. 

sauf  une  réserve  :  la  fille  d'un  Athénien  mort  intestat  héritait 
quand  elle  n'avait  pas  de  frère,  mais  c'était  à  condition  d'épouser 
un  parent  de  son  père;  encore  n'avait-elle  pas  le  choix,  elle 
devait  épouser  parmi  ces  parents  le  plus  proche  de  ceux  qui 
voulaient  bien  la  prendre  pour  femme.  En  cas  de  doute,  un 
jugement  décidait  quel  devait  être  l'époux  ^  On  trouve  le  même 
droit  chez  les  Ossètes,  peuple  iranien  du  Caucase^.  Chez  les 
Juifs,  il  était  prescrit  aux  femmes  de  se  marier  dans  leur  tribu  3, 

Dans  la  législation  la  plus  ancienne  de  la  partie  méridionale 
du  pays  de  Galles,  la  fille  héritait  à  défaut  de  fils,  et  cela  sans 
que  la  loi  lui  imposât  l'obligation  d'épouser  un  parent  •+. 

Le  droit  de  la  fille  à  défaut  de  fils  dans  la  partie  méridionale 
du  pays  de  Galles  paraît  avoir  existé  en  Grande-Bretagne  au 
I"  siècle  de  notre  ère.  Prasutagus,  roi  des  Iceni,  n'avait  évi- 
demment pas  de  fils  quand,  vers  l'an  60  de  notre  ère,  craignant 
l'ambition  des  Romains  et  voulant  assurer  une  part  d'héritage 
à  ses  filles,  il  fit  un  testament  où  il  les  instituait  héritières  en 
leur  donnant  pour  cohéritier  l'empereur  Néron 5.  Les  Iceni, 
sujets  de  Prasutagus,  habitaient  dans  la  partie  Sud-Est  de  la 
Grande-Bretagne.  Leur  principale  ville.  Venta  Icenornm,  était 
située  non  loin  de  Norwich,  dans  le  comté  de  Norfolk. 

Au  même  moment,  plus  au  Nord,  chez  les  Brigantes,  dont 
une  des  villes  était  Elmracum,  York,  régnait  une  femme,  Car- 
timandua,  qui,  mécontente  de  son  mari,  épousa  l'écuyer  de 


1.  La  fille  héritière  de  son  père  s'appelait,  chez  les  Athéniens,  IrJv/Xripoi. 
Voir  sur  ce  point  les  textes  réunis  par  Samuel  Petit,  Legcs  Alticae,  p.  441  et 
suivantes.  Cf.  R.  Da.rest.e,  Nouvelles  études  d'histoire  du  droit,  p.  21  ;  Les  plaidoyers 
civils  de  Démos thène,  t.  I.  p.  xxxi,  xxxii.  Par  testament,  le  père  qui  n'avait 
pas  de  fils  pouvait  léguer  ses  filles  avec  ses  biens  aux  époux  que  par  ce  tes- 
tament il  leur  choisissait.  Plaidoyer  d'Isée  sur  la  succession  de  Pyrrhos, 
§  68.  Didot,  Or  at  or  es  attici,  t.  I,  p.  258,  1.   58-43. 

2.  R.  Dareste,  Études  d  histoire  du  droit,  p.  145. 

3.  Nombres,  c.  xxxvi,  v.  8. 

4.  Onnybyd  y  berchennawc  tir  etiued  arall  namyn  merch,  y  verch  a-vyd 
etiued  or  îioll  tir.  «  Si  le  propriétaire  d'une  terre  n'a  pas  d'autre  héritier 
qu'une  fille,  la  fille  sera  héritière  de  toute  la  terre.  »  The  Diiiictian  Code, 
livre  II,  chap.  xxiii,  article  7  ;  Ancie)it  Laws  ami  Institules  of  Wales,  in-f", 
p.  267;  cf.  F.  Walter,  Das  aile  Wales,  p.  437. 

5.  Tacite,  Annales,  livre  XIV,  c.  31  ;  cf.  l'article  de  M.  Henze  sur  Bou- 
diccn,  d.ins  l'aiih's  Real-encYclopaedie,  cdittion  Wissow.i,  5^'  demi-volume, 
col.  796-797. 


La  famille  celtique.  \c)j 

ce  mari.  Elle  était  déjà  sur  le  trône  en  51,  elle  y  resta  jusqu'en 
69'. 

Dans  le  vieux  droit  de  la  région  septentrionale  du  pays  de 
Galles,  contrairement  au  droit  de  la  région  méridionale,  la 
préférence  archaïque  pour  les  mâles  persiste,  sauf  une  réserve. 
En  principe,  les  femmes  ne  peuvent  hériter  parce  que,  si  une 
femme  héritait,  il  y  aurait  deux  patrimoines  réunis  dans  la 
même  main,  celui  du  père  du  mari  et  celui  du  père  de  la  femme. 
Ce  danger  disparaît  quand  le  père  et  les  frères  de  la  femme  lui 
font  épouser  un  étranger;  car  celui-ci  n'a  pas  de  patrimoine, 
et  le  consentement  de  la  famille  au  mariage,  sans  donner  à  la 
femme  droit  à  l'héritage  de  son  père,  donne  aux  fils  de  la  femme 
droit  à  l'héritage  de  leur  aïeul  -.  C'est  un  système  opposé  à  celui 
des  Athéniens  et  des  Ossètes,  chez  lesquels  la  fille,  qui  n'a  pas 
de  frère,  ne  peut  hériter  qu'en  épousant  un  parent.  L'idée  gal- 
loise est  que  l'étranger,  entrant  dans  la  famille,  lui  apporte  une 
force  et  que  le  neveu,  fils  de  l'étranger,  deviendra  le  continua- 
teur de  l'aïeul,  sera  en  quelque  sorte  le  fils  de  l'aïeul. 

Cette  idée  apparaît  dans  la  législation  la  plus  ancienne  de 
l'Inde;  suivant  cette  législation,  «  la  fille  ne  succède  pas,  mais 
«  le  fils  de  la  fille  succède,  et  même  succède  comme  fils  si  le 
«  père,  en  donnant  sa  fille  en  mariage,  s'est  expressément 
«  réservé    le    fils    à    naître >     ».    Chez  les    Ossètes,    peuple 

1.  Tacite,  Annales,  livre  XII,  c.  56,  40;  Histoires,  livre  III,  c.  4$  ;  cf. 
Stein,  Paiilys  Real-encyclopaedie,  éd.  Wissowa,  6^  demi-volume,  col.  1627. 

2.  Herwyd  gwyr  Gwyned  ny  dyly  gwreic  caffel  trew  tat,  cany  dyly  deu 
ureynt  or  un  llau...  Na  dyly  meybyon  un  wreic  trew  tat  o  uamwys  namyn 
meybyon  un  wreic,  sew  vu  honno  gwreyc  a  rodho  y  that  ay  brodyr  y  all- 
dut.  The  Venedotian  Code,  livre  II,  chap.  xv,  art.  i  et  2.  Ancient  Lau's  and 
Institiites  of  IVales,  in-fo,  p.  84-85. 

Oderwyt  roy  Camaraes  y  alldut,  a  bot  plant  meybyon  uthunt,  e  plant  a- 
dcle  tref  tat  o  uamuys,  evthirna  deleant  ran  or  tetyn  breynyaul  hyd  e  tredet 
dyn,  eythyr  mab  alldut  o  pennaet.  «  Si  une  Galloise  est  donnée  en  mariage 
«  à  un  étranger  et  s'ils  donnent  le  jour  à  des  fils,  leurs  fils  ont,  du  chef  de 
«  leur  mère,  droit  à  la  propriété  de  son  père,  mais  ils  n'ont  pas  droit  à  une 
<c  part  du  bien  principal  jusqu'à  la  troisième  génération,  à  moins  que  l'étran- 
«  ger,  leur  père,  ne  soit  fils  d'un  chef.  »  The  Venedotian  Code,  1.  II,  c.  i, 
article  59;  Ancient  Laïcs  and  Institiites  of  IVales,  io-fo,  p.  46.  Si  mulier  indi- 
gena  detur  exuli,  filii  ejus  partem  hereditatis  habebunt  praeter  sedem  prin- 
cipalem.  Leges  IVallicae,  livre  II,  chap.  xr,  art.  32;  Ancient  Laxus  and  Insti- 
tiites of  IVales,  in-f°,  p.  790. 

3.  R.  Dareste,  Etudes  d'histoire  du  droit,  p.  74. 


ic)8  H.  iVArhois  de  Jnbainvilk. 

iranien  du  Ciuicase,  l'adopté  est  généralement  le  fils  de  la 
sœur  ^ 

A  Rome,  Jules  César  n'ayant  pas  d'enfiints,  au  moins  pas 
d'enfants  légitimes,  adopta  le  petit-fils  de  sa  plus  jeune  sœur. 
Julia,  la  seconde  des  deux  sœurs  de  C.  Julius  Caesar,  avait 
épousé  M.  Atius  Balbus.  De  ce  mariage  naquit  Atia  qui  épousa 
C.  Octavius.  C.  Octavius  et  Atia  eurent  un  fils,  nommé, 
comme  son  père,  C.  Octavius.  C.  Julius  Caesar  l'adopta  et, 
après  cette  adoption,  ce  jeune  C.  Octavius  s'appela  C.  Julius 
Caesar  Octavianus  ;  il  reçut  plus  tard  le  surnom  à'Augiistiis, 
c'est  l'empereur  Auguste-.  Tous  ces  faits  s'expliquent  par  l'in- 
fluence naturelle  des  filles  sur  ks  pères,  des  sœurs  sur  les  frères, 
des  nièces  sur  les  oncles.  Leur  pouvoir  est  analogue  à  celui 
des  femmes  sur  les  maris,  dont  il  existe  dans  cet  ordre  d'idées 
un  exemple  célèbre:  l'adoption  de  Tiberius  Claudius,  l'empe- 
reur Tibère,  par  Auguste,  a  été  l'œuvre  de  la  femme  d'Auguste, 
Livia,  qui  avait  eu  Tibère  d'un  premier  mari.  Il  n'y  a  pas  lieu 
de  chercher  l'oriçjine  de  ces  faits  dans  un  matriarchat  légendaire 
dont  l'existence  préhistorique  est  encore  à  démontrer. 

On  trouve  en  Irlande,  comme  dans  l'Inde,  comme  chez  les 
Ossètes,  comme  dans  la  région  septentrionale  du  pays  de 
Galles,  une  faveur  spéciale  accordée  au  fils  de  la  fille  ou  de  la 
sœur.  Le  droit  d'hériter  accordé  à  ce  fils  quand  il  est  né  d'un 
père  étranger  est  un  privilège  inscrit  dans  la  loi  et  non  un  acte 
isolé  tel  que  l'adoption  de  C.  Octavius  par  Jules  César. 

Le  Sciicbus  Mbr  met  dans  la  liste  des  saisies  qui  comportent 
un  délai  de  dix  jours  celle  qui  a  pour  objet  le  partage  de  la 
succession  immobilière  laissée  par  le  fils  d'un  neveu,  fils  lui- 
même  d'une  sœur  3. 

Ce  partage  n'apparaît  pas  dans  la  partie  la  plus  ancienne  du 
Scnchiis  Môr,  celle  qui  concerne  la  saisie  immédiate.  Il  y  a  deux 
sortes  de  saisie,  l'une,  la  plus  récente,  est  précédée  d'un  comman- 


1.  R.  DAYQSle,  Éhuli's  d'histoire  du  droil,  p.   145. 

2.  De  Vit,  Totiiis  Latinitatis  Onoiiiaslicon,  t.  III,  p.  645,  655  ;  Paiilys 
Real-encyclopacdie,  édition  Wissowa,  4<^  demi- volume,  col.  2253,  2570. 

3.  Im  orba  mie  niath  do  comruind,  Aiicieiil  Latvs  of  Ireland,  t.  I,  p.  202, 
1.  3-4;  p.  206,  1.  16:  Niath,  génhU  àcnia,  est  glosé  par  mac  selhar  «  tils  de 
sœur  »,  même  volume,  p.  206,  1.  16. 


La  famille  celtique.  199 

dément  et  à  la  suite  de  ce  commandement  se  place  avant  la 
saisie  un  délai  égal  à  la  durée  du  séjour  en  fourrière  qui  suit 
la  saisie  ^  Dans  l'autre  sorte  de  saisie,  qui  est  la  plus  ancienne, 
il  n'y  a  pas  de  délai  entre  le  commandement  et  la  saisie.  A  la 
saisie  immédiate  sont  consacrées  les  pages  214-250  du  tomeP"" 
des  Ancient  Laïus  of  Irelatid;  il  n'y  est  pas  dit  un  mot  de  pro- 
priété appartenant  à  des  femmes. 

Deux  fois  il  y  est  question  de  succession  ;  dans  un  cas  c'est  la 
succession  d'un  père*,  dans  l'autre,  c'est  la  succession  d'un 
homme  mort  5.  La  succession  de  la  mère  et  les  immeubles  pos- 
sédés par  les  femmes  apparaissent  au  traité  de  la  saisie  avec  délai •^. 

Ce  traité  est  postérieur  à  l'année  500  ou  environ,  date  de 
l'établissement  des  Irlandais  en  Ecosse,  car  la  coutume  intro- 
duite en  Ecosse  par  les  Irlandais  et  qui  a  survécu  dans  les 
Highlands  refusait  aux  femmes  tout  droit  de  succession  5. 

En  Irlande,  les  filles  héritaient-elles  seulement  à  défaut  de 
fils  ?  Si  nous  consultons  la  collection  canonique  irlandaise,  qui 
date  de  l'an  700  environ  après  J.-C,  il  semble  évident  qu'ab 
intestat  à  cette  date,  les  filles  héritaient  à  défaut  de  fils  ou,  si 
l'on  veut,  les  sœurs  à  défaut  de  frères^,  ainsi  que  l'avait  décidé 
chez  les  Francs  l'édit  de  Chilpéric  l",  560-584  ;  mais  aussi  vers 
l'an  700,  en  Irlande,  il  était  recommandé  par  un  texte  ecclé- 
siastique aux  pères  qui  avaient  des  fils  et  des  filles  d'assurer  par 
testament  une  part  de  leur  succession  à  leurs  filles  7.  C'est  ainsi 

1.  Ancient  Laïus  of  Ireland,  t.  I,  p.  120-207. 

2.  Athgabail  comorba  conrandat  curuan-athiir.  «Saisie  pratiquée  contre 
des  cohéritiers  afin  qu'ils  partagent  les  contrats  de  leur  père.  »  Ancient  Laïus 
of  Ireli-md,  t.  I,  p.  216,  1.  3  ;  p.  226,  1.  12. 

3.  Im  thobacli  do  comorba  fir  mairb,  «  pour  saisie  contre  héritier  d'un 
homme  mort,  »  Ancient  Laïus  of  Ireland,  t.  I,  p.  256,  1.  24-25. 

4.  Par  exemple  :  comorbus  a  mathar,  «  héritage  de  sa  mère  »  ;  bantellach, 
«  prise  de  possession  d'immeuble  par  femme  ».  Ancùnt  Laws  of  Ireland, 
t.  I,  p.  147,  1.  31,  32  ;  p.  148,  1.  I. 

5.  William  F.  Skene,  The  Highlanders  of  Scqtland,  2"=  édition,  p.  106.  Sur 
la  date  de  l'établissement  des  Irlandais  en  Ecosse,  voyez  les  Annales  de 
Tigernach  éditées  par  Withley  Stokes,  Revue  Celtique,  t.  XVII,  p.  124. 

6.  Die  Irische  Kanonen-sanimluncr,  [.  XXXII,  c.  19,  2^  édition  de  Was- 
serschleben,  p.  115.  On  y  trouve  donnée,  d'après  saint  Jérôme,  la  repro- 
duction de  la  loi  judaïque,  Nombres,  chap.  xxvii,  versets  1-9,  qui  attribue 
à  la  fille  la  succession  du  père  mort  sans  laisser  de  fils. 

7.  De  eo  quod  dare  débet  pater  hereJitatem  filiae  inter  fratres  suos.  Die 
irische  Kanonen-sanirnlung,  t.  X\X.ll,  titre  du  chapitre  17,  p.  115. 


200  H.  iV Artois  de  Jubainville. 

qu'en  France  déjà,  au  vii'=  siècle,  nous  voyons  dans  une  for- 
mule de  Marculfe  un  père,  violant  la  loi  des  Francs  Saliens, 
décider  que  sa  fille  aura  dans  l'héritage,  venant  de  son  père  à 
lui,  in  alode  paterna,  une  part  égale  à  celle  de  ses  fils  à  lui,  de 
ses  fi"ères  à  elle^  Dans  une  autre  formule  de  Marculfe,  le  père 
appelle  à  sa  succession,  non  pas  sa  fille,  alors  défunte,  mais 
les  fils  de  sa  fille,  en  concurrence  avec  leurs  oncles,  ses  fils  à 
lui^ 

Il  semble,  avons-nous  dit,  que  le  testament  a  été  aussi  en 
Irlande  la  forme  adoptée  par  les  pères  pour  faire  arriver  au 
nombre  de  leurs  héritiers  les  fils  de  leurs  filles.  Cela  résulte  des 
termes  dont  s'est  servi  la  collection  canonique  irlandaise  citée 
plus  haut.  Cette  doctrine  est  confirmée  par  une  expression 
consacrée  dans  les  vieux  textes  juridiques  irlandais.  La  suc- 
cession que  la  fille  a  eue  de  son  père  est  appelée  héritage  de 
main  et  de  cuisse,  orba  cruih  ocus  sliasta^,  moins  exactement 
héritage  de  main  ou  de  cuisse,  orba  cruih  no  sliasiii'^. 

Cette  expression  est  empruntée  à  la  Genèse  où  l'engagement 
contracté  par  le  mandataire  chargé  d'exécuter  les  dernières 
volontés  d'un  mourant  n'est  pas  seulement  contracté  verbale- 
ment avec  serment,  mais  est  accompagné  d'un  geste  symbo- 
lique qui  consiste  à  mettre  la  main  sous  la  cuisse  du  testateur. 
Pone  manum  iuam  sub  femore  meo,  dit  au  moment  de  mourir 
Jacob  à  son  fils  Joseph,  qu'il  institue  son  exécuteur  testamen- 
taire5.  C'est  l'équivalent  judaïque  du  itsid.vc\Qn\.  per  aes  et  libram 
du  droit  romain^.  Les  Irlandais  paraissent  avoir  emprunté  ce 
geste  symbolique  à  la  Bible  sous  l'influence  du  clergé  chrétien. 

Dans  l'usage  hébraïque  de  mettre  la  main  sous  la  cuisse  du 
mandant,  comme  dans  l'usage  romain  de  peser  l'airain,  aes, 

1.  Marculfe,  1.  II,  c.  12.  Rozière,  Recueil  général  des  forviules,  t.  I,  p.  174. 
Zeumer,  Formulae  meroiviiigici  et  karolini  aevi,  p.  83. 

2.  Marculfe,  1.  II,  c.  10  ;  Rozière,  ibidem,  p.  168.  Zeumer,  ibidem,  p.  81- 
82. 

3.  Ancient  Laws  of  Irctand,  t.  IV,  p.  46,  1.  4. 

4.  Ancient  Laws  of  Ireland,  t.  I,  p.  148,  1.  5  ;  t.  III,  p.  48,  1.  i  ;  t.  IV, 
p.  14,  1.  26  ;  p.  44,  1.  14. 

5.  Genèse,  XLVII,  29.  La  même  formule  accompagne  l'engagement  d'un 
simple  mandataire,  Genèse,  XXIV,  2,  q. 

6.  Moritz  Voigt,  Rômische  Rechtsgeschichte,  t.  I,  p.  74-83  ;  Paul  Frédéric 
Girard,  Manuel  élémentaire  de  droit  romain,  2'^  édition,  p.  43. 


La  famille  celtique.  201 

sur  la  balance,  libra,  il  y  a  un  geste  symbolique  perceptible  aux 
yeux,  geste  qu'une  civilisation  plus  avancée,  par  exemple  celle 
de  Babylone  au  temps  d'Hammourabi,  a  remplacé  par  un  acte 
écrite 

En  Irlande,  la  propriété  que  la  fille  devait  au  testament  de 
son  père  n'était  pas  transmissible  indéfiniment  par  elle  à  ses 
héritiers:  «  Propriété  de  femme  revient,  »  ban-adba  taisic^, 
est  un  principe  de  droit  irlandais.  La  fille,  légataire  du  père, 
héritière  par  testament  si  l'on  veut,  devait  fournir  caution  de 
la  restitution  future  aux  parents  de  son  père  par  les  hommes 
—  aux  agnats  de  son  père,  —  comme  on  dit  en  droit  romain  5. 
Quand  cette  restitution  devait-elle  avoir  lieu  ?  Suivant  le  traité 
de  droit  irlandais  intitulé  :  «  Des  divisions  de  la  race  dans  la 
tribu,  »  De  fodlaib  cinéoil  tûaithi,  si  la  fille  héritière  a  épousé 
un  étranger  venu  de  Grande-Bretagne  ou,  suivant  la  glose,  un 
étranger  quelconque  arrivé  par  mer,  le  fils  né  de  ce  mariage 4 
a  droit  à  part  de  neveu,  fils  de  sœur  5.  Qu'est-ce  que  la  part  de 
neveu,  fils  de  sœur  ?  La  glose  nous  répond  :  «  La  valeur  d'une 
femme  esclave^.  »  Quand  il  meurt,  que  devient  cette  petite 
part  qu'il  a  reçue  ?  Elle  passe  à  son  fils;  quand  ce  fils  disparaît 
à  son  tour,  elle  retourne  aux  parents  de  la  grand'  mère  de  ce  fils 
et  ceux-ci  se  la  partagent,  voilà  ce  qu'on  lit  dans  le  Senchiis 
Môri.  Cf.  p.  195  les  art.  180  et  181  de  la  loi  d'Hammourabi. 

1.  Loi  d'Hammourabi,  articles  178,  179,  182,  183;  cf.  128. 

2.  Din  tcchtugad,  «  De  prise  de  possession,  »  Ancient  Laws  of  Ircland, 
t.  IV,  p.  16,  1.  24;  p.  18,  1.  12. 

5.  Ro-bui  trebuiri  fri  aisec  «  Il  y  a  eu  cautions  de  restitution  »,  Dm 
techlugiuî,  dans  Anc'unt  Laws  of  Irelaml,  t.  IV,  p.  18,  1.  15-16.  Ce  texte  est 
d'accord  avec  le  droit  canonique  irlandais  :  ferainae  heredes  dent  ratas  et  sti- 
pulationes  ne  Iransferatur  hereditas  ad  alienos.  Collection  canonique  irlan- 
daise, 1.  XXXII,  c.  20;  2=  édition  de  Wasscrschlebcn,  p.  116. 

4.  Mac  murcuirthe,  Ancient  Laws  of  Ireland,  t.  IV,  p.  190,  1.  6. 

5.  Mac  mnâ  di-t-fine  beres  do  Albanach,  ni  gaib  saide  acht  orba  niad, 
Ancient  Laws  of  Ireland,  t.  IV,  p.  284,  1.  19,  20. 

6.  Orba  niad  .i.  fearand  gormeic  .i.  meic  seathar  .i.  16g  cumaile,  «  héri- 
tage de  neveu,  fils  de  sœur,  c'est-à-dire  terre  de  fils  adoptif,  c'est-à-dire  de 
fils  de  sœur,  c'est-à-dire  prix  de  femme  esclave.  »  Ancient  Imws  of  Ireland, 
t.  IV,  p.  290,  1.  7,  8.  La  femme  esclave  dont  il  s'agit  semble  être  la  cuinal 
senorba  dont  il  est  question  dans  Ancient  Laivs  of  Ireland,  t.  I,  p.  206,  1.  20, 
et  dans  plusieurs  autres  endroits. 

7.  Im  orba  mie  niad  do  comruind,  Ancient  Laws  of  Ireland,  t.  I,  p.  202, 
1.  3,  4.  La  glose,  p.  206,  1.  16,  explique  niad  par  mac  sethar,  gormac. 


202  H.  d'Arbois  de  JuhainviUe. 

Un  texte  législatif  irlandais  plus  récent  traite  plus  favorable- 
ment les  neveux  fils  de  sœur.  Quand  leur  père  est  un  étranger, 
et  que  leur  mère  a  testé  en  leur  fliveur,  ce  texte  leur  attribue 
la  moitié  du  bien  donné  à  leur  mère  par  son  père  ^ 

La  glose  de  ce  traité  dont  le  titre  est  Din  techtugad  «  De  la 
prise  de  possession  »  fait  encore  plus  d'avantages  aux  fils  de 
fille,  elle  leur  attribue,  quand  leur  père  est  un  étranger,  toute 
la  propriété  laissée  à  leur  mère  par  son  père,  leur  grand-père 
maternel,  mais  elley  met  la  condition  de  remplir  les  obligations 
que  la  parenté  impose  envers  la  famille:  concours  au  paiement 
de  la  composition  pour  crime,  participation  aux  guerres  privées 
que  fait  la  famille.  Si  leur  père  est  un  citoyen  irlandais,  ils 
hériteront  des  deux  tiers  à  condition  que  leur  mère  ait  été 
épouse  légitime,  de  moitié  seulement  dans  le  cas  où  leur  mère 
aurait  été  concubine-. 

Les  filles  sont  traitées  comme  des  fils  quand  il  n'y  a  pas  de 
fils.  En  ce  cas,  elles  héritent  de  la  totalité  du  bien  donné  par 
leur  grand-père  à  leur  mère,  mais  c'est  à  charge  de  faire  le 
service  de  guerre,  quand  Tintérét  de  la  fiunille  l'exige  ;  si  elles 
ne  s'engagent  pas  à  foire  le  service  de  guerre,  elles  n'héritent 
que  de  moitié  '. 

I.  Horba  mâthar  murchurthe  (et  non  muncoirched),  a  mie  6  flaithaib  a 
ardtimna.  Do-aisic  a  leath  imurro  dochum  fine  fir  gria[i]n,  a  leath  anaill  a 
fi'r-brethaib  sil  a  feola  fodlaigtt.ar.  «  Héritage  de  mère  [femme  de]  naufragé 
[prennent]  ses  fils  par  la  noblesse  de  son  haut  testament.  Toutefois,  moitié 
retourne  à  la  famille  de  l'homme  de  la  terre  (c'est-à-dire  de  leur  grand-père 
maternel),  l'autre  moitié  seulement  est  partagée  par  justes  jugements  entre 
ses  descendants.  »  Diii  techtugad,  «  De  prise  de  possession,  »  Aiiciciit  Laivs 
of  Irelaiid,  t.  IV,  p.  44,  1.  5-8. 

2  Mad  orba  cruib  no  sliasta  no  dilsigthi  d'athair  di-a  ingin  ar  duthracht, 
is  diles  o  fine  do  macaib  deoraid  ocus  murcairthi,  cein  bciti  oc  fognam  de 
co  a  n-dibad,  no  a  deirge  ô  fine.  Mad  mac  imurro  berus  cétmuindtir  do 
urradh,  is  dilus  dâ  trian  na  n-orba-sa  dô,  ûair  berait  niic  na  n-urrad  cinaid  ; 
mad  mac  imurro  adaltraigi,  is  leth  na  n-orba-sa  dô.  «  Si  l'héritage  est  de 
«  main  ou  de  cuisse,  c'est-à-dire  a  été  donné  par  le  père  à  sa  fille  à  cause 
«  d'affection,  il  est  abandonné  par  la  fiimille  aux  fils  de  l'étranger  ou  du 
«  naufragé  tant  qu'ils  feront  le  service  obligatoire  jusqu'à  leur  mort  ou  leur 
«  sortie  de  la  fiunille.  S'il  s'agit  du  fils  qu'une  épouse  légitime  a  donné  à 
«  un  citoyen  irlandais,  ce  fils  a  deux  tiers  dei  héritages  dont  il  est  question, 
«  car  les  fils  des  citoyens  supportent  la  responsabilité  des  crimes.  Mais  le 
«  fils  d'une  concubine  a  seulement  un  tiers.  »  Din  techtugad.  «  De  prise  de 
possession.  »  Ancient  Laïus  of  Ireland,  t.  IV,  p.  44,  1.  14-19. 

3.   Orba  cruib  (cnùd  est  une  faute  d'unpression)  ocus  sliasta  na  nii*har-sunn, 


La  famille  celtitjue.  205 

L'obligiition  du  service  de  guerre  imposée  h  certaines  femmes 
explique  le  texte  et  une  glose  du  martyrologe  d'Oengus  publiés 
par  M.  Whitley  Stokcs.  Oengus  avait  inséré  dans  son  marty- 
rologe une  strophe  qu'on  peut  traduire  ainsi  : 

A  l'abbé  Adamnan  d'Iova, 
donl  la  troupe  monastique  est  si  brillante, 

le  noble  Jésus  accorda 
l'affranchissement  perpétuel  des  femmes  d'Irlande  '. 

Voici  ce  que  raconte  la  glose  : 

Un  jour,  Adamnan  traversait  en  Irlande  là  plaine  de  Mag 
Breg.  Bon  fils,  il  portait  sur  son  dos  Ronait,  sa  vieille  mère. 
Or,  tous  deux  aperçurent  dans  la  plaine  deux  troupes  armées 
qui  se  livraient  bataille.  Dans  une  de  ces  troupes  était  une 
femme  armée  d'une  faucille  de  fer;  elle  avait  en  face  d'elle  une 
autre  femme  qui  faisait  partie  de  la  troupe  ennemie,  et,  de  sa 
fliucille,  elle  avait  percé  la  mamelle  de  cette  adversaire.  Ronait 
s'assit  par  terre  et  adressa  la  parole  h.  son  fils  :  «  Tu  ne  m'em- 
«  porteras  pas  d'ici,  »  dit-elle,  «  tant  que  tu  ne  m'auras  pas 
«  promis  de  faire  en  sorte  que  les  femmes  d'Irlande  soient  à 
«  jamais  délivrées  de  l'obligation  du  service  de  guerre.  »  Peu 
après  eut  lieu  une  grande  assemblée  des  Irlandais  où  Adamnan 
obtint  ce  que  sa  mère  demandait,  et  même  davantage  :  défense 
de  tuer,  non  seulement  les  femmes,  mais  aussi  les  enfants-. 
On  appela  cette  disposition  législative  «  Loi  des  innocents  », 
Lex  iiniocL'iitiiiiii.  Elle  date  des  dernières  années  du  vii""  siècle  J. 


ocus  dibugad  ro-dibaighi  in  m.ithir,  ocus  ni  fuilit  mie  acht  ingcana  nama. 
Ocus  beraidh  in  ingean  in  fearann  uili  co  fuba  ocus  co  ruba,  no  a  leth  gaii 
fiiba,  gan  ruba  ;  ocus  comde  fuirre  re  aiseac  ûaithe  iar  sna  ré.  «  Héritage  de 
main  et  de  cuisse  (c'est-à-dire  provenant  du  testament)  de  cette  mère,  et  la 
mère  est  morte,  il  n'y  a  pas  de  fils,  il  n'y  a  que  des  filles  ;  la  fille  prend  toute 
la  terre  avec  attaque  et  défense,  ou  moitié  sans  attaque,  sans  défense.  Elle 
est  maîtresse  de  la  terre  à  charge  de  restitution  quand  expire  le  temps 
[déterminé  par  la  loi|.  Din  kchliigad,  «  De  prise  de  possession  ».  Aiiciciil 
Ïmu'S  of  Iic'laiid,  t.  IV.  p.  40,  1.  13-17. 

1.  The  cakildar  of  Oengus,  p.  cxxxix. 

2.  The  Ccilciidar  of  Oengus,  p.  cxLVii. 

3.  Adamnanus  ad  Hiberniam  pergit  et  dédit  legem  innocentium  populis. 
Chronicon  Scotoruin,  édition  Hennessy,  p.  112;  Annales  d'Ulster,  éditées  par 
le  même,  t.  I.  p,  144,  146.  Adomnan  tue  recht  lecsa  i  n-Erind,  Annales  de 
Tlgenuich,  éditées  par  Wliitley  Stokes,  Revue  Celtique,  t.  XVII,  p.  215. 


204  ^^  d'Arbois  de  Juhainvilk. 

Probablement  ce  droit  nouveau,  en  exemptant  les  femmes  de 
l'obligation  du  service  de  guerre,  mit  à  cette  faveur  la  condi- 
tion, que  leurs  droits  héréditaires  seraient  diminués  de  moitié. 
De  là  le  texte  cité  plus  haut  du  traité  intitulé  Din  tcckugad. 

Il  ne  faut  pas  confondre  le  neveu,  fils  de  sœur,  avec  l'enfant 
adoptif,  en  Irlande  «  fils  de  protection,  »  mac  focs  ma.  Le  neveu, 
fils  de  sœur,  tire  son  droit  uniquement  des  dispositions  testa- 
mentaires de  son  grand-père  maternel  et  de  sa  mère,  fille  de  ce 
grand-père.  Pour  l'adoption,  il  fout  le  consentement  de  la 
famille,  Jinc^.  Ce  consentement  est  présumé,  quand  dans  la 
fomille  les  branches  éloignées  n'ont  pas  formulé  d'opposition 
et  lorsque  la  gcifinc  ou  la  dcrbfinc  a  concouru  à  l'acte  verbal 
duquel  l'adoption  résulte.  Si  c'est  la  gcifinc,  l'adoption  est 
complète,  l'adopté  a  part  de  fils  dans  la  maison  et  dans  la  terre. 
Mais  si  c'est  la  dcrbfinc  seulement,  l'adoption  est  incomplète, 
l'adopté  n'a  aucun  droit  sur  la  maison  et  il  peut  élever  préten- 
tion sur  la  terre  en  un  seul  cas,  celui  où  il  a  donné  les  soins 
d'un  fils  au  vieux  père  '. 

L'adoption  irlandaise  consommée  par  le  concours  des  parents 
peut  être  rapprochée  de  l'adoption  romaine  par  adrogatîo, 
c'est-à-dire  par  une  loi  que  le  peuple  votait  en  comices  et  par 
curies  ;  c'est  la  plus  ancienne  forme  de  l'adoption  romaine, 
cette  forme  provient  d'une  idée  identique  à  celle  qui  a  fait  créer 
le  testament  romain  le  plus  ancien,  kalatis  comifiis.  En  Irlande 


1.  De  là  l'expression  mac  faosma  fine  «  fils  de  protection  de  famille  ».  De 
fodlaib  cim'oil  tûaithi,  «  Des  divisions  de  race  dans  la  tribu  ».  Ancient  Laivs 
of  Ireland,  t.  IV,  p.  62,  1.  5. 

2.  Fine  taccuir  iss-e-side  do-m-berat  cuir  bel  a  foessam  «  famille  con- 
venable, c'est  celle  que  donnent  les  contrats  verbaux  de  protection  ».  Do 
fodlaib  cim'oil  tûaiihi,  texte,  dans  Ancient  Laivs  of  Ireland,  t.  IV,  p.  284, 
1.  16.  Mac  faosma  do  geilfine,  berid-side  cuit  i-sin  fine  itir  brud  ocus  fearann, 
manab  tar  brâghait  fine.  In  mac  faosma  imoro  do  derbfine,  manab  tar 
brdghait  fine,  beirid  uili  in  fearann  acht  a  chuit  insin  do  brudh  iar  n-dul 
anunn  do  gaire.  «  Le  fils  de  protection  de  geilfine  obtient  part  de  maison  et 
de  terre  de  la  fine,  à  moins  que  [il  ne  soit  entré  dans  la  famille]  sur  la  nuque 
de  la  //"m;  (c'est-à-dire  des  trois  autres  branches  de  \3.finé).  Mais  le  fils  de  pro- 
tection de  la  derbfine,  quand  il  n'est  pas  [entré  dans  la  famille]  sur  la  nuque 
de  la  fine  (c'est-à-dire  des  trois  autres  branches  de  la  fine)  a  droit  à  [une  part 
de]  toute  la  terre  ;  quant  à  sa  part  de  la  maison,  il  n'y  peut  prétendre  qu'après 
être  allé  donner  ses  soins  aux  vieux  parents.  Do  fodlaid  cincoil  tûaithi,  glose, 
dans  Ancient  Laivs  of  Ireland,  t.  IV,  p.  288,  1.  20-23. 


La  famille  celtique.  205 

on  n'exige  pas,  comme  dans  le  droit  primitif  romain,  le  con- 
sentement de  tout  le  peuple  à  l'adoption,  le  consentement  de 
la  famille  suffit.  La  loi  de  la  région  septentrionale  du  pays  de 
Galles  n'admettait  d'autre  adoption  que  celle  du  fils  de  la  fille 
mariée  à  un  étranger,  mais  il  fallait  que  le  mariage  eût  été 
conclu  avec  l'assentiment  des  frères  dont  il  diminuait  la  part 
dans  la  succession  paternelle. 

Pour  nous  résumer,  en  droit  irlandais,  le  fils  de  la  fille,  en 
irlandais  7iia  ou  gorinac,  doit  être  distingué  de  l'enfant  dit  de 
protection,  mac  foesma,  c'est-à-dire  de  celui  dont  l'adoption  a 
été  ratifiée  par  la  famille  ;  la  situation  du  mac  foesma  est  beau- 
coup meilleure  que  celle  du  fils  de  la  fille,  quand  l'approbation 
de  la  famille  n'a  pas  transformé  le  fils  de  la  fille  en  mac  foesma. 
Cette  distinction  apparaît  notamment  dans  le  traité  de  la  ven- 
geance et  de  la  composition  pour  crime  :  For  na  huile  cin  ;  il 
y  est  dit  qu'il  y  a  des  meurtres  qu'on  est  obligé  de  commettre, 
c'est  notamment  quand  il  s'agit  de  venger  la  mort:  1°  d'un 
fils  de  la  derbfine;  2°  d'un  élève  de  h  fne;  3°  d'un  fils  de  pro- 
tection, mac  foesma;  4°  du  fils  d'une  femme  de  h  fine^.  Le  fils 
d'une  femme  de  la  Jîih%  c'est-à-dire  le  petit-fils  par  fille  tenant 
ses  droits  du  testament  de  son  grand-père  et  de  celui  de  sa 
mère  est  placé  dernier  des  quatre,  après  le  fils  de  protection, 
mac  foesma,  c'est-à-dire  après  l'enfant  adopté  avec  consente- 
ment de  la  famille. 

Une  dernière  observation  pour  terminer  ce  que  nous  avons 
à  dire  au  sujet  du  fils  de  la  fille. 

Nous  avons  parlé  des  avantages  accordés  par  le  droit  gallois 
et  par  le  droit  irlandais  au  fils  de  la  fille,  quand  le  mari  de 
cette  fille  est  un  étranger.  Ces  avantages  expliquent  deux  faits 
historiques  observés  par  M.  Zimmer  et  dont  il  a  parlé  en  1894 
dans  la  Zeitschrift  der  Saviî^ny  Slifiiiug  fiir  Rechlgescbichte,  t.  XV, 
page  219-222:  c'est  d'abord  qu'un  roi  des  Pietés,  Tallorcen 
Jilius  Enfrel-  était  vraisemblablement  né  du  mariage  d'une 
femme   picte,  une    princesse    sans   doute,  avec   Eanfrid,    fils 

1.  Guin  mie  dcrbfinc,  guin  dalta  na  fine,  guin  mie  faosma,  guin  mie 
mnâ  fine.  Aitcient  Laws  of  Irdand,  t.  IV,  p.  214,  I.  21,  22. 

2.  The  piciish  Chronicle  chez  William  F.  Skene,  Chronicles  of  the  Picts, 
Cbronicles  of  the  Scots,  etc.,  p.  7. 


2o6  H.  ci'Ai'bois  de  Jiibainville. 

d'Aedilfi'id,  roi  anglo-saxon  de  Bernicie.  Après  la  mort 
d'AcdilfridS  son  voisin  Acduin,  roi  de  Deira,  s'empara  de  la 
Bernicie  et  les  fils  d'Aedilfrid,  parmi  eux  Eanfrid,  furent  obligés 
de  quitter  le  pays. 

Bede  nous  apprend  qu'ils  se  réfugièrent  chez  les  Scots  ou 
chez  les  Pietés.  Il  est  probable  que  ce  fut  chez  les  Pietés,  Eanfrid 
y  passa  seize  ans,  de  617  à  633  ^,  et,  par  un  mariage,  y  devint 
père  de  Tallorcen.  Tallorcen,  par  sa  mère,  fille  d'un  grand  per- 
sonnage, avait  une  position  considérable  qui  le  fit  élire  roi. 

Un  fait  semblable  se  produisit  au  ix^  siècle.  Cinaedh  mac 
Alpin,  irlandais,  roi  des  Irlandais  établis  en  Ecosse  et  des  Pietés, 
dépouillés  de  leur  indépendance  primitive,  était  mort  en  8573. 
Il  eut  pour  successeur,  suivant  les  règles  de  la  tanistry,  son 
frère  Donmall  mac  Alpin  ;  à  celui-ci  succédèrent,  suivant  les 
mêmes  règles,  ses  neveux,  fils  de  son  fi'ère,  Cinaedh  mac  Alpin  ; 
d'abord,  en  861,  Constantin  mac  Cinaedha4,  puis,  en  875, 
Aed  mac  Cinaedha  ■>.  Le  successeur  de  ce  dernier,  mort  en  877  ^, 
fut  le  fils  de  sa  sœur,  Eochaid,  dont  le  père  était  Run,  roi  des 
Bretons,  c'est-à-dire  roLgallois.  Puis  arriva  sur  le  trône  Domnall, 
fils  de  Custantin,  mieux  Constantin,  auquel  succédèrent  d'abord 
Constantin,  fils  d'Aed,  puis  Maelcolaim,  fils  de  Domnall;  ces 
trois  derniers,  suivant  les  règles  de  la  tanistry. 

Il  n'y  a  pas  à  conclure  de  là  qu'il  y  eût  chez  les  Pietés  un 
droit  héréditaire  difi'érent  de  celui  des  Irlandais  et  des  Gallois. 
Les  textes  qui  attestent  l'importance  des  mères,  c'est-à-dire 
des  épouses  légitimes,  en  matière  de  succession  chez  les  Pietés, 
sont  simplement  la  conséquence  d'un  principe  du  droit  indo- 
européen :  il  n'y  a  qu'une  femme  légitime;  les  enfants  de  cette 
femme  ont  seuls  droit  à  l'héritage  du  père,  les  enfants  des 
concubines  sont  exclus  de  la  succession/.  Un  texte  de  Bède  est 


1.  En  617,  Bèdc,  Historia  ecclcsiaslica  i^entis  Anglonnn,  1.  II,  c.  12,  chez 
Pétrie,  Moniiiueuta  historica  Brilannica,  p.  164;  édition  Holder,  p.  89. 

2.  Bède,  1.  ni,  c.  I,  chez  Pétrie,  p.  172  ;  édition  Holder,  p.  105. 

3.  Annales  d'Ulster,  édition  Hennessy,  t.  I.  p.  366;  cf.  The pictish  Chro- 
nidc,  chez  William  F.  Skene,  Chroniclcs  of  thc  Picts,  p.  8. 

4.  Annales  d'Ulster,  t.  I,  p.  370,  cf.  The  pictish  Chrouiclc,  p.  8. 
).   Annales  d'Ulster,  t.  I,  p.  390,  d.  The  pictish  Chronick,  p.  9. 

6.  Annales  d'Ulster,  t.  I,  p.  592. 

7.  C'est  le  sens  de  la  ma.Kinic  que  les  Pietés  :  i.ir  ni.lthru  gabait  llaith  ocus 


LtJ  famille  celtique.  207 

resté  fameux:  ///  tibi  res  perveniret  in  dubiurn,  magis  de  feminea 
reguin  prosapia  quani  de  masculina  regem  sibi  eligerent,  qiiod 
usque  hcdie  apiid  Pictos,  conslal  esse  servatum.  Ce  texte  s'explique 
par  l'étonnement  que  causait  aux  Anglo-Saxons  le  droit  héré- 
ditaire attribué  par  les  coutumes  celtiques  aux  fils  des  filles, 
en  concurrence  avec  leurs  cousins,  fils  des  fils.  Depuis  long- 
temps, en  droit  romain,  les  cognati  ou  parents  par  les  femmes 
étaient  admis  à  hériter  concurremment  avec  les  adgnali,  ou 
parents  par  les  hommes.  Ils  devaient  cette  faveur  au  droit 
prétorien,  c'est-à-dire  à  \^  bononim  possessio  tmde  cognati  intro- 
duite par  l'édit  du  préteur  antérieurement  à  l'ère  chrétienne  ^ 
Pourquoi  s'étonner  que  chez  les  Pietés,  par  l'effet  ordinaire 
de  l'évolution  progressive  des  idées  juridiques  une  doctrine 
analogue  à  cette  bonoruni  possessio  romaine  ait  existé  au  vii^ 
et  au  viii^  siècle  de  notre  ère  ? 

H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


gach  comarbus  olchena,  «  d'après  la  descendance  des  mères  ils  saisissent  le 
«  pouvoir  et  tout  autre  héritage  ».  De gcneleach  Dalaraidc  chez  Skene,  Chro- 
nicles  of  the  Picts,  p.  519,  1.  15,  16.  Cette  règle  existe  en  droit  romain,  en 
droit  grec.  On  la  trouve  déjà  dans  la  loi  d'Hammourabi,  sauf  la  réserve 
contenue  dans  l'article  170  qui  permet  au  père  d'y  déroger. 
I.  Voir  plus  haut  p.  6;  cf.  Digeste,  1.  XXXVIII,  titre  viii. 


LES 

CARNASSIERS    ANDROPHAGES 

DANS  L'ART  GALLO-ROMAIN 


En  1901,  M.  Chauvet,  archéologue 
à  Rutfec,  fit  connaître  un  petit  bronze 
représentant  un  carnassier  qui  tient 
dans  sa  gueule  jusqu'à  mi-corps  un 
homme  dont  les  jambes  sont  pen- 
dantes; ce  bronze  a  été  découvert  à 
Fouqueure  (Charente)  et  appartient  au 
musée  d'Angoulème  ^ 

Peu  de  temps  après,  en  étudiant  la 
collection  des  bronzes  gallo-romains 
et  britanno-romains  du  British  Mu- 
séum, je  remarquai  une  statuette  d'un 
type  analogue,  découverte,  me  dit-on, 
près  d'Oxford  et  donnée  au  Musée 
en  1883  par  feu  A.  Franks.  La  figure 
d'Oxford,  d'un  travail  plus  soigné  que 
celle  de  Fouqueure,  en  diffère  par  un 
détail  d'ailleurs  peu  important  :  le  corps  de  l'homme  sort 
aux  trois  quarts  de  la  gueule  de  l'animal,  alors  que  la  moitié 
seulement  de  la  victime  est  encore  visible  dans  la  statuette  du 
musée  d'Angoulême.  J'ai  fait  photographier  celle  du  British 

I.  Revue  archèoL,    1901,  I,   p.  280.    Il  y   a   un  moulage  au  musée  de 
Saint-Germain. 


^^^^^H|i^n»^-(' ■■HH 

Fie.   I.  —  Bronze  d'Oxford 
(British  Museuin). 


Les  Cdiriassiers  aridropliages  dans  Fart  gallo-roniain.         209 

Muséum  (fig.  i)  et  je  les  publie  ici  toutes  deux  à  la  même 
échelle  (fig.  2  et  3). 

Ce  qu'il  y  a  de  particulièrement  curieux  dans  ces  deux 
bronzes,  c'est  que  le  carnassier,  chien  ou  loup,  n'est  pas  en 
mouvement,  mais  paisiblement  assis  sur  son  arrière-train.  Il 
n'y  a  aucune  indication  d'une  lutte  entre  l'animal  et  l'homme  ; 
ce  dernier  pend  de  la  gueule  du  carnassier  plutôt  à  la  façon  d'un 
attribut  que  d'une  proie. 

Les  proportions  de  l'homme,  par  rapport  à  celles  de  l'ani- 
mal, sont  très  petites.  D'autre  part,  c'est  bien  un  homme  et 
non  un  enfimt  ;  le  dessin  des  jambes,  assez  élancées,  ne  laisse 


Fig.  2  et  3.  —  Bronzes  d'Oxford  et  de  Fouqueure. 

aucun  doute  à  cet  égard.  Si  donc  le  carnassier  est  de  dimen- 
sions colossales,  c'est  qu'il  est  quelque  chose  de  plus  qu'un 
carnassier  ordinaire  ;  c'est  un  animal  divin  ou  un  dieu  à  figure 
animale.  Cette  conclusion  s'accorde  fort  bien  avec  l'air  calme 
et  la  mine  hautaine  des  deux  fauves;  M.  Chauvet  trouvait 
à  l'un  d'eux  «  l'attitude  du  triomphe  ». 

Sur  le  vase  de  Gundestrup,  dont  les  motifs  sont  empruntés  à 
la  mythologie  celtique,  on  remarque  également  une  grande 
disproportion  entre  le  personnage  debout,  sans  doute  un  dieu, 
qui  tient  entre  ses  mains  un  homme  la  tète  en  bas',  et  les  per- 
sonnages nus  à  mi-corps,  à  l'extérieur  du  vase,  qui  sont  diver- 
sement groupés  avec  des  hommes  et  des  femmes  beaucoup  plus 


I.   Bertrand,  Relii^ioii  îles  Gaulois,  pi.  29. 
Revue  Celtiijue,  XXV. 


H 


210  Salomon  Reinach. 

petits.  Sur  l'autel  de  Reims  i,  la  taille  énorme  du  dieu  aux 
jambes  croisées  et  des  deux  divinités,  Apollon  et  Mercure, 
debout  auprès  de  lui,  ressort  non  moins  nettement  de  la  petitesse 
du  taureau  et  du  cerf,  placés  devant  le  trône  du  dieu-. 

L'art  grec  et  l'art  romain  ignorent  cet  artifice  un  peu  puéril, 
familier  aux  arts  orientaux,  qui  consiste  à  élever  les  dieux  au- 
dessus  des  hommes  en  les  représentant  comme  des  géants; 
dans  les  nombreux  bas-reliefs,  les  peintures  de  vases,  etc., 
où  des  dieux  et  des  hommes  sont  réunis,  la  taille  des  pre- 
miers n'est  presque  jamais  supérieure  à  celle  des  seconds. 
Il  n'y  a  d'exception  que  dans  certains  bas-reliefs  votifs  où  les 
donateurs,  s'approchant  d'une  divinité  ou  d'un  héros,  sont 
figurés  à  plus  petite  échelle  3  ;  mais  la  disproportion  n'est  jamais 
aussi  forte  que  dans  les  reliefs  du  vase  de  Gundestrup. 

Pour  mettre  en  lumière  la  nature  divine  d'un  animal,  les 
Asiatiques  et,  à  leur  exemple,  les  Grecs  ont  usé  d'un  autre 
procédé  :  ils  lui  ont  attribué  des  ailes.  Ainsi  l'on  peut  dire 
qu'un  lion  ailé  est  l'équivalent  d'un  lion  colossal,  observation 
qui  trouvera  son  application  dans  ce  qui  suit. 

La  preuve  que  le  motif  des  statuettes  d'Angouléme  et  du 
British  Muséum  est  bien  indigène,  que  ce  n'est  pas  un  type 
gréco-romain  emprunté,  ressort  du  fait  qu'on  n'en  connaît  pas 
d'autres  exemples;  ces  deux  figurines  sont  absolument  isolées 
dans  le  riche  trésor  de  l'art  antique.  Je  crois  être  en  droit 
d'affirmer  cela,  après  avoir  réuni  et  publié  près  de  1 5  000  statues 
et  statuettes  grecques  et  romaines.  Je  conclus  que  ce  motif  est 
celtique  :  1°  parce  que  les  deux  seuls  exemples  connus  se  sont 
rencontrés  en  pays  celtique;  2°  parce  que  la  diff"érence  très 
marquée  entre  la  grandeur  de  l'animal  et  celle  de  l'homme 
n'est  pas  conforme  aux  traditions  de  l'art  classique  ;  3°  parce  que 
cette  difierence  est  très  fortement  accusée  dans  d'autres  œuvres 
celtiques  ou  inspirées  par  la  mythologie  des  Celtes. 

Bien  entendu,  quand  je  parle  de  la  mythologie  des  Celtes, 
je  n'entends  pas  dire  qu'elle  ait  été  créée  par  des  tribus  parlant 

1.  Bertrand,  Rdigion  des  Gaulois,  pi.  25. 

2.  Les  légendes  celtiques  connaissaient  des  géants  et  des  géantes  (Dio- 
dore,  V,  24  ;  Denys  d'Halicanassc,  XIV,  i.) 

3.  Le  lîas-Kcinach,  Moriiimenlsfiourcs,  pi.  41,  46,  49,  50,  51,  53,  54,  etc. 


Les  Carnassiers  androphages  dans  Fart  gallo-romain.  21  ; 

des  dialectes  celtiques;  il  est  bien  possible  que  ces  tribus  aient 
adopté  des  conceptions  mythologiques  qui  avaient  été  élaborées 
avant  leur  arrivée  ou  avant  l'établissement  de  leur  suprématie 
sur  le  sol  de  la  Gaule,  comme  le  firent  les  envahisseurs  germa- 
niques au  v"-'  siècle.  Cette  réserve  faite,  le  mol  cclli(]ne  peut  être 
employé  ici  sans  inconvénient. 

Revenons  à  nos  carnassiers.  En  dehors  des  deux  exemplaires 
en  ronde  bosse  que  j'ai  reproduits,  il  existe  quelques  motifs  ana- 
logues,mais  non  identiques,  isolés,  eux  aussi,  dans  le  répertoire 
des  types  classiques  et  qu'il  est  intéressant  de  passer  en  revue. 

D'abord,  sur  une  des  plaques  extérieures  du  vase  d'argent 
de  Gundestrup^,  on  voit  un  monstre  à  deux  têtes  dont  chaque 
gueule  a  saisi  la  moitié  du  corps  d'un  homme  (hg.  4);   évi- 


FiG.  4.  —  Relief  du  vase  de  Giindestrup. 

demmcnt,  nous  sommes  ici  en  pleine  fable,  car  l'animal  n'est 
pas  moins  fantastique  que  la  divinité  barbare,  avec  torques 
au  cou,  qui  domine  la  scène,  tenant  dans  chacun  de  ses  bras 
levés  un  autre  animal  fantastique  également. 

A  ce  propos,  je  veux  protester  une  fois  de  plus-  contre  l'opi- 
nion répandue,  commune  aux  archéologues  Scandinaves  et  à 
mon  feu  maître  Alexandre  Bertrand,  qui  place  le  vase  de 
Gundestrup  au  i^""  siècle  avant  l'ère  chrétienne  ou,  au  plus  tard, 
aux  environs  de  cette  ère.  J'ai  toujours  soutenu,  et  je  maintiens 
encore,  que  ce  monument  appartient  au  moyen  âge,  ce  qui  est 
loin  d'en  diminuer  l'importance  à  mes  yeux,  car  la  persistance 
des  motifs  de  la  mythologie  celtique  n'y  est  que  plus  intéres- 
sante à  constater.  Expliquer  les  éléphants  du  vase  de  Gundestrup 
par  ceux  qui  figurent  sur  les  monnaies  de  Jules  César  m'a 


1.  Nordiske  Forliilsmindcr,  t.  II,  pi.   12. 

2.  Cf.  VAntl>ropolo<Tic,   iSc)|.  p.  456. 


212 


Salomon  Reinach. 


toujours  paru  inadmissible;  il  y  a  là  un  écho  de  sculptures 
romaines  du  Bas-Empire,  en  particulier  d'ivoires.  Mais  voici 
un  rapprochement  qui  me  semble  décisif.  Le  Musée  du  Tro- 
cadéro  conserve  le  moulage  d'un  bas-relief  du  xii"  siècle,  appar- 
tenant à  la  cathédrale  de  Bayeux;  c'est  la  partie  centrale  du 


FiG.  (.  —   Relief  de  la  cathédrale  de  Bayeux. 

tympan  compris  entre  deux  archivoltes  de  la  nef  (fig.  5)^ 
Le  relief  figure  un  animal  pourvu  de  griffes,  dont  le  corps  est 
semé  de  points  circulaires  qui  représentent  sans  doute  les  mou- 


Fic.  6  et  7.  —  Reliefs  du  vase  de  Gundestrup. 

chctures  de  la  peau  d'un  fliuvc.  Or,  comme  nos  figures  6  et  7 
permettent  de  s'en  assurer,  cet  animal,  avec  les  mêmes  cavités 
semé/es  sur  le  corps,  reparaît  à  plusieurs  reprises  sur  les  bas- 


I.  Enlart,  Manuel  d'archéologie  française,  t.  I,  p.  359.  M.  Enlart  a  bien 
voulu  m'autoriscr  à  reproduire  une  partie  de  la  gravure  qu'il  a  publiée  de 
ce  curieux  relief. 


Les  Carnassiers  androphages  dans  l'art  gallo-romain.  ii  5 

reliefs  du  vase  de  Gundestriap  ^  ;  les  corps  des  éléphants  sont 
mouchetés  de  la  même  façon.  Les  sculptures  de  Bayeux  sont 
normandes  et  c'est  bien  aux  Vikings  Scandinaves,  dont  les 
envahisseurs  de  la  Normandie  sont  une  branche,  que  je  crois 
devoir  attribuer  —  sans  pouvoir  encore  préciser  la  date  —  la 
fabrication  du  vase  de  Gundestrup. 

Les  carnassiers  androphages  paraissent  sur  une  autre  série 
de  monuments  beaucoup  plus  anciens,  dont  la  plupart  ont  été 
reproduits  par  Alexandre  Bertrand  et  moi  en  1894 -.  Ce  sont 
des  couvercles  en  bronze  et  des  seaux  ou  situlcs,  ornes  de  gra- 
vures généralement  disposées  en  zones.  Le  centre  de  fiibrication 
des  objets  dont  il  s'agit  semble  avoir  été  la  Vénétie;  on  en  a 
trouvé  dans  l'Italie  du  Nord  et  en  Autriche,  maison  n'en  connaît 
pas  qui  proviennent  de  la  Gaule  ou  de  la  vallée  du  Rhin.  Les 
archéologues  ne  sont  pas  d'accord  sur  la  date  qu'il  convient  de 
leur  assigner  ;  M.  Hoernes  les  place,  sans  arguments  bien  solides, 
entre  500  et  350  av.  J.-C.,  je  les  ferais  plutôt  remonter,  avec 
M.  Karo,  jusqu'aux  environs  de  l'an  5505.  On  les  a  autrefois 
qualifiés  de  celtiques,  puis  d'illyriens  ;  nous  les  avons  appelés, 
Bertrand  et  moi,  celto-illy riens,  ce  qui  ne  signifie  pas  grand'chose . 
J'ai  montré  d'ailleurs,  à  la  suite  de  Brunn,  que  l'art  grossier  et 
évidemment  dégénéré  dont  témoignent  ces  gravures  se  relie 
directement  à  l'art  homérique,  tel  qu'il  nous  est  connu  par  la 
description  du  bouclier  d'Achille  dans  VIliade,  et  sans  doute 
aussi  à  l'art  mycénien^  dont  le  rayonnement  vers  les  rivages 
de  la  Mer  Noire,  vers  ceux  de  la  mer  Baltique,  vers  l'Italie 
et  la  Sicile  paraissait,  dès  1894,  suffisamment  atteste^. 

Un  des  caractères  les  plus  remarquables  de  ces  gravures, 
c'est  que  les  animaux  herbivores  tiennent  souvent  à  la  bouche 
une  fleur  ou  une  branche  d'arbre,  tandis  que  les  carnivores 
(réels  ou  fmtastiques)  tiennent  de  même  une  cuisse  d'animal  ou 
un  corps  d'homme.  Voici  les  exemples  que  j'ai  relevés  : 


1.  Nordiske  Fortidsmi^idcr,  t.  II,  pi.  7,  10. 

2.  A.  Bertrand  et  S.  Reinach,  Les  Celtes,  p.  97  et  suiv. 
5.  Karo,  De  arte  vascularia,  p.  42. 

4.  Bertrand  et  Reinacli,  Us  Celtes,  p.  218-228.  La  même  idée  a  été  reprise 
par  M.  Hoernes,  Uesterr.  Jahreshefte,  1905,  Beiblatt,  p.  72,  qui  ne  s'est  pas 
souvenu  de  mon  mémoire,  antérieur  de  sept  ans  au  sien. 


214 


Salomon  Rcinach 


1°  Cervidés  icnant  à  la  bouche  une  branche  ou  une  fleur  :  cou- 
vercle de  Hallstatt  {Les  Celtes,  lig.  56)';  situle  de  Watsch 
(Jbid.,  fig.  72);  situle  d'Esté  (ibid.,  lig.  76);  situle  de  Nesac- 
tium  en  Istrie  (Oesterr.  Jahresh.,  1903,  Beiblatt,  p.  69). 

2°  Lion  ailé  ou  panthère  tenant  dans  sa  gueule  une  cuisse  d'ani- 
mal :  couvercle  de  Hallstatt  (Les  Celtes,  tig.  56);  situle  A  de 
Boldù  Dolfin  (Jbid.,  fig.  65). 

3°  Lion  non  ailé  tenant  le  nicnie  attribut  :  situle  de  Watsch 
(ibid.,  fig.  72). 

4°  Lion  ailé  tenant  dans  sa  gueule  une  cuisse  d'honinu':  situle 
Zannoni  de  Bologne  (ibid.,  fig.  68;  ici,  fig.  8  en  bas). 


FiG.  8.  —  Reliefs  de  la  situle  de  Bologne. 

Sur  la  situle  trouvée  à  la  Certosa  de  Bologne,  dite  situle 
Zannoni,  on  voit  aussi  deux  musiciens  assis  sur  une  sorte  de  lit 
dont  les  extrémités  sont  décorées  de  deux  protomés  de  lion  ;  l'un 
de  ces  lions  tient  dans  sa  gueule  la  moitié  d'un  corps  humain  ; 
l'autre  paraît  plutôt  dévorer  un  animal,  mais  ce  pourrait  être  un 
homme  mal  dessiné.  Je  reproduis  ce  groupe  et  un  des  animaux 
tenant  une  cuisse  d'homme,  d'après  le  moulage  de  la  situle 
conservée  au  musée  de  Saint-Germain  (fig.  8).  Ces  lions  ont 


I .  La  légende  porte  à  tort  :  de  Grandate. 


Les  Carnassiers  androphages  dans  l'art  gallo-romain.  21 5 

toute  la  placidité  des  carnassiers  décrits  au  début  de  cet  article  ; 
comme  les  herbivores,  ils  ont  moins  l'air  de  manger  pour 
satisfaire  leur  faim  que  de  déclarer,  à  leur  façon,  de  quelle 
espèce  d'aliments  ils  font  leur  pâture.  Ces  végétaux,  ces  cuis- 
sots, ces  corps  ou  ces  jambes  d'homme  ne  semblent  pas  des 
proies,  mais  des  attributs. 

Les  mêmes  types  paraissent,  à  une  époque  plus  ancienne 
encore,  en  Étrurie. 

Sur  les  plus  vieux  vases  noirs  de  fibrique  étrusque,  dits 
vases  de  bucclk'ro,  les  motifs  du  lion  ou  de  la  panthère,  tenant 
dans  sa  gueule  une  cuisse  d'animal  ou  des  jambes  humaines, 
ne  sont  pas  rares;  on  trouve  aussi  des  herbivores  tenant  des 
rinceaux'.  Ces  motifs  sont  associés  à  d'autres  dont  le  caractère 
oriental  est  évident,  notamment  à  des  sphinx  et  à  des  animaux 
fantastiques;  sur  une  grande  oUa  découverte  à  Veïes  (Karo, 
p.  6),  des  lions,  tenant  dans  leur  gueule  des  jambes  humaines, 
voisinent  avec  des  pugilistes  identiques  à  ceux  qui  sont  figurés 
sur  plusieurs  situles  dites  illyriennes.  Sur  une  œnochoé-,  on 
voit  une  lionne  marchant  à  gauche,  la  tête  de  face,  et  dévo- 
rant un  petit  quadrupède  dont  l'arrière-train  émerge  encore  de 
sa  gueule.  Sur  le  même  vase  sont  figurés  un  homme  condui- 
sant un  cheval,  une  tète  de  Gorgone  barbue,  un  sphinx  à  ailes 
recoquillées  et  un  lion  dévorant  un  homme  dont  les  jambes  et 
le  ventre  sortent  de  sa  gueule. 

Les  lions  tenant  dans  leur  gueule  des  jambes  humaines  se 
sont  aussi  rencontrés  sur  des  ivoires  découverts  en  Étrurie  et 
remontant,  pour  le  moins,  au  vi^  siècle  av.  J.-C.  3. 

Entre  ces  représentations  et  celles  des  situles,  la  parenté, 
bien  qu'indirecte,  est  incontestable.  En  est-il  de  même  entre 
les  deux  groupes,  de  monuments  étrusques  et  illyriens  et  les 
deux  figurines  gallo-romaines  ?  La  réserve  est  d'autant  plus 
commandée  à  cet  égard  que  ces  dernières  sont  séparées  des 
premières  par  un  intervalle  d'au  moins  six  siècles.  En  outre, 
s'il  existe  des  analogies  frappantes  —  tout  d'abord  celle  des 

1.  Karo,  De  arte  vascidaria  anliquissiina,  Bonn,  1896,  p.  6,  18,  31,  38, 
41  ;  Moiittincnti  anlichi,  t.  IV,  p.  330. 

2.  Musée  du  Louvre,  C  565  (Pottier,  Vases  du  Louvre,  p.  31). 

3.  K:iro,  op.  hu.L,  p    2:,  41-,  Collection  Tyskiewici,  p.  61. 


2  \6  Salomon  Reinach. 

petits  bonshommes  à  demi  dévorés  —  les  différences  sont  peut- 
être  encore  plus  sensibles.  Ainsi,  sur  les  vases  et  les  situles,  les 
animaux  sont  en  marche,  tandis  que  les  carnassiers  d'Oxford 
et  de  Fouqueure  sont  assis.  Dans  les  monuments  ill3Tiens  et 
étrusques,  il  n'y  a  pas  de  disproportion  entre  les  animaux  et 
leurs  victimes;  la  nature  divine  des  animaux  est  seulement 
indiquée  —  et  encore  ne  l'est-elle  pas  toujours  —  par  l'addition 
des  ailes.  On  ne  conçoit  pas  que  l'imitation,  sur  le  sol  de  la 
Gaule,  d'une  situle  ou  d'un  vase  étrusque  ait  pu  donner  nais- 
sance au  type  du  carnassier  androphage;  tout  ce  qu'on  peut 
admettre,  c'est  qu'en  Étrurie,  en  Illyrie  et  en  Gaule  ces  types 
divers  reflètent  une  même  conception,  évidemment  significative 
à  l'origine,  mais  qui,  sur  les  monuments  italiens,  a  revêtu  un 
caractère  tout  décoratif. 

Cette  conception,  celle  d'un  fliuve  divin  dévorant  un  homme, 
doit  remonter  à  une  antiquité  très  reculée  et  il  peut  sembler 
surprenant  de  ne  la  trouver  attestée  en  Gaule  que  par  deux 
bronzes  de  la  fin  du  i"  siècle.  Mais  nous  ne  pouvons  pas  juger 
de  l'ancienneté  des  motifs,  non  plus  que  de  leur  évolution,  par 
les  exemplaires  en.  matières  dures  qui  nous  en  sont  parvenus. 
Il  a  dû  exister,  dans  le  monde  antique,  une  imagerie  populaire, 
consistant  surtout  en  statuettes  de  bois  dont  il  ne  s'est  natu- 
rellement rien  conservé.  Cette  imagerie  a  sans  doute  mis  en 
oeuvre  un  grand  nombre  de  motifs  que  nous  ignorons  ou  que 
nous  apprenons  seulement  à  connaître  le  jour  où  ils  affleurent, 
pour  ainsi  dire,  dans  un  art  industriel  plus  élevé,  lorsque  des 
artistes  d'une  condition  moins  humble  se  décident  à  les  traiter 
dans  une  matière  plus  durable,  l'argile,  la  pierre  ou  le  métal. 
Ainsi  peuvent  et  doivent  s'expliquer,  à  mon  avis,  certains  hiatus 
apparents,  certaines  solutions  de  continuité  qui  sont  très  embar- 
rassantes pour  les  archéologues  dès  qu'ils  se  préoccupent,  comme 
c'est  leur  devoir,  d'expliquer  la  genèse  et  la  filiation  des  types 
plastiques.  On  a  reconnu,  dans  l'art  roman  de  l'Europe  occi- 
dentale, bien  des  motifs  fomiliers  à  l'industrie  celtique  ou,  du 
moins,  étrangers  à  l'art  gréco-romain  ;  si  l'on  ne  veut  pas  se 
contenter  d'explications  quasi-mystiques,  parler,  par  exemple, 
d'une  persistance  obscure  des  types  nationaux,  il  fiiut  bien  admettre 
que  ces  analogies  et  ces  survivances  s'expliquent  par  l'existence 


Les  Carnassiers  androphages  dans  l'art  gallo-romain.  217 

d'une  industrie  populaire,  opérant  sur  des  matériaux  très  péris- 
sables, qui  relie,  à  travers  les  quatre  siècles  de  l'empire  romain 
et  les  quatre  premiers  siècles  de  la  barbarie  du  moyen  âge, 
l'art  celtique  à  l'art  roman. 

Précisément,  le  motif  du  carnassier  androphage  se  retrouve 
dans  l'an  roman,  alors  qu'il  n'y  en  a  aucun  exemple  dans  l'art 


Fie.  9.  —  Aquarnanile  de  Minden. 

romain.  J'en  citerai  comme  exemple  une  aqiiaiiiûiiili'  en  bron/.e 
du  XI""  siècle,  conservée  à -la  cathédrale  de  Minden  (tig.  9)'. 
Elle  affecte  la  forme  d'un  lion  qui  dévore  un  petit  homme, 
sortant  à  moitié  de  la  bouche  du  fauve.  L'attitude  du  lion  est 
aussi  «  triomphante  «  et  aussi  placide  que  celle  des  carnassiers 
de  Fouqueure  et  d'Oxford;  l'homme  ne  se  défend  pas  davan- 
tage. Le  lion  est  pourvu  d'une  corne  que  mord  un  serpent. 
Que  signifie  cela?  Nous  n'en  savons  rien  ;  l'artiste  qui  a  fondu 


I.  Bjudcnknidkr  Wcslfalciis,  Kreis  Minden,  pi.  30. 


2i8  ■  Salomon  Reinach. 

Yaquauianile  n'en  savait  probablement  rien  non  plus;  mais  il 
s'inspirait  de  modèles  plus  anciens,  les  uns  en  métal,  d'autres 
sans  doute  en  bois,  qui  remontaient,  d'échelons  en  échelons, 
jusqu'à  l'art  populaire  de  la  Gaule  ou  des  régions  barbares 
de  l'Europe  du  Nord. 

Ce  qui  est  particulièrement  curieux,  c'est  que  l'autre  motif 
des  vases  noirs  et  des  situles,  celui  de  l'animal  qui  tient  dans 
sa  bouche  tm  rinceau  ou  une  fleur,  se  constate  sur  plusieurs 
chapiteaux  romans,  tant  au  Louvre  qu'au  musée  du  Troca- 
déro. 

A  l'époque  gallo-romaine,  on  trouve,  mais  en  Gaule  seule- 
ment, quelques  monuments  inexpliqués  représentant  des  fauves 
dévorant  des  hommes.  L'un  d'eux,  en  pierre,  découvert  à 
Noves  (Vaucluse)  et  conservé  au  musée  d'Avignon,  paraît 
très  ancien  ;  les  têtes  humaines  sont  presque  aussi  barbares 
que  celles  des  bas-reliefs  d'Entremonts.  Il  est  vrai  que  cette 
extrême  barbarie  n'est  pas  une  indication  chronologique; 
ce  groupe  de  pierre,  comme  l'autel  du  musée  d'Epinal^, 
peut  être  du  i"-''  siècle  avant  J.-C.  comme  du  vi^  après  notre 
ère.  Toujours  est-il  que  le  motif  est  inexpliqué  et  ne  paraît 
pas  décoratif,  mais  religieux-.  J'en  dirai  autant  de  celui  d'une 
poignée  de  clef  en  bronze  découverte  à  Siders,  en  Suisse,  qui 
représente  un  lion  dévorant  un  homme  3  ;  ce  n'est  certainement 
pas  une  scène  de  l'amphithéâtre  et  la  victime,  ici  comme  dans 
d'autres  monuments  cités  plus  haut,  ne  semble  offrir  aucune 
résistance.  Ces  sculptures  en  matière  dure,  que  le  hasard  nous 
a  conservées,  sont  comme  des  jalons  dans  l'histoire  de  motifs 
rustiques,  ordinairement  traités  en  bois,  dont  l'évolution  nous 
restera  toujours  inconnue,  mais  dont  nous  pouvons,  à  mon 


1.  Revue  archcoL,  1883,  pi.  I-IV. 

2.  Le  fauve  de  Novcs,  généralement  qualifié  d'ours,  est  un  lion,  comme 
le  prouvent  sa  crinière  et  sa  longue  queue.  L'animal  est  assis  sur  son  train 
de  derrière.  Sur  chacune  de  ses  pattes  postérieures  repose  une  tète  barbue, 
qui  supporte"  une  patte  antérieure  du  fauve.  La  gueule  du  lion,  largement 
ouverte,  contenait  probablement  la  partie  inférieure  d'un  corps  humain 
(le  groupe  est  mutilé  en  cet  endroit),  car  deux  tronçons  de  bras  humains, 
dont  l'un  est  orné  d'un  bracelet,  semblent  avoir  appartenu  à  ce  corps.  Un 
croquis  du  lion  de  Noves  paraîtra  dans  le  t.  III  du  Répertoire  de  la  statuaire. 

3.  Indicateur  d'antiquités  suisses,  1874,  pi.  iii,  i. 


LesCarnassiers  andropliages  dans  l'art  gallo-romain.  2  i  9 

avis,  constater  à  la  fois  la  haute  antiquité  et  la  persistance.  Je 
me  demande  si  certains  types  de  notre  mythologie  populaire, 
comme  ceux  de  la  Tarasque  et  du  GraouUi,  ne  se  rattacheraient 
pas  à  la  même  tradition  iconographique,  fondée  elle-même 
sur  un  cycle  de  légendes  dont  cette  tradition  était  l'écho. 

Dans  un  article  publié  par  \a  Revue  des  études  anciennes  {ic)0^, 
p.  1-6),  j'ai  étudié  récemment  le  motif  du  carnassier  andro- 
phage  en  Lydie.  Il  est  nécessaire  que  je  revienne  brièvement 
sur  ce  sujet  avant  de  chercher  à  préciser  la  nature  du  carnas- 
sier androphage  gallo-romain. 

La  population  de  la  Lydie  paraît  s'être  composée  d'au  moins 
deux  couches,  l'une  commune  à  la  Lydie,  à  la  Phrygie  et  aux 
régions  avoisinantes,  l'autre  venue  du  dehors  à  une  époque 
que  nous  ne  pouvons  déterminer,  mais  qui  ne  doit  pas  être 
fort  ancienne,  puisque  l'épopée  homérique  ne  connaît  pas  les 
Lydiens,  mais  les  Méoniens^.  Ces  Méoniens  parlaient  proba- 
blement une  langue  indo-européenne  :  la  langue  des  conqué- 
rants lydiens  était  apparentée  à  l'étrusque,  c'est-à-dire  non 
aryenne. 

Un  vers  d'Hipponax  nous  apprend  que  Candoulès,  nom  royal, 
signifiait,  en  méonien,  ■/.yiy.x/r^z,  c'est-à-dire  «  étrangleur  de 
chiens  ».  Ce  nom  est  indo-européen,  car  le  chien  se  dit  y.jcov, 
canis  dans  des  langues  aryennes  et  le  second  élément  a  été 
expliqué  avec  vraisemblance  par  le  vieux  slave  daviti  «  étran- 
gler »  (Deecke).  Cette  seule  synonym.ie  bien  attestée  suffit  à 
établir  le  caractère  indo-européen  de  la  langue  méonienne  ; 
c'est  un  point  qui  peut  être  considéré  comme  acquis. 

J'ai  montré  que  l'épithète  de  Candaulès  «  étrangleur  de 
chiens  »  convient  particulièrement  à  un  lion;  le  roi  Candaule, 
dont  Hérodote  nous  dit  que  le  vrai  nom  (c'est-à-dire  le  nom 
Ivdien)  était  Myrsilos,  portait  comme  titre  une  épithète  divine 
qui  l'assimilait  au  lion.  Or,  le  lion  était  l'animal  sacré  de  la 
Lydie  et  de  la  Phrygie;  cela  ne  résulte  pas  seulement  des 
monuments  les  plus  anciens,  y  compris  les  monnaies,  où  le 
lion  est  figuré,  tantôt  seul,  tantôt  groupé  avec  un  autre  lion, 
mais  de  la  nature  de  la  grande  déesse  phrygienne  Cybèle,  que 

I.  Cf.  Kretschmcr,  Geschichte.  icr  griechlschm  Sprache,  p.  384. 


2  20  Salomon  Reinach. 

l'on  représente  dans  un  char  traîné  par  des  lions  ou  entourée 
de  lions.  C'est  une  loi  générale  que  l'animal,  attribut  d'une 
divinité  à  l'époque  classique,  n'est  autre,  primitivement,  c'est- 
à-dire  avant  le  règne  de  l'anthropomorphisme,  que  cette  divi- 
nité elle-même.  Cybèle  devait  être  originairement  une  lionne 
et  il  est  probable  que  son  amant  Atys  était  un  lion  aussi.  A 
l'origine  des  traditions  méoniennes,  il  y  avait  une  ou  plusieurs 
familles  de  lions  totémiques,  dont  les  historiens  firent  plus  tard 
des  dynasties,  celles  desAtyadesetdes  Héraclides.  Il  est  possible, 
comme  le  pense  M.  E.  Meyer,  que  la  dynastie  des  Atyades  soit 
une  invention  postérieure;  mais  l'Héraklès  lydien  a  si  bien  con- 
servé sa  nature  léonine  qu'on  le  hgure,  à  la  différence  de  l'Hé- 
raklès grec,  revêtu  d'une  peau  de  lion.  Avant  la  fin  du  vi*"  siècle, 
l'Héraklès  à  la  dépouille  de  lion  ne  se  rencontre  que  sur  la 
côte  d'Asie,  à  Chypre,  à  Rhodes  et  dans  l'art  étrusque  archaïque, 
où  il  fut  introduit  par  les  émigrés  lydiens. 

La  preuve  que  le  lion  était  bien,  en  Lydie,  ce  que  les  ethno- 
graphes appellent  un  lotein^  c'est  qu'un  ancien  roi  du  pays  avait 
eu,  disait-on,  un  lion  pour  fils  et  que  ce  lion,  promené  autour 
de  Sardes,  avait  rendu  cette  ville  inexpugnable.  On  peut  ajouter 
que  Crésus,  roi  de  Lydie,  envoya  à  Delphes,  comme  offrande, 
un  lion  d'or  du  poids  de  dix  talens^ 

Or,  il  devait  exister,  en  Lydie,  une  très  ancienne  image 
représentant  un  lion  dévorant  un  homme  ;  c'est  ce  type,  inconnu 
de  l'art  grec  classique,  qui  paraît  dans  l'art  étrusque  le  plus 
ancien  et  dans  l'industrie  des  situles  illyriennes,  apparentée  à 
l'art  étrusque  primitif. 

Si  une  telle  image  a  existé,  il  ne  pouvait  manquer  d'y  avoir, 
à  son  sujet,  une  tradition  sacrée,  ce  que  les  anciens  appe- 
laient un  '.$p:ç  X^yoç.  Et  quand  le  lion  totem  s'est  anthropo- 
morphisé,  la  légende  a  dû  se  transformer  aussi  :  le  carnassier 
royal  a  dû  devenir  un  ogre  royal. 

Cette  légende  de  l'ogre  royal  n'est  heureusement  pas  un  pos- 
tulat: Athénée  nous  l'a  conservée  d'après  l'historien  Xanthos. 
Un  roi  lydien,  prédécesseur  de  Candaule,  s'appelait  Camblès  ; 
une  nuit,  il  coupa  sa  femme  en  morceaux  et  la  mangea.  Le 

I.  Hérodote,  I,  50,  (S4. 


Les  Carnassiers  aruirophaoes  dans  Part  gallo-romain.  221 

lendemain  malin,  on  vit  la  main  (ou  le  bras)  de  la  tlnimc 
arrêté  dans  sa  bouche;  cela  fît  scandale  et  le  roi  se  tua'. 

Dans  le  nom  de  Camblès,  comme  dans  celui  de  Candaule, 
il  y  a  l'élément  can,  chien-  ;  c'est  donc  probablement  aussi  une 
épithèie  de  lion,  signifiant,  non  plus  l'étrangleur,  mais  peut- 
être  le  tueur  de  chiens.  J'ai  émis  l'hypothèse  que  le  mont 
Sanibulfls  en  Assyrie,  où  Tacite  décrit  un  culte  archaïque  d'Hé- 
raklès  chasseur  3,  portait,  en  réahté,  le  même  nom  que  le  Kam- 
blès  lydien;  une  montagne  peut  être  appelée  du  nom  de  la  divi- 
nité qui  y  est  l'objet  d'un  culte  ^.  Entre  la  Lydie  et  l'Assyrie, 
il  a  certainement  existé  des  relations  non  seulement  politiques, 
mais  religieuses;  l'Héraklès  lydien  et  l'Héraklès  assyrien  sont 
des  divinités  très  voisines.  Je  ne  puis  entrer  ici  dans  l'examen 
des  analogies  déjà  signalées  par  O.  Mûller  dans  son  célèbre 
mémoire  Sandon  und  Sardauapah  ;  il  me  suffit  de  dire  que  les 
rapprochements  institués  par  lui  ne  me  paraissent  pas  devoir 
être  contestés,  bien  qu'on  puisse  en  tirer  d'autres  conclusions 
et,  notamment,  ne  pas  accepter,  comme  il  le  fait,  le  caractère 
sémitique  des  dieux  lydiens. 

Si  l'on  explique  ainsi  le  lion  androphage  lydien,  il  faut  trouver 
une  explication  analogue  et  parallèle  pour  le  carnassier  andro- 
phage celtique,  qui  est  un  loup.  A  priori,  il  me  semble  qu'on 
peut  admettre,  chez  une  ou  plusieurs  tribus  celtiques,  un  loup 
divin,  considéré  comme  l'ancêtre  des  hommes  de  la  tribu  et 
considéré  aussi  comme  leur  protecteur,  c'est-à-dire  comme  un 
totem. 

Or,  il  y  a  de  bonnes  raisons  de  croire  que  certains  peuples 
de  la  Gaule,  à  une  époque  très  ancienne,  ont  connu  un  loup 
totémique.  En  effet,  à  l'époque  où   prévalut  l'anthropomor- 

1.  Fragm.  hisi.  graec,  I,  p.  59. 

2.  Il  est  digne  de  remarquer  qu'un  chef  gaulois  s'appelait  Cambaulès 
(Pausanias,  X,  19,  5,  6).  L'hypothèse  d'une  relation  entre  les  Méoniens  et 
les  Celtes  n'aurait  rien  d'extravagant,  puisqu'ils  parlaient  des  langues  de 
la  même  famille. 

3.  Tacite,  Annales,  XII,  15. 

4.  Tacite,  Hisl.,  II,  -8:  Est  Judatam  intcr  Syriamque  Carmelus  :  ita 
vocant  mouteni  deunique. 

5.  Otfr.  iMùller,  Kleine  Schrijten,  t.  II,  p.  100-115.  Je  n'ai  pas  été  con- 
vaincu par  la  réfutation  de  M.  E.  Meyer,  Zeitschrift  der  deulschen  morgen- 
làndischen  GeseUschaft,  t.  XXXI,  p.  756  sq. 


22  2  Stiloluon  Rcinacli. 

phisme,  nous  trouvons  le  dieu  que  César  appelle  Dispater, 
qui  passait,  nous  dit-il,  pour  l'ancêtre  des  Gaulois  (le  totem 
finit  toujours  par  passer  pour  l'ancêtre)  et  dont  les  images,  d'un 
type  analogue  au  Hadès-Pluton  gréco-romain,  portent  souvent, 
comme  on  l'a  remarqué,  une  peau  de  loup^ 

De  même  qu'il  y  avait,  en  Arcadie,  un  Zeus  Lykaios,  qui 
était  un  dieu-loup,  il  y  avait  à  Rome  un  Jupiter  Lucdiiis,  que 
Festus  identifie  à  Dispater-.  Silvain,  auquel  le  Dieu-loup 
gaulois  a  certainement  été  assimilé  dans  la  Gaule  romaine, 
passait  pour  un  «  chasseur  de  loups  »,  exactor  luporurir^  ;  mais 
on  sait  qu'un  des  procédés  constants  de  l'anthropomorphisme, 
quand  il  remplace  le  totémisme,  consiste  à  fliire  de  l'animal, 
autrefois  identique  au  dieu,  soit  le  compagnon  du  dieu  (par 
exemple  Apollon  et  le  dauphin),  soit  sa  victime  (par  exemple 
Apollon  Sauroctone  et  le  lézard),  soit,  plus  rarement,  son 
meurtrier  (Adonis  et  le  sanglier). 

En  Italie,  Silvanus,  le  «  forestier  »,  est,  à  l'origine,  un  dieu- 
loup  comme  Mars,  que  Caton  identifie  formellement  à  Sil- 
vanus. Ce  nom,  «  le  forestier  »,  est  une  épithète  du  loup, 
qu'il  est  dangereux  de  désigner  plus  clairement  ;  en  Suéde, 
on  appelle  ce  fauve  «  le  silencieux.  »  Silvia,  dite  à  tort  Rhea 
Silvia,  est  «  la  forestière  »  ;  elle  conçoit  d'un  loup,  identifié 
à  Mars,  deux  jumeaux  qui  sont  allaités  par  une  louve.  Si  les 
Héraclides  de  Lydie  sont  des  lions,  les  Silvii  d'Albe  sont  une 
dynastie  de  loups.  Chez  les  Samnites,  les  loups  s'appellent 
hirpi;  on  donnait  le  même  nom  aux  prêtres  du  mont  Soracte, 
qui  était  aussi  un  dieu-loup.  En  Grèce,  Hadés,  qui  porte  une 
peau  de  loup  {xloo:;  y.jvir;),  doit  avoir  aussi,  à  l'origine,  été 
conçu  sous  l'aspect  d'un  loupt;  il  en  est  de  même  deThanatos, 
qui,  dans  VAlceste  d'Euripide  (v.  845),  s'arrête  auprès  d'une 
tombe  pour  boire  du  sang. 

Donc,  toutes  les  indications  tendent  à  confirmer  notre  thèse  : 
le  dieu  gaulois,  avant  d'être  assimilé  à  Dispater,  à  Hadès,  à 
Silvain,  était  un  dieu-loup.  C'est  de  ce  dieu-loup   que  deux 

1.  S.  Reinach,  Bronzes  figures,  p.  141,  162. 

2.  Ibid.,  p.  163. 

3.  Lucilius,  a^).  Nonn.,  p.  iio. 

4.  Cf.  mon  article  GaJea  dans  le  Diclioniiaire  de  Saglio,  p.  1429. 


Les  Caniiissiers  androphages  dans  l'art  gallo-romain.         225 

images,  les  seules  qu'on  connaisse  encore,  ont  été  découvertes 
à  Fouqueure  et  à  Oxford  ;  ces  images  relèvent  d'une  tradition 
iconographique  soustraite  à  l'influence  de  l'anthropomorphisme 
et  où,  par  suite,  les  bronziers  gallo-romains  ne  devaient 
chercher  qu'exceptionnellement  des  inspirations. 

Le  dieu  gaulois  dont  parle  César  est  un  dieu  nocturne 
comme  le  loup  {lupus  nocturnus  obambulat,  Virgile,  Georg., 
III,  538);  comme  le  loup,  et  comme  le  Zeus  Lykaios  d'Ar- 
cadie,  il  réclamait  des  victimes  humaines.  Le  fait  que  César 
l'appelle  Dispater  et  que  les  sculpteurs  l'ont  parfois  figuré  sous 
les  traits  deZeus  Serapis,  prouve  aussi  qu'on  lui  attribuait  un 
caractère  infernal.  Le  dieu-loup  du  mont  Soracte  est  égale- 
ment infernal,  au  témoignage  de  Servius^  Or,  dans  les  con- 
ceptions primitives,  les  démons  infernaux  sont  androphages, 
comme  cet  Eurynomos  de  l'Enfer  de  Polygnote  qui  mange 
les  chairs  des  morts  et  ne  laisse  que  leurs  os  -.  Cerbère  lui- 
même,  avant  de  devenir  le  gardien  des  Enfers,  a  été  le  chien 
vorace,  vA^oip:;  w[j.-/;7r(;;3,  qui  se  repaissait  de  la  chair  des 
trépassés.  Un  artiste  aurait  pu  le  représenter  sous  le  même 
aspect  que  les  carnassiers  de  Fouqueure  et  d'Oxford^. 

Les  morts  qu'avale  le  loup  infernal  ne  se  débattent  pas,  car 
ils  sont  morts.  Or,  nous  avons  fait  observer  que  les  deux  sta- 

1.  Serv.,  ad  Aen.,  XI,  785. 

2.  Pausanias,  X,  28,  7  ;  cf.  Dieterich,  Nehia,  p.  47. 

3.  Hésiode,  Theog.,  311.  Les  anciens  expliquaient  le  nom  de  Cerbère  par 
/.oîooooo;  (mangeur  de  chair)  et  Servius  l'assimile  à  la  terre  qui  consume 
tous  les  corps  :  Cerberus  terra  est  consumptrix  omnium  corporurn  (ad  Aen., 
VI,  593).  Tout  cela,  bien  entendu,  est  absurde,  mais  reflète,  comme  l'a  vu 
M.  Dieterich  (op.  l.,  p.  50),  l'ancienne  conception  d'un  chien  mangeur  de 
cadavres. 

4.  VOrctis  latin,  père  de  nos  ogres,  semble  avoir  été  conçu  par  le  peuple 
comme  un  fauve  vorace  (faiices  Orci*).  L'ogre  des  contes  est  un  Croque- 
mitaine,  comme  le  loup  du  Petit  Chaperon  Ronge;  il  a  une  grande  bouche  et  de 
longues  dents.  Dans  les  Mystères  du  moyen  âge,  l'ouverture  do  l'Enfer  est 
représentée  par  une  gueule  de  lion  ou  de  dragon  ;  les  diables  sont  enveloppes 
de  peaux  de  loup.  L'idée  que  le  démon,  qui  participe  à  la  nature  du  dieu 
infernal,  est  un  loup  ou  un  serpent,  paraît  encore  dans  une  étrange  histoire 
à  la  date  de  1275  :  une  dame  de  Labarthe,  à  Toulouse,  qui  avait  eu  com- 
merce avec  le  diable,  accoucha  d'un  enfant  à  tète  de  loup  et  à  queue  de 
serpent  (DoWmiwr,  Jahrbikher  der  Kaiserlichen  Saimnhingen,  "Vienne,  1898, 
P-  355)- 

*  Virg.,  Aen.,  VI,  27;. 


2  24  Salomon  Reinach. 

tuettcs  gallo-romaines  présentent  ce  caractère  commun  et  sur- 
prenant, que  l'homme  à  moitié  dévoré  par  le  fauve  ne  semble 
faire  aucune  résistance.  A  moins  donc  d'attribuer  aux  artistes 
une  singulière  impuissance  d'observation  —  d'autant  plus  sin- 
gulière, en  l'espèce,  qu'il  y  en  aurait  deux  exemples  —  il  faut 
admettre,  je  crois,  que  la  proie  du  carnassier  celtique  est  bien 
un  mort.  Tout  s'explique  alors  très  simplement.  Le  loup  totem, 
ancêtre  mythique  de  la  tribu,  joue  le  double  rôle  qu'on  attri- 
buera plus  tard  à  la  Terre  et  même  au  Dieu  spiritualisé  du  mono- 
théisme ;  il  est  à  la  fois  le  père  des  hommes  et  leur  tombeau  ; 
ils  viennent  de  lui  et  ils  retournent  en  lui  ;  il  les  appelle  à  la 
vie  et  les  résorbe  quand  ils  ont  vécu.  C'est  comme  la  traduction 
zoomorphique  d'une  idée  qui,  sous  une  forme  moins  grossière, 
est  encore  accréditée  aujourd'hui,  invoquée  et  variée  à  l'infini 
dans  les  oraisons  funèbres,  dans  les  discours  et  les  missives 
de  consolation.  Si  j'ai  tort  d'attribuer  cette  idée  aux  Celtes, 
ou  du  moins  à  certains  Celtes,  je  suis  tout  prêt  à  reconnaître 
mon  erreur,  mais  le  jour  seulement  où  l'on  aura  proposé,  pour 
les  deux  statuettes  qui  font  l'objet  de  cette  étude,  une  explica- 
tion plus  satisfaisante. 

Salomon  Reinach. 


A  NOTE  ON  ESKADJ   TIGE  BUCHET 


Further  considération,  coupled  with  some  friendly  criticisms 
from  Mr  O.  J.  Bergin,  Father  Henebry  and  Professer  K.  Meyer, 
bas  led  me  to  présent  the  following  text  and  translation  of  the 
difficult  dialogue  between  Buchet  and  Cathair  Môr  {Rev.  Cel- 
tique, XXV,  23-25). 

TEXT 

Ocus  asbert  Buchet  : 

A  mmo  choir  Cathair,  cotôrecht  ru[f]âcbath  ûas  Hërenn  iath! 

Adcoirhse  mo  chrod  dot  châin  macniu,  cen  chinta  fira. 

Fallsigthe  fô,  ar  ba  fiu  mo  brug/;5sa  cach  rhbrugas  cona 
bêsaib  brugad  anbitli. 

Bid  anim  môr  mo  dîth  do  Chathâir  crich. 

Macne  Chathâir  ro  chloiset  mo  brugas  bûar  .i.  Ros  Rùad- 
bullech, 

Crimthann  Cétguinech,  Dâre  Trebanda,  Loscan  An,  Echaid 
Airegda,  Brcssal  Enechglas,  Fiacha  Foltlebor  fortbia  cach. 

Buchet  ni  bîa  feib  ro  mbôi  riani  cor-ri  ailethuaith  nad  rosset 
hûi  Feidlimthi  Find. 

Is  and  sin  frisrogart  Cathrt/r  a  n-asbert  : 

Fir,  a  Buchet,  basa  brugaid  biata  dcâm. 

Buaid  do  gai,  do  gart,  do  gaisced,  dogên[ad]  fâilti  fri  cach 
n-ôen  it  midchûairr  mdr. 

Acht  con  messindse  mo  maccu  ni  diiigêntais  do  chridi  crâd. 

Nert  ni  dernim,  rith  ni  rordaim,  lêim  ni  rolrigaim,  rodarc 
ni  cian  cuiignamar. 

Revue  celtique,  XXV.  15 


2  26  Whitley  Stokes. 

Rige  dorumaksa  .l.  riibliadan  mbi'ian. 

Acht  con  messind  dofessind  do  Buchet  a  biiar. 

Nimthâsa  cumaùgduit,  a  Buchet,  acht  as  aithe  cach  delgassô. 

As  tir  duit. 

TRANSLATION 

And  Buchet  said  : 

«  O  my  just  Cathdir,  préserve  the  hiw  that  has  been  left 
over  Erin's  land  ! 

«  I  cry  out  for  my  wealth  carried  off  by  thy  fair  sons  without 
faults  of  truth  (on  my  part). 

«  Manifest  (thy)  goodness,  for  my  hospitahty  was  worth 
any  hospitahty,  with  its  fervid  (?)  hospitaler's  customs. 

«   My  loss  will  be  a  great  blemish  to  Cathdir's  country. 

«  My  hospitahty  and  cattle  Cathdir's  sons  hâve  ruined, 
to  wit, 

Ross  Red-striking,  Crimthann  First-wounding,  Ddre  the 
Tribunician,  Loscdn  the  Splendid,  Eochaid  the  Princely,  Bressal 
Greenface,  Fiacha  Longhair,  who  will  eut  off  (?)  every  one. 

«  Buchet  will  not  be  as  he  hath  been  before  until  he  reaches 
another  tribe  which  the  grandsons  of  Feidlimid  the  Fairwould 
not  reach.  » 

Then  Cathdir  answered  what  he  said  : 

«  True,  O  Buchet,  thou  hast  been  a  landholder  nourishing 
companies. 

«  Precious  is  th}^  fervour,  thy  hospitality,  thy  valour,  which 
would  make  welcome  to  every  one  in  thy  great  midcourt. 

«  If  only  I  had  judged  my  sons,  they  would  not  cause. thy 
hcart's  torment. 

«  Strength  I  cannot  exercise,  running  I  cannot  run,  a  leap 
I  cannot  leap  :  (as  to)  sight,  not  far  do  we  perceive. 

«  Kingship  I  hâve  enjoyed  for  lifty  lasting  years. 

«  If  only  I  had  judged  (my  sons)  I  would  bring  his  kine  to 
Buchet. 

«  (But  now)  I  hâve  no  power  for  thee,  O  Buchet,  (nothing), 
save  (the  proverb)  sharpcr  is  every  ihorn  that  is  younger. 

Cet  thee  out  of  the  country  ! 


A  Note  on  EsnaJa  Tige  Buchet.  227 


NOTES 

I.  ruâcbaîh  îox  ro-fàcbaîh,  a  Middle-Irishism  îoï  fo-r-àcbath, 
3^'  sg.  perf.  pass.  o(  foâcbaiiii,  with  the  particle  ro  infixed.  So 
in  ro  iarfaig,  Rev.  Celt.,  XXV,  28,  the  ro  is  prefixed  to  a 
compound  verb.  In  ;//  ro-dibdad  the  position  of  ro  is  regular. 

fira,  gen.  sg.  of//;'  «  truth  »,  an  /^stem. 

anbith  seems  cognate  with  the  Old-Welsh  anbitJnud  (leg. 
anbitanl^,  which  glosses  «  fervida  »  in  the  Cambridge  Juven- 
cus,  and  which  is  novv,  according  to  Loth  (Vocabulaire  vieux- 
breton,  p.  39)  y}ifyd  «  furious  ».  The  root  may  be  f^î  (with 
labiovehar  0"),  whence  Gr.  ^(a  and  Skr.  jâyali,  jiiuVi. 

brugas-bitar  may  be  3.  dvandva  compound, 

dâiii,  gen.  pi.  oi  dàm  =  ^r,?-^-,  is  governed  by  bîata  gen. 
sg.  of  biathad. 

acht  con  (in  Modem  Irish  achl  go-ii^  hcrc  means  «  if  only  ». 
Cf.  dà  fessed  acht  co  vibad  fer  iilcach  nodn-gonad,  LU.  74'', 
acht  co  taethsad  Cûchulainn  lais  fo  linn  ccmad  chomthoitim,  YBL. 
37,  39,  acht  con  noathar,  O'Dav.,  no.  1336.  Ba  chuma  liom 
acht  go  nibeadh  an  Jiiéid  seo  déanta  agaiii.  For  tiie  last  quotation 
I  am  indebted  to  Mr  Bergin. 

In  §  2  {Rev.  Celt.,  XXV,  20)  gesca  means,  according  to  Father 
Henebry,  «  small  herds  »,  «  bunches  of  cattle  »,  as  they  say 
in  Canada.  This  interprétation  is  supported  by  the  JTo/[r]  of 
W .  the  pi.  of  scor  À.  ba  no  eich,  «  cows  or  horses  »  O'Davo- 
ren's  Glossary. 

Whitley  Stokes. 

I  April  1904. 


AVERTISSEMENT  AU  LECTEUR 


L'accident  arrivé  au  directeur  de  la  revue  par  effet  de  la  rencontre  d'une 
bicyclette  et  l'incapacité  momentanée  de  travail  qui  s'en  est  suivie,  l'obligent 
à  renvoyer  au  n"  de  juillet  la  chronique  et  les  périodiques.  Il  se  borne  à 
constater  que  depuis  le  mois  de  janvier  dernier  les  volumes  suivants  sont 
arrivés  à  son  bureau  : 

Historv  of  Ireland  from  tlie  earliest  times  to  the  year  1547  by  Rev.  E. 
A.  D'Alton,  with  a  préface  by  the  most  Rev.  John  Healy,  D.  D.,  LL.  D., 
M.  R.  I.  A.,  archbishop  ol  Tuam.  —  Dublin,  Bryers  and  Walker,  1903. 

Recueil  des  chartes  de  l'abbaye  de  Saint-Benoît-sur-Loire,  réunies  et 
publiées  par  MM.  Maurice  Prou  et  Alexandre  Vidier,  t.  I,  2^  fascicule.  — 
Paris,  Picard,  1904. 

Keltic  Researches.  Studies  in  the  history  and  distribution  of  the  ancient 
goidelic  language  and  peoples,  by  Edward  Williams  Bvron  Nicholson, 
M.  A.,  Bodley's  librarian.  —  London,  Henry  Frowde,  1904. 

Ma  beaj  Jérusalem  skrivet  gant  An  Au.  L.  Le  Clerc.  —  Prudhomme, 
Saint-Brieuc,  1903. 

The  Cattle-Raid  of  Cualnge  (Tâin  bô  Cûailnge)  an  Old  Irish  Prose-Epic, 
translated  for  the  first  time  from  Leabhar  na  h-Uidhri  and  the  Yellow  Book 
of  Lecan  by  L.  Winifrid  Faraday,  M.  A.  —  London,  David  Nutt,  1904. 


Le  Propriétaire- Gérant  :  Veuve  E.  Bouillon. 


Chartres.  —  Imprimerie  Durand,  rue  Fulbert. 


NOTE    SUR    LE    G/ESUM 


On  s'accorde  à  reconnaître  que  le  mot  gxsum  (J^at^cv  ou 
Paisiç),  d'origine  celtique,  désigne  les  javelots  des  peuples 
celtiques  ^  Mais  on  est  mal  renseigné  sur  la  matière  et  la  forme 
de  cette  arme.  Certains  auteurs,  s'appuyant  sur  la  glose 
d'Hesychius,  ï\}.ook'.o')  ;/w7(sr,p:v,  croient  que  le  gxsiun  était  tout 
en  fer.  D'autre  part,  les  termes  alpina  gcesa  (Virgile,  Aen.,  VIII, 
Gd  r)  ont  été  traduits  par  «  deux  gœsum  dont  le  bois  a  été  fourni 
«  par  des  sapins  des  Alpes-  ». 

Enfin,  bien  que  des  taisceaux  de  javelots  figurent  parmi  les 
trophées  de  l'arc  d'Orange,  on  n'a  pas  encore  pu  distinguer, 
parmi  les  armes  conservées  dans  les  musées,  les  ga'sa  des  javelots 
ordinaires). 

Je  crois  que  la  numismatique  apporte  un  renseignement 
utile  en  ce  qui  concerne  la  forme  de  l'arme. 

On  admet  avec  raison  que  les  deniers  des  monétaires  romains, 
M.  Aurelius  Scaurus,  L.  Cosconius,  C.  Poblicius  Malleolus, 
L.  Pomponius  et  L.  Porcins,  font  allusion  à  la  victoire  rem- 
portée par  le  proconsul  Cn.  Domitius  Ahenobarbus,  à  Vinda- 
lium,  sur  le  roi  Arvcrne  Bituit  et  les  Allobroges(i2i  av.  J.-C.)^, 


1.  Cf.  S.  Reinach,  dans  Dict.  des  ant.  gr.  et  roiii.,  s.  v.,  t.  II,  p.  142S. 

2.  H.  d'Arbois  de  Jubainville,  dans  Rev.  archéol.,  1891,  I,  p.  192.  Par 
contre,  M.  S.  Reinach  dit  que  l'épithète  alpina  paraît  se  rapporter  au  pays 
d'origine  des  guerriers  armés  du  gœsum  (Joe.  cit.,  n.  9). 

3.  S.  Reinach,  loc.  cit. 

4.  J.  de  Witte,  L'Arc  de  triomphe  d'Orange,  dans  Rev.  archéol.,  1887,  II, 
p.  129-157,  pi.  XIV  (cette  pi.  héliogravée  reproduit  tous  les  deniers  de 
la  série  et  permet  de  voir  nettement  les  détails  auxquels  je  fais  allusion  dans 
la  présente  note). 

Revue  Celtique,  XXV.  16 


i]0  Adrien  Blanchft. 

En  effet,  le  nom  du  censeur  Cn.  Domitius  Ahenobarbus,  fils 
du  consul  du  même  nom,  est  inscrit  sur  ces  monnaies,  dont 
le  type  peut  donc  logiquement  se  rapporter  à  un  événement 
où  le  consul  joua  le  principal  rôle.  De  plus,  ces  deniers  repré- 
sentent un  guerrier  combattant,  nu^,  sur  un  char 2,  et  tenant 
un  bouclier  qui  paraît  plutôt  de  forme  allongée.  C'est  ainsi 
que  les  guerriers  gaulois  sont  représentés  sur  divers  mo- 
numents. 

Enfin,  on  remarque,  sur  tous  les  deniers  de  la  série,  un  carnyx 
ou  trompette  spéciale  aux  Gaulois.  La  présence  de  cet  instru- 
ment est  une  preuve  que  le  graveur  romain  a  eu  réellement 
l'intention  de  représenter  un  guerrier  gaulois  3.  L'artiste  était, 
avant  tout,  désireux  de  marquer  nettement  la  nationalité  du 
combattant;  et  pour  répondre  à  son  idée,  il  n'a  pas  craint 
de  placer  le  carnyx  dans  une  position  que  je  crois  peu 
rationnelle  4. 

J"ai  insisté  sur  les  caractéristiques  du  guerrier  gaulois,  repré- 
senté sur  les  deniers  romains  précités,  et  cela  m'autorise  main- 
tenant à  proposer  de  tirer  de  ces  monnaies  un  autre  enseigne- 
ment. 

Puisque  le  guerrier  combattant  sur  son  char  est  bien  un 
Gaulois,  l'arme  qu'il  lance  doit  être  une  arme  essentiellement 
gauloise  et  le  graveur  romain  a  dû  traiter  ce  détail  de  son 
œuvre  avec  le  même  soin  que  les  autres.  A  la  place  du  terme 
de  «  javelot  »  ou  de  «  lance  »  5,  employé  par  les  auteurs  anté- 


1.  Sur  les  Gaulois  combattant  nus,  voy.  S.  Reinach,  dans  Rcv.  archcoL, 
1889,  I,  p.  337,  et  les  textes  cités  de  Polybe  et  de  Diodore. 

2.  A  la  bataille  de  Clastidium  (222  av.  J.-C),  le  roi  Virdumarus,  sur 
son  char,  menaça  de  son  gccsiini  le  consul  M.  Claudius  Marcellus.  Cf.  H. 
d'Arbois  de  Jubainville,  Le  char  de  guerre  des  Celtes  dans  quelques  textes  histo- 
riques, dans  Rev.  Celtique,  t.  IX,  1888,  p.  387-393. 

5.  Probablement  le  roi  Bituitus  ou  Betultus. 

4.  En  effet,  sur  les  deniers  romains,  le  carnyx  paraît  maintenu  par  le 
bras  gauche  du  combattant,  déjà  chargé  du  bouclier  ;  la  main  droite  tient 
l'arme  dont  je  vais  parler.  Il  est  peu  probable  que  le  combattant  se  soit 
embarrassé  du  carnyx,  au  moment  de  lancer  un  trait.  D'ailleurs,  le  carnyx 
ne  se  voit  plus  sur  une  monnaie  gauloise,  copiée  des  pièces  romaines  (je 
parlerai  de  cette  copie  dans  mon  Traité  des  monnaies  gauloises,  sous  presse). 

5.  La  manière  dont  le  guerrier  lève  le  bras  paraît  s'accorder  mieux  avec 
je  lancement  d'un  javelot  qu'avec  le  maniement  d'une  lance. 


Note  sur  le  gaesum.  23 1 

rieurs,   qui  ont  décrit  ces  monnaies  romaines,  on   pourrait 
proposer  celui  de  gœsiiiii  '. 

Et  si  l'on  examine  les  monnaies  elles-mêmes  (ou  la  planche 
héliogravée  que  j'ai  citée),  on  remarquera  que  cette  arme, 
lancée  par  le  Gaulois,  est  caractérisée  par  une  pointe  large 
ressemblant  à  une  feuille-. 


Agrandissement  ;  d'après  les  deniers  romains. 

On  pourrait  rapprocher  ce  javelot  à  large  pointe  de  ceux  dont 
se  servent  les  guerriers  représentés  sur  la  plaque  de  ceinturon 
de  Watsch  (Carniole)'. 

Nous  pouvons  donc  nous  appuyer  maintenant  sur  des  don- 
nées plausibles  pour  tenter  de  retrouver  le  gœsum  parmi  les 
pointes  de  fer,  larges,  conservées  dans  les  musées 4, 

Adrien  Blanxhet. 


1.  Je  crois  qu'il  faut  écarter  du  débat  la  cateia  (au  sujet  de  cette  arme, 
voy.  Alex.  Bertrand,  dans  A.  Bertrand  et  S.  Reinach,  Les  Celtes  dans  les 
vallées  du  Pô  et  du  Danube,  1894,  p.  191  et  194). 

2.  On  a  trouvé  à  La  Tènc  un  fer  de  cette  forme,  qui  est  conservé  au 
Musée  de  Bicnne. 

3.  A.  Bertrand  et  S.  Reinach,  op.  cit.,  p.  107,  fig. 

4.  On  peut  même  avoir  l'espoir  de  retrouver  l'arme  entière. 


TIDINGS    OF    THE    RESURRECTION 


Next  to  the  Vision  of  Adamndn  (Jrische  Texte,  I,  169-196) 
and  the  Tidings  of  Doomsday  {Revue  Celtique,  IV,  245-257), 
the  following  tractate  is  the  most  important  document  now 
existingfor  the  study  of  the  eschatology  ofthe  mediaeval  Gaels. 
The  unique  copy  is  in  pp.  34^-37''  ofthe  Lebor  na  hUidre,  a 
ms.  of  the  end  of  the  eleventh,  or  the  beginning  of  the 
twelfth,  century,  preserved  in  the  library  of  the  Royal  Irish 
Academy.  The  paucity  of  infixed  pronouns^  and  of  déponents, 
and  the  Middle-Irish  verbal  forms  collected  by  Strachan  from 
our  tractate  in  CZ.,  II,  482,  490,  491,  III,  476,  488,  shew 
that  it  cannot  hâve  been  composed  much  before  the  date  ofthe 
ms.  As  to  its  sources,  I  am  too  unEuniliar  with  patristic  and 
mediaeval  eschatology  to  point  them  out  with  confidence.  The 
writer  seems  to  translate  from  the  work  of  a  nameless  person 
whom  he  calls  «  the  author  »  (///  l-auglar^  in  §  14,  the  «  autho- 
rity  »  (augtartas)  in  §  33,  «  the  sage  »  (in  t-ecnaid)  in  §§  30, 
36,  37.  He  quotes,  or  refers  to  the  Bible  in  §§2,  8,  10,  16,  27, 
28.  Augustine  is  expressly  mentioned  in  §  12,  and  that  saint's 
De  civitate  Dei  is  drawn  upon  in  §  11.  The  réfutation  by 
S.  Gregory  (Nazianzenus  ?)  of  an  heretical  opinion  of  Euty- 
ches,  §  19,  I  hâve  not  traced.  Some  ofthe  questions  raised 
by  the  Irishman  were  answered,  long  after  his  time,  by  Thomas 
Aquinas  in  the  supplément  to  the  third  part  of  his  Summa 
Theologica,  quaest.  Ixxx,  De  integritate  corporu)ii  résurgent iuiii. 

I.  There  are  only  thèse  four  perfects  :  doni-iiiémiir,  jo-ro-dmalàr,  ro 
gêiuitiir,  mon-gcnair,  and  one  5-preterite  :  ro  lliirùarthcstar. 


Tidings  of  the  Résurrection.  2jî 

A  few  points  of  contact  with  the  Talmud  and  the  Koran  are 
mentioncd  in  the  notes  to  §§  2,  6,   8,  29. 

The  tractate  was  edited,  with  an  EngHsh  version,  as  a  pam- 
phlet, in  1865,  by  the  late  Mr.  J.  O'Beirne  Crowe,  but  with  so 
many  textual  errors^  and  niistranslations-  as  to  render  a  new 
édition  désirable. 

The  glossarial  index  contains  Irish  words  occurring  in  the 
tractate,  but  not  found  in  Windisch's  Worterbuch.  It  also 
contains  the  Latin  words  quoted  in  §  33. 


1.  Thus  the  sigla  Ja  and  ^7  arc  misread,  passim,  as  dan  and  diii.  Further, 
in  p.  4,  for  Mihil  rend  Michil,  and  for  cinudu  read  ciniud  :  p.  6,  for  roeirete 
recid  roesrete.  P.  8,  for  feisin  sin  read  féisin.  P.  8,  for  fuilliuchta  na  cneth 
read  fulliuchta  na  crc[c]ht.  P.  12,  for  hâisi  read  bais.  P.  14, /or  thcchtfat 
read  thechtfat,  for  aniail  read  amail,  for  innosa  read  innossa,  and  for  uair 
read  ûar.  P.  16, /or  fdchraic  read  fochraic, /or  cairdessa  read  cardessa,  and 
for  Elsi  read  Elesi.  P.  18,  for  for[s]airind  read  fairind,  for  theorségad  read 
theorfcgad  ;  for  dcus  read  ocus,  for  naich  read  nach  :  for  tôrtromad  read  tôr- 
trommad  ;  and  for  sorordai  read  forordai.  P.  20, /or  perstrigia  .i.  ind  esergi 
read  praestrigia  esergi  P.  22,  for  ség,  ocur,  beôgad,  sairend,  sirenaib,  innosa 
read  fég,  ocus,  beôgud,  fairend,  firenaib,  innossa.  P.  24,  for  ra  sualchi, 
emiltiuf  read  na  sûalchi,  emiltius. 

2.  Thus  in  P.  4,  bruiiiniiid  «  being  burned  ».  P.  6,  ocond  fugiiill  «  at  the 
trial  ».  P.  8,  trachtaid  «  interprets  »  :  a  folaid  «  of  their  notion  »  :  cointhôither 
«  shall  return  ».  P.  10,  dhithfe  «  will  contract  »,  slaidrid  «  admixture  ».  P. 
12,  ro  thiruartheslar  «  he  destined  »  :  sochma  «  easy  »,  todochaide  «  expccta- 
tion  ».  P.  14,  ro  foriiaslig  «  has  rejected  »,  ros  fathgè  «  annulled  it  ».  P.  16, 
amail  dlé  «  as  he  desenes  »,  nam  bia  «  the  things  that  are  ».  P.  18,  temcl 
«  shadow  ».  P.  20,  lucht  ind  renieca  «  the  previsionists  »,  co  coninius  (leg. 
comlainius)  «  in  communion  »:  co  forhlhe  «  firmly  ».  P.  22.  triasa  nderna 
«  through  which  were  made  »,  diafil  inforbairt  ocus  in  beôgad  «  which  goes 
to  decav  and  revives  ».  P.  24,  atragat  «  that  arise  »  :  cecha  airir  «  of  cvery 
boLinty  »,  atchichesLir  «  that  siiall  be  worshippcd  (?)  ». 


2  54  Whitlcy  Stokes. 


SCELA  NA  ESERGI  INSO 

[slicht  Lebuir  na  liUidre.] 


I.  Tahrad  cach  dia  airi  co  ticfli  brath.  Is  ands/V/e  bias  esergi 
dona  hulib  duinib  tri  erfuar/'a  M^7/c  De.  Isind  16-sin  .i.  il-lô 
bratha,  c//mscaigfidfr  nem  7  tiihvn  7  inna  hidi  duli  filet  intib. 
Tudslaicfitrr  7  legfait  ri  tes  tened  bratha,  acht  cuirfittr  na  huli 
sin  hi  cruth  bas  aldiu  7  bas  [s]oc/;raidiu  co  môr  andas  in  cruth 
ir-rabatar  iarna  mbrunniud  7  iarna  nglanad  tria  thenid  mbratha. 


2.  Is  and  sin  techtfas  in  teni-sin  lathi  bratha  brig  7  nert 
cosmail  don  tenid  in  ro  faite  na  tri  maie  oc  Nabcodow.  Ni  rô 
loisc  in  tene  sin  na  m^7ccu  naema.  Ro  loisc  ïmiiiorro  na  tim- 
thirthidi  ecrdibdecha  batar  imman  sornd  tened.  Is  amhtid  sin 
loiscfes  teni  bruthmar  bratha  na  hidi  pecthachu  7  na  huli 
ecraibdechu.  Ni  erchotigfi  immorro  do  chorpaib  na  firen,  ar 
biâid  in  teni  sin  amail  brôen  n-ailgen  dona  naemaib  '.  Loscfid 
iminorro  na  pecthachu. 

3.  Doraga  Mac  Duni  de  nim  isind  lo-sin  .i.  il-lô  bratha  .i. 
îsu  Crist,  7  artraigfid  isind  aeôr  i  soilsi  7  etrochta  drrmair 
zmail  gmn,  7  linfoid  in  tsolsi-sin  in  n-uli  ndomon  o  t/<rcbail 
gmii  co  a  fuiniud. 

4.  Atchluinfet  andsin  na  huli  duini  filet  in-adnaicthib  guth 
}Aaic  De.  Co  mbad  guth  corptha  atbivad  Isu  sund  do  estecht 
dona  marbaib  .i.  guth  ind  archaingil  Michil  doraga  d'eriuacra 
na  hesergi  co  cohcbemi  (or  in  cin[i]ud  ndôenda  ro  »-epn  friu  fo 
t/;ri  .i.  ergid  uli  a  bas  [34''].  Nô  is  guth  nemchorpda  aiher  Isu 
sund  d'estecht  dona  marbaib  .i.  forcongra  spirtalda  7  cz/machta 


I.  Like  the  «  Thau  der  Auferweckung  »   of  Rabbi   Elieser,  v.  Eisen- 
menger,  Entdecktes  Judentbum,  II,  927. 


Tidings  of  thc  Résurrection.  2^5 


THE  TIDINGS  OF  THE  RESURRECTION  HERE 

{TheBook  of  the  Dun  Cow,  p.  54'.) 

1 .  Let  evcry  one  take  heed  that  thc  Judgment  will  corne.  'Tis 
then  that  ail  men  will  arise  through  the  proclamation  of  the 
Son  ofGod.  On  that  day,  to  wit,  on  the  Day  of  Doom,  heaven 
and  earth  will  be  shaken,  and  ail  the  éléments  that  are  therein. 
They  will  be  dissolved  and  melted  by  the  heat  of  the  fire  of 
Doom  ;  but  ail  those,  after  bcing  smelted  and  purified  by  the 
fire  of  Doom  S  will  be  cast  into  a  form  more  beautiful  by  far 
than  the  form  in  which  they  existed. 

2.  'Tis  then  that  fire  of  Doomsday  will  possess  vigour  and 
strength  like  unto  the  fire  into  which  the  threc  Children  were 
sent  by  Nebuchadnezzar.  That  fire  did  not  burn  the  holy 
children;  but  it  burnt  the  impious  servants  who  were  about 
the  fiery  furnace-.  Thus  then  the  glowing  fire  of  Doom  will 
burn  ail  the  sinners  and  ail  the  impious.  But  it  will  do  no 
hurt  to  the  bodies  of  the  righteous,  for  that  fire  will  be  like  a 
soothing  rain  to  the  saints,  but  it  will  consume  the  sinners. 

3.  On  that  day,  to  wit,  on  Doomsday,  the  Son  of  Man,  even 
Jésus  Christ,  will  comc  from  heaven,  and  will  appear  in  the  air 
in  vast  light  and  radiance,  like  a  sun  ;  and  that  light  will  fill  the 
whole  world  from  the  rising  of  the  sun  to  the  setting  thereof. 

4.  Then  ail  the  men  who  are  in  graves  will  hear  the  voice 
of  the  Son  of  God.  It  may  be  a  corporeal  voice  that  Jésus 
would  hère  utter  to  be  heard  by  the  dead,  to  wit,  the  voice 
of  thearchangclMichael  who  will  come  to  proclaim  the  Résur- 
rection generally  to  the  human  race,  so  that  he  says  to  them 
thrice  :  «  Arise  ye  ail  out  of  death  !  »  Or  it  is  an  incorporeal 
voice  that  Jésus  hère  utters  to  be  heard  by  the  dead,  to  wit, 


1.  Epistola  B.  Pétri  II,  c.  5,  v.  10. 

2.  Prophetia  Danielis,  III,  22. 


256  Whitley  Stokes. 

diasneti  in  Chomded  nnd  ch//maing  nach  nduil  do  imgahail. 
Is  triasin  forcongra  sin  arresat  na  huli  daine  a  bas  .i.  doneoch 
ro  sluic  talam  7  atûatâr  biasta  7  ro  bâid  uscc  7  ro  loisc  tene,  7 
dano  ro  tiiaslaicthe  for  aicncd  na  ndul  dia  nder[n]ta.  Atreset  sin 
uli  a  bas  la  brafad  n-oenûaire,  7  gebaid  cach  dib  a  anmain  féin 
i  n-oentaid  a  cliuirp  dilis,  7  fedligfit  iartain  i  mbet[h]aid  tria 
bithu. 


5.  IS  andsin  Bidfed  in  Comdiu  a  t[h]echtaire  ùasli  .i.  na 
aingliu  nôcma,  fôn  n-uli  ndomon,  7  tinoltait  na  huli  firenu  a 
ccibrï  ardaib  in  Vàliiiaii,  7  nos-b^rat  léo  hi  comddil  Crist  isin 
n-aer.  Tinolfit  immorro  na  demna  Ico  na  hule  pecdachu  7  na 
liule  ecraibdechu,  Beti  and  sin  na  huli  sin  ïor  aird  i  fiadnaisi  in 
Chomded  ocond  fugiull  .i.  aingil  7  demna  7  daini  .i.  eicr 
phecthac[h]aib  7  firenu. 

6.  Ccs/naigthcr  da/zo  cia  hinad  àrithe  asa  mbia  eisérge  cach 
duine.  Asa  n-adnaicthib  ém  co  dtmin,  iar  ndesmirecht  sin 
chuirp  in  Chomded  atraracht  asa  adnacul  fcisin.  INd  [tjairend 
immorro  ro  tomlithea  o  biastaib  ^  7  ro  scailtc  i  n-inadaib  écsam- 
laib  atreset  sin  iar  comarli  in  Chomded  nos-tinolta  7  nos- 
athnuigfe  asind  inud  bas  ail  dô.  Araidi  iss-ed  as  dochu  and  cô 
mba  hand  atresat  airm  in  ro  tomlithe  7  in  ro  es[s]rete,  ar  isscd 
sin  armithtT  ar  adnacul  doib. 

7.  Cestnaigthcr  da//o  i  mbia  esergi  dona  toglûasachtaib  7 
dona  torat/;raib-  doennaib.  Is  e  a  frecra  sin,  co  mbia  co  demin 
esérgi  thall  i  mbethaid3  do  hulib  ro  thechtsat  hi  fos  bas  iar 
mbethaid.  Md  ro  thechtsat  d'idit  na  togluasachta  bas  iar  mbe- 
thaid,  cid  i  mbroind  a  mathar,  is  demin  co  mbia  esergi  dôib 
thall  7  co  techtflit  bethaid  iarsin  bas[s]in.  Mainp  c/mitabairt 
d'idu  amlaid  sin  esérgi  dona  toglûasachtaib  is  lugu  co  mor  as 
c?/mtabairt  esergi  dona  naedenaib  7  dona  torothraib. 

1.  Rabbi  Saadias  discusses  the  question  whether  those  vvho  are  devoured 
by  wild  beasts  will  arise  :  sce  Eisenmengei",  Entdccklcs  Judenthitm ,  II,  9 1 7. 

2.  Facs.  toratraaib. 

3.  Facs.  betluib. 


TiJinns  of  the  Résurrection.  237 

the  spiritual  cornmand  and  the  unspeakable  power  of  the  Lord, 
which  no  créature  can  avoid.  By  that  command  ail  men  will 
arise  ont  of  death,  to  wit,  whomsoever  earth  has  swallowed, 
and  beasts  hâve  devoured,  and  water  has  drowned  ',  and  lire  has 
burnt;  and  also  those  that  hâve  been  dissolved,  according  to 
the  nature  of  the  éléments  of  which  they  were  formcd.  AU 
those  will  arise  out  of  death  in  the  flashing  of  a  single  hour^, 
and  each  of  them  will  take  his  own  soûl  into  union  wirh  his 
proper  body,  and  they  will  afterwards  remain  alive  for  ever. 

5 .  'Tis  then  the  Lord  will  send  his  noble  envoys,  the  holy 
angels,  throughout  ail  the  world,  and  they  will  gather  ail  the 
righteous  out  of  the  four  quarters  of  the  earth  and  bring  them 
into  the  air  to  meet  Christ.  The  devils,  however,  will  gather 
with  them  ail  the  sinners  and  ail  the  impious.  There  shall  ail 
those  be  on  high  in  the  présence  of  the  Lord  at  the  Judgment, 
to  wit,  angels  and  devils  and  human  beings,  that  is,  both  sinners 
and  righteous. 

6.  Now  it  is  asked,  what  is  the  exact  place  out  of  which 
every  one's  résurrection  will  be  ?  Out  of  their  graves  assuredly  ), 
after  that  example  of  the  Lord's  Body,  which  arose  out  of  its 
own  sepulchre.  Those,  however,  who  hâve  been  devoured  by 
wild  beasts  and  dispersed  in  différent  places,  will  arise  according 
to  the  counsel  of  the  Lord,  who  will  gather  them  and  renew 
them,  out  of  the  place  that  He  desires.  Yet  it  is  likelier  in  this 
case  that  they  will  arise  there  where  they  hâve  been  devoured 
and  dispersed,  for  that  is  what  is  counted  as  their  tomb. 

7.  It  is  asked,  now,  will  there  be  a  résurrection  for  human 
abortives  and  monsters  ?  The  answer  to  that  is,  that  beyond 
there  wnW  certainly  be  a  résurrection  into  life  for  ail  who  hâve 
had  death  hère  after  life.  If,  then,  the  abortives  had  death  after 
life,  even  in  their  mother's  womb,  it  is  certain  that  they  will 
hâve  a  résurrection  beyond,  and  that  they  will  hâve  life  (again) 
after  that  death.  If,  then,  there  is  thus  no  doubt  of  the  résur- 
rection of  abortives,  much  less  is  there  doubt  of  the  résurrec- 
tion of  infants  and  monsters. 

1.  Apoc.  XX,  13. 

2.  Ep.  ad  Corinthios  I,  c.  xv,  v.  52. 

5.  And  the  trumpet  shall  be  blown,  and,  lo,  they  shall  spccd  out  of 
their  scpulchrcs  to  their  Lord,  Rodwell's  Koraii,  p.  147. 


2]S  Whitley  Sîokes. 

8.  Qs^naigth^r  d'idu  uair  atresat  na  huli  daini  a  bas,  cia  haes 
nô  cia  delb  i  mbia  esérgi  dôib.  Ocus  tràchtaid  in  t-apstal  in 
cesta  sin,  co  ;z-abair:  Atresat  na  huli  daini  a  bas,  ar  in  t-apstal, 
iar  cosmailiwi'  aesi  7  delbi  Cm/.  T?'i  bliadna  trichât  immorro 
ropsat  sldna  do  Cvist,  7  is  i  cosmaïlius  na  haisi  sin  atracht-som 
a  bas.  IN  àis  da/zo  Cvist,  athcir  in  t-à^stal,  inna  huH  daine  do 
eserge,  7  ni  inna  méit  .i.  ni  commétiz/5  a  chuirp,  ar  ni  hairchend 
co  mbat  comméti  ule  cuirp  na  esergi.  Fedligfid  hnmorro  Crist 
dogrés  cen  tulled,  cen  digbdil,  isin  delb  7  isin  méit  in  ro 
arthraig  dia  apstalaib  iar  n-esergi,  7  is  airi  sin  cid  i  n-6en-ais 
atresat  inna  huli  dôini  .i.  i  n-ais  trichtaigi.  Araidi  techtfait  méit 
n-écsamail  7  méit  n-ecutrumma  ina  corpaib  iar  cosmailiwi'  7  iar 
«-aicniud  na  n-amser  7  na  ferand  ir-rogenatar. 


9.  Ani  duhi  testa  do  chomlain///j  a  cuirp  forna  toglûasachtaib 
7  arna  nôedenaib  becaib  7  ar  arailib  torothraib  derôlib  na  techtat 
a  meit  ndlechtaig  7  ara  n-esbat  araile  baill  a  cuirp,  comslanaigfid 
[35'*]  in  Comdiu  sin  uli  thall  isind  esergi  conna  heseba  nach  ni 
fortho  do  rudilse  a  ndelbe  nach  a  n-aicnid  dilis.  Uair  ni  techtaid- 
sium  intib  féisin^  iar  ndligud  nemaicsidi  7  inclithi  a  n-aicnid 
céin  co  ro  techtsat  iar  n-adbar  nach  iar  méit  chorpdai. 


10.  INd  forcraid  \m)iiorro  fil  for  aicniud  isna  corpaib  rorem- 
raib  7  dano  isna  hulib  torothraib  techtait  meit  n-anmesarda 
digébthair  ind  forcraid  sin  forro  thall  isind  esérgi  7  fedliglid 
iarsin  i  meit  dlechtanaig  7  i  méit  mesardai  a  folaid  7  a  n-aicnid 
dilis.  Na  torothair   dano  techtait  da  chorp  i  n-ôen-accomol 


I.  Facs.  féiHsin. 


Tiiiings  of  Jlir  Résurrection.  239 

8.  It  is  then  asked,  since  ail  human  beings  will  arise  out  of 
(icath,  in  what  âge  or  form  will  their  résurrection  be  ?  And  the 
apostle  deals  with  that  question  when  he  says  :  «  Ail  men  », 
quoth  the  apostle,  «  will  arise  out  of  death  in  the  likeness  of 
the  âge  and  form  of  Christ.  »  Three  years  and  thirty  were 
completed  by  Christ,  and  in  the  likeness  of  that  âge  He  arose 
out  of  death.  At  the  âge  of  Christ,  then,  the  apostle  says  that 
ail  men  will  arise,  but  not  in  His  size,  that  is,  not  equal  in 
bulk  to  His  body,  for  it  is  not  certain  that  ail  the  bodies  of  the 
Résurrection  will  be  of  equal  size.  Christ,  however,  will  abide 
for  ever,  without  addition  or  diminution,  in  the  for  mand  in  the 
bulk  in  which  He  appeared  to  His  apostles  after  (His)  résurrec- 
tion ;  and  it  is  therefore  that  ail  men  will  arise  at  the  same 
âge,  to  wit,  at  the  âge  of  thirty  ^  Howbeit,  they  will  hâve  in 
their  bodies  varying  size  and  unequal  bulk,  in  accordance  with 
the  likeness  and  the  nature  of  the  times  and  the  countries  in 
which  they  hâve  been  born. 

9.  Whatsoever,  then,  is  wanting  of  completeness  in  their 
body  to  abortives  and  to  little  infonts  and  to  certain  puny 
monsters  which  liave  not  their  lawful  size  and  are  defective  in 
certain  corporeal  members,  the  Lord  will  supply  beyond  in 
the  Résurrection,  so  that  naught  shall  be  lacking  to  them  of 
the  full  propriety  of  their  form  or  of  their  proper  nature.  For 
(that  is)  a  thing  which  they  possess^  in  themselves,  according 
to  the  invisible  and  hidden  law  of  their  nature,  though  they 
hâve  not  possessed  it  according  to  material  nor  according  to 
bodily  size. 

10.  The  excess,  however,  over  nature  in  the  too  bulky 
bodies  and  also  in  ail  the  monsters  that  hâve  immoderate 
size,  that  excess  will  be  taken  from  them  beyond  in  the  Résur- 
rection, and  they  will  abide  thereafter  in  the  legitimate  size 
and  moderate  bulk  of  their  proper  substance  and  nature.  The 
monsters  also,  that  hâve  two  bodies  in  one  union  3,  they  will  be 

1.  Sic  infra,  ^  34.  Cf.  the  Muhammacian  belief  tliat  at  whatever  âge  men 
happen  to  die  they  will  beraised  at  about  thirty  vears  of  âge,  Sale's  Koran, 
London,  i83(S,  p.  71. 

2.  techlaid  for  techlait. 

3.  Like  the  Siamese  twins,  whose  case  is  mentioned  by  Alger  in  his 
Crilical  History  of  the  Doctrine  of  a  Future  Life. 


240  Whitley  Stokcs. 

deligfitcr  sin  tall  isind  eséirgi  7  gélxiid  cdch  dib  fo  leith  a  chorp 
ndiles,  avnail  demniges  lob  sin  ic  tairchetul  inna  libur,  intan 
aibeir  na  huli  daini  do  esérgi  ina  corpaib  dilsib  ^ 

II.  IS  tomtiu  immorro  icond  eclais  co  techtfat  cuirp  na  mar- 
tîri  nôem  intib  idr  n-esergi  fulliuchta  na  crécht-  forodmotar 
ar  Ciist  cen  esbaid  cen  digbail  dëilbe  no  soc/;raidechta  forthu 
do  talsigud  a  mbuada  7  a  coscair  7  da/zo  do  falsigud  na  foc/;;'aici 
môri  dlegait  on  Chomdid  ara  mmartra,  iar  ndesmirecht  sin 
chuirp  in  Chomded  techtas  and  iar  n-esergi  fulliuchta  na  crécht 
forodaim  6  Iu[dai]dib  do  folsig//^  a  umalloti  forbthi  dond  Athair 
nemda,  7  da;/o  do  thuilliud  phene  7  todcrnama  dona  h  lûdaidib 
o  ro  torodaim-sium  na  crechta  sin. 


12.  Cestnaigthfr  da;/o  do  forcraid  na  foltni  7  na  n-ingen, 
cia  ord  bias  forru  isind  esérgi.  Ernid  Aug//5tin  in  fer  naem  in 
cesta  sin,  7  is  i  a  thonitiu,  forcraid  na  foltni  7  na  n-ingen  con- 
nach  intib  féin  nammâ  cointhôithcr  thâll  isind  esérgi,  acbt  i 
n-aicned  in  chuirp  hi  coiichittnn.  Uair  ni  de  ïii  na  foltni  .i. 
dia  forcraid,  acht  dia  n-drim  nammd  cwmnigesisu  isin  t[s]oscelu 
intan  aithnes  ani-seo  dia  a^stalaib,  co  //-abbair  :  Foltni  ïor  cind-si, 
ar  Isu  fria  aps/Y/lu,  atdt  i  n-drim  chinti?  7  i  n-aichni//^  demin 
icon  Chomdid,  7  mértait  ule  duibse  aci  thall  isind  esérgi 4. 


13.  Nô  dâiio  maso  intib  fein  nammd  comthothir  f'rc/'aid 
na  foltni  7  na  n-ingen,  am^/7  is  chetfaid  do  fairind  —  ar  issed 
as  chosmail  forc/-aid  cech  baill  do  thinol  7  do  thimarcain  ind 
téin  corop  isin  bul[l]sa  fein  fogaba  ciped  do  phéin  iiô  do  foc/;yaic 
dliges  tria  chomchétfaid  7  comopred  in  baill  sin  —  is  ed  as 
chretithe  co  //dluthta  7  co  timaircfea  thall  in  Comdiu  isind  esérgi 
tria  elathain  diasneti  ind  ecnai  dîadai  curpu  trûalnidi  na  ndôeni 


1.  Et  rursum  circumdabor  pelle  mea,  et  in  carne  mea  videbo  Dcum 
meum.  Liber  Job,  XIX,  26. 

2.  Facs.  créth. 

3.  Luke,  XII,  7:  Sed  et  capilli  capitis  vestri  omnes  numcrati  sunt. 

4.  See  S.  Augustine,  De  Civ.  Dei,  XXII,  19,  20,  21,  etc. 


Tidings  of  îhe  Résurrection.  241 

separated  be3-ond  in  the  Résurrection,  and  each  of  them  will 
receive  his  ownbody  separare,  as  Jobaffirms  when  prophesying 
in  his  book  and  saying  that  ail  men  will  arise  in  their  proper 
bodies. 

1 1 .  The  Church,  however,  holds  the  opinion  that  the  bodies 
of  the  holy  martyrs  will  after  résurrection  bear  the  traces  of 
the  wounds  which  they  endured  for  Christ's  sake  ^,  without 
defect  or  diminution  of  form  or  bcauty,  to  manifest  their  victory 
and  triumph,  and  also  to  manifest  the  great  reward  to  which 
they  are  entitled  from  the  Lord  for  their  martyrdom  :  according 
to  that  example  of  the  Body  of  the  Lord,  which  hath  in  it  after 
(His)  Résurrection  the  trace  sof  the  wounds  which  he  endured 
from  the  Jews,  to  manifest  His  perfect  submission  to  the 
heavenly  Father,  and  also  to  increase  pain  and  punishment  to 
the  Jews  from  whom  He  endured  those  wounds. 

12.  Then  it  is  asked  with  regard  to  the  excess  of  the  hairs 
and  to  nails,  how  will  they  be  disposed  of  in  the  Résurrection  ? 
Augustine  the  holy  man  puts  that  question,  and  his  opinion  is 
that  in  the  Résurrection  heyond  the  excess  of  the  hairs  and  the 
nails  will  not  be  returned  into  themsclves  merely,  but  into  the 
nature  of  the  body  in  gênerai.  For  it  is  not  of  tiie  length  of 
the  hairs,  that  is,  of  their  excess,  but  of  their  number  only  that 
Jésus  in  the  gospel  is  mindful  when  he  commits  this  to  His 
apostlcs,  and  says  «  the  hairs  of  your  head  »,  says  Jésus  to 
His  apostles,  «  are  in  a  definite  number  and  in  sure  knowledge 
with  the  Lord,  and  they  will  ail  rcmain  for  you  with  Him 
there  at  the  Résurrection  ». 

13.  Or  again,  if,  as  is  the  opinion  of  some,  it  is  into 
themselves  only  that  the  excess  of  the  hairs  and  the  nails  is 
turned  —  for  it  is  likely  that  the  excess  of  every  member  would 
be  gathered  and  compressed  into  itself,  so  that  in  this  member 
itself  one  would  receive  whatever  punishment  or  reward  one 
deserves  through  the  consent  and  coopération  of  that  member 
—  we  are  to  believe  that  the  Lord  will,  through  the  unspeak- 
able  science  of  the  Divine  wisdom,  condense  and  compress 
in  the  Résurrection  the  corrupt  bodies  of  men  into  the  slen- 

I.  See  S.  Augustine,  De  Civ.  Dei,  XXII,  c.  20. 


242  Whhley  Stokes. 

i  sémi  7  i  fdelli  ind  folaid  nemt/;rualnidi  7  a  n-aicnid  spirtdllai, 
iarna  td'rbud  7  iarna  ndeligud  o  cech  elniud,  iar  ndesmirecht 
sin  7  intsamail  inna  tinni  dogniw  do  dlûthad  7  timarcain  t7'ia 
eladain  ind  ecnai  dôennai  i  sémi  7  i  foilli  a  cuirp  dilis  iar 
ndic/;/f;'  cech  élniuda  [35'']  7  cech  slaidrid  ûadib. 


14.  Nô  daiw  is  tomtiu  and  co  cruthaigfea  in-Comdiu  and- 
all  curpu  na  esergi  dind  adbur  toltanaigfes  dô,  cip  é  méit  nô 
luget  i  mbé  in  t-adbar  sin  .i.  do  neoch  ro  thirûarthestar  din 
churp  doenna  isin  duine  arcind  bais,  amail  c/nnthaiges  innossa 
inna  c//rpu  môra  dena  silaib  dereolaib  7  da/zo  amail  ro  chz/m- 
taig  thall  i  cétt//^tin  na  ndul  na  c//rpu  dcrmara  den  dligud  nem- 
aicside  7  den  dHgud  nemchorptha  ro  techtsat  co  hinchUthe 
intib  na  dûH  dia  ro  tw^midea  na  cu[ijrp  sin.  Ar  is  [s]ochma  do 
Dia  co  ro  ci/mtaige  cen  adbar  nô  de  adbar  derôil  cech  n-admat 
nô  cech  n-aicde  bes  ail  dô,  7  co  mbad  aire  sin  atberad  in  t-augtar 
na  ro  taithmr;?  Isu  do  forcraid  na  foltne  7  na  n-ingen  nô  na 
mbaill  archena,  7  is  [sjochma  do  Dia  co  ro  athnuige  i  comlai- 
nius  a  ndelbe  7  a  n-aicnid  diUs  cen  in  forcraid  sin  do  thinôl 
doridisi  isin  churp.  Acbt  araidi  is  dohg  nacb  mball  isin  churp 
nô  nach  rand  de  do  sechmall  on  phein  7  on  dammain  dliges  tria 
chonichetfliid  n-imarbais  ;/('  ond  fochraic  dliges  tria  chomchetfaid 
deg[g]nima. 


15.  Co;z.id  ed  is  dôig  duiu  as  chreti  and  comlaniw.^  in  chuirp 
dôennai  ule  do  athnugud  isind  esergi,  co  fagba  ind  anim  i 
n-oentaid  fôn  innas[s]in  ceped  dliges  di  phéin  nô  di  foc/;raic 
ara  ndegariltib  nô  ara  ndrochariltib. 

16.  Ar  fomtin  dïdu  7  ar  imgabail  rcmslatratad  '  .i.  demnigthea 
neich  ^  na  dlegar  do  demnigw^,  acbt  is  coir  do  bith  i  czniitabairt 
ata  in  brechtrad  tomten-sa.  Uair  cidat  demni  7  cidat  falsi  araile 


1.  Ms.  rcmlatrad. 

2.  Facs.  dewnitïthc  aneich. 


Tidings  of  the  Résurrection.  24} 

derness  and  tenuity  of  the  incorruptible  substance  and  of  their 
spiritual  nature,  after  scparating  and  dividingthem  from  every 
detîlcment,  according  to  that  example  and  analogy  of  the 
ingots  which,  through  the  science  of  human  wisdom,  are 
caused  to  be  condensed  and  compressed  into  the  slenderness 
and  tenuity  of  their  proper  body,  after  every  défilement  and 
every  dross  h  as  bcen  expelled  from  them. 

14.  Or  again,  there  is  an  opinion  that  the  Lord  there  will 
form  the  bodies  of  the  Résurrection  of  the  substance  that  will 
please  Him,  whatever  be  the  largeness  or  the  smallness  in 
which  that  substance  may  be,  that  is,  of  what  remained  of  the 
human  body  in  the  man  before  death,  just  as  He  builds  up  at 
présent  the  large  bodies  from  the  little  seeds,  and  also  as  at  the 
primai  création  of  the  éléments  He  has  built  up  the  vast  bodies 
from  the  invisible  principle  (?)  and  from  the  incorporeal  princi- 
ple  (?)  which  the  éléments,  from  which  those  bodies  hâve  been 
created,  held  latent  within  them.  For  it  is  possible  for  God  to 
build  up  without  substance  or  with  little  substance  any  material 
or  any  structure  that  He  pleases.  Wherefore  the  author  would 
say  that  Jésus  did  not  think  of  the  excess  of  the  hairs  or  of 
the  nails,  or  of  any  other  member.  And  it  is  possible  for  God 
to  renew  the  completeness  of  their  proper  form  and  nature 
without  gathering  again  that  excess  into  the  body.  Howbeit 
'tis  hard  that  any  member  in  the  body,  or  any  part  thereof, 
should  be  omitted  from  the  punishment  and  the  condemnation 
it  deserves  through  its  consent  to  sin,  or  from  the  reward  it 
merits  through  its  consent  to  a  good  deed. 

15.  So  then  this  is  probably  what  we  should  believe  in  the 
case,  that  the  completeness  of  the  whole  human  body  is  to  be 
renewed  in  the  Résurrection,  so  that  the  soûl  united  to  it  in 
that  wise  may  receive  whatever  it  deserves  of  punishment  or 
reward  for  their  ill  déserts  or  their  good  déserts. 

16.  For  précaution  then,  and  for  avoidance  of  presumption, 
that  is,  of  affirming  what  is  not  lawful  to  affirm,  but  what  should 
properly  remain  in  doubt,  this  variety  of  opinion  exists.  For 
though  some  of  the  mysteries  of  the  Résurrection  are  certain 


244  Whitley  Stokcs. 

di  ruinib  na  esergi  —  ar  is  todochaide  n-airchend  ind  esergi 
fein  iar  forcetul  ind  apstail  7  na  screptra  archena  —  araide  atat 
ruini  dib  indemni  7  anflilsi.  Conid  trebairiu  7  con'ià  ecnaidiu 
a  mbith  i  ndôchus  7  i  tomtin  andds  i  ndemmgiid  tria  slatrataid. 

17.  Atresat  tra  na  huli  ddini  thall  i  ndeilb  7  i  n-écosc  ecsa- 
mail  .i.  na  fir  i  n-ecosc  ferda  7  na  mnâ  i  n-ecosc  banda.  Uair 
airm  i  n-apair  in  t-aps/a/  na  ule  dôeni  do  esergi  i  fer  forbthe, 
ainm  fir  dorât  andsin  for[s]in  duine  co'iichenn  eter  firu  7  mnd. 
Uair  digebthair  thall  a  lochta  7  a  n-anmi  ar  a  corpaib  na  ndâeni  % 
cométfaider  immorro  intib  rudilse  a  ndelbe  7  a  n-ecosca  dilis. 


18.  Ni  thechtfat  dano  cuirp  na  esergi  intib  elscoth  no  accobor 
nô  ndch  ndudlaig  archena,  7  is  aire  sin  dano  ni  bi  nar/;  n-im- 
ndire  dôib  cid  lomnochta  beti  .i.  cen  a  fortugi  et^r  6  etuch. 

19.  Hi  corpaib  dlûtaib  dano  7  i  corpaib  tiugaidib  bias  esergi 
na  ndôeni,  7  ni  i  corpaib  sémib  7  rofo[e]llib  mar  aer  nô  gdith, 
amal  ropo  chetfliid  sin  dond  eritecdu  do  Éotaic,  doruniénair 
curpu  na  esergi  comtis  semiu  7  comtis  fôiUu  indas  der  nô  gdeth. 
Ro  forudslig  ïmniorro  Gregoir  [36-']  naem  in  cetfaid  sin  7  ros- 
fathgé. 

20.  Cestnaigtht'r  di^?^  uair  is  i  corpaib  dlùthib  7  tiugaidib 
atresat  na  doeni  cid  ar  n-apair  in  t-apstal  spirtalda  dib-.  Co 
mbad  aire  atberad  ara  chuibde  7  ara  chosmaili  intib  féin  iar 
ndhgud  imfrecrai  cach  baill  diaraile,  7  dano  ara  n-aille  7  ara 
soc/;raide,  ara  soilse  7  ara  n-et/^ochta.  Ar  taitnébtdit  na  ndim 
thall  amal  m-ém  isind  flaith  nemda. 


21.   Nô  is  aire  atb«V  in  t-apstal  spirtaldai  dib,  ara  cuibde 
7  ara  n-ôentadchi  thall  do  spirut  inna  hanma,  amal  is  ôentadach 


1.  Cf.  «  Where  our  pious  friends  live  joyouslv,  liaving  left  bchind  the 
aliments  of  thclr  bodics  »  Hyimis  of  thc  Alliarva-vcda,  tr.  M.  Bloomficld, 

2.  I  Cor.  XV,  44  :  Scminatur  corpus  animale,  surgct  corpus  spiritale. 


Tidingsofthc  Résurrection.  24^ 

and  manifest  —  for,  according  to  the  teaching  of  the  apostle 
and  the  rest  of  the  Scripture,  the  Résurrection  itself  is  sure  to 
corne  —  yet  others  are  uncertain  and  obscure.  So  that  it  is 
more  prudent  and  wiser  that  they  should  bc  hoped  for  and 
supposed  than  that  they  should  be  boldly  affirmed. 

17.  Now  ail  men  will  arise  beyond  in  various  shape  and 
form,  to  wit,  the  men  in  the  form  of  men  and  the  women  in 
the  form  of  women,  for  whcre  the  apostle  says  that  ail  human 
beings  will  arise  in  perfect  man  he  has  there  given  the  name 
of  «  man  »  to  humankind  in  gênerai,  both  men  and  women. 
For  their  imperfections  and  their  blemishes  \vill  be  removed 
from  the  bodies  of  human  beings,  but  the  peculiarity  of  their 
proper  shape  and  form  will  be  preserved  in  them. 

18.  Moreover  the  bodies  of  the  Résurrection  will  hâve  in 
them  neither  lust  nor  désire  nor  any  other  vice  ;  and  therefore 
they  will  hâve  no  shame  though  they  will  be  stark-naked,  that 
is,  without  any  covering  at  ail  of  raiment^ 

19.  In  condensed  bodies  and  in  thickish  bodies  will  be  the 
résurrection  of  the  human  beings,  and  not  in  thin  and  very 
subtile  bodies,  like  air  or  wind,  as  was  the  opinion  of  the 
heretic  Eutyches,  who  thought  that  the  bodies  of  the  résurrec- 
tion would  be  thinner  and  more  subtile  than  air  or  wind.  Saint 
Gregory,  iiowever,  overruled  and  contradicted  that  opinion. 

20.  It  is  asked  then,  since  it  is  in  dense  and  thickish  bodies 
that  men  will  arise,  why  does  the  apostle  call  them  «  spiri- 
tual »  ?  Maybe  this  is  why  he  used  (so)  to  call  them,  because 
of  the  harmony  and  the  similarity  in  themsclves  according  to 
the  law  of  correspondence  of  every  member  to  the  othcr,  and 
also  because  of  their  beauty  and  comeliness,  their  brightness 
and  their  splendour.  For  the  saints  will  shine  there  like  a  sun 
in  the  heavenly  kingdom^. 

21.  Or  this  is  why  the  apostle  calls  them  «  spiritual  », 
because  of  their  harmony  and  oneness  there  with  the  spirit  of 
the  soûl,  just  as  at  présent  the  spirit  of  the  soûl  is  united  with 

1.  Otherwise  according  to  the  Talmud,  Eiscnmengcr,  o/).  cit.,  II,  934, 

935-  .  ,    .  „     • 

2.  Matth.,   XIII,  45.  Tune  iusti  fulgebunt    sicut  sol    in  regno    Patns 

eoriini. 

Revue  Cdtiqac,  XXV.  17 


246  Whitley  Stokes. 

innossa  spirut  na  hanma  dôib  sium.  Uair  bid  ôentadach  (leg. 
ôentu  ?)  thall  co  môr  eter  in  corp  7  in  n-anmain,  7  bid  inund 
comarli  fora  mbiat.  Uair  ni  bia  nacli  frithbrrt  //()  ndch  n-imre- 
sain  tall  o  neoch  dib  diaraili  .i.  on  churp  dond  anmain  nô  ônd 
anmain  don  ciiurp. 

22.  A'(i  da/zo  spirtallai  do  râd  dib,  ûair  fcdligfid  tall  t;ia  bithu 
isna  sostaib  spirtallaib  ewr  aingliu  Dé  for  nim. 

23.  Mi  daiio  spirdaltai  do  rad  dib  dond  apstal  on  mud-sa  ; 
uair  cwmscaigfitt'r  thall  asin  trôge  7  asin  trûalniud  7  asin 
doc/;raidecht  i  foilet  i  nglôir  7  i  n-etrochta,  i  solse  7  i  sochrâi- 
decht  in  bethad  nemtriialnide  7  in  bethad  nemmarbdai  i  fed- 
ligfet  dogrt^'s.  Ocus  araide  ni  ba  inund  soc/;raidecht  do  chorpaib 
na  naem  uli  thall,  ûair  nac/;  inund  cid  fochraic.  Acht  âmal  is 
écsamail  etrochta  gréni  7  ésca  7  etrochta  rétland,  7  daz/o  cacha 
retlainde  riaraili,  is  amlaid  sin  bas  écsamail  fochraic  na  firen 
iar  n-esérgi,  7  is  airisin  techtfait  som  sosta  écsamla  in-nim  ara 
n-âriltib  écsamlaib. 


24.  Ardidi  ni  bia  format  neich  dibsium  fri  araile,  ar  ita  do 
met  dethiten  7  grada  caich  dibsium  feib  oc  araili,  iar  ndesmi- 
recht  sin  ind  ôen  chuirp  techtas  and  bullu  écsamla,  7  buUu  ata 
iiasliu  araile,  7  araide  ni  bi  format  neich  dibside  ria  cheli.  Ocus 
daiio  anaill  and,  uair  ni  chesend  nech  dib  som  for  a  foc/;raic 
fein,  ar  is  e  Dia  a  ôenur  bas  cosmaili//j  cech  mathiz/^a  tall  dona 
hulib  noemaib  7  firenaib. 

25 .  Cid  écsamail  d'ici  11  foc/;raic  na  firen,  araide  is  ôen-foc/jraic 
techtait-sium  oraile  mud  .i'.  ind  fechtnaige  7  ind  foelti  chomlan 
fil  dôib  i  nDia,  7  dano  ar  is  inund  frisinti  fil  isind  fochraic  as 
inisliu  7  no  beth  fein  isind  [fjôchraic  as  uasliu  inti  as  chom- 
inmain  lais  fris  féin  do  bith  isind  foc/;raic  sin. 

26.  Dobmi  iminorro  cach  duine  thall  aich[ne]  for  araile  iar 
n-esergi,  acht  araide  ni  bia  dethitiu  neich  dib  thall   for  araile 


Tidings  of  the  Résurrection.  247 

them.  For  bcyond  there  will  be  a  union  grently  between  the 
body  and  the  soûl,  and  what  thcy  résolve  on  will  be  the  same. 
For  there  will  be  no  opposition  or  contention  yonder  by  one 
of  them  towards  the  other,  that  is,  by  the  body  to  the  soûl, 
or  by  the  soûl  to  the  body. 

22.  Or  again  they  were  called  «  spiritual  »  since  they  will 
abide  beyond  for  ever  in  the  spiritual  stations  among  God's 
angels  in  heaven. 

23.  Or  again,  they  were  called  «  spiritual  »  by  the  apostle 
in  this  wise  :  since  they  will  be  changed  beyond  out  of  the 
misery  and  corruption  and  the  ugliness  in  which  they  are  into 
the  glory  and  the  splendour,  into  the  brightness  and  the  beauty, 
of  the  incorruptible  existence  and  ofthe  immortal  life  in  which 
they  will  abide  for  ever.  And  yet  not  the  same  will  be  the 
beauty  of  ail  the  bodies  of  th:;  saints  beyond,  since  even  the 
reward  will  not  be  the  same.  But  even  as  the  splendour  ofthe 
Sun  and  moon  and  the  splendour  ofthe  stars  are  différent,  and 
also  (the  splendour)  of  each  star  from  another,  even  so  the 
reward  ofthe  righteous  will  be  différent  after  the  Résurrection  ; 
and  therefore  they  will  possess  différent  stations  in  heaven 
according  to  their  différent  déserts. 

24.  And  yet  none  of  them  will  envy  the  other,  for  there 
is  as  much  solicitude  and  love  with  one  as  with  another, 
according  to  that  example  of  the  single  body  which  possesses 
in  it  différent  members,  and  members  (some  of  which)  are 
nobler  than  others;  and  yet  none  of  them  envies  the  other. 
And  another  thing  also,  since  none  of  them  grumbles  at  his 
own  reward,  for  it  is  God  alone  that  will  be  the  like,ness  of 
every  good  thing  beyond  for  ail  the  saints  and  righteous. 

25 .  Though,  then,  the  rewards  oi  the  righteous  are  différent, 
yet  there  is  one  reward  which  they  hâve  in  another  way, 
namely,  the  complète  blessedness  and  joy  which  they  possess 
in  God,  and  also  because  to  one  who  has  a  lower  reward  it  is 
the  same  as  if  he  had  a  higher  reward  when  that  reward  is 
given  to  one  who  is  as  dear  to  him  as  himself. 

26.  Now  every  one  yonder  will  recognise  the  other  after  the 
Résurrection.  Howbeit  none  of  them  yonder  will  feel  solicitude 
fbr  another  according  to  the  law  of  gossipred  or  rehitionship; 


248  Whitley  Stokes. 

iar  ndligud  chardessa  710  chondalbais,  acbt  ôentadaigfit  ule  do 
fugiull  firdii  in  Chomded  ernifes  do  chach  amal  dlé. 

27.  Dofucfa  dano  cdch  thall  na  mbia  fo  m^ninain  a  chéli  cen 
a  falsigud  o  hrhthraib  nô  o  chomarthaib  ailib,  7  tucfait  o  teor- 
fégad  spirtalla  a  mm£?7man  na  réta  atd  ecnairce  doib  7  ara 
etrrciana  ùadib,  iar  ndesmirecht  [36^]  sin  ind  fdtha  nôim  Elesi 
ro  thuc  t;ia sp'irut  fastine  ana  ndtrnai  a  descipul  Gezi  ina  ecmais 
p.  7  se  i  n-etercèni  ûad,  16g  on  do  gabdil  o  Nemdn  Sireta  ar 
a  ic  don  claime.  tJair  cia  rét  fil  i  n-anfis  ocond  fairind  dofucat 
in  Comdid  oc  ndch  fil  ndch  n-anfis  ? 


28.  Ni  dingnet  iminonv  na  firéoin  ndch  monor  aile  thall 
acbi  ani  dorairngert  in  fdith  D^v/;/d  co  «-érbairt  :  Mon-genair  don 
fairind  attrebait  it  [tjegdais[s]iu,  a  Chomdiu,  not-molfat  7  not- 
adamraigfet  dogyés  triasna  saeglaib  suthainib^  Ni  ô  hnatbraib 
imniorro  nô  ô  gothaib  corpdaib  sechtair  dogénat  na  nôim  in 
molad-sa  for  Dia,  acbt  o  theorfegad  spirtalla  7  o  scrutan  inme- 
donach  a  ndligid  7  a  n-intliuchta. 

29.  Atreset  da;/o  na  huli  ecraibdig  i  n-ôge  7  i  comlaintiMi 
a  corp  cen  digbdil  7  cen  esbaid  nach  mbaill  forthu.  Acbt  araide 
is  amlaid  beti  na  cu[i]rp  sin,  co  tôrtrommad  7  co  ii'emilnus, 
co  «dodelbi  7  co  iidocbnmc  dc/'mair  nia  comaitecht.  Ni  thatnéba 
da//c'  i  n-anmannaib  na  n-ecraibdech  dliged  intliuchta  nd  tucsen 
solsi  ecnai  nô  éolais,  acbt  beti  fô  brôn  7  torsi  co  temel  dorchaide 
a  n-anéolais  7  a  n-anecnai  ar  medôn.  Duba  da;/o  uH  sechtair 
o  churp. 


30.   Mairg  iarom,  (or  in  t-ecnaid,  dond  fairind  filet  oc  ernaidi 
na  esergi  sin,  ar  ni  lugu  as  ainni  dond  esergi  sin  tathchor  a 


I.  Beati  qui  habitant  in  domo  tuo  Domine!   in  secula  scculorum  lauda- 
bunt  Te.  Ps.  LXXXIII,  5. 


Tidings  of  the  Résurrection.  24g 

but  ail  will  ngree  to  thc  rightcous  judgment  of  the  Lord  who 
will  rendcr  to  every  one  as  he  may  deserve. 

27.  Every  one  also  yonder  will  understand  what  shall  be 
in  another's  mind  without  its  being  manifested  by  words  or 
by  other  signs,  and  they  will  understand,  by  the  spiritual  insight 
of  their  minds,  the  things  that  are  absent  and  are  far  away  from 
them,  after  that  example  of  the  holy  prophet  Elisha,  who 
understood,  through  the  spirit  of  prophecy,  what  his  disciple 
Gehazi  had  donc  in  his  absence,  and  he  far  away  from  him, 
taking  a  reward  from  Naaman  the  Syrian  for  healing  him  of 
leprosy  ^  For  what  is  there  unknown  to  those  that  understand 
the  Lord  unto  whom  nothing  is  unknown  ? 

28.  The  rightcous,  however,  perform  no  other  work  beyond, 
save  what  thc  prophet  David  foretold  when  he  said  :  «  Happy 
are  those  that  dwtll  in  thy  house,  O  Lord  :  they  will  praise 
thee  and  admire  thee  continually  through  the  everlasting 
âges  ».  It  is  not,  however,  by  words,  or  by  corporeal  voices 
externally,  that  the  saints  will  make  this  praise  of  God,  but  by 
spiritual  insight  and  by  internai  méditation  of  their  law  (?)  and 
their  intelligence. 

29.  Ail  the  impious  also  will  arise  in  integrity  and  in  com- 
pleteness  of  their  bodies,  without  diminution  and  without 
defect  of  any  member  upon  them.  Howbeit,  thus  will  those 
bodies  be,  with  ovcrburthening  and  molestation,  with  unsha- 
peliness  and  excessive  oppression  accompanying  them.  Again, 
in  the  soûls  of  the  impious,  thc  law  ot  intelligence  or  of  under- 
standing,  of  illumination,  of  wisdom,  or  of  knowledge,  will 
not  shine  ;  but  they  will  abidc  in  sorrow  and  sadness,  with  the 
dark  obscurity  of  their  ignorance  and  thtir  unwisdom  within. 
They  will  ail,  moreover,  be  black  of  body^  outside. 

30.  «  Woe,  then  »,  says  the  wise  man,  «  to  those  who 
are  awaiting  that  résurrection,  for  not  less  may  that  rcsurrec- 


1.  Sec  Lib.  IV  Regum,  c.  v.    • 

2.  «  On  thc  dav  ot  résurrection  some  faces  shall  become  white  and  other 
faces  shall  become  biack.  And  unto  them  whose  faces  shall  become  black, 
God  will  say,  Havc  ve  returned  unto  your  unbclief  after  ye  had  bclicved  ? 
therefore  taste  the  punishment,  for  that  yc  hâve  been  unbelievcrs  »,  Sale'g 
Korarij  p.  45,  and  sec  RodwcH's  Koran  pp.  373  n.,  508. 


2'io  Whitley  Stokes. 

bas  i   mbds  do  fcdlig//(f  i  mhds  andis  [dond  esérgi  na  firén] 
tadchor  a  bas  i  mbethaid  do  {^dïigiul  i  mbethaid. 

31.  IS  é  dano  bas  na  hanma,  a  herchra  7  a  hélûd  tria  phecdaib 
7  dualchib  on  bethaid  forordai  .i.  o  Dia.  Uair  amail  is  é  bethu 
in  chuirp  ind  anim,  is  amlaid  is  é  bethu  na  hanma  Dia,  7  amal 
is  é  bas  in  chuirp  a  dtTge  ônd  anniain  is  anilaid  sin  is  é  bas 
na  hanma  a  d^'rge  o  Dia  ara  phecdaib  7  ara  dualchib.  IS  and 
imiiiorro  atâ  esérgi  dond  anmain,  intan  tathcures  tria  sualchib 
7  deg|g]nimaib  cosin  Comdid,  7  ni  hetar  innas  aile  sin  acbt 
tria  guth  Maie  Dé  .i.  tria  forcetul  in  Chomded  do  chomollad. 


32.  IS  coir  a  fis  co  filet  da  esérgi  and  .i.  cétesergi  7  esérgi 
tanaisi.  Is  i  in  cétesergi'  .i.  esérgi  na  hanma  ôna  pecdaib  hi 
sualchib  tri  athrigi  do  denam,  7  ni  fil  acbt  dona  firenaib  namma 
ind  esérgi  sin.  IS  i  hniiwrni  ind  esérgi  tanaise  ind  esérgi  bias 
il-lô  bratha  dona  ulib  dainib  a  bas,  7  cid  ôen  7  cid  inund  in 
bas  sin  iar  n-aiciiiiid  chohcbijin  araide  techtaid  delba  7  gnei 
écsamla  fair  ar  immad  na  tc/chor  7  na  tecmong  triasa  fagaib 
cich  and. 


33.  Ind  esérgi  cohcbcnn  tra  bias  tall  il-lo  bratha,  ni  hinund 
7  ind  esérgi  dianid  ainm  isind  augtartas  pr^estrigia  .i.  esérgi 
fuathaigthi,  amal  in  pitondacht.  No  ni  inund  7  ind  esérgi  dianid 
ainm  reuolutio  .i.  tathchor  na  hanma  i  corpaib  ecsamlaib  iar 
ndesmirecht  na  tathcorthe.  Nô  ind  esérgc  dianid  ainm  metafor- 
matio  .i.  tarmchrwtad,  iar  ndesmirecht  na  conncht.  Nô  ni  inu[n]d 
7  ind  t'sérge  dianid  ainm  subductio  .i.  fothudchestu  .i.  amal 
bite  lucht  ind  remeca.  Nô  ind  (^sérge  dianid  ainm  SMJcitatio  .i. 
tod/zicud  marb  tria  mirbail,  iar  ndesmirccbt  Lazâir. 


34.  [37''|  ISscii  so  da;^('  bias  and,  atrésat  na  hule  daini  thall 

I.  Tlic  phrase,  resiirrectio piiDia,  is  found,  but  witli  a  diftcreiit  mcaning, 
in  Apoc.  XX,  5,6. 


Tidings  of  thc  Résurrection.  25  i 

tion  be  namcd  a  rcrurn  ont  of  death  into  death  to  abide  in 
death  than  the  résurrection  of  the  righteous  a  return  out  of 
death  into  life  to  abide  in  iife.  » 

31.  This,  then,  is  the  death  of  the  soûl,  its  perishing  and 
departure,  through  sins  and  vices,  from  the  all-golden  hfe,  that 
is,  from  God.  For  as  the  soûl  is  the  life  of  the  body  so  God 
is  the  life  of  the  soûl.  And  as  the  death  of  the  body  is  its 
departure  from  the  soûl,  so  the  death  of  the  soûl  is  its  depar- 
ture from  God  because  ofits  sins  and  its  vices.  Then,  however, 
there  is  a  résurrection  for  the  soûl,  when  it  returns,  through 
virtues  and  good  works,  to  the  Lord,  and  that  is  possible  no 
other  way  except  through  the  voice  of  the  Son  of  God,  that  is, 
through  fulfîlnient  of  the  teaching  of  the  Lord. 

32.  It  is  propcr  to  know  that  there  are  two  résurrections, 
namely,  a  first  résurrection  and  a  second  résurrection.  This  is 
the  first  résurrection,  the  résurrection  of  the  soûl  from  sins  in 
virtues  through  making  repentance;  and  that  résurrection  is 
for  the  righteous  only.  The  second  résurrection,  however,  is 
the  Résurrection  which,  on  Doomsday,  will  be  for  ail  men  out 
of  death.  And  though  that  death  is  one  and  the  same  accor- 
ding  to  gênerai  nature,  yet  it  bears  varions  shapes  and  forms 
because  of  the  multitude  of  happenings  and  accidents  through 
which  it  leavcs  each  one  therein. 

33.  Now  the  gênerai  Résurrection  which  shall  be  beyond  on 
the  Day  of  Judgment  is  not  the  same  as  the  résurrection  which 
in  the  authority  is  called  Praestrigia,  that  is,  an  apparitional 
résurrection,  like  the  pythonism.  Nor  is  it  the"  same  as  the 
résurrection  called  Reuolutio,  that  is,  the  transmigration  of  the 
soûl  into  varions  bodies,  after  the  example  of  the  transmigrated 
persons.  Nor  the  résurrection  called  Metaformatio,  that  is, 
transfiguration,  after  the  example  of  werwolves.  Nor  is  it  the 
same  as  the  résurrection  called  Subductio,  that  is  subduction, 
as  in  the  case  of  the  prematurely  dead.  Nor  thc  résurrection 
called  Suscitatio,  that  is,  the  awakening  of  the  dead  by  a  miracle, 
after  the  example  of  Lazarus. 

34.  This  then  is  what  will   happen  there.  In  the  gênerai 


2  s  2  Whitley  Stokes. 

isind  esergi  choitchinn,  i  n-âis  trichtaigi  ina  ndeilb  7  ina  n-écosc 
diles  co  com[ld]ni/7i-  a  cuirp  7  a  n-ule  cetfaide,  co  comlani?/^ 
d-Mio  a  folrne  7  a  n-ingen  7  cech  baill  archena,  7  congéba  cach 
tria  nert  7  c//maclita  in  Chomded  a  anmain  féin  i  n-6entaid  a 
chuirp  di\is,  7  fedligfit  dogrcs  isin  hethaid  suthain  cen  des  cen 
crchra.  Ar  is  i  sin  co  demin  ind  fircsergi  is  di  ainm  isin  scrip- 
tiiir  esergi  tan^w^'  i  rc/zdiulg  na  cetcsergi  .i.  na  esergi  bis  tria 
athrigi. 


35.  Cip  é  im;;wrr()  na  c/vte  co  forbthe  7  co  comlan  esergi 
in  ciniuda  dôennai  fon  n-innas-sa  sechmalfaid^  tall  on  tslanti 
suthain  tarngirth^r  dona  naemaib  7  dona  firénaib  for  a  n-iris. 

36.  Acht  a  duine,  for  in  t-ecnaid,  maso  dodaing  lat  co  ro 
chrete  in  mirbuil-sea  na  esergi,  fég  lat  gnima  aile  in  Chomded, 
7  cidat  gnàthchiu  sidc  ni  lugu  ata  mirbaile.  Fég  ém  lethet  ind 
nimi  7  a  farsingi,  méit  in  tiûinan,  abis-  in  mara  timchcllas  in 
iahnain  sin  do  cech  aird  7  na  hule  dule  filf/  indib.  Feg  da;?o 
angliu  nime.  Fég  ém  na  duli  sin  7  na  dule  archena  ro  ;zdt'r[n]ta 
do  nemni  tria  nert  7  c//machta  in  Chomded.  Ar  is  lugu  co  mor 
di  mirbuil  nâch  n-aicde  do  dénam  innossa  do  adbar  tria  bréthir 
nDé  andat  na  hule  dule  do  dcnam  thall  ar  thiis  di  nemni  triasin 
mhrethir  sin.  Ar  is  inund  guth  Dé  atbrrar  sund  innossa  triasa 
mbia  thall  esergi  dona  ulib  marbaib  7  in  hnathar  triasa  ndt'rna 
thall  arth/h"  na  huli  duli  de  nemni. 


37.  Aduineiarom,forin  t-ecnaid,  demnig[et]  duit  in  mirbuil- 
sea  inna  esergi,  na  craind  dt'rmara,  cuirp  na  ndaine  7  na 
n-anmanna  archena  genit  7  t//.fmitir  dina  silaib  dé;réolaib  : 
tcrcbala  da;;()  na  rind  iar  funiud  :  athnugud  dâiio  na  fér  7  na  lubi 
7  cech  réta  archena  dia  fil  in  fcrbairt  7  in  beôgud. 


1.   leg.  scchmallidcr,  which  is  translated. 
2    leç.  abcis. 


Tiiiiniis  of  the  Résurrection.  2ç  ^ 

Résurrection  ail  men  will  arise  at  the  âge  of  thirty  in  thcir 
proper  shape  and  forni,  with  completeness  of  their  bodies  and 
ail  their  sensés,  with  completeness  also  of  their  hairs  and  their 
nails  and  every  other  member.  And  every  one  will,  throuç^h 
the  strength  and  might  of  the  Lord,  take  his  own  soûl  into 
union  with  his  proper  body,  and  will  abide  continuallv  in 
eternal  life,  without  âge,  without  decay.  For  that  assuredly  is 
the  true  résurrection  which  is  called  in  Scripture  a  second 
résurrection,  in  comparison  with  the  first  résurrection,  that  is,' 
the  résurrection  which  takes  place  through  repentante. 

3  5 .  But  whosoever  does  not  believe  perfectly  and  completelv 
in  the  résurrection  of  the  human  race  in  this  wise  shall  be  left 
out  of  the  everlasting  salvation  which  is  promised  to  the  saints 
and  to  the  righteous  for  their  faith. 

^6.  «  But,  O  man  »,  saith  the  sage,  «  if  thou  deem  it  dif- 
ficult  to  believe  in  this  miracle  of  the  Résurrection,  consider 
the  other  works  of  the  Lord  ;  and  though  thèse  are  more 
numcrous,  not  the  less  are  they  miracles.  Behold  the  breadth 
of  the  sky  and  its  amplitude,  the  she  of  the  earth,  the  abyss  of 
the  sea  which  surrounds  that  earth  on  every  quarter,  and  ail 
the  créatures  that  are  therein.  Behold,  again,  the  angels  of 
heaven,  yea,  behold  those  créatures  and  the  other  créatures 
that  hâve  been  made  of  nothing  through  the  strength  and 
might  of  the  Lord.  For  it  is  much  less  of  a  miracle  to  make 
of  matter  at  présent  any  structure  through  the  Word  of  God 
than  to  make  there  at  the  beginning  ail  créatures  of  nothing 
through  that  Word.  For  the  Voice  of  God  which  is  now^ 
declared  hère  (as  being  that)  whereby  the  Résurrection  will  be 
for  ail  the  dead  is  the  same  as  the  Word  whereby  He  made  at 
first  ail  créatures  out  of  nothing. 

37.  «  O  man,  then  »,  saith  the  sage,  «  let  the  huge  trees 
assure  for  thee  this  miracle  of  the  Résurrection:  the  bodies  of 
men  and  of  the  other  animais  which  are  born  and  brought  forth 
from  the  petty  seeds  :  the  risings,  also,  of  the  stars  after  setting  : 
tiie  renewal  of  the  grasses  and  the  herbs  and  of  every  other 
thing  in  which  there  is  increase  and  quickening^ 

I.  Cf.  S.  Gregor.,  lib.  14,  moral,  c.  28,  29,  30. 


2i;4  Whitlf'y  Stokes. 

38.  Doraga  tra  ind  luiir  i  mbia  esergi  dona  hulib  marbaib 
tria  erfuacra  Maie  Dé,  7  at;rset  and  sin  ind  fairend  dorônsat 
na  mathi  i  n-eserge  mbethad.  Ind  fairend  immorro  dorônsat 
na  hulcLi  i  n-eserge  ndigla  7  fugill.  IS  andsin  arthraigfes  in 
bretliem  diada  isin  delb  sin  in  ro  mided  fô  brithemain  dôennai. 
IS  and  sin  midfed  som  co  Hrcn  fo/'sna  dôenib  isin  deilb  in  ro 
mided  co  hanfirén  ôna  dôenib.  IS  and  sin  dano  arthraigfes 
brithem  firen  in  ciniuda  dôennai  .i.  in  Comdiu  Isu  Cvîst,  isin 
deilb  inad  sochma  do  cliach  a  fcSad,  cwr  firenu  7  pectachu  .i. 
i  ndeilb  a  dôennachta. 

39.  IS  and  sin  dawo  ernifes  foc/;raice  dona  firenaib  7  piana 
dona  écraibdechaib.  Uair  ind  fairend  na  techtat  errann//j- 
innossa  [37'']  isin  chetna  eserge  .i.  inn  eserge  na  hanma,  atresat 
sin  uli  thall  isind  eserge  choitcbiim,  7  araide  ni  fliigbet  sith  no 
ôentaid  fechtnaige  nô  flielti  ocon  Chomdid,  acht  laefit/V  ûad  i 
carcair  n-aduathmair  n-iffirnd,  7  fodémat  and  sin  piana  7  toder- 
nama  ecutr//nima  ara  mmiaraltib  ecsamlaib.  Ociis  cid  môr  7 
cid  adbol  ind  airi  dob^Va  nech  f(;)f[sjin  pein  sin,  is  nemni  sin 
i  rt)/Kiiulg  7  i  tegad  na  peni  fcssin  ani(7/  atd. 


40.  Ind  fairend  ïmniorro  atragat  innosa  tria  Cvisl  isin  chetna 
esergi  .i.  ind  esergi  bis  tria  aithrigi,  atreset  da;w  thall  tria  Chr/5/ 
in  esergi  in  bethad  suthain,  7  nos-b^ra  leis  isin  flaith  suthain  i 
frecnarcwi  ind  Athar  nemda  tria  bithu  na  mbetha.  IS  and  sin 
fogébat  na  fireôin  foc/^raic  ndt'rmdir  ara  sualchib  7  ara  ndeg- 
[gjnimaib  .i.  in  Comdiu  fein  o  fûaratar  na  sûalchi  sin  7  na 
deg[g]nima.  Ar  is  é  in  Comdiu  bas  chomlanti//^  cer/;a  airir  7 
ce^/;a  hairfite  thall  dond  celais.  IS  e  dam)  atchichestâr  tria 
bithu  ond  eclais  cen  cr/'ch,  cen  forcend,  carfaidcr  cen  emilti//.T, 
molfaidrr  cen  scis.  Ar  is  e  seo  iar  fir  in  bethu  suthain  tarngir- 
thcr  dona  naemaib  7  dona  lirénaib  iar  n-esergi,  frecnarc/o- na 
nôem-Thrinoti  ûasli,  Athar  7  Maie  7  Spirta  Naim. 


Tidings  of  the  Résurrection.  2  5  5 

38.  The  hour  will  corne  when  ail  the  dead  will  arise  throiigh 
the  proclamation  of  the  Son  of  God^  and  then  those  that  hâve 
donc  good  will  arise  to  the  résurrection  of  life,  but  those  that 
hâve  done  evil  to  the  résurrection  of  punishment  and  Doom. 
There  will  appear  the  Divine  Judge  in  the  shape  in  \vhich  He 
was  sentenced  by  a  human  judge.  There  will  He  pass  judgment 
righteouslv  on  men  in  the  shape  in  which  he  was  judged  un- 
righteously  b}*  men.  Then,  too,  will  appear  the  righteous  Judge 
of  the  human  race,  the  Lord  Jésus  Christ,  in  a  shape  where- 
in  it  is  possible  for  ail  —  both  righteous  and  sinners  —  to 
behold  Him,  that  is,  in  the  shape  of  His  Manhood. 

39.  Then  also  He  will  bestow  rewards  on  the  righteous  and 
inflict  punishmentson  the  undevout.  For  those  that  hâve  no  par- 
ticipation now  in  the  first  résurrection,  that  is,  in  the  résurrection 
of  the  soûl,  those  will  ail  arise  in  the  gênerai  Résurrection,  and  yet 
they  will  receive  neither  pcace  nor  union,  prosperity  nor  joy  at 
the  hands  of  the  Lord  ;  but  they  will  be  hurled  from  Him  into 
the  awful  prison  of  hell,  and  there,  for  their  varions  ill-deserts, 
the}'  will  endure  unequal  pains  and  punishments.  And  though 
great  and  vast  be  the  heed  that  one  may  give  to  thar  pain,  it 
is  nothing  in  comparison  to  beholding  the  pain  itselt  as  it  is. 

40.  Those,  however,  that  will  now  arise  through  Christ  in 
the  first  résurrection,  thatis,  the  résurrection  which  takes  place 
through  repentance,  will  also  arise  there  through  Christ  in  the 
Résurrection  of  life  everlasting,  and  He  will  take  them  with  Him 
into  the  everlasting  kingdom  in  the  présence  of  the  Heavenly 
Father  for  evermore.  Then  for  their  virtues  and  for  their  good 
Works,  the  righteous  will  receive  a  vast  reward,  to  wit,  the  Lord 
Himself,  from  whom  they  got  those  virtues  and  good  works; 
for  the  Lord  will  be  there  the  fuUness  of  every  happiness  and 
delight  for  the  Church.  'Tis  He  then  that  will  be  seen  for  ever 
by  the  Church,  without  limit,  without  end,  that  will  be  loved 
without  tedium,  that  will  be  praised  without  weariness;  for 
this  is,  of  a  truth,  the  everlasting  life  which  is  promised  to  the 
saints  and  to  the  righteous  after  résurrection,  the  présence 
of  the  noble,  holy  Trinity,  Father  and  Son  and  Holy  Ghost. 

I.  John,  V.,  2). 


5  6  Whitley  Stokes. 


GLOSSARIAL  INDEX 


abéis,   36,  ahyss  of  tbe  sea,  aibhéis,     i.  muir  O'Cl.  Cyvar.  ajjiuys.  Cognate 

with   pc'vOo;?  abis  Ml.   55^  11,  LB.   14')'%  pi.  ace.  abissiii,  Ml.   51J  8,  is  a 

différent  word,  borrowed  frora  abyssus. 
aicde,  36,  structure,  a  techt  i  n-aicdi  Ml.   31^,10,  shews   that   in  Old-Ir. 

this  word  was  féminine, 
aichnius,  12,  knoivlcdge.   cf.  aichnim  l  knoiv,  the  encl.  form  oi  ailh-giiiiu'in. 
aicside,  v.  nem-aicside. 
âldiu,  1,  compar.  oi  alaiiid  «  beautitul  ». 
and-all,  14,  there  bcyond. 

ana-n,  27,  rel.  pron.  See  Pedersen,  C.  Z.  II,  381. 
an-ecnae,  univisdo})i,  gen.  anecnai,  29. 

an-éolas,  Ignorance,  gen.  aneolais,  39,  dat.  anéolus,  Tigernach,  A.  D.  354. 
an-foUus,  nnclear,  doubtfitl,  29,  38,  pi.  n.  anfalsi,  16. 
anmanna,  37,  an  aniiual. 

an-mesarda,  10,  niiiiieastirnblc,  torsi  ainmesarda,  LB.  187^21. 
ârilliud  deserviiigness,  dat.  âriltib,  23. 

atchichestar,  40,  for  ad-d-chkhcstar,  3d  sg.  fut.  pass.  o{ atciii  «  I  see  ». 
atcluinfet,  4,  fut.  pi.  5,  oi  atchdnim. 
ath-geoim,   /  contradict,    contest,   ros.-fathgé,   19,  with  prothetic  f:   verbal 

noun  :  dia  aithgiud  LU.  133^,  dunini  aithgead  LU.  133'%  aithcheo  Ac. 

na  senôrach  3003,  v.  aidcheôd  Meyer  Contribb. 
ath-nûigim,  6,  I  reunv,  conj.  sg.  3  co  ro  athnuige,  14,  verbal  noun  athnu- 

gud,  15,  37- 

atracht,  8,  3d  sg.  t-pret.,  atreset,  atresat,  6,  8,  17,  26,  39,  40,  atrésat,  34, 
from  ad-d-reset,  3d  pi.  s.  fut.,  oicss-rhig  with  infixed  pron.  and  substitu- 
tion of  ad  for  css. 

atâatar,  4,  for  ad-d-ûatar,  where  the  infi.xed  d  seeins  a  relative. 

augtar,  14,  aiithor,  augtartas,  33,  antboritv. 

banda,  17,  u'Oiiumly,  femaJe,  bandae,  O'MuIc.  796. 

beôgud,  37,  verbal  noun  of  bcoigidir  «  vivifies  ».  Wb.  13^7,  uo-iii-bcoigcdar 
Wb.  19^20. 

brafad,  4,  a  flashUig,  a  twinkJiiig,  also  spelt  brathad  ;  from  *mrachad,  cogn. 
with  Lith.  vh'rkti,  and  perhaps  Goth.  brahiv. 

bruinniud,  i,  a  smelting,  verbal  noun  oî  brubnuin. 

bruthmar,  2,  gloiuing,  fiery.  deriv.  of  briitb. 

carcair,  prison,  ace.  carcair,  39,  borrowed  from  Lat.  carcer. 


Tidings  of  thc  Résurrection,  257 

cardess,  rdationship,  gen.  cardessa,  26. 

cesim   for  /  griimble  at  ?  près.  ind.  sg.  3,  ni  chesend,    24,  s.   prêt.  sg.  3 

cessis  a  menma  LL.  70*17,  175*2:  verbal  noun  cessacht. 
cesta,  8,  12,  question,  gen.  pi.  aithle  na  cesta  ndùr  ndub,  LL.  143^41. 
cét-esérge,  52,  ^4,  Jîrst  résurrection. 
cét-tuistiu, /r.f/  création,  dat.  sg.  céttuistin,  14. 
com-inmain,  25,  equally  dear. 
com-méit,  8,  equally  large. 
com-mctius,  8,  equality  in  si{e. 
com-opred,  13,  coopération,  collaboration. 

com-thôither,  12,  is  converted:  verbal  noun  comthoud,  comthôth. 
condalbas,  26,  relationship. 

conricht,  33,  werwolj.  See  Mcyer  Contribb.,  p.  479. 
cruthaigim  (-iur?),  14,  Iform. 
cuibde,  21,  harmony. 

dammain,  14,  damnation  =  dammin  Wb.  24^17. 
deg-arilliud,  ivell-deservingness,  dat.  pi.  degariltib,  1 5 ,  deg-gnim,  a  good  uvrk, 

pi.  ace.  deg[g]ni'ma,  40,  dat.  deg[g]nimaib,  40. 
demnigud,  certifyiug,  gen.  demnigthea,  16,  verbal  noun  of  demnigim. 
didu,  7,  8,  9,  15,  16,  20,  25,  Old  Ir.  didiu. 
dlé,  26,  3d  sg.  sub).  of  dligitn.  After  awal,  the  relative  dks  would  hâve 

been  more  regular. 
dlechtach,  9,  dleclitanach,  10,  lawful,  due. 
dochraidecht,  11,  23,  ugliness. 
dochraite,  29,  oppression  ? 
déchus,  16,  verisiinilitude,  probahility,  gen.  dochusa,  Fierabras,  4,  cf.  ando- 

chas  «  presumption  »,  Meyer,  Contribb. 
dodelbe,  29,  itnshapeliness . 

do-moiniur,  l  think,  dep.  perf.  do-ru-ménair,  19. 
droch-arilliud,  ill-deservingness,  dat.  pi.  droch-ariltib,  15. 
duine,  17,  hiimankind,  seems  a  fem.  absiract  noun:  see  Brugmann  C.  Z., 

III,  597,  and  cf.  Sg.  28*  2:  as  coitchennfolad  duine  huile   «  that  thcre  is  a 

common  substance  of  ail  mankind  ». 
ecnaide  tvise,  compar.  ecnaidiu,  16,  cogn.  with  ecnaid  30,  36,  37,  and  ecne 

(aith-gne). 
clùd,  51,  evading,  fleeing.  gen.  éelutha  Wb.  11-  11. 
erfuacra,  i,  4,  -^^y proclamation. 
eritecda,  heretic,  dat.  sg.  eritecdu,  19.  gen.  pi.  heretecdae,  Thés.  pal.  hib., 

II,  -^^-j  a  sage. 
ernaide,  30,  awaiting,  cognate  with  arneut-sa  Wb.  14*18. 
errannus,  59,  participation,  cogn.  with  rann  «  part  ». 
es-srédim,  I  scatter,  spread,  prêt.  pass.  pi.  3,  ro  esrete,  6. 
etar,  31,  better  etcr,  able,  possible,  as  in  ni  hetear  le  tiachtain  isin  tinol  sashe 

cannât  go  into  this  assenibly,  B.  Bail.  461 ''41. 
cterciân,  27,  remote;  cf.  etarcéin, /ar  au'ay  Wb.  26*14. 
ctercéine,  27,  remoteness. 


258  Whitlcy  Stokcs. 

ferda,  17,  masculine,  iiuiuly.  Hence  ferdatu  iiianhood. 

fi'r-eserge,  34,  true  résurrection. 

fôill,  subtile,  thin,  compar.  fôilliu,  19. 

faille,  faille,  13,  subtility. 

fo-ro-daim,  11,  3d  sg.  prêt,  (o  ro  fodaim,  11)  forodmotâr,  11,  jd  pi.  dcpo- 

nential  prêt,  oî fo-damaim,  redupl.  fut.  pi.  3,  fodémat,  39. 
fortho,  9,  forthu,  11,  29,  for  Old-Ir.  forru. 

for-tuge,  18,  a  covering,  clothing  ;  Cymr.  gortho:  cf.  imtbuge  Wb.  6''3. 
fothudchestu,  35  (gl.  subductio). 

frithbert,  21,  verbal  noun  oî  frishiur  (gl.  obnitor),  Sg.  22^6. 
fùathaigthe,    33,   Y\X.  fornicd:  spectral,  apparitional.  irom  fiiatb  an   image, 

spectre,  apparition,  O'Br. 
gainiur,  I  aniborn,  près.  ind.  pi.  3,  genit,  37  (O.  Ir.  gainetar,  Sg.  39226), 

perf.  ro  genatar,  9.  Gr.  yii'voaai,  Lat.  gi-gno. 
i  affixed  pron.  pi.  3,  bet-i,  5,  29. 
im-naire,  18,  shame. 
in-demin,  tmcertain,  pi.  indemni,  16. 
luget,  M,  smallness,  cogn.  with  lugu  less,  30,  36. 
mértait,  12,  redupl.  fut.  3d  pi.  of  maraim  I  remain. 

mesardae,  10,  moderate,  deriv.  o{  messar  «  measure  »,  Sait.  naRann,  7925. 
metaforinatio,  33. 

mi-arilliud,  undescrvingness,  pi.  dat.  miaraltib,  39. 
mon-génair,  28,  happilywas  born,  mongénar,  Br.  Da  Derga,  1 1 1.  O'Dav.  Gl., 

1240,  s.  V.  matulaid.  The  mon  may  be  cogn.  with  Lat.  niilnus,  i.  q.  bonus, 

and  génair  is  3d  sg.  perf.  o( gainiur,  q.  v. 
ncm-aicside,  10,  invisible,  pi.  ace.   na  renna  aicsidi  7   nemaicsidi,  Dinns., 

81. 
nem-chorpda,  4,  incorporeal,  dat.  nem-chorpthu,  14. 
nem-thrùalnide,  13,  24,  incorruptible,  ace.  sg.  fem.  amal  gréin  nemthrual- 

nide,  LE.  34a. 
nôem-thri'nôit,  holy  Trinily,  gen.  ni'emtrinoti,  40. 
ôentadach,  21,  uniled. 
ôentadaigira,  26,  1  unité. 
ôentadche,  21,  unionism. 

pitôndacht,  33,  pythonisni}  see  Ducange  s.  v.  phitoncs  and  pythoni:^are. 
praestrigia,  33. 
rem-éc,  3  3 ,  prématuré  death  ? 

rem-slatratu,  presumption,  LU.  3)'-'5i,  gen.  renislatratad,  16. 
reuolutio,  33. 

ro-fôill,  very  subtile,  pi.  dat.  rofo[e]llib,  19. 
ro-remar,  very  llnck,  dat.  pi.  roremraib,  10. 
s  infixed  pron.  of  pi.  3,  no-s-bera,  40,  no-s-berat,  5,  no-s-tinôlfa,  4,  no-s- 

athnuigfe,  6. 
sîreta,  27,  Syrian  =  Serdae  Ml.  37^6. 
slaidred,  15,  dross,  sli^dred  n-argait  litharge.  Ml.  85^7. 
slatratu,  boldness,  ace.  sg.  slatrataid,  16,  v.  Laws,  III,  92. 


Tidings  of  the  Rniirrection.  2J9 

sochraidecht,  conieliness,  gen.  -echta,    ii,  dat.  sochraideclit,  23,  deriv.  of 

sochraid  «  comely  ». 
suhdiictio,  55. 
suscitatio,  33. 

t  infixcd  pron.  of  2J  sg.  no-t-adamraigfet,  no- 1- mol  fat,  28. 
tatnéba,    29,   taitnébtait,  20,    they  will  shine,   b-fut.    of  luitiiini    with    the 

same  ending  as  in  matait,  12. 
teor-fégad,  27,  28,  contemplation,  a  conipd.  oï teoir  =  Lat.  theoria,  a.ndfégail, 

38,  39,  verbal  noun  of fegaiin  «  I  see  »  :  cf.  nad  j'egar,  Ml.  36'>38. 
terchor,  32,  a  happening. 
tirûarthim,  I  reniain,  14,  dep.  s-pret.   ro-thirûarthestar,    14,  enclitic  forms 

of  which  the  first  élément  is  to  :  cognate  forms,  of  which  the  first  élément 

is  de,àrQnideruaridM\.  T,ï^6,pl.  dortiarthatar  (g\.  remanserunt)  Sg.  5'''i5. 
tiugaide,  thickish,  pi.  dat.  tiugaidib,  19,  20.  deriv.  of  tiug  cogn.  with  Eng. 

thick,  Germ.  dick. 
trichtaige,  34,  the  space  of  thirty  years.  But  in  the  Carisruhe  Beda,  Thés.  pal. 

hib.  II,  10,  it  means  a  space  of  30  days. 
trùalniud,  23,  défilement,  corruption,  hom*  to-for-ess-liniud ? 

London,  April  1904. 

Whitlcy  Stokes. 


SUR    L'ÉTYMOLOGIE    BRETONNE 

(Suite.) 


XVI.  —  PLOK. 


M.  du  Rusquec  donne:  «  Plok,  adj.  Net.  »  Il  a  pris  ceci  à 
l'cirticle  de  Troude  :  «  Plok,  adj.  V.  Net  »,  en  supprimant  la 
mention  du  dialecte  de  Vannes.  En  réalité,  il  n'y  a,  pas  plus 
en  vannetais  qu'ailleurs,  d'adj.  plok,  net.  Si  Troude  l'a  cru, 
c'est  qu'il  a  été  trompé  par  le  dictionnaire  de  l'A.,  qui  donne  : 
«  Ploc  Ploc  Fil  de  poil  de  vache,  Nastt  ploc.  m.  »  Il  a  coupé 
cet  article  en  deux  parties  qu'il  a  interverties  ainsi  : 

«  Plok,  adj.  V.  Net. 

Plok,  s.  m.  V.  Le  fil  de  poil  de  vache.  » 

La  simple  disposition  typographique  montrait  pourtant  que 
dans  le  texte  de  l'A.,  natt  est  breton,  comme  ploc  qui  suit: 
nœtt  ploc  traduit  «  fil  de  poil  de  vache  »  et  signifie  littéralement 
«  fil  de  ploc  ». 

Le  dictionnaire  de  Trévoux  définit  ploc:  «  composiiion 
de  verre  pilé  et  de  poil  de  vache  qu'on  met  entre  le  dou- 
blage et  le  bordage  des  vaisseaux  pour  les  préserver  des  vers  »  ; 
il  ajoute:  «  ploc,  ...  fil  de  poil  de  vache...  couvertures...  à 
ploc  ».  Voici  la  définition  du  Dictionnaire  général  Hatzfeld- 
Darmesteter-Thomas  :  «  poil  grossier  amalgamé  avec  du 
goudron  pour  protéger  le  bordage  des  navires  contre  le  ravage 
des  vers.  » 

Bullet  tirait  le  franc,  ploc  du  breton  ;  il  y  a  tout  lieu  de  croire 
que  c'est  l'inverse.  M.  du  Rusquec  donne  «  plok,  sm.  Le  fil 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  261 

du  poil  d'une  vache  »,  en  comparant,  outre  le  franc,  ploc,  le 
lat.  plicare  et  le  grec  z:\'.z;  !  Littré  compare  aussi  ploc  à  pli- 
cnre;  Jal  avait  pensé  au  bas  lat.  pelorcus  étofle  velue,  peluche. 


XVII.    —   DANZEAT,    DANZE,    DANS  El,    DANZEI, 
DAXZEN,  DANZEL,  DAKZERI. 

1.  Pel.  donne:  «  Dan:^eat,  Bien  nourri,  qui  a  profité  de  la 
nourriture,  qui  a  de  l'embonpoint.  Il  se  dit  des  hommes  et  des 
bêtes.  Ce  mot  n'est  pas  commun  dans  l'usage  et  son  origine 
m'est  inconnue.  Davies  n'a  point  ce  nom.  »  Roussel  )iis  porte  : 
«  Da7i:;eat  bien  nourri  qui  a  profité  de  la  nourriture  qui  a 
de  l'embonpoint.  « 

Ce  mot  manque  chez  les  autres  lexicographes  bretons,  sauf 
Troude  qui,  seulement  dans  son  Nouveau  dictionnaire...  breton- 
français,  écrit:  «  dai\eat,  adj.  V.  Bien  nourri,  parlant  des  gens 
et  des  bétes  »;  il  le  marque  encore  comme  vannetais,  p.  696. 
Mais  il  a  été  sans  doute  déterminé  à  cela  par  le  /  final,  parce 
que,  dans  ces  sortes  de  terminaisons,  le  léonais  préfère  d.  Milin 
a,  dans  cet  article  dan:^eat,  effacé  «  V  »  et  ajouté  :  «  (Léon) 
qui  a  de  l'embonpoint,  qui  a  profité  de  la  nourriture.  »  Il  est 
très  possible  que  cette  rectification  s'appuie  simplement  sur  Pel. 
et  sur  Roussel  ms,  document  léonais  qui  était  en  la  possession 
de  Milin. 

2.  A  défaut  de  confirmation  directe  du  renseignement  fourni 
par  ces  deux  autorités,  qui  sont  dans  une  étroite  relation,  nous 
trouvons  une  forme  voisine  de  dan:-eat,  dans  le  nom  de  famille 
Le  Dan::^é,  en  1768,  Inveniaire-soinniaire  des  archives  du  Finistère, 
série  B,  p.  1 17.  Il  existe  encore  à  Plogoff,  écrit  Dan^e,  on  pro- 
nonce danii::^e  part'  fermé  (Loth,  Annales  de  Brelaone,  XV,  398). 
Ce  mot  a  tout  l'air  d'un  adjectif  tiré  du  participe  dauÀ^eat,  ou 
plutôt  d'une  variante  moins  strictement  léonaise  *dan:^eet;  le 
procédé  est  fréquent,  cf.  mon  Glossaire  nioy.  bref.,  s.  v. 
ac'hubi,  etc. 

3.  Cette  induction  est  appuyée  par  l'existence  en  trécorois 
d'un  verbe  inconnu  des  dictionnaires,  dont  voici  un  exemple 

Revue  Celtique,  XXV.  ,  18 


262  E.  Ernault. 

de  1857:0  iansei  arc'hant  evit  soutoiidige:^^  Giuillcrni,  recueillant 
de  l'argent  pour  soutenir  Guillaume,  Hisloarioii  ha  parahoJenou 
an  Tad  Bonavcntur,  Sant-Briec,  p.  233.  Dans  le  geriadiirih  ou 
petit  glossaire  qui  termine  son  intéressant  volume  Ma  heaj 
Jeni::ak}n,  Saint-Brieuc,  1903,  p.  362,  M.  l'abbé  Le  Clerc 
explique  dan:(cii  par  «  préparer  ». 

M.  F.  Vallée  a  bien  voulu  me  communiquer  à  ce  propos  les 
notes  suivantes:  dan^ei,  dan^ei,  préparer  (bas  Trèg.);  dan^ei 
Icin,  préparer  le  déjeuner;  se  dit,  mais  rarement,  à  Plounévez 
Moëdec.  E  oamp  0  tan::^ci  Duvit  a-roh,  nous  nous  préparions  à 
partir,  Li^ero  hreuriez^ar  Je,  sept.  1898,  p.  30.  Oian:{ci  dichaJan 
'nian  ar  môr,  la  mer  est  près  de  se  retirer.  Variantes  :  à  Plou- 
névez Moëdec,  daii^eri;  0  tan~eri  iiicni  ou  lein  'ver,  on  est  à 
préparer  le  repas.  Dan^^el,  id.  ;  dan:(eet  e  lein,  le  déjeuner  est 
préparé.  A  Coadout,  on  dit  dan':^cn  :  dan^en  tara  d'e  vugale, 
gagner  du  pain  pour  ses  enhnîs  ;  Ma r  gai l  dan-cu  arc'hant  d'ober 
korfadou  inad,  s'il  peut  amasser  de  l'argent  pour  faire  bombance 
(Dir-na-dor).  Les  formes  les  plus  usitées  en  bas  Goello,  où 
ce  mot  est  surtout  connu,  sont  dah::^ci  et  dan~en.  M.  Le  Clerc 
a  employé  le  dérivé  dan:^eer  au  sens  d'  «  économe  (de  col- 
lège) ». 

Le  rapport  du  sens  de  dan:(eat  à  ceux  de  dan:^eet,  etc.,  ne 
peut  être  déterminé  a  priori;  il  fout  d'abord  s'assurer  de  leur 
origine  commune. 

4.  On  peut  être  tenté  de  la  chercher  dans  le  voisinage  du 
bret.  hoahxe,  (le)  séant;  mais  c'est  une  forme  purement  tréco- 
roise,  qui  ferait  attendre  en  Léon  *da:(e:(et  et  non  danxeat  ;  cf. 
Gloss.,  121,  122. 

5.  Le  mot  de  l'Aunis  dan:^er,  dompter,  dresser  les  animaux 
(cf.  Littré,  Supplément ,  v.  dompter;  poitevin  id.  Favre,  danzé, 
don^é,  Lalanne,  centre  de  la  France  donner,  Jaubert),  suppo- 
serait une  dérivation  insolite.  Sur  les  verbes  bretons  en  -en, 
part,  -eel,  qui  sont  empruntés  au  français,  on  peut  voir 
Zeiischrift  fiïr  celt.  Phi  loi.,  II,  510. 

6.  Dan^eat,  dan~en,  etc.,  se  rattacheraient-ils  au  franc. 
essayer}  Un  examen  attentif  montrera  que  l'explication  est 
moins  hardie  qu'elle  n'en  a  l'air. 

D'abord,  le  d  aura  été  préfixé,  comme  dans  d'autres  mots 


Sur  l'Pjymologie  bretonne.  26^ 

tels  que  van.  davé,  davéein,  envoyer;  renvoyer,  à  côté  deavéein, 
aveu,  atteler,  harnacher;  v.  franc,  aveier,  aveer,  mettre  sur  la 
voie,  conduire  (et  de  convaye,  convayein,  couvayein,  convoyer, 
l'A.,  convaiein,  escorter,  Suppl.^;  cf.  Gloss.,  333. 

Quant  à  la  nasale,  elle  prouve  que  le  :(  suivant  vient  d'un  s, 
car  le  breton  évitait  les  sons  ndh,  nth,  cf.  Ztschr.  /.  celt.  Phi- 
lol.,  I,  38-46;  Noies  d'étym.  bret.  121  (n°70,  §  29).  Et  elle  se 
retrouve  dans  les  formes  vannetaises  ansi,  m.,  essai,  ahsiein, 
essayer,  usitées  à  Saint-Caradec-Trégomel,  etc.  ;  du  reste,  le 
vieux  français  l'avait  aussi:  ensayer,  essayer  (P.  Meyer, 
Alexandre  le  Grand  dans  la  littérature  française  du  moyen  âge, 
I,  317).  Cf.  espagnol  ensayar,  etc. 

L'j"  ancien,  qui  se  montre  encore  dans  0  tansei,  a  été  supplanté 
par -.  Cela  rappelle  ansavoutet  ah:^avout,  avouer,  où  la  question 
est  d'ailleurs  loin  d'être  purement  phonétique,  cf.  Notes  d'étym. 
bret.,  122-128  (n°  71,  §  1-7)  ;  un  exemple  plus  sûr  est  le 
moy.  bret.  hasoue:(,  honneur,  devenu  plus  tard  an::^aoiie,  bon- 
heur, occasion, voir  ibid.,  128-129,  §  ^• 

7.  A  côté  de  V m'àmixi  dan~en,  la  forme  dansei,  dan:[ei  n'est 
pas  isolée  :  cf.  tréc.  eréih,  lier. 

Dan::tl  s'explique  par  le  fait  que  le  trécorois  a  souvent  le 
choix  entre  les  terminaisons  -el  et  -en  :  gelvel  et  gelven,  appeler, 
bien  que  d'ordinaire  le  rapport  soit  inverse,  /  étant  plus  ancien, 
et  que  les  participes  ne  soient  pas  eneet.  *Dan:^eal  eût  été  moins 
isolé;  cf.  cantren  et  cantrcal,  errer,  etc. 

Dan:;eri  est  une  autre  corruption  spéciale  ;  nous  pouvons 
l'associer  à  la  forme  c'hoantre:^is,  je  désirai,  au  lieu  de  c'hoanteïs, 
citée  Ztschr.  f.  celt.  Phi  loi.,  Il,  511. 

8.  Dan~cet  est  seul  régulier  comme  participe  :  dan:^eat  sup- 
poserait un  infinitif  *dan::riat.  Mais  c'est  là  un  passage  analo- 
gique facile,  *dan^aat  pouvant  aussi  faire  au  participe  dan^eet. 
Le  fait  se  montre  précisément  dans  le  verbe  «  essayer  »  :  infin. 
.-cf~rt/^  Gr.,  part,  trécorois  w^'/,  Rev.  Celt.,  XI,  113;  cf.  dkal, 
dù,saieteat,  sauvé,  114,  etc. 

9.  Reste  la  question  des  sens.  Ils  peuvent  avoir  été  succes- 
sivement «  essayer  »,  «  se  mettre  à,  préparer  »,  «  chercher  à 
fournir  »  ;  et  au  participe-adjectif  «  prêt,  dispos,  en  bon  état  », 
«  (animal)  bien  nourri  ». 


264  E.  Ernaiilt. 


XVIIL  —  TRUBARD;  ROBART,  JOBARD;  IFFERN. 

I.  Pel.  donne:  «  Trubar,  et  Tr/z/'^r/^  Traître,  perfide.  Plur, 
Truhartet.  Triibardere::^,  et  Trubaniii\,  trahison,  perfidie.  Tru- 
bart,  qui  est  un  substantif...  peut  être  composé  de  Trii,  misé- 
rable, selon  Davies,  et  de  Part,  partie  et  parti...  »  Le  second 
/  de  trubartet  doit  avoir  été  suggéré  ici  par  cette  étymologie, 
d'ailleurs  insoutenable. 

Roussel  ms  porte  en  cinq  articles  :  «  trubar,  trubart,  traître 
perfide,  misérable,  gueux,  faux-pauvre  pi.  trubardet  »  ;  «  tru- 
barderes,  trubardeureus ,  perfide,  trompeuse,  gueuse.  Celle  qui 
étale  une  fausse  misère  pour  obtenir  ce  qui  ne  lui  appartient 
pas,  qui  vole  laumone  qui  trompe  tout  le  monde  de  quelque 
manière  que  ce  soit  »  ;  «  trubardere^,  trubardiach ,  trahison, 
perfidie,  friponerie,  tromperie  »  ;  «  trubardi  »  (non  traduit)  ; 
«  trubardi  traoïi  dionch  en  ail,  engager  par  des  fliux  discours 
quelqu'un  a  nous  donner  des  effets  dont  nous  feignons  avoir 
besoin,  se  rendre  faux  ami  de  quelqu'un  pour  attraper  son  bien, 
le  trahir,  le  friponner,  le  subtiliser  ». 

Grég.  a  trubard,  pi.  trubarded  «  double,  fourbe,  trompeur, 
qui  dit  d'une  façon,  et  pense  d'autre,  qui  fait  bonne  mine,  et 
mauvais  jeu  »  ;  «  fourbe...,  traître  »  ;  «  nftronteur  »  ;  trubardès, 
pi.  -escd,  femme  fourbe;  trubardi,  affronter,  foire  un  affront 
(«  tromperie  malicieuse  et  fine  »)  ;  fourber,  tromper  finement 
ceux  qui  agissent  avec  sincérité;  trubardérc^,  pi.  ou,  -erc:{Ou, 
duplicité,  ce  qui  vient  d'une  âme  double;  tourbe,  fourberie, 
action  de  fourbe. 

Le  Gon.  donne  trubard,  adj.  et  s.  m.,  pi.  cd,  traître,  per- 
fide, trompeur,  fém.  -f~,  pi.  -ed  ;  trubardére^,  m.,  trahison, 
duplicité;  trubardi,  v.  a.  et  n.,  trahir,  faire  une  perfidie;  il 
remarque  que  «  ce  verbe  est  peu  usité  »  ;  à  quoi  H.  de  la  Vil- 
lemarqué  ajoute  cette  restriction  :  «  hors  de  Corn(ouaille).  » 

Troude  traduit  trubard  «  traître,  fourbe,  perfide,  faux- 
pauvre  »  ;  il  a  encore  trubard-iud,  hypocrite,  et  trubardi,  v.  a., 
obtenir  une  chose  par  suite  de  feintes  ou  de  mensonges  :  tru- 


Sur  FEtymologie  bretonne.  26^ 

bardi  eunn  dm  dioc'h  eiiun  dcn,  obtenir  par  feintes  quelque  chose 
de  quelqu'un. 

On  dit  encore  en  coxnou^xiWdXS  trubardérei,  f.,  femme  fourbe, 
trompeuse. 

Le  plur.  iriibardereçziou,  trahisons,  se  lit  dans  les  Bar:(ounegou, 
Morlaix,  1847,  p.  i  (cf.  Gloss.,  39). 

Je  ne  vois  rien  de  tout  cela  en  vannetais. 

2.  M.  de  Rusquec,  s.  v.  fourbe,  compare  trubard  au  grec 
«  Tpîcw,  brise  «.  Son  second  dictionnaire  rapproche  trubardi, 
trahir,  du  gall.  Irulh,  flatterie,  ce  qui  est  plus  spécieux,  mais 
ne  rend  pas  compte  de  la  syllabe  -bard. 

3.  M.  V.  Henry,  Lexique,  273,  s'exprime  ainsi:  «  trubard, 
adj.  fourbe  :  contamination  possible  de  deux  empr.  fr.,  soit 
truffer  «  tromper  »  (mbr.  trufla)  et  fourber,  avec  finale  déri- 
va tive.   » 

Trufla,  soutirer,  P.  Maunoir,  était  plutôt  en  moy.  bret. 
*truftafj;  on  n'en  a  pas  d'exemple  à  l'infinitif,  cf.  Gloss., 
727.728. 

Roussel  VIS  associe  aussi  les  deux  mots  :  «  trucha,  trufla, 
trubardi  a  le  même  sens  pour  ainsi  dire,  tirer  par  adresse,  en 
flatant,  en  séduisant  par  attraits,  item  gueuser,  trucher  »  ;  il 
ajoute  :  «  trucheu,  une  gueuse,  une  coureuse  »  ;  «  trucher,  trufler, 
séducteur,  truchcur  et  trufleur  se  dit  dun  homme  et  surtout 
dun  enfint,  dun  jeune  homme  qui  recherche  adroitement  de 
quoi  baffrer  »  ;  «  truch  signifie  proprement  adulation,  telle  que 
celle  dont  usent  certains  gueux  fripons,  pour  soustraire  les 
petits  enfans,  à  dessein  de  s'en  servir  pour  faire  leurs  fripon- 
neries. Ce  sont  des  malheureux  gueux  qui  font  métier  de 
trucher...  undé  truant  »  (le  mot  latin  unde  a  été  ensuite 
barré).  Sur  trucha,  cf.  Rev.  Celt.,  XIV,  289.  Mil.  ms  donne 
trufla,  gueuser;  «  truflen  subst.  f.,  tartuffe,  courtisane  intri- 
gante, insinuante,  adroite,  rusée,  qui  flatte,  trompe  et  vole  à 
l'occasion  ». 

Il  est  naturel  de  comparer  tous  ces  mots,  mais  leurs  rapports 
ne  sont  pas  clairs.  L'explication  de  la  syllabe  finale  de  trubard 
que  propose  le  lexique  est  loin  d'être  satisfaisante:  le  franc. 
fourbe  ne  paraît  pas  avoir  été  emprunté  en  breton. 

4.  Je  crois  que  le  plus  proche  parent  de  irubart,  trubard  est 


266  E.  Ernault. 

le  V.  franc,  truhert,  qui  se  trouve  dans  le  Martire  S.  Esiiene 
(Ed.  Fournier,  Théâtre  français  avant  la  Renaissance,  p.  2  a): 

Qui  me  tient  que  je  [ne]  t'assomme, 
Meschant  trubert,  coquin  moquart  ? 

On  trouve  dans  les  langues  romanes  d'autres  mots  plus  ou 
moins  semblables  :  provençal  trefart,  trompeur,  que  M.  Kœrting 
tire  de  l'hébreu  (2*^  éd.,  n°  9462);  italien  trujfaldino,  fourbe 
vénitien,  arlequin,  qu'il  tire  du  lat.  tuher  (n°  9794),  etc.  ;  cf. 
E.  Chevaldin,  Les  jargons  de  la  farce  de  Pathelin,  Paris,  1903, 
p.  401-406.  Le  nom  propre  français  Truffant,  cité  dans  cet 
intéressant  ouvrage,  p.  405,  suppose  un  ancien  *Trnffalt,  cf. 
ital.  Triiffald-,  où  1'/  peut  venir  de  r  par  dissimilation,  comme 
dans  le  bret.  hragaldie:(ou  «^  braveries  »  iMaun.,  à  côté  du  moy. 
bret.  bragard,  brave  (soldat),  etc.,  cf.  Ztschr.  f.  celt.  PhiloL,  II, 

517- 

Le  V.  franc,  présente  encore:  truhert,  adj.,  débauché;  Tru- 
hert, nom  propre.  Faut-il  ajouter  truhers,  brancards,  God.,  et 
les  formes  actuelles  truhard,  truhert,  m.,  garde-genoux  à  l'usage 
des  laveuses,  Jossier,  Dictionnaire  des  patois  de  l'Yonne, 
1882? 

5.  Le  passage  de //'«/;(';■/ à  truhart,  truhard  ne  ferait  pas  diffi- 
culté en  breton,  où  la  syllabe  -erd  est  peu  commune  en  dehors 
du  vannetais.  Ce  dialecte  la  présente  précisément  comme  suf- 
fixe, dans  un  mot  de  sens  analogue:  loherdein,  enjôler,  lober- 
donr,  enjôleur  (voir  Etudes  d'ctyni.,  n°  XXIII,  §  9). 

Il  a  aussi  changé  start,  stard,  ferme,  fort,  en  sterd,  etc. 

Mais  Grég.  donne  Rohert  et  Rohart,  Robert  ;  fouilbe-inard, 
pi.  fonilbeinarded,  fouille-merde,  scarabée;  cf.  moy.  bret.  certen, 
certain,  certes,  avec  rime  de  la  première  syllabe  en  art,  etc., 
Gloss.,  102,  103  ;  dans  Pe  heny  gloar  nw'n  goar  certes,  laquelle 
gloire,  je  le  sais,  certes,  Mirouer  de  la  Mort,  f°  53,  cer-tes  doit 
de  même  rimer  en  ar. 

6.  Un  exemple  du  passage  inverse  se  trouve  dans  le  nom 
moy.  bret.  de  la  joubarbe,  iohert  que  le  Catholicon,  éd.  a,  tra- 
duit en  français  iobarde,  et  non  iohart  comme  a  imprimé  Le 
Men.  On  dit  en  trécorois  johard  ;  le  haut  breton  a  jouharde 
(Sébillot,  Traditions  et  superst.,  II,  337). 


Sur  l'Ëtymologie  bretonne.  267 

Le  Cathol.  traduit  loitsoueun  an  cahte~^  en  latin  anmricus  et 
ioberti  berba;  ce  dernier  doit  être  une  faute  pour  Rohcrli  herha, 
franc.  «  l'herbe  cà  Robert  »,  dans  l'ancienne  nomenclature  «t/;//- 
lea,  cf.  E.  Rolland,  Flore  populaire,  III,  308  (bret.  mod.  lon- 
saoucnn  ar  c'balve^  «  l'herbe  au  charpentier,  et  au  cocher,... 
mille  feuille  »,  Gr.,  loiixaouenn-ar-cbalvex^  «  achillée,  mille- 
feuille  »,  Trd,  cf.  Liègard,  Flore  de  Bretagne,  60,  etc.). 

7.  La  syllabe  er  devient  aussi  ar  devant  d'autres  consonnes; 
;iinsi  : 

moy.  bret.  Ropcr::;^  et  Ropar::^,  même  origine  germanique  que 
Robert,  Gloss.,  583,  cf.  bret.  moy.  et  mod.  enebar^,  douaire,  v. 
bret.  enepiiiicri(b),  Rev.  Celt.,Wl\,  32,  33  ;  Loth,  Cbresiomatbie 
bret.,  128,  259  ;  d'Arbois  de  Jubainville,  Etudes  grarnni.,  I,  2  ; 

moy.  bret.  Gnilbelm,  Guilhrm,  autre  nom  germain,  =  mod. 
Guïlberm  Gr.,  Gilkrm,  GuiUenn  J.  Moal,  Supplément  lexico- 
gramrnatical,  Landerneau,  1890,  p.  15,  mais  Guillarm,  forme 
constante  dans  Tragédien  sant  Guillarm,  coiidt  deus  a  Poetou, 
Morlaix,  181 5  ;  diminutif  Guillarmic,  ibid.,  p.  124; 

moy.  bret.  sermon  et  sarmon,  sermon,  léon.  sarmonn  Gr., 
tréc.  ■^armon  ; 

mod.  difarlea,  diferla,  déferler,  etc.,  Rev.  Celt.,  XIX,  324, 
325. 

8.  Des  faits  analogues  se  passent  en  français:  par  ^=  lat. 
per,  mais  surtout  dans  les  patois  :  au  commencement  du  second 
acte  de  Don  Juan,  Molière  écrit  Biarrot,  renvarsés,  la  niar,  des 
mottes  de  tarre,  aparçu,  un  varre,  des  maries,  etc. 

En  breton,  er  final  ne  devient  ar  que  dans  certaines  variétés 
dialectales,  cf.  Rev.  Celt.,  XIX,  204,  205. 

Devant  une  voyelle,  ce  changement  est  rare.  On  trouve  en 
moy.  br.  beraut,  pi.  beraiidet,  héraut,  Grég.  donne  pour  la  langue 
moderne  harod,  baroud,  pi.  ed  (avec  une  forme  ancienne  herald, 
pi.  ed,  non  attestée  par  ailleurs);  il  a,  sans  variantes,  haros, 
pi.  ed,  héros,  harosês,  pi.  -esed,  héroïne,  harosus,  héroïque.  On 
lit  harros,  héros,  et  le  plur.  harroset,  p.  i  et  2  de  la  chanson  sur 
feuilles  volantes,  Da  ~oudardet  cô^  Napoléon,  Morlaix,  chez 
Ledan,  1840. 

C'est  surtout  la  syllabe  eni  qui  devient  facilement  arn;  par 
exemple  dans  : 


265  E.  Eniaiill. 

V.  br.  -fieni  et  Tiarn,  chef,  gaulois  tigcnio-  Chresloni.,  47, 
148,   167; 

V.  br.  loiiueni-,  -Jocrn,  renard,  gaul.  Acjepv-,  Chrest.,  45,  147  ; 
moy.  br.  louarn  et  louern,  comme  le  prouve  la  rime  «  Gat  na 
\ouani  ne  espernaff  »,  Sainte-Nonne,  285,  mod.  Jouarn,  van. 
luheruc,  l'A.,  luern  ,  loern,  pi.  luernet,  Châl.  ///J;,  GIoss.,  375; 

moy.  br.  siffernet,  enroué,  mod.  sifern,  rhume,  Maun.,  sifern, 
sivani,  rhume,  pituite  qui  découle  du  cerveau,  éternuemenr, 
sifcrui,  siverni,  sivarni,  enrhumer,  éternuer,  Roussel  lus;  Pel. 
n'a  que  sifern,  siferni,  l'A.  donne  sifrenein,  tousser. 

9.  Le  cas  inverse  de  celui  qui  est  signalé  plus  haut  pour  le 
moy.  bret.  louarn,  à  lire  quelquefois  louern,  se  présente  dans 
ifferu,  enfer,  qui  rime  en  arn  à  cette  époque  dans  deux  pas- 
sages, cf.  Gloss.,  332. 

Le  second  est  certainement  le  texte  en  moyen  breton  qui  a 
été  le  plus  souvent  étudié,  et  dans  les  publications  les  plus 
répandues. 

—  Pol  de  Courcy,  De  Rennes  à  Brest  el  à  Saiut-Malo  (dans 
la  collection  des  guides-Joanne),  Paris,  1864,  p.  294,  dit  de 
l'église  de  La  Martyre  (Finistère)  : 

«  De  nouvelles  additions  furent  faites...  à  cette  église,  par 
l'adjonction  d'une  chapelle...  Cette  chapelle  porte  la  date  de 
16 19...  Elle  a  servi  de  charnier,  d'après  les  inscriptions  de 
deux  cartouches  que  tiennent  des  anges.  Sur  le  cartouche  de 
gauche  on  lit  : 

Han  maro  :  han  barn  :  han  ifern  : 

ien  :  pa  :  ho  :  soing  :  den  :  é  :  tlé  :  crena  : 

fol  :  éo  :  na  préder. 

«  La  mort,  le  jugement,  l'enfer;  il  fait  froid  d'y  penser; 
l'homme  doit  trembler;  fou  celui  qui  ne  médite  pas.  » 

Sur  le  cartouche  de  droite: 

Esperout  :  guélet  :  ez  :  eo  :  ret  :  décédi. 
«  Espérer,  voir,  il  faut  mourir.  » 

—  La  France  artistique  et  pittoresque,  Bretagne,  par  Henri 
du  Cleuziou,  tome  T,  Paris,  1886,  p.  G6,  68,  porte  ceci  : 


Sur  rÉtymologie  bretonne.  269 

((  L'ossuaire  contient  une  dernière  inscription  en  langue 
bretonne,  d'un  effrayant  caractère  : 

Haii.  iiiaro.  —  Haii  barn.  —  Han  ifern. 

Icn  pa  ho  soiiig.  Den  e  tk  crena. 

Fol  eo  na  preder. 

«  La  mort,  le  jugement,  l'enfer. 

«  Froid  quand  on  y  pense,  l'homme  en  doit  trembler. 

«  Fou  celui  qui  n'en  médite.  » 

La  suite  se  lit  sur  un  cartouche  de  droite  : 

Espcret  guclel  e~  eo  ret  decedi 
1619 

«  Espérez  voir  il  faut  mourir.  » 

De  la  coniparaison  de  ces  deux  lectures  résulte  l'impression 
qu'elles  sont  diversement  inexactes.  La  première  a  changé  esperet 
en  csperotit  parce  que  l'épigraphiste  breton  voulait  voir  un  infi- 
nitif là  où  son  successeur  a  vu  un  impératif.  Celui-ci  a  introduit 
dans  la  2^  ligne  une  coupe  suggérée  par  leur  façon  commune 
de  comprendre  les  4  derniers  mots.  Mais  cette  explication  est 
en  révolte  ouverte  contre  la  grammaire  :  si  den  était  le  sujet  du 
verbe  suivant,  il  y  aurait  a  die. 

—  Dans  la  Revue  de  Paris  du  15  juin  1902,  M.  A.  Le  Braz 
parle,  p.  797,  798,  de  «  l'inscription  de  La  Martyre,  en  vers 
bretons  »,  qu'il  lit  et  traduit  ainsi  : 

«  An  Maro,  an  Barn,  an  Ifern  ien 
Pa  ho  soing  den  e  tle  crena 
Fol  eo  na  preder  e  speret 
Guelet  ez-eo  ret  deceda. 

«  La  Mort,  le  Jugement,  l'Enfer  froid,  —  quand  l'homme  y 
songe,  il  doit  trembler.  —  Fol  est  à  coup  sûr  son  esprit,  — 
s'il  ne  voit  qu'il  faut  décéder.  » 

De  même,  dans  l'introduction  à  la  seconde  édition  de  La 
légende  de  la  Mort  che^  les  Bretons  Armoricains,  Paris,  1902, 
p.  xxxii,  xxxiii,  où  il  y  a  un  point  après  crena. 


270  E.  Ernault. 

Voila  une  nouvelle  lecture  qui  surprend  par  la  transforma- 
tion radicale  de  la  forme.  Est-il  possible  qu'un  même  objet 
soit  vu  de  tant  de  manières  différentes  par  des  érudits  qui  s'at- 
tachent à  le  décrire  ? 

Quant  au  fond,  il  a  évidemment  gagné  beaucoup.  Nous  avons 
maintenant  un  texte  en  vers,  où  décoda,  et  non  plus  decedi, 
rime  à  creua;  pour  compléter  la  régularité  métrique,  il  ne  faut 
plus  qu'une  chose  :  admettre  la  prononciation  Ifani,  qui  rime 
à  harn,  comme  cren-a  à  den,  etc. 

Au  point  de  vue  de  la  langue,  nous  voyons  disparaître  le 
solécisme  den  e  tic,  et  la  division  e  speret  écarte  définitivement 
le  verbe  «  espérer  »,  non  moins  déplacé -ici  pour  la  grammaire 
que  pour  le  sens. 

Il  y  a  pourtant  dans  cette  traduction  deux  méprises  :  na  preder 
ne  signifie  guère  «  à  coup  sûr  »,et  guekt  peut  encore  moins 
s'interpréter  «  s'il  ne  voit  ». 

—  Dans  les  Annales  de  Bretagne,  II,  437,  M.  Loth  pubhe, 
d'après  la  copie  de  M.  l'abbé  Corre,  et  traduit  ainsi  des  vers 
qui  se  trouvent  à  la  fin  du  Mironcr  de  la  Mort,  composé  en 
15  19  et  imprimé  en  1575  (appelé  deux  fois  par  erreur  «  ma- 
nuscrit »,  cf.  p.  255)  : 

«  An  Maru,  han  Barnn,  han  Iffern  yen. 
Pan  ho  soing  den  ez  die  crenaff": 
Foll  eu  na  preder  e  speret, 
Guelet  ez  eu  ret  decedafi^. 

La  mort  et  le  jugement  et  l'enfer  troid,  lorsque  l'homme 
y  songe,  il  doit  trembler:  Il  est  fou  si  son  esprit  n'est  inquiet, 
en  voyant  qu'il  faut  mourir.  » 

Il  est  clair  que  ce  texte  est,  sous  une  forme  plus  archaïque, 
le  même  que  l'inscription  de  la  Martyre;  en  citant  cette  der- 
nière, M.  Le  Braz  a  brouillé  les  deux  en  une  rédaction  mixte. 

M.  Loth  a,  dans  sa  Chrestomathie,  p.  295,  reproduit  ces 
«  quatre  vers  »  du  Mironcr  de  la  Mort,  avec  quelques  variantes  : 
ban...  ha'n  (altération  qu'il  avait  expliquée,  p.  242)  ;  c?  pour 
ho,  et  point  et  virgule  au  lieu  de  deux  points  après  crenaff. 

Je  crois  que  ces  quatre  lignes  forment  plutôt  deux  vers  de 
seize  syllabes.  La  traduction  de  M.  Loth  est  irréprochable  dans 


Sur  rÉtymologie  brelonne.  271 

la  première  partie;  à  mon  avis,  la  fin  signifie:  «  il  est  fou, 
celui  dont  l'esprit  ne  réfléchit  pas  (à  ces  choses),  puisqu'il  faut 
mourir.  » 

Giielet  est  expliqué  par  M.  Loth  comme  un  infinitit,  p.  486, 
ce  qui  ne  justifierait  pas  encore  la  traduction  «  en  voyant  »  : 
il  feindrait  l\  guclet.  GneJet  est  un  participe  signifiant  ici  «  vu 
que  ».  Cette  expression,  imitée  du  français,  se  trouve  deux  fois 
dans  la  vie  de  sainte  Catherine,  où  je  l'avais  d'abord  mécon- 
nue ;  la  rectification  indiquée  Rev.  Celt.,  XI,  364,  s'applique 
également  au  passage  étudié  ici. 

On  peut  citer,  en  breton  moderne,  ifarn,  dans  TouU  al  lakc^, 
par  Lan  Inisan,  p.  56  {ifern,  32,  65). 

La  prononciation  iffarn  est  donc  parfiutement  légitime  dans 
les  deux  vers  du  moyen  breton  publiés  Chrestom.,  295  ;  ce 
qui  n'empêche  pas  la  vraie  orthographe  d'avoir  été  iffern. 

10.  La  rime,  intérieure  ou  finale,  du  breton  moyen  était 
fondée  sur  une  prononciation  réelle  (habituelle  ou  non),  mais 
n'entraînait  pas  de  changement  dans  l'écriture  traditionnelle; 
cf.  Rev.  Celt.,  XIII,  241,  243,  etc. 

Voici  d'abord  un  exemple  que  je  n'ai  fait  qu'indiquer  au 
Dicl.  et  y  m.,  v,  stcrnaff  {Miiouer  de  la  Mort,  f°  12  v°)  : 

Pénaux  oar  pen  an  B^rw  ez  viher  em  slcniet 

que  pour  le  Jugement  on  se  soit  préparé  (à  être  sans  péché). 
Roussel  ))is  donne  «  stem  starn,  métier  dun  tisseran,  machine 
qui  sert  a  faire  la  toile  et  autres  pareils  ouvrages,  atteiier  d'ar- 
tisan ;  quadre  de  tableau,  châssis,  bois  de  lit,  etc.  »  ;  «  dislarna, 
dislerna,  desourdir,  dételer  ».  Pel.  n'a  que  stem,  et  «  distemcin, 
[Ven.]  Desourdir,  désencombrer  »,  ce  dernier  article  est  pris 
à  Châlons.  Cf.  Gloss.,  651;  Brugmann,  Grundriss,  2*=  éd.,  I, 
474,  480. 

11.  On  lit  dans  Buhe:(  mabden,  str.  253  :  An  tan  creff  a  seff 
en  ho  baru  ;  H.  delà  Villemarqué  a  traduit  :  «  les  flammes  dévo- 
rantes qui  montent  jusqu'à  leur  barbe.  »  Mais  ce  vers  n'a  pas 
la  rime  intérieure  régulière  de  l'avant-dernière  syllabe;  il  faut 
corriger:  he  baru  «  sa  barbe  »,  prononcé  e  varv: 

An  tan  cvcff  a  scjf  en  ht'  bàïw. 


272  E.  Ernaiilt. 

Ceci  est  d'ailleurs  justifié  par  le  contexte,  l'objet  possesseur 
est  le  singulier  dcii,  homme,  du  vers  suivant  (où  il  manque  une 
syllabe;  lire  probablement  an  den).  Une  mutation  semblable 
paraît  dans  Bra:(eben  =  «  grosse  sa  tête  »,  xv^  siècle,  R.  Ker- 
viler,  Répertoire  de  bio-bibliographie  bretonne. 

12.  Un  autre  cas  plus  instructif  se  trouve  dans  ces  vers  du 
Mirouer  (f°  7  v°,  copie  de  H.  de  la  Villemarqué)  : 

Petra  so  fleriussoch  eguit  quic  ha  crochenn 
Map  den  goude  e  maru,  en  beu  nac  eo  mar  guenn  ? 

(Qu'y  a-t-il  de  plus  fétide  que  la  chair  et  la  peau  de  l'homme 
après  sa  mort,  si  brillant  qu'il  soit  de  son  vivant  ?) 

Le  dernier  vers  exige,  pour  avoir  sa  rime  obligatoire  à  maru 
{inarv  ou  mani'),  la  prononciation  niar  venu  ou  mar  luenn  «  si 
blanc  ». 

Ce  mot  mar,  si,  tellement,  n'a  été  gardé  que  par  le  vannetais, 
où  il  ne  produit  pas  d'ordinaire  de  mutation;  j'y  ai  trouvé  seu- 
lement un  exemple  d'affaiblissement  au  féminin  :  mar  goh  oai, 
tant  elle  était  vieille,  Gloss.,  393.  Mais  ce  dialecte  a  beaucoup 
supprimé  de  mutations.  Mar  est  une  variante  non  accentuée 
de  meitr,  beaucoup,  qui  a  donné  l'expression  meiirbet  de  *meur 
pet  «  grandement  combien  »,  «■  c'est  étonnant  combien  », 
«  oh  combien!  ».  L'adoucissement  existe  aussi  en  gall.  :  mor 
zvyn,  si  blanc,  combien  blanc,  et  en  comique  :  mar  vcur,  si 
grandement  (Gloss.,  412,  542,  etc.). 


XIX.  —  MAR^SS,  MALÉZ. 

I.  L'A.  donne  marœss,  m.,  pi.  -œ^eu,  marœ^att,  m.,  pi.  -adeu, 
grand  champ;  marœss,  pi.  -tXeu,  plaine,  marœ:^att  caire  à  étt 
«  belle  plaine  de  grain  ».  On  lit  iir  mares,  une  plaine,  Voyage 
misterius,  80;  ur  maré~ad-èd,  une  plaine  de  blé,  Vocabul.,  1863, 
p.  12. 

Dans  son  second  dictionnaire,  M.  du  Rusquec  donne  mare~, 
m.,  (c  plaine,  étendue  considérable  »  et  mare::ad,  m.,  pi.  ou 
«  plaine  fertile  »,  sans  indication  de  dialecte;  mais  ces  mots 


Sur  rÉtymologie  bretonne.  273 

sont  spécialement  vannetais,  et  niare:{adùn  n'a  pas  plus  de  réalité 
que  vwec'hiou,  les  voix,  etc.,  cf.  Notes  d'étym.,  198,  199. 

On  dit  man\  et  niaU:^,  m.,  pi.  en,  plaine,  vaste  champ  cul- 
tivé; )uaré:[aâ,  malé::jad,  m.,  pi.  eu,  contenance  d'un  grand 
champ,  d'une  plaine. 

2.  M.  du  Rusqucc  tire  ce  mot  de  «  maur,  grand  »  ;  M.  Loth 
propose,  non  sans  hésitation,  Rev.  Celt.,  XXIV,  293,  294, 
d'y  voir  un  composé  celtique  =  *mâr-a(g)-es-  «  grand  champ  ». 

Il  me  semble  plutôt  venir  du  franc,  marais.  L'A.  traduit  ce 
dernier:  marass,  pi.  -a^eu.  Les  deux  sens  ne  sont  pas  très 
éloignés:  le  franc,  maraîcher  montre  que  l'idée  de  culture 
prospère  peut  s'attacher  à  celle  de  marais.  Cf.  aussi  brct. 
geun,  ieun,  marécage,  ar  y  union,  les  plaines,  Gloss.,  303. 


XX.  —  STIU,  STIUEIN ;  GOUSTIÙEIN. 

1.  Chàl.  donne  stivage,  les  séparations  de  la  charge  d'un 
navire;  stivcin  «  séparer,  etc.  »;  Grég.,  en  van.,  slivach,  pi.  eii, 
séparations  de  la  charge  d'un  navire  ;  stiveih,  faire  ces  sépara- 
tions; l'A.  siihuage,  m.,  séparation  de  la  charge  d'un  vaisseau, 
afin  qu'il  soutienne  mieux  le  roulis;  stihuagcin,  stihuein,  faire 
ces  séparations;  et,  au  Supplément,  stihuage,  m.,  pi.  -geu,  étive. 

Selon  Pel.,  «  stiveiu,  au  pays  de  Vannes,  veut  dire  séparer, 
retenir  à  part,  et  se  dit  des  séparations  que  Ton  foit  dans  un 
navire,  pour  empêcher  que  les  marchandises  ne  soient  brouillées 
et  confondues  ensemble  »  ;  il  ajoute  :  «  Je  ne  sçai  d'où  vient  ce 
verbe,  si  ce  n'est  le  même  originairement  que  Slevia  »  (clore, 
fermer,  boucher,  étouper).  Roussel  ms  n'a  pas  cet  article.  J'ai 
adopté  l'étymologie  de  Pel.,  Gloss.,  660. 

Le  Gonidec  donne  en  van.  slîv  ou  stivach,  pi.  eu,  et  le  verbe 
act.  et  neutre  stivein.  Le  simple  du  nom  existe  en  effet,  mais 
on  prononce  plutôt  stiù  par  11  consonne. 

M.  du  Rusquec  donne,  sans  indication  du  dialecte:  «  stir- 
-stivach,  sm.  compartiment,  cloison;  Loth  cite  stabill  appar- 
tement »  ;  et  stivein,  emmagasiner.  Il  fout  lire  stiv,  stivach,  et 
stebill,  appartements  (en  vieux  gallois). 

2.  iM.  Henry  regarde  stiv  comme  un  emprunt  au  bas-latin 


274  ^-  ^'''^'^"/^• 

stûba  «  pièce  à  feu,  salle  de  bain,  chambre  »,  d'où  l'allem. 
stuhe,  chambre,  et  le  franc,  éinve.  Cette  étymologie,  meilleure 
que  les  deux  précédentes  au  point  de  vue  phonétique,  n'est 
guère  satisfaisante  pour  le  sens. 

3.  Je  crois  aujourd'hui  que  stiùein,  stiù,  stiiiaj  représentent 
respectivement  les  mots  français  cstiver,  estive,  estivage,  que 
Littrè  définit  ainsi  :  «  comprimer  des  marchandises  d'un  grand 
volume,  afin  qu'elles  tiennent  moins  de  place  »  ;  «  contre-poids 
qu'on  donne  à  chaque  côté  d'un  bâtiment  pour  en  balancer  la 
charge,...  chargement  en  coton,  laine,  et  autres  marchandises 
ayant  plus  ou  moins  d'élasticité  »  ;  «  chargement  d'un  navire  ». 
Jal  tirait  estive  iXe  l'ital.  stiv.i,  et  celui-ci  du  grec  moderne  aTioa, 
lequel  viendrait  de  stîîS;.),  je  foule  aux  pieds;  M.  Kœrting, 
comme  Littré,  identifie  l'ital.  stivare,  entasser,  lester,  à  stipare, 
condenser,  entasser,  du  lat.  stipare. 

Le  rapport  de  stiùein  à  l'autre  mot  vannctais  goustiùein,  con- 
stiper (=  con-stipare)  est,  en  conséquence,  plus  étroit  que  je 
ne  le  pensais,  Gloss.,  660,  661. 


XXI.   —  STIVEL,   STIFELLEK,   STOVEL,    CHIVEL  ; 

SIFOC'H. 

I.  M.  d'Arbois  de  Jubainville  a  expliqué,  Etudes  gramm., 
II,  65*,  33,  le  bret.  stivel,  lavoir,  par  le  bas-lat.  stûba,  d'où  le 
franc.  ctuve\  cette  étymologie  est  admise  dans  mon  Gloss., 
p.  655,  et  dans  le  Lexique  de  M.  Henry,  p.  253.  Je  la  crois 
encore  exacte;  mais  l'histoire  antérieure  de  stûba  donne  lieu 
à  tant  d'incertitudes,  cf.  Kœrting,  Lateiniscb-nviian.  Wœrterb., 
2^  éd.,  3538,  qu'un  surcroît  de  renseignements  sur  sa  descen- 
dance bretonne  peut  n'être  pas  inutile. 

A  la  diff'érence  de  stiùein,  stiù,  le  mot  stivel  est  étranger  au 
vannetais.  On  trouve  cependant  ce  nom  dans  le  Morbihan  : 
Stiffel,  fontaine  et  ruisseau  de  la  Fonlaine-Stijfel  (commune  de 
Guern)  ;  Stivel,  hameau,  commune  de  Bubry. 

Il  n'est  guère  connu  en  Tréguier. 

Pel.  dit  que  «  Stivel,  en  Léon  et  Cornwaille,  est  tort  com- 


Sur  ffltymologie  bretonne.  275 

mun,  pour  désigner  une  source  d'eau  tombante  d'un  rocher. 
Plur.  Stivelloii.  Si  cette  eau  sort  par  une  canule,  on  la  nomme 
Stivel  hcr,  fontaine  de  broche.  On  dit  en  François  Broche,  pour 
Canule  ».  Suivent  des  rapprochements  peu  concluants  axQC  le 
gallois.  Roussel  ms  donne:  stivel,  source...  ;  le  reste  comme 
les  trois  phrases  de  Pel.,  sauf  l'écriture  stivel  ber. 

Le  Gon.  donne  stivel,  f.,  pi.  stivellou  «  fontaine  dont  la 
source  sort  d'un  rocher,  et  qui  est  ordinairement  accompagnée 
d'un  lavoir.  Quelques-uns  donnent  le  même  nom  au  lavoir 
lui-même  ». 

Troude  a  :  stivell,  f.,  source  d'e-au  sortant  de  la  roche,  et,  par 
extension,  fontaine;  et  stivell,  f.,  pi.  ou,  en  cornouaillais  lavoir. 

M.  du  Rusquec  distingue  aussi  stivel,  source,  et  stivel,  lavoir, 
qu'il  compare  respectivement  au  lat.  slilla  et  au  gall.  ystafell 
(chambre). 

Grég.  avait  donné  styjjell,  styvéll,  pi.  styveUou,  lavoir,  en 
ajoutant:  «  à  Ouëssant  :  slyff  ».  Troude  écrit:  «  Styjf  s.  m. 
(anc).  Source  d'eau  sortant  déroche,  lavoir.  Dans  ce  dernier 
sens,  ce  mot  se  dit  encore  à  Ouëssant.  »  Mil.  ^«5  ajoute  :  «  et 
bien  ailleurs,  à  Morlaix  par  exemple,  à  Saint-Cadou  près  Sizun, 
Léon,  où  s tiff  marque  [un]  courant  d'eau  douce.  Ainsi  aussi  à 
Ouëssant  où  ce  mot  marqué  sur  la  carte  indique  un  courant 
de  mer  mais  moins  fort  que  celui  qu'indique  le  mot  froiid.  » 
Milin  a  écrit  aussi  à  la  suite  de  l'article  styf:  «  nom  du  port 
ou  de  l'embarcadère  de  l'île  d'Ouessant.  » 

Au  premier  article  stivell  de  Troude,  Milin  ms  ajoute  : 
«  pompe  ». 

M.  Vallée  m'a  fourni  les  renseignements  suivants,  avec  l'in- 
dication de  leurs  garants,  dont  j'ai  pu  apprécier  la  compétence 
et  l'exactitude. 

D'après  M.  l'abbé  Caer,  recteur  de  Gouézec,  stivel  désigne, 
dans  cette  partie  du  Léon,  non  pas  la  source,  mais  bien  le 
tuyau  d'où  l'eau  tombe  et  aussi  l'eau  tombant  de  ce  tuyau.  — 
Stivel  veiir::^,  période  de  froid  sec,  en  Goello  (M.  l'abbé  Biler). 
—  Stivel,  synonyme  de  morgat,  la  seiche,  en  Tréguier  (M.  Even). 

2.  Mil.  DIS  donne,  par  ailleurs:  (.<■  stifellek,  s.  m.  encornet, 
poisson  à  l'île  de  Batz,  Syn.  sifoc'h  »  ;  «  sifoc'h  s.  m.  encornet, 
poisson,  Plougastel  et  bas  Léon  du  voisinage.  Voir  stifellek.  » 


276  E.  Ernault. 

On  dit  en  van.  cbiveJ,  encornet,  avec  initiale  altérée, 
semble-t-il,  d'après  chifleti,  shivlcn,  dent  longue,  défense, 
griffe. 

L'encornet  ou  calmar  est,  de  même  que  la  seiche,  un  mol- 
lusque marin  remarquable  par  la  liqueur  noire  ou  sépia  qu'il 
sécrète.  Son  autre  nom  sifoc'h  fait  également  allusion  à  cette 
propriété  :  il  provient  de  siffoc'hcl  «  espèce  de  seringue  den- 
fans,  qui  a  le  même  effet,  soit  pour  jetter  de  l'eau,  soit  pour 
pousser  ou  vibrer  de  petits  morceaux  détoupe  mouillée  et 
mâchée  »  Roussel  }ns,  cf.  Pel.,  qui  compare  avec  raison  «  le 
Latin  Siplniuculiis,  ou  Sipbuncclliis  »,  voir  Rev.  Cclî.,  XIV, 
314,  315,  GIoss.,  626. 

L'idée  de  «  jaillir  »  est  sensible  dans  plusieurs  des  sens  de 
stivel  et  dans  stifellek,  ce  qui  serait  conforme  à  l'hypothèse  de 
M.  Kœrting  :  *cxtûbare,  de  tuhus,  et  *cxtfifare,  de  tjs:;,  d'où 
aussi  *cxtûbare. 

Les  formes  bretonnes  les  plus  anciennes  sont  sîichel,  stiffel 
(xvi^  siècle),  GIoss.,  655,  qui  permettent  d'admettre  à  l'origine 
*strif-  à  côté  de*.s7///^-;  la  distinction  phonétique  n'est  pas  facile, 
cf.  Notes  d'étym.,  112.  Il  peut  même  y  avoir  une  trace  de  *stùb- 
dans  lecornouaillaisifazr/,  pi.  stoveilhao,  ornière  (Saint-Mayeux). 

M.  du  Rusquec  donne  stoiifd,  m.,  pi.  ou,  étuve. 


XXII.  —  TRIHORL 

I.  Tribori,  attesté  à  plusieurs  reprises,  au  xvi'^  siècle,  comme 
nom  d'une  danse  de  Basse-Bretagne,  cf.  GIoss.,  720,  ne  se  lit 
dans  aucun  texte  breton;  et  quoique  la  chose  paraisse  exister 
encore  (voir  Rcv.  Celt.,  XVI,  181,  182),  le  mot  a  disparu  de 
l'usage.  Il  semble,  du  moins,  qu'il  se  trouve  dans  un  vers, 
en  français  bretonisé,  de  la  farce  de  Pathelin  : 

Ne  sont  il  jas  ung  beau  p'bopy 

à  lire  Sont  il  pas  (c'est-à-dire  «  n'est-ce  pas  »)  ung  beau  iri- 
hory,  avec  p'bopy  =  pribopy  pour  *pribory,  altération  de  tribory 
sous  l'influence  du  latin  priori;  voir  Chevaldin,  Les  jargons  de 
la  Farce  de  Pathelin,  94,  99-101. 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  277 

Il  a  survécu  aussi,  avec  un  sens  plus  étendu,  dans  un  lan- 
gage voisin  de  la  Bretagne  :  le  Glossaire  des  parlers  du  Bas-Maine, 
par  M.  Dottin,  donne:  trihori,  bruit,  vacarme. 

2.  L'expression  ainsi  restituée  dans  le  Pathelin,  ung  beau 
trihory,  rappelle  ittig  beau  hery,  au  refrain  du  Noël  du  xvi''  siècle 
«  en  breton  qui  parle  François  »,  pièce  qui  se  chantait  sur  «  le 
trihory  de  basse  Bretaigne  »  ;  Rev.  Celt.,  XVI,  168,  180. 

Il  est  possible  que  la  composition  avec  tri,  trois,  soit  plus 
apparente  que  réelle,  l'origine  du  mot  doit  être  une  sorte  d'in- 
terjection ou  d'onomatopée  servant  de  refrain.  On  peut  com- 
parer : 

1°  les  imitations  du  cri  du  moineau,  qui  lui  ont  fait  donner 
en  France  les  noms  de  //;■/,  pillery,  guillery,  etc.,  cf.  compère 
Guilîeri,  proyer,  brct.  kilheri,  ortolan,  etc..  Notes  d'élym.,  63, 

66  (n°43); 

2°  le  mot  énigmatique  qui  se  présente  au  premier  vers  des 
Gouspero  ar  raned:  Câii  caer,  Killoré;  Cân,  cân,  Killore;  Joaïc 
gwenn  Gillore;  Groac'hic  wenn  a  c'hniUere,  Luzel  et  Le  Braz, 
Soniou  Brei~-Ix,d,  I,  94-108;  Kan  ker,  Killore,  Quellien,  Rev. 
Celt.,  VI,  500;  Chansons  et  Danses,  195  ;  Kan  haer,  kill,  ore,  de 
Penguern,  Mémoires  de  la  Société  archéologique  et  historique  des 
Côtes-du-Nord ,  Saint-Brieuc,  1867,  p.  54  (traduit  «  chante  de 
belles  choses,  père,  réponds-moi  »,  p.  55,  avec  essai  de  justi- 
fication étymologique  de  ce  mot  £mtastique  kill,  p.  64);  cf. 
Daik,  mab  gwenn  droui:;^;  ore,  Bar^a-  Brei^,  2,  leçon  qui 
repose  sur  quelque  variante  comme  *drouiyore,  de  *druilhore  (Jl 
représente  /  mouillé,  dans  les  citations  précédentes). 


XXIII.  —  KET,  KOUKl...  KAD  E. 

I.  Un  autre  emprunt  fait  par  le  langage  du  Bas-Maine  au 
breton  est  le  mot  ket  (ne)  pas,  employé  seulement  avec  le 
verbe  «  entendre  »,  à  cause  d'une  locution  spéciale  propre  à 
frapper  les  non-bretonnants  ;  voir  Notes  d'étym.,  n°  3 .  La  même 
explication  doit  s'étendre  au  haut  breton  de  Pléchâtel  (canton 
de  Bain,  Ille-et-Vilaine)  i  n'antah  qèt  (il  n'entend  pas),  donné, 
Kevuc  Celtique,  XXV.  iç) 


278  Ê.  Ernault. 

sous  une  autre  forme  graphique,  dans  VinstruciK  Glossaire  de 
MM.  Dottin  et  Langouët  (Rennes  et  Paris,  1901). 

2.  Un  emprunt  de  ce  genre,  dans  le  même  parler,  paraît  être 
le  mot  kàltê  que  crie,  au  jeu  de  cache-cache,  la  personne  qui 
a  découvert  l'enfant  dissimulé  derrière  un  meuble,  etc.  A  ce 
jeu,  qui  souvent  n'est  qu'une  fiction  amusante  pour  les  tout 
petits,  on  dit  en  français  :  Coucou  !  (Littré),  et  aussi,  du  moins 
en  Bretagne:  Coud...  Ah  le  voilà!  En  breton  de  Tréguier  : 
kouk !...  kad  e;  littéralement  :  Couc(ou)  !..,  il  est  trouvé  !  Kàlîè 
doit  reproduire  une  forme  plus  complète,  kav't  e. 


XXIV.   —  GUERP,  GUERBL,   VERBLE ;  DIGUEGAEF, 
DIGUECH,  DIGEIJAN,  DEGIZA;  DIAUGLE. 

I.  Le  V.  bret.  guerp  (et  non  goerp)  traduit  «  stigmate  (lepr^e 
percusa  est)  »,  gloses  d'Orléans,  96. 

En  moy.  bret.,  le  Catholicon,  éd.  a,  donne  guerbl  «  caple  »  ; 
Le  Men  propose  d'ajouter  en  lat.  a  funis  »,  mais  le  sens  est 
tout  différent;  le  Cath.  b  donne  :  «  1.  hic  glans,  tis  »,  le  Cath.  c 
a:  «  1.  glans  ».  Cet  article  manque  au  Cath.  )ns.  C'est  l'édi- 
tion de  Le  Men  quia  suggéré  à  Troude  son  mot  (s^guerbl...  m. 
(anc),  grosse  corde,  câble  »  ;  ce  qui  est  devenu  dans  le  dict. 
du  Rusquec  :  «  guerbl,  sm.  Grosse  corde;  pi.  ou  »  !  «  Caple  » 
est  le  mot  écrit  plus  souvent  chapk,  coup  violent,  rude  combat, 
resté  dans  le  provençal  chapk,  abatage,  massacre,  chapk  de 
niarîèu,  battement  de  marteaux,  Mistral. 

Le  Nomenclator  a,  p.  263,  «  inflammation,  flegmon,  »  vn 
verbl;  le  P.  Maunoir  donne  guerbl,  glande,  et  en  français 
verbre,  qu'il  rend  par  goagren. 

Pel.  agiuerbl  «  tumeur  douloureuse  qui  se  forme  dans  l'aine, 
sous  les  aisselles,  et  ailleurs.  Les  Chirurgiens  prétendent  que 
c'est  le  Bubon.  Un  vieux  Diction,  porte  An-verbI,  Phlegmon, 
Phlegmone,  es.  M.  Roussel  l'écrivoit  de  même  Giverbl,  et 
convenoit  de  la  signification  que  je  lui  donne,  laquelle  est 
commune  en  Léon  et  Cornwaille  ».  Le  vieux  dictionnaire  cité 
ainsi  doit  être  le  Nomenclator  ;  cf.  Gloss.,  300,  372.  Roussel  nis 


Sur  l'Étymologie  bretonne,  279 

a  les  deux  premières  phrases  de  Pel.,  et  ajoute  seulement:  «^r 
verbl,  phlegmon,  phlegmone.  » 

Le  P.  Grégoire  donne: 

«  Bubon,  tumeur  aux  glandes  des  aines.  Droucq  ar  guërbl. 
ar  guërbl.  ar  verbl.  gor  cr  gucrbl.  p.  goryou,  gorou  êr  gucrbl  »; 
«  Glandes,  ou,  émonctoire  de  l'aine,  ou  se  forment  les  bubons 
pestilentiels,  et  les  maux  vénériens.  Giierblen.p.  giierbl.  giierbl 
toull  ar  vorsed.  Avoir  l'aine  enflée.  Caboul  ar  giierbl.  Cahout  ar 
verbl...  be^a  clan  gand  ar  verbl.  Guérir  l'aine  enflée,  par  malé- 
fice. Discounia  ar  verbl...  On  supose  une  Déesse  appellée  en 
breton  ar  verbl  Qu'on  dit  pour  véucr,  Venus  et  qui  avoit  neuf 
filles,  qu'il  faut  réduire  d'une  seule  baleinée,  de  neuf  à  une  et 
d'une  à  point.  Ar  verbl  he  devoa  nao  merc'h,  a  nao  e  teuas  da  ei\, 
a  ei^  da  sei:^^  etc.  a  :;iou  da  unan,  a  unan  da  qet.  Mais  tout 
cela  suppose  un  pacte  précèdent,  sans  quoi  ce  n'est  qu'une 
rêverie,  qui  néanmoins  est  répandue  dans  tous  les  quartiers 
de  Basse-Bretagne  »  ;  «  Phlegmon,  tumeur  faite  de  sang.  Gor 
goadecq...  ar  verbl  »  ;  «  Glande,  partie  du  corps,  molle  et  spon- 
gieuse. Goagrenn...  guërblenn.  p.  gnërblennou,  gucrbl.  Van.  can- 
grenn...  gouagrenn...  Glandes  qui  s'enflent  en  l'aine.  Ar  guërbl. 
ar  verbl...  Petite  glande.  Guërbl ennicq.  p.  guërblennouigoti.  goa- 
grennicq...  Se  former  en  glandes.  Goagrenna...  guërblenna... 
Plein  de  glandes.  Guërblennus.  goagrenmis.  goa^rennecq . . .  Glan- 
duleux..., composé  de  glandes.  Guërblennus.  goagrennus...  Les 
mammclles  sont  des  corps  glanduleux.  An  divron  a  so  guërblen- 
nus, ou,  goagrennus.  » 

Le  Gon.  donne  gwerbl,  f.,  bubon,  tumeur  très  douloureuse 
qui  vient  aux  aines,  aux  aisselles  et  au  cou  ;  glande;  un  bubon, 
une  glande,  ar  zverbl;  giverblenna,  se  former  en  bubons,  en 
glandes;  gwerblennek,  adj.,  qui  a  des  bubons,  des  glandes. 
H.  de  la  Vilkmarqué  ajoute:  gwerbl,  ^^angVion  ;  gwerblennik, 
petite  glande  ;  giuerblek  =  gwerblennek. 

Troude  z  gwerbl,  m.,  bubon,  glande,  c\-ys'\^c\c;  giverblenna, 
V,  n.,  se  former  en  bubon,  gwerblennek,  adj.,  qui  a  des 
bubons. 

M.  du  Rusquec  donne:  bubon,  giuerbl,  f.,  pi.  ou;  se  for- 
mer des  bubons,  gwerblenni;  puis,  gwerbl,  m.,  bubon,  gwer- 
blenna,   se  former  en   tumeur,  gwerblennek,   adj.,   qui   a   des 


28o  E.  Ernaiilî. 

tumeurs,   gwerblennih ,    m.,    pi.   gwerbleniiigoii,    petit    bubon, 
tumeur  légère. 

On  lit  dans  Sauvé,  Proverbes,  249  :  ar  werbJ,  le  bubon;  908  : 
Ar  Werbl  hen  deu:^^  nao  merch...  Ar  WcrbI  n'ben  den^  ket  nierc'h 
ebet.  C'est  la  formule  indiquée  par  le  P.  Grégoire,  et  qui  se 
trouve  déjà,  en  latin,  chez  Marcellus  de  Bordeaux:  Novem 
glandulïe  sorores,  etc.  Voir  Rev.  Celt.,  VI,  70,  71,  où  Sauvé  a 
publié  aussi  une  autre  variante  bretonne.  «  Le  mot  breton 
gwerbi,  dit-il,  nom  spécifique  du  bubon,  sert  aussi  à  désigner 
toute  tumeur  douloureuse,  tout  abcès  qui  affecte  l'aine,  les 
aisselles  et  le  cou.  Le  givcrbl  est  regardé  par  nombre  de  gens 
comme  un  être  animé,  une  sorte  d'esprit  malfaisant...  On 
l'oblige  à  battre  en  retraite  en  récitant...  la  formule...  C'est  ce 
que  l'on  appelle  décompter  le  bubon,  diskounta  ar  luerbl...  » 

En  Basse- Cornouaille,  comme  me  l'apprend  M.  l'abbé  Perrot, 
on  dit  dans  le  même  sens  degi^a  ar  werbl.  Ce  verbe  est  une 
variante  de  «  dighis,  dighich,  appeller  ou  epeller  les  lettres  », 
Roussel  ms,  diguech,  part,  diguegct,  épeler,  diguecb  ar  baier, 
synonyme  de  discounta  «  bénir  un  malade,  ou,  une  bête  incom- 
modée »  ;  «  guérir  par  des  oraisons...  en  vertu  d'un  pacte»,  Gr., 
mot  francisé  dans  l'article  de  M.  Le  Carguet  sur  les  supersti- 
tions du  cap  Sizun,  au  t.  IX  de  la  Rei'uc  des  traditions  populaires  : 
«  Le  Vif  est  un  livre...  en  déguisant  le  vif,  c'est-à-dire,  en 
épelant  par  la  fin,  à  rebours,  tout  ce  que  vous  avez  déjà  lu.  Il 
vous  faut  aller  vite,  plus  vite  que  le  Pater  »,  voir  Méin.  Soc. 
ling.,  X,  339,  340.  Pel.  donne  dighcis,  dighis  et  dighich,  épeler; 
il  ajoute  digheisa  et  dighcisia  ou  dikeisia,  sous  l'influence  de  son 
étymologie  par  un  prétendu  keisia,  chercher.  Le  Gonidec  donne 
ûigei^a,  digiza  et  digi:^,  digich;  H.  de  la  Villemarqué  dit  que 
ce  mot  n'est  guère  usité  qu'en  Léon,  et  ajoute  :  digonéga,  digoueg, 
id.,  «  le  P.  Grég.  écrit  n-\i\ diguech.  En  Galles  égwé^i  »  ;  digouégor, 
f.,  alphabet  «  (Lag.).  En  Galles,  égiué^our  ».  C'est  que,  croyant 
à  tort  que  le  diguegaff,  digueg  du  Catholicon  de  Lagadeuc  avait 
les  sons  gu  et  g  (au  lieu  de  g  et  /)  et  appartenait  à  la  famille 
du  gall.  egwyddor,  f.,  alphabet,  il  a  suppléé,  d'un  côté  le  verbe 
gallois,  de  l'autre  le  nom  breton.  Troude  adopte  une  de  ces 
erreurs,  en  attribuant  au  participe  digechet  une  variante  digeget. 
M.  du  Rusquec  donne  digei^^a,  digech,  puis  digich,  dégech,  et  les 


Sur  FÊtymologie  bretonne.  281 

fantastiques  digoncga  et  digoiiégor,  non  sans  nouvelles  explica- 
tions erronées  sur  ces  derniers.  Le  Lexique  en  ajoute  d'autres 
sur  digouéga,  tout  en  expliquant  bien  digei^^a  (=  van.  digeijein, 
démêler,  cf.  GJoss.,  168).  M.  Even  a  trouvé  en  Tréguier 
digeijah  et  digeij,  épeler.  M.  Le  Lay  a  employé  digech  au  sens 
de  «  prononcer  (distinctement  un  mot)  ».  Il  est  possible  que  la 
variante  dcgi:;a  ait  subi  l'influence  du  franc,  déguiser,  d'où  le 
petit  tréc.  degi:^ah  (cf.  Études  d'étym.,  n°  XIII,  §  2  ;  XII,  8,  9). 

En  vannetais,  l'A.  donne  verbk,  f.,  bubon,  tumeur  aux 
aines;  vêrble,  m.,  glande,  vcrbUnnuss,  vêrbluss,  glanduleux;  on 
dit  verbl,  f.  pi.  eu,  glande,  bubon,  érésipèle.  On  lit  dans 
Guionvac'h,  2^  éd.,  p.  49,  ^r  zw/',  traduit  «  le  verbe  »  ;  il  faut 
entendre  «  le  bubon  »  ;  voir  mes  Eludes  vannetaises,  II,  10. 

Enfin,  le  mot  de  Vléch^lû,  g'ërp  (par  o-  palatal),  goitre,  est, 
je  crois,  inséparable  de  cette  famille  bretonne,  qui  paraît  incon- 
nue au  trécorois. 

2.  La  forme  deg'ërp  montre  que  c'est  un  emprunt  au  breton  ; 
elle  semble  même  se  rattacher  au  v.  bret.  guerp. 

Le  cas  est  moins  clair  pour  le  verbre  du  P.  Maunoir.  Ce  ne 
serait  pas  le  seul  bretonisme  admis  en  français  par  cet  auteur, 
qui  traduit  minhuiquen  (mie)  par  minhiiie,  cf.  Gloss.,  419.  Mais 
.si  verbre  peut  s'expliquer  par  *verble,  emprunt  à  la  forme  léo- 
naise adoucie  ar  verbl,  il  rappelle,  d'autre  part,  le  v.  franc. 
verbere,  m.  coup,  verberer,  frapper  (cf.  le  caple  du  Cathol.). 

3 .  Le  breton  témoigne  d'une  hésitation  étrange  entre  ar guerbl 
et  ar  verbl.  Cela  peut  tenir  à  ce  que  ar  guerbl  est  le  pluriel, 
ou  plutôt  le  collectif  de  gucrblen,  une  tumeur,  et  ne  demande 
pas  de  mutation  après  l'article;  ar  verbl  étant  un  mot  diffé- 
rent, singulier  féminin,  =  la  tumeur,  souvent  personnifiée. 
Gwerblennik  doit  être  indiqué  à  tort  comme  masc.  par  M.  du 
Rusquec.  Le  v  initial  se  serait  produit  et  généralisé  en  van. 
sous  l'influence  du  haut  breton  (ou  du  léonais  ?)  car  on  atten- 
drait *hucrbl. 

4.  Guerbl  n'est  pas  nécessairement  identique  à  guerp  :  il  peut 
en  être  dérivé,  comme  en  latin  glandula  de  glans.  En  tout  cas, 
cet  /  permettrait  de  rendre  compte  du  maintien  de  la  labiale, 
sans  l'hypothèse  d'un  emprunta  quelque  forme  romane,  bien 
qu'un  primitif  *zrr^-  ou  "^verp-  eût  dû  aboutir  à  *guerv-,  *guerf. 


282  E.  Ernaiilt. 

Un  cas  analogue  est  celui  du  moy.  br.  merglaff,  rouiller,  part. 
vierckt  ;  merci,  rouille,  mercladur,  rouillure,  merclus,  rouillé  ; 
mod.  merci,  rouille,  mercla,  rouiller,  Maun.,  mergl,  van.  mergl, 
melgr,  merci,  rouille,  mergla,  rouiller,  mcrgla,  van.  mergleih, 
melgreiù,  mercleih,  se  rouiller,  mergladur,  van.  id.,  rouillure 
Gr.,  merci,  mêler,  rouille,  mercla,  mêlera,  rouiller,  divercla, 
divelcra,  dérouiller,  Roussel  ms,  etc.,  cf.  v.  irl.  meirg,  meirc, 
gaélique  d'Ecosse  meirg,  rouille. 

5.  Guerhl  n'est  guère  inséparable  du  v.  irl.  ferh,  pustule  qui 
vient  au  visage  de  l'homme  après  une  calomnie  ou  un  faux 
jugement  ;  plus  tard  fearba  cJuiche,  masse  ronde  de  pierre 
(Stokes,  Brct.  Glosses  at  Orléans)  ;  cf.  Urkeltischer  Sprachscbat-, 
274,  où  le  type  ancien  de  ces  mots,  *verbâ,  est  comparé  avec 
doute  au  lat.  vàrus,  pustule  (d'où  vàrix,  varice). 

6.  M.  du  Rusquec,  v.  bubon,  rapproche  gwerbl  du  lat.  ver- 
ber(a)  ;  MM.  Stokes  et  Henry  ont  proposé  la  môme  conjecture. 
J'admettrais  plutôt  une  contamination  du  premier  mot  par 
une  forme  française  du  second  (cf.  §  2).  Mais  un  rapport 
autrement  probable  est  celui  de  verblé  «  ver  ou  larve  d'une 
espèce  de  mouche  qui  produit  une  tumeur  sur  la  peau  des 
bêtes  à  cornes  ;  gonflement  ou  tumeur  causée  par  cet  insecte 
qui,  ordinairement,  se  loge  dans  l'épaisseur  de  la  peau  et  s'y 
nourrit  aux  dépens  de  l'animal  »,  Edmont,  Lexique  Saint- 
Polois;  cf.  verbled,  m.,  larve  du  hanneton,  =  ver  (\\.n  attaque 
le  blé,  selon  M.  DelbouUe,  Glossaire  de  la  vallée  d'Yères;  ver 
blanc,  ver  du  blé,  id.,  Dict.  français  de  Bescherelle;  luarbô, 
«gros  ver  qui  devient  hanneton  »,  Remacle,  Dict.  wallon-franç., 
2''  éd.  ;  famille  extraordinairement  pullulante  et  sujette  aux 
métamorphoses  comme  les  insectes  rongeurs  qu'elle  désigne: 
guéribé,  garibet,  urbet,  urbére,  hubert,  durbec,  barbeul,  etc.,  etc. 
Voir  Zcitschrift  fiir  romanische  Philologie,  XXVI,  394-396,  où 
M.  Schuchardt  admet  comme  point  de  départ  les  germaniques 
luicbcl  et  werre,  tenant  eux-mêmes  aux  verbes  lueben  et  wirren, 
et  s'étant  mêlés  dans  *iuerr-ibel,  werbel,  comme  les  verbes 
dans  ivirbelii.  Notons  que  l'anglais  luarbles  réunit  les  sens 
«  larves  d'œstre  »  et  «  tumeurs,  piqûres  »,  de  même  que  le 
verblé  du  Pas-de-Calais;  pour  la  forme,  celui-ci  est  plus  près 
de  la  variante  anglaise  ivarblel,  larve  d'œstre. 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  285 

7.  On  peut  laisser  de  côté  le  lat.  verpus  et  verpa,  dont  parle 
Pel.,  etc. 

8.  L';-  des  simples  guerp  et  *merg  a  contribué  à  la  victoire 
des  formes  guerbl  et  mergl,  d'où  melgr.  L  adventice  après  g 
final,  sans  influence  d'une  autre  liquide  dans  le  même  mot, 
se  montre  dans  le  van.  diaiigle,  dîme,  Histoer  a  viihe  Jesus- 
Chrouist,  Lorient,  1818,  p.  206,  249,  =  deaug  l'A.,  etc. 


XXV.  —  MOZOGEL  ;  BONBARDIO. 

r.  Mont  da  vo^ogel  da  di  unan  henak  veut  dire  à  Pleubian 
et  dans  d'autres  variétés  trécoroiscs  «  aller  comme  troisième 
épouse  chez  quelqu'un  qui  est  devenu  veuf  deux  fois  ».  L'ini- 
tiale radicale  peut  être  h  ou  m.  Je  crois  que  c'est  m  et  que  ce 
moiogel  «  femme  d'un  homme  deux  fois  veuf  »  n'est  autre  que 
le  petit  trécorois  mo:;ogel  (second  0  grave),  moiixpugel,  pi.  0, 
femme  sale,  étudié  dans  mon  Glossaire  moyen-breton,  p.  432- 
cf.  bas  vannetais  monsen,  femme  malpropre  (Loth,  Vocabulaire 
vieux-breton,  33),  van.  nwu^ein  «  vêner,  vessir  »  Chàlons  ; 
dans  le  Nomenclator,  bernou  mous,  tas  d'ordures,  Kev.  Cclt., 
XIV,  287,  288,  etc. 

Ce  mot,  auquel  son  emploi  spécial  donne  une  apparence  si 
technique,  est  ainsi  un  sobriquet  railleur,  menaçant  l'épouseur 
de  l'incommodité  dont  souffrit  Jenin  de  Quinquenais,  dans  le 
«  dizain  joliet  »  de  Rabelais  (Pantagruel,  IV,  44), 

2.  Une  semblable  association  d'idées  se  trouve  dans  l'expres- 
sion plaisante  du  petit  Tréguier,  bohbardio  goz^,  ancêtre,  ascen- 
dant éloigné,  Gloss.,  337;  cf.  eur  go:{  vohbard  (une  vieille 
bombarde,  un  vieux  hautbois)  :=  une  vieille  péteuse,  Kp'j-- 
-ll'.x,  VIII,  268. 


XXVI.  —  YEULC'H,   YOURCH,   YOURCHES, 
BISOURC'H,   YOULCHEN. 

I.  Une  idée  plus  gracieuse,  celle  de  la  jeune  fille  dans  l'in- 


284  F..  Ennnilt. 

tervalle  des  fiançailles  au  mariage,  est  rendue  également  d'une 
façon  détournée  par  le  trécorois  yeidc'h,  qui  est,  je  crois,  une 
variante  de  yourc'b,  chevreuil. 

Ce  nom  d'animal  était  en  moy.  bret.  yourch,  féminin  your- 
chcs.  Grég.  donne  yourc'b,  pi.  ed,  chevreuil,  yourchicq,  pi. 
yourc'hedigoii,  petit  chevreuil,  yoiirchès,  pi.  -esed,  chevrette, 
femelle  du  chevreuil,  youirbcsicq,  pi.  -esedigou,  petite  chevrette. 
Le  Gon.  écrit  dans  sa  Grammaire  (comme  exemple  de  la 
diphtongue  ioiî)  eiinn  iourc'h,  un  chevreuil;  de  même,  dans  sa 
Bible,  Cantique  des  cantiques,  I,  9;  VIII,  14,  et  au  fém.  eunn 
iourc'hei,  IV,  5  ;  VII,  3 .  Ceci  a  été  suivi  dans  le  Celtic  Hexapla 
(sauf  VII,  3,  où  la  traduction  est  différente).  Mais  on  prononce 
eur  yourc'b;  le  cas  n'est  pas  le  même  que  pour  ioul,  désir  (à 
côté  de  youï).  lurgcbell  (gl.  caprea)  cité  dans  le  Lexique  comme 
vieux  breton  est  vieux  gallois. 

2.  Pel.  dit  que  le  plus  ancien  dictionnaire  qu'il  a  vu  porte 
yourc'b,  biche;  cela  doit  f-iire  allusion  au  Nomenclator,  qui 
paraît  employer  le  mot  au  fém.,  p.  33,  dans  colen  vn  yourch 
«  faon  »  ;  vn  speçc  à  yourcb  pe  carfues  «  espèce  de  chevreuil  ». 
On   pourrait  soupçonner,  dans  yeulc'b   ^=   *yorc'b,   le  des- 
cendant d'un  V.   celtique  *iurca,   fém.  de  *iurcos  =  yourc'b; 
mais  cette  délicate  distinction  vocalique  n'eût  guère  pu  se  main- 
tenir en  breton.  Le  van.  prononce  toujours  0  :    iorb,  m.  pi. 
étt,    chevreuil,  l'A.,   iorh,   m.   pi.    cd,   Guillevic  et  Le  Goff, 
Exercices  sur  la  gramm.  bret.,  Vannes,  1903,  p.  54;  quïocb,  ur 
c'buïocb,  pi.  guiocbi,    Châl.    nis  (c'est   ainsi    que  j'ai  lu;   M. 
Loth  donne  guiolb,  ur    c'buiolb,    pi.  guiolbi,   éd.   de  Châl., 
ici).  La  gutturale  est  ajoutée  comme  dans  yen  et  guicn  froid 
Gr.,  etc.  On  dit  au  fém.  en  van.  yorbé^  chevrette. 

Un  autre  féminin  de  yourc'b  est  bisourc'b,  pi.  ed,  Gr.,  hisourc'b 
et  hicbourc'b,  Pel.,  bi:^ourc'b,  Gon.,  à  Sainte-Trifine  bidourc'b; 
il  paraît  en  van.  sous  la  forme  bouiorb,  pi.  étt,  l'A.  C'était, 
semble-t-il,  à  l'origine  un  composé  =  «  biche  de  chevreuil  », 
cf.  Gloss.,  68,  69. 

3.  Pel.  dit  que  «  iourc'bés,  biche,  pris  au  sens  moral,  est 
pour  une  femme  ou  une  fille,  une  injure  atroce  »  ;  de  même 
Roussel  nis,  qui  écrit  ïourc'bes. 

Selon  Troude,  iourc'b  joue  le  rôle  d'un  adjectif  au  sens  de  sau- 


Sur  l'Étymologir  bretonne.  285 

vage,  farouche,  dans  eurverc'hioiirc'h,  une  fille  sauvage  (comme 
chevreuil).  Mil.  ;;75  ajoute  :  «  coureuse,  sauteuse,  tête  éventée  ». 

A  Plounévez  Moëdec,  yourc'h  se  dit  d'une  fille  légère;  de 
même  à  Txcy.èny  youlc'h,  celle  qui  aime  la  danse.  On  dit  encore 
enTréguier  e  11  r  ga:(ek yourc'h,  une  jument  stérile  ;  et  à  Pleubian 
youlc'hcn,  graine  abâtardie  (F.  Vallée), 

Ainsi  yourc'h,  dans  ses  emplois  accessoires,  s'est  souvent 
restreint  au  sens  féminin  ;  on  y  a  joint  les  idées  de  sauvagerie, 
de  légèreté  physique  ou  morale,  de  jeunesse  (pas  encore 
mariée;  qui  n'est  pas  mère;  qui  ne  peut  point  l'être).  Cf. 
Brizeux,  La  fleur  d'or,  livre  V  (^Les  Cornemuses): 

...  La  fille  d'Arvor  a  passé  dans  la  brume; 
Plus  légère  en  passant  qu'une  biche  aux  abois... 

4.  Le  mot  est  plus  rarement  employé  au  figuré  comme  mas- 
culin. M.  Vallée  me  signale,  d'après  la  Breuriex^  Vrei^,  yourc'h, 
abruti,  brute,  et  en  Tréguier,  d'après  M.  Even,  eur  youlc'h  pôtr, 
un  garçon  qui  aime  la  danse. 


XXML  —  LOUAZR,  LOUEZR,  LAOUEZR,  LAQUER, 
LOAR,  LOUAR,  LOEHER,  LOER,  LOUER,  LAOUR, 
LEUR;  DAZRE. 

y 

I.  Le  nom  de  l'auge  en  moyen  breton  présente  de  remar- 
quables variations,  bien  qu'il  ne  nous  soit  connu  que  par  le 
Catholicon:  loua:{r,  auge,  1.  alueus,  loua:(i' an  iiioch,  auge  à 
pourceaux,  1.  linter,  C  a  ;  loueur,  C  b;  laouer  an  toas,  le  lieu  à 
pétrir,  1.  pistrinum,  Cb;  laoue^r  an  toas,  Ce. 

Le  P.  Maunoir  donne  laouer,  auge;  Pel.  laouer  ou  laiver, 
auge,  cuve  ou  bassin  de  pierre  ;  Roussel  ins,  laouer,  id.  ;  lavoir; 
«  laouer  toasoc  v  :  eo,  maie  a  pâte  »  ;  Grég.  laouer,  pi.  you,  van. 
loëhér,  pi.  yeû,  auge,  laoiïer-vxn,  pi.  laoiieryou-vœn,  auge  de 
pierre,  laouer,  laoiïer-brén,  laoiier-goad,  pi.  laoûeryou  (-brén, 
-goad),  van.  loar,  pi.  eu,  loéhér,  pi.  yeiï,  loiïér,  auge  de  bois; 
laoiïeryad,  pi.  ou,  van.  loiléryad,  pi.  eu,  leih  ul  louer,  augée, 
plein  une  auge;  laouer  doas,  pi.  laouëryou-doas,  van.  loar,  pi. 


286  E.  Rrrumlt. 

eu,  Joéhér,  pi.  ym,  pétrin,  laoïiër-doas ,  van.  loèhér,  pi.  yëu, 
huche;  LeGon./flo«er_,  f.,  pi.  iou,  van.  louer,  loer  auge,  pétrin; 
laouériad,  f.,  pi.  ou,  augée;  et  (dans  le  dict.  franc. -bret.  et  la 
2^  éd.  de  l'autre)  laouérik,  f.,  pi.  laouériouigou,  auget,  petit 
vaisseau  où  l'on  met  la  mangeaille  des  oiseaux  nourris  en  cage  ; 
M.  du  Rusquec,  laouérik,  m.,  pi.  laoucrigou,  auget  (ce  qui  doit 
être  une  méprise,  en  ce  qui  concerne  le  genre);  Châl.,  loare 
«  huche,  auge  d'une  pièce  pour  paitrir  »,  pi.  loareu;  loilere, 
auge;  Châl.  nis,  loher,  auge  ; /tvr,  cuve,  loerat  giïin,  cuvée  de 
vin;  l'A.,  loaire,  f.,  pi.  -rcu,  auge,  pétrin,  lohaire,  f.,  pi.  -reu, 
auge,  loaire-docess,  f.,  huche,  loairaît,  f.,  pi.  -adcu,  augée; 
M.  Loth,  lohèr,  par  o  fermé,  en  bas-vannet.  (éd.  de  Châl.,  58). 
Le  dict.  franc. -bret.  de  Le  Gon.  traduit  «  crèche  »:  laouer ; 
de  même,  le  Vocahul .  de  Troude  donne  en  van.  à  ce  mot  louer, 
loer.  M.  Buléon  emploie  loèr,  Hist.  sant.,  97,  et  explique  à  la 
fin  :  «  loér,  vasque,  grand  vase  »  ;  il  s'agit  des  «  lapideaî 
hydriie  »  de  la  noce  de  Cana  (Saint  Jean,  II,  6).  Dans  le 
même  récit,  on  lit  loer  vein,  pi.  loèreu,  Histoer  a  vuhe  J.-C, 
18 18,  p.  42;  loair-mein,  pi.  loaireu,  Officeu,  1870,  p.  207. 
On  dit  en  trécorois  louer,  f.  (en  2  syll.),  pi.  io,  auge,  pétrin. 

M.  Vallée  m'apprend  que  la  forme  de  la  Basse  Cornouaille 
est  laouer,  celle  du  Goello  louer  (2  syll.);  celle  du  bas  Tré- 
guier  louar  (2  syll.),  ordinairement  avec  un  complément: 
louar-viii,  auge  (de  pierre),  louar-doa^,  pétrin. 

Nous  voyons  là  se  continuer  les  divergences  anciennes.  \Ja 
de  loua:^r  se  retrouve  surtout  en  vannetais.  Cf.  dareu,  larmes 
=  da^rou;  léon.  talareg,  lançon,  tréc.  talêrek  (yeux)  perçants, 
de  iala:^r,  tarière,  Gloss.,  6j^. 

2.  Faut-il  identifier  toutes  les  formes  du  moy.  bret.,  en  sup- 
posant une  série  loua^r,  *louac:^r,  laoue::^r,  laouer  ? 

Ce  n'est  pas  impossible.  Ca:(r,  beau,  avait  une  variante  (7i't':(r-^ 
et  il  y  a  quelques  indices  de  ^  non  prononcé:  la  2^  syllabe  de 
quebe^lou  rime  parfois  en  el  ;  on  trouve  seulyou,  plur.  de  seu:;^l, 
talon.  Le  bret.  moderne  présente  à  la  fois  da^^re,  daëre,  Gr., 
daré,  Gon.,  marée  basse,  dére,  en  bas  Léon  de~re:(,  Pel.,  poisson 
laissé  par  la  marée  basse,  Gloss.,  147  (en  Goello  dar::^e,  pi. 
dar^eier,  mer  étale,  'rog  ma  vo  dar^e  ar  inor,  avant  que  la  mer 
soit  étale,  Lec'hvien  ;  emah  ar  mor  en  dar^e,  la  mer  est  étale  ; 


Sur  VÉtymologic  bretonne.  287 

une  autre  variante,  an  daxe,  la  marée  basse,  se  lit  Ann.  de 
Bret.,  XVIII,  344,   346). 

Mais  d'ordinaire  ces  deux  changements  ne  se  montrent  pas 
si  anciennement.  Ainsi  a:;j-,  serpent  {fic:^}-  dans  les  Noueliou) 
est  a'i'r  seulement  dans  le  Nomenclator  (1632).  D'un  autre 
côté,  l'intermédiaire  *louaexr  manque. 

Aussi  peut-on  supposer  que  loueur,  laoner  étaient  originaire- 
ment distincts  de  loim^r.  Le  passage  de  -e:(r  à  -er  n'est  pas 
nécessairement  phonétique,  on  a  pu  imiter  les  cas  comme  pes- 
qtie'^r  et  pesquer,  pêcheur,  peche::^rien  et  pecheryen,  pécheurs  ;  cf. 
surtout  le  nom  d'instrument  lrae~er,  entonnoir.  Cf.  Gloss.,  367, 
V.  lyfre. 

3.  Il  est  curieux  que  ce  mot  manque  au  comique  et  au  gal- 
lois. Le  V.  irlandais  a  lôalhar,  gl.  pelvis,  lôthur,  gl.  canalis, 
lothor,  gl.  alveal  ;  et  pour  que  rien  ne  manque  à  la  singularité 
de  son  histoire,  il  jouit  du  rare  privilège  d'une  glose  gauloise  : 
«  lautro,  balneo  ».  M.  Stokes,  Urkelîischer  Sprachschal:^,  250, 
pose  les  deux  types  celtiques  *hvatro-  et  *louîro-,  bain. 

*Lovàtro-  répond  bien  à  Ioua:{r,  van.  loar ;  cf.  l'homérique 
AOETcdv  et  le  latin  lavâcnim  (refiiit  sur  lavâré). 

*LoutrO',  lautro  est  peut-être  l'origine  de  Joiic~j-,  laoue:^r,  pour 
*laott:;r.  Sur  l'insertion  de  e,  on  peut  voir  Gloss.,  359;  Rev. 
Celt.,  XIX,  323,  324.  Dans  tous  les  autres  cas,  Ve  forme  diph- 
tongue avec  la  voyelle  précédente,  mais  aussi  cette  voyelle  est 
unique,  ce  qui  n'a  pas  lieu  pour  *lou:(^i-,  c'est-à-dire  =  *loza2;^r, 
*law:;j-;  cela  justifie  la  différence  de  loe^n  (i  syll.),  bête,  et 
lou-cx)',  laou-e:^r. 

4.  Il  n'y  a  pas  à  s'arrêter  aux  rapports  imaginaires  que 
Pel.  trouve  entre  laouer,  auge,  et  le  gall.  llaiver,  beaucoup; 
il  était  sur  une  voie  meilleure,  en  comparant  aussi  le  franc. 
lavoir. 

Il  a  un  second  article  ainsi  conçu  :  «  Laoiier  est  aussi  une 
Bière  ou  cercueil,  dans  lequel  on  porte  les  corps  morts  à  la 
fosse.  En  Bas-Léon  on  prononce  Ldonr  et  Lawr.  L'application 
de  ce  nom  à  la  bière  vient  peut-être  de  ce  que  ces  auges  sont 
quelquefois  faites  en  forme  de  cercueil.  J'ai  vu  plusieurs  anciens 
tombeaux  de  cette  même  figure,  et  de  pierre.  »  Roussel  ins 
donne:  «  Laouer  et  en  bas  leon  Laour,  et  archet,  est  aussi  une 


288  E.  ErnauU. 

bière,  ou  cercueil  dans  lequel  on  porte  les  corps  morts  à  la 
fosse.  » 

Grég.  dit,  à  bière:  «  H.  Corn.  Laoilr,  p.  laoitroii,  de  laoûer, 
auge.  ». 

Le  Gon.  donne,  sans  indication  de  dialecte,  laoïir,  f.,  pi. 
iou,  bière,  cercueil,  sarcophage,  et  ajoute  que  ce  doit  être  une 
contraction  de  laouer,  auge  :  «  les  anciens  cercueils  des  Gaulois 
étaient  en  pierre,  et  ressemblaient  parfaitement  à  des  auges,  et 
ils  en  tiennent  même  lieu  encore  aujourd'hui,  dans  les  endroits 
où  l'on  en  a  découvert  ».  C'est  par  suite  d'une  méprise  qu'il 
fait  ce  mot  masc,  ï  cercueil  ;  il  traduit  «  sarcophage  »  :  laour- 
-choullô,  f.  (cercueil  vide). 

Troude  regarde  laour,  f.,  pi.  ion,  comme  un  mot  cornouail- 
lais,  paraissant  contracté  de  laouer. 

M.  Vallée  m'apprend  qu'en  Basse-Cornouailie  on  prononce 
laouer  cercueil  comme  laouer  auge. 

M.  du  Rusquec  donne  :  sarcophage,  cercueil  vide,  «  Laour 
f.  glose  bretonne  louer  sol,  breton  laur  leur,  leuren  »  ;  ce 
n'est  pas  *louer,  mais  Jaur  qui  est  la  glose  en  question,  aujour- 
d'hui leur,  leurcn,  sol,  aire;  mot  de  sens  tout  différent  de  laour. 

En  van.,  l'A.  donne  leure,  m.,  pi.  leureu,  bière;  leure,  m., 
cercueil.  Châl.  ms  porte  :  «  bière  pour  les  morts  ur.  arch' 
quelques-uns  disent  ur  chass\  ul  leur,  le  moing.  » 

M.  Henry  croit  que  laouer,  auge  (qu'il  fait  masc.  par  inad- 
vertance) n'a  aucun  rapport  avec  kiour,  f.,  cercueil;  pour 
celui-ci,  il  donne  ces  conjectures:  «  cf.  mbr.  laur,^^  douleur, 
peine  »,  cmpr.  fr.  labour,  altéré  ;  mais  bien  plutôt  empr.  fr. 
lûor  s.  f ,  «  largeur,  étendue  »,  d'où  «  mesure  du  corps 
étendu  »   (par  euphémisme).  » 

5 .  Ces  explications  sont  loin  d'être  suffisantes  pour  obliger 
à  séparer  laour  de  laouer. 

Le  moy.  bret.  laur,  c'est-à-dire  laur,  en  2  syll.  vient  de 
*lavur,  forme  qu'il  fout  probablement  lire  à  la  place  de  la 
variante  laour,  Poèmes  brelons,  280  ;  en  tout  cas,  c'est  cette  pro- 
nonciation du  mot  que  réclame  ce  passage,  où  la-  rime  à  saff: 

Am  saff  gant  \a[v-]ur,  han  c?/;'-un. 

Il  répond  au  gall.  llafur  et    vient    du  lat.  labOreni  et  non  du 


Sur  F^.tymologie  bretonne.  289 

franc.    Le  sens  du  v.   fr.  laor  permet  aussi  de  l'écarter,  en 
l'absence  de  tout  indice  de  son  existence  en  breton. 

Que  laour  puisse  être  une  contraction  dialectale  de  laouer, 
c'est  ce  que  prouve,  entre  autres,  le  tréc.  mouchoiir  =  moii- 
chouer,  mouchoir.  Mais  le  van.  leur  {où  en  doit  être  diphtongue) 
indiquerait  plutôt  une  forme  restée  sans  e,  *Iou~r  =  lautro-. 


XXVIII.  —  GELER. 

I.  Le  bret.  moy.  avait  gueler,  bière  à  porter  les  morts. 

Pel.  donne  :  «  Ghelher,  Lectique,  bancs  et  trétaux,  sur  les- 
quels on  pose  les  corps  morts  pendant  les  cérémonies  funèbres. 
On  les  nomme  ainsi  en  Léon  et  Cornwaille.  »  De  même 
Roussel  ms,  sauf  cette  dernière  phrase. 

Le  Gon.,  qui  déclare  ne  connaître  ce  mot  que  par  Pel.,  l'écrit 
geler,  m.,  pi.  iou. 

Troude  a:  gelcher,  m.  «  Tréteaux  funèbres  dans  les  églises. 
On  trouve  ce  mot  écrit  ...  gueler,  oueler,  goueler,  geler.  Je  ne 
sais  auquel  donner  la  préférence  »  ;  gueler,  m.,  «  dais  mor- 
tuaire dans  les  églises,  et  anciennement  bière  pour  ensevelir  les 
morts.  J'ai  trouvé  ce  mot  écrit  gueler,  gweler,  goueler,  oueler... 
Il  y  a  lieu  de  penser  que  goueler  Çgouela,  goela,  pleurer),  est  le 
préférable  »  ;  oueler,  m.  «  En  quelques  localités  on  appelle  ainsi 
le  dais  sous  lequel  on  place  les  morts  à  l'église,  ar  oueler.  Il 
me  semblerait  plus  régulier  de  dire  ar  goueler  Çgouela,  pleu- 
rer). »  Il  donne  comme  suranné  gueler,  m.,  bière  pour  ensevelir 
les  morts,  tréteaux  funèbres.  A  cet  article,  Milin  a  ajouté: 
«  de  gouela  pleurer,  le  pleureur.  »  Cela  me  fait  croire  que  ni 
lui  ni  Troude  ne  connaissait  ce  mot  dans  l'usage;  les  textes 
vaguement  cités  par  ce  dernier  peuvent  être  de  simples  notes 
étymologiques  prises  à  propos  de  l'ancien  gueler. 

M.  du  Rusquec  àonnQ geler ,  m.,  pi.  iou,  probablement  d'après 
Le  Gon.,  et  compare  le  v.  bret.  gueltoguat  «  thème  valti,  élé- 
vation »  ;  mais  ce  guelt-  a  un  tout  autre  sens  :  voir  Notes 
d'étyin.,  n°  80. 

J'ai  entendu,  dans  une  chanson  léonaise,  ar  c'heler,  la  bière. 


290  E.  Ernault. 

ce  qui  suppose  un  fém.  geler,  cf.  Rev.  Celt.,  IX,  383.  C'est  la 
seule  forme  qui  me  semble  vraiment  attestée.  Le  gelc'her  de 
Troude  doit  provenir  du  ghelher  de  Pel.  ;  celui-ci  avait  dit  que 
«  Gbclber...  est  pour  Kelchcr,  qui  est  fait  de  Kelc'h,  cercle, 
comme  Cercueil  l'est  de  Circus  ».  Le  second  /;  a  dû  être  suggéré 
à  Pel.  par  son  étymologie. 

2.  Geler,  f.,  répond  régulièrement  au  gall.  gelor,  t.,  bière, 
comique  geler,  cercueil. 

H.  de  la  Villemarqué  a  rapporté  geler  au  gall.  cel,  gel,  cadavre, 
mais  c'est  le  c  qui  est  la  consonne  radicale. 

Il  y  a  un  équivalent  gall.  elor,  comique  elor,  elar;  et  Tir- 
landais  paraît  y  répondre  par  les  mots  eilitrum,  eiliotrom, 
eleathrain,  gaélique  d'Ecosse  eilitriom,  etc. 

Cependant,  ces  formes  gaéliques  ne  peuvent  guère  s'accor- 
der avec  le  brittonique  pour  le  radical  (O'Reilly  donne  aussi 
elc,  m.  «  a  bier,  a  litter  »).  Le  suffixe  semble,  au  moins 
en  partie,  reproduire  celui  du  latin  feretrnm,  cf.  Vendryes, 
De  hibernicis  vocahulîs  quse  a  latina  lingua  orîginem  duxe- 
ritnt,  137. 

On  peut  supposer  deux  mots  celtiques  distincts,  *gelâr  et 
*elelr-,  dont  le  mélange  aura  donné  lieu  à  *elâr.  Le  premier, 
seul  représenté  en  armoricain,  rappelle  le  gaélique  giùlan, 
bière,  et  action  de  porter,  que  M.  Macbain  explique  Tpar*gesulo-, 
en  comparant  le  lat.  gero,  gestuui. 

3.  Grég.  donne  fyertr,  p.  Jyertraou  «  châsse,  pour  mettre  les 
Saintes  Reliques  ».  Mais  il  traduit  «  bière,  cercueil  »  ^^ar  fyertr, 
pi.  au,  en  le  notant  comme  suranné.  Si  ce  mot  a  existé  en 
breton,  c'était  un  emprunt  au  v.  ix.  fierire,  de  feretruui. 


XXIX.  —  ENOUELEZR;  OUELERENK,  KELER  ; 
KELCHIER,  KILIER. 

I.  Le  Catholicon  donne  enquele:^}-,  «  géant,  1.  gigas  »;  et 
quelerenn,  «  cest  une  manière  de  feu  qui  fait  faillir  les  gens  de 
leur  chemin  de  nuit»,  Ch,  «ardent,  une  manière  de  feu  quon 
voit  de  nuit»,  Ce,  guelerenn  dans  les  initiales  que-,  C  i?  (taute 


Sur  l'Etymologie  bretonne.  291 

que  Le  Mena  corrigée  sans  le  dire),  «1.  intumus,  et  pluraliter 
intuma  ».  Le  P.  Maunoir  a  «  cnq uele:(r  geam  ». 

D.  Le  Pelletier  écrit  :  «  Enhekr,  ou  plutôt  Enhdhcr.  Voyez 
ci-devant  Aukelher.  Le  P.  Maunoir  a  mal  écrit  Enquek^r,  et  l'a 
mal  interprété  Géajit  »  ;  «  Ankelher,  feu  nocturne  et  errant,  dit 
communément  feu  follet.  C'est  l'explication  que  m'en  a  donnée 
Mr.  Roussel,  qui  rejettoit  celle  de  Géant,  que  le  P.  Maunoir 
donne  de  ce  nom,  qu'il  écrit  mal  Enqiiele^r.  A?ikelher  est  pour 
An-kelcher,  l'errant,  le  circulant.  An  est  l'article  prépos.  et 
Kelcher,  autrement  Kelhier,  est  celui  qui  circule,  qui  va  obli- 
quement. D'ici  est  venu  notre  Harquelier,  qui  signifie  un  vaga- 
bond. En  Haute  Bretagne  un  Arquelier  est  un  homme  gagé 
par  un  Religieux  quêteur  pour  le  conduire  de  Village  en  Village. 
L'article  est  An,  Ar  et  Al  »  ;  «  Kelc'hia,  et  par  adoucissement 
Kelhia,  ou  Kilhia,  et  Kelia,  Cercler,  faire  un  cercle,  ou  le 
mettre  sur  un  vaisseau,  entourer;  faire  des  enchantements  par 
des  cercles  tracés  sur  la  terre.  Ceci  est  de  M.  Roussel.  Kelcher, 
et  Relier,  Enchanteur;  Feu  follet  et  errant,  qui  trompe  les 
voyageurs  pendant  la  nuit.  Ce  nom  signifie  proprement,  Cer- 
cleur,  ou  circidateur,  si  on  le  disoit,  celui  qui  tourne  à  l'entour, 
qui  circule,  qui  rôde.  Si  on  met  l'article  au-devant,  on  en  fait 
Ar-Kelier,  d'où  vient  tout  naturellement  notre  Herquelier,  ou 
Harquelier,  qui  est  un  vagabond.  En  Haute-Bretagne,  on  donne 
ce  nom  par  dérision  à  celui  qui  fliit  la  quête,  pour,  ou  avec 
les  Religieux  mendiants  par  les  villages.  Ailleurs  on  appelle 
Harquelier  tout  homme  vagabond  et  fainéant,  qui  fait  métier 
de  gueuser.  L'autre  mot  François...  Viedase,  viendroit  aussi  du 
Latin  Vietus,  que  Davies  employé,  pour  expliquer  son  Cylch,... 
de  Viere,  lier  avec  un  cercle  etc.  Le  composé  de  Kelc'hia,  est 
Dikelchia,  que  l'on  prononce  Dic'helia,  et  Dic'helc'ha,  Errer, 
être  errant  et  vagabond,  duquel  le  participe  passif  est  le  plus 
usité,  sçavoir  Dichelc'het,  un  vagabond,  à  la  lettre  Décerclé, 
qui  est  hors  de  son  cercle,  de  sa  sphère.  » 

Roussel  ms  n'a  pas  d'article  enkeler.  Il  porte  :  «  kelch,  cercle, 
pi.  Ici  le' hou,  kelc'hou,  kilhiou  »  ;  «  kilhia,  kelc'ha,  kelc'hia,  cer- 
cler, finre  un  cercle,  ou  le  mettre  sur  un  vaisseau,  entourer; 
faire  des  enchantcmens  par  des  cercles  tracés  sur  la  terre  »  ; 
«  kilhieur,  kelc'heiir,  cercleur  herquelier   harquelier,  vagabond 


292  E.  Ernault. 

et  teneant  qui  fait  métier  de  gueuser.  viédase  Arquelier,  hoe 
gagé  par  un  religieux  quêteur  pour  le  conduire  de  village  en 
village  kelc'her,  feu  follet  et  errant,  qui  trompe  les  voyageurs 
pendant  la  nuit  »  ;  «  hlher,  feut  nocturne  ». 

Le  P.  Grégoire  a  ehqeler,  p.  ehqeUrim  «  fantôme,  spectre  »  ; 
qeleren  «  feu  follet,  ou  les  ardens,  feu  qui  court  çà  et  là  dans 
la  campagne  la  nuit  ».  Le  Gonidec  donne  enkéler  ou  enkelc'her, 
le  môme  que  ankek'her;  ahhelc'her,  m.,  pi.  ien  ou  ed,  feu  follet, 
feu  nocturne  et  errant;  lutin,  et  kéléren,  f.,  pi.  -nnou  ou  -nned 
qu'il  traduit  de  môme.  Troude  a  ahhelc'her,  m.,  pi.  ien,  ed, 
lutin,  feu  follet;  ahkeler,  en  cornouaillais,  id.;  enhelcr,  voy. 
ankclcher;  kckrenn,  f.,  pi,  ed,  lutin,  feu  follet. 

Milin  iiis  donne,  au  moi  ahkelcher  de  Trd,  une  étymologie 
par  an-,  ain-,  autour,  et  kelcb,  cercle  ;  il  reproduit  des  indica- 
tions de  Le  Men,  Rev.  CeJt.,  I,  422:  «  On  l'appelle  ^;zMc7;^;' 
(l'errant,  le  circulant),  à  Saint-Pol-de-Léon ;  ...  Keleren  dans 
d'autres  localités  »,  avec  cette  remarque  rectificative  après  la 
première  phrase  :  «  c'est  ar  c'heJer  à  Saint-Fol  et  environs  ».  Il 
a  encore,  sur  ce  même  mot  :  «  ar  geler  (L  de  Batz)  »  ;  et  par 
ailleurs:  «  keler,  s.  f.  pi.  kelerou  feu  follet,  feu  nocturne,  feu 
errant,  sautillant  au  dessus  des  marécages  ou  des  lieux  bas  et 
humides  renfermant  des  gaz.  Ce  mot  semble  venir  de  kilia, 
kelc'ha,  cercler,  entourer.  On  l'appelle  encore  kiler  ou  kilier 
au  h.  L.  Le  peuple  s'imagine  qu'il  égare  les  personnes  la  nuit 
en  leur  faisant  faire  cent  tours  et  détours.  Ar  c'heler  a  :(o 
spountus  da  ivelet  enn  no:^,  le  feu  follet  est  effrayant  à  voir  la 
nuit  ». 

M.  Vallée  me  communique  cette  note  manuscrite  de  Milin  : 
«  Keleren  s.  f.  lutin,  feu-follet;  plur,  ed.  bac'h-keleren,  lumière 
du  feu-follet,  éclat  »  ;  et  cette  expression  recueillie  par  la  Breurie^ 
F7-eii:  kiliet  gant  ar  c'heler,  dérouté  par  le  feu  follet. 

J.  Moal  traduit  «  feu  follet  »  :  kelerenn,  f.,  ankelc'hcr,  m.,  ou 
ankeler  (C.^,  ce  qui  doit  provenir  du  dict.  bret.-fr.  de  Troude; 
et  «  lutin  »  :  keler-no^,  ankek'her,  kelerenn,  t.  M.  du  Rusquec 
donne  «  feu  follet,  enkcler  m.,  de  kel  nouvelle  ». 

2.  BuUet  insiste  sur  l'identité  de  cnqueh:{i-,  géant,  Maun., 
enquêter,  fantôme,  spectre,  Grég.,  et  ankelher,  feu  follet,  Pel. 
Croyant  ce  dernier  sens  le  plus  ancien,  il  essaie  d'en  déduire 


Sur  l'Étymologic  bretonne.  293 

les  autres  et  rapproche  ces  mots,  ainsi  que  qelcren,  de  kela,  gela, 
feu  follet,  en  patois  de  Franche-Comté.  La  racine  est  pour  lui 
kel,  agile,  prompt,  d'où  le  lat.  celer,  etc. 

Le  Men,  Rev.  Cclt.,  I,  422,  semble  s'étonner  que  Le  Gonidec 
ait  écrit  anhelc'her  en  un  seul  mot,  et  regarde  comme  évident 
que  c'est  un  composé  de  l'article  an  et  de  kelc'hia,  cercler,  faire 
un  cercle. 

M.  Stokes,  Middk-  Breton  Hours,  84,  identifie  enquele:(r  au 
comique  enchinethel,  géant.  M-  d'Arbois  de  Jubainville,  Etudes 
gramm.,  I,  19,  23,  29,  56*,  explique  enquele:{r,  enheler, 
ankelcher  comme  venant  de  *en-kenetr  ou  *en-kenetl,  et  répondant 
au  vieux  comique  enchinethel,  géant,  de  *ande-cenefro-  ou  *ande- 
cenetlo-. 

J'ai  exprimé  des  doutes  sur  l'exactitude  des  transcriptions 
ankelher,  ahkelc'her,  en  regard  de  l'ancien  enquele^r,  Rev.  Celt., 
VIII,  36,  et  admis  le  rapprochement  de  ces  mots  avec  le  cor- 
nique,  dans  mon  Dict.  étym.  du  breton  moyen. 

M.  Henry  l'adopte  aussi  dans  son  Lexique,  en  interprétant 
^ande-  kene-tlo-  par  «  génération  contraire  »,  d'où  «  mons- 
trueuse »,  et  en  ajoutant  que  la  métathcse  qui  a  donné 
naissance  à  la  forme  actuelle  «  a  évidemment  été  favorisée 
par  la  circonstance  que  ces  êtres  fantastiques  dansent  en  rond 
(an-kek'h-er,  comme  qui  dirait  «  en-cercl-eur  »)  autour  de 
leur  victime  »  ;  il  voit  dans  kéléren  un  emprunt  au  latin  celer, 
rapide. 

Enfin,  M.  Loth,  Rev.  Q//.,XXII,  334,  dit  en  substance  que 
le  Lexique  a  reproduit  mon  opinion  :  moy.  bret.  enquek:^}-,  géant 
=  comique  enchinethel,  proprement  «  génération  monstrueuse  »  ; 
mais  qu'il  y  a  des  «  difficultés  phonétiques  réelles  »,  et  que 
l'identification  du  feu  follet  avec  un  géant  est  «  bien  extraor- 
dinaire et  des  plus  invraisemblables  » .  Anhelc'her  lui  paraît  être 
composé  et  dérivé  de  kelch,  cercle,  circuit  :  c'est  «  celui  qui  va 
de  droite  et  de  gauche,  le  circuleur,  le  rôdeur  (pour  an-,  cf. 
clasc  et  enclasc  »)  ;  étymologie  confirmée  par  keleren  «  mani- 
festement pour  kelheren  :  cf.  kilhorou,  avant-train  de  la  charrue, 
mb.  qiiilhorou  pour  kilc'h-,  =  kelch-iorou  yy . 

Il  y  a  dans  tout  cela  plus  d'un  point  discutable. 

3.  Que  le  peuple  emploie,  des  mots  en  question,  certaines 
Revue  celtique,  XXV.  20 


294  ^-  Ernault. 

formes  qui  se  kissen:  rattacher  à  kek'b,  c'est  possible,  bien  que 
la  plupart  des  témoins  que  nous  en  avons  aient  été  visiblement 
sous  l'influence  de  préoccupations  étymologiques.  Mais  le  peuple 
aussi  est  influencé  partiellement  par  bien  des  étymologies 
fausses.  Le  P.  Grégoire,  qui  ne  parle  point  de  l'origine  de  ces 
mots,  et  se  montre  indépendant  de  toute  autre  source  écrite, 
fournit  seulement  le  radical  -keler-,  et  donne  à  enquekr  le  sens 
de  «  fantôme,  spectre  »,  qui  pourrait  passer  pour  un  inter- 
médiaire entre  «  géant  »  et  «  feu  follet  ». 

Dans  la  citation  de  Pel.,  on  a  vu  à  quel  point  cet  auteur 
laisse  fausser  ses  transcriptions  et  même  ses  définitions  par  des 
suggestions  étymologiques  :  dic'hdia  et  dic'heJc'ha  (qui  devraient 
d'ailleurs  être  *digek'ha)  sont  des  formes  fantastiques  de  dibcl- 
c'ha  quePel.  ne  cite  même  pas,  bien  qu'il  donne,  à  sa  place,  le 
van.  diheJhet  «  qui  n'en  peut  plus  »  (cf.  Rev.  Celt.,  XXII,  77). 
Malgré  sa  prévention  en  faveur  de  l'explication  par  hic  h, 
Milin  n'atteste  qu'une  forme  qui  l'appuie  ;  c'est  le  haut  léo- 
nais kilier,  qui  d'ailleurs,  est  plutôt  une  variante  d'un  autre 
mot  kdc'hicr  «  enchanteur,  magicien,  sorcier  ;  tout  homme  qui, 
selon  l'opinion  du  peuple,  a  un  pacte  avec  le  diable,  pour  faire 
des  maléfices  »,  Gon.  L'expression  kiliet gant  ar  c'beler  nmenAit 
tout  naturellement  cette  association  entre  kilier  etkekr. 

Notons  aussi  que  le  mot  quilhoroii,  donné  comme  moy.  bret. 
par  M.  Henry  et  par  M.  Loth,  n'a  pas  été  signalé  avant  le 
xvii^  siècle  ;  la  forme  la  plus  anciennement  attestée  est  quillo- 
rou,  Nom.,  178;  d'après  3'é/<:/;/«r,  bourses,  etc.,  on  est  autorisé 
à  supposer  à  l'époque  du  Catholicon  *queJchieroii  comme  forme 
la  plus  rapprochée  de  quelerenn  {Gloss.,  530). 

4.  M.  Stokes,  pour  appuyer  son  explication  enquch^r  = 
enchinethel,  cite  trois  exemples  de  /  pour  ;/  en  moy.  bret;  un 
seul  est  exact,  c'est  chaloniet  =  chanoniei,  chanoines. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville,  Et.  gramm.,  1,23,  n'en  donne 
qu'un,  glin,  genou,  v.  irl.  gliln  de  *gnfi-n-;  mais  M.  Henry  a 
trouvé,  depuis,  une  explication  meilleure,  par  *gnil-l-,  cf.  angl. 
io  hml,  s'pgenouiller.  Il  y  aurait  donc  là  une  ancienne  méta- 
thèsc  celtique,  comme  il  s'en  est  produit  beaucoup  d'autres  en 
breton  :  hanakc,  balance ,  genetaie  ;  banal,  alan,  haleine  ;  menai, 
malan,  gerbe  ;  cbarnell,  cbarlenn,  saloir;  turxiinel,  tur^ulen,  tour- 


Sur  l'Ëtymologie  bretonne.  295 

terelle,  etc.  ;  voir  GIoss.,  457.  M.  Loth,  Les  mots  latins  dans 
les  langues  brittoniques,  206,  dit  que  seuknn,  seine,  vient  pro- 
hahlcmcm  de  *  se  une  nn  par  dissimilation  (cf.  Gloss.,  625). 

J'ai  proposé,  Gloss.,  328,  de  tirer  milgiiin,  manche,  de 
*manicinna;  on  peut  voir,  p.  453,  d'autres  exemples  dans 
plusieurs  mots  d'origine  française,  comme  van.  melestrein, 
administrer. 

La  plupart  de  ces  changements  d';?  en  /  ont  lieu  dans  des 
mots  contenant  d'autres  liquides  ;  enquele^)-  pour  *enquene:^r  ne 
serait  donc  pas  isolé. 

6.  Quant  à  l'échange  de  :{r  et  :;],  il  se  montre  en  moy. 
bret.  dans  guinhe:{i-  et  giiinhe::!,  veneur;  da:;j-ou,  dation, 
larmes. 

7.  La  langue  moderne  a  prêté  aux  formes  récentes  de 
enquele^j'  le  sens  de  quekrenn,  et  les  deux  mots  avaient  pu 
s'influencer  précédemment,  mais  il  n'est  point  sûr  qu'ils 
aient  la  même  origine.  Le  second  étant  étranger  aux  autres 
langues  celtiques,  il  est  naturel  de  lui  chercher  une  source 
romane.  Le  kela  de  Bullet  a  grand'chance  de  n'être  pas  à  cet 
égard  une  lueur  trompeuse.  C'est  une  variante  de  quelar,  que 
La  Monnoye  faisait  rimer  en  ar  ;  cf.  qiteular,  feu  follet  ; 
enfant  mort  sans  baptême,  de  Chambure,  Gloss.  du  Morvan 
(où  l'association  des  deux  idées  est  pleinement  justifiée). 
L'auteur  cite  cet  ancien  passage  sur  les  «  ardans  »  :  «  tantost 
ils  sont  grands,  tantost  plus  petits  »  ;  réponse  anticipée  au 
scrupule  de  sémantique  qu'on  a  vu  §  2.  Il  compare  les  formes 
du  Berry,  etc.,  calard,  du  Jura  kla,  kela,  de  Bourgogne  clia 
feu  follet;  de  Metz  queulat,  dernier  né  d'une  flimille;  du  Dau- 
phiné  culut  ver-luisant  (ce  qui  n'est  exact  que  pour  la  pre- 
mière syllabe),  et  le  breton  glaou  charbon  embrasé  (ce  qui 
est  un  emprunt  malheureux  à  Mignard,  Histoire  de  Vidiome 
bourguignon,  Dijon,  1856,  p.  38).  On  peut  ajouter:  lan- 
guedocien culard,  quiéulard  rectum;  follet,  lutin  qui  ...  porte 
une  lanterne  sur  le  dos,  en  Forez,  Mistral  ;  culton  feu  follet, 
Contejean,  Glossaire  du  patois  de  Montbéliard.  Le  mot  est 
proche  parent  des  termes  techniques  français  culard,  culeton, 
culière,  culeron,  que  donne  le  Dict.  général;  mais  pour  l'idée, 
il  se  rattache  au  vulgaire  culot  (dernier  né). 


296  E.  Ernault. 


XXX.  —  BRULUS  QUEN,  BRINISKEN;  RUS. 

1.  Les  deux  vers  qui  terminent  le  quatrain  du  Mirouer  de 
la  Mort  cité  plus  haut,  n°  XVIII,  §  12,  sont: 

Charoignn  en  bet  nen  deux  equichen  coz  cleusenn 
A  ve  quen  yfFamus  han  rus  e  brulus  quen. 

Il  n'y  a  pas  de  charogne  auprès  d'un  vieil  arbre  creux  qui 
soit  plus  horrible  que  le...  de  son... 

Le  contexte  indique  quelque  chose  comme  «  l'odeur,  ou 
l'aspect  de  son  cadavre  ».  La  séparation  de  quen  sugghre  pour 
ce  mot  la  traduction  «  peau  »,  avec  brulus  adjectif;  mais  il  en 
résulterait  une  construction  peu  usuelle.  D'ailleurs  le  mot  quen, 
fréquent  en  composition,  vient  toujours  après  un  autre  nom  ; 
cf.  Gloss.,  548. 

2.  Je  suppose  que  brulus  quen  est  un  seul  mot,  variante  de 
*brinisken,  sur  lequel  Milin  ms  donne  les  renseignements  sui- 
vants :  «  Brinisken  s.  f.  C'est  un  lacet  qu'on  place  intérieure- 
ment au  haut  et  au  bas  des  deux  pièces  de  bois  appelées  parounou 
en  terme  d'attelage,  pour  être  noué  sur  ces  pièces  en  haut  et 
en  bas  et  les  retenir  contre  le  collier  du  cheval.  Ce  mot  usité 
au  haut  Léon  et  à  Plougastel  n'est  dans  aucun  dictionnaire. 
Oc'h  ar  parounou  e:{  eu:{  eur  vrinisken  d'an  traou  hag  en  ail  d'an 
neac'h.  Bien  que  je  ne  puisse  analyser  ce  mot  peu  éloigné  en 
apparence  de  briniden  je  le  crois  breton  néanmoins.  » 

Troude  définit  parounou  :  «  chevilles  placées  sur  le  devant 
du  collier  d'un  cheval  de  charrette  »  ;  Milin  a  remplacé  «  che- 
villes »  par  «  deux  pièces  de  forme  ovale  de  50  a  éo  centi- 
mètres de  haut  sur  5  ou  6  centimètres  et  quelquefois  plus  de 
large  »,  et  ajouté:  «  et  retenues  sur  ce  collier  au  moyen  de 
lacets  (brinisken,  voir  ce  mot)  placés  intérieurement  en  haut  et 
en  bas  de  chacune  de  ces  pièces  de  bois.  » 

Brinisken  est  en  etfet  parent  de  brinidenn,  f.  «  bavette  d'un 
tablier  »,  Trd  ;  c'est,  je  crois,  un  dérivé  de  brennid,  poitrine, 
formé  comme  dorgen,  anse,  de  dorn,  main,  etc.  ;  il  représente 
*brennil-kcn,  comme  le  petit  tréc.  maousken,  peau  de  mouton 


Sur  FEtymologie  bretonne.  297 

=  mov.  bret.  matitguenn,  Gloss.,  392,  cf.  81;  Ztschr.  f.  celt. 
Philol.]  II,  500. 

L'r  de  brinisken  facilitait  l'altération  du  premier  n  en  /,  cf. 
n°  XXIX,  §4;  quant  au  changement  d'/  en  u,  il  est  loin 
d'être  rare. 

3.  Rus  ne  se  trouve  par  ailleurs  en  moy.  bret.  que  dans  le 
Grand  Mystère  de  Jésus,  p.  8b,  où  heb  ober  rus  doit  signifier 
«  sans  faire  de  feinte,  sans  mentir  ».  Peut-être  est-il  parent  du 
mot  du  Pas-de-Calais  ril:^^  rus  qui  s'emploie  ordinairement  au 
pluriel  et  que  le  Lexique  Saint-Polois  de  M.  Edmont  traduit 
«  peine,  mal,  embarras,  difficulté,  chagrins,  tracasserie,  soins  ». 

D'après  ces  hypothèses,  on  aurait  pour  rus  e  brulusquen  ce 
sens  approximatif:  «  le  train  de  sa  défroque,  l'emibarras  de  sa 
dépouille.  » 

Le  style  de  cet  ancien  Baudelaire  breton,  maître  Jehan,  ne 
brille  point  par  sa  précision  ;  c'est  un  défaut  qu'il  a  en  commun 
avec  ses  confrères,  restés  anonymes,  et  c'est  surtout  la  flmte 
du  système  trop  compliqué  de  versification  qu'ils  se  croyaient 
tenus  de  suivre,  en  l'exagérant  quelquefois  encore.  Ainsi, 
deux  strophes  avant  celle  que  nous  venons  d'étudier,  se 
trouve  ce  vers  : 

Da  m/q  entre'  n  b//~uc  gant  vn  hue  antruGar 

littéralement  «  ta  mue  (sera)  parmi  les  vers,  avec  une  cape 
impitoyable  »  ;  il  flmt  entendre,  «  ta  prison  étroite  »,  «  avec  un 
linceul  rigide  ». 

E.  Ernault. 
(A  suivre.) 


LE  MYSTERE  BRETON 
DE  SAINT  CRHPIN  ET  DE  SAINT  CRÉPINIEN 


INTRODUCTION 


I.  Sources.  —  L'histoire  de  saint  Crépin  et  de  saint  Cré- 
pinien  a  été  racontée  par  une  vie  latine  ^  quelque  peu  antérieure 
au  ix^  siècle-.  Elle  est  courte  et  concise.  En  voici  les  grands 
traits  :  fuyant  Rome  à  cause  des  persécutions  dirigées  contre 
les  chrétiens  par  Dioclétien  et  Maximien,  Crépin  et  Crépinien 
se  retirent  à  Soissons  où  ils  vivent  en  pratiquant  le  métier  de 
cordonnier  et  en  convertissant  de  nombreux  païens.  Maximien 
en  est  informé  ;  il  lance  à  leur  recherche  Rictiovaire  (l'artisan 
de  son  impiété  3,  dit  le  texte)  qui  lui  amène  les  saints.  Maximien 
les  interroge  sur  la  religion  qu'ils  professent  ;  ils  refusent  de 
sacrifier  à  ses  dieux  et  l'empereur,  courroucé,  les  livre  à  Ric- 
tiovaire pour  qu'il  les  fasse  périr  par  la  torture.  C'est  ainsi 
que:    i°  ils  sont  attachés  à  la  trochka  et  battus  de  verges; 

2°  des  alênes  leur  sont  enfoncées  sous  les  ongles;  toutefois, 
elles  en  ressortent  d'elles-mêmes  et  blessent  les  bourreaux  ; 

3°  des  meules  de  moulin  leur  sont  pendues  au  cou,  puis  on 
les  jette  en  plein  hiver  dans  l'Axona;  mais  ils  se  débarrassent 
des  pierres  et  gagnent  l'autre  rive  à  la  nage  ; 

4°  on  les  met  bouillir  dans  du  plomb  fondu;  une  goutte  de 
métal  liquide  crève  un  œil  à  Rictiovaire  ; 


1.  Acla  Sanctorum,  Oct.  .\I,  pp.  535-37. 

2.  O.  c,  p.  505-04. 

3.  Siia  impietalis  aJniinistrum. 


500  Victor  Tourneur. 

5°  Rictiovaire  les  fait  précipiter  dans  un  mélange  bouillant 
de  poix,  de  résine  et  d'huile,  mais  un  ange  les  en  fait  sortir 
indemnes. 

Alors  Rictiovaire,  de  rage,  se  jette  dans  la  chaudière  et  est 
brûlé. 

Les  saints  demandent  à  Dieu  de  les  rappeler  à  lui  ;  la  nuit, 
ils  ont  une  vision  annonçant  leur  mort  prochaine.  Le  lende- 
main, Maximien  les  fait  décapiter  et  leurs  corps  sont  abandonnés 
pour  servir  de  proie  aux  animaux  sauvages. 

Pendant  la  nuit  qui  suit  le  supplice,  un  ange  vient  ordon- 
ner à  un  vieillard  et  à  sa  sœur  de  transporter  les  corps  des 
saints  dans  leur  maison  pour  les  y  enterrer.  Ils  y  réussissent  : 
les  cadavres  sont  légers  comme  des  plumes;  une  barque  les 
attend  au  bord  de  la  rivière  ;  elle  se  meut  d'elle-même  contre 
le  courant. 

Enfin,  sur  la  tombe,  s'accomplissent  de  nombreux 
miracles,  et,  d'un  commun  accord,  le  peuple  et  le  clergé 
transportent  en  grande  pompe  les  reliques  des  martyrs  dans 
deux  tombeaux  construits  à  l'endroit  où  s'éleva  plus  tard  la 
cathédrale. 

Ce  récit  hagiographique  a  servi  de  canevas  au  mystère  français 
de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien  ',  Les  nombreuses  phrases 
en  discours  direct  qui  se  remarquent  dans  la  vie  latine  facili- 
taient son  adaptation  au  théâtre.  Naturellement,  le  mystère 
français  a  considérablement  multiplié  les  personnages  :  il  entoure 
Rictiovaire  de  conseillers;  il  fait  intervenir  directement  Dieu, 
la  Vierge  et  les  anges,  etc.  Certaines  parties  du  récit  sont 
modifiées  :  le  supplice  de  la  îrochlea-  est  supprimé  ;  la  quatrième 
journée  se  passe  à  la  fois  en  paradis,  où  on  retrouve  les  deux 
saints  dans  la  gloire  éternelle  et  sur  la  terre,  où  s'accomplit 
en  grande  cérémonie  la  translation  des  saints  corps  dans  une 

1.  Il  existe  deux  manuscrits  —  dont  l'un  incomplet  —  du  mystère  fran- 
çais ;  ils  appartiennent  à  deux  versions  qui  ne  concordent  complètement 
qu'en  ce  qui  concerne  la  quatrième  journée,  paraît-il.  Vov.  Petit  de  Julie- 
ville,  Les  Alystcres,  Paris,  1880,  II,  p.  498.  L'un  de  ces  manuscrits,  malheu- 
reusement celui  où  manque  la  première  journée,  a  été  publié  par  L.  Dessalles 
et  P.  Chabaille.  Mystère  de  saint  Crespin  et  saint  Crespinien,  Paris,  1856.  Cf. 
C.  r.  de  Raynouard  dans  le  Journal  des  Savants,  1836,  p.   365-74. 

2.  Sur  la  trochlea,  voy.  Acta  Sanctornm,  Oct.  XI,  p.  539. 


Le  Mystèrr  de  SiXint  Crcpin  et  de  saint  Crépinien.  :;oi 

chapelle.  Saint  Éloi,  le  pape,  des  archevêques,  etc.,  sont  pré- 
sents, et  saint  Crépin,  en  paradis,  remercie  Dieu  d'avoir  suggéré 
au  pape  l'idée  d'établir  un  oratoire  en  son  honneur. 

Le  mystère  breton  qui  va  suivre  ne  procède  pas  du 
mystère  français  qui  est  conservé  i;  il  ne  remonte  pas  non 
plus  directement  à  la  vie  latine  ;  le  supplice  des  alênes 
est  supprimé  et  deux  épisodes  nouveaux  apparaissent  :  au 
troisième  acte,  Constantin  arrive  en  vengeur  de  la  foi  et  la 
pièce  se  termine  par  le  transport  à  Rome  des  reliques  des 
deux  saints. 

2.  Date  de  la  composition.  —  Cette  dernière  partie  de 
l'œuvre  permet  de  la  dater  avec  assez  d'exactitude.  On  a  vu 
que  la  vie  latine  et  le  mystère  français  ne  parlent  pas  d'un 
transfert  des  reliques  hors  de  Soissons.  En  effet,  la  plus 
ancienne-  mention  connue  du  transport  à  Rome  des  ossements 
de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien  se  trouve  dans  l'édition 
du  martyrologe  publiée  sur  l'ordre  de  Grégoire  XIII  en  1584'. 
Le  mystère  breton  doit  par  conséquent  avoir  été  écrit  d'après 
une  vie  du  xvii^  siècle  dans  laquelle  les  données  nouvelles  du 
martyrologe  avaient  été  introduites.  Il  ne  peut,  par  consé- 
quent, remonter  au  delà  du  xvii'^  siècle,  ce  que  l'étude  de  la 
langue  ne  fait  que  confirmer. 

3.  Un   autre  MYSTÎiRE  BRETON  DE  SAINT    CrÉPIN  ET   DE  SAINT 

Crépinien.  —  Un  autre  mystère  breton,  ayant  également  pour 
sujet  la  vie  de  saint  Crépin  et  saint  Crépinien,  est  conservé 
dans  la  collection  de  M.  Em.  Picot,  le  polygraphe  distingué 


1 .  Il  pourrait  avoir  existe  d'autres  mystères  de  saint  Crcpin  et  de  saint 
Crépinien  se  rapprochant  davantage  de  la  version  bretonne;  mais  celle-ci 
est  si  bretonne  d'esprit,  qu'il  serait  difficile  d'y  voir  une  traduction  d'une 
œuvre  française  perdue. 

2.  Acta  Sanctontm,  Oct.  XI,  p.  513. 

3.  Suessione  in  Gallia  smictorttm  martyrum  Crispini  et  Crispiniani  nobiliuiii 
romanoriuii  qui  in  persecuiione  Diocletiani  siih  Rictiovario  praside  post  inunania 
tormenta  glailio  trucidati  coronam  martyrii  consecult  suiit  ;  quorum  corpora  postea 
Romani  delata  fuerunt,  atque  in  ecclesia  sancti  Laurentii  in  pane  et  perna  hono- 
rifice  tumulata.  Martvrologium  romanum  jussu  Gregorii  XIII.  Pont.  Max.,  éd. 
Anvers,  1608,  p.  352. 


p2  Victor  Tourneur. 

bien  connu'.  C'est  une  version  très  abrégée  du  même  sujet 
transformé,  je  dirais  presque  en  drame  lyrique.  Un  des  person- 
nages les  plus  importants,  Rictiovaire,  disparaît,  et,  avec  lui, 
tous  les  épisodes  de  torture.  Celle-ci  se  réduit  à  des  menaces. 
Crépin  est  accompagné  de  son  épouse,  Mandillas;  Crépinien 
devient  un  simple  compagnon  cordonnier  et  quant  aux  per- 
sonnages accessoires,  ils  portent  des  noms  très  différents  de 
ceux  qu'on  trouvera  dans  la  version  publiée  ci-après. 

Cette  pièce  paraît  avoir  été  écrite  en  alexandrins,  mais  bien 
rares  sont  les  vers  corrects.  Le  dialogue  est  plusieurs  fois  coupé 
par  des  romances  d'une  poésie  très  relative.  Le  ms.  passe  pour 
avoir  fait  partie  de  la  collection  de  la  troupe  de  Joseph  Coat 
et  avoir  été  écrit  par  Job  Coat-  (probablement  dans  la  première 
moitié  du  xix^  siècle),  mais  aucune  indication  à  ce  sujet  ne 
s'y  rencontre. 

Comme  cette  seconde  version  bretonne  de  l'histoire  de  saint 
Crépin  et  de  saint  Crépinien  n'est  pas  sans  intérêt,  en  voici 
une  analyse  complète,  avec  toutes  les  indications  scéniques 
données  dans  le  manuscrit. 

Ms.  in-f°  en  papier  de  0,302  X  0,22;  le  premier  et  le  der- 
nier feuillets  manquent. 

<CBueSiint  Gcorg gant  eiindcn  yaouauq^  (y^J-  Pi'ol.,  str.  11, 
V.  3). 

f°  I,  Fin  du  prologue  dont  les  6  1/2  premiers  quatrains 
manquent. 

f°  22.  5"^';'/  a  ra  ar  ridoch.  Prolog  a  vue  Saut  Cripin  ac  ini  e 
gompagnon  Cripinian . 

Ar  prolog  da  garia  ;  8  quatrains;  le  8°  n'a  que  2  vers. 

f°  22  v°.  Btie  Saut  Cripin  ac  ini  Sant  Cripinian  e  gom- 
pagnon. 

Sene  ac  act  qnenta. 

Maximian  Roiic  ac  aiiipcrciir;  daoïi  brinc  ;  Valcrius  ar  henta. 

Ar  coniarisK  Cripin  a  Cripinian  ac  Urjrati,  cln'va illier. 


1.  M.  Em.  Picot  a  eu  l'extrême  amabilité  de  m'envoyerle  manuscrit;  ce 
dont  je  tiens  à  le  remercier  vivement. 

2.  Voy.  H.  Gaidoz  et  P.  Sébillot,  Bibliographie  des  traditions  et  des  litté- 
ratures populaires  de  la  Bretagne.  Rev.  Celt.,  V  (1881-85),  p    33^- 

3.  Arcomaris,  nom  propre. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  505 

L'empereur  est  content  de  ses  princes,  mais  il  ne  veut  les 
recompenser  qu'après  l'expulsion  des  chrétiens  de  son  royaume  ; 
il  est  disposé  à  les  persécuter;  ses  princes  l'y  engagent  vive- 
ment; il  s'y  décide.  Valerius  amène  devant  lui  une  demoiselle 
(dinie:(el,  puis  ftiniellen)  chrétienne.  Le  roi  l'interroge,  puis  la 
fait  conduire  en  prison  par  Crépin  et  Crépinien. 

f°  25.  Restés  seuls,  Crépin  et  Crépinien  décident  de  s'cntuir 
en  France,  à  Soissons.  Crépin  consulte  sa  femme,  Armindas 
(dénommée  Mandillas  dans  toute  la  suite  de  la  pièce)  qui  se 
déclare  prête  à  l'accompagner';  ils  partent. 

f°  25  \°.  Arrivés  à  Soissons,  ils  quittent  leurs  habits  princiers 
et  s'installent  dans  une  boutique  de  cordonnier. 

Eilvet  act.  Sant  Cripin  a:{eet  var  eun  tabore,  a  Cripinian  var 
eun<iall^,  a  pyiet  Cripin  0  :(ri. 

f°  26.  Les  saints  travaillent  à  leur  métier  en  priant.  Mandillas 
borde  les  souliers. 

f°  26  v°.  A  la  demande  de  Crépin,  Crépinien  nomme  par 
leur  nom  les  outils  de  cordonnier  (passage  peu  intéressant  au 
point  de  vue  du  vocabulaire). 

f°  27.  Crépinien,  à  la  prière  de  Mandillas,  chante  son  tour 
de  France. 

f°  27  v°.  Le  tranchet  de  Crépin  ne  coupe  plus;  un  rémou- 
leur arrive. 

f°  28.  Tout  en  aiguisant  divers  outils,  le  rémouleur  chante 
une  chanson  sur  son  métier  et  ses  aventures. 

f°  28  v°.  Crépin  et  Mandillas  donnent  encore  quelques  objets 
à  aiguiser,  puis  le  rémouleur  s'en  va. 

f°  29.  Une  citadine  rapporte  une  paire  de  souliers  trop  étroits. 
Crépin  lui  en  donne  une  autre,  puis  il  fait  taire  sa  femme  et 
Crépinien,  et  annonce  qu'il  va  prophétiser. 

f°  29  v°.  Sous  couleur  de  prophétie,  Crépin  annonce  que  la 
mode  des  souliers  changera.  Le  diable  arrive  pour  se  faire  prendre 
mesure. 

f"  30.  Le  diable,  reconnu  à  son  pied  de  mule,  s'enfuit  en 
proférant  des  menaces  contre  les  cordonniers. 

Serri  a  ra  redoch,  a  digiieri  querquent.  Maximian  a  tout  t 
suite. 

Maximien  est  satisfiit  des  persécutions  contre  les  chrériens; 


504  Victor  Tourneur. 

il  s'étonne  de  l'absence  de  Crépin  et  de  Crépinien  et  en  demande 
la  raison. 

f'  30  v°.  Les  princes  apprennent  à  l'empereur  que  Crépin  et 
Crépinien  sont  des  chrétiens  et  que,  pour  ce  motif,  ils  se 
sont  réfugiés  en  France.  Maximien  ordonne  de  les  amener 
devant  lui  pour  qu'il  les  flisse  démembrer. 

f°  3  I.  Valerius  et  Urfratti  partent  à  la  recherche  des  fugitifs. 
Ceux-ci  sont  dans  leur  boutique  en  proie  à  un  malaise  général 
dont  ils  ne  connaissent  pas  la  cause.  Mandillas  voit  venir  les 
envoyés  du  roi  et  les  signale  à  ses  compagnons. 

f°  31  v°.  Crépinien,  interrogé,  dit  qui  il  est,  et  Valerius 
ordonne  de  le  garrotter, 

f°  32.  ce  qui  est  exécuté  séance  tenante.  Valerius  interroge 
Mandillas  et  Crépin. 

f°  32  v°.  Crépin  prétend  avoir  oublié  son  nom.  Menacé  d'être 
frappé  à  coups  de  sabre,  il  avoue  son  identité. 

f°  33.  Mandillas  a  beau  prier  les  princes  de  prendre  tout  ce 
qu'elle  possède,  mais  de  lui  laisser  son  mari,  ils  sont  inflexibles 
et  se  préparent  à  conduire  les  saints  devant  Maximien. 

f°  33  v°.  Amenés  devant  l'empereur,  celui-ci  les  exhorte  à 
abandonner  leur  foi,  mais  ils  restent  inébranlables. 

f°  34.  Maximien  ordonne  que  les  saints  soient  roués;  ils  se 
résignent. 

f°  34  v°.  Urfratti  exhorte  Crépinien  à  changer  de  religion; 
le  saint  refuse.  Maximien  insiste  en  vain  et  finit  par  les  faire 
simplement  jeter  en  prison. 

f°  35 .  Les  saints  emprisonnés  chantent  une  prière  demandant 
le  secours  de  Dieu  ;  l'ange  Gabriel  vient  les  consoler  et  leur 
annoncer  que,  bientôt,  ils  seront  couronnés  dans  le  paradis. 

f°  35  v°.  Les  saints  remercient  Dieu.  Maximien  les  fait 
comparaître  à  nouveau  devant  lui  ;  il  les  exhorte  une  der- 
nière fois  à  abandonner  la  religion  du  Christ,  mais  c'est  en 
vain . 

f°  36.  Maximien  les  fait  exécuter.  Valerius  tue  Crépin  d'un 
bon  coup  de  sabre,  et  Urfratti  traite  de  même  Crépinien. 

f°  36  v°.  Maximien  se  retire,  laissant  les  cadavres  pour  servir 
de  proie  aux  vautours.  Deux  religieux  viennent  célébrer  leur 
sainteté  et  annoncent  que,  quand  le  calme  sera  rétabli  dans  le 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinicn.  505 

pays,  le  pape  en  aura  connaissance,  et  que  Crépin  et  Crépinien 
seront  canonisés  patrons  des  cordonniers.  Ils  sortent  avec  les 
corps  pour  aller  les  enterrer  en  terre  bénite. 

Ce  dernier  f°  est  déchiré  vers  le  bas  et  au  bord  extérieur. 
Probablement  le  mystère  s'arrêtait  ici,  et  en  tout  cas,  il  ne  pou- 
vait pas  y  avoir  grand'chose  sur  la  page  suivante  qui  a  dis- 
paru :  la  pièce  est  finie.  Telle  est  cette  version  écourtée  et 
sans  valeur  littéraire  du  mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint 
Crépinien. 

4.  Le  MS,   de  la  BiBLIOTHÈaUE  NATIONALE  DE  PaRIS.  Le 

texte  du  mystère  de  saint  Crépin  et  saint  Crépinien  donné  ci- 
après  reproduit  le  ms.  n°  20  du  fonds  celtique  de  la  Bibliothèque 
nationale  de  Paris.  C'est  un  petit  in-folio  de  0,398  X  0,20  à 
reliure  moderne,  comprenant  36  feuillets.  L'écriture  est  du 
xviii^  siècle.  Le  volume  est  complet.  Il  semble  que  les  deux 
premiers  feuillets  aient  disparu,  puis  aient  été  recopiés  à  nou- 
veau, déjà  au  xviii^  siècle,  car,  ces  deux  feuillets  sont  d'une 
autre  main  que  les  suivants  ;  l'écriture  en  est  plus  petite,  et, 
bien  qu'il  n'y  ait  pas  de  lacune  dans  le  premier  prologue,  un 
tiers  du  verso  du  f°  2  est  laissé  en  blanc,  après  le  vers  119, 
tandis  que  la  suite,  avec  le  vers  120,  reprend  au  haut  du 
troisième  feuillet. 

Malheureusement,  le  £"  i,  recto  et  verso,  et  le  f°  ^6  verso 
sont  complètement  noircis  par  une  sorte  de  décomposition  du 
papier;  le  texte  y  est  presque  entièrement  effacé  et  d'opiniâtres 
tentatives  de  lecture  ont  été  nécessaires  pour  arriver  à  y  déchif- 
frer quelques  mots.  De  plus,  le  f°  15  présente  une  petite  lacune 
centrale  à  sa  partie  supérieure;  les  bords  de  ce  trou  sont  com- 
plètement noirs;  de  même,  les  f°^  suivants,  16-25,  offrent  une 
large  tache  noire  vers  le  haut. 

Enfin,  les  bords  extérieurs  des  f"'  i  et  36  sont  déchirés  et  le 
commencement  d'un  assez  grand  nombre  de  vers  écrits  à  leurs 
versos  est  perdu. 

Ce  ms.  fait  partie  de  la  collection  recueillie  en  Bretagne 
par  Lu;<el  pour  le  gouvernement  français. 

5 .  MÉTRIQ.UE.  —  La  pièce  est  écrite  en  alexandrins  réguHè- 


3o6  Victor  Tourneur. 

rement  partagés  en  deux  hémistiches  égaux.  Ces  vers  riment 
deux  à  deux. 

Les  rimes  ne  sont  pas  toujours  extrêmement  rigoureuses. 
Parfois,  les  différences  sont  purement  graphiques;  ainsi,  riment 
ensemble  bardy  et  seruigin,  220-21  ;  cref  et  re,  656-57,  où  le 
copiste  aurait  dû  employer  les  variantes  servigi  et  cre. 

Ailleurs,  la  rime  est  remplacée  par  l'assonance  de  sons  très 
parents.  On  trouve  l'alternance  de  -/  et  de  -r  précédés  d'une 
même  voyelle:  saluer,  aniel,  1476-77;  saniel,  saluer,  1903-04; 
ou  bien  -/,  -n:  cruel,  sorserycu,  1621-22;  ou  encore  -f,  -s: 
0  chorjf,  fors,  1627-28. 

Parfois,  l'une  des  syllabes  contient  un  r  de  plus  que  l'autre: 
ty,  martyr,  1579-80;  querdeii,  csquern,  1623-24;  sur,  tu,  1937- 
38;  ary,  martir,  2023-24;  il  y  a  également  un  cas  avec  m, 
relego,  Rom,  1 599-1600,  et  un  avec  s,  Berda,  bras,  2015-16. 

A  noter  particulièrement  les  assonances  -/  :  -c,  -t  :  b(I)  ;  -g  : 
-st.  edit,  iiiiq,  268-69;  vat,  partahl,  6^6-^j  ;  fanlastig,  christ, 
276-77. 

Une  prière  en  vers  de  huit  syllabes  occupe  les  vers  1899  à 
1910. 

6.  Valeur  de  auELQUES  lettres.  —  La  métrique  montre 
que  0  final  doit  souvent  se  prononcer  v.  Ainsi,  on  a  fréquem- 
ment inaro  pour  marv,  salo  pour  salv,  etc. 

Le  V  intervocalique  est  noté  uu  :  scriuuan,  3  5  8  ;  deuueus,  721  ; 
releuuet,  784;  creuuan,  939;  greuual,  1884,  etc. 

/;  est  parfois  remplacé  par  r/;  :  ma  cboaut,  153,  21 12,  etc. 

7.  Composition  du  texte.  —  Le  texte  donné  ci-après  repro- 
duit fidèlement  le  ms.  de  la  Bibliothèque  nationale  de  Paris. 
Seulement  là  où  soit  la  métrique,  soit  une  faute  évidente 
l'exigeait,  je  me  suis  permis  d'introduire  une  correction  et 
toujours  cela  est  mentionné  en  note.  Le  ms.  ne  contient  ni 
ponctuation,  ni  majuscule,  sauf  quelques  exceptions  pour  ces 
dernières.  J'ai  séparé  les  mots  réunis  à  tort  dans  le  ms.  par  le 
signe  -;  les  mots  qui  sont  illisibles  et  restitués  figurent  entre 
[  ];  ceux  qui  sont  introduits  pour  rétablir  le  vers  et  manquent 
dans  le  ms.  entre  <C  >  ;  ceux  qui  doivent  disparaître  du  texte 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crepinien.  307 

pour  des  raisons  de  métrique  entre  (  ).  Enfin  la  '[  précède  les 
vers  corrompus  qui  ne  se  laissent  pas  aisément  rectifier. 

M.  Em.  Ernault  a  bien  voulu  relire  mon  travail  et  me  signaler 
les  erreurs  que  j'y  avais  commises.  Je  tiens  à  l'en  remercier  vive- 
ment. Il  n'a  pas  dépendu  de  lui  que  cette  édition  ne  fût  meil- 
leure. 

V.  T. 


jo8  Victor  Tourneur. 


.E  PREMIER  PROLOGUE 


t"  1     En  n-ano  on  chrouer     Doue  oU  buissant, 

compaignones  meulabl,     pan  n-och  aman  presant, 
me  am  eus  choant  da  anons     un  ystoar  assurer; 
ra     veset  atantif    ma  hellet  em  chleuet. 

Marche  ' 

5     Nen  d-eo  quet  un  histoar     profan  audittoret 

on  n-eus  da  resittan,     nag  eur  fars     quen  neubeut. 
Eun  ystoar  eo  memeus     ag  a  so  [verlitabl^, 
ag  a  so  bet  tennet     dimes  ar  scritur  sacr, 

Marche 

[an  ystoar]  da  daou     sant,     daou  vartir  glorius, 
10     seruigeryen  fidel     don  redemptor  Yesus, 
ganet  er  quer  a  Rom     daou  den  a  galite 
ch nesj ,     (ba]lamo[ur]  da  Doue. 

Marche 

Cals  a  so  er  vro  man     serten  na     ousont  quet 
o  chaliteo  [disp]ar,  nag  o  hano  quen     neubet  ; 
1 5     me  ya  da  henuel  dach,     compaignones,  breman  : 
unan  a  so  Crepin,     un  ail  Crepinian. 

Marche 

.     .     .     .     audittoret nte 


20 Soixon. 

Marche 


I.  Ce  mot  est  une  indication  scénique.  On  le  trouve  après  chaque  qua- 
train des  prologues  dans  la  plupart  des  mystères  bretons.  L'usage  voulait, 
en  effet,  que,  tous  les  quatre  vers,  l'actear  chargé  de  déclamer  le  prologue, 
fît  une  évolution  sur  le  théâtre.  Voy.  J.  M.  Luzel  dans  son  Introduction  au 
mystère  breton  Sainte  Tryphine  et  le  roi  Arthur,  texte  revu  par  l'abbé  Henry, 
QjLiimperlé,  1863,  p.  xxv  ;  id.,  Une  représentation  de  Sainte  Tryphine,  Revue 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  509 


LE  PREMIER  PROLOGUE 


Au  nom  de  notre  créateur,  Dieu  tout  puissant, 
compagnie  digne  d'être  louée,  puisque  vous  êtes  ici  présents, 
j'ai  envie  de  vous  annoncer  une  vraie  histoire. 
Soyez  attentifs  si  vous  voulez  m'entendre. 

Marche 

Ce  n'est  pas  une  histoire  profane,  auditeurs, 
que  nous  avons  à  réciter,  ni  une  farce  non  plus  ; 
c'est  même  une  histoire  qui  est  vraie, 
et  qui  a  été  tirée  de  l'Ecriture  sainte, 

Marche 

l'histoire  de  deux  saints,  deux  glorieux  martyrs, 
serviteurs  fidèles  de  notre  rédempteur  Jésus, 
nés  dans  la  ville  de  Rome,  deux  personnes  de  qualité, 
pour  l'amour  de  Dieu. 

Marche 

Il  y  en  a  certainement  beaucoup  en  ce  pays  qui  ne  connaissent  pas 
leurs  qualités  sans  pareilles,  ni  leur  nom  non  plus  ; 
je  vais  vous  les  nommer  maintenant,  compagnons  : 
l'un  est  Crépin,   un  autre  Crépinien. 

Marche 


Marche 


Celtique,  III,  1876-78,  p.  392.  D'après  Em.  Souvestre  (Les  derniers  Bretons, 
nouvelle  éd.,  Paris,  s.  d.,  I,  p.  242),  à  chaque  promenade  de  l'acteur  «  réhecs 
et  bignious  »  devaient  sonner. 

2.  Je  crois  lire  dans  le  ms...  Utacr,  mais  je  n'ai  pas  trouvé  de  mot  bretoïi 
se  terminant  ainsi.  Il  est  probable  qu'il  faut  corriger  en  veritabl  qui,  à  la 
rigueur,  peut  rimer  avec  sacr. 

Revue  Celtique,  XXV.  21 


310        •  Victor  Tourneur. 

Anfin  compaignones 

a   .    .   .  ma  ar  seis  ma gontre. 

euit  clasq  an  n-ent  mat  a  vesan  evurus 
ag     vo  basiantet     a  seruigin  Jésus. 

Mar^e 

2) mo  suply  ag  o  pet 

crin  .  .  .  uas  gant  .  .  .  basiantet 
dia  ar  .  .  .  [e  choulejnomp  silans 
[me]  a  ya  da  gomans 

Marge 

Er  bla  daou  chant  a  seis  '  goude  maro  2  on  Saluer, 
Euoa  Diocletian     voar  an  douar  o  ren, 
30     an  ympalaer  cruel     méchant  ag  obstinet 

enep  ar  gristenien     mar  poe  5  blscoas  [er  b]et 

Marge 

fo  I  yo doueo, 

adorin   .   .   .  dre  oll  n-e  gueryo 
.   .   .   e  laquas     try  roue  dindandan 
35     enep  ar  gristenien     euit  o  distrugean. 

Marthe 

Vn  edit  [a  rc|as     a  voa  cruel  meurhet  : 
[neusej  vguent  mil  den     a  voe  niartiriset  ; 
[rag  mech]ant  voa     heman,     opiniatr  yue 
[en  e  lesjeno  faous,     enep  ar  guir  Doue. 

Marche 

40     [Bea  so]  eur  loen  a  so     hanuet  ar  basiliq  ; 
[o]  sellet  ous  an  dut     e  teu  do  lasan  miq. 
[An]  aspiq  er  chontrel,  da  der  4  den  chomeret 
[gan]t  son  an  tabouhn,  a  deu  sur  d-e  gafet. 

Marche 


1 .  L'auteur  de  la  pièce  ne  paraît  pas  avoir  eu  des  connaissances  très  exactes 
en  fait  d'histoire  romaine;  il  antidate  ici  le  règne  de  Maximien.  Plus  loin, 
il  n'est  pas  plus  heureux  quand  il  parle  de  Constantin. 

2.  niaro  pour  inarv  que  demande  le  vers.  Cf.  de  même,  tao,  queudero  ; 
maro,  salo. 

3.  pour  boe. 


Le  Mystère  Je  siiiiit  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  3 1  1 

Enfin,  compagnons, 

ces  sept 
pour  chercher  le  bon  moyen  d'être  heureux, 
et  avoir  de  la  patience  à  servir  Jésus. 

Marche 

je  vous  supplie  et  vous  demande 

avec  patience 

nous  demandons  le  silence 

je  vais  commencer. 

Marche 

En  l'an  deux  cent  sept  après  la  mort  de  notre  Sauveur, 

régnait  sur  la  terre  Dioclétien, 

l'empereur  cruel,  méchant  et  obstiné 

contre  les  chrétiens,  s'il  y  en  eut  jamais  au   monde 

Marche 

dieux, 
adorer         dans  toutes  ses  villes 
il  mit  trois  rois  sous  lui 
contre  les  chrétiens,  pour  les  détruire 

Marche 

Il  fit  un  édit  qui  était  très  cruel  : 
alors,  vingt  mille  hommes  furent  martyrisés 
car  celui-ci  était  méchant,  et  aussi,  opiniâtre 
dans  ses  croyances  fausses,  contre  le  vrai  Dieu. 

Marche 

Il  y  a  une  bête  qui  est  appelée  le  basilic  ; 
en  regardant  les  gens,  elle  les  tue  net. 
L'aspic,  au  contraire,  lorsqu'on  va  le  prendre 
au  son  du  tambour,  on  est  sûr  de  l'attraper  1. 

Marche 


4.  Probablement  erreur  pour  pa  der\  der,  forme  impersonnelle  de  deu. 
Il  V  a  ici  anacaluthe  ;  on  attendrait  encore  der  au  lieu  de  deu  au  vers  43  ; 
pa  der  est  traité  comme  si  on  avait  an  hiiii  a  deu  deu  choiuerel...  a  deu  sur  d-e 
gajet. 

I.  litt.  il  est  sûr  de  l'attraper. 


312 


Victor  Tourneur. 

[Ar  re  ma]n     so  loenet     so  meurbet  dangerus, 
45     [rag]  o  broq  serpantin  '     so  meurbet  benimus. 
(Hoguen  ar]   basiliq,     aspiq  nag     amprefan 
[na  so]     quen  benimus     a  Deocletian. 

Marche 

[Neuse,  goud(e)  e]  edit     e  posas  eun  neubeut  ; 
[hoguen  o]  cleuet  coms     mes  ar  gatoliquet, 
50     [a  reas     heb]  dale     un  edit  a  neue 
[enep  ar  gri]stenien     a  grede  en  Doue. 

Marche 

a  raport 

.   .   .   [marjtiriset  dimes  ar  g[ristenien] 

54     chom  a 

55     cruel     seruiger  da  Satan. 

Marche 


adare 

vn  edit  a  neue 

gantan  e  doueo 

[gant  ar  brassan]  tourmant     o  laquât  dar  maro. 

Marche 

60     ...   regret  voa     dar  seis  cauaillier 
.   .   .  aret     e  rage  de  meruel 
.   .  .  vaillant  bras     generus  a  hardy 
euit     e     seruigin. 

Marche 

[Ar  seis  ma  voa]   Crepin,  e  vreur  Crepinian, 
65      [Valaire  a  Quintin]     Rufian  a  Lusian  2, 
[a  neuse  Eugène,  ar]   cheuaillier  vaillant, 
laque     e  speret  en  tourmant. 

Marche 


I .  Le  mot  bro(]  ne  se  trouve  dans  aucun  dictionnaire.  Le  contexte  indique 
clairement  ici  que  broc  serpantin  désigne  les  dents  creuses  qui  renferment 
le  venin  chez  les  serpents  venimeux  Broq  est  un  emprunt  au  vieux  français 
broche,  broqiie,  croc,  pointe,  arme  aiguë,  qui  a  dû  être  employé  par  méta- 
phore pour  «forte  dent»,  croc.  En  wallon,  il  a  encore  ce  sens  métaphorique 
et  désio^ne  les  canines  des  animaux  carnassiers  :  «  Ci  tchin  la  a  désjameusès 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  ^i  3 

Celles-ci  sont  des  bêtes  qui  sont  très  dangereuses, 
car  leurs  dents  serpentines  sont  très  venimeuses. 
Mais  le  basilic,  aspic,  ni  reptile 
ne  sont  aussi  venimeux  que  Dioclétien. 

Marche 

Alors,  après  son  édit,  il  s'arrêta  un  peu  ; 
mais,  en  entendant  parler  les  catholiques, 
il  fit  sans  retard  de  nouveau  un  édit 
contre  les  chrétiens  qui  croient  en  Dieu. 

Marche 


.   .   .  martyrisé  d'entre  les 
cruel,  serviteur  de  Satan. 


Marche 


de  rechef 

un  édit  à  nouveau 

avec  lui  ses  dieux 

de  les  mettre  à  mort  avec  les  plus  grands  tourments. 

Marche 


regret  des  sept  cavaliers 
arrêt  qu'il  les  ferait  mourir 
très  vaillants,  généreux  et  hardis, 
pour  le  servir. 

Marche 


Ces  sept  étaient  Crépin,  son  frère  Crépinien 
Valère  et  Quentin,  Rufien,  Lucien, 
Et  ensuite  Eugène  le  vaillant  chevalier, 
mettait  son  esprit  à  la  torture. 

Marche 


brocs,  n  Ce  chien  là  a  de  fameuses  canines  !  Godfroy  ne  donne  pas  d'exemple 
de  ce  sens  en  vieux  français.  Je  crois  pourtant  le  retrouver  dans  une  expres- 
sion dont  il  ne  donne  pas  l'explication:  rogner  la  broche  aux  jaloux  (Dict.  de 
l'ancienne  langue  française,  Paris,  I,  1881,  p.  737),  qui  me  paraît  signifier 
limer  la  dent  aux  jaloux  pour  qu'ils  ne  mordent  pas. 
?..  Cf.  215-14. 


î  I  4  Victor  Tounienr. 

f°  2     O  diemen  a  ra     euit  cleuet  gante 

ag  y  (a)  sentge  outtan,  a  quittât  o  doue. 

■  70     Promettin  a  ra  de     ar  charge  vhellan  : 
o  reseo  er  pales     metneus  a  re  guentan. 

Mtiicbc 

Promettin  a  ra  choas     dese  dignitteo 
mar  cargent  adorin     gantan  e  doueo  ; 
o  charge  biruiquen     euel  e  vugale, 
75     comandin  er  cheryo,     a  rein  de  Hberte. 

Marche 

Y,   euel  soudardet     da     Jésus  on  Saluer, 

a  respontas  desan     gant  eur  chomso  fier, 

e  uige  goell  gante     meruel  gant  pep  sort  poan, 

quent  en-ein  abusin     gant  grandeur  ar  bet  nian. 

Marche 

80     Crepin  a  respont  choas     d-an  ampereur  cruel, 
e  uige  goel  gantan     soufr  martir  a  meruel, 
euit  quittât  Jésus     on  saluer  biniguet 
map  Doue  éternel     eil  ferson  an   Dreindet. 

Marche 

Neuse  an  ampereur,     vel  eur  chv  conaret, 
83     a  yes  en  n-eur  furv     a  voa  cruel  meurbet, 
ma  lauaras  neuse     memeus  hep  arettin, 
ma  vigent  punisset  hep  exanlin  hiny. 

Marche 

Q.uer  cruel  voa  (a)n  aret     enep  ar  gristenien 
ma  voe  laquet  dar  maro     mu  euit  cant  mil  den, 
90     dre  dourmancho  cruel     er  guer  dimes  a  Rom. 
Me  o  les  da  songeai     pes  désolation. 

Marche 

Mes  Doue  éternel     a  n-eus  bet  prescruet 
ar  seis  seuaillier  man     ous  o  enemiet, 
ma  hegeont  dan  daoulin     da  ober  oreson, 
95     ynspiret  gant  Doue     da  choas  pep  a  ganton. 

Marche 

Bras  a  voa  ar  glachar     en  devoa  ar  seis  man 
o  vesan  obliget     d-en-cm     dispartian, 


Le  Mystère  de  saint  Crcpin  et  de  saint  Crépimen.  5 1 5 

Il  les  fait  venir  pour  apprendre  d'eux 

s'ils  lui  obéiraient  et  quitteraient  leur  dieu. 

Il  leur  promet  les  plus  hautes  charges, 

même  de  les  recevoir  dans  le  palais  comme  premiers  dignitaires. 

Marche 

Il  leur  promet  encore  des  dignités, 

s'ils  voulaient  adorer  ses  dieux  avec  lui  ; 

il  les  aimerait  toujours  comme  ses  enfants, 

il  leur  donnerait  des  villes  à  gouverner,  et  la  liberté. 

Marche 

Eux,  en  soldats  de  Jésus  notre  Sauveur, 

lui  répondirent  avec  de  hères  paroles 

qu'ils  aimeraient  mieux  mourir  avec  toute  sorte  de  tourments 

que  de  se  laisser  abuser  par  les  grandeurs  de  ce  monde. 

Marche 

Crépin  répond  encore  au  cruel  empereur 

qu'il  aimerait  mieux  souflfrir  le  martyre  et  mourir 

que  de  quitter  Jésus,  notre  Sauveur  béni, 

fils  du  Dieu  éternel,  deuxième   personne  de  la  Trinité. 

Marche 

Alors,  l'empereur,  comme  un  chien  enragé, 
entra  dans  une  colère  qui  était  très  cruelle, 
tellement  qu'il  dit  alors,  même  sans  s'arrêter, 
qu'ils  seraient  punis  sans  aucune  exception. 

Marche 

L'arrêt  contre  les  ciirétiens  était  si  cruel 
que  plus  de  cent  mille  iionmies  furent  mis  à  mort 
par  de  cruels  tourments  dans  la  ville  de  Rome. 
Je  vous  laisse  à  penser  quelle  désolation. 

Marche 

Mais  le  Dieu  Eternel  a  préservé 

ces  sept  chevaliers  de  leurs  ennemis, 

si  bien  qu'ils  se  mirent  à  genoux  pour  prier, 

inspirés  par  Dieu  de  clvoisir  chacun  son  canton. 

Marche 

La  douleur  qu'avaient  ces  sept  hommes  était  grande, 
d'être  obligés  de  se  séparer, 


î  l6  Victor  Tourneur. 

ma  corneront  congé     an  eil  eus  eguile, 
ous  en-em  ambrassin     dre  eur  guir  amittie. 

Marche 

fo  2  v°   loo     Sant  Crepin  ag  e  vreur     a  gomer  hent  Soixon  i  ; 
|ar]  pemp     ail  a  gomer     vue  pcp  a  ganton 
|da]   buplian  ar  fe,     preseq  an  auiel, 
(eulel     ma  presegas     goessal  an  ebestel. 

Marche 

An  seis  sant  man  a  voa     ganet  er  guer  a  Rom, 
10)      |e]   renqjont  e  chouittat     a  choas  pep  a  ganton; 
[S]ant  Crepin  ag  e  vreur,     ynspiret  gant  Doue, 
[a]  disquenas  en  Franc,     goles^  a  voa  neuse. 

Marche 

Un  hent  bras  a  regeont  mes  pa  voeljont  Soixon  ■ 
le]   hejont  dan  daoulin     da  ober  oreson 
iio     jejuit  goul  assistans     ag  ar  chras  ous  Doue 
da  veuan  en-e  chras     ag  en-e  garante. 

Marche 

|D]re  Providans  divin     vnspiret  oent  neuse 
|da]  gomer  an  état,     ar  vicher  a  guère, 
|a]  dre  ma  telchent  stal  er  guer  mes  a  Soixon, 
115      [njombr  a  de  do  chafet     dimes  a  bep  canton. 

Marche 

(Anlfin,  compaignones,     prouidans  vn  Doue 

a  so  bras en  douar  ag  en  eft"; 

|monet]  a  ra  ar  bobl  mes  ar  vro  tro  voar  sro 
Ida]  gat  an  daou  sant  man     euit  prenan  boto. 

Marche 

fo  3    120     Neuse  an  daou  sant  man,  audittoret  christen, 
a  instrue  ar  bobl     ebars  en  guir  iesen  ; 
quer  couls  o  doctrinent     da  anauout  ar  fe, 
ma  tent  da  ananout     Iesen  ar  guir  Doue. 

Marche 

Chettu  disclervet  dach.     compaignones,  breman, 
125     ar  resit  pen  da  hen     dimes  on  act  quentan  ; 


I .  L'autre  version  du  Mystère  de  saint  Crepin  et  de  saint  Crcpinien  appelle 
Soissons  tantôt  Sosson  (fo  25),  tantôt  Soison  (fo  a)  v"). 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  3 17 

si  bien  qu'ils  prirent  congé  l'un  de  l'autre, 
en  s'embrassant  par  vraie  amitié. 

Marche 

Saint  Crépin  et  son  frère  prennent  le  chemin  de  Soissons  ; 
les  cinq  autres  prennent  aussi  chacun  leur  canton, 
pour  publier  la  foi,  prêcher  l'évangile, 
comme  prêchèrent  autrefois  les  apôtres. 

Marche 

Ces  sept  saints-ci  étaient  nés  dans  la  ville  de  Rome, 
ils  durent  la  quitter  et  choisir  chacun  son  canton. 
Saint  Crépin  et  son  frère,  inspirés  par  Dieu, 
descendirent  en  France,  qui  était  alors  gauloise. 

Alarcbe 

Ils  firent  un  long  chemin  jusqu'à  ce  qu'ils  vissent  Soissons  ; 

ils  se  mirent  à  genoux  pour  prier, 

pour  demander  à  Dieu  assistance  et  la  grâce 

de  vivre  dans  sa  grâce  et  son  amitié. 

Marche 

Ils  furent  alors  inspirés  par  la  divine  Providence 

de  prendre  l'état,  le  métier  de  cordonnier. 

Et  comme  ils  tenaient  boutique  dans  la  ville  de  Soissons, 

nombre  de  gens  venaient  les  trouver  de  chaque  canton. 

Marche 

Enfin,  compagnie,  la  providence  de  Dieu 

est  grande  .   .  .  sur  la  terre  et  dans  le  ciel  : 

le  peuple  vient  du  pays  des  alentours 

trouver  ces  deux  saints  pour  acheter  des  souliers. 

Marche 

Alors  CCS  deux  saints,  auditeurs  chrétiens, 

instruisaient  le  peuple  dans  la  vraie  religion. 

Ils  lui  apprenaient  aussi  à  connaître  la  foi, 

pour  qu'il  vint  à  connaître  la  religion  du  vrai  Dieu. 

Marche 

\'oici  que  vous  est  expliqué  maintenant,  compagnons, 
le  récit  de  notre  premier  acte  d'un  bout  à  l'autre. 


2.  goles,  emprunt  au  français  gaulois.  Employé  substantivement  ar  Goleset, 
les  Gaulois.  970,  978,  980,  985,  1012,  etc. 


5 1 8  l'iiioi  Toiiniciir. 

ragse,  audittoret,     m-o  suply  ag  o  pet, 
beset  oU  attantif    ma  hellet  en  chleuet. 

Marche 

Anfin,  compaignones,  m-o  pet  ag  o  suply, 
da  gat  a  charitte     da  dont  d-on  yscusy  : 
130     me  a  ya  de  nem  den,     rag  Deocletian 
a  gleuan  a  tonet,     an  ampereur  payan. 

Lempereur  dcoclclicn.   deux  pai^c.    iitaulointici .   le  piins  cordonnier,  arj^oinedy. 
Lisliitiis  entre  a  gauche. 

LEMPEREUR  parle. 

Me  eo  an  ampereur  hanuet  Deocletian, 

puissantan  roue  a  so  bars  er  bet  man  ; 

na  gredan-quet  efe,  voar  an  douar  hinv 
133     a  guement  en  defe  quer  bra.^  efrontery 

da  dont  d-en-em  vantin,  dre  eur  bresompsion 

da  vesan  egall  din,  ebars  en  nep  leson. 

Rag,  me  na  doujan  quet  ampereur,  na  rfoue], 

na  sultant  ',  na  basra  -,  na  timuttasg  '^  yuc. 
140     Q.ucment  roue  a  so     er  bet  man  en  antier, 

n-en  dint-quet  euidon4,  an  dra-se  a  so  scier: 

car  try  roue  a  meus  (en)  i  en  taer  rouanteles, 

a  so  sugedet  din,     Jaqueet  tout  espres, 

euit  ma  assistan     dre  ma  chomandamant, 
145     ag  euit  ma  suport  dan  n-eur     ma<m>>  beso-choant. 

Na  so  den  voar  ar  bet     a  quenient  a  grette 

dont  da  laret  eur  guir     enep  dam  majesté, 
fo  -  vo     Nan,  na  so  nation     n-cn  dint  y  oU  contant. 

a  prest  da  senty  tout     ous  ma  chomandamant  ; 
130     nemert  ar  gristennien     gant  o  faous  leseno. 

Arese  so  bepret     contrel  dam  doueou. 

[CJouls  goude     m- eus  laquet     cals  dar  maro  ane, 

dre  ma  choant  abuset  o  (d)-cridin  ^  d-o  doue  ; 

eis  edit  a  m-eus  groet     a  so  executtet  ; 
155     bepret  uguent  mil  den     a  so  sur  massacret 

ebars  er  quer  a  Rom,     dimes  ar  gristenien  ; 

me     rey  choas  de  mcrucl     a<Cn>«  drase  so  serten. 

1 .  Le  ms.  donne  snllanl  ou  snttanL  L7  et  le  /  se  font  de  la  même  manière  ; 
la  barre  seule  diftérencie  le  /  de  17  et  ici  elle  traverse  les  deux,  bien  qu'il  se 
puisse  qu'elle  n'appartienne  qu  au  second. 

2.  basra,  corruption  du  français  baseball  (Rabelais,  Panlagrtiel,  II,  14), 
bassa  (La  Fontaine,  Fables,  VIII,  18),  variante  de  pacba. 

3  timuttasg  ou  litnultasg.  Je  n'ai  pas  trouvé  le  sens  de  ce  mot.  Peut-être 
est-ce  une  corruption  de  Tinioiir-lcnk,  Tainerlau. 


Lf  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinicn.  3  1 9 

C'est  pourquoi,  auditeurs,  je  vous  supplie  et  vous  dcniandc 
d'être  tous  attentifs  pour  pouvoir  rcntendrc. 

Marche 

Enfin,  compagnie,  je  vous  prie  et  vous  supplie 
d'avoir  la  charité  de  nous  excuser  : 
je  vais  me  retirer,  car  voici  Dioclctien 
que  j'entends  venir,  l'empereur  païen. 

L'empereur  DiocUlieii,  Mantoniiicr,  le  prince  cordonnier,  Argoniedy, 
Lisintiis,  entrent  à  oauche. 

l'empereur  parle. 

Je  suis  l'empereur  appelé  Dioclétien, 

le  roi  le  plus  puissant  qui  soit  dans  ce  monde, 

je  ne  crois  pas  qu'il  y  ait,  sur  la  terre,  quelqu'un 

qui  ait  assez  d'effronterie 

pour  venir  se  vanter,  par  présomption, 

de  m'ètre  égal  en  quelque  manière. 

Car  moi,  je  ne  crains  empereur  ni  roi, 

ni  sultan,  ni  pacha,  ni  même... 

Tous  les  rois  de  ce  monde  tout  entier 

ne  sont  pas  capables  de  me  faire  peur,  cette  chose  est  claire, 

car  j'ai  trois  rois,  dans  trois  royaumes, 

qui  me  sont  assujettis,  placés  tout  exprés 

pour  m'assister  dans  mon  gouvernement 

et  pour  me  venir  en  aide  à  l'heure  dû  j'en  aurai  envie. 

Il  n'y  a  personne  au  monde  qui  oserait 

venir  dire  un  mot  contre  ma  majesté. 

Non,  il  n'y  a  pas  de  nations  qui  ne  soient  toutes  contentes 

et  prêtes  à  obéir  en  tout  point  à  mes  ordres  : 

si  ce  ne  sont  les  chrétiens  avec  leurs  fausses  doctrines. 

Ces  gens-là  sont  toujours  adversaires  de  mes  dieux. 

Cependant,  j'en  ;ii  mis  beaucoup  à  mort, 

parce  qu'ils  étaient  abusés  en  croyant  à  leur  dieu. 

J'ai  fait  huit  édits  qui  sont  exécutés  ; 

Il  y  a  toujours  bien  vingt  mille  hommes  qui  ont  été  sûrement  massacrés 

dans  la  ville  de  Rome  parmi  les  chrétiens  ; 

j'en  ferai  encore  mourir,  cette  chose  est  certaine. 


4.  Sur  cette  signiticatiun  de  evil,  voy.  l:m.  Ernault,  Glossaire  du  moyen 
breton,  p.  227. 

5.  Probablement  dittographie,  le  premier  en  rompt  la  mesure  et  ne  signifie 
rien. 

6.  0  (d)-cridin.  L'introduction  de  ce  (i  entre  o  et  tr/Jz»  ne  s'explique  pas. 
On  pourrait  avoir  0  s-oridin,  mais  pas  0  d-cridiit. 


5  20  Victor  Tourneur. 

Biquen  na  reposan     quen  am  bo  distruget 

dimes  ma  ampire     ar  ras  fal,  miliguet. 
i6o     Coll  a  reont  ma  fobl     gant  o  faous  leseno  : 

me  rey  de  finissan     dre  doiirmancho  garo. 

Ragse  ta,  ma  frinset,     reit  o  ch-auis  dime  ; 

petra  a  songettu     ag  a  leret  voarse? 

Rag,  mar     veont  leset     bars  er  vro-man  da  ren, 
i6s     euouluersoint  ar  bobl     dre  ma  sint  christenien. 

Ret  eo  din  absolu     ober  o  distrugean. 

Biruiquen  em  presans     christen  ne  anduran  ; 

goell  a  ue  gueny  coll     ma  ampire  romen 

euit  rein  nep  cartier     yames  dar  gristenien. 

MANTONNIER,    1"=  prillS. 

170     Pa  bermettet  dime,     ma  prins  a  ma  roue, 
Me  a  laro  breman     dirag  o  majesté. 
Pupliet  un  edit     n-o  ch-ampire  romen, 
ma  veso  massacret  partout  ar  gristennien. 
|E]uelse  martese     chuy  a  deuo  a  ben 

175     da  ober  de  cuittat     o  fe  ag  o  lesen. 

Ar-nep  na  sento  quet     ous  o  comandamant 
uo  laquet  dar  maro     dre  ar  brassan  tourmant. 

LE   PBINS    CORDONNIER 

Ampereur  redouttet     carguet  a  buissans, 
me  a  laro  brema     gant  pep  sort  assurans, 
180     pa     bermettet  dime     dont  breman  da  barlant, 
f°  4     me  laro  dirasoch     assur  ma  santimant  : 

nombr  bras  a  gristenien     a  so  bars  er  guer  ma  ; 
ma  na  ret  ar  voyen     da  dont  do  distrugean, 
e-ueso  martese     quent  euit  pen  try  bla, 
185     o  ch-ampire  gante     reduiset  da  netra. 

Ragse,  mar  em  chredet,     groet  o  tiampicho  ' 
euit  0  distrugean,     d-o  laquât  dar  maro. 
Neuse,  veset  en  peuch     ag  en  patiantet 
dimes  ar  choste-se     pa  voint  2  distruget. 

ARGOMEDY,    3'=  priHS. 

190     Ouspen  e-leront  choas     an  cill  da  eguile, 
|e)  soufroint  ar  maro     quent  cuittat  o  doue, 
penos,  ma  ympalaer,     perag  o  ch-cus  morchci? 
ag  o  ch-oll  edigeo  dreoll  executcct(e), 


1 .   Cl.  (il a III pu  bail,  le  plus  vile  |H)s.siblc,  cl.  Kmault.  (ilo.s.sdiic  moyen  bidon, 
p.   160. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  321 

Jamais  je  n'aurai  de  repos  avant  d'avoir  exterminé 

de  mon  empire  cette  race  mauvaise,  maudite. 

Ils  perdent  mon  peuple  avec  leurs  fausses  doctrines  ; 

je  les  ferai  périr  par  des  tourments  cruels. 

C'est  pourquoi,  mes  princes,  donnez-moi  votre  avis. 

Qu'en  pensez-vous  et  qu'en  dites-vous  ? 

Car,  si  on  les  laisse  vivre  dans  ce  pays, 

ils  bouleverseront  le  peuple  parce  qu'ils  sont  chrétiens. 

Il  me  faut  absolument  les  faire  détruire. 

Jamais  je  n'endurerai  de  chrétiens  en  ma  présence. 

J'aimerais  mieux  perdre  mon  empire  romain, 

que  de  faire  jamais  aucun  quartier  aux  chrétiens. 

M.WTOXNIER,  i^'^  prince. 

Puisque  vous  me  le  permettez,  mon  prince  et  mon  roi, 
je  parlerai  maintenant  devant  votre  majesté  : 
publiez  un  édit  dans  votre  empire  romain, 
pour  que  les  chrétiens  soient  massacrés  partout. 
Comme  cela,  peut-être,  vous  viendrez  à  bout 
de  leur  faire  quitter  leur  foi  et  leur  doctrine. 
Quiconque  n'obéira  pas  à  vos  ordres 
sera  mis  à  mort  par  les  supplices  les  plus  grands. 

LE   PRINCE   CORDONNIER 

Empereur  redouté,  plein  de  puissance, 

je  dirai  maintenant  en  toute  assurance  ; 

puisque  vous  me  permettez  de  venir  maintenant  m'exprimer, 

je  dirai  devant  vous  certainement  mon  avis. 

Il  y  a  un  grand  nombre  de  chrétiens  dans  cette  ville  ; 

si  vous  ne  prenez  pas  le  moyen  de  les  détruire, 

peut-être  avant  trois  ans, 

votre  empire  sera  réduit  à  rien  par  eux. 

C'est  pourquoi,  si  vous  m'en  croyez,  faites  diligence 

pour  les  détruire,  pour  les  mettre  à  mort. 

Alors,  vous  serez  en  paix  et  en  tranquillité 

de  ce  côté,  lorsqu'ils  seront  détruits. 

ARGOMEDY,  3e  prince. 

De  plus,  ils  disent  encore  l'un  à  l'autre 
qu'ils  souffriront  la  mort  plutôt  que  de  quitter  leur  dieu. 
Comment,  mon  empereur,  pourquoi  avcz-vous  de  l'inquiétude? 
Tous  vos  édits  sont  partout  exécutés  ; 


2.  voint,  en  deux  syllabes. 


p2  Victor  Tourneur. 

a  massacret  un  nombr     dimes  ar  gristenien, 
195     a  choas  esoch  en  dont     na  deufent  da  difen  ? 
Consultet  Apollon     quer  couls  ag  a  re  ail, 
da  ober  d-e  cuittat     o  religion  fall. 


LisiNTUS,  4e  prias. 

Guir  eo  se,  ma  roue,     groct  o  ch-eus  distrugean 
nombr  bras  a  gristenien,     partout  dre  ar  vro-man. 
200     Couls  goudee  leront  daouist  do  ch-edivo 
biquen  na  cuitteont  Yesus  o  guir  otro 
en  n-enes  e  credont  a  ma  leront  a  gren, 
biruiquen  na  grcdont     ebars  en-o  lesen. 

LEMPEREUR 

Teribl  eo  goellet  se,     n-oufemp  quet  dont  a  ben 

205     da  donet  da  drcchin     voar  on  aduersouryen, 
oar  ar  gristenien  fall     méchant  a  didalue, 
eur  bagat  sorseryen     a  gret  er  faous  doue. 
Me  a  rey  un  edit     ma  voint  massacret, 
difromet  a  damo     a  tolet  dar  loenet. 

210     Mes,  ma  brassan  regret     eo  da  seis  seuailler  : 
o  puplian  an  edit     mv  a  rey  de  meruel. 
A  re-ma  so  Crepin,  e  vreur  Crepinian, 
Valaire  a  Qiiintin,     Lusian,  Rufian, 
f"  4  V"     fa]  neuse  Eugène,     ar  seuailler  vaillant. 

21  $      |a]r  seis-ma  a  garan     asur  fidelamant  : 

.\y  re-se  so  voillant  mar  boe  biscoas  er  bet  ; 
ebars  en  armeo     e  s-int  tut  redouttet. 
Drese,  me  a  gare     galout  donet  a  ben 
da  lacat  anese     da  gridin  dam  lesen. 

220     Dre  ma  s-int  tut  vaillant     generus  a  hardy 

[a]  m-eus  choant  d-o  chafet     euit  ma  seruigin  : 
mar  queront  ma  senty,     cuittat  ar  gristenes 
m-o  groev  are  quentan     da  chom  bars  em  pales 
ag  o  eleuuo  sur     ebars  en  dignitte 
mar  renonsont  d-o  fe,     d-o  lesen,  d-o  doue. 
Mes,  ma  na  reon-quet     m-o  lequey  d-ar  maro, 
[d]re  ar  brassan  suplis     ag  ar  brassan  poannio. 


22) 


LE    PREMIER    P.\GE 


Ma     monarq  souueren,  en-em  rejouiset  : 
[a]n  oraclo  memeus     a  n-eus  o  ch-assuret 
230     eman  eo  an  nauet,     an  edit  diuesan, 
[a]  gonit  a-reet     euel  a-re  quentan. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  ^2^ 

et  nombre  de  chrétiens  ont  été  massacrés, 
et  vous  êtes  encore  en  doute  s'ils  se  défendront? 
Consultez  Apollon  aussi  bien  que  les  autres 
pour  leur  faire  quitter  leur  mauvaise  religion. 

LisiNTUS,  4e  prince. 

Il  est  vrai,  mon  roi,  que  vous  avez  fait  détruire 

un  grand  nombre  de  chrétiens  partout  par  ce  pays. 

Cependant,  ils  disent  qu'en  dépit  de  vos  edits 

jamais  ils  ne  quitteront  Jésus  leur  vrai  seigneur, 

c'est  en  celui-là  qu'ils  croient,  si  bien  qu'ils  disent  hautement 

que  jamais  ils  ne  croiront  à  votre  religion. 

l'empereur 

C'est  terrible  de  voir  cela  que  nous  ne  puissions  venir  à  bout 

de  vaincre  nos  adversaires, 

les  chrétiens  mauvais,  méchants  et  pervers, 

une  bande  de  sorciers  qui  croient  en  un  faux  dieu. 

Je  vais  faire  un  édit  pour  qu'ils  soient  massacrés, 

déchirés  en  morceaux  et  jetés  aux  bêtes. 

Mais  mon  plus  grand  regret  est  pour  sept  chevaliers  : 

en  publiant  l'édit,  je  les  ferai  mourir, 

Ce  sont  :  Crépin,  son  frère  Crépinien, 

Valère  et  duentin,  Lucien  et  Rufien, 

puis  Eugène,  le  vaillant  chevalier  ; 

Ces  sept  là,  je  les  aime,  certes,  fidèlement  : 

ceux-là  sont  des  vaillants,  s'il  y  en  eut  jamais  au  monde  ; 

dans  les  armes,  ce  sont  gens  redoutés. 

C'est  pourquoi  je  voudrais  pouvoir  venir  à  bout 

de  les  amener  à  croire  à  ma  religion. 

Comme  ce  sont  des  gens  vaillants,  généreux  et  hardis, 

je  désire  les  avoir  à  mon  service. 

S'ils  veulent  m'obéir,  quitter  le  christianisme, 

je  les  ferai  les  premiers  pour  rester  dans  mon  palais, 

et  je  les  élèverai  certainement  en  dignité, 

s'ils  renoncent  à  leur  foi,  à  leur  religion,  à  leur  dieu. 

Mais,  s'ils  ne  le  font  pas,  je  les  mettrai  à  mort 

par  les  plus  grands  supplices  et  les  plus  grands  tourments. 

LE    PRE.MIER    PAGE 

Mon  roi  souverain,  réjouissez- vous. 
Les  oracles  mêmes  vous  l'ont  assuré  : 
celui-ci  est  le  neuvième,  le  dernier  édit, 
et  vous  vaincrez,  comme  pour  les  précédents. 


524 


Victoi  Tounitiir. 


LE    2°    PAGE 


Goel  oe  dach,  ma  monarq     o  diemen  ama 
[qu|ent  ma  vo  pupliet     edit  d-o  distrugea, 
a  chousout  digante     ag  y  a  obeise 
235     [o|     ch-oll  gomandamant,     a  renons  d-o  doue. 

LEMPEREUR 

[Da  gu)enta,  Lisintus,     groa  depech,  ma  mignon, 
groa  de  donet  ama,     ma  cleuin  o  reson  ; 
rag  un  hast  vras  a  meus     da  gleuet  digante 
ag  y  sento  ousy     a  cuittat  o  doue, 
240     ag  adorin  ma  re     so  meurbet  galoudus. 
Ma  groent  quementse     e  voint  evurus. 


Me  a  ya,  ma  monarq,     ag  a  rey  de  donet. 

Mar  obeissont  dach,     o  deueso  respet. 

Perag  [ne]  deuendy  pa  rer  faueur  dese 
245     [d-o  c]hoa[s  aj  vesq  an  oll     da  donet  o  pette 

[en  o  pales]  '  aman  presant  dirag  o  fas. 
fo  5     Chuy  a  dlecat  respet     ag  enor  en  pep  plas. 

IJsiiit/is  sort  a  droit,  mantonnier  parJe. 

Me  fel  dy  larat  dach,     ampereur  puissant, 

en  queit  ha  ma  medy  ar  messager  absant, 
250     Na  vet-quet  rust  oute     voar  an  dabort^  quentan, 

rag  aon  na  deufe  dach     o  laquât  da  spontan. 

Goelloch  e  caffen  dach     dre  douster  coms  oute, 

a  quentoch  martese     e  cuittaent  o  doue. 

Mar  groeont  quementse,     ma  frins,  e-ueset  cuit 
2S5     d-o  lacat  dar  maro,     na  pretaniin  '••  edit. 

LEMPEREUR 

Mar  gueront  ma  senty     euel  ma  leueret, 

m-o  groy  ar  re  guentan     en  mesq  ma  oll  prinset. 

Lisintus,  Oiiintiii,  Liisian,  Rufien,  Valaire,  Eugène,  Crepin, 
Crepinien  entre  a  droit. 

LISINTUS  parle. 

Chettu-indy  ary,     ampereur  puissant  : 
obeissct  o  deus     pront  d-o  comandamant, 

1.  Le  ms.  est  complètement  noir  et  illisible. 

2.  daboii,  emprunt  au  français  d'abord,  confondu  avec  le  substantif  a/wrf. 
On  trouve  d'autres  formations  analogues,  darcm  =  d'airain,  daccord  =  d'ac- 


Le  Mystère  de  saint  Grépin  et  de  saint  Crépinien.  p^ 


LE    2^^    PAGE 

Il  vaudrait  mieux  pour  vous,  Sire,  les  faire  venir  ici 

avant  que  soit  publié  l'édit  pour  les  détruire, 

et  d'apprendre  d'eux  s'ils  obéiront 

à  tous  vos  ordres,  et  renonceront  à  leur  dieu. 

l'empereur 

Tout  d'abord,  Lisintus,  dépêche-toi,  mon  ami, 

fais-les  venir  ici  pour  que  j'entende  leur  pensée, 

car  j'ai  grande  hâte  d'entendre  d'eux 

s'ils  m'obéiront,  quitteront  leur  dieu, 

et  adoreront  les  miens  qui  sont  très  puissants.     ' 

S'ils  le  font,  ils  seront  heureux. 


J'y  vais.  Sire,  et  les  ferai  venir. 

S'ils  vous  obéissent,  ils  seront  respectés 

Pourquoi  ne  viendraient-ils  pas  quand  on  leur  fait  la  faveur 

de  les  choisir  parmi  tous  pour  venir  vers  vous 

dans  votre  palais,  ici,  en  votre  présence. 

Vous  devez  être  respecté  et  honoré  en  tout  lieu. 

Lisintus  sort  à  droite,  m.antonnier  parle. 

Je  veux  vous  dire,  puissant  empereur, 

pendant  que  le  messager  est  absent, 

que  vous  ne  soyez  pas  rude  avec  eux  au  premier  abord, 

de  crainte  que  vous  ne  les  fassiez  s'eftVayer. 

Je  crois  qu'il  vaudrait  mieux  pour  vous  de  leur  parler  avec  douceur, 

et  peut-être  quitteraient-ils  plus  tôt  leur  dieu. 

S'ils  le  font,  mon  prince,  vous  serez  quitte 

de  les  mettre  à  mort  ou  d'apprêter  un  édit. 

l'empereur 

S'ils  veulent  m'obéir  comme  vous  dites, 

je  les  ferai  les  premiers  de  tous  mes  princes. 

Lisintus,  Quentin,  Lucien,  Rufiin,  VaUre,  Eugène,  Crépin, 
Crépinien  entrent  à  droite. 

LISINTUS  parle. 

Les  voilà  arrivés,  puissant  empereur. 
Ils  ont  promptement  obéi  à  vos  ordres, 

cord.  Voy.  Em.  Ernault,  Glossaire  moyen  breton,  p.  143. 

3.  pretantin,  dérivé  de  prêt?  A  moins  qu'il  ne  faille  lire  presau lin,  pré- 
senter, prendre  un  arrêt. 

Revue  Celtique,  XXV.  22 


5  20  Victor  Tourneur. 

260     obeisset  o  deus     hep  contestasion, 

ag  y  oll  dispose!     da  gleuet  ho  reson. 

LEMPEREUR 

Orsus  enta,  Crepin,  a  chuv  Crepinian, 
Valaire,  Eugène,  Qiiintin,  Lusian,  Rutian, 
chuy  a  so  christenien  herue  ma  m-eus  cleuet, 

265     chuy  ador  vn  doue     ha  ne  aneuean  quet. 
Breman  e-uo  ret  dach     assur  e  renonsin, 
pe  chuy  soufifro  ar  maroi.     Ragse,  sentet  ousin, 
adoret  ma  doueou,  pe  me  rey  vn  edit  ; 
vn  nombr  bras  a  varuo,     me  rey  o  lasan  miq  ; 

270     memeus,  chuy  vo  are     a  soufre  da  guentan, 
men  tou,  dre  Apolon,     dre  ar  poannio  brassan. 

QUINTIN 

Penos,  ydollat  ven     ag  yncarnel  2  yue, 
te  soiich  e  hadoromp     da  doueo  na  te? 
Goel  ve  guenimp  meruel,     andurin  cant  martir, 
275     quent  cuittat  Jésus  Christ.  Hennés  eo  on  désir. 

fo   5   v"  LUSIAN  parle. 

O  méchant  apostat,     ydolat  fantastig  î, 

perag  e  fel  dide     e  lesemp  Jésus  Christ, 

eill  ferson  an  dreindet,  mab  Doue  éternel  ? 

ous  liennes  e  sentonip.     Contant  onip  da  veruel. 


280     Me  a  so  Rufien     a  discler(y)4  dit,  méchant, 
biruiquen  na  sentan     ous  da  gomandamant. 
Me  a  so  guir  gristen,     ag  a  gar  ma  doue; 
biquen  n-en  dilesan     vit  nep  aduersitte. 


Petra  ag  e  fel  dit,     ydolat  miserabl, 
283     e  quittaemp  vn  doue     a  so  quen  adorabl? 
goel  ve  guene  meruel     en  n-ano  a  gristen 
euit  na  ve  cafet     da  ampire  romen. 


O  ympalaer  farouch,     biscoas  na  voe  goellet 
quen  ydolat  a  te,     na  da  quen  abusetS. 


1.  niaro,  lisez  marv. 

2.  yncarnel  paraît  provenir  de  la  contamination  de  incarné  et  de  charnel. 

3.  Peut-être  l'auteur  a-t-il  voulu  dire  fa)iatiqne. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  ^27 

ils  ont  obéi  sans  contestation, 

et  tous  sont  disposés  à  vous  entendre. 

l'empereur 

Or  ça  donc,  Crépin,  et  vous,  Crépinien, 

Valère,  Eugène,  Quentin,  Lucien,  Rufien, 

vous  êtes  chrétiens  d'après  ce  que  j'ai  entendu  dire, 

vous  adorez  un  dieu  que  je  ne  connais  pas. 

Maintenant,  il  vous  faudra  assurément  le  renier, 

ou  vous  souffrirez  la  mort.  C'est  pourquoi,  obéissez-moi, 

adorez  mes  dieux,  ou  je  ferai  un  édit  ; 

bien  des  gens  périront  ;  je  les  ferai  tuer  net  ; 

même  vous  serez  ceux  qui  souffriront  les  premiers, 

je  le  jure  par  Apollon,  les  plus  grands  supplices. 

QUENTIN 

Comment  I  idolâtre  vain  et  aussi  charnel, 

Tu  songes  que  nous  adorerons  tes  dieux  ou  toi  ! 

Nous  aimerions  mieux  pour  nous  mourir,  endurer  cent  martyres 

que  de  quitter  Jésus-Christ.  Voilà  notre  désir. 

LUCIEN  parle. 

O  méchant  apostat,  idolâtre  fantasque, 

pourquoi  veux-tu  que  nous,  nous  abandonnions  Jésus-Christ, 
deuxième  personne  de  la  Trinité,  fils  du  Dieu  Eternel  ? 
C'est  à  lui  que  nous  obéissons.  Nous  consentons  â  mourir 


Je  suis  Rufien,  et  t'assure,  méchant, 

que  jamais  je  n'obéirai  â  tes  ordres. 

Je  suis  un  vrai  chrétien  et  j'aime  mon  Dieu  ; 

jamais  je  ne  l'abandonnerai,  quelque  malheur  que  m'arrive. 

V.^LÈRE 

Quoi  !  veux-tu,  misérable  idolâtre, 
que  nous  quittions  un  dieu  qui  est  si  adorable  ? 
J'aimerais  mieux  mourir  sous  le  nom  de  chrétien 
que  d'avoir  ton  empire  romain. 

EUGÈNE 

O  farouche  empereur,  jamais  on  n'a  vu 
quelqu'un  de  si  idolâtre  que  toi,  ni  de  si  abusé.* 


4.  Cet  V  est  muet;  en  moyen  breton,  il  indique  que  la  consonne  précé- 
dente est  mouillée.  Voy.  Em.  Ernault,  Revue  Celtique,  XI  (uSgo),  p.  381. 

5.  Tournure  archaïque.  Voy.  Em.  Ernault,  Glossaire  moyen  breton,  p.  536. 


528  Victor  Tourneur. 

290     Ma  Doue,  ma  clirouer     3'ames  n-o  tilesan 
euit  quement  tourmant     a  enfes  da  forvan. 

CREPIN 

Me  sô  eur  seruiger  da  Jésus,  ma  Doue, 
ag  a  désir  meruel     euit  e  garante. 
Meurbet  on  estonet     gant  âr  leopart  man  : 

295     on  deuorin  a  rey     mar  heuillomp  anesan. 
Da  doueo  a  te     a  yello  da  néant  ; 
a  nin,  gant  on  saluer,     a  veso  trionfant, 
[ejbars  er  barados,     e  lech  selestiel, 
[n]in  ueso-evurus     p-on  lequy  da  veruel. 

300     [A]  goude  quementse     Constantin  ar  vaillant 
deuv  da  ranuersin     da  ydolo  méchant, 
[aj  discar  da  demplo     yust  betteq  an  douar. 
Biruiquen  anese     nas  peso  nep  memoir  '  ; 
[e-ues]o  2  yliso     en  gloar  ar  guir  Doue, 

305     [a  voar]  da  ydolo     e-uo  plantet  ar  fe. 

CREPINIAN 

fo  6     Sa,  sa,  ma  breudeur  quer,     ne  n-em  estoni-quet 
euit  nep  promesse     na  tourmant  quen  neubeut. 
AUon,  ma  breudeur  quer,     besomp  oll  courajus 
d-andurin  ar  maro     dindan  bannier  Jésus. 

310     Scuillomp  yoaus  on  goat,     Jésus  on  goaranto, 
ag  on  groey  trionfant     en  pales  an  nefto. 

LEMPEREUR 

O  cleuet  a  ni-eus  oll  ;  meu[r]bet  och  auurtet  5. 

True  a  m-eus  ousoch     dn  ma  s-och  obstinet. 

Mar  cargeach  ma  chridv,     cliom  guene  er  pales 
31s     ni-o  croage  ar  chentan     ves  ma  rouanteles  ; 

me  roye  dech  pouer     ag  ous  pen  liberté  ; 

ar  prouinso  caeran     a  so  em  ampire  ; 

ma  estonin  a-ret     o  coms  ves  o  toue, 

pa  n-en  dileset4  cren     ag  adorin  ma  re. 
320     No  ch-eus  nemert  vnan,     me  m-eus  cals  anese, 

avurtet  o  cafan     pa  na  gredet  enne. 

Q.UINTIN- 

Penos,  o  ydolat  vmpv  ag  )'mpudant, 
e-fel  dit  on  deseo     dre  gomso  frodulant  s  ! 


I.  Littéralement:  jamais  d'eux  tu  n'auras  aucun  souvenir.  On  peut  se 
demander  si  nas  peao  n'a  pas  remplace  na  veso  qui  a  le  même  sens  mais  peut 
aussi  signifier  :  il  n'v  aura  (il  ne  restera)  aucun  souvenir,  ce  qui  vaudrait 
mieux. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  329 

Mon  Dieu,  mon  créateur,  jamais  je  ne  vous  abandonnerai 
pour  quelque  tourmant  que  tu  puisses  forger. 

CRÉPIN 

Je  suis  un  serviteur  de  Jésus,  mon  Dieu, 

et  désire  mourir  pour  l'amour  de  lui. 

Je  suis  bien  étonné  par  ce  léopard  : 

il  nous  dévorera  si  nous  le  suivons. 

Tes  dieux  et  toi,  vous  irez  à  rien, 

et  nous,  avec  notre  sauveur,  nous  serons  triomphants, 

dans  le  paradis,  dans  l'endroit  céleste, 

nous  serons  heureux  quand  tu  nous  feras  mourir. 

Et  après  cela,  le  vaillant  Constantin 

viendra  renverser  tes  méchantes  idoles, 

et  abattre  tes  temples  au  ras  du  sol. 

Jamais  ceux-là  n'auront  de  souvenir; 

les  églises  seront  dans  la  gloire  du  vrai  Dieu, 

et  sur  tes  idoles,  la  foi  sera  plantée  ! 

CRÉPINIEN 

Çà,  çà,  mes  chers  frères,  ne  vous  émouvez 
pour  aucune  promesse  ni  aucun  tourment. 
Allons,  mes  chers  frères,  soyons  tous  courageux, 
pour  endurer  la  mort  sous  la  bannière  de  Jésus. 
Versons  gaiement  notre  sang,  Jésus  nous  protégera 
et  nous  fera  triompher  dans  le  palais  des  cieux. 

l'empereur 
Je  vous  ai  entendus  tous  ;  vous  êtes  bien  opiniâtres. 
J'ai  pitié  de  vous,  parce  que  vous  êtes  obstinés. 
Si  vous  vouliez  m'en  croire,  rester  avec  moi  dans  le  palais, 
je  vous  créerais  les  premiers  de  mon  royaume  ; 
je  vous  donnerais  pouvoir  et  aussi  liberté, 
les  plus  belles  provinces  qui  sont  dans  mon  empire. 
Vous  m'étonnez  en  parlant  de  votre  dieu, 

que  vous  ne  l'abandonniez  pas  franchement  pour  adorer  les  miens. 
Vous  n'en  avez  qu'un,  j"en  ai  beaucoup, 
Je  vous  trouve  obstinés  de  n'y  pas  croire. 

Q.UENTIN 

Comment,  idolâtre  impie  et  impudent, 

tu  veux  nous  tromper  par  des  paroles  perfides  ! 

2.  ou  bien  [hen  Sii2']o  il  fConstantin)  élèvera  des  églises. 

3.  aiiurtet  ::=■  ahiirtet,  obstiné,  emprunt  au  v.  fr.  abeiirtc. 

4.  Mss.  diselet. 

5.  jrodulant,  du  lâùn  fraiidiilcnius. 


3  50  Victor  Tourneur. 

ny  ador  vn  doue  en  deus  crouet  ar  bet 
325     ny  en  char  a  viscoas,     ag  en  charo  bepret. 
Da  oll  bromeseo  na  da  oU  vannitte 
n-on  surmonte  yames  :     na  reomp  fors  ane. 
arese  (a)berjso     cret  dy  hep  laquât  mar 
pa  deuo  Jesus-Christ     da  varn  ar  gênerai  ' . 

LEMPEREUR 

330     Enem  den     a  les-e  !     va     ha  na  dart  pas: 

Quitta  cren     a  les-e  !  a  tech  dimes  m<;a>>  fas  ! 

Techet  ves  ma  fales  buana  ma  hcllet  ! 

Pe,  me  rey  o  serin     enn-eur  plas  assuret. 

Ne  allquet  ma  spered     o  ch-andurin  pelloch  ; 
335     Me  a  va  da  ober     preparin  a  hanoch. 

Seuiic  2  par  chacun  haut.  Deocletian  a  gaiicJ}e.  et  les  saint  a  droit.  Dcocictian, 
Le  priiis  cordonnier,  Argoniedy,  greffier  entr  a  gaucli. 

LEMPEREUR  parle. 

fo  6  vo     Penos  a  posibl  ve     na  deufen  quet  a  ben 

dimes  a  seis  méchant     ag  a  so  christennien  î  ? 
Chuy,  breman,  Jupitter,     tat  an  oll  doueo 
oar  ben  ar  gristenien     distrinquet  o  ttardo  4  ! 

340     Diguenach  e  talchan     ma  seruigeo  fidel  î  ; 
me  a  ya  da  ober     vn  edit  so  cruel. 
Sa,  enta,  ma  speret,     yntant  6  din  ar  voyen 
ag  <ar>  brassan  suplis     enep  ar  gristenien. 
Er  spas  a  bemseg  de     n-o  defo  quen  amser 

54)     ma  voint  massacret     gênerai  ag  antier  ; 

me  rey  scuillan  o  goat     voar  ma  faue  en  Rom, 
ma  vin  maist  absolu     pan-d-on  enny  o  chom. 
A  re  a  achapo     ma  vo  toret  o  fen, 
dispennet  euel  cheas,     dre  ma  s-eint  christennien 

350     ma  vesoint  exempl     da  guement  o  goello. 

Me  gret  en  defo  (e)r7  cheas  8     cals  a  drue  outo. 

Neuse,  me  a  voello     ag  y  vo  sicouret 

gant  an  doue''  ma  credont     dre  ma  s-int  abuset. 

1.  da  varn  ar  gênerai  peut  être  corrompu  de  de  ar  varn  gênerai,  au  jour 
du  jugement  dernier. 

2.  La  scène  est  une  subdivision  de  l'acte  ou  de  la  journée.  Voy.,  sur  la 
signification  qu'a  parfois  ce  mot  dans  le  théâtre  breton,  F.  M.  Luzel,  Une 
représentation  de  sainte  Trxphine,  Rev.  Celt.,  III  (1876-78),  p.  391. 

3.  Ms.  crhistennien. 

4.  emprunt  au  français  dard. 

5.  Vers  obscur.  Seruicc,  seruich,  en  moyen  breton  désigne  parfois  le  ser- 
vice divin.  Vov.  Em.  Ernault,  Glossaire  moyen  breton,  p.  624.  Il  faut  proba- 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  ]]i 

Nous  adorons  un  Dieu  qui  a  créé  le  monde, 

Nous  l'aimons  de  tout  temps  et  l'aimerons  toujours. 

Toutes  tes  promesses  et  toutes  tes  vanités 

ne  nous  vaincront  jamais.  Nous  n'en  faisons  pas  de  cas. 

Celles-là  périront,  crois-moi  sans  élever  de  doute, 

lorsque  Jésus-Christ  viendra  pour  juger  tout  le  monde. 

l'empereur 

Retire-toi  d'ici  !  oui,  et  ne  tarde  pas. 

Sors  vite  d'ici  et  fuis  ma  présence. 

Fuyez  mon  palais  le  plus  vite  que  vous  pourrez 

ou  je  vous  ferai  enfermer  en  lieu  sûr. 

Mon  esprit  ne  peut  vous  endurer  plus  longtemps. 

Je  vais  vous  faire  arranger  ! 

Scène  de  chaque  coté.  Dioclétien  à  gauche  et  les  saints  à  droite.  DiocUlien, 
Le  prince  cordonnier,  Argomedy,  greffier  entrent  à  gauche. 

l'empereur  parle. 

Comment  serait-il  possible  que  je  ne  vienne  pas  à  bout 

de  sept  méchants  qui  sont  des  chrétiens? 

Vous,  maintenant,  Jupiter,  père  de  tous  les  dieux. 

Lancez  vos  traits  sur  la  tête  des  chrétiens. 

C'est  de  vous  que  je  tiens  mes  fidèles  services  ; 

Je  vais  rendre  un  édit  qui  est  cruel. 

Or  ça,  mon  esprit,  suggère-moi  le  moyen  (d'être  cruel) 

et  les  plus  grands  supplices  contre  les  chrétiens. 

Dans  l'espace  de  quinze  jours  ils  n'auront  pas  d'autre  délai 

pour  qu'ils  soient  complètement  massacrés  ; 

Je  ferai  ruisseler  leur  sang  sur  mon  pavé,  à  Rome, 

pour  être  maître  absolu,  puisque  j'y  demeure. 

Ceux  qui  échapperont,  que  leur  tête  soit  brisée, 

qu'ils  soient  mis  en  pièces  comme  des  chiens,  parce  qu'ils  sont  cliréticns, 

pour  qu'ils  servent  d'exemple  à  quiconque  les  verra. 

Je  crois  que  les  chiens  en  auront  beaucoup  de  pitié. 

Alors,  je  verrai  s'ils  seront  secourus 

par  le  dieu  auquel  ils  croient,  parce  qu'ils  sont  trompés. 


blement  paraphraser  cette  phrase  :  c'est  de  vous  que  je  tiens  le  culte  que  je 
vous  rends  fidèlement. 

6.  yntanl,  emprunt  au  latin  intendo} 

7.  er,  notation  pour  ar  très  affaibli  et  réduit  à  r  par  nécessité  métrique. 

8.  cheas,  forme  intéressante.  L'e  empêche  la  prononciation  ch'as.  Le  moyen 
breton  employait  parfois  /  à  cet  effet.  Voy.  Rm.  Ernault,  Glossaire  du  moyen 
breton,  p.  505,  s.  v.  guilchat. 

9.  Une  seule  svllabe.  Synérèse  très  rare  dans  ce  dialecte. 


3  5  2  Victor  Tourner. 


LE  PRINS  CORDONNIER 


Penos,  ma  ympalaer,     chuy  a  so  puissant, 
3  55     andurin  quement  man     breman  gant  tut  vechant  ? 
Obstinet  vnt  meurbet,     teribl  ynt  efFrontet. 
Pupliet  vn  edit     ma  voint  massacret. 


LEMPEREUR 

M-o  pet  breman,  greffier     da  scriuuan  an  aret 
enep  ar  gristenien,     ma  veso  pupliet 
560     partout  dre  ar  guer-man     a  dre  ma  ampire, 
euit  ne  ailo  den     ygnory  quement-se. 

LE    GREFFIER 

Ma  frins  a  ma  monarq,  ympalaer  puissant, 
bepret  on  somettet     do  ch-oll  gocnandamant, 
a  Igant  rjeson  bepret     guenach  en  o  pales, 
365     herue  o  .tisiryo     me  a     scriuo  espres. 

(Che]ttu-indy  scriuet     a  laquet  oar  baper. 
[Le]quet  o  fuplian  euel  m-o  ch-eus  pouer. 

fo    7  LEMPEREUR 

Cleuet  enta,  greffier,     chuv  renquo  mont  breman 
da  choas  din  vn  herot     euit  e  puplian. 

370     Ma  veso  pupliet     dre  oU  em     ampire. 

Souet  vo  ar  gristenien     pa  gleuoint  quement  se. 
Biscoas  ne  voe  edit  neb-lech  voar  ar  bet  man 
enep  ar  gristenien  quer  cruel  a  heman. 
Sa,  breman  vn  neubeut     reposomp  ma  frinset 

375     da  chortos  vn  yssu     ves  er  ras  obstinet. 

Senne  a  gauch. 

LE  GREFFIER  entre  a  gauche  et  ditte 

Me  a  so  deputlet     gant  Deocletian 
euit  choas  vn  herot     da  buplian  breman. 
Sanglant  eo  an  edit     va  cruel  meurbet  ; 
pen  chleuo  ar  christen     e-ucso  cstonet. 
380     Ragse  me  ya  breman     bars  en  quer  tout  espres 
euit  choas  vn  herot     da  vonet  voar  ar  mes. 

An  démon  entre  a  droit,  le  greffier  continue: 

Mes,  me  oel  an  dcmon     ary  euel  dre  chans, 
a  rey  ar  veach-se  gant  pep  sort  diligeans. 
An  démon  !  ma  mignon,     me  a  so  deputet 
385     abeurs  an  ampcreur     da  donet  do  cafet 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  ?  5  5 


LE  PRINCE  CORDONNIER 


Comment,  mon  empereur,  vous  qui  êtes  puissant, 
endurer  cela  maintenant  de  méchantes  gens  ? 
Ils  sont  très  obstinés,  ils  sont  extrêmement  eflFrontés, 
publiez  un  édit  pour  qu'ils  soient  massacrés. 


L  EMPEREUR 

Je  vous  prie,  maintenant,  greffier,  d'écrire  l'arrêt 
contre  les  chrétiens,  pour  être  publié 
partout  dans  cette  ville  et  dans  mon  empire, 
afin  que  personne  ne  puisse  l'ignorer. 

LE    GREFFIER 

Mon  prince  et  mon  roi,  puissant  empereur, 

toujours  je  suis  soumis  à  tous  vos  ordres, 

et,  comme  de  raison,  toujours  dans  votre  palais, 

suivant  vos  désirs,  j'écrirai  rapidement. 

Voilà  que  les  édits  sont  écrits  et  mis  sur  papier. 

Faites-les  publier  comme  vous  en  avez  le  pouvoir. 

l'empereur 

Écoutez  donc,  greffier,  il  faut  que  vous  alliez  maintenant 

me  choisir  un  héraut  pour  le  publier. 

Qu'il  le  soit  partout  dans  mon  empire. 

Les  chrétiens  seront  saisis  quand  ils  l'entendront. 

Jamais  nulle  part  en  ce  monde  il  n'y  eut  édit 

contre  les  chrétiens  si  cruel  que  celui-ci. 

Ça,  mes  princes,  reposons-nous  un  peu  maintenant, 

pour  attendre  la  fin  de  cette  race  obstinée. 

Scène  à  gauche. 

LE  greffier  entre  à  gauche  et  dit  : 

Je  suis  député  par  Dioclétien 

pour  choisir  un  héraut  pour  faire  une  publication  maintenue. 

L'édit  est  sanglant,  oui,  très  cruel  ; 

lorsque  le  chrétien  l'entendra,  il  sera  étonné. 

C'est  pourquoi  je  vais  maintenant  expressément  en  ville 

pour  choisir  un  héraut  pour  aller  par  la  campagne. 

Le  démon  entre  à  droite,  le  greffier  continue. 

Mais,  je  vois  arriver  comme  par  hasard  le  démon 
qui  fera  ce  voyage  en  toute  diligeance. 
Démon,  mon  ami,  je  suis  envoyé 
par  l'empereur,  pour  venir  vous  trouver 


5  34  Victor  Tourneur. 

da  rein  dach  vn  aret     enep  ar  gristenien 

d-en  puplian  dre  oll     en  ampire  romen. 

Ragse,  groet  diligeans,     an  termen  a  so  ber  : 

n-o  ch-eus  quet  dauantach     pemseg  derues  amser. 

AN    DEMON 

390     Credet  en  assurans,     Ar  greffier  ',  ma  mignon 
esan  da  bartian     bars  em  chomission. 
Me  ya  da  preparin     ma  march  presantamant  : 
n-en  deus  quet  voar  ar  bet     vn  ail  quer  diligeant. 

Senne. 

An  démon  a  droit  ;  Argoinedx  a  gauche,  an  démon  entre  et  ditte  : 

fo  7  yo     Me  a  so  un  herot     a  m-cus  comandamant 
595     da  puplian  vn  aret     dar  gristenien  méchant. 
Me  a  so  deputtet     entre  an  oll  prinset. 
Ma  charet  a  ra  sur,     a  din  e  toug  respet. 

Marcljc 

Ragse,  ma  march  Galis,     di;lchettu  mat  d-o  chern  2  ; 
posteall  5  a  renquet     breman  dre  an  dachen. 
400     Chettu  4  aman  an  aret     euel  ma  so  dittet. 
Me  va  da  puplian     pan  d-co  din  ordrenent. 

Marche 

Er  spas  a  bemseg  de     amser  —  nen  deuucus  quen  — 
ma  veso  massacret     quement  a  so  christen, 
a  scuillo  G  goat  S     voar  ar  paue  en  Rom, 
403     ma  uo  eur  voes  otro     pa  man  enny  o  chom. 

Marche 

A  re  a  achapso,     a  vo  toret  o  fen, 
dispennet  a  damo     dre  ma  s-eint  christenien, 
ma  choello  ma  monarq     ag  y  vo  sicouret 
gant  an  doue  ma  crcdont  pan  ynt  quen  abuset. 

Marche 

410     Rag  se,  ncp  a  n-eus  choant  da  gafet  e  vue 
a  renquo  dilesel     a  rcnons     d-c  doue. 

1.  Le  ms.  porte  ar  goniede,  ce  qui  donne  une  syllabe  de  trop  au  vers. 
Il  faut  remplacer  le  nom  du  personnage  par  celui  de  sa  fonction  pour  rétablir 
la  mesure. 

2.  cheru.  On  attendrait  cern  (kern),  plur.  de  coni  avec  sens  de  carnoii. 
Cf.  Em.  Ernault,  Glossaire  iiioxen  breton,  p    97. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  5  5  5 

pour  vous  donner  un  arrêt  contre  les  chrétiens 
à  publier  partout  dans  l'empire  romain. 
C'est  pourquoi,  dépéchez  vous,  le  délai  est  court, 
vous  n'avez  pas  plus  de  quinze  journées  de  temps. 

LE  DÉMON 

Croyez  bien,  greffier,  mon  ami, 

que  je  vais  partir  pour  ma  mission. 

Je  vais  préparer  mon  cheval  à  l'instant. 

Il  n'y  en  a  pas  au  monde  un  autre  aussi  rapide. 

Sùiie. 

Le  démon  à  droite,  Arcromedx  à  gauche,  le  démon  entre  et  dit: 

Je  suis  un  héraut  qui  ai  l'ordre 

de  publier  un  arrêt  contre  les  méchants  chrétiens. 

Je  suis  député  entre  tous  les  princes. 

Il  m'aime  certainement  et  me  respecte. 

Marche 

C'est  pourquoi,  mon  cheval  Galis,  tenez  bien  sur  vos  sabots; 
il  vous  faudra  courir  la  poste  maintenant  sur  le  terrain. 
Voici  l'arrêt  comme  il  m'a  été  dicté. 
Je  vais  faire  la  publication,  puisque  ce  m'est  ordonné. 

Marche 

Dans  l'espace  de  quinze  jours,  —  il  n'y  a  pas  d'autre  délai  — 
pour  que  soient  massacrés  tous  ceux  qui  sont  chrétiens, 
ils  verseront  leur  sang  sur  le  pavé,  à  Rome, 
pour  qu'il  soit  une  fois  le  maître,  puisqu'il  y  demeure. 

Marche 

Ceux  qui  échapperont,  leur  tête  sera  brisée, 

(ils  seront)  coupés  en  morceaux,  parce  qu'ils  sont  chrétiens 

pour  que  mon  roi  voie  s'ils  seront  secourus 

par  le  dieu  auquel  ils  croient,  puisqu'ils  .sont  si  trompés. 

Marche 

C'est  pourquoi,  celui  qui  désire  conserver  sa  vie 
devra  abandonner  son  dieu  et  y  renoncer. 


5.   Posleall,  cf.  van.  postal,  postein,  courir,  aller  en  toute  lune,  s'élancer  au 
galop,  faire  courir  un  cheval. 
4.  chettii  aman,  synérèse. 
).  diérèse  rare  en  trégorrois. 


3  3 6  Victor  Tourneur. 

Chettu  aman  '  an  aret     enep  ar  gristenien  ; 

pa  m-eus  groet  ma  deuer,     me  a  va  d-en-em  den. 

Senne  a  gauche. 
Le  Bourgeois  et  sa  femme  et  son  enfant  entre  a  droit. 

LE  BOURGEOIS  parle  : 

Pa  deuan  da  grompren     crueldet  an  tirant, 

415     nen  deus  quet  a  vrasoch     dindant  2  ar  hrmamant 
euit  an  ampereur     hanuet  Diocletien, 
a  laqua  massacrin     partout  ar  gristenien. 
Vn  edit  en  deus  groet     enep  ar  gristenien, 
[d]a  lacat  dar  marc     mu  euit  cant  mil  den. 

4?.o     Breman  so  vn  edit     a  so  cruell  meurbet. 
Quement  christen  a  so     a  veso  massacret. 
Quement  na  gredon  quet     da  e  ?  faous  doueo 
a  renquo  sur  meruel     ag  andurin  poannio. 
Nin,  ma  friet,  yue     so  on  daou  christenien 
{°  8'  425     Nin  gret  dar  guir  doue     ag  a  rey  pinigen. 

O  cleuet  quementse  on  n-eus  cuittet  an  oll, 
a  ma  s-omp  dre  ar  vro  breman  euel  tut  foll. 
Pa  na  gredomp  antren  breman  en-e  gueryo, 
demp  d-en-em  refugin     en  mesq  ar  forestyo, 

450     en  mesq  ar  leonet  4  goe     eneur  garet  Doue 
da  rentan  melody     a  gloar  d-e  vajeste. 
A  pa  dlefen  meruel,     m-o  ch-assur,  biruiquen, 
biruiquen  na  gollan     an  n-ano  a  gristen. 
Mes,  breman,  ma  friet,     m-o  pet,  leueret  dv 

435     pan  d-omp  on  daou  en  poan     ag  yue  en  annouy, 
a  chuy  a  so  contant     da  derchel  mat  dime, 
pe  chuy  retorn  en  quer     voar  o  quis  adare  ? 

LA    BOURGEOISE 

Estonet  on  en  bras     serten  ous  o  cleuet  : 
cuit  oll  vat  ar  bet     me  n-o  cuitteint^  quet  ; 

440     monet  a  rin  guenach,     me  a  ma  ynosant 
euel  eur  guir  briet  a  uo  obeysant. 
Me  a  die  o  caret     bepret  dreist  pep  hiny, 
m(o]net  gueneech  dreoll     en  lech  ma  leret  dy. 
Mes,  regret  bras  a  m-eus     cuittat  ar  guer  a  Rom, 

445     dilescl  tat  a  mam,     a  min^     yny  o  chom  : 


1.  chettu  aman,  synérèse. 

2.  dindanl  pour  diiidan  ;  inversement  v.  422,  gicdoii  pour  gredont.  Dindant 
est  inusité. 

X.  da  e.  On  a  ordinairement  de. 


Le  Mystère  Je  saint  Crépin  et  Je  saint  Crépinien.  ^57 

Voilà  l'arrêt  contre  les  chrétiens. 

Puisque  j'ai  fait  mon  devoir,  je  m'en  vais  m'en  aller. 

Scém  à  gauche. 
Le  Bourgeois  et  sa  femme  et  son  enfant  entrent  à  droite. 

LE  BOURGEOIS  parle. 

Quand  je  réfléchis  à  la  cruauté  du  bourreau, 

il  n'y  en  a  pas  de  plus  grand  sous  le  firmament 

que  l'empereur  nommé  Dioclétien 

qui  fait  massacrer  partout  les  chrétiens  ; 

il  a  fait  un  édit  contre  les  chrétiens, 

pour  faire  mettre  à  mort  plus  de  cent  mille  hommes. 

Maintenant,  voici  un  édit  qui  est  très  cruel  : 

quiconque  est  chrétien  sera  massacré  ; 

quiconque  ne  croit  pas  à  ses  faux  dieux 

devra  certainement  mourir  et  endurer  des  tourments. 

Nous  aussi,  mon  épouse,  sommes  tous  deux  des  chrétiens. 

Nous  croyons  au  vrai  dieu  et  ferons  pénitence. 

En  entendant  cela,  nous  avons  tout  quitté, 

et  nous  sommes  maintenant  par  le  pays  comme  des  fous. 

Puisque  nous  n'osons  maintenant  entrer  dans  ses  villes, 

allons  nous  réfugier  parmi  les  forêts, 

parmi  les  bêtes  sauvages,  dans  l'amour  de  Dieu 

pour  louer  et  glorifier  sa  majesté. 

Quand  je  devrais  mourir,  je  vous  l'assure,  jamais, 

jamais  je  ne  perdrai  le  nom  de  chrétien. 

Mais,  maintenant,  mon  épouse,  je  vous  en  prie,  dites-moi, 

puisque  nous  sommes  nous  deux  dans  la  peine  et  l'inquiétude, 

est-ce  que  vous  consentez  à  persévérer  avec  moi, 

ou  retournez-vous  en  ville,  sur  vos  pas  de  rechef? 

LA  BOURGEOISE 

Je  suis  fort  étonnée  certainement  de  vous  entendre  : 

pour  tout  le  bien  du  monde,  je  ne  vous  quitterai  pas. 

J'irai  avec  vous,  moi  et  mon  innocent, 

comme  une  vraie  épouse  obéissante. 

Je  dois  vous  aimer  toujours  par  dessus  tout, 

aller  avec  vous,  partout  oij  vous  me  direz. 

Mais  je  regrette  beaucoup  de  quitter  la  ville  de  Rome, 

d'abandonner  père  et  mère,  moi  qui  y  demeure. 


4.  pour  loenct,  contamination  de  ce  mot  avec  leonel,  lions.  Ce  phénomène 
se  reproduit  nombre  de  fois  dans  ce  texte. 

5.  Le  ^  final  est  arbitraire. 

6.  min,  forme  trégorroise  de  inen,  je?  Peut-être  faut-il  corriger  en  nin. 


5  j8  Victor  Tourneur. 

ha  ny  ganet  en  Rom,  e  rencomp  mont  en  n-ent, 
a  Icsel  on  mado,     a  cuittat  on  cherent. 
Euit  quement  se  oll,     ne  roan  quet  a  gas, 
nin  seruigeo  bepret     Jésus  maruet  er  groas. 

LE   BOURGEOIS 

430     011  vado  ar  bet  man  a  se  treou  pereillus  '  : 
lesomp  oll  anese,     a  seruigeomp  Jésus. 
Hastemp  monet  en  n-ent,     ne  dardomp  mu}^  aman, 
rag  na  vemp  surprenet  gant  Deocletian  ; 
n-or  besomp2  quet  a  spont     dimes  ar  poannio  bras  ; 

45)     soufronip  euit  Jésus  a  so  maruet  er  groas, 

ag  e  renquemp  meruel,     soulromp  a  galon  vat, 
anduromp  pep  sort  poan     quent  besan  ydolat. 

fo  8  vo  Senne  a  droit. 

Deodetieii.  Gahrien,  Gcndcriq,  Glinseioii,  AJbieniis  entre  a  gauch. 

LEMPEREUR  parte. 

Ebien,  ma  trinset,  dime  e  leueret  5, 
ma  edit,  ar  voes  ma,     ag  en  so  pupliet? 
360     [Bre]ma  ar  christenien,     droug  a  mat  uo  gante, 
perissan  a  rencont,     lesel  ma  bro  guene. 


Assur,  ma  monarq  bras,     serten  eo  pupliet  : 
ar  gristenien  en  quer,     a  so  epouuantet. 
Dre  ar  pourchos  rer  de     e  enchapont  er  mes, 
465     certen  a  villero,     ragse  lequet  eues. 

LEMPEREUR 

Heman  an  de  quentan     ma  chonesan  voarne. 
Sonet  an  taboulin  ag  an  drompill  yue  : 
me  a  ya  d-am  pales     da  gafet  ma  frinset. 
M-o  pet,  lequet  eues     n-en-em  gafach  tromplet. 

Senne. 

Leniperenr  a  gauche;  les  autres  a  droi.  Crepin,  Crepinien,   Ouintin,  Lusian, 

Rtifien,  Vataire,  Eugène  entre  a  droit. 

CREPIN  parle. 

470     O  Doue  éternel,  chuy  n-eus  crouet  ar  bet, 

me  |a]  rent  dach  grasso     d-on  besan  preserue<Ct> 

1.  pereillus,  emprunt  au  français  périlleux  avec  le  sens  de  périssable. 

2.  n-or  besonip,   n'ayons.    Cf.    Revue   Celtique,   IX  (1888),    262-63  ;   XI 
(1890),  p.  473. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  559 

Et  nous,  nés  à  Rome,  il  nous  faut  nous  mettre  en  route, 

abandonner  nos  biens  et  quitter  nos  parents. 

De  tout  cela,  je  ne  fais  aucun  cas. 

nous  servirons  toujours  Jésus-Christ  mort  en  croix. 

LE   BOURGEOIS 

Tous  les  biens  de  ce  monde  sont  choses  caduques  : 

abandonnons-les  tous  et  servons  Jésus. 

Hâtons-nous  de  nous  mettre  en  route,  ne  lardons  pas  davantage 

de  peur  d'être  surpris  par  Dioclétien. 

N'ayons  pas  peur  des  grands  supplices  ; 

souffrons  pour  Jésus  qui  est  mort  sur  la  croix, 

quand  même  il  nous  faudrait  mourir,  souffrons  de  botî  cœur, 

endurons  toute  sorte  de  tourments  plutôt  que  d'être  des  idolâtres. 

Scètie  à  droite. 
Dioclétien,  Gabrien,  Geuderic,  Glinseron,  Albienus  entrent  à  gauche. 

l'empereur  parle. 

Eh  bien  !  mes  princes,  dites-moi, 
mon  édit,  cette  fois-ci,  est-il  publié? 
Maintenant,  les  chrétiens,  bon  gré,  mal  gré, 
doivent  périr,  m'abandonner  mon  pays. 


Assurément,  grand  monarque,  certes  il  est  publié. 
Les  chrétiens,  dans  la  ville,  sont  épouvantés. 
Par  la  chasse  qu'on  leur  fait,  ils  s'échappent  au  dehors 
certainement  par  milliers.  C'est  pourquoi  faites  attention. 

l'empereur 

Voici  le  premier  jour  que  je  triomphe  d'eux  : 

Battez  le  tambour  et  sonnez  la  trompette, 

[e  vais  dans  mon  palais  retrouver  mes  princes 

Je  vous  en  prie,  prenez  garde  de  vous  trouver  trompés. 

Scène. 

L'empereur  à  gauche  ;  les  autres  à  droite.  Crépin,  Crépinien,  Quentin,  Lucien, 

Rufien,  Falère,  Eugène  entrent  à  droite. 

CRÉPIN  parle. 

O  Dieu  éternel,  vous  qui  avez  créé  le  monde, 
je  vous  rends  grâce  de  nous  avoir  préservés 


5.  dime  e  leveret,  litt.   vous  me  direz.   Expression   rare   pour  remplacer 
l'impératif. 


540 


Victor  Tourneur. 

ous  fury  ag  arach     vn  Deocletian 
persecutteur  dar  fe     a  d-o  lesen  gristen. 
Chuy  a  eure  ma  Doue,     d-an  Ysraellittet 

47)     trauersy  ar  Mor  Ru     pa  voant  bet  poursiuet 
gant  arme  Faraon     persecutteur  d-ar  fe 
ma  oe  angloutiset     en  ag  e  oll  arme, 
chuy  a  ra  dimp  hirve,     ma  saluer  biniguet, 
ar  grasso  a  rejoch     dan  Ysraellittet, 

480     tremen  dre  ar  mor  ru     a  oat  ar  gristenien 
père  a  voa  fidel     ebars  en-o  lesen. 


Brcman,  ma  breudeur  quer,  rentonip  gras  da  Do[ue], 

prosternomp  dan  douar     dirag  e  vajeste. 

A  gênons  Crépi  11  ieii  continue 

Pa  neus  on  deliuret     dimes  ar  perill  man, 
48)     [bras]  eo  sur  ar  grasso     on  deus  bet  digantan. 
fo  9     [o]  Majesté  diuin,     pliguet  guenach  bepret 

sicour  ar  gristenien.  N-o  anbandonnet  quet. 

Delchett-int  bepret  ferm     ebars  en-o  lesen, 

an  despet  dan  arach  a  Dcocletien, 

Q.UINTIN 

490     Ma  hano  so  Quintin,     mab  hennan  Tursenon, 

[ta]t  a  galitte  vat,     ag  en  defoa  renom  ; 

[eu]it  an  ylustran     a  oa  bars  er  guer  man. 

m[es  v]it  ar  grandeuryo     na  ystiman  netra  ; 

obliget  on  da  Doue     pan  d-eo  e  garante 
493     d-am  bout  vluminet     da  anauout  ar  te. 


Me  a  so  Lusian,     ves  a  ras  Lusius, 
[badejet  gant  sant  Per,     abostol  glorius, 
ag  a  m-eus  esperans     gant  sicour  ma  Doue, 
ma  vin  illuminet     da  anauout  ar  fe  ; 
500     drese,  me  o  suply     ma  Yesus,  ma  otro, 
ma     tfe]uy  ar  bajanet  d-anauout  ahanoch. 

RUFIEN 

Me  a  so  Rufien,     so  en  em  errollet 
dindan  assaign  Yesus     ma  saluer  biniguet 
ag  a  gombatto  ferm     bette  n-cur  diuesan. 
505     Pliguet  gant  ma  Doue     dont  d-am  fortifian. 


Me  a  so  Valaire,     ag  a  désir  yue 
besan  ylluminet     ag  en  gras  gant  Doue. 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  ^41 

de  la  furie  et  de  la  rage  d'un  Dioclétien, 
persécuteur  de  la  foi  et  de  votre  religion  chrétienne. 
Vous  qui  fîtes,  mon  Dieu,  aux  Israélites 
traverser  la  mer  Rouge  quand  ils  étaient  poursuivis 
par  l'armée  de  Pharaon,  persécuteur  de  la  foi, 
si  bien  qu'il  fut  englouti  lui  et  toute  son  armée, 
vous  nous  faites  aujourd'hui,  mon  Sauveur  béni, 
les  grâces  que  vous  fîtes  aux  Israélites  : 
traverser  la  mer  rouge  du  sang  des  chrétiens 
qui  furent  fidèles  à  votre  religion. 

CRÉPINIEN 

Maintenant,  mes  chers  frères,  rendons  grâce  à  Dieu, 
prosternons-nous  à  terre  devant  sa  majesté. 

A  genoux,  Crépinien  continue. 
Puisqu'il  nous  a  délivrés  de  ce  péril, 

grandes,  assurément,  sont  les  grâces  que  nous  avons  reçues  de  lui. 
O  Majesté  divine,  qu'il  vous  plaise  toujours 
de  secourir  les  chrétiens.  Ne  les  abandonnez  pas. 
Gardez-les  toujours  fermes  dans  votre  doctrine, 
en  dépit  de  la  rage  de  Dioclétien. 

QUENTIN 

Mon  nom  est  Q.uentin,  fils  aîné  de  Tursenon, 

père  de  qualité  et  qui  en  avait  du  renom  ; 

il  passait  pour  le  plus  illustre  dans  cette  ville, 

mais,  pour  ce  qui  est  des  grandeurs,  je  n'estime  rien. 

Je  suis  obligé  envers  Dieu,  puisque  c'est  par  un  effet  de  son  amour 

qu'il  m'a  illuminé,  pour  connaître  la  foi. 


Je  suis  Lucien,  de  la  race  de  Lucius, 

baptisé  par  saint  Pierre,  glorieux  apôtre, 

et  j'ai  l'espoir,  avec  le  secours  de  Dieu, 

d'être  illuminé  pour  connaître  la  foi. 

C'est  pourquoi  je  vous  supplie,  mon  Jésus,  mon  Seigneur, 

que  les  payens  en  arrivent  à  apprendre  à  vous  connaître. 


Je  suis  Rufien,  qui  me  suis  enrôlé 

sous  l'enseigne  de  Jésus,  mon  sauveur  béni, 

et  qui  combatterai  ferme  jusqu'à  l'heure  dernière. 

Q.u'il  plaise  à  mon  Dieu  de  me  fortifier. 

VALÈRE 

Je  suis  Valère,  qui  désire  également 
être  illuminé  et  en  grâce  avec  Dieu. 

Revue  Celtique,  XKV.  23 


542  Victor  Tourneur. 

Ya  sur,  ma  Yesus,     ma  saluer  biniguet, 
chuy  vo  ma  esperans     ebars  en  pep  andret, 

510     [m]a  veso  och-ano     Doue  oll  buissant, 
[mjeuleut  ag  enoret     dre  oll  antieramant. 
Ar  bajanet  auuers  '     a  meurbet  avurtet, 
[gr]it  dese  sclerigen,     ma  voint  ynspiret 
[da]  gridin     d-o  ch-ilis  so  eur  lest  abordet 

515     gant  tempest  a  tourmant.  Groet  ma  veso  parfet. 


Doue  oll  buissant,  pan  d-eou  guenach  pliget 
Jimes  ar  perill  man     d-on  besan  preseruet, 
ni  a  ofF  dach  bepret     on  chalon  ac  speret 
[euit]  o  seruigin     ebars  en  pep  andret, 
fo  cj  yo   520     a  groet  ma  trionfo  gant  goat  ar  vartiret 
o  ch-ilis  milittant     voar  e  henemiet. 
Diliuret  anesy,  Doue  oll  buissant, 
a  versecution     ar  bayanet  méchant. 

0//  ce  levé,  crepinian  parle  : 

Seuomp,  seuomp  on  seis,  p-on  dcus  groet  oreson, 
525     ma  s-eomp  dre  ar  vro,     da  choas  pep  a  ganton. 
Euit  ma  breur  a  me,     Soixon  on  deus  choaset. 
Chuy  a  yel,  me  a  gret,     en  mesq  ar  Goleset. 

I.  auuers,  du  latin  «trr^i/^ ?  détourné,  égaré? 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien  ^4^ 

Oui  certainement,  mon  Jésus,  mon  sauveur  béni, 

vous  serez  mon  espoir  en  tout  lieu. 

Que  votre  nom  soit,  Dieu  tout-puissant, 

loué  et  honoré  partout  complètement. 

Les  païens  égarés  et  fort  obstinés, 

donnez-leur  de  la  lumière  ;  qu'ils  soient  inspirés 

de  croire  à  votre  église  qui  est  un  navire  assailli 

par  la  tempête  et  la  tourmente.  Faites  qu'elle  soit  tranquille. 

EUGÈNE 

Dieu  tout-puissant,  puisqu'il  vous  a  plu 

de  nous  préserver  de  ce  péril, 

nous  vous  offrons  toujours  notre  cœur  et  notre  esprit 

pour  vous  servir  en  tout  lieu, 

et  faites  que  triomphe  avec  le  sang  des  martyrs 

votre  église  militante  sur  ses  ennemis. 

Délivrez-la,  Dieu  tout-puissant, 

de  la  persécution  des  méchants  païens. 

Ou  se  lève,  crépinien  parle. 

Levons-nous  nous  sept,  puisque  nous  avons  prié 
pour  aller  à  travers  le  pays  choisir  chacun  notre  canton. 
Pour  mon  frère  et  moi,  nous  avons  choisi  Soissons. 
Vous  irez,  je  le  crois,  au  milieu  des  Gaulois. 


FINN    AND    THE    MAN    IN    THE    TREE 


The  first  four  volumes  ohlisAiicicni  Laivs  ofIrcJaud  published 
under  the  auspices  of  the  Brehon  Laws  Commissioners  hâve 
repeatedly  been  made  the  subject  of  severe  but  just  criticism. 
Among  other  things,  the  urgent  necessity  of  a  coHation  of 
the  printed  text  with  the  original  manuscripts  from  which 
O'Donovan  and  O'Curry  made  their  transcripts  hasoften  been 
pointcd  out.  Such  a  collation  I  hope  will  soon  be  undertaken 


H.  3.  18,  p.  361  b. 

I.  Fo  chosmailius  dorigne  Finn  hua  Baiscne.  In  tan  bûi  in 
fîan  oc  Badamair  for  brû  Siûire  dodechaidh  Cùldub  mac  hûi 
Birgge  a  sîd  ar  Femun  ut  Scotti  dicunt  co  mb^rt  a  fulacht  n- 
ùadaib.  Co  teôr^  aidchi  aiinn  degêni  friu.  Isin  très  fecht  iarum 
norat  Finn  co  luid  riam  i  ^  sîd  ar  Femun  -.  Fortngaib  Finn  la 
techt  isa  sîd  co  torchair  allda  anall.  A  ndosreng  fris  a  Lâim  frit- 
ninnle  in  ben  asin  tsïd  7  escra  fliuch  ina  lâim  iar  ndâil  isin 
ûair  riam  7  doinsort  a  comlaid  frisa  sîd  co  ndruid  Finn  a  mer 
hir  in  comlaid  7  in  ursain,  Gabais  iarom  a  mér  ina  bêoh/.  A 


1.  a  MS. 

2.  femin  MS. 


Finn  and  the  Man  in  The  tree.  345 

by  members  of  the  School  of  Irish  Leirning  reccntly  founded 
in  Dublin,  and  the  results  laid  before  the  public.  But  fiir  more 
than  this  would  be  necessary  if  the  student  is  to  be  supplied 
with  a  critical  édition  of  the  varions  texts  contained  in  the  four 
volumes.  O'Donovan  and  O'Curry  selected  certain  manuscript 
versions  without  consulting  and  comparing,  except  in  a  few 
instances,  other  copies  which  often  furnish  bctter  readings, 
supply  gaps,  or  contain  additional  matterof  importance.  Perhaps 
now  that  the  first  volume  is  out  of  print,  the  Commissioners 
may  see  their  way  to  entrust  a  new  édition  of  the  Senchas  Môr 
based  upon  ail  existing  copies  to  a  scholar  of  recogniscd  stand- 
ing. To  show  by  an  example  what  important  additions  to 
our  knowledge  may  be  expected  from  such  an  édition  I  print 
hère  an  interesting  story  of  the  Finn  cycle  taken  from  the 
version  of  the  Senchas  Môr  contained  in  the  vellum  codex 
H.  3.  18.  It  is  given  as  an  example  of  the  practice  of  incanta- 
tion called  iinhas  forosnai,  and  has,  so  far  as  I  am  aware,  not 
been  preserved  elsewhere. 


TRANSLATION 

I.  As  did  Finn  ua  Baiscne.  When  the  fian  were  at  Badamair 
on  the  brink  of  the  Suir,  Cùldub  the  son  of  Ua  Birgge  came 
out  of  the  fairy-knoU  on  the  plain  of  Femen  (ut  Scotti  dicunt) 
and  carried  otî  thcir  cooking  from  them.  For  three  nights  lie 
did  thus  10  them.  The  third  time  however  Finn  knew'  and 
went  before  him  to  the  fiiiry-knoll  on  Femen.  Finn  laid  hold 
of  him  as  he  went  into  the  knoll,  so  that  he  fell  yonder  î.  When 
he  withdrew  his  hand,  a  woraan  met  him  (?)ï  coming  out  of 
the  knoll  with  a  dripping  vessel  in  her  hand,  having  just  dis- 


1.  I  take  noral  as  the  Latin  word. 

2.  alldd  aiiall  =  alla  anall,  LL.,  88  a  6,  contractcd  into  allâiiall,  LU., 
84  b  17. 

5.  frilninnle,  from  fris-indlim,  with  infixed  dit;  but  I  do  not  know  the 
exact  mcanin". 


346  Kiino  Meycr. 

donic  as  afrithisi  fooprt/rt  dicetal.  Fortnosmen  an  imbas  con- 
debert  :  «  Tair  Femen  fuigial  formuig  meis  mui  muic  cetsow 
sirc/;mnd  sirlûath  laith  li//d  sra  [leg.  fri]  aulad  Cûlduib  ^ 
c/;anmae.  » 

2.  Cinn  ree  iarom  dobertatar  mnâ  braite  a  Dùn  lascaich^  a 
tir  na  nDësea.  Dobreth  ingen  âlainn  léo,  Atecoboride  menma 
Find  in  bcn  dô.  Focairdd  si  mcnmain  for  in  gilla  bûi  lëo  .i. 
Dercc  Corra  mac  Imi  Daigre.  Ar  ba  hë  a  abras-side5.  Cëin 
fonnuith[e]a  fulacht  lëo  Ië[i]m  7  dolëim  (p.  36*2  a)  in  gilla 
tarsin  n-indiu.  Tre  sin  d'uiiu  tarais  an  ingen  ë  7  asbert  fris  laa 
n-aill  ara  tised  cuice  i  lighe.  Ni  foët  son  Dercc  Corra  dëag 
Finn.  Atagegai  domnid4  dô.  Cotsfiid  fri  Finn  7  asbert:  «  ¥or- 
taprom  ar  ccin  !  »  Asbert  iarum  Finn  fris:  «  Éirgg  es  »,  ol  se, 
«  de  m'  inchaib  7  ro[tjbia  essomon  tri  laithi  7  teôra  n-aidchi 
7  fomcialta-sa  ô  suidhiu  inund!  » 


3.  Luid  d'uliii  Derc  Corra  for  loinges  7  arfoët  caill  7  imtighed 
for  luirgnib  oss  n-allta  (si  uernm^  est)  ar  a  ëtrumai.  Laa  n-aill 
dïdiii  do  Find  isin  caill  oc  a  cuingidh-som  co  n-aca  Find  in  fer 
i  n-Liachtar  in  craind  7  Ion  for  a  gCialainn  ndeis  7  find-lestar 
n-iima  for  a  lâimh"cli'^%  ose  co  n-usce  7  hë  brecc  bedcach  and 
7  dam  allaith  fo  bun  in  craind  7  ba  hë  abras  ind  fir  teinm  cnô 
7  dob^red7  leth  n-airne  na  cnô  don  lun  nobith  for  a  gùalaind 
ndeis,  no-ithed  feisin  al-lcth  n-aill  7  doicsed  a  uball  asin^lestar 
n-uma  bui  for  a  lâimh  cil  7  noranda[d]  i  ndë  7  docuireth  a 
Ictb  don  dam  aWaici  bûi  fo  bun  in  craind.  No-ithad  som  iarom 


1.  Cullduib  MS. 

2.  i  dun  lascaih  MS. 

3.  abraside  MS. 

4.  perbaps  doinnid 

5.  uerus  MS. 

6.  incli  MS. 

7.  dobcridli  MS. 

8.  isin  MS. 


Finn  and  the  Man  in  The  tree.  ^47 

tributed  drink,  and  she  jammed  thc  door  against  the  knoll,  and 
Finn  squeezed  his  finger  between  the  door  and  the  post.  Then 
he  put  his  nnger  into  his  mouth.  When  he  took  it  out  again 
he  began  to  chant,  the  iinbas  illumines  him  and  he  said  [Hère 
follows  an  untranslatable  «  rhetoric  »]. 

2.  Sonie  timcaftcrwardsthey  (i.  e.  the  fian)carriedoft"captive 
women  from  Dùn  Liscaiij'  in  the  land  of  the  Dési.  A  beautiful 
maiden  was  taken  by  thcm.  Finn's  mind  desired-  the  woman 
for  himself.  She  set  her  heart  on  a  servant  whom  they  had, 
even  Derg  Corra  son  of  Ua  Daigre.  For  this  was  his  practice. 
While  food  was  being  cooked  by  theni,  thc  lad  jumped  to  and 
fro  across  the  cooking  hearth.  It  was  for  that  the  maiden  loved 
him.  And  onc  day  she  said  to  him  that  he  should  come  to  her 
and  lie  with  her.  Derg  Corra  did  not  accept  that  on  account 
ofFinn  '.,.  She  incites  Finn  against  him 4  and  said  :  «  Let  us  set 
upon  him  by  force  !  »  Thereupon  Finn  said  to  him  :  «  Go 
hence,  said  he,  out  of  my  sight,  and  thou  shalt  hâve  a  truce 
of  three  davs  and  three  nights,  and  after  that  beware  of 
me  >  !  » 

3.  Then  Derg  Corra  went  into  exile  and  took  up  his  abode 
in  a  wood  and  used  to  go  about  on  shanks  of  deer  (si  uerum 
est)  for  his  lightness.  One  day  as  Finn  was  in  the  wood  seeking 
him  he  saw  a  man  in  the  top  oi  a  tree,  a  blackbird  on  his  right 
shoulder  and  in  his  left  hand  a  white  vessel  of  bronze,  filled 
with  water,  in  which  was  a  skittish  trout,  and  a  stag  at  the 
foot  of  the  tree.  And  this  was  the  practice  of  the  man,  cracking 
nuts;  and  he  would  give  half  the  kernel  of  a  nut  to  the  black- 
bird that  was  on  his  right  shoulder  while  he  would  himself 
eat  the  other  half;  and  he  would  take  an  apple  out  of  the 
bronze  vessel  that  was  in  his  left  hand,  divide  it  in  two,  throw 
one  halfto  the  stag  that  was  at  the  foot  of  the  tree,  and  then 
eat  the  other  half  himself.  And  on  it  he  would  drink  a  sip  of 


1.  oc  Dùn  lascaig  for  Siuir,  Rcu.  Celt.,  XI,  p.  242. 

2.  atecoboriclc  secins  to  contaiii  somc  form  ot  the  verb  ad -cabrai  m. 
3."  atagcj^ai  (she  desincd  him?)  tlomn'ul  do  is  obscure  to  me. 

4.  cotsJid,   3.  sing.  près.  ind.  witli  infixed  pronoun  of  con-sâidim,  verb 
nouii  cossâil. 

5.  fom-ciaha-sa,  2.  sing.  imper,  ol  fo-ciullitr. 


348  Kuno  Mcyer. 

the  water  in  in  lefb  n-aill  7  no-ibed  loim  fair  den  uisce  asin  ' 
leslwr  huma  biii  for  a  lâim  co  mbo  comôl  dô  frisin  n-iich  7 
a  n-oss  7  in  Ion.  Friscomarcar  di^/z/ a  muinter  do  Finn  cia  bo 
hê  hisin  crunn,  ar  nïnathgêntar  som  dâigh  celtair  dïclithe  bùi 
imbe. 

4.  Is  de  dobert  Finn  ahordain  ina  bcolo.  Addonich  aseisib^ 
afrithisi  fortnosna  a  imbus  7  dichan  dirc/al  co  n-eipert  :  «  Cou 
fri  Ion  lethcno  coineûvAvi  cotith  in  dithraib  Dercc  Corra  comôl 
fri  hich  ni  ba  filliad  fabaill  a  uball  fin  mblais  cona  fricarbaith 
mac  ûi  co  dedail  Daigre.  »  «  Dercc  Corra  mac  hûi  Daigre  », 
ol  se,  «  fil  isan  crund  ». 


3.  isin  MS. 

4.  There  is  a  horizontal  stroke  through  the  stem  of  the  first  s  =  âser- 
eisib  (as  ar  éisib)  ? 


Finn  and  thc  Man  in  The  trce.  34O 

the  bronze  vessel  that  was  in  his  hand,  so  that  he  and  thc 
troLit  and  the  stag  and  the  blackbird  drank  together.  Then  his 
followers  asked  of  Finn  who  he  in  the  tree  was,  for  they  did 
not  recognise  him  on  account  of  the  hood  of  disguise  which 
he  wore. 

4.  Then  Finn  put  his  thumb  into  his  mouth.  When  lie  took 
it  out  again,  his  'unhas  illumines  him  and  he  chanted  an  incan- 
tation and  said  :  [Hère  follows  another  rhetoric  in  which  the 
name  of  the  person  is  revealed  to  Finn.]  «  Tis  Derg  Corra  son 
of  Ua  Daigre  »,  said  he,  «  that  is  in  the  tree  ». 

Pôstyén,  Hungary,  May  1904. 

Kuno  Meyer. 


CHRONIQUE 


SOMMAIRE:  I.  Les  A'(7//f  Researches  de  M.  Nicholson.  —  II.  Lane's  english-irish 
Dictionary.  —  III.  E.  A.  d'Alton,  Htstory  of  -Ireland.  —  IV.  L.  Winifrid  Faraday, 
traduction  anglaise  du  Tdin  bô  Cûailngi.  —  V.  Les  Gaulois  dans  VHistoire  des  Lagides 
de  M.  Bouché- Leclercq.  —  VI.  Les  thèses  de  doctorat  de  M.  A.  Le  Braz  :  i°  Cogno- 
merus  et  sainte  Tréfine  ;  2°  Essai  sur  l'histoire  du  théâtre  celtique.  Du  même  ;  Textes 
bretons  pour  servir  d  l'histoire  du  théâtre  celtique.  —  VII.  Funérailles  solennelles 
d'Eugène  O'Growney.  —  VIII.  L.  Leclerc,  Ma  beaj  Jérusalem.  —  IX.  Auguste 
Longnon,  Documents  relatifs  au  comté  de  Champagne  et  de  Brie,  t.  II  ;  Fouillés  de  la 
province  de  Lyon,  de  Id  province  de  Sens,  de  la  province  de  Tours.  —  X.  Ihm,  Les 
Druides.  —  XI.  Maurice  Prou  et  Alexandre  Vidier,  Recueil  des  chartes  de  l'abbaye 
de  Saint-Benoit-sur-Loire.  —  XII.  J.-B.  Champeval.  Cartulaire  des  abbayes  de  Tulle 
et  de  Rocamadùur.  —  XIII.  A.  Holder,  Altceltischer  Sprachschatz.  —  XIV.  .1.  Leite 
de  Vasconcellos,  Géographie  protohistorique  du  Portugal.  —  XV.  The  transactions 
of  the  Society  of  Cymmrodorion.  —  Nouvelle  éd.tion  du  Cartulaire  de  Sainte-Croix  de 
Quimperlé.  —  XVII.  Centenaire  des  antiquaires  de  France.  —  XVIll.  Cours  de 
MM.  Strachan  et  Kuno  Meyer  à  Dublin. 


I 

Ab  foiv  pr/iiiipiiini.  —  M.  Etiward  Williams  Byron  Nicholson,  adminis- 
trateur de  la  bibliothèque  bodléienne  d'Oxford,  membre  de  l'Association 
des  bibliothécaires  et  de  la  société  calédonienne  de  médecine,  veut  joindre 
à  ces  trois  titres  si  importants  un  quatrième  bien-plus  modeste  et  qu'il  devrait 
dédaigner,  celui  de  celtiste.  De  là  un  volume  inùxulé  lùltic  Researches,  Stitdies 
in  the  History  and  Distribution  of  the  ancient  Goidelic  Laiigtiage  and  Peuples, 
Londres,  H.  Frowde,  1904,  in-80,  xix-211  pages. 

Ce  volume  est  le  développement  d'un  mémoire  plus  court  et  antérieur  de 
trois  ans.  M.  Nicholson  en  1901,  comme  il  le  raconte  lui-mêine,  p.  vi,  avait 
offert  ce  mémoire  aux  directeurs  de  la  revue  intitulée  Zeitschrift  fur  Celtiscbe 
Philologie  ;  ces  Messieurs  avaient  refusé  de  l'accepter.  En  effet,  ce  mémoire 
devait  former  quatre-vingt-dix  pages  de  la  revue  ;  c'était  trop  long.  On  avait 
pu  insérer  de  M.  Whitley  Stokes,  en  1898,  un  article  de  cent  cinquante 
pages  -,  on  devait  plus  tard  admettre  la  vie  de  saint  Coluraba  éditée  par  le 
Rév.  Henebry  et  dont  il  a  déjà  paru  cent  soixante-quatorzes  pages,  bien 
qu'elle  ne  soit  pas  encore  publiée  tout  entière;  en  1901,  trois  articles  de 
M.  Nicholson,  formant  trente-neuf  pages,  étaient  le  maximum  de  ce  qu'on 
pouvait  insérer  des  élucubrations  du  savant  bibliothécaire.  «  Vous  trouvez 


chronique.  3  5 1 

«  mon  mémoire  trop  long  »,  pensa  M.  Nicholson.  «  Eh  bien  !  je  vais  l'al- 
«  longer  encore,  je  lui  donnerai  une  étendue  plus  que  double  et  le  succès 
«  qu'il  aura  vous  fera  bien  regretter  votre  mauvais  procédé  à  mon  égard. 
«  Mon  livre  sera  un  flambeau  qui  éclairera  le  monde  savant  et  dissipera  les 
«  obscurités  dont  vos  partis  pris  couvrent  et  cachent  les  origines  celtiques.  » 

La  thèse  fondamentale  de  M.  Nicholson  est  qu'en  certains  cas  le  p  initial 
et  le />  intervocalique  indo-européens  se  sont  maintenus  en  celtique.  Com- 
mençons par  le  p  initial.  La  racine  du  nom  des  Pictavi  ou  Pictoncs  conti- 
nentaux et  de  celui  des  Picti  insulaires,  dit  M.  Nicholson,  est  l'indo-euro- 
péen PEIK  qui  veut  dire  «  tatouer  »  (p.  8).  On  lit  chez  Brugmann,  Griindriss, 
t.  I,  2e  édition,  p.  610,  que  le  latin  pingere  s'explique  par  une  racine  peig, 
d'où  le  sanscrit  pinjaras  «  rouge  »  ;  dans  sa  prochaine  édition,  M.  Brugmann 
devra,  au  lieu  de  peig,  écrire  peik  :  M.  Nicholson  l'a  décidé  ainsi.  Il  a  décidé 
aussi  qu'il  ne  fout  pas  croire  les  celtistes  suivant  lesquels  q.ik  «  graver  »  est 
la  racine  qui  explique  le  nom  des  Pictavi  et  celui  des  Picli.  Inclinons-nous 
respectueusement  devant  sa  haute  autorité;  nous  n'avons  pas  l'honneur 
d'être  bibliothécaire. 

J'ai  cru  jusqu'à  présent  que  1'/;  initial  à'Helvelii  pour  Elvetii  était  dû  à 
l'influence  du  latin  Helvius,  Vh  initial  d'Hacdni  pour  Aediii  à  l'influence  du 
latin  hacdus,  Vh  initial  à'Hercynia  silva  à  l'influence  du  latin  Hercules,  her- 
cisco;  non  :  cet  h  est  un  débris  d'un  p  initial  tombé  tardivement.  Il  est  assez 
curieux  que  cet  /;  n'apparaisse  pas  dans  la  notation  d'Aristote,  le  plus  ancien 
auteur  qui  parle  de  cette  forêt  ;  Aristote  l'appelle  'Av/.yv.a  ooï)  avec  esprit 
doux  sur  l'A  initial  {Meteorohgica,  I,  15).  Mais  l'autorité  de  M.  Nicholson 
est  au-dessus  de  celle  d'Aristote  qui  n'a  jamais  été  bibliothécaire  en  chef  à 
Oxford  ni  ailleurs. 

Une  preuve  incontestable  du  maintien  du  p  initial  en  celtique  est  donnée 
par  des  formules  magiques.  Ce  sont  d'abord  celles  de  Rom  (Deux-Sèvres)  : 
M.  JuUian  les  a  publiées  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XIX,  p.  170-172.  Le 
savant  professeur  français  n'a  pas  risqué  de  traduction.  Mais  la  poussière 
des  livres  de  la  bibliothèque  bodléienne  inspire  les  bibliothécaires  comme 
les  vapeurs  de  Delphes  inspiraient  la  pythie.  M.  Nicholson  a  donc  traduit 
ces  deux  formules  et  de  là  résulte  l'existence  chez  les  Pictavi  de  sept  mots 
qui  commencent  par  un  p  et  ce  p  est  indo-européen,  Zeitschrift  fïir  Celtische 
Philologie,  t.  III,  p.  318,  319  ;  Kellic  Researches,  p.  139-140.  De  ces  sept  mots 
le  hasard  veut  que  deux  paraissent  latins,  pia,  pura,  et  que  les  autres  soient 
des  â-aÇ  £!pr,;jLîva  dont  le  sens  est  inconnu.  M.  Nicholson  a  décidé  que  tous 
ces  mots  sont  celtiques.  Inclinons-nous  encore,  si  notre  échine  est  assez 
flexible. 

Nous  parlerons  ensuite  d'une  formule  empruntée  à  Marcellus  de  Bordeaux, 
qui  écrivait  au  commencement  du  v^  siècle,  c'est-à-dire  à  une  époque  où  le 
gaulois  était,  suivant  toute  vraisemblance,  tombé  en  désuétude.  Au  tome  II 
des  Kleine  Schriften  de  J.  Grimm,  p.  114-151  et  p.  152-172,  on  a  réimprimé 
deux  mémoires  de  ce  savant  germaniste  intitulés  l'un  Ueber  Marcellus  Bur- 
digaknsis,  l'autre  Ueher  die  Marcellischcn  Formeln.  Le  premier  a  été  lu  à 
l'Académie  des  sciences  de  Berlin  le  28  juin  1847.  Six  ans  plus  tard,  Zcuss, 


5$2  Chronique. 

dans  la  préface  de  sa  Graniniatica  celtica,  p.  xlviii,  le  jugeait  ainsi  :  Quae 
apiid  Marceîhim  Burdigalensem...  îegunttir  peregrt?ia,  inaiidita  vel  incognita, 
si  quis  quaesiverit  in  hoc  opère,  non  inveniet  ;  in  his  omnibus  enim  equidem  nec 
inveni  vocem  celticam  nec  invenio.  Ce  jugement  est  daté  de  Bamberg,  7  août 
1853.  Il  a  été  reproduit  dans  la  seconde  édition,  1871,  de  la  Grammatica 
celtica,  p.  xxxii-xxxiii.  Le  second  mémoire  de  J.  Grimm  est  une  protesta- 
tion contre  l'opinion  exprimée  si  nettement  par  Zeuss  en  1853  ;  il  a  été  lu 
à  l'Académie  des  sciences  de  Berlin  le  30  avril  1855.  J.  Grimm  y  donne 
tantôt  ses  doctrines  à  lui,  tantôt  celles  d'Adolphe  Pictet  dont  le  livre  sur 
l'affinité  des  langues  celtiques  avec  le  sanscrit,  1857,  ne  peut  aujourd'hui 
servir  qu'à  montrer  quel  énorme  progrès  la  Grammatica  celtica  de  Zeuss  a  fait 
foire  aux  études  celtiques. 

Voici  une  doctrine  de  Grimm  :  Visumanis,  nom  du  trèfle  chez  Marcellus 
de  Bordeaux,  chap.  m,  §  9  ',  est  un  composé  dont  le  premier  terme  est  ui, 
génitif  singulier  et  nominatif  pluriel  de  lia  «  petit-fils  »  2.  Le  savant  germa- 
niste ignorait  que  ni  est  une  forme  abrégée  qui  appartient  au  moyen  irlan- 
dais et  qui  tient  lieu  du  vieil  irlandais  aiti  3. 

Ce  qui  est  le  plus  contestable  dans  le  mémoire  de  J.  Grimm,  ce  sont  les 
explications  de  formules  magiques  aussi  inintelligibles  au  v^  siècle  qu'elles 
le  sont  au  xxe  et  qui  devaient  leur  puissance  curative  à  l'impossibilité  où  le 
malade  se  trouvait  de  les  comprendre.  Une  de  ces  formules  avait  été  étudiée 
par  A.  Pictet,  dont  J.  Grimm  reproduit  le  texte  français.  Elle  commence 
ainsi  Heilen  prosaggcri  4 .  Au  milieu  de  ce  groupe  de  syllabes,  A.  Pictet  croit 
reconnaître  une  seconde  personne  du  singulier  de  l'impératif  gaulois  qui 
serait /To-Mcr  composé  de  la  préposition  pro  et  de  sag,  cf.  l'irlandais  saighim 
«  je  viens  ».  Mais  le  verbe  irlandais  saigim,  puis  saighim  «  adeo  »  fait  à  la 
seconde  personne  du  singulier  de  l'impératif,  non  sag,  mais  d'abord  saig^, 
puis  saigh  qui  supposent  un  primitif  *sage6.  L'hypothèse  d'A.  Pictet  pour 
l'explication  de  prosag  est,  suivant  M.  Nicholson,  une  preuve  incontestable 
que  le  gaulois  conservait  \q  p  initial,  mais  cette  preuve  n'existe  pas  puisqu'il 
n'est  pas  établi  que  prosag  soit  un  mot  gaulois.  Je  regrette  d'avoir  cédé  jus- 
qu'ici et  mon  épine  dorsale  refuse  de  se  courber  davantage. 

Passons  au  p  intervocalique  indo-européen.  La  preuve  évidente  de  son 
maintien  en  gaulois  serait  donnée,  suivant  M.  Nicholson,  par  le  thème 
gaulois  vepo-  qui  apparaît  dans  le  nom  propre  de  personne  Vepus  et  dans  les 
composés  de  deux  termes:  Vepo-talos,  Vepo-genos,  etc.,  enfin,  dans  le  dérivé 


1.  Édition  donnée  en  1889  chez  Teubncr  par  George  Helmrich,  p.  41, 
L25. 

2.  J.  Grimm,  IQctne  Schriften,  t.  Il,  p.  157. 

3.  Priscien  de  Saint-Galî,  p.  30  b,  glose  12.  Tl.vsanrus  palacohihernicus, 
t.  II,  p.  82,  1.  31.  Graiiim.  celt.,  2^  éd.,  p.  33. 

4.  J.  Grimm,  Kkinc  Schriften,  t.  II,  p.  167  ;  cf.  Marcellus  de  Bordeaux, 
c.  XV,  §  105  ;  édition  Helmrich,  p.  152,  1.  10. 

5.  'Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  754. 

6.  Cf.  Brugmann,  Grundriss,  t.  II,  p.  1320, 


Chronique.  5  5  5 

Vipins  >.  Vi-po,  suivant  M.  Nicholson,  veut  dire  «  corbeau  »  et  provient  d'une 
racine  indo-européenne  veip,  en  sanscrit  vlp  «  trembler  »  2.  Mais  si  le  thème 
vepo-  a  le  sens  que  M.  Nicholson  lui  attribue,  ce  qui  n'est  pas  prouvé  3,  ce 
thème  pourrait  être  identique  à  celui  de  l'irlandais /ac/;  «corbeau  »  ^=vcquo- 
=  iieiquo-,  ainsi  que  sembleraient  l'établir  1'/;  et  le  iv  du  vieux  haut  allemand 
•wiho,  U'iïco  «  milan  »,  qui  supposent  un  thème  primitif  *îra(^»fl«.  Par  con- 
séquent, M.  Nicholson  n'a  pas  démontré  le  maintien  du  p  intervocalique  en 
celtique. 

En  fait  de  celtique,  J.  Grimm  et  A.  Pictet  sont  des  autorités  incompé- 
tentes, et  les  opposer  à  Zeuss  c'est  faire  acte  de  bibliothécaire,  bibliothécaire 
cminent  tant  qu'on  voudra,  mais  de  linguiste,  non.  Inutile  maintenant  de 
parler  des  conséquences  que  M.  Nicholson  prétend  tirer  de  la  doctrine,  si 
mal  établie,  qu'il  a  exposée  au  sujet  du  p  indo-européen  en  celtique. 

II 

Il  vient  de  paraître  un  nouveau  dictionnaire  anglais-irlandais,  Lane's 
English-Irish  Dictionary  (Focloir  bearla-gaedhilge)  compiled  froiii  the  viost 
authentic  Sources  byT.  O'Neill  Lane,  London,  David  Nutt,  1904,  in-8°,  ix- 
581-11  pages. 

Le  but  de  l'auteur  n'est  pas  de  constater  l'état  actuel  de  la  langue  irlan- 
daise ni  d'en  donner  l'histoire.  M.  O'Neill  Lane  a  voulu  mettre  à  la  dispo- 
sition de  ses  compatriotes  un  vocabulaire  assez  complet  pour  qu'ils  puissent 
rendre  en  leur  langue  tous  les  mots  anglais  dont  ils  ne  connaissent  pas 
d'équivalents  irlandais,  soit  que  ces  équivalents  irlandais,  après  avoir  existé, 
soient  tombés  en  désuétude,  soit  que  ces  équivalents  aient  toujours  fait 
défaut  à  la  langue  irlandaise.  Pour  constater  l'usage  présent  il  a  voyagé  dans 
toutes  les  parties  de  l'Irlande  où  l'irlandais  se  parle  encore,  et,  pour  compléter 
le  vocabulaire  actuel,  il  a  consulté  un  grand  nombre  de  textes  moyen- 
irlandais  où  se  rencontrent  des  mots  aujourd'hui  malheureusement  inusités. 

A  notre  grand  regret,  la  plupart  du  temps,  M.  O'Neill  Lane  ne  se  donne 
pas  la  peine  d'indiquer  pour  chaque  mot  l'endroit,  texte  ou  comté,  où  il  l'a 
trouvé  et  quand  il  le  dit,  ou  la  formule  qu'il  emploie  manque  de  précision 
et  le  contrôle  est  impossible,  ou  la  citation  qu'on  peut  vérifier  amène  quel- 
quefois de  fâcheux  résultats. 

Il  est  difficile  de  considérer  comme  assez  précise  la  rédaction  suivante  à 
l'article  ahundance,  p.  5  :  Keating,  neart  airgid,  «  abundance  of  money  ». 
Littéralement  neart  airgid  veut  dire  «  force,  puissance  d'argent  ».  Dans  quel 


1.  Keltic  Researches,  p.  143,  144;  Zeitschrijt  Jnr  cdlischc  Philologie,  t.  III, 
p.  522-324. 

2.  Whitney,  Die  Wur\ehi...  der  sansh-it-sprache,  p.  160. 

3.  Suivant  Pline,  1.  X,  §  135,  il  y  a  dans  les  îles  Baléares  des  oiseaux 
appelés  tiipiones,  sic  enim  vacant  grues  minores.  Il  n'est  pas  établi  que  les 
habitants  des  îles  Baléares  fussent  gaulois,  ni  que  gruis  minor  signifie  «  cor- 
beau ». 


^154  Chroniijiie. 

ouvrage  et  à  quelle  page  Keating  a-t-il  employé  cette  expression?  Sur  ce 
point,  M.  O'Neill  Lane  garde  le  silence.  Nous  dirons,  nous,  que  pour  être 
puissant,  l'argent  n'a  pas  toujours  besoin  d'être  abondant  ;  souvent  la  quan- 
tité nécessaire  pour  rémunérer  un  travail  quelconque  dépend  de  la  pénurie 
plus  ou  moins  grande  de  celui  à  qui  on  offre  un  salaire  et  de  celui  qui  offre 
ce  paiement. 

A  l'article  ahigail  «  servante  »,  «  suivante  »,  on  voit  citer  par  M.  O'Neill 
Lane  le  mot  acuiaing  avec  un  renvoi  précis  B\ooh  of]  L[au's],  II,  284,  30  ;  il 
s'agit  des  Ancient  La-ius  of  Ire! and,  tome  II,  page  284,  ligne  30.  Acinaing  est 
une  variante  orthographique  de  eacmaiitg  (même  tome,  même  page,  ligne 
14),  que  la  traduction  anglaise,  p.  285,  rend  par  flZ'/e  «  capable  »  ;  à  la  même 
page,  un  peu  plus  bas,  aciuaing  est  traduit  par  capability  «  capacité  ».  Dans 
l'ancienne  langue,  ce  mot  est  une  3e  p.  du  s.  du  parfait  signifiant  «  il  a 
atteint  »,  «  il  est  arrivé  »  (Windisch,  Irische  Texte,  t.  I,  p.  517,  ^18).  Ce 
mot  paraît  avoir  pris  dans  la  glose  du  Senclms  Môr  la  place  du  substantif 
écnioug  servant  d'infinitif  au  verbe  et  désignant  le  fait  d'atteindre  le  but 
(Windisch,  Iriscbe  Texte,  t.  I,  p.  518),  d'où  le  sens  de  dérivé  àt  capacity 
proposé  par  M.  R.  Atkinson,  Glossary  to  Brehon  Laws,  p.  289;  atteindre  le 
but  prouve  qu'on  a  la  capacité  d'y  arriver.  Mais  entre  cette  idée  et  celle  de 
servante  il  n'y  a  pas  de  rapport. 

D'autre  part,  M.  O'Neill  Lane  ne  se  pique  pas  de  copier  exactement  les 
mots:  p.  3,  à  l'article  Abh  (strong),  il  renvoie  à  la  Genèse,  vi,  4,  pour  un 
mot  signifiant  «  fort  »  et  pour  lequel  il  donne  d'abord  la  notation  ârachdach, 
puis  la  notation  drrtaclida.  Mais  dans  l'édition  de  la  bible  irlandaise  qui  est 
datée  de  1852,  on  lit  ârrachdach  avec  deux  r  au  lieu  <ï drachdach  avec  une 
seule  r;  et  dans  l'édition  princeps,  1685,  drrtachta  avec  un  i  et  non  un  d  à 
la  dernière  syllabe  drrtachda  comme  écrit  M.  O'Neill  Lane.  S  surmonté 
d'une  barre  veut  dire  aclil  et  non  aclid  {The  eiiglish-irisb  Dictioiary,  Paris, 
1732,  p.  716). 

D'après  le  même  dictionnaire  de  1732,  M.  O'Neill  Lane  a  écrit,  p.  82, 
Biiskin  (brodequin),  hiiatais.  Or,  le  dictionnaire  en  question  porte  :  Bitskins 
(brodequins)  buatiiisidhe.  M.  O'Neill  Lane  a  substitué  au  pluriel  le  singulier 
sans  en  avertir  le  lecteur,  il  a  en  outre  de  son  chef  remplacé  par  un  a  Vit 
de  la  seconde  syllabe  de  buatiiisidhe. 

Ailleurs,  M.  O'Neill  Lane  a  reproduit  sans  critique  les  énonciations  du 
dictionnaire  de  1732.  Dans  ce  livre,  au  mot  buffet  «  soufflet  »,  on  lit  do7nn 
nô  bas  nô  bas.  Je  ne  nie  pas  qu£  dormi  dont  le  sens  propre  est  «  poing  »  que 
bos,  bas,  dont  le  sens  propre  est  «  paume  de  la  main  »  n'aient  pris  le  sens 
accessoire  et  insultant  de  soufflet.  Ce  sens  que  ne  justifie  pas,  dans  le  dic- 
tionnaire de  1732,  l'exemple  do  bhiialadh  h  dornnuibh  no  le  basaibh,  est  donné 
pour  dorn  dans  les  dictionnaires  d'O'Reilly  et  de  la  Highiand  society  of 
Scotland.  Mais  M.  O'Neill  Lane,  qui  prétend  travailler  à  créer  une  langue 
littéraire  en  Irlande  devrait  éviter  le  danger  d'attribuer  au  même  mot 
trop  de  sens  différents:  dorn  signifie  «  poing  »,  «  poignée  »,«  manche  »  : 
pourquoi  y  ajouter  le  sens  de  «  soufflet  »  que  doniadh  exprime  plus  claire- 
ment? 


Chronicjiie.  ]  Ç  < 

Le  livre  de  M.  T.  O'Neill  Lane  ne  fera  pas  faire  grand  progrès  à  la  science 
des  langues  ni  à  la  clarté  de  l'irlandais. 

III 

Un  autre  ouvrage  nouveau  est  celui  du  Rev.  E.  A.  d'Alton  :  Hiilory  of 
Irehnâ  from  Ihc  carliest  Urnes  lo  Ihe  Ycar  1547.  Il  est  fort  regrettable  que 
l'auteur  ait  eu  une  bibliothèque  si  mal  montée.  P.  2,  il  cite  Avienus  d'après 
l'histoire  d'Angleterre  de  Lingard  et  paraît  dire  qu'Avienus  écrivait  l'an  3  50 
avant  J.-C.  II  renvoie  souvent  à  l'histoire  d'Irlande  écrite  en  irlandais  au 
xviie  siècle  par  Keating,  mais  il  n'en  connaît  que  la  traduction  anglaise 
d'D'Connor,  xviii'ï  siècle  ;  il  paraît  ignorer  :  1°  l'édition  de  181 1  où  l'on  trouve 
le  commencement  du  texte  irlandais  avec  la  traduction  de  Haliday  ;  2°  celle 
qui  a  été  commencée  en  1902  et  qui  donne  le  texte  irlandais  avec  la  traduc- 
tion de  David  Comyn.  Ainsi  par  exemple  la  légende  de  Nemed  et  de  ses 
descendants,  dont  M.  d'Alton  parle,  page  5  de  son  histoire  d'Irlande,  en  ren- 
voyant à  O'Conor,  p.  73  de  la  4=  édition,  1809,  je  crois,  commence  chez 
Keating  à  la  page  174  dans  l'édition  de  181 1,  à  la  page  172  dans  celle  de 
1902.  Voilà  les  renvois  que  nous  aurions  voulu  trouver  en  note. 

La  source  principale  pour  les  origines  mythiques,  le  Lehar  Gabàla,  est 
inconnue  à  M.  d'Alton,  comme  les  Flaithiiisa  Erend,  les  Annales  de  Tiger- 
nach,  le  Chronicon  Scotonim.  pour  les  époques  suivantes.  Habituellement  les 
seules  annales  irlandaises  dont  il  fasse  usage  sont  celles  de  Clonmacnois  et 
les  Quatre  Maîtres  ;  par  exception,  il  a  consulté  quelquefois  les  Annales 
d'Ulster  et  celles  de  Loch  Ce. 

On  peut  constater  qu'il  a  dans  sa  bibliothèque  quelques  bons  ouvrages 
traitant  chacun  de  première  main  un  point  déterminé  d'histoire  :  Whitley 
Stokes,  The  tripartite  Life  of  Patrick  ;  Reeves,  The  life  of  St.  Columha  zvritten 
hy  Adamnan  ;  Todd,  Tlje  ivar  of  the  Gaedhil  tuith  the  Gaill,  etc.  Mais  la  plupart 
du  temps  il  se  borne  à  reproduire  des  renseignements  puisés  dans  des 
ouvrages  de  seconde  main  :  les  Manners  and  Customs  d'O' Curry  ;  les  Moines 
d'Occident  de  Montalembert  ;  Douglas  Hyde,  A  litterary  History  of  Ireland  ; 
Lanigan,  Ecclesiastical  History;  Healy,  Ancient  Schools  and  Scholars;  Moran, 
Essays  on  the  early  irish  Chiirch,  etc.  Pour  la  partie  la  plus  ancienne  de 
l'histoire  de  l'Irlande,  le  livre  de  M.  d'Alton  ajoute  peu  de  chose  à  ce  que 
l'on  savait  déjà.  Quant  aux  temps  postérieurs  à  la  conquête  anglaise,  l'auteur 
de  ce  compte  rendu  est  peu  compétent;  mais,  à  en  juger  par  les  notes,  il 
lui  semble  que  dans  cette  partie  M.  d'Alton  n'a  pas  plus  remonté  aux  sources 
qu'il  n;j  l'a  fait  pour  la  période  antérieure. 

IV 

La  traduction  anglaise  du  Tâin  bô  Cûailngi  par  L.  Winifrid  Faraday  '  est 

I.  The  Cattle  Raid  of  Cualnge  (Tâin  bô  Cûailnge)  an  Old  Irisli  Prose 
epic...  London,  David  Nuit,  1904,  petit  in-8°,  xxi-141  pages. 


5^6  Chroni(jue. 

fort  intéressante  à  un  point  de  vue,  c'est  qu'elle  nous  offre  en  anglais  la 
forme  que  cette  épopée  a  prise  dans  le  Lebor  na  hUidre  et  dans  le  Livre 
jaune  de  Lecan  ;  la  traduction  abrégée  écrite  en  anglais  par  M.  Standish 
Hayes  O'Grady  et  publiée  par  Eleanor  HuU,  The  CuchiiUin  saga,  p.  iii- 
227,  a  pour  base  le  manuscrit  du  Musée  britannique,  Additional,  18748, 
or,  ce  manuscrit  nous  offre  un  texte  analogue  à  celui  du  Livre  de  Leinster 
et  sensiblement  différent  de  la  rédaction  malheureusement  incomplète  que 
le  Lebor  na  hUidre  nous  a  conservée. 

Il  y  a  un  petit  détail  qui  manque  dans  le  livre  que  nous  annonçons. 
M.  Standish  Hayes  O'Grady  s'est  souvent  donné  la  peine  de  mentionner  en 
tête  de  chacun  de  ses  paragraphes  le  folio  correspondant  à  ce  paragraphe 
dans  le  livre  de  Leinster.  Ce  genre  d'indication  fait  défaut  dans  le  volume 
de  L.  Winifrid  Faraday;  en  sorte  que,  si  d'un  passage  de  sa  traduction  on 
veut  se  reporter  au  fac-similé  du  Lebor  na  hUidre,  il  faut  consulter  le  tome 
XXVIII  de  la  Zeitschrift  de  Kuhn  où,  p.  442-475,  M.  Zimmer  a  donné 
ranal3'se  du  Tain  d'après  le  Lebor  na  hUidre  et  le  livre  de  Leinster,  en  indi- 
quant en  tête  de  chaque  paragraphe  les  pages,  les  colonnes  et  les  lignes 
correspondantes  à  ce  paragraphe  dans  les  deux  manuscrits.  Veut-on  par 
exemple  comparer  avec  le  texte  original  la  traduction,  donnée,  p.  64,  par  L. 
Winifrid  Faraday,  de  l'épisode  qui  concerne  le  combat  de  Munremur  et  de 
Cûroï,  il  faut  se  reporter  à  la  Revue  de  Kuhn,  t.  XXVIII,  p.  454,  et  on  y 
apprend  que  le  texte  irlandais  se  trouve  au  Lebor  na  hUidre,  p.  71,  col.  2, 
lignes  9-39.  Mais  tout  le  monde  n'a  pas  à  sa  disposition  le  tome  XXVIII  de  la 
Zeitschrift  de  Kuhn  et,  quand  on  amis  ce  volume  devant  soi  sur  un  pupitre, 
trouver  le  renseignement  dont  il  s'agit  demande  beaucoup  de  temps,  car 
les  noms  de  Munremur  et  Cûroï  manquent  dans  l'index. 

Cette  critique  n'empêche  qu'on  ne  doive  remercier  de  son  travail  l'auteur 
du  joli  petit  volume  intitulé:  TIjc  Cattlc-Raid  of  Cnahige. 

V 

Sur  les  Gaulois  mercenaires  en  Egypte  et  sur  les  circonstances  au  milieu 
desquelles  ils  furent  enrôlés  dans  les  troupes  du  roi  Ptolémée  II,  Philadelphe, 
se  révoltèrent  et  périrent,  on  consultera  avec  profit  le  savant  ouvrage  de 
M.  Bouché-Leclercq,  Hiitoirc  des  Lagides,  t.  I,  p.  167,  en  comparant  au  récit 
contenu  dans  cette  page  ce  qui  est  raconté  dans  les  pages  précédentes  et  dans 
celles  qui  suivent.  Enfin,  au  t.  II,  p.  386,  on  trouvera  la  date  probable,  277, 
de  la  révolte  de  ces  Gaulois  sitôt  suivie  de  leur  extermination. 


VI 

M.  Anatole  Le  Braz  est  bien  connu  des  lecteurs  de  la  Revue  Celtique  qui 
leur  a  parlé  deux  fois  de  sa  Légende  de  la  mort  en  Basse-Bretagne,  t.  XV,  p. 
124-126,  et  tome  XXIV,  p.  216.  Il  vient  de  présenter  avec  grand  succès  à 
la  Faculté  des  lettres  de  Paris  deux  thèses  de  doctorat  :  1°  Cognomeriis  et  sainte 
Tréfine,  mystère  breton  en  deux  journées,  texte  et  traduction,  Paris,  Champion, 


chronique.  557 

1904,  in-8°,  XLIV-185  pages  ;  2°  Essai  sur  l'histoire  du  théâtre  celtique,  Paris, 
Calman-Levy,  in-S»,  viii-)44  pages. 

Dans  le  premier  de  ces  deux  ouvrages,  le  texte  breton  est  la  reproduction 
exacte  et  sans  aucune  modification  quelconque  du  manuscrit  qui  porte  le 
no  39  dans  la  collection  des  mss.  celtiques  et  basques  de  h  Bibliothèque 
nationale  '  dont  le  catalogue  a  été  dressé  par  M.  Omont.  Le  système  suivi 
par  M.  Le  Braz  est  l'opposé  de  celui  qu'avait  adopté  l'abbé  Henry  quand  il 
a  établi  le  texte  du  BarT^a:^  Brei^  et  celui  du  Mystère  de  sainte  Triphine 
publié  par  le  même  ecclésiastique  en  collaboration  avec  Luzel  en  1863. 
L'abbé  Henry  ne  se  faisait  aucun  scrupule  de  remplacer  par  des  mots  à  son 
goût  les  mots  qui  lui  déplaisaient  soit  dans  les  chansons  populaires,  soit  dans 
le  texte  manuscrit  du  mystère,  et  il  s'abstenait  d'avertir  en  note  des  change- 
ments arbitraires  et  sans  nombre  par  lesquels  il  avait  altéré  le  texte  primitif. 
Par  réaction  contre  ce  système  inacceptable,  M.  Le  Braz  suit  le  système 
opposé,  il  va  peut-être  un  peu  loin:  ainsi,  p.  48,  vers  334,  adversour  rime 
avec  en  pep guis  ;  il  est  évident  qu'adversour  aurait  dû  être  rejeté  en  note  et 
remplacé  dans  le  texte  par  aneniis  ou  eneniis. 

P.  5,  la  traduction  de  la  quatrième  marche  du  premier  prologue  commence 
ainsi  : 

Nerocus  le  renverra  -  de  nouveau  à  Qiiimper 
Dire  au  seigneur  qu'il  arrivera  chez  lui. 

Voici  le  texte  breton  correspondant  : 

Nerocus  en  renvoin  ada[re]... 
Da  laret  da  notro  panar... 

Il  est  évident  qu'il  fallait  imprimer  : 

Nerocus  en  renvoi  ada[re  da  Gemper] 
Da  laret  dan  otro  pan  ar[rivo  er  ger], 

en  suppléant  à  la  fin  des  deux  vers  les  quatre  syllabes  qui  sont  entre  cro- 
chets. Il  y  avait  en  outre  d'autres  corrections  à  faire.  Au  lieu  de  da  notro 
écrire  da  n-otro  ou  dan  otro,  au  lieu  de  panarrivo  en  un  mot,  pa  it-arrivo  ou 
pan  arriva. 

Les  mots  sont  mal  coupés  dans  le  ms.  :  ainsi,  p.  12,  v.  45  de  la  thèse,  au 
lieu  de  vel  mo  cheux  machacret  «  comme  vous  avez  massacré  »,  lisez:  vel 
m-oc'h  eux  machacret,  etc.,  etc.  M.  Le  Braz  peut  défendre  son  système,  il  a 
donné  un  calque  de  son  manuscrit,  j'aurais  préféré  une  édition,  mais  il 
avait  le  droit  de  ne  pas  nous  la  faire. 

\J Essai  sur  l'histoire  du  théâtre  celtique,  livre  écrit  avec  beaucoup  de  talent, 
est  le  premier  ouvrage  où  nous  trouvions  une  sérieuse  étude  comparée  : 

1.  Revue  Celtique,  t.  XI,  p.  415. 

2.  Je  préférerais  «  le  renvoie  ». 

Revue  Celtique,  XXV.  24 


558  Chron'ié^ue. 

1°  des  mystères  gallois;  2°  des  mystères  comiques  pour  la  connaissance 
desquels  nous  devons  tant  à  M.  Whitley  Stokes  ;  3°  des  mystères  bretons 
encore  pour  le  plus  grand  nombre  inédits.  Nous  recommandons  vivement 
le  savant  travail  de  M.  Le  Braz  à  nos  lecteurs  sans  pouvoir  en  entreprendre 
l'analyse  pour  laquelle  l'espace  nous  manque  '. 

M.  Le  Braz  a  complété  cet  ouvrage  par  une  petite  brochure  où  il  donne 
le  texte  breton  des  fragments  de  mystère  dont  son  gros  livre  contient  la 
traduction.  Le  titre  de  cette  brochure  est  Textes  bretons  pour  servir  à  l'His- 
toire du  Tlk'dlre  celtique  {Paris,  Champion,  1904,  in-8°,  38  pages). 

VII 

La  Revue  Celtique  a  eu  plusieurs  fois  occasion  de  parler  des  travaux  d'Eugène 
O'Growney,  auteur  :  1°  de  Simple  Lessoiis  in  Irish,  sur  lesquelles  on  peut  voir 
nos  t.  XVIII,  p.  118,  et  XXIII,  103  ;  2"  d'études  sur  le  dialecte  irlandais 
d'Aran  qui  ont  paru  dans  le  tome  I^*''  de  V ArcJjiv  fur  ceUisclje  Lexicographie, 
et  que  nous  avons  mentionnés  dans  nos  tomes  XIX,  p.  78,  XXI,  125, 
XXIV,  III.  O'Growney  mourut  à  Los  Angeles  en  Californie  dans  un  hôpital 
et  fut  enterré  dans  le  cimetière  de  ce  lieu.  Au  bout  de  quatre  ans  ses  restes 
ont  été  triomphalement  ramenés  en  Irlande  et  enterrés  à  Maynooth.  A 
l'occasion  de  ces  funérailles  solennelles,  il  a  été  publié  un  beau  volume  in-40 
de  xi-378  pages,  avec  de  nombreuses  illustrations  :  Leabhar  an  athar  Eoghan, 
The  O'Growney  Mémorial  Volume,  par  Agnes  O'Farelly,  Londres,  David 
Nutt,  1904. 

VIII 

Ma  heaj  JerusaLmi,  par  L.  Leclerc,  est  un  volume  in-12  de  xiv-380  pages, 
écrit  principalement  en  dialecte  de  Tréguier.  L'auteur  prévient  qu'il  n'a  pas 
écrit  pour  les  Vannetais,  mais  qu'il  pourra  être  lu  par  les  Léonards  et  par 
les  Cornouaillais.  Le  son  qu'il  représente  par  w  est  ou  en  Trécorois,  u  après 
g  en  Léon  et  en  Cornouaille;  a  devra  être  lu  é  ou  mieux  ê  en  Trécorois  et 
en  Cornouaille,  ca,  ae  en  Léon  ;  au  sera  lu  0  en  Trécorois  et  en  Cornouaille, 
ao  en  Léon.  Il  avoue  que  dans  son  texte  il  v  a  quelquefois  mélange  du  dia- 
lecte de  Léon  avec  celui  de  Tréguier. 

I.  Au  sujet  du  Purgatoire  de  saint  Patrice  on  pourrait  faire,  p.  348,  une 
addition  bibliographique.  De  La  vida  y  purgatorio  de  S.  Patricio,  par  J.  Perez 
de  Montalban,  il  existe  trois  éditions  :  Madrid,  1627,  1656;  Séville,  1696. 
Il  y  en  a  deux  traductions  françaises,  l'une  de  F.  A.  C.,  chartreux,  Bruxelles, 
1640  :  La  vie  admirable  du  grand  saint  Patrice,  patriarche  d'Hibernie,  avec  î'Ins- 
toire  véritable  de  son  tant  fameux  purgatoire;  l'autre  traduction,  celle  de 
François  Bouillon,  franciscain,  a  eu  sept  éditions  datées  de  1643,  1659, 
1665,  1675,  1676,  1689,  1752,  plus  une  édition  sans  date,  Troyes,  vers 
^735-  J'apprends  par  M.  L.  Delisle  que  la  Bibliothèque  nationale  possède 
l'édition  de  Bruxelles  sous  la  cote  N  A'  859,  et  les  autres  sous  les  cotes 
N  X  860,  860  A-860  G. 


Chronique.  ^59 


IX 

Au  tome  XXIV,  p.  210-21 1,  de  la  Rnnie  Celtique,  nous  avons  parlé  du 
tome  premier  des  Documents  relatifs  au  comté  de  ChciDipague  publiés  par 
M.  Longnon  et  des  Fouillés  de  la  province  de  Rouen  édités  parle  même  savant. 
Depuis  il  a  mis  au  jour  un  second  volume  de  Documents  relatifs  au  comté  de 
Cljjmpagne  et  de  Brie  et  trois  volumes  de  Pouillès. 

Dans  le  volume  des  Documents  (Paris,  Leroux,  1904,  in-40,  xux-743 
pages)  qui  présente  un  grand  intérêt  pour  l'histoire  du  xiii^  et  du  xiv^ 
siècles,  il  v  a  peu  de  découvertes  à  faire  au  point  de  vue  celtique  :  nous 
signalerons  cependant,  p.  64,  note,  la  forme  Cadusia  du  nom  de  lieu  *Catussia 
«  Chaource  »,  Aube,  cf.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat\,  t.  I,  col.  862- 
863. 

Dans  les  Pouillès  de  la  province  de  Lyon,  Paris,  Klincksieck,  1904,  in-40, 
LUI- 3 19  pages,  on  rencontre  plusieurs  noms  de  lieu  dont  le  second  terme 
est  dunuin  :  Mons  Ferduni,  p.  5,  35,  Montverdun  (Loire)  ;  Arteun,  p.  8,  pour 
Arlodunum,  Arthun  (Loire),  cf.  Holder,  t.  I,  col.  227  ;  Gordunnm,  p.  174, 
182,  Gourdon,  Saône-et-Loire  ;  Rrancedunum,  p.  175,  ou  Brancidunum,  p. 
184,  Brancion  (Saône-et-Loire),  cf.  Holder,  t.  I,  col.  511  ;  Sedunus,  p.  64, 
71,  Suin  (Saône-et-Loire),  cf.  Seduni,  Holder,  t.  II,  col.  1435-1437;  et  le 
second  terme  de  ces  composés  apparaît  isolé:  Dunus,  p.  72,  Dun-le-roi  (Saône- 
ct-Loire),  et  Dunus,  p.  93,  Dun-lcs-Places  (Nièvre),  cf.  Holder,  t.  I,  col. 
1375-1377;  Verdunum,  p.  iSo,  181,  186,  Verdun-sur-Saône  (Saône-et- 
Loire). 

Le  second  terme  Iriga  doit  se  reconnaître  dans  Cotohrius,  p.  193,  199, 
Coutouvre  (Loire),  et  dans  Mardobrius,  p.  193,  ou  Mardubrius,  p.  199, 
Mardore  (Rhône).  Le  second  terme  durus  apparaît  dans  Ysodorum,  p.  65, 
Yseures  (Allier).  Le  suffixe  ligure  -oscus  se  trouve  dans  Blanoscus,  p.  190, 
203,  Blanot  (Saône-et-Loire). 

Les  Pouillès  de  la  province  de  Sens,  Paris,  Klincksieck,  1904,  in-80,  LXXXV- 
790  pages,  nous  offrent  plusieurs  noms  de  lieu  dont  le  second  terme  est 
ma^^us  réduit  à  mus:  dans  le  diocèse  de  Sens,  Xoviomus,  p.  i ,  Noyen  (Seine- 
et-Marne),  cf.  Holder,  t.  II,  col.  790-792  ;  Senomus,  p.  2,  Senan  (Yonne), 
cf.  Holder,  t.  II,  col.  1484;  dans  le  diocèse  d'Auxerre,  Gionius,  p.  232,  234, 
Gien-le-vieil  (Loiret).  Nous  citerons  deux  noms  dont  le  second  terme  est 
dunum  :  au  diocèse  de  Sens,  Kravodunum,  p.  2,  Cravon  (Seine-et-Marne), 
cf.  Cravum,  Holder,  t.  I,  col.  11 57;  au  diocèse  d'Auxerre,  Curcedonus,  p. 
231,  234,  Courson  (Yonne);  deux  noms  dont  le  second  terme  est  durus: 
au  diocèse  de  Sens,  Tanotram,  p.  2,  Tannerre  (Yonne)  ;  au  diocèse  d'Orléans, 
Culodorus,  p.  323,  Chilleurs  (Loiret).  Enfin  le  diocèse  d'Orléans  nous  offre, 
p.  325,  Litmarus,  Limiers  (Loiret),  nom  de  lieu  identique  au  nom  d'homme 
Litu-marus  (Holder,  t.  II,  col.  249). 

Les  Pouillès  de  la  province  de  Tours,  Paris,  Klincksieck,  1904,  in-40,  ci- 
601  pages,  sont  intéressants  à  divers  points  de  vue.  Par  exemple  les  noms 
de  lieu  en  -ac,  si  nombreux  dans  les  diocèses  de  Nantes,  Vannes,  Léon, 


^6o  Chronique. 

Saint-Brieuc,  Saint-Malo,  Dol,  Quimper,  sont  autant  de  témoins  remontant 
à  la  période  gallo-romaine.  Ils  nous  conservent  la  prononciation  gallo- 
romaine  du  suffixe  -âco-s  par  a  commun,  tandis  que  la  prononciation  insu- 
laire de  ce  suffixe  était  â  long  qui  est  devenu  sur  le  continent,  dans  les 
bouches  d'origine  insulaire  o,  eu,  é  avec  maintien  de  la  gutturale  suivante. 
Dans  la  région  occidentale  occupée  par  les  Bretons,  l'a  commun  gallo- 
romain  s'est  pétrifié,  tandis  qu'à  TEstles  populations  romanes  du  diocèse  de 
Rennes  sont  arrivées  à  le  prononcer  ê  avec  chute  de  la  gutturale  suivante, 
conformément  à  l'évolution  qu'a  subi  la  langue  romane  parlée  chez  elles. 

X 

La  seconde  partiedu  tome  V  de  Paiilys  Realencyclopaedie,  édition  Wissowa, 
contiendra,  col.  1750-1738,  un  savant  article  de  M.  Ihm  sur  les  Druides. 

XI 

MM.  Maurice  Prou  et  Alexandre  Vidier  viennent  de  faire  paraître  à  la 
librairie  Picard  le  2^  fascicule,  p.  209-400,  de  leur  Recueil  des  chartes  de  l'ab- 
baye de  Saint-Benott-sur-Loire.  La  plus  ancienne  charte  date  de  107 1,  la 
plus  récente  de  1161-1167.  On  y  peut  remarquer  un  nom  de  lieu  terminé 
primitivement  en  hriga:  Lescuvrio  à  l'ablatif,  p.  251,  aujourd'hui  Le  Q.ueuvre, 
commune  de  Férolles-le-Queuvre  (Loiret).  Les  variantes  Peleverensi,  mieux 
Petverensi  castro,  p.  210,  Pelverensis  castrl,  p.  211,  du  nom  de  Pithiviers, 
nous  font  remonter  à  la  forme  primitive  probable  Petuarii  fitndi  du  nom 
de  cette  localité  dont  le  britannique  Pet!iaria[vilh]  est  une  sorte  de  doublet 
remontant  à  un  propriétaire  appelé  Petuarios.  Le  nom  de  ce  propriétaire 
était  la  forme  gauloise  du  latin  quartus  employé  comme  prénom  et  comme 
surnom  (voir  par  exemple  C.  1.  L.,  t.  XII,  p.  899). 

XII 

Dans  le  Cartulaire  des  abbayes  de  Tulle  et  de  Rocaïuadour  publié  par  J.-B. 
Champeval,  Brive,  1903,  in-80,  732  pages,  nous  avons  remarqué  un  nom 
de  lieu  dont  le  second  terme  est  -dumim  et  qui,  ce  nous  semble,  n'a  pas  été 
signalé  jusqu'ici,  c'est  Cantadunus,  1084-1091  (no  196),  appelé  Cantau  dans 
d'autres  chartes,  1071-1104  (nos  144,  180,  201,  205,  247,  253,  256),  ce 
serait  aujourd'hui  Chanteix  (Corrèze). 

Signalons  aussi  Bonna,  aujourd'hui  Vomies,  commune  de  Vayrac(Lot)  ; 
cf.  Bormio,  en  allemand  Wormes,  dans  l'Italie  septentrionale,  province  de 
Sondrio  ;  Bonna  et  Bormio  paraissent  ligures  (voir  Holder,  Altceltischer 
Sprachschati,  t.  I,  col.  491,  492). 

XIII 

Nous  espérons  voir  bientôt  paraître  la  seizième  livraison  de  V Altceltischer 
Sprachschati,  de  M.  Alfred  Holder.  Nous  annonçons  les  livraisons  de  ce 
grand  et  utile  ouvrage,  quand  elles  paraissent  ;  mais  nous  le  faisons  trop 


chronique.  361 

brièvement  et  sans  appeler  l'attention  sur  ce  qu'elles  offrent  de  plus  inté  • 
ressant.  Ainsi,  en  annonçant  la  douzième  livraison,  dans  notre  t.  XXI, 
p.  119,  nous  n'avons  rien  dit  de  Vixrùdc  pctru-dixaiiietos  «  quatorzième  », 
en  breton  f>cvdr-:^eh>ed.  Le  nom  de  nombre  ordinal  gaulois  petrti-decamelos 
nous  a  été  conservé  par  une  inscription  de  Gelignicu  (Ain),  C.  I.  L.,  XIII, 
2494;  AUceUischer  Sprachschat:^,  l.  II,  col.  980,  où  l'on  trouve  aussi  le  nom 
de  nombre  cardinal  au  datif  pluriel  tricoutis,  en  breton  tirgoitl  «  trente  ». 

XIV 

Sous  le  titre  de  Geographia  da  Lusilania  na  epoca  protohistorica,  M.  J.  Leite 
de  Vasconcellos  a  publié  en  portugais  un  mémoire  très  important  de  51 
pages  sur  la  géographie  la  plus  ancienne  du  Portugal.  Nous  regrettons  qu'il 
ne  l'ait  pas  écrit  en  français  comme  il  est  parfaitement  capable  de  le  faire 
et  qu'il  ne  l'ait  pas  inséré  dans  la  Revue  Celtique. 

XV 

The  trait sacl ions  of  the  honourahle  Society  of  Cymmrodorion,  session  1902- 
1903,  64,  Chancery-Lane,  Londres,  1904,  in-80,  xxxii-96  pages,  contien- 
nent d'abord  le  rapport  du  conseil  suivi  de  la  liste  des  membres.  Viennent 
ensuite  trois  mémoires,  le  premier  de  M.  Edward  A.  Lewis  sur  la  décadence 
de  l'organisation  par  tribu  dans  le  Nord  du  pays  de  Galles;  le  second,  du 
Rév.  H.Elvet  Lewis  sur  la  métrique  galloise;  le  troisième,deM.  J.  Romilly 
Allen  sur  l'art  celtique  en  Grande-Bretagne  aux  temps  païens  et  chrétiens. 
—  Suivant  M.  Edward  A.  Lewis  c'est  en  1282  que  commença  la  décadence 
de  la  tribu  galloise  qui  fut  définitivement  détruite  au  xiv^  siècle.  —  Le 
travail  du  Rév.  H.  Elvet  Lewis  est  une  critique  de  celui  de  M.  Lotli  sur  la 
métrique  galloise;  la  parole  est  à  M.  Loth  pour  dire  ce  qu'il  en  pense.  — 
M.  J.  Romilly  Allen  conclut  son  mémoire  par  la  chronologie  suivante: 

Art  celtique  de  l'âge  du  bronze  de  l'an  1000  à  l'an  350  avant  notre  ère; 

Art  celtique  du  premier  âge  du  fer  divisé  en  deux  périodes: 

1°  La  période  antérieure  aux  Romains,  350-50  avant  J.-C.  ; 

2°  La  période  britto-romaine,  de  l'an  50  avant  J.-C.  à  l'an  450  après 
J-C; 

Art  chrétien  celtique  qui,  après  l'art  romain  et  avant  la  période  nor- 
mande, aurait  duré  de  l'an  450  à  l'an  1050  après  J.-C. 

Naturellement  ces  dates  ne  peuvent  être  proposées  que  connue  approxi- 
matives. 

XVI 

MM.  L.  Maître  et  P.  de  Berthou  ont  donné  une  seconde  édition  du  Car- 
tulaire  de  l'abbaye  de  Sainte-Croix  de  Ouimperlc,  Paris,  Champion,  1904,  in-8", 
xi-408  pages.  Dans  cette  publication  nouvelle,  les  auteurs  ont  fait  à  leur 
première  édition  les  corrections  indiquées  par  M.  'W'hitley  Stokes,  Archiv  Jiïr 
celtische  Lexicographie,  t.  I,  p.  143-150.  M.  L.  Maître  a  mis  en  tête  du  texte 
une  introduction  intéressante,  mais  où  l'on  peut  être  étonné  de  voir  citer 


3^2  chronique. 

comme  mots  bretons  minot  et  05/;  ces  deux  mots  se  trouvent  dans  le  Diclion- 
naire  de  la  langue  française  que  nous  devons  à  Littré  et  le  premier  désigne 
une  mesure  de  capacité,  non  de  pesanteur,  comme  dit  M.  L.  Maître. 

XVII 

La  Société  des  Antiquaires  de  France  vient  de  publier,  à  l'occasion  de  son 
centenaire,  1 804-1904,  un  recueil  de  mémoires  écrits  par  les  membres  de 
cette  compa_gnie.  C'est  un  volume  in-40  de  495  pages  et  vingt-cinq  planches 
qui  a  paru  chez  le  libraire  Klincksieck. 

Quelques-uns  des  articles  qu'il  contient  ont  rapport  à  la  Gaule.  Nous 
citerons  en  première  Hgne  un  mémoire  de  M.  Otto  Hirschfeld  sur  le  conseil 
des  Gaules  institué  en  l'an  12  avant  J. -G.  par  Drusus  près  de  Lyon  '.  M.  Otto 
Hirschfeld  considère  comme  certaine  l'origine  gauloise  de  cette  institution. 
Le  même  sujet  a  été  étudié  par  M.  Jules  Toutain,  sous  ce  titre:  «  L'institu- 
tion du  culte  impérial  dans  les  trois  Gaules  »  ;  cet  auteur  préfère  comme 
date  l'an  loavant  J  -G.  —  M.  Adrien  Blanchet,  dans  un  mémoire  intitulé 
«  Influence  de  la  Sicile  sur  Massalia,  »,  établit  que  le  monnayage  de  Mar- 
seille a  été  quelquefois  imité  de  celui  de  Syracuse  et  de  Tauromeniiiin.  — 
Signalons  enfin  l'article  où,  pour  le  mot  avolis,  accolé  à  des  noms  gaulois 
de  potiers,  est  proposé  le  sens  de  chef  d'usine.  —  LeméraoiredeM. Etienne 
Michon  sur  les  menhirs  sculptés  de  la  Gorse  nous  transporte  géographique- 
ment  hors  de  la  Gaule,  mais  peut  aider  à  déterminer  quelle  est  la  population 
à  laquelle  les  menhirs  de  Gaule  peuvent  être  attribués. 

XVIII 

Le  cours  de  vieil  irlandais  que  MM.  Strachan  et  Kuno  Meyer  ont  com- 
mencé l'année  dernière  à  Dublin  s'est  ouvert  de  nouveau  le  4  de  ce  mois. 
M.  Kuno  Meyer,  obligé  par  sa  santé  d'aller  aux  eaux  sur  le  continent,  est 
malheureusement  absent.  M.  Strachan  a  annoncé  quatorze  heures  de  leçons 
par  semaine,  savoir:  six  heures  de  notions  grammaticales  d'après  la  gram- 
maire de  M.  Windisch,  deux  heures  d'explication  de  gloses  en  vieil  irlandais 
d'après  son  livre  intitulé  :  Sélections  from  okl  irish  Classes  2,  deux  heures  con- 
sacrées au  Togail  Bruidne  Dâ  Derga  publié  par  M.  Whitley  Stokes  dans  la 
Revue  Celtique  et  dont  il  y  a  un  tirage  à  part;  enfin  quatre  heures  pendant 
lesquelles  le  professeur  expliquera  le  Taiit  hô  Ciiailngi. 

M.  Kuno  Meyer  devait  enseigner  la  paléographie  irlandaise  et  donner  six 
heures  de  leçons  par  semaine.  Le  total  des  heures  aurait  été  ainsi  de  vingt 
par  semaine,  soit  quatre  par  jour. 


Paris,  le  20  juillet  1904. 


H.  d'Arbois  de  Jubainville. 


1 .  Voir  ce  qu'a  écrit  à  ce  sujet  M.  Otto  Hirschfeld,  Corpus  iuscriptiouum 
latinariun,  t.  XIII,  p.  227  et  suivantes. 

2.  Voir  ci-dessous,  p.  375. 


PÉRIODIQUES 


SOMMAIRE:!.  Zeitschrift  ffir  celtische  Philologie.  —  II.  Archiv  fiir  celtische  Lexico- 
graphie. —  !ll,  IV,  V.  Annales  de  Bretagne.  —  VI.  The  Journal  of  the  Royal 
Society  of  Antiquaries  of  Ireland.  —  VII.  The  Scottish  historical  Review.  —  VIII. 
Irisleabhar  na  gaedhilge.  —  IX.  The  Gael.  —  X.  Celtia.  —  XI.  Revue  archéolo- 
gique. —  XII.  Revue  des  traditions  populaires.  —  XIII.  L'anthropologie.  —  XIV. 
The  Folklore.  —  XV.  Publications  of  the  modem  Language  Association  of  America. 
—  XVI.  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung.  —  XVII.  Indogermanische 
Sprachforschungen.  —  XVIII.  Beitraege  zur  Kunde  der  indogermanischen  Spra- 
chen.  —  XIX.  Mémoires  de  la  société  de  linguistique  de  Paris.  —  XX.  Transac- 
tions of  the  gaelic  Society  of  Inverness.  —  XXI.  Bulletin  archéologique  du  comité 
des  travaux  historiques.  —  XXII.  Boletin  de  la  real  Academia  de  la  Historia.  — 
XXIII.  Analecta  Boilandiana.  —  XXIV.  Sitzungberichte  der  Anthropologischen 
Gesellschaft  in  VVien.  —  XXV.  Revue  des  études  anciennes.  —  XXVI.  Beitraege 
zur  alten  Geschichte.  —  XXVII.  Rectification  a^t  compte  rendu  des  périodiques, 
plus  haut,  p.  99.  —  XXVIII.  Revue  historique.  —  XXIX.  The  celtic  Review. 

PosT  scRiPTUM.  Sélections  from  irish  Glosses. 


I 

Zeitschrift  fûr  celtische  philologie,  herausgegeben  voti  Kuno  Meycr 
and  L.  Chr.  Stern,  t.  V,  v^  livraison.  —  Cette  livraison  contient  les 
articles  suivants  :  i"  R.  Thurneysen,  Mélanges  concernant  la  grammaire 
du  vieil  irlandais,  savoir  d'abord  :  étude  sur  les  circonstances  où  la  nasale 
finale  de  l'accusatif  singulier,  et  du  génitif  pluriel  des  trois  genres,  plus  celle 
du  nominatifsingulier  neutre  deviennent  initiales  du  mot  suivant  (ce  sujet  a 
été  traité  brièvement  dans  Gr.  Celt.  2,  p.  173  ;  Windisch,  IiischeGranimalik, 
5  39)  ;  ensuite  viennciitdes  exemples  de  l'emploi  duthème/«Ha  «  savoir  » 
au  présent  de  l'indicatif  ;  enfin  le  neutre  en  nt,  lochet  «  éclair  »  (cf.  Irische 
Texte,  t.  I,  p.  666).  —  2°  Trois  pièces  de  vers  extraites  par  M.  Kuno 
Meyer  du  livre  des  Hui  Maine  qui  fait  partie  de  la  collection  Stowe  aujour- 
d'hui conservée  dans  la  bibliothèque  de  l'Académie  royale  d'Irlande  ; 
ces  pièces  de  vers  concernent  :  d'abord  trois  arbres  d'Irlande  qui  ont 
été  célèbres  ;  (ce  poème  composé  par  Cuan  O'Lothcain  n'a  pas  été 
mentionné  par  E.  O'Reilly,  Irish  uriters,  dans  l'article  consacré  à  ce 
poète,  p.  LXXiii)  ;  ensuite  les  merveilles  iiigaiila  d'Irlande,  dont  il  existe 
d'autres  descriptions  énumérées  par  Todd,   The  irish  Version  of  the  His- 


^64  Périodiques. 

toria  Britoiniui  of  Neiiniiis,  p.  192,  note  3  ;  enfin  les  dix-sept  miracles 
qui  auraient  eu  lieu  à  la  naissance  deJ.-C.  —  3°  Suite  de  la  vie  de  saint 
Columba,  texte  irlandais  publié  et  traduit  en  anglais  par  Richard  Henebry. 
—  40  Suite  des  observations  de  Georges  Henderson  sur  la  phonétique  des 
dialectes  gaéliques  d'Ecosse.  —  5°  Etude  de  M.  Anscombe  sur  les  noms  de 
lieux  compris  dans  la  section  de  Nennius  que  Mommsen  a  publiée  sous  le 
titre  d'Arthiiriaiia  aux  pages  199-201  du  tome  XIII  des  Aiictores  antiquis- 
simi  compris  dans  la  collection  in-40  des  Moinmienta  GciDimiue  historica.  — 
50  Mémoire  de  M.  Charles  Plummer  sur  la  légende  de  saint  Brendan.  — 
6"  Note  de  M.  Gaidoz  sur  sainte  Onenne.  —  7°  Index  par  M  Anscombe 
des  mots  contenus  dans  les  poèmes  gallois  intitulés  Gododin  dont  M.  Wil- 
liam F.  Skene  a  publié.le  texte  :  Four ancient  Books  of  fVales,  t.  II,  p.  63-107  ; 
la  traduction  anglaise,  tome  I^'',  p.  574-430,  et  les  notes  au  tome  II,  p.  359- 
396  ;  cet  index  est  un  travail  purement  mécanique  :  ainsi,  p.  1 5  3  le  singulier 
caat  «  bataille  »,  vers  1275,  forme  un  article,  le  pluriel caJfw,  vers  1014,.  en 
forme  un  autre  séparé  du  premier  par  deux  articles,  cadarn  «  fort  »,  «  puis- 
sant »,  cadawy  «  lutte  »  ;  et  lorsque  le  c  initial  de  ce  substantif  est  changé 
en  ^  par  l'effet  des  lois  phonétiques,  vers  98,  11 52,  t.  II,  p.  65,  100,  des  Foitr 
ancient  Books  of  Walcs,  cf.  t.  I,  p.  377,  417,  c'est-à-dire,  lorsque  ce  pluriel 
est  écrit  gadeu,  il  faut  l'aller  chercher  à  la  page  160  de  l'index,  c'est-à-dire 
sept  pages  plus  loin  que  cadeti  qui  est  le  même  mot.  C'est  aussi  à  la  page 
160  que  l'on  trouve  gadivn,  tandis  que  cadani,  le  même  mot,  est  à  la  page 
IS5  ;  M.  Anscombe  ferait  bien  de  lire  le  glossaire  placé  par  M.  Windisch 
à  la  fin  du  tome  ler  des  Irische  Texte,  il  y  verrait  par  exemple,  p.  853, 
ihuath  mis  dans  l'article  tuatlj,  et  il  pourrait  parvenir  à  comprendre  comment 
travaille  un  vrai  savant.  Mais,  me  dira-t-on,  le  Gododin  est  gallois  et  non 
irlandais.  Prenons  le  Percdur  de  M.  Kuno  Meyer  :  c'est  page  32,  col.  2,  à 
l'article  C(/vw  que  l'on  trouve  la  variante  gcfyn  ;  c'est  p.  55,  col.  i  à  l'ar- 
ticle cilvdd  qu'a  été  placée  la  variante  ,<,t//v<7(/.  —  8°.  Notes  brittoniques  par 
par  M.  J.  Loth  :  les  doublets  gallois  sedd,  hcdd,  signifiant  «  maison  »,  se 
et  he  signifiant  «  semence  »  ;  le  moyen  breton  bleiir^ff  «  fleurs  »  s'ex- 
pliquant  par  un  primitif /'/<//-//«•//  dont  le  /  serait  devenu  sonore  par  l'in- 
fluence de  Vin  suivant.  —  9  M.  L.  Chr.  Stern  publie  treize  quatrains 
irlandais  conservés  par  le  ms.  Laud  610,  9  b,  de  la  bibliothèque  Bodleyenne 
d'Oxford  ;  ils  concernent  la  légende  qui  fait  survivre  à  la  bataille  de  Gabra, 
283,  quelques  guerriers  de  la  milice  dite  Fianna  qui  plus  tard  se  seraient 
convertis  au  christianisme.  M.  Stern  avait  en  1892,  publié  dans  la  Revue 
Celtique,  t.  XIII,  p.  5-12,  un  poème  irlandais  conservé  par  unms.  de  l'Uni- 
versité de  Leyde  et  où  l'on  voit  Finn  mac  Cumail,  après  un  songe,  prédire 
l'établissement  du  christianisme  en  Irlande,  p.  11  (traduction,  p.  21).  Des 
prédictions  analogues  se  trouvent  dans  le  Boroina  (St.  H.  O'Grady,  Silva 
Gadelica,  texte,  p.  366,  traduction,  p.  406;  Whitley  Stokes,  Revue  Celtique, 
t.  XIII,  p.  48,  49),  et  dans  VAgallanib  na  senorach  (voir  dans  la  Silva  Gadelica 
le  texte,  p.  134,  et  la  traduction,  p.  147  ;  cf.  Whitley  Stokes,  Irische  Texte, 
t.  IV,  p.  52).  —  Suivent  un  recueil  de  mélanges  et  la  bibliographie.  Dans 
les  mélanges  se  trouve  une  lettre  de  Jacob  Grimm  datée  de  Berlin  le  5  dé- 


Périodiques.  365 

cembrc  1858.  Le  savant  germaniste  prétend  expliquer  le  mot  driiiila  en 
supposant  à  l'origine  des  druides  une  prophétesse,  appelée  Driiida.  Il  ne 
comprend  pas  que  druida  est  la  conséquence  tirée  de  l'accusatif  pluriel  zq\- 
ùquc  ditéidas  par  un  romain  qui  connaissait /«t:o/fl5,  agricolas,  accusatifs  plu- 
riels d'incohi,  agricola,  et  qui  croyait  qu'en  gaulois  le  nominatif  pluriel 
druides  {De  bello  galïico,  VI,  xiv,  i)  aurait  dû  correspondre  à  un  accusatif 
pluriel  druides.  De  là  chez  Cicéron,  De  Divinationc,  le  nominatif  pluriel 
druidae,  cf.  agricolae,  incolae  (cf.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat:{,  t.  I,  col. 
1325-13 30). 

II 

La  4e  livraison  du  tome  II  de  VArchiv  fiir  celtische  Lexicographie  n'a 
pas  encore  paru  que  je  sache,  mais  nous  avons  reçu  de  M.  Whitley 
Stokes  un  des  articles,  c'est  la  fin  de  sa  seconde  édition  du  glossaire  d'O'Da- 
voren  dont  le  commencement  a  paru  dans  la  3e  livraison  (  voir  Revue  Cel- 
tique, tome  XXV,  p.  ici).  Cette  seconde  partie  comprend  272  pages, 
numérotées  235-504  ;  il  y  a  34  pages  dans  la  première  partie  d'où  un  total 
de  506  pages,  tandis  que  dans  les  Tlnee  irish  Glossartes,  1862,  le  glossaire 
d'O'Davoren  n'occupe  que  78  pages.  Dans  l'édition  nouvelle  les  articles 
sont  numérotés  et  traduits  de  l'irlandais  en  anglais,  enfin  un  index  des  mots 
renvoie  aux  numéros  des  articles  dans  lesquels  ces  mots  sont  expliqués. 
Cette  publication  rendra  de  grands  services  aux  ccltistes. 

III 

Annales  de  Bretagne,  t.  XIX,  no  i  janvier  1904.  Notes  d'étymologie 
bretonne  par  M.  Emile  Ernault  ;  le  soufflet  y  tient  une  place  considérable 
—  Biobibliographie  de  saint  Méen  ou  indication  des  textes  relatifs  à  ce  per- 
sonnage légendaire parM.  Duine.  —  M.J.Nicolas  exposeque  le  poème  breton 
Buhei  Mab-den  paraît  être  une  imitation  du  grand  testament  de  Villon.  — 
Note  de  M.  J.  Loth  sur  la  légende  bretonne  suivant  laquelle  les  vieillards 
à  charge  à  leurs  héritiers  étaient  envoyés  à  Loc-mel-tro,  où  avec  une  massue 
bénie  on  les  assommait.  C'est  un  pendant  à  la  tradition  romaine  suivant 
laquelle  les  sexagénaires  étaient  du  haut  du  pont  précipités  dans  le  Tibre 
(Festus,  édition  MùUer,  p.  534;  Nonius,  XII,  22;  cf.  Ovide,  Fastes,  V, 
655).  On  peut  comparer  ce  qu'on  lit  sur  le  meurtre  rituel  du  vieux  père 
dans  le  volume  intitulé:  Les  populations  finnoises  des  bassins  de  la  Volga  et  de 
la  Kania  par  Jean-N.  Smirnov,  ouvrage  traduit  du  russse  par  P.  Boyer, 
Paris,  Leroux,  1898,  p.  552.  La  massue  de  Loc-mel-tro  était  une  boule  de 
granit,  d'où  le  nom  de  lieu  qui  veut  dire  chapelle  du  creux  de  la  boule.  — 
Le  même  M.  Loth  explique  par  le  o^Wo'xs  gwledd  v.  festin  »  le  nwi  ghied  au 
cartulaire  de  Quimperlé,  p.  20.  —  Étude  de  M.  J.  Le  Gall  sur  l'accent,  le 
timbre  et  l'intensité  des  voyelles  dans  le  dialecte  breton  de  Botsorhcl. 

IV 

Annales  de  bret.\gne,  t.  XIX,  no  3,  avril  1904.  —  Mémoire  de  M.  Henri 


]66  Périodiques. 

Sée  sur  l'administration  au  xviiie  siècle  de  deux  seigneuries  de  Basse- 
Bretagne,  Toulgouet  et  Le  Tref  ;  ce  travail  est  très  intéressant  en  ce  qu'il 
raconte  de  l'histoire  du  domaine  congéable,  mode  detenure  spécial  à  la  Bre- 
tagne. —  Etude  de  l'abbé  L.  Campion  sur  saint  Servatius,  évêque  de 
Tongres  et  patron  de  Saint-Servan. 

V 

Annales  de  Bretagne,  t.  XIX,  11°  4,  juillet  1904.  — -Notes  d'étymologie 
bretonne,  suite,  par  M.  Emile  Ernault.  —  Fin  de  l'étude  de  l'abbé  Campion 
sur  saint  Servatius,  évêque  de  Tongres.  —  M.  Loth  expose  que  saint  Ser- 
vatius et  saint  Servan  confondus  dans  la  légende  sont  phonétiquement 
deux  personnages  différents. 

VI 

The  journal  of  the  Royal  Society  of  antiquaries  of  Ireland,  t. 
XXXIII,  no  4,  31  décembre  1903.  Notice  par  M.  Thomas  Johnson  Westropp 
sur  les  antiquités  d'Ardmore,  dont  un  évêque,  saint  Declan,  aurait  été,  dit-on, 
contemporain  de  saint  Patrice ',  ve  siècle,  mais  serait  probablement  mort 
en  527  ou  en  550,  ce  qui  n'est  pas  la  date  où  a  vécu  saint  Patrice.  Il  n'est 
pas  question  de  saint  Declan  dans  les  textes  que  M.  Whitlcy  Stokes  a  réunis 
sous  le  titre  de  Tripartite  Life  of  Patrick,  et  les  Bollandistes,  Bihiiotheca 
hagiographicalatiiia,  t.  I,  p.  319,  mettent  Declan  au  vi^  siècle.  Parmi  les 
antiquités  chrétiennes  décrites  dans  le  mémoire  de  M.  Westropp  y  en  a-t-il 
qui  remontent  à  cette  date  ?  —  Étude  par  M.  John  Rhys  sur  les  deux  ins- 
criptions ogamiques  d'Ardmore  :  elles  sont  encore  en  place  ;  M.  Rhys  lit 
la  première  Amadu;  la  seconde  :  fe  partie  Licgiideccas'maqui  ma[qii]i  [inH]coi 
neta  Seganionas,  ce  qui  paraît  signifier  «  [tombe]  de  Lugaid  fils  d'un  fils  de 
la  parenté  du  champion  du  dieu  Segamo  »  ;  seconde  partie  :  Dolali 
higaiscûbbi  qu'W  propose    de  traduire  par:  «  de  Dolad  vice-évêque  ». 

VII 

The  scoTTisH  historical  REVIEW,  vol.  I,  no  4,  juillet  1904.  —  Mémoire 
de  M.  David  iMac  Ritchie  sur  l'usage  de  la  culotte  dans  les  hautes  terres 
d'Ecosse.  Il  fait  remonter  cet  usage  au  xvie  ou  au  xyii^  siècle.  Au  xviic 
siècle  ce  vêtement  n'était  encore  porté  que  par  les  gens  distingués,  le  peuple 
s'en  passait. 

VIII 
Irisleabhar  na  gaedhilge.  —  Depuis  le  mois   de  novembre  1903  cette 

i  C'est  entre  autres  auteurs  ce  que  rapporte  Ware,  TI.v  -ivliole  uvrks  of 
sir  f unies  Ware,  éd.  Harris,   1739,  t.  I,  p.  10,  21. 


Périodiques.  367 

revue  mensuelle  publie  des  morceaux  du  Tdin  hô  Cûailiigi  dont  le  texte  est 
établi  et  accompagné  de  notes  grammaticales,  par  M.  John  Strachan.  Ces 
morceaux  sont  au  nombre  de  neuf  savoir  : 

1°  Comment  Cùchulainn  vint  à  Emain  Mâcha,  no  de  novembre  1903, 
cf.  traduction  Faraday,  p.  17-20. 

2°  Comment  Cùchulainn  emporta  Conchobar  du  champ  de  bataille,  no  de 
décembre  1903,  cf.  traduction,  p.  21-22. 

30  Comment  Cùchulainn  tua  le  chien  du  forgeron,  no  de  janvier  1904, 
cf.  traduction  p.  25-23. 

40  Comment  Cùchulainn  prit  les  armes  et  se  mit  en  route,  no  de  février 
1904,  cf.  traduction,  p.  26-29. 

50  Suite  du  morceau  précédent,  no  de  mars  1904,  cf.   traduction,  p.  29- 

34- 

60  Comment  Cùchulainn  retarda  Tinvasion  de  l'Ulster;  no  d'avril  1904, 
cf.  traduction,  p.  13-16. 

70  Comment  Cùchulainn  tua  Froech,  n"  de  mai  1904,  cf.  traduction, 
p.  34-36. 

80  Comment  Cùchulainn  tua  Etarcomol,  première  partie,  n°  de  juin  1904  ; 
cf.  traduction,  p.  51-53. 

90  Comment  Cùchulainn  tua  Etarcomol,  seconde  partie,  n"  de  juillet  1904  ; 
cf.  traduction,  p.  53-55. 

Cette  publication  nous  fait  connaître,  pensons-nous,  un  des  cours  pro- 
fessés l'année  dernière  à  Dublin  par  M.  Strachan  et  ne  peut  qu'en  donner 
bonne  opinion. 

IX 

The  gafx,  140,  Nassau  Street,  New-York,  janvier-mai  1904.  —  N"  de 
janvier.  Mémoire  anonyme  sur  les  légendes  et  les  chants  des  Gaels.  —  No 
de  février.  Cùchulainn  l'Achille  irlandais  par  Henry  Morris.  Le  tribut  de 
Leinster,  Boroina,  par  T.  O'Neill  Russel.  —  N"  de  mars.  Coutumes  et  su- 
perstitions du  comté  de  Meath  par  Miss  A.  H.  Singleton.  L'or  de  la  Sor- 
cière par  Douglas  Hyde.  Compte-rendu  de  l'enseignement  donné  par 
M.  Strachan  en  juillet  1903,  par  MM.  Kuno  Meyer  et  Henry  Sweet  en 
septembre  la  même  année  à  l'école  de  science  irlandaise  nouvellement 
fondée  à  Dublin.  Suit  une  note  de  M.  Kuno  Meyer  sur  l'importance  de  la 
littérature  irlandaise.  —  N"  d'avril.  Mémoire  de  M.  Wm.  H.  Grattan  Food 
sur  la  cornemuse  irlandaise  et  les  musiciens  qui  jouent  de  cet  instrument. 
—  No  de  mai.  Les  tribus  de  Galway,  jusqu'en  1640.  La  mort  de  Conlaoch 
mise  en  vers  anglais  par  Mary  A.  O'Reiliy. 

X 

Celti.\,  novembre-décembre  1903,  janvier,  février,  mars  1904.  —  J'ai 
oublié  de  dire  que  dans  les  nos  Je  septembre  et  octobre  1903  avait  paru  le 
commencement  des  gloses  irlandaises  du  ms.   de  Wùrzburg  commentées 


^68  Périodiques. 

par  M.  J.  Strachan.  Une  suite  a  été  publiée  dans  les  nos  de  novembre- 
décembre,  janvier,  février,  mars.  Les  numéros  suivants  ne  me  sont  point 
parvenus.  Le  n"  de  novembre-décembre  contient  outre  le  travail  précité  de 
M.  Strachan  un  résumé  du  mémoire  de  M.  Arthur  C.-L.  Brown  sur  l'ori- 
gine des  romans  d'Arthur  (cf.  Revue  Celtique,  t.  XXIV,  p.  323).  Dans  le 
no  de  janvier  1904,  on  trouve  une  étude  sur  les  noms  de  lieu  comiques;  et 
le  récit  de  la  bataille  de  Moytura  chez  Keating,  texte  irlandais  de  l'édition 
donnée  par  David  Comyn  pour  la  Irish  Text  Society,  p.  198  ;  ici  ce  texte  est 
accompagné  d'une  traduction  interlinéaire.  A  la  page  31,  du  no  de  février, 
on  lit  un  texte  modernisé  du  §  31  de  la  seconde  des  éditions  de  la  Bataille 
de  Ross  na  Rig  données  par  E.  Hogan,  Todd  lectures  séries,  IV,  p.  86,  88; 
cf.  i^e  édition,  §  35,  p.  42  du  même  volume.  Ce  texte  modernisé  est  accom- 
pagné d'une  traduction  interlinéaire. 

XI 

Revue  archéologique,  nos  de  janvier-février  et  mars-avril  1904.  — 
Mémoire  de  MM.  F.  Hermet  et  Joseph  Déchelette  sur  les  graffites  de  Grau- 
senque.  Ces  graffites  ont  été  tracés  sur  de  la  poterie.  Parmi  les  noms 
d'hommes  il  y  en  a  un  qui  est  incontestablement  gaulois,  c'est  [Me]ddilos  par 
deux  rf  barrés,  p.  201,  et  p.  80;  cf.  Holder,  Altceltischer  Sprachschat:^,  t.  II, 
col.  494,  Mcddila,  Meddilltis  ;  et  même  tome,  col.  575,  Messilla,  Messiliis. 

XII 

Revue  des  tr.^ditions  populaires.  Janvier-juin  1904.  —  Faune  popu- 
laire de  la  Basse-Bretagne  :  l'abeille,  gucnanen  ;  la  belette,  ar  garelic;  le  blai- 
reau, troc'/;;  l'alouette,  ar/^Je;  la  bécasse,  kevelek;  le  bouvreuil,  peughiùuil:  ; 
la  bécassine,  Icioc'h;  le  chat,  his,  par  H.  Le  Carguet.  —  Aux  environs  de 
duimper,  le  crapaud,  le  chat  noir  par  H.  Divcrrés.  —  Deux  quatrains 
d'une  chanson  bretonne  du  Morbihan  publiés  par  Lucie  Guillaume.  — 
Pèlerins  et  Pèlerinages  en  Bretagne,  par  F.  Duine.  —  Coutumes  et  supers- 
titions de  Basse-Bretagne,  par  Lucie  de  V.-H. 

XIII 

L'anthropologie,  novembre-décembre  1903,  janvier-avril  1904. —  Ces 
numéros  sont  presque  exclusivement  consacrés  à  l'étude  de  faits  antérieurs  à 
la  période  celtique.  Il  n'y  a  d'exception  que  dans  la  bibliographie  où  divers 
ouvrages  relatifs  à  cette  période  sont  analysés  avec  compétence  non  moins 
qu'avec  bienveillance. 

XIV 

The  folklore,  t.  XV,  nos  i  et  2,  24  mars  et  24  juin  1904.  —  Élude 
par  Éleanor  Hull  sur  la  Légende  de  Derdriu  et  sur  les  modifications  qu'elle 
a  subies  dans  le  cours  des  siècles.  —  Arthur  et  Gorlagon,  traduction  par 


PcriOiiiqiics.  ^6<) 

F. -A.  Milne  avec  notes  par  Alfred  Nutt.  La  traduction  faite  précédemment 
par  le  Professeur  Kittredgc  a  éié  annoncée  par  la  Revue  Celtique,  t.  XXIV, 
p.  324-52)  ;  M.  Alfred  Nutt  ne  ménage  pas  les  éloges  à  M.  Kittredge.  — 
Nouvelles  variantes  au  thème  du  combat  du  père  et  du  fils  (en  Irlande 
Cûcliulainn  et  Conlaoch),  réunies  par  M.  Murray  A.  Potter,  auteur  d'un 
livre  intitulé  Sohiab  and  Ruslein,  qui  a  été  critiqué  deux  fois  dans  The  Folklore, 
t.  XIII,  p.  444-447,  et  t-  ^I^^  P-  307"309  (cf-  Ri^vue  Celtique,  t.  XXV,  p. 
105-106). 

XV 

Publications  of  the  modern  language  association  of  america, 
t.  XVIII,  1905.  —  Mémoire  de  M.  William  Wells  Newell  intitulé  :  Wil- 
liam of  Malmesbury  on  the  Antiquity  of  Glaslottbury,  with  especial  Référence 
to  the  Equation  of  Glastonbury  and  Avalon.  Le  traité  De  Antiquitate  Glasto- 
niénsis  ecclesia  est  un  livre  rempli  de  renseignements  apocryphes.  Voici  un 
exemple  :  l'auteur  de  cet  ouvrage  avait  dit  dans  ses  Gesta  regum  qu'on  ignorait 
où  se  trouvait  la  sépulture  du  fameux  roi  Arthur'.  Dans  le  De  antiquitate, 
il  prétend  qu'au  cimetière  des  moines  de  Glastonbury  existe  le  tom- 
beau de  l'illustre  roi  Arthur  et  de  sa  femme  2.  En  conséquence  il  imagine 
que  Glastonbury  s'est  appelée  Avalonia  5.  Suivant  le  même  ouvrage  l'apôtre 
de  l'Irlande,  saint  Patrice,  après  un  séjour  de  trente-neuf  ans  à  Glastonbury 
y  serait  mort  et  y  aurait  été  enterré  4.  Cette  assertion  est  suffisante  pour 
montrer  que  le  De  antiquitate  n'a  guère  de  valeur  historique.  Mais  dans 
l'opinion  de  M.  William  Wells  Newell  le  De  antiquitate  que  nous  possédons 
n'est  pas  tout  entier  l'œuvre  de  Guillaume  de  Malmesbury  ;  les  fables  que  cet 
ouvrage  contient  sont  des  interpolations  dont  Guillaume  de  Malmesbury 
n'est  pas  responsable. 

XVI 

Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung,  t.  XXXIX,  deu- 
xième livraison.  —  Mémoire  de  M.  Whitley  Stokcs  sur  les  formes  rela- 
latives  du  verbe  passif  irlandais.  Pedersen  est  le  premier  celtiste  qui  ait 
parlé  des  formes  relatives  du  passif  en  irlandais  (Jbid.,  t.  XXXV,  p.  376). 
M.  Whitley  Stokes  donne  vingt-cinq  exemples  du  présent  de  l'indicatif, 
sept  du  futur.  Une  partie  de  ces  formes  est  identique  à  celles  de  l'impératif, 
exemple  :  berar,  «  qui  est  porté  »  ;  bertar  «  qui  sont  portés  »  et  toutes 
peuvent  être  rapprochées  de  celles  du  présent  de  l'indicatif  conjoint  :  dobe- 
rar,  «  il  est  porté  »  dobertar  «  ils  sont  portés  »  ;  etc. 

i.  Arturis  sepulcrum  nusquam  visitur,  éd.  Stubbs,  p.  342;  Migne,  Patro- 
logina  latina,  t.  179,  col.  1259  G. 

2.  Praetermiîto  de  Arturo,  inclyto  rege  Britonum,  in  coenieterio  mona- 
chorum  inter  duas  pyramides  cum  conjuge  sua  tumulato.  Migne,  Patrologia 
latina,  t.  179,  col.  1700  A. 

5.  Migne,  Patrologia  latina,  t.  179,  col.  1687  G. 

4.  Migne,  Patrdogia  latina,  t.  179,  col.  1688-1690. 


^yo  Périodiques. 


XVII 

Indogermanische  Forschungen,  Zeitschrift  fiïr  indogermanischu  Sprach- 
U7ui  Aller tiniiskiinde,  herausgegeben  von  KarlBrugmann  undWilhelm  Streit- 
berg,  t.  XVI.  Dans  le  mémoire  de  M.  R.  Meringer,  Wôrler  tirid  Sachen, 
on  peut  signaler,  p.  138,  l'étymologie  proposée  par  l'auteur  pour  le  mot 
français  landier,  d'abord  andier  «  chenet  »  dont  l'origine  est  incertaine  sui- 
vant Iq  Diclio)inairc' oénêral  de  la  langue  française  de  MM.  Hatzfeld,  Darmes- 
teteret  Antoine  Thomas,  p.  1376  ;  c'était  un  chenet  à  tête  d'animal,  à  tête  de 
bête  à  corne  :  en  gallois  moderne  anner  «  génisse  »  tient  lieu  d'un  plus 
ancien  auder,  comme  le  prouve  en  gallois  ancien  le  diminutif  enderic,  «  veau  ». 
Landier  serait  donc  un  mot  français  d'origine  celtique. 

XVIII 

Beitraege  zur  Kundeder  indogermanischen  Sprachen,  herausgegeben 
von  Ad.  Bezzenberger  et  W.  Prellwitz,  t.  XXVIII,  5e  et  4e  livraisons.  — 
Dans  un  mémoire  M.  Scheftelowitz  sur  les  lois  phonétiques  du  vieil  armé- 
nien, beaucoup  de  mots  vieil  irlandais  sont  rapprochés  de  mots  arméniens, 
exemples  : 

arménien i/r/  «  cœur  »,  irlandais  cride,  même  sens. 

—  karcr  «  dur  »,  —  S^^'S'  'l'^'n^  sens. 

—  acem  «  je  conduis  »,  —  agaiin,  même  sens. 

—  cnatit  «  joue,  mâchoire  »,  —  gin  «  bouche  ». 

—  kclc  «  hypocrite  »,  —  celg  «  tromperie  ». 

—  anjûl-,  ancnk  «  étroit  »,  — •  cmn-nug,  même  sens. 

—  kur  «  dur  »,  —  crûaid,  même  sens. 

—  hakan  «  je  courbe  »,  —  ècath  «■  hameçon  ». 

—  vèg  «  querelle  »,  —  fichim  «  je  combats  ». 

—  hek  «  brisé  »,  —  comhoing  «  il  brise  ». 

—  jov  «  branche  »,  —  gabiil  «  fourche  ». 

—  diirgn  «  roue  de  potier  »,  —  drocb  «  roue  ». 

—  yalbarem  «  je  détruis  »,  —  calh  «  bataille  ». 

—  nnt/  «  fumée  »,  — -       viûch,  même  sens. 

Citons  encore  l'arménien   knink  «  s;rue  »  en  gallois  et  en  breton  garan. 


XIX 

Mémoires  de  la  société  de  linguisticii-'f.  de  Paris,  t.  XIII.  Premier  fas- 
cicule. Rapprochement  de  l'irlandais  gahini  et  du  latin  capio,  du  gaulois 
gabros  et  du  latin  caper  ;  correction  de  Silvanecti  en  Selvanccti.  —  Troisième 
fascicule.  Étude  par  M.  Vendryes  sur  les  anciennes  formes  du  nom  de 
Melun,  Mello-sediun  probablement  dans  l'archétype  des  mss.  de  la  2^  classe, 
Metlo-dnninn  dans  l'archétype  des  mss.  de  la  première  classe  qui  paraît 


Périodiques.  ^71 

remonter  à  l'an  500  de  notre  ère  et  être  moins  ancien  que  l'archétype  de 
la  2<^  classe. 

XX 

Transactions  of  the  Gaelic  Society  of  Inverness,  t.  XXIV.  — 
Mémoire  de  M.  David  Mac-Ritchie  sur  le  shelta  «  langue  des  chaudron- 
niers», dont  le  nom  gaélique  moderne  est  ceard,  au  pluriel  ceaird,  en  vieil 
illandais  cerd,  au  pluriel  ceird.  Leur  langue  est  un  argot  dont  il  a  été  ques- 
tion dans  la  Revue  Celtique,  t.  XII,  p.  176,  301-302;  t.  XIII,  p.  403.  Cet 
argot  serait  le  résultat  d'une  déformation  systématique  de  l'irlandais  tel 
qu'il  se  parlait  avant  le  onzième  siècle.  Tel  est  la  conclusion  des  travaux 
faits  sur  ce  langage  par  MM.  John  Sampson  en  1890  et  Kuno  Meyer  en 
1891.  M.  Mac  Ritchie  après  avoir  reproduit  avec  éloge  l'exposé  de  la  doc- 
trine de  M.  Kuno  Meyer,  donne  deux  textes  shelta  avec  traduction  anglaise, 
et  des  vocabulaires  shelta  recueillis  par  plusieurs  auteurs  dont  le  plus 
récent  est  M.  Alexandre  Carmichael.  Il  résulte  de  là  que  le  shelta  est 
souvent  mélangé  de  mots  qui  ne  sont  pas  d'origine  gaélique.  Certains  ont 
été  par  exemple  empruntés  à  la  langue  des  gypsy,  ou,  comme  on  dit  en 
français,  des  Bohémiens. 

XXI 

Bulletin  ARCiiÉOLOGiauE  du  comité  des  travaux  historiq.ues  et 
SCIENTIFIQ.UES,  année  1904,  k^  livraison.  —  M.  Héron  de  Villefosse  cons- 
tate qu'à  Doué  (Seine-et-Marne)  a  été  trouvée  la  marque  de  potier  Divix[ti] 
m[anu],  déjà  relevée  au  musée  de  Clermont-Ferrand  par  M.  Hirschfeld,  Cor- 
pus iîiscriplioiium  latinarum,  t.  XIII,  3*=  partie,  lOOio,  791^. 

XXII 

BOLETIN  DE  LA    REAL  ACADEMIA  DE  LA  HiSTORIA,  tOme  XLIV,   livraisons 

2-6,  février-juin  1904.  —  Parmi  les  inscriptions  romaines  inédites  des  envi- 
rons de  Caceres,  l'antique  NorbaCaesarina,  publiées  par  M.  Mario  Roso  de 
Luna,  nous  signalerons:  les  nos  12,  16,  23,  49,  52,  p.  125,  125,  128,  135, 
136,  où  se  lit  le  surnom  Taiiciiius,  écrit  Tangin  avec  un  g  au  n»  30, 
p.  130  (cf.  Holder,  Altceltischer  Sprachschati,  t.  II,  col.  1717,  1718,  1719); 
le  n°  54,  p.  131,  où  apparaît  l'adjectif  géographique  Tui-ibrice\nsi5]\ 
le  no  47,  p.  154,  qui  nous  offre  le  nom  d'homme  Cellius.  Dans  une  ins- 
cription de  la  province  d'Orense  publiée  par  le  P.  Fita,  p.  355  on  a  lu  le 
nom  de  femme  Talavia,  cf.  Tulavns,  Holder,  Allcellischer  Sprachschat:^, 
t.  II,  col.  1708.  Enfin, p.  554,  on  peut  signaler  dans  une  inscription  inédite 
le  nom  de  Celliatus,  Veiiiati  filius. 

XXIII 
Analecta  Bollandiana,  t.  XXIII,  fascicules  II-III.  —  Vie  métrique  de 


^72  Périodiques. 

saint  Bricuc,  Brioiiiagliis,  premier  évoque  de  la  ville  de  Saint-Brieuc,  partie 
finale,  publiée  d'après  le  ms.  A  202  de  la  bibliothèque  de  Rouen,  p.  246- 
251  des  Analcctd.  Epilogue  de  la  vie  en  prose,  p.  264-265;  cf.  Analecta 
BoUandiana,  t.  II,  p.  162-188  où  la  vie  en  prose,  moins  l'épilogue,  a  été 
publiée  par  D.  Plaine  d'après  le  ms.  de  Rouen,  U.  119. 

XXIV 

SiTZUNGSBERICHTE   DER    AnTHROPOLOGISCHEN    GeSELLSCHAFT    IN    WIEN, 

lahrgang  1904,  p.  8.  —  Résumé  par  le  D""  L.  Bouchai  d'une  communica- 
tion faite  par  le  Professeur  Rud.  Much  sur  la  question  ligure.  Suivant  M.  Rud. 
Much  M.  d'A.  de  J.  n'a  pas  donné  la  preuve  de  différence  entre  la  langue 
des  Ligures  et  celle  des  Celtes.  M.  Much  croit  que  la  langue  des  Ligures 
se  rapproche  beaucoup  de  celle  des  Celtes  et  ressemble  aux  langues  de 
l'Europe  septentrionale,  beaucoup  plus  qu'aux  langues  de  l'Europe  du  sud. 
Il  est  d'avis  que  M.  d'A.  de  J.  se  trompe  sur  l'étendue  qu'aurait  eu  le 
domaine  géographique  des  Ligures  et  que  la  nomenclature  géographique 
la  plus  ancienne  de  la  Germanie  méridionale  contient  beaucoup  de  noms 
hgures. 

Mais  M.  L.  Bouchai  ne  considère  pas  comme  démontrée  la  parenté  de 
la  langue  des  Celtes  et  de  celle  des  Ligures.  Il  lui  paraît  même  douteux  que 
la  langue  des  Ligures  soit  indo-européenne.  Il  lui  semble  difficile  de  déter- 
miner quelle  peut  avoir  été  la  contrée  où  les  Ligures  ont  eu  leur  plus  ancien 
établissement. 

XXV 

Revue  des  Études  anciennes,  t.  VI,  no*  1-3,  janvier-septembre  1904. 
—  Camille  Jullian.  Remarques  sur  la  plus  ancienne  religion  gauloise,  suite  : 
Rituel  militaire,  cosmogonie,  théogonie,  anthropogonie,  prêtres  et  prêtresses. 
L'érudit  auteur  émet  sur  plusieurs  points  des  doctrines  qui  ne  sont  pas 
celles  du  directeur  de  la  Revue  Celtique.  Cependant  il  serait  à  désirer  que  le 
travail  de  M.  Jullian,  résultat  de  recherches  considérables,  et  appuyé  sur 
de  nombreuses  citations  d'auteurs  anciens,  fût  réuni  en  volume  et  pourvu 
d'index;  ce  savant  travail  deviendrait  alors  plus  flicile  à  consulter  que  dans 
la  Revue  des  éludes  aueienues  où  il  est  dispersé  et  n'a  paru  que  par  frag- 
ments. 

XXVI 

Beitraege  7,ur  alten  Geschischte,  t.  IV,  i''^  livraison,  1904.  — 
Mémoire  de  M.  Otto  Hirschfeld  sur  la  date  à  laquelle  devait  se  terminer  le 
commandement  de  Jules  César  en  Gaule.  Était-ce,  comme  Dion  Cassius, 
XXXIX,  33,  l'a  dit  et  comme  Cicéron  et  Pompée  l'ont  pensé,  le  i'^''  mars 
de  Tan  50  avant  J.   C.  '  ?   Etait-ce  le  premier  mars  de  l'an  49,  comme  il 

i .  Ciceron,  Ad  Allicum,  1.  VII,  ep.  ix,  ^,4  ;  Ad  Jivuiliares,  1.  VIII,  ep.  IX, 
§5. 


Périodiques.  ^-/■^ 

semble  résulter  du  dire  d'Hirtius  lui-même,  quand  il  raconte  qu'après 
l'année  51  avant  J.-C,  Jules  César  n'avait  plus  qu'un  été  à  passer  en 
Gaule".  Enfin  était-ce  le  31  décembre  49,  veille  de  la  future  entrée  en 
fonctions  de  Jules  César,  consul  pour  la  seconde  fois,  comme  lui-même 
l'a  prétendu  2?  Suivant  M.  Hirschfeld  Jules  César  avait  pour  lui,  non  la 
lettre  de  la  loi,  mais  l'équité. 

XXVII 

J'ai  plus  haut,  p.  99,  parlé  des  formules  populaires  qu'il  dit,  prononcé 
kidi  pour  «  dit-il  »  et  qu'il  m'a  dit,  prononcé  kimadi  pour  «  m'a-t-il  dit  ». 
M.  Pierre  Le  Roux  m'a  fait  observer  que  decet  emploi,  abusif  ce  nous  semble, 
du  pronom  relatif,  il  y  a  un  exemple  chez  Victor  Hugo,  Heruaui  : 

Altesse,  pas  d'affront,  ma  tête  est  encore  belle. 
Et  vaut  bien,  que  je  crois,  la  tête  d'un  rebelle. 

Littré,  Dictionnaire  de  la  langue  française,  t.  II,  p.  14 10,  col.  I,  cite  des 
exemples  de  cette  formule  chez  Molière  et  chez  Quinault. 

XXVIII 

Revue  historiq.ue.  —  Dans  le  tome  XXIV,  p.  337,  de  la  Revue  Cel- 
tique nous  avons  parlé  d'un  compte  rendu  critique  du  volume  intitulé  Elé- 
vients  de  la  Grammaire  celtique.  Ce  compte  rendu  avait  paru  dans  les  Annales 
de  la  Faculté  des  Lettres  de  Bordeaux,  Revue  des  Etudes  anciennes.  Voici  une 
autre  appréciation  du  même  ouvrage  qui  vient  de  paraître  dans  la  Revue 
historique,  n°  de  juillet-août,  p.  315  :  «  La  langue  que  parlaient  les  Gaulois 
«  est  encore  ce  que  nous  connaissons  le  moins  de  leur  civilisation: 
«  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  suivant  les  traces  de  Windisch  et  d'autres, 
«  essaye  de  restituer  les  formes  primitives  de  la  déclinaison  et  de  la  conju- 
«  gaison  celtiques,  à  l'aide  des  formes  modernes  et  connues  des  gram- 
«  maires  néo-celtiques.  Je  ne  sais  encore  ce  que  pensent  de  cette  méthode 
«  de  reconstitution  les  philologues  de  profession  -,  j'ai  peur,  en  ce  qui  con- 
«  cerne  le  celte,  qu'elle  n'amène  beaucoup  de  désillusions  ;  les  résultats 
«  auxquels  elle  aboutit  nous  obligent  déjà  de  refuser  aux  langues  celtiques 
«  les  inscriptions  du  Midi,  celle  du  calendrier  de  Coligny,  d'autres  encore. 
V  Malgré  l'admirable  science  de  M.  d'Arbois,  de  ses  confrères  d'Angleterre 
«  et  d'Allemagne,  je  ne  perçois  encore  rien  de  net  sur  le  celte  des  temps 
«  anciens.  » 

En  note  l'auteur  ajoute  ce  qui  suit  : 

«  M.  Dottin  dit  (Revue  critique,  21  sept.  1903,  p.  228),  à  propos  du  livre  de 
«  M.  d'Arbois  :  «  Dans  quelle  mesure  l'irlandais  peut-il  servira  reproduire 
«  les  traits  essentiels  de  la  piiysionomie  du  vieux  celtique  cojnt  nental  ;  c'est 

1.  De  bello  gallico,  1.  VIII,  c.  39,  ^  3. 

2.  De  bello  civili,  I,  9  ;  cf.  Suétone,  César,  I,  9. 

Revue  Celtique,  XXV.  25 


574  Périodiques. 

«  évidemment  difficile  à  déterminer.  On  ne  devra  donc  pas  chercher  dans 
«  le  livre  de  M.  A.  de  J.  une  grammaire  complète  du  celtique,  mais  plutôt 
«  un  exposé  de  l'état  ancien  de  l'irlandais.  »  —  Notez  que,  tout  compte 
«  fait,  il  n'y  a  aucun  motif  concluant  à  appeler  «  celtiques  »  les  langues 
«  irlandaise,  bretonne,  etc.  » 

Le  temps  nous  manque  pour  apprécier  cette  doctrine  ainsi  que  d'autres 
du  même  érudit  qui  croit,  p.  319,  que  briga  est  un  mot  ibérique  et  non 
celtique  et  que  les  noms  de  lieu  tels  que  Pavant  =  Pcnno-iiindos  doivent 
s'expliquer  par  des  phénomènes  topographiques,  que  par  conséquent  on  se 
trompe  quand  on  pense  y  reconnaître  un  nom  de  propriétaire,  c  Topo- 
graphie et  toponymie  sont  sœurs  »  :  oui,  quelquefois,  mais  non  toujours. 
Ce  qu'il  y  a  de  plus  fort  est  d'affirmer,  p.  515,  que  les  deux  termes  penno- 
et  uindo-  ne  sont  pas  gaulois. 

XXIX 

Au  moment  de  mettre  sous  presse  nous  recevons  le  premier  n°  de  Jhc 
celtic  Revinv,  publiée  à  Edimbourg  sous  la  direction  du  Professeur  Mackin- 
non  et  de  Miss  E.  C.  Carmichael.  On  y  trouve  les  articles  suivants  :  1°  Le 
ms.  Glenmasan  de  la  bibliothèque  des  avocats  d'Edimbourg,  copie  faite  au 
xv"-'  siècle  d'un  ms.  daté  de  1238;  commencement  de  reproduction  et  de 
traduction  d'après  ce  ms.  d'un  récit  inédit  des  aventures  de  Fergus  qui 
sont  d'abord  la  cause,  ensuite,  la  conséquence  du  meurtre  des  fils  d'Usnech. 
L'auteur  de  cet  article,  qui  sera  continué,  est  le  Professeur  Mackinnon.  — 
2°  Proverbes  rimes  publiés  par  M.  Douglas  Hyde.  —  3°  Etude  sur  les  noms 
de  lieu  des  Highlands,  par  W.  J.  Watson.  —  4°  Origine  du  nom  de  Caol 
Reathain,  récit  légendaire  recueilli  par  M.  Alexander  Carmichael.  —  5° 
Ballade  de  Garabhagus  na  M>iathan,  extraite  de  la  collection  recueillie  par 
le  Rév.  Patrick  Mac  Donald.  —  6°  Delà  nécessité  d'étudier  la  littérature 
gaélique  quand  on  veut  connaître  l'histoire  des  Gaels,  article  de  M.  Alfred 
Nutt;  etc.  La  vieille  Revue  Celtique  souhaite  bonne  chance  à  son  jeune,. 
savant  et  intéressant  confrère. 


Paris,  le  21  juillet  1904. 


H.    d'ARBOIS  DE  JUBAINVILLE. 


POST-SCRIPTUM 

Les  comptes  rendus  qui  précèdent  étaient  en  pages,  quand  nous  avons 
reçu  de  notre  aimable  collègue,  M.  John  Strachan,  professeur  à  l'Université 
de  Manchester  un  très  sérieux  petit  volume  de  135  pages,  intitulé:  Selcc- 
iious  froin  the  old  irish  glosses  1 .  C'est  un  recueil  de  textes  préparé  par  le 
savant  celtiste  pour  servir  aux  élèves  qui  suivent  à  Dublin,  les  cours  de 
l'Ecole  de  science  irlandaise  :  School  of  irish  Learning.  Les  textes  sont  extraits 
du  Thésaurus  palaeohibernicus  et  empruntés  principalement  aux  mss.  irlandais 
de  Milan,  Wùrzburg,  et  Saint-Gall  ;  quelques-uns  proviennent  des  mss.  de 
Carlsruhe,  de  Turin  et  du  Hvre  d'Armagh.  Chaque  glose  irlandaise  est  pré- 
cédée du  texte  latin  qu'elle  était  destinée  à  expliquer  et  qui  nous  offre  à 
nous  modernes  le  principal  commentaire  du  texte  irlandais.  Suivent  de 
nombreuses  notes  et  un  vocabulaire  avec  traduction  anglaise  de  mots 
irlandais.  Ce  volume  semble  avoir  été  écrit  pour  servir  de  base  au  cours 
fait  par  M.  Strachan  en  juillet  1904,  tandis  que  les  Sélections  frovi  irish 
glosses,  publiées  dans  Celtia,  1903-1904  (cf.  ci-dessus,  p.  367-368)  se  rap- 
porteraient au  cours  de  1903. 

Jubainville,  le  30  juillet  1904. 

H.    d'ARBOIS    DE  JUB.\I\VILLE. 


I.  Dublin,  Hodges,  Figgis  and  co.  ;  prix  :  trois  shillings  and  six  pence  ou 
cinq  francs  vingt  centimes. 


Le  Propriétaire-Gérant  :  Veuve  E.  Bouillon, 


Chartres.  —  Imprimerie  Durand,  rue  Fulbert. 


LES  MOTS  VIEIL-IRLANDAIS  DU  MANUSCRIT 
DE  LAON 


Le  manuscrit  n°  444  de  la  bibliothèque  de  la  ville  de  Laon 
est  un  bel  in-folio  en  onciales  sur  vclin,  de  la  fin  du  ix*^  siècle, 
qui  comprend  en  tout  318  feuillets  formant  38  cahiers  d'iné- 
gale longueur.  La  partie  principale  (feuillets  5  recto  à  255 
verso)  en  est  consacrée  à  un  glossaire  gréco-latin,  et  à  ce 
titre  il  a  été  étudié  et  utilisé  par  Gœtz  au  tome  II  du  Corpus 
glossarionim  Lalinoriim,  pp.  XXVI  et  suiv.  Mais  il  offre  une 
particularité  intéressante  que  Gœtz  a  négligé  de  relever,  bien 
qu'elle  ait  déjà  été  mentionnée  par  Miller  au  cours  de  l'étude 
détaillée  qu'il  fit  de  ce  même  manuscrit  dans  les  Notices  et 
Extraits,  tome  XXIX,  2"  partie  (1880),  pp.  1-230.  A  trois 
reprises,  à  côté  des  chiffres  romains  numérotant  les  cahiers, 
figurent  des  signatures  en  vieil-irlandais.  Ces  signatures  se 
trouvant  tout  au  bas  des  pages,  on  peut  supposer  qu'il  y  en 
avait  d'autres  semblables  dans  la  môme  langue,  qu'un  relieur 
maladroit  fit  disparaître  lorsqu'il  rogna  les  feuillets.  En  foit, 
les  chifi"res  romains  numérotant  les  cahiers  XXXII  et  XXXIV 
(feuillets  275  et  291)  ont  disparu  en  totalité  ou  en  partie  sous 
le  couteau  du  relieur;  et  au  bas  du  feuillet  272,  qui  termine 
le  XXXP  cahier,  on  distingue  les  sommets  d'une  ligne  en 
notes  tironiennes  qui  a  disparu  de  la  même  manière. 

Quoi  qu'il  en  soit,  à  la  fin  des  cahiers  XXII,  XXIII  et 
XXVIII,  soit  au  verso  des  feuillets  194,  202  et  244,  on  lit 
très  nettement  écrits  les  mots  suivants  : 

f°  iç}^jichatm(ithkin. 

Revue  celtique,  XXV.  26 


578  J.  Vendryes. 

f°  202  kinarfichchit. 

f°  244  tresficheîK 

Ces  trois  groupes  de  mots  ont  déjà  été  copiés  exactement 
par  Miller,  loc.  cit,  p.  8  et  9,  qui  en  donna  une  interprétation 
suggérée  par  son  collègue  de  l'Institut,  A.  Maury.  Mais  cette 
interprétation  est  en  grande  partie  inexacte  et  demande  à  être 
rectifiée. 

La  signature  du  î°  194  doit  être  coupée  fichaiinath  kiii  et 
signifie  «  vingtième  cahier  ».  Le  mol  fiel jatmaih  est  le  nom  de 
nombre  ordinal  formé  régulièrement  en  vieil-irlandais  du  nom 
de  nombre  cardinal  fiche  (gén.  fichct)  «  vingt  »  au  moyen  du 
suffixe-/«i7J;  c'est  ainsi  que  de  côica  «  cinquante  »  on  a  l'or- 
dinal côical-uiad  «  cinquantième  »  dans  le  glossaire  de  Cormac 
(Z.  E.,  p.  310).  La  graphie  //;  pour  d  à  la  finale  n'a  rien 
d'étonnant;  elle  se  trouve  attestée  ailleurs  en  vieil-irlandais 
(par  exemple  buâid  «  victoire  »,  \Vb.  11  a  4  et  11  a  6,  est 
écrit  huâiih,  Wb.  11  a  7)  et  provient  de  la  difficulté  qu'éprou- 
vaient les  Irlandais,  aussi  bien  du  reste  que  les  Bretons,  à 
noter  au  moyen  des  signes  de  l'alphabet  latin  les  sons  de  leur 
propre  langue  (cf.  Thurneysen,  Kubii's  Zciischrift,  XXXII, 
568  Qi  Zeitschrifî  fiir  CeUische  Philologie,  III,  49).  Les  noms 
de  nombre  ordinaux  fichatniad,  côicatinad  sont  spéciaux  au 
vieil-irlandais;  en  irlandais  moderne,  on  ■àjicheadh,  cwgadûdb, 
issus  d'une  autre  formation  (cf.  d'Arbois  de  Jubainville,  Elé- 
nieuls  delà  grammaire  Celtique,  p.  113 -114). 

Quant  au  mot  hin,  c'est  un  emprunt  au  \ai\w  q uln a  (Zixnmtr, 
Kuhns  Zeiîschrifl,  XXXII,  208),  ou  qn'uuim  (K.  Meyer,  Con- 
tributions to  Iris]}  lexicography,  p.  370),  désignant  un  cahier 
de  cinq  feuilles,  comme  le  mot  quaternio  désigne  un  cahier  de 
quatre.  On  trouve  l'irlandais  hin  (ou  r//z)  employé  ailleurs 
au  sens  général  de  «  cahier  »  (cf.  Vendryes,  De  hihernicis 
uocabulis,  p.  125;  K.  Meyer,  loc.  cit.^,  mais  le  manuscrit  de 
Laon  en  fournit  sans  doute  le  plus  ancien  exemple.  En  passant 
en  irlandais,  le  latin  quïna  (ou  quïnuni)  a  conservé  son  ;  long, 


I.  Dans  les  deux  derniers  exemples,  la  lettre  /est  surmontée  dans  le 
manuscrit  d'un  double  point,  qu'on  a  réduit  ici  à  un  seul  pour  la  commo- 
dité de  l'impression. 


Les  mots  vieil-irlandais  du  Manuscrit  de  Laon.  579 

et  voilà  pourquoi  khi  (ou  ciu}  s'écrit  avec  un  apex.  A  vrai 
dire,  dans  le  manuscrit  de  Laon,  ce  n'est  pas  un  apex  qui 
surmonte  le  mot  khi,  mais  bien  une  sorte  de  crochet  indi- 
quant un  mot  abrégé.  Il  y  a  tout  lieu  de  croire  que  ce  crochet 
représente  l'ancien  apex  qu'un  scribe  ignorant  prit  plus  tard 
pour  le  signe  d'une  abréviation.  En  effet,  les  signatures  étu- 
diées ici  n'ont  pas  été  inscrites  par  une  main  irlandaise  sur  le 
manuscrit  que  nous  avons;  elles  ont  été  recopiées  d'un  autre 
manuscrit.  Il  en  est  du  vieil-irlandais  de  Laon  comme  du 
vieil-irlandais  de  Cambrai  reproduit  au  milieu  d'un  texte  latin 
par  la  scrupuleuse  exactitude  d'un  scribe  qui  ignorait  totale- 
ment l'irlandais.  Cela  explique  que  le  chiffre  donné  par  la 
signature  en  question  ne  se  rapporte  pas  au  cahier  où  elle 
est  placée  :  les  mots  fichatinalh  khi  terminaient  sans  doute  le 
vingtième  cahier  du  manuscrit  archétype;  aujourd'hui,  ils 
terminent  par  hasard  le  vingt-deuxième  du  manuscrit  actuel. 

Les  signatures  des  folios  202  et  244  nous  ont  été  conservées 
par  un  hasard  analogue,  et  pas  plus  que  pour  la  signature 
précédente,  il  n'y  a  lieu  de  fliire  état  du  numéro  du  cahier  où 
elles  sont  placées.  Toutes  les  deux  ont  été  copiées  par  un 
scribe  qui  en  ignorait  le  sens,  et  il  est  aisé  de  s'en  apercevoir. 
Celle  du  i°  244  tresfichst  signifie  «  vingt-troisième  »,  mais  il 
manque  le  mot  khi  qui  devrait  se  trouver  après  1res.  L'usage 
irlandais  est  en  effet  d'intercaler  le  substantif  entre  le  nom  de 
l'unité  et  celui  de  la  dizaine  :  côic  méich  ficbet  «  vingt-cinq  . 
boisseaux  »  {Fled  Bricrciid,  chap.  9);  ro  suidig  in  très  cuibrend 
dec  «  elle  plaça  la  treizième  part  »  (L.  Br.,  p.  63  a  18).  On 
attendrait  donc  très  kiii  ficbet;  l'irlandais  qui  a  écrit  les  signa- 
tures a  sans  doute  négligé  de  répéter  ici  le  mot  kîn,  et  le  • 
scribe  qui  a  copié  le  passage  a  respecté  cette  omission,  comme 
il  a  respecté  le  double  point  marquant  l'infection  de  la  con- 
sonne/. 

Reste  la  signature  du  f"  202,  intermédiaire  aux  deux  autres. 
Dans  le  manuscrit  archétype,  elle  ne  pouvait  se  rapporter 
qu'au  XXL  ou  au  XXIL  cahier;  plutôt  au  XXL  toutefois, 
puisqu'elle  est  séparée  par  8  feuillets  seulement  de  la  précé- 
dente, mais  par  42  de  la  suivante.  Or,  les  mots  «  vingt-ct- 
unième  cahier  »   se   diraient    en  irlandais  re//;^'  kiii  ar/icbit; 


380  J.  Vcndryes. 

c'est  seulement  en  effet  pour  la  première  unité  que  l'on  peut 
employer  la  proposition  ar  devant  le  chiffre  de  la  dizaine 
(Hogan,  OutJines  of  the  grammar  of  Old-irisb,  p.  15).  Mais  par 
suite  de  quel  accident  le  mot  cétne  a-t-il  disparu  de  cette 
signature?  C'est  ce  qu'il  est  impossible  de  dire;  peut-être  l'ar- 
chétype était-il  détérioré  à  cet  endroit  (on  remarquera  que 
l'apex  de /cm  a  également  disparu);  peut-être  encore  le  mot  cétne 
était-il  écrit  en  abrégé.  Mais  quelque  explication  que  l'on 
propose  pour  expliquer  cette  bizarrerie,  il  paraît  difficile  de  ne 
pas  reconnaître  dans  les  mots  subsistants  la  signature  du  XXP 
cahier  de  l'archétype. 

Sur  la  disposition  de  cet  archétype  lui-même,  nous  ne 
savons  rien,  sinon  qu'il  devait  comprendre,  comme  le  manus- 
crit de  Laon,  des  cahiers  d'inégale  grosseur.  Aussi  bien  cela 
n'a-t-il  que  peu  d'intérêt  ici.  Toutefois,  il  convient  de  remar- 
quer que  si  les  cahiers  XXII,  XXIII  et  XXVIII  du  manuscrit 
de  Laon  se  terminaient  chacun  au  même  endroit  qu'un  cahier 
de  l'archétype,  on  ne  doit  pas  conclure  de  là  qu'il  en  fût  de 
même  partout  ailleurs.  Le  fait  même  que  les  cahiers  XXIII- 
XXVIII  contiennent  la  matière  de  trois  cahiers  de  l'archétype 
(XXI-XXIII)  prouve  que  la  coïncidence  n'était  pas  régulière. 
L'inégalité  des  cahiers  et  par  suite  l'absence  de  coïncidence 
entre  les  signatures  des  deux  manuscrits  explique  d'ailleurs, 
autant  que  la  maladresse  supposée  d'un  relieur,  qu'à  trois 
endroits  seulement  les  signatures  de  l'archétype  aient  été  con- 
servées dans  la  copie  que  nous  possédons. 

L'archétype  auquel  on  doit  les  signatures  irlandaises  étudiées 
ci-dessus  ne  contenait  peut-être  que  le  glossaire  gréco-latin 
qui  comprend  les  feuillets  5-255  du  manuscrit  actuel.  Les 
autres  ouvrages  que  ce  dernier  contient  auraient  alors  été 
copiés  d'ailleurs.  En  tout  cas,  il  importe  de  signaler  que  l'un 
d'eux  au  moins  porte  la  trace  manifeste  d'une  origine  irlan- 
daise. C'est  le  Traclalus  de  dcclinalionibus  qui  figure  aux 
feuillets  300-302  du  manuscrit  444  de  Laon';  on  le  retrouve 
en  efl'et  presque    semblable  dans  le  manuscrit  XXV  d  86  de 


I.   Sur  l;i  présence  d'Irlandais  au  monastère  de  Laon,  voir  Zeilschrift  fiïr 
Cellischc  Philologie,  IV,  180  c.  n. 


Les  mots  vieil-irlandais  du  Manuscrit  de  Laon.  381 

Saint  Paul  en  Carinthic,  qui  contient  les  frimeuses  pièces  de 
vers  irlandais,  successivement  publiées  par  MM.  Wh.  Stokes, 
Goidclica,  2^  éd.,  p.  176,  Windisch,  Irische  texte,  I,  312, 
Zimnier,  Glossne  Hibcniicac,  p.  267,  et  enfin  récemment  dans 
le  Thésaurus  Pahicohibcrnicus,  tome  II,  p.  293. 

J.  Vendryes. 


GAONACH;  GAMHUIM  ET  GAMHNACH 
—  MEHEFYN;  MID  SAMON 

Le  mot  breton  gaonac'b  (écrit  aussi  gaituarl^^  a  le  sens  de 
stérile,  vache  qui  ne  porte  plus  cie  veaux  et  s'applique  aussi 
quelquefois  aux  femmes.  M.  Ernault  (Glossaire,  p.  255)  reporte 
ce  mot  à  un  vieux  celtique  î^(b)au-n-accâ  et  le  rapproche  du 
grecxa'jvx;,  vain,  orgueilleux,  dérivé  de  yy/s/oç,  vain,  frivole. 
Le  pluriel  gaiinéyen  suppose  (^a in icc.  Tout  d'abord  o-^////- vieux 
celtique  n'eût  donné  que  giin,  an  dipht.  étant  traité  comme 
ou,  eu  ;  mais  on  peut  supposer  un  thème  gavo.  Néanmoins,  la 
prononciation  fortement  nasale  de  la  première  syllabe  (gào  ou 
gaà)  est  une  première  présomption  contre  cette  étymologie, 
De  plus,  le  rapprochement  de  sens  est  des  plus  forcés. 

Le  sens  de  gaoïmc'b  peut  être  précisé.  Au  Faouët  (Haute- 
Cornouailles)  gào-yen,  désigne  une  vache  qui  n'ii  pas  porté  de 
veau  dans  l'annce,  quoiqu'ayant  été  au  taureau.  La  parenté, 
l'identité  avec  le  gaélique  d'Ecosse  gamhnach  (prononcez 
gàonacb),  vache  stérile,  saute  aux  yeux.  De  même  pour  gain- 
baiiui,  veau  vieux  d'un  an,  v.  id.  ganiuiin,  même  sens. 

L'année  était  divisée  à  l'époque  de  l'unité  indo-européenne  en 
deux  moitiés,  partagées  entre  l'hiver  et  l'été,  une  des  deux  parties 
est  fréquemment  employée  pour  l'année  entière.  Le  sanscrit 
sàmà  a  le  sens  d'année,  tandis  qu'en  zend,  bama  ne  désigne 
que  l'été.  En  ske  bàjana-  est  employé  pour  qualifier  l'année 
et  cependant  ne  désigne  proprement  que  l'hiver.  Le  proverbe 
écossais  cité  par  Mac-Bain  à  propos  de  gamba'un  est  très  inté- 
ressant :  Oldbrbe  sbanibna  ibeirear  ganibna  ris  na  laoi'gb,  la  nuit 
de  Samain  (i"  novembre)  ou  appelle  ganibna  les  veaux. 
Gandjainn  signifie  vieux  d'un  an  en  prenant  hiver  dans  le  sens 
d'année.  Cf.  "/''y.zp;;  en  dorien,  bouc  vieux  d'un  an. 

Notre  mot  breton,  qui  s'est  orné  d'un  suffixe  péjoratif  bien 


Gaonac'h,  Gamhuim  et  Gamhnach,  de.  ^85 

en  situation  ici,  remonte  comme  le  mot  gaélique  à  un  thème 
gamoni-,  plus  exactement  peut-être  ganion-i.  Il  y  a  lieu  de 
rappeler  ici  les  noms  de  certains  mois  dans  le  calendrier  de 
Coligny.  Le  plus  intéressant  et  le  plus  important  est  uiid 
smnon.  On  a,  contre  toute  vraisemblance,  vu  dans  mid  un 
mot  signifiant  mois.  En  réalité,  mid  samon  est  à  peu  près  exac- 
tement, la  forme  vieille-celtique  du  gallois  mchefyu,  juin, 
breton  de  Vannes  meheïuen  et  du  Léonard-Cornouallais  me::c- 
ven. 

Les  formes  galloises  et  bretonnes  remontent  à  medi-samon- 
io-s,  mchefyu  suppose  chute  du  J  intervocaliquede  bonne  heure: 
cf.  niewn.  id.  iiicdôn.  Me:ievcn  a  été  précédé  de  nùth-even  et  plus 
tôt  de  mid-heven.  Le  changement  de  la  spirante  dentale  sonore 
en  spirante  sourde  par  l'influence  de  /;  suivant  est  un  fait 
courant.  Pour  expliquer  ce  sens  de  milieu  de  l'été  donné  au 
mois  de  juin,  il  faut  savoir  que  chez  les  Irlandais  comme  chez 
les  Gallois,  l'été  comprenait  les  mois  de  mai,  juin  et  juillet. 
Mai  est  cct-shamain  chez  les  Irlandais  et  cyntefyn  chez  les 
Gallois  {cinlu-samon-io-),  ou  début  de  l'été;  mehcfyn  est  le 
milieu  ti gorphenhaf,  fin  de  l'êtes 


GWELY,  GWELE. 

M.  d'Arbois  de  Jubainville,  dans  le  numéro  de  janvier  1904, 
p.  13,  explique  correctement  l'expression  des  lois  gallois  Tir 
giueliaiic  par  terre  de  famille  :  le  mot  gively,  en  gallois,  n'est 
pas  seulement  employé  dans  le  sens  de  lit;  fréquemment,  au 
moyen-âge,  il  a  le  sens  àe  famille,  clan.  A-t-il  eu  la  même 
acception  en  breton?  Cela  est  certain,  comme  je  l'ai  établi 
dans  ma  chrestomathie,  p.  208,  à  guele.  Le  nom  de  la  com- 
mune actuelle  de  Guilligomarh,  aujourd'hui  dans  le  Finistère, 
mais  de  dialecte  vannetais  et  qui  était  d'ailleurs,  avant  la  révo- 
lution, une  paroisse  de  l'évêché  de  Vannes,  nous  en  fournit 
la  preuve.  L'orthographe  Guilligomarch  est  fmtaisiste;  on  pro- 
nonce Gïuelegwarc'h  (le  dialecte  est  le  bas-vannetais).  La  forme 

I .  Voir  pour  plus  de  détails  mon  trav.iil  sur  Vanncc  celtique. 


384  J-  Loth. 

la  plus  ancienne  de  ce  nom  se  trouve  dans  un  acte  de  1323  : 
Guch-couniavho,  c'est-à-dire,  la  famille  des  Comarch;  c'est  la 
forme  avec  le  second  terme  au  singulier  qui  a  dominé; 
comarch  doit  être  décomposé  en  com-arc-  {m  est  spirant)  et 
rapproché  du  gallois  actuel  cyfarch,  salutation,  arch,  demande, 
requête.  Il  se  retrouve  dans  un  nom  aujourd'hui  fort  répandu: 
Helgoarch,  Helgouakh  (L'HcIgoualcb),  en  vieux  breton  Hael- 
comarcb.  lun-gomarc  a  subsisté  en  Bretagne  francisée  sous  la 
forme  Gingoiuar. 

Quant  à  giuely,  je  crois  que  c'est  un  dérivé  de  gival  qui  a 
quelquefois  le  même  sens. 

J.  LOTH. 


THE    LIFE  OF    FURSA 


The  following  Life,  now  for  the  first  time  published,  forms 
part  of  the  rich  collection  of  biographies  of  Irish  saints,  pre- 
served  in  the  Royal  Library,  Brussels.  The  ms.  is  in  the  hand 
writing  of  Michael  O'Clery,  one  of  the  Four  Masters,  who 
died  about  1644,  and  the  Life  is  said  in  the  colophon  to  hâve 
been  copied  out  of  the  Book  of  the  Muinter  Diiinnin  in  the 
year  1629.  The  dateof  that  book,  and  whether  it  still  exists, 
I  hâve  been  unable  to  ascertain. 

The  Life  is  a  tolerably  close  version  of  chap.  XIX  of  the 
third  book  of  Baeda's  Hisloria  Ecchsiastica  Gentis  Angïorum^. 
It  seems  worth  publishing,  first,  as  a  further  contribution  to 
the  eschatology  of  the  Irish  ^,  secondly,  as  being,  in  a  Celtic 
shape,  the  earliest  of  the  séries  of  mediaeval  visions  >  which 
culminated  in  the  Divina  Commedia;  and,  lastly,  as  containing 
several  words  absent  froni  Prof.  Windisch's  Wôrterbuch. 

Our  saint's  naine  appears  in  two  forms,  Fiirsa  and  Fursw^. 
Fursa  is  a  Middle-Irish  corruption  o(Fiirsac,gcn.  Fiirsai,  which 
occurs  (as  is  proved  by  the  rhyme)  in  the  Martyrology  of 
Oengus,  Jan.  16.  The  latinised  Fiirseus  is  from  Fursae.  The 
form  Fursa  is  found  in  the  Book  of  Leinster  349  f,  372  d, 
the  Annals  of  Ulster,  A.D.   647,  and  the  Yellow  Book  of 

1.  For  this  I  hâve  uscd  Moberly's  édition,  Oxford,  18S1,  and  Plummcr's 
Bacdae  Opéra  Historica,  Oxford,  1896. 

2.  See  Revue  Celtique,  XXV,  232. 

3.  For  a  useful  note  on  visions  of  the  oîher  world,  see  Plummer,  op. 
cit.,  II,  294-295.  See  also  Ward's  Catalogue  of  Romances,  II,  397-513. 

4.  So  in  the  Martyrology  of  Oengus  togae,]An.  6,  beside /og'Zf,  Prol.  123. 


385  Whitlfy  Stokcs. 

LecMi,  410  d  17,  where  a  short  collection  of  maxîms  (illegible 
in  the  focsimile)  is  headed  A.pgitcr  crabaidh  inso  sis  Fursu 
(Craibdigh)^  «  This  below  is  the  Alphabet  of  Piety  ot  Fursu 
the  Pious  ».  Fursac  and  Fursu  may  corne  from  a  root  *voyt 
and  be  cognate  with  Lat.  vcrsûtus,  vortere,  etc. 

«  The  Irish  authorities  »,  says  Mr  Plunnner  {op.  cit.,  II, 
176)  «  differ  widely  as  to  Fursa's  pedigree  »;  and  indeed  it  is 
impossible  to  reconcile  the  genealogical  statements  in  the  Book 
of  Leinster,  p.  349*  38,  with  those  in  the  same  ms.  p.  372'^, 
and  in  the  Martyrology  of  Donegal,  p.  18,  unless  by  the  sup- 
position that  there  were  two  or  more  saints  ofthatname^. 
Thus  according  to  the  Book  ot  Leinster,  p.  349'  : 

Vel  ita: 
Fursu  ¥msu 

}Aac  Fintain  lAac  ¥  intain 

Maie  Findloga  Maie  Yiudloga 

M  Degrota  M  Conaill 

M  Luachain  M  Luachain 

M  Laga  Lethain  M  Lugdach  Laga  3 

M  Conaill  Anglonuaig  M  Eogain    Moir  qui   et    Mog 

M  Feic  }^uadat. 

M  Rosa 
M  Fachtna 
M  Senchada 
M  AU  Ah 
M  Cestaig 
M  Rudraige 

Gelges  ingen  Aeda  Find  mâ- 
ll.hiiï:  Fursu. 


1.  This  Ap^itcr  (Abecedariam)  is  the  onlv  composition  whicli  I  l:ave 
secn  ascribed  to  Fursa.  But  in  the  Dictionary  of  Christian  Biography  (Lon- 
don,  1880),  vol.  II,  p.  588,  «  some  poenis  and  a  htany,  said  to  hâve  been 
coniposed  by  him  »,  are  stated  to  be  preserved  in  a  ms.  (H.  i.  11,  Nos.  6,  7J 
in  the  hbrary  of  Trinity  Collège,  Dublin. 

2.  Two  Fursas  are  mentioned  in  the  Annals  ot  the  eighth  century — -an 
abbot  of  Lecan  Mide  (ob.  74^1)  and  Fursa  of  Ess  mac  nEirc  (ob.  74''). 

3 .  So  Kcating  :  «  St  Fursa,  of  the  line  of  Lugaidh  Laga,  brother  of  Olild 
Oluni  )>,  O'iMahony's  translation,  p.  477, 


The  Life  of  Fur SiX.  587 

AnJ  according  to  the  Book  of  Leinster,  p.  372^60: 
Brônach  iufitii  Milchon  maie  Buain  ca  mbde  ^àtnc  i  nddire, 
mnibair  Mochae  Noendromma  oc  Loch  Cuan,  7  Colmaiii 
Chomraire  oc  Uisniuch  ociis  Cohnâin  Malind  oc  Daire  Chae- 
chain  i  nDal  Riatai  7  epscnip  Maie  Erca  oDomnuch  M6r  Maige 
Coba  7  Damnatan  Slc'be  Betha  7  Fursu  Craibdig  in  Perona. 

«  Brônach,  daughter  of  iMihuc  son  of  Bûan,  with  whoni 
Patrick  was  in  bondage,  (was  the)  mother  of  Mochoe  ofNoen- 
druim  at  Loch  Cuan,  and  of  Cohndn  of  the  Casket  at  Uisnech, 
and  of  Colmân  of  the  iMill  at  Daire  Caechain  in  Dalriada,  and 
of  bishop  Mac  ErcaofDomnach  Môr  Maige  Coba,  and  of  Dam- 
natan of  Sliab  Betha,  and  of  Fursu  the  Pious  in  Péronne.  » 

According  to  the  Martyrology  of  Donegal,  (Jan.  16), 
Fursa's  father  was  Lochin,  of  Dahiradia  and  his  mother  was 
Gelgéis  («  Bright  Swan  »),  who  was,  according  to  one  autho- 
rity,  daughter  of  Guaire  Aidne,  (ob.  A.  D.  662),  and,  according 
to  another,  daughter  of  Aed  Finn. 

The  very  modem  appearance  of  the  text  is  probably  due 
to  the  transcriber,  who  seems  to  hâve  substituted  ce  for  g, 
ceh  ior  gh,  tl  [or  el,  /for  //,  (i.  e.  echpsed /),  ao  for  oe,  aoi  for 
ôi,  in  accordance  with  the  spelhng  usnal  in  the  I7th  cen- 
tury.  The  présence  of  the  infixed  pronouns,  /  and  n  points 
to  the  Middle-Irish  period  as  the  date  of  the  translation.  But 
the  absence  of  déponents,  and  the  occurrence  of  the  prêt. 
passive  in  -//  (ro  eaJmaigif)  and  the  2d  pi.  in  -hoir  (fedahair), 
prove  that  et  cannot  be  older  than  (say)  the  thirteenth  or 
fourteenth  century. 


Whitley  Sîokes. 


BETHA  FURSA 

(Bibl.  Royale,  Ms.  2324-40,  fo.   50.) 

1.  INtan  ro  bdi  Sigbert  hir-righe  Saxan,  is  annsin  dochuaidh 
Fursa  Craibhtcach  tar  muir  d'iarm/Wh  luic  7  ionaid  i  ngéhadh, 
udir  bâ  hedrocht  o  breithir  ocns  o  ghniomh  é,  ociis  rob  ergna 

6  fertaibh  ocus  o  miorbuilibh,  ocus  is  aire  sin  roba  cuhaidh  iais 
teacht  ar  deoraidhecht^  7  ion^dh  deoradh  do  ghabhail.  O  rainic 
an  fer  sin  co  cennathaigh  airthir  Saxan  ro  g3.hacJh  go  honôr^ch 
hé  on  righ,  7  tucc^ifh  ionadh  do,  ocus  ro  obair  breithir  ^  nDé 
do  irrdrrciicch(7(/  ann,  ocus  lucanih  sochaide  do  daoinibh  lais 
docum  creidmhc,  7  ro  cahiiaighit  foirenn  ele  ina  ccreidemh, 

7  ro  médaighcdh  iris  7  gradh  Dé  lais. 

2.  IS  ann  sin  ro  gab  treabhlaid  7  aimhncrte  cuirp  eisidhe, 
7  ro  airiltnigh  tréna  dheghairilledh  go  ftaccaidh  se  aingle  nimhe 
ina  fiadhnaisi  7  co  ffàcaidh  fis  ann;  ocus  as  hi  so  fisi  ro  forcha- 
nadh-somh  gomadh  gres^yJh  hé  i  mbreithir  nDé  d'foircctal,  uair 
roba  cinnte  lais  bas  d'  faghbhail  7  ni  fidir  cuin  fogcb^ri/h,  amal 
atbrrt  Crist  :  Frithair/Wh,  uair  ni  fedabair  an  la  no  an  uair?  i 
ngehtbar  lamh  foraibh.  Ocus  as  triasan  fis  sin  do  tuair  siumh 
cudhnodh  7  tinnisniucc//^fh  a  mhainistrech  do  chumhdach  ocus 
a  horduccLifif/;  o  ibircetlaibh  riaghaltaibh.  Ro  bai  iiiiniorro  mai- 
nistir  aoibhinnann,  7  sicumdaighthi  i  ccoic/ich  na  caillr^h  ocus 
an  mhara  i  n-araile  longport  ann,  7  rob  é  a  ainm  'san  mbt'rla, 
Cnombcrbrug  .i.  cathair  dianid  ainm  Cnobtve;  7  ro  tuillestair 


1.  Ms.  deoraighecht. 

2.  Ms.  breitir. 

3.  Vigilatc  itaque,  quia  nescitis   diem  neque  horam,   Math.  XXV,    13. 


The  Life  oj  Fur  sa.  389 


THE  LIFE  OF  FURSA 

1.  Whcn  Sigcbcrt^  was  on  the  throne  of  (East)  Anglia  then 
Fursa  the  Pious-  crossed  the  sea5  to  seek  a  phicc  and  stead 
wherein  he  might  dwell;  for  he  was  shiningin  word  and  deed, 
and  wise  in  miracles  and  marvels,  wherefore  it  was  meet  for 
him  to  go  for  pilgrimage  and  to  get  a  pilgrim's  stead.  When 
that  man  came  to  the  province  of  the  East  Saxons  he  was 
honorably  received  by  the  king,  and  a  stead  was  bestowed  upon 
him,  and  there  he  wrought  to  manifest  the  word  of  God;  and 
a  multitude  of  men  were  brought  by  him  to  behef,  and  others 
were  confirmed  in  their  belief,  and  faith  and  love  of  God  were 
greatened  by  him. 

2.  Then  tribulation  and  bodily  weakness  attacked  him,  and 
through  his  wcll-deservingness  he  was  deemed  worthy  to  behold 
the  angels  of  heaven  before  him  ;  and  he  saw  a  vision  there  ; 
and  this  is  the  vision  (wherein)  he  w^as  admonishcd  to  be  an 
incitement  in  teaching  the  word  of  God,  inasmuch  as  he  was 
certain  tofind  death,  and  it  was  not  known  when  he  would  find 
it,  as  Christ  said  :  «  Watch,  for  ye  know  not  the  day  or  the 
hour  in  which  a  hand  will  be  laid  upon  you  ».  And  because  of 
that  vision  he  made  haste  and  speed  to  build  his  monastery  and 
to  set  it  in  order  with  regular  disciplines.  It  was  indeed  a  beau- 
tiful  monastery  there,  built  on  the  edge  of  the  woods  and  the 
sca  in  a  certain  camp,  and  this  was  its  name  in  English, 
Cnobheresburg  4,  i.  e.  a  town  named  Cnobheri  ;  and  after- 

1.  Sigberct. 

2.  Craibthech(«  Religiosus»,  Ann.  Ult.  A.  D.  626)  is  a  standing  epithet 
for  Fursa. Tiic  gen.  sg.  occurs  in  ihe  Féliie  Oeiigusso,  Jan.  16,  where  Crdib- 
digiféil  Fiirsai  is  (foi-  sai<e  of  rhyme)  put  for  i  fi'il  Fiirsai  Crâihdig  'on  the 
feast  of  Fursa  the  Pious'.  For  a  taie  of  his  compassionate  tenderness,  see 
Lisinon  Lives,  p.  X,  and  the  Book  of  Leinster,  pp.  285-286.  For  a  legend 
of  a  Fursu  driving  a  fiery  dragon  into  a  lake,  see  LL.  169=147  =  Dindscn- 
chas,  no.  47.  Rev.  Cell.,  XV,  441. 

3.  about  A.  D.  635. 

4.  now  Burghcustle  in  Suffolk,  «  near  Yarniouth  »,  says  Plummer. 


590  Whitley  Stokes. 

da.no  ri  na  cennait[hch-]e  sin  .i.  Anna,  ociis  an  \ucbl  socenelach 
ele  robhadar  'san  chathraigh  sin  iarttain. 

3.  Ro  bai  tra  Fursa  do  cenel  na  nGaoidt'/,  acht  cena  gérbho 
soicenelach  hé  iar  ccolainn^  ro  bai  soichenelcha  iar  menmain, 
uair  ô  ainisir  a  naidhentachta  ro  bai  deithitte  aicce  dona 
leabhraib  coisnoc[th]aib  ociis  dona  fcrcetlaibh  naomhaibh,  7 
anni  as  mô  maisighij-  na  naomha  .i.  gniomha  sochraidliQ  do 
dhenamh,  is  lad  sin  doghniodh  som. 

4.  Cidh  fil  ann  tra  acht  ro  cumlid^/^di  se  an  ccclas  adubhra- 
mur,  ocus  roghabh?/jw;'galar  mor  hé  innte  on  tsatharn  go  'roile, 
■àvaaJ  innisess  [)0''j  Icabhar  a  bethrtJ  fein  ;  cens  ruccm/h  asa  curp 
hé  o  fcscc//r  go  gairm  an  choil/'^^h,  7  ro  cuala  se  cantairecht 
aingel  ninihe,  ocus  atfo/niairc  iâtt  ina  fiadhnzVe.  Ocus  isscc/h  so 
no  chandais  .i.  ibunt-  sancti  de  u/Vtute  in  u/rtutem  .i.  raghait 
na  naoimh  do  nirt  for  nirt.  Ocus  isedh  fôs  atbt'rtis  .i.  uidebit;/;- 
Deus  deorura  [in  Sion]  .i.  atcifider  Dia  na  ndia  hi  Sleibh  Sioin. 


5.  Ro  leica'Jh  iarsin  he  ina  corp  co  cend  tri  la,  ocus  isin 
tres-ld  rviccadh.  suas  doridhisi,  7  atfo;mairc  se  ann  sin  ni  ba  lia 
d'ainglib  ag  cathucc;^(/  fri  shw^^h  mor  do  dhemhn^/Mi,  ocus 
ïssedh.  do  thairgdis,  slige  nimbe  do  gab^hV  7  d'iadhadh  fri  Fursa, 
7  olc  7  aithis  do  radha  fris.  Ardi  sin  tra  ni  ro  fetsat  somh  sin, 
uair  ro  bhattar  aingil  nimhe  aga  imdiden  somh  isin  tslig/V/h. 

6.  INti  im//wrrt),  ar  Béda,  dia  mba  bail  an  lis  atrtJ/znairc 
siumh  do  innisin  co  comhlan  legadh  féin  leabhar  bethrtJ  Fursa. 

7.  Ata  mvnorro,  ar  Béda,  énni  ann  is  ail  diiinne  d'faisnéis 


1 .  According  to  tlie  Annals  of  Ulster,  he  was  a  bishop,  and  sec  Plumnicr, 
op.  cit.,  II,  171.  The  e  itry  in  Hennessy's  édition  of  those  Annals  at  A.D, 
626,  should  be  printed  thus  :  Visio  quam  uidit  Furseus  Religiosus  (=  Ir. 
Craibthech),  episcopus,  and  translated  «  The  vision  whlch  Fursa  the  Pious, 
a  bishop,  behcld  ». 

2.  Ms.  ibant. 


The  Life  of  Fursa.  391 

wnrds  Ann;i^,  the  king  of  that  province,  and  thc  other  noble 
folk  who  dwelt  in  th;u  town,  added  to  it  afterwai'ds. 

3.  Now  Fursa  was  of  the  kindred  of  the  Gaels-,  but  though 
lie  was  noble  in  blood  he  was  nobler  in  spirit  ;  inasmuch  as 
from  the  time  of  his  infancy  he  cared  for  sacred  books  and  for 
holy  disciplines,  and,  what  is  most  becoming  to  holy  men, 
doiiig  bcautiful  deeds,  those  are  what  he  uscd  to  do. 

4.  Howbeit,  when  he  had  built  the  church  we  hâve  men- 
tioned,  a  serions  illness  attacked  him  therein  from  one  Saturday 
to  another,  as  the  Book  of  his  own  Life  relates;  and  from 
evening  to  cockcrow  he  was  taken  out  of  his  body,  and  he 
heard  the  chantingof  the  angels  of  heaven,  and  he  beheld  theni 
before  him.  And  this  is  what  they  were  chanting  Ibmit  sancii 
de  iiirtnte  in  uirtiitein[Ps.  83,  8],  i.  e.  «  the  saints  shall  advance 
from  virtue  to  virtue  ».  And  this  also  they  were  saying  :  Vick- 
bitur  Deus  deornin  in  Sion  [Ps.  83,  8]  «  the  God  of  gods  will  be 
seen  on  Mount  Zion  ». 

5.  Thcreafrcr  he  was  restored  to  his  body  till  the  end  of 
thrce  days,  and  on  the  ihird  day  he  was  taken  up  again,  and 
then  he  beheld  manv  more  angels  fÎ2:htins;againsta  ijreat  hostof 
devils  ;  and  this  is  what  they  were  endeavouring,  to  seize  the 
road  to  heaven  and  to  close  it  against  Fursa,  and  to  utter  evil 
and  abuse  against  him.  However,  they  were  unable  to  do  that, 
for  there  were  angels  of  heaven  defending  him  on  the  road. 

6.  Now,  says  Beda,  Ict  him  who  wishes  the  vision  which 
Fursa  saw  to  be  fuUy  related  read  the  Book  of  Fursa's  Life 3, 

7.  However,  says  Beda,  there  is  one  thing  which  we  désire 

1.  He  began  to  rcign  A.  D.  655,  or  ihereabouts. 

2.  «  de  nobilissimo  génère  Scottorum,  »  Beda.  According  to  a  note  in 
the  Martyrology  of  Gorman,  Jan.  16,  Fursu  was  from  Conaille  in  the  pré- 
sent county  of  Louth.  His  niother,  according  to  the  Book  of  Leinster, 
p.  372'',  was  Brônach  daughter  of  St  Patrici<'s  niaster  Miliuc  niaccu  Buain. 
But  according  to  the  Book  ot  Leinster,  p.  349*^,  and  the  Martyrology  of 
Uonegal  her  name  was  Gelgéis. 

3.  Probably  the  Life  first  printed  by  Surius  (De  piibatis  sauctonim  His- 
toriis,  i.  381),  and  lately  by  De  Sniidt  and  De  Backer  in  cols.  77-102  of 
their  édition  of  the  Codex  Sahiunticcnsis,  1888.  The  Latin  Life  is  more 
skilfully  abridged  by  Aelfric  {An^lo-saxon  Homilies,  éd.  Thorpe,  II,  332- 
348)  than  by  Beda. 


392  Whitley  Stokes. 

À.  antan  ruccadh  somh  suas  ar  animas  nimhe  adubhrattar  na 
haingil  ris  :  Fegh  liait  an  domhan  sios,  ar  siatt.  Ro  iompâ  somh 
ann  sin  7  ro  fegh  anùas,  ocus  atconnahc  glend  môr  domhain 
dorchœ  fdoi  anis  i  n-iochtor  an  talm^';/.  Atco/znairc  ceithre  teindte 
dt'rmara  ar  derghsadh  isin  aer  os  in  nglionn  sin,  ocus  nir  bo 
lanfada  eter  na  teinntibh  sin.  Ro  tiarfo/Vh  siumh  annsin  dona 
hainglibh  cata  reda  na  teinnte  atro;/nairc,  ocus  ro  raidhsiot  na 
haingil  :  Teindte  sud,  ar  siatt,  iîlet  oc  loscc//Jh  an  domiiin. 
IN  cédna  teine,  imniorro,  ar  siatt,  teine  na  breicce  sin,  uair  antan 
hiùsinher  cech  duine  is  edh  gheall//^',  f/ithbhrudh  7  obadh  do 
Dhiabal  7  da  ghniomhaibh.  An  \ucbt  Immorro  na  coimhlionn 
sin  iarttain  7  teccat  thairis,  is  latt  lolsccter  isin  teine  ûtt.  An 
teine  thânaisi  ïnvnorro,  teine  an  accobhair  .i.  saint  isidhe,  uair 
an  \ucht  derscaiges  nô  accobrwj'  na  rétta  saoghalta  ara  saint  seach 
na  rétta  nemhdha,  is  iatt  loisgter  annsin.  An  très  teine,  imiiwrro, 
teine  na  hesaonta[d]  [fo.  5  l'j  isidhein  .i.  antan  nach  doih^h 
ocus  nach  cned  libh  bar  mhrïnbn  ocus  bhar  comhfoiccsi  do 
beith  hir-retaib  forbasaibh  ocus  hi  réttaib  dimaine,  is  annsin 
loisctéT  sibh  isin  teine  ûtt.  IN  cethramtïJh  teine  dano  teine 
in  eccnxhaidh  isidhe.  Is  iatt  loisccitt'/-  annsin,  an  lucht  leis  nach 
grain  na  fliinn  7  na  truaigh  do  fodhbhadh  ocus  do  chrechrtif,  is 
iad  loisgittT  isin  teine  sin. 

8.  Ro  tbirbritcr  divio  7  ro  mètaighset  na  teinnte,  7  ro  com- 
raigset  co  ;/dt'rnta  an  teine  dermair  dib.  O  ro  chomhfoiccsigh 
tya  Fursa  dona  teinntibh  ron-gabh  eccla  7  ro  rai.lh  risan  aingeal  : 
A  thigerna,  ar  se,  ag  sin  an  tene  chugainn.  Ro  freccair  an 
t-aingel  annsin  7  issft//;  ro  raidh  :  uair  nach  tusa  ro  tadâidh 
iatt,  ol  se,  nit-loisccfither  ionntu,  uair  gidh  mor  7  gidh  uathmar 
an  tene  ûd,  ol  se,  ni  loisccfe  nech  acbf  doréir  a  airillto  féin  : 
uair  accobhar  gach  duine,  or  se,  issé  loiscces  hé  isin  tene  ût, 
uair  cerh  duine  loisgit/;t,'r  ima  curp  o  thoil  indilmain  7  urchôi- 
digh  bodéin  loisccit/;^r  he  tall  iar  ndeiliuccnih  a  chuirp  fria 
anmain  tria  péin  dleistion^//<,'h. 


The  Life  of  Fursa.  393 

to  déclare,  namely,  when  he  was  taken  up  towards  hcaven  the 
angels  said  to  him  :  «  Look  down  at  the  world-  »,  say  they. 
Tliere  he  turned  and  looked  from  above,  and  beheld  beneath 
him  a  valley  deep  and  dark  in  the  lower  part  of  the  earth.  He 
beheld  four  vast  tires  red-tiaming  in  the  air  over  that  valley, 
and  not  far  was  the  distance  between  those  fires.  Then  he 
asked  of  the  angels  what  things  were  the  fires  that  he  beheld, 
and  the  angels  spake  :  «  Yon  »,  they  say,  «  are  the  fires  that 
are  consuming  the  world.  The  first  fire,  now,  is  the  fire  of 
Falsehood,  for  when  each  one  is  baptised  he  promises  this,  to 
renounce  and  refuse  the  Devil  and  his  works.  Those  who 
afterwards  do  not  fulfil  that  (promise)  and  transgress  it,  they 
are  burnt  in  yonder  fire.  But  the  second  fire  is  the  fire  ot 
Covetousness,  that  is  greed,  when  those  that  mark  out  or  covet 
the  things  of  the  world  for  their  greed  rather  than  the 
heavenly  things,  'tis  they  that  are  burnt  thcrein.  Now  the 
third  fire,  that  is  the  fire  of  Disunion,  when  ye  do  not  deem 
it  lamentable  or  sad  that  your  brethren  and  your  neighbours 
should  be  engaged  in  very  vain  things  and  in  idle  matters,  'tis 
then  ye  are  burnt  in  yonder  fire.  The  fourth  fire,  then,  this  is 
the  fire  of  Impicty.  They  that  are  burnt  therein  are  those  who 
do  not  deem  it  loathsome  to  spoil  and  to  plunder  the  weak  and 
the  wretched  :  'tis  they  that  are  burnt  in  that  fire  ». 

8.  Then  the  fires  grew  and  greatened,  and  they  met  so  that 
(one)  vast  fire  would  be  made  of  them.  Now  when  Fursa  drew 
nigh  to  the  fires,  fear  seized  him  and  he  said  to  the  angel  : 
«  Lord  »,  says  he,  «  behold  the  fire  coming  towards  us  !  »  Then 
the  angel  answcred  :  and  this  he  said  :  «  Since  it  was  not  thou 
that  has  kindled  them,  thou  wilt  not  be  burnt  in  them  ;  tor 
though  great  and  fearful  is  yon  fire,  it  will  not  burn  anyone 
save  according  to  his  merits;  for  every  one's  concupiscence  », 
saith  he,  «  is  that  which  burns  him  in  yonder  fire.  For  every 
one  who  is  burnt  in  his  body  by  unlawful  désire,  and  hurts 
himself,  after  the  séparation  of  his  body  from  his  soûl  is  burnt 
there  by  the  punishment  which  he  deserves  ». 

I.  Plummer,  op.  cil.,  II,  171,  quotcs  Apocalypsis  Pauli,  §  15,  and  com- 
pares Dante,  Parad.  XXII,  133-135,  and  D.  G.  Rossetti's  Blessai  Daino:^el, 
stanza  6. 

Revue  Celtique,  XXV.  27 


594  Whitley  Stokes. 

9.  IS  annsin  atro;mairc  Fursa  don  dona  tri  hainglibh  ro 
bhattar  maille  fris  ina  fis,  7  se  riasan  teinidh,  7  an  da  aingel 
ele  immaccuairt  mon  teinidh.  Ocus  atro;znairc  se  na  demhna  ar 
foluamhain  triasin  teine,  7  siatt  ag  cathucc//^fh  frisna  firénchaibh 
7  aga  ttarraing  isin  tene  ar  éiccin.  Ro  bhattar  na  demhna  dano 
ag  aithisiuccWh  Fursa.  Ro  hhaiar  ivnmorro  na  haingil  aga 
diden.  At<:o?mairc  se  dano  sluagh  d'ainglibh  ann  7  sochaide 
dona  daoinibh  naomhaibh  don  chinedh  ghaoidhelach  féin  do 
neoch  roptar  aithenta  dô  fein  dona  saccartaibh  do  lucht  na 
hErenn.  Atcuak/Wh  sein  dàno  beccan  do  briat/;raib  sldnaighibh 
na  thaibh-siumh.  Ociis  o  thairnic  doibh  na  briat/;;a  becca  sin 
do  ràdh  docûatt^zr  manion  risna  hainglibh  docum  nimhe,  7  ro 
tansat  na  tri  cedaingii  maille  f/isiinii  dia  thab;i'/Vt  dochum  an 
chuirp. 

10.  Antan  tra  ro  comlitoiccsighett^rr  don  teine  rem;aite  ro 
fodhail  an  t-aingel  an  teine.  Fursa,  imniorro,  antan  do  riar/;/  se 
an  dorus  dorinne  an  t-aingel  [51'']  tresan  teine,  rogabhsat  na 
demhna  duine  dona  daoinibh  ro  bhdttar  aga  losc/aih  isin  tein/t/h, 
7  ro  dhiubhraicset  dochum  Fursa,  co  ro  loiscc  a  tbrmna  7  a 
slinnén  7  a  lecain^  Ocus  dbrad  Fursa  aithne  forsan  duine  ro 
diubraiccedh  dô,  7  ro  cuimhnigh  co  ttarat  ni  dia  édach  dô  reme. 
Ro  gabh  ïmmorro  an  t-aingel  naomh  an  duine  ainnsein,  7  ro  chuir 
isin  teinidh  doridhisi.  Adub^r/rt  an  Démon  ainnsein  :  Na  cuiridh 
uaib  hé  i  nddirsi,  uair  raar  do  gabh  sibh  crodh  an  duine  pheac- 
thaigh  ûtt,  as  âmhlaidh  dlighthi  cuidlucc/zr/h  dia  pianaibh.  Ro 
freccair  an  t-ningel  7  is  edh  ro  raidh  :  Ni  har  saint  an  tsaoga//  ro 
gabh  se  crodh  an  duine  iitt,  ûchl  ardhaigh  slainte  a  anma.  Ociis  ro 
thoirn  an  teine  amlaid  sein.  Ocus  dochnaid  an  t-aingr/ le  Fursa 
7  is  cdh  ro  raidh  :  An  tene  ro  taddidhis  is  lu  rott-loiscc,  uair 
muna  ghabhtha  sa,  ar  se,  ni  do  deolaid  an  duine  pheacthaigh 


I.  So  the  Karens  believe  that  the  spirit  or  personal  life-phantom  «  is  apt 
to  wander  from  the  body  and  thus  suffcr  injury  »,  Tylor,  Primitive  Cultuie, 
\.  470. 


The  Life  of  Funa .  j  c^  j 

9.  Then  Fursa  behcld  one  ot  the  tlircc  angels  who  had 
accompanicd  him  in  his  vision  whcn  he  was  before  the  fire, 
and  the  two  other  angels  (flying)  ail  around  about  the  tire. 
And  he  behcld  the  devils  flying  through  the  lire,  and  warring 
against  the  righteous,  and  dragging  them  into  the  fire  perforée. 
Then  the  devils  were  revilingFursa;  the  angels,  however,  were 
protecting  him,  Then  he  beheld  an  army  of  angels  there  and 
a  multitude  of  the  holy  men  of  his  ovvn  Gaelic  nation  %  who 
were  known  to  himself  as  priests  of  the  folk  of  Ireland.  So  he 
heard  a  few  vvords  salutary  as  regarded  him.  And  when  they 
had  tînished  saying  those  few  words,  they  went  together  vvith 
the  angels  to  heaven  ;  but  the  three  first  angels  remained  with 
him  to  bring  him  (back)  to  his  body. 

10.  Now  when  they  drew  nigh  the  aforesaid  fire,  the  angel 
divided  the  flame-.  But  when  Fursa  reached  the  passage  which 
the  angel  had  made  through  the  flame-  the  devils  seized  one 
of  the  men  whom  they  were  burning  in  the  fire,  and  flung  him 
at  Fursa,  so  that  his  shoulder  and  his  shoulder-blade  and  his 
check  burnt5.  And  Fursa  knew  the  man  who  had  been  flung 
at  him,  and  remembered  that  the  man  had  formerly  given  him 
part  of  his  raimcnt.  However,  the  holy  angel  then  laid  hold 
of  the  man  and  cast  him  again  into  the  fire.  Then  said  the 
Devil  :  «  Do  not cast  him  away  into  bondage,  foras  you  accepted 
the  goods  of  yon  sinful  man,  so  you  must  share  his  punish- 
ments.  »  The  angel  answered  and  said  :  «  Not  through  worldly 
greed  did  Fursa  receive  yon  man's  property,  but  in  order  to 
save  his  soûl  ».  And  thus  the  fire  abated.  And  the  angel  w'ent 
beside  Fursa  and  said  :  «  The  fire  which  thou  hast  kindled  is 
what  has  burnt  thee,  for  hadst  thou  not  received  something 
by  favour  of  yon  sinful  man  the  reproach  of  his  sin  would  not 


1.  quorum  alter  Beanus  [Ir.  Beôun}],  altcr  uocabatur  Meldanus.   Vita, 

§  13- 

2.  lit.  fire. 

3.  This  is  quite  in  accordarice  with  the  Algonquin  beHcf  as  to  men  lying 
in  trance  :  «  their  soûls  hâve  iravelled  to  the  banks  of  the  River  of  Death, 
but  hâve  been  driven  back  and  return  to  re-animate  their  bodies  »,  Tylor, 
Priinilive  CuUnrc,  third  cd.  i.  436. 


596  Whitley  Stokes. 

ûtt  ni  raghad  aithber  a  pheacaidh  fort.  Ociis  ro  bdi  an  t-a'ingel 
iarsin  aga  forcetal  somh  im  cech.  ni  hadh  côir  dô  do  denumh 
im  caingin  na  ndaoine  do  dénddis  ait/;ricche  fri  [a]  mbas. 

11.  Tucc^^li  tra  Fursa  iarsin  ina  corp,  7  ro  bai  ina  churp 
iartain  comhartha  an  loisccthi  tuccaJli  for  a  anmain,  gur  uo 
follus  d'ftYaibli  domuin  do  neocli  aiconnairc  amal  ro  bdi  'na 
slinnen  7  ina  gualainn  7  ina  lecain.  Ocus  roba  sgel  iongn^ih 
le  gach  nduine  comhartha  in  neich  ^  tucc(7^h  ar  in  anmain  do 
bhith  hi  fiadhnaisi  caich  isin  cliurp. 

12.  Ro  bi  im/;/();v6)  a  betha  somh  'na  diaidh^  sin  foircettal 
d'fcraib  an  talmaii  7  briat/;y'a  Dédoirrdcrcucch//^/;^  amaildonidli 
reme.  Ocus  gach  ni  no  errd^rcaiga/  do  cuiredh  fein  i  ngniomh. 

13.  Ord  ïmDionv  a  fisi  5  as  doibh  amhdin  nô  innisrt/h  hl  .i. 
don  \ucbt  nô  iarn/Jh  ardaigh  ro/zgaine  c/idhe.  Ocus  maraidh  fôs, 
ar  Béda,  araile  scnôir  do  lucht  ar  mainistrech-ni,  ocus  is  hé  sin 
innises  gur'  aigill  féin  araile  duine  craibht/;irh  fireb^Ttach,  ocus 
is  é  sin  ro  innis  co  ffac(7^yh  féin  Fursa  ocus  gur'  aigill  i  n-airthir 
Saxan,  ocus  co  ccualaidh  féin  ag  an  ccleirt'fh  an  fis  sin,  7  conidh 
i  n-aimsir  geimhridh  [52'']  ro  hinnisedh.  Ocus  co  raibhe  sioc 
mor  ann  maille  fri  snechta,  7  nach  raibhe  ucbt  edach  tana  fôill 
uime,  ocus  co  ttainic  allwj  mor  dhe  tre  cuimhniug/Y^/h  na  heccla 
romhoire  ro  bhai  fliir  ina  ils  amhail  bidh  i  medhôn  in  tsamradh 
no  innisedh. 

14.  Cidh  fil  ann  tra,  antan  ro  fulaing  Fursa  craibht/;(rh 
séselbhe  na  morshl/w^^'h  ticcdis  ar  a  ammass  ina  tir  féin  .i.  i 
n-Er/;/;/,  ro  taccaibh  an  tir  sin  .i.  Ere,  7  tain/V  go  Saxanu  :UYiuil 
ro  raidhsioinar,  7  ûathflJ  do  brait/;ribh  maille  fris,  iar  fdgbhail 
a  charat  uile  7  gach  neich  4  ele  ro  bdi  aicci,  7  ro  cumd(Z/>h 
se  mainistir  sochraidh  ann,  7  ro  errdcrcaigh  bhreit/;/r  nDé 
ainnsein. 

15.  O  thairnic  do  tra  na  neche  5  sin  tainic  fdi  a  mhainistir 

1.  Ms.  neith. 

2.  Ms.  aôisi  :  but  the  Latin  bas  Oïdincm  autem  visionum  suarum. 

3.  Ms.  diaigh. 

4.  Ms.  ncith. 

5.  Ms.  nethe. 


The  Life  of  Fur  sa.  597 

hâve  fliUcn  iipon  thee.  And  after  that  the  angel  was  instructing 
him  as  to  what  was  propcr  for  him  to  do  in  the  case  of  mcn 
vvho  repent  at  their  dcath. 

11.  Thereafter  then  Fursa  was  restorcd  to  his  body,  and 
afterwards  in  his  body  was  the  mark  of  the  burning  which  had 
been  inflicted  on  his  soûl,  so  that  it  was  manifest  to  the  world's 
men  who  beheid  how  it  was  on  his  shoulderblade  and  his 
shoulder  and  his  chcck.  And  everyone  deemcd  it  a  wondrous 
taie  that  the  mark  of  what  was  inflicted  on  thj  soûl  should 
be  in  présence  of  ail  on  the  body  ^ 

12.  His  life  afterwards  (was  spent)  in  teaching  the  men  of  the 
earth  and  celebrating  the  words  of  God,  as  he  used  to  do  bcfore. 
And  whatever  he  celebrated  he  himsclf  would  put  into  practice. 

13.  The  séries  of  his  visions,  he  would  relate  only  to  those 
who  asked  (for  them)  from  compunction  of  heart.  «  And 
still  »,  says  Beda,  «  there  remains  a  certain  ancient  of  our 
monastic  community,  and  he  asserts  that  he  conversed  with  a 
certain  pious  truth-telling  man  who  declared  that  he  himself 
saw  Fursa,  and  conversed  with  him  in  Essex,  and  heard  that 
vision  from  the  cleric's  mouth,  and  that  it  was  related  in  winter- 
time.  And  though  there  was  then  a  hard  frost  together  with 
snow,  and  Fursa  wore  nothing  but  a  thin,  little  garment,  a 
copious  sweat  came  from  him,  as  if  he  were  telling  his  talc  at 
midsummer,  through  remembering  the  excessive  fear  that  was 
on  him  in  his  vision. 

14.  Howbcit,  when  Fursa  the  Pious  suffered  from  the 
tumult  of  the  great  crowds  thaï  used  to  corne  to  him  in  his 
own  country,  to  wit,  in  Ireland^,  he  Icft  that  country  and 
came  to  England,  as  we  hâve  said,  together  with  a  few  brethren, 
after  leaving  ail  his  friends  and  every  thing  else  that  he  had. 
And  there  he  built  a  beautiful  monastery,  and  therein  he  cele- 
brated the  word  of  God. 

15.  So  when  ne  had  finished  thèse  things,  it  occurred  to 


1.  With  this  conception  of  ihc  quasi-materiality  of  tlie  human  soûl  and 
its  close  connexion  with  the  body,  compare  the  story  of  Find  slaying  Cuir- 
rech  bv  hurling  a  spear  through  his  shadow,  Rev.  Celt.,  XV,  444. 

2.  Beda's  Scottia. 


398  Whitlcy  Stokcs. 

7  a  dheithitte  d'fiigbdil  ar  FuUan  ^  7  ar  na  huasalsacc^rtaibh  ele 
.i.  ar  Guban  7  ar  Dicuill,  7  rob  ail  do  a  dhul  féin  os  é  sâer 
ona  huile  rètaibh  sdoghultaibh  ar  ammas  ionaid  bhadh  innil- 
liunih.  DocLiaidh  miiwrro  Fursa  7  Ultan  asin  mainistir,  7 
dochuaMr  1  ndit[h]reibh,  7  ro  bhatMr  hVmdain  innte  ar  saot/;ar 
al-lamh  co  congàin  cridhe  7  erna/V/he. 

16.  0'ta)//nairc  da;/t)  Fursa  iarsin  geinutlidhi-  7  aimhirisigh 
ag  lot  na  mainistrech  7  na  cennaith[ch]e  uile,  iar  fagbail  ccrh 
reda  do  reiruird  isin  mainistir,  docuaidh  tar  muir  soiri  Ftrang- 
coibh,  ociis  ro  frithailf^h  é  co  honor^'fh  6  righ  Frange  .i.  Clouis 
Ercinbald  'san  ait  dar'  bh'ainm  Latiniacum,  7  ro  cumhdaigedh 
mainistir  leis;  ocus  nir'bo  cian  tra  'na  diaidh?  sin  co  ro  gabh 
galar  a  bais  eissiumh,  7  co  riar/.;/  co  deiredh  a  heûxad. 

17.  Corp  im/;/o/Tt)  Fursa  rucc  an  righ  Clouis  Ercinbald  leis 
é,  7  ro  coimhéitt  é  i  n-erdomh  na  heccailse  ccn  co  tairnic  an 
ecclas  do  choisrccca^/h.  INtan  ïmmorvo  tucc^Jh  an  corp  asin 
erdomh  dia  adhnacal  hi  farn?Jh  na  haltora  in  uair  rob  uUamh 
an  ecclas,  as  amh/('?n/h  f/ith  è,  mar  nô  dheachsadh  d'écc  in  uair 
sin  .i.  a  cinn  sear/;t  laithe  hchet  iarna  ég,  ocus  ro  hadhnaicedh 
co  hoirmidntrh  onôrach  é  'san  ecclais  .i.  isin  ccathraigh  dianid 
ainm  Perona,  7  ro  hardaigedh  é  co  honorach  and  .i.  bhaile  i 
ndcntt/r  [52'']  ferta  ocus  miorbaile  lomda  ar  Fhursa  cerh  dia. 


1.  Ms.  ultnn. 

2.  Ms.  ocinntliglii.  Thcy  were  the  Mercians  undcr  Pcnda,  Plummer,  0/). 
cit.,  II,  172. 

3.  Ms.  diaigh. 


The  Life  of  Fur  sa.  399 

him  to  leavc  his  monaster}'  and  the  care  thereof  to  (his  bro- 
thcr)  Fullan  '  and  to  the  other  archpriests,  namely  Gobbàn  and 
Dicuill,  and  he  was  fain  to  go,  free  from  ail  mundane  matters, 
to  a  stcad  that  was  safcr.  So  Fursa  and  Ultan^  quitted  the 
monastery  and  went  into  a  hermitage;  and  there  they  remai- 
ned  a  year,  labouring  with  their  hands  and  in  compunction 
of  heart  and  'prayer  3, 

•  16.  Thereafter  then,  when  Fursa  beheld  heathens  and  unbe- 
lievers  destroying  the  monasteries  and  the  whole  province,  he 
left  everything  in  order  in  the  monastery,  and  went  over  sea 
eastward  to  Frankland,  and  was  honourably  receivcd  by  the 
king  of  the  Franks,  namely  Clovis4,  [or  by]Ercinbald5,  in  the 
place  named  Latiniacum^,  and  a  monastery  was  built  by  him  ; 
and  not  long  after  that  he  contracted  his  death-illness  and 
reached  the  end  of  his  life". 

17.  The  king  Clovis,  [or]  Ercinbald,  tookthebody,  and  guar- 
ded  it  in  the  porch  of  the  church  (which  he  was  building  at 
Pcrona)  until  the  consécration  of  the  church  (itself)  had 
endcd.  Kow  (when  the  church  was  ready  and)  when,  the  body 
was  brought  out  of  the  porch  to  be  buried  ncar  the  altar,  thus 
was  it  found,  as  if  Fursa  had  died  that  hour,  to  wit,  at  the  end 
of  sevcn  and  twenty  days  after  his  dcath.  And  he  was  buried 
with  vénération  and  honour  in  the  church,  that  is,  in  the 
town  called  Perona^,  and  he  was  honourably  exalted  there,  to 
wit,  where  many  miracles  and  marvels  are  wrought  for  Fursa 
every  day. 

1.  Bctter  Fôelân,  or  Fôilan  (Foylaniim...  sancliim,  CocJ.  Salmant.  col. 
99).  He  is  said  to  bave  founded  a  monastery  at  Fosse  in  tlie  diocèse  of  Liège, 
A.  D.  648,  and  to  hâve  been  slain  about  À.  D.  656,  on  Oct.  3 1,  his  day  in 
the  Irish  martyrologies. 

2.  He  became  abbot  of  Péronne,  and  died  Mav  i,  A.  D.  685.  IntheMar- 
tyrology  of  Gorman,  at  May  i,  he  is  called  «  the  son  of  Mael-snechta  ». 

3.  On  hermits  living  in  pairs  see  Raine's  Hexhani,  vol.  i.  Appendix, 
p.  xxxii,  cited  by  Plummer,  o/>.  cit.,  II,  172. 

4.  This  was  Clovis  II,  who  reigned  A.  D.  658-656. 

5.  Beda's  «  Ercanualduspatricius  ».  He  became  maire  du  palais  A.  D.  640. 

6.  Lagny,  near  Paris,  on  the  Marne;  or  Lezigr.y  ? 

7.  He  died  circa  A.  D.  650,  at  Maceriae  (now  Mazeroeles  in  Ponthieii, 
Plummer). 

8.  Beda's  Perrona,  now  Péronne,  ou  the  Somme,  which  the  Irish  called 
Calhair  Fursa,  v.  Four  .\I.\I.,  A.  D.  774. 


400  Whitlcy  Stokes. 

i8.  A  ccinn  ceithre  mhlindan  inviiorro  iarsin  ro  cumdaighedh 
teghdhais  fo  leith  do,  7  tuccadh  a  corp  indte,  ocus  frith  a  chorp 
fôs  gan  acht  amhail  ro  bai  an  tan  atbath. 

19.  Ni  fil  t;'a  acht  becc  do  sccelaibh  Fursa  sunn,  7  anti  dia 
mba  bail  ni  hiis  mô  dibb  fcghadh  Betb(7/V/ Fursa  7  fogbeba  iatt. 
FINIT. 

20.  As  leabhar  Muinntire  Duinnin  ro  scriobflf^h  an  betha 
sin  Fursa  i  cconueint  na  mbrathar  i  Ccorcaigh.  1629. 


The  Life  of  Fur  sa.  401 

18.  However,  ai  the  end  of  four  years  afterwards,  a  taber- 
nacle was  built  for  him  apart,  and  into  ir  his  body  was  brought; 
and  it  was  still  found  without  doubt  as  it  had  been  when  he 
died. 

19.  There  is  hère  nought  save  a  few  of  the  tidings  of  Fursa. 
Lct  him  who  desires  more  of  them  see  the  Life  of  Fursa  and 
he  wiU  hnd  them.  IT  ENDETH. 

20.  That  Life  of  Fursa  was  copied  out  of  the  Book  of  the 
Muinter  Duinnin  in  the  convent  of  the  friars  in  Cork,   1629. 


40  2  Whitley  Stokes. 


GLOSSARY 


acht,  gan  acht  i8,  u-llhout  doiibt:  see  K.  Meyer,  Contribb.  12,  aiid  O'Davo- 

ren,  no.  166. 
aimh-irisech,  16,  uiifaithfiil,  iinhclicving  :  cf.  ircssach,  Wind.  Wtb. 
aimh-nerte,  2,  infirmity  :  d  c-iicrle,  Kev.  Cclt.,  X,  78,  and  Cymr.  ncrthedd. 
aithber,  10,  rcproacb. 

aithenta,  9,  knoiuii,  from  aitbgiiithae,  part.  pass.  oî  aithgniiiim. 
aithis,  5,  revileineul,  O.  Ir.  aithiss  «  dedecus,  contumelia  »,  etc.  Asc.  Gloss.,  li. 
allus,  13,  siveat,  so  LU.  98^,  allas  (gl.  sudor),  Thés.  pal.  hib.,  II,  42. 
altôir,  altar,  gen.  na  haltora,  17,  nom.  ind  altôir,  Wb.  5 t'a. 
amhdin,  1 3,  o»/v. 

ardaigim,  17,  /  c.vrt//,  denom.  of  aid  «  high  ». 

baistither,  7,  for  baitsither  is  bapli\cJ,  3d  sg.  près.  ind.  pass.  of  baitsim. 
beccân,  9,  a  Jittle,  a  modicum. 
bérla  (Old  Ir.  bélre)  2,  Vie  Englisl)  langtia<yc . 

caingen  :  im  caingin  na  ndaoine,  10,  lit.  coiiccniiuc^  ilie  business  of  the  iiien. 
calmaighim,  I  coiifinn,  prêt.  pass.  sce  Zimmcr  KZ.,XXVni,  552,  Straclian 

Celt.  Zeits.,  Il,  483.  ro  calmaighit,  i. 
cantaireclit,  4,  chanling. 
cennadach,   pravince,   ace.    cennathaigh,    i,.  gen.    cennaith[ch)c,    16,    dat. 

cennadich.  Thés.  pal.  hib.,  Il,  240. 
coimlinn,  7,  complètes,  julfils,  should  be  coimliii,  3d  sg.  près.  ind.  oi  coinli- 

nawi  {do  coiiulinamar,  O'Gradv'^  Cat.,  256). 
coisrictha,  3,  coitsecrated,  holy,  part.  pass.  of  coisrecaim.    verbal  noun  cois- 

reccadh,  17,  consécration. 
comfoicsigim,  8,  10,  /  dra^v  nigh,  approach,  denom.  of  conwctis  «  near  ». 
conguin  cridi,  13,  15,  compiinclion  of  heart.  O.  Ir.  congiiin,  Ml.  23'>5,  eatla 

.i.    ciamhaire,   congain   chroidhe,   aithrighe   no  dcra,   O'Cl.    dogniat... 

aithrige  ndichra  tria  chongain  cride,  Rev.  Celt.,  IV,  230. 
conueint,  20,  a  couvent. 

crechad,  7,  phindering,  verbal  noun  o(  crecbaiiii,  y.Epa'X''). 
cudhnôdh,  2,  haste,  .i.  deithneas  no  deithbhir,  O'Cl. 
cuimnigim,  10,  /  retiiember,  O.  Ir.  déponent  aiiinnigur,  whence  ciiinuiigedar 

(gl.  reminiscentis),  Wb.  i6l'24. 
cuimnigud,  13,  verbal  noun  of  ciiiiiiiiigiiii. 

cuitiugud,  10,  verbal  noun  of  cuitigiui  «  I  participate  »,  denom.  of  cuit  «  por- 
tion ». 


Tlie  Life  of  Fursa.  40^ 

dcrntn,  8,  5d  sg.  impf.  ccnj.  pass.  of  dogni'u  :  the  coi'ideuta  of  Sg.  9^2  should 

be  amended  to  condernta,  Thurnevsen  (Coït.  Zeits.  i.  35,  note  2). 
dlestinach,  8,  duc,  Imvfiil,  cogn.  with  dleslantis' a  a  due  share  »,  spelt  dJis- 

teanach  in  H.  2.  13. 
déirse  hondage,  ace.  dàirsi,  10,  derived  from  dôir. 
ccrabud,  (en-crabud)  7,  iiiipiely,  hence  écraibdech,  Wind.  Wtb. 
-erdercaigim,  Icelehratc,  prêt.  sg.  3  ro  erdercaigh,  14.  fut.  sg.  i  -erdarcuguh, 

MI.  55^5,  et  V.  Ml.  89^4,  28bi5. 
ess-ôentu,  disuuion,  gen.  esaontad,  7. 
f-atcini,  I  hiiidle,  là  sg.  s.  prêt.  10  fatdidhis,   10  (where  the/is  prothetic 

and  the  dh  inserted  to  prevent  hiatus),  3d  sg.  ro  fadaidh,  8  =  10  adddi, 

LL.  287^50. 
fedabair  2,  Middle  Irish  2d  pi.  o(  Jetar  «Iknow».  Forotlicr  such  forms  see 

Celt.  Zeitschr.,  II,  492,  where  «  i  pi.  »  should  be  «  2  pi.  » 
fi'r-ebertach,  15,  trulh-speaking. 
fodbad,  7,  itripping,  spoilùig,  ace.  sg.  air'  licsead  a  fodbad,  Rev.  Cell.,  XVI, 

137- 
fôill,  13,  siiiall:  hence  fôille  «  smallness  ». 
forbas  for  *for-fâs  «  very  vain  »,  or  froni  *for-bacs  «  grcat  folly  »,  pi.  dat. 

forbasaib,  7. 
gabim  lâim  for,  2. 

geintlide,  16,  healheii.  Hence  gentlidecht  «  paganism  ». 
indilmain,  8,  iinlaw/iil,  from  the  neg.  prefix  in  (01)  and  diliiiaiii  «  legitimus  ». 
innilliumh  15,  seems  a  scribal  error  for  innilUu  the  comparative  oî  inn'dl 

«  safe  ». 
irdercughad,  i,  12,  verbal  noun  oî  erdarcaigivi. 
lan-fada,  'J,Jiill  long. 
loc,  gen.  luic,  1,  a  place  (\ocus)  consecrated  or  about  to  be  consecrated  : 

V.  Thés.  pal.  hib.,  II,  242,  §  13,  and  Loth,  Les  mois  latins,  etc.,  p.  182  ; 

Chrestomathie  bretonne,  p.  145. 
maisighim  I  adorn,  beaittify,  maisighis,  5,  denom.  from  niaisse  «  beauty  ». 
métaighim  I  greaten,  s-pret.  pi.  3  ro  metaighset,  8,  ro  médaighedh,  i. 
môr-sluag,  14,  agréât  host  or  crou'd. 
n  infixed  pron.  sg.  3  msc.  ro-n-gabh,  8. 
nâidhtntacht,  3,  injancy,  deriv.  oî  nôiditi,  gen.  tiùiden. 
ni  h  is  not,   ni  har  saint,     10:  from  *mh,    *nls,    *mst,  ncst,    ne-est,   Thur- 

neysen,  Celt.  Zeitschr.,  i,  2. 
obairim,  opero,  s.  prêt.  sg.  3,  ro  obair,  i,  ro  obair  .i.  ro  triall,  H.   3,  18, 

P-  si''- 
oirmitnech,  17,  vénérable,  deriv.  of  airniitiu. 
onôrach,  16,  honorable,  deriv.  o(  onôir  from  Lat.  honor. 
os  15,  and  .i.  ocus,  O'Davoren's  Glossary,   nos.    100,  1318  {Archiv.  f. 

celtische  Lexicographie,  II,  pp.  212,  429). 
ri'agalta,  2,  discipUnary,  deriv.  of  riagiil  borrowed  from  Lat.  régula. 
séselbe,  14,  tuinult.  Hence  inl[s]essilbech  (gl.  tumuhuarie).  Ml.  63^'8,  inna 

sisilbecha  (gl.  tumultaria),  Ml.  1201^4. 


404  Wintley  Stokes. 

sioc,  ï-^,frost.  Hcnce^siccet,  Ann.  Ult.  A.  D.,  855. 

slânaigthe,  salutary,  slanaigibh,  9,  for  sldnaighthibh. 

t,  tt,  infixed  pron.  2d  sg.  nî'-t-loisccfithcr,  8,  ro-tt-loisc,  10. 

tairgim,  1  offer,  try,  endcavour.  do  thairgdis   5.  O.  Ir.  taircini  (to-air-icim), 

Ascoli,  Gloss.,  XCVII. 
teccat  thairis,  7,  they  transgress  it. 
tinnisniugud,  2,  spccdiug,  cogn.  with  tiiuiisnech,  tiniiisiiach  «  festinosus  »,  Ir. 

GL,  615. 
ûasalsacart,  15,  archpricst,  or  perhaps  only  a  sanctus  presbyter  «  as  in  Hogan, 

Latin  Lires,  p.  23. 
ullamh,  17,  ready,  O.  Ir.  eUam,  Ml.  95*^2,  from  aith-lâ-:  from  ess-lâ-  accor- 

ding    to  Ascoli  Gloss.,  cxlv.  But  this  would  hâve  given  èlam:  cf.  éhid 

«  evasio  »,  ibid.,  clxxix,  from  css-hid. 

Whitlcy  Stokes. 
London,  April  1904. 


SUR    L'ÉTYMOLOGIE    BRETONNE 

(Suite.) 


XXXI.  —  GUINEFEL,  GUIR-HEFEL:  FORZ. 

1.  Une  ancienne^  édition  bretonne  de  Vhitrodudmi  à  la  vie 
dévote,  par  Charles  Le  Briz  (signée,  à  la  fin  de  1'  «  Epitre  » 
initiale,  «  Charles  ***  Prêtre  »,  avec  approbations  datées  de 
1710),  porte,  p.  297  :  ar  charité  pe  ar  garante^  he  deveus  aon  na 
rancontre  an  droug,  guinevel  de  glcisq  e  :^ae;  une  autre  plus 
récente  (E  Ouemper,  E  Ty  Youen-Yan-Lois  Derrien),  n'a  de 
variantes  que  e  deveus,  d'e.  Cela  rend  la  phrase  qui  est,  dans 
l'édition  française  du  P.  Jean  Brignon,  Rouen  1802,  p.  320  : 
«  La  charité  craint  de  rencontrer  le  mal,  bien  loin  qu'elle  aille 
le  chercher.  » 

Dans  l'orthographe  de  Le  Briz,  gui-  peut  représenter  o-/- ou 
gui-.  La  première  lecture  semble  appuyée  par  le  breton  gin 
contraire,  envers.  Mais  en  ce  cas,  il  faudrait  admettre  dans 
-evel  une  terminaison  adverbiale,  à  la  façon  des  adjectits  irlan- 
dais en  -anihiiil ;  ce  qui  est  peu  probable. 

2.  En  dehors  des  vieux  noms  d'hommes  composés  de 
hamal,  heniel  semblable  (cf.  Loth,  Chrestomathie  136),  on  ne 
trouve  en  breton  qu'un  adjectif  de  cette  sorte,  et  il  est  imité 
du  français  :  c'est  guïr-hêvel,  van.  gnïr-haoual  vraisemblable, 
probable  Gr.,  giuîr-hénvel  Gon., g ilir  hanval  Châl.,  gùirhavale, 
gùirhanvale  vraisemblable,  ^c^»z>r-/;ai/a/ probablement  l'A.,  d'où 
giiir-hêveledigei,  ^'''^'"'-  guïrhaoiialedigueah  vraisemblance,  guïr- 
-beveledigiie:^  probabilité   Gr.,  gwîr-héhvélédige^  f.  Gon.,  gwir 

I.  La  première  page  manque  dans  mon  exemplaire. 


4o6  E.  Ernault. 

hcvi'IiiUgL'y,  giuir  henveJidigc:^  du  Rusq.,  gùirhavalcdiguiah  f.  l'A. 
Troude  donne  g-wir-bevel  comme  cornouaillais. 

3.  Le  changement  d'r  en  «se  montre  dans  aminal  amiral, 
van.  minaql  miracle,  etc.,  Gloss.  66;  guir-hevel  a  donc  pu 
aboutir  à  giiincvd. 

Quant  au  sens,  il  supposerait  une  ironie  :  «  apparemment  »; 
ou  plutôt  une  interrogation,  comme  en  français  «  quelle  appa- 
rence que...  »,  «  le  moyen  de  s'imaginer  que...  »?  Ceci  est 
appuyé  par  le  traitement  du  verbe  suivant,  qui  est  au  sub- 
jonctif (=  conditionnel)  :  guinevel...  e  :{ae  =  guir-hevel  (eo)  e^ 
ae}  est-ce  vraisemblable  qu'elle  aille  ? 

4.  On  peut  remarquer,  à  ce  propos,  qu'en  Tréguier 
l'expression  inc  ra  vo)\,  proprement  «  je  fais  cas  »,  n'a  point 
le  sens  affirmatif.  Elle  est  toujours  interrogative  :  «  qu'est-ce 
que  cela  me  fiiit  ?  »  Pour  la  négation,  on  dit  me  ran  vor:^; 
la  conjugaison  personnelle  indique  qu'il  faut  entendre  iiie  m  ran 
vor:^  (qui  se  dit  aussi).  Cf.  Gloss.  242  ;  pour  la  locution  eur 
pot  a  voel  for:(  un  gaillard  sans  souci  (de  foeltr  for:^,  =  ne  ra 
focltr  for:0,  citée  à  cet  endroit,  voir  Rev.  Ccli.,  XIII,  354. 


XXXII.  —  AMGUIN;  QUYNNET;  GIN,  REKIN, 
RISKIGNAL;  GENOU. 

1.  La  même  question  de  prononciation  se  pose  pour  le 
moyen  breton  aingitin,  Sainte  Barbe  394,  736.  En  étudiant 
cette  alternative,  Gloss.,  25,  26,  je  ne  connaissais  pas  un  fait 
qui  rend  la  lecture  gi-  assurée  :  c'est  l'existence  du  van.  en 
aingin  en  sens  contraire,  é  ma  é  beii  en  amgin,  il  a  la  tête  à 
l'envers  (se  dit  à  Kervignac).  Il  faut  entendre  de  même,  B  394: 
en  amgnin  me  flf~  irahiiio,  je  te  traînerai  en  arrière,  à  rebours 
(parles  cheveux).  Dans  l'autre  passage  (iffain  bac)  amgnin,  le 
contexte  indique  le  sens  de  misérable,  affreusement  torturé. 

2.  L'accord  du  breton  moderne  avec  le  gallois  prouve  que 
le  préfixe  ani-  adoucissait  les  consonnes  muables  (sauf  les 
labiales).  Un  dérivé  du  simple  *(]nin  paraît  se  trouver  dans  un 
vers  de  la  Destruction  de  Jérusalem,  cité  et  traduit  par  D.  Le 
Pelletier,  v.  keini  :  «  Lequel  y  en  poan  ha  quynnet,  mettez-les 


Sur  PÉtymologie  bretonne.  407 

en  punition  et  sujet  de  plaintes  ou  de  gémissemens  »;  cf. 
Gloss.  556.  Cette  traduction  inspire  à  son  auteur  des  scrupules 
légitimes.  Il  ne  s'agit  pas,  pour  les  malheureux  en  question, 
d'être  «  plaints  »  (ce  qui  d'ailleurs  ne  pourrait  se  rendre  par 
keinct  gémi),  mais  d'être  «  tourmentés,  torturés  »;  lequel  y... 
quynnet  rappelle  bien  ma  laça...  amguin,  B736. 

3.  Le  P.  Grégoire  traduit  «  rebours,  le  contrepoil,  l'oppo- 
site  »  an  tu  giiin;  a  c'hiii;  «  le  rebours  de  l'étoffe,  de  la  toile," 
de  Ihabit»  an  tu  guin  eus  ac  me:^er,  eus  an  lien,  eus  an  ahyd; 
«  mettre  les  choses  à  rebours  »  lacqaat  an  traou  a-c'hin,  ou 
var  an  tu  guin  ;  «  envers,  le  vilain  côté  de  l'étotfe  »  an  tu 
guin;  «  tourner  à  l'envers,  une  étoffe,  etc.  »  trei  var  an  tu 
guin;  «  ses  affaires  vont  à  l'envers,  ne  réussissent  pas  »  e 
affœryou  a  ya  var  an  tu  guin;  «  la  débauche  pour  les  femmes, 
et  pour  le  vin,  met  une  maison  à  l'envers.  (C'est  un  pro- 
verbe breton)  »  Ar  grague:(^  sioila~,  bac  ar  guïn,  a  lacqa  an 
iyegue^^var  an  tu  guin;  «  l'opposite  du  drap,  le  côté  opposé, 
l'envers  »,  «  le  côté  de  l'envers  »  (de  l'étoffe),  «  revers  d'une 
pièce  de  monnoie  »  an  tu  guin;  «  le  revers  d'une  médaille  » 
an  tu  guin  eus  a  ur  vadelenn  (lisez  vedalenti);  «  à  contre-poil, 
contre  le  sens  ordinaire  »  a-c'hin,  dre  an  tu  guin;  «  à  recu- 
lons »  a-c'hin;  «  chagrin,  mauvaise  humeur  »  ^wy»;  «  chagrin, 
triste,  d'habitude  »  guyned.  Le  proverbe  cité  par  Grég.  est  un 
distique;  Sauvé  l'écrit  et  le  traduit  ainsi  (Lavarou  /co;^, 
n°  468) : 

Ar  grage:^,  sioua~!  hag  ar  giuinn 
'Lak'  ann  tiege^  war  ann  tu  gin 

«  Les  femmes  hélas  !  et  le  vin  bouleversent  un  ménage.  » 

4.  Le  Gonidec  donne  dans  son  premier  dictionnaire  gîn 
adj.  opposé,  contraire,  a» //?  cr/«  le  côté  opposé,  l'envers,  le 
revers,  gîn-ouc'h-gîn  directement  opposé;  gîn  m.  chagrin,  mau- 
vaise humeur,  tristesse;  gi}ia  v,  n.  se  chagriner,  se  mettre  de 
mauvaise  humeur,  devenir  triste,  se  tourmenter,  gina  a  râ 
bépréd  il  se  chagrine,  il  se  tourmente  sans  cesse;  ginet  adj.  et 
part,  chagrin,  qui  est  souvent  de  mauvaise  humeur,  triste, 
bourru. 

Son  dict.  franc. -bret.,  après  avoir  rendu   «  ennemis  »  par 


4o8  E.  Ernaiilt. 

énébouricn  y) ,  ^]o\MQ '.  «  Vieux,  tùd  f^in.  »  C'est  probablement 
une  addition  de  H.  de  la  Villemarqué;  je  ne  sais  sur  quoi  elle 
s'appuie. 

Celui-ci,  dans  la  seconde  édition  du  dict.  bret.-fr.  de  Le 
Gon.,  a  comparé  à  gîn  chagrin  le  gall.  giuen  et  le  gaël-écos- 
sais  gwin.  Il  s'agit  sans  doute  du  gall.  gwyn  (par  y  long) 
tourment  et  du  gaélique  caoin  pleurer,  qu'il  n'est  plus  possible 
de  comparer  entre  eux  ni  avec  le  bret.  gin. 

5.  On  lit  en  cornouaillais  dans  le  Bar:;a:(-Brei:(,  p.  138:  M 
a  laJcai  ar  hed-man  da  drei  ivar  be  chinaou  «  nous  ferons  tour- 
ner ce  monde  à  rebours  »  ;  cf.  la  variante  Ain  hije  laket  (et 
lakad)  ar  bed  da  vont  luar  he  ^osîe  «  j'aurais  renversé  ce 
monde  »,  Gwerxiou  Brei:^-I~eJ  i,  52,  56.  On  pense  tout  d'abord 
au  mot  giniiON,  léon.  genou  bouche,  qui  a  donné  lieu  aux 
expressions  trei  luar  he  genou  chavirer,  parlant  d'une  barque  ; 
haut  cornouaillais  eur  rod  luar  he  genou  une  roue  d'angle,  à 
denture  tournée  en  bas,  dans  le  manège  (Vallée).  Mais  luar 
hc  c'hinaou  s'exphquerait  aussi  par  un  dérivé  de  gin,  pouvant 
être  le  pluriel  du  nom  auquel  Grég.  et  Gon.  ne  donnent  que 
le  sens  moral:  «  chagrin  ».  Voir  n°  xxxiii. 

En  tête  de  ses  Kanaouennou  santel,  Saint-Brieuc  1848,  l'abbé 
Henry,  dans  sa  liste  de  mots  peu  connus,  surtout  des  jeunes 
gens,  explique  0'/;//?  «  chagrin,  mauvaise  humeur  »;  de  même 
l'abbé  Durand,  à  la  fin  de  Ar  fei^  hag  ar  vro,  1847,  p.  390, 
glose  gin  par  iristidige^. 

On  lit  dans  les  Bar^ounegou  var  drnhardere:;^  Jusas,  Morlaix, 
1847,  p.  168:  drc  c'hin  par  mauvaise  humeur;  p.  218:  hep 
ghin  sans  mauvaise  humeur,  sans  murmure;  p.  225  :  re  c'hined 
trop  affligé. 

6.  Troude  a  gin  m.  mauvaise  humeur;  adj.  opposé,  aiin  lu 
gin  l'envers,  gi)ia  v.  n.  rechigner,  se  chagriner,  crier  comme 
font  les  petits  enf.mts,  ginet  adj.  qui  est  de  mauvaise  humeur; 
M.  du  Rusquec  ac'hin  à  reculons;  gin  m.  pi.  ou  mauvaise 
humeur  (comparé  au  «  vieux  breton  quodccs,  haïr,  giiichr, 
guichir  impétueux,  colère  »  !  et  au  «  grec  yiovîovîî;  angu- 
leux »  !);  gina  rechigner,  ginct  adj.  refrogné,  de  mauvaise 
humeur.  M.  Vallée  me  signale  en  Léon  ginct  rechigné  ;  eun 
ear  s'inet,  un  air  maussade. 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  409 

7.  En  Tréguier,  on  dit  aji  tu  gin  l'envers;  de  là  daotiiagad 
war  an  tu  gin  yeux  à  l'envers,  troubles;  voir  aussi  Kpj--:io'.x 
II,  313,  V.  reor.  M.  Le  Garrcc  a  employé  en  ce  dialecte  l'ex- 
pression e  gin  au  contraire. 

8.  Le  van.  a  énn-tiiin  à  l'envers  l'A.;  énn  tuin  caire  (rester) 
à  la  renverse  Rtv.  Cclt.  vu,  342,  uni  laquad  énn  luin  se  ren- 
verser l'A.;  on  dit  en  é  duein  (\\  tomba)  à  la  renverse. 

9.  Le  Z.('A7(///é' propose  de  voir  dans  gîn  adj.  l'envers  une 
«  variante  muée  de  kein  »  (dos),  et  ajoute  en  note:  «  Cf. 
pourtant  cymr.  gin  «  peau  brute  ».  —  Le  sens  «  chagrin  » 
(contrariété),  d'où  gina  «  se  chagriner  »  est  probablement 
secondaire  ». 

Ces  rapprochements,  indiqués  avec  beaucoup  de  doute,  sont 
en  effet  peu  satisfoisants. 

10.  Gm  s'accorde  bien  mieux  avec  les  mots  suivants:  van. 
arequin  «  à  reculon,  à  rebour  »  Châl.,  «  à  reculon  »,  a  requein 
(aller)  à  reculons,  a  requin  «  à  rebours  de  bien  »,  ober  er 
requin  «  écorcher  l'anguille  par  la  queue  »,  e  :^m  requin  «  (toute 
médaille  a)  son  revers  »,  Châl.  ms;  a  requin  à  reculons;  à 
rebours,  requin  rebours,  gohér  er  requin  og  er-péh  a  oulennêr 
guenemp  faire  le  rebours  de  ce  qu'on  demande  de  nous,  requin 
bizarre,  requinereah  m.  pi.  eu  bizarrerie,  requinuss  difficile, 
revêche  l'A.;  hui  er  chervige  goal  ê  requin,  Magasin  spirituel  er 
beurerion,  Vannes  1790,  p.  10,  =  «  (je  ne  vois  pas  trop... 
comment  Dieu  pourroit  vous  donner  le  Ciel,  car)  vous  le  servez 
très-mal    »   Magasin  des  pauvres,  nouv.    édit.   Vannes  1791, 

Grég.  explique  le  van.  a  reqin  à  reculons  par  ar  e  c'hi>i  sur 
son  revers,  ce  qui  est  inadmissible.  Le  van.  rekin  appartient  à 
la  famille  du  franc,  rechigner,  comme  le  prouvent  les  autres 
dialectes  :  moy.  bret.  richinaff  «  richiner,  faire  mauluaise 
chère  »,  richinnat,  reclinajf  Usez  recbiiuiff'id.  Gloss.  575,  mod. 
recignat,  ricignat,  rinqinat  rechigner,  être  de  mauvaise  humeur, 
recignal  rechigner,  parlant  des  plantes  qui  ne  poussent  pas 
bien,  recign,  ricign  adj.,  rinqin  m.  pi.  ed  rechm,  rechigné, 
chagrin,  de  mauvaise  humeur  habituellement  Gr.,  rinkin  ris 
moqueur,  railleur  et  insultant,  rinkinn  rire  pour  se  moquer 
Pel.;  R'^'  nis  a  ces  deux  mots  qu'il  explique  de  même,  et  en 
Revue  Celtique,  XXV .  28 


410  £.'.  ErriiUilt. 

outre  richiii  qu'il  ne  traduit  pas.  M.  du  Rusquec  donne  rinkin 
m.  rire  moqueur,  rinhiual  rire  d'une  façon  moqueuse. 
M.  l'abbé  Biler  a  employé  risif^n  (le)  rire,  ricanement,  et  risign 
il  rit.  On  dit  en  petit  tréc.  rishignal  ricaner;  riskign-riskign  a 
demi  ordinal  da  luaJl  fin,  rire  sans  cesse  amène  toujours  mau- 
vaise fin  (proverbe). 

Rcchin,  rechigner,  etc.  sont  rapportés  à  une  origine  germa- 
nique, d'ailleurs  peu  claire,  cf.  Kœrting,  Lateiniscij-ronian. 
Wœrt.  2^  édit.  5276. 

1 1.  On  a  vu  (§  2)  que  l'afiaiblissement  de  k  en  g  se  justifie 
directement  dans  amgin,  qui  peut  être  une  refonte  à  moitié 
celtisée  de  rekin.  Dans  in-gin,  il  est  moins  régulier;  mais  on 
l'admettra  d'autant  plus  aisément,  qu'un  fait  semblable  a  eu 
lieu  parla  suite;  le  vannetais  a  affaibli  tu-gin  en  tuin,  inein. 
Le  franc,  guigne,  guignon,  l'angl.  against,  gainsay,  etc.  parais- 
sent être  hors  de  cause. 


XXXIII.  —  HERSOUINAFF,  HESOINAT,  ESOIGNAT, 
ISOUINAT,  HISKIGNAT,  OSIGNANET,  KOSIGAN, 
SQUIGNAN,  CHIGNAN,  SKIN,  CHIN. 

I.  Le  Catholicon  donne  bersqninaj]'  comme  synon3-me  de 
goapal  moquer,  et  de  richinnat,  richinajf  «  richiner,  faire 
mauluaisc  chère  »,  que  nous  venons  d'étudier. 

Le  P.  Maunoir  écrit  esquignat ,  i.ujniiuil  agacer;  le  P.  Gré- 
goire bersijinn,  esqignaf,  ijesqinat  agacer,  provoquer,  irriter; 
bisqiiièr  pi.  ien,  fém.  hisqinercs  pi.  cd  celui,  celle  qui  agace; 
hesqiiiére-  agacement,  irritation;  bisqinns-  adj.  qui  est  sujet  à 
agacer  les  autres;  pointilleux. 

D.  Le  Pelletier  donne  :  «  hkina,  Eskina  et  Eskigna,  Agacer, 
irriter,  importuner,  chagriner.  C'est  proprement  pointilkr, 
soit  en  piquant  avec  une  pointe,  soit  par  des  paroles  de  chi- 
cane importune:  car  je  le  crois  composé  d'£"jr,  et  de  Kin,  dont 
la  vraie  signification  est  Poi}ile  »;  Roussel  nis:  «  iskiu  agace- 
ment, clasq  iskin  chercher  aftaire,  querelle  »;  «  iskina,  iskinat, 
agacer,  irriter,  importuner,  chagriner,  pointiller  soit  en  piquant 


Sur  l'Etymologit'  bretonne.  41  1 

avec  une  pointe,  soit  par  des  paroles  de  chicane  importune  ». 
L'étymologie  de  Pel.  est  fausse  ;  k  kiii  pointe,  point  »,  qu'il 
donne  à  kiiia  germer,  a  tout  l'air  d'un  mot  imaginaire.  Kina 
lui-même  est  loin  d'être  certain  :  l'auteur  l'aura  extrait  de 
eghina,  cf.  Gloss.  203.  0\\  ne  trouve  ni  kin  ni  kina  dans  R*' 
ms,  qui  est  bien  plus  sobre  de  mots  forgés,  parce  qu'il  ne  fait 
guère  d'étymologie. 

2.  Le  Gonidec  a  heskin,  eskin  m.  agacement,  irritation, 
provocation,  vexation,  persécution,  «  quelques-uns  pronon- 
cent hishin  »;  hcsk'nia,  cskina,  selon  plusieurs  hiskina  agacer, 
etc.,  persécuter,  harceler,  obséder,  importuner,  incommoder, 
qu'il  tire  de  heskeiin  scie,  en  comparant  l'emploi  trivial  du 
franc,  scier  pour  «  agacer  »;  heskiner,  eskiner  (ou  hiskiner,  dict. 
fr.-br.)  celui  qui  agace,  etc.,  persécuteur,  importun;  heskinH:^, 
eski)iu:^  agaçant,  irritant,  vexatoire  (persécutant,  au  dict.  fr.- 
br.);  H.  de  la  Villemarquc  ajoute  heskinérei  syn.  de  heskin. 
Dans  son  Katéki:^  hislorik,  1826,  p.  53,  Le  Gon.  emploie  ««;? 
Heskinou  les  persécutions;  dans  son  Testaniant  neve:(,  1827, 
Actes  VIII,  I,  ennii  heskin  brâ^  une  grande  persécution;  ix,  4, 
heskine:^  tu  persécutes,  etc.  (la  traduction  de  M.  Le  Coat  ne 
donne  ces  mots  que. comme  gloses,  dans  la  grande  édition). 
L'étymologie  proposée  par  Le  Gon.  se  heurte  A  cette  objec- 
tion, que  hesquennal  (Cathol.),  mod.  heskenna,  scier,  et  sa 
famille  n'ont  jamais  cette  acception  figurée;  les  Bretons  n'ont 
pas  l'équivalent  de  la  plaisanterie  peu  galante  sur  un  mari 
donnant  le  bras  à  sa  femme  :  «  il  se  promène  en  menuisier,  sa 
scie  sous  le  bras.  » 

3.  Troude  et  Milin  nis  n'ont  ici  rien  de  spécial.  M.  l'abbé 
Caer  a  trouvé  en  haut  Léon  hiskignal,  agacer,  chercher  affaire 
à.  On  dit  à  Coadout  heskinat. 

Après  avoir  comparé  heskiner  persécuteur  au  v.  gall.  egiiin 
ongle,  ce  qui  n'a  pas  besoin  de  réfutation,  M.  du  Rusquec  dit 
de  heskina  agacer  :  «  Lavillemarqué  tire  ce  mot  de  hisken  scie, 
locution  française,  scier  le  dos,  esquine,  échine  ».  H.  delà 
Villemarqué  n'est  pour  rien  dans  la  comparaison  de  hesken 
(c'est  ainsi  qu'il  faut  lire);  et  ce  rapprochement  exclurait  celui 
de  échine. 

4.  Le  Lexique  penche    pour   ce  dernier,    en    voyant    dans 


412  £•  F.rncjult. 

hesldna  agacer,  moy.  br.  hcrsquinajf  railler  un  emprunt  du 
franc,  ancien  ^JT/;//?er  (en  prononciation  normande)  «  échiner»; 
mais  il  ajoute  en  note  :  «  Peu  sûr:  ni  le  sens  du  mbr.,  ni  IV 
qu'il  insère,  ne  s'expliquent  par  cet  emprunt  ». 

Je  crois  que  la  famille  (germanique),  de  échiner,  esch'nier, 
échine  est  représentée  en  breton  par  squin  carr  rayon  d'une 
roue  Nom.  i8o,  shin,  sing.  shinen,  rayon  d'une  roue,  d'un 
champ  labouré,  et  rayon  en  général  Pel.,  «  shin,  sing.  shinen, 
rayon  dune  roue,  dun  champ  labouré  etc.  pi.  skinou  »  R^' 
ms,  shin  m.  pi.  oit  rayon  d'une  roue,  shiua  v.  a.  mettre  des 
rayons  à  une  roue  du  Rusq.,  shin  pi.  ou  rayon  d'une  roue,  en 
Léon  et  basse  Cornouaille  (Vallée),  etc.,  voir  GJoss.  648; 
Lexique  241. 

5.  Quant  à  hcrsquinaff,  heshina,  etc.,  ils  doivent  tenir  au  v. 
fr.  de  sens  bien  plus  satisfoisant  eschiguier,  esquignier,  hesqui- 
gnier  grincer,  faire  la  grimace,  se  railler,  parent  de  re(s)chi- 
gnier,  rechigner,  richiner,  etc.;  cf.  VEpeiithèse  des  liquides  ^  10, 
32  etsuiv.,  où  l'on  trouvera  des  exemples  plus  récents  d'r 
inséré  dans  les  mêmes  conditions. 

6.  Le  vannetais,  qui  n'a  pas  ces  mots,  en  présente  d'autres 
qui  m'en  semblent  inséparables,  savoir  : 

Osignanel  êtres  fantastiques  que  Dufilhol  associe  aux  Tourî- 
ganct  et  aux  Poulpiqnet,  en  définissant  le  tout  «  diverses  tribus 
d'êtres  malfaisants  et  difformes.  On  se  les  représente  tantôt 
sous  la  figure  de  chauves-souris  d'une  grandeur  démesurée... 
tantôt  sous  une  forme  humaine  et  grimaçante  »  Guionvac'h,  p. 
194  de  la  nouvelle  édition,  Nantes  1890;  cf.  la  troisième  des 
Eludes  sur  la  Bretagne  du  même  auteur  (Revue  de  Bretagne, 
1833-1834),  p.  32:  «  C'est  la  métropole  des  Osignanets,  des 
Tourignanets,  des  Courils,  des  Poulpiquets,  toutes  tribus  de 
la  même  fomille...,  peuple  léger,  dansant,  frétillant,  plein  de 
ricanements  et  de  malice  »  ; 

hosigan,  nain  imaginaire,  mélange  de  horrigaii  avec  le  nom 
précédent,  Osigmiuet  ;  celui-ci  a  aussi  passé  son  gn  au  «  Tou- 
rignanets »  précité,  si  c'est  une  variante  réelle  de  Touriganet 
=  horriganued; 

squignan  m.  grenouille  l'A.,  chigiuvt  pi.  ('(/  id.  Grammaire 
de  Guillome,  Vannes  1836,  p.  12  ;  ehignaii  m.  pi.  cJ grenouille 


Sur  l'Étymologie  bretonne.  4 1  5 

des  champs,  Guillcvic  er  Le  Goff,  Exercices  62;  chigiioni!, 
environs  de  Lorient,  Rolland,  Faune  pop.  m,  66;  on  dit 
aussi  chegnaû,  skignan,  m.  pi.  -aniicd. 

On  peut  ajouter  les  noms  de  lieux  du  Morbihan  Toiil- 
Cbianuct,  Toul-Chiganct  =  «  trou  aux  grenouilles  »,  cf.  l'oul- 
ran,  Tcul-Rauec,  Poiilrauuet,  Poulrcaucl  {rcaïuièt  grenouilles 
Histoè'rien  ng  en  eu  Teslnniûini  81);  Goalj-Ranct,  etc. 

7.  Ces  mots  ont  l'ancien  suflixe  diminutit  au,  qui  manque 
dans  le  petit  trècorois  skia,  animal  difforme  qui,  dit-on,  naît 
d'une  femme  et  va  aussitôt  se  cacher  sous  le  lit  ;  on  ajoute 
qu'il  finit  le  tuer,  pour  l'empêcher  de  nuire.  Cf.  Etudes  vaiuie- 
taises  22  ■=^  Revue  Morbihaunaise  i,   197. 

8.  On  peut  rapporter  à  la  même  origine  le  mot  «  chin, 
sorte  d'adj.  risible,  drôle,  farce,  bouffon,  plaisant,  comique  » 
Mil.  ms. 


XXXIV.  —  MERCI,  MERGL,  MÈLEGET,  MELE- 
GANN  ;  GOUZERGL;  KERRL,  KERL,  KELC'H, 
KLEC'H,  KLERL 

I.  Le  bret.  moy.  avait  navel  rouille;  les  tormes  modernes 
sont  inerki,  nwrgl,  melgr  (voir  n°  xxiv,  §  4).  Le  petit  trècorois 
a  remplacé  ce  mot  par  son  dérivé  ancien  mcrcJadnr,  rouillure, 
qu'il  prononce  luèlcgadur  (sur  l'insertion  de  Ve,  voir  Gloss., 
496);  il  dit  de  même  inèleget,  rouillé,  avec  accent  tonique  sur 
la  première  syllabe,  de  nielgei  pour  nielgret,  =  merglel.  Mèle- 
get  veut  dire  aussi  qui  a  des  mches  de  rousseur  :  bck  mèlegct, 
visage  ainsi  tacheté.  Une  expression  semblable  existe  en  fran- 
çais :  Lorsqu'une  femme  enceinte  «  a  la  face  rouillée,  elle  aura 
un  garçon;  si  elle  ...  conserve  sa  fraîcheur,  elle  aura  une 
fille  »,  F.  Chapiseau,  Le  folk-lore  de  la  Beauce  et  du  Perche,  Paris 
1902,  II,  5. 

C'est  à  cette  racine  que  doit  se  rattacher  mèlegahn  verdier 
mâle,  expliqué  par  * nielenegahn ,  Gloss.  401,  d'après  son  syno- 
nyme plus  répandu  melenek:  il  correspond  bien  plutôt  au  nom 
de  sa  femelle  dans  le  même  sous-dialecte,  rouiegann.  M.  Even 


414  ^-  Eynaidt . 

a  recueilli  l'expression  cur  î>ieh'gûH,  un  homme  qui  mange 
peu;  ce  qui  rappelle  le  français  «  un  appétit  d'oiseau  ».  En 
petit  Tréguier  et  en  Goello  ce  mot  veut  dire  «  un  homme 
blond  ».  M.  Vallée  a  entendu  en  has  Tréguier:  cur  niclcgant, 
un  blond,  cur  vchganc:^,  ime  blonde,  et  lu  dans  une  compo- 
sition de  jeune  Breton  :  roufciiucl  ha  iiic}c;:;aucf  gant  au  oad 
(visage)  ridé  et  hàlé  par  l'âge. 

2.  Merci,  lucrgl,  est  une  variante,  peut-être  diminutive,  de 
*uicrc,  *uu'rg,  =  v.  irl.  nwirc,  uwirg,  gaél.  uicirg;  voir  Macbain 
à  ce  mot.  On  attendrait  *iiicri'h;  il  y  a,  toutefois,  des  exemples 
du  g  maintenu,  comme  dans  le  van.  et  cornouaillais  rt/'o-a///, 
argent  (i^CL'.  Cclt.  vu,  155,  157). 

La  finale  /  a  contribué  ici  à  cette  préservation.  Une  alter- 
nance semblable  h*uicrc'b,  uicrgl  se  trouve  dans  <^HV/~c;r7;(léon.), 
gou~crgl  (van.)  dorade,  voir  GIoss.  623  (J.  Moal  donne  en 
van.  gouT^erh,  que  je  n'ai  pu  retrouver).  Le  sens  paraît  avoir 
été  analogue  à  celui  de  viôr-c'hast  femelle  du  marsouin,  selon 
d'autres  roussette  ou  chat  de  mer  Gon.,  etc. 

3,  Aucun  mot  breton  ne  finit  en  rc'])l,  ni  même  en  c'hJ, 
comme  le  gall.  cochl  manteau.  La  langue  s'est  débarrassée  de 
diverses  façons  de  *kerc'hl  =  circ'Jus,  en  en  faisant  :  kerrl,  kerl 
(van.),  pi.  hcrlo  cercles  de  barriques:  âi:^am  âkvar  ar  c'hcrJo, 
ôter  la  charge  des  cercles  de  barrique,  c'est-à-dire  boire  (en 
haute  Cornouaille,  abbé  Besco)  ;  heJch  (léon.,  etc.),  moy.  br. 
quclch,  gall.  cxich;  Jclec'h  (argot  tréc.  de  La  Roche);  kirri 
(petit  tréc),  avec  /  provenant  du  pluriel,  cf.  hlcriaù  cercler 
=  léon.  IrJc'hia,  hilhia,  Irlia  Pel.  (Gloss.  530,  531);  voir  plus 
haut,  n"  XXIX. 

Kkc'Jj  et  klcr-i  permettent  de  supposer  ime  torme  *klcrc'h, 
qui  pourrait  venir  de  *kerc'hl  connue  cicrcc,  cercle  de  barrique, 
de  tonneau,  Favre,  Gloss.  du  Poitou,  vient  de  cercle. 


XXX\^   —   DINASOUET,   DIKASKA,   DIKASKLEIN; 
PENNASKA,  DIBENNASK;  KALOUKASK;  XASK. 

I.  Le  Diuasquet,  nom  d'un   Breton  dans  un  texte  du  xiv^ 
siècle  {Bibliothèque  de  l'École  des  Chartes,  LIX,   301)  est  iden- 


Sur  l'Etymologie  bretonne.  41  ^ 

tique  à  diuasqct,  participe  passé  de  dinasqa  détacher  les  bêtes 
à  cornes  attachées  pour  paître,  ou  à  l'ctablc  Gr.;  dinaska 
détacher  les  bêtes  à  cornes  à  l'établc  Trd  (Mil.  tus  ajoute 
«  délier  »  au-dessus  de  «  détacher  »);  tréc.  dinaskah;  ci.  l'adj. 
diiiask  qui  n'est  pas  attaché  à  la  crèche  Trd,  libre,  sans 
attache,  sans  lien  Mil.  111s  (avec  un  exemple  de  Combcau), 
«  sans  point  d'attache  »  du  Rusq.,  ce  dernier  a  encore  dinaska 
«  détacher  les  bêtes  »,  dinaskoi  adv.  «  sans  lien  »,  diuaskenna 
V.  a.  «  enlever  les  liens  ».  Le  Diuasquct  est  ainsi  quelque 
chose  comme  Le  Dicarc'bcr,  gall.  digarchar  non  emprisonné, 
libre,  Gloss.  164.  C'est  un  des  composés  de  di-  qu'on  peut 
faire  remonter  au  vieux  celtique  (cf.  Eludes  d'élyni.  brcl.,  xii, 
§  14):  il  répond  à  l'irl.  diouasgaiui  «  I  disjoin,  loosen,  ungird  » 
O'R.,  et  a  donné  lieu  au  haut  brct.  dcnâcber,  détacher  (les 
vaches  à  l'étable),  Rev.  Cclt.  V,  223. 

2.  Sa  forme  vannetaise  est  dinassqlcin  détacher  les  bêtes  à 
cornes  l'A.,  avec  addition  de  l,  voir  xxiv,  §  8;  cf.  rangl  rang, 
P.  Michel,  Fiorelti...  pé  Bokeligeu  sant  Fransé:(,  Vannes  1902, 
p.  79;  a  ^iiffroucle  inarh  «  à  étripe  de  cheval  »,  de  difronqiiein 
ébrouer  l'A.,  Gloss.  166,  etc. 

3.  Un  composé,  à  forme  ancienne,  du  simple  nasqa  atta- 
cher (les  bestiaux)  Gr.  est  pennasqa  «  empêtrer,  attacher  la 
têtu  à  un  des  pieds  de  devant  »  Gr.,  pennaska  Gon.,  du  Rusq.^ 
pennaska,  penn-naska,  Trd,  pet.  tréc.  pcnaskih,  penaskcigii  ;  d'où 
le  haut  bret.  penâchcr,  einpeitdcher,  embarrasser,  embrouiller, 
Rev.  Celt.  V,  223  ;  Gloss.  477.  M.  du  Rusquec  donne  pennask 
m.  pi.  ou,  entrave;  M.  Vallée  a  trouvé  dans  \\\s:{gQ  pennask, 
lien  qui  attache  le  pied  d'ime  vache  à  ses  cornes. 

On  dit  aussi  en  Léon  dibennask  (jeune  homme)  trop  libre, 
déréglé  {Brcuriei  Vrci:{). 

4.  M.  du  Rusquec  explique  de  même  kalounask  f.  pi.  ou 
nausée  (kalounask  f.  Trd,  kalounask  en  haut  Léon  le  malaise 
qui  résulte  d'une  digestion  pénible,  Caer)  comme  formé  de 
kaloun  cœur,  nask  lien;  mais  pourquoi  le  mot  serait-il  féminin? 
Je  n'admets  pas  cependant  avec  J.  Moal  Suppl.  354  que  kalou- 
nask soit  un  simple  dérivé  de  kaloun.  Il  fltut  comparer  les 
expressions  caloun-losq  «  brûlure  de  cœur,  douleur  causée  par 
la  bile  qui  brûle  l'estomac,  et  qui  vient  ordinairement  d'indi- 


4i6  E.  Ernaiilt. 

gestion  »,  caloii-losq  ain'ais  «  la  bile  me  brûle  le  cœur,  d'in- 
digestion »  Gr.,  haut  cornouaillais  halon-Iosk  aigreurs  d'es- 
tomac, petit  trécorois  kalon-dc,  cf.  loshct,  devet  brûlé;  kalounask 
paraît  de  même  être  pour  kaloiin  naskct  =  ((  cœur  entravé  ». 
Pour  la  réduction  des  n,  cf.  plus  haut  penaskin  de  penn-nask-  ; 
voir  Gloss.  V.  asq^  ycJI. 

5.  Le  haut  breton  a  fait,  du  masculin  nask,  miche  fém.;  on 
retrouve  le  mot  dans  le  haut  Maine:  nâche  f.  longe  ou  lien 
pour  attacher  les  bestiaux  à  la  mangeoire,  de  Montesson.  Pour 
le  bas  Maine,  M.  Dottin  n'indique  pas  le  genre  de  nâch 
«  attache  qui  lie  une  vache  à  la  mangeoire;  collet  pour 
prendre  le  gibier  ».  Quelque  emploi  analogue  à  ce  dernier 
sens  aurait-il  donné  lieu  à  la  locution  flimiliére  citée  par 
Troude  :  e  nask  eiiia,  il  est  marié  (comme  en  franc.  «  il  est 
dans  la  nasse  »)?  Mil.  uis  a  kas  d'e  nask  mettre  à  la  raison. 


XXXVI.  —  TRECHONEIN,  TOSONA,  TAZENI ,  TA- 
ZON  ;  TRECHON,  TRINCHONENN,  TRENCH 
KOUKOUG,   TRENK,   TROAZ. 

1.  Le  van.  Irccboiiein  agacer  les  dents  Châl.,  trechonein  en 
dent  Ch.  nis,  trcchonncin  id.,  irechon  m.  agacement  des  dents 
l'A.  n'est  pas  à  séparer  entièrement  du  mot  des  autres  dialectes 
îosona,  taioni,  toujona,  iourjouna,  etc.,  moy.  bret.  tosonajf 
(voir  Gloss.  682,  Epcnihèse  §  10,  32),  tréc.  UiyCni  agacer  (les 
dents),  émousser  (un  outil)  Even,  à  Coadout  en  bas  Goello 
la:{0}i  rassasié;  dégoûté  (d'un  travail,  etc.)  Y.  Le  Moal  ;  mais 
il  a  subi  l'influence  de  tnrlhvi  oseille  Ch.,  tréchon  l'A.,  bas 
van.  trechahn  (Loth,  éd.  de  Châl.  89),  hors  de  Van.  trihchin, 
Irihchen  Gr.,  pet.  tréc.  irchchon  {Gloss.  720,  721). 

Le  Cath.  a  le  singulatif  trincbonenii,  Irinrbenenn,  qu'il  tra- 
duit «  trinchon  ou  uinete,  ou  oseille  ».  Ce  mot  Irinchon  existe 
encore  en  haute  Bretagne  ;  comme  il  n'a  été  trouvé  que  là,  il 
y  a  lieu  de  le  croire  d'origine  bretonne,  cf.  Rcv.  Celt.  V,  224. 

2.  Trinrhoncini,  irincbt'nenn  doit  être  dérivé  de  iimc  aigre 
Maun.,  van.  trcang  Châl.,  iyaingu'  aigre,  tirang  acide  Ch.  nis, 


Sur  VÈtymologie  bretonne.  417 

treang,  tréancr  l'A.,  bas  van.  Iriùgiik,  Loth  (éd.  de  Châl.  89, 
cf.  Gloss.  715);  avec  influence  de  wclchoueun ,  niclchenenn  trèfle 
Cath.? 

M.  Vallée  me  signale  Ircnch  kouhoni^,  espèce  de  primevère 
moins  commune  que  les  autres  et  qui  a  plusieurs  fleurs  sur  la 
même  tige;  proprement  sans  doute  «  oseille  de  coucou  ».  Ce 
doit  être  un  second  pluriel  lormé  sur  trincbcn,  où  -en  aura  été 
pris  pour  le  singulatif,  proprement  -cnn  (la  prononciation  est 
loin  de  faire  toujours  cette  distinction). 

Treuc,  non  attesté  en  moy.  bret.,  appartient  à  la  tamille  de 
troa:;^  urine,  bas  van.  iroeh,  haut  van.  Ireah,  =  gall.  tnvyth, 
troeth  ■=^  de  *lrnc-l-,  *lroc  I-,  cf.  le  synonyme  gallois  tricuc. 
Le  mot  du  haut  Maine  Iriiicle,  trinque  f.  petit  lait,  lait  caillé, 
sérosité  (de  Montesson)  est  emprunté  au  breton;  ci.  van. 
leah  tretik  lait  caillé.  L7  de  trinrle  n'est  pas  nécessairement 
armoricain. 


XXXVII.  —  RÉGNKLHN,  DIRÉGNKLAN  ;  RONKEL, 
RONKONEL,  ROKONEL,  ROUKOUNEL,  ROCHA; 
SOROCH,  SOROC'HEL;  HOCHA. 

I.  Le  petit  tréc.  rcùkJcii  (ou  plutôt  rcgnkkn,  qu'on  prononce 
également  ainsi  à  Coadout),  râle,  est  rattaché,  Gloss.,  578,  à 
la  famille  de  rohkcl,  ronkonel,  rckoncl,  id.  Gon.,  en  bas  Léon 
roukouncl  (Brcurie^  Vrei^).  Comme  les  autres  formes  bretonnes 
difiérent  par  la  voyelle  et  n'ont  pas  k  suivi  immédiatement  de 
/,  il  faudrait  supposer  que  ce  mot  a  gardé  seul  le  vocalisme  du 
comique  rencia,  ronfler,  et  qu'il  est  abrégé  de  *renkeUcnn. 

Ce  qui  me  fait  douter  maintenant  de  ces  explications,  c'est 
surtout  la  forme  romane  ringlier,  respirer  avec  bruit,  péni- 
blement, à  Etivey  (Jossier,  Dict.  des  patois  de  l'Yonne,  1882). 
Elle  a  tout  l'air  de  venir,  comme  l'ital.  ringhiare,  de  *ringii- 
lare,  dérivé  de  ringi  (Kœrting-,  8091).  Régnklen  serait  pour 
*refighnn,  d'un  verbe  *rengln  d'origine  française  (le  latin  eût 
donné  *rifigl-,  *riiikl-).  Je  n'ai  pas  entendu  le  simple,  mais 
son  composé  dirégnklan,  râler. 


41 8  '  E.  Ernaiilt. 

2.  Le  Lexique  explique  roc'ha,  ronfler,  râler,  par  *roccare, 
combinaison  de  roncare  et  de  raiicarc,  et  ajoute  la  comparaison 
de  l'angl.  rooh,  freux.  Ces  deux  derniers  sont,  je  crois,  tout  à 
fait  étrangers  à  l'histoire  de  rocba,  rohkel,  etc.  Si  quelque 
analogie  a  aidé  à  l'assimilation  de  ne  en  ce  ou  à  l'introduction 
du  son  c'I),  il  vaut  mieux  la  chercher  dans  les  mots  imitatifs 
sorOi'J],  cri  des  pourceaux,  soroc'ha,  grogner,  gronder,  quereller, 
murmurer  (mot  qui  a  déterminé  la  forme  de  soroeljcl,  vessie 
pleine  de  pois,  dont  l'origine  est  *syriiiccJla,  Gloss.,  634, 
Lexique,  248);  doe'ha,  hoc'ha,  grogner  (dérivé  de  bouc' h,  pour- 
ceau, Lex.,  165,  mais  cf.  plutôt  gall.  och,  grognement,  Gloss., 
191). 


XXXVIII.  —  KERHONNEN,  KONTRON,  KONTRAM ; 
KIRINEN,  KERZINEN. 

1.  Le  van.  kerJjonueii,  f.  pi.  kerhon,  ver  (de  charogne),  est 
un  nouvel  exemple  du  double  traitement  de  ///  qui  tantôt 
donne  en  breton  ;//,  fil,  tantôt  s'assimile  en  *//,  d'où  *//;  (;^ 
dur),  van.  h.  En  effet,  kerbofi  =■  *keyi])on,  métathése  de  *kelbron 
pour  *keiitroii,  dans  les  autres  dialectes  kofil rori ,  de  con-j r-,  même 
racine  que  -rsr^îfôv,  etc.  Cf.  moy.  br.  eula  et  e^a  donc,  Rev. 
Celt.,  XI,  356.  A  Coadout  on  dit  boùlrain,  par  l'influence  de 
koniûin,  poison,  bien  que  celui-ci  soit  inconnu  dans  cette 
localité. 

2.  Un  autre  mot  intéressant  que  les  récentes  recherches  sur 
le  dialecte  de  Vannes  ont  mis  en  lumière  est  kirinen,  f.  pi. 
kiyi)i,  alisier,  fruit  de  l'alisier,  de  *kerbiiicii,  bas  cornouaillais 
kcjiinen,  irl.  caortbaiu,  etc.,  Gloss.,  346.  La  réduction  de  rb  à 
r  peut  être  due  à  l'influence  de  irinen,  girinen,  prunellier  (cf. 
plus  haut,  V,  10;  XXVI,  2). 

XXXIX.  —  POUREN. 

La  première  phrase  du  u  logogriphe  bretonlrançais  de  la  fin 
du  xvi^  siècle  »  publié  et  commenté  A)ii!.   de  Bref.  III,   251, 


Sur  rf-tymologie  bretonne.  419 

252,  d.  Rev.  Ct'It.  XVI,  200,  est:  «  Constant  mon  ami  prie 
li  demain  à  manger  son  Icyn  en  boas  pouren  en  anduil  trnllien 
en  sihii'ucn  or  an  ^laon  ».  M.  I.oth  traduit  :  «  Constant  mon 
ami,  prie-le  à  manger  son  lihwr  dcnia'ui  (ou  encore)  des  tranches 
d'andoiiilles,  des  haillons  (morceaux)  de  saucisse  sur  le  charbon  »; 
il  remarque  en  note  que  «  pourren  est  employé  à  contresens». 
Je  crois  pouvoir  présenter  sur  pouren  (ou  pourren  ?)  une 
hypothèse  plus  acceptable  que  l'explication  pM'  pourchen  mèche 
{cL  Gloss.  509).  On  lit  dans  les  Propos  rustiques  de  Noël  du 
Fail,  éd.  de  la  Borderic,  p.  95  :  «  et  croyez  de  asseurance, 
que  ie  mangerois  tout  mon  saoul  de  febues,  et  de  pois,  ... 
autant  en  ferois  de  ces  belles  Andouilles,  avec  de  la  porree.  » 
Nous  voyons  ici,  dans  un  esprit  breton  de  la  même  époque, 
une  association  d'idées  culinaires  qui  justifie,  si  je  ne  me 
trompe,  la  présence  de  pouren  =  pourenn  pi.  pour  «  porreau, 
qu'on  apelle  à  Paris,  poireau  »  Gr.,  à  côté  de  fl!»^///7  andouilles. 
Le  Cath.  écrit  pourr  porreaux.  La  poirée  est  proprement  une 
plante  potagère  différente,  la  bette;  mais  en  haute  Bretagne 
ce  mot,  qu'on  prononce  porrée,  désigne  d'ordinaire  le  porreau. 

E.  Erkault. 
(A  suivre.) 


LE  MYSTÈRE  BRETON 
DE  SAINT  CRÉPIN  ET  DE  SAINT  CRÉPINIEN 

SUITE    DU    TEXTE 


[CREPINIAN| 

a  presegonip  d-ar  bobl     breman  an  [ajiiiel. 
Esplicomp  scier  dreoll     guir  lesen  on  saluer. 
530     Adieu,  enta,  Quintin,  adieu  dach,  Lusian, 
Adieu  dach,  Valaire,  adieu  dach  Rufian, 
adieu  dach  a-laran  ;  adieu  dach  Eugène, 
adieu  dach,  ma  breudeur,  quen  aueso  en  eft. 

Q.UINTIN 
Me  a  ma  breur  Lusian     a  ya  da  pep  a  quer 
535     en  mesq  ar  Goleset.     Adieu  dach,  ma  breu(deu)r, 
mar  en-em     voellomp  mu,     ne  on  penos  vo  se. 
Adieu  a  laran  dach.     Qucn  a  veso  neuse. 

RUFIAN 

Adieu,  enta,  Q.uintin,     adieu  dach,  Lusian, 
biqucii  ne  n-em  voellomp     assamples  er  bet  man. 

Scniw. 

epiii  et  Crepiiiieit  a  droit  et  les  antre  a  gaiich.  Les  soJdar  Grabien,  Genderiq, 
GUnceron,  Albietiiis  entre  a  ganch. 

GRABIEN  parle. 
540     Orsus  ny  entresomp     a  so  oll  soudardet. 

Ebars  er  quer  vras  man     esomp  oll  estonet. 

On  chleueyer  (a)  so  ru     gant  goat  ar  gristenicn, 

a  villero  e  s-int     niaro  voar  an  dachen, 

rag  ma  chleue  (a)  so  lem     a  droch  an  dao'.i  goste; 
545     betteg  ar  bomellen     es-eo  fouret  enne. 


LE  MYSTÈRE  BRETON 
DE  SAINT  CRÉPIN  ET  DE  SAINT  CRÉPINIEN 


SUITE    DE    LA    TRADUCTION 


[crépixien] 
et  prêchons  maintenant  l'Hvangile  au  peuple. 
Expliquons  clairement  partout  la  vraie  doctrine  de  notre  Sauveur. 
Adieu  donc,  Quentin,  adieu,  Lucien, 
Adieu  Valère,  adieu  Rufien, 
Je  vous  dis  adieu  ;  adieu  Eugène, 
adieu,  mes  frères,  au  revoir  dans  le  ciel. 

QUENTIN 

Moi  et  mon  frère  Lucien,  nous  allons  chacun  dans  une  ville 
au  milieu  des  Gaulois.  Adieu,  mes  frères, 
Si  nous  nous  revoyons  encore,  je  ne  sais  comment  ce  sera. 
Je  vous  dis  adieu.  Au  revoir,  alors. 

RUFIEN 

Adieu  donc  Quentin,  adieu  Lucien, 

Jamais  nous  ne  nous  reverrons  ensemble  en  ce  monde. 


Cri'pin  et  Onpiiiien  à  droite  et  les  antres  à  gauche.  Les  soldats  Grabien, 
Genderic,  Gliiiceron,  Albieiius  entrent  à  gauche. 

gr.\bii:n  païk. 
Or  ça,  nous,  tant  que  nous  sommes,  sommes  des  soldats. 
Dans  cette  grande  ville  nous  sommes  tout  étonnés  : 
nos  épées  sont  rouges  du  sang  des  chrétiens. 
Ils  sont  morts  sur  place  par  milliers, 
car  mon  épée  est  affilée  et  tranche  des  deux  côtés  ; 
je  l'y  ai  enfoncée  dans  leurs  corps  jusqu'au  pommeau. 


42  2  Victor  Tourneur.  > 

GENDERia 

Tao,  poultron  brabanser,     te  en-em-gont  vaillant 
Gant  ma  halabarden,     me  m-eus  bet  mu  (e)uit  cant. 
Me  leque  bern  voar  vern,     an  eill  voar  eguile. 
fo   lO     Me  droche  o  fenno     gant  ma  chleue  yue. 
550     Ouspen,  gant  ma  grondin  ',     me  m-eus  ynt  discaret 
na  voient  en  pes  tu     nag  en  pelech  monet. 

GLINSERON 

Huit  quement-se  oll,     nen  deo  quet  vaillantis: 
me  discare  a  ne  <a>>  quer  stang  ag  ar  glis. 
Me  m-eus  eur  voareg  vras  (a)so  bantet  start  yue  ; 
555     pa  ren  vn  ten  hep  quen,     me  darde  2  anese. 
Serten,  es-on  hardy  a  meurbet  courajus  ; 
dirag  ma  chabiten,     ou  bct  victorius. 

ALBIHNUS 

Try  diot  ma  s-och-u,     n-ousoch  pctra  leret, 

ar  seis  seuaillier  nobl     pcllech  e  s-ind-\'et? 
560     Abalamor  dese     e  oa  groet  an  arct  : 

a  rese,  dreist  pep  tra,     a  rencomp  da  gafet. 

On  lot  vcs  an  buttin     on  neus  ny  oll  collet, 

pa  n-on  deus  arese  laset  a  sacaget. 

Voarse  on  soueset     pan  n-on  <eus>  vnt  goellet. 
565     Me  gret  eo  o  doue     e  neus-int  sicouret. 

O  chafet  a  rencomp,  a  se  och-assuran, 

choas  e-uesomp  blamet     gant  Deoclctian. 

Sfjiiie  a  gauche. 
Crephi  et  Crepiiiiaii  entre  a  droit,  crepin  parle. 
Ma  breur  Crepinian,     pa  boursiuomp  en  nent, 
petra  a  reonip  ny?     N-on  deus  quet  a  squicnt 

570     euit  disquin  micher     pan  n-on  neus  ny  disquet. 
Ny  voa  bugale  nobl,     en  se  na  songemp  quet. 
Goulenomp  ous  Doue     ar  chras  <ag>  ar  pouer 
dre  ma  s-omp  chtistenien,     da  disquv  eur  vicher. 
Mar  goulenomp  netra     digant  roue  an  tron, 

573     digant  ar  bayanet     n-or  bou  remission. 

CREPINI.\N 

En  pen  hart  ;  na  micher     e  hallemp  ni  goellan 
seruigin  on  chrouer,     a  rentan  gras  desan? 

I.  Les  soldats  de  Dioclétien  se  servent'de  carabines;  anachronisme  ana- 
logue à  celui  qui  faisait  habiller  les  quatre  tils  Aymond  en  lignards  dans 
certaines  représentations  de  celte  tragédie  au  siècle  dernier. 


Le  Mystère  de  saint  Crcpin  et  de  saint  Crépinien.  42  ? 

GENDÉRIC 

Tais-toi,  poltron  de  fanfaron,  tu  te  donnes  pour  vaillant! 

Avec  ma  hallebarde  j'en  ai  atteint  plus  de  cent. 

Je  les  mettais  tas  sur  tas,  l'un  sur  l'autre. 

Je  leur  coupais  la  tête  avec  mon  épée,  aussi. 

En  outre,  avec  ma  carabine  je  les  ai  abattus, 

qu'ils  ne  savaient  de  quel  côté  ni  où  aller. 

GLIKCERON' 

Tout  cela,  ce  n'est  pas  de  la  vaillance: 

Je  les  abattais  aussi  dru  que  la  rosée. 

J'ai  un  grand  arc  qui  est  durement  bandé  aussi. 

Qiiand  je  disais  un  coup  ."seulement,  je  les  perçais  d'un  dard. 

Certainement,  je  suis  hardi  et  très  courageux; 

devant  mon  capitaine,  j'ai  été  victorieux. 

AI.IilENUS 

Trois  imbéciles  que  vous  êtes,  vous  ne  savez  ce  que  vous  dites  : 

les  six  chevaliers  nobles,  où  sont-ils  allés? 

C'est  pour  eux  qu'était  fait  l'arrêt. 

Ceux-là,  par-dessus  tout,  nous  devons  les  prendre. 

Notre  part  du  butin,  nous  l'avons  toute  perdue, 

puisque  nous  n'avons  pas  tué  et  massacré  ceux-là. 

A  ce  propos,  je  suis  étonné  que  nous  ne  les  avons  pas  vus. 

Je  crois  que  c'est  leur  dieu  qui  les  a  secourus. 

Il  faut  que  nous  les  ayons,  je  vous  l'assure. 

Encore  serons-nous  blâmés  par  Diocletien. 

Scèi.e  à  gauche. 
Crêpin  et  Crépinien  entrent  à  droite,  crépin'  parle. 
Mon  frère  Crépinien,  puisque  nous  suivons  la  route, 
que  ferons-nous  ?  Nous  n'avons  pas  d'intelligence 
pour  apprendre  un  métier,  puisque  nous  n'en  avons  pas  appris. 
Nous  étions  des  enfants  nobles,  nous  ne  songions  pas  à  cela. 
Demandons  à  Dieu  la  grâce  et  le  pouvoir, 
puisque  nous  sommes  chrétiens,  d'apprendre  un  métier. 
Si  nous  ne  demandons  rien  au  roi  du  ciel, 
de  la  part  des  païens,  nous  n'aurons  pas  de  pitié. 

CRliPlXIEN 

Dans  quel  art  ou  quel  métier  pourrions-nous  le  mieux 
servir  notre  créateur  et  lui  rendre  grâces? 

2.  Cf.  V.  359,  dislriuquet  0  Itardo. 

3.  en  pen  hart,  Vu  de  peu  est  sans  doute  une  répétition  machinale  de  celui 
de  eti. 


424  Victor  Tourneur. 


CREPIN 


fo  10  vo     Ar  vicher  a  quere     a  so  dissimuler, 
retirtt  a  pesibl     ag  yue  recherchet. 

CREPINIAN 

580     O  chauis  a  so  mat,     ma  breur,  ag  a  blich  din  : 
bonnes  so  disimul     serten  mar  deus  hiny. 
Cals  a  deuy  don  chafet     cuit  prenan  botto, 
a  ny  gomso  dese     mes  0  faous  doueou. 

CREPIN 

Me  voel  a  diabel     an  tour  bras  a  Soixon  : 
585     prosternomp  dan  daoulin     da  ober  oreson. 

A  genoux. 
Pa  on  n-eus  bet  ar  chras     da  vesan  trcmenet 
quen  lies  a  gontre     hep  besan  ofanset, 
ar  montaigno  a  bel     a  so  meur  <bet>  uliel 
—  pemp  derues  a  renquer     da  disquen,  da  seuel, 
590     a  Sauoix  da  Loraine     a  ncuse  da  Lcon,  — 
chettu  ny  quent  ar  fin     ariet  gant  Soixon. 
Majesté  éternel,     Doue  oll  buissant, 
gouarner  souueren     dimes  ar  firmamant, 
distreit  o  taoulagat     gant  eur  sell  a  drue, 
595     da  rein  dimp  assistans     en  n-on  nesesitte. 

On  se  hune.  Lahittant  de  Soixon  entre  a  droit. 

CREPINIAN  parle. 
De  mat  dach,  ma  otro,     ag  en  a  ve  moyen 
da  gafet  plas  eur  stal     euit  quereeryen  ? 
Fourniset  dimp  eur  plas,     mar  guellet,  ma  mignon, 
euit  ober  botto  er  guer  man  a  Soixon. 

LABITTANT 

600     Ma  vech  abittantet  mes  ar  guer  a  Soixon, 

me  o  ch-acomotte     en  désir  o  calon. 

Mes,  mar  doch  tut  onest  ',     euel  ma  tiscoeset, 

me  gaffo  dach  eur  plas.     Deut  en  ty,  antreet. 

Sellet  ag  en  so  mat     ar  plas  dious  o  michour  2  : 
60  j     quement  a  vo  possibl     a  ry  vit  o  sicour. 

CREPIN 

Nin     so  obliget  dech,     otro,  ebars  en  bras, 
f     nin     boannio  <d>o  contantin  î      p-ocheus  roet  dimp-plas. 

1.  Ms.  onert. 

2.  michour,  altération  arbitraire  de  micher  pour  obtenir  une  rime  corres- 
pondant à  sicour. 

3.  Le  premier  hémistiche  de  ce  vers  a  mie  syllabe  de  trop  ;  l'omission  de 


Le  Mystcrc  de  saint  Crcpin  et  de  saint  Crépinicn.  42^ 

CRÉPIX 

Le  métier  de  cordonnier  est  dissimule, 
retiré  et  paisible  et  aussi  reciierciié. 

CUia'INIEN 

Votre  avis  est  bon,  mon  frère,  et  il  me  plaît. 
Ce  métier  là  est  dissimulé,  certainement,  s'il  en  est  un. 
Beaucoup  viendront  nous  trouver  pour  acheter  des  souliers, 
et  nous  leur  parlerons  de  leurs  faux  dieux. 

CRÉPIN 

Je  vois  de  loin  la  haute  tour  de  Soissons  ; 
prosternons-nous  à  genoux  pour  prier. 

A  genoux. 
Puisque  nous  avons  eu  la  grâce  de  traverser, 
sans  être  maltraités,  tant  de  contrées, 
les  montagnes  au  loin  qui  sont  très  hautes, 
—  il  faut  cinq  jours  pour  descendre  et  monter 
de  Savoie  en  Lorraine  et  ensuite  à  Lyon,  — 
nous  voici  enfin  arrivés  à  Soissons. 
Majesté  éternelle,  Dieu  tout  puissant, 
gouverneur  souverain  du  firmament, 
tournez  vos  j'eux  avec  un  regard  de  pitié 
pour  nous  donner  assistance  dans  nos  nécessités. 

On  se  lî've.  L'habitant  de  Soissons  entre  à  droite. 
CRÉPIKIEN  parle. 
Bonjour,  monsieur,  y  aurait-il  moyen 
de  trouver  une  boutique  pour  cordonnier? 
Fournissez-nous  une  place,  si  vous  pouvez,  mon  ami, 
pour  faire  des  souliers  dans  cette  ville  de  Soissons. 

l'h.\bitant 
Si  vous  étiez  des  habitants  de  la  ville  de  Soissons, 
je  vous  arrangerais  suivant  le  désir  de  votre  cœur. 
Mais  si  vous  êtes  des  gens  honnêtes  comme  vous  le  paraissez, 
je  vous  trouverai  une  place.  Entrez  dans  la  maison,  lùnrez. 
Voyez  si  cette  place  est  bonne  pour  votre  métier  : 
tout  ce  qu'il  sera  possible,  je  le  ferai  pour  vous  aider. 

CRhPIN 

Nous  vous  sommes  fort  obligés,  monsieur.  |la  place. 

Nous  nous  efforcerons  de  vous  contenter,  puisque  vous  nous  avez  donné  de 


d  dans  le  ms.  porte  à  supposer  que  boaiinio  a  été  substitué  à  un  verbe  se 
construisant  sans  préposition.  Peut  être  y  avait-il  :  iiiii  gtasco  0  conlaiitin, 
avec  synisèze  des  deux  0. 

Revue  Celliiju:,  .\XV.  29 


426  Victor  Tourneur. 

LABITTANT 

Pa     o  ch-eus  cafct  plas,     tacliet  da  labourât; 
yoa  bras  a  vo  ousoch     mar  labouret  er  fat. 

fo    II  CREPINIAN 

610     Huit  en  n-on  micher,     ny  a  rey  labour  vat  ; 
ny  seruigeo  an  oli     quercouls  nobi  a  partabl. 

Labittant  sorti:  a  droit.  Crepin  et  Crepinian  a  genoux. 

CREPIN  parle. 
Otro,  chuy  eo  ar  fin     ag  ar  chomansarnant, 
chuy  gomant  quement  so     crouet  er  firmamant, 
chuy  a  rent  tut  abil     a  re  ignorantan, 
615     pliget  guenech,  otro,     on  assistan  breman. 

Chettu  nin,  ar  voes  man,     on  saluer  biniguet 
en  or  brassan  esom     ma  n-on  sicouret  quet. 
Pliget  guenech,  otro,     rein  lumier  d-on  speret, 
da  ober  vn  ouuraech     on  n-eus  antreprcnet. 

On  se  Icuue.  CREPIN'IAN  parle. 

620     Orsus,  ma  brcur  Crephi,  comansomp  labourât. 
Pa  n-e  Doue  contant,     a  pan  d-e  eur  mest  mat, 
da  vo  e  volante     rey  dimp  gras  a  moyen, 
euit  gonit  on  boet     dindant  e  chourchemen. 

CREPIN 

Comcrct  ma  snmchct     pa  meusy  blerimct. 
625     Coniansct  da  daillaii,     me  biscoas  na  meus  groet. 

CREPINIAN 

Pardonet  din,  ma  breur,  rag  me  ne  daillin  quet, 
chuy  eo  ma  enaour,     dcch  e  tougan  respet. 
Ynsiuil  ven  meurbet,     quemeret  an  enor 
ousoch     e  haparchant     pan  n-och  ma  enaour. 

CREPIN 

650     Pan  d-och  enta  contant,     a-ue  me  a  daille. 
Lemmet  o  mineuet     ag  o  tranchet  yue. 
Dalet  daou  gartier  ;     breman  po  enebo  ; 
quent  ma  po  ynt  yuntct,     men  bo  clasquet  furmo. 
Ma  lequet  voar  goat  '      euit  comans  simplan, 
655     antretant,  me  droclio     daou  re  sollio  ncsan. 
Crepinian  eoinnians  a  Irjuailler  et  vu  peu  après  il  dilte  en  âoiineut  les 
sonillier  a  Crepin  a  regarder. 

I.   Ma  lequet  vcar  goat.  Littéralement,  si  vous  mettez  sur  bois.  Après  le 
vers  634  Crepin  s'interrompt  et  prend   une   forme  en   bois  qu'il  donne  à 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  427 

l'habitant 

Puisque  vous  avez  trouvé  une  place,  tâchez  de  travailler. 
On  vous  aimera  beaucoup  si  vous  travaillez  bien. 

CRÉPINIEN 

Pour  ce  qui  est  de  notre  métier,  nous  ferons  de  bon  ouvrage. 
Nous  servirons  tout  le  monde,  aussi  bien  nobles  que  roturiers. 

L'habitant  sort  à  droite.  Crépin  et  Crépinien  à  genoux. 

CRÉPIN  parle. 
Seigneur,  vous  qui  êtes  la  fm  et  le  commencement, 
vous  qui  commandez  tout  ce  qui  est  créé  dans  le  firmament, 
vous  qui  rendez  habiles  les  gens  les  plus  ignorants, 
qu'il  vous  plaise,  Seigneur,  de  nous  assister  maintenant. 
Nous  voici  cette  fois,  notre  sauveur  béni, 
dans  notre  grande  détresse  si  vous  ne  nous  secourez  pas. 
Qu'il  vous  plaise.  Seigneur,  de  donner  de  la  lumière  à  notre  esprit, 
pour  faire  un  ouvrage  que  nous  avons  entrepris. 

On  se  lève,  crépinien  parle. 
Orsus  1  mon  frère  Crépin,  commençons  à  travailler. 
Puisque  Dieu  le  veut  bien  et  qu'il  est  un  bon  maître, 
que  sa  volonté  soit  de  nous  donner  la  grâce  et  le  moyen 
de  gagner  notre  nourriture  sous  ses  ordres. 


Prenez  mon  tranchct  puisque  je  l'ai  aiguisé  ; 
commencez  à  tailler;  moi,  jamais  je  ne  l'ai  fait. 

CRÉPINIEN 

Pardonnez-moi,  mon  frère,  car  moi,  je  ne  taillerai  pas; 
vous  êtes  mon  aîné,  je  vous  porte  respect. 
Je  serais  très  impoli  de  vous  prendre  l'honneur 
•qui  vous  appartient,  puisque  vous  êtes  mon  aîné. 

CRÉPIN 
Puisque  vous  le  voulez,  que  Ce  soit  moi  qui  taille. 
Aiguisez  votre  alêne  et  votre  tranchet  aussi. 
Prenez  deux  quartiers  ;  maintenant  vous  aurez  des  empeignes  ; 
avant  que  vous  ne  les  ayez  joints,  j'aurai  cherché  des  formes. 
Si  vous  mettez  sur  forme,  simplement,  pour  commencer, 
pendant  ce  temps,  je  couperai  deux  paires  de  semelles. 

Crépinien  commence  à  travailler,  et  un  peu  après,  il  dit  en  donnant  les  souliers 

à  Crépin  pour  qu'il  les  regarde. 


Crépinien  en  prononçant  le  vers  635. 


428  Victor  Tourneur. 

CREPINIAN  parle, 

Dalet,  sellet,  ma  breur,     ag  y  a  so  groct  mat. 
Marchadouryen  or  bo     o  chafo  dcreat?  •* 

CREPix  rcgiirdc  les  souiUicr  cl  ditte: 

Pligeout  a  reont  din  ;     groet  mat     eo  arese. 
duent  aiians  dauantach,     trugarequeomp  Doue. 

CREriNIAN" 

fo  1 1  N'O     640  Hennés  co  goellan  tra     a  oufemp  da  ober, 

pan  co  pliget  gantan     disquy  dinip  on  micher. 

A  genoux,  crepin  parle. 

O  iMajcste  diuin     quer  dous  a  quer  benign, 
bepret  ^es-^och  gucninip     cuit  on  ynstruin. 
Nin  a  rcnt  dach  grasso     dimcs  o  madclcs  ; 
645     euit  ncp  sort  tourmant     n-o  tilcsomp  yames. 

0)1  se  leiiiie.  labittant  entre  et  ditte  : 
De  mat  déchu,  Crepin,  a  chuy  Crepinian. 

CREPIN 

A  dach,  on  osiis  mat  ;     deut  och  don  bisittan? 

LABITTANT 

Ya  sur,  otrone,     me  so  deut  do  cafet 
euit  clasq  eur  botto.     Teripl  on  esomeq. 
650     Vn  nombr  o  ch-eus  dcya     re  vras  a  rc  vian  ; 

biscoas  na  oe  goellet     o  sort  '  bars  er  guer  man. 

On  lui  dcvnie  des  soiiillier.  labittant  continue: 

Memcus,  ne  gafet  quet     en  quer  arîisanct 
a  rae  ar  vicher     quen  couls  na  quen  2  parfet. 
Chettu  aman  botto     a  so  groet  diHquat  ; 
655     taillet  ynt  exelant     ouspen     ynt  grouiet  mat. 
Aparans  uat  o  dcus,     o  sollio  a  so  ci'cl. 
Lerct  din  pegucmcnt     a;  gousto  din  eur  re. 

CREPIK 

Pa  n-int  quenient  d-o  crat.     choaset  ar  re  voelian; 
en  reson  o  poynt     pan  ocli  ar  chans  quentan. 

I.  0  sort  grammaticalement  a  pour  antécédent  l>ollo.  Mais  il  est  très  pos- 
sible qu'il  signifie  :  des  gens  de  votre  sorte  et  qu'il  faille  traduire  :  jamais  on 
n'a  vu  de  gens  tels  que  vous  dans  la  ville. 


Le  Mystère  de  saint  Crcpin  et  de  saint  Crépinien.  429 

CRKPINIEN  parle. 

Tenez,  regardez,  mon  frère,  s'ils  sont  bien  faits. 
Aurons-nous  des  marchands  qui  les  trouveront  convenables  ? 

CIIÉPIN'  let^ardc  les  souliers  et  dit  : 

Ils  me  plaisent  ;  ils  sont  bien  faits. 

Avant  d'avancer  davantage,  remercions  Dieu. 

CRÉPIXiEX 

Voilà  la  meilleure  chose  que  nous  puissions  faire, 
puisqu'il  lui  a  plu  de  nous  apprendre  notre  métier. 

.■1  oemux,  CRÉPix  parle. 

O  Majesté  divine,  si  douce  et  si  bénigne, 

vous  êtes  toujours  avec  nous  pour  nous  instruire. 

Nous  vous  rendons  grâce  de  votre  bonté  ; 

pour  aucun  tourment  nous  ne  vous  abandonnerons  jamais. 

On  se  lève,  l'habitant  enlre  et  dit. 
Bonjour  à  vous,  Crépin  et  Crépinien., 

CRÉPIN 

Ht  à  vous  aussi  notre  bon  hôte.  Vous  venez  nous  f;iire  visite  ? 

l'habitant 

Oui,  certes,  messieurs,  je  suis  venu  vous  trouver 
pour  chercher  une  paire  de  souliers.  J'en  ai  grand  besoin. 
Vous  en  avez  déjà  un  grand  nombre  de  grands  et  de  petits. 
Jamais  on  n'en  a  vu  de  tels  dans  cette  ville. 

On  lui  donne  des  souliers,  l'habitant  continue  : 

Même,  on  ne  trouverait  pas  en  ville  d'artisans 

qui  fissent  le  métier  si  bien  et  si  parfaitement. 

Voilà  des  souliers  qui  sont  faits  délicatement  ; 

ils  sont  excellemment  taillés;  de  plus,  ils  sont  bien  cousus. 

Ils  ont  bonne  apparence  ;  leurs  semelles  sont  fortes  ; 

dites-moi  combien  me  coûtera  une  paire. 


Puisqu'ils  sont  tant  à  votre  goût,  choisissez  les  meilleurs  ; 

vous  les  aurez  à  juste  prix,  puisque  vous  êtes  la  première  pratique. 


2.   Ms.  quel. 
5.   Ms.  0. 


430  Victor  Tourneur. 

LABITTANT 

660     Acordy  areomp     voar  a  leret,  Crepin. 

CREI'IN 
Reit  ar  pes  a  guerct     ma  mignon  contant  (a)  vin. 

LABITTANT 

Dalet  !  chettu  ase     eis  reall  euitte. 

A  chuy  a  so  contant     dimes  a  gnement  se  ? 

CREPIN 

Pa  rogeach  neubeuttoch,     contant  vigen  yue. 

LABITTANT 

665     Ycchet  dach  da  ober.     Q_uen  auo  ar  chcntan  ! 

Chans  vat  a  bedan  dach,  pan     d-och  dcut  dar  guer  man. 


Yechet  dach  da  vsan  !  chans  vat  da  veset  dimp! 
gras  dach  da  anauout     ar  vageste  diuin. 

Lahittaiit  sort  ;  vn  coiiipaigiion  entre  avec  ces  oiisty. 

LE   COMPAIGNON  parle, 
[o  12     Bonjour  a  yoa  dach  maist     a  dachu,  compaignon. 
670     Me  |a]  so  hirye     voar  var  a  vacation. 

CREPINIAN 

Me  gret  och  deut  a  bcll  ;     teribl  o  cafan  squis. 
(A)  deut  och  a  Vro  Uhcl     peotramant  a  Vreis  2  ? 

LE   COMPAIGNON 

N-en  deon  quet  hep  sujet;     vn  n-ent  bras  ani  eus  groet, 
o  tonet  dar  guer  man.     Ma  goug  a  so  toret 

675     o  touguen  ma  sresor     a  ma  iîncedotan  '. 
Ar  rese  dreist  pep  tra     a  garen  da  voersan. 
Me  so  o  clasq  labour.     Me  o  pet,  compaignon, 
chuy  o  ch-eus  connessans     gant  maistro  a  Soixon, 
adrcset  alianon     da  vnan  benaquet, 

680     m-a  lieUin  labourât     euit  i;onit  ma  boet. 


Mar  o  cheus  bolante,  gucnimp  e  labouret, 
ha  me  o  contanto     cuel  ma  seo  dleet. 


2.  Bro  Uhcl,  la  Haute-Bretagne,  par  opposition  à  /)/r/~,  la  Basse-Bretagne. 
L'auteur  oublie  ici  que  la  scène  se  passe  à  Soissons  et  que,  p.  c.  s.  q.,  les 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  45 1 

l'habitant 
Nous  nous  entendrons,  d'après  ce  que  vous  dites,  Crépin. 

CRÉPIN 

Donnez  ce  que  vous  voudrez,  mon  ami,  je  serai  content. 

l'habitant 
Tenez,  voici  huit  réaux  pour  eux. 
Êtes-vous  content  de  cela? 

CRÉPIN 

Quand  vous  auriez  donné  moins,  j'aurais  été  content  aussi. 

l'habitant 
Bonne  santé  au  travail.  Au  revoir.  A  la  prochaine! 
Je  vous  souhaite  bonne  chance,  puisque  vous  êtes  venus  en  cette  ville-ci. 

CRÉPIN 

Bonne  santé  à  les  user  !  Que  vous  nous  portiez  bonheur  ! 
Je  vous  souhaite  la  grâce  de  connaître  la  Majesté  divine. 

Lhihitanl  sort.  Un  compagnon  entre  avec  ses  outils. 

le  compagnon  parle. 
Bonjour  et  joie  à  vous,  maître,  et  à  vous,  compagnon. 
Je  suis  aujourd'hui  sans  ouvrage. 

CRÉPINIEN 

Je  crois  que  vous  ètcs  venu  de  loin  ;  je  vous  trouve  bien  fatigué. 
Est-ce  que  vous  venez  des  Terres  hautes  ou  bien  de  Bretagne  ? 

LE   CO.MP.'VGNON 

Ce  n'est  pas  sans  sujet  :  j'ai  fait  une  longue  route 
pour  venir  en  cette  ville.  Mon  cou  est  rompu 
à  porter  mon  trésor  et  mes  pincettes  à  feu. 
Celles-là,  par-dessus  tout,  je  voudrais  les  vendre. 
Je  suis  en  quête  de  travail.  Je  vous  prie,  compagnon, 
vous  qui  connaissez  les  maîtres  de  Soissons, 
adressez-moi  à  quelqu'un  d'eux, 
que  je  puisse  travailler  pour  gagner  ma  nourriture. 

CRÉPIN 
Si  vous  voulez,  vous  travaillerez  avec  nous, 
et  je  vous  paierai  comme  il  convient. 

personnages  ne  peuvent  s'orienter  co:nm;  ils  le  font  ici. 
1.  Ms.  fincedo  cun. 


4)  2  Victor  Ton  me  tir. 

LE    COMPAIGNON 

Yoaus  bras  on  ous-se  ;     ne  choulcnan  quel  goell. 

Mar  plicli  dacli  ma  labour,     mo  seruigeo  fidel. 
685     Dre  lies  a  guervo     es-on  bet  tremenet  ; 

nag  en  nep  sort  bouttiq     biscoas  na  meus  goellet 

bottoo  vel  are  nian,     quen  neubet  micherour 

a  guement  a  rae     quen  disy  '  o  labour. 

Me  a  esper,  ma  maist,     penos  em  ynstruet 
690     rag  nen  d-on-quet  capap     da  douguen  mineuoet. 

CREPIN 

Mar  deus  nep  exelans  er  boto  a  reomp, 
rentomp  gras  d-ar  maist  mat     piny  a  scruigeomp. 
Lequet  o  tauuanger     breman  voar  o  parlen, 
comeret  vn  tam  coar,     coaret  o     niguelen  2. 

LE  COMPAIGNON  nicllcs  SOU  UibllcT  Cil  cJ.hiiitc  VU  chaiisoii  a  la  victoiie  des  faux 

dieu . 

695      Ma  doue  Apolon,     chuy  dre  o  victoeryo 

a  verit  mclodv     dreist  an  oU  doueo. 

Me  a  rent  dach  grasso     ves  a  greis  ma  chalon, 

dam  besan  ynspiret     da  donet  da  Soixon. 

Breman  meus  rancontret     maist  ar  guereerven. 
700     Ne  galet  quet  e-bar     voar  ar  bet  man  biquen. 
fo   12  v^i     Me  a  dacho  breman     da  ober  labour  vat, 

d-en  seruigin  tîdel,     ma  lisquin  [n|drabenag. 

CREPINUAN 

Pe  sort  den  eo  breman     on  neus  ny  rancontret? 
Ny  songe  voa  christen,     payen  eo,  assuret. 

CREPIN 

705     Petra  eo  aresc     ma  comset  anese? 

M-o-quef  abuset  bras     mar  deut  da  gridv  de. 
Mes,  euit  o  distrein     a  sclerat  o  speret, 
a  cat  anadougues  î     on  mister  an  dreindet, 
credet  an  tat,  ar  mab     ag  ar  speret  santel, 

710     tr\'  lerson  en  vnan,      vn  doue  éternel, 

egall  en  madeles     en  puissans,  en  gloar, 
piny  a  neus  crouet     an  et!  ag  an  douar. 
Man  ne  gredet  enne,  comeret  o  congé, 
me  tel  din  cafet  tut     a  aret  er  cuir  Doue. 


1.  dh\,  trécorrois  disi,  sans  défaut,  vannetais  dissi.  Vov.  Revue  Celtiqui 
Vni,  1887,  p.  507. 


Le 'Mystère  de  s.iint  Crépiii  et  de  saint  Crépinim.  4;  5 

L1-:   COMPAGNON' 

J'en  suis  bien  joyeux;  je  ne  demande  pas  mieux. 

Si  mon  travail  vous  plaît,  je  vous  servirai  fidèlement. 

Je  suis  passé  par  bien  des  villes, 

et,  en  aucune  sorte  de  boutique,  je  n'ai  vu 

dvS  souliers  comme  ceux-ci,  ni  non  plus  d'ouvriers 

qui  fissent  leur  travail  de  façon  si  irréprochable. 

J'espère,  mon  maître,  que  vous  m'instruirez, 

car  je  ne  suis  pas  capable  de  tenir  l'alêne. 

CKl-l'lN' 

S'il  y  a  quelque  qualité  dans  les  souliers  que  nous  faisons, 
rendons  grâce  au  bon  maître  que  nous  servons. 
Mettez  votre  tablier  maintenant  sur  votre  giron, 
prenez  un  morceau  de  cire,  cir(z  votre  iigneul. 

LK  coMP.AGN'OX  ilict  soii  tablier  01  cbaiiliinl  une  chanson  à  la  victoire  des  Jaux 

dien.x. 
Mon  dieu  Apollon,  vous,  par  vos  victoires  * 

méritez  d'être  loué  par-dessus  tous  les  dieux. 
Je  vous  rends  grâces  de  tout  mon  cœur 
de  m'avoir  inspiré  de  venir  à  Soissons. 
Maintenant,  j'ai  rencontré  le  maître  des  cordonniers. 
On  ne  trouverait  son  pareil  en  ce  monde. 
Je  vais  es.saver  maintenant  de  faire  de  la  bonne  besogne, 
de  le  servir  fidèlement,  pour  apprendre  quelque  chose. 

CKKPIN'IEN 

Quelle  sorte  d'iiomme  est-ce  que  nous  avons  maintenant  rencontré? 
Nous  pensions  qu'il  était  chrétien  ;  il  est  certainement  payen. 

CRhPIN 

Qu'est-ce  que  c'est  que  ceux-là  dont  vous  parlez? 

Je  vous  trouve  bien  abusé  si  vous  croyez  en  eux. 

Mais,  pour  vous  détourner  et  éclairer  votre  esprit, 

et  avoir  la  connaissance  de  notre  mystère  de  la  Trinité, 

croyez  au  Père,  au  Fils  et  au  Saint  Esprit, 

trois  personnes  en  une,  un  dieu  éternel, 

égales  en  bonté,  en  puissance  et  en  gloire, 

qui  a  créé  le  ciel  et  la  terre. 

Si  vous  n'y  croyez  pas,  prenez  votre  congé, 

je  veux  avoir  des  gens  qui  croient  ?.u  vrai  Dieu. 

2.  iiii^nckn,  variante  de  lignelen.  Vov.  V.m.  Ernault,  Glossaire  moyen  breton, 
p.  5)6. 

3.  variante  de  anvudegues. 


4^4  Victor  Tourneur. 

LE   COMPAIGNOX 

715     Ma  maist,  guir  a  leret     betteg  an  n-eur  bresant 
me  a  so  bet  abuset     gant  doueo  méchant. 
Biniguet  vo  an  n-eur     ma  meus  o  chanaueet. 
Me  ya  dam  bro  breman     pan  d-on  conuertisset. 

Le  compaignon  sort  ;  le  premier  marchand  entre  et  ditte 
A  chuy  a  gafe  din,  Crepin,  eur  re  votto, 
720     rag  esom  bras  a  meus  euit  retorn  dam  bro. 

Ar  re  man  so  em  sreit     goel  fin  o  deuueus  groet  : 

n-en  deus  quet  choas  eis  de     (a)boe  ma  meus-int  prenet. 

CREPIN 

Ya  sur,  marchadour,  quement  ag  a  queret 
(pr]e[s]t  a  vin  da  rein  dach     ag  crue  o  souet. 
725     Chcttu  aman  cur  re     a  so  labouret  mat, 
sellet  ag  y  a  so     a     vent  dious  o  troat. 

Yl  lui  donne  des  son  il  lier. 

LE  MARCHANT  prendre  et  mettes  son  pies  dedans  et  ditte  : 
Manifiq  e  s-int  din  ;     meurbet  e  s-int  eset  ; 
a  chuy  a  gafe  din  eur  boto  talonet? 
daou  re  voto  munut  euit  ma  bugale? 
730     Pan  ariuin  er  guer,  voa  bras  a  vo  outte  : 

en  troat  ar  biannan,  hes  '  un  drcin  an  de-all, 
ag  ef  donet  d-ar  guer     gant  poan,  en  n-cur  griall. 
A  me,  touet  neuse,  dre  doue  Apolon, 
o  dige  pep  a  re     pa  deogen  da  Soixon. 
fo   15     735     Me  ya  da  gat  ma  suit     a  ma  chompaignones. 
Mirct  din  ar  botto.     Chcttu  ase  ares  ; 
mar  permettet  guene     monet  d-o  discoes  d-e, 
me  gret  perlettamant     e  prenoint  yue. 

CREPIN 

Queset  ane  guenach     na  difiomp  en  den. 
740     En  reson  a  poy     mar  enem  groet  ch[r]istï;n. 
/.('  nuuel.hint  m  troiiivr  ces  camarades  ponr  niontrer  ces  souillier. 

Le  i^  le  2^  Je  Y  marchant  entre.  LE  premier  alvrchant /wr/c. 
Alianta,  potret  vat     are-man  so  eur  botto! 
A  chuy  voehas  biscoas     couls  ag  y  en  ncp  bro  ? 

le  2'^  MARCHANT  pr'ils  Ics  souHlier  et  difte  : 
A  doue  Yupitter  !  peguer  brao  yngJy  groet. 


i.  Jies  forme  dialectale  du  Gocllo,  3^"  pers.  du  sing.   du   prêt.   prim.  de 


Le  Mystère  de  saint  Crépin  et  de  saint  Crépinien.  435 

LE    COMPAGNON 

Mon  maître,  vous  dites  vrai,  jusqu'à  l'iieure  présente, 

j'ai  été  trompé  pur  de  méchants  dieux. 

Bénie  soit  l'heure  oij  je  vous  ai  connu. 

Je  vais  maintenant  dans  mon  pays,  puisque  je  suis  converti. 

Le  compa^)ion  sort,  le  premier  marchand  entre  et  dit: 
Est-ce  que  vous  me  trouveriez  une  paire  de  souliers,  Crépin  ? 
Car  j'en  ai  grand  besoin  pour  retourner  dans  mon  pays. 
Ceux-ci  qui  sont  à  mes  pieds  ont  bien  fait  leur  fin 
il  n'y  a  pas  encore  huit  jours  que  je  les  ai  achetés. 

CRÉPIN 

Oui  certes,  marchand,  tout  ce  que  vous  voudrez. 
Je  vais  vous  le  donner  et  selon  votre  désir. 
Voici  une  paire  qui  est  bien  travaillée. 
Voyez  s'ils  vont  à  la  mesure  de  votre  pied. 

//  lui  donne  les  souliers. 

LE  MARCHAND  prend  et  met  son  pied  dedans  et  dit  : 

Ils  me  vont  très  bien  ;  ils  sont  très  commodes. 

Est-ce  que  vous  me  trouveriez  une  paire  de  souliers  à  talons? 

Deux  petites  paires  pour  mes  enfants? 

Quand  j'arriverai  à  la  maison,  ils  en  auront  grande  joie: 

dans  le  pied  du  plus  petit,  une  épine  entra  l'autre  jour, 

et  lui  de  revenir  à  la  maison  avec  peine,  en  criant. 

Et  moi,  je  jurai  alors  par  le  dieu  Apollon, 

qu'ils  auraient  chacun  leur  paire  quand  je  viendrais  à  Soissons. 

Je  vais  retrouver  ma  suite  et  ma  compagnie. 

Gardez-moi  les  souliers.  Voilà  des  arrhes. 

Si  vous  me  permettez  d'aller  les  leur  montrer, 

je  crois  bien  qu'ils  en  achèteront  également. 

CRÉPIN 

Emportez-les  avec  vous,  nous  ne  nous  défions  "de  personne. 
Vous  en  aurez  à  bon  prix,  si  vous  vous  fiiites  chrétiens. 

Le  niarcliand  va  trouver  ses  camarades  pour  montrer  ses  souliers. 

Le  ler,  le  2<=,  le  3c  marchand  entrent,  le  premier  M.\Rcn.\'SD parle- 
Eh  bien,  mes  gars,  voilà  des  souliers  ! 
En  avez-vous  jamais  vu  d'aussi  bons  nulle  part? 

LE  2'--  MARCHAND  pjend  ks  souUcrs  et  dit  : 
O  Dieu  Jupiter,  qu'ils  sont  bien  faits  ! 

mont.  Voy.  J.  Loth,  Chreslomathie  Bretonne,  p.  368. 


4^6  Victor  Tourneur. 

Cals  a  gucrccryen  a  m-eus  anaueset  ; 
745     pa  vent  oU  assambles,  n-ouffet  quet,  a  grcdan, 

obcr  cur  re  votto     quer  brao  ag  ar  rc  man. 

Ouspcn  o  brauenty  ',     labouret  3-nt  cr  fat, 

rag  groct  ynt  start  a  fcrm,     ag  o  sollio  so  mat. 

Huit  mat  n-o  lescn,     ma  vent  diousieme  2  ; 
750     en  ncblcch  ne  gafet     eur  botto  evelte. 

Dal,  sel  ase,  quindero,     m-es  tefy  gant  da  veut 

da  blegan  o  sollio.     Meurbet  o  cliafan  reut. 

i7  (/()//;/('  h's  soiiilîicy  au  5'-"  niarcbaiiL  le  5^'  M. \kcii.\>;t  parle. 
(L)uit  goasquan  o  sollio     cretian  |a]ma  liallan, 
a  pa  dlefen  creuuin,     n-oufi'en  quet  o  flegan. 

7))      Muan  tra  a  blich  d-in     an  tu-ont  d-ar  sollio, 
niui  euit  ;  ar  voulous     co  dous  o  enebo, 
A  bellech  (e)  teiis-int  bet,     (e)uit  ma  s-in  da  brenan, 
me  reng  cafet  c^.\v  re     quent  mont  ves  ar  guer  man, 
nom  pas  (e)uidon  hep  quen,     mes  choas  euit  ma  groeg, 

760     euit  ma  mittigen,     ag  euit  ma  fotret. 

LE    2'-'    MARCHANT 

Quement  so  en-e  stal,  a  gases  guenit  oU  ! 
Pren  try  re  da  guentan,     lia  na  ra-quet  da  foU. 
D.\  valeh  so  poneroch     euit  ma  liinimei* 
Me  reng  enem     csy     }'ue  quercouls  a  te. 

fû    I  5    V"  LE    PREMIER    MARCHANT 

76)     Teuet  tout,  otrone,     ne  n-em  disputtet  quet; 
cals  en  deus  a  votto,     contantet  a  veset. 
Deut  guene     de  gafet;     promettet  en  deus  din 
e-rey  dinip  en  reson,  mar  queromp  e  bidy. 

1.  ordinairement  braueiilcs.  Pour  la  terminaison,  voy.  Em.  Ernault,  Glos- 
saire moyen  breloii,  p.  415. 

2.  diousienne  =  diousi-me. 
;.   Ms.  ni' s  eiiel. 


Le  Mystère  de  iainl  Crcpin  et  de  saint  Crépinien.  457 

J'ai  connu  beaucoup  de  cordonniers; 

quand  ils  seraient  tous  ensemble,  on  ne  pourrait,  je  crois, 

faire  une  paire  de  souliers  si  belle  que  ceux-ci. 

Outre  leur  beauté,  ils  sont  bien  travaillés, 

car  ils  sont  faits  durs  et  solides  et  leurs  semelles  sont  bonnes. 

Pour  sûr,  je  ne  voudrais  pas  les  laisser,  s'ils  étaient  à  tna  mesure. 

Nulle  part  on  ne  trouverait  une  paire  de  souliers  comme  ceux  ci. 

Tiens,  vois,  cousin,  je  te  défie  avec  ton  pouce 

de  plier  les  semelles.  Je  les  trouve  fort  raidcs. 

//  donne  les  souliers  au  3e  marchand.  LÉ  3e  m.-^rch.akd  parle. 
J'ai  beau  presser  les  semelles  le  plus  fort  que  je  puis, 
quand  j'en  devrais  crever,  je  ne  pouri-ais  les  plier. 
Ce  qui  me  plaît  le  plus,  en  outre,  à  ces  souliers, 
leurs  empeignes  sont  plus  douces  que  du  velours. 
D'où  les  as-tu  eus,  pour  que  j'aille  en  acheter, 
il  faut  que  j'en  aie  une  paire  avant  de  sortir  de  cette  ville, 
non  pas  pour  moi  seulement,  mais  encore  pour  ma  femme, 
pour  mes  servantes  et  mes  garçons. 

LE    2'-'    M.\RCHAND 

Tout  cj  qui  est  dans  sa  boutique,  tu  l'emportes  avec  toi  ! 
Achètes-en  trois  paires  pour  commencer  et  ne  fais  pas  le  fou. 
Ta  bourse  est  plus  lourde  que  la  mienne? 
Il  faut  que  je  me  mette  aussi  à  l'aise  que  toi. 

LE   PRH.MIER    .MARCHAND 

Taisez-vous  tous,  messieurs,  ne  vous  disputez  pas  ; 

il  y  a  beaucoup  de  souliers,  vous  serez  contentés. 

Venez  le  trouver  avec  moi,  il  m'a  promis 

qu'il  nous  (en)  donnera  à  bon  compte,  si  nous  voulons  r(en)  prier. 

Victor  TouRNi'UR. 
(A  suivre.) 


CHRONIQUE 


SOMMAIRE  :  I.  Manuscrits  contenant  des  mystères  bretons  et  donnés  à  la  Bibliothèque 
de  l'Université  de  Rennes.  —  II.  Nouveau  recueil  intitulé  Eriu. 

I 

On  a  pu  lire  dans  le  journal  Le  Temps  du  6  août  1904  l'article  suivant: 

Manuscrits  In-etons.  —  M.  A.  Le  Braz,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres 
de  l'Université  de  Rennes,  vient  de  faire  présent  à  la  Bibliothèque  univer- 
sitaire de  cette  ville  de  vingt-sept  volumes  renfermant  les  textes  manuscrits 
d'autant  de  mystères  bretons. 

C'est  le  fonds  le  plus  précieux  et  le  plus  considérable  de  documents 
manuscrits  en  langue  bretonne  c]ui  existe  en  province,  et,  si  celui  que 
possède  la  Bibliothèque  nationale  est  plus  grand  par  le  nombre  (73  au  lieu 
de  27),  on  peut  dire  que  la  collection  de  l'Université  de  Rennes  a,  au  point 
de  vue  de  la  valeur  propre  des  manuscrits,  une  importance  égale  sinon 
supérieure  à  celle  de  la  collection  parisienne. 

Les  manuscrits  donnés  par  M.  Le  Braz  proviennent  de  deux  sources.  Les 
uns,  recueillis  par  M.  F.  Vallée,  en  partie  grâce  aux  soins  de  la  Société  pour 
la  préservation  du  breton,  ont  été  remis  par  lui  à  M.  Le  Braz  pour  per- 
mettre à  ce  dernier  d'écrire  son  travail  sur  le  théâtre  celtique,  avec  charge 
d'en  faire  don,  quand  bon  lui  semblerait,  à  tel  dépôt  pubHc  de  son  choix. 
Ces  tiunuscrits  sont  au  nornbre  de  douze.  Les  autres  ont  été  légués  à 
M.  Le  Braz  par  M.  Luzel  ou  découverts  par  M.  Le  Braz  lui-même,  au  cours 
des  missions  qui  lui  furent  accordées  à  cet  effet  par  M.  le  ministre  de  l'ins- 
truction publique,  en  1893  et  1894. 

L'importance  de  ces  mystères  est  capitale  pour  l'histoire  de  la  langue  et 
•de  la  littérature  bretonnes,  puisque  le  théâtre  constitue,  à  vrai  dire,  la  seule 
littérature  écrite  de  la  Bretagne.  Ceux  que  M.  Le  Braz  a  déposés  à  la  Biblio- 
thèque universitaire  de  Rennes  ne  valent  pas  seulement  par  le  nombre, 
mais  aussi  par  leur  mérite  intrinsèque.  Parmi  eux  figure  un  Mystère  de  Saint- 
Laurent,  qui  a  sur  son  analogue  de  la  Bibliothèque  nationale  l'avantage  d'être 
complet.  C'est  de  plus  un  document  des  plus  curieux  pour  l'histoire  du 
théâtre  breton.  Nous  en  dirons  autant  d'un  Saint-Jean-Baptiste,  recopié  en 
entier  de  la  main  de  Luzel.  Signalons  encore  une  copie  de  la  Vie  de  Louis 


Chroniijiic.  4>9 

Einuiis,  que  Liuel  avait  ùite  pour  l'impression.  Mais  nous  appellerons  sur- 
tout l'attention  sur  deux  pièces  intitulées,  l'une  la  Vie  de  Mallargc,  l'autre 
Jean  Mchrgè,  qui  représentent  à  elles  seules  presque  tout  le  théAtre  comique, 
actuellement  connu,  de  la  Basse-Bretagne.  Les  autres  manuscrits  fournissent 
des  variantes  particulièrement  intéressantes  des  mystères  déposés  à  la  Biblio- 
thèque nationale  et  que  quelques-uns  (en  particulier  une  Création  du  Monde, 
de  Claude  Le  Bihan,  et  une  Passion,  sans  nom  de  copiste)  sont  d'un 
intérêt  unique. 

II 

Il  vient  de  paraître  un  volume  in-8o  de  138  pages  intitulé:  Eriu.  The 
Journal  of  the  School  of  Irish  Learning,  Dublin,  edited  by  Kuno  Meyer  aud  John 
Strachan,  vol.  I,  part.  I.  Ce  volume  est  daté  de  Dublin,  School  of  irish 
Learning,  28,  Clare  Street.  Il  contient  quatorze  articles  parmi  lesquels  nous 
signalerons  en  premier  lieu  deux  articles  grammaticaux. 

Le  principal  est  de  M.  Strachan  :  il  traite  d'abord  du  nominatif  pluriel 
des  thèmes  masculins  en  -11-  qui  aurait  été  d'abord  en  celtique  primitif  -oucs, 
puis  en  vieil  irlandais  -ae,  -e,  enfin  -a  ;  les  finales  -ai,  -i  seraient  dues  à  la 
contamination  des  thèmes  en  -i.  Viennent  ensuite  diverses  constatations  : 
l'usage  vieil  irlandais  est,  comme  on  sait,  de  terminer  en  u  le  vocatif  et 
l'accusatif  pluriel  des  thèmes  en  -0-,  mais  les  mêmes  cas  des  adjectifs  se 
terminent  en  a  ;  c'est  par  exception  que  dans  les  adjectifs  Vu  final  primitif 
de  ces  cas  est  conservé.  Dans  les  thèmes  masculins  en  -io-,  -iu  est  au  même 
cas  la  désinence  des  noms,  -/  celle  des  adjectifs.  Pour  les  noms  et  les  adjectifs 
neutres  terminés  en  -io-  la  désinence  à  ces  deux  cas  est  -/sauf  une  exception 
où  l'on  trouve  -e.  L'auteur  étudie  ensuite  les  formes  diverses  du  pronom 
interrogatif,  1°  cia  masculin  singulier,  2°  ce-d,  ou  ci-d,  neutre  singulier, 
50  ce-si,  ou  ci-si,  féminin  singulier  (2°  et  3°  avec  addition  d'un  pronom  dé- 
monstratif, (/  au  neutre,  si  au  féminin)  :  4°  citne,  pluriel  des  trois  genres. 
Par  exception  cia  est  employé  à  tous  les  genres.  Il  y  a  un  autre  pronom 
interrogatif,  cote,  cate  au  singulier,  cotéet,  cateet  au  pluriel  des  trois  genres. 

M.  Strachan  explique  par  la  sourde  initiale  des  pronoms  suffixes  sa,  se, 
su,  som,  si  la  sourde  finale  t-  de  certains  verbes  aux  trois  personnes  du 
singulier  là  où  l'on  devrait  s'attendre  à  trouver  un  d  ou  un  //;.  Eola,  pkuitus, 
est  suivant  lui  le  génitif  archaïque  d'un  substantif  râ/ 1  qui  plus  tard  sortant 
de  la  déclinaison  en  u  est  passé  dans  la  déclinaison  en  -0  et  a  donné  le  génitif 
eâil,  iiîil.  Dans  indinni-sc,  talis,  inni  est  le  datif  du  substantif  féminin  innc. 
«  sens,  qualité  ».  In-did  signifie  «  puisque  »,  in-nach  «  puisque  non  »  ;  dans 
ce  composé  in  est  le  pronom  relatif  signifiant  «  dans  quoi  ». 

Le  second  mémoire  grammatical  a  pour  auteur  M.  J.  H.  Lloyd,  il  a  pour 
objet  les  formes  impersonnelles  du  passif  dans  le  verbe  substantif  irlandais. 

Ces  deux  mémoires  sont  accompagnés  d'éditions  de  textes  irlandais,  dont 


I.  Sergli'^e  Concutainn  chez  Windisch,  Iriuhc   Texte,  t.  I,  p.  225,  1.  10. 


440  Chromquf. 

le  plus  important  à  nos  yeux  est  Li  mort  de  Conla  ou  Conlaoch,  fils  d'Aife. 
M.  Kuno  Meyer  publie  la  rédaction  contenue  dans  le  ms.  le  plus  ancien, 
le  livre  jaune  de  Lecan  ;  M.  J.  G.  O'Keeffe  celle  que  nous  a  conservé  le 
ms.  H.  3  17  du  collège  de  la  Trinité  de  Dublin.  Chacun  des  deu.\  éditeurs 
a  joint  au  texte  irlandais  une  traduction  anglaise. 

Nous  mentionnerons  ensuite  une  nouvelle  édition  de  l'avis  à  une  femme 
par  Daniel  hua  Liathaide,  abbé  Cork  et  Lismore,  dont  la  mort  est  mise  en 
861  par  les  Annales  des  quatre  niaîlres.  Ce  morceau  avait  été  publié  d'après 
le  livre  de  Leinster,  p.  278  a,  par  M.  E.  Windisch  dans  les  Bcrichte  der 
Kônigl.  Sikhs.  Gesellschafl  dcr  M'issenschaflen,  1890.  M.  Kuno  Meyer  s'est 
servi  d'une  autre  copie,  le  ms.  du  Trinity  Collège  de  Dublin,  coté  H.  3. 
18,  p.  731.  Le  texte  et  la  traduction  donnés  par  M.  K.  Meyer  diffèrent  sur 
quelques  points  de  ceux  que  nous  devons  à  M.  Windisch. 

M.  Kuno  Meyer  reproduit  aussi  et  traduit  d'après  le  livre  de  Leinster  un 
poème  du  xii^:  siècle  attribué  à  l'illustre  et  mythique  Cailte  et  d'après  deux 
mss.  de  l'Académie  d'Irlande  deux  poèmes  pieux  chrétiens. 

Le  plus  long  des  textes  réunis  dans  ce  volume  est  le  LeahJnir  Obis  ou 
«  Livre  des  Chroniques  »,  publié  d'après  un  manuscrit  du  xviiie  siècle, 
1717,  par  M.  R.  L  Best.  Il  concerne  l'histoire  d'Irlande  de  979  à  1027. 

M.  E.  J.  Gwynn  donne  d'après  un  ms.  de  l'Académie  d'Irlande  un  poème 
sur  l'incendie  de  la  maison  du  célèbre  et  légendaire  Finn  mac  Cumhail. 

M.  J.  G.  O'Keeffe  publie  avec  traduction  le  texte  conservé  par  le  Livre 
jaune  de  Lecan,  d'un  récit  légendaire  concernant  Colman  mac  Duacli  et  le 
roi  Guaire  si  fameux  par  son  hospitalité  et  qui  vivait  au  vn^  siècle. 

Nous  devons  à  M.  T.  P.  O'Nowlan  l'édition  faite  avec  traduction  d'un 
poème  relatif  à  la  «  duerelle  du  Pain  »,  d'après  le  Livre  de  Leinster,  p.  46  a. 
A  propos  de  ce  pain  les  habitants  de  Munster  et  ceux  de  Leinster  se  livrèrent 
trois  batailles.  On  était  fort  belliqueux  en  Irlande  à  l'époque  où  ce  poème 
nous  fait  remonter. 

H.    D'y\RIîOIS  DK  JUBAINVILLE. 

jubainvillc,  le  29  septembre  1904. 


PERIODIQUES 


SOMMAIRE;  I.  Beiiraege  zur  Kunde  der  indogermanischen  Sprachen.  —  II.  Annales 
de  Bretagne.  —  111.  Revue  epigraphique.  —  IV.  Westdeutsche  Zeitschritt  fur 
Geschichte  und  Kunst.  —  V.  Polybiblion. 

I 

Beitraege  zur  kunde  der  indogermanischen  sprachen,  herausgegeben 
von  Dr.  Ad.  Bezzenbergcrund  Dr.  W.  Prellwitz,  t.  XXIX,  i''^  livraison. 
—  Suite  du  mémoire  de  M.  J.  Scheftelowitz  sur  les  lois  plionétiques  du 
vieil  arménien  (cf.  ci-dessus,  p.  370).  Des  rapprochements  avec  les  langues 
celtiques  se  trouvent  dans  cette  partie  du  mémoire  comme  dans  la  précé- 
dente. 

II 

A  propos  d'une  note  publiée  dans  les  Annales  de  Bretagne,  t.  XIX,  no  i, 
par  .\1.  Loth  sur  la  massue  bénie  à  l'aide  de  laquelle,  à  Loc-mel-tro,  suivant 
la  tradition,  on  assommait  les  vieillards,  nous  avons  oublié  de  citer  ci-dessus, 
p.  365,  un  passage  de  Cicéron  :  Fro  Sexto  Roscio,  §  100:  «  Habeo  etiam 
«  dicere  quem  contra  morem  maiorum  minorem  annis  sexaginta  de  ponte 
«  in  Tibcrim  deiecerit  ».  Ce  texte  doit  être  rapproché  de  celui  où  Plu- 
tarque,  Roniuhis,  XXII,  6,  constate  que  le  droit  royal  romain  le  plus  ancien 
ne  punissait  pas  le  meurtre  du  père  par  son  fils:  urioz'v.x-t  o!.V.t)v  r.apà.  -axpo- 
zTovojv  ôp^'aavTa  et  de  ces  mots  de  Festus  au  mot  parrici  :  «  Paricida  non 
«  utique  is  qui  parentem  occidisset  dicebatur,  sed  qualemcunquc  homi- 
nem  1 .  » 

III 

Revue  ÉPlORAPHiauE,  t.  V,  livraison  de  janvier-février-mars  190.1I. 

A  Oppedettc,  Basses-Alpes,  dédicace  MarU  Brtialo  (?). 

A  Vachères,  même  département,  épitaphe  de  Calventius  Birrus. 

M.  Héron  de  Villefosse  continue  la  publication  de  remarques  épigra- 
phiques  dont  une  partie  a  déjà  paru  dans  le  tome  IV  et  dans  deux  livraisons 
précédentes  du  tome  V.  Elles  sont  intéressantes  pour  l'histoire  de  la  Gaule 
romaine. 

IV 

Westdeutsche  ZEnsciiuuT  fur  Geschichte  und  Kunst,  t.  XXIll.  — 
Mémoire  de  M.  O.  Hirschfeld  sur  le  jour  de  la  dédicace  de  l'autel  d'.A.uguste 

I.   Cf.  Cours  de  littéralure  celtique,  t.  VI,  p.  513-317. 

Rtvue  Celtique,  XXV.  30 


44  2  Périodiques . 

à  Lyon.  Le  savant  auteur  admet  l'origine  celtique  de  la  fête  célébrée  annuel- 
lement à  cet  autel,  mais  la  concordance  de  la  date  de  cette  fête  avec  la  date 
de  la  dédicace  de  l'autel  est  suivant  lui  purement  fortuite.  L'autel  fut  dédié 
en  l'an  12  avant  notre  ère  le  premier  août,  parce  que  c'était  le  premier  août 
de  Tan  50  avant  J.-C.  que  la  prise  d'Alexandrie  en  Egypte  avait  terminé  la 
guerre  civile.  Le  même  jour  de  l'an  15  avant  notre  ère,  Tibère  et  Drusus 
avaient  remporté  sur  les  Vindélicicns  une  victoire  décisive.  L'importance  du 
premier  août  à  cette  époque  au  point  de  vue  du  gouvernement  romain  est 
d'ailleurs  établie  par  un  fait  caractéristique,  c'est  que  la  dédicace  du  temple 
de  Mars  Ultor  eut  lieu  en  ce  jour  de  l'an  2  avant  J.-C. 

V 
PoLYBiBLioN.  —  M.  H.  Gaidoz  vient  de  consacrer  dans  cette  revue  un 
très  aimable  compte  rendu  au  volume  intitulé  :  Les  Celtes  depuis  les  lewps  les 
plus  anciens  jusqu'en  l'an  100  avant  notre  ère.  Quelques  critiques,  légers  coups 
d'épingle,  agrémentent  cet  article  et  en  rendent  la  lecture  plus  attrayante. 
11  y  a  telle  de  ces  critiques  dont  on  ne  peut  contester  la  justesse.  Par 
exemple,  M.  Gaidoz  constate  que  dans  les  livres  de  «  Villemain  et  d'autres 
«  professeurs  de  notre  grande  époque...,  l'ensemble  était  plus  harmonieux 
«  et  la  lecture  plus  attrayante  ».  Telle  autre  critique  est  moins  acceptable. 
M.  Gaidoz  reproche  à  l'auteur  d'avoir  employé  le  mot  Necker  «  pour  dési- 
«  gncr,  non  pas  le  ministre  de  Louis  XVI,  mais  l'affluent  du  Rhin  appelé 
«  toujours  Neckar  » .  Le  savant  M.  Gaidoz  n'a  pas  consulté  à  ce  sujet  l'ouvrage 
intitulé  :  Encyclopédie  ou  dictionnaire  raisonne  des  sciences,  des  arts  et  des  métiers 
par  une  société  de  gens  de  lettres,  mis  en.  ordre  et  publié  par  M.  Diderot  et  quant 
Il  la  partie  mathématique  par  M.  d'Alemheii.  Il  y  aurait  pu  lire,  édition  de 
Genève,  1777- 1779,  t.  XXII,  p.  820  :  «  Necker  ou  Neckar,  les  François  disent 
«  Nécre,  grande  rivière  d'Allemagne.  «  Cette  doctrine  avait  apparu  déjà  en 
1768  dans  Le  grand  dictionnaire  géographique,  historique  et  critique  de  Bruzen 
de  La  Martinière,  6  volumes  in-fo,  t.  IV,  p.  512  :  «  Neckar,  Necker  ou  Nécre, 
«  rivière  d'Allemagne.  »  Au  xix^  siècle,  Louis  Q.uicherat,  dans  son  Thé- 
saurus poeticus  linguae  latinae,  traduit  Nicer  par  Necker;  Théophile  Lavallée, 
Géographie  physique,  historique  et  militaire,  ouvrage  adopté  par  le  ministre  de  la 
guerre  pour  l'École  spéciale  militaire  deSaint-Cyr,  édition  de  1841,  énumérant 
les  affluents  de  gauche  du  Rhin,  écrit,  p.  201,  Le  Necker  (Nicer).  Enfin, 
chez  Bouillet,  Dictionnaire  universel  d'histoire  et  de  géographie,  vingt-cin- 
quième édition,  1876,  on  lit,  page  1331  :  «  Neckar  ou  Necker,  rivière 
d'Allemagne.  »  Si  je  n'étais  pas  réduit  ici  aux.  livres  de  ma  bibliothèque 
rurale  je  pourrais  citer  d'autres  exemples.  Necker,  dont  la  prononciation 
au  xviiie  siècle  était  Nécre,  est  la  forme  française  du  nom  de  la  rivière  que 
les  Allem.mds  appellent  Neckar.  Necker  conserve  Ve  du  latin  A'/V,r  qui  est 
la  plus  ancienne  forme  connue  du  nom  de  cette  rivière.  liUe  a  un  nom 
français  à  côté  du  nom  allemand  comme  le  Rhin,  le  Danube  et  Ratisbonne, 
comme  lAlIcmagne  elle-même. 

H.  m'Arbois  de  Jub.\invii  i.u. 
Jubain\ille,  le  2  octobre  190). 


TABLE 


DES    PRINCIPAUX"  MOTS    ÉTUDIÉS    DANS    LE    TOME    XXV 
DE    LA    KKVUE    CELriQLrE  ' . 


I.  Gaulois  ou  viEux-CELTiaur., 

ET  OGAMIQUH. 

■aco-s,  94,  ?  ^9,  ?6o. 

ADDIl.ONA,    103. 

Aedui,  551. 

-AGNI,    105. 

Aliotrum,  95. 

AMADU,    366. 

Arcunianus  (fundus),  107. 

'Apy.jv'.a  (o'.rj),    107,   35:. 

Argonna,  Argunna,  107. 

Artodunum,  5  ^9. 

AVI,  103. 

avotis,  chef  d'usine?  362. 

Biba,  105. 

Babus,  105. 

Balismus,  95. 

bïbro-,  castor,  95. 

Belisama,  9^. 

Belismus,  95. 

Bevrona,  9^. 

Bibracte,  90. 

BiDANi,  103. 

BIGAISCOI5H1  du  vicc-évêque,  366. 


BOi,  103. 

Hoii,  107. 

Brancedunum,  3  ^9. 

Erancidunum,  3  59. 

-briga,  559,  300,  374. 

Briomaglus,  372. 

Cabillonum,  95. 

Cadriacus,  111. 

-cadros,  beau,  111. 

Cadusia,  3  59. 

GAGEAS,  103. 

Calodorus,  ]<,<). 

Cambaules,  221 . 

('antadunus,  360. 

Cavillonis,  9^. 

Celtiatus,  371 . 

Celtius,  571. 

Cenabum,  89. 

Chidriacus,     Chirriacus,     Chiriacus, 

Ml. 

ciallos,  mois  intercalaire?  1  19. 
cintu-,  107. 
Cotobriiis,  3^9. 
Cravum,  359. 
Curcedonus,  359. 


I.  Cette  table  a  été  faite  par  M.  Emile  Ernauit. 


444  ^''''^^  '■'"  pyindpaux  mots  étudiés  dans  le  tome  XXV. 


Divixtus,  571 . 

DOLATI,   366. 

druida,  druide,  56^. 

-dunum,   1  07,  5  59,  360. 

Dunus,  3  59. 

-durus,  3  59. 

Epona,  106. 

equos,  124. 

gabro-,  chèvre,  370. 

gassum,  yai-jov,  yaïao';,  javelot,   229- 

231. 
giamon,  125,  127,  130. 
Giemagus,  89. 
Giemum,  90. 
Giomus,  5  59. 
Gordunum,  5  59. 
Helvetii,  351. 

Hercynia  (silva),  107,  351. 
IAQ.ENI,  103. 
Icori,  102. 

iNAGENE,  de  la  tille,  105. 
Kravodunum,  3  59. 
lat,  jour,  1  19. 
Latiniacum,  598,  399. 
Idutro,  bain,  287. 
Lescuvrio.  360. 
Litmarus,  3  59. 
Litumarus,  3  ^9. 
Àouspv-,  renard,  268. 

LUGUDECCAS,    366. 

Magilius,  105. 

-magus,  plaine,  90,  359. 

MAQ.I,  du  tils,  103,  366. 

Mardobrius,  Mardubrius,  3^9. 

-maros,  grand,  94. 

Meddila,  568. 

Meddillus,  368. 

Meddilos  (par  deux  (/  barrés),  368. 

Medru,  47,  48,   ^o. 

Messilla,  368. 

Messillus,  368. 

Metlusedum,  370. 


mid  sainon,  1 30,  383. 
Moxsius,  108. 
MucADiA,  103. 

MUCCOI,    103. 
MUCOI,    103,    366. 
NETA  SEGAMONAS,    366. 
NETTA,    102. 

Niranus,  io8. 

Niritus,   108. 

Nironius,  io8. 

Noviomus,  3  ^9. 

Occocus,  108. 

Occus,   !08. 

Ogmios,  93. 

ogron,  1 30. 

Pennovindos,    à    tête    blanche,    17, 

574- 
petrudecaiîietos,    quatorzième,    361. 
Petuaria,  360. 
Petverensis,  360. 
Pictavi,  351. 
Picti,  351. 
Pictones,  351. 
Pinnevindo,   17. 

PIXTILOS,    104. 

poi,  103. 
Reburrus,   108. 
Rectugeni,  105. 
Retinacius,  108. 
Rétiniens,  108. 
Ritona,  108. 
Rottalus,  108. 
Rudianus,  108. 
Rutenus,  108. 

samo-,  été;  la  moitié  chaude  de  l'an- 
née, 126,   127. 
samon,  12^,  130. 
Scordisci,  107. 
Sedunus,  3  ^9. 

SEGAMONAS,    366. 

Segessera,  94. 
Segestrum,  94. 


Table  des  principaux  mots  étudiés  dans  le  tome  XXV.  44^ 

ârus,'résidence,  57. 

afhre,  tribu  ou  clan  du  père,  ;o,  37. 

aui,  du  petit-fils,  5p. 

beltene,   beltine,    béaltaine,    premier 

mai,  86,  87,  126,  1 50. 
berar,  qui  est  porté,  569. 
bertar,  qui  sont  portés,  569. 
brafad,  clin  d'œii,  256. 
briatliar,  verbe,  98. 
bûaid,  bûaith,  victoire,  578. 
buatuisidhe,  brodequins,  554. 
bun,  tronc,   1 . 

bunadach,  issu  du  tronc  commun,  1  . 
caogadadh,  cinquantième,  578. 
caorthain,  alisier,  418. 
carcar,  prison,  256,  458. 
cath,  bataille,  370. 
celg.  tromperie,  370. 
cet,  cent;  cent  vingt,  145. 
cét-samain,    cét-soman,    cét-samun, 

cét-shamain,    i""  mai,    127,    129, 

150,  383. 
cin,  kin,  cahier,  377-380. 
clùas,  oreille,  1 3. 
côicatmad,  50e,  378. 
côicthiges,  quinzaine,  116,  131. 
comboing,  ii  brise,  370. 
comlebaid  '<  lit  commun  »,  189. 
crechad,  pillage,  402. 
cride,  cœur,  370. 
crûaid,  dur,  370. 
cumung,  étroit,  370. 
cungnamar,  nous  apercevons,  19,  24, 

58. 
dâ  se  mis,  deux  fois  six  mois,  125. 
derbfine  «  famille  certaine  »,  1,4,7- 

II,   14,  15,  182,  184,  204,  20^ . 
dionasgaim,  je  détache,  415. 
doberar,  il  est  porté,  369. 
dobertar,  ils  sont  portés,  369. 
domsod,  résidence,  24,  38. 
dorn,  poing,  3  54. 


S?gustero,  94. 

Selvanecti,  370. 

Senomus,  3  59. 

-smus,  95. 

sonnocingos,  marche  du  soleil,  119. 

Tancinus,  371 . 

Tangin,  571. 

Tanotram,  359. 

tigèrno-,  chef,  268. 

TRENALUGGO,  I03. 

tricontis,  aux  trente,  361. 
Turibrice[nsis],  571 . 
Uxaina,  10^. 
Vellauni,  106. 
Vellavi,  106. 
Veniati,  371. 
V'epogenos,  352. 
Vepotalos,  3  5  2. 
Vepus,  352.. 
Verdunum,  359. 
Vipius,  353. 
visumarus,  trèfle,  352. 
vLATiAMi,  103, 

VOBARACI,    103. 
VROICCI,    102. 

Ysodorum,  359 

II.  Irlandais. 

(Voir  pp.  10,  19,  21,  2^,  2^,  27,  31, 
37-U;,  227,  2S6-2S9,  34Ç-348,  402- 
404.  459-) 

abéis,  abîme  de  la  mer,  2^6. 
abis,  abîme,  256. 
adcoimse,  je  crie.''  22,  23,  37. 
adraim,  j'adore,  43. 
adrand,  atrann,  il  poussa  (un  gémis- 
sement).-' 26,  37. 
agaim,  je  conduis,  370. 
aidche,  nuit,  1  16. 
aimhnerte,  faibless?,  402. 
ar,  sur,  379,  380. 
àrrachdach,  fort,  3  54. 


446  Table  des  principaux  inoti  étudies  dans  le  tome  XXV 


droch,  roue,  570. 
eacmaing,  il  a  atteint,  354. 
écath,  hameçon,  370. 
eidenn,  eidhean,  lierre,  65. 
eiiitrum,  eiliotrom,  eleathrain,  bière, 

290. 
ellam,  prêt,  404. 
énerte,  faiblesse,  402. 
errach,  printemps,  1  27. 
esnad,  chant,  38. 
faithsine,  prophétie,  4. 
farcha,  éclair,  41. 
fearba  cluiche,  masse  ronde  de  pierre, 

282. 
ferb,  pustule  qui  vient  au  visage  après 
une  calomnie  ou  un  faux  jugement, 
282. 
fiach,  corbeau,  355. 
tichatmath,  20e,  377-379- 
ficheadh,  20'^,  378. 
fi'chim,  je  combats,  570. 
fine,  famille,  1,4,  11,   15,  16,   181, 

184,  185,  204,  20^. 
fogmur,  foghmhair,  automne,  128. 
folamh,  vide,  64. 
follscadh,  action  d'échauder,  62. 
foloscain,  têtard,  62. 
fortuge,  vêtement,  2^8. 
Fursae,  384,  38^. 
Fursu,  384,  385. 
gabim,  je  prends,  57c. 
gabul,  fourche,  370. 
gainiur,  je  suis  né,  2 58. 
galar,  douleur,  38. 
gamhnach,  vache  stérile,   126,  127. 
gamuin,  gamhuin,  veau  d'un  an,  i  26, 

127. 
garg.  dur,  370. 

geilsine,  autorité  paternelle,  4. 
gel,  main,  2,  4,  15. 
gelfine  «  famille  de  la  main   »,  1,  4, 
7-1 1 ,  15-16,  182,  184,  I  88,  204. 


gesca,  petits  troupeaux?  20,  21,  39, 

227. 
gil,  main,  2. 
gilla,  esclave,  2. 
gin,  bouche,  370. 
glûn,  genou,  294. 
gormac,  fils  de  la  fille,  20^. 
hô,  hua,  de,  98. 
iarfine  «  famille  d'après  »,  1 ,  4,  7,  8, 

10,  M ,  14,  15,  182,  1S4. 
idu,  lierre,  65. 

imthach,  amoureux,  109. 
in-,  préfixe  négatif,  403. 
indhne  «  famille  de  la  fin  »,  1,  4,  7- 

11,  14-16,  182,  184,  185. 
ingen,  ongle,   1 3,  184. 
intadud,  intathad,  enfoncer,  39. 
leth-bliadain,  demi-année,  125. 
lôathar,  bassin,  287-. 

loc,  lieu  consacré,  405. 

lochet,  éclair,  363. 

loscann,    grenouille,    crapaud,     61, 

62. 
mac  foesma,  fils  adoptif,   204,   205. 
maistre,  tinette  à  beurre,  40. 
manchuine,  travail  manuel,  4. 
mar-fheser,  sept  personnes,  144. 
mathre,  mJithre,  tribu  ou  clan  de  la 

mère,  30. 
nicdnn,    medhûn,   milieu,    129,    583. 
meirg,  mcirc,  rouille,  282,  414. 
mi,  mois,   115. 
mi   deireadh   an    tsamhradh,    juillet, 

I  ÎO. 

mi  nuadhon  samhradh,  juin,   130. 
Mider,  50. 

mis  nuthemain,  juin,   1  30. 
mongénair,   il    naquit   heureusement, 

2^8. 
mùch,  fumée,  370. 
muinteras,  servitude;  bonté,  2. 
muntar,  montar,  famille,  2. 


Table  des  principaux  mots  ctiuiiés  dans  le  tome  XXV.  447 


muntaras,  munteras,  autorité  pater- 
nelle, 5,  4. 

nia,  neveu,  fils  de  sœur,  i;i8,  20.;, 
205. 

-nn,  -nd,  je  pers.  sing.  du  présent 
d'habitude,  42-46, 

no,  particule  verbale,  44. 

nomad,  neuvaine,  9  nuits  et  9  jours, 
154-156. 

onôrach,  honorable,  405. 

ri'agalta,  régulier,  403. 

ri'g-domna,  rig-damna,  héritier  pré- 
somptif d'un  roi,  186. 

saighim,  je  viens,  5  52. 

samaisc,  vache  stérile,  126. 

samhain,  sam-fuin,  i'^''  novembre, 
126,  127. 

■sine,  suffixe  de  noms  abstraits,  4. 

tanaise,  tanaiste,  héritier  présomptif 
d'un  roi,  1  86. 

tanaisteachd,  règle  de  droit  instituant 
comme  héritier  d'un  roi  le  membre 
le  plus  âgé  de  sa  famille,  186. 

teorfégad,  contemplation,  259. 

tinol,  collecte,  assemblage  ;  dot,  1  90, 
191,  194. 

tiugaide,  épais,  259. 

Ireb  coitchenn,  maison  commune  en- 
tre cohéritiers,  188,  189. 

tresfichet,  2?'^,  379. 

tri,  trois,  146. 

ui,  du  petit-fils,  5^2. 

ullamh,  prêt,  404. 

m.  G.\ÉLiQ.UE  d'Ecosse. 

cilitriom,  bière,  290. 

falamh,  vide,  64. 

gamhainn,  veau  d'un  an,  126,  582. 

gamhnach,  vache  stérile,   126,   127, 

382. 
giùlan,  bière;  action  de  porter,  290. 


losgadh,  brûlure,  62. 
los^ann,  crapaud,  62. 
maireann,  vie  ;  vivant,  qui  vit,  45. 
meirg,  rouille,  282,  4  1  4. 
muinntearas,  servitude,  2. 

IV.   G.\LLOIS. 

a,  qui,  que  ;  particule  verbale,  98, 
99. 

affwys,  abîme,  256. 

agueddy,  dot,  191. 

alban,  solstice,  équinoxe,  121. 

anbithaul,  très  agité,  227. 

anner,  génisse,  370. 

ar,  sur,  145. 

arch,  demande,  384. 

argyfreu,  paraphernaux,  191. 

arcs,  rester,  37. 

baeddu,  battre,  40. 

blewyn,  cheveu,  65. 

brodoriaeth,  fraternité,  59. 

cadben,  capitaine,  77. 

calan  gaeaf,  ler  novembre,  126. 

calan  mei,  i^r  mai,  1  16,  1  26. 

cel,  cadavre,  290. 

ccchi,  manteau,  41  4. 

cyfarch,  salutation,  384. 

cylch,  cercle,  41  4. 

cynnhaeaf,  automne,  128. 

cyntefyn,  i"  mai;  printemps,  127, 
129,  383. 

deuddeg,  douze,  145. 

deunaw,  dix-huit,  145,  162. 

digarcliar,  non  emprisonné,  415. 

doudec,  douze,  145. 

dyddau  dyddon,  jours  supplémen- 
taires, 121,  122. 

dywallo,  verser,  répandre,  64. 

egwyddor,  alphabet,  280. 

eiddew,  lierre,  6^,  66. 

eiddewog,  couvert  de  lierre,  64. 


448  Table  des  principaux  mots  étudies  dans  le  tome  XXV. 


eiddiorwg,  lierre,  66. 
elor,  bière,  290. 
enderic,  veau,  370. 
ffillio,  tordre,  entrelacer,  72. 
gaeaf,  hiver,  i  30. 
gaem,  hiver,  1 30. 
gafael,  tenure,  14. 
galar,  douleur,  38. 
gelor,  bière,  290. 
gin,  peau  brute,  409. 
golosgi,  brûler  un  peu,  62. 
gorphenhaf,  juillet,  129,  383. 
gortho,  couverture,  toit,  258. 
guiannuin,  printemps,  127. 
gwaddol,  dot,  191 . 
gwal,  couche:  clan,  384. 
gwallaw,  verser,  répandre,  64. 
gwelz,  lit;  famille,  clan,  1 3,  583,  384. 
gwelyauc,  (terre)  de  famille,  13,  583. 
gwledd,  festin,  365. 
gwreichion,  étincelles,  40. 
hanner  bluydyn,  demi-année,  125. 
hanner-cant,  cinquante,  144. 
he,  semence,  364. 
hedd,  maison,  564. 
lieddyw,  aujourd'hui,  66. 
hodi,  pousser,  39. 
holiiach,  gui,  57. 

hydref,  automne,  octobre,  128,  129. 
iurgchell,  chevrette,  284. 
llafur,  labour,  288. 
llosgedd,  vésicatoire,  62. 
maeddu,  battre;  piler;  mêler  en  bat- 
tant, 40. 
mehefyn,  juin,  383. 
mewn,  au  milieu,   129,  383. 
mis,  mois,   115. 
mor,  si,  tellement,  272. 
myhefyn,  juin,   1  29. 
naw  diwrnod,  semaine,  136. 
nerthedd,  force,  402. 
och,  grognement,  418. 


oer,  froid,  i  ^0. 

pren  awyr  «  plante  aérienne  »,  gui, 

pythefnos,     pythewnos,     quinzaine, 

quinze  nuits,  116,  131,  152. 
se,  semence,  364. 
sedd,  maison,  :!64. 
tant,  corde,  82. 
tredenus,  trois  jours,   133. 
truth,  flatterie,  265. 
trwyth,  troeth,  urine,  417. 
tywallt,  verser,  vider,  64. 
uchelfa,  gui,  56,  57. 
uchelfar,  gui,   55,  56. 
ugeint,  vingt,  1  44. 
wythnos,  semaine,  116,  132,  136. 
ynfyd,  furieux,  227. 

V.  C0RNIQ.UE. 

elor,  elar,  cercueil,  290. 
enchinethel,  géant,  295,  294. 
geler,  cercueil,  290. 
gortheren,  juillet,  1 29. 
grychonen,  gryghonen,  étincelle,  40. 
guaintoin,  printemps,   127. 
guilschin,  grenouille,  61,  62. 
hanter  cans,  cinquante,  161 . 
hieauven,  lierre,  67. 
idhio,  lierre,  65. 
kwilken,  grenouille,  61 . 
manal,  poignée,  4. 
mar,  si,  tellement,  272. 
metheven,  juin,  1  29. 
pedeere,  aie  soin,  59. 
rencia,  ronller,  4  1  7. 

VI.  Bretox  armoric.mx. 

-nat,  infinitifs,  263. 

-aj,  suff.  de  noms  abstraits,  59,  60. 

am-,  406. 


Table  di's  principaux  mots  ctiidics  dans  le  tome  XXV 


449 


amgin,  (à  l')cnvors,  406,  407,  410. 

aminal,  amiral,  406. 

ankeler,  feu  follet,  291-293. 

aîïné,  ennui,  75 . 

ansavout,  anzavout,  avouer,  265. 

ansiein,  essayer,  26?. 

anzaoue,  bonheur,  occasion,  265. 

arar,  ara,  charrue,  ^9. 

arazr,  alar,  charrue,  59. 

ardant,  cheville  sous  la  charrette,  82 , 

ardu,  noirâtre,  82. 

a  rekin,  à  rebours,  à  reculons,  409. 

argant,  argent,  414. 

argourou,  dot,  191. 

arzourn,  poing,  85. 

-ast,  68. 

autroniez,  seigneurie,  ^9. 

autrouniaig,  seigneurie,  59. 

avéein,  aven,  atteler,  harnacher,  265. 

auuers,  égaré .'^  542. 

avurtet,  obstiné,  328,  342. 

a  ziffroncle  marh  «  à  étripe  de  che- 
val »,  41  ^. 

azr,  aezr,  aër,  serpent,  287. 

a  zrebi,  a  drebi,  a  zrebu,  depuis,  8 1 , 
82. 

baeieguiez,  bélégiez,  prêtrise,  ^9. 

banalec,  balance,  genetaic,  294. 

bar,  branche,  55,  57. 

basra,  pacha,  3 18. 

bélégiach,  prêtrise,  59. 

bisikiaou,  pistikiaou,  mésange,  63. 

bisourc'h,  bidourc'h,  chevrette,  284. 

bléau,  blev,  cheveux,  65,  67. 

bleauenn.  cheveu,  6^. 

bleuzff,  Heurs,  364. 

Fodelio,  Bodeliave  «  bouquet  de 
lierre  »,  65. 

bokedo  ostaleri  «  fleurs  d'auberge  », 

g"'>  S'- 
bonbard.  bombarde,  hautbois,   285. 


bofibardio  goz,  ancêtre,  ascendant 
éloigné,  283. 

bouiorh,  chevrette,  284. 

bragaldiezou,  braveries,  266. 

bragard,  brave,  266. 

Brazeben  «  à  grosse  tête  »,  272. 

brederaj,  confraternité,  ^9. 

brcdiah,  berdiah,  bredieh,  confrater- 
nité, confrérie,  ^9. 

brennid,  poitrine,  296. 

breuék,  petit  frère,  ^8. 

breuzr,  breu,  frère,  ^8. 

brinidenn,  bavette  de  tablier,  296. 

brinisken,  lacet  au  collier  d'un  cheval, 
296,  297. 

broq,  dent,  croc,  5 1  2. 

brouçc,  broust,  brouz,  bourgeon  ; 
buisson,  brout,  69. 

broust,  lierre,  68. 

broust,  brosse,  69. 

brousta,  brouza,  brouzai,  brouter,  69. 

brousta,  broucça,  bronçza,  broncein, 
bourgeonner,  69. 

brousta,  rouer,  moudre  de  coups,  69. 

broustan,  brosser,  69. 

broustafi,  chercher  du  lierre,  68. 

brul'jsqucn,  dépouille  mortelle?  297. 

calemai,  premier  mai,  129. 

cantreal,  cantren,  errer,  265. 

cazr,  caezr,  286. 

certen,  certain,  266. 

certes,  certes,  266. 

chai,  impatience,  inquiétude,  76. 

chaloniet,  chanoniet,  chanoines,  294. 

channé,  ennui,  ennuyer,  75. 

charnell,  charlenn,  saloir,  294. 

chas,  cheas,  cliiens,  77,  330,  531. 

chaséal.  chasser,  77. 

chifein,  chagriner,  affliger,  7^. 

chignafi,  chegnan,  chegnofin,  gre- 
nouille, 4  1 3. 

chin,  risible,  drôle,  bouffon,  413. 


4^0  Table  des  principaux  mots  étudiés  dans  le  tome  XXV. 


chivei,  encornet,  276. 

chivlen,  skivlen,  dent  longue,  défense, 

griffe,  276. 
chivonen,  écume,  7^. 
c'hoanteis,   c'hoantrezis,    je    désirai, 

26;. 
c'hoar,  il  arrive,  63. 
c'iumen,  écume,  7  c. 
c'hwistim?  pensez- vous?  81. 
cloer.  clouir,  crible,  ijS,   59. 
convjye,  convayein,  couvayein,  con- 
voyer, 265. 
croezr,  crible,  ^7,  58. 
dabort,  (au  premier)  abord,  324. 
daccord,  d'accord,  324. 
da  e,  à  son,  356. 
dant,  dent,  82,  83. 
danten,  pierre  d'attente,  83. 
Danzé  (Le),  26  i . 
danzeat,  bien  nourri,  261-263. 
danzei,  danzen,  danzel,  dansei,  dan- 

zeri,  préparer,  262,  263. 
darde,  dards,  3  50. 
darem,  d'airain,  324. 
dareu,  larmes,  67. 
daripoennte,  arrière-point,  80. 
darze,  mer  étale,  286. 
davé,    davéein,    envoyer,     renvoyer, 

263. 
dazre,  daere,  dare,  daze,  marée  basse, 

286,  287. 
dazrou,  dazlou,  larmes,  286,  295. 
dcaug,  diaugle,  dîme,  283. 
de_::,i/.a,  décompter,  280,  ;8i. 
degi/an,  déguiser,  281 . 
deliau,  dcilhav,  feuilles,  66,  67. 
dcliau,  deliaùrid,  lierre,   64,  66-68. 
deliaùs,  feuillu,  touffu,  66,  67. 
delicn,    feuille  ;   tranche    mince    (de 

pain),  73. 
delya  kwarn    «    feuilles   du   coin    », 

lierre,  64,  67. 


delyaou,  deiyou,  feuilles,  66,  67. 

der,  on  vient,  311. 

derguéye,  degré,  58. 

desspétt,  dresspétt,  dépit,  82. 

deyar,  lierre,  64,  67. 

dezrez,  dêre,  poisson  laissé  par  la  mer 

basse,  286. 
di-,  préf.  privatif  et  négatif,  415. 
diampicho,  (faire  ses)  diligences,  3  20. 
dibennask,  trop  libre,  déréglé,  41  ). 
diberdé,  sans  inquiétude,  59. 
diberdérr,  dibreder,  fainéant,  59. 
Dicarc'ner  (Le),  «  non  emprisonné  », 

diferla,  difarlea,  déferler,  267. 

difronquein,  ébrouer,  415. 

digeijein,  démêler,  281 . 

digeiza,digeijan,  digccli,  épeler,  280, 
281. 

diguegaff,  épeler,  280,  281. 

dihelhet,  qui  n'en  peut  plus,  294. 

dinask,  qui  n'est  pas  attaché,  415. 

dinaska,  détacher  (les  bêtes  cà  cornes), 
414,  415. 

dinasklein,  détacher  (les  bêtes  à  cor- 
nes), 415. 

dindan,  sous,  3  36. 

dirégnklan,  râler,  417. 

disclery,  il  déclare,  326,  327. 

diskounta,  décompter  ;  guérir  par 
oraisons,  280. 

dleat,  dîj,  263. 

doc'ha,  grogner,  418. 

dorgen,  anse,  296. 

dour  derv,  deur  derv  «  eau  de  chê- 
ne »,  gui,  51-54,  56. 

dreist-dant,  surdent,  83. 

e,  son  (à  lui),  27  1 ,  272. 

-eat,  suff.  de  participes,  263. 

-cet,  participes,  261-263. 

eghina,  germer,  411. 

-el,  infinitif,  263. 


Table  lifs  principaux  mots  étudiés  JcUis  le  tome  A' AT.  45  i 


eliaw,  elio,  ilio,  lierre,  64,  6^. 

élvenn,  étincelle,  71 . 

-en,  infinitif,  265. 

enebarz,  enepuuert(h),  douaire,  267. 

Enezeziau  «  île  du  lierre  »?  65. 

efikeler,  fantôme,  spectre,  feu  follet, 

291-294. 
enklask,  rechercher,  293. 
-enn,  singulatif,  41  7. 
enquelezr,  géant,  290-295,  295. 
enta,  donc,  418. 
-er,  suff.  de  subst.,  287. 
erein,  eren,  lier,  263. 
esât,  essayé,  265. 
eskignat,    heskinat,   iskinat,   agacer, 

provoquer,  irriter,  410,  411. 
estimaff,  istimout,  estimer,  croire,  8 1 . 
-et,  participe,  261 . 
-ev,  -eff,  sufT.  de  subst.,  60,  63. 
even,  juin,  1 30. 

evit,  pour  ;  supérieur  à.  318,  319. 
eza,  donc,  418. 
-ezr,  suff.  de  subst.,  287. 
fantastig,  fantasque.'' fanatique.^  327. 
fede,  alouette,  368. 
feilhètès,  feuilletage,  pâte  feuilletée, 

75- 

feilheùr,  feuillure,  cannelure,  73. 

feillen,  feuille  (de  papier,  etc.);  feuil- 
let, 73. 

fell,  excrément,  70. 

felu-mor,  algue,  69-72. 

fibu,  c'houibu,  moucherons,  70,  71. 

fil:  banal  fil,  genêt  cultivé,  72. 

fil,  intelligence,  idée,  ruse,  adresse, 
truc,  72,  73. 

fila,  ôter,  75. 

fiiach:  ober  f.,  réussir,  74. 

filaj,  filerie  ;  veillée,  74. 

filajein,  filàjo,  faire  la  veillée.  74. 

filajour,  celui  qui  est  à  la  veillée,  74. 

filan,  filer,  décamper,  74. 


fiien,  ruse,  73,  74. 
filennein,  débaucher,  73,  74. 
filennour,  trompeur,  séducteur,  73, 

74- 
filit,  goémon  long  comme  une  corde, 

69-72. 
tilizou  (park),  72. 
tillen,    rayon   (de   miel),   feuille  (de 

papier),  73. 
filo,  céder,  ne  pas  oser  tenir  tête,  74, 

7S- 

filochenn,  retailles,  75. 

filocher,  tilotier,  75. 

filour,  filou,  74. 

filouter,  filou,  74. 

fircin,  filer  dou.x    7^. 

tistoupér,  filotier,  71;. 

flaer,  flear,  fier,  puanteur,  ^8. 

tlaerius,  fleryus,  puant,  58. 

fléye,  puanteur,  ^8. 

fléyuss,  puant,  ^8. 

follenn,  feuille  (de  papier,  etc.),  73. 

forz,  (ne  pas  faire)  cas,  406. 

fouilhe-mard,  scarabée,  266. 

fouilhir,  lierre,  68. 

fouillez,  fcuillée,  68. 

foiiliar,  fouliast,  fouliaù,  lierre,  68. 

frodulant,  perfide,  328,  329. 

fubu,  moucherons,  70. 

fulcnn    étincelle,  71 . 

furor,  furol,  fulor,  fureur,  58. 

gaonac'h.  gaunac'h,  (vache,  femme) 
stérile,  127,  382. 

gaonyen,  vac'.ie  qui  ne  vêle  pas  pen- 
dant un  an,  1  27,  382. 

garan,  grue,  370. 

geler,  bière,  tréteau.x  funibres,  289, 
290. 

gelvel,  gelven,  appeler,  263. 

genou,  bouche,  408. 

geun,  ieun,  marécage,  273. 

gildéau,  lierre,  64,  67. 


4'i2  Tabl<:  Jrs  principuiix  mots  étudies  dam  Ir  tome  XXV. 


gin,  opposé,  à  l'envers;  chagrin, 
mauvaise  humeur,  407-409. 

ginaou,  bouche,  408. 

girin,  prunelles,  67. 

glas,  vert,  61 . 

glasard,  graisset,  61 . 

glesker,  grenouille;  ampoule,  60,  62. 

glin,  genou,  294. 

glued,  sorte  de  redevance,  365. 

gluesque,  gluesquer,  grenouille,  ^8, 
60. 

goall,  gol,  mal,  65. 

goallet,  infirme,  63. 

goanv,  hiver,  1  50. 

goat,  sang,  335. 

goémon,   goumon,   gomoiï,   goémon, 

7>- 
goles,  gaulois,  3 17. 
gouela,  pleurer,  289. 
gouheretT,  juillet,  1  jg. 
gouh  suhun  (er),  les  six  derniers  |ours 

de  l'année,  123. 
goumonat,   gomonat,   aller   chercher 

du  goémon,  72. 
gour-,  manière,  espèce  de,  80. 
gourdeziou,    jours    supplémentaires, 

113,  118,  122,  123,  141 . 
gourhelin,  juillet,  1 29. 
goustiùein,  constiper,  274. 
gouyan,  hiver,  1 50. 
gouzerc'h,  dorade,  414. 
gouzergi,  dorade,  4  1  4. 
groah,  étincelle   qui  éclate,  bluette, 

40. 
guele,  lit,  383. 
Gueie-coumarho,  384. 
gueict,  vu  que,  27  1 . 
guerbl,  tumeur  douloureuse,  bubon, 

glande,  278-283. 
guerblen,  une  tumeur,  279,  281. 
guerp,  marque  (de  lèpre),  278,  281, 

283. 


guescle,  grenouille,  58,  60. 

gueltoguat,  lieu  plein  d'herbe  haute, 
289. 

Guilhelm,  Guiilarm,  Guillaume,  267. 

Guilligomarch,  383. 

guinevel,  est-ce  vraisemblable,  405, 
406. 

guinhezr,  guinhczl,  veneur,  78,  29^. 

guir-hevel,  vraisemblable,  405,  406. 

gwalla,  faire  du  mal,  nuire,  déshono- 
rer, 63,  64. 

gwerz,  vente,  77. 

gwesklev,  gwisklev,  grenouille,  60, 
61,  65. 

gwisiklé,   gwichiklé,   grenouille,    60, 

haddant,  surdent,  83. 

haddorn,  poing,  83. 

Haelcomarch,  384. 

hamsl,  hemel,  semblable,  405. 

halan,  alan.  haleine,  294. 

hanter-kant,  cinquante,   144,   161. 

hahvesken,  vache  qui  passe  une  année 
sans  faire  de  veau,  126. 

haros,  héros,  267. 

hasouez,  honneur,  263. 

héala    conduire  la  charrue,  77. 

Helgoarch,  Helgoualch,  384. 

héraut,  harod,  héraut,  267. 

héré,  octobre,  1 28. 

hersquinaff,  railler,  410,  412. 

heskenn,  scie,  411. 

hezretf,  octobre,   128,  129. 

hillik,  chatouillement,  66. 

hiniù,  hiriù.  aujourd'hui,  65. 

hirio,  aujourd'hui,  65 . 

hisquignat,  heskinat,  agacer,  411, 
412. 

hizieau,  hizieu,  hizio,  hizià,  aujour- 
d'hui, 65,  66. 

hoc'ha,  grogner,  418. 

houc'h,  pourceau,  418. 


Table  des  principaux  mots  ctiidics  dans  le  tome  XXV.  453 


hue,  cape,  297. 

hudurnaig,   hudurnyaich,  saleté,  60. 

hudurnez,  saleté,  60. 

huiérr,  huérr,  égcût,  80. 

huiilasstrour,  filotier,  75. 

-i,  plur.,  61,  63. 

-iez,  suff.  abstrait,  59,  60. 

iffern,  ifarn,  enfer,  268-271. 

ihuelvad,  gui,  ss,  S7- 

ihuelvar,  gui,  S4-57. 

ili,  prunelles,  fruits  de  l'épine  noire, 
66. 

iliau,  lierre,  67. 

iiiavecg,  lieu  oià  il  croît  beaucoup  de 
lierre,  64. 

iliavek,  couvert  de  lierre,  64. 

iliaven,  lierre,  67. 

illy,  cormier,  66. 

ilyavrez,  chèvrefeuille,  67. 

ilyeauenn,  iliavenn,  ilioenn,  lierre,  64, 
6s. 

ioul,  youl,  désir,  284. 

irin,  fruits  du  prunellier,  67. 

irinen,  girinen,  prunellier,  418. 

iselvar,  gui,  56,  57. 

lungortiarc,  384. 

ivin,  givin,  ongle,  67. 

ivonen,  écume,  75. 

-izik,  -idik,  -inik,  -ilik,  adj.,  66. 

jala,  jali,  chala,  chagriner,  se  chagri- 
ner, 7S,  76. 

jaius,  impatient,  chagrin,  chagrinant, 

7 S,  76- 

iobert,  joubarbe,  266. 

kad  e,  il  est  trouvé,  278. 

kaer,  beau,  111. 

kalon  dé,  aigreurs  d'estomac,  416. 

kalounask,  nausée,  415,  416. 

kaloun-losk,  kalon-losk,  aigreurs  d'es- 
tomac, 415,  416. 

kaniù,  kanir,  toison,  67. 

karelik,  belette,  368. 


kein,  dos,  409. 

kelc'h,  cercle.  290-294,  414. 

kelerenn,  keler,  feu  follet,  290,  292- 

29$. 
kemm,  échange,  77. 
Kerbroustec  «  la  ville  au  lierre  «  ?  68. 
Kerdéliaud  «  village  du  lierre  »,  65, 

Kerhilio  «  village  du  lierre  n?  6-j. 

kerhon,  vers  de  charogne,  418. 

kerri,  kerl,  cercle,  414. 

kern,  sabots  de  cheval,  334. 

kerteri,  keltri,  famine,  59. 

kertri,  indolence,  paresse,  59.  ' 

kerzinen,  aiisier,  41  8. 

ket,  (ne)  pas,  277. 

kiler,  kilier,  feu  follet,  292,  294. 

kilia, enchanter, ensorceler,  291 ,  292, 
294. 

kilheri,  ortolan,  277. 

Kilhore,_277. 

kirinen,  alisier,  418. 

ki/idik,  kizilik,  sensible,  66. 

kleri,  cercle,  41  4. 

koanze,  (le)  séant,  262. 

koc'h  bisikiaouet  «  fiente  de  mésan- 
ges »,  chassie,  63. 

kohtam,  poison,  418. 

kontram,  vers  de  charogne,  418. 

kontron,  vers  de  charogne,  418. 

konvcrs,  konverz,  commej-ce,  rap- 
ports, 77. 

korrigan,  nain,  41  2. 

kosigan,  nain  imaginaire,  412. 

kouk  !  coucou  !  278. 

koumcrz,  commerce,  77. 

koun,  chiens,  77,  78. 

krouadur,  kouadur,  enfant,  ^8. 

kroer,  kreur,  crible,  57. 

krwe,  crible,  58. 

laouer,  laour,  bière,  cercueil,  287- 
289. 


454  Table  des  principaux  mots 

laouezr,  laouer,  auge,  pétrin,  285- 
288. 

laur,  douleur,  peine,  288. 

leur,  bière,  cercueil,'  288,  289. 

leur-gar,  leur  c'iiar,  timon  de  char- 
rette, 58. 

leur-gua?r,  leurhé,  aire  d'une  ville, 
58. 

leveret,  vous  direz,  358,  3  39. 

loar,  loer,  loéhér,  louer,  louar,  auge, 
pétrin,  28^-287. 

loberdein,  enjôler,  266. 

loezn,  loen,  bête,  287,  336,  337. 

-loscan,  grenouille?  62. 

louazr,  louezr,  auge,  pétrin,  285- 
287. 

louern,   luern.   louarn,   renard,    268. 

lou/.aouenn  ar  c'halve/.,  achillée, 
mille-feuille,  267. 

ludu,  cendres,  70. 

mad,  ma,  bien,  55,  56. 

maer,  intendant,  majordome,  40. 

maîstronyaich,  autorité,  maîtrise,  60. 

msstronyez,  autorité,  maîtrise,  60. 

magner,  manière,  sorte,  79. 

malazn,  malan,  gerbe,  4. 

maniel,  manière,  sorte,  espèce  ;  air, 
contenance,  79,  80. 

manier,  manière,  sorte,  78-80. 

mar,  si,  tellement,  272. 

maréz,  malé/,  plaine,  272,  273. 

m.iréz,  marais,  273. 

niautguenn,  maousken,  peau  de  mou- 
ton, 296,  297. 

mechal,  je  ne  sais,  76. 

meein,  meyein,  pétrir,  40. 

meheven,  m.'heùen,  juin,  124,  129, 
383. 

mehevenic,  juillet,  1 24. 

melchonenn,  melclicncnn,  trèlle,  417. 

mèlegadur,  rouille,  413. 

meleganet,  (visage)  liàlé,  414. 


étudiés  dans  le  tome  XXV. 

mèlegann,  melegan,  melegant,  verdier 

mâle;    homme    qui    mange    peu; 

homme  blond,  413,  414. 
melenek,  verdier,  413. 
melestrein,  administrer,  295. 
melget,  mèleget,  rouillé;  qui  a  des 

taches  de  rousseur,  413. 
menai,  malan,  gerbe,  4,  294. 
menestin  ;  ur  m.  eutru,  une  manière 

de  monsieur,  S  i . 
meni,  manière,  sorte,  79-81. 
meni-bossennêc,  (fièvre)  putride,  80. 
meniér,  manière,  sorte,  79,  80. 
meni-full,  folâtre,  80. 
méra,  mérat,  pétrir;  manier,  40. 
merci,   m^rgl,    melgr,    rouille,    282, 

285,  41  3,  414. 
mercladur,    rouillure;    rouille,    282, 

41  3. 
merier,   marier,  manière,  sorte,  78, 

79- 
meur,  grand,  grandement,  272,  273. 
meurbet,  beaucoup,  272. 
meza,  pétrir,  40. 
mezeven,  juin,  129,   130,  3S3. 
milguin,  manche,  295 . 
minaql,  miracle,  406. 
miniiuiquen,  mie,  28  1 . 
môr-c'hast,     femelle     du     marsouin, 

414. 
mouchouer,     mouchour,     mouchoir, 

mous,  ordures,  283. 

mousen,  femme  malpropre,  283. 

mozogel,  femme  sale  ;  troisième   é- 

pouse,  283. 
muz,  mue,  297. 
nask,  attache,  416. 
naska,  attacher  (les  bestiaux),  41^. 
ne,  ne  pas,  406. 
0,  en  (f.iisant),  318,  519. 
or  besomp,  ayons,  338. 


Tiiblc  des  pnncifhuix  mots  étudiés  dans  le  tome  XXV.  45  5 


osignanet,  êtres  fantastiques,  malfai- 
sants et  difformes,  4:2. 

-ou,  plur.,  82,  85. 

oualleign,  répandre,  64. 

parounou,  pièces  de  bois  ovales,  at- 
tachées sur  le  devant  du  collier  d'un 
cheval,  296. 

peche'zrien,  pechcryen,  pécheurs,  287. 

pennask,  lien  qui  attache  le  pied  d'une 
vache  à  ses  cornes,  415. 

pennaska,  penaskin,  attacher  la  tête 
d'un  animal  à  un  des  pieds  de  de- 
vant, 41^,416. 

perderi,  prederi,  inquiétude,  59. 

perdri,  souci,  59. 

perdrius,  chagrinant,  59. 

pereillus,  périssable,  558. 

pesquezr,  pesquer,  pêcheur,  287. 

peupli,  popli  :  koad  p.,  du  peuplier, 
80. 

pevarzekved,  14e,  561 . 

pilhoustenek,  (jupe)  dont  les  bords 
déchirés  pendent  en  lambeaux  : 
(poule)  aux  plumes   hérissées,  83. 

pirchirindet,  pichirindet,  pèlerinage, 

59- 
pjederi,  inquiétude,  ^9. 
Pléniar,  Plumcliau,  67. 
pletrin,  pétrin,  auge,  85. 
plok,  ploc,  260. 
posteall,  postal,  courir  la  poste,  3  54, 

33S- 
pouren.  porreau,  418,  419. 
predér,  inquiétude,  59. 
predi,  inquiétude,  ^9. 
pridiry,  pidiri,  inquiétude,  ^9. 
queheziou,  nouvelles,  286. 
quen,  peau,  296. 
quen,  aussi,  326. 
quillorou,  avant-train  d'une  charrue, 

293,  294. 
quynnet.  torture?  406,  407. 


rannet,  reannèt,  grenouilles,  413. 

recign,  rechigné,  chagrin,  409. 

régnklen,  râle,  417. 

rekin,  (le)  rebours  ;  bizarre,  409,  4 10. 

renvoin,  il  renvoie,  5^7. 

revr,  reij,  derrière,  58. 

richinafT,  richinnat,  rechigner,  409, 
410. 

rinkin,  rechigné,  chagrin;  rire  mo- 
queur, 409,  410. 

risign,  rechigné,  chagrin  ;  ris,  rica- 
nement, 410. 

riskignal,  ricaner,  4  10. 

riskign-riskign,  ricanemenV  continuf  1, 
410. 

Robert,  Robart,  Robert,  266,  267. 

rcc'ha,  ronfler,  râler,  418. 

rofikel,  râle,  417,  418. 

ronkonel,  rokonel,   roukounel,   râle, 
417. 

Roperz,  Roparz,  267. 

rouzegafin,  verdier  femelle,  41  ^ 

rus,  f>"inte,  297. 

saveteat,  sauvé,  265. 

sermon,  zarmon,  sermon,  267. 

servich,  service,  330. 

seulenn,  seine,  295 . 

seuzl,  seul,  talon,  286. 

sifern,  sivarn,  rhume,  268. 

siffoc'hel,  sarbacane,  276. 

sifoc'h,  encornet,  27s,  276. 

sivyen-red,  eufraise,  66. 

skignan,  grenouille,  412,  413. 

skin,  rayon,  412. 

•skîn,  animal   difforme   qu'on  dit   né 
d'une  femme,  415. 

Soison.  Soissons,  5 1  6. 

soroc'ha,  grogner,  grondvT,  quereller, 
418. 

soroc'hel,  vessie  pleine  de  pois,  418. 

start,  sterd,  ferme,  fort,  266. 

stem,  starn,  châssis,  271. 


456  Table  des  principaux  mots  étudiés  dans  le  tome  XXV. 


sternaff,  préparer,  271. 

stevia,  boucher,  étouper,  273. 

stifellek,  encornet,  275,  276. 

stiff,  courant  d'eau  douce,  275. 

stiùaj,  séparation  de  la  charge  d'un 
navire,  273,  274. 

stivel,  stifFel,  stichel,  lavoir;  source 
tombant  d'un  rocher,  274-276. 

stovel,  ornière,  276. 

sultant,  sultan,  3  18. 

talareg,  lançon,  286. 

talazr,  tarière,  286. 

talèrek,  (yeux)  perçants,  286. 

tazeni,  agacer  (les  dents);  émousser 
(un  outil),  416. 

tazon,  rassasié  ;  dégoûté  (d'un  tra- 
vail), 416. 

tazoni,  tazeni,  agacer  les  dents,  41  6. 

-tiern,  Tiarn,  chef,  268. 

timuttasg?  3 18. 

tirlër,  tirlë,  le  cheval  du  milieu  de 
l'attelage,  ^8. 

Tonouloscan  «  vallée  de  la  grenouil- 
le »?  62. 

tosonaff,  tosona,  agacer  les  dents,  4 1  6. 

Toul-Chiannet,  Toul-Chiganet  «  trou 
aux  grenouilles  »,  41 5. 

toul-hui,  trou  d'un  fossé  pour  attirer 
l'eau,  80. 

touriganet,  nains  imaginaires,  412. 

tourjouna,  agacer  les  dents,  416. 

traezcr,  entonnoir,  287. 

treah,  urine,  41  7. 

trechala  :  en  cm  drechala,  en  cm  dre- 
chali.se  préoccuper,  76. 

tréchon,  trechann,  trénchon,  oseille, 
4,6.  ^ 

trechonein,  agacer  les  dents,  416. 

trec'hwezi,  souffler  foitenicnt  et  avec 
effort,  76. 


tregont,  trente,  361 . 

trenc,  treank,  tringnk,  aigre,  acide  ; 
(lait)  caillé,  416,  417. 

trench  koukoug,  sorte  de  primevère, 
417. 

trevad,  moisson,  i  28. 

tri,  trois,  277. 

tric'hwec'h,  dix-huit,  144. 

trihori,  sorte  de  danse,  276,  277. 

trinchin,  trihchen,  oseille,  416, 
417. 

troaz,  troeh,  urine,  417. 

trubard,  fourbe,  traître,  faux  pauvre, 
264-2Ô6. 

trubardi,  tromper,  gueuser,  264,  265 . 

trucha,  tromper,  gueuser,  265. 

trufla,  gueuser,  tromper,  26^. 

tu-gin,  tuin,  tuein,  envers,  407,  409, 
4  10. 

turzunel,  turzulen,   tourterelle,  294. 

ty,  maison,  82,  83. 

-u,  70. 

uhelvar,  gui,  54"S7- 

ulven,  étincelle,  7  1 . 

verbl,  phlegmon,  inflammation,  bu- 
bon, 278,  279,  28  I . 

voint,  ils  seront,  3  20,  321. 

yelchier,  bourses,  294. 

yeulc'h,  fiancée,  284. 

yncarnel,  charnel,  526. 

yorhéz,  chevrette,  284. 

youlc'h,    celle    qui    aimj    la    danse, 

28v 

youlc'hen,  graine  abâtardie,  285. 

yourc'h,  chevreuil;  biche;  tille  lé- 
gère ;  (jument)  stérile  ;  abruti, 
brute,  284,  285. 

yourc'hes,  biche;  femme  de  mauvaise 
conduite,  284. 

yùnioii,  plaines,  273 . 


ERRATA 


P.       5,  1.    10,  1 1,  nu  lieu  de  chapitre  vu,  lisez  chapitre  vi. 


—        êtes 

—    serez. 

—        esiis 

—    eiitis. 

—       filii 

—    in  filios, 

P. 

62,    1 

•   14, 

folosgi,  lire  golosgi. 

p. 

64,  1 

■    '4, 

iRi  HÙ,  lire  HiRiù. 

p. 

81,  1 

1.    18, 

c'hnisllm.  lire  c'htù. 

itiin. 

p. 

:8o,  1 

•   29, 

aigciza,  lire  digeiza. 

p. 

282,  1 

■     9, 

inséparable,  lire  sép; 

jrabie. 

Revue  dUque,  XKV.  31 


CORRECTIONS  AND  ADDITIONS 


REV.    CELT.    T.    XXIV 

P.    284,  1.      I,  after  Beann  /;mT/ Atharni  7  roinursad. 
405,  I.   10,  {or  •zvaebda  read  aebda. 

REV.    CELT.    T.    XXV 

P.    232,  1.     9,  transfert  /o  déponents. 

11.  20,  21,  22,  read  The  réfutation  by  S.  Gregory  the  Great  of  an 
heretical  opinion  of  Eutychius,  §  19,  is  mentioned  hj 
Baeda,  Hist.  ecch,  lib.  2,  c.  i.  For  this  correction  I  am 
indebted  to  the  Rev.  Charles  Plummer. 
233,  note  2,  1.  6, /or  desenes  rra^/ deserves. 
239,  1.    II,  for  for  mand  read  form  and. 

1.    14,  af  1er  ûnxly  insert  y Q-àYS,. 
241,  1.   12, /or  trace  sofrmf?  traces  of. 

1.   20,  for  will  not  be  read  are  not. 
243,   1.   21,  for  Eutyches  read  Eutychius. 

249,  1.     4,  add  a  note:  So,  according  to  'D-in\.è(Devulgari  Eloqnio),  the 
angels  communicate  intuitively.  And  see  Revue  Celtique,. 
t.  XX,  p.  174,  1.  9. 
1.   16,  /or  through  r^arf  throughout. 
255,  1.   18,  for  numerous  read  usual. 
1.   35,  after  renewal  insert  too. 

255,  11.  5  and  6,  for  There  i-ead  Then. 

256,  1.   10,  after  and-all  insert  (for  and-tall,  Strachan). 
last  line,  for  carcair,  prison  read  carcar  prison. 

257,  I.     8,  îor  equally  large  read  of  eqiial  si^e. 
1.   39,  dele  a  sage. 

2)8,  1.      5,  from  bottom,  after  pron.  insert  of  sg.  3  fera,  ro-s-iathgé  19.. 
259,  1.    18,  for  -liniiuU  read  Icniiid} 

W.  S. 


Les  ouvrages  dont  les  titres  suivent  sont  récemment  parvenus  à  la  rédac- 
tion de  la  Ri-viie  Celtique.  Il  en  sera  prochainement  rendu  compte  : 

Patrick  S.  Dinneex.  An  irish-english  Dictiouary,  publication  de  l'Irish 
Texts  Society.  Londres,  David  Nutt,  in-S",  802  pages. 

Henry  Jenner.  A  Handbook  of  tbe  Cornish  Latiguage,  chiefly  in  its  latest 
Stages,  u'ith  sonie  acconnt  of  its  History  and  Literature.  Londres,  David  Nutt, 
in-80,  XVI,  208  pages. 

W.  J.  W.\TSOX,  Place  Naines  of  Ross  and  Croniurty.  Londres,  David  Nutt, 
in-80,  Lxxxvi,  302  pages. 

W.  Kr.\use,  Die  Keltische  LJrbcvôlkerting  Deutschlands.  Erldcirung  dei 
Namen  vieler  Berge,  Wiilder,  Fliïsse,  Bâche  und  Wohnorle.  Leipzig,  Paul  Eger, 
in-8",  V1-135  pages. 

Yves  Berthou,  Dre  an  delen  hjg  ar  c'horn-houd.  Paris,  Le  Dault,  in-12, 
213  pages. 

J.  Rhys,  Early  Britain,  Celtic  Brilain,  3-^  édition,  Londres,  Society  for 
promoting  Christian  Knowledge,  petit  in-8,  xvi,  239  pages. 

Camille  Jullian,  Recherches  sur  la  religion  gauloise,  Bordeaux,  Ferct, 
in-8,  1 1 1  pages. 

J.  Rhys,  Sludies  in  early  irish  History  froni  the  Proceedings  of  the  Brilisb 
Acadeniy,  vol.  I,  in-8,  60  pages. 

Antoine  Thomas,  Nouveaux  essais  de  philologie  française,  Paris,  Bouillon, 
petit  in-8,  xii,  416  pages. 


Le  Propriétaire-Gérant:  Veuve  E.  Bouillon. 


Chartres.  —  Imprimerie  Durand,  rue  Fulbert. 


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