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http://www.archive.org/details/revueceltique43pari
REVUE CELTIQUE
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FONDÉE
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PAR
H. GAIDOZ
1870-188 s
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CONTINUÉE PAR
D'A R BOIS 1)1- JUBAINV1L
1886-1910
tri
LE
G. DOTTIN
D IIIIGKF. PAU
J. LOTH
Professeur nu Collège de France
Membre de l'Institut
AVKC LE CONCOURS DE
F. KKNAULT
J. VENDRYES
Doyen de la Faculté des Professeur honoraire à la Faculté Professeur à la Faculté
Lettres de Rennes des Lettres de Poitiers des Lettres de Paris
ET DE PLUSIEURS SAVANTS FRANÇAIS ET ÉTRANGERS
Année 1926. — Vol. XL III
1926
Reprinted with the permission of the original publishers
KRAUS REPRINT LTD.
Nendeln, Liechtenstein
1966
2 7 1968
Printed in Germany
Lessing-Druckerei, Wiesbaden
FORBUIS DROMA DAMHGHAIRE
INTRODUCTION
Le récit que nous publions ici ' est extrait du Book of Lismore 2,
fos 126 a i — 140 a 2, d'après Stokes (JLifes of Saints) ou fos
168 a i — 182 a 2, d'après la numération que porte le manu-
scrit. Celui-ci se trouve actuellement déposé à la bibliothèque
de Chatsworth House (Derbyshirè). Il en existe à Dublin quatre
copies. Trois copies conservées à la Royal Irish Academy :
i° Une copie delà main d'O'Curry, f° 169-176. Cette copie
s'arrête au milieu du § 70.
20 Une copie du xixe siècle, R.I. A 23 c 6 (et non 23 c 16,
comme l'indique d'Arbois de Jubainville, Catalogue, p. 141).
Cette copie s'arrête également au milieu du § 70.
30 une copie de la main d'O'Longan f° 176 a 1 — 182 a 2
qui donne le texte depuis le point où s'arrête la copie
d'O'Curry jusqu'à la fin.
Enfin une copie complète de la main d'O'Longan, qui est en
la possession du Dr Douglas Hyde 2.
Le Book of Lismore est seul à nous conserver le texte du For-
1. Avec V autorisation de S .G. le duc de Devonsbire, propriétaire des droits
de reproduction du Book of Lismore.
2. Ce nous est un. plaisir de remercier ici les maîtres qui ont bien voulu
revoir ce texte, soit en manuscrit, soit en épreuves : le professeur
E. J. Gwynn et le Dr O. Bergin ; il n'est pas une page qui ne doive infi-
niment à leurs observations érudites ; qu'ils trouvent ici l'expression de notre
gratitude. Le Dr Douglas Hyde nous a aimablement communiqué la copie
en sa possession du Book of Lismore. M. Thompson, bibliothécaire à
Chatsworth, nous a obligeamment facilité l'accès au manuscrit original.
Revue Celtique, XLIII.
1*
: M. L. Sjocsledt,
buis Droma Dambghaire. D'après Arbois de Jubainville (Cata-
logue, p. i |i) et Stokes (Lifes of Saints from tbe Book of Lis-
moi, \ XXXVI), un autre texte de ce récit se trouverait dans
le Book oj Lecan, f° 167. En fait le Book of Lecan ne nous con-
serve là qulune courte note sur Fiacha Muilhthan, note où se
trouve relatée en' quelques, lignes, après la conception et la
naissance de ce prince, la guerre qu'il soutint contre Cormac
mac Airt, et qui fait l'objet du présent récit (cf. Stokes RC.
XI, 41-45)-
Le « Siège de Druim Dambghaire » se situe, dans l'ensemble de
la littérature épique irlandaise, parmi une série de textes de
même type. On sait que les récits épiques irlandais se répar-
tissent en différents cycles : cycle mythologique, relatant les
aventures de la Tuatha De Danann ; cycle d'Ulster dont les
principaux héros sont Cuchulinn et le roi Conchobor; cycle
ossianique, consacré à Finn, a Ossian et à leurs compagnons;
à cela viennent s'ajouter une série de cycles secondaires qu'on
peut réunir sous l'appellation générale de « Cycle des rois ».
Un grand nombre de ces récits mi-historiques, mi-légendaires
ont trait aux règnes de Conn Cetchathach roi de Connaught
(vers l'an 170 de notre ère) et de son petit-fils Cormac mac
Airt, grand roi d'Irlande de l'an 227 à l'an 266 de notre ère,
d'après les annales des Four Masters {d. Best, Bibliography of
Irisb Littérature, pp. ioé et 108). C'est au cycle de Cormac
mac Airt que se rattache le récit du « Siège de Druim Damh-
ghaire ».
Dans quelle mesure ce récit nous conserve-t-il le souvenir
d'événements historiques ? Ceci est malaisé à délimiter. Pour
quelques paragraphes du début nous pouvons comparer notre
texte avec les passages correspondants des annalistes. La
bataille de Magh Mucraimhe (A.D. 195) nous est connue par
ailleurs, et par les annales et par l'épopée (d. Catb Maige
Forbuis Droma Dàmhgbaire.
Mucrima, éd. Stokes, RC, XIII, 426-74). Le caractère de
Cormac tel qu'il nous apparaît au début de ce récit (§ 2, 6,
7), juge et roi, soucieux de légalité et préoccupé de géogra-
phie administrative, concorde bien avec ce que les Four Mas-
ters (A.D. 227) nous apprennent de ce roi, qui, le premier,
fixa les règles du droit, recensa les royaumes et seigneuries
d'Irlande, et régla leurs rapports fiscaux.
En revanche, pour la suite de ce récit, la comparaison avec
les annalistes nous fait défaut. Ni les Four Masiers, ni Tigher-
nagh ni aucun autre annaliste dont nous ayons eu connais-
sance ne fait allusion à une expédition de Cormac mac Airt
contre Fiacha Muillethan, roi de Munster. Si l'on songe à la
minutie avec laquelle les batailles livrées par Cormac sont énu-
mérées dans les Four Masters, le fait paraît surprenant. Doit-
on l'expliquer par le caractère entièrement légendaire de cette
expédition ? ou par la répugnance des historiens de Leath
Cuinn à relater une victoire de Leath Mogha ?
A défaut des annales, l'Histoire d'Irlande de Keating nous
conserve le récit du Siège de Druim Damhghaire (II, 3 18-322).
Sa source principale paraît au reste être le texte du Bookof Lis-
more, qu'il suit exactement en l'abrégeant et en retranchant
beaucoup du côté merveilleux de ce récit. Sur quelques points
cependant il semble que Keating ait eu d'autres sources. Ainsi,
tandis que dans le texte de Lismore les druides alliés de Cor-
mac viennent de Sith Cleitigh, sur la Boyne (§21, 44), d'a-
près Keating ces druides seraient Ecossais (II, 318, draoiîhe
Albanacha 'n-a fochair ann).
Il est également impossible de préciser la date à laquelle a
pu être composé ce récit. Le manuscrit dans lequel il nous a
.été conservé est du xve siècle, mais le Forbuis est déjà men-
tionné dans la liste de récits épiques du Book of Leinster
(f° 189 b). Il existait donc déjà une version de ce texte, dès la
4 M. L. Sjoestedt.
première moitié du xne siècle. Rien ne prouve au reste que
cette version soit celle qui nous est conservée par le Boolc of
Lismore. En fait, le récit tel que nous le publions ici semble
avoir été sinon composé du moins rédigé à une date sensible-
ment plus basse. Il serait intéressant de rechercher et de dater
les allusions et les références au « Siège de Druim Damhghaire »
qui peuvent se rencontrer dans la littérature médiévale irlan-
daise. Sans doute ne seraient-elles pas bien nombreuses. Les
noms de la plupart des héros de ce récit, exception faite des
personnages historiques, semblent inconnus par ailleurs, et
les répertoires onomastiques que nous a laissés le moyen âge
irlandais (e. g. Côir anmann) ne les mentionnent pas. Cepen-
dant le distique cité § 63 prouve (si du moins Cormac le Glos-
sateur en est bien l'auteur), que Mogh Ruith avait déjà sa
légende à la fin du ixe bu au début du xe siècle.
Quelle que soit la date de composition de ce récit, il nous
conserve assurément le souvenir de bien des coutumes et des
croyances anciennes. Malgré quelques références à la magie
orientale et au folk-lore chrétien (cî. § 83, 97, et § 5*9, où
apparaît à côté du nom de Simon le Magicien celui de l'apôtre
Pierre qui aurait contribué à l'instruction de Mogh Ruith dans
l'art magique § 113, rhétorique) le fond en est purement irlan-
dais et païen. O'Curry, dans ses Manuscript Materials et dans
ses Manners and cusloms a signalé à plus d'une reprise l'im-
portance de ce texte si riche en détails curieux et inédits sur
l'art druidique et les pratiques et superstitions diverses s'y
rattachant.
Le « Siège de Druim Damhghaire » fournit par ailleurs bon
nombre d'indications sur la topographie de l'Irlande médiévale,
indications d'autant plus précieuses qu'à côté du nom usité à
l'époque où fut rédigé ce récit figure le plus souvent le nom
usité antérieurement. Ces données ont au reste été utilisées par
Forbuis Droma Dambgbaire. 5
Hogan dans son Onomasticon. Nous n'avons pas jugé utile de
rappeler dans YIndex des noms géographiques qu'on trouvera à la
fin de cette édition les identifications de lieu possibles, et nous
renvoyons ici une fois pour toutes à l'ouvrage de Hogan.
La langue du Forbuis Droma Damhghaire, ne donne lieu à
aucune observation particulière. Elle est sensiblement la même
que celle qu'a décrite Wh. Stokes dans ses Lifes of Saints from
tbe Book of Lismore. Toutefois, comme il fallait s'v attendre, le
texte épique conserve, de-ci de-là, quelques formes et for-
mules archaïques qui tranchent sur l'aspect moyen-irlandais
de l'ensemble. Citons sethfaind, pour sefaind, prétérit de senn-,
§ 4 ; dotraei : § 7 ; nit ain, § 28.
La langue des rhétoriques est plus difficilement analysable,
le texte en étant souvent inintelligible, et probablement par-
fois corrompu. Aussi avons-nous rejeté en appendice les mor-
ceaux lyriques de ce genre, sans même excepter ceux qui sont
partiellement intelligibles.
§ 1. Introduction : naissance et avènement de Cormac mac
Airt et de Fiacha Muillethan. — § 2-5. Aengus mac ind Oie
apparaît à Cormac et lui prophétise ses futurs revers. — § 6-8.
Les troupeaux de Cormac étant décimés par une épidémie,
celui-ci, pour réparer cette perte, décide de réclamer une con-
tribution considérable à la province de Munster, sous des pré-
textes légaux. — §9-11. Les Munstériens refusent de se sou-
mettre aux exigences de Cormac et se préparent à la guerre. —
§12-18. Cormac interroge sesdruides, Cithach, Cithmor, Cecht,
Crota et Cithruadh, quant au succès de son expédition en
Munster. Ceux-ci lui prédisent une issue funeste. Dépit de Cor-
mac. — § 19-22. Cormac trouve une alliée en Bairfhinn Blaith,
fille du roi de Sidh Buirche qui, éprise de lui, lui promet l'aide
de ses deux druides : Colptha et Lurga, et des trois magiciennes
6 M. L. Sjoestedt.
Errgi, Eanget Engain. — § 23-37. Fort de cet appui, Cormac se
met en route. Il campe successivement àComarna Cuan, Ath
în tSloigh, Formael na Fian, Ath Croi. A chaque étape undeses
druides sort du camp pour prendre les auspices et rencontre
un druide étranger avec lequel il s'entretient. — § 38-41. Cor-
mac arrive à Cnoc na Ccnn(= Druim Damhghaire) où il éta-
blit à grand'peinc son camp. — § 42. Les druides de Cormac
exhaussent par leur art la colline où il a établi son camp. —
§ 43-44. Les Munstériens se préparent à combattre les cham-
pions de Cormac. — § 45-47. Combats singuliers entre Colp-
tha et Finn, Lurga et Failbe. — § 48-50. Combat entre Errgi
Eang et Engain, transformées en brebis, et les troupes de
Munster. Défaite des Munstériens. — § 5 1 — 5 3 . Les druides de
Cormac cachent les sources de Munster, et les Munstériens
succombent à la soif. — § 54-57. Les gens de Munster sont
prêts à accepter les conditions rigoureuses que leur fait Cor-
mac quand Dil vient leur conseiller de demander l'aide du
druide Mogh Ruith. — § 57-63. Dil vient trouver Mogh Ruith
de la part des gens de Munster. Celui-ci pose ses conditions,
qui sont acceptées. Il se prépare à partir pour Cenn Claire. —
§ 64-67. Mogh Ruith, accompagné des seigneurs de Munster,
parcourt différents domaines et fixe son choix sur la baronnie
de Fermoy, qu'il recevra comme prix de ses services. — § 68-
72. Mogh Ruith charge ses élèves de délimiter pour lui son
domaine. Trahison de ceux-ci. On achève de régler les autres
dispositions du traité. — § 73-76. Mogh Ruith fait jaillir à
nouveau les eaux en Munster. — § 77-81. Mogh Ruith abaisse
la colline exhaussée par les druides de Cormac et, avec l'aide
de Gadhra, frappe de panique l'armée de Cormac. — §82-89.
Colptha vient provoquer les gens de Munster. Cennmar le
met à mort, avec l'aide d'une anguille magique, née des sor-
tilèges de Mogh Ruith. — § 90. Mogh Corb apporte la tête
Forbnis Dronia Damhgbaire. 7
de Colptha à Mogh Ruith. — § 91-95, Cennmar vainc ci tue
Lurga avec l'aide de l'anguille magique. — § 96-103. Lesbre-
bis viennent de nouveau combattre les Munstériens, mais Mol'Ii
Ruith leur oppose trois chiens magiques qui les mettent en
fuite, les atteignent après une longuepoursuite et lesdévorent.
— § 104-107. Cormac cherche à détacher Mogh Ruith du
parti deFiacha, mais celui-ci repousse ses offres. — § 108-109.
Mogh Ruith rend visite à la druidesse Banbuanana, qui lui
prédit la victoire des gens de Munster. — § 110-117.
Cithruadh allume un feu druidique pour l'armée de Cormac.
Mogh Ruith en allume un pour l'armée de Hacha. Après un
long combat le feu de Fiacha triomphe, et les flammes se
tournent vers le Nord. — § 1 18-121. Mogh Ruith poursuit
l'armée de Cormac en déroute. Il métamorphose en pierre
Cecht, Crota et Cithruadh. Il s'arrête enfin à Sliabh Fuait, où
les vainqueurs dictent leurs conditions. — §122 sq. Connla,
cousin germain de Fiacha, est élevé auprès de Cormac. Par
quel stratagème Cormac lui persuade de tuer son cousin Fia-
cha. Mort de Fiacha.
M. L. Sjoestedt.
TEXTE
1. [O'Lurry 169 a 1] Dâ saorclaind socheneoil batar ind
Erinn; as iat luatter o sunnamach .i. Fiacha Muilleathtfw rrmc
Eoguin dalta Moga Ruith 7 Cormac mac Airt mheic Cuinn.
Ocus ' in oenlo ro marbait a dha n-athair i cath Mucraimhe ;
ind oenlo a m h doronuit .i. in Mhairt re ndul a cath Muighi
Mucraimhe2; ind oenlô aili rucait .i. in Mhairt i cind secht
mis on Mairtsin 7 dano da sechtmhisaigh iat diblinaibh.
Ro ghabh Cormac righi nEireww fria ré foda ; i cinn treill
iarum ro ghabh Fiacha righi Mhuuuw fria linn Cormaic.
2. No bidh cach oc tuaruscbtf// tighi Oznghusz mac ind oicc
do C\\ormac. " Nu confir eider sin "ar Cormac. "Cidh on ?"
ar siatt. " Damad fir " arse " na chu bheinn-si itigh scrutain
ghaeisi m'aonar, amal bim, gan tiachtain uadha-som dom fis-
sa no gan a thiachtain fein ". Or is amluid no bid Cormac
i tighibh ruin a aonar ag breith breitbe, ar ba he fein fa bn-
//wamh dho ; sesiumh hnmorro 7 Cairbre Liffieachair 7 Fith/7
ro chuirs*/ ïirhretha. 7 senchw^ artus. Ro hindis^/ d'Aonghus
sin 7 ro ghab tus a fesa 7 a eoluis ar forfidir as d'fiafraighidh
neith de bai in fer z.m\aid sud ica eileaghadh, 7 ro faillsigcd
d'Aonghus sin. Ocus tainic la n-oen isin tech i raibi Cormac 7
nir forbonn 3 do in cruth 7 intecasc i tainic mar bud amhus
do amhsaibh Cormaic thised ann 7 do suidh isin leith ba sia
o Chorwrtrdon tigh.
1. Nous employons ocus\k où le ms. a le sigle pour et ; 7, seulement là
où le ms. a 7.
2. A.D. 19s.
3. Nous traduisons comme s'il y avait forlonn.
Le siège de Druiw Damhghaire.
TRADUCTION
1. Deux nobles rejetons de bonne race vivaient en Irlande:
c'est d'eux qu'il sera question dans la suite de ce récit : Fiacha
Muilleathan mac Eoguin, disciple de Mogh Ruith, et Cormac
mac Ain meic Cuinn. En un même jour périrent leurs pères
à la bataille de Mucraime ; c'est aussi le même jour qu'ils
furent conçus, le mardi qui précéda le départ pour la bataille
de Mag Mucraime ; c'est le même jour qu'ils naquirent, le
mardi qui suivit de sept mois ce mardi-là, si bien que tous
deux étaient des enfants de sept mois.
Cormac accéda au trône d'Irlande, qu'il devait occuper long-
temps ; quelque temps après Fiacha accéda au trône de Muns-
ter, du vivant de Cormac.
2. Tout le monde décrivait à Cormac la demeure d'Aengus
mac ind Oicc. « Il n'y a pas un mot devrai là-dedans », dit
Cormac. — « Pourquoi donc?» dirent-ils. — « Si c'était vrai»,
dit-il, « je ne serais pas ainsi dans la demeure où j'approfondis
les principes de l'art, seul, comme j'ai coutume de l'être, sans
que personne vienne me voir de sa part, et sans que lui-même
vienne ». Car Cormac se tenait dans des demeures de seertt,
seul, décidant de cas judiciaires, car il était juge en même
temps que roi ; c'est lui,.Cairbre Liffechair et Fithel qui fixèrent
les premiers les règles de la procédure et du droit.
Ces propos furent répétés à Aengus; il fit appel à toute sa
science et à tout son art, car il prévoyait que c'était pour l'inter-
roger sur quelque sujet que Cormac le réclamait (cela lui avait
été révélé par divination). Et il vint un jour dans la maison où se
trouvait Cormac ; son apparence et son équipage n'avaient rien
que d'ordinaire lorsqu'il entra, comme si c'avait été un des'
mercenaires de Cormac qui entrait. Et il se tint dans la partie
de la maison la plus éloignée de Cormac. Celui-ci renvoya sa
cour (?) et demanda :
in M. !.. Sjoesledl.
3. ImkIIi imniorro gach flaitli 7 ro faxfaigh [C6]rmacl :
" lu bhad tu in fer do bimisd'eileagadh ? " " As me amh ",
.11 Aeng//5 " agus cidli uma ndernais mh'e'ileagadh ?" —
" Air badh//i duit do fiafraigid dliiod mh'imthusa ma ro ret-
rais " . — " lia tetur " or se. — " In mbia tnrblirod oram-
sa ? " ar Cormac. — " Biaidh amh ", ar Aenghas 7 t//câdh
do ragha dhuid ; in a tus 110 a medon no in fa dheoigh rag/«
fort in turbrod soin ? — " Tabar maitli ar tus 7 fa deoigh
dhamh " ar Cormac, " 7 intan bits fearr mu righi, a medhon
[169 a 2J mlvaeisi, tabhar c\&ochlâlb ar mu rathaz'/V;; 7 cia rct
citer ? " ar Cormac. " Tria funirbthe | . . . . ) " ar Aeng/tf :
" Boidhith do thiar///ain red linn eu mba hizTaidh2 en bho i
Finnib 7 Luaidnib 7 i seacbt colamnuib na Temhrach 7 it
portaibh-si fadesin ". — " Cia rct as-a tic damh-sa sin ? '" ar
Cormac. " Ni atbe/'-sa fiït-sa sin", ar Aengns, " achl aenni
adi'rim rit : do mhaiene fein do tabhuirt dot reir 7 gan
coniairli do mua na do mogfld na do rechtaire do dhenamh ".
Ocns ro ceileabuir iarsin do Cormac 7 ro imthigh don Brugh.
4. Ocus do chan Cormac in laid ag tabuirt tuarusebrt/a an
oglaigh da mhuinntir.
Tarfas ; dam h ar bru Temraclr oclacaluinn ildeallb^ch.
Caeime ina gach caem a crutlv timthugach oir na edguth.
Timpan 4 aircit an-a laimlr fa h-or derg teta an ùmpain.
Binne ina gach ceol fo nimlr foghur tet an timpain sin.
Fleasc gu cairche ced-ceo\ cain. uasa chinn fo dha n-enaib.
7 na h-eoin (nir mhodh mer)- bitis oc a airpheitedh.
Do suidh acum eraim ngrinn* sethfaind > dam in ceol
caeinbhinn.
1. Le ms. porte : fiarfaigh, puis dr, r étant surmonté du tilde. Ou peut
comprendre fiarfaigheadar mais le singulier faxfaigh concorde mieux avec
dernais qui suit, et avec le sens général du passage.
2. Litt. « si bien qu'on cherchera un bœuf » v si bien qu'il n'y aura plus
un bœuf ». Pour cette locution peu commune cf. § 67.
3. Cf. O'Curry, Manners, III, 361-2, pour une traduction dece passage.
4. Le tympan était un instrument à cordes. Cf. O'Currv, Manners, I,
498.
5. Sethfaind. Sans doute faut-il reconnaître dans cette torme le vieux
prétérit sefaind de senti-.
Le siège de Druitn Damhghaire. 1 1
3. « Es-tu celui que nous réclamions ?» — « Oui », dit Aen-
gus, « pour quelle raison m'as-tu réclamé ?» — « Parce que je
voulais t'interroger sur ce qui m adviendra, si tu le sais ». —
« Je le sais », dit-il. — « Éprouverai-je des revers ? » dit Cor-
mac. — « Oui », dit Aengus, « tu as le cnoix : préfères-tu les
éprouver au début ou au- milieu ou à la fin de ton règne ? »
— « Accorde-moi la prospérité au début et à la fin », dit Cor-
mac, «et lorsque mon règne sera à son apogée, au milieu de ma
vie, que l'épreuve s'abatte alors sur mes domaines ; de quoi
s'agit-il au juste ? » dit Cormac. — « [ ] », dit Aen-
gus. « Il surviendra de ton vivant une telle épidémie sur le
bétail qu'on cherchera en vain un seul bœuf dans les pays des
Finn (?) et dans le Leinster et dans les sept tribus de Tara et
dans tes propres villes ». — « Quelle en sera la cause ? » dit
Cormac. — « Je ne te le dirai pas », dit Aengus, « mais il est une
seule chose que je te dis : ne prends en considération que ta
propre volonté, et ne suis aucun conseil de femme, d'esclave ou
d'intendant » . Là-dessus, il prit congé de Cormac et s'en retourna
à Brugh.
4. Cormac récita ce poème en décrivant le jeune homme à
sa suite :
Il m'est apparu sur la frontière (?) de Tara un jeune homme
beau et bien fait. Supérieure à toute beauté est sa beauté ;
une broderie d'or orne son vêtement.
Un tympanon d'argent est dans sa main, les cordes du
tympanon sont d'or rouge. Plus mélodieux que toute musique
sous le ciel est le son des cordes de ce tympanon.
Il a un archet de crin qui fait résonner cent douces musiques ;
au-dessus (du tympanon) sont deux oiseaux. Et ces oiseaux, de
façon qui n'est point sotte, étaient en train de jouer du tym-
panon.
Il s'assit près de moi, de façon aimable, en me jouant une
musique mélodieuse et douce, puis il apparut ; si
bien qu'une ivresse s'empara de mon esprit.
Je fais une prophétie véridique, juste, quoiqu'il ne sera pas
juste de l'écouter. Que ce qu'il a dit vous plaise ou non, tout
ce qu'il a prédit s'accomplira.
Elle m'a rendu impatient de toute compagnie, la brièveté de
12 M. L. Sjoeslcdl.
Tarfaidh co raithrenn iarsoiir ba hedh medhrâd dom men-
moin .
Donim-si faitsine bhfïs' coir gin gur ba coir eisdeacht fris ■ ;
Gidh ok maith libh a n-atbm- ticfa gach ni ro tharngert.
Domgni doghrach fiad gach drong' a ghairdi ro an acom ;
Bronach oram ga dhul as" fai/zd lim in trath tarfas. Tarfas.
5. Gabus Cormac in-a righi osin amach eu tainic in bodhith ;
ger amiiMi d'idiu Cortnac, ni ro rathaigh in bodhith no gu
tainic, ar is de ro bhui i cinniud soudh aflaithiwafair. Tucadh
tra a chana dWgid do Cortnac in bliaga/n-sin as gach cuicedh
do cuig cuig^duibh E'\renn, .i. nai fichit bo as gach cuicedh ;
ro foghuil Comme in cain-sin fo seacht primhtuat/WM; na
Teamhrach, ar dochoidh dith for a mbuaibh 7 nir facaibh laim
ar cula aigi cen fogail.
6. [169 b 1] Intan tairnic la Corm#c foghuil na mbo is ann
tainic a reachlaire .i. Maine Mibriarach mac Miduaith. —
" A Cormaic, arfoghluisna bu ?", arse. — " Ro foghltt5",ar
Cortnac. — " Nu chon te/ur-s-a eim ", or in reachtùre, " ni
notimfuilngedh-sa re enoidhcheocimacallawz/?* tigh Themh-
rzch mad re hais mbo dob^rur toeb duit. Ocus iss ed foderason
ar ro dhhiged h'airgadha-sau'ûï" . Ro chuir socht ar Chorw^rin
ni-sin 7 ro raidh. — " Cidh ron bai-siu, a reachtaire, nach
intan ro bui ni am laim dochuimnighis damh, in uair domroacht
mu dlechl'mus, ar ni mil agum ni duit 7 ni h-al damh inndlig^
d'imirt ar nech; o domroacht mu chain blïadna ni fuil agam
foedal gu ceand mbliadhna ".
Dochoidh Cortnac iar-sin na thech ngaeisi 7 bui ann oc
scrudain gaeisi gan nech dia ûmiereacht achl muna tisda le
biadh dho, tri la 7 tri hoigtfe.
7. Do ghabh in reachtaire iarsin ag iaraidh foaedala don
1. Le vers ne se scande pas. Faut-il corriger : coir gin gur coir ? ou gin
çitr ba coir ?
Le siège de Driiiin Dambghaire. 1 5
sonséjour près de moi. Je m'afflige de ce qu'il m'ait quitté.
Cher m'est le moment où il m'est apparu.
Il m'est apparu.
5. Cormac poursuivit son. règne jusqu'au jour où survint
la disette de bétail; quelque subtil qu'il fût, il ne s'avisa de
cette disette qu'au moment où elle se produisit. Le sort avait
décrété que celle-ci ferait tourner la fortune de son règne.
Cormac reçut cette année-là le tribut que lui devait chacune
des cinq provinces d'Irlande, et qui était de cent quatre-vingts
vaches par province. Cormac distribua ce tribut aux sept tri-
bus principales de Tara, car il était survenu une mortalité sur
leur bétail ; et il avait toujours la main ouverte pour distri-
buer '.
6. Lorsque Cormac eut fini de distribuer les bœufs, son inten-
dant vint le trouver ; on l'appelait Maine Mibriarach mac
Miduaith. — « Cormac, as-tu distribué tous les bœufs ? » dit-
il. — « Oui », dit Cormac. — « Je ne sais que faire », dit l'in-
tendant, « je ne saurais te fournir de quoi entretenir (?) la
maison de Tara, fût-ce une seule nuit, si du moins, c'est sur
les bœufs qu'on compte pour cela (?). Et la cause en est que
tous tes troupeaux ont succombé ». Cette nouvelle stupéfia
Cormac, et il dit : — « A quoi pensais-tu, intendant? que ne
m'as-tu pas avisé de cela avant que mes mains fussent vides,
lorsque j'ai encaissé mes tributs ? car maintenant je n'ai rien
à te donner, et il ne me plaît pas de faire tort à personne ; du
moment que les tributs de l'année m'ont été versés, je n'ai
aucune rentrée (à attendre) avant la fin de l'année ».
Ensuite Cormac se rendit dans sa demeure d'étude, et il se
tint là, méditant sur les mystères de la science sans personne
pour le servir, sauf quand on lui portait sa nourriture ; il y
resta trois jours et trois nuits.
7. L'intendant chercha comment procurer de l'argent au
1. « Et il ne garda pas une vache qu'il ne distribuât », si on lit loin, au
lieu de laim.
i i M. L. Sjoestedt.
righ gen imirt inndligid ar neach. Ocus tainic eu tonzd a
scruduidh leis. — "A C\\orrr\aic, " ar se, " in eadh dotlv/V i
socht a n-clv/t-sa frit ?" "hs eadh", ar Corinne. — "Fuarus-sa
d/f/t foedala", ar se, " 7 is doigh lim foicela fein condligi
edalais ". " Caidhe sidlic ? ", ar Cornuic.'" In ndechadhuis
ar tur ronna ' na h-Eirenn ? " ar Maine. — " Ni dhechadits"
ar Cormrtc. — " Doehuadlu^-sa ", ar Maine, " 7 (uarus arig
coicidh a nE'irinn 7 atait a do dib-sein i Mumain 7 ni t//cuis-si
o ra gabaisrighi acht cain aenchoicidh aisdi. Ocus da;/o isdihh in
fer ro marbh h'athair i cath Muighi Mucraimhe .i. Mac don
mac Maicniad meic Liïxgdeach 7 ni forai! d///t-se cumal inn o
Fhhchaigh or is e is brathair do 7 is e ro ghab righi Munifl»
iarum ". — " Dothraei bennacht " ar Corinac "as rîrdh[l]e-
gcd sin ". Ro gflbusttfr-som uaill 7 forbhtailtius de-sin .i.
mar do soisedh dho a innarba a hEiri;/« 7 a \ccijd inte doridisi ;
ba he sin mel in forbfailtis tainic dho.
8. [169 b 2] Docuas uadh iar-sin do thinol 7 do thoghairm
mrtithe 7 urramaidhi Lethi Cuinn 2 7 ro innis doibh 7 ntesat
uili bemw/;/ain don rechtaire. Lir n-zga\\aitnh a slôig do Cor-
mac atbert co na budh toltan^r/; leis airisium no gu nsed do
sâthud a phubla i M/////ain. — " Na denaider ", ar siat, "achl
ergflt techta uait-si do chuingidh na cumaile-sin À. côica bo gu
mbennuib airg/t 7 cana cuig/d 7 asdligt'd in ni-sin 7 ni h-ind-
Wged 7 ni était-sium gabail uime ". Do chuir Corniac a echla-
cha budh dhesda cuingidh sin co Fiach^/W; .i. Tairec Tun/^ach
7 Berraidhi Inasdair. Ocus atbfrt Corniac : " Dia ndérntar
freasabhra frib abraidh friu gen go n-agair ri riamh in cain ni
fuicebh-sa ni don cain ro dligi/^ o ro grtbus righi di neoeb na
toracbt damh cose
1. Tur ronna na h-Eirenn, sans doute Maine a-t-il consulté le Psallair
Temhrach qui énumérait toutes les subdivisions d'Irlande (ba han Ira baoi
crioch 7 torann Ereann. Four Musters. A.D. 227).
2. Leth Cuinn. Nous avons généralement traduit Leth Cuinn (litt. moi-
tié de Conn) par Parti du Nord et Leth Mogba (litt. moitié de Mogh) par
Parti du Sud.
Le siège de Druim Damhghaire. 15
roi, sans commettre d'illégalité. Et ses recherches portèrent leur
fruit. — « Cormac », dit-il, « est-ce ceque je t'ai dit qui te tient
plongé dans le silence? ». — «Oui », dit Cormac. — « [e l'ai
trouvé une source de revenu, « dit-il », et il me semble que tu
reconnaîtras toi-même la légalité de ce revenu ». — « Qu'est-
ce ? » dit Cormac. — « As-tu fait des recherches sur les divisions
de l'Irlande ? » dit Maine. — « Non », dit Cormac. —
« J'en ai fait », dit Maine, « et j'ai constaté que, des cinq pro-
vinces d'Irlande, deux sont comprises dans le Munster, et
depuis que tu as accédé au trône tu n'as perçu du Munster que
le tribut d'une seule province. Par ailleurs c'est un homme
de Munster qui tua ton père à la bataille de Mag Mucraime :
Mac Con, mac Maicniad meic Luigdeach, et c'est bien le moins
queFiacha te paye des dommages et intérêts, car il est frère
de cet homme et a succédé au trône de Munster ». — « Mille
mercis », dit Cormac, « tu as raison ». Il en conçut une joie
et une fierté aussi grandes que si, proscrit d'Irlande, il y eût
été rappelé de nouveau ; si grande était la joie qu'il éprouva.
8. Il réunit ensuite et convoqua les seigneurs et vassaux de
l'Irlande du Nord, et il leur dit tout, et tous remercièrent l'in-
tendant. Après que Cormac eût conféré avec ses troupes, il
dit qu'il n'entendait prendre aucun repos qu'il n'eût planté sa
tente en Munster. — « N'en fais rien », dirent-ils, « mais
que des messagers aillent réclamer de ta part ces dommages et
intérêts, soit cinquante vaches aux cornes argentées, et le tri-
but d'une province, et ceci est légal et non illégal, et ils ne
sauraient en éluder le payement ».
Cormac envoya ses messagers dans le sud pour réclamer
cela, chez Fiacha. Ces chevaliers étaient Tairec Turusach et
Berraidhi Inasdair. Et Cormac dit : « Si on vous fait des objec-
tions, dites-leur que, quoiqu'aucun roi n'ait réclamé encore ce
tribut, je ne rabattrai rien du tribut auquel j'ai droit depuis
que je suis monté sur le trône et qui ne m'a pas été versé
jusqu'à présent ».
i6 M. L. Sjoesleàl.
9. Dothaegat fodes iarum eu tech Fiachach co tulaigh na
righraidi frisan alw Cnoc Raphann inniu. Ro fearad fàilU
re h-eclachfl//'/; righ ~E\renn ann sin. 0c?u ro shlonnsat a
n-aithiusc. — " Comme", ar siat, " ror cuir-ne cucaibh-si do
chuinghidh a dhligenais foruib ". — " Caidhe sidhe ?"ar fir
Mumrt//. " Nâi fichit bo fa dhô uaibh-si, intan no berth aaein-
t'ect as gac cuiced 7 ni rue acht a leth-sin uaibh-si o ro gabh
righi. Oais dano is eicen faderado a cuingidh,eder, .i. bodhith
do thiachtain a seacht co\zm\\r\aibh 7 i primhphortaibh na
Temhrach. Ocus dano is sibh-si ro mharbh a athair 7 is dligld
cumhal do inn ". Ro innis Fiacha dh'feraibh Muma» sin.
Atbmsatfir Mumawnatibritis in dedhasin. — " Achtchena",
ar iat, " uair is rà h-eicin tancus uadha-sum dob^ram-ne boin
cech lis i Mumain do dia fbiridhin. Ocus uair nâr farcaibhset
againnar n-aithre, ni ba cjin ' a tabairt do-som na u/rsat ; ni
fuiefium a cind ar mac in ni-sin " Ocus dano asbensat fria
F/achaidh : " Tiaghar uait-si dh'agallaw/; Cormaic, ar is doigh
nach ûaid ro cuinged in cuatraime ud orainn ".
10. Tiaghuit tra echlacha Fiacha fris-si/;, .i. Cuilleand,
[179 a 1] Cosluath 7 Leithrinde Leabar. Ra siachtatar bud
thuaidh eu Cormac 7 do raidset : " In uait rucadh in tech-
tairacht ro chanstft do techta ? "'. — " Is uaim ", ar se. —
" Mas uait ", ar siat, " do berthar boin cech lis a Mumain
duit dar ceann do bennachta, acht na derntar bes de ". —
•'As ferr lim ", ar se "eu mair mu dhligé-d do grès inas in
comha mor sin ae'mkcht ". Ocus ro chuir a thechta ar cul?/
fodes 7 ro chuinigset in çain. Ro tinolait fir Muman o Yiach-
aigh 7 do raidh : " Denaid bar comairli fris siut ", ar se.
Docoidh uathaibh Fiacha iarsin.
1. Nous comprenons comme s'il y avait duin dans le ras., la confusion
entre les prépositions di et do étant fréquentes dans les textes de cette
période. Cf. § 13.
Le siège de Druim Damhghaire. 17
9. Ils s'en allèrent alors vers le Sud jusqu'à la demeure de
Fiacha, sur la colline où se trouvait la résidence royale, et que
l'on appelle aujourd'hui Cnoc ^.aphann. On y souhaita la
bienvenue aux chevaliers du roi d'Irlande. Ils exposèrent l'objet
de leur mission : « Cormac », dirent-ils, nous a envoyés vers
vous, pour vous réclamer son dû ». — - « Qu'est-ce donc ? »
dirent les gens de Munster. « Deux fois cent quatre-vingts vaches,
car chaque province paye une fois ce nombre et vous n'en
avez fourni que la moitié depuis le début de son règne. Et
c'est sous la pression de la nécessité qu'il vous réclame cela,
car une mortalité du bétail s'est déclarée dans les sept tribus
et les principaux forts de Tara. Et déplus c'est vous qui avez
tué son père et vous lui devez légalement une compensation ».
Fiacha dit cela aux hommesde Munster. Ceux-ci dirent qu'ils
ne fourniraient pas ce tribut. — « Cependant », dirent-ils, « du
moment que c'est la nécessité qui a provoqué cette ambassade,
nous lui enverrons un bœuf de chaque ferme de Munster,
pour lui venir en aide ; mais du moment que nos pères ne
nous ont pas légué cette obligation, ce n'est pas à nous à lui
verser un autre tribut que celui qu'ils versèrent et à l'imposer
à nos fils ». Et ils dirent à Fiacha : « Envoie des messagers pour
parler à Cormac, car sans doute n'est-ce pas lui qui exige de
nous une si lourde redevance ».
10. Les messagers de Fiacha, Cuilleand Cosluath et Leith-
rinde Leabar, partirent pour cette mission. Ils arrivèrent
dans le Nord auprès de Cormac et lui dirent : « Est-ce de toi
que vient le message que nous récitèrent tes messagers ? ».
— «Oui», dit Cormac. — « Dans ce cas », dirent-ils, « on te
donnera un bœuf de chaque domaine de Munster, pourt'obli-
ger, mais que cela ne crée pas un précédent ». — « Je pré-
fère », dit-il, « sauvegarder mon droit à perpétuité, que rece-
voir cette taille considérable une lois versée ». Et il renvoya
dans le Sud ses messagers, qui réclamèrent le tribut.
Fiacha réunit les hommes de Munster et leur dit : « Prenez
une décision à ce sujet ». Puis il se retira.
Revue Celtique, XIJII.
i8 M. L. Sjoestedi.
11. DoroiW comairli eneachda aca-som dar a eisi .i. dia
ro\sed da gach urramach dhibh beith cin nach n-irdalta acht
bleagan enbo 7 eu roised co a nizrbad 7 a mbeith cin biudh
iardain is cach eïcen d'uliu di araili 7 co mad ed nousfuasluiced
docum sochair in cain ût do thoidhitin ', no con foighitnig-
fitis. Tancatar iarsin ait i mbui Fiacha. — " Cadhi bar
comairle?"ar se." Asiso. " ar siat. — "BeinVi/;beannath/ain",
ar se, " ar da mad ead no be///>agaibh a foiditin no raghuinn-
si uaibh, ait na cluinfind aforaithmet eu brath ". — "7 nocha
n-acmaing a gabala de fil acainn ", ol siat, " acht a slan fon
cuiced 7 ni dhene sealbh sarugad 7 ni toircenn iubail inndli-
ged".
Do cuatar a therhta. do saighidh Cormaïc iarum. Imtusa bhfer
Muman, roscailset a mna 7 a lenbha 7 a n-almha 7 a n-indile
a n-indsibh ocus a n-ailenaibh 7 a n-eic^«dinaibh in cuicid 7
tancatar lucht a n-einzV 7 a n-engnuma ait i mbui Fiacha eu
Cenn Claire.
12. O ro siactatar a echlacha gu Comme, ro raidhset :
" Ni h-ansud ", ar siat, " foemthair do chain-si, dene in ni
bus maith lat cena ". Ba h-irgrain la Cormac in ni-sin 7
ro omhnuigh eu mor, ar forfidir ro ba mana ad ha moir tia-
chta'm ris uma dhlig^, uair nach inndligftf ro cuinn^f 7 se in
airdrigi Erenn. Tugait ann-sin a primdraithi gu Cormac À.
Citach [170 a 2] Cithmor, Cect, Crota, Cithruad, oir batar
sidhe fria re Cuind 7 Airt 7 Chormaic ac faistine 7 ni frith a
n-eiliugaJ. — " Deinidh co h-ul\amb faitsine dham-sa ", ar
Cormac : " Gdh bias damhdon tur«5-sa teidhim ?". — " For-
finnfow-ne d«it-;si sin ", ar siat " acht co tuga ré dûn ra turar
ar bfaitsine ". — " Doberthar ", arse. Dothaetsom i formnai
i fesa 7 i n-eolusa 7 do faillsigedh daibh eu mad de no ragad
oie do Cormac a tiachtain i Mumain. Ocus tancatar do saich-
tin Cormaic. — " Cidh ro faillsig^i daibh ? " ar Cormac. —
1. Sans doute faut-il lire foiditin.
Le siège de Druim Damhghaire. la
11. Ils prirent alors une décision honorable. Quand bien
même chacun des vassaux (?) n'aurait plus d'autre ressource
que le lait d'une seule vache, et serait réduit à la tuer et à se
trouver ensuite sans nourriture et exposé successivement à
toutes sortes de privations, quand bien même il lui suffirait
pour faire la paix de verser ce tribut, ils ne se soumettraient
pas. Ils vinrent ensuite trouver Fiacha. — « Qu'avez-vous
décidé ? » dit-il. — « Voici'», dirent-ils. — « Je vous rends
grâces», dit-il, «car, si vous aviez pris le parti de la soumis-
sion, je vous aurais quittés, pour aller en un lieu où je n'au-
rais jamais entendu parler de tout cela ». — « Ce qui arrive
maintenant, n'est pas tant qu'il s'empare de notre propriété
mais bien qu'il défie toute la province », dirent-ils, « la fortune
n'autorise pas à commettre l'injustice et l'illégalité ne sau-
rait donner lieu à une prescription ».
Les messagers allèrent ensuite trouver Cormac. Quant aux
hommes de Munster, ils envoyèrent leurs femmes, leurs
enfants, leurs troupeaux et leur bétail dans les îles, les îlots et
les divers refuges qu'offrait la province ; les gens d'un rang à
avoir une suite (?), et ceux qui étaient en état de porteries armes
se rendirent auprès de Fiacha, à Cenn Claire.
12. Lorsque les envoyés de Munster arrivèrent auprès de
Cormac, ils lui dirent : « Ne compte pas sur les gens de là-
bas pour payer ton tribut ; fais ce que bon te semblera ». Cor-
mac accueillit cette nouvelle avec fureur et en fut tout épou-
vanté, car il considérait que c'était le signe précurseur d'une
grande lutte que d'oser lui tenir tête quant à son droit, alors
qu'il ne réclamait rien que de légal, du fait qu'il était grand roi
d'Irlande.
Les principaux druides de Cormac lui furent amenés :
c'étaient Cithach, Cithmor, Cecht, Crota, et Cithruadh ; ils
avaient exercé les fonctions de divinateurs sous Conn, Art et
Cormac, sans qu'on les eût jamais pris enfaute. — « Faites-moi
au plus tôt une prophétie », dit Cormac : « quelle sera l'issue
de l'expédition où je m'engage ?» — « Nous le devinerons pour
toi », dirent-ils, « pourvu que tu nous donne le temps néces-
saire pour faire notre prophétie ». — « Soit », dit-il.
Ils firent appel à leur art et à leur science la plus haute, et
2o M. L. Sjoestedt.
" As i an ni ro hïllsiged dun ", ar siad, " gidh sain ind aisneis.
Ocus is sarugwd dun do dula-sa i Mumarà. Ocus mad dia
n dighea in fortamlus fil uait-si fortha-sfl;?, biaidh uaidhibh-
sium fort-sa ".
13. " Apair, a Cithriiaidb ", ar Cormac, " cidh ro foillsïgrtf
d///t ?» — " Inni ra &\[\siged ", ar Ckhruadb : " Ni edaim a
ghabhail duit-se ' a dula, ar fogebhu fort cheile nmrtfas for
.1 dula. Acht coin is de tic h'olcugwd " ; 7 do raidh in retho-
rec-sa : c> A Chon/w/V choirchostadaigh innsaigh cert is
coir, a Cormaic ".
14. " Cidh dano ra h'iWsigi'd ànil-sl, a Crota ? " ar Cor mac
- " Inni ro faïïUiged dam indisfet d///t-si " ar Crota, 7 do
raidh in retborec so :
" Daim h coir, a Chormtf/c, geibli coir, a Cormaic, ni coir
sar ar saeirfcruibh "...
15. "'Cidh ra iaiWsiged duit, a Checht ", ar Cornuic ? —
" Inni ra (o'ûlsiged dham ", ar Cccht, " docluinfea-sa ", 7 do
raidh in rethorec-so :
" Crich Moglia. Ma/Vggu riefa. . .
16. " Cidh ro foilUi^W d///t, a Chithaigh ? " nrCormac. —
" Inni ro (àiUsiged dhamh " ar Cithach " forhnnfa-sa, .i.
Scel lcam d///t, a meic Airt ".
17. " Cid ra foiïïsiged duit, a Cith Mhoir ? " ar Cormac —
" Ro cluinfi-sa lie ", ar Cith Mhor .i. " Cluinidh uaim, a dainn
Chuinn ..."
18. Tue san fuath dona draithibh ar a tarmiusc uime 7
ro raidh : " Ni sibsi nertfas orum-sa an tur//.f-sa do dhula.
Acht cem dia faghbuinn-si bar n-eiliugbadlj-s'i nonind^efainn
oraibh " — " Nu chan uaruis 7 nu con fuighbliea ", ar siat.
Con/d he ni ar-a tarla a menma-seom beitb oc hrraidb a
n-e\\ighû fo Eirinn 7 ni fuair.
1 . Nous comprenons comme s'il yavahdil-sa, do et ai étant fréquemment
confondus. Cf. § 9.
Le siège de Druim Damhghaire. 21
il leur fut révélé que cette expédition en Munster serait l'ori-
gine des infortunes de Cormac. Ils vinrent le trouver. — « Que
vousa-t-il été révélé ? » dit Cormac. — « Voilà ce qui nous a
été révélé, si singulier qu'en soit l'énoncé. Nous désapprou-
vons ton expédition en Munster. Si tu v vas, sache que la
tyrannie que tu cherches a exercer contre eux, eux chercheront
à l'exercer contre toi ».
13. « Dis, Cithruadh », dit Cormac, « qu'est-ce qui t'a été
révélé ? ». — « Le voici : il n'est pas en mon pou voir de ['empê-
cher de partir, car tu trouveras une épouse qui t'y encourager.).
Mais, cependant, c'est là l'origine de tes malheurs ». Et il dit la
rhétorique suivante : « O Cormac le querelleur
attache-toi au juste et au bien, ô Cormac ».
14. « Qu'est-ce qui t'a été révélé, à toi, Crota», dit Cormac.
— « Je vais te le dire », dit Crota. lit il dit la rhétorique suivante :
« Rends la justice, ô Cormac; reçois la justice, o Cormac. Il
n'est pas juste de frire tort à des hommes libres, etc. ».
15. « Qu'est-ce qui t'a été révélé, 6 Cecht », dit Cormac. —
« Tu vasl'entendre », dit Cecht, et il dit la rhétorique suivante.
■' Favsde Mogh, c'est pour ton malheur qu'il y viendra *>, etc.
16. « Qu'est-ce qui t'a été révélé, Cithach ? » dit Cormac. —
« Je vais te l'apprendre », dit Cithach. « J'ai une nouvelle à
t'apprendre, ô fils d'Art », etc.
17. « Qu'est-ce qui t'a été révélé, 6 Cithmor? » dit Cormac.
« Tu vas l'entendre », dit Cithmor. « Apprendsde moi, descen-
dant de Conn », etc.
18. Il se prit de haine pour les druides, qui contrariaient
ses desseins, et leur dit : « Ce n'est pas vous qui m'encoura-
gerez à partir pour cette expédition. Mais sache/ que si je
vous trouveen faute je ne vous épargnerai pas». — «Tune nou>
a jamais trouvés et ne nous trouveras jamais en faute »,
dirent-ils. Et voilà comment il arriva que Cormac était en
quête par toute l'Irlande d'un moyen de les prendre en faute,
mais en vain.
22 M- L. Sjoestedt.
19. Conzs tarla la n-ann do seilg 7 foram mil maige o Shidh
Cleitig sottr tuaid. Is annsidhe ro gluaisit a coin-siumh in
fiagh-sin 7 dorala a muinnter-som urle a ndiaigh na con 7
ro facbad-som a aenur ansin, cor fas ceo mor fair 7 co tainic
toirrthim codalta fair isin tu\aigh. Ocus ba he ào\rc\\echt bui
isin ciaich-sin cur bo doigh leo-som ba aghaidh 7 gia no canta
ceoil 7 cuislinna do-som, ni ferr do choideW/? inas amail ro
chodail fna fogurcheol na gcon imon cnoc im-a c[i7o b 2]
uairt. Contfd annsin atcuala in guth uasa 7 is eadh ro raidh
sidhe .i.
" Ardotrae, a Chormaic, caeim codultaig Cleitigh. Cidh ni
fuil fort naimhdiu buan t'ainm os Eirinn ? Eirigsunn. . .
20. Adracht Comme iarsin 7 ro chuir a mertin de co n-acca
da laim deis oca ingen lucair laimgheal ba caeime do mhnaibh
betha 7 faiteran firaluinn uimpe 7 lene orsnai//j fria cnes 7
do chuir-si failti re Cormac. — " Cia cuires m failti? " ar
Cormdc. — " Bairrfinn Blaith Bairche, .i. Ingen righ Sidha
Buirche a crich L&igean 7 tucus-sa gradh dait-si, 7 nuchan uirus
h'âgsMatnb eus anosa. " — " Rabhâsa eimh zmcoàladh, " ar
se, " ra fogurcheol na con intan rom duiscis. " — " Mo euhus
amh, " ar an ingen, " is olc in t-ord fir do leithédi-si sealg mil
maige do denam, ar nir furail àuit sealg mhuice no aighi zmal
dognitis airdrigh romud, or is d'aes oebaid is du sin ; is- é
cradh crotha 7 dealhha doghni dhoibh 7 iss eadbin s^rgsamh he.
24. Is ann atb^rt an ingen : " tar lim-sa,a Chormaic, isin
sith-sa innonn Cleitich in baile i ta mo aide .i. Ulcan mac
Blair 7 mo muime .i. Maol Mhisazdach, eu ro faier-sa lat in-a
bhfiadhnuisi er laimh 7 ar \eabaidb. " — " Nucha ragh-sa
eim,"ar se," nogutuctar a logh dhamh ". — *' A Chormaic, "
ar si *' ro featar-sa in ni iarai 7 na bhthuil fot menmain, .i.
sochmiti sloigh d'iaradh 7 dober-sa dhuit int sochraiti druadh
as ferr fuair ri romad 7 da nâ coemsaii ectrainn ni .i. tri h-
Le siège de Druim Damhghaire. 23
19. Un jour il s'en alla à la chasse au lièvre, au Nord-Est
de Sidh Cleitig. C'est en ce lieu que ses chiens firent partir la
bête, et que toute sa suite se lança à la suite des chiens, si
bien qu'il se trouva seul. Un épais brouillard l'environna et il
s'endormit sur la colline. Si opaque était le brouillard qu'on
aurait cru qu'il taisait nuit. Même si on lui avait joué de la
musique et de la cornemuse, il n'aurait pu mieux dormir qu'il
ne dormit là, au son des abois des chiens, parmi les collines
qui l'environnaient.
C'est alorsqu'il entendit une voix au-dessus de lui, et voici
ce que lui disait cette voix :
« Lève-toi, Cormac, beau dormeur de Cleiteach, que ne
rends-tu ton nom durable et illustre dans toute l'Irlande par tes
victoires sur tes ennemis ? », etc.
20. Cormac, alors, se leva, et sa langueur le quitta quand
il vit à sa droite une jeune fille. C'était une merveille aux
blanches mains, la plus belle femme qui fût au monde : une
tunique splendide l'entourait ; elle portait contre la peau une
chemise brodée. Elle salua Cormac. « Qui es-tu, toi qui me
salues? » dit Cormac. « Je suis Bairrfhinn Blaith (la belle aux
cheveux d'or) de Bairche, la fille du roi de Sidh Buirche, en
Leinster. Je me suis éprise de toi, et voici la première occa-
sion que j'ai de te parler ». — « Je dormais, » dit-il, « au son
des abois des chiens, quand tu m'as éveillé». « Par ma foi », dit
la jeune fille, « il ne convient pas à des hommes de tasortede
chasser le lièvre. Ce serait bien le moins que tu chassasses le
sanglier ou le cerf, comme faisaient les grands rois qui t'ont
précédé. Car ces exercices conviennent à la jeunesse; ce que
tu fais ne sert qu'à ruiner la force et la beauté par une lente
décadence ».
24. C'est alors que la jeune fille dit : « Viens avec moi,
Cormac, dans la résidence féerique par delà Cleitech, là où
demeure mon père nourricier Ulcan mac Blair, et ma mère
nourricière Maol Miscadach ; afin que je te prenne avec leur
aveu comme mon époux et le compagnon de ma couche. »
— «Je n'irai pas, » dit-il, « sans qu'on m'en accorde le salaire ».
« Cormac, » dit-elle, « je sais ce que tu cherches et ce qui
te préoccupe : tu cherches une troupe pour t'accompagner.
2.j M. L. Sjocsiedl.
\ngem Maeil Wiscaidhe, .i. Errgi 7 Eang 7 Eangain. Ocus tiag^t
sidhe i ndeilb tri caerach lach/wa co ceannuibh cnama 7 gun-
gobaib iarainn 7 a'/ a comlunn. 7 ni tic nach dhibh i mbethad
uaidhibh ar is nmlaid itat co luas | 171 a 1] ainnle ' 7 gu n-ath-
laimhe iarainne 7 claidim 7 tuatha in domain do ghabail doib
ni dipaigfea ar lou nach ar finda dhoibh. Ocus dano atat dâ
t'erdrai ann 7 raguit duit-si beos .i. Colptha 7 Lurga, dâ mac
Cichuil Coinblir/rtaigh 7 luchtin cuicidh uili cusa ricfat muir-
bhrit-seom uili iat i bhfiraeinfir m un «5 imgabut, ar is amlaidh
itat eu nacli gebet renna na foebra. Ocus cian gar beit ar aen
friut na dena comairle neich aili acbt a comairle.
22. Ba fail/rfla Cormac inni-sin, 7 do chuir a bron de 7 fai-
llie lasin rigin isin sid in agaidh-sin 7 ro tai ar laimh 7 ar lea-
baid le 7 do bui insin gu ceann/m la 7 tria aidhche 7 t//cadh
in tsocraidi sin do 7 tainic roime cô Temhraigb 7 ni t//c da
oidh a draithi fein 7 ni dhenad a comairli achl adhradh don
luet ut 7 a comairli do dhenumh.
Docuas uadha-sum iarum arcenn a muindteri 7 do voacbta-
tar chuigi 7 do innis doibh in tsochr//te fuair 7 bat (a'ùid uili
de sin.
23. Ro œimheirigh Cormac roime imach iarsin 7 tainic in
zgaidh sin eu Comar na Cuan risin abar Comar Cluana hlraird 2
aniu 7 gnisit ann-sin botha 7 belscala 7 ron suidhighidht'd/;
longphort foninnus-sinacu. Racoimheir/o-/? tra Cith Ruadh asin
longport siardhes eu rainic or in tsrotha. Con faca araile laech
torusda finnliath don \eith aili don tsrut, .i. Fis mac Aithfis
mac Fireoluis a cr/ch Lâigean primdrai na cr/che 7 bai cach
dibh og acalluim a cbele 7 ro ûaraigh Fis do Cith Ruadh c'ait
i mbui Cormac cona. sloguibh. Do frecair Cith Ruadh 7 doron-
sat in laidh etorra.
1 . ainnle — fainnle.
2. Dans l'interligne : no l, au-dessus de / : ce qui donnerait hllaird.
Le siège de Druim Dambghaire. 25
Eh bien, je te donnerai une compagnie de druides, meil-
leure que celle qu'eut aucun de tes prédécesseurs, à laquelle
aucun étranger ne pourra résister ': les trois filles de Maol
Miseadach : Errgi, Eang et Engain. Elles prennent la forme de
trois brebis brunes, aux têtes d'os, aux becs de fer, égales dans
le combat à cent hommes; nul ne leur échappe vivant, car
elles sont aussi rapides que l'hirondelle, aussi agiles que la
belette, et toutes les nations du monde pourraient s'attaquera
elles sans leur trancher brin ou poil.
Nous avons aussi deux druides mâles, qui viendront en outre
à ton aide : ce sont Colptha et Lurga, les deux fils de Cichal
Coinblichtach. Ils tueront en combat singulier tous les guer-
riers de la province où ils iront, à moins que ceux-ci ne s'en-
fuient devant eux, car ils sont tels qu'on ne peut les entamer
ni d'estoc ni de taille. Aussi longtemps qu'ils seront auprès de
toi, ne suis aucun conseil que le leur ».
22. Tout cela plut fort à Cormac ; il secoua sa tristesse et
s'en alla avec la reine dans le domaine féerique, ce soir même :
il dormit à côté d'elle dans sa couche, et resta près d'elle trois
jours et trois nuits ; on lui donna la troupe promise, et il s'en
retourna à Tara. Ses propres druides ne furent plus écoutés;
leurs conseils ne furent plus suivis, mais bien ceux de cette
gent étrangère qui était en faveur.
Cormac envoya prévenir sa cour ; tous se réunirent autour
de lui. Il leur annonça le secours qu'il avait obtenu, et tous
se réjouirent de cette nouvelle.
23. Là-dessus, Cormac se mit en marche et parvint le pre-
mier soir à Comar na Cuan, qu'on appelle aujourd'hui Comar
Cluana hlraird; l'armée construisit là des baraques et des
abris, et c'est ainsi que fut établi le camp.
Cithruadh sortit du camp et marcha vers le Sud-est jusqu'à
la rivière. Là il vit un guerrier à la taille imposante, au chef
gris, sur l'autre bord du fleuve. C'était Fis mac Aithfis meic
Fireoluis, habitant de Leinster et grand druide de cette pro-
vince; ils causèrent ensemble. Fis demanda à Cithruadh où
se trouvait Cormac et son armée, Cithruadh répondit, et ils
composèrent ensemble ce poème :
26 M. L. Sjoestedt.
24. | Cl. A Comur na Cuan anochf ata in ûuagh a n-a long-
port.
Ar na ngresissadh tar linn lé' do clainn Mhaeili Miscaidhche,
( F]. Abair frium, a Chhhruaidh chain' cid tic Cormac a
Temraigh.
Airdri na fath eus anochf nir ghnath a beith a longpor/.
\C\. D'izr a idh chumail Airt meic Cuinn" ar ua nO'ûella
Oluim.
Is canacuicidh gan brath" nar chu'mnigh Conn C^/chathach.
[F]. Dobenzt Cormac gin cain* clann Cichail ; rus bia comg-
hair
Milllit maedhacta gu clé" na sillitiu siabhairthe.
[C]. In a tacra budh fa sru.th fis- a mie Aithfis mie eoluis
Beit co mis dergfait tonna" os [171 a 2] laechrad lerg liatro-
ma
[F\. Mairg theit a Munwm na marc* a meic fir Crodha Cae-
cat.
Bidh treadh linn in chonghair cain" biasduibh tre comdhail
comainm
[C] Ni ba damh-sa nach ba holc" mis is raithi is bliagam o
anocht.
O bhias sai na suadh amne" Mogh Ruith ria ngasrarf Claire.
[F\. As mairg ara tibri a treas' Donn Dairine deallbh dileas
7 Failbhe fer eichrinn" re techt a n-iath n-ecomlainn.
[C]. Ni ba terr nal: Mogha Co^b" na Fiach-ach in la bus lorg.
Bud gnimh uaile don dis dil" budh leo cis Cuaine Comair.
A comar.
25. O thairnic dona draithibh a n-imacallaim, 7 rop olc a
bhfaitsine don tshiagb, atcualator graigbertaigh 2 7 tarbhchoin
turusa 7 gille echraide 7 ro aisneset do Chormac, 7 asb^rt
Cormac : " Imthigidh, " ar se, " 7 marbhthar in dara drai libh
7 bualtar araile eu nâ rabh acht innarsan 3 dia znmain and. " Ro
faillsiged dona draithibh inni-sin 7 imscail cach dibh o araili.
1. Nous traduisons comme s'il y avait dàil.
2. Nous n'avons pas retrouvé ailleurs les mots graigbertach, larbhcû.
3. Nous n'avons pas retrouvé ailleurs innarsan.
Le siège de Druim Damhghaire. ■ 27
24. Cithruadh. Cette nuit à Comar na Cuan est campée
l'armée, à l'instigation des enfants de Mael Miscadach.
Fis. Dis-moi, beau Cithruadh, pourquoi Cormac a-t-il quitté
Tara ? Jusqu'à ce soir ce n'était pas l'usage du grand roi célé-
bré des poètes (?) d'être en campagne.
Cithruadh. C'est pour demander le prix d'Art mac Cuinn au
petit-fils d'Oilill Olom, et le tribut d'une province — sans
fraude — que Conn Cétchathach n'avait pas coutume de
demander.
Fis. Ils feront que Cormac sera sans tribut, les fils de Cichal.
Ils seront acclamés. Ils feront un affreux carnage de jeunes
gens, avec leurs regards (?) ensorcelés.
Cithruadh. De cette discussion sortira le savoir (?). O mac
Aithfis mac-eoluis, les vagues en seront rouges pendant un
mois, au-dessus des guerriers. . .
Fis. C'est pour son malheur qu'on va dans le Munster
nourricier de chevaux, ô fils véridique de Crudh Caecat...
Cithruadh. Il ne m'arrivera rien de fatal, avant un mois un
trimestre et une année à dater de ce soir, lorsque viendra le
sage des sages, Mogh Ruith, à la tète des gens de Claire.
Fis. Malheur à qui combattra Donn Dairine à la noble
apparence, ou Failbe le con battant lorsqu'il s'avance sur le
champ de bataille.
Cithruadh. Il ne vaudra pas mieux de rencontrer (?) Mogh
Corb, ou Fiacha au jour de la poursuite. Ces deux-là accom-
pliront des exploits téméraires : c'est à eux que reviendra le
tribut de Cuan Comair.
25. Comme les druides terminaient leur conversation (et
triste était le sort qu'ils prédisaient à l'armée) les valets, les
molosses (?) et les palefreniers les entendirent; ils rapportèrent
leurs paroles à Cormac, et Cormac dit : « Allez; tuez l'un des
druides, et frappez l'autre, jusqu'à ce qu'il ne lui reste plus
qu'un souffle de vie. » Les druides eurent révélation de cela;
ils se séparèrent. Cithruadh rentra au camp, sous une appa-
rence déguisée, afin de ne pas être reconnu.
L'autre druide s'en retourna vers le Sud, et il tourna son
visage par trois fois vers l'armée, et leur envoya un souffle
2 S M. L. Sjoesfedt.
Imsoi Cith Ruadh isin longpurt ar cula fo ecasc nâuziihnidh
ar daigh na tardta aithne fair; imsoi iarum in drai aili roime
fodhesy impaidh aagaidh fo tri ar na sloghuibh 7 cuiridh ztiz\
druidechta fuithibh tre dian draidhechta eu ro lâastar in <ûuagh
uili fô énecasc 7 encruth ris-sium fein .i. ite forusta findliatha
uili ama/7 bai-sium. Ocus o ticedh cach dibh dar in sruth a
ndegaid in druadh gabdais for imescargam a cheli ic malairt
mong7 ic cirtlam 7 ic atlugrtdh tuaithbil 7 do gabudh cach dibh
na mealldurna moga/de dar tulphairt aighthi ' araili, ar ba doigh
la gacli fear dibh ba he in drai in te iteeth.
26. O ro rathaig in sluagh inni-sin, rop ingnath leo in
imthuarcam bai etarra 7 ro raidset : " A ta slogh comuiglvach
oc cathugud frinn no ra himreadh diandraidhechta orruind."
Imsoe uadhaibh in drai iarum iar facba/7 in tsloigh ton n-in-
nus-sin.
Ro faillsigev/ immorro do Choxmac gur bo diandraidhechta
ro Wxmreadh forro 7 asbert a m/////tir do thabairtcuigi isin long-
purt [171 b 1] ar cul 7 dorât tromachmhusan dona draithibh
frisi tart taebh .i. Colptha et r cliqua . Ocus atbertsat sidhe nar
i>at cintuigh uair nach riu ro comairlei^d na sloig do chur
immach. Ar ai sin ro eirghetar 7 tuesat anal druadh fort sluagh
7 ro imriset dian draidhechta forro 7 ro soidlWfr in sluagh in
a n-ecusg féin iar//;;/.
27. Batar in slûag annsin co dubac drochmenmach moir-
cnedach fo coir leighis 7 othrusa gin gu raibhi dianbas no
marbh daine eturra. Tança tar rompu arnamarach siar i mBec
Magh 7 i Coill medoin 7 tar iarthar deiscirt Midhe co ranca-
tar eu h-Ath in tsloig, risin a bar Ath na n-irlann aniu.
Doghniset botha 7 belscala annsin, 7 rosaidhs^t a pupla. Ocus
gabsat a luch fesa 7 eoluis for fegad nel firwawinnti uaisdibh.
Dochuaidh dano Crota dar in ath siar sechtair con faca cuigi
drai na cr/che ba coimhnesa dho. Fer Fâtha a comhainm sidhe.
Ro h&rfuigh sidhe do Crota cia doroine in mulrnd 7 in tsesilbh,
fria h-ath atuaidh 7 dorindi in \aidh 7 do freacair Crota.
1. tulphairt. Cf. § 88.
Le siège de Druim Dambghaire
29
magique, grâce à sa puissance magique ; si bien que toute
l'armée revêtit la même apparence et la même forme que lui-
même. Car tous avaient une mine imposante et un chef gris
comme lui. Et, dès qu'ils traversaient le fleuve à la suite du
druide, ils se mettaient à se massacrer les uns les autres. Ils
s'arrachaient leurs chevelures, se maltraitaient, rendant coup
pour coup; et chacun frappait de lourds coups, combattant
en manant, sur le front et la face des autres : car chaque
combattant prenait tout homme qu'il voyait pour le druide.
26. Lorsque l'armée se rendit compte de ce qui se passait,
ils ne comprirent pas que c'était eux-mêmes qui se massacraient
mutuellement, et ils dirent : « une armée puissante combat
contre nous, à moins que nous ne soyons les jouets de sorti-
lèges efficaces ».
Le druide s'en alla ensuite, en laissant l'armée en cet état :
il fut révélé à Cormac que son armée avait été le jouet d'un
sortilège. Il ordonna qu'on lui ramenât ses gens au camp, et
fît de sanglants reproches aux druides en qui il avait placé sa
confiance, c'est-à-dire à Colptha et à ses compagnons. Ceux-
ci dirent qu'ils n'étaient pas responsables, car ce n'étaient pas
eux qui avaient conseillé de faire sortir les troupes. Ils se
levèrent ensuite, imposèrent un souffle magique sur les troupes
et, par la torce de leurs sortilèges, ils les ramenèrent à leur
forme première.
27. Les hommes étaient alors tristes et découragés, couverts
de blessures, et réclamant les soins qu'on doit aux malades,
sans qu'il y eût cependant aucun cas mortel parmi eux.
Le lendemain ils poursuivirent leur route vers l'Ouest, par
Becmogh, et par Coill Medoin, à travers le Sud-ouest de la
province de Meath, et parvinrent enfin à Ath in tSloig, qu'on
appelle aujourd'hui Ath na nlrlann. Ils firent là des abris et
des baraques et plantèrent leurs tentes.
Leurs magiciens se mirent à examiner les nuages du ciel au-
dessus de l'armée. Crota traversa le gué et atteignit la rive
opposée (la rive ouest); il vit alors venir vers lui le druide de
la province voisine : celui que l'on nommait Fer Fatha. Il
demanda à Crota quelle était la cause de ce tumulte et de ce
30 A4. L. Sjoestedl.
28[F.F.J. Ga muirWsut ra h-ath atuaidlr sloinn, a Crota,
masat uain
Innis duin-ne gin gnimh ngrod* cia le ndentar in long port
[Cr.] Mar ra Corinac ad gnatha" a fil sunn, a tir Fliatha
Is lais dognither anochf guna slùaghuibh in longport.
[F. F.] Cidh dia tancatar na sloigh' sloinn, a Crota, masa
choir
Ga crich a tiaghat gen chair" is ga toise gatat iaroidh
[Cr.\C\ann Cichuil dosfuc atuaidlr 7 mac meabluch Mid-
huaith
D'hraidb cumail Ain meic Cui//d; ar ua nOililla Ouluimm
[F.F.\. Is mairg teit ra h-'imad sloiglr diaraidh cumul minab
coir
Cu ro iarad Fiacha fair* cumul Eogain a athair.
[Cr. ] Da clô slwrt^ Muighi Ratha- in a tacra, a Fhir Fhatha.
Nit ain ' sluagb Maman na mbenir conat ria beim it' leith-
cenn
[F.F.]Gidh iat-san no beitb a lin' ni mo do berdais a snimh
Immar atat budh gnim nduird" mairg theit chucu tria co-
murn.
29. A h-aith'le na himacallmha-sin dona draithi bb [171 b 2]
atcualatar gille thurwja 7 graigbertaigh 2 7 daescarsluagh gnena
h-imarbhadha a n-imagallrt/w na ndruadh 7 dochuatar tar
in sruth a ndegaidb in druadli ba h-anaithintiu dhoibh 7 n*csat
leo run bais 7 olgedba dho. O ro raihaigh in d/ai sin ro impo
for in sruth 7 tue tri builli don tleisc draidrur/;/rt do bui n-a
laim don tsrittb gur eïrigb 7 gur tbrbazV fV/sin sluagb. Ocus is
amhlaidb ro bhai in slogh, of/w drong mhor dhibhar ndul dar
ins/vtth siar i ndeghuidh in druadh 7 drong mor ele isin sn/th
1. ain, cf. § 31. Cette forme de futur est parmi les quelques formes
archaïques qu'on est surpris de rencontrer dans ce texte tardif.
2. Cf. §25.
Le siège de Druim Damhghaire. - 1
fracas au nord du gué, et il commença ce poème, dont Crota
fit les réponses.
28. Fer Fatha. Quel est ce tumulte au Nord du £iié;
apprends-le moi, Crota, si tu as le temps. Dis-nous — sans
mauvaise humeur — par qui est établi le camp.
Crota. Comme ils sont accoutumés à Cormac (?)... ceux
qui sont là, ô Fer Fatha. C'est lui qui a établi ce soir un camp
avec ses armées.
Fer Fatha. Pourquoi les armées sont-elles venues ? Dis-le
moi, Crota, si ma demande est juste. Vers quel pays se ren-
dent-ils— sans leur en faire reproche —et quelles réclamations
font-ils valoir ?
Crota. Ce sont les enfants de Cichal qui les ont amenés du
Nord, avec le fils trompeur de Midhuath, pour réclamer le
prix d'Art mac Cuind au petit-fils d'Oilill Ollum.
Fer Fatha. C'est pour son malheur qu'il vient à la tète d'une
armée nombreuse, pour réclamer une indemnité à laquelle
il n'a pas droit — tant que Fiacha ne lui a pas réclamé le prix
de son père Eogan.
Crota. Si les armées de Magh Ratha entendaient ce que tu
dis là, Fer Fatha, les armées du Munster montagneux n'em-
pêcheraient pas que tu ne reçoive un coup sur la tempe.
Fer Fatha. Quel que puisse être leur nombre, ils n'en seront
pas moins écrasés. Une action violente aura lieu. C'est pour
son malheur qu'il est venu vers eux...
29. Comme les druides terminaient cette conversation, les
gens du train des équipages, les valets et la racaille de l'armée
entendirent ce qu'ils se disaient l'un à l'autre. Ils traversèrent
le fleuve à la suite du druide inconnu, résolus à le mettre A
mort. Lorsque le druide s'en avisa, il se tourna vers le fleuve
et frappa trois fois le fleuve de la baguette druidique qu'il
tenait à la main, si bien que le fleuve se souleva, et se gonfla
contre l'armée. Voici dans quelle situation se trouvait celle-ci :
une troupe importante venait justement de traverser le fleuve,
vers l'Ouest, à la poursuite du druide, une autre était dans le
fleuve et le soulèvement du fleuve arrêta sa marche. L'on se
porta de part et d'autre à son secours, et le druide en profita
pour s'échapper.
}2 M. !.. Sjoestedl.
7 rogabhudh ic a bhfoirrfch sidlic o roforbair in sruth 7 imsoei
m slogh aniar 7 anair dia furtacht 7 dochuaidh in drai asfai-sin.
Batar immorro in slc^ co dubflf/; droch;;^wmnach imon snilh
on tmth-sin cusin trath cetna. arnaniliar^r/; conid annsin rossoi-
set na druidh fria n-ealadum àrmàhechta gur cuirseat in sruth
n-a inat feiw feibh ro bui roime.
30. Iarsin dano dochoidh Cor mac cona sloghuibh dar in
sruth 7 ro gabsat rompa dar Dubhchaill frisin apurFidh dam-
maiche inniu, cur gabsat i Magh Leathaird frisin abar Magh
Tuaiscirt 7 i C/'«nd-Mhagh frisin abar Magh Gabra inniu 7 i
Mag nUachttf/V frisin abar Magh Raidhne 7 i bhforiairsing na
slighiudh fon n-innw^-sin gur ghabsat is na bocaighibh Bâini-
liucha frisin abar Sliab Ebiinne cur gabsai ic Formaeil na
bhF-hian ra dubachuibh deridh lai.
Is annsin ro grtb Cect for fegtfd aoir 7 ï\xmavi\nx\ù uas na
sluaghuibh 7 dodhecha/df siar gu Duibh-Gieand risin abar
G\eand Salach aniu. Co nfeca cuigi araili laech forusta finn-
liath dar bu comainm Art an drai 7 ro gab cach dib oc imagal-
\aimh ra a cheli 7 occ faîmigid scel d'aroili 7 ro tas as-sidhe
cur bo ron ' imurbhadha etorra 7 doronsat in laidh :
31 . [A]. Cidh dia tancubar, a Cecr atuaidh a tir Mhuighi
slecbt (?)
Cidh ro gluais ind seiscuse. for leis co Crich Fhormaeile ?
[CJ.Bodhithtainic gu Temhraig/?. Farir, ismor rosmedhraich
D'iarraidh bôin cech boin dibhsohviséar turus o Temraigh
[A]. Gin gnrub sinne rue bar mbu. A clanna Cuinn gu
caemhchlu,
[172 aJTarcamuir duibh boin cech lis" a bhferunn Fhiachacb
fidhlis.
[C]. Is îearr linn âr cain eu bratlr 7 cumhal n-ar curaidh
Ina in srwaimh-sin, cia mad ma' is a thabuirt ind aenlô.
[A]. Nucha bt'/uit boin eu bratlr o feruibh Munw« seocheach
A cumhail na a caingan acht. dar bitr laim-sin, madh mal-
lacht.
1. Nous traduisons comme s'il y avait roen, « série chaîne », qu'il faut
sans doute lire.
Le siège de Drtiiin Damhghairc.
Les troupes demeurèrent à l'entour du fleuve, plongées
dans la tristesse et le découragement jusqu'au lendemain à la
même heure. Les druides recoururent alors à leur science
druidique pour remettre le fleuve à la place où il était aupa-
ravant.
30. Ensuite Cormac traversa le fleuve avec ses troupes, et
ils poursuivirent leur route à travers Dubh Chaill, que l'on
appelle aujourd'hui Fidh Dammaiche, jusqu'à Magh Leathaird,
aujourd'hui Magh Tuaiscirt, àCrund Magh, aujourd'hui Magh
Gabra, à Mag nUachtair, aujourd'hui Magh Raidhne ; là où la
route s'élargit ils pénétrèrent dans les Bocaighe Bainfhliucha,
que l'on appelle aujourd'hui Sliabh Eblinne, et de là attei-
gnirent Formael na bhFhian comme le soir tombait.
C'est là que Cecht se mit à examiner l'atmosphère et le ciel.
au-dessus des armées, et il marcha vers l'Ouest, jusqu'à Dubh
Gleand, aujourd'hui Gleand Salach. Il vit venir vers lui un
guerrier, de taille imposante, à la tête grise. On l'appelait Art,
le druide. Ils se mirent à causer ensemble, et se demandèrent
mutuellement les nouvelles, si bien qu'il s'ensuivit une discus-
sion entre eux, et qu'ils firent ce poème.
31. Art. Pourquoi êtes-vous venu, ô Cecht. du nord, de
la terre de Magh Slecht. Pourquoi ce tumulte est-il venu jus-
qu'ici jusqu'au pays de Formael ?
Cecht. C'est une épidémie sur les bœufs de Tara. Hélas,
c'est une grande folie qu'elle a suscitée. C'est pour chercher un
bœuf en remplacement de chacun de ceux qui ont péri, que
nous sommes venus de Tara.
Art. Quoique ce ne soit pas nous qui ayons pris vos bœufs,
ô race de Conn, à la gloire splendide, nous vous avons offert
un bœuf de chaque ferme du domaine de Fiacha Fidhlis.
Cecht. Nous aimons mieux notre tribut à perpétuité, et le prix
dû pour notre guerrier, que cette riche contribution, si impor-
tante soit elle, si elle ne nous est versée qu'une seule fois.
Art. Jamais (les gens du Nord) ne recevront un seul bœut
des gens de Munster, en sus de ce que donne un chacun, comme
compensation ou comme tribut, sans traité (?). Nous le jurons
par votre main, quand bien même ce serait un blasphème.
Revue Celtique, XLIII.
}.| M. L. Sjoesteàt.
[C]. Mrtd da cloisedh Cairbre in clair, int aithiusc raidi, a
Artain
7 Cor mac in tuir thenir no bethea gen do chaeimhclienn
[A]. Ni 1116 lim Cairbriis Cormac na in da zraid nous fog-
nath
A m-bethaidb Moglia Corb cahr 7 Fhiachach Mu'ùletba'm
[C]. Da clo Artchorb isa clann1 bidh brise bruar gu luath i
nglenn
Nochu ragha it' betbaid de' bidh buan doit a n-ecraite.
[A ] Ni mù lim Artchorb, a Tir na a fil d'aindribh tuaidh
n-a thigh
In cein bes is tir amne* agam dhin Dond Dairine
[C] Dâ clo Ceallach mac Cor maie is Artur fêta foirneirt
Bidh dw/t bus diamair in dal' nocut ain1 do diabhuldan.
[A.] Nochu mô lim Artur ard" ina a gilla glan gle-gharg
In cein bias i n-a bethaidh' eroibhderg Caeiridhe Crechaidh.
[C] Da doisedh cuan na curad- in tsamail doibh fer Mu-
man
No benha meall dar do déf 7 no bertha eruaidhehrecht.
[A.] Ma da eloisftf Muma min* slôgh mar iat-san i n-a tir
no bbetis beoil bana dhe' cin almhai, cin indile.
[C] Bi i tost is tairnic do dhail" is ob«;- mhir imarbhaidh.
Ni thic don tshiagb tueras tu" freacra na tri coicead friu
[A.] It fir-aithesc ni ba brecslonn tall dod' sluagaibb, a
Checht
Itbera cach dibh nachmr " olc in turas tancamar "
32. O atcualatar na sloig 7 na sochaide ro fergaigit eu mor
7 dorala imach eu dian 7 gu dreamhan a ndeghaidh in druadh
dar glenn siar 7 atbereadh cach re cheli dibh : " Faghbhadh
1. ain, forme de futur archaïque, cf. § 28.
Le siège de Ûruim Damhghaire. 35
Cechl. Si Cairbre le Bel entendait ta prédiction, à Artan,
ou si Cormac le vaillant champion (t'entendait), tu perdrais
ta belle tête.
Art. Je n'estime pas plus Cairbre et Cormac que les deux
cochers qui les servent, tant que vivront le beau Mogh Corb
et Fiacha Muillethan.
Cecht. Si Artchorb et ses enfants t'entendaient, le fracas
(des armes) brisées ne tarderait pas à retentir dans la vallée.
Tu n'en sortirais pas vivant, et leur inimitié contre toi serait
implacable.
Art. Je ne fais pas plus de cas d'Artchorb, ô guerrier, que
des femmes qui habitent dans sa maison dans le Nord, aussi
longtemps que j'aurai dans cette terre Dond Dairine pour
me protéger.
Cecht. Si Ceallacli mac Cormaic t'endendait, ainsi qu'Artur
le vaillant à la grande vigueur, c'est pour toi que la situation
serait peu sûre ; ta sorcellerie ne te sauverait pas.
Art. Je ne fais pas plus de cas d'Artur à la taille élevée
que de son valet, propre, élégant et hardi. Aussi longtemps
que sera vivant
Cecht. Si Cuan na Curad entendait la comparaison que tu
fais d'eux aux gens de Munster, tu recevrais un coup entre les
dents, et tu porterais une blessure cruelle.
Art. Si l'aimable Munster entendait qu'une telle armée se
trouve sur son territoire, ils en resteraient les lèvres blanchies
(de frayeur), sans troupeaux, sans bétail.
Cecht. Tais-toi, et finissons cet entretien. C'est le métier d'un
fou que de discuter ; l'armée que tu loues ne saurait tenir
tête aux trois provinces d'Irlande
Art. Dans ta réponse véridique, il n 'y aura pas de mensonge.
Va dire à tes armées, ô Cecht, que chacun d'eux dira dans la
suite : « funeste est l'expédition pour laquelle nous sommes
partis ».
32. Lorsque l'armée et la foule qui la suivait entendirent
cela, ils furent saisis de fureur. Ils s'élancèrent hors du camp
avec impétuosité et violence, et se mirent à la poursuite du
druide à travers la vallée, vers l'ouest, se disant entre eux :
« Tuons et massacrons ce druide. » Le druide tourna son
36 M. L. Sjoestedl.
in drai bas 7 aidhedh libh. " Imsoi in drai a aig/d forro 7 teit
i muinicin a dhea7 cuir/'d anal druadh ind aier7 i firm/wintcon
derna neul ciach os cinn in tsloigb gur thuit torro 7 gurcui-
restar i loeibricht meraighthi eu ro ela in drai uaidhibh. Iarsin
dano as i comairle doronsat o ro bu mêla leo na draithi uli
do eW uaithibh : slechtaire 7 lorgaire rompa ar slicht in dru-
adh 7 beith in a mbuidhnibh 7 ina ndrechtaibh na dhiaigh.
Ocus dobatar seacht la cona n-oighthibh isin longpurt soin
7 dronga mora dhibh for lurg[i72 a 2J 7 ni ro fetsat tect dia
tigh ar mhet an breachta ro im/r in drai forro. Ocus dano ba
mebal leo gia ro fettais ar no taispenad an drai a lorg doibh
cecha maidne for beilgibh 7 berntaibh 7 athaibh ar daigh a m-
buaidherthi 7 a n-imscarta ria a muindtir.
33. Ro ghabh omhon mor Cormac annsin, ar ba doigh lais
gur ba turbrodh dia sloghadh 7 na toirsitis a muinter chuigi.
Ocus do ghabh oc e'iliugad na ndruadh batar aigi fein 7 atbert
friu : " Caidhe bar tarbha-si damh-sa, " ar se, " madh ro
marbfld mo muindtir cin fis cin forcloisin dam h 7 gin fonacht
uaibh-si dhoibh ?" — " Ni ramarbhu iat idir, " ol siat,
" acht suainbrect seachtmaine dorât in drai forro 7 doberam-
ne doridisiu ar culai ". Is ann-sin docuatar-san i forbha a
bhfesa 7 an-eolusa. 7 ro cursflt a suainbrict dona sluagaibh 7
do roachtsad chuca i bhforba na seachtmatne.
34. O ra siachtadar a muindter gu Cormac ro coimenV/;
roime i cenn seta 7 imth^/a co riacht co h-Ath Cuih Fedha
risan abar Ath Croiiniu, 7 ro suidigsrt longport annsin. Dorala
do Chithach dula amach d'fegad aieoir 7 tin///winti 7 dorala
ter a comaeisi fein dô .i. Dubhtis mac Dofis 7 do (iârùiigb
cach dibh scela d'aroili,7 do raidh Dofis 7 do freagair Cithach
7 doronsat in laidh eturra.
35. [D.] A Chithaigh, canas tanac* slounn, i tiribh do nam-
hat?
Le siège de Druim Dambghaire. 37
visage vers eux et, invoquant sa divinité, souffla un souffle
magique dans l'air et dans le ciel. Il s'en forma, au-dessus de
l'armée, une nuée noire qui retomba sur elle, et les plongea
tous dans un état d'égarement et de folie. Le druide en pro-
fita pour s'évader.
Voici le parti qu'ils prirent ensuite. Dans le chagrin qu'ils
éprouvaient à voir tous les druides leur échapper, ils envoyèrent
sur les traces du druide des gens chargés de le suivre et de le
chercher; eux-mêmes suivaient par bandes et groupes séparés.
Ils restèrent sept jours et sept nuits dans ce camp-là, tandis
que de grandes bandes d'entre eux continuaient la recherche.
Il leur était impossible de rentrer chez eux, tant était puissant
le sortilège que le druide leur avait jeté; même les indices
qu'ils découvraient servaient à les égarer, car le druide leur fai-
sait-apparaître chaque matin sa trace, à travers les ravins, les
cavernes et les gués, afin de les affliger et de les entraîner
loin des leurs.
33. Cormac fut alors frappé de terreur, car il pensait que
quelque obstacle retenait son armée, et qu'elle ne lui revien-
drait plus jamais. Et il se prit à accuser les druides qui étaient
à son service, disant : « A quoi me servez-vous, si l'on met à
mort mes gens sans que j'en sois informé ni prévenu sans que
vous veniez à leur secours? » « Ils ne sont pas morts. du
tout », dirent-ils, « mais le druide les a ensorcelés depuis une
semaine, et nous les ramènerons chez eux ».
Ils se recueillirent alors et rassemblèrent toute leur science
et tout leur art et envoyèrent un charme vers les armées, qui
revinrent vers eux au bout de la semaine.
34. Lorsque les gens de Cormac l'eurent rejoint, il pour-
suivit sa route et son expédition, et parvint à Ath Cuili Fedha,
aujourd'hui Ath Croi, où l'on établit le camp.
Il arriva que Cihach sortit du camp pour examiner l'air et le
ciel; il rencontra un homme du même âge que lui, Dubihis
mac Dofhis. Ils se demandèrent l'un à l'autre les nouvelles.
Dofhis prit la parole, Cithach répondit, et ils firent ensemble
ce poème.
35. Dubhfis. O Cithach, comment es-tu venu dans la
terre de ton ennemi ? Dans la terre de ton ennemi, comment
es-tu venu, où vas-tu ?
38 M. /.. Sjoesiedl.
I tir Jo namhat amne'ca tanac, ca rot teidhe?
(C]0 Mliùr Té thanac ille* gu Cuil Feaga Formaeile
A Munw/n teidhim cin gheis' A Dliuibhlis, a meic Dhofis.
|/>.|Cidh dia teidhe-si i Mumain' slonn gin cairdi, mas
chubaid
Tagairdo dail, cia do set ? ga slùgh ga dtai forchoimhet?
\C.\ Do dhingbtf// druadh in tire. 1 172 b 1 | teidhim marom
coi m hd lu ne
Coiscidh Cormac bhidh cumhair righa mora na Munuxn
[D. \Gach toise fa taneuis ille' eu brath noeha comaillfe
Biaidh nel air uasaibh a moigh" bhidh beg bar ngrain, a
Cithaigh. A Cithaigh.
36. A h-aithle na laidhi-sin ra hinnisfd do Chormac gur bâ
oie faitsine na ndruadh dhô. " Ni fetaim-si, " ar Cormàc " a
didhuil forro ar gid in lucht ro thriall a marbadb ni ro ietsat
7 is forro ra imerset mêla ". Cu nad annsin ro aithin Cormac
gan a luadh ider intan tiefatuis.
Afna mharach immorro gabsat rompa i bhtairsiungslighedh i
cenn Mairtine Mumaw gu rangatar eo Dnnm Medhoin Mair-
tine dar bha comhainm Ardcluain na Fene 7 Mucralach mhuc
Daire Cerbe righ Medhoin Mairtine, frisin apar Imliuch Ibhair
aniu 7 ro suidhighset longport isin du-sin.
Teit Cithmor asin longport siar dhes, d'fegflrf nel 7 aoir co
bfesadh ord in zsloigb. Is and dorala dhô araili laech finnehas
forbhfaih'J .i. drai Medhoin Mhairtiwe dar bhu comhainm
Medhran drai 7 ro gabh cach dhibh ar acalduim a chele 7 ic
fiafraigid scel 7 do raidh Medhran in laidh 7 do freagair Cith-
moV.
37. [M.] A Chithmoir, gu fir freagair- ga la thanac 6 Them-
hair ?
Caidhi hord o sin ille' borb nech muna fiafraighe.
[C] Dia luain duin gu Comar cruaidh" is Dia Main co
h-Ath in tShtaio-
o
Diacedain (conar cain gle)* co mullach fain Formaeile.
Le siège de Druim Damhghaire. 39
Cithach. C'est de Tarn que je suis venu, à Cuil Feaga
Formaeile.Je vais en Munster (rien ne me l'interdit), ô Dubhfis,
ô fils de Dofliis.
Dubhfis. Pourquoi vas-tu en Munster, dis-le, sans attendre,
si cela est convenable. Explique-moi cette rencontre(P), quelle
route suis-tu ? Quelle armée surveilles-tu ?
Cithach. C'est pour repousser les druides de cette terre, que
je viens ainsi que mes compagnons. Cormac châtie (ce dont
on se souviendra longtemps), les puissants roi de Munster.
Dubhfis. Les desseins qui t'ont amené ici, jamais tu n'en
réaliseras aucun. Un nuage de carnage (?) s'étendra au-dessus
de vos têtes dans la plaine. Faible est la crainte que vous
inspirerez, ô Cithach ! — O Cithach.
36. Après qu'ils eurent récité ce poème, il fut répété à
Cormac que les druides proféraient des prédictions sinistres le
concernant : « Je ne saurais en tirer vengeance, » dit Cormac,
« car tous ceux qui ont essayé de les tuer ont échoué, et c'est
eux-mêmes qui ont pâti ». Si bien que Cormac donna ordre
qu'on ne fit allusion à rien lorsqu'ils reviendraient.
Le lendemain on reprit la .marche, là où le chemin va en
s'élargissant vers Mairtine de Munster, jusqu'à Druin Medhoin
Mairtine que l'on appelait aussi Ardcluain na Fene et Muctha-
lach MucDaire Cerbe. Cerbe était le roi de Medhon Mairtine,
que l'on appelle Imliuch Ibair, aujourd'hui ; ils établirent le
camp en ce lieu.
Cithmor sortit du camp, marchant vers le Sud-ouest, pour
regarder les nuages et l'air afin de savoir quel serait l'ordre de (
marche de l'armée. C'est alors qu'il rencontra un guerrier,
aux cheveux blonds et bouclés, et d'apparence avenante ;
c'était le druide de Medhon Mairtine, qu'on appelait Medh-
ran, le druide; ils se mirent à causer ensemble, et Medhran fit
ce poème dont Cithmor fournissait les reportes.
37. Medhran. O Cithmor, réponds véridiquemnnt. Quel
jour as-tu quitté Tara? Quelle marche as-tu suivie depuis lors?
— Insensé quiconque ne le demanderait pas !
Cilhmor. Nous allâmes Lundi à Comar, lieu farouche. Mardi
a Ath int Slôig (au gué de l'armée). Mercredi, belle et splendide
route, au sommet de Formael escarpé.
|o M. L. Sjoesiedl,
[M.JCaidhi barn-orddia Dardain- innis duinn aCithmhoir
chaeim.
Cidh ro bar rojg in seul soin ? Cidh ro bar soebh re seacht-
mhoin
[M.] Ord na h-Aeine, in meabair laf a Chith Mho'wcuicid
Connacht ?
Cia leith raghthairdiabar ngairnr isin maidin dia Sathairn?
[172 b 2] [C] O chuil Fegha dhuin aile' co Driiim
Medhoin Mairtine
Ord na h-Aeine duid gin dailbh' gu Cnoç na Cenn dia
Sathairn
\ M.] Caidhi bur n-ord o-so amach' innis duin masat eolach
Ma roetar slonn co tai' a Chith Moir, cin imargai.
[C] Bemit annsin co tv'izmain' mi 7 raithi 7 bliadtfw
Bid duaidhdo Leith Moghaar mbaiglr bidhcruaidh ar modh,
a Mliedrain
[M]. Gach a ndingne dh'ulc d'ar ro" târruster ort ind oen-
lo
Madh lais tall budh terc a treoir bid fann do cen a Cith-
moir. A Cithmoir
38. Imsoei cach dhibh o cheli dh 'aithle na laidhi-sin 7 teit
Cithraor ar zmus in longphuirt 7 do bhi in slâgh annsin eu
mueba lai ara bharuch. O thainic an maitean ro coimeir;^/;
Corinac cona sloghuibh 7 tancatar rompa gu Cnoc na Cenn
gur gabsrtt longport ann. Is ann-sin atbgrt Cormac ra Cith-
ruadh fern a pupla do sadhud. Ocus arai ni ro eir/'^h CÀûwuadh,
ar forfitir nach fétfadh in puba// do sadh/u/. Do dhechatar
dano slôig in choicid ar deisibh 7 ar triamibh for cnocaibU 7
tor tulchuibh impuibh dia bhfegad. Ocus atbert cach re chele
dhibh : " Atat daimh dil ann 7 cliath b^rnadha ced iniu i
Cnuc na Cenn 7 itadamghaire sochaide 7 forngaire slogh. Ocus
bid he a ainm o aniu-cu brath : Druim Damhghaire. Is ann
ro raidh Cormac : " Fadectsa, a Chithruaidb ", ar se, " sdidh
mu pupa/7/ mar no saidhtea pupaill mh' athar 7 mu senathar,
ar ni as so raghat no gu tardthar mu chain damli no eu rom
eiùchter uimpe ".
Le siège de Dr ni m Dam ho ba ire. 1 1
Medbran. Quel tut votre étape «Je Jeudi ? Dis-le nous, aimable
Cithmor. Pourquoi avez-vous choisi (?) cette direction ?
Comment vous êtes-vous égarés durant une semaine ?
Medbran. Te souviens-tu de ce que vous fîtes Vendredi,
Cithmor, homme de Connaught. De quel côté ira-t-on vous
provoquer dans la matinée de Samedi ?
Cithmor. De Cuil Fegha nous sommes allés à Druim Mèd-
hoin Mairtine; voilà notre marche de Vendredi, sans men-
songe. Nous irons Samedi jusqu'à Cnoc na Cenn.
Medbran. Quel chemin suivrez-vous ensuite ? Dis-le nous;
si tu ne l'ignores pas. Si tu le sais, apprends-le nous, ô Cith-
mor, sans nous tromper.
Cithmor. Nous resterons là, tristes et lassés, un mois, un
trimestre et une année. Nous combattrons farouchement contre
les gens du Sud ; nous les traiterons avec férocité. O Medran.
Medbran. Tout le tort que tu feras à notre prospérité est
ramassé sur toi (?) en un seul jour. leur conduc-
teur sera Et ton droit aura peu de force,
ô Cithmor. O Cithmor.
38. lisse séparèrent après avoir composé ce poème : Cithmor
rentra au camp et l'armée- resta là jusqu'au lendemain matin
de bonne heure. Au lever du jour, Cormac se mit en marche
avec ses troupes et ils allèrent jusqu'à Cnoc na Cenn, où ils
établirent le camp. C'est alors que Cormac dit à Cithruadh de
planter les piquets de sa tente. Cependant Cithruadh ne se leva
pas car il prévoyait que la tente serait impossible à planter.
Les soldats de la province se rendirent alors, deux par deux ou
trois par trois, sur les collines et les coteaux environnants,
pour les voir. Et ils se disaient l'un à l'autre : « Il y a de beaux
guerriers et une assemblée imposante de champions à Cnoc
na Cenn, et la clameur de nombreux guerrier y retentit avec
la rumeur puissante des armées. Cette colline s'appellera doré-
navant Druim Damhgaire ».
C'est alors que Cormac dit : « Allons, Cithruadh, plante
ma tente comme tu avais coutume de planter la tente de
mon père et de mon grand-père, car je ne bougerai pas de là
qu'on ne m'ait accordé ou refusé mon tribut. »
.|2 M. L. Sjoestedt.
39. Gabhus Cithruadh iarsin ar a sâdh/ti 7 icgabhail férne
na pupla don talmazu 7 ni ro dhipad ' ar fer nach ar fonn
uadh fern na pupla 7 do sclthiged in drai 7 ro raid : " atci
so, a Chormaic, 7 gin gur ghabhuis aithne uaim-si as reil dait
ar in cleith-si in ro raidhscm-ne friut ria tiachtuin a Temhr-
fl47^" j 7 c'° raidh m retorec.
" Adchi in cleith-si, a Chormaic 2 ".
40. " Atcluine sut, a Colptha, i n-apair in sendrai, 7 fort-
t'imidb sâdhad na pupla 7 said fein i ". Ro gab Colptha fern
na pupla n-a laimh 7 ro gab oc tathair 7 oc beim ar Cithr-
uadh 7 tue forba n-eeomluinn 7 sinedh romor for a churp eu
taillfitis meic mhidhaeisi idir cech dâ asna do 7 ro iuirim fria
tahnain an feirn-sin 7 ni ro ghab lâr uadh ; ro bui dia nert-
mhaire chena rô saith co nderna brisebruar dhi o foréim/rf a
satlW. " Cidh dogentar andfusa ? " ar Cormac. " Dogentar,
" ar Cith Kuadb 7 ar cach arcena " sloigh mhora do taba/rt
cucainn. Ct Ocus tucait, ocus doronait longinata mora ann 7
ro sâiàhed einn na cleath is na sailghibh-sin 7 is fon n-inn-
us-sin doronrti in longport uile. As de ata Long Cliach inniu
.i. don tsuidhius/'i/-sin.
41. Ocus ro raidh Colptha ra Cith Ruadh. " Ro bhai deitbir 5
dhait-si gia madh lease lat in turus-sa, ar gi be dheoch gi be
na deoch i mbethaid asin cuiced-sa. ni tusa raghas ". " Ba deit-
bir on, '' ar Cithruadh ", uair fortetur-sa a mbia dhamh dhe
7 do Chormac 7 no thairmeasefaind-si imbe tiachtain mina
nertadh sibh-si fair 7 mane dernadh bhar comhairle. Ocus dano
ni ba ferr dhuibh-si in cuiced thancabar uair ni ragha neach
uaib i mbethrt/rf as in cuteed-sa. Ocus duno, " ar se ", in pub/</-
sin na ro iétus-saj na ro tVtuis-si do sadh ud h ; ni tibherthea a
1. Nous ne savons à quelle racine rattacher cette forme. Faut-il y voir
une forme de di-ben- « diviser », ou la rattacher à diupa « creuser » (?),
K.Mever. Contrib. Cf. § 49 la même forme.
2. Sans doute est-ce à la fin de ce paragraphe que devrait venir se placer
la deuxième partie du § 42, depuis foreimdbigh.
3. Dans T'interligne au-dessus de deitbir : no derb.
Le siège de Druim Damhghaire. 43
39. Cithruadh se mit alors en devoir de planter la tente et
d'entrer les piquets dans la terre, et il ne put enfoncer ni dans
l'herbe ni dans la terre les piquets de la tente. Quand il fut
las, il dit : « Tu vois, quand bien même je ne t'aurais pas
averti, ce poteau te prouve ce que nous t'avons dit avant que
tu quittes Tara » ; et il dit la rhétorique : « Vois ce poteau,
Cormac », etc.
40. « Écoute donc ce que dit le vieux druide; puisqu'il n'a
pas pu planter la tente, plante-la toi-même ».
Colptha prit en main le piquet de la tente, et se mit à
réprimander et à insulter Cithruadh, et il se mit à l'œuvre à
grand etiort et son corps en était si excessivement distendu
que des hommes adultes auraient pu passer entre ses côtes. Il
appuya le poteau contre terre mais ne parvint pas à le faire
pénétrer ; il déploya autant de force pour le ficher en terre
que pour le briser lorsque ses efforts pour le ficher eurent
échoué. « Que faut-il faire maintenant ? » dit Cormac, « Il
faut », dit Cithruadh, et tous avec lui, « il faut nous fournir
un grand nombre d'hommes. » On les leur fournit, ils firent
de grands chantiers comme pour des navires, et assujettirent
la tète des poteaux dans ces étais. C'est de cette façon qu'ils
établirent tout le camp. C'est de là que le lieu est nommé
Long Cliach, à cause de la façon dont on établit le camp.
41. « Sans aucun doute», dit Colptha à Cithruadh, « tu
devais répugner à cette expédition. En effet, que tel ou tel
revienne ou ne revienne pas vivant de cette province, toi en
tout cas n'en reviendras pas ». « Sans aucun doute », dit Ci-
thruad ; « je sais en effet quelles seront les conséquences de
cette expédition et pour moi et pour Cormac : j'aurais empê-
ché Cormac de partir, si vous ne l'y aviez encouragé et si votre
avis n'avait prévalu. Au reste vous ne vous trouverez pas
mieux que nous-mêmes d'être venus dans cette province,
car aucun de vous n'en sortira vivant. Au reste, ni toi ni
moi n'avons été capable de planter cette tente. Elle n'aurait
pas été sortie de la maison de Tara, n'eût été de vous,
mais Cormac aurait suivi les recommandations de son père et
de son grand'père et n'aurait réclamé de tributs qu'à bon droit
et en toute loyauté. Quoique la prophétie que je lui fis à ce
44 M. L. Sjceskdl.
tigh Temracb hi, min bad sibh-se, [173 a 2] acbl inni ro ta-
rasnuigh athair 7 sen zthair do, .i. asa rect 7 asa bhfirinne, is
;is no c.huinegad a cain. Giar ba fir tra in Faitsine-sin ni thwc
Corinne dia oidli hi, na inte dosroine ".
42. Is amlrt/d/; immorro boi int iiW i mbai Coxmac cur bo
iseal leis he7gur bobard lais int inadh araibhi Fiacha 7 firM//-
rnan. OfMjrogheallsat a draithe do-sum ce m^d i latrad in baile
ingebdais cun toicebhduis uas cach 7 ro iar Cormac orro-som
sin. Ocns t//csat dô anw/7 ro gheallsat ax ro arduighset an
enoc-sin iar taibsin côicait cubât uas cach, gin gub fir a beit am-
\aid.
Foreimdhig tra CÀtxxxuadh ' in pupall do sàdh//^/;cu ro raidh
Comme. " Cle is mana fort, a Chithruaidh, cid dochuaidh do
nert intan na ro tétais in phuptf//.do sadhadh. Ni gliabhudh
didiu in tulach fern na pupla acht nmail bidh ar cloich no
saidhthea". " Nucon edh itû ", ar Chhruadb, " nach biath
do nirt ocum a sadhudh, acbt is tria ainrir ro xnaWadh "
43. Batar annsin teora la 7 teora oighthi ac suidhiug//^/;
a longphuirt. Docuas uadhaibh iardain do chuinghidh a cana
7 a chumhaile 7 ni tucait. Tanças o C\\ormac arna mharach
do chuinghidh chomlainn einfhir ar fearuibh Mumhan. Ro
cuingd'rf o fearaibh Mumhan dail teora la 7 teora ngebe ar Chor-
mac ar daigh co bhhnndais cia no tinefeadh 7 no gebhudh do
lai m acu in comh/fl«/?, ar ro bu cinnte ac Coxmac in cuicer no
ghebhadh do laimh comhlann. Doratadh o Chox mac in dail—
sin. Doronadh comhairli ag feraibh Mitmban [173 b 1] frisin
re sin 7 ro chindset g^ch aen dibh no gebhudh do laimh.
Ocns'is eadb frith oc feruibh Muma/; do thincsin an comhlainn :
ochtar ar cethri a'/aibh 7 enainm for cech iïchit dibh-sein 7
taisech for cech îiebit 7 in t-ai//m no bidh for an taiseach
iss cdb no bidh for a îich'w 7 dano ba comhlunn îich'xt in tai-
1. Ce passage jusqu'à la fin du paragraphe paraît hors de sa place. Sans
doute faudrait-il le transporter à la fin du 5 39-
Le siège de Dntiin Damhghaire. ,45
sujet fût véridique, Cormac ne s'en est pas plus soucié que uV
celui qui la faisait ».
42. Le lieu où était campé Corniac lui paraissait être trop
bas, et celui où étaient campés Fiacha et les troupes de Mun
ster lui semblait élevé. Ses druides lui avaient promis que,
quelle que fût la situation du lieu où ils se trouveraient, ils
rélèveraient au-dessus de tous les autres. Cormac leur deman-
da de le faire, et ils firent comme ils avaient promis. Ils éle-
vèrent en effet la colline de cinquante coudées au-dessus de
toutes les autres, du moins en apparence, car il n'y avait là
qu'une illusion.
Cithruadh ne réussit donc pas à planter la tente; à ce sujet,
Cormac lui dit : « Maladroites sont sont tes mains, Cithruadh.
Où donc était ta force, alors que tu n'étais pas capable de
planter la tente ? La colline n'a pas laissé pénétrer les piquets,
pas plus que si on les avait plantés sur une pierre ». — Ce
n'est pas que la iorce me manque pour la planter », dit
Cithruadh, « mais c'est l'injustice de ta tentative qui est cause
de cet échec ».
43. Ils mirent trois jours et trois nuits à établir le camp. Ils
envoyèrent ensuite réclamer le tribut et l'indemnité, et on ne
les leur accorda point. Le lendemain Cormac envoya provoquer
en combat singulier les guerriers de Munster. Ceux-ci lui
demandèrent un délai de trois jours et trois nuits, pour déci-
der qui se chargerait de combattre, car, pour Cormac, il con-
naissait d'avance les cinq qui se chargeraient de combattre.
Cormac accorda ce délai. Les hommes de Munster délibé-
rèrent a ce sujet et décidèrent qui prendrait part au combat.
Voici les dispositions qu'ils adoptèrent en vue de ce combat :
quatre cent huit hommes, par compagnies de vingt hommes,
dont chacune portait un nom et avait un chef, et chaque
compagnie portait le nom* de son chef. Le chef était de force
à combattre vingt hommes, et chaque homme de chaque com-
pagnie pouvait en combattre neuf.
Voici les noms de chaque compagnie : compagnies Finn,
Failbe, Fingen, Fergus, Fiacha, Finnchad, Dond, Daire, Dom-
46 M. L. Sjoestedl.
■seach 7 ba comlunn nonbur gach fer in gacli fichit. It é annso
na h-anmanna ro batar for na fichtibh .i. fiche Finn 7 fiche
Failbhe, fiche Finghen, iiche Ferghus, Uche Fiacha, fiche Finn-
cliad, fiche Dond, fiche Daire, fkhe Domnall, fiche Forgarb, fiche
Tren, fiche Mureadhach, fiche Treinfear, fiche Fe'û'imidh, fiche
Donnchad, fiche Conall, fiche Cobthach, fiche Dubthach, fiche
Dael, fiche Dinert^, fiche Diarmud, iiche C\ar, fiche Crimthan.
44. Ro gàbustar dano Mogh Corb, mac Cormazc Cais meic
Oihï/tf Oluim do lâimh laidh/Wgach fir no raghadh o feraibh
M.uman asin comlunn. Ro gabhustar d\diu Cairbre Lithfacair
mac Corma/c do lâimh lâidhzW gach fir no ragadh o Leith
Cuinn isin comhlunn. Act ni ro ghaibh nach dhibh do laimh
dul isin comlunn acht in cuicev druadh tue Cormac as Sith
Cleitigh .i. Colptha 7 Lurga, Errgi 7 Eng 7 Engain.
45. Tainig tra Colpa roime siar eu Raithin in Imairic i
Weith aniar thuaidh d'Ath na nOc, frisin apar Ath Colpa
inniu. Do deochaidh Finn Fidhrinde do thincsin Colpthacu
Raithin in Imairic ra hAth Corcomaigen aniar dheas frisinn
abar Ath Colphta beos. Ocus a dhâ bhfear laidhthi leo .i.
Mogh Corb 7 Coirbre. Gabhustar cach dhibh og agallaimh a-
raili 7 oc tincsin in chomh\uinn. Ocus mar râinic do chach
dib isin âth robtar inilldhirghi na h-urchair 7 robtar cruaidh
na crideadha 7 roptar bailce na beiminna ; beridh cach dibh
beim ar beim [173 b 2] dia cheili fon tuaraim-sin 7 fregra fon
tacra. Ocus ro bui cach dhibh oc imesarcain a cheli gu tanca-
tar dubhuchu deridh lai ; No ragduis imtnorro eoin ar crom-
lunmain tria chorp Find ; acht cenz ni raibhi nach comhardha
or churp Colptha, ar ni geibhtis renna na ilfaebra he ar mhét
a druidhechta. Acht cena roscarad Colptha fa tri ra armaib isin
lo-sin, 7 doratait ardainiene ' air a n-eemais marbhtha. Ocus
ro dealuighset o tancatar dubacha .deridh lai 7 dochoidh cach
dhibh dia longport.
46. Ba crechtach crolinntach Finn in nigche sin 7 ro gheall
1. ardainiene, pluriel de drdainicin, qu'on a* § 63, composé de ainicin
(K. Meyer, Contributions), c oppression, dommage », qu'on a, § 95.
Le siège de Druirn Damhghaire. 47
nall, Forgarb, Tren, Mureadach, Trenfer, Feilimid, Donn-
chad, Conall, Cobtach, Dubtach, Dael, Dinertach, Diarmud,
Ciar, Crimthan.
44. Mogh Corb mac Cormaic Cis meic Oililla Oluim se char-
gea d'encourager les guerriers de Munster qui iraient au com-
bat. Cairbre Liftechair, fils de Cormac, se chargea d'encourager
les guerriers du parti du Nord qui iraient au combat. Mais seuls
parmi ceux-ci allèrent au combat les cinq druides que Cormac
avait amenés de Sith Cleitach : Colptha et Lurga. Errgi,'Eng
et Engain.
45. Colptha s'avança vers l'Ouest jusqu'au tertre désigné
pour la rencontre sur la rive Nord-ouest d'Ath na nOc, aujour-
d'hui Ath Colpa. Finn Fidhrinde se rendit pour l'affronter au
Sud-ouest d'Ath CorcoMaigen, aujourd'hui Ath Colptha. Les
deux guerriers chargés de les encourager; Mogh Corb et Cairbre,
étaient avec eux. Ils s'adressèrent la parole et engagèrent le
combat ; durant leur rencontre dans le gué, sûrs et droits
étaient les traits qu'ils se lançaient, fermes leurs cœurs, puis-
sants les coups qu'ils se portaient; les coups répondaient aux
coups et la riposte à l'attaque. Ils se meurtrirent ainsi l'un
l'autre, jusqu'à ce que vinssent les ombres de la fin du jour.
Les oiseaux auraient pu se faufiler en volant à travers le
corps de Find. En revanche le corps de Colptha ne portait
aucune trace de coup, car ni pointe ni tranchant ne pouvait
l'entamer tant était grande sa puissance magique. Cependant
les armes de Colptha lui furent arrachées par trois fois ce
jour-là, et il fut cruellement blessé sur son corps, quoiqu'il
n'en mourût point.
Lorsque l'ombre arriva ils se séparèrent et chacun regagna
son camp.
46. Finn était tout déchiré et sanglant ce soir-là. Il s'en-
gagea sur l'honneur à reprendre le combat en personne le len-
demain. Il soutint le combat de la sorte pendant trois jours
puis succomba, Colptha ayant réuni tout son art et toute sa
48 M. L. Sjoesledt.
a briathar dhô eu metd lié no thinefedh in comlunn do arna ba-
rach ; rothincFinn tra in comlunn gu cenn tri la fon tuaruim-
sin 7 dorochair iarsin iar ndul do Colptha i formna a feasa 7
a eolusa a dliiaba/dain 7 i muinighin a dea. Dorocbratar trai»
fiche Finn la Colptha on mud-sai«. Ocus ni nar bat crwaidhi
na cridhedha 7 ni nar bat bailce na beimeana 7 ni nar bat
inillddirghiu na hwrehair uaidhibh do Colptha, acht niis raba
diabtf/dan acu do freacra dho.
47. O thairnic tra in comhl/MH-sin, tainic Lurga for in ath
cedna. 7 ro fuacair comhlunn forferuibh Muman. Ro tincedh o
na Failbibh sin. Dodhechaid Failbhe mac Fedhuigh isin
comhlunn. 7 rob inilldirach ro freagradh an comlunn aigi 7 ba
cruaidh 7 ba calma. Ocus eimilt ainnisi in engnamha doronadh
jsna comhlannuibh-sin uili ar as i a n-innisi cetna. beos. Is
amW./-sin tra ros caithit 7 ros dithaighit lucht in chomhl/«'w/z
uili 6 feraibh Muman. Con drochair ochtmoga 7 da cèd ann
d'feruibh Muman 7 ni thiced o Cliormac isin comlunn acht
Colptha 7 Lurga iar sealuibh 7 sistibh. Cunad annsin ro
dhiultsat fir Muman in comlunn aeinlir.
48. Ro cuingedh o Chovmac comhl//«« cet ar feruibh Mmw-
han. Dodhecbatar atuaidh ann-saidhe tri h-ingena Mhaoili Mi-
scaidhche .i. Errgi 7 Eng 7 Engain, in deilbh tri caer^ch Icach-
tna gu cnesaibh congnai, gu cennuibh cnamha, gu nguilbn/7>/;
iaruind, gu neimh dhithafierf ra h-uair comhluinn. [174 a ij
Ocus dano ni isgeibhdis renna na foebra in betha loe na rînna
dhoibh. Ro tmeed o feruibh Muman in coml/m«ced 7 ra cor-
aighit na cliatha cruaidhi fo«acalltha do ghaibh coirrbreaca
cruaidh géra i llamibh leo, gu leibenn sciath retlannach i tim-
chill in tsloigh 7 tri cblaidibh troma thortbhuili^/;a a n-in-
tighibh dhoibh gu sleaghuibh sodhibraiethe leo ra ha/ritin
aidh 7 irgaili 7 ra tinnscetul deabhtha. Ocus o ro comhra/cset
ânes. 7 atuaidh imsou cach co a chele dhibh.
49. Ro chaithset fir Mumhan forcla a n-arm in la-sin oc
Le siège de Dniim Damhabairc .
49
science diabolique, et ayant invoqué son dieu. Ainsi suc-
combèrent sous les coups de Colptha les vingt guerriers de
Finn. Ce n'est pas cependant que leurs cœurs ne fussent pas
fermes, que leurs coups ne fussent pas puissants ni leurs traits
sûrs et droits ; mais ils ne disposaient pas de ressources
magiques égales à celles dont disposait Colptha.
47. Ce combat terminé, Lurga vint au même gué et pro-
posa le combat aux Munstériens. Ce fut la compagnie de
Failbe qui releva le défi. Failbe mac Feduigh vint au combat.
Ce fut avec sûreté, avec fermeté et fougue qu'il soutint le
combat. Ce serait perdre son temps que de raconter les actions
d'éclat qui furent accomplies durant cette série de combats,
car le même récit a déjà été fait. Le fait est que tous les
Munstériens engagés dans ce combat succombèrent et périrent.
Deux cent quatre-vingts Munstériens périrent sans que Cormac
eût engagé dans ce combat d'autres que Colptha et, alterna-
tivement, Lurga. C'est à la suite de cela que les gens de
Munster refusèrent tout combat singulier.
48. Cormac demanda alors aux Munstériens de lui livrer
bataille par troupes de cent. C'est alors que vinrent du Nord
les trois filles de Maol Miscadach : Errgi, Eng et Engain, sous
l'apparence de trois moutons bruns. Elles avaient des cara-
paces de corne, des têtes d'os, des becs de fer qui distillaient
des poisons capables de tuer cent hommes dans le combat.
Toutes les pointes et les tranchants du monde n'auraient pu
couper un poil ou un brin de leur toison.
Les gens de Munster engagèrent le combat : ils ajustèrent
des bois durs aux javelots bien façonnés durs et pointus qu'ils
portaient à la main : ils firent avec les boucliers étoiles un
rempart autour de l'armée : ils portaient trois lourds glaives
aux coups pénétrants dans leurs fourreaux. Ils portaient des
javelots aisés à lancer pour soutenir le combat, et engager la
lutte.
Lorsque les adversaires se rencontrèrent, venant du Nord
et du Sud, ils s'attaquèrent l'un l'autre.
49. Les gens de Munster perdirent ce jour-là le meilleur de
Revue Celtique. XLIII. 4
50 M. L. Sjoestedl.
uradaigh'i 7 oc imditen a corpar na caeiribh. Ocusclar bat inill-
dirghi na h-urchair7 giar bhat bailciu na beimeanna o feraibh
Mumhan do nacaeribh ni ro dlpad ■ ar lo nach ar finna dhoibh
7 dano ni ra chumhcaiset-som ni do feruibh Mumhan in la-
sin, acht brudh airm 7 biàid. Ocus o thancatar cricha in lai 7
urthosflch na h-oighthi imsoe cach o chele dhibh ar amwj a
lottgphort.
50. Tancatar dano i mucha lai arna mharach fon tuaraim
cedïiz i freacar in chatha 7 immafainic imesarcain doibh isin
ath. Ocus nir bo finncloistena do cetra cuicedaibh Eirewn co a
longportuibsceallghar na sciath 7 cruaidhbheimn^c na daid'mm
7 briscbruar na n-arm 7 imesaronn na curad fris na Caeirigh.
Ocus ciar bhu cruaidh 7 ciar bu curata ro freacrait na cz'mgh
o na sloghuibh in la-sih, araidhe dochuatar na ca'mgh treothn
7 tarrsa 7 ros dicennsat co leir 7 ro facbad in drong-sain in-
sin bonn fria medhe 7 meidhi fri bonn 7 doit fria doit 7 dor-
onstft na cairigh dumha da n-eduighibh 7 da n-armuib/; 7
carn dia cennaibh 7 forfacuibhset fon tuaraim-sin 7 imsoe
cach o araili dhibh co a longpor/aibh. Ocus beruït fir Muman
faidhbh a muindteri leo. Cona.dk amlaidh sin dorochuir int
ochtar ar cetbri cedùb d' feruibh Mumhan. O thancatar 2 im-
morro na comlunna-sin ro ratha/^/;set tir Mhuma« cur bho
iluch à&mhraidi moin vous dith uili amh\aidh sut. Ocus is
edh doronsat foi-sidhe a n-ainfiallach do leacud 7 ni ro tincset
in comhlunn [174 a 2] eitir o sin imach.
51. Ro cuingedh in cain iarsin o Chovniac 7 ni tucadh do.
Is annsin adubair/ Coxmac ra a druidhibh : " Caidhi in ni ro
gheallabhair dam-sa ?" — " Ca ret do gheallsam duix. ? " ar
siat. — "Do gheallabar dhamh", ar se, " tart do thabfl/rt ar
lucht in chuicidh-si, 7 srotha 7 uisge in cuicid do dhicleith
acht na mbiath dibh ocum foghnamh fein 7 ac foghnam mu
1. Pour cette forme peu claire, cf. § 39.
2. Sans doute faut-il lire thaimcetnr.
Le siège de Druim Damhghaire. 5 1
leurs armes, en protégeant et sauvegardant leur personne
contre les attaques des brebis, et quoiqu'ils les assaillissent de
traits sûrs et de coups puissants, elles ne perdirent ni poil ni
brin de leur toison ; les gens de Munster ne réussirent ce
jour-là qu'à mettre en pièces leurs armes et leurs vêtements.
Lorsque le jour fut sur son déclin et la nuit près de tomber,
ils se séparèrent et rentrèrent dans leurs camps respectifs.
50. Le lendemain de bonne heure ils vinrent reprendre le
combat dans les mêmes conditions et se mirent, d'un commun
accord, à s'entr'égorger de nouveau dans le gué. Et ce n'était
pasagréable pour les quatre provinces de l'Irlande d'entendre,
jusque dans leurs camps, le fracas des boucliers se fendant (?),
les durs coups de glaives, le bris des armes, et le massacre de
héros que faisaient les brebis. Quoique les bataillons oppo-
sassent une résistance opiniâtre, celles-ci percèrent et bous-
culèrent leurs rangs, décapitèrent les guerriers et laissèrent
toute la troupe sur la place, sens dessus dessous et côte à côte;
les brebis firent un monceau de leurs vêtements et de leurs
armes, empilèrent leurs têtes en un tas, et les laissèrent ainsi;
les adversaires se séparèrent alors pour rentrer dans leurs camps.
Les guerriers de Munster emmenèrent avec eux les dépouilles
de leurs gens.
C'est ainsi que furent défaits quatre cent huit guerriers
de Munster.
Après ces combats les gens de Munster remarquant que
c'était de bestiaux formidables qui les avait tous mis
à mort ainsi, décidèrent de renoncer à (ces combats) où ils
engageaient un corps d'armée, et ils n'acceptèrent plus aucun
combat dès lors.
51. Cormac réclama ensuite le tribut, et on ne le lui donna
pas. C'est alors qu'il dit à ses druides : « Eh bien, et la pro-
messe que vous m'avez faite ? » — « Que t'avons-nous pro-
mis ? » dirent-ils. — « Vous m'avez promis », dit-il, « d'alté-
rer la population de cette province, et de cacher les fleuves et
les eaux de la province, sauf la quantité qui m'est nécessaire
à moi-même et à mon armée. Et je ne me suis fié, ni ne me
fie à ma propre force, mais bien à la promesse que vous m'avez
faite d'accabler de tous les fléaux qu'il me plairait cette pro-
>2 M. L. Sjoesiedt.
sloigh. Ar ni toebli rem nert fein dorât//* na doberim acht is
edh ro gheall/ïM/zr-si d.xno, g/zch eicendail budh ail damh do
thabm'rt ar an cuiced gan chath, gan chomlwww uaim-si doibh
acht an e'icen dobmhai-si forro no gu nam toire-sa mu riar eu
h-ait a mbeinn ".
52. Ra dhichelsatair iarsin ulsgi in cuicidh uili acht in cut-
raime no foghnad do Chormac jdz sluagh, 7 ni raibhi dicheilt
doibh-sidhe forro. Ocus dano tucsixt tart 7 ita ar luclit in cui-
cid uili iter daine 7 almliai 7 innile. Ro cuinghedh in cain
iarsin o Chormac 7 ni tuazdh do. Is e ni arroimpaset fir Mu-
inhan iarsin, uair nach scemnta nô sirthi doghnidh Cormac :
loimm 7 ass 7 medg do thaba/rt cuca o a muindteruibh a
ngach \r\ad a mbitis. Ro Kmn'xsed do Chorwtf^ sin 7 ro raidh
fria draidhibh : " Cidh dia ndingnet fir Muman aitidiiifW
damh-sa gin gu faghbhat uisge cein fogabhut ass 7 loi m 7
medg ?". — "/Ni duilghi lin-ni ", ar siat, "allachtdo breith
o na buaibh inat na husgedha do dhidith ar na sloghuibh ".
Conadh ann-sin r//csat a lacht o na buaibh. Ocus da/w titcsal
tart for echaibh ocus cairibh 7 buaibh 7 ar uilibh innilib in cui-
cid. Ocus àa. mad idirsloghaib in cuic/'d uili no betis ni mo do
boghêlmnigh 7 do sitrigh 7 do sreodhfadaigh doghendais al-
mhai in cuicid.
53. Ro cuinghedh in chain iarsin o Chormac 7 ni tucadh
do. Is e ni doronsat fir Mumhan iarsin, mil do lec//d as a n-al-
mhaibh 7 as a n-innilibh 7 a tabuirt i leastraibh 7 a tabairt
cuca i featanaibh. Ocus is edh roghnitis, drucht do tinol gâcha
madan raidh 7 a chur triasin fuil 7 a lecud amlaidh sin [174 b]
no gu ndemad Iinnruil de 7 a h-ol iarsin tria cuisleannaibh 7
tria fedanaibh. Cidh tra ro fannuige/////; iat-som de-sin 7, ro lt'/h-
nuighset a tengtha 7 ruc[oi]dh a n-urlabra uathaibh act r//c a
luth 7 a latliar, rue a nert 7 a tract 7 a seitir uaidibh, conadh
areicin do thuicedh nech dibh ni do irlabhra 6 a chele.
54. O ro nxthaigh Fiacha a mbeith ar bru bais 7 ecca 7 oi-
g^da fon n-inn/tf-sin do raid friu : " Gach recht co h-eicin ",
ar se, " deaUitigbter dhibh fein 7 g/rch ni ro chu'migh Cormac
Le siège de Druitn Dambghairc. 53
vince, sans que j'aie à livrer bataille ni à combattit contre eux;
il suffirait, disiez-vous, des fléaux dont vous les accableriez,
jusqu'à ce que l'objet de mon désir me soii apporté au lieu
même où je me trouverais ».
52. Les druides cachèrent alors les eaux de toute la pro-
vince, excepté la quantité nécessaire à Cormac et à son armée,
qu'ils ne cachèrent pas. Toute la population de la province
fut alors en proie à une soif dévorante, gens, troupeaux et
bétail. Cormac demanda alors le tribut et ne l'obtint pas :
voici à quoi eurent recours alors les gens de Munster, du mo-
ment que Cormac ne commettait ni déprédations ni ; ils
se firent envoyer du lait de chez eux dans chaque endroit où ils
se trouvaient. Cormac en fut instruit et dit à ses druides.
« Comment les gens de Munster se soumettraient-ils, bien que-
privés d'eau, aussi longtemps qu'ils auront du lait? » — « Il
ne nous est pas plus difficile », dirent-ils, « de tarir le lait des
vaches que de priver les armées d'eau ». Et là-dessus ils
tarirent le lait des vaches, et assoifïèrent les chevaux, les
moutons, les bœufs et tout le bétail de la province. Et quel que
fut le nombre de toutes les armées de la province, tous les
troupeaux de la province ne faisaient pas un moindre tapage,
en beuglant, hennissant et s'ébrouant (?).
53. Cormac demanda ensuite le tribut, et on le lui refusa.
Et voilà ce que firent les gens de Munster : ils saignèrent leur
bétail et leurs troupeaux, ils mirent le sang dans des vases, et
se le firent envoyer dans des tuyaux. Et, de plus, ils recueil-
laient la rosée chaque matin, la mélangeaient avec le sang, et l'y
laissaient ainsi jusqu'à ce qu'il s'en formât une sorte d'eau
sanglante, qu'ils buvaient ensuite à travers des chalumeaux et
des tuyaux. A ce régime ils s'affaiblirent, leur langue gonfla,
ils perdirent la parole, ils perdirent la force et l'énergie, ils
perdirent entièrement toute vigueur, si bien que c'est à peine
s'ils pouvaient se comprendre les uns les autres, quand ils par-
laient.
54. Quand Fiacha constata qu'ils étaient sur le point dé-
périr de cette façon il leur dit : « Nécessité n'a pas de loi ; qu'on
envoie de votre part vers Cormac (?) ; tout ce qu'il réclame,
54 M. L. Sjoestedt.
7 ima tainic o bic gu mor, tabhur do ". Do cuas uaidib iarsin
do saichtin Chonnaic, 7 do raid h in tecta : " A Chormaic ", ar
se, " gach ni uma tanacuis o bhic eu mor, dobmhar duit ".
Do ehigh borrfad 7 diurnes romor a Cor mac 7 a maithibh
Lethi Cuinn de-sin 7 do raidset fria Cormac : " Ni ra gaibter
feibh na ferunn ", ar siat, " on righ gheb^i in chain-sin o
nach t/<cadh dhô co Tembraigh hi, no gu tardtar ni bbus ail 7
bî^inbail 7 bus andutheha 7 bus airrius ar meuiced-sa gu brzth
a n-inad a imluaidh o a tigh ", ar ro ba doigh leo-som nach
ar ben sluagh no dWgeadh in ro chmnnigh Cormac gin gu tu-
cadh sluagaJ fa/V dia cuingid.
55. Ocus ro thogfld acu-san in ail 7 in andutheha dobertha
ar an cuicedh ar aen risin cain ûd 7 a rochtain dho dia thigh.
Ocus as i andutheha ro togad ann : biadh budh ingantach 7
budh ingnathach do tbabaitt in gach raithe o gach righ abhus
da gach righ budh thuaidh 7 o gach righdamna abhus da
gach rigdamna budh thuaidh, 7 o gach oiethighernd abhus da
gach oictigern budh thuaidh 7 mac né mgen gach fir ibhusi laimh
gach fir budh thuaidh frisin cain-sin do chomaUaimh 7 intan
nach fuighthe sin o gach fir ibhus a mhac no a mgen do
mharbad 7 gial nua dara eisi 7 in biadh do ic iarum. Ocus dano
naomhad gâcha toraid no fasfudh i crich Mumin d'idhnacul
budh tuaidb gan dul a n-airiumh chàna nâ smachta.
Tancatar techta Cormaicrissm. Ocus ro foemhadh ac feraibh
Muman in cain-sin ciar forlunn ar mhet [174 b 2] na heiene i
rabhutar.
56. Intan tra ro bhatar Dairine 7 Dergthine isin ghabhadh-
soin is and do riacht athair malhar Fïachach MuWethain isin
mordh.iil cuca, .i. Dil mac Da Creca o ata Druim nDil isna
Deisibh, 7 o atat Créerai^ na hE'irenn 7 do ghabh Fiacha
Le siège de Druim Duinbghaire. 5 5
et qui fait l'objet de son expédition, des plus petites choses
aux plus importantes, qu'on le lui accorde ».
On alla trouver Cormac de la part des Munstériens, et le
messager dit : « Cormac, tout ce que tu es venu demander,
des moindres choses aux plus importantes, te sera accordé ».
La colère et l'orgueil le plus excessif s'emparèrent à ces mots
de Cormac et des nobles de Leth Cuinn, et ceux-ci dirent à
Cormac : « Puisse le roi qui recevra ce tribut n'accepter ni
honneur, ni domaines (du moment qu'on ne lui a pas apporté
ce tribut à Tara), mais qu'il inflige d'abord, à cette province
des servitudes humiliantes, excessives, indignes
et éternelles, pour l'avoir contraint à quitter sa résidence ».
Car il leur semblait que ce que réclamait Cormac lui était
dû sans qu'il eût besoin de recourir aux armes et sans qu'on
lui imposât une expédition pour le réclamer.
55. Et ils firent alors le choix de conditions honteuses et
indignes à imposer à la province, en sus du tribut déjà récla-
mé, qu'on devait apporter à Cormac dans sa résidence. Et
voici en quoi elles consistaient : tous les trois mois chaque roi
du Sud de l'Irlande devait envoyer à chaque roi du Nord les
provisions de bouche les plus excellentes et les plus rares ; et
de même chaque prince du Sud à chaque prince du Nord,
chaque seigneur du Sud à chaque seigneur du Nord ; chaque
habitant du Sud devait remettre son fils ou sa fille au pou-
voir d'un habitant du Nord, pour garantir l'acquittement du
tribut; que si un habitant du Sud manquait à s'acquitter, son
fils ou sa fille serait mis à mort, un nouvel otage fourni et
les provisions livrées. De plus, le neuvième de toutes les
récoltes de Munster devait être envoyé dans le Nord, sans
entrer en ligne de compte quant au tribut et aux autres obli-
gations.
Les messagers de Cormac vinrent proposer cela. Les gens
de Munster consentirent à ce tribut, tout écrasant qu'il fût,
si grande était la détresse dans laquelle ils se trouvaient.
56. Comme les Dairineet les Dergthine se trouvaient dans
ce danger, le grand-père maternel de FiachaMuillethan vint les
trouver à l'Assemblée générale. C'est de lui, Dil mac Dacreca,
qu'est nommé Druim Dil dans les Deisi, et c'est de lui que des-
56 M. L. Sjoesledt.
ar a ncaWamb 7 do raidh : " Caidhi bar ndraidecht-si, bur
ndraidliec/;/ in \eilhi-sen intan na h^/uidh (unacht, na foir/V/in,
forne isin gabrtd i ta m ". "Ni thic dhin, " ar Dil ". "Fort a
conaiwgcel ' ", ar Fiacha, " ar, gen gu tis«J dhibh a^/;/ uisge
namma do thabairt duin, ni aomhfamais in cain ûd cein no betb
nech i mbethaid isin cuiced; ocus in bhfetrais bhôs", ar se
"nech aile isin cuiced-sa dia ùsed ar bhfoinV/hin ? " " Ni tetar
amh", ar Dil " acht mené ib\sed dott oidi-fein, do Mhogh
Ruith, ar is ra laimh-sidhe doron//j-sa h'altram-sa. Ocus àzno
is é ro thairngair dait-si in la rot rucadh in forbhuis i ta Lelb
Cuind fort aniu 7 ni thic do neach h'foiridin muna thi dhe-
siumh âr is i Sith Cairn Breacnatan, ic Ban Buanainn, bandrai
ingen Dfrgdhuala/V/; ro foghluinn Mogh Ruith foghluim na
seacht ceidbliadhan. Ocus dawo ni mil i Sidh nâ gan Sidh \bhiis
na thall àrzxàbecht nach derna, ar ni dhechaid duine con a
churp d'feruiblf Eirenn d'fogh/uz/// draidh^/;/a a sidhuibh, acht
Mogh Ruith. Acht cena ni dhigne gan loigbidcacht mor, ar ni
ro hairichleadh do dochm/<5 na dh' anoir na d'riadhuchm/
anallana 7 ni tucsabar dia bur n-oidh lie.
57. " Ga luaighidhtwr/)/ isdoich lat-sa do, chuinghidh dho ?'"
ar Fiacha. " Ro ba doich lim, " ar Dil " ailgeas criche 7
feruinn dé, ar is iar gcul 7 is cumang lais in baile i ta .i. Inis
Dairbre ". " Dà 2 ar mbreithir ", ar siat " gidh in treas ri bhus
ail dho do bheth uadh for Mumain co brath, doberthar dho,
gin gu t«cadh d'foiridin dun acht usge nama. Adubratar fir
Mumhan ra Dil : " Datraei bennacht ", ar siat, 7 eirg ris sin
7 ftarfuig do Mogh Ruith ind etfa [175 a] foirid'm 7 da n-
eta beimit-ne uili fo chis 7 chain do-fein 7 d'fir a inuidh n-a
dhiaigh, da mac 7 da ua 7 da iarmhua 7 a breth-fein do fair
sin gin gu twca dun acte inni da bhfuil foirnd do dingbhail din ".
1. Cette phrase énigmatique se retrouve, à peu de chose près, §
2. Lire dar.
Le siège de Druitn Damhghaire. 57
cendent tous les Crecraige d'Irlande. Fiacha lui adressa la parole
et lui dit : « Où est donc votre science magique, où est la science
magique de l'Irlande du Sud, ô vous qui ne savez nous aider
ni nous secourir dans le danger où nous sommes? ». — «Nous
nous n'y avons pas réussi », dit Dil. — « C'est bien le moins
» dit Fiacha. « En effet, quand bien même vous n'auriez
réussi qu'à nous fournir de l'eau, nous ne nous serions jamais
soumis à ce tribut, tant qu'il serait resté un homme vivant
dans la province. Connais-tu », dit-il, « personne d'autre dans
cette province qui pût nous tirer d'affaire ?» — « Je ne sais »,
dit-il, « à moins que ton propre précepteur, Mogh Ruith, n'y
parvienne. C'est avec son aide que je t'ai élevé. D'ailleurs c'est
lui qui t'a prédit, le jour de ta naissance, que Leth Cuind t'as-
siégerait, comme cela se produit aujourd'hui, et personne n'est
capable de te secourir, si lui n'y parvient, car c'est à Sidh Cairn
Breacnatan, avec Ban Buanainn, la druidesse, fille de Derg-
dhualach, que Mogh Ruith a acquis la science des sept siècles.
Et il n'y a point de sortilèges qu'il ne puisse accomplir ou à
l'extérieur ou à l'intérieur du « Sidh ' », de ce côté-ci ou de
l'autre, car nul, parmi les habitants d'Irlande, n'est allé en
chair et en os, apprendre la magie dans les domaines des fées,
excepté Mogh Ruith. Cependant il ne fait rien que pour une
récompense élevée, car il n'a été jusqu'à présent ni ni
honoré et bienvenu, et vous ne vous êtes point soucié de
lui ».
57. « Quel genre de récompense penses-tu qu'il dési-
rerait obtenir ? » dit Fiacha. « Il me semble », dit-il,
« qu'il désirerait un domaine et un terrain, car le lieu où
il vit, Inis Dairbre, est bien retiré et bien exigu à son goût ».
— « Sur notre parole », dirent les gens de Munster, « même
s'il demande qu'un roi de Munster sur trois soit choisi parmi
ses descendants, et cela à perpétuité, on le lui accordera, sans
lui demander d'autre secours que de nous fournir de l'eau ».
Et ils dirent à Dil : « Nous te rendons grâce; pars pour cette
ambassade, et demande à Mogh Ruith s'il peut nous porter
1. Le terme Sidh « tertre, mont », mais aussi « domaine des fées »
n'est guère traduisible.
58 M. L. Sjoestedt.
58. Do'chuaidh roime iarum Dil i cenn seda 7 imthechta.
eu riact eu Dairbre 7 o rainic ro bendach do Mogh Ruith 7 do
terastar Mogh Ruitk failte fris 7 atbert : " Canas tic Dil ?"
ar se. " As Sleibh Cind Claire ", ar se, " in bhaile ita cuicià
Muman um¥hhchaigh" . " Cinas atathar annsin ? ", ar Mogh
Ruith. "Isole atathar and gud dalta-sa, "ar Dil. "Cidhôn? "
ar Mogh Ruith. Do innis Dil iarum na h-'ûdraidhechta. 7 na h-
ileicne roi merset draithe Cormaic orro, ocus dzno Cormac i
for buis a n-ardehnoe draidhechta osa cinn ac nougudh a chisa
7 a chana fein orro. " Cidh ma tancais-si fris sin ? ", ar Mogh
Ruith. " Ni ansa ", ar Dil, " fir Mumam rom cuiristar dot accal-
laimlj-si 7 da hahaigidh dhid in etfa a bhfoiridin 7 da ùsed
did sodh a ndraidh&r^a forsin luct ûd, cach sochar do crich 7
do thir 7 do thalmam bus ail duid rat fia. Ocus gidh edh budh
ail duh gach treas ri tre bithu betha uait for Mhumam no
raghadh duid ".
59. " Nuchun edh amein na budh dual damh righe do gha-
bail. Acht ni hedh ro chuineghuinn forro, gidh doneinn a
bhixxxiachi 7 is doigh n*zch fuil dibh sin eicean nach soidh-
finn-sea dib, uair ita briathar mh'oidi-se, .i. Shimoin m«'c
Guill meic Iarguill, 7 Petair ris na soeidfider orum mo dana
cein bear beo ".
" Apair da.no ", ar Dil, " mad ghebhe do laimh foindin
forro cia loighidhea^ 7 cia comha chuingi ".
60. " Ni ansa, " ar Mogh Ruith. " Ced mbo mbôthana
mblaithedrocht mbleaghàin ; ced mue mucclasa ; ced ndamh
ndaimhghnimha ; ced n-ech n-echerma ; coica leann caine-
droct cliatha ; in^« fir no dhara fir bus ferr thoir do crud '
1 . Lire do chruthradh.
Le siège de Druim Damhghaire. 59
secours, et s'il le peut, nous serons tous soumis à tribut et à
redevance envers lui et envers son successeur après lui, son fils,
son petit-fils et son arrière-petit-fils, et accorderont tout ce
ce qui lui plaira en sus de cela, sans rien lui demander en
échange que de nous délivrer d'un seul des fléaux qui nous
accablent».
58. Dil se mit alors en route et parvint à Dairbre. Aussitôt
arrivé il salua Mogh Ruith et Mogh Ruitli lui souhaita la bien-
venue. « D'où vient Dil ? » dit-il. « De la montagne de Cenn
Claire où la province de Munster est réunie autour de Fiacha ».
« Comment cela va-t-il là-bas ? » dit Fiacha. « Cela va mal pour
ton élève », dit Dil. « Comment cela. ? » dit Mogh Ruith. Dil
lui raconta tous les sortilèges et les fléaux dont les druides de
Cormac avaient accablé les gens de Munster, et comment, les
dominant du haut d'une colline druidique où il était campé,
il leur réclamait un tribut. « Quel est le but de ta démarche
à ce sujet ? » dit Mogh Ruith. « C'est bien simple, » dit
Dil, « les gens de Munster m'ont envoyé pour m'entretenir
avec toi, et te demander si tu pourrais leur porter secours ; au
cas où tu pourrais retourner leurs sortilèges contre leurs adver-
saires, on t'accorderait toute concession de terre et tout
domaine qui te plairait. Bien plus, si cela peut t'être agréable
qu'un roi de Munster sur trois soit choisi parmi tes descen-
dants à perpétuité, on te l'accordera ».
59. « Ce n'est pas que je n'aie aucun droit à exercer la
royauté. Cependant ce n'est pas là ce que je leur demanderai si
je leur porte secours ; je ne pense pas qu'ils soient affligés d'au-
cun fléau dont je ne puisse les délivrer, car mon maître Simon
mac Guill mac Iargaill, ainsi que Pierre, m'ont promis que
je n'échouerais jamais dans mon art, tant que je vivrais ».
« Dis moi », dit Dil, « quel salaire et quel présent veux-tu,
si tu te charges de leur porter secours ? »
60. « C'est bien simple », dit Mogh Ruith : « cent vaches
du cheptel à la robe éclatante et blanche, donnant du lait ; cent
porcs bien engraissés ; cent bœufs fort travailleurs ; cent che-
vaux de course ; cinquante manteaux beaux, blancs et moel-
leux ; par-dessus le marché, la fille du premier seigneur de
l'Est, ou celle du premier après lui, pour me donner des enfants,
60 M. !.. Sjoestedt.
cloinne damh ria, daigh am soercland om aithribh, cur bat
saerdanna mu dannz oa maitribh, gu rup reni dainn samhail-
ter cech ogthigernd soer ar soerdantiacht ; Và\s\gheacbt marc-
èluagh rig Muman, [175 a 2] ar daigh eu rab alladh righ coi-
cidh ar fear mh' xwuidh do grès 7 ni gebhtar ris tria bhithu,
act gu ra comalltar frium-sa gach ni gealltar dham ; fer com-
hairli 7 sanais uaim ag righ Muman 7 dia ndtrntar a comair-
li sidhe biaidh buaidh furre ; a mheath, nô a éc da n-innisi do
ncoch aili in run ro cluin se ocon righ achl mar blias maith
lais in righ ; dala do thaba/rt dom sil 7 triar i frithehetfaidh
in righ 7 fer a lamha deise 7 mu ragha do thir Mhuw.an do
thabairt damh, am-ar thimcillfk mu ghille ind oen 16, gan
maer, gan etarla gan^urlamhus righ Muman ar an bhferann
si« tria bithu, gan ghiall do ghaba// ar tir mh' inaidh achl a
eachlasc dara eis nô glac righ Muman d'iadhadh um cael a
choisi. Ocus nuchon aithnim-si dom sil merbhe na metachl
do dhenamh achl atberim riu dul i sochraide righ Muman i
cath 7 i comlunn dar cenn bendachta 7 chomallta friu a
loighidh&r/Va. Dia tardthar immorro dhamh-sa sin toet Mogh
Ccrb mac Corma/c Chais meic Oililla Oluim 7 Donn Dai-
rine 7 maithe M//wan arcena dar cenn choicidh Muman 7
gabhat forro a comalladh-sin 7 rag^ft-sa leo fesin. Ocus asbeii
mu briathar co «dingeb-sa in eicin-sin' dibh "
61. Tainicc Dil ris-sin aniar eu roacht co Claire, ait i
raibhi Fiacha eu sloghu Muma// uime. Gabsat ann-sin fir
Muman oc iafraighidh meisnigh an druadh 7 ba beg la cach a
ghuth. Ra indis Dil mzxsneach in druadh 7 a \o\o\\\àheacbt 7 a
churadhoib. " Dobertar do-sum sin uili ", arfir Muman. Ocus
ro coimeirigset na cuir 7 ro naiscs^/ ar feruibh Mumban immà
Le siège de Druim Dambgbaire. 61
car je suis moi-même bien né par mes pères, et veux que
mes descendants soient bien nés aussi par leur mère, si bien
que c'est par comparaison avec ma race qu'on jugera de la
noblesse des jeunes chefs de noble race ; la première place
dans les défilés des troupes du roi de Munster, de façon que
mon successeur ait à perpétuité le rang de roi de province, et
qu'on n'enfreigne jamais cette condition, mais que l'on accom-
plisse à mon égard tout ce qu'on m'a promis ; que le roi de
Munster choisisse son conseiller et confident dans ma des-
cendance ; si l'on suit ses conseils, ils assureront la victoire ;
s'il répète à qui que ce soit le secret que lui aura confié le roi,
sans l'aveu de celui-ci, qu'il soit destitué ou mis à mort : que
l'on donne à mes descendants l'accès aux assemblées(P), que
les trois hommes qui siègent en face du roi soient choisis
parmi eux, ainsi que celui qui se tient à sa droite. Que l'on
me donne, d'une terre de mon choix en Munster, la superficie
dont mes serviteurs pourront faire le tour en un jour, sans
que les rois de Munster puissent jamais avoir des représen-
tants, prélever des otages ou exercer une suzeraineté sur cette
terre, et sans qu'on puisse demander à mon successeur d'autre
garant que son fouet laissé à sa suite, ou de fermer sur sa cheville
la main du roi de Munster. Je ne sache pas que ma race ait
jamais fait preuve de faiblesse ou de lâcheté, mais je leur
recommande de faire alliance avec le roi de Munster et de
combattre pour lui, afin de l'obliger et de reconnaître sa fidé-
lité à s'acquitter envers eux du salaire (à moi promis). Si l'on
m'accorde tout cela, que Mogh Corb mac Cormaic Cais meic
Oililla Oluim, ainsi que Donn Dairine et les autres nobles de
Munster viennent me trouver au nom de la province de
Munster et qu'ils garantissent l'accomplissement de ces clauses.
Je partirai en personne avec eux, et, sur ma parole, je les déli-
vrerai de ce fléau ».
61. Là-dessus, Dil alla vers l'Est, jusqu'à Claire, où les
armées de Munster étaient réunies autour de Fiacha. Les
Munstériens lui demandèrent quelles étaient les intentions du
druide, quoiqu'ils n'eussent plus qu'un souffle de voix. Dil
leur fit connaître les intentions du druide, le salaire qu'il
réclamait, les garants qu'il avait désignés. Les gens de Muns-
6 2 M. L. Sjoestedi.
righ a comallamh dar a cenn 7 ro chomluidhset \mû\eacht ar
cend an righdruadh.
62. O rancatar tra co Dairbre ro feradh îailte friu 7 ro bui
reir freastail 7 fritholmha ar a cinn, ar ba deimhin la Mogh
Kuith co ricfaitis. Ocus ro ghabh Mo^/j Rmi//? ar a bhfosdtfi 7
ro gabhsat-sow ga obadh 7 ro raidset : " A rir sochair " ar siat
"[175 b i]7achul urbhaidhi, ismor in gàbad i dtât ûtMuman
7 recuid a leas a bhfoiridin 7 gÀch ar chuingis ataim-ne ra a
iisudhudh 7 ra comaWadh àuh 7 naisc foirnd ". " Naiscfet-
sa", ar se " 7 ni raghum gu muchu lai imavach". Batar ann-
sin ar cainfreastail 7 (rhholamh 7 gsbhus Mogh Kùith occ gair-
â'iugud forro 7 oc iafraighidh scel dibh. Ocus do raid h in rethoi-
r^c-sa 7 do fredga/V Mogh Corb.
" Sceul do chein, cluinntir libh
As a aithle-sin ro gab Mogh Ruith oc iafraighidh na com-
lunn 7 ina torchuir isna comlunna//?/7 7 ro innis Mogh Corb
dho uili : " Trom amh linn sin ", ar Mogh Kuith, " ocus da '
ar mhrtxthir, *l ar se ", dia n-edam-ne toeth dias ann cech fer
dib-sin 7 toeth fuilled fair 7 toeth in coicer domt in ardai-
nicin 1 sin ar an coiced ".
63. Gabsat ann-sin co mucha lai ara barach. Is ann-sin do
raid Mogh Ruith ra a dalta .i. ra Ceannmhar a thaichim
conaire do thabtfirt chuigi .i. a da dhamh chuana choilgdirghiu
as Sleibh Mis .i. Luath Tren 7 Loth Lis 7 a charpat caemh
curata[i75 b 2] cairthind cona feirtsibh findruine, con imead
gheam corrmhocuil, guna comW/;ibh glainé 7 ba comhsolus
la 7 aghaidh don lucht no bidh ann. Ocus a cholgdeut dru-
mannglas 7 a ghoithne umaidi 7 a dha sleig cruaidi coicrinne
gu cranduibh suarcaibh sodhibhraicthe ; co semannaibh fithe
findruine ; con a seïchid tairb maeiluidir i bhforfairsiung a
carpait ar sesaibh 7 sliastaibh fai. Guna sochraite sluaghaidh
1. Lire dar.
2. Ardainicin, composé de ainicin, cf. § 45.
Le siège de Druim Damhghaire. 63
ter accordèrent tout : les garants se levèrent et s'engagèrent
pour les gens de Munster réunis autour de leur roi à assurer
l'accomplissement du contrat qu'ils allaient conclure en leur
nom ; ils se mirent en marche pour aller trouver le roi-
druide.
62. Lorsqu'ils arrivèrent à Dairbreon leur souhaita la bien-
venue et Ton était prêt à les servir et à les traiter, car Mogh
Ruith n'avait aucun doute qu'ils ne vinssent. Mogh Ruith se
mit en devoir de les retenir et eux de décliner son invitation,
disant : « O protecteur, tête très chère, les gens de Munster
sont en grand danger et ils ont besoin de secours ; nous
venons pour t'offrir tout ce que tu demandes et exécuter nos
promesses ; il ne te reste plus qu'à conclure le contrat avec
nous ». « Je le conclurai », dit-il, « mais nous ne partirons
pas avant demain matin à la première heure ». Ilsrestèrent là,
bien servis et bien traités, et Mogh Ruith se mit à festoyer
avec eux et à leur demander des nouvelles, et il dit cette rhé-
torique dont Mac Corb lui fournissait les réponses : « »
Mogh Ruith s'informa ensuite des combats livrés et des
pertes éprouvées dans ces combats, et Mac Corb lui raconta
tout : « Nous en sommes désolés », dit Mogh Ruith, « et,
sur notre honneur, si nous le pouvons, deux hommes péri-
ront pour chacun d'eux... et d'autres avec eux, et les cinq
périront, qui ont attiré cette calamité sur la province ».
63. Ils demeurèrent là jusqu'au lendemain à la première
heure ; c'est alors que Mogh Ruith dit à son élève, Cennmar, de
lui amener son équipage de voyage : ses deux bœufs nobles,,
rapides comme le glaive, venus de Sliab Mis et qu'on appelait
Luath Tren et Loth Lis, son beau chariot guerrier de sorbier
aux brancards de bronze blanc, tout incrusté d'escarboucles,
aux portières de cristal, tel que la nuit paraissait aussi bril-
lante que le jour aux gens qui s'asseyaient dans le char. Il y
avait aussi son sabre à poignée d'ivoire, dur et bleu, ses
lances de bronze, ses deux javelots aigus à cinq pointes, aux
bois commodes et aisés à lancer, portant rivets de bronze blanc
tressés (?) ; une peau de taureau brun sans cornes s'étendait
sur toute la largeur du chariot, sur les bancs, et sur ses cuisses.
Autour de lui se tenait l'escorte qui l'accompagnait dans
64 Af. L. Sjoertedl.
lais .i. tricha ar ced, amhuil asbert Cormac mac Ciùïïeannain :
" Ba forneirt a theglach o theighedh for set
im charpat in righ druadh tricha fer ar ced".
64. Ro coimeirighset iarsin 7 tancatar rompa arruzch 7 ro
b'hui Mogh Kuith oc m'miughudh dia dhalta gach neith amh-
\aidh so 7 asbert :
" Cingthe, a Cennmhair choscuruigh . . . doclodh".
Gabsat rompa iardain i cend seda 7 imthechta 7 dochuaidh
Mogh Kuith in a charpat. Ocus do raithset na maithe sin ris :
" Cia thoghfas crich 7 ferann duit ", ar siat. " Ni do neoch
erbabhat-sa sin eidir ", ar Mogh Kuith, " acht damh fein. Ocus
tabhur ûir gach tiri dara ragh dhamh 7 finnubh for a boludh
an crich bûs fearr dhibh 7 thoghfat in crich-sin ; ni thiber
aithber[i76a i]ar neach acht oram fein gidh maith gidolc hi.
65. Tancatar rompa gu Glinn Bethbhe i crich Corcoduibhne
7 rucadh ûir Bethbha chuigi 7 tue a bolud fo a sroin. Ocus
ztbert in rethorhec ic a dichur. " A Bethbe . . '".
" Nucan i-so crich gebut-sa dar cenn mu \o\ghidhechta ".
" Nucon ïzlzïvfeter fort eidir ", ar siat :
Tancatar rompa iarsin eu Crich Eogunachta Corcoduibhne
Ciarraige. Ocus tucadh a huir dho 7 nis ra ghaibh 7 do raidh
in rethora: ocadichar. " Conchenn Cuachbel. . . ".
"Ni gebh-sa so", ar se. "Ni ragha fort eidir", ar siat.
Tancatar rompa iarsin eu hAes Cuile 7 co hEalla 7 twead ûir
in da crich dhô 7 do raidh in rethorec ic a ndichur : " Cuile
bega ... ».
Tancatar rompa gu Crich Cairiche, risin abar Muscraidhi
Fheaga aniua 7 tweadh uir na crichi-sin do, 7 do raid aca diewr.
" Tir mhin ainmhin. . . ".
" Ni ghebh-sa on, " ar se, " 7 ni siruighiuibh mo braitre,
uair foghebhut nech aili dia sarug/<^ ". Tancadar rompaiar-
sin eu Tech Forannain Fhinn, frisin abar Cenn Abhrat inniu.
" Nuchan as-so ragat-sa ", ar Mogh Kuith, " eu ra toghthar
mu crich 7 m'ferand, ar ni ar rochtain cusan sluagh ro etfad
crich na ferann do chuingidh forro . Tucad cuigi-sin ann-si-
dhe ûir Cliach Mail mheic Ugainc a Min-Mairtine Muman.
Conudh ann asbert oca tuarascbhail 7 oca hobadh.
Le siège de Dniim Damhghaire . (,\
ses expéditions, au nombre de cent trente, comme le dit Cor-
mac mac Cuilleannain :
« Une forte escorte entourait le chariot du roi-druide lors-
qu'il se mettait en route : cent trente hommes ».
64. Us se levèrent ensuite et partirent, et Mogh Ruith expli-
quait à son élève toute chose, comme suit, en disant :
« Marche, Cennmar le victorieux, etc. ».
Ils se mirent alors en marche et Mogh Ruith monta dans
son char. Et les seigneurs (de Munster) lui dirent : « Qui te
choisira ton domaine et ta terre ?» — « Je ne m'en remettrai
pour cela ci personne qu'à moi-même, » dit Mogh Ruith.
« Qu'on me donne de la terre de chaque pays où je passerai,
et je découvrirai, rien qu'à l'odeur, quel est le meilleur domaine,
et je le choisirai ; si bien que, que la terre soit bonne ou
mauvaise, je ne pourrai m'en prendre qu'à moi-même ».
65. Ils allèrent jusqu'à Glenn Bethbhe dans la région de
Corco Duibhne et on lui apporta de la terre de Bethbhe, et il
en huma l'odeur ; il dit cette rhétorique, en la refusant : « O
Bethbhe, etc. ».
« Ce n'est pas ce domaine que je prendrai pour mon salaire »,
dit-il. « Nous ne chercherons pas non plus à te l'imposer »,
dirent-ils.
Us allèrent ensuite jusqu'à Crich Eogunachta dans le Corco
Duibhne en Kerrv. On lui donna un peu de cette terre, et
il ne la prit pas et dit cette rhétorique en la refusant : « ... ».
« Je ne prendrai pas cette terre » dit-il. « Elle ne viendra
donc pas en ta possession », dirent-ils.
Us poursuivirent alors jusqu'à Aes Cuile et Ealla, et l'on
donna de la terre de ces deux contrées à Mogh Ruith, et il pro-
nonça cette rhétorique en les refusant : « . . . ».
Us allèrent à Crich Cairiche, aujourd'hui appelé Muscraidhi
Fheaga ; on lui donna de la terre de cette contrée, et il dit
cette rhétorique en la refusant :
« Terre douce et dure, » etc.
« Je ne la prendrai pas », dit-il, « et je ne dépouillerai pas
mes frères, du car ils trouveront quelqu'un d'autre pour les
dépouiller ». Us poursuivirent jusqu'à Tech Foranrxiin Finn,
aujourd'hui Cenn Abhrat. « Je ne quitterai pas ce lieu », dit
Revue Celtique, XLIII. 5
66 M. L. Sjoestedt.
" Cliu chathach ".
" Inathar galair Muma« sin, "ar se, " 7 belach bodhbha 7
aircne. Ni gheb-sa eiter. Ocus dano bidh machz//ri nachtan cin
eu pedh inniu ' ".
66. Tanças uadaibh-sium iurdain ar cenn ûire Chorrchaille
Meic Con, .i. Cailli Menne meic Erca meic Degadh frisin abar
Firmhaighi inniu. Is aire atb^r/ar Cailli mac n-Eirc ris, ar ro
bhatar a mheic ann. .i. Menne mac Erca 7 Uatha mac Erca
7 Ailbhe mac Erca. Ainm ele do Firmuighi Mène, ar imut a
mianaigh isna sleibibh fileat imbe 7 dawocloch mhein in gach
ghurt ann bheos. Ainm ele dho, Corr Cailli meic Con, ar rob
é ruidlius C\ainne Dairine, 7 is ann ata Rosach na righ 7 is
ann ro bhai Mac Con no gu tucadh Cath Cinn Abhratt.
Rucudh chuigi-sium hrnni ûir na cn'chi-sin 7 ro raidh na
briathra-sa oc a tagha..
" Sliab um figh. figh um magh".
67. Ro faem-som tra in tir-sin 7 asbert ra clannaib ag izbaïrt a
teasta .i. coimhneimh inntibh 7 comchonnailb 7 comthuaichlius
fria nathrachuibh etorra-sein, ar is amlaid bit-sein 7 nai nathra-
cha dib oc doth isin n-aoinnit 7 as i lianchaire bis etorra eu nach
mo leasaighius gach naithir dibh in t-en berius fein ina gach
en archena bis isin nit. "Is âmlaidh-sm erbaim-si dom claind
a mbeth i n-aeingnim 7 cein bheth zmlaidb ni bêrz crich
1. Sans ctoute faut-il voir ici une allusion à la destruction des forêts du
Munster central par les feux druidiques, racontée § 1 15.
Le siège de Druim Damhghaire. 67
Mogh Ruith, « avant d'avoir choisi mon domaine et ma terre.
Car ce n'est pas une fois de retour près des armées que je
pourrai leur demander terre ou domaine ».
On lui apporta alors de la terre de Cliu Mail meic Ugaine,
dans Min Mairtine en Munster. C'est alors qu'il dit en la
décrivant et en la refusant :
« Cliu guerrier », etc.
« C'est de là que naîtra la maladie qui dévorera le Muns-
ter », dit-il, « c'est !e chemin de la dissension et du pillage. Je
ne prendrai sous aucun prétexte ce domaine. Au reste cette
plaine sera un jour un désert, quoi que ce n'en soit pas un
aujourd'hui ».
66. De là ils s'en allèrent vers la terre dite Corchaille
Meic Con, ou Caille Menne meic Erca meic Degadh (Caille
de Menne) que l'on appelle aujourd'hui Fir maighe. On l'ap-
pelle Caille mac nEirc, parce que les fils d'Ere y habitaient :
Menne mac Erca, Uatha mac Erca et Ailbhe mac Erca. Son
autre nom, Fir Maighi mené, s'explique par la quantité de
minerai qu'on trouve dans les montagnes environnantes, car
l'on trouve des morceaux de minerai dans chaque camp encore
de nos jours. Un autre nom est Corchaille Meic Con, car il
appartenait en propre au clan des Darine et c'est là que se
trouve Rosach na Righ, où résida Mac Con jusqu'à la bataille
de Cenn Abhratt.
On lui apporta alors de la terre de ce domaine et il dit ces
mots en la prenant :
« La montagne autour du bois, le bois autour de la plaine,
etc. . . ».
67. Il prit donc cette terre-là, et il conseilla à ses enfants,
en leur faisant ses recommandations (?) d'être aussi venimeux
intérieurement, et aussi affectionnés l'un à l'autre, et aussi
rusés que des serpents ; car les mœurs des serpents sont telles
que si neuf serpents couvent dans un même nid, ils sont si
affectionnés les uns aux autres que chacun d'entre eux n'est
pas plus affectionné à sa propre portée que ne l'est n'importe
lequel de ceux qui sont dans le nid avec lui. « C'est ainsi que
je veux que soient mes descendants, agissant de concert. Aussi
longtemps qu'ils seront ainsi le pays environnant ne pourra
68 M. L. Sjoestedt.
impaibh a n-imarcraigh 7 niis lemha nech acht in ni ' foirgea
airdri in coicidh ; ar ni ra daingnib eli dota/im-si toebh dhoibh,
acht ra a awnailbhi fein eturra, 7 ra hemghibh mo chor 7 ra
muinnteras sil Fhiachach. Intan dano na comallfa cach dibh
fria cheile sin,is ann raghuid in lucht da tabhraim-si sochar
aniu ar tairr mu dainne-sa, co m tarât a bhferunn uathaibh co
mba hhvaid iat fein 2 ar inndith ragus forro ind, 7 con n-
eipre in fer dona sleibibh impaibh " nach he-sud in tir i ra
butarFir Maighi seghdha ". Is airi atberair Fir Maighi seghdha
dibh ar is eadh erbaim-si friu, ildana 7 seghdhacht acu 7 fer
imarbhadha Munww tria bithu".
68. " An hi sin crich thoghai ? " arsiat — " As i, "ar se.
" Cia mghtts dia cuma 7 dia midhemhain na criche-sin dait ? "
ar siat. " Mac caich a dhalta, " ar se, " 7 tiaghuid mo dhalta-
sa". Ocus batar ead na daltai .i. Muchet, dia ta Corco Muichit
in Uibh Conaill 7 Bent, dia tat Benntraidhi fo Eirinn 7 Bui-
rech. dia tat Ui Buirigh i Crich Fossaigh moir i coiccrich Ua
meic Caille 7 Ua Tassaigh, 7 Dil mor mac Da Creca o ata
Druim nDil [176 b 2] 7 Crecraidhi fo Eirinn, ocus Ceannm-
har a Chaire Comain a Cloenloch na nDeisi. Rocoimeirighset
iarsin na gilli-sin 7 ro raidhset. " Cin//5 midfider in tir, a
aidiu inmain ? "ar siat. "A hord ar an indeoin, " ar Mogh
Ruith, " .i. o thaFighin Uird a nOrbraidhi co hlndeoin is na
Deisib, Ocus in mir o tha sruthanma na Tuadcaille frisin apar
Gleann mBrighdi inniu, cusin rod da sileann sruth na nOi-
thm(?) fo nGiusaigh nglais ngablanaigh renfas acaill ar Co-
laem "
1. Nous traduisons comme s'il y avait in ti.
2. « Si bien qu'ils seront à chercher », c'est-à-dire « si bien qu'ils auront
disparu ». Cf. un autre exemple de cette locution peu commune, § 3.
Le siège de Druitn Dambgbaire. 69
résister à leur nombre et nul ne leur tiendra tête, s'il n'est
capable de résister au grand roi de la province, car je ne
garantis leur prospérité que moyennant qu'ils observent trois
conditions : vivre en bonne intelligence réciproque, s'en tenir
au terme de mon contrat, et s'entendre bien avec la race de
Fiacha.
« Si tous ne remplissent pas ces obligations mutuelles, c'est
alors qu'interviendront les gens à qui je viens en aide aujour-
d'hui, pour le malheur de mes descendants; ils leur prendront
leur domaine si bien qu'ils disparaîtront entièrement, anéantis
par le désastre qui s'abattra alors sur eux ; et un jour on dira
devant les montagnes qui les environnent : « n'es*t-ce pas ici
qu'habitaient les Fir Maighe imposants ?» — Et, voici pour-
quoi on les appellera ainsi : parce que je leur recommande
surtout d'être généreux, et pleins de dignité et de combattre
pour le Munster, à perpétuité ».
68. « Est-ce là le domaine que tu choisis ? » dirent-ils.
« Oui », dit-il. « Qui ira tailler et délimiter ce domaine pour
toi? », dirent-ils. « L'élève d'un chacun lui tient lieu de fils »,
dit Mogh Ruith, « ce sont mes élèves qui iront ». Et ces
élèves étaient : Muchet, d'où est nommé Corco Muichit dans
le pays des Ui Connell ; Bent, de qui descendent tous les
Benntraidhi d'Irlande ; Buirech, de qui descendent les
Ui Buirich, dans la région de Fossach mor, dans la région limi-
trophe des Ui meic Caille et des UiTassaigh : Dil Mor, mac
Da creca, de qui est nommé Druim nDil, et tous les Crecraidhe
d'Irlande. Enfin Ceannmar, originaire de Caire Comain dans
Cloenloch en Deisi.
Les jeunes gens se levèrent alors et dirent : « Comment
délimiterons-nous la terre, très cher père ?» « A l'aide du
marteau sur l'enclume », dit Mogh Ruith, « c'est-à-dire depuis
le lieu où se trouve Fidh in Uird (le bois du marteau) en
Orbraidhe jusqu'à Indeoin (l'enclume) en Deisi : la portion
depuisles rlots(?) de Tuadcaille (aujourd'hui Glenn mBrighdi)
jusqu'à la route où coulent les flots de l'Oithen, sous la forêt
de Giusach, verte et branchue vers Colaem.
y-o M. L. Sjoesteàt.
69. Tancatar rompa siar dhes 7 Muichit i remhthtt.f accu 7
ro gabh-side claen in tseda iocetoxx ar ro faillsiged do eu mad
thiar no bhiath a aitreabh iardain. Ocus tancatar rompa do
Bunraidi bud dhes 7 do Cleitig 7 do Dundailche Finnlethet 7
do taeibh slechta, an leith sair gu d'neach 7 do Glind Brigdi 7
do Carnd Tigernaigh meic Deghaid. Ocus ro gabwjtar Bui-
rech i remtM5 reampa 7 gabus cloemxd in tseuda (oceloir ar for-
fidir cunwd ris indes no biath clann 7 c'ined do. Ocus tancatar
rompa co Gluair Fer Muighi Fene 7 suas do Clugh na Cruith-
nechti\ ; do Lie Failmir; do Glinn Cusaigi Croilinnche ; do
Bern na nGall ind airter Tailche Aedha, do Bern Doire
Cailli Monad, risin abar Bmi Leachta Ua Setna aniu ; do
Charn Aedha m«c Lidhne ; do Lie Uidhir ; do Charn Mael-
glasain; d'Ath Cille Buinden ; d'Ath da abhunn.
70. Ocus coTech Forannain Find doridhisi, ait i ra bhatar
na sloigh 7 Mogh Kuith ara cind. " In ra crich-sibh ' sin ? "
ar se. " Ra crichsam, " ar siat. " As doigh lim, " ar se, " ro
facsaba/V ni dia n-ebm-sa fribh cin timchealW, ar a luas tan-
cabar". "Ni rofacoibh-sium," arsiat. " Tuguidh bur mbunna
damh, ar se. '* Dob^rum ", ar siat. Atnaidhit iarum a m-
bunnu dhô, ennaà ann isbert Mogh Kuith :
"Buind fria brath ".
71. [O'Longan 176 a 1] " Cidhrom ba dhamh, a Mhuicit ?"
ar Mogh Kuith. " Ro faillsig^d dhamh ", arMuichutf, " comadh
rium aniar no biadh mo crich 7 mh'ferann 7 nir ail dam mu
dhiceall fein do dhenamh. " As tir, " ar Mogh Kuith, " is and
bhias 7 ni bha tusa ros mêla ", 7 asbeart.
Rae Muchet meic Muichit ni ropé ros meala.
Terci thiri air 7 imat feagha.
" Cidh ram ba dhamh, a Bent, " ar se. " Mo senordhacht
7 mu crine, " ar se, " 7 ni raba a n-aghuid chaich. Rop sen
1. Cette forme est étrange. Faut-il voir une 2e personne pluriel analy-
tique du prétérit ? On attendrait ra ebriebsid, ou ra crichsabhar.
Le siège de Druim Damhghaire. 71
69. Ils s'en allèrent devant eux vers le Sud-Ouest, Muchet
à leur tête, et celui-ci prit une fausse route dès le commen-
cement, car il avait appris par révélation que sa" résidence
serait par la suite dans l'Ouest. Ils allèrent a Bunraide dans
le Sud, à Cleitech à Dun daifche Finnlethet, et de là gagnèrent
directement le lieudit Slich tin Leith à l'Est, vers Glenn
Brigdi et Carn Tigernaigh meic Deghaid. Buirech prit
ensuite la direction, et il prit un faux chemin dès le début,
car il prévoyait que ce serait dans le Sud qu'il établirait sa mai-
son. Et ils poursuivirent leur route jusqu'à Gluair Fer Muighi
Fene, et remontèrent jusqu'à Clugh na Cruithnechta, à Leac
Failmir, Glenn Cusaigi Croilinnche, Berna nGall (à l'est de
Tailech Aedha), Bern Doire Cailli Monad, aujourd'hui Bern
Leachta ua Setna, Carn Aedha meic Lidhne, Leac Uidhir,
Carn Maelglasain, Ath Cill Buinden, Ath da Abhunn.
70. De là ils revinrent à Tech Forannain Finn, où se trou-
vaient les armées et Mogh Ruith à leur tète. « Avez-vous ter-
miné votre tâche ? » dit Mogh Ruith. « Nous avons terminé»,
dirent-ils. « Il me semble », dit-il, « que vous avez, omis de
faire le tour d'une partie du domaine que je vous avais dési-
gné, si j'en juge par la rapidité avec laquelle vous êtes reve-
nus ». « Nous n'avons rien omis », dirent-ils. « Montrez-moi
vos semelles », dit-il. « Soit », dirent-ils. Ils montrèrent leurs
semelles à Mogh Ruith et c'est alors que Mogh Ruith dit :
« ... ».
71. « Qu'est-ce donc qui m'a fait tort, Muchet ? » dit Mogh
Ruith. « Il m'a été révélé, » dit Muchet, « que mon domaine et
mes terres seraient situés devant moi, vers l'Ouest, et il ne
me plaisait pas de négliger mes propres intérêts ». « C'est
vrai, » dit Mogh Ruith, « ton domaine sera là, et ce n'est pas
toi qui en profiteras ». Et il dit :
« La terre de Muchet mac Muichit, que ce ne soit pas lui
qui en profite. Il y a là peu de terre, et beaucoup de bois ».
« Qu'est-ce donc qui m'a fait tort, Bent ? », dit-il. « Je
suis vieux et fatigué. Je n'ai pas voulu tenir tête à tous.
Puisses-tu prospérer jusqu'à ta postérité la plus reculée (?) ».
« Qu'est-ce qui m'a fait tort, Buirech ? »
« Il m'a été révélé que c'est dans la région que je
72 M. L. Sjoestedt.
imsnimh tu go Mclaiiin (?) do grès " " Cidh ram ba dam,
a Bhairec/; ? ", ar se. " Ra hiUsiged dam eu mad isin crich rat
caighius iin//d -sa do biath clannyciiW/; dhamh. "Robiatha a
dhuirech. . . ni radhbiathat uille caich anis 7 anuas ort, 7 ni
dech tar teinidh gu letli do sil do grès. " — " Cidh rom ba
dhamh, aCennmair? "" Ro hiWsiged dhamh, "arse, " cumad
trium aniar no biath crich 7 feran damh 7 nir ail dam cumh-
eugud fair. " " Rop cumhang crich 7 ferann do sil do grès, "
ar se, " rob slat acair do slat 7 t'fuadach do grès. " " Cidh
ram ba damh, a Dhil, " ar se. " Immon cedna, " ar Dil.
" Ni rab tarba h'feruinn duib, ''ar se, " achl h'ainmarein crich
mima, 7 do sil fo Eirinn iarum sin .i. Creacraidhi, 7 ni rab nidh
fogabhtar sin in gtfch inad hi cirbrech an-aitreabu, innas cach
inrtd aili a nEirinn. Tothucht na crich moire adubtfrtus bid
ar in crich sea [o'L. 176 a 2] 7 ni bia a n-imarca^/? impaib
7 gu mbia a longport tri la 7 tri hoigthi is na Deisibh ni bhiad
a n-imanWZ> inntib achl ocus co lann imarcadh acu-san
on a Deisibh. Ocus bid ris in bhtonn-soin saimhealrir g^ch
fonn maith a nEimw ". Is annsin ro athnaisc-sium forra a
choraibh.
72. Ocus ro choimheirigst't rompa co sleibh Cind Claire
airm i mbui Fiacha co bhferuibh Muman. Rochoimeir/^set fir
Muman um Yiacbaigh d'fVrthuin {aille ra Mogh Ruitb 7 tuesat
uilicenntfc/7/7 \o\ghidheacbt do 7 roraidset gu comhallfatais in
cennacht 7 in loighidht'ûfr/.'/-sin ra a sil 7 ra seimedh ô ar
macuib-ne 7 ô ar n-uaib. " Ocus caidhi do raghatochmuirce ? "
ar siat. " Eimhne, mgen Aenghasa Tirig, " ar se '" dalta
Mhogha Corb. " Ocus is uaiti ainmniter Cul Emhne aniu.
" Ocus da mad ferr le mu mac-sa .i. Buan, rofaiedh lais.
Do cuiredb ' a rogha na h-m^me-sin 7 as e rogha rue si : "In
ti istuaithi 7 riaruighit tir MuniûH 7 dobheir sochur do cach
1. Tout ce passage, depuis rop cumhang est, dans le mannscrit, d'une lec-
ture difficile et parfois peu sûre.
Le siège de Druim Damhgbaire. 73
pour coi que serait ma descendance et ma race ». « Il en sera
ainsi (?), ô Buirech... et puisse ta race ne dépasser jamais (en
nombre) un feu et demi (?) ».
« Qu'est-ce qui m'a fait tort, Cennmar ? » « Il m'a été
révélé », dit-il, « que c'est en face de moi en allant vers
l'Ouest que seraient situés mon domaine et ma terre et il ne
m'a pas plu de rogner sur eux".
« Que le domaine et la terre de ta race soit exigus, à jamais,
que ton vol et ta rapine soient à jamais ».
« Qu'est-ce qui m'a fait tort, Dil ? » dit-il. « A peu près la
même chose », dit Dil. « Que ta terre ne vous soit d'aucun
profit », dit-il, « mais que cependant ton nom soit donné à
un district, et que ta race (celle des Creacraidhi) soit répan-
due par toute l'Irlande, dans la suite.
leur habitation, que toute autre province en Irlande. Les biens
de cette grande province, j'ai dit qu'ils seront
ils seront campés trois jours et trois nuits en Deisi
Et c'est avec ce -là que l'on comparera tout
en Irlande ".
C'est alors qu'ils s'engagèrent par des contrats réguliers.
72. Ils se dirigèrent vers la montagne de Cenn Claire où
se trouvaient Fiacha et les gens de Munster. Les gens de
Munster se levèrent autour de Fiacha, pour souhaiter la bien-
venue à Mogh Ruith, et tous lui accordèrent la suprématie et
le salaire qu'il réclamait, et lui assurèrent que leurs fils et leurs
petits-fils respecteraient cette suprématie et les avantages
accordés à lui vis-à-vis de sa descendance. « Qui as-tu choisi
pour fiancée ? » dirent-ils. « Eimhne, fille d'Aengus Tirech,
élève de Mogh Corb ». C'est d'elle que tire son nom Cul
Emhne, de nos jours. « Si elle préfère mon fils Buan qu'elle
dorme avec lui ». Ceci fut remis au choix de la jeune fille.
Voici le choix qu'elle fit : « celui qui est le plus avisé
et qui assurera la protection d'un chacun, c'est avec lui que
je dormirai. »
74 M. L. Sjoestedt.
is lais taifet-sa ". Ra athnaiscset na cuir ann sin ra gach ni
arcena.
73. O thairnic sin ro choimheirighset fir Munw« uili co
hait a raibi Mogb Kuitb 7 na maithi-sin. " Masa mithid libh-
si, '' ar se, " bhur foiridhin innosa abraid ga (oiritin raghus
hVuib do na heicendaluib a taithe. " " An t-uisci tra, " arsiat.
" Caidhi Cennmar innosa ? " ar Mogh Kuitb. " Ata sunn, "
ar. Cennmar. " Domroicheat mu sleagha draîâhechta uait.
Tugrtdh do 7 faluigset ind aier 7 ind nrmzmint 7 faca neach
gur toirinn ibfaired a troigeadh. " Caide Ceannmhar ? "
" Sunn ", ar Cennmhar. " " Tabuich, " ar se, " in baile . . . dti
rinn na slighi. " " Lo\gh\dhecht dam ? " ar Cennmar
" H'ainm for in sruth ", ar Mogh Ruith ; gabus araill [o' L. 176
b i]oc tabuch in tzlman 7 oc \araidh an uiscai 7 do radh. Mogb
Kuitb in rethora; oc laraidb ind usci bes .i. !
" Aliu sruth sainemhail. "
74. Intan tairnic sin is and ro mhebaidh comhdaingne talmfln
don uisci ; robu mhor a fuaim 7 rob opair do cac uili an imdhi-
ten ar an uisci. Ocus aduba/rt Cennmhar ac forcloistin an uisci
ria siu atcuala cach a fuaim .i. " Sithal lan
75. O thairnic dona maithibh a ol do rer tidhnacuil in
druadh, is ann aduWwVt Mogh Kuitb : " ibhidh sût ", ar se,
" co tuca luth 7 lathar 7 hncoibledh gail 7 gach nert 7 tract 7
enech dhaibh. "Dos râla cum an uisci iarww an a mbuidhnibb
7 an a ndrechtuib 7 dos farluics^t fair uile eider daine 7 eochu
7 almha gur bat daitinigh ; [O'L. 176 b 2] ro sczWedh iariwi
int uisci-sin fo chach for amas a muinnteri 7 ro scaiW/;
uaidhibh-sidhe fo glenntaibh 7 aibhnibh 7 tiprataibh in cui-
1 . D'après Keating, II, 320. Mogh Ruith lança en l'air une lance magique,
et une source jaillit là où elle retomba : san ait ndr tuiiling an ga doting
tobar fior-uisge. Sans cloute est-ce ainsi qu'il faut comprendre notre texte,
ici peu lisible ?
Le siège de Druim Damhghaire. 75
Ils signèrent alors les contrats et on régla tous les arrange-
ments en même temps.
73. Ceci fait, les gens de Munster se rendirent au lieu où
se trouvait Mogh Ruith et les seigneurs déjà nommés. « Si
vous jugez qu'il est temps que je vous porte secours, » dit-il,
« dites moi de quelle façon je puis vous secourir dans la
détresse où vous êtes plongés. » « Fournis-nous de l'eau, »
dirent-ils. « Où est Cennmhar ? » dit Mogh Ruith. « Ici »,
dit Cennmhar. « Donne-moi mes lances magiques ». On les
lui donna.
« Où est Cennmar ?» « Ici », dit Cennmar. « Creuse la
place qu'a frappée la pointe de la lance ». « Quelle sera ma
récompense ? » dit Cennman. « Le fleuve qui jaillira portera
ton nom, » dit Mogh Ruith. Cennmar se mit à gratter la terre
et à chercher l'eau, et Mogh Ruith dit cette rhétorique en
cherchant l'eau :
. « Salut, flot délicieux.... »
74. Lorsqu'il eut terminé cela, l'eau jaillit brisant 1 ecorce
de la terre, et elle faisait un grand fracas et tous eurent grand'
peine à se protéger de l'eau, et Cennmar dit en écoutant venir
l'eau, avant qu'un chacun n'entendît son fracas : « Coupe
pleine. . . ».
75. Lorsque les nobles eurent fini de boire ce que leur
donnait le druide, Mogh Ruith dit : « Buvez cela, » dit-il
« pour que votre force et votre énergie, et votre aptitude aux
armes vous reviennent, avec votre vigueur et votre dignité. »
Ils se pressèrent vers l'eau, en troupes et en groupes, et
tous y étanchèrent leur soif, gens, chevaux et bétail, si bien
que l'eau suffit à tous. Ensuite les eaux se répandirent et se
distribuèrent de toutes parts, vers leurs gens, et de là, elles se
répandirent dans les vallées, les cours d'eau et les sources de
la province, et les délivrèrent de l'engourdissement magique
qui pesait sur eux, et les eaux se manifestèrent de cette façon
à tous ; les troupeaux et le bétail de la province furent amenés
vers les eaux, et burent leur content.
y(> M. L. Sjoesteàt.
cidli 7 ros cuiredh in scithlim dwùdbechla bai forro dibli 7 ro
faillsighit na li-usoxdha docach fon n-innus-sin. Tugait immorro
alnihai 7 innile in cuicidh cusna uscaibh 7 atibhset cur bat
daithinigh.
76. Ro curset fir Munv/« iar//;;/ iluch commaidhmhe. Ocus
roclosgu longport Corrrur/c sin. O^/u docuas o feruibh Muman
da innisi do Chormac 7 do neamchomall na cana 7 d'tuagra
in eisidha. Ro ghabh grain 7 omhon Leth Cuinn uni Chormac
annsin 7 ro crithn/^/jset 7 ro ghabh a n-airi cur tir a ndobra-
tar a ndraidhe fein riu, oc tairmeasc a sloighidh impaibh.
" Datrae bendacht, a Mbogh Kuith ", ar fir Muman, " 7 in
cutraime ro gealW/; d«/t, bera uile gm gu tugtha dhuin d'foiri-
din, achl int usca nama ". — " Nuchon air ata m'incesact
e'iter, ar bur foindin. Achl is mo adaghar a neamlichomall
rem clannuib7 rem chinedh dar mh'eisi in tsochuir doratabair-
si dhamh. " Tucsat-som uili a mbennacbta. da gac aen do com-
aillfedh 7 tue Mogh Corb 7 Donn Dairine 7 na cuir ar cena.
77. Ro fiafcuighMogh Kuith arnamharach : " Ga cabhuir is
fearr libh raghus duibh innosa ? " " An enoe do thairnium ",
ar siat, " âr is mor in muich 7 in phlaidh dhun ar nimaid
do beith" uas ar cinn i n-ardenoe druidh^ka 7 sinn fein i
bhfan, 7 conad radarc dhun a bhfeg^d uain suas ar airdi. "
" Tabhur mh'agaidh risin enoe, " ar Mogh Kuith ; ocus tug^dh
on co hinilldireac. 7 o thugad dochoid-sium i muinighin a
dhea7 a cumhachta 7 ro aidhbligh he fein cunar bhônemhair-
di he anas in enoe, 7 ro mheduigh a chenn co mba me'idether
re hardehnoe ara mbiath daire [177 a 1] cailli moire, gur gha-
bhustar uamon cid a muinler fein roime.
78. Is andsin doroacht comalta dho-som cuigi .i. Gadhra
a Druim meic Criadhnaidhi, mac derbhsethar Ban Buanaindi,
Le siège de Druitii Datnbghaire. 77
76. Les gens de Munster poussèrent alors une clameur de
joie, qui fut entendue jusqu'au camp de Cormac. Et les
hommes de Munster envoyèrent vers Cormac, pour lui
apprendre ce qui s'était passé, refuser de payer le tribut, et
dénoncer la trêve.
Le parti du Nord, groupé autour de Cormac, fut saisi
d'horreur et d'épouvante : ils tremblèrent à l'idée que leurs
druides leur avaient dit la vérité, lorsqu'ils s'étaient opposés
à cette expédition.
« Nous te rendons grâce (?)Mogh Ruith, » dirent les Muns-
tériens, « la récompense qui t'a été promise t'est désormais
acquise, quand bien même tu ne nous fournirais pas d'autres
secours que de nous avoir rendu l'eau. » — « Ce n'est pas
que je veuille vous marchander mon secours, mais je crains
fort qu'on ne s'acquitte pas envers mes enfants et envers ma
descendance de ce que vous m'avez accordé par contrat. »
Tous alors donnèrent leur bénédiction à tous ceux qui exécu-
teraient les conditions : Mogh Corb, Donn. Dairine et les
garants firent de même.
77. Le lendemain Mogh Ruith demanda : «Quelle aidepré-
ferez-vous maintenant ? «Abaisse la colline », dirent-ils, «car
c'est une grand affliction et une grande calamité pour nous,
que nos ennemis soient ainsi installés au-dessus de nos têtes
sur une colline magique lorsque nous sommes nous-mêmes au
pied si bien que nous ne pouvons les voir qu'en levant les
yeux. » « Qu'on tourne mon visage vers la colline », dit
Mogh Ruith. C'est ce qu'on fit sans balancer. Aussitôt, il
invoqua son dieu et sa puissance et grandit si bien qu'il
n'était pas moins grand que la colline, et sa tête crût jusqu'à
être aussi grosse qu'une haute colline couronnée de grands bois
de chênes, si bien que même sa suite fut saisie de terreur à sa
vue.
78. C'est alors que vint le trouver son camarade, Gadhra,
de Druim meic Criadhnaidhi ; c'était le fils de la sœur de
78 M. L. Sjoestedt.
bandrai ingine Deirg Dualaigh ; d'fanacbt 7 d'foiridin do
Mogh Ruith tainic. Ocus ba soidhealbha i lleth ra Mogh Ruilb
do bhi a dhealbh in la-sin, 7 ra feruibh Mumrt« ar cena. Ba
heitigh aineachtac a dealbh 7 a ecosc i lleth ra Cormac cona
sluagaibh .i. issé garbh giusaidhi 7 méidk/forrighthech a chenn,
meidé/for righchaire ceachlur a dha sul ria a cenn aneachxa'ir,
a gluine na deagaid 7 a escudu reme. Gabhullorg iarnd mhor
na laim. Araid odhur ghlas imbe guna lan do chongaib 7 do
chnamaib 7 d'adharcaibh, boc 7 reithe na \eanmain gu nga-
bhudh crith 7 omhon gach nech atceth fon n-ecasc sin.
Ocus ro ftafruigh Mogb Ruith de : " Cidh ima tainic ?
" Tanac ", ar se, " do thabairt creath 7 uamhain for na slo-
gaibl) 7 do tabairt neirt mhna siuil in cech tir dhibh re huair
catha 7 comhluind. " Ocus do riachtroimhe fon ecusc-sin co
Druim nDamgaire 7 tainic fo tri a timcheall in chnuic 7 a tri
bodharbheicedha ass yro thaispenustar doib he fon n-innus-sin
gur ghabh grain 7 omhun uili iat, co rucastar leath luidh 7
lanchoibhlidh o gach fir dhibh.
79. Ros facuibh fon n-innus-sin 7 tainic roimecu h-airm
a mbai Mogh Ruith. Ocus ro bai Mogb Ruilb ica tiafraig/d dhe
in nderna na tosca risi tainic, ocus ica fiafraigidh dhe beos
cinnus toethsaitis na slôigh, in an-aenuibh nô n-a ndrechtuibh
no n-a bhfichtibh, nô n-a cedaibh. Ocus adbert Mogh Ruith
tosach na laidi 7 do freagair Gadhra :
[M. R.] Cidh dia tanaic, a Ghadra ? In re dogra brigh
mbechta ?
[G.] Do taba/Vt creatha is uamain ; sunn ar sïuaghàibh
na h-echtra.
[M. R.) Innis duin do gnim gaili 'in ba gaire gnim Cor-
maic ?
[G.] Beicfid, buirfid re deogail* beit ar seolaib slôigh Cor-
maic
[M. R.] In bai n-aenuibh no i ndeduib, no n-a ndredrtaibh
ro didbuid
Le siège de Drtiim Damhghaire . 79
Ban Buanana, la druidesse, fille de Derg Dualach. Il venait
à l'aide et au secours de Mogh Ruith. Belle était son appa-
rence, te jour-là, du côté tourné vers Mogh Ruith et vers les
gens de Munster, odieuse et monstrueuse était son apparence
et sa mine du côté tourné vers Cormac et vers ses armées :
il était rude et piquant comme un piti (?), et aussi gros
qu'un château royal. Chacun de ses deux yeux était ausi gros
que le chaudron d'un roi, et ils saillaient au dehors de sa
tête ; ses genoux étaient par derrière, et ses talons par devant.
Il tenait à la main un grand, trident de fer ; il était enveloppé
d'un manteau d'un brun gris, corné, tout hérissé d'os et de
cornes ; un bouc et un bélier le suivaient. Ils étaient frappés
de terreur, tout ceux qui le voyaient en cet équipage.
« Pourquoi es-tu venu ? » lui demanda Mogh Ruith. « Je
suis venu », dit-il, « pour faire trembler et pour épouvanter les
armées, afin qu'il ne reste plus que la force d'une femme en
couche à chacun de leurs guerriers au moment du combat. »
Et il s'en alla en cet équipage jusqu'à Druim Damhgaire ;
il fit trois fois le tour de la colline, et poussa trois cris assour-
dissants et se montra aux ennemis de cette façon, si bien qu'ils
furent saisis d'horreur et de terreur ;il priva ainsi tous les guer-
riers de la moitié de leur courage et de leur valeur guerrière.
79. Il les laissa en cet état et s'en fut rejoindre Mogh
Ruith ; Mogh Ruith lui demanda s'il avait exécuté le dessein
en vue duquel il était venu ; il lui demanda aussi comment les
armées succomberaient; homme par homme ou par groupes,
par vingtaines ou par centaines : Mogh Ruith commença donc
le poème (suivant) et Gadhra lui répondit.
Mogh Ruith. Pourquoi es-tu venu, ô Gadhra ! Est-ce pour
apporter la désolation, pouvoir certain (?).
Gadhra. C'est pour répandre l'horreur et l'épouvante parmi
les armées ennemies.
Mogh Ruith. Dis-moi quels exploits tu as accomplis, est-ce
que l'action de Cormac était ?
Gadhra. Ils crieront, ils imploreront miséricorde (?).
L'armée de Cormac sera en désarroi.
Mogh Ruilh. Est-ce isolément ou deux par deux, ou par
masses qu'on peut les compter ?
80 M. L. Sjoestedt.
[G.] Bid i n-aenuib 's a ndeduib- taethsd/ siritiu siabhraid
[M. R.] [177 a 2] In ba i fichtibh no a cedaibh "no n-a
drechlaibh ra tu i ri m ?
[G.] I bhfkhtib ced is dreachtzibh' toethsat clann Chuinn
na curad.
[M. R.\ Cidh na marbha na sluagha *is na tuadha ro
thinol ?
[G.] Ni leicen dano be bannba 'snifes a tharbha cidh on.
Cidh.
80. Do bhatar annsin andis oc ïumaimh in catha 7 Gadhra
n-a ecosc fein. Ocus gabhus Mogh Ruitk for seidedh in cnuic,
7 ni fetad fer do Leith Cuind bheith i n-a bhoith ar mhet na
h-ainbhthine ocus ni fetatar an draithi canas tainigh dhoibh
ind ainbthine. Gabhustar Mogh Kuith amlaid-sin for sehedh'm
cnuic 7 ro raid na bnathra-so :
" Soeim atsoeim. . . ".
81. [177 b 1]. Do cuaidh tra an cnoc ar neicfni n-a dlu-
muibh dubhai 7 n-a choire chiach gumba lor dh'uathbhas
d'oes-midhbadh gair in tsloigh 7 tairmgrith na n-ech 7 na
carpa/ 7 briscbruar na n-arm oc beim in cnuic ra a bunûd.
Sochaide tra don isluagh ro facuib i croilighi mbais 7 ra fac-
bhuit uile fa choir dubh'aighi 7 droichm^«ma«. Ro ba
maidhium la fira Mumâfn sin 7 ro cuirs^t ilaich commaidme
7 ro bo buadhu£ttd mor leo. Cidh fra in forbhfailtius 7 in
t-aineas ro ruair in sluag thuaidh roime-sin, tainic ar in
s\uag fo dhes. An bron immorro 7 in dogaillsi ro bui ar in
sluag thés roime-sin do dechaid ar in sluag budh thuaid. Batar
ïxmhlaidh-s'm co madain.
82. Ro râlhaigh Leth Chuind annsaidhe sodh a dana
forro. Ocus ro ghabh Cormac occ eiliug«d n andruagh ro
bhatar aigi fein. Is annsin ro e'irigh Colptha ra h-imnaire an
chairighthi thuc Cormac fair 7 ro ghabhustar a sciath dubh
duaibhseach for a cliu i ra bhutar se fichit fertraigh cona bile
Le siège de Druim Dambghaire. 81
Gadhra. C'est un par un et deux par deux qu'ils périront,
ces magiciens.
Mogh Ruith. Est-ce par vingtaines ou par centaines ou par
masses, à ce que tu penses ?
Gadhra. C'est par vingtaines de centaines et en masses qu'ils
périront, les descendants de Conn, chef de héros.
Mogh Ruith. Pourquoi n'ont-elles pas péri par toi, les tribus
et les armées qu'il a réunies ?
Gadhra. Il n'est pas nécessaire , leur avantage
Même ainsi.
Même ainsi.
80. Ils étaient tous les deux en train de se préparer au com-
bat ' Gab h ra avait repris son apparence normale. Mogh Ruith
se mit alors à souffler sur la colline ; aucun guerrier du parti
du Nord ne pouvait se tenir dans sa tente, tant était grande
la tempête. Et les druides ignoraient l'origine de cette tem-
pête. Mogh Ruith, en soufflant ainsi sur la colline prononça
ces paroles : « Je tourne, je retourne, etc.. ».
81. La colline disparut alors, enveloppée dans des nuées
sombres et dans un tourbillon de brouillard, si bien que le
commun de l'armée fut saisi d'épouvante, au cri des batail-
lons, au tumulte des chevaux et des chars, au fracas des
armes brisées retentissant lorsque la colline fut tranchée de
ses fondements. Une partie de l'armée en resta plongée dans
les affres de l'agonie, tous s'abandonnèrent à l'abattement et
au découragement.
Cela remplit les Munstériens de joie : ils poussèrent une
clameur en célébration, et s'en enorgueillirent fort. En un
mot, l'enthousiasme et la joie qui régnaient parmi l'armée du
Nord auparavant -passèrent à l'armée du Sud, et, inversement,
l'affliction et le désespoir où était plongée auparavant l'armée
du Sud, furent le lot de l'armée du Nord. Ils restèrent dans
cet état jusqu'au matin.
82. Le parti du Nord remarqua alors comment leurs sor-
tilèges avaient été retournés contre eux. Cormac se prit à faire
des reproches aux druides qui étaient à son service. C'est alors
que Colptha, tout honteux de la semonce que lui avait infligée
Cormac, se leva ; il prit au bras gauche son bouclier noir et
Revue Celtique, XL1II. 6
82 M. L. Sjoestedt.
iaruind n-a timcheal 7 a chidebh trom tortbhuilleach a ndec-
\\aid tricha caor comdlutta 7 a dha sleigh dhubha dhethaighi
dhuaibhsecha n-a laimh. Ocus do chuaidh fein a ndeilb bhuirb
brogdha bachlachdha i ra butar da fichit dec traighedh ar
airdi gan imtoicheall airium na etuigh acht sin. Tainic tra
Cairpre Lifacair dia laidhiud 7 tancatar rompa siardes as an
longphort i freacar in comlaind.
83. O atcondcadar firMuman sin ro raidset ra Mogh Ruith :
"A tir sochair 7 sochraite, ata sunn Colptha i freacur in com-
luinn feibh as duaibhs^zca thainic riam ". " Cia thic lais ? "
ar Mogh Ruith. " Ciirpre Liffacair, " ar siat. " Caidhi Cenn-
mhar inosa ? " ar Mogh Ruith. " Sunn ", ar Cennmhar.
" Eirigh ", ar se, " 7 freitche l frithailimh in aithigh ud. "
" A aide inmhain, " ar Cennmhar, " ra sires-sa in domwn
tàir 7 siu immaille frit-sa 7 ni ro raidhis:si frim-sa cath na
comluww riamh, Ocus dano ci peadh a ndernus ni dernus in
œmhlunn aeinfir, [177 b 2] ci peadh do thincsin do berainn
a raen ra cach a freacor aid nô irghoili. " " Coiméirigh, arai-
sin, " ar Mogh Ruith, "7 ragat-sa fein lat. "
84. Comlais Mogh Ruith co Râithin animairic ra h-ath
aniar-dhes 7 Cenmhar mzûleiis (?) Ocus is amlaidh thainic
Mozh Ruith mar bhud he fein tised isin comhlunn. feibh is
ferr thicedh riam cona sciath ilbreac reltanac feir, cona bhile
findarg^it uime 7 daidehh curata 1 n-ardghabhail for a cliu 7 a
dha è\ég niamdha neinvhnaca i lamhuib leis. Ocus tainic fon
tuaruim-sin cona àrmghaiscedcon eisidh i Râithin ind imairic
re h-âth âniardhes. Cidh tra mar do tfaocbhadh Cairbre Lith-
facair atuaidh ar aen ra Colptha, ro thocbad Mog Corb ar aen
ra Cennmhar. Or rob iat-sin a bhfiadhnuise ider thosach 7
dcred cein ro batar oc ferthain a comluinn 7 is acu ro bhuifir
7 derb na moireicenn ro imir cach for a cheli dhibh.
1. Cette forme paraît signifier : « prépare-toi », ou : « va. » Faut-il la
rattachera un composé fris-tiug- auquel s'ajouterait ici une désinence dépo-
tente ?
Le siège de Druim Damhgbaire. 83
sinistre, qui ne mesurait pas moins de cent vingt pieds, et
était entouré d'un cercle de fer; il prit son sabre lourd et per-
çant, où s'étaient fondues trente masses de métal flamboyant,
il prit ses deux lances noires fumeuses (?) et sombres, dans sa
main. Et lui même revêtit une apparence horrible, immense,
grotesque, d'une stature de deux cent quarante pieds, sans
faire entrer dans le calcul ses vêtements (?) . Cairpre
Liffacair vint avec lui pour l'exhorter et ils sortirent du camp,
marchant vers le Sud-Ouest pour livrer bataille.
83. Lorsque les Munstériens virent cela, ils dirent à Mogh
Ruith : « O notre ami et notre allié, voici venir Colptha
pour livrer bataille, sous l'apparence la plus sinistre sous
laquelle il soit jamais venu. » « Qui vient avec lui ? » dit
Mogh Ruith. « Cairpre Liffechair, » dirent-ils. « OùestCenn-
mhar, maintenant ? » dit Mogh Ruith. « Ici », dit Cennmar.
« Lève-toi », dit-il, « et prépare-toi (?) à tenir tête à ce
manant ». — 0 Très cher père », ditCennmhar, « j'ai visité
l'Orient et ai demeuré ici avec toi, et tu ne m'as jamais invité
à combattre. Et, quoi que j'aie pu accomplir, je n'ai jamais
combattu en combat singulier ; quoi que je sois capable d'en-
treprendre, je m'effacerai devant n'importe qui en matière de
combat et de faits d'armes. » « Mets-toi en route, cependant, »
dit Mogh Ruith, « et j'irai moi-même avec toi. »
. 84. Mogh Ruith se rendit à Raithin in Imairic (au tertre de
la rencontre) sur le gué, au Sud-Ouest : Cennmar le suivait
avec répugnance. Mogh Ruith vint équipé comme si c'était
lui-même qui devait livrer bataille, et aussi bien qu'il l'avait
jamais été : il portait un bouclier bien construit, étoile,
entouré d'un cercle d'argent, un sabre guerrier se dressait (?)
à son côté gauche et il tenait en outre deux lances ennemies,
empoisonnées, dans ses mains. Il s'avança ainsi avec ses armes
offensives et défensives jusqu'au tertre au sud-ouest du gué -y
à l'instant même où Cairbre Liffacair apparaissait, venant
du Nord, accompagnant Mogh Corb, Colptha apparut avec
Cennmhar. Car c'étaient eux les témoins de la bataille que
les deux guerriers se livrèrent, du commencement à la fin ;
c'est eux qui constatèrent avec certitude et évidence les coups
cruels que s'infligèrent mutuellement les combattants.
«4 Ai. L. Sjoestedt.
Do raid Mogh Ruitb ra Cennmhar : " DomroiclW mo chloch
neme 7 mu lia laime 7 mo comlunn cet 7 mo dhithdergddar
mo naimdiu " ; 7 tuazd do 7 ro boi ica molad 7 ic cor bre-
achta neme inti 7 doraidh in rethoirec-so :
" Ailim mo lie laime. . . " '.
85. [178 a ij O tairnic sin dos fuc i laimh Cennmair 7 ro
raid h fris. " Intan tiefa Colptha san ath eugat teilc-si in cloch
isin ath 7 dom breit/r ", ar se, " as derb leam-sa con dinge[b]a
gnimha gaili Colptha dit.
Do roacht iar sin Colp//;a co Raithin ind imairic re h-ath,
7 cein ro bui Colptha oc tiachtuin on longport conice sin, do
chuir Mogh Kuith anal draidhechta n-a zdhaigh fo thuaidh,
con derna sin cor bhat (oithe fergacha feoghghoirte clocha 7
gaineam in talman o tha in longport cuszn ath. Co mba mei-
dlter la Colptha na tairai cos for talmam do ar a mhét no
l^raitis 7 no loisedis na foithe, ocus cor bhaat saghalerlabra let-
ratacha maighseisc 7 îTmrain na mona ac dlomad 7 ace eicet
air. Ocus cor bat tuirc trotacha trebliadhna/o'/; tulfoit 7 morbai
in mhaighe ar énghair 7 ar airmgrith cuigi. Ocus cor bhat
daimh dedla dimora agarbha iar reamwr mu'metha moirsciach
in muighi oc belàdhaigh 7 oc buhfedaigh oc a roachtain. Ocus
ro ghabh grain 7 omun fon n-innus-sin Colptha.
86. Mogh Kuith immorro, teit-sein i ndeilbh n-aineactha
ndimhoir fô a samhuil-sium. Sillis Colptha dar ath fo dhes
fairsium 7 forfid/V ba se doroine na h-anrechta ut batar for-
sin muigh. Ocus dano ba hingnad lais Mogh Kuith do bheith
fo armghaismf 7 se dall 7 do raidh in retoric-sa : " Gas atu
atuarat cind. et tel. " Dofreagair Mogh Kuith co feigh 7 co feo-
chair 7 do raidh an retorxc À. " Fearta druadh dolbaim-si et
rel " .
1. Cf. un essai de traduction de cette rhétorique dans O'Curry, Manncrs
and Ciistoiiis, II, 279.
Le siège de Druim Dambghaire. 85
Mogh Ruith dit à Cennmhar : « Donne-moi ma pierre
empoisonnée, et ma pierre plate de main, et mon « combat
décent, » et ma « destruction de mes ennemis » ; on la lui
donna, et il se mit à la louer, et à y mettre un charme
empoisonné et il dit la rhétorique : « Je prie ma pierre de main,
etc. »
85. Lorsqu'il eut fini, il la mit dans la main de Cennmar,
et lui dit : « Lorsque Colptha entrera dans le gué et s'avan-
cera vers toi, jette cette pierre dans le gué, et sur ma parole, »
dit-il, « je n'ai aucun doute qu'elle ne détourne de toi les
coups de Colptha. »
Colptha se rendit alors au tertre de la rencontre sur légué,
et tout le temps que Colptha mit à venir du camp jusque là,
Mogh Ruith envoya contre lui vers le Nord un souffle drui-
dique ; cela transforma les pierres et le sable du sol en
brandons ardents, furieux, durs et coupants, sur tout le trajet
depuis le camp jusqu'au gué, si bien qu'il était très pénible à
Colptha de poser son pied à terre, tant les mottes le blessaient
et le brûlaient. Les laiches de la plaine prirent la voix de
chiens et devinrent coupantes, et les herbes du marais se
mirent à le repousser et à contre lui ; des sangliers
batailleurs de trois ans, et les fourmis de la plaine criaient tous
ensemble et faisaient un grand fracas à son approche. Et des
bœufs sauvages, immenses, hardis, derrière les épais buissons
d'aubépine de la plaine, hurlaient et mugissaient à son
approche. Si bien que Colptha fut saisi d'horreur et d'épou-
vante.
86. Quant à Mogh Ruith, il s'avança donc sous une appa-
rence imposante et immense. Colptha jeta les yeux sur lui à
travers le gué, vers la rive Sud : il devina que c'était lui qui
a^ait suscité les phénomènes extraordinaires qu'on voyait
dans la plaine. Il s'étonna de voir Mogh Ruith en armes,
quoique aveugle ; il récita la rhétorique : « ». Mogh
Ruith répondit de façon tranchante et sévère et il récita la
rhétorique : « »
86 M. L. Sjoestedl.
SI. O thairnic dona âraithibh an imacallaw/7-sin, gabsatoc
gnô. Ocus dochuaidh Cennmhar for araus in atha 7 nis faca
Co\ptha con eisidh ar ur in atha 7 cweas in cloich roime
san âth 7 doghni murescang sith-remair dhi, fejbh atcuad-
hamw romuinn. Ocus atnaidh Cennmhar fein a ndeilbh
cloiche, for an ath. Cloch mor immorro bai isin ath soighter
iside i richd Cennmhair. Gabhaidh iarsin anfadh for an ath,
amal tonna dileand i llo cruadhghaeithi earmig fo anfad in
mhor-mara. Ocus ba dethb'ir do ceachtar n-ai inni-sin, or ba
doig la dannaibh Cuind um Cormac ba druidhecht 7 diaba/dan
Moga Ruith ro comlaisetar na tonna-sin, ocus ba doigh la
Fiacha 7 la fira Muman ba druidhecht 7 diabû/dan Cho\ptha
no chomhlai in moranfad-sin for lar in mor-muighi n-a
bhfhiadhnww, curgabh uromon ceathra coiged Eirenn fon
samail-sin.
88. Ni h-indister tra comlunn na coimeascar do dhenam
do Cennmar 7 do Choira annsin 7 ni he Colptha [178 a 2]
na taircedh, or, intan atconnaic ecasc Cennmhair isin ath,
sceindis cuigi 7 imselais tri beiminda dho don daidem mor
mhilitabui n-a laim co taillfedh mac midaeisi i fuillslicht gâte
beime dhib isin cloich. Sceindis an escang cuigi-sium ann
saide 7 gabus tulpart a édain 7 a aighthi fair 7 gabsat seachnon
ind atha co tancatar fecht fo tri n-a thimcheall 7 Colvtba a
n-uachtar gach re fecht 7 in eascong în fecht aili. Ro scarad
Co\plha ra armaibh ann sin 7 ro bruighmhinaigit im a lam-
haib. Ro fortamlaigh tra in escong for Colptha, 7 benais fria
chnes, 7 tig timcheall a neirt 7 doni noi snadma dhi im-a
churp fria a dhoitibh anechtair 7 tic traigh dhi fai 7 traigh
uasa 7 intan no trialW coisceim do breith do beired si builli
da herr dar an cois nous tocbhadh 7 do btredh beim dhe fria
tzbnain 7 intan no thoebad a cheann no gheibhedh an escong
ider a dha carpat in blagh ba sia uaithi don cinn, 7 imsel-
adh beim dhe frisin sruth.
Le siège de Druim Damhghaire. 87
87. Après cet entretien les druides en vinrent à l'action.
Cennmar s'avança vers le gué et Colptha ne le vit point avant
qu'il ne fût installé au bord du gué ; Cennmar plaça la pierre
devant lui dans le gué, et la transforma en une énorme anguille
de mer, comme nous l'avons déjà dit. Cennmar lui-même
se posta sur le gué, sous l'apparence d'une pierre. Il y avait
d'ailleurs une grande pierre dans le gué; elle prit l'apparence
de Cennmar.
Ensuite une tempête s'éleva sur le gué, telles les vagues
puissantes un jour de grand vent au printemps, lors d'une
tempête en haute mer. Aucun des deux partis n'avait de
doute quant à son origine, car les descendants de Conn, qui
environnaient Cormac, attribuaient l'amoncellement de ces
vagues à l'art magique et diabolique de Mogh Ruith, tandis
que Fiacha et les gens de Munster voyaient un effet de l'art
magique et diabolique de Colptha dans cette tempête furieuse
qu'ils voyaient s'élever au beau milieu de la plaine. Les quatre
provinces d'Irlande furent plongées dans l'épouvante à cette
vue.
88. L'histoire ne rapporte aucune rencontre ni aucun
combat livré par Cennmar et Colptha ce jour-là. Ce n'est
pourtant pas Colptha qui se déroba, car, lorsqu'il vit le
faux Cennmar dans le gué, il bondit sur lui et il lui asséna
trois coups avec le grand sabre meurtrier qu'il tenait
dans sa main, si bien qu'un homme adulte aurait trouvé
place dans la trace sanglante que laissa chaque coup dans la
pierre.
L'anguille bondit alors sur lui et le saisit par la face et ils
tombèrent en travers du gué, si bien qu'ils roulèrent par trois
lois alentour, Colptha et l'anguille se trouvant successive-
ment par-dessus. C'est alors que Colptha fut séparé de ses
armes qui se brisèrent en mille morceaux entre ses mains.
— L'anguille prit alors l'avantage sur Colptha; elle s'accrocha
à. sa peau, l'entoura de façon à le paralyser, et fit neuf nœuds
autour de son corps, en emprisonnant ses mains ; et un
pied de Colptha fut pris par-dessous, et l'autre par-dessus.
Lorsqu'il essayait de faire un pas, l'anguille donnait un coup
de queue sur le pied qu'il soulevait, et le renvoyait contre
ss M. L. Sjoesteât.
89. O atconnuic Mogh Corbgur (onamluigh an eascang for
Cholptha, atbert ra Cennmhâr : " Fort do colaingcel ' ", ai
se, " is olc dhuid gan ni do maisi an ecta 7 clu marbhtha an
aithigh do beith fort ". Is ann sin ro gabh Cennmhâr slegh
draidhechta Mogha Ruith n-a laim, 7 saidhis hi a Co\ptha os a
chinn co fortren feramail 7 aithnes Mogh Corb dhe a imdhiten
fair. Sceindis Cennmhâr chuigi iarum co claidem mor mile/a
Mogha Ruith, con selustar beim dho, con tobacht a cenn de.
ocus hcbus in cend ann sin 7 tic for tir 7 toitid a taem-laem
gen aidechta air 7 a thaisi marbhtha 7 mêle. Sceindis Mo^/;
Corb isin ath 7 gabhz/5 in cenn 7 tic lais.
90. Imsoei Coirbri Litfacair dia longport ; ocus ro cuirset fir
Mhumatw u\ach commaidme in comh/www-sin ; ocus doronsat
nualghubha fo chuitbhidh obloire, 7 eisdrecht fer Muman ac
commaidim Choira : " In libh in maidium ? " ar Mogh
Ruith. " " As linn 7 ita sunn Mogh Corb 7 an cenn aigi ".
" Caidhi Cennmar ? " ar Mogh Ruitb. " Dorochair taisi midbad
fair", arsiat. " Truadh sin ", ar se. " Da mad he thised lasin
cenn, ni gebhtha fior n-aeinf ir râ fer dia sil co brach, acht eu
mad arm neich dom sil-sa do biath aigi ". " Tabair frim-sa
in mbreithir- sin ", ar Mogh Corb, "or as me thuc in cenn
leam 7 is me [178 b 1] fuil re comaïïadh do sochair 7*as i m'
ingen ro thoghais 7 ni mesa mhe fein oldas Cennmhâr "•
" Dober-sa on ", ar Mogh Ruith, " cein chomalla do coracais
frium-sa, acht gu rub arm fir dom sil-sa his nach fer dod
sil-sa ". Ocus atbert an rand.
" Mad arm fir do sil Mogha
C«5an cathghail re a cura
Taethsat leo 7 fosraegat
acht nar saebhat a cura '"
1. Cf. à peu près la même formule § 56.
Le iiège de Druim Damhgbaire. 89
terre ; lorsqu'il levait la tête, l'anguille prenait entre ses
mâchoires le sommet de sa tête (litt. la partie de la tête qui
était la plus éloignée d'elle), et l'envoyait frapper contre le
courant.
89. Quand Mogh Corb vit que l'anguille avait le dessus sur
Colptha, il dit à Cennmar : « », dit-il,
« cela te fait grand ton de ne rien faire pour t'assurcr le béné-
fice moral de cette mort et la réputation d'avoir tué ce
manant ». Cennmar saisit alors la lance druidique de Mogh
Ruith, et il la darda sur Colptha, par-dessus sa tête, avec force
et énergie, et Mogh Corb l'engagea à être sur ses gardes.
Ensuite Cennmar sauta sur Colptha, avec le grand sabre
meurtrier de Mogh Ruith, et en porta (à Colptha) un coup
qui lui trancha la tête. Il laissa la tête là et regagna la rive; il
fut alors saisi par la crise rapide comme l'éclair
ainsi que par sa transe mortelle et douloureuse (?).
Mogh Corb sauta dans le gué, saisit la tête et s'en alla avec.
90. Cairpre Liffacair s'en retourna à son camp. Les gens de
Munster poussèrent une clameur de réjouissance, en l'honneur
de ce combat, et les bouffons poussèrent des gémissements par
dérision, parodiant les Munstériens en train de célébrer la mort
de Colptha.
« Est-ce vous qui chantez victoire? » dit Mogh Ruith.
« C'est nous, car voici Mogh Corb portant la tête ». « Où
est Cennmar? » dit Mogh Ruith « Il a été saisi de sa crise de
, » dirent-ils. « C'est dommage », dit Mogh Ruith.
« Si c'était lui qui était venu avec la tête, aucun homme de
sa descendance n'aurait jamais été vaincu en combat singulier,
à condition seulement qu'ils portent les armes d'un de mes
descendants dans le combat ». « Accorde-moi le privilège que
tu viens de dire, » dit Mogh Corb, « puisque c'est moi qui
ai apporté la tête avec moi, que c'est moi qui veille à l'ac-
complissement de ton contrat, que c'est ma fille que tu as
choisie et que je ne vaux pas moins que Colptha ». « Je te
l'accorde », dit Mogh Ruigh, « aussi longtemps que tu accom-
pliras tes engagements à mon égard, à condition que chaque
homme de ta descendance porte dans le combat les armes
d'un homme de la mienne ».
9<3 M. L. Sjoesledt.
u Ni saebobhthar fort-sa sin co brath ", ar Mogh Corb.
Ocus dod'chubhus, dena faitsine dhun 7 forfindam uait in
mbia maith d'ar sil eid^r nô aitheirge oruinn fein.
" Biaidh, " ar Mogh Kuith, " 7 geba fein rigi Muman 7 gein-
fidh uaidh sochaide ghebus". Ocus do raidh an rethoric : "La
Mogh Corb cathuigim, 7 reliqua ".
A'idhed Cholptha ar' Ath na n-ôc in-sin 7 is o Cholptha
z'mmnighther o sin ille.
91. Badar annsin co mucha lai ara bharach, ocus ro coiméi-
righ Lurga maiden mhoch ar in ath adna i freacar in com-
lain 7 Cairbre Lithfacair leis, 7 do freagair Ceannmhâr o
feruibh Muman sin 7 Mogh Corb leis 7 a lia laime 7 sleagh
draidechta Mogha Kuith n-a laim. Ocus is eimhilt cena tuarusc-
bail airm 7 eidigh gac enn duine thic isin comlainn d'indisi ;
is airi-sin lacabhair cein innisi.
92. O do riacht Ceannmar co Raithin ind Imairic ra h-ath
aniar-dhes gabustar Lurga ga kgad 7 ga zg&ÏÏaimh 7 ba tren
7 ba tairpt^c in treinfer sin 7 ba mor a omhun ar Chean-
nmhar in la-sin 7 ro geallustar a aidi dho co mbherad
coscar 7 commaidim Cennmhair lais i ndigail Colptha. Is
amlaidh bui Ceannmar in la-sin co nar bo mesa lais bas 7
aiàhedh d-'faghail min badh fosaidh a traig 7 min bhadh
cruaidh a cride 7 min bhadh badbdha a beim 7 min badh innill-
direch a urchar ra frithailimh Lurga a n-'mad na meraighechta
dorala do in la roimhe oc frithaih'm/; Colptha ; 7 gabsa/ for
zczWaimb araili 7 tug cach dib freacra fon cas da chele
ann-sin.
Gzbus Cennmar for amus ind atha7a lia cloichi n-a laimh
7 gahus ica moW 7 ica h-etflrghuigi 7 ic faitsine ind àir do-
Le siège de Druim Dambghaire. 91
Et il dit le quatrain :
« Tant qu'ils porteront dans le combat les armes d'un
guerrier de la descendance de Mogh — selon leur conven-
tions.
' Ils mais que ces conventions
ne soient pas enfreintes ».
« Ceci ne sera jamais enfreint à tes dépens », dit Mogh Corb.
« Et, en toute conscience, fais-nous une prophétie, et apprends-
nous si notre descendance prospérera, et si nous-mêmes nous
élèverons ». « Oui », dit Mogh Ruigh. « Tu accéderas toi-
même au trône de Munster, et il sortira de toi une longue
dynastie qui l'occupera. » Et il dit la rhétorique : « Avec Mogh
Corb je combats », etc.
Ceci est la mort de Colptha à Ath na nOc, et c'est d'après
Colptha qu'est nommé ce gué depuis lors.
91. Ils restèrent ainsi jusqu'au lendemain de bonne heure.
Au début de la matinée, Lurga se mit en marche vers le même
gué pour livrer bataille ; Cairpre LifTacair était avec lui.
Cennmar se présenta pour relever le défi de la part des
Munstériens, et Mogh Corb avec lui ; il tenait à la main la
pierre plate de main et la lance druidique de Mogh Ruith.
Ce serait perdre son temps que de décrire les armes et les
armures de chaque personnage qui va au combat; aussi s'est-
on dispensé de le faire.
92. Lorsque Cennmar parvint au tertre du combat, au
sud-ouest du gué, Lurga se mit à le considérer et à l'interpel-
ler. C'était un guerrier plein de force et de fougue, et grande
était la terreur qu'il inspirait à Colptha. Le père nourricier de
Lurga lui promit qu'il remporterait la victoire, et la gloire
d'avoir tué Cennmar, vengeant ainsi Colptha.
Quant à Cennmar, il était ce jour-là dans de telles dispo-
sitions qu'il aurait mieux aimé encourir mort et trépas que de
ne pas affronter Lurga de pied ferme, d un cœur résolu, por-
tant ses coups avec fureur, et lançant ses traits avec fermeté
et sûreté; au lieu que la veille, en affrontant Colptha, il était
plongé dans le désarroi le plus complet.
Ils engagèrent la conversation et se répondirent alternati-
vement l'un à l'autre.
92 M. L. Sjoestedt.
ghetirtd, 7 teit i muinigin a dhea 7 primhdruadh in domm'n
.i. Mogh Kuith 7 do raid :
" Lia chloiche, cloch cena, gun beba "... ".
93. O tairnic an imcallam-sin, tainic Lurga isin ath 7 do
rregair Cennmhar co cruaidh, 7 imselustar cach dhibh builli ar
builli da cheli 7 freagra fon tacra. Acht chena ger calma in
comlunn-sin, ni ro dipaid arm chechtar de ar loe nach ar
finda do curp "na edghadh cechtar n-ae. Ni na dingnedis tra
na loeich-sin gu cruaidh 7 gu curata in comlann-sin ; acht do-
dechaid etarra in neirt-lia chatha 7 in comlunn ced 7 in fprrach
sochaidi .i. in muirescang mhor mile/a dar bo comainm Mon-
gac Mhaeithremur, 7 imsceinn side co Lurga feib ro sceind gu
Colytha 7 dodechaù/ discail do na laechaibh trit-sin, 7 do-
dechaid forrach do Lurga. Ocus ba deitbz'r-on, or is ann teig-
hedh a neim draidechta da gac aen frisi mbeanadh in eascang,
6 no benadh fris. Ocus ni fada ro anustar Cendmhar ra lea-
cadh comluinn eaturra cin a riachtain fein cuca gun se-
lustar beim don sduagh } loinn tinn teindtighe bui n-a laimh
eu tall a cenn de co ndechaid a n-aier 7 ni roacht lar, intan
ro ghabh Ceannmar co hathlum 7 co hiarannta. Conadh
amh\aidh-s\n dorochair Lurga.
94. Cid tra cein ro bas oc denamb an comluinn is amlaidb
batar dideretha do na sloghaibb boi oc faircsi in comluinn da
gac aird imon âth 7 bai cach dib ga radh. " A dhe da n-adh-
ram ", ar siat, " do mhtallaid dun med in anfaidh 7 imat an
uiscai isin ath confacmis an draic theindtighi doni in comlttHK
ûd, 7 gu mbeth ni dia tuaruscba/7 againd. "
95. Is ann-sin ro ghabh in beisd dring sin ath fo thuaidh i
slichtlorg Cairbre Lithfacair, fo seisilbh sloigh Cormaic, ocus
gabhustar Ceannmhar n-a deghuid ic a fasdw^fi79 a 1] 7 oc a
1. Cf. un essai de traduction de cette rhétorique, O'Curry, Manners and
Citstoms, II, 281 sq.
2. Lire tuagh.
Le siège de Druiin Dambgbaire. 93
Cennmar s'avança vers le gué, sa pierre plate en main. Il
se mit à la louer, à la prier et à prophétiser le carnage qu'elle
accomplirait. Il invoqua son dieu et le premier druide du
monde, Mogh Ruith et il dit : « Pierre plate, etc. ».
93. Cet entretien terminé, Lurga entra dans le gué, et
Cennmar lui tint tête furieusement : les coups succédaient aux
coups et la riposte à l'attaque. Mais quoique ce combat fût
ardent et furieux, les armes des guerriers ne tranchèrent brin
ni poil du corps ou du vêtement de l'adversaire, non pas que
ces guerriers combattissent mollement et sans courage, mais
se dressa entre eux la force de la « pierre de combat », le « com-
bat de cent », le « vainqueur des multitudes », la grande et
meurtrière anguille de mer, qu'on appelait « la Chevelue de
Maeithremur ». Elle bondit sur Lurga comme elle avait bondi
sur Colptha si bien que les deux guerriers furent séparés, et que
Lurga succomba. Et cela ne pouvait manquer d'arriver, car
son poison magique s'insinuait en tous ceux qu'elle frappait
dès qu'elle les frappait.
Cennmar ne les laissa pas longtemps combattre tous4deux,
mais il s'approcha d'eux et d'un coup de la hache féroce,
éblouissante et flamboyante qu'il tenait à la main, il coupa
la tête de Lurga. Cette tête sauta en l'air, et n'atteignit pas
la terre en retombant, car Cennmar la rattrapa au vol, avec
dextérité et
C'est ainsi que périt Lurga.
94. Pendant qu'ils étaient en train de batailler, ils étaient
invisibles pour les armées qui regardaient le combat, de toutes
les hauteurs environnant le gué. Et tous disaient : « O dieu
que nous adorons, la violence de la tempête et la masse des
eaux dans le gué nous empêchent de voir le dragon de feu qui
livre ce combat, si bien que nous n'aurons rien à décrire ».
95. Là-dessus le monstre se mit en marche dans le gué,
vers le Nord, à la poursuite de Cairbre Lithfacair, sous les
clameurs de l'armée de Cormac. Cennmar se mit à la suivre,
la retenant, lui parlant et lui disant qu'elle ne devait pas suivre
Cairbre Lithfacair, que les gens de Munster seraient désolés
qu'elle se dirigeât vers l'armée, qu'eux-mêmes se chargeraient
d'infliger à celle-ci tels mauvais traitements qu'ils jugeraient
94 M. L. Sjoestedt.
hacaldaimh 7 gd râdh fria nar dligh-si Cairbre Litbfacair do
leanma/n, 7 gur bha bron la fini Muman a dul ar<<ar>amus
in tsloigb, eu mad iat fein doberad ind aineicein ' budh ail
doibh forru. Ar da mad ïusca. risad-si ni tharaiste guin na for-
gamh na comaidhium aici. Ocus gabustar Cennmhar oc a fas-
dwd amlaw$-sin 7 oc'taba/rt,a tuaruscbala 7 atbm :
" Fos, a muinceach Mhaeithremur... loigh ar laimh min
mor Mhogha, ra fet is ra fos. Fos ".
Imsoi si iar sin n-a richt 7 u-a cruth fein 7 do dechaid
cach fo thuaidh 7 fo des <ia arus 7 da longport iarsin co mai-
duin.
96. Iarsin tra rô coimeirighsec na cairigb madan mhoch ara
barach 7 as amlaidh badar sein con dath lachtna forra gu
cruaidh-cennuibh cnamha, gu cnesaibh codhnaidhi,gu nguil-
bnibh iaraind, gu luas aànnle 2 gu n-athluime iaraindi gu n-ath-
luime, en } gu taircsinchet ra huair comhluinn 7 irghaili.
97. " A firsochair tra ", ar fir Muman, " atat sunna cetna i
richt tei caera:h lachtna 7 cetfer n-armach bhis i croilghi 7 i mbas
uathaibh ". " Dingebhut-sa dhibh iat ", ar Mogb Kuith. " 7
na bidh a n-egla foruibh ". Ocus ro fiafraigh do Cennmhar :
" Caidhet na haidme druidhechta thucus-sa it laimh ra frithai-
limh an lochta ut ? " " Itat agum ", ar Cennmhar. Ocus rob
iat sein .i. tallann teiiW Shimoin 7 clocha gaine Daineoii 7
sponga Etheoir Ilcrothaig, 7 tugodh i laim Mogha Kuith 7 is
aire robdar é sin na hadbair : ar dig co mbèath cruas cloiche
a cridhibh 7 a cennuibh doibh ra huair comlainn. Ocus loisc-
thigi teined 7 aentaigi datha frisna caeiribh.
98. ïmselustar Mogb Kuith tri beimenna .don tallann ar na
clocha eu roghabh gu hathlum 7 co hait na tri dlaithe spuinge
[179 a 2] 7 dosfuc i forfairsing a etaigh 7 ro chan in rethoi-
rec-sa :
*' Fo cuan chain coimeirghzd 7 reliqua ". Atber/ Mogb Kuith
1. aineicein, cf. le composé ardainicin, §§45 et 63.
2. Cf. § 21.
3. Dans l'interligne : fo luamain, « en volant ».
Le siège de Druitn Damhghaire. 95
bon. Au cas où elle tiendrait à atteindre Cairbre, que du moins
elle s'abstînt de le maltraiter et de le blesser. Cennmar donc
s'appliquait ainsi à la retenir et il la décrivait en disant : « Dou-
cement, chevelue de Maeithremur... couche-toi sur la main
douce du grand Mogh Ruith. Doucement ».
Elle reprit ensuite son apparence et sa forme primitive, et
chacun s'en retourna, qui au Nord, qui au Sud, à sa résidence
et à son camp, jusqu'au matin.
96. Les brebis se mirent en marche le lendemain de bonne
heure. Elles étaient de couleur brune ; leurs têtes étaient dures
et osseuses, leur peau cornée; elles avaient des becs de fer.
Elles avaient la rapidité de l'hirondelle, l'agilité de la belette,
ia rapidité des oiseaux et étaient capables de tenir tête à cent
guerriers à l'heure du combat.
97. « O Protecteur », dirent les gens de Munster, « les
voici revenues sous forme de trois brebis brunes, et elles sont
capables de plonger cent hommes dans les affres de l'agonie
et de la mort » . « Je les écarterai de vous, ne craignez rien »,
dit Mogh Ruith. Il demanda à Cennmar: « Où sont les usten-
siles druidiques que je t'ai dounés pour combattre ces gens? »
« Je les ai », dit Cennmar. Les ustensiles étaient : « le briquet
de Simon, le silex de Daaiel et l'amadou d'Ether le Bel. On
les donna à Mogh Ruit; voici la raison d'être de ces instruments :
ils donnaient la dureté de la pierre à la tête et au cœur des
Munstériens à l'heure du combat ; le flamboiement du feu et
la même couleur que les brebis.
98. Mogh Ruith porta trois coup, avec le briquet contre les
pierres, et saisit adroitement et doucement les trois brins d'ama-
dou, qu'il mit dans le pli de son vêtement, et il récita la rhé-
torique : « Levez-vous »,etc.
Il dit ensuite à Cennmar: « Regarde ces matériaux. Sont-ils
déjà prêts? » Cennmar regarda et dit : 0 C'est bien, il en est
né deux chiennes et un chien mâle ». Il les prit dans sa main
pour les examiner, puis les remit par terre, en leur tournant le
visage vers le Nord, du côté des brebis. Ils n'étaient d'abord
96 M. L. Sjoestedl.
iarum ra Cennmhar. " Feg lat na habhrasa-so in at aicde
irlamha beos ". Do feg Cennmhar 7 do raidh. " As maith ",
ar se " doroine da saigh 7 fercoin ", 7 dusfuc ar a laimh
chuice dia dheimhniugrtd 7 rous leicc uadh ar lar doridisi, 7
rochoraiga n-aighthe fo thuaidh fris na cairibh. Batar immorro
co hanmunn ar tus amar cuileana. Ocus gac f/csi thicdis na
cairigh doib no foirbreadh nert na gcon 7 meid'igeacht 7 sainnt
gnima.
99. Ocus ro fiafraigh Mogh Ruith do Cennmar : " Na cae-
righ cinnus docengadar ". " As cugainn-ne xhiaguit " ar
Ceannmhar " 7 in cura as sine dhibh i remthus 7 in as so fa
deredh ". "Ocus na coin fa dechta cinnus do fegadar? ". " Itat",
ar se <C ar se >, " mar bit cuilena, ic osculwd a sul 7 as iat
na cairigh ïegad ". " Ocus na ca'irigh, cinnus docengait ? " " Dâ
chùrigh dibh taebh ra taebh 7 cura fa deoig, 7 is luath thia-
gu'it ". " Ocus na coin cinnus dofegadar?" " Itat ic bertnu-
gad a sul 7 a chias 7 as iat na cûrigh fegat bheos ". " Ocus na
cairigh, cinnus focengat ? " " Itat mar bit tri rodhaim riadhta
fo aen chuing cruaidh cudrama 7 ni theit aen dib sach araili
7 as dian 7 as dreamaw 7 as dasachtach 7 as comluath 7 as
comurlamh thi^uit ind-airius in comluinn ". " Ocus na coin
cinnus do fegatar? " " Ro b^/7naighistar a cluasa 7 ro thocuibset
a seirthi 7 gabsat oc imlighi a m bel 7 a cindu for a righthibh
7 a mbeoil duinti ". " As iat sein uili na buagha ", ar Mogh
Ruith, " ar dia mbeitis a mbeoil osluigth'i ic dul isin comhltt/w
no biath de m «m merclig oc gait a n-aithesa forru ; uair isat
duinti immorro doghenat âithius, as fon innus-sin doghena a
sil 7 a semfld aithus do grès ".
100. As ann adubain Mogh Ruith ra. Cennmhar na coin d'idh-
nacal co Râiiin ind Imair/c. Ocus ro boi Mogh Ruith ga aithne
do na conuib eu mad tûsca bas 7 aidheadh dhoibh in'at na
ca'irigh do dul uathaibh.
As ann-sin ro siachtadar na coin co Raithin ind Imairicc ;
ocus do roachtadar na cair/Wj eus-an raith ba coimrecarthach
Le siège de Druim Damkgkaire, 97
pas plus fort que des chiens nouveau-nés, mais à mesure que
les brebis s'approchaient d'eux, la force, la taille et l'ardeur
batailleuse des chiens croissaient.
99. Mogh Ruith demanda à Cennmar : « Comment marchent
les brebis? » « C'est vers nous qu'elles marchent », dk Cenn-
mar. « La brebis la plus âgée marche en tête, et la plus jeune
en queue ». « Et les chiens, de quoi ont-ils l'air? » <« Ils sont
semblables à de petits chiens : ils ouvrent les yeux, et ce sont
les brebis qu'ils regardent » .
« Et les brebis, comment marchent-elles ? » "Deux d'entre
elles côte à côte et une derrière elles, et elles vont vite. » « Et les
chiens, de quoi ont-ils l'air ? » « Ils roulent leurs yeux, et agitent
les oreilles, et ce sont encore les brebis qu'ils regardent. »
« Et les brebis, comment marchent-elles ? » « Elles sont
comme seraient trois grands bœufs attelés à un même joug,
dur et bien proportionné ; aucune d'entre elles ne s'avance
en avant de l'autre, et c'est avec ardeur, fougue et violence
qu'elles s'avancent au combat d'une même allure, et d'une
même résolution ». « Et les chiens de quoi ont- ils l'air ? » « Ils
ont agité les oreilles et hérissé leur poil et se sont mis à se
lécher la bouche, frottant leurs tètes contre leurs pattes, et la
bouche fermée ». « Toutes supériorités pour eux », dit Mogh
Ruith, « car s'ils avaient la bouche ouverte en allant au com-
bat, il se trouverait un démon voleur pour leur voler leur
ardeur guerrière : comme c'est la bouche fermée qu'ils vain-
quent, c'est de cette façon que leur race et leur descendance
vaincra dorénavant ».
100. C'est alors que Mogh Ruith dit à Cennmar de diriger
les chiens vers le tertre du combat. Et il instruisit les chiens à
subir mort et trépas plutôt que de laisser échapper les brebis.
C'est alors que les chiens parvinrent au tertre du combat.
Et les brebis arrivèrent au tertre correspondant et ils se mirent
à se considérer l'un l'autre.
Revue Celtique, XLIII.
98 M. L. Sjoesledt.
dhi 7 gabhus cach dib oc ïegad a cheli [179 b 1]. As amlaidh
badar na czirigh 7 tri corrtaire teined ar derglasad ara braigdibh
dhoibh,conarfarcsat sop na dlaieachda gan lôscad a n-urphor-
taibh in atha idiu 7 anall, 7 gabus cach dib oc imesarcain a
celé ann-sin do clochaibh 7 do sithfoitib in talmaw a cosaib 7
hingnib doib tar ath, fo thuaidh 7 fo deas.
101. Scibhid na coin ceim n-imarran cuca-san, 7 in ferchu
i remthus rompa, ar as cian o ta in sen-focal : " con dulâ gac
fer dhul fortamlus ", 7 insceinn side cusan caiiigh fa mo
7 fa hairegda atconnuic do na ca'nibh, 7 ro ghabh cach dib
fon tuaruim-sin da cheili 7 ba mor 7 ba cruaidh ind imes-
arcain 7 ba fada ro bas oca denum 7 as eimilt a indisi feibh
doronsat a comlunn. Araidhe, as am\aidh ro batar na coin, 7
tri corrthaire théine ar derglasad a craesaib doib. Ocus mar
rancatar 7 na cairigh a ceili imscibhesdar in lasair fo na cai-
ribh eu na iarcoib loe na finna forru gan \oscad. Ni raibhi
immorro loisethighi na neime dr*aidechta forsan te'mid ro bhoi
i mbraigdib na caerach, gia no comhraicdis ra nech. Ocus iss
eadh fodera son .1. intan ro suidheasdar Mogh Ruith i Cinn
Claire iar torachtuin co feruibh Muman, anal druadh do chur
a firm/wint cor thuit ar longport na ndruadh i n-a neul ciach'
eu nad eadh-sin rue a neim druidechta da gac draidh ro bhui
i farnzd Cormaic, ut dixit Daniel fili
" Condailset draithi dhail Cuind
os urd comar min
Soidhis Mogh Ruith da anail ain
an draidhechta dhib ".
102. O ro rathaigh sat tra na aiirigh gur fortamhla do
na conuib a nert 7 a ndraidhecht inas doib fein, gabsat a cosa
don taXmain oc aslach theithîVi for na conaibh amail as bes do
cùribh 7 nir foemudh uathaib-sium on. Conud ann-sin dorat-
sat na edinigh a ndruim forra 7 dorala i rrot madma 7 teithzVf
7 ni ro irisetar don rith-sin eu rancatar co Dubhcaire, conad
ann-sin do chuadar i fudhoma/« 7 i fonngrian in tzbnan ar
teitlW na geon, 7 dojrala na coin [179 b 2] n-a ndiaigh conus
ro ghaibh dhoibh tis 7 ro fortamlaigset na coin for n'a cairibh,
conus duadar do cnamhaibh. Ocus dodmeadar imach iarsin 7
Le siège de Druim Damhghaire. 99
Voici comment étaient les brebis : elles avaient trois franges
de feu, au flamboiement rouge, autour de leur cou, si bien
qu'il ne resta ni brin ni touffe qui ne fût brûlé aux environs
du gué, en deçà et au delà. Ils se mirent ensuite à se massa-
crer mutuellement avec les pierres et de grosses mottes de
terre, qu'ils jetaient avec leurs pattes et leurs griffes par delà
le gué, vers le Nord ou vers le Sud.
101. Les chiens bondirent. ..vers les brebis et le chien mâle
à leur tête, car c'est depuis longtemps que dit le vieux pro-
verbe : « Il convient que l'homme s'avance en premier ». Il
sauta sur la brebis la plus grosse et la plus imposante qu'il vit
parmi elles, et ils s'attaquèrent l'un à l'autre, et ce fut un
carnage violent et furieux, et ils furent longtemps à com-
battre. Ce serait perte de temps que de décrire ce combat.
Voici pourtant comment étaient les chiens : trois franges
de feu au flamboiement rouge sortaient de leurs gueules.
Lorsque les chiens et les moutons se rencontrèrent, le feu
sauta sur les brebis, si bien qu'il ne leur resta ni brin ni poil
qui ne fût brûlé. Le feu que les brebis portaient autour du
cou n'avait ni ardeur ni poison druidique, même lorsqu'elles
s'attaquaient à quelqu'un. Et en voici la cause : lorsque Mogh
Ruith s'installa à Cinn Claire, après s'être joint aux gens de
Munster, il mit dans l'air un souffle druidique qui tomba sur
le cajnp des druides sous forme d'un nuage noir. Le résultat
tut que le poison druidique de tous les druides qui accompa-
gnaient Cormac leur fut dérobé, comme dit le poète Daniel :
« Les druides de la suite de Cormac Mogh
Ruith avec son souffle leur a enlevé leur pouvoir magique ».
102. Lorsque les brebis constatèrent que la force et la puis-
sance magique des chiens surpassaient les leurs, elles rega-
gnèrent la terre, tentées de fuir devant les chiens, comme les
brebis ont l'habitude de le faire, et les chiens les empêchaient
de le faire. Elles firent donc demi-tour et s'enfuirent en déroute,
sans s'arrêter de courir jusqu'à ce qu'elles eussent atteint
Dubhcaire ; c'est là qu'elles disparurent dans les profondeurs
et les entrailles de la terre, fuyant devant les chiens. Les chiens
se précipitèrent à leur suite et se saisirent d'elles au fond ;
ils eurent l'avantage sur elles, et les dévorèrent jusqu'aux os.
ioo M. L. Sjoestedl.
dusrxYx siar i Mumain 7 tarbhchoin turusa 7 graigbmuigh 7
gillecchrj/^' 7 formna aesa ocbadh Lethi Chuinn n-a ndiaig,
con dechadar dib ar eicin idir da seiscenn. Or is amhlaidh do
batar 7 formna in da sluag ider atuaidh 7 ânes ar cnocaib 7
ar tulcuibh oc faircsi in comluinn 7 retha na caerach. Ni faca
immorro Cormac na Fiacha or as a.m\aidb ro bhatar 7 uatlW
bec impaibh n-a longportaib, gan toidhccht amach.
103. As amlfl/ii/j-sin ro forbadh an comhlunn-sin na gcon 7
caerach. Ocus is 6 na cairib-sin atat Cluithre Caerach inniu i
crich Mairtine Muman o Druim Damhghaire fo thuaidh, re
n-abar Long Cliach inniu. Ocus dono is do sil na gcon soin
na coin coniaidh fo Exrinn inniu 7 a ra mbiat co mbrach.
Ro chuirset fir Muman ann-sin uluich comaidme in choscair-
sin gu closs fon cuiced uili.
104. Atconnaic dono Cithruadh aidhead na caerach ; tainic i
remthus in tsloigh anonn co hait a mbai Cormac. Do t\a(ruigh
Cormac do Chithruadh : " Cidh uma tat na gairthe-sea, 7 cia
doni ? — " Fir Muman, " ar Cithruadh, " ac comaidhium
in lochta as ro muinighis-si 7 frisi tartais taebh, ar na marbadh
do conuibh draidhechta doroine M.ogh Kuith ". Cidh tra ba
dubac drochmmmac ro bui sluagh Cormaic de-sin 7 ba subac
ro badar fir Muman 7 ro chan Cithruadh in laid : " It subhuig
na sluaigh-si thés, 7 rel '. " Ma as tir a n-abrai-si ", ar Cortnac,
" as deithb/V doib subhachas do dheanamh ". " As fir", ar
Cithruadh, " 7 moghenar is do Leth Moga anocht 7 mairg as
do Leth Cuind 7 ro budh ferr leam-sa mu tech do beith ic
Seich na Sogh inocht, gid fasach, inas a beith ic Rubaib Ratha
Ronan, ge at imdha treabhu uimpi. Ocus as oraibh-si raeinfes
an cath don cur-sa 7 muirbfider sloigh 7 sochaide ann, ocus ni
ba ferr duin-near triar brathar, or doghena Mogh Kuith tri clo-
cha dhin, re tiachtain don turus-so " ; 7 atbert : " Mairg
innocht is do Leith Cuinn, 7 rel. "
Le siège de Dritin> Damhghairc. 101
Ensuite ils sortirent et s'en allèrent vers l'Ouest de Munster.
Les molosses, les valets d'écurie et les palfreniers ainsi qu'un
grand nombre de jeunes gens du parti du Nord se mirent à
leur poursuite, si bien que c'est à grand'peine qu'ils leur échap-
pèrent entre deux tourbières. Car il se trouvait que la plus
grande partie des deux armées, aussi bien du Sud que du Nord,
était postée sur les collines et les hauteurs, regardant le com-
bat et la fuite des brebis. Cormac ni Fiacha ne le virent pas,
cependant, car ils étaient dans leur camp, environnés d'une
petite suite, et ils n'en sortirent point.
103. Ainsi finit le combat des chiens et des brebis. C'est
de ces brebis-là qu'est nommé Cluithre Caerach, de nos jours,
dans le district de Mairtine en Munster, au Nord de Druim
Damhgaire, aujourd'hui Long Cliach. D'autre part, c'est de
ces chiens-là que descendent tous les chiens enragés. qu'il y a
en Irlande de nos jours, et qu'il y aura à jamais.
Les Munstériens poussèrent alors, pour célébrer ce combat,
une clameur qui fut entendue par toute la province.
104. Lorsque Cithruadh eut vu périr les brebis il se rendit
à la tête de l'armée jusqu'au lieu où était Cormac (en deçà de
la rivière) ; Cormac demanda à Cithruadh : « Pourquoi pousse-
t-on ces clameurs, et qui est-ce qui les pousse ? » « Les gens
de Munster », dit Cithruadh, « qui célèbrent leur victoire sur
les gens en qui tu as mis ta confiance et ton espoir, car. les
chiens magiques qu'a faits Mogh Ruith les ont tués. »
L'armée de Cormac fut alors plongée dans la tristesse et le
découragement, tandis que les Munstériens se réjouissaient, et
Cith Ruadh chanta le poème : « Les armées du Sud se réjouissent,
etc. ». «Si ce que tu dis est vrai », dit Cormac, « il n'y a pas de
doute qu'ils n'aient lieu de se réjouir ». « C'est vrai», dit Cith-
ruadh. « heureux qui est avec le parti du Sud, ce soir, et infor-
tuné qui est avec le parti du Nord, et j'aimerais mieux que
ma maison fût à Sech na Sogh, ce soir, quoique ce soit un lieu
désert, qu'à Rubai Ratha Ronan, quoiqu'elle y soit environnée
d'une population nombreuse. La fortune du combat sera
contre vous cette fois-ci, des bataillons et des bataillons suc-
comberont, et notre sort ne sera pas meilleur, à nous, les
trois frères, car Mogh Ruith nous transformera en trois pierres,
102 M. L. Sjocsledl.
105. Iarsin tra aiherX. Cormac ra Chhruadh: " Dena ", ar se,
" ni d'faitsine dhun bheos, or as amh\aidh itai gu rub tu '
primh-drai agum athair 7 agum sen-athair 7 agum fein, 7 ni
aburta breic, 7 ni mo ro raidhis don cur-sa, acht nach did ro
adhraimis-ne 7 ni fuil againn budhecht acht impod friut 7 is
aithrec linn a tartstfw do tarcasal fort ".
c< Ni fuil acum-sa ", ar Cithruadh, " faitsine geaWus maith
duit, acht as fort meabhus don cur-sa 7 gac ni ima tat fir
Muman bud leo a bhuaid ".
Ro ghabustar Cormac beos ic acaUaimh Cith Ruaidh, 7 ica
radh ris dul d'acalduim Mogha Ruith, 7 a mbrathairsi bhu-
naidh do taba/Vt araird do 7 a radh ris gan tortromad ar Leith
Cuind 7 gur bho do mhaithib Leithi Cuind athair 7 sen-
âthair dho ; " 7 tairg na comhtha-sa dho re thaeibh-sin ",
ar Cormac'1 À. ûaithxus \J\ad 7 cumhul mac nUislewn 7 bo
gac lis o Themhraidh co Carraic mBracuidi 7 tri cet each 7
tri «f corn, 7 tri ^ faluch 7 mu lamh dheas oc ol ".
106. Gluaisius Cith Ruadh frisin techtairac^/-sin co Mogh
Ruith, ait i raibhi ar lai imthechta co Sith Cairn Breacnatan
bu dhes. Ro siacht Cith Ruath chuigi ann-sin 7 atbert ris
ainmne do dhenum co tagradh fris an techtairea'cht trisa tai-
nic o Chormac, 7 a mbrathairsi bunaidh do chuimhniugad 7
gan Leith Cuind do curfa dhochar yfa dhaeire. " Ro ba com-
main dam-sa tortromadh forro ", ar Mogh Ruith, " or tMcsat
Ferghas ar loingius 7 ro bensat righi nUW de 7 twcsat gan
ferunngan aenech he 7 as briathar dam-sa co scer iat-som fria
harà-ûaith'ius 7 co mbiat a saerclanna ambroid i tighibh ech-
tran n-a eraicc ". " As uathad do Leth Cuind ", ar Cith Ruadh,
" do chogar in sarughudh-sin 7 in ngebhe na comhadha-sa
o Cormac ? " 7 ro slonn do uili nacomtha. 'k Na habair", ar
Mogh Ruith, " doigh ni treicfinn-si mu dhalta ar a fil d'or ar
1 . En marge : ro bui.
Le siège de Druim Damhghaxre. 103
lorsqu'il viendra cette fois-ci ». Et il dit : « Infortuné cette
nuit celui qui est du parti du Nord », etc.
105. Après cela, Cormac dit à Cithruadh : « Fais-nous
quelque prophétie, car tu fus le principal druide de mon père,
et de mon grand-père, comme tu es le mien. Et tu ne nous
as pas dit de mensonge, et tu ne nous as pas davantage con-
seillé cette expédition; mais ce n'était pas à toi qu'allait notre
faveur, et, si nous t'avons témoigné peu de considération,
nous le regrettons ». « Je ne puis te faire aucune prophétie
favorable, dit Cithruadh ». « C'est toi qui seras vaincu cette
fois-ci, et dans toutes les actions où se trouveront les gens
de Munster, ce sont eux qui remporteront la victoire ».
Cormac resta à délibérer avec Cithruadh et lui dit d'aller
causer avec Mogh Ruith et de lui faire remarquer leur parenté
d'origine, et de lui dire de ne pas accabler les gens du Nord,
pcirce que son père et son grand-père étaient de la noblesse du
Nord. « Offre-lui ces récompenses par-dessus le marché », dit
Cormac : « Le royaume d'Ulster et les dédommagements dus
pour la mort des fils d'Uisliu, et un bœuf de chacun des
domaines entre Tara et Carraic Bmcuidi, trois cents chevaux,
trois cents cornes à boire, trois cents manteaux et la place à
ma droite à table »,
106. Cithruadh partit donc pour cette ambassade, et alla
voir Mogh Ruith au lieu où il se trouvait, le jour où il partit
pour Sith Cairn Breacnatan vers le Sud. Cithruadh le rejoi-
gnit là, et lui demanda de lui prêter son attention, afin qu'il
lui transmît le message de Cormac, de se souvenir de leur
parenté originelle, et ne pas plonger le parti du Nord dans
l'affliction et la servitude. « C'est pour moi un devoir de les
accabler », dit Mogh Ruith, « depuis qu'ils envoyèrent Fer-
ghus en exil, et lui enlevèrent le royaume d'Ulster, et le pri-
vèrent de tout domaine et de tout rang ; je me suis juré que
je les priverais de leur titre de grand-roi et que leur race
vivrait en esclavage dans des maisons étrangères, en châti-
ment ».
« Ce n'est qu'un petit nombre parmi les nobles du Nord », dit
Cithruadh, « qui ont comploté cette injustice ; ne veux-tu
pas accepter ces récompenses de la part de Cormac? » Et il lui
104 M. L. Sjoestedt.
an tabnain. 7 innis-si do Cortnac, gen gu beth neach aili isin
MumaiH acht Mogh Corb, nac treicfinn-si mo tiughbhaidh "
107. Ro dhealuigset na draithe ann-sin 7 nir aem Mogh
Kuith o Chith Kuadh inni im a toracht. [180 a 2J Ocus ro spcht
Cith Kuadh gu Cortnac 7 ro innis nar aemh Mo^ Rw///> for-
tacht na foin'im forro. Ckw-f do batar clann Cuind ann-sin co
dubac dobronac a n-a longport.
108. Ord Mogha Kulïh imtnorro, teit side co teach Banbua-
nainne bandrai co Sidh Cairn Breachnatan, do chuingz'd foi-
rithne forre, da fiafraig*d cinnus ticfidis fir Muman W:n cath.
Ocus o ro siacht ro ferud caein-failte fris 7 ro boi aghaidh
ann, 7 ro fiafraigh ord o thus co àtr"dh um dhalr in catha.
Ocus asbm Bannbuana fris-sium. " Sirg-si mochtrath ama-
rach, " ar si l< 7 budh lat buaid in catha, 7 la fini Muman "
Ocus atbert in rethoirecc-sa.
" Saigh-siu immach moch-eirghi, 7 rel. " Eirgeas Mo^ Kuith
mahen mhoch 7 doni timna celeaburta 7 gabuidh lamha ar
imthecht. Conad ann asbert Buan, .i. mac Mogha Kuith.
" Atconnac fis ", ar se, " 7 ber-si breith torre, a Mhogh Kuith'\
" Abair, " ar Mogh Kuith. Is ann tue Buan in segdai sen-focail
for ard oca hindisi 7 atbert : " Tadhbas domadbassa... ".
109. As a haithle-sin, dodechaid Mogh Kuith airm i ra butar
fir Muman um Fhchaig co Cenn Claire. Ocus gabhustar
Fiacha ac fiafraigid scel de. Ocus atbert Mogh Kuith : " Gebut-
sa tra umad chis, 7 toibgighfet neithi eli duit ", 7 tue in
retoiric ar aird, .i. " Cis coduil cothaighfet, 7 rel "
110. Ord Cormaic immorro gabh/atar for zgallaimh Cith
Kuaidh, 7 ga fiafraighidh dhe in rai bhi aigi fortacht ar na
sloghuibh. " Ni fil ", ar Cith Kuadh, '* ni not cobra, acht tene
druadh do dhenamh,\ " Cinnus dogniter saidhe ", ar Cormac,
Le siège de Druim Damhghaire. 105
exposa quelles étaient ces récompenses. « Ne parle pas ainsi »,
dit Mogh Ruith, « car je n'abandonnerais pas mon élève pour
tout l'or de la terre ; va dire à Cormac que quand bien même
il n'y aurait en Munster personne que Mogh Corb, je n'aban-
donnerais pas la lutte (?) ».
107. Les Druides se séparèrent alors, et Mogh Ruith n'ac-
cepta pas la proposition que Cithruadh venait lui faire. Cith-
ruadh s'en retourna vers Cormac et lui dit que Mogh Ruith
n'acceptait aucunement de leur venir en aide ou de les proté-
ger. Les descendants de Conn furent alors plongés dans la tris-
tesse et le désespoir fut dans leur camp.
108. Quant à Mogh Ruith, il alla trouver Banbuanann, la
druidesse, à Sidh Cairn Breachnatan, pour y chercher de l'aide
et pour lui demander comment les Munstériens devaient mar-
cher au combat.
Dès qu'il arriva là, on lui souhaita la bienvenue ; il passa la
nuit en ce lieu et demanda, du commencement à la fin, tout
ce qui avait rapport à la guerre. Bannbuana lui dit à ce sujet :
« Mets-toi en marche demain de bonne heure, tu remporteras
la victoire avec les gens de Munster ». Et elle prononça la
rhétorique suivante : « Sors de bonne heure, lève-toi », etc.
• Mogh Ruith se mit donc en marche et sortit le matin de
bonne heure ; il prit congé et se mit en devoir de sortir. C'est
alors que Buan, le fils de Mogh Ruith, dit : « J'ai eu une
vision, dis-moi ce que j'en dois penser, Mogh Ruith ». « Parle »,
dit Mogh Ruith. C'est alors que Buan eut recours à la vieille
langue vénérable, pour raconter sa vision, et il dit : « Il m'est
apparu », etc.
109. Mogh Ruith se rendit ensuite au lieu où se trouvaient
les gens de Munster autour de Fiacha, à Cenn Claire. Et
Fiacha lui demanda les nouvelles; et Mogh Ruith dit : « J'ob-
tiendrai pour toi un tribut, et je réclamerai d'autres choses
encore pour toi ». Et il dit la rhétorique : « Un tribut,
etc. »
110. Quant à Cormac, il se mit à délibérer avec Cith-
ruadh, et lui demanda s'il avait quelque moyen de venir en
aide aux armées. « Il n'y a rien qui puisse te secourir, excepté
de faire un feu druidique. » « Comment le fait-on ? » dit Cor-
ioé M. L. Sjoestedt.
" 7 ga tarbha a à\\Qnamh ? ". " Mar so, " ar Cith Ruadh :
" Eirgit na shigh fon caill 7 tabhrat cairtherm leo âr is ann
saidhe ata formna ar ndala-ne. Ocu* as doigh freicerthar ânes
sin 7 o thairset na teindti d'fatud bidh cach oc forchoimet a
théine. Ocus, da mad edh no bhiath ann eu mad fo dhes no
impuigdis na teinnti (7 ni saeilim), " ar Cith Ruadh, " rob
maith in leanma/w for firu Muman uaib-si. Ocus mad ânes
impuit, beridh-si sibh fein as, ar bid oruib meabhMj gid airi-
sium doghnithe ". Tiagat iarum na shigh fon caill acht mad
suail bec im Cormac, 7 t»csat connadh caerthainn leo.
111. Ro raihaighsh fir Muman sin 7 ro raidhset ra Mogh
Kuith. " A firsochuir ", arsiat, "garet sutdoni Le/#Cuind ? ''
" Ga ret doghniat ? "ar Mogh Kuith. "Fedmunnaramhora do
thinol i n-ait n-aenbhaili eu nach lugha inas in enoe ro thur-
nais-si in dumha chonnaid fil aca ". " Is fir ", ar Mogh Kuith
ra fira Maman, " a freacra-sin ascoir; ra a dhruidhibh-fein ro
impa Cormac 7 tene draidhichta ro gnithir acu-sin ". Ocus ro
raidb Mogh Kuith ra feruibh Mumhan : " Imtigidh ", ar se,
" fo chaill Lethaird fo dhes 7 na rub luga bhar lamhac eisdi 7
tabhraid brosna braei laime gac ein fir libh, acht mad Fiacha
a oenar 7 tabhradh-sein asglà/m gualunn leis do chrunn
cruaidh dageacait eoin earraig a taeibh uir-sleibhi frisi mben-
ait na tri foscaidh .i. îoscadh gaeithi marta, 7 îoscadh gaeithe
mara 7 (oscadh gaeithi luisin, ar daig gu rub lasomam ra cet-
atudh fon teined. Ocus ni benfaider ar nech daar bhur n-eis
an deda sin [180 b 2] do thabairt libh .i. braei laime 7 asclann
ghualann. Ocus na tabhra/d cuala ider na rub fotha aisethi
duibh da bar n-eisi, 7 nach abartar cualuighi ribh
112. Tiagat iarsin to chaill L^aird frisin zbar Caill Fhian
aniu. Ocus is o na fiannuibh-sin Fiachach Muillethain meic
Eogain ainmnighther in caill o sin ile. Doroacht leo iarum in
forgnflmfc 7 in tinol ro haithn^d dibh eu fosadlar in long-
phuirt. Ocus do raidh Mogh Kuith ra Cennmhar : " Atto 7
Le siège de Druim Damhghaire . 107
mac, « et à quoi cela sert-il ? » « Voici », dit Cithruadh. « Que
lesarmées aillent dans le bois, et qu'elles apportent du bois de
sorbier avec eux, car c'est avec cela que nous faisons les meil-
leurs feux. Et vraisemblablement on répondra du Sud de la
même façon ; lorsque les feux commenceront à flamboyer,
chaque parti surveillera son feu. fit s'il arrive que les feux se
tournent vers le Sud (ce que je ne crois pas) vous aurez inté-
rêt à vous mettre à la poursuite des gens de Munster. Si c'est
vers le Nord qu'ils tournent, déguerpissez, car vous serezvain-
cus, quand bien même vous vous obstineriez à tenir tête. »
Les armées allèrent donc dans le bois sauf une petite suite,
autour de Cormac. et apportèrent du bois de sorbier avec eux.
111. Les gens de Munster remarquèrent cela et dirent à
Mogh Ruith : « O protecteur, qu'est-ce que le parti du Nord
est en train de faire? » «Que font-ils? », dit Mogh Ruith.
« Us réunissent de gros fagots en un même lieu, si bien
jue le bûcher qu'ils ont n'est pas moins haut que la colline
que tu as abaissée ». « C'est vrai ! » dit Mogh Ruith, « il nous
convient maintenant de leur riposter. Cormac a eu recours à
ses propres druides, et ils sont en train de faire un feu drui-
dique. »" Mogh Ruith dit alors aux gens de Munster : « Allez
dans le bois de Lethaird, vers le Sud, et que votre dextérité ne
soit pas moindre (que la leur) ; que chacun de vous apporte
un morceau (?) ou une poignée, excepté Fiacha seul ; que lui
apporte une charge de l'arbre dur aux beaux des
oiseaux de printemps (?) pris au flanc de la montagne, où se
rencontrent les trois abris : l'abri du vent de Mars, l'abri du
vent de la mer et l'abri du vent de façon que le
feu flambe aussitôt qu'on l'allumera. Et on n'enlèvera à aucun
de vos successeurs (le droit à) ces deux choses : une poignée et
un fardeau d'épaule. Et n'apportez aucun fagot, afin qu'on n'en
fasse pas reproche à vos successeurs, et qu'on ne les appelle
pas « fagotiers ».
112. Us allèrent ensuite dans le bois Caill Lethaird, que l'on
appelle aujourd'hui Caill Fhian. C'est des guerriers de Fiacha
Muillethan mac Eogain que ce bois a pris le nom qu'il porte
encore. Ils rassemblèrent et apportèrent avec eux la cueillette
qu'on leur avait demandée, qu'ils déposèrent au milieu du
camp.
108 M. L. Sjoesledt.
innil ramhthus na teined ". Ro e'irigb Cennmhar 7 as e sui-
diugud tue furre amal bis coichin ' tre-eochair 7 tri huilli fair
acht batar seacht ndorais forri 7 ni ra butar acht tri doirrsi ar
in tein/d thuaidh. Ocus dano ni raibi su'idiugud na corugwf
forre, acht a chur n-a cheann cheana in conm'd.
113. Ocus ro raidh Cennmhar : " As urlumh so, acht gan
teneann". Benaidh Mogh Kuith ann sin a thallann te'med;ocus
rob urlamh an tene thuaidh annsin. Ro ghabhadar som uili
grâsacht 7 omun 7 tinni«5 annsin. Ocus ro raidh Mogh Kuith
ra feruibh Muman : " Beznaid uili co tinnisneach taebh-snas do
crannuibh bur s\egh. Ocus ro bensat 7 tuesat do. Doroine-sium
cuimmscin 2 mor de-sin 7 do cuir in tene inn 7 ro suaitheas-
dar iarsin 7 ro raidh.
" Suathuim tene trethnach tren .
reidhfidh figh, feoighfidh fer
lasair lonn, lor a luas.
ro sia snas sruith neamh suas.
enaifid fech fegha fuinn
claifid cath ar CVann Cuinn " 7 cetera.
Do chuir-sium in tene fon so-dheithb/r-sin 7 ro ba lan
lasommVt ro las 7 ro bo lanmhor a fuaim. Ocus do raidh an
rethonV .i.
tc De druadh mu dhe targac nde... "
114. " Gabtar mo dhaimh dam-sa i bhiecht sa ", ar Mogh
■Kuith, " 7 coraighther mo carpat forro 7 dano geibid-si baa
n-eocha bid i lamhaib libh, 7 mad budh thuaidh soidhit nr
teindti rob maith in leanmam uaib-si forro-swm 7 mad
arrûaidh-sm bhias, na hanaidh-si dib eu ro anar-sa. Ocus mad
a xuaidh thisat denaid-si bar n-imdhitean forro 7 tabhra/d
deabhtha doib i mbeilghibh 7 a n-imcuimgibh 7 a n-eicindi-
naibh in cuicid. Ocus as doigh nach bha heicen duibh 7 mar
budh eïcen rob zmlaidh foichillti-si ". Ocus (is am\aidh ro
can-sam sin) ro chuir anal druadh ind aieor 7 i Rrmimint co
1. Faut-il rapprocher de ce mot irl. mod. cuigean, « fait de baratter le
beurre, baratte », ou faut-il comprendre cuaichin, « petite coupe » ?
2. cuimmscin. Nous n'avons pas retrouvé ce mot ailleurs. Sans doute
doit-on y voir un composé de mesc- « mélanger ».
Le siège de Druim Damhghaire. 109
Mogh Ruith dit à Cennmar : « Allume et prépare le feu. »
Cennmar se leva alors et il disposa le bûcher ainsi : il en
forma comme une baratte (?) qui avait trois côtés et trois
angles, mais sept portes. Or le feu du Nord n'avait que trois
portes et il n'était ni disposé ni arrangé mais on s'était borné
à entasser le bois comme il était tombé (?).
113. «Le feu est prêt», dit alors Cennmar, «il ne lui manque
que d'être allumé ». Mogh Ruith alors frappa son briquet. Or
le feu du Nord était prêt alors. Tous furent saisis de crainte et
d'une précipitation fébrile. Mogh Ruith dit alors aux gens de
Munster : « Hâtez-vous de couper des copeaux au côté de vos
bois de lance. » Ils les coupèrent et les lui donnèrent. Il en
fit un mélange (?), il y mit le feu, et il l'agita en disant :
« J'agite un feu efficace et puissant.. . » et il jeta le tout dans
le feu, en toute hâte. Il s'alluma une grande flamme, avec un
grand fracas. Mogh Ruith dit la rhétorique : « Dieu des
druides, mon Dieu avant tout autre dieu », etc.
114. « Maintenant », dit Mogh Ruith, « amenez mes bœufs
et attelez-les à mon char ; tenez vos chevaux prêts et en main.
Si les feux se tournent vers le Nord, il vous faudra vous
mettre à leur poursuite, et, dans ce cas, n'arrêtez pas de les
poursuivre que je ne m'arrête moi-même. Si au contraire les
feux viennent du Nord, défendez-vous contre eux, et livrez-
leur bataille parmi les routes, les défilés et les retraites de
la province. Sans doute, ne serez-vouspas contraints aie faire,
mais préparez-vous pour le cas où cela se produirait ».
Ainsi parla-t-il, puis il envoya un souffle druidique dans
l'atmosphère et dans le ciel, si bien qu'il se forma au-dessus
de Cenn Claire une obscurité et une nuée sombre d'où tom-
bait une pluie de sang. Et Mogh Ruith dit la rhétorique :
« J'envoie un sortilège à l'aide d'un nuage; une pluie de sang
en tombe sur l'herbe », etc.
no M. L. Sjoestedt.
nderna mothar 7 duibh-nel os Cinn Claire, 7 braen fola as-
side. Ocus do raidh Mogh Ruith in relhoiric.
" Ferim brict a nirt nel, eu ma braen fola arfer ", etc.
115. O thairnic in rethomV-sin ros geibh an cith' co raibhi
os Cinn Claire, ros geibh- as-sidhe co mbai os cind long-
phuirt Chormaic 7 ros geibh as-side co Temraigh.
Do raidh Cor mac ra Cith Kuadh : " Ga fuaim-so roclui-
neam ? " " Braen fola ", ar Cith Ruadk, " doronad tre dian
draidechta, 7 as rinne tiefa a uillida ". Ba holc la Leth Cuind
sin 7 doronsàt glor 7 seisilb moir uime. Ocus atbm Cith
Ruadh in laid. " Atciu-sa cith do Claire 7 rel. ".
Do batar tra coillte 7 fegha mora ar clarmhedhon Muman
intan-sin, .i. an Ghiusach o tha Druim nEogubuil sair co bea-
luch Chaille Tochail, ocus Colltanan o Druim Eogubhail suas
co Claire 7 Ros Cno o Druim Eogobail siar co hEsmaige, 7
Glenn mBebhthach ider dha rot o Druim Eogobail sis gu
hAine, 7 gu carn Verzdhaigh.
116. Ro fiafraig Mogh Ruith : "Cinnus atait na teinnti ? '
" Atat ", ar siat, " cach dibh ag falmaisiu a cheili re hor slei-
bhi siar 7 sis iarsin co Druim nAsail 7 co Sinainn, 7 iarsin
cus'inn ait chetna ".
Ro fiafraigh Mogh Ruith : " Cinnus atat na teinnti ? " (( Atat
fon tuaruim cetna ", ar iat, " 7 ni farcaibset figh na fer ar
clarmhedhon Muman gan loscad ". Ocus as machaire o sin
ille.
Roîiarfaigh Mogh Ruith : " Cinnus atat na teinnti? " « Adh-
rachtadur, " ar siat " co firw/mint 7 co neolu nime, 7 atat
mar bit da laech lonna luthmura no da leoinn letarthaca,
cach dhibh oc folmaisi a cheili ".
117. Tucad tra a sèche thairb maeil uidhir co Mogh Ruith,
7 a encennach alath brec con-a foluam^m ethaidi, 7 a aidme
drùdhechta ar cena. Ocus dosrala suas a comuidecht na teined
ind aeor 7 i i\rmimint 7 gabustar ac sodh 7 ag buzladh na tei-
Le siège de Druim Damhghaire. 1 1 1
115. Dès qu'il eut fini cette rhétorique, la nuée se mit en
marche et vint au-dessus de Cenn Claire, de là au-dessus du
camp de Cormac, et de là à Tara.
Cormac dit à Cithruadh : « Quel est ce bruit que nous
entendons? » « C'est», dit Cithruath, « une pluie de sang,
suscitée par un sortilège druidique, et c'est nous qui en sup-
porterons les effets funestes. » Le parti du Nord prit cela fort
mal, et tous firent un grand bruit et un grand tumulte en l'en-
tendant. Cithruadh prononça le poème : « Je vois une nuée
au-dessus de Claire », etc.
Il y avait alors des bois et de grandes forêts dans la plaine
centrale de Munster : le Giusach, depuis Druim nEogubuil
en allant vers l'Est jusqu'au chemin de Caille Tochail, Coll-
tanan depuis Druim nEogubuil en remontant jusqu'à Claire,
Ros Cno depuis Druim nEogubuil eu allant vers l'Ouest jus-
qu'à Esmaige ; enfin Glenn Bebhthach (entre les deux routes),
depuis Druim nEogobuil en descendant vers Aine et Carn
Feradhaigh.
116. « Comment sont les feux? » demanda Mogh Ruith.
« Ils se poursuivent l'un l'autre », dirent-ils, « en rasant la
montagne, à l'Ouest et au Nord, jusqu'à Druim nAsail, jus-
qu'au Shannon, puis reviennent à leur point de départ. »
« Comment vont les feux.? » demanda Mogh Ruith. « Tou-
jours de même », dirent-ils. « Ils n'ont laissé ni bois ni herbe
dans toute la plaine centrale de Munster, sans les brûler. » Et
ce lieu est une lande depuis.
« Comment sont les feux ? » demanda Mogh Ruith. « Ils se
sont élevés jusqu'au firmament et jusqu'aux nuages du ciel»,
dirent-ils, « ec ils sont semblables à deux guerriers puis-
sants et furieux, ou à deux lions dévorant se poursuivant l'un
l'autre. »
117. On apporta alors à Mogh Ruith sa peau de taureau
brun sans cornes et sa coiffure-oiseau tachetée au vol ailé,
et ses autres instruments druidiques : et il s'éleva dans l'air
et dans le ciel en même temps que les feux, et se mit à les
H2 M. L. Sjoestedt.
ned budh thuaidh, 7 ro cban in rethon'c-so : " Saigti druadh
dolbaim-si, 7 rel. ". Gabus Mogh Kuith ag bxinladh na te'med
budh tuaidh iarum. Ocus gabhttj Cith Kuadh fon cuma cedna a-
tuaidh. Arai-sin, ro impo Mogh Ruith na teinnti fo tuaidh, 7
dousrah i ceann longphuirt Cortnaic 7 nir leic [Mogh Kuith
cenn do thocbhail doibh o tous turn einfecht. Dorochair Cith
Kuadh ann sidhe co n-a slogh druadh in alla this 7 co n-a
slôgh sidhe. Ocus ro coirghit acu-san na catha crodha com-
mora conacaillti, 7 ro coirged lorg 7 tosach forro, 7 tugfld lei-
binn sciath impa da gac \eth 7 gabsat rompa i remthus tseda
7 imdheachta, or nir leics^t a ndraithi doibh fosugttdra tabairt
catha na comhla*'«n 7 do aithnedardhibh maith do dhenamh
intan b«d eicen.
118. Tainic dono Mogh Rw^anuas iarsin, 7 dodechaid a n-a
charpat caemh cumdachta for damaibh dreamhna dzsachtaca.
eu luas gaeithi Marta, con athlaime ethaiti 7 sèche thairbh
maeil uidhir lais 7 tainic i remtus rompa, 7 do chuir Cenn-
mhar uatha do gresacbt fer Muman 7 tancatar co hescad i
lenmam in druadh. [181 b 1] O ro siachtadar co hArd Cluain
na Feihne, is ann-sin rugad ar deiredh in tsloigh, 7 nir imposit
friu in lucht aile. Gabsat fir Muman annside anoir 7 aniar
futhaibh amar tizgait coin fa min-chetraib, .i. treotha 7 tarrsa
ic a ndicennad 7 ica n-airsecar ider ânes 7 a tuaidh, ag cur na
n-ar forro eu rancawr co Magh nUachtar i crich Ur-Muman,
frisin abar Magh Raidne aniu. Ocht cet immorro, ba he tsbaïth
in tsloi^ conice sin.
119. Cunad annsin ro tizrfaigb Mogh Kuith is se i ramtus
rompa : " Cia is nesa dun annso ?" 7 forfidzrgia ro* ûzrfaigh.
" Ata triar forusta finnliath ann", ar siat, " Cecht, Crota,
Cith Kuadh sin ". " Ro geallustar mu dee dam-sa co ndin-
gnitis clocha dhib intan no bherainn-si forro, acht eu tarduinn-
si mo anal futhaib. " 7 twe som anal druagh futhaibh con-
derna clocha dibh, 7 is do na dochaibh-sin gairther Leaca
Raighne aniu. Antan tra no trialidais fir Muman airisium, is
Le siège de Druinî Damhghaire. 1 1 3
battre de façon à les tourner vers le Nord, en chantant la
rhétorique : « Je fabrique les flèches du druide (?) », etc.
Il se mil donc à frapper les feux pour les tourner vers le
Nord. Et Cithruadh se mit à les frapper de même vers le
Sud. Malgré ses efforts, Mogh Ruith tourna les feux vers le
Nord, et ils s'en allèrent au-dessus du camp de Cormac, et il
ne permit point aux feux de se dresser une fois qu'il eut
réussi à les rabattre. Cithruadh s'abattit alors par terre avec
son armée de druides et de fées. Ils se mirent alors à ranger
les vaillants bataillons nombreux et ;
ils disposèrent l'avant-garde et l'arrière-garde et les encadrèrent
d'une muraille de boucliers. L'armée se mit alors en marche,
sans que les druides leur permissent de s'arrêter pour livrer
bataille ; ils recommandèrent aux hommes de faire leur devoir
lorsqu'il serait nécessaire.
118. Mogh Ruith descendit alors et monta dans son beau
chariot bien orné attelé de bœufs impétueux et furieux aussi
rapides que le vent de Mars, aussi agiles qu'un oiseau. Il prit
avec lui sa peau de taureau brun sans cornes, et s'avança à la
tête de l'armée. Il envoya Cennmar presser les gens de Muns-
ter, et tous s'avancèrent pleins d'ardeur à la suite du Druide.
Lorsqu'ils parvinrent à Ard Cluain na Fene, ils rejoignirent
l'arrière de l'armée, sans que le reste de l'armée se portât à
son secours. Les guerriers de Munster parcoururent les rangs
ennemis de droite et de gauche, tels des chiens au milieu de
petit bétail, les traversant, les transperçant, les décapitant, les
au Nord et au Sud, les massacrant, jusqu'à ce qu'ils
parvinssent à MaghUachtair, dans la région est du Munster,
aujourd'hui Magh Raidhne. Les pertes de l'armée s'élevaient
alors à huit cents hommes.
119. C'est alors que Mogh Ruith demanda, comme il
s'avançait le premier : « Qui donc se trouve immédiatement
devant nous ? » Et il le savait, quoiqu'il le demandât. « Ce
sont trois guerriers imposants aux cheveux gris », lui répon-
dit-on, « Cecht, Crota et Cithruadh. « Mon dieu m'a promis
que je les transformerais en pierres quand je les aurai à ma
portée, si seulement je parviens à souffler sur eux ». Il leur
envoya un souffle druidique, si bien qu'il les transforma en
Revue Celtique, XL1II. 8
114 M. L. Sjoestedt.
ann-sin ba daithe 7 ba treisi no bidh Mogh Kuith ic maidim
cucca, 7 nir leic dhoibh anad co rancatar coSliabh Fuait in la-
sin. Ro saidlW pupall Fiachach annsin 7 as e ainm an \na\dh
sin, Inad pupla Fhchach o sin ille.
120. Taircit Leth Chuinn iamm gac giall, 7 gac cain 7 gac
cis bud ail d'feraibb Muman do tabairt daib forro. O ro feidh-
ligheastar ann nir gabh Mogh Kuith 7 Mogh Corb 7 Fiacha 7
Fir Muman ar cena no gu mbeidis da mi 7 da raithi 7 da
bliagamtuaidh. Ocus adubhradar gidh annsin, nach gebhduis
coma aili no gu ûsed Cormac fein leo co tech Fiacha, o na
fetastar tra Cormac a imdhiten forra 7 na rabha aca cumhang
gabhala dhibh a chriche d'mnrudh 7 d'argtf/«. Tàinic fein 7
tue a chain 7 a chis doibh.
Ro choimeirigh Fiacha co bhferuib Muman 7 tancatar
rompa i ramthus tseta 7 ni hindistar a n-imthusa eu rancatar
enoe Raphund.
Tucad iarum Connla mac Taidg meic Cein, mac bratar
athar d'Flachaigh eisein for altram do Cormac, 7 ro leasaiged
ag Cormac in iruzc-sin fo chain lesaighthi. Ocus batar zmlaidh-
sin re cian 7 treimhsi fa sidh-corus etarra.
121. Gabhsat fir Muman ga r\arfaighidh do Mogh Kuith ga
lin [181 b 2] idir àbhus 7 tuaidh 7 cia dhe as mo ro dkhiged
ann. As leir tra ro eirnestar dhoibh 7 tue in laid ar aird :
" Ceathra cet laemh laechda a lin- da cethrachait ra a
coi m ri m.
D'feruibh Muman co mb^^a* ro marbsat na haindrechta1.
Cûic druidh Chorma/c dolbsat dan" ar L«7/;Mogha na mor
dhal.
Lin ro marbta fa gnim ghle* tre doilbhtib dealbthadraidhe.
1. Graphie phonétique pour ainrechta.
Le siège de Druim Damhahaire. 115
pierres ; c'est de ces pierres-là que tire aujourd'hui son nom
Leaca Raighne.
Lorsque les gens de Munster essayaient d'arrêter, Mogh
Ruith les poussait avec une vitesse et une énergie redou-
blées ; il ne leur permit de s'arrêter que lorsqu'ils eurent
atteint Sliabh Fuait, ce même jour. Fiacha planta sa tente là;
depuis on appelle ce lieu « Inadh pupla Fiachach » (Emplace-
ment de la tente de Fiacha).
120. Le parti du Nord offrit alors aux gens de Munster de
leur donner tous les otages, tributs et contributions qu'il leur
plairait. Mogh Ruith, Mogh Corb, Fiacha et les gens de Muns-
ter n'acceptèrent rien avant qu'ils eussent passé deux mois,
deux trimestres et deux années dans le Nord à dater du jour
où ils s'arrêtèrent là. Même alors ils déclarèrent qu'ils n'accep-
teraient aucune contribution à moins que Cormac lui-même
ne vînt avec eux jusqu'à la demeure de Fiacha, du moment
que lui, Cormac, n'était pas en état de se défendre contre eux
et de les empêcher d'envahir et de dévaster sa province. Il vint
donc en personne leur remettre son tribut et sa contribution.
Fiacha se mit en marche avec les gens de Munster ; ils pour-
suivirent leur route, mais l'on ne dit rien de leurs aventures
jusqu'à leur arrivée à Cnoc Raphann.
Connla mac Taidgmeic Cein, fils du frère du père de Fiacha
fut envoyé à Cormac pour qu'il l'élevât, et Cormac prit soin
de l'éducation de ce jeune homme, cette éducation lui étant
imposée en manière de redevance. Ils restèrent ainsi pendant
longtemps en paix les uns avec les autres.
121. Les gens de Munster demandèrent à Mogh Ruith
quelles étaient les pertes subies par les partis du Nord et du
Sud, et lesquelles avaient été le plus considérable. Mogh Ruith
le leur exposa clairement, et il récita le poème :
Quatre cents braves guerriers — tel est leur nombre —
et de plus quatre-vingt, d'après mon calcul. Tel est exactement
le nombre des guerriers de Munster qui ont été tués par les
prodiges.
Cinq druides de Cormac forgèrent des sorts contre les
provinces du Sud aux grandes assemblées. Tel fut le nombre
tué lors d'une action brillante par les sortilèges spécieux des
druides.
n6 M. L. Sjoestedt.
Dolbsat ' tri cona cora' do dhith na caerec crodha.
Dolbsat murescongfo muir ra dith Colptha 7 Lurguin.
Ro sos na teindti bhu tuaidh' ar Leth Chuinn na daidetn cru-
aidh
Tucus nert mna s*Wta sair a clannuib Chuinn Cetcathaigh
Ro claenad in cath ar Conn* la Mumain m'iadaigh, met
nglonn
Ar ndith a n-aesa dana* ra dirgit ra dighbala.
Ceatra cet ruirech isrigrr do sîôgb Cormaic rz a coimhrimh
Co Formaeil ba grès os graigh* do dannaib Cuind Cetcat-
haig
Ceatra cet gilla nglomhair do s\ogh Cormaic ar conuir
Ro marbtha fa coimlin gle- ider Formaeil is Raidne.
Crota, Cect, Cithruadh don muigV draithi sil Cuinn Cet-
cathaig
I Maigh Raidne do ruadh graigh* ro sodh#.f i cruadhdo-
chaibh.
Cbcha. coimh^/uit ferta* beit an co brachuib bechte
Bidh ail do Leth Cuinn a n-ainm. Leaca Raidhne re
roghairm.
Cûic morseisir batflr ann' gan ainm orro acht cuic an-
mann
Tucsat ceim cuire for cul' ga neoch uili acht mad ein-
triur.
Seacht Cechtj secht Crota gu coir* seacht Cithaigh is seacht
Qthmoir
Seacht Cithruaidh co ngnim ngarbh ngle* gu ndanuibh
doilbthe draithe.
.'. . . Ath 2 an tsXuaigh' sist o Maigh Raidne budh thuaid
Sluagh seacht iichix ro gaet ann' &os\uagh Cormaic niche-
la m
Da iichit 7 dâ cet ' on ath-sin sair no chu brec
Os gach conuir do Leth Cuind* doibh nir comuidh a liat-
truin
1 . Ici le poète semble oublier que ce poème est placé dans la bouche de
Mogh Ruith, et il emploie la }e personne au lieu de la ire qu'on retrouve
au distique suivant.
2. Sans doute y a-t-il une lacune avant ce mot; le vers en effet ne se
Dsande pas.
Le siège de Druitn Damhghaire. 117
Ils créèrent trois chiens bien dressés pour détruire les brebis
cruelles. Ils créèrent une anguille de mer sous les flots, pour
tuer Colptha et Lurga.
J'ai tourné les (eux vers le Nord contre le parti du Nord
aux glaives valeureux. Je n'ai laissé que la force d'une femme
en couches aux habitants de l'Est, aux descendants de Conn
Cetcathach.
Le combat tourna mal contre Conn, au bénéfice des vail-
lants Munstériens (grande action). Après la mort des hommes
de l'art, ils furent plongés dans la détresse.
Quatre cents seigneurs ou rois des armées de Cormac, d'après
mon calcul (furent tués) jusqu'à Formael — leurs chevaux ne
firent qu'une étape — parmi les descendants de Conn Cet-
cathach.
Quatre cents brillants valets d'armes de l'armée de Cormac
sur la route, furent tués — d'après un calcul loyal — -entre
Formael et Raidne.
Crota, Cecht, Cithruadh dans la plaine, les druides de la
race de Conn Cetcathach ; dans Magh Raidhne aux chevaux
rouges, ils furent changés par moi en dures pierres.
Les pierres qui signalent leur tombe resteront à perpétuité.
Leur nom sera une honte pour les provinces du Nord. C'est
Leaca Raidhne qu'on les appelle.
Il y avait là cinq groupes de sept hommes qui n'avaient à
eux tous que cinq noms. Toutes les armées battirent en retraite,
tous, excepté trois hommes (?).
(Il y avait) sept Cecht, sept Crota — en vérité — sept
Cithach et sept Cithmor, sept Cithruadh — fière et brillante
leur action — qui possédaient le secret de mystérieux sortilèges
druidiques.
Ath an tsloigh (Lé Gué de l'armée) quelque peu au Nord
de Maigh Raidhne. Cent quarante hommes y périrent parmi
les armées de Cormac — je ne le cache pas.
Deux cents quarante périrent à partir de ce gué en s'en
allant vers l'Est (ceci n'est pas un mensonge). Sur chaque che-
min, pour le parti du Nord
Mille quarante et huit hommes durant la poursuite, telles
lurent les pertes éprouvées par le parti du Nord combattant
i l8 M. L.^Sjoesledl.
Deic cet 7 da ùchit 'dias ar seiser ro saighet
Ba si esbaidh Leithi Cuintv ra ùa nAililla oluim.
O Druim DamhgrunV/ duanaigh' co slig/d moir Midhual-
\aigh.
Mor in gnimh, ro cloerwd cro" is a dhenamh a n-aenlo
As e uidhi is mo rue fian- ar gnimuib glé 7 gliagh
O Chinn Clairi ba cuairt gle* bud thuaidh gu Glenn Kigh
Righe.
Ro cind Fiacha fictib shiagh' ro cind Mogh Corb Claideb
vuadh
Nac biad a riar da gfle ait* no go mad e a ngiall Connue.
O ro eimdhigh Comme cain' imgabtfd Fiacha fum[ J.
Nirgabhudh uadh acht a dhail" ge thairg/d mor fore/air.
Ro scailseat fir Mhumtfw iarsîn o chnucc Raphann, 7 docoidh
cach dib da thigh 7 da [182 a 1] dhûn-aras fadhesin. Ocas
dochoidh Cor mac co Temraigh.
122. Ro leasaig^d tra Connla ag Corniac, amal adubhrumur,
cur bo inghnima 7 cur bo urrzmad 7 gur szmluigh Ere fris ar
a mhaitius. Cur ghabh leannanacht re araili mnai a Sidh Locha
Gabar 7 gur saruigh hi gan deoin di. Ocus ro chu'irmigh si
ascaid fair, .i. dul le isin sith, 7 ni dhechaid. " Tar ", ar si,
" co twea h'zdhaidh ar an ndun anunn co n-aicet in tsluaigh,
o nach teighi fein inn ". Teit-sium co tard a adhadh ar an
sidh. Ro indis in ben (oceto'ir thall in gnimh doronad tria.
Batar-somoc iaruidh chora fair. Ocus ni thuc. "' Ro mhillis ar
n-ein^ch ", ar siat. " Adeirthi-si ", ar se, " do mhillntf "'.
" Millfimit-ne h'ein^ch-sa inn ", ar iat-som. Ocus t«csat" a n-
anala uili faicu rotas bruthmaeili claime o mhulluch eu bonn
trid 7 ba himurcach dano an bruth-sin for a chinn 7 for a
zxdhidh 7 robaithrrac in tun/j-sin.
123. Ocus . ^ ' y.po ar cula gu brocach brocumac co hairm
contre le petit-fils d'Oilill Olum, depuis le célèbre Druim
Damhghaire jusqu'à la grande route de Midhuallach.
Le siège de Druim Damhghaire. 119
C'est une grande et sanglante action et qui fut accomplie en
un seul jour. C'est là la plus grande expédition que guerrier ait
jamais entreprise, la plus féconde en actions d'éclat.
Depuis Cenn Claire ce fut une route splendide jusqu'à Glenn
Righ Righe dans le Nord. Fiacha aux nombreux bataillons
et Mogh Corb au sabre rouge décidèrent qu'ils ne seraient
pas satisfaits que Cormac ne fût devenu leur otage.
Du moment que le beau Cormac a refusé ce que Fiacha
lui offrait, il ne recevra de lui que ce qu'il plaira à Fia-
cha, quoique celui-ci lui ait d'abord beaucoup offert.
Les Munstériens quittèrent ensuite Cnoc Raphann, et s'en
retournèrent à leurs demeures et à leurs résidences respectives.
Cormac de son côté s'en retourna à Tara.
122. Connla fut élevé près de Cormac, comme nous l'avons
déjà dit, si bien qu'il devint habile au métier des armes et
bon gentilhomme et qu'il était cité en modèle à toute l'Ir-
lande, tant il excellait en tout. Il se prit d'amour pour une
femme de Sidh Locha Gabar, et il l'outragea, malgré sa résis-
tance. Celle-ci lui demanda comme une grâce de venir avec
lui dans sa demeure magique : il n'y vint pas : « Viens du
moins », dit-elle, « et tourne ton visage vers la place forte
qui est en face de toi, pour que la population (du Sidh) puisse
te voir, du moment que tu n'y vas pasen personne». Il vintavec
elle et tourna son visage vers la demeure. La femme aussitôt
raconta aux gens de l'autre rive l'outrage qu'on lui avait fait.
Tls demandèrent alors réparation à Connla. Il refusa : « Tu
nous as déshonorés », dirent-ils. « Vous pouvez bien le dire»,
dit-il. « Nous te déshonorerons donc », dirent-ils. Et tous
projetèrent leur haleine sur lui, si bien qu'une éruption de
gale chauve poussa sur lui, de la tête aux pieds, et cette érup-
tion était abondante sur sa tête et son visage; et il regretta,
alors, son action.
123. Il s'en retourna, tout souillé et défait auprès de Cor-
mac. Celui-ci jeta les yeux sur Connla, et éclata en gémisse-
ments. « Qu 'as-tu donc, Cormac, mon cher ami ? » « J'ai que
120 M. L. 'Sjoestedt.
i mbai Cormac. Sillis Cormac ar Connla 7 mebhais a chaifair.
" Cidh ima tai, a mu poba,,a Cormaic? " " A truma leam ",
ar Cormac, " do beith-si amlaidh-s'm 7 met do gradha leam.
Ocus fos, as tu ro saeileas do dhidhuil mu chnedh ar Fhiachfl/^/;
\c cosnum righi Muman dhuid ' ". " Ni ro cualai ", ar Connla,
" 7 nî ro foirfedh nech ar an ngalar-sa ". " Gia ro chuala ",
ar Cormac, " ni fuigbea-sa \âir he". "Cidheiside ?"ar Connla.
" Fuil righ flatha ", ar Cormac, 7 t'fothragad eisde. " Cia
esrde ? " ar Connla. " Fiacha Mu'ûlet han ", ar Cormac, " as e
in flaith 7 ro bad fingal duit-si a marbad, 7 as doig dia ruca
fort, co ticfa th'foiridin de ". " As ferr leamsa ", ar Connla,
" bas carat damh inas mo beith fein amlaidh-so, da mad derbh
leam cena. sin ". " Toingim na toing mo thuath ", ar Cormac,
" eu nad fior ". " Ragat-sa fris dano ", ar Connla.
124. Teit iarum eu Cnoc Raphunn co tech Fiachach. Ba
bron mor la Fiacha a beilh-sium amh\aidh-sud, 7 ro choi uime
7 ro fer faz'/te fris. Ocus ro triaWadh a leighes aigi iardain 7 t«c
trian a chogair do 7 a \eaba\dh a comhairdi fria leabaidh 7 as e
noslonnadh aitheasc uaidh 7cuigi 7doberthealoghimp*didho.
Ocus batorcocian fon innus-sin. Ocus teighed amach 7 amuigh
immalle 7 Fiacha co mime. Co tancatar la n-aen ra taeb na
Suire [182 a 1] 7 ro thimghair Fiacha a fothragad, 7 benus a
edtfch dhe 7 facbhais a laighin leathanglais tuas ag Connla. Ro
gab Connla in laighin 7 dorât a bFiacha co rue urrind trit.
« Truagh sin », ar Fiacha « as bron ar braithre sin 7 as breis
nu echta 7 as tre moirindlach mbidhbai/ doronad ». Ocus
atbeart : « Indlach bidbtfJ. bron ar braithre. . . ».
125. Atberc Fiacha : « Deria th'fothr.igad amail adubrad
friut. Acht cens., gidh done, ni targha do chabair de, 7 bidh
(a'ùid rat naimdib sin ». Conad he sin fata bais 7 aidtdha Fia-
chach. Ass ann doronai sin ag Ath Leathan, re n-abar Ath Isiul
1. La souillure qui atteignait Connla rendait impossible son accession
au trône, et réJuisait par là même à néant les projets de Cormac.
Le siège de Druim Dambghaire. 121
je ne puis supporter », dit Cormac, « de te voir dans un tel
état, tant est grande l'affection que je te porte. Et de plus,
c'est sur toi que je comptais pour venger mes griefs envers
Fiacha, car je t'aurais assuré le trône de Munster ». «Ne con-
nais-tu », dit Connla, « aucun remède qui puisse avoir raison
de cette maladie? » « Quoique j'en connaisse », dit Cormac,
ce n'est rien que tu puisses obtenir ». « Quoi donc », dit
Connla. « Le sang d'un roi », dit Cormac, « pour t'y baigner ».
« Qui est ce roi ? » dit Connla. « Fiacha Muillethan », dit
Cormac, « est ce roi, et tu te rendrais coupable du meurtre d'un
parent en le tuant. Mais si tu t'appliquais son sang, tu en
recevrais la guérison ». « J'aime mieux », dit Cormac, « que
périsse un ami, plutôt que de rester moi-même dans cet état,
si du moins je dois croire ce que tu me dis ». « Je te jure le
serment que jure mon peuple », dit Cormac, « que cela est
vrai ». « J'irai donc le trouver », dit Connla.
124. Il alla à Cnoc Raphann, à la résidence de Fiacha ;
Fiacha fut désolé de le voir dans cet état, il s'en affligea, et
lui souhaita la bienvenue. Il s'efforça de le guérir, lui donna
le tiers de sa confiance, un lit aussi haut que son propre lit ;
c'est Connla qui expliquait les avis (?) qu'il envoyait ou rece-
vait, et il recevait le salaire dû à ses offices de messager. Et ils
furent longtemps ainsi : Connla sortait et rentrait souvent
avec Fiacha.
Un jour ils allèrent sur le bord de la Suir et Fiacha
désira se baigner, et il se dévêtit et laissa sa lance large,
au fer brillant, entre les mains de Connla. Connla saisit la
lance, et porta à Fiacha un coup tel que la lance le transperça.
« Hélas ! » dit Fiacha, « c'est une action affreuse contre un
frère; c'est un grand meurtre, et ce îrime est le fait d'une
grande inimitié (?). » Et il dit : «Crime d'un ennemi, etc. ».
« Baigne-toi comme on te l'a dit», dit Fiacha, « mais malgré
cela tu n'en recevras aucun soulagement et tes ennemis s'en
réjouiront. »
Ainsi périt tragiquement Fiacha. Ceci se passa à Ath Leat-
han, aujourd'hui Ath Isiul, c'est-à-dire Tuisiul (de la chute).
C'est de là que vient le nom que le gué porte depuis lors,
comme le dit le quatrain :
122 M. L. Sjoestedt.
aniu .i. tuisiul. As de ata int ainm forsan ath o sin ille amal
ader in rann :
Ath Tusil ainm in atha" do cach as fisfirtatha
Tusil lue Connla a Cnoc Den' for Viachaigh maith Mhuill^-
than.
Ni fuair tra Connla a chabair de-sin 7 as gorta 7 claimhe
ros marbh, ar nir leic nech do ciainn Eogw/w n-a thech o nar
fiu leo d'igail aili fair '.
1. Keating (History, II, 324) mentionne un fait qui semble expliquer que
la parenté de Fiacha n'ait pas tiré une plus prompte vengeance de sa mort.
Fiacha aurait vécu assez pour protéger son cousin et meurtrier et ordonner
qu'on n'attentât pas à sa vie.
Le siège de Druim Damhghaire. 123
« Ath Tusil (Gué de la chute) est le nom du gué, tout le
monde en connaît la raison. Connla de Cnoc Den y fit tom-
ber le brave Fiacha Muillethan. >>
Ceci n'apporta aucun soulagement à Connla, et c'est de
faim et de gale qu'il mourut, car aucun membre de la famille
d'Eogan ne le laissa entrer dans sa maison. Ils ne pensèrent
pas que ce fût la peine d'exercer contre lui aucune autre ven-
geance.
{A suivre.) M. L. Sjoestedt.
THE FIGHTING SNAKES
IN THE
HISTORIA BRITONUM OF NENNIUS
In a brief stucîy published recently in this review ' I had
an occasion to trace the so-called épisode of Vortigerns Tower
to the wide-spread belief that a human sacrifice is necessary
at the laying of foundations, to appease the chthonic powers,
the genius loci, usually in the form of a snake, a toad, or a
lizard. There can be no doubt that this belief was common
among the Celts as among many other races, the Egyptians,
the Greeks, the. Romans, and the various Teutonic clans.
There is then no need to emphasize the typically Celtic
character of the story of Vortigerns Tower, nor is it justi-
fiable to go to the opposite extrême and déclare the story a
borrowing from ancient sources.
The problem, however, does not end there. In the first
place, it is to be observed that the account of Nennius is con-
siderably more complicated than the German parallel I was
able to cite and to which I could now add a second from
Austria2. For it is not a snake pure and simple which is
discovered underneath the surface, but two dragons are
found in a tent, the one white, the other red, which begin
to fight, until the red one conquers its opponent and drives
it off. Then the boy-prophet (Ambrosius) déclares that the
red serpent représenta the Celts, the white one the Saxons.
Geoffrey of Monmouth, who reproduced this épisode with a
number of minor altérations, doubtless of his own making,
i. Vol. XLI, pp. 181-188.
2. Th. Vernaleken, Alpensagen, Wien, 1858, p. 149.
Tbe fighlitig stiakes. 125
adds the famous prophecy of Merlin to the description ot
the snake fight '.
In the narrative of Nennius and still more in that of
Geoffrey the reader will easily see the work of the compiler
who stitched together various traditions, doubtless of various
origins, to form a continued and on the whole plausible
account. In fact, the two fighting snakes hâve as little to do
with the genius loci in snake form as the subséquent career
of Ambrosius-Merlin has with the foundation sacrifice. The
question arises : Do we hâve parallels elsewhere for the
symbolical snake fight as we hâve them for the foundation
sacrifice and the snake-shaped Genius loci ? In the following
pages I shall endeavour to answer this question and to point
out the probable origin of this part of the épisode of the
Historia.
In his treatise on the Monuments of Constantinople the
Byzantine chronicler Nicetas, who flourished in the second
part of the twelfth century, describes a sculptured group of a
basilisk and an asp engaged in a desperate struggle 2 :
Now this, too, should be added, although it is not my purpose to note
everything. A pleasing sight and by art probably the most wonderful of
ail was the stone base on which stood an animal which one would hesitate
to think represents an ox because it had a very short tail and no such large
dewlaps as are peculiar to the Egyptian oxen ; neither were its hoofs clo-
ven. With its jaws it held another animal tightly compressed, whose
entire body -was covered with such rough scales that it could hardly be
touched without hurt. The former animal was thought to be a basilisk,
the latter, which was held compressed by the mouth of the former, was
believed an asp, and there were some who thought the one to be a hippo-
potamus, the other a crocodile, but this différence of opinion is of no
importance hère. I shall only say that a new kind of struggle was witness-
ed in both, both infiicting and suffering harm, both destroying the enemv
and being destroved, both conquering and being conquered For the
1. Historia Britonum cuin additamentis Nennii, éd. Th. Mommsen, in
Chronica Minora saec. IV, V, VI, VII, tom. III ; Mon. Germ. Hist. Auct.
antiqu. tom. XIII, Berlin, 1898, pp. 181- 186. Galfredi Monmutensis Histo-
ria Britonum nunc primum in Anglia novem codd. mestis collatis éd.
J. A. Giles, London, 1844, Hb. VI, cap. 17-19.
2. Nicetae Choniatae Historia ex rec. I. Bekkeri, Bonn, 1835 (Corpus
script, hist. Byi.), pp. 866-868.
i2é A. H. Krappe.
one, vvhich was thought a basilisk, was swollen from head to foot and
covered as it were with copper-rust, being ail over its body greener than
a frog, because the poison was in ail its arteries and had caused the color
of death. Its knees were therefore bent, its eyes extinct, its strength of
life faded, nay, the beholders must hâve thought it about to fall, because
dead already, but for the soles of its feet supporting it and keeping iterect.
The other beast, held tight by its jaws, swinging its tail already more
languidly, with open mouth because hurt by its opponents teeth, was
seen struggling to get free from the grip of its teeth and its bite, but was
unsuccessful, because its shoulders and forefeet and the parts of the
bbdv adjoining the tail were held in the open mouth and compressed by
the jaws of its adversary. Thus they destroyed one another in mutual
slaughter ; the struggle was equal and equal the victory, equal their de-
struction. It occurs to me that one can express mutual slaughter and
deadly, ruinous vengeance not only in monuments, nor do thev
befall only powerful animais, but they occur also among many peoples who
inade war on us Byzantines ; for they destroying each other in mutual slaughter,
will perish by the virtue of Christ who scatters the peoples that rejoice in war,
uho does not enjoy bloodshed and who shows the just man treading on the asp
and basilisk and trampling down the lion and the dragon.
We hâve then hère a struggle between an asp and a basi-
liskj that is, two beasts which were considered as falling
under the dénomination of snakes or dragons, according to
the handbooks of mediaeval zoology. Both are compared
with two factions of the Franks, destroying one another in
internecine struggle, thus enabling the " just man ", i. e.
the Byzantine Greek, to tread upon them both. The entire
narrative, it will be observed, is the fanciful interprétation of
a statue in the city of Constantinople, destroyed in 1204,
and is in complète accordance with the gênerai mediaeval
notion that the monuments of antiquity had been erected by
the wise of old, experts in magie, with some practical end
in view '. Far from being purely symbolical, the statue was
thought actually to bring about the fratricidal struggle
between the Frankish factions, just as for example a relief
representing ships with ladders on them and armed men
1. Cf. on this subject : D. Comparetti, Vergil in the Middle Ages, Lon-
don, 1895, pp. 239 ff. ; A. Graf, Roma nella memoria enelle immagina\xoni
del medio evo, II (Torino, 1883), pp. 196 ff. ; R.M. Dawkins, Ancient
Statues in Mediaeval Constantinople, Folk-Lore, XXXV (1924), pp. 209-
248.
The fighting snakes. 127
going up thèse ladders to storm a city, was imaginée! to
foreshadow and, later, to hâve brought on the attack of
the city by the crusaders in 1204 ', and just as a statue of
Athena was thought to beckon the Western barbarians to
invade the Empire, for which reason it was destroyed by
the mob 2.
How a learned Byzantine of the twerfth century could
mistake a hippopotamus for a basilisk is a question not easy
to answer ; but it may be said that mediaeval zoology as
embodied in the bestiaries was guilty of monstrosities quite
as absurd. In this case the interprétation ot the fighting ani-
mais as fighting snakes appears to hâve been forced upon the
Greeks by a floating folkloristic motif of Eastern origin, as I
shall show presently.
In a taie of the Arabian Ntgbts 3 the hero, Abdallah, when
traversing a désert, beholds a black dragon pursuing a white
one. He kills the former, whereupon the latter assumes the
shape of a woman and makes herself known to him as the
daughter of a king of the Jinn. The black snake was the
vizir of another king of the Jinn and her unwelcome suitor.
In another story of the same collection 4 the heroine,
Zobeide, sees a snake pursued by a dragon. She kills the
latter with a stone, and the snake Aies away. She falls asleep,
and when she wakes up she finds by her side a young girl
who tells her that she is a Jinn and in the form of a snake
had been pursued by another Jinn in the form of a dragon.
In a third épisode of this character, likewise from the
Arabian Nights >, Kaslâne the Lazy, after having lost his wife,
wanders through the désert, where he beholds two serpents,
one brown, the other white, fighting with one another. He
kills the brown one and learns that he had to deal with two
Jinn, the one an infidel, the other Mohammedan. With the
1. Ibid., p. 22 1.
2. Ibid., p. 224.
3. Burton, VII, 364; Chauvin, Bibliographie, V, 2.
4. Burton, I, 149 ; Chauvin, V, 5.
5. Burton, III, 282; Chauvin, VI, 66.
128 A. H. K nippe.
help of the latter he wins back his wife abducted by an evil
spirit.
An Arabie legend which goes back to the first centuries
of the Hegira ' connects the motif with the Queen of Sheba,
whose birth was fabled to bave corne about in this wise.
Her father, a king of China, while hunting, met two snakes
in deadly combat, a white one and a black one. He killed
the latter and carried the former into his royal palace. On
the following morning he was not a little surprised to find a
pretty girl in his private apartment and to hear from her
own lips that she was a Péri and that he had delivered her,
on the preceding' day, from the black snake, her mortal
enemy. To show him her gratitude she offers him her sister
in marriage, an offer which, it is needless to say, the king
was pleased to accept. By his Pari wife he became in due
time the happy father ofa girl, the future Queen of Sheba.
A similar taie is reported as a historical fact, said to hâve
occurred in the reign of the calif 'Othman (644-656) 2 :
There came a man to the caif 'Othman who spoke as follows :
'* When I was in the désert I saw two ribbons corne together and sepa-
rate again. Upon reaching the spot I found a fine yellow snake which
spread an odor of musk, from which I concluded that it must be a good
snake ; I took it, wrapped it up in my turban and buried it. Then I heard
a voice shouting : " Thèse were two snakes of the Jinn which fought
with one another, and the one which you hâve buried died the death of
a martyr for the faith ; it was among those which listened to the révéla-
tion of Mohammed. "
It is a well-known fact that the Arabie Jinn were believed
to appear in the shape of snakes ', and it is also a matter of
common knowledge that the Mohammedans distinguished
between good and evil Jinn. But it is much to be doubted
1. E. S. Hartland, The Science of Fairy Taies, London, 1891, p. 316.
2. C. van Vloten in Feesthmdel aan Prof. M. J. De Goeje, Leiden, 1891,
P- 38-
3. V. Robertson Smith, Lectures on the Religion of the Sémites, London,
1894, pp. 1 19 ff. ; C. van Vloten, op. et loc. cit. ; Nôldeke, Zeitsch. f. Vôl-
ker psychologie, 1860, pp. 412 ff. ; j. Wellhausen, Reste arabischen Heiden-
thutns, Berlin, 1897, p. 137.
The fighting snakes. 129
whether this dualism is of Arabie, that is, of Semitic, origin.
The sharp distinction between the powers of good and evil,
a distinction extending over the kingdoms of animais and
plants as well as over the spirit world, is not in any way
peculiarly Semitic, although in the form of literary motifs
or even as a tenet of popular creed it may hâve invaded the
Arabian peninsula in pre-Islamic times. Its home must be
sought on the highlands of Eran, where the most distinctly
dualistic religion the world has ever known was developed
several centuries before our era. This conjecture is confirmed
by the oldest version of the Fighting Snakes known to us and
found in the Book of Esther, itself most probably of Eranian
origin '.
In chapter XI of the Vulgate Version, Mordecai dreams
of two great dragons fighting one another (vv. 2 ff.). The
dragons, we are then told, signify himself and his opponent.
the anti-semitic Haman 2.
This version differs from the foregoing in that it forms
the contents of an animal dream and has therefore no basis
in reality. Further, according to the allegorical explanation
given in the Book of Esther 5, the snakes do not symbolize
peoples or factions as in the Celtic and Byzantine versions,
but two individuals. The épisode represents therefore an
allegorical animal dream of the type met so frequently in
Old French, Scandinavian and Middle High German poems
and sagas 4. This différence, which is quite important, makes
1. Cf. Sir J. G. Frazer, The Scapegoat, London, 191 3, pp. 360 ff., esp.
401 ff.
2. Cf. Esth. XI, 5 : et hoc -ejus somnium fuit : Apparuerunt voces et
tumultus ; 6 : et ecce, duo dracones magni paratique contra se in
proelium. X, 5 : Recordatus somnii, quod videram, haec eadem signifi-
cantis : nec eorum quidquam irritum fuit. 6 : Parvus fons, qui crevit in
fluvium et in lucem solemque conversus est, et in aquas plurimas redun-
davit, Esther est, quam rex accepit uxorem, et voluit esse reginam. 7 : Duo
autem dracones, ego sum, et Aman.
3. Esth. X. 7.
4. W. Henzen, Ueber die Trâume in der altnordischen Sagaliteratur,
Leipzig, 1890, and my own study The Dreams oj Charlemagne in the
« Chanson de Roland », Publ. Mod. Lang. Assoc., XXXVI (192 1), pp. 1 34-
141, where other bibliographical data are given.
Revue Celtique, XL11. 9
130 A. H. Krappe.
it very imlikely that the épisode in Nennius owes its exist-
ence to Biblical influences, as is tlie opinion of Feuerherd '.
But there are still other considérations which stand against
such a hypothesis.
It is to be noted that none of the Oriental versions repre-
sents the fighting snakes as talismans anv more than does
the Hisîoria Britonum. In this feature the Byzantine legend,
whose existence can be inferred from the concluding sentence
of Nicetas' text, appears to stand alone. There exists, how-
ever, another Celtic source in which we find this additional
trait, thus clearly proving the Eastern origin of the whole
épisode and indicating moreover the road by which it entered
Europe.
The Mabinogi of Lludd and Llevelys narrâtes at some
length how King Lludd is advised by his brother to find two
fighting dragons, representing the Welsh and the Saxons, and
to bury them in the centre of Britain. So long as they are
buried there no harm from foreign invasions will befall the
realm 2. According to the Fijty-third Triad 3, Vortigern
unearths the dragons to revenge himself on the Welsh with
whom he was unpopular, and the Saxon invasions followed.
The talismanic character of the dragons in this narrative
is amply clear ; they evidently belong to the same category
as Vergil's belltower, magie fly and brazen snake, the statue
preventing the éruptions of Mount Etna or Mount Vesuvius,
and so many other palladia, both in Constantinople and
Southern Italy. At the same time, the épisode of the Mabinogi
explains how the motif of the Fighting Snakes came to
be linked with that of the foundation sacrifice, as we find it
in Nennius and Geoffrey : both as a genius loci and as a talis-
man the snake had to live underground, and the connexion
of the two motifs, which originally had nothing in common,
was therefore very easy to accomplish 4. But it is to be noted
1. Paul Feuerherd, Geoffrey of Monmoath und dus Alte Testament, Diss.
Halle, 191 S, pp- 69 rï.
2. J. Loth, Les Mabinogion, Paris, 1913, I, 236 f.
3. W. Probert, The Ancient Laws of Cambria, London, 1823, p. 395.
4. It is noteworthy that in the Orient, too, foundation sacrifices were
The fight'mg smùes. 131
that in Nennius and his derivative the talismanic character
of the dragons lias disappeared, naturally, since it is no long-
er Vortigern but Ambrosius-Merlin who unearths them.
There can then be no doubt that the version of the Mabinogi
stands closer to the archétype than the épisode of the Histo-
ria and that it forms thé Connecting link between the Byzan-
tine legend (where the talismanic symbolism first occurs) and
Nennius.
To conclude : The épisode of the Fighting Snakes is sprung
from a Byzantine legend attached to a monument of Cons-
tantinople which was destroyed in 1204. It was carried thence
to Britain, most probably by Welsh pilgrims returning from
the Holy Land by way of Constantinople. Before the loca-
lization in Byzantium the motif was current in the Near East,
the oldest version being found in the Book of Esther. It is
most probably of Eranian origin, having arisen at the time
when the dualistic religion of Mazdaism was flourishing in
Persia.
Minneapolis, Minn.
Alexander Haggerty Krappe.
offered to the snake-shaped Jinn ; cf. E. Westermarck in Tylor Metn. Fol.,
p. 367.
NOTES
ETYMOLOGIQUES ET LEXICOGRAPHIQUES
{Suite).
391. Les morts lavés chez les Celtes insulaires; le
gallois enneint.
L'usage de laver les corps des morts est attesté chez les
anciens Irlandais par divers textes. Dans le récit épique the
Boronia (tiré du Livre de Leinster), les deux filles du roi
Tuathal, Fithin et Dàirine, meurent de saisissement et de
honte ; leurs corps sont lavés à un endroit qui depuis porta le
nom de Garbh-thonach (rude lavage) ou d'après une variante
à Ath toucha (le gué du lavage) : Revue Celt. XIII, p. 39, § 5.
La même coutume est attestée dans Acallam na Seuorach 4172,
4173 n. (janacli).
Cet usage n'a pas été jusqu'ici signalé chez les Brittons.
Il me paraît attesté par le vers suivant conservé dans un
poème obscur parce qu'il a été très maltraité par les scribes,
mais qui ne peut être postérieur au xi-xne siècle (Myv. Arch.
123-1) :
cochwet calanet ar eneint
« des cadavres sanglants sûr « bain ». Eneint est régulière-
ment écrit enneint et a le sens certain de bain ; pour le sens de
ce mot, cf. J. Loth, Mabin. aI, 203-204 ; 423 ; Ystoria de Car.
Magno, p. 101 ; Ane. Lazvs I, 258; Myv. Arch. 441, 1, etc.
On le trouve traduit dans des dictionnaires modernes par
oiniment ; ce qui est vrai, c'est qu'en moyen-gallois, il a fini
par prendre le sens de potion, breuvage médicinal, par un rappro-
chement faux avec anoint (cf. T. Lewis, a welsh Leechbook,
Liverpool, 1914, 883, 91. 371).
Enneint me paraît remontera un vieux brittonique an-nigâ-
Notes étymologiques et lexicographiques. 133
ntio-. En partant de nig-, je n'arrivais qu'à ennyeint. Mon
collègue, J. Vendryes, m'a suggéré un moyen de lever la
difficulté : c'est de supposer, à côté de Pirl. nigim (nig-, tiige-),
un thème nigâ- qui aboutit en vieux-gallois à neg- : enneint =
*an-negântio-, précédé par an-nigântio-. Il me signale, en latin,
lavere, à côté de lavâre (*lovâ-), lavere étant transitif (dans des
conditions particulières), lavâre étant intransitif et transitif;
cf. Mém. Soc. Ling., XVI, p. 300.
L'usage de laver les cadavres est bien connu chez les Latins
et chez les Grecs (Iliade XVIII, 350; Odyssée XXIV, 44).
L'irlandais tonach, écrit aussi parfois, même en irlandais
moyen, tanach = *to-nïgo- ' (ide. nigu-).
Le dérivé irlandais moderne tonnachadh (écrit par deux nn,
par assimilation à tonn, vague, flot) ou tonnadh, mort 2 a con-
servé un sens des plus curieux : Dinneen le traduit par : act
of preparing a corpse for waking ; also sometimes préparation ot
a person for death such as closing the mouth, etc. Tonnachaim a
un sens analogue. S'il n'y a pas confusion entre deux mots
d'origine différente, il en résulterait que tonach aurait fini par
désigner, outre le lavage du mort, certaines cérémonies
accessoires.
392. Irlandais long ; gallois llong ; irlandais luighe ;
irlandais moyen coblach, moderne cobhlach.
Long, navire, est généralement regardé comme emprunté
au latin longa (navis). Il est incontestable que le latin a
influencé l'irlandais aussi bien que gallois au point de vue du
sens. Un passage des Ane. Laws of Ireland, IV. 104, 3, est
particulièrement instructif, à ce sujet. Long est nettement dis-
tingué de barc, barque, et decuracb, canot, (gall. corwc). La glose
à saer 1er longa précise encore davantage : in saer demi co 1er no
co lor 5 na longa for a tn-bi itnrum .i. na longa fada, « l'artisan
qui fait avec soin et en nombre les navires destinés à la navi-
1. Le mot est devenu féminin, vraisemblablement par analogie (le
datif sing. est tonuch).
2. Félire Oéngusso, Ep. 352, dat. sg. tonnud, mort. Tonnadh a le sens
particulier de mort par le poison et n'a rien a faire avec tonach, bain.
3. 1er pour léir ; lor pour lor.
134 /• Loth.
gation, c'est-à-dire les navires longs » (cf. Cor mac s Gloss.,
p. ioo)1.
Or, long a aussi, en irlandais, le sens de vase, parfois même
de petit vase, ce qui est invraisemblable si on fait venir ce
mot par analogie avec les deux sens de lestar, du latin longa
passé précisément en irlandais même dans le sens de navire
long. Long, vase, est d'un emploi courant : O'Donovan, 5m/>/>/.;
Ane. Laws IV., 510, 10, long foilethe, baignoire. L'expression
longbard signifie proprement barde à vase; comme cela ressort
clairement d'un passage emprunté à la transcription des Bre-
hon Laws faite par O'Curry pour les Brehon Law Commissio-
ners (O'Donovan à bard). Les longbaird sont des personnages
pauvres se livrant au panégyrique. Le longbard doit son nom
au petit vase qui l'accompagne ; ce sont des vases de fera trois
angles, et ils peuvent prétendre à une part de chaque liquide
que l'on partage devant eux 2. Ces bardes jouissaient de fort
peu déconsidération : cf. Fled Bricrend 68, 18 :
bâti longbaird loingsither.
Ce passage n'a été compris ni par Windisch ni par Henderson
(qui d'ailleurs ne le traduit pas). £ati, comme le propose
Windisch, est très vraisemblablement le pluriel debâit, clown.
Loingsither est à lire : loingsithel : Acall. no Senor., 202, 123 :
long-slntheal, bassin. On peut traduire : « des clowns, des long-
bard à bassins 3 ».
Outre long, O'Reilly donne luighe, caldron, kettle, pan.
Il est possible que ce soit une prononciation dialectale pour
luinge. O'Donovan, Grammar, p. 35, constate que -ng- est pro-
noncé -gh- dans les comtés de Louth, Cavan, Monaghan, et
quelques parties de l'Ulster. Mais luighe est donné avec le
1 . Cf. long-phort, camp pour navires sur le rivage, et simplement camp.
Cf. long-bot h, maison, enclos pour navire (In Cath Cath. 2227).
2. Longbaird din À. persaind beca co n-aircetal, agus adroille ainm don
leastar beg bis in a choimdecht .i. longa tre-eochracha di earna, agus conecaid
loim do cach lind ddilter ocaibh. Loimm signifie proprement : gorgée, goutte.
3. bâti longbaird loingsither est traduit (U épopée celtique en Irlande, cours
de litt. celt. I, p. 127) par : il chasse les bouffons du camp. Longbaird a été
pris pour le plur. de long-phort.
Notes étymologiques et lexicographiques. i 3 5
même sens par le Dictionnaire d'Armstrong pour l'Ecosse. Ce
qui assure l'existence de cette forme et prouve du même coup
que long est indigène, ce qu'on ne pouvait soupçonner, c'est le
moyen-irl. coblach, flotte — *com-lùgo- ou*com-logo- ; irl. mod.
cobhlach; éc. cabhlach; cabhlachach, un marin.
Le v. norr. lung a été cité par Stokes, Urk. Spr. à long d'après
Bezzenberger ; il rapproche long et lung de lagoena, ce qui n'est
à aucun point de vue satisfaisant.
Falk-Torp n'en font pas mention, ce qui pourrait inspirer
des doutes, mais, comme me le fait remarquer Vendryes,
l'existence de ce mot en vieux-norrois est assurée du fait que
C. Marstrander s'en est occupé {Biàrag lil dei Norske sprogs-
historie i Irland, p. 59). Si on admet l'emprunt, seule l'expli-
cation de C. Marstrander est plausible ; le mot vient non du
nominatif irlandais, ce qui est évident, mais des formes obliques:
génit. lunga, à côté de luinge, dat. luing, de même que lurkr,
massue, vient non de lorg, mais du génitif lurga, dat. luirg *.
Long serait pour *lungâ et il aurait existé, à côté, une forme
sans nasale : *lûg-. Luight, vase = *lugio-, Coblach (flotte) =
*comlàgo-.
Si lung n'est pas emprunté, on aurait affaire à un mot com-
mun aux Celtes et aux Germains, comme terme de naviga-
tion, ce qui ne serait pas sans importance.
393. Gallois llwch ; lluch, lluchwynt, lluchio ; alle-
mand luft ? irlandais luchtaire.
Lluch, écrit déjà parfois en moyen-gallois lluwch, llywch,
indique poussière ou neige, soulevée et amoncelée. Thomas
Richards {W elsh-Engl . Dict., 2e éd.) traduit exactement ainsi
lluchio : to drive the snow together in drifts or heaps, as the
vAnd does 2.
Cf. Lluwch eiry mynydd « poussière de neige de la montagne »
(Myv. Arch. 367.1).
1. On trouve, il est vrai de bonne heure, lunga pour/u«^(dépalatisé), de
même que lurga, au nominatif.
2. Cf. J. Morris Jones, Grammar, p. 118; lluchio, lluwchio, to drive dusl
or snow.
i}6 y. Lotb.
Lluchio est donné dans les Dictionnaires avec le sens évi-
demment dérivé de « lancer » qui est, en effet, courant aujour-
d'hui encore. Lluchwayw a dans les Mabinogion le sens de
« javelot, lance de jet ». Lluclrvar {bar, trait en général, lance)
a un sens équivalent (Myv. Arch. 171. i ').
En composition, lluch apporte l'idée de souffle violent, d'impé-
tuosité. C'est clair dans lluch-wynl qui figure dans cet exemple
de la première moitié du xive siècle (Gwenogvryn Evans, The
poetry in the Red Rook of Hergest, p. 84, col. 1) ; le poète veut
caractériser la rapidité de son protecteur Gruffudd ab Madawc,
dans ses conquêtes :
Yn gynt nor llucbwynt dir Llewed Ystrat
Dovei ugeinu'lat . . . .
« Plus vite que le vent impétueux (ne domptait) la terre
d' Ystrat Llewed, il domptait vingt pays 1 ».
Lluclwar a le sens d' « attaque furieuse » : emys lluchvar
« attaque furieuse d'étalon » (Myr. Arch. 252.1 ; xme s.).
Seul, Ilitch en moyen-gallois, parait avoir pris le sens de
« impétuosité, attaque impétueuse ». M. A. 143.2 (xne s.) :
Lluch fy nghledyf fy ngheiniaw ni llwyd
« prompte à l'attaque est mon épée ' ; se moquer de moi ne
réussit pas ». Cl. ibid. 143 . 1 en parlant de son épée : lluch ei
amvyd « impétueuse à l'attaque est sa nature ».
Le dérivé II uchyad a un sens analogue : M. A. 176.2 :
Dctholeis vx rwyf yn rtvyt rad luasgar
xn l lâcha r yn lluchyad
1. Balch v c/«iw v« llazc lluchvar « fièrement viendra en main le javelot ».
Dans un autre passage (M. A. 159.1) lluch'ar parait avoir, comme second
terme, bar « fureur ».
2. Thomis RicharJs (ainsi qu' O. Pughe) donne Uuchfa avec ce sens : «/
àrift or htap of snovv driven together by the iviml.
1 . Ceiniùw n'a pas été compris par S. Evans qui le traduit par « percevoir,
apercevoir •>. Il faut le rapprocher de ceintach « déprécier, quereller » et de
l'irl. Cdinim (*kakn- ou ka^ii-).
Notes étymologiques et lexicographiques. 137
« j'ai choisi pour mon chef un homme répandant facilement
la faveur, brillant, prompt à l'attaque ' ».
Ibid. 188. 1 : pan liât yn lluehyad
« lorsqu'il tue impétueusement » .
Lluchynt paraît avoir aussi le sens d'attaque impétueuse, inat-
tendue :
The poetry in the Red Book 64.1 :
meglyt dreic llachar lluchynt Medrawt
« éviter le dragon brillant, attaque impétueuse (subite) de
Medrawt ».
Llwch, poussière, est une forme de la même racine. Pulvé-
riser se traduira par : euro peth yn llwch « réduire (en frappant)
une chose en poussière ». Le mot indique souvent la poussière
sur le sol, mais peut avoir le sens de « poussière soulevée ».
Mor-llwch paraît bien avoir le sens d' « écume, vapeur trouble
de la mer ». Cf. The poetry in the Red Book, 120. 1 : le poète
injurie un ennemi : Civil kimwch mor llwch « estomac de
homard de la mer écumante » ; mor-lweh est traduit par vapeur
par Salesbury (vapeur de mer) ; O'Pughe le traduit par : sea
spray.
Llwch pourrait représenter un vieux-celtique : *lup-s- ; lluch
= *loup-s- : i. e. *lub,*lup ; leub, *leup. La parenté avec l'alle-
mand luft paraît très probable; le norvégien luft est emprunté'
à l'allemand; comme lev. norr. lopt, il a le sens de « vent ».
Le moyen-bas-allemand lucht a aussi le sens de « brouillard,
vapeur ».
L'allemand luftig a aussi le sens de nuageux, vaporeux, et,
au moral, d'évaporé, volage. L'expression allemande : seiner
Wuih Luft machen, donner libre cours à sa fureur, laisser écla-
ter sa fureur, rappelle le gallois lluch-var.
D'après Falk-Torp (à luft), le norvégien moderne luft a le
sens de « couche supérieure de l'air », mais il aurait, à l'ori-
gine, aussi bien désigné la couche sur le sol. Partant de cette
idée, ils l'identifient avec loft (y. norr. lopt), « étage, toit ».
1 . Parfois, il y a influence de lluched, éclair.
138 /. Lotb.
Serait apparenté le vieux-haut-all. louft, écorce d'arbre, fol-
liade, brou, de noix; lojt aurait, en conséquence, désigné
d'abord un toit fait d'écorce d'arbre. En conséquence, ils citent
l'irl. moyen luchtar, canot, fait primitivement d'écorce
d'arbre.
En ce qui concerne les mots gallois llwch, Ilitch, rien n'in-
dique une évolution de sens semblable : le sens d'étage ou toit
paraît même en opposition avec le sens intime de ces mots.
L'irlandais moderne luchtaire, whirlpool, rappelle certains
sens de lluch.
394. Irlandais moderne reabhôg ; gallois moyen rhefawg.
Dinneen donne reabhôg avec le sens defolded string. Je ne l'ai
trouvé dans aucun texte ancien, ce qui, avec la terminaison
-ôg, est une présomption en faveur d'un emprunt au gallois.
Rhefawg apparaît dans des textes comme YYstoria de Carolo
Magno, avec le sens de « corde tressée » parfois faite d'osier :
nyddu pedair gwialen agwneulhur pedair rhefawg iw rwymo « alors
de tresser quatre baguettes (d'osier) et d'en faire quatre cordes
pour le lier » (d'après Thomas Richards, Welsh Dict. ; cf.
O'Pughe, l'orthographe est modernisée). Rhefawg = *rebâkâ.
Pour les formes germaniques correspondantes, cf. Falk-Torp,
Norw. dan. Et. W. à reb, rev. II, 118.
395. Gallois RWGN, RHYGNU.
Rhwgn a le sens de « frottement, friction » ; rhygnu « frot-
ter ».
Rhygnu a un sens très particulier dans ce passage d'un poète
cité par O'Pughe ' :
Rhygnasanî rif naw cant celain
« ils marquèrent le nombre de neuf cents cadavres ». Ce sens
est expliqué par le composé rhygn-bren, score stick « baguette
à entailles », c'est-à-dire à compter par entailles. Le thème
gallois a donc eu les deux sens de « frotter » et « entailler ».
1. O. Pughe donne comme référence H. ab O. S'il s'agit de Hywel ab
Owein, l'exemple serait duxnes.
Notes étymologiques et lexicograpbiques. 139
On peut partir de *runk-no- ou * rang-no-, et comparer le skr.
lûhkdti « il arrache », latin rnnco, sarcloir; gr. poxavr,, rabot;
prob. aussi bpûytù et ip'jaaw (cf. Walde, Lat. Etym. W. à
runco). Stokes a rapproché de *ruk-, *runk- l'irl. rncht, porc.
396. Irl. mod. searr, searraim.
Searraim a le sens de « je distends, j'étends mes membres
pour être à l'aise » (Dinneen) ; le substantif searr a le même
sens. Ces mots appartiennent à la même racine que sernaim,
« je disperse » (vieilli) et « je délie » : irl. moy. sernirn,
j'étends (Wind., Wôrt. ; cf. Pedersen, Vgl. Gr. II, 626); searr
= *ster-ro-s.
397. Irlandais saltraim ; vannetais sautrein ; gallois
sathru, amsathr, sathar ; v. irlandais sail ; irl. salach ;
v. breton saltrocion ; gallois salder, saldra, salw; v. gal-
lois halou ; v. breton haloc ; bret. mod. saotra.
L'irlandais saltraim, je piétine, foule aux pieds, a été assi-
milé par Pedersen {Vergl. Gr. I, 137) au gallois sathru qui a
le même sens : il a pensé que sathru pouvait être pour un plus
ancien saltr-, d'après l'analogie (discutable) de athraw pour
alllraw (alltraw existe). Or sathru est un dérivé d'une racine
qui a donné sathar, piétinement, bruit de piétinement ;
sathar a deux syllabes et, en poésie du moyen-gallois, sathar
rime, à la finale du vers, avec des mots en -ar.
Myv. Arch. 252.1 :
gwr balch yn holi seri sathar
Ibid. 2 1 1 . 1 : meirw sengi mal seri sathar
« fouler aux pieds les morts, comme le piétinement des che-
vaux (?) ». Le sens de seri n'est pas certain, cf. Book of An.
(Skene, F.a B. ri, 82 :
Brithwy adwiar sathar sanget '.
sath- paraît se retrouver dans l'irlandais moderne sata-
1. Cf. Gorchan Maelderw, 107. 1 : Britg ne adguiar sathar sanget.
140 /. Lotb.
-luighim, je foule, écrase sous mes pieds (Dtnneen) : remon-
teraient-ils à un vieux-celtique *spatt-, *s(p)ad-n- (ide. sphed-,
sphend- ? Cf. Falk-Torp, a spatt, spette '.
Sathru est largement représenté à toute époque 2.
L. Aneurin 101.5 («y sathraut) — L. Tal. 127, 31 Çsatb-
rant, 3e pers. plur. présent, fut.)
amsathr est bien traduit par : locus undique cakatits, vesligia
hominum et calcationes :
L. Noir 9, 13 (G. Evans 40, 16-17) amsathir in y bon,
« traces de piétinement à sa base ».
Myv. Arch. 199, 1 : amsathyr gorivyt, le piétinement des
coursiers. Cf. Myv. Arch. 159. 2 ; 261. 1.
Saltraitn a le suffixe tr- : Stokes, Urk. Spr. a vu sal- sauter,
dans dofuislim (*to-fo-ess-salim), gl. laboi tarm-cho-sal, transgres-
sion ; mais c'est sel = gall. chwyl qu'il faut y voir (Pedersen,
V. Gr. II, 622-623). En revanche, c'est bien sal- sauter, qui
paraît dans sait .i. lêim, Corm. {salto-) ; de même dans l'irl.
des Ane. Laws : salad, action de fouler aux pieds (III. 296,
16; IV, 86, 21); irl. mod. saltairt, action de fouler aux pieds
(cf. latin salto, saltô : v. Walde, Lat. Et. IV.).
Le correspondant brittonique exact de saltraim est le vanne-
tais sautrein, fouler aux pieds ; saulrein en had, marcher sur
les sillons ensemencés (à Groix : Ernault, Dict. breton. -fr. du
dialecte de Vannes) : au dans sautrein est un o fermé, repré-
sentant ao- ; phonétiquement, il est identique au léonard
saotra (saltr-), mais sautrein a aussi le sens de saotra (salir,
gâter) ; il est donc vraisemblable que dans sautrein {saltr-)
deux racines différentes se sont confondues : sal-, sauter ;
sal-, salir. La confusion a pu être favorisée par les idées corré-
latives de salir par saut, éclaboussement. La racine sal-, dans
le sens de « salir » est largement représentée en celtique (cf.
Vendryes, Mém. Soc. Ling., XXI, 42) : vieil-irl. sail, gl.
• labe ; irl. mod. saluighim, je salis, corromps, pollue; salach,
1. îrl. seir, cheville ; gaW.ffer (sper-).
2. A signaler le sens dialectal de sathru en Denbigh : camu fel milwr, mar-
cher comme un soldat (anglais : pas imité de l'allemand) : Creiffteirieu atnae-
thwyr Dinbych (Bulletin of the board of celtic studies, 192 1 , p. 42).
Notes étymologiques et lexicographiques. 141
sale; sailche, saleté, impureté; Ane. Laivs IV, 318; V, 306,
13, 508, 13, sal, tache sur l'honneur.
Le gallois présente sa Iw, vil ', morose, sans valeur, dérivé
subst. salwed: saliv = *saliw- ; cf. v.h.a. salo, sombre, malpropre
(germanique saliva-). En gallois et en breton, il y a des dou-
blets avec h initial représentant s vieux-celtique : v. gallois
haluu, gl. stercora ; v. breton baloc, gl. lugubri. Stokes s'est
demandé s'il ne fallait pas voir dans salw une influence ger-
manique (ags. salu). Mais des doublets de ce genre ne sont pas
sans exemple.
Le vieux-breton sallrocion glosant graciles, de prime abord,
semble inexplicable par sal-, salir. Cependant le gallois salder,
saldra, fragilité, a aussi le sens de mauvais état de santé et même
de vileness (O. Pughe). C'est probablement du sens de couleur
sombre, de mauvais augure qu'indique la glose lugubri et qui
est fortement marqué dans les mots correspondants en germa-
nique, qu'il faut partir pour expliquer saltrocion. C'est la cou-
leur, indice d'un mauvais état de santé, qui explique l'évolu-
tion de sens.
398. Irlandais silim ; breton dishilya* dihilya.
Le breton dihilya, dishilya (/ mouillé) a été généralement
expliqué comme un composé de dï-, dis-, et d'un dérivé de hil,
semence, face, irl. sil. Ce mot a des sens variés : égrener en
froissant les épis, s'égrener, s'échapper, fuir comme le blé d'un
sac percé, d'un épi ou d'une gerbe quand la sécheresse l'en
fait tomber par grains (Ernault, Gloss. à dishilya). Mon col-
lègue C. Marstrander, dans une lettre datée du 30 juillet der-
nier, m'écrit que c'est l'équivalent exact de l'irl. silim 2 (ini.
1 . En vieux slave, le mot correspondant a le sens de « bleu » (des yeux) ;
en russe, celui de « jaune, couleur isabelle ».
2. Windisch, Wôrt.tt GY.,§)6, fait remonter silim k*suel- en se fondant
sur les formes sibl- de son prétérit et de son futur. Ainsi, Tâin B.C.
6078 : go ro shiblur-sa mb'fhual uaim, pour que j'évacue (fasse couler) mon
urine. « Silim, m'écrit Marstrander, a emprunté son subj. sibl à sel, con-sela
*suel- a dû former son présent en *-io- (*seilim, *silim) et a ainsi été con-
fondu avec silim. Plus tard le dénominatif sela- est devenu régulier ».
142 /. Lot h.
sileadh) qui a le sens ordinaire de : je verse goutte à goutte, je
fais couler lentement, je distille. Il me cite à l'appui des expres-
sions qu'il a lui-même relevées dans l'irlandais de Blasket
Island et qui me paraissent décisives : ta na gràinneacha silte
cbeana asna léiseacha, ta an choirce comh habaidh sin « les grains
sont tombés des épis; l'avoine est si mûre » — ta an arbhar a
sileadh « le blé est en train de répandre (les grains) ».
Comme il en fait la remarque, le celtique sil- est identique
au germanique sil- : suédoisdial. sila, couler doucement (v. n.
sil stillstehendes oder langsam fliessendes Wasser zwischen
zwei Fàllen). C'est le même mot qui se retrouve dans le got.
ana-silan, abandonner, cesser, devenir calme. C'est de ce sens
qu'on est parti pour rapprocher le latin sileo : opinion avancée
par Falk-Torp et que serait disposé à admettre Marstrander.
On peut appuyer l'hypothèse qui ramène sileo à l'irl. «7m» et
aux mots germaniques dérivés de «7- par le breton de Cor-
nouaille dishillan, dishillon (Il mouillés : Troude, Dict. bret-
franç.) : le moment où la mer cesse de monter.
Hi[ dans dihilya peut remonter à un vieux-celt. sil- ou sïl-
dont Vi aurait été fixé par une terminaison *-io-. La racine
indo-europ. est *sèi~, 5/- qui a le sens général de « couler len-
tement ».
L'irlandais moderne siolân, passoire, filtre, est dérivé du
même thème que silim.
A la même racine sèi, si- remontent : irl. moy- sithlaim,
mod. siotbluigim, je passe, je filtre ; siothlân, passoire; gallois
hidlo, même sens; breton moyen si^l, passoire, couloir ; mod.
sil ' ; vieux-celt. *sitl- remonte à un indo-eur. *setl- ; germa-
nique *sâdla- (v. n. sâld 2). L'irlandais a généralement un ï bref.
Cependant dialectalement on constate l : Dinneen, à côté de
sioltân, sioltuighim donne sioltan (Donegal) : cf. éc. sioladh. Au
lieu de sithlaim, on eût attendu silaim ; c'est vraisemblablement
un fait d'analogie. La forme régulière paraît se trouver dans
1. si^l à côté du gallois hidl s'explique par la phonétique de phrase ; cf.
se, hé, en gallois, en breton. se(je) et he, pronom démonstratif.
2. Un got. sêd! est indiqué par le karélien siekla, finn. seula, tamis (Falk-
Torp, Norw.-dân. Et. W. zsold).
Notes étymologiques et lexicograpbiques. 143
l'irlandais moderne séaluighuim, je passe, je filtre ; séalân, pas-
soire, filtre (*sitlo-, puis setlo-). Dinneen cite le curieux sens : do
shéaluigb se, il mourut (Connaught) : il a passé, cessé de passer.
399. Irlandais moyen tangnacht, gallois ir-dang.
Tangnacht se montre dans le Tâin B.C. 1. 6528, p. 814 : ar
tangnacht, contre la fourberie. Windisch s'appuie sur O'Clery :
tangnacht .i. meabhal no feall. H. Add. donne air tanghnacbt ,
ce qui rendrait la forme douteuse, mais c'est sans doute une
fausse lecture ; en effet, on trouve dans le Lecan Gl. tangnacht
422 et même tanga i. feall, M. 233. C'est peut-être un terme
de même origine qui paraît dans le composé gallois ir-dang,
stupeur (John Walters, Dict. : irdang, amazement). La graphie
irdang ferait penser à tang, tanc, paix, mais le sens s'y oppose :
c'est sans doute dû à une fausse analogie.
Ir a le même sens que dans ir-llonedd, colère ; ir-dant, fré-
quent en moyen-gallois et qui paraît avoir un sens analogue à
ir-dang.
400. Gallois rhawd, gaeafrawd ; irl. moy. geimred,
samrad (mod. geimhreadh, samhradh) ; irl. RA1THE ; gall.-
moyen rot, mod. rhod, rhodwedd ; vieil irl. roithiud.
Ifor Williams (Bull, of the board of Celt. stud. II, p. 30)
rapproche fort ingénieusement le moyen-gallois gaeafrawd de
l'irl. moy. gemred, hiver.
Rawd serait un ancien mot jouant le rôle de suffixe au
même titre que -ret et appartiendrait à la même racine.
rhawd se trouve fréquemment en moyen-gallois avec le sens
de troupe, volée de (rawd 0 beleidyr l, volée de traits, Myv. Arch.
165,1).
L'auteur cite à côté degaeafravd, caethrawd, captivité, période
de captivité.
Il me paraît sûr que rhawt est pour un indo-eur. *rôt-, à un
autre degré vocalique que *-ret.
Il apparaît dans le composé bedrawt, cimetière. Osthoff a
1. Les exemples abondent. Il y en a un dans leGorchan Tutvwlch (F. a.
B., II, 93-9)-
144 /• Lot h.
vu, dans le second terme de ce composé, le même mot que
l'irl. rdth, rdith, fort, résidence fortifiée, ce qui est contraire
au sens. Bedrawd (moyen-breton beyet) est un collectif, une
série, une succession de tombes, une nécropole.
Myv. Arch. 231.1, le poète demande le pardon à Dieu :
Kyn bwyf rawd bedrawd ymplith beteu. Il est possible qu'il y
ait une sorte de jeu de mots dans l'intention du poète qui
paraît savoir le sens collectif de bedrawd : « avant que je ne
sois un membre du cimetière au milieu des tombes ».
On pourrait peut-être aussi donner à rawd le sens de « pé-
riode de temps » : « avant que je n'atteigne (aie ') la période
du cimetière ».
Ce sens me paraît certain dans l'exemple suivant (M. A.
140. 1) : le poète fait l'éloge funèbre de Gruffudd ap Cynan et
s'étend sur ses exploits guerriers avant sa mort : cyn rewin-
rhawd « avant la période de la ruine (destruction, mort) ».
Ainsi s'explique un mot irlandais curieux, sur lequel on a
beaucoup divagué ; c'est rdithe, quart d'année. Ce sens parti-
culier lui vient du fait que l'année irlandaise a été partagée en
quatre saisons. On retrouve même rât- (rawt-) ou son équi-
valent dans deux de ces saisons ou périodes : gemred, hiver,
samrad, été.
Le sens de « période, cours » est bien marqué dans le gaé-
lique d'Ecosse : ràithe sneachdach ; rdithe réotach : période nei-
geuse, période de gelée. En irl. dialectal (Derry), d'après Din-
neen, rdithe a le sens de tourbillon en parlant de neige : souve-
nir du sens étymologique de *rât-. C'est un sens analogue que
l'on reconnaît dans gaefrawd qu'Ifor Williams traduit par
Winter-storm.
Rod existe seul dans un sens analogue à rhodwedd. Rhod-
wedd a nettement le sens de « course, carrière » dans cet
exemple de Phylip Brydydd poète du xme siècle (Myv. Arch.
259.2):
Trafo lloer a heul ar eu rhodwedd
« tant que la lune et le soleil parcourront leur carrière ».
1. Sur la valeur de bod dans le sens d'avoir, cf. Rem. et add. à VIntrod.
de Stracban, p. 101.
Notes étymologiques et lexicographiques. 145
Il peut y avoir ici une influence de rhod, roue '. De plus la
quantité de 0 est incertaine ; on peut cependant le supposer
bref, rot existant seul avec un sens différent mais qui peut s'y
ramener.
M. A. 165.1 :
Gweleis y glod a rod
« j'ai vu sa gloire et sa marche glorieuse ». Ibid., 246.1 (en
parlant du grand chef Llywelyn ab Iorwerth) :
Hud el yn ryvel hyd yn Ruvein
ae raclod ae rod
« Ira sûrement en guerre, jusqu'à Rome sa gloire incomparable
et sa marche (triomphante) ». C'est très vraisemblablement
ce rot qu'on a dans le nom propre v.-gall. Rot-ri, plus tard
Rhodri ; les trois degrés vocal iques ë, ô, à (ô) existant aussi bien
en goidélique qu'en brittonique, à côté de rèl-i l'irlandais a
un verbe caûsatif à degré ô : vieil-irl. (Thés. pal. I, 116, 27) :
in roithiud roithes alaithe alaill riam « l'impulsion par laquelle
le jour pousse l'autre devant lui ». (Cf. Pedersen, Vergl. Gr.
II, 600, Anm.). Rât- (rôt-) apparaît au prétérit dans les deux
groupes (gall. moy. giuaraivt, gwrthrawt).
Le gallois rhodres, orgueil, pompe, paraît avoir pour pre-
mier terme rhod ; mais c'est fort douteux à cause de la forme
rhyodres qui a le même sens. Rhodres peut être pour ro-odres :
de même dodrefn se trouve plus anciennement sous la forme
do-odrefen, à côté de dyodrefn. Pour rhy-odres, cf. le vieux-bre-
ton ro-gotetic, gl. creditam ; cf. irl. mod. gothadh qui a, au plu-
riel, le sens de « prétentions, avis avantageux, vantardise »
(Dinneen).
Le gallois rhodwydd n'a pas été compris par les lexicographes
gallois, à commencer par John Rhys et Gwenogvryn Evans
dans leur édition du Book of Llandav.
1. J. Vendryes me fait obligeamment remarquer qu'il y a deux *roto- en
celtique ; l'un signifiant roue (cf. latin rota et gr. rpo/o'ç). l'autre signifiant
course (cf. gr. too'-^o;). On a, en vieil-irl., ajoute-t-il, i-routh, gl. in staJio
{Wb. 11 a 3). Cf. Rev. Celt., XXXIII, 374.
Reine Celtique, XLIII. 10
146 y. Loi h.
Ils traduisent le nom de lieu Rotguidou par tituber forts et
rapprochent rot de l'irl. râth. O' Pughe traduit rhodwydd par
open-course. Rhodwydd est évidemment identique au moyen-
breton rodoed : Cart. de Landévennec Rodoed carn, vadum
corneum. Pour les formes bretonnes de ce mot, cf. Chrest.
bret.,p. 162. On peut rapprocher rhodwydd de rhyd, gué, d'après
le sens mais le gallois -wydd et le breton -wed, -oed (wed) sup-
posent un vieux-celtique ijeid-, dont l'origine est obscure.
401. Gallois rhiw.
Rhiw est connu à toute époque et est commun dans la topo-
nomastique galloise ; son sens courant est : « acclivité, décli-
vité d'une colline ». Il semble, d'après certains textes, qu'il
désigne plus précisément une pente abrupte, d'un accès diffi-
cile, facile à défendre :
L. Rouge 281.4 :
Kyndylan kae di y riw
Yn y daw Lloegyrwys hediw
« Kyndylan, ferme la pente, jusqu'à ce que (en attendant
que) viennent les Loegriens aujourd'hui ».
Le mot est féminin comme l'indique le nom de lieu y Riw
veien (L. Rouge 266.16). Rhiw paraît isolé dans la famille
celtique. Sa parenté est probable avec le latin ripa, grec êpswm;,
pente abrupte, cf. v. isl. rifa, rumpere (Walde, Lat. Et. W.).
402. Gallois RHUMEN.
Le gallois rhumen, rhummen f. a le sens de « panse » et
« mamelle » (ce dernier sens chez Thomas Richards). Rhu-
men est singulatif. O. Pughe donne même le substantif rhu-
mog, f. avec ce sens. Le mot est isolé aussi bien dans les langues
brittoniques que dans les goidéliques. Si rhumen est celtique,
comme il n'y a pas à ma connaissance de raison d'en douter,
rum- suppose un vieux-celtique *rou-smo- ou *rou-smà-. La
parenté avec le latin rumen, estomac, œsophage, paraît très
probable (cf. Walde, à rùtna, rumen ').
1. Walde traduit rumen par sàugende Brust.
Noies étymologiques et lexicographiques. 147
403. Irlandais moyen ussarb; gallois servyll, servan.
Ussarb est glosé par bas, mort (Corm., p. 43, ap. Winà.
WôrlS) ; ce sens est confirmé par ussairb, 3e per3. sg. prés.
(Whitley Stokes, Eulogy of Cûrôi : Eriu II, p. 12 et suiv.).
Stokes l'a rapproché de l'ail, slerben, angl. to starve.
O. Pughe traduit serfyll par : waggling, di^y, cra^y (usé,
décrépit). Il en donne cet exemple tiré d'un poète de la fin du
xvie siècle : serfyll oer bebyll yiurbyd
« c'est une tente froide, ruineuse (prête à tomber ou en
ruines) que le monde ». Pour Thomas Richards le sens est :
sur le point de tomber. J. Morris Jones (Gr., p. 148) le traduit
par prostrate. Le dérivé de la même racine, serfan chez H. Salis-
bury, a le sens de stupid, dérivé évidemment de : qui reste
interdit, en état de stupeur, figé. Ces variétés de sens se
retrouvent en grande partie dans les langues germaniques :
Walde, Lat. Et. W . a torpeo, explique l'anglo-saxon stearfan,
mourir, par erstarren, être rigide, raide ; le vieil-isl. stjarfe, est
traduit par lui par starrkrampf.
L'irl. ussarb remonte k*ud-sterb ; *serb = indo-europ. sterbh
(cf. a-rpiî/vioç chez Hesychius « raide »). Serfyll, serfan sont des
dérivés de *sterbh (O. Pughe donne le verbe serf-u, mais sans
exemple).
Peut-être pourrait-on rapprocher de serfyll le nom propre
breton assez répandu Servel.
404. Vieil-irlandais serr ; irlandais moderne searr; gallois
SERTH, SWRTH, SYRTH, SYRTHIO ; breton SERZ.
Serr (Gl. de Cormac, p. 41) est expliqué d'une façon a priori
contradictoire : serr, cach n-uallach ocus cach n-ogla ; serr, tout
ce qui est hautain et tout ce qui est timide. En irlandais
moderne, searr qui correspond à serr de Cormac, n'a qu'un
des sens : tout petit animal craintif, prompt à tressaillir (par
exemple, un petit enfant sur les talons de sa mère ; Dinneen).
O'Reilly donne searr, frayeur. Le brittonique donne l'explica-
tion de cette apparente anomalie. Le gallois serthz le sens de :
« qui est à pic, escarpé » et en même temps de «.qui est en
pente rapide, penché ». Les nombreux composés de serth par-
ticipent de ce sens : serthan f., précipice, falaise ; serthiis, en
148 ;. Lot h.
pente. Le breton ser% ne signifie que « ferme, droit », serr
« vertical » (Le Moal, Suppl.). Cependant, en parlant du vent,
serza signifie : monter, s'élever ' : opposé à gou^a, baisser.
Tous ces sens se retrouvent dans les mots germaniques déri-
vés de ster-, siert- ; starr a le sens de raide (cf. Falk-Torp à
staer, II). Le moyen haut ail. ster^en 2, v. norr. upstertr, qui
s'élève au-dessus, a le sens de se dresser, s'élever, comme le
breton ser\ (Falk-Torp. à stjert).
A côté de serth, le gallois a syrth, chute ; syrthio, tomber,
primitivement, semble-t-il, s'écrouler, se précipiter \ C'est le
sens du norvégien styrte, tomber, s'abattre; or styrt, v. norr.
stirdr, qui ne peut en être séparé, a le sens de « raide, qui ne plie
pas, hostile ». Ce mot styrt sort de *stertio-, dérivé de *sterto-.
Le sens de l'irl. moderne searr se retrouve dans le moyen-
anglais sterten (anglais start), tressaillir, sursauter; dans l'an-
glais jtartle, faire tressaillir -(cf. ags. steartlian, trébucher).
Falk-Torp ramène ces différents sens à la même racine ster-,
raide.
Le gallois syrthio, tomber, pourrait remonter à *sterl-, mais
non syrth, chute, à moins qu'on ne suppose un vieux-celtique
*sterti. Au contraire, syrth dériverait régulièrement de swrth
= *stur-to- par *stur-tio- ; swrth a le sens de « tombé, abattu ».
i . A Molènes, on dit ser\a'ra an avel, quand le vent tend à souffler de la
région du ciel entre est et nord. Tout vent dans cette direction s'appelle
avel ierz ou avel ncliel. Quand il vient jusqu'à bi^ (nord-est), on dit ser^et eo
« il est haut en plein ». Quand le vent tend à souffler entre ouest et sud, on
dit : gou\i%a'ra an avel (communication de J. Cuillandre).
2. Le norvégien starra, sierra, se raidir, s'évertuer ; storra seg, se tendre,
concentrer, rappelle le sens du gallois ymserthù, ymserth, discorde : vmsertb
gîvreig sydd fel de/ni parhaus « les querelles (O. P. traduit par contention) ou
mauvais propos de la femme sont comme des gouttes d'eau incessantes ».
ymserthù paraît avoir aussi le sens de « s'abaisser à ». Le sens primitif a dû
être « se dresser contre, se tendre ».
3. Ce sens paraît indiqué dans ce passage du L. Tal. (Skene F.a.B., II,
216.4) :
neiCr byt bel syrthei
Pyar yt givydei
« ou bien si le monde s'écroulait, sur quoi tomberait-il? » Le texte de
Skene porte syrchei, erreur évidente, de même syrch pour syrth 214.2;
237.2.
Noies étymologiques et lexicographiques. 149
Le féminin sorlh a pu amener la création d'un masculin
swrth, mais il faudrait en trouver des exemples anciens.
Si sivrth remonte à un vieux-celtique *sturto-, il est à com-
parer au grec izzûptù =*xtuptw, je rends craintif; --.-jpoy.cv., je
deviens craintif, je prends peur. Walde ramène -stem, dans
consternare, grec icripto, v. h. a. -siornên, être frappé d'étonne-
ment, de stupeur, à un indo-eur. *pster, *pslur. Swrth = stur-
(*pstur-) s'en accommoderait au point de vue phonétique.
Swrth aie sens d'abattre, mais aussi, d'après O. Pughe, le sens
de : disposé à s'assoupir, indolent, lourdaud : ces sens pour-
raient procéder de celui de : stupéfié, ahuri.
Mais syrth, qui ne peut en être séparé, a le sens non seule-
ment de « chute », mais de « penchant » : syrth anian, pen-
chant de nature ; lie syrth, signifie « lieu escarpé » ; swrth, syrth
ne peuvent être séparés de serth. Mieux vaut, en conséquence,
supposer un vieux-celtique *storto : Vu de swrth aurait rem-
placé 0 ' ce qui se produit devant liquide -\- spirante {twrch,
iwrch). Les sens relevés en gallois, en irlandais et en germa-
nique, s'expliquent bien par ster-, avec des variantes voca-
liques stor-, str.
Ster- raide, ferme, explique bien le vieil-irl. seirt, « force »
de *sterti-. Peut-être peut-on y rapporter aussi le gallois ystern
dans ce passage de L. Tal. F. a. B. II, 133, 32.
curw pan yw ystern «... que la bière est forte ».
Pedersen, Vergl. Gr. II, 62e, tire sernim, je distends, de
*ster-(n-) ainsi que les formes bretonnes : v. bret. strcuis, gl.
stravi ; vannet. strewein, éparpiller, disperser, étendre ; streuet
(bas-vann. strdwdt) litière qu'on étend dans la cour et dans les
endroits où passe le bétail pour en faire du fumier \
Stokes (Urk. Spr., p. 301) tire sernims de s(p)crnô et y rap-
porte sréim, sréditn, je jette («reaCptd, v. h. a. sprtstan) mais se
demande si on n'est pas en présence de sterno. L'irlandais
moderne distingue nettement sernaim, je délie, relâche, disperse
(sens vieilli) deserraim, je distends, étends mes membres pour
1. Sorth parait dans le L. Tal. (F. a. B., II. 188. 6), mais le sens n'en est
pas clair.
2. A remarquer le sens du lit. stnlja, écurie avec de la paille étendue.
150 /. Loth.
me mettre à l'aise ; serradh, action de distendre les membres,
distendre la bouche pour bâiller, gonfler un ballon. Il est très
probable qu'il y a eu confusion entre ster et sper : cf. norv.
sperre, écarter ; ail. sperreti, écarter largement (écarter les
jambes); cf. Falk-Torp à sperren, sprede.
405. Irlandais moderne searathân, spearthach.
Sperthach, m., est une corde pour le bétail. A priori, on
est tenté de conclure à un emprunt, en raison de sp initial.
Cependant, il n'y a, en anglais, aucun mot, à ma connaissance,
s'y rapportant. L'anglo-saxon spearrian n'a que le sens de
barricader (cf. anglais spar). De plus, ce qui paraît décisif, il
y a un mot de même sens et de forme celtique qu'on ne peut
supposer emprunté : searathân, corde liée autour des tendons
d'une bête à corne au-dessus du jarret pour l'empêcher de
vagabonder; c'est aussi une ficelle nouée autour du pantalon
à la hauteur du genou, quand on laboure (Dinneen).
S'il s'agit, comme il semble, de deux mots appartenant à la
même racine, searathân supposerait une racine *sper- et spear-
thach, un indo-eur. *%bhër-, c'est-à-dire *spher- et *bher- (jbher-~) :
cf. Falk-Torp, Norw.-dàn. Et. W~, à sparre, sperre et barre.
406. Irlandais moyen serriach ; latin parra ; anglais spar-
rowhawk.
Serriach, milan, est évidemment un composé de serr- et de
féach, corbeau. Stokes {In cath cath. Index, 3206) cite un dou-
blet orthographique serr-fédch. La composition rappelle celle
de l'anglais sparrowhawk, épervier ; v. norr. sporrhawkr. Quant
à -serr, il se rattache d'un côté au latin parra, oiseau dont le
cri est de mauvais augure, et au v.h.a. sparo, anglais sparrow,
moineau, par son s initial (Falk-Torp, à spurve). Parra =
*paresà ; serr- = sperrà- ou spërro- ; ide. spersâ-. Walde (Lat.
Et. W.) cite l'étymologie de Hoffmann qui les rapproche de
azaipst. aXXsTai, axtpxà ; latin sperno ?
407. Gall. torri, torredlu, torredwynt ; bret. torr, terri;
comique torraf, terry, tyrry.
Torri, terri, tyrri sont usités à toute époque dans le sens de
Notes étymologiques et lexicographiques. 1 5 1
« briser ». L'étymologie n'en est --pas sûre. Le gallois moyen
présente deux composés intéressants :
torredlu et torredwynt.
Torredlu paraît dans le Brut Gruff. ab Arthur (M. A. 594. 1) :
e menegit idaw vot er amherawdyr wedy lluestu yn agaws eno a
thorredlu ganthaw « on lui annonça que l'empereur campait
là auprès avec une armée formidable. » Dans les notes, ibid.,
p. 594, note 561, le mot est ainsi commenté : a chymeint 0 lu
ganthaw de nat oed hawd y neb y arhos « et une si grande armée
avec lui qu'il n'était facile à personne de l'affronter. » Torredlu
a le sens de « irrésistible, qui doit tout briser. »
Le poète Llygat Gwr (Af. A., 240.1) compare ainsi un
chef :
twryf torredwynt mawr uch mor ddiffeith
« fracas d'un grand vent impétueux au-dessus de la mer
stérile. » Torredwynt est le vent qui souffle en tempête et brise.
Il existe en moyen-gallois un futur torredawt : L. Rouge {F.
a.B. 11.236, 3) :
Torredawt geir a chreirieu
« on brisera la parole donnée et les reliques. »
En présence de ces composés, on pense tout naturellement
au point de vue de l'origine, au latin torrens. On le tire de la
même racine que torreo, ce qui paraît quelque peu forcé.
408. Irlandais moyen scret, irlandais moderne scread,
sgread ; gallois moyen dyscrethein.
Scread a le sens général de « cri » avec diverses variétés de
signification (cri perçant, vocifération, etc.). Il a de nombreux
dérivés : screadach, action de crier ; screadach, qui crie ;
screadachàn, petit enfant qui crie ; screadaim, je crie ; screadân,
bruit de toute chose qu'on déchire (par exemple, du papier),
etc. Windisch (JVôrt .) cite scret-gaire na n-artn, le cliquetis
ou fracas des armes, LU., p. 123-29.
Le seul mot gallois de même origine et primitivement de
i52 /• Lotb.
même signification est, à ma connaissance, le moyen gallois
dyscrethein (M. A., 546.2 : Brut Gr. ab Arthur} : ac vellye huant
en emfustiaiu eny ettoed e rei byw en kolli eu synywyr 0 dostur klywet
e rei meiriu en dyscrethein ac en dilwyn eneil « et ils furent ainsi
se battant au point que les vivants perdaient leur raison par
douleur d'entendre les mourants râlant et rendant l'âme. » La
version publiée dans la M. A. sous le titre de nodiadau, notes
(ce sont des variantes assez étendues) remplace dyscrethein par
le mot vague de cwynvan. plainte, lamentation (M. A., p. 596,
note 591).
Le sens réel s'éclaire par la comparaison avec les langues
germaniques. Scret, -screth- supposent un vieux-celtique *skrett-
que Zupitza explique de façon fort satisfaisante par un indo-
eur. *skred-nô- (K.Z., 36, 243). Il en rapproche le danois skratte,
faire entendre un ton brusque, norvégien : rire aux éclats ;
vieux-danois skrade, râle, râlement. Zupitza cite également
l'ags. scrallettan, ail. schrill, perçant (son) = *shadl-, skredl-.
Schrôder, Z.f. d. A., 42, 63, rattache schrill = *skrid-lo-, au
got. dis-kreitan, déchirer, ce qui rappelle le sens de screadân
(Falk-Torp, Nonv.-dàn. Et. W . à skralte, et p. 1 544, à skralde).
Dyscrethein = di- (dy- atone) -f- screttani '.
409. Gallois cre, dychre ; gallois cryg, ysgrech ; irlan-
dais moyen screch, irlandais moderne scréach, gréach ;
breton screo.
Cre, à toute époque a le sens de « croassement, croasser » :
M. A. 207.1
y fort ygertwyf gwrt yd gre branhes
« par où je passe, vigoureusement croasse la troupe des
corbeaux. »
Ibid. 226.1 creynt hicvrein « les corbeaux croassaient. »
1. J. M. Jones, Grammar, p. 389, ii. 4 rapproche avec raison les subs-
tantifs verbaux comme llefain, germain des infinitifs grecs comme do-|j.ev-
ai(gerniain = garmmam — ide. gar-smen-ai). En revanche, il n'est pas prouvé
que ce soit par analogie que -ain se trouverait ailleurs que dans les formes
en -man(-men), -niant, par exemple dans diaspedein (diaspat, grand cri).
Notes étymologiques et lexicographiques. 153
Dychre a le même sens : M. A. 204.2 :
Rac gelyn Bryneich branhes dychre
« devant l'ennemi de Bryneich, la troupe des corbeaux
croasse. » (id. ibid. 214.1).
Dychre a. peut-être un sens intensif : il est composé de di-
(non accentué dy) -s (ex) -cre~ Cre peut représenter (s)kreg-
oucrep- (cf. latin crepo, Walde, Lat. Et. W.); pour (s)kreg-,
cf. Falk-Torp, Norw.-ddn. Et. W. à skrig. On pourrait aussi
songer à un substantif *krïgd, à cause de cryg.
Le gallois cryg, rauque, remonte à *kriko- ; ysgrech, yscrech,
cri perçant, représente *(s)kriknâ ou *{s)krig-nâ (cf. grec
L'irlandais moyen screcha été expliqué par un vieux-celtique
*skrikâ, et grech qui a un sens analogue par *grikâ. Mais Tir-
landais moderne scréach, sgrèach, gréach, ne peuvent s'expliquer
ainsi en raison de la longueur de ê due évidemment à un
allongement compensatif. On a longtemps cru aussi que
crecht, blessure, avait un ë bref, faute d'avoir tenu compte de
la graphie moderne créacht ; crecht se trouve d'ailleurs, avec le
signe de la longueur en irlandais moyen. C'est un u que
scréach a dû perdre. Il existe, en effet, à Molènes, d'après une
communication de M. Cuillandre, un oiseau de mer au cri
perçant du nom de screo {screo en une syllabe), plur. screvet
(// devenu v entre palatales). Il y a aussi un pluriel scravet,
formé sur un sing. usité ailleurs scrav, scraf, éterlet, oiseau
de mer ressemblant à un pigeon blanc, la tête en partie noire,
les pattes rouges (Le Pelletier, d'après Ernault, Gloss.). Scrav
suppose skrab- ; ci. lit. skrebëti, faire du bruit, crépiter; dou-
blet (s)krep-, crepare (Falk-Torp, Norw.-dân. Et. W. zskravk:
v. norr. skrafa, bavarder, jacasser ; v. n. skarfr, cormoran,
cité aussi par Ernault).
Scréach remonterait donc a skreuâkâ-. Gréach suppose de
même greuàkà. Screo sort de skreuo- (ce pourrait être aussi
skrauio-) ; scréach, sgrèach, gréach feraient penser à un indo-
européen *igreu, greu-.
Si en irl. mod. screch, grech, ont réellement è bref, il y aurait
154 /• Loih.
eu deux formations différentes, ce qui ne serait pas surpre-
nant dans ces mots commençant par kr-, skr- où l'onomato-
pée joue un rôle important.
410. Breton steudenn ; gallois AN-sodi ; irlandais sâidim,
sâithim ; gallois hodi ; breton dihodein ; breton arstud,
ARSTUZ, STU.
Le breton steudenn a deux sens fort différents (Ernault,
Gloss.).
i° tenon de mortaise ; pointe : iacho steuden ver, des clous à
pointe courte ; sleudennet mat, bien fixé, bien monté ; languette
d'une balance ' ; steut, au sens métaphorique dérivé de l'idée
de fixer, planter, a le sens d'attention : rein steut (et steii)a"er-
go\, faire attention à la conversation ; gant steud, avec atten-
tion ;
2e rangée, file, série ; steut, f., rangée de gerbes ; bernou
foùen graet a steudennou, tas de foin faits par rangées; vanne-
tais sted (bas-vann. stôt avec ô bref), rangée, aussi volée de
coups de bâton, astet, à la file ; stedein, aligner (le foin : Le
Goff, SuppL).
Dans le premier sens, steut, steuden suppose vieux-celt.
stà-t- ; avec un suffixe différent -d-, il est identique au gallois
-sawd, -sodi : Brut Gruff. ab Arthur, M. A., p. 582 : y tarw
a ansoda y gyrn yndunt, « le taureau plantera ses cornes en
eux. »
De ce sens de « planter, fixer », an sawd a pris le sens de
« condition stable, état dans lequel on se trouve, personnage
dont on fait fonction 2 ».
Avec coin-, ansodi prend le sens de « composer, constituer,
établir ». En vieil-irl. in-sâidim, gl. jacio(PrisciendeCarlsruhe,
Thés. pal. II, 228, 297) ;saidim gl. figo(Cormac Transi. 76);
sâthud (Atk, Leb. Pr. 1236) a le sens de planter (des clous),
ce qui rappelle le breton tacho steuden ver. En irl. moderne,
1. Dans ce sens, cf. vannetais stedel, ficelle qui agit sur lé loquet (Groix,
d'après Le Goff, Suppl.). Cela s'expliquerait par le sens de « lancer ».
2. S. Evans cite aussi un passage du saint Graal où ansaivâ porte sur des
vivres ; cf. dans la grammaire de John David Rhys, ansaml 0 fwyd a llyn,
provision de nourriture et de boisson. Le sens a dû être « fond. »
Notes étymologiques et lexicographiques. 1 5 5
sâithim a le sens de « lancer, pousser, piquer, planter » ;sâidhte,
« fiché, planté dedans, enfoncé ». Pedersen (Vergl. Gr. II, 605)
croit sâd- plus ancien que sât- (sâthud). Le gallois ansoâi serait
en faveur de cette hypothèse, mais à côté de sawd, on trouve
en gallois des composés en -sawt, qui cependant paraissent
moins anciens. Ce qui établit l'existence d'une forme sàt- en
vieux-britt. c'est le breton steut, steud. Il faut donc admettre
l'existence en vieux-celtique d'une double forme stâ-t-, stâ-d-.
L'irlandais pourrait s'expliquer par un indo-eur. sâd- : (an-
sàdail, « incertain, pas fixé, instable »). Pedersen, en effet,
y voit un causatif à sed- (sod- : suide = sodio-), mais l'accord
de sens avec le gallois et le breton doit faire préférer la déri-
vation de stà.
A stu- (*steu, *stoiî), se rapporte le vieux-breton arstud, gl.
cuspis ' ; voc. corn, stnt (stud) culex; breton astu%, vermine;
gallois cystud- au sens métaphorique « affliction, douleur ».
Le bas-vannetais stu {stu) employé couramment, notamment
dans la région de Guémené-sur-Scorff, a le sens d'« assole-
ment, première façon donnée à la terre ; pour le sens, d. l'alle-
mand brache, jachère (action de briser la terre, l'ouvrir pour
la première fois). Stu est pour stud : cf. léonard di-stu^, tra-
duit par « jachère » (qui est en jachère) ; proprement qui n'a
pas été labouré, qui n'a pas reçu un premier labour.
Le sens de steut, attention soutenue, malgré la différence de
dentale, est identique à celui du latin studeo, qui paraît aussi
plus anciennement avoir eu le sens de chercher où frapper
(Walde, Lat. Et. IV.). A ce- thème, on rapporte le got. stau-
tan, v.h.a. stoiftn, allemand stot^en, heurter, pousser avec les
cornes. Cf. Falk-Torp, Norw.-dàn. Et. W.2. stede. Pour stud-,
tud-, cf. Walde à tundo.
A steut, steuden, se rattache le gallois ystawd, ystod, qui a,
1 . Le breton moyen esteu^el a le sens de percé (d'un glaive de douleur) ;
(mère) navrée (de douleur). C'est un participe de esteti^ijf, qui a le sens
d'éteindre ; steasia, s'abîmer, disparaître (Ernault, Gl. à esteu\iff). Dans le
sens de percé, navré, esteu^et rappelle singulièrement arstud et le gallois
cystud. Il y a une variante estu^if qui n'est pas décisive, car u peut repré-
senter o. En tout cas, dans ce sens, on peut supposer un mot dérivé de *stàd-
comme steudenn à côté de stud dérivé de *stoud-. Estcusifl remonte à *ex-stâd.
156 J. Loi h.
en matière d'agriculture, le sens d'andain, fauchée. En parlant
du temps, ystod a le sens de période : steut, ystod = *stâ-tâ.
Pour le sens, d. v. norr. staâi (sta-t-), tas de blé dans la
grange ; v.h.a. stadal, tas de blé (cf. Falk-Torp, à stel, et slod —
*stàtô-).
Stokes (Indexa /;/ cath Cath., 3163) rapproche sâdud (qui
serait, d'après lui, pour sdthud) d'un gallois bode, action de
planter, percer. Hode doit être une mauvaise graphie pour
bodi qui ne me paraît pas exister dans ce sens. En revanche,
haivd existe avec un sens précis. O. Pughe cite l'expression
du gallois du Sud : y mat yr yd yn ei hawd ', the corn is in
its time of earing. C'est exactement le sens du vannetais
di-bodein, inbodein, monter en épi, graine. Hodi a existé en gal-
lois dans ce sens. Il faudrait donc, si on admet le rapproche-
ment avec sdthud , qu'il y ait eu un *sât-, *sôt-, diffèrent de *stâd-,
*stàt-, en vieux- celtique. Ce qui tendrait à fortifier ce rappro-
chement, c'est l'existence d'un pluriel bodi dans le sens de
wild schrubs, brakes. Le breton -bot- suppose sot-, Hot- serait
plutôt apparenté à sat- (irl. saithe, gall. baid ; breton hed,
essaim, et had, semence).
411. Breton stiogen, stiogan.
Ce mot, qu'on ne trouve dans aucun dictionnaire, est en
usage dans la région de Cap-Caval (Finistère), au témoignage
de M. Cuillandre, professeur au lycée de Quimper, dans le
sens de « pieuvre ». C'est un mot isolé dans la famille cel-
tique. Cependant son origine ne'paraît pas douteuse : stiogen
est un singulatif formé sur stioc qui a dû exister, s'il n'existe
pas encore, dans le sens collectif. Stioc vient de *stigâkà, de la
racine stîg-, « piquer, s'accrocher à »; cf. latin instigare, grec
<7-&o, 3-iyy.z; got. stiks ; vha. stih, ail. sticb, piqûre, point. Le
sens de piquer, s'accrocher, se fixer à, est celui de l'allemand
appartenant à la même racine stecken et caractérise parfaitement
la pieuvre. La terminaison -oc pour -eue-, -ce, est connue du
côté de Cap-Caval. Stiogan montre la terminaison -an bien
1. O'Pughe décompose Hawdclyr (Hauteclair), nom français de l'épée
d'Olivier en Hawd elyr qu'il traduit par the wbisk of the hornet !
Notes étymologiques et lexicographiques. 157
connue, qui a parfois en gallois un sens diminutif comme
l'irl. -an.
Il existe en bas-vannetaisun mot qui pourrait s'y rattacher :
e'est sti (itî) qu'aucun dictionnaire ne donne et qui figure
dans une strophe de la version de la fameuse chanson de la
Soupe cru lait, que j'ai recueillie et dont j'ai donné le texte avec
traduction dans le recueil de Bourgault-Ducoudray, Trente
mélodies populaires de Basse-Bretagne. Chaque couplet commence
par une invitation au biniou et à la bombarde de jouer avec
entrain. Voici celui où figure sti :
Zonet-u zpnerian l , çonet munut a sti
Ma er çouben a"er lech e tonet ar en ti
« sonnez, sonneurs, sonnez fin et serré, voici que la soupe
au lait vient sur le sol » (on la descend du trépied).
Dans le couplet suivant sti est remplacé par stanc (jtanc)
qui a le sens courant de « serré (sans arrêt) » :
Zonet-u zpnerian, %onet munut a stanc
Ma er ^puben der lech e tonet ar er banc
« sonnez, sonneurs, sonnez fin et serré, voie* que la soupe
au lait vient sur le banc » (du lit où sont les nouveaux mariés).
Sti a pu signifier d'abord « accroché à, qui ne se relâche
pas » ?
412. Irlandais moyen triath ; gallois trwyd.
Le Glossaire de Cormac donne triath, gén. tréith dans le
sens de roi : triath rex enim dicitur (p. 41) ; orc tréith À.
nomen do mac rig (nom à un fils de roi, p. 34). Il donne
aussi triath À. torec, mais avec un génitif tréithe. Les deux sens
de « roi, chef » et de « sanglier » paraissent confondus. Dans
le Melrical Dindshenckas (éd. d'Ed. Gwynn, 'p. 150), mucca
delbda druidechta, les sangliers enchantés de sorcellerie, sont des
princes ; ils tuent Glas à Belach Conglais :
dofuesat tréith i tescad
Co Bri Leith.
1 . La terminaison -iàn pour le haut-vannetais -ton n'est usitée dans le can-
ton de Guémenéque dans trois ou quatre communes à l'est ; ailleurs c'est -Un.
[58 /• Loi h.
« les sangliers emportèrent le prince en le mettant en pièces
jusqu'à Bri Leitli. »
Kd. Gwynn dans ses notes, croit que par tréith, il faut
entendre les chefs qui suivent la chasse, et non les sangliers
eux-mêmes. Il résulte du contexte que chefs et sangliers ne
font qu'un (vers 13-14) :
Fir na selgga sin amne
mucca derga Dreibrinne
« Les héros de cette chasse étaient ainsi (sous cette forme),
les sangliers rouges de Drebriu. » C'est encore confirmé par
le poème sur Duma Selga (p. 387).
Le sens du gallois trwyd a, sans doute, été le même à l'ori-
gine. Sur le twrch trwyd (cf. Orc tréith), cf. J. Loth, Mabin. I,
p. 310. Comme je l'ai montré, la forme trwyth n'est pas la
forme sincère et primitive. Le twrch trwyd est lui aussi un
fils de roi : il est fils du prince Tareâ.
Il me paraît très -probable que triath, chef et triath, sanglier,
ne sont à l'origine qu'un seul et même mot. Pour cette méta-
phore d. le vieux-norr. jçfurr, prince, proprement sanglier
(allem. eber).
Cependant il peut rester des doutes, ces mots étant isolés
dans la famille indo-européenne '.
413. Gallois TROCHI AD.
Ce mot ne peut être un dérivé de trwch, coupé et coupure,
incision, bret. trouch, ni de trwch, violent. Trwch a donné
trychiad, qui coupe, trychu, couper. (Trwch violent, suppose
*trnks-; cf. latin trux, trucis). Trochiad est assez fréquent en
moyen-gallois : Myv. Arch. 262.2 :
cad gyrehyad Uavyn drochiad Uew
« lion qui cherche le combat, lame d'épée — »
1. Enirl. moderne, il s'est formé une nouvelle déclinaison sur triath,
chef, génit. triaith. Triath a été donné comme féminin, probablement d'a-
près l'analogie de mucc.
Notes étymologiques et lexicographiques. 159
L. Noir 39.4, trochiad se dit de Higwel ap Goronwy ; ci.
Myv. Arch. 188. 1 (Cynddelw) :
Traivs trochiad, kyrehyad, pell kyrehir y veirch
« ce violent. . . qui cherche (le combat) : ses chevaux, on
va les chercher au loin '. » Cf. ibid. 1 57. i . Troch se trouve
seul dans un passage du Livre de Taliessin 150.37 :
Tri dillyn diachor droch drymlûawc
« Trois élégants 2 qu'on ne peut atteindre, ... à l'armée
accablante 3. »
Phonétiquement troch, trochiad, en gallois, ne peuvent
s'expliquer que par tronk-, comme trochi, immerger, se bai-
gner ; breton moy. gou^ronequet, baigner, se baigner. Pour le
sens, on ne peut les identifier que par une métaphore quelque
peu aventurée et une forte ellipse. Trochiad pourrait s'expli-
quer par : qui aime à se baigner (dans le sens de « à plon-
ger »). Il y a une apparence de justification dans l'expression :
golchiad ei lain, sa lame d'épée qui se lave ou lav^ dans le
sang : (cf. laver une injure dans le sang, en français). Ce sens
est des plus clairs dans Myv. Arch. 161.1 :
Golchynt eu deurut dewr iveissyon 0 gad
« Ils lavaient leurs joues (c'est-à-dire) leur honneur 4 (dans
le sang), ces vaillants serviteurs sortant du combat. » Golchiw
(je laverai) paraît employé dans un sens analogue, L. Noir,
56.8. Si trochiad, comme cela paraît plus naturel, est à
séparer de trechi, il dériverait d'une forme *tronko-, apparentée
au lit. trenkiù, violent, à la poussée menaçante; trankùs, rude
(Walde, Lat. Etym. W . à truncus). Dans ce cas, le latin trun-
cus et le gallois trwch, émoussé, coupé, seraient à séparer des
formes lituaniennes.
1. C'est indiquer qu'il étend ses ravages et ses conquêtes au loin.
2. Peut-être dilyn : à la poursuite irrésistible ?
3. Trymluqg, en gallois mod. a le sens d'accablant, opprimant; cf. irl.
tromlach.
4. Les joues comme le visage étaient synonymes d'honneur.
160 J. Lotb.
414. Breton tus ; irlandais tuas-.
Dans tout le Vannetais et aussi une partie au moins de la
Cornouaille, le conducteur pour faire tourner bœuf ou che-
val à gauche, emploie l'expression tus. S'il y a un attelage de
deux ou plusieurs bêtes, en bas-vannetais on emploie la 2e
pers. du plur. de l'impératif: tusset. Ce sont les seules formes
en usage. Tus est l'opposé de dehel (ddhel) « à droite ».
Tus fait songer d'abord à l'irl. tuas, dans tuascerl, à gauche,
nord ; moderne tuaisceart. Mais son existence à l'état isolé n'a
pas été établie. Stokes, Urk. Spr., p. 307, le décompose en
tuai-scert, supposant une forme *scert, correspondant à une
forme galloise *-sparth qu'il voit dans dosparth, division, discri-
mination, système.
Les mots *-scert, *-sparth remonteraient à un vieux-celtique
*sq"erto-. Or cette forme jusqu'ici ne trouve aucun appui cer-
tain dans les groupes linguistiques les plus apparentés. Stokes,
ou plutôt Bezzenberger, cite, avec un doute justifié, le grec
a-apaao-o). D'un autre côté, on n'est pas autorisé, bien au con-
traire, à diviser dosparth en do-sparth. Dosparth a été précédé
par do-osparth qu'on trouve dans les Ane. Laïus et à une
époque plus récente dans YElucidarius, 1 9 : creadur doosparthus,
creatura rationàbili (ab omni) ; do- est pour do-uo- ; do- est
comme en irlandais la forme proclitique de di-, de-. Quant à
*iwsparth, on le trouve fréquemment en moyen-gallois sous
la forme gosparth (L. Noir, F. a. B. II, 6. 7). En vieux-bre-
ton, c'est la forme sans s que l'on trouve : guparth, gl. remota ;
gupart(Jo)olaid , privilégia; imgupart(Jî)on, se abdicant. La forme
correspondante à descert est aussi sans s : deheubarth. Quant à
s infixe après uo-, il n'est pas très rare ; gosgryn, terreur
(cryti) ; goslef, son (lief, voix). C'est vraisemblablement un
reste de la préposition ex ; cf. escar, ennemi. Dans certaines
formes verbales, s peut être un pronom infixe. En revanche
l'existence de cert et parth, à l'état isolé, est assurée, quoi que
l'on puisse penser de leur origine. Cert, comme parth, a incon-
testablement le sens de « part ». Cerd Chuinn, là part de
Conn, est donné comme l'équivalent de Leth Cuind, la moi-
tié de Conn, c'est-à-dire la moitié de l'Irlande, le nord (Rev.
Celt., XX, 40e).
Notes étymologiques et lexicographiques. 161
L'explication courante pour laascert qui devrait être tuatb-
chert, c'est que tuath- est devenu tuas sous l'influence de dess-
cert, mod. deisceart, à droite, sud, ces deux mots étant conti-
nuellement employés à la suite l'un de l'autre.
Une première objection se présente à l'esprit ; c'est que tùath
persiste dans d'autres composés où il est couramment opposé
à dess-, comme l'irl. moyen Tuath-muma (vieil-irl. tuadmumu,
Thés. pal. II, 365) ; dess-muma ; aujourd'hui tuath-mhumha,
Nord-Munster, Thomond ; deas-mhumha, Munster du Sud,
Desmond '. C'est plus frappant encore dans l'irl. moy. tûath-
bel, à gauche, nord ;dess-bel, à droite, sud ; mod. tiiaith-bheal,
t uait heal ; deiseal : bel et sel de *suel-. Il ne semble donc pas que
tuas- pour tûath- soit dû à l'analogie.
Cette impression est encore renforcée par l'irl. moyen
titasra, main gauche, à gauche ; dessre, dessra, main droite, à
droite.
Les deux mots se trouvent dans un même passage du Tdin
B. C, 1. 2538 : rogab idata aurslaicthi a ech 7 a del intlaissi
ina desra 2. Ro gabastar a éssi astnda ech ina thuasri « Il (le
cocher) prit les entraves ouvertes (relâchées) de ses chevaux
et son bâton rehaussé d'or (?) dans sa main droite ; il prit les
rênes pour maintenir les chevaux dans sa main gauche. »
Kuno Meyer, Contr. donne l'ace, desred, desreth (for a) LU.
73 b 42 ; datif déserud (à lire dessrud) L U. 113 b 23. Ces
formes supposent un composé de dess et de reth = v. celt. reto-
Les formes desrighÇTàinB. C.,1. 5 553) ou tûasri, comme me
l'écrit C. Marstrander à la science duquel j'avais eu recours
pour les formes variées et embarrassantes parfois de ces mots,
sont composées, non pas, comme je l'avais d'abord pensé avec
-reg, marquant la direction, mais avec righ, bras, avant-bras
en irl. moderne (nomin. ri, ace. rïg, datif ri et rig 5). Le sens
dans le passage cité du Tdin est des plus clairs 4.
1. C'est la forme du génitif Mumhan quia prévalu.
2. Le texte porte dessa (vieil-irl. desse) ; desra est la forme du L U.
3. Cf. Tdin B.C., 1. 924 rig-ldma, poignets; cf. p. 87 1 : a dd riogh-
làimh, en note. Le dérivé mod. righe a le sens d'avant-bras depuis le poi-
gnet jusqu'au coude, et aussi de coudée, jambe d'animal.
4. Marstrander, avec raison, fait sortir desraid de desriçh, d équivalant
Revue Celtique, XLIII. n
i62 /. Loth.
Si on n'avait affaire qu'à l'irl. tuas-, on pourrait l'expliquer
par une confusion avec tuas = t-uas, en haut, qui désigne
lui aussi le Nord. Dans .un passage du Tdin, 1. 1201 tuas
(thûas) a sans doute ce sens et c'est ainsi que Windisch l'a
interprété. C'est d'autant plus frappant que quelques lignes
plus haut, Cûchulinn, avec son cocher, se dirige au sud (fo
dess).
Il reste en somme à trouver une forme vieille-celtique com-
mune à tus et à tuas-, dans le sens de « à gauche » et « au
nord ». Il va de soi que la racine est la même que dans tûath.
Il y en a une qui me paraît plausible. Pedersen, Vergl. Gr.
II, p. 19, fait l'importante remarque qu'à côté de formations
adjectives en *-to-, il y avait pour la même racine, des forma-
tions en *-sto- : gnâth, habituel ; gnâs l, habitude. On peut
supposer par analogie, à côté de tûath = *touto-, une forma-
tion originairement substantive : *tou-sto-, donnant respecti-
vement tuas et tus.
Le sens primitif de tûath paraît avoir été : bon, favorable 2.
Ce double sens existe chez bon nombre de peuples indo-eu-
ropéens.
Il est remarquable que chez plusieurs peuples où gauche
avait eu aussi le sens de côté favorable, il ait pris une significa-
tion contraire- : c'est la droite qui a pris sa place. Stokes l'a
attribué à une influence chrétienne: la bénédiction se donne
par la main droite. Peut-être plutôt l'infériorité de la main
gauche dans les actes journaliers de la vie a-t-elle fini par
avoir raison de traditions et de croyances qui sont allées s'af-
faiblissant. Chez les Grecs, par exemple, les augures se tour-
naient non vers l'Est, mais vers le Nord.
415. Haut-vannetais tuec ; gallois tuddedyn, tudded ;
vieil-irl. cumtûth.
à g après voyelle palatale. Il me signale pour le sens : dae A. righ noguata;
O'Dav. : in raig 7 in doit cusin ait gualand, Cormac ij(lVind., Wôrt.).
Righ paraît donc aussi avoir désigné le bras jusqu'à l'articulation de l'é-
paule.
1. Cf. gallois gnawd, habituel, connu ; guaws, naws, coutume, habitude.
2. Cf. l'article sur Morgan Tut (Morgan le Fée) dans mes Contr. à
Notes étymologiques et lexicographiques . 163
Cillart de Kerampoul donne tuec avec le sens de « taie
d'oreiller ». C'est un des sens du gallois tudded, singul. tud-
dedyn, d'après Thomas Richards, Welsh Dict. Le mot tuec
représenterait un vieux-breton tuâoc, s'il est masculin. Tud-
ded, à toute époque, en gallois, indique un vêtement de des-
sus, un manteau, une couverture de lit (L. Noir, F. a. B. II,
5. 87. L. Rouge, ibid. 287. 16, un manteau ; L. Tal. 17 b
14, une riche couverture de cheval). Tuded, métaphorique-
ment (L. Rouge, 279.20) s'emploie pour la parure des bois
l'été :
gvAsgwys coet
kein dudet haf. '
« le bois a revêtu le beau manteau d'été ».
Daear dudet désigne la terre qui recouvre une tombe (Myv.
Arch. 250. 1 *).
Tuded est un dérivé de tud qui a le sens de couvrir, bor-
der (proléger) ; L. Noir, 30. 5 :
Pieu y bet yn yr amgant
ae tut mor a goror nant.
« à qui est la tombe dans le pourtour, que couvre (pro-
tège ?) la mer et la bordure (l'extrémité) du vallon ? 2.
Tud, vieux-celt. *toud- (indo-eur. *teu-d) appartient *à la
racine teue, tu, à laquelle Stokes (Urk. Spr., p. 131) rattache
le vieil-irl. cumtûth (cum-ud-tûth) : SG. 3 1 b 8 : do chumtûth
a sôere « pour défendre leur liberté » (pro libertate ruebant), cf.
tueor, tutus, tutor.
Vétude des romans de la Table Ronde. J'y ai joint une note explicative de
Vendryes sur le sens de tùath.
1. Dans un passage du L. Rouge, 287.16, tudet paraît désigner un haut-
ci e-chausses :
mein vyg coes, nym oes dudedyn
« ma cuisse est mince, je n'ai pas de haut-de-chausses ? A la rigueur ce
peut être une tunique ou un manteau.
2. Ibid.,v. 8 :
Pieu y bet yn ir inis
ae tut mot a goror guris.
164 /• Loth,
416. Addition à gall. traws, traw, tra- ; bret. treuz ; v.
bret. tro- ; dYDREU (cf. Rev. Celt., t. XXXII, p. 59).
Traws est connu dans le sens adjectif de « violent, cruel » ;
iroseâ a le sens de transgression.
En breton treu%, adjectif, a le sens de « qui est de travers » ;
en comique trus, de même.
En gallois moyen, traws a le sens de « direction, côté » :
Mabin. L. Rouge, 279 b 21, a pha draws « et de quel côté ? »
Mab. 51 b 6 : ac yr artal « et dans l'endroit du pays » ; mais
Pen. 4 : y traws y manegassei ef vot y gwr ar gaer, « l'endroit
où il lui avait indiqué être l'homme et le fort ».
Traws entre aussi en composition :
trawsgwydd, trawsglwydd.
Traw, draw a un correspondant breton dans le moyen bret.
dydreu .
417. Gall., bret., corn, tro (cf. Rev. Cet., XXXIV, 175).
Le gall. bret. corn, tro « tour », a été rapproché ordinai-
rement du latin traho {tragh-'), comme d'ailleurs l'irl. traig,
gall. bret. troed « pied », l'irl. moy. trog, descendance, Tro-
gan, la Terre, v. irl. trâgud « reflux » ; gall. treio ; gall. godro
« traire », v. bret. guotroit (cf. français tirer les vaches); cf.
Pedersen, Vergl. Gr. I, 39, 97. Walde remarque avec raison
que tro dans le sens de « tour » rappelle singulièrement le
latin trepit, vertit, le grec rpi-w. Il me paraît probable que
trogh-, en brittonique a été confondu avec *trop- et que tro
« tour » représente exactement le grec -pizo-ç.
En gallois moyen on emploie parfois Iroi dans le même sens
que trossi « diriger vers » » :
M. A. 271. 1 :
am troho ïr trobedd gureu
« (que Dieu) me dirige au but (direction) le meilleur ».
Ibid. 133. r chez le même poète:
an Irosso ni i bob trosedd gorau
Noies étymologiques et lexicographiques. i6>
« que Dieu nous dirige vers toute direction la meilleure. »
Troseâ a habituellement le sens de « transgression ».
418. Breton tossen, tuchen, tostal.
Tossen, dans les dictionnaires, a le sens de « butte, mon-
tée ».
Le vannetais connaît la variante tostenn (bas-vann. tpslzn).
Tossen désigne fréquemment des « tumulus » : Tossen-Maharit,
Tossen-Rugue{ec ; Tossen-ar-Run ; Parc-an-Dossen, à Por^-ar-
Sao^ en Trévérec ; id. en Scrignac, etc. (Du Châtellier,
Epoques préh. et gauloises dans h Finistère : passim).
Tossen est un singulatif féminin ; s dur fait songer à deux
ss provenant d'une affriquée en vieux-celtique. C'est un son
qui eût été peut-être écrit, en moyen-breton, par c\. Usité en
vannetais, il ne peut provenir d'une spirante dentale sourde
comme dans diouc\ (de *di-wth, pour di-wrth, en proclise). Il
ne peut guère s'expliquer que par t-ss néo-celtique, ou -ts-
vieux-celtique, remontant à -si- ou -tst- indo-européen '.
On ne sait encore d'après quelle' loi se fait l'évolution de
-st-, -tst- en -ts-. Toss- a-t-il la même origine que le gallois
tusiu(*touss- ) et le gaulois tuâos, tuddos (cf. J. Loth, Les Graf-
fites de la Graufesenque) ? Toss- alors viendrait de *tûstâ. Tostal
est donné par Le Goff, SuppL, avec le sens de « flanc » ou
« partie basse d'une colline » (peut-être « front » en voyant
la colline d'en bas) ; toslalec qualifie un terrain raboteux. Le
mot se trouve en toponomastique : Tostal, village en Saint-
Jean-Brévelay ; Tostal en Theix ; Tostal à la Vraie-Croix en
Sulniac ; hauteur dite Butte de Tostal, sur laquelle s'élève un
retranchement romain dans la même commune (Rosenzweig,
Dict. top. du Morbihan). Tostal pourrait être un composé de
toss- et de tal, front.
Tuchen, dans le Dict. de Troude, a le sens de « butte,
motte » tuchen verien « fourmilière » (butte aux fourmis).
Rosenzweig ne le donne pas ; mais le commandant Le Pon-
tois a fouillé, il y a une vingtaine d'années, deux tumulus
1. Cf. Ernault, Gloss., p. 15, 148 et Rev. Celt., XI, p. 353-356; cf.
J. Loth, Contr. à l'étude des romans de la Table Ronde, p. 25-27.
166 ]. Lolh.
très intéressants dans la commune de Plœmeur, Morbihan,
connus sous les noms de : Tuchenn Pol, Tuchen Bonfemme
(sans doute équivalent à groach, vieille femme, sorcière).
Tuchen désigne aussi, dans le Finistère, des tumulus : tumu-
lus de Goarem-an-Dnchen en Briec. Le son ch (s) est souvent,
en breton, d'origine française ; il a, comme Ernault en a fait
la remarque, une certaine parenté avec Paffriquée de tossen.
En vannetais ch peut représenter -se- entre voyelles palatales,
mais non en cornouaillais ni en léonard. Il faut donc suppo-
ser un son mouillé *tussien pour *tust-, *tuts- : *toust- : cf.
tusw.
4 [9. Gallois yscrut, ysgrut. — Norvégien skrubb, skrogg.
Silvan Evans {Lien. Gynir.) donne ysgrud comme un équi-
valent de ysgerbwd « squelette, cadavre ». Thomas Richards le
traduit par « skeleton, carcase ». La forme et le sens de ce
mot sont assurés par des textes du xme et même du xne
siècle.
Myv. Arch. 234. 1 (poème d'Einion Wann, xme s.). Le
poète fait l'éloge funèbre du roi Llywelyn ab Jorwerth :
tervynwyd y aviser
ysgrud vud l dreic feîeic fer
« son temps est fini ; ce n'est plus qu'un cadavre muet, le
dragon, le chef vigoureux. »
Dans une poésie de Cyndelw (2e moitié du xne siècle),
ysgrud qualifie l'orgueil du monde : Myv. Arch. 169. 2 :
ysgrud glud 2 glewyd ' vyd vaîchder
« c'est un cadavre visqueux ? durci qne l'orgueil du
monde ».
1. Le texte de la Myv. Arch. porte ysgryd glud, faute évidente. Le ms.
original publié par Gwenogvryn Evans dans la Revue Cell., 1923, p. 307,
porte ysgrud.
2. Glut, substantif, a le sens de « glu » ; adjectif il signifie « tenace,
adhésif ». Richards le traduit aussi par stiff, qui pourrait être ici le sens.
3. Glewyd est dérivé de glew « vaillant » mais aussi « dur ». Daf. ab
Gwilym (éd. de Liverpool), p. 96 : /est a glew ymae'n rhcwi, « il gèle ferme
et solidement. »
Notes étymologiques et lexicographiques. 167
yscrui paraît aussi dans le Book of Toi. (Skene, F. a. B. II,
p. 115, 22 ; Gwenogvryn Evans, p. 7, 26), mais le sens géné-
ral du vers est obscur.
Thomas Richards donne le doublet ysgrwd et en cite un
exemple tiré d'un poète de la seconde moitié du xve siècle,
Sion Cent :
ni roir pen un or cennin
Er ei ysgrwd di ysgrin
« on ne donnera pas une tête d'oignon pour son squelette
hors de son cercueil. » Ce peut être une mauvaise lecture
pour ysgrud. Cependant O'Pughe donne comme une expres-
sion en usage : hen ysgrwd ', old wretch.
L'irlandais, à ma connaissance, ne présente rien de sem-
blable. En revanche, la racine *skru- est représentée dans les
langues germaniques. Le norvégien skrubb a les deux sens de
« vieillard, décharné » et de « loup », le type d'animal maigre.
A la même racine se rattache le norv. dial. skrogg, loup, iden-
tique au v. nprr. skroggr, surnom du renard, isl. skroggr, sorte
de spectre (germanique *skrawwa-) : Falk-Torp, Norw.-dàn.
Et. W. à skrubb. Le gallois yscrud remonte à *skrou-lo- ; ysgrwd,
s'il existe, à *skru-to-.
Pour ysgerbwd, je n'en connais pas d'exemple ancien. Si le
mot est indigène, ce serait vraisemblablement un composé.
Yscer- sortirait de la racine *sker- apparentée à *skr-u-.
(A suivre.)
J. Loth.
]. Th. Richards pour ysgrwd renvoie à crwd qu'il ne traduit pas.
O. Pughe le traduit par old lump, qui ne repose que sur sa seule autorité .
KAME EI2 TA TOYTOY FONATA TI6E12
(Démosthène, contre Aphobos, II, 16).
Je voudrais ajouter un texte grec — un texte attique —
aux vers d'Homère que M. J. Loth a cités dans un important
article de la Revue Celtique, XL, 1923, p. 143-152 : Le mot
désignant le genou au sens de génération ehe% les Celtes, les Ger-
mains, les Slaves, les Assyriens ' .
M. J. Loth a montré, avec une richesse d'exemples qui
fait de son article un précieux chapitre de droit historique,
que, chez nombre de peuples, le chef de famille {pater) en
prenant à sa naissance l'enfant sur ses genoux le reconnais-
sait comme étant bien de son sang et faisant partie de la
famille. Par ce geste il affirmait une relation de droit entre
l'enfant et lui. M. A. Meillet ajoute à l'appui de cette thèse
une étymologie remarquable : « le latin genuinus qui signifie
« authentique » a dû signifier à l'origine « reçu sur les
genoux » 2.
Pareille coutume a-t-elle existé chez les anciens Grecs ?
M. J. Loth et avant lui Stade 3 se fondent sur deux passages
d'Homère pour répondre affirmativement.
1. L'article avait été précédé d'une communication à l'Académie des
Inscriptions dans la séance du 2 décembre 1922 : Comptes rendus, 1922,
p. 145-146. Cf. Comptes rendus, 1926, p. 49. A consulter, sur le même sujet,
E. Benveniste, Un emploi du nom du «genou » en vieil irlandais et ensogdien,
dans Bull. Soc. Linguist., XXVII, 1926, p. 51-^3 et M. Cahen, Genou,
adoption et parenté en germanique, ibid., p. 56-67.
2. Sur le sens du mot pater, voy. A. Meillet, Comptes rendus, 1926,
p. 45. Il « désigne, non celui qui a physiquement engendré des enfants,
mais celui qui est le chef de la famille, le pater familias ». Pour genuinus,
voy. ibid., p. 46, et Bull Soc. Linguist., XXVII, 1926, p. 54-55.
3. Dans la Zeitschrift fur alttestamentliche IVissenschaft, VI, 1886,
p. 143.
Kày.è v.ç -x t;ùt2u yôvirra Tiôstç. 169
Iliade, IX, 455. — Phénix rappelle les imprécations qu'a
lancées contre lui son père Amyntor, dont il avait épousé la
concubine (zaXXaxîç). Amyntor demandait en même temps
aux Erinnyes « de n'avoir jamais à faire asseoir sur ses genoux
un fils né de moi » :
y.Y)7îOTe vcûvajtv otJiv è^s'aascjOai sîXov ulbv
Odyssée, XIX, 401. — Autolykos le père d'Antikleia arrive
à Ithaque au temps où sa fille vient de mettre au monde un
fils. La nourrice Eurykleia place l'enfant sur les genoux du
grand-père et le prie de lui donner un nom. Autolykos
demande à Laertès et à Antikleia de le nommer Odysseus :
tÔv pi o'. fVjpjxXîia ?îXctç k~\ yoyvaffi 6yjxev.
Il est remarquable que, dans ces deux passages, c'est le
grand-père et non le père qui recevrait ou reçoit l'enfant sur
ses genoux. Amyntor demande aux dieux de frapper de sté-
rilité le mariage de son fils. Il ne s'engage pas à ne pas recevoir
sur ses genoux l'enfant né de son fils. Si son fils l'avait
reconnu, l'enfant ferait bien partie de la iamille et le grand-
père n'aurait pas à le désavouer. Amyntor demande et obtient
des dieux que l'union demeure stérile. Phénix sent si vive-
ment l'affront qu'il veut tuer son père, mais mieux inspiré
« par quelqu'un des dieux » il s'expatrie.
Dans l'Odyssée le grand-père maternel n'a pas qualité pour
reconnaître l'enfant de Laertès. Le mariage de sa fille Anti-
kleia n'a pas éteint le pouvoir qu'Autolykos a sur elle, et, si
par hasard il vit encore au moment où mourra son gendre, il
redeviendra — pour user d'un terme de droit attique — le
y.ypto; d'Antikleia et pourra la donner de nouveau en mariage.
Mais c'est Laertès qui a reconnu son propre fils. Père et mère
font à l'aïeul l'honneur de lui demander un nom pour leur
enfant; encore l'aïeul prie-t-il ses parents de lui donner celui
qu'il a choisi lui-même.
Sous ces réserves, M. J. Loth a raison de conclure de ces
deux passages d'Homère — du premier surtout — que les
170 t B. Haussoullier.
anciens Grecs ont attribué une valeur juridique — au fait
du père ou de l'aïeul recevant l'enfant sur ses genoux1. Un
troisième texte, postérieur de plusieurs siècles, un texte
attique du ive siècle avant notre ère, va nous montrer, si-
non la survivance, au moins le souvenir très effacé de cette
ancienne coutume.
L'orateur Démosthène, dans son second plaidoyer contre
l'un de ses tuteurs, Aphobos, a résumé en un tableau frappant
les dernières volontés de son père et les dernière recomman-
dations qu'il adressa aux trois tuteurs de ses enfants. Le
morceau est achevé et mérite d'être cité ; j'y joins, non sans
la modifier sur quelques points, la traduction donnée par
R. Dareste {Les plaidoyers civils, 1875, I, p. 37) :
Démosthène XXVIII, 15 : '0 yap 7caxr;p, w a. 0., <ôç vjaÔExs
xr,v via-ov eux axoçeu^ifJLSvsç, auYxxXsdaç xcjtcu; tpsïç ovtocî,
x;à au[jL7:apaxa6i7a[j.cvoç Ar,[j.a)va xsv àSîXîôv, xà aiî>;j.axa yj;j.ù>v
elç xi- yzipx^ èvsOvjxs -apaxaxaQyjxrjv c7rovoy.â£a)v, xr,v ij.èv àSsXçfjV
AY][xoso)vct. xai Syo xaXavxa -poîxa S'.Soùç £'j6uç, xai yuv9c^x aùtû
txjtyjv èv^utôv, èjxè Se xracr. xoivîj fj.£xà twv -/pr,[i.âx(.)v îxapaxaxaxt-
Oé^evoç, xai SRKrxTjftTMV [.>.*. a6 0x7 ai x£ xàv stxov xai auvc'.aaoxjai [agi
tvjv oiciav, (16) Btooù; atjia x£ ©ïjpitc-Cy; xàç èjjîsiA^xovxa y.vàç,
xai ts'jt(i) xtjv t' èjrrçv ;j.r(x£pa gv^uMv £~i xaT; SYÎwfa-vïa [xvaîç,
xà;j.è si; Ta tîù~cv yivaxa xiQei'ç.
Cf. Démosthène XXVII, 4: anavxa xauxa (c'est-à-dire, la fortune, le fils,
la fille et l'épouse) èveyeîpwev 'Açô(3o> xe xoûxio /.ai Ar(jxoçcÔvxt x<~> A^atovo;
uUî. .., Ixi 8è 0T]p!7rniST) Ttu Ilaiav.eï. — 5 : Aï]aoi>wvxi Bè xr,v èjxtjv ao£Àçf,v
xai 8Jo xâXavx* éjO'j; ËStoXEV ëyetv, aùx<j> de xoûxw xrjv ur,xfpa irjv 7)[j.£xépav
xai r.oolv.% ôyoorjXOvxa avà;.
« Quand mon père se sentit malade à n'en pas revenir, il
i. Il va de soi qu'il faut écarter les passages des poèmes homériques
où le père assied son fils sur ses genoux pour le nourrir par exemple (Hec-
tor et Astyanax, XXII, 500 501). Phénix lui-même rappelle, dans son
long discours à Achille, qu'il l'a plus d'une fois tenu sur ses genoux à
l'heure des repas.
Kz\ik si; zx TiJTîj -/ôvaxa T'.Oiîç. 171
appela ces hommes, tous les trois ensemble, et ayant fait
aussi asseoir à côté de lui son frère Démon, il nous remit
nous-mêmes entre leurs mains, à titre de dépôt : ainsi quali-
fiait-il son acte. Ma sœur fut donnée à Dêmophon, avec deux
talents de dot payables sur-le-champ, et c'est en qualité de
future épouse qu'elle fut remise entre ses mains. Pour moi, je
fus déposé entre les mains de tous les trois conjointement,
comme les biens. Mon père leur recommanda d'affermer le
patrimoine et de veiller ensemble à la conservation de ma
fortune. En même temps, il donna à Thérippide les soixante-
dix mines; à Aphobos il donna ma mère en mariage avec
les quatre-vingts mines de dot, et moi-même il me plaça sur
ses genoux. »
« Scène douloureuse et solennelle », écrivait G. Perrot, qui
l'a présentée aux lecteurs de la Revue des Deux Mondes, non
sans la mouiller de larmes : les deux enfants « pleuraient en
voyant pleurer leur mère. . . Au milieu des larmes qui cou-
laient, tous lui promirent, lui jurèrent de respecter ses dé-
sirs... ' » Il n'y a rien de tout cela dans Démosthène, ni
larmes, ni serments, et la scène n'en est pas moins frappante.
Elle se passe vraisemblablement à Athènes, dans la maison
de ville de Démosthène le père; certainement en 376 av.
J.-Ch., puisque le futur orateur a sept ans2. Sa sœur est
alors âgée de cinq ans. Les trois tuteurs réunis dans'la chambre
du malade (« autour de son lit de mort », dit G. Perrot,
qui ajoute encore au texte), sont ses deux neveux : Aphobos,
le fils d'une sœur, et Dêmophon, le fils de son frère Démon ;
le troisième est un ami d'enfance, Thérippidès du dème de
Pa?ania, auquel appartenait Démosthène et où sera inscrit
l'qrateur en 366-3 6 5 \ Démosthène le père a tenu à faire
asseoir à côté de lui son frère Démon ; nous verrons d'ailleurs
que les trois tuteurs sont également assis. Ni les deux enfants,
ni Kléoboulé l'épousé de Démosthène ne peuvent manquer.
Voilà réunis tous les personnages nommés dans le plaidoyer.
1. N. du i«r juin 1872, p. 617.
2. Démosthène, XXVII, 4. Cf. XXX, 17.
3. XXX, 17.
172 f B. Haussoullier.
Certes la scène est solennelle, mais la solennité tient aux
actes symboliques qu'a rappelés l'orateur. Il faut entendre
que Démosthène a réellement placé (ou fait placer, si les
forces lui manquaient) entre les mains des tuteurs ses enfants
(xà ffa>|xaia Y)[xa>v) ; qu'il a réellement remis sa fille entre les
mains de Dêmophon, le futur époux. J'ai modifié ici la tra-
duction de Dareste qui rend èyyuwv par fiancer, et je suis
revenu au sens étymologique, concret : mettre dans la main '.
Il faut entendre encore que Démosthène a réellement remis
sa femme Kléoboulé entre les mains d'Aphobos, le futur
époux; enfin qu'il a réellement placé lui-même ou fait placer
son fils sur les genoux d'Aphobos. Ces actes symboliques
exigeaient que les tuteurs fussent assis, et ce n'est pas seule-
ment pour éviter la répétition de "ffUfxaXéijaç que l'orateur a
employé <ju[j.-apax.a6iaâ[j.£vo<;. Le nouveau verbe ajoute un
trait de couleur au récit de la scène qui prend fin sur les
mots : y.àui e'.ç Ta to'jtou vôvaxa xiôetç. « Il y a ici, dit en note
Dareste % une sorte de cérémonie symbolique qui était étran-
gère à la loi, mais prescrite par les mœurs et sans doute aussi
par les idées religieuses. » Une fois de plus Dareste a vu juste.
Ces gestes symboliques sont étrangers à la loi et n'ont aucune
valeur juridique. Le seul acte qui compte pour assurer le
respect des dernières volontés de Démosthène est le testament
(xi '(p<x\L\>.y.-;x xaiiTa) }, que les tuteurs feront disparaître après
la mort du testateur. C'est dans le testament que sont inscrits
le montant de la dot de sa fille, « les soixante-dix mines »
à remettre à Thérippide, « les quatre-vingts mines » qui
formeront la dot de Kléoboulé. L'emploi de l'article devant
ces chiffres n'est pas indifférent : Démosthène, dans la scène
solennelle que rappelle son fils, se réfère audit testament* Il
emploie aussi des termes de droit que l'avocat ne manque pas de
citer, car il parle devant un tribunal populaire où ils sont plus
familiers que des cérémonies d'un autre âge : -apay.aTa6r(y.rM
dépôt, qui traduit en quelque sorte en langage courant la
1. Voy. E. Hruza, Die Ebebegrûndung nach altischem Redite, 1892,
p. 39. — J. Partsch, Griechisches Bûrgscbaftsrecbt, I, 1909, p. 89.
2. Les plaidoyers civils de Démosthène, I, p. 42, note 9.
3. Démosthène, XXVIII, 5-6.
KxyÀ V.Z 72 TSOTOU yÔVatTa TlôîlÇ. I73
remise des enfants entre les mains des tuteurs, et plus loin
-apa/.aTaT'.Os;j.cv:;. Pareillement èfYuùv est entendu couram-
ment dans le sens de donner en mariage, et c'est ainsi que
l'auront compris les héliastes.
Pour nous en tenir au dernier geste de Démosthène posant
son fils sur les genoux d'Aphobos, quelle signification pouvait-
il lui attribuer ? « Aphobos, dit G. Perrot, était celui auquel
il assignait le rôle principal, celui qui devait occuper près du
foyer la place du chef de famille, épouser sa veuve et servir
de père aux orphelins ». Disons plus simplement qu' Aphobos
est surtout, aux yeux de Démosthène, chargé de veiller à la
conservation du patrimoine pour permettre plus tard à son
fils de tenir dans la cité le rang qui lui convient. Aphobos
n'a d'autres devoirs à remplir que celui de tuteur. Jamais
l'idée n'est venue à Démosthène de lui faire adopter son fils :
il le lui confie et recommande solennellement; son geste
suprême n'a pas d'autre valeur. De la coutume ancienne
décrite par M. J. Loth il ne subsiste que des apparences et des
cérémonies étrangères au droit. Les lois sont la seule défense
du jeune Démosthène. Il n'en reste pas moins que nous
devons au second de ses plaidoyers contre Aphobos une pré-
cieuse indication qu'il faut joindre aux témoignages déjà
publiés dans la Revue Celtique.
Saint-Prix, juin 1926.
7 Bernard Haussoullier '.
1. [Cet article, que l'illustre helléniste avait spontanément envoyé à la
Revue Celtique, est un des derniers qu'il aura écrits; il n'a même pas eu le
temps d'en voir les épreuves. Une brusque maladie l'a terrassé le 25 juillet,
en pleine activité de travail. La Revue Celtique s'associe au deuil des siens
en accordant à sa mémoire les regrets les plus émus. N.d.l.R.].
SOME SCANDINAVIAN ELEMENTS
IN THE
RED BOOK OF HERGEST TRIADS
i. Pann aeth llu y lychlyn1 : The triad mentions three hosts
led from Britain, one led by Yrp Luydauc to Llychlyn, a
second by Maxen Wledig and Elen Luydauc to Llychlyn
(meaning in this instance Llydaw, probably for Latium) and
a third led by Caswallon ap Beli in the wake of the depart-
ing Romans. The second expédition is the basis of Breudd-
wyd Maxen Wledig and has som'e historical foundation in
the departure of Maximus « ad Gallias magna comitante
satellitum caterva » 2 : the third may not be entirely without
foundation : the first, despite its mythical appearan'ce, has
perhaps a stronger foundation than the other two and, though
it is mentioned first, must hâve occurred last.
The account of it in the triad is fragmentary and perhaps,
in an âge of little mathematical knowledge, served as an
example of géométrie progression. Yrp, with his servant
Mathuthauar, came from Llychlyn (Scandinavia) in the time
of Cadyal, a mythical king, to raise forces in Britain and
obtained in turn from each chief city twice the number of
men with which he appeared before it : with the host thus
recruited he wentto two islands « on the coast ofthe Greek
sea ' », Clas andAvena. This expédition however started not
i. Mabinogion, Oxford Edition, pp. 297-8 : see also Myv. Arch. p. 395 :
cf. pp. 390-391 and p. 401.
2. De Excidio et Conques tu Britanniae. Ed. Mommsen pp. 32-3.
3. With « y duy ynys yn ymyl Mor Groec » cf. « ynyssed denmarc...
ene mor kyuarysilys a thaï enys prydein » (Buchedd G. ap Cynan) : cf.
also Annun ddy vrenhin Groeg (Heraldic Visitations, II, 64) = A. nigri
Some Scandinavian Eléments. 175
from Britain but from Ireland : its goal was not the Greek
sea but Iceland.
There can, indeed, be little doubt that \ve hâve in the
triad a confused account of the expédition of Aud, daughter
of Ketil Flatnose, widow of Olaf the White, king of Dublin,
and mother of Thorstein the Red : the expédition is described
by Ari the historian, a descendant of Olaf the White in the
Landnâmabôk1. Aud and her son set out from Ireland, via
the Hébrides (where Thorstein founded a family and king-
dom : he was ultimately killed by the Scots), the Orkneys
and F^roe Islands to Iceland, where Aud settled. One of
the twenty freemen with whom she accomplished the last part
of the journey was Erp, son of Meldun, an earl in Scotland,
and of Myrgjol, daughter of Gljomal, an Irish king, i. e. Erpr
was a manumitted captive, and though not the most impor-
tant of Aud's freedmen, may hâve been second in command.
He was given land and complète freedom in Iceland and
there founded the family known as Erplings : the names of
his sons, as given by Ari, are Scandinavian with the except-
ion of Dufnall.
The name Yrp, Erp, is more probably Scandinavian than
Celtic : several instances ofit occur in Lind2. The following
are the forms of it to be found in Welsh : Yrp (R.B. H.
triad), Urb, lrpQAyv. Arch. pp. 401,412), Yrb, Urbf (Vita
Cadoci, Rees, Cambro-Brit. SS. pp. 81-82) K The form Urbf
is noteworthy, for the man whose name is thus given was
the father of Aulach (i. e. one of the several Welsh form
of Olâf) and probably an Irish Dane.
With Yrp it is also possible that \ve should compare
Pictish Verp : Neachtan nepô Uerp, cf. Nectan mor breac
mac Eirip (Irish Nennius, Irish Arch. Soc. pp. 161, 164) :
régis Grecorum (Cognacio Brychan) : the name of this king might
indeed corne from Lat. Antonius, but it occurs in an obviously Germanie
ancestry and may perhaps be approximated to ON. Qnundr, Anundr, for
which see Lind, Dopnamn 1252.
1. Text in Corpus Poeticum Boréale : See cap. 14-15.
2. Norsk-Islàndska Dopnamn, 244-5 •
3. Possibly also Yryf (Mabinog . Oxford Ed., p. 301).
ijé G. Peredur Joins.
the occurrence of Ulfa and Amlaeb (ibid. pp. 131, 151) points
to inclusion of Scandinavian matter in Pictish sources.
2. Tri marchlwyth ynys prydein1. Marchlwyth, literally
« horseload »,is hère a metaphor. That is clear, fîrst of ail,
from the name of the first horse, Du y Moroedd, « Black one
of the seas ». We may compare the Icelandic lôg-jâkr, « sea-
horse, ship » :
Gekk Hlorridi, greip â stafni
vatt med austri upp lôg-fàki
[The Thunderer stepped forward, caught hold of the bow, swung the
wave-steed up with the bilge. — Corpus Poeticum Boréale, I, 223.]
Also :
Hâkon reid i bak biero bord-hesti vestan
[Hakon rode over the billows on his wooden horse — Ibid. II, 31].
Indeed the metaphor is frequently foundin Icelandic poetry.
Du y Moroedd carried Elidir Mwynfawr, his wife and five of
his servants from Penllech Elidir in the North to Penllech
Elidir in Mon2 — the load and the route imply not a horse
but a ship : moreover, Albeinwyn, the cook, « swam with his
hands on the horse 's crupper » for no reason that is disco-
vered in the triad, but it is possible that hère, as in later times,
relations between the cook and the crew were not cordial.
Following this triad cornes one concerned with Teir llyngbes
gynniweir, « three hovering fleets » : the juxtaposition is
perhaps not fortuitous.
It is not possible to date Elidir Mwynfawr by reliable évi-
dence, but more can be done with the second « marchlwyth »,
consisting of Gwrgi and Peredur, sons of Eliffer Gosgorddfawr.
They belonged to the Cynferchin and lived probably in the
latter ninth century5 ; with their father's name, Eliffer, d.
1. Mabinogion, Oxford Edit., pp. 300-1.
2. Mr. H. Higgins informs me that there is a ring fort of Scandinavian
type near Penllech, on the S.E. coastof Anglesey.
3. See Cymmroàor, 1925, pp. 117-156 : with them were carried, accord-
ing to the version in Myv. Arch. 384, Cynfelyn Drwsgl and Dunod
Vwr, i. e. three générations or the Cynferchin travelled at once. Judg-
ing by the R. B. H. version, however, something is lost from the
middle of the triad.
Some Scandinavian Eléments. 177
ON. Eilifr. No évidence exists by which to date ihe third
« marchlwyth », the sons of Grythmwl wledic. Grythmwl can
hardly be Welsh and this « gwledig », if historical at ail, was
an invader '.
G. Peredur Jones, M. A.
University of Sheffield.
1. (Note additionnelle de M. J. Loth). Eliffer (Mab. Oxf., éd., p. 301,6)
et Elidir (ibid., p. 300,28 ; Elidyr, p. 300,29) sont deux noms entière-
ment différents et ne sont pas confondus. La forme la plus ancienne est
Eleuther (Ane. Généalogies galloises, J. Loth Mab., 2« éd., II, 336). On
trouve Eleufer dans les Triades (Myv. Arch. 404, 38). Il est fort possible
qu'un roi breton ait porté le nom d'Eleuther. Bède (Se sex aetat. saeculi, à
l'année 167 ; H. E. I, c. 4) nous apprend que le roi breton Lucius demanda
au pape Eleuthèrede se faire chrétien et que sa demande fut accueillie. Eli-
dir a-t-il quelque rapport avec le nom Scandinave Eilifr ou a-t-il été con-
fondu avec lui, c'est au moins douteux.
12*
Reviu Celtique, XL1II.
BIBLIOGRAPHIE
Sommaire. — I. G. Dottin, L'épopée irlandaise. — II. Alice S. Green,
History of the IrishStateto 1014. — III. A. Meillet, La méthode com-
parative en linguistique historique. — IV. W. J. Gruffydd, Llenyddi-
aeth Cymru o 1540 hyd 1660. — V. John J. Parry, The Vita Merlini.
— VI. Arthur C. L. Brown, The Grail and sir Perceval. — VII. Ifor
Williams, ChwedlauOdo. — VIII. T. O' Rathile, Laoithe Cumainn,
Dânta Grâdha, Bùrdûin Bheaga. — IX. Pembrokeshire. — X. Gaston
Esnault, Métaphores occidentales. — XI. F. Ewald, Die Entvvickelung
des K- Suffixes. — XII. F. Muller, Altitalisches Wôrterbuch.
I
Georges Dottin. L'Épopée irlandaise. Pans, La Renaissance du livre.
1926. 208 pages in-12, 5 fr.
Notre savant collaborateur, qui a déjà tant fait pour répandre la
connaissance des choses celtiques, à l'exemple de son maître
d'Arbois de Jubainville, reprend dans ce volume une des tâches
auxquelles celui-ci s'était consacré avec le plus d'ardeur. Le tome V
du Cours de Littérature Celtique, publié en 1892 sous le titre YÉpopèe
celtique en Irlande, était un recueil de traductions de textes épiques,
choisis parmi les plus attrayants. L'année même de sa mort, d'Arbois
de Jubainville terminait la traduction de la Tàin bô Cuailnge, la plus
ancienne épopée de l'Europe occidentale (publiée chez Champion
de 1907 à 191 1). Entre temps, le public allemand prenait con-
naissance de la littérature irlandaise médiévale par les Sagen aus
dem alten Ireland de M. Thurneysen (Berlin, 1901). Quant au
public de langue anglaise, de beaucoup le plus favorisé, il avait à
sa disposition les traductions nombreuses que les celtistes d'Outre-
Manche, à, commencer par Whitley Stokes, joignaient d'ordinaire
à leurs éditions. Depuis d'Arbois de Jubainville, aucun nouvel
Bibliographie. 179
effort n'avait été tenté pour mettre en français l'épopée irlandaise.
Le livre de M. Dottin sera donc le bienvenu ; et comme il est édité
par une maison dont l'activité est des plus appréciées, on peut espé-
rer qu'il touchera un public étendu et attirera aux études celtiques
de nombreux adeptes.
Ce n'est pas qu'il n'apporte que du nouveau. Parmi les dix-huit
morceaux qu'il contient, six — et ce sont les plus importants et les
plus longs — figuraient déjà dans les recueils de d'Arbois de
Jubainville. M. Dottin les a certainement retenus à cause de l'in-
térêt qu'ils présentent : des récits comme le Cochon de Mac Dathô
ou l'Exil des fils d'L'snech ne pouvaient rester absents de son
recueil. Il est peut-être regrettable qu'il n'ait pas retenu aussi le
Voyage de Condlé fils de Conn, qu'il a jadis traduit pour la Revue
archéologique (t. XIV). Ce charmant récit, si émouvant dans sa sim-
plicité, est des plus caractéristiques del'esprit celtique. Mais on peut
regretter surtout qu'il n'ait pas tenté de rajeunir sa matière en tra-
duisant un plus grand nombre de textes moins connus en France,
comme les ScélaCano tneic Gartnâin ouVAirne Fingein, ou Ylmram
curaig Mâileduin ou des morceaux de la Togail Bruidne dà Derga.
Ces textes, qui n'ont jamais été traduits en français, mériteraient
vraiment de l'être. Si le succès, comme on doit l'espérer, est assez
complet pour justifier une nouvelle série, ils sont de ceux auxquels
M. Dottin devra songer.
Les traductions sont accompagnées d'une introduction et de
notes. En regard de la page de titre s'étale le fac-similé d'un frag-
ment de page du Lebor na hUidre '. L'introduction renseigne
utilement sur les caractères principaux de l'épopée irlandaise et les
conditions dans lesquelles elle nous est connue. C'est un sujet que
le savant auteUr connaît bien et sur lequel il a déjà souvent écrit.
Il n'avait qu'à puiser dans ses souvenirs pour la rédiger ; il l'a fait
avec sa précision et son exactitude habituelles. Les notes sont trop
peu nombreuses. L'épopée irlandaise est tellement loin de nous
qu'elle exige pour être comprise Un commentaire qui l'éclairé et en
mette en valeur tout l'intérêt. Nombre de détails resteront fermés
1 . Ce fragment est à la page 82 Je l'édition fac-similé du Lebor na hUidre,
publiée parla Royal Irish Academy. Il est fâcheux qu'il n'ait pas été choisi
parmi les morceaux dont la traduction est donnée dans l'ouvrage. Mais le
plus fâcheux est que la première phrase en est incompréhensible, parce qu'H
en manque une partie qui_ figure sur le manuscrit en fin de la ligne précé-
dente. Les mots do Domnandchaib do comrac fri Coinculaind . Derbbrdthair
doivent être rétablis à la fin de la première ligne du fragment.
i8ô Bibliographie.
au lecteur Français, qui ne pourra goûter pleinement la saveur de
l'original. On peut regretter aussi l'absence de renvois plus fréquents;
bien des passages s'éclairent l'un l'autre ;M. Dottin est trop sobre
de comparaisons qu'un simple renvoi indiquerait. Un court index
des noms propres cités aurait également été utile. Ces noms
propres sont donnés tantôt en traduction et tantôt sous leur forme
irlandaise. Mais M. Dottin ne traduit pas toujours de façon consé-
quente. On conçoit qu'il ait préféré conserver à Ethne Aitencài-
threch (p. 124) son nom irlandais. Mais le même personnage est
appelé Conall Cernach et Conall le Victorieux (p. 98-100) ou
Senach Siaborthe(p. 129) et Senach le Fantômal (p. 135). Il valait
mieux adopter le principe de faire toujours suivre le nom irlan-
dais de sa traduction entre parenthèses, quand cette traduction est
possible.
Là où il reprenait des textes déjà traduits, M. Dottin a naturel-
lement tenu compte des progrès de la philologie irlandaise et cor-
rigé les interprétations fautives de ses devanciers. Les traductions
de d'Arbois de Jubainvilk laissent aujourd'hui parfois à désirer :
elles ont en général le défaut d'être un peu lâches, elles ajoutent
souvent au texte ou le déforment par un souci de fausse élégance.
M. Dottin a revu ses textes de près et sur bien des points il fournit
une traduction neuve et personnelle. Çà et là pourtant on peut y
trouver à reprendre. Voici quelques observations relevées au cours
d'une lecture rapide. P. 65, 1. 4, « dans un autre désert » pour
in-âraile dithrûb (R.Celt., VI, 174) est inexact. On peut en appe-
ler à M. Dottin lui-même qui, traduisant le même morceau pour
le Cours de Littérature celtique (t. V, p. 15) a donné le bon sens :
« dans un désert ». P. 68, dern. ligne, au lieu de « aucune plaine
ne sera vide de cendre », il faut traduire : « il nous réduira en pure
cendre » (atanebla, de adagim). — P. 69, 1. 3, non pas « qui tom-
bera », mais « s'ils tombent ». — P. 69-70, le sens est : « Un
grand nombre d'entre eux avaient eu précédemment maille à partir
les uns avec les autres. La guerre régnait entre eux depuis 300 ans
avant Jésus-Christ ». — P. 86, 1. 16, l'expression « une chandelle
de pierre précieuse » ne pouvait être conservée sans une note (ou
un renvoi à la note delà page 133). — P. 90, 1. 4, la phrase «les
lois d'Uaithné furent alors » ne se comprend pas. Le texte publié
dans la Z. /. Celt. Phil. IV, 36, 11 porte bâtir câin uaitni; sur cette
expression, cf. Félire d'Oengus, 29 avril. — P. 92, 1. 3, « c'est toi
que j'ai aimé » est ambigu : is tû rocharus veut dire « c'est à toi que
j'ai donné mon amour », pai conséquent « c'est toi que j'aime ».
— P. 94 et 96, il fallait éviter la traduction mot à mot « ses lèvres
Bibliographie. 181
(ou tes lèvres) mourront » qui n'offre aucun sens en français ;
l'expression atbélat do beoil veut dire simplement « tu mourras »
(cf. Rev. Celt., XL, 433). — P. 118 et 119, la traduction « ce sont
des cercles qui entourent moa manteau » est d'un mot à mot bien
gauche. — P. 137, 1. 8 du bas, le mot bét « faute, méfait, échec » a
été mal compris ; c'est le contraire de buâid et le sens est : « je ne
sais si j'ai accompli un exploit ou commis une -faute », c'est-à-dire
« si j'ai réussi ou échoué ». — P. 138, 1. 2, le texte porte tricha
cet, ce qui fait trois mille et non trois cents. — P. 149, 1. 17, le
verbe adetha' ne signifie pas a il mangea », mais « il prit»
(K. Meyer, Contrib., p. 21) : il faut donc comprendre : « Cuchul-
lin prit la moitié du chien de la main de la sorcière et plaça cette
moitié sous sa cuisse gauche ». La traduction « Cuchullin mangea
de sa main » reproduit par mégarde une erreur de Wh. Stokes
(R. Celt., III, 177).
J. Vendryes.
II
Alice Stopford Green, History of the Irish State to 1014. London,
Macmillan and Co. 1925, xj-437 p. 8°, 12 sh. 6 d.
Les lecteurs de ce livre ne manqueront pas d'être frappés des
ressemblances qu'il offre avec les ouvrages de M. Eoin Mac Neill.
Il est visible que les deux auteurs ont vécu dans une intime com-
munion de pepsée, qu'ils ont médité ensemble sur l'histoire et les
destinées de l'Irlande au cours de la période toute récente où un
ordre nouveau s'enfantait dans la souffrance et les larmes, qu'ils se
sont exaltés mutuellement. Mrs. Green s'est inspirée des idées que
M. Mac Neill professait et enseignait à ses disciples. On retrouve
même dans son livre en plus d'un endroit ce mouvement du dis-
cours parlé et cette flamme qui caractérise si hautement les Phases
of Irish History.
Cela n'est pas dit pour diminuer les mérites de Mrs. Green.
Elle a depuis longtemps fait ses preuves ; son ardeur de patriote
est aussi connue que ses qualités d'historien et d'écrivain (cf. Rev.
Celt., XXXII, 484). Elle est douée d'un esprit constructeur, mais
qui a besoin qu'on lui fournisse des matériaux. La période dont
elle traite ici est de celles où les documents sans doute ne manquent
pas, mais où ils sont d'accès difficile et où ils exigent une critique
sévère, parce qu'ils sont en général bien postérieurs.aux événements.
Il faut aller les chercher à des sources diverses et disparates. La
182 Bibliographie.
littérature irlandaise, même la plus romanesque, fournit parfois
des données aussi précieuses que les Annales ou les Généalogies.
M. Mac Neill, qui connaît à fond tous les monuments de l'histoire
ancienne de son pays, a pourvu Mrs. Green d'une documentation
exceptionnellement riche. Même sur certains détails il a bien voulu
rédiger pour elle de courtes notes qu'elles a introduites dans son
livre sans changement. Ce livre fournit ainsi à certains égards un
complément utile aux Phases oj Irish History. Il a même sur ce der-
nier ouvrage l'avantage de contenir des références ; encore sont-
elles en nombre trop limité, et on souhaiterait souvent d'en trouver
davantage à la fin de plus d'un chapitre.
On sait combien les idées de M. Mac Neill, très originales,
ont modifié les conceptions qui régnaient jusqu'ici sur l'histoire la
plus ancienne de l'Irlande. On sait aussi qu'elles ont été parfois
contestées. M. J. Loth a fait connaître ici même le désaccord qui
le séparait de M. Mac Neill en ce qui concerne la date de l'arrivée
des Celtes en Irlande(v. Rev. Celt.,t. XXXIX, 75 ; cf. t. XXXVIII,
259). Mrs. Green reproduit sur ce point la doctrine de M. Mac
Neill. Ce n'est pas à dire que la force des arguments de M. J. Loth
en soit diminuée. M. Mac Neill émet sans doute aussi une doctrine
contestable en enseignant que les Belges étaient en majeure partie
de race germanique. Mrs Green accentue encore, s'il est possible,
ce caractère germanique des Belges qui paraît bien exagéré (v.
J. Loth, ibid.). Mais il ne convient pas de s'arrêter à ces critiques.
Les éloges doivent l'emporter, et de beaucoup. Tout ce qui est dit
ici des anciennes divisions de l'Irlande, des différences de civilisa-
• tion entre lesdiverses populations qui s'y sont installées, du rôle des
Pietés et des Galiâin, etc. tout cela vient de M. Mac Neill et ce
sont des données qui paraissent définitivement acquises. On voit
aujourd'hui comment l'Irlande est passée du système des cinq pro-
vinces, tel que le cycle d'Ulster en fait connaître la pratique, à un
système nouveau, celui de la royauté suprême, inauguré par les
rois de Connaught dans leur extension vers l'Est. L'hégémonie du
Connaught se traduit par l'institution de Yardri. C'est Tuathal
Techtmar qui passe pour l'avoir établit en prenant possession
d'Uisnech; mais plus encore Cormac mac Airten s'avançant jusqu'à
Tara. Dans cette histoire, dont les textes ne donnent qu'une image
incohérente et fragmentaire, on voit apparaître grâce à M. Mac
Neill, le jeu continu des forces en présence. L'hypothèse d'une
révolte populaire qui aurait bouleversé l'état politique des cinq
royaumes (moins peut-être en Connaught qu'ailleurs) et à la suite
de laquelle l'élément picte aurait repris force en Ulster, est une des
Bibliographie. 183
plus séduisantes du livre. 11 est de fait que l'opposition entre la
civilisation du cycle de la Branche Rouge et celle du cycle de Finn
suppose deux organisations politiques et sociales absolument dif-
férentes. M. Mac Neill a eu le grand mérite de mettre tous ces faits
en lumière.
Ce qui est personnel à Mrs. Green dans le livre, c'est d'abord
son talent d'exposition. Elle écrit une belle langue, colorée,
vivante. Elle a le don d'évocation du passé. Ses descriptions sont
d'un charme qui prend le lecteur. Ses portraits sont saisissants.
Elle a consacré à Saint Patrice, à Saint Colum Cille des chapitres excel-
lents, où la figure de ces deux grands apôtres apparaît sous les cou-
leurs les plus nettes et les plus sympathiques. Mrs. Green sent pro-
fondément ce qu'il y a d'original dans le caractère irlandais ; et elle
en goûte tout l'agrément. Elle loue l'Irlande (p. 105) d'avoir
échappé au « rouleau compresseur » qui a ramené presque au
même niveau toutes les nations de l'Europe continentale. Et cet
éloge est mérité. Malgré toutes les tentatives, tous les efforts de
compression, souvent violente, l'Irlande est demeurée en Europe
un monde à part, le « monde occidental ». Mais l'affectueuse admi-
ration que l'auteur éprouve pour un peuple réellement très atta-
chant lui fait peut-être voir trop en beau son organisation poli-
tique et sociale. Une civilisation se juge aux fruits qu'elle porte.
Si l'on examine l'histoire d'Irlande à ce point de vue, on ne peut
que déplorer un système politique qui a eu pour résultat le mor-
cellement constant, la désunion anarchique et l'impuissance devant
l'étranger. Il y a dans l'histoire d'Irlande les plus violents contrastes.
On y admire des exploits d'une haute moralité, des actes d'hé-
roïsme, des œuvres poétiques d'une imagination charmante, d'une
fantaisie exquise. Mais sur le terrain politique, ce sont surtout des
ruines qui apparaissent, et dont les divers conquérants de l'ile ne
sont pas seuls responsables.
L'idée générale de Mrs. Green s'exprime dans le titre de son
livre. Elle a voulu retracer l'histoire de l'État irlandais. Mais y a-
t-il jamais eu dans le passé un État irlandais ? M. G. Curtis, dans
un livre récent, reconnaissait que la notion de l'état avait manqué
aux Irlandais et que ce défaut leur avait coûté cher (cf. R. Celt.,
XLI, 480). Il paraît bien avoir raison. L'unité de langue, dont
Mrs. Green fait justement ressortir l'importance, n'implique en rien
une unité politique. On le voit bien par la Grèce antique, où le
sentiment d'une communauté linguistique était si fort. On ne doit
reconnaître à l'Irlande qu'une unité de civilisation ; et ceci suffit à
sa gloire, car la civilisation irlandaise, en grande partie refondue
184 Bibliographie.
et unifiée par le christianisme, comme Mrs Green ie souligne avec
raison, est une des plus originales de l'Europe.
Dans un spirituel discours qui est mentionné plus loin (p. 239),
M. Macalister montre les archéologues irlandais partagés en deux
camps, celui des anglophiles et celui des anglophobes, lés premiers
passant sous silence ou dénigrant lacivilisation propre aux Irlandais
pour faire valoir les avantages de la conquête anglaise, les autres
exaltant au contraire outre mesure les vertus nationales pour con-
damner par contraste les crimes commis par les Anglais. Ce serait
assurément faire injure à Mrs. Green que de l'impliquer dans une
pareille classification. Mais d'un point de vue plus général, on peut
dire qu'il y a dans l'histoire, comme dans la médecine, des docteurs
Tant-pis et des docteurs Tant-mieux. Les premiers jettent un regard
sévère sur les cas qu'on leur soumet ; ils n'y découvrent que le
résultat des pires faiblesses de l'humanité, la sottise, la déraison, la
haine. Les seconds sont portés au contraire à embellir tout ce qu'on
leur montre; ce sont des fervents de l'idéal. Mrs. Green est certai-
nement du nombre de ces derniers. Le tableau qu'elle trace de
l'Irlande médiévale est réellement idyllique. Il respire la bonté de
cœur et l'amoUr du prochain, la simplicité des mœurs et la bien-
faisance. On pourrait sans doute trouver quelques figures qui jus-
tifient cette opinion flatteuse. Mais à côté, que de violences, que
d'injustices, que de trahisons ! Mrs. Green a des pages charmantes
sur les saints irlandais, dont les vies si poétiques sont le florilège
de toutes les vertus. Mais quiconque a pratiqué si peu que ce soit
l'hagiographie irlandaise sait quelle misérable idée elle donne de la
bêtise et de la crédulité humaines. Quand elle est écrite par les
femmes, l'histoire peut présenter une apparence des plus sédui-
santes. Le malheur est qu'elle a été faite par les hommes, et cela la
gâte furieusement l.
J. Vendryes.
1. P. 22, ce n'est pas seulement aux Grecs qu'Homère donne l'épithète
de « dompteurs de chevaux » ; plusieurs vers de l'Iliade commencent par
Tpdi'ov î;t7:o5âtAcov (Z 461, © 71, A 568, etc.). — P. 97, Domnach Airtene
peut être traduit par « The Lord's House ». C'est domnach tout seul qui a
ce sens. Airte est ici le génitif d'un mot signifiant " hauteur » ; il est écrit
suivant une orthographe archaïque remplacée plus tard par airde. — P. 98,
le texte de la Confessio porte non pas Banauem taberniae, mais Bannauem, et
M. Bury a proposé de corriger en Bannauenta Berniae (ou peut-être Berni-
ciae). Mais M. Bury n'est même pas cité dans les notes au chapitre vu con-
sacré à Saint Patrice ; c'est un oubli bien étrange. — P. 128, la phrase attri-
buée à Noîmu est de Fergus dans YOided mac n-Uisnig (Ir. Texte, t. 11,2
Bibliographie. 185
III
A. Meillet, La méthode comparative en linguistique historique. Oslo-
Paris, 1925 viij-i 1 7 p. in-12. (Instituttet for sammenlignende
Kulturforskning, série A, II).
La Revue celtique a précédemment parlé de l'Institut pour l'étude
comparative des civilisations fondé à Oslo en 1924 (v. t. XLII,
p. 191). Cet Institut est des plus actifs, et les publications s'en
succèdent avec une remarquable rapidité. L'un des premiers
volumes de la collection est de M. A. Meillet; il reproduit une série de
conférences que celui-ci avait été invité à faire à Oslo même, lors
de l'inauguration de l'Institut.
Le savant linguiste n'a cru pouvoir mieux répondre à cette invi-
tation qu'en allant exposer les principes sur lesquels est fondée la
science qu'il représente si magistralement. Depuis près de quarante
ans que M. Meillet fait de la linguistique historique, il y applique
les règles delà méthode comparative. Il était donc plus qualifié que
personne pour analyser le mécanisme de cette méthode, en décrire
le fonctionnement, en définir la portée. Il commence par en pro-
clamer la nécessité. «La comparaison est le seul instrument efficace
dont dispose le linguiste pour faire l'histoire des langues ».
Cette formule, par laquelle se termine le premier chapitre, est de
nature à rassurer, maisaussi à inquiéter. Elle est rassurante, en don-
nant au linguiste la certitude qu'il ne s'égarera jamais en appliquant
strictement la méthode comparative. Elle a ceci d'inquiétant que,
s'il y a des langues où cette méthode est inapplicable, aucune étude
p. 126, H.124-125). — P. i30-i3i,une référence au travail de M.John
Thomas McNeill sur les Penitentialss'imposait (Rev.Celt., t. XXXIX et XL).
-- P. 154, à propos de l'emploi du mot « abbé », cf. K. Celt., XLII,
148 ; l'exemple Astiages abb cen fell est dans un poème de L. L., 131 a 10.
— P. 2520., on peut contester l'ingénieuse explication que donne M. Mac
Neill de l'emploi du mot Rôma (Ruam) au sens de « cimetière » par confu-
sion avec irl. ro uatn « grande caverne ». Le même emploi est attesté en
brittonique. On lit dans le Liber Landauensis (p. 1) que l'île d'Enlli, auj.
Bardsey Island, servait de cimetière à vingt mille saints, tant confesseurs
que martyrs, et qu'à cause de cela elle était appelée « la Rome de Bretagne »,
insula Enlli quae more Britannico uoeatur Roma Britanniae. Mais il n'est pas'
exclu qu'après coup les Irlandais aient senti un rapport par jeu de mots
entre Rom, Ruam, nom de la ville, et ro uatn « grande caverne * (cf. l'édition
des poèmes deTadhg Dali O'Huiginn par Miss Eleanor Knott, t. II, p. 288).
186 Bibliographie.
historique n'en est possible. Et en effet, une langue isolée est
dénuée d'histoire. On ne peut faire l'histoire d'une langue qu'en
remontant à une langue commune initiale, et la restitution d'une
langue commune ne peut se faire que par la comparaison. C'est
une nécessité à laquelle doit se résigner la linguistique. Il y en a
d'autres encore. Sur le domaine même où elle est possible, l'appli-
cation de la méthode comporte certaines limites qui imposent cer-
taines réserves quant aux résultats. Passant en revue les différentes
parties de la tâche du linguiste, M. Meillet indique comment la
méthode comparative se comporte dans chacune d'elles. Il ne
manque pas de circonstances qui en rendent l'emploi difficile, voire
même scabreux. L'étymologie par exemple échappe pour la plus
grande part à la méthode comparative ; et la morphologie ne s'y
soumet qu'à la condition d'offrir un développement continu, régu-
lier, excluant les mélanges de langues. On mesure du regard, en
lisant M. Meillet, l'étendue, lacomplexité, la difficulté du métier de
linguiste; et on se demande comment un être humain peut avoir
l'audace d'entreprendre de se donner la culture linguistique inté-
grale. Mais cette culture est nécessaire à quiconque veut interpréter
le moindre fait de langue, et par conséquent à tous les philologues.
C'est en partant d'idées d'ensemble que le travail de détail, même
le plus menu, peut s'effectuer. C'est en s'appuyant sur des principes
généraux qu'on peut donnera ses conclusions valeur et portée. Le
petit livre de M. Meillet, si riche de réflexions profondes, devra
être lu et médité aussi des celtistes '.
J. Vendryes.
IV
W. J. Gruffydd. Llenyddiaeth Cymru, rhyddiailh o i $40 hyd 1660.
[Littérature galloise, la prose de 1540 a 1660]. Wrecsam, Hughes
a'i fab. 1926, 217 p. in-12, 6 sh.
Pour le plus grand profit des études celtiques, M. W. J. Gruffydd
Contrairement à ce qui est dit p. 41, le vieux mot *br~iwâ- 0 pont » n'a
pa subsisté dans les langues celtiques modernes. Celles-ci l'ont remplacé
par des mots nouveaux comme drochet en irlandais, pont (emprunt latin)
en brittonique. Mais le sens de *brïwâ- en vieux celtique est attesté par
une glose du manuscrit de Vienne : brio ponte (Dottin, la langue gauloise,
p. 213), et par le nom ancien de Pontoise, Briua Isarae, dans l'Itinéraire
d'Antonin.
Bibliographie. 187
continue sa tâche d'historien de la littérature galloise. Dans un
volume précédent, dont la Revue Celtique a parlé t. XL, p. 193, il
avait étudié la période de 1450 a 1 600 en s'attachant particulièrement
à la poésie. Cette fois, il traite de la prose. Il réserve pour une
publication ultérieure l'étude de la poésie en mètres libres aux
xvne et xvme siècles.
Cette façon de découper sa matière répond à un plan très arrêté,
dont on ne peut qu'approuver la conception. Mieux encore que le
précédent volume, celui-ci met en pleine lumière la méthode que
pratique l'auteur. 11 ne s'attache à l'étude particulière de chaque
écrivain et ne donne de renseignements sur sa vie que dans la
mesure où cela est utile à l'intelligence du développement de la
littérature. Il se propose d'étudier l'histoire des genres et non celle
des hommes, de marquer l'origine et la direction des courants, de
montrer quelle a été sur la littérature l'influence de la structure
sociale et des grands mouvements d'idées. La simple énumération
des chapitres de son livre fera apprécier cette méthode : 1. Avant
la traduction de la Bible ; 2. Les premiers livres imprimés; 3.
Wiliam Salesbury et son « Testament » ; 4. Le Nouveau Testa-
ment de 1567 ; 5. La Bible de 1588 ; 6. Après la traduction de la
Bible ; 7. Littérature de la Réforme ; 8. Littérature de la Contre-
réforme ; 9. Littérature de la Renaissance ; 10. Littérature des
Puritains. Tel est le plan de ce bel ouvrage, destiné à exposer
comment s'est formée la prose galloise moderne, sous quelles
influences et par quels moyens.
La prose et la poésie ont eu en Galles des destinées différentes,
tellement différentes qu'on peut se demander si les circonstances
qui favorisaient l'une n'étaient pas néfastes à l'autre, et récipro-
quement. Le xve siècle valait surtout par la poésie. La prose était
alors bien loin de fournir des œuvres qu'on pût mettre en balance
avec les cywyddau de poètes comme Dafydd ab Edmwnd, Guto'r
Glyn ou Llewis Glyn Cothi. Après l'époque des Mabinogion et
cette magnifique floraison de contes romanesques et d'ouvrages
d'histoire, la prose galloise était tombée dans une lamentable
décadence. Les exercices d'école qu'on désigne sous le nom
d'arailh sont d'une complication puérile et artificielle, véritablement
indignes d'un passé qui avait connu une prose si fraîche, si aisée,
si originale. Au xvie siècle la situation se renverse. La poésie subit
un arrêt brusque, suivi d'une longue décadence. La proseau con-
traire prend un essor décisif, dont le mouvement ne devait
plus s'arrêter. C'est que les conditions du pays avaient changé. En
quelques pages lumineuses, M. W. J. Gruffydd fait ressortir les
[88 Bibliographie.
motifs qui devaient favoriser la prose au détriment de la poésie.
Pour que la poésie se développe, il suffit de l'existence de petits
cénacles dans des cours princières. Au xve siècle comme au Xe,
les Gallois menaient la vie du clan (bywyd y llwytb) ; le chef du
clan avait autour de lui une clientèle, parmi laquelle figuraient des
poètes. Une vie plus large est indispensable à la prose. La période
qui vit naître les Mabinogion était une période où le Pays de
Galles participait au mouvement général des idées du monde
occidental. Mais au xiv1-' et au xve siècles, la conquête anglaise eut
pour résultat de couper les relations du Pays avec le monde exté-
rieur, d'élever un mur entre lui et le continent. Cela n'arrêta pas
la poésie, cela fut néfaste à la prose. Que fallait-il pour faire revivre
celle-ci ? Une transformation dans les mœurs. Il fallait qu'à la vie
de clan se substituât une vie nationale, que les écrivains fussent
amenés à cesser d'écrire pour le cercle étroit d'un public de cour
et à se tourner vers le peuple. Car si la poésie est d'essence aris-
tocratique, en ce qu'elle peut se contenter de satisfaire une petite
élite, la prose est foncièrement populaire et s'adresse à un vaste
public. Or, la Réforme provoqua cette transformation. C'est avec
la Réforme que la prose reprit essor. Et la date de 1563 où un acte
du Parlement rendit obligatoire la traduction de la Bible et des
livres de prières en langue vulgaire accessible à tous marque une
date décisive dans l'histoire de la prose galloise.
Sans doute, M. W. J. Gruffydd ne tombe pas dans l'exagération
de ceux qui considèrent que la prose galloise moderne est tout
entière sortie de la Traduction de la Bible, mais il soutient avec
raison qu'elle doit la majeure partie de son essor à cette traduction.
De là l'importance dans son livre des trois chapitres où cette tra-
duction est étudiée. Trois chapitres n'étaient pas trop pour cette
étude. La traduction de la Bible se fit en effet pour ainsi dire en
plusieurs temps et s'échelonne sur une période d'une vingtaine
d'années. En 1567 parut le 'Nouveau Testament, traduit par
Wiliam Salesbury, Testament Newydd ein Arghvydd Jesu Christ. En
1588 seulement parut la traduction complète de la Bible par
William Morgan, y Beibl cyssegrlan, sefyr hen Destament a'r newydd.
Les deux traductions sont d'un caractère très différent.
Le Mouveau Testament de 1567 n'était pas le premier ouvrage
imprimé en gallois (cf. R. Ceît., XLII, 182). Mais ceux qui avaient
paru antérieurement étaient déjà en tout ou en partie des livres
d'édification. Le premier imprimé, yn y Ihyvyr inunn, contient les
principales prières et quelques morceaux d'instruction religieuse.
Le second, OU sytwwyr peti Kembcro y gyd (vers 1 546), estun recueil
Bibliographie. 189
de proverbes ; mais un des suivants, Kynniver llith a ban or yscrylhur
lan ac 0 ddarlein yr Eccleis (15 51), est un recueil d'extraits de la
Bible pour l'usage des offices dominicaux. Yn y Ihyvyr hwnn avait
été composé par syr John Prys, mais à l'instigation de William
Salesbury. Le recueil de proverbes, élaboré par GrufTydd Hiraethog,
était précédé d'une adresse au lecteur composée par William Sales-
bury ; et enfin, c'est du seul William Salesbury que le Kynniver
llith a ban est l'œuvre. Tous ces ouvrages sont donc intéressants
à étudier parce qu'ils nous renseignent sur l'esprit dans lequel
Salesbury se mit à la traduction de la Bible. Sans doute il n'était
pas seul traducteur. Dès l'acte du parlement de 1563, l'évêque
Richard Davies avait entrepris la traduction de deux épîtres de
saint Paul et des épîtres de saint Pierre et de saint Jacques. Un
autre traducteur, Thomas Huet (ou Hewett) s'était chargé de
l'Apocalypse. Mais William Salesbury prit le reste, c'est-à-dire de
beaucoup la plus grosse part.
Comment s'acquitta-t-il de sa tâche ? La postérité fut sévère pour
lui. De son temps déjà, Morris Kyffin déclarait sa langue insup-
portable à l'oreille de tout vrai Gallois ; et tout le xixe s. a vécu
sur le jugement sévère de Gwallter Mechain (1761-1849), qui
passa pour une condamnation définitive. Celui-ci déclare que s'il
lui fallait donner à l'orthographe de Salesbury un nom emprunté
aux 24 mètres poétiques, c'est le nom de clogyrnach qu'il choisirait
comme le mieux adapté (p. 57) ; or clogyrnach rappelle clogyrnog
qui signifie « rocailleux, raboteux ». Et ce n'est pas seulement
l'orthographe de Salesbury qui est en cause; c'est sa langue même,
et son style, et ses principes de traduction. M. W. J. Gruffydd,
sans prendre la défense de Salesbury, cherche, comme c'est le
devoir d'un critique, à comprendre et à expliquer ses intentions.
Il montre fort justement que Salesbury a voulu avant tout rendre
son texte aisément accessible au peuple. Mais la langue du peuple
manquait d'unité, parce qu'elle n'était pas fixée. Et Salesbury
n'avait ni le goût ni le moyen de remonter à la tradition des Mabi-
nogion ou des Vies de saints pour trouver une langue littéraire
toute faite. Il prit donc tout bonnement la langue populaire avec
ses incohérences et ses faiblesses. Son orthographe, qu'on a tant
critiquée, tant moquée, est née du désir d'altérer le moins possible
la forme des mots pour les rendre compréhensibles. Il laissait à
chaque lecteur le soin de faire lui-même les corrections nécessaires
conformément à son propre parler. L'habitude qu'il prit de mettre
en marge de sa traduction des gloses aux mots du texte pour les
interpréter par des synonymes gallois ou parfois même les traduire
190 Bibliographie.
en anglais trahit à la fois son désir de se faire comprendre de tous
et l'embarras que lui causait l'absence d'une langue commune
constituée.
L'œuvre de Morgan fut inspirée d'un tout autre esprit.
M. W. J. Gruffydd n'exagère pas en écrivant p. 73 et suiv. que la
publication de Y Beibl Cyssegr-lan en 1588 est l'événement le plus
important de l'histoire de la littérature galloise. L'évêque
Morgan, il est vrai, qui avait pu réfléchir sur l'exemple de Sales-
bury, « prit son temps » pour choisir le modèle sur lequel il for-
merait la prose qu'il rêvait. Deux modèles s'offraient à lui : d'une
partie langage vulgaire, tel que Salesbury l'avait utilisé ; et d'autre
part la seule langue littéraire qui existait alors, celle de la poésie
lyrique. Il prit sans hésiter le second. Ce n'est pas à dire qu'il n'en
atténuât, qu'il n'en assouplît la raideur en empruntant quelques traits
à la langue vulgaire. Mais voulant faire œuvre littéraire, il estima
qu'il devait s'adresser à la littérature pour y prendre un modèle ;
et il fit bien. C'est grâce à lui que le pays de Galles, seul de tous
les pays de langue celtique, possède aujourd'hui encore une langue
littéraire, qui a un double mérite : celui d'être une langue com-
mune, fixée par les règles de la grammaire, et que l'on peut
apprendre et que l'on doit parler partout de la même façon ; et
celui aussi de se rattacher à la grande et belle tradition médiévale,
dont la poésie est une des gloires du pays. Une prose enrichie de
la dignité de la littérature poétique, c'était une nouveauté pour le
peuple. Le peuple s'en est vu imposer l'usage et l'a rapidement
adopté parce que c'était la langue de l'église nouvelle.
Le résultat de l'œuvre de Morgan fut de mettre à la disposition
du peuple la langue commune qui lui manquait. Le profit que le
peuple tira de cet outil qu'on lui donnait est immense. Sans
doute, Y Beibl cyssegr-lan n'était qu'une traduction. Mais c'était la
traduction d'une des plus belles littératures du monde, dont les
Gallois devaient faire leur nourriture pendant des générations. La
Bible communiquait sa richesse, son ampleur, sa majesté à la langue
galloise ; et c'était un beau succès pour celle-ci de se montrer à la
hauteur des pensées sublimes qu'on lui infusait. En fait, bien des
morceaux de la traduction de Morgan sont et demeurent des chefs-
d'œuvre de prose galloise.
Le succès en fut considérable ; si bien qu'une nouvelle édition
devint nécessaire dès les premières années du xvne s. Elle fut
faite en 1620 par les soins de l'évêque de Llanelwy Richard Parry
(1560-1623) ; mais il semble que la part principale de cette nou-
velle édition ait incombé à John Davies. Celui-ci révisa l'œuvre
Bibliographie. 191
de Morgan ; il se rapprocha plus encore de la tradition littéraire,
et manifesta même un souci constant de purisme. Mais la langue
était assez forte pour n'avoir rien à craindre des grammairiens.
L'impulsion que lui avait donnée Morgan était telle qu'elle conti-
nua son développement dans le sens qu'il avait fixé.
L'importance de la traduction de la Bible est telle qu'elle
domine tout le travail de M. W. J. Gruffydd. Mais les chapitres
qu'il lui consacre ne doivent pas faire négliger les suivants, qui ne
sont ni les moins attrayants, ni les moins instructifs du livre. D'un
bout à l'autre on admirera, outre l'érudition de l'auteur, le talent
avec lequel il sait mettre sa matière en valeur. Il a fait un excellent
livre, dont plus d'une page mérite de rester classique.
J. Vendryes.
John Jay Parry, The Vita Merlini (University of Illinois Studies
in Language and Literature, vol. X, n° 3, August 1925). Urbana,
138 p. gr. 8°. é 1.50.
La Vita Merlini n'avait pas été rééditée depuis l'ouvrage de San
Marte (A. Schulz), die Sagen von Merlin, publié en 1853. On sait
pourtant à combien de discussions ce curieux poème a donné lieu,
surtout de la part des romanistes. Une réédition s'imposait. On
doit savoir gré à M. Parry de l'avoir entreprise. Il a revu de près
les manuscrits et il a recouru pour l'interprétation aux travaux les
meilleurs et les plus récents. 11 a établi son texte avec soin ; il y a
joint une traduction anglaise. Une substantielle introduction et des
notes abondantes complètent le volume.
L'introduction expose les principales questions que soulève le
texte, et avant tout la question d'authenticité. Les derniers vers du
poème (15 25-1 5 29) mentionnent comme auteur Gaufrey de Mon-
mouth. San Marte (op. cit., 269), Brugger (Z. /. fran\. Spr. und
Lit., XXX, 215) et Sir John Morris-Jones (Taliesin, 49), à la suite
de Thomas Wright qui donna en 1837 une édition de la Vita en
collaboration avec Fr. Michel, ont repoussé ce témoignage, en le
déclarant apocryphe ; ils considéraient les derniers vers comme une
ajouture destinée à faire passer sous le nom d'un écrivain célèbre
un poème composé bien après lui. M. Parry examine leurs raisons
avec prudence et sagacité. Il ne les croit pas valables, et finalement
il se range aux côtés des nombreux critiques qui ne contestent pas
à Gaufrey la paternité du poème. Il croit môme pouvoir le dater. Le
192 Bibliographie.
poème est dédié à un évoque de Lincoln, nommé Robert : ce serait
Robert de Chesney,qui occupa ce siège épiscopal en 1 148. Une allu-
sion donnée aux vers 1498-1504 se rapporterait au sanglant combat
de Coleshill (Tlintshire), dans lequel Madawc ab Maredudd et Ran-
dolf, comte de Chester, furent battus par Owen Gwynedd (11 50).
D'autre part, Gaufrey semble avoir dédié son œuvre à Robert de
Chesney pour obtenir de lui le poste de Saint-Asaph, dont il fut
investi en n 51. Le poème aurait donc été composé à la fin de
11 50 ou au début de il 51, c'est-à-dire presque au terme de la
carrière de Gaufrey, qui mourut en 11 55. Ces raisons paraissent
plausibles. M. Parry les avait exposées déjà dans un article de
Modem Philology (« the date of the Vita Merlini », t. XXII,
p. 413). Il les reprend ici en les confirmant.
Comme tout ce qui est parti de la plume de Gaufrey, la Vita
Merlini est d'un grand intérêt pour les celtistes. Elle fourmille de
détails empruntés aux plus vieilles traditions brittoniques ; elle
donne lieu à des comparaisons constantes avec les vieux poèmes
gallois, dont l'interprétation en est parfois éclaircie. Sir John
Morris Jones ne s'est pas fait faute d'y recourir dans son livre sur
Taliesin. M. Parry a lui-même composé une étude spéciale sur
« the Celtic tradition and the Vita Merlini » (Philologie al Quarterly,
IV, 193). C'est un sujet sur lequel des recherches ultérieures appor-
teront certainement du nouveau. Le personnage de Merlin est un
des plus intéressants du cycle arthurien ; il a été constitué d'élé-
ments variés dont on trouve çà et là le point de départ dans l'histoire
et dans la légende ; il joue un rôle de premier plan dans la
matière de Bretagne ; son nom est mêlé aux récits, aux poèmes
les plus fameux de la littérature galloise et de la littérature fran-
çaise. Il mériterait une étude d'ensemble, où toutes les données
éparses dans ces deux littératures seraient analysées, classées, coor-
données. C'est une tâche qui devrait tenter quelque jeune médié-
viste.
La façon dont s'est constituée la légende de Merlin s'éclaire sou-
vent de comparaisons avec l'Irlande. La folie de Myrddyn Wyllt a
un pendant dans celle de Suibhne Geilt ; les deux aventures se
développent dans des cadres semblables et ont de nombreux traits
communs. M. Parry ne manque pas de rappeler ce rapprochement.
On en peut faire d'autres. Miss Paton (Modem Language Notes,
t. XVI II, 165) a signalé un curieux rapport entre la Vita Merlini
et Ylmram Curaig Maelduin ; c'est l'épisode des pommes magiques
qui rendent fous ceux qui en mangent (Vita MerL, v. 14 17 et
ss., Imr. Cur. Maeld:, chap. 29, R. Celt., X, 70). On peut
Bibliographe. 1 9 3
s'étonner que M. Parry n'y insiste pas davantage, vu que Mael-
duin figure nommément dans le poème de Gaufrey. Le fou qui
raconte à Merlin l'aventure des pommes magiques (vers 1452) y
porte le nom de Maeldinus. San Marte (die Sagen von Merlin,
p. 335) a proposé pour ce Maeldinus diverses identifications fan-
taisistes. Par prudence sans doute, M. Parry s'abstient de se pro-
noncer. Mais il n'y a pas à chercher bien loin l'identification du
personnage. C'est évidemment le Maelduin irlandais. Ulmram
Curaig Maelduin, qui jouit en Irlande d'une grande popularité et
dont nous avons à la fois une version en prose (R. Celt., t. IX et
X) et une autre en vers (Anecd.fromlrish MSS., t. I), est un récit
extraordinaire ; il a été constitué d'éléments variés, où se mêlent
aux souvenirs classiques des traditions celtiques, même en partie
communes à la Grande-Bretagne et à l'Irlande (cf. Wh. Stokes,
R. Celt., IX, 449-450).
Il est probable qu'en cherchant bien on trouverait dans la Vila
Merlini plus d'un rapprochement avec l'Irlande. Ce curieux texte
réserve encore auxceltistes un beau champ d'étude. 11 s'en faut que
tous les problèmes qu'il pose soient résolus.
J. Vendryes.
VI
Arthur C. L. Brown, The Grail and the English « Sir Perceval »,
reprinted for private circulation from Modem Philology.
Du volume XVI au volume XXII de Modem Philology, c'est-à-
dire de mars 1919 à novembre 1924, M. Arthur C. L. Brown a
publié une série de six importants articles consacrés aux rapports
du Conte de Graal de Chrestien de Troyes et du Sir Perceval anglais.
L'ensemble forme un volume d'environ 110 pages, qui est fort
imponant pour l'histoire des romans arthuriens. La portée en
dépasse même de beaucoup l'objet indiqué dans le titre ; c'est au
fond l'origine du cercle du Graal qui est en question.
M. Brown est parti de l'idée que le Sir Perceval est indépendant
du Conte de Chrestien et qu'il contient même des éléments plus
anciens que celui-ci. Chrestien est mort vers 1175 et le Sir Per-
ceval est daté des environs de 1340. On ne peut pas établir que
l'auteur du Sir Perceval ignorât l'existence de l'ouvrage de
Chrestien, et ce serait peu vraisemblable. Quelques détails mon-
trent même que l'auteur anglais a subi dans une certaine mesure
l'influence de Chrestien, mais dans une mesure restreinte. Ce n'est
Revue Celtique, XL1II. ij
i^l Bibliographie.
pas de Chrestien qu'il a tiré le fonds même de son poème ; c'est
d'une autre source, dont sont également sortis le Par\ival de Wol-
fram von Eschenbach (écrit vers 1210) et le Lan^elel d'Ulrich von
Zatzikhoven. Ce dernier raconte qu'il tenait l'original français de
son récit d'un otage de Richard Cœur de Lion, Hugo de Mor-
ville, venu d'Angleterre en 1194. Et Gaston Paris a prouvé que
cet original français pouvait remonter à environ néo. D'autre part,
on observe certains rapports entre le Lan\elel et un poème du
xme s., Floriant et Florete. Les mêmes rapports unissent ces deux
poèmes au Sir Perceval anglais (v. Modem Pbilology, XVII,
p. 82).
Quelle est donc la source dont tous ces récits dérivent ? En étu-
diant la littérature irlandaise, M. Browny a découvert dans le cycle
de Finn et notamment dans les Macgnimartha Finn (Rev. Celt., V,
195) et dans le Fotha Catha Cnucha {Rev. Celt., II, 86) certains
traits qui se retrouvent exactement dans Sir Perceval. Il faut que
Sir Perceval et ces récits irlandais remontent à un original commun
(M. Pb., XVIII, 46). Cet original était un conte populaire rou-
lant sur un combat mené entre des demi-dieux et des géants au
moyen d'armes enchantées. Et ce conte populaire devait être irlan-
dais (jbià., p. 50-52). Aussi bien, l'intrigue de Sir Perceval porte-
t-elle toutes les marques d'une origine irlandaise : c'est au fond
une lutte entre deux clans, celui d'Arthur avec Gauwain et Perce-
ceval et celui de Gollerotherame avec le Chevalier rouge et le
Chevalier noir. Or, le système du clan, qui est inconnu en Angle-
terre ou en France, est à la base même de la société irlandaise.
L'origine irlandaise du conte dont Sir Perceval est inspiré ne sau-
rait donc faire de doute. M. Brown se hasarde même à indiquer
ce que ce conte contenait (Mod. Phil., XVIII, 154 et ss.) ; c'était
un conte du cycle de Finn. Il ajoute que la transmission du conte
irlandais à l'auteur de Sir Perceval a dû se faire par l'intermédiaire
de versions galloises ou françaises (ib., iéi).
C'est donc du côté de l'Irlande qu'il convient de chercher la
source des principaux épisodes de la légende du Graal et de cette
légende elle-même. La bataille des dieux et des géants est un thème
dont la littérature irlandaise offre des développements bien connus,
à commencer par la « Bataille de Moytura » (Cath Maige Tured).
On en retrouve l'écho dans plusieurs récits, comme le Serglige
Conculaind, VEcbtra Loegaire, le Longes mac n-Duil Dermait, anté-
rieurs à la date où se sont constitués les romans arthuriens. Une
analyse assez poussée de ces récits irlandais en fait voir le rapport
avec Sir Perceval. Le fond même de celui-ci n'est-il pas l'histoire
Bibliographie. 195
d'un jeune héros, d'un enfant merveilleux, élevé dans une foret par
une mère adoptive, et amené soudain à la cour d'un roi, où il
reçoit le meilleur accueil, et où grâce à ses talents et à ses armes
magiques il tue un tyran dont le pouvoir surnaturel opprimait le pays.
Or telle est précisément l'histoire de Lug dans le Cath Maige Tured
(Mod. Phil., XXII, 86). Un autre récit irlandais, YOided Chloinne
Tuired, qui n'est malheureusement conservé que. dans une recen-
sion du x"viiie siècle, mais dont on trouve le sujet exposé dans un
poème des environs de 1100 (Thurneysen, Z. /. Celt. Phil., XII,
243), montre combien les talismans jouaient un rôle dans les luttes
entre les fées et les Fomorians. Or, le Sir Perceval est également
rempli de talismans. Dans le nombre, on trouve une lance, un
anneau, une armure; on trouve aussi une coupe d'or, celle que le
Chevalier Rouge déroba à Arthur. Cette coupe devait être originel-
lement un « vase d'abondance » comme le chaudron de Dagda et
comme enfin le Graal. Nous voici donc amenés à considérer les
traits essentiels de la légende du Graal comme d'origine irlandaise.
Sans doute, tous les romans arthuriens existants, y compris le
Conte de Chrestien, ont été touchés par des influences chrétiennes,
mais leur fond est païen et vient du folk-lore celtique. Si le Graal
est chrétien, c'est parce qu'il a été transformé ; originellement c'est
un « vase d'abondance » de la mythologie' féerique et sa légende
Conserve «n grand nombre de traits où se révèle cette origine.
Tel est le terme auquel M. Brown a conduit cette longue étude,
où il se montre à la fois celtiste et romaniste, témoignant ainsi du
profit que l'on peut tirer de l'accord des deux disciplines. Suivant
une méthode très patiente et très sûre, la démonstration se pour-
suit par un enchaînement de preuves habilement ordonnées.
Aucun historien de la littérature médiévale ne pourra ignorer ce
beau travail. Les lecteurs de la Revue Celtique devaient être infor-
més au moins des conclusions auxquelles il aboutit. Il faut laisser
à d'autres le soin de le critiquer, s'ils le peuvent.
J. Yen'dryes.
VII
Ifor Williams, Chwedlau Odo, gyda rhagymadrodd, nodiadau a
geirfa [Les Fables d'Eudes, avec introduction, notes et vocabu-
laire]. Wrecsam, Hughes a'i fab. 1926. xljv-70 p. in-12, 5 sh.
Le quatrième volume des Fabulistes latins de Léopold Hervieux
(2e édition, Paris, Firmin-Didot, 1896) est en majeure partie con-
1 9 6 Bibliographie .
sacré aux fables et paraboles d'Eudes de Cheriton. L'édition du
texte latin de cet auteur y est précédée d'une introduction de 170
pages où tout ce qui concerne sa vie et ses ouvrages est très minu-
tieusement étudié. On y apprend qu'il portait en latin le nom d'Odo
de Cerilona ou Cheritona ou Ciringtonia et que ce nom est tiré du vil-
lage de Cheriton, près Folkstone en Kent, d'où Eudes était sans doute
originaire. 11 florissait dans la première moitié du xme siècle ; sa
mort se place aux environs de 1247. Jl appartenait certaine-
ment au monde religieux, dont il fut, au dire d'Hervieux, une des
personnalités les plus remarquables ; mais il n'est pas sûr qu'il
fut moine de Cîteaux, comme quelques-uns l'ont pensé. Il est l'au-
teur de sermons, qu'il destinait à l'instruction religieuse du peuple,
et aussi de fables ésopiques, où il se proposait un objet très spé-
cial, celui de combatre la démoralisation du clergé de son temps.
Mais les fables ont été par la suite détournées de cette destination
et introduites dans la trame des sermons. Certains prédicateurs, en
les recopiant pour s'en faire un recueil des matériaux, les ont
allongées ou raccourcies, diminuées ou accrues en nombre suivant
leurs besoins propres ou la fantaisie de leur imagination. Aussi,
l'étendue de la collection varie-t-elle beaucoup d'un manuscrit à
l'autre ; et la tâche d'en reconstituer l'état primitif est parfois des
plus malaisées. Léopold Hervieux, dès sa première édition en 1884,
avait donné les fables d'Eudes sous une forme plus complète que
ses devanciers, puisque le total s'en élevait à 112, alors que, après
le travail du dernier éditeur M.Voigt (1878), on n'en connaissait
que 74- _
Le succès des fables d'Eudes de Cheriton fut très grand au
moyen âge. On en peut juger à la fois par le nombre des manu-
crits qui les ont conservées — Léopold Hervieux en connaissait
vingt-cinq — et par les traductions qui en furent faites. Il en existe
une traduction française dans un manuscrit de la fin du xme siècle
conservé à Cheltenham. Paul Meyer en a fait une étude complète,
dont il a publié les résultats dans la Romania, t. XIV, p. 388-397.
Cette traduction française ne comprend que 65 fables. Il en existe
également une traduction espagnole, qui sous le nom de Libro de
los gatos, « Livre des chats »', renferme 64 fables ; elle a été publiée
en 1860 dans la Biblioteca de autores espanoles (t. LI, p. 543-560)
par M. Pascual de Gayangos. Et enfin, fait que Léopold Hervieux
n'avait pas connu, il existe des fables d'Eudes une traduction gal-
loise, dont la copie la plus ancienne se trouve aux folios 509-521
du manuscrit Llanstephan n° 4, copié vers 1408 et conservé à la
National Library d'Aberystwyth. Elle ne comprend que 21 fables ;
Bibliographie. 197
mais l'examen du manuscrit montre qu'il en contenait d'abord 24.
M. Ifor Williams rend un nouveau service à la philologie gal-
loise en publiant à l'usage des écoles le texte des Chwedlau Odo
o Fables d*Odo ». Il a fait précéder son texte d'une introduction
où il résume l'histoire du genre de la fable depuis Esope jusqu'au
moyen âge, et où il étudie, surtout d'après Léopold Hervieux, la
vie et les œuvres d'Eudes de Cheriton. Il donne d'utiles renseigne-
ments sur les manuscrits de cette traduction galloise et sur les
éditions qui en furent faites avant lui, notamment dans Y Greal
('Londres, 1806) et dans les Aberystwyth Studies (t. III, 45-70),
cette dernière par M. Gwynn-Jones, accompagnée d'une traduc-
tion. On aimerait à savoir comment a procédé le traducteur gal-
lois ; s'il a fait lui-même un choix dans l'ensemble des fables
latines, et alors quel principe l'a guidé ; ou s'il s'est borné à tra-
duire un recueil latin lui-même incomplet. Les indications que .
donne M. Ifor Williams à ce sujet, p. xliij, sont un peu vagues.
Eudes de Cheriton fut en tout cas apprécié des Gallois. On ren-
contre des allusions à ses fables dans des écrits bien postérieurs,
par exemple dans des poèmes de Sion Tudur, qui vivait au temps
d'Elisabeth (Chwedlau Odo, p. 30 et 39).
Le traducteur gallois a traité son original avec une certaine
liberté, si l'on s'en rapporte à la comparaison du texte de l'édition
d' Hervieux. Ce dernier a été souvent modifié, raccourci, augmenté ;
qu'on en juge par les divergences de la première fable (Hervieux,
p. 180) : « nigram •> est rendu par yn drive y thrzusyat, « cauda
pauonis » par esgylly paun, « deridere et inclàmare » par kellweiraw
a greu a llefein, « turpis et nuda » paryw hagyr anffurueid tnegys yd
oed gynt, « de ornatu suo » par oe adurn à'e wisgoed ae drwssyat,
« nudus et turpis » par yn auurdedic gewilydyus, « nihil secum
afteret de omnibus bonis suis » par nys kanlyn dim oeolut bydawl
ef dyeilhyr tlawt anidoyr daear, etc. La fin de la fable est plus modi-
fiée encore ; même le texte d'une citation latine est changé, puis-
qu'au lieu de in multitudine la traduction galloise porte pro mul-
litudine. Certaines des modifications précédentes peuvent être dues
à un souci de style. Mais d'autres motifs ont pu en inspirer aussi.
Dans la seconde fable le texte gallois substitue la taupe (gwad)
à la tortue. Cela a entrainé des modifications dans le détail du
récit : au lieu de « manens in locis humidis et profundis », on Ht
a oed yn y daear yn cladu et plus loin, au lieu de « in foramine
meo » v'ni lloclrwes yn y daear ac y m keneuin.
Le texte gallois de certaines autres fables est plus différent
encore du texte latin, surtout dans les « morales ». Il aurait été
19S Bibliographie.
bon de signaler en appendice toutes ces divergences. Car si l'on ne
peut en conclure que le traducteur avait sous les yeux un texte
latin différent de celui qu'a édité Hervieux — auquel cas le texte
gallois aurait une grande importance pour l'histoire des fables
d'Kudes de Cheriton — ces divergences permettent du moins de
voir dans quel esprit travaillait ce traducteur.
Le gallois des chwedlau est en général d'une prose simple et
aisée, très proche de celle des écrits historiques du xive siècle. On
y trouve quelques mots empruntés de l'anglais, comme adyrcop
(de attercop), barcut,ffald (defold),gwedyr (auj. gwedderde ivether),
etc. ou du français, comme cwrtynys, ffreutur, partrissot « perdrix
(pi.) », pwreas, trwssyat, tunnell, usur, etc. Le traducteur a con-
server « Chantecler » (Hervieux, p. 198) qu'il a transcrit Syawndy-
clyr, mais il a laissé de côté Ysemgrinus (id., p. 198) qu'il traduit
e bleid. Quelques mots et tours gallois sont intéressants : de lleyg
« laïque » (empr. latin), fém. leeces en v. gallois (Loth, Vocab.,
p. 172), pi. lleygyon (Chwedlau Odo, p. 5, 24), a été tiré Ueygwr
(jbid., p. 45, 1. ié) qui s'applique à un soldat commelac^en irlan-
dais. L'emploi de l'auxiliaire « faire » (a wna, a oruc, a wnaeih)
est extraordinairement fréquent : on rencontre même gwneuthur...
a wna (p. 7, 1. 16). Le démonstratif yr hwnn sert parfois de relatif
(5, 11 ; 6, 10). A noter encore la locution tu ac ait y keilyauc « du
côté du coq » (p. 18, 1. 2) et l'expression bod wrth dans wynl a
dywedant na bydei un ohonunt wrth bedwar or Ffreingk yn y ml ad
« ils disent que pas un seul d'entre eux ne céderait à quatre Fran-
çais dans le combat » (p. 4, 1. 13).
M. Ifor Williams a fait suivre son texte de notes abondantes, où
il relève les principales particularités grammaticales et explique les
formes ou mots rares par des comparaisons tirées d'autres textes
du moyen-gallois. Tout cela est d'une érudition solide et d'une
bonne doctrine philologique. Sur quelques points on peut hésiter
à suivre le savant auteur. P. 31. L'hypothèse que dans llochwes le
w se serait développé spontanément après ch aurait besoin d'être
appuyée d'autres exemples : jusque là elle paraît insoutenable. —
P. 35. Le cas de twrdd est des plus complexes. H y a d'une part
un mot celtique désignant le bruit, qui s'est conservé dans l'irlan-
dais dord ; le / initial du gallois peut être expliqué comme le fait
M. Pedersen Vgl. Gr.y I, 494. D'autre part, l'alternance de la spi-
rante labiale et de la spirante dentale est un fait fréquent en gallois
(cf. Mélanges F. de Saussure, p. 312), si bien que twrf peut sortir
par dissimilation de twrdd. Mais il a dû se produire une confusion
entre twrdd (twrf) et le mot torf « foule » emprunté du latin tur-
Bibliographie. 199
ma on turba. — P. 41. Si or gwney contient ry, cette particule n'a
pas ici le rôle qu'elle joue devant le prétérit ; elle marque la pos-
sibilité (cf. J. Loth, R. Celt., XXIX, 55). — P. 54, à propos de
mordwy il fallait renvoyer à Osthoff, Z. f. Celt. Phil., VI, 414-
432, et notamment p. 426. — P. 60. La note sur dotivy (p. 21,
1. 4) est intéressante ; mais il manque la mention du breton. En
général, les philologues gallois dédaignent le breton et le cor-
nique ; ces dialectes sont trop étroitement apparentés au gallois
pour mériter cette disgrâce et d'autre part ils sont assez différents
pour que la comparaison en soit utile. C'était le cas au sujet de
dotwy dont on ne peut séparer le breton do\vi (dovï), m. bret.
de~xuiff « pondre ». Les deux formes ne se recouvrent pas exacte-
ment ; le rapprochement n'en est que plus instructif. L'irlandais
offre d'ailleurs le correspondant du gallois sous la forme doth
(ci-dessus, p. 66, § 67).
J. Vendryes.
VIII
Tomâs O'Rathile [Thomas O'Rahilly], Laoithe Cumainn, Clô
Ollsgoile Chorcai [Cork University Press], 1925, 39 p. in-12,
1 s. 6 d.
Le même, Dànta Grâdha, part I, Text, with an Introduction by
Robin Flower, 2e édition, Cork University Press, 1926, xxxiv-
148 p. in-12. 5 s.
Le même, Bùrdùin Bheaga, Dublin, Browne and Nolan, 1925,
iv-74 p. 8°, 2 s.
M .T.O'Rahilly est l'auteur d'une collection de Dânta Grâdha
(.' Poèmes d'amour » dont la première édition, publiée en 191 6,
fut rapidement épuisée. En attendant une réédition, entreprise sur
un plan plus vaste, il publia en 1925 sou.s le titre Laoithe Cumainn
« Lais de tendresse », un choix de vingt-trois poèmes, extraits
d'avance de l'édition future. En faisant ce choix anticipé,
M. O'Rahilly n'avait pas seulement pour but de faire prendre
patience au public. Il pensait surtout aux étudiants, auxquels il
fournissait des textes qui se recommandaient autant par l'aisance
et la simplicité de la forme que par la beauté du fond. Un petit
glossaire des mots rares ou difficiles, une courte liste des noms
propres et des noms d'auteurs, quelques indications sur les mètres
terminaient ce petit volume en ajoutant à la commodité du lecteur.
La seconde édition des Dânta Grâdha vient enfin de paraître,
200 'Bibliographie.
considérablement augmentée. Au lieu des 37 poèmes que conte-
nait la première, nous en avons maintenant 106, qui par leur
variété de fond et de forme constituent un ensemble du plus haut
intérêt. On ne saurait être trop reconnaissant envers l'auteur de la
peine qu'il s'est donnée pour rassembler tous ces poèmes, épars
dans divers manuscrits, et dont beaucoup n'étaient pas seulement
inédits, mais inconnus. Par la date ces poèmes s'échelonnent du
milieu duxivc siècle aux environs de 1750 ; mais la majorité appar-
tient en fait aux xvie et xvne siècles. Presque tous sont anonymes.
Rares sont les auteurs dont on a conservé le nom. Dans le nombre
il y a des nobles et des roturiers, des amateurs et des profession-
nels, il y a même Geoffroy Keating, le grave et savant historien,
qu'on ne s'attendrait pas à rencontrer dans un recueil consacré à
l'amour. Mais c'est que l'amour est traité ici comme un genre lit-
téraire.
On connaît déjà un recueil de poèmes d'amour irlandais ; c'est
celui qui est dû à M.Douglas Hyde, les charmants Love Songs of
Connacht (Dublin, 1909). Bien que quelques morceaux de ces Love
Songs figurent, avec quelques variantes il est vrai, parmi les Douta
Gràdba \ l'inspiration des deux ouvrages est en général bien diffé-
rente. On goûte dans les poèmes qu'a réunis M. Hyde une saveur
populaire et rustique. C'est une poésie partie du peuple, âpre dans
la tendresse, violente dans la passion et d'une sincérité émou-
vante. C'est souvent même une poésie de bannis et d'outlaws. Le
recueil de M. O'Rahilly est d'un genre beaucoup plus relevé. Les
poèmes y sont l'œuvre de gens cultivés, pour qui l'art n'a pas de
secrets. Ce sont des morceaux littéraires qui soutiennent la com-
paraison avec les meilleures productions des littératures étrangères.
On trouve dans le nombre des madrigaux, galamment et spiri-
tuellement tournés, qui rappellent les plus jolis vers de Théophile
ou de Tristan L'Hermite. Les effets et les chutes y sont habilement
préparés, les métaphores savamment filées, comme dans la Maison
de Sylvie ou mieux encore le Promenoir des deux amants. Par
exemple le n° 13 est d'une grâce précieuse, qui eût ravi l'hôtel de
Rambouillet. Comme chez nos précieux, l'érudition déborde :
1. Par exemple le n° 83 de M. O'Rahilly (l'histoire piquante du comte
de Rome et de sa femme) est déjà dans les Love Songs, p. 142 ; de même
le n° 99, qui est un petit chef-d'œuvre d'ironie, se trouve à la page 138
des Love Songs. Enfin le n° 82 des Dànta Grddha est reproduit à la page 137
des Love Songs. Mais M.D.Hvde fait observer lui-même que le ton de ces
morceaux tranche assez nettement sur le ton ordinaire de son recueil.
Bibliographie. 201
mais c'est beaucoup moins l'érudition classique, qui d'ailleurs n'est
pas absente, que l'érudition celtique avec l'abondant cortège des
héros de l'épopée médiévale. Ainsi l'auteur du poème n" 7 rappelle
la conduite amoureuse de Diarmaid et Grainne, de Noise et Der-
driu, sans oublier Cuchullin, Uaithne mac Conaill Chernaig,
Mongan mac Fiachra et bien d'autres. L'auteur du poème n° 71
énumère toutes les héroïnes qui se sont laissé enlever par des
amants pour décider sa bien-aimée à suivre leur exemple : ici l'éru-
dition se fait badine et plaisante.
D'ailleurs, la préciosité ne va jamais sans son frère le burlesque.
Il ne manque pas parmi les Dànta Gràdha de pièces où le comique
est poussé à la charge : telle celle qui porte le n° 99, où le poète
accumule tous les clichés du langage amoureux pour les tourner
en ridicule. Enfin la satire s'y fait parfois mordante. Ainsi dans la
pièce n°94, où le poète se moque d'un mari jaloux, dont la femme
fort laide ne fait envie à personne : les précautions dont ce mari
entoure sa femme sont, dit-il, comme « une haie sans pré », siu
an fàl gan ghorh
Mais ce qui domine dans l'ensemble c'est une poésie très déli-
cate, où les nuances du sentiment de l'amour sont finement expri-
mées par des poètes qui en savent cependant la vanité, la fragilité.
Dans les effusions les plus idéales ils ne perdentjamais le sens aigu
de la réalité ; et ce mélange de mysticisme et d'humour est bien
irlandais. On ne sait ce qu'il faut admirer le plus chez eux de la
fantaisie qui leur donne des ailes ou de l'ironie qui les retient de
voler trop haut.
Le "recueil de M. O'Rahilly ne comporte ni glossaire, ni notes.
Mais ce n'est, le titre l'indique, qu'une première partie. Il est à
souhaiter que l'auteur ne fasse pas trop attendre une partie de com-
entairem. Un commentaire est souvent indispensable à l'interpré-
tation du texte et nul ne saurait le donner avec plus de compé-
tence.
En 1925 aussi, l'infatigable M. T. O'Rahilly a publié sous le
titre Bùrdùin Bheaga un recueil de quatrains, recueillis par lui au
cours de lectures dans divers manuscrits. Le mot bûrdûn est appa-
remment tiré du mot français bourde désignant une plaisanterie facé-
tieuse. Dans une note, p. 44, M. T. O'Rahilly lui donne un sens
technique plus précis : bûrdûn désignerait une pièce à rythme
accentuel, mais non destinée à être chantée, par opposition aux
amhràin qui sont des chansons et aux dànta qui sont des poèmes à'
rythme syllabique. Ces Bùrdùin bheaga sont accompagnés de notes
et d'un court glossaire. On a souvent besoin de recourir aux unes
202 Bibliographie.
et à l'autre, et on estime même parfois qu'ils sont tous deux trop
courts. C'est que l'auteur a transcrit les poèmes dans une ortho-
graphe spéciale qui gêne assez fortement les non-initiés. Il serait
bien à souhaiter que les écrivains et les savants irlandais se mettent
d'accord pour unifier leur orthographe. La diversité des systèmes
en usage ne facilite guère aux étrangers l'apprentissage d'une langue,
qui par elle-même n'est pas des plus faciles.
J. Vendryes.
IX
Pembrokeshire, An Inventory of the ancient Monuments and Cons-
tructions in thecounty ofPembroke. London. H. M . Stationery
Office, 1925, lviij-490 p. f°. € 3, 3 sh. o d.
Ce volume est le septième de la collection publiée par la
« Royal Commission on the ancient and historical monuments and
constructions in Wales and Monmouthshire ». Cette commission,
quia pour président Sir Vincent Evans, pour secrétaire M. Edward
Ôwen et qui comprend parmi ses membres Sir John Morris-Jones,
fait un admirable travail que pourraient envier bien des sociétés
scientifiques d'autres pays. Les publications qu'elle met au jour
sont d'une perfection digne à tous égards de la plus haute
estime. Ce volume, consacré au Pembrokeshire, en est une preuve ;
il contient tout ce qu'on peut désirer sur l'histoire et l'archéologie
de ce comté. Il est pour la plus grande part l'œuvre de M.Edward
Owen, auquel il fait grand honneur. Ce n'est pas la' première fois
que le nom d'Owen se trouve attaché au Pembrokeshire. En 1603,
parut la première partie d'une Description of Pembrokeshire, dont
l'auteur était George Owen, de Henllys (15 5 2- 161 3). Les autres
parties restèrent manuscrites. Mais l'ouvrage a été publié en 1892
par M.Henry Owen pour la société des Cymmrodorion.
Par une ironie de l'histoire, le Pembrokeshire, où la langue
galloise est en majeure partie sortie de l'usage depuis plusieurs
siècles, est un des plus gallois par l'antiquité des traditions et l'im-
portance des monuments. Il comprend le siège épiscopal de
Saint David, le plus ancien de la Principauté ; c'est-à-dire qu'au
point de vue religieux, il a été longtemps le centre des aspirations
du pays. Au point de vue des légendes, c'est en Pembroke, l'an-
cien pays de Dyfed, qu'ont été localisés certains des récits conser-
vés dans les Mabinogion : Pwyll tenait sa cour à Arberth (auj.
Narberth). La disparition du gallois s'explique historiquement par
Bibliographie y 203
le grand nombre des invasions diverses que le comté a subies.
La péninsule de Pembroke, faisant pointe dans la mer, attirait les
visiteurs et les pirates étrangers. C'est là que les Irlandais eurent
les établissements les plus anciens et les plus durables. C'est là
que les Scandinaves exercèrent le plus de déprédations, comme
on l'apprend par les Bruts, où il est souvent question des descentes
de « Kenedl » dans le pays de Dyfed (v. notamment R. B. Br.,
II, 264). C'est là enfin que dès le début de la pénétration anglo-
normande furent établis les bastions les plus solides en vue de la
conquête définitive dn pays. C'est là que le roi Henri II installa
uue colonie de Flamands qui y adoptèrent l'usage de l'anglais et
contribuèrent à faire du pays ce qu'on a appelé « little England
beyond Wales ». Pour toutes ces raisons, le Pembrokeshire offre
l'histoire la plus variée; et comme il a conservé des monuments
des différentes périodes de cette histoire, on peut dire que c'est
pour l'historien et l'archéologue un des comtés les plus intéres-
sants de la principauté.
On y a trouvé des pierres taillées de l'époque paléolithique, des
poteries et des armes de l'âge du bronze, des mégalithes, dont plu-
sieurs dolmens sont parmi les plus beaux du Royaume-Uni. Bien
mieux : la pierre dont sont faits les monuments de Stonehenge
semble avoir été tirée des Prescelly Mountains, dont la chaîne
s'étend à l'Est de Fishguard. De l'époque romaine datent des restes
de forteresses et de constructions encore visibles. La trace des
établissements irlandais se lit sur des inscriptions oghamiques qui
comptent parmi les plus importantes, tandis que de nombreuses
inscriptions latines témoignent de l'antiquité de la religion chré-
tienne dans le pays. Comme monuments anglo-normands, les châ-
teaux de Carew, de Manorbier, de Cilgerran, de Newport, de
Pembroke montrent les ruines les plus imposantes. Et parmi les
monuments religieux, il faut citer en premier lieu la cathédrale de
Saint David, où se voit la tombe de Giraud de Cambrie, qui était
né à Manorbier et fut recteur à Tenby.
Ce court résumé donne une faible idée des richesses archéolo-
giques du comté de Pembroke et de l'intérêt qu'il offre à l'histo-
rien. L'ouvrage de la Royal Commission est composé sur un plan
•géographique, c'est-à-dire qu'il énumère les paroisses l'une après
l'autre dans l'ordre alphabétique en indiquant pour chacune d'elles
les monuments qu'elles possèdent. Chacun de ces monuments fait
l'objet d'une description et d'une étude détaillées, le tout superbe-
ment illustré. Une substantielle introduction présente un exposé
d'ensemble de l'histoire du pays par période. Il est un point sur
204 Bibliographie.
lequel l'auteur de cette introduction passe un peu vite. C'est celui
qui touche aux relations du Pembrokeshire et de l'Irlande. Ces
relations ont été fort importantes. L'arrivée des Dési, expulsés
d'Irlande, qui fit donner au pays le nom de Moniu Deorum (v.J.
Loth, R. Celt., XXXVII, 315) fut un grand événement historique et
méritait d'être souligné. Ce ne sont pas seulement des récits
irlandais qui nous renseignent sur cette invasion. On en trouve
l'écho dans la Vie de Saint David (Rev. Celt., XL, 191) ; et- plu-
sieurs/ noms de lieu, comme Cilgerran ou Llangolrhan en conser-
vent visiblement la trace. Plusieurs des croix conservées dans le
pays ont un aspect irlandais (v. p. 263). Et l'un des monuments
les plus importants pour l'histoire des relations entre Irlande et
Galles, la pierre qui porte l'inscription funéraire bilingue de
Voteporix, si elle n'est pas dans les limites du Pembrokeshire, s'en
trouve du moins toute voisine, à un mille et demi au Nord de
Llandewi Velfrey (cf. Wade-Evans, Life of St David, p. 76).
Quant aux établissements Scandinaves, dans un passage de sa
magistrale Hislory of Wales, cité p. xxxjx, M J.Lloyd semble tenté
d'en diminuer l'importance. En fait de nombreux noms de lieu en
conservent la trace ; et, si l'on rencontre hors du Pembrokeshire
Anglesey ou Swansea, cest en Pembrokeshire que se trouvent,
plus ou moins déformés par l'anglais, Fishguard (gall. Aberguaun)
et Gatholm, Hasguard et Haverford, Milford et Ramsey, Steynton
et Tenby. L'étude des noms de lieu du Pembrokeshire est indis-
pensable pour l'histoire des invasions qu'a subies le pays. Dans
l'histoire galloise proprement dite, le Pembrokeshire occupe une
place qu'on n'attendrait guère, à considérer sa position excentrique.
D'âpres luttes s'y décidèrent. L'introduction contient quelques
pages, qui semblent définitives, sur la localisation de Mynydd
Carn, où eut lieu en 108 1 une fameuse bataille, qu'on a appelée
le Hastings gallois (v. p. xliij-xlvj).
I Vendryes.
X
Gaston Esnault, L'imagination populaire, Métaphores Occidentales,
Essai sur les valeurs Imaginatives concrètes du français parlé en
Basse-Bretagne comparé avec les patois, parlers techniques et argots
français (thèse de doctorat es lettres présentée à la Faculté des
Lettres de Paris). Paris, Presses Universitaires. 1925, 348 p. 8°.
Il y a plus de douze ans que la Revue Celtique annonçait la thèse
Bibliographie. 205
de doctorat de M. G. Esnault(v. t. XXXIV, p. 102). Comme beau-
coup d'autres travaux universitaires, cette thèse a souffert de la
crise qui a bouleversé le monde. Il a fallu à l'auteur un rare cou-
rage pour se recueillir et se remettre à la besogne après tant de
préoccupations étrangères à la science que les circonstances lui
imposaient. A vrai dire, la thèse qui lui a valu le grade de docteur
n'est pas tout à fait celle que la Revue Celtique avait jadis annoncée.
L'étude du français parlé en Basse-Bretagne reste un vaste et beau
sujet pour le bretonisant qui voudra le traiter d'ensemble.
M. G. Esnault s'est proposé seulement d'étudier les métaphores
populaires usitées dans certaines parties de l'Ouest de la France et
de tirer de cette étude des conclusions d'ordre sémantique.
Le titre qu'il a donné à sa thèse n'est pas ce qu'elle a de meil-
leur. Ce titre est à la fois compliqué, obscur et inexact. Il a été
probablement inspirépar le désir d'étonner le lecteur et dépiquer
sa curiosité. Le même désir explique certaines autres originalités
qui ne sont guère plus heureuses. M. Esnault aimeà surprendre et
à dérouter. La liste des abréviations qui aurait dû figurer en tête du
volume, est insérée entre les corrigenda et les index ; elle est d'ail-
leurs d'une complication qui en rend la consultation fort malaisée. La
«préface » commence à là page 53 et vient après un long exposé de
doctrine, au milieu duquel le lecteur a quelque peine à se recon-
naître. Il y a plus grave encore. L'auteur s'est fait une langue et un
style à lui. Il donne parfois aux mots usuels des sens nouveaux,
il modifie la valeur des termes techniques les mieux établis, il se
forge une nomenclature personnelle, souvent imprécise, et qui
malheureusement semble parfois correspondre à un manque de
précision de sa pensée. Pour dire les choses les plus simples il se
torture l'esprit et en tire laborieusement des métaphores préten-
tieuses et pédantesques.
Cette manie, dira-t-on, est inoffensive. Cela dépend. Elle peut
avoir l'inconvénient de rebuter le lecteur et de l'engager à fermer
le livre ; ce qui serait un geste regrettable. Car l'ouvrage est un
recueil très riche défaits intéressants et il offre beaucoup à prendre
aux linguistes. M. Esnault est un fureteur ; il se tient à l'affût des
mots rares et pittoresques, des expressions colorées qui naissentsur
le terreau fécond du parler populaire. Il prend plaisir à les attraper,
à les classer, à les épingler et il en fait des albums, dont sa thèse est
un exemplaire d'une originalité incontestable. La division qu'il a
adoptée est tirée des principaux motifs qui servent à former des
métaphores, c'est-à-dire à la fois de la nature et de la société. Suc-
cessivement il étale sous les yeux du lecteur les métaphores qui se
14*
2oé Bibliographie.
rapportent à la vie animale ou végétale, à l'agriculture et à l'in-
dustrie, à l'armée, à la marine, à la religion, etc. Tout cela est fort
intéressant.
Il ne faut cependant pas exagérer l'importance qu'ont pour le
linguiste les collections de ce genre. On ne doit les utiliser qu'avec
critique, parce qu'elles présentent un gros danger : c'est qu'on ne
sait jamais au juste si la métaphore recueillie est un fait de langue,
accepté comme tel par un groupe linguistique déterminé, ou bien
la création éphémère d'un individu, artiste de génie ou simple
loustic. La distinction est d'importance, car elle touche au pro-
blème général du rôle de l'individu dans l'évolution linguistique,
c'est-à-dire au problème de l'esthétique du langage. Ce problème
dépasse évidemment le cadre que M. Esnault s'est tracé, et à plus
forte raison celui de ce compte rendu. Mais il était nécessaire de
l'indiquer, parce qu'il domine toutes les recherches du genre de
celle-ci et qu'il y répand une équivoque dont lelecteur reste souvent
fâcheusement impressionné.
Il v a dans le livre une autre cause d'incertitude. C'est que
malgré les indications de la préface (p. 56 et s.), les limites géo-
graphiques de l'enquête sont des plus flottantes. On est souvent
surpris que l'auteur donne comme occidentales beaucoup d'expres-
sions qui sont employées dans diverses parties de la France.. En
quoi des métaphores comme «avoir des mains de beurre » (p. 153),
« se jeter (sur quelque chose) comme la misère sur le pauvre
monde » (p. 224), « être près de ses pièces » (p. 225), et tant
d'autres, sont-elles spécialement occidentales? On les entend aussi
dans le Nord et dans l'Est. L'expression « avoir la vasivite » (pour
la « diarrhée », p. 192) peut bien être lyonnaise ; mais on dit cou-
ramment en Ile-de-France « avoir la vavite ». Il ne suffit pas qu'un
tour ait été recueilli à Rennes ou à Brest pour être taxé d'occi-
dental.
Ce défaut serait peu grave en lui-même s'il n'en cachait un autre.
Il y a une question qui hante l'esprit du lecteur pendant tout le
cours de la lecture. Ces métaphores, qui sont présentées comme
occidentales, révèlent-elles une mentalité particulière, celle des
habitants de l'Ouest de la France et notamment celle des Bretons,
puisqu'elles ont été recueillies surtout en Bretagne ? Cette question
aussi est d'importance, et il ne semble pas que l'auteur ait cherché
à la poser, sinon à la résoudre. Qu'on dise dans le breton des Côtes-
du-Nord mont d'ar Roch » aller à la Roche » pour « ronfler »,
parce que ce verbese dit en breton roc' bal, voilà un fait linguistique
étroitement localisé. Mais il ne révèle en rien une mentalité spé-
Bibliographie. 207
ciale. Car les jeux de mots tirés des noms propres géographiques
sont répandus dans toute la France, et depuis fort longtemps :
« aller à Niort « pour « nier », « aller à Mortagne » pour « mourir »,
« aller à Cachan » pour « se cacher» se disaient aux xvic et
xvue siècles ; le dernier est employé dans le Roman bourgeois. Le
précieux classement psychologique, que M. Esnault a placé en
appendice à sa thèse (p. 301 et ss.), gagnerait beaucoup si on y
trouvait des indications sur ce qui est général, humain au se§s le
pluslarge, et ce qui est particulier à la province étudiée. L'emploi
du nom générique « oiseau » pour désigner le « membre viril » est
une singulière métaphore (p. 182), répandue dans bien d'autres
pays que la Bretagne. Le fait qu'on y substitue en Bretagne des
noms spécifiques particuliers (p. 302) n'a rien de spécialement
breton. Les figures de Monsieur et Madame Pouliguen à Guérande
(p. 81) ont des correspondants dans d'autres régions bretonnes :
c'est à Vannes, Vannes et sa femme, à Malestroit, Malestroit et sa
femme, deux figures grotesques sculptées au pignon d'une maison
ou à l'angle d'un mur. Il est vraisemblable que le même usage se
rencontre ailleurs qu'en Bretagne ; mais on aimerait être fixé sur
ce point.
Les questions de vocabulaire sont d'une extrême complication,
parce qu'elles touchent à tous les détails de l'activité humaine. Il
n'est pas étonnant que M. Esnault, malgré son érudition, sa minutie
et sa subtilité, fasse parfois désirer à son lecteur plus qu'il ne lui
donne. Mais ce qu'on désirerait surtout chez lui, c'est un esprit de
synthèse qui de l'amas touffu des faits particuliers, dégagerait et
mettrait en lumière des conclusions générales.
J. Vendryes.
XI
Ferdinand Ewald, Die Entwicklung des K-Suffixes in den indogerma-
nischen Sprachen. Heidelberg, Winter, 1924, vij-32 p. 8°. (Indo-
germanische Bibliothek, III, 4).
Cette brochure- décevra tous ceux qui la liront. Elle est d'une
pauvreté rare et n'apporte ni un fait nouveau, ni une idée nouvelle.
Les spécialistes seront choqués d'y rencontrer tant d'erreurs et de
lacunes et regretteront qu'un beau sujet y ait été gâché. C'est
apparemment le travail scolaire d'un débutant, et qui ne méritait
pas d'être publié.
11 s'en faut que l'auteur ait embrassé le développement du suffixe
-k- en indo-européen. Ses exemples sont presque uniquement
208 Bibliographie.
empruntés au grec et au latin ; là où il ne se borne pas à reproduire
des listes bien connues, sa doctrine est des moins sûres. Il donne
p. 14 le lat. index comme présentant le développement d'un thème
*deye- « lumière » au moyen du suffixe *-k- ; cela donne une idée
de son sens historique. Sa compétence philologique ne vaut pas
mieux. Il enseigne p. 11 que les adjectifs latins en -âx sont tirés
de thèmes nominaux en -à-. En quoi il contredit l'enseignement
mêm/ de Priscien (II, 140,7 Keil) : in -ax plerumque uerbalia inue-
niuntur ab omni coniugatione . Il suffit de parcourir la liste des adjec-
tifs en -âx dressée par Paucker (Vorarb., I, 45) pour constater cu'en
grande majorité ces adjectifs sont tirés de thèmes verbaux. Comme
la formation en est restée vivante pendant toute la latinité, on
comprend que le suffixe ait été ajouté parfois à des thèmes nomi-
naux : pugnàx de pugnâre pouvait sembler un dérivé de pugna.
Mais cen'estlà qu'un cas exceptionnel (cf. F. Stolz, Hist. Gr., 521).
Il est à peine question des langues celtiques, dont l'auteur ne
semble pas avoir une connaissance directe (p. 24, gall. bydaf « nid
de guêpes» est transformé en byd-of « Bienenstock »). Le suffixe
-k- y est pourtant répandu, et dans des conditions assez semblables
à celles où il apparaît en latin (v. Pedersen, Fgl.Gr., II, 29 et 98).
Ainsi l'irlandais présente les mots suivants, noms de minéraux,
d'animaux ou de plantes, etc. : ail f. « rocher, pierre » gén.
ailech dat. ailig (et ail) ; lâir « jument « gén. lârach, nathir t.
« serpent d'eau » gén. nalhrach ; dair (daur) « chêne » gén. darach
(et daro), eô «if » gén. iuech Kingand Hermit 21, rail f. «chêne »
gén. ralach L. L. 108 a 22, scé « épine » gén. sciacb L. U. 80 a 8;
casair « grêle « gén. casrach (et casra) ; etc. En face de lat. latex
« liquide », l'irlandais a le féminin lathach « boue ». Il convenait
de rappeler ces exemples qui prouvent l'importance du suffixe en
italoceltique.
J. Vendryes.
XII
Frederik Muller Jzn [Professeur à l'Université de Leide], Altila-
lisches Wàrterbuch. Gôttingen, Vandenhoeck und Ruprecht, 1926,
vij-583 p. 8°.
Les linguistes qui ont aujourd'hui dépassé la soixantaine se sen-
tiront rajeunis en feuilletant ce gros ouvrage ; il leur rappellera le
temps où le Vergleichendes Wôrterbuch d'August Fick leur servait de
livre de chevet. Il se réclame en effet de la méthode qui prétendait
à reconstituer le vocabulaire des peuples indo-européens aux époques
Bibliographie. 209
préhistoriques. Et il n'est pas indifférent d'apprendre que l'idée en
a été inspirée à l'auteur par un des meilleurs disciples de Fick,
Fritz Bechtel Sans doute, M. Frederik Muller est un philologue
trop moderne et trop soucieux des réalités pour ne pas avoir été
tenté d'appliquer dans un esprit nouveau les méthodes un peu
vieillies de l'école de Fick. Cette école avait un grave défaut : elle
sacrifiait trop au système et simplifiait à l'excès : la vie des choses,
et même ce qu'on a appelé la vie des mots comptait peu pour elle.
On trouvera au contraire dans l'ouvrage de M. Muller un souci
constant d'indiquer l'état civil de chaque mot latin, la date où
il apparaît, la postérité qu'il a laissée dans les langues romanes,
les sens variés qu'il a reçus des circonstances où il fut employé.
Mais l'idée première du livre est bien dans les traditions de Fick.
Il s'agit du dictionnaire d'une langue reconstruite, et dont les mots
sont rangés sous la forme que la reconstruction comporte avec
indication des rapprochements comparatifs qui justifient la
reconstrucrion.
Il n'y a rien àdire ici de cette reconstruction. Elle est arbitraire,
comme il est fatal, en ce sens d'abord que la forme donnée
aux mots représente un vague état de langue, évidemment
archaïque, mais d'époque indéterminée, et où les contradictions ne
sont pas rares. Elle l'est aussi par le fait que bon nombre des
mots enregistrés ne remontent peut-être pas, au moins sous la
forme qui leur est donnée ici, à. la période de l'italique commun.
Mais on ne s'arrêtera pas à ces critiques. Le plan étant adopté, il
fallait se résigner aux conséquences qn'il entraîne et les accepter
malgré leurs défauts. L'ouvrage est un essai intéressant de rajeunis-
sement d'une vieille méthode, et par l'abondance de faits qu'il con-
tient il rendra certainement des services.
Sa principale nouveauté est de présenter le vocabulaire du groupe
italique tout entier, c'est-à-dire de faire à l'osque et à l'ombrien la
place qu'ils méritent à côté du latin. Ces deux dialectes, malgré la
pauvreté du vocabulaire que nous en connaissons, conservent
cependant quelques vieux mots du fonds italique commun ; on doit
savoir gré à M. Muller de les mettre en valeur. Mais dans les rap-
prochements établis avec les autres langues indo-européennes, les
celtistes regretteront que les langues celtiques n'aient pas été mieux
traitées. Il y a entre l'italique et le celtique des rapports de vocabu-
laire qui méritaient d'être particulièrement soulignés. Le plus
souvent, l'auteur se borne à ranger la forme celtique parmi celles
des autres langues au milieu ou parfois même en queue de liste,
alors qu'elle eût dû être placée en tête comme ayant avec la forme
Revue Celtique, XLII1. 14
2io Bibliographie.
italique le rapport le plus étroit. Ainsi l'irlandais muin « cou »
devait cire immédiatement rapproché demonlleQp. 274) et l'irlandais
secb, gallois beb, de secus(p. 424) : le sens premier, commun à ces
trois derniers mots, est « en dépassant, au delà de » tandis que le
sanskrit sâcà, sàkâm a un sens assez différent. Sous *auos (p. 55) est
bien cité bret. eontr, mais le rapport étroit du mot brittonique et
du latin auonculus n'est pas marqué comme il convient (cf. Meillet,
M. S. L., IX, 141). C'est par exception que l'auteur souligne un
rapport de vocabulaire italo-celtique (ainsi p. 59 sous *badios ou
p. 575 sous *ured-) ; le cas s'en présentait assez souvent (par
ex. pour le nom de la « terre », p. 488).
Il arrive même que les mots celtiques manquent, là où on les
attendrait. L'auteur ne cite pas irl. âr à propos de ager, ni irl.
comitgim à propos de fingô, ni irl. écen à propos de necesse, ni bret.
anaoun à propos de animas. Il sépare loquor de irl. -tluchur (p. 230)
et lai us de irl. letb (p. 451). Pourtant le parallélisme dans l'évo-
lution de ces derniers mots (devenus tous deux prépositions, irl.
le, la, franc. le\) semble indiquer une même origine ; et il n'est pas
difficile de les ramener à un prototype commun : soit *let-ej0s-,
*l°t-e/0-s avec une alternance comparable à celle de fiivOoc; et fïâOoç:
ttévôo; et 7:a0oç. (Cf. avec vocalisme zéro, itizo; et TrÀii-oç); en
latin même s'observe une alternance vocalique entre saxum (*sak-
s-o-) et secespita. Il eût fallu aussi, sous *manus citer l'irlandais
montar muinler, en même temps que le vieux allemand muni, v.
isl. mund, et faire ressortir la valeur juridique du mot dans les trois
dialectes. C'est un fait de civilisation des plus importants (cf.
d'Arbois de Jubainville. R. Celt., XXV, 2 et ss.) Il est possible
que le mot muinler ait subi dans son sens et même dans sa forme
l'influence du latin monasterium (ou mieux monisteriuni). L'hypothèse
de l'emprunt pur et simple est en tout cas impuissante à expliquer
les sens variés de l'irlandais muinler, et surtout les sens les plus
anciens.
M. Muller n'a pas admis entre l'italique et le celtique certains
rapprochements pourtant plausibles et que l'on peut préférer à
ceux qu'il propose lui-même. Ainsi il ne dit rien, p. 125-126 de
irl. duine sous bomô ou de dôini sous hûmânas (cf. R. Celt., XL,
437), p. 164 de irl. dligim sous indulgërc (Jb., XL, 428), p. 43 de
irl. ad sous ombrien arsmor (Jb., XXXV, 212), p. 512 de gall.
dryll sous frustum, p. 122 de irl. accobor sous cupiô ombr. kubrar,
etc. A propos de bellua, bëslia (p. 153) on devait attendre l'irlan-
dais dâsacht « fureur » (en parlant d'un animal), dâslir prêter.
rodàssed (L. IL, 63 a) « s'emporter, se mettre en fureur », dàsaim
Bibliographie. 21 1
« je rends fou » ; tous ces mots remontent à *dwâsià de *divostà- en
alternance avec le radical *dhwêst- de l'italique et du germanique
(m. h. a. getwâs « spectre, fantôme, revenant »).
Ce n'est pas le lieu de discuter tous les points d'étymologie pro-
prement latine sur lesquels on peut différer d'opinion avec M. Muller.
Il suffira de quelques exemples. P. 69, l'explication qu'il donne de
carmen, germen se heurte à de grosses difficultés. On ne voit pas
pourquoi il rejette l'hypothèse de prototypes *can-men, *~gen-men; le
passage de -?//«-à -rm- à l'intérieur des mots est d'un type connu
par ailleurs (cf. en comique dremas de *der-mas, *den-mas, « bon-
homme » R. Celt., XXXIV, 17e, ou breton premoch de per-moc'b,
pen-moch « porc »,i?. Celt., XXXV, 28). P. 286, le grec vi'Çoj est
rangé sous *neideiô est rattaché au latin renïdeô ; on est tenté d'en
appeler de M. Muller latiniste à M. Muller helléniste. L'étymologie
de v;Çw donnée dans le Grieksch IVoordenboek du même auteur «
parait encore la meilleure. — P. 237, il a échappé à M. Muller que
M. Cuny a reconnu une forme empruntée à l'ombrien vesklu dans
un passage de Plaute (Trin. 888) ; l'hypothèse est ingénieuse et
méritait une mention (cf. Rev. Et. Ane, XVIII, 248).
La partie celtique du livre aurait eu parfois besoin de la révision
d'un spécialiste. P. 151, v. tri. to-ucc-, ro-ucc- est rangé sous *deukô.
Cela ne va pas tout seul. L'hypothèse que lat. dùcô contiendrait un
d- préverbial ou, comme dit M. Muller, a préformatif » ne peut en
tout cas se rapporter qu'au préindo-européen ; car l'existence en indo-
européen d'une racine *deuk- «tirer, mener » est suffisamment établie
par la comparaison de lat. dùcô, got. tiuhan, gall. dygaf, et pro-
bablement gr. oa'.o'jffTEffflz'.. D'autre part, l'irlandais lo-ucc- au sens
de « comprendre », comme M. Meillet l'a montré (R. Celt., XXIV,
171), doit-être rapproché de arm. usanim, « j'apprends », v. si.
wyknoti « apprendre », got. biubts « accoutumé à », lit. jùnkstu«. je
m'accoutume » ; c'est un thème de présent à nasale qui n'a rien à
faire avec lat. dùcô etc., ni pour la forme, ni pour le sens. Seulement
le celtique présente cette particularité que les types radicaux *deuk-
tt*Lo-unk-y ont été confondus, de telle sorte que dans la flexion du
verbe irlandais signifiant « porter », berim, des formes de type -ucc-
ont été introduites par supplétisme ; et qu'inversement le verbe
1. C est une occasion de recommander publiquement cet excellent livre-,
un des meilleurs dictionnaires grecs qui existent ; il vient d'en paraître une
2e édition corrigée. Sous un format des plus commodes, il contient tous les
renseignements philologiques et linguistiques qu'on peut désirer. Après plu-
sieurs années d'un emploi constant, un Français ne peut lui reconnaître
qu'un défaut, c'est d'être écrit en hollandais. Une édition française de ce
dictionnaire serait vraiment souhaitable.
212 Bibliographie.
qui signifie « comprendre », do uccim, présente en vieil irlandais un
infinitif tabart (Ml. 42 c 13 et 44 d 6), emprunté à la racine de
berim. La confusion a dû partir du composé *to-ber- qui au sens de
« apporter, amener» se trouvait en synonymie axec*deuk-. On est
passé de *deuk- à *to-ukk-, d'où le thème *ukk- est entré dans la
flexion du simple berim. Comment cela s'est-il fait ? Il est difficile
de le dire exactement, car l'accident est fort ancien. On ne peut
l'expliquer seulement par l'influence du type *to-ukk- « comprendre »
sémantiquement assez lointain. Il est permis de penser que l'inter-
médiaire essentiel a dû être un type *dukk- forme à géminée de la
racine *deuk-. Le sens se prête assez à une formation expressive de
ce genre; et on sait par ailleurs combien la gémination est un pro-
cédé fréquent du vocabulaire celtique. Un impératif *duic (de *dukke)
« amène » aurait été changé en tuic comme s'il contenait le préverbe
to ; et un prétérit do uc -tue, do uesat -tuscat, etc., en aurait été tiré.
Quant aux formes brittoniques m. gall. goruc « il a fait », gall.
amygaf « je combats, je détends », bret. amouka « tarder » que
M. Pedersen rattache à irl. do ucc, elles en sont assez éloignées
pour le sens et même pour la forme. La flexion de amygaf est évi-
demment modelée sur celle de dygaf, mais cela n'implique pas
identité radicale (cf. J. Morris-Jones, Welsh Gr., 371). — P. 400,
est cité un verbe irlandais saigim « je dis » ; ce verbe n'existe pas
(cf. Pedersen, Vgl. Gr., II, 606). — P. 423, sont citées les formes
sétaim, fétaim d'un verbe irlandais signifiant «je puis », lequel verbe
est rattaché à une racine indo-européenne *swen-. Il y a là une série
de méprises. Le verbe fétaim n'existe qu'en irlandais moderne (jè-
adaim); il est issu d'un ancien composé de type éla-, sur lequel on
consultera Thumeysen, Hdb., p. 329 et Pedersen, Vgl.Gr., II, 638.
Un verbe sétaim n'existe pas. Il n'existe qu'une locution issétir,
comme l'a montré M. Thurneysen, qui y voit avec raison un subs-
tantif au génitif singulier (Z. f. Celt. PbiL, XI, 310 et s.) '. —
P. 15 3, à propos du celtique dusius, manque un renvoi à J. Loth R.
Celt. XXXVI, 63 et à propos du gallois gogofz]. Loth, Arch. Celt.
Lex., III, 259. — P. 153, à propos de lat. bortus, il convient de
signaler que le brittonique possède à la fois une forme en *-to- et
une forme en *-dho- : gall. garth et gardd (cf. R. Celt., XXXIV,
143 et XXXVI, 174). La forme gardd est ancienne; elle se litB.B.
C, p. 49, 2 Ev. : heb art in y cbilchiu « sans clôture autour de lui ».
J. Vendryes.
1. Ce substantif figure dans le texte édité ci-dessus par Mllc Sjœstedt,
p. 52, 1. 31 : a seitir « leur capacité, leur force, leur pouvoir».
CHRONIQUE
Sommaire. I. Mélanges offerts à M. Ferdinand Lot. — II. Festschrift
L. Gauchat. — III. Thèses de doctorat de Mlle M. L. Sjcestedt. — IV.
Statistique de la langue galloise en Galles. — V. Le problème du bilin-
guisme. — VI. Actes du Congrès d'histoire des religions de 1923. —
VIL Les fouilles de Glozel (Allier). — VIII. Anciennes relations entre
l'Irlande et la péninsule ibérique. — IX. Ephémérides d'Alesia par
M. S. Reinach. — X. Pro Nervia et les marques de potiers de Bavay. —
XL Le système des poids chez les Germains, d'après M. Marstrander. —
XII. Un livre de M. Devoto sur la phonétique latine. — XIII. L'ac-
centuation des mots grecs en latin. — XIV. M. BertolJi et les noms
dumvrtille. — XV. L'identification de Blcheris ou Bréri, par M. Loo-
mis. — XVI. Suite de l'édition deGerbert de Montreuil par le Dr Marv
Williams. — XVII. Extraits de Keating par M. O. Bergin. — XVIII.
Poèmes irlandais inédits par le même. — XIX. Réflexions du
P. Lehmacher sur la langue irlandaise. — XX. Chansons populaires de
l'île de Man. — XXL Le passé et l'avenir de l'archéologie irlandaise
d'après M. Macalister. — XXII. Un cas de mélange de grammaires, par
M. Sommerfelt. — XXIII. Traductions du français en gallois par
M. Hudson Williams. — XXIV. La vie la plus ancienne de Saint Coren-
tin. — XXV. L'onomastique du Cap Sizun. — XXVI. L'histoire de la
langue française de M. Brunot, t. VIL — XXVII. Livres nouveaux.
I
Le 30 décembre 1925, dans une salle de l'École des Hautes-
Études, une cérémonie touchante réunissait autour de M. Ferdi-
nand Lot une foule compacte d'amis et d'élèves. Il s'agissait
d'offrir au maître des études médiévales un volume de Mélanges '.
:. Mélanges d'histoire du Moyen âge offerts à M. Ferdinand Lot par ses
amis et ses élèves. Paris, Champion, 1925, xlj-770 p. 8°, avec quatorze
planches hors texte, 125 fr.
214 Chronique.
La cérémonie était présidée par M. Meillet, président de la section
historique et philologique de l'Ecole des Hautes-Études. Outre le
discours de M. Meillet, on entendit M. Béniont, M. Ganshof,
M. Fawtier, et M. Lot lui-même, qui dans une improvisation
charmante exposa l'histoire critique de sa vie et fit son examen de
conscience de professeur et de savant. Les Mélanges Ferdinand Lot
ne contiennent que de l'histoire du moyen âge, mais de l'histoire
entendue au sens le plus large, c'est-à-dire comprenant aussi la
littérature, et en un mot toute la civilisation. L'auteur des Derniers
Carolingiens et du Règne de Hughes Capet n'est-il pas en même
temps celui du Lancelot en prose ? L'ancien élève de Fustel de Cou-
langes et d'Arthur Giry n'a-t-il pas aussi écouté les leçons de
Paul Meyer et de Gaston Paris ? Même, par une initiative qui ne
fut pas assez suivie, il ne dédaigna pas de suivre l'enseignement
de d'Arbois de Jubainville et de M. Gaidoz ; il collabora au Cours
de Littérature celtique et il affirma dans plusieurs travaux sa compé-
tence en matière celtique. A ses yeux, on n'a jamais de la littéra-
ture française du moyen âge qu'une connaissance incomplète, si
l'on n'est pas capable de remonter soi-même aux sources qui sont
de l'autre côté du détroit. La bibliographie qu'ont dressée
MM. Halphen et Fawtier en tête du volume montre la variété des
talents et des curiosités du donataire.
Le celtique n'est pas absent de ce volume. M. Bémont y a donné
un joli article (p. 41-54), où il défend l'authenticité de la bulle
Laudabiliter (cf. Rev. Celt.,XL, 225). M. Fawtier, poursuivant ses
études critiques sur la Bretagne armoricaine, exprime dans un
article subtil les doutes que lui inspire l'historien Ingomar (p. 181-
204). M. Merlet étudie p. 549-562 l'origine de la famille des
Bérenger, comtes de Rennes et ducs de Bretagne. Enfin, un der-
nier article, signé du rédacteur de cette chronique, est consacré à
Pharamond dans la tradition irlandaise (p. 743-767). C'est la par-
ticipation d'un profane. Elle a une double excuse ; en plus d'un
témoignage d'amitié, elle est un acte de reconnaissance pour la
place que M. Ferdinand Lot a prise dans le petit groupe des cel-
tistes français.
II
L'année 1926 a vu paraître un beau volume de Mélanges offert
au Professeur Louis Gauchat, de Berne, par ses amis et élèves de
la Suisse (Festschrifl Louis Gauchat, Aarau, Sauerlânder, xviij-
522 pages 8°). Les collaborateurs ont naturellement fait porter leur
Chronique. 2 1 5
contribution sur des questions de philologie ou de littérature
romane. Ce n'est pas à dire que les celtistes ne puissent çà et là
tirer de l'ouvrage un grand profit. M. Bally, Sphère personnelle et
solidarité (p. 68-78), donne un nouveau modèle de ces pénétrantes
études où il analyse si finement la syntaxe du français moderne.
Partant de la notion de sphère personnelle, qui comprend les choses
ou les êtres associés à la personne, il en dégage la notion de soli-
darité ou de participation et il montre comment l'une et l'autre
s'expriment dans diverses langues indo-européennes, et notam-
ment en français. L'expression en paraît souvent capricieuse.
C'est qu'elle est sujette à des renouvellements fréquents. Il faut
avoir bien soin de distinguer les tours consacrés par l'habitude, qui
survivent d'une expressivité antérieure, et ceux qui viennent d'être
créés par un besoin de renouvellement de l'expression. Quiconque
a pratiqué les ouvrages de M. Bally imagine sans peine combien-
de fines et délicates remarques il y a à tirer de son joli article !
Distinction de l'article et du possessif dans : baisser la yeux, fermer
la bouche, tourner la tête, donner la main et dans veux-tu baisser tes
yeux ! ferme donc la bouche ! ne tourne pas ta tète ! donne-moi ta
main ! Le premier tour forme une locution stéréotypée symbo-
lisant un acte subjectif et instinctif; le second tour implique une
participation moins étroite et par suite un effort volontaire accompli
sur l'objet (p. 72). Il est question p. 73 de la différence du pro-
nom personnel et de la personne désignée par un substantif dans
des cas comme : on lui court après, on court après le voleur ; on lui
tombe dessus, on tombe sur F ennemi. En fait, l'opposition n'est pas
entre ces deux tours ; mais, dans le cas du pronom, entre : on
court après lui et on lui court après, on lui tombe dessus et on tombe
sur lui. Et il s'agit d'une opposition entre la langue littéraire et 1
langue parlée. Cette dernière, qui tend à faire un tout du groupe
verbe -)- adverbe (crier après, marcher dessus), donne à ce tout un
régime pronominal à la place ordinaire : on te crie après, tu me
marches dessus. Mais quand le régime est un subtantif, cette cons-
truction est impossible et le tour ancien subsiste : on crie après le
roi, tu marches sur mon frère. Il est vrai que la langue populaire a
toujours la ressource de dire : Le roi, on lui crie après ; mon frère,
tu lui marches dessus.
M. Max Niedermann étudie, p. 40-51, des cas d'épenthèse de r
en roman. Suivant une explication dont il a déjà donné la for-
mule (Indog. An^., XVIII, 75), après M. Behrens (Z. /. rom. Phil.,
XI V, 367) et en même temps que M. Gauchat lui-même (Mélanges
Chabaneau, Roman. Forsch., XXIII, 871 et ss.), il ramène ces cas
216 Chronique.
d'épenthèse à des faitsde dissimulation consécutifs à une production
de phonème par assimilation. Type : lat. tab(ii)la devenant *tlabla
d'où franco-prov. Irabla ; ou, en sens inverse, gr. ancien [ÏX-Itov
devenant *pX;tXov d'où gr. mod. [iXitio. M. Niedermann donne de
chacun de ces types des exemples nombreux tirés des langues
romanes. On peut être tenté de faire une distinction entre les
deux. Le premier est un fait d'anticipation, dont le processus pho-
nétique est bien connu. Le second se ramène souvent à un phé-
nomène morphologique de changement (ou d'addition) de sut-
fixe. Les langues celtiques en fournissent maint exemple, que l'on
trouvera mentionnés dans la Vergl. Gr. de M. Pedersen t. I,
p. 332 (avec des additions, R. Celt., XXXI, p. 5 15).
Un article qui touche de plus près au celtique est celui de
M. J. U. Hubschmied (p. 435-438).
. Il existait en celtique des suffixes *-ku'i- *-huo- ou *-klvâ-, qui
sont régulièrement conservés en brittonique sous la forme *-pi-,
*-po-ou*-pâ- (cf. Pedersen, Vgl. Gr., II, p. 33). M. J. U. Hub-
schmied étudie quelques mots gaulois qui lui paraissent contenir
ces suffixes :
*kassipà (*kossipâ), de *kaksipâ(*koksipâ) « objet foulé aux pieds »
(radical *koksd « pied »). De là seraient tirés une série de mots
romans de type kospa, kaspa, gaspa désignant le marc de raisin.
*pelpâ « tournant » (de la racine *kwel-), conservé dans le nom
de lieu Beîp, près de Berne, anc. Pelpa ou Perpa (Cartulaire de
Lausanne, an 1228). Le mot a été traduit en alémanique sous la
forme kir. De là le nom de lieu Kebrsati (Satz = terrasse), porté
par un hameau de la commune de Belp.
*wospâ (d'où *waspa) et *wespâ « pâturage », tirés de la racine
*wes- « se nourrir, manger » (cf. Rev. Celt., t. XXXV, p. 89) ; il y
en a des représentants en roman : d'un côté normand gàpe
v résidu de battage servant à nourrir le bétail », d'où fr. dial. gas-
pailles « ce que le van jette à terre » et ^gaspilles (d'où le verbe
gaspiller}; de l'autre, Vespia nom ancien (attesté en 1 100) de la
ville de Viège, ail. Visp en Valais.
*alpa- ou *alpi- « pâturage », de la racine *al- synonyme de
*wes- ; c'est de là que le nom des Alpes serait tiré.
III
L'édition du Forbuis Dr orna Damgaire, par laquelle débute le
présent fascicule de la Revue Celtique, a servi à Mlle Sjœstedt de
thèse complémentaire pour l'obtention du grade de docteur es
Chronique. 217
lettres. La thèse principale roulait sur un sujet de linguistique,
l'Aspect verbal et les formations à affixe nasal en celtique. Il en sera
rendu compte dans un prochain fascicule. La soutenance des deux
thèses a eu lieu en Sorbonne le 12 juin 192e devant un jury com-
posé de MM. J. Loth, A. Meillet, J. Marx, A. Ernout, J. Bloch et
J. Vendryes. La candidate a obtenu à l'unanimité la mention très
honorable.
IV
On nous communique les résultats du- recensement de 1921 en
ce qui concerne l'état linguistique du Pays de Galles (y compris le
Monmouthshire). Nous les reproduisons ci-dessous en un tableau
par comté. La première colonne donne le chiffre global de la popu-
lation ; la seconde le chiffre de la population au-dessus de trois
ans, sur lequel repose la répartition linguistique. Viennent ensuite
dans les colonnes 3 et 4 les chiffres de la population ne parlant que
gallois, et ceux de la population parlant anglais et gallois ; les deux
sont additionnés dans la colonne 5 qui donne le chiffre global des
individus parlant gallois. Enfin, la colonne 6 contient les chiffres
de la population qui ne parle qu'anglais, et la colonne 7 ceux de
la population au-dessus de 3 ans sur laquelle aucun renseignement
linguistique n'a été fourni.
Population Population Ne Parlant Total de Ne Population
totale an-dessus parlant anglais la ffarlant non
de } ans que et population qu' recensée
gallois gallois parlant anglais pour la
gallois langue
Anglesey S1 -744 48.877 15.202 26.479 41.681 5-752 1.444
Carnarvon i3°-975 124.960 32.774 61.199 93-973 28.974 2.013
Merioneth. . . . . 45.087 42.806 12.743 22.557 35-3°° 6.547 959
Montgomery . . . 51.263 48.396 4.324 16.216 20.540 26.826 1.030
Denbigh 154.842 145.939 12.470 58.778 71.248 68.725 5.966
Flint 106.617 100.361 2.366 30.872 33.238 61.497 5.626
Brecon 61.222 57.640 2.626 19.004 21.630 32.821 3.189
Radnor 23.517 22.313 103 1.291 1.394 20.097 822
Cardigan 60.831 58.010 15.297 32.752 48.049 7305 2.656
Carmarthen. . . . 175.073 164.319 27.158 108.886 136.044 24.839 3.436
Pembroke 9x-978 86.423 5.079 21.345 26.424 57895 2.104
Glarnorgan . . . . r. 252.481 1.1(67.969 25.827 346.725 372.552 753.816 41 .601
Monmouth 450.794 423.875 1.047 26.081 27.128 387.776 8.971
Totaux.. . 2.656.434 2.491.888 157.016 772.185 929.201 1.482.870 79 817
218 Chronique.
Si l'on compare ces résultats avec ceux du recensement de 1901,
tels qu'ils figurent dans la brochure de J. E. Southall, tbe Welsh
Languaoc Census oj 1901 (Newport, 1904, 60 p. 8°, with a colou-
red map of Wales, 6 d.), on constate d'abord que la population
ne parlant que gallois a fortement diminué. Elle atteignait encore
le chiffre de 280.985 en 1901 ; elle n'est plus en 1921 que de
157.016. Si l'on tient compte des bilingues, on constate que le
parler gallois se maintient à peu prés stationnaire, toutefois avec
une légère tendance à décroître. De 1891 à 1901 se marquait une
tendance inverse, puisque la population parlant gallois atteignait
en 1901 un total de 929.824 individus contre 898.914 en 1 891. Il
est instructif de suivre par comté les fluctuations du parler gallois
de 1891 à 1921. En voici les chiffres :
Anglesey.
Carnarvon
Merioneth
iMontgomery
Denbigh.
Flint
Brecon
Radnor
Cardigan
Carmarthen
Pembroke
Glamorg.ni
Monmouth
Pour être exactement interprétés, ces chiffres doivent être d'abord
rapportés à ceux de la population globale du pays. On s'aperçoit
alors que le gallois décroît sérieusement. La population de la prin-
cipauté a en effet beaucoup augmenté, passant de 1. 771. 174 en
1891 à 1.864.696 en 1901 pour atteindre en 1921 2.656.434: Cette
augmentation n'est due qu'en partie à la natalité ; elle résulte sur-
tout de l'immigration, l'industrie galloise attirant à elle un nombre
croissant de travailleurs étrangers au pays. Les statistiques
accusent d'ailleurs d'assez torts déplacements de population entre
les divers comtés ; c'est ainsi que visiblement les comtés ruraux
tendent à se dépeupler au profit des centres industriels, surtout
miniers. Ces conditions sont peu favorables au maintien du gal-
lois, qui se trouve plus exposé à l'action destructive de l'anglais et
moins capable de s'en défendre.
1891
1901
1921
30.021
43-554
41.681
105 .771
105 . 301
93-973
57- 157
42.755
35-300
31.856
24.341
20.540
71.322
75.604
71 .248
27.021
37.290
33 238
18.689
23.119
21.630
987
1 . 360
1-394
77-751
55.638
48.049
99.028
1 1 3 • 947
136.044
24. I71
28.333
26.424
316.071
344.892
372.552
39.069
35.690
27. 128
Chronique. 219
Le problème du bilinguisme est un des plus délicats de la lin-
guistique; il a un côté théorique et un côté pratique, c'est-à-dire
qu'il intéresse à la fois l'historien et le pédagogue. C'est au point
de vue pédagogique, « educational » comme on dit en anglais, que
se sont surtout placés les auteurs d'un petit livre publié en 1924 à
Wrexham (librairie Hughes and Son, 112 p. in-12, 2 s. éd.), sous
le titre The bi lingual problem, a Study based upon experiments and
observations in Wales. Ces auteurs sont au nombre de trois,
M.D.J. Saer, M. Frank Smith et M. John Hughes. Le premier a
déjà été mentionné dans la Revue Celtique, comme l'auteur de The
Story of Cardiganshire, (t. XXXIII, p. 122).
Le principal intérêt de leur ouvrage est qu'ils se sont résolument
placés sur le terrain de l'expérience et des faits. Ils sont partis des
données statistiques relatives au langage pour tracer la courbe de
la décadence du gallois depuis le début du xxe siècle. Pour le
recensement de 1921, les chiffres qu'ils ont eus à leur disposition,
et qui étaient des chiffres provisoires, diffèrent légèrement de ceux
qui ont été reproduits ci-dessus d'après les documents officiels.
Mais cela ne modifie guère les conclusions qu'on en peut tirer. Le
gallois perd du terrain ; c'est un fait incontestable ; et le nombre
des individus qui ne parlent que gallois diminue si rapidement
qu'on peut prévoir un moment prochain où tous ceux qui parle-
ront gallois seront bilingues. Cela crée au gallois une situation à
part, qui réclame toute l'attention des autorités scolaires. La ques-
tion est de savoir comment doit être donné l'enseignement des
deux langues. Faut-il dès le début les faire apprendre conjoin-
tement toutes les deux et donner à l'école les éléments de l'une aux
enfants qui chez eux ne parlent que l'autre ? ou bien y a-t-il
intérêt à pousser l'étude de l'une pour remettre à un âge plus
avancé l'apprentissage de l'autre ? Les auteurs ont institué des
enquêtes sur les effets du bilinguisme, quant au développement
intellectuel des enfants ; et ils en publient les résultats, qui sont
assez inattendus. Le principal est que les enfants monoglottes se
développent plus rapidement et mieux que les bilingues. Aussi les
auteurs concluent-ils en proposant de ne faire apprendre aux
enfants qu'une seule langue (l'anglais ou le gallois) jusqu'à l'âge
de neuf ans. C'est alors seulement que devrait commencer l'appren-
tissage de la seconde langue, et par la méthode directe. On dis-
cutera sans doute leurs conclusions; on discutera surtout les expé-
220 Chronique.
riences qui les y ont conduits. Il est certain que l'usage des tests,
tels que le pratiquent certains psychologues, laisse souvent à désirer ;
on ne doit en tirer de conclusions qu'avec la plus grande prudence.
Mais la discussion reste ouverte. Le témoignage que les auteurs de
ce petit livre versent aux débats mérite en tout cas une attentive
considération.
VI
Il s'est tenu à Paris au mois d'octobre 1923 un congrès d'histoire
des religions, sous les auspices de la Société Ernest Renan. En se
faisant connaître au- monde savant par une initiative des plus
fécondes, cette société accomplissait un acte de piété envers son
patron, dont on célébrait la même année le centenaire (cf. Rev.
Celt., XL, 205). Les Actes du Congrès ont paru à Paris chez l'édi-
teur Champion en 1925. Ils forment deux forts volumes de 519 et
466 pages grand 8°, avec figures et 2 planches hors texte. Le prix
en est de 125 fr.
Le Congrès comprenait douze sections dont la neuvième avait
dans son apanage la religion des Celtes. C'est à cette section que
M. Czarnowski présenta le travail sur l'arbre d'Esus et le culte des
voies fluviales en Gaule, publié depuis dans la Revue Celtique,
t. XLII, p. 1-57. Les Actes du Congrès n'en contiennent qu'un
résumé fort bref, t. II, p. 163. Une communication de M. G. Poisson
sur les influences ethniques dans la religion irlandaise n'est éga-
lement donnée qu'en résumé dans les Actes (t. II, p. 208). En
revanche on y trouvera au complet la communication de
M. Albert Bayet sur les sacrifices humains en Gaule (t. II, p. 178-
198). L'auteur y discute les textes sur lesquels on s'appuie d'ordi-
naire pour prouver l'existence en Gaule de sacrifices humains ; il
leur dénie à peu près toute valeur et conclut que si les Gaulois,
comme d'autres peuples, ont parfois immolé des victimes, la répu-
tation de férocité qu'on leur a faite provient de légendes hostiles et
est démesurément exagérée. L'auteur paraît surtout préoccupé
d'ôter tout caractère rituel ou religieux aux meurtres dont il accepte
la véracité. Il est regrettable que dans son étude il ait complètement
négligé ce que nous savons des Celtes insulaires et notamment de
ceux d'Irlande. Une cite même pas le beau travail de M.F.N. Robin-
son, que la Revue Celtiques analysé, t. XXXIV, p. 470.
Le celtique est touché çà et là dans quelques autres mémoires
présentés au Congrès. Ainsi, à la page 152 du tome Ier des Actes,
on trouvera un article où M. van Genne.p rattache le culte de
Chronique. 221
Saint Antoine, tel qu'il existe aujourd'hui en certaines parties de
la Savoie, au culte gallo-romain de la déesse Epona et du dieu
Mullo (Mars Mullo). Le culte actuel de Saint Antoine dans cette
région est en effet celui d'un protecteur des chevaux, ânes et
mulets ; il y aurait dans les cérémonies encore en usage lors de la
fête du saint des restes d'un vieux rituel gaulois.
A la page 238 du même tome 1er, M. P. Saintyves, expliquant
le mythe de Josué par la méthode comparative, rappelle l'anecdote
de la vie de Saint Fechin, où le saint « arrête» le soleil pour per-
mettre à quelques-uns de ses moines, fatigués par une longue
marche, de rentrer au monastère avant la nuit. M. Saintyves ne
connaît ce miracle que par Bugatta, dont l'ouvrage, Admiranda
orbis Cbristiani, date de 1695. Il fallait renvoyer à l'édition des
Vilae Sanctoriim Hiberniae, de noire savant collaborateur C. Plum-
mer, t. II, p. 83, § xx.
VII
Il se fait quelque bruit depuis plusieurs mois dans le monde des
archéologues au sujet de trouvailles provenant de Glozel, commune
de Ferrières-sur-Sichon, département de l'Allier. Il s'en fera plus
encore, quand ces trouvailles seront connues davantage, surtout si
les fouilles continuent à être aussi fructueuses qu'elles l'ont été
jusqu'ici.
Le icf mars 1924, un cultivateur de Glozel, M. Emile Fradin,
en labourant un champ, mit au jour deux petites briques à cupules
qui attirèrent son attention. Des recherches immédiatement entre-
prises firent découvrir une longue fosse ovalaire, dont le fond était
constitué de seize grandes dalles cuites portant de nombreuses
empreintes digitales. Poursuivies sur les indications d'une institu-
trice du pays, Mlle Picandet, puis d'un instituteur d'une commune
voisine, M. Clément, les fouilles devinrent méthodiques lorsque
M. le Dr Morlet, de Vichy, en eut pris la direction, au mois d'avril
1925. Elles ont amené la découverte d'objets fort variés de l'in-
dustrie préhistorique, parmi lesquels des haches, des tranchets,
une erminette, un aiguisoir, des maillets, des instruments agricoles,
une palette à cupule et un timbre matrice avec dépôt d'ocre pour
peinture corporelle, diverses poteries avec ou sans décor, des
briques à empreintes de mains, des lampes en argile, des cornes
sacrées en pierre, des idoles à type viril, des polissoirs à main
galets perforés, des anneaux en schiste, des flèches et des harpj....
en pierre et en bois de cerf, enfin un atelier complet de verroterie.
222 Chronique.
L'importance d'un pareil ensemble est assurément considérable;
mais l'auteur de cette chronique laisse à de plus compétents le soin
d'en apprécier la valeur. Aussi bien, le principal intérêt de la trou-
vaille n'est-il pas là ; ce qui assure à la station de Glozel la plus
grande part de sa célébrité, ce sont les documents a écrits »
qu'elle a fournis. En plus de tous les objets précités, les fouilles
ont en effet mis au jour trente-cinq tablettes d'argile portant des
inscriptions ! C'est une découverte sensationnelle '.
Sur la portée de cette découverte, les sentiments ont été dès le
début et restent encore très partagés. Certains ont mis en doute
l'authenticité des objets trouvés et conseillé le scepticisme. Mais le
scepticisme est une attitude vaine s'il n'inspire pas le doute métho-
dique d'où naît la recherche de la vérité. Des savants qualifiés, qui
ont pris la peine de se rendre sur les lieux pour contrôler l'exé-
cution des fouilles, en garantissent sans hésiter les résultats.
L'explication des caractères gravés sur les tablettes de Glozel a
été cherchée déjà dans les voies les plus diverses. Pour les uns, il
s'agirait de tablettes magiques du temps des empereurs romains,
et l'écriture devrait pouvoir en être déchiffrée avec un peu de patience
et de soin. Mais cela n'explique pas la présence de ces tablettes dans
une station dont l'outillage est néolithique. Pour d'autresau contraire,
on aurait à faire à une écriture contemporaine de l'âge du renne ;
une des inscriptions de Glozel figure en effet sur un galet où est
représenté un renne ; il faut donc croire que cette écriture était en
usage à une époque où le renne n'avait pas encore quitté le centre
de l'Europe pour se retirer vers les régions boréales. Mais cette
époque est singulièrement lointaine, au dire des préhistoriens, et
on est un peu effrayé des conclusions où ce raisonnement conduit.
Quelle que soit l'explication de la présence du renne sur un
i. Voici dans l'ordre chronologique les publications auxquelles les fouilles
de Glozel ont donné lieu jusqu'ici :
Dr A. Morlet et Emile Fradin, Nouvelle station néolithique (ier fascicule)
Vichy, imprimerie Octave Belin, 1925, 54 pages (avec 54 illustrations);
Les mêmes, Nouvelle station néolithique, L'alphabet de Glozel (2e fascicule),
Vichy, Octave Belin, 1926, 24 pages (avec 20 illustrations);
Les mêmes, Nouvelle station néolithique, le Glo^elien (3e fascicule), Vichy,
imprimerie Wallon, 1926, 54 pages (avec 58 illustrations);
Dr A. Morlet, Invention et diffusion de Valphabet néolithique, Paris, extrait
du Mercure de France, numéro du Ier avril 1926 ;
Dr A. Morlet, L'alphabet néolithique de Glozel et ses ascendances, Paris,
extrait du Mercure de France, numéro du Ier juillet 1926 (suivi de Une visite
à Glo\el par A. van Gennep).
Chronique. 223
galet de Glozel, récriture des inscriptions, qui est d'un type linéaire
manifestement déjà très évolué, n'apparaît pas comme quelque
chose de tout à fait inconnu. Bien au contraire. En parcourant des
yeux l'alphabet qu'a établi M. le Dr Morlet, on est frappé des
ressemblances qu'il présente avec l'alphabet dit égéen ou égéo-
crétois.
On connaît par les belles découvertes et les publications de Sir
Arthur Evans l'écriture dont se servaient les peuples de la Méditer-
ranée orientale antérieurement â l'arrivée des Grecs. On peut même
suivre l'évolution de cette écriture, qui apparaît sur les plus an-
ciens monuments sous la forme d'idéogrammes à peine stylisés et
qui aboutit à une écriture linéaire sur les monuments plus récents
(v. Sir Arthur Evans, Scripta Mitioa, p. 114 ; et le même, Cretan
Pictographs and praephoenician Script, 189s). Ce type d'écriture se
rencontre aussi en Egypte. Les fouilles de Pétrie l'ont fait décou-
vrir sur des poteries contemporaines de la xne dynastie (cf. Capart,
Les débuts de l'art en Egypte, p. 140-142), et Sir Arthur Evans a
reconnu l'identité des signes inscrits sur ces poteries et des alpha-
bets linéaires créto-égéens (Further discoveries of Cretan and Aegean
Script tvith Libyan and Proto-egyptian comparisons, 1898). Cette
identité démontre l'extension à l'Egypte de la civilisation égéenne.
Elle s'étendait également à la côte de l'Asie Mineure, comme l'ont
prouvé les fouilles de Schliemann à Hissarlik, sur l'emplacement
de l'antique Troie. Les monuments trouvés à cet endroit notamment
les poteries, vases ou fusaïoles, présentent aussi des inscriptions
dont l'écriture offre de grands rapports avec celle des inscriptions de
Glozel (voir A. H. Sayce, die Inschriften von Hissarlik .dans le grand
ouvrage de Schliemann, Ilios, Leipzig, 1881, p. 766-781 ; cf. aussi
W. Dôrpfeld, Troja und llion, Berlin, 1902, t. I, p. 427).
Enfin, il y a une vingtaine d'années, on a découvert en Transyl-
vanie, dans une localité du nom de Tordos, à l'Ouest de Broos,
sur la rive sud du Maros (Comitat de Hunyad), une station néoli-
thique qui a fourni des poteries portant des signes gravés très sem-
blables à ceux d'Hissarlik (v. Hubert Schmidt, Zeitschriftfùr Ethno-
logie, t. XXXV, 1903, p. 438-469, notamment p. 459); la ressem-
blance est naturellement la même avec les inscriptions de Glozel.
Celles-ci ne sont donc pas isolées. Elles rentrent dans une série
dont le point de départ est en Crète et qui par l'Egypte et la Troade
s'étend à la Transylvanie et à l'Europe occidentale. Il conviendra de
modifier en conséquence quelques détails du bel article que Sir
Arthur Evans publiait en 1908 sur « the European diffusion of
primitive pictography », p. 40-41 {Anthropology and the Classics,
224 Chronique
six lectures delivered before the University of Oxford bv Arthur
G. Evans, Andrew Lang, Gilbert Murray, F. B. Jevons, J. L. Myres
and W. Warde Fowler). Nous tenons maintenant un nouveau
centre d'écriture égéenne. Glozel est le point extrême actuellement
connu où cette écriture ait pénétré dans la direction du Nord-
Ouest.
On ne pourra évidemment tenter un déchiffrement des signes de
Glozel que le jour où les scripta minoa auront livré leur secret. Il
n'est pasdit d'ailleurs que les mêmes signes recouvrent les mêmes
sons d'une même langue à Cnossos et à Mycènes, à Negadah, à His-
sarlik, à Tordos, à Glozel. On peut même se demander si l'écriture
linéaire glozélienne ne renferme pas encore quelques idéogrammes.
Un fait important est l'usage du svastika. Ce signe est des plus
fréquents sur les poteries d'Hissarlik (v. Schliemann, llios, 1882,
p. 389 et Troja, 1884, p. 132; Dôrpfeld, Troja und Ilion,\. I,
p. 256 et ss. et Troja 1893, Berlin, 1894, p. 117, 119, etc.). Il
apparaît également sur les poteries de Tordos et on le retrouve
dans l'écriture linéaire de la Haute-Egypte, aussi bien que sur des
terres cuites étrusques. Or le svastika fait partie des signes qu'a
relevés le Dr Morlet (voir notamment dans le 3e fascicule, les figures
34 et 35). Cela donne à penser que les tablettes de Glozel pour-
raient bien être des tablettes magiques, contenant certains signes à
valeur idéographique comme le svastika '.
VIII
L'existence de relations directes entre l'Irlande et l'Ibérie dans
les temps préhistoriques n'est pas une pure hypothèse, que de
vagues traditions irlandaises sur les migrations desMilésiens vien-
draient seulement appuyer. Plusieurs faits archéologiques la con-
firment, et notamment la forme et l'ornementation des objets de
cuivre(haches-poignards)etd'or (croissants ou lumdae) trouvés dans
les stations préhistoriques de l'Irlande et de la péninsule hispa-
nique. A ces témoignages bien connus, M. J. Loth en ajoute un
nouveau, qui paraît décisif. Dans les Mémoires de la Société d'Histoire
et d'Archéologie de Bretagne (1925, p. 137-155), il rappelle la décou-
verte mentionnée par W. C. Borlase (The Dolmens of Ireland,
London, 1897, t. II, p. 45e) de trois larges urnes ou jarres mises
1 . D'ailleurs le svastika n'est pas particulieràl'art égéen :on le rencontre
aussi au Yucatan ! Sur l'emploi du svastika, voir J. Déchelette, t. II, pp. 45 3,
468, 481, 1 500 et 1502.
Chronique. 225
au jour en 1737 près de Castle Safïron, Co. Cork. Borlase repro-
duit la description qu'en donne Charles Smith dans The ancient
and présent state of Country and Citv of Cork. Il en résulte que
c'étaient des urnes funéraires dans lesquelles le cadavre avait été
introduit par morceaux découpés, que des fils de cuivre réunissaient
en partie. Or, les sépultures en jarre sont très communes dans
le sud de l'Espagne ; et l'habitude de décharner et de désarticuler
les cadavres avant de les mettre en jarre est attestée à l'époque pré-
historique dans les îles Baléares. Cet usage est trop particulier pour
qu'on en puisse expliquer la présence dans les deux pays autrement
que par une communauté de civilisation, peut-être même de popu-
lation. L'examen des courants marins prouve qu'il y a entre l'Es-
pagne et l'Irlande de singulières facilités de communication, que
les navigateurs préhistoriques connaissaient et utilisaient certai-
nement. Une escale s'offrait à eux, en Armorique. Aussi n'est-il
pas étonnant que le sol de notre Bretagne ait fourni tant
d'objets qui attestent des relations communes avec les deux terres
occidentales de l'Europe.
IX
Le mont Auxois est avec le mont Beuvray et la montagne de
Gergovie un des plus illustres témoins de nos origines nationales.
Des trois, c'est le plus émouvant, le plus vénérable, puisqu'il a vu
les derniers efforts de Vercingétorix luttant pour l'indépendance.
Il a en outre sur les deux autres un grand avantage : le sol de
Gergovie attend toujours d'être fouillé, et celui du Beuvray a cessé
à peu près de l'être depuis la mort de Bulliot en 1902 (v. Rev. Celt.,
XX, 373 et XXV, 90). Au contraire, on continue à explorer régu-
lièrement et méthodiquement le plateau d'Alésia. Ce qu'on y a
trouvé forme un ensemble imposant, réparti entre les deux musées
du village. Le champ de fouilles est vaste et bien entretenu. Notre
passé gaulois et gallo-romain y apparaît à découvert. Alésia est
notre forum romain, notre Delphes. Tout Français cultivé devrait
y venir en pèlerinage.
En dehors des publications scientifiques, où des savants com-
pétents rendent compte des fouilles et en discutent les résultats, le
touriste a pour s'orienter le Guide du visiteur à Alésia, édité par la
Société des Sciences de Semur et qui se vend sur place au prix de
5 fr. (nouvelle édition, 63 pages gr. 8° avec 25 figures). On y
trouve, avec quelques renseignements pratiques, une description
de l'état actuel des fouilles et des objets conservés dans les musées.
Revue Celtique, X LUI. 1 c
226 Chronique.
Mais il est utile au visiteur de pouvoir se représenter en perspec-
tive les principaux événements historiques dont le mont Auxois a
été le théâtre et d'avoir une sorte de chronologie raisonnée à fois
des découvertes qu'on y a faites et des thèses archéologiques que
ces découvertes ont suscitées. C'est pour répondre à ce besoin que
M. Salomon Reinach a composé une brochure intitulée Épbémérides
d'Alésia, Histoire, Fouilles, Controverses (Paris, Leroux, 1925, 75 p.
gr. 8°. 5 fr.). Le savant auteur y a employé une méthode dont il
avait déjà donné un modèle dans son Répertoirede l'art quaternaire
(Paris, 191 3, p- xij-xxxviij). Son buta été d'abord de rendre hom-
mage à l'activité de ceux qui ont constitué, souvent aux dépens de
leur santé ou de leur fortune, ce trésor de monuments ; mais aussi
de montrer, documents en main, par combien de tâtonnements
et d'efforts en sens divers réussit à se constituer la science archéo-
logique. C'est une bonne leçon de méthode qu'il donne aux jeunes
en mettant sous leurs yeux ce qu'ont fait les aînés. Dans ces éphé-
méridesil n'yapas cependant que desexemplesà suivre. On est peiné,
en les lisant, de voir la place qu'y tiennent les rivalités personnelles
et les conflits d'intérêts privés. Sur le sol d'Alise, où ont eu lieu les
combats les plus héroïques pour la cause la plus sacrée, naissent
aujourd'hui entre savants de misérables querelles. Ainsi va le
monde. C'est le Lutrin après l'Iliade.
X
Pro Nervia, tel est le titre d'une revue qui se publie à Avesnes
sous le patronage du Syndicat d'Initiative de la région de Bavay et
qui est consacrée à l'histoire et l'archéologie de. l'ancien pays des
Nerviens. Le directeur en est M. Maurice Henault, bibliothécaire
à Valenciennes et directeur du Musée de Bavay. Dans les premiers
numéros, M. Paul Darche publie une importante série de marques
de potiers, figurant sur des poteries trouvées à Bavay. Il est inté-
ressant de les confronter avec les marques des poteries de la Grau-
fesenque (v. R. Ceît., XLI, p. 52). Les noms Albanus, Albinus,
Albus, Privatus, etc. se retrouvent notamment aux. deux endroits.
XI
Dans les Videuskapssclskabets Skrifter de Kristiania (Hist. fil.
Klasse), M.Marstrander apubliéen 1924 une brochurede 34 pages
sur l'histoire des mesures de poids chez les Germains (Spredie
Ridrag til Voegtens og Voegtterminologieus Historié bos Germanerne).
Chronique. 227
Ses conclusions sont résumées p. 31 et s. Il ne croit pas que la
linguistique puisse déterminer quel était le système de poids en
usage chez les Indo-Européens, même du groupe occidental. Il ne
croit pas davantage que la linguistique puisse établir l'existence
d'un système de poids germano-celtique et prouver une part quel-
conque d'influences celtiques dans le système de poids des Ger-
mains. Celui-ci, qui était en vigueur au temps de la civilisation de
Hallstatt, vient directement des Romains. C'est le plus archaïque
de l'Europe, puisqu'il reproduit le système romain de la seconde
moitié du 111e siècle. Le latin aweus a passé en Scandinave sous la
forme eyrir ; et on retrouve le latin argenteus dans le premier terme
du composé ert-ug, qui a pour second terme le mot *iuiïgu-« poids ».
Uertug est la troisième partie de Y eyrir comme le tremissis de
Yalérien (p. 23) était le tiers du solidus. Quant au mot shilling,
german. anc. *skeldulingni, c'est une traduction du latin clipeolus,
nom vulgaire des médailles romaines à effigie impériale. C'est ainsi
que l'étvmologie vient confirmer une idée, soutenue précédemment
par M. A. W. Brogger pour des motifs archéologiques, celle de
l'origine romaine du système de poids en usage chez les Germains.
Le celtique, cela va sans dire, n'est pas négligé dans ce savant
travail. M. Marstrander l'invoque, p. 9 et s., à propos de la racine
germanique *met- « mesurer » ; et cela donne lieu à une intéres-
sante étude sur les dérivés irlandais de cette racine. A signaler aussi
la mention p. 19-20 des formes celtiques empruntées au radical
latin argentuin.
XII
Sous le titre Adattamcnto e distiniionencllafoneticalalina, un jeune
linguiste italien, M. Giacomo Devoto, a publié en 1924 à Florence
(maison F. Le Monnier, xij-132 p. 8°, 20 lire) un livre que tous
ceux qui s'intéressent à l'histoire des langues liront avec le plus
grand profit. C'est un livre en effet nourri d'idées générales, et où
l'auteur, qui sait voir juste et penser par lui-même, a appliqué au
Jatin une doctrine linguistique originale. Le titre ne donne pas une
idée exacte du contenu. M. Devoto dans sa préface l'interprète par
« conguagliamento e differenziazione », qui n'est pas beaucoup
plus exact. En réalité, le problème débattu ici est de l'un des pro-
blèmes fondamentaux de la « parole », au sens que de Saussure
donne à ce mot; il s'agit de la position psychologique de l'individu
à l'égard de la « langue », il s'agit de cet ensemble complexe d'ana-
lyses et de synthèses, d'imitations et de créations que l'on accom-
228 Chronique.
plit en parlant. Le titre ferait croire à une simple étude phonétique.
C'est bien plutôt d'esthétique du langage qu'il est question ici,
puisque tout s'y ramène à fixer la part des innovations conscientes
de l'individu et celle des servitudes qui lui -sont imposées par le
milieu où il vit.
Partant de cette idée que la perception d'une phrase quelconque
par l'esprit comporte non seulement la distinction d'éléments
abstraits d'importance diverse, mais encore l'évaluation du carac-
tère individuel de chacun d'eux, M. Devoto s'est proposé de l'ap-
pliquer à interpréter l'évolution de la phonétique latine. La pho-
nétique ainsi entendue englobe naturellement tout ce qui dans la
morphologie résulte de l'action des deux facteurs opposés, conser-
vation et innovation. Aussi l'exposé touche-t-il pour une bonne part
à la morphologie. Dans le détail, malgré l'érudition de l'auteur
qui est remarquablement informé, on pourrait trouver çà et là
matière à certaines critiques. Il suffisait de marquer ici l'intérêt et
l'originalité de l'ensemble.
XIII
L'étude des mots empruntés d'une langue par une autre
soulève toujours d'intéressants problèmes de phonétique. C'est
notamment le cas pour les mots latins empruntés du grec, en ce
qui concerne l'accentuation. M. Michèle Orlando, professeur au
Gymnase Garibaldi de Palerme, a publié en 1923 une dissertation
sur « l'accentuazione délie parole greche in italiano » (Palerme,
casa éditrice « l'Altualità », viij-88 p. 8°, 10 lire), c'est-à-dire sur
les traces conservées en italien de l'accentuation des mots grecs
passés'en latin. La question est d'importance vu qu'il y a parfois
pour le même mot deux systèmes d'accentuation attestés, l'un
conforme aux règles grecques, l'autre aux règles latines. Les dou-
blets du type platêa piài\a ou sinfonia \ampôgna peuvent être laissés
de côté parce que le premier mot de chaque groupe est un mot
savant d'origine livresque. Mais il y a des doublets comme butirro
bùrro qui remontent au contraire à deux prononciations diffé-
rentes usitées en latin même, comme l'attestent les diverses
langues romanes. Le cas des mots comme poû-njpov, proparoxy-
tons grecs à pénultième longue, faisait particulièrement difficulté
aux Latins. Ceux-ci étaient embarrassés pour conserver à de pareils
mots l'accentuation propre au grec, parce que cette accentuation
contredisait les règles latines. On sait qu'ils se tirèrent d'affaire de
deux façons : tantôt en déplaçant l'accent d'une syllabe, tantôt en
Chronique. 229
abrégeant la pénultième. De là des mots latins comme àiicôra, ère
mus (Prudence, Psychom. 371) et d'autre part comme asilum
caminus, tirés des mots grecs àyxupa, ip^ao;, iauXov, xâa'.voç.
M. Orlando a fait un relevé utile des mots de ce genre conservés
en italien. Il n'a pas cependant pris suffisamment garde de mettre
à part les mots savants, dont le témoignage est nul au point de vue
de l'accent. Il paraît en outre trop enclin à expliquer les mots où
l'accent grec subsiste par l'hypothèse d'un contre-accent initial dans
les mots dérivés : soit Tàranto deTàpavrov d'après Tdrantini. L'hy-
pothèse est peut-être justifiée dans quelques cas ; elle ne saurait en
tout cas expliquer âncôra ou érëmus. L'embarras où se sont trouvés
les Latins quand ils avaient à accentuer des mots grecs contraires à
leurs règles les a troublés aussi quand ils eurent à accentuer les mots
gaulois. On sait qu'en ce cas aussi, ils ont souvent choisi entre la
quantité et l'accentuation, pour sacrifier l'une à l'autre. De là des
formes comme Bourges de Bitûrïges, et des doublets comme Nîmes
(prov. Nemse) et Nemours de Némôsos, Chorges et Chéry de Calù-
riges, Condé Coudât et Coudes Cosne de Condâte (devenu sans
doute suivant le cas Condate [attesté chez Ausone avec a long] ou
Côndâte).
XIV
Dans un nouveau périodique, l'Italia dialettale (t. I, p. 1-55),
M. Vittorio Bertoldi, privatdozent à l'Université de Bonn, a publié
en 1925 une étude sur les noms désignant le myrtille, autrement
dit Yairelle (uaccinium myrtillus). Et c'est une bonne étude de
géographie linguistique. La plante en question dont l'habitat s'étend
de l'Irlande à la Russie et de la Scandinavie à l'Espagne du Nord,
l'Italie du Nord et la Transylvanie, porte dans les pays romans
des noms variés qui se répartissent en diverses couches. L'une des
couches est préromane ; il y en a une autre qui est romane com-
mune ; il y a enfin un certain nombre de dénominations locales
nées indépendamment dans les divers parlers romans. L'objet que
vise M. Bertoldi a une portée générale : c'est d'étudier un lent
procès de pénétration lexicographique en montrant les rapports
des diverses couches entre elles.
Un des noms les plus anciens du myrtille se conserve sous les
formes glastiu, glastioni, glastoni, employées dans certaines régions
de l'Italie du Nord. Il faut le rattacher au celtique glastum, qui
désignait une plante tinctoriale, l'isatis, en français pastel ou
230 Chronique.
guède (cf. Pline, H.N., XXII, 2) '. Ce mot glastum, a laisse des
dérivés en moyen-cornique (glesin gl. sandix, Z. E. 1076) comme
en moyen-irlandais (glaisin, Arch.f. Celt. Lex., I, 341) pour dési-
gner des plantes. C'est proprement un nom de couleur ; l'adjectif
glas signifie « bleu, vert, jaune, gris, pâle », aussi bien en irlan-
dais qu'en brittonique.
XV
Malgré de nombreux essais d'identification, on n'est pas d'ac-
cord sur le personnage que Thomas appelle Bréri (Tristan, v.
2120), le continuateur de Wauchier de Denain Bleheris (Perceval,
éd. W eston, Romania, XXXIV, 100) et d'autres Bl'wbleheris (Chres-
tien de Troyes, Erec, v. 1714). Le seul fait sûr est qu'il servit
d'intermédiaire pour faire connaître en France les thèmes de la
littérature celtique. M. Roger S. Loomis croit pouvoir préciser
davantage. Dans un article des Modem Language Notes (June 1924),
vol. XXXIX, p. 319-329, il cherche à établir que Bleheris eut
une grande part dans la diffusion sur le continent de la légende
de Tristan ; et il croit pouvoir fixer la date de cette intervention
si mémorable. Bleheris, originaire de Galles, était persona grata à
la cour du comte de Poitiers ; cela est dit formellement par le con-
tinuateur de Wauchier (v. le passage cité ci-dessus). De quel
comte s'agit-il ? Ce ne peut être que Guillaume VIII, qui régna
de 1127 a 11 37 ; il était fils de Guillaume VII, bien connu comme
poète, et il eut lui-même pour fille la célèbre Eléonore d'Aqui-
taine. Or, c'est à l'entourage de cette princesse que ramènent les
plus anciens témoignages relatifs à la légende de Tristan en France.
Le poème de Thomas (1 185-1200) fut, semble-t-il, écrit sous son
patronage (cf. Loomis, Mod. Lang. Notes, t. XVII). Marie de
France dédia le lai de Chievrefoil au second mari d'Eléonore, le
roi Henri II, ou peut-être à son fils. Eilhart composa son Tristrant
à la requête d'une de ses filles, Mathilde de Saxe. Chrestien de
Troyes écrivit la plupart de ses ouvrages à l'instigation de Marie
de Champagne, une autre de ses filles. Bernard de Ventadour,
qui mentionne souvent Tristan dans ses poèmes, est connu par la
passion que lui inspira Eléonore (cf. Deister, Mod. Langu. Notes,
t. XIX, p. 287). Mention est faite de Tristan dans un poème de
Cercamon, qui n'est pas postérieur à 1150 (cf. Appel, Z.f. Rom.
1. C'est par erreur que M. Bertoldi attribue le passage latin qu'il cite
p. 3 à César, De bello Gallico XX, c. 7, 59 [sic].
Chronique. 231
Pbil., XLI, 223) ; or Cercamon était en relations étroites avec la
cour de Guillaume VIII ; il célébra dans un poème le mariage
d'Éléonore et de Louis VII de France (en 1137). La réunion de
tous ces détails donne à réfléchir. Sans doute la légende arthu-
rienne était connue sur le continent avant Bleheris. Les noms
d'Artusius et de Galvanus se rencontrent dans des documents du Nord
de l'Italie au début du xne siècle (cf. Rajna, Romania, XVII, 161
et 355). Mais c'est la légende de Tristan, ce beau sujet de passion
fatale et d'amour dévorant, que Bleheris a fait connaître à la cour
de Poitiers. Où l'avait-il été chercher ? sans doute dans la Bre-
tagne armoricaine, où la légende de Tristan, venue de Galles,
s'était constituée au xie siècle. Telle est la chronologie que pro-
pose M.Loomis. Elle a l'inconvénient de ne pas tenir compte des
découvertes que M. J.Loth a faites en Cornwall et des preuves
qu'il a fournies à l'appui d'une localisation comique de la légende.
Il ne suffisait pas de dire, p. 328, que la théorie de M. J.Loth a
été critiquée par M. Smirnov (Romania, XLUl, 121). La démonstra-
tion est assez solide pour résister à cette critique, et à quelques
autres.
XVI
La librairie Champion a mis en vente en 1925 le second volume
de la continuation de Perceval par Gerbert de Montreuil (v. Rev.
Celt., XLI, 294). Ce second volume qui forme le tome 50 de la
collection des « Classiques français du moyen âge », comprend les
vers 7021-14078. Il est dû, comme le premier, à Mrs Stephens
(Dr Mary Williams), professeur à l'University Collège de Swan-
sea. Il s'arrête à la fin de l'aventure de Gavain, « qui molt li fu
dure » (v. 12380), c'est-à-dire à la fin de l'équipée qu'il fit sur
Gringalet et de ses amours avec la « damoiselle ». Tout ce long
délayage a sans doute beaucoup d'intérêt pour l'histoire de la litté-
rature française du moyen âge. Mais les celtistes n'y trouveront
guère à prendre. Si le fond a contenu jamais des ingrédients
celtiques, la saveur en est tellement diluée qu'elle ne se sent plus.
Tout est français dans ce récit. Seuls quelques noms propres, ou
de rares traits, comme le serment par saint David (v. 10042, v.
11911), rappellent l'origine insulaire de la légende.
XVII
Seize ans après la publication de ses Storiesfrom Keatiug's History
232 Chronique.
of Ireland (cf. R. CelL, XXX, 32b), M. Osborn Bergin en donne
une seconde édition '. Tous les amis de l'irlandais se réjouiront
du succès de ce petit livre, dont l'étude est l'introduction la plus
commode et la plus sûre à la connaissance de la langue moderne.
D'Arbois de lubainville le comparait aux Selectae e profanis scripto-
ribus bistoriae de Jean Heuzet, par lesquelles tous les collégiens de
France depuis deux cents ans débutent dans l'apprentissage du
latin. Il n'est pas d'éloge plus flatteur.
Cette seconde édition contient les mêmes morceaux que la pré-
cédente, au nombre de trente et un. Mais le texte en a été révisé
et çà et là corrigé : par exemple, à la page 14, dans le morceau 7,
1. 28, dhà labhach a été substitué à dhà tobhach. Le texte de Keating
dans l'édition Dinneen, vol. II, p. 25e, 1. 3984, porte ag a tubbacb ;
mais on sait que M. Bergin a utilisé un manuscrit de Keating que
M. Dinneen n'a pas connu. La grande innovation de cette seconde
édition est dans la graphie. Conformément à un principe préco-
nisé par lui-même, et approuvé par des maîtres comme l'abbé
O'Leary (v. R. Celi., XXXII, 499 et XL, 185), l'auteur a aban-
donné l'usage des caractères gaéliques au profit des caractères
latins. Dans un livre destiné à des écoliers, c'est une mesure
excellente, dont on peut attendre beaucoup pour la diffusion même
de l'irlandais.
L'introduction et le lexique ont été revus et augmentés ; les.
notes, fort abondantes, sont en grande partie neuves. On y trouve
à glaner une masse d'observations utiles pour la connaissance de
la langue et de la grammaire. L'introduction mentionne les sources
auxquelles Keating a puisé sa documentation. Le morceau n° 11,
qui a pour objet le siège de Druim Dâmhaire, est donné comme
provenant d'un récit épique encore inédit. Cette indication n'est
plus vraie aujourd'hui, comme on peut le constater au début même
du présent fascicule de la Revue Celtique.
L'introduction contient en outre un abrégé de grammaire et des
listes de mots empruntés. Parmi les mots empruntés du latin figure
toujours maintear, malgré les protestations que d'Arbois de Jubain-
ville ne manquait pas d'opposer à cette hypothèse de Zimmer. Il ne
parait pas douteux que l'irlandais a possédé un mot indigène muin-
ter de *manutero-, qui désignait la personne en tutelle légale,
in manu, comme disaient les Latins. Que ce mot ait été modifié
dans son sens par l'influence du latin monasterium (ou mieux
1. Chez Hodges, Figgis anJ Co., à Dublin, 1925, xxxij-120 p. in-12.
Chronique. 233
monisterium), c'est fort possible. Mais certains de ces emplois excluent
Ph\pothèse de l'emprunt ; cf. ci-dessus, p. 210.
La liste des emprunts au latin contient aussi, avec un point d'in-
terrogation il est vrai, le mot uball « pomme ». M. Bergin nous
fait savoir que ce mot doit être rayé ; c'est un mot indigène. Il
ajoute même qu'il n'a rien de commun avec Abella ; en quoi il
nous parait aller trop loin. L'essentiel sur la question de l'exten-
sion du pommier se trouve dans le Reallexikon de Schrader, p. 42
et suiv. Mais il est vrai que le nom de l'arbre, aussi bien que celui
du fruit, soulève des difficultés variées. L'irlandais ancien dis-
tingue aball f. « pommier » de uball n. « pomme » ; la différence
du vocalisme radical est malaisée à expliquer. En gallois, la diffé-
rence est dans le suffixe : afall f. « pommier » et ajalm. « pomme »
(au singulatif afallen et afaleri) : ny phell gwvd aval 0 avall « la
pomme ne tombe pas loin du pommier » est un vieux proverbe
gallois (Book of Aneirin 94.7 Skene = 26.8 Evans). Il a dû se
produire dans chaque langue des actions variées, en grande partie
mystérieuses. Mais l'hypothèse d'un radical commun à Pitalo-cel-
tiquè et au germanique ne paraît pas discutable. Il s'agit d'un nom
d'arbre appartenant au vocabulaire du Nord-Ouest.
XVIII
M.Osborn Bergin a continué dans les Studies l'édition d'«unpu-
blished Irish poems », dont la Revue Celtique a jadis annoncé les
premières séries (t. XXXVIII, p. 236 et 367). Cette suite com-
prend les morceaux suivants :
15. A Winter campaign, poème composé par Eochaid O'Héo-
ghusa au sujet des souffrances endurées par son patron Hugh
Maguire pendant la pénible campagne d'hiver qu'il mena en Muns-
ter au début de l'an iéoo sous les ordres de O'Neill. Maguire
devait périr le Ier. mars de cette même année dans une escarmouche
aux environs de Cork. Mangan s'est inspiré de ce poème dans son
« O'Hussey's Ode to the Maguire » ; malheureusement, comme il
ignorait l'irlandais, il n'a connu le texte d'O'Hussev que par une
adaptation en prose anglaise de Ferguson, remplie de grossiers
contresens.
ié. A lover s quarrel, poème du xvie siècle, peut-être par
Maghnus O'Domhnaill, l'auteur bien connu du Betha Colaim Cbille
(Rev. Celt., XXXIX, p. 87) et de nombreux dànta grâdha.
17. Neglecled merit ; composé dans le mètre dit sêdnadh, ce
poème est anonyme, mais il y est question du chef des Mac Car-
2 J4 Chronique.
thys de Carbery, c'est-à-dire probablement Finghin mac Domhnaill,
qui mourut en 1 56e.
18. The Phantom, attribué dans un manuscrit à Eochaid
O'Héoghusa (ci-dessus, n° 15), mais sans doute à tort. C'est un
poème d'amour, où le poète feint d'avoir été frappé à mort par la
vision angélique d'une créature céleste ; le texte est plein de mots
à double entente et d'énigmes.
19. On the recapture of Enniskillen ; il s'agit du château des
Maguire à Enniskillen, pris par les Anglais le 2 février 1594; le
17 mai suivant, le château était repris par les troupes irlandaises ;
pour célébrer cet heureux événement, ce poème fut composé par
Eochaid O'Héoghusa (ci-dessus, n° 15).
20. Poème religieux, composé dans le mètre dit dechnad môr.
21. Poème d'Eochaid O'Héoghusa. adressé au fils de Cû
Chonnacht, Aodh, qui périt en 1600 dans la campagne d'hiver en
Munster. Le poète y insiste avec une calme assurance sur les droits
qu'il a aux libéralités de son maître.
22. To a harp, éloge d'une harpe superbe, possédée, semble-t-il,
par Diarmaid, fils de Donnchadh Mâg Eochagâin, Lord de Cenél
Fiachach, en Westmeath. L'auteur, Gofraidh Fionn O Dâlaigh,
mourut en 1387, et le poème fut composé après 1382, au moins
les dix premières strophes ; douze strophes supplémentaires y furent
ajoutées après coup.
23. On the death of a poet. Le poète dont il est question ici est
Eochaid O'Héoghusa; et le poème fut composé durant sa dernière
maladie, par un inconnu.
24. Consolations. L'auteur inconnu de ce poème s'y console de
la perte d'amis chers en se rattachant aux amis qui ne trompent,
pas, ses livres, son épée, son jeu d'échecs et par-dessus tout, sa
harpe. La langue est celle du xvie siècle.
25. On the breaking up of a school, élégie composée par Tadhg
Og O Huiginn sur la mort de son maître et frère aîné Fearghal
Ruadh ; elle est du commencement du xve siècle.'
26. An irritable genius, poème qui date de 121 3 ; il est l'œuvre
de Muireadhach O'Dâlaigh dit Muireadhach Albanach (l'Ecossais),
bien connu en son temps pour son caractère irritable ; ayant été
insulté par l'intendant d'O'Donnell, il le tua d'un coup de hache :
ce meurtre l'obligea à chercher un refuge d'abord en diverses
régions de l'Irlande, puis en Ecosse, auprès d'un Fitz William,
dont il implore la protection dans ce poème.
27. The dead wife ; ce poème, consacré par Muireadhach Alba-
nach à la mémoire de sa femme Maol Mheadha, est conservé dans
Chronique. 235
leBookof the Dean of Lismore, écrit comme on sait en une sorte
d'écriture phonétique; M. Bergin a dû opérer un déchiffrement
des plus malaisés ; le poème comprend 24 quatrains, il n'en a pu
restaurer complètement que seize.
28. A pointers greeting, salut adressé à Murchadh fils de Brian
Dali par Muireadhach Albanach au retour d'un pèlerinage en Terre-
Sainte.
29. On Cathal Redhand. C'est encore l'œuvre de Muireadhach
Albanach, qui y implore l'aide du roi de Connaught Cathal Crobh-
dherg (mort en 1224). Le poème est postérieur à 121 3.
30. Great expectations, poème de Lochlainn Og O'Dâlaigh, qui
florissait au milieu du xyie siècle ; il a pour sujet l'éloge de trois
jeunes membres de la famille régnante en Thomond.
31. The passing of the old order. C'est un poème de Fear Flatha
O Gnimh, qui est également l'auteur des nos 8 et 10 de la collec-
tion. Il est adressé à Sir Arthur Magennis (mort en 1629), fils de
Sir Hugh (Aodh, surnommé an fear dorcha, mort en 1595); et il a
pour objet de déplorer la décadence du métier de poète. C'est un
sujet fréquemment traité au début du xvne siècle.
Ces dix-sept poèmes s'échelonnent dans les Studies entre le numé-
ro de septembre 1921 et celui de septembre 1925.
XIX
Dans le numéro des Studies de mars 1923, le Père Gustav
Lehmacher a publié « some thoughts on an Irish l.iterary lan-
guage », qui partent d'un esprit généreux et candide. Ayant pris
la peine d'apprendre l'irlandais, tant ancien que moderne, il a été
peiné de constater que l'irlandais d'aujourd'hui est constitué seu-
lement par quelques parlers locaux fort différents les uns des autres ;
pour rencontrer le langage vivant, il faut l'aller chercher sur les
lèvres de paysans ou de pêcheurs habitant les coins les plus recu-
lés de l'île et ce langage n'a ni unité ni cohésion. Il est donc tout
à fait différent non seulement des langues comme l'allemand, l'an-
glais ou le français, mais encore de l'irlandais du moyen âge, qui
existait comme langue commune et fixée dans l'usage des écrivains.
Les filid distinguaient fort bien la langue littéraire qu'ils
employaient pour des fins artistiques (cerd) et le parler vulgaire,
qui variait sans doute d'une région à l'autre (cauamaint). La langue
littéraire commune a disparu ; il ne reste plus que des poussières
de parlers présentant des variétés souvent considérables. Le P. Leh-
macher estime qu'un état de choses aussi lamentable ne doit pas
236 Chronique.
durer. Pas de langue, pas de nation (gan teatiga, gan tir) : « an
unified language in vocabulary, form and pronunciation must be
created in Ireland ».
Mais comment effectuer cette création ? La solution idéale
serait dans l'apparition d'un grand génie littéraire, un Dante ou un
Shakespeare qui écrirait en irlandais et imposerait sa langue à tout
le pays. A défaut de cette solution, qui tient un peu trop du miracle
pour que les prévisions humaines puissent en tenir compte, le
P. Lehmacher en indique trois autres, . qui seraient plus pra-
tiques. D'abord, il paraît croire à l'efficacité de mesures politiques,
de directives imposées, ou même seulement proposées à tous les
maîtres chargés d'un enseignement de l'irlandais. Mais quel dia-
lecte prendre comme norme ? Celui d'Aran, parce qu'il a fait l'objet
d'un exposé d'ensemble en allemand par Finck et aussi parce qu'il
se rapproche plus que les autres du vieil-irlandais. Ces deux rai-
sons sont singulières, et la seconde est d'ailleurs des plus contes-
tables. Une autre solution consisterait à faire un mélange habile et
sagement mesuré des divers dialectes, à prendre comme langue
vivante la langue écrite traditionnelle, seulement allégée des sur-
charges inutiles que l'érudition historique y a ajoutées, et nourrie
d'éléments empruntés aux parlers locaux ; on obtiendrait ainsi une
langue commune qui ne serait pas très différente, comme forma-
tion, de l'allemand littéraire commun. Enfin, il y aurait comme
dernière solution à remonter résolument à l'ancien irlandais et à
l'imposer de toutes pièces aux cerveaux modernes. La langue des
récits épiques a l'abondance, la richesse, la souplesse et la variété
de la vie. La prononciation moderne défigure et estropie en mille
façons, suivant les lieux, cette belle langue ancienne. Le P. Leh-
macher se demande si l'on ne pourrait pas la restaurer, non seule-
ment dans sa morphologie, mais encore dans sa phonétique. C'est
apparemment comme si les Anglais, n'ayant à leur disposition que
les dialectes actuels et désireux de se constituer une langue com-
mune, faisaient revivre dans ce dessein la langue d'Alfred et d'Ael-
fric. Cette simple comparaison permet d'apprécier le caractère pra-
tique de la proposition.
L'article du P. Lehmacher a provoqué des réponses de la part
d'autorités irlandaises comme le Dr Sheehan, les professeurs Ber-
gin, T.O'Rahilly, T.O'Mâille, F. W.O'Connell. Ces réponses
n'ont pas satisfait le P. Lehmacher, qui s'en montre fortement
désappointé. Ce désappointement est une nouvelle preuve de can-
deur. Le P. Lehmacher est un idéologue. Il fait le plan d'une langue
commune comme J. -J.Rousseau traçait des constitutions.il ne
Chronique. 237
manque rien à ses projets si ce n'esi d'être viables. Le P. Leh-
macher ne tient pas assez compte d'un fait essentiel : l'Irlande
possède aujourd'hui, comme hier, une langue commune : mais au
moyen âge cette langue commune était l'irlandais, aujourd'hui
c'est l'anglais. Avant de songer à répandre l'usage d'un irlandais
commun, il faut d'abord abolir en Irlande l'usage de l'anglais. Les
deux faits sont liés et ne dépendent ni de la décision d'un homme
politique, ni de l'influence d'un écrivain de génie, ni de l'habileté
d'un maître d'école. Ce sont les nécessités de la vie qui imposeront,
s'il y a 'lieu, aux Irlandais, l'usage d'une langue irlandaise com-
mune. Comment se constituera-t-elle? est-ce tel dialecte qui impo-
sera sa norme ou se créera-t-il une sorte de langue mixte à laquelle
plusieurs dialectes collaboreront ? La question est fort oiseuse. Le
jour où l'Irlande ayant abandonné l'usage de l'anglais aura besoin
de se créer une langue commune, la création se fera d'elle-même.
Pour le moment, les tenants de chaque dialecte défendent leurs
droits et refusent de se laisser étouffer par les autres ; ils ont
raison. C'est la concurrence vitale qui fait la sélection naturelle.
La première mesure à prendre aujourd'hui est d'ordre moral. Elle
consiste à encourager chez les Irlandais la volonté de parler leur
langue. L'avenir décidera de la forme que cette langue prendra.
XX
Le n° 29 du Journal of the Folk-Song Society (t. VII, décembre
1925) contient la suite du recueil des chansons populaires de l'île
de Man publié par Miss A. G. Gilchrist. La Revue Celtique a parlé
du premier fascicule au tome précédent, p. 212. Il y en aura encore
un qui mettra fin à cet important recueil.
Celui-ci contient d'abord des additions au fascicule précédent
(p. 203-224). Mais la partie principale en est constituée par
21 chansons qui sont du genre « carval » (p. 225-276). Le mot
carval dans l'île de Man est le représentant de l'anglais carol ;
mais il a conservé un sens des plus précis, quasi technique. II
désigne les chants qu'il était d'usage de faire entendre dans l'église
pendant la nuit de Noël, la nuit de YOie'l Verry (« Veille de la fête
de Marie »). Ces chants étaient accompagnés d'un certain nombre
de cérémonies, sur lesquelles renseigne utilement l'introduction
due à Miss Gilchrist (p. 225 et ss.). La tradition s'en maintint
jusque vers 1870. La composition des carvals remonte principa-
lement au premier quart du xvne siècle et s'échelonne sur un
espace de plus d'un siècle. Le dernier connu est des environs
238 Chronique.
de 1836. Ils sont essentiellement de caractère religieux, et plus
spécialement calviniste ; bien qu'ils fussent destinés à la fête de
Noël, ils s'attachent de préférence à décrire le sort affreux des
pécheurs et l'horreur des supplices infernaux. Mais ce sont en
même temps des chants populaires, que chaque chanteur trans-
formait ou amplifiait suivant son inspiration. Le clergé n'avait
même aucune part à la préparation et à l'exécution des carvals.
Quelques-uns ont un réel mérite poétique, ceux par exemple que
composa le Rev. Thomas Christian, auteur d'une traduction man-
noise du Paradise Lost de Milton. Tous sont révélateurs du carac-
tère des gens de cette île, où régnait au xvme siècle un puissant
enthousiasme religieux, porté à son comble lors de la traduction de
la Bible en langue mannoise (1772). L'inspiration des carols est
en majeure partie biblique ; mais on y retrouve aussi des thèmes
traditionnels, qui remontent au moyen âge. Ainsi l'un des carols de
la collection roule sur le débat du corps et de l'âme. Dans une
note jointe au texte notre savant collaborateur M. A. Martin Free-
man, p. 243-248, résume l'histoire de ce débat, si en faveur dans
l'Europe médiévale et compare le carval qui en traite au poème
latin de Walter Mapes et à la version irlandaise ; il ne mentionne
pas les trois poèmes du Black Book of Carmarthen (nos V, VI et
VII), qui présentent de ce débat une version originale, indépen-
dante, semble-t-il, des sources auxquelles ont puisé les pays
voisins.
Ce n'est pas le premier recueil de carvals qui soit publié. Antérieu-
rement à la collection du Dr Clague, qui fait la base de la présente
publication, une autre collection avait vu le jour : celle à laquelle
collaborèrent M. John C. Fargher, propriétaire du journal Motia's
Herald, le Capt. Christian, de Baldromma, et surtout Speaker
Moore. Elle parut en 1891 sous le titre Carvalyn Gailckagk. Une
seconde série a été imprimée dans les colonnes du journal Thelsle
of Man Examiner entre le 31 juillet 191 5 et le Ier janvier 1917. Il
existe d'autre part des collections encore inédites. Celle qui est
publiée par Miss A. G. Gilchrist a le grand mérite d'être la pre-
mière qui contienne les airs notés au-dessus des paroles. Elle se
recommande en outre par une méthode critique excellente :1e texte
en a été établi avec soin et éclairci de notes substantielles par des
érudits compétents.
XXI .
Dans un pays comme l'Irlande, si riche de monuments du
Chronique. 239
passé, l'archéologie est depuis longtemps en honneur. Les noms
de Brash, de Graves, dé Ferguson, de Joyce, de Conwell ne sont
pas moins illustres que ceux d'O'Donovan et d'O'Curry. En ces
dernières années, l'Irlande a perdu trois archéologues de premier
ordre, Coffey, Westropp, Armstrong. Mais ceux qui restent sont de
taille à maintenir les bonnes traditions. Et au nombre des plus
éminents, il faut compter M.R.A.S. Macalister, le savant éditeur
des inscriptions oghamlques. Devenu président de la Society of
Antiquaries of Ireland, il y a prononcé le 27 janvier 1925 un dis-
cours qui est en même temps un acte1. Il ne s'est pas borné à
jeter un coup d'oeil surle passé et à se féliciter des résultats acquis,
si glorieux qu'ils soient. Il a dressé un programme pour l'avenir,
dénonçant les dangers que court en Irlande l'étude de l'archéologie
et les combattant résolument. Cette attitude donne à son discours
un singulier intérêt. Il s'y montre vivant, personnel ; il va droit à
ses adversaires pour les saisir à bras le corps et les terrasser. Il
manie avec adresse les armes de la dialectique, et la meilleure de
toutes, qui est l'esprit. Son discours est tout parsemé d'ironie et
d'humour. Ce sont des qualités qui sont fort prisées en Irlande.
L'auditoire n'a donc pu manquer d'apprécier les arguments de
l'orateur, et l'on peut croire qu'en cette soirée bien des gens,
jusque là réfractaires aux idées de M. Macalister, ont été conquis.
Parmi les avis qu'il a exprimés, il en est un dont il a été ques-
tion précédemment (ci-dessus, p. 184): c'est celui qui se rapporte
à la nécessité d'envisager les faits du passé objectivement, en fai-
sant abstraction de tout préjugé national. C'est un avis fort sage,
auquel dans tout pays chacun souscrira. Il en est un autre, qui
s'adresse particulièrement à ses compatriotes et qui dans sa bouche
a une grande valeur : c'est celui par lequel il leur recommande
d'apprendre et de pratiquer la langue irlandaise. La langue doit
faire partie de l'éducation nationale, surtout dans un pays qui
possède une littérature si riche. On ne saurait trop recommander
aux Irlandais d'étudier leur langue. Mais pourquoi M. Macalister
préconise-t-il cette étude au détriment de celle du français? Les
deux peuvent se concilier. Il importe peu que le français appris à
l'école soit assez différent de celui qu'on entend dans les rues de
Paris. Sans parler de l'excellente gymnastique qu'elle impose à
1 . The Présent and Future of Arcbaeology in Ireland, an address delivered
at a meeting of the Royal Society of Antiquaries of Ireland, held on
27 January 1925 by the Président R.A.S. Macalister. Dublin, Falconer,
24 p. 8°.
240 Chronique.
l'esprit, l'étude du français littéraire a l'avantage de mettre en con-
tact avec des œuvres qui, pour la forme et le fonds, sont parmi
les plus belles que l'humanité ait conçues. Et peut-être M. Maca-
lister n'aurait-il pas écrit un discours si alerte,- si incisif, si péné-
trant, s'il n'avait été lui-même dans sa jeunesse, au témoignage de
ses maîtres, « diligent in French ».
XXII
Il y a un précieux enseignement de linguistique générale à tirer
de l'article publié par M. Sommerfelt dans les Avhandlinger utgitt
av dei norske Videnskaps-Akademi i Oslo (II. Hist. Filos. Klasse,
1925, n° 3) sous le titre « Un cas de mélange de grammaires ».
On sait combien les opinions divergent entre les linguistes au
sujet du mélange des langues : certains vont jusqu'à soutenir que
toute langue est plus ou moins une « langue mixte » ; d'autres
affirment au contraire qu'au moins pour le sys ème grammatical,
un mélange de langues est une impossibilité. Il convient en effet
de distinguer le vocabulaire, la phonétique et la grammaire.
Chacun admet qu'une langue peut recevoir une quantité presque
illimitée de mots étrangers. L'influence d'une population étrangère
sur un système phonétique n'est pas davantage niable. Mais la
possibilité d'un mélange d'éléments empruntés à deux systèmes
grammaticaux est malaisée à établir. M. Sommerfelt montre fort
bien qu'il faut pour cela le concours de certaines circonstances.
Des langues dont le système grammatical est très particulier, très
compliqué, très ferme — c'est le cas des langues indo-européennes
de type ancien — se prêtent peu à subir des actions étrangères :
un mélange de systèmes grammaticaux est donc ici à peu près
exclu. Il faut tenir compte en outre de la différence que présentent
la structure des langues en contact et plus encore leur valeur
sociale. Pour des langues étroitement apparentées, comme sont les
dialectes d'un même groupe, les mélanges morphologiques sont
possibles, mais sans grande conséquence, parce que les traits de
l'un des systèmes ont avec ceux de l'autre des affinités naturelles :
ils peuvent s'échanger sansaltérer le caractère général de la langue.
Le cas qu'a rencontré M . Sommerfelt est au contraire des plus
probants : il s'agit d'une langue qui par elle-même possède une
extrême variété de formations de pluriel dans les noms ; cette
langue a auprès d'elle une vaste langue de civilisation à grand
prestige, qui la domine, qui la pénètre, et qui pour le pluriel des
noms a réussi à se créer un type de formation quasi unique.
Chronique. 241
Quand des mots de la première langue ont un pluriel qui manque
de netteté par suite d'accidents spéciaux, on y remédie en emprun-
tant à la seconde son procédé de marquer le pluriel. L'exemple
est saisissant : M. Sommerfelt a le grand mérite de l'avoir décou-
vert, et le mérite non moins grand de l'exposer avec une clarté
pleine d'élégance et d'en dégager les conclusions qu'il comporte.
Nos lecteurs ont sans doute deviné déjà que les deux langues
en question sont le gallois et l'anglais. La sifflante caractéristique
du pluriel des mots anglais se rencontre en gallois parlé dans des
mots qui n'ont pas par eux-mêmes d'expression nette de pluriel.
Par exemple dans des collectifs :, on dira sers « étoiles » en face du
« singulatif » seren, ou kirts « cordes » en face du « singulatif »
kortin. Ou bien dans des cas de flexion anomale : on dira milguns
« lévriers » au lieu de milgun, pluriel de miîgi. Ou enfin, lorsque
des accidents phonétiques rendent le pluriel indigène semblable
au singulier : ainsi on dira sgolurs « pêcheurs » (de pysgotwr) ou
-fiirnurs « grondins » (de cbwyrnwr) ou byturs « mangeurs » (de
bwytawr), dans le dialecte de Caernarfon, où le -wyr du pluriel
se confond avec le -w r du singulier.
XXIII
On nous signale des traductions du français en gallois publiées
dans Y Geninen par M. T. Hudson Williams, Professeur de grec
à l'University Collège de Bangor. Les numéros de juin 1925,
novembre 1925 et janvier 1926 contiennent une traduction de
YAlhalie de Racine, sous le titre Athaliah. A titre d'échantillon,
voici les paroles d'Abner au début de la tragédie :
le, wele finnau yma yn ci dy
yn rhoi fy mawl i'r un tragwyddol Dduw
yn ol ar arfer gysegredig hen,
yn cadw gyda chwi yr uchel ddydd
y rhoed y ddeddf i ni ar fynydd Sinai.
La traduction est exacte, rend tous les mots du texte, sans y
ajouter, comme il arrive trop souvent. C'est une jolie réussite.
M. T. Hudson Williams a également traduit dans Y Geninen la vie
de saint Alexis (d'après l'édition Gaston Paris) et des sonnets de
Heredia.
Revue Celtique, XLIII. 16
16*
242 Chronique.
XXIV
André Oheix, ce jeune érudit dont la Revue Celtique a jadis
déploré la perte (v. t. XXXVIII, p. 245), laissait en mourant la
copie d'un texte inédit d'une Vie de saint Corentin, qu'il avait
découvert à la Bibliothèque Nationale. La Vie de saint Corentin
n'était connue jusqu'ici que par une édition due à Dom François
Plaine et publiée en 1886 au tome XIII du Bulletin de la Société
archéologique du Finistère. Cette édition consistait en la contamina-
tion de deux textes, l'un contenu dans un manuscrit de l'abbaye
de Sainte-Saulve à Montreuil-sur-Mer daté de 1664, et l'autre dans
un sanctoral de Quimper appartenant à la bibliothèque des Bol-
landistes à Bruxelles. Tous deux paraissent remonter à un original
commun, que l'un a abrégé suivant ses besoins, que l'autre a
développé au contraire en y ajoutant notamment des tirades contre
le clergé. A quand remontait cet original ? Dom Plaine le sup-
posait antérieur à l'an 878, date de la translation du corps de
saint Corentin à Montreuil-sui-Mer, où ce texte l'aurait accom-
pagné. Et l'argumentation de Dom Plaine a été acceptée par le
comte de Calan, dans ses Mélanges historiques (Vannes, 1908,
p. 108). Mais A. de la Borderie considérait la vie de saint Corentin
comme un document de mince valeur historique, tout au plus du
xme siècle (Histoire de Bretagne, I, p. 320).
Le manuscrit où André Oheix découvrit la Vita Corentini n'est
pas daté. Mais un examen comparatif de ce texte permet de le
croire antérieur à celui qu'a édité Dom Plaine. Il est même pro-
bable que les deux versions amalgamées par Dom Plaine dérivent
toutes les deux du texte qu'a découvert Oheix. Ce texte n'est
cependant pas l'antique original que supposait Dom Plaine. En pu-
bliant la copie d'André Oheix dans les Mémoires de la Société d' Histoire
et d' Archéologie de Bretagne (1925, 56 p.), Mrae Ethel Fawtier-Jones
l'a fait précéder d'une savante introduction, où elle étudie l'histoire
de cette Vita Corentini. D'après la toponymie, un certain
saint Corentin était vénéré anciennement des deux côtés de la
Manche. Plusieurs documents, datant du xe au xne siècle, attestent
qu'une tradition faisait de ce personnage un évêque de Quimper.
Quant à la Vita Corentini, compo$ée au xme siècle, à l'aide d'un
texte antérieur, mais antérieur de peu et de même caractère, ce
serait un document tendancieux, qui a exploité cette tradition,
mais ne nous apprend rien de plus sur le personnage. ,
Chronique. 24 5
XXV
Les noms de lieu de' la Bretagne armoricaine, si importants
pour l'histoire, l'archéologie et même la linguistique de la pro-
vince, n'ont pas encore été étudiés d'une façon complète et métho-
dique. M. J. Loth a été l'initiateur de nombreuses recherches, tant
dans les Annales de Bretagne, que dans la Revue Celtique. Et nos
lecteurs savent que la toponomastique bretonne a en M. Largil-
lière, élève de M. J. Loth, un représentant qui promet. M. Loth a
formé un autre élève, M. Daniel Bernard, qui inaugure une série
d'études sur les noms d'hommes et de lieux du Cap Sizun dans le
Bulletin de la Société archéologique du Finistère (Quimper, 192e,
p. 1-34). Ces études sont faites d'après des documents d'archives
conservés à Quimper ou à Nantes, qui fournissent les formes les
plus anciennes des noms. Elles serviront de préparation utile à la
confection du Dictionnaire topographique du Finistère, et, au
moins pour la région du Cap, elles permettront aux érudits
d'attendre cet instrument indispensable. Le travail de M. Bernard,
inspiré et contrôlé par M. J. Loth, est des plus solides. Il donnera
aux chercheurs une bonne leçon de méthode en leur montrant
combien de pièges recèlent les graphies officielles des noms. A
défaut de formes anciennes, c'est toujours à la prononciation
actuelle qu'il faut recourir. Sur quelques points, des doutes sub-
sistent. P. ié, on ne voit guère comment le nom à'Audierne aurait
pu être « influencé par le mot italien et espagnol odierna ». —
P. 15, le nom de famille Doedy attesté en 1540, n'est-il pas le
même que le nom actuel Douady ? — P. 25, l'explication donnée
pour Plomodiern (écrit Ploemordiem dans une vie de saint Corentin)
ne tient pas compte du fait que les gens du village l'appellent
Plodiern (prononcé Ploudiern avec accent sur i). On est tenté de
croire que tno y a été pris pour l'adjectif possessif, si souvent pré-
fixé dans les noms propres celtiques.
XXVI
Malgré des occupations multiples, dont chacune aurait suffi à
l'activité d'un seul homme, M. Ferdinand Brunot a poursuivi sans
fléchir la confection de cette magistrale Histoire de la langue
française des origines à 1900, dont le septième volume vient de
paraître (Armand Colin, 1926, 360 p. 8°). Ce volume est consacré
à la propagation du français en France au cours du xvme siècle. Il
fera l'admiration de tous les lecteurs par l'effort de renouvellement
244 Chronique.
et d'enrichissement qu'il atteste. Sans doute la méthode est aussi
terme que dans les volumes précédents, l'érudition aussi abondante
et sûre. Mais le point de vue s'est élevée et l'horizon s'est élargi.
Ce n'est plus seulement la matière grammaticale, nécessairement
un peu sèche et fragmentaire, ce sont les idées, les mœurs, les
conditions de la vie, dont l'évolution est présentée dans toute son
ampleur, telle qu'elle est reflétée par l'histoire de la langue. C'est
là un livre de linguistique au vrai sens du terme, puisque, c'est en
même temps un livre de géographie humaine, d'histoire écono-
mique et de sociologie.
Un chapitre est consacré à l'extension du français dans la Bre-
tagne armoricaine (p. 249-267). Ce n'était pas le plus facile à faire,
car les documents sont peu abondants. M. Brunot a réuni tout ce
qu'il est possible de tirer des travaux des historiens ou des récits
des voyageurs, des ouvrages imprimés ou des pièces d'archives.
Sur la répartition des langues entre les classes sociales, sur l'orga-
nisation de l'enseignement, sur l'influence des centres urbains, sur
le rôle du clergé, etc., il donne des renseignements d'un puissant
intérêt, et qu'on ne saurait trouver ailleurs. C'est un morceau
important de l'histoire externe du breton. Le jour où quelqu'un
entreprendra d'écrire cette histoire, il trouvera dans le livre de
M. Brunot un de ses chapitres tout fait.
XXVII
Livres nouveaux dout il sera rendu compte ultérieurement :
Tadhg O'Donnchadha, Prosôid Gaedhilge. Corcaigh agus Ath
Cliath, Clô Ollsgoile Chorcaighe [Prosodie irlandaise, Cork et
Dublin, Presses Universitaires de Cork], 1925, vij-ioyp. in-12. 3 sh.
Holger Pedersen, Le Groupement des dialectes indo-européens,
Copenhague, 1925, 57 p. 8° (Det Kgl. Danske Videnskabernes
Selskab., Hist. filol. Meddel. XI, 3).
Thomas F. O'Rahilly, Catalogue of Irish Manuscripts in the
Royal lrish Academy, fasc. I. Dublin. Hodges, Figgis andCo. 1926.
130. p. 5 sh.
Nunzio Maccarrone. Le denomina\ioni del « tacchino » e délia
« tacchina » nelle lingue roman\e. Torino, 1926, 118 p. avec 6 cartes
(Estratto dzWArchivio Glottologico Jtaliano).
K. Van der Heyde. Composita en verbal Aspect bij Plautus.
Amsterdam, 192e. 122 p. 8°.
August Oxé. Die Tôpferrechnungen von der Graufesenque. Bonn.
1926, 99 p. 40.
J. Vendryes.
PÉRIODIQUES
Sommaire. — I. Language. — II. Annales de Bretagne. — III. Revue
des Études Anciennes. — IV. Bulletin de la Société de Linguistique. —
V. The Classical Review. — VI. American Journal of Philology. —
VII. Glotta. — VIII. Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung. —
IX. Zeitschrift fur romanische Philologie. — X. Zeitschrift fur celtische
Philologie. — XI. Indogermanische Forschungen. — XII. Analecta
Bollandiana. — XIII. Bulletin of the Board of Celtic Studies.
I
Le 28 décembre 1924, s'est tenue à New York la première
séance de la Linguistic Society of America. Cette société doit sa nais-
sance à l'initiative des Professeurs Léonard Bloomfield, G. M. Bol-
ling et E. H. Sturtevant, et de vingt-six autres linguistes amé-
ricains appartenant pour la plupart à l'enseignement universitaire.
Parmi les noms des premiers adhérents, figuraient ceux de
Franz Boas, Cari D. Buck, Hermann Collitz, Aurelio M. Espi-
nosa, J. L. Gerig, Roland G. .Kent, Truman Michelson,
C. W. E. Miller, Edward Prokosch, Edward Sapir, H. A. Todd «
etc. La jeune société a reçu à sa première séance une adresse de
félicitations et de vœux envoyée par M. Meillet au nom de la
Société de Linguistique de Paris. La cotisation est de 5 Dollars pat
an, payable entre les mains du secrétaire-trésorier M. le Prof.
Roland G. Kent, University of Pennsylvania, Philadelphie.
La société publie une revue, qui porte le nom de Language
(Waverley Press, Baltimore) et paraît en quatre fascicules par an.
I. Henry Alfred Todd, Professeur de philologie romane à Columbia
University depuis 1895, est mort le 3 janvier 1925 à l'âge de 70 ans. Six
jours avant sa mort, il prit part à la première séance de la société et v fit
une communication. Il avait fondé deux importants périodiques, Modem
Language Notes et The Romanic Review.
246 Périodiques.
Les fascicules du premier volume (1925) ont un contenu des plus
variés qui touche à toutes les parties de la linguistique depuis la
linguistique générale jusqu'à l'assyriologie et les langues améri-
caines, en passant par le lydien et le hittite, sans négliger les
langues classiques. Le celtique n'y est que très peu représenté.
Dans un article sur des alternances de suffixes en indo-européen,
M. M. Bloomfield aurait pu citer p. 93 le cas de l'adjectif gallois
cadr « fort » (mbr. ca\r auj. caer « beau ») de *kat-ro- à côté de
cad « combat » (irl. cafh) de*kat-u-.
Dans le même volume, p. 1 19-129, M. Louis H. Gray étudie le
préfixe négatif en n de l'indo-européen. Il ne manque pas p. né
de citer les formes celtiques qui s'y rattachent : *#- dans v. irl. an-
hutnal « non humble » in-derb « incertain » é-trocar « impi-
toyable » (cf. Pedersen Vgl. Gr. II, 212); *ne- dans irl. nech gall.
neb « quiconque » de *ne-kwo- « personne » ; gall. ne mawr
« pas grand » bret. ne ira « rien » sortent plutôt, comme le disent
sir John Morris-Jones (Welsb Gr. p. 313) et M. J. Loth (Chrest.
p. 501) de *nep mawr, *nep ira.
II
Le dernier fascicule du tome XXXVI des Annales de Bretagne
contient la suite de YHisloria Peredur vab Evrawk par M. J.
Le Roux (p-' 528-557) et la fin du travail du Chanoine Pérennès
sur les Hymnes de la fête des morts en Basse-Bretagne (p. 558-599).
Cette dernière partie comprend les complaintes en dialecte de Cor-
nouaille (au nombre de trois, dont le fameux cantique du Père
Maunoir, a den a vexp qner calet « y aura-t-il quelqu'un d'assez
insensible ?... », publié avec' les variantes des différentes éditions)
et deux cantiques en dialecte léonais (Klemmou an Anaon « Plaintes
des Trépassés » et guéri ar garnel « chant du charnier »). Nous
signalions au tome précédent (p. 218) que la traduction de ces
hymnes laissait parfois à désirer. La même remarque doit être
répétée ici : p. 588, nhon eu\ kavet nemedomp ac honoberiou mat est
traduit par « nous n'avons retrouvé en ce monde que nos bonnes
œuvres », alors qu'il faut traduire « nous n'avons gardé (avec
nous, c'est-à-dire emporté) que nous et nos bonnes œuvres ».
P. 590, 0 c houleti diganeocl) ma teuot d'ober... or peoc'h « vous
demandant de faire notre paix » (ma teuot n'est pas traduit). Il y a
aussi des fautes d'impression, dale'het (p. 564 et p. 566) au lieu de
dalc'het, Done (p. 566) au lieu de Doue, varmomp (p. 582) au lieu
de varnomp. — A signaler le composé ebers « bientôt » (p. 57e et
Périodiques. 247
p. 578) tiré de prest « vite » avec une métathèse dont il y a d'autres
exemples en breton (cf. R. Celt., XXXV, 27), et aussi la forme
alchoét « clef» (p. 580) ; Y Atlas Linguistique de M. P. Le Roux ne
présente du nom de la clef qu'une seule forme à / final, c'est elfet
à Névez, près de Pont-Aven. — Le chanoine Pérennés a eu l'excel-
lente idée de joindre au texte des chansons la notation des airs sur
lesquels elles se chantent (p. 596).
M. F. Vallée publie dans le même fascicule (p. 484-485) une
chanson sur «%la Puce » (ar c'hoanenn) à laquelle on comparera
« la chanson des puces » (jpn ar chuenn) enregistrée par Luzel
dans ses Soniou, t. II, p. 86.
Enfin, on lira avec intérêt et émotion le bel article nécrologique
que M. G. Dottin consacre à la mémoire de l'abbé Duine (p. 629-
645).
III
Dans la Revue des Études Anciennes t. XXVII, p. 25-28,
M Seymour de Ricci propose d'ajouter deux nouveaux milliaires
aux onze que l'on connaît déjà de l'empereur Claude en Gaule.
L'un a été trouvé à Beaulieu, sur la route de Lyon à Bordeaux ; il
n'est connu que par une ancienne copie, mais la comparaison d'un
milliaire de Billom permet de le compléter et en même temps de
l'authentiquer. L'autre provient de Saint-Pierre les Églises sur la
route de Poitiers à Bourges. Il est d'une restitution plus difficile,
et moins sûre.
Dans le 2e fascicule du même tome XXVII, on notera une
étude de M. Jullian sur « l'enceinte gallo-romaine de Bazas »
(p. 119-121) et une note du même sur « une cella gallo-romaine »
conservée à Germain la Rivière (Gironde) sous le nom d'Ermitage
de Saint-Aubin (p. 122-124) ; une étude de M. Raoul Montandon
sur « la topographie de Genève à l'époque gallo-romaine » (p. 125-
132) ; une dé M. Jacques Soyer sur le « Nouiodunum des Bitu-
riges », dont il maintient l'identification avec Neung-sur-Beuvron
pour des raisons qui semblent excellentes (p. 133-134) ; enfin une
de M. F. Pajot sur « la question d'Olino et de lesontio » [le pre-
mier nom ne serait qu'une erreur de transcription du second dans
la Notitia dignitatum] (p. 135-137). Dans les notes d'archéologie
rhénane de M. Albert Grenier, on doit signaler la mention d'un
travail de M. Keune, suivant lequel il faudrait rayer les dit Casses
du panthéon celtique. Ce nom ne figure que sous la forme du
datif dans des dédicaces dits Cassibus (Holder, I, 824) ou Cassubus
248 Périodiques.
(Corp. XIII, 6668), et il s'agirait tout simplement des « dieux
Hasards », comparables au bonus Euentus des Latins. Cette hypo-
thèse est donnée comme remontant à Domazewski, mais sans
référence.
Le quatrième fascicule contient une étude de M. Bidez (p. 312-
318), d'où il résulte que l'empereur Magnence était né à Amiens
d'un père breton et d'une mère franque. M. Bidez a trouvé ce
renseignement dans une note marginale du Ms. Vossianus 77 111
(= v) f° 30 v°. Il est fort précieux, parce qu'il explique nombre de
particularités delà vie de Magnence, aventurier qui se fit proclamer
empereur au cours d'un banquet en 350 et qui succomba à la
bataille de Moursa, sur la Drave. dans la lutte qu'il avait entreprise
contre Constance.
P. 327-328, M. Jardé conteste, pour des raisons historiques et
topographiques qui semblent plausibles, l'identification de X Ar-
bricum (et non Arebricum), mentionné dans la Vie d'Hérifrid,
évêque d'Auxerre au ixe s., et du hameau qui s'appelle aujourd'hui
les Bries ; c'est-à-dire qu'il repousse l'étymologie sur laquelle
M. Niedermann a appuyé la jolie hypothèse mentionnée R. Celt.,
t. XLII, p. 188.
IV
Dans le Bulletin de la Société de Linguistique, t. XXIV,
p. 214, M. J. Loth étudie les « noms d'homme en -à- long en
celtique ». Contrairement à l'enseignement de M. Dottin (La
langue gauloise, p. 117), M. Loth soutient que les dialectes insu-
laires ont connu des noms en -à- se rapportant à des hommes.
Sans parler des noms de peuples, comme Demetae (auj. Dyfed) ou
*Connactae (d'où Connachtd), il rappelle les mots irlandais cerd et
techl qui signifient à la fois l'un « art » et a artiste », l'autre
« voyage » et « messager ». Dans les deux cas, ce sont des fémi-
nins en -à-. En gallois, cerdd « art, poésie, musique » s'emploie
aussi au sens d' « artiste, poète », mais dans ce sens on lui a
donné une forme de pluriel masculin, cyrdd (B.B.C. 58.21 Sk. =
104. 11 Ev., kyrt; B. Tal. 120. 31 Sk. = 11 . 10 Ev., kyrd ; MA.
160 a 42, 338 a 6). Le correspond gallois de techt est teith, auj.
taith, qui ne signifie que « voyage » ; mais au sens de « mes-
sager » le gallois a un mot cennad qui est anciennement féminin,
comme il Test en moyen-breton (ganat) et en moyen-cornique
{cannas, Beun. Merias., v. 1433). L'irlandais a d'ailleurs aussi un
mot echlach a messager », qui dans la Tàin bô Cùailnge est féminin.
Périodiques. 249
Dans le même volume du Bulletin, p. 219 et ss., M. A. Som-
merfelt ajoute une correspondance à celles déjà connues entre
l'indo-iranien et les langues occidentales. Il s'agit de l'irlandais
cuanna « joli, distingué » de *cuan-dae, gallois cun « charmant,
aimable », que M. Sommerfelt rattache à la racine *ku- dont le
sanskrit a tiré, avec divers élargissements (*kudh-, *kubh-, *kuq-)
les mots çundhati « il purifie » partie, çuddhâh « purifié n,çubhrdh
« brillant, beau », çôcati « il luit » çûcih « brillant, pur ». Le gallois
cun de *kouno- est même directement superposable au sanskrit
çônah, si l'on admet que la présence de la cérébrale est un fait de
moyen-indien. Le celtique *kouno- figure encore dans plusieurs
noms propres, comme v. irl. Coonu, plus tard Cuunu, gén. Cua-
nach, qui semble sortir d'un ancien composé avec i.e. *okw-, cf. lat.
ferôx, atrôx, gr. yXauxo)-|, etc.
A signaler encore, p. 283, deux notes étymologiques de
M. Meillet ; il résulte de l'une que le radical *smerto- de gaul.
Rosmerta, Smertullus etc., pourrait bien être rapproché du nom
d'une des parques en vieux latin, Morta; de l'autre, que lat. agnus,
gr. àavô;, à cause de leur voyelle a. doivent rester séparés de irl.
uan, qui a un ancien d, et de v. si. agne qui suppose un ancien ô.
C'est dans ce même volume que M. Grammont a publié son
travail sur l'Assimilation (p. 1-109), qui est un magistral exposé
de phonétique générale. Les phonéticiens liront également avec
fruit la jolie note de M. Sommerfelt sur les changements phoné-
tiques (p. 1 38-141).
Le tome XXV du même périodique contient, avec les Remarques
signées J. Yendryes sur les Graffites de la Graufesenque (p. 34-
43), un article de M. J. Loth sur un groupe de mots du celtique
insulaire qui commencent par b- et sb- ; il y voit un fait d'alter-
nance consonantique, comme en a signalé déjà M. Pedersen (Vgl.
Gr., I, p. 88). Ces mots sont les suivants : irl. brùan « fragment »
et spruadhna (pi.) « même sens » ; irl. brùar etsprudhar « miette -•> ;
irl. brus et sprus « déchets de blé » ; irl. bairnech et spairnech
« furieux ». Bien qu'il y ait quelques exemples de développement
spontané d'un s initial en irlandais (spréidh « bétail, proie » à côté
de preidh), M. Loth croit que l'alternance en question remonte au
vieux-celtique. Il en donne comme preuve l'opposition de gall.
ffer bret. jer « cheville » irl. seir g. sered (mais duel di ferid L.U.
69 a 30, comme de sine « mamelle, pis» bè tri-phne L.U . 77 a 38)
« même sens » corn, fer « jambe » et de gall. berr, corn, ber
« jambe » ; il existe d'ailleurs un mot irlandais speir, gén. speire
« jarret, jambon ». Ce qui suppose pour le celtique commun à la
250 Périodiques.
fois *berrâ, *\berâ, *sperâ et *spernnà. M. J. Loth explique de
même le corn, sprus spus « pépins » (collectif), bret. spîuseti
sprusen et spus « semence qui fait germer » par un prototype
*\brousto- *ibousto- (cf. v. isl. sproii « bourgeon, pousse » et suéd.
dial. sputa « jaillir ») ; de même aussi bret. sper « semence, lignée »
par une racine *%bher-i doublet de *bher- « porter, engendrer » et
de *sper- «semer »,
V
On retiendra avec intérêt de The ClassicalReview, vol. XXXVII
(1923) p. 60, une note de M. A. E. Housman d'après laquelle le
nominatif singulier Allobroga et le nominatif pluriel Allobrogae
n'existeraient pas. Ces deux formes, enregistrées par le Thésaurus
Linguae Latinae, résultent d'une mauvaise interprétation du scho-
liaste de Juvénal (satire VII, 244). Il n'existe pas d'autre nominatif
singulier que Allobrox (Horace, Epodes XVI, 6; Gram. Lat. suppl.
p. 119 et C.I.L. XII 3109), d'autre nominatif pluriel que Allo-
broges (Schol. Juu. ad VIII 234). Cela est évidemment conforme à
ce que l'on attend d'après la déclinaison gauloise ; cf. d'Arbois de
Jubainville, C.R. de VAcad. des Inscriptions, 1892, p. 383.
Même périodique vol. XXXVIII (1924), p. 14e et suiv., M. D.
Atkinson publie une inscription récemment découverte par les
soins de la Birmingham Archeological Society sur l'emplacement
de l'antique Viroconium, auj. Wroxeter, près Shrewsbury. Cette
inscription a l'intérêt de nous fournir le nom du peuple celtique
dont Viroconium était la capitale sous la forme Cornou[iî). On sait
que la géographie de Ptolémée (II, 3), place immédiatement à l'Est
des Ordouices le peuple des Cornauii (sic : Kocvaoutot). Le géographe
de Ravenne (I, 3), dans une liste de noms de cités bretonnes,
donne Utriconium Cornoninnorum, ce qui est une faute'manifeste ;
certains éditeurs modernes, comme Wright (JJriconium, p. 1) ont
corrigé en Cornauiorum, d'autres comme Haverfield (V.C.H. Shrop-
shire, vol. I,p. 215 f) en Cornouiorum. L'inscription qu'a mise au
jour la Birmingham Archeological Society prouve que cette
seconde leçon est la bonne.
VI-
Dans le tome XLVI de I'American Journal of Philology,
p. 101-127, M. G. L. Hendrickson étudie « Archiloque et les vic-
times de ses iambes ». Il ne pouvait manquer de rappeler le rôle
Périodiques. 251
des poètes satiriques en Irlande, tel qu'il a été mis en lumière
dans un excellent travail du Prof. N. Robinson (v. R. Celt., XXXIV,
94). Aussi trouve-t-on en appendice (p. 124 et suiv.) un excursus
sur des analogues irlandais et arabes. On sait de quel pouvoir
redoutable les poètes, en Irlande comme en Galles, étaient investis.
Aussi ne les recevait-on pas volontiers chez soi. A la porte
d'Emain Mâcha, se tenait un guetteur chargé d'éconduire les poètes
satiristes qui se présentaient (L.U. 61 b : fri snàdud neich dathissad
co n-airchetul). C'était une mesure de protection fort sage. Tout ce
que M. Hendrickson rapporte sur le compte d'Archiloque ne peut
manquer d'intéresser les celtistes, qui y trouveront des motifs
nombreux de comparaison.
L'étude de M. Walter Petersen sur « le génitif adnominal »
(p. 128-160) consiste en une analyse très serrée des emplois variés
de ce cas pour en déterminer l'origine. C'est une difficile question
sur laquelle Delbrùck (Grundr. III, 186, 333) et Brugmann (ibid.,
2e éd., II, 2, 567), MM. E. Schwyzer {i.F. XXIII, 162), van
Wijk (Der nominale Genitiv singular im îndo-germanischen in
seinem Verhâltniss \um Nominativ, p. 178) et d'autres encore ont
exprimé des opinions variées. M. Petersen se propose de prouver
qu'il existait jadis un type de génitif sans désinence placé auprès
d'un nom avec une valeur d'apposition ou de dépendance, c'est-à-
dire pour marquer une idée accessoire appartenant à la sphère de
ce nom. Le principal argument à l'appui de sa thèse est tiré des
noms composés, dont le premier terme qui est généralement un
thème nu peut exprimer avec le second terme un rapport quelconque.
M. Petersen estime que ces thèmes nus, premiers termes de com-
posés de dépendance représentaient à date préhistorique ce qui
devait plus tard être des génitifs. En effet les rapports si variés
qu'implique la composition peuvent tous s'exprimer au moyen du
génitif. C'est postérieurement, avec le développement des langues
que le génitif aurait pris sa forme, par suite de la différenciation
des divers emplois. S'il en est ainsi, il n'y a pas à établir une hié-
rarchie entre ces emplois ni à chercher lesquels seraient tirés des
autres (p. 143) ; ils sont contemporains. Passant en revue ces
divers emplois (génitif possessif, génitif dépendant d'un adjectif
verbal, génitif descriptif, génitif appositionnel, génitif de matière
ou d'origine, génitif complément d'un nom verbal, génitif par-
titif), M. Petersen montre par des exemples -que la composition
présente des substituts de tous ces emplois du génitif. Ainsi l'on
trouve en grec àpYucoO-rjxr, et Ôt^xy, àoyuco'j, ^oûveupov et v-ïpov
poo;, T£'./oç,ûXa; et cpOXa; to3 te;/ouç. Il conclut de là que le
252 Périodiques.
génitif s'est formé par addition d'un élément pronominal au
thème nu primitivement employé pour le substantif en apposition ;
ainsi dans les thèmes en *-o-, le génitif aurait été formé par l'ad-
dition d'un élément démonstratif *so ou *syo. L'hypothèse est
hardie et indémontrable. Ce qui est dit p. 159 de l'origine du
génitif pluriel (tiré d'un ancien neutre singulier *rêg-o-m genos
« race royale » d'où %rêg-ôm genos sous l'influence des thèmes en
*-o- et en *-a- où il y aurait eu contraction) dépasse les limites de
la vraisemblance. On admettra difficilement que dans le type grec
iaTpo-fjLtzvTt; ou xaxo-5atfjuov le premier terme ait la valeur d'un
génitif partitif. Mais il y a dans cet article des vues de détail inté-
ressantes et justes. Le celtique y est à peine utilisé ; on trouve
cités de rares exemples irlandais : p. 147 muitice iri n-ungae et
p. 151 lestar n-arggit. Ils n'apportent rien de nouveau. En revanche,
l'irlandais manque là où il pourrait fournir un témoignage positif,
par exemple pour montrer que l'équivalence du procédé de la com-
position et de l'emploi du génitif s'était conservée en celtique, et
surtout pour y attester la survivance des expressions redondantes
du type skr. sàkhâ sàkhinàm, R.V . , I, 30, 11 (p. 155) ; irl. sui na
suad « sage des sages » (ci-dessus, p. 26, § 24). Ces expressions
sont courantes en irlandais (cf. Rev . Celt., XXXVII, 28e et XLII,
401) ; elles existent également en brittonique. Elles sont même si
caractéristiques de la syntaxe celtique qu'on les rencontre en latin
sous la plume d'écrivains auxquels la pensée celtique était familière.
Ainsi Nennius écrit nullus Britto Brittonum, deusdeorum, miraculum de
miraculis, os de ossibus, rex inter reges (F. Liebermann, Nennius the
author of the Historia Brittonum, dans les Essays in Mediaeval His-
tory presented to Thomas Frederick Tout, Manchester, 1925, p. 32);
cf. R. Celt., XXXVIII, 345 n. Ce n'est pas le seul idiotisme cel-
tique qu'on observe dans le latin de Nennius (cf. Windisch, das
keltische Britannien bis \u Kaiser Arthur^ p. 288).
P. 358-362 du même volume, M. Hermann Collitz traitant du
gotique barusnjan « cù^e^Eïv » (Timoth. I, v, 4) y voit le dérivé
d'un adjectif *baru- emprunté au grec potcû; « grave, sérieux,
digne » (cf. Iv (îâpet en/ou « être un objet d'honneur ou de respect »
Thess. J, 11, 6). Il rejette l'hypothèse de M. R. Much {Deutsche
Stammeskunde, Leipzig, 1900, Samml. Gôschen, p. 46), suivant
laquelle l'adjectif gotique *baru- aurait été emprunté au celtique.
Cette hypothèse avait contre elle qu'on ne rencontre pas en effet de
mot *baru- dans les langues celtiques (cf. toutefois Wh. Stokes,
Urk. Sprachsch., p. 186, qui imagine un thème *bru- pour expliquer
gall. bryw « vigueur »).
Périodiques. 253
VII
Glotta, t. XIII, p. 171-188. M. Havers présente d'intéressantes
remarques sur l'emploi syntaxique du neutre en latin et en grec.
Le neutre s'emploie parfois à l'accusatif là où on attendrait un cas
oblique. La répugnance à employer les cas obliques du neutre est
particulièrement nette dans les bas temps, au moment où le sys-
tème de la flexion commence à se détraquer C'est au neutre sur-
tout que l'indéclinabilité est admise dans des « ablatifs » absolus
comme : nascente uulnus , inuocato nomen, foedus inito, perpetrato faci-
nus, tour très fréquent en bas latin (Mommsen, Index aux Getica de
Jordanis, p. 177, col. 2 ; Lôfstedt, Phil. Kommentar \u Peregrinaiio
Aetheriae, p. 292 ; Niedermann, Festgabe fur Blùmner, p. 328 et s.).
M. Havers explique le fait en admettant, comme divers linguistes
l'avaient déjà supposé, que le neutre était à l'origine indéclinable
(cf. Meillet, M. S .L.,XX, 172), et qu'il n'avait lieu d'être employé
qu'à l'accusatif parce que c'était le cas qui normalement lui apparte-
nait (cf. Uhlenbeck, I. F., XII, 170). Dans le cas des pronoms
neutres, l'emploi de l'accusatif au lieu des cas obliques est attesté
en slave (Vondrack, Vgl. Gr. IL 339) et en baltique (Mùhlenbach,
I.F., XIII, 222) ; cf. Delbrûck, Vgl. Synt., I, 34.1. M. Havers est
tenté de joindre à ces langues l'irlandais, où sin « ceci, -ci «est indé-
clinable. Mais au masculin et au féminin som et si ne se déclinent
pas davantage (cf. Pedersen Vgl.Gr., II, p. 139 et 188). Il était peut-
être plus opportun de rappeler que, l'article neutre étant en voie
d'élimination dès le commencement du Xe siècle (T.O'Màille, The
Language oj tbe Annals of Ulster, p. 124), c'est après les préposi-
tions, c'est-à-dire aux cas obliques, que la substitution du mascu-
lin au neutre paraît avoir commencé (id., ibid.). Mais en somme,
l'irlandais, où la survivance du neutre est menacée dés les plus
anciens textes, ne donne guère idée de ce que pouvait être l'em-
ploi du neutre en indo-européen.
VIII
M.Wolfgang Krause avait fait paraître au tome LU de la Zeit-
SCHRIFT FUR VERGLEICHENDE SPRACHFORSCHUNG (pp. 223-249) Un
article sur une vieille construction elliptique de l'indo-européen,
celle dont Zimmer s'était jadis occupé dans le même périodique
(t. XXXII, p. 153) parce que l'irlandais en conserve des traces :
254 Périodiques.
icind tricha bliadan condricfem and ocus tù « dans trente ans nous
nous rencontrerons ici, [moi| et toi » (note du L.Br., p. 83, au
Filire d'Oengus, 5 mars ; éd. Stokes [1880], p. lxj) ; intan dorega
su cot buaib anair doridisi, fibaid sund inn aidchi sin dadaig ocus bin-
dabair « quand tu seras revenu ici de l'Est avec tes vaches, vous
coucherez cette nuit-là même ensemble [toi] et Findabair » L.L.
251 b 25 ; rogabsom didiu iarsin rige Lagen ocus batar hi corae ocus
Cobibacb « il prit alors ensuite la royauté du Leinster et ils furent
en paix [lui] et Cobthach » L.L. 270 a 2 ; etc. Cette construction
en entraîne une autre, dont M.Pedersen Vgl. Gr., II, 138, a donné
des exemples typiques : immanamaic dôib 7 in maccaillech « il y eut
rencontre pour eux, [lui] et la jeune nonne » L.L. 285 b 47 ; scith
limm comrac dûib 7 Cûchulaind « j'ai regret de ce combat entre vous
[toi] et Cuchullin » L.U. 68 a 44.
La question est reprise par M. Thurneysen dans le volume LUI
de la Zeitschrift }. vergl. Sprachf., p. 82 et ss. Il s'agit d'un idio-
tisme dont la règle doit se formuler ainsi : après un pronom
pluriel combiné avec une préposition suivant l'usage celtique, on
peut exprimer un substantif impliqué dans le concept du pronom
en le faisant précéder de la conjonction « et », mais le substantif
se met alors au nominatif. C'est au nominatif en effet que sont les
mots maccaillech, Cûchulaind dans les exemples précédents, et de
même dans les exemples suivants : iss inund mâthair dôib ocus int
Eochu « ils ont une même mère, [lui] et Eochu » L.U. 20 a 17 ;
doècastar imbi hinun folud bis indib ocus a céinide « que l'on voie si
c'est le même objet qui est en eux, [lui, le dérivé] et son primitif »
Sg. 188 a 5 ; fechta cath Muighe Tuired etorra ocus Fir Bolc « la bataille
de Moytura fut livrée entre eux [les Tuatha De Danann] et les Fir
Bolg » R. Celt. Xll, 58, § 10 ; doroinde sith celgi etarro ocus a clann
« elle conclut une paix trompeuse entre eux, [Crimthann] et ses
enfants », R. Celt., XXIV, 178, § 7 ; cethardha ndillata leis ocus
a ben « quatre vêtements à lui et [à] sa femme » Ane. Laws, IV,
312, 1 (le tour conforme à l'usage ancien serait ko « à eux, [lui] et
sa femme »). Toutefois quand l'article est employé devant le subs-
tantif, ce dernier se met au cas que réclame la préposition : etarru
son ocus in gréin « entre eux [lui] et le soleil » Ml. 112 a 8 : in ré
rachtaighin bidbu atnru ocus in féichemuin toicheda, Ane. L., V, 380,
5 (à côté deeaturu ocus féchem V, 378). Dans la phrase de la FI.
Br. § 26 (L. U. 103 a 3 5), citée par M. Thurneysen, Hdb. § 400, il
faut lireco tïsad gaeth etorro ocus talam (et non talmain ; ms. ial-).
Les manuscrits plus récents ont etir ê ocus talm(ain), ce qui est déjà
de Pirlandais moderne.
Périodiques. 255
Le tour s'explique de deux laçons. D'abord par le fait que le pro-
nom étant réuni à la préposition, celle-ci perd en quelque sorte
sa capacité de gouverner un autre mot. Et ensuite par ceci que le
nominatif ne sert pas seulement de cas sujet et de cas prédicat,
mais aussi qu'on l'emploie partout où le substantif s'emploie libre-
ment dégagé de tout rapport avec le reste de la phrase ; c'est le
symbole du mot, indépendant de toute flexion (cf. Thurneysen
Hdb.§ 248 et Baudis, Z.f. ait. Phil., IX, 311); c'est donc au
nominatif que se met naturellement le substantif là où rien n'exige
l'emploi obligatoire d'un autre cas.
Cette conclusion est confirmée par un autre idiotisme irlandais.
Quand le pronom compris dans la particule de ajoutée à un com-
paratif est développé au moyen d'un substantif, celui-ci se met
aussi au nominatif. Ainsi : ni môiti eneclann naflatha in cèile sin aice
« le prix de l'honneur du chef n'en est pas plus grand, par le com-
pagnon qu'il a avec lui » A. Laïus, V, 218, 8 ; ba nertiti leis a
menma na scéla adhadar do in gilla « son esprit en était plus fort,
par les récits que le garçon lui racontait » Ir. Texte, I, 212, 1. 16.
Le tour s'est conservé en de nombreuses locutions proverbiales
jusqu'à aujourd'hui, is tigbe-de an brat, a dhûbladh « le manteau en
est plus épais, par sa doublure ». (T. O'Rahilly, A miscellany 0}
Irish proverbs, p. 101, n° 31e; cf. le même, Dânfhocail, p. 12, n° 59).
Il faut donc voir un nominatif dans ôibniti in tech for tichtain « la
maison en est plus agréable, par votre venue », malgré K. Meyer,
Univ. of Illinois Studies in Language and Literature, II (19 16),
p. éoo.
Il y a d'autres faits de même ordre, comme l'emploi bien connu
en poésie d'un possessif proleptique (proprement un ancien géni-
tif) repris au vers suivant par un nominatif. Dans le Saltair na
Rann un substantif réuni par ocus à un groupe à un autre cas se
met au nominatif (K. Meyer. Sil^b. Berl. Ak . 19 17, p. 646). Dès
que le lien syntaxique se relâche, le substantif reste au nominatif.
Tout cela prouve la détérioration du système flexionnel.
IX
Dans la Zeitschrift fur romanische Philologie, t. XLIII,
(1923), p. 385-402, M. Thurneysen étudie « eine irische Parallèle
zur Tristan-Sage ». Il s'agit d'un curieux récit intitulé Scéla Cano
tneic Gartnâin, dont Kuno Meyer a publié le texte d'après le Yellow
Book of Lecan, p. 128 a et ss.,dans les Anecdota front Irish Manu-
256 Périodiques.
scripts, t. I, p. i - 1 5 . Ce récit est d'un type assez répandu dans l'Ir-
lande du moyen âge : sur quelques données historiques, utilisées
d'ailleurs avec une fantaisie qui s'inquiète peu des inexactitudes ou
des anachronismes, l'auteur bâtit un roman, dont le principal inté-
rêt est dans la peinture des mœurs. Le Forbuis Droma Dambghaire,
publié ci-dessus par M!le Sjœstedt, est un autre exemple du même
genre, mais d'un intérêt plus vif encore par tous les renseigne-
ments qu'il fournit sur la magie.
Ce que les Annales irlandaises nous apprennent sur Cano mac
GarUiàin est maigre. Sa mort est mentionnée à l'année 688 (où
d'ailleurs son père est appelé Garlnait, suivant une forme fréquente
dans l'onomastique des Pietés). A l'année 668, on signale l'arrivée
en Irlande des fils de Gartnait venant de l'île de Skye, et à l'année
670 leur départ d'Irlande. Le récit fait de Gartnàn le fils d'Aed
mac Gabrain et le neveu d'Aedan mac Gabrain : Aed et Aedan se
seraient trouvés en compétition pour le trône d'Ecosse. En réalité,
Aed et Aedan ne sont qu'un seul et même personnage, des mieux
connus ; c'est celui que Saint Colomba sacra roi d'Ecosse en 574
et qui mourut en 606. Reeves, considérant toute cette généalogie
comme des plus suspectes, avait supposé que le père du Cano
mort en 688 était le roi des Pietés Gartnait filius Domnaill. dont
les Annales mentionnent la mort en 663. Mais M.Thurneysen
maintient (p. 402) la succession Gabràn, Aed (Aedan), Gartnait,
Cano, en se référant à deux passages des Annales d'Ulster (a. 672
et 704) qui mentionnent un certain Conamail fils de Cano. Quoi
qu'il en soit, l'histoire du vne siècle était visiblement peu familière
à l'auteur du récit.
De quelle date est ce récit ? C'est difficile à dire. Le titre en est
mentionné dans la liste de Y Aire c Mentnan Uraird (Anecdota from
lrish mss., II, 46) sous la forme Serc Crede do Chanainn mac Gartnain
« L'amour de Cano fils de Gartnan pour Cred ». Mais le seul
manuscrit qui l'ait conservé, le Yellow Book, est de la fin du
xive siècle. Il renferme plusieurs poèmes, assez mal transcrits d'ail-
leurs. L'un de ces poèmes contient une strophe qui est reproduite
dans un traité de métrique, dont la date est peut-être de la fin du
ixe siècle. En gros le texte aurait donc pu être rédigé aux alentours
de l'an 900. M. Thurneysen s'est proposé pour objet d'en faire con-
naître la traduction aux romanistes. Mais une tâche préalable et
nécessaire était d'en examiner la tradition manuscrite pour l'établir
aussi solidement que possible. La traduction est donc accompagnée
de notes, où le savant auteur fait preuve de sa maîtrise habituelle
et qui constituent en quelque sorte un apparat critique au texte. Il
Périodiques. 257
est utile de les reproduire ici pour permettre à nos lecteurs de les
reporter sur leur exemplaire :
P. 1, 1. 7, au lieu de indsi, lire intreb « mobilier »? — I. 13, corriger
telncb en telluch et cet(J)nama en ceci) simma.
P. 3, I. 6, maintenir a meicc malgré K. Mever. — 1. 13, lire »/ac. —
1. 19, corriger burg(ar~)adar en burgarad. — I.22, au lieu de i f aile for thano,
lire /aile fortanu.
P. 4, 1. 14, corriger ni bat rignafotha en ni ba rigne fota « ce ne sera
pas long ». — 1. 16, lire nim mairfider. — 1. 17, corriger segaithsi en refait
se « j'irai ».
P. 5, 1. 5, comprendre di-ar n-inchaib-ne » loin de notre honneur », c'est-
à-dire « en nous dégageant de toute dette d'honneur envers eux ». —
I. 10, comprendre do thetarreacht or mbaegail « notre péril a été conjuré »
expression empruntée au jeu d'échec, cf. Eriu, V, 32. — 1. 13, lire isin
tir. — 1. 24, comprendre qu'ils ne se déshabillèrent pas pendant deux jours.
P. 6, 1. 3, lire Gesi Cernai' mos-rabthus, dom liiec ni-nio (= tnad) -ragbus.
— 1. 8, ajouter quatre syllabes comme lochain locha. — 1. 9, reporter is beg
tarba (3 syll.) au %'ers suivant et supposer la chute de quatre syllabes après
cliiim. — 1. 18, au lieu de ben lire bath « mer » (Corni. n° 53). — 1. 20,
il manque deux syllabes au vers. — 1. 21, au lieu de isi or lire isind uair.
— I. 22, il s'agit du combat de Carn Conaill, livré en 649, où Diarmuid
vainqjiit Guaire. — 1. 23, lire;» mbale.
P. 7, 1. 1, lire a imchomarc. — 1. s, lire cia dordu « bien que (ou ce que,
ou à qui) je fredonne » et 1. 6, lire a orba « son patrimoine », — 1. 7, lire
a canai « ce que tu chantes »• — 1. 9, lire rom-sd « qui m'obtienne ». —
1. 1 1, lire diambè i n-ingnais « duquel est éloigné » au lieu de diaviongnais.
— 1. 12, lire roliad si ioruin ar Cbolcain u elle eut ensuite des relations
avec Colco », c(. Otia fyters. III, 47 : roliad ind righan for mac... Dichoeme.
— 1. 15, lire a fêle. — 1. 24, corriger chadtid en chadngud (.— cholugiid). —
1. 26. au lieu de ceathroimtbi, lire iii cethramtbana.
P. 8, 1 10, au lieu de saidig, Vue gaibid comme dans la suite. — 1. 16,
lire dia bliadtw « au bout d'un an, Tannée d'après » (se rattache à or se
qu'il faut rétablir dans le texte). — 1. 19, corriger or en 0.
P. 9, 1. 4, lire '//</ diaid ind aigi. — 1. 23, 1. a con (ou traduire « seine
Hunde »).
P. 10, 1. 6, au lieu de co na tictis, lire con-alecht si « elle demanda ». —
1. 14, lire... a anitn. A malhair robui... — , 1. 16, corriger lici en Hoc, et
tallsath en tall. — 1. 22, au lieu de lochrad inim vadmain, lire romchrdiler
Un midmahn.
P. ii,1. io, changer cach anua en cacha nona et 1. 15, rotfersat en rotfer-
fat. — 1. 30, au lieu de /or bol lire peut-être forbairt.
P. 12, I. 11, au lieu de araid nierach lire peut-être qradain each. — 1. 19,
21, 25, cf. R. Celt. XIII 94 et XVII 161. — 1. 22, corriger inmend en is
•netid « est clair ». — 1. 26, lire peut-être ni annb cèin beo-sa nadb; les vers
Rrvue Celtique. XLIII. 17
2 5 8 Périodiques.
25-26 se retrouvent avec des variantes dans les //•. Texte III, p. 18, § 51 et
p. 4fi>§73-
P. 13, 1. 6, au lieu de iar mbernas lire quelque chose comme iaruber
nglas. — 1. 7, corriger Illadon en Illanddin et par suite alladon en quelque
chose comme alluiddin.
P. 15, 1. 2, au lieu de nisela, 1. nud-sela ou peut-être nod-seJa. — 1. 4,
lire a lie « sein Stein ». — 1. 5, lire comonaccaib doib. Don-arthet teora
longa... — 1. 7, il faut supposer une lacune après a gn uis se ont. — 1. 8, cor-
riger in ligi en in lie '.
Les Scéla Cano meic Gartnâin ne brillent pas par la composi-
tion. Plusieurs épisodes y sont entremêlés. Au § 13, le narrateur
s'arrête pour insérer deux anecdotes burlesques sur le fameux poète
Senchan Torpeist. Il ne reprend le fil de son histoire qu'au § 15.
L'épisode qui prête à un rapprochement avec Tristan et Iseult
n'occupe dans l'ensemble qu'une place restreinte ; il commence
assez gauchement aux §§ 11- 12, puis reprend au § 16 et se termine
en quelques phrases rapides au §23. On peut le reconstituer ainsi:
Cred, fille du roi de Connaught Guaire, est l'épouse de Marcan,
qui a lui-même un fils du nom de Colcu. Cred s'éprend de Cano
sur le récit de ses exploits avant même de l'avoir vu; et lorsqu'il
vient à Derlus, la cour de Guaire, elle sent sa passion s'affirmer.
Mais elle est elle-même aimée de Colcu, auquel elle refuse de
céder du vivant de son père. Le poète Senchan, peut-être à l'ins-
tigation de Colcu, s'arrange pour faire partir Cano de Derlus. A
la nouvelle de ce départ, Cred, que la passion possède au point
qu'il faut quatre hommes pour l'empêcher de s'enfuir, endort par
un philtre tous les habitants du château et restée seule avec Cano,
lui déclare son amour. Celui-ci, invoquant les lois de l'hospitalité,
résiste ; mais il promet de s'unir à elle quand il sera roi d'Ecosse
1. Ci-joint quelques remarques ou suggestions sur le texte. P. i,l. 3,
sousl'énigmatiquez/m me Uchen ne pourrait-on chercher à retrouver inis mi
Cruitbne, puisque d'après Reeves, Life of St Colomba, p. 290, l'ile de Skye
était occupée par les Pietés avant que les Scots en eussent pris possession, en
668. — P. 6, 1. 18, le mot du ne doit-il pas être traduit par « terre », sui-
vant son sens propre et étymologique? — P 9, I. 23 (traduction p. 397,
!. 11) a chou « de ses chiens à lui » et non « de leurs chiens ». — P. il,
1. 1 (trad. p. 398, 1. 23*, nit-rirfider « tu ne sera pas vendu » et non « vous
ne serez pas ». — P. il, 1. 16, n'a-t-on pas affaire à la locution breitb i
calad « mener au port » (au figuré), dont K.Meyer, Contrib. p. 308, four-
nit des exemples ? — P. 13, 1. 14, lire peut-être a sneachla buaraighthe là m,
duit in Dun B. nib sdm « ô neige qui refroidis les mains, pour toi il n'y a
pas de repos à D . B. ».
Périodiques. 259
et il lui remet en gage une pierre qui enferme son âme. Puis il
quitte les lieux. Cred garde précieusement la pierre dans un coffre
qu'elle vient voir chaque jour. Vingt-quatre ans s'écoulent, pen-
dant lesquels les deux amants restent fidèles l'un à l'autre et,
semble-t-il, font pour se rencontrer des tentatives que la jalousie
de Colcu réussit à déjouer. Enfin, un jour, ils se donnent rendez-
vous à Loch Creda, dans le N. de l'Irlande. Cred se tient sur le
rivage, la pierre à la main. Elle voit approcher la barque de Cano
venant d'Ecosse. Mais à ce moment, irois barques entourent celle
de Cano, la renversent, et lui-même est jeté à la mer, Cred aper-
çoit dans les flots le visage de son amant, probablement ensan-
glanté ; elle le croit mort et se laisse tomber du rocher, où elle se
tue. La pierre se brise en même temps ; et Cano, qui était sorti
de l'eau sain et sauf, retourne en Ecosse et meurt neuf jours après.
Il y a assurément des analogies entre ce récit et celui de Tristan,
surtout dans le dénouement. L'auteur des Scéla Cano, dont la fan-
taisie se jouait parmi les thèmes littéraires, a pu connaître les
aventures de Tristan et s'en inspirer partiellement. Aussi bien, le
récit de Tristan, qui est essentiellement celtique, était-il probable-
ment fixé dans ses grandes lignes à l'époque où les Bretons et les
Goidels formaient encore une unité. C'est l'opinion de M.J.Loth
qui dans une communication à l'Académie des Inscriptions (1924,
p. 122) a discuté le parallèle établi par M. Thurneysen.
Aux pages 206-215 du tome XLIY du même périodique,
M. P. Marchot étudie « le gaulois archaïque apia ». Ce mot se trou-
verait comme second terme dans une série de noms désignant des
cours d'eau ou des lieux riverains dans la région du Nord : gena-
pia « source ? » ou « fontaine ? » d'où Genappe, Gennep, Guemps, et
Annappes (de *Ex-genapia « lieu dépourvu de source ») ; alterepia
« ruisseau annexe » (d'où Lautreppe, Autreppes, Otreppe) ; vellapia
« bonne source » (d'où Waleppe) ; garanapia « eau des grues » ou
vernapia « eau des aulnes » (d'où La Garnache en Vendée) ; alta-
pia oc eau de la hauteur » (d'où Oteppe) ; glissapia « eau de la
glaise », cf. glisso-marga « marne blanche » Pline XVII, 46 (d'où
Gileppe, par gislapia) ; Toranapia « eau de Taranus » (d'où Tour-
neppe, flam. Dworp) ; voesapia « les deux eaux d'Esus » (d'où
Jf'iseppe) ; gemapia « confluent » (d'où Jemmappes, Jemeppe, Gué-
mappe, Garnache) ; hanapia « marécage », cf. anam paludem du glos-
saire d'Endlicher (d'où Hannapes, Hatiuaches). Le simple apia expli-
querait peut-être aussi les noms de Eppes (commune du département
de l'Aisne, Apia en 1147, Appia en 1250) et Epe (village hollan-
dais dans la Gueldre, Eep en 1125) ; mais un nom de lieu Apia
260 Périodiques.
pourrait être aussi le pluriel de opium « ache » ou le dérivé du
gentilice Appuis. L'article de M. Marchot contient quelques détails
contestables, à commencer par son explication de Voesapia et de
Gemapia. Mais dans l'ensemble il paraît avoir raison.
X
Le tome XIV de la Zeitschrift fur celtische Philologie con-
tient, comme toujours, une partie importante de textes inédits :
Miss M. E. Dobbs termine p. 44-144 l'édition commencée par
elle au tome précédent du Senchas SU hlr (cf. R. Celt., XLII, 229) ;
elle y ajoute un index complet des noms de personnes et des noms
de tribus. C'est un texte précieux par l'abondance des renseigne-
ments historiques qu'il fournit ; mais il exigerait un commentaire
pour être tout à fait utilisable, car un bon nombre des détails et
des allusions qu'il renferme demandent à être éclaircis. En plus
d'un passage il est visible que, malgré son érudition et son zèle,
l'auteur n'a pas triomphé des difficultés de son texte. Les morceaux
en vers ne sont généralement pas traduits, même là où ils offrent
un sens. P. $8, 1. 17, pourquoi écrire clar Clin et clar ndeis, alors
qu'il s'agit évidemment d'une opposition entre la « plaine de gauche »
et la « plaine de droite i> comme entre les cadain « bernacles » et
les gesi « cygnes ». P. 66, 1. 8, la traduction ne se comprend pas :
ceannide désigne un objet recouvrant la tête, un capuchon. P. 86,
1. ié, il fallait écrire conige en un seul mot (— connici seo).
La même miss M. Dobbs a publié aux pages 395-420 un curieux
récit de la bataille de Findchorad d'après le ms. B. IV. 1 a de la
R. Irish Academy, p. 17. Le texte en est malheureusement assez
mal transmis. Çà et là une correction s'impose. P. 40e, 1. 14, il
faut évidemment lire an m and dési din « [sont] les noms de deux
d'entre nous » ; à la ligne 18, le vers a deux syllabes de trop ; il
faut lire quelque chose comme/o// 0 bond co ind ou folt ô ârm-bond
coâr n-ind « nous sommes chevelus des pieds à la tête » (cf. otâ
tnind gom bond, Z. E. 954, 1. 30, et pour des locutions analogues
avec bathis, K. Meyer, Contrib., s. u.). La traduction n'est pas
toujours exacte. P. 400, 1. 2$ dam dretill c'est « le taureau favori » ;
p. 404, 1. 24, asna signifie « côte » et non pas « boyau ».
Sous la signature Kàte Mùller-Lisowski, sont édités, p. 145-
163, des textes relatifs à la légende de Mog Ruith. Cela commence
par un récit de la mort de saint Jean-Baptiste et des miracles
accomplis par sa tête. Ce récit, tiré du Yellow Book of Lecan, figure
aussi, sous une forme légèrement différente, dans les Passions and
Périodiques. 261
Homilies du Leabhar Breacc (éd. Atkinson, p. 64 etss.). Mais
dans le Leabhar Breacc il n'est pas question de Mog Ruith ; tandis
que ce personnage est introduit dans le récit du Yellow Book
comme étant le seul homme qui ait consenti à décapiter le Précur-
seur. Et c'est ce qui attira sur l'Irlande trois maux dont elle souffre
encore, le froid, la faim et la maladie. Dans les morceaux qui
suivent, il n'est plus question de saint Jean-Baptiste, et Mog Ruith
est seul en cause. Mog Ruith était le fils d'un poète (Jces) nommé
Cuindeasg descendant de Fergus mac Rossa et d'une servante du roi
d'Irlande Roth mac Righuill. Cette esclave s'appelait Cacht ; elle
était fille d'un Breton de l'île de Man nommé Catman (c'est le nom
gallois bien connu Cadvati) ; sa mère avait été emmenée en esclavage
en Irlande avec cinquante autres femmes. Le roi s'occupa de l'édu-
cation de Mog Ruith, dont un druide avait prédit la gloire future ;
et Mog Ruith fut envoyé auprès de Scathach apprendre le métier
des armes, ce qui est un souvenir de Cuchullin. Comme Cuchul-
lin aussi il est sur le point de tuer sans le reconnaître un fils qu'il
avait eu de Dron,- fille d'Oengus Mac Echach (cf. K. Meyer, Fianai-
gecht, p. 22). Ce Mog Ruith devait devenir un des druides les plus
puissants d'Irlande, comme nos lecteurs ont pu s'en faire idée en
voyant la part prise par lui au siège de Dru m Damhghaire (ci-des-
sus, p. 57 et ss.). Il est d'ailleurs mis en rapport avec Simon le
magicien, Simon drui (cf. Z. f. celt. Phil., VIII, 332). L'édition de
Mme Mùller-Lisowski prête à quelques critiques. P. 151,1. 9 et 13,
tiag ne désigne pas en général un sac, mais une boite, une caisse ;
c'est le latin thêca. P. 150, 1. 4, nirgabadar uada est mal traduit ;
comme l'indique le passage correspondant de P. H., 1. 998, il faut
comprendre « elles n'acceptèrent pas [cela] de lui ». Quant au poème
sur Tlachtga, édité p. 158 et ss., il fait partie du Dindshencbas en
vers et il faut le lire aujourd'hui dans l'édition de M. Edward
Gwynn, t. IV, p. 186, où la traduction notamment diffère sensi-
blement de celle qui est donnée ici.
Deux éditions sont dues aussi au Père G. Lehmacher. L'une,
pp. 173-178, est celle d'un poème d'Eochaid Ua Flainn, qui com-
mence par Êiriu co nuaill co nidnaib. On le trouve déjà dans le Lea-
bhar Gabhâla de MM. Macalister et Mac Neill, p. 154 et ss. ; mais
ici texte et traduction sont notablement améliorés. Dans l'autre,
p. 212-269, il s'agit d'une version de YEachira Conaill Gttlban,
contenue dans un manuscrit de Bruxelles, n° 6131-3 (fos 74-76).
Cette version est d'ailleurs incomplète. Les observations au texte
sont incorporées à la traduction, si bien qu'elles ne ressortent pas
toujours suffisamment ; quelques-unes sont critiquées par M. O
262 Périodiques.
Briain, même volume delà Zeitscbrijt, p. 324 n. A relever, p. 265,
1. 10, l'expression dorônsat tir cloidimh « ils dévastèrent le pays »
(déjà dans K. Meyer, Contrib. p. 379), à laquelle il faut comparer
ar nglanad a claideamtir doib « après qu'ils eurent fait place nette du
pays » dans le même volume de la Zeitschrift, p. 64, 1. 11.
M. Thurneysen a donné au même volume une série de notes qui
intéressent l'irlandais et le gaulois (pp. 1-17) ; il publie d'abord
une courte liste de titres de récits épiques empruntée à un manu-
scrit d'Edimbourg et qui ajoute quelques titres à la liste donnée
dans l'Introduction au Senchus Mor ; il explique la locution co
nômad nàu (110) en voyant dans le dernier mot une sorte de génitif
donné au nom de nombre" neuf» (ci-dessous, autre explication de
M. M. O' Briain); il justifie les formes égthiar rigthiar, dringthiar
etc. de l'Amra Choluim Chille comme des graphies destinées à
marquer, en l'exagérant, la prononciation palatale de la syllabe
finale ; il cite le nominatif de roida (Sg. 204) sous la forme ruud
Ane. L. IV, 278, 8 ; il explique le nom propre Connlongas comme
anciennement constitué de deux mots séparés Conn Longas, le der-
nier étant un génitif pluriel, soit « Chef des équipages » ; il voit
dans le mot cumsanad « séparation »(à ne pas confondre avec cutn-
sanad « repos ») un composé de *cotn + uss -\- sana-, le simple
apparaissant dans les Lois sous la forme satina- (sous l'influence
apparemment de ranna-) ; il propose de corriger en madesgné la
forme madesgre du ms. de Cambrai (Thés. Pal. II, 246, 29) et peut-
être aussi saithor en saither (ibid. 247, 8); il interprète quelques
phrases gauloises, celle de l'inscription de Voltino (Pauli, Altital.
Forsch., I, table II, 20 et J. Rhys. Proceed. Brit. Acad. II, 65, n°
xxxv) tomeieclai par to-med-ec-lai « me pose » ou « m'a posé »,
celle de l'inscription C.I.L. XIII 10012, 19 toberte par « donne »
ou « a donné », celle que la mère de saint Symphorien lui cria
comme il marchait au supplice mentobeto to diuo par « souviens-toi
de ton dieu » (ment obère verbe gallo-romain, fr. mentevoir, cf.
Meyer-Liibke R.E.W. n° 5507); il explique le nom des Helvètes
par *belu-êt-io- « qui a beaucoup (irl. il, got> filu) de terrain (irl.
iath gén. iatha, thème en -«-) » ; il propose de lire cuique (au sens
de a qito) au lieu de quique dans la phrase où Gildas fait allusion à
sa naissance (De excidio et conquestu Britanniae, ch. 26); enfin, il
publie avec traduction allemande un court passage du Livre de
Lecan (f° 183 v° b) sur l'arbre mystique qui a les pieds au fond
de la terre et le sommet dans le firmament.
Sous le titre « Hibernica », M. Michéal O' Briain publie p. 309-
334 une série de notes en majorité grammaticales. Bien peu
Périodiques. 263
entraînent la conviction. Qui croira par exemple que la particule
négative neph- (neb-) sorte de*nesw- (siv- représentant la partie su-,
gall. hy- ?) ou que l'élément os de os-mé soit le nominatif singulier
du participe présent *sont-s du verbe substantif? ou que les formes
relatives du verbe soient d'anciens participes présents combinés
avec une particule *yod marquant relation ? Suivent quelques éty-
mologies. Le m. irl. irràir, auj. nréir « hier soir » est expliqué par
un mot fàr f. « aube, crépuscule du matin » équivalent de gall-
gwaïur f. « même sens » ; cf. irl. camâr, dat. catnâir « aube ».
L'accusatif fâir est donné par Cormac, n° 605. C'est ingénieux.
Mais que irl. mêadal « gros ventre » remonte à un même prototype
que lat. metitula, ou irl. es « trace de pas » que lat. pansa ; que irl.
mod. sonuachair « épouse » remonte à *stiusocaris ou nâmae
« ennemi » à *ne-amant-s ! Tout cela est bien peu satisfaisant.
L'explication de co nomad nau par n-au de aue « descendant «est
meilleure ; et aussi celle de géd « oie » dont la voyelle, en face du
gn\\. gwydd, ne se serait pas diphtonguée sous l'influence de géis
« cygne ». M. O' Briain explique fort bien les mots focbla ex fait se
désignant la place respective du cocher et du guerrier sur le char.
Mais l'explication n'est pas nouvelle. On la trouve tout au long
dans YArchiv fur Celt. Lexic, t. II, p. 337, donnée par Wh. Stokes,
qui sans doute ne l'avait pas inventée. Les derniers mots traités
sont : trogaim « je produis » d'où le nom de la « truie » (bas lat.
troia àz*trogyà) aurait été tiré; femen emprunté du latin f'emina
dans Mag femen substitué à un plus ancien Mag na mBan ; ûiais
« domestique femme » du français « hôtesse » ; toth « membrum
muliebre » rapproché de lat. Tutunus, tutulus ; odor « brun » dérivé
du nom de la « loutre ». La série se termine par une étude sur les
anciens noms de l'Irlande, Ériu, Banba, Fotla, Fail, Elca. L'auteur
croit le nom de Banba emprunté d'un gallois *Banja représentant
* Bannomagos , et il interprète Fotla (prononcé Fodla) comme issu
d'un ancien *wo-dolo- désignant le couchant, l'Occident (cf. alba-
nais dal « je m'en vais ») ; c'est de ce mot *wo-dolo- que les Gallois
auraient tiré le nom de Gwyddyl d'où l'irlandais Gàidil serait
emprunté.
M.Pokorny publie p. 270 une note sur la forme Aï- qui figure en
de nombreux noms de lieu; cette forme appartient souvent au nom
de nombre « deux », Glenn dâ locha « Glendalough » (Vallée des
deux lacs) ; mais souvent aussi elle ne peut s'expliquer ainsi.
M. Pokorny propose d'y voir une forme de l'article au génitif plu-
riel, da pour inda, syncopé avant le passage de inda à inna. P. 272,
il rattache le nom de montagne gall. Aran et Arenig, conservé en
264 Périodiques.
Ecosse comme nom d'ile, Arami, du mot basque aran qui veut
dire « vallée » ; en revanche, il nie tout rapport entre celtique
ratis « fougère » et basque irat\e « id. ». P. 334, il signale le ratta-
chement du nom du Barrow, irl. Berbcu, à la forme Bipyoç de
Ptolémée en supposant une confusion de y et de f dans la graphie.
Mais il resterait à prouver que Ptolémée employait le digamma !
Cela étonnerait bien des hellénistes. Heureusement il y a une autre
possibilité : c'est que le Btpyoç de Ptolémée n'ait rien à faire avec
Berbae et soit conservé dans le mot bearg ./. sruth d'un glossaire du
Ms. H. 3. 18.
M. Joseph Schnetz continue p. 35-42 et 274-308 ses études sur
les noms de lieu et de fleuve celtiques dans l'Allemagne du Sud.
Il s'agit des mots Rednitz, Zusam, Kissingen, Kinzig, et d'anciens
mots en -âcum.
De M. St. John D. Seymour, deux articles sont à signaler : sur
« les sept ciels dans la littérature irlandaise » (p. 18-30) et sur
« l'eschatologie de l'ancienne église d'Irlande » (p. 179-21 1). De
M. L. Mùhlhausen une note sur les Aithech-tbùatha, dont lagénéa-
logie est conservée sous deux formes, que les Quatre Maîtres et
Keating ont cherché maladroitement à concilier (p. 31-34). De
M. G. Schaaffs (p. 164-172), une discussion serrée de l'argumenta-
tion de M. Macalister relativement à des mots en écriture romaine
qui figurent sur des inscriptions ogamiques, (Macalister II, 23 et
III, 158).
Enfin, M. Thurneysen commence p. 335 une série d'importantes
études sur le droit irlandais. On sait combien ce domaine est dif-
ficile à explorer, parce qu'il exige une double compétence de
juriste et de celtiste. D'Arbois de Jubainville qui possédait les deux
s'y était exercé avec succès et on doit regretter qu'il n'y ait pas
travaillé davantage. M. Thurneysen y a été attiré par son collègue
le juriste Partsch, aujourd'hui à Berlin. Et c'est tout profit pour le
texte des Lois d'Irlande car chacun s'accorde à reconnaître que
l'édition, la traduction et le glossaire préparés sous la direction de
R. Atkinson laissent beaucoup à désirer. Dans cette première
étude, le savant celtiste étudie le système des allocations par lequel
un homme, libre ou non, est lié à un maître dont il dépend. Le
rapport du maître à celui qui reçoit l'allocation est appelé céilsine
« compagnonnage » et il y a deux types de compagnons, le saer-
chéle et le daer-chéle, comme il v a deux types d'allocations le saer-
ratb et le daer-rath. M. Thurnevsen publie ici avec un précieux
commentaire le texte des Lois qui se rapporte au daer-rath. Ce
dernier n'était pas un « esclave » ; sa situation, inférieure à celle
Périodiques. 265
du saer-chéle était désignée sous le nom de giallna ou de aicilhie.
C'est de cain aigillne qu'il est ici question. Une liste des mots étu-
diés termine cet important et utile travail (p. 335-394).
XI
Dans les Indogermanische Forschungen, t. XLIII, p. 40-46,
M. F. Sommer explique les parfaits ombriens en -nç- comme tirés
du parfait purtinçus « porrexeris », lequel devrait sa formation Ç-d-
inç-) à une contamination du thème di- de la racine *dô- « donner »
et du thème *enk- de la même racine que le grec -^vEyxov. M. Brug-
mann a expliqué déjà par une contamination analogue le présent
gotique briggan (Ind. Fschg. XII, 150), qui remonterait à*bhr-enk-.
A quoi le celtique offre sans doute un analogue dans le gallois he-
brwng « amener » qui remonte à *bbr-otik-. On a également le voca-
lisme 0 de la seconde racine dans le prétérit germanique qui est à
la base du gotique brâhta. On peut éclairer tous ces faits des fines
remarques qu'a publiées Gauthiot dans les Mélanges de F. de Saussure,
p. il). Le présent briggan en gotique a la valeur perfective.
Sur le nom de la ville de Lucerne, ail. Lu\ern, M. Karl Ettmayer
accumule p. 10-39 une série de savantes hypothèses qui plongent
fort avant dans la préhistoire. Il croit que ce nom est antérieur à
l'arrivée des Romains et fut donné par une population peut-être de
langue étrusque, en tout cas d'une langue qui était différente de l'ita-
lique et du celtique, si elle était indo-européenne. La démonstra-
tion repose sur un échafaudage d'arguments variés, dont quelques-
uns sont contestables. P. 23, pourquoi M. Ettmaver veut-il que la
plupart des substantifs latins en -ex (-/.y), noms de minéraux, de
plantes ou d'animaux, soient d'origine étrangère: culex etsalix ont
des équivalents en celtique, râdïx rappelle le v. islandais rôt
(pourquoi serait-il emprunté du grec?). Le suffixe à gutturale est
italo-celtique; ci-dessus, p. 208. — P. 38, pour le nom de lubruyère,
il ne faut pas parler. d'un gallo-étrusque *brucco-, mais d'un gaulois
brûko-, ou brùkâ- qui s'explique parfaitement par la phonétique
celtique (cf. R.Celt., XXXIX, 404).
M. Havers a donné au même volume, p. 207-257, un article sur
le « nominatiuus pendens » dans les langues indo-européennes.
On n'a pas oublié le copieux ouvrage consacré parle même auteur
au « datiuus svmpatheticus ». La syntaxe des cas devient sous la
plume de ce savant auteur un labvrintheaux chemins tortueux por-
tant chacun une étiquette destinée sans doute à provoquer l'ahuris-
sement ou, suivant le cas, le sourire des passants. M. Havers voit
266 Périodiques.
les faits en grammairien scolastique, c'est-à-dire qu'il est satisfait
quand il les a répartis en une multitude aussi variée que possible
de subdivisions où toutes les langues doivent entrer de gré ou de
force. L'article en question donne un nouvel échantillon de cette
méthode. Certains estimeront qu'il valait mieux jeter bas toute cette
scolastique inutile et chercher seulement à dégager de ce monceau
de fiches les deux ou trois idées générales qui y restent noyées.
L'article, il est vrai, aurait tenu en trois ou quatre pages au lieu de
cinquante, mais le lecteur n'y eût-il pas gagné ?
L'idée principale est que la langue parlée aime à mettre en
vedette les mots importants de la phrase et, pour obtenir ce résul-
tat, cherche à les soustraire non seulement aux règles d'ordre des
mots, mais aussi aux règles d'accord entre les mots. On peut dire
en français parlé : « Je commence à avoir assez de votre chien »,
mais imaginez que l'on tienne à insister sur l'idée du chien, qui
d'ailleurs se présente la première à l'esprit ; on ne dira jamais : « De
votre chien, je commence à avoir assez » ; on dira : « Votre chien,
je commence à en avoir assez. » Ce tour qui peut être observé
tons les jours dans toutes les conversations est facilité par l'absence
de flexion nominale en français. Parler en français de « nominatiuus
pendens » et joindre pêle-mêle les exemples français de ce type à des
exemples sanskrits, grecs ou latins, est vraiment jouer sur les mots,
et méconnaître le génie de la langue française, qui se distingue
avant tout des langues anciennes par l'absence de flexion. Dans les
langues qui n'ont pas de flexion nominale comme le français et l'an-
glais, on ne peut pas parler de « nominatiuus pendens » sans intro-
duire une contradiction dans les termes.
Une autre question est de savoir comment les langues à flexion
expriment le tour que le français rend par une rupture de l'accord
des mots. Le nominatif y est souvent employé à cet usage ; et
c'est bien alors qu'il s'agit d'un « nominatiuus pendens ». Le tait
prouve que déjà en grec et en latin, le nominatif tendait à expri-
mer la notion du mot indépendamment de la flexion (et. l'article
de M. Thurneysen analysé ci-dessus, p. 25 5). Et c'est une conclusion
capitale qui ne doit pas être seulement mentionnée en note, comme
une observation accessoire. Il existe d'ailleurs en latin d'autres
procédés pour détacher un mot et le mettre en vedette (cf. Meillet-
Vendryes, Traité, p. 573). L'attraction urbem quam statuo uesira est
est à ranger dans la même catégorie que le nominatiuus pendens.
C'est un tour qui a une raison d'être et un point de départ ana-
logue.
Il y a une autre idée générale qu'il convenait de faire ressortir.
Périodiques. 267
C'est que de pareils tours appartiennent essentiellement à la langue
parlée; ils naissent dans la langue parlée et s'y maintiennent aussi
longtemps qu'ils restent vivants. Le jour où ils deviennent un pro-
cédé de style, fixés et stéréotypés, ils perdent leur valeur expressive,
et il faut que la langue parlée les remplace. L'étude du tour en
question suppose donc une délicate appréciation des rapports de la
langue parlée et de la langue écrite. — P. 240 les exemples irlandais
sont mal écrits et mal traduits. P. 228 le tour français « Pierre, il est
venu » ne rentre qu'imparfaitement dans le cadre de cette étude.
Il faut tenir compte pour l'interpréter correctement de la tendance à
souder le pronom sujet et le verbe, qui se développe beaucoup en
français parlé et qui est tout autre chose.
XII
Tous les hagiographes devront lire de près l'important article
publié par le Père H. Delehaye dans les Analecta Bollandiana,
t. XLIII (1925), p. 1-85 et p. 305-325 sur « les recueils antiques
de miracles des saints ». C'est un utile complément aux Légendes
hagiographiques du savant auteur (Bruxelles, 1905. xj-264 p. 120).
Nous possédons de ces recueils en grec et en latin, c'est-à-dire
qu'il y en a un groupe oriental et un groupe occidental. Ces deux
groupes ne se distinguent pas seulement entre eux par la langue,
mais encore par l'esprit qui les inspire.
Les ©auu.aTa grecs offrent une grande variété. Les saints qui en
font l'objet sont assez nombreux ; ils vivaient dans des pays très
différents et leur culte s'est développé dans des sanctuaires fort
éloignés les uns des autres. C'est ainsi que Thessalonique, Constan-
tinople, Séleucie, Alexandrie possédaient respectivement les sanc-
tuaires de Saint-Démétrius, de Saint-Artémius, de Sainte-Thèclc,
des Saints-Cyr et Jean ; saint Théodore était honoré à Euchaïta
dans le Pont, saint Menas en Egypte et en Phrygie. Les miracles
attribués par la tradition à ces divers saints sont souvent très éloi-
gnés de nos habitudes occidentales ; s'ils nous amusent et nous
touchent parfois par leur fantaisie poétique, ils nous choquent
aussi par leur frivolité ridicule, par leur puérilité, même par leur
obscénité.
Au contraire des précédents, les Mirabilia latins se rapportent
à trois saints seulement, saint Etienne, saint Julien, saint Martin.
La légende de ces trois thaumaturges s'est constituée tout entière
en deux régions : l'Afrique du début du ve s. et la Gaule de la fin
du vie, et elle se réclame de deux hommes illustres, Augustin
268 Périodiques.
d'Hippone et Grégoire de Tours. Les recueils occidentaux sont
donc plus simples que ceux d'Orient ; ils sont en général aussi
plus raisonnes, plus exégétiques, mieux faits pour prouver et con-
vaincre. Ce n'est pas à dire qu'on n'y trouve pas d'extravagances.
Le P. Delehaye, dont on connaît la prudence, insiste dans sa con-
clusion sur les lacunes de l'information si éloignée de nos exigences
modernes, sur l'insuffisance des précautions prises sinon pour
garantir l'authenticité des faits, du moins pour permettre de les
interpréter. Ces livres de miracles n'en forment pas moins un
monument imposant de la confiance pppulaire en des intercessions
surnaturelles et ils apportent ainsi un précieux témoignage à l'his-
toire de l'esprit humain.
Le Père P. Grosjean a publié, p. 115-121 du même volume, un
poème latin de 52 vers sur les saints irlandais honorés en Belgique.
Ce poème, conservé dans un manuscrit de la Bibliothèque Royale
de Bruxelles, paraît être l'œuvre du Père Jésuite Henry Fitz-
Simon, né à Dublin en 1566 et mort à Kilkenny en 1643. Le P.
Fitz-Simon fit son noviciat à Tournay et enseigna la philosophie
à Louvain. Ainsi s'explique le sujet auquel il employa son talent
pour les vers latins. Ce talent tenait d'ailleurs plus de la jonglerie
que de la véritable poésie ; le poème est écrit dans une langue com-
pliquée, recherchée et qui dans quelques passages, va jusqu'au
galimatias.
Le même Père Grosjean propose p. 241-250 une correction à un
passage du Book of Armagh. Dans l'introduction aux Collectanea
de Tirechan sur saint Patrice, se trouve la phrase suivante : et anti-
fana assiduo erat ei de fine ad finetn in nomine Domini Dei Patris et
Filii attjue Spiritus sancti Jésus Christi Benigni ; hoc autem dicitur in
scotica lingua ochen (Thés. Pal. hib.,t. II, p. 45). Ni. Wh. Stokes
(Tripartite Life, t. II, p. 303), ni E. Hogan (Documenta de S . Patri-
cio, p. 192), niJ.Gwynn (Liber Ardmachanus, p. ccLXxxiij), n'ont
fourni de ce passage visiblement corrompu une interprétation satis-
faisante. Le P. Grosjean est parti d'une suggestion de K. Meyer (Z.f.
Celt. Phil., IX, 181, n. 1) qui voyait dans ochen la traduction de
antiphona, en comparant la locution fir ochaine « chanteur » (R.Celt.,
VI, 187 et Êriu, II, 20, 1. 3). Son hypothèse est que la phrase
« hoc autem dicitur... » ayant été écrite au début d'une ligne, les
derniers mots qui dépassaient la longueur de cette ligne ont dû
être insérés dans un blanc de la ligne précédente, suivant l'usage
des scribes ; on devrait donc lire : ...in nomine Domini Dei patris et
filii atque spiritus (ou gén. sg. irlandais spirto) sancti ; hoc dicitur in
scotica lingua ochen Jesu Christi benigni. Le cantique en question
Périodiques. 269
aurait porté le nom de Ochen Jésus Cbristi benigni. C'est fort ingé-
nieux, mais on peut conserver des doutes : s'il s'agit de donner
une précision sur la nature du cantique, on ne comprend guère
que le glossateur ait fait intervenir l'irlandais ; il lui suffisait de
dire : hoc autem dicitur antiphona ]. Cbristi ; s'il voulait au contraire
traduire en irlandais le mot antiphona, il n'avait que faire d'ajouter
les mots Jesu Cbristi benigni, qui ne sont pas irlandais. L'idée que
ocben (à lire focheii) sert à gloser benigni peut conserver des parti-
sans. Il resterait d'ailleurs à justifier l'appellation du cantique sup-
posée par le P.Grosjean ; mais c'est l'affaire des hagiographes ou des
historiens de la liturgie.
XIII
Le tome II du Bulletin of the Board of Celtic stuihes
comprend, comme le précédent, trois parties, qui sont également
riches d'informations variées.
L'une est consacrée à la langue et la littérature. C'est la plus
importante. On y trouve à la fois des éditions de textes et des
études philologiques.
M. Ifor Williams, qui est un des collaborateurs les plus actifs
du Bulletin, publie p. 8-16 un « vieux traité d'économie domes-
tique » d'après le Livre Rouge d'Hergest (c'est la traduction d'un
ouvrage franco-normand de Walter de Henley, Le dite de Hosebon-
drie, comme l'établit M. Peredur Jones dans le même tome du 5a/-
letin, p. 132); p. 16-25 h» « Conseils de Caton » d'après trois
manuscrits, dont le Livre Rouge de Talgarth (c'est la traduction
galloise des Disticha Catanis); et p. 26-36 une interprétation gal-
loise du texte de ce même Caton, tiré du manuscrit P. 3, copié
aux environs de 1300. P. 118-130, il publie deux poèmes du Livre
Rouge de Talgarth. L'un est intitulé Kyssul Adatm « Conseil
d'Adaon » ; il reproduit trois strophes d'un poème du Livre Noir
de Carmarthen, p. 44 Sk. (— 84 Ëv.}. Adaon ou Afaon est connu
ailleurs comme fils de Taliesin {R.B.Mab. 150, 17, 160. 1, 503.15
et 29, 304.7). Le second poème est un dialogue du corps et de
l'âme, sujet favori du moyen âge et dont le Livre Noir de Carmar-
then contient aussi des fragments, d'ailleurs différents. M. Ifor
Williams a joint à ces deux textes un savant commentaire, dont
nous extrayons les observations suivantes : p. 121, sur le mot mat
« bon » dans mai ganet (et. ny mad rianed 0 plant adaw B.B.C. 53,
14 Ev.), dont il rapproche irl. matbgen « druide « (R. Celt. XII,
127) gall. Madyein (5. An. 16, 12), nom de femme, et gaul.
270 Périodiques.
Matugeuus; p. 124, sur le mot bwycit (B.B.C. 8. 11, 84.4 Ev.)
où il voit avec beaucoup de raison le mot latin Beati • nom d'un
psaume (le n° 118 de la Vulgate), très en faveur au moyen âge
(cf. Z.f.c.Ph.. XIV, 203) ; p. 124 aussi, sur le verbe golychaj,
gzvollychaf, adolychaf et adolygaf « je prie, j'implore », de la même
racine que irl. atluchur « je remercie », mais avec une formation
différente (il faut partir d'une racine terminée par un k, et M. Ifor
Williams suppose que adolychaj, golychaj sont issus d'un subjonctif
sigmatique adolychiuyf, à côté de l'indicatif adolygaf; ce serait le
le cas du grec poûÀou.ai, mais d'une racine de ce sens on peut
même supposer un ancien présent désidératif, du type lat. quaesô
en face de quaero) ; p. 129, sur l'adjectif mwynfawr « riche; pro-
fitable ». Enfin, p. 269-286, M. Ifor Williams donne une édi-
tion critique d'un curieux poème, un dialogue entre Arthur et son
neveu Eliwlad changé en aigle et niché au sommet d'un chêne
dans une forêt du Cornwall. Ce dialogue figure déjà dans la
Myvyrian Archaeology, 2e éd., p. 130-132; maison en connaît
plusieurs copies, dont une a été publiée dans le Cymmrodor,
t. VIII, p. 177-190. M. Ifor Williams a pris comme base de son
édition une copie qui figure dans un manuscrit d'Oxford (Jes. 3 1-
3), du début du xve siècle, mais il donne en note les variantes de
dix autres textes, manuscrits ou imprimés. Ces variantes sont
instructives. Elles nous montrent combien les textes gallois du
moyen âge ont été altérés, dénaturés, disons le mot, tripatouillés
par les copistes et les éditeurs successifs. Il est souvent malaisé de
restituer le texte primitif; mais le copiste du manuscrit d'Oxford a
dénaturé le sien par des erreurs grossières, d'une énormité parfois
plaisante (v. p. 282). Au milieu du dialogue on retrouve quelques
strophes du Livre Noir de Carmarthen (p. 84 Ev.), les mêmes qui
ont été signalées plus haut dans le Kyssul Adaon. Le poème dans
son ensemble ne paraît pas à M. Ifor Williams postérieur à 11 50.
P. 184-200 M. John T. Jones publie des extraits de la grammaire
du prêtre Einion. Cette grammaire est la plus ancienne que l'on
connaisse du gallois ; M. Ifor Williams a établi qu'elle a pour
auteur « Einion offeiriad » (v. le tome V du Beirniad et le tome
XXVI du Cymmrodor}. On en connaît plusieurs copies, notam-
ment dans le Livre Rouge d'Hergest, dans le ms. Llanstephan,
n° 3 et Peniarth, n° 20. La copie qu'édite M. John T. Jones se
1 . Le latin beâtï ne pouvait pas donner bwyeit en gallois. Il faut partir d'une
forme *bèatl qui s'explique sans doute par la prononciation emphatique de
l'initiale du mot par lequel débutait le psaume et qui lui servait de titre.
Périodiques. 271
trouve dans un manuscrit de Bangor ; ce manuscrit est incomplet,
mais M. Jones le complète au moyen de deux manuscrits de la
collection Peniarth, noS 169 et 191.
P. 201-229, M. Henry Lewis, à qui l'on doit l'édition des sept
sages de Rome dont la Revue Celtique a parlé (t. XLII, p. 421)
publie une version de ce même texte, tirée d'un manuscrit du
xvie s., le C. 5 (p. 163-225). Elle présente, par rapport à la précé-
dente, certaines différences, notamment à la fin. Le récit en gêné-
rai y est allongé, délayé; en revanche, un morceau n'y figure pas,
le numéro 1 3 (Senescalcus). Le copiste s'en nomme à la fin : il s'ap-
pelait Elis Grufydd, natif de Gronnant Uchaf, paroisse de Saint-
Asaph, comté de Flint, et il copia le texte en 1527 à Londres dans
le palais de sir Robert Wyng, alors député à Calais.
P. 135-148 et 229-242, M. T. Gwynn Joncs continue la publi-
cation de glossaires tirés de la collection Peniarth.
Les enquêtes lexicographiques et étymologiques sont dues à
MM. Ifor Williams et Lloyd-Jones. Le premier étudie p. 36-48
quelques mots tirés du ms. Pen. 3 : dihewyd « désir, volonté,
amour » et dyheu « id. » (qui auraient la même origine) ; anhyed,
ymanhyed « flatterie » et aussi « persuasion, sollicitation », écrit
anbxvyet B.B.C. 75.12 (sortirait de la même racine que irl. adsegat
« ils implorent », ascid « requête, cadeau » ; la forme ymanhwed
attestée au moyen âge, auj. ymhwêdd « implorer, supplier » résul-
terait d'une confusion entre anhyedd « flatterie » et cymlrwedd
« moquerie, plaisanterie »); drut « fou, sans frein », d'où « cher,
coûteux » ; ymboffi « se flatter, se vanter » et hoffi « louer, vanter »
(sens fréquents au moyen âge, dérivent de hoff qui signifiait « joli »
avant de signifier « cher, aimé » comme aujourd'hui); tapplys
(empr. à l'anglais tables au sens de « table à jeu, trictrac ») ; cywes-
tach « coït », gwest « id. » R.B.Mab. 100, 3 (sortent de la racine
*wes- « coucher, habiter »), dirwest « jeûne » et darwest « id. »
(de *do-ro-wes-t- et *do-are-wes-t- ; cf. v. gall. it damesti à corriger
en i tdaruestim) ; anghreifft « reproche » (empr. lat. increpitô), d'où
« exemple » (la forme anghraiff pourrait sortir de antigraphuni) ;
crynodeb « utilité, profit», cryno « amasser, thésauriser, épargner »
et digryno ou anghryno « dépenser » (de cnun « rond », cf. irl.
cruindigim « j'assemble, j'amasse »). — P. 299-311, M. Ifor Wil-
liams étudie les mots suivants : cynnydd, cynnif « effort » (qu'il tire
de la racine *snï-, irl. cosnam, etc.) ; hin « limite », ambin, d'où
a min « seuil, limite », ambinog « limitrophe » (cf. irl. s'xnim
« j'étends ») ; cynnor « porte, devant de porte » autrefois cyntor et
cynbor, de *kintu -\- or, cf. goror = irl. forar, gl. finis, cyfor, etc.) ;
272 Périodiques.
gorsin « montant de porte » (et aussi gorsing, comme prin priug et
lladin Hading; peut contenir comme second terme le même mot
que zend stiltia- « pilier »); Irefn « arrangement, bon ordre » d'où
« logement, mobilier » (se rattache â la même racine que trej ; le
verbe Irefnu signifie proprement « se poser, s'installer », cf. cv
ireigil cv tbrewna « où se répand-elle ? où s'arrête-t-elle ? » B.B.C.
88,10 en parlant de la mer, ef a autre fua a il ne se pose pas » B.
T. 37, 17 en parlant du vent).
M. J. Lloyd-Jones donne, p. 1-8, des notes lexicographiques
relatives aux mots suivants : daered, daerawd « service funèbre »
(de *do-ad-rel- et *do-ad-rôt- ; le sens propre est « remise, versement
d'argent, taxe » ;) cyfarws, cyfaruys « présent, cadeau » (formé non
pas, comme le dit M. Lewis, sur cyfar(f) — irl. comarba « héritier »,
mais tiré de la racine *weid-, soit kom-are-wid-to-) ; coned « orgueil »
(rattaché à gogawn et gwogawn, gogoned,gogonianl ; racine celtique
*kàn- ; cf. lat. côtiârï ?). Ces notes sont continuées p. 103-113
à propos des mots suivants : amod (de *ntbhi-bhutâ-, *ambutâ,
comme attirant de *tttbhi-bhrnt-, amwlcb de tnbhi-bbulk- , etc. ; de
la rac. *tned- *mod- sont tirés armes, gomedd, gormodd, gormedd,
germes ; de la racine \s)mik-, dameg, dirmyg, edmyg, ermyg, tremyg ;
de la racine *bben- gomyn, tremyn ; tous ces mots contiennent le
préfixe *?iihhi-) ; glaweir, forme archaïque de eirlaw ; aroglau (de
*are-upo-kU>u>-, même racine que clywed « entendre, sentir » ;
manque un renvoi à J. Loth, R. Celt., XL, 359) ; gwyrfai nom de
Heu (peut être formé de gtvyr = irl. juir « en pente » et de mai
plur. de ma, ci. guylfa, gyrfa, trofa, Gwynfei, Myddfai ; ou bien de
gwvr pL de gwr « homme », cf. irl. Fir manacb, Fir arda comme
nom de lieu) ; Penamtun (de Pennant Beititu) ; Gogarth (de go -J-
certb « clair, visible »).
Le même M. J. Lloyd-Jones signale p. 297-298 quelques mots
gallois qui seraient empruntés du latin : caddug « brouillard
sombre » (de cadùcus),carth « chanvre, étoupe » (de carptum), cer-
rynt « courant » (de currentem), cyrawal « sorte de baies » (de cêreo-
lus), glain « perle » de (glatidium), glwys « joli, pur» (deglêsum ?),
menybr « poignée » (de *maniprum pour maniplum), naid « saut »
neidio « sauter » (de natis « fesse »), pant « pente » de panctum ;
mais cf. J. Loth R.C., XLII, 354), iVm/yj (de pdgensis), sertb
« abrupt » (de serptum), wylo « pleurer» (deni/to). Beaucoup de
ces explications sont des plus contestables. P. 289-297, le même
auteur relève des traces d'ancienne contraction vocalique en gal-
lois (Olion sein-dawd cyntefig yn gymraeg) ; ce sont des faits précel-
tiques, même souvent indo-européens, mais il y en a peu de con-
vaincants.
Périodiques. 273
Enfin, il faut citer la publication par M. Henry Lewis d'une
lettre de William Salesbury à Gruftydd Hiraethog (p. 113), et par
M. Fynes-Clinton d'une série de mots tirés du Dictionnaire latin-
gallois de Davies (p. 311) ; une note de M. Robin Flower sur le
fameux acrostiche Sator arepo tenet opéra rotas (p. 131), une autre
de M. Saunders Lewis sur la Signification du Pater (Pwyll y Pader)
d'après Hughes de Saint-Victor (p. 28e), et un article de Missjessie
L. Weston sur l'Évolution du roman arthurien d'après J.D. Bruce
(P- 173)-
L'intérêt de la partie philologique de ce beau volume ne doit
pas faire négliger les deux autres parties consacrées l'une à l'his-
toire et législation, l'autre à l'archéologie et aux beaux-arts. Dans
la première sont surtout à signaler les publications de MM. Wil-
liam Rees et Garmon Jones (anciennes chartes et documents parois-
siaux, liste d'ouvrages sur l'histoire municipale) ; dans la seconde
une chronique archéologique fort bien tenue par M. R. E. M. Whee-
ler.
J. Vendryes.
NECROLOGIE
Le printemps de 1926 a vu se produire deux morts qui pour des
motifs différents touchent profondément les études celtiques et la
rédaction de cette Revue : celles d'Anatole Le Braz et de Maurice
Cahen. Les deux nécrologies paraîtront dans le fascicule suivant.
CHRISTIAN SARAUW
Né le 19 septembre 1865 à la maison forestière de Peterswœrft
(près Stensbyskov sur la côte Sud de Seeland) où son père était
en fonctions, Christian Sarauw est mort subitement à Copenhague
le 22 novembre 1925. Son nom avait depuis plusieurs années dis-
paru des bibliographies celtiques ; et on ne pouvait que le déplo-
rer, en se rappelant les travaux si originaux, si personnels que ce
linguiste excellent avait publiés sur la phonétique et la morpholo-
gie notamment de l'irlandais. C'est qu'il s'était laissé accaparer par
d'autres études. Son universelle curiosité qui l'avait poussé à visi-
ter la plupart des pays de l'Europe et à en apprendre les langues,
l'avait également entraîné à des études aussi différentes que la
philologie grecque, la linguistique sémitique, la philosophie et la
littérature allemandes. Il appartint d'abord à l'enseignement secon-
daire comme professeur d'allemand et d'anglais. Privat-dozent à
l'Université de Copenhague de 1901 à 1907, il y obtint ultérieu-
rement la chaire magistrale d'allemand. Comme sémitisant, il a
donné de 190e à 191 2 une série d'articles à la Zeitschrift fur Assy-
riologie sur l'assyrien, l'hébreu, l'araméen, l'arabe. Comme germa-
niste, outre plusieurs manuels d'enseignement à l'usage des classes,
on lui doit en particulier de savantes études sur le Faust de
Goethe : Entstehungsgeschichte des Gœthischen Faust ( 1 9 1 8) et Goethe s
Augen (19 19). Mais la Revue Celtique ne saurait oublier qu'elle a eu
la primeur de ses travaux comme celtiste. L'article qu'il y publia
Nécrologie. 275
en 1896 (t. XVII, p. 17e) sur le verbe fil, et dont les conclusions
sont aujourd'hui acquises à la sience, était son article de début.
En 1900, il présentait à l'Université de Copenhague comme thèse
de doctorat ses Irske Studier, bien connues de tous les çeltistes, où
plusieurs des questions les plus obscures de la philologie irlandaise
sont abordées, discutées, résolues de main de maître (v. le compte
rendu de M. Pedersen, Indog. An\,, XII, 94). Ses autres publi-
cations sur l'irlandais sont les suivantes : Remarks on the Verbal
System of Modem Irish, Z. f. celt. Phil. IV, 72 ; Syntaktisches, Z. f.
vergl. Sprachforsch. XXXVIII, 145 ; a few Remarks on the Thésaurus
Palaeohibernicus, Z. f. celt. Phil., V, 505 ; die Lauhverte von irish 1
n r, Z. j. vergl. Sprachforsch, XLII, 53 ; Spécimens of Gaelic as
spoken in the Isle of Skye, Miscellany Kuuo Meyer, p. 34.
Christian Sarauw était membre de l'Académie des Sciences
(Videnskabernes Selskabet) de Copenhague. A la séance de cette
compagnie en date du 26 mars 1926, sa mémoire a été honorée
par un discours nécrologique de M. Holger Pedersen, auquel ont
été empruntés les renseignements biographiques qui précèdent.
J. Vendryes.
CORRIGHNDA
M. Max Fôrster nous écrit pour protester, fort courtoisement
d'ailleurs, contre une critique qui lui a été adressée au tome pré-
cédent, p. 452, à propos de son article sur la nationalité de Nen-
nius. En soutenant que le nom anglais du Dejou (gallois Dvfnciut)
remontait à une ancienne forme à ; radical, M. Fôrster entendait
par là une forme du vieux-gallois (et non du vieux-brittonique),
au i était la notation de la voyelle écrite plus tard y ; cf. v.-gall.
cilebet, DiuuHguallun L.L. 223, Ciiibelin, Cimeiliauc, Citnro, etc.
Cette graphie a été étudiée par lui dans son Keltisches Lebngtit im
Engliscben, p. 117. Il admet donc l'étymologie qui rattache Dyf-
ncint à Dumnonii (il la mentionne lui-même dans son Jllengliscbes
Lesebuch, 2e éd., 1921, p. 41) ; et par suite, la critique qui lui a
été faite tombe, d'elle-même. Cette critique reposait sur une
méprise. Corïîme toute critique fausse, elle est regrettable. Nous
donnons acte bien volontiers à M. Fôrster de sa rectification.
Le Propriétaire-Gérant : Edouard CHAMPION
MAÇON, PHOI'AI' I-KLKI-S, IMTKIMFUKS.
CATH CUMA1R
THE INTRODUCTION
This text is the last of the four named in the Rev. Celt.,
vol. XXXIX, p. 2, as relating to Eochaid Feidlech and the
pre-tâin period. Only one copy of it is known, viz., that in
the paper ms. 23.K. 37 (R.I.A). This copy was finished in
1717. The first four pages are in very neat handwriting. The
rest of the text is in a poorer and later hand. The languageis
modem and the literary style bombastic. It has been shown
(see vol. XXXIX, pp. 1, 2) that the copies of Cath Leitreach
Ruibe and Cogadb Fergusa in 23.K.37 are représentative of
older texts. They hâve not been modernized in style like Cath
Cumair, but this latter may be taken from a source quite as
ancient, for the main incidents are the same as in the Dind-
senchus of Druim Criaich (edited in Todd Lectures, XI, p. 42,
by E. Gwynn) which is in the Book of Leinster. It seems
certain that the Dindsenchus is a summary of one of the
classic taies enumerated in LL at p. 190, and in the Airec
Menmanl. m. Coisi, viz., " Argain Echach for a macaib ". If
it was a classic in the twelvth century it was probably far
older in origin and was told with many variants and suffered
from corruptions and emendations. For thèse reasons I sug-
gest that the first six paragraphs are not modem invention
entirely though they hâve no corroboration in the Dindsen-
chus. They contain a story in themselves : the quarrel between
Eochaid and his queen which led to the paricidal attack on
Eochaid. Other and indépendant allusions give a family his-
tory which was probably the original explanationof the crime.
Eochaid's queen was the daughter of Airtech, a Connaught
Revue Celtique, XLlll. 18
278 Margaret C. Dobs.
prince, and Eochaid slcw him in battle (See R. Cell., vol.
XXXIX, p. 10). This was the older and more natural expia-
nation and I suggest it was that given in the original story
to explain why the queen incited hersons against their father.
It is évident that the modernizer knew the Dindsenchus
poem as he quotes from it.
In transcribing the text I hâve given the spelling and the
accents as I found them.
Some obviously missing letters are enclosed in brackets
]. I hâve not been able to make sensé of some of the poet-
ry and hâve indicated this by blank spaces. In conclusion I
regret I am not continuing my translation into French as in
the preceding texts, but this particular text was finished in
English some years agoand laid aside till those which rightly
preceded it had been brought out. Only for this reason I
should hâve done my best to work in the médium of the
language most appropriate to the Revue Celtique and to ail
exact and clear translation.
Maighread Ni C. Dobs.
CATH CUMAIR
D'APRÈS LE MS. 23.K.37, DE LA ROYAL IRISH ACADEMY,
PP. I-3 I
1. Bhia righ amhra oïveadha fair Ekenn fecht a n-aill .i.
Eochaidh Féidblioch mhic Finn mhic Finnlogha 7 cetera. Maith
amh ro bhi Eire a n-aimsir an âirdrigh sin or robsad b cui-
bhdhfe] a cho'igidh uni comhroinn a chriôch. Nirsad ûaimh-
nech im-eglach a huirreadha re hiomad no re huathadh a
sochaidhe a n-oireachtaibh air oile. Robsad tzthaigheach a
thuatha um a thaoisechaibh re tuirgnamh a dhiorrama. Robsad
biâdhmhaira beoir(?)-lionmhura c a bhrughaidh 7 a bhiath-
aigh ; 7 muna tteagmai/j uamhan aisge no athaise o fhisMaigh
ath-iomrâdh air thionn-mhnaibh Eirenn ni badh eagail d'aon
a. in margin ; " Ann. 3940" — b. in margin ; robsa... Jobhdd... —
c. beth- in ms,
Cath Cumair. 279
THE BATTLE OF CUMAR
ENGLISH TRANSLATION
l.There was a great and illustrious king over Ireland once
upona time viz.,Eochaid Feidlioch, son ofFinn son ofFinn-
logh etc. Ireland was prosperous indeed in that high-king's
time for her provinces were agreed concerning her territorial
boundaries ; her chiefs were not alarmed or uneasy on account
of either the multitude or the paucity of their retinues in
each other's assemblies ; her tribes were united round her
chiefs against popular sédition ; her farmers and her inn-
keepers were well supplied with food and béer (?). Only for
the fear of scandai or disgrâce in chivalrous report not one of
280 Margarei C. Dobs.
mhnaoi dhiobh Eire do thaisdioladh, no do thiomchiolladh,
ô Thuinn cairrge cuipghile, chneis-anfenaighe, cuan-thôrthair-
thaighe Chliodhna ' go Tonn chz'ingach ghairbhe bhuanto-
ruidh badb thuaidh* ; y o Bheinn fhéir-mhin fhâsaighe iasg-
thôrthaigh Eadair 3 anoir go Dubh-charrg^r/; 4 dubh-aibhseacha
dlûimh-fliucha diân-anfennacha a n-iartar choighidh chaomh-
âluinn Connacht.
Nior bh'iôngnadh amh Eire do bheith go maith isan aimsir
sin or robsad bûireadhach bûan-bhleacht a bhuar ba dha
bhân-tolchadh. Robsad ceann-âirda cuach-bhlaidhach coirr-
lemhna ceart-reamhra caomh-chennsôighe a fhiodhbhaidhe.
Robsad mine maoith-fheûra môr-thôrthacha a mhuighe re
tapha/rt gach toradh do throm-thréad. Robsad comh-mine
crann-reidhi cnuas-thrôma craobh-thorrthacha a coilte. Rob-
sad lân-chûine leur-iasgmhura a limite 7 a loch-aibhne. Rob-
sad seamhaighe sûthaine soirrata (a) sruth-glana selg-throma
a sléibhte. Robsad caoimhe com-laidre cneis-réidhe clâr-thea-
gh\aidh a a cuâin. Robsad tiorma tracht-ghlana taobh-reidhe
treathan-mhin a traga. Niorbsad to/icecht a tûatha re trom-
thomhus a eciôsa d'à ttaoisecha/^, no chlos fôs foghair fiodh-
baidhe do griobhghuil gaoithe no frasa folcmhura feartanna
acht madh driûcht far na mor-mhuighe go meodhain gach
Idoi lan-solais.
Niôr bh'iôngnadh amh a taigneamh b sin aig na haird-ren-
naibh isan aimsir sin uair masa cheart na chomh-airmhe re
a radh do riarÇ?) chaidh-seghdha suathn/d/; solus-litr^^
solumdhaan dara mac-dalta 5 uasal ealaidhna ghlic-ûghdairdha
Augusdin (?)fhir-fho]rt^/;. Is ag tinsgadal an très 6 bliadhain de
fhlaithes Eochaigh Feidhlioch ro fhir-ghin 7 ro fhior-chobh-
ligh an tsaoir-ghin suathnadh so-ghniomhach na soillse sûthaine
agus an Coimh-Dhé comh-choitcheann ro chum an chethar-
dhuil 7 an Caon-mhac ro choimprisdmr o'n inghm eabhrach
gan ionaithmhaich a hôighe. Agus is an très ' bliagain do
fhlaithes Cowaire ro céasadh é.
2. Reimhios dha bhliagan dégoirechus Eochaigh Féidhlich
o'n a m fair torchradh an thlaith riôghdha il-bhreithech .i.
a. leg. dài-thèigliàhe ? — h. a[n] taigneadh ?
Calb Cumaii . 281
the fair ladies of Ireland vvould hâve feared to joumey (or
make the circuit) round from the rocky foam-white storm-
ruffled prolific harbour of Cliodna's Wave to the rocky rough
ever-fruitful Wave 2 in the North ; or from the Peak of Edar 5
with it's fine grassy wastes and rich fisheries in the East to
gloomy Dubcarrgach « wrapped in mist and storm in the west
of the beautiful province of Connaught. It was not indeed
surprizing that Ireland was prosperous then, for her cattle
were lowing and ever giving milk on her fair hills (?); her
groves vverelofty, adorned with cuckoos and single elms, very
thick and exquisitely peaceful ; her plains were level, soft-
grassed and fertile, yielding every crop to huge herds ; ber
forest trees were smooth and straight, heavy with clusters and
very branching ; her ponds and river-pools were calm and
full of fish ; her mountains were peaceful, untroubled, tran-
quil, clear-streamed and full of game ; her harbours were
beautiful and strong, unruffled and smooth ; her strands were
dry, with clean dunes, sloping smoothly in fine ripples ; her
people were not tormented (?) with heavy rents to their
chiefs. Nor was the roar of forests heard under the scream of
the wind, nor showers of cleansing rain, but there was dew
on the vast plains till noontide of each brilliant day. Such
radiance in the great planets at that time was not indeed sur-
prizing for, if the synchronisms are right in so saying, the
second adopted son s of Augustus, noble accomplished and
sagacious, ruled (?) with illustrious majesty, with marvel,
with brilliance and gravity, a true governor. It was at the
beginning of the third year 6 of Eochaid Feidlioch's reign
that was truly begot and generated the free glorious com-
mendable conception of the Eternal Light, of the common
Creator who made the universe, and the gentle Son was
conceived of the Hebrew virgin without dissolution of her
virginity (?). It was in the third 7 year of Conaire's reign that
He was crucified.
2. The reign of Eochaid Feidlioch lasted twelve years from
the time when fell the royal all-judging prince viz., most
282 Margaret C. Dobs.
Fachtna Fdthach fiôr-neimhnech a cCath Leithruidhe Ruidhe 8
ar leasaibh Cowachlach Coruinn 9 a ttuaidh. Ro bhl amli
Teamh«/r gona teâghlach faoi tigmrnmhus an trén-mhilidh sin
gan eanw ogbhail ■ a hsdthigbc da haird-chinelflz/;/;, gan a holla-
mhuin agus gan a hûasal ghraidh d'amhriara^ go haindh-
Yightheach, gan a fhailbhe 7 gan a fhochmi (?) lucht cadhus
a n-oirech fair aird.
Ro bhi céile cdoimh corpnûa 7 ainnir dilgean aigesion .i.
Cloithfhionn I0 cneis-solais ingean Airtigb UchûeatJmn " mac
Ferguis m. Oililla Aidhnigh I2 7 rob i sin matha[i]r chlainne an
chath-mhilidhi .i. tri1* mie molbthacha mor-ghniomhacha 7
se hinghine aille âird-mhaisecha ; ut dixit poeta,
Meidhbh 7 Mumain maoith-ch? itlhacr.
Eile 7 Deirbhre dhreachacb
Clothrionn 7 Eithne m
7 tri mie umorro .i. na tri Finn Eamhna .i. Bres briôghach
Driâthrach borrfadha 7 Nâr neimhneach neartmhwr nua-dhel-
bach 7 Lothar laochda liônmhur luath-ghonach, 7 is uime
deirthi na Finn Eamhna friû .i. a nEamhain Mhacha ro
hoileadh iad 7 '5 Eochaidh Salbuidhi l6 mac Loduin athair
mathara ConcubhttzV ro chaoimh-leasaigh iad 7 tug a n-âthair
fearan dôibh .i. garbh-chriôcha na nGamhanvaidhe À. Eas
rioghdha ramhach réidh-thibroidéach Ruadh '7 (se sin dit
ann air bâitheadh Aodh Rûadh mhac Badhairnd m. Argead-
mhur) gus an oilean ngreadhach ngeal-tonnach ngear-chairr-
gach ngarbh-rois risa raiter Corca Baisginn .i. Léim Chon
chomhramhaigh Choluinn ,8. As e sin fa fearann dona Fion-
nuibh Eamhna \J\adh b. Dixit an laoi,
Tri mie Eochach Fheiàhligh fhinn :
Breas briôghach fa briathair-bhinn,
Nar sgiamhdha nar sguir teâghlach
Lothair neamhdha c nua-dhealbhach.
A nEamhain mhi'n-ghlais Mhacha
ro hoileadh na hûrsgatha d.
a. leg. éan-Jogbail ? — b. leg. ut ? — c. leg. niambda — d. leg. scotba ?
Cath Cumair. 283
venomous Fachtna Fathach, in the battle of Leithruidhe
Ruidhe 8 on the slopes ofConachail in Corann 9 southwards.
Tara with it's manor was indeed under the rule of that strong
soldier without any plundering of her peasants by lier nobles,
without illégal opression by her poets and aristocracy, with-
out (?)...
He had a lovely fresh-bodied wïfe and gentle lady viz.,
Cloithfionn IO the bright-skinned, daughter of Airtidh the
Broad-chested ", son of Fergus son of Oilill Aidneach ,2. She
was- mother ot the warrior's children viz., his three ' 5 admir-
able featful sons and six lovely most élégant daughters. As
said the poet :
Medb and Mumain of délicate form,
Eile and comely Deirbre,
Cloithrionn and Ethne '*...
And three sons also, viz., the three Finna of Emain viz.,
vigorous talkative arrogant Bres, and venomous strong fresh-
formed Nar, and heroic abundant quick-wounding Lotjiar.
They arecalledthe Finna of Emain because they were brought
up at Eamain Mâcha ■> and Eochaid Yellow-heel ,6 son of
Lodun (father of Concobar's mother) educated them well .
Their father gave them estâtes viz. ; the rough land of the
Gamanraidhe = the royal navigable smooth-welled Cascade
of Ruadh '" (that is the place where Aodh Ruadh son of
Badarn was drowned) to the cheerful (?) bright-waved sharp-
cragged rough-jutting island which is called Corca Baisginn,
viz. the leap of combative Cu Chullain l8. That was the estate
of the Fionna of Emain of the Ulaid. The poem said :
Three sons of fair Eochaidh Feidlioch :
Iively Bres of sweet speech,
comely Nar whose house hold clave to him,
bright fresh-shaped Lothar.
In Emain Mâcha smoothly green
were reared the noble youths,
284 Margaret C. Dois.
Triâr feardha l'a grinn gleaca
na Finn Eamhna oirdhrarca.
E ro leasaigh iad fo bhlaigh
Eochaid Salbhuidhi suthain,
fer gan léan airnach a fri laige
rob é sin a ccaôimh-oide.
Oig \J\adb fa macraidhe mear b
tugadh iompacZ» da ndidion
gosraidhe c ûr nar thriall raeabhail
mun triar ffeata ffolt-leabhair. '
Thug Eochaidh Fe'idhliocb na ffleadh
dha mhacaibh fearann fhôd-ghlao
o Eas Ruaidh — fa riogha an roinn —
go Leim Chonn chrodha Cholainn.
A raibhe d'fearann re headh
gan d Ghamhanraidh nâr traothadh
a ccuigedh Chonacht na ccliàr
thug Eochaidh sin do'n choimh-triâr.
7 cetera.
3. Iomtusa an airdrigh Eochaidh Feidhlioch : ro bhi séan
a tTeamhraigh gan torchradh o thuathaibh gan imdioll o
oirechtaibh gan amhriâr o riôghaibh gan chriothnughadh o
chuigedh.
Laithe naon da mbaoi an t-airdrigh a tTemhraidh a n-ua-
thadh sloigh 7 sochaidhe acht ceathrar amhâin .i. é féin 7
Ceit mhic Maghach ,9 7 Conall Cearnach mhac Amhirgin20 7
Glunchenn Draoi, 7 do raidh Gluincheann Draoi : " otâmaid
comh-ûaignech 7 so tiagham a tteach na mban go bhfaghmaid
fithchioll ann. " Thangadur rompa iarsin isan ghrianân rinn-
radharcach, sdûadhach, stablanach, seaghdha, socrach, sinis-
drech, cuanna, clûthmhur, colbhamlaigh, fairsing, fleadhach,
fairgsionnach, comhlach, coilceach, corrogach, lân-âird, lûa-
chrach, lochrannach a raibh an riôgan : 7 is amhlaidh ro bhi
si a ccathâoir chaoimh comh-dachta 7 a bantracht bith-âlainn
dreac e soluis ag bûain ag a ir-chôirthafr ar a beladh f, 7 ni
raibh ansa ccathâoir eile acht Meas Bûachalla 2I (.i. ingen
Eochach Airemhuinn) [i]na macaoimh og iol-dhealbhach 7 ba
a airthach ? — b. leg. tnacradb tnhear — c. leg. gasradb — d. [fl]? an ?
e. breac ms. — f. les;, bêlaibb ?
Cath Cumair. 285
a manly trio in keen strife,
the famous fair ones of Emain.
They were gently reared
by Eochaid Yellow-heel the constant,
a fortunate man — pledge against weakness (?) —
he was their excellent tutor.
The youths of the Ulaid — active lads —
were placed round them as guards ;
noble boys who planned no treachery
round the gentle long-haired trio.
Festive Eochaid Feidlioch gave
a clean-sodded territory to his sons
from the Cascade of Ruadh — a royal portion —
to the Leap of gallant Cu Chullain.
AU the territory which at a time belonged
to the indomitable Gamanraidh,
in the province of Connaught of the poets,
Eochaid gave to the fair trio.
3. Concerning the high-king Eochaid Feidlioch : there was
prosperity at Tara without slaughter by the peasants or plot-
ting by the nobles or oppression by kings or revolts in pro-
vinces. One day the king was in Tara without any host or
retinue save four only viz. : himself and Cet son of Maga I?,
and Conall Cernach 2° son of Amergen, and Glunchenn the
druid. Glunchenn said, " As we are alone together let us go
to the Ladies' House that we may hâve a game of chess
there. " They went offaccordingly to the pinnacled (?) arched
solid stately comfortable windowed élégant sheltered pillared
spacious festive immense doorçd chalk-white cornered lofty
rush-strewn lamp-lit salon where was the queen. She was
sitting in a beautiful decorated chair with her lovely bright-
faced ladies cutting out their embroidery before her. There
was no one in the other chair except Meas Buachalla ", the
daughter of Eochaid Airemun, a youthful beautiful girl. The
period of her courtship did her honour and she was fit and of
a suitable âge for a bridegroom. They seated the high-king
286 Margarel C. Dobs.
honorach aois a tochmhairc dhi 7 ba cosmhuil comh-aoisa
ced-nûachair i ; 7 smdheadb an t-airdrigh aca 7 tugadh an fhi-
chiol chuca dha fat h imzrt. Ro bhi Ceit 7 Cona'll ag tegasg fri
Gluincheann Draoi 7 rug righ Eirenn cosgur an chluiche
forra. " A Fhiona ", ar an riogan, " cia da ttabharthaoi cos-
gur an chluiche sin ? " " Is duitsi do bhearuinnsi e ", ar
Gluinchenn Drâoi, " da madh me do bhearadh é ". " Da
bhfaghainn fein air anna a badb marthainne na e anso ", bhar
Eochaidh, " ni bheruinn o ingen mo bhrathair é 7 an ni
fûarus ni bheir. " " Do bheirim mo bhriathair chena amh ",
ar an riogan " go madh cuma liom gidh dhi do bhertha id
aonta aonleaptha anocht. " Ro hogluigheadb go hanadhbhal
an t-airdrigh re haithesg na hingene. " Do bheirim mobhria-
thar chena, " bhair eision, " gion go ttugar dhisi anocht
nach ttuibhar dhuitsi o nocht amach go brath. A inghiona, "
ar an righ, " d'isgumdh bhar ndegh-ghresa 7 gabhthar bhar
ngraidhe 7 coimh-innilltear bar ccarbaid agus eirgidh accomh-
air bhar n-erredh 7 bhar n-éidigb 7 cengaltar 7 cumhdaigh-
ther bhar ccâoin-iomdha^/;a 7 é'irghidhh bhar ngille 7 bhar
nglas-sluaigh do thiumsughadh bhar ttréud 7 do thiomâin
bhar n-alniha 7 bhar n-innille agus bhar n-imircedh. Agus
snadlimadh c Ceit agus Conall Cernach dis le caôin-nûachair
na hingine ud ionnus go mbeith si a nUWiaibh 7 cath-mhi-
lidh comhlann do Conachtuibh fair dhaingnûgha^/; a diol-
mhuine ". Agus adubhairt ansin, " do dhilsi dhuit o nach
achmhuing fanamhna do d' hamhdhéoin fil againne 7 o nach
ffuil id' hintinn no id' haigneadh a bheidb ag roinn righe no
rôfhlaithemhnus rinn imeochamaoid 7 eidir-dheileochamuid
rer ccairde agus re ar ccoigeiledh ". Agus do râidh an t-âird-
righ a ccedôir, d " imthigh a riôghan" (ol se) " go ro luath
7 go ro phrap co nach ffaicidh taighleoir no taisdiolecha tire
thiggoTemhra/^/; do chrodh gan criôcha no esonôir ar haois
grâdha no dhol fo inechaibh hinghenraidhe no gan tathai-
gheacbt trom-slôigh id' thech no gan éigsi god' hadhradh no
gan aois ciuil id' chodal-thech ôs dâil dioghbhala do dhegh-
a. ms. an// — b. ms. ëirghetb. — c. ms. snadhrru'//; — d. Hand-writing
changes completely at this point.
Cet h (lu m air. 287
and they brought them the chess-board to play, and Glun-
chenn the druid was coaching Cet and Conall, and the king
of Ireland won the gameagainst them.
" Pair sirs, " said the queen, " to whom do you give the
winning of that game ? "
" It is to you I would give it, "said Glunchenn, " ifitwere
I gave it.
" If I myself were receiving hère more lasting treasure than
that, " said Eochaidh, " I would not take it from my nièce ;
and what I got she takes not. " " I give you my word indeed, "
said the queen, " that I would not care though thou gave it
to her in thy own couch tonight.
The high-king was prodigiously enraged by the lady's
reply. " I also give you my word, " said he, " though Ido not
give it to her tonight, I shall not give it to thee from this
night out for ever. Ladies " said the king" leave ofFyour
handiwork. Let your horses be caught, your chariots be har-
nessed and go fetch your robes and dresses. Let your good
beds be tied up and covered. Stir up your servants and
bondsfolk to gather your flocks and to conduct your herds,
your cattle (?) and your removal. Let Cet and Conall Cer-
nach both bind over the marriage property ofthat lady so
that she will be with the Ulaid, and a fighting champion of
the Connaught men as surety of her liability. "
And then [she] said : " Take thine own property as we
hâve no means of remaining in thy despite and, since thou
hast no thought or intention of dividing the kingdom or high
sovereignty with us, we will go away and we will separate
with our friends and our companions. "
At once the high-king said : " Départ, oh Queen, quickly
and promptly so that visitors and travellers coming to Tara
see not thy cattle without land, or thy followers in disgrâce
or being taunted by girls, no crowds frequenting thy house,
no scholars doing thee révérence, no musicians in thy bed-
chamber. For it is an evil state of things for a gentlewoman
288 Mqrgaret C. Dobs.
mnâoi an t-ionadh in a mbiâidh re headh go honorach 6 do
arreochadh* dûl da chadhus for ccula a bheith aga adhra fa
esonôir ".
Ro ling trâ recht ro-mhor isan n-inghin de sin gur griô-
sadh a gnûis 7 gur ro gaba^ar a gaoidhilg b 7 gur ro fergthar
a ruisg go hegcoimsigh gur bho hiomthais a herradh ar a hion-
chaibh à dhlûthughadh a der, 7 ro iârr a henadh anffoisdine
go hobann 7 ro bhrosd a gille um a hecraidhe do ghabhail 7
fo a carbaduibh do inioll, 7 thangadar sion rompa gus na fan-
taibh feurmara fosacha ar ar fhagbhadar a necraidhe 7 ro
fogradh d'aodharibh iom-choimheda na hecraidhe eirghe as a
mbothaibh bega brat-ghlasa béol-fhairsinge7a ngraidhegléasda
glom-sladhacha gnath-lesuighe do ghabhail, 7 do rinnedar
san samhlaidh 7 thangadur go Temhnz/g^e ar tinnenus 7 do
chengladar a nechraidhe ar an bhfaiche in a bhfiâghnuisi.
4. Iomthusa na riôghana : do thiomuin ceileabhradh câoin
cairdhemhail do sluagaibh na Temrach, 7 thainig roimpe
aniar-neas a hecraidh 7 ro chuirid in a carbad fo chedoir i, 7
ro ûiogaidh a lamha go lân-ârd 7 ro-dhluith ghuidhes na dee
go diân go diôchra 7 go droch-aigentach ar gan techt re na
hagh no ré na himdioll no ré na honôir tré na k\or\n\iged c
7 tré na hzindligheadh anbhûain ettechtaigh e'irigh um
Eochaidh, 7 ro hogal-gresadh a hechraidhe o Themrfl/^/;ebadh
thûaidh. Thangadur a bantracht 7 a bandhala go haidhlesguil d
7 go heislm^ach o Themhraigh in a lenmhuin. O do chi
Gluinchenn Draoi an ni sin do râidh so ann :
Ni fo fath ferg fôrbhristeôr,
fhichis aigneadh ard-fhlatha.
IomguinHacA e do re a dheisgioblaiM».
Dâl da chol âoifidhrarf
Cairdine ingen Airtigh a Sluiges.
Fearsad clanna Clofhinne.
Cinfid céim go Crûachuin Raitbi.
Carsad caomhthach Clothrainne.
Cruthuis a siûr saobhâechta.
Soidhfidh coimptrac^g caomh-àluagh[a].
a. from a r-crinim, or airigbiml — b. See Caithreim C.C. Irish Texts
Soc, Vol. 5, p. 37, note 1. — c. ionnlach ? — d. leg. .limhlesgamhail ? —
e. leg. iomgbuimadh ? — f. da cclaoidfidhes cairdine ? — g. coimptar or
-tre ?
Cath Cuniaii . 289
the place where she will be in honour for a time when the
éléments of révérence which would be paid to her would
décline in dishonour. " Then indeed the lady flew into a
violent passion so that her countenance blazed and her speech
vvas taken from her. Her eyes were so full of wrath that her
garments were soaked with the press of her tears. Suddenly
she demanded her property very calmly and hurried her ser-
vants to fetch the horses and harness the chariots. They went
off to the grassy desolate slopes where they left their horses,
and summoned the herds who guarded the horses to arise
from their tiny, grey-roofed, wide-doored huts and to catch
their groomed, shining, well-conditioned, broken-in horse-
team. They did so and came with haste to Tara and they
harnessed the horses on the lawn before them.
4. As to the queen, she bade a gentle amicable farewell
to the company at Tara, and her horses came before her
from the south-west, and first she was placed in her chariot ;
and she raised her hands on high and fervently prayed to the
gods, earnestly vehemently and with evil intent, not to
oppose her success or défense (?) or honour on account of
the abuse and continuai lawless injustice arisen through Eochaid
— and her horses weredriven furiously northward from Tara.
Her ladies and her women followed her very unwillingly and
reluctantly from Tara. When Glunchenn the druid saw that
thing he said this :
It is not a good reason
incenses the sovereign's miud.
Deeplv wounding...
The children of Clofinn will...
They will march to Rath Cruachan
They loved the companion of Clothrann.
Their.sister fashioned false appearances.
A fair army...
the b;?;tk of Cumar whence blood will be spread
290 Margarel C. Dobs.
Cath Comair 6 cuirfidhear
crû tair chorpuibh cath-mhilidh,
Cet is Conall ; cirrfuidhear
corpa curadh Craobfh] Ruaidhç.
Crû-bàis beabhais àrd-Eochaidh.
Iomghoinw dôibh re ndegh-athair.
Dala trighbha a a ttiorchanuim :
taothfuid Firw re flaith-Eochaidh.
Fiuchfuid croidhe Clothrainne.
Cuiceadh Eochaigh os mamdha.
Ionnsa dith a dhefrbh-fhine.
Durrthuis triamhna trom-chumha.
Tea;m-throm b tuitim Eochaidh, uch ! Uch !
Ba ferg. Ni fo. Ni fo.
5. Tainig an rioghan .i. " ben bhreidh-gheal bhlath-eirra-
dhach roimpe a n-inghnûis fhiodhra/^/je 7 fo-sluaigh og-
bhaidhe 7 fallaigh imeirce agus thangadar rompa go Dubha-
an-bhanghubh[a] .i. Cionn-sleibhe maoith-fheraich Mo-
dhairn 2}, 7 is ô chodalta^ corrachz 7 6 throm-chumhfl^
mmhelaigh na hingenraidhe an oidhche sin slointear an t-io-
nadh .i. Druim Banghubha ar ndéalacha^ dhôibh re gas-
raidhe gnûis-ruitnigh gzo'idhéal 7 re teghluigach trom-sluaigh
naTemhracr;. Thangadur rompa iarsin go Faiche-na-nDrûadh 24
go hEmoin, 7 od' conchus an dirim bhanda sin don bhaile
thainig Leabharcham lûàimnech na n-aghaidh go n-aithni-
gheadh ciâ ro bhi ann 7 ro leig a hard-ghairm in a béol each-
lachdha os âird re hadnfld/7athmholta nahinghine 7 re truime
a troim-thiodhluicto/^// na riôghna 7 thainig roimpe tair a
hais go hEmhoin 7 do innis do churaidhibh rechtmhura réidh-
Chlainne Rughraidhe an sgéal sin ; 7 thainig Conchubhar go
môr-bhuidhnibh do chu'mgeadh an chulgeadh leis in a comhair
7 ro tearsad failte luinnech liônchar lân-mhuinntirdha ris an
riôghain 7 do thiafraighdur dhi cià um a ttainig à a fior 7 ô
Themraigh, 7 ro innis an riogan dôibh gurab é Eochaidh ro
léig i 7 go ttug diôghruis dhegh-choir in a diolmhuine dhi, 7
do raidh Concubhur an rann :
Créad um a ttangais od'thigh,
a rioghan Eochaigh Feidhligh?
a. leg. tiughbha ? — b. ms. lent trom.
Cath Cumair. 291
on the bodies of heroes, Cet and Conall.
The bodies of heroes of the Red Branch
will be mangled.
Noble Eochaid will die of mortal bleeding.
They fight with their good father.
As for the last thing (?) which I prophecy :
The Finna will fall by the prince Eochaid.
Clothrann's heart will boil.
Harder the loss of his own family.
Thou hast shed deep grief.
Heavy is the fall of Eochaid.
Alas ! Alas ! It will be wrath.
It was evil, evil.
5. The queen, that " white-robed beautifully dressed lady,
proceeded without without a detachment ofsoldiers
without military escort, and they wenton to Dubaan Banguba
viz., the fine-grassed mountain-summit ofModarn2,.It is from
the broken sleep and heavy anguish of the ladies that night
that the spot is named Druim Banguba (== the ridge of the
women's lament) after their parting from the bright faced
youths ofthe Gael and the numerous household of Tara. They
proceeded after that to the Druid's Lawn 24, to Emoin, and,
when that multitude of women "were seen approaching the
place, nimble Leabharcam came to meet them to find out
who it was. She gave a loud cry with her horse-like (?)
mouth on account of the laudable gift (?) of the lady, and
the weightiness of the queen's largesse, and came back to
Emoin and told that news to the proud heroes of the noble
Clan Rudraide, and Concobar came with a great company of
champions of the province and they welcomed the queen
eagerly lovingly and cordially. They asked her why she had
left her husband and Tara, and the queen told them that it
was Eochaid cast her off and that he did [not] give true an4
just affection in his love for her. Concobar spoke this verse :
Why camest thou from thy house,
oh queen of Eochaid Feidlech ?
292 Morgan' t C. Dois.
Innis gau mheabliail do mhodh,
an deabiiùf/; no an duibh-leiginn ?
Tugadh iarsin iath-inile ar thorthach fa thalmhain 7 fa a
harghaibh, 7 ro hesreadb arusa ârd-fhairsionga fa ûrchomhair
na rioghna do bharr-bhognuaidhebeithe 7 d'arlûachair bhoig-
leabhair barr-ûaine 7 d'iîrchluimh cholchuige chuill, 7 ro
hôrduigheadh aca toighthe aoibhne o'ireadba ré hûr-ghardu-
ghadh, 7 grianana gasda gloine grian-soillse re huaignes 7 re
hiodhalgrésuibh a re corrthun«7>/.7 re cumhduighth/«'^ b re
cenn-mhaisibh e re sunna 7 re socardeaighadh d. Ro freasda-
\adh 7 ro friothaileadh go huasal onorach a n-Emhuin an
oidhche sin iâd, 7 ro cuireadh fesa 7 fiôr-thechta o'n riôghain
ar cionn a môr-mhaca, 7 tugadh da hionnsoidhe iâd as a
hai thle 7 do fhiafraighdur don riôgan ca fochuin rô thogh-
lûais 6 a fior i 7 ca hadhbar eisiôdha 7 eidir-dhealuigi^/;//^ fa
rabhadur. " Do bheirim mo bhriâtliar amh ", ar an riôgan,
" nach feadarsa do fliochuin aige acht méad bhar miosguisi
fein agus bhar môr-fhuata lais 7 ar uamhan bhar ttecht in a
aghaidh fein 7 d'egla a thafainn à Temhraigh. " " Do bheir-
midne dar mbreithir amh " (ar iadsan) " nar smdoinmuirne
ionar menmoinn 7 nar chogramur ré ar ccaonih-slûagh an
comhairle sin ".
" Ma denaidsi, a dhegh-mhaca, éisdecht rem' chomwrlesi
7 recomurle Conchubha[i]r 7 a mhaca " (ar si) " d'ioghlaidb
mo mhaslasa 7 mo dhimiadh ar bhar n-athair 7 gairmth^r e
bhar ngalgada gusmara garg-mhenmnacha agus fadhbaidh go
ferrdha (oimachi ( go fiôr-ghniomacha gâcha ferainn ; ionar-
baidh Eochaidh as a fherann is as ard-fhlaithes 7 tabhraidh
teallaigheTemlirach gona throm-sluaigh da bhar ttoinuimhez. "
" Aingidlie ", (bhar iadsan) " 7 ni cosmhail ré côir an
an comairle sin, 7 do badh mi-dhâil da dh^Vbhfine coimh-eirge
cogaidh a ccenn an ârdflaith iâr ttecht urmhôir aoisi, 6 nach
bhfuigmis escara oile ar egla 7 ar fhirinne fein ag tiachtuin in
a. leg. iol-grésuibh ? — b. perhaps used in sensé of ornaments or chas-
ing ? — c. perhaps used in sensé of a dôme ? — d. perhaps used in sensé
of soft bedding ? — e. grangtear ms. — f. Foirniata at top of page — g.
tôiraidhe
Calh Ciimair. 293
Relate vour situation without deceît,
Is it a quarrel or is it the spleen ?
After that tilled land of the most fertile on earth wasgiven
[to lier] with it's herds, and spacious dwellin^s were littered^
with tip-quivering birch and long soft green-tipped fresh
downy beds of hazel for the queen. They arranged pleasant
stately houses for enjoyment, and neat bright sunny salons
for privacy, for ail manner of (?) embroidery, for fringe-
making, for coverings, for hair dressing (?), for comfort,
and for combing wool softly (?). They were served and
waited on nobly and honourably that night at Emuin and
despatches and trusty messengers were sent by the queen to
her distirtguished sons. They were brought to lier after that,
and they asked the queen what cause took her away from
her husband and what subject of quarrel and séparation they
had. " I give my word indeed, " said the queen, " I know
no cause he lias except the amount of your aversion and great
hatred of him, and terror of your coming against him, and
fear oï being hunted from Tara. ' " We give our word
indeed, " said they, " we neither planned in our minds nor
plotted with our brave army that design. "
" If you would listen, fair sons, to my plan and to Con-
cubar's plan — and my sons, " said she, " avenge ye my
affront and my disgrâce on your father. Summon (?) your
mighty fierce-minded champions and take ye every district in
manly crushing energetic fashion. Expel Eochaid from bis
territory and from the sovereignty, and give the manor of
Tara with it's large population to your raiders (?). "
" Evil " said they " is that counsel and not like justice. It
would be a misfortune for his own family to stir up war
against the sovereign in his old âge, since we would not get
another foe to attack him becauseof awe and of his own right
feeling. It would be perversity, it would be impious in us, to
stir up war against him throughout Ireland.
Rrvue Critique. XL111. Iq
294 Margarel C. Dobs.
a aghaidh. Ro badb clàon céille 7 ro badh coirbthe an cho-
murle dhuinne togbhail cogaid in a aghaidh fo Eirenn. "
" Léigidh as na meadhracha sin, a ôga, " (ar an caoimh-
fhlaith Concubhar) ; " agus a mhaca " ar se " 7 an ccuala-
bairsi gemadh beg môr âuthaigh dhùine nocha n-airimhtear
idar ardfhlaithi Eirionn é madh oba. Uair gion go ngzbaidh
sibhsiTemhair achtré thri ttrath biâidh menmna cuth-mh'ûedh
agaibh ré hàrdfhlaithes Eirionn as a haithle 7 biaidh cediadh
lé bhar maca annsa chéim chéadna 7 ma eigintàoi a Eire do
léigion ûaibh dealeochaidh bhar n-ûa ré ceimennuibh re righe
7 ni harimhtear bhar siôl idar ird-ce'me'ûidhe go brath. "
6. Agus giodh chlâon an chomhairle sin ro faomhadh ag
na Fionnuibh i tre chomuirle a mathar, 7 tre ionlughachtan b
aghmhara escairdemhla' \J\adh, 7 tre comurlechaibh cealga-
cha câsidecha c comh-thnuthacha cruadh-neimhnecha Concu-
bhair. Ro ghabsad na meic do lâimh an gniômh do ghrodu-
ghadh .i. a n-athair do sgaradh ré hârd-fhlaithes 7 do thafann a
Themhr^, 7 do fhiafraighdar do Chonchubhar ca congnamh
do bhearadh leo um iomchosnamh Eirenn uile " Do
bhersadhibh, ''aranc[a]omh-mlaithConchobhar, " x. x.x. c. d
do chath-mhiluibh 7 do churaidhibh na Crâobh Rûaidhtf do
bhar ccothughàdh 7 do bhar ccongbhail 7 cuiridh iein bhar
ccaoimhthechta chum gach coigeadh do thairmesg a ttinôil ag a
ttighthibh 7 d'fosdogh a n-oirecht in a n-arusuibh 7 do cho-
thughadh a ccuigecha in a ccrich îein gonach coimh-eirghid
bhar n-agaidh 7 denaidh féin tionôl 7 toichesdal tinnesnach
ionnus go madh taôisga sgeimhiolta bhar ccaomh-sluaga^
no fresdal na ccuigedach do'n righ ; " 7 do raidh an lâoidh an :
a sequitur.
Eirghidh, a Fionna [EJamhna,
co rachach e dibh môr-mhenmna.
Cosnaidh Temhra aille drech.
Marbhthar libh Eochaidh Feidhlwc/j.
Is aithe gach dealg is so,
ni hûabhar ni hiomargho.
Chaith bhar n-athair ni da aôis.
Nf char cuirn acht comh-aôis.
a. iigin daoibli ? — b. ionluig heachan ? — c. casaoideacha ? — d. written
above in ms. deich eut fhithehit — e. go rachadh ?
Cath Cumair. 295
" Cease thèse jestings, young men, " said the noble prince
Concobar; " my sons " said he " did ye never hpar that
whether a man's estate be big or little he is not reckoned
among the monarchs of Ireland if he gives in (?). For, if you
only held Tara for the space of three days, you will hâve the
will to contest the sovereignty of Ireland afterwards and your
sons will be adjudged the same rank. If you are obhged (?)
to give up Ireland, then your descendants will be eut ofFfrom
the succession to the throne and your family will not be includ-
ed in the aristocracy ever again "
6. Though this counsel was perverse the Fionna accepted it
on their mother's advice, and through the warlike malicious
snares (?) of Uladh and the lying tortuous (?) envious veno-
mous counsels of Concobar. The young men undertook to
expedite the affair viz., to deprive their father of the sove-
reignty and to expel him from Tara. They asked Concobar
what help he would give them to contest ail Ireland.
" I will give you, " said Concobar the prince, " three
thousand soldiers and heroes of the Red Branch to support
and to help you. Send you yourselves your partizans to every
province to hinder them assembling in their houses, to detain
their nobles in their mansions, and to keep their provincial
kings in their own boundaries so that they rise not together
against you. Let you yourselves make prompt assembly and
muster so that the ambushes of your fine army be quicker
than the rallying of the provincial kings to the king. " And he
recited the following poem :
Arise, oh Fionna of Eamain (?).
till ambition cornes to you (?),
Défend Tara of fairest aspect.
Let Eochaid Feidlech be slain by you.
The younger thorn is always the sharper.
This is not a boast or a lie.
Your father consumes what is of his âge,
He does not love... except of the same âge than he.
296 Margaret C. Dobs.
Cosnaidh Temhair cenn a cceann.
Marbhthar libh .irdrigh Eirenn.
Bétlii féin va tTemhrach dhe.
A Fhionna Emhna, eirghidh.
Do riachtadar trâth a slôigh 7 a sôchaidhe go hEmhuin
an oidhche sin da n-ionnsoigeach 7 ro thinoil siad go tinnes-
nach tinnsg^Jal, a ttnris a n-oirchioll imchechta ar na mha-
rach, .i. a ng/oidh gasda glômhara do ghlan-ghleas 7 a ccar-
baid do chomh-innioll 7 do chomh-dhaingneadh 7an-edai-
gheacb do exumlûughadh 7 a sûathentais do srethnughû^
ar a saor-errdhaibh go sainenihuil 7 a luireacha leabharghlasa
luinnerrdhn do lesughadh 7 a ccathbharra crûadh-soillsi
corr-mhogallach do cho'mnleadb 7 a sgeith do snoidhe 7 do
sâr-dhatngniugharf/j 7 a ccloidhmhe tana taobh-ghorma do
ùiesdughadb 7 a sleadha gasda gadamhla grinn-r\gan ; 7 ro
chuiredar techtaoibne ésgaidhe uatha goNuadhaNecht25 mac
Seadna Sithbhaic go fiait h sotal sedmhar gniômhach gaisridhe
gniômh-ôirdheirce Galiân 26, 7 go Lugh 2~ laochda luath-bhuil-
lech mac Lughach Laimh-fhinn go hârdrigh molbhthach mor-
glonnach min-leatlmn Muman, agus go Daire Drech-dh^rg 2S
degh-solus mac Degaidh go hârdrigh cosgrach claidhm-dearg
(ô sloinntear oirechus Eochaigh mac Lachtna 29), do tairgsen
trom-chomhadh do chradh 7 do chriochaibh dona cui^e-
chaibh i gan com-eirge ann a n-aghaidh.
7. Iomthus thri meic Eochaigh Feidhligh iarsin : do eir-
ghedar go moch ar na mharach 7 thangadur ô Emhoin siar-
dhes go Bealach na Boroimhe 5° (risa raidhtear Tulach Ôg an
Ri) a 7 a Sliabh Bethach ?I (risa raidhtear Éisidhéin), 7 tair
cheann Fionn-locha Fobhail 32 7 tar Mhagh nlth 3î ghlas-
nuaidhe mhac nlthe, 7 a nGlenn fraoichmhor Fhinne 54, do
Bhern«/^ Mhor5> 7 do Bhemus Bheg '6, 7 do Inbh&ir-dha-
egan// ?7 (risa raidhtear Easa riôgha Kuadb an tansa) 7 do
anad///- ann an oidhche sin j.7 thangadur rompa ar na mharach
tar Mhagh n-iuVmhôir n-ûrthorthach nEine 38 7 tair dhiân-
srothacb Drobhâois 7 Duibhe ;9 7 tair Mhagh ccnes-solus
gCedne*0 7 tre Chnochaib comh-thorthacha Cairbve 4' 7 tar
a. lcg. (V (luii'i "r
Cath Cumàir. 297
Défend Tara bit by bit.
Let the high-king of Ireland be slain bv vnu.
Thereby you will be at Tara.
Arise, oh Fionna of Emain.
Their host and army reached Emain then that night, and
they rapidly assembled their vanguard for the mardi, prepar-
ing for the morrow's start viz. : grooming their swift muzzled
horseteams, equippingand bracing up their chariots, variegat-
ing their clothes and distributing blasonry over their
fine armour in great diversity, repairing their smooth grey
glittering corselets, polishing their hard shining helmets with
chain-mail points, chipping and bracing tight their shields,
testing their slender blue-bladed swords and... their swift
twisted tough spears. They despatched swift nimble messen-
gers to Nuada Necht2> son of Sedna Sithbac, the haughty
rich energetic gifted (?) prince of the Galian 2é, of famous
deéds; to heroic swift-smiting Lugh2?, son of Lugaid White-
hand, the praise-worthy famous high-king of smooth broad
Munster ; and to illustrious Daire Red-face 28 son of Dega,
the victorious red-swoided high-king (from whom Eochaid
son of Lachtna takes his title 29) to offer large concessions of
cattle and of lands to the provincial kings that they should
not rise against them.
7. Concerning Eochaid Feidlech's three sons after that :
they arose early the next day and marched southwest from
Emain to Boromhe Road 5° (which is called the Hill of Og
today (?)),and to Betha Mountain }I (which is called Eisidein)
and past the head of fair Loch Fobal 52 and over the fresh
green Plain of Ith" (son of Ith) to the heathery Glen of the
Finn river3 S to Great Bernus'' and Little Bernus>6, and to the
Estuary of Two Salmon *? (which is called the Cascade of Royal
Ruad thèse times) and they stayed there that night. They
went on the next day over the Plain of Eine}8 rich in corn
and very fertile, over rapid-flowing Drobaois and Duibe î9,
over the bright-surfaced plain of Cedne 4°, through the fruit-
298 Margarei C. Dobs.
Sruth an Tobair Ghil *a (risa raidhtear Sligech an tansa) 7 tar
Es didn-srothach Dara. 4} (.i. Dara Dearg draoi d'Fomhorach
robaitheadh ann 7 is uaidh a anmniter), [7 doj Ces choimh-
aldin Choruin JA 7 do chorr-slidbh na Seghsa4i 7 do Mhagh
Luirg-an-Ddgha ^ 7 do Mhagh Aôi-»? mhaic Allghubha 7 a
cComar na Conairt 4H go Cruachan 49 (7 Meadhbh in a bhfar-
rad ann 50) ; 7 ni raibhacht Clothrann 5' chiab-solus ag cothu-
ghadb comh-roine dona caonih-sluagaibh a cCruachan, 7
thangadur na Finn Emhna i[n a]a carbad do agallam a sethar
go Cruachan, 7 ô do chuala an ingen fuighle bhaoth-mheara
a brahrech 7 mi-ghlor meadhrach a muintire ro bhi agfosdogh
na n-ôg 7 ag toirmesg a tturais 7 ag bregadh a braitrarfr.
Do chid arsin Ruadh mac Roch^uil7 Loch mac Roch^uil
an dâ priômh-drai da n-ionnsoigidh 7 do bhadar sin go diô-
chra dasachtach ag toirmesg a tturus uni na Fionna, 7 ro
rdidh siad riû : " A mhaca, " ar iadsan, " ni clés céiWide 7 ni
gniômh gaoisi 7 ni haôn chomhartha amhnusa dhâoibhse
bhar n-athair do aimh-riarughadh fo Eirm« a n-âoinbhliadain,
oir ni ba suithin bar sâoghal 6 osnadhaibh an airdthlaith ar
na aimh-riarugadh 7 ni choiseonaidh bhar ccaoimh-slûaigh
sibh isan chath-lathar a ccovahxmdead don chursa, ôir ni
lucht fiodhruigh na fo-sluaighse a ttrath iorgoile no iomghona
fiocha no faisdine re flaitheas foirbhthe a ttrath foghla no
foir-éigne do righ Eirenn, 7 ni chlaoidhfidh na meic mhi-
chrôdha filid ann bhar bhfarradhsa iâd ; " 7 cuma do bhi
dha râdh 7 adubairt na briâthrasa :
ni faoMidh fionn (orlaidh
forfos ré fiôr-fhlatha.
Nidfl/ ho'ùidb hnn-sluaigh
figri rigfe, a mhaca.
Ni soidh oig re harrachtain
oïrbeart na neart cheidni. Ni ".
7 ro bhi Loch mac Roch^fuil ag a ttoirmesg 7 do rdidh na
briathra-sa ann ;
Ffionna trena,
béad b mor,
a. .i. ms. — b. bét ms.
Calb Cumair. 299
fui lands of Cairbre4', over the Stream ofthe Clear Well 42
(which is called Sligech thèse times), over the rapid-flowing
Cascade ofDara43 (viz., Dara the Red, druid ofthe Fomorians,
was drowhed there. It is named after him), [to] beautiful Ces
Coruin 44,to the Peaked Mountain of Segais4*, to the Plain of
the Dagda's Track 4é, to the Plain of Ae 47 son of Allguba, to
the Valley ofthe Road48,to Cruachan 49 (and Medb was with
them there s°), and there was no one there save sunny-haired
Clothrann ;1 dividing their portions to the fair company at
Cruachan. The Fionna of Emain came in a chariot to talk to
their sister at Cruachan and, when the lady heard the sense-
lesstalk ofher brothers and the foolish babble of their follow-
ers, she began to hinder the you ths and to delay their march
and to deceive her brothers.
Then they saw Ruad and Loch sons of Rochedul, the two
chief druids, approaching them and thèse earnestly and boldly
endeavoured to avert the Fionna's expédition. They said to
them: " oh sons" said they " it is not a^wisedeviceorsaga-
cious deed or mark of acuteness in you to create rébellion
against (?) your father throughout Ireland in the one year,
for your lives will not be lasting by reason ofthe monarch's
groans after the revolt, and your splendid army will not pro-
tect you in the battle-field where it will fight this time. For
thèse few troops are no weak (?) folk in time of battle or
wounding or wrath or prophecy against decaying rule, in
time of havoc or violence offered to the king of Ireland, and
the cowardly fellows whoare with you will not defe at th 1 1
Thus lie spoke, and he said thèse words :
And Loch son of Rochedul tried to delay them and said
thèse words :
Oh strong Fionna, oh great deed.
A king dcstroys, lord (?) of battle.
300 Mur cran t C. Dobs.
mh'iWeadh ri,
ruarw » gliâigh.
Garg an gniômh,
gubha ten»,
taothfaidh feall,
ûoriidb ég.
Trûagh adad b,
buân an bead. Bed.
8. Thangadar na drâoithe uatha iarsin 7 ro ïeargmdidh na
Finn tre dhroch-thaisdine na ndrûadh ag taimgire a ttiugh-
bhdis don turus sin 7 ro cuireadh*ôig athlamha in a n-iarmho-
recht da bhïosdadh gur mharbhsad na draoithe tre na ndroch-
fhaisdine, gur ba Dumha na n Druadh 52 a cCrûachain badh
thuaidh ainm an ionaidh sin ; 7 thangadar rompa da sosâaib
7 da siôth-longportuibh an oidhche sin, 7 thainig Clothrann
ar chnocan corr-ghlasa na Crûachan gur ro suidhestar53 ann 7
adchidh-siuw dias aille fo cheimennuibh c fionnbhân ar a cco-
mair .i. câoimh-ainner 7 cumhal, inghen throm-thaithne-
mhach thaobh-solus seghdha sul-ghlas so-gradhach ro-gheal
ro-mhin nognaidhç ngloinuidhe ngnûis-dherg ngarechtmgh
mbârr-ûir mbognuaidhe mbeâl-chorcra ngasda nghcreidh
ngeal-bhraidigh chûana chiôch-throm chorp-nûaidhe ndrech-
dh^Vg ndead-ghil ndonn-mhailgh^/;; 7 is amhlaidh ro bhi an
ingen sin 7 leini aoingheal éttlaith uimpe 7 ionïïar maothsrôil
min«ren« zmlach iol-bhrec ndhlandi tana taobh-dhearg tai-
thnemhach baillderg bhlathûr bhrec-nâoidhe slemuinn snâth-
gheal sâor-mhaisech ettrom ionwûar oigardha uimpe, 7 brat
bog-chas blath-nûadh thairis sin amûigh a n-echtuir, 7 eô
chlarda chumhdaigthe. cosar-leptha 5+ criosdail-gheimhecrh]
ànn, 7 niôr bhfurus s'iïïidh no siôr-fhechain ar soighnén d
seghdha so-thaithnemhacha saor-chineoil na solus-chem sin
ar na suidhiughût^ go sâr-mhaisech isan sâr-dhealg sin, 7
bréid suaithnidh slemhoin siôduidhe tar abhare a cas-chor-
curlach, 7 da bhog-asa béal-cumtha brec amlacha ider a troi-
thigibh tana 7 an talamh, 7 ro àrdaigb fein rogha crotha 7
dealbha uirre conach ingen badh ferr taithniomh 7 tuarus-
a. leg. ruad ? — b. leg. ah'td ? — c. kg. coitnenuib ? — d. leg. joinneadb}
— e. leg. abhara ?
Cath Cutnair. 301
Rough is the deed, bitter the lamentation.
Deceit will death will verify.
Sad is the kindling ?). Lasting the mischief.
8. After that the druids left them ; and the Finna were
angered by the evil prophecy of the druids foretelling their
speedy death in that expédition. Swift youths were despatch-
ed in pursuit of them to stop them and they slew the druids
on account of the evil prophecy, so that " The Druid's
Mound, >2 " at Cruachan to the north, was the name of that
spot. They proceeded that night to their resting-places and
peaceful camps, and Clothrann came up on the green-peaked
hillock of Cruachan so that they sat on it. 55 They saw a noble
pair opposite them in pure-white
viz. ; a lovely damsel and a handmaid, a most attractive lady,
bright-formed stately grey-eyed lovable pure-white délicate
quecnly (?) glittering rosy-checked laughing (?) bright-haired,
soft and fresh, red-lipped sprightly smooth-handed white-
throated élégant deep-bosomed fresh-bodied rosy-faced white-
toothed, brown of eye-brow. The lady was dressed in this
manner : a pure-white floating (?) tunic on her, and a soft
silken fine spotted (?) flowing variegated starred thin red-
bordered shining red-spotted freshly-new bright-speckled
smooth white-threaded élégant light coolyouthful(?) robe on
her, and a soft-curled freshly-smooth cloak over that on the
outside, and a flat chased crook-pinned >4 crystal-gemmed
brooch in it. It was not easy to look, or gaze steadfastly, at
the stately attractive aristocratie flashing (?) of those bright
gems that were set so exquisitely in that wondrous brooch.
[There was] a bright smooth silky kerchief over her curly
purple-hued hair (?), and two soft shoes, well eut, speckled
and curled, between her slender feet and the ground. She
302 Margarei C. Dobs.
gbhail no i, uair ba drâoi amhra i. s> Ba hi sin tra uair 7
âimsir bhi Bres sinnsear mac Eochaigh ag fechain a s\ua\ghidk
7 a sochruide cona bhfaca an mhndoi ag imthecht an mhagha
fa coimnesa dhoibh.
Gabhus Bres a n-donar da hagaïïaimh 7 anus an ingen ris
cona é dubhairt Bres. " Can as a ùgidh, a ingen, 7 créad do
bheir a t-aonar thi'i ? " " Thangusa d'agallaimh a bfuil do thro-
chaibh ar an maghso, " ar isi. " Nitroich iad amh, " ar eision.
" Is troich amh " ar an ingen, " ôir da mâdh ail leô saoghal
badb faide do bheith aca no gheibhddois cumha a righ
Eirenn. " " Cinnte linne amh, " ar Bres, " gan comha do
ghabhail uadha acht cath do thabairt dho ionnus go ma linn
fein righe nEirenn 7 nach ba leision. " " Is olc an chomwrle
sin, " ar an ingen. Is annsin do chuir Bres a guala [ri fôd na
faon-léirge 7 do chuaidh an a gnâs 7 in a cao\n\\-\tbaidh 7
tairnic ris taghall aice. " Ort do dhon 7 do dhuabhas, " ar an
ingen, " is môr an. col 7 an egcôir do rinnis. " " Ciodh on,
[a] ingen ?"ar Bres. "Cia thusa ? " " Clothrinn ingen Eochaigh
Fheidligh misi, " ar si, " 7 is ar thainig dot' hath-mhillea-
dhsa conach biadh fiôr catha agad a n-aghaidh hathar. " "Do
chol 7 do chontracht ort, "ar Bres, " ôir is agad ro bhi fios 7
ni hagamsa. " Ciodh tracht do choimh-riachtad«r na ttriûr ria
7 as e ann gednna a adubhairt friu cona Glenn an Chuil56 for
Chruacha/n a ttûaith ainm an wnaid a ndearnadh sin. Dorala
trdth caomh-thoirches don ingen uatha na ttriâr go rug mac
dhoibh .i. Lugaidh Sriabh-ndearg, amhail isbeartan file :
Beirios Clothrinn ndéad-gil
énmhac da triur dearbhrathar.
Ciân a ainm foxsan b Glenn Sainbh "
Lughaidh Sriabh-ndearg 5* a fhiôr-ainm.
Mac do Lughaidh milibh giâll
Criomhthann Cosgrach s» na bhfionn-riân.
Gear bho ro-throm an col sin.
Clothrann rob i a matheir. Beirios.
a. an çcéadna ? — b. ms. arsfln.
Cath Cumair. 303
endowed herself with the choicest arrangements of colour
and form so that no lady excelled her in appearance or de-
scription, for she was a renowned enchantress.55 Now that was
the hour and the time when Bres, the eldest of Eochaid's
sons, was inspecting his host and his army so that he saw
the woman passing over the adjacent plain.
Bres went by himself to accost her and the lady waited for
him. This is what he said : " Whence comest thou, lady ? How
is it thou art alone ?
" I came to talk to ail the death-doomed ones on this
plain " said she.
" They are not indeed doomed to death, " said he.
" Indeed they are doomed, " said the lady, " for, if they did
désire longer life, they would take terms from the king of
Ireland. "
" We are indeed determined, " said Bres, " not to take terms
from him ; but to give him battle so that we shall rule Ire-
land, and not he ".
" That is an evil design, " said the lady.
Then Bres threw her down on the sod of the sloping way
and violated her. " On thee be the shame and the sorrow, "
said the lady. " Great is the sin and wickedness thou hast
committed.
" How so, lady? " said Bres. " Who art thou ? " " I am
Clothrinn daughter of Eochaid Feidlech, " said she : "and I
came to compass your destruction that you should not hâve
right on your side in fighting [our] father. "
" Your sin and your curse shall recoil on you ". said Bres,
"for you knew — and I did not. "
However, the three lay with her, and that is the same
thing she said to them (?), so that the " Glen of Sjn 5Ô " at Crua-
chan southward was the name of the place where that deed
was done. The lady conceived by the three and bore them a
son, viz. Lugaid Red-stripe ; as the poet said :
Clothrinn the white-toothed bore one son
to her three brothers.
Cian was his name in Glen Sanbh ; >»
Lugaid Red-stripe s8 was his real name.
304 Margaret C. Dobs.
9. Ciodh tracht ro eirgedtfr go m oc h ar na mharach 7 ro
ghabhsad go hAth Luain timchioll 6o Eirenn go nuige sin 7
ro ghabhsad sosadh ann 7 saor-longport isan chnoc, dar
chomh-ainm Cealt'11 aniû,gan fhios do righ Eirenn, 7 ro tog-
badh puible aille iôl-dhathachadona Fionnaib ann anoidhche
sin (.i. Raith na Poible ainm an ionaidh sin aniu), 7 ro chuir
siad techta oibne eigne go a n-athair a ccéadoir go bhfol-
mhuigheadh Temhair ar a cceann ; 7 6 rangadar na techta go
Temhraigh ro fhiafraigh Eochaidh sgéala dhiobh. " Is ar a
thangamairne, " ar siad, " dâ râdh riotsa Temhair d'folmhu-
ghadb ar cheann do mhacca 7 righe nEirenn do léigion
dôibh ". Gach aon imorro do bhi na luidhe isan toigh do
eirgedar na suidhe 7 gach a bhi na sesamh thugadar a
n-aghthe a n-éinfhecht orra ionnus go rabhadtfr ag éisdecht
risan aithesg n-iongantach adchûalada/'. Is ann trath do
bhi Conall Cernach an tan sin ar dheis righ Eirenn 7 eir-
ghes a ccéadoir 7 nochtus a chloidhiomh do dhith-chennadh
na ttechtadhfl/W/; ar a loinne risan aithesg do chualaidh leô.
Thug Eochaidh Feidhlecfh] a ldmh fris 7 do thoirmisg an
gniomh. Ô do chûala trâth taoisech an lucht tighe sin, .i.
Cet mor-mac Magach, fhobr«5 an gniomh céadna do dhe-
namh. Toirmiosges Eochaidh an gniomh, 7 adubairt : " C'ait
a bfuil Gtiùncheann drâoi ? " ol se. " Ata sunna, " ar an
drâoi. " Maseadh, fionntar leat dhuinn an fiôr a ndub^rtsad na
techta né cionnus ar n-iomsgaivr/ûf/? misi 7 mo mhaca ; " 7 is
cuma ro bhi aga rad[hj 7 do bert an lâoi ann :
[E.] Abair riom, a Ghluinchenn drâoi,
7 na habair iomar-gâoi,
lomus na ttri bhFinn Emhna
ca leith a bheraid a rabhra.
[Gl.] Is chugad bhearid, a fhir
an ruathar sin, a Eochaidh,
dot' bheith gan tsluagh gan fhlaitbius
dot' ath-chur as do m r-mhaithes.
Catb Cumair. 305
The son of Lugaid of the thousand hostages
was Criomthann the Victorious >' of the white seas.
That crime was bitter and exceeding grievous.
Clothrann, she was his mother.
9. Howbeit they arose early on the morrow and went to
Athlone (round 1'reland60 thus far) and halted and encamped
at the hill (whose other name nowadays is Cealt61) without
the king of Ireland's knowledge. Beautiful variegated tents
were put up that night for the Fionna so that " Rath of the
Tents " is the name of that place now. They sent swift hasty
messengers to their father, immediately to retire before them
from Tara. When the messengers arrived at Tara Eochaid
asked them for news. " The reason \ve hâve corne, " said
they, " is to bid you vacate Tara before your sons and sur-
render the sovereignty of Ireland to them. " Everyone who
was resting in the house sat up, and everyone who was
standing turned simultaneously towards them, so as to lis—
ten to the amazing demand which they heard. At that
moment Conall Cernach was at the king's right hand and at
once he rose up and drew his sword to behead the envoys in
his wrath at the demand he heard them make. Eochaid Feid-
lech laid his hand on him and checked the act. But when the
captain of the household troops, Cet the great son of Maga,
heard it, he tried to do the same thing. Eochaid restrained
him and said : " Where is Gluinchenn the druid ?" said he.
— "I am hère, " said the druid.
" Well now, examine thou for us whether the messengers
spoke trulv — - or why I and my sons should separate. " And
this is how he spoke, and recited the poem :
\i. Tell me, oh Gluinchenn druid,
and tell no talsehood,
concerning the three Fionna of Emain.
What direction will their wantonness take
G. Against thee, oh man, is made
Uns onset, oh Eochaid ;
to deprive thee of armv and kingdom,
to thrust thee ont of thv prosperity.
306 Ma\~gard C. Dois.
[E.J Abah riom ina mbià dhe,
tabhair id t'aire id t'faisdine
\omus na bhFionn riogh fo blaid.
O tu uai omnim » abair " bl
Abair.
"Dentar toichesdal 7 tino[i]l tinnnesnach agadsa, " aran
drâoi, " ôir atdiddo thri meic chugad [i]na ttricathaibh coir-
ighthecomh-mora7 deich ccéadfhichiodangach cath dhiobh. "
lO.Eirghios trath Eochaidh gonachairde annsin ô do chua-
laidh nach raibh acht cairde na haon oidhche aigeona mhaca,
7 an tan do eirigh Eochaidh do e'irghedar na .x. ccéacf .x x.
d'fearuibh fionnliâth6' leis da ghnath-mhuintir fein 7 nach sga-
radh ris do siôr 7 ba hiad sin a ghnath-theghlach. Ro eirigh
ansin an ta6isech in lochta tighe . 7 a chenn-comhairle 7 a
chuinge catha .i. Cet môr-gharg mac Maghach. Is annsin than-
gzdur amhuis oga ri Eirenn, 7 ba dearbh-comhartha flatha dhô-
san a ttecht chuige re humaigaigh na hiorghoile, 7 Conall
Cernach cosgrach cath-bhuadhach curata coromhach mac Aim-
hirgin rompa .i. taoisech na n-amhus 7 a fhichet cead amhus
uime. Is annsin thangadwr urradha Bregh 7 Midhe 7 Ràon 64
mac Rocheduil ri dheargd'Ullto*M rompa 7 Colamain65 tenna
na Temhrach mar an cceadna, fiche cead a lion fer re a n-ari-
omh. Tri fichid cead lion a sochroide an oidhche sin a n-agh-
aidh a thri maca, 7 thangadwr rompa go hAth Comair an oidh-
che sin 7 ro ghabhsad , sosadh 7 longport ann 6b. " Caidhe
Glûinchenn drâoi ? " bhar Eochaidh. " Ata sonna, " bhar an
dràoi. " Ionnsoigh mo mhaca, " ar an righ, " 7 beir cumha let
uaimsi dhôibh. " " Ca comha sin ? " ar an drâoi. " Dha
ttriân Eirenn dôibhsion 7 aôn triândamhsa (ri Themhraigh. "
Glûaisios an drâoi a ccéadôir go ha[i]rm a rabhadar na Finn
cona slûagh 7 théid isan phôbal a rab[h]adar. " Fochion do
thiâchtain, a dhrâoi7 a dheghfhir dana, " bhar iadsan. "Tai-
resi linn an fhailte sin gus aniogh, " bhar an drâoi. " Tairise
dhuit aniogh ar bhfailtinne, " ar iadsan. " O'n righ- thangusa
do thairgsen comha dhâoibhsi. " " Ca comha sin ?" ar iadsa.
" Dhâ ttriân EÀrenn dâoibhse 7 aôn triân dôsan um Themh-
a. leg. '«a imSniom ? or ua lomnim = descendant of Imne ?
Calb Cumair. 307
E. Tell me vvhat will corne from it,
betake thyself to watching and prophecy
concerning the Fionna — the famous kings —
oh thou speak ! " 6j
" Lèt prompt muster and assembly be made by you, " said
the druid, " for your three sons corne towards you in three
marshalled battalions of equal strength, and three thousand
men in every battalion. "
10. Then indeed Eochaid rose up with his friends when
he heard he had only one'-night's respite from his sons.
When Eochaid àrose there rose up the three thousand vétér-
ans65 with him, his own retinue who never left him. Those
were his customary retainers. There rose up the captain of
the household, his chief counsellor and battle-champion ; viz.,
Cet, the fierce son of Maga. The young mercenaries of the
Irish king came (it was a true token of his sovereignty their
coming to him for the rounding up (?) of the struggle) with
triumphant victorious courageous combative (?) Conall Cer-
nach son of Amergin at their head ; viz., the captain of the
mercenaries and his two thousand mercenaries round him.
Thsre came the chiefs of Bregh and Meath and Raon 6+, son
of Rochedul, the red king of the Ulaid, at their head ; and
likewise the grim Colamairi 6s of Tara, two thousand their
mil number. His army numbered six thousand that night
against his three sons, and they marched toCumar Ford that
night and encamped there. é6 " Where is Gluinchenn the
druid ?" said Eochaid. " I am hère, " said the druid. " Go
to my sons, " said the king, " and offer them terms from
me.
" What terms ? " said the druid.
" Two thirds of Ireland for them and one third including
Tara for me. "
The druid went at once to the place where the Fionna
were with their army, and goes into the tent where they were.
" Your coming is welcome, oh druid, oh sage and excel-
lent man, " said they.
308 Margaret C. Dobs.
raigh. " " Is dôigh liomsa, " ar Lothar, " do bhera 7 ni gea-
bhthar uaidh é ". " Cia uni nach geabhtfor? " ol an draoi ;
" ôir ni flaith fire nach geabhaidh comha 7 ro badh fearr a gha-
bhail no a hobadh ôir geliônmar bhar slôigh 7 bhar sochaidhe
ni rachaidh tair Sionainn siâr aguibh acht tri naonbhair a'ma-
rach 7 Druim Anûar ainm an droma so gus aniogh 7 budh
DruimCrô67 amarach [a] ainm 6 fhuil bhar ccorp, bhar meidh-
eadh 7 bhar muineil 7 budh Tiobruid na cCeann ainm na tio-
bruide so sios ; " 7 do râidh an lâoi :
Ni mar lodar le bhar ttoil,
a Fhionna Emhna, a hEmhoin.
Is dearbh nocha réim ratha,
is dréim a ccionn ârdfhlatha.
Clothfionu ingen Airtigli Fliinn
dorad oruibh âgh is imrinn.
Robdar mudhadb* da bcttaibh
dahedha/W; — da hilrechtuibh.
Ath Comafijr — comuirna ccûan —
Ath a ttroidfiéar na slûaigh.
Monûarban tainic bhar ttan,
A Fliionna. Ni ma[r] lodar. Ni.
11. Filles an drâoi doridliisi na frithinge go rainig go
hEochaidh Feidhliocb 7 innisidh a sgéala 6 imthecht go fillead
in a fhiaghnuise, 7 adubart an laôi ann :
[G.] Eirigh, a Ri Temxach te.
Agso chugad do mliaicne.
Truagh an gniômh — lonn rod».v la —
ag iârraidb an oighedha c.
a. leg. perhaps rob bar tnudha " you mav be destroved. "' — b. leg.
momuiran ? — c. leg. oighreadba ?
Calb Cumair. 309
" That welcome was our honour till today, " said the
druid.
" Our welcome is an honour to you to day, " said they.
" I came from the king to offer you terms. "
" What are those terms ?" said they.
" Two thirds of Ireland for you and one third for him
including Tara.
" It is my opinion,'" said Lothar, " that he may give —
and it will not be taken from him. " " Why will you not
take it ? "said the druid. " For no true prince but accepts
terms — and it would be better to accept than to refuse for,
however numerous your army and following, there will not
go westward over the Shannon tomorrow save thrice nine of
vou. Anûar Ridge was the name of this ridge till today :
" Ridge of Gore 6" " shall be it's name tomorrow from the
blood of your bodies, your trunks and necks — and " Well
of the Heads " shall be the name of this well hère below."He
recited the poem :
Alas that they went as you willed,
oh Fionna of Emain, to Emain.
It is certainly no fortunate course;
it is rébellion against a sovereign.
Clothfionn, daughter of fair Airtech,
brought danger and strife on you.
Thsy were destroyed bv her actions,
bv her, bv the numerous forms she turned into.
Comar Ford — meeting place of troops —
the ford where the hosts will fight.
Alas, vour time is corne, oh Fionna.
11. The druid went back the same wav till he came to
Eochaid and told his story from the time he went till he
returned to his présence. He recited this pôem :
G. Arise, oh king of pleasant Tara.
Behold, thv sons approach thee.
Sad is the fierce deed winch has driven them
to seek their death.
Revue Celtique, XL111.
3 10 Margarel C. Dobs.
[E.J Doïïigh liom marbh[adh] mo mhac
ge thicsad san chath chomhnart.
Muna marbhthar taoithfad leô.
Truagh d'ar ccairdibh an cruadh-ghleô.
[G.] Eirghidh suas is fWthrigh th' fearg
bitdh letsa Temhair thaobh-dhearg.
Torchair réaflaith forghes gâoi
nt {Ao'ûidb ôig ar aoin-châoi.
[EJ Cionnus theguid na tri Finn
go hAthComair? Lûaidhidh rinn.
Cionnus côirighid iad sunna
o ghabhus câch a gcomhlann ?
[G] Bres znneas mar ata68
do chomhrac re Collamhna.
Nâr gus na hamhusuibh — mêad nglonn —
Lothflr dhuitsi, a ri Eirenw.
[E.] Muirngh^ar liom Lothar luath
7 budb lén do Nâr na slûagh.
Muirfig[h]«ar Bres cibe dhe,
budh haithrech a luath eirghe .
Eirigh.
A haithle an chomhraidb sin troisgios righ E'irenn an oidh-
che sin iri Chomhair anôir-ttûaidh 7 anaid ann go maidin
arna mharach ; 7 as é ro dhuisidh iâd, na tri catha comh-mora
ag a ccomh-moradh 7 ag a ccoimh-egar isan ceann oile do'n
ath, 7 ro eirigh righ Eirenn 7 gabhus a threalamh troda 7
tachair uni a chneis. Ro ghabh cloidiomh trom toirt-bhuilkflr/;
go ffeigh goffaoidh go fiosgadh, se b slioptha slemhuin chrûaidh
ô a dhornnchla go a rinn. Gabhus a dha sleadh seimhnecha
sith-fhoda go fFeaithénuibh fionn-bhruinni 7 go mbriocht
nimhe, 7 ro ghabh a sgiath mhôr mhilita ina uu'ûUeadh tore
tré-bhliadhnach ina chomh-tharsna, go mbile aith-ghear iar-
nuidhe 7 go slabhradrunT»/? caomha congmhala. Gabhus iarsin
a. . . c chathbhardha ciorach chlarach chethar-eochair ar na n-
egâr do leguibh loinneardha loghmhair 'ga n-uir-egar na cenn-
bh^rte sin.
Ro éirigh annsin âirdrigh aghmhar o\midhed Eirenn À.
an flaith ar flaithemhnus 7 an taphar ar thaitnemhaidhe 7 an
a. leg. ri- ? — b. leg. us e. — c. some word omitted ; heimet ? or
crown ? — d. in ms. margin oir^//;a.
Cath Cumair. 3 1 1
E. Grievous to me is the slaying of my sons
though they came to the fierce battle.
If they are not slain I shall fall by them .
The bitter strife is sad for our friends.
G. Rise upand whet thy wrath.
Red-sided Tara will be thine
The royal (?) prince fell by a spear-thrust (?).
Warriors are in no wise glad.
E. How do the three Fionna corne
to Cumar Ford ? Tell us that (?).
How do they marshall themselves there
since everyone accepted the combat ?
G. Bres trom southward is thus, 68
fighting against the Colamain :
Nar against the mercenaries — share of deeds —
Lothar against thee, oh king of Ireland.
E. Swift Lothar will be slain by me.
Nar of the hosts shall suffer.
Bres will be slain — howe'er it be —
They will repent their hasty rébellion .
After this conversation the king of Ireland fasted that night
at Cumar to the north-east. They remained there till the next
morning and what woke them was the three strong battalions
mobilizing and forming up at the other side of the ford.
The king aroseand put on his fighting array. He took a heavy
hard-hitting sword sharp, and. . . and sheathed (?). It was
polished, smooth and hard from hilt to point. He took his
two rivetted lengthy spears with well-refined twists and veno-
mous magie charms. He took his great soldier's shield, in
which a three -year-old boar could repose cross-wise, with it's
sharp iron edge and beautiful supporting chains. After that he
took his helmet-like crested flat four-edged . . . arranged with
glittering precious stones adorning that headgear.Then arose
the warlike commanding high-king of Ireland viz., the most
sovereign prince, the most pleasing. . ., the. . . of ennemies
3i2 Margaret C. Dobs.
tathugh^y/; biodhbtfrf/; d'ais 7 d'elgean 7 an righ ôs na riôghuibh
7 an t-amhus ôs na hamhusuibh 7 an leômhan ar luinne 7
an mathghamhuin morghlonnach ar mhire, 7 ro bhi ag egar
7 zgàrdiigbadha. niliuinntire [i]na ttri mbuidhnibh bruthmhara
bûan-nertmura .i. na hamhuis ar \eatb 7 na Colamhoin ar
\eath 7 an fiche cead fer foirfe finnliâ uime sion fein, agus adub-
hairt Eochaidh an rithk/rg ann :
Uch mo chràidhe na chaoib chrô
Mun bam marbhsa ni bam beo.
Ni bam beô ni bam marbh,
plaigh M ieidm, dall fri baidhbh.
Foirgleadb gleic — mo tliri meic clii'i
mo chuirp tuitfit liom, uch.
Tri Finn cliù mo ghluinn
sgeithfid dath snian d'uch.
Uch.
12. Is ansin thangadar a amhuis 7 a a.rmaigb chum righ Elrenii
7 do raidh siad ris : " A Airdrigh," bhar iadsan "léig dhuinne
sosmrdo chlainne .i. Nàr mac Eochaigh, 7 is briâthar dhuinne
gion go bfuilmaoid acht uathadh iear 7 (elnmadb annso go
ccuingeobhtrtir sgidthrach airm-dhluith ag ar laochne;" 7 is
cuma ro bhi aga râdh 7 adubart taoisech ua na n-amhfw an
làoidh siôs .i. Conall :
Léig dhuinne soistu/- do chlainne
A Eochaidh go nemh-ghainne,
go ccomh-raicim drech fri dhrech
isan chath ag Druim Crhhidb.
Atam tri coicet fer fionn
go n-armach curadh os arecionn.
Is dearbh nocha tteithfiom dhe
gur bam marbh au aônbhaile.
Da tti Nàr an ar n~aghaidh
ni ba sâor ar serr-fheruibh a.
A lôs sgeith is cloidhiom ciorr
as an lathar ni léigfiom.
Leig.
Iârsin deônuighes righ Eirenn dona hamruwa Nâi ■
a. leg. searradhiibb ?
Calb Cumair. 3 1 3
willy-nilly. the king of kings, tlie soldier of soldieis, the iion
for wrath, the furious bear for frenzy, and he was marshalling
and ordering his men in in three fiery staunch régiments ;viz.,
the mercenaries apart, the Colamain apart, and the two thou-
sand vétérans round himself. Eochaid. recited this rhetoric :
Alas, mv lieart in a clôt of blood.
If I am not dead — I will not live.
I will not live. — I will not die —
There is a plague against renown (?),
there is blindness against the goddess of war.
The contest is decided(?), mv three sons, the bodv
of mv bodv, will fall by me, alas!
The three Finn, the body of my knee,68 a
will vomit coloured streams, alas
12. Then came his mercenaries and warriors to the king
oflrelandand said to him : "oh, High-king, " said they,
" leave to us the youngest of thy children viz., Nar, and we
pledge ourselves, though we are but few men and warriors
hère, that shield-straps will be tightly held by our heroes. "So
they were speaking, and the leader of the mercenaries, viz.,
Conall, recited the following poem.
Leave to us thy youngest son,
oh generous Eochaid,
till we fight face to face
in the battle at Crithech Ridge.
We are thrice fifty fair men
with hero's weapons above us.
It is certain we will not flee
till we be dead in the one place.
If Nar should corne against us
he will not escape from scythes (?)
By dint of shield and crested sword,
we will not let him escape from the tield.
The king of Ireland then gave the mercenaries leave to attack
314 Margaret C. Dobs.
chathaibh d'ion nsoigidh 7 ba feidhm môr dhoibhsion sin. Is
annsin adubhradar na fir liath bhadur um Eochaidh, " Ciodh
dhuinne gan togha ar ïeàdbma. 7 ar foghnamha ar iorgal do
chloinnesi 7 ciodh tracht gan togha an ti do thoghsinn, .i.
Lothar an mac-ri neimhnech nert-mhenmnach is mô gâois 7
gaisgeadh do sluagaibh Eirenn uile, 7 an tan do mharbhuis
Facht[n]a Fathach69 mac Rosa Riîaidh mac Rughraidhe do bha-
murne go ùidm-thenn fulang-thrén ag cosnamh righe nEirenn
dhuitsi, 7 an tan do mharbhuis Eochaidh Uchûeathan a ccath
Chraigh isan Choruinn70 ro ba crûaidhcosgrach coimh-mhen-
mnach an laocraidhe sinne ann 7 do dhentar calma 7 crûadh-
ghleca isan 16 seo aniû againne re torrachtain macne Eochaigh
gus attaoithsad linn cona ccathaibh ; " 7 adubhairt na rainnsi
ag ionnsoigh Atha Comuir, ut dixit :
Léig duinn go leig Lothur
go mbenn dochar frith dhochar.
7 nocha isûaill an fer
rug ûain an sosar saor-gheai.
Sinne in ar bhfearuibh liâth
giodh môr ar mbladh sar mbri[th]ar
Leisgidhe rinn dul ar ccûl,
doilghidhe duinn iompudh.
Ciodh rugadh rinn ar ratha
Ni rugadh ar n-armgretha.
Ni sguirfiom ré Lothar dhe
gur bam marbh an aoin-bhaile.
Is annsin do ghabhaddtr na hamhuis do laimh Bres mac
Eochaigh do dhiongbadh isan chath. Iârsin do ghabhadar fir
Eirenn do laimh a n-ionaduibh catha 7 comhlainn isan^chath-
lathar a ccomh-raicfidis dibhlionaibh 7 thugsat go feidhm-
laidir fogartach fiôr-ghniomhach iad go a n-ionadhaibh catha
7 go hurlâr na hiorgoile ; 7 o do choncadar na meic sin ro
choirgheadar gleire feargach fir-neimhnech a n-ûrchomhair 7
do rinnedar tri catha comh-mora comh-ârda dhiôbh in a râon
athlamh âointhir da n-ionnsoigh, agus ro thogbhadur a meir-
geadha maisecha min-leabhra ar a m[h]arrac/; 7 a n-onchoin
châola chrdos-ôsluigthe 7 a stûadha armgeara aigmheile uath-
mara iorgoile, 7 thangadar go tinnesnach tresarnach torann-
Catb Cuniair. 315
Nar and his battalions and that was a serious undertaking for
them. It was then the vétérans who were round Eochaid said:
" why should we not exert the best of duty and service in
attacking thy sons, and why should we not choose the one
we hâve chosen, viz., Lothar the deadly stout-hearted prince
who excels in wisdom and valour ail the hosts of Ireland ?
When thou didst slay Fachtna Fathach 6? son of Ros the Red,
we held the kingdom of Ireland stoutly and patiently for thee.
When thou didst slay Eochaid Broad-chest in the battle of
Clarach in the Coruinn ~'° wewere astern triumphantunanim-
ous band of heroes there. We shall fight bravely and hard
tins day today against the onset of Eochaid's sons till they and
their battalions fall by us. " When approaching Comar Ford
he repeated thèse verses and said :
" Leave Lothar to us in the meanwhile
that we may retum hurtfor hurt.
He is no contemptible man
who took the bright voungest one trom us.
We grey-haired men
though great is our famé and renown
we are more reluctant to retreat,
it is harder for us to turn.
Though we be overtaker. in running (?)
our weapon's clang is not overtaken (?).
We will not part from Lothar
till we be dead in the one place ".
It was then the mercenaries undertook to repel Bres in the
battle. After that the men of Ireland took up their positions
for battle and combat on the battle-field where they would
fight together. They went forcibly threateningly energetically
to their posts in battle and to the field of strife. When the
sons saw that, they marshalled fierce deadly picked troops
against them and made three battalions of equal size and height
to attack in a quick charge like one man. They raised their
beautiful flowing standards on the morrow (?),and their slend-
er gaping leopard-ensigns, and their weapon-sharp wondrous
awful bowsof war, and thus camequickly in warlike(?) thun-
dering-wise to the battle. When the mercenaries and the
3 lé Margaret C. Dobs.
chlcsach d'ionnsoigidh an chatha ton samhlaidh sin ; 7 o do
cboncaÀar na hamhuis 7 Colamhoin thenna na Temrach 7 an
do céad fer foirfe finn-liath an ni sin ro choirighsad iad fein in
a ttri mbuidnaibh comh-dhluithe catha. Is annsin do chomh-
raic siâd na catha crodha cechtardha dotular^na sgiath sgiamh-
dha sgeallbholgach 7 do rennuibh na highneadh leathan-ghlas,
7 thugadar frasa trena tiûgh-dhluigh da n-o'uighibh catha for a
chéile no go rangadrtr fo sochar a ccrâoisech ccrô-fairsing 7 ar
a manaoisibh môra muirnecha miodhar-gheara 7 do chroma-
dar a ccriosluighibh a sgiath ccadad ccomh-dhualach 7 ro ionn-
soigh câch a chéile dhiôbh le cloidhmhidh |caol-fhada cuinn-
iolchrâobhacha, 7 rob [omda ann re headh n-aithghoirid fei-
nidh fâon-leadartha 7 feuch-bheal fWs-ghonta 7 colann chuirp-
chiorrtha.
Ro badh iomdha ann bheos troighthe tana trûaill-gherrtha
7 fiora fornnochta fiar-léadartha gur bho cosar chnâmh chenn
7 cholann bher bhenn 7 b\\or\>-s\eadh gach ler[g] 7 gach lathar
arar cinnsead na slôigh do dhibhleadhibhisin uair sin, 7 thug-
sad an cath-mhaoidhm sin go fiôchda fearamhuil fôir-thren
7 go niata naimhdigh nemh-charthannach no go rainic an cath
a ccennairrche an chomhlainn,7 o do conairc Bres mac Eoch-
aigh an t-âirdrigh 7 na Colamhuin fri thecht anoir ro ionn-
soigh iad cona chathaibh go tresach tairpthech tinesnach
amhail tuinne ro-âird ro-mhear robhartach ag techt 6 hucht-
linntibh mara môr anfadha/dfe chum tire, no mar bhainne tal
cairtrom-dhilionn agtuitiom nadhiânsrôthaibh re glenn leirgt
sleibhe. Is amhlaidh sin tra ro dhith-chuiredar na catha ar 2
chéile a rionwghala ruaidh a roinn-emhna .i. a soighde sian-
ghaile sior-luatha 7 a fFoghadha biorra braoin-neimhnacha 7 a
sleadha seimhneacha snasda so-dhuibhruice.
13. Ba hi sin tra uair 7 aimsir rainig Bres tair sruth soir
d'ionnsoigh na cColam«/« 7 do riacht Cet mac Magach tair
sruth siâr d'ionnsoighidh Nâir meic Eochaigh cona chathaibh.
Ciodh tracht ro tolluidh 7 ro tulrebuid senacha sâor-chlann
isan chath sin 7 rob iomdha srotha fôrdherga fola ag snidhe re
corpuibh curadh 7 ca.ù\-m\i\\eadh sechnôin an chatha o oirtear
go a iarthair 7 ro bhadar sloigh 7'sochuidhe [i]na bhfâon-lui-
dhe a bhfola 7 a sruth-linntibli crô sechnôin an chatha isan
Cath Cumair. 317
stout Colamain of Tara and the two thousand vétérans saw
that thing, they marshalled themselves in three close battle-
formations. It was then both the valiant batallions met, with
the bosses of their shinlng bulging shields and the points of
their broad grey lances. They gave each other strong incessant
showers of their battle-drinks till they attained to the advantage
of their wide-hooped lances and their big clanging dagger-
sharp heavy spears.They stooped in the hollows of their hard
chased shields and each one attacked the other with slender
long swords with variegated branching. . .In a very short time
there were many prostrate mangled champions thereand shrun-
ken lips pierced through and lacerated trunks. There were
many slender feet lopped trom the carcase and naked mnngled
backbones(?),so that each slope and spot where the armies had
appointed with each other that day was a litter of bones, heads,
trunks, spear-ends and sharp javelins. They gave that battle-
charge in fierce manly vigorous fashionand in soldierly hostile
inimical wise till the battle reached the centre (?)of combat.
When Bres saw the high-king and the Colamain coming west-
ward he attacked them with his battalions boldly proudly and
hastily like an enormous rapid tidal-wave coming from the
depths of the tempestuous océan to land, or like the froth of
the strong weighty flood falling in swift streams down the
ravine of a mountain side. It is thus indeed the battalions dealt
deathto one another with their grievous red points, their. . .
viz., their gusty swift arrows, their tested darts with poisoned
drops, their rivetted neat lightly-flung spears.
13. Now that was the hour and the time Bres came east
over the stream to attack the Colamain, and Cet son of Maga
came west over the stream to attack Nar with his battalions.
Howbeit the seniors (?) of noble families were pierced and
lacerated in that fight, and many were the red streams of blood
dropping from heroes' and soldier's bodies throughout the
battle from east to west, and hosts and companies were lying
prostrate in their blood and running pools ot gore throughout
ji8 Margarel C. Dobs,
uair sin. Rob iomdha ann bheos meitihe maoil-dherga 7 cinn
gan cholna 7 buinn anairde 7 fir a gcroling bhâis ar fad an
chatha sin o a oirtear go a iartair. Is ansin ro léig Bres mac
Eochaigh é 'na bhuinne dhidn-dhiôghar dhasachtach 7 'na tho-
rainn adhmhuir fhergach 7 'na sruth-dhiôghar dhô-fhresdail
dhegh-thaptar/r fo sluagaibb na cColamhan. Od' conairc lira
an milidh mear-chalma .i. Rdon mac Roicheduil ri dhearg
d'Ulltaibh sin .i. taoisech 7 tren-mhilidh na cColamazn, as é
ro râidh : " ata liomsacomuirle 7 câoin-chuibhdhes dhaoibh,"
ar se " .i. cojridh bhar n iodhna catha 7 comhluinn foraibh
7 tagbham an t-achadbso ar a bhfuilmâoid do mac-righ Eirenn
dôigh isadhbhar triâth 7 tigearna dhuinn é"1 7 criôch dhiong-
bhala dhuinn so, 7 da lenntar thairis so sinn iompoidhidh 7
tabhraidh bharccuid chatha 7 chomhlainn dô 7Ïsdoigh liomsa
is romhaibb bus rdon 7 bus ruathar ". Ro faomuid sin uile an
chomuirle sin 7 od' conairc Bres na Colamhuin ina ruathar
soir ba deimhin le Brescona sluzgaibb gar bho maidm dhôibh
an t-iompudh sin. Is ansin adubhairt Bres a lenmhain. "Côir
a dhenamh, "ar a mhuint/r, " go rlacht b a ttighthe 7 a ttre-
bha 7 gan sgur dhiôbh no go ttugthar a ccinn 7 a ccosguir 7
a ccomaoidhiomh uatha dar n-ionnsoighne. " Od' chualaidh
sin trdth Raon mac Roicheduil cona Cholamhuin ro iampôi-
dar a n-einfhecht 7 a n-donûair a n-aghaidh sidr 7 as é dlûs 7
tighe ro bhadar go ccomhruicdis renna ruadhz rô-dherga na
sleagh seimhneacha sith-fhoda slemhuin-chrûaidh slinn-leath-
an, 7 na cclôidhmhfrf/? ccorr caol-ghlas crûadh rionnuighthe
ag tolladh chorp 7 chnes 7 cruadh-luirech, gur bho manear
arm-dhluith fhûar-neimhnech nacrachmia cliâth-righne crûadh-
armach do dhingedar tar mhor-sgiathû/^ a cheile.
Is annsin rainig Rdoin mac Rochedail ri dearg fon chath 7
thug abharann mhileadh fo na slûaghuibh7 do leiàhigh slighe
ced 7 benn chomhramhach ar ionchaibh a ghnuise mor-mhi-
leta 7 ro imira lûath-fherg orra 7 ro mharbh ced iear n-armach
n-ionchomhlainn ar gach ndorus-bheal 7 reidhighes rôd riôgha
ro-fhairsing go hairm a mbi Bres mac Eochaigh. Thug achmu-
san ath-gharbh ain-iarm»rtach dhô 7 ro nochtadw a leabhair-
a. leg. laîrptacb ? — b. riasaidh ?
Cath Cutnair. 319
the battle in that hour. Moreover many were the shorn red
stumps, and heads without bodies, and soles upturned, and
men in death-agony tliroughoutthat battle from east to west
It was then Bres went in a véhément audacious rush, in a
warlike wrathful onset, in a véhément irrésistible stream at
the hostsofthe Colamain. But when the brave active soldier,
Raon son of Rochedul, the red king of the Ulaid, saw that
(that is, the captain and champion of the Colamain) he spoke
thus : " I hâve advice and fair counsel for you, " said he
" viz., marshall your weapons of war and combat before you
and leave this field we are in to the prince of Ireland (for he
is our future chief and lord)7', and this is a suitable bound-
ary for us : and, if we are followed past this, turn and give
him battle and show fight and — it is my opinion that it is
before you will be rout and be overthrow." They ail agreed
to that advice, and when Bres saw the Colamain retreating
eastward,heand hisarmy were convinced that this turn meant
they were routed. Then Bres ordered their pursuit. " It is
the right thing te do, " said his men, " till they reach their
houses and homes; and not to let go till their heads, their
triumphs and their vauntings are transferred to us. " When
Raon son of Rochedul and his Colamain heard that, they
turned simultaneously and faced west. They were so close and
thick that the ruddy deep-red points of the smooth long
polished hard flat spears, and of the straight thin grey hard
irredescent swords piercing body, skin and hard cuirass, were
crowded together so that it was a weapon-set venomous
enclosure, the hard phalanxed and weaponed. . . which they
pressed on one another's great shields.
It was then Raon son of Rochedal, the red king, reached
the battle and attacked the hosts with martial fury. A path
for a hundred to pass and a horn of triumph was cleared
before his most warlike face, and he raged among them and
slew a hundred armed men fit for battle at every opening.and
he cleared a royal spacious road to the place where was Bres
son of Eochaid. He taunted him roughlv and ominouslv, and
320 Margaret C. Dobs.
cholga lonnach-chrûaidhe loni-liomhtha 7 do ronnsad comh-
rac féigh iuWeach fobhanach fôir-neimhnech dar bhaï\ceibh
béimenn 7 dar hinnillthirglW/; diubhraicthe tair crann-bholg-
aibh na sgiath 7 ro impedar ar alanna ro-righne 7 arna sles-
uibli gur bho doirse bais na beimenna ionnus gur lingedar
buinneada borb-fhola tar do/rsibh na bhfear-chrecht. Acht
madh \on ni cluna : râinic câogadh crûadh-chrecht for Bhres
mac Eochaigh isan iomghoin sin 7 ro thogaidh Raôn a chloi-
dhiomh coinwleach corr-ghlan crûadh-fhaobhrach 7 thug béim
ledarthach Iân-chuimsech d'ionnsoigh aighthe Bhreis.Tôgbhus
Bresan sgiath doimdhidin a chinn go uarlaidh.nn cloidhiomh
deisgear '<2 dornchar cert cudramaa bhfiaghnuisi andâ ârdmhi-
ledh. " An agam, a ri-mh'ùi d h, " ar Bres, " go ndechain d'iar-
raidb sgeith oile uair ni domh seitrech isin chomhlann gan
sgiath. " " Fo liomsa sin, " ar Raôn, " acht go bhfregrair do
chomhlann doridhisi. " Iârsin ttra do chomhraicadar na catha
crodha cechtardha sin leath ar leath ; 7 fa torann-chles uath-
mhar aigmheil ûr-dhearg crûadh-choigWal chloidhiomh
na cColamhan ar chathaibh Bhreis. A n-iomthus co nuige
sin.
14. Iomthus catha Nâir 7 na n-amhus ; do bherar os aird
annso amhail adubhramar romhuin. Rangadwr sin tar sruth siâr
d'ionnsoigan chatha 7 ro hiomaduigm^/; na héchtaacaann. Ro
crûadhighft//; na cxo\à\\eadha 7 ro diân-ghonadh nasâr-mhilidh
7 ro egardhluthighidh a ccriosluigzT»/; a cheile gur bho frasa fola
îàxgein feareta a fâon-armtf/M curadh 7 cath-rnhiledh re hiomad
na n-armtff/; na fFadhbflti/j 7 na ffain«-f<?ar 7 na ffann-sluagh
agtuitima n-eiseachra an chatha gur bo taighleach taithnemh-
ach iol-bhrec iongantach an t-aidhior 6 panaibh donn-fhola
7 6 chzobaibh crô, gur bo tulcha tiûgha taobh-dhearga na
muighe fa na m'ûeadhaibh ; 7 ro chosainsad na hamhuis nert
na bhfmr 7 na bhfVtfr-ghlonn fria Nâr gur chosainsad a lathar
catha 7 comhlainn ris ionnus go ndorchair Nâr cona thri châo-
gadh laoch friâ torann-chles nan-ârdamhus 7 ro chuirsad fir a
bhfuighl/M a ngonaibb 7 a gcroYighibh 7 tugsad âr 7 esbadha 7
ainiginn for sluagaibh Nâir. Iomthus na n-amhus 7 mheic-righ
E'wenn go nuige sin.
Iomthus righ Eireann annso siôs : thainission roimhe an
Catb Cuiuaii. 321
they drew their long cruelly hard bare-polished swords and
made a brisk bloody disquieting venomous onslaught by
which blows were strong and by which shots were aimed
over the wooden bulgesof the shields, and they plied on their
tough coverings and on their shields so that the strokes were
gâtes of death and so that torrents of proud blood leapt
through the doors of the men's wounds. But one thing more-
over : Bres received fifty severe wounds in that fight, and Raon
raised hisshiningsmooth-pointed hard-edged sword and struck
a mangling well-aimed blow at Bres' face. Bres raised the
shield to protect his head, and the sword fell ~2
exactly equal before the two champions. 'l Desist from me, oh
royal champion : " said Bres, " till I go and get another
shield for I hâve no strength (?)in the fight without one. " —
" Iam willing," said Raon, " provided,you résume the fight
again. " Now, after that, both the valiant battalions met on
either side and the hard harmony of riie swords of the Cola-
main againstthe battalions of Breswas an awful piteous crim-
son onslaught. Thus far their adventures.
14. The adventure of Nar's battalion and the mercenaries
is told aloud hère as we said previously. They came west
over the stream towards the battle, and exploits were multi-
plied there. Hearts were steeled.and champions were severely
wounded, and they pressed against each other's bellies so that
there were showers of bitterest pouring (?) blood from pro-
strate weapons, heroes and champions, with the multitude of
soldiers, of armour, of fainting men and feeble folk falling in
the tempest of the battle, so that the air was resplendent glit-
tering many-coioured wonderful from the clots of brown
blood and lumps of gore, so that the plains were thick red-
sided hills beneath the soldiers. The mercenaries stood up to
the mightofthe men and fighting-men with Nar, and they
held their place in the battle and strife against them ; so that
Nar with thrice fifty heroes fell under the onslaught of the
mercenaries, and the men inflicted bleeding and wounds and
beds of gore, and slaughter, loss and outrage on Nar's army.
Thus far the adventure of the mercenaries and the prince of
Ireland.
;:j Margaret ('.. Dobs.
xx-o irai loirfc linn-liâth ro blii * 7 ro choirisad leibhenw
sreith-gheal sliâbh-ra«gb, do sgiathaibh disle donn-dhearga na
n-uirthimchiall a amuigh 7 ro ghlesiad grinne sesmhach
sl<v/dh (?) aithghear' tre bhordaibh na sgiath ccadad ccomh-
dhùalach da n-imdhidion ar ghorm-armachotM curadh 7
cath-mhileadh Lothair mheic ¥,ochaigb,j ro chuirsad an fiche-
ced fear foirfe finn-liath a n-ûrthosach nadruinge sîn go trea-
bhar-dhluth tro'ighesaidh (?), 7 ro orduigluWan t-airdrigh ar
cul an chath[a]7 dha mhilidh mhor-mhenmneachaar a bheal-
aibh da imdhidion for -rennuibh 7 b^ruibli 7 hobraibb eochar
ghalaibh an catha .i. Cet morgharg mac Maghach do Conach-
taibh 7 Conall Cernach mac Aimhirgin a hUlltaibh ; 7 thangadar
rompa for rubha ruadh-armach 7 fo thoruinn thesbhratha
d'ionnsaig lathair d [an chatha], 7 ro chomh-rainic dhôibh ïein 7
do sluagaibh Lothair for lar-mheodhon an chatha, 7 dob é sin
an trom-thres tairpthach tulchair tinnesnach 7 an iomghoin
aghmhar athasach 7 an siân-ghleô sanntach saruighthach
solamhaigh go n-aidhbhle ngonacb 7 go mbracht-amhlacht
mbeimenn re \uamhairecbt laithri : 7 ro dhluighedar na deabh-
atha 7 ro ârdaighdar na hiom-ogbfW/;tf e 7 is mairg tharlaidh
a n-aghaidh na ttresa sin muna uegbadh catha/o-/;^coimh-thenn
no milidh lonn lamh-thren, 7 ni thainig fear do mhuinntir
Lothairgan laighin leathan-ghlais7gan sgeith choinnlech 7 gan
ligh-lamha lâoicha75 ccûastolla/W; na ccrum-sgiâth, 7 rochom-
hrainic dhôibh go diân duibhrictech degh-thapflfc/; 7 go ferga fea-
ramhuil friolmhach ' 7 go niata naimhdighe nathardha, 7 ro
chuimhnigh câch dhôibh a nûa-fhala 7 a sen-fhala da chéile an
tan sin : 7 ba trûagh trâ éisdecht re gulgharibh na mirdhfl^ 7 na
muadh-laoch aga mudù[g]hadb j re sreng-fhadhaigh na bhfear
sech-mharbh aga srothill^/;g 7 re huchbhadhaibh na bhfear
ngonta aga bhïothughadb 7 re holl-ghaibhthz'W; arda adhuath-
mhara ar faonthrachtuibh an chath[a] an tan sin, 7 nior sguir-
sad dona hiorguilibh sin gur basuigheadb béoil aca 7 gur bânui-
gheadh gnuisi 7 gur reabadh ruisc 7 gur tesgadh fuilt 7 gur
ciorbadh cuirp 7 gur bho subhach saithech baidbh 7 brainneôin
a thuil-sechtuibh h renn 7 faobhair an ruathair sin. Ro ghairsad
a. some words omitted hère ? — b. leg. sliabh-radhach or slabhradhach ? —
c. [n-]aitbgetir ? — d. or Lothair ? — e. leg. iotnadha? — f. friothalmhach ?
— g. sroichilledh} — h. 0 Fuilleachtaibh}
Catb Cumair. ^25
The adventure of the king of Ireland as follows : he came
with his two thousand experienced vétérans, and they arrang-
ed a bright-layered surface of trusty brown-red shields round
them outwardly and they ranged stout bundles of sharp spears
through the edges of the hard evenly-plaited shields to défend
them from the blue weapons of the heroes and soldiers of
Lothar. They set the twp thousand experienced vétérans in
the fore-front of that host in dense nimble-footed wise. They
placed the high-king behind the battalion and two high-spi-
rited warriors before him to protect him against the points,
darts, edges and skirmishes of the battle; viz., Cet the fierce,
son of Maga of the Connaught men, and Conall Cernach son
of Aimergen of the Ulaid. They advanced with red-weaponed
slaughter (?) and hotly ardent onset to the field, and they and
Lothar's army met right in the middle of the battle. That was
the proud strong wilful hasty fight, and valorous effective
conflict, and greedy injurious darting strife with vast wound-
ing, with substantial blows, with swift slinging. The con-
flicts waxed denser and the strife rose higher, and woe to him
who was opposed in that struggle unless he were a stout war-
rior or a fierce strong-armed soldier. None of Lothar's men
came without a broad grey lance, without a shining shield,
"without a hero's hand-stone "5 in the pierced hollow of the curv-
ed shield.
They met vehemently rapidly swiftly. and manfully pluck-
ily serviceably (?), and heroically inimically venomously;,
and every one of them remembered his présent and former
grudges against others then. It was pitiful truly to listen to
the wailing of the. . . and of the softlings being destroyed, to
the groaning of dying men being scourged (?), to the deep
moaning of the wounded trying to survive (?), to the shrill
and terrible lamenting(?) from the level stretches of the battle
at that time. They ceased not from those slaughters till lips
were dead and faces blanched and eyes torn out and hair lopp-
ed offand bodies mangled by them. The crows and ravens
were merry and full from the traces of point and blade of that
324 Xlargavtl C. Dobs.
fôs bonnain 7 bocnna geiltc gleinne 7 demhain aidhir do
gach aird 7 do gach airchenn don chath chrôdha chechtardha
sin. Iomthusa an chatha co nuige sin.
15. Dala Lothair immorro : do chuaidh-sen go hûr an atha
ait a bhfacaidh a athair 7 do conairc-sen [aj athair a ccert-
mheôdlion an atha 7 Conall Cernach ar a dheis 7 Cet mac
Maghach for a chli aga iomchoimhed ; agus, amhail thug
gach fear a chloch leis,thug Lothar mar an ccéadna 7 ro togadh
Lothar iarsin an lamh go des degh-thapach 7 thug nert a
cholna ar a nghidh 7 nert a righidh ar a dhorn 7 nert a
dhuirn forsan lia fh&zd/nna 7 dorad urchar direch dô-ghionga-
bhalach d'ionnsoigh a athair ait a raibh ar chûl an chatha 7
do rinne rotha réim-thuibhruice don rhemhtf/V-liâ ar fosadh
lâr an atha 7 ro ghab go seolta d'ionnsoigh an airdrigh. O do
conairc Cet mac Maghach 7 Conall Cernach mac Airtwgm an
ni sin ro thogbhadar an da sgéith ldn-tiûgach, lân-mhôra a
n-aonuair na haghaidh. Ciodh tracht do chuaidh an liâgh
thortilleach iheadbma. idir an dâ sgeith siâr go tta.r\adb tair
leadhan-ochta 7 ûrbhruinne don airdrigh ionnus gur leg faon
fo tharsna for lâr-mheadhon an atha é gona sgiath riogha ro-lea-
dhan 7 cona thréalamh goile 7 gaisgeach a bhfothar-linntibh
Atha Comair gur chuirestar ûan cubhair dubh-f hola tair a bheal
isan linn ; 7 ro eirigh righ Eirènn suas annsin 7 an t-ionadh
in a bhhcadh an cloch do tharsin thug a chos uirre 7 ro adhnaic
isan ath i conach bhfuil acht aon triân 6s talman di 7 ro chuir
a chos uirre an gan a bhadar ag cur an chatha 7 mairidh fôs
isan n-ath 7 sliacht a throighthe innte "4 7 mairidh go di an
brath. Ciodh tracht od' concadar an dâ righ-mhilidh ar threisi
7 ar thren-fherdhacht 7 an dâ fhair-choin iorghoile ar ghoil 7
ar ghaisgeadh 7 an dâ suinne-catha a 16 cliâch 7 comhlainn 7
an dâ uaithne iorguile fri fosagadh 7 fri gabhail ghiall 7 an
dâleomhan ar lemhandacht 7ar luinne 7 an dâ mhathghamrtm
mhor-ghlonnach 7 an dâ thoinn rabhartha 7 an da bhuinne
dhilionn7 an dâ nathir ar neimhnighe 7 an dâ choin ar chu-
ratacht .i. Conall Cernach mac Aimergin 7 Cet môr-gharg
mac Maghach an t-urchar sin dolegan an righ, ro ghabhsad a
a. leg. cein ?
Calh Cutnair. 325
onslaught. Also sprites and goblins, madmen of the glens, and
démons of the air screamed from every quarter and edge of
that redoutable battle. So far the doings of the fight.
15. Now as to Lothar : he went to the brink of the ford
where he had seen bis father ; and he saw him right in the
middle ofthe ford, and Conall Cernach on his right and Cet
son of Maga on his left protecting him ; and as every one
brought his stone with him so Lothar had done the same.
Then Lothar raised his hand skilmlly and swiftly and put his
whole strength into his fore-arm, and the strength of his fore-
arm into his fist, and the strength of hisfist into the service-
stone and made a straight unavoidable shot at his father
where he was at the rear of the battle : and the thick stone
became a straight careering wheel in the middle ofthe ford,
and it went direct at the high-king. When Cet and Conall
Cernach saw that thing they raised both their thick large
shields at the same instant against it. Howbeit the strong
serviceable stone went onward between the two shields till it
struck the broad chest and noble bosom of the high-king so
that it laid him prostrate, cross-wise in the very middle of the
ford, with his royal broad shield and his hero's armour in the
swampy pools of Comar Ford, so that he vomited a froth of
black bloody foam in the pool. Then the king of Ireland rose
up and where he saw the stone lying he put his foot on it and
buried it in the ford, so that only one third of it is above
ground, and he kept his foot on it as long as the battle lasted.
(It remains still in the ford and the mark of his foot on it, 7+
and it remains to the day of judgement.) But when the two
kingly soldiers in their strength and manhood, when the two
pugnacious war-hounds of bravery and heroism, the two bat-
tle-stakes in the day of war and strife, the two pugnacious
pillars of shelter and hostage-taking, the two lions of ferocity
and fierceness, the two bears of mighty deeds, the two tidal-
waves, the two flood-bursts, the two snakes for venom, the
two hounds for valour, viz. Conall Cernach and Cet the fierce,
when they saw that shot lay the king low they seized their
Rente Celtique, XLIII.
326 Margarel C. Dobs.
ttrealamh troday tachairorradh 7thugsadan fiche-céd ferfoirfe
finnliath a mbrigh 7 a mbarann for na sluagaibh ionnus gur
ciorrbadh cuirp 7 gur crechtnuigh/V//? colla 7 gur dalladh ruisg
ré sâobh-srothuibh na fola ag snidhe for fhairgsionnach. Ro
trasgradh mir-mheica 7 mûadh-lâoich b isan cosgur sin leô.
Rob iomdha ann amhlaidh buinn fri mheidhe 7 meidhe fri
bhonnuibh. Ko fadhbhuidh sluagh 7 10 dichennadh sochaidhe
isan tren-thres sin.
16. Iomthus Chonaill Chernaigh 7 Chet mac Maghach :
thugsad fon cbath go coimh-thenn céim-dhiôchra iâd 7 ba
samhalta re dhâ ôrd for inneainn ath-gbarbh iarnuidbea lamh-
aibh niâd 7 nert-chunzi^coighedal 7 comh-thûargain an dâ righ-
mhilidb rathmhara roarrachta. sin for na sluagaibh, 7 ro dhlu-
ihaigbsed na catha dibhïionaibh 7 ro ghabhsad aga sloidhe 7
aga n-athchuma 7 an titrus(})c fa tiûgh na slôigh do thanui-
ghdis 7 ni biôdh tana na tiughdis ag d'ioghail anthorlainn ri
Ekenn orra, 7 ni tugadh o sin aie gus aniogh urchar is treisi
ro-dioghladh no an t-urchar sin oir do rochair céad fear n-ar-
mach fria gach fer dhiôbh 7 an comh-liôn céadna fria gach
fear dona fearuibh lia a bhfrithairigh/i/; an chatha chéadna.
Ciodh tracht ro badh iomdha isa[n] chath chliathach sin nech
arna thrdoithadh re nert na miledh mor-mhenmnachasin go
ttarladh Cet mhac Magach 7 Lot[hJair for aroile isan chath 7 ni
rainigimsgne naiom-agallamh eottrra/W;dacht thugsad rûathair
fortille féim-laidir tair môr-sgiâthaibh a cheile 7 ô do conairc
Conall Cernach an ni sin gonus 7 ath-gonus Lothtfr. Fregrus
Loihar dosan mar an ccéadna 7 thug comâoin a ghona 7 iôca
leath ar Conall 7 do chongbaidh a chomhlann le Cet. Acht
chena ni raibh ldoch a n-eigin comhlainn badh mô no bheadh e
ider iom-ghona an dâ righ-mhilidh sin. Is ansin tâinig îer
n-armach d'ionnsoigh Lothair dachabhair. Ionnsoighid umorro
na fir liath iadsan 7 brisid râon cat[h]a orra tair âth siâr 7
ro fhagbhadar Lothar a n-âonar ar na ghon[adh] ar lathair
an chatha 7 an chomhlainn. Ô do concadar an da chath oile
an ni sin ro iompoighdar a n-aghaidh siar 7 ro thréigsad a
ccmneadh 7 a ccothughadh.
a. leg. meirbh nibeic ? — b. nùa-, in margin o( ms. — c. leg. tan ? —
d. leg. eattorra — e. lei*. na bbeith ? ms. bhetb.
Catb Cumair, 327
battle and righting array. The two thousand experienced vétér-
ans spent their force and fury on the hosts so that bodies
were mangled, and trunks were gashed, and eyes were blind-
ée! with the obstructing(P) streams of blood pouring across
the vision. Weak youths and softlings were overthrown by
them in that victory. So there were many feet by necks and
necks by feet. The army was spoiled (?) and the host beheaded
in that strenuous combat.
16. As concerning Conall Cernach and Cet son of Maga :
they went into the battle grimly and with eager step. Like
two hammers on a rough iron anvil in the hands of cham-
pions and strong warriors was the concert and striking tog-
ether ofthe two fortunateand powerful warriors upon the hosts.
The battalions closed up on both sides and they began to
slay and mutilate them and when the hosts were dense they
thinned, and when they were thin they thickened them,
avenging the kingof Ireland's injury on them. There was not
made from that day to this a cast more thoroughly avenged
tlian that- cast ; for a hundred armed men fell by each one ot
them, and the same by every one ofthe vétérans in the waging
of that same battle. Howbeit there was many a one in that
skirmishing right exhausted by the strength of those high-spir-
ited soldiers, till Cet and Lothar met each other in the battle.
There was neither talk nor parley between them, but they
charged stoutly and with mighty effort across one another's
shields each at other. When Conall Cernach saw that thing lie
wounded Lothar again and again. Lothar retaliated in like
fashion, and exchanged wounds and paid back Conall, and
kept up hisfight with Cet, but indeed there was never a hero
in greater stress of battle than to be between the attacks of
those two champions. Then armed men came to Lothar to
help him ; but the vétérans attacked them and drove them in
a charge over the ford westward, and they left Lothar alone
in his wounds on the field of combat and of strife. When the
two other battalions saw that thing they turned their faces
west and abandoned their families and their sustenance.
328 Margarel C. Dobs.
17. Is annsin ro ionnsoighdar naonmar do macuibh riôgh
\J\haibb da chomh-dUahaibb Nâr75 mac Eochaigh 7 ro thogsad
leô éasan ccosar chatha iâr na chrosba/Wr1 gur cuirsad crôchar
cao\aigb fàoi ar ghûïûUbh b g'alghadh 7 gùsgidhech. Ciodh
tracht re iomad na n-iolar ro l£a//?nuighedar na ruaga 7 do
â'ibhUgheadar na hechta 7 do dhislighdar a ndromana 7 than-
gadar na mbuidhnidh sgïthahacha. sgenamhla 7 na ndiorma-
haigh truagha tuirsecha tar ath siâr, 7 ro len Eochaidh iâd go
cenn iarthuraigh, 7,ro len gach fear ô sin suas a ghona fein 7
a chomhruic 7 as e torchair as sin go hiâth an ath-longport
dhiôbh go Chelt ~6 .i. mile (ear n-armach, 7 ro len cach a
thoghairm ô sin suas go Sionuinn, 7 ro chuirsad a n-àr
annsin gonach ternô tair Sionuinn diôbh acht naonmar um
gach mac 7 chiodh iadsen ann a sgaciltech sganruidhech do
chûada/- .i. naonmar dhiôbh tar Snamh-dha-én " 7 naonmar
tar Ath Liâg >8 7 an treas naonmar tar Ath Lûain 79 um Bhres
mhac Eochaigh, 7 gabhus Ràon mac Roicedail Kuadh na
ndiaigh tar Ath Lûain agus chiodh gach nech do chuir dhe ni
hé Râon go râinig Magh n-alainn nAoi mheic Allghubha an
drûadh, 7 ro marbh triir gach muimear an[nj 7 rainic fein go
criôchaibh iârthair Conacht. Agus ad-chi Bres a dhûn 8o 7 a
dhegh-bhaile fein ûaidh 7 ni raibh beô da mhuintazr annsin
do coingeobadh sgiath tar a lorg da eise acht a aonmac fein .i.
Da Thi8' mac Bre[i]s, 7 do fhan an mac d'éis [a] athar 7 do
rinnecomhrac fri Râoin 7 ro thortamhladh Râoin fa dhéoigh
ar isan comhlann gur bhain a cheann de, 7 lenus Bres iârsin
go fiôchda fearamhuil 7 ni ciân do chuaidh ûaidh an tan do
rug Râoin fair 7 thugsàd tuinnsiomha tenna trena nertmura
daccaol-armuibh cath-neimhnechaforaroile;7 ôdochoncad«r
lucht an dunaidh chuca[iad] ag a thrén-thogairm ro foisligt&xaT?
doirse an dunaidh leô ; 7 o do ci Raoin an ni sin thug lamh
mun tsleigh sim-remur so-dhuibhruicthe ro bhi in a gheal-
ghlaic 7 dorad rogha a n-ûrchair dhi go ttarla a gcert-mhead-
hon dhroma an ri-mhWeadb i ionnus gur bho cjaomh-throm
an ccrois très an hoch-mh'ùidb an tsleagh, 7 ro dhichenn é as
a haithle a ndorus a dhunaidh 7 a d[h]egh-bhaile fadhéin, 7
a. leg. aioslach ? — b. ghuaiîlnibb.
Cath Cumair. 329
17. It was then nineof the princes of the Ulaid, ofLoihar's"5
foster-brethren, chargée! and lifted hira out of the litter of
battle on their girdles(?), so that they put a hier of wattles
underhimon the shoulders of champions and heroes.Howbeit
the multitude was so great that the rout was wide-spreaù and
theslaughter increased, and they retreated and came in weary
distracted troops and pitiful tired crowds over the ford west-
ward. Eochaid followed them to the western side ; and after
that, every one pursued his own stabbing and fighting and
thèse are what fell fromthis cause, from their camping-ground
at the ford to Celt, "6 viz. a thousand armed men. Every one
followed up his rallying-call from that to the Shannon, and
they made a slaughter of them there so that none of them
escaped over the Shannon savingnine with each of the sons.
Even thèse wentscattered and demoralized viz. ; nine of them
over Snamh-da-en, " and nine over Ath Liag, "8 and the third
nine over Athlone 79 round Bres. Raon son of Rochedal charged
after them over Athlone ; and, though every one else desisted,
he did not till he reached the fair Plain of Aoi (son of All-
guba the druid). He slew three of each party there and he
himself came to the western parts of Connaught. And Bres
beheld his fort80 and his own fair home afar, and none of
his men survived to cover his retreat saving his only son, Da
Thi. 8l The son stayed behind his father and fought with
Raon, and Raon overcame him at last in that combat and
beheaded him. Then he pursued Bres fiercely and boldly,and
he had not gone far till Raon overtook him, and they made a
stout strong powerful assault on each other with their deadly
slender weapons. When the garrison of the fort saw them
coming with loud shouts they opened the gâtes of the fort.
When Raon saw that, he seized a spear no thicker than a
rush, easily flung, which was in his whitened fist, and took
careful aim with it till it hit the royal warrior in the middle
of the back, so that the spear was an equally balanced cross
through the hero. After that he beheaded him in front of his
fort and his own fair home, and returned after victory and
330 Margaret C. Dobs.
thainig roimhc ina frithing iarccosgar 7 idr ccomh-mdoidhthe
7 an da cheann sin leis a ccobhrach a sgeith an la sin.
Iomthus Lothair : ro ghabhsan roimhe tair Snamh-dha-én
tar Siondin siâr 7 monmar da mhuintir maille fris 7 ro lensad
na laoich é go rainic a chriôch fein a n-idrthair Conacht a
cCera82 7 tarli Cet fair annsin 7 ro dhichenn Conalla a naon-
mar muintire 7 do rinne carnw 7 dumbha forra : Fert Lothair85
ag Fionn-loch Ceara ainm an ionaidh sin da éis.
18. Dala Nâir mac Eochaigh : rugsad a mhuinntir léo é tair
Ath Siâr 84, 7 do lenadtfr na hamhuis é 7 Conall rompa 7 ni
fhid/V nech dhiôbh nar beô é 7 ro dhichennsad Nâr cona ndon-
mur muinntire conaTir-an-d[i]rs> a ccriochaibh iarthar Umhm-
huill 86 ainm da eise inti(?) b. Ro iompoighdar idrsin tarSio-
nainn cona ccosgar leô. Chiodh fil an ira acht do iompoigh-
àar fir Eirerm haithle na n-echt 7 na n-athes sin go Druim
Chrithidh 7 thugsad na tri cinn sin a bhfidghnuisi ri E\renn,y
adubhairtsion ag faicsin na ccenn : " truagh amh sin ", ol se
" do gheabhasa bas do chumhaidh na ccenn-sa " ; 7 tugadh
chuige i n-ucht idd 7 do rinne doghra 7 drar-gubha os a ccionn,
7 adubhairt an lâoi an.
Leisuight/;<w libli na tri cinn
do dhearg-faobhar, do dhearg-rinn.
Lc'isuightear a bhfuilt ma le
7 glantar a n-aighthe .
Coirightrar iâd bhar n-ucht
na tri cinn — fa câoimh a ccuirp —
na tri flaith riôgha ferdha
na tri f[e]ar-choin oire[gh]dha.
Trûagh nach éadh raidhid na fir
[a] haithle chatha Chumair.
Da chinn donVdheis, chinn dom'chliu ,
is mo cheann d'faicsin eotrach.
Cuma liom an domhan dian
thés is thuaidh — thôir is thiar —
tairéis na ccolann gan chol
fil fo linn gan \esughadb.
Les.
a. les. Cet ? — b. •«/• ms.
Catb Cumair. 331
exultation ;and he had thetwo headson the boss of hisshield
that day.
As to Lothar, he went across Snamh-da-en westward over
the Shannon and nine of his people with him. The lieroes
followed him till he reached his own land in western Con-
naught at Cera, 82and he met Cet there, and Cet beheaded his
nine men and made acairnand mound over them. " Lothar's
Tomb " ,J at the White Lake of Cera is the name of that place
after him.
18. As to Nar son of Eochaid ; his people took him with
them over West Ford *4 and the mercenaries followed him,
Conall at their head. None of them knew he was dead, and
they beheaded Nar and his nine folio wers; so that " Land of
Slaughter, 8> " in the western districts of Umall 86, is the name
ever after. After that they returned across the Shannon being
victorious.
Howso e'er it be, the men of Ireland returned after thèse
exploits and successes to Crithech Ridge and brought those three
heads before the king of Ireland. On beholding the heads he
said : " it is sad indeed, " said he, " I shall die for grief of
thèse heads. " They were laid on his lap and he lamented and
wept bitterly over them, and recited this poem :
" Dress ye the three heads
from the red edge to the red point.
Dress ye their hair about them
and let their faces be cleansed.
Clasp them to your bosoms
the three heads — fair were their bodies —
of the three royal manly princes,
the three illustrious warriors.
Alas, that the men were not saved (?)
after the battle of Comar.
Two heads atmy right, one at my left,
and my own head between them.
The cruel world is nothing to me
south and north, east and west,
after the sinless corpses
which are uncared for ".
j }2 Margaret C. Dobs.
A haithle na mbriathar sin ro togbadh leis na cinn sin go
Temhraigh, 7 dubhairt righ Eirenn ar na rachtain ; " truagh
nach bas a fuarusa " ar se, " sûl do bheinn beô do bhar n-eise
7 is deoch thonnaidh mo chuidsi do fhlaithemhnus fesda " :
7 gach cor da ccuradh dhe is crû fola do' thigeadh ar a bheol,
7 adubhairt na briâthra-sa ann.
Ro chûirsium cath Cuma[i]r,
do ibhsin3 di[gh] thonnidh, 8"
ro laisim snaidmniuith,
rom liithe réim ratha.
Rom bhuirsad mo leicne
fo maigneadh for meimeadh.
An caih mar ghuilsium
ni cheilsium. Ro chûirsium.
19. Ro gabh crith 7 tuacht righ Eirenn annsin 7 ro bhi go
cenn secht lâoithe gan tomuilt bidh no lenna 7 thangadar air-
ghena bais 7 bûain-ega chuige iârsin 7 ro bhi ag frithegasg a
mhuinntire 7 adubhairt friu ; " beanhar misi a ccrich Conacht
.i. go Crûachâin Rath Aôi 7 murthar talamh zrom-ïhoideach
oram ann 7 tar chollnaibh mo thriar mac .i. labhanhar na
tri cinn do leath dhiôm 7 na tri colna do'n leath oile; " 7
tugadh chuige na cinn 7 ro ghabh aga bhfechainn 7 aséthar-
laidh in a lâimh dhiôbh .i. ceann Bhreis, 7 adubhairt: " rob
ionmhoin amh an ti is ceaijn-so, " ar se, " 7 niôr bho ghnaith
emh an ceann so do chleith ar aoxdheadhnibh. no ar dhamhuibh
ar slûaghuibh nô ar sochuighibh " : 7 is cuma ro bhi aga râdh
7 do bm an lâoi ann.
Dûn Bhreis, ba hiomdha a zoidhidh.
Breis rompa, ba for-fhâoilidh
Niôr ghnath ar aoidhidh a cheilt,
gus na laithe ag Druim Crithidh.
Nâr, ba hè sosir na bhfear
cgal grini gne Temhra/f/; (?),
ro lenadh gus an sâl surin
go tir an âir siâr a nUmhall.
Lothar nar bhaoth beartac^
gt^rsad ille a airm-ghreatha.
a. leg. sinn ?
Calh Cumair. 333
After thèse words he took those heads with him to Tara,
and the king said when he arrived there : " it is a pity I did
not die before I survived you, and my share of sovereignty is
henceforth a drink of death. " Every movement he made a clôt
of blood came from his mouth. He spoke thèse words :
\Ve fought the battle of Cumar.
We drank a deadlv draught 8".
We overthrew
They made my face swell
19. Then shivering and chilliness seized the king and he
was seven days without takingfood or drink. The symptoms
of death and dissolution came upon him, and he instructed
his people, and he said to them : " carry me to the land of
Connaught, viz., to Cruachan Rath Aoi,and pile heavy-sodd-
ed earth over me there and over the bodies of my three
sons ; viz., let the three heads be put one side of me and the
three bodies on the other side. "The heads were brought to him
and he was looking upon them, and the one that happened
to be in his hand was the head of Bres, and he said : " Dear
indeed was he whose was this head, " said he, i£ and it was
not wont for this head to hide from guests or companies, or
hosts or armies. "
Thus he was speaking, and he recited thefollowing poem.
Many were the guests of Bres' fort,
Bres welcomed them right gladly.
He was not wont to hide from guests
till the day of Crithech Ridge.
Nar, he was the youngest of the men
He was pursued to the sea hère,
to the " Land of Slaughter " westward in Umall.
Lothar — of no foolish deeds
334 Margaret C. Dobs.
Go Cera 's go Cle-na-con88
ro Iensad na leith Lothar.
Bhaoi rompa ro bhi dha ndéis
Niôr chuimsech aôn a fhaisnéis
Doilghe liom Gha Thi gan oil
no an triâr laoch gan lan-bhûaidh.
Do rith Raôn idir dha rinn
go rug ar Dha Thi go grinn.
Rug Dha Thi, an ghaisgidh ghrinn,
Bres na thir îeino chaoimh-druim.
Ba làn slighthein a dhiâigh.
Rochuir Bres mûr tar ghriân.
Gearsad ile — fichtibh gai —
id'uatharf/; aniû 'na dhûnadh.
Dûn.
20. Adubairt Eochaidh a haithle na laoidhe sin : " rom
thangadar airdhionna bais chugamsa 7 berthar mé chum an
ionaidh um ar dichennadh mo mheic go bhfaiciod a ngona 7 a
ccrechta " : 7 do rinnedar uile a ndubhairt an righ riû, 7 ro
togbadh é iarsin 7 a mhaca maraôn fris 7 tugadh tri chaogadh
îear oglach for gach iear dhiobh, .i. Eochaidh 7 a mhaca, 7
thugsad 6 Themhraigh siâr go ndirech é 7 adubaz'rt an righ :
" ionmhoin amh an chriôch fhorbha 7 ferainn re sgarthar an
trath-sa 7 is cead liom gach righ gheabhus hire gan a mhac
do gabhail na dhiâigh gan righ oile eataradh ". Conach ba bes
da mac eirghe da athair um righe nEirinn 7 do bhi ag ceileabh-
radh d'Eirinn 7 do Themhraigh 7 da sluaghuibh go coitchenn,
7 adubairt na rainn-so sios ann.
" Cealeabhra dhuit, a Themhair,
um a ndenaid riôghà rô-dheabaidh.
Auocht is folamh do chrô
gan righ is gan ri-dhamhncS.
Ba meince do sgeith d'foghail
7 do slegha caoimha ar conair,
7 do chabharga — meâd ngeall —
ar sealba<f/;airdri Eirenn.
Agam ba môr do chadhus,
7 nochar laghduigh me haras :
ag Eochaidh, ag fiôr na ngiomh,
ba mo haoibhnes na hiomsniomh.
Monûar soidhfid^ar do dhath
Cath Cutnair. 335
though his weapon-frays were many —
The grey-beards pursued him
to Cera and to Cle-na-con. 88
He who had been behind them fled before them
No one is fit to tell of it.
I mourn more for blameless Da Thi
than for the three defeated heroes.
Raon dashed between two weapon-points
till he skilfully seized Da Thi.
Da Thi, the trained champion, brought Bres
to his own land from the fair ridge.
There were many tracks behind him.
Bres sent a cloud over the sun.
Though thev were many with scores of exploits
they are lonely today in his fortress .
20. After that poem Eochaid saîd : " The symptoms of
death hâve corne upon me. Carry me to the place where my
sons were beheaded till I see their wounds and their scars. "
So they did ail that the king told them, and they lifted him
up thereupon and his sons along with him, and thrice fifty
men-at-arms were assigned to each of them viz., to Eochaid
and his sons. They took him straight from Tara westward,
and the king said : " Dear indeed is the inheritance and estate
from which I am parted now.I hope that any king who takes
Ireland shall'not be succeeded by his 'son without another
king between them. " (So that it shall not be a custom for a
son to rebel against his father for the sake of the sovereignty
of Ireland.) He was bidding farewell to Ireland, and to Tara,
and to his people in gênerai ; and he repeated the following
verses.
Farewell to thee, oh Tara,
'round whom kings make fierce contention.
Thy fold is empty tonight
without king or king's heir.
Many were thy shields plundering
and thy fair spears on the road,
and thystays(?) share of pledges (?)
in the possession ot the monarch of Ireland.
Great was my révérence for thee
and under me you were honoured.
With Eochaid, with the man of exploits,
3}6 Margarel C. Dobs.
7 millfighéw hionach.
Is fada liom-sa — li'th ngal —
6 atû dhuit ag ceileabnii//; . "
A haithle na lâoidh[e] sin d'fech Eochaidh an righdaûnadb
7 ro mhaoigh cno-mhaoidhm cumhadhda chrôidhe in a chliàbh
7 gach conair a ndubhairt a bhreith rugadh, 7 ba tuirsecli
mna 7 fir da chumhaidb ansin, 7 rugadh go Crûachain Rath
Aoi é 7 tugadh colna a thriâr mhac da ionnsoigh 7 ro hadhnai-
cedh maraôn fris iâd, 7 ro muradh talamh tromfhoidech thorra
a cCruachain 8? : ro cheilisdar as a haithle. Cona é sin Cath
Cumair 9°, 7 Oighidb thri meic Eochaigh Fheidhligh, 7 Eoch-
aigh Fheidhligh fein co nuigesin.
Finit um 22 la da mi Nobembear, 1717.
Catb Cumair. 337
your pleasure was greater than your displeasure.
Alas, your colour will be changed,
your assembly will be destroyed.
I regret — oh heroic exploits —
that I am bidding you farewell .
After that poem Eochaid contemplated the royal fortress,
and a burst of sorrow from his heart broke in his chest. He
was taken by the route he had commanded, and men and
women were weary with mourning for him there. He was
borne to Cruachan Rath Aoi, and the bodies of his three sons
were brought to meet him, and were buried with him, and
heavy sods of earth were heaped over them at Cruachan. 8*
Afterwards they were concealed.
So that is the battle of Cumar *° and the tragical death of
Eochaid Feidlech's three sons, and of Eochaid Feidlech himself
so fan
Finished November 22, 1*717.
NOTES
1. Bay ol Glandore, Co. Cork.
2. Mouth of R. Bann, Co. Derry.
3. Howth Head, Co. Dublin.
4. Unknown. Possibly Achill Head ?
5. Tins seems to be an ailusion to Tiberius, Drusus being the other
adopted son of Augustus.
6. See Laud 610, fol. 112» where E. F's régnai date is given as 3 B. C.
The B Synchronisms in B B date his reign as circa 50 B. C.
7. cethramad — fourth in Laud 610, fol. 112.
8. See R. Celt. Vol. XXXIX, no 1.
9. Now Cunghill townland in parish of Achonry, Co Sligo.
10. Ban-senchus in Lecan 386 gives : "Crofind daughter of Artech U.,
wife of E. F., mother of the three Finna of Emain and of Clothrand. In
one birth the four were born. Onga, another daughter of Artech, was
mother of Mumain and Ethne ".
Ban-senchus in LL 137 has : " Croind, child of Eochaid U., consort
of Eochaid F., mother of Medb... and the Find Emna... "
D. 2. 1., p. 95 and H. 3. 17., col. 734 hâve " Cloand daughter of Air-
tech U. "cp. BB, 283.
u. See Vol XXXIX, p. 10, for A's death before battle of Leitir Ruibhe.
22*
338 Margaret C. Dobs.
Eochaid Feidlcch slcw him. He was of the Domnand of Connaugbt. See
Celtic Review III, p. 18 for his territory west of Cruachan. See Caithreim
C. Clar. for " Oilill son of Airtech U. " Also Cath Airtigh in Lecan 342.
12. leg. Eanna Aignigh} See Keat. II, p. 179 (/ T5edit.).
13. Cath Boinde adds a fourth = Conall Anglondach.
Cath Leitrech Ruibhe names " Ailill, Eochaid, Conall sons of Eochaid
F. ", and says the first two were killed at L. Ruibhe.
14. cp. Bansenchus, Lecan 386 :
" Mumain hEli ard-rathach
Meadb 7 Derdriu drethach
Clothra 7 Eithni... "
Also Cath Boinde, Ériu u. p. 174.
15. See Cath Boinde, ibid., for another dérivation, " eamain = a thing
which is not divided ". cp. Coir. aumann par. 104. Another trio of this
name occurred in the family before ; " Irereo, Dael, Daire the three Find
Emna... " Lecan 128» and Me Firbis p. 105 (in R. I. A. copy).
16. Other allusions to E. Salbuide associate him with the Mourne
Mountains, not with Armagh.
17. Assaroe at mouth of r. Erne, Co. Donegal.
18. Loop Head in Co. Clare.
19. Uncle of Conall Cernach and his chief enemy in the Tain cycle.
20. The well-known Ulster champion. He is also brought into thestory
of Conaire Mor in Bruden da Derga as in the service of the High-king
rather than of Ulster.
21. Meas B. belongs to the Etain and Conaire Mor cycle. She is generally
called grand-daughter of E. Airemun.
22. In MS the reading may be " fifty whiterobed women, etc. " as
" .1. " resembles " .1. ", but that given seems the most likely version.
23. This locality is in Co. Monaghan. As it was on a route to Armagh
it was probably the name for some point in the hills northwest ofCarrick-
macross.
24. Locality unknown.
2 5 . A King of East Leinster residing at Alenn = Knockavv lin in Co. Kil-
dare ; ancestor of Cairb Nia "Fer, and Ailill husband of Medb.
26. A Gaulish race settled in East Leinster.
27. Probably father of Eochu " mac Luchta " who is always given as
contemporary of Concobar. See Rawl., B 502. p. 162 g. (facs).
28. The second king of Munster of the Clann Dedad and father of Cu
Roi m. Daire.
29. This interpolation is more likely a référence to E. mac Luchta and
should be placed earlier after " muman ".
30. This name is unknown but, if it is same as " Tulach og", it seems
to suggest Tullaghoghe north of Dungannon. This ison the route to Lough
Foyle, but not to Slieve Beagh the next name on route.
51. This must be Slieve Beagh due east of Armagh, but it does not fit
Cath Cumair. 339
in with the line of march as a whole. Possibly there was a Sliabh B. in
the Sperrin Mountains.
32. The r. Foyle north of Lifford where it begins to widen.
33. Plain of Raphoe, Co. Donegal.
34. Unidentified. Probably the valley of r. Finn.
35. Bamesmore Pass, Co. Donegal.
36. Unidentified, but probably south side of Barnesmore and east of
Lough Eske.
37. Poetic name for Assaroe at mouth of Erne.
38. The fiât coast from r. Erne to r. Drowes.
39. The rivers Drowes and Duff.
40. The plain between Benbulbin and the sea.
41. Country from DrumclirT to Sligo.
42. Sligo river which rises in L. Gill. = Clear Lake.
43. Ballysadare, Co. Sligo.
44. Keshcorrin Mt. Co. Sligo.
45. Curlew Mts. in south Sligo. Segais was ancient name of r. Boyle
just south of Curlews.
46. The plains south of r. Boyle Co. Roscommon.
47. The plain round Croghaun, » »
48. Unknown, but must hâve been just north of Cruachan = Croghaun.
49. Rathcroghan in north Roscommon, ten miles from Croghaun.
50. This is a superfiuous interpolation as Medb is not in the story at ail.
ji. Same as Clothra. married to Conchobar m. Nessa (Cath Boinde,
Leitir Ruide) and Clothra married to Fergus m. Roigh (Cogadh Fergusà),
and Clothra married to Cairbre Cennderg (LL p. 379). Queen of Crua-
chan after Eochaid Feidlech, dethroned by Medb. (LL pp. 12415, 379). Dif-
férent sources call her mother of Furbaide, or of Cormac, sons of Conco-
bar m. Nessa.
52. Thereare many mounds still in existence at Rathcroghan. This name
probably indicated one of them.
53. There is something omitted hère, or put in wrong order : tainig C.
7 cumal " ar ctwcan... " or " tainig na Fionna ar cnocan... "
54. casar-lubtha ? which would aptly describe the pin characteristic of
Irish brooches.
5 5. Cp. H. 3. 17., col. 668 (T C D) for the magical hood of Clothra.
5 6. Exact spot unidentified.
57. Probably in Magh Sainb the plain between Cruachan and Athlone.
Sanb son of Cet was a king in Connaught after Medb's time (Me Firbis
p. 59- R- LA.).
58. See Eriu V, pp. 201-218 for Lugaid S.
59. Son of Lugaid S., and High-king. (Keat. il, p. 235. I T S edit.).
60. Cp. Dinds. (LL151.) " tuatbbel nErenn " left-hand-wise round Ire-
land.
61. Cp. Dinds. (ibid.) for route of the Finn E. from Athlone to Druim
Criaich = Comar. Cealt is not named, but from a référence in par. 17 it
seems it was before their final encampment on west side of Comar.
340 Margaret C. Dobs.
62. At this point the Dinds. version says Eochaid asked for amonth's
truce and was refused (LL 151» ; D. 2.2., 52b ; D. 2. 1., 162». R I A.).
63. Lit., " light-grey men ". cp. airtch n-arsaid in Dindsenchus.
64. Unknown elsewhere.
65. See note by E. Gwynn, Todd Lectures XI, p. 386.
66. ** On the hill east of the ford " (Dinds. LL 151).
67. " It was called Druim Cro and Druim n-ûar nAirthir " Dinds.
(LL. 151»).
68. Cp. thèse four lines' with Dinds., ** Bress aness immar ata, do throit
risna cohmna etc. ". (LL 1 5 1).
68». Cf. J. Loth, Rev. Celt., XL, p. 143.
69. In battle of Leitir Ruibhe. See Rev. Celt. XXXIX, p. 1.
70. This surely is the same battle as that referrcd to in Cath. L. Ruibhe
as fought by Eochaid against Airtech Uchtleathan, his father-in-law. There
is a Claragh west of Templehouse Lake, in Sligo.
71. Cp. Dinds. " Bres fought his way across the river., the Colamain let
him corne : it was to spare the king's son... "
72. Something corrupt, or omitted hère.
73. Cp. O'Curry, M .C. 11. 146.
74. See Bulletin Soc. d'Anthropologie, VIe série V,p. 181 for " two foot-
prints on a rock., near a stream, pointing' towards a carved rock on the
otherside.., at Pierre le Mulot.... dates from neolithic times... " Some
thing of this kind may hâve existed at Ath Comair, and given rise to
this legend.
73. " Nar " is in the Ms., but the context requires " Lothar ".
76. Cp. note 61. From the context it is probable Celt was about a day's
march west of Comar.
77. A ford near Clonmacnoise. Dinds. adds " into Magh Find ".
78. Ballyleague at north end of Lough Ree. Dinds. adds " past Loch
Déchet ".
79. Instead of Athlone Dinds. has " Ath Fir Féne ". Perhaps an alter-
native name for Athlone.
80. " Dun B tothe south-west of Loch Corrib " Dinds.
81. The copy of Leabar Gabala in 23 k 32, p. 125 (R I A) says, " Da
Thi m. Breis an cuigeadh fer do rochair a bfail a athar".
82. Carra in Co. Mayo.
83. Some tumulus on the shore of Loch Carra was probably thus named.
84. The previous name given is" Ath Liag" which isalso in the dinds.
poem. Perhaps we should read " Ath [Liag] siar ".
85. The Dinds. reads " co tir in Ndir... "
86. Burrishoole in Co. Mâyo.
87. Cp. Dinds. " dgmar in t-pth... asar' dàiled deog thonnaid... "
88. » " darCera co ClèithnaCor
ro lensat na liith Lothor ".
The prose paragraph on Lothar's death does not mention this place but
talks of " Fert Lothair ". This points to the présent taie being a com-
pound of two, or more, earlier versions.
Calh Cutnair
341
89. The tradition of their burial is really ancient. The Senchus na Relec
in LU alludes to it : " Oenach Cruachain, it was there the race of Ere-
mon were used to bury till Cremthann son of Lugaid Riab-nderg viz....
Eocho Feidlech with his three sons (the three Find Emhna), Eocho
Airem.. the six daughters of Eocho Feidlech... "
cp. poem by Torna Eigeas in L U.
90. The oldest title for the taie is that in LL p. 190; " Argain Echach
for a macaib ".
A later Ms. (D. 4. 2.) gives " Cath Droma Criaich or Cath Atha
Comair ".
Possibly we hâve another form of title hère " Oighidh thri Meic E.F. ".
PERSONAL NAMES
Airtech Ucht-leathan
Aimergin
Aodh Ruadh
Aoi m. Allguba
Argeadmar
Badharn
Bres m. Eochaigh F.
Cet m. Magach
Cian
Clothfhionn .1. Airtigh U.
Clothrann .1. Eochaigh F.
Conaire
Conall Cernach
Conchobar m. Nessa
Criomthann m. Lugaig S
Dara Dearg
Daire Drechderg
DaThi
Dega
Deirbre
Fergus m. Oililla
Finn m. Finnlogha
Finnlogh
Glunchenn Draoi
Ith
Leabharcam
Loch
Lodun
Lothar m. Eochaig F.
Lugh m. Lughach
Lughaid
» Larah-finn
» ■ Sriab-nderg
Maga
Meadb
Meas Buachalla
Mumain
Nâr
Nuadha Necht
Eile
Eochaid Airemhun
» Feidlech
» m. Lachtna
» Salbuidhe
» Ucht-leathan
Ethne
Fachtna Fathach
Revue Celtique, XL! II.
Oilill Aidhnech
Rion
Rochedul
Ros Ruadh
Ruadh
Rudhraighe
Seadna Sithbac
342
Margaret C. Dobs.
PLACE NAMES
Ath Comair
Eisidhéin
» Liâg
Ess Dara
» Lùain
» Ruadh
» Siar
•
Fert Lothair
Bealach na Boroimhe
Fionn-loch Cera
Benn Eadair
» » Fobhail
Bernus Mor
» Beg
Glenn an Chuil
Bregh
» Fraoich
» Sainbh
Cairbre
Cealt
Inbhear da Egonn
Cera
Ces Coruin
Léim Con Choluinn
Cionn-sleibhe Modhairn
Leith-ruidhe Ruidhe
Clârach
Clé na Con
Magh Aoi
Comar
» Cedne
» na Conaire
» Eine
Conachail Coruim
» Ith
Connacht
» Luirg an Dagda
Corca Baisginn
Midhe
Muman
Corr-sliabh na Segsa
Cruachan (Rath Aoi)
Rath na Poible
Druim Anuâr
Snamh da En
» Bangubha
Sionainn
» Crithidh
Sliabh Bethach
» Crô
Sligech
Drobhaois
Dubh
Sruthan tobair ghil
Dubh-carrgach
Teamhair
Dubha an Bangubh
Tiobruid na cCeann
Duma na ndruadh
Tonn Cliodhna
Dûn Breis
Tonn Tuaidhe
Tulach Og [an ri ?]
Eamhain Mâcha
Umhuill
LUGNORRE, CHAMPTAUROZ, TOLEURE,
LIMMAT
Presque en même temps M. Aebischer, dans la Rame Celtique,
et le soussigné, dans h Romania ', ont signalé comme un nou-
vel exemplaire des composés gaulois en -durum le nom du
village de Lugnorre, dans le Vuilly fribourgeois. Aux graphies
médiévales identiques de Soleure et de Lugnorre correspondent,
dans ce qui reste du patois de Lugnorre, les prononciations
identiques satyrà et bnçrà ou Inqrà.
Le radical associé dans ce nom de lieu à l'appellatif duros
est malaisé à identifier. Partant de l'orthographe et de la pro-
nonciation officielles, M. Aebischer croit reconnaître dans les
mentions Lognerro de 1336, Lignoura^ de 1350, Lugnourro
de 1352, Lignorre de 1378 une n mouillée. Mais la tradition
patoise, concordant avec la plupart des graphies médiévales,
nous assure que cette interprétation est erronée. Jusqu'au
xvie siècle nos mots digne, signe, règne ont été prononcés,
comme l'attestent des rimes, et maintes fois écrits dine, sine,
ren(n)e2 ; encore aujourd'hui nous ne mouillons pas Yn de si-
gnet. Le génitif Agneiis paraît dans une charte neuchâteloise
de 131 1 sous la forme Annetis^, et la prononciation n se per-
pétue dans les noms de famille vaudois Anet et Anex. Je
relève dans un inventaire genevois de 1448 pag nus pour pan-
nus* ; ailleurs et à plusieurs reprises dognus pour domnus ;
1. P. Aebischer, Rev. Celt., XLII, p. 110 ; E. Muret, Noms de lieu cel-
tiques en Suisse (Rotnania, L, p. 449).
- 2. Nombreux exemples dans le Dictionnaire de Godefroy.
3. Glossaire des patois de la Suisse romande, art. Agnès.
4. C. Martin, La Maison de Ville de Genève, p. 113.
344 Ernest Muret.
parmi d'anciennes mentions de localités suisses, Dignens pour
Denens, Magnens pour Mannens, Rugnens pour Retiens, Pig-
pignet pour Pépinet (Lausanne), quelquefois prononcé et écrit
Pimpinet '. On voit par ces exemples que la graphie gn pour
n s'est propagée de quelques mots « savants » à d'autres mots
et qu'il y faut regarder à deux fois avant d'appliquer à ce
groupe de lettres nos habitudes de lecture modernes.
Dans le nom de Lugnorre, cependant, le mouillement illu-
soire de Yn parait à M. Aebischer s'imposer, en quelque sorte,
avec un caractère de nécessité. Constatant que les graphies en
gn « prennent la succession de graphies — les plus anciennes —
en -sn- », il croit « que nous avons ici un exemple de plus du
phénomène connu par ailleurs du passage d'un -s'n- à -n-,
phénomène qu'on retrouve actuellement dans une zone
horizontale, insinuée entre le français et le domaine du pro-
vençal, allant de Bordeaux et de la Vendée, à l'Ouest, jusqu'au
Rhône et à la Côte-d'Or, à l'Est. » L'aire ainsi délimitée
« devait englober jadis le territoire franco-provençal égale-
ment. » Preuve en seraient quelques formes savoyardes ou
valaisannes des mots « chêne » ou « frêne » et d'anciennes
mentions de lieux dits du canton de Fribourg: « le nom de
la maison isolée de Fragnire (commune de Neirivue) écrit
Fragnyeres en 1432 et Frasnieres en 1235 » (fraxin-arias) ;
Chagno (*cassanum) et Chagnel, à Cerniat (1305), Vaulruz
(1355) et Marsens (1378); ou pas a Vagno (asinum), à
Vuadens, en 1355. De ces exemples le seul valable, con-
cordant avec des répliques vaudoises, est celui de la Fragnire,
en patois la frèhïri. Dans les autres cas nous retrouvons l'em-
ploi de gn pour n, ainsi qu'en témoignent les prononciations
actuelles u tsânà à Marsens, u prâ a l'ânô à Vuadens2.
A la seule exception des noms de lieu du type Fragnire, le
changement de sn en n mouillée n'est sûrement constaté dans
1. H. Jaccard, Essai de toponymie, pp. 131, 2^5, 358, 382.
2. Dans son mémoire Sur l'origine et la formation des noms de famille
dans le Canton de Fribourg (p. 33), M. Aebischer allègue encore l'exemple du
lieu dit Agnens, jadis Asnens, dans les communes de Saint-Aubin (Fribourg)
et de Missy (Vaud). Mais j'ai entendu prononcer onè (fr. anus) à Saint-
Aubin, ânè à Missy.
Lugnorre, Cbamptauroi, Toleure, Litumat. 345
la Suisse romande qu'en Valais, de Martigny à Sierre, dans
le mot « chêne » et très rarement dans le mot « frêne ». Ce
sont les mêmes qui constituent, à eux seuls, l'aire délimitée
par M. Aebischer au centre de la France. Un mouillée n'appa-
raît sur la carte âne de Y Atlas Linguistique qu'en dehors de
cette aire, au point 43, dans le département du Doubs, et
bien loin au nord (points 193, 194 et 196), dans la province
de Liège. Or, « chêne » et « frêne », sujets à être influencés
l'un par l'autre, sont deux mots sui generis. On sait que plu-
sieurs noms d'arbres ont dans les langues romanes des doubles,
anciens adjectifs en -eusou-ius: *abieteum, *bettium, *betul-
leum, fageum, pineum, "liernium1. Sur ce modèle on a pu
susciter à *çassanum et fraxinum, après la syncope de la
pénultième, des concurrents à consonne mouillée.
Il convient, au surplus, de distinguer entre Vs dentale (afr.
asne, disner, isnel) et l'ancienne s palatale (afr. aisne, fraisne,
taisnieré) et de rechercher si les voyelles précédant ou suivant
le groupe sn n'ont pu concourir, différemment selon les par-
lers, au mouillement de la nasale. En considérant les desti-
nées divergentes de c et g latins dans jouer, louer, rue et dans
loiier, noiier, paiier, soiier, plaie, on conçoit très bien que dans
les mêmes contrées la même n latine puisse être prononcée
autrement dans fraxin-aria que dans fraxinum. Complétée
par de nouveaux exemples (les ègnes en Champagne, egnilli
ou ignelli à Guernesey, araigner en Bourgogne, mègnie, magnie
magnée)1, la thèse trop générale de M. Aebischer se résout en
une série de cas particuliers dont aucun ne concorde exacte-
ment avec, les données fournies par le nom de Lugnorre.
L'étymologie Losunius, proposée avec de prudentes réserves
par M. Aebischer, est donc à rejeter. Un*Lousinos, non attesté,
qu'il mentionne en passant, serait préférable. Mais ici surgit
un doute, né de la graphie Loisnuerre du commencement du
xme siècle. D'où proviendrait IV, sinon d'une s palatale, con-
tinuatrice de si ou ti en hiatus, de c suivi d'e ou d'i, ou
1. A. Thomas, Essais de philologie française, p. 74.
2. G. Paris, Romania, XV, p. 619 ; Godefroy, articles isnel, araisnier,
tnesniee.
346 Ernest Muret.
bien du groupe de consonnes noté en latin par x ? L'absence
de cet i dans les autres graphies ne contredit pas cette inter-
prétation ; car l'écriture des langues romanes ne représente que
très imparfaitement les consonnes palatales inconnues au
latin. A la vérité, Loisnuerre pourrait n'être pas autre chose
qu'une graphie inverse, témoignant de la réduction de oi à 0
par où s'expliquent les formes fréquentes bu et bû du mot
bois. Je ne prétends pas résoudre ici le difficile problème
auquel s'est vaillamment attaqué M. Aebischer. Je voudrais
seulement en avoir précisé les termes. Pour achever cette
mise au point, j'ajouterai que l'ancien 0 protonique, devenu?
ou amuï en patois et remplacé par u dans la forme officielle
Lugnorre, peut résulter non seulement d'un 0 long ou bref
ou d'un u bref, mais tout aussi bien d'une des diphtongues
celtiques ou et eu. Le nom de Lausanne (Lousonna) se pro-
nonce en patois lo^pna ; celui d'Ogo est ramené par M. Hub-
schmied à un prototype *ouksuko\ Des noms de saints
Eustachius, Eugendus, Euphemia, Eulalia sont dérivés le
nom de famille Hostache et les noms de lieu Saint-Oyens
(Vaud), Saint-Offenge (Maine-et-Loire, Savoie), Santa Olalla
et Santa Olaja (Espagne).
On s'étonne que M. Meyer-Lubke et après lui M. Aebi-
scher aient pu songer un seul instant à annexer au petit groupe
des noms suisses en -durum celui d'Yvorne (Vaud), qui jure
si fort avec les autres. Dans le Dictionnaire Historique du Can-
ton de Vaud, achevé en 1921, je l'ai rapproché, sous sa forme
patoise féminine èwerna, du cognomen Eburnus mentionné
par Festus, et j'aurais pu égalemeut faire état du nom gaulois
EVORNOS enregistré par Holder. En revanche, dans un autre
article du même dictionnaire, j'ai identifié le nom d'un autre
village vaudois, Champtauroz (Chantuoro 1228, Chantouro^
1453, Chanteurre dans le Nécrologe du prieuré de la Lance,
tsàtQru en patois), à un *Cantoduros helvète, formé de
l'adjectif *cantOS, « blanc », ou d'un nom de personne cor-
respondant au français Blanc. A la suite de Lugnorre et
Champtauroz, oserai-je encore présenter à mes lecteurs un
1. Romania, L, p. 440.
Lugnorre, Champlauro\, Toleure, Limmat. 347
nouveau candidat qui depuis longtemps me sollicite de le
réintégrer dans son indigénat celtique?
Ce candidat, le Toleure, est un gros ruisseau du canton de
Vaud, tributaire de l'Aubonne qui se jette dans le lac Léman,'
entre Lausanne et Genève, et formait jadis la limite des deux
diocèses. L'Essai de toponymie suisse de Jaccard n'en fournit
qu'une seule mention antérieure au xixe siècle : Tolère en 1597.
L'archiviste de l'Etat de Vaud, M. Maxime Reymond, m'en
a obligeamment communiqué plusieurs autres, qu'il a extraites
de documents inédits: Tolloura^ (env. 1350) et Tholouurru^
(env. 1380), dans l'analyse d'un acte de 1304 ; Tolloure (158 1),
Toullouro^ (1673)'. On prononce en patois talâoru (ou
talauru) à Bière, sur la rive gauche, talaeru à Saubraz, sur la
rive droite. L'û final atone des anciens proparoxytons se con-
tinue dans les patois suisses tantôt par un 0 tantôt par un u ;
dans celui de Bière la diphtongue âo ou au répond, comme
0 à Lugnorre, à un 0 latin, bref ou long, libre et accentué 2.
De talâoru on remonte sans aucune hésitation à un nom du
même type que Soleure, Lugnorre et Champtauroz.
Mais comment un composé ainsi formé aurait-il pu servir
à dénommer un ruisseau ? Le transfert à des cours d'eau du
nom des lieux où ils passent n'est point rare. Un ruisselet de
la commune genevoise de Bardonnex est dit le Petit-Pont
ou le Maréchet (diminutif de « marais »). La Raisse et le
Fleurier, affluents de la Reuse, dans le canton de Neuchâtel,
le Chandon (ou ruisseau de Chandon), ' affluent du lac de
Morat, tirent leurs noms du hameau de la Raisse (la « scie-
rie »), des villages de Fleurier (Floriacum) et de Chandon
(Cambodunum) 3. Le cas le plus intéressant est celui de
1. Une grosse, un terrier grossoyé en 1441 . offre à plusieurs reprises la
graphie Colouroç, qui est une faute évidente, une faute de lecture du copiste.
2. Cf. krà, « creux », à Lugnorre, et krau à Bière, krâu dans la com-
mune limitrophe de Berolle (JbJraula).
3. Aebischer, Les noms de quelques cours d'eau fribourgeois, 2e série
(extrait des Annales Fribourgeoises, 1925), I Chandon. Cet exemple et les
autres semblables l'emportent dans ma conviction sur les arguments avan-
cés plus loin par l'auteur (pp. 25 ss.) contre l'opinion qui identifie le nom
du Gotteron fribourgeois, rivi de CbauJru[n] en 1254, ail. Gallerenbacb,
à celui de la gorge, Cboudrun en 1262 (c'est-à-dire « le Chaudron »),
par où ce ruisseau- débouche dans la Sarine en face de Fribourg.
348 Ernest Muret.
la grande rivière qui jusqu'à son entrée dans le lac de Zurich
s'appelle la Linth et à sa sortie devient la Limmat. La forme
Limât n'apparaît qu'à la fin du xve siècle. Sous les mentions
antérieures Lymag (1492) ', Linmag, Lindmag ou Lintmag,
Lindemacifluminis[Sl)^],Lindimagifluminis [820] 2, on recon-
naît du premier coup un composé formé du gaulois magos
et d'un nom jadis commun à la Linth et à la Limmat. Ce
devait être, selon toute vraisemblance, l'appellation d'une
localité riveraine, située entre Zurich (Turicum) et le con-
fluent avec l'Aar, peut-être de la plus importante, Baden
en Argovie, dont nous ne connaissons que le nom alle-
mand et le nom romain, Aquae Heluetiae, mais qui a dû
en avoir un autre dans la bouche des Helvètes, puisqu'on y a
découvert des vestiges celtiques.
A Bière, on a relevé sur le plateau de Champagne, au som-
met d'un ravin abrupt qui domine le cours du Toleure,
l'emplacement d'un ancien camp retranché qui, suivant
l'archéologue cantonal vaudois, M. Albert Naef 5, peut avoir
été utilisé dès les temps préhistoriques, mais dont aucune
fouille n'a permis de préciser l'origine. Les exemples ci-des-
sus nous autorisent à supposer que le ruisseau s'est approprié
et nous a transmis le nom gaulois de cette forteresse, devenu
vacant sous le régime de la paix romaine. A quel mot ou à
quel nom propre celtique identifiera-t-on le premier élément
du composé Toleure ? Vo de la forme française et Va du patois
talâoru étaient interchangeables en syllabe protonique, par assi-
milation ou par dissimilation. \J Altceltischer Sprachschat\ offre
diverses possibilités d'explication, entre lesquelles je suis
embarrassé de choisir. Les radicaux Toi- et Tul(l)-ne sont
point rares dans l'onomastique des pays jadis occupés par les
Gaulois. De talos, « front », il semble qu'on ait pu tirer la
dénomination d'un ouvrage fortifié ; des noms d'hommes
Talorix, Argiotalos, Dubnotalos et autres semblables, un
hypocorostique *Talos. Ernodurum, aujourd'hui Saint-
1. Mélanges Ferdinand Lot, p. 533.
2. Urkundenbuch der Stadt und Landscbaft Zurich, von J. Escher und
P. Schweizer, I, pp. 8 et 2 1 . Cf. Holder, Lindimacns.
3. Lettre du 17 avril 1926.
Lugtwrre, Cbamptauro^, Toleurc, Limmat. 349
Ambroix, sur l'Arnon ', affluent du Cher, suggère une hypo-
thèse qui ne manque pas de piquant. La Béthune (Seine-
Inférieure) était jadis la Telle (Telia), éponyme du pays de
Talou ; plusieurs cours d'eau suisses s'appellent Tela, Teylaz,
Thièle ou Toile et Talent. Est-ce que le Toleure, comme la
Limmat, nous aurait conservé, sous le nom qu'il a pris par
droit de conquête, celui qu'il portait auparavant par droit de
naissance ?
Ernest Muret.
1. Longnon, Les Noms de lieu de la France, p. 38.
23
LA PRÉPOSITION « ENTRE
La préposition signifiant « entre « présente dans les langues
celtiques et romanes un curieux développement sémantique,
dont le parallélisme est instructif.
En latin, inter s'emploie pour désigner l'espace intermédiaire
à deux objets. Et cet emploi subsiste dans les langues
romanes : français entre deux mers, entre cour et jardin, entre
cuir et chair, etc. Mais les deux objets peuvent être compris
eux-mêmes dans les, limites qu'enferme la préposition: si bien
que du sens de « entre » celle-ci passe à celui de « y compris,
tout ensemble, à la fois ». Ce développement sémantique a
du être favorisé par la confusion de inter et de intra. En latin
classique, les deux prépositions sont bien distinctes : intra
signifie « à l'intérieur de, dans les limites de ». Ainsi, chez
Plaute, intra limen (Men. 416, Mil. 59e, Most. 1064), intra
praesepis (Cas. prol. 57, Rud. 1038), intra portam (Men. 400),
intra aedis (Men. 816), intra dentés (Trin. 909), intra pectus
(Truc. 44), etc. C'est le contraire de extra. Mais dans les bas-
temps, inter et intrâ se confondent ; v. Einar Lôfstedt, Spàtla-
teinische Studien, p. 82-83 (Skrifter utgifna af K. Kumanistika
Vetenskaps-Samfundet i Uppsala, XII, 4).
Les romanistes font remonter à inter la forme entre du fran-
çais, du provençal, du catalan, de l'espagnol et du portugais,
intre du sarde, intre du roumain ; et d'autre part à intra la
forme ira de l'italien (cf. Grôher, A. L. L., III, 268). Mais le
sens est le même. Et en espagnol ou en français comme en
italien s'observe le même développement sémantique. Nous
disons en français : « Entre canards et poulets, j'avais une tren-
taine de volailles ». De même en espagnol : « Veinte perso-
La préposition « entre ». 351
nas, entre mujeres y ninos, han perecido ». Ou encore en
italien : « Morirono più di mille settecento, tra cavalieri e
pedoni ». Cet emploi est fort ancien, plus répandu même dans
le français du moyen âge que de nos jours. En italien, la
langue de Dante en fournit des exemples : « Non erancento
tra ' suo' passi e i miei » (Purgatoire, XXIX, v. 9 ; « nous
n'avions pas fait cent pas à nous deux », m. à m. « ses pas
et les miens n'étaient pas cent »).
Il arrive même que la préposition « entre » urtisse le sens
de « conjointement, à la fois » à celui d'une autre préposition
suggérée par le contexte. Quand nous disons en français : « La
vie se passe entre les plaisirs et les affaires », il faut comprendre
« à la fois dans les plaisirs et dans les affaires », ou encore :
« entre les courses et les visites, on perd tout son temps » ; cela
veut dire : « par les courses unies aux visites ». De même en
italien : « Tra una cosa e l'altra abbiamo perduto un tempo
precioso », ou encore : « Tra le stampe, la posta e le visite, è
andata via una mattinata in un momento ».
Dès les plus anciens textes, le correspondant celtique du
latin inter présente en irlandais des valeurs semblables. Au
sens de « tout à fait, complètement » etir est courant en vieil-
irlandais (Z. E., 613; Thurneysen, p. 499) ; et de la prépo-
sition on a tiré un substantif qui figure dans les locutions
imm-an-etar « réciproquement » (Z. E., 614), ni thibér-sa tra
motharb di-an-etur « je ne donnerai certes mon taureau à aucun
des deux » (L. L., 55 a 26) ; Pedersen, Vgl. Gr., II, 144.
Le substantif pourrait être traduitpar« communauté, ensemble
de deux ». Au sens de « à la fois, conjointement », etir, eter
est d'un emploi courant à toutes les époques de la langue.
Les exemples en sont innombrables ; il suffira d'en citer
quelques-uns : eter soir 7 dôir, eter mug 7 coimdid « à la fois
homme libre et esclave, serviteur et maître » {JVb., 27 c 15) ;
eter chorcair ocus gortn « aussi bien pourpre que bleu » (L. L.,
54 a 36) ; eitir laithe 7 oidhche « jour et nuit » (L. Gabh., éd.
Mac Neill-Macalister, p. 214 t) ; eter dhaine 7 innile « à la fois
gens et bestiaux, bêtes et gens » {Beatha Abâin, § 13, dans
l'édition C. Plummer) ; eter mnai 7 fer « à la fois homme et
femme » (R. Celt., IX, 24, 1. 9). Comme on le voit par la
352 /• Vendryes.
rection appliquée dans plusieurs de ces exemples, il ne s'agit
pas d'un simple adverbe marquant simultanéité ou com-
préhension, mais d'un adverbe doublé d'une préposition. Les
deux mots réunis par la conjonction « et » dépendent en prin-
cipe de la préposition eter '. Mais c'est le sens adverbial qui
domine : edir thûaith, thés is thiar « à la fois au Nord, au
Sud et à l'Ouest »(Baile Suibhne, p. 188).
L'ensemble des deux mots commandés par la préposition
etir et dont cette dernière marque l'union peut jouer syntaxi-
quement dans la phrase un rôle quelconque.
Ainsi de régime direct : (diabraigdis) eter chlochu 7 drmu « ils
lançaient à la fois pierres et armes » (Côir Anmann, § 146,
/. T., III, 352); ancid Colmân iatt uile, etir ech ocns duine
Colmdn les sauve tous, à la fois cheval et homme » (K. Meyer,
B. Colm.y p. 90, v. 12); rogab Une féin ider édach 7 cris 7 éidedh
« il mit autour de lui-même à la fois vêtement, ceinture et
costume » (Z. /. Celt. Phil., XIII, p. 231, 13) ; etc.
Ou de régime indirect, la nature particulière du rapport
étant indiquée par le contexte : cech locc asmbi aurgnam déicsi
iter mag 7 tech « tout endroit permettant la vue, aussi bien
dans la campagne que dans une maison » (San. Cormaic, éd.
K. Meyer, n° 1212) \amin torsich sund itir toind 7 carraic «nous
sommes fatigués ici à la fois de la vague et du rocher »
(FI. Bricr. dans /. T., II, 1, 178, 1. 131); ifern iter sen is ôcc
« l'enfer à la fois pour le vieux et le jeune » (C. Plummer,
Miscellanea hagiographica hibernica, p. 109) ; eter foss no uttnailli,
eter suide no sessam « à la fois dans le repos ou l'agitation,
dansla position assise ou debout» (Hymne de Colman, Thés.
Pal., II, 300, 1) ; soilsi etir là 7 adaig « de la lumière à la
fois pendant le jour et pendant la nuit » (Sait, na Rann,
v- 4 376); eier cill 7 tûaith « à la fois dans le monastère et
parmi le peuple ». (An. from Irish Mss., III, 7); co fargabsat
ili itir bas 7 ergabail « et ils perdirent beaucoup (d'hommes)
à la fois par la mort et la captivité » (Ann. d'Ulster, I,
p. 426.9 Henn.); etc.
t . Exceptionnellement, cette dernière est répétée deux fois : eter mor is
eter bée «grand et petit» (R. Celt., XXIII, p. 306, str. 9).
La préposition « entre ». 353
Ou même le rôle de sujet : firis muntir dé... etir airgid oms
ecneva. à m. « a rassasié la troupe de Dieu... aussi bien l'ar-
gent que les saumons » (Jmmr. Snedgusa, cf. la note de l'édi-
tion de M. Thurneysen, p. 16, qui souligne le fait quele verbe
au singulier a pour sujet l'ensemble des deux mots que com-
mande etir).
La préposition etir conserve d'ailleurs en irlandais le sens
propre de « entre » et s'emploie comme le latin inter pour
désigner l'espace intermédiaire à deux objets ou occupé par un
groupe complexe : atâim idir antmiin 7 imtechd « je suis entre
le fait de rester et celui de partir » (Trip. Life, 540, n. 3);
doicc etrom is mhïionar « est venu entre moi et ma tunique »
(B. Suibhne, p. 88) ; atnal foelaid etir chair cha « comme un
loup parmi les brebis »(Tog.Trôi, 2e éd. , 1. 1433). Mais le tour
etir... ocus pour unir les élément d'un tout est un idiotisme
tellement habituel aux Irlandais qu'on le rencontre dans des
textes latins écrits en Irlande ou sous l'influence irlandaise.
Windisch (das Keltische Britannien, p. 288) l'a relevé dans le
latinde Nennius, chap. 48 : Postquam exosi fuerunt i 11 i omnes
homines gentis suae pro piaculo suo inter potentes et impo-
tentes, inter seruum et liberum, inter monachos et laïcos,
inter paruum et magnum, etc. Il est vrai que, dans ce cas, ce
pourrait être aussi bien un idiotisme brittonique.
Le gallois connaît en effet le même emploi que l'irlandais.
Il le pratique seulement dans une mesure beaucoup plus res-
treinte. C'est que l'ancienne préposition celtique, conservée
en irlandais sous la forme etir, eter, a disparu du gallois. Elle
y a été remplacée par une préposition nouvelle, rhwng ou
yrwng, dont la valeur propre est « entre » au sens du latin
inter. Ainsi : yrwng y dwydor « entre les deux portes » (Mab.,
R. B., I, 172, 5 du bas); y rwng y venic ae lewys « entre ses
gants et ses manches » (ib. 148, 29) ; a bot gelynyaeth y rynghot
ar holl adar « et qu'il y a de l'inimitié entre toi et tous les
oiseaux » (Mab., W. B., col. 109, 23); a ranu yr yspeil a
vjnaethpwyt y rwgywyr ef « et le partage du butin fut fait
entre ses gommes » (Bruts, R. B., II, 49,6).
C'est là l'emploi ordinaire de la préposition yrwng. Mais
dès les anciens textes s'observe un emploi idiomatique ana-
23*
354 /• Vendryes.
logue ii celui de l'irlandais ': yriung dyd a nos « (les messagers
marchèrent) jour et nuit » (Mab., R.B., 88, 6 ; J.Loth, Mab.
2e éd., I, p. 22 1) ; ac enynnu trwy var rwg nef a dayarv. et
embraser par colère à la fois ciel et terre » (B. Tal., p. n.8Ev.);
gogwn atrefnawr rwg nef a llawr « je connais le régulateur à
la fois du ciel et de la terre » (B.Tal., p. 20.25 Ev.) ;
ac yna rwng dicter a llit taraw ym plith y llygot a wnaeth « et
alors, emporié par la fureur et le dépit, il se mit à frapper les
souris » {Mab. R. B.,I, 54, 3); sef ni fer a las yna rwg tywysso-
gyon a gwyr da ereill tri ugeinwyr a phedwar canwi , « le nombre
de ceux qui périrent là fut de quatre cent soixante hommes, à
la fois princes et gentilshommes» (Bruts, R. B., II, 139-140);
esgynneis aruelyn 0 Vaelyenyt hyd ynhir Reged rwg nos [ytny] adyl
« je suis monté sur un cheval bai pour aller de Maelienyd
jusqu'au pays de Rheged jour et nuit » (Gorhoffet Hywel ab
Ywein Gwynet, dans la Myf. Arch. 198 b 12 = R. Celt.,
XLI, p. 99, v. 36-37) 2. Cf Sir J. Morris-Jones, Taliessin,
p. 67, qui rappelle le tour du gallois moderne rhwng y naill
beth ar Hall « taking one thing with another ». L'emploi
idiomatique a survécu à la disparition de la vieille préposition
qui signifiait « entre « et s'est étendu à son substitut. C'est-à-
dire que rhwng (y rwng), qui désignait d'abord l'espace inter-
médiaire à deux objets, a finalement englobé les deux objets
dans sa sphère. En moyen-gallois, rwng un ac arall signifie
« dans la foule » : ac yn hynny rwg vn ac arall llithraw yr
yskymun vratwr allan « et alors le maudit traître s'échappa
dans la foule (m. à m. entre l'un et l'autre) », Bruts, R. B.,
II, 172,7 (le texte latin porte inter unum et alium elapsus).
On n'a pas relevé de tour analogue en corniqueni en breton
armoricain. Mais ce dernier connaît la préposition entre dans
1. Le moyen-gallors emploie fréquemment un autre idiotisme : ryngtaw
ac « entre lui et (un lieu)» pour dire « dans la direction d'un lieu » {Mai.,
R. B., 85, 15 m W. B., col. 182, 35, etc.).
2. On peut joindre à cette liste l'exemple suivant deDafydd ab Gwilym,
dans la pièce sur l'Alouette (pièce 95, v. 25 de 1 édition O. M. Edwards ;
pièce 55, v. 44 de l'édition Ifor Williams) : dysgawdur niawl rhwng gwawl
a gtvyll, disgyn, nawdd Duw ar d'esgyll « professeur de louange matin et soir,
descends, avec la grâce de Dieu sur tes ailes ! »
La préposition « entre ». 355
un emploi particulier, qui est également répandu en moyen
français. Lorsque la préposition a pour régime un pronom
personnel au pluriel, l'ensemble constitue une locution qui
exprime la réunion de deux (ou plusieurs personnes). Entre
nous équivaut alors à « moi et toi », comme entre vous à « toi
et lui ».
Dans beaucoup de langues, la préposition signifiant « entre»
s'emploie avec un pronom personnel au pluriel comme ré-
gime ; mais elle conserve sa valeur propre de préposition.
Entre nous signifie alors « entre toi et moi, en limitant à nous
deux l'entretien «.Ainsi, en français
Je crois bien, entre nous, que vous n'existe^ pas.
On dit de même en allemand unter uns ', en anglais belween
ourselves 2, et en grec moderne XsYaps (àva);j.sta;j u.a; ou àvâ-
jxsaà [lxç « nous disions entre nous ».
Le latin ancien fournit des exemples analogues avec inter :
Quousque, quaeso, ad hune modum \ inter nos aniore utemur sem-
per subrepticio} (PL, Cure, 205) ; Age inepte quasi nunc non
noritnus nos inter nos, Ctesipho (Ter., Ad. 271) ; et plus encore
avec intra : Ea intra se consumant Arabes (Plin. H. N., XII,
45, 1) ; praecipue quum affirnietis intra uos futura « surtout
puisque vous m'assurez que cela restera entre vous (sans être
connu de personne autre) » (Plin., Epist., III, 10). C'est le
point de départ de la confusion des deux prépositions (v.
ci-dessus, p. 350).
Il faut interpréter de même l'exemple suivant emprunté au
comique (Origo Mundi, v. 935) :
1. Comme on dit unter Freunden, nnter vier Augen. Certains dialectes
emploient ^wischen au sens de unter.
2. L'anglais moderne connaît l'emploi de bettveen,au sens signalé ci-des-
sus en celtique et en roman (cf. le Dictionnaire de Murrav, s.u. belween,
§ 19, p. 835 3e col. en bas) Krùger dans son Engliscbe Syntax, § 3617 a,
cite : Between followers and sergeanis the Templars mustered about 15.000
me n, phrase qui correspond tout à fait aux phrases irlandaises, françaises,
italiennes, etc. reproduites plus haut. Mais le tour ne paraît atttesté ni en
allemand, ni en Scandinave, ni même en ancien anglais.
356 /. Vendryes.
ha dyso my a leuer
yntrethon taelow pryve
«et je vais te dire,
entre nous, les choses secrètement ».
Mais l'originalité du breton armoricain est d'employer une
locution de ce genre en réduisant la préposition « entre « au
rôle d'un simple adverbe marquant l'union des personnes en
question. En moyen breton, les exemples sont fréquents où
entrom (entromp) signifie « nous deux, nous tous, tant que
nous sommes » (Myst. de Jésus, 17 a, 36 a, 227 b, etc.), où
entroch signifie « vous deux, vous tous ensemble » (ib., 206 a,
222 a; Ste Barbe, 5, 397, etc.). A ce tour se rattache l'emploi
de entre dou au sens de « tous deux, ensemble » : en se on grej-
vtt entre dou « ainsi nous sommes battus tous deux » (Myst. de
Jésus, 147 z);gruet hy entre dou badouet «faites la tous deux
défaillir » (Ste Barbe, 593), etc.
Aucun de ces deux tours bretons n'est ancien en celtique '.
Car pour traduire l'idée de « nous deux, nous trois », etc.,
l'irlandais conserve l'usage d'un vieil idiotisme, qui consistait
en l'emploi du nom de nombre personnel au datif-instrumental
précédé de l'adjectif possessif : âr n-oendis « nous deux seuls »
(Poème de St Paul, II, 3 ; Thés. Pal., II, 293) ; cf. Pedersen,
Z. C. P., II, 379. De là meinic bàmar i n-dr n-dts « souvent
nous étions tous deux» (B. Suibhne, 154,20);^ rangadar in-a
n-dis « qu'ils s'en allèrent tous deux » (ib., 158, 2). En gallois
aussi, c'est l'adjectif possessif qui figure dans les locutions de
ce genre : aivnn yn dwyv. allons tous deux » (Historia o vuched
Dewi, p. 13, 1. 12); an taered ni an whech « notre affirmation
à nous six » (Mab., R. B., 18, 30).
L'origine des tours bretons entromp « nous deux », enlrocb
« vous deux » est évidente. Ce sont des emprunts au français.
1. Sur l'emploi de irl. etarru au sens de « entre lui [et un autre], » ce qui
est un idiotisme différent, voir Zimmer K. Z., XXXII, 156 et Thés. Pal.hib.
I, 563, n. b(cf. R. Celt., XXX, 360, n. 2, XXXII, 356 et ci-dessus,
p. 254). Dans le texte édité ci-dessus, p. 24, § 23, et p. 36, § 34, on lit
doronsat in laidh etorra « ils firent ce poème entre eux, en se répondant
l'un l'autre » ; ce qui se rapproche du tour breton étudié ici.
La préposition « entre ». 357
Le moyen français, qui employait couramment la préposition
entre pour réunir deux noms en un ensemble grammatical,
étend naturellement cet emploi au cas du pronom. On lit dans
la Chanson de Roland, v. 3073 :
Entre Rembaltet Hamon de Galice
Les guideront tôt par chevalerie
et dans le Jeu de la' Feuillée, v. 213 (éd. Ern. Langlois,
Champion, 191 1) :
Entre lui et Robert Cosel
c'est-à-dire « Robert Cosel et lui, tous deux ensemble ». Le
Dictionnaire de F. Godefroy donne de nombreux exemples
analogues. Avec le pronom personnel, les exemples ne sont
pas moins fréquents : Alons à lui parler, sire, entre vous et moi
(Berte, cv). Et par suite, avec un seul pronom régime : Jeveuil
que entre nous nous en allons notre chemin (Froissart, II, 2,
232) ; entre vous qui ce corps porter, or ar restez-vous, arres\e\
(Anciens Airs de Cour publiés à Poitiers en 1607, cités par
A. Loquin, Mclusine. t. II, p. 349, str. 19).
Si l'on met à part ce dernier cas, où le français a manifes-
tement agi sur le breton, les faits rapportés dans cet article ne
peuvent guère s'expliquer par des actions réciproques. Il s'agit
bien plutôt d'un de ces développements parallèles dont les
langues celtiques et romanes offrent, comme on sait, certains
exemples si frappants.
J. Vendryes.
Revue Celtique, XL1II. 2 3
THE ANNALS
IN
COTTON MS. TITUS A. XXV
{suite.)
MARGINALIA.
Many of the marginalia are attached to passages which, being
in Latin, will not be translatée!. It will therefore be conven-
ient to collect hère the translation of ail those, except bare
dates, which are in Irish. Référence to this list is made in foot-
notes to the Translation by quotation or partial quotation and
the abbreviation ' M. ' (= ' marginalium').
§ 21. cein corgab etc. Until faithful David came to the throne,
forty years and nine hundred passed, it is sure... This is not
a thing which... Eight hundred, as thou reckonest, and two
great thousands.
§ 25. mongach musga (which I cannot translate).
§ 40. ella ella, etc. ( ? in cypher).
§ 48. O Abraham, etc. From Abraham to David — it is clear
if thou compute it — two and forty and nine hundred years.
From Adam until David was admitted to his kingship it is nine
and eight hundred and two thousand years.
§51.0 Dauid, etc. From David until the people were car-
ried into captivity, seventy-three years and four hundred,
without error. From Adam until the people's leaving its land ',
three and sixty and three hundred and three thousand years.
§ 77. O doeradin, etc. From the condemnation of the people
to the birth of the faithful Lord, five hundred and nine and
eighty years, most surely. From Adam until the Only Son of
1. ? cor deracht.
The Annals in Cotton MS. Titus A. XXV. 359
gentle Mary was born it is two and fifty and nine hundred
and three thousand years.
§ 122. commarbad. He was killed.
§ 126. bliadain et da, etc. 1341 years since Conn Cétchathach
died.
§ 140. xl bliadna iar, etc. Forty years after the death of
Niall Nôigiallach Patrick came to bless Ireland. At the end o
four years after the slaying of Niall Nôigiallach Patrick was
taken captive in Ireland. K (n). After his release by the angel
Victor.
§ 169. F. Gtin chain, etc. Poetical quotation : The glorious
birth of Colum our cleric today above learned Ireland. On the
same festival — no matter of pride — falls the blessed death
of Buadach the son of Brônach.
§ 172. hi ielcuba, etc. In a vat of wine, on Hallow-eve, at
Mullach Cleittigh on the Boyne.
§ 175. Tuathal Mael Garb, etc. Tuathal Mâel Garb, son of
Cormac Caech son of Carbry son of Niall, king ofTara, jugu-
latus in Grellach Eilte by Mâel Môr, grandson of Mac I, qui et
ipse (that is, O hArgatain) statim occisus est, unde dicitur
Mâel Môr's exploit.
§ 177. budi Connaill. The stubble-yellow (disease).
§ 183. do rèir m., etc. According tothe martyrology of Saints'
Island.
cethra xxli, etc. Eighty years from the death of Patrick to
the death of Dermot son of Carrol.
.i. Liban, etc. This was Li Ban (White Bue), thedaughter
of Eochu son of Muredach. [She was taken] on the shore at
Ollorba in a net, to wit that of Beondn son of Inli, who was
fisherman to Comgall of Bangor.
§ 213. Tomaltach mac E., etc. Tomaltach, son of Eochu son
of Aed son of Diarmait son of Ruadri Câech, mortuus, id est
in the last month of this year, in his own house in Cluain
Frôich... Gofraid O Domnaill king of Cénel Conaill.
§ 253. Fedlimid, etc. Fedlimid king of Munster quievit.
§ 282. Coriagal, etc. Coriagal quievit in Ard Oileân.
§ 290. 7 corôin, etc. Taking the crown of the king of Ireland
with him.
360 A. Martin Freeman.
§ 291. in gha bernaid . Of the gapped spear.
§ 335. mac in s. Son of An Sinnach.
caisc esa duibe. The easter (?) of Ess Dub.
§ 344. re n-abarthar, etc. Who is called Mac Diarmata.
§ 393. leubar eiris, etc. The book of annals in Saints'Islana.
§ 397. gahbail na c, etc. The taking of the Rock hère.
TRANSLATION OF PASSAGES IN IRISH.
Note. — A few single Irish words occur in paragraphs
whichare otherwise in Latin. To save space, such paragraphs
arenot,as a rule,- translated when the only Irish words they
contain are among the following :
Cath = battle;
Mac = fili-us, -um,-o, -orum ;
Meic = filii ;
Ingen = daughter ;
Ri (ri, rig) = king ;
IQjï) = in.
In paragraphs containing passages in Irish and Latin, the sen-
tences wholly in Latin are not translated. On the other hand,
a number of passages hâve been included in the translation
which might be considered to be in Latin (the verb, e. g.,
being Latin), but which are not readily intelligible unless the
Irish proper names (often eccentrically spelt in our text),
with their inflections, are understood.
§§ I_5> 7: ' Enair ' = ' of January'.
32. Hoc tempore the Fir Bolc conquered Ireland.
35. Hoc tempore the Tuatha Dé Danann acceperunt forti-
tudinem... over the Fir Bolc.
88. Oengus Turmech won the battle of Tara, ubi cecidit
Fergus by the hand of Oengus.
93. ... Mors of Cû Chulind... The battle of Almain, ubi
cecidit Eterscél by the hand of Nuada Necht. The battle oï
Cliu, ubi cecidit Nuada Necht by the hand of Conaire...
The Annals in Cotton MS. Titus A. XXV. 361
99. Bruden Da Berça desrroyed and Conaire Môr slain. Ire-
land five years without a king.
10 1. Lugaid Roderc' xxvi annis rexit in Tara. There are
triginta reges of Conn's Half between Lugaid Roderc and
Diarmait son of Cerball.
103. The [brothers] Fothad regnaverunt uno anno.
109. Iriel Glûnech 2 occisus est by Crimthann Nia Nâir.
114. In hoc tempore claruit Morann son of Maen, a quo
Morann's collar.
125. Fiacha Find interfcctus est in Tara by Elim son of
Connra.
126. ... Conaire son-in-law of Conn rexit annis viii... The
sons of Oilill Ôlomm and the three Cairbres (sons of Conaire
son of Lug Lama) won the battle of Cend Ebrat against Lugaid
MacCon. Lugaid MacCon won the battle ofMag Mucruma,ubi
cecidit Art Oenfer son of Conn Cétchathach (C. of the Hun-
dred Battles) et viifilii of Oilill Olomm... Benne Brit, more-
over, occidit Eogan... Cormac Ulfota, grandson of Conn, rexit
annis xlii... Cormac grandson of Conn won the battle of Gra-
nard against the Ulstermen. Cormac made an expédition across
Mag Rein. The Ulstermen deposed Cormac grandson of
Conn... Cormac grandson of Conn won the battle of Fochard
Murthemne... Disappearance of Cormac grandson of Conn
for the space ofa week. Cormac grandson of Conn won the
battle of Crinna in Bregia.
130. Muredach Tirech occisus fuit by Caelbad son of Cronn,
kingof Ulster, at Portrig Uas Abull '.
139. Niall Nôigiallach (Niall of the Nine Hostages) occisus
by Eochu son of Enna Censalach by the Sea of Wight.
148. A great victory by Laegaire son of Niall.
151. The Leinstermen defeated Laegaire in the battle of
Ath Dara, in quo et ipse captus est...
152a. Mors of Laegaire son of Niall at Grellach Daphil.
155. The assembly of Tara was held by Ailill Molt.
1. Sriabh uDercc. F. M. ; Reoderc, Tig.
2. Called glumar in § 98 and ghinmar in 5 1 10.
5. i. e.' Portrfg above Aball '. F. M. and Tig. hâve ' Daball '.
362 A. Martin Freeman.
156. Ailill Molt defeated the Leinstermen in a hand-to-
hand fight at Bri Eile.
157. Mors of Conall Crimthaine son of Niall.
158. The battle of Ocha, in quo cecidit Ailill Molt son of
Dathi by the hand of Lugaid son of Laegaire.
159. Initium regni of Lugaid son of Laegaire...
172. The drowning of Murchertach son of Ert1. Ailbe of
Imlech Ibair quievit.
179. Jugulatio of Colmân M6r (Ç. the great) son of Diar-
mait. ...
180. Diarmait son of Cerball was defeated in the battle of
CûilDremne. Fergus and Domnall, the two sons of Ere, and
Ainmire son of Sétna and Nainnid son of Dui and Aed son of
Eochu, king of Connacht, victores erant per orationes of
Colum Cille.
183. Occisio of Diarmait son of Cerball2. In hoc tempore
capta est the mermaid '.
i88i.Initium regni of Aed son of Ainmire. The battle of
Belach Dathi, in quo cecidit Colmân Bec (C. the little) son
of Diarmait, a quo the Clann Colmâin, i. e. the Ui Maelsech-
naill. Aed son of Ainmire victor erat. Dega (i. e. Daig4) son
of Cairell quievit.
193. Jugulatio of the son of Colmân Môr, i. e. Subne son
of Colmân, by Aed Slâne. Quies of Cainnech of Achad Bô.
203. Subne Mend son of Fiachra interfectus by Congal
Caech son of Scanlân. Domnall son of Aed son of Ainmire
regnare incipit.
204. Môr of Munster, daughter of Aed Bennâin, mortua est.
205. Domnall defeated Congal in the battle of Mag Rath,
ubi cecidit Congal Claen > son of Scanlân.
211. Conaing grandson of Dant quievit...
213. Mortalitas magna, namely the Stubble-yellow[Plague].
1. ' Of Ere ', F. M., A. U., and so in § 164 above.
2. See MM. ' do rèir m. ' and icethra xx^\
3. See M. ' .1. Li Bâti .
4. This is a gloss in the original. 'Daig' is the reading of A. U. and
Tig-
5. Called 'Congal Caech' by Tig. and at § 203 above.
The Annals in Cotton MS. Titus A. XXV. 363
Diarmait and Blâthmac, the two kings of Ireland, mortui
sunt... of the Stubble-yellow Plague '.
214. Cendfaelad son of Blâthmac son of Aed Slâne [was
defeated by] Finnachtason of Donnchad, ubi Cendfaelad inter-
fectus fuit 2. Finnachta regnare incipit.
216. Loch Echach turned into blood.
218. Finnachta, king of Tara, and Bresal his son jugulati
sunt...
224. Bech 5 of Boirche obiit. Pluit a shower of honey on
great Athan and a shower ofsilver on little Athan and a show-
er of blood super fossam Laginarum, et inde dicitur 'Niall
Frosach mac Fergail' (\Tiall of the Showers, son of Fergal),
quia tune natus est.
227. Murchad son of Brian, king of Leinster, mortuus est.
235. Naves in aère vi?ae sunt cum viris suis above Clonmac-
noise. A great beast was castashore at Boirche in the time of
Fiachna son of Aed, king of Ulster. There were three golden
teeth in its head, and each tooth weighed fifty ounces. Oneof
the teeth was placed or the altar of Bangor.
237. Naufragium of the Delbne Nuadat on Loch Rib, id
est, there were thirty vessels of them, and none escaped except
the people in one small boat.
243. ... unde dictum est : Five thousand haughty years,
and a thousand ail but one, from the beginning of the wise,
calm, world till the certain death of Donnchad was heard of 4.
245. The battle of Ruba Conaill between the two sons of
Donnchad, ubi Ailill cecidit...
250. ' athair ' = ' father '.
251. Turgesius went to Loch Rib and made a fort there.
He was taken by Maelsechnaill son of Maelruanaid and drown-
ed in Loch Uair.
1. See M. ' Tomaltach mac E.\
2. This entry is nonsensical in the original. To make sensé, we might
supply ' Cathfor' (the reading of Tig. ) before the first word.
3. Otherwise ' Becc ' (Tig. etc.).
4. By changing ' demin ' of the original into ' demie ' we could trans-
late • the death of Donnchad's good son', which the context seems to
require.
364 A. Martin Freeman.
255. The battle of Cell Ua nDaigre was won by Aed son of
Niall, king ofTara, and Conchubar son of Tadc, king of Con-
nacht, against the Ui Néill of Bregia and the Leinstermen and
a host of nine hundred foreigners vel amplius...
259. Maelfabaill son of Clerech, king of Adne, moritur.
In Scotland the sea cast up a woman 195 feet tall, with hair
16 feet long, fingers 6 feet long, nose 6 feet long, and ail her
limbs 44 feet '.
261. The [sanctuary ofj Kells was violated by Fland son of
Maelsechnaill against Donnchad, his own son. . . Joseph the
abbot of Clonmacnoise, qui dicitur Joseph of Loch Con, quie-
vit.
262. The battle of Belech Mugna was won by the Lein-
stermen and Conn's Half against the Munstermen, in quo ceci-
dit Cormac son of Cuilennân, high-king of Cashel and a
high noble of Ireland. Fland son of Maelsechnaill, Cerball son
of Muiricén, and Cathal son of Conchubar, king of Con-
nacht, victores fuerunt... Cerball son of Muiricén, king ot
Leinster, [died.J
264. The battle of Dublin, in quo cecidit Niall Glundub.
266. Congalach son of Maelmithid routed the foreigners 2.
267. Murchertach son of Niall, a royal prince of Ireland,
interfectus.
268. The foreigners lost the battle of Muine Brocâin, in
quo cecidit Ruadri grandson of Cananan et alii multi. . .
270. Fergal grandson of Ruarc was castrated and beheaded.
272. Murchertach son of Domnall grandson of Niall, and
Congalach son of Domnall son of Congalach interfecti sunt
by Amlaib son of Sitric.
273. The battle of Tara was won by Maelsechnaill son of
Domnall, king of Ireland, against the foreigners of Dublin,
and particularly against the sons of Amlaib.
274. A battle was won by Maelsechnaill and Glûn Iarainn
son of" Amlaib against Domnall Claen, king of Leinster, and
Imar of Waterford, ubi ceciderunt multi. . .
1. In place of thi- last phrase A. U., F. M. ha^e 'she was ail as white
as a swan '.
2. ' Routed the Gailcnga ', A. U., F. M.
The Annah in Cotton MS. Titus A. XXV. 365
275. Maelsechnaill son of Domnall ravaged the isles of Con-'
nacht and killed their chieftains.
27e . Donnchad grandson of Brian, coarb of Ciarân of Clon-
macnoise, quievit. . .
277. Brian and Maelsechnaill led out an army and brought
away hostages of the foreigners.
278. Brian led an army to Athlone. ...
279. The battle of Croeb Tegla ' between the Ulstermen
and Cenél Eogain,ubi ceciderunt duo reges, scilicet Aed
grandson of Niall and Eochaid son of Ardgal, king of Ulster,
et multi alii.
280. Incipit hic . . .bellum of Brian son of Cennétig son of
Lorcân, the noble great high-king of ail Ireland. . .
281. Mxiiii. Brian son of Cennétig son of Lorcân, high-
king of Ireland, marched forth with the warriors of great sta-
tely Munster, and with Maelsechnaill son of Domnall, king
of Tara, with the chief men of Ireland about them, and
came to Dublin to attack the Norsemen and the Danes
and Maelmorda son of Murchad, king of Leinster; for he it
was who had gathered and led and massed them from the
large and small islandsof . . . 2 Scandinavia in the Northwest,
and from the forts and strong places of England and Wales,
and brought them into the land of Ireland. Among them
were a thousand [men with] breastplates. They came tog-
ether at Dublin to fight this heroic wonderful unmatched
battle, so valorous and valiant that its like has not been seen
before or since. And after they had been battling for a great
while, the foreigners and the Leinstermen were routed through
sheer force of arms and smiting and bravery. Maelmorda son of
Murchad son of Finn, king of Leinster, fell there, and the son
of Brogarban son of Conchubar, king of Offaly, et multi alii
nobiles, and countless numbers of the men of Leinster were
slain about them. On the side of the foreigners there fell Dub-
gall son of Amlaib, Gilla Ciarâin son of Glûn Iarainn, Sigurd
son of Lodar, earl of the Orkney isles, Brodor, the leader of
1. Croeb Telcha, A. U.
2. An unintelligible word or syllable occurs hère.
366 A. Martin Freeman.
the Danes, and ail of the thousand men with breastplates.
Three thousand of the foreigners, at the very least, fell
there. Moreover there were slain there Murchad son of Brian,
heir-apparent, and Toirdelbach his son, who would hâve
become high-king of Ireland, with thirty kings of Connacht
and Munster about them, viz : — Mothla son of Domnall son
of Faelân, king of the Déisi ; Eochu son of Dûnadach, Niall
grandson of Conn and Cûduilich son of Cennétig, the three
defenders of Brian ; Tadc son of Murchad, king of the Uî
Maine ; Maelruanaid grandson of Eiden, king of Aidne ; Gei-
bennach son of Dubchû, king of the Fir Maige; Mac Bethad
son of Muredach Claen, king of Ciarraige Luachra ; Domnall
son of Diarmait, king of Corcu Baescind;Scanlân son ofCath-
al, king of the Eoganacht of Loch Léin ; Domnall son of
Emine son of Cainnech Môr, a high-steward in Scotland ';
et alii multi nobiles. At that time Brian the high-king
was behind the battle with Conaing son of Donn Cuan, his
brother's son, and they were singing psalms; and one of the
Danes 2 reached the spot where they were, unknown to their
people; and seeing his chance he lifted his hand and struck at
the high-king with hissword, and then lifted his hand again 5
and struck at Conaing son of Donn Cuan, and so he killed
them both, et in eodem loco ipse occisus est.
Brian son of Cennétig son of Lorcân, high-king of Ireland
and the foreigners, fell in the battle of Cluain Da Tarb, tog-
ether with Conaing son of Donn Cuan, Murchad son of Brian,
and Toirdelbach son of Murchad son of Brian. And theguard-
ians of the Staff of Jésus immediately carried their bodies to
Armagh, where they were buried honourably, with much
dignity and révérence. Mxv.
282. Mac Liac, chief poet of Ireland, mortuus est 4.
284. Cuan O Lothcain, chief sage of Ireland, interfectus
est by the men of Tethba.
1. ' High-steward of Marr in Scotland ', A. L. Ce.
2. According to A. L. Ce, this was the Brodor mentioned above.
3. The MS. adds : ' against him '.
4. See M. ' Coriagal '.
The Annals iu Cotion MS. Titus A. XXV. 367
285. Tadc son of Cathal Mac Conchubair interfectus est by
Maelsechnaill O Maelruanaid, king of Crumthand.
287. Much snow in this year. . .
288. Tadc son of [Aed] O Conchubair per dolum occisus
est by[the men of J West Connacht.
290. Donnchad son of Brian went toRome on pilgrimage '.
291. The battle of Turlach Adnaig, in which fell Aed O
Conchubair 2, king of Connacht, and Aed O Conchennainn,
king of the Ui Diarmata.
292. Diarmait son of Mael na Bô, king of Britain and the
Hébrides and Dublin and Mug Nuadat's Half, was killed and
slaughtered by Conchubar O Maelsechnaill in the battle of
Odba. Mlxxxi.
293. Mlxxxii. K. Domnall son of Tadc O Conchubair, heir
apparent of Connacht, was treacherously killed by Cathal O
Conchubair. Cathal O Conchubair fell in battle, together with
a large host, by the hand of Ruadri O Conchubair. Mlxxxiii.
294. The battle of Môin Cruinneôige, ubi occisus fuit Donn-
chad son of [Art In] Cailech O Ruairc. Mlxxxv.
296. Ruadri son of Aed O Conchubair won the battle of
Connachla, in quo cecidit Aed son of Art O Ruairc, and ail
the chiefs of Conmaicne jugulati sunt et occisi.
297. . . . Cend Corad was sacked and Limerick burnt by
[Domnall] son of Mac Lochlainn and Ruadri O Conchubair.
298. In Crâibdech (The Pious) O Fallamain was drowned
in Loch Cahrgin through the curse of Ruadri O Conchubair.
Ruadri O Conchubair, king of Connacht, was blinded by Flath-
bertach O Flathbertaig and [the men of] West Connacht.
Ab incarnatione Domini usque ad the blinding of Ruadri flu-
xerunt anni Mxcii. . .
299. The battle of Fidnacha, in quo ceciderunt multi of
West Connacht and of Corcumruad by the hand of Tadc son
of Ruadri O Conchubair. Mxcv.
300. . . . Flathbertach O Flathbertaig, king of Connacht,
was killed by Matudan O Cuannu to avenge the blinding of
his lord. . .
1 . See M. ' et corôin '.
2. See M. iin gha b.\
368 A. Martin Freeman.
301. Murchertach O Briain rnade a great inarch round Ire-
land. Me.
302. K. Mciii. The battle of Mag Coba. Magnus, king of
the Danes, was killed cum multis by the Ulstermen. Mciiii.
303. Fiacha O Floind was killed. Murgius O Concennaind,
king of the Ui Diarmata, mortuus est.
304. Domnall son of Ruadri O Conchubair was deposed by
Murchertach O Briain, and his (Domnall's) brother, Toirdel-
bach, was made king in his stead. Mcvii.
305. The Conmaicne routed the Sil Muredaig at Mag Brén-
gair. The Sil Muredaig routed the Conmaicne at Ros.
30e. The clergyof Ireland held the synod of Usnech.
307. The report about Murchertach O Briain \
308. Toirdelbach [O Conchubair] was attacked by O Rech-
tubrat 2 at Àth Bô, but he recovered safely. The driving snow.
The Conmaicne were expelled from Mag Aei and sent eastof
theShannon. The Leinstermen's year.
309. Theslaughterat Ruadbethach, whereDiarmait O Briain
was defeated.
310. Diarmait Mac Enna, king of Leinster and Dublin,
mortuus est. The battle ofLeittir Odrâin. Càthasach O Cnâill,
archiepiscopus of Connacht, quievit. Maelmuire' O Dunain,
archiepiscopus of Munster, quievit in Christo.
311. Diarmait O Briain, king of Munster and Leinster, mor-
tuus est. . .
312. Murchertach O Briain, high-king of Ireland and the
valorous vétéran ' of ail this latter âge, in bono fine vitam
finivit.
313. The bridge of Athlone was built.
314. Domnall son of Mac Lochlainn, king of Ireland, mor-
tuus est.
1. A report that he was in ill-health, which Tigernach says caused the
men of Ireland to turn againsthim.
2. According to A. U. this attack was made by the sons, and according
to A. L. Ce, by the grandsons of Ruadri [probably O Canannain, whose
murder is recorded in the previous year]. Both state that Toirdelbach was
seriously wounded.
3 ? egnunia for engnama
The Armais in Cotton MS. Titus A. XXV. 369
315. Tadc son of Mac Cartaig, king of Desmond, mortuus
est. The rout at Craib Rois. Maelsechnaill son of Tadc [O
Maeh'uanaid] the king of Mag Luire, interfectus est.
316. Enna Mac Murchada, king of Leinster, moritur.
Domnall Find (D. the Fair) O Dubda mersus est. Toirdel-
bachO Conchubair entered Dublin and left his son, Conchu-
bar, there.
317. Cellach, the coarb of Patrick, quievit. The very ftot
summer.
318. A very greateropof every fruit hoc anno. The battle of
Craib Tretain, ubi ceciditDiarmait O Maelsechnaill and Cochul
Fliuch son of Mac Senân. Tigernàn O Ruairc victor fuit.
319. The men of Connacht routed the North of Ireland at
Segais (the Curliew Hills).
320. In hoc anno [there was a] great [cattle-plague called]
Mael Garb (? Bald and Rough). Dûn Môr and Dûn Mug-
dornd were burnt by the Munstermen and Leinstermen and
[Cathal] son of Cathal O Conchubair1 ; and Gilla naNaem O
Floind occisus.
321. The consécration of Cormac's church. . .
321. The defeat of Aed son of Domnall O Conchubair and
Tadc O Cellaig and the Ui Mani at Findabair, ubi cecidit Con-
chubar O Cellaig the father of Tadc et alii multi. Conchubar
son of Toirdelbach [O Conchubair] and the Sil Muredaig vie-
tores fuerunt.
323. Aed son of Domnall O Conchubair occisus est. Dom-
nall O Dubhtaig, Elfinensis episcopus and coarb of Ciarân of
Clonmacnoise, quievit in Christo at Brandan's Clonfert.
325. Cormac Mac Cartaig, king of Desmond, occisus est by
Toirdelbach O Briain. Donnchad son of Tadc O Maelruanaid
was blinded.
326. Defectus solis, id est, the Spring of the black cloud.
327. The year of the great catch of herring 2.
328. The chief men of Leinster turned against Diarmait
1. Thus our text; but according to F. M., A. L. Ce, Cathal O Conchu-
bair was killed bv the men of Munster and Leinster.
2. Read >i-in:da in the text
24'
370 A. Martin Freeman.
Mac Murchada. The son of Mac Faelân ' and [Murchad] O
Tuathail and the son of Mac Gormâin were killed by him ; he
also blinded Mac Gilli Mocolmôc. Mcxlii. Constructio Mel-
lifontis 2.
329. Conchubar O Briain, high-king of Munster, mortuus
est. A. D. Mcxliii.
330. Murchad O Maelsechnaill was taken prisoner by Toir-
delbach O Conchubair and the kingship of Meath was given
to Conchubar, his [Toirdelbach's] son. Gilla Oengussa O Clu-
main, the ollav of Ireland, mortuus est.
333. Tigernàn O Ruairc went to Loch Long... The break-
ing of the wicker [bridge] at Athlone J.
334. Kalendae of January. An attack on Tigernàn O Ruairc
at the instigation of Toirdelbach O Conchubair.
336. The night (?) ofFiad Mogain 4.
337. Toirdelbach's victorious raid at Cromad. The battle of
Môin Môr...
338. Debôrgaili, the wife of Tigernàn O Ruairc, was
abducted by Diarmait Mac Murchada. Cathal Miguran son of
Toirdelbach [O Conchubair] occisus fuit by the Calraigi of
Corann.
339. ... Toirdelbach O Briain wasbanished by Toirdelbach
O Conchubair and went into the North. The rout at For-
druim. The blindingof Tadc O Briain. Toirdelbach O Briain
in Munster iterum. A. D. Mcliii.
340. . . . The rout at Bonnamair. . .
341. Kalendae of January... The skirmish at Berna na
Fingaile (?).
342. The rout at Cuaille Cepàin. Toirdelbach O Conchu-
bair, king of Connacht, Meath, Dublin and Leith Moga Nua-
dat, — (?) of Ireland, mortuus est. A. D. Mclvi. ab init.
1. F. M. hâve ' Domnall, lord of the Ui Faelâin ' and Tig. has ' Dom-
nall Mac Faelâin '.
2. The monks' church at Drogheda. Its consécration is mentioned in
§ 343-
3. Whereby many of the followers of Toirdelbach O Conchubair were
drowned.
4. Read Fiada Mogan in the text.
The Aimais in Cotton MS. Titus A. XXV. 371
Mundi viM.ccclv. The blinding of Brian Breffnech...
343. . . . The consécration of the church at Drogheda. The
ravaging of Inis Senaig J by Ruadri O Conchubair. Cû Ulad,
son of Dondslébi [O hEochada], king of Ulster, moritur. . .
344. Domnall OLongarcâin, archiepiscopusofMunster,quie-
vit. Donnchad O Maelsechnaill was routed at Àth Maigne by
Diarmait [O Maelsechnaill] and Tigernân [O Ruairc] Conchu-
bar son of Domnall O Briain was blinded. The Connacht
clergy were routed at Corr [Cluana]. The rout at Mag Bachla,
whereinfell Donnchad son of Ruadri [O Conchubnir], grand-
son ofAed, and Tomaltach O Maelbrennaind 2.
345. Diarmait son of Tadc O Maelruanaid, king of Mag
Luire, mortuus est. The rout at Ath Firdiad,ubi cecidit Gilla
Crist, the son of Diarmait [O Maelruanaid], king of Mag Luire,
Murchertach son of Tadc O Maelruanaid and Diarmait O Con-
cenainn et alii nobiles et ignobiles.
346. Kalendae of January. Donnchad son of Domnall Sûc-
ach O Maelsechnaill, king of Meath, occisus est. Brodon son
of Turcall, kingof Dublin, occisus est.
347. . . .The castle at Tuaim was built by Ruadri O Con-
chubair.
348. In Cosnomaid (The Contender) O Dubda occisus fuit.
349. Niall son of Murchertach Mac Lochlainn wascaptur-
ed by the Ui Maine aud his followers slain.
350. Amlaib son of Gilla Coemgin O Cennétig was blinded.
351. Toirdelbach O Briain wenton pilgrimage et filius ejus
[Murchertach] regnavit in Munster. . .
352. Toirdelbach O Briain regnavit iterum. Ruadri O Con-
chubair marched to Dublin and was madekingby theforeign-
ers there. Thence he went to Drogheda, where he was
made king by Donnchad O Cerbaill and the men of Oriel ;
thence into Leinster, where he took hostages from Mac Mur-
chada for the Ui Cennsalaig only. Eochaid grandson * of
Dondslébi [O hEochada], king of Ulster, was blinded by Mur-
1. F. M. hâve « Inis Enaigh ».
2. See M. 're n-abarthar\
3. A. U., F. M. hâve 'son'.
372 A. Martin Freeman.
chertach MacLochlainn. Murchertach son of Niall Mac Loch-
lainn, king of Ireland, occisus est. The Cenél Conaill gave
hostages to Ruadri. Ruadri O Conchubair, Diarmait O Mael-
sechnaill and Tigernan O Ruairc, with the Leinstermen and
the foreigners ot" Dublin, banished Diarmaid Mac Murchada
overseas. Ruadri, Diarmait and Tigernan marched into Lein-
ster, Ossory and Munster, and the people of ail thèse made
Ruadri king.
353. The Cenél Eogain gave hostages to Ruadri. Diarmait '.
Toirdelbach O Briain, kingof MugNuadat's Half, moritur. . .
354. Art O Maelsechnaill was routed at Ath in Chomair
by Diarmait O Maelsechnaill. In Gilla Lethderc (The Half-
red Lad) O Conchubair of Corcumruad occisus est.
355. Ferchar O Fallamâin moritur. The fleet of Robert [Fitz-
StephenJ came to assist Mac Murchada. Diarmait O Maelsech-
naill occisus est by Domnall Bregach (D. of Bregia)[0 Mael-
sechnaill.]
356. A great fleet came with Richard, the earl of Striguil,
to assist his son-in-law, Mac Murchada. Sanctus Thomas. . .
occubuit. Ruadri, Art O Maelsechnaill, Domnall Bregach,
Tigernan O Ruairc and Murchad O Cerbaill marched to
Dublin. When they were on the green; they saw the fortress
in a blazeof fire, and Ruadri with his chieftains at once turn-
ed back, while Mac Murchada went, under a promise, into
the fortress. But he broke his word to the foreigners of the
place, nam multos exeisoccidit. Mac Murchada's hostages were
putto death at the instigation of Tigernan.
357. Diarmait Mac Murchada, king of Leinster and the
foreigners, moritur. The Rout of the Ashes, [in which] Aed
son of Tigernan O Ruairc occisus est. Magnus Mac Duind-
slébi [Ui Eochada,] king of Ulster, moritur. . .
358. 'toisech' = 'chieftain'.
359. 'tuisech' = 'chieftain'.
360. • . . Gilla Meic Liacc % the coarb of Patrick, quievit.
Gilla Mochabdeo, abbas of the monastery of Paul and Peter
1. D. Mac Murchada arrived from overseas inthis year (A. U.).
2. Giollamoliag, A. L. Ce.
The Annah in Col ton MS. Titus A. XXV. 373
in Armagh, quievit. Florence O Gormâin, chief lector oflre-
land, moritur. . . The synod of Byrr.
361. Maellsu, son of In Clérech Corr (The Crooked Clerk),
episcopus of Ulster, quievit. Amlaib, son of the coarb of Fin-
nén, episcopus of Ulster, quievit. Domnall Caemanach (D. ot
Kilcavan), son of Diarmait Mac Murchada, king of Leinster,
occisus est. The foreigners marched against Limerick. Conchu-
bar son of Mac Conchoille Seganach, coarb of Patrick quievit.
362. Richard Striguil, the earl, moritur. The foreigners aban-
doned Limerick. Diarmait son of Cormac [Mac Cartaig] was
captured by Cormac Liathanach, [his own son]. Niall son of
Mac Lochlainn occisus est. .. Domnall Midech (D. of Meath),
son of Toirdelbach O Conchubair, heir-apparent of Connacht,
moritur. . .
363. Aed son of Gilla Broiti ORuairc mortuus est. Ragnall
son of Gilla Cellaig O Ruadin, coarb of Mac Dé, moritur.
Vivianus cardinalis venit ad Hiberniam. John de Courcey came
into Ulster. . . Conchubar Maenmaigi (C. of Mag Maen) was
captured by his father, [Ruadri O Conchubair.]. . . Murchad
son of Ruadri [O Conchubair] was blinded. . .
364. The drying-up of the (river) Gahvay. Hugo de Lacy
[made the]journey [acrossSliab] EchtgitoClonmacnoise. Con-
chubar Maenmaige was taken from Loch Cuain by his followers.
Aed O Flathbertaig, king of West Connacht, moritur. A sei-
zure (?) ofearthquake on the Shannon '. . .
365. . . .The poisonous snow.
36e. Gilla Crist son of Mac Cargamna, chieftain of the
Muinter Maelshinna, occisus est. The battle of the Conchu-
bars. . .
367. Domnall O Cennétig, king of Ormond, moritur. . .
The battle of the princes. . .
368. .. . Myles Gogan, Raymond, Cend Cuilinn, and the
two Fitz-Stephens occisi sunt. Ruadri and Conchubar Maen-
maige routed O Maeldoraid and Donnchad son of Domnall
Midech [O Conchubair,] ubi multi occisi sunt.
1. Tigernach says : 'An island appared in the Shannon, and it is not
known where it came from '.
Rnue Celtique. XLIII. 24
374 A. Martin Freeman.
369. . . .Ruadri O Conchubair left his kingdom to hisson,
Conchubar Maenmaige. . . [Henry] Fitz-Empress, rex Anglo-
rum, moritur. . .
370. 'toisech' = 'chieftain'.
371. War between Ruadri and Conchubar Maenmaige. Dom-
nall O Briain . . . ecclesias et praedia of West Connacht devas-
tavit. . . Diarmait son of Cormac Mac Cartaig, king of Des-
mond, occisus est ab Anglicis. Maelsechnaill son of [Murcher-
tach] Mac Lochlainn, king oftheCenél Eogain, occisus est by
the foreigners. Diarmait son ofToirdelbach O Briain was blind-
ed by Domnall O Briain. Mathgamain son of Conchubar
Maenmaige was [captured] by Murchad son of TadcO Cellaig
[and] given up to Domnall O Briain '. The kingship of Con-
nacht was seized by Conchubar Maenmaige.
372. Conchubar O Flathbertaig occisus est in Aran. Rua-
dri was banished by Conchubar Maenmaige. . . The Rock of
Loch Ce was burnt . . . John de Courcey was routed in the
Segais. . .
373. ...Conchubar Maenmaige, high-king of Connacht,
and of Ireland for his importance, occisus est a suis. Conchubar
O Diarmata, [his murderer,] occisus est. Cuilén son of Cui-
lén of Claenglais occisus est. Murchad O Flannacâin, dux ot
the Clann Cathail, moritur.
374. The ship of Cathal Crobderc(C. Red-hand) [O Con-
chubair] was" sunk, in qua xxxvi viri submersi sunt, including
Airechtach O Rodib, chieftain of the Clann Tomaltaig, Con-
chubar son of Cathal Migarain 2 and Murchertach son of Con-
chubar son of Diarmait [O Maelruamaid.]. . .
375. Ruadri O Conchubair left Connacht and went into
Cenél Conaill. . .
377. Cathal Odur (C. the swarthy) son of Mac Cartaig
occisus est. Derbôrgaill daughter of Murchad O Maelsechnaill
in Mellifonte defuncta est. Aed O Maelbrenainn, chieftain of
1. This is the meaning of the corresponding passage in A. L. Ce. Our
text is ambiguous.
2. Thus A. L. Ce. A. U. has 'mie Urain', i. c. 'the son of Uran'
whileour text has merely ' mie' with a stroke over the c.
The Aimais in Cotton MS. Titus A. XXV. 375
the Clann Conchubair, occisus est. Inis Clothrann was ravag-
ed by Gilbert Mac Gostelb.
378. Domnall son of Toirdelbach O Briain, king of Mun-
ster, monuusest. Murchertach,grandson of Conchubarson of
Domnall Cerrlâmach ' (D. of the Crooked Arm) [O Briain],
was blinded by Murchertach son of Domnall [? O Briain].
Gilbert Mac Gostelb marched to Ess Ruad, but turned back
without accomplishing anything.
379. . . .Cathalson ofDiarmait[0 Maelruanaid] came out
of Munster to Hag's Island 2 et multos homines occidit. . .
Domnall O Finn, coarb of Brandan's Clonfert, quievit.
380. The MuinterEolais slaughtered by Ualgarg O Ruairc.
Ruadri O Flathbertaig made submission to Cathal Crobderc
and peace was made between them by the coarb of Patrick. In
Gilla Ruad (The Red-haired Lad) son of Mac Ragnaill, occi-
sus est . . .
381. Ruadri O Flathbertaig was captured by Cathal Crob-
derc. Flathbertach OMaeldorid, king ofthe Cenél Conaill and
the Cenél Eogain, moritur. In Gilla Srônmael (The Blunt-
nosed Lad) O Dochartaig rexit Cenél Conaill. . .
382. Ruadri O Conchubair, high-king of ail Ireland, mori-
tur.
383. Cathal Carrach and Cathal Crobderc made peace. Cathal
Carrach was brought into the country and land given to him.
[Ruadri] O Flathbertaig was released.
384. Donnchad Uaithnech (D. of Uaithne) son of Ruadri
[O Conchubair] occisus est. The rout of Cathal Crobderc and
the men of Connacht at Âth Borim (?), ubi cecidit Ruadri O
Flathbertaig cum aliis multis. The rout at Int Orbar (?). Wil-
liam Burke in auxilium of Cathal Carrach venit in Connach-
tiam, and they left no property of layman or cleric in Con-
nacht unsacked ; neither church nor altar of monks nor canons
or abbots could protect [the people] from them. Never before
was Connacht afflicted with such a scourge of hunger and
nakedness.
1. Called ' Gerrlâmach ', i. e. ' Short-armed ', by A. L. Ce.
2. Either a mistake, or another name of Hag's Castle.
376 A. Mari in Freeman.
385. Ruadri Mac Duindslebi [Ui Eochada] king of Ulster,
occisus est. Cathal Crobderc made a successful foray against
Diarmait son of Conchubar [O Maelruanaid] at Cûil Cnâma.
[He made] another foray into Tir Ailella, against Tomaltach
[son of Conchubar O Maelruanaid,] carryingoff much cattle.
Cadla O Dubthaig. . . quievit. The Fir Manach, O Néill, the
Cenél Eogain and the Cenél Conaill were routed at Ess Dara.
Ibi Niall O hEcnig, king of the Fir Manach, occisus est, et
alii multi. Cathal Crobderc vero perrexit cum suis ad Hag s
Castle, and turned back thence with his army routed. O Néill
went into the church at Ess Dara '. Tomaltach O Conchu-
bair. .. quievit. John de Courcey and Hugo de Lacy were
routed at Ard Ladrann
38e. crowned 5 by O Néill and the men of Connacht. O
Néill made some great raids and got away safely afterwards.
The foreigners of Ireland were assembled by [Aed] son ot
Cathal Crobderc, but the Munstermen inflicted great damage
on them, plundering them and killing many people. Echmar-
cach MacBranàin occisus. The sons of Ruadri *• were banish-
ed from their land and went into the North, and Donn Og
son of Mac Oirechtaig together with them, after the country
had been laid waste by them ail.
387. The corn was reaped after St. Brigit's Day, and the
plowing was going on at the same time 5. A great disease
among human beings this spring. O Néill led an army to the
borders 6 of Connacht, and turned back without accomplish-
ing anything, though he had assembled the host. Hostages
of the Cenél Conaill were taken and the son of O Domnall
captured. Fergal O Taidc occisus est.
1 . A. L. Ce say he was taken there as a prisoner.
2. Hère the record of twenty-two and a half years is missing from the
MS. The next fragment begins in the middleof a sentence.
3. This must refer to Aed O Conchubair, who succeedej his father,
Cathal Crobderc. The death of the latter is recorded on May 28th of this
year by F. M., A. U., A. L. Ce.
4. Tordelbach and Aed. Set the endof§ 388.
5. Reading ' inaenecht' for ' innecht '
6. Read iwell in the text.
The Annals in Cotton MS. Titus A. XXV. 377
388. [Aed] O Conchubair appointed to meet the son of
Geoffrey. [William] Mareis, the son ofGeoffrey, was captured,
together with other foreigners. The Constable of Athlone was
killed.Mac Airt was captured with his wifeand his foster-father
and many of his followers. A great famine in Ireland. Dond-
slébi O Gadra, king of Sliab Luga, waskilled by In Gilla Ruad
(The Red-haired Lad), his brother's son. In Gilla Ruad was
killed. Aed son of Cathal [Crobderc O Conchubair] was depo-
sed and went into the North. He returned thence into Con-
nachtand came to the Curliew Hills, where he was routed by
the two sons of Toirdelbach O Conchubair. They captured
his wife and carried her offin bondage. Geoffrey [Mareis] built
the castle at Rinn Dûin and that at Athleague as well. There
was much fightingfor the land between the two sons ofRua-
dri, Aed and Toirdelbach, so that they devastated Connacht
between them.
389. Aed son of Cathal Crobderc O Conchubair, the most
comely and active lad there ever was in Ireland, was treacher-
ously killed in the house of Geoffrey Mareis. Great dévasta-
tion from Ess Dara to the river of the Ui Fiachrach in the
south, ail except a little tract in Sliab Luga and Lucht Airtig.
David O Floind, chieftain of the Sil Maelruanaid, mortuus est.
Aed sonof Ruadri [O Conchubair] seized the kingship of Con-
nacht. . . The archbishop of Dublin quievit. A great famine
in Connacht this year. ..
390. Kalendae of January. Diarmait son of Mac Cartaig
mortuus est . . Muiredach O Gormginli ', prior of Inis Mac
nErin, a famous man for piety and churchmanship in the land
he lived in, moritur. Diarmait Mac Gilli Cartaig, archipresbi-
ter of Tech Baethin, in fine ejusdem anni mortuus est. . .
391. Dondslébi O hlnmainéin, chief master-carpenter of
the monastery ofBoyle, moritur. MaelmuireOMaeleôin.coarb
of Ciarân of Clonmacnoise, [quievit.] O Cerballâin, bishop of
Cenél Eogain, mortuus. Joseph Mac Teichedâin, bishop of
Conmaicne, mortuus est. Gilla îsuOClérig, bishop of Luigne,
mortuus est. Rool Petit, bishop of Meath, . . . quievit. A great
1. Garmghaile, p. M. ; Gormghaile, A. U. ; Gormshuiligh, A. L. Ce.
378 A. Martin Freeman.
army was gathered by Richard Burke and the chiet foreigners
of Ireland and Donnchad Cairbrech O Briain. They came into
Connacht and reached the Curliew Hills; Aed son of Ruadri,
king of Connacht, and the Connachtmen were defeated and
Aed son of Ruadri was banished, and Donn Oc Mac Oirech-
taig, chieftain of the Sil Muredaig, was killed et multi alii cum
ipso occisi sunt. The same day the Justiciary came with an
army to the shore at the Rock of Loch Ce. He remained there
a week and two nights, and he gave the kingship thereof to
Fedelmid son of Cathal Crobderc. After this the foreigners
went away and the army was disbanded.
Aed O Néill, king of Cenél Eogain and Cenél Conaill, mor-
tuus est.
392. Fethfailge daughter of Conchubar Mac Diarmata mor-
tuus est. Fedelmid O Conchubair was treacherously captured
by the Justiciary at Milec. Eodem anno Cormac son of Tomal-
tach [Mac Diarmata] incepit to make a market-town at Port
na Cairge. Dionysius, bishop of Elphin, after resigning his
bishopric for the sake of God, and after completing inTrinity
Island a life devoted to God and to Clarus Mac Mailin, arch-
deacon of Elphin, and to the canons of th;it place, xviii kalen-
das Januarii in eadem insula in Christo quievit.
393. Aed OFergail, chieftain ofMuinter Angaile, was burnt
by his kinsmen on the island of Loch Cuile. Richard Burke
built the castle at Bun Gaillme, and Adam Standon the castle
at Dûnlmgain. Conchubar son of Aed [O Conchubair] escap-
ed from the foreigners and gathered the sons of the king of
Connacht about him. He went into the Tuatha and the inha-
bitants killed him. Donnchad son of Tomaltach [Mac Diar-
mata] mortuus est. Fedelmid was released by the forei-
gners. . .
39_|. Kalendae of January feria septima. Fedelmid O Con-
chubair marched into Connacht and encamped at Dûn nGre-
graige. The Muinter Maelruanaid and the three Tuatha came
on to his side, and they pursued after Aed son of Ruadri,
kingof Connacht, and routed him, killing Aed himselt, Donn-
chad son of Diarmait son of Ruadri, Aed Muimnech son of
Ruadri and his son, Thomas Biris and Owen his brother,
The Annals.in Co'ton MS. Titus A. XXV. 379
Owen Guer ' and many other Gaels and Gauls. Thèse men
had plundered churches and clerics, who cursed and excom-
municated them. William deLacy and the foreigners of Meath
marched with a large host into Breffny against 2 Cathal O
Ragallaig and Cûconnacht his brother, and made greatforays.
However, a party of O Ragallaig's peoplecame upon William
de Lacy and the chiefs of the army as they followed up the
prey, and engaged them. William Brit was killed on the spot,
with other notable foreigners, and William de Lacy, Cerlas
son of Cathal Gall (C. the Foreigner) O Conchubair and many
more were wounded.'Sothey retired out ofthecountry with-
out obtaining hostage or surety 3. William de Lacy and
Cathal Gall died very shortly afterwards, in their houses, of
the wounds inflicted on them. Fergal Mac Cormaic mortuus
est.
395. Kalendae of January on a Sunday. A great frost in
this year, so that the lakes froze, and men and horses 4 with
their loads walked [on] Loch Ce and Loch Rib and many
other lakes. Aed O hEgra was killed by his own brother, the
son of Duorcân O hEgra, while he [i. e. Aed] was king of
Luigne.
Diarmait O Cuinn, chieftain of Muinter Gilgân, mortuus
est. Richard Marshall made war upon the kingof England in
England. He crossed over and came into Leinster, and the
foreigners of Ireland gathered to oppose him on behalf of the
kingof England, viz-: — Mac Muiris, justiciary of Ireland and
Hugo de Lacy, earl of Ulster and Walter de Lacy, lord ot
Meath. They reached > Currech Life in Leinster and attacked
the Marshall, who was killed and his followers heavily defeat-
ed. Aengus Mac Gilli Finnéin, king of Loch Erne, was killed
by O Domnaill. He had been plundering O Domnaill and
O Domnaill had corne after him to recover the spoil. Maelisu
1. Called lSguiér\ i. e. 'Squire', by A. L. Ce.
2. Literally 'towards ', and thus F. M., A. L. Ce.
3. 'gançial! gan eittere\ F. M. ; gan gheill gan edire\ A. L. Ce.
4. An unintelligible word is inserted hère. For ' on ', five words later,
the MS. has 'and '.
5 . ? siachtatar.
380 A. Martin Freeman.
son of Daniel O Gormgaile, prior oflnis Mac nErin, in Christo
quievit. Gilla na Naem son of ArtO Briain, archipresbiter of
Roscommon and [êrenagh] ', in Christo quievit. Moelpetair
O Carmacain, master of Roscommon, in Christo quievit. The
bishop O Maelagmâir. . . quievit. Gilla Isu O Gibellâin, a
monk anchorita lnsulae Sanctae Trinitatis, in Christo quievit.
396. Kalendae Januarii feriasecunda, lunae nona. Domnall
O Néill, king of Cenél Eogain, was killed by Mac Lochlainn,
who seized the kingdom after him. MatudânO Matudâin,king
of the Sil nAnmchada, in Christo quievit.
397. Kalendae of January. Thecastle of Milec was razed by
Fedelmid O Conchubair. There was a fight in a camp in Con-
nacht, and Taichlech O Dubda was wounded in it, so that
hedied 2. A great army was raised } by Mac Muiris, Justiciary
of Ireland, and Hugo de Lacy, earl of Ulster, Richard son of
William Burke, Walter Rittabard 4, chief baron of Leinster,
with the Leinster foreigners, John Gogan with the Munster
foreigners, and the bandsof Ireland. They raided far and wide,
and came on thenight ofTrinity Sunday to the monastery ot
Boyle and damaged it. They broke open the crypt and car-
ried off the mass-chalices of the monastery and its vestments
and its treasure. The next day they made a great foray till they
came to Cret and Cairthe Muilchén and the Tower of Glen-
farne, and brought huge booty to Ard Carna tomeet the Justi-
ciary of Ireland. He came there to meet them, and they [ail]
went thence into Thomond in pursuit of Fedelmid and Donn-
chad Cairbrech O Briain. They defeated Donnchad Cairbrech
and took hostages from him. Thence they went into northern
Connacht and came to Tobar Pâtraic and, together with O
Flathbertaig and O hEdin, they raided in ships round Insi
Mod. From there they proceeded to Ess Dara, wherethey raid-
1. I take this word from F. M., A. U., A. L. Ce. Uasah[h]acart, the
reading of our text, is the same as archiprespiter.
2. According to F. M., A. L. Ce, Taichlech was killed by an arrow
while trying to quell a disturbance in the camp of Fedelmid O Conchubair,
king of Connacht.
3. See M. ' gabhail na c.\
4. Riddesford.
The Aimais in Coiton MS. Titus A. XXV. 381
ed O Domnaill ' on account of the banishment of Fedelmid 2.
Thence they passed to the shore of the Great Rock of Loch
Ce, into which Fedelmid had put ma n'y of his chief followers,
to hold it. On this occasion, however, the foreigners of Ire-
land, on pitching their camp, granted protection and sanctuary
and safeguard to Clarus Mac Mailin, archdeacon of Elphin,and
to Trinity Island with its canons on Loch Ce. Moreover the
Justiciary and the principal foreigners of Ireland went to see
the place and to pray therein and do it révérence, so that no
man might venture to dishonour it. However, a fleet arrived
at Loch Ce, bringingengines (?) 5 and mangonels, and a man-
gonel was mounted on a small platform 4 aud many stones
were cast out of it into the fortress. But since it could not be
reduced bythis means, the foreigners made great rams(? rafts)
outof the houses of Ard Carna, and brought ail the fuel (?) 5
of the countryside and setfire to it. And they tied empty bar-
rels round those rams to keep them afloat, and sent one of
their ships, a large one roofed with planking, to tow the rams
to the fortress and so set it afire. But the people inside were
seized with fear, and they came out on parole and upon con-
ditions; and the Justiciary put a garrison of foreigners into
it. And when they had been in it twenty nights complète,
from Thursday to Thursday, they went away on the Satur-
day. Peace was made with Fedelmid, and Cormac Mac Diar-
mata came with him [to make peace]. One day, however,
when the constable of the castle went outside its door, one
of their own men, namely O hOstin, shut [the door of ] the
place behind them. The foreigners fled for sanctuary to Tri-
nity Island and were conveyed [safely] thence. Now when
1. The MS bas ' they raided with O Domnaill', but A. L. Ce, F. M.
hâve 'against for 'with', as the sensé requires.
2. i. e. on account of his having harboured Fedelmid during his banish-
ment : see F. M., A. L. Ce.
3. A. L. Ce has gailhribh, explained as' foreign implements'.
4. O' Grady (Cat.) suggests tHe altération of 'buic' to 'biuc'. Meyer
(Contribb.) translates ' crebanacV by 'platform', referring to O' Grady's
transcription of this passage. A. L. Ce has a créjhaladh bheg.
5. The MS. has 'kilns', which does not seem good sensé. Mever (op.
:it.) suggests that ' dthanna ' stands for ' aUbinne' = ' firebrand '.
382 A. Martin Freeman.
Cormac hadcaptured theRockhedetermined to throwit down
and break it in pièces, so that the foreigners should not take
it again. . .
398. Kalendae of January on a Tuesday. The Justiciary
made an appointment with Fedelmid O Conchubair to the
west of Afeoran ' and came there to meet him 2 with a great
army, came up with him } and plundered him 4. The Justi-
ciary made a great foray. They reached the Sligo in Cairbre
where they came up with Fedelmid and O Domnailland Mac
Diarmata. They took a great booty of the cattle and people who
were crossing the Sligo to corne into Connacht, captured
many women, and carried off this great spoil across the Cur-
liew Hills into Mag Luire. The Justiciary was waiting for
them in Druim nGregrâige until they arrived. Fedelmid came
into Connacht out of the North, with an army, and reaching *
the country of the Ui Maine he raided their fortress. Conchu-
bar Buide [O Conchubairj was killed as he followed after the
prey.
Mac Craith Mac Maelin, sacerdosof Cell Meic Trena, mor-
tuusest. Aed O Gibellâin, sacerdos of Cell Rotâin and finally
a canon ofTrinity Island, mortuusest, at Christmas and was
waked in the choir that night until the next day's Mass, and
buried honourably on that day b.
399. Kalendae of January on a Thursday. Fedelmid O Con-
chubair came into Connacht with Cûchonnacht O Ragallaig
and Cathal Mac Ragnaill and O Brûin 7 and the Conmaicne.
They crossed the Curliew Hills northwards in pursuit of the
sons of Ruadri, engaged and routed them. They made great
forays against Conchubar son of Cormac [Mac Diarmata] in
Tir Ailella; and after that they put a fleet on Loch Ce and
drove out Cormac Mac Diarmata, king of Mag Luire, ravaged
1. F. M., A. L. Ce hâve ' Àth Feorainne'.
2. ? ' i gcenn ' = * i geionn '.
3. }'roth' for 'rocht' : cp. 'luth' for 'lucht' above.
4. ? innrad.
5. ? ' seth ' for ' siacht '.
6. Or possibly on the third day. The text is ambiguous.
7. F. M., A. L. Ce hâve ' and the Ui Brûin '.
The Annals in Cotton MS. Titus A. XXV. 383
Mac Luire and left the kingship of the land and the lake in
the hands of Donnchad son of Murchertach [Luathshûilech
Mac Diarmata.j
Donâit O Fidubrâ, coarb of Patrick, died in England. Mael-
muire O Lachtnain, archbishop ofTuaim,held his first synod
at Athlone, after his pallium had corne for him from Rome.
Murchertach son of Ruadri [O Conchubair] waskilled by the
sons of Magnus son of Murchertach [Muimnech O Conchu-
bair]. Thomas O Ruadain, bishop of Achad Conaire, in Christo
quievit. Gilla Isu son of In Scélaige (The Narrator), bishop
of Conmaicne, died. The building of a monastery of canons
was begun ' by Clarus Mac Mailin, archdeacon ofElphin, on
Trinity Island in Loch Uachtair, by means of the contribu-
tion * of Cathal O Ragallaig.
400. Kalendae of January on a Friday. Cathal Mac Riabaig,
chieftain of the Fir Scène, mortuus est.
401. Kalendae of January on a Sunday...
402. Kalendae of January on a Monday. The foreigners of
Ireland made a great — (?) this year at Ath na Riaig (?).
Lucia daughter of Mac Gilli Duib O Conaing, monialis of the
community if Ard Carna,. . . quievit...
403. Kalendae of January on a Wednesday. David son of
Cellach [O Gillipâtraic], episcopus Casilensis, quievit... The
daughter of the Earl [ofUlster] mortua. The bishop ofElphin,
Tomaltach O Conchubair, built a palace at Cell tSésin.
Mccliii.
404. Kalendae of January on a Thursday. Pax tota Hiber-
nia.
405. Kalendae of January on a Friday, and a good year.
In this year came Florence Mac Floinn, archbishop of Tuaim,...
406. Kalendae of January on a Saturday... The Muinter
Ragallaig slaughtered by Aed son of Fedelmid O Conchu-
bair...
1 . ? tinsc(a)nad = tindscelal leg.
2. A. L. Ce has ' gift' ; F. M. has ' permission ' .
3 . The leaves containing the record ot the remainder of this year and
the whole of the following twelve years are missing from the MS.
384 A. Martin Freeman.
407. Muiris Mac Gerailt quievit... Goffraid O Domnaill
plundered... by the foreigners and was wounded... Conchu-
bar son of Tigernân [O Ruairc] was killed by the Muinter
Ragallaig.
(A suivre.) A. Martin Freeman.
UN NOUVEAU
« DÉBAT DU CORPS ET DE L'AME »
EN GALLOIS
Dans le Bulletin of the Board of Celtic Studies, t. II, p. 127
et ss.,M. Ifor Williams a publié le texte gallois d'une version
inédite du « Débat du corps et de l'âme », d'après le manuscrit
de Llanstephan n° 27, f° 164. On sait combien ce sujet a été
répandu au moyen âge ; il en existe des versions dans la plu-
part des langues de l'Europe ', notamment en français2 et en
irlandais K Certaines de ces versions paraissent remonter à un
poème latin du xne siècle, la Visio Fulberti, lequel n'est qu'une
amplification d'un texte latin en prose, sensiblement antérieur 4.
Il y a d'ailleurs entre les diverses versions de notables diffé-
rences, dans le fond comme dans la forme du dialogue. Les
sources en peuvent être cherchées fort haut dans l'antiquité
classique >, et jusqu'en Orient6. Il s'agit d'un thème très ancien,
1. Voir surtout Batiouchkof, Romania, t. XX, pp. 1 et 534. Cf. Kleinert,
Ueber den Streit \iuischen Leib und Seele, Halle, 1880 (compte rendu dans
la Romania, IX, 31) et G. Paris, Littérature française au moyen dge (1SS8),
pp. 158, 227, 263, 272.
2. Voir pour les versions en français : Romania, XIII, 519 et Z.f. rotn.
Ph., IV, 75 et 365 ; en provençal : R. des langues romanes, XLVIII (1905),
p. 30 et 141, Annales du Midi, XXIV (1912), p. 204, et consulter Blanche
Sertorius, le Débat provençal du corps et de Vdme, Thèse de Fribourg (Suisse),
1916.
3. Voir Gaidoz, R. Ceît., X,46$ et Dottin, ibid., XXIII, 8 ; Abbott and
Gwynn, Calai, of Irish mss. in Trinity Collège, p. 403 ; R. Flower, Catal.
of the Irish Mss. of the Brit. Mus., II, 28, 37 et 183. Cf. R. Celt., XI,
392, 399 et 425 ; Z. /. Celt. Phtl, I, 495.
4. Gaidoz, R.C., X, 465.
5. Voir Gaidoz, Mélusine, V, 1890-1891,001. 107-109.
6. Voir Dudley, The Egyptian éléments in the legend of the Body and
Soûl. Bryn Mawr Monographs, 191 1.
25*
38e /. Vendryes.
qui a été traité assez librement par les écrivains qui s'en sont
emparés dans les divers pays. Mais ce n'est pas le lieu d'aborder
l'étude de la diffusion de ce thème, ni même d'examiner la.
place qu'occupe le fragment gallois édité par M. Ifor Williams
dans l'ensemble des versions que l'on en connaît. Par lui-
même et en raison de l'intérêt qu'il présente pour la philologie
galloise, ce morceau mérite de retenir l'attention.
Ce n'est pas le premier texte gallois qui roule sur le débat
du corps et de l'âme. Le Black Book of Carmarthen contient
deux morceaux consacrés à ce sujet : ce sont les poèmes numé-
rotés 6 et 7 par Skene (F . A . B . , t. II, p. 8 et 9, = p. 23 et
24 éd. Evans), dont l'un est un discours du corps et l'autre
une réponse de l'âme.
Depuis, M. Henry Lewis a publié dans le Bulletin of the
Board of Celtic Studies, t. III, p. 119, un nouveau poème inédit
qu'il considère comme se rattachant au même thème. Il ne
s'y rattache en tout cas que d'assez loin. D'abord, ce n'est pas
un dialogue. Pour le fond, c'est plutôt une admonestation
adressée à l'homme pour l'engager à méditer sur le soft qui
l'attend après la mort '.
Le poème contenu dans le manuscrit de Llanstephan est au
contraire un dialogue, où même le corps et l'âme échangent
des répliques sur un ton fort animé. Il est probablement ina-
chevé, car il s'arrête brusquement, sans conclusion. En outre,
le Dialogue proprement dit y est précédé de trois strophes, qui
peuvent être considérées comme lui servant d'introduction,
mais qui y ont été vraisemblablement rattachées après coup:
Les trois strophes d'introduction sont des triplets ; le dialogue
lui-même se compose de quatrains. C'est déjà une présomp-
1. Dans son article du B. B.C. S., t. II, p. 127, M. Ifor Williams signale
une autre version du même débat qu'il aurait étudiée dans le Cymtnroder
de 191 3. Nous n'avons pas pu prendre connaissance de ce travail. — Le
Débat du Corps et de l'Ame est resté un sujet favori des poètes gallois.
M. W. J. Gruffydd a signalé un « interlude » du XVIe s. où le corps et
l'âme se querellent en présence de saint Michel et du démon ; il en a donné
quelques fragments, d'après le ms. Philipps 17 17 1 de la Bibliothèque de
Cardiff (Llenyddicieth Cymru o 1450 hyd 1600, Liverpool, 1922, p. 69-70).
« Débat du corps et de F âme ». .387
tion qu'il s'agit de deux morceaux différents. Mais une preuve
plus convaincante peut être fournie à l'appui de cette hypothèse.
Le premier quatrain du dialogue est prononcé par l'âme. Le
second est également adressé par l'âme au corps, tandis que
l'échange régulier des deux interlocuteurs se poursuit ensuite
de quatrain en quatrain jusqu'à la fin du poème. Il manque
visiblement un quatrain entre le premier et le second. Or, ce
quatrain manquant est conservé ailleurs. Dans un blanc du
Black Book of Carmarthen, au bas de la page 79 (éd. Evans;
t. II, p. -41 Sk.) ont été transcrits par une main plus récente
deux quatrains, dont le premier est celui par lequel débute
notre poème; le second par une heureuse chance est celui qui
a été sauté dans le manuscrit de Llanstephan. On sait que la
page 80 du Black Book, qui terminait un cahier, sans doute
à l'origine indépendant, est aujourd'hui à peu près complète-
ment illisible. Il est tentant de supposer que le dialogue se
continuait sur la page 80. Mais il faut laisser à des paléographes
compétents de se prononcer sur ce point. Un examen rapide
de la page 80 du fac-similé donne plutôt l'impression qu'elle
contenait un poème différent. La main récente n'aurait donc
utilisé que le blanc laissé au bas de la page 79, et pour y
inscrire seulement les deux premiers quatrains du dialogue.
Cette copie est d'ailleurs des plus fautives, et il est heureux
que, pour le premier quatrain du moins, nous puissions la
corriger au moyen du manuscrit de Llanstephan. On ne peut
pas dire que le copiste du manuscrit de Llanstephan ait uti-
lisé le Black Book, mais plutôt qu'il s'est adressé à la source
où la main récente du Black Book a également puisé. Ce
n'est d'ailleurs pas le seul cas où l'on relève des similitudes
entre les deux manuscrits. A la page 84, 1. 2, du Black Book
(éd. Evans) se trouve un poème qui commence par Mi ae
gowinnei s. Skene (t. II, p. 44) l'a maladroitement confondu avec
le poème précédent, Kyntaiv geir a dywedaw; les deux n'ont
aucun rapport. Or quatre strophes du poème Mi ae gouuinneis
se rencontrent dans le ms. de Llanstephan n° 27, p. 163 b
(Ifor Williams, B.B.C.S ., II, J20). Ce poème dut avoir au
moyen âge une certaine vogue : cinq strophes s'en retrouvent
à la fin d'un « Dialogue d'Arthur et de l'Aigle » dont on a
388 /. Vendryes.
plusieurs manuscrits (Ifor Williams, ibid.,p. 276 et ss., surtout
p. 282).
Au point de vue du mètre, il convient de remarquer que le
triplet est dans la versification galloise un vieux genre, déjà
démodé au xne siècle (J. Loth, Mètr. gall., Il, 178 etss.).Les
trois triplets qui forment ici l'introduction du dialogue sont
d'un type régulier.
Toutefois dans le troisième, le premier vers ne rime pas
avec les deux autres, mais avec la coupe du second; en outre,
il comprend neuf syllabes, tandis que le second vers n'en a
que six. C'est un type également bien connu (J. Loth, ibid.,
192) '. Au dernier vers, il faut compter dans le premier triplet
le y de y ogawr, mais le supprimer dans les deux autres (à
condition de lire lliaws en deux syllabes dans le troisième).
Les quatrains dont se compose le dialogue sont en principe
du genre « englyn unodl unsain «, dont le modèle est fourni
par le Marwnad de Madawc ab M;iredudd (par Cynddelw,
M. A., 154b) ; v. J. Loth, op. àt.3 I, p. 72, II p. i98etss.
Les trois derniers quatrains présentent une disposition un peu
particulière. Le septième est du genre « englyn unodl cyrch »
(Loth, I, p. 76; II, p. 230), dont il y a des exemples dans le
Black Book (p. 31.14, 34-19 Sk. = 66.8, 69. 6 Ev.). L'avant-
dernier comprend quatre vers égaux qui riment. Enfin, le
dernier est formé de la réunion de deux pelydr d'englyn unodl
unsain ; la rime finale est la même dans les deux. En outre,
chaque paladr a naturellement une rime intérieure. Chacun
des quatrains présente en outre un certain nombre de parti-
1. Les triplets suivants (R.B. poetr. II, 253 . 19 et 256.6 Sk.) peuvent
servir d'exemples :
Gorwyn blaen grue ; gnaivt seithuc ar Iwfyr ;
bvdyr vyd diufyr ar dal glan ;
gnawt gau gywir eir kyvan.
yn aber Cuawc cogeu a ganant ;
ys atvant gan vym bryt ;
ae kigleu nas clyiv hefyt.
« Débat du corps et de Vàme » 389
cularités prosodiques (contraction, élision, syncope) d'un type
connu ; v. J. Loth, op. cit., I, p. 247-266.
Le texte de VYmdidan y Corf ar Eneit est donné ci-dessous
d'après le manuscrit de Llanstephan. Le quatrain emprunté
au Black Book a été inséré à la place qui lui revient, entre
crochets. Pour le premier quatrain, le texte du Black Book a
été donné en note.
YMDIDAN Y CORF A'R ENEIT
1 . Deu gedymdeith deu diwyt
deu lwgwr deu rywe.yt
deu vwynuawr y ogawr byt.
2. Deu gedymdeith deu vuner
eu da ac eu drwc goleither
deu vwynuawr y ogawr llawer.
3 . Claer ac anglaer deu annwarwenwyn
deu derwyn trwm eu gnaws
deu vwynuawr y ogawr lliaws.
1 . Tra vom gytgerdet ogonet gedymdeith,
bit byrfteith yn gweithret ;
keisswn yma ymwaret
trwy ffyd a chrefyd a chret r.
2 . [Kyd credwit douit drvi kereirhyt fit,
maur penyd meith peunyt;
eneid, pan im kenerchyt,
pa divet ae bet ambit ?]
1 . Le texte de ce quatrain est des plus corrompus, tel que le donne le
Black Book :
tra vont kyd keredd gonet kydimyteith
bid pyrfeyth in gueithred
keyssun yvnuared
drvi fit a crevit a cred.
Revue Celtique, XL1U. 2*
390 /. Vendryes.
3 . Na vit ryued gennyt kynn elych y ved ;
car benyt a chrefyd,
ti a gychwynny y uynyd
elchwyl y'th delw ar elwyd
4. Gwedy drewo vyng knawt ac yn ulawt vy esgyrn,
att esgus dy wenwlawt ;
ny chredaf a dywedyfd]
onym byd ffyd y drindawt.
5 . Mi ae gweleis mywn goleu lythyr
a mynnyr mawr eireu,
mae ymed gwedy gwed angeu
vyd dy diein a'th dieu.
6 . Canys dieu ym ved a divroed mawr
a digawn o dycned,
meuyl ym or colla[f J vyn gwed
a'm edweryt a'm enryded.
7 . A gorff, bychan pechadur,
wyt gwenwyn hygawd hygur ;
nym oed, pan deuthum yth odeu,
eisseu dim da heb lafur.
8 . Am oed ym dan a gweryt
a dwfyr a daear y gyt ;
a minneu, pei na bydut,
nyt oed reit ym, eneit, wrthyt.
9. Pan deuthum yth gyt, gorff ehut anwadal,
pa aryal a allut ?
Nythraethut a'thdauawt, ny chlywyt a'thglusteu,
dim fîrwytheu nys gallut.
« Débat du corps et de F âme » 391
TRADUCTION
DIALOGUE DU CORPS ET DE L'AME
1 . — Deux compagnons, deux assidus,
deux très corrompus, deux très protecteurs (?),
deux bienfaisants pour la subsistance du monde.
2. — Deux compagnons, deux chefs
dont on supporte le bien comme le mal,
deux bienfaisants pour la subsistance de beaucoup.
3 . — Brillant et obscur, deux hargneux (?) sans douceur,
deux impétueux à la nature lourde,
deux bienfaisants pour la subsistance de la multitude.
1. — L'Ame. Tant que nous marcherons ensemble, hono-
rables compagnons,
que soit parfaite notre conduite ;
cherchons ici à nous sauver
parla foi, la croyance, la religion.
2. — Le Corps. Bien que Dieu accorde la croyance par
l'affection de la foi,
(il faut) grande pénitence longue chaque jour;
âme, puisque tu t'adresses à moi,
quelle fin aurai-je ? est-ce la tombe ?
3. — Ne sois pas troublé, jusqu'à ce que tu ailles à la
tombe ;
aime la pénitence et la foi,
tu reviendras en haut
une seconde fois vers ta forme sur terre.
4. — Après que ma peau pourrira et mes os seront en
poudre,
abandonne le prétexte de ta pure essence ;
je ne croirai pas ce que tu dis,
si je n'ai pas la foi de la Trinité.
5 . — J'ai vu en lettres lumineuses les grandes paroles que
tu désires,
(à savoir) que dans la tombe, après la forme de la
[mort,
tu auras une renaissance et des jours.
392 y. Vendryes.
6. — Puisque j'aurai certainement la tombe et un grand
exil
et assez de misère,
j'ai honte de perdre ma forme,
et ma restauration (?) et mon honneur.
7 . — O corps, petit pécheur,
tu es hargneux, irritabie, soucieux ;
je n'avais, quand je suis venu vers toi,
besoin d'aucun bien, sans effort.
8. — J'avais à moi feu, argile
et eau, et terre ensemble ;
et moi-même, si tu n'avais pas été,
je n'avais, âme, aucun besoin de toi.
9. — Quand je suis venue à toi, corps irréfléchi, incon-
stant,
de quelle vigueur étais-tu capable ?
Tu ne parlais pas avec ta langue, ni n'entendais avec
[tes oreilles ;
tu ne pouvais produire aucun fruit.
NOTES CRITIQUES
Triplets, 1, v. 2. Il faut sans doute lire rylwg(wjr, comme
le propose M. Ifor Williams, pour avoir les sept syllabes du
vers. Le second w de Iwgwr est une voyelle irrationnelle. Pour
le sens de llwgr, cf. llygru qui signifie proprement « gâcher,
gaspiller, ruiner » (Mab., R.B. 37. 30, 100.19, etc.) et le
composé dilwgyr « intact, non corrompu » (ib., 40. 18). On
trouve Iwgr, Iwgyr dans la Myf. Arch. (p. 240 b, v. 29 du
Dadolwch i Lywelyn et p. 265 a 13) et aussi dans les Lois
au sens de « dommage » (Wade Evans, Wehh Med. Law,
p. 378). M. J. Loth me signale un passage intéressant de Iolo
Goch (éd. H. Lewis-Ifor Williams, p. s 5, v. 18), où le poète
dit d'un cheval : ni Iwgr ar ddwr « l'eau ne lui fait pas de
mal, il résiste à l'eau ». — Le mot ryweryd est embarrassant.
Le sens est sans doute opposé à celui de rylwgr. Ce pourrait être
un verbe : gweryd, 3e pers. sg. ind. prés, de giuaredu, précédé
de la particule ry- (cf. Wade Evans, op. cit., p. 5.3 et 7.9).
« Début du corps et de l'unie » 393
Mais d'après M. J. Loth, gweryd existerait aussi comme sub-
stantifavec un sens approchant de celui de gwared; cf. M. A. 195
a 49, merch brenhin dwyrein doeth i Vrewi, a phryd a gweryd y
gyd a hi (poème en l'honneur de saint David) et 265 b, çwr
coeth gweryt doeth dethol (Marwnad Blegywryt, v. 20). Voir
encore M. A. 259 b 6 et surtout 316 a dern. 1. (poème à la
Vierge) : llewenyd pob tir, gwir y gweryt.
v. 3. Pour gogaïur, aux références données par M. Ifor
Williams, M. J. Loth ajoute : B. B. (48.10 Sk. = 90.6
Ev.), guenin i gogawr, où igogawr est remplacé plus loin par
igado, igkeithiw ; M . A. 215 b 4 du bas ; Iolo Gocb, éd. Lewis-
Williams, p. 135, v. 63 : bu im ogor « j'avais des ressources ».
2. v. 1-2. Il y a un mot mimer substantif signifiant « chef,
prince, seigneur » (Ifor Williams. B. B.C. S. ,11, 106). On le
trouve accompagné de l'épithète mwynfawr, par ex. M. A.
153 b 17, 163 a 6. Mais mimer peut aussi être un verbe ; cf.
M. A. 147 a 24 nys mimer na fer na fynedig (= R. Celt., XL,
264, v. 84). Et le parallélisme du verbe goleither engagerait à
prendre aussi mimer comme un verbe. L'expression muner eu
da s'opposerait alors à eu drwc goleither. Et le sens serait :
c deux dont on désire le bien, deux dont on supporte le mal »
ou quelque chose d'approchant. Mais il est sans doute préfé-
rable de réunir eu da ac eu drwc comme sujet de goleither. Ce
dernier mot, fréquemment attesté dans les vieux poèmes
comme verbe et comme substantif (B.B.C., 48.15, 5^-3°
Sk. = 90.9, 105 .2 Ev. ; B.Tal. 113 . 19 Sk. ; L. R. poetr.,
298. 18, 306.8 Sk. ; M. A. 160 a 32, 176 a 15, 179 b 31,
192 a 30, 33 1 b 13 d. b., etc.) a des sens variés : « soumettre »,
« flatter » et « détruire ». Le sens de « supporter » semble
établi par L. R. 306.8 : areilh gwell goleith no gofit « c'est un
dicton que mieux vaut supporter que se faire du tourment ».
— M. J. Loth me signale qu'il y a un mot muner qui paraît
signifier « présent », pi. munerawd (M. A. muneiawd manu
ni mwynyant « présents de mort n'est pas une jouissance ») et
composé difuner (M. A. 215 b 10 du bas).
3. Pour gwenwyn, d. R.B. Sk. II, 247, 2 -.'bit wenwyn gwrach
« que la sorcière soit hargneuse ». Le mot anwar est le con-
traire de givar « doux ->. Toutefois, wenwyn pourrait ici repré-
394 ]■ Vendryes.
senter venwyn (cf. plus loin elwyd pour elvycT), d'après une
orthographe ancienne en gallois ; il s'agirait alors d'un mot
menivytt, dont M. Loth me fournit, entre autres exemples, cas
venwyn (M. A. 165 b 14), gwrluar vann vawr venwyn (ib. 165
b 25). Il existe d'ailleurs deux mots gwenwyn, entièrement dif-
férents d'origine, l'un à sens défavorable (empr. latin tienenuni),
l'autre à sens favorable, qui apparaît notamment dans le nom
d'un roi de Powys, Gwenwynwyn, et dans gwenwynder (M. A.
167 a 32).
Quatrains. 1. Au vers 1, ogonet doit dépendre de gedymdeith,
et comme il s'agit d'une appellation, la mutation de l'initiale
est dans les deux mots justifiée. D'ailleurs le mot gogoned est
à la fois substantif et adjectif; ex.: B.Tal. 178.21, rangogo-
net « part de gloire » et R. B. 22e. 10, yn ogonet « glorieuse-
ment, solennellement », ibid. 300.2 et 3, rann gan ogonet
« part avec gloire » et gogonet an rann « glorieuse notre part » .
Le Black Book fournit à la fois gogoned (12.29, 38. 33 Sk. =
36.9, 73 . 10 Ev.) et gogonedauc (12. 8, 12 . 30 Sk. = 35 . 1,
36. 10 Ev.).
2. Le premier vers est manifestement corrompu, et les formes
credwit et kereirhyt sont d'une interprétation douteuse. Pour la
seconde, la correction en herenhyt est vraisemblable (cf. kerenhyt
« affection, charité », notamment B.B. C. 47.78k. =88.15
Ev. et B. Tal. 114.20, 117.33); maison pourrait songer à
creir-hyt de creir « reliques » ?
Pour la première, M. J. Loth propose un dérivé vieux cel-
tique en *-yos (gall. -ydd) du mot qui est en irlandais cretem
« foi » ; credwydd signifierait « croyant » ; pour des idées ana-
logues, cf. M. A. 179 a 4. Le sens serait alors : « Bien que
croyants en Dieu, (unis) par l'affection de la foi » (?).
v. 4. Comprendre comme s'il y avait : pa divet ambii ? ae
bet ? c'est-à-dire que les mots ae bel ont été introduits dans
l'interrogation.
3. v. 4. Noter elwyd, orthographe ancienne pour elfyd; cf.
ci-dessus wenwyn et ci-dessous gwenwlawt.
4. v. 1. Mot à mot, que mes os seront en tarine.
v. 2. att vient du verbe adaw, souvent confondu avec gadn
(cf. J. Loth, R. Celt., XXXVII, 45). — gwenwlawt s'analyse
« Débat du corps et de l'âme » 395
sans peine en given- fém. de gwyn « blanc, bienheureux » et
blawd « fleur ». Le mot blawd est masculin ; mais le composé
a pu prendre le genre féminin, parce qu'il s'applique à l'âme,
à qui le corps s'adresse comme à une femme (M. J. Loth,
qui me signale le fait, me renvoie pour cela à J. Morris Jones,
tVelsh Grammar, p. 223). Le mot blawd « fleur » (à bien
distinguer étymologiquement de blawd « farine »)peut s'em-
ployer au figuré pour désigner l'essence, la partie la meilleure
d'une chose. On peut songer aussi aux légendes celtiques sur
les êtres nés de fleurs ou formés avec des fleurs. Cf. l'épisode
du Mabinogi de Math, où Gwydyon et Math font naître une
femme en lui composant un corps avec des fleurs (J. Loth,
Mab., 2e éd., I, 199 et ss., 208, n. 2). Cet épisode est rappelé
dans le B. of Taliesin (158. 15 Sk. = 36.4 Ev.) : Gwydyon ab
Don. . . a hudwys gwreic 0 vlodeu. On y peut joindre le pas-
sage du même recueil, où le poète dit qu'il a été créé 0 vriallu
à blodeu bre, 0 vlawl gwyd Godeu, etc. (B. Tal., 142.6 Sk. =
25 .24 Ev.). Cf. B.B.C. p. 9. 2 Sk. = 24.5 Ev. \
5. v. 1. « en lettres de lumière » ou « à la lumière des
lettres ». Pour mynnyr au v. 2, M. I. Williams propose de
lire myuyr au sens de « livre ». La correction serait admissible,
à condition que dans l'original copié par le scribe, le u (= /)
fût ici écrit uu, comme ci-dessus, 3. Mais on peut conserver
mynnyr, de mynnu « désirer, vouloir ». Les formes en -yr sont
parfois équivalentes comme sensà la 2e pers. dusingulier. Ainsi,
rotwyr, rymawyr (Loth, R. Celt., XXIX, 45 et XXXI, 481).
Le scribe a pu avoir sous les yeux mynnir. Cf. ny daw pan myn-
nir « il ne vient pas quand on veut » (B. Tal. 160. 14 Sk.).
La construction serait : « j'ai vu ce que tu désires, de grandes
paroles, à savoir. . . ».
v. 3. La leçon diein paraît suspecte à M. I. Williams. On
peut y voir le mot dien « première pousse » (B.B.C. 12.18,
47. 27 Sk. = 35 . 12, 89. 12 Ev.) ; cf. J. Loth, Arch. f. Celt.
Lex., I, 503. Silvan Evans cite un adjectif dieinig, qu'il traduit
par « plein d'activité, de vigueur ». — Le pluriel dieu doit
être scandé en deux syllabes, comme dans le Book of Taliesin
(132. 16 Sk.)et ailleurs encore.
6. v. 1. M. I. Williams rappelle que divroed (c'est-à-dire
396 /. Vendryes.
di-jro-edd) signifie souvent « tristesse ». Mais ici le sens pre-
mier, « exil », convient assez bien.
v. 2. Sur dycned, de dygn ou dygyn, voir J. Loth, R. Celt.,
XXXVI, 182.
v. 4. A propos d'edweryt, il faut peut-être rappeler, non seu-
lement le mot cturyt, eturct, edvyryt des Lois (Tim. Lewis,
Gloss., p. 137), mais aussi eturyt du Mabinogi de Pwyll (R.
B. 22, 30 = W. B. col. 34, 32).
7. v. 3. Le mot goddeu « intention, direction » a pris de
bonne heure une simpie valeur prépositionnelle : im gotev « vers
moi » (B.B.C., 8.26 Sk. = 23.7 Ev. );ytb oteu « vers toi »
(M. A. 166 a 41, 231 a 11), etc.
8. Le corps énumère ici quatre des éléments dont il est con-
stitué. Cf. dans le poème adressé par Prydydd y Moch à
Llyvelyn mab Iorwerth, v. 5 (M. A., 210 b): Crist mab
Meir ampeir dm pedicar defnyt.
Dans le fragment du Black Book (poème VI, p. 8 Sk .
'= 23 Ev.), le corps parle de sept éléments, parmi lesquels le
vent, le nuage, les fleurs. L'énumération des éléments du corps
varie suivant les textes (v. notamment R. Celt., t. I, p. 261
et 502 et t. VI, p. xj) ; ils sont généralement supérieurs à
quatre. On peut s'étonner qu'ici la terre figure deux fois, sous
les noms de gweryd et de daear, et que l'air ne soit pas men-
tionné.
9. v. 1. Le mot cyd veut dire « réunion, contact » et même
« coït » (B.B. C. 1 1 . s Sk. = 39.10 Ev.). Cf. cydiaw ac dans
les Bruts (R.B. II, 142, 25 et 143, 7).
v. 2. Le mot aryal (B.B.C. 39.15 Sk. = 74.11 Ev.),
écrit aussi aral (ibid. 49. 13 Sk. = 91.15 Ev.) est un com-
posé de ar -f- gai ; il signifie « vigueur, impétuosité » et s'em-
ploie comme adjectif aussi bien que comme substantif. Il est
formé comme l'irlandais irgal (Windisch, Wlb., 645). Pour
le g devenant y, comparer penn-yal (Mab. R. B., 212, 14;
Loth, Mab., 2e éd., II, 20_|) qui répond à l'irlandais cend-gal.
A l'intérieur d'un mot, on peut rappeler le cas de ariant
«argent » etcelui dearyen «gelée, frimas» (R.B. poet., II, 222,
27 Sk., M. A. 230 b 23) écrit aussi aren (B.B.C. 47.25 Sk. =
89. r 1 Ev.).
« Débat du corps et de Vâme » 397
v. 3. Au lieu de ny chlywvt il faut lire ny chlyivul. Comme
l'imparfait a aussi la valeur d'un conditionnel, on pourrait
comprendre : « (sans moi) tu ne parlerais pas, tu n'entendrais
pas, etc. ».
v. 4. Pour la construction, suivant laquelle un substantif,
étant jeté en tête, est rappelé ensuite au moyen d'un pronom
régime, comparer les phrases suivantes :
R.B. poetr. II 305, 4 Sk. (= 20 b 20 Ev.) : pob llyfwr
llemittyor arnaiv « tout lâche, on le foule aux pieds » ;
Mab. R.B. 222, 27 : a iawn nys gwnawny neb « et droit, je
ne l'ai fait à personne » (= « je n'ai jamais rendu justice à
personne »).
J. Vendryes.
NOTES
ETYMOLOGIQUES ET LEXICOGRAPHIQUES
{Suite).
420. Irlandais moyen dé, gén. diad, dumacha — gallois
dew ; dewaint (addition à Revue celtique, t. XLII, p. 85).
Le vieil-irl. daè (Ml. 57 a 10 ') ^lose fumus. En moyen-
irl. ce mot a deux sens : i° fumée, vapeur, brume : Tain Bô
C. (éd. Windisch) 5508 : tre diaig (pour diaid) in tigi imbi
d'faicsin, par le fait d'apercevoir la fumée de la maison qui
l'enveloppe 2, cf. dé, gén. diad (in Cath Cath. 1502).
Le sens de brume est net dans Macgnimartha Finn, Rcv. Celt.,
V, 202, 1 (dé do loch).
2e coup de vent, étincelle (P. O'Clery). Cf. Kuno Meyer,
Contr.
Pedersen (Vergl. Gr. II 102) a proposé, avec doute, un rap-
prochement avec le grec Seorro (brilla) ; de remonterait à
dijet-s ou dijat-s. D'après lui, il serait peut-être aussi possible
de le rattacher à l'irl. dâsacht, foreur (ibid., p. 32); ^'remon-
terait, dans ce cas, à *dhweset-s.
Pedersen n'eût sûrement pas eu recours à ces hypothèses,
s'il avait connu ou tenu compte du gallois deiv, quia les mêmes
sens et la même origine que dé.
Silvan Evans donne à dew deux sens : i° brouillard, brume,
brune, obscurité et au point de vue métaphorique, mélancolie.
2° air chaud malfaisant ; température lourde (Gwent).
Ce sont les sens principaux que relève Walde àfûmus :
1 . Vice fumi omniseorum electio evanescit : atnal arindchrin die « comme
s'évanouit la fumée. »
2. Le chef médecin Fingin reconnaît la maladie eu voyant la fumée dans
laquelle se trouve le malade.
Notes étymologiques et lexicographiques. 399
fumée, vapeur chaude. Il y a d'autres sens dérivés : Ôujôç
(à côté de Ou[xà(o qui a le sens propre de fumer): irlandais
moyen dumacha, brouillards (/« Cath Cath 2496 i Stokes le rap-
porte à fûmus) = vieux celt. diïtnâkâ, irl. mod. damhach
(*dumâko-) nébuleux, sombre (v. ind. dhulikâ nuage). La
racine indo-européenne est *dhù (*dheuâ-). Le sens primitif
serait : être en mouvement rapide ; en particulier, tourbillon-
ner en parlant de la fumée, de la poussière (ôâeXXa, tempête).
Il y aurait une racine dérivée *dheues- qui pourrait se retrou-
ver dans l'irl. dâsacht fureur, rage (dhwôs, dhwâs-). Cf. Walde,
Lat. Et. W . à fûligô, fûmus, et ci-dessus, p. 210-21 1.
Dé, diad supposeraient un vieux-celt. deuet-s, gén. deuet-os
(ou dewat-s), mais le gallois dew, ms. remonterait à un neutre
*dewos.
L'irlandais moyen dethach, f. fumée, foyer fumant ; vapeur
(au point de vue médical) suppose un vieux-celtique dïtâkâ,
de *dhu-itâ ? Cf. Walde, Lat. Et. W. kfimus.
Le gallois moyen deweint, moderne dewaint paraît bien être
un dérivé de dew-. On comprend en général, sous ce mot, le
temps qui s'écoule depuis minuit jusqu'à l'aube ou, depuis
l'établissement des heures canoniques, jusqu'à pylgeint (pid-
licantio) le chant du coq ; en irlandais gairm an chailig '.
L. Noir (F. a. B. II. 35, 44): on engage le pécheur à se réveil-
ler : deiueint duhuned, qu'il se réveille à deweint. C'est à pyl-
geint qn'il doit se lever : ibid. 45, 1 : le pécheur obtient le
pardon.
am kywodi pilgeint a deweint duhunau
« en se levant au chant du coq et en se réveillant à dewaint » .
Llywarch Hen (Myv. Arch. 89. 2)
0 dechreu nos hyd deweint
Dihunaf wylaf bylgaint
« depuis le commencement de la nuit jusqu'à deweint ; je
me réveillerai, je pleurerai à pylgeint ». Gwynfardd Brychein-
iawc (M. A. 194-1)
1. Cf. R. I. Best, The Leabhar breac tractate on the canonical bours,p. 162.
400 /. Lolh.
am roto dy vot dedwyt deweint
aiven gan awel pan del pylgeint
« que ta volonté (à Dewi) me donne heureux deweint, inspi-
ration avec bon air quand viendra l'aube » (même idée dans
des termes semblables, M. A. 178. 1).
Mais pylge int n'existe que depuis le christianisme et la divi-
sion du jour et de la nuit en heures canoniques. Auparavant,
on ne connaît que deiveint et gwawr, l'aube, ou dyd,\e jour,
M. A. 122. 2 (poème attribué à Meigant, qui montre des traces
d'antiquité) : dit dyvit ' trenghit deweint
« le jour vient, deweint s'en va. »
L. de Taliesin (F. a. B. II. 165. 13) : à Dieu :
ys tidi a vedyd dyl if deweint a dyd
« c'est toi qui es le maître de la trame des heures sombres
et du jour. »
Ibid. p. 182.49 on trouve à propos des moines le vers sui-
vant, fort significatif:
ny wdant pan yscar deweint a gwawr
« ils ne savent pas quand se sépare l'obscurité de l'aube. »
Deweint a désigné sûrement d'abord les heures sombres,
troubles de la nuit avant l'aube : c'est l'opposé de dyd et de
gwawr. Il est même peu probable qu'avant l'époque chré-
tienne dewoint désignât des heures fixes et commençât, par
exemple, régulièrement à minuit. Dans les heures canoniques
deweint va de minuit à trois heures du matin, a l'époque
où le jour avec la nuit fut partagé en huit parties de trois
heures chacune.
Dewaint est donné comme masculin mais a sans doute été
féminin : *dewanti. Ce changement de genre pour le même
suffixe se constate en irlandais (irl. moderne méid, ms: quan-
tité, grandeur ; irl. moy., tnéit, f. = maniï).
1. Ici, comme dans les exemples du L. Noir et celui deG>. Brycb,t = d.
Notes étymologiques et lexicographiques. 401
421. Gallois grenn ; vannetais grenn, loa-grenn.
Gren est un vase, une cuve de grande capacité, qui apparaît
dans les Ancient Laïus I. 296, xxxiv. O. Pughe le décrit
comme un cuvier en argile et cite, pour sa capacité, deux pas-
sages des Lois, sans autre référence. Le mot est clairement
féminin.
Le dictionnaire vannetais d'Ernault a aussi gren, qu'il donne
comme employé à Neulliac (haut-vannetais) et Plouny (bas-
vannetais) dans le sens d'auge, envier. Le mot eût dû être
écrit avec deux nn ; malheureusement le Dictionnaire écrit
systématiquement toute finale par une seule -n. Le mot est
bien connu dans la région de Guémené-sur-Scorff ; on pro-
nonce grenn, orhrenn. C'est un cuvier d'une assez grande capa-
cité. Il est en bois ; on s'en sert pour la bouillie.
Ailleurs le mot semble inconnu. Il existe cependant à
Ouessant en composition : ha-grenn, cuiller à pot répondant
au loa-bot de Le Pelletier. Quand la cuillère est en bois, on
l'appelle loa-brenn. Le vase contenant la bouillie ou la soupe,
marmite ou vase en terre, était d'une grande capacité (Dom
Malgorn, Le breton (Y Ouessant, Annales de Bretagne, 19 10,
P- 394)-
422. Irlandaismoyen craic; crec ; irlandais moderne craig,
creag; scraig, screag; irlandais moyen crach, crache —
gallois moyen greic, moderne craig; cragen; crach — bre-
ton crac, crag: cragell ; crogenn; vannetais crah.
L'irl. moyen craie, gén. craicce; crec, gén. creca; mod. craig,
gén. craige ; creag, gén. creige (avec s- initial : screig, gén.
screige; screag, gén. screige), ont tous le sens de l'anglais crag :
roche, colline rocheuse (Kuno Meyer, Contr. ; Dinneen). Ces
mots sont largement représentés en toponomastique. Crach se
montre en irlandais moyen vraisemblablement avec le sens de
rude, dur, que lui donne Kuno Meyer. Crache paraît être le sub-
stantif correspondant. On le trouve au génitif dans un passage
du Glossaire de Cormac à prull, mais son sens n'y est pas net,
le mot qui le gouverne ne paraissant pas ailleurs et étant lui-
même de sens inconnu '. Le contexte cependant et la variante
1. A chougrus chraiche, dô dur a mullacb, « il avait... sur le sommet de la
tète ».
402 /• Loth.
craicei semblent indiquer un sens voisin de craie (cf. plus bas
le gallois crach).
Le gallois craig (gallois moyen cre'ic ') a les mêmes sens que
l'irl. craig. Cragen, écaille, coquille, est de même origine.
On trouve un pluriel craig, avec ce sens. Cragen, au sens de
tesson, fragment de poterie, rappelle le breton crag, mean crag,
grès; pod crag, pot de grès (Le Gonidec ; Vallée, Dict. fran-
çais-breton ; Ernault, Gloss. à cragg).
Crach est adjectif et substantif : crach 2, qui a des croûtes
(sur la tête), des escarres, galeux, teigneux ; crach, croûte,
escarre, gale, teigne.
Crach est très employé métaphoriquement dans un sens
péjoratif (cf. anglais scabby, gueux) ; crach brydydd, méchant
poète ; crach feddyg, médicastre ; crach foneddig, faux noble,
parvenu, etc.
Le breton, outre crag, tnean-crag, grès, acrac-houad, sarcelle,
qui répond au gallois crach-hwyad, même sens ; vannetais cra-
gell, sarcelle (Le Goff, Suppl.). Crac est employé, à Ouessant
dans un sens ironique, qui'rappelle crach foneddig : cracou, ar
c'hrakou (prononcez cracu), les aristos. Cracou conserve son c
intervocalique dur sous l'influence de crac dans des mots
comme crac-houad.
Au gallois crach répond le haut-vannetais crah, monticule,
butte: le sens primitif a dû être celui du gallois craig, colline
rocheuse; crah de plus, a pour synonyme crêu, qui, d'après
son origine, a eu le sens d'endroit rude, âpre (voir plus bas
crèu). En bas-vannetais (région de Guémené-sur-Scorft),
crahec (pour crahic) est un qualificatif méprisant ; je l'ai
entendu appliquer moi-même à des personnes chétives, désa-
gréables, ratatinées.
En résumé, en celtique, on a affaire à deux thèmes : crac-
et cracc,et, semble-t-il, crée-, crecc-. La racine est la même que
dans l'irl. moy. carrac, carraic, mod. carraig, roche, rocher;
gall., bret., comique carrée, carreg. De même qukcarraig, car-
tec répondent gall. crach, breton crach, de même à l'irl.
i. L. Tal. F.aB. II, 141. 23.
2 . Proverbe, hawdd tynnu gwaed 0 ben cracha, il est facile de tirer du sang
d'une tête à escarres. »
Notes étymologiques et lexicographiques. 403
carrach qui a des croûtes, escarres, galeux, répond le gallois
crag, breton crag. L'irlandais moderne càrr a le sens du
gallois crach ;l'irl. moyen cairre, f. , de même (Kuno Meyer,
Contr. : cairre, scabs, scalds). Il est reconnu que carr remonte
à *car-s-. Le sens général paraît être celui de : raboteux, âpre,
rude. Pour la racine qar, car, d'où carc-, crac-, cf. xapxtv;çT
xipxapo;; carina, cancer, carabus etc. (Walde, Lat. Et. W .).
Le gallois craig, f= *cracï le breton crac = craco- (cracû- ?).
L'irl. crache suppose *craciâ. A crac- appartiennent les dérivés
gallois cragen, écaille, coquille ; breton, comique crogenn,
même sens. De plus, en comique et aussi en breton, crogen a
le sens de crâne (cf. vieil-ind. karanka-h, crâne). Le gallois
connaît aussi la forme crogen. Crac- et croc- s'expliquent dans la
série vocalique à.
A *cracc- remontent l'irl. craie, craig; gall. crach, vannet. crah.
Craie s'expliquerait par un indo-eur. *crac-nï-; crach par *crac-
nâ- : cf. norvégien raeke, cancer, squilla, écrevisse: germanique
*hrâki_ôn = ide. *krêkri .
Kuno Meyer ne donne pas le genre de crée, gén. creca. Ce
serait un féminin, si on s'en fiait à l'analogie de crecc, gén.
creicce qui figure en toponomastique, vraisemblablement avec
un sens voisin. -L'irlandais moderne creag, gén. creige, lui est
identique. Quant au type indo-européen *de crecc, c'est pro-
bablement *crcnâ qui aura donné *criccâ, creccà. Une forme
masculine cricc, gén. crecca (*criccû- nom.) n'est pas toutefois
impossible : cricc serait devenu crée sous l'influence de crecca.
J. Morris Jones (Gratnmar, p. 144, 156) adonnédem^une
étymologie insoutenable (J. Loth, Remarques, p. 62).
423. Haut-vannetais créu — irlandais crô, crû ; gallois
CREU, CRAU.
Je neconnaiscr^M(écrit&rà*)quepar leSupplément de Le GofF:
krah, kra, krêu, hauteur, butte, Commeje l'ai fait remarquer
pour crah, évidemment apparenté au gallois craig, irl. craie,
craig, au breton crag et aussi au gallois crach, le sens de crah a
dû être d'abord celui de colline rocheuse. Krèu le confirme. Pho-
nétiquement, créu (prononcez crèw) peut remonter à un
vieux-celtique *creuo- ou crouo- : rcu, gelée (révS) est identique
404 ]■ Loth.
au gallois rhew, mais l'analogie celtique indique *crouo-. En
effet, l'irlandais crû, crû, sang, gallois moyen creu, moderne
cran, comique crow, sang et mort ', qui remontent à *crouo-,
ont une racine dont le sens primitif est brut, dur, solide: crp,
crau, c'est le sang versé, épaissi, provenant d'une blessure. Cf.
skr. kravis, chair crue ; xpsaç, v. slav. krûvl, sang ; v. norr.
hrâr = ags. braêw, hréaiu (angl. raiv ; wha. rô, cru, non cuit
(Walde, Lat. Et. W . à cruor ; Falk-Torp, Norw. -Dan. Et. W.
à raa). De la racine crou- dérive l'irl. moyen crnaid, mod.
cruaidh — *croudi-.
Le breton cri%, vannet. cri. a le sens primitif de cru, non
cuit , de dur (vannetais den cri, homme dur ; se dit aussi en
parlant de cidre acre) ; rude, en parlant du chanvre, en van-
netais ; dregri, par force, en haut- et bas-vannetais, est opposé
à dre ger (g dur écrit à tort gaer dans le Dict. d'Ernault).
Cri%, cri, comme le dit avec raison Pedersen, n'est nullement
emprunté au latin crûdus mais remonte à un vieux celt. *crûdi-
(Pedersen, Vergl. Gr., I, 207).
424. Gallois crammen ; breton crammen,cremmen — irlandais
moderne screamh, screamhôg, screamhach ; irlandais moyen
crem, moderne creamh ; irlandais moyen et moderne creimmm?
Le gallois cramen, f.,a le sens propre de croûte se formant
sur une plaie ; cramenu, se couvrir de croûtes. Silvan Evans
cite de cramen ou plutôt du pluriel crannnynnau, un exemple
du xive siècle.
Ernault (Gloss.) donne crammen, cremmen f. avec le sens
de crasse qui se forme sur la tête, et tire le gallois comme le
breton, du vieux-français cramme, le saint chrême, laïcisé dans
le provençal craumo, crasse, sédiment : étymologie de tout
point impossible2. Ernault donne crammen comme propre au
Léon, cremmen, cremen étant la forme usitée ailleurs. Crammen
est donné par Le Goff (Suppl.), avec le sens de pellicules,
ce qui concorde mieux avec le sens du gallois. En bas-vanne-
tais (canton de Guémené-sur-Scorff), crammen (prononcez
1 . Cf. vha brêo, cadavre.
2. En trégorrois, crânien indique aussi le dépôt que laisse le lait dans un
vase.
Notes étymologiques et lexicographiques. 405
crâmsn) a le sens de croûte, crasse adhérente à la tête, et de
pellicules, quand on se gratte.
L'irlandais moderne screamh, f., gén. screimhe, a le sens de
croûte, pellicule, excroissance ; screamhôg (Dinneen : a scab).
Il semble(?) qu'il y ait un rapport entre crammen, screamh,
et l'irl. moyen cm», gén. crema, ail (cneamh vient de creamh) ;
cf. Revue Celtique, t. XXVIII, p. 137. A côté decre?n, on trouve
aussi en moyen-irl. crim (K. M. Contre). Crem est sûrement en
rapport avec l'ags. hramsa (anglais ramson), ail, norvégien rams,
rdmsleg (allium ursinum). La forme germanique fondamentale
est *hramdsan ; ci. /.pi;xuov pour *-/.ps[Ausov et lit. kermus^e,
ail. A l'irlandais creamh répond le gallois craj : vieux-gaëlique
*cremu-; vieux-britt. *cramu-. L'irlandais crem a été précédé
par crim ; cram est dû à l'influence du génitif crema.
Quoi qu'il en soit, (s)creamh, f. gén. screimhe suppose *scretnd
ide. scrmmâ ; cratnm-a la même origine, le double m excepté.
Il y a entre les deux langues, au point de vue du vocalisme,
alternance : -em- ; -am-.
Il est connu que le suffixe -w-est souvent évincé par -mm-
qui peut avoir plusieurs origines (cf. Pedersen, Vergl. Gr.,
1, 169 ; II, 60). Il est possible que (s)creamh soit pour screabh ;
on pourrait, dans ce cas, supposer pour le brittonique *crabm-\
racine ide. krebh, skrebh ; skerdbh ; cf. danois hrabe ; v. norr.
krabbi, ags. crabba ' (anglais crah) écrevisse; danois skrabe;
■AxpoL^z:, lat. carabus.
Le sens primitif paraît être gratter, égratigner, érafler.
Ce sens est voisin de celui de l'irlandais moyen et moderne
creimm, action de ronger ;cremiuim, je rouge ; corroder; mordre,
pincer (Dinneen).
Dinneen donne aussi à creim ; f. gén. creime, le sens de :
gnawing pain. Or le danois-norv. kraeft, emprunté au bas-alle-
mand, a le sens de : maladie qui ronge la peau (Falk-Torp,
Norw.-dàn. Et. W . à krebs). Creimm = *cremml = crebmî?
Le breton cremmen, à côté de crammen peut sortir de *crebm-
mais est dû probablement à l'influence du pluriel : cremm-
= *crammîs (primitivement thème en -/) : d'où un singulatif
1. Il y a un doublet ide. *geiAé*çreb.
Revue Celtique, XLIII. 26
406 y. Lolh.
crèmmen a côté de crammen. Le pluriel de cremmen est cremenou.
425. Irlandais moyen curach ; gallois corwg.
Ces deux mots sont bien connus à toute époque dans le
sens de canot pour la pêche, fait de branches(osier notamment)
entrelacées et recouvert de peau ou cuir. Thomas Richards
donne du corwg une description très détaillée dans son Dic-
tionnaire. La forme la plus ancienne est corwc. L. Aneur. F.
a B. II, 90, 195. Un proverbe gallois cité par S. Evans en
indique les dimensions : llwyth gwr yn ei gorwg, le poids de
l'homme est dans son corwg : il est de tel poids que l'homme
peut le porter, et qu'il peut porter l'homme.
Ce qui est moins connu, c'est curach que Kuno Meyer,
Contr., traduit par body.
O'Clery donne curach. i. cor p. Kuno Meyer cite ce passage
de H. 3.18, 212: foxladh do chud re curach. i. delughudh cinn
recolainn, (séparation de la tête ' du corps).
Le gallois emploie couramment le mot corwg dans le même
sens, mais avec plus de précision. C'est le tronc, le corps
moins la tête (S. Evans, Wehh Dict.). Silvan Evans cite l'ex-
pression du Sud-Galles :
y mae y gigfran yn gwaeddi am ei gorwg
« le corbeau est en train de croasser pour sa carcasse ».
L'évolution du sens s'explique du fait que le curach =
corwc est essentiellement un bateau de peau, et par sa forme,
représente assez bien le tronc du corps. Dans différentes langues
peau se dit métaphoriquement de l'homme ou de la femme :
en danois ancien, hud, peau, est un terme de mépris pour les
femmes ; en vieux-norrois kvennskinn a un sens analogue.
En revanche, skind peut se dire actuellement d'une personne
honorable :aerligt skind, peau honorable (personne honorable):
cf. Falk-Torp Norw.-dan. Et. W. à skind). En français, une
peau se dit d'une femme de mauvaises mœurs. En somme,
curach, tronc, est quelque chose comme un sac de peau.
1. cud, cod se trouve dans le sens de tête en irlandais moyen (cf. K.M.,
Contr.).
Notes étymologiques et lexicographiques . 407
A côté de corwc, le gallois présente le dérivé corwgl,
cwrwgl.
D'après ce qui précède, l'étymologie du mot me paraît
assez claire : curach, corwc = *corûco-, est à rapprocher du latin
corium, racine largement représentée dans d'autres langues
indo-européennes (Walde, Lat. Et. W .).
En irlandais moderne, curach (écrit souvent currach) ne
paraît avoir que le sens de canot.
En moyen-irl., il y avait un dérivé curchân.
426. Irlandais moyen cnâi, marb-chnai- gallois cnaif,
cnuf, cnu ; breton de Vannes canèu, ailleurs kreori.
Kuno Meyer, Conir., donne à enai f. les deux sens de toi-
son et de couverture (d'après Sait, na rann 5.303). Comme
étoffe, laine floconneuse, enae (vieil-irl. vellus) a pu facilement
arriver à ce sens. Ce qui est plus singulier, c'est le composé
marb-chnai (gl. on marb-chnai) qui apparaît dans les Ane. Laws
I, 176, 20. Atkinson cite l'expression et traduit enai par dress
avec un point d'interrogation (enoi olla, toison de laine, ibid.,
V, 80, 12, 81, note).
Il ne me parait pas douteux qu'il s'agisse de l'étoffe, du
linceul enveloppant le mort. Le mot courant pour linceul
est en irlandais moyen et moderne eisléne (Kuno Meyer,
Contr., donne aisléne et eisléne). On l'a interprété par
manteau de mort, ce qui est faux. Léne, mod. léine, gall.
moyen lieîn, breton lien est un tissu de lin primitivement,
avec le sens de chemise, vêtement de dessus, surplis (au sens
religieux).
L'expression marb-chnai semble indiquer qu'à une certaine
époque, à une époque pré- ou proto-historique, le linceul
devait être fait d'un tissu de laine et même d'abord d'une
peau de mouton avec sa toison. Chez les Européens, dès l'é-
poque du bronze, le mort est enseveli revêtu de peau, de cuir
ou de laine.
En Armorique, à la première époque du bronze, dans un
coffre de pierre, sous tumulus, on a découvert le squelette
d'un homme de haute taille, enveloppé dans un linceul
408 ]■ Lotb.
de cuir; un autre dans un tronc de chêne avec des restes
de tissu non déterminé.
En Scandinavie, à la même époque, le mort a été trouvé
dans un cercueil de chêne enveloppé de peaux. En Norvège,
d'après un livre remarquable qui vient de paraître de Haakon
Shetelig, La Norvège préhistorique -(Champion, 1926), p. 102,
à l'époque du bronze, il n'y a pas de cercueil de chêne, mais
le mort dans son vaste tombeau de pierres sous tumulus, est
inhumé, revêtu d'un tissu de laine.
Les formes celtiques au sens de toison, tonte, sont variées.
Le vieil-irl. enae, irl. moy, cuâi, cnôi peut s'expliquer par
*knapià (voir Falk-Torp, Norw.-dàn. Et. W . à nap et noppè).
Cnae peut aussi avoir la même formation que le vannetais
canèu ms. {cannv), dans les autres dialectes creon (creo) qui
suppose *knauio- ' : a, en breton, a subi l'infection, comme
le prouve la différence de traitement avec *knou-, noix : gall.
enau, bas-vann. cançw, haut-vann. kenêu (foneiu), ailleurs kraon
(krao).
Le gallois enaif, f., a surtout le sens de tonte, en moyen-
gallois (S. Evans, Welsh Dict.); cneivyaiv, aujourd'hui cneifio
a le sens de couper, non seulement les cheveux, mais même
le blé : eilliaw 2 y varyf a chneivyaw y ben (Brut. , Gr. ab Arthur,
Myr. Arch. 11.283) ; raser sa barbe et tondre sa tête; a mi
ddisgoganaf cynhaeaf cneifir yr yd glas (Gorddodau Myrddin,
d'après S. Evans, à cneifio) « et moi je prédis un printemps
où on coupera le blé vert ».
Cnaij,i., suppose un ide. knabià ou knabhià (cf. grec y.vazToi.
vvasw, /.vasaAsv). Dans ie sens de toison, c'est cnuf, cnu qui
est employé en gallois : Ane. Lawsl, 519, 13 : daval ae chnuj
ae hoen ganti, brebis avec sa toison et son agneau avec elle
(cf. Silvan Evans, IVelsh Dict.).Cnuf =knottbâ,kneubâ (y'xeux-
suédois (k)niupa, suéd. nypa, pincer, tirailler, plumer).
Le comique knêti (« = û semi-voyelle) ne repose que sur
l'autorité de Lhwyd (Arch. Brit. 170 : knêu glàn, toison de
1. Cf. xvaiw, j'égratigne, je frotte.
2. allaw, raser, existait en moyen-gallois : sef a wnaeth allaiu y wallt, il
fit raser ses cheveux (M. A. 589 : notes à Brut Tyssiliaw et Brut Gr.ab
Arthur) ; cf. irl. alt,altdn, rasoir; bret. aoten ; dérivé gall. eUyn.
Notes étymologiques et lexicograpbiques. 409
laine). Son existence reste douteuse. Lhwyd a enrichi le cor-
nique assez souvent de mots forgés d'après le gallois ou le
breton, et il y a parmi ces mots des formes démenties par la
phonétique même de ces langues.
427. Gallois moyen hydrum ; breton truin; vieux-breton
TROMDEN.
Trum est connu en breton surtout dans l'expression maro
Inim, mort subite. Il est donné comme adjectif et adverbe par
Grégoire de Rostrenen : trumm, prompt, diligent, diligemment;
Le Gonidec : protnptement, vite. Trumàer, promptitude, dili-
gence, est donné par Grégoire et Le Gonidec {ci. Ernault,
G/055.). Le mot n'est pas usité en vannetais.
Trum n'existe qu'en gallois-moyen dans le composé hydrum :
Ane. Laws II, 302, V : la loi admet un certain nombre de cas
où un retard dans la comparution devant les juges après som-
mation est légal ; le dernier cas indiqué est : neu na vo hydrum
nac yddo nac yw gennat y wlat « ou que le pays ne soit pas
accessible (facile à atteindre), ni à lui, ni à son messager. »
Le même mot, pour le même cas, est donné sous la forme
hyttrum ' dans le Dimetian Code{ib. I, 610, iv, 5) : ac (mieux
la variante neu) na vo hyttrum nac idaw nac oe gennat.
Régulièrement trum suppose un vieux-celtique *troummo-.
Il semble bien que le même thème, à degré vocalique différent
se montre dans la glose envieux-breton tromden gl. pervolamt.
Pour le sens primitif, on peut comparer tremor, le vieux-
saxon thrimman, tressaillir, sauter, etc. (cf. Walde, Lat. Et.
JV.y Mais pour le sens on penserait plutôt à âpôjwç. Outre
que dr- alterne parfois avec tr- en gallois {drem, irem ; drwm,
trwm) on peut supposer anciennement deux formes apparentées
trum et drum, trom et drom qui se seront confondues pour la
forme et le sens sous trum, trom. C'est le cas pour le germa-
nique qui présente : germanique trem-, ide. drem- ; germanique
ftrem-, ide. trem- : ags. trem, trym, marche, pas ; norvégien
t rampe, piétiner (avec voyelle différente moyen-haut-all. trump-
1 . C'est probablement une graphie inexte. Cependant on peut y voir
une influence de hyt ou même, à la rigueur, un composé avec hyt : bytynt y
divfr, le cours de l'eau ; hyt introduirait l'idée de jusqu'à.
410 /. Lotb.
j'en, courir), et trem (ide. drem) : vieux-saxon thrimman,
sauter, etc.
Trom (trâtri), trum supposent tru-m-bo- ou trub-mo- ; trou-
m-bo-, ou troub-nw (cf. tremor, trepidus (cf. Falk-Torp, Norw.
dan. Et. W. à trampé).
428. Vannetais offen.
Offen, f., au sens de mangeoire, auge, est usité dans tout le
vannetais; dans le bas-vannetais ofzn,f est nettement sourd, et 0
ouvert. C'est d'autant plus remarquable que dans ce sous-dia-
lecte, / intervocalique devient généralement v. Il est probable
que le singulatif offen a été appuyé par off. Le mot n'existe pas
dans les autres dialectes bretons ; il n'y en a pas trace en gal-
lois non plus qu'en comique.
Un emprunt à l'anglais ovcn est de tout point impossible ;
on ne peut pas plus songer à l'ags. ofen, ni pour la prononcia-
tion ni pour le sens. Le sens n'est pas non plus en faveur
d'un emprunt à l'allemand ofen, four, fourneau. Uoffen van-
netais est une auge généralement en pierre, de forme quadran-
gulaire. On en voit encore fréquemment auprès des puits; on y
versait de l'eau et les bêtes venaient y manger et s'y abreuver.
Si off est indigène, il remonte à un v.-britt. *oppiï, *uppà,
qui ne pourrait s'expliquer que par uqu-uquà. Pour nqu, on
pourrait penser à 1— vie, four. Les formes germaniques sont
très complexes: cf. Falk-Torp, Norv.-dân. Et. W. à ovn{et v.-
norr. çgri); cf. Walde, Lat. Et. W. à aulla, anxilla. Ct. skr.
ukhâ, vase ; pour le sens, cf. ags. ofnel, pot, marmite.
429. Gallois RHAFF.
Le gallois rhaff, gallois moyen raff f., est employé à toute
époque dans le sens de corde; Ane. Laivs II, 805, lui raf
welew , corde de crins (Ane. L., I, 582, xl, raff vkw); raj
livyf, corde d'écorce d'ormeau (Ane. L., I, 582, lvii, raff IwyJ).
Aucun mot semblable ni apparenté n'apparaît dans les autres
langues celtiques.
La comparaison s'impose avec le vieux-norrois reip, n.,got.
raip, courroie, lien ; norvégien reb, cordage, corde, courroie ;
ags. rap, angl. tope, ail. reif. Les mots germaniques supposent
Notes étymologiques et lexicograpbiques. 41 1
un indo-eur. *roipnô-. Raff suppose un vieux-celt. rapnâ — ïde.
*fpnâ ?
430. Breton ràn; rÀnenn ; — rann — gallois rhann ; irl.
RANN, RANNAIM.
On a confondu, sous rann en breton, deux mots de forme
et de formation, sinon d'origine différente : rann part ■ {Doctri-
nal 1628); rann, fracture (à Ouessant, fracture sans sépara-
tion); haut-vannetais rann part; rannein, diviser; rannedigeah,
divisibilité (léon. rannedige\, gall. rhanedigaeth).
Le gallois dit rhann, Y 'irl. rann, rannaim, je partage, distribue.
Stokes (Urk. Spr., p. 227) après avoir donné sous *rannà, les
principales formes des langues celtiques, termine en disant qu'il
ne s'explique pas le double -un : il rapproche, en effet, rann
de rapsïv, T.i-ptoxai: pars, portiro. Pedersen {Ver g. Gr., I, 52)
l'explique par *pfsnâ, ce qui, phonétiquement, explique le
double -nn.
Mais il existe, en breton, une forme avec une seule -n,
avec allongement et nasalisation de la voyelle a : bas-van-
netais (région de Guémené-sur-Scorfî) : rànet, brisé en par-
lant du cœur ; une des plus belles chansons du pays, au point
de vue mélodique, commence par rànd'bra^ec e me halôn,
« bien 2 déchiré est mon cœur» ; rânein, déchirer.
La différence entre ràn et rann est également très nette à
Ouessant : rânenn, fente dans un rocher, falaise, mais rann,
fracture. Le bas-vannetais, comme Ouessant, sépare nettement
dans la prononciation -an accentuée, de -ann : cann, blanc
cannein, laver (blanchir), mais cân, chanter, cànein, chanter.
Ran pourrait, à la rigueur, s'explique par *pf-nâ.
Une autre explication est-elle possible ? Rân-enn rappelle
pour le sens le latin rupes (cL rumpo) et d'autres mots appa-
rentés. Il y a des racines synonymes plus voisines, *rep, *rap :
rapio, gr. Ips^Tcpuzi ; irl. recht, fureur ; gallois rheith, anrcith,
pillage, butin (*rept-).
1. Vieux-bret. rannou g\. partimonia, gl. climatibus.
2. bni{ec pour bra^ic serait mieux traduit par gros : déchiré, gros est
mon cœur : cf. brades, femme grosse.
412 7- Lotb.
Rân pourrait remonter à râpnà : et. tan, irl. tene {tan =
*tapno) '. Ràn remonterait peut-être à ?(p)nâ (cf. Walde, Lat.
El. W . à rapio, rumpo, râpes ; Folk-Torp, Norw.-Diin Ft. W
à rov.
431. Gallois tavv ; irlandais moyen tâi ; irlandais ancien et
moyen tâm — vieux-breton taguelguiliat.
Taw, en gallois moyen, est employé dans le sens de mort :
L. Aneurin (Gorchan Adebon), Skene, T.a.B. 11 .95, 30:
ys meu y gwynaw
kyn vwyf y dyd taw
« c'est à moi de le pleurer avant que je ne sois au jour de
la mort. » M. a. 250.2 le poète adresse une demande à Dieu :
Kyn taw a chyn tezui, « avant la mort et avant de me taire. »
Il n'est pas douteux que les auteurs gallois n'aient vu dans
taw, le mot taw, silencieux, se taire : L. Noir (F.a.B.n. 33,
9) : au sujet de la tombe d'un guerrier :
kin bu taw y dan mein
« avant qu'il ne fût silencieux sous les pierres. »
On trouve athaw dans un sens analogue : M. A. 209. 2 (au
sujet de la mort d'un chef:
Bydoed y g kyhoed y g kwyn a ethyw
oe athaw yu amwyn
« des mondes publiquement, en deuil, sont devenus, par
sa mort (son grand silence), sans joie. » Je suppose que amwyn
est pour ammwyn = anmivyn 2.
1. Stokes, Urkeltischer Sprachschat^, p. 227, à *re{p), cite l'irl. rap tout
animal qui fouit pour lui (les cochons par exemple) ; il cite aussi ropp
bête d'attaque = *rupnô. C'est fort douteux. On trouve rop, avec le sens
de tronc d'un corps, In Cath Cath, 6098. Dinneen donne indifféremment
rap, rop, tout animal qui fouille pour sa nourriture.
2. M. A. 167.2 cyn trenl iithaw peut être lu : treul a tbaw, avant l'usure
(l'apaisement) et la mort. S. Evans a lu athaw dans un vers de Taliesin :
il faut lire a thraw, comme en fait foi le ms. (Gwenogvryn Evans, the book
ofTatiein, p. 42,7).
Notes étymologiques et îexicographiques. 413
On peut se demander toutefois s'il n'y aurait pas eu con-
fusion, ou avec tâm-, ou avec un autre tâu. En vieil-irl. tâm
apparait avec un sens un peu vague : Thés. pal. 11 .258, 1. 12 :
Crist ocus Patrie Artmache jarna feil tâm na cisel, Christ et
Patrie d'Ardmag sur lesquels il n'y a ni maladie (pestilence :
Stokes traduit par plagué) ni démon. O'Davorens Gloss. 1539
donne à tam le sens de mort ou qui demeure, reste. Tâm-galar
(Acall. na Sen. 1184) aie sens clair de maladie mortelle. On
trouve en irlandais moyen taim, tamh avec le sens de : repos,
défaillance, mort (Windisch, JVôrt.). Il en est de même en
irl. moderne (Dinneen). Tdimhnéll ' (Acall. na Sen. 1932):
a le sens d'évanouissement (nuage de défaillance). Cf. Tain
BdC. p. 558, 1. 3907 : Laeg a roué de coups le cocher de Fer-
diad et l'a laissé pour mort sur le carreau :
iarsin ergis ara Firdiad asa thdimhnéill
« après cela le cocher de Ferdiad se leva de son évanouis-
sement. »
Tàmh aurait pour équivalent régulier en gallois, tœw : cf.
llaw, main, irl. làmh. Il est vrai qu'en dehors de la forme
monosyllabique, m reparaît : dy-lovi; il n'y a pas d'évolution
analogue pour taw.
Un mot irlandais fort rare, tâi, laisse place au doute comme
origine et comme sens. Il apparaît dans le Glossaire d'O' Da-
voren, 1580 (édition de YArchiv fur Celt. Lex) :
taimthiu À. bas no sereclighe. tamtdi .i.
eg a enar, ut est taimtiu Eutaic espoic
« taimthiu, c'est-à-dire mort ou consomption (lit de dou-
leur), tamtdi, c'est-à-dire la mort seule, comme est tamtiu
(mort) d'Eutychius l'évêque. D'après Stokes, le glossateur
aurait vu dans tamtdi, tam, silencieux et tâi, mort : c'est une
tentative étymologique.
Tâi apparaît encore xlans un poème appartenant à Toehmarc
Etâine. Windisch donne ce poème à la suite de son édition
de Toehmarc Etâine (Ir. Texte 1, p. 132, 24). Voici le passage
1. Au pluriel, tdimnélla.
27
414 /■ Loth.
concernant lài. Le dieu Mider invite Etain à le suivre dans sa
demeure divine et lui en dépeint les charmes :
Is and sin nad bi mûi na tdi
gela det and dubai brai
Is H sida lin ar sluag
is dath sion and cech gruad
« c'est là qu'il n'y a ni ni mort ; des dents blanches,
des sourcils noirs ; la multitude de nos troupes a le regard
éclatant (la splendeur de l'œil) ; toute joue a la couleur de
la digitale. » Mûi ne se retrouve pas. Windisch a reproduit avec
un point d'interrogation, très justifié, la traduction d'O'
Curry : there no grief or care is known. Whitley Stokes (Thés,
pal. 11, p. 195, note e à mûi gl. 10, 1. 29), voit dans le vers
cité plus haut du poème à Étâin, le pronom possessif d'ail-
eurs connu de la ire personne, et dans tâi, le pronom pos-
sessif de la seconde personne. Il traduit : there there isneither
mine nor ihine. Au point de vue phonétique, c'est irrépro-
chable et, aussi, ingénieux , mais c'est faire de la demeure
céleste de Mider un paradis communiste qui contraste étran-
gement avec les idées et les mœurs des anciens Celtes. Ils
étaient fort susceptibles en ce qui concerne l'article du mien,
puissance, richesse, femmes, et beaucoup moins préoccupés du
tien. D'ailleurs, que viendraient faire immédiatement après
dans le même grand vers : dents blanches, sourcils noirs et le
reste ? Le contexte n'est guère en faveur d'une pareille hypo-
thèse. Le pays de l'éternelle jeunesse, le pays où on ne meurt
pas est, au contraire, un thème favori des poètes et auteurs de
l'ancienne Irlande.
D'ailleurs, en supposant même que tdi ait ce sens dans le
poème, il ne peut l'avoir dans la glose d'O'Davoren. Cette
glose paraît avoir sa source dans une glose du Félire, Jul. 2 Gl.,
reproduite par Windisch Ir. Texte, Wort. à taimthiu : taim-
thiu ? .i. bas no tam no serb, no tamthiu À. tomaithium, no
tai[m]thiu À. tam tai À. éc a aenur no serg.
« taimthiu, c'est-à-dire mort ou maladie, ou consomption (je
lis serg : serg à la fin de la glose parait déplacé) c'est-à-dire
menace ou mort (Windisch death-bed), c'est-à-dire tam tdi,
Notes étymologiques et lexicographiques. 415
c'est-à-dire mort, seul. L'expression éc a aenur est éclairée par
une glose au Félire, june 30 : taimthiu .i. a éc fri hadart « taintr
thiu ', c'est-à-dire, sa mort contre l 'oreiller, mort solitaire 2. Si
on ne tenait pas compte du vers du poème à Étâin, on serait
tenté de voir dans tdi, un dérivé en i de tau- (irl. to) : mort
silencieuse. Mais tâi paraît .être un substantif.
La comparaison de l'irl. tàm (tâmh) avec le latin tâbes, s'im-
posait : c'est un élargissement par -m (par bh en latin) de la
racine tâ(ji)-, à laquelle on donne généralement le sens de
fondre (gallois tawdd, toddi, breton teu^i, fondre).
En irlandais, tau- n'apparaît pas dans ce sens, ce qui ne
constitue pas une preuve contre l'origine indiquée de tàm,
mais une simple présomption. On remarquera d'un autre côté
que les idées de silence et de mort sont corrélatives. Comme
tàm, taw a non seulement le sens de tranquillité, cessation, mais
aussi de mort. Taw est substantif et adjectif: pour le breton,
le supplément de Le Goff au Dict. d'Ernault, donne taù,
silence. Teùel, taùein, en vannetais, a le sens de cesser (par
exemple pour la pluie), se taire, faire cesser, apaiser : taùein
kounar, faire cesser la fureur (de Dieu). Ce sens rappelle le
glose du vieux-breton guo-teguis gl. compescuit. Certains sens
de tàm ne s'expliquent pas, sans en forcer le sens, par la tra-
cine tâu-, fondre. Il semble qu'en celtique tout au moins, les
deux racines se soient confondues.
Le vieux breton taguelguiliat gl. siliccrnium n'est pas sans
intérêt au sujet de la parenté du silence et de la mort. Le
mot a le sens propre de veillée 3 silencieuse (ou fête silencieuse),
en réalité, fêle des silencieux, des morts. C'est le sens du mot
latin glosé silicernium. On l'interprétait par le repas appelé silen-
cieux, pris en silence. Osthoff (Par. 1 . 66 et suiv.)en a trouvé
une interprétation qui s'impose : c'est le repas des morts,
1. Cela paraît être une expression consacrée : éc friadart, Goid. 102,12
(K.M., Contr. à adarf).
2. Windisch Wort. traduit taimthiu par death-bed. L'accusatif sg. tatnthine
se trouve Fêl. oct., 29 (Windisch, après i 29, a un point d'interrogation).
C'est un subst. en -tiô, -tien. L'a paraît bref, tomaithium est connu comme
accusatif. Dinneen donne, d'après P. O'Clery, un nominatif tomba itbeamh.
3. Le gallois gwyl, breton gouel, irl. /^//représente le latin vig(i)lia.
416 /. Loth.
c'est-à-dire, suivant son heureuse expression, des silentes (cf.
Walde «, Lat. Et. IV.).
Il est probable que tdi, qui parait bien avoir le sens de
mort, a eu le sens primitif de silence (*tâui, *tausï ?).
Les veillées et repas des morts étaient bien connus des
Celtes. Il y en avait, il n'y a pas loHgtemps, des souvenirs en
Irlande et en Bretagne.
En Basse-Bretagne, suivant un usage qui n'a pas encore
disparu, la veillée du mort réunissait bon nombre de parents
et d'amis, un repas leur était servi. Mais le repas principal,
se fait après l'enterrement. On boit ferme avant 2, pendant et
après, en l'honneur du défunt.
432. Gallois cerdded ; breton kerzet ■ voc. corn, kerd,
iter ; corn. moy. certhes (th = d) ; irlandais-moyen ceird ;
fo-cherdam — allemand scherz, scherzen.
Le sens des mots gallois, breton, comique, est marcher, se
mettre en marche. Stokes (\Jrk. Spr., p. 80) cite un mot irlan-
dais-moyen, du Glossaire d'O'Davoren : ceird. : céimniugud
no cing, sens analogue. (Le substantif verbal decingim, je vais,
marche, est généralement céirri).
On a généralement rapproché de cerd-, le vieil irlandais et
irl. -moyen fo-cherd — très largement représenté comme verbe
dans le sens ordinaire de lancer, placer (Pedersen, Vergl. Gr.y
n, 380-384, 499, 502) '.
Je ne crois pas qu'on ait jamais rapproché le brittonique
de l'allemand scherzen, plaisanter, rire, se moquer, folâtrer.
Or, en mha. scherzen avait le sens propre de sauter joyeusement,
sautiller ; scherz, saut, marche rapide ou course. On en a rap-
proché oxaipw, v.ipox^ (cf. Kluge, Etym. Wôrt ; Falk-Torp,
Norw.-Ddn. Et. W . 1.262 àforskjertse). Le gallois nous apporte
pour ce rapprochement un argument décisif. O. Pughe, Dict.,
1. En Nachtrag, Walde cite de silice) nium une interprétation d'Ehrlich,
qui paraît peu vraisemblable.
2. Dans les bourgs, une tournée dans les différentes auberges est obli-
gatoire, sous peine d'être accusé d'avarice.
3. Pedersen a rapproché, à tort, de cerd- le gallois cordd qui remonte à
coriâ, et est identique, moins le genre, à l'irl. cuire, troupe = *cor\o-.
Notes étymologiques et lexicograpbiques. 417
donne, comme mots courants : go-gerdd, f., a burlesque ; go-
gerddol, ludicrous (*uo-cerd-). Je n'en connais pas d'exemple
ancien, mais il n'y a aucun doute à avoir ni sur la lorme, ni
sur le sens. Falk-Torp, comme on l'a fait souvent, rapproche
desformes germaniques, Yul.fo-chetdaim, schlenkern.springen.
Je n'en connais pas, en ce qui me concerne, d'exemple avec ce
sens.
433. Note additionnelle à goubannùél-noz, goubanen ;
vieux-breton gud — (voir Rev. Celtique, t. XLII, p. 366).
L'explication que j'ai donnée du maintien de ^ initiale après
gou- dans goubannïoel, est fort discutable. Le sens et la phoné-
tique recommandent la composition en vieux-breton, par
gud- = uo-ud-. banwel, zénith : gubanwel = gud-banwel,
lumière diminuée, crépuscule. Cf. gud-ndiol gl. minus erudiens
(Gloses d'Orléans) ; gud-coguod ' gl. reprehendendi (ibid.) ; gud
(Gloses d'Orl., p. 29, n° 163) est un mot commencé visant
évidemment parvum : utrum parvum an magnum quis fura-
tur. Gud se trouve sous la forme guod- dans guod- cess gl. odio
habentes (ibid.} : le mot est vraisemblablement inachevé. La
composition avec gud- guod- paraît avoir été courante en vieux-
breton et ici, comme ailleurs, suivant la juste remarque de
Pedersen {Vergl. Gr. I, 259), le préfixe précédant ud- n'est que
secondaire ; il est certain que la valeur significative appartient
à ud-.
Goubànen-no^, goubanen étant bas-vannetais je verrai dans
bàn- (cf. lân, plein, ailleurs leun) l'irl. bân, blanc, pâle et une
composition analogue : u(o)-ud-bân-.
434. Irl. moyen bongim, bongaim, je brise ; gallois moyen
DI-VWNG, GORDIVWNG.
1. coguod pour com-uod est vraisemblablement une forme vocalique dif-
férente de yed- : argywdd : cf. v. bret. arcogued gl. nicivos, (pour ued-, irl.
fed- cf. Pedersen, Vergl. Gr., I, 339; II, 516.) La racine, ijet-, aller qui pa-
rait dans l'irl. -moy. con-fethim, je rencontre, se trouve peut-être dans le gal-
lois moyen kywet (Myv. Arch., 181. 1 : yn llann yn llwyr gywed, dans le
cimetière, en complète rencontre (compagnie). S. Evans donne un exemple
plus récent : adar gywed : cywed, pour lui, a le sens d'accord.
4i 8 J. Loth.
Sur bongim et ses composés, voir Pedersen, Vergl. Gr.,
II, 339, 367, 391, 460, 477. On n'a pas signalé jusqu'ici à
ma connaissance, de forme brittonique avec le préfixe nasal
du présent. Bong, sous la forme régulière bwng, se trouve dans
di-vwng qui a le sens net d'inflexible (qu'on ne brise pas) :
M. A. (xne s.) 210-2 :
Divwlch ut divalch y esgar
Divw(ii)g bhvng l blaen uvel drwy var
« chef sans entaille (qu'on n'entame, atteint pas), — pas
fier ses ennemis — , inflexible, rude, en avant de la flamme
(ou flamme d'avant) dans la colère. »
Ibid. 266.2 Pendefic Crukyeith meith mygyr divzu(n)g
« le chef de Cruckyeith, large, admirable, inflexible ».
Ibid. 176.1 Yssym argluyd gurd gordivung y var
Gordwy neb nyv y si un g
« j'ai un seigneur rude, à la colère tout à fait inflexible,
oppression de quiconque ne se soumet pas à lui ».
Jusqu'ici on n'a, je crois, trouvé d'équivalent au celtique
que le sanskrit bha-nâj-mi, je brise.
Whitley Stokes avait rapproché de bong, un comique boing,
hache, mais il faut lire bony qui a deux syllabes et rime en -y
(P. D. 2564).
{A suivre.) J. Loth.
1. Cf. breton moyen bhonhi, reprocher à quelqu'un sa nourriture (com-
paré par Ernault à blwuç). Dans ces deux vers, / =d.
LES
LANGUES BRETONNE ET FRANÇAISE
EN BRETAGNE
D'APRÈS UN TRAVAIL RÉCENT
En 1886, Paul Sébillot avait publié dans la Revue d'ethno-
graphie un travail de statistique concernant la langue bre-
tonne (La langue bretonne, limites et statistiques avec cartes).
M. Albert Dauzat a repris cette étude dans la Nature du Ier mai
1926, p. 273 : Le breton et le français, avec canes à l'appui. Il
rappelle le travail de Sébillot et le résume : la limite tracée
par lui partant de la mer à l'ouest de Portrieux, décrivait un
vaste arc de cercle (à convexité tournée vers l'ouest) jusqu'au
canal de Nantes à Brest, qu'elle coupait à égale distance de
Loudéac (côté français) et de Pontivy (côté breton) ; elle se
dirigeait ensuite au sud-sud-est jusqu'à l'embouchure de la
Vilaine en passant à 15 km. environ à l'est de Vannes. En
note, M. Dauzat rappelle qu'il existait encore, en 1886, une
enclave bretonne en Loire-Inférieure (partie rurale de la com-
mune de Batz), résidu d'un ilôt plus important que la pous-
sée du français dans la basse vallée de la Vilaine sépara du
reste de la masse bretonne vers le xne siècle. Il n'y restait en
1886, que trois cents bretonnants environ, aujourd'hui il n'en
reste presque plus (cf. R. Celt. XXXIII, 151). J'ajouterai que
le breton de Batz nous est connu : c'est, avec quelques traits
particuliers, du haut vannetais '.
1 . La parabole de Y Enfant prodigue a été donnée en dialecte du bourg
de Batz par M. Bureau, dans la Revue Celtique, t. III, p. 250 (1 876-1878).
M. Ernault a publié en 1883, dans les Mémoires de r Association bretonne,
une étude sur le dialecte breton de la presqu'île de Batz (cf. R. Celt. VI,
508).
420 /. Loth.
La statistique de M. Dauzat rectifie et complète celle de
Sébillot. Le breton a perdu du terrain depuis 1886. La limite
n'est plus tout à fait la même. Le recul est surtout sensible
dans le Morbihan. Des renseignement précis ont été fournis à ce
sujet à l'auteur par l'abbé Guillevic, vicaire général de Vannes.
Sur 169 paroisses qui avaient été classées comme étant de
langue bretonne lors du remaniement des diocèses sous Napo-
léon Ier ; il y en a aujourd'hui 48 où le catéchisme et la plu-
part des prédications (sinon toutes) se font en français, et 27
qui) considérées comme bilingues, ont deux catéchismes, l'un
en breton et l'autre en français, et des prédications en breton
ou en français suivant les messes. Ces données appellent un
léger correctif, d'après l'abbé Guillevic, parce que les institu-
teurs et institutrices, même libres, engagent les enfants parlant
plutôt le breton à suivre le catéchisme français. Dans trois
localités, Caudan, Crach et Camac, tous les garçons vont au
catéchisme breton, toutes les filles au français : répartition
arbitraire, d'après M. Dauzat, mais qui prouve du moins que
les enfants connaissent les deux langues. La raison en est fort
simple : en général, les institutrices religieuses se refusent
tout net à enseigner à lire en breton, et cela avec l'appui des
habitants. Des paysans de mon pays m'ont dit plusieurs
fois : nos enfants savent le breton ; ils n'ont pas besoin qu'on
le leur enseigne. Ce recul du breton est peu sensible à l'inté-
rieur ; il est considérable sur la côte du Morbihan. Il n'y a
plus de catéchisme breton à Groix, à Belle-Ile, dans le canton
(ou doyenné) de Sarzeau, dans les îles du Morbihan, et les
paroisses, jadis bretonnantes de Muzillac et de Questembert.
Les îles de Houat et Hœdic, plus isolées, font exception :
Houat est bilingue ; Hœdic, entièrement breton.
J'ai passé en 1923 deux mois à Saint-Gildas-de-Rhuys ; des
vieillards parlent encore le breton. A Arzon, et Port-Navalo (où
j'ai passé deux mois, deux années de suite en 1921 et 1922),
j'ai pu constater que la population d'âge mûr savait le breton,
mais que les jeunes, en général, l'ignoraient et ne le com-
prenaient même pas. Dans une génération, le breton aura dis-
paru de la péninsule. Dans les îles du Morbihan, il y a une
vingtaine d'années, tous les indigènes parlaient ou compre-
Les langues bretonne et française. 421
naient le breton. J'ai recueilli moi-même un certain nombre
de chansons à l'Ile-aux-Moines et publié une étude sur le bre-
ton de cette île. J'en ai publié une autre sur le breton de
Sauzon (Belle-Ile), qui est, en somme, du bas-vannetais.
M. Dauzat constate que, dans les Côte-du-Nord, le breton
résiste mieux, bien qu'on observe un fléchissement au sud et
surtout sur la côte. A Saint-Connec, où on prêchait en breton,
il y a trente ans, on ne parle presque plus breton et on ne
prêche plus qu'en français ; la paroisse de Saint-Gilles est com-
plètement francisée ; à Mur, il y a vingt ans qu'on ne prêche
plus qu'en français. Le curé-doyen de Plouha à déclaré à M.
Dauzat qu'Userait bien obligé de cesser les prédications en bre-
ton, sous peine de n'être plus compris. A Plouha, il n'y a plus
de catéchisme breton, et on a dû organiser des catéchismes
français dans le doyenné, à Lanloup, Lanleff, Pléhédel et
Pludu^l où l'on ne prêche encore qu'en breton.
Ce qui est beaucoup plus grave, c'est qu'à l'intérieur même
de la zone bretonnante, il y a un grand nombre d'importants
îlots français. Toutes les villes grandes ou petites parlent le fran-
çais et sont des centres de propagation du français. Dans le
Finistère même, où il n'y a que 14 paroisses exclusi-
vement de langue française, le français domine dans toutes les
villes. A Châteaulin (2.500 habitants), commerçants, bour-
geois, fonctionnaires parlent exclusivement le français, paysans
et domestiques parlent breton. M. Dauzat résume ainsi, dans
une note, p. 277, les résultats de son enquête : « En détal-
quant les îlots français des villes et des bourgs (ceux de Brest
et de Lorient surtout sont considérables), on arrive à la con-
clusion, qu'un tiers à peine des Bretons parlent habituel-
lement breton. »
Il y aurait des réserves à faire sur certains éléments de la
statistique de M. Dauzat. De ce qu'il n'y a, plus de caté-
chisme breton dans certaines bourgades, il ne faut pas con-
clure que le breton en ait disparu. Ce n'est pas non plus,
je crois, la pensée de M. Dauzat, mais ses lecteurs pourraient
le supposer. C'est ainsi qu'il n'y a plus que le catéchisme
français dans ma bourgade natale, Guémené-sur-Scorff (Mor-
bihan). Et cependant la population est bilingue. Il y a même,
Revue Celtique, XL11L 27
422 /. Loih.
je crois, très peu d'habitants de Guémené qui ne comprennent
pas le breton. Il y a de 20 à 30 ans, les deux catéchismes exis-
taient ; à le grand'messe, on prêchait alternativement en fran-
çais et en breton. Je me souviens que les paysans (hommes)
massés en face de la chaire, près de la grand'porte, sortaient
tous, aussitôt que le curé montait en chaire, et entamait son
prône en français, pour aller boire à sa santé dans les
auberges groupées aux alentours de l'église. Une chose que M.
Dauzat n'a pu observer et qui n'est pas sans importance, c'est
que des personnes, dans les centres bilingues, parlant couram-
ment le breton, le parlent incorrectement.
Il n'y a pas longtemps, à Guémené, entendant une com-
merçante de mes amies parler breton avec une paysanne, je lui
fis une remarque qui l'étonna fort : « Vous croyez savoir le
breton ? Dans la simple phrase cpre vous venez de dire, vous
avez fait trois grosses fautes. » J'appelai sa mère qui, comme
tous les anciens, savait vraiment le breton. Je fis répéter la
phrase à l'intéressée : la mère la reprit et les trois solécismes
furent dûment constatés.
Il y a dans le travail de statistique si consciencieux de M.
Dauzat, quelques regrettables erreurs. On compte, dit-il,
p. 277, cinq types principaux de dialectes : le vannetais (Mor-
bihan); le cornouaillais (sud du Finistère), léonais (nord du
Finistère) ou plutôt Léonard ; trégorrois (ouest des Côtes-du-
Nord), Goëlo (à l'est du précédent). Ces délimitations sont
beaucoup trop vagues. Il y a pour le cornouaillais une grosse
erreur : il s'étend non seulement sur le sud du Finistère,
mais encore sur le sud des Côtes-du-Nord pénétrant à l'inté-
rieur, au nord, jusqu'à la hauteur de Bourbriac. Il eût suffi à
M. Dauzat de se reporter aux limites des évêchés avant la Révo-
lution. Il y a là un fait d'une très grande importance : les
limites des évêchés étaient les limites des dialectes. La base des évê-
chés était linguistique, ethnique. Pour l'évêché de Vannes, on
ne peut guère signaler dans l'évêché de Cornouailles qu'une
paroisse de langue vannetaise, Neulliac, aujourd'hui dans le
Morbihan. Le canton actuel de Gourin (Morbihan) qui est de
dialecte cornouaillais, dépendait de l'évêché de Quimper ; de
même toute la partie de dialecte cornouaillais du canton du
Les langues bretonne et française. 423
Faouët : là, la limite était PEllé (mieux Elé : Elegium flumen).
Les communes de ce canton sur la rive gauche de l'Ellé,
Berné, Meslan, Priziac, de dialecte vannetais, dépendaient de
l'évêché de Vannes. La paroisse actuelle de Plouray, comprise
dans le canton de Gourin, de dialecte vannetais, était aussi
dans Tévèché de Vannes. Il en était de même de Guilïgomarch,
aujourd'hui dans le Finistère ; de même aussi des paroisses de
Mellionec, Lescouet, Plélauf, Perret, Mur aujourd'hui dans
les Côtes-du-Nord.
On peut faire, à la rigueur, un dialecte particulier du Goello.
Le Goello d'ailleurs ne faisait pas partie de l'évêché de Tré-
guier ; c'était un des deux archidiaconés de l'évêché de Saint-
Brieuc, mais, dans ce cas, il faudrait également faire un dia-
lecte spécial du bas-vannetais (entre Scorff et Elle). M. Dau-
zat aurait trouvé dans ma Chrestomathie bretonne, des échan-
tillons des différents dialectes et des principaux sous-dialectes.
M. Dauzat (p. 274) nous dit que le breton, vers les vme-
ixe siècles, avait gagné, au nord, le diocèse de Saint-Malo ;
au sud, la région de Guérande jusqu'au voisinage de Saint-
Nazaire. Il y a là une grosse erreur historique; Eginhard était
bien informé quand il avançait que les Bretons émigrés
s'étaient établis d'abord sur les terres des Vénètes et des Curio-
solites. De fait, les premiers émigrés dont nous connaissons
les noms, les prêtres Lovocatus et Iserninus, menacés d'ex-
communication par trois évêques gallo-romains de la province
de Tours, parmi lesquels l'évêque de Rennes (vers la fin du
règne de Clovis) devaient se trouver sur les terres de l'évêché
de Rennes1.
Au vie siècle, le monastère de Dol, fondé par un saint insu-
laire qui est un personnage historique, est un centre breton
fort important. Nominoé, grand politique aussi bien que grand
guerrier, qui s'était débarrassé des quatre évêques gallo-romains
de la péninsule, dont celui de Vannes, et avait soustrait ses
évêques à la suprématie de Tours, fit de Dol la métropole de
la Bretagne.
Au sud, ce sont les Bretons établis entre l'embouchure de
1. Duchesne, Revue de Bret. et de Vendée; janvier 1885.
424 7- Loth.
la Loire (le breton a été parlé jusqu'à Donges) et l'Ellé, qui
engagent, au cours du vic siècle contre les Francs, une lutte
presque incessante jusqu'au triomphe définitif par la victoire
de Nominoé à Ballon, en 84e. Tous les combats se livrent sur
leur territoire. Le plus grand des chefs Bretons, Weroc, qui
a donné son nom au vannetais breton, au ixe siècle Bro-
Weroc (le pays de Weroc), aujourd'hui Broerec ', lorsque
l'évèque de Nantes, saint Félix, vers 579-580 alla le trouver
pour intercéder en faveur de ses ouailles qu'il avait emmenées
en captivité, avait sa résidence à Aula Quiriaca, que M. Quil-
gars a fort heureusement identifié avec Les-Guiriac, en Piriac,
près de Guérande (dans les chartes du Cartulaire de Redon,
du ix- xe siècle, le breton lis, les équivaut à Aida ; ci. R. Celt.,
XXIII, 205).
Presque toute là péninsule a été bilingue. A l'ouest, au
ixe siècle, le breton avait fini par étouffer le roman. Mais le
recul du breton, commença dès le xe siècle pour des raisons
historiques que je résume en quelques mots.
Après avoir conquis les pays de langue française du Rennais
et du Nantais, dans la seconde moitié du ixe siècle, et reculé
les frontières de la Bretagne jusqu'à la Mayenne et la Maine
(au nord, le Cotentin avait été annexé), les principaux chefs
bretons, avec leurs guerriers, s'établirent sur les frontières,
en pleine zone de langue française. Des alliances entre eux et
des familles françaises (on en signale avec des princesses de
France) ne tardèrent pas à se nouer. Les mœurs et la civili-
sation françaises ne tardèrent pas à les gagner et avec eux, la
langue de leurs sujets et de leurs alliés. Mais cette francisation
n'aurait pas eu de graves conséquences dans le reste de la
péninsule, si elle n'était pas venue renforcer l'élément gallo-
roman qui persistait sur un grand nombre de points de la zone
bretonnante. L'exode d'un grand nombre de Bretons des
classes élevées, par conséquent, en général, de langue bre-
tonne, pendant les ravages des Scandinaves, devenus maîtres
de la péninsule de 921 à 937, diminua aussi fortement l'élé-
1. Ce terme est aujourd'hui inusité. Je me souviens de l'avoir entendu
employer par ma mère, quand j'étais enfant.
Les langues bretonne et française. 425
ment breton. Les uns passèrent en Angleterre; d'autres en
France. Bon nombre, sans doute, ne revinrent pas. La dépopu-
lation fut si grande que le duc Alain Barbe-torte demanda au roi
Louis d'Outremer de lui envoyer des serfs français, leur pro-
mettant la liberté. Si on peut avoir quelque doute sur ce point,
un fait significatif est que les serfs en Bretagne, certaines régions
exceptées, paraissent avoir été affranchis à cette époque.
Sous les influences que je viens de signaler, aggravées par
les vides produits par ce grand exode, l'élément breton perd
du Xe au xiie-xme siècle, toute la zone qui s'étend du Coues-
non jusqu'à une petite distance à l'ouest de Saint-Brieuc. La
bretonisation avait été évidemment de ce côté superficielle.
Le sud, plus fortement et dès la première heure occupé,
résista beaucoup mieux. La péninsule guérandaise resta long-
temps bretonnante.
M. Dauzat connaît la Revue Celtique puisqu'il en fait men-
tion. Il eût feuilleté avec fruit notamment certain travail
sur Les langues romane et bretonne en Armorique (R. C, 1907,
p. 374 et suivantes). '
M. Dauzat termine son travail utile et intéressant, p. 278,
par une note qui m'a laissé rêveur. Il signale d'abord que,
sur la zone limitrophe, là où la population abandonne le bre-
ton pour le français, les paysans parlent un très bon français.
Très bon, me paraît fort risqué. A la vérité, ils parlent le fran-
çais qu'on leur a appris à l'école, assez correctement, en appa-
rence, mais quand on a habité une localité où la majorité de
la population et même depuis que la totalité parle français,
on est assez vite renseigné. Le français parlé, par exemple, à
Port-Navalo, par les gens du peuple, m'a donné l'impression
contraire. Les idiotismes bretons passent souvent en français.
Je me souviens de la stupéfaction de M. Gaidoz quand il
m'entendit dire : je l'ai fait sans savoir à moi pour : je l'ai
1 . Un romaniste compétent '.et peu suspect d'indulgence, M. Paul
Meyer, l'a déclaré neuf et convaincant. Il a fait des réserves sur la conser-
vation deçà- dans un certain nombre de noms de lieux voisins de la fron-
tière du Couesnon,.que j'avais attribués à l'influence du breton : il a cru
à une influence normande. Or ca- (ke-) devient che du Couesnon jusqu'à
Coutances.
426 /. Loîh.
fait sans le savoir ; c'était une traduction de mon breton :
hon(p) goût t'ein (léonard hep gou^put d'ih : l'infinitif joue le
rôle de substantif). On dit couramment «à Guémené : toute
la rue va avec eux pour : ils remplissent la rue. J'ai entendu en
réponse à une question : à récurie quest le cheval, construction
parfaitement bretonne, pour : le cheval est à récurie.
Ce qui m'a le plus surpris dans la note de M. Dauzat, c'est
ce qui suit : « A mesure qu'on s'éloigne à l'ouest, le français
des paysans devient plus incorrect, on est surtout frappé par
le recul de l'accent tonique et par une prononciation de cer-
taines consonnes qui rappelle celle des Alsaciens (aspiration
de k, t ; assourdissement de b, g, d) et qui a son origine dans
la phonétique lexicale ou syntaxique du breton.
Ces défauts disparaissent avec la génération qui ne se sert
plus du breton comme langue usuelle. » Le recul de l'accent
tonique n'existe pas en vannetais, en général. L'accent sur la
pénultième brève ou longue existe bien dans les autres dia-
lectes, surtout en cornouaillais et en trégorrois. Chez ceux qui
n'ont jamais parlé breton, c'est moins la place que la forme
de l'accent qui est remarquable. J'ai remarqué sur un mien
cousin, né et élevé à Quimperlé, qui a quitté le pays vers la
dix-neuvième année, lettré, qui a passé de longues années en
Tunisie et au Maroc, et je le remarque souvent maintenant
qu'il habite Paris, qu'il a l'accent le plus souvent sur la même
syllabe qu'en français, mais que son accent est très intensif,
brusqué.
Un fait général, c'est que la consonne occlusive finale,
sonore en français, devient sourde. Il y a trois ou quatre ans,
je causai à mon ami l'abbé Rousselot une sorte de stupeur, quand
je prononçai sans y réfléchir câmdràtt au lieu de camarade ; il ne
s'en cacha pas. Il y aurait aspiration de k, t d'après M. Dauzat :
dans ce cas pourquoi pas aspiration de />? je ne sache pas que les
Bretons actuels aient imité les vieux Celtes qui l'avaient perdu.
On n'a jamais fait d'expériences de phonétique expérimentale
bien nette sur les occlusives initiales sourdes et sonores du
breton et s'il y a aspiration, elle est sporadique. Quant à
l'assourdissement de b, d,g, à l'initiale, elle n'a jamais été obser-
vée. J'ai fait faire, deux années de suite, au laboratoire du
Les langues bretonne et française. 427
Collège de France, des expériences sur les sons du gallois du
Glamorgan. Elles ont été décisives : les occlusives sourdes
initiales sont aspirées ; les sonores, sourdes ou accompagnées
de très peu de vibrations. AU Sommerfelt est arrivé au même
résultat dans une autre partie du Pays de Galles. Dans un
récent travail sur l'irlandais de Torr, en Donegal, il a égale-
ment constaté que les occlusives sourdes irlandaises, à l'initiale
sont aspirées mais b d g sont sonores.
Les Bretonnants parlant français ont aussi parfois une ten-
dance à transporter en français la loi générale des langues
celtiques, suivant laquelle la syllabe initiale du mot uni inti-
mement au mot précédent et formant composé avec lui, subit
les mêmes mutations que la consonne dans l'intérieur du
mot : par exemple, un c intervocalique devient g. Dernière-
ment Alf Sommerfelt m'écrivait qu'il avait eu d'abord du mal
à retrouver sélect hôtel dans le sekgôtel où une commerçante
lui avait dit être descendue à Paris.
Il y a, en Bretagne, un vaste champ d'études ouvert pour
les dialectologues et les phonétistes.
J. Loth.
VARIÉTÉS
I. Sur un passage du Mabinogi.
Dans son édition scolaire du Mabinogi, annoncée ici-même au
tome XLI, p. 206, M. [for Williams a proposé, p. 90, de com-
pléter le second vers du second englyn chanté par Gwydyon en
ajoutant le mot gwres. Cette correction n'est pas mauvaise, mais
elle laisse subsister quelques difficultés, qu'il est possible d'écarter
au prix d'une correction légèrement différente.
Les deux premiers vers del'englyn en question sont donnés dans
les manuscrits ainsi qu'il suit (R. B. p. 79, 4 ; W. B. col. 108, 8 ;
éd. Mùhlhausen, p. 65, 7-8):
dar a dyj yn arduaes
nys gwlych glaw nys mwytawd.
M. J. Loth (Mab., 2e éd., I, 401) a déjà signalé qu'il manque
une syllabe au 2e vers ; et, fait plus grave, ce vers n'a pas de rime.
L'expression nys gwlych glaw se suffisant à elle-même (cf. B. B. C.
28, 17 Sk. = 63, 2 Ev. et 32, 22 Sk. = 67, 14 Ev.), il faut com-
pléter les mots nys mwytàwd qui restent en l'air. L'addition du mot
gwres « chaleur » proposée par M. Ifor Williams donne au vers la
syllabe et la rime qui lui manquent et au verbe mwytawd le sujet
qu'on attend. Mais ce sujet convient mal pour le sens, puisque le
verbe mwytaw (auj. mwydd) signifie « humecter, tremper, imbi-
ber». Si l'on admet la correction gwres, on ne peut maintenir le
verbe mwytawd. Or, cette forme est par elle-même suspecte. C'est
en effet un prétérit, qui ne répond pas au présent gwlych. Le vers
contient visiblement deux phrases parallèles qui doivent être au
même temps (cf. B.B.C. 17, 4 Sk. =46, 12EV.). Dans le Red Book,
d'après l'édition diplomatique de Rhys-Evans, mwytawd semble
écrit en deux mots. Le White Book n'enseigne rien, car, d'après
l'édition de M. J. G. Evans, mwy figure à la fin d'une
ligne et tawd au commencement de la suivante. L'hypothèse
Variétés. 429
qu'on ait à faire à deux mots différents est donc à peine une cor-
rection. Une forme tawd, 3e pers. sg. de l'indicatif présent de toddi
« faire fondre », outre qu'elle convient au point de vue de la suite
des temps, s'accorde bien avec l'idée de la chaleur que le mot
gwres exprime. Ce verbe se rencontre souvent ave tan pour sujet
(tan ae tawd, M. A. 287 b 13 d. b. ; cf. rac tand tanaul ibid. 245 b
7 d. b.) Mais il est aisé d'améliorer encore le vers en y introdui-
sant une allitération de plus. Le verbe toddi suggère naturellement
comme sujet tes, autre nom de la « chaleur » (cf. Red Book Poetry,
240, 26 Sk., où tes rime avec kyffes; B. B. C. 47, 23 Sk. = 89,
10 Ew).
Le distique paraît donc devoir être lu:
dar a dyf yn arduaes
nys gwlych glaw, nys mwy tawd tes
« chêne qui pousse sur une haute terre,
que la pluie n'humecte pas, que la chaleur
ne dissout pas davantage » .
Il faut entendre «dissoudre » au sens de « consumer, détruire»,
comme dans la plupart des langues où le verbe toddi a des corres-
pondants1. Pour l'emploi de mwy, cf. ny mwy gysgogit Wit uab
Peithana pas davantage ne fut secoué W. fils de P. » (B. An. 73,
27 Sk. = 10, 4 Ev.). Le petit mot tes a disparu de l'archétype du
Red Bopk et du White Book; on s'expliquerait moins bien la dis-
parition d'un mot plus long comme gwres.
II. Un mot breton en poitevin.
Notre savant collaborateur M. Antoine Thomas veut bien nous
apprendre que le breton pri « argile » a envahi la Vendée et même
l'Aunis avec son sens propre, voire au sens de « cambouis », l'arron-
dissement de Civray (Vienne).
Dans le Glossaire du Poitou, delà Saintonge et de l'Aunis par Fabre
(Niort, 1867), on lit p. éi: bri, m. « argile ». Du celtique pri
« argile ».
1. Sur l'étymologie de ce verbe, voir Wh. Stokes, Urk. Sprachsch.,
p. 120; Walde, Lai. Etym. Wtb.,2« éd., p. 759; Boisacq, Dict.Etytn. Gr.,
p. 965. La même racine est abondamment représentée en germanique
(Falk-Torp, Norw.-Dàn. Etym. Wtb., II, p. 1313). L'hypothèse de Stern,
qui rattachait toddi à l'irlandais tàdaim « j'accorde, je réconcilie» (Z.f. celt.
Phil., Vil, 493) ne parait pas valable.
430 Varié lés.
Le Glossaire de V A unis de L. H. Meyer mentionne simplement,
p. 30 : bri « argile ».
Le Glossaire du parler poitevin de Lalanne (Poitiers, 1868) dis-
tingue: bri m. « cambouis », air. de Civray, et bri m. « argile »,
Vendée.
Dans le Supplément au Dictionnaire de Littré, p. 54, est enre-
gistré le mot bry (bri), nom de l'argile employé dans la Charente-
Inférieure à la construction des digues; et nom donné en Saintonge
aux terres des marais, qui sont argileuses, noirâtres et fertiles.
M. Ant. Thomas ajoute : Je ne crois pas que le français brai
« bouc, goudron » qui s'applique parfois (dans les dialectes
modernes) à une « terre grasse », servant à faire, mêlée à la paille,
le mortier dit bauche, puisse être réduit à bri; le type étymolo-
gique en est *brae-, d'origine indéterminée.
Pour expliquer le mot bri, Favre paraît seul à mettre en cause
le celtique. Mais l'identité de ce mot avec le pri(\) du breton est
des plus vraisemblables. L'altération de l'initiale pourrait tenir à
la mutation syntaxique du breton dans des cas comme skudel-bri
« écuelle de terre ». Mais s'il est possible de faire intervenir l'in-
fluence du français brai, le changement de pri en bri s'explique
mieux encore. Le breton pri est masculin. C'est le même mot que
le comique pry et le gallois pridd. Le correspondant irlandais en
est cré, gén. criad, avec un suffixe à dentale en plus (cf. Pedersen,
Arkiv for nordisk Filologi, XXIV, 300). C'est par le commerce que
ce mot breton aura passé dans nos provinces de l'Ouest. Mais il
est étrange qu'on ne l'ait pas signalé, à notre connaissance, dans
les parlers français de la Bretagne. Aurait-il été transporté par des
ouvriers bas-bretons? C'était peut-être à l'origine un mot technique
dans les parlers du Poitou.
III. Des Marseillais en Egypte au second
SIÈCLE AVANT NOTRE ÈRE.
Les textes sur papyrus, qui ont tant ajouté à notre connaissance
de la littérature et de la civilisation classiques, vont-ils fournir
aussi des enseignements aux celtistes ?
M. Isidore Lévy nous signale un article delà Zeitscbrijt fur aegyp-
tische Sprache und Allertuinshunde, t. 60 (1925), p. 89 et suiv., où vl.
U.Wilcken publie et commente un texte, récemment découvert, digne
d'intéresser nos lecteurs. Il s'agit d'un acte passé, semble-t-il, devant
notaire entre un capitaliste du nom d'Archippos et cinq emprun-
Variétés. 431
teurs qui avaient besoin d'argent pour fréter un navire en vue d'al-
ler faire le commerce dans la région des « aromates », c'est-à-dire
au delà de la Mer Rouge sur la côte des Somalis ou de Koroman-
del. L'acte est du 11e siècle avant notre ère. Parmi les cinq arma-
teurs figure un Marseillais ([Me<T]<j<xXiu>TTrj<;) dont le nom est mal-
heureusement fort peu lisible ; on voit seulement que ce
nom commençait par Ti. Mais le papyrus contient autre
chose encore. Il donne le nom et la nationalité de cinq
personnes associées avec les précédentes et qui servirent de
garants au prêt consenti par Archippos. Or, parmi les cinq garants
figurent deux Marseillais qui portent tous deux le nom de Ktvxoç.
Le nom du père du premier n'est plus lisible; mais le second est
dit fils de Kfvroç, si bien qu'il est permis de croire que les deux
garants portant ce nom étaient père et fils.
Il n'est guère douteux que Kivtoç ne soit ici un nom celtique.
C'est celui qui sous la forme latine Cititus apparaît sur des inscrip-
tions en plusieurs endroits du monde gaulois (v. Holder, t. I,
col. 1023 et t. III, col. 1224). C'est pour le sens l'équivalent du
latin Primus.
M. Wilcken ajoute que le nom Kivto; se retrouve sur deux frag-
ments de papyrus conservés au Musée de Berlin (P, 5838.4 et P.
5840+ 5837.10), qui paraissent se rapporter à la même affaire,
et qui permettent d'en fixer la date avec plus de précision au milieu
du 11e siècle avant notre ère. M. Wilcken rappelle enfin qu'il y a
un r<r.o; Kivrousur un texte d'Alexandrie publié par M. Preisigke
dans le Sammelbuch (2101, 8). Et il remarque (p. 97) : « Dass
ein Bùrger der Griechenstadt Massalia einen keltischen Namen
fuhrt ist historisch nicht ohne Interesse ». Mais il n'est pas sans
intérêt non plus de trouver des Marseillais installés à cette époque
en Egypte pour y faire des affaires et pousser le commerce jus-
qu'au delà de la Mer Rouge. L'association que mentionne l'acte est
des plus internationales: on y trouve un Grec du Péloponnèse, un
Thessalonicien, un Eléate (de Lucanie). un Carthaginois. Les Mar-
seillais se trouvaient là en bonne compagnie.
J. Vendryes.
BIBLIOGRAPHIE
Sommaire. — I. Holger Pedersen, Le groupement des dialectes indo-
européens. — II. Otto Heinertz, Eine Lautverschiebungstheorie. — III.
Emil Hochuli, Strasse, Weg und Kreuzweg im romanischen. — IV.
August OxÉ, Die Tôpferrechnungen von der Graufesenque. — V. Tadhg
O'Donnchadha, Prosôid Gaedhilge. — VI. Donald Maclean, The Law
of the Lord's Day inthe Celtic Church. — VII. MaxFôRSTER, Keltisches
Wortgut imenglischen. — VIII. René Largillière, Les saints et l'orga-
nisation chrétienne primitive dans l'Armorique bretonne.
I
Holger Pedersen. Le groupement des dialectes indo-européens,
Copenhague, 1925, 57 p. (Det Kgl. Danske Videnskabernes
Selskab., Histor.-fîl. Meddelelser, XI, 3).
Nous avons précédemment annoncé les conférences faites par
M. Pedersen au Collège de France (v. R. Celt., XLII, 444). Elles
viennent de paraître en volume; et ceux qui ont eu la bonne for-
tune de les entendre auront grand plaisir à les retrouver sous la
forme imprimée. Dédiée à M. J. Loth, « le grand connaisseur des
choses celtiques », la brochure est pleine de ces vues originales et
profondes dont M. Pedersen a le secret. Traitant du groupement
des dialectes indo-européens, il ne pouvait se contenter de suivre
les chemins battus. On ne trouvera donc dans sa brochure ni un
résumé de l'état actuel de la question, ni, même un exposé d'en-
semble à la façon du livre, d'ailleurs si suggestif et si plein, de
M. Meillet. Son but n'était pas de faire œuvre de vulgarisation ou
d'exposition dogmatique, mais bien œuvre de recherche ; et dans
ce genre, il a donné un modèle.
Il a pris son sujet par un biais, qui lui a permis, tout en fixant
chemin faisant nombre de détails nouveaux, de préparer l'établis-
sement de conclusions générales d'une grande portée. Il est parti
Bibliographie. 433
du celtique, ou plutôt de l'italo-celtique (qu'il considère à la façon
habituelle en repoussant l'hypothèse soutenue naguère parWalde;
cf. R. Celt., XLII, 379) ; et il s'est proposé d'en marquer les rap-
ports avec les langues indo-européennes nouvellement découvertes,
le tokharien et le hittite.
Dès qu'a été commencée l'interprétation des textes en tokharien,
l'on a été frappé des traits que cette langue offre en commun avec
l'italo-celtique (cf. R. Celt., XXXIV, 129 et XXXVIII, 79).
M. Pedersen ajoute plusieurs rapprochements à ceux qui ont été
déjà proposés. Il retrouve par exemple dans le latin premô (per-
fectum pressi) un type d'élargissement des racines au moyen d'un
suffixe -m-, plusieurs fois attesté en tokharien. Il compare irl.
cailin bret. pl-ac'h « jeune fille » à koutchéen klea femme », irl. cèle
gall. cilydd « compagnon »au suffixe comitatif -s'seh dutourfanien,
irl. flailh gall. gwlad a pays » au koutchéen walo et lânle « roi »,
irl. cucht ce forme extérieure » (cf. v. isl. hâttr « apparence », de
*koktu-) au koutchéen kektsene « corps », le suffixe italo-celtique
*-ti-ôn- (attesté en osco-ombrien) au suffixe -tsènd et -Iso du
koutchéen, le suffixe italo-celtique *-âgôn- au suffixe -ako du kout-
chéen, le suffixe celtique *-iyamon- (irl. brithem gén. brithemon
« juge ») au suffixe des mots xvasamo « compagnon », aisamo
« savant» du tokharien, l'évolution sémantique de l'irlandais daig
(doig) « feu » et « maladie » à celle de tokharien teki « maladie »,
etc. Ces concordances ne sont certainement pas accidentelles. On
peut les interpréter tantôt comme des survivances communes, tantôt
comme des innovations parallèles, dont le point de départ était
peut-être à peine perceptible dans la langue mère (ainsi le système
des formes en -r- apparaît à M. Pedersen comme une innovation).
Dans les deux cas elles révèlent une étroite parenté entre l'italo-cel-
tique et le tokharien. Ce dernier doit son caractère particulier à la
position périphérique qu'il occupe. On peut dans une certaine
mesure en dire autant de l'italo-celtique.
Le hittite vient confirmer encore cette conclusion. La résurrec-
tion de cette langue est un événement linguistique considérable,
dont on ne peut encore mesurer toute la portée. Le déchiffrement
et l'interprétation des milliers de tablettes trouvées à Boghaz-Keui
se poursuivent régulièrement. Ce qu'on en sait déjà, après les tra-
vaux de Knudtzon et de MM. Hrozny, Marstrander, Forrer, Som-
mer, Friedrich etc., paraît à M. Pedersen prouver des rapports spé-
ciaux entre le tokharien et le hittite. L'italo-celtique présente par
suite quelques concordances avec ce dernier, et avant tout la con-
jugaison en -r.
434 Bibliographie.
Cette conjugaison apparaît aussi dans le peuqu'on a du phrygien.
Il faudrait donc supposer que Pitalo-celtique, le phrygien, le tokha-
rien et le hittite auraient constitué dans une antiquité reculée un
groupe continu de dialectes de la langue mère et que plus tard ces
branches auraient été violemment séparées et éloignées l'une de
l'autre, une partie pour dominer l'Europe, une autre pour s'épa-
nouir et s'évanouir dans la mer de nations de l'Asie. C'est la con-
clusion de M. Pedersen. Il la précise d'un mot qui est précieux pour
nos études. C'est que grâce à un esprit linguistique particulier, qui
a d'ailleurs créé tant de bizarreries à une époque plus tardive, le
celtique a souvent conservé, par exemple dans la conjugaison en -r,
des irrégularités anciennes que les autres langues ont aplanies
(p. 52). Si donc les langues celtiques cessent d'être parlées, une des
nuances les plus originales et historiquement les plus intéressantes
de l'indo-européen aura disparu (p. 6). Cette conclusion est à médi-
ter par ceux qui ont reçu du destin la garde de ce précieux dépôt.
J. Vendryes.
II
Otto Heinertz. Eine Lautverscbiebungstheorie. Lund, 1925. 84 p. 8°
(Lunds Universitets Aarsskrift, N. F. Avd. 1 Bd 20, nr 7).
Depuis plus de cent ans que les règles de la mutation conso-
nantique du germanique ont été découvertes et formulées, on a
bâti mainte hypothèse pour expliquer la raison d'être de ce phéno-
mène. Jakob Grimm tout le premier avait imaginé une explication
fort simple, qui eut pendant de longues années un succès général
dans son pays ; il retrouvait dans les transformations des occlusives
l'effet des meilleures qualités du tempérament national des Ger-
mains, la rude franchise et l'énergie robuste : « Liegt nicht ein
gewisser Mut und Stolz darin, média in tenuis, tenuis in aspirata
zu verstàrken ? » Plus tard on substitua des causes physiologiques
à ces prétendues raisons de psychologie ethnique. La mutation des
consonnes fut attribuée au climatet à l'altitude : le séjour des mon-
tagnes ne développe-t-il pas l'activité des poumons et ne porte-t-il
pas à prononcer les sons avec plus de souffle ? Il y a aujourd'hui
encore, paraît-il, des linguistes sérieux qui s'en tiennent à cette
manière de voir et que n'ont pas ébranlés les critiques si judicieuses
et si fines de M. Jespersen (Phonetische Grundfragen, p. 17e note et
Lattguage, p. 257). Enfin il y a l'explication ethnologique, qui
Bibliographie. 435
attribue la mutation aux habitudes de prononciation d'un certain
peuple et en justifie le développement par une tradition héréditaire.
Cette explication implique l'hypothèse d'un substrat ethnique
qui aurait introduit dans l'indo-européen un type de prononciation
étranger. Elle a été depuis longtemps proposée pour expliquer la
mutation consonantique commune à tout le germanique. On la
trouve notamment exposée dans le livre de M. Meillet sur les Carac-
tères généraux des langues germaniques, 3e éd., p. 40. M. Siegmund
Feist s'en est lait le champion en Allemagne (Paul urid Braunes
Beitrâge, t. XXXVI, p. 307 et t. XXXVII, p. 112 ; lndogermanen
und Germanen, p. 36 et ss., Kultur Ausbreitung und Herkunft der
lndogermanen, p. 450) ; son argument principal est tiré de la
seconde mutation consonantique spéciale au domaine du haut-
allemand. Sur ce domaine en effet l'existence d'un ancien substrat
celtique n'est pas contestable. D'Arbois de Jubainville (Les Celtes
depuis les temps les plus anciens, p. 170), Mùïïenhoft (Deutsche Alter-
tumskunde, II, 207), d'autres encore l'ont établi par des preuves
convaincantes. M. Hirt a fait sienne cette doctrine dans son beau
livre, die lndogermanen, p. 175, en des termes qui méritent d'être
cités : « Das Hochdeutsche herrscht nun, wie keinem entgehen
kann, durchaus auf dem Gebiete, aufdem die keltischen Stàmme
in kompakter Masse sassen... Das Hochdeutsche ist ein Deutsch
im Munde einer fremden Bevôlkerung, bei dersich, als sie versuchte
sich die neue Sprache anzueignen, eine Reihe von Eigentùmlich-
keiten entwickelten, die der Sprache ein ganz anderes Aussehen
gaben. » L'une de ces particularités les plus frappantes est naturel-
lement la mutation consonantique propre au vieux-haut-allemand,
c'est-à-dire la seconde dans l'histoire des langues germaniques.
En abordant l'étude de la mutation du haut-allemand, M. Hei-
nertz avait donc des devanciers qui lui montraient la voie à suivre.
Mais en s'engageant après eux dans cette voie, il s'est appliqué à
faire œuvre personnelle. Comme on va le voir, son travail n'a
emprunté à autrui qu'une direction générale ; dans le détail il est
original et neuf.
Sous le terme assez vague de mutation consonantique (Lautver-
schiebung) on range trois évolutions distinctes, concernant res-
pectivement les ténues (occlusives sourdes*), les moyennes (occlu-
sives sonores) et les spirantes. M. Heinertz a soin de les distinguer
pour les étudier séparément (p. 26-40, 41-50, 50-59). Mais il
ramène les trois traitements à une même tendance phonétique, dont
la formule est donnée p. 64. Tous les procès de mutation conso-
nantique du haut-allemand résulteraient : i° En ce qui concerne
436 Bibliographie.
l'initiale, d'un renforcement articulatoire, et pour certains sons
d'une exagération de l'articulation, provoqués par l'accent expi-
ratoire ; 20 En ce qui concerne l'intervocalique, d'un adoucis-
sement (Lenierung) des sons dû à la mollesse de l'articulation qui,
dans le cas des occlusives oppose au passage de l'air une fermeture
plus lâche et dans le cas des spirantes laisse une ouverture plus
large. Or M. Heinertz croit pouvoir attribuer au substrat celtique le
point de départ de cette double tendance. Non pas qu'il adopte
l'ancienne hypothèse aujourd'hui généralement abandonnée, suivant
laquelle l'accent aurait frappé l'initiale en celtique commun. 11 croit
même que les Celtes installés dans les régions où l'allemand devait
s'étendre ne possédaient pas d'accent expiratoire. Son raisonnement
est fort subtil. Soit le cas des ténues, qui est le plus clair. La
mutation des ténues germaniques résulterait d'une exagération arti-
culatoire provoquée par le fait que les Celtes n'avaient ni l'accent
expiratoire ni les ténues aspirées des Germains. Le phénomène
rentrerait dans ce que Hermann Paul appelait le « sentiment arti-
culatoire » (« Bewegunsgefùhl » Prinijpien, 4e éd., p. 48), qui
diffère suivant les langues. En cas de contact ou de mélange de
langues, la langue qui adopte la prononciation d'une autre exagère
parfois certains mouvements articulatoires, quand elle a une infé-
riorité de « Bewegungsgefùhl» à compenser. En se mettant à parler
une langue germanique, les Celtes qui avaient l'habitude d' «adou-
cir » les intervocaliques auraient continué à le faire, mais en outre
ils auraient transformé la prononciation de la langue qu'ils adop-
taient en exagérant les effets de l'accent initial et de l'aspiration des
ténues, dont ils n'avaient pas la pratique. Telle est en gros l'hypo-
thèse.
Elle se heurte à de graves objections. Elle oblige à séparer
la seconde mutation consonantique de la première et à leur recon-
naître à toutes deux des causes différentes, alors qu'il paraît prouvé
au contraire que le principe de la mutation étant admis, l'appli-
cation s'en est poursuivie au cours de l'histoire et jusque dans la
période contemporaine. Elle a d'autre part l'inconvénient de sup-
posera la mutation consonantique duhaut-allemandun caractère que
beaucoup de linguistes jugeront inadmissible. Le rôle de l'accent
expiratoire dans le phénomène n'est rien moins que prouvé.
M. Meillet enseigne depuis longtemps sur les mutations du germa-
nique une doctrine qui a l'avantage d'être cohérente, d'embrasser à
la fois les diverses périodes du phénomène et d'expliquer les
mutations semblables attestées par exemple en arménien. Il y voit
non pas une question d'accentuation, mais une question d'ouver-
Bibliographie. 437
ture glottale. Enfin, du côté celtique aussi, ily aurait des objections
à faire '.
M. Heinertz ne s'en tient pas là. Il retrouve l'influence du sub-
strat celtique dans la loi dite de Notker, qu'il compare au jeu des
mutations initiales dans les langues celtiques modernes. La loi
appliquée par Notker dans ses écrits et baptisée de son nom con-
siste en une alternance des sonores bd g et des sourdes p tk à l'ini-
tiale (cf. Braune, Althochdeutsçhe Grammatik, §103). Un mot est écrit
par une sonore à l'initiale quand le mot précédent se termine par
une voyelle, une liquide ou une nasale; un mot est écrit par une
sourde à l'initiale quand il figure au début d'une phrase ou quand
le mot précédent se termine par un des sons p tk i bd gf h\s. Tou-
tefois, en ce qui concerne les dentales, l'alternance s'applique seu-
lement au cas de d ( =got. p) et non au cas de / (= got. d) qui
reste toujours / en toute position. Telle est la « loi de Notker ».
Sur les mutations initiales du celtique, nos lecteurs sont trop bien
informés pour qu'il y ait lieu d'insister. Ils savent»qu'une des prin-
cipales originalités des langues celtiques est que les mutations de
l'initiale y ont pris une valeur morphologique et sont devenues
une marque de l'emploi et de la valeur des mots. Il y a des caté-
gories grammaticales, par exemple celle du genre en brittonique,
qui n'ont guère d'autre expression que la mutation de l'initiale.
Mais l'intérêt du rapprochement n'est pas là. Il est dans le principe
de l'altération des initiales suivant les conditions syntactiques. Cette
altération suppose que le mot n'a pas d'individualité propre, qu'il
est noyé dans son contexte et déterminé dans sa forme même par
les éléments qui l'entourent. Il s'agit d'un type de prononciation
continue de la phrase, caractéristique des langues celtiques. On
sait que des altérationsde l'initiale s'observent aussi dans les langues
de peuples qui ontété en contact avec les Celtes, comme le basque
1. Sur la prononciation des occlusives galloises, M. Heinertz n'a trouvé
à citer qu'une note de M. J. Loth (R. Celt., XXXVIII, 261). En fait, la
prononciation particulière de ces occlusives a été depuis longtemps signalée.
Il en est question déjà dans les Principes de phonétique expérimentale de
Rousselot, t. I, p. 501, où d'ailleurs l'enseignement donné est incomplet et
pour la sonore d sujet à caution. Mais on a maintenant la description du
gallois de Cyfeiliog par M. Sommerfelt (R. Celt., XLII, 434), que M. Hei-
nertz, il est vrai, ne pouvait connaître. A consulter aussii?. Celt., XXXVIII,
17 et 231. — Il est regrettable que M. Heinertz n'ait pu utiliser non plus
le travail de M. Marstrander sur les inscriptions des casques de Negau
(cf. R. Celt., XLII, p. 199).
Revue Celtique, XL1II. 28
4 3 8 Bibliographie .
ou qui paraissent recouvrir un substrat celtique, comme certains
dialectes de Toscane et de l'Italie du Nord. Cela pourrait donner une
valeur particulière au rapprochement tenté par M. Heinertz. Tou-
tefois, si l'on admet l'existence en haut-allemand d'un type de
prononciation particulier hérité d'un substrat celtique, il est
étrange que la trace en soit restée seulement dans une habitude
orthographique si limitée dans l'espace et dans le temps. C'est une
objection que maint lecteur ne pourra manquer de se faire. 11 faut
ajouter que rien ne justifie l'existence en germanique d'une pro-
nonciation « continue », comme celle qui caractérise les langues
celtiques.
M. Heinertz a été plus loin encore. Dans un dernier chapitre, il
a réuni certains faits qui tendraientà prouver l'influence du substrat
celtique sur le vocalisme du haut-allemand. Il s'agit de menus
détails de prononciation, qui n'ont en fait avec le celtique que des
rapports assez lointains. L'auteur reconnaît lui-même qu'il apporte
plutôt des probabilités que des certitudes. En dernier lieu il cite un
fait qui se rapporte à la flexion verbale. Le vieux-haut-allemand
est seul parmi les langues germaniques à présenter à la ire pers.
du plur. des verbes une désinence compliquée, -mes, laquelle, sui-
vant une ingénieuse explication de M. H. Hirt (lndog. Fschg.
XVII, 73), résulterait de l'addition d'un pronom postposé à l'an-
cienne forme verbale. Or, l'addition de particules pronominales
aux formes flexionnelles du verbe est un fait courant en celtique ;
et la désinence -mi de première personne du pluriel absolue en
irlandais a été expliquée par M. Pedersen(f^/. Gr.,II, 343) comme
M. Hirt explique la désinence -mes de l'allemand (soit bermi de
*berom -f ni). Mais il faut tenir compte ici de certaines difficultés
qui dans chacune des langues s'opposent à un rapprochement
trop étroit. D'ailleurs l'habitude de renforcer la personne du verbe
par l'addition d'une particule se manifeste bien ailleurs ; et quand
la flexion verbale manque par elle-même de clarté, il en résulte
fatalement une soudure de la particule à la forme verbale. Ces con-
ditions sont de nature trop générale pour qu'on en conclue au
rapprochement de deux langues particulières.
C'en est assez pour marquer les qualités et les défauts de la thèse
de M. Heinertz. Elle est vigoureusement conduite et soutenue
d'arguments bien liés. Si elle n'emporte pas la conviction et con-
tient même plus d'un détail discutable, elle fait du moins toujours
réfléchir avec profit sur des questions qui touchent aux plus vastes
problèmes de l'histoire des langues.
J. Vendryes.
Bibliographie. 439
III
Emil Hochuli. Einige Be\eichxungen fur dm Begri ff Strasse, Weg
unà Kreuzweg im romanischcn (thèse de Doctorat de l'Université
de Zurich). Aarau, 1926, xiv-172 p. 8°.
Ce n'est pas aux lecteurs de cette Revue qu'il faut apprendre
l'utilité des recherches de toponomastique pour la linguistique his-
torique. Notre connaissance du vieux celtique repose pour la plus
grande part sur les noms de lieu; et l'histoire desdialectes celtiques
modernes, celle notamment du breton armoricain, tire de la topo-
nomastique une masse de précieux renseignements, comme
M. J. Loth l'a si souvent montré ici même. La dissertation qui a
valu à M. Hochuli le grade de docteur devant l'Université de Zurich,
touche largement à la toponomastique, puisqu'elle traite des noms
de la « route » et du « carrefour » dans les langues romanes. L'au-
teur se recommande du patronage de deux maîtres éminents, les
professeurs Gauchat etjud. C'est dire assez qu'il est bon romaniste
et qu'il sait travailler suivant la bonne méthode.
On sait quel rôle jouent les routes dans l'histoire de l'humanité.
Un pays qui a des routes est un pays ouvert au commerce, capable
de bénéficier de tous les échanges qui favorisent la civilisation et
le progrès. La Gaule avait sans doute des routes avant la conquête
romaine. Mais cette conquête l'a dotée d'un réseau tellement bien
conçu et si solidement exécuté qu'on le retrouve encore pour une
bonne part dans le système de nos routes nationales. L'étude des
noms qui ont été donnés à la route est un travail de géographie
humaine autant que de linguistique historique. Dans l'histoire de
ces noms, de leur élimination, de leur renouvellement, se reflète
le développement de la technique et du commerce.
M. Hochuli commence par une brève introduction sur l'histoire
de la construction des routes. Les Romains en devraient la pratique
aux Phéniciens. Mais il faut tenir compte des perfectionnements de
la construction et aussi de la nature des terrains, qui a ici une
grande importance. L'auteur a négligé les indications contenues
dans le grand article de M. Meringer (analysé dans la R. Celt.,
t. XXXIV, p. 229 ; cf. aussi Meillet B. S. L., t. XXII, p. 17). Il
n'est pas possible à l'origine, et dans l'Europe continentale, de
séparer le « pont » du « chemin ».
Comme noms du a chemin », les Romains avaient des mots
variés, iter, uia, callis, frames, sêmita. dïuerticulum, qui ont donné
440 Bibliographie.
dans les langues romanes des dérivés plus ou moins vivaces. On
y peut joindre les mots actus, cliuns, dluortium, dîner liculum, même
uïcus et plalea (avec deux accentuations, cf. ci-dessus, p. 228).
Mais pour désigner la « route », les Romains employaient le mot
stràta. Ce mot a survécu en français comme nom propre seulement
(dans de nombreux Estrées) : dans le Midi s'emploie encore le mot
estrade, mais il eût convenu de distinguer plus nettement ce mot
méridional du mot français emprunté estrade au sens d'échafaud,
construction provisoire servant pour une manifestation dramatique
ou une exécution de criminel. Les deux mots peuvent remontera
un étymon latin identique (le participe stratus) ; ils n'ont rien de
commun.
Le mot stràta a. été remplacé comme nom commun par des mots
variés, camminum, ruga, et surtout par des épithctes précisant la
valeur du mot uia, soit (tiia) calciâta, (am) carrâria, (uia) rupta.
M. Hochuli étudie chacun de ces mots dans leurs dérivés romans
et fait l'histoire des notions qu'ils représentent. C'est-à-dire qu'il
traite des mots français chemin, rue (ruelle, etc), chaussée, charrière,
route. Il ne cite pas le dérivé routin et il ne dit rien des mots layon
ouvenelle. Manque également une mentiondumot mi-voie fréquent
dans l'onomastique, et, à propos du carrefour, de l'expression
Quatre-chetnins . Il touche à deux reprises, p. 68 et 86, la question
des Chaussées Brunehaut, des Chemins de la Reine Blanche ou des Sar-
rasins ; mais il ne le fait qu'incidemment. Cette question mérite
qu'on lui consacre une étude spéciale, en s'inspirant des sages
remarques deLouis Havet, mentionnées R. Celt., t. XXXIX, 404,
sur les Camps de César.
Le breton armoricain est mentionné deux ou trois fois. Il eût
mieux valu le laisser de côté. Au point de vue de la toponomastique
FArmorique forme un tout qui demande à être traité à part. Les
problêmes ne s'y posent pas comme dans le reste de la France ; ils
ne peuvent d'ailleurs être élucidés sans une solide connaissance du
breton, à toutes les périodes de son histoire et sous toutes ses formes
dialectales. P. 73, ru-dall veut dire « rue aveugle » ; p. 116, treb
n'est pas un mot breton actuel ; c'est un vieux mot attesté dans le
Cartulaire de Redon au sens de « village ». On dit aujourd'hui
tref (français trêve), mais au sens très spécial de «territoire dépen-
dant d'une succursale de paroisse». P. 144 et suiv. ce qui est dit
de Condatetx. de ses dérivés en français est contestable ; cf. ci-des-
sus, p. 229. P. 32,1e détail tiré de la vie de sainte Brigitte se trouve
mentionné dans la Trias Thaumaturga de Colgan (1647), p. 522,
§ 3ï-
Bibliographie . 441
La dissertation de M. Hochuli, par l'abondance des documents
qu'elle contient, rendra des services ; elle fait bien augurer de
l'avenir de ce jeune philologue.
J. Vendryes.
IV
August Oxé. Die Tôpferrechmingen von der Graufesenque. Bonn.
Marcus und Weber, 192e (Sonderabdruck aus den Bonner Jahr-
bûchern, Heft 130. S. 38-99. Mit einer Tafel).
Après les travaux que les linguistes ont consacrés aux graffites
de la Graufesenque et dont le principal a paru ici même, signé de
M. J. Loth (t. XL1, p. 1 et ss.), il est bon que les archéologues
discutent à leur tour les problèmes qui se posent à ce sujet. On a
déjà signalé le travail de M. O. Bohn paru dans XzGermania (1924,
p. 19 : d.R.Celt., XLI, p. 493) Voici que M. August Oxé con-
sacre à ces graffites une brochure où il en reprend l'étude de fond
en comble, et où l'on trouvera çà et là quelques suggestions à
retenir.
La brochure aurait été certainement plus courte si M. Oxé n'y
avait exposé que des idées nouvelles. Il a opéré en effet comme si
personne avant lui, en dehors de M. O.Bonn, n'avait examiné les
graffites mis au jour par l'abbé Hermet, etcette méthode l'a conduit
à répéter bien des choses qui étaient connues avant lui, Il avait été
averti parM. Thurneysen que des « savants Français » (p. 39)avaient
publié sur la matière quelques travaux, où il y a même des inter-
prétations exactes. Mais il a dédaigné ces interprétations ou n'a
pas pris la peine de les mentionner. Ceux de nos lecteurs qui liront
sa brochure se féliciteront que sur certains points il y ait entre les
vues de M. Oxé et celles de M. Loth d'heureuses concordances,
qui sont pour l'un et l'autre une présomption d'exactitude; mais ils
constateront aussi entre les deux savants de nombreuses divergences,
qui sont le plus souvent tout en faveur de M. Loth. Ce n'était pas
la peine de reprendre la question dans son entier pour présenter
au public des hypothèses qui marquent souvent un recul sur les
travaux antérieurs. Si M. Oxé avait l'ambition, d'ailleurs parfai-
tement légitime, d'établir une édition aussi définitive que possible
desgraffites de La Graufesenque, il devait procéder autrement qu'il
n'a fait.
C'est sur la partie celtique des graffites que son travail est le
moins satisfaisant. Il s'excuse lui-même de n'être pasceltiste. C'était
442 Bibliographie.
une raison déplus pour tenir compte de l'opinion exprimée par des
celtistes qualifiés. Sur les noms de nombre, qui sont une des curio-
sités les plus intéressantes des graffites de la Graufesenque, il émet
parfois des doctrines inexactes et insoutenables. P. 71, il n'y avait
pas lieu d'envisager même l'hypothèse d'un gaulois petrametos
répondantà l'irlandais cethramad. La forme irlandaise est visiblement
refaite sur le modèle des ordinaux de sept à dix(Pedersen, Vgl. Gr.,
II, 135); fût-elle ancienne, qu'on n'aurait pas nécessairement
d'exact correspondant à en attendre en celtique continental. Ce qui
est dit p. 73 de nametos (sic) « neuvième » est tout à fait erroné ;
v.J. Loth, R. Celt. ,XLI, p. 38.
On sait quelles difficultés présentent les quelques mots celtiques
conservés dans les graffites. Les hypothèses qu'on a proposées
pour les interpréter divergent parfois ; certaines sont en tout cas
parfaitement plausibles. Mais personne ne pourra prendre au sérieux
ce que dit M, Oxé de tuHbos ou de ïnxios. 11 rattache le pre-
mier de ces mots à la famille des mots grecs -rvcpoç et 6up.ôç
(p. 70) ! Et le second à la racine de leûc:6<o, hicëre en lui donnant le
sens de « cuit « ou « à cuire » (p. 76)! Ce dernier sens n'est
justifié ni par l'indo-européen ni par les langues celtiques
modernes. Il voit deux conjonctions copulatives dans les mots diui
et toni — ce qui est déjà des plus contestables — et il affirme avec
désinvolture que les celtistes n'auront pas de peine à justifier lin-
guistiquement une interprétation aussi singulière (p. 66-67) ! A
propos de cassidonos, quelle que soit l'autorité de Zeuss, il eût été
bon d'y joindre des garanties plus modernes et de renvoyer à l'ar-
ticle sur arcantodan(os) publié dans la Revue des Études anciennes,
t. XXI, p. 263. Quant à cassidanalone, l'hypothèse que ce composé
contiendrait comme dernier terme le mot ialo- est inconciliable
avec le sens que M. Oxé lui prête : ce serait un « bureau de sur-
veillant» (p. 76)! Le mot ialo- ne. saurait avoir ce sens. Sur le mot
uxsedia, M. Loth s'était exprimé avec de prudentes réserves :M. Oxé
y voit un rapport avec l'irlandais ocus « proche» (p. 70) ! Cela est
tout à fait en l'air pour le sens et se heurte pour la forme à une
impossibilité phonétique.
Ces critiques sont graves; on pourrait en allonger la liste. En
revanche, il est juste de signaler certaines améliorations notables
que M. Oxé apporte aux lectures ou aux interprétations de ses
devanciVrs.
Au lieu du cintux(os) de l'abbé Hermet, M. Oxé lit cintu comme
un mot indépendant. Le mot cintusest bien connu dans l'onomas-
tique gauloise (v. ci-dessus, p. 431). Il correspond pour le sens au
Bibliographie. 443
latin primus, et pour là forme il a des correspondants exacts dans
les langues celtiques insulaires (irl. cet-, gall. cyttt-). Les contro-
verses auxquelles a donné lieu l'interprétation d'un ordinal cintuxos
deviennent du coup sans objet.
L'abbé Hermet, après Déchclette, avait \v\ ..sli sena[rios\ sur un
graffite inséré depuis dans le Corpus (XIII, 3, n° 10016, 1. 7).
M. Oxé propose de lire ..s tisena[ri] et interprète ce dernier mot
comme une « tasse à tisane » en comparant le passage d'Horace
(Satires, II, 3, 15$), où il est question d5 un ptisanarium ; c'est très
vraisemblable.
Pour interpréter le mot imbractaria, M. Oxé a pensé au mot
imbractum qui chez Apicius désigne une espèce de « sauce » ;
imbractarium serait donc une « saucière ». L'hypothèse est ingé-
nieuse et mérite sans doute d'être préférée à celle que M. J. Loth
devait à son confrère M. Pottier, si séduisante qu'elle fût elle-
même (R. Celt., XLI, 46).
L'abbé Hermet n'avait pas cru pouvoir considérer comme un nom
de mois le mot Auguslas (sur le graffite n° 38 de son édition) ; il
s'était donc décidé à le prendre pour un nom de vase, et M. Loth
appuyait cette décision de son autorité. Mais la comparaison d'un
graffite publié au tome III du Corpus (n° 11 382) rend vraisemblable
qu'il s'agit en effet d'un nom de mois. On ne peut sur ce point
encore que donner raison à M. Oxé (p. 79).
Voici un dernier cas où il paraît également tomber juste. P. 72,
il voit dans le nom de lieu Finten (à 5 milles à l'O. de Mayence)
le nombre ordinal gaulois pimpetos « cinquième «. La comparaison
du nom des villages de Quint et de Det\em, situés respectivement
à cinq milles et à dix milles de Trêves et qui remontent visiblement
à Ad Quintum et Ad Decimum Çapidem) est en faveur de cette
hypothèse sur Finten. En revanche, il est bien douteux que Schweich
(à un mille au delà de Quint) remonte à la forme celtique suexos
« sixième ». Il parait tout de même étrange qu'autour de Trêves
la numération celtique ait été ainsi mélangée à la numération
latine; et d'ailleurs le vocalisme de Schweich fait difficulté.
On voit par ces exemples que le travail de M. Oxé n'est pas
négligeable. Il a le mérite de présenter un classement plus métho-
dique des comptes de potiers de la Graufesenque et d'y joindre
les fragments de comptes recueillis dans les mêmes conditions à
Blickweiler et à Rheinzabern, à Arezzo, à Horta, à Montans. En
outre, sur plus d'un détail il fait faire à l'interprétation des graffites
un sérieux progrès. Il dénote un esprit érudit et ingénieux. On
peut juger d'autant plus sévèrement le parti qu'il a pris d'ignorer
444 Bibliographie.
les travaux français. La science ne peut progresser sans la collabo-
ration internationale. Si les savants de chaque pays se refusent à
considérer ce que d'autres font au delà de leurs frontières, c'est
l'avenir même du travail scientifique qui sera compromis.
J. Vendryes.
V
Tadhg O'Donnchadha (Tôrna). Prosôid Gaedhilge. Clé Ollsgoile
Chorcaighe, Corcaigh agus Ath cliath. [Taeg O'Donoghue.
Prosodie Irlandaise, Cork University Press, Cork and Dublin].
1925. vij-107 p. in-12.3 sh.
Comme le dit l'auteur dans sa préface, le titre de Prosodie ne
convient qu'à moitié à cet ouvrage. C'est en fait un manuel de
versification. Il a servi de matière à un enseignement professé aux
cours d'été del'University Collège de Cork ; et l'auteur, qui est lui-
même un poète apprécié, a eu en le publiant un double dessein:
celui d'initier les jeunes poètes, dont le nombre ne va pas en dimi-
nuant, aux règles de la poésie nationale ; et aussi celui de fournir
aux maîtres qui enseignent l'irlanda.is etaux élèves qui l'apprennent
le moyen d'apprécier les œuvres poétiques, si abondantes en Irlande
dans les derniers siècles.
Il y a en Irlande deux sortes de versification. La versification
ancienne, qui porte le nom de Filidheacht Shiollabhach ou encore
de Duanaireacht, repose sur le nombre des syllabes. La versification
moderne, dite Filidheacht Aiceanta repose sur l'accentuation. C'est
de cette dernière seulement qu'il est question ici. Même réduit à
cet. objet et bien qu'il soit écrit en irlandais, l'ouvrage mérite tout
succès à l'étranger; car c'est un excellent manuel, où la matière
est clairement et commodément disposée d'après une progression
méthodique.
Le simple résumé des chapitres du livre est un exposé des règles
essentielles de la versification irlandaise moderne.
Chaque vers est défini par un certain nombre d'accents placés
à > intervalles réguliers. En principe, les accents métriques sont
empruntés à la langue courante. Toutefois, dans celle-ci, il y a des
syllabes frappées d'accents principaux, d'autres d'accents secon-
daires; aux deux s'opposent les syllabes non-accentuées. La versifi-
cation au contraire ne connaît que l'opposition de syllabes accen-
tuées et de syllabes non-accentuées. Et il arrive parfois que des
syllabes non accentuées dans la langue courante soient frappées
Bibliographie. 445
dans la versification d'un accent métrique : inversement, des syl-
labes accentuées dans la langue courante sont traitées souvent dans
la versification comme si elles étaient dépourvues d'accent. Il con-
fient donc d'apprendre d'abord à reconnaître le nombre d'ac-
cents métriques contenus dans chaque vers.
Autant d'accents, autant de pieds. Chaque pied (mm) commence
par un accent métrique et comprend toutes les syllabes enfermées
entre cet accent et le suivant. Il peut y avoir des pieds d'une syl-
labe (laquelle porte naturellement un accent métrique), et des pieds
de deux, trois ou quatre syllabes (la première syllabe étant seule
accentuée, les autres non-accentuées). Enfin devant le premier
accent métrique peuvent se trouver dans un vers une ou même
plusieurs syllabes qui ne comptent pas dans le mètre et constituent
une sorte d'anacruse, qui porte en irlandais le nom de ruthag (m.
à m. « élan, secousse »).
La forme métrique d'un vers est définie par la nature des voyelles
qui portent l'accent métrique. Il importe de connaître le timbre et
la quantité de ces voyelles (en se réglant naturellement sur la
prononciation et non sur l'écriture); car il y a des concordances
obligatoires entre les voyelles accentuées des vers qui forment une
strophe ou un quatrain. M. O'Donoghue ramène à quinze le
nombre des voyelles métriques qu'emploie la versification irlan-
daise: ce sont d'abord les cinq longues (fada)âôùéi, puis les cinq brè-
ves Çgaerid) ao ue i, puis les quatre mixtes (cummaisg) ua ia ou et y,
auxquelles il joint la « brève imparfaite » (gairid neamhchruinn) qu'il
note/ï. La voyelle v est celle que Ton observe dans la première syllabe
des mots adhmad, coillte, deighbhean , gaibhil, meidhreach ou dans les
monosyllabes binn,fadhb,greim,roinnt. La voyelle « représente le son
écrit 1 dans file, u dans aimas ou dubhàn, ei dans feiceann, io dans
gliogaire, oi dans doille. ui dans guirt, etc. La liste n'est d'ailleurs
pas complète ainsi; car il convient d'y ajouter les voyelles nasales,
que l'auteur note par un accent circonflexe (0 û î y), et aussi les
deux voyelles qu'il note â et ï et qui représentent la prononcia-
tion spéciale de a et de i devant m,nn, II, rr, ng. On les désigne du
nom de gairid trom. Il faut ajouter que toute cette classification
repose sur la prononciation en usage dans le Munster.
Il y a des voyelles qui sont élidées. Ce sont des voyelles inac-
centuées appartenant le plus souvent à des mots accessoires. L'éli-
sion porte en irlandais le nom de bàthadh. En revanche, il y a des
voyelles irrationnelles qui s'introduisent parépenthèse à l'intérieur
de certains groupes de consonnes. Ainsi calma est prononcé
cal-u-ma; macnas, mac-u-nas; greannmhair , grean-u-mhuir ; etc. La
446 Bibliographie.
voyelle irrationnelle est dite en irlandais guta tacair (« voyelle artifi-
cielle»). Elle est naturellement toujours inaccentuée.
La versification comporte certains « ornements » (prnâideachta),
dont quelques-uns sont si habituels qu'on peut les considérer
comme « de rigueur ». C'est d'abord la uaim, qui correspond à
notre « allitération » et consiste en ce que deux ou plusieurs syl-
labes accentuées commencent par le même son:
r/7/; na Reatt is ceall ré câbbadh.
C'est ensuite la comhjhuaim, d'après laquelle dans 1rs vers qui
ont plus de trois syllabes accentuées (ou même trois syllabes
accentuées seulement), deux de ces syllabes successives à l'intérieur
du vers doivent avoir une voyelle semblable :
dttiiie gan star a gblôr ni measlar i gcéill.
C'est enfin Yaicill et le conchlann, deux ornements qui sont en
usage dans les couples ou groupes de vers. Viiicill est un lien
métrique (ceangal méidreacbla) entre deux vers formant distique ;
il consiste en ce que les syllabes accentuées qui terminent le pre-
mier vers et celles qui commencent le second ont la même
voyelle:
do mealladh Icis céad thar ctadtba i gckthaoir
do Itigheadb go glA.n diocbt néamhdha.
Le conchland est également un « lien », mais entre deux qua-
trains d'un même poème. Il consiste en ce que le dernier mot d'un
quatrain est répété au début du quatrain suivant.
La poésie de l'irlandais moderne comporte quatre espèces de
poèmes, le rosg, le laoidb fiannaidbeachta, le caoine et Yamh-
rân .
Le rosg est formé de strophes, comprenant chacune un certain
nombre de petits vers égaux (deux ou trois pieds); dans chaque
strophe, la dernière syllabe accentuée a la même voyelle.
Le laoidb fiannaidbeachta est un reste de ce qu'on appelait ran-
naidbeacht dans l'ancienne poésie. Il se compose de quatrains, dont
chaque vers a le même nombre de pieds (trois ou quatre); il y a
obligatoirement aicill dans chaque demi-quatrain ; les deux vers
pairs du quatrain se terminent par la même voyelle accen-
tuée.
Le caoine « lamentation » ou « élégie » était originellement un
chant funèbre, comme la marwnad des Gallois. Mais on l'emploie
aujourd'hui à beaucoup d'usages qui n'ont rien de funèbre. Il se
Bibliographie. 447
compose également de quatrains, dont les vers sont égaux (trois
ou quatre pieds); mais les quatre vers finissent obligatoirement
par la même voyelle accentuée ; il arrive même que la succession
des mêmes voyelles accentuées se reproduise dans les quatre vers
du quatrain. Enfin il y a comhfhuaim au milieu ou au début de
chaque vers.
Vamhrân est proprement un poème chanté; mais on tend aujour-
d'hui à donner ce nom à toute espèce de composition poétique. Il
est constitué de strophes (ceathramhna) comprenant un même nombre
de vers. Mais le nombre des pieds dans le vers et le nombre des vers
dans la strophe sont variables. Le type normal de l'amhrân comprend
une suite de vers groupés métriquement (c'est-à-dire ayant la même
forme métrique avec les mêmes voyelles accentuées) deux à deux ou
quatre à quatre. Dans le premier cas, on a Vamhrân cùpluighiachta
(c'est le mètre sur lequel est bâti le Cùirt an Mheadhonoidhche de
Brian Merriman); dans le second, on a Vamhrân féin. La comh-
fhuaim est de rigueur à l'intérieur des vers. Mais il y a un nombre
considérable de variétés ôVamhrân. Même ceux qui se composent
de quatrains présentent des formes métriques différentes de Vamh-
rân féin. Beaucoup se composent de strophes, qui ont de cinq à
vingt vers. Les strophes de huit vers sont particulièrement fré-
quentes. Dès que la strophe dépasse cinq vers, des combinaisons
très variées y sont possibles : les vers peuvent être inégaux, la même
forme métrique s'y reproduit à intervalles réguliers, par exemple
de deux en deux vers (pairs ou impairs) ou dans deux vers consé-
cutifs ou même dans quatre vers de suite. Il peut arriver que la
forme métrique varie d'un vers à l'autre ou que la ressemblance
entre les vers soit limitée à l'une des voyelles accentuées (en pre-
mière syllabe ou en dernière). C'est le cas dans Vochtjhoclach breach-
tach (« huitain varié ») et dans la crosânacht (où les vers sont
inégaux de deux en deux). C'est le cas surtout dans la versifica-
tion libre ou irrégulière (réidh ou neamhchruimï), où seules sont de
rigueur l'application de Vaicill et l'égalité du nombre des pieds.
M. O'Donoghue donne de chaque type des exemples variés,
qu'il analyse minutieusement; si bien que son livre est à la fois
un répertoire et une anthologie de la versification de l'irlandais
moderne. Une liste des termes techniques avec leur définition et
un index des principaux types étudiés terminent cet excellent
ouvrage.
J. Vexdryes.
448 Bibliographie.
VI
Donald Maclean [Prof, of Church History, Free Church Collège
Edinburgh]. TheLaw of tbe Lord' s Day in the Celtic Church. Edin-
burgh, T. and T. Clark, 1926- xj-58 p. in-12. 3 sh.
La Câin Domnaig « Loi du Dimanche » est un des textes les
plus intéressants de la littérature ecclésiastique de l'Irlande. Il en
existe plusieurs copies, dont on trouvera l'indication dans Ériu,
t. II, p. 189. Dans un certain nombre de manuscrits, le texte de
la Câin proprement dite est accompagné de deux autres : une
épître de Jésus (sic) sur l'observance du dimanche et un récit de
trois miracles se rapportant à la violation de cette observance.
Mais ces trois morceaux ne sont pas toujours réunis ; et la question
des rapports qui les unissent soulève, comme on le verra plus
loin, des difficultés d'ordre varié.
Le texte irlandais de la Câin Domnaig a été publié par M. J. G.
O'Keeffe dans les Anecdota from Irish Manuscripts, t. III, p. 21-27.
La lettre de Jésus a été publiée et traduite en anglais par le même
dans Ériu, t. II, p. 193-21 1. Enfin 00 trouvera le texte du récit
sur les miracles dans la Zeitschrift fur Celt. Phil., t. III, p. 228,
d'après le Ms. Harleian n° 5280, ,f° 38. M. Pokorny a récemment
reproduit le texte d'un des miracles dans son Altirische Gramma-
tik, p. 15, mais en le reconstituant sous la forme originale, qu'il
suppose être des environs de l'an 830.
M. Donald Maclean ne s'occupe dans son ouvrage que delà Câin
Domnaig; et il en donne d'abord une traduction. C'est la première
qui soit faite; et la tâche n'était pas aisée. Le texte nous a été
transmis dans des manuscrits dont l'orthographe est des plus flot-
tantes. Il offre par lui-même un grand nombre de difficultés, parce
qu'il est rédigé dans une langue très voisine de celle des Lois,
hérissée de termes techniques et remplie de formules dont la
concision est souvent aux dépens de la clarté. Le traducteur s'est en
général tiré à son honneur des difficultés de sa tâche. Pourtant on
ne peut dire qu'il n'ait rien laissé à faire à ses successeurs1. Le
1. P. 5, l'appel de note 1 doit être placé quatre lignes plus bas, au mot
« proclamation ». Et la correction proposée dans la note paraît inutile (cf.
Pedersen, Vgl. Gr., II, 580). — P. 5, 1. 15, les mots du texte irlandais,
robud rianaimdib « prévenirde l'arrivée d'ennemis » (Anecd., p. 22, 5) n'ont
pas été traduits. — P. 7, n. i.Les mots a dhiri du texte (p. 23, 1. 1) sont
Bibliographie. 449
texte irlandais de la Câin qui est rempli de formes archaïques
intéressantes, attend encore un éditeur, qui l'établisse en s'inspi-
rant de la langue juridique et surtout en faisant une comparaison
minutieuse avec le texte de la lettre de Jésus qu'a publiée M. O'
Keeffe.
Il y a entre les deux morceaux des rapports évidents dont
M. Donald Maclean semble tenté d'atténuer l'importance. C'est
qu'il les étudie surtout en historien de l'Eglise, en théologien. La
lettre de Jésus fait partie de ces grossiers subterfuges, dont Char-
lemagne, dans un capitulaire de l'an 789, avait prononcé la con-
damnation (Baluze I, 174 cité par Haddan andStubbs, Connais and
Ecclesiaslical Documents, III, p. 616). C'est d'autre part un texte mal
composé, où il y a des répétitions choquantes. La Càin est d'une
trame plus serrée, encore que la composition n'en soit pas très
régulière. M. Maclean cherche à souligner entre les deux des dif-
férences. C'est qu'il veut faire du texte de la Càin un morceau
vraiment irlandais, profondément celtique d'esprit et de pensée,
tandis qu'il reconnaîtrait volontiers à l'autre un caractère plutôt
romain.
Là gît le nœud du problème que posent ces deux textes. Il n'est
pas douteux que les prescriptions de la Càin relatives à l'obser-
vance du dimanche sont tout à fait dans l'esprit de l'ascétisme
irlandais. Leur rigueur surprend et révolte quiconque ne connaît
pas les habitudes irlandaises en matière de pénitence (v. l'étude
qu'a donnée M. McNeill dans la Revue Celtique, t. XXXIX et XL
sur les « Celtic penitentials » et cf. R. Cell., XXXII, 484). La
lettre de Jésus d'autre part passe pour avoir été envoyée de Rome
corrigés enaidbri, 3e personne ; c'est une correction qui s'impose. — P. 8,
1. 10, la traduction n'est pas sûre ; on est tenté de lire (Anecd., p. 23, 1. 12)
condathissat « jusqu'à ce que viennent à eux... ». — P. 8, dern. ligne, les
mots no là haùiri (p. 23, 1. 21) n'ont pas été traduits. — P. 11, ligne 1, les
mots eter soiri ndomnaig « à la fois en ce qui concerne l'observance du
dimanche » (p. 25, 1. 1) n'ont pasété traduits. — P. il, 1. 15, la traduction
est inexacte: lirearnacha cloathar (Anecd., p. 25, 1. 9) « afin qu'il (Dieu ou
Patrice) ne les écoute pas ». — P. Il, I. 20 (=r Anecd., p. 25, 1. 12)
conascar, non pas « brise », mais « a brisé » (prétérit de con-scaraim, avec
ad comme particule perfective). — P. 12, 1. 9. les mots di nench tes incinaid
(Anecd., p. 25, 1. 20) n'ont pas été traduits: lire peut-être in-a cbinaid, cf.
Ane. Laïus, I, 10.25, 12.25. — P- J4, 1- *)> il est probable que sous la
forme iasscratai (Anecd., p. 26, 1. 21) se cache un mot formé de ess-\-scart-
et désignant la « fausse couche. » — En quelques passages, l'auteur a laissé
des blancs dans sa traduction. C'était le parti le plus sage.
^ 50 Bibliographie.
en Irlande; on donne même le nom de celui qui l'aurait apportée
avec lui; c'est Conall Mac Coelmaine, abbé d'Inis Coel en Done-
gal, parent et contemporain de Colum Cille. Cela nous reporte au
vie siècle. Or les Annales d'Ulster mentionnent l'arrivée delà lettre
en Irlande à l'année 886. C'est le plus ancien témoignage daté que
l'on possède sur la loi du dimanche1. Il ne permet pas de trancher
la question des rapports entre les deux textes. Seule une étude
philologique minutieuse pourrait en fournir le moyen. Mais M.
Maclean ne l'a pas tentée. Tout ce qu'on peut dire c'est qu'ils
offrent des similitudes frappantes ; visiblement celui qui a rédigé
l'un avait connaissance de l'autre. La lettre est mentionnée
dans le texte de la Càin, p. 13 (= Anecd., III, p. 26,
I. 9-10) : amal do-n-imarnad isatid epistil dorala do mm for
altoir Roma « comme il a été transmis dans la lettre qui
est venue du Ciel sur l'autel de Rome ». Les mêmes idées y
sont exprimées presque dans les mêmes termes ; voir notamment
Ëriu II, p. 201-202 etAnecd., p. 21, 1. 6 etss. ou encore Ëriu, II,
p. 210, 4 et Anecd. p. 22, 1. 4, etc. Il est interdit de balayer le
dimanche (jcuap dar làr tige, Eriu, II, 200, § 17 et 206, § 25 ; cf.
Anecd. , p. 21, 1. 7 : gan glanad tighi). Mais la Lettre précise par-
fois les prescriptions de la Càin. Si l'on est forcé le dimanche d'aller
protéger un champ du pillage, il y faut rester jusqu'à la fin du
jour ; si l'onse rendquelque part pour répondre à un appel de détresse,
on n'en doit pas revenir avant que la journée soit écoulée {Ëriu,
II, 208, § 32): le texte de la Càin accorde seulement la possibi-
lité du déplacement. Dans les deux textes, il est question des Scan-
dinaves, sous le nom de Genti (Ëriu, II, p. 196, 1. 4 et p. 208,
1. 11; Anecd., p. 26, 1. 24). Comme ils sont présentés sous l'aspect
d'êtres redoutables, cela date la rédaction de l'époque où l'on avait
le plus à craindre en Irlande les dévastations de ces pirates, c'est-
à-dire environ du ixe siècle. Mais si le mot benn-chopur au § 20
de la Lettre de Jésus (Ëriu, II, p. 202) désigne bien les tours
rondes, il nous reporte à une date sensiblement postérieure. 11 est
vrai qu'on peut supposer ici une addition faite après coup.
Une chose est probable, c'est que, dans certaines de ses parties,
1. M. Maclean y joint un témoignage tiré du Félire d'Oengus et qui
par conséquent remouterait aussi auixes. Mais il s'agit en réalité d'une note
marginale ajoutée dans le Leabhar Breacc au texte du précieux calendrier:
Càin dômnaig cen tairmthecht ind itir « la loi du dimanche [qui consiste] à
ne faire aucune transgression ce jour-là » (cf. Félire d'Oengus, éd. Stokes,
1880, p. xiv). Le Leabhar Breacc est un manuscrit du xive siècle.
Bibliographie. 451
la lettre de Jésus est d'une époque où un mouvement se dessinait,
dans le clergé irlandais, pour ramener l'église d'Irlande à l'étroite
obédience de Rome. Le préambule par exemple manifeste nette-
ment cette préoccupation, par l'insistance avec laquelle l'idée de
Rome y revient. Quelques autres détails sont encore à signaler,
comme la mention de l'oiseau dénommé locusta (Êriu, II, p. 194,
§ 4), qui apparaît dans le Betha Grighora édité au tome précédent
de la Revue Celtique (t. XLII, p. 132). Ainsi que le signale M.
Robin Flower (Catalogue of Irish Manuscripi 's in tbe British Muséum,
t. Il, p. 442), c'est un emprunt à la vie de Saint Grégoire par Paul
Diacre (Migne, Patrol. Lat., LXXV, col. 5 1, § 20) '. 11 y a encore
dans le Betha Grighora un trait qui se retrouve dans la Lettre de
Jésus. Il y est dit (Rev. Celt., XLII, t4<?) que le dimanche les
pécheurs en enfer ne subissent pas de châtiment. Or dans Êriu, II,
194, on lit : ar ni piintar cid fir in-iffim and (= isin domnach).
Même si la rédaction que nous avons des deux textes est con-
temporaine, la Câin Dotnr.aig est en elle-même probablement plus
ancienne que la Lettre. M. Maclean suppose que la loi du diman-
che était en vigueur dès le vie s. en Irlande. C'est bien possible. Les
arguments philologiques qu'a présentés M. Eoin Mac Neill pour
faire remonter un texte comme le Crith gablach à la fin du vne siècle
(Ancient Irish Laiu, dans les Proceedings of the Royal Irish Acadetnx,
vol. XXXVI, 1923, p. 27i)peuvent être également invoqués pour
assigner à la Câin Domnaig une date de composition aussi reculée.
C'est un texte essentiellement juridique, où apparaît surtout la
minutie subtile des juristes irlandais. Les intentions que trahissent
certains passages de la Lettre de Jésus sont tout autres.
J. Vendryes.
VII
Max Fôrster. Keltisches IVortgut im englischen, Eine sprachliche
Untersuchung. Halle, M. Niemeyer, 1921, 128 p. 8° (Sonder-
druck aus : Texte und Forschungen zur englischen Kulturge-
schichte, Festgabe fur Félix Liebermann, p. 119-242). 4 M.
80 pf.
C'est seulement au cours de l'année 1926 que cet ouvrage est
1. Cette vie de saint Grégoire par Paul Diacre a certainement été utili-
sée par le rédacteur du Betha Grighora. L'anecdote de la femme qui éclata
de rire en recevant la communion se trouve dans les deux (Migne, P.L.,
LXXV, col. S2 = R.C XLIJ, 139,5 n)-
452 Bibliographie.
parvenu à la rédaction de la Revue Celtique. Mais sans doute
n'est-il pas trop tard pour recommander aux celtistes un travail très
consciencieux où ils peuvent trouver beaucoup à prendre.
M. Fôrster s'est proposé de rechercher les éléments celtiques
du vocabulaire anglais. Il n'a pas limité son enquête aux noms
communs ; il l'a étendue aux noms propres de personnes et de
lieux ; ce qui lui ouvrait un domaine presque illimité, et qu'il ne
pouvait même espérer d'embrasser complètement. Malgré des
dépouillements vraiment considérables, on ne peut dire que
M. Fôrster ait pour les noms propres épuisé sa matière. Et peut-
être en ce qui concerne la toponymie, aurait-il été préférable de
traiter le sujet pour lui-même, c'est-à-dire géographiquement, en
montrant sur la carte l'extension des noms brittoniques conservés
en Angleterre. Mais tel qu'il est, par l'abondance et la précision
des références, l'ouvrage sera d'une grande utilité à ceux qui étu-
dient l'histoire et le développement des noms propres d'hommes
et de lieux.
Pour les noms communs aussi, l'entreprise était immense, et à
certains égards prématurée. Il s'en faut que toutes les richesses du
vocabulaire gallois du moyen-âge soient classées, inventoriées,
identifiées. On peut voir par les enquêtes menées en Galles dans
le Bulletin of ibe Board of Celtic Studies et par celles dont M. J. Loth
fait profiter la Revue Celtique depuis de longues années combien il
reste encore à faire pour déterminer le sens et la forme de bien
des mots de l'ancien gallois. M. Fôrster est avant tout angliste.
Les connaissances qu'il a du celtique sont en majeure partie de
seconde main. Il s'appuie principalement sur les dictionnaires éty-
mologiques, commeceux de Wh. StokesoudeV. Henry, répertoires
fort précieux en effet, parce qu'on n'a pas mieux, mais dont on
sait qu'ils ne doivent être aujourd'hui utilisés que sous le contrôle
de la critique.
Ces observations faites, il convient de souligner tout le profit
que les études celtiques peuvent tirer d'enquêtes comme celle-ci.
Les dépouillements qu'a faits M. Fôrster du côté anglais fournissent
un grand nombre de données d'une valeur incontestable pour fixer
maint détail de l'histoire des langues celtiques, notamment du
brittonique. Le fait par exemple que certains mots brittoniques
empruntés en anglais s'y présentent avec la double occlusive non
encore changée en spirante (p. 8) est pour l'évolution phonétique
une date fort utile. Et d'autres conclusions de ce genre sont don-
nées chemin faisant par M. Fôrster.
Un livre aussi riche de faits appelle naturellement mainte
remarque de détail. Nous en indiquerons quelques-unes.
Bibliographie. 453
P. 6, n. 3. Il faut donner aussi au vieiix-cornique les gloses à
Smaragdus, comme M. J. Loth l'a prouvé (Arch. fur Celt. Lexi-
cogr., III, 249-256, txRev. Celt., XXXV, 215-216). Depuis l'ou-
vrage fondamental de M. Loth, Vocabulaire vieux-breton , Paris,
1884, la bibliographie du vieux-breton s'est enrichie de maint
article : cf. notamment R. Celt., VIII, 492, 504 ; X, 147; XI, 86,
203; XIV, 70; XXVII, 151; XXVIII, 43 ; XXXIII, 417 ; Z. f.
Celt. Phil., II, 83 ; etc.
P. 11. Le mot brat, sous la forme du plur. bratteu, figure dans
deux passages du Mabinogi de Pvvyll (W. B. col. 23, 9 et 24, 19 ;
R. B. p. 14, 27 et 15, 24). Il est donc plus ancien en gallois que
le xive siècle, puisque le White Book est de la fin du xme, et que
l'accord des deux manuscrits atteste qu'il figurait déjà dans l'ar-
chétype. C'est sans doute un mot irlandais passé au gallois, et du
gallois à l'anglais.
P. 28. Il est exact que le mot dryiu au sens de « druide », est
depuis le xve siècle un mot savant de la langue des bardes ; mais
l'équivalent de l'irlandais driii, gén. druad, ne pourrait être en gallois
que dryw, si l'on compare syw « sage, prophète », qui est l'équiva-
lent de l'irlandais sûi, gén. suad. On Wtsyw dans le dialogue de Mer-
lin et de sa sœur (R. B. Poetry 577, Skene II, 218, 3). II est pro-
bable que le mot dryw a été de bonne heure appliqué en surnom
au roitelet et s'est conservé comme tel ; cf. J. Loth, R. Celt., XX,
340 et Rev. Archcol., 1924, t. II, p. 63.
P. 37. Sur le mot clocca, il fallait renvoyer aussi à Schuchardt,
Z.f. rom. Phil, XXIV, 566. et à Dottin, R.E.A., XXII, 39.
P. 41. Pourquoi citer le verbe grec 71X7^111x1 a je frappe », qui
n'est attesté qu'au moyen et dans un seul passage (Thucydide IV,
125)?
P. 50. L'irlandais cret ne signifie pas seulement « coffre » (de
voiture); il s'emploie souvent pour le corps humain. Son sens
propre est « carcasse », c'est-à-dire qu'il désigne un objet combiné
d'éléments agencés, comme tant de noms appliqués à la voiture
(M.S.L., XIX, 61 ; cf. les épithètes 7tXexTÔç eu7rXe>cT0;; sùitXexv',:;
données en grec au char, Hom. W 335, 436, Hés. Boucl. 63, 306,
370). Il est donc permis de rattacher irl. cret à la racine représen-
tée en latin par crûtes et cartilage (Walde, 2e éd., p. 198).
P. 54-55. Il convient toutefois de remarquer que le mot gallois
gafael gafel est bien attesté dans la langue juridique au sens de
« saisie » (Wade Evans, IVelsh Mediaeval Law, p. 85, 1. 15) et
que le correspondant irlandais (gabàil, atb-gabâil) a la même
valeur juridique.
RtTiie Celtique, XL1II. M)
454 Bibliographie.
P. 61. Le nom Crinoc est bien attesté en irlandais. Il figure dans
la charmante pièce de vers que K. Meyer a éditée Z. f. Celt. Pbil.,
VI, 266, et dont il a donné une traduction anglaise Ane. IrishPoe-
try, p. 37.
P. 63. Depuis les observations de M. J. Loth sur le thème
*iouto- en celtique (R. Celt., XXXIII, 249-258,' et ci-dessus,
p. 160 et ss.), on ne peut pas affirmer que le nom propre Tuta
sorte du nom du « peuple » (gall. tud). C'est certainement à une
autre origine que remonte Tut dans Morgan Tut par exemple.
P. 65, n. 1. Sur les alternances de /et dd, ff et //;, en partie
réglées par une tendance à la dissimilation, voir aussi Mélanges
F. de Saussure, p. 312.
P. 71-72. Il ne faut pas oublier que dans une bonne partie du
Pays de Galles, y est prononcé 0 devant w et même devant / ; ainsi
dans bowyd, cowir, towydd pour bywyd « vie », cywir « juste »,
tywydd « temps », etc., mofi pour myfi « moi » (dans le sud de
Galles), etc. Cf. la transcription Howel du' nom propre Hywel et
inversement la forme tywel donnée dans l'orthographe galloise au
mot anglais towel emprunté.
P. 84. Le prétendu mot uch « fille » est un monstre qu'il faut
désormais rayer des lexiques, depuis que M. J. Loth l'a expliqué
comme une simple abréviation graphique du mot uerch (mutation
de merch), v. R. Celt., XLI, 235. Mais l'article de M. Loth n'avait
pas paru quand M. Fôrster préparait son livre.
P. 103, 104, m. Pour comprendre l'extension comme noms
propres des adjectifs gwynn, llwyd, anwyl, il faut tenir compte de
la valeur religieuse de ces adjectifs. Il est certain que Gwynn ou
Llwyd ne sont pas de simples équivalents des noms Leblanc ou
Legris du français. Ils s'employaient dès l'ancien gallois au sens
de c< saint, bienheureux ». On disait Crist guin (B.B.C., 11.34
Sk. = 34. 1 Ev.), Duw gwyn(Cyndde\vf, M. A. 190 a 2 = R.C.,
XL, 312), Dewi wynn(M..A. 194 b 29), Duw Iwyd (Daf. ab
Gwil., éd. Ifor Williams, p. 102, 1. 33), etc. Et anwyl z une
valeur religieuse dans certains emplois que mentionne le Diction-
naire de Silvan Evans. Ce n'est pas seulement une particularité
physique ou une qualité morale qui explique l'emploi de ces
adjectifs comme noms propres.
P. 107. C'était le cas de citer la forme bochan attestée dans
Giraud de Cambrie (t. VI, p. 81, 1. 14) : canlref-bochan, id est
Kantaredo breui. Giraud était de Manorbier et parlait naturellement
le gallois du sud.
P. m. Il n'est pas surprenant que le poète Rhys Cain ait tiré
Bibliographie. 455
son nom de la rivière, le Cain, qui arrosait son pays natal. Ce
cas n'est pas isolé. Tudur Aled, né sur les bords de l'Aled, avait
fait de même. John Ceiriog Hughes, né à Llanarmon, a pris son
nom aussi d'une petite rivière voisine, le Ceiriog ; il est vrai que
dans le choix qu'il a fait, il pouvait y avoir un souvenir de Huw
Morus, qu'on avait surnommé en son temps Eos Ceiriog.
P. 112. Pour expliquer les formes étranges prises par le nom
Gwenhwyfar dans le français du moyen âge, il faut sans doute
tenir compte de l'existence du nom de Geneviève.
J. Vendryes.
VII
Largillière (René). Les Saints et l'organisation chrétienne primitive
dans V Armorique bretonne. Rennes, 1925, in-8°, 270 pages (thèse
de doctorat).
La toponymie de la Bretagne armoricaine a un aspect sui generis
qui frappe les voyageurs les plus distraits. Les noms de villages,
par milliers, commencent par les termes plou-, lan-, tré-, lok-, plou
désignant le territoire d'une paroisse, lan un monastère ou une cha-
pelle, tré un hameau, lok un lieu de culte (monastère, prieuré, cha-
pelle). De plus, si peu familier qu'on puisse être avec la langue bre-
tonne, on ne tarde pas à s'apercevoir que le second terme, du nom
est presque toujours un nom de saint, de saint celtique, de saint
local. Une formation de ce genre ne se retrouve pas ailleurs. Elle
est spéciale à l'Armorique. Et l'idée devait venir tout naturellement
qu'elle est en rapport avec le repeuplement de cette contrée par les
émigrés bretons venus de Grande-Bretagne au Ve siècle. Aurélien
de Courson, dès 1863', puis A. de la Borderie2, ont vu dans
lep/oîv-un petit clan celtique; le second terme du lieu commençant
par plou- représenterait le nom du chef breton amenant en Armo-
rique la petite troupe d'émigrants; ce chef se serait appelé machtyern.
La paroisse, dont les limites se confondent avec celles du plou, se
serait modelée sur cette organisation politique, ou plutôt la lan
serait la colonie ecclésiastique, alors que h plou serait la colonie
civile.
Il y a longtemps que M. J. Loth >, sans parler de feu l'abbé
1. Dans les prolégomènes à son édition du Cartulaire de Redon.
2. Histoire cb> Bretagne, t I, p. 281; t. II, p. 14^, 174, 1 79-
3. Rt-vue Celtique, t. XXII, 1901, p. 109. Cf. Mots latins dans les langues
brittoniques, p. 38.
456 Bibliographie.
Duine et de M. H. Sée, avait fait à cette théorie de fortes objections.
Rien absolument n'indique l'existence en Bretagne armoricaine
du régime du clan. Dans chaque pion il y aplusieurs machlyeriis ou
seigneurs1, et non un seul, ce qui s'explique bien vu l'étendue
territoriale de cette circonscription. Enfin le pion ne saurait être
une division politique, mais religieuse, à l'origine: le mot est en
effet emprunté au latin d'église plebern qui s'entend de la paroisse
rurale. La synthèse de Courson et de la Borderie était prématurée.
Elle ne pouvait qu'induire en erreur les historiens.
Un disciple de M. J. Loth, M. René Largillière, a eu l'ambition
louable de reprendre le problème ah ovo. Il lui a consacré des
recherches extrêmement étendues dont il nous offre le résultat
dans le présent ouvrage.
La première tâche c'est de déterminer si les noms en plou,
tré, lan, lok, sont synchroniques ou non. Un premier résultat
acquis c'est que les noms en lok- n'apparaissent pas avant le
xi8 siècle et que leur formation ne se prolonge pas au delà de
la fin du xme siècle. Cette catégorie est donc à éliminer2. Seuls
les noms commençant par plou, tré, lan sont anciens et remontent à
l'introduction du christianisme breton en Armorique. Il y a cepen-
dant une différence à noter: lan et tré cessent de bonne heure
d'être compris et ne se séparent plus du second terme du mot,
alors que plou garde plus longtemps son sens et sa vie propre
(p. 44).
Ces principes posés, M. L. entreprend une étude particulière
des saints éponymes des paroisses en plou-, lan-, saint-, en se limi-
tant au Bas-Tréguier qu'il connaît à fond. La conclusion c'est
que « la nuit presque complète règne sur chacun de ces individus;
des noms ont subsisté, presque rien autre » (p. 125). On ne sait
d'eux qu'une chose c'est qu'ils ont donné leurs noms à la paroisse
qu'ils fondaient (p. 139-140).
La topographie des lieux de culte révèle un fait énigmatique : à
un établissement côtier répond dans l'arrière-paysun établissement
ayant lemêmeéponyme. Ainsi saint Guirec, éponymedes paroisses
1 . De même il y a plusieurs le% (cours féodales) dans une paroisse
(P-233)-
2. Comme les noms en lok- ont souvent pour second terme un saint
irlandais, l'auteur conclut (p. 128-130) qu'ona exagéré le rôle des Irlan-
dais, lequel est tardif dans l'évangélisation de l'Armorique. 11 est signifi-
catif que le culte de saint Patrice soit presque inconnu en Basse-Bretagne
(p. 140-
Bibliographie. 457
côtiéres de Locquirec et Perros-Guirec, a, à l'intérieur des terres,
la chapelle de_ Guirec en Ploubezre (p. 150). Comme la chose se
répète pour une série de saints, on n'est pas en présence d'un fait
de hasard. S'agit-il d'un transport de reliques, ou bien le saint,
après avoir résidé sur la côte, s'est-il enfoncé dans l'intérieur? L'au-
teur (p. 156-166) semble pencher pour cette dernière explication.
En tout cas la topographie du culte montre que les saints ont agi
sans obéir à un plan d'ensemble, sans être les serviteurs d'une orga-
nisation. « Ce sont des isolés qui ont travaillé à leur guise, au
mieux des intérêts de la religion et au hasard de leurs pérégrina-
tions » (p. 166).
Une seconde partie, intitulée LesParoisses, contrôle et développe
les principes posés dans la première partie (Les Saints). Les pa-
roisses primitives sont toutes des plou. Les tré et les lan sont des
paroisses moins anciennes, issues d'un démembrement parfois très
récent (xixe siècle) d'un plou antique. Ce qui frappe c'est l'éten-
due considérable des plous: Plestin et sa trêve, Tremel, s'étendent
sur 4645 hectares, Plougras et ses trêves sur 9. 138 hectares. Plou-
milliau, amputé de Trédrez, a encore onze kilomètres de long,
Plouigneau 1 5 kilomètres d'est en ouest (p. 177). La différence de
superficie avec les paroisses du reste de la France est saisissante:
la moyenne de nos communes ne renferme que 12 à 1300 hec-
tares. Mais, à la fin de l'Empire romain et à l'époque mérovingienne,
le nombre des paroisses dans l'ensemble de la Gaule était fort peu
considérable et leur étendue devait être énorme. A la fin du
vie siècle le règlement d'Aunaire ne mentionne que 36 paroisses
pour tout le diocèse d'Auxerre1. Le nombre de paroisses dans la
Gaule franque ne s'est multiplié qu'à l'époque carolingienne; à
l'imitation des évêques les seigneurs ont fondé sur leurs domaines
des capellaek baptistère, ce qui explique que la commune moderne,
continuation delà paroisse, représente souvent comme étendue une
villa gallo-franque. En Armorique la genèse des paroisses, des
plous, est toute différente. L'initiative de leur constitution revient
à des moines-prêtresqui quittèrent la grande île pour maintenir la foi
chrétienne chez les émigrés disséminés dans la péninsule armori-
caine2. La population était encore peu dense, les missionnaires
n'étaient pas très nombreux, il fallut grouper les fidèles en grandes
1. Imbart de la Tour, La paroisse rurale, p. 59.
2. Et c'est ce qui explique que les paroisses à présentation de laïques soient
si rares en Bretagne. C'est l'universalité des paroissiens qui est propriétaire
de la paroisse (p. 241-242)
458 Bibliographie.
circonscriptions. Celles-ci, à l'origine, n'étaient pas des paroisses
au sens continental du mot : en Grande-Bretagne les fidèles se grou-
paient autour d'un monastère. Ce n'est que peu à peu que le grou-
pement des fidèles autour d'une église a fait du territoire habité
par cette communauté un plou, une paroisse. L'éponyme de la
paroisse est le saint missionnaire qui en a constitué les premiers
linéaments1. Ce saint est tout local, ignoré en dehors le plus sou-
vent, ce qui explique la profonde obscurité de l'immense majorité
de ces humbles saints bretons. 11 est à remarquer que dans la
Gaule franque, lorsqu'un ermite organise la vie religieuse dans un
territoire où il n'y a ni vicus, ni villa qui préexiste, la paroisse qu'il
crée prend également son nom (p. 219). Mais ce qui est ici l'excep-
tion est la règle en Armorique.
Tandis que dans la Gaule franque les paroisses empruntent leur
nom au chef-lieu, au bourg, « si bien que la paroisse n'a pas de
nom dans la langue courante », en Armorique le mot plou conserve
dans toute sa force son sens de territoire paroissial et l'on conti-
nue, même aujourd'hui, à dire que tel village est en Plestin, en Ploua-
ret,e\c Le nom du chef- lieu, le bourg, nese confond pas avec celui
de la paroisse et, dans le Léon, il a son nom particulier commen-
çant par guic. La chose est si vraie que l'église du bourg n'honore
pas nécessairement le saint éponyme de la paroisse: elle est dé-
diée parfois à un saint d'un caractère universel tel saint Pierre ou
saint Paul, ou à Notre-Dame. C'est que le bourg n'existait pas pri-
mitivement2 ; la population, clairsemée, n'était pas ramassée:
elle l'est encore si peu en Bretagne ! Le culte du saint fondateur
n'était donc pas nécessairement fixé au centre de la circonscrip-
tion ; il pouvait rester attaché à quelque chapelle isolée où
le saint avait mené une vie érémitique (p. 191-197 ; cf.
p. 153-166, p. 231). Cette unité sociale qu'est le plou bre-
ton se serre autour d'un patron et non autour d'une église cen-
trale (p. 196). Elle est comme indestructible: il faut descendre jus-
qu'à l'époque moderne pour que le plou, en raison de son étendue,
commence à se scinder. C'est pendant quinze siècles une molécule
insécable. Sans un humble etobscur missionnaire elle n'existerait pas.
1 . Dans la Gaule franque, au contraire, le village préexiste à la paroisse. Il
suffit d'y établir une église à baptistère pour faire une paroisse du vicus
ou de la villa.
2. L'auteur remarque que le chef-lieu, le bourg, est parfois dans un pli
de terrain, pour des motifs économiques, alors que la paroisse est sur la
pente ou la hauteur.
Bibliographie.. 459
Sans ces prêtres et moines venus de Grande-Bretagne aux Ve, vie,
vne siècles, les« émigrés, abandonnés sur une terre étrangère, sans
organisation aucune, sans direction, seraient peut-être descendus
très bas. Les missionnaires y ont maintenu la civilisation et conti-
nué les relations avec la mère patrie, de laquelle seule pouvait
leur venir la lumière. Leur oeuvre est grande dans l'histoire et l'on
peut conclure que le peuple a eu raison de garder leur souvenir
et de les canoniser » (p. 230).
La lecture de l'ouvrage est facilitée pardes cartes • et des index
nombreux et soignés. L'étude est fondée sur le dépouillement des
cadastres des Côtes-du-Nord. Comme le cadastre offre de 300 à 500
noms par section et qu'il y a trois ou quatre sections en moyenne par
commune, on voit la richesse prodigieuse de cette tournée d'in-
formation toponymique, surtout pour les communes cadastrées
entre 181 5 et 1825. Si l'on pense que l'auteur a, en outre, étudié
scrupuleusement les cartes de l'État-Major et visité le terrain, on
se rend compte du labeur considérable que représente ce livre de
dimensions modérées. La discussion est menée avec circonspec-
tion, les conclusions de chaque chapitre sont prudentes. L'en-
semble est véritablement un modèle de monographie patiente et
scrupuleuse. La Faculté des lettres de Rennes, à laquelle l'ouvrage a
été présenté comme thèse de doctorat, lui a décerné à bon droit
la plus haute mention.
Ferdinand Lot.
1. Carte du culte de saint-Gueoc, le Bas-Tréguier, le démembrement
des anciennes paroisses de Ploulec'h, Ploumilliau, Plouzelambre, le terri-
toire de Guimaëc et les enclaves doloises de Lanmeur et deLocquirec, le
bourg de Guimaëc et les limites de Lanmeur, la commune de Locquénolé
dans le territoire de Taulé.
CHRONIQUE
Sommaire. I. Un cours d'irlandais moderne à l'École des Hautes
Études. — II. État de la langue irlandaise en Irlande. — III. Publica-
tions de l'Institut d'Oslo. — IV. M. S. Agrell et le neutre indo-euro-
péen. — V. Ouvrage posthume de Karl Brugmann sur la syntaxe. — VI.
M. Meillet et les caractères généraux des langues germaniques. — VII.
L'Étude du paganisme Scandinave au xixe siècle, par Maurice Cahen. —
VIII. M. Hofmann et la langue familière des Latins. — IX. La médecine
chez les Celtes, d'après M. W. A. Jayne. — X. Le cheval chez les Celtes,
par M. J. Loth. — XI. Le dieu gaulois Rudiobos, par le même. — XII.
Objets celtiques trouvés en Norvège. — XIII. La littérature des visions
au moyen-âge et l'ouvrage de MaxVoigt. — XIV. Le Graal et l'Eucha-
ristie par M. A. Brown. — XV. Les notes marginales des manuscrits
irlandais, par M. C. Plummer. — XVI. Chants populaires de l'île de
Man. — XVII. Un hymne anglais en écriture galloise, par M. Fôrster. —
XVIII. A la mémoire de sir John Rhys, par sir J. Morris Jones. —
XIX. Une édition de luxe de Ceiriog. — XX. Traduction en vers
anglais de morceaux choisis de Ceiriog, par M. Perceval Graves. — XXI.
Ouvrages nouveaux.
I
Au cours des années précédentes, il y a eu à la Faculté des
Lettres de l'Université de Paris des lectorats de langues celtiques.
Les titulaires en ont été successivement pour l'irlandais Miss Sara
O'Byrne, Miss GeorginaKing, Miss Bridie Feely et M. Myles Dil-
lon ; pour le gallois, M. Ambrose Bebb et Miss Hywi Saer. Diverses
raisons, en partie d'ordre budgétaire, ont entraîné la suppres-
sion, provisoire, il faut l'espérer, de cette institution, qui a rendu
de bons services à un certain nombre d'étudiants Français et étran-
gers.
Mais une compensation est assurée à ceux que l'irlandais inté-
resse.
MI,e Marie-Louise Sjœstedt, dont nous avons annoncé précé-
demment les thèses de doctorat (ci-dessus, p. 216), a été chargée
pour l'année scolaire 1926-1927 d'une conférence temporaire d'irlan-
dais moderne à l'École pratique des Hautes Études. Après un
Chronique. 461
séjour d'un an à Dublin, Mllc Sjoestedt est allée passer plusieurs
mois à l'extrémité occidentale du Kerry, à Dunquin et aux lies Blas-
ket, d'où elle a rapporté une solide connaissance de l'irlandais tel
qu'on le parle là-bas.
II
Le développement de l'irlandais comme langue nationale est un
des points essentiels du programme de l'Etat Libre. Aussi, dès que
cela lui a été possible, le nouveau gouvernement s'est-il préoccupé
de connaître exactement l'état actuel de la langue, en vue de don-
ner une base à sa politique. Une commission a été nommée le
27 janvier 1925 pour enquêter sur les conditions dans lesquelles
l'irlandais est aujourd'hui parlé et pour aviser aux moyens d'en
encourager l'usage. Cette commission avait pour président le géné-
ral Richard O'Mulcahy (Risteard Ua Maolchatha); elle a mené son
travail avec une rapidité exemplaire, puisqu'elle s'est trouvée en
mesure de publier son rapport dès 1926. Accompagné de cartes
et de graphiques, ce rapport est un document des plus importants
pour l'histoire de la langue irlandaise1.
La commission avait à sa disposition les éléments fournis par le
recensement de 191 1 (et. Rev. Celt., t. XXXIII, p. 483); elle lésa
utilisés pour l'établissement d'une carte en couleur, montrant par
district la répartition de la population parlant irlandais à cette
date Une autre carte en couleur, de dimensions identiques, montre
quelle était la répartition en 1925. La comparaison des deux est
extrêmement instructive, bien qu'elle ne s'étende pas à l'ensemble
du territoire. L'enquête de 191 1 portait sur l'Irlande entière,
puisqu'elle avait été faite lors du recensement général. Il n'y a pas
eu de recensement en Irlande depuis 191 1, et la commission de
1925 n'a fait porter son enquête qr.e sur sept comtés, ceux où
se rencontrent en majorité les native speakers. Ce sont les com-
tés de Donegal, Mayo, Galway, Clare, Kerry, Cork et Waterford.
Encore pour les cinq derniers certains districts sont-ils restés en
dehors de l'enquête. En revanche l'enquête a été étendue à
1. coiMisiÛN na gaeltachta, Report. Dublin, Stationery Office, 1926,
133 p. grand 8°, 2 s. 6 d. Deux paquets de cartes sont joints au rapport :
Map N° 1, showing in respect of census 191 1 the number and percentage
of Irish Speakers in each District Electoral Division ; Map N° 2, showing
in respect of Spécial Enumeration 1925 the number and percentage of Irish
Speakers in each District Electoral Division.
462 Chronique
quelques districts des comtés voisins de Sligo, Roscommon,
Limerick et Tipperary.
Une enquête préliminaire et partielle fut confiée aux soins des
instituteurs et des curés; elle fournit des directives utiles à la com-
mission. Celle-ci chargea ensuite les gardai siochanâ (m. à m. « gar-
diens de la paix <>), qui établissaient une statistique agricole en
juillet et août 1925, pour le compte du Ministère de la Justice, de
faire en même temps une statistique linguistique. On a défini
« Irish speaker » quiconque est capable de tenir une conversation
en irlandais. Au-dessous de sept ans, les enfants ont été rangés ou
non parmi les « Irish speakers » suivant que leurs frères et sœurs
plus âgés (ou à défaut de ceux-ci leurs père et mère) étaient eux-
mêmes ou non des Irish speakers.
Le tableau suivant présente les résultats de l'enquête, en distin-
guant, parmi les onze comtés, les sept qui ont été à peu près
intégralement enquêtes et les quatre sur lesquels l'enquête n'a été
que partielle.
Population Population Total des Total des
Comtés totale en totale en Irish Irish
1911 192s Speakers Speakers
en 1911 en 1925
Donegal 168.537 145.296 S9-31? 52. 647
Mayo 192.177 168.660 88.601 54.939
Galway i77-°SS 156.77° 97-747 75-574
Gare1 81.785 71. 330 34.324 18.824
Kerrv» 149.391 131.284 59.338 43-472
Cork* 295.907 254.180 75.743 39.271
Waterfords 56.502 47.851 21.692 14.522
(Sligo)6 50.902 44.669 11.959 4755
(Roscommon)7 31-5 54 26.873 5.532 2.463
(Limerick)8 27.610 25.811 5.312 3.224
(Tipperary)9 M-737 11. 612 2.988 1.424
1. Moins le district urbain de Ballinasloe.
2. Moins le district urbain d'Ennis et les districts ruraux de Limerick 2 et
de Scarriff.
3. Moins le district urbain de Tralee.
4. Moins les districts urbains de Mallow, Fermoy, Cobh,et la commune
de Cork.
5. Moins la commune de Waterford.
6. Seulement les districts de Boyle 2, Dromore West, Toberrcury et une
partie du district rural de Sligo.
7. Seulement le district rural de Castlereagh.
8. Seulement les districts ruraux de Glin et Newcastle.
9. Seulement le district rural de Clogheen.
Chronique. 463
Cette statistique dénote un recul effrayant de la langue irlan-
daise. Dans les sept comtés mentionnés ci-dessus, les seuls où la
langue soit vraiment vivante, sur une population totale de 975.371
habitants (qui était en 1911 de 1. 121.354 habitants), on compte
aujourd'hui seulement 299.244 Irish speakers (contre 436.758 en
191 1). Cela réduit le pourcentage des Irish speakers dans les sept
comtés à 30,7% (au lieu de 38,9 en 191 1). Les conclusions du
rapport, résumées p. 10, présentent la situation sous son véritable
jour, qui n'a rien de réjouissant.
Dans ce tableau si sombre on entrevoit cependant quelques
lueurs d'espoir. Alors que l'usage de l'irlandais diminue avec une
extrême rapidité dans les régions où les Irish speakers formaient en
1911 moins de 70 °/0 de la population, il marque au contraire
une tendance manifeste à augmenter dans celles où le pourcentage
était supérieur à ce chiffre. En comparant les deux cartes établies
par la commission, on dirait que la langue irlandaise, dispersée
par les circonstances sur un vaste territoire, se résigne à abandonner
à l'anglais les points où la lutte est inutile, mais tend à regrouper
ses forces en constituant des centres plus solides sur les points où
elle domine l'adversaire. Ainsi dans des forêts dévastées par l'incen-
die, la végétation succombe là où les cendres étouffent la terre;
mais partout où il reste suffisamment de terre végétale, on voit, sur
le sol noirci, poindre çà et là de petites touffes vertes, chaque année
plus larges et plus drues. Cela donne l'espoir d'un repeuplement
futur de tout le canton, à condition que l'administration forestière
soit sage et vigilante. Le gouvernement irlandais parait décidé à
adopter une politique que les meilleurs forestiers ne renieraient pas.
Elle consiste à s'inspirer de la nature même en favorisant l'irlan-
dais là où il manifeste une certaine vitalité. Les petits cercles, dis-
séminés sur la carte et encore bien étroits, où le pourcentage de
l'irlandais atteint aujourd'hui ioo°/0 — il y en a quelques-uns —
iront en s'élargissant, se rejoindront les uns les autres et finiront
par couvrir de vastes aires, si on y entretient la langue nationale
par des mesures appropriées. Partout où il y a un noyau d'ir-
landais vivace, il faut multiplier les écoles irlandaises, nommer des
fonctionnaires parlant irlandais. L'idée de créer des corps de trou-
pes où il n'y aurait que des Irish speakers à tous les degrés de la
hiérarchie est excellente. Mais c'est le prestige qu'il faut avant tout
relever. Actuellement, comme le rapport le constate, ce prestige
est bas. Ce sont donc des mesures d'ordre moral qui s'imposent
les premières.
Au sujet des réflevions publiées ci-dessus, p. 235 et ss., relati-
464 Chronique.
vement à l'avenir de la langue irlandaise, un lecteur nous fait obser-
ver que, pour assurer la diffusion d'une langue, l'efficacité de
mesures gouvernementales n'est pas contestable. Il y a beaucoup de
volonté arrêtée et de choix artificiel dans une bonne partie des
langues qui se parlent actuellement dans les petites nations de
l'Europe nouvelle. Le letton, le lituanien, l'esthonien sont le
produit d'une politique nationale, tout autant que le serbe ou
même le tchèque, Et l'exemple de la Norvège avec ses deux langues
rivales montre ce que peut l'action politique, soutenue de l'ensei-
gnement de l'école. L'influence de la volonté n'est assurément pas
niable. Mais il reste que la première mesure à prendre est de sus-
citer cette volonté; c'est un effort moral qui seul entraînera le
mouvement dont dépend l'avenir de la langue irlandaise.
III
Les publications de l'Institut d'Oslo pour l'Étude comparative
des civilisations (i?. Celt., t. XLII, p. 191) se succèdent rapide-
ment, offrant une abondance et une variété dignes d'admiration.
Elles forment trois séries, de format différent, respectivement con-
sacrées à l'édition des conférences faites à Oslo, à des publications
de textes et à des rapports sur des missions scientifiques. La pre-
mière comprend les volumes suivants :
1. Quatre conférences d'introduction (Fire Innledningsforelesnin-
ger), par MM. Fredrik Stang, Alf Sommerfelt, Knut Liestôl et J.
Quigstad.
2. La méthode comparative en linguistique historique, par M. A. Meil-
let (v. ci-dessus, p. 185).
3. Right and Custom, par M. P. Vinogradoff.
4. Mankind, Nation and Individual jrom a linguistic point ofview,
par M. O. Jespersen.
5. Préhistoire de la Norvège, par M. Haakon Shetelig.
6. Kidturgeschichte des Norwegischen Altertums, par M. A. W.
Brôgger.
7. Die Religionen der Ajrikaner in ihrem Zusammenhang mit dem
Wirischajlsleben, par M. C. Meinhof.
La seconde s'ouvre par un recueil des œuvres complètes de
Moltke Moe, l'illustre folkloriste (2 vol., contenant chacun un
sommaire des matières en anglais). Vient ensuite un premier
volume de contes populaires du pays de Santal, recueillis par
M. P. O. Bodding et publiés avec traduction anglaise ; en tête,
Chronique. 465
M. Sten Konow a mis une préface, où il fait ressortir l'intérêt de
cette publication (voir notamment, p. xv-xvj une fine Remarque
sur la valeur du nombre duel dans la langue de ces contes). Enfin,
un volume de M. Kaarle Krohn sur la méthode des travaux
de folklore, d'après la pratique de l'école fondée par son père
Julius Krohn (Die folkloristische Arbeitsmethode, 1926), et un diction-
naire du lapon méridional par M. Eliel Lagercrantz (Wôrterbuchdes
Sûdlappischen, nach der Mundart von Wefsen, 192e) terminent
actuellement la seconde série.
La troisième ne comprend jusqu'ici qu'un rapport de M. Georg
Morgenstierne sur une mission linguistique en Afghanistan.
Plusieurs de ces volumes intéressent las celtistes, notamment
ceux qui traitent des antiquités de la Norvège. Notre Bibliographie
en reparlera.
IV
La question de la catégorie du genre a été en ces dernières années
discutée de divers côtés : v. notamment les articles de M.Meillet
dans Linguistique historique et linguistique générale, p. 199 et p. 21 1 .
Dans la catégorie du genre, le neutre soulève, comme on sait, des
problèmes particuliers. C'est à élucider quelques-uns de ces pro-
blèmes que M.Sigurd Agrell consacre un intéressant travail publié
dans le Bulletin de la Société Royale des Lettres de Lund (1925-1926),
p. 17-64 : « Zur Geschichte des indo-germanischen Neutrums ».
Le neutre indo-européen n'est caractérisé par une forme parti-
culière qu'au nominatif et à l'accusatif, et cette forme est la même
pour les deux cas. Au singulier, dans les thèmes autres que les
thèmes en *-o-, la forme est celle du thème nu sans désinence,
dépourvue même de l'allongement qui dans les noms masculins-
féminins alterne avec la présence d'une désinence. Dans les thèmes
en *-o- la situation est complexe ; et une différence se présente
d'abord entre la déclinaison nominale et la déclinaison pronomi-
nale. Les pronoms ont au nominatif-accusatif neutre une dési-
nence *-d. Dans les noms, une désinence nasale (*-« ou *-m) est
bien attestée en indo-iranien, en grec, en italique et en celtique.
Mais les autres langues offrent une situation moins claire ; en bal-
tique et en slave notamment, l'hypothèse d'une désinence *-on
dans les neutres ne va pas sans difficultés. La nouveauté du travail
de M. Agrell est d'imaginer ici une variété dialectale de l'indo-
européen : les dialectes précités auraient au nominatif-accusatif
neutre des thèmes en -0- ajouté dans les noms une désinence nasale,
466 Chronique.
tandis que les autres dialectes auraient maintenu ici le thème nu,
comme dans les thèmes en-/-, les thèmes en -u- et les thèmes con-
sonantiques. Ces autres dialectes seraient le germanique, le baltique.
le slave, letokharien et probablement l'arménien. M. Agrell y joint
le hittite, qui, en face d'accusatifs masculins en -an, a toujours des
nominatifs-accusatifs neutres en -a sans désinence. Le travail de
M. Agrell est plein d'hypothèses subtiles et originales; beaucoup
appelleraient la discussion '. L'idée générale en est séduisante ; elle
a d'ailleurs été suggérée à l'auteur par un article de M.iMeillet
(M.5.L., XX, 172).
Comme supplément aux Indogermanische Forschungen, il a paru
en 1925 un ouvrage posthume de Karl Brugmann, die Sytitax des
einfacben Salies im lndogermanischen (Berlin-Leipzig, Walter de
Gruyter, 229 p. 8°). C'est avec un respect teinté de mélancolie
que les linguistes accueilleront ce dernier produit d'une activité
qui a été si féconde. L'ouvrage marque bien la direction vers
laquelle Brugmann s'orientait à la fin de sa carrière et donne une
preuve de plus de cet effort constant de renouvellement qui était
une de ses plus éminentes qualités. Il avait compris l'importance
de la structure de la phrase dans le développement des langues,
et il sentait qu'il convenait d'aiguiller les jeunes linguistes vers
l'étude des faits de syntaxe. Son intention était de construire sur
cette matière un vaste répertoire général bien classé, qui pût ser-
vir à la fois de base et de modèle à des travaux de détail. La mort
l'a empêché de réaliser son projet. Du moins avait-il laissé en
manuscrit une partie de son oeuvre, et une partie qui forme elle-
même un tout. On ne peut que savoir gré à ceux qui ont assumé
la tâche pieuse de la publier.
Ce n'est pas lieu d'exposer la doctrine de Brugmann sur la struc-
ture de la phrase indo-européenne. Sur certains points, cette doc-
trine prête à discussion ; et l'on trouvera par exemple des idées sen-
1. A signaler, p. 22, un ingénieux tapprocherrient du -/ final au nom.-
accus. de certains neutres (skr. ydkrt gén. yakndh) et de la désinence de
l'instrumental en hittite. Mais il y a des neutres aussi qui se terminent au
nom. -accus, par un -/t (skr. asrk gén. asndh). M. Agrell souligne avec rai-
son l'emploi de l'instrumental en russe pour traduire ce dont on fait en
allemand ou en français le sujet de l'action (Boyer-Spéranski, Manuel,
p. 246-247). Il paraît certain que l'élimination de l'instrumental est liée
au développement de la construction personnelle du verbe.
Chronique. 467
siblement différentes enseignées dans le Traité de Grammaire compa-
rée des langues classiques qu"a publié en 1924 la maison Champion
(notamment p. 519 et ss.).
Le celtique ne tient naturellement qu'une place restreinte dans
l'ouvrage. Cependant avec sa conscience habituelle et son souci de
ne négliger aucun élément d'information, Brugmann n'a pas man-
qué de tirer à l'occasion de l'irlandais ou du gallois des comparai-
sons utiles. Il le fait avec prudence et toujours en connaissance de
cause. P. 47, 1. 9, l'exemple de Wb. 9 c 24 est mal traduit. Le
sens est en mot à mot : « Ce ne fut pas indifférent pour vous que ce
fût lui contre qui vous faisiez cela ». P. 113, au sujet de l'absence
de conjonction copulative dans une suite d'adjectifs juxtaposés,
Brugmann cite une phrase de la T. B.C., mais ne se prononce pas
sur l'usage général de la langue. Il convient d'être plus affirmatif
que lui. Le tour qui consiste à mettre des adjectifs qualificatifs à la
suite les uns des autres sans les réunir par aucune conjonction est
courant en irlandais comme en gallois à toutes les époques. On
trouve d'innombrables exemples de cette construction dans cer-
tains textes irlandais moyens, tout gonflés de « bombastry » (v.
ci-dessus, p. 8 et 277). Les oeuvres du P O'Leary montrent qu'elle est
courante en irlandais moderne (fear géagach slinneànach buidhe dob'
eadh an tincéir môr. Fear lom lâidir... Bbi se fadshrônach, faidleic-
neach, deagh-chùmtha 'na bheul agus 'na cborân, Séadna, p. 187.
Bhi gleann ana dboimhinn, ana leathan lasiuaidh dinn, agus cnuc ana
tnhôr, ana àrd lastuaidh den ghleann, Mo sgéal féin, p. 78). Pour
le gallois, il suffit de rappeler le vers d'un englyn déjà cité ici
(t. XXXVIII, p. 209) : mae du oer lom daear wleb.
VI
Il y a dix ans à peine que M.Meillet publiait son livre sur les
Caractères généraux des langues germaniques. Une troisième édition
en a paru il y a quelques mois (Hachette, 192e, xvj-236 p. in-12,
25 fr.). On sait avec quel soin M.Meillet s'attache à revoir chaque
édition nouvelle de ses ouvrages pour la faire profiter des progrès
de la science et surtout pour y introduire les suggestions et décou-
vertes d'une pensée toujours en travail. Sans avoir subi de pro-
fonds remaniements, cette troisième édition du livre consacré au
germanique présente dans le détail un bon nombre d'innovations.
L'une d'elles intéresse les celtistes. Préoccupé de marquer les
influences qu'a subies le germanique dès le début de son développe-
468 Chronique.
ment et les relations qui l'unissent aux langues immédiatement voi-
sines, M.Meillet fait appel à la comparaison des langues celtiques
dans cette nouvelle édition. Il y a entre le celtique et le germa-
nique des rapprochements qui s'imposent. Les deux langues ont eu
à l'époque préhistorique des rapports de voisinage, que dénonce le
vocabulaire. Non seulement il y a des mots dont l'emprunt au cel-
tique par le germanique est évident (v. Meillet, p. 208), mais il y
a un nombre important de mots qui sont communs aux deux
langues et ne se retrouvent pas ailleurs. Comme ce sont essentiel-
lement des mots de civilisation, on doit en conclure que le cel-
tique et le germanique se sont étendus sur un terrain où existait
déjà une civilisation avancée pourvue d'une langue propre. On
sait que c'est le cas de la plupart des langues indo-européennes,
qui sont des langues de peuples conquérants. En ce qui concerne
le celtique et le germanique, l'existence d'un substrat commun se
manifeste aussi par la phonétique. M. Meillet insiste avec raison
sur les mutations des occlusives (p. 40 et 44), sur l'altération des
consonnes intervocaliques (p. 55), sur le caractère intensif de
l'accent (p. 73), sur la réduction des finales (p. 89). Ce sont
là autant de traits qui apparentent le germanique au celtique, sur-
tout à l'irlandais. La question du substrat est de celles qui prêtent
encore à la discussion ; elle recèle d'ailleurs beaucoup d'obscuri-
tés. M. Meillet ne la touche qu'avec sa discrétion, mais aussi
avec sa netteté habituelles : ce qu'il en dit est de nature à faire
réfléchir à la fois germanistes et celtistes '.
VII
Le dernier travail de Maurice Cahen, qui aura été publié de son
vivant, est un exposé de l'étude du paganisme Scandinave au
xxe siècle. Il a paru dans la Revue de F histoire des religions, t. XCII
(1926), p. 33-107. On ne peut le lire sans un serrement de cœur.
Car il manifeste toutes les qualités qui assuraient à son auteur une
place si brillante dans la linguistique française et promettaient une
moisson de si beaux travaux sur les langues et les civilisations
germaniques. Maîtrise totale du sujet, vision exacte des moindres
détails à leur place dans l'ensemble, souci de dégager les idées
générales, et grand talent d'exposition, voilà ce qui donne une
1. P. 228, lire : lat. dùcô.
Chronique. 469
haute valeur à ce travail, qui n'est pourtant que la mise au point
de l'état d'une question.
Depuis le commencement du xxe siècle, l'étude du paganisme
Scandinave s'est complètement renouvelée. Et ce renouvellement
est dû presque uniquement à des philologues. C'est en étudiant la
runologie et la toponymie, en combinant les résultats de l'archéo-
logie et du folklore, que Ton a travaillé à l'histoire religieuse. Des
noms comme ceux de MM. Magnus Olsen, Setàlà, Kaarle Krohn,
Oskar Almgren,Ivar Lindqvistet de tant d'autres travailleurs disent
assez combien les recherches ont été poussées avec vigueur et
succès. Maurice Cahen marque en terminant que, malgré les résul-
tats acquis par l'aide si précieuse de ces diverses disciplines, il
serait temps que l'étude du paganisme Scandinave fût entreprise
en partant des principes de la science à laquelle elle ressortit : la
science des religions. Sa modestie l'a empêché de dire qu'il a lui-
même contribué à diriger les esprits dans ce sens par ses deux
belles thèses dont la Revue Celtique a parlé, t. XXXVIII, p. 345 et
350.
VIII
On ne connaît pas tout d'une langue quand on en a étudié les
textes littéraires. Ceux-ci n'en représentent en effet qu'un aspect
particulier et qui n'est pas toujours le plus intéressant, parce que
c'est un aspect fixé, cristallisé, à certains égards un aspect mort.
Derrière la langue littéraire, que les grammaires enseignent et que
les écrivains emploient, il y a la langue parlée, la langue popu-
laire et familière, avec toute la richesse et la spontanéité des créa-
tions de la vie. C'est une entreprise difficile que d'étudier la
langue parlée, car la matière est fuyante et on l'altère parfois rien
qu'en la saisissant. La difficulté est plus grande encore quand il
s'agit d'une langue ancienne ; car les langues anciennes ne nous
sont guère connues que par la littérature. Aussi faut-il signaler
le livre récent que M.J.B. Hofmann a consacré à la Lateinische
Umgangssprache (Heidelberg, Winter, 1925, xvj-184 p. in-12).
C'est un excellent ouvrage, un répertoire très riche de faits
neufs, bien choisis, bien classés. A vrai dire, il vaut surtout par
les observations de détail qu'il renferme. Si l'on ne peut dire que
les idées générales en soient absentes, du moins l'auteur a-t-il
évité de les mettre en relief. La façon même dont il a découpé sa
matière accuse cette préoccupation. Le livre y a gagné sans doute
d'être plus facile à utiliser, à consulter; mais il y a perdu un peu
Rn-ue Celtique, XLIII. jo
470 Chronique.
delà portée qu'on doit attendre d'un travail de linguistique. Le pro-
blème fondamental, qui était de définir la notion de « langue fami-
lière », y reste un peu étouffé.
Néanmoins, par la nouveauté du sujet et par l'abondance des
exemples, par des comparaisons fréquentes établies avec le fran-
çais et surtout avec l'allemand, ce petit livre mérite d'être recom-
mandé chaudement à tous ceux qui s'intéressent à la partie « affec-
tive » du langage, et qui l'étudient dans une langue morte. Les
langues celtiques, où la veine populaire est si forte et si riche,
devront un jour ou l'autre être étudiées de cette façon.
IX
L'histoire de la médecine chez les Celtes offre un vaste champ
de recherches encore très peu cultivé. Dans un livre intitulé The
healing Gods of ancient civilisations (Yale University Press, New
Haven, Connecticut, 1925, xxxjx-569 p. 8° $. 5.00), M.Walter
Addison Jayne a consacré un chapitre aux dieux guérisseurs des
Celtes. L'auteur est un médecin, professeur émérite de gynécolo-
gie à l'Université de Colorado. Ce n'est pas la première fois qu'un
spécialiste de la médecine apporte à nos études les lumières de sa
compétence (v. R. Celt., XXXII, 368). Mais il faut avouer que la
partie celtique n'est pas la plus importante du livre de M. le Dr
Jayne. Celui-ci a étudié avec une certaine ampleur les dieux gué-
risseurs de l'Egypte et de l'Assyrie, de l'Inde et de l'Iran, de la Grèce
et de Rome. Pour les pays celtiques, il s'est borné à résumer ce
qu'il a tiré de divers ouvrages parmi lesquels ceux de MM.Dottin
et Mac Culloch lui ont été particulièrement utiles. Les considéra-
tions générales sont assez maigres (p. $03-510) et l'on s'étonne de
n'y voir même pas mentionnées les formules de Marcellus l'empi-
rique (v. R. Celt., XXXVIII, 67). Une liste des divinités guéris-
seuses est donnée p. 511-521 ; elle contient quelques erreurs ou
fautes d'impression (p. 511, lire Ausonius; p. 512, irl. berbaim etc.).
Bien que la Revue Celtique soit plusieurs fois citée, un important
article a échappé à l'auteur : celui de M.J.Loth sur Morgan Tut
(R. Celt., XXXIII, 249 et ss.).
M.J.Loth a donné aux Mémoires de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres, t. XLIII (1925), p. 11 3-148, une savante étude sur
Chronique. 471
« les Noms du cheval chez les Celtes en relation avec quelques
problèmes archéologiques ». L'archéologie et la préhistoire ont
établi l'existence du cheval en Europe bien avant l'arrivée des
Indo-Européens. Il y a en indo-européen un nom du cheval, qui
se retrouve dans toutes les langues, c'est *ekwos. Mais dans toutes
les langues aussi, le cheval a été désigné par des noms nouveaux
plus ou moins variés. En celtique, ces noms sont : gaulois cabal-
los, irlandais capall gallois ceffyl, gall. caseg breton ka\eg, gaul.
marcx irlandais marc gall. marcb, gall. gorwydd, gaul. mannus.
M.Loth étudie minutieusement chacun de ces mots, discutant les
étymologies qui en ont été données et apportant sur plusieurs
d'entre eux des vues originales et nouvelles. Mais surtout il fait
ressortir l'importance du cheval chez les Celtes. Cette importance se
manifeste par le nombre des noms qui le désignent, par les monnaies
ou les monuments figurés qui le représentent, et plus encore par la
variété des légendes dont il est l'objet. Le cheval a pu représenter
parfois le soleil chez les Celtes comme chez les Hindous. La lune
est appelée « la jument blanche » à la fois dans un conte populaire
du Munster (an îâir bhân) et dans le parler breton de l'île
Molènes (ar ga\ec wenri); cf. J. Loth, R. Celt. XXXVI, 101-104
et R. Arch. 1924, p. 7. Si l'on se rapporte au mot gallois eppil,
epil « descendance, progéniture, race » qui remonte à *epo-sllo-
(m. à m. « race du cheval »), le cheval aurait même été l'ancêtre
éponyme des Brittons. En Irlande aussi, le cheval tient une large
place dans la légende. M. J. Loth en terminant rappelle le voyage
d'Ossian dans la Terre des Jeunes (Tir na n-ôg). Pris du mal du
pays, Ossian veut revenir en Irlande ; il n'obtient d'y rentrer qu'en
promettant de ne pas descendre de cheval. Une circonstance l'ayant
obligé à mettre pied à terre, il perd en un instant lavue, puis la jeu-
nesse, puis la vie. C'est le conte que Michel Comyn a rendu célèbre
au xvme siècle et- dont M.T.Gwynn Jones a tiré un de ses plus
beaux poèmes.
XI
C'est encore du cheval qu'il est question dans l'article de la
Revue archéologique (1925, p. 210-227), où M. J. Loth a étudié « le
dieu gaulois Rudiobos, Rudianos ». Le dieu Rudiobos est
connu par l'inscription gravée sur le socle du cheval de bronze
découvert en 1861 à Neuvy-en-Sullias (Loiret). Le monument a
fait l'objet d'une étude détaillée de M.Soyer dans le Bulletin de la
Société de géographie de 1920. L'inscription indique que la statue
472 Chronique.
du cheval a été consacrée à Rudiobos en un lieu nommé Cassiciate
(au locatif). M.Loth interprète ce nom comme le dérivé d'un mot
gaulois *cassicâ, identique aux motsgall. caseg, pi. cesyg, corn, cas-
sec, bret. kaseg, qui désignent la « jument » ; Cassiciate devait être
une sorte de haras, ou de parc à chevaux, destiné à l'usage des
troupes, car on y a trouvé nombre d'objets militaires. L'offrande
d'un cheval de bronze à Rudiobos est une nouvelle preuve du culte
du cheval en Gaule, déjà bien connu parla déesse Epona, protec-
trice des chevaux (cf. S. Reinach, R. Celt., XXII, p. 14). Rudio-
bos ne devait pas être une divinité pacifique, à en juger par les
objets de caractère militaire trouvés tout autour du cheval. Son
nom est interprété par M.Loth comme un composé, dont le pre-
mier terme, rudio-, se rattache au thème *roudbo-, irl. rùad, « rouge
et fort » et dont le second terme appartient à la racine qui signifie
« frapper » (cf. uidubium, irl. fidbae gl. falcastrum). Le sens de ce
composé est le « rouge ou fort frappeur » ou plutôt « celui qui
frappe avec le rouge ». Le nom de Rudiobos dont on connaît
aussi la forme hypocoristique Rudianos {Corp. Iuscr. Lat., XII,
381), servant d'épithète à Mars (ibid., 1566, 2264), fait naturelle-
ment penser à Rudra « Rouge », nom d'un dieu hindou, père des
redoutables Maruts, et lui-même souvent des plus malfaisants. Il y
a de singulières ressemblances entre Rudra et le grand dieu irlan-
dais Dagde ; malgré son nom qui signifie « le bon dieu », Dagde
a un côté malveillant. Or Dagde est appelé Ruad rofessa « le Rouge
à la grande science ». Peut-être faut-il voir en lui le oll-athir
« père par excellence » des Irlandais, l'équivalent du Teutatès gau-
lois, que M. Loth interprète par Touto-lati-s « père du peuple ».
XII
On a trouvé en 1924 dans une tombe de la période des Vikings,
à la ferme de Vinjum, paroisse d'Aurland (^Norvège), un objet en
bronze gravé d'origine manifestement irlandaise. M.Johs. Bôe
en fait une description minutieuse dans le Bergens Muséums Aarbok
de 1924-1925, n° 4 (34 p. 8°, avec de nombreuses gravures et
trois planches). Il s'agit d'une sorte de vase à peu près sphérique
formé de deux parties emboîtées l'une dans l'autre. A la base se
voient sept trous ; au sommet est placé un petit tube cylindrique
qui se termine par une branche, rabattue horizontalement, à l'extré-
mité de laquelle est une sorte de tête d'oiseau ; il y avait peut-être
d'abord une autre branche opposée à la première et même il est
Chronique. 473
possible que l'ensemble ait formé une croix surmontant le vase.
Cela fait croire que l'objet avait un caractère et une destination
ecclésiastiques. On pourrait songer à une cassolette pour encens ;
l'hypothèse d'une chaufferette pour les mains, comme celles dont
les célébrants usaient pendant les offices dans certains pays, paraît
exclue à M. Bôe.
L'intérêt de l'objet est surtout dans l'ornementation qui consiste
en des motifs à spirales, accompagnés d'entrelacs et de stries
obliques. Sur la moitié supérieure formant couvercle court une
frise de quatorze médaillons unis deux à deux et dont chacun est
traversé par une longue figure d'oiseau ; la tête et la queue de
chaque oiseau dépassent sensiblement les limites du médaillon qui
l'enferme. Cette décoration rappelle les figures qu'on voit peintes
sur des manuscrits irlandais, comme le Book of Durrow ou le
Book of Kells ; et l'artiste qui a gravé ces motifs sur le bronze les
a probablement copiés d'un manuscrit.
M. Bôe croit pouvoir dater l'objet des environs de 750 : il aurait
été déposé un siècle environ plus tard dans la tombe où on l'a
trouvé. Cette tombe est celle d'une femme, peut-être celle de la
mère ou de la grand'mère d'un Viking nommé Brynjôlfr, mort
dans son lit vers 915.
La même fouille a mis au jour plusieurs autres objets, dont
M. Bôe donne également la description ; il y a entre autres deux
magnifiques broches ovales, une petite boîte carrée en argent, des
grains d'ambre et de verre, deux bracelets de bronze, etc. Le tra-
vail se termine par une relevé des objets celtiques trouvés en Nor-
vège, dont une carte indique l'emplacement. Comme on pouvait
s'y attendre, c'est sur les côtes, et notamment sur les côtes méri-
dionales que ces objets ont été trouvés en majorité. Mais il y en
a quelques-uns qui proviennent de l'intérieur. Une trouvaille a
même été faite dans l'extrême Nord du pays.
XIII
La littérature des visions aeu dans lespays celtiques un tel déve-
loppement et un tel succès qu'il convientde signaler ici l'ouvrage de
Max Voigt, publié en 1924 dans la collection Palaestra (n° 146,
Leipzig, Mayer et Mùller; viij-245 P- 8°)- Cetouvrage a pour titre
Bcitràge iur Geschichie der Visionenliteralurim Mitielalier et se com-
pose de deux parties, respectivement consacrées à la Visio Laiart,
poèmedu moven-àgeen dialecte bavarois, et aux Visions du chevalier
474 Chronique.
Georges de Hongrie. Ces dernières intéressent particulièrement
l'Irlande. Nos lecteurs en connaissent déjà l'auteur par un article
publié par M. Gaidoz, R. Celt., Il, 482-484. Il s'agit d'un person-
nage nommé Georges, fils d'un magnat de Hongrie ; en qualité de
pécheur repentant il accomplit en 1 3 5 3 au Purgatoire de Saint Patrice
un pèlerinage dont il nous a conservé le récit. L'œuvre appartient
donc à la vaste littérature inspirée par le Purgatoire de Saint Patrice;
elle est écrite en latin et on en connaît neuf manuscrits. Max Voigt
en donne une analyse qui en fait voir tout l'intérêt. Il y en a eu
des traductions et des arrangements en allemand, sur lesquels Max
Voigt donne également des renseignements utiles. De la Vision de
Georges dérive enfin une Visio Ludouici de Francia, dont le texte est
publié par Max Voigt. Il s'agit aussi d'un voyage au Purgatoire de
Saint Patrice accompli en 1360 par un Français, de ciuitate Autissido-
rensi (Max Voigt imprime partout Antissidorensi), qui portait le
nom de Louis ; le récit est en prose latine.
Cet ouvrage dénote une érudition solide. On pouvait espérer
beaucoup de son auteur pour l'étude des littératures médiévales.
Ces espérances, nous apprend la préface, sont anéanties. Max Voigt
est mort le 9 avril 1921, des suites d'une blessure de guerre reçue
devant Arras le 29 mars 1918. Il n'avait pas 38 ans.
XIV
Nous sommes habitués à considérer le Graal, qne nous appelons
même le saint Graal, comme le symbole de l'Eucharistie. Cette
conception religieuse, chrétienne, du Graal estassurémentancienne,
puisqu'on la trouve déjà à la fin du Percevalde Chrestien de Troyes,
exposée par l'ermite auquel le héros va se confesser le jour du
vendredi saint. Mais est-elle bien à sa place dans le poème de
Chrestien? M. Arthur C. L. Brown exprime à ce sujet les doutes
les mieux fondés (Moi. Langu. Notes, t. XLI, avril 1926, p. 226-
233). Il avance de bonnes raisons pour considérer les vers où l'er-
mite assimile le graal à l'eucharistie, comme une addition postérieure
à Chrestien de Troyes. Ce n'est pas le lieu de reproduire son argu-
mentation qui paraît solide. Chacun en tout cas sera d'accord avec
M. Brown pour regretterqu'il n'existe pas encore d'édition critique
du Perceval de Chrestien de Troyes,. ni même de collation des seize
manuscrits qui nous l'ont conservé.
Chronique. 475
XV
Tous ceux qui ont voyagé en Irlande savent combien les gens du
pays engagent volontiers la conversation avec les étrangers qu'ils
rencontrent, pour les mettre au courant de leurs affaires privées.
C'est un trait de caractère qui apparente les Irlandais à certains
de nos Méridionaux. Il est bien fait pour étonner et parfois même
scandaliser les Anglais. C'est par lui que M. Ch. Plummer explique
la manie qu'avaient les scribes irlandais du moyen âge d'interrompre
leur travail pour écrire en marge ou en note de leurs manuscrits
des réflexions personnelles destinées à faire connaître aux lecteurs
futurs leurs sentiments souvent les plus intimes. Il y a là une
source d'informations curieuses sur la psychologie du copiste
autant que sur le tempérament irlandais.
L'étude que M. Ch. Plummer publie dans les Proceedings of thë
British Academy (1926, 14 p. 3 sh.) porte sur « les Colophons et
les notes marginales des scribes irlandais ». La lecture en est
piquante. Notre savant collaborateur y a réuni des notes recueillies
par lui dans un grand nombre de manuscrits irlandais, datant de
toutes les époques. Ces notes se réfèrent aux sujets les plus variés.
Très souvent le scribe y indique son nom ; il y donne la date du
début ou de la fin de son travail, nomme le maître qui l'emploie, le
pays dont il est originaire. Tout cela n'a rien de spécialement
irlandais. Ce sont des renseignements « objectifs », et qui sont
utiles pour le classement des manuscrits autant que pour l'étude
des écoles de copistes, dont la fonction était souvent héréditaire.
Mais les scribes irlandais ne s'en tiennent pas là. Ils manifestent
leurs sentiments à l'égard du texte qu'ils écrivent par des approba-
tions ou des protestations, également passionnées. Ils notent les
menus incidents de leur vie monotone ; leur chat s'est échappé,
un oiseau est venu les distraire, etc. Ils se plaignent de leur con-
dition misérable, ils souffrent du froid ou de la faim, ils sont
malades, ils ont les doigts crispés, leur encre est mauvaise. Ils
déplorent la perte d'un ami ou maudissent leur solitude. Plus
souvent encore, ils reproduisent quelque maxime morale pour se
donner du courage, ou font une profession de foi religieuse, ou
lancent un appel à l'aide des saints, à la miséricorde de Dieu. On
sait que le scribe du manuscrit irlandais de la Bibliothèque natio-
nale ne fait pas exception (cf. R. Celt., XI, 399; XXX, 382;
XXXII, 133). C'est pour le lecteur moderne une agréable surprise
que de voir apparaître, au tournant d'une page, une figure humaine
476 Chronique.
qui lui parle familièrement. Certains de ces scribes parlaient même
très bien, savaient trouver des mots touchants ; et quelques-uns
nous ont laissé de jolis vers (v. Kuno Meyer, Ancieni Irish Poetry,
p. 81, p. 99-101, etc.).
XVI
Nous annoncions ci-dessus, p. 237, qu'un troisième et dernier
fascicule terminerait l'important recueil de chansons populaires de
l'île de Man publié par miss A. G. Gilchrist. Ce fascicule a paru ;
c'estle n° 30 du Journal of the Folk-Song Society (1. VII, août 1926).
Il contient d'abord sept chansons du genre » carval » ; ce qui porte
à vingt-huit le nombre de ces curieux airs reproduits dans le recueil.
Viennent ensuite quatre airs empruntés aux hymnes du « Métho-
disme primitif », dontl'île du Man fut une des forteresses au com-
mencement du xixe siècle. Ces hymnes, chantés en plein air dans
des «camp-meetings », étaient adaptés à de vieux airs populaires
traditionnels.
Enfin, sous le titre « last gleanings », l'auteur a réuni dix-neuf
airs, qui proviennent presque tous de la collection du Dr Clague.
Par contraste avec les précédents, ce sont des airs de chansons
populaires sur des sujets profanes ; quelques-uns sont pleins de
grâce et même de gaieté.
Deux appendices complètent le fascicule, qui se termine par un
double index de tous les airs mannois contenus dans le volume VII,
rangés d'après les titres et les premiers vers à la fois en mannois
et en anglais. Cela forme un ensemble du plus haut intérêt pour le
folk-lore musical.
XVII
Au cours des xvie et xvne siècles, certains textes anglais ont été
écrits en orthographe galloise (cf. T. Parry-Williams, The Englisb
Elément in Welsh, London, 1923, p. 20). C'est le cas notamment
pour un hymne à la Sainte Vierge, publié par Furnivall en 1880
(Appendix to the Trans. of Pbilological Society for 1880-1881,
p. 33*-44*)et dont les principaux historiens de la langue anglaise,
Sweet, Horn, Jespersen, Luick, ont tiré parti pour fixer maint
détail de la prononciation de l'anglais. L'orthographe galloise est
assez différente de l'anglaise et d'autre part assez représentative de
la prononciation pour fournir un contrôle des plus précieux.
M. Max Fôrster reprend les questions soulevées par cet hymne
Chronique. 477
dans YArchiv fur das Studium der neueren Sprachên und Literaturen
(1926, p. 187-202). Il en énumère les manuscrits, dont le plus
ancien est de 1587 ; ils sont au nombre de cinq. Un sixième
manuscrit, Pen. 98b, contient le texte anglais du même poème.
M. Fôrster estime que ce texte est unetranscription faite après coup,
probablement au xvne siècle, du texte en orthographe galloise. Ce
dernier n'est d'ailleurs pas aussi ancien que l'ont cru les savants
qui le plaçaient hardiment au xve siècle. Il n'est probablement pas
antérieur au xvie. D'après une notice en prose galloise qui l'accom-
pagne dans un des manuscrits, il aurait été composé à Oxford par
un Gallois désireux de montrer aux Anglais qui l'entouraient que
son pays n'était pas au-dessous du leur pour le talent poétique.
On pourrait penser que ce Gallois était le poète Jeuan ab Howel
Swrdwal, qui vers 1480 dirigeait à Oxford la jeunesse galloise.
Mais ce personnage est bien connu par ailleurs ; il jouissait d'une
grande réputation. S'il avait composé l'hymne à la Vierge, il est
étrange que la notice ne donne pas son nom. M. Fôrster hésite
à reconnaître en Swrdwal l'auteur du poème. Cette hésitation est
sage.
XVIII
A la séance du 28 janvier 1925 de la British Academy, sir John
Morris-Jones a faitune « inaugural lecture » consacrée à la mémoire
désir John Rhys, mort à Oxford le 17 décembre 191 5 (v. Rev.
Celt., t. XXXVI. p. 418). Cette « lecture » a été publiée depuis
dans les Proccedings oftbe British Academy (28 p. 8°, 2 sh.). L'auteur
y rappelle les principales dates de la vie de l'illustre celtiste et
trace de lui un beau et vivant portrait. Il est d'accord avec
M. Gaidoz (v. R. Celt., t. XXXVIII, p. 66) pour faire figurer le
nom de John Rhys dans une glorieuse triade philologique qui
comprendrait avec lui Gruffudd Robert et Edward Lhuyd. Une
bibliographie des œuvres de Rhys et des comptes rendus qui en
ont été faits termine cette intéressante brochure.
XIX
Il s'est fondé en 1925 à Gregynog, près de Newtown (Montgo-
meryshire), une maison d'impression spécialement galloise. Elle
se propose de publier dans les meilleures conditions possibles des
œuvres écrites en gallois ou en anglais, mais se rapportant au
478 Chronique.
Pays de Galles et dignes de le faire avantageusement connaître. Les
promoteurs de l'entreprise se sont mis d'accord pour renoncer
d'avance à tout profit personnel; les bénéfices seront exclusivement
employés à augmenter et améliorer la production.
Le premier volume qui soit sorti des presses de Gregynog
{Gwasg Gregynog) est un choix de poésies de Ceiriog '. Et c'est un
magnifique volume qui fait bien augurer du succès de l'entreprise.
Par ce début, la Gwasg Gregynog se place d'emblée au nombre des
meilleures imprimeries d'art de tous les pays. Ce choix des poésies
de Ceiriog est une publication de luxe, dont le tirage a été limité
à 400 exemplaires numérotés. Le papier est excellent, l'impression
irréprochable. Il y a des bois, frontispices et culs-de-lampe, d'un
goût artistique parfait. En un mot, la publication fait grand hon-
neur à ceux qui l'ont préparée, et notamment à M.^Robert Ashwin
Maynard, directeur des Presses, et auteur, avec M. Horace Walter
Bray, des gravures qui décorent l'ouvrage.
C'est M. John Lloyd-Jonesqui a été chargé de choisir les poèmes
de Ceiriog à imprimer dans le recueil. La tâche n'était pas aisée.
Car dans l'œuvre si abondante et si populaire du poète on a
vraiment l'embarras du choix. M. Lloyd-Jones a retenu vingt-cinq
pièces dont les deux plus longues, Myfanwy Fychan et Alun Mabon
sont probablement les deux chefs-d'œuvre du poète. La première
remporta le prix àPEisteddfod deLlangollen en 1857. La seconde
fait partie du recueil Oriaur bore(Heures du matin) publié en 1862.
Elles sont toutes les deux extrêmement populaires, et contiennent
des morceaux que tout le monde en Galles sait plus ou moins par
cœur. D'ailleurs on peut en dire autant de la plupart des autres
pièces du recueil. Le poème d' Owain Wyn, couronné à l'Eistedd-
fod de Merthyr en 185e, contient le joli morceau si connu qui
commence par
Mae gennyf wen golomen dof
erioed heb golli pluen.
Et des pièces comme Nant y Mynydd, Yr Euetb Dali, Dafydd y
Garreg Wen, P'ie mae fy nhad ?, Rhosyn yr Haf, sont dans toutes les
mémoires. A vrai dire, il eût été facile d'augmenter le recueil, où
des pièces aussi populaires que Cerddi Cymru, Tros y Garreg, Ti
1. Caneuon Ceiriog, Detholiad. Gwasg Gregynog 1925, xxx-88 p. pet.
in-40.
Chronique. . 479
tuyddost belh ddywed fy nghalon, etc., auraient été aussi bien à leur
place l.
Le texte est précédé d'une notice, où M. John Lloyd-Jones
donne un résumé de la biographie de Ceiriog et apprécie ses qua-
lités poétiques. Rien de plus simple, de plus uni, que la vie de
John Ceiriog Hughes, né le 25 juin 1832 à Pen y Bryn près
Llanarmon (Denbighshire), et mort le 23 avril 1887 à Caersws
(Montgomeryshire), après avoir été employé de chemin de fer à
Manchester de 1849 à 1865, puis chef de gare à Llanidloes, à
Towyn, à Trefeglwys et à Caersws. Les principales dates de sa vie
sont celles où il remporta des victoires aux concours des eisteddfodau
et où il publia les recueils de ses poésies. Ceiriog est le plus popu-
laire des poètes gallois du xixe siècle; mais cela ne" veut pas dire
qu'il soit indigne des lettrés. On peut lui reprocher çà et là des
faiblesses de versification, des négligences de langue, des incor-
rections de syntaxe, même dans ses pièces les mieux venues. Un
poète doué d'une si grande facilité était exposé à être inégal. Mais
que de qualités rachètent ces défauts ? Son vers est aisé, coulant,
musical, comme un ruisseau de la montagne; son développement
est simple et sobre, exprimant l'idée d'un trait toujours juste. Le
dessin est chez lui supérieur à la couleur. Ce qui a fait surtout son
succès auprès de ses concitoyens, c'est un amour profond de son
pavs, accru encore par l'éloignement, et un sentiment sincère delà
nature. On l'a surnommé le Robert Burns gallois, tandis que l'on
comparait à Wordsworth son contemporain Islwyn. De pareils
rapprochements sont toujours artificiels et contestables. On pour-
rait aussi bien le comparer à notre Béranger, dont il eut la popu-
larité, et d'une façon heureusement plus durable. Comme lui, il
mit souvent des paroles sur desairs de chansons populaires. Comme
lui, il fut à l'occasion spirituel et ironique. Mais il le dépasse sin-
gulièrement par sa tenue morale ; sa poésie descendit parfois à des
sujets un peu terre à terre, elle ne traîna jamais dans la vulgarité
où Béranger se complut. Si l'on voulait trouver à Ceiriog un pen-
dant dans notre littérature, il faudrait plutôt songer, semble-t-il, à
1. En régie générale, dans ce recueil, les poèmes cités sont donnés inté-
gralement. Pourtant, il manque une strophe a la pièce intitulée y Ferch o'r
Scèr (p. 29)., Dans la pièce Dim ond unwaith yn y flwyddyn (p. 3), au 3e vers
de la première strophe awn i ogli a. été corrigé en i arogli. Il est exact,
comme le remarque l'éditeur dans sa préface(p. xiij), que ogli est une forme
fautive ; mais, puisqu'il avait prévenu le lecteur, ne devait-il pas laisser
intact le texte du poète?
480 Chronique.
des « poètes de terroir » comme François Fabié, Gabriel Vicaire
ou Louis Tiercelin. Il est de la même famille que ces gentils esprits,
aimés des Muses, à l'inspiration souriante, à la veine facile. Mais
avant tout il est Gallois ; et c'est là sans doute pour sa gloire la
qualité essentielle.
XX
Nos lecteurs connaissent depuis longtemps le nom de M. Alfred
Perceval Graves comme celui d'un traducteur-poète de textes cel-
tiques (v. R. Celt., t. XXXIII, 481 et t. XXXVII, 383). Dans de
précédents ouvrages, Celtic Psaltery (p. 95 et ss.), et surtout Welsh
Poetry Old and New (p. 64-83), il a traduit de nombreux morceaux
du poète Ceiriog. Au moment même où ce dernier est honoré en
Galles par une magnifique publication, M. A. P. Graves lui con-
sacre un petit volume pour le faire mieux connaître du public
anglais '. Il y reprend les morceaux qu'il avaitdéjà traduits précé-
demment, et il en ajoute d'autres, fort bien choisis. La plus grande
partie du volume est occupée par Myfanwy Fychan et Alun Mabon,
dont il n'avait donné jusqu'ici que de courts fragments. Ces jolis
morceaux méritent de plaire aux Anglais sous le vêtement que
M. A. P. Graves leur a donné.
XXI
Ouvrages nouveaux dont il sera rendu compte ultérieurement :
T. Gwynn Jones. Detboliad 0 ganiadau. Gwasg Gregynog, 1926,
xiij-169 p. pet. 8°.
Ellis (T. P.). Welsh Tribal Law and Cuslom in the middle âges.
Oxford. Clarendon Press. 1926, 2 vol. xiv-456 et 456 p. 8° 8osh.
Eleanor Knott. The Bardic Poems of Tadhg DallO'Huiginn. Irish
Texts Society, vol. XXIII. 1926 viij-360 p. 8°.
Myrrha Lot-Borodine et Gertrude Schœpperle. Lancelot et
Galaad mis en nouveau langage (avec une introduction par Roger
Loomis). New-York, Oxford University Press (American Branch).
1926 xij-226 p. in-12, 6 sh.
Standish Hayes O'Grady et Robin Flowér, Catalogue of Irish
Manuscripts in the Brilisb Muséum. London, 192e. 2 vol. xj-706 et
xxxvj-634 p. 8°.
J. Vendryes.
1 . English Verse Translations of the Welsh poems 0/ Ceiriog Hughes, hy
Alfred Perceval Graves. Wrexham, Hughes and Son, 1926.91 p. in-12-
2 sh. 6 d.
NECROLOGIE
A lois WALDE
Le Xe volume de YIndogermanisches Jabrbuch, paru en 1926, con-
tient p. 421 et ss. une biographie de Walde, qui nous permet
d'ajouter quelques renseignements aux courtes lignes insérées en
note dans un précédent fascicule (v. t. XLII, p. 379).
Cette biographie offre cet intérêt d'avoir été rédigée par Walde
lui-même. Il y donne un résumé de sa carrière et de ses travaux
avec cette robuste franchise qui frappait tous ceux qui le rencon-
traient et lui attirait dès d'abord la sympathie.
Né à Innsbrùck le 30 novembre 1869, c'est là qu'il fît ses études
universitaires; il y suivit surtout les leçons de Friedrich Stolz
et de Joseph Seemuller. Reçu docteur en 1894 avec une disserta-
tion sur le futur lituanien, il prit d'abord un poste à la bibliothèque
universitaire de sa ville natale. Tout en conservant ce poste, il
obtint d'être privat-dozent en 189e, puis professeur extraordinaire
en 1904. Promu ordinaire en 1907, il passa en 1909 à l'Université
de Giessen, d'où il revint à Innsbrùck en 191 2 comme successeur
de Stolz; il y fut recteur en 1917. Appelé à l'Université de Kce-
nigsberg en 1922, il n'y resta qu'un semestre pour prendre la chaire
de grammaire comparée de l'Université de Breslau. C'est là qu'il
fut atteint d'une douloureuse maladie, qui nécessita plusieurs opé-
rations. Il revint mourir à Innsbrùck le 3 octobre 1924.
En dehors d'un travail sur le germanique (die germaniscben Aus-
latttgesetie, Halle, 1900), il publia en 1917 une dissertation de
rectorat, dont la Revue Celtique a parlé (t. XLII, p. 379-390).
Mais son principal ouvrage, de beaucoup le plus considérable, est
son Lateinisches Etymologiscbes Wôrlerbuch publié en 1905 et dont il
donna en 1910 uneseconde édition. L'utilité s'en résume d'un mot:
C'est une mine de renseignements sur l'étymologie indo-euro-
péenne à peu près entière, et de renseignements commodément
présentés sous une forme concise et claire à la fois. Tous les lin-
31*
482 Nécrologie.
guistes en ont tiré un profit immense. Le celtique, un peu négligé
dans la première édition, a pris dans la seconde une place notable,
grâce à M. Thurneysen.
Quels que soient les mérites de l'ouvrage de Walde, il faut
cependant reconnaître que c'est plutôt en répertoire de bibliogra-
phie étymologique qu'un livre d'étymologie, au sens propre du
terme. Le développement du sens des mots à l'intérieur du latin
n'y est pas indiqué. Pour mieux dire, les mots y sont rangés en
vue de correspondances schématiques, de rapprochements formels
et qui ne laissent pas apparaître la réalité des faits. Aujourd'hui que
les méthodes étymologiques se sont perfectionnées, on est en droit
de se montrer plus exigeant. L'ouvrage représente en somme un
type de dictionnaire étymologique, qui a rendu des services
incontestables, mais dont on peut dire que que les temps sont
révolus.
J. Vendryes.
Wilhelm STREITBERG
Bien que Wilhelm Streitberg n'ait pas été un spécialiste des
langues celtiques, notre Revue doit un mot de regret à la mémoire
de ce grand linguiste, dont la mort suit de si près celle de ses
maîtres Brugmann, Windisch et Leskien. Il appartenait encore à la
génération des Junggrammatiker auxquels on doit la fondation de
la linguistique indo-européenne sur des principes que l'avenir
modifiera sans doute, mais qui ont permis la construction de
vastes ensembles, dont de grandes parties seront durables.
Streitberg était né le 23 février 1864 à Riidesheim (Prusse Rhé-
nane). Une maladie dont il souffrit pendant une partie de son
enfance le laissa boiteux pour la vie. Il étudia à l'Académie de
Munster, puis à l'Université de Leipzig, et dès 1889 il se fit con-
naître par une Habilitationsschrift sur le préverbe ga- du goti-
que. Professeur à l'Université de Fribourg (Suisse) de 1889 à
1898, il y composa ses principaux ouvrages, die Entstehung der
Dehnstufe (1894), Urgermanische Grammatik (1896), livre fonda-
mental, depuis longtemps épuisé, et enfin Gotiscbes Elementarbuch
(1897). De 1898 à 1909 il fut professeur à l'Académie (plus tard
Université) de Munster, où il acheva sa monumentale Gotische
Bibel (publiée en 1908), puis de 1909 à 1920 à l'Université de
Munich. Enfin, il succéda à Brugmann en 1920 dans la chaire de
grammaire comparée de l'Université de Leipzig. C'est là qu'il est
Nécrologie. 483
mort le 19 août 1925 des suites d'une maladie des reins, dont il
souffrait depuis plusieurs mois.
On trouvera une liste complète de ses publications dans la
Festschrift qui lui fut offerte en 1924^'. R. Celt., t. XL1, p. 498).
Ses travaux sur l'indo-européen en général et sur le germanique
font autorité. Il contribua largement à établir la renommée des
Indogermanische Forschungen , auxquelles il collabora dès la fondation,
en 1891, et dont il devint directeur après la mort de Brugmann.
J. Vendryes.
Anatole LE BRAZ
Le Braz est de ceux qui ont le plus aimé la Bretagne et l'ont fait
le plus aimer.
Né le 2 avril 1859 à Saint-Servais-Duault où son père était
instituteur, Anatole-Jean-François-Marie Lebras (en littérature
Le Braz) est mort le 20 mars 1926 à Nice. Je l'avais rencontré un
an auparavant à Paris et je l'avais trouvé très fatigué, mais j'es-
pérais que sa robuste constitution, après quelques mois de repos
complet, triompherait du mal dont il était visiblement atteint.
Jusqu'à son entrée au lycée de Saint-Brieuc comme élève, il a
toujours vécu dans des milieux bretonnants : à Ploumiliau,
Buhulien, Ploubezre, Penvenan. Aussi parlait-il couramment le
breton. Reçu licencié es lettres en Sorbonne, il fut nommé en
1886 professeur au lycée de Quimper ; le 20 juin 1901, il fut
nommé maître de conférences de littérature française à la Faculté
des Lettres des Rennes, et professeur titulaire le 25 décembre 1903.
Il demandait et obtenait sa retraite le Ier août 1924. Je me félicite
d'avoir contribué dans une large mesure à le faire entrer dans l'en-
seignement supérieur,
C'était, en effet, non seulement un brillant littérateur, mais
aussi un professeur qui faisait aimer les lettres par les étudiants. Il
parlait avec éloquence, en poète plutôt qu'en' érudit. Ce qui
m'avait fait aimer Le Braz et m'avait déterminé à agir en sa faveur,
c'étaient ses couvres intéressant la Bretagne. Je me suis demandé
depuis, parfois, si j'avais été bien inspiré en contribuant à le retirer
du milieu bretonnant, foncièrement breton, Quimper, dans lequel
il vivait depuis huit ans. C'est, en effet, avant de venir à Rennes,
qu'il a été assurément le mieux inspiré, qu'il a fait paraître ses meil-
leures œuvres.
C'est à cette époque qu'il a publié sa Légende de la mort, sa Chanson
484 Nécrologie.
de la Bretagne, son roman Tryfina Kerangla\, de beaucoup son oeuvre
la plus forte.
Il est remarquable que dans la Chanson de la Bretagne, oeuvre
que je relis avec prédilection, de beaucoup les poèmes les plus
émouvants du répertoire sont ceux qui sont imités des chansons
bretonnes courantes. Breton dans l'âme, c'est dans les sujets bre-
tons qu'il puisait ses meilleures inspirations.
Il a beaucoup publié depuis son arrivée à Rennes, surtout des
nouvelles, où se retrouvent ses dons brillants de littérateur. C'est
en 1903 que parut sa thèse principale, V Essai sur l'histoire du
théâtre celtique. Puis il publie en 1907, Au pays d'exil de Chateaubriand:
c'est la vie de Chateaubriand à Beccles et à Bungay, qu'il a essayé
d'y reconstituer après un voyage à ces lieux d'exil.
Il aimait à parler et ce sont des conférences faites un peu par-
tout qui lui ont pris pendant son séjour à Rennes, la plus grande
partie de son temps. Il a fait des séries de conférences à Genève,
Neufchâtel, Lausanne, puis aux États-Unis où il alla en 190e,
puis en 1910-1911, en 1911-1912. Il y retourna pendant la guerre
et, de 1914 à 1919, il s'y dépensa sans compter, pour faire con-
naître et aimer notre pays, passant du nord au sud, de l'est à
l'ouest. Son succès de conférencier y fut très grand. Si le confé-
rencier y fut très apprécié, l'homme y fut très aimé.
Dottin a consacré à Le Brazdans le dernier numéro des Annales
de Bretagne une notice très étendue dans laquelle il dépeint le lit-
térateur et le professeur et apprécie l'homme qu'il a intime-
ment connu. Un prochain numéro des Annales de Bretagne con-
tiendra la bibliographie de ses oeuvres.
J. Loth.
Maurice CAHEN
Si la mort d'un être jeune et qui n'a pas rempli sa destinée est
toujours un événement pitoyable, dont aucune parole ne peut
exprimer l'amertume, que dire lorsque cette mort prive la science
des espérances les plus brillantes et les anéantit à jamais ! Après
une maladie de quelques jours seulement, notre ami Maurice
Cahen nous a été brusquement ravi le 18 mai 192e, laissant dans
les études linguistiques comme dans notre affection un vide qui ne
saurait être comblé.
Il avait à peine quarante-deux ans, étant né à Saint-Quentin le
18 avril 1884. Ses années scolaires se passèrent dans l'atmosphère
Nécrologie. 485
familiale la plus favorable aux satisfactions du cœur comme à la
culture de l'esprit. Au sortir du lycée il devint l'élève de M.
Andler à la Sorbonne, de M. Meillet et de Robert Gau-
thiot à l'Ecole des Hautes Études; il alla en outre suivre à Ber-
lin l'enseignement de J. Rœthe et à Leipzig celui de M. Sie-
vers. Après avoir obtenu en 1907 l'agrégation d'allemand, il fut
envoyé comme professeur au lycée de Valence. Il aurait pu, comme
tant d'autres se contenter d'une situation si honorable et attendre
tranquillement un avancement qui aurait été certainement rapide.
Car il fut vite apprécié de ses élèves et de ses collègues. Il prenait
toujours à cœur les tâches qu'on lui confiait et s'y donnait tout
entier. Son passage dans le professorat des lycées restera marqué
par un article qu'il donna à la Revue Universitaire en 19 19 sur
l'enseignement de l'allemand. Mais ses préoccupations intimes
étaient ailleurs: il voulait faire une carrière scientifique. Déjà bien
au courant des problèmes complexes que posent le gotique, le
haut et bas allemand, le vieil-anglais, il s'imposa l'exil, au mépris
de son repos, pour aller étudier sur place les langues et les civi-
lisations Scandinaves, dont il désirait acquérir une connaissance
approfondie. Il passa au Danemark trois années (1909-1912),
entièrementconsacrées au travail scientifique. Puis il revint prendre
ses classes du lycée de Valence. C'est là que le trouvèrent les évé-
nements de 19 14. Devant le devoir patriotique, il se montra plein
de courage et d'abnégation. Mais la vie des tranchées acheva de
gâter une santé déjà débile; et son organisme délicat en resta
toujours affecté. Réformé au cours de la guerre, il s'était remis
au travail pour devenir le germaniste complet que la France atten-
dait depuis longtemps. Ses deux thèses de doctorat donnèrent
l'assurance que cette attente n'était pas vaine. Après un séjour d'un
an à Upsal comme lecteur de français, et un court ensei-
gnement à l'Université de Strasbourg, il venait d'être nom-
mé en janvier 1926 à une conférence de germanique, créée
à l'École des Hautes Études, et spécialement pour lui1. Il
allait enfin recueillir le fruit de tant d'années d'efforts pour-
suivis avec persévérance au milieu des circonstances les plus con-
traires ; il allait réaliser son rêve .de donner à son cher foyer une
assiette définitive dans les conditions les meilleures pour le tra-
vail. Le destin a tout brisé d'un coup. Il nous enlevé un ami
d'une sensibilité exquise, que sa haute conscience, sa loyauté scru-
1. Il vient d'v être remplacé par un jeune germaniste, M. F. Mossé,
dont ceux qui le connaissent attendent beaucoup.
Revue Celtique, XL1II. Ji
48e Nécrologie.
puleuse rendaient si précieux dans les conseils. Il détruit un capi-
tal d'intelligence et de science, d'une valeur inestimable. Soucieux
d'élargir toujours son horizon et de dominer les problèmes du plus
haut possible, Maurice Cahen avait poussé assez loin l'étude de
l'irlandais. Il aurait été pour nos études un auxiliaire incompa-
rable. En dehors de ses thèses de doctorat, on lui doit divers
articles qui sont de premier ordre. Le dernier en date a été ana-
lysé ci-dessus, p. 468; et il a été question d'un autre, qui traite des
runes, dans la Rev. Celt., t. XLII, p. 239. On a retrouvé dans ses
papiers le matière de plusieurs publications dont il est à espérer que
la science ne restera pas privée.
]. Vendryes.
TABLE DES MATIÈRES
CONTENUES DANS LE TOME XLIII
ARTICLES DE FOND
Pages
Le siège de Druim Damhghaire, par Marie-Louise Sjoestedt i
The fightingsnakes in the Historia Britonum of Nennius, par Alexan-
der Haggerty Krappe 124
Notes étymologiques et lexicographiques (suite), par J. Loth. . . 132,398
Kàuà et? z'x toutou yo'vata tiOsi'î, par Bernard Haussoullier 168
Some Scandinavian éléments in the Red Book of Hergest Triads, par
G. Peredur Jones. 174
The battle of Cumar, par Margaret C. Dobs 277
Lugnorre, Champtauroz, Toleure, Limmat, par Ernest Muret 343
La préposition « entre », par J. Vendryes '. 350
The Annals in Cotton MS. Titus A. XXV (suite), par A. Martin
Freeman 358
Un nouveau « Débat du corps et de l'âme » en gallois, par J. Ven-
dryes 38s
Les langues bretonne et française en Bretagne, par J. Loth 419
Variétés, par J. Vendryes 428
NÉCROLOGIE
Maurice Cahen (J. Vendryes) 484
Anatole Le Braz (J. Loth) 483
Wilhelm Streitberg (J. Vendryes) 482
Alois Walde (J. Vendryes) 481
BIBLIOGRAPHIE
Brown (Arthur C. L.), The Grail and sir Perceval (J. Vendryes).. . 193
Dottin (Georges), L'épopée irlandaise (J. Vendryes) 178
Esnault (Gaston), Métaphores occidentales (J. VeDdryes) 204
Ewald (F.), Die Entwickelung des K- Suffixes (J. Vendryes) 207
Fôrster (Max), Keltisches Wortgut im englischen (J. Vendryes) ... 451
Green (Alice S.), History of the Irish State to 1014 (J. Vendryes)... 181
Gruffydd (W. J.), Llenyddiaeth Cymru o 1540 hyd 1660 (J. Ven-
dryes) 186
488 Table des matières.
Heinertz (N. Otto), Fine Lautverschiebungstheorie (J. Vendryes) 434
Hochuli (Emil), Einige Bezeichnungen fur den Begriff Strasse, Weg
und Kreuzweg im romanischen (J. Vendryes) 439
Largillière (R.)> Les saints et l'organisation chrétienne primitive
dans la Bretagne armoricaine (F. Lot) ". 455
Maclean (Donald), The Law of the Lord's Day in the Celtic Church
(J. Vendryes) 448
Meiltet (Ant.), La méthode comparative en linguistique historique
(J. Vendryes; 185
Muller (F.), Altitalisches Wôrterbuch (J. Vendryes) 208
O' Donoc-hue (T.), Prosôid Gaedhilge (J. Vendryes) 444
O' Rahilly (T.), Burduin Bheaga (J. Vendryes) 201
— Dànta Grsidha (J. Vendryes) 199
— Laoithe Cumainn (J. Vendryes) 199
OxÉ (August) Die Tôpferrechnungen vonder Graufesenque (J. Ven-
dryes) 44i
Parry (John J.), The Vita Merlini (J. Vendryes) 191
Pedersen (Holger), Le groupement des dialectes indo-européens
(J. Vendryes) 432
Pembrokeshire (J. Vendryes) 202
Williams (Itor), Chwedlau Odo (J. Vendryes) 195
CHRONIQUE
Agrell (Sigurd), Histoire du neutre indo-européen 46$
Bergin (Osborn), Extraits de Keating .• . . . 231
» » Poèmes irlandais inédits 233
Bernard (D.) et Loth (J.), L'onomastique du Cap-Sizun 243
Bertoldi (Vittorio), Le nom du myrtille 229
Boe (Johs.), Objets celtiques trouvés en Norvège 472
Brown (Arthur C. L.), Le Graal et l'Eucharistie 474
Brugmann (K.), Syntaxe de l'indo-européen 466
Brunot (Ff), Le français en Bretagne 244
Cahen (iMaur.), L'étude du paganisme Scandinave 468
Ceiriog ; une édition de luxe d'un choix de ses œuvres 478
Chansons populaires de l'île de Man 237, 476
Congrès d'histoire des religions de 1923 (Actes du) 220
Darche (P.)) Liste de marques de potiers 226
Devoto (Giacomo), ouvrage sur la phonétique latine 227
Fôrster (Max), Un hymne anglais en orthographe galloise 476
Gauchat (Festschrift Louis) 214
Glozel (Les trouvailles de) 221
Graves (Alfred Perceval), Poèmes choisis de Ceiriog traduits en
anglais 480
Hofmann (J. B.), La langue familière des Latins 469
Hudson- Williams (T.), Traductions du français en gallois 241
Table des matières. 489
Institut d'Oslo (Publications de 1') 464
Jayne (W. A.), La médecine chez les Celtes 470
langue galloise en Galles (État de la) 217
langue irlandaise en Irlande (État de la) 461
Lehmacher (le P.), L'avenir de la langue irlandaise 235
Livres nouveaux 245, 480
Loomis (Roger S.), L'identification de Bleheris, Bréri 230
Lot (Mélanges offerts à Ferdinand) 213
Loth (J.), Anciennes relations entre l'Irlande et l'Ibérie 224
» Le cheval chez les Celtes 470
» Le dieu gaulois Rudiobos, Rudianos 471
Macalister (A. S.), Conférence sur l'archéologie irlandaise 238
Marstrander (S. J.), Le système des poids chez les Germains 226
Meillet (A.), Les caractères généraux des langues germaniques. . . . 467
Morris Jones (Sir John), Leçon inaugurale sur sir John Rhys. ..... 477
Oheix (A.) et Fawtier-Jones (E.), La vie de saint Corentin 242
Orlando (Michèle), L'accent des mots grecs en latin 228
Plummer (C), Notes marginales des manuscrits irlandais 475
Reinach (S.), Ephémérides d'Alésia 225
Saer (D. J.), Smith (F.) et Hughes (J.), Le bilinguisme en Galles. . . 217
Sjoestedt (M. L.), chargée de conférences à l'École des Hautes-
Études 460
» ; ses thèses de doctorat 216
Sommerfelt (Alf.), Un cas de mélange de grammaires 240
Voigt (M.), La littérature des visions au moyen âge 473
' Williams (Dr Marv), Suite de Gerbert de Montreuil 231
PÉRIODIQUES
American Journal of Philology (The), t. XLVI 250
Analecta Bollandiana, t. X LUI 267
Annales de Bretagne, t. XXXVI 246
Bulletin de la Société de Linguistique, t. XXIV et XXV 248
Bulletin of the Board of the Celtic Studies, t. II 269
Classical Review (The), t. XXXVII et XXXVIII 250
Glotta, t. XIII 2S3
Indogermanische Forschungen, t. XLIII 265
Language, t. I 24 S
Revue des Études Anciennes, t. XXVII 247
Zeitschrift fur celtische Philologie, t. XIV 260
Zeitschrift fur romanische Philologie, t. XLIII et XLIV 25 s
Zeitschrift fur vergleichende Sprachforschung, t. LU et LUI 253
Le Propriétaire-Gérant, Edouard CHAMPION.
MAÇON, PROTAT FRÈRhS, IMPRIMEURS. — MCMXXVII
TABLE
DES PRINCIPAUX MOTS ÉTUDIÉS
AU TOME XLIII
DE LA REVUE CELTIQUE '
I. Gaulois ou vieux celtique.
(Voir pp. 210, 216, 226, 247, 259, 260, 264, 26s, 343-349, 433, 442,
443-)
-a, noms masc, 248,250.
-acum, 264.
Alesia, 225, 226.
Allobrox, pi. -broges, 250.
Alpes, pâturages?, 216.
anam, gl. paludem, 259.
-apia, 259.
Arbricum, 248.
arcantodan(os), 442.
arepo, 273.
Argiotalos, 348.
Ausonius, 470.
B'.pyo;, 264.
Bituriges, 229.
brio, gl. ponte, 186.
Brivalsarae, Pontoise, 186.
brûc-, bruyère, 265.
caballos, cheval, 471.
Cambodunum, 347.
Cassibus, Cassubus ?, 247.
Cassiciate (loc), haras, parc à che-
vaux, 472.
Caturiges, 229.
Kiv-coç, Cintus, premier, 431, 442,
443-
clocca, cloche, 453.
•Condate, 229, 440.
Cornou(ii), 250.
Demetae, 248.
diuo, Dieu, 262.
Dubnotalos, 348.
Dumnonii, 276.
-durum, 343, 346.
dusius, démon incube, 212.
Epona, 221, 472.
Esus, 259.
Evornos, 346.
Floriacum, 347.
glastum, pastel, guède, 229, 230.
glissomarga, marne blanche, 259.
Heluetii « qui ont beaucoup de ter-
rain », 262.
imbractaria, saucières ? 143.
. Lindimacus, 348.
-magos, 348.
mannus, cheval, 471.
marca, cheval, 471.
Matugenus, 270.
mentobeto, souviens-toi, 262.
Mullo, 221.
1. Cette table a été faite par M. Ernault.
Revue Celtique, XLIII. — Table.
Table ihst principaux mois clinlics
Nemosos, 229.
Noviodunum, 247.
Pelpa, Belp « tournant », 216.
pimpetOS, cinquième, 41 ;
ratis, fougère, 264.
Rosmerta, 249.
Rudianos, 471, 472.
Rudiobos, rouge ou fort frappeur;
celui qui frappe avec le rouge,
47i. 472-
-smert-, 249.
Smertullus, 249.
su-, bien, 263.
talo-, front, 348.
Taloris, 348.
TarantiP, 259.
Teuta:es « père du peuple », 472.
tisen.i(ii). tasse à tisane?, 443.
to, ton. 262.
toberte, donne, on a donné, 262.
tomezeelai, nie pose ou m'a posé,
262.
tudos, tuddos, 165.
Vesontio, 247.
Vespia, Viège, 216.
Viroconium, 250.
II. Irlandais.
(Voir pp. 5, 8, 10, 12, 13, 18, 24, 28, 30, 42, 50, 56, 58, 62, 68,74, 84,
92, 94, 102, 116, 179-182, 19}, 195, 199-201, 204, 227, 252-235, 251,
252, 254, 255, 257, 258, 260, 262, 264, 265, 278, 280, 282, 284, 286,
288, 290, 292, 294, 296, 298, 300, 302, 306, 308, 310, 312, 518, 522,
324, 326, 328, 330, 352, 557-542, 3 5^-384, 445,448, 449, 467O
aball, f. pommier, 253.
abb, abbé ; chef, 185.
accobor, désir, 210.
ad, loi, 210.
adetha, il prit, 181.
adsegat, ils implorent, 271.
Aed, 256.
Aedân, 256.
Aegus mac ind Oie, 5.
aicill, lien métrique vocalique entre
deux vers formant distique, 446,
. 447-
ail, gén. -ech, dat.. ailig, ail, rocher,
pierre, 208.
ain, il protégera. 34.
ain(d)rechta, prodiges, 114.
ainicin,aineicein, blessure, dommage,
46, 94.
ainnle, fainnle, hirondelle, 24.
airte. airde, de la hauteur, 184.
Airtech, 277.
Aithech-thûata, 264.
ait, rasoir, 408.
ahân, rasoir, 408.
anihran, poème chanté ; toute com-
position poétique, 446, 447.
-in, dim.. 157.
anhumal, non humble, 246.
anshâdail, incertain, pas fixé, insta-
ble, 155.
àr, carnage, 210.
ardainicin, cruelle blessure, calami-
té, 46, 62.
ardri, roi suprême, 182.
ascid, requête, cadeau, 271.
asna, côte, 260.
Ath Croi, 6.
Ath in tSloigh, 6.
Ath in tSluaig, le gué de l'armée,
58.
Ath toncha, le gué du lavage, 132.
athgabâil, saisie, 453.
atluchur, je remercie, 210, 270.
aue, descendants, 262, 263.
Bairfhinn Blaith, 5.
bairnech, furieux, 249.
bàit, pi. bâti, clown, 134.
au tome XL1II.
bân, blanc, pâle, 417.
Banba, Irlande, 263.
Banbuanana, 6.
barc, barque, 133.
bathadh, élision,445.
bearg, cours d'eau, 264.
benn-chopur, tours rondes ?,450.
béoil, lèvres, 181.
Berbae, le Barrow, 264.
berbaim, je bous, 470.
berim, je porte, 211, 212.
bermi, nous portons, 438.
bét, faute, méfait, échec, 181.
Betha Grighora, 451.
bongim, je brise, 417,418.
breith i calad, mener au port, 258.
brithem, gén.-on, juge, 433.
brûan, fragment, 249.
brûar, miette, 249.
brus, déchets de blé, 249.
bûrdûn, plaisanterie facétieuse, 201.
cadain, bernacles, 260.
cailfn, jeune fille, 433.
Càin Domnaig, Loi du Dimanche,
448-451.
câinim, je raille, 136.
camâr, dat. -âir, herbe, 263.
canamaint, parler vulgaire, 235.
Cano mac Gartnâin, 255, 256, 258,
259.
caoine, lamentation, élégie ; sorte
de poème, 446.
capall, cheval, 471.
carr.pl. cairre, croûte, escarre, 403.
carrac, -aie, -aig, roche, rocher, 402.
carrach, qui a des croûtes, des es-
carres ; galeux, 403.
casair, gén. casrach, casra, grêle,
208.
cath, combat, 246.
Caih Cumair, 277-342.
Cath Leitreach Ruibe, 277.
Cath Maige Mucrima, 2, 3.
ceangal méidreachta, lien métrique,
446.
ceannide, capuchon, 260.
ceathramhna, strophes, 447.
Cecht, 5, 6.
céilsine, compagnonnage, 264.
céim, marche ; pied d'un vers, 416,
44 S •
ceird, marche, 416.
cèle, compagnon, 264, 265, 433.
cend-gab, coup, pression, 396.
Cenn Claire, 56.
cerd, art ; artiste, 235 ; langue litté-
raire, 248.
cert, part ; Cerd Chuinn, la part de
Conn, la moitié de l'Irlande, le
nord, 160.
cethramad, quatrième. 337. 442.
cingim, je vais, 416.
Cithach, 5.
Cithmor, 5.
Cithruadh, 5, 6.
clé, gauche, 260.
Clothra, 339.
enae, cnài.cnôi, toison ; couverture.
407, 408.
cob(h)lach, flotte, 135.
Cogadh Fergusa, 277.
coichin, baratte ?, 108.
Côir anmann, 4.
Colphtha, 5, 6.
Colum Cille, 450.
Comar na Cuan, 6.
comarba, héritier, 272.
comhfhuaim, assonance, 446, 447.
Conall Cernach, 180.
Conall Mac Coelmaine, 450.
Conamail, 256.
conascar, a brisé, 449.
conchland, lien entre deux quatrains,
par la répétition d'un mot, 446.
Conchobar, 2, 376, 380.
confethim, je rencontre, 417.
Connachta, 248.
Conn Cetchathach, 2.
Connla, 6.
Connlogas, chef des équipages, 262.
conutgim, je bâtis, 210.
Coonu, Cuanu, gén. Cuanach, 249.
Cormac mac Ain, 2, 3, 5, 6.
cosnam, effort, 271.
crach, rude, dur, 401.
crache, craicei, dureté ?,40i, 402.
craie, crecc, gén. craicce, creicce ;
crée, g. -a ; craig, g. -e ; creag, g.
creige, roche, colline rocheuse,
401-403.
cré, g. criad, argile, 430.
crebanach, plate-forme, 381 .
crecht, crécht, créacht, blessure, 153.
creim, f., gén.-e, mal qui ronge,
405.
IV
Table des principaux mots étudiés
creimm, action de ronger, 405 .
crem, creamh, cueamh, crim, g. cre-
ma, ail, 405.
cremmim, je ronge ; je mords, je
pince, 405.
cret, coffre (de voiture) ; carcasse,
corps humain ; objet combiné d'é-
léments agencés, 453.
cretem, foi, 394.
Crinoc, 454.
Crith gablach, 45 1.
crô, crû, sang, 404.
crosànacht, sorte de poème, 447.
Crota, 5, 6.
crûaid, cruaidh, dur, 404.
cruindigim, j'assemble, j'amasse,
eu mba hiaraidh (en bho), si bien
qu'on cherchera, qu'il n'y aura
(plus un bœuf), 10, 68.
cuaichin, petite coupe, 108.
cuanna, joli, distingué, 249.
cucht, forme extérieure, 433.
Cûchulainn, 2, 162, 181,194,201,
254, 261, 360.
cud, cod, tête, 406.
cuigean, fait de baratter le beurre,
baratte, 108.
cuimmscin, mélange ?, 108.
cuire, troupe, 416.
Cuirt an Mheadhonoidhche, 447.
cummaisg, (voyelles) mixtes, 445.
cumsanad, séparation, 262.
cumsanad, repos, 262.
cumtûth défendre, 163..
curach,crrach, canot pour la pêche,
fait de branches entrelacées et re-
couvert de peau ou cuir ; corps,
133, 406,407.
curchàn, petit canot, 407.
dà, deux, 263.
dàe, gl. fumus, 398.
Dagde, « le bon Dieu », 472.
daig, doig, feu ; maladie, 433.
dair, daur, g. darach, daro, chêne,
208.
dam dretill, le taureau favori, 260.
dâsacht, fureur (d'un animal), rage,
210, 398, 399.
dâsaim, je rends fou, 210*
lé, g. diad, fumée, vapeur, brume ;
coup de vent, étincelle, 398, 399
dess, droite ; sud, 161, 162, 260.
dessbel, deiseal, à droite; sud, 161.
desscert, deisceart, adroite; sud,
160, 161.
dessmuma, deasmhumha, Munster
du Sud, Desmond, 161.
dessre, -ra, main droite, à droite,
161.
dethach, f. fumée, foyer fumant ;
vapeur (au point de vue médical),
399-
d(h)ipad (ro-), il enfonça?, 42, 50.
di, de, 16, 20.
dîas, deux personnes ; âr n-ôendis,
nous deux seuls ; i n-âr n-dfs,
(nous étions) tous deux, 356.
Dil, 6.
dligim, j'ai droit à, 210.
do, à, 16, 20.
do-, 160.
do fuislim, gl. labo(r), 140.
dôini, hommes, 210.
domnach, maison du Seigneur, 184.
dord, bourdonnement, 198.
doth, couvert, 66, 199.
dothraei bennacht, mille mercis, s,
14.
drûi, g. druad, druide, 453.
Druim Damhghur, Drum Damh-
ghaire, 6, 261.
du, terre, 258.
duanaireacht, versification ancienne,
444.
duine, homme, 210.
dumacha, brouillards, 599.
dumhach, nébuleux, sombre, 399.
Eachtra Conaill Gulban, 261.
Eang, 6. '
écen, nécessité, 210.
echlach, f. messager, 248.
eisléne, aisléne, linceul, 407.
Elca, Irlande, 263.
-em, noms d'agent, 433.
Engaim, 6.
eô, g. iuech, if, 208.
Eochaid, 277, 278.
Ériu, Irlande, 263.
Errga, 6.
es, trace de pas, 263.
etarru, entre lui (ou un autre) ;etor-
ra (ils firent ce poème) entre eux,
au tome XLIII.
en se répondant l'un l'autre, 356.
Ethne Aitencâithrech, 180.
etir, idir, entre ; etir, tout à fait,
complètement ;eter, edir, itir,iter,
à la fois, 551-353.
étrocar, impitoyable, 246.
fada, (syllabes) longues, 445.
Fail, Irlande, 263.
Failbe, 6.
fâir (ace), aube, 263.
faitse, place du guerrier sur le char,
263.
féadaim, je peux, 212.
féil, fête, 415.
Félire, 450.
fiach, corbeau, 1 50.
Fiacha, 6, 122.
Fiacha Muillethan, 3, 5.
fiar, en pente, 272.
filidheacht shiollabhach, versifica-
tion ancienne, d'après le nombre
des syllabes; f. aiceanta, v. mo-
derne, d'après l'accent, 444.
Finn, 2, 6.
Fir arda, 272.
Fir manach, 272.
flaith, puissance, 433.
(f)ochen, gl.benigni?, 268, 269.
focherd-, lancer, placer, 416, 417.
fochla, place du cocher sur le char,
263.
forar, gl. finis, 271.
Forbuis Droma Damhghaire, 1-123.
Formael na Fian, 6.
fort a (do) colaingcel ?, 56, 88.
Fotla, Irlande, 263.
freitche, prépare-toi ?, va ?,82.
gabâil, saisie, 453.
Gadhra,6.
gaerid, gairid, (voyelle) brève, nea-
mhehruinn, imparfaite ; trom,
grave, 445.
gairm an chailig, l'aube, le chant
du coq, 399.
gai, bravoure, 396.
Galiâin, 182.
Garbh-thonach, rude lavage, 132.
géd, oie, 263.
géis, pi. gesi, cygne, 260, 263.
gemred, geimred, geimhreadh, hiver,
143-
Genti, Scandinaves, 450.
glas, bleu, vert, jaune, gris, pale,
230.
Glenn dâ locha, Glendalough, vallée
des deux lacs, 263.
gnâs, habitude, 162.
gnâth, habituel, 162.
Gôidil, Irlandais, 263.
gothadh, prétention, avis avantageux,
vantardise, 145.
grech, gréach, cri, 153.
grenu, t., vase, cuve de grande capa-
cité, 401.
guta tacair, voyelle « artificielle »,
irrationnelle, 446.
iasscratai, fausse couche?, 449.
iath, g. -a, terrain, 262.
il, beaucoup, 262.
inda, inna, des, 263.
inderb, incertain, 246.
insâidim, gl. jacio, 154.
irgal, combat, 396
i-routh, gl. in stadib, 5.14
irràir, aréir, hier soir, 263.
laech, soldat, 198.
lâir, g.làrach, jument ; an lâirbhân,
la jument blanche, la lune, 208,
471.
làmh, main, 413.
laoidh fiannaidheachta, sorte de
poème, 446.
lathach, boue, 208.
le, la, près de, chez ; leis, à lui, leo,
à eux, 210, 254.
Leabhar Breacc, 450.
Leath Cuinn, 3.
Leath Mogha, 3.
léne, léine (tissu de lin), chemise,
vêtement de dessus; surplis, 407.
lestar, vase ; navire, 134.
leth, côté, 210.
Leth Cuind, la moitié de Conn, de
l'Irlande, le nord, 160.
locusta, sorte d'oiseau, 451.
loimm, gorgée, goutte, 134.
long, vase; navire, 133-135.
longbard, « barde à vase », person-
nage pauvre se livrant au pané-
gyrique, 134.
long-both, maison, enclos pour na-
vire, 134.
VI
Table des principaux mois étudiés
long-phort, camp pour navires sur
le rivage; port, i 34.
longsithel, bassin, 134.
lorg, massue, 135.
luchtaire, (tournant d'eau ?), tourbil-
lon, 138.
luchtar, canot, 138.
luighe, chaudron, vase, 134, 135.
Lurga, 5, 6.
Maelduin, 192, 193.
Mag femen, 263.
marbehnai, étoffe, linceul envelop-
pant un mort, 407.
marc, cheval, 471.
mathgen, druide, 269.
méadal, gros ventre, 263.
méit, f., méid, m. quantité, gran-
deur, 400.
mesc-, mélanger, 108.
-mi, ire pers. pi., 438.
Mogh Ruith, 4, 6, 260, 261.
montar, muinter, famille, 210.
muin,cou, 210.
muinter, personne en tutelle légale,
232.
Mumhan, de Munster, 161.
nâmae, ennemi, 263.
nathir, f., serpent d'eau, 208.
neamhchruinn, (versification) irré-
gulière, libre, 447.
nech, quiconque, 246.
neph-, no-, 263.
nigim, je lave, 133.
nit ain, ils n'empêcheraient pas, 5,
30.
nôi, neuf, 262.
ochtfhoclach breachtach, huitain va-
rié, 447.
ocus, proche, 442 ; et 254, 255.
odor, brun, 263.
-ôg, 138.
oll-athir, le père par excellence,472.
Orc tréith, 158.
ornâideachta, ornements de la ver-
sification, 446.
osme, gl. ipse, 263.
Ossian, 2, 471.
preidh, spréidh, bétail, proie, 249.
-r passif, 433, 434.
racrich-sibh, vous avez terminé, 70.
rail, chêne, 208.
râithe, quart d'année; tourbillon (de
neige), 144.
rann, part, 411.
rannaidheacht, sorte de poème an-
cien, 446.
rannaim, je partage, distribue, 411.
rap, animal qui fouit, 412.
ràth, rdith, fort, résidence fortifiée.
144, 146.
Rathcrogan, 339.
reabhôg, corde tressée, 138.
recht, fureur, 411.
righ, bras, avant-bras, 161, 162.
righe, avant-bras depuis le poignet
jusqu'au coude; coudée; jambe
d'animal, 161.
riglânia, poignets, 161.
rocharus, j'ai aimé, 180.
roen, série, chaîne, 32.
roithes, qui pousse, 145.
roithiud, impulsion, 143, 145.
rop, tronc d'un corps, 412.
rop, animal qui fouit, 4 12.
rosg, sorte de poème, 446.
rot, marche (triomphante), 143,
145.
Rotri, Rhodri, 143, 145.
ro-ucc-, apporter, 211.
rûad, rouge et fort, 472.
Ruad rofessa, « le rouge à la grande
science », 472.
Ruam, Rome ; cimetière, 1 85 .
rucht, porc, 139.
ruthag, élan, secousse; anacruse,
44S
ruud, le grand bois, 262.
saidim, gl. figo ; sàidhte, fiché, plan-
té dedans, enfoncé, 154, 155.
saigim, je vise, 212.
sail, gl. labe, 140.
sailche, saleté, impureté, 141.
saithe, essaim, 156.
saithim, je lance, pousse, pique,
plante, 155.
sal, tache sur l'honneur, 141.
salach, sale, 141.
salad, action de fouler aux pieds,
140.
sait, saut, 140.
au tome XLII1.
vu
saltairt, action de fouler aux pieds,
140.
saltraim, je piétine, foule aux pieds,
1 39, 140.
saluighim.je salis, corromps, pollue,
140.
samrad, samhradh, été, 145, 144.
sataluighim, je foule, écrase sous
mes pieds, 139, 140.
sâthud, planter (des clous), 1 5 4-
156.
scé, g. sciach, épine, 208.
screadach, action de crier ; qui crie,
151.
screadachàn, petit enfant qui crie,
I5I-
screadaim, je crie, 151.
screadân, bruit de toute chose qu'on
déchire, 151, 152.
screamh, f., g. screimhe, croûte,
pellicule, excroissance, 405.
screamhôg, croûte, pellicule, ex-
croissance, 405.
screch, scréach, sgréach, cri, 152,
ISÎ-
screig, screag, g., screige, roche,
colline rocheuse, 401.
scret, scread, sgread, cri, 151.
scretgaire, cliquetis (des armes), 1 s 1 .
séaluighim, je passe, filtre ; do shéa-
luigh se, il mourut, 143.
searathân, corde liée autour des ten-
dons d'une bête à cornes, au-des-
sus du jarret, pour l'empêcher de
vagabonder ; ficelle nouée autour
du pantalon, à la hauteur du ge-
nou, quand on laboure, 150.
searr, action de s'étendre, 139.
searr, petit animal craintif; frayeur,
147, 148.
sech, au delà de, 210.
seir, g. sered, dual di ferid, cheville,
140, 249.
seirt, force, 149.
seitir, capacité, force, pouvoir, 212.
Senach Siaborthe, ou le Fantômal,
180.
Senchan Torpeist, 258.
senn-, jouer (une musique), 5, 10.
sernim,j'étends,je distends ;sernaim,
je délie, relâche, disperse, 139,
149-
serr, hautain ; timide, 147.
serradh, action de distendre les
membres, distendre la bouche
pour bâiller ; gonfler un ballon,
150.
serraim, searraim, je distends, étends
mes membres pour me mettre à
l'aise, 149, 150.
serriach, serr-féach, milan, 150.
sethfaind, il joua (une musique), j,
10.
si, celle-ci, 253.
sidh, tertre, mont ; domaine des
fées, 57.
sil, semence, race, 141.
silim (inf. sileadh), je verse goutte
à goutte, fais couler lentement,
distille ; goro, shilur-sa, pour que
j'évacue, 141, 142.
Simon drui, Simon le magicien, 261.
sin, ceci, -ci, 253.
sine, mamelle, 249.
sinim, j'étends, 271.
siolân, passoire, filtre, 142.
sioltân, sioltan, passoire, filtre, 142.
sioltuighim, je filtre, 142.
siothlân, passoire, 142.
siothluigim, je passe, filtre, 142.
Sith Cleithigh, 3.
sithlaim, je passe, filtre, 142.
Sliabh Fuait, 6.
som, celui-ci, 253.
sonuachair, épouse, 263.
spairnech, furieux, 249.
speir, g. -a, jarret, jambon, 249.
sperthach, m., corde pour le bétail,
150.
spruadhna, fragment, 249.
sprudhar, miette, 249.
sprus, déchets de blé, 249.
sréim, srédim, je jette, 149.
sùi, g. suad, sage, prophète ; sui na
suad, sage des sages, 26,252, 453.
Suibhne Geilt, 192.
suide, siège, 155.
tabart, comprendre, 212.
tâdaim, j'accorde, je réconcilie, 429.
tâi, mort?, 413-416.
taim, tamh, repos, défaillance, mort,
413.
tâimhnéll (nuage de défaillance),
évanouissement, 413.
tainithiu ?, 413-41$.
32*
Table des principaux mots étudiés
Tâin bô Cûailnge, 161, 162, 178,
248, 398,413,467.
tâm, maladie pestilentielle ? 4 1 3 , 4 1 5 .
tàmgalar, maladie mortelle, 413.
tangnacht, fourberie, 143.
tarmchosal, transgression, 140.
techt, voyage ; messager, 248.
tene, feu, 412.
-ti, -de, en, pour cela, 255.
tiag, boîte, caisse, 261.
timpan, tympanon, 10.
Tir na n-ôg, la Terre des Jeunes,
471.
-tiu, noms abstraits, 433.
to-, do-, 212.
tô, silencieux, 415.
tonach, tanach, lavage d'un cadavre,
I3*> i?3-
tonn, vague, flot, 133.
tonnao.hadh, soins funèbres, 133.
tonnadh, mort par le poison, 133.
toth, membrum muliebre, 263.
to-ucc-, apporter ; comprendre, 211,
212.
tràgud, reflux, 164.
traig, pied, 164.
triath, g. tréith, triaith, roi, chef,
IJ7, 158.
triath, g. treithe, sanglier, 157, 158.
tri-phne, à trois mamelles, 249.
trog, descendance, 164.
trogaim, je produis, 263.
Trogan, la Terre, 164.
tromlach, oppression, 159.
tuas, thiias, en haut; nord, 162.
tuas-, gauche, 162.
tuascert, tuaisceart, à gauche, nord,
160, 161.
tuasra, main gauche, 161.
tûath, nord, 161-163.
Tuatha Dé Danann, 2, 360.
tûathbel, tûaithbheal, tuaitheal, a
gauche, nord, 161, 339.
tuathmuma, tuathmhumha,tuadmu-
mu, Nord-Munster, Thomond,
161.
tuic, amène !, 212.
Tulach og, 338.
-u, g.-ach, 249.
uaim, allitération, 446.
uan, agneau, 249.
uasals(h)acart, archiprêtre, 380.
uball n., pomme, 233.
ussairb, il meurt, 147.
ussarb, mort, 147.
utais, domestique femme, 263.
Arann, 264.
III. Gaélique d; Ecosse.
ràithe, période, cours, 144.
cabhlach, flotte, 135.
cabhlachach, un marin, 135.
sioladh, /passer, filtrer, 142.
IV. PlCTE. .
Gartnait, 256.
V. Mannois.
carval, chant religieux de la nuit de Noël, 237, 238.
VI. Gallois.
(Voir pp. 187-189, 197, 198, 203, 204, 241,272, 388, 394.)
Aberguaun, Fishguard, 204.
Adaon, Afaon, 269, 270.
adolychaf, -ygaf, je prie, j'implore,
270.
au tome XL1II.
IX
afal, pomme, 233.
afall, f., pommier, 233.
-ain, -ein, inf., 152.
Aled^455.
allaw, raser, 408.
alltraw, maître, ) 39.
am-, 292.
am(h)in, limite, 271.
am(h)inog, limitrophe, 271.
amod, convention, 272.
amrant, paupière, 272.
amsathr, piétinement, 140.
amwlch, occasion, 272.
amwyn,sans joie?, 412.
amygaf,je combats, je défends, 212.
an, notre ; an taered ni an whech,
notre affliction à nous six, 356.
-an, dim., 157.
anghraiff, exemple, 271.
anghreifft, reproche ; exemple, 271.
anghryno, dépenser, 271.
anhwyet, ymanhyed, flatterie ; per-
suasion, sollicitation, 271.
Annun ddy, 174.
anreith, pillage, butin, 411.
ansawdd, planter, fixer; condition
stable, état dans lequel on se trouve,
personnage dont on fait fonction^
provision (de nourriture), 1 54,
I5S-
ansoddi, qualifier, 154, 155.
antrefna,(il) ne se pose pas (le vent),
272.
anwar, sans douceur. 389, 393.
anwyl, cher ; saint, 454.
Anwyl, 454.
ar-, sur, 396.
Aran, 263.
Arberth, Narberth, 202.
Arenig, 263.
argywedd, dommage, 417.
ariant, argent, 396.
armes, présage, 272.
arnaw, sur lui, 397.
aroglau, odeurs, 272.
arogli, sentir, 479.
Arthur, 192, 194, 230, 231, 270,
387.
aryal, aral, vigueur, impétuosité ;
vigoureux, 390, 396.
aryen, aren, gelée, frimas, 396.
athaw, mort, 412.
athraw, maître, 1 39.
att, abandonne, 390, 394.
banwel, zénith, 417.
bar, fureur, 136.
bar, trait en général, lance, 136.
bedrawd, cimetière, métropole, 143,
144.
berr, jambe, 249.
blawd, fleur ; essence, partie la meil-
leure d'une chose, 390, 394, 395.
blawd, farine, 390, 394, 395.
blwng, rude, 41 8.
bochan, petit, 454.
bod, avoir, 144.
bratteu, haillons, 453.
bryw, vigueur, 252.
bwyeit, hosties consacrées ; messe,
270.
bydaf, nid de guêpes, 208.
bytyrs, mangeurs, sg. bwytawr,24i.
bywyd, bowyd, vie, 454.
cad, combat, 246.
caddug, brouillard sombre, 272.
cadr, fort, 246.
Cad van, 261.
caethrawd, captivité, période de cap-
tivité, 143.
Cain, 454,455-
carrée, roche, rocher, 402.
carth, chanvre, étoupe, 272.
caseg. pi. cesyg, jument, 471, 472.
ceflyl, cheval, 471.
ceiniaw, se moquer de, 1 36.
ceintach, déprécier, quereller, 136.
Ceiriog, 455.
cennad, f., messager, 248.
cerdd, art, poésie, musique ; cerdd,
pi. cyrdd, artiste, poète,248.
cerdedd, marcher, 416.
kereirhyt, 389, 394.
kerenhyt, affection, charité, 394.
cerrynt, courant, 272.
certn, clair, visible, 272.
churnurs, grondins, sg. chwyrnwr,
241.
chwedlau, fables, 195, 197, 198.
chwyl, tour, 140.
cilchet, couette, 276.
Cilgerran, 204.
cilydd, compagnon, 433.
Cimeiliauc, 276.
Cimro, 276.
Table des principaux mots étudiés
Cinbelin, 276.
kirts, cordes, sg. kortin, 241.
clogyrnog, rocailleux, raboteux, 189.
clywed, entendre ; sentir ; clywut,
tu entendais, entendrais, 272, 389,
397-
cnaif, i., tonte, 408.
cnau, des noix, 408.
cneivyaw, cneifio, couper (les che-
veux, le blé) ; raser, tondre, 408.
cnuf, cuu, toison, 408.
coned, orgueil, 272.
cordd, tribu, 416.
corwc, -wg, -wgl, cwrwgl, canot fait
de branches entrelacées, et recou-
vert de peau ou cuir ; tronc, le
corps moins la tête, 133, 406,407.
crach, croûte, escarre, gale, teigne ;
qui a des croûtes (sur la tête) ; ga-
leux, teigneux ; méchant (poète),
faux (noble), 402, 403.
crach-hwyad, sarcelle, 402.
craf, ail, 405.
crag, croûte, 403.
cragen, crogen, pi. craig, écaille,
coquille ; tesson, fragment de po-
terie, 402, 403.
cramen, f., pi. crammynnau, croûte
se formant sur une plaie, 404.
cramenu, se couvrir de croûtes, 404.
cre, croassement ; croasser, 152,153.
credwit, 389, 394.
creic, craig, roche, colline rocheuse,
402, 403.
creir, reliques, 394.
creu, crau, sang, 404.
crwd ?, 167.
crwn, rond, 271.
crvg, rauque, 152, 153.
cryn, tremblement, 160.
cryno,amasser, thésauriser, épargner,
271.
crynodeb, utilité, profit, 271.
cun, charmant, aimable, 249.
cyd, réunion, contact ; coït ; y gyt,
ensemble, yth gyt, vers toi, 39c,
596.
cyfansoddi, composer, constituer,
établir, 1 54.
cyfarws, -rwys, présent, cadeau, 272.
cyfor, limite, 271.
cvmhwedd, moquerie, plaisanterie,
' 271.
cynnydd, cynnif, effort, 271.
cyntor, cynhor, cynnor, porte, de-
vant de porte, 271.
cyrawal, sorte de baies, 272.
cystudd, affliction, douleur, 155.
cywestach, coït, 271.
kywet, cywed, rencontre, 417.
cywir, cowir, juste, 454.
daear, terre, 390, 396.
daered, -rawd, remise, versement
d'argent, taxe ; service funèbre,
272.
dameg, parallèle, 272.
darwest, jeûne, 271.
defnyt, élément, matière, 396.
deheubarth, sud, 160.
deurut, joues ; honneur, 159.
dew, brouillard, brume; obscurité;
mélancolie ; air chaud malfaisant ;
température lourde, 398, 399.
deweint, dewaint. le temps depuis
minuit jusqu'à l'aube (3 heures du
matin), 399, 400.
diaspat, grand cri, 152.
diaspedein, crier, 152.
diein, renaissance, 390, 395.
dieinig, plein d'activité, de vigueur,
. 395-
dien, première pousse, 395.
dieu, jours, 390, 395.
digryno, dépenser, 271.
diheu, désir, volonté, 271.
dihewyd, désir, volonté, 271.
dillyn, élégant ?, 159.
dilwgyr, intact, non corrompu, 392.
Jirmyg, mépris, 272.
dirwest, jeûne, 271.
divroed, exil ; tristesse, 390, 395,
396.
divwug, inflexible, 418.
Diuuguallun, 276.
do-, 160.
dodwy, pondre, 199.
doodrefen, dyodrefn, dodrem, meu-
ble, ustensile, 145.
doosparth, dosparth, division, dis-
crimination, système, 160.
doosparthus, gl. rationabili, 160.
drem.trem, aspect, 409.
drum, trum, dos, 409.
drut, fou, sans frein ; cher, coûteux,
271.
au tome XLIII.
XI
dryll, morceau, 210.
dryw, druide ; roitelet, 453.
du, noir, 174, 176.
dwy : yn — , (allons) tous deux, 3 56.
dychre, croasser, 152, 153.
dycned, misère, 390, 396.
dvdd, jour, 400.
Dyfed, 248.
Dyfneint, Defon, 276.
dygaf, je porte, 21 1.
dylofi, manier, 413.
dvscrethein, râler, 152.
ederwyt, restauration ?, 390, 396.
edmyg, respect, 272.
Einion, 270.
Eleuther, Eleufer, Eliffer, 176, 177.
Elidir, -dyr, 177.
Eliwlad, 270.
elwyd, elfyd, terre, 390, 394.
ellyn, rasoir, 408.
eneint, enneint, bain ; potion, breu-
vage médical, 132, 133.
eppil.epil, descendance, progéniture,
race, 471.
ermyg, respect, 272.
escar, ennemi, 160.
-fa, 272.
ffer, cheville, 140, 249.
gaefrawd, orage d'hiver, 143, 144.
gafael, gafel, saisie, 45 3.
ga/dd, clôture, 212.
garth, enclos, 212.
germain, crier, 152.
glain, perle, 272.
glew, vaillant, dur, solide, 166.
glewyd, durci, 166.
glud, glu ; tenace, adhésif, 166.
glwys, joli, pur, 272.
gnawd, habituel, connu, 162.
gnaws, naws, coutume, habitude,
162.
go-, 272.
goddeu, intention, direction ; yth
odeu, vers toi, 390, 396.
godro, traire, 164.
Gogarth, 272.
gogawn, gwogawn, plénitude, 272.
gogawr, gogor, subsistance, ressour-
ces, 389, 393.
gogerdd, moquerie, 417.
gogerddol, railleur, 417.
gogof, caverne, 212.
gogoned, gloire; glorieux, 272, 389,
394-
gogoniant, gloire, 272.
golchiad, qui se lave, ou lave dans
le sang, 1 59.
golchiw, je laverai, 159.
goleith, soumettre ; flatter ; détruire;
supporter ?, 389, 393.
golychaf, gwollychaf, je prie, j'im-
plore, 270.
gomedd, refus, 272.
gordivung, tout à fait inflexible, 418.
gormedd, envahissement, 272.
gormes, oppression, 272.
gormodd, excès, 272.
goror, limite, 271.
gorsin, gorsing, montant de porte,
272.
goruc, il a fait, 212.
gorwydd, cheval, 471.
gosgryn, terreur, 160.
goslef, son, 160.
gosparth, gouvernement, 160.
guin, gwyn, blanc ; saint, bienheu-
reux, 454.
gwar, doux, 393.
gwaredu, protéger, gwarawt, il se-
courut, 145, 392.
gwawr, aurore, 263, 400.
Gwenhwyfar, 45 s.
gwenwlawt,pure essence, 390, 394,
395-
gwenwyn, hargneux ?, 389, 393,
394-
Gwenwynwyn, 394.
gweryd, protection, 393.
gweryt, argile, 390, 396.
gwest, coït, 271 .
gwlad, pays, 433.
gwneuthur. . .a wna, il fait, 198.
gwres, chaleur, 428.
gwvdd, oie, 263.
Gwyddyl, Irlandais. 263.
gwvl, fête, 415.
gwylfa, lieu d'observation, 272.
gwyn, f. gwen, bla.K ; bienheureux,
390. 395
Gwynfei, 272.
Gwynn, 454.
gwyr, en pente, 272.
gwvr, hommes, 272.
XII
Gwyrfai, 272.
gyrfa, cours, 272.
Table des principaux mots étudiés
haid, essaim, 156.
halou, gl. stercora, 141.
hawd, le temps de monter en épi,
156.
Hawdclyr, Hauteclair, 156.
he, se, race, 142.
heb, sans, 210.
hebrwng, amener, 265.
hidlo, passer, filtrer, 142.
hin, limite, 271.
hodi, buissons sauvages, 1 56.
hoff, joli ; cher, aimé, 271.
hoffi, louer, vanter ; ymhoffi, se
flatter, se vanter, 271.
hy-, bien, 263.
hydrum, hyttrum, accessible, 409.
hyt, jusqu'à, 409.
hytynt y dwfr, le cours de l'eau,
409.
Hywel, Howel, 454.
irdang, stupeur, 143.
irdant, stupeur ? 143-
irllonedd, colère, 143.
iwrch, chevreuil, 149.
Hein, toile, 407.
Llangolman, 204.
llaw, main, 413.
llef, voix, 160.
llefain, clamer, crier, 152.
lleyg, pi. -yon, f. leeces, laïque, 198.
lleygwr, soldat, 198.
llochwes, refuge, 198.
lluch, souffle violent, impétuosité,
attaque furieuse, 136.
lluch, lluwch, llywch, poussière ou
neige, soulevée et amoncelée, 135-
138.
lluched, éclair, 137.
Uuchfa, tas de neige amassée par le
vent, 136.
lluchio, lluvchio, entasser la pous-
sière ou la neige ; lancer, 135,
136.
lluchvar, javelot, lance de jet ; at-
taque furieuse ; fureur impétueuse,
136.
lluchwayw, javelot, lance de jet,
136.
lluchwynt, vent impétueux, 136.
lluchyad, attaque, 136, 137.
lluchynt, attaque impétueuse, inat-
tendue ?, 137.
Lludd, 124, 130.
Ilwch, poussière sur le sol, ou sou-
levée, 137, 138.
llwyd, gris ; saint, bienheureux, 454.
Llwyd, 454.
Llychlyn, Scandinavie, 174.
Llydaw, 174.
Uygru, gâcher, gaspiller, ruiner, 392.
ma, pi. mai, lieu, 272.
Madyein, 269.
-main, inf., 152.
march, cheval, 471.
marchlwyth, charge de cheval, 176.
mat, bon, 269.
menybr, poignée, 272.
merch, uerch, fille, 454.
milgun,milguns, sg. milgi, lévriers,
241.
mordwy, navigation, 199.
Morgan Tut, Morgan le Fée, 162,
454, 470-
morlwch, écume, vapeur trouble de
la mer, 137.
mûi ?, 414.
muner, chef, prince, seigneur, 389,
393-
muner,pl. awd, présent ?, 393.
muner, on désire? 393.
mwy, plus, davantage, 428, 429.
mwynfawr, riche, profitable, 270.
mwytaw, mwydo, humecter, trem-
per, imbiber, 428.
Myddfai, 272.
myfi, mofi, moi, 454.
mynnyr, tu désires, 390, 395.
Mynydd Carn, 204.
Myrddyn Wyllt, 192.
naid, saut, 272.
neb, quiconque, 246.
nemawr, pas grand, 246.
nys gallut, tu ne le pourrais, 389,
397-
Pader, le Pater, 273.
pant, pente, 272.
partrissot, des perdrix, 198.
Penamnen (Pennant Beinw), 272.
au tomt XLIII.
XIII
penn-yal, concours, attroupement ;
pression, 396.
Powys, 272.
pridd, argile, 430.
pylgeint, l'aube, au chant du coq,
399, 400.
rawd, troupe, volée (de traits), 143.
rhaff, raff, f., corde, 410.
rhan, part, 411.
rhanedigaeth, distribution, 411.
rhawd, période, temps, 144.
rhefawg, corde tressée, 138.
rheith, pillage, butin, 411.
rhew, gelée, 404.
rhiw, f. , acclivité, déclivité d'une
colline; pente abrupte, d'un accès
difficile, aisée à défendre, 146.
rhod, roue, 145.
rhodwedd, course, carrière, 144.
rhodwydd, gué, 146.
rhumen, rhummen, panse ; mamelle,
146.
rhwgn, frottement, friction, 138.
rhwng, yrwng, y rwng, entre ; dans
la direction de ; à la fois, 353,354.
rhyd, gué, 146.
rhygnbren, baguette à entailles, 1 38.
rhygnu, frotter; entailler, 138.
rhyodres, rhodres, orgueil, pompe,
145.
Rotguidou, 146.
ry-> 199» 392-
rylwg(w)r, très corrompu, 392.
ryweryd,très protecteur ?, 389, 392.
-s, plur., 241.
-s-, pron., 160.
-s-, prép.,160.
solder, saldra, fragilité; mauvais état
de santé ; qualité de ce qui est vil,
141.
salw, vil, morose, sans valeur, 141.
salwedd, qualité de ce qui est vil,
etc., 141.
sathar, piétinement; bruit de piéti-
nement, 139.
sathru, fouler aux pieds ; marcher
comme un soldat, 139, 140.
-sawdd, -soddi, 154, 155.
-sawt, 155.
se, he, race, 142.
serfan. stupide, 147.
serfyll, usé, décrépit ; prêt à tomber,
ruineux, 147.
seri, chevaux?, 139.
sers, étoiles, 241.
serth, qui est à pic, escarpé, abrupt;
en pente rapide, penché, 147-149,
272.
serthan,f., précipice, falaise, 147,148.
serthus, en pente, 147, 148.
sgoturs, pêcheurs, sg.pysgotwr, 241.
swrth, f. sorth, tombé, abattu ; dis-
posé à s'endormir, indolent, lour-
daud, 148, 149.
Syawndydyr, Chantecler, 198.
syrth, chute; penchant ; escarpé,
148, 149.
syrthio, s'écrouler, tomber, 148.
syw, sage, prophète, 453.
tang, tanc, paix, 143.
tapplys, table à jeu, 271.
taw, silencieux ; se taire, 412, 413.
taw, mort, 412, 41 3.
tawdd, fusion, 415 .
tawdd, il fait fondre, dissout, 428,
429.
teith, taith, voyage, 248.
toddi, faire fondre, dissoudre, con-
sumer, détruire, 415, 429.
torf, foule, 198.
torredlu, armée formidable, qui doit
tout briser, 150, 151.
torredwynt,vent qui souffle en tem-
pête et brise, 151.
torri, briser, 150, 151.
traw, draw, au delà, 164.
traws, direction, côté, 164.
traws, violent, cruel, 164.
traws-, à travers, de travers, 164.
tref, demeure, 272.
trefn, arrangement, bon ordre ; lo-
gement, mobilier, 272.
trefnu, se poser, s'installer, 272.
treio, se retirer (pari, de la mer),
164.
tremyg, mépris, 272.
tremyn, vue, 272.
tro, un tour, 164.
trochi, immerger, se baigner, 159.
troed, pied, 164.
trofa, un tour, 272.
troi, diriger vers, 164.
trosedd, transgression, 164, 165.
XIV
Table des principaux mots étudiés
trossi, diriger vers, 164.
trwch, coupé, émoussé ; coupure,
incision, 1 58, 159.
trwch, violent, 158.
trwm, lourd, 409.
trwyd, roi, chef, 157, 158.
trychiad, qui coupe, 158.
trychu, couper, 158.
trymlûawc, à l'armée accablante ;
-luog, accablant, opprimant, 159.
tu ac att, du côté de, 198.
tud, peuple, 454.
tudd, il couvre, protège ?, 163.
tudded, vêtement de dessus, man-
teau, couverture de lit ; taie d'o-
reiller ; couverture de cheval ; pa-
rure des bois l'été ; daear dudet,
la terre qui recouvre une tombe,
163.
tusw, touffe, 165.
Tut (Morgan), Morgan le Fée, 162,
454, 47°-
twrch, sanglier, 149; twrch trwyd,
158.
twrdd, twrf, bruit, 198.
tywel, serviette, 454.
tywydd, towydd, temps, 454.
-ut, 2e pers. sing.impf. etcond.,389,
397-
Vortigern, 131.
-wr, pi. -wyr, -urs, noms d'agent,
241.
wrth, contre ; inférieur à, 198.
wylo, pleurer, 272.
-ydd, nomsabstraits, 394.
ymanhwed, ymhwedd, implorer,
supplier, 271.
ymserth, discorde, 148.
ymserthu, s'abaisser à, 148.
yr hwnn, lequel, 198.
Yrp, Urb, Irp, Yrb, Urbf, 174, 17S-
ysgerbwd, squelette, cadavre, 166,
167.
ysgrech, yscrech, cri perçant, 152,
ysgrud, squelette, cadavre, 166 .
ysgrwd?, 167.
ystawd, ystod, andain, fauchée ; pé-
riode, 156.
ystern, (bière) forte, 149.
ber, jambe, 249.
bony, hache, 418.
cannas, messager, 248.
carrée, roche, rocher, 402.
crogenn, écaille, coquille, 403.
crow, sang, mort, 404.
dremas, homme bon, 211.
fer, jambe, 249.
glesin, gl.sandix, 230.
VII. CORNIQUE.
(Voir pp. 408, 409.)
kerd, gl. iter, 416.
pry, argile, 430.
sprus, spus, pépins, 250.
stut, gl. culex, 155.
Tristan, 230, 231, 255, 258, 259!'!
tro, un tour, 164.
trus, qui est de travers, 164.
tyrry, terry, briser, 150.
yntrethon, entre nous, 356.
VIII. Rr^ton de France.
(Voir pp. 206,207, 240, 247, 426,427, 457, 459)
alc'hoét, elfet, clef, 247.
-an, dim., 156.
anaoun, défunts, 210.
aoten, rasoir, 408.
au tome XL1I1.
xv
arcogued, gl. nicivos, 417.
arstud, gl. cuspis, 155.
astuz, vermine, 155.
bezret, cimetière, 144.
biz, nord-est, 148.
blouhi, reprocher à quelqu'un sa
nourriture, 418.
brazek, (bien) déchiré, ou (cœur)
gros(?), 411.
brazes, femme grosse, 411.
bro-Weroc, Broerec, 424.
cazr, kaer, beau, 246.
crag, mean crag, grès ; pod crag,
pot de grès, 402, 403.
crammen, cremmen,f. pi. ou, crasse
qui se forme sur la tête ; dépôt
que laisse le lait dans un vase ;
pellicules, 404-406.
criz, kri, cru, non cuit; dur; (ci-
dre) acre ; (chanvre) rude ; dre
gri, par force, 404.
crogenn, écaille, coquille, 403.
dehel!, int. pour faire tourner les
bêtes à droite, 160.
dezuiff, dozvi, dovi, poudre, 199.
dihilya, dishilya, égrener en frois-
sant les épis ; s'égrener, s'échapper,
fuir comme le blé d'un sac percé,
d'un épi, ou d'une gerbe quand la
sécheresse l'en fait tomber par
grains, 141, 142.
dihodein, monter en épi, en graine,
156.
dioucz, de, 165.
dishilhan, -lhorï, le moment où la
mer cesse de monter, 142.
distuz, jachère, 155.
Doedy, 243.
Douady, 243.
dydreu, au delà, 164.
entrom(p), nous deux, nous tous,
tant que nous sommes; entroch,
vous tous ensemble, 356.
eontr, oncle, 210.
esteuzet, percé (d'un glaive de dou-
leur); navré, 155.
esteuziff, éteindre, 135.
fer-, cheville, 249.
Goarem- an- Duchen, 165, 166.
goubannen- noz, crépuscule, 417.
goubannùél-noz, crépuscule, 417.
gouel, fête, 415.
gouziza, baisser (pari, du vent), 148.
gouzronquet, baigner, se baigner,
•59
grenn, f., auge ;cuvier assez grand,
en bois, servant pour la bouillie,
401.
gud, gl. parvum, 417.
gudcoguod, gl. reprehendendi, 417.
gudnaiol, gl. minus erudiens, 417.
Gueoc,459.
guic-, bourg, 458.
Guimaëc, 459.
Guirec. 456, 457.
guodcess, gl. odio habentes, 417.
guoteguis, gl. compescuit, 415.
guotroit, vous trayez, 164.
guparth, gl. remota, 160.
gupar(h)olaid, gl. privilégia, 160.
had, semence, 1 56.
haloc, gl. lugubri, 141 .
hed, essaim, 156.
hérï, il, 142.
hep gouzout d'ih, hem(pj goût
t'ein, (je l'ai fait) sans le savoir,
426.
imgupartfh)on, gl. se abdicant, 160.
inhodein, monter en épi, en graine,
156.
-ion, -ian, -ien, plur., 157.
kanéu, kreofi, toison, 408.
kann, blanc, 41 1.
kann, chant, 41 1.
kannein, laver (blanchir), 41 1.
kannein, chanter, 411.
kanow, kenèu, kraorï, des noix, 408.
karreg, roche, rocher, 402.
kazeg, jument, ar gazeg wenn, la
lune, 471, 472.
kragell, sarcelle, 402.
krah, monticule, butte, 402, 403.
krahek, (personne) chétive, désa-
gréable, ratatinée, 402.
krak-houad. sarcelle, 402.
krakou, aristos, 402.
kréu, hauteur, butte, 402, 403.
Table des principaux mots étudiés
lan, monastère ou chapelle, 455 457,
459-
Les-Guiriac, 424.
leun, latin, plein, 417.
lien, linge, 407.
lis, les, lez, cour féodale, 424, 456.
loa-bot, loa-grenn, cuiller à pot ;
loa-brenn, cuiller en bois, 401.
Locquirec, 457, 459.
lok-, lieu de culte (monastère, pri-
euré, chapelle), 455, 456.
ma, mon, 243.
machtyern, seigneur, 455, 456.
netra, rien, 246.
-oc, -eue, -ec, 156.
offen, ofen, f. mangeoire, auge, 410.
Parc-an-Dossen, 165.
penmoc'h, premoe'h, porc, 211.
Perros-Guirec, 457.
plac'h, jeune fille, 453.
Plestin, 457, 458.
Ploemodiern, Plomodiern, Plou-
diern, 243.
plou-, territoire d'une paroisse, 455-
459-
Plouaret, 458.
Ploulec'h, 459.
prest, vite, 247.
pri, argile, 429, 430.
rann, part; fracture; rannou, gl.par-
timonia, gl. climatibus, 41 1.
rannedigez, -geah, divisibilité, 411.
rannein, diviser ; rahnet,(cœur)brisé,
411.
rannenn, fente dans un rocher, falaise,
411.
rèu, gelée, 403.
Roc'h : mont d'ar Roc'h, aller à la
Roche-Derrien ; ronfler, 206.
roc'hal, ronfler, 206.
rodoed, gué, 146.
rogotetic, gl. creditam, 145.
ru-dall, « rue aveugle », 440.
saltrocion, gl. graciles, 141.
saotra, sautrein, salir, gâter, 140.
sautrein, fouler aux pieds, 140.
scrav, scraf, éterlet, 153.
screo, pi. screvet, scravet, oiseau de
mer au cri perçant, 153.
-se, -ze, -là, 142.
Servel, 147.
serz, sers, ferme, droit, vertical :
(vent) soufflant de la région du ciel
entre est et nord, 148.
serza, monter, s'élever (pari, du
vent) ; souffler de la région entre
est et nord ; serzet eo, (le vent)
est haut en plein, 148.
sizl, sil, passoire, couloir, 142.
skudel- bri, écuelle de terre, 430.
sper, semence, lignée, 250.
splusen, sprusen, spus, semence qui
fait germer, 250.
stedein, aligner (le foin), 154.
stedel, ficelle qui agit sur le loquet,
154-
steudenn, rangée, file, série, 154,
steudenn, tenon de mortaise; pointe;
languette d'une balance, 1 54.
steudennet mat, bien fixé, bien mon-
té, 154.
steusia, s'abîmer, disparaître, 155.
steut,f. .rangée de gerbes ;sted,steut,
rangée ; volée de coups de bâton ;
a- stet, à la file, 154-156.
sti, chtî, (sonnez fin et) serré, 157.
stiogen, -gan, pieuvre, 156.
strèuein, éparpiller, disperser, éten-
dre, 149.
streuet, litière qu'on étend dans la
cour et dans les endroits où passe
le bétail, pour en faire du fumier.
149.
strouis, gl. stravi, 149.
stu, chtu, assolement, première fa-
çon donnée à la terre, 155.
taguelguiliat, gl. silicernium, 415.
tan, feu, 412.
taù, silence, 415.
taùein, teùel, se taire ; cesser (pari.
de la pluie) ; faire cesser, apaiser,
415.
terri, part, torret, briser, 156.
teuzi, fondre, 415.
tossen, butte, montagne, tumulus :
Tossen-ar-Run ; Tossen- Maha-
rit ; Tossen- Ruguezec, 165.
au tome XLIII.
tostal, flanc ou partie basse d'une
colline, 165.
tostalek, (terrain) raboteux, 165.
tostenn, tochtën, butte, 165.
tré-, hameau, 455-457.
treb, village, 440.
tref, territoire dépendant d'une suc-
cursale de paroisse, 440.'
treuz, qui est de travers, 164.
tro, un tour, 164.
troed, pied, 164.
tromden, gl. pervolauit, 409.
trouc'h, coupure, incision, 158.
trum, prompt, diligent; prompte-
ment, vite ; (mort) subite 409.
trumder, diligence, 409.
tuchenn, butte, motte, tumulus ;
Tuchenn Pol, 155, 156.
tuec, taie d'oreiller, 162, 163.
tus, pi. tusset! int. pour faire tourner
les bêtes à gauche, 160, 162.
uc'hel, (vent) haut, soufflant de la
région entre est et nord, 148.
P Revue Celtique
LaCelt t. 43 (1926)
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