Skip to main content

Full text of "Revue celtique"

See other formats


PURCHASED    FOR    THE 

UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY 

FROM  THE 

CANADA  COUNCIL  SPECIAL  GRANT 

FOR 

himuisii.es 


Digitized  by  the  Internet  Archive 
in  2010 


http://www.archive.org/details/revueceltique43pari 


REVUE  CELTIQUE 


<> 


%  CEl? 


< 

FONDÉE 

O 

<v 

PAR 

H.     GAIDOZ 

1870-188 s 

^ 

a? 

H. 

CONTINUÉE    PAR 

D'A  R  BOIS     1)1-     JUBAINV1L 
1886-1910 

tri 

LE 

G.  DOTTIN 

D IIIIGKF.        PAU 

J.    LOTH 

Professeur     nu     Collège     de      France 

Membre  de  l'Institut 

AVKC    LE    CONCOURS    DE 

F.   KKNAULT 

J.   VENDRYES 

Doyen  de  la  Faculté  des        Professeur  honoraire  à  la  Faculté       Professeur  à  la  Faculté 

Lettres  de  Rennes  des  Lettres  de  Poitiers  des  Lettres  de  Paris 

ET    DE    PLUSIEURS    SAVANTS    FRANÇAIS    ET    ÉTRANGERS 


Année  1926.  —  Vol.  XL III 
1926 


Reprinted    with    the    permission    of    the    original    publishers 

KRAUS   REPRINT   LTD. 

Nendeln,  Liechtenstein 

1966 


2  7  1968 


Printed  in  Germany 
Lessing-Druckerei,  Wiesbaden 


FORBUIS    DROMA    DAMHGHAIRE 


INTRODUCTION 

Le  récit  que  nous  publions  ici  '  est  extrait  du  Book  of  Lismore 2, 
fos  126  a  i  —  140  a  2,  d'après  Stokes  (JLifes  of  Saints)  ou  fos 
168  a  i  —  182  a  2,  d'après  la  numération  que  porte  le  manu- 
scrit. Celui-ci  se  trouve  actuellement  déposé  à  la  bibliothèque 
de  Chatsworth  House  (Derbyshirè).  Il  en  existe  à  Dublin  quatre 
copies.  Trois  copies  conservées  à  la  Royal  Irish  Academy  : 

i°  Une  copie  delà  main  d'O'Curry,  f°  169-176.  Cette  copie 
s'arrête  au  milieu  du  §  70. 

20  Une  copie  du  xixe  siècle,  R.I.  A  23  c  6  (et  non  23  c  16, 
comme  l'indique  d'Arbois  de  Jubainville,  Catalogue,  p.  141). 
Cette  copie  s'arrête  également  au  milieu  du  §  70. 

30  une  copie  de  la  main  d'O'Longan  f°  176  a  1  —  182  a  2 
qui  donne  le  texte  depuis  le  point  où  s'arrête  la  copie 
d'O'Curry  jusqu'à  la  fin. 

Enfin  une  copie  complète  de  la  main  d'O'Longan,  qui  est  en 
la  possession  du  Dr  Douglas  Hyde  2. 

Le  Book  of  Lismore  est  seul  à  nous  conserver  le  texte  du  For- 

1.  Avec  V  autorisation  de  S  .G.  le  duc  de  Devonsbire,  propriétaire  des  droits 
de  reproduction  du  Book  of  Lismore. 

2.  Ce  nous  est  un.  plaisir  de  remercier  ici  les  maîtres  qui  ont  bien  voulu 
revoir  ce  texte,  soit  en  manuscrit,  soit  en  épreuves  :  le  professeur 
E.  J.  Gwynn  et  le  Dr  O.  Bergin  ;  il  n'est  pas  une  page  qui  ne  doive  infi- 
niment à  leurs  observations  érudites  ;  qu'ils  trouvent  ici  l'expression  de  notre 
gratitude.  Le  Dr  Douglas  Hyde  nous  a  aimablement  communiqué  la  copie 
en  sa  possession  du  Book  of  Lismore.  M.  Thompson,  bibliothécaire  à 
Chatsworth,  nous  a  obligeamment  facilité  l'accès  au  manuscrit  original. 

Revue  Celtique,  XLIII. 
1* 


:  M.  L.  Sjocsledt, 

buis  Droma  Dambghaire.  D'après  Arbois  de  Jubainville  (Cata- 
logue, p.  i  |i)  et  Stokes  (Lifes  of  Saints  from  tbe  Book  of  Lis- 
moi, \  XXXVI),  un  autre  texte  de  ce  récit  se  trouverait  dans 
le  Book oj  Lecan,  f°  167.  En  fait  le  Book  of  Lecan  ne  nous  con- 
serve là  qulune  courte  note  sur  Fiacha  Muilhthan,  note  où  se 
trouve  relatée  en'  quelques,  lignes,  après  la  conception  et  la 
naissance  de  ce  prince,  la  guerre  qu'il  soutint  contre  Cormac 
mac  Airt,  et  qui  fait  l'objet  du  présent  récit  (cf.    Stokes  RC. 

XI,  41-45)- 

Le  «  Siège  de  Druim  Dambghaire  »  se  situe,  dans  l'ensemble  de 
la  littérature  épique  irlandaise,  parmi  une  série  de  textes  de 
même  type.  On  sait  que  les  récits  épiques  irlandais  se  répar- 
tissent en  différents  cycles  :  cycle  mythologique,  relatant  les 
aventures  de  la  Tuatha  De  Danann  ;  cycle  d'Ulster  dont  les 
principaux  héros  sont  Cuchulinn  et  le  roi  Conchobor;  cycle 
ossianique,  consacré  à  Finn,  a  Ossian  et  à  leurs  compagnons; 
à  cela  viennent  s'ajouter  une  série  de  cycles  secondaires  qu'on 
peut  réunir  sous  l'appellation  générale  de  «  Cycle  des  rois  ». 
Un  grand  nombre  de  ces  récits  mi-historiques,  mi-légendaires 
ont  trait  aux  règnes  de  Conn  Cetchathach  roi  de  Connaught 
(vers  l'an  170  de  notre  ère)  et  de  son  petit-fils  Cormac  mac 
Airt,  grand  roi  d'Irlande  de  l'an  227  à  l'an  266  de  notre  ère, 
d'après  les  annales  des  Four  Masters  {d.  Best,  Bibliography  of 
Irisb  Littérature,  pp.  ioé  et  108).  C'est  au  cycle  de  Cormac 
mac  Airt  que  se  rattache  le  récit  du  «  Siège  de  Druim  Damh- 
ghaire ». 

Dans  quelle  mesure  ce  récit  nous  conserve-t-il  le  souvenir 
d'événements  historiques  ?  Ceci  est  malaisé  à  délimiter.  Pour 
quelques  paragraphes  du  début  nous  pouvons  comparer  notre 
texte  avec  les  passages  correspondants  des  annalistes.  La 
bataille  de  Magh  Mucraimhe  (A.D.  195)  nous  est  connue  par 
ailleurs,  et  par  les  annales  et  par  l'épopée  (d.  Catb  Maige 


Forbuis  Droma  Dàmhgbaire. 

Mucrima,  éd.  Stokes,  RC,  XIII,  426-74).  Le  caractère  de 
Cormac  tel  qu'il  nous  apparaît  au  début  de  ce  récit  (§  2,  6, 
7),  juge  et  roi,  soucieux  de  légalité  et  préoccupé  de  géogra- 
phie administrative,  concorde  bien  avec  ce  que  les  Four  Mas- 
ters  (A.D.  227)  nous  apprennent  de  ce  roi,  qui,  le  premier, 
fixa  les  règles  du  droit,  recensa  les  royaumes  et  seigneuries 
d'Irlande,  et  régla  leurs  rapports  fiscaux. 

En  revanche,  pour  la  suite  de  ce  récit,  la  comparaison  avec 
les  annalistes  nous  fait  défaut.  Ni  les  Four  Masiers,  ni  Tigher- 
nagh  ni  aucun  autre  annaliste  dont  nous  ayons  eu  connais- 
sance ne  fait  allusion  à  une  expédition  de  Cormac  mac  Airt 
contre  Fiacha  Muillethan,  roi  de  Munster.  Si  l'on  songe  à  la 
minutie  avec  laquelle  les  batailles  livrées  par  Cormac  sont  énu- 
mérées  dans  les  Four  Masters,  le  fait  paraît  surprenant.  Doit- 
on  l'expliquer  par  le  caractère  entièrement  légendaire  de  cette 
expédition  ?  ou  par  la  répugnance  des  historiens  de  Leath 
Cuinn  à  relater  une  victoire  de  Leath  Mogha  ? 

A  défaut  des  annales,  l'Histoire  d'Irlande  de  Keating  nous 
conserve  le  récit  du  Siège  de  Druim  Damhghaire  (II,  3  18-322). 
Sa  source  principale  paraît  au  reste  être  le  texte  du  Bookof  Lis- 
more,  qu'il  suit  exactement  en  l'abrégeant  et  en  retranchant 
beaucoup  du  côté  merveilleux  de  ce  récit.  Sur  quelques  points 
cependant  il  semble  que  Keating  ait  eu  d'autres  sources.  Ainsi, 
tandis  que  dans  le  texte  de  Lismore  les  druides  alliés  de  Cor- 
mac viennent  de  Sith  Cleitigh,  sur  la  Boyne  (§21,  44),  d'a- 
près Keating  ces  druides  seraient  Ecossais  (II,  318,  draoiîhe 
Albanacha  'n-a  fochair  ann). 

Il  est  également  impossible  de  préciser  la  date  à  laquelle  a 
pu  être  composé  ce  récit.  Le  manuscrit  dans  lequel  il  nous  a 
.été  conservé  est  du  xve  siècle,  mais  le  Forbuis  est  déjà  men- 
tionné dans  la  liste  de  récits  épiques  du  Book  of  Leinster 
(f°  189  b).  Il  existait  donc  déjà  une  version  de  ce  texte,  dès  la 


4  M.  L.  Sjoestedt. 

première  moitié  du  xne  siècle.  Rien  ne  prouve  au  reste  que 
cette  version  soit  celle  qui  nous  est  conservée  par  le  Boolc  of 
Lismore.  En  fait,  le  récit  tel  que  nous  le  publions  ici  semble 
avoir  été  sinon  composé  du  moins  rédigé  à  une  date  sensible- 
ment plus  basse.  Il  serait  intéressant  de  rechercher  et  de  dater 
les  allusions  et  les  références  au  «  Siège  de  Druim  Damhghaire  » 
qui  peuvent  se  rencontrer  dans  la  littérature  médiévale  irlan- 
daise. Sans  doute  ne  seraient-elles  pas  bien  nombreuses.  Les 
noms  de  la  plupart  des  héros  de  ce  récit,  exception  faite  des 
personnages  historiques,  semblent  inconnus  par  ailleurs,  et 
les  répertoires  onomastiques  que  nous  a  laissés  le  moyen  âge 
irlandais  (e. g.  Côir  anmann)  ne  les  mentionnent  pas.  Cepen- 
dant le  distique  cité  §  63  prouve  (si  du  moins  Cormac  le  Glos- 
sateur  en  est  bien  l'auteur),  que  Mogh  Ruith  avait  déjà  sa 
légende  à  la  fin  du  ixe  bu  au  début  du  xe  siècle. 

Quelle  que  soit  la  date  de  composition  de  ce  récit,  il  nous 
conserve  assurément  le  souvenir  de  bien  des  coutumes  et  des 
croyances  anciennes.  Malgré  quelques  références  à  la  magie 
orientale  et  au  folk-lore  chrétien  (cî.  §  83,  97,  et  §  5*9,  où 
apparaît  à  côté  du  nom  de  Simon  le  Magicien  celui  de  l'apôtre 
Pierre  qui  aurait  contribué  à  l'instruction  de  Mogh  Ruith  dans 
l'art  magique  §  113,  rhétorique)  le  fond  en  est  purement  irlan- 
dais et  païen.  O'Curry,  dans  ses  Manuscript  Materials  et  dans 
ses  Manners  and  cusloms  a  signalé  à  plus  d'une  reprise  l'im- 
portance de  ce  texte  si  riche  en  détails  curieux  et  inédits  sur 
l'art  druidique  et  les  pratiques  et  superstitions  diverses  s'y 
rattachant. 

Le  «  Siège  de  Druim  Damhghaire  »  fournit  par  ailleurs  bon 
nombre  d'indications  sur  la  topographie  de  l'Irlande  médiévale, 
indications  d'autant  plus  précieuses  qu'à  côté  du  nom  usité  à 
l'époque  où  fut  rédigé  ce  récit  figure  le  plus  souvent  le  nom 
usité  antérieurement.  Ces  données  ont  au  reste  été  utilisées  par 


Forbuis  Droma  Dambgbaire.  5 

Hogan  dans  son  Onomasticon.  Nous  n'avons  pas  jugé  utile  de 
rappeler  dans  YIndex  des  noms  géographiques  qu'on  trouvera  à  la 
fin  de  cette  édition  les  identifications  de  lieu  possibles,  et  nous 
renvoyons  ici  une  fois  pour  toutes  à  l'ouvrage  de  Hogan. 

La  langue  du  Forbuis  Droma  Damhghaire,  ne  donne  lieu  à 
aucune  observation  particulière.  Elle  est  sensiblement  la  même 
que  celle  qu'a  décrite  Wh.  Stokes  dans  ses  Lifes  of  Saints  from 
tbe  Book  of  Lismore.  Toutefois,  comme  il  fallait  s'v  attendre,  le 
texte  épique  conserve,  de-ci  de-là,  quelques  formes  et  for- 
mules archaïques  qui  tranchent  sur  l'aspect  moyen-irlandais 
de  l'ensemble.  Citons  sethfaind,  pour  sefaind,  prétérit  de  senn-, 
§  4  ;  dotraei  :  §  7  ;  nit  ain,  §  28. 

La  langue  des  rhétoriques  est  plus  difficilement  analysable, 
le  texte  en  étant  souvent  inintelligible,  et  probablement  par- 
fois corrompu.  Aussi  avons-nous  rejeté  en  appendice  les  mor- 
ceaux lyriques  de  ce  genre,  sans  même  excepter  ceux  qui  sont 
partiellement   intelligibles. 

§  1.  Introduction  :  naissance  et  avènement  de  Cormac  mac 
Airt  et  de  Fiacha  Muillethan.  —  §  2-5.  Aengus  mac  ind  Oie 
apparaît  à  Cormac  et  lui  prophétise  ses  futurs  revers.  —  §  6-8. 
Les  troupeaux  de  Cormac  étant  décimés  par  une  épidémie, 
celui-ci,  pour  réparer  cette  perte,  décide  de  réclamer  une  con- 
tribution considérable  à  la  province  de  Munster,  sous  des  pré- 
textes légaux.  —  §9-11.  Les  Munstériens  refusent  de  se  sou- 
mettre aux  exigences  de  Cormac  et  se  préparent  à  la  guerre.  — 
§12-18.  Cormac  interroge  sesdruides,  Cithach,  Cithmor,  Cecht, 
Crota  et  Cithruadh,  quant  au  succès  de  son  expédition  en 
Munster.  Ceux-ci  lui  prédisent  une  issue  funeste.  Dépit  de  Cor- 
mac. —  §  19-22.  Cormac  trouve  une  alliée  en  Bairfhinn  Blaith, 
fille  du  roi  de  Sidh  Buirche  qui,  éprise  de  lui,  lui  promet  l'aide 
de  ses  deux  druides  :  Colptha  et  Lurga,  et  des  trois  magiciennes 


6  M.   L.  Sjoestedt. 

Errgi,  Eanget  Engain.  — §  23-37.  Fort  de  cet  appui,  Cormac  se 
met  en  route.  Il  campe  successivement  àComarna  Cuan,  Ath 
în  tSloigh,  Formael  na  Fian,  Ath  Croi.  A  chaque  étape  undeses 
druides  sort  du  camp  pour  prendre  les  auspices  et  rencontre 
un  druide  étranger  avec  lequel  il  s'entretient.  —  §  38-41. Cor- 
mac  arrive  à  Cnoc  na  Ccnn(=  Druim  Damhghaire)  où  il  éta- 
blit à  grand'peinc  son  camp.  —  §  42.  Les  druides  de   Cormac 
exhaussent  par  leur  art   la  colline   où  il  a  établi  son  camp.  — 
§  43-44.  Les  Munstériens  se  préparent  à  combattre  les  cham- 
pions de  Cormac.  —  §  45-47.  Combats  singuliers  entre  Colp- 
tha  et  Finn,  Lurga  et  Failbe.  —  §  48-50.  Combat  entre  Errgi 
Eang  et  Engain,    transformées   en  brebis,  et  les  troupes  de 
Munster.  Défaite  des  Munstériens.  —  §  5 1  —  5  3 .  Les  druides  de 
Cormac  cachent  les  sources  de  Munster,  et  les  Munstériens 
succombent  à  la  soif. — §  54-57.  Les  gens  de  Munster  sont 
prêts  à  accepter  les  conditions  rigoureuses  que  leur  fait  Cor- 
mac quand  Dil   vient  leur  conseiller  de  demander  l'aide  du 
druide  Mogh  Ruith.  — §  57-63.  Dil  vient  trouver  Mogh  Ruith 
de  la  part  des  gens  de  Munster.  Celui-ci  pose  ses  conditions, 
qui  sont  acceptées.  Il  se  prépare  à  partir  pour  Cenn  Claire.  — 
§  64-67.  Mogh  Ruith,  accompagné  des  seigneurs  de  Munster, 
parcourt  différents  domaines  et  fixe  son  choix  sur  la  baronnie 
de  Fermoy,  qu'il  recevra  comme  prix  de  ses  services.  —  §  68- 
72.  Mogh  Ruith  charge  ses  élèves  de  délimiter  pour  lui  son 
domaine.  Trahison  de  ceux-ci.  On  achève  de  régler  les  autres 
dispositions  du  traité.  —  §   73-76.  Mogh  Ruith  fait  jaillir  à 
nouveau  les  eaux  en  Munster.  —  §  77-81.  Mogh  Ruith  abaisse 
la  colline  exhaussée  par  les  druides  de  Cormac  et,  avec  l'aide 
de  Gadhra,  frappe  de  panique  l'armée  de  Cormac.  —  §82-89. 
Colptha  vient  provoquer  les  gens   de  Munster.  Cennmar  le 
met  à  mort,  avec  l'aide  d'une  anguille  magique,  née  des  sor- 
tilèges de  Mogh  Ruith.  —  §  90.  Mogh  Corb  apporte  la  tête 


Forbnis  Dronia  Damhgbaire.  7 

de  Colptha  à  Mogh  Ruith.  —  §  91-95,  Cennmar  vainc  ci  tue 
Lurga  avec  l'aide  de  l'anguille  magique.  —  §  96-103.  Lesbre- 
bis  viennent  de  nouveau  combattre  les  Munstériens,  mais  Mol'Ii 
Ruith  leur  oppose  trois  chiens  magiques  qui  les  mettent  en 
fuite,  les  atteignent  après  une  longuepoursuite  et  lesdévorent. 
—  §  104-107.  Cormac  cherche  à  détacher  Mogh  Ruith  du 
parti  deFiacha,  mais  celui-ci  repousse  ses  offres. —  §  108-109. 
Mogh  Ruith  rend  visite  à  la  druidesse  Banbuanana,  qui  lui 
prédit  la  victoire  des  gens  de  Munster.  —  §  110-117. 
Cithruadh  allume  un  feu  druidique  pour  l'armée  de  Cormac. 
Mogh  Ruith  en  allume  un  pour  l'armée  de  Hacha.  Après  un 
long  combat  le  feu  de  Fiacha  triomphe,  et  les  flammes  se 
tournent  vers  le  Nord.  —  §  1 18-121.  Mogh  Ruith  poursuit 
l'armée  de  Cormac  en  déroute.  Il  métamorphose  en  pierre 
Cecht,  Crota  et  Cithruadh.  Il  s'arrête  enfin  à  Sliabh  Fuait,  où 
les  vainqueurs  dictent  leurs  conditions.  —  §122  sq.  Connla, 
cousin  germain  de  Fiacha,  est  élevé  auprès  de  Cormac.  Par 
quel  stratagème  Cormac  lui  persuade  de  tuer  son  cousin  Fia- 
cha. Mort  de  Fiacha. 


M.  L.  Sjoestedt. 


TEXTE 

1.  [O'Lurry  169  a  1]  Dâ  saorclaind  socheneoil  batar  ind 
Erinn;  as  iat  luatter  o  sunnamach  .i.  Fiacha  Muilleathtfw  rrmc 
Eoguin  dalta  Moga  Ruith  7  Cormac  mac  Airt  mheic  Cuinn. 
Ocus  '  in  oenlo  ro  marbait  a  dha  n-athair  i  cath  Mucraimhe  ; 
ind  oenlo  a  m  h  doronuit  .i.  in  Mhairt  re  ndul  a  cath  Muighi 
Mucraimhe2;  ind  oenlô  aili  rucait  .i.  in  Mhairt  i  cind  secht 
mis  on  Mairtsin  7  dano  da  sechtmhisaigh  iat  diblinaibh. 

Ro  ghabh  Cormac  righi  nEireww  fria  ré  foda  ;  i  cinn  treill 
iarum  ro  ghabh  Fiacha  righi  Mhuuuw  fria  linn  Cormaic. 


2.  No  bidh  cach  oc  tuaruscbtf//  tighi  Oznghusz  mac  ind  oicc 
do  C\\ormac.  "  Nu  confir  eider  sin  "ar  Cormac.  "Cidh  on  ?" 
ar  siatt.  "  Damad  fir  "  arse  "  na  chu  bheinn-si  itigh  scrutain 
ghaeisi  m'aonar,  amal  bim,  gan  tiachtain  uadha-som  dom  fis- 
sa  no  gan  a  thiachtain  fein  ".  Or  is  amluid  no  bid  Cormac 
i  tighibh  ruin  a  aonar  ag  breith  breitbe,  ar  ba  he  fein  fa  bn- 
//wamh  dho  ;  sesiumh  hnmorro  7  Cairbre  Liffieachair  7  Fith/7 
ro  chuirs*/  ïirhretha.  7  senchw^  artus.  Ro  hindis^/  d'Aonghus 
sin  7  ro  ghab  tus  a  fesa  7  a  eoluis  ar  forfidir  as  d'fiafraighidh 
neith  de  bai  in  fer  z.m\aid  sud  ica  eileaghadh,  7  ro  faillsigcd 
d'Aonghus  sin.  Ocus  tainic  la  n-oen  isin  tech  i  raibi  Cormac  7 
nir  forbonn  3  do  in  cruth  7  intecasc  i  tainic  mar  bud  amhus 
do  amhsaibh  Cormaic  thised  ann  7  do  suidh  isin  leith  ba  sia 
o  Chorwrtrdon  tigh. 


1.  Nous  employons  ocus\k  où  le  ms.  a  le  sigle  pour  et  ;  7,  seulement  là 
où  le  ms.  a  7. 

2.  A.D.  19s. 

3.  Nous  traduisons  comme  s'il  y  avait  forlonn. 


Le  siège  de  Druiw  Damhghaire. 


TRADUCTION 

1.  Deux  nobles  rejetons  de  bonne  race  vivaient  en  Irlande: 
c'est  d'eux  qu'il  sera  question  dans  la  suite  de  ce  récit  :  Fiacha 
Muilleathan  mac  Eoguin,  disciple  de  Mogh  Ruith,  et  Cormac 
mac  Ain  meic  Cuinn.  En  un  même  jour  périrent  leurs  pères 
à  la  bataille  de  Mucraime  ;  c'est  aussi  le  même  jour  qu'ils 
furent  conçus,  le  mardi  qui  précéda  le  départ  pour  la  bataille 
de  Mag  Mucraime  ;  c'est  le  même  jour  qu'ils  naquirent,  le 
mardi  qui  suivit  de  sept  mois  ce  mardi-là,  si  bien  que  tous 
deux  étaient  des  enfants  de  sept  mois. 

Cormac  accéda  au  trône  d'Irlande,  qu'il  devait  occuper  long- 
temps ;  quelque  temps  après  Fiacha  accéda  au  trône  de  Muns- 
ter, du  vivant  de  Cormac. 

2.  Tout  le  monde  décrivait  à  Cormac  la  demeure  d'Aengus 
mac  ind  Oicc.  «  Il  n'y  a  pas  un  mot  devrai  là-dedans  »,  dit 
Cormac.  —  «  Pourquoi  donc?»  dirent-ils. —  «  Si  c'était  vrai», 
dit-il,  «  je  ne  serais  pas  ainsi  dans  la  demeure  où  j'approfondis 
les  principes  de  l'art,  seul,  comme  j'ai  coutume  de  l'être,  sans 
que  personne  vienne  me  voir  de  sa  part,  et  sans  que  lui-même 
vienne  ».  Car  Cormac  se  tenait  dans  des  demeures  de  seertt, 
seul,  décidant  de  cas  judiciaires,  car  il  était  juge  en  même 
temps  que  roi  ;  c'est  lui,.Cairbre  Liffechair  et  Fithel  qui  fixèrent 
les  premiers  les  règles  de  la  procédure  et  du  droit. 

Ces  propos  furent  répétés  à  Aengus;  il  fit  appel  à  toute  sa 
science  et  à  tout  son  art,  car  il  prévoyait  que  c'était  pour  l'inter- 
roger sur  quelque  sujet  que  Cormac  le  réclamait  (cela  lui  avait 
été  révélé  par  divination).  Et  il  vint  un  jour  dans  la  maison  où  se 
trouvait  Cormac  ;  son  apparence  et  son  équipage  n'avaient  rien 
que  d'ordinaire  lorsqu'il  entra,  comme  si  c'avait  été  un  des' 
mercenaires  de  Cormac  qui  entrait.  Et  il  se  tint  dans  la  partie 
de  la  maison  la  plus  éloignée  de  Cormac.  Celui-ci  renvoya  sa 
cour  (?)  et  demanda  : 


in  M.   !..  Sjoesledl. 

3.  ImkIIi  imniorro  gach  flaitli  7  ro  faxfaigh  [C6]rmacl  : 
"  lu  bhad  tu  in  fer  do  bimisd'eileagadh  ?  "  "  As  me  amh  ", 
.11  Aeng//5  "  agus  cidli  uma  ndernais  mh'e'ileagadh  ?"  — 
"  Air  badh//i  duit  do  fiafraigid  dliiod  mh'imthusa  ma  ro  ret- 
rais " .  —  "  lia  tetur  "  or  se.  —  "  In  mbia  tnrblirod  oram- 
sa  ?  "  ar  Cormac.  —  "  Biaidh  amh  ",  ar  Aenghas  7  t//câdh 
do  ragha  dhuid  ;  in  a  tus  110  a  medon  no  in  fa  dheoigh  rag/« 
fort  in  turbrod  soin  ?  —  "  Tabar  maitli  ar  tus  7  fa  deoigh 
dhamh  "  ar  Cormac,  "  7  intan  bits  fearr  mu  righi,  a  medhon 
[169  a  2J  mlvaeisi,  tabhar  c\&ochlâlb  ar  mu  rathaz'/V;;  7  cia  rct 
citer  ?  "  ar  Cormac.  "  Tria  funirbthe  |  .  .  .  .  )  "  ar  Aeng/tf  : 
"  Boidhith  do  thiar///ain  red  linn  eu  mba  hizTaidh2  en  bho  i 
Finnib  7  Luaidnib  7  i  seacbt  colamnuib  na  Temhrach  7  it 
portaibh-si  fadesin  ".  —  "  Cia  rct  as-a  tic  damh-sa  sin  ?  '"  ar 
Cormac.  "  Ni  atbe/'-sa  fiït-sa  sin",  ar  Aengns,  "  achl  aenni 
adi'rim  rit  :  do  mhaiene  fein  do  tabhuirt  dot  reir  7  gan 
coniairli  do  mua  na  do  mogfld  na  do  rechtaire  do  dhenamh  ". 
Ocns  ro  ceileabuir  iarsin  do  Cormac  7  ro  imthigh  don  Brugh. 

4.  Ocus  do  chan  Cormac  in  laid  ag  tabuirt  tuarusebrt/a  an 
oglaigh  da  mhuinntir. 

Tarfas  ;  dam  h  ar  bru  Temraclr  oclacaluinn  ildeallb^ch. 
Caeime  ina  gach  caem  a  crutlv  timthugach  oir  na  edguth. 
Timpan  4  aircit  an-a  laimlr  fa  h-or  derg  teta  an  ùmpain. 
Binne  ina  gach  ceol  fo  nimlr  foghur  tet  an  timpain  sin. 
Fleasc  gu  cairche  ced-ceo\  cain.  uasa  chinn  fo  dha  n-enaib. 
7  na  h-eoin  (nir  mhodh  mer)-  bitis  oc  a  airpheitedh. 
Do  suidh   acum  eraim    ngrinn*  sethfaind  >    dam    in  ceol 

caeinbhinn. 

1.  Le  ms.  porte  :  fiarfaigh,  puis  dr,  r  étant  surmonté  du  tilde.  Ou  peut 
comprendre  fiarfaigheadar  mais  le  singulier  faxfaigh  concorde  mieux  avec 
dernais  qui  suit,  et  avec  le  sens  général  du  passage. 

2.  Litt.  «  si  bien  qu'on  cherchera  un  bœuf  »  v  si  bien  qu'il  n'y  aura  plus 
un  bœuf  ».  Pour  cette  locution  peu  commune  cf.  §  67. 

3.  Cf.  O'Curry,  Manners,  III,  361-2,  pour  une  traduction  dece  passage. 

4.  Le  tympan  était  un  instrument  à  cordes.  Cf.  O'Currv,  Manners,  I, 
498. 

5.  Sethfaind.  Sans  doute  faut-il  reconnaître  dans  cette  torme  le  vieux 
prétérit  sefaind  de  senti-. 


Le  siège  de  Druitn  Damhghaire.  1 1 

3.  «  Es-tu  celui  que  nous  réclamions  ?»  —  «  Oui  »,  dit  Aen- 
gus, «  pour  quelle  raison  m'as-tu  réclamé  ?»  —  «  Parce  que  je 
voulais  t'interroger  sur  ce  qui  m  adviendra,  si  tu  le  sais  ».  — 
«  Je  le  sais  »,  dit-il.  —  «  Éprouverai-je  des  revers  ?  »  dit  Cor- 
mac.  —  «  Oui  »,  dit  Aengus,  «  tu  as  le  cnoix  :  préfères-tu  les 
éprouver  au  début  ou  au- milieu  ou  à  la  fin  de  ton  règne  ?  » 
—  «  Accorde-moi  la  prospérité  au  début  et  à  la  fin  »,  dit  Cor- 
mac,  «et  lorsque  mon  règne  sera  à  son  apogée,  au  milieu  de  ma 
vie,  que  l'épreuve  s'abatte  alors  sur  mes  domaines  ;  de  quoi 
s'agit-il  au  juste  ?  »  dit  Cormac.  —  «  [ ]  »,  dit  Aen- 
gus. «  Il  surviendra  de  ton  vivant  une  telle  épidémie  sur  le 
bétail  qu'on  cherchera  en  vain  un  seul  bœuf  dans  les  pays  des 
Finn  (?)  et  dans  le  Leinster  et  dans  les  sept  tribus  de  Tara  et 
dans  tes  propres  villes  ».  —  «  Quelle  en  sera  la  cause  ?  »  dit 
Cormac.  —  «  Je  ne  te  le  dirai  pas  »,  dit  Aengus,  «  mais  il  est  une 
seule  chose  que  je  te  dis  :  ne  prends  en  considération  que  ta 
propre  volonté,  et  ne  suis  aucun  conseil  de  femme,  d'esclave  ou 
d'intendant  » .  Là-dessus,  il  prit  congé  de  Cormac  et  s'en  retourna 
à  Brugh. 

4.  Cormac  récita  ce  poème  en  décrivant  le  jeune  homme  à 
sa  suite  : 

Il  m'est  apparu  sur  la  frontière  (?)  de  Tara  un  jeune  homme 
beau  et  bien  fait.  Supérieure  à  toute  beauté  est  sa  beauté  ; 
une  broderie  d'or  orne  son  vêtement. 

Un  tympanon  d'argent  est  dans  sa  main,  les  cordes  du 
tympanon  sont  d'or  rouge.  Plus  mélodieux  que  toute  musique 
sous  le  ciel  est  le  son  des  cordes  de  ce  tympanon. 

Il  a  un  archet  de  crin  qui  fait  résonner  cent  douces  musiques  ; 
au-dessus  (du  tympanon)  sont  deux  oiseaux.  Et  ces  oiseaux,  de 
façon  qui  n'est  point  sotte,  étaient  en  train  de  jouer  du  tym- 
panon. 

Il  s'assit  près  de  moi,  de  façon  aimable,  en  me  jouant  une 
musique  mélodieuse  et  douce,  puis  il  apparut  ;  si 

bien  qu'une  ivresse  s'empara  de  mon  esprit. 

Je  fais  une  prophétie  véridique,  juste,  quoiqu'il  ne  sera  pas 
juste  de  l'écouter.  Que  ce  qu'il  a  dit  vous  plaise  ou  non,  tout 
ce  qu'il  a  prédit  s'accomplira. 

Elle  m'a  rendu  impatient  de  toute  compagnie,  la  brièveté  de 


12  M.  L.  Sjoeslcdl. 

Tarfaidh  co  raithrenn  iarsoiir  ba  hedh  medhrâd  dom  men- 

moin . 

Donim-si  faitsine  bhfïs'  coir  gin  gur  ba  coir  eisdeacht  fris  ■  ; 

Gidh  ok  maith  libh  a  n-atbm-  ticfa  gach  ni  ro  tharngert. 

Domgni  doghrach  fiad  gach  drong'  a  ghairdi  ro  an  acom  ; 

Bronach  oram  ga  dhul  as"  fai/zd  lim  in  trath  tarfas.  Tarfas. 

5.  Gabus  Cormac  in-a  righi  osin  amach  eu  tainic  in  bodhith  ; 
ger  amiiMi  d'idiu  Cortnac,  ni  ro  rathaigh  in  bodhith  no  gu 
tainic,  ar  is  de  ro  bhui  i  cinniud  soudh  aflaithiwafair.  Tucadh 
tra  a  chana  dWgid  do  Cortnac  in  bliaga/n-sin  as  gach  cuicedh 
do  cuig  cuig^duibh  E'\renn,  .i.  nai  fichit  bo  as  gach  cuicedh  ; 
ro  foghuil  Comme  in  cain-sin  fo  seacht  primhtuat/WM;  na 
Teamhrach,  ar  dochoidh  dith  for  a  mbuaibh  7  nir  facaibh  laim 
ar  cula  aigi  cen  fogail. 


6.  [169  b  1]  Intan  tairnic  la  Corm#c  foghuil  na  mbo  is  ann 
tainic  a  reachlaire  .i.  Maine  Mibriarach  mac  Miduaith.  — 
"  A  Cormaic,  arfoghluisna  bu  ?",  arse. —  "  Ro  foghltt5",ar 
Cortnac.  —  "  Nu  chon  te/ur-s-a  eim  ",  or  in  reachtùre,  "  ni 
notimfuilngedh-sa  re  enoidhcheocimacallawz/?*  tigh  Themh- 
rzch  mad  re  hais  mbo  dob^rur  toeb  duit.  Ocus  iss  ed  foderason 
ar  ro  dhhiged  h'airgadha-sau'ûï" .  Ro  chuir  socht  ar  Chorw^rin 
ni-sin  7  ro  raidh.  —  "  Cidh  ron  bai-siu,  a  reachtaire,  nach 
intan  ro  bui  ni  am  laim  dochuimnighis  damh,  in  uair  domroacht 
mu  dlechl'mus,  ar  ni  mil  agum  ni  duit  7  ni  h-al  damh  inndlig^ 
d'imirt  ar  nech;  o  domroacht  mu  chain  blïadna  ni  fuil  agam 
foedal  gu  ceand  mbliadhna  ". 

Dochoidh  Cortnac  iar-sin  na  thech  ngaeisi  7  bui  ann  oc 
scrudain  gaeisi  gan  nech  dia  ûmiereacht  achl  muna  tisda  le 
biadh  dho,  tri  la  7  tri  hoigtfe. 


7.  Do  ghabh  in  reachtaire  iarsin  ag    iaraidh   foaedala  don 


1.  Le  vers  ne  se  scande  pas.  Faut-il  corriger  :  coir  gin  gur  coir  ?  ou  gin 
çitr  ba  coir  ? 


Le  siège  de  Driiiin  Dambghaire.  1 5 

sonséjour  près  de  moi.  Je  m'afflige  de  ce    qu'il   m'ait  quitté. 
Cher  m'est  le  moment  où  il  m'est  apparu. 
Il  m'est  apparu. 


5.  Cormac  poursuivit  son.  règne  jusqu'au  jour  où  survint 
la  disette  de  bétail;  quelque  subtil  qu'il  fût,  il  ne  s'avisa  de 
cette  disette  qu'au  moment  où  elle  se  produisit.  Le  sort  avait 
décrété  que  celle-ci  ferait  tourner  la  fortune  de  son  règne. 

Cormac  reçut  cette  année-là  le  tribut  que  lui  devait  chacune 
des  cinq  provinces  d'Irlande,  et  qui  était  de  cent  quatre-vingts 
vaches  par  province.  Cormac  distribua  ce  tribut  aux  sept  tri- 
bus principales  de  Tara,  car  il  était  survenu  une  mortalité  sur 
leur  bétail  ;  et  il  avait  toujours  la  main  ouverte  pour  distri- 
buer '. 

6.  Lorsque  Cormac  eut  fini  de  distribuer  les  bœufs,  son  inten- 
dant vint  le  trouver  ;  on  l'appelait  Maine  Mibriarach  mac 
Miduaith.  —  «  Cormac,  as-tu  distribué  tous  les  bœufs  ?  »  dit- 
il.  —  «  Oui  »,  dit  Cormac.  — «  Je  ne  sais  que  faire  »,  dit  l'in- 
tendant, «  je  ne  saurais  te  fournir  de  quoi  entretenir  (?)  la 
maison  de  Tara,  fût-ce  une  seule  nuit,  si  du  moins,  c'est  sur 
les  bœufs  qu'on  compte  pour  cela  (?).  Et  la  cause  en  est  que 
tous  tes  troupeaux  ont  succombé  ».  Cette  nouvelle  stupéfia 
Cormac,  et  il  dit  :  —  «  A  quoi  pensais-tu,  intendant?  que  ne 
m'as-tu  pas  avisé  de  cela  avant  que  mes  mains  fussent  vides, 
lorsque  j'ai  encaissé  mes  tributs  ?  car  maintenant  je  n'ai  rien 
à  te  donner,  et  il  ne  me  plaît  pas  de  faire  tort  à  personne  ;  du 
moment  que  les  tributs  de  l'année  m'ont  été  versés,  je  n'ai 
aucune  rentrée  (à  attendre)  avant  la  fin  de  l'année  ». 

Ensuite  Cormac  se  rendit  dans  sa  demeure  d'étude,  et  il  se 
tint  là,  méditant  sur  les  mystères  de  la  science  sans  personne 
pour  le  servir,  sauf  quand  on  lui  portait  sa  nourriture  ;  il  y 
resta  trois  jours  et  trois  nuits. 

7.  L'intendant  chercha  comment   procurer  de   l'argent  au 


1.   «  Et  il  ne  garda  pas  une  vache  qu'il  ne  distribuât  »,  si  on  lit  loin,  au 
lieu  de  laim. 


i  i  M.  L.  Sjoestedt. 

righ  gen  imirt  inndligid  ar  neach.  Ocus  tainic  eu  tonzd  a 
scruduidh  leis.  —  "A  C\\orrr\aic,  "  ar  se,  "  in  eadh  dotlv/V  i 
socht  a  n-clv/t-sa  frit  ?"  "hs  eadh", ar  Corinne. —  "Fuarus-sa 
d/f/t  foedala",  ar  se,  "  7  is  doigh  lim  foicela  fein  condligi 
edalais  ".  "  Caidhe  sidlic  ?  ",  ar  Cornuic.'"  In  ndechadhuis 
ar  tur  ronna  '  na  h-Eirenn  ?  "  ar  Maine.  —  "  Ni  dhechadits" 
ar  Cormrtc.  —  "  Doehuadlu^-sa  ",  ar  Maine,  "  7  (uarus  arig 
coicidh  a  nE'irinn  7  atait  a  do  dib-sein  i  Mumain  7  ni  t//cuis-si 
o  ra  gabaisrighi  acht  cain  aenchoicidh  aisdi.  Ocus  da;/o  isdihh  in 
fer  ro  marbh  h'athair  i  cath  Muighi  Mucraimhe  .i.  Mac  don 
mac  Maicniad  meic  Liïxgdeach  7  ni  forai!  d///t-se  cumal  inn  o 
Fhhchaigh  or  is  e  is  brathair  do  7  is  e  ro  ghab  righi  Munifl» 
iarum  ".  —  "  Dothraei  bennacht  "  ar  Corinac  "as  rîrdh[l]e- 
gcd  sin  ".  Ro  gflbusttfr-som  uaill  7  forbhtailtius  de-sin  .i. 
mar  do  soisedh  dho  a  innarba  a  hEiri;/«  7  a  \ccijd  inte  doridisi  ; 
ba  he  sin  mel  in  forbfailtis  tainic  dho. 


8.  [169  b  2]  Docuas  uadh  iar-sin  do  thinol  7  do  thoghairm 
mrtithe  7  urramaidhi  Lethi  Cuinn  2  7  ro  innis  doibh  7  ntesat 
uili  bemw/;/ain  don  rechtaire.  Lir  n-zga\\aitnh  a  slôig  do  Cor- 
mac  atbert  co  na  budh  toltan^r/;  leis  airisium  no  gu  nsed  do 
sâthud  a  phubla  i  M/////ain.  —  "  Na  denaider  ",  ar  siat,  "achl 
ergflt  techta  uait-si  do  chuingidh  na  cumaile-sin  À.  côica  bo  gu 
mbennuib  airg/t  7  cana  cuig/d  7  asdligt'd  in  ni-sin  7  ni  h-ind- 
Wged  7  ni  était-sium  gabail  uime  ".  Do  chuir  Corniac  a  echla- 
cha  budh  dhesda  cuingidh  sin  co  Fiach^/W;  .i.  Tairec  Tun/^ach 
7  Berraidhi  Inasdair.  Ocus  atbfrt  Corniac  :  "  Dia  ndérntar 
freasabhra  frib  abraidh  friu  gen  go  n-agair  ri  riamh  in  cain  ni 
fuicebh-sa  ni  don  cain  ro  dligi/^  o  ro  grtbus  righi  di  neoeb  na 
toracbt  damh  cose 


1.  Tur  ronna  na  h-Eirenn,  sans  doute  Maine  a-t-il  consulté  le  Psallair 
Temhrach  qui  énumérait  toutes  les  subdivisions  d'Irlande  (ba  han  Ira  baoi 
crioch  7  torann  Ereann.  Four  Musters.  A.D.  227). 

2.  Leth  Cuinn.  Nous  avons  généralement  traduit  Leth  Cuinn  (litt.  moi- 
tié de  Conn)  par  Parti  du  Nord  et  Leth  Mogba  (litt.  moitié  de  Mogh)  par 
Parti  du  Sud. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  15 

roi,  sans  commettre  d'illégalité.  Et  ses  recherches  portèrent  leur 
fruit.  —  «  Cormac  »,  dit-il,  «  est-ce  ceque  je  t'ai  dit  qui  te  tient 
plongé  dans  le  silence?  ».  — «Oui  »,  dit  Cormac.  —  «  [e  l'ai 
trouvé  une  source  de  revenu,  «  dit-il  »,  et  il  me  semble  que  tu 
reconnaîtras  toi-même  la  légalité  de  ce  revenu  ».  —  «  Qu'est- 
ce  ?  »  dit  Cormac.  —  «  As-tu  fait  des  recherches  sur  les  divisions 
de  l'Irlande  ?  »  dit  Maine.  —  «  Non  »,  dit  Cormac.  — 
«  J'en  ai  fait  »,  dit  Maine,  «  et  j'ai  constaté  que,  des  cinq  pro- 
vinces d'Irlande,  deux  sont  comprises  dans  le  Munster,  et 
depuis  que  tu  as  accédé  au  trône  tu  n'as  perçu  du  Munster  que 
le  tribut  d'une  seule  province.  Par  ailleurs  c'est  un  homme 
de  Munster  qui  tua  ton  père  à  la  bataille  de  Mag  Mucraime  : 
Mac  Con,  mac  Maicniad  meic  Luigdeach,  et  c'est  bien  le  moins 
queFiacha  te  paye  des  dommages  et  intérêts,  car  il  est  frère 
de  cet  homme  et  a  succédé  au  trône  de  Munster  ».  —  «  Mille 
mercis  »,  dit  Cormac,  «  tu  as  raison  ».  Il  en  conçut  une  joie 
et  une  fierté  aussi  grandes  que  si,  proscrit  d'Irlande,  il  y  eût 
été  rappelé  de  nouveau  ;  si  grande  était  la  joie  qu'il  éprouva. 

8.  Il  réunit  ensuite  et  convoqua  les  seigneurs  et  vassaux  de 
l'Irlande  du  Nord,  et  il  leur  dit  tout,  et  tous  remercièrent  l'in- 
tendant. Après  que  Cormac  eût  conféré  avec  ses  troupes,  il 
dit  qu'il  n'entendait  prendre  aucun  repos  qu'il  n'eût  planté  sa 
tente  en  Munster.  —  «  N'en  fais  rien  »,  dirent-ils,  «  mais 
que  des  messagers  aillent  réclamer  de  ta  part  ces  dommages  et 
intérêts,  soit  cinquante  vaches  aux  cornes  argentées,  et  le  tri- 
but d'une  province,  et  ceci  est  légal  et  non  illégal,  et  ils  ne 
sauraient  en  éluder  le  payement  ». 

Cormac  envoya  ses  messagers  dans  le  sud  pour  réclamer 
cela,  chez  Fiacha.  Ces  chevaliers  étaient  Tairec  Turusach  et 
Berraidhi  Inasdair.  Et  Cormac  dit  :  «  Si  on  vous  fait  des  objec- 
tions, dites-leur  que,  quoiqu'aucun  roi  n'ait  réclamé  encore  ce 
tribut,  je  ne  rabattrai  rien  du  tribut  auquel  j'ai  droit  depuis 
que  je  suis  monté  sur  le  trône  et  qui  ne  m'a  pas  été  versé 
jusqu'à  présent  ». 


i6  M.  L.  Sjoesleàl. 

9.  Dothaegat  fodes  iarum  eu  tech  Fiachach  co  tulaigh  na 
righraidi  frisan  alw  Cnoc  Raphann  inniu.  Ro  fearad  fàilU 
re  h-eclachfl//'/;  righ  ~E\renn  ann  sin.  0c?u  ro  shlonnsat  a 
n-aithiusc.  —  "  Comme",  ar  siat,  "  ror  cuir-ne  cucaibh-si  do 
chuinghidh  a  dhligenais  foruib  ".  —  "  Caidhe  sidhe  ?"ar  fir 
Mumrt//.  "  Nâi  fichit  bo  fa  dhô  uaibh-si,  intan  no  berth  aaein- 
t'ect  as  gac  cuiced  7  ni  rue  acht  a  leth-sin  uaibh-si  o  ro  gabh 
righi.  Oais  dano  is  eicen  faderado  a  cuingidh,eder,  .i.  bodhith 
do  thiachtain  a  seacht  co\zm\\r\aibh  7  i  primhphortaibh  na 
Temhrach.  Ocus dano  is  sibh-si  ro  mharbh  a  athair  7  is  dligld 
cumhal  do  inn  ".  Ro  innis  Fiacha  dh'feraibh  Muma»  sin. 
Atbmsatfir  Mumawnatibritis  in  dedhasin.  —  "  Achtchena", 
ar  iat,  "  uair  is  rà  h-eicin  tancus  uadha-sum  dob^ram-ne  boin 
cech  lis  i  Mumain  do  dia  fbiridhin.  Ocus  uair  nâr  farcaibhset 
againnar  n-aithre,  ni  ba  cjin  '  a  tabairt  do-som  na  u/rsat  ;  ni 
fuiefium  a  cind  ar  mac  in  ni-sin  "  Ocus  dano  asbensat  fria 
F/achaidh  :  "  Tiaghar  uait-si  dh'agallaw/;  Cormaic,  ar  is  doigh 
nach  ûaid  ro  cuinged  in  cuatraime  ud  orainn  ". 


10.  Tiaghuit  tra  echlacha  Fiacha  fris-si/;,  .i.  Cuilleand, 
[179  a  1]  Cosluath  7  Leithrinde  Leabar.  Ra  siachtatar  bud 
thuaidh  eu  Cormac  7  do  raidset  :  "  In  uait  rucadh  in  tech- 
tairacht  ro  chanstft  do  techta  ?  "'.  —  "  Is  uaim  ",  ar  se.  — 
"  Mas  uait  ",  ar  siat,  "  do  berthar  boin  cech  lis  a  Mumain 
duit  dar  ceann  do  bennachta,  acht  na  derntar  bes  de  ".  — 
•'As  ferr  lim  ",  ar  se  "eu  mair  mu  dhligé-d  do  grès  inas  in 
comha  mor  sin  ae'mkcht  ".  Ocus  ro  chuir  a  thechta  ar  cul?/ 
fodes  7  ro  chuinigset  in  çain.  Ro  tinolait  fir  Muman  o  Yiach- 
aigh  7  do  raidh  :  "  Denaid  bar  comairli  fris  siut  ",  ar  se. 
Docoidh  uathaibh  Fiacha  iarsin. 


1.  Nous  comprenons  comme  s'il  y  avait  duin  dans  le  ras.,  la  confusion 
entre  les  prépositions  di  et  do  étant  fréquentes  dans  les  textes  de  cette 
période.  Cf.  §  13. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  17 

9.  Ils  s'en  allèrent  alors  vers  le  Sud  jusqu'à  la  demeure  de 
Fiacha,  sur  la  colline  où  se  trouvait  la  résidence  royale,  et  que 
l'on  appelle  aujourd'hui  Cnoc  ^.aphann.  On  y  souhaita  la 
bienvenue  aux  chevaliers  du  roi  d'Irlande.  Ils  exposèrent  l'objet 
de  leur  mission  :  «  Cormac  »,  dirent-ils,  nous  a  envoyés  vers 
vous,  pour  vous  réclamer  son  dû  ».  — -  «  Qu'est-ce  donc  ?  » 
dirent  les  gens  de  Munster.  «  Deux  fois  cent  quatre-vingts  vaches, 
car  chaque  province  paye  une  fois  ce  nombre  et  vous  n'en 
avez  fourni  que  la  moitié  depuis  le  début  de  son  règne.  Et 
c'est  sous  la  pression  de  la  nécessité  qu'il  vous  réclame  cela, 
car  une  mortalité  du  bétail  s'est  déclarée  dans  les  sept  tribus 
et  les  principaux  forts  de  Tara.  Et  déplus  c'est  vous  qui  avez 
tué  son  père  et  vous  lui  devez  légalement  une  compensation  ». 

Fiacha  dit  cela  aux  hommesde  Munster.  Ceux-ci  dirent  qu'ils 
ne  fourniraient  pas  ce  tribut.  —  «  Cependant  »,  dirent-ils,  «  du 
moment  que  c'est  la  nécessité  qui  a  provoqué  cette  ambassade, 
nous  lui  enverrons  un  bœuf  de  chaque  ferme  de  Munster, 
pour  lui  venir  en  aide  ;  mais  du  moment  que  nos  pères  ne 
nous  ont  pas  légué  cette  obligation,  ce  n'est  pas  à  nous  à  lui 
verser  un  autre  tribut  que  celui  qu'ils  versèrent  et  à  l'imposer 
à  nos  fils  ».  Et  ils  dirent  à  Fiacha  :  «  Envoie  des  messagers  pour 
parler  à  Cormac,  car  sans  doute  n'est-ce  pas  lui  qui  exige  de 
nous  une  si  lourde  redevance  ». 

10.  Les  messagers  de  Fiacha,  Cuilleand  Cosluath  et  Leith- 
rinde  Leabar,  partirent  pour  cette  mission.  Ils  arrivèrent 
dans  le  Nord  auprès  de  Cormac  et  lui  dirent  :  «  Est-ce  de  toi 
que  vient  le  message  que  nous  récitèrent  tes  messagers  ?  ». 
—  «Oui»,  dit  Cormac.  — «  Dans  ce  cas  »,  dirent-ils,  «  on  te 
donnera  un  bœuf  de  chaque  domaine  de  Munster,  pourt'obli- 
ger,  mais  que  cela  ne  crée  pas  un  précédent  ».  —  «  Je  pré- 
fère »,  dit-il,  «  sauvegarder  mon  droit  à  perpétuité,  que  rece- 
voir cette  taille  considérable  une  lois  versée  ».  Et  il  renvoya 
dans  le  Sud  ses  messagers,  qui  réclamèrent  le  tribut. 

Fiacha  réunit  les  hommes  de  Munster  et  leur  dit  :  «  Prenez 
une  décision  à  ce  sujet  ».  Puis  il  se  retira. 


Revue  Celtique,    XIJII. 


i8  M.  L.  Sjoestedi. 

11.  DoroiW  comairli  eneachda  aca-som  dar  a  eisi  .i.  dia 
ro\sed  da  gach  urramach  dhibh  beith  cin  nach  n-irdalta  acht 
bleagan  enbo  7  eu  roised  co  a  nizrbad  7  a  mbeith  cin  biudh 
iardain  is  cach  eïcen  d'uliu  di  araili  7  co  mad  ed  nousfuasluiced 
docum  sochair  in  cain  ût  do  thoidhitin  ',  no  con  foighitnig- 
fitis.  Tancatar  iarsin  ait  i  mbui  Fiacha.  —  "  Cadhi  bar 
comairle?"ar  se."  Asiso.  "  ar  siat.  —  "BeinVi/;beannath/ain", 
ar  se,  "  ar  da  mad  ead  no  be///>agaibh  a  foiditin  no  raghuinn- 
si  uaibh,  ait  na  cluinfind  aforaithmet  eu  brath  ".  —  "7  nocha 
n-acmaing  a  gabala  de  fil  acainn  ",  ol  siat,  "  acht  a  slan  fon 
cuiced  7  ni  dhene  sealbh  sarugad  7  ni  toircenn  iubail  inndli- 
ged". 

Do  cuatar  a  therhta.  do  saighidh  Cormaïc  iarum.  Imtusa  bhfer 
Muman,  roscailset  a  mna  7  a  lenbha  7  a  n-almha  7  a  n-indile 
a  n-indsibh  ocus  a  n-ailenaibh  7  a  n-eic^«dinaibh  in  cuicid  7 
tancatar  lucht  a  n-einzV  7  a  n-engnuma  ait  i  mbui  Fiacha  eu 
Cenn  Claire. 


12.  O  ro  siactatar  a  echlacha  gu  Comme,  ro  raidhset  : 
"  Ni  h-ansud  ",  ar  siat,  "  foemthair  do  chain-si,  dene  in  ni 
bus  maith  lat  cena  ".  Ba  h-irgrain  la  Cormac  in  ni-sin  7 
ro  omhnuigh  eu  mor,  ar  forfidir  ro  ba  mana  ad  ha  moir  tia- 
chta'm  ris  uma  dhlig^,  uair  nach  inndligftf  ro  cuinn^f  7  se  in 
airdrigi  Erenn.  Tugait  ann-sin  a  primdraithi  gu  Cormac  À. 
Citach  [170  a  2]  Cithmor,  Cect,  Crota,  Cithruad,  oir  batar 
sidhe  fria  re  Cuind  7  Airt  7  Chormaic  ac  faistine  7  ni  frith  a 
n-eiliugaJ.  —  "  Deinidh  co  h-ul\amb  faitsine  dham-sa  ",  ar 
Cormac  :  "  Gdh  bias  damhdon  tur«5-sa  teidhim  ?".  —  "  For- 
finnfow-ne  d«it-;si  sin  ",  ar  siat  "  acht  co  tuga  ré  dûn  ra  turar 
ar  bfaitsine  ".  —  "  Doberthar  ",  arse.  Dothaetsom  i  formnai 
i  fesa  7  i  n-eolusa  7  do  faillsigedh  daibh  eu  mad  de  no  ragad 
oie  do  Cormac  a  tiachtain  i  Mumain.  Ocus  tancatar  do  saich- 
tin  Cormaic.  —  "  Cidh  ro  faillsig^i  daibh  ?  "   ar  Cormac.  — 

1.  Sans  doute  faut-il  lire  foiditin. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  la 

11.  Ils  prirent  alors  une  décision  honorable.  Quand  bien 
même  chacun  des  vassaux  (?)  n'aurait  plus  d'autre  ressource 
que  le  lait  d'une  seule  vache,  et  serait  réduit  à  la  tuer  et  à  se 
trouver  ensuite  sans  nourriture  et  exposé  successivement  à 
toutes  sortes  de  privations,  quand  bien  même  il  lui  suffirait 
pour  faire  la  paix  de  verser  ce  tribut,  ils  ne  se  soumettraient 
pas.  Ils  vinrent  ensuite  trouver  Fiacha.  —  «  Qu'avez-vous 
décidé  ?  »  dit-il.  —  «  Voici'»,  dirent-ils.  —  «  Je  vous  rends 
grâces»,  dit-il,  «car,  si  vous  aviez  pris  le  parti  de  la  soumis- 
sion, je  vous  aurais  quittés,  pour  aller  en  un  lieu  où  je  n'au- 
rais jamais  entendu  parler  de  tout  cela  ». — «  Ce  qui  arrive 
maintenant,  n'est  pas  tant  qu'il  s'empare  de  notre  propriété 
mais  bien  qu'il  défie  toute  la  province  »,  dirent-ils,  «  la  fortune 
n'autorise  pas  à  commettre  l'injustice  et  l'illégalité  ne  sau- 
rait donner  lieu  à  une  prescription  ». 

Les  messagers  allèrent  ensuite  trouver  Cormac.  Quant  aux 
hommes  de  Munster,  ils  envoyèrent  leurs  femmes,  leurs 
enfants,  leurs  troupeaux  et  leur  bétail  dans  les  îles,  les  îlots  et 
les  divers  refuges  qu'offrait  la  province  ;  les  gens  d'un  rang  à 
avoir  une  suite  (?),  et  ceux  qui  étaient  en  état  de  porteries  armes 
se  rendirent  auprès  de  Fiacha,  à  Cenn  Claire. 

12.  Lorsque  les  envoyés  de  Munster  arrivèrent  auprès  de 
Cormac,  ils  lui  dirent  :  «  Ne  compte  pas  sur  les  gens  de  là- 
bas  pour  payer  ton  tribut  ;  fais  ce  que  bon  te  semblera  ».  Cor- 
mac accueillit  cette  nouvelle  avec  fureur  et  en  fut  tout  épou- 
vanté, car  il  considérait  que  c'était  le  signe  précurseur  d'une 
grande  lutte  que  d'oser  lui  tenir  tête  quant  à  son  droit,  alors 
qu'il  ne  réclamait  rien  que  de  légal,  du  fait  qu'il  était  grand  roi 
d'Irlande. 

Les  principaux  druides  de  Cormac  lui  furent  amenés  : 
c'étaient  Cithach,  Cithmor,  Cecht,  Crota,  et  Cithruadh  ;  ils 
avaient  exercé  les  fonctions  de  divinateurs  sous  Conn,  Art  et 
Cormac,  sans  qu'on  les  eût  jamais  pris  enfaute.  — «  Faites-moi 
au  plus  tôt  une  prophétie  »,  dit  Cormac  :  «  quelle  sera  l'issue 
de  l'expédition  où  je  m'engage  ?»  —  «  Nous  le  devinerons  pour 
toi  »,  dirent-ils,  «  pourvu  que  tu  nous  donne  le  temps  néces- 
saire pour  faire  notre  prophétie  ».  —  «  Soit  »,  dit-il. 

Ils  firent  appel  à  leur  art  et  à  leur  science  la  plus  haute,  et 


2o  M.  L.  Sjoestedt. 

"  As  i  an  ni  ro  hïllsiged  dun  ",  ar  siad,  "  gidh  sain  ind  aisneis. 
Ocus  is  sarugwd  dun  do  dula-sa  i  Mumarà.  Ocus  mad  dia 
n  dighea  in  fortamlus  fil  uait-si  fortha-sfl;?,  biaidh  uaidhibh- 
sium  fort-sa  ". 


13.  "  Apair,  a  Cithriiaidb  ",  ar  Cormac,  "  cidh  ro  foillsïgrtf 
d///t  ?»  —  "  Inni  ra  &\[\siged  ",  ar  Ckhruadb  :  "  Ni  edaim  a 
ghabhail  duit-se  '  a  dula,  ar  fogebhu  fort  cheile  nmrtfas  for 
.1  dula.  Acht  coin  is  de  tic  h'olcugwd  "  ;  7  do  raidh  in   retho- 

rec-sa  :  c>  A  Chon/w/V  choirchostadaigh innsaigh  cert  is 

coir,  a  Cormaic  ". 

14.  "  Cidh  dano  ra  h'iWsigi'd  ànil-sl,  a  Crota  ?  "  ar  Cor  mac 
-  "  Inni  ro  faïïUiged  dam  indisfet  d///t-si  "  ar  Crota,  7   do 

raidh  in  retborec  so  : 

"  Daim  h  coir,  a  Chormtf/c,  geibli  coir,  a  Cormaic,  ni  coir 
sar  ar  saeirfcruibh  "... 

15.  "'Cidh  ra  iaiWsiged  duit,  a  Checht  ",  ar  Cornuic  ?  — 
"  Inni  ra  (o'ûlsiged  dham  ",  ar  Cccht,  "  docluinfea-sa  ",  7  do 
raidh  in  rethorec-so  : 

"  Crich  Moglia.  Ma/Vggu  riefa.  .  . 

16.  "  Cidh  ro  foilUi^W  d///t,  a  Chithaigh  ?  "  nrCormac.  — 
"  Inni  ro  (àiUsiged  dhamh  "  ar  Cithach  "  forhnnfa-sa,  .i. 

Scel  lcam  d///t,  a  meic  Airt  ". 

17.  "  Cid  ra  foiïïsiged  duit,  a  Cith  Mhoir  ?  "  ar  Cormac  — 
"  Ro  cluinfi-sa  lie  ",  ar  Cith  Mhor  .i.  "  Cluinidh  uaim,  a  dainn 
Chuinn ..." 

18.  Tue  san  fuath  dona  draithibh  ar  a  tarmiusc  uime  7 
ro  raidh  :  "  Ni  sibsi  nertfas  orum-sa  an  tur//.f-sa  do  dhula. 
Acht  cem  dia  faghbuinn-si  bar  n-eiliugbadlj-s'i  nonind^efainn 
oraibh  "  —  "  Nu  chan  uaruis  7  nu  con  fuighbliea  ",  ar  siat. 
Con/d  he  ni  ar-a  tarla  a  menma-seom  beitb  oc  hrraidb  a 
n-e\\ighû  fo  Eirinn  7  ni  fuair. 

1 .  Nous  comprenons  comme  s'il  yavahdil-sa,  do  et  ai  étant  fréquemment 
confondus.  Cf.  §  9. 


Le  siège  de  Druim   Damhghaire.  21 

il  leur  fut  révélé  que  cette  expédition  en  Munster  serait  l'ori- 
gine des  infortunes  de  Cormac.  Ils  vinrent  le  trouver.  —  «  Que 
vousa-t-il  été  révélé  ?  »  dit  Cormac.  —  «  Voilà  ce  qui  nous  a 
été  révélé,  si  singulier  qu'en  soit  l'énoncé.  Nous  désapprou- 
vons ton  expédition  en  Munster.  Si  tu  v  vas,  sache  que  la 
tyrannie  que  tu  cherches  a  exercer  contre  eux,  eux  chercheront 
à  l'exercer  contre  toi  ». 

13.  «  Dis,  Cithruadh  »,  dit  Cormac,  «  qu'est-ce  qui  t'a  été 
révélé  ?  ».  —  «  Le  voici  :  il  n'est  pas  en  mon  pou  voir  de  ['empê- 
cher de  partir,  car  tu  trouveras  une  épouse  qui  t'y  encourager.). 
Mais,  cependant,  c'est  là  l'origine  de  tes  malheurs  ».  Et  il  dit  la 

rhétorique   suivante   :    «   O   Cormac  le  querelleur 

attache-toi  au  juste  et  au  bien,  ô  Cormac  ». 

14.  «  Qu'est-ce  qui  t'a  été  révélé,  à  toi,  Crota»,  dit  Cormac. 
—  «  Je  vais  te  le  dire  »,  dit  Crota.  lit  il  dit  la  rhétorique  suivante  : 
«  Rends  la  justice,  ô  Cormac;  reçois  la  justice,  o  Cormac.  Il 
n'est  pas  juste  de  frire  tort  à  des  hommes  libres,  etc.  ». 

15.  «  Qu'est-ce  qui  t'a  été  révélé,  6  Cecht  »,  dit  Cormac.  — 
«  Tu  vasl'entendre  »,  dit  Cecht,  et  il  dit  la  rhétorique  suivante. 
■'  Favsde  Mogh,  c'est  pour  ton  malheur  qu'il  y  viendra  *>,  etc. 

16.  «  Qu'est-ce  qui  t'a  été  révélé,  Cithach  ?  »  dit  Cormac.  — 
«  Je  vais  te  l'apprendre  »,  dit  Cithach.  «  J'ai  une  nouvelle  à 
t'apprendre,  ô  fils  d'Art  »,  etc. 

17.  «  Qu'est-ce  qui  t'a  été  révélé,  6  Cithmor?  »  dit  Cormac. 
«  Tu  vas  l'entendre  »,  dit  Cithmor.  «  Apprendsde  moi,  descen- 
dant de  Conn  »,  etc. 

18.  Il  se  prit  de  haine  pour  les  druides,  qui  contrariaient 
ses  desseins,  et  leur  dit  :  «  Ce  n'est  pas  vous  qui  m'encoura- 
gerez à  partir  pour  cette  expédition.  Mais  sache/  que  si  je 
vous  trouveen  faute  je  ne  vous  épargnerai  pas».  —  «Tune  nou> 
a  jamais  trouvés  et  ne  nous  trouveras  jamais  en  faute  », 
dirent-ils.  Et  voilà  comment  il  arriva  que  Cormac  était  en 
quête  par  toute  l'Irlande  d'un  moyen  de  les  prendre  en  faute, 
mais  en  vain. 


22  M-   L.  Sjoestedt. 

19.  Conzs  tarla  la  n-ann  do  seilg  7  foram  mil  maige  o  Shidh 
Cleitig  sottr  tuaid.  Is  annsidhe  ro  gluaisit  a  coin-siumh  in 
fiagh-sin  7  dorala  a  muinnter-som  urle  a  ndiaigh  na  con  7 
ro  facbad-som  a  aenur  ansin,  cor  fas  ceo  mor  fair  7  co  tainic 
toirrthim  codalta  fair  isin  tu\aigh.  Ocus  ba  he  ào\rc\\echt  bui 
isin  ciaich-sin  cur  bo  doigh  leo-som  ba  aghaidh  7  gia  no  canta 
ceoil  7  cuislinna  do-som,  ni  ferr  do  choideW/?  inas  amail  ro 
chodail  fna  fogurcheol  na  gcon  imon  cnoc  im-a  c[i7o  b  2] 
uairt.  Contfd  annsin  atcuala  in  guth  uasa  7  is  eadh  ro  raidh 
sidhe  .i. 

"  Ardotrae,  a  Chormaic,  caeim  codultaig  Cleitigh.  Cidh  ni 
fuil  fort  naimhdiu  buan  t'ainm  os  Eirinn  ?  Eirigsunn.  .  . 


20.  Adracht  Comme  iarsin  7  ro  chuir  a  mertin  de  co  n-acca 
da  laim  deis  oca  ingen  lucair  laimgheal  ba  caeime  do  mhnaibh 
betha  7  faiteran  firaluinn  uimpe  7  lene  orsnai//j  fria  cnes  7 
do  chuir-si  failti  re  Cormac.  —  "  Cia  cuires  m  failti?  "  ar 
Cormdc.  —  "  Bairrfinn  Blaith  Bairche,  .i.  Ingen  righ  Sidha 
Buirche  a  crich  L&igean  7  tucus-sa  gradh  dait-si,  7  nuchan  uirus 
h'âgsMatnb  eus  anosa.  "  —  "  Rabhâsa  eimh  zmcoàladh,  "  ar 
se,  "  ra  fogurcheol  na  con  intan  rom  duiscis.  "  —  "  Mo  euhus 
amh,  "  ar  an  ingen,  "  is  olc  in  t-ord  fir  do  leithédi-si  sealg  mil 
maige  do  denam,  ar  nir  furail  àuit  sealg  mhuice  no  aighi  zmal 
dognitis  airdrigh  romud,  or  is  d'aes  oebaid  is  du  sin  ;  is-  é 
cradh  crotha  7  dealhha  doghni  dhoibh  7  iss  eadbin  s^rgsamh  he. 


24.  Is  ann  atb^rt  an  ingen  :  "  tar  lim-sa,a  Chormaic,  isin 
sith-sa  innonn  Cleitich  in  baile  i  ta  mo  aide  .i.  Ulcan  mac 
Blair  7  mo  muime  .i.  Maol  Mhisazdach,  eu  ro  faier-sa  lat  in-a 
bhfiadhnuisi  er  laimh  7  ar  \eabaidb.  "  —  "  Nucha  ragh-sa 
eim,"ar  se,"  nogutuctar  a  logh  dhamh  ".  —  *'  A  Chormaic, " 
ar  si  *'  ro  featar-sa  in  ni  iarai  7  na  bhthuil  fot  menmain,  .i. 
sochmiti  sloigh  d'iaradh  7  dober-sa  dhuit  int  sochraiti  druadh 
as  ferr  fuair  ri  romad  7  da  nâ  coemsaii  ectrainn  ni  .i.  tri  h- 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  23 

19.  Un  jour  il  s'en  alla  à  la  chasse  au  lièvre,  au  Nord-Est 
de  Sidh  Cleitig.  C'est  en  ce  lieu  que  ses  chiens  firent  partir  la 
bête,  et  que  toute  sa  suite  se  lança  à  la  suite  des  chiens,  si 
bien  qu'il  se  trouva  seul.  Un  épais  brouillard  l'environna  et  il 
s'endormit  sur  la  colline.  Si  opaque  était  le  brouillard  qu'on 
aurait  cru  qu'il  taisait  nuit.  Même  si  on  lui  avait  joué  de  la 
musique  et  de  la  cornemuse,  il  n'aurait  pu  mieux  dormir  qu'il 
ne  dormit  là,  au  son  des  abois  des  chiens,  parmi  les  collines 
qui  l'environnaient. 

C'est  alorsqu'il  entendit  une  voix  au-dessus  de  lui,  et  voici 
ce  que  lui  disait  cette  voix  : 

«  Lève-toi,  Cormac,  beau  dormeur  de  Cleiteach,  que  ne 
rends-tu  ton  nom  durable  et  illustre  dans  toute  l'Irlande  par  tes 
victoires  sur  tes  ennemis  ?  »,  etc. 

20.  Cormac,  alors,  se  leva,  et  sa  langueur  le  quitta  quand 
il  vit  à  sa  droite  une  jeune  fille.  C'était  une  merveille  aux 
blanches  mains,  la  plus  belle  femme  qui  fût  au  monde  :  une 
tunique  splendide  l'entourait  ;  elle  portait  contre  la  peau  une 
chemise  brodée.  Elle  salua  Cormac.  «  Qui  es-tu,  toi  qui  me 
salues?  »  dit  Cormac.  «  Je  suis  Bairrfhinn  Blaith  (la  belle  aux 
cheveux  d'or)  de  Bairche,  la  fille  du  roi  de  Sidh  Buirche,  en 
Leinster.  Je  me  suis  éprise  de  toi,  et  voici  la  première  occa- 
sion que  j'ai  de  te  parler  ».  —  «  Je  dormais,  »  dit-il,  «  au  son 
des  abois  des  chiens,  quand  tu  m'as  éveillé».  «  Par  ma  foi  »,  dit 
la  jeune  fille,  «  il  ne  convient  pas  à  des  hommes  de  tasortede 
chasser  le  lièvre.  Ce  serait  bien  le  moins  que  tu  chassasses  le 
sanglier  ou  le  cerf,  comme  faisaient  les  grands  rois  qui  t'ont 
précédé.  Car  ces  exercices  conviennent  à  la  jeunesse;  ce  que 
tu  fais  ne  sert  qu'à  ruiner  la  force  et  la  beauté  par  une  lente 
décadence  ». 

24.  C'est  alors  que  la  jeune  fille  dit  :  «  Viens  avec  moi, 
Cormac,  dans  la  résidence  féerique  par  delà  Cleitech,  là  où 
demeure  mon  père  nourricier  Ulcan  mac  Blair,  et  ma  mère 
nourricière  Maol  Miscadach  ;  afin  que  je  te  prenne  avec  leur 
aveu  comme  mon  époux  et  le  compagnon  de  ma  couche.  » 
—  «Je  n'irai  pas,  »  dit-il,  «  sans  qu'on  m'en  accorde  le  salaire  ». 
«  Cormac,  »  dit-elle,  «  je  sais  ce  que  tu  cherches  et  ce  qui 
te  préoccupe  :  tu  cherches  une  troupe  pour  t'accompagner. 


2.j  M.   L.  Sjocsiedl. 

\ngem  Maeil  Wiscaidhe,  .i.  Errgi  7  Eang  7  Eangain.  Ocus  tiag^t 
sidhe  i  ndeilb  tri  caerach  lach/wa  co  ceannuibh  cnama  7  gun- 
gobaib  iarainn  7  a'/  a  comlunn.  7  ni  tic  nach  dhibh  i  mbethad 
uaidhibh  ar  is  nmlaid  itat  co  luas  |  171  a  1]  ainnle  '  7  gu  n-ath- 
laimhe  iarainne  7  claidim  7  tuatha  in  domain  do  ghabail  doib 
ni  dipaigfea  ar  lou  nach  ar  finda  dhoibh.  Ocus  dano  atat  dâ 
t'erdrai  ann  7  raguit  duit-si  beos  .i.  Colptha  7  Lurga,  dâ  mac 
Cichuil  Coinblir/rtaigh  7  luchtin  cuicidh  uili  cusa  ricfat  muir- 
bhrit-seom  uili  iat  i  bhfiraeinfir  m  un  «5  imgabut,  ar  is  amlaidh 
itat  eu  nacli  gebet  renna  na  foebra.  Ocus  cian  gar  beit  ar  aen 
friut  na  dena  comairle  neich  aili  acbt  a  comairle. 


22.  Ba  fail/rfla  Cormac  inni-sin,  7  do  chuir  a  bron  de  7  fai- 
llie lasin  rigin  isin  sid  in  agaidh-sin  7  ro  tai  ar  laimh  7  ar  lea- 
baid  le  7  do  bui  insin  gu  ceann/m  la  7  tria  aidhche  7  t//cadh 
in  tsocraidi  sin  do  7  tainic  roime  cô  Temhraigb  7  ni  t//c  da 
oidh  a  draithi  fein  7  ni  dhenad  a  comairli  achl  adhradh  don 
luet  ut  7  a  comairli  do  dhenumh. 

Docuas  uadha-sum  iarum  arcenn  a  muindteri  7  do  voacbta- 
tar  chuigi  7  do  innis  doibh  in  tsochr//te  fuair  7  bat  (a'ùid  uili 
de  sin. 

23.  Ro  œimheirigh  Cormac  roime  imach  iarsin  7  tainic  in 
zgaidh  sin  eu  Comar  na  Cuan  risin  abar  Comar  Cluana  hlraird  2 
aniu  7  gnisit  ann-sin  botha  7  belscala  7  ron  suidhighidht'd/; 
longphort  foninnus-sinacu.  Racoimheir/o-/?  tra  Cith  Ruadh  asin 
longport  siardhes  eu  rainic  or  in  tsrotha.  Con  faca  araile  laech 
torusda  finnliath  don  \eith  aili  don  tsrut,  .i.  Fis  mac  Aithfis 
mac  Fireoluis  a  cr/ch  Lâigean  primdrai  na  cr/che  7  bai  cach 
dibh  og  acalluim  a  cbele  7  ro  ûaraigh  Fis  do  Cith  Ruadh  c'ait 
i  mbui  Cormac  cona.  sloguibh.  Do  frecair  Cith  Ruadh  7  doron- 
sat  in  laidh  etorra. 

1 .  ainnle  —  fainnle. 

2.  Dans  l'interligne  :  no  l,  au-dessus  de  /  :  ce  qui  donnerait  hllaird. 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire.  25 

Eh  bien,  je  te  donnerai  une  compagnie  de  druides,  meil- 
leure que  celle  qu'eut  aucun  de  tes  prédécesseurs,  à  laquelle 
aucun  étranger  ne  pourra  résister  ':  les  trois  filles  de  Maol 
Miseadach  :  Errgi,  Eang  et  Engain.  Elles  prennent  la  forme  de 
trois  brebis  brunes,  aux  têtes  d'os,  aux  becs  de  fer,  égales  dans 
le  combat  à  cent  hommes;  nul  ne  leur  échappe  vivant,  car 
elles  sont  aussi  rapides  que  l'hirondelle,  aussi  agiles  que  la 
belette,  et  toutes  les  nations  du  monde  pourraient  s'attaquera 
elles  sans  leur  trancher  brin  ou  poil. 

Nous  avons  aussi  deux  druides  mâles,  qui  viendront  en  outre 
à  ton  aide  :  ce  sont  Colptha  et  Lurga,  les  deux  fils  de  Cichal 
Coinblichtach.  Ils  tueront  en  combat  singulier  tous  les  guer- 
riers de  la  province  où  ils  iront,  à  moins  que  ceux-ci  ne  s'en- 
fuient devant  eux,  car  ils  sont  tels  qu'on  ne  peut  les  entamer 
ni  d'estoc  ni  de  taille.  Aussi  longtemps  qu'ils  seront  auprès  de 
toi,  ne  suis  aucun  conseil  que  le  leur  ». 

22.  Tout  cela  plut  fort  à  Cormac  ;  il  secoua  sa  tristesse  et 
s'en  alla  avec  la  reine  dans  le  domaine  féerique,  ce  soir  même  : 
il  dormit  à  côté  d'elle  dans  sa  couche,  et  resta  près  d'elle  trois 
jours  et  trois  nuits  ;  on  lui  donna  la  troupe  promise,  et  il  s'en 
retourna  à  Tara.  Ses  propres  druides  ne  furent  plus  écoutés; 
leurs  conseils  ne  furent  plus  suivis,  mais  bien  ceux  de  cette 
gent  étrangère  qui  était  en  faveur. 

Cormac  envoya  prévenir  sa  cour  ;  tous  se  réunirent  autour 
de  lui.  Il  leur  annonça  le  secours  qu'il  avait  obtenu,  et  tous 
se  réjouirent  de  cette  nouvelle. 

23.  Là-dessus,  Cormac  se  mit  en  marche  et  parvint  le  pre- 
mier soir  à  Comar  na  Cuan,  qu'on  appelle  aujourd'hui  Comar 
Cluana  hlraird;  l'armée  construisit  là  des  baraques  et  des 
abris,  et  c'est  ainsi  que  fut  établi  le  camp. 

Cithruadh  sortit  du  camp  et  marcha  vers  le  Sud-est  jusqu'à 
la  rivière.  Là  il  vit  un  guerrier  à  la  taille  imposante,  au  chef 
gris,  sur  l'autre  bord  du  fleuve.  C'était  Fis  mac  Aithfis  meic 
Fireoluis,  habitant  de  Leinster  et  grand  druide  de  cette  pro- 
vince; ils  causèrent  ensemble.  Fis  demanda  à  Cithruadh  où 
se  trouvait  Cormac  et  son  armée,  Cithruadh  répondit,  et  ils 
composèrent  ensemble  ce  poème  : 


26  M.  L.  Sjoestedt. 

24.  |  Cl.  A  Comur  na  Cuan  anochf  ata  in  ûuagh  a  n-a  long- 
port. 
Ar  na  ngresissadh  tar  linn  lé'  do  clainn  Mhaeili  Miscaidhche, 
(  F].  Abair  frium,    a  Chhhruaidh  chain'  cid  tic   Cormac  a 

Temraigh. 
Airdri  na  fath  eus  anochf  nir  ghnath  a  beith  a  longpor/. 
\C\.  D'izr  a  idh  chumail   Airt    meic  Cuinn"   ar    ua  nO'ûella 

Oluim. 
Is  canacuicidh  gan  brath"  nar  chu'mnigh  Conn  C^/chathach. 
[F].  Dobenzt  Cormac  gin  cain*  clann  Cichail  ;  rus  bia  comg- 

hair 
Milllit  maedhacta  gu  clé"  na  sillitiu  siabhairthe. 
[C].  In  a  tacra  budh  fa  sru.th  fis-  a  mie  Aithfis  mie  eoluis 
Beit  co  mis  dergfait  tonna"  os  [171  a  2]  laechrad  lerg  liatro- 

ma 
[F\.  Mairg  theit  a  Munwm  na  marc*  a  meic  fir  Crodha  Cae- 

cat. 
Bidh  treadh  linn  in  chonghair  cain"  biasduibh  tre  comdhail 

comainm 
[C]  Ni  ba  damh-sa  nach  ba  holc"  mis  is  raithi  is  bliagam  o 

anocht. 
O  bhias  sai  na  suadh  amne"  Mogh  Ruith  ria  ngasrarf  Claire. 
[F\.  As  mairg  ara  tibri  a  treas'  Donn  Dairine  deallbh  dileas 
7  Failbhe  fer  eichrinn"  re  techt  a  n-iath  n-ecomlainn. 
[C].  Ni  ba  terr  nal:  Mogha  Co^b"  na  Fiach-ach  in  la  bus  lorg. 
Bud  gnimh  uaile  don  dis  dil"  budh  leo  cis  Cuaine  Comair. 
A  comar. 

25.  O  thairnic  dona  draithibh  a  n-imacallaim,  7  rop  olc  a 
bhfaitsine  don  tshiagb,  atcualator  graigbertaigh 2  7  tarbhchoin 
turusa  7  gille  echraide  7  ro  aisneset  do  Chormac,  7  asb^rt 
Cormac  :  "  Imthigidh,  "  ar  se,  "  7  marbhthar  in  dara  drai  libh 
7  bualtar  araile  eu  nâ  rabh  acht  innarsan  3  dia  znmain  and.  "  Ro 
faillsiged  dona  draithibh  inni-sin  7  imscail  cach  dibh  o  araili. 


1.  Nous  traduisons  comme  s'il  y  avait  dàil. 

2.  Nous  n'avons  pas  retrouvé  ailleurs  les  mots  graigbertach,  larbhcû. 

3.  Nous  n'avons  pas  retrouvé  ailleurs  innarsan. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.      ■  27 

24.  Cithruadh.  Cette  nuit  à  Comar  na  Cuan  est  campée 
l'armée,  à  l'instigation  des  enfants  de   Mael  Miscadach. 

Fis.  Dis-moi,  beau  Cithruadh,  pourquoi  Cormac  a-t-il  quitté 
Tara  ?  Jusqu'à  ce  soir  ce  n'était  pas  l'usage  du  grand  roi  célé- 
bré des  poètes  (?)  d'être  en  campagne. 

Cithruadh.  C'est  pour  demander  le  prix  d'Art  mac  Cuinn  au 
petit-fils  d'Oilill  Olom,  et  le  tribut  d'une  province  —  sans 
fraude  —  que  Conn  Cétchathach  n'avait  pas  coutume  de 
demander. 

Fis.  Ils  feront  que  Cormac  sera  sans  tribut,  les  fils  de  Cichal. 
Ils  seront  acclamés.  Ils  feront  un  affreux  carnage  de  jeunes 
gens,  avec  leurs  regards  (?)  ensorcelés. 

Cithruadh.  De  cette  discussion  sortira  le  savoir  (?).  O  mac 
Aithfis  mac-eoluis,  les  vagues  en  seront  rouges  pendant  un 
mois,  au-dessus  des  guerriers.  .  . 

Fis.  C'est  pour  son  malheur  qu'on  va  dans  le  Munster 
nourricier  de  chevaux,  ô  fils  véridique  de  Crudh  Caecat... 

Cithruadh.  Il  ne  m'arrivera  rien  de  fatal,  avant  un  mois  un 
trimestre  et  une  année  à  dater  de  ce  soir,  lorsque  viendra  le 
sage  des  sages,  Mogh  Ruith,  à  la  tète  des  gens  de  Claire. 

Fis.  Malheur  à  qui  combattra  Donn  Dairine  à  la  noble 
apparence,  ou  Failbe  le  con  battant  lorsqu'il  s'avance  sur  le 
champ  de  bataille. 

Cithruadh.  Il  ne  vaudra  pas  mieux  de  rencontrer  (?)  Mogh 
Corb,  ou  Fiacha  au  jour  de  la  poursuite.  Ces  deux-là  accom- 
pliront des  exploits  téméraires  :  c'est  à  eux  que  reviendra  le 
tribut  de  Cuan  Comair. 

25.  Comme  les  druides  terminaient  leur  conversation  (et 
triste  était  le  sort  qu'ils  prédisaient  à  l'armée)  les  valets,  les 
molosses  (?)  et  les  palefreniers  les  entendirent;  ils  rapportèrent 
leurs  paroles  à  Cormac,  et  Cormac  dit  :  «  Allez;  tuez  l'un  des 
druides,  et  frappez  l'autre,  jusqu'à  ce  qu'il  ne  lui  reste  plus 
qu'un  souffle  de  vie.  »  Les  druides  eurent  révélation  de  cela; 
ils  se  séparèrent.  Cithruadh  rentra  au  camp,  sous  une  appa- 
rence déguisée,  afin  de  ne  pas  être  reconnu. 

L'autre  druide  s'en  retourna  vers  le  Sud,  et  il  tourna  son 
visage   par  trois  fois  vers  l'armée,  et  leur  envoya  un  souffle 


2 S  M.  L.  Sjoesfedt. 

Imsoi  Cith  Ruadh  isin  longpurt  ar  cula  fo  ecasc  nâuziihnidh 
ar  daigh  na  tardta  aithne  fair;  imsoi  iarum  in  drai  aili  roime 
fodhesy  impaidh  aagaidh  fo  tri  ar  na  sloghuibh  7  cuiridh  ztiz\ 
druidechta  fuithibh  tre  dian  draidhechta  eu  ro  lâastar  in  <ûuagh 
uili  fô  énecasc  7  encruth  ris-sium  fein  .i.  ite  forusta  findliatha 
uili  ama/7  bai-sium.  Ocus  o  ticedh  cach  dibh  dar  in  sruth  a 
ndegaid  in  druadh  gabdais  for  imescargam  a  cheli  ic  malairt 
mong7  ic  cirtlam  7  ic  atlugrtdh  tuaithbil  7  do  gabudh  cach  dibh 
na  mealldurna  moga/de  dar  tulphairt  aighthi  '  araili,  ar  ba  doigh 
la  gacli  fear  dibh  ba  he  in  drai  in  te  iteeth. 

26.  O  ro  rathaig  in  sluagh  inni-sin,  rop  ingnath  leo  in 
imthuarcam  bai  etarra  7  ro  raidset  :  "  A  ta  slogh  comuiglvach 
oc  cathugud  frinn  no  ra  himreadh  diandraidhechta  orruind." 
Imsoe  uadhaibh  in  drai  iarum  iar  facba/7  in  tsloigh  ton  n-in- 
nus-sin. 

Ro  faillsigev/  immorro  do  Choxmac  gur  bo  diandraidhechta 
ro  Wxmreadh  forro  7  asbert  a  m/////tir  do  thabairtcuigi  isin  long- 
purt [171  b  1]  ar  cul  7  dorât  tromachmhusan  dona  draithibh 
frisi  tart  taebh  .i.  Colptha  et  r cliqua .  Ocus  atbertsat  sidhe  nar 
i>at  cintuigh  uair  nach  riu  ro  comairlei^d  na  sloig  do  chur 
immach.  Ar  ai  sin  ro  eirghetar  7  tuesat  anal  druadh  fort  sluagh 
7  ro  imriset  dian  draidhechta  forro  7  ro  soidlWfr  in  sluagh  in 
a  n-ecusg  féin  iar//;;/. 


27.  Batar  in  slûag  annsin  co  dubac  drochmenmach  moir- 
cnedach  fo  coir  leighis  7  othrusa  gin  gu  raibhi  dianbas  no 
marbh  daine  eturra.  Tança tar  rompu  arnamarach  siar  i  mBec 
Magh  7  i  Coill  medoin  7  tar  iarthar  deiscirt  Midhe  co  ranca- 
tar  eu  h-Ath  in  tsloig,  risin  a  bar  Ath  na  n-irlann  aniu. 
Doghniset  botha  7  belscala  annsin,  7  rosaidhs^t  a  pupla.  Ocus 
gabsat  a  luch  fesa  7  eoluis  for  fegad  nel  firwawinnti  uaisdibh. 
Dochuaidh  dano  Crota  dar  in  ath  siar  sechtair  con  faca  cuigi 
drai  na  cr/che  ba  coimhnesa  dho.  Fer  Fâtha  a  comhainm  sidhe. 
Ro  h&rfuigh  sidhe  do  Crota  cia  doroine  in  mulrnd  7  in  tsesilbh, 
fria  h-ath  atuaidh  7  dorindi  in  \aidh  7  do  freacair  Crota. 

1.  tulphairt.  Cf.  §  88. 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire 


29 


magique,  grâce  à  sa  puissance  magique  ;  si  bien  que  toute 
l'armée  revêtit  la  même  apparence  et  la  même  forme  que  lui- 
même.  Car  tous  avaient  une  mine  imposante  et  un  chef  gris 
comme  lui.  Et,  dès  qu'ils  traversaient  le  fleuve  à  la  suite  du 
druide,  ils  se  mettaient  à  se  massacrer  les  uns  les  autres.  Ils 
s'arrachaient  leurs  chevelures,  se  maltraitaient,  rendant  coup 
pour  coup;  et  chacun  frappait  de  lourds  coups,  combattant 
en  manant,  sur  le  front  et  la  face  des  autres  :  car  chaque 
combattant  prenait  tout  homme  qu'il  voyait  pour  le  druide. 

26.  Lorsque  l'armée  se  rendit  compte  de  ce  qui  se  passait, 
ils  ne  comprirent  pas  que  c'était  eux-mêmes  qui  se  massacraient 
mutuellement,  et  ils  dirent  :  «  une  armée  puissante  combat 
contre  nous,  à  moins  que  nous  ne  soyons  les  jouets  de  sorti- 
lèges efficaces  ». 

Le  druide  s'en  alla  ensuite,  en  laissant  l'armée  en  cet  état  : 
il  fut  révélé  à  Cormac  que  son  armée  avait  été  le  jouet  d'un 
sortilège.  Il  ordonna  qu'on  lui  ramenât  ses  gens  au  camp,  et 
fît  de  sanglants  reproches  aux  druides  en  qui  il  avait  placé  sa 
confiance,  c'est-à-dire  à  Colptha  et  à  ses  compagnons.  Ceux- 
ci  dirent  qu'ils  n'étaient  pas  responsables,  car  ce  n'étaient  pas 
eux  qui  avaient  conseillé  de  faire  sortir  les  troupes.  Ils  se 
levèrent  ensuite,  imposèrent  un  souffle  magique  sur  les  troupes 
et,  par  la  torce  de  leurs  sortilèges,  ils  les  ramenèrent  à  leur 
forme  première. 

27.  Les  hommes  étaient  alors  tristes  et  découragés,  couverts 
de  blessures,  et  réclamant  les  soins  qu'on  doit  aux  malades, 
sans  qu'il  y  eût  cependant  aucun  cas  mortel  parmi  eux. 

Le  lendemain  ils  poursuivirent  leur  route  vers  l'Ouest,  par 
Becmogh,  et  par  Coill  Medoin,  à  travers  le  Sud-ouest  de  la 
province  de  Meath,  et  parvinrent  enfin  à  Ath  in  tSloig,  qu'on 
appelle  aujourd'hui  Ath  na  nlrlann.  Ils  firent  là  des  abris  et 
des  baraques  et  plantèrent  leurs  tentes. 

Leurs  magiciens  se  mirent  à  examiner  les  nuages  du  ciel  au- 
dessus  de  l'armée.  Crota  traversa  le  gué  et  atteignit  la  rive 
opposée  (la  rive  ouest);  il  vit  alors  venir  vers  lui  le  druide  de 
la  province  voisine  :  celui  que  l'on  nommait  Fer  Fatha.  Il 
demanda  à  Crota  quelle  était  la  cause  de  ce  tumulte  et  de  ce 


30  A4.  L.  Sjoestedl. 


28[F.F.J.  Ga  muirWsut  ra  h-ath  atuaidlr  sloinn,  a  Crota, 

masat  uain 
Innis  duin-ne  gin  gnimh  ngrod*  cia  le  ndentar  in  long  port 
[Cr.]  Mar  ra  Corinac  ad  gnatha"  a  fil  sunn,  a  tir  Fliatha 
Is  lais  dognither  anochf  guna  slùaghuibh  in  longport. 
[F. F.]  Cidh  dia  tancatar  na  sloigh'   sloinn,  a  Crota,  masa 

choir 
Ga  crich  a  tiaghat  gen  chair"  is  ga  toise  gatat  iaroidh 
[Cr.\C\ann  Cichuil  dosfuc  atuaidlr  7  mac  meabluch  Mid- 

huaith 
D'hraidb  cumail  Ain  meic  Cui//d;  ar  ua  nOililla  Ouluimm 
[F.F.\.  Is  mairg  teit  ra  h-'imad  sloiglr  diaraidh  cumul  minab 

coir 
Cu  ro  iarad  Fiacha  fair*  cumul  Eogain  a  athair. 
[Cr. ]  Da  clô  slwrt^  Muighi  Ratha-  in  a  tacra,  a  Fhir  Fhatha. 
Nit  ain  '  sluagb  Maman  na  mbenir  conat  ria  beim    it'  leith- 

cenn 
[F.F.]Gidh  iat-san  no  beitb  a  lin'  ni  mo  do  berdais  a  snimh 
Immar  atat  budh  gnim  nduird"  mairg  theit  chucu  tria  co- 

murn. 


29.  A  h-aith'le  na  himacallmha-sin  dona  draithi  bb  [171  b  2] 
atcualatar  gille  thurwja  7  graigbertaigh  2  7  daescarsluagh  gnena 
h-imarbhadha  a  n-imagallrt/w  na  ndruadh  7  dochuatar  tar 
in  sruth  a  ndegaidb  in  druadli  ba  h-anaithintiu  dhoibh  7  n*csat 
leo  run  bais  7  olgedba  dho.  O  ro  raihaigh  in  d/ai  sin  ro  impo 
for  in  sruth  7  tue  tri  builli  don  tleisc  draidrur/;/rt  do  bui  n-a 
laim  don  tsrittb  gur  eïrigb  7  gur  tbrbazV  fV/sin  sluagb.  Ocus  is 
amhlaidb  ro  bhai  in  slogh,  of/w  drong  mhor  dhibhar  ndul  dar 
ins/vtth  siar  i  ndeghuidh  in  druadh  7  drong  mor  ele  isin  sn/th 


1.  ain,   cf.   §  31.   Cette  forme  de  futur  est  parmi  les  quelques  formes 
archaïques  qu'on  est  surpris  de  rencontrer  dans  ce  texte  tardif. 

2.  Cf.  §25. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  - 1 

fracas  au  nord  du  gué,  et  il  commença  ce  poème,  dont  Crota 
fit  les  réponses. 

28.  Fer  Fatha.  Quel  est  ce  tumulte  au  Nord  du  £iié; 
apprends-le  moi,  Crota,  si  tu  as  le  temps.  Dis-nous  —  sans 
mauvaise  humeur  —  par  qui  est  établi  le  camp. 

Crota.  Comme  ils  sont  accoutumés  à  Cormac  (?)...  ceux 
qui  sont  là,  ô  Fer  Fatha.  C'est  lui  qui  a  établi  ce  soir  un  camp 
avec  ses  armées. 

Fer  Fatha.  Pourquoi  les  armées  sont-elles  venues  ?  Dis-le 
moi,  Crota,  si  ma  demande  est  juste.  Vers  quel  pays  se  ren- 
dent-ils—  sans  leur  en  faire  reproche  —et  quelles  réclamations 
font-ils  valoir  ? 

Crota.  Ce  sont  les  enfants  de  Cichal  qui  les  ont  amenés  du 
Nord,  avec  le  fils  trompeur  de  Midhuath,  pour  réclamer  le 
prix  d'Art  mac  Cuind  au  petit-fils  d'Oilill  Ollum. 

Fer  Fatha.  C'est  pour  son  malheur  qu'il  vient  à  la  tète  d'une 
armée  nombreuse,  pour  réclamer  une  indemnité  à  laquelle 
il  n'a  pas  droit  —  tant  que  Fiacha  ne  lui  a  pas  réclamé  le  prix 
de  son  père  Eogan. 

Crota.  Si  les  armées  de  Magh  Ratha  entendaient  ce  que  tu 
dis  là,  Fer  Fatha,  les  armées  du  Munster  montagneux  n'em- 
pêcheraient pas  que  tu  ne  reçoive  un  coup  sur  la  tempe. 

Fer  Fatha.  Quel  que  puisse  être  leur  nombre,  ils  n'en  seront 
pas  moins  écrasés.  Une  action  violente  aura  lieu.  C'est  pour 
son  malheur  qu'il  est  venu  vers  eux... 

29.  Comme  les  druides  terminaient  cette  conversation,  les 
gens  du  train  des  équipages,  les  valets  et  la  racaille  de  l'armée 
entendirent  ce  qu'ils  se  disaient  l'un  à  l'autre.  Ils  traversèrent 
le  fleuve  à  la  suite  du  druide  inconnu,  résolus  à  le  mettre  A 
mort.  Lorsque  le  druide  s'en  avisa,  il  se  tourna  vers  le  fleuve 
et  frappa  trois  fois  le  fleuve  de  la  baguette  druidique  qu'il 
tenait  à  la  main,  si  bien  que  le  fleuve  se  souleva,  et  se  gonfla 
contre  l'armée.  Voici  dans  quelle  situation  se  trouvait  celle-ci  : 
une  troupe  importante  venait  justement  de  traverser  le  fleuve, 
vers  l'Ouest,  à  la  poursuite  du  druide,  une  autre  était  dans  le 
fleuve  et  le  soulèvement  du  fleuve  arrêta  sa  marche.  L'on  se 
porta  de  part  et  d'autre  à  son  secours,  et  le  druide  en  profita 
pour  s'échapper. 


}2  M.   !..  Sjoestedl. 

7  rogabhudh  ic  a  bhfoirrfch  sidlic  o  roforbair  in  sruth  7  imsoei 
m  slogh aniar  7  anair dia  furtacht  7  dochuaidh  in  drai  asfai-sin. 
Batar  immorro  in  slc^  co  dubflf/;  droch;;^wmnach  imon  snilh 
on  tmth-sin  cusin  trath cetna. arnaniliar^r/; conid  annsin  rossoi- 
set  na  druidh  fria  n-ealadum  àrmàhechta  gur  cuirseat  in  sruth 
n-a  inat  feiw  feibh  ro  bui  roime. 

30.  Iarsin  dano  dochoidh  Cor  mac  cona  sloghuibh  dar  in 
sruth  7  ro  gabsat  rompa  dar  Dubhchaill  frisin  apurFidh  dam- 
maiche  inniu,  cur  gabsat  i  Magh  Leathaird  frisin  abar  Magh 
Tuaiscirt  7  i  C/'«nd-Mhagh  frisin  abar  Magh  Gabra  inniu  7  i 
Mag  nUachttf/V  frisin  abar  Magh  Raidhne  7  i  bhforiairsing  na 
slighiudh  fon  n-innw^-sin  gur  ghabsat  is  na  bocaighibh  Bâini- 
liucha  frisin  abar  Sliab  Ebiinne  cur  gabsai  ic  Formaeil  na 
bhF-hian  ra  dubachuibh  deridh  lai. 

Is  annsin  ro  grtb  Cect  for  fegtfd  aoir  7  ï\xmavi\nx\ù  uas  na 
sluaghuibh  7  dodhecha/df  siar  gu  Duibh-Gieand  risin  abar 
G\eand  Salach  aniu.  Co  nfeca  cuigi  araili  laech  forusta  finn- 
liath  dar  bu  comainm  Art  an  drai  7  ro  gab  cach  dib  oc  imagal- 
\aimh  ra  a  cheli  7  occ  faîmigid  scel  d'aroili  7  ro  tas  as-sidhe 
cur  bo  ron  '  imurbhadha  etorra  7  doronsat  in  laidh  : 

31 .  [A].  Cidh  dia  tancubar,  a  Cecr  atuaidh  a  tir  Mhuighi 

slecbt  (?) 
Cidh  ro  gluais  ind  seiscuse.  for  leis  co  Crich  Fhormaeile  ? 
[CJ.Bodhithtainic  gu  Temhraig/?.  Farir,  ismor  rosmedhraich 
D'iarraidh  bôin  cech  boin  dibhsohviséar  turus  o  Temraigh 
[A].  Gin  gnrub  sinne   rue    bar   mbu.  A   clanna  Cuinn  gu 

caemhchlu, 
[172  aJTarcamuir  duibh  boin  cech  lis"  a  bhferunn  Fhiachacb 

fidhlis. 
[C].  Is  îearr  linn  âr  cain  eu  bratlr  7  cumhal  n-ar  curaidh 
Ina  in  srwaimh-sin,  cia  mad  ma'  is  a  thabuirt  ind  aenlô. 
[A].  Nucha  bt'/uit  boin  eu  bratlr  o  feruibh  Munw«  seocheach 
A  cumhail  na  a  caingan  acht.  dar  bitr  laim-sin,  madh  mal- 

lacht. 


1.  Nous  traduisons  comme  s'il  y  avait  roen,   «  série  chaîne  »,  qu'il  faut 
sans  doute  lire. 


Le  siège  de  Drtiiin  Damhghairc. 

Les  troupes  demeurèrent  à  l'entour  du  fleuve,  plongées 
dans  la  tristesse  et  le  découragement  jusqu'au  lendemain  à  la 
même  heure.  Les  druides  recoururent  alors  à  leur  science 
druidique  pour  remettre  le  fleuve  à  la  place  où  il  était  aupa- 
ravant. 

30.  Ensuite  Cormac  traversa  le  fleuve  avec  ses  troupes,  et 
ils  poursuivirent  leur  route  à  travers  Dubh  Chaill,  que  l'on 
appelle  aujourd'hui  Fidh  Dammaiche,  jusqu'à  Magh  Leathaird, 
aujourd'hui  Magh  Tuaiscirt,  àCrund  Magh,  aujourd'hui  Magh 
Gabra,  à  Mag  nUachtair,  aujourd'hui  Magh  Raidhne  ;  là  où  la 
route  s'élargit  ils  pénétrèrent  dans  les  Bocaighe  Bainfhliucha, 
que  l'on  appelle  aujourd'hui  Sliabh  Eblinne,  et  de  là  attei- 
gnirent Formael  na  bhFhian  comme  le  soir  tombait. 

C'est  là  que  Cecht  se  mit  à  examiner  l'atmosphère  et  le  ciel. 
au-dessus  des  armées,  et  il  marcha  vers  l'Ouest,  jusqu'à  Dubh 
Gleand,  aujourd'hui  Gleand  Salach.  Il  vit  venir  vers  lui  un 
guerrier,  de  taille  imposante,  à  la  tête  grise.  On  l'appelait  Art, 
le  druide.  Ils  se  mirent  à  causer  ensemble,  et  se  demandèrent 
mutuellement  les  nouvelles,  si  bien  qu'il  s'ensuivit  une  discus- 
sion entre  eux,  et  qu'ils  firent  ce  poème. 

31.  Art.  Pourquoi  êtes-vous  venu,  ô  Cecht.  du  nord,  de 
la  terre  de  Magh  Slecht.  Pourquoi  ce  tumulte  est-il  venu  jus- 
qu'ici jusqu'au  pays  de  Formael  ? 

Cecht.  C'est  une  épidémie  sur  les  bœufs  de  Tara.  Hélas, 
c'est  une  grande  folie  qu'elle  a  suscitée.  C'est  pour  chercher  un 
bœuf  en  remplacement  de  chacun  de  ceux  qui  ont  péri,  que 
nous  sommes  venus  de  Tara. 

Art.  Quoique  ce  ne  soit  pas  nous  qui  ayons  pris  vos  bœufs, 
ô  race  de  Conn,  à  la  gloire  splendide,  nous  vous  avons  offert 
un  bœuf  de  chaque  ferme  du  domaine  de  Fiacha  Fidhlis. 

Cecht.  Nous  aimons  mieux  notre  tribut  à  perpétuité,  et  le  prix 
dû  pour  notre  guerrier,  que  cette  riche  contribution, si  impor- 
tante soit  elle,  si  elle  ne  nous  est  versée  qu'une  seule  fois. 

Art.  Jamais  (les  gens  du  Nord)  ne  recevront  un  seul  bœut 
des  gens  de  Munster,  en  sus  de  ce  que  donne  un  chacun,  comme 
compensation  ou  comme  tribut,  sans  traité  (?).  Nous  le  jurons 
par  votre  main,  quand  bien  même  ce  serait  un  blasphème. 

Revue  Celtique,   XLIII. 


}.|  M.  L.  Sjoesteàt. 

[C].  Mrtd  da  cloisedh  Cairbre  in   clair,  int  aithiusc  raidi,  a 

Artain 
7  Cor  mac  in  tuir  thenir  no  bethea  gen  do  chaeimhclienn 
[A].  Ni  1116  lim  Cairbriis  Cormac  na  in  da  zraid  nous  fog- 

nath 
A  m-bethaidb  Moglia  Corb  cahr  7  Fhiachach  Mu'ùletba'm 
[C].  Da  clo  Artchorb  isa  clann1  bidh  brise  bruar  gu  luath  i 

nglenn 
Nochu  ragha  it'  betbaid  de'  bidh  buan  doit  a  n-ecraite. 
[A  ]  Ni  mù  lim  Artchorb,  a  Tir  na  a  fil  d'aindribh  tuaidh 

n-a  thigh 
In  cein  bes  is  tir  amne*  agam  dhin  Dond  Dairine 
[C]  Dâ  clo  Ceallach  mac  Cor  maie  is  Artur  fêta  foirneirt 
Bidh  dw/t  bus  diamair  in  dal'  nocut  ain1  do  diabhuldan. 
[A.]  Nochu  mô  lim  Artur  ard"  ina  a  gilla  glan  gle-gharg 
In  cein  bias  i  n-a  bethaidh'  eroibhderg  Caeiridhe  Crechaidh. 
[C]  Da  doisedh  cuan  na   curad-  in  tsamail  doibh  fer  Mu- 

man 
No  benha  meall  dar  do  déf  7  no  bertha  eruaidhehrecht. 
[A.]  Ma  da  eloisftf  Muma  min*   slôgh  mar  iat-san  i  n-a  tir 
no  bbetis  beoil  bana  dhe'  cin  almhai,  cin  indile. 
[C]  Bi  i  tost  is  tairnic  do  dhail"  is  ob«;-  mhir  imarbhaidh. 
Ni  thic  don  tshiagb  tueras  tu"  freacra  na  tri  coicead  friu 
[A.]  It  fir-aithesc  ni  ba  brecslonn  tall   dod'  sluagaibb,  a 

Checht 
Itbera  cach  dibh  nachmr  "  olc  in  turas  tancamar  " 


32.  O  atcualatar  na  sloig  7  na  sochaide  ro  fergaigit  eu  mor 
7  dorala  imach  eu  dian  7  gu  dreamhan  a  ndeghaidh  in  druadh 
dar  glenn  siar  7  atbereadh  cach  re  cheli  dibh  :  "  Faghbhadh 

1.  ain,  forme  de  futur  archaïque, cf.  §  28. 


Le  siège  de  Ûruim  Damhghaire.  35 

Cechl.  Si  Cairbre  le  Bel  entendait  ta  prédiction,  à  Artan, 
ou  si  Cormac  le  vaillant  champion  (t'entendait),  tu  perdrais 
ta  belle  tête. 

Art.  Je  n'estime  pas  plus  Cairbre  et  Cormac  que  les  deux 
cochers  qui  les  servent,  tant  que  vivront  le  beau  Mogh  Corb 
et  Fiacha  Muillethan. 

Cecht.  Si  Artchorb  et  ses  enfants  t'entendaient,  le  fracas 
(des  armes)  brisées  ne  tarderait  pas  à  retentir  dans  la  vallée. 
Tu  n'en  sortirais  pas  vivant,  et  leur  inimitié  contre  toi  serait 
implacable. 

Art.  Je  ne  fais  pas  plus  de  cas  d'Artchorb,  ô  guerrier,  que 
des  femmes  qui  habitent  dans  sa  maison  dans  le  Nord,  aussi 
longtemps  que  j'aurai  dans  cette  terre  Dond  Dairine  pour 
me  protéger. 

Cecht.  Si  Ceallacli  mac  Cormaic  t'endendait,  ainsi  qu'Artur 
le  vaillant  à  la  grande  vigueur,  c'est  pour  toi  que  la  situation 
serait  peu  sûre  ;  ta  sorcellerie  ne  te  sauverait  pas. 

Art.  Je  ne  fais  pas  plus  de  cas  d'Artur  à  la  taille  élevée 
que  de  son  valet,  propre,  élégant  et  hardi.  Aussi  longtemps 
que  sera  vivant 

Cecht.  Si  Cuan  na  Curad  entendait  la  comparaison  que  tu 
fais  d'eux  aux  gens  de  Munster,  tu  recevrais  un  coup  entre  les 
dents,  et  tu  porterais  une  blessure  cruelle. 

Art.  Si  l'aimable  Munster  entendait  qu'une  telle  armée  se 
trouve  sur  son  territoire,  ils  en  resteraient  les  lèvres  blanchies 
(de  frayeur),  sans  troupeaux,  sans  bétail. 

Cecht.  Tais-toi,  et  finissons  cet  entretien. C'est  le  métier  d'un 
fou  que  de  discuter  ;  l'armée  que  tu  loues  ne  saurait  tenir 
tête  aux  trois  provinces  d'Irlande 

Art.  Dans  ta  réponse  véridique,  il  n  'y  aura  pas  de  mensonge. 
Va  dire  à  tes  armées,  ô  Cecht,  que  chacun  d'eux  dira  dans  la 
suite  :  «  funeste  est  l'expédition  pour  laquelle  nous  sommes 
partis  ». 

32.  Lorsque  l'armée  et  la  foule  qui  la  suivait  entendirent 
cela,  ils  furent  saisis  de  fureur.  Ils  s'élancèrent  hors  du  camp 
avec  impétuosité  et  violence,  et  se  mirent  à  la  poursuite  du 
druide  à  travers  la  vallée,  vers  l'ouest,  se  disant  entre  eux  : 
«  Tuons  et  massacrons  ce  druide.  »    Le  druide  tourna  son 


36  M.  L.  Sjoestedl. 

in  drai  bas  7  aidhedh  libh.  "  Imsoi  in  drai  a  aig/d  forro  7  teit 
i  muinicin  a  dhea7  cuir/'d  anal  druadh  ind  aier7  i  firm/wintcon 
derna  neul  ciach  os  cinn  in  tsloigb  gur  thuit  torro  7  gurcui- 
restar  i  loeibricht  meraighthi  eu  ro  ela  in  drai  uaidhibh.  Iarsin 
dano  as  i  comairle  doronsat  o  ro  bu  mêla  leo  na  draithi  uli 
do  eW  uaithibh  :  slechtaire  7  lorgaire  rompa  ar  slicht  in  dru- 
adh 7  beith  in  a  mbuidhnibh  7  ina  ndrechtaibh  na  dhiaigh. 
Ocus  dobatar  seacht  la  cona  n-oighthibh  isin  longpurt  soin 
7  dronga  mora  dhibh  for  lurg[i72  a  2J  7  ni  ro  fetsat  tect  dia 
tigh  ar  mhet  an  breachta  ro  im/r  in  drai  forro.  Ocus  dano  ba 
mebal  leo  gia  ro  fettais  ar  no  taispenad  an  drai  a  lorg  doibh 
cecha  maidne  for  beilgibh  7  berntaibh  7  athaibh  ar  daigh  a  m- 
buaidherthi  7  a  n-imscarta  ria  a  muindtir. 


33.  Ro  ghabh  omhon  mor  Cormac  annsin,  ar  ba  doigh  lais 
gur  ba  turbrodh  dia  sloghadh  7  na  toirsitis  a  muinter  chuigi. 
Ocus  do  ghabh  oc  e'iliugad  na  ndruadh  batar  aigi  fein  7  atbert 
friu  :  "  Caidhe  bar  tarbha-si  damh-sa,  "  ar  se,  "  madh  ro 
marbfld  mo  muindtir  cin  fis  cin  forcloisin  dam  h  7  gin  fonacht 
uaibh-si  dhoibh  ?"  —  "  Ni  ramarbhu  iat  idir,  "  ol  siat, 
"  acht  suainbrect  seachtmaine  dorât  in  drai  forro  7  doberam- 
ne  doridisiu  ar  culai  ".  Is  ann-sin  docuatar-san  i  forbha  a 
bhfesa  7  an-eolusa.  7  ro  cursflt  a  suainbrict  dona  sluagaibh  7 
do  roachtsad  chuca  i  bhforba  na  seachtmatne. 

34.  O  ra  siachtadar  a  muindter  gu  Cormac  ro  coimenV/; 
roime  i  cenn  seta  7  imth^/a  co  riacht  co  h-Ath  Cuih  Fedha 
risan  abar  Ath  Croiiniu,  7  ro  suidigsrt  longport  annsin. Dorala 
do  Chithach  dula  amach  d'fegad  aieoir  7  tin///winti  7  dorala 
ter  a  comaeisi  fein  dô  .i.  Dubhtis  mac  Dofis  7  do  (iârùiigb 
cach  dibh  scela  d'aroili,7  do  raidh  Dofis  7  do  freagair  Cithach 
7  doronsat  in  laidh  eturra. 

35.  [D.]  A  Chithaigh,  canas  tanac*  slounn,  i  tiribh  do  nam- 

hat? 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire.  37 

visage  vers  eux  et,  invoquant  sa  divinité,  souffla  un  souffle 
magique  dans  l'air  et  dans  le  ciel.  Il  s'en  forma,  au-dessus  de 
l'armée,  une  nuée  noire  qui  retomba  sur  elle,  et  les  plongea 
tous  dans  un  état  d'égarement  et  de  folie.  Le  druide  en  pro- 
fita pour  s'évader. 

Voici  le  parti  qu'ils  prirent  ensuite.  Dans  le  chagrin  qu'ils 
éprouvaient  à  voir  tous  les  druides  leur  échapper,  ils  envoyèrent 
sur  les  traces  du  druide  des  gens  chargés  de  le  suivre  et  de  le 
chercher;  eux-mêmes  suivaient  par  bandes  et  groupes  séparés. 
Ils  restèrent  sept  jours  et  sept  nuits  dans  ce  camp-là,  tandis 
que  de  grandes  bandes  d'entre  eux  continuaient  la  recherche. 
Il  leur  était  impossible  de  rentrer  chez  eux,  tant  était  puissant 
le  sortilège  que  le  druide  leur  avait  jeté;  même  les  indices 
qu'ils  découvraient  servaient  à  les  égarer,  car  le  druide  leur  fai- 
sait-apparaître  chaque  matin  sa  trace,  à  travers  les  ravins,  les 
cavernes  et  les  gués,  afin  de  les  affliger  et  de  les  entraîner 
loin  des  leurs. 

33.  Cormac  fut  alors  frappé  de  terreur,  car  il  pensait  que 
quelque  obstacle  retenait  son  armée,  et  qu'elle  ne  lui  revien- 
drait plus  jamais.  Et  il  se  prit  à  accuser  les  druides  qui  étaient 
à  son  service,  disant  :  «  A  quoi  me  servez-vous,  si  l'on  met  à 
mort  mes  gens  sans  que  j'en  sois  informé  ni  prévenu  sans  que 
vous  veniez  à  leur  secours?  »  «  Ils  ne  sont  pas  morts. du 
tout  »,  dirent-ils,  «  mais  le  druide  les  a  ensorcelés  depuis  une 
semaine,  et  nous  les  ramènerons  chez  eux  ». 

Ils  se  recueillirent  alors  et  rassemblèrent  toute  leur  science 
et  tout  leur  art  et  envoyèrent  un  charme  vers  les  armées,  qui 
revinrent  vers  eux  au  bout  de  la  semaine. 

34.  Lorsque  les  gens  de  Cormac  l'eurent  rejoint,  il  pour- 
suivit sa  route  et  son  expédition, et  parvint  à  Ath  Cuili  Fedha, 
aujourd'hui  Ath  Croi,  où  l'on  établit  le  camp. 

Il  arriva  que  Cihach  sortit  du  camp  pour  examiner  l'air  et  le 
ciel;  il  rencontra  un  homme  du  même  âge  que  lui,  Dubihis 
mac  Dofhis.  Ils  se  demandèrent  l'un  à  l'autre  les  nouvelles. 
Dofhis  prit  la  parole,  Cithach  répondit,  et  ils  firent  ensemble 
ce  poème. 

35.  Dubhfis.  O  Cithach,  comment  es-tu  venu  dans  la 
terre  de  ton  ennemi  ?  Dans  la  terre  de  ton  ennemi,  comment 
es-tu  venu,  où  vas-tu  ? 


38  M.   /..  Sjoesiedl. 

I  tir  Jo  namhat  amne'ca  tanac,  ca  rot  teidhe? 
(C]0  Mliùr  Té  thanac  ille*  gu  Cuil  Feaga Formaeile 
A  Munw/n  teidhim  cin  gheis'  A  Dliuibhlis,  a  meic  Dhofis. 
|/>.|Cidh   dia  teidhe-si  i    Mumain'  slonn  gin  cairdi,  mas 

chubaid 
Tagairdo  dail,  cia  do  set  ?  ga  slùgh  ga  dtai  forchoimhet? 
\C.\  Do  dhingbtf//  druadh  in  tire.  1 172  b  1  |  teidhim  marom 

coi  m  hd  lu  ne 
Coiscidh   Cormac  bhidh   cumhair  righa  mora  na  Munuxn 
[D.  \Gach  toise  fa  taneuis  ille'  eu  brath  noeha  comaillfe 
Biaidh  nel  air  uasaibh   a  moigh"    bhidh  beg  bar  ngrain,  a 

Cithaigh.  A  Cithaigh. 

36.  A  h-aithle  na  laidhi-sin  ra  hinnisfd  do  Chormac  gur  bâ 
oie  faitsine  na  ndruadh  dhô.  "  Ni  fetaim-si,  "  ar  Cormàc  "  a 
didhuil  forro  ar  gid  in  lucht  ro  thriall  a  marbadb  ni  ro  ietsat 
7  is  forro  ra  imerset  mêla  ".  Cu  nad  annsin  ro  aithin  Cormac 
gan  a  luadh  ider  intan  tiefatuis. 

Afna  mharach  immorro  gabsat  rompa  i  bhtairsiungslighedh  i 
cenn  Mairtine  Mumaw  gu  rangatar  eo  Dnnm  Medhoin  Mair- 
tine  dar  bha  comhainm  Ardcluain  na  Fene  7  Mucralach  mhuc 
Daire  Cerbe  righ  Medhoin  Mairtine,  frisin  apar  Imliuch  Ibhair 
aniu  7  ro  suidhighset  longport  isin  du-sin. 

Teit  Cithmor  asin  longport  siar  dhes,  d'fegflrf  nel  7  aoir  co 
bfesadh  ord  in  zsloigb.  Is  and  dorala  dhô  araili  laech  finnehas 
forbhfaih'J  .i.  drai  Medhoin  Mhairtiwe  dar  bhu  comhainm 
Medhran  drai  7  ro  gabh  cach  dhibh  ar  acalduim  a  chele  7  ic 
fiafraigid  scel  7  do  raidh  Medhran  in  laidh  7  do  freagair  Cith- 
moV. 


37.  [M.]  A  Chithmoir,  gu  fir  freagair-  ga  la  thanac  6  Them- 

hair  ? 
Caidhi  hord  o  sin  ille'  borb  nech  muna  fiafraighe. 
[C]  Dia  luain  duin  gu  Comar  cruaidh"   is  Dia  Main    co 

h-Ath  in  tShtaio- 

o 

Diacedain  (conar  cain  gle)*  co  mullach  fain  Formaeile. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  39 

Cithach.  C'est  de  Tarn  que  je  suis  venu,  à  Cuil  Feaga 
Formaeile.Je  vais  en  Munster  (rien  ne  me  l'interdit),  ô  Dubhfis, 
ô  fils  de  Dofliis. 

Dubhfis.  Pourquoi  vas-tu  en  Munster,  dis-le,  sans  attendre, 
si  cela  est  convenable.  Explique-moi  cette  rencontre(P), quelle 
route  suis-tu  ?  Quelle  armée  surveilles-tu  ? 

Cithach.  C'est  pour  repousser  les  druides  de  cette  terre,  que 
je  viens  ainsi  que  mes  compagnons.  Cormac  châtie  (ce  dont 
on  se  souviendra  longtemps),  les  puissants  roi  de  Munster. 

Dubhfis.  Les  desseins  qui  t'ont  amené  ici,  jamais  tu  n'en 
réaliseras  aucun.  Un  nuage  de  carnage  (?)  s'étendra  au-dessus 
de  vos  têtes  dans  la  plaine.  Faible  est  la  crainte  que  vous 
inspirerez,  ô  Cithach  !  —  O  Cithach. 

36.  Après  qu'ils  eurent  récité  ce  poème,  il  fut  répété  à 
Cormac  que  les  druides  proféraient  des  prédictions  sinistres  le 
concernant  :  «  Je  ne  saurais  en  tirer  vengeance,  »  dit  Cormac, 
«  car  tous  ceux  qui  ont  essayé  de  les  tuer  ont  échoué,  et  c'est 
eux-mêmes  qui  ont  pâti  ».  Si  bien  que  Cormac  donna  ordre 
qu'on  ne  fit  allusion  à  rien  lorsqu'ils  reviendraient. 

Le  lendemain  on  reprit  la  .marche,  là  où  le  chemin  va  en 
s'élargissant  vers  Mairtine  de  Munster,  jusqu'à  Druin  Medhoin 
Mairtine  que  l'on  appelait  aussi  Ardcluain  na  Fene  et  Muctha- 
lach  MucDaire  Cerbe.  Cerbe  était  le  roi  de  Medhon  Mairtine, 
que  l'on  appelle  Imliuch  Ibair,  aujourd'hui  ;  ils  établirent  le 
camp  en  ce  lieu. 

Cithmor  sortit  du  camp,  marchant  vers  le  Sud-ouest,  pour 
regarder  les  nuages  et  l'air  afin  de  savoir  quel  serait  l'ordre  de  ( 
marche  de  l'armée.  C'est  alors  qu'il  rencontra  un  guerrier, 
aux  cheveux  blonds  et  bouclés,  et  d'apparence  avenante  ; 
c'était  le  druide  de  Medhon  Mairtine,  qu'on  appelait  Medh- 
ran,  le  druide;  ils  se  mirent  à  causer  ensemble,  et  Medhran  fit 
ce  poème  dont  Cithmor  fournissait  les  reportes. 

37.  Medhran.  O  Cithmor,  réponds  véridiquemnnt.  Quel 
jour  as-tu  quitté  Tara?  Quelle  marche  as-tu  suivie  depuis  lors? 
—  Insensé  quiconque  ne  le  demanderait  pas  ! 

Cilhmor.  Nous  allâmes  Lundi  à  Comar,  lieu  farouche.  Mardi 
a  Ath  int  Slôig  (au  gué  de  l'armée).  Mercredi,  belle  et  splendide 
route,  au  sommet  de  Formael  escarpé. 


|o  M.  L.  Sjoesiedl, 

[M.JCaidhi  barn-orddia  Dardain-  innis  duinn  aCithmhoir 

chaeim. 
Cidh  ro  bar  rojg  in  seul  soin  ?  Cidh  ro  bar  soebh  re  seacht- 

mhoin 
[M.]  Ord  na  h-Aeine,  in  meabair  laf  a  Chith  Mho'wcuicid 

Connacht  ? 
Cia  leith  raghthairdiabar  ngairnr  isin  maidin  dia  Sathairn? 
[172   b   2]  [C]    O   chuil   Fegha   dhuin  aile'     co    Driiim 

Medhoin  Mairtine 
Ord  na  h-Aeine  duid  gin  dailbh'  gu  Cnoç  na  Cenn    dia 

Sathairn 
\ M.]  Caidhi  bur  n-ord  o-so  amach'  innis  duin  masat  eolach 
Ma  roetar  slonn  co  tai'  a  Chith  Moir,  cin  imargai. 
[C]  Bemit  annsin  co  tv'izmain'  mi  7  raithi  7  bliadtfw 
Bid  duaidhdo  Leith  Moghaar  mbaiglr  bidhcruaidh  ar  modh, 

a  Mliedrain 
[M].  Gach  a  ndingne  dh'ulc  d'ar  ro"  târruster  ort  ind  oen- 

lo 
Madh  lais  tall  budh  terc  a  treoir  bid  fann  do  cen  a  Cith- 

moir.  A  Cithmoir 
38.  Imsoei  cach  dhibh  o  cheli  dh  'aithle  na  laidhi-sin  7  teit 
Cithraor  ar  zmus  in  longphuirt  7  do  bhi  in  slâgh  annsin  eu 
mueba  lai  ara  bharuch.  O  thainic  an  maitean  ro  coimeir;^/; 
Corinac  cona  sloghuibh  7  tancatar  rompa  gu  Cnoc  na  Cenn 
gur  gabsrtt  longport  ann.  Is  ann-sin  atbgrt  Cormac  ra  Cith- 
ruadh  fern  a  pupla  do  sadhud.  Ocus  arai  ni  ro  eir/'^h  CÀûwuadh, 
ar  forfitir  nach  fétfadh  in  puba//  do  sadh/u/.  Do  dhechatar 
dano  slôig  in  choicid  ar  deisibh  7  ar  triamibh  for  cnocaibU  7 
tor  tulchuibh  impuibh  dia  bhfegad.  Ocus  atbert  cach  re  chele 
dhibh  :  "  Atat  daimh  dil  ann  7  cliath  b^rnadha  ced  iniu  i 
Cnuc  na  Cenn  7  itadamghaire  sochaide  7  forngaire  slogh.  Ocus 
bid  he  a  ainm  o  aniu-cu  brath  :  Druim  Damhghaire.  Is  ann 
ro  raidh  Cormac  :  "  Fadectsa,  a  Chithruaidb  ",  ar  se,  "  sdidh 
mu  pupa/7/  mar  no  saidhtea  pupaill  mh'  athar  7  mu  senathar, 
ar  ni  as  so  raghat  no  gu  tardthar  mu  chain  damli  no  eu  rom 
eiùchter  uimpe  ". 


Le  siège  de  Dr  ni  m  Dam  ho  ba  ire.  1 1 

Medbran.  Quel  tut  votre  étape  «Je  Jeudi  ?  Dis-le  nous, aimable 
Cithmor.  Pourquoi  avez-vous  choisi  (?)  cette  direction  ? 
Comment  vous  êtes-vous  égarés  durant  une  semaine  ? 

Medbran.  Te  souviens-tu  de  ce  que  vous  fîtes  Vendredi, 
Cithmor,  homme  de  Connaught.  De  quel  côté  ira-t-on  vous 
provoquer  dans  la  matinée  de  Samedi  ? 

Cithmor.  De  Cuil  Fegha  nous  sommes  allés  à  Druim  Mèd- 
hoin  Mairtine;  voilà  notre  marche  de  Vendredi,  sans  men- 
songe. Nous  irons  Samedi  jusqu'à  Cnoc  na  Cenn. 

Medbran.  Quel  chemin  suivrez-vous  ensuite  ?  Dis-le  nous; 
si  tu  ne  l'ignores  pas.  Si  tu  le  sais,  apprends-le  nous,  ô  Cith- 
mor, sans  nous  tromper. 

Cithmor.  Nous  resterons  là,  tristes  et  lassés,  un  mois,  un 
trimestre  et  une  année.  Nous  combattrons  farouchement  contre 
les  gens  du  Sud  ;  nous  les  traiterons  avec  férocité.  O  Medran. 

Medbran.  Tout  le  tort  que  tu  feras  à  notre  prospérité  est 
ramassé  sur  toi  (?)  en  un  seul  jour.  leur  conduc- 

teur sera  Et  ton  droit  aura  peu  de  force, 

ô  Cithmor.   O  Cithmor. 

38.  lisse  séparèrent  après  avoir  composé  ce  poème  :  Cithmor 
rentra  au  camp  et  l'armée- resta  là  jusqu'au  lendemain  matin 
de  bonne  heure.  Au  lever  du  jour,  Cormac  se  mit  en  marche 
avec  ses  troupes  et  ils  allèrent  jusqu'à  Cnoc  na  Cenn,  où  ils 
établirent  le  camp.  C'est  alors  que  Cormac  dit  à  Cithruadh  de 
planter  les  piquets  de  sa  tente.  Cependant  Cithruadh  ne  se  leva 
pas  car  il  prévoyait  que  la  tente  serait  impossible  à  planter. 
Les  soldats  de  la  province  se  rendirent  alors,  deux  par  deux  ou 
trois  par  trois,  sur  les  collines  et  les  coteaux  environnants, 
pour  les  voir.  Et  ils  se  disaient  l'un  à  l'autre  :  «  Il  y  a  de  beaux 
guerriers  et  une  assemblée  imposante  de  champions  à  Cnoc 
na  Cenn,  et  la  clameur  de  nombreux  guerrier  y  retentit  avec 
la  rumeur  puissante  des  armées.  Cette  colline  s'appellera  doré- 
navant Druim  Damhgaire  ». 

C'est  alors  que  Cormac  dit  :  «  Allons,  Cithruadh,  plante 
ma  tente  comme  tu  avais  coutume  de  planter  la  tente  de 
mon  père  et  de  mon  grand-père,  car  je  ne  bougerai  pas  de  là 
qu'on  ne  m'ait  accordé  ou  refusé  mon  tribut.  » 


.|2  M.  L.  Sjoestedt. 

39.  Gabhus  Cithruadh  iarsin  ar  a  sâdh/ti  7  icgabhail  férne 
na  pupla  don  talmazu  7  ni  ro  dhipad  '  ar  fer  nach  ar  fonn 
uadh  fern  na  pupla  7  do  sclthiged  in  drai  7  ro  raid  :  "  atci 
so,  a  Chormaic,  7  gin  gur  ghabhuis  aithne  uaim-si  as  reil  dait 
ar  in  cleith-si  in  ro  raidhscm-ne  friut  ria  tiachtuin  a  Temhr- 
fl47^"  j  7  c'°  raidh  m  retorec. 

"  Adchi  in  cleith-si,  a  Chormaic  2  ". 

40.  "  Atcluine  sut,  a  Colptha,  i  n-apair  in  sendrai,  7  fort- 
t'imidb  sâdhad  na  pupla  7  said  fein  i  ".  Ro  gab  Colptha  fern 
na  pupla  n-a  laimh  7  ro  gab  oc  tathair  7  oc  beim  ar  Cithr- 
uadh  7  tue  forba  n-eeomluinn  7  sinedh  romor  for  a  churp  eu 
taillfitis  meic  mhidhaeisi  idir  cech  dâ  asna  do  7  ro  iuirim  fria 
tahnain  an  feirn-sin  7  ni  ro  ghab  lâr  uadh  ;  ro  bui  dia  nert- 
mhaire  chena  rô  saith  co  nderna  brisebruar  dhi  o  foréim/rf  a 
satlW.  "  Cidh  dogentar  andfusa  ?  "  ar  Cormac.  "  Dogentar, 
"  ar  Cith  Kuadb  7  ar  cach  arcena  "  sloigh  mhora  do  taba/rt 
cucainn.  Ct  Ocus  tucait,  ocus  doronait  longinata  mora  ann  7 
ro  sâiàhed  einn  na  cleath  is  na  sailghibh-sin  7  is  fon  n-inn- 
us-sin  doronrti  in  longport  uile.  As  de  ata  Long  Cliach  inniu 
.i.  don  tsuidhius/'i/-sin. 


41.  Ocus  ro  raidh  Colptha  ra  Cith  Ruadh.  "  Ro  bhai  deitbir  5 
dhait-si  gia  madh  lease  lat  in  turus-sa,  ar  gi  be  dheoch  gi  be 
na  deoch  i  mbethaid  asin  cuiced-sa.  ni  tusa  raghas  ".  "  Ba  deit- 
bir on,  ''  ar  Cithruadh  ",  uair  fortetur-sa  a  mbia  dhamh  dhe 
7  do  Chormac  7  no  thairmeasefaind-si  imbe  tiachtain  mina 
nertadh  sibh-si  fair  7  mane  dernadh  bhar  comhairle.  Ocus  dano 
ni  ba  ferr  dhuibh-si  in  cuiced  thancabar  uair  ni  ragha  neach 
uaib  i  mbethrt/rf  as  in  cuteed-sa.  Ocus  duno,  "  ar  se  ",  in  pub/</- 
sin  na  ro  iétus-saj  na  ro  tVtuis-si  do  sadh  ud h  ;  ni  tibherthea  a 

1.  Nous  ne  savons  à  quelle  racine  rattacher  cette  forme.  Faut-il  y  voir 
une  forme  de  di-ben-  «  diviser  »,  ou  la  rattacher  à  diupa  «  creuser  »  (?), 
K.Mever.   Contrib.  Cf.  §  49  la  même  forme. 

2.  Sans  doute  est-ce  à  la  fin  de  ce  paragraphe  que  devrait  venir  se  placer 
la  deuxième  partie  du  §  42,  depuis  foreimdbigh. 

3.  Dans  T'interligne  au-dessus  de  deitbir  :  no  derb. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  43 

39.  Cithruadh  se  mit  alors  en  devoir  de  planter  la  tente  et 
d'entrer  les  piquets  dans  la  terre,  et  il  ne  put  enfoncer  ni  dans 
l'herbe  ni  dans  la  terre  les  piquets  de  la  tente.  Quand  il  fut 
las,  il  dit  :  «  Tu  vois,  quand  bien  même  je  ne  t'aurais  pas 
averti,  ce  poteau  te  prouve  ce  que  nous  t'avons  dit  avant  que 
tu  quittes  Tara  »  ;  et  il  dit  la  rhétorique  :  «  Vois  ce  poteau, 
Cormac  »,  etc. 

40.  «  Écoute  donc  ce  que  dit  le  vieux  druide;  puisqu'il  n'a 
pas  pu  planter  la  tente,  plante-la  toi-même  ». 

Colptha  prit  en  main  le  piquet  de  la  tente,  et  se  mit  à 
réprimander  et  à  insulter  Cithruadh,  et  il  se  mit  à  l'œuvre  à 
grand  etiort  et  son  corps  en  était  si  excessivement  distendu 
que  des  hommes  adultes  auraient  pu  passer  entre  ses  côtes.  Il 
appuya  le  poteau  contre  terre  mais  ne  parvint  pas  à  le  faire 
pénétrer  ;  il  déploya  autant  de  force  pour  le  ficher  en  terre 
que  pour  le  briser  lorsque  ses  efforts  pour  le  ficher  eurent 
échoué.  «  Que  faut-il  faire  maintenant  ?  »  dit  Cormac,  «  Il 
faut  »,  dit  Cithruadh,  et  tous  avec  lui,  «  il  faut  nous  fournir 
un  grand  nombre  d'hommes.  »  On  les  leur  fournit,  ils  firent 
de  grands  chantiers  comme  pour  des  navires,  et  assujettirent 
la  tète  des  poteaux  dans  ces  étais.  C'est  de  cette  façon  qu'ils 
établirent  tout  le  camp.  C'est  de  là  que  le  lieu  est  nommé 
Long  Cliach,  à  cause  de  la  façon  dont  on  établit  le  camp. 

41.  «  Sans  aucun  doute»,  dit  Colptha  à  Cithruadh,  «  tu 
devais  répugner  à  cette  expédition.  En  effet,  que  tel  ou  tel 
revienne  ou  ne  revienne  pas  vivant  de  cette  province,  toi  en 
tout  cas  n'en  reviendras  pas  ».  «  Sans  aucun  doute  »,  dit  Ci- 
thruad  ;  «  je  sais  en  effet  quelles  seront  les  conséquences  de 
cette  expédition  et  pour  moi  et  pour  Cormac  :  j'aurais  empê- 
ché Cormac  de  partir,  si  vous  ne  l'y  aviez  encouragé  et  si  votre 
avis  n'avait  prévalu.  Au  reste  vous  ne  vous  trouverez  pas 
mieux  que  nous-mêmes  d'être  venus  dans  cette  province, 
car  aucun  de  vous  n'en  sortira  vivant.  Au  reste,  ni  toi  ni 
moi  n'avons  été  capable  de  planter  cette  tente.  Elle  n'aurait 
pas  été  sortie  de  la  maison  de  Tara,  n'eût  été  de  vous, 
mais  Cormac  aurait  suivi  les  recommandations  de  son  père  et 
de  son  grand'père  et  n'aurait  réclamé  de  tributs  qu'à  bon  droit 
et  en  toute  loyauté.  Quoique  la  prophétie  que  je   lui  fis  à  ce 


44  M.  L.  Sjceskdl. 

tigh  Temracb  hi,  min  bad  sibh-se,  [173  a  2]  acbl  inni  ro  ta- 
rasnuigh  athair  7  sen  zthair  do,  .i.  asa  rect  7  asa  bhfirinne,  is 
;is  no  c.huinegad  a  cain.  Giar  ba  fir  tra  in  Faitsine-sin  ni  thwc 
Corinne  dia  oidli  hi,  na  inte  dosroine  ". 

42.  Is  amlrt/d/;  immorro  boi  int  iiW  i  mbai  Coxmac  cur  bo 
iseal  leis  he7gur  bobard  lais  int  inadh  araibhi  Fiacha  7  firM//- 
rnan.  OfMjrogheallsat  a  draithe  do-sum  ce  m^d  i  latrad  in  baile 
ingebdais  cun  toicebhduis  uas  cach  7  ro  iar  Cormac  orro-som 
sin.  Ocns  t//csat  dô  anw/7  ro  gheallsat  ax  ro  arduighset  an 
enoc-sin  iar  taibsin  côicait  cubât  uas  cach,  gin  gub  fir  a  beit  am- 
\aid. 

Foreimdhig  tra  CÀtxxxuadh  '  in  pupall  do  sàdh//^/;cu  ro  raidh 
Comme.  "  Cle  is  mana  fort,  a  Chithruaidh,  cid  dochuaidh  do 
nert  intan  na  ro  tétais  in  phuptf//.do  sadhadh.  Ni  gliabhudh 
didiu  in  tulach  fern  na  pupla  acht  nmail  bidh  ar  cloich  no 
saidhthea".  "  Nucon  edh  itû  ",  ar  Chhruadb,  "  nach  biath 
do  nirt  ocum  a  sadhudh,  acbt  is  tria  ainrir  ro  xnaWadh  " 


43.  Batar  annsin  teora  la  7  teora  oighthi  ac  suidhiug//^/; 
a  longphuirt.  Docuas  uadhaibh  iardain  do  chuinghidh  a  cana 
7  a  chumhaile  7  ni  tucait.  Tanças  o  C\\ormac  arna  mharach 
do  chuinghidh  chomlainn  einfhir  ar  fearuibh  Mumhan.  Ro 
cuingd'rf  o  fearaibh  Mumhan  dail  teora  la  7  teora  ngebe  ar  Chor- 
mac  ar  daigh  co  bhhnndais  cia  no  tinefeadh  7  no  gebhudh  do 
lai  m  acu  in  comh/fl«/?,  ar  ro  bu  cinnte  ac  Coxmac  in  cuicer  no 
ghebhadh  do  laimh  comhlann.  Doratadh  o  Chox mac  in  dail— 
sin.  Doronadh  comhairli  ag  feraibh  Mitmban  [173  b  1]  frisin 
re  sin  7  ro  chindset  g^ch  aen  dibh  no  gebhudh  do  laimh. 
Ocns'is  eadb frith  oc  feruibh  Muma/;  do  thincsin  an  comhlainn  : 
ochtar  ar  cethri  a'/aibh  7  enainm  for  cech  iïchit  dibh-sein  7 
taisech  for  cech  îiebit  7  in  t-ai//m  no  bidh  for  an  taiseach 
iss  cdb  no  bidh  for  a  îich'w  7  dano  ba  comhlunn  îich'xt  in  tai- 


1.  Ce  passage  jusqu'à  la  fin  du  paragraphe  paraît  hors  de  sa  place.  Sans 
doute  faudrait-il  le  transporter  à  la  fin  du  5  39- 


Le  siège  de  Dntiin  Damhghaire.  ,45 

sujet  fût  véridique,  Cormac  ne  s'en  est  pas  plus  soucié  que  uV 
celui  qui  la  faisait  ». 


42.  Le  lieu  où  était  campé  Corniac  lui  paraissait  être  trop 
bas,  et  celui  où  étaient  campés  Fiacha  et  les  troupes  de  Mun 
ster  lui  semblait  élevé.  Ses  druides  lui  avaient  promis  que, 
quelle  que  fût  la  situation  du  lieu  où  ils  se  trouveraient,  ils 
rélèveraient  au-dessus  de  tous  les  autres.  Cormac  leur  deman- 
da de  le  faire,  et  ils  firent  comme  ils  avaient  promis.  Ils  éle- 
vèrent en  effet  la  colline  de  cinquante  coudées  au-dessus  de 
toutes  les  autres,  du  moins  en  apparence,  car  il  n'y  avait  là 
qu'une  illusion. 

Cithruadh  ne  réussit  donc  pas  à  planter  la  tente;  à  ce  sujet, 
Cormac  lui  dit  :  «  Maladroites  sont  sont  tes  mains,  Cithruadh. 
Où  donc  était  ta  force,  alors  que  tu  n'étais  pas  capable  de 
planter  la  tente  ?  La  colline  n'a  pas  laissé  pénétrer  les  piquets, 
pas  plus  que  si  on  les  avait  plantés  sur  une  pierre  ».  —  Ce 
n'est  pas  que  la  iorce  me  manque  pour  la  planter  »,  dit 
Cithruadh,  «  mais  c'est  l'injustice  de  ta  tentative  qui  est  cause 
de  cet  échec  ». 

43.  Ils  mirent  trois  jours  et  trois  nuits  à  établir  le  camp.  Ils 
envoyèrent  ensuite  réclamer  le  tribut  et  l'indemnité,  et  on  ne 
les  leur  accorda  point.  Le  lendemain  Cormac  envoya  provoquer 
en  combat  singulier  les  guerriers  de  Munster.  Ceux-ci  lui 
demandèrent  un  délai  de  trois  jours  et  trois  nuits,  pour  déci- 
der qui  se  chargerait  de  combattre,  car,  pour  Cormac,  il  con- 
naissait d'avance  les  cinq  qui  se  chargeraient  de  combattre. 
Cormac  accorda  ce  délai.  Les  hommes  de  Munster  délibé- 
rèrent a  ce  sujet  et  décidèrent  qui  prendrait  part  au  combat. 
Voici  les  dispositions  qu'ils  adoptèrent  en  vue  de  ce  combat  : 
quatre  cent  huit  hommes,  par  compagnies  de  vingt  hommes, 
dont  chacune  portait  un  nom  et  avait  un  chef,  et  chaque 
compagnie  portait  le  nom*  de  son  chef.  Le  chef  était  de  force 
à  combattre  vingt  hommes,  et  chaque  homme  de  chaque  com- 
pagnie pouvait  en  combattre  neuf. 

Voici  les  noms  de  chaque  compagnie  :  compagnies  Finn, 
Failbe,  Fingen,  Fergus,  Fiacha,  Finnchad,  Dond,  Daire,  Dom- 


46  M.  L.  Sjoestedl. 

■seach  7  ba  comlunn  nonbur  gach  fer  in  gacli  fichit.  It  é  annso 
na  h-anmanna  ro  batar  for  na  fichtibh  .i.  fiche  Finn  7  fiche 
Failbhe,  fiche  Finghen,  iiche  Ferghus,  Uche  Fiacha,  fiche  Finn- 
cliad,  fiche  Dond,  fiche  Daire,  fkhe  Domnall,  fiche  Forgarb,  fiche 
Tren,  fiche  Mureadhach,  fiche  Treinfear,  fiche  Fe'û'imidh,  fiche 
Donnchad,  fiche  Conall,  fiche  Cobthach,  fiche  Dubthach,  fiche 
Dael,  fiche  Dinert^,  fiche  Diarmud,  iiche  C\ar,  fiche  Crimthan. 

44.  Ro  gàbustar  dano  Mogh  Corb,  mac  Cormazc  Cais  meic 
Oihï/tf  Oluim  do  lâimh  laidh/Wgach  fir  no  raghadh  o  feraibh 
M.uman  asin  comlunn.  Ro  gabhustar  d\diu  Cairbre  Lithfacair 
mac  Corma/c  do  lâimh  lâidhzW  gach  fir  no  ragadh  o  Leith 
Cuinn  isin  comhlunn.  Act  ni  ro  ghaibh  nach  dhibh  do  laimh 
dul  isin  comlunn  acht  in  cuicev  druadh  tue  Cormac  as  Sith 
Cleitigh  .i.  Colptha  7  Lurga,  Errgi  7  Eng  7  Engain. 

45.  Tainig  tra  Colpa  roime  siar  eu  Raithin  in  Imairic  i 
Weith  aniar  thuaidh  d'Ath  na  nOc,  frisin  apar  Ath  Colpa 
inniu.  Do  deochaidh  Finn  Fidhrinde  do  thincsin  Colpthacu 
Raithin  in  Imairic  ra  hAth  Corcomaigen  aniar  dheas  frisinn 
abar  Ath  Colphta  beos.  Ocus  a  dhâ  bhfear  laidhthi  leo  .i. 
Mogh  Corb  7  Coirbre.  Gabhustar  cach  dhibh  og  agallaimh  a- 
raili  7  oc  tincsin  in  chomh\uinn.  Ocus  mar  râinic  do  chach 
dib  isin  âth  robtar  inilldhirghi  na  h-urchair  7  robtar  cruaidh 
na  crideadha  7  roptar  bailce  na  beiminna  ;  beridh  cach  dibh 
beim  ar  beim  [173  b  2]  dia  cheili  fon  tuaraim-sin  7  fregra  fon 
tacra.  Ocus  ro  bui  cach  dhibh  oc  imesarcain  a  cheli  gu  tanca- 
tar  dubhuchu  deridh  lai  ;  No  ragduis  imtnorro  eoin  ar  crom- 
lunmain  tria  chorp  Find  ;  acht  cenz  ni  raibhi  nach  comhardha 
or  churp  Colptha,  ar  ni  geibhtis  renna  na  ilfaebra  he  ar  mhét 
a  druidhechta.  Acht  cena  roscarad  Colptha  fa  tri  ra  armaib  isin 
lo-sin,  7  doratait  ardainiene  '  air  a  n-eemais  marbhtha.  Ocus 
ro  dealuighset  o  tancatar  dubacha .deridh  lai  7  dochoidh  cach 
dhibh  dia  longport. 


46.  Ba  crechtach  crolinntach  Finn  in  nigche  sin  7  ro  gheall 

1.  ardainiene,  pluriel  de  drdainicin,  qu'on  a*  §  63,  composé  de  ainicin 
(K.  Meyer,  Contributions),  c  oppression,  dommage  »,  qu'on  a,  §  95. 


Le  siège  de  Druirn  Damhghaire.  47 

nall,  Forgarb,  Tren,  Mureadach,  Trenfer,  Feilimid,  Donn- 
chad,  Conall,  Cobtach,  Dubtach,  Dael,  Dinertach,  Diarmud, 
Ciar,  Crimthan. 


44.  Mogh  Corb  mac  Cormaic  Cis  meic  Oililla  Oluim  se  char- 
gea d'encourager  les  guerriers  de  Munster  qui  iraient  au  com- 
bat. Cairbre  Liftechair,  fils  de  Cormac,  se  chargea  d'encourager 
les  guerriers  du  parti  du  Nord  qui  iraient  au  combat.  Mais  seuls 
parmi  ceux-ci  allèrent  au  combat  les  cinq  druides  que  Cormac 
avait  amenés  de  Sith  Cleitach  :  Colptha  et  Lurga.  Errgi,'Eng 
et  Engain. 

45.  Colptha  s'avança  vers  l'Ouest  jusqu'au  tertre  désigné 
pour  la  rencontre  sur  la  rive  Nord-ouest  d'Ath  na  nOc,  aujour- 
d'hui Ath  Colpa.  Finn  Fidhrinde  se  rendit  pour  l'affronter  au 
Sud-ouest  d'Ath  CorcoMaigen,  aujourd'hui  Ath  Colptha.  Les 
deux  guerriers  chargés  de  les  encourager; Mogh  Corb  et  Cairbre, 
étaient  avec  eux.  Ils  s'adressèrent  la  parole  et  engagèrent  le 
combat  ;  durant  leur  rencontre  dans  le  gué,  sûrs  et  droits 
étaient  les  traits  qu'ils  se  lançaient,  fermes  leurs  cœurs,  puis- 
sants les  coups  qu'ils  se  portaient;  les  coups  répondaient  aux 
coups  et  la  riposte  à  l'attaque.  Ils  se  meurtrirent  ainsi  l'un 
l'autre,  jusqu'à  ce  que  vinssent  les  ombres  de  la  fin  du  jour. 

Les  oiseaux  auraient  pu  se  faufiler  en  volant  à  travers  le 
corps  de  Find.  En  revanche  le  corps  de  Colptha  ne  portait 
aucune  trace  de  coup,  car  ni  pointe  ni  tranchant  ne  pouvait 
l'entamer  tant  était  grande  sa  puissance  magique.  Cependant 
les  armes  de  Colptha  lui  furent  arrachées  par  trois  fois  ce 
jour-là,  et  il  fut  cruellement  blessé  sur  son  corps,  quoiqu'il 
n'en  mourût  point. 

Lorsque  l'ombre  arriva  ils  se  séparèrent  et  chacun  regagna 
son  camp. 

46.  Finn  était  tout  déchiré  et  sanglant  ce  soir-là.  Il  s'en- 
gagea sur  l'honneur  à  reprendre  le  combat  en  personne  le  len- 
demain. Il  soutint  le  combat  de  la  sorte  pendant  trois  jours 
puis  succomba,  Colptha  ayant  réuni  tout  son  art  et  toute  sa 


48  M.  L.  Sjoesledt. 

a  briathar  dhô  eu  metd  lié  no  thinefedh  in  comlunn  do  arna  ba- 
rach  ;  rothincFinn  tra  in  comlunn  gu  cenn  tri  la  fon  tuaruim- 
sin  7  dorochair  iarsin  iar  ndul  do  Colptha  i  formna  a  feasa  7 
a  eolusa  a  dliiaba/dain  7  i  muinighin  a  dea.  Dorocbratar  trai» 
fiche  Finn  la  Colptha  on  mud-sai«.  Ocus  ni  nar  bat  crwaidhi 
na  cridhedha  7  ni  nar  bat  bailce  na  beimeana  7  ni  nar  bat 
inillddirghiu  na  hwrehair  uaidhibh  do  Colptha,  acht  niis  raba 
diabtf/dan  acu  do  freacra  dho. 

47.  O  thairnic  tra  in  comhl/MH-sin,  tainic  Lurga  for  in  ath 
cedna.  7  ro  fuacair  comhlunn  forferuibh  Muman.  Ro  tincedh  o 
na  Failbibh  sin.  Dodhechaid  Failbhe  mac  Fedhuigh  isin 
comhlunn.  7  rob  inilldirach  ro  freagradh  an  comlunn  aigi  7  ba 
cruaidh  7  ba  calma.  Ocus  eimilt  ainnisi  in  engnamha  doronadh 
jsna  comhlannuibh-sin  uili  ar  as  i  a  n-innisi  cetna.  beos.  Is 
amW./-sin  tra  ros  caithit  7  ros  dithaighit  lucht  in  chomhl/«'w/z 
uili  6  feraibh  Muman.  Con  drochair  ochtmoga  7  da  cèd  ann 
d'feruibh  Muman  7  ni  thiced  o  Cliormac  isin  comlunn  acht 
Colptha  7  Lurga  iar  sealuibh  7  sistibh.  Cunad  annsin  ro 
dhiultsat  fir  Muman  in  comlunn  aeinlir. 

48.  Ro  cuingedh  o  Chovmac  comhl//««  cet  ar  feruibh  Mmw- 
han.  Dodhecbatar  atuaidh  ann-saidhe  tri  h-ingena  Mhaoili  Mi- 
scaidhche  .i.  Errgi  7  Eng  7  Engain,  in  deilbh  tri  caer^ch  Icach- 
tna  gu  cnesaibh  congnai,  gu  cennuibh  cnamha,  gu  nguilbn/7>/; 
iaruind,  gu  neimh  dhithafierf  ra  h-uair  comhluinn.  [174  a  ij 
Ocus  dano  ni  isgeibhdis  renna  na  foebra  in  betha  loe  na  rînna 
dhoibh.  Ro  tmeed  o  feruibh  Muman  in  coml/m«ced  7  ra  cor- 
aighit  na  cliatha  cruaidhi  fo«acalltha  do  ghaibh  coirrbreaca 
cruaidh  géra  i  llamibh  leo,  gu  leibenn  sciath  retlannach  i  tim- 
chill  in  tsloigh  7  tri  cblaidibh  troma  thortbhuili^/;a  a  n-in- 
tighibh  dhoibh  gu  sleaghuibh  sodhibraiethe  leo  ra  ha/ritin 
aidh  7  irgaili  7  ra  tinnscetul  deabhtha.  Ocus  o  ro  comhra/cset 
ânes.  7  atuaidh  imsou  cach  co  a  chele  dhibh. 


49.  Ro  chaithset  fir  Mumhan  forcla  a  n-arm  in  la-sin  oc 


Le  siège  de  Dniim  Damhabairc . 


49 


science  diabolique,  et  ayant  invoqué  son  dieu.  Ainsi  suc- 
combèrent sous  les  coups  de  Colptha  les  vingt  guerriers  de 
Finn.  Ce  n'est  pas  cependant  que  leurs  cœurs  ne  fussent  pas 
fermes,  que  leurs  coups  ne  fussent  pas  puissants  ni  leurs  traits 
sûrs  et  droits  ;  mais  ils  ne  disposaient  pas  de  ressources 
magiques  égales  à  celles  dont  disposait  Colptha. 


47.  Ce  combat  terminé,  Lurga  vint  au  même  gué  et  pro- 
posa le  combat  aux  Munstériens.  Ce  fut  la  compagnie  de 
Failbe  qui  releva  le  défi.  Failbe  mac  Feduigh  vint  au  combat. 
Ce  fut  avec  sûreté,  avec  fermeté  et  fougue  qu'il  soutint  le 
combat.  Ce  serait  perdre  son  temps  que  de  raconter  les  actions 
d'éclat  qui  furent  accomplies  durant  cette  série  de  combats, 
car  le  même  récit  a  déjà  été  fait.  Le  fait  est  que  tous  les 
Munstériens  engagés  dans  ce  combat  succombèrent  et  périrent. 
Deux  cent  quatre-vingts  Munstériens  périrent  sans  que  Cormac 
eût  engagé  dans  ce  combat  d'autres  que  Colptha  et,  alterna- 
tivement, Lurga.  C'est  à  la  suite  de  cela  que  les  gens  de 
Munster  refusèrent  tout  combat  singulier. 

48.  Cormac  demanda  alors  aux  Munstériens  de  lui  livrer 
bataille  par  troupes  de  cent.  C'est  alors  que  vinrent  du  Nord 
les  trois  filles  de  Maol  Miscadach  :  Errgi,  Eng  et  Engain,  sous 
l'apparence  de  trois  moutons  bruns.  Elles  avaient  des  cara- 
paces de  corne,  des  têtes  d'os,  des  becs  de  fer  qui  distillaient 
des  poisons  capables  de  tuer  cent  hommes  dans  le  combat. 
Toutes  les  pointes  et  les  tranchants  du  monde  n'auraient  pu 
couper  un  poil  ou  un  brin  de  leur  toison. 

Les  gens  de  Munster  engagèrent  le  combat  :  ils  ajustèrent 
des  bois  durs  aux  javelots  bien  façonnés  durs  et  pointus  qu'ils 
portaient  à  la  main  :  ils  firent  avec  les  boucliers  étoiles  un 
rempart  autour  de  l'armée  :  ils  portaient  trois  lourds  glaives 
aux  coups  pénétrants  dans  leurs  fourreaux.  Ils  portaient  des 
javelots  aisés  à  lancer  pour  soutenir  le  combat,  et  engager  la 
lutte. 

Lorsque  les  adversaires  se  rencontrèrent,  venant  du  Nord 
et  du  Sud,  ils  s'attaquèrent  l'un  l'autre. 

49.   Les  gens  de  Munster  perdirent  ce  jour-là  le  meilleur  de 

Revue  Celtique.   XLIII.  4 


50  M.  L.  Sjoestedl. 

uradaigh'i  7  oc  imditen  a  corpar  na  caeiribh.  Ocusclar  bat  inill- 
dirghi  na  h-urchair7  giar  bhat  bailciu  na  beimeanna  o  feraibh 
Mumhan  do  nacaeribh  ni  ro  dlpad  ■  ar  lo  nach  ar  finna  dhoibh 
7  dano  ni  ra  chumhcaiset-som  ni  do  feruibh  Mumhan  in  la- 
sin,  acht  brudh  airm  7  biàid.  Ocus  o  thancatar  cricha  in  lai  7 
urthosflch  na  h-oighthi  imsoe  cach  o  chele  dhibh  ar  amwj  a 
lottgphort. 

50.  Tancatar  dano  i  mucha  lai  arna  mharach  fon  tuaraim 
cedïiz  i  freacar  in  chatha  7  immafainic  imesarcain  doibh  isin 
ath.  Ocus  nir  bo  finncloistena  do  cetra  cuicedaibh  Eirewn  co  a 
longportuibsceallghar  na  sciath  7  cruaidhbheimn^c  na  daid'mm 
7  briscbruar  na  n-arm  7  imesaronn  na  curad  fris  na  Caeirigh. 
Ocus  ciar  bhu  cruaidh  7  ciar  bu  curata  ro  freacrait  na  cz'mgh 
o  na  sloghuibh  in  la-sih,  araidhe  dochuatar  na  ca'mgh  treothn 
7  tarrsa  7  ros  dicennsat  co  leir  7  ro  facbad  in  drong-sain  in- 
sin  bonn  fria  medhe  7  meidhi  fri  bonn  7  doit  fria  doit  7  dor- 
onstft  na  cairigh  dumha  da  n-eduighibh  7  da  n-armuib/;  7 
carn  dia  cennaibh  7  forfacuibhset  fon  tuaraim-sin  7  imsoe 
cach  o  araili  dhibh  co  a  longpor/aibh.  Ocus  beruït  fir  Muman 
faidhbh  a  muindteri  leo.  Cona.dk  amlaidh  sin  dorochuir  int 
ochtar  ar  cetbri  cedùb  d'  feruibh  Mumhan.  O  thancatar 2  im- 
morro  na  comlunna-sin  ro  ratha/^/;set  tir  Mhuma«  cur  bho 
iluch  à&mhraidi  moin  vous  dith  uili  amh\aidh  sut.  Ocus  is 
edh  doronsat  foi-sidhe  a  n-ainfiallach  do  leacud  7  ni  ro  tincset 
in  comhlunn  [174  a  2]  eitir  o  sin  imach. 


51.  Ro  cuingedh  in  cain  iarsin  o  Chovniac  7  ni  tucadh  do. 
Is  annsin  adubair/  Coxmac  ra  a  druidhibh  :  "  Caidhi  in  ni  ro 
gheallabhair  dam-sa  ?"  —  "  Ca  ret  do  gheallsam  duix.  ?  "  ar 
siat.  —  "Do  gheallabar  dhamh",  ar  se,  "  tart  do  thabfl/rt  ar 
lucht  in  chuicidh-si,  7  srotha  7  uisge  in  cuicid  do  dhicleith 
acht  na  mbiath  dibh  ocum  foghnamh  fein  7  ac  foghnam  mu 


1.  Pour  cette  forme  peu  claire,  cf.  §  39. 

2.  Sans  doute  faut-il  lire  thaimcetnr. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  5 1 

leurs  armes,  en  protégeant  et  sauvegardant  leur  personne 
contre  les  attaques  des  brebis,  et  quoiqu'ils  les  assaillissent  de 
traits  sûrs  et  de  coups  puissants,  elles  ne  perdirent  ni  poil  ni 
brin  de  leur  toison  ;  les  gens  de  Munster  ne  réussirent  ce 
jour-là  qu'à  mettre  en  pièces  leurs  armes  et  leurs  vêtements. 
Lorsque  le  jour  fut  sur  son  déclin  et  la  nuit  près  de  tomber, 
ils  se  séparèrent  et  rentrèrent  dans  leurs  camps  respectifs. 

50.  Le  lendemain  de  bonne  heure  ils  vinrent  reprendre  le 
combat  dans  les  mêmes  conditions  et  se  mirent,  d'un  commun 
accord,  à  s'entr'égorger  de  nouveau  dans  le  gué.  Et  ce  n'était 
pasagréable  pour  les  quatre  provinces  de  l'Irlande  d'entendre, 
jusque  dans  leurs  camps,  le  fracas  des  boucliers  se  fendant  (?), 
les  durs  coups  de  glaives,  le  bris  des  armes,  et  le  massacre  de 
héros  que  faisaient  les  brebis.  Quoique  les  bataillons  oppo- 
sassent une  résistance  opiniâtre,  celles-ci  percèrent  et  bous- 
culèrent leurs  rangs,  décapitèrent  les  guerriers  et  laissèrent 
toute  la  troupe  sur  la  place,  sens  dessus  dessous  et  côte  à  côte; 
les  brebis  firent  un  monceau  de  leurs  vêtements  et  de  leurs 
armes,  empilèrent  leurs  têtes  en  un  tas,  et  les  laissèrent  ainsi; 
les  adversaires  se  séparèrent  alors  pour  rentrer  dans  leurs  camps. 
Les  guerriers  de  Munster  emmenèrent  avec  eux  les  dépouilles 
de  leurs  gens. 

C'est  ainsi  que  furent  défaits  quatre  cent  huit  guerriers 
de  Munster. 

Après  ces  combats  les  gens  de  Munster  remarquant  que 
c'était  de  bestiaux  formidables  qui  les  avait  tous  mis 

à  mort  ainsi,  décidèrent  de  renoncer  à  (ces  combats)  où  ils 
engageaient  un  corps  d'armée,  et  ils  n'acceptèrent  plus  aucun 
combat  dès  lors. 

51.  Cormac  réclama  ensuite  le  tribut,  et  on  ne  le  lui  donna 
pas.  C'est  alors  qu'il  dit  à  ses  druides  :  «  Eh  bien,  et  la  pro- 
messe que  vous  m'avez  faite  ?  »  —  «  Que  t'avons-nous  pro- 
mis ?  »  dirent-ils.  —  «  Vous  m'avez  promis  »,  dit-il,  «  d'alté- 
rer la  population  de  cette  province,  et  de  cacher  les  fleuves  et 
les  eaux  de  la  province,  sauf  la  quantité  qui  m'est  nécessaire 
à  moi-même  et  à  mon  armée.  Et  je  ne  me  suis  fié,  ni  ne  me 
fie  à  ma  propre  force,  mais  bien  à  la  promesse  que  vous  m'avez 
faite  d'accabler  de  tous  les  fléaux  qu'il  me  plairait  cette  pro- 


>2  M.   L.  Sjoesiedt. 

sloigh.  Ar  ni  toebli  rem  nert  fein  dorât//*  na  doberim  acht  is 
edh  ro  gheall/ïM/zr-si  d.xno,  g/zch  eicendail  budh  ail  damh  do 
thabm'rt  ar  an  cuiced  gan  chath,  gan  chomlwww  uaim-si  doibh 
acht  an  e'icen  dobmhai-si  forro  no  gu  nam  toire-sa  mu  riar  eu 
h-ait  a  mbeinn  ". 

52.  Ra  dhichelsatair  iarsin  ulsgi  in  cuicidh  uili  acht  in  cut- 
raime  no  foghnad  do  Chormac  jdz  sluagh,  7  ni  raibhi  dicheilt 
doibh-sidhe  forro.  Ocus  dano  tucsixt  tart  7  ita  ar  luclit  in  cui- 
cid  uili  iter  daine  7  almliai  7  innile.  Ro  cuinghedh  in  cain 
iarsin  o  Chormac  7  ni  tuazdh  do.  Is  e  ni  arroimpaset  fir  Mu- 
inhan  iarsin,  uair  nach  scemnta  nô  sirthi  doghnidh  Cormac  : 
loimm  7  ass  7  medg  do  thaba/rt  cuca  o  a  muindteruibh  a 
ngach  \r\ad  a  mbitis.  Ro  Kmn'xsed  do  Chorwtf^  sin  7  ro  raidh 
fria  draidhibh  :  "  Cidh  dia  ndingnet  fir  Muman  aitidiiifW 
damh-sa  gin  gu  faghbhat  uisge  cein  fogabhut  ass  7  loi  m  7 
medg  ?".  —  "/Ni  duilghi  lin-ni  ",  ar  siat,  "allachtdo  breith 
o  na  buaibh  inat  na  husgedha  do  dhidith  ar  na  sloghuibh  ". 
Conadh  ann-sin  r//csat  a  lacht  o  na  buaibh.  Ocus  da/w  titcsal 
tart  for  echaibh  ocus  cairibh  7  buaibh  7  ar  uilibh  innilib  in  cui- 
cid.  Ocus  àa.  mad  idirsloghaib  in  cuic/'d  uili  no  betis  ni  mo  do 
boghêlmnigh  7  do  sitrigh  7  do  sreodhfadaigh  doghendais  al- 
mhai  in  cuicid. 

53.  Ro  cuinghedh  in  chain  iarsin  o  Chormac  7  ni  tucadh 
do.  Is  e  ni  doronsat  fir  Mumhan  iarsin,  mil  do  lec//d  as  a  n-al- 
mhaibh  7  as  a  n-innilibh  7  a  tabuirt  i  leastraibh  7  a  tabairt 
cuca  i  featanaibh.  Ocus  is  edh  roghnitis,  drucht  do  tinol  gâcha 
madan raidh  7  a  chur  triasin  fuil  7  a  lecud  amlaidh  sin  [174  b] 
no  gu  ndemad  Iinnruil  de  7  a  h-ol  iarsin  tria  cuisleannaibh  7 
tria  fedanaibh.  Cidh  tra  ro  fannuige/////;  iat-som  de-sin  7,  ro  lt'/h- 
nuighset  a  tengtha  7  ruc[oi]dh  a  n-urlabra  uathaibh  act  r//c  a 
luth  7  a  latliar,  rue  a  nert  7  a  tract  7  a  seitir  uaidibh,  conadh 
areicin  do  thuicedh  nech  dibh  ni  do  irlabhra  6  a  chele. 


54.  O  ro  nxthaigh  Fiacha  a  mbeith  ar  bru  bais  7  ecca  7  oi- 
g^da  fon  n-inn/tf-sin  do  raid  friu  :  "  Gach  recht  co  h-eicin  ", 
ar  se,  "  deaUitigbter  dhibh  fein  7  g/rch  ni  ro  chu'migh  Cormac 


Le  siège  de  Druitn  Dambghairc.  53 

vince,  sans  que  j'aie  à  livrer  bataille  ni  à  combattit  contre  eux; 
il  suffirait,  disiez-vous,  des  fléaux  dont  vous  les  accableriez, 
jusqu'à  ce  que  l'objet  de  mon  désir  me  soii  apporté  au  lieu 
même  où  je  me  trouverais  ». 

52.  Les  druides  cachèrent  alors  les  eaux  de  toute  la  pro- 
vince, excepté  la  quantité  nécessaire  à  Cormac  et  à  son  armée, 
qu'ils  ne  cachèrent  pas.  Toute  la  population  de  la  province 
fut  alors  en  proie  à  une  soif  dévorante,  gens,  troupeaux  et 
bétail.  Cormac  demanda  alors  le  tribut  et  ne  l'obtint  pas  : 
voici  à  quoi  eurent  recours  alors  les  gens  de  Munster,  du  mo- 
ment que  Cormac  ne  commettait  ni  déprédations  ni  ;  ils 
se  firent  envoyer  du  lait  de  chez  eux  dans  chaque  endroit  où  ils 
se  trouvaient.  Cormac  en  fut  instruit  et  dit  à  ses  druides. 
«  Comment  les  gens  de  Munster  se  soumettraient-ils,  bien  que- 
privés  d'eau,  aussi  longtemps  qu'ils  auront  du  lait?  »  —  «  Il 
ne  nous  est  pas  plus  difficile  »,  dirent-ils,  «  de  tarir  le  lait  des 
vaches  que  de  priver  les  armées  d'eau  ».  Et  là-dessus  ils 
tarirent  le  lait  des  vaches,  et  assoifïèrent  les  chevaux,  les 
moutons,  les  bœufs  et  tout  le  bétail  de  la  province.  Et  quel  que 
fut  le  nombre  de  toutes  les  armées  de  la  province,  tous  les 
troupeaux  de  la  province  ne  faisaient  pas  un  moindre  tapage, 
en  beuglant,  hennissant  et  s'ébrouant  (?). 

53.  Cormac  demanda  ensuite  le  tribut,  et  on  le  lui  refusa. 
Et  voilà  ce  que  firent  les  gens  de  Munster  :  ils  saignèrent  leur 
bétail  et  leurs  troupeaux,  ils  mirent  le  sang  dans  des  vases,  et 
se  le  firent  envoyer  dans  des  tuyaux.  Et,  de  plus,  ils  recueil- 
laient la  rosée  chaque  matin,  la  mélangeaient  avec  le  sang,  et  l'y 
laissaient  ainsi  jusqu'à  ce  qu'il  s'en  formât  une  sorte  d'eau 
sanglante,  qu'ils  buvaient  ensuite  à  travers  des  chalumeaux  et 
des  tuyaux.  A  ce  régime  ils  s'affaiblirent,  leur  langue  gonfla, 
ils  perdirent  la  parole,  ils  perdirent  la  force  et  l'énergie,  ils 
perdirent  entièrement  toute  vigueur,  si  bien  que  c'est  à  peine 
s'ils  pouvaient  se  comprendre  les  uns  les  autres,  quand  ils  par- 
laient. 

54.  Quand  Fiacha  constata  qu'ils  étaient  sur  le  point  dé- 
périr de  cette  façon  il  leur  dit  :  «  Nécessité  n'a  pas  de  loi  ;  qu'on 
envoie  de  votre  part  vers  Cormac  (?)  ;  tout  ce  qu'il  réclame, 


54  M.  L.  Sjoestedt. 

7  ima  tainic  o  bic  gu  mor,  tabhur  do  ".  Do  cuas  uaidib  iarsin 
do  saichtin  Chonnaic,  7  do  raid  h  in  tecta  :  "  A  Chormaic  ",  ar 
se,  "  gach  ni  uma  tanacuis  o  bhic  eu  mor,  dobmhar  duit  ". 
Do  ehigh  borrfad  7  diurnes  romor  a  Cor  mac  7  a  maithibh 
Lethi  Cuinn  de-sin  7  do  raidset  fria  Cormac  :  "  Ni  ra  gaibter 
feibh  na  ferunn  ",  ar  siat,  "  on  righ  gheb^i  in  chain-sin  o 
nach  t/<cadh  dhô  co  Tembraigh  hi,  no  gu  tardtar  ni  bbus  ail  7 
bî^inbail  7  bus  andutheha  7  bus  airrius  ar  meuiced-sa  gu  brzth 
a  n-inad  a  imluaidh  o  a  tigh  ",  ar  ro  ba  doigh  leo-som  nach 
ar  ben  sluagh  no  dWgeadh  in  ro  chmnnigh  Cormac  gin  gu  tu- 
cadh  sluagaJ  fa/V  dia  cuingid. 


55.  Ocus  ro  thogfld  acu-san  in  ail  7  in  andutheha  dobertha 
ar  an  cuicedh  ar  aen  risin  cain  ûd  7  a  rochtain  dho  dia  thigh. 
Ocus  as  i  andutheha  ro  togad  ann  :  biadh  budh  ingantach  7 
budh  ingnathach  do  tbabaitt  in  gach  raithe  o  gach  righ  abhus 
da  gach  righ  budh  thuaidh  7  o  gach  righdamna  abhus  da 
gach  rigdamna  budh  thuaidh,  7  o  gach  oiethighernd  abhus  da 
gach  oictigern  budh  thuaidh  7  mac  né  mgen  gach  fir  ibhusi  laimh 
gach  fir  budh  thuaidh  frisin  cain-sin  do  chomaUaimh  7  intan 
nach  fuighthe  sin  o  gach  fir  ibhus  a  mhac  no  a  mgen  do 
mharbad  7  gial  nua  dara  eisi  7  in  biadh  do  ic  iarum.  Ocus  dano 
naomhad  gâcha  toraid  no  fasfudh  i  crich  Mumin  d'idhnacul 
budh  tuaidb  gan  dul  a  n-airiumh  chàna  nâ  smachta. 

Tancatar  techta  Cormaicrissm.  Ocus  ro  foemhadh  ac  feraibh 
Muman  in  cain-sin  ciar  forlunn  ar  mhet  [174  b  2]  na  heiene  i 
rabhutar. 


56.  Intan  tra  ro  bhatar  Dairine  7  Dergthine  isin  ghabhadh- 
soin  is  and  do  riacht  athair  malhar  Fïachach  MuWethain  isin 
mordh.iil  cuca,  .i.  Dil  mac  Da  Creca  o  ata  Druim  nDil  isna 
Deisibh,  7   o  atat  Créerai^  na  hE'irenn    7   do  ghabh  Fiacha 


Le  siège  de  Druim  Duinbghaire.  5  5 

et   qui  fait  l'objet  de  son  expédition,  des  plus  petites  choses 
aux  plus  importantes,  qu'on  le  lui  accorde  ». 

On  alla  trouver  Cormac  de  la  part  des  Munstériens,  et  le 
messager  dit  :  «  Cormac,  tout  ce  que  tu  es  venu  demander, 
des  moindres  choses  aux  plus  importantes,  te  sera  accordé  ». 
La  colère  et  l'orgueil  le  plus  excessif  s'emparèrent  à  ces  mots 
de  Cormac  et  des  nobles  de  Leth  Cuinn,  et  ceux-ci  dirent  à 
Cormac  :  «  Puisse  le  roi  qui  recevra  ce  tribut  n'accepter  ni 
honneur,  ni  domaines  (du  moment  qu'on  ne  lui  a  pas  apporté 
ce  tribut  à  Tara),  mais  qu'il  inflige  d'abord,  à  cette  province 
des  servitudes  humiliantes,  excessives,  indignes 
et  éternelles,  pour  l'avoir  contraint  à  quitter  sa  résidence  ». 
Car  il  leur  semblait  que  ce  que  réclamait  Cormac  lui  était 
dû  sans  qu'il  eût  besoin  de  recourir  aux  armes  et  sans  qu'on 
lui  imposât  une  expédition  pour  le  réclamer. 

55.  Et  ils  firent  alors  le  choix  de  conditions  honteuses  et 
indignes  à  imposer  à  la  province,  en  sus  du  tribut  déjà  récla- 
mé, qu'on  devait  apporter  à  Cormac  dans  sa  résidence.  Et 
voici  en  quoi  elles  consistaient  :  tous  les  trois  mois  chaque  roi 
du  Sud  de  l'Irlande  devait  envoyer  à  chaque  roi  du  Nord  les 
provisions  de  bouche  les  plus  excellentes  et  les  plus  rares  ;  et 
de  même  chaque  prince  du  Sud  à  chaque  prince  du  Nord, 
chaque  seigneur  du  Sud  à  chaque  seigneur  du  Nord  ;  chaque 
habitant  du  Sud  devait  remettre  son  fils  ou  sa  fille  au  pou- 
voir d'un  habitant  du  Nord,  pour  garantir  l'acquittement  du 
tribut;  que  si  un  habitant  du  Sud  manquait  à  s'acquitter, son 
fils  ou  sa  fille  serait  mis  à  mort,  un  nouvel  otage  fourni  et 
les  provisions  livrées.  De  plus,  le  neuvième  de  toutes  les 
récoltes  de  Munster  devait  être  envoyé  dans  le  Nord,  sans 
entrer  en  ligne  de  compte  quant  au  tribut  et  aux  autres  obli- 
gations. 

Les  messagers  de  Cormac  vinrent  proposer  cela.  Les  gens 
de  Munster  consentirent  à  ce  tribut,  tout  écrasant  qu'il  fût, 
si   grande  était  la  détresse   dans  laquelle  ils  se   trouvaient. 

56.  Comme  les  Dairineet  les  Dergthine  se  trouvaient  dans 
ce  danger,  le  grand-père  maternel  de  FiachaMuillethan  vint  les 
trouver  à  l'Assemblée  générale.  C'est  de  lui,  Dil  mac  Dacreca, 
qu'est  nommé  Druim  Dil  dans  les  Deisi,  et  c'est  de  lui  que  des- 


56  M.  L.  Sjoesledt. 

ar  a  ncaWamb  7  do  raidh  :  "  Caidhi  bar  ndraidecht-si,  bur 
ndraidliec/;/  in  \eilhi-sen  intan  na  h^/uidh  (unacht,  na  foir/V/in, 
forne  isin  gabrtd  i  ta  m  ".  "Ni  thic  dhin,  "  ar  Dil  ".  "Fort  a 
conaiwgcel  '  ",  ar  Fiacha,  "  ar,  gen  gu  tis«J  dhibh  a^/;/  uisge 
namma  do  thabairt  duin,  ni  aomhfamais  in  cain  ûd  cein  no  betb 
nech  i  mbethaid  isin  cuiced;  ocus  in  bhfetrais  bhôs",  ar  se 
"nech  aile  isin  cuiced-sa  dia  ùsed  ar  bhfoinV/hin  ?  "  "  Ni  tetar 
amh",  ar  Dil  "  acht  mené  ib\sed  dott  oidi-fein,  do  Mhogh 
Ruith,  ar  is  ra  laimh-sidhe  doron//j-sa  h'altram-sa.  Ocus  àzno 
is  é  ro  thairngair  dait-si  in  la  rot  rucadh  in  forbhuis  i  ta  Lelb 
Cuind  fort  aniu  7  ni  thic  do  neach  h'foiridin  muna  thi  dhe- 
siumh  âr  is  i  Sith  Cairn  Breacnatan,  ic  Ban  Buanainn,  bandrai 
ingen  Dfrgdhuala/V/;  ro  foghluinn  Mogh  Ruith  foghluim  na 
seacht  ceidbliadhan.  Ocus  dawo  ni  mil  i  Sidh  nâ  gan  Sidh  \bhiis 
na  thall  àrzxàbecht  nach  derna,  ar  ni  dhechaid  duine  con  a 
churp  d'feruiblf  Eirenn  d'fogh/uz///  draidh^/;/a  a  sidhuibh,  acht 
Mogh  Ruith.  Acht  cena  ni  dhigne  gan  loigbidcacht  mor,  ar  ni 
ro  hairichleadh  do  dochm/<5  na  dh'  anoir  na  d'riadhuchm/ 
anallana  7  ni  tucsabar  dia  bur  n-oidh  lie. 


57.  "  Ga  luaighidhtwr/)/  isdoich  lat-sa  do,  chuinghidh  dho  ?'" 
ar  Fiacha.  "  Ro  ba  doich  lim,  "  ar  Dil  "  ailgeas  criche  7 
feruinn  dé,  ar  is  iar  gcul  7  is  cumang  lais  in  baile  i  ta  .i.  Inis 
Dairbre  ".  "  Dà  2  ar  mbreithir  ",  ar  siat  "  gidh  in  treas  ri  bhus 
ail  dho  do  bheth  uadh  for  Mumain  co  brath,  doberthar  dho, 
gin  gu  t«cadh  d'foiridin  dun  acht  usge  nama.  Adubratar  fir 
Mumhan  ra  Dil  :  "  Datraei  bennacht  ",  ar  siat,  7  eirg  ris  sin 
7  ftarfuig  do  Mogh  Ruith  ind  etfa  [175  a]  foirid'm  7  da  n- 
eta  beimit-ne  uili  fo  chis  7  chain  do-fein  7  d'fir  a  inuidh  n-a 
dhiaigh,  da  mac  7  da  ua  7  da  iarmhua  7  a  breth-fein  do  fair 
sin  gin  gu  twca  dun  acte  inni  da  bhfuil  foirnd  do  dingbhail  din  ". 


1.  Cette  phrase  énigmatique  se  retrouve,  à  peu  de  chose  près,  § 

2.  Lire  dar. 


Le  siège  de  Druitn  Damhghaire.  57 

cendent  tous  les  Crecraige  d'Irlande.  Fiacha  lui  adressa  la  parole 
et  lui  dit  :  «  Où  est  donc  votre  science  magique,  où  est  la  science 
magique  de  l'Irlande  du  Sud,  ô  vous  qui  ne  savez  nous  aider 
ni  nous  secourir  dans  le  danger  où  nous  sommes?  ». —  «Nous 
nous  n'y  avons  pas  réussi  »,  dit  Dil.  — «  C'est  bien  le  moins 

»  dit  Fiacha.  «  En  effet,  quand  bien  même  vous  n'auriez 
réussi  qu'à  nous  fournir  de  l'eau,  nous  ne  nous  serions  jamais 
soumis  à  ce  tribut,  tant  qu'il  serait  resté  un  homme  vivant 
dans  la  province.  Connais-tu  »,  dit-il,  «  personne  d'autre  dans 
cette  province  qui  pût  nous  tirer  d'affaire  ?»  —  «  Je  ne  sais  », 
dit-il,  «  à  moins  que  ton  propre  précepteur,  Mogh  Ruith,  n'y 
parvienne.  C'est  avec  son  aide  que  je  t'ai  élevé.  D'ailleurs  c'est 
lui  qui  t'a  prédit,  le  jour  de  ta  naissance,  que  Leth  Cuind  t'as- 
siégerait, comme  cela  se  produit  aujourd'hui,  et  personne  n'est 
capable  de  te  secourir,  si  lui  n'y  parvient,  car  c'est  à  Sidh  Cairn 
Breacnatan,  avec  Ban  Buanainn,  la  druidesse,  fille  de  Derg- 
dhualach,  que  Mogh  Ruith  a  acquis  la  science  des  sept  siècles. 
Et  il  n'y  a  point  de  sortilèges  qu'il  ne  puisse  accomplir  ou  à 
l'extérieur  ou  à  l'intérieur  du  «  Sidh  '  »,  de  ce  côté-ci  ou  de 
l'autre,  car  nul,  parmi  les  habitants  d'Irlande,  n'est  allé  en 
chair  et  en  os,  apprendre  la  magie  dans  les  domaines  des  fées, 
excepté  Mogh  Ruith.  Cependant  il  ne  fait  rien  que  pour  une 

récompense  élevée,  car  il  n'a  été  jusqu'à  présent  ni ni 

honoré  et  bienvenu,  et  vous  ne  vous  êtes  point  soucié  de 
lui  ». 

57.  «  Quel  genre  de  récompense  penses-tu  qu'il  dési- 
rerait obtenir  ?  »  dit  Fiacha.  «  Il  me  semble  »,  dit-il, 
«  qu'il  désirerait  un  domaine  et  un  terrain,  car  le  lieu  où 
il  vit,  Inis  Dairbre,  est  bien  retiré  et  bien  exigu  à  son  goût  ». 
—  «  Sur  notre  parole  »,  dirent  les  gens  de  Munster,  «  même 
s'il  demande  qu'un  roi  de  Munster  sur  trois  soit  choisi  parmi 
ses  descendants,  et  cela  à  perpétuité,  on  le  lui  accordera,  sans 
lui  demander  d'autre  secours  que  de  nous  fournir  de  l'eau  ». 
Et  ils  dirent  à  Dil  :  «  Nous  te  rendons  grâce;  pars  pour  cette 
ambassade,  et  demande  à  Mogh  Ruith  s'il  peut   nous  porter 

1.  Le  terme  Sidh  «  tertre,  mont  »,  mais  aussi  «  domaine  des  fées  » 
n'est  guère  traduisible. 


58  M.  L.  Sjoestedt. 


58.  Do'chuaidh  roime  iarum  Dil  i  cenn  seda  7  imthechta. 
eu  riact  eu  Dairbre  7  o  rainic  ro  bendach  do  Mogh  Ruith  7  do 
terastar  Mogh  Ruitk  failte  fris  7  atbert  :  "  Canas  tic  Dil  ?" 
ar  se.  "  As  Sleibh  Cind  Claire  ",  ar  se,  "  in  bhaile  ita  cuicià 
Muman  um¥hhchaigh" .  "  Cinas  atathar  annsin  ?  ",  ar  Mogh 
Ruith.  "Isole  atathar  and  gud  dalta-sa,  "ar  Dil.  "Cidhôn?  " 
ar  Mogh  Ruith.  Do  innis  Dil  iarum  na  h-'ûdraidhechta.  7  na  h- 
ileicne  roi  merset  draithe  Cormaic  orro,  ocus  dzno  Cormac  i 
for  buis  a  n-ardehnoe  draidhechta  osa  cinn  ac  nougudh  a  chisa 
7  a  chana  fein  orro.  "  Cidh  ma  tancais-si  fris  sin  ?  ",  ar  Mogh 
Ruith.  "  Ni  ansa  ",  ar  Dil,  "  fir  Mumam  rom  cuiristar  dot  accal- 
laimlj-si  7  da  hahaigidh  dhid  in  etfa  a  bhfoiridin  7  da  ùsed 
did  sodh  a  ndraidh&r^a  forsin  luct  ûd,  cach  sochar  do  crich  7 
do  thir  7  do  thalmam  bus  ail  duid  rat  fia.  Ocus  gidh  edh  budh 
ail  duh  gach  treas  ri  tre  bithu  betha  uait  for  Mhumam  no 
raghadh  duid  ". 


59.  "  Nuchun  edh  amein  na  budh  dual  damh  righe  do  gha- 
bail.  Acht  ni  hedh  ro  chuineghuinn  forro,  gidh  doneinn  a 
bhixxxiachi  7  is  doigh  n*zch  fuil  dibh  sin  eicean  nach  soidh- 
finn-sea  dib,  uair  ita  briathar  mh'oidi-se,  .i.  Shimoin  m«'c 
Guill  meic  Iarguill,  7  Petair  ris  na  soeidfider  orum  mo  dana 
cein  bear  beo  ". 

"  Apair  da.no  ",  ar  Dil,  "  mad  ghebhe  do  laimh  foindin 
forro  cia  loighidhea^  7  cia  comha  chuingi  ". 

60.  "  Ni  ansa,  "  ar  Mogh  Ruith.  "  Ced  mbo  mbôthana 
mblaithedrocht  mbleaghàin  ;  ced  mue  mucclasa  ;  ced  ndamh 
ndaimhghnimha  ;  ced  n-ech  n-echerma  ;  coica  leann  caine- 
droct  cliatha  ;  in^«  fir  no  dhara  fir  bus  ferr  thoir  do  crud  ' 

1 .  Lire  do  chruthradh. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  59 

secours,  et  s'il  le  peut,  nous  serons  tous  soumis  à  tribut  et  à 
redevance  envers  lui  et  envers  son  successeur  après  lui,  son  fils, 
son  petit-fils  et  son  arrière-petit-fils,  et  accorderont  tout  ce 
ce  qui  lui  plaira  en  sus  de  cela,  sans  rien  lui  demander  en 
échange  que  de  nous  délivrer  d'un  seul  des  fléaux  qui  nous 
accablent». 

58.  Dil  se  mit  alors  en  route  et  parvint  à  Dairbre.  Aussitôt 
arrivé  il  salua  Mogh  Ruith  et  Mogh  Ruitli  lui  souhaita  la  bien- 
venue. «  D'où  vient  Dil  ?  »  dit-il.  «  De  la  montagne  de  Cenn 
Claire  où  la  province  de  Munster  est  réunie  autour  de  Fiacha  ». 
«  Comment  cela  va-t-il  là-bas  ?  »  dit  Fiacha.  «  Cela  va  mal  pour 
ton  élève  »,  dit  Dil.  «  Comment  cela.  ?  »  dit  Mogh  Ruith.  Dil 
lui  raconta  tous  les  sortilèges  et  les  fléaux  dont  les  druides  de 
Cormac  avaient  accablé  les  gens  de  Munster,  et  comment,  les 
dominant  du  haut  d'une  colline  druidique  où  il  était  campé, 
il  leur  réclamait  un  tribut.  «  Quel  est  le  but  de  ta  démarche 
à  ce  sujet  ?  »  dit  Mogh  Ruith.  «  C'est  bien  simple,  »  dit 
Dil,  «  les  gens  de  Munster  m'ont  envoyé  pour  m'entretenir 
avec  toi,  et  te  demander  si  tu  pourrais  leur  porter  secours  ;  au 
cas  où  tu  pourrais  retourner  leurs  sortilèges  contre  leurs  adver- 
saires, on  t'accorderait  toute  concession  de  terre  et  tout 
domaine  qui  te  plairait.  Bien  plus,  si  cela  peut  t'être  agréable 
qu'un  roi  de  Munster  sur  trois  soit  choisi  parmi  tes  descen- 
dants à  perpétuité,  on  te  l'accordera  ». 

59.  «  Ce  n'est  pas  que  je  n'aie  aucun  droit  à  exercer  la 
royauté.  Cependant  ce  n'est  pas  là  ce  que  je  leur  demanderai  si 
je  leur  porte  secours  ;  je  ne  pense  pas  qu'ils  soient  affligés  d'au- 
cun fléau  dont  je  ne  puisse  les  délivrer,  car  mon  maître  Simon 
mac  Guill  mac  Iargaill,  ainsi  que  Pierre,  m'ont  promis  que 
je  n'échouerais  jamais  dans  mon  art,  tant  que  je  vivrais  ». 

«  Dis  moi  »,  dit  Dil,  «  quel  salaire  et  quel  présent  veux-tu, 
si  tu  te  charges  de  leur  porter  secours  ?  » 

60.  «  C'est  bien  simple  »,  dit  Mogh  Ruith  :  «  cent  vaches 
du  cheptel  à  la  robe  éclatante  et  blanche,  donnant  du  lait  ;  cent 
porcs  bien  engraissés  ;  cent  bœufs  fort  travailleurs  ;  cent  che- 
vaux de  course  ;  cinquante  manteaux  beaux,  blancs  et  moel- 
leux ;  par-dessus  le  marché,  la  fille  du  premier  seigneur  de 
l'Est,  ou  celle  du  premier  après  lui,  pour  me  donner  des  enfants, 


60  M.  !..  Sjoestedt. 

cloinne  damh  ria,  daigh  am  soercland  om  aithribh,  cur  bat 

saerdanna  mu  dannz  oa  maitribh,  gu  rup  reni  dainn  samhail- 
ter  cech  ogthigernd  soer  ar  soerdantiacht  ;  Và\s\gheacbt  marc- 
èluagh  rig  Muman,  [175  a  2]  ar  daigh  eu  rab  alladh  righ  coi- 
cidh  ar  fear  mh'  xwuidh  do  grès  7  ni  gebhtar  ris  tria  bhithu, 
act  gu  ra  comalltar  frium-sa  gach  ni  gealltar  dham  ;  fer  com- 
hairli  7  sanais  uaim  ag  righ  Muman  7  dia  ndtrntar  a  comair- 
li  sidhe  biaidh  buaidh  furre  ;  a  mheath,  nô  a  éc  da  n-innisi  do 
ncoch  aili  in  run  ro  cluin  se  ocon  righ  achl  mar  blias  maith 
lais  in  righ  ;  dala  do  thaba/rt  dom  sil  7  triar  i  frithehetfaidh 
in  righ  7  fer  a  lamha  deise  7  mu  ragha  do  thir  Mhuw.an  do 
thabairt  damh,  am-ar  thimcillfk  mu  ghille  ind  oen  16,  gan 
maer,  gan  etarla  gan^urlamhus  righ  Muman  ar  an  bhferann 
si«  tria  bithu,  gan  ghiall  do  ghaba//  ar  tir  mh'  inaidh  achl  a 
eachlasc  dara  eis  nô  glac  righ  Muman  d'iadhadh  um  cael  a 
choisi.  Ocus  nuchon  aithnim-si  dom  sil  merbhe  na  metachl 
do  dhenamh  achl  atberim  riu  dul  i  sochraide  righ  Muman  i 
cath  7  i  comlunn  dar  cenn  bendachta  7  chomallta  friu  a 
loighidh&r/Va.  Dia  tardthar  immorro  dhamh-sa  sin  toet  Mogh 
Ccrb  mac  Corma/c  Chais  meic  Oililla  Oluim  7  Donn  Dai- 
rine  7  maithe  M//wan  arcena  dar  cenn  choicidh  Muman  7 
gabhat  forro  a  comalladh-sin  7  rag^ft-sa  leo  fesin.  Ocus  asbeii 
mu  briathar  co  «dingeb-sa  in  eicin-sin'  dibh  " 


61.  Tainicc  Dil  ris-sin  aniar  eu  roacht  co  Claire,  ait  i 
raibhi  Fiacha  eu  sloghu  Muma//  uime.  Gabsat  ann-sin  fir 
Muman  oc  iafraighidh  meisnigh  an  druadh  7  ba  beg  la  cach  a 
ghuth.  Ra  indis  Dil  mzxsneach  in  druadh  7  a  \o\o\\\àheacbt  7  a 
churadhoib.  "  Dobertar  do-sum  sin  uili  ",  arfir  Muman.  Ocus 
ro  coimeirigset  na  cuir  7  ro  naiscs^/  ar  feruibh  Mumban  immà 


Le  siège  de  Druim  Dambgbaire.  61 

car  je  suis  moi-même  bien  né  par  mes  pères,  et  veux  que 
mes  descendants  soient  bien  nés  aussi  par  leur  mère,  si  bien 
que  c'est  par  comparaison  avec  ma  race  qu'on  jugera  de  la 
noblesse  des  jeunes  chefs  de  noble  race  ;  la  première  place 
dans  les  défilés  des  troupes  du  roi  de  Munster,  de  façon  que 
mon  successeur  ait  à  perpétuité  le  rang  de  roi  de  province,  et 
qu'on  n'enfreigne  jamais  cette  condition,  mais  que  l'on  accom- 
plisse à  mon  égard  tout  ce  qu'on  m'a  promis  ;  que  le  roi  de 
Munster  choisisse  son  conseiller  et  confident  dans  ma  des- 
cendance ;  si  l'on  suit  ses  conseils,  ils  assureront  la  victoire  ; 
s'il  répète  à  qui  que  ce  soit  le  secret  que  lui  aura  confié  le  roi, 
sans  l'aveu  de  celui-ci,  qu'il  soit  destitué  ou  mis  à  mort  :  que 
l'on  donne  à  mes  descendants  l'accès  aux  assemblées(P),  que 
les  trois  hommes  qui  siègent  en  face  du  roi  soient  choisis 
parmi  eux,  ainsi  que  celui  qui  se  tient  à  sa  droite.  Que  l'on 
me  donne,  d'une  terre  de  mon  choix  en  Munster,  la  superficie 
dont  mes  serviteurs  pourront  faire  le  tour  en  un  jour,  sans 
que  les  rois  de  Munster  puissent  jamais  avoir  des  représen- 
tants, prélever  des  otages  ou  exercer  une  suzeraineté  sur  cette 
terre,  et  sans  qu'on  puisse  demander  à  mon  successeur  d'autre 
garant  que  son  fouet  laissé  à  sa  suite,  ou  de  fermer  sur  sa  cheville 
la  main  du  roi  de  Munster.  Je  ne  sache  pas  que  ma  race  ait 
jamais  fait  preuve  de  faiblesse  ou  de  lâcheté,  mais  je  leur 
recommande  de  faire  alliance  avec  le  roi  de  Munster  et  de 
combattre  pour  lui,  afin  de  l'obliger  et  de  reconnaître  sa  fidé- 
lité à  s'acquitter  envers  eux  du  salaire  (à  moi  promis).  Si  l'on 
m'accorde  tout  cela,  que  Mogh  Corb  mac  Cormaic  Cais  meic 
Oililla  Oluim,  ainsi  que  Donn  Dairine  et  les  autres  nobles  de 
Munster  viennent  me  trouver  au  nom  de  la  province  de 
Munster  et  qu'ils  garantissent  l'accomplissement  de  ces  clauses. 
Je  partirai  en  personne  avec  eux,  et,  sur  ma  parole,  je  les  déli- 
vrerai de  ce  fléau  ». 

61.  Là-dessus,  Dil  alla  vers  l'Est,  jusqu'à  Claire,  où  les 
armées  de  Munster  étaient  réunies  autour  de  Fiacha.  Les 
Munstériens  lui  demandèrent  quelles  étaient  les  intentions  du 
druide,  quoiqu'ils  n'eussent  plus  qu'un  souffle  de  voix.  Dil 
leur  fit  connaître  les  intentions  du  druide,  le  salaire  qu'il 
réclamait,  les  garants  qu'il  avait  désignés.  Les  gens  de  Muns- 


6  2  M.  L.  Sjoestedi. 

righ  a  comallamh  dar  a  cenn  7  ro  chomluidhset  \mû\eacht  ar 
cend  an  righdruadh. 


62.  O  rancatar  tra  co  Dairbre  ro  feradh  îailte  friu  7  ro  bui 
reir  freastail  7  fritholmha  ar  a  cinn,  ar  ba  deimhin  la  Mogh 
Kuith  co  ricfaitis.  Ocus  ro  ghabh  Mo^/j  Rmi//?  ar  a  bhfosdtfi  7 
ro  gabhsat-sow  ga  obadh  7  ro  raidset  :  "  A  rir  sochair  "  ar  siat 
"[175  b  i]7achul  urbhaidhi,  ismor  in  gàbad  i  dtât  ûtMuman 
7  recuid  a  leas  a  bhfoiridin  7  gÀch  ar  chuingis  ataim-ne  ra  a 
iisudhudh  7  ra  comaWadh  àuh  7  naisc  foirnd  ".  "  Naiscfet- 
sa",  ar  se  "  7  ni  raghum  gu  muchu  lai  imavach".  Batar  ann- 
sin  ar  cainfreastail  7  (rhholamh  7  gsbhus  Mogh  Kùith  occ  gair- 
â'iugud  forro  7  oc  iafraighidh  scel  dibh.  Ocus  do  raid  h  in  rethoi- 
r^c-sa  7  do  fredga/V  Mogh  Corb. 

"  Sceul  do  chein,  cluinntir  libh 

As  a  aithle-sin  ro  gab  Mogh  Ruith  oc  iafraighidh  na  com- 
lunn  7  ina  torchuir  isna  comlunna//?/7  7  ro  innis  Mogh  Corb 
dho  uili  :  "  Trom  amh  linn  sin  ",  ar  Mogh  Kuith,  "  ocus  da  ' 
ar  mhrtxthir,  *l  ar  se  ",  dia  n-edam-ne  toeth  dias  ann  cech  fer 
dib-sin  7  toeth  fuilled  fair  7  toeth  in  coicer  domt  in  ardai- 
nicin  1  sin  ar  an  coiced  ". 

63.  Gabsat  ann-sin  co  mucha  lai  ara  barach.  Is  ann-sin  do 
raid  Mogh  Ruith  ra  a  dalta  .i.  ra  Ceannmhar  a  thaichim 
conaire  do  thabtfirt  chuigi  .i.  a  da  dhamh  chuana  choilgdirghiu 
as  Sleibh  Mis  .i.  Luath  Tren  7  Loth  Lis  7  a  charpat  caemh 
curata[i75  b  2]  cairthind  cona  feirtsibh  findruine,  con  imead 
gheam  corrmhocuil,  guna  comW/;ibh  glainé  7  ba  comhsolus 
la  7  aghaidh  don  lucht  no  bidh  ann.  Ocus  a  cholgdeut  dru- 
mannglas  7  a  ghoithne  umaidi  7  a  dha  sleig  cruaidi  coicrinne 
gu  cranduibh  suarcaibh  sodhibhraicthe  ;  co  semannaibh  fithe 
findruine  ;  con  a  seïchid  tairb  maeiluidir  i  bhforfairsiung  a 
carpait  ar  sesaibh  7  sliastaibh  fai.  Guna  sochraite  sluaghaidh 

1.  Lire  dar. 

2.  Ardainicin,  composé  de  ainicin,  cf.  §  45. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  63 

ter  accordèrent  tout  :  les  garants  se  levèrent  et  s'engagèrent 
pour  les  gens  de  Munster  réunis  autour  de  leur  roi  à  assurer 
l'accomplissement  du  contrat  qu'ils  allaient  conclure  en  leur 
nom  ;  ils  se  mirent  en  marche  pour  aller  trouver  le  roi- 
druide. 

62.  Lorsqu'ils  arrivèrent  à  Dairbreon  leur  souhaita  la  bien- 
venue et  Ton  était  prêt  à  les  servir  et  à  les  traiter,  car  Mogh 
Ruith  n'avait  aucun  doute  qu'ils  ne  vinssent.  Mogh  Ruith  se 
mit  en  devoir  de  les  retenir  et  eux  de  décliner  son  invitation, 
disant  :  «  O  protecteur,  tête  très  chère,  les  gens  de  Munster 
sont  en  grand  danger  et  ils  ont  besoin  de  secours  ;  nous 
venons  pour  t'offrir  tout  ce  que  tu  demandes  et  exécuter  nos 
promesses  ;  il  ne  te  reste  plus  qu'à  conclure  le  contrat  avec 
nous  ».  «  Je  le  conclurai  »,  dit-il,  «  mais  nous  ne  partirons 
pas  avant  demain  matin  à  la  première  heure  ».  Ilsrestèrent  là, 
bien  servis  et  bien  traités,  et  Mogh  Ruith  se  mit  à  festoyer 
avec  eux  et  à  leur  demander  des  nouvelles,  et  il  dit  cette  rhé- 
torique dont  Mac  Corb  lui  fournissait  les  réponses  :  «  » 

Mogh  Ruith  s'informa  ensuite  des  combats  livrés  et  des 
pertes  éprouvées  dans  ces  combats,  et  Mac  Corb  lui  raconta 
tout  :  «  Nous  en  sommes  désolés  »,  dit  Mogh  Ruith,  «  et, 
sur  notre  honneur,  si  nous  le  pouvons,  deux  hommes  péri- 
ront pour  chacun  d'eux...  et  d'autres  avec  eux,  et  les  cinq 
périront,  qui  ont  attiré  cette  calamité  sur  la  province  ». 

63.  Ils  demeurèrent  là  jusqu'au  lendemain  à  la  première 
heure  ;  c'est  alors  que  Mogh  Ruith  dit  à  son  élève,  Cennmar,  de 
lui  amener  son  équipage  de  voyage  :  ses  deux  bœufs  nobles,, 
rapides  comme  le  glaive,  venus  de  Sliab  Mis  et  qu'on  appelait 
Luath  Tren  et  Loth  Lis,  son  beau  chariot  guerrier  de  sorbier 
aux  brancards  de  bronze  blanc,  tout  incrusté  d'escarboucles, 
aux  portières  de  cristal,  tel  que  la  nuit  paraissait  aussi  bril- 
lante que  le  jour  aux  gens  qui  s'asseyaient  dans  le  char.  Il  y 
avait  aussi  son  sabre  à  poignée  d'ivoire,  dur  et  bleu,  ses 
lances  de  bronze,  ses  deux  javelots  aigus  à  cinq  pointes,  aux 
bois  commodes  et  aisés  à  lancer,  portant  rivets  de  bronze  blanc 
tressés  (?)  ;  une  peau  de  taureau  brun  sans  cornes  s'étendait 
sur  toute  la  largeur  du  chariot,  sur  les  bancs,  et  sur  ses  cuisses. 
Autour  de   lui  se   tenait   l'escorte  qui  l'accompagnait   dans 


64  Af.  L.  Sjoertedl. 

lais  .i.  tricha  ar  ced,  amhuil  asbert  Cormac  mac  Ciùïïeannain  : 

"  Ba  forneirt  a  theglach  o  theighedh  for  set 
im  charpat  in  righ  druadh  tricha  fer  ar  ced". 

64.  Ro  coimeirighset  iarsin  7  tancatar  rompa  arruzch  7  ro 
b'hui  Mogh  Kuith  oc  m'miughudh  dia  dhalta  gach  neith  amh- 
\aidh  so  7  asbert  : 

"  Cingthe,  a  Cennmhair  choscuruigh .  .  .  doclodh". 

Gabsat  rompa  iardain  i  cend  seda  7  imthechta  7  dochuaidh 
Mogh  Kuith  in  a  charpat.  Ocus  do  raithset  na  maithe  sin  ris  : 
"  Cia  thoghfas  crich  7  ferann  duit  ",  ar  siat.  "  Ni  do  neoch 
erbabhat-sa  sin  eidir  ",  ar  Mogh  Kuith,  "  acht  damh  fein.  Ocus 
tabhur  ûir  gach  tiri  dara  ragh  dhamh  7  finnubh  for  a  boludh 
an  crich  bûs  fearr  dhibh  7  thoghfat  in  crich-sin  ;  ni  thiber 
aithber[i76a  i]ar  neach  acht  oram  fein  gidh  maith  gidolc  hi. 

65.  Tancatar  rompa  gu  Glinn  Bethbhe  i  crich  Corcoduibhne 
7  rucadh  ûir  Bethbha  chuigi  7  tue  a  bolud  fo  a  sroin.  Ocus 
ztbert  in  rethorhec  ic  a  dichur.  "  A  Bethbe     .  .  '". 

"  Nucan  i-so  crich  gebut-sa  dar  cenn  mu  \o\ghidhechta  ". 
"  Nucon  ïzlzïvfeter  fort  eidir  ",  ar  siat  : 

Tancatar  rompa  iarsin  eu  Crich  Eogunachta  Corcoduibhne 
Ciarraige.  Ocus  tucadh  a  huir  dho  7  nis  ra  ghaibh  7  do  raidh 
in  rethora:  ocadichar.  "  Conchenn  Cuachbel.  .  .  ". 

"Ni  gebh-sa  so",  ar  se.  "Ni  ragha  fort  eidir",  ar  siat. 
Tancatar  rompa  iarsin  eu  hAes  Cuile  7  co  hEalla  7  twead  ûir 
in  da  crich  dhô  7  do  raidh  in  rethorec  ic  a  ndichur  :  "  Cuile 
bega ...  ». 

Tancatar  rompa  gu  Crich  Cairiche,  risin  abar  Muscraidhi 
Fheaga  aniua  7  tweadh  uir  na  crichi-sin  do,  7  do  raid  aca  diewr. 
"  Tir  mhin  ainmhin.  .  .  ". 

"  Ni  ghebh-sa  on,  "  ar  se,  "  7  ni  siruighiuibh  mo  braitre, 
uair  foghebhut  nech  aili  dia  sarug/<^  ".  Tancadar  rompaiar- 
sin  eu  Tech  Forannain  Fhinn,  frisin  abar  Cenn  Abhrat  inniu. 
"  Nuchan  as-so  ragat-sa  ",  ar  Mogh  Kuith,  "  eu  ra  toghthar 
mu  crich  7  m'ferand,  ar  ni  ar  rochtain  cusan  sluagh  ro  etfad 
crich  na  ferann  do  chuingidh  forro  .  Tucad  cuigi-sin  ann-si- 
dhe  ûir  Cliach  Mail  mheic  Ugainc  a  Min-Mairtine  Muman. 
Conudh  ann  asbert  oca  tuarascbhail  7  oca  hobadh. 


Le  siège  de  Dniim  Damhghaire .  (,\ 

ses  expéditions,  au  nombre  de  cent  trente,  comme  le  dit  Cor- 
mac  mac  Cuilleannain  : 

«  Une  forte  escorte  entourait  le  chariot  du  roi-druide  lors- 
qu'il se  mettait  en  route  :  cent  trente  hommes  ». 

64.  Us  se  levèrent  ensuite  et  partirent,  et  Mogh  Ruith  expli- 
quait à  son  élève  toute  chose,  comme  suit,  en  disant  : 

«  Marche,  Cennmar  le  victorieux,  etc.  ». 

Ils  se  mirent  alors  en  marche  et  Mogh  Ruith  monta  dans 
son  char.  Et  les  seigneurs  (de  Munster)  lui  dirent  :  «  Qui  te 
choisira  ton  domaine  et  ta  terre  ?»  —  «  Je  ne  m'en  remettrai 
pour  cela  ci  personne  qu'à  moi-même,  »  dit  Mogh  Ruith. 
«  Qu'on  me  donne  de  la  terre  de  chaque  pays  où  je  passerai, 
et  je  découvrirai,  rien  qu'à  l'odeur,  quel  est  le  meilleur  domaine, 
et  je  le  choisirai  ;  si  bien  que,  que  la  terre  soit  bonne  ou 
mauvaise,  je  ne  pourrai  m'en  prendre  qu'à  moi-même  ». 

65.  Ils  allèrent  jusqu'à  Glenn  Bethbhe  dans  la  région  de 
Corco  Duibhne  et  on  lui  apporta  de  la  terre  de  Bethbhe,  et  il 
en  huma  l'odeur  ;  il  dit  cette  rhétorique,  en  la  refusant  :  «  O 
Bethbhe,  etc.  ». 

«  Ce  n'est  pas  ce  domaine  que  je  prendrai  pour  mon  salaire  », 
dit-il.  «  Nous  ne  chercherons  pas  non  plus  à  te  l'imposer  », 
dirent-ils. 

Us  allèrent  ensuite  jusqu'à  Crich  Eogunachta  dans  le  Corco 
Duibhne  en  Kerrv.  On  lui  donna  un  peu  de  cette  terre,  et 
il  ne  la  prit  pas  et  dit  cette  rhétorique  en  la  refusant  :  «  ...  ». 

«  Je  ne  prendrai  pas  cette  terre  »  dit-il.  «  Elle  ne  viendra 
donc  pas  en  ta  possession  »,  dirent-ils. 

Us  poursuivirent  alors  jusqu'à  Aes  Cuile  et  Ealla,  et  l'on 
donna  de  la  terre  de  ces  deux  contrées  à  Mogh  Ruith,  et  il  pro- 
nonça cette  rhétorique  en  les  refusant  :  «  .  .  .    ». 

Us  allèrent  à  Crich  Cairiche,  aujourd'hui  appelé  Muscraidhi 
Fheaga  ;  on  lui  donna  de  la  terre  de  cette  contrée,  et  il  dit 
cette  rhétorique  en  la  refusant  : 

«  Terre  douce  et  dure,  »  etc. 

«  Je  ne  la  prendrai  pas  »,  dit-il,  «  et  je  ne  dépouillerai  pas 
mes  frères,  du  car  ils  trouveront  quelqu'un  d'autre  pour  les 
dépouiller  ».  Us  poursuivirent  jusqu'à  Tech  Foranrxiin  Finn, 
aujourd'hui  Cenn  Abhrat.  «  Je  ne  quitterai  pas  ce  lieu  »,  dit 

Revue  Celtique,  XLIII.  5 


66  M.  L.  Sjoestedt. 

"  Cliu  chathach  ". 

"  Inathar  galair  Muma«  sin,  "ar  se,  "  7  belach  bodhbha  7 
aircne.  Ni  gheb-sa  eiter.  Ocus  dano  bidh  machz//ri  nachtan  cin 
eu  pedh  inniu  '  ". 


66.  Tanças  uadaibh-sium  iurdain  ar  cenn  ûire  Chorrchaille 
Meic  Con,  .i.  Cailli  Menne  meic  Erca  meic  Degadh  frisin  abar 
Firmhaighi  inniu.  Is  aire  atb^r/ar  Cailli  mac  n-Eirc  ris,  ar  ro 
bhatar  a  mheic  ann.  .i.  Menne  mac  Erca  7  Uatha  mac  Erca 
7  Ailbhe  mac  Erca.  Ainm  ele  do  Firmuighi  Mène,  ar  imut  a 
mianaigh  isna  sleibibh  fileat  imbe  7  dawocloch  mhein  in  gach 
ghurt  ann  bheos.  Ainm  ele  dho,  Corr  Cailli  meic  Con,  ar  rob 
é  ruidlius  C\ainne  Dairine,  7  is  ann  ata  Rosach  na  righ  7  is 
ann  ro  bhai  Mac  Con  no  gu  tucadh  Cath  Cinn  Abhratt. 

Rucudh  chuigi-sium  hrnni  ûir  na  cn'chi-sin  7  ro  raidh  na 
briathra-sa  oc  a  tagha.. 

"  Sliab  um  figh.  figh  um  magh". 


67.  Ro  faem-som  tra  in  tir-sin  7  asbert  ra  clannaib  ag  izbaïrt  a 
teasta  .i.  coimhneimh  inntibh  7  comchonnailb  7  comthuaichlius 
fria  nathrachuibh  etorra-sein,  ar  is  amlaid  bit-sein  7  nai  nathra- 
cha  dib  oc  doth  isin  n-aoinnit  7  as  i  lianchaire  bis  etorra  eu  nach 
mo  leasaighius  gach  naithir  dibh  in  t-en  berius  fein  ina  gach 
en  archena  bis  isin  nit.  "Is  âmlaidh-sm  erbaim-si  dom  claind 
a  mbeth   i  n-aeingnim   7  cein   bheth  zmlaidb  ni    bêrz  crich 

1.  Sans  ctoute  faut-il  voir  ici  une  allusion  à  la  destruction  des  forêts  du 
Munster  central  par  les  feux  druidiques,  racontée  §  1 15. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  67 

Mogh  Ruith,  «  avant  d'avoir  choisi  mon  domaine  et  ma  terre. 
Car  ce  n'est  pas  une  fois  de  retour  près  des  armées  que  je 
pourrai  leur  demander  terre  ou  domaine  ». 

On  lui  apporta  alors  de  la  terre  de  Cliu  Mail  meic  Ugaine, 
dans  Min  Mairtine   en  Munster.  C'est   alors    qu'il  dit   en  la 
décrivant  et  en  la  refusant  : 
«  Cliu  guerrier  »,  etc. 

«  C'est  de  là  que  naîtra  la  maladie  qui  dévorera  le  Muns- 
ter »,  dit-il,  «  c'est  !e  chemin  de  la  dissension  et  du  pillage.  Je 
ne  prendrai  sous  aucun  prétexte  ce  domaine.  Au  reste  cette 
plaine  sera  un  jour  un  désert,  quoi  que  ce  n'en  soit  pas  un 
aujourd'hui  ». 

66.  De  là  ils  s'en  allèrent  vers  la  terre  dite  Corchaille 
Meic  Con,  ou  Caille  Menne  meic  Erca  meic  Degadh  (Caille 
de  Menne)  que  l'on  appelle  aujourd'hui  Fir  maighe.  On  l'ap- 
pelle Caille  mac  nEirc,  parce  que  les  fils  d'Ere  y  habitaient  : 
Menne  mac  Erca,  Uatha  mac  Erca  et  Ailbhe  mac  Erca.  Son 
autre  nom,  Fir  Maighi  mené,  s'explique  par  la  quantité  de 
minerai  qu'on  trouve  dans  les  montagnes  environnantes,  car 
l'on  trouve  des  morceaux  de  minerai  dans  chaque  camp  encore 
de  nos  jours.  Un  autre  nom  est  Corchaille  Meic  Con,  car  il 
appartenait  en  propre  au  clan  des  Darine  et  c'est  là  que  se 
trouve  Rosach  na  Righ,  où  résida  Mac  Con  jusqu'à  la  bataille 
de  Cenn  Abhratt. 

On  lui  apporta  alors  de  la  terre  de  ce  domaine  et  il  dit  ces 
mots  en  la  prenant  : 

«  La  montagne  autour  du  bois,  le  bois  autour  de  la  plaine, 
etc. .  .  ». 

67.  Il  prit  donc  cette  terre-là,  et  il  conseilla  à  ses  enfants, 
en  leur  faisant  ses  recommandations  (?)  d'être  aussi  venimeux 
intérieurement,  et  aussi  affectionnés  l'un  à  l'autre,  et  aussi 
rusés  que  des  serpents  ;  car  les  mœurs  des  serpents  sont  telles 
que  si  neuf  serpents  couvent  dans  un  même  nid,  ils  sont  si 
affectionnés  les  uns  aux  autres  que  chacun  d'entre  eux  n'est 
pas  plus  affectionné  à  sa  propre  portée  que  ne  l'est  n'importe 
lequel  de  ceux  qui  sont  dans  le  nid  avec  lui.  «  C'est  ainsi  que 
je  veux  que  soient  mes  descendants,  agissant  de  concert.  Aussi 
longtemps  qu'ils  seront  ainsi  le  pays  environnant  ne  pourra 


68  M.  L.  Sjoestedt. 

impaibh  a  n-imarcraigh  7  niis  lemha  nech  acht  in  ni  '  foirgea 
airdri  in  coicidh  ;  ar  ni  ra  daingnib  eli  dota/im-si  toebh  dhoibh, 
acht  ra  a  awnailbhi  fein  eturra,  7  ra  hemghibh  mo  chor  7  ra 
muinnteras  sil  Fhiachach.  Intan  dano  na  comallfa  cach  dibh 
fria  cheile  sin,is  ann  raghuid  in  lucht  da  tabhraim-si  sochar 
aniu  ar  tairr  mu  dainne-sa,  co  m  tarât  a  bhferunn  uathaibh  co 
mba  hhvaid  iat  fein  2  ar  inndith  ragus  forro  ind,  7  con  n- 
eipre  in  fer  dona  sleibibh  impaibh  "  nach  he-sud  in  tir  i  ra 
butarFir  Maighi  seghdha  ".  Is  airi  atberair  Fir  Maighi  seghdha 
dibh  ar  is  eadh  erbaim-si  friu,  ildana  7  seghdhacht  acu  7  fer 
imarbhadha  Munww  tria  bithu". 


68.  "  An  hi  sin  crich  thoghai  ?  "  arsiat —  "  As  i,  "ar  se. 
"  Cia  mghtts  dia  cuma  7  dia  midhemhain  na  criche-sin  dait  ?  " 
ar  siat.  "  Mac  caich  a  dhalta,  "  ar  se,  "  7  tiaghuid  mo  dhalta- 
sa".  Ocus  batar  ead  na  daltai  .i.  Muchet,  dia  ta  Corco  Muichit 
in  Uibh  Conaill  7  Bent,  dia  tat  Benntraidhi  fo  Eirinn  7  Bui- 
rech.  dia  tat  Ui  Buirigh  i  Crich  Fossaigh  moir  i  coiccrich  Ua 
meic  Caille  7  Ua  Tassaigh,  7  Dil  mor  mac  Da  Creca  o  ata 
Druim  nDil  [176  b  2]  7  Crecraidhi  fo  Eirinn,  ocus  Ceannm- 
har  a  Chaire  Comain  a  Cloenloch  na  nDeisi.  Rocoimeirighset 
iarsin  na  gilli-sin  7  ro  raidhset.  "  Cin//5  midfider  in  tir,  a 
aidiu  inmain  ?  "ar  siat.  "A  hord  ar  an  indeoin,  "  ar  Mogh 
Ruith,  "  .i.  o  thaFighin  Uird  a  nOrbraidhi  co  hlndeoin  is  na 
Deisib,  Ocus  in  mir  o  tha  sruthanma  na  Tuadcaille  frisin  apar 
Gleann  mBrighdi  inniu,  cusin  rod  da  sileann  sruth  na  nOi- 
thm(?)  fo  nGiusaigh  nglais  ngablanaigh  renfas  acaill  ar  Co- 
laem  " 


1.  Nous  traduisons  comme  s'il  y  avait  in  ti. 

2.  «  Si  bien  qu'ils  seront  à  chercher  »,  c'est-à-dire  «  si  bien  qu'ils  auront 
disparu  ».  Cf.  un  autre  exemple  de  cette  locution  peu  commune,  §  3. 


Le  siège  de  Druitn  Dambgbaire.  69 

résister  à  leur  nombre  et  nul  ne  leur  tiendra  tête,  s'il  n'est 
capable  de  résister  au  grand  roi  de  la  province,  car  je  ne 
garantis  leur  prospérité  que  moyennant  qu'ils  observent  trois 
conditions  :  vivre  en  bonne  intelligence  réciproque,  s'en  tenir 
au  terme  de  mon  contrat,  et  s'entendre  bien  avec  la  race  de 
Fiacha. 

«  Si  tous  ne  remplissent  pas  ces  obligations  mutuelles,  c'est 
alors  qu'interviendront  les  gens  à  qui  je  viens  en  aide  aujour- 
d'hui, pour  le  malheur  de  mes  descendants;  ils  leur  prendront 
leur  domaine  si  bien  qu'ils  disparaîtront  entièrement,  anéantis 
par  le  désastre  qui  s'abattra  alors  sur  eux  ;  et  un  jour  on  dira 
devant  les  montagnes  qui  les  environnent  :  «  n'es*t-ce  pas  ici 
qu'habitaient  les  Fir  Maighe  imposants  ?»  —  Et,  voici  pour- 
quoi on  les  appellera  ainsi  :  parce  que  je  leur  recommande 
surtout  d'être  généreux,  et  pleins  de  dignité  et  de  combattre 
pour  le  Munster,  à  perpétuité  ». 

68.  «  Est-ce  là  le  domaine  que  tu  choisis  ?  »  dirent-ils. 
«  Oui  »,  dit-il.  «  Qui  ira  tailler  et  délimiter  ce  domaine  pour 
toi?  »,  dirent-ils.  «  L'élève  d'un  chacun  lui  tient  lieu  de  fils  », 
dit  Mogh  Ruith,  «  ce  sont  mes  élèves  qui  iront  ».  Et  ces 
élèves  étaient  :  Muchet,  d'où  est  nommé  Corco  Muichit  dans 
le  pays  des  Ui  Connell  ;  Bent,  de  qui  descendent  tous  les 
Benntraidhi  d'Irlande  ;  Buirech,  de  qui  descendent  les 
Ui  Buirich,  dans  la  région  de  Fossach  mor,  dans  la  région  limi- 
trophe des  Ui  meic  Caille  et  des  UiTassaigh  :  Dil  Mor,  mac 
Da  creca,  de  qui  est  nommé  Druim  nDil,  et  tous  les  Crecraidhe 
d'Irlande.  Enfin  Ceannmar,  originaire  de  Caire  Comain  dans 
Cloenloch  en  Deisi. 

Les  jeunes  gens  se  levèrent  alors  et  dirent  :  «  Comment 
délimiterons-nous  la  terre,  très  cher  père  ?»  «  A  l'aide  du 
marteau  sur  l'enclume  »,  dit  Mogh  Ruith,  «  c'est-à-dire  depuis 
le  lieu  où  se  trouve  Fidh  in  Uird  (le  bois  du  marteau)  en 
Orbraidhe  jusqu'à  Indeoin  (l'enclume)  en  Deisi  :  la  portion 
depuisles  rlots(?)  de  Tuadcaille  (aujourd'hui  Glenn  mBrighdi) 
jusqu'à  la  route  où  coulent  les  flots  de  l'Oithen,  sous  la  forêt 
de  Giusach,  verte  et  branchue  vers  Colaem. 


y-o  M.  L.  Sjoesteàt. 

69.  Tancatar  rompa  siar  dhes  7  Muichit  i  remhthtt.f  accu  7 
ro  gabh-side  claen  in  tseda  iocetoxx  ar  ro  faillsiged  do  eu  mad 
thiar  no  bhiath  a  aitreabh  iardain.  Ocus  tancatar  rompa  do 
Bunraidi  bud  dhes  7  do  Cleitig  7  do  Dundailche  Finnlethet  7 
do  taeibh  slechta,  an  leith  sair  gu  d'neach  7  do  Glind  Brigdi  7 
do  Carnd  Tigernaigh  meic  Deghaid.  Ocus  ro  gabwjtar  Bui- 
rech  i  remtM5  reampa  7  gabus  cloemxd  in  tseuda  (oceloir  ar  for- 
fidir  cunwd  ris  indes  no  biath  clann  7  c'ined  do.  Ocus  tancatar 
rompa  co  Gluair  Fer  Muighi  Fene  7  suas  do  Clugh  na  Cruith- 
nechti\  ;  do  Lie  Failmir;  do  Glinn  Cusaigi  Croilinnche  ;  do 
Bern  na  nGall  ind  airter  Tailche  Aedha,  do  Bern  Doire 
Cailli  Monad,  risin  abar  Bmi  Leachta  Ua  Setna  aniu  ;  do 
Charn  Aedha  m«c  Lidhne  ;  do  Lie  Uidhir  ;  do  Charn  Mael- 
glasain;  d'Ath  Cille  Buinden  ;  d'Ath  da  abhunn. 

70.  Ocus  coTech  Forannain  Find  doridhisi,  ait  i  ra  bhatar 
na  sloigh  7  Mogh  Kuith  ara  cind.  "  In  ra  crich-sibh  '  sin  ?  " 
ar  se.  "  Ra  crichsam,  "  ar  siat.  "  As  doigh  lim,  "  ar  se,  "  ro 
facsaba/V  ni  dia  n-ebm-sa  fribh  cin  timchealW,  ar  a  luas  tan- 
cabar".  "Ni  rofacoibh-sium,"  arsiat.  "  Tuguidh  bur  mbunna 
damh,  ar  se.  '*  Dob^rum  ",  ar  siat.  Atnaidhit  iarum  a  m- 
bunnu  dhô,  ennaà  ann  isbert  Mogh  Kuith  : 

"Buind  fria  brath  ". 


71.  [O'Longan  176  a  1]  "  Cidhrom  ba  dhamh,  a  Mhuicit  ?" 
ar  Mogh  Kuith.  "  Ro  faillsig^d  dhamh  ",  arMuichutf,  "  comadh 
rium  aniar  no  biadh  mo  crich  7  mh'ferann  7  nir  ail  dam  mu 
dhiceall  fein  do  dhenamh.  "  As  tir,  "  ar  Mogh  Kuith,  "  is  and 
bhias  7  ni  bha  tusa  ros  mêla  ",  7  asbeart. 

Rae  Muchet  meic  Muichit  ni  ropé  ros  meala. 

Terci  thiri  air  7  imat  feagha. 

"  Cidh  ram  ba  dhamh,  a  Bent,  "  ar  se.  "  Mo  senordhacht 
7  mu  crine,  "  ar  se,  "  7  ni  raba  a  n-aghuid  chaich.  Rop  sen 


1.  Cette  forme  est  étrange.  Faut-il  voir  une  2e  personne  pluriel  analy- 
tique du  prétérit  ?  On  attendrait  ra  ebriebsid,  ou  ra  crichsabhar. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  71 

69.  Ils  s'en  allèrent  devant  eux  vers  le  Sud-Ouest,  Muchet 
à  leur  tête,  et  celui-ci  prit  une  fausse  route  dès  le  commen- 
cement, car  il  avait  appris  par  révélation  que  sa"  résidence 
serait  par  la  suite  dans  l'Ouest.  Ils  allèrent  a  Bunraide  dans 
le  Sud,  à  Cleitech  à  Dun  daifche  Finnlethet,  et  de  là  gagnèrent 
directement  le  lieudit  Slich  tin  Leith  à  l'Est,  vers  Glenn 
Brigdi  et  Carn  Tigernaigh  meic  Deghaid.  Buirech  prit 
ensuite  la  direction,  et  il  prit  un  faux  chemin  dès  le  début, 
car  il  prévoyait  que  ce  serait  dans  le  Sud  qu'il  établirait  sa  mai- 
son. Et  ils  poursuivirent  leur  route  jusqu'à  Gluair  Fer  Muighi 
Fene,  et  remontèrent  jusqu'à  Clugh  na  Cruithnechta,  à  Leac 
Failmir,  Glenn  Cusaigi  Croilinnche,  Berna  nGall  (à  l'est  de 
Tailech  Aedha),  Bern  Doire  Cailli  Monad,  aujourd'hui  Bern 
Leachta  ua  Setna,  Carn  Aedha  meic  Lidhne,  Leac  Uidhir, 
Carn  Maelglasain,  Ath  Cill  Buinden,  Ath  da  Abhunn. 

70.  De  là  ils  revinrent  à  Tech  Forannain  Finn,  où  se  trou- 
vaient les  armées  et  Mogh  Ruith  à  leur  tète.  «  Avez-vous  ter- 
miné votre  tâche  ?  »  dit  Mogh  Ruith.  «  Nous  avons  terminé», 
dirent-ils.  «  Il  me  semble  »,  dit-il,  «  que  vous  avez,  omis  de 
faire  le  tour  d'une  partie  du  domaine  que  je  vous  avais  dési- 
gné, si  j'en  juge  par  la  rapidité  avec  laquelle  vous  êtes  reve- 
nus ».  «  Nous  n'avons  rien  omis  »,  dirent-ils.  «  Montrez-moi 
vos  semelles  »,  dit-il.  «  Soit  »,  dirent-ils.  Ils  montrèrent  leurs 
semelles  à  Mogh  Ruith  et  c'est  alors  que  Mogh  Ruith  dit  : 
«  ...   ». 

71.  «  Qu'est-ce  donc  qui  m'a  fait  tort,  Muchet  ?  »  dit  Mogh 
Ruith.  «  Il  m'a  été  révélé,  »  dit  Muchet,  «  que  mon  domaine  et 
mes  terres  seraient  situés  devant  moi,  vers  l'Ouest,  et  il  ne 
me  plaisait  pas  de  négliger  mes  propres  intérêts  ».  «  C'est 
vrai,  »  dit  Mogh  Ruith,  «  ton  domaine  sera  là,  et  ce  n'est  pas 
toi  qui  en  profiteras  ».  Et  il  dit  : 

«  La  terre  de  Muchet  mac  Muichit,  que  ce  ne  soit  pas  lui 
qui  en  profite.  Il  y  a  là  peu  de  terre,  et  beaucoup  de  bois  ». 

«  Qu'est-ce  donc  qui  m'a  fait  tort,  Bent  ?  »,  dit-il.  «  Je 
suis  vieux  et  fatigué.  Je  n'ai  pas  voulu  tenir  tête  à  tous. 
Puisses-tu  prospérer  jusqu'à  ta  postérité  la  plus  reculée  (?)  ». 

«  Qu'est-ce  qui  m'a  fait  tort,  Buirech  ?  » 

«  Il  m'a  été  révélé  que  c'est  dans  la  région  que  je 


72  M.  L.  Sjoestedt. 

imsnimh  tu  go  Mclaiiin  (?)  do  grès  "  "  Cidh  ram  ba  dam, 
a  Bhairec/;  ?  ",  ar  se.  "  Ra  hiUsiged  dam  eu  mad  isin  crich  rat 
caighius  iin//d  -sa  do  biath  clannyciiW/;  dhamh.  "Robiatha  a 
dhuirech.  .  .  ni  radhbiathat  uille  caich  anis  7  anuas  ort,  7  ni 
dech  tar  teinidh  gu  letli  do  sil  do  grès.  "  —  "  Cidh  rom  ba 
dhamh,  aCennmair?  ""  Ro  hiWsiged  dhamh,  "arse,  "  cumad 
trium  aniar  no  biath  crich  7  feran  damh  7  nir  ail  dam  cumh- 
eugud  fair.  "  "  Rop  cumhang  crich  7  ferann  do  sil  do  grès,  " 
ar  se,  "  rob  slat  acair  do  slat  7  t'fuadach  do  grès.  "  "  Cidh 
ram  ba  damh,  a  Dhil,  "  ar  se.  "  Immon  cedna,  "  ar  Dil. 
"  Ni  rab  tarba  h'feruinn  duib,  ''ar  se,  "  achl  h'ainmarein  crich 
mima,  7  do  sil  fo  Eirinn  iarum  sin  .i.  Creacraidhi,  7  ni  rab  nidh 
fogabhtar  sin  in  gtfch  inad  hi  cirbrech  an-aitreabu,  innas  cach 
inrtd  aili  a  nEirinn.  Tothucht  na  crich  moire  adubtfrtus  bid 
ar  in  crich  sea  [o'L.  176  a  2]  7  ni  bia  a  n-imarca^/?  impaib 
7  gu  mbia  a  longport  tri  la  7  tri  hoigthi  is  na  Deisibh  ni  bhiad 
a  n-imanWZ>  inntib  achl  ocus  co  lann  imarcadh  acu-san 

on  a  Deisibh.  Ocus  bid  ris  in  bhtonn-soin  saimhealrir  g^ch 
fonn  maith  a  nEimw  ".  Is  annsin  ro  athnaisc-sium  forra  a 
choraibh. 


72.  Ocus  ro  choimheirigst't  rompa  co  sleibh  Cind  Claire 
airm  i  mbui  Fiacha  co  bhferuibh  Muman.  Rochoimeir/^set  fir 
Muman  um  Yiacbaigh  d'fVrthuin  {aille  ra  Mogh  Ruitb  7  tuesat 
uilicenntfc/7/7  \o\ghidheacbt  do  7  roraidset  gu  comhallfatais  in 
cennacht  7  in  loighidht'ûfr/.'/-sin  ra  a  sil  7  ra  seimedh  ô  ar 
macuib-ne  7  ô  ar  n-uaib.  "  Ocus  caidhi  do  raghatochmuirce  ?  " 
ar  siat.  "  Eimhne,  mgen  Aenghasa  Tirig,  "  ar  se  '"  dalta 
Mhogha  Corb.  "  Ocus  is  uaiti  ainmniter  Cul  Emhne  aniu. 
"  Ocus  da  mad  ferr  le  mu  mac-sa  .i.  Buan,  rofaiedh  lais. 
Do  cuiredb  '  a  rogha  na  h-m^me-sin  7  as  e  rogha  rue  si  :  "In 
ti  istuaithi  7  riaruighit  tir  MuniûH  7  dobheir  sochur  do  cach 


1.  Tout  ce  passage,  depuis  rop  cumhang  est,  dans  le  mannscrit,  d'une  lec- 
ture difficile  et  parfois  peu  sûre. 


Le  siège  de  Druim  Damhgbaire.  73 

pour  coi  que  serait  ma  descendance  et  ma  race  ».  «  Il  en  sera 
ainsi  (?),  ô  Buirech...  et  puisse  ta  race  ne  dépasser  jamais  (en 
nombre)  un  feu  et  demi  (?)  ». 

«  Qu'est-ce  qui  m'a  fait  tort,  Cennmar  ?  »  «  Il  m'a  été 
révélé  »,  dit-il,  «  que  c'est  en  face  de  moi  en  allant  vers 
l'Ouest  que  seraient  situés  mon  domaine  et  ma  terre  et  il  ne 
m'a  pas  plu  de  rogner  sur  eux". 

«  Que  le  domaine  et  la  terre  de  ta  race  soit  exigus,  à  jamais, 
que  ton  vol  et  ta  rapine  soient  à  jamais  ». 

«  Qu'est-ce  qui  m'a  fait  tort,  Dil  ?  »  dit-il.  «  A  peu  près  la 
même  chose  »,  dit  Dil.  «  Que  ta  terre  ne  vous  soit  d'aucun 
profit  »,  dit-il,  «  mais  que  cependant  ton  nom  soit  donné  à 
un  district,  et  que  ta  race  (celle  des  Creacraidhi)  soit  répan- 
due par  toute  l'Irlande,  dans  la  suite. 

leur  habitation,  que  toute  autre  province  en  Irlande.  Les  biens 
de  cette  grande  province,  j'ai  dit  qu'ils  seront 

ils  seront  campés  trois  jours  et  trois  nuits  en  Deisi 


Et  c'est  avec  ce  -là  que  l'on  comparera  tout 

en  Irlande  ". 

C'est  alors  qu'ils  s'engagèrent  par  des  contrats  réguliers. 

72.  Ils  se  dirigèrent  vers  la  montagne  de  Cenn  Claire  où 
se  trouvaient  Fiacha  et  les  gens  de  Munster.  Les  gens  de 
Munster  se  levèrent  autour  de  Fiacha,  pour  souhaiter  la  bien- 
venue à  Mogh  Ruith,  et  tous  lui  accordèrent  la  suprématie  et 
le  salaire  qu'il  réclamait,  et  lui  assurèrent  que  leurs  fils  et  leurs 
petits-fils  respecteraient  cette  suprématie  et  les  avantages 
accordés  à  lui  vis-à-vis  de  sa  descendance.  «  Qui  as-tu  choisi 
pour  fiancée  ?  »  dirent-ils.  «  Eimhne,  fille  d'Aengus  Tirech, 
élève  de  Mogh  Corb  ».  C'est  d'elle  que  tire  son  nom  Cul 
Emhne,  de  nos  jours.  «  Si  elle  préfère  mon  fils  Buan  qu'elle 
dorme  avec  lui  ».  Ceci  fut  remis  au  choix  de  la  jeune  fille. 
Voici  le  choix  qu'elle  fit  :  «  celui  qui  est  le  plus  avisé 
et  qui  assurera  la  protection  d'un  chacun,  c'est  avec  lui  que 
je  dormirai.  » 


74  M.  L.  Sjoestedt. 

is  lais  taifet-sa  ".  Ra    athnaiscset  na  cuir  ann  sin  ra    gach  ni 
arcena. 

73.  O  thairnic  sin  ro  choimheirighset  fir  Munw«  uili  co 
hait  a  raibi  Mogb  Kuitb  7  na  maithi-sin.  "  Masa  mithid  libh- 
si,  ''  ar  se,  "  bhur  foiridhin  innosa  abraid  ga  (oiritin  raghus 
hVuib  do  na  heicendaluib  a  taithe.  "  "  An  t-uisci  tra,  "  arsiat. 
"  Caidhi  Cennmar  innosa  ?  "  ar  Mogh  Kuitb.  "  Ata  sunn,  " 
ar.  Cennmar.  "  Domroicheat  mu  sleagha  draîâhechta  uait. 
Tugrtdh  do  7  faluigset  ind  aier  7  ind  nrmzmint  7  faca  neach 
gur  toirinn  ibfaired  a  troigeadh.  "  Caide  Ceannmhar  ?  " 
"  Sunn  ",  ar  Cennmhar.  "  "  Tabuich,  "  ar  se,  "  in  baile .  .  .  dti 
rinn  na  slighi.  "  "  Lo\gh\dhecht  dam  ?  "  ar  Cennmar 
"  H'ainm  for  in  sruth  ",  ar  Mogh  Ruith  ;  gabus  araill  [o'  L.  176 
b  i]oc  tabuch  in  tzlman  7  oc  \araidh  an  uiscai  7  do  radh.  Mogb 
Kuitb  in  rethora;  oc  laraidb  ind  usci  bes  .i.  ! 

"  Aliu  sruth  sainemhail.  " 


74.  Intan  tairnic  sin  is  and  ro  mhebaidh  comhdaingne  talmfln 
don  uisci  ;  robu  mhor  a  fuaim  7  rob  opair  do  cac  uili  an  imdhi- 
ten  ar  an  uisci.  Ocus  aduba/rt  Cennmhar  ac  forcloistin  an  uisci 
ria  siu  atcuala  cach  a  fuaim  .i.  "  Sithal  lan 

75.  O  thairnic  dona  maithibh  a  ol  do  rer  tidhnacuil  in 
druadh,  is  ann  aduWwVt  Mogh  Kuitb  :  "  ibhidh  sût  ",  ar  se, 
"  co  tuca  luth  7  lathar  7  hncoibledh  gail  7  gach  nert  7  tract  7 
enech  dhaibh.  "Dos  râla  cum  an  uisci  iarww  an  a  mbuidhnibb 
7  an  a  ndrechtuib  7  dos  farluics^t  fair  uile  eider  daine  7  eochu 
7  almha  gur  bat  daitinigh  ;  [O'L.  176  b  2]  ro  sczWedh  iariwi 
int  uisci-sin  fo  chach  for  amas  a  muinnteri  7  ro  scaiW/; 
uaidhibh-sidhe  fo  glenntaibh  7  aibhnibh  7   tiprataibh  in  cui- 


1 .  D'après  Keating,  II,  320.  Mogh  Ruith  lança  en  l'air  une  lance  magique, 
et  une  source  jaillit  là  où  elle  retomba  :  san  ait  ndr  tuiiling  an  ga  doting 
tobar  fior-uisge.  Sans  cloute  est-ce  ainsi  qu'il  faut  comprendre  notre  texte, 
ici  peu  lisible  ? 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  75 

Ils  signèrent  alors  les  contrats  et  on  régla  tous  les  arrange- 
ments en  même  temps. 

73.  Ceci  fait,  les  gens  de  Munster  se  rendirent  au  lieu  où 
se  trouvait  Mogh  Ruith  et  les  seigneurs  déjà  nommés.  «  Si 
vous  jugez  qu'il  est  temps  que  je  vous  porte  secours,  »  dit-il, 
«  dites  moi  de  quelle  façon  je  puis  vous  secourir  dans  la 
détresse  où  vous  êtes  plongés.  »  «  Fournis-nous  de  l'eau,  » 
dirent-ils.  «  Où  est  Cennmhar  ?  »  dit  Mogh  Ruith.  «  Ici  », 
dit  Cennmhar.  «  Donne-moi  mes  lances  magiques  ».  On  les 
lui  donna. 


«  Où  est  Cennmar  ?»  «  Ici  »,  dit  Cennmar.  «  Creuse  la 
place  qu'a  frappée  la  pointe  de  la  lance  ».  «  Quelle  sera  ma 
récompense  ?  »  dit  Cennman.  «  Le  fleuve  qui  jaillira  portera 
ton  nom,  »  dit  Mogh  Ruith.  Cennmar  se  mit  à  gratter  la  terre 
et  à  chercher  l'eau,  et  Mogh  Ruith  dit  cette  rhétorique  en 
cherchant  l'eau  : 
.    «  Salut,  flot  délicieux....  » 

74.  Lorsqu'il  eut  terminé  cela,  l'eau  jaillit  brisant  1  ecorce 
de  la  terre,  et  elle  faisait  un  grand  fracas  et  tous  eurent  grand' 
peine  à  se  protéger  de  l'eau,  et  Cennmar  dit  en  écoutant  venir 
l'eau,  avant  qu'un  chacun  n'entendît  son  fracas  :  «  Coupe 
pleine.  .  .  ». 

75.  Lorsque  les  nobles  eurent  fini  de  boire  ce  que  leur 
donnait  le  druide,  Mogh  Ruith  dit  :  «  Buvez  cela,  »  dit-il 
«  pour  que  votre  force  et  votre  énergie,  et  votre  aptitude  aux 
armes  vous  reviennent,  avec  votre  vigueur  et  votre  dignité.  » 

Ils  se  pressèrent  vers  l'eau,  en  troupes  et  en  groupes,  et 
tous  y  étanchèrent  leur  soif,  gens,  chevaux  et  bétail,  si  bien 
que  l'eau  suffit  à  tous.  Ensuite  les  eaux  se  répandirent  et  se 
distribuèrent  de  toutes  parts,  vers  leurs  gens,  et  de  là,  elles  se 
répandirent  dans  les  vallées,  les  cours  d'eau  et  les  sources  de 
la  province,  et  les  délivrèrent  de  l'engourdissement  magique 
qui  pesait  sur  eux,  et  les  eaux  se  manifestèrent  de  cette  façon 
à  tous  ;  les  troupeaux  et  le  bétail  de  la  province  furent  amenés 
vers  les  eaux,  et  burent  leur  content. 


y(>  M.  L.  Sjoesteàt. 

cidli  7  ros  cuiredh  in  scithlim  dwùdbechla  bai  forro  dibli  7  ro 
faillsighit  na  li-usoxdha  docach  fon  n-innus-sin.  Tugait  immorro 
alnihai  7  innile  in  cuicidh  cusna  uscaibh  7  atibhset  cur  bat 
daithinigh. 

76.  Ro  curset  fir  Munv/«  iar//;;/  iluch  commaidhmhe.  Ocus 
roclosgu  longport  Corrrur/c  sin.  O^/u  docuas  o  feruibh  Muman 
da  innisi  do  Chormac  7  do  neamchomall  na  cana  7  d'tuagra 
in  eisidha.  Ro  ghabh  grain  7  omhon  Leth  Cuinn  uni  Chormac 
annsin  7  ro  crithn/^/jset  7  ro  ghabh  a  n-airi  cur  tir  a  ndobra- 
tar  a  ndraidhe  fein  riu,  oc  tairmeasc  a  sloighidh  impaibh. 

"  Datrae  bendacht,  a  Mbogh  Kuith  ",  ar  fir  Muman,  "  7  in 
cutraime  ro  gealW/;  d«/t,  bera  uile  gm  gu  tugtha  dhuin  d'foiri- 
din,  achl  int  usca  nama  ".  —  "  Nuchon  air  ata  m'incesact 
e'iter,  ar  bur  foindin.  Achl  is  mo  adaghar  a  neamlichomall 
rem  clannuib7  rem  chinedh  dar  mh'eisi  in  tsochuir  doratabair- 
si  dhamh.  "  Tucsat-som  uili  a  mbennacbta.  da  gac  aen  do  com- 
aillfedh  7  tue  Mogh  Corb  7  Donn  Dairine  7  na  cuir  ar  cena. 


77.  Ro  fiafcuighMogh  Kuith  arnamharach  :  "  Ga  cabhuir  is 
fearr  libh  raghus  duibh  innosa  ?  "  "  An  enoe  do  thairnium  ", 
ar  siat,  "  âr  is  mor  in  muich  7  in  phlaidh  dhun  ar  nimaid 
do  beith"  uas  ar  cinn  i  n-ardenoe  druidh^ka  7  sinn  fein  i 
bhfan,  7  conad  radarc  dhun  a  bhfeg^d  uain  suas  ar  airdi.  " 
"  Tabhur  mh'agaidh  risin  enoe,  "  ar  Mogh  Kuith  ;  ocus  tug^dh 
on  co  hinilldireac.  7  o  thugad  dochoid-sium  i  muinighin  a 
dhea7  a  cumhachta  7  ro  aidhbligh  he  fein  cunar  bhônemhair- 
di  he  anas  in  enoe,  7  ro  mheduigh  a  chenn  co  mba  me'idether 
re  hardehnoe  ara  mbiath  daire  [177  a  1]  cailli  moire,  gur  gha- 
bhustar  uamon  cid  a  muinler  fein  roime. 


78.  Is  andsin  doroacht  comalta  dho-som  cuigi  .i.  Gadhra 
a  Druim  meic  Criadhnaidhi,  mac  derbhsethar  Ban  Buanaindi, 


Le  siège  de  Druitii  Datnbghaire.  77 


76.  Les  gens  de  Munster  poussèrent  alors  une  clameur  de 
joie,  qui  fut  entendue  jusqu'au  camp  de  Cormac.  Et  les 
hommes  de  Munster  envoyèrent  vers  Cormac,  pour  lui 
apprendre  ce  qui  s'était  passé,  refuser  de  payer  le  tribut,  et 
dénoncer  la  trêve. 

Le  parti  du  Nord,  groupé  autour  de  Cormac,  fut  saisi 
d'horreur  et  d'épouvante  :  ils  tremblèrent  à  l'idée  que  leurs 
druides  leur  avaient  dit  la  vérité,  lorsqu'ils  s'étaient  opposés 
à  cette  expédition. 

«  Nous  te  rendons  grâce  (?)Mogh  Ruith,  »  dirent  les  Muns- 
tériens,  «  la  récompense  qui  t'a  été  promise  t'est  désormais 
acquise,  quand  bien  même  tu  ne  nous  fournirais  pas  d'autres 
secours  que  de  nous  avoir  rendu  l'eau.  »  —  «  Ce  n'est  pas 
que  je  veuille  vous  marchander  mon  secours,  mais  je  crains 
fort  qu'on  ne  s'acquitte  pas  envers  mes  enfants  et  envers  ma 
descendance  de  ce  que  vous  m'avez  accordé  par  contrat.  » 
Tous  alors  donnèrent  leur  bénédiction  à  tous  ceux  qui  exécu- 
teraient les  conditions  :  Mogh  Corb,  Donn.  Dairine  et  les 
garants  firent  de  même. 

77.  Le  lendemain  Mogh  Ruith  demanda  :  «Quelle  aidepré- 
ferez-vous  maintenant  ?  «Abaisse  la  colline  »,  dirent-ils,  «car 
c'est  une  grand  affliction  et  une  grande  calamité  pour  nous, 
que  nos  ennemis  soient  ainsi  installés  au-dessus  de  nos  têtes 
sur  une  colline  magique  lorsque  nous  sommes  nous-mêmes  au 
pied  si  bien  que  nous  ne  pouvons  les  voir  qu'en  levant  les 
yeux.  »  «  Qu'on  tourne  mon  visage  vers  la  colline  »,  dit 
Mogh  Ruith.  C'est  ce  qu'on  fit  sans  balancer.  Aussitôt,  il 
invoqua  son  dieu  et  sa  puissance  et  grandit  si  bien  qu'il 
n'était  pas  moins  grand  que  la  colline,  et  sa  tête  crût  jusqu'à 
être  aussi  grosse  qu'une  haute  colline  couronnée  de  grands  bois 
de  chênes,  si  bien  que  même  sa  suite  fut  saisie  de  terreur  à  sa 
vue. 

78.  C'est  alors  que  vint  le  trouver  son  camarade,  Gadhra, 
de   Druim  meic  Criadhnaidhi  ;  c'était  le   fils  de  la  sœur  de 


78  M.  L.  Sjoestedt. 

bandrai  ingine  Deirg  Dualaigh  ;  d'fanacbt  7  d'foiridin  do 
Mogh  Ruith  tainic.  Ocus  ba  soidhealbha  i  lleth  ra  Mogh  Ruilb 
do  bhi  a  dhealbh  in  la-sin,  7  ra  feruibh  Mumrt«  ar  cena.  Ba 
heitigh  aineachtac  a  dealbh  7  a  ecosc  i  lleth  ra  Cormac  cona 
sluagaibh  .i.  issé  garbh  giusaidhi  7  méidk/forrighthech  a  chenn, 
meidé/for  righchaire  ceachlur  a  dha  sul  ria  a  cenn  aneachxa'ir, 
a  gluine  na  deagaid  7  a  escudu  reme.  Gabhullorg  iarnd  mhor 
na  laim.  Araid  odhur  ghlas  imbe  guna  lan  do  chongaib  7  do 
chnamaib  7  d'adharcaibh,  boc  7  reithe  na  \eanmain  gu  nga- 
bhudh  crith  7  omhon  gach  nech  atceth  fon  n-ecasc  sin. 

Ocus  ro  ftafruigh  Mogb  Ruith  de  :  "  Cidh  ima  tainic  ? 
"  Tanac  ",  ar  se,  "  do  thabairt  creath  7  uamhain  for  na  slo- 
gaibl)  7  do  tabairt  neirt  mhna  siuil  in  cech  tir  dhibh  re  huair 
catha  7  comhluind.  "  Ocus  do  riachtroimhe  fon  ecusc-sin  co 
Druim  nDamgaire  7  tainic  fo  tri  a  timcheall  in  chnuic  7  a  tri 
bodharbheicedha  ass  yro  thaispenustar  doib  he  fon  n-innus-sin 
gur  ghabh  grain  7  omhun  uili  iat,  co  rucastar  leath  luidh  7 
lanchoibhlidh  o  gach  fir  dhibh. 


79.  Ros  facuibh  fon  n-innus-sin  7  tainic  roimecu  h-airm 
a  mbai  Mogh  Ruith.  Ocus  ro  bai  Mogb  Ruilb  ica  tiafraig/d  dhe 
in  nderna  na  tosca  risi  tainic,  ocus  ica  fiafraigidh  dhe  beos 
cinnus  toethsaitis  na  slôigh,  in  an-aenuibh  nô  n-a  ndrechtuibh 
no  n-a  bhfichtibh,  nô  n-a  cedaibh.  Ocus  adbert  Mogh  Ruith 
tosach  na  laidi  7  do  freagair  Gadhra  : 

[M.  R.]  Cidh  dia  tanaic,  a   Ghadra  ?    In   re  dogra  brigh 

mbechta  ? 
[G.]  Do  taba/Vt  creatha   is  uamain  ;    sunn    ar    sïuaghàibh 

na  h-echtra. 
[M.  R.)  Innis  duin  do  gnim  gaili   'in  ba  gaire  gnim  Cor- 

maic  ? 
[G.]  Beicfid,  buirfid  re  deogail*  beit  ar  seolaib  slôigh  Cor- 

maic 
[M.  R.]  In  bai  n-aenuibh  no  i  ndeduib,  no  n-a  ndredrtaibh 

ro  didbuid 


Le  siège  de  Drtiim  Damhghaire .  79 

Ban  Buanana,  la  druidesse,  fille  de  Derg  Dualach.  Il  venait 
à  l'aide  et  au  secours  de  Mogh  Ruith.  Belle  était  son  appa- 
rence, te  jour-là,  du  côté  tourné  vers  Mogh  Ruith  et  vers  les 
gens  de  Munster,  odieuse  et  monstrueuse  était  son  apparence 
et  sa  mine  du  côté  tourné  vers  Cormac  et  vers  ses  armées  : 
il  était  rude  et  piquant  comme  un  piti  (?),  et  aussi  gros 
qu'un  château  royal.  Chacun  de  ses  deux  yeux  était  ausi  gros 
que  le  chaudron  d'un  roi,  et  ils  saillaient  au  dehors  de  sa 
tête  ;  ses  genoux  étaient  par  derrière,  et  ses  talons  par  devant. 
Il  tenait  à  la  main  un  grand,  trident  de  fer  ;  il  était  enveloppé 
d'un  manteau  d'un  brun  gris,  corné,  tout  hérissé  d'os  et  de 
cornes  ;  un  bouc  et  un  bélier  le  suivaient.  Ils  étaient  frappés 
de  terreur,  tout  ceux  qui  le  voyaient  en  cet  équipage. 

«  Pourquoi  es-tu  venu  ?  »  lui  demanda  Mogh  Ruith.  «  Je 
suis  venu  »,  dit-il,  «  pour  faire  trembler  et  pour  épouvanter  les 
armées,  afin  qu'il  ne  reste  plus  que  la  force  d'une  femme  en 
couche  à  chacun  de  leurs  guerriers  au  moment  du  combat.  » 
Et  il  s'en  alla  en  cet  équipage  jusqu'à  Druim  Damhgaire  ; 
il  fit  trois  fois  le  tour  de  la  colline,  et  poussa  trois  cris  assour- 
dissants et  se  montra  aux  ennemis  de  cette  façon,  si  bien  qu'ils 
furent  saisis  d'horreur  et  de  terreur  ;il  priva  ainsi  tous  les  guer- 
riers de  la  moitié  de  leur  courage  et  de  leur  valeur  guerrière. 

79.  Il  les  laissa  en  cet  état  et  s'en  fut  rejoindre  Mogh 
Ruith  ;  Mogh  Ruith  lui  demanda  s'il  avait  exécuté  le  dessein 
en  vue  duquel  il  était  venu  ;  il  lui  demanda  aussi  comment  les 
armées  succomberaient;  homme  par  homme  ou  par  groupes, 
par  vingtaines  ou  par  centaines  :  Mogh  Ruith  commença  donc 
le  poème  (suivant)  et  Gadhra  lui  répondit. 

Mogh  Ruith.  Pourquoi  es-tu  venu,  ô  Gadhra  !  Est-ce  pour 
apporter  la  désolation,  pouvoir  certain  (?). 

Gadhra.  C'est  pour  répandre  l'horreur  et  l'épouvante  parmi 
les  armées  ennemies. 

Mogh  Ruith.  Dis-moi  quels  exploits  tu  as  accomplis,  est-ce 
que  l'action  de  Cormac  était  ? 

Gadhra.  Ils  crieront,  ils  imploreront  miséricorde  (?). 
L'armée  de  Cormac  sera  en  désarroi. 

Mogh  Ruilh.  Est-ce  isolément  ou  deux  par  deux,  ou  par 
masses  qu'on  peut  les  compter  ? 


80  M.  L.  Sjoestedt. 

[G.]  Bid  i  n-aenuib  's  a  ndeduib-  taethsd/  siritiu  siabhraid 
[M.   R.]  [177  a  2]  In   ba  i  fichtibh  no  a  cedaibh  "no   n-a 

drechlaibh  ra  tu  i  ri  m  ? 
[G.]  I  bhfkhtib  ced  is  dreachtzibh'  toethsat  clann  Chuinn 

na  curad. 
[M.  R.\  Cidh   na   marbha    na  sluagha   *is   na   tuadha    ro 

thinol  ? 
[G.]  Ni  leicen  dano  be  bannba  'snifes  a  tharbha  cidh  on. 

Cidh. 


80.  Do  bhatar  annsin  andis  oc  ïumaimh  in  catha  7  Gadhra 
n-a  ecosc  fein.  Ocus  gabhus  Mogh  Ruitk  for  seidedh  in  cnuic, 
7  ni  fetad  fer  do  Leith  Cuind  bheith  i  n-a  bhoith  ar  mhet  na 
h-ainbhthine  ocus  ni  fetatar  an  draithi  canas  tainigh  dhoibh 
ind  ainbthine.  Gabhustar  Mogh  Kuith  amlaid-sin  for  sehedh'm 
cnuic  7  ro  raid  na  bnathra-so  : 

"  Soeim  atsoeim.  .  .  ". 

81.  [177  b  1].  Do  cuaidh  tra  an  cnoc  ar  neicfni  n-a  dlu- 
muibh  dubhai  7  n-a  choire  chiach  gumba  lor  dh'uathbhas 
d'oes-midhbadh  gair  in  tsloigh  7  tairmgrith  na  n-ech  7  na 
carpa/  7  briscbruar  na  n-arm  oc  beim  in  cnuic  ra  a  bunûd. 
Sochaide  tra  don  isluagh  ro  facuib  i  croilighi  mbais  7  ra  fac- 
bhuit  uile  fa  choir  dubh'aighi  7  droichm^«ma«.  Ro  ba 
maidhium  la  fira  Mumâfn  sin  7  ro  cuirs^t  ilaich  commaidme 
7  ro  bo  buadhu£ttd  mor  leo.  Cidh  fra  in  forbhfailtius  7  in 
t-aineas  ro  ruair  in  sluag  thuaidh  roime-sin,  tainic  ar  in 
s\uag  fo  dhes.  An  bron  immorro  7  in  dogaillsi  ro  bui  ar  in 
sluag  thés  roime-sin  do  dechaid  ar  in  sluag  budh  thuaid.  Batar 
ïxmhlaidh-s'm  co  madain. 


82.  Ro  râlhaigh  Leth  Chuind  annsaidhe  sodh  a  dana 
forro.  Ocus  ro  ghabh  Cormac  occ  eiliug«d  n  andruagh  ro 
bhatar  aigi  fein.  Is  annsin  ro  e'irigh  Colptha  ra  h-imnaire  an 
chairighthi  thuc  Cormac  fair  7  ro  ghabhustar  a  sciath  dubh 
duaibhseach  for  a  cliu  i  ra  bhutar  se  fichit  fertraigh  cona  bile 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire.  81 

Gadhra.  C'est  un  par  un  et  deux  par  deux  qu'ils  périront, 
ces  magiciens. 

Mogh  Ruith.  Est-ce  par  vingtaines  ou  par  centaines  ou  par 
masses,  à  ce  que  tu  penses  ? 

Gadhra.  C'est  par  vingtaines  de  centaines  et  en  masses  qu'ils 
périront,  les  descendants  de  Conn,  chef  de  héros. 

Mogh  Ruith.  Pourquoi  n'ont-elles  pas  péri  par  toi,  les  tribus 
et  les  armées  qu'il  a  réunies  ? 

Gadhra.  Il  n'est  pas  nécessaire  ,  leur  avantage 

Même  ainsi. 

Même  ainsi. 

80.  Ils  étaient  tous  les  deux  en  train  de  se  préparer  au  com- 
bat '  Gab h ra  avait  repris  son  apparence  normale.  Mogh  Ruith 
se  mit  alors  à  souffler  sur  la  colline  ;  aucun  guerrier  du  parti 
du  Nord  ne  pouvait  se  tenir  dans  sa  tente,  tant  était  grande 
la  tempête.  Et  les  druides  ignoraient  l'origine  de  cette  tem- 
pête. Mogh  Ruith,  en  soufflant  ainsi  sur  la  colline  prononça 
ces  paroles  :  «  Je  tourne,  je  retourne,  etc..  ». 

81.  La  colline  disparut  alors,  enveloppée  dans  des  nuées 
sombres  et  dans  un  tourbillon  de  brouillard,  si  bien  que  le 
commun  de  l'armée  fut  saisi  d'épouvante,  au  cri  des  batail- 
lons, au  tumulte  des  chevaux  et  des  chars,  au  fracas  des 
armes  brisées  retentissant  lorsque  la  colline  fut  tranchée  de 
ses  fondements.  Une  partie  de  l'armée  en  resta  plongée  dans 
les  affres  de  l'agonie,  tous  s'abandonnèrent  à  l'abattement  et 
au  découragement. 

Cela  remplit  les  Munstériens  de  joie  :  ils  poussèrent  une 
clameur  en  célébration,  et  s'en  enorgueillirent  fort.  En  un 
mot,  l'enthousiasme  et  la  joie  qui  régnaient  parmi  l'armée  du 
Nord  auparavant -passèrent  à  l'armée  du  Sud,  et,  inversement, 
l'affliction  et  le  désespoir  où  était  plongée  auparavant  l'armée 
du  Sud,  furent  le  lot  de  l'armée  du  Nord.  Ils  restèrent  dans 
cet  état  jusqu'au  matin. 

82.  Le  parti  du  Nord  remarqua  alors  comment  leurs  sor- 
tilèges avaient  été  retournés  contre  eux.  Cormac  se  prit  à  faire 
des  reproches  aux  druides  qui  étaient  à  son  service.  C'est  alors 
que  Colptha,  tout  honteux  de  la  semonce  que  lui  avait  infligée 
Cormac,  se  leva  ;  il  prit  au  bras  gauche  son  bouclier  noir  et 

Revue  Celtique,   XL1II.  6 


82  M.  L.  Sjoestedt. 

iaruind  n-a  timcheal  7  a  chidebh  trom  tortbhuilleach  a  ndec- 
\\aid  tricha  caor  comdlutta  7  a  dha  sleigh  dhubha  dhethaighi 
dhuaibhsecha  n-a  laimh.  Ocus  do  chuaidh  fein  a  ndeilb  bhuirb 
brogdha  bachlachdha  i  ra  butar  da  fichit  dec  traighedh  ar 
airdi  gan  imtoicheall  airium  na  etuigh  acht  sin.  Tainic  tra 
Cairpre  Lifacair  dia  laidhiud  7  tancatar  rompa  siardes  as  an 
longphort  i  freacar  in  comlaind. 


83.  O  atcondcadar  firMuman  sin  ro  raidset  ra  Mogh  Ruith  : 
"A  tir  sochair  7  sochraite,  ata  sunn  Colptha  i  freacur  in  com- 
luinn  feibh  as  duaibhs^zca  thainic  riam  ".  "  Cia  thic  lais  ?  " 
ar  Mogh  Ruith.  "  Ciirpre  Liffacair,  "  ar  siat.  "  Caidhi  Cenn- 
mhar inosa  ?  "  ar  Mogh  Ruith.  "  Sunn  ",  ar  Cennmhar. 
"  Eirigh  ",  ar  se,  "  7  freitche  l  frithailimh  in  aithigh  ud.  " 
"  A  aide  inmhain,  "  ar  Cennmhar,  "  ra  sires-sa  in  domwn 
tàir  7  siu  immaille  frit-sa  7  ni  ro  raidhis:si  frim-sa  cath  na 
comluww  riamh,  Ocus  dano  ci  peadh  a  ndernus  ni  dernus  in 
œmhlunn  aeinfir,  [177  b  2]  ci  peadh  do  thincsin  do  berainn 
a  raen  ra  cach  a  freacor  aid  nô  irghoili.  "  "  Coiméirigh,  arai- 
sin,  "  ar  Mogh  Ruith,  "7  ragat-sa  fein  lat.  " 


84.  Comlais  Mogh  Ruith  co  Râithin  animairic  ra  h-ath 
aniar-dhes  7  Cenmhar  mzûleiis  (?)  Ocus  is  amlaidh  thainic 
Mozh  Ruith  mar  bhud  he  fein  tised  isin  comhlunn.  feibh  is 
ferr  thicedh  riam  cona  sciath  ilbreac  reltanac  feir,  cona  bhile 
findarg^it  uime  7  daidehh  curata  1  n-ardghabhail  for  a  cliu  7  a 
dha  è\ég  niamdha  neinvhnaca  i  lamhuib  leis.  Ocus  tainic  fon 
tuaruim-sin  cona  àrmghaiscedcon  eisidh  i  Râithin  ind  imairic 
re  h-âth  âniardhes.  Cidh  tra  mar  do  tfaocbhadh  Cairbre  Lith- 
facair  atuaidh  ar  aen  ra  Colptha,  ro  thocbad  Mog  Corb  ar  aen 
ra  Cennmhar.  Or  rob  iat-sin  a  bhfiadhnuise  ider  thosach  7 
dcred  cein  ro  batar  oc  ferthain  a  comluinn  7  is  acu  ro  bhuifir 
7  derb  na  moireicenn  ro  imir  cach  for  a  cheli  dhibh. 

1.  Cette  forme  paraît  signifier  :  «  prépare-toi  »,  ou  :  «  va.  »  Faut-il  la 
rattachera  un  composé  fris-tiug-  auquel  s'ajouterait  ici  une  désinence  dépo- 
tente  ? 


Le  siège  de  Druim  Damhgbaire.  83 

sinistre,  qui  ne  mesurait  pas  moins  de  cent  vingt  pieds,  et 
était  entouré  d'un  cercle  de  fer;  il  prit  son  sabre  lourd  et  per- 
çant, où  s'étaient  fondues  trente  masses  de  métal  flamboyant, 
il  prit  ses  deux  lances  noires  fumeuses  (?)  et  sombres,  dans  sa 
main.  Et  lui  même  revêtit  une  apparence  horrible,  immense, 
grotesque,  d'une  stature  de  deux  cent  quarante  pieds,  sans 
faire  entrer  dans  le  calcul  ses  vêtements  (?)  .  Cairpre 

Liffacair  vint  avec  lui  pour  l'exhorter  et  ils  sortirent  du  camp, 
marchant  vers  le  Sud-Ouest  pour  livrer  bataille. 

83.  Lorsque  les  Munstériens  virent  cela,  ils  dirent  à  Mogh 
Ruith  :  «  O  notre  ami  et  notre  allié,  voici  venir  Colptha 
pour  livrer  bataille,  sous  l'apparence  la  plus  sinistre  sous 
laquelle  il  soit  jamais  venu.  »  «  Qui  vient  avec  lui  ?  »  dit 
Mogh  Ruith.  «  Cairpre  Liffechair,  »  dirent-ils.  «  OùestCenn- 
mhar,  maintenant  ?  »  dit  Mogh  Ruith.  «  Ici  »,  dit  Cennmar. 
«  Lève-toi  »,  dit-il,  «  et  prépare-toi  (?)  à  tenir  tête  à  ce 
manant  ».  —  0  Très  cher  père  »,  ditCennmhar,  «  j'ai  visité 
l'Orient  et  ai  demeuré  ici  avec  toi,  et  tu  ne  m'as  jamais  invité 
à  combattre.  Et,  quoi  que  j'aie  pu  accomplir,  je  n'ai  jamais 
combattu  en  combat  singulier  ;  quoi  que  je  sois  capable  d'en- 
treprendre, je  m'effacerai  devant  n'importe  qui  en  matière  de 
combat  et  de  faits  d'armes.  »  «  Mets-toi  en  route,  cependant,  » 
dit  Mogh  Ruith,   «  et  j'irai  moi-même  avec  toi.  » 

.  84.  Mogh  Ruith  se  rendit  à  Raithin  in  Imairic  (au  tertre  de 
la  rencontre)  sur  le  gué,  au  Sud-Ouest  :  Cennmar  le  suivait 
avec  répugnance.  Mogh  Ruith  vint  équipé  comme  si  c'était 
lui-même  qui  devait  livrer  bataille,  et  aussi  bien  qu'il  l'avait 
jamais  été  :  il  portait  un  bouclier  bien  construit,  étoile, 
entouré  d'un  cercle  d'argent,  un  sabre  guerrier  se  dressait  (?) 
à  son  côté  gauche  et  il  tenait  en  outre  deux  lances  ennemies, 
empoisonnées,  dans  ses  mains.  Il  s'avança  ainsi  avec  ses  armes 
offensives  et  défensives  jusqu'au  tertre  au  sud-ouest  du  gué  -y 
à  l'instant  même  où  Cairbre  Liffacair  apparaissait,  venant 
du  Nord,  accompagnant  Mogh  Corb,  Colptha  apparut  avec 
Cennmhar.  Car  c'étaient  eux  les  témoins  de  la  bataille  que 
les  deux  guerriers  se  livrèrent,  du  commencement  à  la  fin  ; 
c'est  eux  qui  constatèrent  avec  certitude  et  évidence  les  coups 
cruels  que  s'infligèrent  mutuellement  les  combattants. 


«4  Ai.  L.  Sjoestedt. 

Do  raid  Mogh  Ruitb  ra  Cennmhar  :  "  DomroiclW  mo  chloch 
neme  7  mu  lia  laime  7  mo  comlunn  cet  7  mo  dhithdergddar 
mo  naimdiu  "  ;  7  tuazd  do  7  ro  boi  ica  molad  7  ic  cor  bre- 
achta  neme  inti  7  doraidh  in  rethoirec-so  : 

"  Ailim  mo  lie  laime.  .  .  "  '. 

85.  [178  a  ij  O  tairnic  sin  dos  fuc  i  laimh  Cennmair  7  ro 
raid  h  fris.  "  Intan  tiefa  Colptha  san  ath  eugat  teilc-si  in  cloch 
isin  ath  7  dom  breit/r  ",  ar  se,  "  as  derb  leam-sa  con  dinge[b]a 
gnimha  gaili  Colptha  dit. 

Do  roacht  iar  sin  Colp//;a  co  Raithin  ind  imairic  re  h-ath, 
7  cein  ro  bui  Colptha  oc  tiachtuin  on  longport  conice  sin,  do 
chuir  Mogh  Kuith  anal  draidhechta  n-a  zdhaigh  fo  thuaidh, 
con  derna  sin  cor  bhat  (oithe  fergacha  feoghghoirte  clocha  7 
gaineam  in  talman  o  tha  in  longport  cuszn  ath.  Co  mba  mei- 
dlter  la  Colptha  na  tairai  cos  for  talmam  do  ar  a  mhét  no 
l^raitis  7  no  loisedis  na  foithe,  ocus  cor  bhaat  saghalerlabra  let- 
ratacha  maighseisc  7  îTmrain  na  mona  ac  dlomad  7  ace  eicet 
air.  Ocus  cor  bat  tuirc  trotacha  trebliadhna/o'/;  tulfoit  7  morbai 
in  mhaighe  ar  énghair  7  ar  airmgrith  cuigi.  Ocus  cor  bhat 
daimh  dedla  dimora  agarbha  iar  reamwr  mu'metha  moirsciach 
in  muighi  oc  belàdhaigh  7  oc  buhfedaigh  oc  a  roachtain.  Ocus 
ro  ghabh  grain  7  omun  fon  n-innus-sin  Colptha. 


86.  Mogh  Kuith  immorro,  teit-sein  i  ndeilbh  n-aineactha 
ndimhoir  fô  a  samhuil-sium.  Sillis  Colptha  dar  ath  fo  dhes 
fairsium  7  forfid/V  ba  se  doroine  na  h-anrechta  ut  batar  for- 
sin  muigh.  Ocus  dano  ba  hingnad  lais  Mogh  Kuith  do  bheith 
fo  armghaismf  7  se  dall  7  do  raidh  in  retoric-sa  :  "  Gas  atu 
atuarat  cind.  et  tel.  "  Dofreagair  Mogh  Kuith  co  feigh  7  co  feo- 
chair  7  do  raidh  an  retorxc  À.  "  Fearta  druadh  dolbaim-si  et 
rel  " . 


1.  Cf.  un  essai  de  traduction  de  cette  rhétorique  dans  O'Curry,  Manncrs 
and  Ciistoiiis,  II,  279. 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire.  85 

Mogh  Ruith  dit  à  Cennmhar  :  «  Donne-moi  ma  pierre 
empoisonnée,  et  ma  pierre  plate  de  main,  et  mon  «  combat 
décent,  »  et  ma  «  destruction  de  mes  ennemis  »  ;  on  la  lui 
donna,  et  il  se  mit  à  la  louer,  et  à  y  mettre  un  charme 
empoisonné  et  il  dit  la  rhétorique  :  «  Je  prie  ma  pierre  de  main, 
etc.  » 

85.  Lorsqu'il  eut  fini,  il  la  mit  dans  la  main  de  Cennmar, 
et  lui  dit  :  «  Lorsque  Colptha  entrera  dans  le  gué  et  s'avan- 
cera vers  toi,  jette  cette  pierre  dans  le  gué,  et  sur  ma  parole,  » 
dit-il,  «  je  n'ai  aucun  doute  qu'elle  ne  détourne  de  toi  les 
coups  de  Colptha.  » 

Colptha  se  rendit  alors  au  tertre  de  la  rencontre  sur  légué, 
et  tout  le  temps  que  Colptha  mit  à  venir  du  camp  jusque  là, 
Mogh  Ruith  envoya  contre  lui  vers  le  Nord  un  souffle  drui- 
dique ;  cela  transforma  les  pierres  et  le  sable  du  sol  en 
brandons  ardents,  furieux,  durs  et  coupants,  sur  tout  le  trajet 
depuis  le  camp  jusqu'au  gué,  si  bien  qu'il  était  très  pénible  à 
Colptha  de  poser  son  pied  à  terre,  tant  les  mottes  le  blessaient 
et  le  brûlaient.  Les  laiches  de  la  plaine  prirent  la  voix  de 
chiens  et  devinrent  coupantes,  et  les  herbes  du  marais  se 
mirent  à  le  repousser  et  à  contre   lui  ;  des  sangliers 

batailleurs  de  trois  ans,  et  les  fourmis  de  la  plaine  criaient  tous 
ensemble  et  faisaient  un  grand  fracas  à  son  approche.  Et  des 
bœufs  sauvages,  immenses,  hardis,  derrière  les  épais  buissons 
d'aubépine  de  la  plaine,  hurlaient  et  mugissaient  à  son 
approche.  Si  bien  que  Colptha  fut  saisi  d'horreur  et  d'épou- 
vante. 

86.  Quant  à  Mogh  Ruith,  il  s'avança  donc  sous  une  appa- 
rence imposante  et  immense.  Colptha  jeta  les  yeux  sur  lui  à 
travers  le  gué,  vers  la  rive  Sud  :  il  devina  que  c'était  lui  qui 
a^ait  suscité  les  phénomènes  extraordinaires  qu'on  voyait 
dans   la  plaine.  Il   s'étonna  de  voir  Mogh  Ruith   en   armes, 

quoique  aveugle  ;  il  récita  la  rhétorique  :  « ».  Mogh 

Ruith  répondit  de  façon  tranchante  et  sévère  et  il  récita  la 
rhétorique  :  « » 


86  M.  L.  Sjoestedl. 

SI.  O  thairnic  dona  âraithibh  an  imacallaw/7-sin,  gabsatoc 
gnô.  Ocus  dochuaidh  Cennmhar  for  araus  in  atha  7  nis  faca 
Co\ptha  con  eisidh  ar  ur  in  atha  7  cweas  in  cloich  roime 
san  âth  7  doghni  murescang  sith-remair  dhi,  fejbh  atcuad- 
hamw  romuinn.  Ocus  atnaidh  Cennmhar  fein  a  ndeilbh 
cloiche,  for  an  ath.  Cloch  mor  immorro  bai  isin  ath  soighter 
iside  i  richd  Cennmhair.  Gabhaidh  iarsin  anfadh  for  an  ath, 
amal  tonna  dileand  i  llo  cruadhghaeithi  earmig  fo  anfad  in 
mhor-mara.  Ocus  ba  dethb'ir  do  ceachtar  n-ai  inni-sin,  or  ba 
doig  la  dannaibh  Cuind  um  Cormac  ba  druidhecht  7  diaba/dan 
Moga  Ruith  ro  comlaisetar  na  tonna-sin,  ocus  ba  doigh  la 
Fiacha  7  la  fira  Muman  ba  druidhecht  7  diabû/dan  Cho\ptha 
no  chomhlai  in  moranfad-sin  for  lar  in  mor-muighi  n-a 
bhfhiadhnww,  curgabh  uromon  ceathra  coiged  Eirenn  fon 
samail-sin. 


88.  Ni  h-indister  tra  comlunn  na  coimeascar  do  dhenam 
do  Cennmar  7  do  Choira  annsin  7  ni  he  Colptha  [178  a  2] 
na  taircedh,  or,  intan  atconnaic  ecasc  Cennmhair  isin  ath, 
sceindis  cuigi  7  imselais  tri  beiminda  dho  don  daidem  mor 
mhilitabui  n-a  laim  co  taillfedh  mac  midaeisi  i  fuillslicht  gâte 
beime  dhib  isin  cloich.  Sceindis  an  escang  cuigi-sium  ann 
saide  7  gabus  tulpart  a  édain  7  a  aighthi  fair  7  gabsat  seachnon 
ind  atha  co  tancatar  fecht  fo  tri  n-a  thimcheall  7  Colvtba  a 
n-uachtar  gach  re  fecht  7  in  eascong  în  fecht  aili.  Ro  scarad 
Co\plha  ra  armaibh  ann  sin  7  ro  bruighmhinaigit  im  a  lam- 
haib.  Ro  fortamlaigh  tra  in  escong  for  Colptha,  7  benais  fria 
chnes,  7  tig  timcheall  a  neirt  7  doni  noi  snadma  dhi  im-a 
churp  fria  a  dhoitibh  anechtair  7  tic  traigh  dhi  fai  7  traigh 
uasa  7  intan  no  trialW  coisceim  do  breith  do  beired  si  builli 
da  herr  dar  an  cois  nous  tocbhadh  7  do  btredh  beim  dhe  fria 
tzbnain  7  intan  no  thoebad  a  cheann  no  gheibhedh  an  escong 
ider  a  dha  carpat  in  blagh  ba  sia  uaithi  don  cinn,  7  imsel- 
adh  beim  dhe  frisin  sruth. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  87 

87.  Après  cet  entretien  les  druides  en  vinrent  à  l'action. 
Cennmar  s'avança  vers  le  gué  et  Colptha  ne  le  vit  point  avant 
qu'il  ne  fût  installé  au  bord  du  gué  ;  Cennmar  plaça  la  pierre 
devant  lui  dans  le  gué,  et  la  transforma  en  une  énorme  anguille 
de  mer,  comme  nous  l'avons  déjà  dit.  Cennmar  lui-même 
se  posta  sur  le  gué,  sous  l'apparence  d'une  pierre.  Il  y  avait 
d'ailleurs  une  grande  pierre  dans  le  gué;  elle  prit  l'apparence 
de  Cennmar. 

Ensuite  une  tempête  s'éleva  sur  le  gué,  telles  les  vagues 
puissantes  un  jour  de  grand  vent  au  printemps,  lors  d'une 
tempête  en  haute  mer.  Aucun  des  deux  partis  n'avait  de 
doute  quant  à  son  origine,  car  les  descendants  de  Conn,  qui 
environnaient  Cormac,  attribuaient  l'amoncellement  de  ces 
vagues  à  l'art  magique  et  diabolique  de  Mogh  Ruith,  tandis 
que  Fiacha  et  les  gens  de  Munster  voyaient  un  effet  de  l'art 
magique  et  diabolique  de  Colptha  dans  cette  tempête  furieuse 
qu'ils  voyaient  s'élever  au  beau  milieu  de  la  plaine.  Les  quatre 
provinces  d'Irlande  furent  plongées  dans  l'épouvante  à  cette 
vue. 

88.  L'histoire  ne  rapporte  aucune  rencontre  ni  aucun 
combat  livré  par  Cennmar  et  Colptha  ce  jour-là.  Ce  n'est 
pourtant  pas  Colptha  qui  se  déroba,  car,  lorsqu'il  vit  le 
faux  Cennmar  dans  le  gué,  il  bondit  sur  lui  et  il  lui  asséna 
trois  coups  avec  le  grand  sabre  meurtrier  qu'il  tenait 
dans  sa  main,  si  bien  qu'un  homme  adulte  aurait  trouvé 
place  dans  la  trace  sanglante  que  laissa  chaque  coup  dans  la 
pierre. 

L'anguille  bondit  alors  sur  lui  et  le  saisit  par  la  face  et  ils 
tombèrent  en  travers  du  gué,  si  bien  qu'ils  roulèrent  par  trois 
lois  alentour,  Colptha  et  l'anguille  se  trouvant  successive- 
ment par-dessus.  C'est  alors  que  Colptha  fut  séparé  de  ses 
armes  qui  se  brisèrent  en  mille  morceaux  entre  ses  mains. 
—  L'anguille  prit  alors  l'avantage  sur  Colptha;  elle  s'accrocha 
à. sa  peau,  l'entoura  de  façon  à  le  paralyser,  et  fit  neuf  nœuds 
autour  de  son  corps,  en  emprisonnant  ses  mains  ;  et  un 
pied  de  Colptha  fut  pris  par-dessous,  et  l'autre  par-dessus. 
Lorsqu'il  essayait  de  faire  un  pas,  l'anguille  donnait  un  coup 
de  queue  sur  le   pied  qu'il    soulevait,  et  le  renvoyait  contre 


ss  M.  L.  Sjoesteât. 


89.  O  atconnuic  Mogh  Corbgur  (onamluigh  an  eascang  for 
Cholptha,  atbert  ra  Cennmhâr  :  "  Fort  do  colaingcel  '  ",  ai 
se,  "  is  olc  dhuid  gan  ni  do  maisi  an  ecta  7  clu  marbhtha  an 
aithigh  do  beith  fort  ".  Is  ann  sin  ro  gabh  Cennmhâr  slegh 
draidhechta  Mogha  Ruith  n-a  laim,  7  saidhis  hi  a  Co\ptha  os  a 
chinn  co  fortren  feramail  7  aithnes  Mogh  Corb  dhe  a  imdhiten 
fair.  Sceindis  Cennmhâr  chuigi  iarum  co  claidem  mor  mile/a 
Mogha  Ruith,  con  selustar  beim  dho,  con  tobacht  a  cenn  de. 
ocus  hcbus  in  cend  ann  sin  7  tic  for  tir  7  toitid  a  taem-laem 
gen  aidechta  air  7  a  thaisi  marbhtha  7  mêle.  Sceindis  Mo^/; 
Corb  isin  ath  7  gabhz/5  in  cenn  7  tic  lais. 


90.  Imsoei  Coirbri  Litfacair  dia  longport  ;  ocus  ro  cuirset  fir 
Mhumatw  u\ach  commaidme  in  comh/www-sin  ;  ocus  doronsat 
nualghubha  fo  chuitbhidh  obloire,  7  eisdrecht  fer  Muman  ac 
commaidim  Choira  :  "  In  libh  in  maidium  ?  "  ar  Mogh 
Ruith.  "  "  As  linn  7  ita  sunn  Mogh  Corb  7  an  cenn  aigi  ". 
"  Caidhi  Cennmar  ?  "  ar  Mogh  Ruitb.  "  Dorochair  taisi  midbad 
fair",  arsiat.  "  Truadh  sin  ",  ar  se.  "  Da  mad  he  thised  lasin 
cenn,  ni  gebhtha  fior  n-aeinf ir  râ  fer  dia  sil  co  brach,  acht  eu 
mad  arm  neich  dom  sil-sa  do  biath  aigi  ".  "  Tabair  frim-sa 
in  mbreithir-  sin  ",  ar  Mogh  Corb,  "or  as  me  thuc  in  cenn 
leam  7  is  me  [178  b  1]  fuil  re  comaïïadh  do  sochair  7*as  i  m' 
ingen  ro  thoghais  7  ni  mesa  mhe  fein  oldas  Cennmhâr  "• 
"  Dober-sa  on  ",  ar  Mogh  Ruith,  "  cein  chomalla  do  coracais 
frium-sa,  acht  gu  rub  arm  fir  dom  sil-sa  his  nach  fer  dod 
sil-sa  ".  Ocus  atbert  an  rand. 

"  Mad  arm  fir  do  sil  Mogha 

C«5an  cathghail  re  a  cura 

Taethsat  leo  7  fosraegat 

acht  nar  saebhat  a  cura  '" 

1.  Cf.  à  peu  près  la  même  formule  §  56. 


Le  iiège  de  Druim  Damhgbaire.  89 

terre  ;  lorsqu'il  levait  la  tête,  l'anguille  prenait  entre  ses 
mâchoires  le  sommet  de  sa  tête  (litt.  la  partie  de  la  tête  qui 
était  la  plus  éloignée  d'elle),  et  l'envoyait  frapper  contre  le 
courant. 

89.  Quand  Mogh  Corb  vit  que  l'anguille  avait  le  dessus  sur 
Colptha,  il  dit  à  Cennmar  :  «  »,  dit-il, 
«  cela  te  fait  grand  ton  de  ne  rien  faire  pour  t'assurcr  le  béné- 
fice moral  de  cette  mort  et  la  réputation  d'avoir  tué  ce 
manant  ».  Cennmar  saisit  alors  la  lance  druidique  de  Mogh 
Ruith,  et  il  la  darda  sur  Colptha,  par-dessus  sa  tête,  avec  force 
et  énergie,  et  Mogh  Corb  l'engagea  à  être  sur  ses  gardes. 
Ensuite  Cennmar  sauta  sur  Colptha,  avec  le  grand  sabre 
meurtrier  de  Mogh  Ruith,  et  en  porta  (à  Colptha)  un  coup 
qui  lui  trancha  la  tête.  Il  laissa  la  tête  là  et  regagna  la  rive;  il 
fut  alors  saisi  par  la  crise  rapide  comme  l'éclair 

ainsi  que  par  sa  transe  mortelle  et  douloureuse  (?). 

Mogh  Corb  sauta  dans  le  gué,  saisit  la  tête  et  s'en  alla  avec. 

90.  Cairpre  Liffacair  s'en  retourna  à  son  camp.  Les  gens  de 
Munster  poussèrent  une  clameur  de  réjouissance,  en  l'honneur 
de  ce  combat,  et  les  bouffons  poussèrent  des  gémissements  par 
dérision,  parodiant  les  Munstériens  en  train  de  célébrer  la  mort 
de  Colptha. 

«  Est-ce  vous  qui  chantez  victoire?  »  dit  Mogh  Ruith. 
«  C'est  nous,  car  voici  Mogh  Corb  portant  la  tête  ».  «  Où 
est  Cennmar?  »  dit  Mogh  Ruith  «  Il  a  été  saisi  de  sa  crise  de 
,  »  dirent-ils.  «  C'est  dommage  »,  dit  Mogh  Ruith. 
«  Si  c'était  lui  qui  était  venu  avec  la  tête,  aucun  homme  de 
sa  descendance  n'aurait  jamais  été  vaincu  en  combat  singulier, 
à  condition  seulement  qu'ils  portent  les  armes  d'un  de  mes 
descendants  dans  le  combat  ».  «  Accorde-moi  le  privilège  que 
tu  viens  de  dire,  »  dit  Mogh  Corb,  «  puisque  c'est  moi  qui 
ai  apporté  la  tête  avec  moi,  que  c'est  moi  qui  veille  à  l'ac- 
complissement de  ton  contrat,  que  c'est  ma  fille  que  tu  as 
choisie  et  que  je  ne  vaux  pas  moins  que  Colptha  ».  «  Je  te 
l'accorde  »,  dit  Mogh  Ruigh,  «  aussi  longtemps  que  tu  accom- 
pliras tes  engagements  à  mon  égard,  à  condition  que  chaque 
homme  de  ta  descendance  porte  dans  le  combat  les  armes 
d'un  homme  de  la  mienne  ». 


9<3  M.  L.  Sjoesledt. 

u  Ni  saebobhthar  fort-sa  sin  co  brath  ",  ar  Mogh  Corb. 
Ocus  dod'chubhus,  dena  faitsine  dhun  7  forfindam  uait  in 
mbia  maith  d'ar  sil  eid^r  nô  aitheirge  oruinn  fein. 

"  Biaidh,  "  ar  Mogh  Kuith,  "  7  geba  fein  rigi  Muman  7  gein- 
fidh  uaidh  sochaide  ghebus".  Ocus  do  raidh  an  rethoric  :  "La 
Mogh  Corb  cathuigim,  7  reliqua  ". 

A'idhed  Cholptha  ar'  Ath  na  n-ôc  in-sin  7  is  o  Cholptha 
z'mmnighther  o  sin  ille. 


91.  Badar  annsin  co  mucha  lai  ara  bharach,  ocus  ro  coiméi- 
righ  Lurga  maiden  mhoch  ar  in  ath  adna  i  freacar  in  com- 
lain  7  Cairbre  Lithfacair  leis,  7  do  freagair  Ceannmhâr  o 
feruibh  Muman  sin  7  Mogh  Corb  leis  7  a  lia  laime  7  sleagh 
draidechta  Mogha  Kuith  n-a  laim.  Ocus  is  eimhilt  cena  tuarusc- 
bail  airm  7  eidigh  gac  enn  duine  thic  isin  comlainn  d'indisi  ; 
is  airi-sin  lacabhair  cein  innisi. 


92.  O  do  riacht  Ceannmar  co  Raithin  ind  Imairic  ra  h-ath 
aniar-dhes  gabustar  Lurga  ga  kgad  7  ga  zg&ÏÏaimh  7  ba  tren 
7  ba  tairpt^c  in  treinfer  sin  7  ba  mor  a  omhun  ar  Chean- 
nmhar  in  la-sin  7  ro  geallustar  a  aidi  dho  co  mbherad 
coscar  7  commaidim  Cennmhair  lais  i  ndigail  Colptha.  Is 
amlaidh  bui  Ceannmar  in  la-sin  co  nar  bo  mesa  lais  bas  7 
aiàhedh  d-'faghail  min  badh  fosaidh  a  traig  7  min  bhadh 
cruaidh  a  cride  7  min  bhadh  badbdha  a  beim  7  min  badh  innill- 
direch  a  urchar  ra  frithailimh  Lurga  a  n-'mad  na  meraighechta 
dorala  do  in  la  roimhe  oc  frithaih'm/;  Colptha  ;  7  gabsa/  for 
zczWaimb  araili  7  tug  cach  dib  freacra  fon  cas  da  chele 
ann-sin. 

Gzbus  Cennmar  for  amus  ind  atha7a  lia  cloichi  n-a  laimh 
7  gahus  ica  moW  7  ica  h-etflrghuigi  7  ic  faitsine  ind  àir  do- 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire.  91 

Et  il  dit  le  quatrain  : 

«  Tant  qu'ils  porteront  dans  le  combat  les  armes  d'un 
guerrier  de  la  descendance  de  Mogh  —  selon  leur  conven- 
tions. 

'  Ils  mais  que  ces  conventions 

ne  soient  pas  enfreintes  ». 

«  Ceci  ne  sera  jamais  enfreint  à  tes  dépens  »,  dit  Mogh  Corb. 
«  Et,  en  toute  conscience,  fais-nous  une  prophétie,  et  apprends- 
nous  si  notre  descendance  prospérera,  et  si  nous-mêmes  nous 
élèverons  ».  «  Oui  »,  dit  Mogh  Ruigh.  «  Tu  accéderas  toi- 
même  au  trône  de  Munster,  et  il  sortira  de  toi  une  longue 
dynastie  qui  l'occupera.  »  Et  il  dit  la  rhétorique  :  «  Avec  Mogh 
Corb  je  combats  »,  etc. 

Ceci  est  la  mort  de  Colptha  à  Ath  na  nOc,  et  c'est  d'après 
Colptha  qu'est  nommé  ce  gué  depuis  lors. 

91.  Ils  restèrent  ainsi  jusqu'au  lendemain  de  bonne  heure. 
Au  début  de  la  matinée,  Lurga  se  mit  en  marche  vers  le  même 
gué  pour  livrer  bataille  ;  Cairpre  LifTacair  était  avec  lui. 
Cennmar  se  présenta  pour  relever  le  défi  de  la  part  des 
Munstériens,  et  Mogh  Corb  avec  lui  ;  il  tenait  à  la  main  la 
pierre  plate  de  main  et  la  lance  druidique  de  Mogh  Ruith. 
Ce  serait  perdre  son  temps  que  de  décrire  les  armes  et  les 
armures  de  chaque  personnage  qui  va  au  combat;  aussi  s'est- 
on  dispensé  de  le  faire. 

92.  Lorsque  Cennmar  parvint  au  tertre  du  combat,  au 
sud-ouest  du  gué,  Lurga  se  mit  à  le  considérer  et  à  l'interpel- 
ler. C'était  un  guerrier  plein  de  force  et  de  fougue,  et  grande 
était  la  terreur  qu'il  inspirait  à  Colptha.  Le  père  nourricier  de 
Lurga  lui  promit  qu'il  remporterait  la  victoire,  et  la  gloire 
d'avoir  tué  Cennmar,  vengeant  ainsi  Colptha. 

Quant  à  Cennmar,  il  était  ce  jour-là  dans  de  telles  dispo- 
sitions qu'il  aurait  mieux  aimé  encourir  mort  et  trépas  que  de 
ne  pas  affronter  Lurga  de  pied  ferme,  d  un  cœur  résolu,  por- 
tant ses  coups  avec  fureur,  et  lançant  ses  traits  avec  fermeté 
et  sûreté;  au  lieu  que  la  veille,  en  affrontant  Colptha,  il  était 
plongé  dans  le  désarroi  le  plus  complet. 

Ils  engagèrent  la  conversation  et  se  répondirent  alternati- 
vement l'un  à  l'autre. 


92  M.  L.  Sjoestedt. 

ghetirtd,  7  teit  i  muinigin  a  dhea  7  primhdruadh  in  domm'n 
.i.  Mogh  Kuith  7  do  raid  : 

"  Lia  chloiche,  cloch  cena,  gun  beba  "...  ". 

93.  O  tairnic  an  imcallam-sin,  tainic  Lurga  isin  ath  7  do 
rregair  Cennmhar  co  cruaidh,  7  imselustar  cach  dhibh  builli  ar 
builli  da  cheli  7  freagra  fon  tacra.  Acht  chena  ger  calma  in 
comlunn-sin,  ni  ro  dipaid  arm  chechtar  de  ar  loe  nach  ar 
finda  do  curp  "na  edghadh  cechtar  n-ae.  Ni  na  dingnedis  tra 
na  loeich-sin  gu  cruaidh  7  gu  curata  in  comlann-sin  ;  acht  do- 
dechaid  etarra  in  neirt-lia  chatha  7  in  comlunn  ced  7  in  fprrach 
sochaidi  .i.  in  muirescang  mhor  mile/a  dar  bo  comainm  Mon- 
gac  Mhaeithremur,  7  imsceinn  side  co  Lurga  feib  ro  sceind  gu 
Colytha  7  dodechaù/  discail  do  na  laechaibh  trit-sin,  7  do- 
dechaid  forrach  do  Lurga.  Ocus  ba  deitbz'r-on,  or  is  ann  teig- 
hedh  a  neim  draidechta  da  gac  aen  frisi  mbeanadh  in  eascang, 
6  no  benadh  fris.  Ocus  ni  fada  ro  anustar  Cendmhar  ra  lea- 
cadh  comluinn  eaturra  cin  a  riachtain  fein  cuca  gun  se- 
lustar  beim  don  sduagh  }  loinn  tinn  teindtighe  bui  n-a  laimh 
eu  tall  a  cenn  de  co  ndechaid  a  n-aier  7  ni  roacht  lar,  intan 
ro  ghabh  Ceannmar  co  hathlum  7  co  hiarannta.  Conadh 
amh\aidh-s\n  dorochair  Lurga. 


94.  Cid  tra  cein  ro  bas  oc  denamb  an  comluinn  is  amlaidb 
batar  dideretha  do  na  sloghaibb  boi  oc  faircsi  in  comluinn  da 
gac  aird  imon  âth  7  bai  cach  dib  ga  radh.  "  A  dhe  da  n-adh- 
ram  ",  ar  siat,  "  do  mhtallaid  dun  med  in  anfaidh  7  imat  an 
uiscai  isin  ath  confacmis  an  draic  theindtighi  doni  in  comlttHK 
ûd,  7  gu  mbeth  ni  dia  tuaruscba/7  againd.  " 

95.  Is  ann-sin  ro  ghabh  in  beisd  dring  sin  ath  fo  thuaidh  i 
slichtlorg  Cairbre  Lithfacair,  fo  seisilbh  sloigh  Cormaic,  ocus 
gabhustar  Ceannmhar  n-a  deghuid  ic  a  fasdw^fi79  a  1] 7  oc  a 


1.  Cf.  un  essai  de  traduction  de  cette  rhétorique,  O'Curry,  Manners  and 
Citstoms,  II,  281  sq. 

2.  Lire  tuagh. 


Le  siège  de  Druiin  Dambgbaire.  93 

Cennmar  s'avança  vers  le  gué,  sa  pierre  plate  en  main.  Il 
se  mit  à  la  louer,  à  la  prier  et  à  prophétiser  le  carnage  qu'elle 
accomplirait.  Il  invoqua  son  dieu  et  le  premier  druide  du 
monde,  Mogh  Ruith  et  il  dit  :  «  Pierre  plate,  etc.  ». 

93.  Cet  entretien  terminé,  Lurga  entra  dans  le  gué,  et 
Cennmar  lui  tint  tête  furieusement  :  les  coups  succédaient  aux 
coups  et  la  riposte  à  l'attaque.  Mais  quoique  ce  combat  fût 
ardent  et  furieux,  les  armes  des  guerriers  ne  tranchèrent  brin 
ni  poil  du  corps  ou  du  vêtement  de  l'adversaire,  non  pas  que 
ces  guerriers  combattissent  mollement  et  sans  courage,  mais 
se  dressa  entre  eux  la  force  de  la  «  pierre  de  combat  »,  le  «  com- 
bat de  cent  »,  le  «  vainqueur  des  multitudes  »,  la  grande  et 
meurtrière  anguille  de  mer,  qu'on  appelait  «  la  Chevelue  de 
Maeithremur  ».  Elle  bondit  sur  Lurga  comme  elle  avait  bondi 
sur  Colptha  si  bien  que  les  deux  guerriers  furent  séparés,  et  que 
Lurga  succomba.  Et  cela  ne  pouvait  manquer  d'arriver,  car 
son  poison  magique  s'insinuait  en  tous  ceux  qu'elle  frappait 
dès  qu'elle  les  frappait. 

Cennmar  ne  les  laissa  pas  longtemps  combattre  tous4deux, 
mais  il  s'approcha  d'eux  et  d'un  coup  de  la  hache  féroce, 
éblouissante  et  flamboyante  qu'il  tenait  à  la  main,  il  coupa 
la  tête  de  Lurga.  Cette  tête  sauta  en  l'air,  et  n'atteignit  pas 
la  terre  en  retombant,  car  Cennmar  la  rattrapa  au  vol,  avec 
dextérité  et 

C'est  ainsi  que  périt  Lurga. 

94.  Pendant  qu'ils  étaient  en  train  de  batailler,  ils  étaient 
invisibles  pour  les  armées  qui  regardaient  le  combat,  de  toutes 
les  hauteurs  environnant  le  gué.  Et  tous  disaient  :  «  O  dieu 
que  nous  adorons,  la  violence  de  la  tempête  et  la  masse  des 
eaux  dans  le  gué  nous  empêchent  de  voir  le  dragon  de  feu  qui 
livre  ce  combat,  si  bien  que  nous  n'aurons  rien  à  décrire  ». 

95.  Là-dessus  le  monstre  se  mit  en  marche  dans  le  gué, 
vers  le  Nord,  à  la  poursuite  de  Cairbre  Lithfacair,  sous  les 
clameurs  de  l'armée  de  Cormac.  Cennmar  se  mit  à  la  suivre, 
la  retenant,  lui  parlant  et  lui  disant  qu'elle  ne  devait  pas  suivre 
Cairbre  Lithfacair,  que  les  gens  de  Munster  seraient  désolés 
qu'elle  se  dirigeât  vers  l'armée,  qu'eux-mêmes  se  chargeraient 
d'infliger  à  celle-ci  tels  mauvais  traitements  qu'ils  jugeraient 


94  M.  L.  Sjoestedt. 

hacaldaimh  7  gd  râdh  fria  nar  dligh-si  Cairbre  Litbfacair  do 
leanma/n,  7  gur  bha  bron  la  fini  Muman  a  dul  ar<<ar>amus 
in  tsloigb,  eu  mad  iat  fein  doberad  ind  aineicein  '  budh  ail 
doibh  forru.  Ar  da  mad  ïusca.  risad-si  ni  tharaiste  guin  na  for- 
gamh  na  comaidhium  aici.  Ocus  gabustar  Cennmhar  oc  a  fas- 
dwd  amlaw$-sin  7  oc'taba/rt,a  tuaruscbala  7  atbm  : 

"  Fos,  a  muinceach  Mhaeithremur...  loigh  ar  laimh  min 
mor  Mhogha,  ra  fet  is  ra  fos.  Fos  ". 

Imsoi  si  iar  sin  n-a  richt  7  u-a  cruth  fein  7  do  dechaid 
cach  fo  thuaidh  7  fo  des  <ia  arus  7  da  longport  iarsin  co  mai- 
duin. 

96.  Iarsin  tra  rô  coimeirighsec  na  cairigb  madan  mhoch  ara 
barach  7  as  amlaidh  badar  sein  con  dath  lachtna  forra  gu 
cruaidh-cennuibh  cnamha,  gu  cnesaibh  codhnaidhi,gu  nguil- 
bnibh  iaraind,  gu  luas  aànnle  2  gu  n-athluime  iaraindi  gu  n-ath- 
luime, en  }  gu  taircsinchet  ra  huair  comhluinn  7  irghaili. 

97.  "  A  firsochair  tra  ",  ar  fir  Muman,  "  atat  sunna  cetna  i 
richt  tei  caera:h  lachtna  7  cetfer  n-armach  bhis  i  croilghi  7  i  mbas 
uathaibh  ".  "  Dingebhut-sa  dhibh  iat  ",  ar  Mogb  Kuith.  "  7 
na  bidh  a  n-egla  foruibh  ".  Ocus  ro  fiafraigh  do  Cennmhar  : 
"  Caidhet  na  haidme  druidhechta  thucus-sa  it  laimh  ra  frithai- 
limh  an  lochta  ut  ?  "  "  Itat  agum  ",  ar  Cennmhar.  Ocus  rob 
iat  sein  .i.  tallann  teiiW  Shimoin  7  clocha  gaine  Daineoii  7 
sponga  Etheoir  Ilcrothaig,  7  tugodh  i  laim  Mogha  Kuith  7  is 
aire  robdar  é  sin  na  hadbair  :  ar  dig  co  mbèath  cruas  cloiche 
a  cridhibh  7  a  cennuibh  doibh  ra  huair  comlainn.  Ocus  loisc- 
thigi  teined  7  aentaigi  datha  frisna  caeiribh. 

98.  ïmselustar  Mogb  Kuith  tri  beimenna  .don  tallann  ar  na 
clocha  eu  roghabh  gu  hathlum  7  co  hait  na  tri  dlaithe  spuinge 
[179  a  2]  7  dosfuc  i  forfairsing  a  etaigh  7  ro  chan  in  rethoi- 
rec-sa  : 

*'  Fo  cuan  chain  coimeirghzd  7  reliqua  ".  Atber/  Mogb  Kuith 

1.  aineicein,  cf.  le  composé  ardainicin,  §§45  et  63. 

2.  Cf.  §  21. 

3.  Dans  l'interligne  :  fo  luamain,  «  en  volant  ». 


Le  siège  de  Druitn  Damhghaire.  95 

bon.  Au  cas  où  elle  tiendrait  à  atteindre  Cairbre,  que  du  moins 
elle  s'abstînt  de  le  maltraiter  et  de  le  blesser.  Cennmar  donc 
s'appliquait  ainsi  à  la  retenir  et  il  la  décrivait  en  disant  :  «  Dou- 
cement, chevelue  de  Maeithremur...  couche-toi  sur  la  main 
douce  du  grand  Mogh  Ruith.  Doucement  ». 

Elle  reprit  ensuite  son  apparence  et  sa  forme  primitive,  et 
chacun  s'en  retourna,  qui  au  Nord,  qui  au  Sud,  à  sa  résidence 
et  à  son  camp,  jusqu'au  matin. 


96.  Les  brebis  se  mirent  en  marche  le  lendemain  de  bonne 
heure.  Elles  étaient  de  couleur  brune  ;  leurs  têtes  étaient  dures 
et  osseuses,  leur  peau  cornée;  elles  avaient  des  becs  de  fer. 
Elles  avaient  la  rapidité  de  l'hirondelle,  l'agilité  de  la  belette, 
ia  rapidité  des  oiseaux  et  étaient  capables  de  tenir  tête  à  cent 
guerriers  à  l'heure  du  combat. 

97.  «  O  Protecteur  »,  dirent  les  gens  de  Munster,  «  les 
voici  revenues  sous  forme  de  trois  brebis  brunes,  et  elles  sont 
capables  de  plonger  cent  hommes  dans  les  affres  de  l'agonie 
et  de  la  mort  » .  «  Je  les  écarterai  de  vous,  ne  craignez  rien  », 
dit  Mogh  Ruith.  Il  demanda  à  Cennmar:  «  Où  sont  les  usten- 
siles druidiques  que  je  t'ai  dounés  pour  combattre  ces  gens?  » 
«  Je  les  ai  »,  dit  Cennmar.  Les  ustensiles  étaient  :  «  le  briquet 
de  Simon,  le  silex  de  Daaiel  et  l'amadou  d'Ether  le  Bel.  On 
les  donna  à  Mogh  Ruit;  voici  la  raison  d'être  de  ces  instruments  : 
ils  donnaient  la  dureté  de  la  pierre  à  la  tête  et  au  cœur  des 
Munstériens  à  l'heure  du  combat  ;  le  flamboiement  du  feu  et 
la  même  couleur  que  les  brebis. 

98.  Mogh  Ruith  porta  trois  coup,  avec  le  briquet  contre  les 
pierres,  et  saisit  adroitement  et  doucement  les  trois  brins  d'ama- 
dou, qu'il  mit  dans  le  pli  de  son  vêtement,  et  il  récita  la  rhé- 
torique :  «  Levez-vous  »,etc. 

Il  dit  ensuite  à  Cennmar:  «  Regarde  ces  matériaux.  Sont-ils 
déjà  prêts?  »  Cennmar  regarda  et  dit  :  0  C'est  bien,  il  en  est 
né  deux  chiennes  et  un  chien  mâle  ».  Il  les  prit  dans  sa  main 
pour  les  examiner,  puis  les  remit  par  terre,  en  leur  tournant  le 
visage  vers  le  Nord,  du  côté  des  brebis.  Ils  n'étaient  d'abord 


96  M.  L.  Sjoestedl. 

iarum  ra  Cennmhar.  "  Feg  lat  na  habhrasa-so  in  at  aicde 
irlamha  beos  ".  Do  feg  Cennmhar  7  do  raidh.  "  As  maith  ", 
ar  se  "  doroine  da  saigh  7  fercoin  ",  7  dusfuc  ar  a  laimh 
chuice  dia  dheimhniugrtd  7  rous  leicc  uadh  ar  lar  doridisi,  7 
rochoraiga  n-aighthe  fo  thuaidh  fris  na  cairibh.  Batar  immorro 
co  hanmunn  ar  tus  amar  cuileana.  Ocus  gac  f/csi  thicdis  na 
cairigh  doib  no  foirbreadh  nert  na  gcon  7  meid'igeacht  7  sainnt 
gnima. 

99.  Ocus  ro  fiafraigh  Mogh  Ruith  do  Cennmar  :  "  Na  cae- 
righ  cinnus  docengadar  ".  "  As  cugainn-ne  xhiaguit  "  ar 
Ceannmhar  "  7  in  cura  as  sine  dhibh  i  remthus  7  in  as  so  fa 
deredh  ".  "Ocus  na  coin  fa  dechta  cinnus  do  fegadar?  ".  "  Itat", 
ar  se  <C  ar  se  >,  "  mar  bit  cuilena,  ic  osculwd  a  sul  7  as  iat 
na  cairigh  ïegad  ".  "  Ocus  na  ca'irigh,  cinnus  docengait  ?  "  "  Dâ 
chùrigh  dibh  taebh  ra  taebh  7  cura  fa  deoig,  7  is  luath  thia- 
gu'it  ".  "  Ocus  na  coin  cinnus  dofegadar?"  "  Itat  ic  bertnu- 
gad  a  sul  7  a  chias  7  as  iat  na  cûrigh  fegat  bheos  ".  "  Ocus  na 
cairigh,  cinnus  focengat  ?  "  "  Itat  mar  bit  tri  rodhaim  riadhta 
fo  aen  chuing  cruaidh  cudrama  7  ni  theit  aen  dib  sach  araili 
7  as  dian  7  as  dreamaw  7  as  dasachtach  7  as  comluath  7  as 
comurlamh  thi^uit  ind-airius  in  comluinn  ".  "  Ocus  na  coin 
cinnus  do  fegatar?  "  "  Ro  b^/7naighistar  a  cluasa  7  ro  thocuibset 
a  seirthi  7  gabsat  oc  imlighi  a  m  bel  7  a  cindu  for  a  righthibh 
7  a  mbeoil  duinti  ".  "  As  iat  sein  uili  na  buagha  ",  ar  Mogh 
Ruith,  "  ar  dia  mbeitis  a  mbeoil  osluigth'i  ic  dul  isin  comhltt/w 
no  biath  de  m  «m  merclig  oc  gait  a  n-aithesa  forru  ;  uair  isat 
duinti  immorro  doghenat  âithius,  as  fon  innus-sin  doghena  a 
sil  7  a  semfld  aithus  do  grès  ". 


100.  As  ann  adubain  Mogh  Ruith  ra.  Cennmhar  na  coin  d'idh- 
nacal  co  Râiiin  ind  Imair/c.  Ocus  ro  boi  Mogh  Ruith  ga  aithne 
do  na  conuib  eu  mad  tûsca  bas  7  aidheadh  dhoibh  in'at  na 
ca'irigh  do  dul  uathaibh. 

As  ann-sin  ro  siachtadar  na  coin  co  Raithin  ind  Imairicc  ; 
ocus  do  roachtadar  na  cair/Wj  eus-an  raith   ba  coimrecarthach 


Le  siège  de  Druim  Damkgkaire,  97 

pas  plus  fort  que  des  chiens  nouveau-nés,  mais  à  mesure  que 
les  brebis  s'approchaient  d'eux,  la  force,  la  taille  et  l'ardeur 
batailleuse  des  chiens  croissaient. 


99.  Mogh  Ruith  demanda  à Cennmar  :  «  Comment  marchent 
les  brebis?  »  «  C'est  vers  nous  qu'elles  marchent  »,  dk  Cenn- 
mar. «  La  brebis  la  plus  âgée  marche  en  tête,  et  la  plus  jeune 
en  queue  ».  «  Et  les  chiens,  de  quoi  ont-ils  l'air?  »  <«  Ils  sont 
semblables  à  de  petits  chiens  :  ils  ouvrent  les  yeux,  et  ce  sont 
les  brebis  qu'ils  regardent  » . 

«  Et  les  brebis, comment  marchent-elles  ?  »  "Deux d'entre 
elles  côte  à  côte  et  une  derrière  elles,  et  elles  vont  vite.  »  «  Et  les 
chiens,  de  quoi  ont-ils  l'air  ?  »  «  Ils  roulent  leurs  yeux,  et  agitent 
les  oreilles,  et  ce  sont  encore  les  brebis  qu'ils  regardent.  » 
«  Et  les  brebis,  comment  marchent-elles  ?  »  «  Elles  sont 
comme  seraient  trois  grands  bœufs  attelés  à  un  même  joug, 
dur  et  bien  proportionné  ;  aucune  d'entre  elles  ne  s'avance 
en  avant  de  l'autre,  et  c'est  avec  ardeur,  fougue  et  violence 
qu'elles  s'avancent  au  combat  d'une  même  allure,  et  d'une 
même  résolution  ».  «  Et  les  chiens  de  quoi  ont- ils  l'air  ?  »  «  Ils 
ont  agité  les  oreilles  et  hérissé  leur  poil  et  se  sont  mis  à  se 
lécher  la  bouche,  frottant  leurs  tètes  contre  leurs  pattes,  et  la 
bouche  fermée  ».  «  Toutes  supériorités  pour  eux  »,  dit  Mogh 
Ruith,  «  car  s'ils  avaient  la  bouche  ouverte  en  allant  au  com- 
bat, il  se  trouverait  un  démon  voleur  pour  leur  voler  leur 
ardeur  guerrière  :  comme  c'est  la  bouche  fermée  qu'ils  vain- 
quent, c'est  de  cette  façon  que  leur  race  et  leur  descendance 
vaincra  dorénavant  ». 

100.  C'est  alors  que  Mogh  Ruith  dit  à  Cennmar  de  diriger 
les  chiens  vers  le  tertre  du  combat.  Et  il  instruisit  les  chiens  à 
subir  mort  et  trépas  plutôt  que  de  laisser  échapper  les  brebis. 

C'est  alors  que  les  chiens  parvinrent  au  tertre  du  combat. 
Et  les  brebis  arrivèrent  au  tertre  correspondant  et  ils  se  mirent 
à  se  considérer  l'un  l'autre. 

Revue  Celtique,  XLIII. 


98  M.  L.  Sjoesledt. 

dhi  7  gabhus  cach  dib  oc  ïegad  a  cheli  [179  b  1].  As  amlaidh 
badar  na  czirigh  7  tri  corrtaire  teined  ar  derglasad  ara  braigdibh 
dhoibh,conarfarcsat  sop  na  dlaieachda  gan  lôscad  a  n-urphor- 
taibh  in  atha  idiu  7  anall,  7  gabus  cach  dib  oc  imesarcain  a 
celé  ann-sin  do  clochaibh  7  do  sithfoitib  in  talmaw  a  cosaib  7 
hingnib  doib  tar  ath,  fo  thuaidh  7  fo  deas. 

101.  Scibhid  na  coin  ceim  n-imarran  cuca-san,  7  in  ferchu 
i  remthus  rompa,  ar  as  cian  o  ta  in  sen-focal  :  "  con  dulâ  gac 
fer  dhul  fortamlus  ",  7  insceinn  side  cusan  caiiigh  fa  mo 
7  fa  hairegda  atconnuic  do  na  ca'nibh,  7  ro  ghabh  cach  dib 
fon  tuaruim-sin  da  cheili  7  ba  mor  7  ba  cruaidh  ind  imes- 
arcain 7  ba  fada  ro  bas  oca  denum  7  as  eimilt  a  indisi  feibh 
doronsat  a  comlunn.  Araidhe,  as  am\aidh  ro  batar  na  coin,  7 
tri  corrthaire  théine  ar  derglasad  a  craesaib  doib.  Ocus  mar 
rancatar  7  na  cairigh  a  ceili  imscibhesdar  in  lasair  fo  na  cai- 
ribh  eu  na  iarcoib  loe  na  finna  forru  gan  \oscad.  Ni  raibhi 
immorro  loisethighi  na  neime  dr*aidechta  forsan  te'mid  ro  bhoi 
i  mbraigdib  na  caerach,  gia  no  comhraicdis  ra  nech.  Ocus  iss 
eadh  fodera  son  .1.  intan  ro  suidheasdar  Mogh  Ruith  i  Cinn 
Claire  iar  torachtuin  co  feruibh  Muman,  anal  druadh  do  chur 
a  firm/wint  cor  thuit  ar  longport  na  ndruadh  i  n-a  neul  ciach' 
eu  nad  eadh-sin  rue  a  neim  druidechta  da  gac  draidh  ro  bhui 
i  farnzd  Cormaic,  ut  dixit  Daniel  fili 

"  Condailset  draithi  dhail  Cuind 
os  urd  comar  min 
Soidhis  Mogh  Ruith  da  anail  ain 
an  draidhechta  dhib  ". 

102.  O  ro  rathaigh  sat  tra  na  aiirigh  gur  fortamhla  do 
na  conuib  a  nert  7  a  ndraidhecht  inas  doib  fein,  gabsat  a  cosa 
don  taXmain  oc  aslach  theithîVi  for  na  conaibh  amail  as  bes  do 
cùribh  7  nir  foemudh  uathaib-sium  on.  Conud  ann-sin  dorat- 
sat  na  edinigh  a  ndruim  forra  7  dorala  i  rrot  madma  7  teithzVf 
7  ni  ro  irisetar  don  rith-sin  eu  rancatar  co  Dubhcaire,  conad 
ann-sin  do  chuadar  i  fudhoma/«  7  i  fonngrian  in  tzbnan  ar 
teitlW  na  geon,  7  dojrala  na  coin  [179  b  2]  n-a  ndiaigh  conus 
ro  ghaibh  dhoibh  tis  7  ro  fortamlaigset  na  coin  for  n'a  cairibh, 
conus  duadar  do  cnamhaibh.  Ocus  dodmeadar  imach  iarsin  7 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  99 

Voici  comment  étaient  les  brebis  :  elles  avaient  trois  franges 
de  feu,  au  flamboiement  rouge,  autour  de  leur  cou,  si  bien 
qu'il  ne  resta  ni  brin  ni  touffe  qui  ne  fût  brûlé  aux  environs 
du  gué,  en  deçà  et  au  delà.  Ils  se  mirent  ensuite  à  se  massa- 
crer mutuellement  avec  les  pierres  et  de  grosses  mottes  de 
terre,  qu'ils  jetaient  avec  leurs  pattes  et  leurs  griffes  par  delà 
le  gué,  vers  le  Nord  ou  vers  le  Sud. 

101.  Les  chiens  bondirent. ..vers  les  brebis  et  le  chien  mâle 
à  leur  tête,  car  c'est  depuis  longtemps  que  dit  le  vieux  pro- 
verbe :  «  Il  convient  que  l'homme  s'avance  en  premier  ».  Il 
sauta  sur  la  brebis  la  plus  grosse  et  la  plus  imposante  qu'il  vit 
parmi  elles,  et  ils  s'attaquèrent  l'un  à  l'autre,  et  ce  fut  un 
carnage  violent  et  furieux,  et  ils  furent  longtemps  à  com- 
battre. Ce  serait  perte  de  temps  que  de  décrire  ce  combat. 

Voici  pourtant  comment  étaient  les  chiens  :  trois  franges 
de  feu  au  flamboiement  rouge  sortaient  de  leurs  gueules. 
Lorsque  les  chiens  et  les  moutons  se  rencontrèrent,  le  feu 
sauta  sur  les  brebis,  si  bien  qu'il  ne  leur  resta  ni  brin  ni  poil 
qui  ne  fût  brûlé.  Le  feu  que  les  brebis  portaient  autour  du 
cou  n'avait  ni  ardeur  ni  poison  druidique,  même  lorsqu'elles 
s'attaquaient  à  quelqu'un.  Et  en  voici  la  cause  :  lorsque  Mogh 
Ruith  s'installa  à  Cinn  Claire,  après  s'être  joint  aux  gens  de 
Munster,  il  mit  dans  l'air  un  souffle  druidique  qui  tomba  sur 
le  cajnp  des  druides  sous  forme  d'un  nuage  noir.  Le  résultat 
tut  que  le  poison  druidique  de  tous  les  druides  qui  accompa- 
gnaient Cormac  leur  fut  dérobé,  comme  dit  le  poète  Daniel  : 
«  Les  druides  de  la  suite  de  Cormac  Mogh 

Ruith  avec  son  souffle  leur  a  enlevé  leur  pouvoir  magique  ». 

102.  Lorsque  les  brebis  constatèrent  que  la  force  et  la  puis- 
sance magique  des  chiens  surpassaient  les  leurs,  elles  rega- 
gnèrent la  terre,  tentées  de  fuir  devant  les  chiens,  comme  les 
brebis  ont  l'habitude  de  le  faire,  et  les  chiens  les  empêchaient 
de  le  faire.  Elles  firent  donc  demi-tour  et  s'enfuirent  en  déroute, 
sans  s'arrêter  de  courir  jusqu'à  ce  qu'elles  eussent  atteint 
Dubhcaire  ;  c'est  là  qu'elles  disparurent  dans  les  profondeurs 
et  les  entrailles  de  la  terre,  fuyant  devant  les  chiens.  Les  chiens 
se  précipitèrent  à  leur  suite  et  se  saisirent  d'elles  au  fond  ; 
ils  eurent  l'avantage  sur  elles,  et  les  dévorèrent  jusqu'aux  os. 


ioo  M.  L.  Sjoestedl. 

dusrxYx  siar  i  Mumain  7  tarbhchoin  turusa  7  graigbmuigh  7 
gillecchrj/^'  7  formna  aesa  ocbadh  Lethi  Chuinn  n-a  ndiaig, 
con  dechadar  dib  ar  eicin  idir  da  seiscenn.  Or  is  amhlaidh  do 
batar  7  formna  in  da  sluag  ider  atuaidh  7  ânes  ar  cnocaib  7 
ar  tulcuibh  oc  faircsi  in  comluinn  7  retha  na  caerach.  Ni  faca 
immorro  Cormac  na  Fiacha  or  as  a.m\aidb  ro  bhatar  7  uatlW 
bec  impaibh  n-a  longportaib,  gan  toidhccht  amach. 


103.  As  amlfl/ii/j-sin  ro  forbadh  an  comhlunn-sin  na  gcon  7 
caerach.  Ocus  is  6  na  cairib-sin  atat  Cluithre  Caerach  inniu  i 
crich  Mairtine  Muman  o  Druim  Damhghaire  fo  thuaidh,  re 
n-abar  Long  Cliach  inniu.  Ocus  dono  is  do  sil  na  gcon  soin 
na  coin  coniaidh  fo  Exrinn  inniu  7  a  ra  mbiat  co  mbrach. 

Ro  chuirset  fir  Muman  ann-sin  uluich  comaidme  in  choscair- 
sin  gu  closs  fon  cuiced  uili. 

104.  Atconnaic  dono  Cithruadh  aidhead  na  caerach  ;  tainic  i 
remthus  in  tsloigh  anonn  co  hait  a  mbai  Cormac.  Do  t\a(ruigh 
Cormac  do  Chithruadh  :  "  Cidh  uma  tat  na  gairthe-sea,  7  cia 
doni  ?  —  "  Fir  Muman,  "  ar  Cithruadh,  "  ac  comaidhium 
in  lochta  as  ro  muinighis-si  7  frisi  tartais  taebh,  ar  na  marbadh 
do  conuibh  draidhechta  doroine  M.ogh  Kuith  ".  Cidh  tra  ba 
dubac  drochmmmac  ro  bui  sluagh  Cormaic  de-sin  7  ba  subac 
ro  badar  fir  Muman  7  ro  chan  Cithruadh  in  laid  :  "  It  subhuig 
na  sluaigh-si  thés,  7  rel  '.  "  Ma  as  tir  a  n-abrai-si  ",  ar  Cortnac, 
"  as  deithb/V  doib  subhachas  do  dheanamh  ".  "  As  fir",  ar 
Cithruadh,  "  7  moghenar  is  do  Leth  Moga  anocht  7  mairg  as 
do  Leth  Cuind  7  ro  budh  ferr  leam-sa  mu  tech  do  beith  ic 
Seich  na  Sogh  inocht,  gid  fasach,  inas  a  beith  ic  Rubaib  Ratha 
Ronan,  ge  at  imdha  treabhu  uimpi.  Ocus  as  oraibh-si  raeinfes 
an  cath  don  cur-sa  7  muirbfider  sloigh  7  sochaide  ann,  ocus  ni 
ba  ferr  duin-near  triar  brathar,  or  doghena  Mogh  Kuith  tri  clo- 
cha dhin,  re  tiachtain  don  turus-so  "  ;  7  atbert  :  "  Mairg 
innocht  is  do  Leith  Cuinn,  7  rel.  " 


Le  siège  de  Dritin>  Damhghairc.  101 

Ensuite  ils  sortirent  et  s'en  allèrent  vers  l'Ouest  de  Munster. 
Les  molosses,  les  valets  d'écurie  et  les  palfreniers  ainsi  qu'un 
grand  nombre  de  jeunes  gens  du  parti  du  Nord  se  mirent  à 
leur  poursuite,  si  bien  que  c'est  à  grand'peine  qu'ils  leur  échap- 
pèrent entre  deux  tourbières.  Car  il  se  trouvait  que  la  plus 
grande  partie  des  deux  armées,  aussi  bien  du  Sud  que  du  Nord, 
était  postée  sur  les  collines  et  les  hauteurs,  regardant  le  com- 
bat et  la  fuite  des  brebis.  Cormac  ni  Fiacha  ne  le  virent  pas, 
cependant,  car  ils  étaient  dans  leur  camp,  environnés  d'une 
petite  suite,  et  ils  n'en  sortirent  point. 

103.  Ainsi  finit  le  combat  des  chiens  et  des  brebis.  C'est 
de  ces  brebis-là  qu'est  nommé  Cluithre  Caerach,  de  nos  jours, 
dans  le  district  de  Mairtine  en  Munster,  au  Nord  de  Druim 
Damhgaire,  aujourd'hui  Long  Cliach.  D'autre  part,  c'est  de 
ces  chiens-là  que  descendent  tous  les  chiens  enragés. qu'il  y  a 
en  Irlande  de  nos  jours,  et  qu'il  y  aura  à  jamais. 

Les  Munstériens  poussèrent  alors,  pour  célébrer  ce  combat, 
une  clameur  qui  fut  entendue  par  toute  la  province. 

104.  Lorsque  Cithruadh  eut  vu  périr  les  brebis  il  se  rendit 
à  la  tête  de  l'armée  jusqu'au  lieu  où  était  Cormac  (en  deçà  de 
la  rivière)  ;  Cormac  demanda  à  Cithruadh  :  «  Pourquoi  pousse- 
t-on  ces  clameurs,  et  qui  est-ce  qui  les  pousse  ?  »  «  Les  gens 
de  Munster  »,  dit  Cithruadh,  «  qui  célèbrent  leur  victoire  sur 
les  gens  en  qui  tu  as  mis  ta  confiance  et  ton  espoir,  car. les 
chiens  magiques  qu'a  faits  Mogh  Ruith  les  ont  tués.  » 

L'armée  de  Cormac  fut  alors  plongée  dans  la  tristesse  et  le 
découragement,  tandis  que  les  Munstériens  se  réjouissaient,  et 
Cith  Ruadh  chanta  le  poème  :  «  Les  armées  du  Sud  se  réjouissent, 
etc.  ».  «Si  ce  que  tu  dis  est  vrai  »,  dit  Cormac,  «  il  n'y  a  pas  de 
doute  qu'ils  n'aient  lieu  de  se  réjouir  ».  «  C'est  vrai»,  dit  Cith- 
ruadh. «  heureux  qui  est  avec  le  parti  du  Sud,  ce  soir,  et  infor- 
tuné qui  est  avec  le  parti  du  Nord,  et  j'aimerais  mieux  que 
ma  maison  fût  à  Sech  na  Sogh,  ce  soir,  quoique  ce  soit  un  lieu 
désert,  qu'à  Rubai  Ratha  Ronan,  quoiqu'elle  y  soit  environnée 
d'une  population  nombreuse.  La  fortune  du  combat  sera 
contre  vous  cette  fois-ci,  des  bataillons  et  des  bataillons  suc- 
comberont, et  notre  sort  ne  sera  pas  meilleur,  à  nous,  les 
trois  frères,  car  Mogh  Ruith  nous  transformera  en  trois  pierres, 


102  M.  L.  Sjocsledl. 


105.  Iarsin  tra  aiherX.  Cormac  ra  Chhruadh:  "  Dena  ",  ar  se, 
"  ni  d'faitsine  dhun  bheos,  or  as  amh\aidh  itai  gu  rub  tu  ' 
primh-drai  agum  athair  7  agum  sen-athair  7  agum  fein,  7  ni 
aburta  breic,  7  ni  mo  ro  raidhis  don  cur-sa,  acht  nach  did  ro 
adhraimis-ne  7  ni  fuil  againn  budhecht  acht  impod  friut  7  is 
aithrec  linn  a  tartstfw  do  tarcasal  fort  ". 

c<  Ni  fuil  acum-sa  ",  ar  Cithruadh,  "  faitsine  geaWus  maith 
duit,  acht  as  fort  meabhus  don  cur-sa  7  gac  ni  ima  tat  fir 
Muman  bud  leo  a  bhuaid  ". 

Ro  ghabustar  Cormac  beos  ic  acaUaimh  Cith  Ruaidh,  7  ica 
radh  ris  dul  d'acalduim  Mogha  Ruith,  7  a  mbrathairsi  bhu- 
naidh  do  taba/Vt  araird  do  7  a  radh  ris  gan  tortromad  ar  Leith 
Cuind  7  gur  bho  do  mhaithib  Leithi  Cuind  athair  7  sen- 
âthair  dho  ;  "  7  tairg  na  comhtha-sa  dho  re  thaeibh-sin  ", 
ar  Cormac'1  À.  ûaithxus  \J\ad  7  cumhul  mac  nUislewn  7  bo 
gac  lis  o  Themhraidh  co  Carraic  mBracuidi  7  tri  cet  each  7 
tri  «f  corn,  7  tri  ^  faluch  7  mu  lamh  dheas  oc  ol  ". 


106.  Gluaisius  Cith  Ruadh  frisin  techtairac^/-sin  co  Mogh 
Ruith,  ait  i  raibhi  ar  lai  imthechta  co  Sith  Cairn  Breacnatan 
bu  dhes.  Ro  siacht  Cith  Ruath  chuigi  ann-sin  7  atbert  ris 
ainmne  do  dhenum  co  tagradh  fris  an  techtairea'cht  trisa  tai- 
nic  o  Chormac,  7  a  mbrathairsi  bunaidh  do  chuimhniugad  7 
gan  Leith  Cuind  do  curfa  dhochar  yfa  dhaeire.  "  Ro  ba  com- 
main  dam-sa  tortromadh  forro  ",  ar  Mogh  Ruith,  "  or  tMcsat 
Ferghas  ar  loingius  7  ro  bensat  righi  nUW  de  7  twcsat  gan 
ferunngan  aenech  he  7  as  briathar  dam-sa  co  scer  iat-som  fria 
harà-ûaith'ius  7  co  mbiat  a  saerclanna  ambroid  i  tighibh  ech- 
tran  n-a  eraicc  ".  "  As  uathad  do  Leth  Cuind  ",  ar  Cith  Ruadh, 
"  do  chogar  in  sarughudh-sin  7  in  ngebhe  na  comhadha-sa 
o  Cormac  ?  "  7  ro  slonn  do  uili  nacomtha.  'k  Na  habair",  ar 
Mogh  Ruith,  "  doigh  ni  treicfinn-si  mu  dhalta  ar  a  fil  d'or  ar 

1 .  En  marge  :  ro  bui. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaxre.  103 

lorsqu'il  viendra  cette  fois-ci  ».  Et  il  dit  :    «  Infortuné  cette 
nuit  celui  qui  est  du  parti  du  Nord  »,  etc. 

105.  Après  cela,  Cormac  dit  à  Cithruadh  :  «  Fais-nous 
quelque  prophétie,  car  tu  fus  le  principal  druide  de  mon  père, 
et  de  mon  grand-père,  comme  tu  es  le  mien.  Et  tu  ne  nous 
as  pas  dit  de  mensonge,  et  tu  ne  nous  as  pas  davantage  con- 
seillé cette  expédition;  mais  ce  n'était  pas  à  toi  qu'allait  notre 
faveur,  et,  si  nous  t'avons  témoigné  peu  de  considération, 
nous  le  regrettons  ».  «  Je  ne  puis  te  faire  aucune  prophétie 
favorable,  dit  Cithruadh  ».  «  C'est  toi  qui  seras  vaincu  cette 
fois-ci,  et  dans  toutes  les  actions  où  se  trouveront  les  gens 
de  Munster,  ce  sont  eux  qui  remporteront  la  victoire  ». 

Cormac  resta  à  délibérer  avec  Cithruadh  et  lui  dit  d'aller 
causer  avec  Mogh  Ruith  et  de  lui  faire  remarquer  leur  parenté 
d'origine,  et  de  lui  dire  de  ne  pas  accabler  les  gens  du  Nord, 
pcirce  que  son  père  et  son  grand-père  étaient  de  la  noblesse  du 
Nord.  «  Offre-lui  ces  récompenses  par-dessus  le  marché  »,  dit 
Cormac  :  «  Le  royaume  d'Ulster  et  les  dédommagements  dus 
pour  la  mort  des  fils  d'Uisliu,  et  un  bœuf  de  chacun  des 
domaines  entre  Tara  et  Carraic  Bmcuidi,  trois  cents  chevaux, 
trois  cents  cornes  à  boire,  trois  cents  manteaux  et  la  place  à 
ma  droite  à  table  », 

106.  Cithruadh  partit  donc  pour  cette  ambassade,  et  alla 
voir  Mogh  Ruith  au  lieu  où  il  se  trouvait,  le  jour  où  il  partit 
pour  Sith  Cairn  Breacnatan  vers  le  Sud.  Cithruadh  le  rejoi- 
gnit là,  et  lui  demanda  de  lui  prêter  son  attention,  afin  qu'il 
lui  transmît  le  message  de  Cormac,  de  se  souvenir  de  leur 
parenté  originelle,  et  ne  pas  plonger  le  parti  du  Nord  dans 
l'affliction  et  la  servitude.  «  C'est  pour  moi  un  devoir  de  les 
accabler  »,  dit  Mogh  Ruith,  «  depuis  qu'ils  envoyèrent  Fer- 
ghus  en  exil,  et  lui  enlevèrent  le  royaume  d'Ulster,  et  le  pri- 
vèrent de  tout  domaine  et  de  tout  rang  ;  je  me  suis  juré  que 
je  les  priverais  de  leur  titre  de  grand-roi  et  que  leur  race 
vivrait  en  esclavage  dans  des  maisons  étrangères,  en  châti- 
ment ». 

«  Ce  n'est  qu'un  petit  nombre  parmi  les  nobles  du  Nord  »,  dit 
Cithruadh,  «  qui  ont  comploté  cette  injustice  ;  ne  veux-tu 
pas  accepter  ces  récompenses  de  la  part  de  Cormac?  »  Et  il  lui 


104  M.  L.  Sjoestedt. 

an  tabnain.  7  innis-si  do  Cortnac,  gen  gu  beth  neach  aili  isin 
MumaiH  acht  Mogh  Corb,  nac  treicfinn-si  mo  tiughbhaidh  " 


107.  Ro  dhealuigset  na  draithe  ann-sin  7  nir  aem  Mogh 
Kuith  o  Chith  Kuadh  inni  im  a  toracht.  [180  a  2J  Ocus  ro  spcht 
Cith  Kuadh  gu  Cortnac  7  ro  innis  nar  aemh  Mo^  Rw///>  for- 
tacht  na  foin'im  forro.  Ckw-f  do  batar  clann  Cuind  ann-sin  co 
dubac  dobronac  a  n-a  longport. 

108.  Ord  Mogha  Kulïh  imtnorro,  teit  side  co  teach  Banbua- 
nainne  bandrai  co  Sidh  Cairn  Breachnatan,  do  chuingz'd  foi- 
rithne  forre,  da  fiafraig*d  cinnus  ticfidis  fir  Muman  W:n  cath. 
Ocus  o  ro  siacht  ro  ferud  caein-failte  fris  7  ro  boi  aghaidh 
ann,  7  ro  fiafraigh  ord  o  thus  co  àtr"dh  um  dhalr  in  catha. 
Ocus  asbm  Bannbuana  fris-sium.  "  Sirg-si  mochtrath  ama- 
rach,  "  ar  si  l<  7  budh  lat  buaid  in  catha,  7  la  fini  Muman  " 
Ocus  atbert  in  rethoirecc-sa. 

"  Saigh-siu  immach  moch-eirghi,  7  rel.  "  Eirgeas  Mo^  Kuith 
mahen  mhoch  7  doni  timna  celeaburta  7  gabuidh  lamha  ar 
imthecht.  Conad  ann  asbert  Buan,  .i.  mac  Mogha  Kuith. 
"  Atconnac  fis  ",  ar  se,  "  7  ber-si  breith  torre,  a  Mhogh  Kuith'\ 
"  Abair,  "  ar  Mogh  Kuith.  Is  ann  tue  Buan  in  segdai  sen-focail 
for  ard  oca  hindisi  7  atbert  :  "  Tadhbas  domadbassa...  ". 


109.  As  a  haithle-sin,  dodechaid  Mogh  Kuith  airm  i  ra  butar 
fir  Muman  um  Fhchaig  co  Cenn  Claire.  Ocus  gabhustar 
Fiacha  ac  fiafraigid  scel  de.  Ocus  atbert  Mogh  Kuith  :  "  Gebut- 
sa  tra  umad  chis,  7  toibgighfet  neithi  eli  duit  ",  7  tue  in 
retoiric  ar  aird,  .i.  "  Cis  coduil  cothaighfet,  7  rel  " 

110.  Ord  Cormaic  immorro  gabh/atar  for  zgallaimh  Cith 
Kuaidh,  7  ga  fiafraighidh  dhe  in  rai  bhi  aigi  fortacht  ar  na 
sloghuibh.  "  Ni  fil  ",  ar  Cith  Kuadh,  '*  ni  not  cobra,  acht  tene 
druadh  do  dhenamh,\  "  Cinnus  dogniter  saidhe  ",  ar  Cormac, 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  105 

exposa  quelles  étaient  ces  récompenses.  «  Ne  parle  pas  ainsi  », 
dit  Mogh  Ruith,  «  car  je  n'abandonnerais  pas  mon  élève  pour 
tout  l'or  de  la  terre  ;  va  dire  à  Cormac  que  quand  bien  même 
il  n'y  aurait  en  Munster  personne  que  Mogh  Corb,  je  n'aban- 
donnerais pas  la  lutte  (?)  ». 

107.  Les  Druides  se  séparèrent  alors,  et  Mogh  Ruith  n'ac- 
cepta pas  la  proposition  que  Cithruadh  venait  lui  faire.  Cith- 
ruadh  s'en  retourna  vers  Cormac  et  lui  dit  que  Mogh  Ruith 
n'acceptait  aucunement  de  leur  venir  en  aide  ou  de  les  proté- 
ger. Les  descendants  de  Conn  furent  alors  plongés  dans  la  tris- 
tesse et  le  désespoir  fut  dans  leur  camp. 

108.  Quant  à  Mogh  Ruith,  il  alla  trouver  Banbuanann,  la 
druidesse,  à  Sidh  Cairn  Breachnatan,  pour  y  chercher  de  l'aide 
et  pour  lui  demander  comment  les  Munstériens  devaient  mar- 
cher au  combat. 

Dès  qu'il  arriva  là,  on  lui  souhaita  la  bienvenue  ;  il  passa  la 
nuit  en  ce  lieu  et  demanda,  du  commencement  à  la  fin,  tout 
ce  qui  avait  rapport  à  la  guerre.  Bannbuana  lui  dit  à  ce  sujet  : 
«  Mets-toi  en  marche  demain  de  bonne  heure,  tu  remporteras 
la  victoire  avec  les  gens  de  Munster  ».  Et  elle  prononça  la 
rhétorique  suivante  :  «  Sors  de  bonne  heure,  lève-toi  »,  etc. 
•  Mogh  Ruith  se  mit  donc  en  marche  et  sortit  le  matin  de 
bonne  heure  ;  il  prit  congé  et  se  mit  en  devoir  de  sortir.  C'est 
alors  que  Buan,  le  fils  de  Mogh  Ruith,  dit  :  «  J'ai  eu  une 
vision,  dis-moi  ce  que  j'en  dois  penser,  Mogh  Ruith  ».  «  Parle  », 
dit  Mogh  Ruith.  C'est  alors  que  Buan  eut  recours  à  la  vieille 
langue  vénérable,  pour  raconter  sa  vision,  et  il  dit  :  «  Il  m'est 
apparu  »,  etc. 

109.  Mogh  Ruith  se  rendit  ensuite  au  lieu  où  se  trouvaient 
les  gens  de  Munster  autour  de  Fiacha,  à  Cenn  Claire.  Et 
Fiacha  lui  demanda  les  nouvelles;  et  Mogh  Ruith  dit  :  «  J'ob- 
tiendrai pour  toi  un  tribut,  et  je  réclamerai  d'autres  choses 
encore  pour  toi  ».  Et  il  dit  la  rhétorique  :  «  Un  tribut, 
etc.  » 

110.  Quant  à  Cormac,  il  se  mit  à  délibérer  avec  Cith- 
ruadh, et  lui  demanda  s'il  avait  quelque  moyen  de  venir  en 
aide  aux  armées.  «  Il  n'y  a  rien  qui  puisse  te  secourir,  excepté 
de  faire  un  feu  druidique.  »  «  Comment  le  fait-on  ?  »  dit  Cor- 


ioé  M.  L.  Sjoestedt. 

"  7  ga  tarbha  a  à\\Qnamh  ?  ".  "  Mar  so,  "  ar  Cith  Ruadh  : 
"  Eirgit  na  shigh  fon  caill  7  tabhrat  cairtherm  leo  âr  is  ann 
saidhe  ata  formna  ar  ndala-ne.  Ocu*  as  doigh  freicerthar  ânes 
sin  7  o  thairset  na  teindti  d'fatud  bidh  cach  oc  forchoimet  a 
théine.  Ocus,  da  mad  edh  no  bhiath  ann  eu  mad  fo  dhes  no 
impuigdis  na  teinnti  (7  ni  saeilim),  "  ar  Cith  Ruadh,  "  rob 
maith  in  leanma/w  for  firu  Muman  uaib-si.  Ocus  mad  ânes 
impuit,  beridh-si  sibh  fein  as,  ar  bid  oruib  meabhMj  gid  airi- 
sium  doghnithe  ".  Tiagat  iarum  na  shigh  fon  caill  acht  mad 
suail  bec  im  Cormac,  7  t»csat  connadh  caerthainn  leo. 


111.  Ro  raihaighsh  fir  Muman  sin  7  ro  raidhset  ra  Mogh 
Kuith.  "  A  firsochuir  ",  arsiat,  "garet  sutdoni  Le/#Cuind  ? '' 
"  Ga  ret  doghniat  ?  "ar  Mogh  Kuith.  "Fedmunnaramhora  do 
thinol  i  n-ait  n-aenbhaili  eu  nach  lugha  inas  in  enoe  ro  thur- 
nais-si  in  dumha  chonnaid  fil  aca  ".  "  Is  fir  ",  ar  Mogh  Kuith 
ra  fira  Maman,  "  a  freacra-sin  ascoir;  ra  a  dhruidhibh-fein  ro 
impa  Cormac  7  tene  draidhichta  ro  gnithir  acu-sin  ".  Ocus  ro 
raidb  Mogh  Kuith  ra  feruibh  Mumhan  :  "  Imtigidh  ",  ar  se, 
"  fo  chaill  Lethaird  fo  dhes  7  na  rub  luga  bhar  lamhac  eisdi  7 
tabhraid  brosna  braei  laime  gac  ein  fir  libh,  acht  mad  Fiacha 
a  oenar  7  tabhradh-sein  asglà/m  gualunn  leis  do  chrunn 
cruaidh  dageacait  eoin  earraig  a  taeibh  uir-sleibhi  frisi  mben- 
ait  na  tri  foscaidh  .i.  îoscadh  gaeithi  marta,  7  îoscadh  gaeithe 
mara  7  (oscadh  gaeithi  luisin,  ar  daig  gu  rub  lasomam  ra  cet- 
atudh  fon  teined.  Ocus  ni  benfaider  ar  nech  daar  bhur  n-eis 
an  deda  sin  [180  b  2]  do  thabairt  libh  .i.  braei  laime  7  asclann 
ghualann.  Ocus  na  tabhra/d  cuala  ider  na  rub  fotha  aisethi 
duibh  da  bar  n-eisi,  7  nach  abartar  cualuighi  ribh 


112.  Tiagat  iarsin  to  chaill  L^aird  frisin  zbar  Caill  Fhian 
aniu.  Ocus  is  o  na  fiannuibh-sin  Fiachach  Muillethain  meic 
Eogain  ainmnighther  in  caill  o  sin  ile.  Doroacht  leo  iarum  in 
forgnflmfc  7  in  tinol  ro  haithn^d  dibh  eu  fosadlar  in  long- 
phuirt.  Ocus  do  raidh   Mogh  Kuith  ra  Cennmhar  :  "  Atto  7 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire .  107 

mac,  «  et  à  quoi  cela  sert-il  ?  »  «  Voici  »,  dit  Cithruadh.  «  Que 
lesarmées  aillent  dans  le  bois,  et  qu'elles  apportent  du  bois  de 
sorbier  avec  eux,  car  c'est  avec  cela  que  nous  faisons  les  meil- 
leurs feux.  Et  vraisemblablement  on  répondra  du  Sud  de  la 
même  façon  ;  lorsque  les  feux  commenceront  à  flamboyer, 
chaque  parti  surveillera  son  feu.  fit  s'il  arrive  que  les  feux  se 
tournent  vers  le  Sud  (ce  que  je  ne  crois  pas)  vous  aurez  inté- 
rêt à  vous  mettre  à  la  poursuite  des  gens  de  Munster.  Si  c'est 
vers  le  Nord  qu'ils  tournent,  déguerpissez,  car  vous  serezvain- 
cus,  quand  bien  même  vous  vous  obstineriez  à  tenir  tête.   » 

Les  armées  allèrent  donc  dans  le  bois  sauf  une  petite  suite, 
autour  de  Cormac.  et  apportèrent  du  bois  de  sorbier  avec  eux. 

111.  Les  gens  de  Munster  remarquèrent  cela  et  dirent  à 
Mogh  Ruith  :  «  O  protecteur,  qu'est-ce  que  le  parti  du  Nord 
est  en  train  de  faire?  »  «Que  font-ils?  »,  dit  Mogh  Ruith. 
«  Us  réunissent  de  gros  fagots  en  un  même  lieu,  si  bien 
jue  le  bûcher  qu'ils  ont  n'est  pas  moins  haut  que  la  colline 

que  tu  as  abaissée  ».  «  C'est  vrai  !  »  dit  Mogh  Ruith,  «  il  nous 
convient  maintenant  de  leur  riposter.  Cormac  a  eu  recours  à 
ses  propres  druides,  et  ils  sont  en  train  de  faire  un  feu  drui- 
dique. »"  Mogh  Ruith  dit  alors  aux  gens  de  Munster  :  «  Allez 
dans  le  bois  de  Lethaird,  vers  le  Sud,  et  que  votre  dextérité  ne 
soit  pas  moindre  (que  la  leur)  ;  que  chacun  de  vous  apporte 
un  morceau  (?)  ou  une  poignée,  excepté  Fiacha  seul  ;  que  lui 
apporte   une  charge  de  l'arbre  dur  aux   beaux  des 

oiseaux  de  printemps  (?)  pris  au  flanc  de  la  montagne,  où  se 
rencontrent  les  trois  abris  :  l'abri  du  vent  de  Mars,  l'abri  du 
vent  de  la  mer  et  l'abri  du  vent  de  façon  que  le 

feu  flambe  aussitôt  qu'on  l'allumera.  Et  on  n'enlèvera  à  aucun 
de  vos  successeurs  (le  droit  à)  ces  deux  choses  :  une  poignée  et 
un  fardeau  d'épaule.  Et  n'apportez  aucun  fagot,  afin  qu'on  n'en 
fasse  pas  reproche  à  vos  successeurs,  et  qu'on  ne  les  appelle 
pas  «  fagotiers  ». 

112.  Us  allèrent  ensuite  dans  le  bois  Caill  Lethaird,  que  l'on 
appelle  aujourd'hui  Caill  Fhian.  C'est  des  guerriers  de  Fiacha 
Muillethan  mac  Eogain  que  ce  bois  a  pris  le  nom  qu'il  porte 
encore.  Ils  rassemblèrent  et  apportèrent  avec  eux  la  cueillette 
qu'on  leur  avait  demandée,  qu'ils  déposèrent  au  milieu  du 
camp. 


108  M.  L.  Sjoesledt. 

innil  ramhthus  na  teined  ".  Ro  e'irigb  Cennmhar  7  as  e  sui- 
diugud  tue  furre  amal  bis  coichin  '  tre-eochair  7  tri  huilli  fair 
acht  batar  seacht  ndorais  forri  7  ni  ra  butar  acht  tri  doirrsi  ar 
in  tein/d  thuaidh.  Ocus  dano  ni  raibi  su'idiugud  na  corugwf 
forre,  acht  a  chur  n-a  cheann  cheana  in  conm'd. 

113.  Ocus  ro  raidh  Cennmhar  :  "  As  urlumh  so,  acht  gan 
teneann".  Benaidh  Mogh  Kuith  ann  sin  a  thallann  te'med;ocus 
rob  urlamh  an  tene  thuaidh  annsin.  Ro  ghabhadar  som  uili 
grâsacht  7  omun  7  tinni«5  annsin.  Ocus  ro  raidh  Mogh  Kuith 
ra  feruibh  Muman  :  "  Beznaid  uili  co  tinnisneach  taebh-snas  do 
crannuibh  bur  s\egh.  Ocus  ro  bensat  7  tuesat  do.  Doroine-sium 
cuimmscin  2  mor  de-sin  7  do  cuir  in  tene  inn  7  ro  suaitheas- 
dar  iarsin  7  ro  raidh. 

"  Suathuim  tene  trethnach  tren . 

reidhfidh  figh,  feoighfidh  fer 

lasair  lonn,  lor  a  luas. 

ro  sia  snas  sruith  neamh  suas. 

enaifid  fech  fegha  fuinn 

claifid  cath  ar  CVann  Cuinn  "  7  cetera. 
Do    chuir-sium  in   tene  fon  so-dheithb/r-sin  7  ro  ba  lan 
lasommVt  ro  las  7  ro  bo  lanmhor  a  fuaim.  Ocus  do   raidh  an 
rethonV  .i. 

tc  De  druadh  mu  dhe  targac  nde...  " 

114.  "  Gabtar  mo  dhaimh  dam-sa  i  bhiecht  sa  ",  ar  Mogh 
■Kuith,  "  7  coraighther  mo  carpat  forro  7  dano  geibid-si  baa 
n-eocha  bid  i  lamhaib  libh,  7  mad  budh  thuaidh  soidhit  nr 
teindti  rob  maith  in  leanmam  uaib-si  forro-swm  7  mad 
arrûaidh-sm  bhias,  na  hanaidh-si  dib  eu  ro  anar-sa.  Ocus  mad 
a  xuaidh  thisat  denaid-si  bar  n-imdhitean  forro  7  tabhra/d 
deabhtha  doib  i  mbeilghibh  7  a  n-imcuimgibh  7  a  n-eicindi- 
naibh  in  cuicid.  Ocus  as  doigh  nach  bha  heicen  duibh  7  mar 
budh  eïcen  rob  zmlaidh  foichillti-si  ".  Ocus  (is  am\aidh  ro 
can-sam  sin)  ro  chuir  anal  druadh  ind  aieor  7  i  Rrmimint  co 

1.  Faut-il  rapprocher  de  ce  mot  irl.  mod.  cuigean,  «  fait  de  baratter  le 
beurre,  baratte  »,  ou  faut-il  comprendre  cuaichin,  «  petite  coupe  »  ? 

2.  cuimmscin.  Nous  n'avons  pas  retrouvé  ce  mot  ailleurs.  Sans  doute 
doit-on  y  voir  un  composé  de  mesc-  «  mélanger  ». 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  109 

Mogh  Ruith  dit  à  Cennmar  :  «  Allume  et  prépare  le  feu.  » 
Cennmar  se  leva  alors  et  il  disposa  le  bûcher  ainsi  :  il  en 
forma  comme  une  baratte  (?)  qui  avait  trois  côtés  et  trois 
angles,  mais  sept  portes.  Or  le  feu  du  Nord  n'avait  que  trois 
portes  et  il  n'était  ni  disposé  ni  arrangé  mais  on  s'était  borné 
à  entasser  le  bois  comme  il  était  tombé  (?). 

113.  «Le  feu  est  prêt»,  dit  alors  Cennmar,  «il  ne  lui  manque 
que  d'être  allumé  ».  Mogh  Ruith  alors  frappa  son  briquet.  Or 
le  feu  du  Nord  était  prêt  alors.  Tous  furent  saisis  de  crainte  et 
d'une  précipitation  fébrile.  Mogh  Ruith  dit  alors  aux  gens  de 
Munster  :  «  Hâtez-vous  de  couper  des  copeaux  au  côté  de  vos 
bois  de  lance.  »  Ils  les  coupèrent  et  les  lui  donnèrent.  Il  en 
fit  un  mélange  (?),  il  y  mit  le  feu,  et  il  l'agita  en  disant  : 
«  J'agite  un  feu  efficace  et  puissant.. .  »  et  il  jeta  le  tout  dans 
le  feu,  en  toute  hâte.  Il  s'alluma  une  grande  flamme,  avec  un 
grand  fracas.  Mogh  Ruith  dit  la  rhétorique  :  «  Dieu  des 
druides,  mon  Dieu  avant  tout  autre  dieu  »,  etc. 


114.  «  Maintenant  »,  dit  Mogh  Ruith,  «  amenez  mes  bœufs 
et  attelez-les  à  mon  char  ;  tenez  vos  chevaux  prêts  et  en  main. 
Si  les  feux  se  tournent  vers  le  Nord,  il  vous  faudra  vous 
mettre  à  leur  poursuite,  et,  dans  ce  cas,  n'arrêtez  pas  de  les 
poursuivre  que  je  ne  m'arrête  moi-même.  Si  au  contraire  les 
feux  viennent  du  Nord,  défendez-vous  contre  eux,  et  livrez- 
leur  bataille  parmi  les  routes,  les  défilés  et  les  retraites  de 
la  province.  Sans  doute,  ne  serez-vouspas  contraints  aie  faire, 
mais  préparez-vous  pour  le  cas  où  cela  se  produirait  ». 

Ainsi  parla-t-il,  puis  il  envoya  un  souffle  druidique  dans 
l'atmosphère  et  dans  le  ciel,  si  bien  qu'il  se  forma  au-dessus 
de  Cenn  Claire  une  obscurité  et  une  nuée  sombre  d'où  tom- 
bait une  pluie  de  sang.  Et  Mogh  Ruith  dit  la  rhétorique  : 
«  J'envoie  un  sortilège  à  l'aide  d'un  nuage;  une  pluie  de  sang 
en  tombe  sur  l'herbe  »,  etc. 


no  M.  L.  Sjoestedt. 

nderna  mothar  7  duibh-nel  os  Cinn  Claire,  7  braen  fola  as- 
side.  Ocus  do  raidh  Mogh  Ruith  in  relhoiric. 

"  Ferim  brict  a  nirt  nel,  eu  ma  braen  fola  arfer  ",  etc. 

115.  O  thairnic  in  rethomV-sin  ros  geibh  an  cith'  co  raibhi 
os  Cinn  Claire,  ros  geibh-  as-sidhe  co  mbai  os  cind  long- 
phuirt  Chormaic  7  ros  geibh  as-side  co  Temraigh. 

Do  raidh  Cor mac  ra  Cith  Kuadh  :  "  Ga  fuaim-so  roclui- 
neam  ?  "  "  Braen  fola  ",  ar  Cith  Ruadk,  "  doronad  tre  dian 
draidechta,  7  as  rinne  tiefa  a  uillida  ".  Ba  holc  la  Leth  Cuind 
sin  7  doronsàt  glor  7  seisilb  moir  uime.  Ocus  atbm  Cith 
Ruadh  in  laid.  "  Atciu-sa  cith  do  Claire  7  rel.  ". 

Do  batar  tra  coillte  7  fegha  mora  ar  clarmhedhon  Muman 
intan-sin,  .i.  an  Ghiusach  o  tha  Druim  nEogubuil  sair  co  bea- 
luch  Chaille  Tochail,  ocus  Colltanan  o  Druim  Eogubhail  suas 
co  Claire  7  Ros  Cno  o  Druim  Eogobail  siar  co  hEsmaige,  7 
Glenn  mBebhthach  ider  dha  rot  o  Druim  Eogobail  sis  gu 
hAine,  7  gu  carn  Verzdhaigh. 


116.  Ro  fiafraig  Mogh  Ruith  :  "Cinnus  atait  na  teinnti  ?  ' 
"  Atat  ",  ar  siat,  "  cach  dibh  ag  falmaisiu  a  cheili  re  hor  slei- 
bhi  siar  7  sis  iarsin  co  Druim  nAsail  7  co  Sinainn,  7  iarsin 
cus'inn  ait  chetna  ". 

Ro  fiafraigh  Mogh  Ruith  :  "  Cinnus  atat  na  teinnti  ?  "  ((  Atat 
fon  tuaruim  cetna  ",  ar  iat,  "  7  ni  farcaibset  figh  na  fer  ar 
clarmhedhon  Muman  gan  loscad  ".  Ocus  as  machaire  o  sin 
ille. 

Roîiarfaigh  Mogh  Ruith  :  "  Cinnus  atat  na  teinnti?  "  «  Adh- 
rachtadur,  "  ar  siat  "  co  firw/mint  7  co  neolu  nime,  7  atat 
mar  bit  da  laech  lonna  luthmura  no  da  leoinn  letarthaca, 
cach  dhibh  oc  folmaisi  a  cheili  ". 

117.  Tucad  tra  a  sèche  thairb  maeil  uidhir  co  Mogh  Ruith, 
7  a  encennach  alath  brec  con-a  foluam^m  ethaidi,  7  a  aidme 
drùdhechta  ar  cena.  Ocus  dosrala  suas  a  comuidecht  na  teined 
ind  aeor  7  i  i\rmimint  7  gabustar  ac  sodh  7  ag  buzladh  na  tei- 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  1 1 1 


115.  Dès  qu'il  eut  fini  cette  rhétorique,  la  nuée  se  mit  en 
marche  et  vint  au-dessus  de  Cenn  Claire,  de  là  au-dessus  du 
camp  de  Cormac,  et  de  là  à  Tara. 

Cormac  dit  à  Cithruadh  :  «  Quel  est  ce  bruit  que  nous 
entendons?  »  «  C'est»,  dit  Cithruath,  «  une  pluie  de  sang, 
suscitée  par  un  sortilège  druidique,  et  c'est  nous  qui  en  sup- 
porterons les  effets  funestes.  »  Le  parti  du  Nord  prit  cela  fort 
mal,  et  tous  firent  un  grand  bruit  et  un  grand  tumulte  en  l'en- 
tendant. Cithruadh  prononça  le  poème  :  «  Je  vois  une  nuée 
au-dessus  de  Claire  »,  etc. 

Il  y  avait  alors  des  bois  et  de  grandes  forêts  dans  la  plaine 
centrale  de  Munster  :  le  Giusach,  depuis  Druim  nEogubuil 
en  allant  vers  l'Est  jusqu'au  chemin  de  Caille  Tochail,  Coll- 
tanan  depuis  Druim  nEogubuil  en  remontant  jusqu'à  Claire, 
Ros  Cno  depuis  Druim  nEogubuil  eu  allant  vers  l'Ouest  jus- 
qu'à Esmaige  ;  enfin  Glenn  Bebhthach  (entre  les  deux  routes), 
depuis  Druim  nEogobuil  en  descendant  vers  Aine  et  Carn 
Feradhaigh. 

116.  «  Comment  sont  les  feux?  »  demanda  Mogh  Ruith. 
«  Ils  se  poursuivent  l'un  l'autre  »,  dirent-ils,  «  en  rasant  la 
montagne,  à  l'Ouest  et  au  Nord,  jusqu'à  Druim  nAsail,  jus- 
qu'au Shannon,  puis  reviennent  à  leur  point  de  départ.  » 

«  Comment  vont  les  feux.?  »  demanda  Mogh  Ruith.  «  Tou- 
jours de  même  »,  dirent-ils.  «  Ils  n'ont  laissé  ni  bois  ni  herbe 
dans  toute  la  plaine  centrale  de  Munster,  sans  les  brûler.  »  Et 
ce  lieu  est  une  lande  depuis. 

«  Comment  sont  les  feux  ?  »  demanda  Mogh  Ruith.  «  Ils  se 
sont  élevés  jusqu'au  firmament  et  jusqu'aux  nuages  du  ciel», 
dirent-ils,  «  ec  ils  sont  semblables  à  deux  guerriers  puis- 
sants et  furieux,  ou  à  deux  lions  dévorant  se  poursuivant  l'un 
l'autre.  » 

117.  On  apporta  alors  à  Mogh  Ruith  sa  peau  de  taureau 
brun  sans  cornes  et  sa  coiffure-oiseau  tachetée  au  vol  ailé, 
et  ses  autres  instruments  druidiques  :  et  il  s'éleva  dans  l'air 
et  dans  le  ciel  en  même  temps  que  les  feux,  et  se  mit  à  les 


H2  M.  L.  Sjoestedt. 

ned  budh  thuaidh,  7  ro  cban  in  rethon'c-so  :  "  Saigti  druadh 
dolbaim-si,  7  rel.  ".  Gabus  Mogh  Kuith  ag  bxinladh  na  te'med 
budh  tuaidh  iarum.  Ocus  gabhttj  Cith  Kuadh  fon  cuma  cedna  a- 
tuaidh.  Arai-sin,  ro  impo  Mogh  Ruith  na  teinnti  fo  tuaidh,  7 
dousrah  i  ceann  longphuirt  Cortnaic  7  nir  leic  [Mogh  Kuith 
cenn  do  thocbhail  doibh  o  tous  turn  einfecht.  Dorochair  Cith 
Kuadh  ann  sidhe  co  n-a  slogh  druadh  in  alla  this  7  co  n-a 
slôgh  sidhe.  Ocus  ro  coirghit  acu-san  na  catha  crodha  com- 
mora  conacaillti,  7  ro  coirged  lorg  7  tosach  forro,  7  tugfld  lei- 
binn  sciath  impa  da  gac  \eth  7  gabsat  rompa  i  remthus  tseda 
7  imdheachta,  or  nir  leics^t  a  ndraithi  doibh  fosugttdra  tabairt 
catha  na  comhla*'«n  7  do  aithnedardhibh  maith  do  dhenamh 
intan  b«d  eicen. 


118.  Tainic  dono  Mogh  Rw^anuas  iarsin,  7  dodechaid  a  n-a 
charpat  caemh  cumdachta  for  damaibh  dreamhna  dzsachtaca. 
eu  luas  gaeithi  Marta,  con  athlaime  ethaiti  7  sèche  thairbh 
maeil  uidhir  lais  7  tainic  i  remtus  rompa,  7  do  chuir  Cenn- 
mhar  uatha  do  gresacbt  fer  Muman  7  tancatar  co  hescad  i 
lenmam  in  druadh.  [181  b  1]  O  ro  siachtadar  co  hArd  Cluain 
na  Feihne,  is  ann-sin  rugad  ar  deiredh  in  tsloigh,  7  nir  imposit 
friu  in  lucht  aile.  Gabsat  fir  Muman  annside  anoir  7  aniar 
futhaibh  amar  tizgait  coin  fa  min-chetraib,  .i.  treotha  7  tarrsa 
ic  a  ndicennad  7  ica  n-airsecar  ider  ânes  7  a  tuaidh,  ag  cur  na 
n-ar  forro  eu  rancawr  co  Magh  nUachtar  i  crich  Ur-Muman, 
frisin  abar  Magh  Raidne  aniu.  Ocht  cet  immorro,  ba  he  tsbaïth 
in  tsloi^  conice  sin. 


119.  Cunad  annsin  ro  tizrfaigb  Mogh  Kuith  is  se  i  ramtus 
rompa  :  "  Cia  is  nesa  dun  annso  ?"  7  forfidzrgia  ro*  ûzrfaigh. 
"  Ata  triar  forusta  finnliath  ann",  ar  siat,  "  Cecht,  Crota, 
Cith  Kuadh  sin  ".  "  Ro  geallustar  mu  dee  dam-sa  co  ndin- 
gnitis clocha  dhib  intan  no  bherainn-si  forro,  acht  eu  tarduinn- 
si  mo  anal  futhaib.  "  7  twe  som  anal  druagh  futhaibh  con- 
derna  clocha  dibh,  7  is  do  na  dochaibh-sin  gairther  Leaca 
Raighne  aniu.  Antan  tra  no  trialidais  fir  Muman  airisium,  is 


Le  siège  de  Druinî  Damhghaire.  1 1 3 

battre  de  façon  à  les  tourner  vers  le  Nord,  en  chantant  la 
rhétorique  :  «  Je  fabrique  les  flèches  du  druide  (?)  »,  etc. 

Il  se  mil  donc  à  frapper  les  feux  pour  les  tourner  vers  le 
Nord.  Et  Cithruadh  se  mit  à  les  frapper  de  même  vers  le 
Sud.  Malgré  ses  efforts,  Mogh  Ruith  tourna  les  feux  vers  le 
Nord,  et  ils  s'en  allèrent  au-dessus  du  camp  de  Cormac,  et  il 
ne  permit  point  aux  feux  de  se  dresser  une  fois  qu'il  eut 
réussi  à  les  rabattre.  Cithruadh  s'abattit  alors  par  terre  avec 
son  armée  de  druides  et  de  fées.  Ils  se  mirent  alors  à  ranger 
les  vaillants  bataillons  nombreux  et  ; 

ils  disposèrent  l'avant-garde  et  l'arrière-garde  et  les  encadrèrent 
d'une  muraille  de  boucliers.  L'armée  se  mit  alors  en  marche, 
sans  que  les  druides  leur  permissent  de  s'arrêter  pour  livrer 
bataille  ;  ils  recommandèrent  aux  hommes  de  faire  leur  devoir 
lorsqu'il  serait  nécessaire. 

118.  Mogh  Ruith  descendit  alors  et  monta  dans  son  beau 
chariot  bien  orné  attelé  de  bœufs  impétueux  et  furieux  aussi 
rapides  que  le  vent  de  Mars,  aussi  agiles  qu'un  oiseau.  Il  prit 
avec  lui  sa  peau  de  taureau  brun  sans  cornes,  et  s'avança  à  la 
tête  de  l'armée.  Il  envoya  Cennmar  presser  les  gens  de  Muns- 
ter, et  tous  s'avancèrent  pleins  d'ardeur  à  la  suite  du  Druide. 

Lorsqu'ils  parvinrent  à  Ard  Cluain  na  Fene,  ils  rejoignirent 
l'arrière  de  l'armée,  sans  que  le  reste  de  l'armée  se  portât  à 
son  secours.  Les  guerriers  de  Munster  parcoururent  les  rangs 
ennemis  de  droite  et  de  gauche,  tels  des  chiens  au  milieu  de 
petit  bétail,  les  traversant,  les  transperçant,  les  décapitant,  les 
au  Nord  et  au  Sud,  les  massacrant,  jusqu'à  ce  qu'ils 
parvinssent  à  MaghUachtair,  dans  la  région  est  du  Munster, 
aujourd'hui  Magh  Raidhne.  Les  pertes  de  l'armée  s'élevaient 
alors  à  huit  cents  hommes. 

119.  C'est  alors  que  Mogh  Ruith  demanda,  comme  il 
s'avançait  le  premier  :  «  Qui  donc  se  trouve  immédiatement 
devant  nous  ?  »  Et  il  le  savait,  quoiqu'il  le  demandât.  «  Ce 
sont  trois  guerriers  imposants  aux  cheveux  gris  »,  lui  répon- 
dit-on, «  Cecht,  Crota  et  Cithruadh.  «  Mon  dieu  m'a  promis 
que  je  les  transformerais  en  pierres  quand  je  les  aurai  à  ma 
portée,  si  seulement  je  parviens  à  souffler  sur  eux  ».  Il  leur 
envoya   un  souffle  druidique,  si   bien  qu'il  les  transforma  en 

Revue  Celtique,  XL1II.  8 


114  M.  L.  Sjoestedt. 

ann-sin  ba  daithe  7  ba  treisi  no  bidh  Mogh  Kuith  ic  maidim 
cucca,  7  nir  leic  dhoibh  anad  co  rancatar  coSliabh  Fuait  in  la- 
sin.  Ro  saidlW  pupall  Fiachach  annsin  7  as  e  ainm  an  \na\dh 
sin,  Inad  pupla  Fhchach  o  sin  ille. 


120.  Taircit  Leth  Chuinn  iamm  gac  giall,  7  gac  cain  7  gac 
cis  bud  ail  d'feraibb  Muman  do  tabairt  daib  forro.  O  ro  feidh- 
ligheastar  ann  nir  gabh  Mogh  Kuith  7  Mogh  Corb  7  Fiacha  7 
Fir  Muman  ar  cena  no  gu  mbeidis  da  mi  7  da  raithi  7  da 
bliagamtuaidh.  Ocus  adubhradar  gidh  annsin,  nach  gebhduis 
coma  aili  no  gu  ûsed  Cormac  fein  leo  co  tech  Fiacha,  o  na 
fetastar  tra  Cormac  a  imdhiten  forra  7  na  rabha  aca  cumhang 
gabhala  dhibh  a  chriche  d'mnrudh  7  d'argtf/«.  Tàinic  fein  7 
tue  a  chain  7  a  chis  doibh. 

Ro  choimeirigh  Fiacha  co  bhferuib  Muman  7  tancatar 
rompa  i  ramthus  tseta  7  ni  hindistar  a  n-imthusa  eu  rancatar 
enoe  Raphund. 

Tucad  iarum  Connla  mac  Taidg  meic  Cein,  mac  bratar 
athar  d'Flachaigh  eisein  for  altram  do  Cormac,  7  ro  leasaiged 
ag  Cormac  in  iruzc-sin  fo  chain  lesaighthi.  Ocus  batar  zmlaidh- 
sin  re  cian  7  treimhsi  fa  sidh-corus  etarra. 


121.  Gabhsat  fir  Muman  ga  r\arfaighidh  do  Mogh  Kuith  ga 
lin  [181  b  2]  idir  àbhus  7  tuaidh  7  cia  dhe  as  mo  ro  dkhiged 
ann.  As  leir  tra  ro  eirnestar  dhoibh  7  tue  in  laid  ar  aird  : 
"   Ceathra  cet   laemh   laechda  a  lin-    da   cethrachait  ra   a 

coi  m  ri  m. 
D'feruibh  Muman  co  mb^^a*  ro  marbsat  na  haindrechta1. 
Cûic  druidh  Chorma/c  dolbsat  dan"  ar  L«7/;Mogha  na  mor 

dhal. 
Lin  ro  marbta  fa  gnim  ghle*  tre  doilbhtib  dealbthadraidhe. 

1.  Graphie  phonétique  pour  ainrechta. 


Le  siège  de  Druim  Damhahaire.  115 

pierres  ;  c'est  de  ces  pierres-là  que  tire  aujourd'hui  son  nom 
Leaca  Raighne. 

Lorsque  les  gens  de  Munster  essayaient  d'arrêter,  Mogh 
Ruith  les  poussait  avec  une  vitesse  et  une  énergie  redou- 
blées ;  il  ne  leur  permit  de  s'arrêter  que  lorsqu'ils  eurent 
atteint  Sliabh  Fuait,  ce  même  jour.  Fiacha  planta  sa  tente  là; 
depuis  on  appelle  ce  lieu  «  Inadh  pupla  Fiachach  »  (Emplace- 
ment de  la  tente  de  Fiacha). 

120.  Le  parti  du  Nord  offrit  alors  aux  gens  de  Munster  de 
leur  donner  tous  les  otages,  tributs  et  contributions  qu'il  leur 
plairait.  Mogh  Ruith,  Mogh  Corb,  Fiacha  et  les  gens  de  Muns- 
ter n'acceptèrent  rien  avant  qu'ils  eussent  passé  deux  mois, 
deux  trimestres  et  deux  années  dans  le  Nord  à  dater  du  jour 
où  ils  s'arrêtèrent  là.  Même  alors  ils  déclarèrent  qu'ils  n'accep- 
teraient aucune  contribution  à  moins  que  Cormac  lui-même 
ne  vînt  avec  eux  jusqu'à  la  demeure  de  Fiacha,  du  moment 
que  lui,  Cormac,  n'était  pas  en  état  de  se  défendre  contre  eux 
et  de  les  empêcher  d'envahir  et  de  dévaster  sa  province.  Il  vint 
donc  en  personne  leur  remettre  son  tribut  et  sa  contribution. 

Fiacha  se  mit  en  marche  avec  les  gens  de  Munster  ;  ils  pour- 
suivirent leur  route,  mais  l'on  ne  dit  rien  de  leurs  aventures 
jusqu'à  leur  arrivée  à  Cnoc  Raphann. 

Connla  mac  Taidgmeic  Cein,  fils  du  frère  du  père  de  Fiacha 
fut  envoyé  à  Cormac  pour  qu'il  l'élevât,  et  Cormac  prit  soin 
de  l'éducation  de  ce  jeune  homme,  cette  éducation  lui  étant 
imposée  en  manière  de  redevance.  Ils  restèrent  ainsi  pendant 
longtemps  en  paix  les  uns  avec  les  autres. 

121.  Les  gens  de  Munster  demandèrent  à  Mogh  Ruith 
quelles  étaient  les  pertes  subies  par  les  partis  du  Nord  et  du 
Sud,  et  lesquelles  avaient  été  le  plus  considérable.  Mogh  Ruith 
le  leur  exposa  clairement,  et  il  récita  le  poème  : 

Quatre  cents  braves  guerriers  —  tel  est  leur  nombre  — 
et  de  plus  quatre-vingt,  d'après  mon  calcul.  Tel  est  exactement 
le  nombre  des  guerriers  de  Munster  qui  ont  été  tués  par  les 
prodiges. 

Cinq  druides  de  Cormac  forgèrent  des  sorts  contre  les 
provinces  du  Sud  aux  grandes  assemblées.  Tel  fut  le  nombre 
tué  lors  d'une  action  brillante  par  les  sortilèges  spécieux  des 
druides. 


n6  M.  L.  Sjoestedt. 

Dolbsat  '  tri  cona  cora'  do  dhith  na  caerec  crodha. 
Dolbsat  murescongfo  muir  ra  dith  Colptha  7  Lurguin. 
Ro  sos  na  teindti  bhu  tuaidh'  ar  Leth  Chuinn  na  daidetn  cru- 

aidh 
Tucus  nert  mna  s*Wta  sair  a  clannuib  Chuinn  Cetcathaigh 
Ro  claenad  in  cath  ar  Conn*  la   Mumain  m'iadaigh,  met 

nglonn 
Ar  ndith  a  n-aesa  dana*  ra  dirgit  ra  dighbala. 
Ceatra  cet  ruirech  isrigrr  do  sîôgb  Cormaic  rz  a  coimhrimh 
Co  Formaeil  ba  grès  os  graigh*  do  dannaib  Cuind  Cetcat- 

haig 
Ceatra  cet  gilla  nglomhair  do  s\ogh  Cormaic  ar  conuir 
Ro  marbtha  fa  coimlin  gle-  ider  Formaeil  is  Raidne. 
Crota,  Cect,  Cithruadh  don  muigV  draithi  sil  Cuinn  Cet- 

cathaig 
I  Maigh  Raidne  do  ruadh  graigh*  ro  sodh#.f  i   cruadhdo- 

chaibh. 
Cbcha.  coimh^/uit  ferta*  beit  an  co  brachuib  bechte 
Bidh  ail  do  Leth  Cuinn  a    n-ainm.    Leaca  Raidhne    re 

roghairm. 
Cûic   morseisir   batflr    ann'    gan  ainm   orro  acht  cuic  an- 

mann 
Tucsat  ceim  cuire  for  cul'    ga  neoch    uili   acht  mad  ein- 

triur. 
Seacht  Cechtj  secht  Crota  gu  coir*  seacht  Cithaigh  is  seacht 

Qthmoir 
Seacht   Cithruaidh   co  ngnim  ngarbh   ngle*   gu   ndanuibh 

doilbthe  draithe. 
.'.  .  .  Ath  2  an  tsXuaigh'  sist  o  Maigh  Raidne  budh  thuaid 
Sluagh  seacht  iichix  ro  gaet  ann'  &os\uagh  Cormaic  niche- 
la  m 
Da  iichit  7  dâ  cet  '  on  ath-sin  sair  no  chu  brec 
Os  gach  conuir  do  Leth  Cuind*  doibh  nir  comuidh  a  liat- 

truin 

1 .  Ici  le  poète  semble  oublier  que  ce  poème  est  placé  dans  la  bouche  de 
Mogh  Ruith,  et  il  emploie  la  }e  personne  au  lieu  de  la  ire  qu'on  retrouve 
au  distique  suivant. 

2.  Sans  doute  y  a-t-il  une  lacune  avant  ce  mot;  le  vers  en  effet  ne  se 
Dsande  pas. 


Le  siège  de  Druitn  Damhghaire.  117 

Ils  créèrent  trois  chiens  bien  dressés  pour  détruire  les  brebis 
cruelles.  Ils  créèrent  une  anguille  de  mer  sous  les  flots,  pour 
tuer  Colptha  et  Lurga. 

J'ai  tourné  les  (eux  vers  le  Nord  contre  le  parti  du  Nord 
aux  glaives  valeureux.  Je  n'ai  laissé  que  la  force  d'une  femme 
en  couches  aux  habitants  de  l'Est,  aux  descendants  de  Conn 
Cetcathach. 

Le  combat  tourna  mal  contre  Conn,  au  bénéfice  des  vail- 
lants Munstériens  (grande  action).  Après  la  mort  des  hommes 
de  l'art,  ils  furent  plongés  dans  la  détresse. 

Quatre  cents  seigneurs  ou  rois  des  armées  de  Cormac,  d'après 
mon  calcul  (furent  tués)  jusqu'à  Formael  —  leurs  chevaux  ne 
firent  qu'une  étape  —  parmi  les  descendants  de  Conn  Cet- 
cathach. 

Quatre  cents  brillants  valets  d'armes  de  l'armée  de  Cormac 
sur  la  route,  furent  tués  —  d'après  un  calcul  loyal  — -entre 
Formael  et  Raidne. 

Crota,  Cecht,  Cithruadh  dans  la  plaine,  les  druides  de  la 
race  de  Conn  Cetcathach  ;  dans  Magh  Raidhne  aux  chevaux 
rouges,  ils  furent  changés  par  moi  en  dures  pierres. 

Les  pierres  qui  signalent  leur  tombe  resteront  à  perpétuité. 
Leur  nom  sera  une  honte  pour  les  provinces  du  Nord.  C'est 
Leaca  Raidhne  qu'on  les  appelle. 

Il  y  avait  là  cinq  groupes  de  sept  hommes  qui  n'avaient  à 
eux  tous  que  cinq  noms.  Toutes  les  armées  battirent  en  retraite, 
tous,  excepté  trois  hommes  (?). 

(Il  y  avait)  sept  Cecht,  sept  Crota  —  en  vérité  —  sept 
Cithach  et  sept  Cithmor,  sept  Cithruadh  —  fière  et  brillante 
leur  action  —  qui  possédaient  le  secret  de  mystérieux  sortilèges 
druidiques. 

Ath  an  tsloigh  (Lé  Gué  de  l'armée)  quelque  peu  au  Nord 
de  Maigh  Raidhne.  Cent  quarante  hommes  y  périrent  parmi 
les  armées  de  Cormac  —  je  ne  le  cache  pas. 

Deux  cents  quarante  périrent  à  partir  de  ce  gué  en  s'en 
allant  vers  l'Est  (ceci  n'est  pas  un  mensonge).  Sur  chaque  che- 
min, pour  le  parti  du  Nord 

Mille  quarante  et  huit  hommes  durant  la  poursuite,  telles 
lurent  les   pertes  éprouvées  par  le  parti  du  Nord  combattant 


i  l8  M.  L.^Sjoesledl. 

Deic  cet  7  da  ùchit  'dias  ar  seiser  ro  saighet 

Ba  si  esbaidh  Leithi  Cuintv  ra  ùa  nAililla  oluim. 

O  Druim  DamhgrunV/    duanaigh'  co  slig/d  moir  Midhual- 

\aigh. 

Mor  in  gnimh,  ro  cloerwd  cro"  is  a  dhenamh  a  n-aenlo 

As  e  uidhi  is  mo  rue  fian-  ar  gnimuib  glé  7  gliagh 

O  Chinn  Clairi  ba  cuairt  gle*  bud  thuaidh  gu  Glenn  Kigh 

Righe. 

Ro  cind  Fiacha   fictib  shiagh'  ro   cind   Mogh   Corb  Claideb 

vuadh 

Nac  biad  a  riar  da  gfle  ait*  no  go  mad  e  a  ngiall  Connue. 

O  ro  eimdhigh  Comme  cain'  imgabtfd  Fiacha  fum[  J. 

Nirgabhudh  uadh  acht  a  dhail"  ge  thairg/d  mor  fore/air. 

Ro  scailseat  fir  Mhumtfw  iarsîn  o  chnucc  Raphann,  7  docoidh 
cach  dib  da  thigh  7  da  [182  a  1]  dhûn-aras  fadhesin.  Ocas 
dochoidh  Cor  mac  co  Temraigh. 

122.  Ro  leasaig^d  tra  Connla  ag  Corniac,  amal  adubhrumur, 
cur  bo  inghnima  7  cur  bo  urrzmad  7  gur  szmluigh  Ere  fris  ar 
a  mhaitius.  Cur  ghabh  leannanacht  re  araili  mnai  a  Sidh  Locha 
Gabar  7  gur  saruigh  hi  gan  deoin  di.  Ocus  ro  chu'irmigh  si 
ascaid  fair,  .i.  dul  le  isin  sith,  7  ni  dhechaid.  "  Tar  ",  ar  si, 
"  co  twea  h'zdhaidh  ar  an  ndun  anunn  co  n-aicet  in  tsluaigh, 
o  nach  teighi  fein  inn  ".  Teit-sium  co  tard  a  adhadh  ar  an 
sidh.  Ro  indis  in  ben  (oceto'ir  thall  in  gnimh  doronad  tria. 
Batar-somoc  iaruidh  chora  fair.  Ocus  ni  thuc.  "'  Ro  mhillis  ar 
n-ein^ch  ",  ar  siat.  "  Adeirthi-si  ",  ar  se,  "  do  mhillntf  "'. 
"  Millfimit-ne  h'ein^ch-sa  inn  ",  ar  iat-som.  Ocus  t«csat" a  n- 
anala  uili  faicu  rotas  bruthmaeili  claime  o  mhulluch  eu  bonn 
trid  7  ba  himurcach  dano  an  bruth-sin  for  a  chinn  7  for  a 
zxdhidh  7  robaithrrac  in  tun/j-sin. 


123.  Ocus  .  ^  '  y.po  ar  cula  gu  brocach  brocumac  co  hairm 
contre  le  petit-fils  d'Oilill  Olum,  depuis  le  célèbre  Druim 
Damhghaire  jusqu'à  la  grande  route  de  Midhuallach. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  119 

C'est  une  grande  et  sanglante  action  et  qui  fut  accomplie  en 
un  seul  jour.  C'est  là  la  plus  grande  expédition  que  guerrier  ait 
jamais  entreprise,  la  plus  féconde  en  actions  d'éclat. 

Depuis  Cenn  Claire  ce  fut  une  route  splendide  jusqu'à  Glenn 
Righ  Righe  dans  le  Nord.  Fiacha  aux  nombreux  bataillons 
et  Mogh  Corb  au  sabre  rouge  décidèrent  qu'ils  ne  seraient 
pas  satisfaits  que  Cormac  ne  fût  devenu  leur  otage. 

Du  moment  que  le  beau  Cormac  a  refusé  ce  que  Fiacha 
lui  offrait,  il  ne  recevra  de  lui  que  ce  qu'il  plaira  à  Fia- 
cha, quoique  celui-ci  lui  ait  d'abord  beaucoup  offert. 

Les  Munstériens  quittèrent  ensuite  Cnoc  Raphann,  et  s'en 
retournèrent  à  leurs  demeures  et  à  leurs  résidences  respectives. 
Cormac  de  son  côté  s'en  retourna  à  Tara. 


122.  Connla  fut  élevé  près  de  Cormac,  comme  nous  l'avons 
déjà  dit,  si  bien  qu'il  devint  habile  au  métier  des  armes  et 
bon  gentilhomme  et  qu'il  était  cité  en  modèle  à  toute  l'Ir- 
lande, tant  il  excellait  en  tout.  Il  se  prit  d'amour  pour  une 
femme  de  Sidh  Locha  Gabar,  et  il  l'outragea,  malgré  sa  résis- 
tance. Celle-ci  lui  demanda  comme  une  grâce  de  venir  avec 
lui  dans  sa  demeure  magique  :  il  n'y  vint  pas  :  «  Viens  du 
moins  »,  dit-elle,  «  et  tourne  ton  visage  vers  la  place  forte 
qui  est  en  face  de  toi,  pour  que  la  population  (du  Sidh)  puisse 
te  voir,  du  moment  que  tu  n'y  vas  pasen  personne».  Il  vintavec 
elle  et  tourna  son  visage  vers  la  demeure.  La  femme  aussitôt 
raconta  aux  gens  de  l'autre   rive  l'outrage  qu'on  lui  avait  fait. 

Tls  demandèrent  alors  réparation  à  Connla.  Il  refusa  :  «  Tu 
nous  as  déshonorés  »,  dirent-ils.  «  Vous  pouvez  bien  le  dire», 
dit-il.  «  Nous  te  déshonorerons  donc  »,  dirent-ils.  Et  tous 
projetèrent  leur  haleine  sur  lui,  si  bien  qu'une  éruption  de 
gale  chauve  poussa  sur  lui,  de  la  tête  aux  pieds,  et  cette  érup- 
tion était  abondante  sur  sa  tête  et  son  visage;  et  il  regretta, 
alors,  son  action. 

123.  Il  s'en  retourna,  tout  souillé  et  défait  auprès  de  Cor- 
mac. Celui-ci  jeta  les  yeux  sur  Connla,  et  éclata  en  gémisse- 
ments. «  Qu 'as-tu  donc,  Cormac,  mon  cher  ami  ?  »  «  J'ai  que 


120  M.  L.  'Sjoestedt. 

i  mbai  Cormac.  Sillis  Cormac  ar  Connla  7  mebhais  a  chaifair. 
"  Cidh  ima  tai,  a  mu  poba,,a  Cormaic?  "  "  A  truma  leam  ", 
ar  Cormac,  "  do  beith-si  amlaidh-s'm  7  met  do  gradha  leam. 
Ocus  fos,  as  tu  ro  saeileas  do  dhidhuil  mu  chnedh  ar  Fhiachfl/^/; 
\c  cosnum  righi  Muman  dhuid  '  ".  "  Ni  ro  cualai  ",  ar  Connla, 
"  7  nî  ro  foirfedh  nech  ar  an  ngalar-sa  ".  "  Gia  ro  chuala  ", 
ar  Cormac,  "  ni  fuigbea-sa  \âir  he".  "Cidheiside  ?"ar  Connla. 
"  Fuil  righ  flatha  ",  ar  Cormac,  7  t'fothragad  eisde.  "  Cia 
esrde  ?  "  ar  Connla.  "  Fiacha  Mu'ûlet  han  ",  ar  Cormac,  "  as  e 
in  flaith  7  ro  bad  fingal  duit-si  a  marbad,  7  as  doig  dia  ruca 
fort,  co  ticfa  th'foiridin  de  ".  "  As  ferr  leamsa  ",  ar  Connla, 
"  bas  carat  damh  inas  mo  beith  fein  amlaidh-so,  da  mad  derbh 
leam  cena.  sin  ".  "  Toingim  na  toing  mo  thuath  ",  ar  Cormac, 
"  eu  nad  fior  ".  "  Ragat-sa  fris  dano  ",  ar  Connla. 


124.  Teit  iarum  eu  Cnoc  Raphunn  co  tech  Fiachach.  Ba 
bron  mor  la  Fiacha  a  beilh-sium  amh\aidh-sud,  7  ro  choi  uime 
7  ro  fer  faz'/te  fris.  Ocus  ro  triaWadh  a  leighes  aigi  iardain  7  t«c 
trian  a  chogair  do  7  a  \eaba\dh  a  comhairdi  fria  leabaidh  7  as  e 
noslonnadh  aitheasc  uaidh  7cuigi  7doberthealoghimp*didho. 
Ocus  batorcocian  fon  innus-sin.  Ocus  teighed  amach  7  amuigh 
immalle  7  Fiacha  co  mime.  Co  tancatar  la  n-aen  ra  taeb  na 
Suire  [182  a  1]  7  ro  thimghair  Fiacha  a  fothragad,  7  benus  a 
edtfch  dhe  7  facbhais  a  laighin  leathanglais  tuas  ag  Connla.  Ro 
gab  Connla  in  laighin  7  dorât  a  bFiacha  co  rue  urrind  trit. 
«  Truagh  sin  »,  ar  Fiacha  «  as  bron  ar  braithre  sin  7  as  breis 
nu  echta  7  as  tre  moirindlach  mbidhbai/  doronad  ».  Ocus 
atbeart  :  «  Indlach  bidbtfJ.  bron  ar  braithre.  .  .   ». 


125.  Atberc  Fiacha  :  «  Deria  th'fothr.igad  amail  adubrad 
friut.  Acht  cens.,  gidh  done,  ni  targha  do  chabair  de,  7  bidh 
(a'ùid  rat  naimdib  sin  ».  Conad  he  sin  fata  bais  7  aidtdha  Fia- 
chach.  Ass  ann  doronai  sin  ag  Ath  Leathan,  re  n-abar  Ath  Isiul 


1.  La  souillure  qui  atteignait  Connla  rendait  impossible  son  accession 
au  trône,  et  réJuisait  par  là  même  à  néant  les  projets  de  Cormac. 


Le  siège  de  Druim  Dambghaire.  121 

je  ne  puis  supporter  »,  dit  Cormac,  «  de  te  voir  dans  un  tel 
état,  tant  est  grande  l'affection  que  je  te  porte.  Et  de  plus, 
c'est  sur  toi  que  je  comptais  pour  venger  mes  griefs  envers 
Fiacha,  car  je  t'aurais  assuré  le  trône  de  Munster  ».  «Ne con- 
nais-tu »,  dit  Connla,  «  aucun  remède  qui  puisse  avoir  raison 
de  cette  maladie?  »  «  Quoique  j'en  connaisse  »,  dit  Cormac, 
ce  n'est  rien  que  tu  puisses  obtenir  ».  «  Quoi  donc  »,  dit 
Connla.  «  Le  sang  d'un  roi  »,  dit  Cormac,  «  pour  t'y  baigner  ». 
«  Qui  est  ce  roi  ?  »  dit  Connla.  «  Fiacha  Muillethan  »,  dit 
Cormac,  «  est  ce  roi,  et  tu  te  rendrais  coupable  du  meurtre  d'un 
parent  en  le  tuant.  Mais  si  tu  t'appliquais  son  sang,  tu  en 
recevrais  la  guérison  ».  «  J'aime  mieux  »,  dit  Cormac,  «  que 
périsse  un  ami,  plutôt  que  de  rester  moi-même  dans  cet  état, 
si  du  moins  je  dois  croire  ce  que  tu  me  dis  ».  «  Je  te  jure  le 
serment  que  jure  mon  peuple  »,  dit  Cormac,  «  que  cela  est 
vrai  ».  «  J'irai  donc  le  trouver  »,  dit  Connla. 

124.  Il  alla  à  Cnoc  Raphann,  à  la  résidence  de  Fiacha  ; 
Fiacha  fut  désolé  de  le  voir  dans  cet  état,  il  s'en  affligea,  et 
lui  souhaita  la  bienvenue.  Il  s'efforça  de  le  guérir,  lui  donna 
le  tiers  de  sa  confiance,  un  lit  aussi  haut  que  son  propre  lit  ; 
c'est  Connla  qui  expliquait  les  avis  (?)  qu'il  envoyait  ou  rece- 
vait, et  il  recevait  le  salaire  dû  à  ses  offices  de  messager.  Et  ils 
furent  longtemps  ainsi  :  Connla  sortait  et  rentrait  souvent 
avec  Fiacha. 

Un  jour  ils  allèrent  sur  le  bord  de  la  Suir  et  Fiacha 
désira  se  baigner,  et  il  se  dévêtit  et  laissa  sa  lance  large, 
au  fer  brillant,  entre  les  mains  de  Connla.  Connla  saisit  la 
lance,  et  porta  à  Fiacha  un  coup  tel  que  la  lance  le  transperça. 
«  Hélas  !  »  dit  Fiacha,  «  c'est  une  action  affreuse  contre  un 
frère;  c'est  un  grand  meurtre,  et  ce  îrime  est  le  fait  d'une 
grande  inimitié  (?).  »  Et  il  dit  :  «Crime  d'un  ennemi,  etc.  ». 

«  Baigne-toi  comme  on  te  l'a  dit», dit  Fiacha,  «  mais  malgré 
cela  tu  n'en  recevras  aucun  soulagement  et  tes  ennemis  s'en 
réjouiront.  » 

Ainsi  périt  tragiquement  Fiacha.  Ceci  se  passa  à  Ath  Leat- 
han,  aujourd'hui  Ath  Isiul,  c'est-à-dire  Tuisiul  (de  la  chute). 
C'est  de  là  que  vient  le  nom  que  le  gué  porte  depuis  lors, 
comme  le  dit  le  quatrain  : 


122  M.  L.  Sjoestedt. 

aniu  .i.  tuisiul.  As  de  ata  int  ainm  forsan  ath  o  sin  ille  amal 

ader  in  rann   : 

Ath  Tusil  ainm  in  atha"  do  cach  as  fisfirtatha 

Tusil  lue  Connla  a  Cnoc  Den'  for  Viachaigh  maith  Mhuill^- 

than. 

Ni  fuair  tra  Connla  a  chabair  de-sin  7   as  gorta  7  claimhe 

ros  marbh,  ar  nir  leic  nech  do  ciainn  Eogw/w  n-a  thech  o  nar 

fiu  leo  d'igail  aili  fair  '. 

1.  Keating  (History,  II,  324)  mentionne  un  fait  qui  semble  expliquer  que 
la  parenté  de  Fiacha  n'ait  pas  tiré  une  plus  prompte  vengeance  de  sa  mort. 
Fiacha  aurait  vécu  assez  pour  protéger  son  cousin  et  meurtrier  et  ordonner 
qu'on  n'attentât  pas  à  sa  vie. 


Le  siège  de  Druim  Damhghaire.  123 

«  Ath  Tusil  (Gué  de  la  chute)  est  le  nom  du  gué,  tout  le 
monde  en  connaît  la  raison.  Connla  de  Cnoc  Den  y  fit  tom- 
ber le  brave  Fiacha  Muillethan.  >> 

Ceci  n'apporta  aucun  soulagement  à  Connla,  et  c'est  de 
faim  et  de  gale  qu'il  mourut,  car  aucun  membre  de  la  famille 
d'Eogan  ne  le  laissa  entrer  dans  sa  maison.  Ils  ne  pensèrent 
pas  que  ce  fût  la  peine  d'exercer  contre  lui  aucune  autre  ven- 
geance. 

{A  suivre.)  M.  L.  Sjoestedt. 


THE  FIGHTING  SNAKES 

IN    THE 

HISTORIA  BRITONUM    OF  NENNIUS 


In  a  brief  stucîy  published  recently  in  this  review  '  I  had 
an  occasion  to  trace  the  so-called  épisode  of  Vortigerns  Tower 
to  the  wide-spread  belief  that  a  human  sacrifice  is  necessary 
at  the  laying  of  foundations,  to  appease  the  chthonic  powers, 
the  genius  loci,  usually  in  the  form  of  a  snake,  a  toad,  or  a 
lizard.  There  can  be  no  doubt  that  this  belief  was  common 
among  the  Celts  as  among  many  other  races,  the  Egyptians, 
the  Greeks,  the.  Romans,  and  the  various  Teutonic  clans. 
There  is  then  no  need  to  emphasize  the  typically  Celtic 
character  of  the  story  of  Vortigerns  Tower,  nor  is  it  justi- 
fiable to  go  to  the  opposite  extrême  and  déclare  the  story  a 
borrowing  from  ancient  sources. 

The  problem,  however,  does  not  end  there.  In  the  first 
place,  it  is  to  be  observed  that  the  account  of  Nennius  is  con- 
siderably  more  complicated  than  the  German  parallel  I  was 
able  to  cite  and  to  which  I  could  now  add  a  second  from 
Austria2.  For  it  is  not  a  snake  pure  and  simple  which  is 
discovered  underneath  the  surface,  but  two  dragons  are 
found  in  a  tent,  the  one  white,  the  other  red,  which  begin 
to  fight,  until  the  red  one  conquers  its  opponent  and  drives 
it  off.  Then  the  boy-prophet  (Ambrosius)  déclares  that  the 
red  serpent  représenta  the  Celts,  the  white  one  the  Saxons. 
Geoffrey  of  Monmouth,  who  reproduced  this  épisode  with  a 
number  of  minor  altérations,  doubtless  of  his  own  making, 

i.  Vol.  XLI,  pp.  181-188. 

2.  Th.  Vernaleken,  Alpensagen,  Wien,  1858,  p.  149. 


Tbe  fighlitig  stiakes.  125 

adds  the  famous  prophecy  of  Merlin  to  the  description  ot 
the  snake  fight  '. 

In  the  narrative  of  Nennius  and  still  more  in  that  of 
Geoffrey  the  reader  will  easily  see  the  work  of  the  compiler 
who  stitched  together  various  traditions,  doubtless  of  various 
origins,  to  form  a  continued  and  on  the  whole  plausible 
account.  In  fact,  the  two  fighting  snakes  hâve  as  little  to  do 
with  the  genius  loci  in  snake  form  as  the  subséquent  career 
of  Ambrosius-Merlin  has  with  the  foundation  sacrifice.  The 
question  arises  :  Do  we  hâve  parallels  elsewhere  for  the 
symbolical  snake  fight  as  we  hâve  them  for  the  foundation 
sacrifice  and  the  snake-shaped  Genius  loci  ?  In  the  following 
pages  I  shall  endeavour  to  answer  this  question  and  to  point 
out  the  probable  origin  of  this  part  of  the  épisode  of  the 
Historia. 

In  his  treatise  on  the  Monuments  of  Constantinople  the 
Byzantine  chronicler  Nicetas,  who  flourished  in  the  second 
part  of  the  twelfth  century,  describes  a  sculptured  group  of  a 
basilisk  and  an  asp  engaged  in  a  desperate  struggle  2  : 

Now  this,  too,  should  be  added,  although  it  is  not  my  purpose  to  note 
everything.  A  pleasing  sight  and  by  art  probably  the  most  wonderful  of 
ail  was  the  stone  base  on  which  stood  an  animal  which  one  would  hesitate 
to  think  represents  an  ox  because  it  had  a  very  short  tail  and  no  such  large 
dewlaps  as  are  peculiar  to  the  Egyptian  oxen  ;  neither  were  its  hoofs  clo- 
ven.  With  its  jaws  it  held  another  animal  tightly  compressed,  whose 
entire  body  -was  covered  with  such  rough  scales  that  it  could  hardly  be 
touched  without  hurt.  The  former  animal  was  thought  to  be  a  basilisk, 
the  latter,  which  was  held  compressed  by  the  mouth  of  the  former,  was 
believed  an  asp,  and  there  were  some  who  thought  the  one  to  be  a  hippo- 
potamus,  the  other  a  crocodile,  but  this  différence  of  opinion  is  of  no 
importance  hère.  I  shall  only  say  that  a  new  kind  of  struggle  was  witness- 
ed  in  both,  both  infiicting  and  suffering  harm,  both  destroying  the  enemv 
and  being  destroved,  both  conquering  and  being  conquered For  the 

1.  Historia  Britonum  cuin  additamentis  Nennii,  éd.  Th.  Mommsen,  in 
Chronica  Minora  saec.  IV,  V,  VI,  VII,  tom.  III  ;  Mon.  Germ.  Hist.  Auct. 
antiqu.  tom.  XIII,  Berlin,  1898,  pp.  181- 186.  Galfredi  Monmutensis  Histo- 
ria Britonum  nunc  primum  in  Anglia  novem  codd.  mestis  collatis  éd. 
J.  A.  Giles,  London,  1844,  Hb.  VI,  cap.  17-19. 

2.  Nicetae  Choniatae  Historia  ex  rec.  I.  Bekkeri,  Bonn,  1835  (Corpus 
script,  hist.  Byi.),  pp.  866-868. 


i2é  A.  H.  Krappe. 

one,  vvhich  was  thought  a  basilisk,  was  swollen  from  head  to  foot  and 
covered  as  it  were  with  copper-rust,  being  ail  over  its  body  greener  than 
a  frog,  because  the  poison  was  in  ail  its  arteries  and  had  caused  the  color 
of  death.  Its  knees  were  therefore  bent,  its  eyes  extinct,  its  strength  of 
life  faded,  nay,  the  beholders  must  hâve  thought  it  about  to  fall,  because 
dead  already,  but  for  the  soles  of  its  feet  supporting  it  and  keeping  iterect. 
The  other  beast,  held  tight  by  its  jaws,  swinging  its  tail  already  more 
languidly,  with  open  mouth  because  hurt  by  its  opponents  teeth,  was 
seen  struggling  to  get  free  from  the  grip  of  its  teeth  and  its  bite,  but  was 
unsuccessful,  because  its  shoulders  and  forefeet  and  the  parts  of  the 
bbdv  adjoining  the  tail  were  held  in  the  open  mouth  and  compressed  by 
the  jaws  of  its  adversary.  Thus  they  destroyed  one  another  in  mutual 
slaughter  ;  the  struggle  was  equal  and  equal  the  victory,  equal  their  de- 
struction.  It   occurs  to  me  that  one  can  express   mutual  slaughter  and 

deadly,  ruinous  vengeance not   only  in  monuments,  nor  do  thev 

befall  only  powerful  animais,  but  they  occur  also  among  many  peoples  who 
inade  war  on  us  Byzantines  ;  for  they  destroying  each  other  in  mutual  slaughter, 
will  perish  by  the  virtue  of  Christ  who  scatters  the  peoples  that  rejoice  in  war, 
uho  does  not  enjoy  bloodshed  and  who  shows  the  just  man  treading  on  the  asp 
and  basilisk  and  trampling  down  the  lion  and  the  dragon. 

We  hâve  then  hère  a  struggle  between  an  asp  and  a  basi- 
liskj  that  is,  two  beasts  which  were  considered  as  falling 
under  the  dénomination  of  snakes  or  dragons,  according  to 
the  handbooks  of  mediaeval  zoology.  Both  are  compared 
with  two  factions  of  the  Franks,  destroying  one  another  in 
internecine  struggle,  thus  enabling  the  "  just  man  ",  i.  e. 
the  Byzantine  Greek,  to  tread  upon  them  both.  The  entire 
narrative,  it  will  be  observed,  is  the  fanciful  interprétation  of 
a  statue  in  the  city  of  Constantinople,  destroyed  in  1204, 
and  is  in  complète  accordance  with  the  gênerai  mediaeval 
notion  that  the  monuments  of  antiquity  had  been  erected  by 
the  wise  of  old,  experts  in  magie,  with  some  practical  end 
in  view  '.  Far  from  being  purely  symbolical,  the  statue  was 
thought  actually  to  bring  about  the  fratricidal  struggle 
between  the  Frankish  factions,  just  as  for  example  a  relief 
representing  ships  with   ladders   on   them   and   armed   men 

1.  Cf.  on  this  subject  :  D.  Comparetti,  Vergil  in  the  Middle  Ages,  Lon- 
don,  1895,  pp.  239  ff.  ;  A.  Graf,  Roma  nella  memoria  enelle  immagina\xoni 
del  medio  evo,  II  (Torino,  1883),  pp.  196  ff.  ;  R.M.  Dawkins,  Ancient 
Statues  in  Mediaeval  Constantinople,  Folk-Lore,  XXXV  (1924),  pp.  209- 
248. 


The  fighting  snakes.  127 

going  up  thèse  ladders  to  storm  a  city,  was  imaginée!  to 
foreshadow  and,  later,  to  hâve  brought  on  the  attack  of 
the  city  by  the  crusaders  in  1204  ',  and  just  as  a  statue  of 
Athena  was  thought  to  beckon  the  Western  barbarians  to 
invade  the  Empire,  for  which  reason  it  was  destroyed  by 
the  mob  2. 

How  a  learned  Byzantine  of  the  twerfth  century  could 
mistake  a  hippopotamus  for  a  basilisk  is  a  question  not  easy 
to  answer  ;  but  it  may  be  said  that  mediaeval  zoology  as 
embodied  in  the  bestiaries  was  guilty  of  monstrosities  quite 
as  absurd.  In  this  case  the  interprétation  ot  the  fighting  ani- 
mais as  fighting  snakes  appears  to  hâve  been  forced  upon  the 
Greeks  by  a  floating  folkloristic  motif  of  Eastern  origin,  as  I 
shall  show  presently. 

In  a  taie  of  the  Arabian  Ntgbts  3  the  hero,  Abdallah,  when 
traversing  a  désert,  beholds  a  black  dragon  pursuing  a  white 
one.  He  kills  the  former,  whereupon  the  latter  assumes  the 
shape  of  a  woman  and  makes  herself  known  to  him  as  the 
daughter  of  a  king  of  the  Jinn.  The  black  snake  was  the 
vizir  of  another  king  of  the  Jinn  and  her  unwelcome  suitor. 

In  another  story  of  the  same  collection  4  the  heroine, 
Zobeide,  sees  a  snake  pursued  by  a  dragon.  She  kills  the 
latter  with  a  stone,  and  the  snake  Aies  away.  She  falls  asleep, 
and  when  she  wakes  up  she  finds  by  her  side  a  young  girl 
who  tells  her  that  she  is  a  Jinn  and  in  the  form  of  a  snake 
had  been  pursued  by  another  Jinn  in  the  form  of  a  dragon. 

In  a  third  épisode  of  this  character,  likewise  from  the 
Arabian  Nights  >,  Kaslâne  the  Lazy,  after  having  lost  his  wife, 
wanders  through  the  désert,  where  he  beholds  two  serpents, 
one  brown,  the  other  white,  fighting  with  one  another.  He 
kills  the  brown  one  and  learns  that  he  had  to  deal  with  two 
Jinn,  the  one  an   infidel,  the  other  Mohammedan.  With  the 


1.  Ibid.,  p.  22 1. 

2.  Ibid.,  p.  224. 

3.  Burton,  VII,  364;  Chauvin,  Bibliographie,  V,  2. 

4.  Burton,  I,  149  ;  Chauvin,  V,    5. 

5.  Burton,  III,  282;  Chauvin,  VI,  66. 


128  A.  H.  K nippe. 

help  of  the  latter  he  wins  back  his  wife  abducted  by  an  evil 
spirit. 

An  Arabie  legend  which  goes  back  to  the  first  centuries 
of  the  Hegira  '  connects  the  motif  with  the  Queen  of  Sheba, 
whose  birth  was  fabled  to  bave  corne  about  in  this  wise. 
Her  father,  a  king  of  China,  while  hunting,  met  two  snakes 
in  deadly  combat,  a  white  one  and  a  black  one.  He  killed 
the  latter  and  carried  the  former  into  his  royal  palace.  On 
the  following  morning  he  was  not  a  little  surprised  to  find  a 
pretty  girl  in  his  private  apartment  and  to  hear  from  her 
own  lips  that  she  was  a  Péri  and  that  he  had  delivered  her, 
on  the  preceding'  day,  from  the  black  snake,  her  mortal 
enemy.  To  show  him  her  gratitude  she  offers  him  her  sister 
in  marriage,  an  offer  which,  it  is  needless  to  say,  the  king 
was  pleased  to  accept.  By  his  Pari  wife  he  became  in  due 
time  the  happy  father  ofa  girl,  the  future  Queen  of  Sheba. 

A  similar  taie  is  reported  as  a  historical  fact,  said  to  hâve 
occurred  in  the  reign  of  the  calif 'Othman  (644-656)  2  : 

There  came  a  man  to  the  caif  'Othman  who  spoke  as  follows  : 
'*  When  I  was  in  the  désert  I  saw  two  ribbons  corne  together  and  sepa- 
rate  again.  Upon  reaching  the  spot  I  found  a  fine  yellow  snake  which 
spread  an  odor  of  musk,  from  which  I  concluded  that  it  must  be  a  good 
snake  ;  I  took  it,  wrapped  it  up  in  my  turban  and  buried  it.  Then  I  heard 
a  voice  shouting  :  "  Thèse  were  two  snakes  of  the  Jinn  which  fought 
with  one  another,  and  the  one  which  you  hâve  buried  died  the  death  of 
a  martyr  for  the  faith  ;  it  was  among  those  which  listened  to  the  révéla- 
tion of  Mohammed.  " 

It  is  a  well-known  fact  that  the  Arabie  Jinn  were  believed 
to  appear  in  the  shape  of  snakes  ',  and  it  is  also  a  matter  of 
common  knowledge  that  the  Mohammedans  distinguished 
between  good  and  evil  Jinn.  But  it  is  much   to  be  doubted 

1.  E.  S.  Hartland,  The  Science  of  Fairy  Taies,  London,  1891,  p.  316. 

2.  C.  van  Vloten  in  Feesthmdel  aan  Prof.  M.  J.  De  Goeje,  Leiden,  1891, 

P-  38- 

3.  V.  Robertson  Smith,  Lectures  on  the  Religion  of  the  Sémites,  London, 

1894,  pp.  1 19  ff.  ;  C.  van  Vloten,  op.  et  loc.  cit.  ;  Nôldeke,  Zeitsch.  f.  Vôl- 
ker psychologie,  1860,  pp.  412  ff.  ;  j.  Wellhausen,  Reste  arabischen  Heiden- 
thutns,  Berlin,  1897,  p.  137. 


The  fighting  snakes.  129 

whether  this  dualism  is  of  Arabie,  that  is,  of  Semitic,  origin. 
The  sharp  distinction  between  the  powers  of  good  and  evil, 
a  distinction  extending  over  the  kingdoms  of  animais  and 
plants  as  well  as  over  the  spirit  world,  is  not  in  any  way 
peculiarly  Semitic,  although  in  the  form  of  literary  motifs 
or  even  as  a  tenet  of  popular  creed  it  may  hâve  invaded  the 
Arabian  peninsula  in  pre-Islamic  times.  Its  home  must  be 
sought  on  the  highlands  of  Eran,  where  the  most  distinctly 
dualistic  religion  the  world  has  ever  known  was  developed 
several  centuries  before  our  era.  This  conjecture  is  confirmed 
by  the  oldest  version  of  the  Fighting  Snakes  known  to  us  and 
found  in  the  Book  of  Esther,  itself  most  probably  of  Eranian 
origin  '. 

In  chapter  XI  of  the  Vulgate  Version,  Mordecai  dreams 
of  two  great  dragons  fighting  one  another  (vv.  2  ff.).  The 
dragons,  we  are  then  told,  signify  himself  and  his  opponent. 
the  anti-semitic  Haman  2. 

This  version  differs  from  the  foregoing  in  that  it  forms 
the  contents  of  an  animal  dream  and  has  therefore  no  basis 
in  reality.  Further,  according  to  the  allegorical  explanation 
given  in  the  Book  of  Esther  5,  the  snakes  do  not  symbolize 
peoples  or  factions  as  in  the  Celtic  and  Byzantine  versions, 
but  two  individuals.  The  épisode  represents  therefore  an 
allegorical  animal  dream  of  the  type  met  so  frequently  in 
Old  French,  Scandinavian  and  Middle  High  German  poems 
and  sagas  4.  This  différence,  which  is  quite  important,  makes 

1.  Cf.  Sir  J.  G.  Frazer,  The  Scapegoat,  London,  191 3,  pp.  360  ff.,  esp. 
401  ff. 

2.  Cf.   Esth.  XI,  5  :  et  hoc  -ejus  somnium  fuit  :  Apparuerunt  voces  et 

tumultus ;  6  :  et  ecce,  duo  dracones  magni   paratique  contra  se    in 

proelium.  X,  5  :  Recordatus  somnii,  quod  videram,  haec  eadem  signifi- 
cantis  :  nec  eorum  quidquam  irritum  fuit.  6  :  Parvus  fons,  qui  crevit  in 
fluvium  et  in  lucem  solemque  conversus  est,  et  in  aquas  plurimas  redun- 
davit,  Esther  est,  quam  rex  accepit  uxorem,  et  voluit  esse  reginam.  7  :  Duo 
autem  dracones,  ego  sum,  et  Aman. 

3.  Esth.  X.  7. 

4.  W.  Henzen,  Ueber  die  Trâume  in  der  altnordischen  Sagaliteratur, 
Leipzig,  1890,  and  my  own  study  The  Dreams  oj  Charlemagne  in  the 
«  Chanson  de  Roland  »,  Publ.  Mod.  Lang.  Assoc.,  XXXVI  (192 1),  pp.  1 34- 
141,  where  other  bibliographical  data  are  given. 

Revue  Celtique,   XL11.  9 


130  A.   H.   Krappe. 

it  very  imlikely  that  the  épisode  in  Nennius  owes  its  exist- 
ence to  Biblical  influences,  as  is  tlie  opinion  of  Feuerherd  '. 
But  there  are  still  other  considérations  which  stand  against 
such  a  hypothesis. 

It  is  to  be  noted  that  none  of  the  Oriental  versions  repre- 
sents  the  fighting  snakes  as  talismans  anv  more  than  does 
the  Hisîoria  Britonum.  In  this  feature  the  Byzantine  legend, 
whose  existence  can  be  inferred  from  the  concluding  sentence 
of  Nicetas'  text,  appears  to  stand  alone.  There  exists,  how- 
ever,  another  Celtic  source  in  which  we  find  this  additional 
trait,  thus  clearly  proving  the  Eastern  origin  of  the  whole 
épisode  and  indicating  moreover  the  road  by  which  it  entered 
Europe. 

The  Mabinogi  of  Lludd  and  Llevelys  narrâtes  at  some 
length  how  King  Lludd  is  advised  by  his  brother  to  find  two 
fighting  dragons,  representing  the  Welsh  and  the  Saxons,  and 
to  bury  them  in  the  centre  of  Britain.  So  long  as  they  are 
buried  there  no  harm  from  foreign  invasions  will  befall  the 
realm  2.  According  to  the  Fijty-third  Triad  3,  Vortigern 
unearths  the  dragons  to  revenge  himself  on  the  Welsh  with 
whom  he  was  unpopular,  and  the  Saxon  invasions  followed. 

The  talismanic  character  of  the  dragons  in  this  narrative 
is  amply  clear  ;  they  evidently  belong  to  the  same  category 
as  Vergil's  belltower,  magie  fly  and  brazen  snake,  the  statue 
preventing  the  éruptions  of  Mount  Etna  or  Mount  Vesuvius, 
and  so  many  other  palladia,  both  in  Constantinople  and 
Southern  Italy.  At  the  same  time,  the  épisode  of  the  Mabinogi 
explains  how  the  motif  of  the  Fighting  Snakes  came  to 
be  linked  with  that  of  the  foundation  sacrifice,  as  we  find  it 
in  Nennius  and  Geoffrey  :  both  as  a  genius  loci  and  as  a  talis- 
man the  snake  had  to  live  underground,  and  the  connexion 
of  the  two  motifs,  which  originally  had  nothing  in  common, 
was  therefore  very  easy  to  accomplish  4.  But  it  is  to  be  noted 

1.  Paul  Feuerherd,  Geoffrey  of  Monmoath  und  dus  Alte  Testament,  Diss. 
Halle,  191  S,  pp-  69  rï. 

2.  J.  Loth,  Les  Mabinogion,  Paris,  1913,  I,  236  f. 

3.  W.  Probert,  The  Ancient  Laws  of  Cambria,  London,  1823,  p.  395. 

4.  It  is  noteworthy  that  in  the  Orient,  too,  foundation  sacrifices  were 


The  fight'mg  smùes.  131 

that  in  Nennius  and  his  derivative  the  talismanic  character 
of  the  dragons  lias  disappeared,  naturally,  since  it  is  no  long- 
er Vortigern  but  Ambrosius-Merlin  who  unearths  them. 
There  can  then  be  no  doubt  that  the  version  of  the  Mabinogi 
stands  closer  to  the  archétype  than  the  épisode  of  the  Histo- 
ria  and  that  it  forms  thé  Connecting  link  between  the  Byzan- 
tine legend  (where  the  talismanic  symbolism  first  occurs)  and 
Nennius. 

To  conclude  :  The  épisode  of  the  Fighting  Snakes  is  sprung 
from  a  Byzantine  legend  attached  to  a  monument  of  Cons- 
tantinople  which  was  destroyed  in  1204.  It  was  carried  thence 
to  Britain,  most  probably  by  Welsh  pilgrims  returning  from 
the  Holy  Land  by  way  of  Constantinople.  Before  the  loca- 
lization  in  Byzantium  the  motif  was  current  in  the  Near  East, 
the  oldest  version  being  found  in  the  Book  of  Esther.  It  is 
most  probably  of  Eranian  origin,  having  arisen  at  the  time 
when  the  dualistic  religion  of  Mazdaism  was  flourishing  in 
Persia. 

Minneapolis,  Minn. 

Alexander  Haggerty  Krappe. 

offered  to  the  snake-shaped  Jinn  ;  cf.  E.  Westermarck  in  Tylor  Metn.  Fol., 
p.  367. 


NOTES 
ETYMOLOGIQUES    ET    LEXICOGRAPHIQUES 

{Suite). 


391.  Les  morts  lavés  chez  les  Celtes  insulaires;  le 
gallois  enneint. 

L'usage  de  laver  les  corps  des  morts  est  attesté  chez  les 
anciens  Irlandais  par  divers  textes.  Dans  le  récit  épique  the 
Boronia  (tiré  du  Livre  de  Leinster),  les  deux  filles  du  roi 
Tuathal,  Fithin  et  Dàirine,  meurent  de  saisissement  et  de 
honte  ;  leurs  corps  sont  lavés  à  un  endroit  qui  depuis  porta  le 
nom  de  Garbh-thonach  (rude  lavage)  ou  d'après  une  variante 
à  Ath  toucha  (le  gué  du  lavage)  :  Revue  Celt.  XIII,  p.  39,  §  5. 
La  même  coutume  est  attestée  dans  Acallam  na  Seuorach  4172, 
4173   n.  (janacli). 

Cet  usage  n'a  pas  été  jusqu'ici  signalé  chez  les  Brittons. 
Il  me  paraît  attesté  par  le  vers  suivant  conservé  dans  un 
poème  obscur  parce  qu'il  a  été  très  maltraité  par  les  scribes, 
mais  qui  ne  peut  être  postérieur  au  xi-xne  siècle  (Myv.  Arch. 
123-1)  : 

cochwet  calanet  ar  eneint 

«  des  cadavres  sanglants  sûr  «  bain  ».  Eneint  est  régulière- 
ment écrit  enneint  et  a  le  sens  certain  de  bain  ;  pour  le  sens  de 
ce  mot,  cf.  J.  Loth,  Mabin.  aI,  203-204  ;  423  ;  Ystoria  de  Car. 
Magno,  p.  101  ;  Ane.  Lazvs  I,  258;  Myv.  Arch.  441,  1,  etc. 
On  le  trouve  traduit  dans  des  dictionnaires  modernes  par 
oiniment  ;  ce  qui  est  vrai,  c'est  qu'en  moyen-gallois,  il  a  fini 
par  prendre  le  sens  de  potion,  breuvage  médicinal,  par  un  rappro- 
chement faux  avec  anoint  (cf.  T.  Lewis,  a  welsh  Leechbook, 
Liverpool,  1914,  883,  91.  371). 

Enneint  me  paraît  remontera  un  vieux  brittonique  an-nigâ- 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  133 

ntio-.  En  partant  de  nig-,  je  n'arrivais  qu'à  ennyeint.  Mon 
collègue,  J.  Vendryes,  m'a  suggéré  un  moyen  de  lever  la 
difficulté  :  c'est  de  supposer,  à  côté  de  Pirl.  nigim  (nig-,  tiige-), 
un  thème  nigâ-  qui  aboutit  en  vieux-gallois  à  neg-  :  enneint  = 
*an-negântio-,  précédé  par  an-nigântio-.  Il  me  signale,  en  latin, 
lavere,  à  côté  de  lavâre  (*lovâ-),  lavere  étant  transitif  (dans  des 
conditions  particulières),  lavâre  étant  intransitif  et  transitif; 
cf.  Mém.  Soc.  Ling.,  XVI,  p.  300. 

L'usage  de  laver  les  cadavres  est  bien  connu  chez  les  Latins 
et  chez  les  Grecs  (Iliade  XVIII,  350;  Odyssée  XXIV,  44). 

L'irlandais  tonach,  écrit  aussi  parfois,  même  en  irlandais 
moyen,  tanach  =  *to-nïgo-  '  (ide.  nigu-). 

Le  dérivé  irlandais  moderne  tonnachadh  (écrit  par  deux  nn, 
par  assimilation  à  tonn,  vague,  flot)  ou  tonnadh,  mort  2  a  con- 
servé un  sens  des  plus  curieux  :  Dinneen  le  traduit  par  :  act 
of  preparing  a  corpse  for  waking  ;  also  sometimes  préparation  ot 
a  person  for  death  such  as  closing  the  mouth,  etc.  Tonnachaim  a 
un  sens  analogue.  S'il  n'y  a  pas  confusion  entre  deux  mots 
d'origine  différente,  il  en  résulterait  que  tonach  aurait  fini  par 
désigner,  outre  le  lavage  du  mort,  certaines  cérémonies 
accessoires. 

392.  Irlandais  long  ;  gallois  llong  ;  irlandais  luighe  ; 
irlandais  moyen  coblach,  moderne  cobhlach. 

Long,  navire,  est  généralement  regardé  comme  emprunté 
au  latin  longa  (navis).  Il  est  incontestable  que  le  latin  a 
influencé  l'irlandais  aussi  bien  que  gallois  au  point  de  vue  du 
sens.  Un  passage  des  Ane.  Laws  of  Ireland,  IV.  104,  3,  est 
particulièrement  instructif,  à  ce  sujet.  Long  est  nettement  dis- 
tingué de  barc,  barque,  et  decuracb,  canot,  (gall.  corwc).  La  glose 
à  saer  1er  longa  précise  encore  davantage  :  in  saer  demi  co  1er  no 
co  lor  5  na  longa  for  a  tn-bi  itnrum  .i.  na  longa  fada,  «  l'artisan 
qui  fait  avec  soin  et  en  nombre  les  navires  destinés  à  la  navi- 

1.  Le  mot  est  devenu  féminin,  vraisemblablement  par  analogie  (le 
datif  sing.  est  tonuch). 

2.  Félire  Oéngusso,  Ep.  352,  dat.  sg.  tonnud,  mort.  Tonnadh  a  le  sens 
particulier  de  mort  par  le  poison  et  n'a  rien  a  faire  avec  tonach,  bain. 

3.  1er  pour  léir  ;  lor  pour  lor. 


134  /•  Loth. 

gation,    c'est-à-dire  les  navires  longs  »  (cf.    Cor  mac  s    Gloss., 
p.  ioo)1. 

Or,  long  a  aussi,  en  irlandais,  le  sens  de  vase,  parfois  même 
de  petit  vase,  ce  qui  est  invraisemblable  si  on  fait  venir  ce 
mot  par  analogie  avec  les  deux  sens  de  lestar,  du  latin  longa 
passé  précisément  en  irlandais  même  dans  le  sens  de  navire 
long.  Long,  vase,  est  d'un  emploi  courant  :  O'Donovan,  5m/>/>/.; 
Ane.  Laws  IV.,  510,  10,  long  foilethe,  baignoire.  L'expression 
longbard  signifie  proprement  barde  à  vase;  comme  cela  ressort 
clairement  d'un  passage  emprunté  à  la  transcription  des  Bre- 
hon  Laws  faite  par  O'Curry  pour  les  Brehon  Law  Commissio- 
ners  (O'Donovan  à  bard).  Les  longbaird  sont  des  personnages 
pauvres  se  livrant  au  panégyrique.  Le  longbard  doit  son  nom 
au  petit  vase  qui  l'accompagne  ;  ce  sont  des  vases  de  fera  trois 
angles,  et  ils  peuvent  prétendre  à  une  part  de  chaque  liquide 
que  l'on  partage  devant  eux  2.  Ces  bardes  jouissaient  de  fort 
peu  déconsidération  :  cf.  Fled  Bricrend  68,  18  : 

bâti  longbaird  loingsither. 

Ce  passage  n'a  été  compris  ni  par  Windisch  ni  par  Henderson 
(qui  d'ailleurs  ne  le  traduit  pas).  £ati,  comme  le  propose 
Windisch,  est  très  vraisemblablement  le  pluriel  debâit,  clown. 
Loingsither  est  à  lire  :  loingsithel  :  Acall.  no  Senor.,  202,  123  : 
long-slntheal,  bassin.  On  peut  traduire  :  «  des  clowns,  des  long- 
bard à  bassins  3  ». 

Outre  long,  O'Reilly  donne  luighe,  caldron,  kettle,  pan. 
Il  est  possible  que  ce  soit  une  prononciation  dialectale  pour 
luinge.  O'Donovan,  Grammar,  p.  35,  constate  que  -ng-  est  pro- 
noncé -gh-  dans  les  comtés  de  Louth,  Cavan,  Monaghan,  et 
quelques   parties  de  l'Ulster.    Mais  luighe  est  donné  avec  le 

1 .  Cf.  long-phort,  camp  pour  navires  sur  le  rivage,  et  simplement  camp. 
Cf.  long-bot  h,  maison,  enclos  pour  navire  (In  Cath  Cath.  2227). 

2.  Longbaird  din  À.  persaind  beca  co  n-aircetal,  agus  adroille  ainm  don 
leastar  beg  bis  in  a  choimdecht  .i.  longa  tre-eochracha  di  earna,  agus  conecaid 
loim  do  cach  lind  ddilter  ocaibh.  Loimm  signifie  proprement  :  gorgée,  goutte. 

3.  bâti  longbaird  loingsither  est  traduit  (U  épopée  celtique  en  Irlande,  cours 
de  litt.  celt.  I,  p.  127)  par  :  il  chasse  les  bouffons  du  camp.  Longbaird  a  été 
pris  pour  le  plur.  de  long-phort. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  i  3  5 

même  sens  par  le  Dictionnaire  d'Armstrong  pour  l'Ecosse.  Ce 
qui  assure  l'existence  de  cette  forme  et  prouve  du  même  coup 
que  long  est  indigène,  ce  qu'on  ne  pouvait  soupçonner,  c'est  le 
moyen-irl.  coblach,  flotte  —  *com-lùgo-  ou*com-logo-  ;  irl.  mod. 
cobhlach;  éc.  cabhlach;  cabhlachach,  un  marin. 

Le  v.  norr.  lung  a  été  cité  par  Stokes,  Urk.  Spr.  à  long  d'après 
Bezzenberger  ;  il  rapproche  long  et  lung  de  lagoena,  ce  qui  n'est 
à  aucun  point  de  vue  satisfaisant. 

Falk-Torp  n'en  font  pas  mention,  ce  qui  pourrait  inspirer 
des  doutes,  mais,  comme  me  le  fait  remarquer  Vendryes, 
l'existence  de  ce  mot  en  vieux-norrois  est  assurée  du  fait  que 
C.  Marstrander  s'en  est  occupé  {Biàrag  lil  dei  Norske  sprogs- 
historie  i  Irland,  p.  59).  Si  on  admet  l'emprunt,  seule  l'expli- 
cation de  C.  Marstrander  est  plausible  ;  le  mot  vient  non  du 
nominatif  irlandais,  ce  qui  est  évident,  mais  des  formes  obliques: 
génit.  lunga,  à  côté  de  luinge,  dat.  luing,  de  même  que  lurkr, 
massue,  vient  non  de  lorg,  mais  du  génitif  lurga,  dat.  luirg  *. 

Long  serait  pour  *lungâ  et  il  aurait  existé,  à  côté,  une  forme 
sans  nasale  :  *lûg-.  Luight,  vase  =  *lugio-,  Coblach  (flotte)  = 
*comlàgo-. 

Si  lung  n'est  pas  emprunté,  on  aurait  affaire  à  un  mot  com- 
mun aux  Celtes  et  aux  Germains,  comme  terme  de  naviga- 
tion, ce  qui  ne  serait  pas  sans  importance. 

393.  Gallois  llwch  ;  lluch,  lluchwynt,  lluchio  ;  alle- 
mand luft  ?  irlandais  luchtaire. 

Lluch,  écrit  déjà  parfois  en  moyen-gallois  lluwch,  llywch, 
indique  poussière  ou  neige,  soulevée  et  amoncelée.  Thomas 
Richards  {W elsh-Engl .  Dict.,  2e  éd.)  traduit  exactement  ainsi 
lluchio  :  to  drive  the  snow  together  in  drifts  or  heaps,  as  the 
vAnd  does  2. 

Cf.  Lluwch  eiry  mynydd  «  poussière  de  neige  de  la  montagne  » 
(Myv.  Arch.  367.1). 


1.  On  trouve,  il  est  vrai  de  bonne  heure,  lunga  pour/u«^(dépalatisé),  de 
même  que  lurga,  au  nominatif. 

2.  Cf.  J.  Morris  Jones,  Grammar,  p.  118;  lluchio,  lluwchio,  to  drive  dusl 
or  snow. 


i}6  y.  Lotb. 

Lluchio  est  donné  dans  les  Dictionnaires  avec  le  sens  évi- 
demment dérivé  de  «  lancer  »  qui  est,  en  effet,  courant  aujour- 
d'hui encore.  Lluchwayw  a  dans  les  Mabinogion  le  sens  de 
«  javelot,  lance  de  jet  ».  Lluclrvar  {bar,  trait  en  général,  lance) 
a  un  sens  équivalent  (Myv.  Arch.  171.  i  '). 

En  composition,  lluch  apporte  l'idée  de  souffle  violent,  d'impé- 
tuosité. C'est  clair  dans  lluch-wynl  qui  figure  dans  cet  exemple 
de  la  première  moitié  du  xive  siècle  (Gwenogvryn  Evans,  The 
poetry  in  the  Red  Rook  of  Hergest,  p.  84,  col.  1)  ;  le  poète  veut 
caractériser  la  rapidité  de  son  protecteur  Gruffudd  ab  Madawc, 
dans  ses  conquêtes  : 

Yn  gynt  nor  llucbwynt  dir  Llewed  Ystrat 
Dovei  ugeinu'lat .  .  .  . 

«  Plus  vite  que  le  vent  impétueux  (ne  domptait)  la  terre 
d' Ystrat  Llewed,  il  domptait  vingt  pays  1  ». 

Lluclwar  a  le  sens  d'  «  attaque  furieuse  »  :  emys  lluchvar 
«  attaque  furieuse  d'étalon  »  (Myr.  Arch.  252.1  ;  xme  s.). 

Seul,  Ilitch  en  moyen-gallois,  parait  avoir  pris  le  sens  de 
«  impétuosité,  attaque  impétueuse  ».  M.  A.  143.2  (xne  s.)  : 

Lluch  fy  nghledyf  fy  ngheiniaw  ni  llwyd 

«  prompte  à  l'attaque  est  mon  épée  '  ;  se  moquer  de  moi  ne 
réussit  pas  ».  Cl.  ibid.  143 . 1  en  parlant  de  son  épée  :  lluch ei 
amvyd  «  impétueuse  à  l'attaque  est  sa  nature  ». 

Le  dérivé  II uchyad  a  un  sens  analogue  :  M.  A.  176.2  : 

Dctholeis  vx  rwyf  yn  rtvyt  rad  luasgar 
xn  l lâcha  r  yn  lluchyad 


1.  Balch  v  c/«iw  v«  llazc  lluchvar  «  fièrement  viendra  en  main  le  javelot  ». 
Dans  un  autre  passage  (M.  A.  159.1)  lluch'ar  parait  avoir,  comme  second 
terme,  bar  «  fureur  ». 

2.  Thomis  RicharJs  (ainsi  qu'  O.  Pughe)  donne  Uuchfa  avec  ce  sens  :  «/ 
àrift  or  htap  of  snovv  driven  together  by  the  iviml. 

1 .  Ceiniùw  n'a  pas  été  compris  par  S.  Evans  qui  le  traduit  par  «  percevoir, 
apercevoir  •>.  Il  faut  le  rapprocher  de  ceintach  «  déprécier,  quereller  »  et  de 
l'irl. Cdinim  (*kakn-  ou  ka^ii-). 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  137 

«  j'ai  choisi  pour  mon  chef  un  homme  répandant  facilement 
la  faveur,  brillant,  prompt  à  l'attaque  '  ». 

Ibid.  188. 1  :  pan  liât  yn  lluehyad 

«  lorsqu'il  tue  impétueusement  »  . 

Lluchynt  paraît  avoir  aussi  le  sens  d'attaque  impétueuse,  inat- 
tendue : 

The  poetry  in  the  Red  Book  64.1  : 

meglyt  dreic  llachar  lluchynt  Medrawt 

«  éviter  le  dragon  brillant,  attaque  impétueuse  (subite)  de 
Medrawt  ». 

Llwch,  poussière,  est  une  forme  de  la  même  racine.  Pulvé- 
riser se  traduira  par  :  euro  peth  yn  llwch  «  réduire  (en  frappant) 
une  chose  en  poussière  ».  Le  mot  indique  souvent  la  poussière 
sur  le  sol,  mais  peut  avoir  le  sens  de  «  poussière  soulevée  ». 
Mor-llwch paraît  bien  avoir  le  sens  d'  «  écume,  vapeur  trouble 
de  la  mer  ».  Cf.  The  poetry  in  the  Red  Book,  120. 1  :  le  poète 
injurie  un  ennemi  :  Civil  kimwch  mor  llwch  «  estomac  de 
homard  de  la  mer  écumante  »  ;  mor-lweh  est  traduit  par  vapeur 
par  Salesbury  (vapeur  de  mer)  ;  O'Pughe  le  traduit  par  :  sea 
spray. 

Llwch  pourrait  représenter  un  vieux-celtique  :  *lup-s-  ;  lluch 
=  *loup-s-  :  i.  e.  *lub,*lup  ;  leub,  *leup.  La  parenté  avec  l'alle- 
mand luft  paraît  très  probable;  le  norvégien  luft  est  emprunté' 
à  l'allemand;  comme  lev.  norr.  lopt,  il  a  le  sens  de  «  vent  ». 
Le  moyen-bas-allemand  lucht  a  aussi  le  sens  de  «  brouillard, 
vapeur  ». 

L'allemand  luftig  a  aussi  le  sens  de  nuageux,  vaporeux,  et, 
au  moral,  d'évaporé,  volage.  L'expression  allemande  :  seiner 
Wuih  Luft  machen,  donner  libre  cours  à  sa  fureur,  laisser  écla- 
ter sa  fureur,  rappelle  le  gallois  lluch-var. 

D'après  Falk-Torp  (à  luft),  le  norvégien  moderne  luft  a  le 
sens  de  «  couche  supérieure  de  l'air  »,  mais  il  aurait,  à  l'ori- 
gine, aussi  bien  désigné  la  couche  sur  le  sol.  Partant  de  cette 
idée,  ils  l'identifient  avec  loft  (y.  norr.  lopt),  «  étage,  toit  ». 

1 .  Parfois,  il  y  a  influence  de  lluched,  éclair. 


138  /.  Lotb. 

Serait  apparenté  le  vieux-haut-all.  louft,  écorce  d'arbre,  fol- 
liade,  brou,  de  noix;  lojt  aurait,  en  conséquence,  désigné 
d'abord  un  toit  fait  d'écorce  d'arbre.  En  conséquence,  ils  citent 
l'irl.  moyen  luchtar,  canot,  fait  primitivement  d'écorce 
d'arbre. 

En  ce  qui  concerne  les  mots  gallois  llwch,  Ilitch,  rien  n'in- 
dique une  évolution  de  sens  semblable  :  le  sens  d'étage  ou  toit 
paraît  même  en  opposition  avec  le  sens  intime  de  ces  mots. 

L'irlandais  moderne  luchtaire,  whirlpool,  rappelle  certains 
sens  de  lluch. 

394.  Irlandais  moderne  reabhôg  ;  gallois  moyen  rhefawg. 
Dinneen  donne  reabhôg  avec  le  sens  defolded  string.  Je  ne  l'ai 

trouvé  dans  aucun  texte  ancien,  ce  qui,  avec  la  terminaison 
-ôg,  est  une  présomption  en  faveur  d'un  emprunt  au  gallois. 
Rhefawg  apparaît  dans  des  textes  comme  YYstoria  de  Carolo 
Magno,  avec  le  sens  de  «  corde  tressée  »  parfois  faite  d'osier  : 
nyddu  pedair  gwialen  agwneulhur  pedair  rhefawg  iw  rwymo  «  alors 
de  tresser  quatre  baguettes  (d'osier)  et  d'en  faire  quatre  cordes 
pour  le  lier  »  (d'après  Thomas  Richards,  Welsh  Dict.  ;  cf. 
O'Pughe,  l'orthographe  est  modernisée).  Rhefawg  =  *rebâkâ. 
Pour  les  formes  germaniques  correspondantes,  cf.  Falk-Torp, 
Norw.  dan.  Et.  W.  à  reb,  rev.  II,  118. 

395.  Gallois  RWGN,  RHYGNU. 

Rhwgn  a  le  sens  de  «  frottement,  friction  »  ;  rhygnu  «  frot- 
ter ». 

Rhygnu  a  un  sens  très  particulier  dans  ce  passage  d'un  poète 
cité  par  O'Pughe  '  : 

Rhygnasanî  rif  naw  cant  celain 

«  ils  marquèrent  le  nombre  de  neuf  cents  cadavres  ».  Ce  sens 
est  expliqué  par  le  composé  rhygn-bren,  score  stick  «  baguette 
à  entailles  »,  c'est-à-dire  à  compter  par  entailles.  Le  thème 
gallois  a  donc  eu  les  deux  sens  de  «  frotter  »  et  «  entailler  ». 

1.  O.  Pughe  donne  comme  référence  H.  ab  O.  S'il  s'agit  de  Hywel  ab 
Owein,  l'exemple  serait  duxnes. 


Notes  étymologiques  et  lexicograpbiques.  139 

On  peut  partir  de  *runk-no-  ou  *  rang-no-,  et  comparer  le  skr. 
lûhkdti  «  il  arrache  »,  latin  rnnco,  sarcloir;  gr.  poxavr,,  rabot; 
prob.  aussi  bpûytù  et  ip'jaaw  (cf.  Walde,  Lat.  Etym.  W.  à 
runco).  Stokes  a   rapproché  de  *ruk-,  *runk-  l'irl.  rncht,  porc. 

396.  Irl.  mod.  searr,  searraim. 

Searraim  a  le  sens  de  «  je  distends,  j'étends  mes  membres 
pour  être  à  l'aise  »  (Dinneen)  ;  le  substantif  searr  a  le  même 
sens.  Ces  mots  appartiennent  à  la  même  racine  que  sernaim, 
«  je  disperse  »  (vieilli)  et  «  je  délie  »  :  irl.  moy.  sernirn, 
j'étends  (Wind.,  Wôrt.  ;  cf.  Pedersen,  Vgl.  Gr.  II,  626);  searr 
=  *ster-ro-s. 

397.  Irlandais  saltraim  ;  vannetais  sautrein  ;  gallois 
sathru,  amsathr,  sathar  ;  v.  irlandais  sail  ;  irl.  salach  ; 
v.  breton  saltrocion  ;  gallois  salder,  saldra,  salw;  v.  gal- 
lois halou  ;  v.  breton  haloc  ;  bret.  mod.  saotra. 

L'irlandais  saltraim,  je  piétine,  foule  aux  pieds,  a  été  assi- 
milé par  Pedersen  {Vergl.  Gr.  I,  137)  au  gallois  sathru  qui  a 
le  même  sens  :  il  a  pensé  que  sathru  pouvait  être  pour  un  plus 
ancien  saltr-,  d'après  l'analogie  (discutable)  de  athraw  pour 
alllraw  (alltraw  existe).  Or  sathru  est  un  dérivé  d'une  racine 
qui  a  donné  sathar,  piétinement,  bruit  de  piétinement  ; 
sathar  a  deux  syllabes  et,  en  poésie  du  moyen-gallois,  sathar 
rime,  à  la  finale  du  vers,  avec  des  mots  en  -ar. 

Myv.  Arch.  252.1  : 

gwr  balch  yn  holi  seri  sathar 

Ibid.  2 1 1 . 1  :  meirw  sengi  mal  seri  sathar 
«  fouler  aux  pieds  les  morts,  comme  le  piétinement  des  che- 
vaux (?)  ».  Le  sens  de  seri  n'est  pas  certain,  cf.  Book  of  An. 
(Skene,  F.a  B.  ri,  82  : 

Brithwy  adwiar  sathar  sanget  '. 
sath-  paraît  se   retrouver  dans    l'irlandais   moderne   sata- 

1.  Cf.  Gorchan  Maelderw,  107. 1  :  Britg ne  adguiar  sathar  sanget. 


140  /.   Lotb. 

-luighim,  je  foule,  écrase  sous  mes  pieds  (Dtnneen)  :  remon- 
teraient-ils à  un  vieux-celtique  *spatt-,  *s(p)ad-n-  (ide.  sphed-, 
sphend-  ?  Cf.  Falk-Torp,  a  spatt,  spette  '. 

Sathru  est  largement  représenté  à  toute  époque  2. 

L.  Aneurin  101.5  («y  sathraut) —  L.  Tal.  127,  31  Çsatb- 
rant,  3e  pers.  plur.  présent,  fut.) 

amsathr  est  bien  traduit  par  :  locus  undique  cakatits,  vesligia 
hominum  et  calcationes  : 

L.  Noir  9,  13  (G.  Evans  40,  16-17)  amsathir  in  y  bon, 
«  traces  de  piétinement  à  sa  base  ». 

Myv.  Arch.  199,  1  :  amsathyr  gorivyt,  le  piétinement  des 
coursiers.  Cf.  Myv.  Arch.  159.  2  ;  261.  1. 

Saltraitn  a  le  suffixe  tr-  :  Stokes,  Urk.  Spr.  a  vu  sal-  sauter, 
dans  dofuislim  (*to-fo-ess-salim),  gl.  laboi  tarm-cho-sal,  transgres- 
sion ;  mais  c'est  sel  =  gall.  chwyl  qu'il  faut  y  voir  (Pedersen, 
V.  Gr.  II,  622-623).  En  revanche,  c'est  bien  sal-  sauter,  qui 
paraît  dans  sait  .i.  lêim,  Corm.  {salto-)  ;  de  même  dans  l'irl. 
des  Ane.  Laws  :  salad,  action  de  fouler  aux  pieds  (III.  296, 
16;  IV,  86,  21);  irl.  mod.  saltairt,  action  de  fouler  aux  pieds 
(cf.  latin  salto,  saltô  :  v.  Walde,  Lat.  Et.  IV.). 

Le  correspondant  brittonique  exact  de  saltraim  est  le  vanne- 
tais  sautrein,  fouler  aux  pieds  ;  saulrein  en  had,  marcher  sur 
les  sillons  ensemencés  (à  Groix  :  Ernault,  Dict.  breton. -fr.  du 
dialecte  de  Vannes)  :  au  dans  sautrein  est  un  o  fermé,  repré- 
sentant ao-  ;  phonétiquement,  il  est  identique  au  léonard 
saotra  (saltr-),  mais  sautrein  a  aussi  le  sens  de  saotra  (salir, 
gâter)  ;  il  est  donc  vraisemblable  que  dans  sautrein  {saltr-) 
deux  racines  différentes  se  sont  confondues  :  sal-,  sauter  ; 
sal-,  salir.  La  confusion  a  pu  être  favorisée  par  les  idées  corré- 
latives de  salir  par  saut,  éclaboussement.  La  racine  sal-,  dans 
le  sens  de  «  salir  »  est  largement  représentée  en  celtique  (cf. 
Vendryes,  Mém.  Soc.  Ling.,  XXI,  42)  :  vieil-irl.  sail,  gl. 
•  labe  ;  irl.  mod.  saluighim,  je  salis,  corromps,  pollue;  salach, 


1.  îrl.  seir,  cheville  ;  gaW.ffer  (sper-). 

2.  A  signaler  le  sens  dialectal  de  sathru  en  Denbigh  :  camu  fel  milwr,  mar- 
cher comme  un  soldat  (anglais  :  pas  imité  de  l'allemand)  :  Creiffteirieu  atnae- 
thwyr  Dinbych  (Bulletin  of  the  board  of  celtic  studies,  192 1 ,  p.  42). 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  141 

sale;  sailche,  saleté,  impureté;  Ane.  Laivs  IV,  318;  V,  306, 
13,  508,  13,  sal,  tache  sur  l'honneur. 

Le  gallois  présente  sa Iw,  vil  ',  morose,  sans  valeur,  dérivé 
subst.  salwed:  saliv  =  *saliw-  ;  cf.  v.h.a.  salo,  sombre,  malpropre 
(germanique  saliva-).  En  gallois  et  en  breton,  il  y  a  des  dou- 
blets avec  h  initial  représentant  s  vieux-celtique  :  v.  gallois 
haluu,  gl.  stercora  ;  v.  breton  baloc,  gl.  lugubri.  Stokes  s'est 
demandé  s'il  ne  fallait  pas  voir  dans  salw  une  influence  ger- 
manique (ags.  salu).  Mais  des  doublets  de  ce  genre  ne  sont  pas 
sans  exemple. 

Le  vieux-breton  sallrocion  glosant  graciles,  de  prime  abord, 
semble  inexplicable  par  sal-,  salir.  Cependant  le  gallois  salder, 
saldra,  fragilité,  a  aussi  le  sens  de  mauvais  état  de  santé  et  même 
de  vileness  (O.  Pughe).  C'est  probablement  du  sens  de  couleur 
sombre,  de  mauvais  augure  qu'indique  la  glose  lugubri  et  qui 
est  fortement  marqué  dans  les  mots  correspondants  en  germa- 
nique, qu'il  faut  partir  pour  expliquer  saltrocion.  C'est  la  cou- 
leur, indice  d'un  mauvais  état  de  santé,  qui  explique  l'évolu- 
tion de  sens. 

398.  Irlandais  silim  ;  breton  dishilya*  dihilya. 

Le  breton  dihilya,  dishilya  (/  mouillé)  a  été  généralement 
expliqué  comme  un  composé  de  dï-,  dis-,  et  d'un  dérivé  de  hil, 
semence,  face,  irl.  sil.  Ce  mot  a  des  sens  variés  :  égrener  en 
froissant  les  épis,  s'égrener,  s'échapper,  fuir  comme  le  blé  d'un 
sac  percé,  d'un  épi  ou  d'une  gerbe  quand  la  sécheresse  l'en 
fait  tomber  par  grains  (Ernault,  Gloss.  à  dishilya).  Mon  col- 
lègue C.  Marstrander,  dans  une  lettre  datée  du  30  juillet  der- 
nier, m'écrit  que  c'est  l'équivalent  exact  de  l'irl.  silim  2  (ini. 


1 .  En  vieux  slave,  le  mot  correspondant  a  le  sens  de  «  bleu  »  (des  yeux)  ; 
en  russe,  celui  de  «  jaune,  couleur  isabelle  ». 

2.  Windisch,  Wôrt.tt  GY.,§)6,  fait  remonter  silim  k*suel-  en  se  fondant 
sur  les  formes  sibl-  de  son  prétérit  et  de  son  futur.  Ainsi,  Tâin  B.C. 
6078  :  go  ro  shiblur-sa  mb'fhual  uaim,  pour  que  j'évacue  (fasse  couler)  mon 
urine.  «  Silim,  m'écrit  Marstrander,  a  emprunté  son  subj.  sibl  à  sel,  con-sela 
*suel-  a  dû  former  son  présent  en  *-io-  (*seilim,  *silim)  et  a  ainsi  été  con- 
fondu avec  silim.  Plus  tard  le  dénominatif  sela-  est  devenu  régulier  ». 


142  /.  Lot  h. 

sileadh)  qui  a  le  sens  ordinaire  de  :  je  verse  goutte  à  goutte,  je 
fais  couler  lentement,  je  distille.  Il  me  cite  à  l'appui  des  expres- 
sions qu'il  a  lui-même  relevées  dans  l'irlandais  de  Blasket 
Island  et  qui  me  paraissent  décisives  :  ta  na  gràinneacha  silte 
cbeana  asna  léiseacha,  ta  an  choirce  comh  habaidh  sin  «  les  grains 
sont  tombés  des  épis;  l'avoine  est  si  mûre  »  —  ta  an  arbhar  a 
sileadh  «  le  blé  est  en  train  de  répandre  (les  grains)  ». 

Comme  il  en  fait  la  remarque,  le  celtique  sil-  est  identique 
au  germanique  sil-  :  suédoisdial.  sila,  couler  doucement  (v.  n. 
sil  stillstehendes  oder  langsam  fliessendes  Wasser  zwischen 
zwei  Fàllen).  C'est  le  même  mot  qui  se  retrouve  dans  le  got. 
ana-silan,  abandonner,  cesser,  devenir  calme.  C'est  de  ce  sens 
qu'on  est  parti  pour  rapprocher  le  latin  sileo  :  opinion  avancée 
par  Falk-Torp  et  que  serait  disposé  à  admettre  Marstrander. 
On  peut  appuyer  l'hypothèse  qui  ramène  sileo  à  l'irl.  «7m»  et 
aux  mots  germaniques  dérivés  de  «7-  par  le  breton  de  Cor- 
nouaille  dishillan,  dishillon  (Il  mouillés  :  Troude,  Dict.  bret- 
franç.)  :  le  moment  où  la  mer  cesse  de  monter. 

Hi[  dans  dihilya  peut  remonter  à  un  vieux-celt.  sil-  ou  sïl- 
dont  Vi  aurait  été  fixé  par  une  terminaison  *-io-.  La  racine 
indo-europ.  est  *sèi~,  5/- qui  a  le  sens  général  de  «  couler  len- 
tement ». 

L'irlandais  moderne  siolân,  passoire,  filtre,  est  dérivé  du 
même  thème  que  silim. 

A  la  même  racine  sèi,  si-  remontent  :  irl.  moy-  sithlaim, 
mod.  siotbluigim,  je  passe,  je  filtre  ;  siothlân,  passoire;  gallois 
hidlo,  même  sens;  breton  moyen  si^l,  passoire,  couloir  ;  mod. 
sil  '  ;  vieux-celt.  *sitl-  remonte  à  un  indo-eur.  *setl-  ;  germa- 
nique *sâdla-  (v.  n.  sâld  2).  L'irlandais  a  généralement  un  ï  bref. 
Cependant  dialectalement  on  constate  l  :  Dinneen,  à  côté  de 
sioltân,  sioltuighim  donne  sioltan  (Donegal)  :  cf.  éc.  sioladh.  Au 
lieu  de  sithlaim,  on  eût  attendu  silaim  ;  c'est  vraisemblablement 
un  fait  d'analogie.  La  forme  régulière  paraît  se  trouver  dans 


1.  si^l  à  côté  du  gallois  hidl  s'explique  par  la  phonétique  de  phrase  ;  cf. 
se,  hé,  en  gallois,  en  breton.  se(je)  et  he,  pronom  démonstratif. 

2.  Un  got.  sêd!  est  indiqué  par  le  karélien  siekla,  finn.  seula,  tamis  (Falk- 
Torp,  Norw.-dân.  Et.  W.  zsold). 


Notes  étymologiques  et  lexicograpbiques.  143 

l'irlandais  moderne  séaluighuim,  je  passe,  je  filtre  ;  séalân,  pas- 
soire, filtre  (*sitlo-,  puis  setlo-).  Dinneen  cite  le  curieux  sens  :  do 
shéaluigb  se,  il  mourut  (Connaught)  :  il  a  passé,  cessé  de  passer. 

399.  Irlandais  moyen  tangnacht,  gallois  ir-dang. 
Tangnacht  se  montre  dans  le  Tâin  B.C.  1.  6528,  p.  814  :  ar 

tangnacht,  contre  la  fourberie.  Windisch  s'appuie  sur  O'Clery  : 
tangnacht  .i.  meabhal  no  feall.  H.  Add.  donne  air  tanghnacbt , 
ce  qui  rendrait  la  forme  douteuse,  mais  c'est  sans  doute  une 
fausse  lecture  ;  en  effet,  on  trouve  dans  le  Lecan  Gl.  tangnacht 
422  et  même  tanga  i.  feall,  M.  233.  C'est  peut-être  un  terme 
de  même  origine  qui  paraît  dans  le  composé  gallois  ir-dang, 
stupeur  (John  Walters,  Dict.  :  irdang,  amazement).  La  graphie 
irdang  ferait  penser  à  tang,  tanc,  paix,  mais  le  sens  s'y  oppose  : 
c'est  sans  doute  dû  à  une  fausse  analogie. 

Ir  a  le  même  sens  que  dans  ir-llonedd,  colère  ;  ir-dant,  fré- 
quent en  moyen-gallois  et  qui  paraît  avoir  un  sens  analogue  à 
ir-dang. 

400.  Gallois  rhawd,  gaeafrawd  ;  irl.  moy.  geimred, 
samrad  (mod.  geimhreadh,  samhradh)  ;  irl.  RA1THE  ;  gall.- 
moyen  rot,  mod.  rhod,  rhodwedd  ;  vieil  irl.  roithiud. 

Ifor  Williams  (Bull,  of  the  board  of  Celt.  stud.  II,  p.  30) 
rapproche  fort  ingénieusement  le  moyen-gallois  gaeafrawd  de 
l'irl.  moy.  gemred,  hiver. 

Rawd  serait  un  ancien  mot  jouant  le  rôle  de  suffixe  au 
même  titre  que  -ret  et  appartiendrait  à  la  même  racine. 

rhawd  se  trouve  fréquemment  en  moyen-gallois  avec  le  sens 
de  troupe,  volée  de  (rawd  0  beleidyr  l,  volée  de  traits,  Myv.  Arch. 
165,1). 

L'auteur  cite  à  côté  degaeafravd,  caethrawd,  captivité,  période 
de  captivité. 

Il  me  paraît  sûr  que  rhawt  est  pour  un  indo-eur.  *rôt-,  à  un 
autre  degré  vocalique  que  *-ret. 

Il  apparaît  dans  le  composé  bedrawt,  cimetière.  Osthoff  a 

1.  Les  exemples  abondent.  Il  y  en  a  un  dans  leGorchan  Tutvwlch  (F.  a. 
B.,  II,  93-9)- 


144  /•   Lot  h. 

vu,  dans  le  second  terme  de  ce  composé,  le  même  mot  que 
l'irl.  rdth,  rdith,  fort,  résidence  fortifiée,  ce  qui  est  contraire 
au  sens.  Bedrawd  (moyen-breton  beyet)  est  un  collectif,  une 
série,  une  succession  de  tombes,  une  nécropole. 

Myv.  Arch.  231.1,  le  poète  demande  le  pardon  à  Dieu  : 

Kyn  bwyf  rawd  bedrawd  ymplith  beteu.  Il  est  possible  qu'il  y 
ait  une  sorte  de  jeu  de  mots  dans  l'intention  du  poète  qui 
paraît  savoir  le  sens  collectif  de  bedrawd  :  «  avant  que  je  ne 
sois  un  membre  du  cimetière  au  milieu  des  tombes  ». 

On  pourrait  peut-être  aussi  donner  à  rawd  le  sens  de  «  pé- 
riode de  temps  »  :  «  avant  que  je  n'atteigne  (aie  ')  la  période 
du  cimetière  ». 

Ce  sens  me  paraît  certain  dans  l'exemple  suivant  (M.  A. 
140. 1)  :  le  poète  fait  l'éloge  funèbre  de  Gruffudd  ap  Cynan  et 
s'étend  sur  ses  exploits  guerriers  avant  sa  mort  :  cyn  rewin- 
rhawd  «  avant  la  période  de  la  ruine  (destruction,  mort)  ». 

Ainsi  s'explique  un  mot  irlandais  curieux,  sur  lequel  on  a 
beaucoup  divagué  ;  c'est  rdithe,  quart  d'année.  Ce  sens  parti- 
culier lui  vient  du  fait  que  l'année  irlandaise  a  été  partagée  en 
quatre  saisons.  On  retrouve  même  rât-  (rawt-)  ou  son  équi- 
valent dans  deux  de  ces  saisons  ou  périodes  :  gemred,  hiver, 
samrad,  été. 

Le  sens  de  «  période,  cours  »  est  bien  marqué  dans  le  gaé- 
lique d'Ecosse  :  ràithe  sneachdach  ;  rdithe  réotach  :  période  nei- 
geuse, période  de  gelée.  En  irl.  dialectal  (Derry),  d'après  Din- 
neen,  rdithe  a  le  sens  de  tourbillon  en  parlant  de  neige  :  souve- 
nir du  sens  étymologique  de  *rât-.  C'est  un  sens  analogue  que 
l'on  reconnaît  dans  gaefrawd  qu'Ifor  Williams  traduit  par 
Winter-storm. 

Rod  existe  seul  dans  un  sens  analogue  à  rhodwedd.  Rhod- 
wedd  a  nettement  le  sens  de  «  course,  carrière  »  dans  cet 
exemple  de  Phylip  Brydydd  poète  du  xme  siècle  (Myv.  Arch. 
259.2): 

Trafo  lloer  a  heul  ar  eu  rhodwedd 
«  tant  que  la  lune  et  le  soleil  parcourront  leur  carrière  ». 

1.  Sur  la  valeur  de  bod  dans  le  sens  d'avoir,  cf.  Rem.  et  add.  à  VIntrod. 
de  Stracban,  p.  101. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  145 

Il  peut  y  avoir  ici  une  influence  de  rhod,  roue  '.  De  plus  la 
quantité  de  0  est  incertaine  ;  on  peut  cependant  le  supposer 
bref,  rot  existant  seul  avec  un  sens  différent  mais  qui  peut  s'y 
ramener. 

M.  A.  165.1  : 

Gweleis  y  glod  a  rod 

«  j'ai  vu  sa  gloire  et  sa  marche  glorieuse  ».  Ibid.,  246.1  (en 
parlant  du  grand  chef  Llywelyn  ab  Iorwerth)  : 

Hud  el  yn  ryvel  hyd  yn  Ruvein 
ae  raclod  ae  rod 

«  Ira  sûrement  en  guerre,  jusqu'à  Rome  sa  gloire  incomparable 
et  sa  marche  (triomphante)  ».  C'est  très  vraisemblablement 
ce  rot  qu'on  a  dans  le  nom  propre  v.-gall.  Rot-ri,  plus  tard 
Rhodri  ;  les  trois  degrés  vocal iques  ë,  ô,  à  (ô)  existant  aussi  bien 
en  goidélique  qu'en  brittonique,  à  côté  de  rèl-i  l'irlandais  a 
un  verbe  caûsatif  à  degré  ô  :  vieil-irl.  (Thés.  pal.  I,  116,  27)  : 
in  roithiud  roithes  alaithe  alaill  riam  «  l'impulsion  par  laquelle 
le  jour  pousse  l'autre  devant  lui  ».  (Cf.  Pedersen,  Vergl.  Gr. 
II,  600,  Anm.).  Rât-  (rôt-)  apparaît  au  prétérit  dans  les  deux 
groupes  (gall.  moy.  giuaraivt,  gwrthrawt). 

Le  gallois  rhodres,  orgueil,  pompe,  paraît  avoir  pour  pre- 
mier terme  rhod  ;  mais  c'est  fort  douteux  à  cause  de  la  forme 
rhyodres  qui  a  le  même  sens.  Rhodres  peut  être  pour  ro-odres  : 
de  même  dodrefn  se  trouve  plus  anciennement  sous  la  forme 
do-odrefen,  à  côté  de  dyodrefn.  Pour  rhy-odres,  cf.  le  vieux-bre- 
ton ro-gotetic,  gl.  creditam  ;  cf.  irl.  mod.  gothadh  qui  a,  au  plu- 
riel, le  sens  de  «  prétentions,  avis  avantageux,  vantardise  » 
(Dinneen). 

Le  gallois  rhodwydd  n'a  pas  été  compris  par  les  lexicographes 
gallois,  à  commencer  par  John  Rhys  et  Gwenogvryn  Evans 
dans  leur  édition  du  Book  of  Llandav. 

1.  J.  Vendryes  me  fait  obligeamment  remarquer  qu'il  y  a  deux  *roto-  en 
celtique  ;  l'un  signifiant  roue  (cf.  latin  rota  et  gr.  rpo/o'ç).  l'autre  signifiant 
course  (cf.  gr.  too'-^o;).  On  a,  en  vieil-irl.,  ajoute-t-il,  i-routh,  gl.  in  staJio 
{Wb.  11  a  3).  Cf.  Rev.  Celt.,  XXXIII,  374. 

Reine  Celtique,  XLIII.  10 


146  y.  Loi  h. 

Ils  traduisent  le  nom  de  lieu  Rotguidou  par  tituber  forts  et 
rapprochent  rot  de  l'irl.  râth.  O'  Pughe  traduit  rhodwydd  par 
open-course.  Rhodwydd  est  évidemment  identique  au  moyen- 
breton  rodoed  :  Cart.  de  Landévennec  Rodoed  carn,  vadum 
corneum.  Pour  les  formes  bretonnes  de  ce  mot,  cf.  Chrest. 
bret.,p.  162.  On  peut  rapprocher  rhodwydd  de  rhyd,  gué,  d'après 
le  sens  mais  le  gallois  -wydd  et  le  breton  -wed,  -oed  (wed)  sup- 
posent un  vieux-celtique  ijeid-,  dont  l'origine  est  obscure. 

401.  Gallois  rhiw. 

Rhiw  est  connu  à  toute  époque  et  est  commun  dans  la  topo- 
nomastique  galloise  ;  son  sens  courant  est  :  «  acclivité,  décli- 
vité d'une  colline  ».  Il  semble,  d'après  certains  textes,  qu'il 
désigne  plus  précisément  une  pente  abrupte,  d'un  accès  diffi- 
cile, facile  à  défendre  : 

L.  Rouge  281.4  : 

Kyndylan  kae  di  y  riw 

Yn  y  daw  Lloegyrwys  hediw 

«  Kyndylan,  ferme  la  pente,  jusqu'à  ce  que  (en  attendant 
que)  viennent  les  Loegriens  aujourd'hui  ». 

Le  mot  est  féminin  comme  l'indique  le  nom  de  lieu  y  Riw 
veien  (L.  Rouge  266.16).  Rhiw  paraît  isolé  dans  la  famille 
celtique.  Sa  parenté  est  probable  avec  le  latin  ripa,  grec  êpswm;, 
pente  abrupte,  cf.  v.  isl.  rifa,  rumpere  (Walde,  Lat.  Et.  W.). 

402.  Gallois  RHUMEN. 

Le  gallois  rhumen,  rhummen  f.  a  le  sens  de  «  panse  »  et 
«  mamelle  »  (ce  dernier  sens  chez  Thomas  Richards).  Rhu- 
men  est  singulatif.  O.  Pughe  donne  même  le  substantif  rhu- 
mog,  f.  avec  ce  sens.  Le  mot  est  isolé  aussi  bien  dans  les  langues 
brittoniques  que  dans  les  goidéliques.  Si  rhumen  est  celtique, 
comme  il  n'y  a  pas  à  ma  connaissance  de  raison  d'en  douter, 
rum-  suppose  un  vieux-celtique  *rou-smo-  ou  *rou-smà-.  La 
parenté  avec  le  latin  rumen,  estomac,  œsophage,  paraît  très 
probable  (cf.  Walde,  à  rùtna,  rumen  '). 

1.  Walde  traduit  rumen  par  sàugende  Brust. 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  147 

403.  Irlandais  moyen  ussarb;  gallois  servyll,  servan. 

Ussarb  est  glosé  par  bas,  mort  (Corm.,  p.  43,  ap.  Winà. 
WôrlS)  ;  ce  sens  est  confirmé  par  ussairb,  3e  per3.  sg.  prés. 
(Whitley  Stokes,  Eulogy  of  Cûrôi  :  Eriu  II,  p.  12  et  suiv.). 
Stokes  l'a  rapproché  de  l'ail,  slerben,  angl.  to  starve. 

O.  Pughe  traduit  serfyll  par  :  waggling,  di^y,  cra^y  (usé, 
décrépit).  Il  en  donne  cet  exemple  tiré  d'un  poète  de  la  fin  du 
xvie  siècle  :  serfyll  oer  bebyll  yiurbyd 

«  c'est  une  tente  froide,  ruineuse  (prête  à  tomber  ou  en 
ruines)  que  le  monde  ».  Pour  Thomas  Richards  le  sens  est  : 
sur  le  point  de  tomber.  J.  Morris  Jones  (Gr.,  p.  148)  le  traduit 
par  prostrate.  Le  dérivé  de  la  même  racine,  serfan  chez  H.  Salis- 
bury,  a  le  sens  de  stupid,  dérivé  évidemment  de  :  qui  reste 
interdit,  en  état  de  stupeur,  figé.  Ces  variétés  de  sens  se 
retrouvent  en  grande  partie  dans  les  langues  germaniques  : 
Walde,  Lat.  Et.  W .  a  torpeo,  explique  l'anglo-saxon  stearfan, 
mourir,  par  erstarren,  être  rigide,  raide  ;  le  vieil-isl.  stjarfe,  est 
traduit  par  lui  par  starrkrampf. 

L'irl.  ussarb  remonte  k*ud-sterb  ;  *serb  =  indo-europ.  sterbh 
(cf.  a-rpiî/vioç  chez  Hesychius  «  raide  »).  Serfyll,  serfan  sont  des 
dérivés  de  *sterbh  (O.  Pughe  donne  le  verbe  serf-u,  mais  sans 
exemple). 

Peut-être  pourrait-on  rapprocher  de  serfyll  le  nom  propre 
breton  assez  répandu  Servel. 

404.  Vieil-irlandais  serr  ;  irlandais  moderne  searr;  gallois 

SERTH,   SWRTH,   SYRTH,    SYRTHIO  ;    breton   SERZ. 

Serr  (Gl.  de  Cormac,  p.  41)  est  expliqué  d'une  façon  a  priori 
contradictoire  :  serr,  cach  n-uallach  ocus  cach  n-ogla  ;  serr,  tout 
ce  qui  est  hautain  et  tout  ce  qui  est  timide.  En  irlandais 
moderne,  searr  qui  correspond  à  serr  de  Cormac,  n'a  qu'un 
des  sens  :  tout  petit  animal  craintif,  prompt  à  tressaillir  (par 
exemple,  un  petit  enfant  sur  les  talons  de  sa  mère  ;  Dinneen). 
O'Reilly  donne  searr,  frayeur.  Le  brittonique  donne  l'explica- 
tion de  cette  apparente  anomalie.  Le  gallois  serthz  le  sens  de  : 
«  qui  est  à  pic,  escarpé  »  et  en  même  temps  de  «.qui  est  en 
pente  rapide,  penché  ».  Les  nombreux  composés  de  serth  par- 
ticipent de  ce  sens  :  serthan  f.,  précipice,  falaise  ;  serthiis,  en 


148  ;.   Lot  h. 

pente.  Le  breton  ser%  ne  signifie  que  «  ferme,  droit  »,  serr 
«  vertical  »  (Le  Moal,  Suppl.).  Cependant,  en  parlant  du  vent, 
serza  signifie  :  monter,  s'élever  '  :  opposé  à  gou^a,  baisser. 
Tous  ces  sens  se  retrouvent  dans  les  mots  germaniques  déri- 
vés de  ster-,  siert- ;  starr  a  le  sens  de  raide  (cf.  Falk-Torp  à 
staer,  II).  Le  moyen  haut  ail.  ster^en  2,  v.  norr.  upstertr,  qui 
s'élève  au-dessus,  a  le  sens  de  se  dresser,  s'élever,  comme  le 
breton  ser\  (Falk-Torp.  à  stjert). 

A  côté  de  serth,  le  gallois  a  syrth,  chute  ;  syrthio,  tomber, 
primitivement,  semble-t-il,  s'écrouler,  se  précipiter  \  C'est  le 
sens  du  norvégien  styrte,  tomber,  s'abattre;  or  styrt,  v.  norr. 
stirdr,  qui  ne  peut  en  être  séparé,  a  le  sens  de  «  raide,  qui  ne  plie 
pas,  hostile  ».  Ce  mot  styrt  sort  de  *stertio-,  dérivé  de  *sterto-. 
Le  sens  de  l'irl.  moderne  searr  se  retrouve  dans  le  moyen- 
anglais  sterten  (anglais  start),  tressaillir,  sursauter;  dans  l'an- 
glais jtartle,  faire  tressaillir -(cf.  ags.  steartlian,  trébucher). 
Falk-Torp  ramène  ces  différents  sens  à  la  même  racine  ster-, 
raide. 

Le  gallois  syrthio,  tomber,  pourrait  remonter  à  *sterl-,  mais 
non  syrth,  chute,  à  moins  qu'on  ne  suppose  un  vieux-celtique 
*sterti.  Au  contraire,  syrth  dériverait  régulièrement  de  swrth 
=  *stur-to-  par  *stur-tio-  ;  swrth  a  le  sens  de  «  tombé,  abattu  ». 

i .  A  Molènes,  on  dit  ser\a'ra  an  avel,  quand  le  vent  tend  à  souffler  de  la 
région  du  ciel  entre  est  et  nord.  Tout  vent  dans  cette  direction  s'appelle 
avel  ierz  ou  avel  ncliel.  Quand  il  vient  jusqu'à  bi^  (nord-est),  on  dit  ser^et  eo 
«  il  est  haut  en  plein  ».  Quand  le  vent  tend  à  souffler  entre  ouest  et  sud,  on 
dit  :  gou\i%a'ra  an  avel  (communication  de  J.  Cuillandre). 

2.  Le  norvégien  starra,  sierra,  se  raidir,  s'évertuer  ;  storra  seg,  se  tendre, 
concentrer,  rappelle  le  sens  du  gallois  ymserthù,  ymserth,  discorde  :  vmsertb 
gîvreig  sydd  fel  de/ni  parhaus  «  les  querelles  (O.  P.  traduit  par  contention)  ou 
mauvais  propos  de  la  femme  sont  comme  des  gouttes  d'eau  incessantes  ». 
ymserthù  paraît  avoir  aussi  le  sens  de  «  s'abaisser  à  ».  Le  sens  primitif  a  dû 
être  «  se  dresser  contre,  se  tendre  ». 

3.  Ce  sens  paraît  indiqué  dans  ce  passage  du  L.  Tal.  (Skene  F.a.B.,  II, 
216.4)  : 

neiCr  byt  bel  syrthei 

Pyar  yt  givydei 
«  ou  bien  si  le  monde  s'écroulait,  sur  quoi  tomberait-il?  »  Le  texte  de 
Skene  porte  syrchei,   erreur  évidente,  de    même  syrch  pour  syrth  214.2; 
237.2. 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  149 

Le  féminin  sorlh  a  pu  amener  la  création  d'un  masculin 
swrth,  mais  il  faudrait  en  trouver  des  exemples  anciens. 

Si  sivrth  remonte  à  un  vieux-celtique  *sturto-,  il  est  à  com- 
parer au  grec  izzûptù  =*xtuptw,  je  rends  craintif;  --.-jpoy.cv.,  je 
deviens  craintif,  je  prends  peur.  Walde  ramène  -stem,  dans 
consternare,  grec  icripto,  v.  h.  a.  -siornên,  être  frappé  d'étonne- 
ment,  de  stupeur,  à  un  indo-eur.  *pster,  *pslur.  Swrth  =  stur- 
(*pstur-)  s'en  accommoderait  au  point  de  vue  phonétique. 
Swrth  aie  sens  d'abattre,  mais  aussi,  d'après  O.  Pughe,  le  sens 
de  :  disposé  à  s'assoupir,  indolent,  lourdaud  :  ces  sens  pour- 
raient procéder  de  celui  de  :  stupéfié,  ahuri. 

Mais  syrth,  qui  ne  peut  en  être  séparé,  a  le  sens  non  seule- 
ment de  «  chute  »,  mais  de  «  penchant  »  :  syrth  anian,  pen- 
chant de  nature  ;  lie  syrth,  signifie  «  lieu  escarpé  »  ;  swrth,  syrth 
ne  peuvent  être  séparés  de  serth.  Mieux  vaut,  en  conséquence, 
supposer  un  vieux-celtique  *storto  :  Vu  de  swrth  aurait  rem- 
placé 0  '  ce  qui  se  produit  devant  liquide  -\-  spirante  {twrch, 
iwrch).  Les  sens  relevés  en  gallois,  en  irlandais  et  en  germa- 
nique, s'expliquent  bien  par  ster-,  avec  des  variantes  voca- 
liques  stor-,  str. 

Ster-  raide,  ferme,  explique  bien  le  vieil-irl.  seirt,  «  force  » 
de  *sterti-.  Peut-être  peut-on  y  rapporter  aussi  le  gallois  ystern 
dans  ce  passage  de  L.  Tal.  F. a.  B.  II,  133,  32. 

curw  pan yw  ystern  «...  que  la  bière  est  forte  ». 

Pedersen,  Vergl.  Gr.  II,  62e,  tire  sernim,  je  distends,  de 
*ster-(n-)  ainsi  que  les  formes  bretonnes  :  v.  bret.  strcuis,  gl. 
stravi  ;  vannet.  strewein,  éparpiller,  disperser,  étendre  ;  streuet 
(bas-vann.  strdwdt)  litière  qu'on  étend  dans  la  cour  et  dans  les 
endroits  où  passe  le  bétail  pour  en  faire  du  fumier  \ 

Stokes  (Urk.  Spr.,  p.  301)  tire  sernims  de  s(p)crnô  et  y  rap- 
porte sréim,  sréditn,  je  jette  («reaCptd,  v.  h.  a.  sprtstan)  mais  se 
demande  si  on  n'est  pas  en  présence  de  sterno.  L'irlandais 
moderne  distingue  nettement  sernaim,  je  délie,  relâche,  disperse 
(sens  vieilli)  deserraim,  je  distends,  étends  mes  membres  pour 


1.  Sorth  parait  dans  le  L.  Tal.  (F.  a.  B.,  II.  188.  6),  mais  le  sens  n'en  est 
pas  clair. 

2.  A  remarquer  le  sens  du  lit.  stnlja,  écurie  avec  de  la  paille  étendue. 


150  /.  Loth. 

me  mettre  à  l'aise  ;  serradh,  action  de  distendre  les  membres, 
distendre  la  bouche  pour  bâiller,  gonfler  un  ballon.  Il  est  très 
probable  qu'il  y  a  eu  confusion  entre  ster  et  sper  :  cf.  norv. 
sperre,  écarter  ;  ail.  sperreti,  écarter  largement  (écarter  les 
jambes);  cf.  Falk-Torp  à  sperren,  sprede. 

405.  Irlandais  moderne  searathân,  spearthach. 
Sperthach,  m.,  est  une  corde  pour  le  bétail.   A  priori,   on 

est  tenté  de  conclure  à  un  emprunt,  en  raison  de  sp  initial. 
Cependant,  il  n'y  a,  en  anglais,  aucun  mot,  à  ma  connaissance, 
s'y  rapportant.  L'anglo-saxon  spearrian  n'a  que  le  sens  de 
barricader  (cf.  anglais  spar).  De  plus,  ce  qui  paraît  décisif,  il 
y  a  un  mot  de  même  sens  et  de  forme  celtique  qu'on  ne  peut 
supposer  emprunté  :  searathân,  corde  liée  autour  des  tendons 
d'une  bête  à  corne  au-dessus  du  jarret  pour  l'empêcher  de 
vagabonder;  c'est  aussi  une  ficelle  nouée  autour  du  pantalon 
à  la  hauteur  du  genou,  quand  on  laboure  (Dinneen). 

S'il  s'agit,  comme  il  semble,  de  deux  mots  appartenant  à  la 
même  racine,  searathân  supposerait  une  racine  *sper-  et  spear- 
thach, un  indo-eur.  *%bhër-,  c'est-à-dire  *spher-  et  *bher- (jbher-~)  : 
cf.  Falk-Torp,  Norw.-dàn.  Et.  W~,  à  sparre,  sperre  et  barre. 

406.  Irlandais  moyen  serriach  ;  latin  parra  ;  anglais  spar- 
rowhawk. 

Serriach,  milan,  est  évidemment  un  composé  de  serr-  et  de 
féach,  corbeau.  Stokes  {In  cath  cath.  Index,  3206)  cite  un  dou- 
blet orthographique  serr-fédch.  La  composition  rappelle  celle 
de  l'anglais  sparrowhawk,  épervier  ;  v.  norr.  sporrhawkr.  Quant 
à  -serr,  il  se  rattache  d'un  côté  au  latin  parra,  oiseau  dont  le 
cri  est  de  mauvais  augure,  et  au  v.h.a.  sparo,  anglais  sparrow, 
moineau,  par  son  s  initial  (Falk-Torp,  à  spurve).  Parra  = 
*paresà  ;  serr-  =  sperrà-  ou  spërro-  ;  ide.  spersâ-.  Walde  (Lat. 
Et.  W.)  cite  l'étymologie  de  Hoffmann  qui  les  rapproche  de 
azaipst.  aXXsTai,  axtpxà  ;  latin  sperno  ? 

407.  Gall.  torri,  torredlu,  torredwynt  ;  bret.  torr,  terri; 
comique  torraf,  terry,  tyrry. 

Torri,  terri,  tyrri  sont  usités  à  toute  époque  dans  le  sens  de 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  1 5 1 

«  briser  ».  L'étymologie  n'en  est  --pas  sûre.  Le   gallois  moyen 
présente  deux  composés  intéressants  : 

torredlu  et  torredwynt. 

Torredlu  paraît  dans  le  Brut  Gruff.  ab  Arthur  (M.  A.  594. 1)  : 
e  menegit  idaw  vot  er  amherawdyr  wedy  lluestu  yn  agaws  eno  a 
thorredlu  ganthaw  «  on  lui  annonça  que  l'empereur  campait 
là  auprès  avec  une  armée  formidable.  »  Dans  les  notes,  ibid., 
p.  594,  note  561,  le  mot  est  ainsi  commenté  :  a  chymeint  0  lu 
ganthaw  de  nat  oed  hawd  y  neb  y  arhos  «  et  une  si  grande  armée 
avec  lui  qu'il  n'était  facile  à  personne  de  l'affronter.  »  Torredlu 
a  le  sens  de  «  irrésistible,  qui  doit  tout  briser.  » 

Le  poète  Llygat  Gwr  (Af.  A.,  240.1)  compare  ainsi  un 
chef  : 

twryf  torredwynt  mawr  uch  mor  ddiffeith 

«  fracas  d'un  grand  vent  impétueux  au-dessus  de  la  mer 
stérile.  »  Torredwynt  est  le  vent  qui  souffle  en  tempête  et  brise. 
Il  existe  en  moyen-gallois  un  futur  torredawt  :  L.  Rouge  {F. 
a.B.  11.236,  3)  : 

Torredawt  geir  a  chreirieu 

«  on  brisera  la  parole  donnée  et  les  reliques.  » 
En  présence  de  ces  composés,  on  pense  tout  naturellement 
au  point  de  vue  de  l'origine,  au  latin  torrens.  On  le  tire  de  la 
même  racine  que  torreo,  ce  qui  paraît  quelque  peu  forcé. 

408.  Irlandais  moyen  scret,  irlandais  moderne  scread, 
sgread  ;  gallois  moyen  dyscrethein. 

Scread  a  le  sens  général  de  «  cri  »  avec  diverses  variétés  de 
signification  (cri  perçant,  vocifération,  etc.).  Il  a  de  nombreux 
dérivés  :  screadach,  action  de  crier  ;  screadach,  qui  crie  ; 
screadachàn,  petit  enfant  qui  crie  ;  screadaim,  je  crie  ;  screadân, 
bruit  de  toute  chose  qu'on  déchire  (par  exemple,  du  papier), 
etc.  Windisch  (JVôrt .)  cite  scret-gaire  na  n-artn,  le  cliquetis 
ou  fracas  des  armes,  LU.,  p.  123-29. 

Le  seul  mot  gallois  de  même  origine  et  primitivement  de 


i52  /•   Lotb. 

même  signification  est,  à  ma  connaissance,  le  moyen  gallois 
dyscrethein  (M.  A.,  546.2  :  Brut  Gr.  ab  Arthur}  :  ac  vellye  huant 
en  emfustiaiu  eny  ettoed  e  rei  byw  en  kolli  eu  synywyr  0  dostur  klywet 
e  rei  meiriu  en  dyscrethein  ac  en  dilwyn  eneil  «  et  ils  furent  ainsi 
se  battant  au  point  que  les  vivants  perdaient  leur  raison  par 
douleur  d'entendre  les  mourants  râlant  et  rendant  l'âme.  »  La 
version  publiée  dans  la  M.  A.  sous  le  titre  de  nodiadau,  notes 
(ce  sont  des  variantes  assez  étendues)  remplace  dyscrethein  par 
le  mot  vague  de  cwynvan.  plainte,  lamentation  (M.  A.,  p.  596, 
note  591). 

Le  sens  réel  s'éclaire  par  la  comparaison  avec  les  langues 
germaniques.  Scret,  -screth-  supposent  un  vieux-celtique *skrett- 
que  Zupitza  explique  de  façon  fort  satisfaisante  par  un  indo- 
eur.  *skred-nô-  (K.Z.,  36,  243).  Il  en  rapproche  le  danois skratte, 
faire  entendre  un  ton  brusque,  norvégien  :  rire  aux  éclats  ; 
vieux-danois  skrade,  râle,  râlement.  Zupitza  cite  également 
l'ags.  scrallettan,  ail.  schrill, perçant  (son)  =  *shadl-,  skredl-. 
Schrôder,  Z.f.  d.  A.,  42,  63,  rattache  schrill  =  *skrid-lo-,  au 
got.  dis-kreitan,  déchirer,  ce  qui  rappelle  le  sens  de  screadân 
(Falk-Torp,  Nonv.-dàn.  Et.  W .  à  skralte,  et  p.  1 544,  à  skralde). 

Dyscrethein  =  di-  (dy-  atone)  -f-  screttani  '. 

409.  Gallois  cre,  dychre  ;  gallois  cryg,  ysgrech  ;  irlan- 
dais moyen  screch,  irlandais  moderne  scréach,  gréach  ; 
breton  screo. 

Cre,  à  toute  époque  a  le  sens  de  «  croassement,  croasser  »  : 

M.  A.  207.1 

y  fort  ygertwyf  gwrt  yd  gre  branhes 

«  par  où  je  passe,  vigoureusement  croasse  la  troupe  des 
corbeaux.  » 

Ibid.  226.1  creynt  hicvrein  «  les  corbeaux  croassaient.  » 


1.  J.  M.  Jones,  Grammar,  p.  389,  ii.  4  rapproche  avec  raison  les  subs- 
tantifs verbaux  comme  llefain,  germain  des  infinitifs  grecs  comme  do-|j.ev- 
ai(gerniain  =  garmmam  —  ide.  gar-smen-ai).  En  revanche,  il  n'est  pas  prouvé 
que  ce  soit  par  analogie  que  -ain  se  trouverait  ailleurs  que  dans  les  formes 
en  -man(-men),  -niant,  par  exemple  dans  diaspedein  (diaspat,  grand  cri). 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  153 

Dychre  a  le  même  sens  :  M.  A.  204.2  : 

Rac  gelyn  Bryneich  branhes  dychre 

«  devant  l'ennemi  de  Bryneich,  la  troupe  des  corbeaux 
croasse.  »  (id.  ibid.  214.1). 

Dychre  a.  peut-être  un  sens  intensif  :  il  est  composé  de  di- 
(non  accentué  dy)  -s  (ex)  -cre~  Cre  peut  représenter  (s)kreg- 
oucrep-  (cf.  latin  crepo,  Walde,  Lat.  Et.  W.);  pour  (s)kreg-, 
cf.  Falk-Torp,  Norw.-ddn.  Et.  W.  à  skrig.  On  pourrait  aussi 
songer  à  un  substantif  *krïgd,  à  cause  de  cryg. 

Le  gallois  cryg,  rauque,  remonte  à  *kriko-  ;  ysgrech,  yscrech, 
cri   perçant,    représente   *(s)kriknâ  ou    *{s)krig-nâ   (cf.    grec 

L'irlandais  moyen  screcha  été  expliqué  par  un  vieux-celtique 
*skrikâ,  et  grech  qui  a  un  sens  analogue  par  *grikâ.  Mais  Tir- 
landais  moderne  scréach,  sgrèach,  gréach,  ne  peuvent  s'expliquer 
ainsi  en  raison  de  la  longueur  de  ê  due  évidemment  à  un 
allongement  compensatif.  On  a  longtemps  cru  aussi  que 
crecht,  blessure,  avait  un  ë  bref,  faute  d'avoir  tenu  compte  de 
la  graphie  moderne  créacht  ;  crecht  se  trouve  d'ailleurs,  avec  le 
signe  de  la  longueur  en  irlandais  moyen.  C'est  un  u  que 
scréach  a  dû  perdre.  Il  existe,  en  effet,  à  Molènes,  d'après  une 
communication  de  M.  Cuillandre,  un  oiseau  de  mer  au  cri 
perçant  du  nom  de  screo  {screo  en  une  syllabe),  plur.  screvet 
(//  devenu  v  entre  palatales).  Il  y  a  aussi  un  pluriel  scravet, 
formé  sur  un  sing.  usité  ailleurs  scrav,  scraf,  éterlet,  oiseau 
de  mer  ressemblant  à  un  pigeon  blanc,  la  tête  en  partie  noire, 
les  pattes  rouges  (Le  Pelletier,  d'après  Ernault,  Gloss.).  Scrav 
suppose  skrab-  ;  ci.  lit.  skrebëti,  faire  du  bruit,  crépiter;  dou- 
blet (s)krep-,  crepare  (Falk-Torp,  Norw.-dân.  Et.  W.  zskravk: 
v.  norr.  skrafa,  bavarder,  jacasser  ;  v.  n.  skarfr,  cormoran, 
cité  aussi  par  Ernault). 

Scréach  remonterait  donc  a  skreuâkâ-.  Gréach  suppose  de 
même  greuàkà.  Screo  sort  de  skreuo-  (ce  pourrait  être  aussi 
skrauio-)  ;  scréach,  sgrèach,  gréach  feraient  penser  à  un  indo- 
européen *igreu,  greu-. 

Si  en  irl.  mod.  screch,  grech,  ont  réellement  è  bref,  il  y  aurait 


154  /•  Loih. 

eu  deux  formations  différentes,  ce  qui  ne  serait  pas  surpre- 
nant dans  ces  mots  commençant  par  kr-,  skr-  où  l'onomato- 
pée joue  un  rôle  important. 

410.  Breton  steudenn  ;  gallois  AN-sodi  ;  irlandais  sâidim, 
sâithim  ;   gallois    hodi  ;    breton  dihodein  ;    breton   arstud, 

ARSTUZ,    STU. 

Le  breton  steudenn  a  deux  sens  fort  différents  (Ernault, 
Gloss.). 

i°  tenon  de  mortaise  ;  pointe  :  iacho  steuden  ver,  des  clous  à 
pointe  courte  ;  sleudennet  mat,  bien  fixé,  bien  monté  ;  languette 
d'une  balance  '  ;  steut,  au  sens  métaphorique  dérivé  de  l'idée 
de  fixer,  planter,  a  le  sens  d'attention  :  rein  steut  (et  steii)a"er- 
go\,  faire  attention  à  la  conversation  ;  gant  steud,  avec  atten- 
tion ; 

2e  rangée,  file,  série  ;  steut,  f.,  rangée  de  gerbes  ;  bernou 
foùen  graet  a  steudennou,  tas  de  foin  faits  par  rangées;  vanne- 
tais  sted  (bas-vann.  stôt  avec  ô  bref),  rangée,  aussi  volée  de 
coups  de  bâton,  astet,  à  la  file  ;  stedein,  aligner  (le  foin  :  Le 
Goff,  SuppL). 

Dans  le  premier  sens,  steut,  steuden  suppose  vieux-celt. 
stà-t- ;  avec  un  suffixe  différent  -d-,  il  est  identique  au  gallois 
-sawd,  -sodi  :  Brut  Gruff.  ab  Arthur,  M.  A.,  p.  582  :  y  tarw 
a  ansoda  y  gyrn  yndunt,  «  le  taureau  plantera  ses  cornes  en 
eux.  » 

De  ce  sens  de  «  planter,  fixer  »,  an  sawd  a  pris  le  sens  de 
«  condition  stable,  état  dans  lequel  on  se  trouve,  personnage 
dont  on  fait  fonction  2  ». 

Avec  coin-,  ansodi  prend  le  sens  de  «  composer,  constituer, 
établir  ».  En  vieil-irl.  in-sâidim,  gl.  jacio(PrisciendeCarlsruhe, 
Thés.  pal.  II,  228,  297)  ;saidim  gl.  figo(Cormac  Transi.  76); 
sâthud  (Atk,  Leb.  Pr.  1236)  a  le  sens  de  planter  (des  clous), 
ce  qui    rappelle  le  breton  tacho  steuden  ver.  En    irl.  moderne, 

1.  Dans  ce  sens,  cf.  vannetais  stedel,  ficelle  qui  agit  sur  lé  loquet  (Groix, 
d'après  Le  Goff,  Suppl.).  Cela  s'expliquerait  par  le  sens  de  «  lancer  ». 

2.  S.  Evans  cite  aussi  un  passage  du  saint  Graal  où  ansaivâ  porte  sur  des 
vivres  ;  cf.  dans  la  grammaire  de  John  David  Rhys,  ansaml  0  fwyd  a  llyn, 
provision  de  nourriture  et  de  boisson.  Le  sens  a  dû  être  «  fond.  » 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  1 5  5 

sâithim  a  le  sens  de  «  lancer,  pousser,  piquer,  planter  »  ;sâidhte, 
«  fiché,  planté  dedans,  enfoncé  ».  Pedersen  (Vergl.  Gr.  II,  605) 
croit  sâd-  plus  ancien  que  sât-  (sâthud).  Le  gallois  ansoâi  serait 
en  faveur  de  cette  hypothèse,  mais  à  côté  de  sawd,  on  trouve 
en  gallois  des  composés  en  -sawt,  qui  cependant  paraissent 
moins  anciens.  Ce  qui  établit  l'existence  d'une  forme  sàt-  en 
vieux-britt.  c'est  le  breton  steut,  steud.  Il  faut  donc  admettre 
l'existence  en  vieux-celtique  d'une  double  forme  stâ-t-,  stâ-d-. 
L'irlandais  pourrait  s'expliquer  par  un  indo-eur.  sâd-  :  (an- 
sàdail,  «  incertain,  pas  fixé,  instable  »).  Pedersen,  en  effet, 
y  voit  un  causatif  à  sed-  (sod-  :  suide  =  sodio-),  mais  l'accord 
de  sens  avec  le  gallois  et  le  breton  doit  faire  préférer  la  déri- 
vation de  stà. 

A  stu-  (*steu,  *stoiî),  se  rapporte  le  vieux-breton  arstud,  gl. 
cuspis  '  ;  voc.  corn,  stnt  (stud)  culex;  breton  astu%,  vermine; 
gallois  cystud-  au  sens  métaphorique  «  affliction,  douleur  ». 
Le  bas-vannetais  stu  {stu)  employé  couramment,  notamment 
dans  la  région  de  Guémené-sur-Scorff,  a  le  sens  d'«  assole- 
ment, première  façon  donnée  à  la  terre  ;  pour  le  sens,  d.  l'alle- 
mand brache,  jachère  (action  de  briser  la  terre,  l'ouvrir  pour 
la  première  fois).  Stu  est  pour  stud  :  cf.  léonard  di-stu^,  tra- 
duit par  «  jachère  »  (qui  est  en  jachère)  ;  proprement  qui  n'a 
pas  été  labouré,  qui  n'a    pas   reçu  un   premier  labour. 

Le  sens  de  steut,  attention  soutenue,  malgré  la  différence  de 
dentale,  est  identique  à  celui  du  latin  studeo,  qui  paraît  aussi 
plus  anciennement  avoir  eu  le  sens  de  chercher  où  frapper 
(Walde,  Lat.  Et.  IV.).  A  ce- thème,  on  rapporte  le  got.  stau- 
tan,  v.h.a.  stoiftn,  allemand  stot^en,  heurter,  pousser  avec  les 
cornes.  Cf.  Falk-Torp,  Norw.-dàn.  Et.  W.2.  stede.  Pour  stud-, 
tud-,  cf.  Walde  à  tundo. 

A  steut,  steuden,  se  rattache  le  gallois  ystawd,   ystod,  qui  a, 

1 .  Le  breton  moyen  esteu^el  a  le  sens  de  percé  (d'un  glaive  de  douleur)  ; 
(mère)  navrée  (de  douleur).  C'est  un  participe  de  esteti^ijf,  qui  a  le  sens 
d'éteindre  ;  steasia,  s'abîmer,  disparaître  (Ernault,  Gl.  à  esteu\iff).  Dans  le 
sens  de  percé,  navré,  esteu^et  rappelle  singulièrement  arstud  et  le  gallois 
cystud.  Il  y  a  une  variante  estu^if  qui  n'est  pas  décisive,  car  u  peut  repré- 
senter o.  En  tout  cas,  dans  ce  sens,  on  peut  supposer  un  mot  dérivé  de  *stàd- 
comme  steudenn  à  côté  de  stud  dérivé  de  *stoud-.  Estcusifl  remonte  à  *ex-stâd. 


156  J.  Loi  h. 

en  matière  d'agriculture,  le  sens  d'andain,  fauchée.  En  parlant 
du  temps,  ystod  a  le  sens  de  période  :  steut,  ystod  =  *stâ-tâ. 
Pour  le  sens,  d.  v.  norr.  staâi  (sta-t-),  tas  de  blé  dans  la 
grange  ;  v.h.a.  stadal,  tas  de  blé  (cf.  Falk-Torp,  à  stel,  et  slod  — 
*stàtô-). 

Stokes  (Indexa  /;/  cath  Cath.,  3163)  rapproche  sâdud  (qui 
serait,  d'après  lui,  pour  sdthud)  d'un  gallois  bode,  action  de 
planter,  percer.  Hode  doit  être  une  mauvaise  graphie  pour 
bodi  qui  ne  me  paraît  pas  exister  dans  ce  sens.  En  revanche, 
haivd  existe  avec  un  sens  précis.  O.  Pughe  cite  l'expression 
du  gallois  du  Sud  :  y  mat  yr  yd  yn  ei  hawd  ',  the  corn  is  in 
its  time  of  earing.  C'est  exactement  le  sens  du  vannetais 
di-bodein,  inbodein,  monter  en  épi,  graine.  Hodi  a  existé  en  gal- 
lois dans  ce  sens.  Il  faudrait  donc,  si  on  admet  le  rapproche- 
ment avec  sdthud ,  qu'il  y  ait  eu  un  *sât-,  *sôt-,  diffèrent  de  *stâd-, 
*stàt-,  en  vieux- celtique.  Ce  qui  tendrait  à  fortifier  ce  rappro- 
chement, c'est  l'existence  d'un  pluriel  bodi  dans  le  sens  de 
wild  schrubs,  brakes.  Le  breton  -bot-  suppose  sot-,  Hot-  serait 
plutôt  apparenté  à  sat-  (irl.  saithe,  gall.  baid  ;  breton  hed, 
essaim,  et  had,  semence). 

411.  Breton  stiogen,  stiogan. 

Ce  mot,  qu'on  ne  trouve  dans  aucun  dictionnaire,  est  en 
usage  dans  la  région  de  Cap-Caval  (Finistère),  au  témoignage 
de  M.  Cuillandre,  professeur  au  lycée  de  Quimper,  dans  le 
sens  de  «  pieuvre  ».  C'est  un  mot  isolé  dans  la  famille  cel- 
tique. Cependant  son  origine  ne'paraît  pas  douteuse  :  stiogen 
est  un  singulatif  formé  sur  stioc  qui  a  dû  exister,  s'il  n'existe 
pas  encore,  dans  le  sens  collectif.  Stioc  vient  de  *stigâkà,  de  la 
racine  stîg-,  «  piquer,  s'accrocher  à  »;  cf.  latin  instigare,  grec 
<7-&o,  3-iyy.z;  got.  stiks  ;  vha.  stih,  ail.  sticb,  piqûre,  point.  Le 
sens  de  piquer,  s'accrocher,  se  fixer  à,  est  celui  de  l'allemand 
appartenant  à  la  même  racine  stecken  et  caractérise  parfaitement 
la  pieuvre.  La  terminaison  -oc  pour  -eue-,  -ce,  est  connue  du 
côté  de  Cap-Caval.  Stiogan   montre    la  terminaison  -an   bien 

1.  O'Pughe  décompose  Hawdclyr  (Hauteclair),  nom  français  de  l'épée 
d'Olivier  en  Hawd  elyr  qu'il  traduit  par  the  wbisk  of  the  hornet  ! 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  157 

connue,  qui   a  parfois  en  gallois   un  sens  diminutif  comme 
l'irl.  -an. 

Il  existe  en  bas-vannetaisun  mot  qui  pourrait  s'y  rattacher  : 
e'est  sti  (itî)  qu'aucun  dictionnaire  ne  donne  et  qui  figure 
dans  une  strophe  de  la  version  de  la  fameuse  chanson  de  la 
Soupe  cru  lait,  que  j'ai  recueillie  et  dont  j'ai  donné  le  texte  avec 
traduction  dans  le  recueil  de  Bourgault-Ducoudray,  Trente 
mélodies  populaires  de  Basse-Bretagne.  Chaque  couplet  commence 
par  une  invitation  au  biniou  et  à  la  bombarde  de  jouer  avec 
entrain.  Voici  celui  où  figure  sti  : 

Zonet-u  zpnerian  l ,  çonet  munut  a  sti 
Ma  er  çouben  a"er  lech  e  tonet  ar  en  ti 

«  sonnez,  sonneurs,  sonnez  fin  et  serré,  voici  que  la  soupe 
au  lait  vient  sur  le  sol  »  (on  la  descend  du  trépied). 

Dans  le  couplet  suivant  sti  est  remplacé  par  stanc  (jtanc) 
qui  a  le  sens  courant  de  «  serré  (sans  arrêt)  »  : 

Zonet-u  zpnerian,  %onet  munut  a  stanc 
Ma  er  ^puben  der  lech  e  tonet  ar  er  banc 

«  sonnez,  sonneurs,  sonnez  fin  et  serré,  voie*  que  la  soupe 
au  lait  vient  sur  le  banc  »  (du  lit  où  sont  les  nouveaux  mariés). 

Sti  a  pu  signifier  d'abord  «  accroché  à,  qui  ne  se  relâche 
pas  »  ? 

412.  Irlandais  moyen  triath  ;  gallois  trwyd. 

Le  Glossaire  de  Cormac  donne  triath,  gén.  tréith  dans  le 
sens  de  roi  :  triath  rex  enim  dicitur  (p.  41)  ;  orc  tréith  À. 
nomen  do  mac  rig  (nom  à  un  fils  de  roi,  p.  34).  Il  donne 
aussi  triath  À.  torec,  mais  avec  un  génitif  tréithe.  Les  deux  sens 
de  «  roi,  chef  »  et  de  «  sanglier  »  paraissent  confondus.  Dans 
le  Melrical  Dindshenckas  (éd.  d'Ed.  Gwynn, 'p.  150),  mucca 
delbda  druidechta,  les  sangliers  enchantés  de  sorcellerie,  sont  des 
princes  ;  ils  tuent  Glas  à  Belach  Conglais  : 

dofuesat  tréith  i  tescad 
Co  Bri  Leith. 

1 .  La  terminaison  -iàn  pour  le  haut-vannetais  -ton  n'est  usitée  dans  le  can- 
ton de  Guémenéque  dans  trois  ou  quatre  communes  à  l'est  ;  ailleurs  c'est  -Un. 


[58  /•  Loi  h. 

«  les  sangliers  emportèrent  le  prince  en  le  mettant  en  pièces 
jusqu'à  Bri  Leitli.  » 

Kd.  Gwynn  dans  ses  notes,  croit  que  par  tréith,  il  faut 
entendre  les  chefs  qui  suivent  la  chasse,  et  non  les  sangliers 
eux-mêmes.  Il  résulte  du  contexte  que  chefs  et  sangliers  ne 
font  qu'un  (vers  13-14)  : 

Fir  na  selgga  sin  amne 
mucca  derga  Dreibrinne 

«  Les  héros  de  cette  chasse  étaient  ainsi  (sous  cette  forme), 
les  sangliers  rouges  de  Drebriu.  »  C'est  encore  confirmé  par 
le  poème  sur  Duma  Selga  (p.  387). 

Le  sens  du  gallois  trwyd  a,  sans  doute,  été  le  même  à  l'ori- 
gine. Sur  le  twrch  trwyd  (cf.  Orc  tréith),  cf.  J.  Loth,  Mabin.  I, 
p.  310.  Comme  je  l'ai  montré,  la  forme  trwyth  n'est  pas  la 
forme  sincère  et  primitive.  Le  twrch  trwyd  est  lui  aussi  un 
fils  de  roi  :  il  est  fils  du  prince  Tareâ. 

Il  me  paraît  très -probable  que  triath,  chef  et  triath,  sanglier, 
ne  sont  à  l'origine  qu'un  seul  et  même  mot.  Pour  cette  méta- 
phore d.  le  vieux-norr.  jçfurr,  prince,  proprement  sanglier 
(allem.  eber). 

Cependant  il  peut  rester  des  doutes,  ces  mots  étant  isolés 
dans  la  famille  indo-européenne  '. 

413.    Gallois  TROCHI AD. 

Ce  mot  ne  peut  être  un  dérivé  de  trwch,  coupé  et  coupure, 
incision,  bret.  trouch,  ni  de  trwch,  violent.  Trwch  a  donné 
trychiad,  qui  coupe,  trychu,  couper.  (Trwch  violent,  suppose 
*trnks-;  cf.  latin  trux,  trucis).  Trochiad  est  assez  fréquent  en 
moyen-gallois  :  Myv.  Arch.  262.2  : 

cad  gyrehyad  Uavyn  drochiad  Uew 
«  lion  qui  cherche  le  combat,  lame  d'épée —  » 

1.  Enirl.  moderne,  il  s'est  formé  une  nouvelle  déclinaison  sur  triath, 
chef,  génit.  triaith.  Triath  a  été  donné  comme  féminin,  probablement  d'a- 
près l'analogie  de  mucc. 


Notes  étymologiques  et   lexicographiques.  159 

L.  Noir  39.4,  trochiad  se  dit  de  Higwel  ap  Goronwy  ;  ci. 
Myv.  Arch.  188. 1  (Cynddelw)  : 

Traivs  trochiad,  kyrehyad,  pell  kyrehir  y  veirch 

«  ce  violent.  .  .  qui  cherche  (le  combat)  :  ses  chevaux,  on 
va  les  chercher  au  loin  '.  »  Cf.  ibid.  1 57. i .  Troch  se  trouve 
seul  dans  un  passage  du  Livre  de  Taliessin  150.37  : 

Tri  dillyn  diachor  droch  drymlûawc 

«  Trois  élégants  2  qu'on  ne  peut  atteindre, ...  à  l'armée 
accablante  3.   » 

Phonétiquement  troch,  trochiad,  en  gallois,  ne  peuvent 
s'expliquer  que  par  tronk-,  comme  trochi,  immerger,  se  bai- 
gner ;  breton  moy.  gou^ronequet,  baigner,  se  baigner.  Pour  le 
sens,  on  ne  peut  les  identifier  que  par  une  métaphore  quelque 
peu  aventurée  et  une  forte  ellipse.  Trochiad  pourrait  s'expli- 
quer par  :  qui  aime  à  se  baigner  (dans  le  sens  de  «  à  plon- 
ger »).  Il  y  a  une  apparence  de  justification  dans  l'expression  : 
golchiad  ei  lain,  sa  lame  d'épée  qui  se  lave  ou  lav^  dans  le 
sang  :  (cf.  laver  une  injure  dans  le  sang,  en  français).  Ce  sens 
est  des  plus  clairs  dans  Myv.  Arch.  161.1  : 

Golchynt  eu  deurut  dewr  iveissyon  0  gad 

«  Ils  lavaient  leurs  joues  (c'est-à-dire)  leur  honneur  4  (dans 
le  sang),  ces  vaillants  serviteurs  sortant  du  combat.  »  Golchiw 
(je  laverai)  paraît  employé  dans  un  sens  analogue,  L.  Noir, 
56.8.  Si  trochiad,  comme  cela  paraît  plus  naturel,  est  à 
séparer  de  trechi,  il  dériverait  d'une  forme  *tronko-,  apparentée 
au  lit.  trenkiù,  violent,  à  la  poussée  menaçante;  trankùs,  rude 
(Walde,  Lat.  Etym.  W .  à  truncus).  Dans  ce  cas,  le  latin  trun- 
cus  et  le  gallois  trwch,  émoussé,  coupé,  seraient  à  séparer  des 
formes  lituaniennes. 

1.  C'est  indiquer  qu'il  étend  ses  ravages  et  ses  conquêtes  au  loin. 

2.  Peut-être dilyn  :  à  la  poursuite  irrésistible  ? 

3.  Trymluqg,  en  gallois  mod.  a  le  sens  d'accablant,  opprimant;  cf.  irl. 
tromlach. 

4.  Les  joues  comme  le  visage  étaient  synonymes  d'honneur. 


160  J.  Lotb. 

414.  Breton  tus  ;  irlandais  tuas-. 

Dans  tout  le  Vannetais  et  aussi  une  partie  au  moins  de  la 
Cornouaille,  le  conducteur  pour  faire  tourner  bœuf  ou  che- 
val à  gauche,  emploie  l'expression  tus.  S'il  y  a  un  attelage  de 
deux  ou  plusieurs  bêtes,  en  bas-vannetais  on  emploie  la  2e 
pers.  du  plur.  de  l'impératif:  tusset.  Ce  sont  les  seules  formes 
en  usage.  Tus  est  l'opposé  de  dehel  (ddhel)  «  à  droite  ». 

Tus  fait  songer  d'abord  à  l'irl.  tuas,  dans  tuascerl,  à  gauche, 
nord  ;  moderne  tuaisceart.  Mais  son  existence  à  l'état  isolé  n'a 
pas  été  établie.  Stokes,  Urk.  Spr.,  p.  307,  le  décompose  en 
tuai-scert,  supposant  une  forme  *scert,  correspondant  à  une 
forme  galloise  *-sparth  qu'il  voit  dans  dosparth,  division,  discri- 
mination, système. 

Les  mots  *-scert,  *-sparth  remonteraient  à  un  vieux-celtique 
*sq"erto-.  Or  cette  forme  jusqu'ici  ne  trouve  aucun  appui  cer- 
tain dans  les  groupes  linguistiques  les  plus  apparentés.  Stokes, 
ou  plutôt  Bezzenberger,  cite,  avec  un  doute  justifié,  le  grec 
a-apaao-o).  D'un  autre  côté,  on  n'est  pas  autorisé,  bien  au  con- 
traire, à  diviser  dosparth  en  do-sparth.  Dosparth  a  été  précédé 
par  do-osparth  qu'on  trouve  dans  les  Ane.  Laïus  et  à  une 
époque  plus  récente  dans  YElucidarius,  1 9  :  creadur  doosparthus, 
creatura  rationàbili  (ab  omni)  ;  do-  est  pour  do-uo-  ;  do-  est 
comme  en  irlandais  la  forme  proclitique  de  di-,  de-.  Quant  à 
*iwsparth,  on  le  trouve  fréquemment  en  moyen-gallois  sous 
la  forme  gosparth  (L.  Noir,  F.  a.  B.  II,  6.  7).  En  vieux-bre- 
ton, c'est  la  forme  sans  s  que  l'on  trouve  :  guparth,  gl.  remota  ; 
gupart(Jo)olaid ,  privilégia;  imgupart(Jî)on,  se  abdicant.  La  forme 
correspondante  à  descert  est  aussi  sans  s  :  deheubarth.  Quant  à 
s  infixe  après  uo-,  il  n'est  pas  très  rare  ;  gosgryn,  terreur 
(cryti)  ;  goslef,  son  (lief,  voix).  C'est  vraisemblablement  un 
reste  de  la  préposition  ex  ;  cf.  escar,  ennemi.  Dans  certaines 
formes  verbales,  s  peut  être  un  pronom  infixe.  En  revanche 
l'existence  de  cert  et  parth,  à  l'état  isolé,  est  assurée,  quoi  que 
l'on  puisse  penser  de  leur  origine.  Cert,  comme  parth,  a  incon- 
testablement le  sens  de  «  part  ».  Cerd  Chuinn,  là  part  de 
Conn,  est  donné  comme  l'équivalent  de  Leth  Cuind,  la  moi- 
tié de  Conn,  c'est-à-dire  la  moitié  de  l'Irlande,  le  nord  (Rev. 
Celt.,  XX,  40e). 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  161 

L'explication  courante  pour  laascert  qui  devrait  être  tuatb- 
chert,  c'est  que  tuath-  est  devenu  tuas  sous  l'influence  de  dess- 
cert,  mod.  deisceart,  à  droite,  sud,  ces  deux  mots  étant  conti- 
nuellement employés  à  la  suite  l'un  de  l'autre. 

Une  première  objection  se  présente  à  l'esprit  ;  c'est  que  tùath 
persiste  dans  d'autres  composés  où  il  est  couramment  opposé 
à  dess-,  comme  l'irl.  moyen  Tuath-muma (vieil-irl.  tuadmumu, 
Thés.  pal.  II,  365)  ;  dess-muma  ;  aujourd'hui  tuath-mhumha, 
Nord-Munster,  Thomond  ;  deas-mhumha,  Munster  du  Sud, 
Desmond  '.  C'est  plus  frappant  encore  dans  l'irl.  moy.  tûath- 
bel,  à  gauche,  nord  ;dess-bel,  à  droite,  sud  ;  mod.  tiiaith-bheal, 
t uait heal  ;  deiseal  :  bel  et  sel  de  *suel-.  Il  ne  semble  donc  pas  que 
tuas-  pour  tûath-  soit  dû  à  l'analogie. 

Cette  impression  est  encore  renforcée  par  l'irl.  moyen 
titasra,  main  gauche,  à  gauche  ;  dessre,  dessra,  main  droite,  à 
droite. 

Les  deux  mots  se  trouvent  dans  un  même  passage  du  Tdin 
B.  C,  1.  2538  :  rogab  idata  aurslaicthi  a  ech  7  a  del  intlaissi 
ina  desra  2.  Ro  gabastar  a  éssi  astnda  ech  ina  thuasri  «  Il  (le 
cocher)  prit  les  entraves  ouvertes  (relâchées)  de  ses  chevaux 
et  son  bâton  rehaussé  d'or  (?)  dans  sa  main  droite  ;  il  prit  les 
rênes  pour  maintenir  les  chevaux  dans  sa  main  gauche.  » 
Kuno  Meyer,  Contr.  donne  l'ace,  desred,  desreth  (for  a)  LU. 
73  b  42  ;  datif  déserud  (à  lire  dessrud)  L  U.  113  b  23.  Ces 
formes  supposent  un  composé  de  dess  et  de  reth  =  v.  celt.  reto- 
Les  formes  desrighÇTàinB.  C.,1.  5  553)  ou  tûasri,  comme  me 
l'écrit  C.  Marstrander  à  la  science  duquel  j'avais  eu  recours 
pour  les  formes  variées  et  embarrassantes  parfois  de  ces  mots, 
sont  composées,  non  pas,  comme  je  l'avais  d'abord  pensé  avec 
-reg,  marquant  la  direction,  mais  avec  righ,  bras,  avant-bras 
en  irl.  moderne  (nomin.  ri,  ace.  rïg,  datif  ri  et  rig  5).  Le  sens 
dans  le  passage  cité  du  Tdin  est  des  plus  clairs  4. 

1.  C'est  la  forme  du  génitif  Mumhan  quia  prévalu. 

2.  Le  texte  porte  dessa  (vieil-irl.  desse)  ;  desra  est  la  forme  du  L  U. 

3.  Cf.  Tdin  B.C.,  1.  924  rig-ldma,  poignets;  cf.  p.  87 1  :  a  dd  riogh- 
làimh,  en  note.  Le  dérivé  mod.  righe  a  le  sens  d'avant-bras  depuis  le  poi- 
gnet jusqu'au  coude,  et  aussi  de  coudée,  jambe  d'animal. 

4.  Marstrander,  avec  raison,    fait  sortir  desraid  de  desriçh,  d  équivalant 
Revue  Celtique,  XLIII.  n 


i62  /.  Loth. 

Si  on  n'avait  affaire  qu'à  l'irl.  tuas-,  on  pourrait  l'expliquer 
par  une  confusion  avec  tuas  =  t-uas,  en  haut,  qui  désigne 
lui  aussi  le  Nord.  Dans  .un  passage  du  Tdin,  1.  1201  tuas 
(thûas)  a  sans  doute  ce  sens  et  c'est  ainsi  que  Windisch  l'a 
interprété.  C'est  d'autant  plus  frappant  que  quelques  lignes 
plus  haut,  Cûchulinn,  avec  son  cocher,  se  dirige  au  sud  (fo 
dess). 

Il  reste  en  somme  à  trouver  une  forme  vieille-celtique  com- 
mune à  tus  et  à  tuas-,  dans  le  sens  de  «  à  gauche  »  et  «  au 
nord  ».  Il  va  de  soi  que  la  racine  est  la  même  que  dans  tûath. 
Il  y  en  a  une  qui  me  paraît  plausible.  Pedersen,  Vergl.  Gr. 
II,  p.  19,  fait  l'importante  remarque  qu'à  côté  de  formations 
adjectives  en  *-to-,  il  y  avait  pour  la  même  racine,  des  forma- 
tions en  *-sto-  :  gnâth,  habituel  ;  gnâs  l,  habitude.  On  peut 
supposer  par  analogie,  à  côté  de  tûath  =  *touto-,  une  forma- 
tion originairement  substantive  :  *tou-sto-,  donnant  respecti- 
vement tuas  et  tus. 

Le  sens  primitif  de  tûath  paraît  avoir  été  :  bon,  favorable  2. 
Ce  double  sens  existe  chez  bon  nombre  de  peuples  indo-eu- 
ropéens. 

Il  est  remarquable  que  chez  plusieurs  peuples  où  gauche 
avait  eu  aussi  le  sens  de  côté  favorable,  il  ait  pris  une  significa- 
tion contraire-  :  c'est  la  droite  qui  a  pris  sa  place.  Stokes  l'a 
attribué  à  une  influence  chrétienne:  la  bénédiction  se  donne 
par  la  main  droite.  Peut-être  plutôt  l'infériorité  de  la  main 
gauche  dans  les  actes  journaliers  de  la  vie  a-t-elle  fini  par 
avoir  raison  de  traditions  et  de  croyances  qui  sont  allées  s'af- 
faiblissant.  Chez  les  Grecs,  par  exemple,  les  augures  se  tour- 
naient non  vers  l'Est,  mais  vers  le  Nord. 

415.  Haut-vannetais  tuec  ;  gallois  tuddedyn,  tudded  ; 
vieil-irl.  cumtûth. 

à  g  après  voyelle  palatale.  Il  me  signale  pour  le  sens  :  dae  A.  righ  noguata; 
O'Dav.  :  in  raig  7  in  doit  cusin  ait  gualand,  Cormac  ij(lVind.,  Wôrt.). 
Righ  paraît  donc  aussi  avoir  désigné  le  bras  jusqu'à  l'articulation  de  l'é- 
paule. 

1.  Cf.  gallois  gnawd,  habituel,  connu  ;  guaws,  naws,  coutume,  habitude. 

2.  Cf.  l'article  sur   Morgan  Tut  (Morgan  le  Fée)   dans  mes  Contr.  à 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques .  163 

Cillart  de  Kerampoul  donne  tuec  avec  le  sens  de  «  taie 
d'oreiller  ».  C'est  un  des  sens  du  gallois  tudded,  singul.  tud- 
dedyn,  d'après  Thomas  Richards,  Welsh  Dict.  Le  mot  tuec 
représenterait  un  vieux-breton  tuâoc,  s'il  est  masculin.  Tud- 
ded, à  toute  époque,  en  gallois,  indique  un  vêtement  de  des- 
sus, un  manteau,  une  couverture  de  lit  (L.  Noir,  F.  a.  B.  II, 
5.  87.  L.  Rouge,  ibid.  287.  16,  un  manteau  ;  L.  Tal.  17  b 
14,  une  riche  couverture  de  cheval).  Tuded,  métaphorique- 
ment (L.  Rouge,  279.20)  s'emploie  pour  la  parure  des  bois 
l'été  : 

gvAsgwys  coet 
kein  dudet  haf.  ' 

«  le  bois  a  revêtu  le  beau  manteau  d'été  ». 

Daear  dudet  désigne  la  terre  qui  recouvre  une  tombe  (Myv. 
Arch.  250.  1  *). 

Tuded  est  un  dérivé  de  tud  qui  a  le  sens  de  couvrir,  bor- 
der (proléger)  ;  L.  Noir,  30.  5  : 

Pieu  y  bet  yn  yr  amgant 
ae  tut  mor  a  goror  nant. 

«  à  qui  est  la  tombe  dans  le  pourtour,  que  couvre  (pro- 
tège ?)  la  mer  et  la  bordure  (l'extrémité)  du  vallon  ?  2. 

Tud,  vieux-celt.  *toud-  (indo-eur.  *teu-d)  appartient  *à  la 
racine  teue,  tu,  à  laquelle  Stokes  (Urk.  Spr.,  p.  131)  rattache 
le  vieil-irl.  cumtûth  (cum-ud-tûth)  :  SG.  3 1  b  8  :  do  chumtûth 
a  sôere  «  pour  défendre  leur  liberté  »  (pro  libertate  ruebant),  cf. 
tueor,  tutus,  tutor. 

Vétude  des  romans  de  la  Table  Ronde.   J'y  ai  joint  une  note  explicative  de 
Vendryes  sur  le  sens  de  tùath. 

1.  Dans  un  passage  du  L.  Rouge,  287.16,  tudet  paraît  désigner  un  haut- 
ci  e-chausses  : 

mein  vyg  coes,  nym  oes  dudedyn 
«  ma  cuisse  est  mince,  je  n'ai  pas  de  haut-de-chausses  ?  A  la  rigueur  ce 
peut  être  une  tunique  ou  un  manteau. 

2.  Ibid.,v.  8  : 

Pieu  y  bet  yn  ir  inis 
ae  tut  mot  a  goror  guris. 


164  /•  Loth, 

416.  Addition  à  gall.  traws,  traw,  tra-  ;  bret.  treuz  ;  v. 
bret.  tro- ;  dYDREU  (cf.  Rev.  Celt.,  t.  XXXII,  p.  59). 

Traws  est  connu  dans  le  sens  adjectif  de  «  violent,  cruel  »  ; 
iroseâ  a  le  sens  de  transgression. 

En  breton  treu%,  adjectif,  a  le  sens  de  «  qui  est  de  travers  »  ; 
en  comique  trus,  de  même. 

En  gallois  moyen,  traws  a  le  sens  de  «  direction,  côté  »  : 
Mabin.  L.  Rouge,  279  b  21,  a  pha  draws  «  et  de  quel  côté  ?  » 
Mab.  51  b  6  :  ac  yr  artal  «  et  dans  l'endroit  du  pays  »  ;  mais 
Pen.  4  :  y  traws  y  manegassei  ef  vot  y  gwr  ar  gaer,  «  l'endroit 
où  il  lui  avait  indiqué  être  l'homme  et  le  fort  ». 

Traws  entre  aussi  en  composition  : 

trawsgwydd,  trawsglwydd. 

Traw,  draw  a  un  correspondant  breton  dans  le  moyen  bret. 

dydreu . 

417.  Gall.,  bret.,  corn,  tro  (cf.  Rev.  Cet.,  XXXIV,  175). 

Le  gall.  bret.  corn,  tro  «  tour  »,  a  été  rapproché  ordinai- 
rement du  latin  traho  {tragh-'),  comme  d'ailleurs  l'irl.  traig, 
gall.  bret.  troed  «  pied  »,  l'irl.  moy.  trog,  descendance,  Tro- 
gan,  la  Terre,  v.  irl.  trâgud  «  reflux  »  ;  gall.  treio  ;  gall.  godro 
«  traire  »,  v.  bret.  guotroit  (cf.  français  tirer  les  vaches);  cf. 
Pedersen,  Vergl.  Gr.  I,  39,  97.  Walde  remarque  avec  raison 
que  tro  dans  le  sens  de  «  tour  »  rappelle  singulièrement  le 
latin  trepit,  vertit,  le  grec  rpi-w.  Il  me  paraît  probable  que 
trogh-,  en  brittonique  a  été  confondu  avec  *trop-  et  que  tro 
«  tour  »  représente  exactement  le  grec  -pizo-ç. 

En  gallois  moyen  on  emploie  parfois  Iroi  dans  le  même  sens 
que  trossi  «  diriger  vers  »  »  : 
M.  A.  271.  1  : 

am  troho  ïr  trobedd  gureu 

«  (que  Dieu)  me  dirige  au  but  (direction)  le  meilleur  ». 
Ibid.  133.  r  chez  le  même  poète: 

an  Irosso  ni  i  bob  trosedd  gorau 


Noies  étymologiques  et  lexicographiques.  i6> 

«  que  Dieu  nous  dirige  vers  toute  direction  la  meilleure.  » 
Troseâ  a  habituellement  le  sens  de  «  transgression  ». 

418.  Breton  tossen,  tuchen,  tostal. 

Tossen,  dans  les  dictionnaires,  a  le  sens  de  «  butte,  mon- 
tée ». 

Le  vannetais  connaît  la  variante  tostenn  (bas-vann.  tpslzn). 
Tossen  désigne  fréquemment  des  «  tumulus  »  :  Tossen-Maharit, 
Tossen-Rugue{ec  ;  Tossen-ar-Run  ;  Parc-an-Dossen,  à  Por^-ar- 
Sao^  en  Trévérec  ;  id.  en  Scrignac,  etc.  (Du  Châtellier, 
Epoques  préh.  et  gauloises  dans  h  Finistère  :  passim). 

Tossen  est  un  singulatif  féminin  ;  s  dur  fait  songer  à  deux 
ss  provenant  d'une  affriquée  en  vieux-celtique.  C'est  un  son 
qui  eût  été  peut-être  écrit,  en  moyen-breton,  par  c\.  Usité  en 
vannetais,  il  ne  peut  provenir  d'une  spirante  dentale  sourde 
comme  dans  diouc\  (de  *di-wth,  pour  di-wrth,  en  proclise).  Il 
ne  peut  guère  s'expliquer  que  par  t-ss  néo-celtique,  ou  -ts- 
vieux-celtique,  remontant  à  -si-  ou  -tst-  indo-européen  '. 

On  ne  sait  encore  d'après  quelle' loi  se  fait  l'évolution  de 
-st-,  -tst-  en  -ts-.  Toss-  a-t-il  la  même  origine  que  le  gallois 
tusiu(*touss-  )  et  le  gaulois  tuâos,  tuddos  (cf.  J.  Loth,  Les  Graf- 
fites  de  la  Graufesenque)  ?  Toss-  alors  viendrait  de  *tûstâ.  Tostal 
est  donné  par  Le  Goff,  SuppL,  avec  le  sens  de  «  flanc  »  ou 
«  partie  basse  d'une  colline  »  (peut-être  «  front  »  en  voyant 
la  colline  d'en  bas)  ;  toslalec  qualifie  un  terrain  raboteux.  Le 
mot  se  trouve  en  toponomastique  :  Tostal,  village  en  Saint- 
Jean-Brévelay  ;  Tostal  en  Theix  ;  Tostal  à  la  Vraie-Croix  en 
Sulniac  ;  hauteur  dite  Butte  de  Tostal,  sur  laquelle  s'élève  un 
retranchement  romain  dans  la  même  commune  (Rosenzweig, 
Dict.  top.  du  Morbihan).  Tostal  pourrait  être  un  composé  de 
toss-  et  de  tal,  front. 

Tuchen,  dans  le  Dict.  de  Troude,  a  le  sens  de  «  butte, 
motte  »  tuchen  verien  «  fourmilière  »  (butte  aux  fourmis). 
Rosenzweig  ne  le  donne  pas  ;  mais  le  commandant  Le  Pon- 
tois  a  fouillé,  il  y  a   une  vingtaine  d'années,  deux  tumulus 


1.  Cf.  Ernault,  Gloss.,   p.   15,   148  et  Rev.   Celt.,  XI,   p.    353-356;   cf. 
J.  Loth,  Contr.  à  l'étude  des  romans  de  la  Table  Ronde,  p.  25-27. 


166  ].  Lolh. 

très  intéressants  dans  la  commune  de  Plœmeur,  Morbihan, 
connus  sous  les  noms  de  :  Tuchenn  Pol,  Tuchen  Bonfemme 
(sans  doute  équivalent  à  groach,  vieille  femme,  sorcière). 
Tuchen  désigne  aussi,  dans  le  Finistère,  des  tumulus  :  tumu- 
lus  de  Goarem-an-Dnchen  en  Briec.  Le  son  ch  (s)  est  souvent, 
en  breton,  d'origine  française  ;  il  a,  comme  Ernault  en  a  fait 
la  remarque,  une  certaine  parenté  avec  Paffriquée  de  tossen. 
En  vannetais  ch  peut  représenter  -se-  entre  voyelles  palatales, 
mais  non  en  cornouaillais  ni  en  léonard.  Il  faut  donc  suppo- 
ser un  son  mouillé  *tussien  pour  *tust-,  *tuts-  :  *toust-  :  cf. 
tusw. 

4 [9.  Gallois  yscrut,  ysgrut.  —  Norvégien  skrubb,  skrogg. 

Silvan  Evans  {Lien.  Gynir.)  donne  ysgrud  comme  un  équi- 
valent de  ysgerbwd  «  squelette,  cadavre  ».  Thomas  Richards  le 
traduit  par  «  skeleton,  carcase  ».  La  forme  et  le  sens  de  ce 
mot  sont  assurés  par  des  textes  du  xme  et  même  du  xne 
siècle. 

Myv.  Arch.  234.  1  (poème  d'Einion  Wann,  xme  s.).  Le 
poète  fait  l'éloge  funèbre  du  roi  Llywelyn  ab  Jorwerth  : 

tervynwyd  y  aviser 
ysgrud  vud  l  dreic  feîeic  fer 

«  son  temps  est  fini  ;  ce  n'est  plus  qu'un  cadavre  muet,  le 
dragon,  le  chef  vigoureux.  » 

Dans  une  poésie  de  Cyndelw  (2e  moitié  du  xne  siècle), 
ysgrud  qualifie  l'orgueil  du  monde  :  Myv.  Arch.  169.  2  : 

ysgrud  glud  2  glewyd  '  vyd  vaîchder 

«  c'est  un  cadavre  visqueux  ?  durci  qne  l'orgueil  du 
monde  ». 

1.  Le  texte  de  la  Myv.  Arch.  porte  ysgryd  glud,  faute  évidente.  Le  ms. 
original  publié  par  Gwenogvryn  Evans  dans  la  Revue  Cell.,  1923,  p.  307, 
porte  ysgrud. 

2.  Glut,  substantif,  a  le  sens  de  «  glu  »  ;  adjectif  il  signifie  «  tenace, 
adhésif  ».  Richards  le  traduit  aussi  par  stiff,  qui  pourrait  être  ici  le  sens. 

3.  Glewyd  est  dérivé  de  glew  «  vaillant  »  mais  aussi  «  dur  ».  Daf.  ab 
Gwilym  (éd.  de  Liverpool),  p.  96  :  /est  a  glew  ymae'n  rhcwi,  «  il  gèle  ferme 
et  solidement.  » 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  167 

yscrui  paraît  aussi  dans  le  Book  of  Toi.  (Skene,  F.  a.  B.  II, 
p.  115,  22  ;  Gwenogvryn  Evans,  p.  7,  26),  mais  le  sens  géné- 
ral du  vers  est  obscur. 

Thomas  Richards  donne  le  doublet  ysgrwd  et  en  cite  un 
exemple  tiré  d'un  poète  de  la  seconde  moitié  du  xve  siècle, 
Sion  Cent  : 

ni  roir  pen  un  or  cennin 
Er  ei  ysgrwd  di  ysgrin 

«  on  ne  donnera  pas  une  tête  d'oignon  pour  son  squelette 
hors  de  son  cercueil.  »  Ce  peut  être  une  mauvaise  lecture 
pour  ysgrud.  Cependant  O'Pughe  donne  comme  une  expres- 
sion en  usage  :  hen  ysgrwd  ',  old  wretch. 

L'irlandais,  à  ma  connaissance,  ne  présente  rien  de  sem- 
blable. En  revanche,  la  racine  *skru-  est  représentée  dans  les 
langues  germaniques.  Le  norvégien  skrubb  a  les  deux  sens  de 
«  vieillard,  décharné  »  et  de  «  loup  »,  le  type  d'animal  maigre. 
A  la  même  racine  se  rattache  le  norv.  dial.  skrogg,  loup,  iden- 
tique au  v.  nprr.  skroggr,  surnom  du  renard,  isl.  skroggr,  sorte 
de  spectre  (germanique  *skrawwa-)  :  Falk-Torp,  Norw.-dàn. 
Et.  W.  à  skrubb.  Le  gallois  yscrud  remonte  à  *skrou-lo-  ;  ysgrwd, 
s'il  existe,  à  *skru-to-. 

Pour  ysgerbwd,  je  n'en  connais  pas  d'exemple  ancien.  Si  le 
mot  est  indigène,  ce  serait  vraisemblablement  un  composé. 
Yscer-  sortirait  de  la  racine  *sker-  apparentée  à  *skr-u-. 

(A  suivre.) 

J.  Loth. 

].  Th.  Richards  pour  ysgrwd  renvoie  à  crwd  qu'il  ne  traduit  pas. 
O.  Pughe  le  traduit  par  old  lump,  qui  ne  repose  que  sur  sa  seule  autorité . 


KAME  EI2  TA  TOYTOY  FONATA  TI6E12 

(Démosthène,  contre  Aphobos,  II,  16). 


Je  voudrais  ajouter  un  texte  grec  —  un  texte  attique  — 
aux  vers  d'Homère  que  M.  J.  Loth  a  cités  dans  un  important 
article  de  la  Revue  Celtique,  XL,  1923,  p.  143-152  :  Le  mot 
désignant  le  genou  au  sens  de  génération  ehe%  les  Celtes,  les  Ger- 
mains, les  Slaves,  les  Assyriens  ' . 

M.  J.  Loth  a  montré,  avec  une  richesse  d'exemples  qui 
fait  de  son  article  un  précieux  chapitre  de  droit  historique, 
que,  chez  nombre  de  peuples,  le  chef  de  famille  {pater)  en 
prenant  à  sa  naissance  l'enfant  sur  ses  genoux  le  reconnais- 
sait comme  étant  bien  de  son  sang  et  faisant  partie  de  la 
famille.  Par  ce  geste  il  affirmait  une  relation  de  droit  entre 
l'enfant  et  lui.  M.  A.  Meillet  ajoute  à  l'appui  de  cette  thèse 
une  étymologie  remarquable  :  «  le  latin  genuinus  qui  signifie 
«  authentique  »  a  dû  signifier  à  l'origine  «  reçu  sur  les 
genoux  »  2. 

Pareille  coutume  a-t-elle  existé  chez  les  anciens  Grecs  ? 
M.  J.  Loth  et  avant  lui  Stade  3  se  fondent  sur  deux  passages 
d'Homère  pour  répondre  affirmativement. 

1.  L'article  avait  été  précédé  d'une  communication  à  l'Académie  des 
Inscriptions  dans  la  séance  du  2  décembre  1922  :  Comptes  rendus,  1922, 
p.  145-146.  Cf.  Comptes  rendus,  1926,  p.  49.  A  consulter,  sur  le  même  sujet, 
E.  Benveniste,  Un  emploi  du  nom  du  «genou  »  en  vieil  irlandais  et  ensogdien, 
dans  Bull.  Soc.  Linguist.,  XXVII,  1926,  p.  51-^3  et  M.  Cahen,  Genou, 
adoption  et  parenté  en  germanique,  ibid.,  p.  56-67. 

2.  Sur  le  sens  du  mot  pater,  voy.  A.  Meillet,  Comptes  rendus,  1926, 
p.  45.  Il  «  désigne,  non  celui  qui  a  physiquement  engendré  des  enfants, 
mais  celui  qui  est  le  chef  de  la  famille,  le  pater  familias  ».  Pour  genuinus, 
voy.  ibid.,  p.  46,  et  Bull  Soc.  Linguist.,  XXVII,  1926,  p.  54-55. 

3.  Dans  la  Zeitschrift  fur  alttestamentliche  IVissenschaft,  VI,  1886, 
p.  143. 


Kày.è   v.ç  -x   t;ùt2u  yôvirra  Tiôstç.  169 

Iliade,  IX,  455.  —  Phénix  rappelle  les  imprécations  qu'a 
lancées  contre  lui  son  père  Amyntor,  dont  il  avait  épousé  la 
concubine  (zaXXaxîç).  Amyntor  demandait  en  même  temps 
aux  Erinnyes  «  de  n'avoir  jamais  à  faire  asseoir  sur  ses  genoux 
un  fils  né  de  moi  »  : 

y.Y)7îOTe  vcûvajtv  otJiv  è^s'aascjOai  sîXov  ulbv 

Odyssée,  XIX,  401.  — Autolykos  le  père  d'Antikleia  arrive 
à  Ithaque  au  temps  où  sa  fille  vient  de  mettre  au  monde  un 
fils.  La  nourrice  Eurykleia  place  l'enfant  sur  les  genoux  du 
grand-père  et  le  prie  de  lui  donner  un  nom.  Autolykos 
demande  à  Laertès  et  à  Antikleia  de  le  nommer  Odysseus  : 

tÔv  pi  o'.  fVjpjxXîia  ?îXctç  k~\  yoyvaffi  6yjxev. 

Il  est  remarquable  que,  dans  ces  deux  passages,  c'est  le 
grand-père  et  non  le  père  qui  recevrait  ou  reçoit  l'enfant  sur 
ses  genoux.  Amyntor  demande  aux  dieux  de  frapper  de  sté- 
rilité le  mariage  de  son  fils.  Il  ne  s'engage  pas  à  ne  pas  recevoir 
sur  ses  genoux  l'enfant  né  de  son  fils.  Si  son  fils  l'avait 
reconnu,  l'enfant  ferait  bien  partie  de  la  iamille  et  le  grand- 
père  n'aurait  pas  à  le  désavouer.  Amyntor  demande  et  obtient 
des  dieux  que  l'union  demeure  stérile.  Phénix  sent  si  vive- 
ment l'affront  qu'il  veut  tuer  son  père,  mais  mieux  inspiré 
«  par  quelqu'un  des  dieux  »  il  s'expatrie. 

Dans  l'Odyssée  le  grand-père  maternel  n'a  pas  qualité  pour 
reconnaître  l'enfant  de  Laertès.  Le  mariage  de  sa  fille  Anti- 
kleia n'a  pas  éteint  le  pouvoir  qu'Autolykos  a  sur  elle,  et,  si 
par  hasard  il  vit  encore  au  moment  où  mourra  son  gendre,  il 
redeviendra  —  pour  user  d'un  terme  de  droit  attique  —  le 
y.ypto;  d'Antikleia  et  pourra  la  donner  de  nouveau  en  mariage. 
Mais  c'est  Laertès  qui  a  reconnu  son  propre  fils.  Père  et  mère 
font  à  l'aïeul  l'honneur  de  lui  demander  un  nom  pour  leur 
enfant;  encore  l'aïeul  prie-t-il  ses  parents  de  lui  donner  celui 
qu'il  a  choisi  lui-même. 

Sous  ces  réserves,  M.  J.  Loth  a  raison  de  conclure  de  ces 
deux  passages   d'Homère   —  du  premier  surtout  —  que  les 


170  t  B.   Haussoullier. 

anciens  Grecs  ont  attribué  une  valeur  juridique  —  au  fait 
du  père  ou  de  l'aïeul  recevant  l'enfant  sur  ses  genoux1.  Un 
troisième  texte,  postérieur  de  plusieurs  siècles,  un  texte 
attique  du  ive  siècle  avant  notre  ère,  va  nous  montrer,  si- 
non la  survivance,  au  moins  le  souvenir  très  effacé  de  cette 
ancienne  coutume. 


L'orateur  Démosthène,  dans  son  second  plaidoyer  contre 
l'un  de  ses  tuteurs,  Aphobos,  a  résumé  en  un  tableau  frappant 
les  dernières  volontés  de  son  père  et  les  dernière  recomman- 
dations qu'il  adressa  aux  trois  tuteurs  de  ses  enfants.  Le 
morceau  est  achevé  et  mérite  d'être  cité  ;  j'y  joins,  non  sans 
la  modifier  sur  quelques  points,  la  traduction  donnée  par 
R.  Dareste  {Les  plaidoyers  civils,  1875,  I,  p.  37)  : 

Démosthène  XXVIII,  15  :  '0  yap  7caxr;p,  w  a.  0.,  <ôç  vjaÔExs 
xr,v  via-ov  eux  axoçeu^ifJLSvsç,  auYxxXsdaç  xcjtcu;  tpsïç  ovtocî, 
x;à  au[jL7:apaxa6i7a[j.cvoç  Ar,[j.a)va  xsv  àSîXîôv,  xà  aiî>;j.axa  yj;j.ù>v 
elç  xi-  yzipx^  èvsOvjxs  -apaxaxaQyjxrjv  c7rovoy.â£a)v,  xr,v  ij.èv  àSsXçfjV 
AY][xoso)vct.  xai  Syo  xaXavxa  -poîxa  S'.Soùç  £'j6uç,  xai  yuv9c^x  aùtû 
txjtyjv  èv^utôv,  èjxè  Se  xracr.  xoivîj  fj.£xà  twv  -/pr,[i.âx(.)v  îxapaxaxaxt- 
Oé^evoç,  xai  SRKrxTjftTMV  [.>.*.  a6  0x7  ai  x£  xàv  stxov  xai  auvc'.aaoxjai  [agi 
tvjv  oiciav,  (16)  Btooù;  atjia  x£  ©ïjpitc-Cy;  xàç  èjjîsiA^xovxa  y.vàç, 
xai  ts'jt(i)  xtjv  t'  èjrrçv  ;j.r(x£pa  gv^uMv  £~i  xaT;  SYÎwfa-vïa  [xvaîç, 
xà;j.è  si;  Ta  tîù~cv  yivaxa  xiQei'ç. 

Cf.  Démosthène  XXVII,  4:  anavxa  xauxa  (c'est-à-dire,  la  fortune,  le  fils, 
la  fille  et  l'épouse)  èveyeîpwev  'Açô(3o>  xe  xoûxio  /.ai  Ar(jxoçcÔvxt  x<~>  A^atovo; 
uUî.  ..,  Ixi  8è  0T]p!7rniST)  Ttu  Ilaiav.eï.  — 5  :  Aï]aoi>wvxi  Bè  xr,v  èjxtjv  ao£Àçf,v 
xai  8Jo  xâXavx*  éjO'j;  ËStoXEV  ëyetv,  aùx<j>  de  xoûxw  xrjv  ur,xfpa  irjv  7)[j.£xépav 
xai  r.oolv.%  ôyoorjXOvxa   avà;. 

«  Quand  mon  père  se  sentit  malade  à  n'en  pas  revenir,  il 

i.  Il  va  de  soi  qu'il  faut  écarter  les  passages  des  poèmes  homériques 
où  le  père  assied  son  fils  sur  ses  genoux  pour  le  nourrir  par  exemple  (Hec- 
tor et  Astyanax,  XXII,  500  501).  Phénix  lui-même  rappelle,  dans  son 
long  discours  à  Achille,  qu'il  l'a  plus  d'une  fois  tenu  sur  ses  genoux  à 
l'heure  des  repas. 


Kz\ik   si;   zx  TiJTîj   -/ôvaxa  T'.Oiîç.  171 

appela  ces  hommes,  tous  les  trois  ensemble,  et  ayant  fait 
aussi  asseoir  à  côté  de  lui  son  frère  Démon,  il  nous  remit 
nous-mêmes  entre  leurs  mains,  à  titre  de  dépôt  :  ainsi  quali- 
fiait-il son  acte.  Ma  sœur  fut  donnée  à  Dêmophon,  avec  deux 
talents  de  dot  payables  sur-le-champ,  et  c'est  en  qualité  de 
future  épouse  qu'elle  fut  remise  entre  ses  mains.  Pour  moi,  je 
fus  déposé  entre  les  mains  de  tous  les  trois  conjointement, 
comme  les  biens.  Mon  père  leur  recommanda  d'affermer  le 
patrimoine  et  de  veiller  ensemble  à  la  conservation  de  ma 
fortune.  En  même  temps,  il  donna  à  Thérippide  les  soixante- 
dix  mines;  à  Aphobos  il  donna  ma  mère  en  mariage  avec 
les  quatre-vingts  mines  de  dot,  et  moi-même  il  me  plaça  sur 
ses  genoux.  » 

«  Scène  douloureuse  et  solennelle  »,  écrivait  G.  Perrot,  qui 
l'a  présentée  aux  lecteurs  de  la  Revue  des  Deux  Mondes,  non 
sans  la  mouiller  de  larmes  :  les  deux  enfants  «  pleuraient  en 
voyant  pleurer  leur  mère. . .  Au  milieu  des  larmes  qui  cou- 
laient, tous  lui  promirent,  lui  jurèrent  de  respecter  ses  dé- 
sirs... '  »  Il  n'y  a  rien  de  tout  cela  dans  Démosthène,  ni 
larmes,  ni  serments,  et  la  scène  n'en  est  pas  moins  frappante. 
Elle  se  passe  vraisemblablement  à  Athènes,  dans  la  maison 
de  ville  de  Démosthène  le  père;  certainement  en  376  av. 
J.-Ch.,  puisque  le  futur  orateur  a  sept  ans2.  Sa  sœur  est 
alors  âgée  de  cinq  ans.  Les  trois  tuteurs  réunis  dans'la  chambre 
du  malade  («  autour  de  son  lit  de  mort  »,  dit  G.  Perrot, 
qui  ajoute  encore  au  texte),  sont  ses  deux  neveux  :  Aphobos, 
le  fils  d'une  sœur,  et  Dêmophon,  le  fils  de  son  frère  Démon  ; 
le  troisième  est  un  ami  d'enfance,  Thérippidès  du  dème  de 
Pa?ania,  auquel  appartenait  Démosthène  et  où  sera  inscrit 
l'qrateur  en  366-3 6 5  \  Démosthène  le  père  a  tenu  à  faire 
asseoir  à  côté  de  lui  son  frère  Démon  ;  nous  verrons  d'ailleurs 
que  les  trois  tuteurs  sont  également  assis.  Ni  les  deux  enfants, 
ni  Kléoboulé  l'épousé  de  Démosthène  ne  peuvent  manquer. 
Voilà  réunis  tous  les  personnages  nommés  dans  le  plaidoyer. 


1.  N.  du  i«r  juin  1872,  p.  617. 

2.  Démosthène,  XXVII,  4.  Cf.  XXX,  17. 

3.  XXX,  17. 


172  f  B.  Haussoullier. 

Certes  la  scène  est  solennelle,  mais  la  solennité  tient  aux 
actes  symboliques  qu'a  rappelés  l'orateur.  Il  faut  entendre 
que  Démosthène  a  réellement  placé  (ou  fait  placer,  si  les 
forces  lui  manquaient)  entre  les  mains  des  tuteurs  ses  enfants 
(xà  ffa>|xaia  Y)[xa>v)  ;  qu'il  a  réellement  remis  sa  fille  entre  les 
mains  de  Dêmophon,  le  futur  époux.  J'ai  modifié  ici  la  tra- 
duction de  Dareste  qui  rend  èyyuwv  par  fiancer,  et  je  suis 
revenu  au  sens  étymologique,  concret  :  mettre  dans  la  main  '. 
Il  faut  entendre  encore  que  Démosthène  a  réellement  remis 
sa  femme  Kléoboulé  entre  les  mains  d'Aphobos,  le  futur 
époux;  enfin  qu'il  a  réellement  placé  lui-même  ou  fait  placer 
son  fils  sur  les  genoux  d'Aphobos.  Ces  actes  symboliques 
exigeaient  que  les  tuteurs  fussent  assis,  et  ce  n'est  pas  seule- 
ment pour  éviter  la  répétition  de  "ffUfxaXéijaç  que  l'orateur  a 
employé  <ju[j.-apax.a6iaâ[j.£vo<;.  Le  nouveau  verbe  ajoute  un 
trait  de  couleur  au  récit  de  la  scène  qui  prend  fin  sur  les 
mots  :  y.àui  e'.ç  Ta  to'jtou  vôvaxa  xiôetç.  «  Il  y  a  ici,  dit  en  note 
Dareste  %  une  sorte  de  cérémonie  symbolique  qui  était  étran- 
gère à  la  loi,  mais  prescrite  par  les  mœurs  et  sans  doute  aussi 
par  les  idées  religieuses.  »  Une  fois  de  plus  Dareste  a  vu  juste. 
Ces  gestes  symboliques  sont  étrangers  à  la  loi  et  n'ont  aucune 
valeur  juridique.  Le  seul  acte  qui  compte  pour  assurer  le 
respect  des  dernières  volontés  de  Démosthène  est  le  testament 
(xi  '(p<x\L\>.y.-;x  xaiiTa)  },  que  les  tuteurs  feront  disparaître  après 
la  mort  du  testateur.  C'est  dans  le  testament  que  sont  inscrits 
le  montant  de  la  dot  de  sa  fille,  «  les  soixante-dix  mines  » 
à  remettre  à  Thérippide,  «  les  quatre-vingts  mines  »  qui 
formeront  la  dot  de  Kléoboulé.  L'emploi  de  l'article  devant 
ces  chiffres  n'est  pas  indifférent  :  Démosthène,  dans  la  scène 
solennelle  que  rappelle  son  fils,  se  réfère  audit  testament*  Il 
emploie  aussi  des  termes  de  droit  que  l'avocat  ne  manque  pas  de 
citer,  car  il  parle  devant  un  tribunal  populaire  où  ils  sont  plus 
familiers  que  des  cérémonies  d'un  autre  âge  :  -apay.aTa6r(y.rM 
dépôt,    qui  traduit   en  quelque  sorte  en  langage  courant  la 

1.  Voy.  E.  Hruza,  Die  Ebebegrûndung  nach  altischem  Redite,  1892, 
p.  39.  — J.  Partsch,  Griechisches  Bûrgscbaftsrecbt,  I,  1909,  p.   89. 

2.  Les  plaidoyers  civils  de  Démosthène,    I,  p.  42,  note  9. 

3.  Démosthène,  XXVIII,  5-6. 


KxyÀ    V.Z    72    TSOTOU    yÔVatTa    TlôîlÇ.  I73 

remise  des  enfants  entre  les  mains  des  tuteurs,  et  plus  loin 
-apa/.aTaT'.Os;j.cv:;.  Pareillement  èfYuùv  est  entendu  couram- 
ment dans  le  sens  de  donner  en  mariage,  et  c'est  ainsi  que 
l'auront  compris  les  héliastes. 

Pour  nous  en  tenir  au  dernier  geste  de  Démosthène  posant 
son  fils  sur  les  genoux  d'Aphobos,  quelle  signification  pouvait- 
il  lui  attribuer  ?  «  Aphobos,  dit  G.  Perrot,  était  celui  auquel 
il  assignait  le  rôle  principal,  celui  qui  devait  occuper  près  du 
foyer  la  place  du  chef  de  famille,  épouser  sa  veuve  et  servir 
de  père  aux  orphelins  ».  Disons  plus  simplement  qu' Aphobos 
est  surtout,  aux  yeux  de  Démosthène,  chargé  de  veiller  à  la 
conservation  du  patrimoine  pour  permettre  plus  tard  à  son 
fils  de  tenir  dans  la  cité  le  rang  qui  lui  convient.  Aphobos 
n'a  d'autres  devoirs  à  remplir  que  celui  de  tuteur.  Jamais 
l'idée  n'est  venue  à  Démosthène  de  lui  faire  adopter  son  fils  : 
il  le  lui  confie  et  recommande  solennellement;  son  geste 
suprême  n'a  pas  d'autre  valeur.  De  la  coutume  ancienne 
décrite  par  M.  J.  Loth  il  ne  subsiste  que  des  apparences  et  des 
cérémonies  étrangères  au  droit.  Les  lois  sont  la  seule  défense 
du  jeune  Démosthène.  Il  n'en  reste  pas  moins  que  nous 
devons  au  second  de  ses  plaidoyers  contre  Aphobos  une  pré- 
cieuse indication  qu'il  faut  joindre  aux  témoignages  déjà 
publiés  dans  la  Revue  Celtique. 
Saint-Prix,  juin  1926. 

7  Bernard  Haussoullier  '. 

1.  [Cet  article,  que  l'illustre  helléniste  avait  spontanément  envoyé  à  la 
Revue  Celtique,  est  un  des  derniers  qu'il  aura  écrits;  il  n'a  même  pas  eu  le 
temps  d'en  voir  les  épreuves.  Une  brusque  maladie  l'a  terrassé  le  25  juillet, 
en  pleine  activité  de  travail.  La  Revue  Celtique  s'associe  au  deuil  des  siens 
en  accordant  à  sa  mémoire  les  regrets  les  plus  émus.  N.d.l.R.]. 


SOME  SCANDINAVIAN  ELEMENTS 

IN    THE 

RED  BOOK  OF  HERGEST  TRIADS 


i.  Pann  aeth  llu  y  lychlyn1  :  The  triad  mentions  three  hosts 
led  from  Britain,  one  led  by  Yrp  Luydauc  to  Llychlyn,  a 
second  by  Maxen  Wledig  and  Elen  Luydauc  to  Llychlyn 
(meaning  in  this  instance  Llydaw,  probably  for  Latium)  and 
a  third  led  by  Caswallon  ap  Beli  in  the  wake  of  the  depart- 
ing  Romans.  The  second  expédition  is  the  basis  of  Breudd- 
wyd  Maxen  Wledig  and  has  som'e  historical  foundation  in 
the  departure  of  Maximus  «  ad  Gallias  magna  comitante 
satellitum  caterva  »  2  :  the  third  may  not  be  entirely  without 
foundation  :  the  first,  despite  its  mythical  appearan'ce,  has 
perhaps  a  stronger  foundation  than  the  other  two  and,  though 
it  is  mentioned  first,  must  hâve  occurred  last. 

The  account  of  it  in  the  triad  is  fragmentary  and  perhaps, 
in  an  âge  of  little  mathematical  knowledge,  served  as  an 
example  of  géométrie  progression.  Yrp,  with  his  servant 
Mathuthauar,  came  from  Llychlyn  (Scandinavia)  in  the  time 
of  Cadyal,  a  mythical  king,  to  raise  forces  in  Britain  and 
obtained  in  turn  from  each  chief  city  twice  the  number  of 
men  with  which  he  appeared  before  it  :  with  the  host  thus 
recruited  he  wentto  two  islands  «  on  the  coast  ofthe  Greek 
sea  '  »,  Clas  andAvena.  This  expédition  however  started  not 

i.  Mabinogion,  Oxford  Edition,  pp.  297-8  :  see  also  Myv.  Arch.  p.  395  : 
cf.  pp.  390-391  and  p.  401. 

2.  De  Excidio  et  Conques  tu  Britanniae.   Ed.  Mommsen  pp.  32-3. 

3.  With  «  y  duy  ynys  yn  ymyl  Mor  Groec  »  cf.  «  ynyssed  denmarc... 
ene  mor  kyuarysilys  a  thaï  enys  prydein  »  (Buchedd  G.  ap  Cynan)  :  cf. 
also  Annun  ddy  vrenhin  Groeg  (Heraldic  Visitations,  II,  64)  =  A.  nigri 


Some  Scandinavian  Eléments.  175 

from  Britain  but  from  Ireland  :  its  goal  was  not  the  Greek 
sea  but  Iceland. 

There  can,  indeed,  be  little  doubt  that  \ve  hâve  in  the 
triad  a  confused  account  of  the  expédition  of  Aud,  daughter 
of  Ketil  Flatnose,  widow  of  Olaf  the  White,  king  of  Dublin, 
and  mother  of  Thorstein  the  Red  :  the  expédition  is  described 
by  Ari  the  historian,  a  descendant  of  Olaf  the  White  in  the 
Landnâmabôk1.  Aud  and  her  son  set  out  from  Ireland,  via 
the  Hébrides  (where  Thorstein  founded  a  family  and  king- 
dom  :  he  was  ultimately  killed  by  the  Scots),  the  Orkneys 
and  F^roe  Islands  to  Iceland,  where  Aud  settled.  One  of 
the  twenty  freemen  with  whom  she  accomplished  the  last  part 
of  the  journey  was  Erp,  son  of  Meldun,  an  earl  in  Scotland, 
and  of  Myrgjol,  daughter  of  Gljomal,  an  Irish  king,  i.  e.  Erpr 
was  a  manumitted  captive,  and  though  not  the  most  impor- 
tant of  Aud's  freedmen,  may  hâve  been  second  in  command. 
He  was  given  land  and  complète  freedom  in  Iceland  and 
there  founded  the  family  known  as  Erplings  :  the  names  of 
his  sons,  as  given  by  Ari,  are  Scandinavian  with  the  except- 
ion of  Dufnall. 

The  name  Yrp,  Erp,  is  more  probably  Scandinavian  than 
Celtic  :  several  instances  ofit  occur  in  Lind2.  The  following 
are  the  forms  of  it  to  be  found  in  Welsh  :  Yrp  (R.B.  H. 
triad),  Urb,  lrpQAyv.  Arch.  pp.  401,412),  Yrb,  Urbf  (Vita 
Cadoci,  Rees,  Cambro-Brit.  SS.  pp.  81-82)  K  The  form  Urbf 
is  noteworthy,  for  the  man  whose  name  is  thus  given  was 
the  father  of  Aulach  (i.  e.  one  of  the  several  Welsh  form 
of  Olâf)  and  probably  an  Irish  Dane. 

With  Yrp  it  is  also  possible  that  \ve  should  compare 
Pictish  Verp  :  Neachtan  nepô  Uerp,  cf.  Nectan  mor  breac 
mac  Eirip  (Irish  Nennius,  Irish   Arch.  Soc.  pp.  161,  164)  : 

régis  Grecorum  (Cognacio  Brychan)  :  the  name  of  this  king  might 
indeed  corne  from  Lat.  Antonius,  but  it  occurs  in  an  obviously  Germanie 
ancestry  and  may  perhaps  be  approximated  to  ON.  Qnundr,  Anundr,  for 
which  see  Lind,  Dopnamn  1252. 

1.  Text  in  Corpus  Poeticum  Boréale  :  See  cap.  14-15. 

2.  Norsk-Islàndska  Dopnamn,  244-5  • 

3.  Possibly  also  Yryf  (Mabinog .  Oxford  Ed.,  p.  301). 


ijé  G.  Peredur  Joins. 

the  occurrence  of  Ulfa  and  Amlaeb  (ibid.  pp.  131,  151)  points 
to  inclusion  of  Scandinavian  matter  in  Pictish  sources. 

2.  Tri  marchlwyth  ynys  prydein1.  Marchlwyth,  literally 
«  horseload  »,is  hère  a  metaphor.  That  is  clear,  fîrst  of  ail, 
from  the  name  of  the  first  horse,  Du  y  Moroedd,  «  Black  one 
of  the  seas  ».  We  may  compare  the  Icelandic  lôg-jâkr,  «  sea- 
horse,  ship  »  : 

Gekk  Hlorridi,  greip  â  stafni 
vatt  med  austri  upp  lôg-fàki 

[The  Thunderer  stepped  forward,  caught  hold  of  the  bow,  swung  the 
wave-steed  up  with  the  bilge.  —  Corpus  Poeticum    Boréale,  I,  223.] 

Also  : 

Hâkon  reid  i  bak  biero  bord-hesti  vestan 
[Hakon  rode  over  the  billows  on  his  wooden  horse  —  Ibid.  II,  31]. 

Indeed  the  metaphor  is  frequently  foundin  Icelandic  poetry. 
Du  y  Moroedd  carried  Elidir  Mwynfawr,  his  wife  and  five  of 
his  servants  from  Penllech  Elidir  in  the  North  to  Penllech 
Elidir  in  Mon2  —  the  load  and  the  route  imply  not  a  horse 
but  a  ship  :  moreover,  Albeinwyn,  the  cook,  «  swam  with  his 
hands  on  the  horse  's  crupper  »  for  no  reason  that  is  disco- 
vered  in  the  triad,  but  it  is  possible  that  hère,  as  in  later  times, 
relations  between  the  cook  and  the  crew  were  not  cordial. 
Following  this  triad  cornes  one  concerned  with  Teir  llyngbes 
gynniweir,  «  three  hovering  fleets  »  :  the  juxtaposition  is 
perhaps  not  fortuitous. 

It  is  not  possible  to  date  Elidir  Mwynfawr  by  reliable  évi- 
dence, but  more  can  be  done  with  the  second  «  marchlwyth  », 
consisting  of  Gwrgi  and  Peredur,  sons  of  Eliffer  Gosgorddfawr. 
They  belonged  to  the  Cynferchin  and  lived  probably  in  the 
latter  ninth  century5  ;  with  their  father's  name,  Eliffer,   d. 

1.  Mabinogion,  Oxford  Edit.,  pp.  300-1. 

2.  Mr.  H.  Higgins  informs  me  that  there  is  a  ring  fort  of  Scandinavian 
type  near  Penllech,  on  the  S.E.  coastof  Anglesey. 

3.  See  Cymmroàor,  1925,  pp.  117-156  :  with  them  were  carried,  accord- 
ing  to  the  version  in  Myv.  Arch.  384,  Cynfelyn  Drwsgl  and  Dunod 
Vwr,  i.  e.  three  générations  or  the  Cynferchin  travelled  at  once.  Judg- 
ing  by  the  R.  B.  H.  version,  however,  something  is  lost  from  the 
middle  of  the  triad. 


Some  Scandinavian  Eléments.  177 

ON.  Eilifr.  No  évidence  exists  by  which  to  date  ihe  third 
«  marchlwyth  »,  the  sons  of  Grythmwl  wledic.  Grythmwl  can 
hardly  be  Welsh  and  this  «  gwledig  »,  if  historical  at  ail,  was 
an  invader  '. 

G.  Peredur  Jones,  M.  A. 

University  of  Sheffield. 

1.  (Note  additionnelle  de  M.  J.  Loth).  Eliffer  (Mab.  Oxf.,  éd.,  p.  301,6) 
et  Elidir  (ibid.,  p.  300,28  ;  Elidyr,  p.  300,29)  sont  deux  noms  entière- 
ment différents  et  ne  sont  pas  confondus.  La  forme  la  plus  ancienne  est 
Eleuther  (Ane.  Généalogies  galloises,  J.  Loth  Mab.,  2«  éd.,  II,  336).  On 
trouve  Eleufer  dans  les  Triades  (Myv.  Arch.  404,  38).  Il  est  fort  possible 
qu'un  roi  breton  ait  porté  le  nom  d'Eleuther.  Bède  (Se  sex  aetat.  saeculi,  à 
l'année  167  ;  H.  E.  I,  c.  4)  nous  apprend  que  le  roi  breton  Lucius  demanda 
au  pape  Eleuthèrede  se  faire  chrétien  et  que  sa  demande  fut  accueillie.  Eli- 
dir a-t-il  quelque  rapport  avec  le  nom  Scandinave  Eilifr  ou  a-t-il  été  con- 
fondu avec  lui,  c'est  au  moins  douteux. 


12* 


Reviu  Celtique,  XL1II. 


BIBLIOGRAPHIE 


Sommaire.  —  I.  G.  Dottin,  L'épopée  irlandaise.  — II.  Alice  S.  Green, 
History  of  the  IrishStateto  1014.  —  III.  A.  Meillet,  La  méthode  com- 
parative en  linguistique  historique.  —  IV.  W.  J.  Gruffydd,  Llenyddi- 
aeth  Cymru  o  1540  hyd  1660.  —  V.  John  J.  Parry,  The  Vita  Merlini. 
—  VI.  Arthur  C.  L.  Brown,  The  Grail  and  sir  Perceval.  —  VII.  Ifor 
Williams,  ChwedlauOdo.  — VIII.  T.  O'  Rathile,  Laoithe  Cumainn, 
Dânta  Grâdha,  Bùrdûin  Bheaga.  —  IX.  Pembrokeshire.  —  X.  Gaston 
Esnault,  Métaphores  occidentales.  —  XI.  F.  Ewald,  Die  Entvvickelung 
des  K-  Suffixes.  —  XII.  F.  Muller,  Altitalisches  Wôrterbuch. 


I 

Georges  Dottin.  L'Épopée  irlandaise.  Pans,  La  Renaissance  du  livre. 
1926.  208  pages  in-12,  5  fr. 

Notre  savant  collaborateur,  qui  a  déjà  tant  fait  pour  répandre  la 
connaissance  des  choses  celtiques,  à  l'exemple  de  son  maître 
d'Arbois  de  Jubainville,  reprend  dans  ce  volume  une  des  tâches 
auxquelles  celui-ci  s'était  consacré  avec  le  plus  d'ardeur.  Le  tome  V 
du  Cours  de  Littérature  Celtique,  publié  en  1892  sous  le  titre  YÉpopèe 
celtique  en  Irlande,  était  un  recueil  de  traductions  de  textes  épiques, 
choisis  parmi  les  plus  attrayants.  L'année  même  de  sa  mort,  d'Arbois 
de  Jubainville  terminait  la  traduction  de  la  Tàin  bô  Cuailnge,  la  plus 
ancienne  épopée  de  l'Europe  occidentale  (publiée  chez  Champion 
de  1907  à  191 1).  Entre  temps,  le  public  allemand  prenait  con- 
naissance de  la  littérature  irlandaise  médiévale  par  les  Sagen  aus 
dem  alten  Ireland  de  M.  Thurneysen  (Berlin,  1901).  Quant  au 
public  de  langue  anglaise,  de  beaucoup  le  plus  favorisé,  il  avait  à 
sa  disposition  les  traductions  nombreuses  que  les  celtistes  d'Outre- 
Manche,  à,  commencer  par  Whitley  Stokes,  joignaient  d'ordinaire 
à  leurs  éditions.    Depuis   d'Arbois   de  Jubainville,  aucun   nouvel 


Bibliographie.  179 

effort  n'avait  été  tenté  pour  mettre  en  français  l'épopée  irlandaise. 
Le  livre  de  M.  Dottin  sera  donc  le  bienvenu  ;  et  comme  il  est  édité 
par  une  maison  dont  l'activité  est  des  plus  appréciées,  on  peut  espé- 
rer qu'il  touchera  un  public  étendu  et  attirera  aux  études  celtiques 
de  nombreux  adeptes. 

Ce  n'est  pas  qu'il  n'apporte  que  du  nouveau.  Parmi  les  dix-huit 
morceaux  qu'il  contient,  six  —  et  ce  sont  les  plus  importants  et  les 
plus  longs  —  figuraient  déjà  dans  les  recueils  de  d'Arbois  de 
Jubainville.  M.  Dottin  les  a  certainement  retenus  à  cause  de  l'in- 
térêt qu'ils  présentent  :  des  récits  comme  le  Cochon  de  Mac  Dathô 
ou  l'Exil  des  fils  d'L'snech  ne  pouvaient  rester  absents  de  son 
recueil.  Il  est  peut-être  regrettable  qu'il  n'ait  pas  retenu  aussi  le 
Voyage  de  Condlé  fils  de  Conn,  qu'il  a  jadis  traduit  pour  la  Revue 
archéologique  (t.  XIV).  Ce  charmant  récit,  si  émouvant  dans  sa  sim- 
plicité, est  des  plus  caractéristiques  del'esprit  celtique.  Mais  on  peut 
regretter  surtout  qu'il  n'ait  pas  tenté  de  rajeunir  sa  matière  en  tra- 
duisant un  plus  grand  nombre  de  textes  moins  connus  en  France, 
comme  les  ScélaCano  tneic  Gartnâin  ouVAirne  Fingein,  ou  Ylmram 
curaig  Mâileduin  ou  des  morceaux  de  la  Togail  Bruidne  dà  Derga. 
Ces  textes,  qui  n'ont  jamais  été  traduits  en  français,  mériteraient 
vraiment  de  l'être.  Si  le  succès,  comme  on  doit  l'espérer,  est  assez 
complet  pour  justifier  une  nouvelle  série,  ils  sont  de  ceux  auxquels 
M.  Dottin  devra  songer. 

Les  traductions  sont  accompagnées  d'une  introduction  et  de 
notes.  En  regard  de  la  page  de  titre  s'étale  le  fac-similé  d'un  frag- 
ment de  page  du  Lebor  na  hUidre  '.  L'introduction  renseigne 
utilement  sur  les  caractères  principaux  de  l'épopée  irlandaise  et  les 
conditions  dans  lesquelles  elle  nous  est  connue.  C'est  un  sujet  que 
le  savant  auteUr  connaît  bien  et  sur  lequel  il  a  déjà  souvent  écrit. 
Il  n'avait  qu'à  puiser  dans  ses  souvenirs  pour  la  rédiger  ;  il  l'a  fait 
avec  sa  précision  et  son  exactitude  habituelles.  Les  notes  sont  trop 
peu  nombreuses.  L'épopée  irlandaise  est  tellement  loin  de  nous 
qu'elle  exige  pour  être  comprise  Un  commentaire  qui  l'éclairé  et  en 
mette  en  valeur  tout  l'intérêt.  Nombre  de  détails  resteront  fermés 


1 .  Ce  fragment  est  à  la  page  82  Je  l'édition  fac-similé  du  Lebor  na  hUidre, 
publiée  parla  Royal  Irish  Academy.  Il  est  fâcheux  qu'il  n'ait  pas  été  choisi 
parmi  les  morceaux  dont  la  traduction  est  donnée  dans  l'ouvrage.  Mais  le 
plus  fâcheux  est  que  la  première  phrase  en  est  incompréhensible,  parce  qu'H 
en  manque  une  partie  qui_  figure  sur  le  manuscrit  en  fin  de  la  ligne  précé- 
dente. Les  mots  do  Domnandchaib  do  comrac  fri  Coinculaind .  Derbbrdthair 
doivent  être  rétablis  à  la  fin  de  la  première  ligne  du  fragment. 


i8ô  Bibliographie. 

au  lecteur  Français,  qui  ne  pourra  goûter  pleinement  la  saveur  de 
l'original.  On  peut  regretter  aussi  l'absence  de  renvois  plus  fréquents; 
bien  des  passages  s'éclairent  l'un  l'autre  ;M.  Dottin  est  trop  sobre 
de  comparaisons  qu'un  simple  renvoi  indiquerait.  Un  court  index 
des  noms  propres  cités  aurait  également  été  utile.  Ces  noms 
propres  sont  donnés  tantôt  en  traduction  et  tantôt  sous  leur  forme 
irlandaise.  Mais  M.  Dottin  ne  traduit  pas  toujours  de  façon  consé- 
quente. On  conçoit  qu'il  ait  préféré  conserver  à  Ethne  Aitencài- 
threch  (p.  124)  son  nom  irlandais.  Mais  le  même  personnage  est 
appelé  Conall  Cernach  et  Conall  le  Victorieux  (p.  98-100)  ou 
Senach  Siaborthe(p.  129)  et  Senach  le  Fantômal  (p.  135).  Il  valait 
mieux  adopter  le  principe  de  faire  toujours  suivre  le  nom  irlan- 
dais de  sa  traduction  entre  parenthèses,  quand  cette  traduction  est 
possible. 

Là  où  il  reprenait  des  textes  déjà  traduits,  M.  Dottin  a  naturel- 
lement tenu  compte  des  progrès  de  la  philologie  irlandaise  et  cor- 
rigé les  interprétations  fautives  de  ses  devanciers.  Les  traductions 
de  d'Arbois  de  Jubainvilk  laissent  aujourd'hui  parfois  à  désirer  : 
elles  ont  en  général  le  défaut  d'être  un  peu  lâches,  elles  ajoutent 
souvent  au  texte  ou  le  déforment  par  un  souci  de  fausse  élégance. 
M.  Dottin  a  revu  ses  textes  de  près  et  sur  bien  des  points  il  fournit 
une  traduction  neuve  et  personnelle.  Çà  et  là  pourtant  on  peut  y 
trouver  à  reprendre.  Voici  quelques  observations  relevées  au  cours 
d'une  lecture  rapide.  P.  65,  1.  4,  «  dans  un  autre  désert  »  pour 
in-âraile  dithrûb  (R.Celt.,  VI,  174)  est  inexact.  On  peut  en  appe- 
ler à  M.  Dottin  lui-même  qui,  traduisant  le  même  morceau  pour 
le  Cours  de  Littérature  celtique  (t.  V,  p.  15)  a  donné  le  bon  sens  : 
«  dans  un  désert  ».  P.  68,  dern.  ligne,  au  lieu  de  «  aucune  plaine 
ne  sera  vide  de  cendre  »,  il  faut  traduire  :  «  il  nous  réduira  en  pure 
cendre  »  (atanebla,  de  adagim).  —  P.  69,  1.  3,  non  pas  «  qui  tom- 
bera »,  mais  «  s'ils  tombent  ».  —  P.  69-70,  le  sens  est  :  «  Un 
grand  nombre  d'entre  eux  avaient  eu  précédemment  maille  à  partir 
les  uns  avec  les  autres.  La  guerre  régnait  entre  eux  depuis  300  ans 
avant  Jésus-Christ  ».  —  P.  86,  1.  16,  l'expression  «  une  chandelle 
de  pierre  précieuse  »  ne  pouvait  être  conservée  sans  une  note  (ou 
un  renvoi  à  la  note  delà  page  133).  —  P.  90,  1.  4,  la  phrase  «les 
lois  d'Uaithné  furent  alors  »  ne  se  comprend  pas.  Le  texte  publié 
dans  la  Z.  /.  Celt.  Phil.  IV,  36,  11  porte  bâtir  câin  uaitni;  sur  cette 
expression,  cf.  Félire  d'Oengus,  29  avril.  —  P.  92,  1.  3,  «  c'est  toi 
que  j'ai  aimé  »  est  ambigu  :  is  tû  rocharus  veut  dire  «  c'est  à  toi  que 
j'ai  donné  mon  amour  »,  pai  conséquent  «  c'est  toi  que  j'aime  ». 
—  P.  94  et  96,  il  fallait  éviter  la  traduction  mot  à  mot  «  ses  lèvres 


Bibliographie.  181 

(ou  tes  lèvres)  mourront  »  qui  n'offre  aucun  sens  en  français  ; 
l'expression  atbélat  do  beoil  veut  dire  simplement  «  tu  mourras  » 
(cf.  Rev.  Celt.,  XL,  433).  —  P.  118  et  119,  la  traduction  «  ce  sont 
des  cercles  qui  entourent  moa  manteau  »  est  d'un  mot  à  mot  bien 
gauche.  —  P.  137,  1.  8  du  bas,  le  mot  bét  «  faute,  méfait,  échec  »  a 
été  mal  compris  ;  c'est  le  contraire  de  buâid  et  le  sens  est  :  «  je  ne 
sais  si  j'ai  accompli  un  exploit  ou  commis  une -faute  »,  c'est-à-dire 
«  si  j'ai  réussi  ou  échoué  ».  —  P.  138,  1.  2,  le  texte  porte  tricha 
cet,  ce  qui  fait  trois  mille  et  non  trois  cents.  —  P.  149,  1.  17,  le 
verbe  adetha'  ne  signifie  pas  a  il  mangea  »,  mais  «  il  prit» 
(K.  Meyer,  Contrib.,  p.  21)  :  il  faut  donc  comprendre  :  «  Cuchul- 
lin  prit  la  moitié  du  chien  de  la  main  de  la  sorcière  et  plaça  cette 
moitié  sous  sa  cuisse  gauche  ».  La  traduction  «  Cuchullin  mangea 
de  sa  main  »  reproduit  par  mégarde  une  erreur  de  Wh.  Stokes 
(R.  Celt.,  III,  177). 

J.  Vendryes. 

II 

Alice  Stopford  Green,  History  of  the  Irish  State  to  1014.  London, 
Macmillan  and  Co.  1925,  xj-437  p.  8°,  12  sh.  6  d. 

Les  lecteurs  de  ce  livre  ne  manqueront  pas  d'être  frappés  des 
ressemblances  qu'il  offre  avec  les  ouvrages  de  M.  Eoin  Mac  Neill. 
Il  est  visible  que  les  deux  auteurs  ont  vécu  dans  une  intime  com- 
munion de  pepsée,  qu'ils  ont  médité  ensemble  sur  l'histoire  et  les 
destinées  de  l'Irlande  au  cours  de  la  période  toute  récente  où  un 
ordre  nouveau  s'enfantait  dans  la  souffrance  et  les  larmes,  qu'ils  se 
sont  exaltés  mutuellement.  Mrs. Green  s'est  inspirée  des  idées  que 
M.  Mac  Neill  professait  et  enseignait  à  ses  disciples.  On  retrouve 
même  dans  son  livre  en  plus  d'un  endroit  ce  mouvement  du  dis- 
cours parlé  et  cette  flamme  qui  caractérise  si  hautement  les  Phases 
of  Irish  History. 

Cela  n'est  pas  dit  pour  diminuer  les  mérites  de  Mrs.  Green. 
Elle  a  depuis  longtemps  fait  ses  preuves  ;  son  ardeur  de  patriote 
est  aussi  connue  que  ses  qualités  d'historien  et  d'écrivain  (cf.  Rev. 
Celt.,  XXXII,  484).  Elle  est  douée  d'un  esprit  constructeur,  mais 
qui  a  besoin  qu'on  lui  fournisse  des  matériaux.  La  période  dont 
elle  traite  ici  est  de  celles  où  les  documents  sans  doute  ne  manquent 
pas,  mais  où  ils  sont  d'accès  difficile  et  où  ils  exigent  une  critique 
sévère,  parce  qu'ils  sont  en  général  bien  postérieurs.aux  événements. 
Il  faut  aller  les  chercher  à  des  sources    diverses  et  disparates.  La 


182  Bibliographie. 

littérature  irlandaise,  même  la  plus  romanesque,  fournit  parfois 
des  données  aussi  précieuses  que  les  Annales  ou  les  Généalogies. 
M.  Mac  Neill,  qui  connaît  à  fond  tous  les  monuments  de  l'histoire 
ancienne  de  son  pays,  a  pourvu  Mrs.  Green  d'une  documentation 
exceptionnellement  riche.  Même  sur  certains  détails  il  a  bien  voulu 
rédiger  pour  elle  de  courtes  notes  qu'elles  a  introduites  dans  son 
livre  sans  changement.  Ce  livre  fournit  ainsi  à  certains  égards  un 
complément  utile  aux  Phases  oj  Irish  History.  Il  a  même  sur  ce  der- 
nier ouvrage  l'avantage  de  contenir  des  références  ;  encore  sont- 
elles  en  nombre  trop  limité,  et  on  souhaiterait  souvent  d'en  trouver 
davantage  à  la  fin  de  plus  d'un  chapitre. 

On  sait  combien  les  idées  de  M.  Mac  Neill,  très  originales, 
ont  modifié  les  conceptions  qui  régnaient  jusqu'ici  sur  l'histoire  la 
plus  ancienne  de  l'Irlande.  On  sait  aussi  qu'elles  ont  été  parfois 
contestées.  M.  J.  Loth  a  fait  connaître  ici  même  le  désaccord  qui 
le  séparait  de  M.  Mac  Neill  en  ce  qui  concerne  la  date  de  l'arrivée 
des  Celtes  en  Irlande(v.  Rev.  Celt.,t.  XXXIX,  75  ;  cf.  t.  XXXVIII, 
259).  Mrs. Green  reproduit  sur  ce  point  la  doctrine  de  M.  Mac 
Neill.  Ce  n'est  pas  à  dire  que  la  force  des  arguments  de  M.  J.  Loth 
en  soit  diminuée.  M.  Mac  Neill  émet  sans  doute  aussi  une  doctrine 
contestable  en  enseignant  que  les  Belges  étaient  en  majeure  partie 
de  race  germanique.  Mrs  Green  accentue  encore,  s'il  est  possible, 
ce  caractère  germanique  des  Belges  qui  paraît  bien  exagéré  (v. 
J.  Loth,  ibid.).  Mais  il  ne  convient  pas  de  s'arrêter  à  ces  critiques. 
Les  éloges  doivent  l'emporter,  et  de  beaucoup.  Tout  ce  qui  est  dit 
ici  des  anciennes  divisions  de  l'Irlande,  des  différences  de  civilisa- 
•  tion  entre  lesdiverses  populations  qui  s'y  sont  installées,  du  rôle  des 
Pietés  et  des  Galiâin,  etc.  tout  cela  vient  de  M.  Mac  Neill  et  ce 
sont  des  données  qui  paraissent  définitivement  acquises.  On  voit 
aujourd'hui  comment  l'Irlande  est  passée  du  système  des  cinq  pro- 
vinces, tel  que  le  cycle  d'Ulster  en  fait  connaître  la  pratique,  à  un 
système  nouveau,  celui  de  la  royauté  suprême,  inauguré  par  les 
rois  de  Connaught  dans  leur  extension  vers  l'Est.  L'hégémonie  du 
Connaught  se  traduit  par  l'institution  de  Yardri.  C'est  Tuathal 
Techtmar  qui  passe  pour  l'avoir  établit  en  prenant  possession 
d'Uisnech;  mais  plus  encore  Cormac  mac  Airten  s'avançant  jusqu'à 
Tara.  Dans  cette  histoire,  dont  les  textes  ne  donnent  qu'une  image 
incohérente  et  fragmentaire,  on  voit  apparaître  grâce  à  M.  Mac 
Neill,  le  jeu  continu  des  forces  en  présence.  L'hypothèse  d'une 
révolte  populaire  qui  aurait  bouleversé  l'état  politique  des  cinq 
royaumes  (moins  peut-être  en  Connaught  qu'ailleurs)  et  à  la  suite 
de  laquelle  l'élément  picte  aurait  repris  force  en  Ulster,  est  une  des 


Bibliographie.  183 

plus  séduisantes  du  livre.  11  est  de  fait  que  l'opposition  entre  la 
civilisation  du  cycle  de  la  Branche  Rouge  et  celle  du  cycle  de  Finn 
suppose  deux  organisations  politiques  et  sociales  absolument  dif- 
férentes. M.  Mac  Neill  a  eu  le  grand  mérite  de  mettre  tous  ces  faits 
en  lumière. 

Ce  qui  est  personnel  à  Mrs.  Green  dans  le  livre,  c'est  d'abord 
son  talent  d'exposition.  Elle  écrit  une  belle  langue,  colorée, 
vivante.  Elle  a  le  don  d'évocation  du  passé.  Ses  descriptions  sont 
d'un  charme  qui  prend  le  lecteur.  Ses  portraits  sont  saisissants. 
Elle  a  consacré  à  Saint  Patrice, à  Saint  Colum  Cille  des  chapitres  excel- 
lents, où  la  figure  de  ces  deux  grands  apôtres  apparaît  sous  les  cou- 
leurs les  plus  nettes  et  les  plus  sympathiques.  Mrs.  Green  sent  pro- 
fondément ce  qu'il  y  a  d'original  dans  le  caractère  irlandais  ;  et  elle 
en  goûte  tout  l'agrément.  Elle  loue  l'Irlande  (p.  105)  d'avoir 
échappé  au  «  rouleau  compresseur  »  qui  a  ramené  presque  au 
même  niveau  toutes  les  nations  de  l'Europe  continentale.  Et  cet 
éloge  est  mérité.  Malgré  toutes  les  tentatives,  tous  les  efforts  de 
compression,  souvent  violente,  l'Irlande  est  demeurée  en  Europe 
un  monde  à  part,  le  «  monde  occidental  ».  Mais  l'affectueuse  admi- 
ration que  l'auteur  éprouve  pour  un  peuple  réellement  très  atta- 
chant lui  fait  peut-être  voir  trop  en  beau  son  organisation  poli- 
tique et  sociale.  Une  civilisation  se  juge  aux  fruits  qu'elle  porte. 
Si  l'on  examine  l'histoire  d'Irlande  à  ce  point  de  vue,  on  ne  peut 
que  déplorer  un  système  politique  qui  a  eu  pour  résultat  le  mor- 
cellement constant,  la  désunion  anarchique  et  l'impuissance  devant 
l'étranger.  Il  y  a  dans  l'histoire  d'Irlande  les  plus  violents  contrastes. 
On  y  admire  des  exploits  d'une  haute  moralité,  des  actes  d'hé- 
roïsme, des  œuvres  poétiques  d'une  imagination  charmante,  d'une 
fantaisie  exquise.  Mais  sur  le  terrain  politique,  ce  sont  surtout  des 
ruines  qui  apparaissent,  et  dont  les  divers  conquérants  de  l'ile  ne 
sont  pas  seuls  responsables. 

L'idée  générale  de  Mrs.  Green  s'exprime  dans  le  titre  de  son 
livre.  Elle  a  voulu  retracer  l'histoire  de  l'État  irlandais.  Mais  y  a- 
t-il  jamais  eu  dans  le  passé  un  État  irlandais  ?  M.  G.  Curtis,  dans 
un  livre  récent,  reconnaissait  que  la  notion  de  l'état  avait  manqué 
aux  Irlandais  et  que  ce  défaut  leur  avait  coûté  cher  (cf.  R.  Celt., 
XLI,  480).  Il  paraît  bien  avoir  raison.  L'unité  de  langue,  dont 
Mrs. Green  fait  justement  ressortir  l'importance,  n'implique  en  rien 
une  unité  politique.  On  le  voit  bien  par  la  Grèce  antique,  où  le 
sentiment  d'une  communauté  linguistique  était  si  fort.  On  ne  doit 
reconnaître  à  l'Irlande  qu'une  unité  de  civilisation  ;  et  ceci  suffit  à 
sa  gloire,  car  la  civilisation  irlandaise,    en  grande  partie  refondue 


184  Bibliographie. 

et  unifiée  par  le  christianisme,  comme  Mrs  Green  ie  souligne  avec 
raison,  est  une  des  plus  originales  de  l'Europe. 

Dans  un  spirituel  discours  qui  est  mentionné  plus  loin  (p.  239), 
M.  Macalister  montre  les  archéologues  irlandais  partagés  en  deux 
camps,  celui  des  anglophiles  et  celui  des  anglophobes,  lés  premiers 
passant  sous  silence  ou  dénigrant  lacivilisation  propre  aux  Irlandais 
pour  faire  valoir  les  avantages  de  la  conquête  anglaise,  les  autres 
exaltant  au  contraire  outre  mesure  les  vertus  nationales  pour  con- 
damner par  contraste  les  crimes  commis  par  les  Anglais.  Ce  serait 
assurément  faire  injure  à  Mrs. Green  que  de  l'impliquer  dans  une 
pareille  classification.  Mais  d'un  point  de  vue  plus  général,  on  peut 
dire  qu'il  y  a  dans  l'histoire,  comme  dans  la  médecine,  des  docteurs 
Tant-pis  et  des  docteurs  Tant-mieux.  Les  premiers  jettent  un  regard 
sévère  sur  les  cas  qu'on  leur  soumet  ;  ils  n'y  découvrent  que  le 
résultat  des  pires  faiblesses  de  l'humanité,  la  sottise,  la  déraison,  la 
haine.  Les  seconds  sont  portés  au  contraire  à  embellir  tout  ce  qu'on 
leur  montre;  ce  sont  des  fervents  de  l'idéal.  Mrs. Green  est  certai- 
nement du  nombre  de  ces  derniers.  Le  tableau  qu'elle  trace  de 
l'Irlande  médiévale  est  réellement  idyllique.  Il  respire  la  bonté  de 
cœur  et  l'amoUr  du  prochain,  la  simplicité  des  mœurs  et  la  bien- 
faisance. On  pourrait  sans  doute  trouver  quelques  figures  qui  jus- 
tifient cette  opinion  flatteuse.  Mais  à  côté,  que  de  violences,  que 
d'injustices,  que  de  trahisons  !  Mrs. Green  a  des  pages  charmantes 
sur  les  saints  irlandais,  dont  les  vies  si  poétiques  sont  le  florilège 
de  toutes  les  vertus.  Mais  quiconque  a  pratiqué  si  peu  que  ce  soit 
l'hagiographie  irlandaise  sait  quelle  misérable  idée  elle  donne  de  la 
bêtise  et  de  la  crédulité  humaines.  Quand  elle  est  écrite  par  les 
femmes,  l'histoire  peut  présenter  une  apparence  des  plus  sédui- 
santes. Le  malheur  est  qu'elle  a  été  faite  par  les  hommes,  et  cela  la 
gâte  furieusement  l. 

J.  Vendryes. 

1.  P.  22,  ce  n'est  pas  seulement  aux  Grecs  qu'Homère  donne  l'épithète 
de  «  dompteurs  de  chevaux  »  ;  plusieurs  vers  de  l'Iliade  commencent  par 
Tpdi'ov  î;t7:o5âtAcov  (Z  461,  ©  71,  A  568,  etc.).  —  P.  97,  Domnach  Airtene 
peut  être  traduit  par  «  The  Lord's  House  ».  C'est  domnach  tout  seul  qui  a 
ce  sens.  Airte  est  ici  le  génitif  d'un  mot  signifiant  "  hauteur  »  ;  il  est  écrit 
suivant  une  orthographe  archaïque  remplacée  plus  tard  par  airde.  —  P.  98, 
le  texte  de  la  Confessio  porte  non  pas  Banauem  taberniae,  mais  Bannauem,  et 
M.  Bury  a  proposé  de  corriger  en  Bannauenta  Berniae  (ou  peut-être  Berni- 
ciae).  Mais  M.  Bury  n'est  même  pas  cité  dans  les  notes  au  chapitre  vu  con- 
sacré à  Saint  Patrice  ;  c'est  un  oubli  bien  étrange. —  P.  128,  la  phrase  attri- 
buée à   Noîmu  est  de   Fergus  dans  YOided  mac  n-Uisnig  (Ir.  Texte,  t.   11,2 


Bibliographie.  185 


III 

A.  Meillet,  La  méthode  comparative  en  linguistique  historique.  Oslo- 
Paris,  1925  viij-i  1 7  p.  in-12.  (Instituttet  for  sammenlignende 
Kulturforskning,  série  A,    II). 

La  Revue  celtique  a  précédemment  parlé  de  l'Institut  pour  l'étude 
comparative  des  civilisations  fondé  à  Oslo  en  1924  (v.  t.  XLII, 
p.  191).  Cet  Institut  est  des  plus  actifs,  et  les  publications  s'en 
succèdent  avec  une  remarquable  rapidité.  L'un  des  premiers 
volumes  de  la  collection  est  de  M.  A. Meillet;  il  reproduit  une  série  de 
conférences  que  celui-ci  avait  été  invité  à  faire  à  Oslo  même,  lors 
de  l'inauguration  de  l'Institut. 

Le  savant  linguiste  n'a  cru  pouvoir  mieux  répondre  à  cette  invi- 
tation qu'en  allant  exposer  les  principes  sur  lesquels  est  fondée  la 
science  qu'il  représente  si  magistralement.  Depuis  près  de  quarante 
ans  que  M.  Meillet  fait  de  la  linguistique  historique,  il  y  applique 
les  règles  delà  méthode  comparative.  Il  était  donc  plus  qualifié  que 
personne  pour  analyser  le  mécanisme  de  cette  méthode,  en  décrire 
le  fonctionnement,  en  définir  la  portée.  Il  commence  par  en  pro- 
clamer la  nécessité.  «La  comparaison  est  le  seul  instrument  efficace 
dont  dispose  le  linguiste  pour  faire  l'histoire  des  langues  ». 
Cette  formule,  par  laquelle  se  termine  le  premier  chapitre,  est  de 
nature  à  rassurer,  maisaussi  à  inquiéter.  Elle  est  rassurante,  en  don- 
nant au  linguiste  la  certitude  qu'il  ne  s'égarera  jamais  en  appliquant 
strictement  la  méthode  comparative.  Elle  a  ceci  d'inquiétant  que, 
s'il  y  a  des  langues  où  cette  méthode  est  inapplicable,  aucune  étude 

p.  126,  H.124-125). —  P.  i30-i3i,une  référence  au  travail  de  M.John 
Thomas  McNeill  sur  les  Penitentialss'imposait  (Rev.Celt.,  t. XXXIX  et  XL). 
--  P.  154,  à  propos  de  l'emploi  du  mot  «  abbé  »,  cf.  K.  Celt.,  XLII, 
148  ;  l'exemple  Astiages  abb  cen  fell  est  dans  un  poème  de  L.  L.,  131  a  10. 
—  P.  2520.,  on  peut  contester  l'ingénieuse  explication  que  donne  M.  Mac 
Neill  de  l'emploi  du  mot  Rôma  (Ruam)  au  sens  de  «  cimetière  »  par  confu- 
sion avec  irl.  ro  uatn  «  grande  caverne  ».  Le  même  emploi  est  attesté  en 
brittonique.  On  lit  dans  le  Liber  Landauensis  (p.  1)  que  l'île  d'Enlli,  auj. 
Bardsey  Island,  servait  de  cimetière  à  vingt  mille  saints,  tant  confesseurs 
que  martyrs,  et  qu'à  cause  de  cela  elle  était  appelée  «  la  Rome  de  Bretagne  », 
insula  Enlli  quae  more  Britannico  uoeatur  Roma  Britanniae.  Mais  il  n'est  pas' 
exclu  qu'après  coup  les  Irlandais  aient  senti  un  rapport  par  jeu  de  mots 
entre  Rom,  Ruam,  nom  de  la  ville,  et  ro  uatn  «  grande  caverne  *  (cf.  l'édition 
des  poèmes  deTadhg  Dali  O'Huiginn  par  Miss  Eleanor  Knott,  t. II, p. 288). 


186  Bibliographie. 

historique  n'en  est  possible.  Et  en  effet,  une  langue  isolée  est 
dénuée  d'histoire.  On  ne  peut  faire  l'histoire  d'une  langue  qu'en 
remontant  à  une  langue  commune  initiale,  et  la  restitution  d'une 
langue  commune  ne  peut  se  faire  que  par  la  comparaison.  C'est 
une  nécessité  à  laquelle  doit  se  résigner  la  linguistique.  Il  y  en  a 
d'autres  encore.  Sur  le  domaine  même  où  elle  est  possible,  l'appli- 
cation de  la  méthode  comporte  certaines  limites  qui  imposent  cer- 
taines réserves  quant  aux  résultats.  Passant  en  revue  les  différentes 
parties  de  la  tâche  du  linguiste,  M.  Meillet  indique  comment  la 
méthode  comparative  se  comporte  dans  chacune  d'elles.  Il  ne 
manque  pas  de  circonstances  qui  en  rendent  l'emploi  difficile,  voire 
même  scabreux.  L'étymologie  par  exemple  échappe  pour  la  plus 
grande  part  à  la  méthode  comparative  ;  et  la  morphologie  ne  s'y 
soumet  qu'à  la  condition  d'offrir  un  développement  continu,  régu- 
lier, excluant  les  mélanges  de  langues.  On  mesure  du  regard,  en 
lisant  M.  Meillet,  l'étendue,  lacomplexité,  la  difficulté  du  métier  de 
linguiste;  et  on  se  demande  comment  un  être  humain  peut  avoir 
l'audace  d'entreprendre  de  se  donner  la  culture  linguistique  inté- 
grale. Mais  cette  culture  est  nécessaire  à  quiconque  veut  interpréter 
le  moindre  fait  de  langue,  et  par  conséquent  à  tous  les  philologues. 
C'est  en  partant  d'idées  d'ensemble  que  le  travail  de  détail,  même 
le  plus  menu,  peut  s'effectuer.  C'est  en  s'appuyant  sur  des  principes 
généraux  qu'on  peut  donnera  ses  conclusions  valeur  et  portée.  Le 
petit  livre  de  M.  Meillet,  si  riche  de  réflexions  profondes,  devra 
être  lu  et  médité  aussi   des  celtistes  '. 

J.  Vendryes. 


IV 

W.  J.  Gruffydd.  Llenyddiaeth  Cymru,  rhyddiailh  o  i  $40  hyd  1660. 
[Littérature  galloise,  la  prose  de  1540  a  1660].  Wrecsam,  Hughes 
a'i  fab.  1926,  217  p.  in-12,  6  sh. 

Pour  le  plus  grand  profit  des  études  celtiques,  M.  W.  J.  Gruffydd 

Contrairement  à  ce  qui  est  dit  p.  41,  le  vieux  mot  *br~iwâ-  0  pont  »  n'a 
pa  subsisté  dans  les  langues  celtiques  modernes.  Celles-ci  l'ont  remplacé 
par  des  mots  nouveaux  comme  drochet  en  irlandais,  pont  (emprunt  latin) 
en  brittonique.  Mais  le  sens  de  *brïwâ-  en  vieux  celtique  est  attesté  par 
une  glose  du  manuscrit  de  Vienne  :  brio  ponte  (Dottin,  la  langue  gauloise, 
p.  213),  et  par  le  nom  ancien  de  Pontoise,  Briua  Isarae,  dans  l'Itinéraire 
d'Antonin. 


Bibliographie.  187 

continue  sa  tâche  d'historien  de  la  littérature  galloise.  Dans  un 
volume  précédent,  dont  la  Revue  Celtique  a  parlé  t.  XL,  p.  193,  il 
avait  étudié  la  période  de  1450  a  1 600  en  s'attachant  particulièrement 
à  la  poésie.  Cette  fois,  il  traite  de  la  prose.  Il  réserve  pour  une 
publication  ultérieure  l'étude  de  la  poésie  en  mètres  libres  aux 
xvne  et  xvme  siècles. 

Cette  façon  de  découper  sa  matière  répond  à  un  plan  très  arrêté, 
dont  on  ne  peut  qu'approuver  la  conception.  Mieux  encore  que  le 
précédent  volume,  celui-ci  met  en  pleine  lumière  la  méthode  que 
pratique  l'auteur.  11  ne  s'attache  à  l'étude  particulière  de  chaque 
écrivain  et  ne  donne  de  renseignements  sur  sa  vie  que  dans  la 
mesure  où  cela  est  utile  à  l'intelligence  du  développement  de  la 
littérature.  Il  se  propose  d'étudier  l'histoire  des  genres  et  non  celle 
des  hommes,  de  marquer  l'origine  et  la  direction  des  courants,  de 
montrer  quelle  a  été  sur  la  littérature  l'influence  de  la  structure 
sociale  et  des  grands  mouvements  d'idées.  La  simple  énumération 
des  chapitres  de  son  livre  fera  apprécier  cette  méthode  :  1.  Avant 
la  traduction  de  la  Bible  ;  2.  Les  premiers  livres  imprimés;  3. 
Wiliam  Salesbury  et  son  «  Testament  »  ;  4.  Le  Nouveau  Testa- 
ment de  1567  ;  5.  La  Bible  de  1588  ;  6.  Après  la  traduction  de  la 
Bible  ;  7.  Littérature  de  la  Réforme  ;  8.  Littérature  de  la  Contre- 
réforme  ;  9.  Littérature  de  la  Renaissance  ;  10.  Littérature  des 
Puritains.  Tel  est  le  plan  de  ce  bel  ouvrage,  destiné  à  exposer 
comment  s'est  formée  la  prose  galloise  moderne,  sous  quelles 
influences  et  par  quels  moyens. 

La  prose  et  la  poésie  ont  eu  en  Galles  des  destinées  différentes, 
tellement  différentes  qu'on  peut  se  demander  si  les  circonstances 
qui  favorisaient  l'une  n'étaient  pas  néfastes  à  l'autre,  et  récipro- 
quement. Le  xve  siècle  valait  surtout  par  la  poésie.  La  prose  était 
alors  bien  loin  de  fournir  des  œuvres  qu'on  pût  mettre  en  balance 
avec  les  cywyddau  de  poètes  comme  Dafydd  ab  Edmwnd,  Guto'r 
Glyn  ou  Llewis  Glyn  Cothi.  Après  l'époque  des  Mabinogion  et 
cette  magnifique  floraison  de  contes  romanesques  et  d'ouvrages 
d'histoire,  la  prose  galloise  était  tombée  dans  une  lamentable 
décadence.  Les  exercices  d'école  qu'on  désigne  sous  le  nom 
d'arailh  sont  d'une  complication  puérile  et  artificielle,  véritablement 
indignes  d'un  passé  qui  avait  connu  une  prose  si  fraîche,  si  aisée, 
si  originale.  Au  xvie  siècle  la  situation  se  renverse.  La  poésie  subit 
un  arrêt  brusque,  suivi  d'une  longue  décadence.  La  proseau  con- 
traire prend  un  essor  décisif,  dont  le  mouvement  ne  devait 
plus  s'arrêter.  C'est  que  les  conditions  du  pays  avaient  changé.  En 
quelques  pages  lumineuses,  M.  W.  J.   Gruffydd  fait  ressortir  les 


[88  Bibliographie. 

motifs  qui  devaient  favoriser  la  prose  au  détriment  de  la  poésie. 
Pour  que  la  poésie  se  développe,  il  suffit  de  l'existence  de  petits 
cénacles  dans  des  cours  princières.  Au  xve  siècle  comme  au  Xe, 
les  Gallois  menaient  la  vie  du  clan  (bywyd  y  llwytb)  ;  le  chef  du 
clan  avait  autour  de  lui  une  clientèle,  parmi  laquelle  figuraient  des 
poètes.  Une  vie  plus  large  est  indispensable  à  la  prose.  La  période 
qui  vit  naître  les  Mabinogion  était  une  période  où  le  Pays  de 
Galles  participait  au  mouvement  général  des  idées  du  monde 
occidental.  Mais  au  xiv1-'  et  au  xve  siècles,  la  conquête  anglaise  eut 
pour  résultat  de  couper  les  relations  du  Pays  avec  le  monde  exté- 
rieur, d'élever  un  mur  entre  lui  et  le  continent.  Cela  n'arrêta  pas 
la  poésie,  cela  fut  néfaste  à  la  prose.  Que  fallait-il  pour  faire  revivre 
celle-ci  ?  Une  transformation  dans  les  mœurs.  Il  fallait  qu'à  la  vie 
de  clan  se  substituât  une  vie  nationale,  que  les  écrivains  fussent 
amenés  à  cesser  d'écrire  pour  le  cercle  étroit  d'un  public  de  cour 
et  à  se  tourner  vers  le  peuple.  Car  si  la  poésie  est  d'essence  aris- 
tocratique, en  ce  qu'elle  peut  se  contenter  de  satisfaire  une  petite 
élite,  la  prose  est  foncièrement  populaire  et  s'adresse  à  un  vaste 
public.  Or,  la  Réforme  provoqua  cette  transformation.  C'est  avec 
la  Réforme  que  la  prose  reprit  essor.  Et  la  date  de  1563  où  un  acte 
du  Parlement  rendit  obligatoire  la  traduction  de  la  Bible  et  des 
livres  de  prières  en  langue  vulgaire  accessible  à  tous  marque  une 
date  décisive  dans  l'histoire  de  la  prose  galloise. 

Sans  doute,  M.  W.  J.  Gruffydd  ne  tombe  pas  dans  l'exagération 
de  ceux  qui  considèrent  que  la  prose  galloise  moderne  est  tout 
entière  sortie  de  la  Traduction  de  la  Bible,  mais  il  soutient  avec 
raison  qu'elle  doit  la  majeure  partie  de  son  essor  à  cette  traduction. 
De  là  l'importance  dans  son  livre  des  trois  chapitres  où  cette  tra- 
duction est  étudiée.  Trois  chapitres  n'étaient  pas  trop  pour  cette 
étude.  La  traduction  de  la  Bible  se  fit  en  effet  pour  ainsi  dire  en 
plusieurs  temps  et  s'échelonne  sur  une  période  d'une  vingtaine 
d'années.  En  1567  parut  le 'Nouveau  Testament,  traduit  par 
Wiliam  Salesbury,  Testament  Newydd  ein  Arghvydd  Jesu  Christ.  En 
1588  seulement  parut  la  traduction  complète  de  la  Bible  par 
William  Morgan,  y  Beibl  cyssegrlan,  sefyr  hen  Destament  a'r  newydd. 
Les  deux  traductions  sont  d'un  caractère  très  différent. 

Le  Mouveau  Testament  de  1567  n'était  pas  le  premier  ouvrage 
imprimé  en  gallois  (cf.  R.  Ceît.,  XLII,  182).  Mais  ceux  qui  avaient 
paru  antérieurement  étaient  déjà  en  tout  ou  en  partie  des  livres 
d'édification.  Le  premier  imprimé,  yn  y  Ihyvyr  inunn,  contient  les 
principales  prières  et  quelques  morceaux  d'instruction  religieuse. 
Le  second,  OU  sytwwyr  peti  Kembcro y gyd  (vers  1 546),  estun  recueil 


Bibliographie.  189 

de  proverbes  ;  mais  un  des  suivants,  Kynniver  llith  a  ban  or  yscrylhur 
lan  ac  0  ddarlein  yr  Eccleis  (15  51),  est  un  recueil  d'extraits  de  la 
Bible  pour  l'usage  des  offices  dominicaux.  Yn  y  Ihyvyr  hwnn  avait 
été  composé  par  syr  John  Prys,  mais  à  l'instigation  de  William 
Salesbury.  Le  recueil  de  proverbes,  élaboré  par  GrufTydd  Hiraethog, 
était  précédé  d'une  adresse  au  lecteur  composée  par  William  Sales- 
bury ;  et  enfin,  c'est  du  seul  William  Salesbury  que  le  Kynniver 
llith  a  ban  est  l'œuvre.  Tous  ces  ouvrages  sont  donc  intéressants 
à  étudier  parce  qu'ils  nous  renseignent  sur  l'esprit  dans  lequel 
Salesbury  se  mit  à  la  traduction  de  la  Bible.  Sans  doute  il  n'était 
pas  seul  traducteur.  Dès  l'acte  du  parlement  de  1563,  l'évêque 
Richard  Davies  avait  entrepris  la  traduction  de  deux  épîtres  de 
saint  Paul  et  des  épîtres  de  saint  Pierre  et  de  saint  Jacques.  Un 
autre  traducteur,  Thomas  Huet  (ou  Hewett)  s'était  chargé  de 
l'Apocalypse.  Mais  William  Salesbury  prit  le  reste,  c'est-à-dire  de 
beaucoup  la  plus  grosse  part. 

Comment  s'acquitta-t-il  de  sa  tâche  ?  La  postérité  fut  sévère  pour 
lui.  De  son  temps  déjà,  Morris  Kyffin  déclarait  sa  langue  insup- 
portable à  l'oreille  de  tout  vrai  Gallois  ;  et  tout  le  xixe  s.  a  vécu 
sur  le  jugement  sévère  de  Gwallter  Mechain  (1761-1849),  qui 
passa  pour  une  condamnation  définitive.  Celui-ci  déclare  que  s'il 
lui  fallait  donner  à  l'orthographe  de  Salesbury  un  nom  emprunté 
aux  24  mètres  poétiques,  c'est  le  nom  de  clogyrnach  qu'il  choisirait 
comme  le  mieux  adapté  (p.  57)  ;  or  clogyrnach  rappelle  clogyrnog 
qui  signifie  «  rocailleux,  raboteux  ».  Et  ce  n'est  pas  seulement 
l'orthographe  de  Salesbury  qui  est  en  cause;  c'est  sa  langue  même, 
et  son  style,  et  ses  principes  de  traduction.  M.  W.  J.  Gruffydd, 
sans  prendre  la  défense  de  Salesbury,  cherche,  comme  c'est  le 
devoir  d'un  critique,  à  comprendre  et  à  expliquer  ses  intentions. 
Il  montre  fort  justement  que  Salesbury  a  voulu  avant  tout  rendre 
son  texte  aisément  accessible  au  peuple.  Mais  la  langue  du  peuple 
manquait  d'unité,  parce  qu'elle  n'était  pas  fixée.  Et  Salesbury 
n'avait  ni  le  goût  ni  le  moyen  de  remonter  à  la  tradition  des  Mabi- 
nogion  ou  des  Vies  de  saints  pour  trouver  une  langue  littéraire 
toute  faite.  Il  prit  donc  tout  bonnement  la  langue  populaire  avec 
ses  incohérences  et  ses  faiblesses.  Son  orthographe,  qu'on  a  tant 
critiquée,  tant  moquée,  est  née  du  désir  d'altérer  le  moins  possible 
la  forme  des  mots  pour  les  rendre  compréhensibles.  Il  laissait  à 
chaque  lecteur  le  soin  de  faire  lui-même  les  corrections  nécessaires 
conformément  à  son  propre  parler.  L'habitude  qu'il  prit  de  mettre 
en  marge  de  sa  traduction  des  gloses  aux  mots  du  texte  pour  les 
interpréter  par  des  synonymes  gallois  ou  parfois  même  les  traduire 


190  Bibliographie. 

en  anglais  trahit  à  la  fois  son  désir  de  se  faire  comprendre  de  tous 
et  l'embarras  que  lui  causait  l'absence  d'une  langue  commune 
constituée. 

L'œuvre  de  Morgan  fut  inspirée  d'un  tout  autre  esprit. 
M.  W.  J.  Gruffydd  n'exagère  pas  en  écrivant  p.  73  et  suiv.  que  la 
publication  de  Y  Beibl  Cyssegr-lan  en  1588  est  l'événement  le  plus 
important  de  l'histoire  de  la  littérature  galloise.  L'évêque 
Morgan,  il  est  vrai,  qui  avait  pu  réfléchir  sur  l'exemple  de  Sales- 
bury,  «  prit  son  temps  »  pour  choisir  le  modèle  sur  lequel  il  for- 
merait la  prose  qu'il  rêvait.  Deux  modèles  s'offraient  à  lui  :  d'une 
partie  langage  vulgaire,  tel  que  Salesbury  l'avait  utilisé  ;  et  d'autre 
part  la  seule  langue  littéraire  qui  existait  alors,  celle  de  la  poésie 
lyrique.  Il  prit  sans  hésiter  le  second.  Ce  n'est  pas  à  dire  qu'il  n'en 
atténuât,  qu'il  n'en  assouplît  la  raideur  en  empruntant  quelques  traits 
à  la  langue  vulgaire.  Mais  voulant  faire  œuvre  littéraire,  il  estima 
qu'il  devait  s'adresser  à  la  littérature  pour  y  prendre  un  modèle  ; 
et  il  fit  bien.  C'est  grâce  à  lui  que  le  pays  de  Galles,  seul  de  tous 
les  pays  de  langue  celtique,  possède  aujourd'hui  encore  une  langue 
littéraire,  qui  a  un  double  mérite  :  celui  d'être  une  langue  com- 
mune, fixée  par  les  règles  de  la  grammaire,  et  que  l'on  peut 
apprendre  et  que  l'on  doit  parler  partout  de  la  même  façon  ;  et 
celui  aussi  de  se  rattacher  à  la  grande  et  belle  tradition  médiévale, 
dont  la  poésie  est  une  des  gloires  du  pays.  Une  prose  enrichie  de 
la  dignité  de  la  littérature  poétique,  c'était  une  nouveauté  pour  le 
peuple.  Le  peuple  s'en  est  vu  imposer  l'usage  et  l'a  rapidement 
adopté  parce  que  c'était  la  langue  de  l'église  nouvelle. 

Le  résultat  de  l'œuvre  de  Morgan  fut  de  mettre  à  la  disposition 
du  peuple  la  langue  commune  qui  lui  manquait.  Le  profit  que  le 
peuple  tira  de  cet  outil  qu'on  lui  donnait  est  immense.  Sans 
doute,  Y  Beibl  cyssegr-lan  n'était  qu'une  traduction.  Mais  c'était  la 
traduction  d'une  des  plus  belles  littératures  du  monde,  dont  les 
Gallois  devaient  faire  leur  nourriture  pendant  des  générations.  La 
Bible  communiquait  sa  richesse,  son  ampleur,  sa  majesté  à  la  langue 
galloise  ;  et  c'était  un  beau  succès  pour  celle-ci  de  se  montrer  à  la 
hauteur  des  pensées  sublimes  qu'on  lui  infusait.  En  fait,  bien  des 
morceaux  de  la  traduction  de  Morgan  sont  et  demeurent  des  chefs- 
d'œuvre  de  prose  galloise. 

Le  succès  en  fut  considérable  ;  si  bien  qu'une  nouvelle  édition 
devint  nécessaire  dès  les  premières  années  du  xvne  s.  Elle  fut 
faite  en  1620  par  les  soins  de  l'évêque  de  Llanelwy  Richard  Parry 
(1560-1623)  ;  mais  il  semble  que  la  part  principale  de  cette  nou- 
velle édition    ait   incombé  à  John  Davies.  Celui-ci  révisa  l'œuvre 


Bibliographie.  191 

de  Morgan  ;  il  se  rapprocha  plus  encore  de  la  tradition  littéraire, 
et  manifesta  même  un  souci  constant  de  purisme.  Mais  la  langue 
était  assez  forte  pour  n'avoir  rien  à  craindre  des  grammairiens. 
L'impulsion  que  lui  avait  donnée  Morgan  était  telle  qu'elle  conti- 
nua son  développement  dans  le  sens  qu'il  avait  fixé. 

L'importance  de  la  traduction  de  la  Bible  est  telle  qu'elle 
domine  tout  le  travail  de  M.  W.  J.  Gruffydd.  Mais  les  chapitres 
qu'il  lui  consacre  ne  doivent  pas  faire  négliger  les  suivants,  qui  ne 
sont  ni  les  moins  attrayants,  ni  les  moins  instructifs  du  livre.  D'un 
bout  à  l'autre  on  admirera,  outre  l'érudition  de  l'auteur,  le  talent 
avec  lequel  il  sait  mettre  sa  matière  en  valeur.  Il  a  fait  un  excellent 
livre,  dont  plus  d'une  page  mérite  de  rester  classique. 

J.  Vendryes. 


John  Jay  Parry,  The  Vita  Merlini  (University  of  Illinois  Studies 
in  Language  and  Literature,  vol.  X,  n°  3,  August  1925).  Urbana, 
138  p.  gr.  8°.  é  1.50. 

La  Vita  Merlini  n'avait  pas  été  rééditée  depuis  l'ouvrage  de  San 
Marte  (A.  Schulz),  die  Sagen  von  Merlin,  publié  en  1853.  On  sait 
pourtant  à  combien  de  discussions  ce  curieux  poème  a  donné  lieu, 
surtout  de  la  part  des  romanistes.  Une  réédition  s'imposait.  On 
doit  savoir  gré  à  M.  Parry  de  l'avoir  entreprise.  Il  a  revu  de  près 
les  manuscrits  et  il  a  recouru  pour  l'interprétation  aux  travaux  les 
meilleurs  et  les  plus  récents.  11  a  établi  son  texte  avec  soin  ;  il  y  a 
joint  une  traduction  anglaise.  Une  substantielle  introduction  et  des 
notes  abondantes  complètent  le  volume. 

L'introduction  expose  les  principales  questions  que  soulève  le 
texte,  et  avant  tout  la  question  d'authenticité.  Les  derniers  vers  du 
poème  (15 25-1 5 29)  mentionnent  comme  auteur  Gaufrey  de  Mon- 
mouth.  San  Marte  (op.  cit.,  269),  Brugger  (Z.  /.  fran\.  Spr.  und 
Lit.,  XXX,  215)  et  Sir  John  Morris-Jones  (Taliesin,  49),  à  la  suite 
de  Thomas  Wright  qui  donna  en  1837  une  édition  de  la  Vita  en 
collaboration  avec  Fr.  Michel,  ont  repoussé  ce  témoignage,  en  le 
déclarant  apocryphe  ;  ils  considéraient  les  derniers  vers  comme  une 
ajouture  destinée  à  faire  passer  sous  le  nom  d'un  écrivain  célèbre 
un  poème  composé  bien  après  lui.  M.  Parry  examine  leurs  raisons 
avec  prudence  et  sagacité.  Il  ne  les  croit  pas  valables,  et  finalement 
il  se  range  aux  côtés  des  nombreux  critiques  qui  ne  contestent  pas 
à  Gaufrey  la  paternité  du  poème.  Il  croit  môme  pouvoir  le  dater.  Le 


192  Bibliographie. 

poème  est  dédié  à  un  évoque  de  Lincoln,  nommé  Robert  :  ce  serait 
Robert  de  Chesney,qui  occupa  ce  siège  épiscopal  en  1 148.  Une  allu- 
sion donnée  aux  vers  1498-1504  se  rapporterait  au  sanglant  combat 
de  Coleshill  (Tlintshire),  dans  lequel  Madawc  ab  Maredudd  et  Ran- 
dolf,  comte  de  Chester,  furent  battus  par  Owen  Gwynedd  (11 50). 
D'autre  part,  Gaufrey  semble  avoir  dédié  son  œuvre  à  Robert  de 
Chesney  pour  obtenir  de  lui  le  poste  de  Saint-Asaph,  dont  il  fut 
investi  en  n  51.  Le  poème  aurait  donc  été  composé  à  la  fin  de 
11 50  ou  au  début  de  il 51,  c'est-à-dire  presque  au  terme  de  la 
carrière  de  Gaufrey,  qui  mourut  en  11 55.  Ces  raisons  paraissent 
plausibles.  M.  Parry  les  avait  exposées  déjà  dans  un  article  de 
Modem  Philology  («  the  date  of  the  Vita  Merlini  »,  t.  XXII, 
p.  413).  Il  les  reprend  ici  en  les  confirmant. 

Comme  tout  ce  qui  est  parti  de  la  plume  de  Gaufrey,  la  Vita 
Merlini  est  d'un  grand  intérêt  pour  les  celtistes.  Elle  fourmille  de 
détails  empruntés  aux  plus  vieilles  traditions  brittoniques  ;  elle 
donne  lieu  à  des  comparaisons  constantes  avec  les  vieux  poèmes 
gallois,  dont  l'interprétation  en  est  parfois  éclaircie.  Sir  John 
Morris  Jones  ne  s'est  pas  fait  faute  d'y  recourir  dans  son  livre  sur 
Taliesin.  M.  Parry  a  lui-même  composé  une  étude  spéciale  sur 
«  the  Celtic  tradition  and  the  Vita  Merlini  »  (Philologie al  Quarterly, 
IV,  193).  C'est  un  sujet  sur  lequel  des  recherches  ultérieures  appor- 
teront certainement  du  nouveau.  Le  personnage  de  Merlin  est  un 
des  plus  intéressants  du  cycle  arthurien  ;  il  a  été  constitué  d'élé- 
ments variés  dont  on  trouve  çà  et  là  le  point  de  départ  dans  l'histoire 
et  dans  la  légende  ;  il  joue  un  rôle  de  premier  plan  dans  la 
matière  de  Bretagne  ;  son  nom  est  mêlé  aux  récits,  aux  poèmes 
les  plus  fameux  de  la  littérature  galloise  et  de  la  littérature  fran- 
çaise. Il  mériterait  une  étude  d'ensemble,  où  toutes  les  données 
éparses  dans  ces  deux  littératures  seraient  analysées,  classées,  coor- 
données. C'est  une  tâche  qui  devrait  tenter  quelque  jeune  médié- 
viste. 

La  façon  dont  s'est  constituée  la  légende  de  Merlin  s'éclaire  sou- 
vent de  comparaisons  avec  l'Irlande.  La  folie  de  Myrddyn  Wyllt  a 
un  pendant  dans  celle  de  Suibhne  Geilt  ;  les  deux  aventures  se 
développent  dans  des  cadres  semblables  et  ont  de  nombreux  traits 
communs.  M.  Parry  ne  manque  pas  de  rappeler  ce  rapprochement. 
On  en  peut  faire  d'autres.  Miss  Paton  (Modem  Language  Notes, 
t.  XVI II,  165)  a  signalé  un  curieux  rapport  entre  la  Vita  Merlini 
et  Ylmram  Curaig  Maelduin  ;  c'est  l'épisode  des  pommes  magiques 
qui  rendent  fous  ceux  qui  en  mangent  (Vita  MerL,  v.  14 17  et 
ss.,   Imr.    Cur.   Maeld:,  chap.    29,   R.   Celt.,    X,    70).  On  peut 


Bibliographe.  1 9  3 

s'étonner  que  M.  Parry  n'y  insiste  pas  davantage,  vu  que  Mael- 
duin  figure  nommément  dans  le  poème  de  Gaufrey.  Le  fou  qui 
raconte  à  Merlin  l'aventure  des  pommes  magiques  (vers  1452)  y 
porte  le  nom  de  Maeldinus.  San  Marte  (die  Sagen  von  Merlin, 
p.  335)  a  proposé  pour  ce  Maeldinus  diverses  identifications  fan- 
taisistes. Par  prudence  sans  doute,  M.  Parry  s'abstient  de  se  pro- 
noncer. Mais  il  n'y  a  pas  à  chercher  bien  loin  l'identification  du 
personnage.  C'est  évidemment  le  Maelduin  irlandais.  Ulmram 
Curaig  Maelduin,  qui  jouit  en  Irlande  d'une  grande  popularité  et 
dont  nous  avons  à  la  fois  une  version  en  prose  (R.  Celt.,  t.  IX  et 
X)  et  une  autre  en  vers  (Anecd.fromlrish  MSS.,  t.  I),  est  un  récit 
extraordinaire  ;  il  a  été  constitué  d'éléments  variés,  où  se  mêlent 
aux  souvenirs  classiques  des  traditions  celtiques,  même  en  partie 
communes  à  la  Grande-Bretagne  et  à  l'Irlande  (cf.  Wh.  Stokes, 
R.  Celt.,   IX,  449-450). 

Il  est  probable  qu'en  cherchant  bien  on  trouverait  dans  la  Vila 
Merlini  plus  d'un  rapprochement  avec  l'Irlande.  Ce  curieux  texte 
réserve  encore  auxceltistes  un  beau  champ  d'étude.  11  s'en  faut  que 
tous  les  problèmes  qu'il  pose  soient  résolus. 

J.  Vendryes. 

VI 

Arthur  C.  L.    Brown,    The  Grail  and  the  English  «  Sir  Perceval  », 
reprinted  for  private  circulation  from  Modem  Philology. 

Du  volume  XVI  au  volume  XXII  de  Modem  Philology,  c'est-à- 
dire  de  mars  1919  à  novembre  1924,  M.  Arthur  C.  L.  Brown  a 
publié  une  série  de  six  importants  articles  consacrés  aux  rapports 
du  Conte  de  Graal  de  Chrestien  de  Troyes  et  du  Sir  Perceval  anglais. 
L'ensemble  forme  un  volume  d'environ  110  pages,  qui  est  fort 
imponant  pour  l'histoire  des  romans  arthuriens.  La  portée  en 
dépasse  même  de  beaucoup  l'objet  indiqué  dans  le  titre  ;  c'est  au 
fond  l'origine  du  cercle  du  Graal  qui  est  en  question. 

M.  Brown  est  parti  de  l'idée  que  le  Sir  Perceval  est  indépendant 
du  Conte  de  Chrestien  et  qu'il  contient  même  des  éléments  plus 
anciens  que  celui-ci.  Chrestien  est  mort  vers  1175  et  le  Sir  Per- 
ceval est  daté  des  environs  de  1340.  On  ne  peut  pas  établir  que 
l'auteur  du  Sir  Perceval  ignorât  l'existence  de  l'ouvrage  de 
Chrestien,  et  ce  serait  peu  vraisemblable.  Quelques  détails  mon- 
trent même  que  l'auteur  anglais  a  subi  dans  une  certaine  mesure 
l'influence  de  Chrestien,  mais  dans  une  mesure  restreinte.  Ce  n'est 

Revue  Celtique,  XL1II.  ij 


i^l  Bibliographie. 

pas  de  Chrestien  qu'il  a  tiré  le  fonds  même  de  son  poème  ;  c'est 
d'une  autre  source,  dont  sont  également  sortis  le  Par\ival  de  Wol- 
fram von  Eschenbach  (écrit  vers  1210)  et  le  Lan^elel  d'Ulrich  von 
Zatzikhoven.  Ce  dernier  raconte  qu'il  tenait  l'original  français  de 
son  récit  d'un  otage  de  Richard  Cœur  de  Lion,  Hugo  de  Mor- 
ville,  venu  d'Angleterre  en  1194.  Et  Gaston  Paris  a  prouvé  que 
cet  original  français  pouvait  remonter  à  environ  néo.  D'autre  part, 
on  observe  certains  rapports  entre  le  Lan\elel  et  un  poème  du 
xme  s.,  Floriant  et  Florete.  Les  mêmes  rapports  unissent  ces  deux 
poèmes  au  Sir  Perceval  anglais  (v.  Modem  Pbilology,  XVII, 
p.  82). 

Quelle  est  donc  la  source  dont  tous  ces  récits  dérivent  ?  En  étu- 
diant la  littérature  irlandaise,  M.  Browny  a  découvert  dans  le  cycle 
de  Finn  et  notamment  dans  les  Macgnimartha  Finn  (Rev.  Celt.,  V, 
195)  et  dans  le  Fotha  Catha  Cnucha  {Rev.  Celt.,  II,  86)  certains 
traits  qui  se  retrouvent  exactement  dans  Sir  Perceval.  Il  faut  que 
Sir  Perceval  et  ces  récits  irlandais  remontent  à  un  original  commun 
(M.  Pb.,  XVIII,  46).  Cet  original  était  un  conte  populaire  rou- 
lant sur  un  combat  mené  entre  des  demi-dieux  et  des  géants  au 
moyen  d'armes  enchantées.  Et  ce  conte  populaire  devait  être  irlan- 
dais (jbià.,  p.  50-52).  Aussi  bien,  l'intrigue  de  Sir  Perceval porte- 
t-elle  toutes  les  marques  d'une  origine  irlandaise  :  c'est  au  fond 
une  lutte  entre  deux  clans,  celui  d'Arthur  avec  Gauwain  et  Perce- 
ceval  et  celui  de  Gollerotherame  avec  le  Chevalier  rouge  et  le 
Chevalier  noir.  Or,  le  système  du  clan,  qui  est  inconnu  en  Angle- 
terre ou  en  France,  est  à  la  base  même  de  la  société  irlandaise. 
L'origine  irlandaise  du  conte  dont  Sir  Perceval  est  inspiré  ne  sau- 
rait donc  faire  de  doute.  M.  Brown  se  hasarde  même  à  indiquer 
ce  que  ce  conte  contenait  (Mod.  Phil.,  XVIII,  154  et  ss.)  ;  c'était 
un  conte  du  cycle  de  Finn.  Il  ajoute  que  la  transmission  du  conte 
irlandais  à  l'auteur  de  Sir  Perceval  a  dû  se  faire  par  l'intermédiaire 
de  versions  galloises  ou  françaises  (ib.,  iéi). 

C'est  donc  du  côté  de  l'Irlande  qu'il  convient  de  chercher  la 
source  des  principaux  épisodes  de  la  légende  du  Graal  et  de  cette 
légende  elle-même.  La  bataille  des  dieux  et  des  géants  est  un  thème 
dont  la  littérature  irlandaise  offre  des  développements  bien  connus, 
à  commencer  par  la  «  Bataille  de  Moytura  »  (Cath  Maige  Tured). 
On  en  retrouve  l'écho  dans  plusieurs  récits,  comme  le  Serglige 
Conculaind,  VEcbtra  Loegaire,  le  Longes  mac  n-Duil  Dermait,  anté- 
rieurs à  la  date  où  se  sont  constitués  les  romans  arthuriens.  Une 
analyse  assez  poussée  de  ces  récits  irlandais  en  fait  voir  le  rapport 
avec  Sir  Perceval.  Le  fond  même  de  celui-ci  n'est-il  pas  l'histoire 


Bibliographie.  195 

d'un  jeune  héros,  d'un  enfant  merveilleux,  élevé  dans  une  foret  par 
une  mère  adoptive,  et  amené  soudain  à  la  cour  d'un  roi,  où  il 
reçoit  le  meilleur  accueil,  et  où  grâce  à  ses  talents  et  à  ses  armes 
magiques  il  tue  un  tyran  dont  le  pouvoir  surnaturel  opprimait  le  pays. 
Or  telle  est  précisément  l'histoire  de  Lug  dans  le  Cath  Maige  Tured 
(Mod.  Phil.,  XXII,  86).  Un  autre  récit  irlandais,  YOided  Chloinne 
Tuired,  qui  n'est  malheureusement  conservé  que.  dans  une  recen- 
sion  du  x"viiie  siècle,  mais  dont  on  trouve  le  sujet  exposé  dans  un 
poème  des  environs  de  1100  (Thurneysen,  Z.  /.  Celt.  Phil.,  XII, 
243),  montre  combien  les  talismans  jouaient  un  rôle  dans  les  luttes 
entre  les  fées  et  les  Fomorians.  Or,  le  Sir  Perceval  est  également 
rempli  de  talismans.  Dans  le  nombre,  on  trouve  une  lance,  un 
anneau,  une  armure;  on  trouve  aussi  une  coupe  d'or,  celle  que  le 
Chevalier  Rouge  déroba  à  Arthur.  Cette  coupe  devait  être  originel- 
lement un  «  vase  d'abondance  »  comme  le  chaudron  de  Dagda  et 
comme  enfin  le  Graal.  Nous  voici  donc  amenés  à  considérer  les 
traits  essentiels  de  la  légende  du  Graal  comme  d'origine  irlandaise. 
Sans  doute,  tous  les  romans  arthuriens  existants,  y  compris  le 
Conte  de  Chrestien,  ont  été  touchés  par  des  influences  chrétiennes, 
mais  leur  fond  est  païen  et  vient  du  folk-lore  celtique.  Si  le  Graal 
est  chrétien,  c'est  parce  qu'il  a  été  transformé  ;  originellement  c'est 
un  «  vase  d'abondance  »  de  la  mythologie'  féerique  et  sa  légende 
Conserve  «n  grand  nombre  de  traits  où  se  révèle  cette  origine. 

Tel  est  le  terme  auquel  M.  Brown  a  conduit  cette  longue  étude, 
où  il  se  montre  à  la  fois  celtiste  et  romaniste,  témoignant  ainsi  du 
profit  que  l'on  peut  tirer  de  l'accord  des  deux  disciplines.  Suivant 
une  méthode  très  patiente  et  très  sûre,  la  démonstration  se  pour- 
suit par  un  enchaînement  de  preuves  habilement  ordonnées. 
Aucun  historien  de  la  littérature  médiévale  ne  pourra  ignorer  ce 
beau  travail.  Les  lecteurs  de  la  Revue  Celtique  devaient  être  infor- 
més au  moins  des  conclusions  auxquelles  il  aboutit.  Il  faut  laisser 
à  d'autres  le  soin  de  le  critiquer,  s'ils  le  peuvent. 

J.  Yen'dryes. 

VII 

Ifor  Williams,  Chwedlau  Odo,  gyda  rhagymadrodd,  nodiadau  a 
geirfa  [Les  Fables  d'Eudes,  avec  introduction,  notes  et  vocabu- 
laire]. Wrecsam,  Hughes  a'i  fab.  1926.  xljv-70  p.  in-12,  5  sh. 

Le  quatrième  volume  des  Fabulistes  latins  de  Léopold  Hervieux 
(2e  édition,  Paris,  Firmin-Didot,  1896)  est  en  majeure  partie  con- 


1 9  6  Bibliographie . 

sacré  aux  fables  et  paraboles  d'Eudes  de  Cheriton.  L'édition  du 
texte  latin  de  cet  auteur  y  est  précédée  d'une  introduction  de  170 
pages  où  tout  ce  qui  concerne  sa  vie  et  ses  ouvrages  est  très  minu- 
tieusement étudié.  On  y  apprend  qu'il  portait  en  latin  le  nom  d'Odo 
de  Cerilona  ou  Cheritona  ou  Ciringtonia  et  que  ce  nom  est  tiré  du  vil- 
lage de  Cheriton,  près  Folkstone  en  Kent,  d'où  Eudes  était  sans  doute 
originaire.  11  florissait  dans  la  première  moitié  du  xme  siècle  ;  sa 
mort  se  place  aux  environs  de  1247.  Jl  appartenait  certaine- 
ment au  monde  religieux,  dont  il  fut,  au  dire  d'Hervieux,  une  des 
personnalités  les  plus  remarquables  ;  mais  il  n'est  pas  sûr  qu'il 
fut  moine  de  Cîteaux,  comme  quelques-uns  l'ont  pensé.  Il  est  l'au- 
teur de  sermons,  qu'il  destinait  à  l'instruction  religieuse  du  peuple, 
et  aussi  de  fables  ésopiques,  où  il  se  proposait  un  objet  très  spé- 
cial, celui  de  combatre  la  démoralisation  du  clergé  de  son  temps. 
Mais  les  fables  ont  été  par  la  suite  détournées  de  cette  destination 
et  introduites  dans  la  trame  des  sermons.  Certains  prédicateurs,  en 
les  recopiant  pour  s'en  faire  un  recueil  des  matériaux,  les  ont 
allongées  ou  raccourcies,  diminuées  ou  accrues  en  nombre  suivant 
leurs  besoins  propres  ou  la  fantaisie  de  leur  imagination.  Aussi, 
l'étendue  de  la  collection  varie-t-elle  beaucoup  d'un  manuscrit  à 
l'autre  ;  et  la  tâche  d'en  reconstituer  l'état  primitif  est  parfois  des 
plus  malaisées.  Léopold  Hervieux,  dès  sa  première  édition  en  1884, 
avait  donné  les  fables  d'Eudes  sous  une  forme  plus  complète  que 
ses  devanciers,  puisque  le  total  s'en  élevait  à  112,  alors  que,  après 
le  travail  du  dernier  éditeur  M.Voigt  (1878),  on  n'en  connaissait 
que  74-  _ 

Le  succès  des  fables  d'Eudes  de  Cheriton  fut  très  grand  au 
moyen  âge.  On  en  peut  juger  à  la  fois  par  le  nombre  des  manu- 
crits  qui  les  ont  conservées  —  Léopold  Hervieux  en  connaissait 
vingt-cinq  — et  par  les  traductions  qui  en  furent  faites.  Il  en  existe 
une  traduction  française  dans  un  manuscrit  de  la  fin  du  xme  siècle 
conservé  à  Cheltenham.  Paul  Meyer  en  a  fait  une  étude  complète, 
dont  il  a  publié  les  résultats  dans  la  Romania,  t.  XIV,  p.  388-397. 
Cette  traduction  française  ne  comprend  que  65  fables.  Il  en  existe 
également  une  traduction  espagnole,  qui  sous  le  nom  de  Libro  de 
los gatos,  «  Livre  des  chats  »',  renferme  64  fables  ;  elle  a  été  publiée 
en  1860  dans  la  Biblioteca  de  autores  espanoles  (t.  LI,  p.  543-560) 
par  M.  Pascual  de  Gayangos.  Et  enfin,  fait  que  Léopold  Hervieux 
n'avait  pas  connu,  il  existe  des  fables  d'Eudes  une  traduction  gal- 
loise, dont  la  copie  la  plus  ancienne  se  trouve  aux  folios  509-521 
du  manuscrit  Llanstephan  n°  4,  copié  vers  1408  et  conservé  à  la 
National  Library  d'Aberystwyth.  Elle  ne  comprend  que  21  fables  ; 


Bibliographie.  197 

mais  l'examen  du  manuscrit  montre  qu'il  en  contenait  d'abord  24. 

M.  Ifor  Williams  rend  un  nouveau  service  à  la  philologie  gal- 
loise en  publiant  à  l'usage  des  écoles  le  texte  des  Chwedlau  Odo 
o  Fables  d*Odo  ».  Il  a  fait  précéder  son  texte  d'une  introduction 
où  il  résume  l'histoire  du  genre  de  la  fable  depuis  Esope  jusqu'au 
moyen  âge,  et  où  il  étudie,  surtout  d'après  Léopold  Hervieux,  la 
vie  et  les  œuvres  d'Eudes  de  Cheriton.  Il  donne  d'utiles  renseigne- 
ments sur  les  manuscrits  de  cette  traduction  galloise  et  sur  les 
éditions  qui  en  furent  faites  avant  lui,  notamment  dans  Y  Greal 
('Londres,  1806)  et  dans  les  Aberystwyth  Studies  (t.  III,  45-70), 
cette  dernière  par  M.  Gwynn-Jones,  accompagnée  d'une  traduc- 
tion. On  aimerait  à  savoir  comment  a  procédé  le  traducteur  gal- 
lois ;  s'il  a  fait  lui-même  un  choix  dans  l'ensemble  des  fables 
latines,  et  alors  quel  principe  l'a  guidé  ;  ou  s'il  s'est  borné  à  tra- 
duire un  recueil  latin  lui-même  incomplet.  Les  indications  que . 
donne  M.  Ifor  Williams  à  ce  sujet,  p.  xliij,  sont  un  peu  vagues. 
Eudes  de  Cheriton  fut  en  tout  cas  apprécié  des  Gallois.  On  ren- 
contre des  allusions  à  ses  fables  dans  des  écrits  bien  postérieurs, 
par  exemple  dans  des  poèmes  de  Sion  Tudur,  qui  vivait  au  temps 
d'Elisabeth  (Chwedlau  Odo,  p.  30  et  39). 

Le  traducteur  gallois  a  traité  son  original  avec  une  certaine 
liberté,  si  l'on  s'en  rapporte  à  la  comparaison  du  texte  de  l'édition 
d' Hervieux.  Ce  dernier  a  été  souvent  modifié,  raccourci,  augmenté  ; 
qu'on  en  juge  par  les  divergences  de  la  première  fable  (Hervieux, 
p.  180)  :  «  nigram  •>  est  rendu  par  yn  drive  y  thrzusyat,  «  cauda 
pauonis  »  par  esgylly  paun,  «  deridere  et  inclàmare  »  par  kellweiraw 
a  greu  a  llefein,  «  turpis  et  nuda  »  paryw  hagyr  anffurueid  tnegys  yd 
oed  gynt,  «  de  ornatu  suo  »  par  oe  adurn  à'e  wisgoed  ae  drwssyat, 
«  nudus  et  turpis  »  par  yn  auurdedic  gewilydyus,  «  nihil  secum 
afteret  de  omnibus  bonis  suis  »  par  nys  kanlyn  dim  oeolut  bydawl 
ef  dyeilhyr  tlawt  anidoyr  daear,  etc.  La  fin  de  la  fable  est  plus  modi- 
fiée encore  ;  même  le  texte  d'une  citation  latine  est  changé,  puis- 
qu'au  lieu  de  in  multitudine  la  traduction  galloise  porte  pro  mul- 
litudine.  Certaines  des  modifications  précédentes  peuvent  être  dues 
à  un  souci  de  style.  Mais  d'autres  motifs  ont  pu  en  inspirer  aussi. 
Dans  la  seconde  fable  le  texte  gallois  substitue  la  taupe  (gwad) 
à  la  tortue.  Cela  a  entrainé  des  modifications  dans  le  détail  du 
récit  :  au  lieu  de  «  manens  in  locis  humidis  et  profundis  »,  on  Ht 
a  oed  yn  y  daear  yn  cladu  et  plus  loin,  au  lieu  de  «  in  foramine 
meo  »  v'ni  lloclrwes  yn  y  daear  ac  y  m  keneuin. 

Le  texte  gallois  de  certaines  autres  fables  est  plus  différent 
encore  du  texte  latin,  surtout  dans  les  «  morales  ».    Il  aurait  été 


19S  Bibliographie. 

bon  de  signaler  en  appendice  toutes  ces  divergences.  Car  si  l'on  ne 
peut  en  conclure  que  le  traducteur  avait  sous  les  yeux  un  texte 
latin  différent  de  celui  qu'a  édité  Hervieux  —  auquel  cas  le  texte 
gallois  aurait  une  grande  importance  pour  l'histoire  des  fables 
d'Kudes  de  Cheriton  —  ces  divergences  permettent  du  moins  de 
voir  dans  quel  esprit  travaillait  ce  traducteur. 

Le  gallois  des  chwedlau  est  en  général  d'une  prose  simple  et 
aisée,  très  proche  de  celle  des  écrits  historiques  du  xive  siècle.  On 
y  trouve  quelques  mots  empruntés  de  l'anglais,  comme  adyrcop 
(de  attercop),  barcut,ffald  (defold),gwedyr  (auj.  gwedderde  ivether), 
etc.  ou  du  français,  comme  cwrtynys,  ffreutur,  partrissot  «  perdrix 
(pi.)  »,  pwreas,  trwssyat,  tunnell,  usur,  etc.  Le  traducteur  a  con- 
server «  Chantecler  »  (Hervieux,  p.  198)  qu'il  a  transcrit  Syawndy- 
clyr,  mais  il  a  laissé  de  côté  Ysemgrinus  (id.,  p.  198)  qu'il  traduit 
e  bleid.  Quelques  mots  et  tours  gallois  sont  intéressants  :  de  lleyg 
«  laïque  »  (empr.  latin),  fém.  leeces  en  v.  gallois  (Loth,  Vocab., 
p.  172),  pi.  lleygyon  (Chwedlau  Odo,  p.  5,  24),  a  été  tiré  Ueygwr 
(jbid.,  p.  45,  1.  ié)  qui  s'applique  à  un  soldat  commelac^en  irlan- 
dais. L'emploi  de  l'auxiliaire  «  faire  »  (a  wna,  a  oruc,  a  wnaeih) 
est  extraordinairement  fréquent  :  on  rencontre  même  gwneuthur... 
a  wna  (p.  7,  1.  16).  Le  démonstratif  yr  hwnn  sert  parfois  de  relatif 
(5,  11  ;  6,  10).  A  noter  encore  la  locution  tu  ac  ait  y  keilyauc  «  du 
côté  du  coq  »  (p.  18,  1.  2)  et  l'expression  bod  wrth  dans  wynl  a 
dywedant  na  bydei  un  ohonunt  wrth  bedwar  or  Ffreingk  yn  y  ml  ad 
«  ils  disent  que  pas  un  seul  d'entre  eux  ne  céderait  à  quatre  Fran- 
çais dans  le  combat  »  (p.  4,  1.  13). 

M.  Ifor  Williams  a  fait  suivre  son  texte  de  notes  abondantes,  où 
il  relève  les  principales  particularités  grammaticales  et  explique  les 
formes  ou  mots  rares  par  des  comparaisons  tirées  d'autres  textes 
du  moyen-gallois.  Tout  cela  est  d'une  érudition  solide  et  d'une 
bonne  doctrine  philologique.  Sur  quelques  points  on  peut  hésiter 
à  suivre  le  savant  auteur.  P.  31.  L'hypothèse  que  dans  llochwes  le 
w  se  serait  développé  spontanément  après  ch  aurait  besoin  d'être 
appuyée  d'autres  exemples  :  jusque  là  elle  paraît  insoutenable.  — 
P.  35.  Le  cas  de  twrdd  est  des  plus  complexes.  H  y  a  d'une  part 
un  mot  celtique  désignant  le  bruit,  qui  s'est  conservé  dans  l'irlan- 
dais dord  ;  le  /  initial  du  gallois  peut  être  expliqué  comme  le  fait 
M.  Pedersen  Vgl.  Gr.y  I,  494.  D'autre  part,  l'alternance  de  la  spi- 
rante  labiale  et  de  la  spirante  dentale  est  un  fait  fréquent  en  gallois 
(cf.  Mélanges  F.  de  Saussure,  p.  312),  si  bien  que  twrf  peut  sortir 
par  dissimilation  de  twrdd.  Mais  il  a  dû  se  produire  une  confusion 
entre  twrdd  (twrf)  et  le  mot  torf  «  foule  »  emprunté  du  latin  tur- 


Bibliographie.  199 

ma  on  turba.  —  P.  41.  Si  or  gwney  contient  ry,  cette  particule  n'a 
pas  ici  le  rôle  qu'elle  joue  devant  le  prétérit  ;  elle  marque  la  pos- 
sibilité (cf.  J.  Loth,  R.  Celt.,  XXIX,  55).  —  P.  54,  à  propos  de 
mordwy  il  fallait  renvoyer  à  Osthoff,  Z.  f.  Celt.  Phil.,  VI,  414- 
432,  et  notamment  p.  426.  —  P.  60.  La  note  sur  dotivy  (p.  21, 
1.  4)  est  intéressante  ;  mais  il  manque  la  mention  du  breton.  En 
général,  les  philologues  gallois  dédaignent  le  breton  et  le  cor- 
nique  ;  ces  dialectes  sont  trop  étroitement  apparentés  au  gallois 
pour  mériter  cette  disgrâce  et  d'autre  part  ils  sont  assez  différents 
pour  que  la  comparaison  en  soit  utile.  C'était  le  cas  au  sujet  de 
dotwy  dont  on  ne  peut  séparer  le  breton  do\vi  (dovï),  m.  bret. 
de~xuiff  «  pondre  ».  Les  deux  formes  ne  se  recouvrent  pas  exacte- 
ment ;  le  rapprochement  n'en  est  que  plus  instructif.  L'irlandais 
offre  d'ailleurs  le  correspondant  du  gallois  sous  la  forme  doth 
(ci-dessus,  p.  66,  §  67). 

J.  Vendryes. 

VIII 

Tomâs  O'Rathile    [Thomas    O'Rahilly],    Laoithe   Cumainn,    Clô 

Ollsgoile   Chorcai  [Cork  University  Press],  1925,  39  p.  in-12, 

1  s.  6  d. 

Le  même,  Dànta  Grâdha,  part  I,  Text,  with  an  Introduction  by 
Robin  Flower,  2e  édition,  Cork  University  Press,  1926,  xxxiv- 
148  p.  in-12.  5  s. 

Le  même,  Bùrdùin  Bheaga,  Dublin,  Browne  and  Nolan,  1925, 
iv-74  p.  8°,  2  s. 

M  .T.O'Rahilly  est  l'auteur  d'une  collection  de  Dânta  Grâdha 
(.'  Poèmes  d'amour  »  dont  la  première  édition,  publiée  en  191 6, 
fut  rapidement  épuisée.  En  attendant  une  réédition,  entreprise  sur 
un  plan  plus  vaste,  il  publia  en  1925  sou.s  le  titre  Laoithe  Cumainn 
«  Lais  de  tendresse  »,  un  choix  de  vingt-trois  poèmes,  extraits 
d'avance  de  l'édition  future.  En  faisant  ce  choix  anticipé, 
M.  O'Rahilly  n'avait  pas  seulement  pour  but  de  faire  prendre 
patience  au  public.  Il  pensait  surtout  aux  étudiants,  auxquels  il 
fournissait  des  textes  qui  se  recommandaient  autant  par  l'aisance 
et  la  simplicité  de  la  forme  que  par  la  beauté  du  fond.  Un  petit 
glossaire  des  mots  rares  ou  difficiles,  une  courte  liste  des  noms 
propres  et  des  noms  d'auteurs,  quelques  indications  sur  les  mètres 
terminaient  ce  petit  volume  en  ajoutant  à  la  commodité  du  lecteur. 

La  seconde  édition   des  Dânta  Grâdha  vient  enfin   de  paraître, 


200  'Bibliographie. 

considérablement  augmentée.  Au  lieu  des  37  poèmes  que  conte- 
nait la  première,  nous  en  avons  maintenant  106,  qui  par  leur 
variété  de  fond  et  de  forme  constituent  un  ensemble  du  plus  haut 
intérêt.  On  ne  saurait  être  trop  reconnaissant  envers  l'auteur  de  la 
peine  qu'il  s'est  donnée  pour  rassembler  tous  ces  poèmes,  épars 
dans  divers  manuscrits,  et  dont  beaucoup  n'étaient  pas  seulement 
inédits,  mais  inconnus.  Par  la  date  ces  poèmes  s'échelonnent  du 
milieu  duxivc  siècle  aux  environs  de  1750  ;  mais  la  majorité  appar- 
tient en  fait  aux  xvie  et  xvne  siècles.  Presque  tous  sont  anonymes. 
Rares  sont  les  auteurs  dont  on  a  conservé  le  nom.  Dans  le  nombre 
il  y  a  des  nobles  et  des  roturiers,  des  amateurs  et  des  profession- 
nels, il  y  a  même  Geoffroy  Keating,  le  grave  et  savant  historien, 
qu'on  ne  s'attendrait  pas  à  rencontrer  dans  un  recueil  consacré  à 
l'amour.  Mais  c'est  que  l'amour  est  traité  ici  comme  un  genre  lit- 
téraire. 

On  connaît  déjà  un  recueil  de  poèmes  d'amour  irlandais  ;  c'est 
celui  qui  est  dû  à  M.Douglas  Hyde,  les  charmants  Love  Songs  of 
Connacht  (Dublin,  1909).  Bien  que  quelques  morceaux  de  ces  Love 
Songs  figurent,  avec  quelques  variantes  il  est  vrai,  parmi  les  Douta 
Gràdba  \  l'inspiration  des  deux  ouvrages  est  en  général  bien  diffé- 
rente. On  goûte  dans  les  poèmes  qu'a  réunis  M.  Hyde  une  saveur 
populaire  et  rustique.  C'est  une  poésie  partie  du  peuple,  âpre  dans 
la  tendresse,  violente  dans  la  passion  et  d'une  sincérité  émou- 
vante. C'est  souvent  même  une  poésie  de  bannis  et  d'outlaws.  Le 
recueil  de  M.  O'Rahilly  est  d'un  genre  beaucoup  plus  relevé.  Les 
poèmes  y  sont  l'œuvre  de  gens  cultivés,  pour  qui  l'art  n'a  pas  de 
secrets.  Ce  sont  des  morceaux  littéraires  qui  soutiennent  la  com- 
paraison avec  les  meilleures  productions  des  littératures  étrangères. 

On  trouve  dans  le  nombre  des  madrigaux,  galamment  et  spiri- 
tuellement tournés,  qui  rappellent  les  plus  jolis  vers  de  Théophile 
ou  de  Tristan  L'Hermite.  Les  effets  et  les  chutes  y  sont  habilement 
préparés,  les  métaphores  savamment  filées,  comme  dans  la  Maison 
de  Sylvie  ou  mieux  encore  le  Promenoir  des  deux  amants.  Par 
exemple  le  n°  13  est  d'une  grâce  précieuse,  qui  eût  ravi  l'hôtel  de 
Rambouillet.  Comme   chez    nos   précieux,    l'érudition   déborde  : 


1.  Par  exemple  le  n°  83  de  M. O'Rahilly  (l'histoire  piquante  du  comte 
de  Rome  et  de  sa  femme)  est  déjà  dans  les  Love  Songs,  p.  142  ;  de  même 
le  n°  99,  qui  est  un  petit  chef-d'œuvre  d'ironie,  se  trouve  à  la  page  138 
des  Love  Songs.  Enfin  le  n°  82  des  Dànta  Grddha  est  reproduit  à  la  page  137 
des  Love  Songs.  Mais  M.D.Hvde  fait  observer  lui-même  que  le  ton  de  ces 
morceaux  tranche  assez  nettement  sur  le  ton  ordinaire  de  son  recueil. 


Bibliographie.  201 

mais  c'est  beaucoup  moins  l'érudition  classique,  qui  d'ailleurs  n'est 
pas  absente,  que  l'érudition  celtique  avec  l'abondant  cortège  des 
héros  de  l'épopée  médiévale.  Ainsi  l'auteur  du  poème  n"  7  rappelle 
la  conduite  amoureuse  de  Diarmaid  et  Grainne,  de  Noise  et  Der- 
driu,  sans  oublier  Cuchullin,  Uaithne  mac  Conaill  Chernaig, 
Mongan  mac  Fiachra  et  bien  d'autres.  L'auteur  du  poème  n°  71 
énumère  toutes  les  héroïnes  qui  se  sont  laissé  enlever  par  des 
amants  pour  décider  sa  bien-aimée  à  suivre  leur  exemple  :  ici  l'éru- 
dition se  fait  badine  et  plaisante. 

D'ailleurs,  la  préciosité  ne  va  jamais  sans  son  frère  le  burlesque. 
Il  ne  manque  pas  parmi  les  Dànta  Gràdha  de  pièces  où  le  comique 
est  poussé  à  la  charge  :  telle  celle  qui  porte  le  n°  99,  où  le  poète 
accumule  tous  les  clichés  du  langage  amoureux  pour  les  tourner 
en  ridicule.  Enfin  la  satire  s'y  fait  parfois  mordante.  Ainsi  dans  la 
pièce  n°94,  où  le  poète  se  moque  d'un  mari  jaloux,  dont  la  femme 
fort  laide  ne  fait  envie  à  personne  :  les  précautions  dont  ce  mari 
entoure  sa  femme  sont,  dit-il,  comme  «  une  haie  sans  pré  »,  siu 
an  fàl  gan  ghorh 

Mais  ce  qui  domine  dans  l'ensemble  c'est  une  poésie  très  déli- 
cate, où  les  nuances  du  sentiment  de  l'amour  sont  finement  expri- 
mées par  des  poètes  qui  en  savent  cependant  la  vanité,  la  fragilité. 
Dans  les  effusions  les  plus  idéales  ils  ne  perdentjamais  le  sens  aigu 
de  la  réalité  ;  et  ce  mélange  de  mysticisme  et  d'humour  est  bien 
irlandais.  On  ne  sait  ce  qu'il  faut  admirer  le  plus  chez  eux  de  la 
fantaisie  qui  leur  donne  des  ailes  ou  de  l'ironie  qui  les  retient  de 
voler  trop  haut. 

Le  "recueil  de  M.  O'Rahilly  ne  comporte  ni  glossaire,  ni  notes. 
Mais  ce  n'est,  le  titre  l'indique,  qu'une  première  partie.  Il  est  à 
souhaiter  que  l'auteur  ne  fasse  pas  trop  attendre  une  partie  de  com- 
entairem.  Un  commentaire  est  souvent  indispensable  à  l'interpré- 
tation du  texte  et  nul  ne  saurait  le  donner  avec  plus  de  compé- 
tence. 

En  1925  aussi,  l'infatigable  M.  T.  O'Rahilly  a  publié  sous  le 
titre  Bùrdùin  Bheaga  un  recueil  de  quatrains,  recueillis  par  lui  au 
cours  de  lectures  dans  divers  manuscrits.  Le  mot  bûrdûn  est  appa- 
remment tiré  du  mot  français  bourde  désignant  une  plaisanterie  facé- 
tieuse. Dans  une  note,  p.  44,  M. T. O'Rahilly  lui  donne  un  sens 
technique  plus  précis  :  bûrdûn  désignerait  une  pièce  à  rythme 
accentuel,  mais  non  destinée  à  être  chantée,  par  opposition  aux 
amhràin  qui  sont  des  chansons  et  aux  dànta  qui  sont  des  poèmes  à' 
rythme  syllabique.  Ces  Bùrdùin  bheaga  sont  accompagnés  de  notes 
et  d'un  court  glossaire.  On  a  souvent  besoin  de  recourir  aux  unes 


202  Bibliographie. 

et  à  l'autre,  et  on  estime  même  parfois  qu'ils  sont  tous  deux  trop 
courts.  C'est  que  l'auteur  a  transcrit  les  poèmes  dans  une  ortho- 
graphe spéciale  qui  gêne  assez  fortement  les  non-initiés.  Il  serait 
bien  à  souhaiter  que  les  écrivains  et  les  savants  irlandais  se  mettent 
d'accord  pour  unifier  leur  orthographe.  La  diversité  des  systèmes 
en  usage  ne  facilite  guère  aux  étrangers  l'apprentissage  d'une  langue, 
qui  par  elle-même  n'est  pas  des  plus  faciles. 

J.  Vendryes. 

IX 

Pembrokeshire,  An  Inventory  of  the  ancient  Monuments  and  Cons- 
tructions in  thecounty  ofPembroke.  London.  H.  M  .  Stationery 
Office,  1925,  lviij-490  p.  f°.  €  3,  3  sh.  o  d. 

Ce  volume  est  le  septième  de  la  collection  publiée  par  la 
«  Royal  Commission  on  the  ancient  and  historical  monuments  and 
constructions  in  Wales  and  Monmouthshire  ».  Cette  commission, 
quia  pour  président  Sir  Vincent  Evans,  pour  secrétaire  M.  Edward 
Ôwen  et  qui  comprend  parmi  ses  membres  Sir  John  Morris-Jones, 
fait  un  admirable  travail  que  pourraient  envier  bien  des  sociétés 
scientifiques  d'autres  pays.  Les  publications  qu'elle  met  au  jour 
sont  d'une  perfection  digne  à  tous  égards  de  la  plus  haute 
estime.  Ce  volume,  consacré  au  Pembrokeshire,  en  est  une  preuve  ; 
il  contient  tout  ce  qu'on  peut  désirer  sur  l'histoire  et  l'archéologie 
de  ce  comté.  Il  est  pour  la  plus  grande  part  l'œuvre  de  M.Edward 
Owen,  auquel  il  fait  grand  honneur.  Ce  n'est  pas  la'  première  fois 
que  le  nom  d'Owen  se  trouve  attaché  au  Pembrokeshire.  En  1603, 
parut  la  première  partie  d'une  Description  of  Pembrokeshire,  dont 
l'auteur  était  George  Owen,  de  Henllys  (15  5  2- 161 3).  Les  autres 
parties  restèrent  manuscrites.  Mais  l'ouvrage  a  été  publié  en  1892 
par  M.Henry  Owen  pour  la  société  des  Cymmrodorion. 

Par  une  ironie  de  l'histoire,  le  Pembrokeshire,  où  la  langue 
galloise  est  en  majeure  partie  sortie  de  l'usage  depuis  plusieurs 
siècles,  est  un  des  plus  gallois  par  l'antiquité  des  traditions  et  l'im- 
portance des  monuments.  Il  comprend  le  siège  épiscopal  de 
Saint  David,  le  plus  ancien  de  la  Principauté  ;  c'est-à-dire  qu'au 
point  de  vue  religieux,  il  a  été  longtemps  le  centre  des  aspirations 
du  pays.  Au  point  de  vue  des  légendes,  c'est  en  Pembroke,  l'an- 
cien pays  de  Dyfed,  qu'ont  été  localisés  certains  des  récits  conser- 
vés dans  les  Mabinogion  :  Pwyll  tenait  sa  cour  à  Arberth  (auj. 
Narberth).  La  disparition  du  gallois  s'explique  historiquement  par 


Bibliographie  y  203 

le  grand  nombre  des  invasions  diverses  que  le  comté  a  subies. 
La  péninsule  de  Pembroke,  faisant  pointe  dans  la  mer,  attirait  les 
visiteurs  et  les  pirates  étrangers.  C'est  là  que  les  Irlandais  eurent 
les  établissements  les  plus  anciens  et  les  plus  durables.  C'est  là 
que  les  Scandinaves  exercèrent  le  plus  de  déprédations,  comme 
on  l'apprend  par  les  Bruts,  où  il  est  souvent  question  des  descentes 
de  «  Kenedl  »  dans  le  pays  de  Dyfed  (v.  notamment  R.  B.  Br., 
II,  264).  C'est  là  enfin  que  dès  le  début  de  la  pénétration  anglo- 
normande  furent  établis  les  bastions  les  plus  solides  en  vue  de  la 
conquête  définitive  dn  pays.  C'est  là  que  le  roi  Henri  II  installa 
uue  colonie  de  Flamands  qui  y  adoptèrent  l'usage  de  l'anglais  et 
contribuèrent  à  faire  du  pays  ce  qu'on  a  appelé  «  little  England 
beyond  Wales  ».  Pour  toutes  ces  raisons,  le  Pembrokeshire  offre 
l'histoire  la  plus  variée;  et  comme  il  a  conservé  des  monuments 
des  différentes  périodes  de  cette  histoire,  on  peut  dire  que  c'est 
pour  l'historien  et  l'archéologue  un  des  comtés  les  plus  intéres- 
sants de  la  principauté. 

On  y  a  trouvé  des  pierres  taillées  de  l'époque  paléolithique,  des 
poteries  et  des  armes  de  l'âge  du  bronze,  des  mégalithes,  dont  plu- 
sieurs dolmens  sont  parmi  les  plus  beaux  du  Royaume-Uni.  Bien 
mieux  :  la  pierre  dont  sont  faits  les  monuments  de  Stonehenge 
semble  avoir  été  tirée  des  Prescelly  Mountains,  dont  la  chaîne 
s'étend  à  l'Est  de  Fishguard.  De  l'époque  romaine  datent  des  restes 
de  forteresses  et  de  constructions  encore  visibles.  La  trace  des 
établissements  irlandais  se  lit  sur  des  inscriptions  oghamiques  qui 
comptent  parmi  les  plus  importantes,  tandis  que  de  nombreuses 
inscriptions  latines  témoignent  de  l'antiquité  de  la  religion  chré- 
tienne dans  le  pays.  Comme  monuments  anglo-normands,  les  châ- 
teaux de  Carew,  de  Manorbier,  de  Cilgerran,  de  Newport,  de 
Pembroke  montrent  les  ruines  les  plus  imposantes.  Et  parmi  les 
monuments  religieux,  il  faut  citer  en  premier  lieu  la  cathédrale  de 
Saint  David,  où  se  voit  la  tombe  de  Giraud  de  Cambrie,  qui  était 
né  à  Manorbier  et  fut  recteur  à  Tenby. 

Ce  court  résumé  donne  une  faible  idée  des  richesses  archéolo- 
giques du  comté  de  Pembroke  et  de  l'intérêt  qu'il  offre  à  l'histo- 
rien. L'ouvrage  de  la  Royal  Commission  est  composé  sur  un  plan 
•géographique,  c'est-à-dire  qu'il  énumère  les  paroisses  l'une  après 
l'autre  dans  l'ordre  alphabétique  en  indiquant  pour  chacune  d'elles 
les  monuments  qu'elles  possèdent.  Chacun  de  ces  monuments  fait 
l'objet  d'une  description  et  d'une  étude  détaillées,  le  tout  superbe- 
ment illustré.  Une  substantielle  introduction  présente  un  exposé 
d'ensemble  de  l'histoire  du  pays  par  période.  Il  est  un  point  sur 


204  Bibliographie. 

lequel  l'auteur  de  cette  introduction  passe  un  peu  vite.  C'est  celui 
qui  touche  aux  relations  du  Pembrokeshire  et  de  l'Irlande.  Ces 
relations  ont  été  fort  importantes.  L'arrivée  des  Dési,  expulsés 
d'Irlande,  qui  fit  donner  au  pays  le  nom  de  Moniu  Deorum  (v.J. 
Loth,  R.  Celt.,  XXXVII,  315)  fut  un  grand  événement  historique  et 
méritait  d'être  souligné.  Ce  ne  sont  pas  seulement  des  récits 
irlandais  qui  nous  renseignent  sur  cette  invasion.  On  en  trouve 
l'écho  dans  la  Vie  de  Saint  David  (Rev.  Celt.,  XL,  191)  ;  et- plu- 
sieurs/ noms  de  lieu,  comme  Cilgerran  ou  Llangolrhan  en  conser- 
vent visiblement  la  trace.  Plusieurs  des  croix  conservées  dans  le 
pays  ont  un  aspect  irlandais  (v.  p.  263).  Et  l'un  des  monuments 
les  plus  importants  pour  l'histoire  des  relations  entre  Irlande  et 
Galles,  la  pierre  qui  porte  l'inscription  funéraire  bilingue  de 
Voteporix,  si  elle  n'est  pas  dans  les  limites  du  Pembrokeshire,  s'en 
trouve  du  moins  toute  voisine,  à  un  mille  et  demi  au  Nord  de 
Llandewi  Velfrey  (cf.  Wade-Evans,  Life  of  St  David,  p.  76). 
Quant  aux  établissements  Scandinaves,  dans  un  passage  de  sa 
magistrale  Hislory  of  Wales,  cité  p.  xxxjx,  M  J.Lloyd  semble  tenté 
d'en  diminuer  l'importance.  En  fait  de  nombreux  noms  de  lieu  en 
conservent  la  trace  ;  et,  si  l'on  rencontre  hors  du  Pembrokeshire 
Anglesey  ou  Swansea,  cest  en  Pembrokeshire  que  se  trouvent, 
plus  ou  moins  déformés  par  l'anglais,  Fishguard  (gall.  Aberguaun) 
et  Gatholm,  Hasguard  et  Haverford,  Milford  et  Ramsey,  Steynton 
et  Tenby.  L'étude  des  noms  de  lieu  du  Pembrokeshire  est  indis- 
pensable pour  l'histoire  des  invasions  qu'a  subies  le  pays.  Dans 
l'histoire  galloise  proprement  dite,  le  Pembrokeshire  occupe  une 
place  qu'on  n'attendrait  guère,  à  considérer  sa  position  excentrique. 
D'âpres  luttes  s'y  décidèrent.  L'introduction  contient  quelques 
pages,  qui  semblent  définitives,  sur  la  localisation  de  Mynydd 
Carn,  où  eut  lieu  en  108 1  une  fameuse  bataille,  qu'on  a  appelée 
le  Hastings  gallois  (v.  p.  xliij-xlvj). 

I    Vendryes. 


X 

Gaston  Esnault,  L'imagination  populaire,  Métaphores  Occidentales, 
Essai  sur  les  valeurs  Imaginatives  concrètes  du  français  parlé  en 
Basse-Bretagne  comparé  avec  les  patois,  parlers  techniques  et  argots 
français  (thèse  de  doctorat  es  lettres  présentée  à  la  Faculté  des 
Lettres  de  Paris).  Paris,  Presses  Universitaires.  1925,  348  p.  8°. 

Il  y  a  plus  de  douze  ans  que  la  Revue  Celtique  annonçait  la  thèse 


Bibliographie.  205 

de  doctorat  de  M.  G.  Esnault(v.  t.  XXXIV,  p.  102).  Comme  beau- 
coup d'autres  travaux  universitaires,  cette  thèse  a  souffert  de  la 
crise  qui  a  bouleversé  le  monde.  Il  a  fallu  à  l'auteur  un  rare  cou- 
rage pour  se  recueillir  et  se  remettre  à  la  besogne  après  tant  de 
préoccupations  étrangères  à  la  science  que  les  circonstances  lui 
imposaient.  A  vrai  dire,  la  thèse  qui  lui  a  valu  le  grade  de  docteur 
n'est  pas  tout  à  fait  celle  que  la  Revue  Celtique  avait  jadis  annoncée. 
L'étude  du  français  parlé  en  Basse-Bretagne  reste  un  vaste  et  beau 
sujet  pour  le  bretonisant  qui  voudra  le  traiter  d'ensemble. 
M.  G.  Esnault  s'est  proposé  seulement  d'étudier  les  métaphores 
populaires  usitées  dans  certaines  parties  de  l'Ouest  de  la  France  et 
de  tirer  de  cette  étude  des  conclusions  d'ordre  sémantique. 

Le  titre  qu'il  a  donné  à  sa  thèse  n'est  pas  ce  qu'elle  a  de  meil- 
leur. Ce  titre  est  à  la  fois  compliqué,  obscur  et  inexact.  Il  a  été 
probablement  inspirépar  le  désir  d'étonner  le  lecteur  et  dépiquer 
sa  curiosité.  Le  même  désir  explique  certaines  autres  originalités 
qui  ne  sont  guère  plus  heureuses.  M.  Esnault  aimeà  surprendre  et 
à  dérouter.  La  liste  des  abréviations  qui  aurait  dû  figurer  en  tête  du 
volume,  est  insérée  entre  les  corrigenda  et  les  index  ;  elle  est  d'ail- 
leurs d'une  complication  qui  en  rend  la  consultation  fort  malaisée.  La 
«préface  »  commence  à  là  page  53  et  vient  après  un  long  exposé  de 
doctrine,  au  milieu  duquel  le  lecteur  a  quelque  peine  à  se  recon- 
naître. Il  y  a  plus  grave  encore.  L'auteur  s'est  fait  une  langue  et  un 
style  à  lui.  Il  donne  parfois  aux  mots  usuels  des  sens  nouveaux, 
il  modifie  la  valeur  des  termes  techniques  les  mieux  établis,  il  se 
forge  une  nomenclature  personnelle,  souvent  imprécise,  et  qui 
malheureusement  semble  parfois  correspondre  à  un  manque  de 
précision  de  sa  pensée.  Pour  dire  les  choses  les  plus  simples  il  se 
torture  l'esprit  et  en  tire  laborieusement  des  métaphores  préten- 
tieuses et  pédantesques. 

Cette  manie,  dira-t-on,  est  inoffensive.  Cela  dépend.  Elle  peut 
avoir  l'inconvénient  de  rebuter  le  lecteur  et  de  l'engager  à  fermer 
le  livre  ;  ce  qui  serait  un  geste  regrettable.  Car  l'ouvrage  est  un 
recueil  très  riche  défaits  intéressants  et  il  offre  beaucoup  à  prendre 
aux  linguistes.  M.  Esnault  est  un  fureteur  ;  il  se  tient  à  l'affût  des 
mots  rares  et  pittoresques,  des  expressions  colorées  qui  naissentsur 
le  terreau  fécond  du  parler  populaire.  Il  prend  plaisir  à  les  attraper, 
à  les  classer,  à  les  épingler  et  il  en  fait  des  albums,  dont  sa  thèse  est 
un  exemplaire  d'une  originalité  incontestable.  La  division  qu'il  a 
adoptée  est  tirée  des  principaux  motifs  qui  servent  à  former  des 
métaphores,  c'est-à-dire  à  la  fois  de  la  nature  et  de  la  société.  Suc- 
cessivement il  étale  sous  les  yeux  du  lecteur  les  métaphores  qui  se 

14* 


2oé  Bibliographie. 

rapportent  à  la  vie  animale  ou  végétale,  à  l'agriculture  et  à  l'in- 
dustrie, à  l'armée,  à  la  marine,  à  la  religion,  etc.  Tout  cela  est  fort 
intéressant. 

Il  ne  faut  cependant  pas  exagérer  l'importance  qu'ont  pour  le 
linguiste  les  collections  de  ce  genre.  On  ne  doit  les  utiliser  qu'avec 
critique,  parce  qu'elles  présentent  un  gros  danger  :  c'est  qu'on  ne 
sait  jamais  au  juste  si  la  métaphore  recueillie  est  un  fait  de  langue, 
accepté  comme  tel  par  un  groupe  linguistique  déterminé,  ou  bien 
la  création  éphémère  d'un  individu,  artiste  de  génie  ou  simple 
loustic.  La  distinction  est  d'importance,  car  elle  touche  au  pro- 
blème général  du  rôle  de  l'individu  dans  l'évolution  linguistique, 
c'est-à-dire  au  problème  de  l'esthétique  du  langage.  Ce  problème 
dépasse  évidemment  le  cadre  que  M.  Esnault  s'est  tracé,  et  à  plus 
forte  raison  celui  de  ce  compte  rendu.  Mais  il  était  nécessaire  de 
l'indiquer,  parce  qu'il  domine  toutes  les  recherches  du  genre  de 
celle-ci  et  qu'il  y  répand  une  équivoque  dont  lelecteur  reste  souvent 
fâcheusement  impressionné. 

Il  v  a  dans  le  livre  une  autre  cause  d'incertitude.  C'est  que 
malgré  les  indications  de  la  préface  (p.  56  et  s.),  les  limites  géo- 
graphiques de  l'enquête  sont  des  plus  flottantes.  On  est  souvent 
surpris  que  l'auteur  donne  comme  occidentales  beaucoup  d'expres- 
sions qui  sont  employées  dans  diverses  parties  de  la  France..  En 
quoi  des  métaphores  comme  «avoir  des  mains  de  beurre  »  (p.  153), 
«  se  jeter  (sur  quelque  chose)  comme  la  misère  sur  le  pauvre 
monde  »  (p.  224),  «  être  près  de  ses  pièces  »  (p.  225),  et  tant 
d'autres,  sont-elles  spécialement  occidentales?  On  les  entend  aussi 
dans  le  Nord  et  dans  l'Est.  L'expression  «  avoir  la  vasivite  »  (pour 
la  «  diarrhée  »,  p.  192)  peut  bien  être  lyonnaise  ;  mais  on  dit  cou- 
ramment en  Ile-de-France  «  avoir  la  vavite  ».  Il  ne  suffit  pas  qu'un 
tour  ait  été  recueilli  à  Rennes  ou  à  Brest  pour  être  taxé  d'occi- 
dental. 

Ce  défaut  serait  peu  grave  en  lui-même  s'il  n'en  cachait  un  autre. 
Il  y  a  une  question  qui  hante  l'esprit  du  lecteur  pendant  tout  le 
cours  de  la  lecture.  Ces  métaphores,  qui  sont  présentées  comme 
occidentales,  révèlent-elles  une  mentalité  particulière,  celle  des 
habitants  de  l'Ouest  de  la  France  et  notamment  celle  des  Bretons, 
puisqu'elles  ont  été  recueillies  surtout  en  Bretagne  ?  Cette  question 
aussi  est  d'importance,  et  il  ne  semble  pas  que  l'auteur  ait  cherché 
à  la  poser,  sinon  à  la  résoudre.  Qu'on  dise  dans  le  breton  des  Côtes- 
du-Nord  mont  d'ar  Roch  »  aller  à  la  Roche  »  pour  «  ronfler  », 
parce  que  ce  verbese  dit  en  breton  roc' bal,  voilà  un  fait  linguistique 
étroitement  localisé.  Mais  il  ne  révèle  en  rien  une  mentalité  spé- 


Bibliographie.  207 

ciale.  Car  les  jeux  de  mots  tirés  des  noms  propres  géographiques 
sont  répandus  dans  toute  la  France,  et  depuis  fort  longtemps  : 
«  aller  à  Niort  «  pour  «  nier  »,  «  aller  à  Mortagne  »  pour  «  mourir  », 
«  aller  à  Cachan  »  pour  «  se  cacher»  se  disaient  aux  xvic  et 
xvue  siècles  ;  le  dernier  est  employé  dans  le  Roman  bourgeois.  Le 
précieux  classement  psychologique,  que  M.  Esnault  a  placé  en 
appendice  à  sa  thèse  (p.  301  et  ss.),  gagnerait  beaucoup  si  on  y 
trouvait  des  indications  sur  ce  qui  est  général,  humain  au  se§s  le 
pluslarge,  et  ce  qui  est  particulier  à  la  province  étudiée.  L'emploi 
du  nom  générique  «  oiseau  »  pour  désigner  le  «  membre  viril  »  est 
une  singulière  métaphore  (p.  182),  répandue  dans  bien  d'autres 
pays  que  la  Bretagne.  Le  fait  qu'on  y  substitue  en  Bretagne  des 
noms  spécifiques  particuliers  (p.  302)  n'a  rien  de  spécialement 
breton.  Les  figures  de  Monsieur  et  Madame  Pouliguen  à  Guérande 
(p.  81)  ont  des  correspondants  dans  d'autres  régions  bretonnes  : 
c'est  à  Vannes,  Vannes  et  sa  femme,  à  Malestroit,  Malestroit  et  sa 
femme,  deux  figures  grotesques  sculptées  au  pignon  d'une  maison 
ou  à  l'angle  d'un  mur.  Il  est  vraisemblable  que  le  même  usage  se 
rencontre  ailleurs  qu'en  Bretagne  ;  mais  on  aimerait  être  fixé  sur 
ce  point. 

Les  questions  de  vocabulaire  sont  d'une  extrême  complication, 
parce  qu'elles  touchent  à  tous  les  détails  de  l'activité  humaine.  Il 
n'est  pas  étonnant  que  M.  Esnault,  malgré  son  érudition,  sa  minutie 
et  sa  subtilité,  fasse  parfois  désirer  à  son  lecteur  plus  qu'il  ne  lui 
donne.  Mais  ce  qu'on  désirerait  surtout  chez  lui,  c'est  un  esprit  de 
synthèse  qui  de  l'amas  touffu  des  faits  particuliers,  dégagerait  et 
mettrait  en  lumière  des  conclusions  générales. 

J.  Vendryes. 

XI 

Ferdinand  Ewald,  Die  Entwicklung  des  K-Suffixes  in  den  indogerma- 
nischen  Sprachen.  Heidelberg,  Winter,  1924,  vij-32  p.  8°.  (Indo- 
germanische  Bibliothek,  III,  4). 

Cette  brochure- décevra  tous  ceux  qui  la  liront.  Elle  est  d'une 
pauvreté  rare  et  n'apporte  ni  un  fait  nouveau,  ni  une  idée  nouvelle. 
Les  spécialistes  seront  choqués  d'y  rencontrer  tant  d'erreurs  et  de 
lacunes  et  regretteront  qu'un  beau  sujet  y  ait  été  gâché.  C'est 
apparemment  le  travail  scolaire  d'un  débutant,  et  qui  ne  méritait 
pas  d'être  publié. 

11  s'en  faut  que  l'auteur  ait  embrassé  le  développement  du  suffixe 
-k-  en   indo-européen.  Ses  exemples    sont    presque     uniquement 


208  Bibliographie. 

empruntés  au  grec  et  au  latin  ;  là  où  il  ne  se  borne  pas  à  reproduire 
des  listes  bien  connues,  sa  doctrine  est  des  moins  sûres.   Il  donne 
p.  14  le  lat.  index  comme  présentant  le  développement  d'un  thème 
*deye-  «  lumière  »  au  moyen  du  suffixe  *-k-  ;  cela  donne  une  idée 
de  son  sens  historique.  Sa  compétence  philologique   ne  vaut  pas 
mieux.  Il  enseigne  p.   11  que  les    adjectifs  latins  en  -âx  sont  tirés 
de  thèmes  nominaux  en  -à-.   En  quoi  il  contredit   l'enseignement 
mêm/ de  Priscien  (II,  140,7  Keil)  :  in  -ax  plerumque   uerbalia  inue- 
niuntur  ab  omni  coniugatione .  Il  suffit  de  parcourir  la  liste  des  adjec- 
tifs en  -âx  dressée  par  Paucker  (Vorarb.,  I,  45)  pour  constater  cu'en 
grande  majorité  ces  adjectifs  sont  tirés  de  thèmes  verbaux.  Comme 
la  formation  en  est   restée   vivante   pendant  toute   la  latinité,  on 
comprend  que  le  suffixe  ait  été  ajouté  parfois  à  des  thèmes  nomi- 
naux :  pugnàx  de  pugnâre  pouvait  sembler  un    dérivé    de  pugna. 
Mais  cen'estlà  qu'un  cas  exceptionnel  (cf.  F.  Stolz,  Hist.  Gr.,  521). 
Il  est  à  peine  question  des  langues   celtiques,  dont  l'auteur  ne 
semble  pas  avoir  une  connaissance  directe  (p.  24,  gall.  bydaf  «  nid 
de  guêpes»  est  transformé  en  byd-of  «  Bienenstock  »).  Le  suffixe 
-k-  y  est  pourtant  répandu,  et  dans  des  conditions  assez  semblables 
à  celles  où  il  apparaît  en  latin  (v.  Pedersen,  Fgl.Gr.,  II,  29  et  98). 
Ainsi   l'irlandais  présente  les  mots  suivants,   noms  de  minéraux, 
d'animaux   ou    de   plantes,  etc.  :   ail  f.  «    rocher,  pierre  »  gén. 
ailech  dat.    ailig   (et  ail)  ;   lâir  «   jument  «   gén.    lârach,  nathir  t. 
«  serpent  d'eau  »  gén.  nalhrach  ;  dair  (daur)  «  chêne  »  gén.  darach 
(et  daro),  eô  «if  »  gén.  iuech  Kingand  Hermit  21,  rail  f.  «chêne  » 
gén.  ralach  L.  L.  108  a  22,  scé  «  épine  »  gén.  sciacb  L.  U.  80 a  8; 
casair  «  grêle  «  gén.  casrach  (et  casra)  ;    etc.  En  face    de  lat.  latex 
«  liquide  »,  l'irlandais  a  le  féminin  lathach  «  boue  ».  Il  convenait 
de  rappeler  ces  exemples  qui  prouvent  l'importance  du  suffixe  en 
italoceltique. 

J.  Vendryes. 

XII 

Frederik  Muller  Jzn  [Professeur  à  l'Université  de  Leide],  Altila- 
lisches  Wàrterbuch.  Gôttingen,  Vandenhoeck  und  Ruprecht,  1926, 
vij-583  p.  8°. 

Les  linguistes  qui  ont  aujourd'hui  dépassé  la  soixantaine  se  sen- 
tiront rajeunis  en  feuilletant  ce  gros  ouvrage  ;  il  leur  rappellera  le 
temps  où  le  Vergleichendes  Wôrterbuch  d'August  Fick  leur  servait  de 
livre  de  chevet.  Il  se  réclame  en  effet  de  la  méthode  qui  prétendait 
à  reconstituer  le  vocabulaire  des  peuples  indo-européens  aux  époques 


Bibliographie.  209 

préhistoriques.  Et  il  n'est  pas  indifférent  d'apprendre  que  l'idée  en 
a  été  inspirée  à  l'auteur  par  un  des  meilleurs  disciples  de  Fick, 
Fritz  Bechtel  Sans  doute,  M.  Frederik  Muller  est  un  philologue 
trop  moderne  et  trop  soucieux  des  réalités  pour  ne  pas  avoir  été 
tenté  d'appliquer  dans  un  esprit  nouveau  les  méthodes  un  peu 
vieillies  de  l'école  de  Fick.  Cette  école  avait  un  grave  défaut  :  elle 
sacrifiait  trop  au  système  et  simplifiait  à  l'excès  :  la  vie  des  choses, 
et  même  ce  qu'on  a  appelé  la  vie  des  mots  comptait  peu  pour  elle. 
On  trouvera  au  contraire  dans  l'ouvrage  de  M.  Muller  un  souci 
constant  d'indiquer  l'état  civil  de  chaque  mot  latin,  la  date  où 
il  apparaît,  la  postérité  qu'il  a  laissée  dans  les  langues  romanes, 
les  sens  variés  qu'il  a  reçus  des  circonstances  où  il  fut  employé. 
Mais  l'idée  première  du  livre  est  bien  dans  les  traditions  de  Fick. 
Il  s'agit  du  dictionnaire  d'une  langue  reconstruite,  et  dont  les  mots 
sont  rangés  sous  la  forme  que  la  reconstruction  comporte  avec 
indication  des  rapprochements  comparatifs  qui  justifient  la 
reconstrucrion. 

Il  n'y  a  rien  àdire  ici  de  cette  reconstruction.  Elle  est  arbitraire, 
comme  il  est  fatal,  en  ce  sens  d'abord  que  la  forme  donnée 
aux  mots  représente  un  vague  état  de  langue,  évidemment 
archaïque,  mais  d'époque  indéterminée,  et  où  les  contradictions  ne 
sont  pas  rares.  Elle  l'est  aussi  par  le  fait  que  bon  nombre  des 
mots  enregistrés  ne  remontent  peut-être  pas,  au  moins  sous  la 
forme  qui  leur  est  donnée  ici,  à. la  période  de  l'italique  commun. 
Mais  on  ne  s'arrêtera  pas  à  ces  critiques.  Le  plan  étant  adopté,  il 
fallait  se  résigner  aux  conséquences  qn'il  entraîne  et  les  accepter 
malgré  leurs  défauts.  L'ouvrage  est  un  essai  intéressant  de  rajeunis- 
sement d'une  vieille  méthode,  et  par  l'abondance  de  faits  qu'il  con- 
tient il  rendra  certainement  des  services. 

Sa  principale  nouveauté  est  de  présenter  le  vocabulaire  du  groupe 
italique  tout  entier,  c'est-à-dire  de  faire  à  l'osque  et  à  l'ombrien  la 
place  qu'ils  méritent  à  côté  du  latin.  Ces  deux  dialectes,  malgré  la 
pauvreté  du  vocabulaire  que  nous  en  connaissons,  conservent 
cependant  quelques  vieux  mots  du  fonds  italique  commun  ;  on  doit 
savoir  gré  à  M.  Muller  de  les  mettre  en  valeur.  Mais  dans  les  rap- 
prochements établis  avec  les  autres  langues  indo-européennes,  les 
celtistes  regretteront  que  les  langues  celtiques  n'aient  pas  été  mieux 
traitées.  Il  y  a  entre  l'italique  et  le  celtique  des  rapports  de  vocabu- 
laire qui  méritaient  d'être  particulièrement  soulignés.  Le  plus 
souvent,  l'auteur  se  borne  à  ranger  la  forme  celtique  parmi  celles 
des  autres  langues  au  milieu  ou  parfois  même  en  queue  de  liste, 
alors  qu'elle  eût  dû  être  placée  en  tête  comme  ayant  avec  la  forme 

Revue  Celtique,   XLII1.  14 


2io  Bibliographie. 

italique  le  rapport  le  plus  étroit.  Ainsi  l'irlandais  muin  «  cou  » 
devait  cire  immédiatement  rapproché  demonlleQp.  274)  et  l'irlandais 
secb,  gallois  beb,  de  secus(p.  424)  :  le  sens  premier,  commun  à  ces 
trois  derniers  mots,  est  «  en  dépassant,  au  delà  de  »  tandis  que  le 
sanskrit  sâcà,  sàkâm  a  un  sens  assez  différent.  Sous  *auos  (p.  55)  est 
bien  cité  bret.  eontr,  mais  le  rapport  étroit  du  mot  brittonique  et 
du  latin  auonculus  n'est  pas  marqué  comme  il  convient  (cf.  Meillet, 
M.  S.  L.,  IX,  141).  C'est  par  exception  que  l'auteur  souligne  un 
rapport  de  vocabulaire  italo-celtique  (ainsi  p.  59  sous  *badios  ou 
p.  575  sous  *ured-)  ;  le  cas  s'en  présentait  assez  souvent  (par 
ex.   pour  le  nom  de  la  «  terre  »,  p.  488). 

Il  arrive  même  que  les  mots  celtiques  manquent,  là  où  on  les 
attendrait.  L'auteur  ne  cite  pas  irl.  âr  à  propos  de  ager,  ni  irl. 
comitgim  à  propos  de  fingô,  ni  irl.  écen  à  propos  de  necesse,  ni  bret. 
anaoun  à  propos  de  animas.  Il  sépare  loquor  de  irl.  -tluchur  (p.  230) 
et  lai us  de  irl.  letb  (p.  451).  Pourtant  le  parallélisme  dans  l'évo- 
lution de  ces  derniers  mots  (devenus  tous  deux  prépositions,  irl. 
le,  la,  franc.  le\)  semble  indiquer  une  même  origine  ;  et  il  n'est  pas 
difficile  de  les  ramener  à  un  prototype  commun  :  soit  *let-ej0s-, 
*l°t-e/0-s  avec  une  alternance  comparable  à  celle  de  fiivOoc;  et  fïâOoç: 
ttévôo;  et  7:a0oç.  (Cf.  avec  vocalisme  zéro,  itizo;  et  TrÀii-oç);  en 
latin  même  s'observe  une  alternance  vocalique  entre  saxum  (*sak- 
s-o-)  et  secespita.  Il  eût  fallu  aussi,  sous  *manus  citer  l'irlandais 
montar  muinler,  en  même  temps  que  le  vieux  allemand  muni,  v. 
isl.  mund,  et  faire  ressortir  la  valeur  juridique  du  mot  dans  les  trois 
dialectes.  C'est  un  fait  de  civilisation  des  plus  importants  (cf. 
d'Arbois  de  Jubainville.  R.  Celt.,  XXV,  2  et  ss.)  Il  est  possible 
que  le  mot  muinler  ait  subi  dans  son  sens  et  même  dans  sa  forme 
l'influence  du  latin  monasterium (ou  mieux  monisteriuni).  L'hypothèse 
de  l'emprunt  pur  et  simple  est  en  tout  cas  impuissante  à  expliquer 
les  sens  variés  de  l'irlandais  muinler,  et  surtout  les  sens  les  plus 
anciens. 

M.  Muller  n'a  pas  admis  entre  l'italique  et  le  celtique  certains 
rapprochements  pourtant  plausibles  et  que  l'on  peut  préférer  à 
ceux  qu'il  propose  lui-même.  Ainsi  il  ne  dit  rien,  p.  125-126  de 
irl.  duine  sous  bomô  ou  de  dôini  sous  hûmânas  (cf.  R.  Celt.,  XL, 
437),  p.  164  de  irl.  dligim  sous  indulgërc  (Jb.,  XL,  428),  p.  43  de 
irl.  ad  sous  ombrien  arsmor  (Jb.,  XXXV,  212),  p.  512  de  gall. 
dryll  sous  frustum,  p.  122  de  irl.  accobor  sous  cupiô  ombr.  kubrar, 
etc.  A  propos  de  bellua,  bëslia  (p.  153)  on  devait  attendre  l'irlan- 
dais dâsacht  «  fureur  »  (en  parlant  d'un  animal),  dâslir  prêter. 
rodàssed  (L.  IL,  63   a)  «  s'emporter,  se  mettre  en  fureur  »,  dàsaim 


Bibliographie.  21  1 

«  je  rends  fou  »  ;  tous  ces  mots  remontent  à  *dwâsià  de  *divostà-  en 
alternance  avec  le  radical  *dhwêst-  de  l'italique  et  du  germanique 
(m.    h.  a.  getwâs  «  spectre,  fantôme,  revenant  »). 

Ce  n'est  pas  le  lieu  de  discuter  tous  les  points  d'étymologie  pro- 
prement latine  sur  lesquels  on  peut  différer  d'opinion  avec  M.  Muller. 
Il  suffira  de  quelques  exemples.  P.  69,  l'explication  qu'il  donne  de 
carmen,  germen  se  heurte  à  de  grosses  difficultés.  On  ne  voit  pas 
pourquoi  il  rejette  l'hypothèse  de  prototypes  *can-men,  *~gen-men;  le 
passage  de  -?//«-à  -rm-  à  l'intérieur  des  mots  est  d'un  type  connu 
par  ailleurs  (cf.  en  comique  dremas  de  *der-mas,  *den-mas,  «  bon- 
homme »  R.  Celt.,  XXXIV,  17e,  ou  breton  premoch  de  per-moc'b, 
pen-moch  «  porc  »,i?.  Celt.,  XXXV,  28).  P.  286,  le  grec  vi'Çoj  est 
rangé  sous  *neideiô  est  rattaché  au  latin  renïdeô  ;  on  est  tenté  d'en 
appeler  de  M.  Muller  latiniste  à  M.  Muller  helléniste.  L'étymologie 
de  v;Çw  donnée  dans  le  Grieksch  IVoordenboek  du  même  auteur  « 
parait  encore  la  meilleure.  —  P.  237,  il  a  échappé  à  M.  Muller  que 
M.  Cuny  a  reconnu  une  forme  empruntée  à  l'ombrien  vesklu  dans 
un  passage  de  Plaute  (Trin.  888)  ;  l'hypothèse  est  ingénieuse  et 
méritait  une  mention  (cf.  Rev.  Et.  Ane,  XVIII,  248). 

La  partie  celtique  du  livre  aurait  eu  parfois  besoin  de  la  révision 
d'un  spécialiste.  P.  151,  v.  tri.  to-ucc-,  ro-ucc-  est  rangé  sous  *deukô. 
Cela  ne  va  pas  tout  seul.  L'hypothèse  que  lat.  dùcô  contiendrait  un 
d-  préverbial  ou,  comme  dit  M.  Muller,  a  préformatif  »  ne  peut  en 
tout  cas  se  rapporter  qu'au  préindo-européen  ;  car  l'existence  en  indo- 
européen d'une  racine  *deuk-  «tirer,  mener  »  est  suffisamment  établie 
par  la  comparaison  de  lat.  dùcô,  got.  tiuhan,  gall.  dygaf,  et  pro- 
bablement gr.  oa'.o'jffTEffflz'..  D'autre  part,  l'irlandais  lo-ucc-  au  sens 
de  «  comprendre  »,  comme  M.  Meillet  l'a  montré  (R.  Celt.,  XXIV, 
171),  doit-être  rapproché  de  arm.  usanim,  «  j'apprends  »,  v.  si. 
wyknoti  «  apprendre  »,  got.  biubts  «  accoutumé  à  »,  lit.  jùnkstu«.  je 
m'accoutume  »  ;  c'est  un  thème  de  présent  à  nasale  qui  n'a  rien  à 
faire  avec  lat.  dùcô  etc.,  ni  pour  la  forme,  ni  pour  le  sens.  Seulement 
le  celtique  présente  cette  particularité  que  les  types  radicaux  *deuk- 
tt*Lo-unk-y  ont  été  confondus,  de  telle  sorte  que  dans  la  flexion  du 
verbe  irlandais  signifiant  «  porter  »,  berim,  des  formes  de  type  -ucc- 
ont  été   introduites    par    supplétisme  ;  et  qu'inversement  le  verbe 

1.  C  est  une  occasion  de  recommander  publiquement  cet  excellent  livre-, 
un  des  meilleurs  dictionnaires  grecs  qui  existent  ;  il  vient  d'en  paraître  une 
2e  édition  corrigée.  Sous  un  format  des  plus  commodes,  il  contient  tous  les 
renseignements  philologiques  et  linguistiques  qu'on  peut  désirer.  Après  plu- 
sieurs années  d'un  emploi  constant,  un  Français  ne  peut  lui  reconnaître 
qu'un  défaut,  c'est  d'être  écrit  en  hollandais.  Une  édition  française  de  ce 
dictionnaire  serait  vraiment  souhaitable. 


212  Bibliographie. 

qui  signifie  «  comprendre  »,  do  uccim,  présente  en  vieil  irlandais  un 
infinitif  tabart  (Ml.  42  c  13  et  44  d  6),  emprunté  à  la  racine  de 
berim.  La  confusion  a  dû  partir  du  composé  *to-ber-  qui  au  sens  de 
«  apporter,  amener»  se  trouvait  en  synonymie  axec*deuk-.  On  est 
passé  de  *deuk-  à  *to-ukk-,  d'où  le  thème  *ukk-  est  entré  dans  la 
flexion  du  simple  berim.  Comment  cela  s'est-il  fait  ?  Il  est  difficile 
de  le  dire  exactement,  car  l'accident  est  fort  ancien.  On  ne  peut 
l'expliquer  seulement  par  l'influence  du  type  *to-ukk-  «  comprendre  » 
sémantiquement  assez  lointain.  Il  est  permis  de  penser  que  l'inter- 
médiaire essentiel  a  dû  être  un  type  *dukk-  forme  à  géminée  de  la 
racine  *deuk-.  Le  sens  se  prête  assez  à  une  formation  expressive  de 
ce  genre;  et  on  sait  par  ailleurs  combien  la  gémination  est  un  pro- 
cédé fréquent  du  vocabulaire  celtique.  Un  impératif  *duic (de  *dukke) 
«  amène  »  aurait  été  changé  en  tuic  comme  s'il  contenait  le  préverbe 
to  ;  et  un  prétérit  do  uc  -tue,  do  uesat  -tuscat,  etc.,  en  aurait  été  tiré. 
Quant  aux  formes  brittoniques  m.  gall.  goruc  «  il  a  fait  »,  gall. 
amygaf  «  je  combats,  je  détends  »,  bret.  amouka  «  tarder  »  que 
M.  Pedersen  rattache  à  irl.  do  ucc,  elles  en  sont  assez  éloignées 
pour  le  sens  et  même  pour  la  forme.  La  flexion  de  amygaf  est  évi- 
demment modelée  sur  celle  de  dygaf,  mais  cela  n'implique  pas 
identité  radicale  (cf.  J.  Morris-Jones,  Welsh  Gr.,  371).  —  P.  400, 
est  cité  un  verbe  irlandais  saigim  «  je  dis  »  ;  ce  verbe  n'existe  pas 
(cf.  Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  606).  —  P.  423,  sont  citées  les  formes 
sétaim,  fétaim  d'un  verbe  irlandais  signifiant  «je  puis  »,  lequel  verbe 
est  rattaché  à  une  racine  indo-européenne  *swen-.  Il  y  a  là  une  série 
de  méprises.  Le  verbe  fétaim  n'existe  qu'en  irlandais  moderne  (jè- 
adaim);  il  est  issu  d'un  ancien  composé  de  type  éla-,  sur  lequel  on 
consultera  Thumeysen,  Hdb.,  p.  329  et  Pedersen,  Vgl.Gr.,  II,  638. 
Un  verbe  sétaim  n'existe  pas.  Il  n'existe  qu'une  locution  issétir, 
comme  l'a  montré  M.  Thurneysen,  qui  y  voit  avec  raison  un  subs- 
tantif au  génitif  singulier  (Z.  f.  Celt.  PbiL,  XI,  310  et  s.)  '.  — 
P.  15  3,  à  propos  du  celtique  dusius,  manque  un  renvoi  à  J.  Loth  R. 
Celt.  XXXVI,  63  et  à  propos  du  gallois  gogofz].  Loth,  Arch.  Celt. 
Lex.,  III,  259.  —  P.  153,  à  propos  de  lat.  bortus,  il  convient  de 
signaler  que  le  brittonique  possède  à  la  fois  une  forme  en  *-to-  et 
une  forme  en  *-dho-  :  gall.  garth  et  gardd  (cf.  R.  Celt.,  XXXIV, 
143  et  XXXVI,  174).  La  forme  gardd  est  ancienne;  elle  se  litB.B. 
C,  p.  49,  2  Ev.  :  heb  art  in  y  cbilchiu  «  sans  clôture  autour  de  lui  ». 

J.  Vendryes. 

1.  Ce  substantif  figure  dans  le  texte  édité  ci-dessus    par   Mllc  Sjœstedt, 
p.  52,  1.  31  :  a  seitir  «  leur  capacité,  leur  force,  leur  pouvoir». 


CHRONIQUE 


Sommaire.  I.  Mélanges  offerts  à  M.  Ferdinand  Lot.  —  II.  Festschrift 
L.  Gauchat.  —  III.  Thèses  de  doctorat  de  Mlle  M.  L.  Sjcestedt.  —  IV. 
Statistique  de  la  langue  galloise  en  Galles.  —  V.  Le  problème  du  bilin- 
guisme. —  VI.  Actes  du  Congrès  d'histoire  des  religions  de  1923.  — 
VIL  Les  fouilles  de  Glozel  (Allier).  —  VIII.  Anciennes  relations  entre 
l'Irlande  et  la  péninsule  ibérique.  —  IX.  Ephémérides  d'Alesia  par 
M.  S.  Reinach.  —  X.  Pro  Nervia  et  les  marques  de  potiers  de  Bavay.  — 
XL  Le  système  des  poids  chez  les  Germains,  d'après  M.  Marstrander.  — 
XII.  Un  livre  de  M.  Devoto  sur  la  phonétique  latine.  — XIII.  L'ac- 
centuation des  mots  grecs  en  latin.  —  XIV.  M.  BertolJi  et  les  noms 
dumvrtille.  — XV.  L'identification  de  Blcheris  ou  Bréri,  par  M.  Loo- 
mis.  —  XVI.  Suite  de  l'édition  deGerbert  de  Montreuil  par  le  Dr  Marv 
Williams.  —  XVII.  Extraits  de  Keating  par  M.  O.  Bergin.  —  XVIII. 
Poèmes  irlandais  inédits  par  le  même.  —  XIX.  Réflexions  du 
P.  Lehmacher  sur  la  langue  irlandaise.  —  XX.  Chansons  populaires  de 
l'île  de  Man.  —  XXL  Le  passé  et  l'avenir  de  l'archéologie  irlandaise 
d'après  M.  Macalister.  — XXII.  Un  cas  de  mélange  de  grammaires,  par 
M.  Sommerfelt.  —  XXIII.  Traductions  du  français  en  gallois  par 
M.  Hudson  Williams.  — XXIV.  La  vie  la  plus  ancienne  de  Saint  Coren- 
tin.  —  XXV.  L'onomastique  du  Cap  Sizun.  —  XXVI.  L'histoire  de  la 
langue  française  de    M.    Brunot,  t.    VIL  —  XXVII.  Livres  nouveaux. 


I 

Le  30  décembre  1925,  dans  une  salle  de  l'École  des  Hautes- 
Études,  une  cérémonie  touchante  réunissait  autour  de  M.  Ferdi- 
nand Lot  une  foule  compacte  d'amis  et  d'élèves.  Il  s'agissait 
d'offrir  au  maître  des  études  médiévales  un  volume  de  Mélanges  '. 

:.  Mélanges  d'histoire  du  Moyen  âge  offerts  à  M.  Ferdinand  Lot  par  ses 
amis  et  ses  élèves.  Paris,  Champion,  1925,  xlj-770  p.  8°,  avec  quatorze 
planches  hors  texte,  125  fr. 


214  Chronique. 

La  cérémonie  était  présidée  par  M.  Meillet,  président  de  la  section 
historique  et  philologique  de  l'Ecole  des  Hautes-Études.  Outre  le 
discours  de  M.  Meillet,  on  entendit  M.  Béniont,  M.  Ganshof, 
M.  Fawtier,  et  M.  Lot  lui-même,  qui  dans  une  improvisation 
charmante  exposa  l'histoire  critique  de  sa  vie  et  fit  son  examen  de 
conscience  de  professeur  et  de  savant.  Les  Mélanges  Ferdinand  Lot 
ne  contiennent  que  de  l'histoire  du  moyen  âge,  mais  de  l'histoire 
entendue  au  sens  le  plus  large,  c'est-à-dire  comprenant  aussi  la 
littérature,  et  en  un  mot  toute  la  civilisation.  L'auteur  des  Derniers 
Carolingiens  et  du  Règne  de  Hughes  Capet  n'est-il  pas  en  même 
temps  celui  du  Lancelot en  prose  ?  L'ancien  élève  de  Fustel  de  Cou- 
langes  et  d'Arthur  Giry  n'a-t-il  pas  aussi  écouté  les  leçons  de 
Paul  Meyer  et  de  Gaston  Paris  ?  Même,  par  une  initiative  qui  ne 
fut  pas  assez  suivie,  il  ne  dédaigna  pas  de  suivre  l'enseignement 
de  d'Arbois  de  Jubainville  et  de  M.  Gaidoz  ;  il  collabora  au  Cours 
de  Littérature  celtique  et  il  affirma  dans  plusieurs  travaux  sa  compé- 
tence en  matière  celtique.  A  ses  yeux,  on  n'a  jamais  de  la  littéra- 
ture française  du  moyen  âge  qu'une  connaissance  incomplète,  si 
l'on  n'est  pas  capable  de  remonter  soi-même  aux  sources  qui  sont 
de  l'autre  côté  du  détroit.  La  bibliographie  qu'ont  dressée 
MM.  Halphen  et  Fawtier  en  tête  du  volume  montre  la  variété  des 
talents  et  des  curiosités  du  donataire. 

Le  celtique  n'est  pas  absent  de  ce  volume.  M.  Bémont  y  a  donné 
un  joli  article  (p.  41-54),  où  il  défend  l'authenticité  de  la  bulle 
Laudabiliter  (cf.  Rev.  Celt.,XL,  225).  M.  Fawtier,  poursuivant  ses 
études  critiques  sur  la  Bretagne  armoricaine,  exprime  dans  un 
article  subtil  les  doutes  que  lui  inspire  l'historien  Ingomar  (p.  181- 
204).  M.  Merlet  étudie  p.  549-562  l'origine  de  la  famille  des 
Bérenger,  comtes  de  Rennes  et  ducs  de  Bretagne.  Enfin,  un  der- 
nier article,  signé  du  rédacteur  de  cette  chronique,  est  consacré  à 
Pharamond  dans  la  tradition  irlandaise  (p.  743-767).  C'est  la  par- 
ticipation d'un  profane.  Elle  a  une  double  excuse  ;  en  plus  d'un 
témoignage  d'amitié,  elle  est  un  acte  de  reconnaissance  pour  la 
place  que  M.  Ferdinand  Lot  a  prise  dans  le  petit  groupe  des  cel- 
tistes  français. 

II 

L'année  1926  a  vu  paraître  un  beau  volume  de  Mélanges  offert 
au  Professeur  Louis  Gauchat,  de  Berne,  par  ses  amis  et  élèves  de 
la  Suisse  (Festschrifl  Louis  Gauchat,  Aarau,  Sauerlânder,  xviij- 
522  pages  8°).  Les  collaborateurs  ont  naturellement  fait  porter  leur 


Chronique.  2  1 5 

contribution    sur   des   questions   de    philologie  ou   de  littérature 
romane.    Ce   n'est   pas  à  dire  que  les  celtistes  ne  puissent  çà  et  là 
tirer  de  l'ouvrage  un  grand  profit.  M.    Bally,    Sphère  personnelle  et 
solidarité  (p.  68-78),  donne  un  nouveau  modèle  de  ces  pénétrantes 
études  où  il    analyse  si  finement  la  syntaxe  du  français  moderne. 
Partant  de  la  notion  de  sphère  personnelle,  qui  comprend  les  choses 
ou  les  êtres  associés  à  la  personne,  il  en  dégage  la  notion  de  soli- 
darité ou  de  participation   et  il  montre   comment  l'une  et  l'autre 
s'expriment  dans   diverses   langues    indo-européennes,  et  notam- 
ment  en    français.    L'expression    en   paraît   souvent   capricieuse. 
C'est  qu'elle  est  sujette  à  des  renouvellements  fréquents.   Il   faut 
avoir  bien  soin  de  distinguer  les  tours  consacrés  par  l'habitude,  qui 
survivent  d'une  expressivité  antérieure,  et  ceux  qui  viennent  d'être 
créés  par  un  besoin  de  renouvellement  de  l'expression.  Quiconque 
a  pratiqué  les  ouvrages  de  M.  Bally  imagine  sans  peine  combien- 
de  fines  et  délicates  remarques  il  y  a  à  tirer  de   son  joli  article  ! 
Distinction  de  l'article  et  du  possessif  dans  :  baisser  la  yeux,  fermer 
la  bouche,   tourner  la  tête,    donner  la  main  et  dans  veux-tu  baisser  tes 
yeux  !  ferme  donc  la  bouche  !  ne  tourne  pas   ta  tète   !   donne-moi  ta 
main  !  Le   premier  tour   forme   une  locution  stéréotypée  symbo- 
lisant un  acte  subjectif  et  instinctif;  le  second  tour  implique  une 
participation  moins  étroite  et  par  suite  un  effort  volontaire  accompli 
sur  l'objet  (p.  72).   Il  est  question  p.  73   de  la  différence  du  pro- 
nom personnel  et  de  la  personne  désignée  par  un  substantif  dans 
des  cas  comme  :  on   lui  court  après,  on  court  après  le  voleur  ;  on  lui 
tombe  dessus,  on  tombe  sur  F  ennemi.  En  fait,   l'opposition  n'est  pas 
entre  ces  deux  tours  ;  mais,   dans  le  cas  du   pronom,  entre  :  on 
court  après  lui  et  on  lui  court  après,  on  lui  tombe  dessus  et  on  tombe 
sur  lui.  Et  il  s'agit  d'une  opposition  entre  la  langue  littéraire  et  1 
langue  parlée.  Cette    dernière,  qui  tend  à  faire  un  tout  du  groupe 
verbe  -)-  adverbe  (crier  après,   marcher  dessus),  donne  à  ce  tout  un 
régime  pronominal  à   la  place  ordinaire  :  on   te   crie  après,    tu  me 
marches  dessus.  Mais  quand   le  régime  est  un  subtantif,  cette  cons- 
truction  est   impossible  et  le  tour  ancien  subsiste  :  on  crie  après  le 
roi,  tu  marches  sur  mon  frère.  Il  est  vrai  que  la  langue  populaire  a 
toujours  la  ressource  de  dire  :  Le  roi,  on  lui  crie  après  ;  mon  frère, 
tu  lui  marches  dessus. 

M.  Max  Niedermann  étudie,  p.  40-51,  des  cas  d'épenthèse  de  r 
en  roman.  Suivant  une  explication  dont  il  a  déjà  donné  la  for- 
mule (Indog.  An^.,  XVIII,  75),  après  M.  Behrens  (Z.  /.  rom.  Phil., 
XI V,  367)  et  en  même  temps  que  M.  Gauchat lui-même  (Mélanges 
Chabaneau,  Roman.  Forsch.,  XXIII,  871  et  ss.),    il  ramène  ces  cas 


216  Chronique. 

d'épenthèse  à  des  faitsde  dissimulation  consécutifs  à  une  production 
de  phonème  par  assimilation.  Type  :  lat.  tab(ii)la  devenant  *tlabla 
d'où  franco-prov.  Irabla  ;  ou,  en  sens  inverse,  gr.  ancien  [ÏX-Itov 
devenant  *pX;tXov  d'où  gr.  mod.  [iXitio.  M.  Niedermann  donne  de 
chacun  de  ces  types  des  exemples  nombreux  tirés  des  langues 
romanes.  On  peut  être  tenté  de  faire  une  distinction  entre  les 
deux.  Le  premier  est  un  fait  d'anticipation,  dont  le  processus  pho- 
nétique est  bien  connu.  Le  second  se  ramène  souvent  à  un  phé- 
nomène morphologique  de  changement  (ou  d'addition)  de  sut- 
fixe.  Les  langues  celtiques  en  fournissent  maint  exemple,  que  l'on 
trouvera  mentionnés  dans  la  Vergl.  Gr.  de  M.  Pedersen  t.  I, 
p.  332  (avec  des  additions,  R.  Celt.,  XXXI,  p.  5 15). 

Un  article  qui  touche  de  plus  près  au  celtique  est  celui  de 
M.  J.  U.  Hubschmied  (p.  435-438). 

.  Il  existait  en  celtique  des  suffixes  *-ku'i-  *-huo-  ou  *-klvâ-,  qui 
sont  régulièrement  conservés  en  brittonique  sous  la  forme  *-pi-, 
*-po-ou*-pâ-  (cf.  Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  p.  33).  M.  J.  U.  Hub- 
schmied étudie  quelques  mots  gaulois  qui  lui  paraissent  contenir 
ces  suffixes  : 

*kassipà  (*kossipâ),  de  *kaksipâ(*koksipâ)  «  objet  foulé  aux  pieds  » 
(radical  *koksd  «  pied  »).  De  là  seraient  tirés  une  série  de  mots 
romans  de  type  kospa,  kaspa,  gaspa  désignant  le  marc  de  raisin. 

*pelpâ  «  tournant  »  (de  la  racine  *kwel-),  conservé  dans  le  nom 
de  lieu  Beîp,  près  de  Berne,  anc.  Pelpa  ou  Perpa  (Cartulaire  de 
Lausanne,  an  1228).  Le  mot  a  été  traduit  en  alémanique  sous  la 
forme  kir.  De  là  le  nom  de  lieu  Kebrsati  (Satz  =  terrasse),  porté 
par  un  hameau  de  la  commune  de  Belp. 

*wospâ  (d'où  *waspa)  et  *wespâ  «  pâturage  »,  tirés  de  la  racine 
*wes-  «  se  nourrir,  manger  »  (cf.  Rev.  Celt.,  t.  XXXV,  p.  89)  ;  il  y 
en  a  des  représentants  en  roman  :  d'un  côté  normand  gàpe 
v  résidu  de  battage  servant  à  nourrir  le  bétail  »,  d'où  fr.  dial.  gas- 
pailles  «  ce  que  le  van  jette  à  terre  »  et  ^gaspilles  (d'où  le  verbe 
gaspiller};  de  l'autre,  Vespia  nom  ancien  (attesté  en  1 100)  de  la 
ville  de  Viège,  ail.  Visp  en  Valais. 

*alpa-  ou  *alpi-  «  pâturage  »,  de  la  racine  *al-  synonyme  de 
*wes-  ;  c'est  de  là  que  le  nom  des  Alpes  serait  tiré. 

III 

L'édition  du  Forbuis  Dr  orna  Damgaire,  par  laquelle  débute  le 
présent  fascicule  de  la  Revue  Celtique,  a  servi  à  Mlle  Sjœstedt  de 
thèse  complémentaire    pour   l'obtention   du   grade  de  docteur  es 


Chronique.  217 

lettres.  La  thèse  principale  roulait  sur  un  sujet  de  linguistique, 
l'Aspect  verbal  et  les  formations  à  affixe  nasal  en  celtique.  Il  en  sera 
rendu  compte  dans  un  prochain  fascicule.  La  soutenance  des  deux 
thèses  a  eu  lieu  en  Sorbonne  le  12  juin  192e  devant  un  jury  com- 
posé de  MM.  J.  Loth,  A.  Meillet,  J.  Marx,  A.  Ernout,  J.  Bloch  et 
J.  Vendryes.  La  candidate  a  obtenu  à  l'unanimité  la  mention  très 
honorable. 

IV 

On  nous  communique  les  résultats  du- recensement  de  1921  en 
ce  qui  concerne  l'état  linguistique  du  Pays  de  Galles  (y  compris  le 
Monmouthshire).  Nous  les  reproduisons  ci-dessous  en  un  tableau 
par  comté.  La  première  colonne  donne  le  chiffre  global  de  la  popu- 
lation ;  la  seconde  le  chiffre  de  la  population  au-dessus  de  trois 
ans,  sur  lequel  repose  la  répartition  linguistique.  Viennent  ensuite 
dans  les  colonnes  3  et  4  les  chiffres  de  la  population  ne  parlant  que 
gallois,  et  ceux  de  la  population  parlant  anglais  et  gallois  ;  les  deux 
sont  additionnés  dans  la  colonne  5  qui  donne  le  chiffre  global  des 
individus  parlant  gallois.  Enfin,  la  colonne  6  contient  les  chiffres 
de  la  population  qui  ne  parle  qu'anglais,  et  la  colonne  7  ceux  de 
la  population  au-dessus  de  3  ans  sur  laquelle  aucun  renseignement 
linguistique  n'a  été  fourni. 

Population     Population         Ne         Parlant       Total  de  Ne        Population 

totale           an-dessus       parlant     anglais           la  ffarlant           non 

de  }  ans             que           et           population  qu'           recensée 

gallois       gallois       parlant  anglais         pour  la 

gallois  langue 

Anglesey S1 -744  48.877  15.202     26.479     41.681  5-752  1.444 

Carnarvon i3°-975  124.960  32.774     61.199     93-973  28.974  2.013 

Merioneth. . .  . .  45.087  42.806  12.743     22.557     35-3°°  6.547  959 

Montgomery . . .  51.263  48.396  4.324     16.216     20.540  26.826  1.030 

Denbigh 154.842  145.939  12.470     58.778     71.248  68.725  5.966 

Flint 106.617  100.361  2.366     30.872     33.238  61.497  5.626 

Brecon 61.222  57.640  2.626     19.004     21.630  32.821  3.189 

Radnor 23.517  22.313  103       1.291        1.394  20.097  822 

Cardigan 60.831  58.010  15.297     32.752     48.049  7305  2.656 

Carmarthen. . .  .  175.073  164.319  27.158  108.886  136.044  24.839  3.436 

Pembroke 9x-978  86.423  5.079     21.345     26.424  57895  2.104 

Glarnorgan  . .  .  .  r. 252.481  1.1(67.969  25.827  346.725   372.552  753.816  41 .601 

Monmouth 450.794  423.875  1.047     26.081     27.128  387.776  8.971 

Totaux..      .  2.656.434  2.491.888  157.016  772.185  929.201  1.482.870  79  817 


218  Chronique. 

Si  l'on  compare  ces  résultats  avec  ceux  du  recensement  de  1901, 
tels  qu'ils  figurent  dans  la  brochure  de  J.  E.  Southall,  tbe  Welsh 
Languaoc  Census  oj  1901  (Newport,  1904,  60  p.  8°,  with  a  colou- 
red  map  of  Wales,  6  d.),  on  constate  d'abord  que  la  population 
ne  parlant  que  gallois  a  fortement  diminué.  Elle  atteignait  encore 
le  chiffre  de  280.985  en  1901  ;  elle  n'est  plus  en  1921  que  de 
157.016.  Si  l'on  tient  compte  des  bilingues,  on  constate  que  le 
parler  gallois  se  maintient  à  peu  prés  stationnaire,  toutefois  avec 
une  légère  tendance  à  décroître.  De  1891  à  1901  se  marquait  une 
tendance  inverse,  puisque  la  population  parlant  gallois  atteignait 
en  1901  un  total  de  929.824  individus  contre  898.914  en  1 891.  Il 
est  instructif  de  suivre  par  comté  les  fluctuations  du  parler  gallois 
de  1891  à  1921.  En  voici  les  chiffres  : 


Anglesey. 

Carnarvon 

Merioneth 

iMontgomery 

Denbigh. 

Flint 

Brecon 

Radnor 

Cardigan  

Carmarthen 

Pembroke 

Glamorg.ni 

Monmouth 

Pour  être  exactement  interprétés,  ces  chiffres  doivent  être  d'abord 
rapportés  à  ceux  de  la  population  globale  du  pays.  On  s'aperçoit 
alors  que  le  gallois  décroît  sérieusement.  La  population  de  la  prin- 
cipauté a  en  effet  beaucoup  augmenté,  passant  de  1. 771. 174  en 
1891  à  1.864.696  en  1901  pour  atteindre  en  1921  2.656.434:  Cette 
augmentation  n'est  due  qu'en  partie  à  la  natalité  ;  elle  résulte  sur- 
tout de  l'immigration,  l'industrie  galloise  attirant  à  elle  un  nombre 
croissant  de  travailleurs  étrangers  au  pays.  Les  statistiques 
accusent  d'ailleurs  d'assez  torts  déplacements  de  population  entre 
les  divers  comtés  ;  c'est  ainsi  que  visiblement  les  comtés  ruraux 
tendent  à  se  dépeupler  au  profit  des  centres  industriels,  surtout 
miniers.  Ces  conditions  sont  peu  favorables  au  maintien  du  gal- 
lois, qui  se  trouve  plus  exposé  à  l'action  destructive  de  l'anglais  et 
moins  capable  de  s'en  défendre. 


1891 

1901 

1921 

30.021 

43-554 

41.681 

105 .771 

105 . 301 

93-973 

57- 157 

42.755 

35-300 

31.856 

24.341 

20.540 

71.322 

75.604 

71 .248 

27.021 

37.290 

33  238 

18.689 

23.119 

21.630 

987 

1 .  360 

1-394 

77-751 

55.638 

48.049 

99.028 

1 1 3 • 947 

136.044 

24. I71 

28.333 

26.424 

316.071 

344.892 

372.552 

39.069 

35.690 

27. 128 

Chronique.  219 


Le  problème  du  bilinguisme  est  un  des  plus  délicats  de  la  lin- 
guistique; il  a  un  côté  théorique  et  un  côté  pratique,  c'est-à-dire 
qu'il  intéresse  à  la  fois  l'historien  et  le  pédagogue.  C'est  au  point 
de  vue  pédagogique,  «  educational  »  comme  on  dit  en  anglais,  que 
se  sont  surtout  placés  les  auteurs  d'un  petit  livre  publié  en  1924  à 
Wrexham  (librairie  Hughes  and  Son,  112  p.  in-12,  2  s.  éd.),  sous 
le  titre  The  bi lingual  problem,  a  Study  based  upon  experiments  and 
observations  in  Wales.  Ces  auteurs  sont  au  nombre  de  trois, 
M.D.J.  Saer,  M.  Frank  Smith  et  M.  John  Hughes.  Le  premier  a 
déjà  été  mentionné  dans  la  Revue  Celtique,  comme  l'auteur  de  The 
Story  of  Cardiganshire,  (t.  XXXIII,  p.  122). 

Le  principal  intérêt  de  leur  ouvrage  est  qu'ils  se  sont  résolument 
placés  sur  le  terrain  de  l'expérience  et  des  faits.  Ils  sont  partis  des 
données  statistiques  relatives  au  langage  pour  tracer  la  courbe  de 
la  décadence  du  gallois  depuis  le  début  du  xxe  siècle.  Pour  le 
recensement  de  1921,  les  chiffres  qu'ils  ont  eus  à  leur  disposition, 
et  qui  étaient  des  chiffres  provisoires,  diffèrent  légèrement  de  ceux 
qui  ont  été  reproduits  ci-dessus  d'après  les  documents  officiels. 
Mais  cela  ne  modifie  guère  les  conclusions  qu'on  en  peut  tirer.  Le 
gallois  perd  du  terrain  ;  c'est  un  fait  incontestable  ;  et  le  nombre 
des  individus  qui  ne  parlent  que  gallois  diminue  si  rapidement 
qu'on  peut  prévoir  un  moment  prochain  où  tous  ceux  qui  parle- 
ront gallois  seront  bilingues.  Cela  crée  au  gallois  une  situation  à 
part,  qui  réclame  toute  l'attention  des  autorités  scolaires.  La  ques- 
tion est  de  savoir  comment  doit  être  donné  l'enseignement  des 
deux  langues.  Faut-il  dès  le  début  les  faire  apprendre  conjoin- 
tement toutes  les  deux  et  donner  à  l'école  les  éléments  de  l'une  aux 
enfants  qui  chez  eux  ne  parlent  que  l'autre  ?  ou  bien  y  a-t-il 
intérêt  à  pousser  l'étude  de  l'une  pour  remettre  à  un  âge  plus 
avancé  l'apprentissage  de  l'autre  ?  Les  auteurs  ont  institué  des 
enquêtes  sur  les  effets  du  bilinguisme,  quant  au  développement 
intellectuel  des  enfants  ;  et  ils  en  publient  les  résultats,  qui  sont 
assez  inattendus.  Le  principal  est  que  les  enfants  monoglottes  se 
développent  plus  rapidement  et  mieux  que  les  bilingues.  Aussi  les 
auteurs  concluent-ils  en  proposant  de  ne  faire  apprendre  aux 
enfants  qu'une  seule  langue  (l'anglais  ou  le  gallois)  jusqu'à  l'âge 
de  neuf  ans.  C'est  alors  seulement  que  devrait  commencer  l'appren- 
tissage de  la  seconde  langue,  et  par  la  méthode  directe.  On  dis- 
cutera sans  doute  leurs  conclusions;  on  discutera  surtout  les  expé- 


220  Chronique. 

riences  qui  les  y  ont  conduits.  Il  est  certain  que  l'usage  des  tests, 
tels  que  le  pratiquent  certains  psychologues,  laisse  souvent  à  désirer  ; 
on  ne  doit  en  tirer  de  conclusions  qu'avec  la  plus  grande  prudence. 
Mais  la  discussion  reste  ouverte.  Le  témoignage  que  les  auteurs  de 
ce  petit  livre  versent  aux  débats  mérite  en  tout  cas  une  attentive 
considération. 

VI 

Il  s'est  tenu  à  Paris  au  mois  d'octobre  1923  un  congrès  d'histoire 
des  religions,  sous  les  auspices  de  la  Société  Ernest  Renan.  En  se 
faisant  connaître  au- monde  savant  par  une  initiative  des  plus 
fécondes,  cette  société  accomplissait  un  acte  de  piété  envers  son 
patron,  dont  on  célébrait  la  même  année  le  centenaire  (cf.  Rev. 
Celt.,  XL,  205).  Les  Actes  du  Congrès  ont  paru  à  Paris  chez  l'édi- 
teur Champion  en  1925.  Ils  forment  deux  forts  volumes  de  519  et 
466  pages  grand  8°,  avec  figures  et  2  planches  hors  texte.  Le  prix 
en  est  de  125  fr. 

Le  Congrès  comprenait  douze  sections  dont  la  neuvième  avait 
dans  son  apanage  la  religion  des  Celtes.  C'est  à  cette  section  que 
M.  Czarnowski  présenta  le  travail  sur  l'arbre  d'Esus  et  le  culte  des 
voies  fluviales  en  Gaule,  publié  depuis  dans  la  Revue  Celtique, 
t.  XLII,  p.  1-57.  Les  Actes  du  Congrès  n'en  contiennent  qu'un 
résumé  fort  bref,  t.  II,  p.  163.  Une  communication  de  M.  G.  Poisson 
sur  les  influences  ethniques  dans  la  religion  irlandaise  n'est  éga- 
lement donnée  qu'en  résumé  dans  les  Actes  (t.  II,  p.  208).  En 
revanche  on  y  trouvera  au  complet  la  communication  de 
M.  Albert  Bayet  sur  les  sacrifices  humains  en  Gaule  (t.  II,  p.  178- 
198).  L'auteur  y  discute  les  textes  sur  lesquels  on  s'appuie  d'ordi- 
naire pour  prouver  l'existence  en  Gaule  de  sacrifices  humains  ;  il 
leur  dénie  à  peu  près  toute  valeur  et  conclut  que  si  les  Gaulois, 
comme  d'autres  peuples,  ont  parfois  immolé  des  victimes,  la  répu- 
tation de  férocité  qu'on  leur  a  faite  provient  de  légendes  hostiles  et 
est  démesurément  exagérée.  L'auteur  paraît  surtout  préoccupé 
d'ôter  tout  caractère  rituel  ou  religieux  aux  meurtres  dont  il  accepte 
la  véracité.  Il  est  regrettable  que  dans  son  étude  il  ait  complètement 
négligé  ce  que  nous  savons  des  Celtes  insulaires  et  notamment  de 
ceux  d'Irlande.  Une  cite  même  pas  le  beau  travail  de  M.F.N.  Robin- 
son,  que  la  Revue  Celtiques  analysé,  t.  XXXIV,  p.  470. 

Le  celtique  est  touché  çà  et  là  dans  quelques  autres  mémoires 
présentés  au  Congrès.  Ainsi,  à  la  page  152  du  tome  Ier  des  Actes, 
on  trouvera  un  article  où    M.    van   Genne.p  rattache   le  culte   de 


Chronique.  221 

Saint  Antoine,  tel  qu'il  existe  aujourd'hui  en  certaines  parties  de 
la  Savoie,  au  culte  gallo-romain  de  la  déesse  Epona  et  du  dieu 
Mullo  (Mars  Mullo).  Le  culte  actuel  de  Saint  Antoine  dans  cette 
région  est  en  effet  celui  d'un  protecteur  des  chevaux,  ânes  et 
mulets  ;  il  y  aurait  dans  les  cérémonies  encore  en  usage  lors  de  la 
fête  du  saint  des  restes  d'un  vieux  rituel  gaulois. 

A  la  page  238  du  même  tome  1er,  M.  P.  Saintyves,  expliquant 
le  mythe  de  Josué  par  la  méthode  comparative,  rappelle  l'anecdote 
de  la  vie  de  Saint  Fechin,  où  le  saint  «  arrête»  le  soleil  pour  per- 
mettre à  quelques-uns  de  ses  moines,  fatigués  par  une  longue 
marche,  de  rentrer  au  monastère  avant  la  nuit.  M.  Saintyves  ne 
connaît  ce  miracle  que  par  Bugatta,  dont  l'ouvrage,  Admiranda 
orbis  Cbristiani,  date  de  1695.  Il  fallait  renvoyer  à  l'édition  des 
Vilae  Sanctoriim  Hiberniae,  de  noire  savant  collaborateur  C.  Plum- 
mer,  t.  II,  p.  83,  §  xx. 

VII 

Il  se  fait  quelque  bruit  depuis  plusieurs  mois  dans  le  monde  des 
archéologues  au  sujet  de  trouvailles  provenant  de  Glozel,  commune 
de  Ferrières-sur-Sichon,  département  de  l'Allier.  Il  s'en  fera  plus 
encore,  quand  ces  trouvailles  seront  connues  davantage,  surtout  si 
les  fouilles  continuent  à  être  aussi  fructueuses  qu'elles  l'ont  été 
jusqu'ici. 

Le  icf  mars  1924,  un  cultivateur  de  Glozel,  M.  Emile  Fradin, 
en  labourant  un  champ,  mit  au  jour  deux  petites  briques  à  cupules 
qui  attirèrent  son  attention.  Des  recherches  immédiatement  entre- 
prises firent  découvrir  une  longue  fosse  ovalaire,  dont  le  fond  était 
constitué  de  seize  grandes  dalles  cuites  portant  de  nombreuses 
empreintes  digitales.  Poursuivies  sur  les  indications  d'une  institu- 
trice du  pays,  Mlle  Picandet,  puis  d'un  instituteur  d'une  commune 
voisine,  M.  Clément,  les  fouilles  devinrent  méthodiques  lorsque 
M.  le  Dr  Morlet,  de  Vichy,  en  eut  pris  la  direction,  au  mois  d'avril 
1925.  Elles  ont  amené  la  découverte  d'objets  fort  variés  de  l'in- 
dustrie préhistorique,  parmi  lesquels  des  haches,  des  tranchets, 
une  erminette,  un  aiguisoir,  des  maillets,  des  instruments  agricoles, 
une  palette  à  cupule  et  un  timbre  matrice  avec  dépôt  d'ocre  pour 
peinture  corporelle,  diverses  poteries  avec  ou  sans  décor,  des 
briques  à  empreintes  de  mains,  des  lampes  en  argile,  des  cornes 
sacrées  en  pierre,  des  idoles  à  type  viril,  des  polissoirs  à  main 
galets  perforés,  des  anneaux  en  schiste,  des  flèches  et  des  harpj.... 
en  pierre  et  en  bois  de  cerf,  enfin  un  atelier  complet  de  verroterie. 


222  Chronique. 

L'importance  d'un  pareil  ensemble  est  assurément  considérable; 
mais  l'auteur  de  cette  chronique  laisse  à  de  plus  compétents  le  soin 
d'en  apprécier  la  valeur.  Aussi  bien,  le  principal  intérêt  de  la  trou- 
vaille n'est-il  pas  là  ;  ce  qui  assure  à  la  station  de  Glozel  la  plus 
grande  part  de  sa  célébrité,  ce  sont  les  documents  a  écrits  » 
qu'elle  a  fournis.  En  plus  de  tous  les  objets  précités,  les  fouilles 
ont  en  effet  mis  au  jour  trente-cinq  tablettes  d'argile  portant  des 
inscriptions  !  C'est  une  découverte  sensationnelle  '. 

Sur  la  portée  de  cette  découverte,  les  sentiments  ont  été  dès  le 
début  et  restent  encore  très  partagés.  Certains  ont  mis  en  doute 
l'authenticité  des  objets  trouvés  et  conseillé  le  scepticisme.  Mais  le 
scepticisme  est  une  attitude  vaine  s'il  n'inspire  pas  le  doute  métho- 
dique d'où  naît  la  recherche  de  la  vérité.  Des  savants  qualifiés,  qui 
ont  pris  la  peine  de  se  rendre  sur  les  lieux  pour  contrôler  l'exé- 
cution des  fouilles,  en  garantissent  sans  hésiter  les  résultats. 

L'explication  des  caractères  gravés  sur  les  tablettes  de  Glozel  a 
été  cherchée  déjà  dans  les  voies  les  plus  diverses.  Pour  les  uns,  il 
s'agirait  de  tablettes  magiques  du  temps  des  empereurs  romains, 
et  l'écriture  devrait  pouvoir  en  être  déchiffrée  avec  un  peu  de  patience 
et  de  soin.  Mais  cela  n'explique  pas  la  présence  de  ces  tablettes  dans 
une  station  dont  l'outillage  est  néolithique.  Pour  d'autresau  contraire, 
on  aurait  à  faire  à  une  écriture  contemporaine  de  l'âge  du  renne  ; 
une  des  inscriptions  de  Glozel  figure  en  effet  sur  un  galet  où  est 
représenté  un  renne  ;  il  faut  donc  croire  que  cette  écriture  était  en 
usage  à  une  époque  où  le  renne  n'avait  pas  encore  quitté  le  centre 
de  l'Europe  pour  se  retirer  vers  les  régions  boréales.  Mais  cette 
époque  est  singulièrement  lointaine,  au  dire  des  préhistoriens,  et 
on  est  un  peu  effrayé  des  conclusions  où  ce  raisonnement  conduit. 

Quelle   que    soit  l'explication   de   la  présence  du  renne  sur  un 

i.  Voici  dans  l'ordre  chronologique  les  publications  auxquelles  les  fouilles 
de  Glozel  ont  donné  lieu   jusqu'ici    : 

Dr  A.  Morlet  et  Emile  Fradin,  Nouvelle  station  néolithique  (ier  fascicule) 
Vichy,  imprimerie  Octave  Belin,    1925,   54  pages  (avec  54  illustrations); 

Les  mêmes,  Nouvelle  station  néolithique,  L'alphabet  de  Glozel  (2e  fascicule), 
Vichy,  Octave  Belin,  1926,  24  pages  (avec  20  illustrations); 

Les  mêmes,  Nouvelle  station  néolithique,  le  Glo^elien  (3e  fascicule),  Vichy, 
imprimerie  Wallon,  1926,  54  pages  (avec  58  illustrations); 

Dr  A. Morlet,  Invention  et  diffusion  de  Valphabet  néolithique,  Paris,  extrait 
du  Mercure  de  France,  numéro  du  Ier  avril  1926  ; 

Dr  A.  Morlet,  L'alphabet  néolithique  de  Glozel  et  ses  ascendances,  Paris, 
extrait  du  Mercure  de  France,  numéro  du  Ier  juillet  1926  (suivi  de  Une  visite 
à  Glo\el  par  A.  van  Gennep). 


Chronique.  223 

galet  de  Glozel,  récriture  des  inscriptions,  qui  est  d'un  type  linéaire 
manifestement  déjà  très  évolué,  n'apparaît  pas  comme  quelque 
chose  de  tout  à  fait  inconnu.  Bien  au  contraire.  En  parcourant  des 
yeux  l'alphabet  qu'a  établi  M.  le  Dr  Morlet,  on  est  frappé  des 
ressemblances  qu'il  présente  avec  l'alphabet  dit  égéen  ou  égéo- 
crétois. 

On  connaît  par  les  belles  découvertes  et  les  publications  de  Sir 
Arthur  Evans  l'écriture  dont  se  servaient  les  peuples  de  la  Méditer- 
ranée orientale  antérieurement  â  l'arrivée  des  Grecs.  On  peut  même 
suivre  l'évolution  de  cette  écriture,  qui  apparaît  sur  les  plus  an- 
ciens monuments  sous  la  forme  d'idéogrammes  à  peine  stylisés  et 
qui  aboutit  à  une  écriture  linéaire  sur  les  monuments  plus  récents 
(v.  Sir  Arthur  Evans,  Scripta  Mitioa,  p.  114  ;  et  le  même,  Cretan 
Pictographs  and  praephoenician  Script,  189s).  Ce  type  d'écriture  se 
rencontre  aussi  en  Egypte.  Les  fouilles  de  Pétrie  l'ont  fait  décou- 
vrir sur  des  poteries  contemporaines  de  la  xne  dynastie  (cf.  Capart, 
Les  débuts  de  l'art  en  Egypte,  p.  140-142),  et  Sir  Arthur  Evans  a 
reconnu  l'identité  des  signes  inscrits  sur  ces  poteries  et  des  alpha- 
bets linéaires  créto-égéens  (Further  discoveries  of  Cretan  and  Aegean 
Script  tvith  Libyan  and  Proto-egyptian  comparisons,  1898).  Cette 
identité  démontre  l'extension  à  l'Egypte  de  la  civilisation  égéenne. 
Elle  s'étendait  également  à  la  côte  de  l'Asie  Mineure,  comme  l'ont 
prouvé  les  fouilles  de  Schliemann  à  Hissarlik,  sur  l'emplacement 
de  l'antique  Troie.  Les  monuments  trouvés  à  cet  endroit  notamment 
les  poteries,  vases  ou  fusaïoles,  présentent  aussi  des  inscriptions 
dont  l'écriture  offre  de  grands  rapports  avec  celle  des  inscriptions  de 
Glozel  (voir  A.  H.  Sayce,  die  Inschriften  von  Hissarlik  .dans  le  grand 
ouvrage  de  Schliemann,  Ilios,  Leipzig,  1881,  p.  766-781  ;  cf.  aussi 
W.  Dôrpfeld,  Troja  und  llion,  Berlin,  1902,  t.  I,  p.  427). 

Enfin,  il  y  a  une  vingtaine  d'années,  on  a  découvert  en  Transyl- 
vanie, dans  une  localité  du  nom  de  Tordos,  à  l'Ouest  de  Broos, 
sur  la  rive  sud  du  Maros  (Comitat  de  Hunyad),  une  station  néoli- 
thique qui  a  fourni  des  poteries  portant  des  signes  gravés  très  sem- 
blables à  ceux  d'Hissarlik  (v.  Hubert  Schmidt,  Zeitschriftfùr  Ethno- 
logie, t.  XXXV,  1903,  p.  438-469,  notamment  p.  459);  la  ressem- 
blance est  naturellement  la  même  avec  les  inscriptions  de    Glozel. 

Celles-ci  ne  sont  donc  pas  isolées.  Elles  rentrent  dans  une  série 
dont  le  point  de  départ  est  en  Crète  et  qui  par  l'Egypte  et  la  Troade 
s'étend  à  la  Transylvanie  et  à  l'Europe  occidentale.  Il  conviendra  de 
modifier  en  conséquence  quelques  détails  du  bel  article  que  Sir 
Arthur  Evans  publiait  en  1908  sur  «  the  European  diffusion  of 
primitive  pictography  »,    p.  40-41   {Anthropology   and  the  Classics, 


224  Chronique 

six  lectures  delivered  before  the  University  of  Oxford  bv  Arthur 
G.  Evans,  Andrew  Lang,  Gilbert  Murray,  F.  B.  Jevons,  J.  L.  Myres 
and  W.  Warde  Fowler).  Nous  tenons  maintenant  un  nouveau 
centre  d'écriture  égéenne.  Glozel  est  le  point  extrême  actuellement 
connu  où  cette  écriture  ait  pénétré  dans  la  direction  du  Nord- 
Ouest. 

On  ne  pourra  évidemment  tenter  un  déchiffrement  des  signes  de 
Glozel  que  le  jour  où  les  scripta  minoa  auront  livré  leur  secret.  Il 
n'est  pasdit  d'ailleurs  que  les  mêmes  signes  recouvrent  les  mêmes 
sons  d'une  même  langue  à  Cnossos  et  à  Mycènes,  à  Negadah,  à  His- 
sarlik,  à  Tordos,  à  Glozel.  On  peut  même  se  demander  si  l'écriture 
linéaire  glozélienne  ne  renferme  pas  encore  quelques  idéogrammes. 
Un  fait  important  est  l'usage  du  svastika.  Ce  signe  est  des  plus 
fréquents  sur  les  poteries  d'Hissarlik  (v.  Schliemann,  llios,  1882, 
p.  389  et  Troja,  1884,  p.  132;  Dôrpfeld,  Troja  und  Ilion,\.  I, 
p.  256  et  ss.  et  Troja  1893,  Berlin,  1894,  p.  117,  119,  etc.).  Il 
apparaît  également  sur  les  poteries  de  Tordos  et  on  le  retrouve 
dans  l'écriture  linéaire  de  la  Haute-Egypte,  aussi  bien  que  sur  des 
terres  cuites  étrusques.  Or  le  svastika  fait  partie  des  signes  qu'a 
relevés  le  Dr  Morlet  (voir  notamment  dans  le  3e  fascicule,  les  figures 
34  et  35).  Cela  donne  à  penser  que  les  tablettes  de  Glozel  pour- 
raient bien  être  des  tablettes  magiques,  contenant  certains  signes  à 
valeur  idéographique  comme  le  svastika  '. 

VIII 

L'existence  de  relations  directes  entre  l'Irlande  et  l'Ibérie  dans 
les  temps  préhistoriques  n'est  pas  une  pure  hypothèse,  que  de 
vagues  traditions  irlandaises  sur  les  migrations  desMilésiens  vien- 
draient  seulement  appuyer.  Plusieurs  faits  archéologiques  la  con- 
firment, et  notamment  la  forme  et  l'ornementation  des  objets  de 
cuivre(haches-poignards)etd'or  (croissants  ou  lumdae)  trouvés  dans 
les  stations  préhistoriques  de  l'Irlande  et  de  la  péninsule  hispa- 
nique. A  ces  témoignages  bien  connus,  M.  J.  Loth  en  ajoute  un 
nouveau,  qui  paraît  décisif.  Dans  les  Mémoires  de  la  Société  d'Histoire 
et  d'Archéologie  de  Bretagne  (1925,  p.  137-155),  il  rappelle  la  décou- 
verte mentionnée  par  W.  C.  Borlase  (The  Dolmens  of  Ireland, 
London,  1897,  t.  II,  p.  45e)  de  trois   larges  urnes  ou  jarres  mises 

1 .  D'ailleurs  le  svastika  n'est  pas  particulieràl'art  égéen  :on  le  rencontre 
aussi  au  Yucatan  !  Sur  l'emploi  du  svastika,  voir  J.  Déchelette,  t.  II,  pp.  45  3, 
468,  481,  1 500  et  1502. 


Chronique.  225 

au  jour  en  1737  près  de  Castle  Safïron,  Co.  Cork.  Borlase  repro- 
duit la  description  qu'en  donne  Charles  Smith  dans  The  ancient 
and  présent  state  of  Country  and  Citv  of  Cork.  Il  en  résulte  que 
c'étaient  des  urnes  funéraires  dans  lesquelles  le  cadavre  avait  été 
introduit  par  morceaux  découpés,  que  des  fils  de  cuivre  réunissaient 
en  partie.  Or,  les  sépultures  en  jarre  sont  très  communes  dans 
le  sud  de  l'Espagne  ;  et  l'habitude  de  décharner  et  de  désarticuler 
les  cadavres  avant  de  les  mettre  en  jarre  est  attestée  à  l'époque  pré- 
historique dans  les  îles  Baléares.  Cet  usage  est  trop  particulier  pour 
qu'on  en  puisse  expliquer  la  présence  dans  les  deux  pays  autrement 
que  par  une  communauté  de  civilisation,  peut-être  même  de  popu- 
lation. L'examen  des  courants  marins  prouve  qu'il  y  a  entre  l'Es- 
pagne et  l'Irlande  de  singulières  facilités  de  communication,  que 
les  navigateurs  préhistoriques  connaissaient  et  utilisaient  certai- 
nement. Une  escale  s'offrait  à  eux,  en  Armorique.  Aussi  n'est-il 
pas  étonnant  que  le  sol  de  notre  Bretagne  ait  fourni  tant 
d'objets  qui  attestent  des  relations  communes  avec  les  deux  terres 
occidentales  de  l'Europe. 

IX 

Le  mont  Auxois  est  avec  le  mont  Beuvray  et  la  montagne  de 
Gergovie  un  des  plus  illustres  témoins  de  nos  origines  nationales. 
Des  trois,  c'est  le  plus  émouvant,  le  plus  vénérable,  puisqu'il  a  vu 
les  derniers  efforts  de  Vercingétorix  luttant  pour  l'indépendance. 
Il  a  en  outre  sur  les  deux  autres  un  grand  avantage  :  le  sol  de 
Gergovie  attend  toujours  d'être  fouillé,  et  celui  du  Beuvray  a  cessé 
à  peu  près  de  l'être  depuis  la  mort  de  Bulliot  en  1902  (v.  Rev.  Celt., 
XX,  373  et  XXV,  90).  Au  contraire,  on  continue  à  explorer  régu- 
lièrement et  méthodiquement  le  plateau  d'Alésia.  Ce  qu'on  y  a 
trouvé  forme  un  ensemble  imposant,  réparti  entre  les  deux  musées 
du  village.  Le  champ  de  fouilles  est  vaste  et  bien  entretenu.  Notre 
passé  gaulois  et  gallo-romain  y  apparaît  à  découvert.  Alésia  est 
notre  forum  romain,  notre  Delphes.  Tout  Français  cultivé  devrait 
y  venir  en  pèlerinage. 

En  dehors  des  publications  scientifiques,  où  des  savants  com- 
pétents rendent  compte  des  fouilles  et  en  discutent  les  résultats,  le 
touriste  a  pour  s'orienter  le  Guide  du  visiteur  à  Alésia,  édité  par  la 
Société  des  Sciences  de  Semur  et  qui  se  vend  sur  place  au  prix  de 
5  fr.  (nouvelle  édition,  63  pages  gr.  8°  avec  25  figures).  On  y 
trouve,  avec  quelques  renseignements  pratiques,  une  description 
de  l'état  actuel  des  fouilles  et  des  objets  conservés  dans  les  musées. 

Revue  Celtique,   X  LUI.  1  c 


226  Chronique. 

Mais  il  est  utile  au  visiteur  de  pouvoir  se  représenter  en  perspec- 
tive les  principaux  événements  historiques  dont  le  mont  Auxois  a 
été  le  théâtre  et  d'avoir  une  sorte  de  chronologie  raisonnée  à  fois 
des  découvertes  qu'on  y  a  faites  et  des  thèses  archéologiques  que 
ces  découvertes  ont  suscitées.  C'est  pour  répondre  à  ce  besoin  que 
M.  Salomon  Reinach  a  composé  une  brochure  intitulée  Épbémérides 
d'Alésia,  Histoire,  Fouilles,  Controverses  (Paris,  Leroux,  1925,  75  p. 
gr.  8°.  5  fr.).  Le  savant  auteur  y  a  employé  une  méthode  dont  il 
avait  déjà  donné  un  modèle  dans  son  Répertoirede  l'art  quaternaire 
(Paris,  191 3,  p-  xij-xxxviij).  Son  buta  été  d'abord  de  rendre  hom- 
mage à  l'activité  de  ceux  qui  ont  constitué,  souvent  aux  dépens  de 
leur  santé  ou  de  leur  fortune,  ce  trésor  de  monuments  ;  mais  aussi 
de  montrer,  documents  en  main,  par  combien  de  tâtonnements 
et  d'efforts  en  sens  divers  réussit  à  se  constituer  la  science  archéo- 
logique. C'est  une  bonne  leçon  de  méthode  qu'il  donne  aux  jeunes 
en  mettant  sous  leurs  yeux  ce  qu'ont  fait  les  aînés.  Dans  ces  éphé- 
méridesil  n'yapas  cependant  que  desexemplesà  suivre.  On  est  peiné, 
en  les  lisant,  de  voir  la  place  qu'y  tiennent  les  rivalités  personnelles 
et  les  conflits  d'intérêts  privés.  Sur  le  sol  d'Alise,  où  ont  eu  lieu  les 
combats  les  plus  héroïques  pour  la  cause  la  plus  sacrée,  naissent 
aujourd'hui  entre  savants  de  misérables  querelles.  Ainsi  va  le 
monde.  C'est  le  Lutrin  après  l'Iliade. 

X 

Pro  Nervia,  tel  est  le  titre  d'une  revue  qui  se  publie  à  Avesnes 
sous  le  patronage  du  Syndicat  d'Initiative  de  la  région  de  Bavay  et 
qui  est  consacrée  à  l'histoire  et  l'archéologie  de.  l'ancien  pays  des 
Nerviens.  Le  directeur  en  est  M.  Maurice  Henault,  bibliothécaire 
à  Valenciennes  et  directeur  du  Musée  de  Bavay.  Dans  les  premiers 
numéros,  M.  Paul  Darche  publie  une  importante  série  de  marques 
de  potiers,  figurant  sur  des  poteries  trouvées  à  Bavay.  Il  est  inté- 
ressant de  les  confronter  avec  les  marques  des  poteries  de  la  Grau- 
fesenque  (v.  R.  Ceît.,  XLI,  p.  52).  Les  noms  Albanus,  Albinus, 
Albus,  Privatus,  etc.  se    retrouvent  notamment  aux.  deux  endroits. 

XI 

Dans  les  Videuskapssclskabets  Skrifter  de  Kristiania  (Hist.  fil. 
Klasse),  M.Marstrander  apubliéen  1924  une  brochurede  34  pages 
sur  l'histoire  des  mesures  de  poids  chez  les  Germains  (Spredie 
Ridrag  til    Voegtens  og  Voegtterminologieus  Historié  bos  Germanerne). 


Chronique.  227 

Ses  conclusions  sont  résumées  p.  31  et  s.  Il  ne  croit  pas  que  la 
linguistique  puisse  déterminer  quel  était  le  système  de  poids  en 
usage  chez  les  Indo-Européens,  même  du  groupe  occidental.  Il  ne 
croit  pas  davantage  que  la  linguistique  puisse  établir  l'existence 
d'un  système  de  poids  germano-celtique  et  prouver  une  part  quel- 
conque d'influences  celtiques  dans  le  système  de  poids  des  Ger- 
mains. Celui-ci,  qui  était  en  vigueur  au  temps  de  la  civilisation  de 
Hallstatt,  vient  directement  des  Romains.  C'est  le  plus  archaïque 
de  l'Europe,  puisqu'il  reproduit  le  système  romain  de  la  seconde 
moitié  du  111e  siècle.  Le  latin  aweus  a  passé  en  Scandinave  sous  la 
forme  eyrir  ;  et  on  retrouve  le  latin  argenteus  dans  le  premier  terme 
du  composé  ert-ug,  qui  a  pour  second  terme  le  mot  *iuiïgu-«  poids  ». 
Uertug  est  la  troisième  partie  de  Y  eyrir  comme  le  tremissis  de 
Yalérien  (p.  23)  était  le  tiers  du  solidus.  Quant  au  mot  shilling, 
german.  anc.  *skeldulingni,  c'est  une  traduction  du  latin  clipeolus, 
nom  vulgaire  des  médailles  romaines  à  effigie  impériale.  C'est  ainsi 
que  l'étvmologie  vient  confirmer  une  idée,  soutenue  précédemment 
par  M.  A.  W.  Brogger  pour  des  motifs  archéologiques,  celle  de 
l'origine  romaine  du  système  de  poids  en  usage  chez  les  Germains. 

Le  celtique,  cela  va  sans  dire,  n'est  pas  négligé  dans  ce  savant 
travail.  M.  Marstrander  l'invoque,  p.  9  et  s.,  à  propos  de  la  racine 
germanique  *met-  «  mesurer  »  ;  et  cela  donne  lieu  à  une  intéres- 
sante étude  sur  les  dérivés  irlandais  de  cette  racine.  A  signaler  aussi 
la  mention  p.  19-20  des  formes  celtiques  empruntées  au  radical 
latin  argentuin. 

XII 

Sous  le  titre  Adattamcnto  e  distiniionencllafoneticalalina,  un  jeune 
linguiste  italien,  M.  Giacomo  Devoto,  a  publié  en  1924  à  Florence 
(maison  F.  Le  Monnier,  xij-132  p.  8°,  20  lire)  un  livre  que  tous 
ceux  qui  s'intéressent  à  l'histoire  des  langues  liront  avec  le  plus 
grand  profit.  C'est  un  livre  en  effet  nourri  d'idées  générales,  et  où 
l'auteur,  qui  sait  voir  juste  et  penser  par  lui-même,  a  appliqué  au 
Jatin  une  doctrine  linguistique  originale.  Le  titre  ne  donne  pas  une 
idée  exacte  du  contenu.  M.  Devoto  dans  sa  préface  l'interprète  par 
«  conguagliamento  e  differenziazione  »,  qui  n'est  pas  beaucoup 
plus  exact.  En  réalité,  le  problème  débattu  ici  est  de  l'un  des  pro- 
blèmes fondamentaux  de  la  «  parole  »,  au  sens  que  de  Saussure 
donne  à  ce  mot;  il  s'agit  de  la  position  psychologique  de  l'individu 
à  l'égard  de  la  «  langue  »,  il  s'agit  de  cet  ensemble  complexe  d'ana- 
lyses et  de  synthèses,  d'imitations  et  de  créations  que  l'on  accom- 


228  Chronique. 

plit  en  parlant.  Le  titre  ferait  croire  à  une  simple  étude  phonétique. 
C'est  bien  plutôt  d'esthétique  du  langage  qu'il  est  question  ici, 
puisque  tout  s'y  ramène  à  fixer  la  part  des  innovations  conscientes 
de  l'individu  et  celle  des  servitudes  qui  lui  -sont  imposées  par  le 
milieu  où  il  vit. 

Partant  de  cette  idée  que  la  perception  d'une  phrase  quelconque 
par  l'esprit  comporte  non  seulement  la  distinction  d'éléments 
abstraits  d'importance  diverse,  mais  encore  l'évaluation  du  carac- 
tère individuel  de  chacun  d'eux,  M.  Devoto  s'est  proposé  de  l'ap- 
pliquer à  interpréter  l'évolution  de  la  phonétique  latine.  La  pho- 
nétique ainsi  entendue  englobe  naturellement  tout  ce  qui  dans  la 
morphologie  résulte  de  l'action  des  deux  facteurs  opposés,  conser- 
vation et  innovation.  Aussi  l'exposé  touche-t-il  pour  une  bonne  part 
à  la  morphologie.  Dans  le  détail,  malgré  l'érudition  de  l'auteur 
qui  est  remarquablement  informé,  on  pourrait  trouver  çà  et  là 
matière  à  certaines  critiques.  Il  suffisait  de  marquer  ici  l'intérêt  et 
l'originalité  de  l'ensemble. 

XIII 

L'étude  des  mots  empruntés  d'une  langue  par  une  autre 
soulève  toujours  d'intéressants  problèmes  de  phonétique.  C'est 
notamment  le  cas  pour  les  mots  latins  empruntés  du  grec,  en  ce 
qui  concerne  l'accentuation.  M.  Michèle  Orlando,  professeur  au 
Gymnase  Garibaldi  de  Palerme,  a  publié  en  1923  une  dissertation 
sur  «  l'accentuazione  délie  parole  greche  in  italiano  »  (Palerme, 
casa  éditrice  «  l'Altualità  »,  viij-88  p.  8°,  10  lire),  c'est-à-dire  sur 
les  traces  conservées  en  italien  de  l'accentuation  des  mots  grecs 
passés'en  latin.  La  question  est  d'importance  vu  qu'il  y  a  parfois 
pour  le  même  mot  deux  systèmes  d'accentuation  attestés,  l'un 
conforme  aux  règles  grecques,  l'autre  aux  règles  latines.  Les  dou- 
blets du  type  platêa  piài\a  ou  sinfonia  \ampôgna  peuvent  être  laissés 
de  côté  parce  que  le  premier  mot  de  chaque  groupe  est  un  mot 
savant  d'origine  livresque.  Mais  il  y  a  des  doublets  comme  butirro 
bùrro  qui  remontent  au  contraire  à  deux  prononciations  diffé- 
rentes usitées  en  latin  même,  comme  l'attestent  les  diverses 
langues  romanes.  Le  cas  des  mots  comme  poû-njpov,  proparoxy- 
tons grecs  à  pénultième  longue,  faisait  particulièrement  difficulté 
aux  Latins.  Ceux-ci  étaient  embarrassés  pour  conserver  à  de  pareils 
mots  l'accentuation  propre  au  grec,  parce  que  cette  accentuation 
contredisait  les  règles  latines.  On  sait  qu'ils  se  tirèrent  d'affaire  de 
deux  façons  :  tantôt  en  déplaçant  l'accent  d'une  syllabe,  tantôt  en 


Chronique.  229 

abrégeant  la  pénultième.  De  là  des  mots  latins  comme  àiicôra,  ère 
mus  (Prudence,  Psychom.  371)  et  d'autre  part  comme  asilum 
caminus,  tirés  des  mots  grecs  àyxupa,  ip^ao;,  iauXov,  xâa'.voç. 
M.  Orlando  a  fait  un  relevé  utile  des  mots  de  ce  genre  conservés 
en  italien.  Il  n'a  pas  cependant  pris  suffisamment  garde  de  mettre 
à  part  les  mots  savants,  dont  le  témoignage  est  nul  au  point  de  vue 
de  l'accent.  Il  paraît  en  outre  trop  enclin  à  expliquer  les  mots  où 
l'accent  grec  subsiste  par  l'hypothèse  d'un  contre-accent  initial  dans 
les  mots  dérivés  :  soit  Tàranto  deTàpavrov  d'après  Tdrantini.  L'hy- 
pothèse est  peut-être  justifiée  dans  quelques  cas  ;  elle  ne  saurait  en 
tout  cas  expliquer  âncôra  ou  érëmus.  L'embarras  où  se  sont  trouvés 
les  Latins  quand  ils  avaient  à  accentuer  des  mots  grecs  contraires  à 
leurs  règles  les  a  troublés  aussi  quand  ils  eurent  à  accentuer  les  mots 
gaulois.  On  sait  qu'en  ce  cas  aussi,  ils  ont  souvent  choisi  entre  la 
quantité  et  l'accentuation, pour  sacrifier  l'une  à  l'autre.  De  là  des 
formes  comme  Bourges  de  Bitûrïges,  et  des  doublets  comme  Nîmes 
(prov.  Nemse)  et  Nemours  de  Némôsos,  Chorges  et  Chéry  de  Calù- 
riges,  Condé  Coudât  et  Coudes  Cosne  de  Condâte  (devenu  sans 
doute  suivant  le  cas  Condate  [attesté  chez  Ausone  avec  a  long]  ou 
Côndâte). 


XIV 

Dans  un  nouveau  périodique,  l'Italia  dialettale  (t.  I,  p.  1-55), 
M.  Vittorio  Bertoldi,  privatdozent  à  l'Université  de  Bonn,  a  publié 
en  1925  une  étude  sur  les  noms  désignant  le  myrtille,  autrement 
dit  Yairelle  (uaccinium  myrtillus).  Et  c'est  une  bonne  étude  de 
géographie  linguistique.  La  plante  en  question  dont  l'habitat  s'étend 
de  l'Irlande  à  la  Russie  et  de  la  Scandinavie  à  l'Espagne  du  Nord, 
l'Italie  du  Nord  et  la  Transylvanie,  porte  dans  les  pays  romans 
des  noms  variés  qui  se  répartissent  en  diverses  couches.  L'une  des 
couches  est  préromane  ;  il  y  en  a  une  autre  qui  est  romane  com- 
mune ;  il  y  a  enfin  un  certain  nombre  de  dénominations  locales 
nées  indépendamment  dans  les  divers  parlers  romans.  L'objet  que 
vise  M.  Bertoldi  a  une  portée  générale  :  c'est  d'étudier  un  lent 
procès  de  pénétration  lexicographique  en  montrant  les  rapports 
des  diverses  couches  entre  elles. 

Un  des  noms  les  plus  anciens  du  myrtille  se  conserve  sous  les 
formes  glastiu,  glastioni,  glastoni,  employées  dans  certaines  régions 
de  l'Italie  du  Nord.  Il  faut  le  rattacher  au  celtique  glastum,  qui 
désignait  une    plante   tinctoriale,    l'isatis,   en  français   pastel   ou 


230  Chronique. 

guède  (cf.  Pline,  H.N.,  XXII,  2)  '.  Ce  mot  glastum,  a  laisse  des 
dérivés  en  moyen-cornique  (glesin  gl.  sandix,  Z.  E.  1076)  comme 
en  moyen-irlandais  (glaisin,  Arch.f.  Celt.  Lex.,  I,  341)  pour  dési- 
gner des  plantes.  C'est  proprement  un  nom  de  couleur  ;  l'adjectif 
glas  signifie  «  bleu,  vert,  jaune,  gris,  pâle  »,  aussi  bien  en  irlan- 
dais qu'en  brittonique. 

XV 

Malgré  de  nombreux  essais  d'identification,  on  n'est  pas  d'ac- 
cord sur  le  personnage  que  Thomas  appelle  Bréri  (Tristan,  v. 
2120),  le  continuateur  de  Wauchier  de  Denain  Bleheris  (Perceval, 
éd.  W eston,  Romania,  XXXIV,  100)  et  d'autres  Bl'wbleheris  (Chres- 
tien  de  Troyes,  Erec,  v.  1714).  Le  seul  fait  sûr  est  qu'il  servit 
d'intermédiaire  pour  faire  connaître  en  France  les  thèmes  de  la 
littérature  celtique.  M.  Roger  S.  Loomis  croit  pouvoir  préciser 
davantage.  Dans  un  article  des  Modem  Language  Notes  (June  1924), 
vol.  XXXIX,  p.  319-329,  il  cherche  à  établir  que  Bleheris  eut 
une  grande  part  dans  la  diffusion  sur  le  continent  de  la  légende 
de  Tristan  ;  et  il  croit  pouvoir  fixer  la  date  de  cette  intervention 
si  mémorable.  Bleheris,  originaire  de  Galles,  était  persona  grata  à 
la  cour  du  comte  de  Poitiers  ;  cela  est  dit  formellement  par  le  con- 
tinuateur de  Wauchier  (v.  le  passage  cité  ci-dessus).  De  quel 
comte  s'agit-il  ?  Ce  ne  peut  être  que  Guillaume  VIII,  qui  régna 
de  1127  a  11 37  ;  il  était  fils  de  Guillaume  VII,  bien  connu  comme 
poète,  et  il  eut  lui-même  pour  fille  la  célèbre  Eléonore  d'Aqui- 
taine. Or,  c'est  à  l'entourage  de  cette  princesse  que  ramènent  les 
plus  anciens  témoignages  relatifs  à  la  légende  de  Tristan  en  France. 
Le  poème  de  Thomas  (1 185-1200)  fut,  semble-t-il,  écrit  sous  son 
patronage  (cf.  Loomis,  Mod.  Lang.  Notes,  t.  XVII).  Marie  de 
France  dédia  le  lai  de  Chievrefoil  au  second  mari  d'Eléonore,  le 
roi  Henri  II,  ou  peut-être  à  son  fils.  Eilhart  composa  son  Tristrant 
à  la  requête  d'une  de  ses  filles,  Mathilde  de  Saxe.  Chrestien  de 
Troyes  écrivit  la  plupart  de  ses  ouvrages  à  l'instigation  de  Marie 
de  Champagne,  une  autre  de  ses  filles.  Bernard  de  Ventadour, 
qui  mentionne  souvent  Tristan  dans  ses  poèmes,  est  connu  par  la 
passion  que  lui  inspira  Eléonore  (cf.  Deister,  Mod.  Langu.  Notes, 
t.  XIX,  p.  287).  Mention  est  faite  de  Tristan  dans  un  poème  de 
Cercamon,  qui  n'est  pas  postérieur  à  1150  (cf.  Appel,  Z.f.  Rom. 

1.  C'est  par  erreur  que  M.  Bertoldi  attribue  le  passage  latin  qu'il  cite 
p.  3  à  César,  De  bello  Gallico  XX,  c.  7,  59  [sic]. 


Chronique.  231 

Pbil.,  XLI,  223)  ;  or  Cercamon  était  en  relations  étroites  avec  la 
cour  de  Guillaume  VIII  ;  il  célébra  dans  un  poème  le  mariage 
d'Éléonore  et  de  Louis  VII  de  France  (en  1137).  La  réunion  de 
tous  ces  détails  donne  à  réfléchir.  Sans  doute  la  légende  arthu- 
rienne  était  connue  sur  le  continent  avant  Bleheris.  Les  noms 
d'Artusius  et  de  Galvanus  se  rencontrent  dans  des  documents  du  Nord 
de  l'Italie  au  début  du  xne  siècle  (cf.  Rajna,  Romania,  XVII,  161 
et  355).  Mais  c'est  la  légende  de  Tristan,  ce  beau  sujet  de  passion 
fatale  et  d'amour  dévorant,  que  Bleheris  a  fait  connaître  à  la  cour 
de  Poitiers.  Où  l'avait-il  été  chercher  ?  sans  doute  dans  la  Bre- 
tagne armoricaine,  où  la  légende  de  Tristan,  venue  de  Galles, 
s'était  constituée  au  xie  siècle.  Telle  est  la  chronologie  que  pro- 
pose M.Loomis.  Elle  a  l'inconvénient  de  ne  pas  tenir  compte  des 
découvertes  que  M.  J.Loth  a  faites  en  Cornwall  et  des  preuves 
qu'il  a  fournies  à  l'appui  d'une  localisation  comique  de  la  légende. 
Il  ne  suffisait  pas  de  dire,  p.  328,  que  la  théorie  de  M. J.Loth  a 
été  critiquée  par  M.  Smirnov  (Romania,  XLUl,  121).  La  démonstra- 
tion est  assez  solide  pour  résister  à  cette  critique,  et  à  quelques 
autres. 

XVI 

La  librairie  Champion  a  mis  en  vente  en  1925  le  second  volume 
de  la  continuation  de  Perceval  par  Gerbert  de  Montreuil  (v.  Rev. 
Celt.,  XLI,  294).  Ce  second  volume  qui  forme  le  tome  50  de  la 
collection  des  «  Classiques  français  du  moyen  âge  »,  comprend  les 
vers  7021-14078.  Il  est  dû,  comme  le  premier,  à  Mrs  Stephens 
(Dr  Mary  Williams),  professeur  à  l'University  Collège  de  Swan- 
sea.  Il  s'arrête  à  la  fin  de  l'aventure  de  Gavain,  «  qui  molt  li  fu 
dure  »  (v.  12380),  c'est-à-dire  à  la  fin  de  l'équipée  qu'il  fit  sur 
Gringalet  et  de  ses  amours  avec  la  «  damoiselle  ».  Tout  ce  long 
délayage  a  sans  doute  beaucoup  d'intérêt  pour  l'histoire  de  la  litté- 
rature française  du  moyen  âge.  Mais  les  celtistes  n'y  trouveront 
guère  à  prendre.  Si  le  fond  a  contenu  jamais  des  ingrédients 
celtiques,  la  saveur  en  est  tellement  diluée  qu'elle  ne  se  sent  plus. 
Tout  est  français  dans  ce  récit.  Seuls  quelques  noms  propres,  ou 
de  rares  traits,  comme  le  serment  par  saint  David  (v.  10042,  v. 
11911),  rappellent  l'origine  insulaire  de  la  légende. 

XVII 

Seize  ans  après  la  publication  de  ses  Storiesfrom  Keatiug's  History 


232  Chronique. 

of  Ireland  (cf.  R.  CelL,  XXX,  32b),  M.  Osborn  Bergin  en  donne 
une  seconde  édition  '.  Tous  les  amis  de  l'irlandais  se  réjouiront 
du  succès  de  ce  petit  livre,  dont  l'étude  est  l'introduction  la  plus 
commode  et  la  plus  sûre  à  la  connaissance  de  la  langue  moderne. 
D'Arbois  de  lubainville  le  comparait  aux  Selectae  e  profanis  scripto- 
ribus  bistoriae  de  Jean  Heuzet,  par  lesquelles  tous  les  collégiens  de 
France  depuis  deux  cents  ans  débutent  dans  l'apprentissage  du 
latin.  Il  n'est  pas  d'éloge  plus  flatteur. 

Cette  seconde  édition  contient  les  mêmes  morceaux  que  la  pré- 
cédente, au  nombre  de  trente  et  un.  Mais  le  texte  en  a  été  révisé 
et  çà  et  là  corrigé  :  par  exemple,  à  la  page  14,  dans  le  morceau  7, 
1.  28,  dhà  labhach  a  été  substitué  à  dhà  tobhach.  Le  texte  de  Keating 
dans  l'édition  Dinneen,  vol.  II,  p.  25e,  1.  3984,  porte  ag  a  tubbacb  ; 
mais  on  sait  que  M.  Bergin  a  utilisé  un  manuscrit  de  Keating  que 
M.  Dinneen  n'a  pas  connu.  La  grande  innovation  de  cette  seconde 
édition  est  dans  la  graphie.  Conformément  à  un  principe  préco- 
nisé par  lui-même,  et  approuvé  par  des  maîtres  comme  l'abbé 
O'Leary  (v.  R.  Celi.,  XXXII,  499  et  XL,  185),  l'auteur  a  aban- 
donné l'usage  des  caractères  gaéliques  au  profit  des  caractères 
latins.  Dans  un  livre  destiné  à  des  écoliers,  c'est  une  mesure 
excellente,  dont  on  peut  attendre  beaucoup  pour  la  diffusion  même 
de  l'irlandais. 

L'introduction  et  le  lexique  ont  été  revus  et  augmentés  ;  les. 
notes,  fort  abondantes,  sont  en  grande  partie  neuves.  On  y  trouve 
à  glaner  une  masse  d'observations  utiles  pour  la  connaissance  de 
la  langue  et  de  la  grammaire.  L'introduction  mentionne  les  sources 
auxquelles  Keating  a  puisé  sa  documentation.  Le  morceau  n°  11, 
qui  a  pour  objet  le  siège  de  Druim  Dâmhaire,  est  donné  comme 
provenant  d'un  récit  épique  encore  inédit.  Cette  indication  n'est 
plus  vraie  aujourd'hui,  comme  on  peut  le  constater  au  début  même 
du  présent  fascicule  de  la  Revue  Celtique. 

L'introduction  contient  en  outre  un  abrégé  de  grammaire  et  des 
listes  de  mots  empruntés.  Parmi  les  mots  empruntés  du  latin  figure 
toujours  maintear,  malgré  les  protestations  que  d'Arbois  de  Jubain- 
ville  ne  manquait  pas  d'opposer  à  cette  hypothèse  de  Zimmer.  Il  ne 
parait  pas  douteux  que  l'irlandais  a  possédé  un  mot  indigène  muin- 
ter  de  *manutero-,  qui  désignait  la  personne  en  tutelle  légale, 
in  manu,  comme  disaient  les  Latins.  Que  ce  mot  ait  été  modifié 
dans  son   sens  par    l'influence   du    latin    monasterium  (ou  mieux 


1.  Chez  Hodges,  Figgis  anJ  Co.,  à  Dublin,  1925,  xxxij-120  p.  in-12. 


Chronique.  233 

monisterium),  c'est  fort  possible.  Mais  certains  de  ces  emplois  excluent 
Ph\pothèse  de  l'emprunt  ;  cf.  ci-dessus,  p.  210. 

La  liste  des  emprunts  au  latin  contient  aussi,  avec  un  point  d'in- 
terrogation il  est  vrai,  le  mot  uball  «  pomme  ».  M.  Bergin  nous 
fait  savoir  que  ce  mot  doit  être  rayé  ;  c'est  un  mot  indigène.  Il 
ajoute  même  qu'il  n'a  rien  de  commun  avec  Abella  ;  en  quoi  il 
nous  parait  aller  trop  loin.  L'essentiel  sur  la  question  de  l'exten- 
sion du  pommier  se  trouve  dans  le  Reallexikon  de  Schrader,  p.  42 
et  suiv.  Mais  il  est  vrai  que  le  nom  de  l'arbre,  aussi  bien  que  celui 
du  fruit,  soulève  des  difficultés  variées.  L'irlandais  ancien  dis- 
tingue aball  f.  «  pommier  »  de  uball  n.  «  pomme  »  ;  la  différence 
du  vocalisme  radical  est  malaisée  à  expliquer.  En  gallois,  la  diffé- 
rence est  dans  le  suffixe  :  afall  f.  «  pommier  »  et  ajalm.  «  pomme  » 
(au  singulatif  afallen  et  afaleri)  :  ny  phell  gwvd  aval  0  avall  «  la 
pomme  ne  tombe  pas  loin  du  pommier  »  est  un  vieux  proverbe 
gallois  (Book  of  Aneirin  94.7  Skene  =  26.8  Evans).  Il  a  dû  se 
produire  dans  chaque  langue  des  actions  variées,  en  grande  partie 
mystérieuses.  Mais  l'hypothèse  d'un  radical  commun  à  Pitalo-cel- 
tiquè  et  au  germanique  ne  paraît  pas  discutable.  Il  s'agit  d'un  nom 
d'arbre  appartenant  au  vocabulaire  du  Nord-Ouest. 

XVIII 

M.Osborn  Bergin  a  continué  dans  les Studies  l'édition  d'«unpu- 
blished  Irish  poems  »,  dont  la  Revue  Celtique  a  jadis  annoncé  les 
premières  séries  (t.  XXXVIII,  p.  236  et  367).  Cette  suite  com- 
prend les  morceaux  suivants  : 

15.  A  Winter  campaign,  poème  composé  par  Eochaid  O'Héo- 
ghusa  au  sujet  des  souffrances  endurées  par  son  patron  Hugh 
Maguire  pendant  la  pénible  campagne  d'hiver  qu'il  mena  en  Muns- 
ter au  début  de  l'an  iéoo  sous  les  ordres  de  O'Neill.  Maguire 
devait  périr  le  Ier. mars  de  cette  même  année  dans  une  escarmouche 
aux  environs  de  Cork.  Mangan  s'est  inspiré  de  ce  poème  dans  son 
«  O'Hussey's  Ode  to  the  Maguire  »  ;  malheureusement,  comme  il 
ignorait  l'irlandais,  il  n'a  connu  le  texte  d'O'Hussev  que  par  une 
adaptation  en  prose  anglaise  de  Ferguson,  remplie  de  grossiers 
contresens. 

ié.  A  lover  s  quarrel,  poème  du  xvie  siècle,  peut-être  par 
Maghnus  O'Domhnaill,  l'auteur  bien  connu  du  Betha  Colaim  Cbille 
(Rev.  Celt.,  XXXIX,  p.  87)  et  de  nombreux  dànta  grâdha. 

17.  Neglecled  merit  ;  composé  dans  le  mètre  dit  sêdnadh,  ce 
poème  est  anonyme,  mais  il  y  est  question  du   chef  des  Mac  Car- 


2  J4  Chronique. 

thys  de  Carbery,  c'est-à-dire  probablement  Finghin  mac  Domhnaill, 
qui  mourut  en  1 56e. 

18.  The  Phantom,  attribué  dans  un  manuscrit  à  Eochaid 
O'Héoghusa  (ci-dessus,  n°  15),  mais  sans  doute  à  tort.  C'est  un 
poème  d'amour,  où  le  poète  feint  d'avoir  été  frappé  à  mort  par  la 
vision  angélique  d'une  créature  céleste  ;  le  texte  est  plein  de  mots 
à  double  entente  et  d'énigmes. 

19.  On  the  recapture  of  Enniskillen  ;  il  s'agit  du  château  des 
Maguire  à  Enniskillen,  pris  par  les  Anglais  le  2  février  1594;  le 
17  mai  suivant,  le  château  était  repris  par  les  troupes  irlandaises  ; 
pour  célébrer  cet  heureux  événement,  ce  poème  fut  composé  par 
Eochaid  O'Héoghusa  (ci-dessus,  n°  15). 

20.  Poème  religieux,  composé  dans  le  mètre  dit  dechnad  môr. 

21.  Poème  d'Eochaid  O'Héoghusa.  adressé  au  fils  de  Cû 
Chonnacht,  Aodh,  qui  périt  en  1600  dans  la  campagne  d'hiver  en 
Munster.  Le  poète  y  insiste  avec  une  calme  assurance  sur  les  droits 
qu'il  a  aux  libéralités  de  son  maître. 

22.  To  a  harp,  éloge  d'une  harpe  superbe,  possédée,  semble-t-il, 
par  Diarmaid,  fils  de  Donnchadh  Mâg  Eochagâin,  Lord  de  Cenél 
Fiachach,  en  Westmeath.  L'auteur,  Gofraidh  Fionn  O  Dâlaigh, 
mourut  en  1387,  et  le  poème  fut  composé  après  1382,  au  moins 
les  dix  premières  strophes  ;  douze  strophes  supplémentaires  y  furent 
ajoutées  après  coup. 

23.  On  the  death  of  a  poet.  Le  poète  dont  il  est  question  ici  est 
Eochaid  O'Héoghusa;  et  le  poème  fut  composé  durant  sa  dernière 
maladie,  par  un  inconnu. 

24.  Consolations.  L'auteur  inconnu  de  ce  poème  s'y  console  de 
la  perte  d'amis  chers  en  se  rattachant  aux  amis  qui  ne  trompent, 
pas,  ses  livres,  son  épée,  son  jeu  d'échecs  et  par-dessus  tout,  sa 
harpe.  La  langue  est  celle  du  xvie  siècle. 

25.  On  the  breaking  up  of  a  school,  élégie  composée  par  Tadhg 
Og  O  Huiginn  sur  la  mort  de  son  maître  et  frère  aîné  Fearghal 
Ruadh  ;  elle  est  du  commencement  du  xve  siècle.' 

26.  An  irritable  genius,  poème  qui  date  de  121 3  ;  il  est  l'œuvre 
de  Muireadhach  O'Dâlaigh  dit  Muireadhach  Albanach  (l'Ecossais), 
bien  connu  en  son  temps  pour  son  caractère  irritable  ;  ayant  été 
insulté  par  l'intendant  d'O'Donnell,  il  le  tua  d'un  coup  de  hache  : 
ce  meurtre  l'obligea  à  chercher  un  refuge  d'abord  en  diverses 
régions  de  l'Irlande,  puis  en  Ecosse,  auprès  d'un  Fitz  William, 
dont  il  implore  la  protection  dans  ce  poème. 

27.  The  dead  wife  ;  ce  poème,  consacré  par  Muireadhach  Alba- 
nach à  la  mémoire  de  sa  femme  Maol  Mheadha,  est  conservé  dans 


Chronique.  235 

leBookof  the  Dean  of  Lismore,  écrit  comme  on  sait  en  une  sorte 
d'écriture  phonétique;  M.  Bergin  a  dû  opérer  un  déchiffrement 
des  plus  malaisés  ;  le  poème  comprend  24  quatrains,  il  n'en  a  pu 
restaurer  complètement  que  seize. 

28.  A  pointers  greeting,  salut  adressé  à  Murchadh  fils  de  Brian 
Dali  par  Muireadhach  Albanach  au  retour  d'un  pèlerinage  en  Terre- 
Sainte. 

29.  On  Cathal  Redhand.  C'est  encore  l'œuvre  de  Muireadhach 
Albanach,  qui  y  implore  l'aide  du  roi  de  Connaught  Cathal  Crobh- 
dherg  (mort  en  1224).  Le  poème  est  postérieur  à  121 3. 

30.  Great  expectations,  poème  de  Lochlainn  Og  O'Dâlaigh,  qui 
florissait  au  milieu  du  xyie  siècle  ;  il  a  pour  sujet  l'éloge  de  trois 
jeunes  membres  de  la  famille  régnante  en  Thomond. 

31.  The  passing  of  the  old  order.  C'est  un  poème  de  Fear  Flatha 
O  Gnimh,  qui  est  également  l'auteur  des  nos  8  et  10  de  la  collec- 
tion. Il  est  adressé  à  Sir  Arthur  Magennis  (mort  en  1629),  fils  de 
Sir  Hugh  (Aodh,  surnommé  an  fear  dorcha,  mort  en  1595);  et  il  a 
pour  objet  de  déplorer  la  décadence  du  métier  de  poète.  C'est  un 
sujet  fréquemment  traité  au  début  du  xvne  siècle. 

Ces  dix-sept  poèmes  s'échelonnent  dans  les  Studies  entre  le  numé- 
ro de  septembre  1921  et  celui  de  septembre  1925. 

XIX 

Dans  le  numéro  des  Studies  de  mars  1923,  le  Père  Gustav 
Lehmacher  a  publié  «  some  thoughts  on  an  Irish  l.iterary  lan- 
guage  »,  qui  partent  d'un  esprit  généreux  et  candide.  Ayant  pris 
la  peine  d'apprendre  l'irlandais,  tant  ancien  que  moderne,  il  a  été 
peiné  de  constater  que  l'irlandais  d'aujourd'hui  est  constitué  seu- 
lement par  quelques  parlers  locaux  fort  différents  les  uns  des  autres  ; 
pour  rencontrer  le  langage  vivant,  il  faut  l'aller  chercher  sur  les 
lèvres  de  paysans  ou  de  pêcheurs  habitant  les  coins  les  plus  recu- 
lés de  l'île  et  ce  langage  n'a  ni  unité  ni  cohésion.  Il  est  donc  tout 
à  fait  différent  non  seulement  des  langues  comme  l'allemand,  l'an- 
glais ou  le  français,  mais  encore  de  l'irlandais  du  moyen  âge,  qui 
existait  comme  langue  commune  et  fixée  dans  l'usage  des  écrivains. 
Les  filid  distinguaient  fort  bien  la  langue  littéraire  qu'ils 
employaient  pour  des  fins  artistiques  (cerd)  et  le  parler  vulgaire, 
qui  variait  sans  doute  d'une  région  à  l'autre  (cauamaint).  La  langue 
littéraire  commune  a  disparu  ;  il  ne  reste  plus  que  des  poussières 
de  parlers  présentant  des  variétés  souvent  considérables.  Le  P.  Leh- 
macher estime  qu'un  état  de  choses  aussi   lamentable  ne  doit   pas 


236  Chronique. 

durer.  Pas  de  langue,  pas  de  nation  (gan  teatiga,  gan  tir)  :  «  an 
unified  language  in  vocabulary,  form  and  pronunciation  must  be 
created  in  Ireland  ». 

Mais  comment  effectuer  cette  création  ?  La  solution  idéale 
serait  dans  l'apparition  d'un  grand  génie  littéraire,  un  Dante  ou  un 
Shakespeare  qui  écrirait  en  irlandais  et  imposerait  sa  langue  à  tout 
le  pays.  A  défaut  de  cette  solution,  qui  tient  un  peu  trop  du  miracle 
pour  que  les  prévisions  humaines  puissent  en  tenir  compte,  le 
P.  Lehmacher  en  indique  trois  autres,  .  qui  seraient  plus  pra- 
tiques. D'abord,  il  paraît  croire  à  l'efficacité  de  mesures  politiques, 
de  directives  imposées,  ou  même  seulement  proposées  à  tous  les 
maîtres  chargés  d'un  enseignement  de  l'irlandais.  Mais  quel  dia- 
lecte prendre  comme  norme  ?  Celui  d'Aran,  parce  qu'il  a  fait  l'objet 
d'un  exposé  d'ensemble  en  allemand  par  Finck  et  aussi  parce  qu'il 
se  rapproche  plus  que  les  autres  du  vieil-irlandais.  Ces  deux  rai- 
sons sont  singulières,  et  la  seconde  est  d'ailleurs  des  plus  contes- 
tables. Une  autre  solution  consisterait  à  faire  un  mélange  habile  et 
sagement  mesuré  des  divers  dialectes,  à  prendre  comme  langue 
vivante  la  langue  écrite  traditionnelle,  seulement  allégée  des  sur- 
charges inutiles  que  l'érudition  historique  y  a  ajoutées,  et  nourrie 
d'éléments  empruntés  aux  parlers  locaux  ;  on  obtiendrait  ainsi  une 
langue  commune  qui  ne  serait  pas  très  différente,  comme  forma- 
tion, de  l'allemand  littéraire  commun.  Enfin,  il  y  aurait  comme 
dernière  solution  à  remonter  résolument  à  l'ancien  irlandais  et  à 
l'imposer  de  toutes  pièces  aux  cerveaux  modernes.  La  langue  des 
récits  épiques  a  l'abondance,  la  richesse,  la  souplesse  et  la  variété 
de  la  vie.  La  prononciation  moderne  défigure  et  estropie  en  mille 
façons,  suivant  les  lieux,  cette  belle  langue  ancienne.  Le  P.  Leh- 
macher se  demande  si  l'on  ne  pourrait  pas  la  restaurer,  non  seule- 
ment dans  sa  morphologie,  mais  encore  dans  sa  phonétique.  C'est 
apparemment  comme  si  les  Anglais,  n'ayant  à  leur  disposition  que 
les  dialectes  actuels  et  désireux  de  se  constituer  une  langue  com- 
mune, faisaient  revivre  dans  ce  dessein  la  langue  d'Alfred  et  d'Ael- 
fric.  Cette  simple  comparaison  permet  d'apprécier  le  caractère  pra- 
tique de  la  proposition. 

L'article  du  P.  Lehmacher  a  provoqué  des  réponses  de  la  part 
d'autorités  irlandaises  comme  le  Dr  Sheehan,  les  professeurs  Ber- 
gin,  T.O'Rahilly,  T.O'Mâille,  F. W.O'Connell.  Ces  réponses 
n'ont  pas  satisfait  le  P.  Lehmacher,  qui  s'en  montre  fortement 
désappointé.  Ce  désappointement  est  une  nouvelle  preuve  de  can- 
deur. Le  P.  Lehmacher  est  un  idéologue.  Il  fait  le  plan  d'une  langue 
commune  comme  J. -J.Rousseau  traçait  des  constitutions.il  ne 


Chronique.  237 

manque  rien  à  ses  projets  si  ce  n'esi  d'être  viables.  Le  P.  Leh- 
macher  ne  tient  pas  assez  compte  d'un  fait  essentiel  :  l'Irlande 
possède  aujourd'hui,  comme  hier,  une  langue  commune  :  mais  au 
moyen  âge  cette  langue  commune  était  l'irlandais,  aujourd'hui 
c'est  l'anglais.  Avant  de  songer  à  répandre  l'usage  d'un  irlandais 
commun,  il  faut  d'abord  abolir  en  Irlande  l'usage  de  l'anglais.  Les 
deux  faits  sont  liés  et  ne  dépendent  ni  de  la  décision  d'un  homme 
politique,  ni  de  l'influence  d'un  écrivain  de  génie,  ni  de  l'habileté 
d'un  maître  d'école.  Ce  sont  les  nécessités  de  la  vie  qui  imposeront, 
s'il  y  a  'lieu,  aux  Irlandais,  l'usage  d'une  langue  irlandaise  com- 
mune. Comment  se  constituera-t-elle?  est-ce  tel  dialecte  qui  impo- 
sera sa  norme  ou  se  créera-t-il  une  sorte  de  langue  mixte  à  laquelle 
plusieurs  dialectes  collaboreront  ?  La  question  est  fort  oiseuse.  Le 
jour  où  l'Irlande  ayant  abandonné  l'usage  de  l'anglais  aura  besoin 
de  se  créer  une  langue  commune,  la  création  se  fera  d'elle-même. 
Pour  le  moment,  les  tenants  de  chaque  dialecte  défendent  leurs 
droits  et  refusent  de  se  laisser  étouffer  par  les  autres  ;  ils  ont 
raison.  C'est  la  concurrence  vitale  qui  fait  la  sélection  naturelle. 
La  première  mesure  à  prendre  aujourd'hui  est  d'ordre  moral.  Elle 
consiste  à  encourager  chez  les  Irlandais  la  volonté  de  parler  leur 
langue.  L'avenir  décidera  de  la  forme  que  cette  langue  prendra. 

XX 

Le  n°  29  du  Journal  of  the  Folk-Song  Society  (t.  VII,  décembre 
1925)  contient  la  suite  du  recueil  des  chansons  populaires  de  l'île 
de  Man  publié  par  Miss  A.  G.  Gilchrist.  La  Revue  Celtique  a  parlé 
du  premier  fascicule  au  tome  précédent,  p.  212.  Il  y  en  aura  encore 
un  qui  mettra  fin  à  cet  important  recueil. 

Celui-ci  contient  d'abord  des  additions  au  fascicule  précédent 
(p.  203-224).  Mais  la  partie  principale  en  est  constituée  par 
21  chansons  qui  sont  du  genre  «  carval  »  (p.  225-276).  Le  mot 
carval  dans  l'île  de  Man  est  le  représentant  de  l'anglais  carol  ; 
mais  il  a  conservé  un  sens  des  plus  précis,  quasi  technique.  II 
désigne  les  chants  qu'il  était  d'usage  de  faire  entendre  dans  l'église 
pendant  la  nuit  de  Noël,  la  nuit  de  YOie'l  Verry  («  Veille  de  la  fête 
de  Marie  »).  Ces  chants  étaient  accompagnés  d'un  certain  nombre 
de  cérémonies,  sur  lesquelles  renseigne  utilement  l'introduction 
due  à  Miss  Gilchrist  (p.  225  et  ss.).  La  tradition  s'en  maintint 
jusque  vers  1870.  La  composition  des  carvals  remonte  principa- 
lement au  premier  quart  du  xvne  siècle  et  s'échelonne  sur  un 
espace    de  plus  d'un  siècle.  Le    dernier  connu  est  des  environs 


238  Chronique. 

de  1836.  Ils  sont  essentiellement  de  caractère  religieux,  et  plus 
spécialement  calviniste  ;  bien  qu'ils  fussent  destinés  à  la  fête  de 
Noël,  ils  s'attachent  de  préférence  à  décrire  le  sort  affreux  des 
pécheurs  et  l'horreur  des  supplices  infernaux.  Mais  ce  sont  en 
même  temps  des  chants  populaires,  que  chaque  chanteur  trans- 
formait ou  amplifiait  suivant  son  inspiration.  Le  clergé  n'avait 
même  aucune  part  à  la  préparation  et  à  l'exécution  des  carvals. 
Quelques-uns  ont  un  réel  mérite  poétique,  ceux  par  exemple  que 
composa  le  Rev.  Thomas  Christian,  auteur  d'une  traduction  man- 
noise  du  Paradise  Lost  de  Milton.  Tous  sont  révélateurs  du  carac- 
tère des  gens  de  cette  île,  où  régnait  au  xvme  siècle  un  puissant 
enthousiasme  religieux,  porté  à  son  comble  lors  de  la  traduction  de 
la  Bible  en  langue  mannoise  (1772).  L'inspiration  des  carols  est 
en  majeure  partie  biblique  ;  mais  on  y  retrouve  aussi  des  thèmes 
traditionnels,  qui  remontent  au  moyen  âge.  Ainsi  l'un  des  carols  de 
la  collection  roule  sur  le  débat  du  corps  et  de  l'âme.  Dans  une 
note  jointe  au  texte  notre  savant  collaborateur  M.  A.  Martin  Free- 
man,  p.  243-248,  résume  l'histoire  de  ce  débat,  si  en  faveur  dans 
l'Europe  médiévale  et  compare  le  carval  qui  en  traite  au  poème 
latin  de  Walter  Mapes  et  à  la  version  irlandaise  ;  il  ne  mentionne 
pas  les  trois  poèmes  du  Black  Book  of  Carmarthen  (nos  V,  VI  et 
VII),  qui  présentent  de  ce  débat  une  version  originale,  indépen- 
dante, semble-t-il,  des  sources  auxquelles  ont  puisé  les  pays 
voisins. 

Ce  n'est  pas  le  premier  recueil  de  carvals  qui  soit  publié.  Antérieu- 
rement à  la  collection  du  Dr  Clague,  qui  fait  la  base  de  la  présente 
publication,  une  autre  collection  avait  vu  le  jour  :  celle  à  laquelle 
collaborèrent  M.  John  C.  Fargher,  propriétaire  du  journal  Motia's 
Herald,  le  Capt.  Christian,  de  Baldromma,  et  surtout  Speaker 
Moore.  Elle  parut  en  1891  sous  le  titre  Carvalyn  Gailckagk.  Une 
seconde  série  a  été  imprimée  dans  les  colonnes  du  journal  Thelsle 
of  Man  Examiner  entre  le  31  juillet  191 5  et  le  Ier  janvier  1917.  Il 
existe  d'autre  part  des  collections  encore  inédites.  Celle  qui  est 
publiée  par  Miss  A.  G.  Gilchrist  a  le  grand  mérite  d'être  la  pre- 
mière qui  contienne  les  airs  notés  au-dessus  des  paroles.  Elle  se 
recommande  en  outre  par  une  méthode  critique  excellente  :1e  texte 
en  a  été  établi  avec  soin  et  éclairci  de  notes  substantielles  par  des 
érudits  compétents. 

XXI   . 
Dans  un  pays   comme   l'Irlande,    si  riche   de  monuments   du 


Chronique.  239 

passé,  l'archéologie  est  depuis  longtemps  en  honneur.  Les  noms 
de  Brash,  de  Graves,  dé  Ferguson,  de  Joyce,  de  Conwell  ne  sont 
pas  moins  illustres  que  ceux  d'O'Donovan  et  d'O'Curry.  En  ces 
dernières  années,  l'Irlande  a  perdu  trois  archéologues  de  premier 
ordre,  Coffey,  Westropp,  Armstrong.  Mais  ceux  qui  restent  sont  de 
taille  à  maintenir  les  bonnes  traditions.  Et  au  nombre  des  plus 
éminents,  il  faut  compter  M.R.A.S.  Macalister,  le  savant  éditeur 
des  inscriptions  oghamlques.  Devenu  président  de  la  Society  of 
Antiquaries  of  Ireland,  il  y  a  prononcé  le  27  janvier  1925  un  dis- 
cours qui  est  en  même  temps  un  acte1.  Il  ne  s'est  pas  borné  à 
jeter  un  coup  d'oeil  surle  passé  et  à  se  féliciter  des  résultats  acquis, 
si  glorieux  qu'ils  soient.  Il  a  dressé  un  programme  pour  l'avenir, 
dénonçant  les  dangers  que  court  en  Irlande  l'étude  de  l'archéologie 
et  les  combattant  résolument.  Cette  attitude  donne  à  son  discours 
un  singulier  intérêt.  Il  s'y  montre  vivant,  personnel  ;  il  va  droit  à 
ses  adversaires  pour  les  saisir  à  bras  le  corps  et  les  terrasser.  Il 
manie  avec  adresse  les  armes  de  la  dialectique,  et  la  meilleure  de 
toutes,  qui  est  l'esprit.  Son  discours  est  tout  parsemé  d'ironie  et 
d'humour.  Ce  sont  des  qualités  qui  sont  fort  prisées  en  Irlande. 
L'auditoire  n'a  donc  pu  manquer  d'apprécier  les  arguments  de 
l'orateur,  et  l'on  peut  croire  qu'en  cette  soirée  bien  des  gens, 
jusque  là  réfractaires  aux  idées  de  M.  Macalister,  ont  été  conquis. 
Parmi  les  avis  qu'il  a  exprimés,  il  en  est  un  dont  il  a  été  ques- 
tion précédemment  (ci-dessus,  p.  184):  c'est  celui  qui  se  rapporte 
à  la  nécessité  d'envisager  les  faits  du  passé  objectivement,  en  fai- 
sant abstraction  de  tout  préjugé  national.  C'est  un  avis  fort  sage, 
auquel  dans  tout  pays  chacun  souscrira.  Il  en  est  un  autre,  qui 
s'adresse  particulièrement  à  ses  compatriotes  et  qui  dans  sa  bouche 
a  une  grande  valeur  :  c'est  celui  par  lequel  il  leur  recommande 
d'apprendre  et  de  pratiquer  la  langue  irlandaise.  La  langue  doit 
faire  partie  de  l'éducation  nationale,  surtout  dans  un  pays  qui 
possède  une  littérature  si  riche.  On  ne  saurait  trop  recommander 
aux  Irlandais  d'étudier  leur  langue.  Mais  pourquoi  M.  Macalister 
préconise-t-il  cette  étude  au  détriment  de  celle  du  français?  Les 
deux  peuvent  se  concilier.  Il  importe  peu  que  le  français  appris  à 
l'école  soit  assez  différent  de  celui  qu'on  entend  dans  les  rues  de 
Paris.   Sans  parler  de   l'excellente    gymnastique   qu'elle  impose  à 

1 .  The  Présent  and  Future  of  Arcbaeology  in  Ireland,  an  address  delivered 
at  a  meeting  of  the  Royal  Society  of  Antiquaries  of  Ireland,  held  on 
27  January  1925  by  the  Président  R.A.S.  Macalister.  Dublin,  Falconer, 
24  p.  8°. 


240  Chronique. 

l'esprit,  l'étude  du  français  littéraire  a  l'avantage  de  mettre  en  con- 
tact avec  des  œuvres  qui,  pour  la  forme  et  le  fonds,  sont  parmi 
les  plus  belles  que  l'humanité  ait  conçues.  Et  peut-être  M.  Maca- 
lister  n'aurait-il  pas  écrit  un  discours  si  alerte,- si  incisif,  si  péné- 
trant, s'il  n'avait  été  lui-même  dans  sa  jeunesse,  au  témoignage  de 
ses  maîtres,  «  diligent  in  French  ». 

XXII 

Il  y  a  un  précieux  enseignement  de  linguistique  générale  à  tirer 
de  l'article  publié  par  M.  Sommerfelt  dans  les  Avhandlinger  utgitt 
av  dei  norske  Videnskaps-Akademi  i  Oslo  (II.  Hist.  Filos.  Klasse, 
1925,  n°  3)  sous  le  titre  «  Un  cas  de  mélange  de  grammaires  ». 
On  sait  combien  les  opinions  divergent  entre  les  linguistes  au 
sujet  du  mélange  des  langues  :  certains  vont  jusqu'à  soutenir  que 
toute  langue  est  plus  ou  moins  une  «  langue  mixte  »  ;  d'autres 
affirment  au  contraire  qu'au  moins  pour  le  sys  ème  grammatical, 
un  mélange  de  langues  est  une  impossibilité.  Il  convient  en  effet 
de  distinguer  le  vocabulaire,  la  phonétique  et  la  grammaire. 
Chacun  admet  qu'une  langue  peut  recevoir  une  quantité  presque 
illimitée  de  mots  étrangers.  L'influence  d'une  population  étrangère 
sur  un  système  phonétique  n'est  pas  davantage  niable.  Mais  la 
possibilité  d'un  mélange  d'éléments  empruntés  à  deux  systèmes 
grammaticaux  est  malaisée  à  établir.  M.  Sommerfelt  montre  fort 
bien  qu'il  faut  pour  cela  le  concours  de  certaines  circonstances. 
Des  langues  dont  le  système  grammatical  est  très  particulier,  très 
compliqué,  très  ferme  —  c'est  le  cas  des  langues  indo-européennes 
de  type  ancien  —  se  prêtent  peu  à  subir  des  actions  étrangères  : 
un  mélange  de  systèmes  grammaticaux  est  donc  ici  à  peu  près 
exclu.  Il  faut  tenir  compte  en  outre  de  la  différence  que  présentent 
la  structure  des  langues  en  contact  et  plus  encore  leur  valeur 
sociale.  Pour  des  langues  étroitement  apparentées,  comme  sont  les 
dialectes  d'un  même  groupe,  les  mélanges  morphologiques  sont 
possibles,  mais  sans  grande  conséquence,  parce  que  les  traits  de 
l'un  des  systèmes  ont  avec  ceux  de  l'autre  des  affinités  naturelles  : 
ils  peuvent  s'échanger  sansaltérer  le  caractère  général  de  la  langue. 
Le  cas  qu'a  rencontré  M .  Sommerfelt  est  au  contraire  des  plus 
probants  :  il  s'agit  d'une  langue  qui  par  elle-même  possède  une 
extrême  variété  de  formations  de  pluriel  dans  les  noms  ;  cette 
langue  a  auprès  d'elle  une  vaste  langue  de  civilisation  à  grand 
prestige,  qui  la  domine,  qui  la  pénètre,  et  qui  pour  le  pluriel  des 
noms  a  réussi   à  se  créer   un   type  de  formation  quasi  unique. 


Chronique.  241 

Quand  des  mots  de  la  première  langue  ont  un  pluriel  qui  manque 
de  netteté  par  suite  d'accidents  spéciaux,  on  y  remédie  en  emprun- 
tant à  la  seconde  son  procédé  de  marquer  le  pluriel.  L'exemple 
est  saisissant  :  M.  Sommerfelt  a  le  grand  mérite  de  l'avoir  décou- 
vert, et  le  mérite  non  moins  grand  de  l'exposer  avec  une  clarté 
pleine  d'élégance  et  d'en  dégager  les  conclusions  qu'il  comporte. 
Nos  lecteurs  ont  sans  doute  deviné  déjà  que  les  deux  langues 
en  question  sont  le  gallois  et  l'anglais.  La  sifflante  caractéristique 
du  pluriel  des  mots  anglais  se  rencontre  en  gallois  parlé  dans  des 
mots  qui  n'ont  pas  par  eux-mêmes  d'expression  nette  de  pluriel. 
Par  exemple  dans  des  collectifs  :,  on  dira  sers  «  étoiles  »  en  face  du 
«  singulatif  »  seren,  ou  kirts  «  cordes  »  en  face  du  «  singulatif  » 
kortin.  Ou  bien  dans  des  cas  de  flexion  anomale  :  on  dira  milguns 
«  lévriers  »  au  lieu  de  milgun,  pluriel  de  miîgi.  Ou  enfin,  lorsque 
des  accidents  phonétiques  rendent  le  pluriel  indigène  semblable 
au  singulier  :  ainsi  on  dira  sgolurs  «  pêcheurs  »  (de  pysgotwr)  ou 
-fiirnurs  «  grondins  »  (de  cbwyrnwr)  ou  byturs  «  mangeurs  »  (de 
bwytawr),  dans  le  dialecte  de  Caernarfon,  où  le  -wyr  du  pluriel 
se  confond  avec  le  -w r  du  singulier. 


XXIII 

On  nous  signale  des  traductions  du  français  en  gallois  publiées 
dans  Y  Geninen  par  M.  T.  Hudson  Williams,  Professeur  de  grec 
à  l'University  Collège  de  Bangor.  Les  numéros  de  juin  1925, 
novembre  1925  et  janvier  1926  contiennent  une  traduction  de 
YAlhalie  de  Racine,  sous  le  titre  Athaliah.  A  titre  d'échantillon, 
voici  les  paroles  d'Abner  au  début  de  la  tragédie  : 

le,  wele  finnau  yma  yn  ci  dy 

yn  rhoi  fy  mawl  i'r  un  tragwyddol  Dduw 

yn  ol  ar  arfer  gysegredig  hen, 

yn  cadw  gyda  chwi  yr  uchel  ddydd 

y  rhoed  y  ddeddf  i  ni  ar  fynydd  Sinai. 

La  traduction  est  exacte,  rend  tous  les  mots  du  texte,  sans  y 
ajouter,  comme  il  arrive  trop  souvent.  C'est  une  jolie  réussite. 
M.  T.  Hudson  Williams  a  également  traduit  dans  Y  Geninen  la  vie 
de  saint  Alexis  (d'après  l'édition  Gaston  Paris)  et  des  sonnets  de 
Heredia. 

Revue  Celtique,  XLIII.  16 

16* 


242  Chronique. 


XXIV 


André  Oheix,  ce  jeune  érudit  dont  la  Revue  Celtique  a  jadis 
déploré  la  perte  (v.  t.  XXXVIII,  p.  245),  laissait  en  mourant  la 
copie  d'un  texte  inédit  d'une  Vie  de  saint  Corentin,  qu'il  avait 
découvert  à  la  Bibliothèque  Nationale.  La  Vie  de  saint  Corentin 
n'était  connue  jusqu'ici  que  par  une  édition  due  à  Dom  François 
Plaine  et  publiée  en  1886  au  tome  XIII  du  Bulletin  de  la  Société 
archéologique  du  Finistère.  Cette  édition  consistait  en  la  contamina- 
tion de  deux  textes,  l'un  contenu  dans  un  manuscrit  de  l'abbaye 
de  Sainte-Saulve  à  Montreuil-sur-Mer  daté  de  1664,  et  l'autre  dans 
un  sanctoral  de  Quimper  appartenant  à  la  bibliothèque  des  Bol- 
landistes  à  Bruxelles.  Tous  deux  paraissent  remonter  à  un  original 
commun,  que  l'un  a  abrégé  suivant  ses  besoins,  que  l'autre  a 
développé  au  contraire  en  y  ajoutant  notamment  des  tirades  contre 
le  clergé.  A  quand  remontait  cet  original  ?  Dom  Plaine  le  sup- 
posait antérieur  à  l'an  878,  date  de  la  translation  du  corps  de 
saint  Corentin  à  Montreuil-sui-Mer,  où  ce  texte  l'aurait  accom- 
pagné. Et  l'argumentation  de  Dom  Plaine  a  été  acceptée  par  le 
comte  de  Calan,  dans  ses  Mélanges  historiques  (Vannes,  1908, 
p.  108).  Mais  A.  de  la  Borderie  considérait  la  vie  de  saint  Corentin 
comme  un  document  de  mince  valeur  historique,  tout  au  plus  du 
xme  siècle  (Histoire  de  Bretagne,  I,  p.  320). 

Le  manuscrit  où  André  Oheix  découvrit  la  Vita  Corentini  n'est 
pas  daté.  Mais  un  examen  comparatif  de  ce  texte  permet  de  le 
croire  antérieur  à  celui  qu'a  édité  Dom  Plaine.  Il  est  même  pro- 
bable que  les  deux  versions  amalgamées  par  Dom  Plaine  dérivent 
toutes  les  deux  du  texte  qu'a  découvert  Oheix.  Ce  texte  n'est 
cependant  pas  l'antique  original  que  supposait  Dom  Plaine.  En  pu- 
bliant la  copie  d'André  Oheix  dans  les  Mémoires  de  la  Société  d' Histoire 
et  d' Archéologie  de  Bretagne  (1925,  56  p.),  Mrae  Ethel  Fawtier-Jones 
l'a  fait  précéder  d'une  savante  introduction,  où  elle  étudie  l'histoire 
de  cette  Vita  Corentini.  D'après  la  toponymie,  un  certain 
saint  Corentin  était  vénéré  anciennement  des  deux  côtés  de  la 
Manche.  Plusieurs  documents,  datant  du  xe  au  xne  siècle,  attestent 
qu'une  tradition  faisait  de  ce  personnage  un  évêque  de  Quimper. 
Quant  à  la  Vita  Corentini,  compo$ée  au  xme  siècle,  à  l'aide  d'un 
texte  antérieur,  mais  antérieur  de  peu  et  de  même  caractère,  ce 
serait  un  document  tendancieux,  qui  a  exploité  cette  tradition, 
mais  ne  nous  apprend  rien  de  plus  sur  le  personnage.    , 


Chronique.  24  5 

XXV 

Les  noms  de  lieu  de' la  Bretagne  armoricaine,  si  importants 
pour  l'histoire,  l'archéologie  et  même  la  linguistique  de  la  pro- 
vince, n'ont  pas  encore  été  étudiés  d'une  façon  complète  et  métho- 
dique. M.  J.  Loth  a  été  l'initiateur  de  nombreuses  recherches,  tant 
dans  les  Annales  de  Bretagne,  que  dans  la  Revue  Celtique.  Et  nos 
lecteurs  savent  que  la  toponomastique  bretonne  a  en  M.  Largil- 
lière,  élève  de  M.  J.  Loth,  un  représentant  qui  promet.  M.  Loth  a 
formé  un  autre  élève,  M.  Daniel  Bernard,  qui  inaugure  une  série 
d'études  sur  les  noms  d'hommes  et  de  lieux  du  Cap  Sizun  dans  le 
Bulletin  de  la  Société  archéologique  du  Finistère  (Quimper,  192e, 
p.  1-34).  Ces  études  sont  faites  d'après  des  documents  d'archives 
conservés  à  Quimper  ou  à  Nantes,  qui  fournissent  les  formes  les 
plus  anciennes  des  noms.  Elles  serviront  de  préparation  utile  à  la 
confection  du  Dictionnaire  topographique  du  Finistère,  et,  au 
moins  pour  la  région  du  Cap,  elles  permettront  aux  érudits 
d'attendre  cet  instrument  indispensable.  Le  travail  de  M.  Bernard, 
inspiré  et  contrôlé  par  M.  J.  Loth,  est  des  plus  solides.  Il  donnera 
aux  chercheurs  une  bonne  leçon  de  méthode  en  leur  montrant 
combien  de  pièges  recèlent  les  graphies  officielles  des  noms.  A 
défaut  de  formes  anciennes,  c'est  toujours  à  la  prononciation 
actuelle  qu'il  faut  recourir.  Sur  quelques  points,  des  doutes  sub- 
sistent. P.  ié,  on  ne  voit  guère  comment  le  nom  à'Audierne  aurait 
pu  être  «  influencé  par  le  mot  italien  et  espagnol  odierna  ».  — 
P.  15,  le  nom  de  famille  Doedy  attesté  en  1540,  n'est-il  pas  le 
même  que  le  nom  actuel  Douady  ?  —  P.  25,  l'explication  donnée 
pour  Plomodiern  (écrit  Ploemordiem  dans  une  vie  de  saint  Corentin) 
ne  tient  pas  compte  du  fait  que  les  gens  du  village  l'appellent 
Plodiern  (prononcé  Ploudiern  avec  accent  sur  i).  On  est  tenté  de 
croire  que  tno  y  a  été  pris  pour  l'adjectif  possessif,  si  souvent  pré- 
fixé dans  les  noms  propres  celtiques. 

XXVI 

Malgré  des  occupations  multiples,  dont  chacune  aurait  suffi  à 
l'activité  d'un  seul  homme,  M.  Ferdinand  Brunot  a  poursuivi  sans 
fléchir  la  confection  de  cette  magistrale  Histoire  de  la  langue 
française  des  origines  à  1900,  dont  le  septième  volume  vient  de 
paraître  (Armand  Colin,  1926,  360  p.  8°).  Ce  volume  est  consacré 
à  la  propagation  du  français  en  France  au  cours  du  xvme  siècle.  Il 
fera  l'admiration  de  tous  les  lecteurs  par  l'effort  de  renouvellement 


244  Chronique. 

et  d'enrichissement  qu'il  atteste.  Sans  doute  la  méthode  est  aussi 
terme  que  dans  les  volumes  précédents,  l'érudition  aussi  abondante 
et  sûre.  Mais  le  point  de  vue  s'est  élevée  et  l'horizon  s'est  élargi. 
Ce  n'est  plus  seulement  la  matière  grammaticale,  nécessairement 
un  peu  sèche  et  fragmentaire,  ce  sont  les  idées,  les  mœurs,  les 
conditions  de  la  vie,  dont  l'évolution  est  présentée  dans  toute  son 
ampleur,  telle  qu'elle  est  reflétée  par  l'histoire  de  la  langue.  C'est 
là  un  livre  de  linguistique  au  vrai  sens  du  terme,  puisque,  c'est  en 
même  temps  un  livre  de  géographie  humaine,  d'histoire  écono- 
mique et  de  sociologie. 

Un  chapitre  est  consacré  à  l'extension  du  français  dans  la  Bre- 
tagne armoricaine  (p.  249-267).  Ce  n'était  pas  le  plus  facile  à  faire, 
car  les  documents  sont  peu  abondants.  M.  Brunot  a  réuni  tout  ce 
qu'il  est  possible  de  tirer  des  travaux  des  historiens  ou  des  récits 
des  voyageurs,  des  ouvrages  imprimés  ou  des  pièces  d'archives. 
Sur  la  répartition  des  langues  entre  les  classes  sociales,  sur  l'orga- 
nisation de  l'enseignement,  sur  l'influence  des  centres  urbains,  sur 
le  rôle  du  clergé,  etc.,  il  donne  des  renseignements  d'un  puissant 
intérêt,  et  qu'on  ne  saurait  trouver  ailleurs.  C'est  un  morceau 
important  de  l'histoire  externe  du  breton.  Le  jour  où  quelqu'un 
entreprendra  d'écrire  cette  histoire,  il  trouvera  dans  le  livre  de 
M.   Brunot  un  de  ses  chapitres  tout  fait. 

XXVII 

Livres  nouveaux  dout  il  sera  rendu  compte  ultérieurement  : 
Tadhg  O'Donnchadha,  Prosôid  Gaedhilge.  Corcaigh  agus  Ath 
Cliath,  Clô  Ollsgoile  Chorcaighe  [Prosodie  irlandaise,  Cork  et 
Dublin,  Presses  Universitaires  de  Cork],  1925,  vij-ioyp.  in-12. 3  sh. 

Holger  Pedersen,  Le  Groupement  des  dialectes  indo-européens, 
Copenhague,  1925,  57  p.  8°  (Det  Kgl.  Danske  Videnskabernes 
Selskab.,  Hist.  filol.  Meddel.  XI,  3). 

Thomas  F.  O'Rahilly,  Catalogue  of  Irish  Manuscripts  in  the 
Royal  lrish  Academy,  fasc.  I.  Dublin.  Hodges,  Figgis  andCo.  1926. 
130. p.  5  sh. 

Nunzio  Maccarrone.  Le  denomina\ioni  del  «  tacchino  »  e  délia 
«  tacchina  »  nelle  lingue  roman\e.  Torino,  1926,  118  p.  avec  6  cartes 
(Estratto  dzWArchivio  Glottologico  Jtaliano). 

K.  Van  der  Heyde.  Composita  en  verbal  Aspect  bij  Plautus. 
Amsterdam,  192e.   122  p.  8°. 

August  Oxé.  Die  Tôpferrechnungen  von  der  Graufesenque.  Bonn. 
1926,  99  p.  40. 

J.  Vendryes. 


PÉRIODIQUES 


Sommaire.  —  I.  Language.  —  II.  Annales  de  Bretagne.  —  III.  Revue 
des  Études  Anciennes.  —  IV.  Bulletin  de  la  Société  de  Linguistique.  — 
V.  The  Classical  Review.  —  VI.  American  Journal  of  Philology.  — 
VII.  Glotta.  —  VIII.  Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung.  — 
IX.  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie.  —  X.  Zeitschrift  fur  celtische 
Philologie.  —  XI.  Indogermanische  Forschungen.  —  XII.  Analecta 
Bollandiana.   —  XIII.  Bulletin  of  the  Board  of  Celtic  Studies. 


I 

Le  28  décembre  1924,  s'est  tenue  à  New  York  la  première 
séance  de  la  Linguistic  Society  of  America.  Cette  société  doit  sa  nais- 
sance à  l'initiative  des  Professeurs  Léonard  Bloomfield,  G.  M.  Bol- 
ling  et  E.  H.  Sturtevant,  et  de  vingt-six  autres  linguistes  amé- 
ricains appartenant  pour  la  plupart  à  l'enseignement  universitaire. 
Parmi  les  noms  des  premiers  adhérents,  figuraient  ceux  de 
Franz  Boas,  Cari  D.  Buck,  Hermann  Collitz,  Aurelio  M.  Espi- 
nosa,  J.  L.  Gerig,  Roland  G.  .Kent,  Truman  Michelson, 
C.  W.  E.  Miller,  Edward  Prokosch,  Edward  Sapir,  H.  A.  Todd  « 
etc.  La  jeune  société  a  reçu  à  sa  première  séance  une  adresse  de 
félicitations  et  de  vœux  envoyée  par  M.  Meillet  au  nom  de  la 
Société  de  Linguistique  de  Paris.  La  cotisation  est  de  5  Dollars  pat 
an,  payable  entre  les  mains  du  secrétaire-trésorier  M.  le  Prof. 
Roland  G.  Kent,  University  of  Pennsylvania,  Philadelphie. 

La  société  publie  une  revue,  qui  porte  le  nom  de  Language 
(Waverley  Press,  Baltimore)  et  paraît  en  quatre  fascicules  par  an. 

I.  Henry  Alfred  Todd,  Professeur  de  philologie  romane  à  Columbia 
University  depuis  1895,  est  mort  le  3  janvier  1925  à  l'âge  de  70  ans.  Six 
jours  avant  sa  mort,  il  prit  part  à  la  première  séance  de  la  société  et  v  fit 
une  communication.  Il  avait  fondé  deux  importants  périodiques,  Modem 
Language  Notes  et  The  Romanic  Review. 


246  Périodiques. 

Les  fascicules  du  premier  volume  (1925)  ont  un  contenu  des  plus 
variés  qui  touche  à  toutes  les  parties  de  la  linguistique  depuis  la 
linguistique  générale  jusqu'à  l'assyriologie  et  les  langues  améri- 
caines, en  passant  par  le  lydien  et  le  hittite,  sans  négliger  les 
langues  classiques.  Le  celtique  n'y  est  que  très  peu  représenté. 
Dans  un  article  sur  des  alternances  de  suffixes  en  indo-européen, 
M.  M.  Bloomfield  aurait  pu  citer  p.  93  le  cas  de  l'adjectif  gallois 
cadr  «  fort  »  (mbr.  ca\r  auj.  caer  «  beau  »)  de  *kat-ro-  à  côté  de 
cad  «  combat  »  (irl.  cafh)  de*kat-u-. 

Dans  le  même  volume,  p.  1 19-129,  M.  Louis  H.  Gray  étudie  le 
préfixe  négatif  en  n  de  l'indo-européen.  Il  ne  manque  pas  p.  né 
de  citer  les  formes  celtiques  qui  s'y  rattachent  :  *#-  dans  v.  irl.  an- 
hutnal  «  non  humble  »  in-derb  «  incertain  »  é-trocar  «  impi- 
toyable »  (cf.  Pedersen  Vgl.  Gr.  II,  212);  *ne-  dans  irl.  nech  gall. 
neb  «  quiconque  »  de  *ne-kwo-  «  personne  »  ;  gall.  ne  mawr 
«  pas  grand  »  bret.  ne  ira  «  rien  »  sortent  plutôt,  comme  le  disent 
sir  John  Morris-Jones  (Welsb  Gr.  p.  313)  et  M.  J.  Loth  (Chrest. 
p.  501)  de  *nep  mawr,  *nep  ira. 

II 

Le  dernier  fascicule  du  tome  XXXVI  des  Annales  de  Bretagne 
contient  la  suite  de  YHisloria  Peredur  vab  Evrawk  par  M.  J. 
Le  Roux  (p-' 528-557)  et  la  fin  du  travail  du  Chanoine  Pérennès 
sur  les  Hymnes  de  la  fête  des  morts  en  Basse-Bretagne  (p.  558-599). 
Cette  dernière  partie  comprend  les  complaintes  en  dialecte  de  Cor- 
nouaille  (au  nombre  de  trois,  dont  le  fameux  cantique  du  Père 
Maunoir,  a  den  a  vexp  qner  calet  «  y  aura-t-il  quelqu'un  d'assez 
insensible  ?...  »,  publié  avec' les  variantes  des  différentes  éditions) 
et  deux  cantiques  en  dialecte  léonais  (Klemmou  an  Anaon  «  Plaintes 
des  Trépassés  »  et  guéri  ar  garnel  «  chant  du  charnier  »).  Nous 
signalions  au  tome  précédent  (p.  218)  que  la  traduction  de  ces 
hymnes  laissait  parfois  à  désirer.  La  même  remarque  doit  être 
répétée  ici  :  p.  588,  nhon  eu\  kavet  nemedomp  ac  honoberiou  mat  est 
traduit  par  «  nous  n'avons  retrouvé  en  ce  monde  que  nos  bonnes 
œuvres  »,  alors  qu'il  faut  traduire  «  nous  n'avons  gardé  (avec 
nous,  c'est-à-dire  emporté)  que  nous  et  nos  bonnes  œuvres  ». 
P.  590,  0  c  houleti  diganeocl)  ma  teuot  d'ober...  or  peoc'h  «  vous 
demandant  de  faire  notre  paix  »  (ma  teuot  n'est  pas  traduit).  Il  y  a 
aussi  des  fautes  d'impression,  dale'het  (p.  564  et  p.  566)  au  lieu  de 
dalc'het,  Done  (p.  566)  au  lieu  de  Doue,  varmomp  (p.  582)  au  lieu 
de  varnomp.  —  A  signaler  le  composé  ebers  «  bientôt  »  (p.  57e  et 


Périodiques.  247 

p.  578)  tiré  de  prest  «  vite  »  avec  une  métathèse  dont  il  y  a  d'autres 
exemples  en  breton  (cf.  R.  Celt.,  XXXV,  27),  et  aussi  la  forme 
alchoét  «  clef»  (p.  580)  ;  Y  Atlas  Linguistique  de  M.  P.  Le  Roux  ne 
présente  du  nom  de  la  clef  qu'une  seule  forme  à  /  final,  c'est  elfet 
à  Névez,  près  de  Pont-Aven.  —  Le  chanoine  Pérennés  a  eu  l'excel- 
lente idée  de  joindre  au  texte  des  chansons  la  notation  des  airs  sur 
lesquels  elles  se  chantent  (p.  596). 

M.  F.  Vallée  publie  dans  le  même  fascicule  (p.  484-485)  une 
chanson  sur  «%la  Puce  »  (ar  c'hoanenn)  à  laquelle  on  comparera 
«  la  chanson  des  puces  »  (jpn  ar  chuenn)  enregistrée  par  Luzel 
dans  ses  Soniou,  t.  II,  p.  86. 

Enfin,  on  lira  avec  intérêt  et  émotion  le  bel  article  nécrologique 
que  M.  G.  Dottin  consacre  à  la  mémoire  de  l'abbé  Duine  (p.  629- 
645). 

III 

Dans  la  Revue  des  Études  Anciennes  t.  XXVII,  p.  25-28, 
M  Seymour  de  Ricci  propose  d'ajouter  deux  nouveaux  milliaires 
aux  onze  que  l'on  connaît  déjà  de  l'empereur  Claude  en  Gaule. 
L'un  a  été  trouvé  à  Beaulieu,  sur  la  route  de  Lyon  à  Bordeaux  ;  il 
n'est  connu  que  par  une  ancienne  copie,  mais  la  comparaison  d'un 
milliaire  de  Billom  permet  de  le  compléter  et  en  même  temps  de 
l'authentiquer.  L'autre  provient  de  Saint-Pierre  les  Églises  sur  la 
route  de  Poitiers  à  Bourges.  Il  est  d'une  restitution  plus  difficile, 
et  moins  sûre. 

Dans  le  2e  fascicule  du  même  tome  XXVII,  on  notera  une 
étude  de  M.  Jullian  sur  «  l'enceinte  gallo-romaine  de  Bazas  » 
(p.  119-121)  et  une  note  du  même  sur  «  une  cella  gallo-romaine  » 
conservée  à  Germain  la  Rivière  (Gironde)  sous  le  nom  d'Ermitage 
de  Saint-Aubin  (p.  122-124)  ;  une  étude  de  M.  Raoul  Montandon 
sur  «  la  topographie  de  Genève  à  l'époque  gallo-romaine  »  (p.  125- 
132)  ;  une  dé  M.  Jacques  Soyer  sur  le  «  Nouiodunum  des  Bitu- 
riges  »,  dont  il  maintient  l'identification  avec  Neung-sur-Beuvron 
pour  des  raisons  qui  semblent  excellentes  (p.  133-134)  ;  enfin  une 
de  M.  F.  Pajot  sur  «  la  question  d'Olino  et  de  lesontio  »  [le  pre- 
mier nom  ne  serait  qu'une  erreur  de  transcription  du  second  dans 
la  Notitia  dignitatum]  (p.  135-137).  Dans  les  notes  d'archéologie 
rhénane  de  M.  Albert  Grenier,  on  doit  signaler  la  mention  d'un 
travail  de  M.  Keune,  suivant  lequel  il  faudrait  rayer  les  dit  Casses 
du  panthéon  celtique.  Ce  nom  ne  figure  que  sous  la  forme  du 
datif  dans  des  dédicaces  dits  Cassibus  (Holder,  I,  824)  ou  Cassubus 


248  Périodiques. 

(Corp.  XIII,  6668),  et  il  s'agirait  tout  simplement  des  «  dieux 
Hasards  »,  comparables  au  bonus  Euentus  des  Latins.  Cette  hypo- 
thèse est  donnée  comme  remontant  à  Domazewski,  mais  sans 
référence. 

Le  quatrième  fascicule  contient  une  étude  de  M.  Bidez  (p.  312- 
318),  d'où  il  résulte  que  l'empereur  Magnence  était  né  à  Amiens 
d'un  père  breton  et  d'une  mère  franque.  M.  Bidez  a  trouvé  ce 
renseignement  dans  une  note  marginale  du  Ms.  Vossianus  77  111 
(=  v)  f°  30  v°.  Il  est  fort  précieux,  parce  qu'il  explique  nombre  de 
particularités  delà  vie  de  Magnence,  aventurier  qui  se  fit  proclamer 
empereur  au  cours  d'un  banquet  en  350  et  qui  succomba  à  la 
bataille  de  Moursa,  sur  la  Drave.  dans  la  lutte  qu'il  avait  entreprise 
contre  Constance. 

P.  327-328,  M.  Jardé  conteste,  pour  des  raisons  historiques  et 
topographiques  qui  semblent  plausibles,  l'identification  de  X Ar- 
bricum  (et  non  Arebricum),  mentionné  dans  la  Vie  d'Hérifrid, 
évêque  d'Auxerre  au  ixe  s.,  et  du  hameau  qui  s'appelle  aujourd'hui 
les  Bries  ;  c'est-à-dire  qu'il  repousse  l'étymologie  sur  laquelle 
M.  Niedermann  a  appuyé  la  jolie  hypothèse  mentionnée  R.  Celt., 
t.  XLII,  p.   188. 

IV 

Dans  le  Bulletin  de  la  Société  de  Linguistique,  t.  XXIV, 
p.  214,  M.  J.  Loth  étudie  les  «  noms  d'homme  en  -à-  long  en 
celtique  ».  Contrairement  à  l'enseignement  de  M.  Dottin  (La 
langue  gauloise,  p.  117),  M.  Loth  soutient  que  les  dialectes  insu- 
laires ont  connu  des  noms  en  -à-  se  rapportant  à  des  hommes. 
Sans  parler  des  noms  de  peuples,  comme  Demetae  (auj.  Dyfed)  ou 
*Connactae  (d'où  Connachtd),  il  rappelle  les  mots  irlandais  cerd  et 
techl  qui  signifient  à  la  fois  l'un  «  art  »  et  a  artiste  »,  l'autre 
«  voyage  »  et  «  messager  ».  Dans  les  deux  cas,  ce  sont  des  fémi- 
nins en  -à-.  En  gallois,  cerdd  «  art,  poésie,  musique  »  s'emploie 
aussi  au  sens  d'  «  artiste,  poète  »,  mais  dans  ce  sens  on  lui  a 
donné  une  forme  de  pluriel  masculin,  cyrdd  (B.B.C.  58.21  Sk.  = 
104. 11  Ev.,  kyrt;  B.  Tal.  120. 31  Sk.  =  11 .  10  Ev.,  kyrd  ;  MA. 
160  a  42,  338  a  6).  Le  correspond  gallois  de  techt  est  teith,  auj. 
taith,  qui  ne  signifie  que  «  voyage  »  ;  mais  au  sens  de  «  mes- 
sager »  le  gallois  a  un  mot  cennad  qui  est  anciennement  féminin, 
comme  il  Test  en  moyen-breton  (ganat)  et  en  moyen-cornique 
{cannas,  Beun.  Merias.,  v.  1433).  L'irlandais  a  d'ailleurs  aussi  un 
mot  echlach  a  messager  »,  qui  dans  la  Tàin  bô  Cùailnge  est  féminin. 


Périodiques.  249 

Dans  le  même  volume  du  Bulletin,  p.  219  et  ss.,  M.  A.  Som- 
merfelt  ajoute  une  correspondance  à  celles  déjà  connues  entre 
l'indo-iranien  et  les  langues  occidentales.  Il  s'agit  de  l'irlandais 
cuanna  «  joli,  distingué  »  de  *cuan-dae,  gallois  cun  «  charmant, 
aimable  »,  que  M.  Sommerfelt  rattache  à  la  racine  *ku-  dont  le 
sanskrit  a  tiré,  avec  divers  élargissements  (*kudh-,  *kubh-,  *kuq-) 
les  mots  çundhati  «  il  purifie  »  partie,  çuddhâh  «  purifié  n,çubhrdh 
«  brillant,  beau  »,  çôcati  «  il  luit  »  çûcih  «  brillant,  pur  ».  Le  gallois 
cun  de  *kouno-  est  même  directement  superposable  au  sanskrit 
çônah,  si  l'on  admet  que  la  présence  de  la  cérébrale  est  un  fait  de 
moyen-indien.  Le  celtique  *kouno-  figure  encore  dans  plusieurs 
noms  propres,  comme  v.  irl.  Coonu,  plus  tard  Cuunu,  gén.  Cua- 
nach,  qui  semble  sortir  d'un  ancien  composé  avec  i.e.  *okw-,  cf.  lat. 
ferôx,  atrôx,  gr.  yXauxo)-|,  etc. 

A  signaler  encore,  p.  283,  deux  notes  étymologiques  de 
M.  Meillet  ;  il  résulte  de  l'une  que  le  radical  *smerto-  de  gaul. 
Rosmerta,  Smertullus  etc.,  pourrait  bien  être  rapproché  du  nom 
d'une  des  parques  en  vieux  latin,  Morta;  de  l'autre,  que  lat.  agnus, 
gr.  àavô;,  à  cause  de  leur  voyelle  a.  doivent  rester  séparés  de  irl. 
uan,  qui  a  un  ancien  d,  et  de  v.  si.  agne  qui  suppose  un  ancien  ô. 

C'est  dans  ce  même  volume  que  M.  Grammont  a  publié  son 
travail  sur  l'Assimilation  (p.  1-109),  qui  est  un  magistral  exposé 
de  phonétique  générale.  Les  phonéticiens  liront  également  avec 
fruit  la  jolie  note  de  M.  Sommerfelt  sur  les  changements  phoné- 
tiques (p.  1 38-141). 

Le  tome  XXV  du  même  périodique  contient,  avec  les  Remarques 
signées  J.  Yendryes  sur  les  Graffites  de  la  Graufesenque  (p.  34- 
43),  un  article  de  M.  J.  Loth  sur  un  groupe  de  mots  du  celtique 
insulaire  qui  commencent  par  b-  et  sb-  ;  il  y  voit  un  fait  d'alter- 
nance consonantique,  comme  en  a  signalé  déjà  M.  Pedersen  (Vgl. 
Gr.,  I,  p.  88).  Ces  mots  sont  les  suivants  :  irl.  brùan  «  fragment  » 
et  spruadhna  (pi.)  «  même  sens  »  ;  irl.  brùar  etsprudhar  «  miette  -•>  ; 
irl.  brus  et  sprus  «  déchets  de  blé  »  ;  irl.  bairnech  et  spairnech 
«  furieux  ».  Bien  qu'il  y  ait  quelques  exemples  de  développement 
spontané  d'un  s  initial  en  irlandais  (spréidh  «  bétail,  proie  »  à  côté 
de  preidh),  M.  Loth  croit  que  l'alternance  en  question  remonte  au 
vieux-celtique.  Il  en  donne  comme  preuve  l'opposition  de  gall. 
ffer  bret.  jer  «  cheville  »  irl.  seir  g.  sered  (mais  duel  di  ferid  L.U. 
69  a  30,  comme  de  sine  «  mamelle,  pis»  bè  tri-phne  L.U .  77  a  38) 
«  même  sens  »  corn,  fer  «  jambe  »  et  de  gall.  berr,  corn,  ber 
«  jambe  »  ;  il  existe  d'ailleurs  un  mot  irlandais  speir,  gén.  speire 
«  jarret,  jambon  ».  Ce  qui  suppose  pour  le  celtique  commun  à  la 


250  Périodiques. 

fois  *berrâ,  *\berâ,  *sperâ  et  *spernnà.  M.  J.  Loth  explique  de 
même  le  corn,  sprus  spus  «  pépins  »  (collectif),  bret.  spîuseti 
sprusen  et  spus  «  semence  qui  fait  germer  »  par  un  prototype 
*\brousto-  *ibousto-  (cf.  v.  isl.  sproii  «  bourgeon,  pousse  »  et  suéd. 
dial.  sputa  «  jaillir  »)  ;  de  même  aussi  bret.  sper  «  semence,  lignée  » 
par  une  racine  *%bher-i  doublet  de  *bher-  «  porter,  engendrer  »  et 
de  *sper-  «semer  », 

V 

On  retiendra  avec  intérêt  de  The  ClassicalReview,  vol.  XXXVII 
(1923)  p.  60,  une  note  de  M.  A.  E.  Housman  d'après  laquelle  le 
nominatif  singulier  Allobroga  et  le  nominatif  pluriel  Allobrogae 
n'existeraient  pas.  Ces  deux  formes,  enregistrées  par  le  Thésaurus 
Linguae  Latinae,  résultent  d'une  mauvaise  interprétation  du  scho- 
liaste  de  Juvénal  (satire  VII,  244).  Il  n'existe  pas  d'autre  nominatif 
singulier  que  Allobrox  (Horace,  Epodes  XVI,  6;  Gram.  Lat.  suppl. 
p.  119  et  C.I.L.  XII  3109),  d'autre  nominatif  pluriel  que  Allo- 
broges  (Schol.  Juu.  ad  VIII  234).  Cela  est  évidemment  conforme  à 
ce  que  l'on  attend  d'après  la  déclinaison  gauloise  ;  cf.  d'Arbois  de 
Jubainville,  C.R.  de  VAcad.  des  Inscriptions,  1892,  p.  383. 

Même  périodique  vol.  XXXVIII  (1924),  p.  14e  et  suiv.,  M.  D. 
Atkinson  publie  une  inscription  récemment  découverte  par  les 
soins  de  la  Birmingham  Archeological  Society  sur  l'emplacement 
de  l'antique  Viroconium,  auj.  Wroxeter,  près  Shrewsbury.  Cette 
inscription  a  l'intérêt  de  nous  fournir  le  nom  du  peuple  celtique 
dont  Viroconium  était  la  capitale  sous  la  forme  Cornou[iî).  On  sait 
que  la  géographie  de  Ptolémée  (II,  3),  place  immédiatement  à  l'Est 
des  Ordouices  le  peuple  des  Cornauii  (sic  :  Kocvaoutot).  Le  géographe 
de  Ravenne  (I,  3),  dans  une  liste  de  noms  de  cités  bretonnes, 
donne  Utriconium  Cornoninnorum,  ce  qui  est  une  faute'manifeste  ; 
certains  éditeurs  modernes,  comme  Wright  (JJriconium,  p.  1)  ont 
corrigé  en  Cornauiorum,  d'autres  comme  Haverfield  (V.C.H.  Shrop- 
shire,  vol.  I,p.  215  f)  en  Cornouiorum.  L'inscription  qu'a  mise  au 
jour  la  Birmingham  Archeological  Society  prouve  que  cette 
seconde  leçon  est  la  bonne. 

VI- 

Dans  le  tome  XLVI  de  I'American  Journal  of  Philology, 
p.  101-127,  M.  G.  L.  Hendrickson  étudie  «  Archiloque  et  les  vic- 
times de  ses  iambes  ».  Il  ne  pouvait  manquer  de   rappeler  le  rôle 


Périodiques.  251 

des  poètes  satiriques  en  Irlande,  tel  qu'il  a  été  mis  en  lumière 
dans  un  excellent  travail  du  Prof.  N.  Robinson  (v.  R.  Celt.,  XXXIV, 
94).  Aussi  trouve-t-on  en  appendice  (p.  124  et  suiv.)  un  excursus 
sur  des  analogues  irlandais  et  arabes.  On  sait  de  quel  pouvoir 
redoutable  les  poètes,  en  Irlande  comme  en  Galles,  étaient  investis. 
Aussi  ne  les  recevait-on  pas  volontiers  chez  soi.  A  la  porte 
d'Emain  Mâcha,  se  tenait  un  guetteur  chargé  d'éconduire  les  poètes 
satiristes  qui  se  présentaient  (L.U.  61  b  :  fri  snàdud  neich  dathissad 
co  n-airchetul).  C'était  une  mesure  de  protection  fort  sage.  Tout  ce 
que  M.  Hendrickson  rapporte  sur  le  compte  d'Archiloque  ne  peut 
manquer  d'intéresser  les  celtistes,  qui  y  trouveront  des  motifs 
nombreux  de  comparaison. 

L'étude  de  M.  Walter  Petersen  sur  «  le  génitif  adnominal  » 
(p.  128-160)  consiste  en  une  analyse  très  serrée  des  emplois  variés 
de  ce  cas  pour  en  déterminer  l'origine.  C'est  une  difficile  question 
sur  laquelle  Delbrùck  (Grundr.  III,  186,  333)  et  Brugmann  (ibid., 
2e  éd.,  II,  2,  567),  MM.  E.  Schwyzer  {i.F.  XXIII,  162),  van 
Wijk  (Der  nominale  Genitiv  singular  im  îndo-germanischen  in 
seinem  Verhâltniss  \um  Nominativ,  p.  178)  et  d'autres  encore  ont 
exprimé  des  opinions  variées.  M.  Petersen  se  propose  de  prouver 
qu'il  existait  jadis  un  type  de  génitif  sans  désinence  placé  auprès 
d'un  nom  avec  une  valeur  d'apposition  ou  de  dépendance,  c'est-à- 
dire  pour  marquer  une  idée  accessoire  appartenant  à  la  sphère  de 
ce  nom.  Le  principal  argument  à  l'appui  de  sa  thèse  est  tiré  des 
noms  composés,  dont  le  premier  terme  qui  est  généralement  un 
thème  nu  peut  exprimer  avec  le  second  terme  un  rapport  quelconque. 
M.  Petersen  estime  que  ces  thèmes  nus,  premiers  termes  de  com- 
posés de  dépendance  représentaient  à  date  préhistorique  ce  qui 
devait  plus  tard  être  des  génitifs.  En  effet  les  rapports  si  variés 
qu'implique  la  composition  peuvent  tous  s'exprimer  au  moyen  du 
génitif.  C'est  postérieurement,  avec  le  développement  des  langues 
que  le  génitif  aurait  pris  sa  forme,  par  suite  de  la  différenciation 
des  divers  emplois.  S'il  en  est  ainsi,  il  n'y  a  pas  à  établir  une  hié- 
rarchie entre  ces  emplois  ni  à  chercher  lesquels  seraient  tirés  des 
autres  (p.  143)  ;  ils  sont  contemporains.  Passant  en  revue  ces 
divers  emplois  (génitif  possessif,  génitif  dépendant  d'un  adjectif 
verbal,  génitif  descriptif,  génitif  appositionnel,  génitif  de  matière 
ou  d'origine,  génitif  complément  d'un  nom  verbal,  génitif  par- 
titif), M.  Petersen  montre  par  des  exemples -que  la  composition 
présente  des  substituts  de  tous  ces  emplois  du  génitif.  Ainsi  l'on 
trouve  en  grec  àpYucoO-rjxr,  et  Ôt^xy,  àoyuco'j,  ^oûveupov  et  v-ïpov 
poo;,   T£'./oç,ûXa;   et   cpOXa;   to3   te;/ouç.    Il  conclut  de    là   que    le 


252  Périodiques. 

génitif  s'est  formé  par  addition  d'un  élément  pronominal  au 
thème  nu  primitivement  employé  pour  le  substantif  en  apposition  ; 
ainsi  dans  les  thèmes  en  *-o-,  le  génitif  aurait  été  formé  par  l'ad- 
dition d'un  élément  démonstratif  *so  ou  *syo.  L'hypothèse  est 
hardie  et  indémontrable.  Ce  qui  est  dit  p.  159  de  l'origine  du 
génitif  pluriel  (tiré  d'un  ancien  neutre  singulier  *rêg-o-m  genos 
«  race  royale  »  d'où  %rêg-ôm  genos  sous  l'influence  des  thèmes  en 
*-o-  et  en  *-a-  où  il  y  aurait  eu  contraction)  dépasse  les  limites  de 
la  vraisemblance.  On  admettra  difficilement  que  dans  le  type  grec 
iaTpo-fjLtzvTt;  ou  xaxo-5atfjuov  le  premier  terme  ait  la  valeur  d'un 
génitif  partitif.  Mais  il  y  a  dans  cet  article  des  vues  de  détail  inté- 
ressantes et  justes.  Le  celtique  y  est  à  peine  utilisé  ;  on  trouve 
cités  de  rares  exemples  irlandais  :  p.  147  muitice  iri  n-ungae  et 
p.  151  lestar  n-arggit.  Ils  n'apportent  rien  de  nouveau.  En  revanche, 
l'irlandais  manque  là  où  il  pourrait  fournir  un  témoignage  positif, 
par  exemple  pour  montrer  que  l'équivalence  du  procédé  de  la  com- 
position et  de  l'emploi  du  génitif  s'était  conservée  en  celtique,  et 
surtout  pour  y  attester  la  survivance  des  expressions  redondantes 
du  type  skr.  sàkhâ  sàkhinàm,  R.V . ,  I,  30,  11  (p.  155)  ;  irl.  sui  na 
suad  «  sage  des  sages  »  (ci-dessus,  p.  26,  §  24).  Ces  expressions 
sont  courantes  en  irlandais  (cf.  Rev .  Celt.,  XXXVII,  28e  et  XLII, 
401)  ;  elles  existent  également  en  brittonique.  Elles  sont  même  si 
caractéristiques  de  la  syntaxe  celtique  qu'on  les  rencontre  en  latin 
sous  la  plume  d'écrivains  auxquels  la  pensée  celtique  était  familière. 
Ainsi  Nennius  écrit  nullus  Britto  Brittonum, deusdeorum,  miraculum  de 
miraculis,  os  de  ossibus,  rex  inter  reges  (F.  Liebermann,  Nennius  the 
author  of  the  Historia  Brittonum,  dans  les  Essays  in  Mediaeval  His- 
tory  presented  to  Thomas  Frederick  Tout,  Manchester,  1925,  p.  32); 
cf.  R.  Celt.,  XXXVIII,  345  n.  Ce  n'est  pas  le  seul  idiotisme  cel- 
tique qu'on  observe  dans  le  latin  de  Nennius  (cf.  Windisch,  das 
keltische  Britannien  bis  \u  Kaiser  Arthur^  p.  288). 

P.  358-362  du  même  volume,  M.  Hermann  Collitz  traitant  du 
gotique  barusnjan  «  cù^e^Eïv  »  (Timoth.  I,  v,  4)  y  voit  le  dérivé 
d'un  adjectif  *baru-  emprunté  au  grec  potcû;  «  grave,  sérieux, 
digne  »  (cf.  Iv  (îâpet  en/ou  «  être  un  objet  d'honneur  ou  de  respect  » 
Thess.  J,  11,  6).  Il  rejette  l'hypothèse  de  M.  R.  Much  {Deutsche 
Stammeskunde,  Leipzig,  1900,  Samml.  Gôschen,  p.  46),  suivant 
laquelle  l'adjectif  gotique  *baru-  aurait  été  emprunté  au  celtique. 
Cette  hypothèse  avait  contre  elle  qu'on  ne  rencontre  pas  en  effet  de 
mot  *baru-  dans  les  langues  celtiques  (cf.  toutefois  Wh.  Stokes, 
Urk.  Sprachsch.,  p.  186,  qui  imagine  un  thème  *bru-  pour  expliquer 
gall.  bryw  «  vigueur  »). 


Périodiques.  253 


VII 


Glotta,  t.  XIII,  p.  171-188.  M.  Havers  présente  d'intéressantes 
remarques  sur  l'emploi  syntaxique  du  neutre  en  latin  et  en  grec. 
Le  neutre  s'emploie  parfois  à  l'accusatif  là  où  on  attendrait  un  cas 
oblique.  La  répugnance  à  employer  les  cas  obliques  du  neutre  est 
particulièrement  nette  dans  les  bas  temps,  au  moment  où  le  sys- 
tème de  la  flexion  commence  à  se  détraquer  C'est  au  neutre  sur- 
tout que  l'indéclinabilité  est  admise  dans  des  «  ablatifs  »  absolus 
comme  :  nascente  uulnus ,  inuocato  nomen,  foedus  inito,  perpetrato  faci- 
nus,  tour  très  fréquent  en  bas  latin  (Mommsen,  Index  aux  Getica  de 
Jordanis,  p.  177,  col.  2  ;  Lôfstedt,  Phil.  Kommentar  \u  Peregrinaiio 
Aetheriae,  p.  292  ;  Niedermann,  Festgabe  fur  Blùmner,  p.  328  et  s.). 
M.  Havers  explique  le  fait  en  admettant,  comme  divers  linguistes 
l'avaient  déjà  supposé,  que  le  neutre  était  à  l'origine  indéclinable 
(cf.  Meillet,  M.  S .L.,XX,  172),  et  qu'il  n'avait  lieu  d'être  employé 
qu'à  l'accusatif  parce  que  c'était  le  cas  qui  normalement  lui  apparte- 
nait (cf.  Uhlenbeck,  I.  F.,  XII,  170).  Dans  le  cas  des  pronoms 
neutres,  l'emploi  de  l'accusatif  au  lieu  des  cas  obliques  est  attesté 
en  slave  (Vondrack,  Vgl.  Gr.  IL  339)  et  en  baltique  (Mùhlenbach, 
I.F.,  XIII,  222)  ;  cf.  Delbrûck,  Vgl.  Synt.,  I,  34.1.  M. Havers  est 
tenté  de  joindre  à  ces  langues  l'irlandais,  où  sin  «  ceci,  -ci  «est  indé- 
clinable. Mais  au  masculin  et  au  féminin  som  et  si  ne  se  déclinent 
pas  davantage  (cf.  Pedersen  Vgl.Gr.,  II,  p.  139  et  188).  Il  était  peut- 
être  plus  opportun  de  rappeler  que,  l'article  neutre  étant  en  voie 
d'élimination  dès  le  commencement  du  Xe  siècle  (T.O'Màille,  The 
Language  oj  tbe  Annals  of  Ulster,  p.  124),  c'est  après  les  préposi- 
tions, c'est-à-dire  aux  cas  obliques,  que  la  substitution  du  mascu- 
lin au  neutre  paraît  avoir  commencé  (id.,  ibid.).  Mais  en  somme, 
l'irlandais,  où  la  survivance  du  neutre  est  menacée  dés  les  plus 
anciens  textes,  ne  donne  guère  idée  de  ce  que  pouvait  être  l'em- 
ploi du  neutre  en  indo-européen. 


VIII 

M.Wolfgang  Krause  avait  fait  paraître  au  tome  LU  de  la  Zeit- 

SCHRIFT     FUR   VERGLEICHENDE    SPRACHFORSCHUNG  (pp.   223-249)     Un 

article  sur  une  vieille  construction  elliptique  de  l'indo-européen, 
celle  dont  Zimmer  s'était  jadis  occupé  dans  le  même  périodique 
(t.  XXXII,  p.   153)  parce  que  l'irlandais  en  conserve  des  traces  : 


254  Périodiques. 

icind  tricha  bliadan  condricfem  and  ocus  tù  «  dans  trente  ans  nous 
nous  rencontrerons  ici,  [moi|  et  toi  »  (note  du  L.Br.,  p.  83,  au 
Filire  d'Oengus,  5  mars  ;  éd.  Stokes  [1880],  p.  lxj)  ;  intan  dorega 
su  cot  buaib  anair  doridisi,  fibaid  sund  inn  aidchi  sin  dadaig  ocus  bin- 
dabair  «  quand  tu  seras  revenu  ici  de  l'Est  avec  tes  vaches,  vous 
coucherez  cette  nuit-là  même  ensemble  [toi]  et  Findabair  »  L.L. 
251  b  25  ;  rogabsom  didiu  iarsin  rige  Lagen  ocus  batar  hi  corae  ocus 
Cobibacb  «  il  prit  alors  ensuite  la  royauté  du  Leinster  et  ils  furent 
en  paix  [lui]  et  Cobthach  »  L.L.  270  a  2  ;  etc.  Cette  construction 
en  entraîne  une  autre,  dont  M.Pedersen  Vgl.  Gr.,  II,  138,  a  donné 
des  exemples  typiques  :  immanamaic  dôib  7  in  maccaillech  «  il  y  eut 
rencontre  pour  eux,  [lui]  et  la  jeune  nonne  »  L.L.  285  b  47  ;  scith 
limm  comrac  dûib  7  Cûchulaind  «  j'ai  regret  de  ce  combat  entre  vous 
[toi]  et  Cuchullin  »  L.U.  68  a  44. 

La  question  est  reprise  par  M.  Thurneysen  dans  le  volume  LUI 
de  la  Zeitschrift  }.  vergl.  Sprachf.,  p.  82  et  ss.  Il  s'agit  d'un  idio- 
tisme dont  la  règle  doit  se  formuler  ainsi  :  après  un  pronom 
pluriel  combiné  avec  une  préposition  suivant  l'usage  celtique,  on 
peut  exprimer  un  substantif  impliqué  dans  le  concept  du  pronom 
en  le  faisant  précéder  de  la  conjonction  «  et  »,  mais  le  substantif 
se  met  alors  au  nominatif.  C'est  au  nominatif  en  effet  que  sont  les 
mots  maccaillech,  Cûchulaind  dans  les  exemples  précédents,  et  de 
même  dans  les  exemples  suivants  :  iss  inund  mâthair  dôib  ocus  int 
Eochu  «  ils  ont  une  même  mère,  [lui]  et  Eochu  »  L.U.  20  a  17  ; 
doècastar  imbi  hinun  folud  bis  indib  ocus  a  céinide  «  que  l'on  voie  si 
c'est  le  même  objet  qui  est  en  eux,  [lui,  le  dérivé]  et  son  primitif  » 
Sg.  188  a  5  ;  fechta  cath  Muighe  Tuired  etorra  ocus  Fir  Bolc  «  la  bataille 
de  Moytura  fut  livrée  entre  eux  [les  Tuatha  De  Danann]  et  les  Fir 
Bolg  »  R.  Celt.  Xll,  58,  §  10  ;  doroinde  sith  celgi  etarro  ocus  a  clann 
«  elle  conclut  une  paix  trompeuse  entre  eux,  [Crimthann]  et  ses 
enfants  »,  R.  Celt.,  XXIV,  178,  §  7  ;  cethardha  ndillata  leis  ocus 
a  ben  «  quatre  vêtements  à  lui  et  [à]  sa  femme  »  Ane.  Laws,  IV, 
312,  1  (le  tour  conforme  à  l'usage  ancien  serait  ko  «  à  eux,  [lui]  et 
sa  femme  »).  Toutefois  quand  l'article  est  employé  devant  le  subs- 
tantif, ce  dernier  se  met  au  cas  que  réclame  la  préposition  :  etarru 
son  ocus  in  gréin  «  entre  eux  [lui]  et  le  soleil  »  Ml.  112  a  8  :  in  ré 
rachtaighin  bidbu  atnru  ocus  in  féichemuin  toicheda,  Ane.  L.,  V,  380, 
5  (à  côté  deeaturu  ocus  féchem  V,  378).  Dans  la  phrase  de  la  FI. 
Br.  §  26  (L.  U.  103  a  3  5),  citée  par  M.  Thurneysen,  Hdb.  §  400,  il 
faut  lireco  tïsad gaeth  etorro  ocus  talam  (et  non  talmain  ;  ms.  ial-). 
Les  manuscrits  plus  récents  ont  etir  ê  ocus  talm(ain),  ce  qui  est  déjà 
de  Pirlandais  moderne. 


Périodiques.  255 

Le  tour  s'explique  de  deux  laçons.  D'abord  par  le  fait  que  le  pro- 
nom étant  réuni  à  la  préposition,  celle-ci  perd  en  quelque  sorte 
sa  capacité  de  gouverner  un  autre  mot.  Et  ensuite  par  ceci  que  le 
nominatif  ne  sert  pas  seulement  de  cas  sujet  et  de  cas  prédicat, 
mais  aussi  qu'on  l'emploie  partout  où  le  substantif  s'emploie  libre- 
ment dégagé  de  tout  rapport  avec  le  reste  de  la  phrase  ;  c'est  le 
symbole  du  mot,  indépendant  de  toute  flexion  (cf.  Thurneysen 
Hdb.§  248  et  Baudis,  Z.f.  ait.  Phil.,  IX,  311);  c'est  donc  au 
nominatif  que  se  met  naturellement  le  substantif  là  où  rien  n'exige 
l'emploi  obligatoire  d'un  autre  cas. 

Cette  conclusion  est  confirmée  par  un  autre  idiotisme  irlandais. 
Quand  le  pronom  compris  dans  la  particule  de  ajoutée  à  un  com- 
paratif est  développé  au  moyen  d'un  substantif,  celui-ci  se  met 
aussi  au  nominatif.  Ainsi  :  ni  môiti  eneclann  naflatha  in  cèile  sin  aice 
«  le  prix  de  l'honneur  du  chef  n'en  est  pas  plus  grand,  par  le  com- 
pagnon qu'il  a  avec  lui  »  A.  Laïus,  V,  218,  8  ;  ba  nertiti  leis  a 
menma  na  scéla  adhadar  do  in  gilla  «  son  esprit  en  était  plus  fort, 
par  les  récits  que  le  garçon  lui  racontait  »  Ir.  Texte,  I,  212,  1.  16. 
Le  tour  s'est  conservé  en  de  nombreuses  locutions  proverbiales 
jusqu'à  aujourd'hui,  is  tigbe-de  an  brat,  a  dhûbladh  «  le  manteau  en 
est  plus  épais,  par  sa  doublure  ».  (T.  O'Rahilly,  A  miscellany  0} 
Irish  proverbs,  p.  101,  n°  31e;  cf.  le  même,  Dânfhocail,  p.  12,  n°  59). 
Il  faut  donc  voir  un  nominatif  dans  ôibniti  in  tech  for  tichtain  «  la 
maison  en  est  plus  agréable,  par  votre  venue  »,  malgré  K.  Meyer, 
Univ.  of  Illinois  Studies  in  Language  and  Literature,  II  (19 16), 
p.  éoo. 

Il  y  a  d'autres  faits  de  même  ordre,  comme  l'emploi  bien  connu 
en  poésie  d'un  possessif  proleptique  (proprement  un  ancien  géni- 
tif) repris  au  vers  suivant  par  un  nominatif.  Dans  le  Saltair  na 
Rann  un  substantif  réuni  par  ocus  à  un  groupe  à  un  autre  cas  se 
met  au  nominatif  (K. Meyer.  Sil^b.  Berl.  Ak .  19 17,  p.  646).  Dès 
que  le  lien  syntaxique  se  relâche,  le  substantif  reste  au  nominatif. 
Tout  cela  prouve  la  détérioration  du  système  flexionnel. 


IX 


Dans  la  Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  t.  XLIII, 
(1923),  p.  385-402,  M. Thurneysen  étudie  «  eine  irische  Parallèle 
zur  Tristan-Sage  ».  Il  s'agit  d'un  curieux  récit  intitulé  Scéla  Cano 
tneic  Gartnâin,  dont  Kuno  Meyer  a  publié  le  texte  d'après  le  Yellow 
Book  of  Lecan,  p.  128  a  et  ss.,dans  les  Anecdota  front  Irish  Manu- 


256  Périodiques. 

scripts,  t.  I,  p.  i - 1 5 .  Ce  récit  est  d'un  type  assez  répandu  dans  l'Ir- 
lande du  moyen  âge  :  sur  quelques  données  historiques,  utilisées 
d'ailleurs  avec  une  fantaisie  qui  s'inquiète  peu  des  inexactitudes  ou 
des  anachronismes,  l'auteur  bâtit  un  roman,  dont  le  principal  inté- 
rêt est  dans  la  peinture  des  mœurs.  Le  Forbuis  Droma  Dambghaire, 
publié  ci-dessus  par  M!le  Sjœstedt,  est  un  autre  exemple  du  même 
genre,  mais  d'un  intérêt  plus  vif  encore  par  tous  les  renseigne- 
ments qu'il  fournit  sur  la  magie. 

Ce  que  les  Annales  irlandaises  nous  apprennent  sur  Cano  mac 
GarUiàin  est  maigre.  Sa  mort  est  mentionnée  à  l'année  688  (où 
d'ailleurs  son  père  est  appelé  Garlnait,  suivant  une  forme  fréquente 
dans  l'onomastique  des  Pietés).  A  l'année  668,  on  signale  l'arrivée 
en  Irlande  des  fils  de  Gartnait  venant  de  l'île  de  Skye,  et  à  l'année 
670  leur  départ  d'Irlande.  Le  récit  fait  de  Gartnàn  le  fils  d'Aed 
mac  Gabrain  et  le  neveu  d'Aedan  mac  Gabrain  :  Aed  et  Aedan  se 
seraient  trouvés  en  compétition  pour  le  trône  d'Ecosse.  En  réalité, 
Aed  et  Aedan  ne  sont  qu'un  seul  et  même  personnage,  des  mieux 
connus  ;  c'est  celui  que  Saint  Colomba  sacra  roi  d'Ecosse  en  574 
et  qui  mourut  en  606.  Reeves,  considérant  toute  cette  généalogie 
comme  des  plus  suspectes,  avait  supposé  que  le  père  du  Cano 
mort  en  688  était  le  roi  des  Pietés  Gartnait  filius  Domnaill.  dont 
les  Annales  mentionnent  la  mort  en  663.  Mais  M.Thurneysen 
maintient  (p.  402)  la  succession  Gabràn,  Aed  (Aedan),  Gartnait, 
Cano,  en  se  référant  à  deux  passages  des  Annales  d'Ulster  (a.  672 
et  704)  qui  mentionnent  un  certain  Conamail  fils  de  Cano.  Quoi 
qu'il  en  soit,  l'histoire  du  vne  siècle  était  visiblement  peu  familière 
à  l'auteur  du  récit. 

De  quelle  date  est  ce  récit  ?  C'est  difficile  à  dire.  Le  titre  en  est 
mentionné  dans  la  liste  de  Y  Aire  c  Mentnan  Uraird  (Anecdota  from 
lrish  mss.,  II,  46)  sous  la  forme  Serc  Crede  do  Chanainn  mac  Gartnain 
«  L'amour  de  Cano  fils  de  Gartnan  pour  Cred  ».  Mais  le  seul 
manuscrit  qui  l'ait  conservé,  le  Yellow  Book,  est  de  la  fin  du 
xive  siècle.  Il  renferme  plusieurs  poèmes,  assez  mal  transcrits  d'ail- 
leurs. L'un  de  ces  poèmes  contient  une  strophe  qui  est  reproduite 
dans  un  traité  de  métrique,  dont  la  date  est  peut-être  de  la  fin  du 
ixe  siècle.  En  gros  le  texte  aurait  donc  pu  être  rédigé  aux  alentours 
de  l'an  900.  M.  Thurneysen  s'est  proposé  pour  objet  d'en  faire  con- 
naître la  traduction  aux  romanistes.  Mais  une  tâche  préalable  et 
nécessaire  était  d'en  examiner  la  tradition  manuscrite  pour  l'établir 
aussi  solidement  que  possible.  La  traduction  est  donc  accompagnée 
de  notes,  où  le  savant  auteur  fait  preuve  de  sa  maîtrise  habituelle 
et  qui  constituent  en  quelque  sorte  un  apparat  critique  au  texte.  Il 


Périodiques.  257 

est  utile  de  les  reproduire  ici  pour  permettre  à  nos  lecteurs  de  les 
reporter  sur  leur  exemplaire  : 


P.  1,  1.  7,  au  lieu  de  indsi,  lire  intreb  «  mobilier  »?  —  I.  13,  corriger 
telncb  en  telluch  et  cet(J)nama  en  ceci)  simma. 

P.  3,  I.  6,  maintenir  a  meicc  malgré  K.  Mever. —  1.  13,  lire  »/ac.  — 
1.  19,  corriger  burg(ar~)adar  en  burgarad. —  I.22,  au  lieu  de  i  f aile  for thano, 
lire  /aile  fortanu. 

P.  4,  1.  14,  corriger  ni  bat  rignafotha  en  ni  ba  rigne  fota  «  ce  ne  sera 
pas  long  ».  —  1.  16,  lire  nim  mairfider.  —  1.  17,  corriger  segaithsi  en  refait 
se  «  j'irai  ». 

P.  5,  1.  5,  comprendre  di-ar  n-inchaib-ne »  loin  de  notre  honneur  »,  c'est- 
à-dire  «  en  nous  dégageant  de  toute  dette  d'honneur  envers  eux  ».  — 
I.  10,  comprendre  do  thetarreacht  or  mbaegail  «  notre  péril  a  été  conjuré  » 
expression  empruntée  au  jeu  d'échec,  cf.  Eriu,  V,  32.  —  1.  13,  lire  isin 
tir.  —  1.  24,  comprendre  qu'ils  ne  se  déshabillèrent  pas  pendant  deux  jours. 

P.  6,  1.  3,  lire  Gesi  Cernai' mos-rabthus,  dom  liiec  ni-nio  (=  tnad)  -ragbus. 

—  1.  8,  ajouter  quatre  syllabes  comme  lochain  locha.  —  1.  9,  reporter  is  beg 
tarba  (3  syll.)  au  %'ers  suivant  et  supposer  la  chute  de  quatre  syllabes  après 
cliiim.  —  1.  18,  au  lieu  de  ben  lire  bath  «  mer  »  (Corni.  n°  53).  —  1.  20, 
il  manque  deux  syllabes  au  vers.  —  1.  21,  au  lieu  de  isi  or  lire  isind  uair. 

—  I.  22,  il  s'agit  du  combat  de  Carn  Conaill,  livré  en  649,  où  Diarmuid 
vainqjiit  Guaire.  —  1.  23,  lire;»  mbale. 

P.  7,  1.  1,  lire  a  imchomarc.  —  1.  s,  lire  cia  dordu  «  bien  que  (ou  ce  que, 
ou  à  qui)  je  fredonne  »  et  1.  6,  lire  a  orba  «  son  patrimoine  »,  —  1.  7,  lire 
a  canai  «  ce  que  tu  chantes  »•  —  1.  9,  lire  rom-sd  «  qui  m'obtienne  ».  — 
1.  1 1,  lire  diambè  i  n-ingnais  «  duquel  est  éloigné  »  au  lieu  de  diaviongnais. 

—  1.  12,  lire  roliad  si  ioruin  ar  Cbolcain  u  elle  eut  ensuite  des  relations 
avec  Colco  »,  c(.  Otia  fyters.  III,  47  :  roliad  ind  righan  for  mac...  Dichoeme. 

—  1.  15,  lire  a  fêle.  —  1.  24,  corriger  chadtid  en  chadngud  (.—  cholugiid).  — 
1.  26.  au  lieu  de  ceathroimtbi,  lire  iii  cethramtbana. 

P.  8,  1  10,  au  lieu  de  saidig,  Vue  gaibid  comme  dans  la  suite.  —  1.  16, 
lire  dia  bliadtw  «  au  bout  d'un  an,  Tannée  d'après  »  (se  rattache  à  or  se 
qu'il  faut  rétablir  dans  le  texte).  —  1.  19,  corriger  or  en  0. 

P.  9,  1.  4,  lire  '//</  diaid  ind  aigi.  —  1.  23,  1.  a  con  (ou  traduire  «  seine 
Hunde  »). 

P.  10,  1.  6,  au  lieu  de  co  na  tictis,  lire  con-alecht  si  «  elle  demanda  ».  — 
1.  14,  lire...  a  anitn.  A  malhair  robui...  — ,  1.  16,  corriger  lici  en  Hoc,  et 
tallsath  en  tall.  —  1.  22,  au  lieu  de  lochrad  inim  vadmain,  lire  romchrdiler 
Un  midmahn. 

P.  ii,1.  io,  changer  cach  anua  en  cacha  nona  et  1.  15,  rotfersat  en  rotfer- 
fat.  —  1.  30,  au  lieu  de  /or bol  lire  peut-être  forbairt. 

P.  12,  I.  11,  au  lieu  de  araid  nierach  lire  peut-être  qradain  each.  —  1.  19, 
21,  25,  cf.  R.  Celt.  XIII  94  et  XVII  161.  —  1.  22,  corriger  inmend  en  is 
•netid  «  est  clair  ».  —  1.  26,  lire  peut-être  ni  annb  cèin  beo-sa  nadb;  les  vers 
Rrvue  Celtique.  XLIII.  17 


2  5  8  Périodiques. 

25-26  se  retrouvent  avec  des  variantes  dans  les  //•.  Texte  III,  p.  18,  §  51  et 

p.  4fi>§73- 

P.  13,  1.  6,  au  lieu  de  iar  mbernas  lire  quelque  chose  comme  iaruber 
nglas.  —  1.  7,  corriger  Illadon  en  Illanddin  et  par  suite  alladon  en  quelque 
chose  comme  alluiddin. 

P.  15,  1.  2,  au  lieu  de  nisela,  1.  nud-sela  ou  peut-être  nod-seJa.  —  1.  4, 
lire  a  lie  «  sein  Stein  ».  — 1.  5,  lire  comonaccaib  doib.  Don-arthet  teora 
longa...  —  1.  7,  il  faut  supposer  une  lacune  après  a  gn  uis  se  ont.  —  1.  8,  cor- 
riger in  ligi  en  in  lie  '. 

Les  Scéla  Cano  meic  Gartnâin  ne  brillent  pas  par  la  composi- 
tion. Plusieurs  épisodes  y  sont  entremêlés.  Au  §  13,  le  narrateur 
s'arrête  pour  insérer  deux  anecdotes  burlesques  sur  le  fameux  poète 
Senchan  Torpeist.  Il  ne  reprend  le  fil  de  son  histoire  qu'au  §  15. 
L'épisode  qui  prête  à  un  rapprochement  avec  Tristan  et  Iseult 
n'occupe  dans  l'ensemble  qu'une  place  restreinte  ;  il  commence 
assez  gauchement  aux  §§  11- 12,  puis  reprend  au  §  16  et  se  termine 
en  quelques  phrases  rapides  au §23.  On  peut  le  reconstituer  ainsi: 
Cred,  fille  du  roi  de  Connaught  Guaire,  est  l'épouse  de  Marcan, 
qui  a  lui-même  un  fils  du  nom  de  Colcu.  Cred  s'éprend  de  Cano 
sur  le  récit  de  ses  exploits  avant  même  de  l'avoir  vu;  et  lorsqu'il 
vient  à  Derlus,  la  cour  de  Guaire,  elle  sent  sa  passion  s'affirmer. 
Mais  elle  est  elle-même  aimée  de  Colcu,  auquel  elle  refuse  de 
céder  du  vivant  de  son  père.  Le  poète  Senchan,  peut-être  à  l'ins- 
tigation de  Colcu,  s'arrange  pour  faire  partir  Cano  de  Derlus.  A 
la  nouvelle  de  ce  départ,  Cred,  que  la  passion  possède  au  point 
qu'il  faut  quatre  hommes  pour  l'empêcher  de  s'enfuir,  endort  par 
un  philtre  tous  les  habitants  du  château  et  restée  seule  avec  Cano, 
lui  déclare  son  amour.  Celui-ci,  invoquant  les  lois  de  l'hospitalité, 
résiste  ;  mais  il  promet  de  s'unir  à  elle  quand  il  sera  roi  d'Ecosse 

1.  Ci-joint  quelques  remarques  ou  suggestions  sur  le  texte.  P.  i,l.  3, 
sousl'énigmatiquez/m  me  Uchen  ne  pourrait-on  chercher  à  retrouver  inis  mi 
Cruitbne,  puisque  d'après  Reeves,  Life  of  St  Colomba,  p.  290,  l'ile  de  Skye 
était  occupée  par  les  Pietés  avant  que  les  Scots  en  eussent  pris  possession,  en 
668.  — P.  6,  1.  18,  le  mot  du  ne  doit-il  pas  être  traduit  par  «  terre  »,  sui- 
vant son  sens  propre  et  étymologique?  — P  9,  I.  23  (traduction  p.  397, 
!.  11)  a  chou  «  de  ses  chiens  à  lui  »  et  non  «  de  leurs  chiens  ».  —  P.  il, 
1.  1  (trad.  p.  398,  1.  23*,  nit-rirfider  «  tu  ne  sera  pas  vendu  »  et  non  «  vous 
ne  serez  pas  ».  —  P.  il,  1.  16,  n'a-t-on  pas  affaire  à  la  locution  breitb  i 
calad  «  mener  au  port  »  (au  figuré),  dont  K.Meyer,  Contrib.  p.  308,  four- 
nit des  exemples  ?  —  P.  13,  1.  14,  lire  peut-être  a  sneachla  buaraighthe  là  m, 
duit  in  Dun  B.  nib  sdm  «  ô  neige  qui  refroidis  les  mains,  pour  toi  il  n'y  a 
pas  de  repos  à  D .  B.  ». 


Périodiques.  259 

et  il  lui  remet  en  gage  une  pierre  qui  enferme  son  âme.  Puis  il 
quitte  les  lieux.  Cred  garde  précieusement  la  pierre  dans  un  coffre 
qu'elle  vient  voir  chaque  jour.  Vingt-quatre  ans  s'écoulent,  pen- 
dant lesquels  les  deux  amants  restent  fidèles  l'un  à  l'autre  et, 
semble-t-il,  font  pour  se  rencontrer  des  tentatives  que  la  jalousie 
de  Colcu  réussit  à  déjouer.  Enfin,  un  jour,  ils  se  donnent  rendez- 
vous  à  Loch  Creda,  dans  le  N.  de  l'Irlande.  Cred  se  tient  sur  le 
rivage,  la  pierre  à  la  main.  Elle  voit  approcher  la  barque  de  Cano 
venant  d'Ecosse.  Mais  à  ce  moment,  irois  barques  entourent  celle 
de  Cano,  la  renversent,  et  lui-même  est  jeté  à  la  mer,  Cred  aper- 
çoit dans  les  flots  le  visage  de  son  amant,  probablement  ensan- 
glanté ;  elle  le  croit  mort  et  se  laisse  tomber  du  rocher,  où  elle  se 
tue.  La  pierre  se  brise  en  même  temps  ;  et  Cano,  qui  était  sorti 
de  l'eau  sain  et  sauf,  retourne  en  Ecosse  et  meurt  neuf  jours  après. 
Il  y  a  assurément  des  analogies  entre  ce  récit  et  celui  de  Tristan, 
surtout  dans  le  dénouement.  L'auteur  des  Scéla  Cano,  dont  la  fan- 
taisie se  jouait  parmi  les  thèmes  littéraires,  a  pu  connaître  les 
aventures  de  Tristan  et  s'en  inspirer  partiellement.  Aussi  bien,  le 
récit  de  Tristan,  qui  est  essentiellement  celtique,  était-il  probable- 
ment fixé  dans  ses  grandes  lignes  à  l'époque  où  les  Bretons  et  les 
Goidels  formaient  encore  une  unité.  C'est  l'opinion  de  M.J.Loth 
qui  dans  une  communication  à  l'Académie  des  Inscriptions  (1924, 
p.  122)  a  discuté  le  parallèle  établi  par  M.  Thurneysen. 

Aux  pages  206-215  du  tome  XLIY  du  même  périodique, 
M. P.  Marchot  étudie  «  le  gaulois  archaïque  apia  ».  Ce  mot  se  trou- 
verait comme  second  terme  dans  une  série  de  noms  désignant  des 
cours  d'eau  ou  des  lieux  riverains  dans  la  région  du  Nord  :  gena- 
pia  «  source  ?  »  ou  «  fontaine  ?  »  d'où  Genappe,  Gennep,  Guemps,  et 
Annappes  (de  *Ex-genapia  «  lieu  dépourvu  de  source  »)  ;  alterepia 
«  ruisseau  annexe  »  (d'où  Lautreppe,  Autreppes,  Otreppe)  ;  vellapia 
«  bonne  source  »  (d'où  Waleppe)  ;  garanapia  «  eau  des  grues  »  ou 
vernapia  «  eau  des  aulnes  »  (d'où  La  Garnache  en  Vendée)  ;  alta- 
pia  oc  eau  de  la  hauteur  »  (d'où  Oteppe)  ;  glissapia  «  eau  de  la 
glaise  »,  cf.  glisso-marga  «  marne  blanche  »  Pline  XVII,  46  (d'où 
Gileppe,  par  gislapia)  ;  Toranapia  «  eau  de  Taranus  »  (d'où  Tour- 
neppe,  flam.  Dworp)  ;  voesapia  «  les  deux  eaux  d'Esus  »  (d'où 
Jf'iseppe)  ;  gemapia  «  confluent  »  (d'où  Jemmappes,  Jemeppe,  Gué- 
mappe,  Garnache)  ;  hanapia  «  marécage  »,  cf.  anam  paludem  du  glos- 
saire d'Endlicher  (d'où  Hannapes,  Hatiuaches).  Le  simple  apia  expli- 
querait peut-être  aussi  les  noms  de  Eppes  (commune  du  département 
de  l'Aisne,  Apia  en  1147,  Appia  en  1250)  et  Epe  (village  hollan- 
dais dans  la  Gueldre,   Eep  en  1125)  ;  mais  un  nom  de  lieu   Apia 


260  Périodiques. 

pourrait  être  aussi  le  pluriel  de  opium  «  ache  »  ou  le  dérivé  du 
gentilice  Appuis.  L'article  de  M.  Marchot  contient  quelques  détails 
contestables,  à  commencer  par  son  explication  de  Voesapia  et  de 
Gemapia.  Mais  dans  l'ensemble  il  paraît  avoir  raison. 

X 

Le  tome  XIV  de  la  Zeitschrift  fur  celtische  Philologie  con- 
tient, comme  toujours,  une  partie  importante  de  textes  inédits  : 

Miss  M.  E.  Dobbs  termine  p.  44-144  l'édition  commencée  par 
elle  au  tome  précédent  du  Senchas  SU  hlr  (cf.  R.  Celt.,  XLII,  229)  ; 
elle  y  ajoute  un  index  complet  des  noms  de  personnes  et  des  noms 
de  tribus.  C'est  un  texte  précieux  par  l'abondance  des  renseigne- 
ments historiques  qu'il  fournit  ;  mais  il  exigerait  un  commentaire 
pour  être  tout  à  fait  utilisable,  car  un  bon  nombre  des  détails  et 
des  allusions  qu'il  renferme  demandent  à  être  éclaircis.  En  plus 
d'un  passage  il  est  visible  que,  malgré  son  érudition  et  son  zèle, 
l'auteur  n'a  pas  triomphé  des  difficultés  de  son  texte.  Les  morceaux 
en  vers  ne  sont  généralement  pas  traduits,  même  là  où  ils  offrent 
un  sens.  P.  $8,  1.  17,  pourquoi  écrire  clar  Clin  et  clar  ndeis,  alors 
qu'il  s'agit  évidemment  d'une  opposition  entre  la  «  plaine  de  gauche  » 
et  la  «  plaine  de  droite  i>  comme  entre  les  cadain  «  bernacles  »  et 
les  gesi  «  cygnes  ».  P.  66,  1.  8,  la  traduction  ne  se  comprend  pas  : 
ceannide  désigne  un  objet  recouvrant  la  tête,  un  capuchon.  P.  86, 
1.  ié,  il  fallait  écrire  conige  en  un  seul  mot  (—  connici  seo). 

La  même  miss  M.  Dobbs  a  publié  aux  pages  395-420  un  curieux 
récit  de  la  bataille  de  Findchorad  d'après  le  ms.  B.  IV.  1  a  de  la 
R.  Irish  Academy,  p.  17.  Le  texte  en  est  malheureusement  assez 
mal  transmis.  Çà  et  là  une  correction  s'impose.  P.  40e,  1.  14,  il 
faut  évidemment  lire  an  m  and  dési  din  «  [sont]  les  noms  de  deux 
d'entre  nous  »  ;  à  la  ligne  18,  le  vers  a  deux  syllabes  de  trop  ;  il 
faut  lire  quelque  chose  comme/o//  0  bond  co  ind  ou  folt  ô  ârm-bond 
coâr  n-ind  «  nous  sommes  chevelus  des  pieds  à  la  tête  »  (cf.  otâ 
tnind  gom  bond,  Z.  E.  954,  1.  30,  et  pour  des  locutions  analogues 
avec  bathis,  K.  Meyer,  Contrib.,  s.  u.).  La  traduction  n'est  pas 
toujours  exacte.  P.  400,  1.  2$  dam  dretill  c'est  «  le  taureau  favori  »  ; 
p.  404,  1.  24,  asna  signifie  «  côte  »  et  non  pas  «  boyau  ». 

Sous  la  signature  Kàte  Mùller-Lisowski,  sont  édités,  p.  145- 
163,  des  textes  relatifs  à  la  légende  de  Mog  Ruith.  Cela  commence 
par  un  récit  de  la  mort  de  saint  Jean-Baptiste  et  des  miracles 
accomplis  par  sa  tête.  Ce  récit,  tiré  du  Yellow  Book  of  Lecan,  figure 
aussi,  sous  une  forme  légèrement  différente,  dans  les  Passions  and 


Périodiques.  261 

Homilies  du  Leabhar  Breacc  (éd.  Atkinson,  p.  64  etss.).  Mais 
dans  le  Leabhar  Breacc  il  n'est  pas  question  de  Mog  Ruith  ;  tandis 
que  ce  personnage  est  introduit  dans  le  récit  du  Yellow  Book 
comme  étant  le  seul  homme  qui  ait  consenti  à  décapiter  le  Précur- 
seur. Et  c'est  ce  qui  attira  sur  l'Irlande  trois  maux  dont  elle  souffre 
encore,  le  froid,  la  faim  et  la  maladie.  Dans  les  morceaux  qui 
suivent,  il  n'est  plus  question  de  saint  Jean-Baptiste,  et  Mog  Ruith 
est  seul  en  cause.  Mog  Ruith  était  le  fils  d'un  poète  (Jces)  nommé 
Cuindeasg  descendant  de  Fergus  mac  Rossa  et  d'une  servante  du  roi 
d'Irlande  Roth  mac  Righuill.  Cette  esclave  s'appelait  Cacht  ;  elle 
était  fille  d'un  Breton  de  l'île  de  Man  nommé  Catman  (c'est  le  nom 
gallois  bien  connu  Cadvati)  ;  sa  mère  avait  été  emmenée  en  esclavage 
en  Irlande  avec  cinquante  autres  femmes.  Le  roi  s'occupa  de  l'édu- 
cation de  Mog  Ruith,  dont  un  druide  avait  prédit  la  gloire  future  ; 
et  Mog  Ruith  fut  envoyé  auprès  de  Scathach  apprendre  le  métier 
des  armes,  ce  qui  est  un  souvenir  de  Cuchullin.  Comme  Cuchul- 
lin  aussi  il  est  sur  le  point  de  tuer  sans  le  reconnaître  un  fils  qu'il 
avait  eu  de  Dron,-  fille  d'Oengus  Mac  Echach  (cf.  K.  Meyer,  Fianai- 
gecht,  p.  22).  Ce  Mog  Ruith  devait  devenir  un  des  druides  les  plus 
puissants  d'Irlande,  comme  nos  lecteurs  ont  pu  s'en  faire  idée  en 
voyant  la  part  prise  par  lui  au  siège  de  Dru  m  Damhghaire  (ci-des- 
sus, p.  57  et  ss.).  Il  est  d'ailleurs  mis  en  rapport  avec  Simon  le 
magicien,  Simon  drui  (cf.  Z.  f.  celt.  Phil.,  VIII,  332).  L'édition  de 
Mme  Mùller-Lisowski  prête  à  quelques  critiques.  P.  151,1.  9  et  13, 
tiag  ne  désigne  pas  en  général  un  sac,  mais  une  boite,  une  caisse  ; 
c'est  le  latin  thêca.  P.  150,  1.  4,  nirgabadar  uada  est  mal  traduit  ; 
comme  l'indique  le  passage  correspondant  de  P.  H.,  1.  998,  il  faut 
comprendre  «  elles  n'acceptèrent  pas  [cela]  de  lui  ».  Quant  au  poème 
sur  Tlachtga,  édité  p.  158  et  ss.,  il  fait  partie  du  Dindshencbas  en 
vers  et  il  faut  le  lire  aujourd'hui  dans  l'édition  de  M.  Edward 
Gwynn,  t.  IV,  p.  186,  où  la  traduction  notamment  diffère  sensi- 
blement de  celle  qui  est  donnée  ici. 

Deux  éditions  sont  dues  aussi  au  Père  G.  Lehmacher.  L'une, 
pp.  173-178,  est  celle  d'un  poème  d'Eochaid  Ua  Flainn,  qui  com- 
mence par  Êiriu  co  nuaill  co  nidnaib.  On  le  trouve  déjà  dans  le  Lea- 
bhar Gabhâla  de  MM.  Macalister  et  Mac  Neill,  p.  154  et  ss.  ;  mais 
ici  texte  et  traduction  sont  notablement  améliorés.  Dans  l'autre, 
p.  212-269,  il  s'agit  d'une  version  de  YEachira  Conaill  Gttlban, 
contenue  dans  un  manuscrit  de  Bruxelles,  n°  6131-3  (fos  74-76). 
Cette  version  est  d'ailleurs  incomplète.  Les  observations  au  texte 
sont  incorporées  à  la  traduction,  si  bien  qu'elles  ne  ressortent  pas 
toujours  suffisamment  ;  quelques-unes   sont   critiquées  par  M.  O 


262  Périodiques. 

Briain,  même  volume  delà  Zeitscbrijt,  p.  324  n.  A  relever,  p.  265, 
1.  10,  l'expression  dorônsat  tir  cloidimh  «  ils  dévastèrent  le  pays  » 
(déjà  dans  K.  Meyer,  Contrib.  p.  379),  à  laquelle  il  faut  comparer 
ar  nglanad  a  claideamtir  doib  «  après  qu'ils  eurent  fait  place  nette  du 
pays  »  dans  le  même  volume  de  la  Zeitschrift,  p.  64,  1.  11. 

M.  Thurneysen  a  donné  au  même  volume  une  série  de  notes  qui 
intéressent  l'irlandais  et  le  gaulois  (pp.  1-17)  ;  il  publie  d'abord 
une  courte  liste  de  titres  de  récits  épiques  empruntée  à  un  manu- 
scrit d'Edimbourg  et  qui  ajoute  quelques  titres  à  la  liste  donnée 
dans  l'Introduction  au  Senchus  Mor  ;  il  explique  la  locution  co 
nômad  nàu  (110)  en  voyant  dans  le  dernier  mot  une  sorte  de  génitif 
donné  au  nom  de  nombre"  neuf»  (ci-dessous,  autre  explication  de 
M.  M.  O'  Briain);  il  justifie  les  formes  égthiar  rigthiar,  dringthiar 
etc.  de  l'Amra  Choluim  Chille  comme  des  graphies  destinées  à 
marquer,  en  l'exagérant,  la  prononciation  palatale  de  la  syllabe 
finale  ;  il  cite  le  nominatif  de  roida  (Sg.  204)  sous  la  forme  ruud 
Ane.  L.  IV,  278,  8  ;  il  explique  le  nom  propre  Connlongas  comme 
anciennement  constitué  de  deux  mots  séparés  Conn  Longas,  le  der- 
nier étant  un  génitif  pluriel,  soit  «  Chef  des  équipages  »  ;  il  voit 
dans  le  mot  cumsanad  «  séparation  »(à  ne  pas  confondre  avec  cutn- 
sanad  «  repos  »)  un  composé  de  *cotn  +  uss  -\-  sana-,  le  simple 
apparaissant  dans  les  Lois  sous  la  forme  satina-  (sous  l'influence 
apparemment  de  ranna-)  ;  il  propose  de  corriger  en  madesgné  la 
forme  madesgre  du  ms.  de  Cambrai  (Thés.  Pal.  II,  246,  29)  et  peut- 
être  aussi  saithor  en  saither  (ibid.  247,  8);  il  interprète  quelques 
phrases  gauloises,  celle  de  l'inscription  de  Voltino  (Pauli,  Altital. 
Forsch.,  I,  table  II,  20  et  J.  Rhys.  Proceed.  Brit.  Acad.  II,  65,  n° 
xxxv)  tomeieclai  par  to-med-ec-lai  «  me  pose  »  ou  «  m'a  posé  », 
celle  de  l'inscription  C.I.L.  XIII  10012,  19  toberte  par  «  donne  » 
ou  «  a  donné  »,  celle  que  la  mère  de  saint  Symphorien  lui  cria 
comme  il  marchait  au  supplice  mentobeto  to  diuo  par  «  souviens-toi 
de  ton  dieu  »  (ment  obère  verbe  gallo-romain,  fr.  mentevoir,  cf. 
Meyer-Liibke  R.E.W.  n°  5507);  il  explique  le  nom  des  Helvètes 
par  *belu-êt-io-  «  qui  a  beaucoup  (irl.  il,  got>  filu)  de  terrain  (irl. 
iath  gén.  iatha,  thème  en  -«-)  »  ;  il  propose  de  lire  cuique  (au  sens 
de  a  qito)  au  lieu  de  quique  dans  la  phrase  où  Gildas  fait  allusion  à 
sa  naissance  (De  excidio  et  conquestu  Britanniae,  ch.  26);  enfin,  il 
publie  avec  traduction  allemande  un  court  passage  du  Livre  de 
Lecan  (f°  183  v°  b)  sur  l'arbre  mystique  qui  a  les  pieds  au  fond 
de  la  terre  et  le  sommet  dans  le  firmament. 

Sous  le  titre  «  Hibernica  »,  M.  Michéal  O'  Briain  publie  p.  309- 
334   une    série  de    notes   en    majorité  grammaticales.   Bien    peu 


Périodiques.  263 

entraînent  la  conviction.  Qui  croira  par  exemple  que  la  particule 
négative  neph-  (neb-)  sorte  de*nesw-  (siv-  représentant  la  partie  su-, 
gall.  hy-  ?)  ou  que  l'élément  os  de  os-mé  soit  le  nominatif  singulier 
du  participe  présent  *sont-s  du  verbe  substantif?  ou  que  les  formes 
relatives  du  verbe  soient  d'anciens  participes  présents  combinés 
avec  une  particule  *yod  marquant  relation  ?  Suivent  quelques  éty- 
mologies.  Le  m.  irl.  irràir,  auj.  nréir  «  hier  soir  »  est  expliqué  par 
un  mot  fàr  f.  «  aube,  crépuscule  du  matin  »  équivalent  de  gall- 
gwaïur  f.  «  même  sens  »  ;  cf.  irl.  camâr,  dat.  catnâir  «  aube  ». 
L'accusatif  fâir  est  donné  par  Cormac,  n°  605.  C'est  ingénieux. 
Mais  que  irl.  mêadal  «  gros  ventre  »  remonte  à  un  même  prototype 
que  lat.  metitula,  ou  irl.  es  «  trace  de  pas  »  que  lat.  pansa  ;  que  irl. 
mod.  sonuachair  «  épouse  »  remonte  à  *stiusocaris  ou  nâmae 
«  ennemi  »  à  *ne-amant-s  !  Tout  cela  est  bien  peu  satisfaisant. 
L'explication  de  co  nomad  nau  par  n-au  de  aue  «  descendant  «est 
meilleure  ;  et  aussi  celle  de  géd  «  oie  »  dont  la  voyelle,  en  face  du 
gn\\.  gwydd,  ne  se  serait  pas  diphtonguée  sous  l'influence  de  géis 
«  cygne  ».  M.  O'  Briain  explique  fort  bien  les  mots  focbla  ex  fait  se 
désignant  la  place  respective  du  cocher  et  du  guerrier  sur  le  char. 
Mais  l'explication  n'est  pas  nouvelle.  On  la  trouve  tout  au  long 
dans  YArchiv  fur  Celt.  Lexic,  t.  II,  p.  337,  donnée  par  Wh.  Stokes, 
qui  sans  doute  ne  l'avait  pas  inventée.  Les  derniers  mots  traités 
sont  :  trogaim  «  je  produis  »  d'où  le  nom  de  la  «  truie  »  (bas  lat. 
troia  àz*trogyà)  aurait  été  tiré;  femen  emprunté  du  latin  f'emina 
dans  Mag  femen  substitué  à  un  plus  ancien  Mag  na  mBan  ;  ûiais 
«  domestique  femme  »  du  français  «  hôtesse  »  ;  toth  «  membrum 
muliebre  »  rapproché  de  lat.  Tutunus,  tutulus  ;  odor  «  brun  »  dérivé 
du  nom  de  la  «  loutre  ».  La  série  se  termine  par  une  étude  sur  les 
anciens  noms  de  l'Irlande,  Ériu,  Banba,  Fotla,  Fail,  Elca.  L'auteur 
croit  le  nom  de  Banba  emprunté  d'un  gallois  *Banja  représentant 
* Bannomagos ,  et  il  interprète  Fotla  (prononcé  Fodla)  comme  issu 
d'un  ancien  *wo-dolo-  désignant  le  couchant,  l'Occident  (cf.  alba- 
nais dal  «  je  m'en  vais  »)  ;  c'est  de  ce  mot  *wo-dolo-  que  les  Gallois 
auraient  tiré  le  nom  de  Gwyddyl  d'où  l'irlandais  Gàidil  serait 
emprunté. 

M.Pokorny  publie  p.  270  une  note  sur  la  forme  Aï- qui  figure  en 
de  nombreux  noms  de  lieu;  cette  forme  appartient  souvent  au  nom 
de  nombre  «  deux  »,  Glenn  dâ  locha  «  Glendalough  »  (Vallée  des 
deux  lacs)  ;  mais  souvent  aussi  elle  ne  peut  s'expliquer  ainsi. 
M.  Pokorny  propose  d'y  voir  une  forme  de  l'article  au  génitif  plu- 
riel, da  pour  inda,  syncopé  avant  le  passage  de  inda  à  inna.  P.  272, 
il  rattache  le  nom  de  montagne  gall.  Aran  et  Arenig,  conservé  en 


264  Périodiques. 

Ecosse  comme  nom  d'ile,  Arami,  du  mot  basque  aran  qui  veut 
dire  «  vallée  »  ;  en  revanche,  il  nie  tout  rapport  entre  celtique 
ratis  «  fougère  »  et  basque  irat\e  «  id.  ».  P.  334,  il  signale  le  ratta- 
chement du  nom  du  Barrow,  irl.  Berbcu,  à  la  forme  Bipyoç  de 
Ptolémée  en  supposant  une  confusion  de  y  et  de  f  dans  la  graphie. 
Mais  il  resterait  à  prouver  que  Ptolémée  employait  le  digamma  ! 
Cela  étonnerait  bien  des  hellénistes.  Heureusement  il  y  a  une  autre 
possibilité  :  c'est  que  le  Btpyoç  de  Ptolémée  n'ait  rien  à  faire  avec 
Berbae  et  soit  conservé  dans  le  mot  bearg  ./.  sruth  d'un  glossaire  du 
Ms.  H.  3.  18. 

M.  Joseph  Schnetz  continue  p.  35-42  et  274-308  ses  études  sur 
les  noms  de  lieu  et  de  fleuve  celtiques  dans  l'Allemagne  du  Sud. 
Il  s'agit  des  mots  Rednitz,  Zusam,  Kissingen,  Kinzig,  et  d'anciens 
mots  en  -âcum. 

De  M.  St.  John  D.  Seymour,  deux  articles  sont  à  signaler  :  sur 
«  les  sept  ciels  dans  la  littérature  irlandaise  »  (p.  18-30)  et  sur 
«  l'eschatologie  de  l'ancienne  église  d'Irlande  »  (p.  179-21 1).  De 
M.  L.  Mùhlhausen  une  note  sur  les  Aithech-tbùatha,  dont  lagénéa- 
logie  est  conservée  sous  deux  formes,  que  les  Quatre  Maîtres  et 
Keating  ont  cherché  maladroitement  à  concilier  (p.  31-34).  De 
M.  G.  Schaaffs  (p.  164-172),  une  discussion  serrée  de  l'argumenta- 
tion de  M.  Macalister  relativement  à  des  mots  en  écriture  romaine 
qui  figurent  sur  des  inscriptions  ogamiques,  (Macalister  II,  23  et 
III,  158). 

Enfin,  M.  Thurneysen  commence  p.  335  une  série  d'importantes 
études  sur  le  droit  irlandais.  On  sait  combien  ce  domaine  est  dif- 
ficile à  explorer,  parce  qu'il  exige  une  double  compétence  de 
juriste  et  de  celtiste.  D'Arbois  de  Jubainville  qui  possédait  les  deux 
s'y  était  exercé  avec  succès  et  on  doit  regretter  qu'il  n'y  ait  pas 
travaillé  davantage.  M.  Thurneysen  y  a  été  attiré  par  son  collègue 
le  juriste  Partsch,  aujourd'hui  à  Berlin.  Et  c'est  tout  profit  pour  le 
texte  des  Lois  d'Irlande  car  chacun  s'accorde  à  reconnaître  que 
l'édition,  la  traduction  et  le  glossaire  préparés  sous  la  direction  de 
R.  Atkinson  laissent  beaucoup  à  désirer.  Dans  cette  première 
étude,  le  savant  celtiste  étudie  le  système  des  allocations  par  lequel 
un  homme,  libre  ou  non,  est  lié  à  un  maître  dont  il  dépend.  Le 
rapport  du  maître  à  celui  qui  reçoit  l'allocation  est  appelé  céilsine 
«  compagnonnage  »  et  il  y  a  deux  types  de  compagnons,  le  saer- 
chéle  et  le  daer-chéle,  comme  il  v  a  deux  types  d'allocations  le  saer- 
ratb  et  le  daer-rath.  M.  Thurnevsen  publie  ici  avec  un  précieux 
commentaire  le  texte  des  Lois  qui  se  rapporte  au  daer-rath.  Ce 
dernier  n'était  pas  un  «  esclave  »  ;    sa  situation,  inférieure  à  celle 


Périodiques.  265 

du  saer-chéle  était  désignée  sous  le  nom  de  giallna  ou  de  aicilhie. 
C'est  de  cain  aigillne  qu'il  est  ici  question.  Une  liste  des  mots  étu- 
diés termine  cet  important  et  utile  travail  (p.  335-394). 

XI 

Dans  les  Indogermanische  Forschungen,  t.  XLIII,  p.  40-46, 
M.  F.  Sommer  explique  les  parfaits  ombriens  en  -nç-  comme  tirés 
du  parfait purtinçus  «  porrexeris  »,  lequel  devrait  sa  formation  Ç-d- 
inç-)  à  une  contamination  du  thème  di-  de  la  racine  *dô-  «  donner  » 
et  du  thème  *enk-  de  la  même  racine  que  le  grec  -^vEyxov.  M.  Brug- 
mann  a  expliqué  déjà  par  une  contamination  analogue  le  présent 
gotique  briggan  (Ind.  Fschg.  XII,  150),  qui  remonterait  à*bhr-enk-. 
A  quoi  le  celtique  offre  sans  doute  un  analogue  dans  le  gallois  he- 
brwng  «  amener  »  qui  remonte  à  *bbr-otik-.  On  a  également  le  voca- 
lisme 0  de  la  seconde  racine  dans  le  prétérit  germanique  qui  est  à 
la  base  du  gotique  brâhta.  On  peut  éclairer  tous  ces  faits  des  fines 
remarques  qu'a  publiées  Gauthiot  dans  les  Mélanges  de  F. de  Saussure, 
p.  il).  Le  présent  briggan  en  gotique  a  la  valeur  perfective. 

Sur  le  nom  de  la  ville  de  Lucerne,  ail.  Lu\ern,  M.  Karl  Ettmayer 
accumule  p.  10-39  une  série  de  savantes  hypothèses  qui  plongent 
fort  avant  dans  la  préhistoire.  Il  croit  que  ce  nom  est  antérieur  à 
l'arrivée  des  Romains  et  fut  donné  par  une  population  peut-être  de 
langue  étrusque,  en  tout  cas  d'une  langue  qui  était  différente  de  l'ita- 
lique et  du  celtique,  si  elle  était  indo-européenne.  La  démonstra- 
tion repose  sur  un  échafaudage  d'arguments  variés,  dont  quelques- 
uns  sont  contestables.  P.  23,  pourquoi  M.  Ettmaver  veut-il  que  la 
plupart  des  substantifs  latins  en  -ex  (-/.y),  noms  de  minéraux,  de 
plantes  ou  d'animaux,  soient  d'origine  étrangère:  culex  etsalix  ont 
des  équivalents  en  celtique,  râdïx  rappelle  le  v.  islandais  rôt 
(pourquoi  serait-il  emprunté  du  grec?).  Le  suffixe  à  gutturale  est 
italo-celtique;  ci-dessus,  p.  208.  —  P.  38,  pour  le  nom  de  lubruyère, 
il  ne  faut  pas  parler. d'un  gallo-étrusque  *brucco-,  mais  d'un  gaulois 
brûko-,  ou  brùkâ-  qui  s'explique  parfaitement  par  la  phonétique 
celtique  (cf.  R.Celt.,  XXXIX,  404). 

M.  Havers  a  donné  au  même  volume,  p.  207-257,  un  article  sur 
le  «  nominatiuus  pendens  »  dans  les  langues  indo-européennes. 
On  n'a  pas  oublié  le  copieux  ouvrage  consacré  parle  même  auteur 
au  «  datiuus  svmpatheticus  ».  La  syntaxe  des  cas  devient  sous  la 
plume  de  ce  savant  auteur  un  labvrintheaux  chemins  tortueux  por- 
tant chacun  une  étiquette  destinée  sans  doute  à  provoquer  l'ahuris- 
sement ou,  suivant  le  cas,  le  sourire  des  passants.  M.  Havers  voit 


266  Périodiques. 

les  faits  en  grammairien  scolastique,  c'est-à-dire  qu'il  est  satisfait 
quand  il  les  a  répartis  en  une  multitude  aussi  variée  que  possible 
de  subdivisions  où  toutes  les  langues  doivent  entrer  de  gré  ou  de 
force.  L'article  en  question  donne  un  nouvel  échantillon  de  cette 
méthode.  Certains  estimeront  qu'il  valait  mieux  jeter  bas  toute  cette 
scolastique  inutile  et  chercher  seulement  à  dégager  de  ce  monceau 
de  fiches  les  deux  ou  trois  idées  générales  qui  y  restent  noyées. 
L'article,  il  est  vrai,  aurait  tenu  en  trois  ou  quatre  pages  au  lieu  de 
cinquante,  mais  le  lecteur  n'y  eût-il  pas  gagné  ? 

L'idée  principale  est  que  la  langue  parlée  aime  à  mettre  en 
vedette  les  mots  importants  de  la  phrase  et,  pour  obtenir  ce  résul- 
tat, cherche  à  les  soustraire  non  seulement  aux  règles  d'ordre  des 
mots,  mais  aussi  aux  règles  d'accord  entre  les  mots.  On  peut  dire 
en  français  parlé  :  «  Je  commence  à  avoir  assez  de  votre  chien  », 
mais  imaginez  que  l'on  tienne  à  insister  sur  l'idée  du  chien,  qui 
d'ailleurs  se  présente  la  première  à  l'esprit  ;  on  ne  dira  jamais  :  «  De 
votre  chien,  je  commence  à  avoir  assez  »  ;  on  dira  :  «  Votre  chien, 
je  commence  à  en  avoir  assez.  »  Ce  tour  qui  peut  être  observé 
tons  les  jours  dans  toutes  les  conversations  est  facilité  par  l'absence 
de  flexion  nominale  en  français.  Parler  en  français  de  «  nominatiuus 
pendens  »  et  joindre  pêle-mêle  les  exemples  français  de  ce  type  à  des 
exemples  sanskrits,  grecs  ou  latins,  est  vraiment  jouer  sur  les  mots, 
et  méconnaître  le  génie  de  la  langue  française,  qui  se  distingue 
avant  tout  des  langues  anciennes  par  l'absence  de  flexion.  Dans  les 
langues  qui  n'ont  pas  de  flexion  nominale  comme  le  français  et  l'an- 
glais, on  ne  peut  pas  parler  de  «  nominatiuus  pendens  »  sans  intro- 
duire une  contradiction  dans  les  termes. 

Une  autre  question  est  de  savoir  comment  les  langues  à  flexion 
expriment  le  tour  que  le  français  rend  par  une  rupture  de  l'accord 
des  mots.  Le  nominatif  y  est  souvent  employé  à  cet  usage  ;  et 
c'est  bien  alors  qu'il  s'agit  d'un  «  nominatiuus  pendens  ».  Le  tait 
prouve  que  déjà  en  grec  et  en  latin,  le  nominatif  tendait  à  expri- 
mer la  notion  du  mot  indépendamment  de  la  flexion  (et.  l'article 
de  M.  Thurneysen  analysé  ci-dessus,  p.  25  5).  Et  c'est  une  conclusion 
capitale  qui  ne  doit  pas  être  seulement  mentionnée  en  note,  comme 
une  observation  accessoire.  Il  existe  d'ailleurs  en  latin  d'autres 
procédés  pour  détacher  un  mot  et  le  mettre  en  vedette  (cf.  Meillet- 
Vendryes,  Traité,  p.  573).  L'attraction  urbem  quam  statuo  uesira  est 
est  à  ranger  dans  la  même  catégorie  que  le  nominatiuus  pendens. 
C'est  un  tour  qui  a  une  raison  d'être  et  un  point  de  départ  ana- 
logue. 

Il  y  a  une  autre  idée  générale  qu'il  convenait  de  faire  ressortir. 


Périodiques.  267 

C'est  que  de  pareils  tours  appartiennent  essentiellement  à  la  langue 
parlée;  ils  naissent  dans  la  langue  parlée  et  s'y  maintiennent  aussi 
longtemps  qu'ils  restent  vivants.  Le  jour  où  ils  deviennent  un  pro- 
cédé de  style,  fixés  et  stéréotypés,  ils  perdent  leur  valeur  expressive, 
et  il  faut  que  la  langue  parlée  les  remplace.  L'étude  du  tour  en 
question  suppose  donc  une  délicate  appréciation  des  rapports  de  la 
langue  parlée  et  de  la  langue  écrite.  —  P.  240  les  exemples  irlandais 
sont  mal  écrits  et  mal  traduits.  P.  228  le  tour  français  «  Pierre,  il  est 
venu  »  ne  rentre  qu'imparfaitement  dans  le  cadre  de  cette  étude. 
Il  faut  tenir  compte  pour  l'interpréter  correctement  de  la  tendance  à 
souder  le  pronom  sujet  et  le  verbe,  qui  se  développe  beaucoup  en 
français  parlé  et  qui  est  tout  autre  chose. 

XII 

Tous  les  hagiographes  devront  lire  de  près  l'important  article 
publié  par  le  Père  H.  Delehaye  dans  les  Analecta  Bollandiana, 
t.  XLIII  (1925),  p.  1-85  et  p.  305-325  sur  «  les  recueils  antiques 
de  miracles  des  saints  ».  C'est  un  utile  complément  aux  Légendes 
hagiographiques  du  savant  auteur  (Bruxelles,  1905.  xj-264  p.  120). 

Nous  possédons  de  ces  recueils  en  grec  et  en  latin,  c'est-à-dire 
qu'il  y  en  a  un  groupe  oriental  et  un  groupe  occidental.  Ces  deux 
groupes  ne  se  distinguent  pas  seulement  entre  eux  par  la  langue, 
mais  encore  par  l'esprit  qui  les  inspire. 

Les  ©auu.aTa  grecs  offrent  une  grande  variété.  Les  saints  qui  en 
font  l'objet  sont  assez  nombreux  ;  ils  vivaient  dans  des  pays  très 
différents  et  leur  culte  s'est  développé  dans  des  sanctuaires  fort 
éloignés  les  uns  des  autres.  C'est  ainsi  que  Thessalonique,  Constan- 
tinople,  Séleucie,  Alexandrie  possédaient  respectivement  les  sanc- 
tuaires de  Saint-Démétrius,  de  Saint-Artémius,  de  Sainte-Thèclc, 
des  Saints-Cyr  et  Jean  ;  saint  Théodore  était  honoré  à  Euchaïta 
dans  le  Pont,  saint  Menas  en  Egypte  et  en  Phrygie.  Les  miracles 
attribués  par  la  tradition  à  ces  divers  saints  sont  souvent  très  éloi- 
gnés de  nos  habitudes  occidentales  ;  s'ils  nous  amusent  et  nous 
touchent  parfois  par  leur  fantaisie  poétique,  ils  nous  choquent 
aussi  par  leur  frivolité  ridicule,  par  leur  puérilité,  même  par  leur 
obscénité. 

Au  contraire  des  précédents,  les  Mirabilia  latins  se  rapportent 
à  trois  saints  seulement,  saint  Etienne,  saint  Julien,  saint  Martin. 
La  légende  de  ces  trois  thaumaturges  s'est  constituée  tout  entière 
en  deux  régions  :  l'Afrique  du  début  du  ve  s.  et  la  Gaule  de  la  fin 
du  vie,   et  elle  se  réclame  de   deux  hommes   illustres,   Augustin 


268  Périodiques. 

d'Hippone  et  Grégoire  de  Tours.  Les  recueils  occidentaux  sont 
donc  plus  simples  que  ceux  d'Orient  ;  ils  sont  en  général  aussi 
plus  raisonnes,  plus  exégétiques,  mieux  faits  pour  prouver  et  con- 
vaincre. Ce  n'est  pas  à  dire  qu'on  n'y  trouve  pas  d'extravagances. 
Le  P.  Delehaye,  dont  on  connaît  la  prudence,  insiste  dans  sa  con- 
clusion sur  les  lacunes  de  l'information  si  éloignée  de  nos  exigences 
modernes,  sur  l'insuffisance  des  précautions  prises  sinon  pour 
garantir  l'authenticité  des  faits,  du  moins  pour  permettre  de  les 
interpréter.  Ces  livres  de  miracles  n'en  forment  pas  moins  un 
monument  imposant  de  la  confiance  pppulaire  en  des  intercessions 
surnaturelles  et  ils  apportent  ainsi  un  précieux  témoignage  à  l'his- 
toire de  l'esprit  humain. 

Le  Père  P.  Grosjean  a  publié,  p.  115-121  du  même  volume,  un 
poème  latin  de  52  vers  sur  les  saints  irlandais  honorés  en  Belgique. 
Ce  poème,  conservé  dans  un  manuscrit  de  la  Bibliothèque  Royale 
de  Bruxelles,  paraît  être  l'œuvre  du  Père  Jésuite  Henry  Fitz- 
Simon,  né  à  Dublin  en  1566  et  mort  à  Kilkenny  en  1643.  Le  P. 
Fitz-Simon  fit  son  noviciat  à  Tournay  et  enseigna  la  philosophie 
à  Louvain.  Ainsi  s'explique  le  sujet  auquel  il  employa  son  talent 
pour  les  vers  latins.  Ce  talent  tenait  d'ailleurs  plus  de  la  jonglerie 
que  de  la  véritable  poésie  ;  le  poème  est  écrit  dans  une  langue  com- 
pliquée, recherchée  et  qui  dans  quelques  passages,  va  jusqu'au 
galimatias. 

Le  même  Père  Grosjean  propose  p.  241-250  une  correction  à  un 
passage  du  Book  of  Armagh.  Dans  l'introduction  aux  Collectanea 
de  Tirechan  sur  saint  Patrice,  se  trouve  la  phrase  suivante  :  et  anti- 
fana assiduo  erat  ei  de  fine  ad  finetn  in  nomine  Domini  Dei  Patris  et 
Filii  attjue  Spiritus  sancti  Jésus  Christi  Benigni  ;  hoc  autem  dicitur  in 
scotica  lingua  ochen  (Thés.  Pal.  hib.,t.  II,  p.  45).  Ni.  Wh.  Stokes 
(Tripartite  Life,  t.  II,  p.  303),  ni  E.  Hogan  (Documenta  de  S .  Patri- 
cio,  p.  192),  niJ.Gwynn  (Liber  Ardmachanus,  p.  ccLXxxiij),  n'ont 
fourni  de  ce  passage  visiblement  corrompu  une  interprétation  satis- 
faisante. Le  P.  Grosjean  est  parti  d'une  suggestion  de  K.  Meyer  (Z.f. 
Celt.  Phil.,  IX,  181,  n.  1)  qui  voyait  dans  ochen  la  traduction  de 
antiphona,  en  comparant  la  locution  fir  ochaine  «  chanteur  »  (R.Celt., 
VI,  187  et  Êriu,  II,  20,  1.  3).  Son  hypothèse  est  que  la  phrase 
«  hoc  autem  dicitur...  »  ayant  été  écrite  au  début  d'une  ligne,  les 
derniers  mots  qui  dépassaient  la  longueur  de  cette  ligne  ont  dû 
être  insérés  dans  un  blanc  de  la  ligne  précédente,  suivant  l'usage 
des  scribes  ;  on  devrait  donc  lire  :  ...in  nomine  Domini  Dei  patris  et 
filii  atque  spiritus  (ou  gén.  sg.  irlandais  spirto)  sancti  ;  hoc  dicitur  in 
scotica  lingua  ochen  Jesu  Christi  benigni.   Le   cantique  en    question 


Périodiques.  269 

aurait  porté  le  nom  de  Ochen  Jésus  Cbristi  benigni.  C'est  fort  ingé- 
nieux, mais  on  peut  conserver  des  doutes  :  s'il  s'agit  de  donner 
une  précision  sur  la  nature  du  cantique,  on  ne  comprend  guère 
que  le  glossateur  ait  fait  intervenir  l'irlandais  ;  il  lui  suffisait  de 
dire  :  hoc  autem  dicitur  antiphona  ].  Cbristi  ;  s'il  voulait  au  contraire 
traduire  en  irlandais  le  mot  antiphona,  il  n'avait  que  faire  d'ajouter 
les  mots  Jesu  Cbristi  benigni,  qui  ne  sont  pas  irlandais.  L'idée  que 
ocben  (à  lire  focheii)  sert  à  gloser  benigni  peut  conserver  des  parti- 
sans. Il  resterait  d'ailleurs  à  justifier  l'appellation  du  cantique  sup- 
posée par  le  P.Grosjean  ;  mais  c'est  l'affaire  des  hagiographes  ou  des 
historiens  de  la  liturgie. 

XIII 

Le  tome  II  du  Bulletin  of  the  Board  of  Celtic  stuihes 
comprend,  comme  le  précédent,  trois  parties,  qui  sont  également 
riches  d'informations  variées. 

L'une  est  consacrée  à  la  langue  et  la  littérature.  C'est  la  plus 
importante.  On  y  trouve  à  la  fois  des  éditions  de  textes  et  des 
études  philologiques. 

M.  Ifor  Williams,  qui  est  un  des  collaborateurs  les  plus  actifs 
du  Bulletin,  publie  p.  8-16  un  «  vieux  traité  d'économie  domes- 
tique »  d'après  le  Livre  Rouge  d'Hergest  (c'est  la  traduction  d'un 
ouvrage  franco-normand  de  Walter  de  Henley,  Le  dite  de  Hosebon- 
drie,  comme  l'établit  M.  Peredur  Jones  dans  le  même  tome  du  5a/- 
letin,  p.  132);  p.  16-25  h»  «  Conseils  de  Caton  »  d'après  trois 
manuscrits,  dont  le  Livre  Rouge  de  Talgarth  (c'est  la  traduction 
galloise  des  Disticha  Catanis);  et  p.  26-36  une  interprétation  gal- 
loise du  texte  de  ce  même  Caton,  tiré  du  manuscrit  P.  3,  copié 
aux  environs  de  1300.  P.  118-130,  il  publie  deux  poèmes  du  Livre 
Rouge  de  Talgarth.  L'un  est  intitulé  Kyssul  Adatm  «  Conseil 
d'Adaon  »  ;  il  reproduit  trois  strophes  d'un  poème  du  Livre  Noir 
de  Carmarthen,  p.  44  Sk.  (—  84  Ëv.}.  Adaon  ou  Afaon  est  connu 
ailleurs  comme  fils  de  Taliesin  {R.B.Mab.  150,  17,  160. 1,  503.15 
et  29,  304.7).  Le  second  poème  est  un  dialogue  du  corps  et  de 
l'âme,  sujet  favori  du  moyen  âge  et  dont  le  Livre  Noir  de  Carmar- 
then contient  aussi  des  fragments,  d'ailleurs  différents.  M.  Ifor 
Williams  a  joint  à  ces  deux  textes  un  savant  commentaire,  dont 
nous  extrayons  les  observations  suivantes  :  p.  121,  sur  le  mot  mat 
«  bon  »  dans  mai  ganet  (et.  ny  mad  rianed  0  plant  adaw  B.B.C.  53, 
14  Ev.),  dont  il  rapproche  irl.  matbgen  «  druide  «  (R.  Celt.  XII, 
127)  gall.  Madyein  (5.   An.    16,    12),   nom  de  femme,  et  gaul. 


270  Périodiques. 

Matugeuus;  p.  124,  sur  le  mot  bwycit  (B.B.C.  8. 11,  84.4  Ev.) 
où  il  voit  avec  beaucoup  de  raison  le  mot  latin  Beati  •  nom  d'un 
psaume  (le  n°  118  de  la  Vulgate),  très  en  faveur  au  moyen  âge 
(cf.  Z.f.c.Ph..  XIV,  203)  ;  p.  124  aussi,  sur  le  verbe  golychaj, 
gzvollychaf,  adolychaf  et  adolygaf  «  je  prie,  j'implore  »,  de  la  même 
racine  que  irl.  atluchur  «  je  remercie  »,  mais  avec  une  formation 
différente  (il  faut  partir  d'une  racine  terminée  par  un  k,  et  M.  Ifor 
Williams  suppose  que  adolychaj,  golychaj  sont  issus  d'un  subjonctif 
sigmatique  adolychiuyf,  à  côté  de  l'indicatif  adolygaf;  ce  serait  le 
le  cas  du  grec  poûÀou.ai,  mais  d'une  racine  de  ce  sens  on  peut 
même  supposer  un  ancien  présent  désidératif,  du  type  lat.  quaesô 
en  face  de  quaero)  ;  p.  129,  sur  l'adjectif  mwynfawr  «  riche;  pro- 
fitable ».  Enfin,  p.  269-286,  M.  Ifor  Williams  donne  une  édi- 
tion critique  d'un  curieux  poème,  un  dialogue  entre  Arthur  et  son 
neveu  Eliwlad  changé  en  aigle  et  niché  au  sommet  d'un  chêne 
dans  une  forêt  du  Cornwall.  Ce  dialogue  figure  déjà  dans  la 
Myvyrian  Archaeology,  2e  éd.,  p.  130-132;  maison  en  connaît 
plusieurs  copies,  dont  une  a  été  publiée  dans  le  Cymmrodor, 
t.  VIII,  p.  177-190.  M.  Ifor  Williams  a  pris  comme  base  de  son 
édition  une  copie  qui  figure  dans  un  manuscrit  d'Oxford  (Jes.  3  1- 
3),  du  début  du  xve  siècle,  mais  il  donne  en  note  les  variantes  de 
dix  autres  textes,  manuscrits  ou  imprimés.  Ces  variantes  sont 
instructives.  Elles  nous  montrent  combien  les  textes  gallois  du 
moyen  âge  ont  été  altérés,  dénaturés,  disons  le  mot,  tripatouillés 
par  les  copistes  et  les  éditeurs  successifs.  Il  est  souvent  malaisé  de 
restituer  le  texte  primitif;  mais  le  copiste  du  manuscrit  d'Oxford  a 
dénaturé  le  sien  par  des  erreurs  grossières,  d'une  énormité  parfois 
plaisante  (v.  p.  282).  Au  milieu  du  dialogue  on  retrouve  quelques 
strophes  du  Livre  Noir  de  Carmarthen  (p.  84  Ev.),  les  mêmes  qui 
ont  été  signalées  plus  haut  dans  le  Kyssul  Adaon.  Le  poème  dans 
son  ensemble  ne  paraît  pas  à  M.  Ifor  Williams  postérieur  à  11 50. 
P.  184-200  M.  John  T.  Jones  publie  des  extraits  de  la  grammaire 
du  prêtre  Einion.  Cette  grammaire  est  la  plus  ancienne  que  l'on 
connaisse  du  gallois  ;  M.  Ifor  Williams  a  établi  qu'elle  a  pour 
auteur  «  Einion  offeiriad  »  (v.  le  tome  V  du  Beirniad  et  le  tome 
XXVI  du  Cymmrodor}.  On  en  connaît  plusieurs  copies,  notam- 
ment dans  le  Livre  Rouge  d'Hergest,  dans  le  ms.  Llanstephan, 
n°  3   et  Peniarth,  n°  20.  La  copie  qu'édite  M.  John  T.  Jones  se 

1 .  Le  latin  beâtï  ne  pouvait  pas  donner  bwyeit  en  gallois.  Il  faut  partir  d'une 
forme  *bèatl  qui  s'explique  sans  doute  par  la  prononciation  emphatique  de 
l'initiale  du  mot  par  lequel  débutait  le  psaume  et  qui  lui  servait  de  titre. 


Périodiques.  271 

trouve  dans  un  manuscrit  de  Bangor  ;  ce  manuscrit  est  incomplet, 
mais  M.  Jones  le  complète  au  moyen  de  deux  manuscrits  de  la 
collection  Peniarth,  noS  169  et  191. 

P.  201-229,  M.  Henry  Lewis,  à  qui  l'on  doit  l'édition  des  sept 
sages  de  Rome  dont  la  Revue  Celtique  a  parlé  (t.  XLII,  p.  421) 
publie  une  version  de  ce  même  texte,  tirée  d'un  manuscrit  du 
xvie  s.,  le  C.  5  (p.  163-225).  Elle  présente,  par  rapport  à  la  précé- 
dente, certaines  différences,  notamment  à  la  fin.  Le  récit  en  gêné- 
rai  y  est  allongé,  délayé;  en  revanche,  un  morceau  n'y  figure  pas, 
le  numéro  1 3  (Senescalcus).  Le  copiste  s'en  nomme  à  la  fin  :  il  s'ap- 
pelait Elis  Grufydd,  natif  de  Gronnant  Uchaf,  paroisse  de  Saint- 
Asaph,  comté  de  Flint,  et  il  copia  le  texte  en  1527  à  Londres  dans 
le  palais  de  sir  Robert  Wyng,  alors  député  à  Calais. 

P.  135-148  et  229-242,  M.  T.  Gwynn  Joncs  continue  la  publi- 
cation de  glossaires  tirés  de  la  collection  Peniarth. 

Les  enquêtes  lexicographiques  et  étymologiques  sont  dues  à 
MM.  Ifor  Williams  et  Lloyd-Jones.  Le  premier  étudie  p.  36-48 
quelques  mots  tirés  du  ms.  Pen.  3  :  dihewyd  «  désir,  volonté, 
amour  »  et  dyheu  «  id.  »  (qui  auraient  la  même  origine)  ;  anhyed, 
ymanhyed  «  flatterie  »  et  aussi  «  persuasion,  sollicitation  »,  écrit 
anbxvyet  B.B.C.  75.12  (sortirait  de  la  même  racine  que  irl.  adsegat 
«  ils  implorent  »,  ascid  «  requête,  cadeau  »  ;  la  forme  ymanhwed 
attestée  au  moyen  âge,  auj.  ymhwêdd  «  implorer,  supplier  »  résul- 
terait d'une  confusion  entre  anhyedd  «  flatterie  »  et  cymlrwedd 
«  moquerie,  plaisanterie  »);  drut  «  fou,  sans  frein  »,  d'où  «  cher, 
coûteux  »  ;  ymboffi  «  se  flatter,  se  vanter  »  et  hoffi  «  louer,  vanter  » 
(sens  fréquents  au  moyen  âge,  dérivent  de  hoff  qui  signifiait  «  joli  » 
avant  de  signifier  «  cher,  aimé  »  comme  aujourd'hui);  tapplys 
(empr.  à  l'anglais  tables  au  sens  de  «  table  à  jeu,  trictrac  »)  ;  cywes- 
tach  «  coït  »,  gwest  «  id.  »  R.B.Mab.  100,  3  (sortent  de  la  racine 
*wes-  «  coucher,  habiter  »),  dirwest  «  jeûne  »  et  darwest  «  id.  » 
(de  *do-ro-wes-t-  et  *do-are-wes-t-  ;  cf.  v.  gall.  it  damesti  à  corriger 
en  i  tdaruestim)  ;  anghreifft  «  reproche  »  (empr.  lat.  increpitô),  d'où 
«  exemple  »  (la  forme  anghraiff  pourrait  sortir  de  antigraphuni)  ; 
crynodeb  «  utilité,  profit»,  cryno  «  amasser,  thésauriser,  épargner  » 
et  digryno  ou  anghryno  «  dépenser  »  (de  cnun  «  rond  »,  cf.  irl. 
cruindigim  «  j'assemble,  j'amasse  »).  —  P.  299-311,  M.  Ifor  Wil- 
liams étudie  les  mots  suivants  :  cynnydd,  cynnif  «  effort  »  (qu'il  tire 
de  la  racine  *snï-,  irl.  cosnam,  etc.)  ;  hin  «  limite  »,  ambin,  d'où 
a  min  «  seuil,  limite  »,  ambinog  «  limitrophe  »  (cf.  irl.  s'xnim 
«  j'étends  »)  ;  cynnor  «  porte,  devant  de  porte  »  autrefois  cyntor  et 
cynbor,  de  *kintu  -\-  or,  cf.  goror  =  irl.  forar,  gl.  finis,  cyfor,  etc.)  ; 


272  Périodiques. 

gorsin  «  montant  de  porte  »  (et  aussi  gorsing,  comme  prin  priug  et 
lladin  Hading;  peut  contenir  comme  second  terme  le  même  mot 
que  zend  stiltia-  «  pilier  »);  Irefn  «  arrangement,  bon  ordre  »  d'où 
«  logement,  mobilier  »  (se  rattache  â  la  même  racine  que  trej  ;  le 
verbe  Irefnu  signifie  proprement  «  se  poser,  s'installer  »,  cf.  cv 
ireigil  cv  tbrewna  «  où  se  répand-elle  ?  où  s'arrête-t-elle  ?  »  B.B.C. 
88,10  en  parlant  de  la  mer,  ef  a  autre fua  a  il  ne  se  pose  pas  »  B. 
T.  37, 17  en  parlant  du  vent). 

M.  J.  Lloyd-Jones  donne,  p.  1-8,  des  notes  lexicographiques 
relatives  aux  mots  suivants  :  daered,  daerawd  «  service  funèbre  » 
(de  *do-ad-rel-  et  *do-ad-rôt-  ;  le  sens  propre  est  «  remise,  versement 
d'argent,  taxe  »  ;)  cyfarws,  cyfaruys  «  présent,  cadeau  »  (formé  non 
pas,  comme  le  dit  M.  Lewis,  sur  cyfar(f)  —  irl.  comarba  «  héritier  », 
mais  tiré  de  la  racine  *weid-,  soit  kom-are-wid-to-)  ;  coned  «  orgueil  » 
(rattaché  à  gogawn  et  gwogawn,  gogoned,gogonianl  ;  racine  celtique 
*kàn-  ;  cf.  lat.  côtiârï  ?).  Ces  notes  sont  continuées  p.  103-113 
à  propos  des  mots  suivants  :  amod  (de  *ntbhi-bhutâ-,  *ambutâ, 
comme  attirant  de  *tttbhi-bhrnt-,  amwlcb  de  tnbhi-bbulk- ,  etc.  ;  de 
la  rac.  *tned-  *mod-  sont  tirés  armes,  gomedd,  gormodd,  gormedd, 
germes  ;  de  la  racine  \s)mik-,  dameg,  dirmyg,  edmyg,  ermyg,  tremyg  ; 
de  la  racine  *bben-  gomyn,  tremyn  ;  tous  ces  mots  contiennent  le 
préfixe  *?iihhi-)  ;  glaweir,  forme  archaïque  de  eirlaw  ;  aroglau  (de 
*are-upo-kU>u>-,  même  racine  que  clywed  «  entendre,  sentir  »  ; 
manque  un  renvoi  à  J.  Loth,  R.  Celt.,  XL,  359)  ;  gwyrfai  nom  de 
Heu  (peut  être  formé  de  gtvyr  =  irl.  juir  «  en  pente  »  et  de  mai 
plur.  de  ma,  ci.  guylfa,  gyrfa,  trofa,  Gwynfei,  Myddfai  ;  ou  bien  de 
gwvr  pL  de  gwr  «  homme  »,  cf.  irl.  Fir  manacb,  Fir  arda  comme 
nom  de  lieu)  ;  Penamtun  (de  Pennant  Beititu)  ;  Gogarth  (de  go  -J- 
certb  «  clair,  visible  »). 

Le  même  M.  J.  Lloyd-Jones  signale  p.  297-298  quelques  mots 
gallois  qui  seraient  empruntés  du  latin  :  caddug  «  brouillard 
sombre  »  (de  cadùcus),carth  «  chanvre,  étoupe  »  (de  carptum),  cer- 
rynt  «  courant  »  (de  currentem),  cyrawal  «  sorte  de  baies  »  (de  cêreo- 
lus),  glain  «  perle  »  de (glatidium), glwys  «  joli, pur»  (deglêsum  ?), 
menybr  «  poignée  »  (de  *maniprum  pour  maniplum),  naid  «  saut  » 
neidio  «  sauter  »  (de  natis  «  fesse  »),  pant  «  pente  »  de  panctum  ; 
mais  cf.  J.  Loth  R.C.,  XLII,  354),  iVm/yj  (de  pdgensis),  sertb 
«  abrupt  »  (de serptum),  wylo  «  pleurer»  (deni/to).  Beaucoup  de 
ces  explications  sont  des  plus  contestables.  P.  289-297,  le  même 
auteur  relève  des  traces  d'ancienne  contraction  vocalique  en  gal- 
lois (Olion  sein-dawd  cyntefig  yn  gymraeg)  ;  ce  sont  des  faits  précel- 
tiques, même  souvent  indo-européens,  mais  il  y  en  a  peu  de  con- 
vaincants. 


Périodiques.  273 

Enfin,  il  faut  citer  la  publication  par  M.  Henry  Lewis  d'une 
lettre  de  William  Salesbury  à  Gruftydd  Hiraethog  (p.  113),  et  par 
M.  Fynes-Clinton  d'une  série  de  mots  tirés  du  Dictionnaire  latin- 
gallois  de  Davies  (p.  311)  ;  une  note  de  M.  Robin  Flower  sur  le 
fameux  acrostiche  Sator  arepo  tenet  opéra  rotas  (p.  131),  une  autre 
de  M.  Saunders  Lewis  sur  la  Signification  du  Pater  (Pwyll  y  Pader) 
d'après  Hughes  de  Saint-Victor  (p.  28e),  et  un  article  de  Missjessie 
L.  Weston  sur  l'Évolution  du  roman  arthurien  d'après  J.D.  Bruce 

(P-  173)- 

L'intérêt  de  la  partie  philologique  de  ce  beau  volume  ne  doit 
pas  faire  négliger  les  deux  autres  parties  consacrées  l'une  à  l'his- 
toire et  législation,  l'autre  à  l'archéologie  et  aux  beaux-arts.  Dans 
la  première  sont  surtout  à  signaler  les  publications  de  MM.  Wil- 
liam Rees  et  Garmon  Jones  (anciennes  chartes  et  documents  parois- 
siaux, liste  d'ouvrages  sur  l'histoire  municipale)  ;  dans  la  seconde 
une  chronique  archéologique  fort  bien  tenue  par  M. R.  E.  M. Whee- 
ler. 

J.  Vendryes. 


NECROLOGIE 


Le  printemps  de  1926  a  vu  se  produire  deux  morts  qui  pour  des 
motifs  différents  touchent  profondément  les  études  celtiques  et  la 
rédaction  de  cette  Revue  :  celles  d'Anatole  Le  Braz  et  de  Maurice 
Cahen.  Les  deux  nécrologies  paraîtront  dans  le  fascicule  suivant. 

CHRISTIAN  SARAUW 

Né  le  19  septembre  1865  à  la  maison  forestière  de  Peterswœrft 
(près  Stensbyskov  sur  la  côte  Sud  de  Seeland)  où  son  père  était 
en  fonctions,  Christian  Sarauw  est  mort  subitement  à  Copenhague 
le  22  novembre  1925.  Son  nom  avait  depuis  plusieurs  années  dis- 
paru des  bibliographies  celtiques  ;  et  on  ne  pouvait  que  le  déplo- 
rer, en  se  rappelant  les  travaux  si  originaux,  si  personnels  que  ce 
linguiste  excellent  avait  publiés  sur  la  phonétique  et  la  morpholo- 
gie notamment  de  l'irlandais.  C'est  qu'il  s'était  laissé  accaparer  par 
d'autres  études.  Son  universelle  curiosité  qui  l'avait  poussé  à  visi- 
ter la  plupart  des  pays  de  l'Europe  et  à  en  apprendre  les  langues, 
l'avait  également  entraîné  à  des  études  aussi  différentes  que  la 
philologie  grecque,  la  linguistique  sémitique,  la  philosophie  et  la 
littérature  allemandes.  Il  appartint  d'abord  à  l'enseignement  secon- 
daire comme  professeur  d'allemand  et  d'anglais.  Privat-dozent  à 
l'Université  de  Copenhague  de  1901  à  1907,  il  y  obtint  ultérieu- 
rement la  chaire  magistrale  d'allemand.  Comme  sémitisant,  il  a 
donné  de  190e  à  191 2  une  série  d'articles  à  la  Zeitschrift  fur  Assy- 
riologie  sur  l'assyrien,  l'hébreu,  l'araméen,  l'arabe.  Comme  germa- 
niste, outre  plusieurs  manuels  d'enseignement  à  l'usage  des  classes, 
on  lui  doit  en  particulier  de  savantes  études  sur  le  Faust  de 
Goethe  :  Entstehungsgeschichte  des  Gœthischen  Faust  (  1 9 1 8)  et  Goethe  s 
Augen  (19 19).  Mais  la  Revue  Celtique  ne  saurait  oublier  qu'elle  a  eu 
la  primeur  de  ses  travaux  comme  celtiste.  L'article  qu'il  y  publia 


Nécrologie.  275 

en  1896  (t.  XVII,  p.  17e)  sur  le  verbe  fil,  et  dont  les  conclusions 
sont  aujourd'hui  acquises  à  la  sience,  était  son  article  de  début. 
En  1900,  il  présentait  à  l'Université  de  Copenhague  comme  thèse 
de  doctorat  ses  Irske  Studier,  bien  connues  de  tous  les  çeltistes,  où 
plusieurs  des  questions  les  plus  obscures  de  la  philologie  irlandaise 
sont  abordées,  discutées,  résolues  de  main  de  maître  (v.  le  compte 
rendu  de  M.  Pedersen,  Indog.  An\,,  XII,  94).  Ses  autres  publi- 
cations sur  l'irlandais  sont  les  suivantes  :  Remarks  on  the  Verbal 
System  of  Modem  Irish,  Z.  f.  celt.  Phil.  IV,  72  ;  Syntaktisches,  Z.  f. 
vergl.  Sprachforsch.  XXXVIII,  145  ;  a  few  Remarks  on  the  Thésaurus 
Palaeohibernicus,  Z.  f.  celt.  Phil.,  V,  505  ;  die  Lauhverte  von  irish  1 
n  r,  Z.  j.  vergl.  Sprachforsch,  XLII,  53  ;  Spécimens  of  Gaelic  as 
spoken  in  the  Isle  of  Skye,  Miscellany  Kuuo  Meyer,  p.  34. 

Christian  Sarauw  était  membre  de  l'Académie  des  Sciences 
(Videnskabernes  Selskabet)  de  Copenhague.  A  la  séance  de  cette 
compagnie  en  date  du  26  mars  1926,  sa  mémoire  a  été  honorée 
par  un  discours  nécrologique  de  M.  Holger  Pedersen,  auquel  ont 
été  empruntés  les  renseignements  biographiques  qui  précèdent. 

J.  Vendryes. 


CORRIGHNDA 


M.  Max  Fôrster  nous  écrit  pour  protester,  fort  courtoisement 
d'ailleurs,  contre  une  critique  qui  lui  a  été  adressée  au  tome  pré- 
cédent, p.  452,  à  propos  de  son  article  sur  la  nationalité  de  Nen- 
nius.  En  soutenant  que  le  nom  anglais  du  Dejou  (gallois  Dvfnciut) 
remontait  à  une  ancienne  forme  à  ;  radical,  M.  Fôrster  entendait 
par  là  une  forme  du  vieux-gallois  (et  non  du  vieux-brittonique), 
au  i  était  la  notation  de  la  voyelle  écrite  plus  tard  y  ;  cf.  v.-gall. 
cilebet,  DiuuHguallun  L.L.  223,  Ciiibelin,  Cimeiliauc,  Citnro,  etc. 
Cette  graphie  a  été  étudiée  par  lui  dans  son  Keltisches  Lebngtit  im 
Engliscben,  p.  117.  Il  admet  donc  l'étymologie  qui  rattache  Dyf- 
ncint  à  Dumnonii  (il  la  mentionne  lui-même  dans  son  Jllengliscbes 
Lesebuch,  2e  éd.,  1921,  p.  41)  ;  et  par  suite,  la  critique  qui  lui  a 
été  faite  tombe,  d'elle-même.  Cette  critique  reposait  sur  une 
méprise.  Corïîme  toute  critique  fausse,  elle  est  regrettable.  Nous 
donnons  acte  bien  volontiers  à  M.  Fôrster  de  sa  rectification. 


Le  Propriétaire-Gérant   :  Edouard    CHAMPION 


MAÇON,     PHOI'AI'     I-KLKI-S,     IMTKIMFUKS. 


CATH    CUMA1R 


THE    INTRODUCTION 

This  text  is  the  last  of  the  four  named  in  the  Rev.  Celt., 
vol.  XXXIX,  p.  2,  as  relating  to  Eochaid  Feidlech  and  the 
pre-tâin  period.  Only  one  copy  of  it  is  known,  viz.,  that  in 
the  paper  ms.  23.K.  37  (R.I.A).  This  copy  was  finished  in 
1717.  The  first  four  pages  are  in  very  neat  handwriting.  The 
rest  of  the  text  is  in  a  poorer  and  later  hand.  The  languageis 
modem  and  the  literary  style  bombastic.  It  has  been  shown 
(see  vol.  XXXIX,  pp.  1,  2)  that  the  copies  of  Cath  Leitreach 
Ruibe  and  Cogadb  Fergusa  in  23.K.37  are  représentative  of 
older  texts.  They  hâve  not  been  modernized  in  style  like  Cath 
Cumair,  but  this  latter  may  be  taken  from  a  source  quite  as 
ancient,  for  the  main  incidents  are  the  same  as  in  the  Dind- 
senchus  of  Druim  Criaich  (edited  in  Todd  Lectures,  XI,  p.  42, 
by  E.  Gwynn)  which  is  in  the  Book  of  Leinster.  It  seems 
certain  that  the  Dindsenchus  is  a  summary  of  one  of  the 
classic  taies  enumerated  in  LL  at  p.  190,  and  in  the  Airec 
Menmanl.  m.  Coisi,  viz.,  "  Argain  Echach  for  a  macaib  ".  If 
it  was  a  classic  in  the  twelvth  century  it  was  probably  far 
older  in  origin  and  was  told  with  many  variants  and  suffered 
from  corruptions  and  emendations.  For  thèse  reasons  I  sug- 
gest  that  the  first  six  paragraphs  are  not  modem  invention 
entirely  though  they  hâve  no  corroboration  in  the  Dindsen- 
chus. They  contain  a  story  in  themselves  :  the  quarrel  between 
Eochaid  and  his  queen  which  led  to  the  paricidal  attack  on 
Eochaid.  Other  and  indépendant  allusions  give  a  family  his- 
tory  which  was  probably  the  original  explanationof  the  crime. 
Eochaid's  queen  was  the  daughter  of  Airtech,  a  Connaught 

Revue  Celtique,   XLlll.  18 


278  Margaret  C.  Dobs. 

prince,  and  Eochaid  slcw  him  in  battle  (See  R.  Cell.,  vol. 
XXXIX,  p.  10).  This  was  the  older  and  more  natural  expia- 
nation  and  I  suggest  it  was  that  given  in  the  original  story 
to  explain  why  the  queen  incited  hersons  against  their  father. 

It  is  évident   that   the   modernizer  knew  the  Dindsenchus 
poem  as  he  quotes  from  it. 

In  transcribing  the  text  I  hâve  given  the  spelling  and  the 
accents  as  I  found  them. 

Some  obviously   missing  letters  are   enclosed  in  brackets 

].  I  hâve  not  been  able  to  make  sensé  of  some  of  the  poet- 
ry  and  hâve  indicated  this  by  blank  spaces.  In  conclusion  I 
regret  I  am  not  continuing  my  translation  into  French  as  in 
the  preceding  texts,  but  this  particular  text  was  finished  in 
English  some  years  agoand  laid  aside  till  those  which  rightly 
preceded  it  had  been  brought  out.  Only  for  this  reason  I 
should  hâve  done  my  best  to  work  in  the  médium  of  the 
language  most  appropriate  to  the  Revue  Celtique  and  to  ail 
exact  and  clear  translation. 

Maighread  Ni  C.  Dobs. 


CATH    CUMAIR 

D'APRÈS    LE    MS.    23.K.37,    DE    LA    ROYAL    IRISH    ACADEMY, 
PP.    I-3  I 

1.  Bhia  righ  amhra  oïveadha  fair  Ekenn  fecht  a  n-aill  .i. 
Eochaidh  Féidblioch  mhic  Finn  mhic  Finnlogha  7  cetera.  Maith 
amh  ro  bhi  Eire  a  n-aimsir  an  âirdrigh  sin  or  robsad  b  cui- 
bhdhfe]  a  cho'igidh  uni  comhroinn  a  chriôch.  Nirsad  ûaimh- 
nech  im-eglach  a  huirreadha  re  hiomad  no  re  huathadh  a 
sochaidhe  a  n-oireachtaibh  air  oile.  Robsad  tzthaigheach  a 
thuatha  um  a  thaoisechaibh  re  tuirgnamh  a  dhiorrama.  Robsad 
biâdhmhaira  beoir(?)-lionmhura  c  a  bhrughaidh  7  a  bhiath- 
aigh  ;  7  muna  tteagmai/j  uamhan  aisge  no  athaise  o  fhisMaigh 
ath-iomrâdh  air  thionn-mhnaibh  Eirenn  ni  badh  eagail  d'aon 

a.  in  margin  ;  "  Ann.    3940"  —  b.  in  margin  ;  robsa...  Jobhdd...   — 
c.  beth-  in  ms, 


Cath  Cumair.  279 


THE    BATTLE    OF    CUMAR 

ENGLISH    TRANSLATION 

l.There  was  a  great  and  illustrious  king over  Ireland  once 
upona  time  viz.,Eochaid  Feidlioch,  son  ofFinn  son  ofFinn- 
logh  etc.  Ireland  was  prosperous  indeed  in  that  high-king's 
time  for  her  provinces  were  agreed  concerning  her  territorial 
boundaries  ;  her  chiefs  were  not  alarmed  or  uneasy  on  account 
of  either  the  multitude  or  the  paucity  of  their  retinues  in 
each  other's  assemblies  ;  her  tribes  were  united  round  her 
chiefs  against  popular  sédition  ;  her  farmers  and  her  inn- 
keepers  were  well  supplied  with  food  and  béer  (?).  Only  for 
the  fear  of  scandai  or  disgrâce  in  chivalrous  report  not  one  of 


280  Margarei  C.  Dobs. 

mhnaoi  dhiobh  Eire  do  thaisdioladh,  no  do  thiomchiolladh, 
ô  Thuinn  cairrge  cuipghile,  chneis-anfenaighe,  cuan-thôrthair- 
thaighe  Chliodhna  '  go  Tonn  chz'ingach  ghairbhe  bhuanto- 
ruidh  badb  thuaidh*  ;  y  o  Bheinn  fhéir-mhin  fhâsaighe  iasg- 
thôrthaigh  Eadair  3  anoir  go  Dubh-charrg^r/; 4  dubh-aibhseacha 
dlûimh-fliucha  diân-anfennacha  a  n-iartar  choighidh  chaomh- 
âluinn  Connacht. 

Nior  bh'iôngnadh  amh  Eire  do  bheith  go  maith  isan  aimsir 
sin  or  robsad  bûireadhach  bûan-bhleacht  a  bhuar  ba  dha 
bhân-tolchadh.  Robsad  ceann-âirda  cuach-bhlaidhach  coirr- 
lemhna  ceart-reamhra  caomh-chennsôighe  a  fhiodhbhaidhe. 
Robsad  mine  maoith-fheûra  môr-thôrthacha  a  mhuighe  re 
tapha/rt  gach  toradh  do  throm-thréad.  Robsad  comh-mine 
crann-reidhi  cnuas-thrôma  craobh-thorrthacha  a  coilte.  Rob- 
sad lân-chûine  leur-iasgmhura  a  limite  7  a  loch-aibhne.  Rob- 
sad seamhaighe  sûthaine  soirrata  (a)  sruth-glana  selg-throma 
a  sléibhte.  Robsad  caoimhe  com-laidre  cneis-réidhe  clâr-thea- 
gh\aidh  a  a  cuâin.  Robsad  tiorma  tracht-ghlana  taobh-reidhe 
treathan-mhin  a  traga.  Niorbsad  to/icecht  a  tûatha  re  trom- 
thomhus  a  eciôsa  d'à  ttaoisecha/^,  no  chlos  fôs  foghair  fiodh- 
baidhe  do  griobhghuil  gaoithe  no  frasa  folcmhura  feartanna 
acht  madh  driûcht  far  na  mor-mhuighe  go  meodhain  gach 
Idoi  lan-solais. 

Niôr  bh'iôngnadh  amh  a  taigneamh  b  sin  aig  na  haird-ren- 
naibh  isan  aimsir  sin  uair  masa  cheart  na  chomh-airmhe  re 
a  radh  do  riarÇ?)  chaidh-seghdha  suathn/d/;  solus-litr^^ 
solumdhaan  dara  mac-dalta  5  uasal  ealaidhna  ghlic-ûghdairdha 
Augusdin  (?)fhir-fho]rt^/;.  Is  ag  tinsgadal  an  très  6  bliadhain  de 
fhlaithes  Eochaigh  Feidhlioch  ro  fhir-ghin  7  ro  fhior-chobh- 
ligh  an  tsaoir-ghin  suathnadh  so-ghniomhach  na  soillse  sûthaine 
agus  an  Coimh-Dhé  comh-choitcheann  ro  chum  an  chethar- 
dhuil  7  an  Caon-mhac  ro  choimprisdmr  o'n  inghm  eabhrach 
gan  ionaithmhaich  a  hôighe.  Agus  is  an  très  '  bliagain  do 
fhlaithes  Cowaire  ro  céasadh  é. 

2.  Reimhios  dha  bhliagan  dégoirechus  Eochaigh  Féidhlich 
o'n  a  m  fair  torchradh  an  thlaith  riôghdha   il-bhreithech  .i. 

a.  leg.  dài-thèigliàhe  ?   —  h.  a[n]  taigneadh  ? 


Calb  Cumaii .  281 

the  fair  ladies  of  Ireland  vvould  hâve  feared  to  joumey  (or 
make  the  circuit)  round  from  the  rocky  foam-white  storm- 
ruffled  prolific  harbour  of  Cliodna's  Wave  to  the  rocky  rough 
ever-fruitful  Wave  2  in  the  North  ;  or  from  the  Peak  of  Edar  5 
with  it's  fine  grassy  wastes  and  rich  fisheries  in  the  East  to 
gloomy  Dubcarrgach  «  wrapped  in  mist  and  storm  in  the  west 
of  the  beautiful  province  of  Connaught.  It  was  not  indeed 
surprizing  that  Ireland  was  prosperous  then,  for  her  cattle 
were  lowing  and  ever  giving  milk  on  her  fair  hills  (?);  her 
groves  vverelofty,  adorned  with  cuckoos  and  single  elms,  very 
thick  and  exquisitely  peaceful  ;  her  plains  were  level,  soft- 
grassed  and  fertile,  yielding  every  crop  to  huge  herds  ;  ber 
forest  trees  were  smooth  and  straight,  heavy  with  clusters  and 
very  branching  ;  her  ponds  and  river-pools  were  calm  and 
full  of  fish  ;  her  mountains  were  peaceful,  untroubled,  tran- 
quil,  clear-streamed  and  full  of  game  ;  her  harbours  were 
beautiful  and  strong,  unruffled  and  smooth  ;  her  strands  were 
dry,  with  clean  dunes,  sloping  smoothly  in  fine  ripples  ;  her 
people  were  not  tormented  (?)  with  heavy  rents  to  their 
chiefs.  Nor  was  the  roar  of  forests  heard  under  the  scream  of 
the  wind,  nor  showers  of  cleansing  rain,  but  there  was  dew 
on  the  vast  plains  till  noontide  of  each  brilliant  day.  Such 
radiance  in  the  great  planets  at  that  time  was  not  indeed  sur- 
prizing for,  if  the  synchronisms  are  right  in  so  saying,  the 
second  adopted  son  s  of  Augustus,  noble  accomplished  and 
sagacious,  ruled  (?)  with  illustrious  majesty,  with  marvel, 
with  brilliance  and  gravity,  a  true  governor.  It  was  at  the 
beginning  of  the  third  year  6  of  Eochaid  Feidlioch's  reign 
that  was  truly  begot  and  generated  the  free  glorious  com- 
mendable  conception  of  the  Eternal  Light,  of  the  common 
Creator  who  made  the  universe,  and  the  gentle  Son  was 
conceived  of  the  Hebrew  virgin  without  dissolution  of  her 
virginity  (?).  It  was  in  the  third  7  year  of  Conaire's  reign  that 
He  was  crucified. 

2.  The  reign  of  Eochaid  Feidlioch  lasted  twelve  years  from 
the  time  when   fell   the  royal   all-judging  prince  viz.,  most 


282  Margaret  C.  Dobs. 

Fachtna  Fdthach  fiôr-neimhnech  a  cCath  Leithruidhe  Ruidhe  8 
ar  leasaibh  Cowachlach  Coruinn  9  a  ttuaidh.  Ro  bhl  amli 
Teamh«/r  gona  teâghlach  faoi  tigmrnmhus  an  trén-mhilidh  sin 
gan  eanw  ogbhail  ■  a  hsdthigbc  da  haird-chinelflz/;/;,  gan  a  holla- 
mhuin  agus  gan  a  hûasal  ghraidh  d'amhriara^  go  haindh- 
Yightheach,  gan  a  fhailbhe  7  gan  a  fhochmi  (?)  lucht  cadhus 
a  n-oirech  fair  aird. 

Ro  bhi  céile  cdoimh  corpnûa  7  ainnir  dilgean  aigesion  .i. 
Cloithfhionn  I0  cneis-solais  ingean  Airtigb  UchûeatJmn  "  mac 
Ferguis  m.  Oililla  Aidhnigh  I2  7  rob  i  sin  matha[i]r  chlainne  an 
chath-mhilidhi  .i.  tri1*  mie  molbthacha  mor-ghniomhacha  7 
se  hinghine  aille  âird-mhaisecha  ;  ut  dixit  poeta, 

Meidhbh  7  Mumain  maoith-ch? itlhacr. 
Eile  7  Deirbhre  dhreachacb 
Clothrionn  7  Eithne m 

7  tri  mie  umorro  .i.  na  tri  Finn  Eamhna  .i.  Bres  briôghach 
Driâthrach  borrfadha  7  Nâr  neimhneach  neartmhwr  nua-dhel- 
bach  7  Lothar  laochda  liônmhur  luath-ghonach,  7  is  uime 
deirthi  na  Finn  Eamhna  friû  .i.  a  nEamhain  Mhacha  ro 
hoileadh  iad  7  '5  Eochaidh  Salbuidhi  l6  mac  Loduin  athair 
mathara  ConcubhttzV  ro  chaoimh-leasaigh  iad  7  tug  a  n-âthair 
fearan  dôibh  .i.  garbh-chriôcha  na  nGamhanvaidhe  À.  Eas 
rioghdha  ramhach  réidh-thibroidéach  Ruadh '7  (se  sin  dit 
ann  air  bâitheadh  Aodh  Rûadh  mhac  Badhairnd  m.  Argead- 
mhur)  gus  an  oilean  ngreadhach  ngeal-tonnach  ngear-chairr- 
gach  ngarbh-rois  risa  raiter  Corca  Baisginn  .i.  Léim  Chon 
chomhramhaigh  Choluinn  ,8.  As  e  sin  fa  fearann  dona  Fion- 
nuibh  Eamhna  \J\adh  b.  Dixit  an  laoi, 

Tri  mie  Eochach  Fheiàhligh  fhinn  : 
Breas  briôghach  fa  briathair-bhinn, 
Nar  sgiamhdha  nar  sguir  teâghlach 
Lothair  neamhdha  c  nua-dhealbhach. 
A  nEamhain  mhi'n-ghlais  Mhacha 
ro  hoileadh  na  hûrsgatha  d. 


a.  leg.  éan-Jogbail  ?  —  b.  leg.  ut  ?  —  c.  leg.  niambda  —  d.  leg.  scotba  ? 


Cath  Cumair.  283 

venomous  Fachtna  Fathach,  in  the  battle  of  Leithruidhe 
Ruidhe  8  on  the  slopes  ofConachail  in  Corann  9  southwards. 
Tara  with  it's  manor  was  indeed  under  the  rule  of  that  strong 
soldier  without  any  plundering  of  her  peasants  by  lier  nobles, 
without  illégal  opression  by  her  poets  and  aristocracy,  with- 
out (?)... 

He  had  a  lovely  fresh-bodied  wïfe  and  gentle  lady  viz., 
Cloithfionn  IO  the  bright-skinned,  daughter  of  Airtidh  the 
Broad-chested  ",  son  of  Fergus  son  of  Oilill  Aidneach  ,2.  She 
was- mother  ot  the  warrior's  children  viz.,  his  three  ' 5  admir- 
able featful  sons  and  six  lovely  most  élégant  daughters.  As 
said  the  poet  : 

Medb  and  Mumain  of  délicate  form, 
Eile  and  comely  Deirbre, 
Cloithrionn  and  Ethne  '*... 

And  three  sons  also,  viz.,  the  three  Finna  of  Emain  viz., 
vigorous  talkative  arrogant  Bres,  and  venomous  strong  fresh- 
formed  Nar,  and  heroic  abundant  quick-wounding  Lotjiar. 
They  arecalledthe  Finna  of  Emain  because  they  were  brought 
up  at  Eamain  Mâcha  ■>  and  Eochaid  Yellow-heel  ,6  son  of 
Lodun  (father  of  Concobar's  mother)  educated  them  well . 
Their  father  gave  them  estâtes  viz.  ;  the  rough  land  of  the 
Gamanraidhe  =  the  royal  navigable  smooth-welled  Cascade 
of  Ruadh  '"  (that  is  the  place  where  Aodh  Ruadh  son  of 
Badarn  was  drowned)  to  the  cheerful  (?)  bright-waved  sharp- 
cragged  rough-jutting  island  which  is  called  Corca  Baisginn, 
viz.  the  leap  of  combative  Cu  Chullain  l8.  That  was  the  estate 
of  the  Fionna  of  Emain  of  the  Ulaid.  The  poem  said  : 

Three  sons  of  fair  Eochaidh  Feidlioch  : 

Iively  Bres  of  sweet  speech, 

comely  Nar  whose  house  hold  clave  to  him, 

bright  fresh-shaped  Lothar. 

In  Emain  Mâcha  smoothly  green 

were  reared  the  noble  youths, 


284  Margaret  C.  Dois. 

Triâr  feardha  l'a  grinn  gleaca 

na  Finn  Eamhna  oirdhrarca. 

E  ro  leasaigh  iad  fo  bhlaigh 

Eochaid  Salbhuidhi  suthain, 

fer  gan  léan  airnach  a  fri  laige 

rob  é  sin  a  ccaôimh-oide. 

Oig  \J\adb  fa  macraidhe  mear  b 

tugadh  iompacZ»  da  ndidion 

gosraidhe  c  ûr  nar  thriall  raeabhail 

mun  triar  ffeata  ffolt-leabhair.    ' 

Thug  Eochaidh  Fe'idhliocb  na  ffleadh 

dha  mhacaibh  fearann  fhôd-ghlao 

o  Eas  Ruaidh  —  fa  riogha  an  roinn  — 

go  Leim  Chonn  chrodha  Cholainn. 

A  raibhe  d'fearann  re  headh 

gan  d  Ghamhanraidh  nâr  traothadh 

a  ccuigedh  Chonacht  na  ccliàr 

thug  Eochaidh  sin  do'n  choimh-triâr. 

7  cetera. 

3.  Iomtusa  an  airdrigh  Eochaidh  Feidhlioch  :  ro  bhi  séan 
a  tTeamhraigh  gan  torchradh  o  thuathaibh  gan  imdioll  o 
oirechtaibh  gan  amhriâr  o  riôghaibh  gan  chriothnughadh  o 
chuigedh. 

Laithe  naon  da  mbaoi  an  t-airdrigh  a  tTemhraidh  a  n-ua- 
thadh  sloigh  7  sochaidhe  acht  ceathrar  amhâin  .i.  é  féin  7 
Ceit  mhic  Maghach  ,9  7  Conall  Cearnach  mhac  Amhirgin20  7 
Glunchenn  Draoi,  7  do  raidh  Gluincheann  Draoi  :  "  otâmaid 
comh-ûaignech  7  so  tiagham  a  tteach  na  mban  go  bhfaghmaid 
fithchioll  ann.  "  Thangadur  rompa  iarsin  isan  ghrianân  rinn- 
radharcach,  sdûadhach,  stablanach,  seaghdha,  socrach,  sinis- 
drech,  cuanna,  clûthmhur,  colbhamlaigh,  fairsing,  fleadhach, 
fairgsionnach,  comhlach,  coilceach,  corrogach,  lân-âird,  lûa- 
chrach,  lochrannach  a  raibh  an  riôgan  :  7  is  amhlaidh  ro  bhi 
si  a  ccathâoir  chaoimh  comh-dachta  7  a  bantracht  bith-âlainn 
dreac  e  soluis  ag  bûain  ag  a  ir-chôirthafr  ar  a  beladh  f,  7  ni 
raibh  ansa  ccathâoir  eile  acht  Meas  Bûachalla 2I  (.i.  ingen 
Eochach  Airemhuinn)  [i]na  macaoimh  og  iol-dhealbhach  7  ba 


a    airthach  ?  —  b.  leg.  tnacradb  tnhear  —  c.  leg.  gasradb  —  d.  [fl]?  an  ? 
e.  breac  ms.  —  f.  les;,  bêlaibb  ? 


Cath  Cumair.  285 

a  manly  trio  in  keen  strife, 

the  famous  fair  ones  of  Emain. 

They  were  gently  reared 

by  Eochaid  Yellow-heel  the  constant, 

a  fortunate  man  —  pledge  against  weakness  (?)  — 

he  was  their  excellent  tutor. 

The  youths  of  the  Ulaid  —  active  lads  — 

were  placed  round  them  as  guards  ; 

noble  boys  who  planned  no  treachery 

round  the  gentle  long-haired  trio. 

Festive  Eochaid  Feidlioch  gave 

a  clean-sodded  territory  to  his  sons 

from  the  Cascade  of  Ruadh  —  a  royal  portion  — 

to  the  Leap  of  gallant  Cu  Chullain. 

AU  the  territory  which  at  a  time  belonged 

to  the  indomitable  Gamanraidh, 

in  the  province  of  Connaught  of  the  poets, 

Eochaid  gave  to  the  fair  trio. 


3.  Concerning  the  high-king  Eochaid  Feidlioch  :  there  was 
prosperity  at  Tara  without  slaughter  by  the  peasants  or  plot- 
ting  by  the  nobles  or  oppression  by  kings  or  revolts  in  pro- 
vinces. One  day  the  king  was  in  Tara  without  any  host  or 
retinue  save  four  only  viz.  :  himself  and  Cet  son  of  Maga  I?, 
and  Conall  Cernach  2°  son  of  Amergen,  and  Glunchenn  the 
druid.  Glunchenn  said,  "  As  we  are  alone  together  let  us  go 
to  the  Ladies'  House  that  we  may  hâve  a  game  of  chess 
there.  "  They  went  offaccordingly  to  the  pinnacled  (?)  arched 
solid  stately  comfortable  windowed  élégant  sheltered  pillared 
spacious  festive  immense  doorçd  chalk-white  cornered  lofty 
rush-strewn  lamp-lit  salon  where  was  the  queen.  She  was 
sitting  in  a  beautiful  decorated  chair  with  her  lovely  bright- 
faced  ladies  cutting  out  their  embroidery  before  her.  There 
was  no  one  in  the  other  chair  except  Meas  Buachalla  ",  the 
daughter  of  Eochaid  Airemun,  a  youthful  beautiful  girl.  The 
period  of  her  courtship  did  her  honour  and  she  was  fit  and  of 
a  suitable  âge  for  a  bridegroom.  They  seated  the  high-king 


286  Margarel  C.   Dobs. 

honorach  aois  a  tochmhairc  dhi  7  ba  cosmhuil  comh-aoisa 
ced-nûachair  i  ;  7  smdheadb  an  t-airdrigh  aca  7  tugadh  an  fhi- 
chiol  chuca  dha  fat  h  imzrt.  Ro  bhi  Ceit  7  Cona'll  ag  tegasg  fri 
Gluincheann  Draoi  7  rug  righ  Eirenn  cosgur  an  chluiche 
forra.  "  A  Fhiona  ",  ar  an  riogan,  "  cia  da  ttabharthaoi  cos- 
gur an  chluiche  sin  ?  "  "  Is  duitsi  do  bhearuinnsi  e  ",  ar 
Gluinchenn  Drâoi,  "  da  madh  me  do  bhearadh  é  ".  "  Da 
bhfaghainn  fein  air  anna  a  badb  marthainne  na  e  anso  ",  bhar 
Eochaidh,  "  ni  bheruinn  o  ingen  mo  bhrathair  é  7  an  ni 
fûarus  ni  bheir.  "  "  Do  bheirim  mo  bhriathair  chena  amh  ", 
ar  an  riogan  "  go  madh  cuma  liom  gidh  dhi  do  bhertha  id 
aonta  aonleaptha  anocht.  "  Ro  hogluigheadb  go  hanadhbhal 
an  t-airdrigh  re  haithesg  na  hingene.  "  Do  bheirim  mobhria- 
thar  chena,  "  bhair  eision,  "  gion  go  ttugar  dhisi  anocht 
nach  ttuibhar  dhuitsi  o  nocht  amach  go  brath.  A  inghiona,  " 
ar  an  righ,  "  d'isgumdh  bhar  ndegh-ghresa  7  gabhthar  bhar 
ngraidhe  7  coimh-innilltear  bar  ccarbaid  agus  eirgidh  accomh- 
air  bhar  n-erredh  7  bhar  n-éidigb  7  cengaltar  7  cumhdaigh- 
ther  bhar  ccâoin-iomdha^/;a  7  é'irghidhh  bhar  ngille  7  bhar 
nglas-sluaigh  do  thiumsughadh  bhar  ttréud  7  do  thiomâin 
bhar  n-alniha  7  bhar  n-innille  agus  bhar  n-imircedh.  Agus 
snadlimadh  c  Ceit  agus  Conall  Cernach  dis  le  caôin-nûachair 
na  hingine  ud  ionnus  go  mbeith  si  a  nUWiaibh  7  cath-mhi- 
lidh  comhlann  do  Conachtuibh  fair  dhaingnûgha^/;  a  diol- 
mhuine  ".  Agus  adubhairt  ansin,  "  do  dhilsi  dhuit  o  nach 
achmhuing  fanamhna  do  d'  hamhdhéoin  fil  againne  7  o  nach 
ffuil  id'  hintinn  no  id'  haigneadh  a  bheidb  ag  roinn  righe  no 
rôfhlaithemhnus  rinn  imeochamaoid  7  eidir-dheileochamuid 
rer  ccairde  agus  re  ar  ccoigeiledh  ".  Agus  do  râidh  an  t-âird- 
righ  a  ccedôir,  d  "  imthigh  a  riôghan"  (ol  se)  "  go  ro  luath 
7  go  ro  phrap  co  nach  ffaicidh  taighleoir  no  taisdiolecha  tire 
thiggoTemhra/^/;  do  chrodh  gan  criôcha  no  esonôir  ar  haois 
grâdha  no  dhol  fo  inechaibh  hinghenraidhe  no  gan  tathai- 
gheacbt  trom-slôigh  id'  thech  no  gan  éigsi  god'  hadhradh  no 
gan  aois  ciuil  id'  chodal-thech  ôs  dâil  dioghbhala  do  dhegh- 

a.  ms.  an//  —  b.  ms.  ëirghetb.  — c.  ms.  snadhrru'//;  —  d.  Hand-writing 
changes  completely  at  this  point. 


Cet  h  (lu  m  air.  287 

and  they  brought  them  the  chess-board  to  play,  and  Glun- 
chenn  the  druid  was  coaching  Cet  and  Conall,  and  the  king 
of  Ireland  won  the  gameagainst  them. 

"  Pair  sirs,  "  said  the  queen,  "  to  whom  do  you  give  the 
winning  of  that  game  ?  " 

"  It  is  to  you  I  would give  it,  "said  Glunchenn,  "  ifitwere 
I  gave  it. 

"  If  I  myself  were  receiving  hère  more  lasting  treasure  than 
that,  "  said  Eochaidh,  "  I  would  not  take  it  from  my  nièce  ; 
and  what  I  got  she  takes  not.  "  "  I  give  you  my  word  indeed,  " 
said  the  queen,  "  that  I  would  not  care  though  thou  gave  it 
to  her  in  thy  own  couch  tonight. 

The  high-king  was  prodigiously  enraged  by  the  lady's 
reply.  "  I  also  give  you  my  word,  "  said  he,  "  though  Ido  not 
give  it  to  her  tonight,  I  shall  not  give  it  to  thee  from  this 
night  out  for  ever.  Ladies  "  said  the  king"  leave  ofFyour 
handiwork.  Let  your  horses  be  caught,  your  chariots  be  har- 
nessed  and  go  fetch  your  robes  and  dresses.  Let  your  good 
beds  be  tied  up  and  covered.  Stir  up  your  servants  and 
bondsfolk  to  gather  your  flocks  and  to  conduct  your  herds, 
your  cattle  (?)  and  your  removal.  Let  Cet  and  Conall  Cer- 
nach  both  bind  over  the  marriage  property  ofthat  lady  so 
that  she  will  be  with  the  Ulaid,  and  a  fighting  champion  of 
the  Connaught  men  as  surety  of  her  liability.  " 

And  then  [she]  said  :  "  Take  thine  own  property  as  we 
hâve  no  means  of  remaining  in  thy  despite  and,  since  thou 
hast  no  thought  or  intention  of  dividing  the  kingdom  or  high 
sovereignty  with  us,  we  will  go  away  and  we  will  separate 
with  our  friends  and  our  companions.  " 

At  once  the  high-king  said  :  "  Départ,  oh  Queen,  quickly 
and  promptly  so  that  visitors  and  travellers  coming  to  Tara 
see  not  thy  cattle  without  land,  or  thy  followers  in  disgrâce 
or  being  taunted  by  girls,  no  crowds  frequenting  thy  house, 
no  scholars  doing  thee  révérence,  no  musicians  in  thy  bed- 
chamber.  For  it  is  an  evil  state  of  things  for  a  gentlewoman 


288  Mqrgaret  C.  Dobs. 

mnâoi  an  t-ionadh  in  a  mbiâidh  re  headh  go  honorach  6  do 
arreochadh*  dûl  da  chadhus  for  ccula  a  bheith  aga  adhra  fa 
esonôir  ". 

Ro  ling  trâ  recht  ro-mhor  isan  n-inghin  de  sin  gur  griô- 
sadh  a  gnûis  7  gur  ro  gaba^ar  a  gaoidhilg  b  7  gur  ro  fergthar 
a  ruisg  go  hegcoimsigh  gur  bho  hiomthais  a  herradh  ar  a  hion- 
chaibh  à  dhlûthughadh  a  der,  7  ro  iârr  a  henadh  anffoisdine 
go  hobann  7  ro  bhrosd  a  gille  um  a  hecraidhe  do  ghabhail  7 
fo  a  carbaduibh  do  inioll,  7  thangadar  sion  rompa  gus  na  fan- 
taibh  feurmara  fosacha  ar  ar  fhagbhadar  a  necraidhe  7  ro 
fogradh  d'aodharibh  iom-choimheda  na  hecraidhe  eirghe  as  a 
mbothaibh  bega  brat-ghlasa  béol-fhairsinge7a  ngraidhegléasda 
glom-sladhacha  gnath-lesuighe  do  ghabhail,  7  do  rinnedar 
san  samhlaidh  7  thangadur  go  Temhnz/g^e  ar  tinnenus  7  do 
chengladar  a  nechraidhe  ar  an  bhfaiche  in  a  bhfiâghnuisi. 

4.  Iomthusa  na  riôghana  :  do  thiomuin  ceileabhradh  câoin 
cairdhemhail  do  sluagaibh  na  Temrach,  7  thainig  roimpe 
aniar-neas  a  hecraidh  7  ro  chuirid  in  a  carbad  fo  chedoir  i,  7 
ro  ûiogaidh  a  lamha  go  lân-ârd  7  ro-dhluith  ghuidhes  na  dee 
go  diân  go  diôchra  7  go  droch-aigentach  ar  gan  techt  re  na 
hagh  no  ré  na  himdioll  no  ré  na  honôir  tré  na  k\or\n\iged  c 
7  tré  na  hzindligheadh  anbhûain  ettechtaigh  e'irigh  um 
Eochaidh,  7  ro  hogal-gresadh  a  hechraidhe  o  Themrfl/^/;ebadh 
thûaidh.  Thangadur  a  bantracht  7  a  bandhala  go  haidhlesguil d 
7  go  heislm^ach  o  Themhraigh  in  a  lenmhuin.  O  do  chi 
Gluinchenn  Draoi  an  ni  sin  do  râidh  so  ann  : 

Ni  fo  fath  ferg  fôrbhristeôr, 
fhichis  aigneadh  ard-fhlatha. 
IomguinHacA  e  do  re  a  dheisgioblaiM». 
Dâl  da  chol  âoifidhrarf 
Cairdine  ingen  Airtigh  a  Sluiges. 
Fearsad  clanna  Clofhinne. 
Cinfid  céim  go  Crûachuin  Raitbi. 
Carsad  caomhthach  Clothrainne. 
Cruthuis  a  siûr  saobhâechta. 
Soidhfidh  coimptrac^g  caomh-àluagh[a]. 

a.  from  a r-crinim,  or  airigbiml  —  b.  See  Caithreim  C.C.  Irish  Texts 
Soc,  Vol.  5,  p.  37,  note  1.  —  c.  ionnlach  ?  —  d.  leg.  .limhlesgamhail  ?  — 
e.  leg.  iomgbuimadh  ?  —  f.  da  cclaoidfidhes  cairdine  ?  —  g.  coimptar  or 
-tre  ? 


Cath  Cuniaii .  289 

the  place  where  she  will  be  in  honour  for  a  time  when  the 
éléments  of  révérence  which  would  be  paid  to  her  would 
décline  in  dishonour.  "  Then  indeed  the  lady  flew  into  a 
violent  passion  so  that  her  countenance  blazed  and  her  speech 
vvas  taken  from  her.  Her  eyes  were  so  full  of  wrath  that  her 
garments  were  soaked  with  the  press  of  her  tears.  Suddenly 
she  demanded  her  property  very  calmly  and  hurried  her  ser- 
vants to  fetch  the  horses  and  harness  the  chariots.  They  went 
off  to  the  grassy  desolate  slopes  where  they  left  their  horses, 
and  summoned  the  herds  who  guarded  the  horses  to  arise 
from  their  tiny,  grey-roofed,  wide-doored  huts  and  to  catch 
their  groomed,  shining,  well-conditioned,  broken-in  horse- 
team.  They  did  so  and  came  with  haste  to  Tara  and  they 
harnessed  the  horses  on  the  lawn  before  them. 

4.  As  to  the  queen,  she  bade  a  gentle  amicable  farewell 
to  the  company  at  Tara,  and  her  horses  came  before  her 
from  the  south-west,  and  first  she  was  placed  in  her  chariot  ; 
and  she  raised  her  hands  on  high  and  fervently  prayed  to  the 
gods,  earnestly  vehemently  and  with  evil  intent,  not  to 
oppose  her  success  or  défense  (?)  or  honour  on  account  of 
the  abuse  and  continuai  lawless  injustice  arisen  through  Eochaid 
—  and  her  horses  weredriven  furiously  northward  from  Tara. 
Her  ladies  and  her  women  followed  her  very  unwillingly  and 
reluctantly  from  Tara.  When  Glunchenn  the  druid  saw  that 
thing  he  said  this  : 


It  is  not  a  good  reason 
incenses  the  sovereign's  miud. 
Deeplv  wounding... 


The  children  of  Clofinn  will... 

They  will  march  to  Rath  Cruachan 

They  loved  the  companion  of  Clothrann. 

Their.sister  fashioned  false  appearances. 

A  fair  army... 

the  b;?;tk  of  Cumar  whence  blood  will  be  spread 


290  Margarel  C.  Dobs. 

Cath  Comair  6  cuirfidhear 

crû  tair  chorpuibh  cath-mhilidh, 

Cet  is  Conall  ;  cirrfuidhear 

corpa  curadh  Craobfh]  Ruaidhç. 

Crû-bàis  beabhais  àrd-Eochaidh. 

Iomghoinw  dôibh  re  ndegh-athair. 

Dala  trighbha  a  a  ttiorchanuim  : 

taothfuid  Firw  re  flaith-Eochaidh. 

Fiuchfuid  croidhe  Clothrainne. 

Cuiceadh  Eochaigh  os  mamdha. 

Ionnsa  dith  a  dhefrbh-fhine. 

Durrthuis  triamhna  trom-chumha. 

Tea;m-throm  b  tuitim  Eochaidh,  uch  !  Uch  ! 

Ba  ferg.  Ni  fo.  Ni  fo. 

5.  Tainig  an  rioghan  .i.  "  ben  bhreidh-gheal  bhlath-eirra- 
dhach  roimpe  a  n-inghnûis  fhiodhra/^/je  7  fo-sluaigh  og- 
bhaidhe  7  fallaigh  imeirce  agus  thangadar  rompa  go  Dubha- 
an-bhanghubh[a]  .i.  Cionn-sleibhe  maoith-fheraich  Mo- 
dhairn  2},  7  is  ô  chodalta^  corrachz  7  6  throm-chumhfl^ 
mmhelaigh  na  hingenraidhe  an  oidhche  sin  slointear  an  t-io- 
nadh  .i.  Druim  Banghubha  ar  ndéalacha^  dhôibh  re  gas- 
raidhe  gnûis-ruitnigh  gzo'idhéal  7  re  teghluigach  trom-sluaigh 
naTemhracr;.  Thangadur  rompa  iarsin  go  Faiche-na-nDrûadh 24 
go  hEmoin,  7  od'  conchus  an  dirim  bhanda  sin  don  bhaile 
thainig  Leabharcham  lûàimnech  na  n-aghaidh  go  n-aithni- 
gheadh  ciâ  ro  bhi  ann  7  ro  leig  a  hard-ghairm  in  a  béol  each- 
lachdha  os  âird  re  hadnfld/7athmholta  nahinghine  7  re  truime 
a  troim-thiodhluicto/^//  na  riôghna  7  thainig  roimpe  tair  a 
hais  go  hEmhoin  7  do  innis  do  churaidhibh  rechtmhura  réidh- 
Chlainne  Rughraidhe  an  sgéal  sin  ;  7  thainig  Conchubhar  go 
môr-bhuidhnibh  do  chu'mgeadh  an  chulgeadh  leis  in  a  comhair 
7  ro  tearsad  failte  luinnech  liônchar  lân-mhuinntirdha  ris  an 
riôghain  7  do  thiafraighdur  dhi  cià  um  a  ttainig  à  a  fior  7  ô 
Themraigh,  7  ro  innis  an  riogan  dôibh  gurab  é  Eochaidh  ro 
léig  i  7  go  ttug  diôghruis  dhegh-choir  in  a  diolmhuine  dhi,  7 
do  raidh  Concubhur  an  rann  : 

Créad  um  a  ttangais  od'thigh, 
a  rioghan  Eochaigh  Feidhligh? 

a.  leg.  tiughbha  ? —  b.  ms.  lent  trom. 


Cath  Cumair.  291 

on  the  bodies  of  heroes,  Cet  and  Conall. 

The  bodies  of  heroes  of  the  Red  Branch 

will  be  mangled. 

Noble  Eochaid  will  die  of  mortal  bleeding. 

They  fight  with  their  good  father. 

As  for  the  last  thing  (?)  which  I  prophecy  : 

The  Finna  will  fall  by  the  prince  Eochaid. 

Clothrann's  heart  will  boil. 

Harder  the  loss  of  his  own  family. 

Thou  hast  shed deep  grief. 

Heavy  is  the  fall  of  Eochaid. 
Alas  !  Alas  !  It  will  be  wrath. 
It  was  evil,  evil. 

5.  The  queen,  that  "  white-robed  beautifully  dressed  lady, 

proceeded  without without  a  detachment  ofsoldiers 

without  military  escort,  and  they  wenton  to  Dubaan  Banguba 
viz.,  the  fine-grassed  mountain-summit  ofModarn2,.It  is  from 
the  broken  sleep  and  heavy  anguish  of  the  ladies  that  night 
that  the  spot  is  named  Druim  Banguba  (==  the  ridge  of  the 
women's  lament)  after  their  parting  from  the  bright  faced 
youths  ofthe  Gael  and  the  numerous  household  of  Tara.  They 
proceeded  after  that  to  the  Druid's  Lawn  24,  to  Emoin,  and, 
when  that  multitude  of  women  "were  seen  approaching  the 
place,  nimble  Leabharcam  came  to  meet  them  to  find  out 
who  it  was.  She  gave  a  loud  cry  with  her  horse-like  (?) 
mouth  on  account  of  the  laudable  gift  (?)  of  the  lady,  and 
the  weightiness  of  the  queen's  largesse,  and  came  back  to 
Emoin  and  told  that  news  to  the  proud  heroes  of  the  noble 
Clan  Rudraide,  and  Concobar  came  with  a  great  company  of 
champions  of  the  province  and  they  welcomed  the  queen 
eagerly  lovingly  and  cordially.  They  asked  her  why  she  had 
left  her  husband  and  Tara,  and  the  queen  told  them  that  it 
was  Eochaid  cast  her  off  and  that  he  did  [not]  give  true  an4 
just  affection  in  his  love  for  her.  Concobar  spoke  this  verse  : 


Why  camest  thou  from  thy  house, 
oh  queen  of  Eochaid  Feidlech  ? 


292  Morgan' t  C.   Dois. 

Innis  gau  mheabliail  do  mhodh, 
an  deabiiùf/;  no  an  duibh-leiginn  ? 

Tugadh  iarsin  iath-inile  ar  thorthach  fa  thalmhain  7  fa  a 
harghaibh,  7  ro  hesreadb  arusa  ârd-fhairsionga  fa  ûrchomhair 
na  rioghna  do  bharr-bhognuaidhebeithe  7  d'arlûachair  bhoig- 
leabhair  barr-ûaine  7  d'iîrchluimh  cholchuige  chuill,  7  ro 
hôrduigheadh  aca  toighthe  aoibhne  o'ireadba  ré  hûr-ghardu- 
ghadh,  7  grianana  gasda  gloine  grian-soillse  re  huaignes  7  re 
hiodhalgrésuibh a  re  corrthun«7>/.7  re  cumhduighth/«'^  b  re 
cenn-mhaisibh  e  re  sunna  7  re  socardeaighadh  d.  Ro  freasda- 
\adh  7  ro  friothaileadh  go  huasal  onorach  a  n-Emhuin  an 
oidhche  sin  iâd,  7  ro  cuireadh  fesa  7  fiôr-thechta  o'n  riôghain 
ar  cionn  a  môr-mhaca,  7  tugadh  da  hionnsoidhe  iâd  as  a 
hai thle  7  do  fhiafraighdur  don  riôgan  ca  fochuin  rô  thogh- 
lûais  6  a  fior  i  7  ca  hadhbar  eisiôdha  7  eidir-dhealuigi^/;//^  fa 
rabhadur.  "  Do  bheirim  mo  bhriâtliar  amh  ",  ar  an  riôgan, 
"  nach  feadarsa  do  fliochuin  aige  acht  méad  bhar  miosguisi 
fein  agus  bhar  môr-fhuata  lais  7  ar  uamhan  bhar  ttecht  in  a 
aghaidh  fein  7  d'egla  a  thafainn  à  Temhraigh.  "  "  Do  bheir- 
midne  dar  mbreithir  amh  "  (ar  iadsan)  "  nar  smdoinmuirne 
ionar  menmoinn  7  nar  chogramur  ré  ar  ccaonih-slûagh  an 
comhairle  sin  ". 

"  Ma  denaidsi,  a  dhegh-mhaca,  éisdecht  rem'  chomwrlesi 
7  recomurle  Conchubha[i]r  7  a  mhaca  "  (ar  si)  "  d'ioghlaidb 
mo  mhaslasa  7  mo  dhimiadh  ar  bhar  n-athair  7  gairmth^r  e 
bhar  ngalgada  gusmara  garg-mhenmnacha  agus  fadhbaidh  go 
ferrdha  (oimachi (  go  fiôr-ghniomacha  gâcha  ferainn  ;  ionar- 
baidh  Eochaidh  as  a  fherann  is  as  ard-fhlaithes  7  tabhraidh 
teallaigheTemlirach  gona  throm-sluaigh  da  bhar  ttoinuimhez.  " 

"  Aingidlie  ",  (bhar  iadsan)  "  7  ni  cosmhail  ré  côir  an 
an  comairle  sin,  7  do  badh  mi-dhâil  da  dh^Vbhfine  coimh-eirge 
cogaidh  a  ccenn  an  ârdflaith  iâr  ttecht  urmhôir  aoisi,  6  nach 
bhfuigmis  escara  oile  ar  egla  7  ar  fhirinne  fein  ag  tiachtuin  in 

a.  leg.  iol-grésuibh  ?  —  b.  perhaps  used  in  sensé  of  ornaments  or  chas- 
ing  ?  —  c.  perhaps  used  in  sensé  of  a  dôme  ?  —  d.  perhaps  used  in  sensé 
of  soft  bedding  ?  —  e.  grangtear  ms.  —  f.  Foirniata  at  top  of  page  —  g. 

tôiraidhe 


Calh  Ciimair.  293 

Relate  vour  situation  without  deceît, 
Is  it  a  quarrel  or  is  it  the  spleen  ? 

After  that  tilled  land  of  the  most  fertile  on  earth  wasgiven 
[to  lier]  with  it's  herds,  and  spacious  dwellin^s  were  littered^ 
with  tip-quivering  birch  and  long  soft  green-tipped  fresh 
downy  beds  of  hazel  for  the  queen.  They  arranged  pleasant 
stately  houses  for  enjoyment,  and  neat  bright  sunny  salons 
for  privacy,  for  ail  manner  of  (?)  embroidery,  for  fringe- 
making,  for  coverings,  for  hair  dressing  (?),  for  comfort, 
and  for  combing  wool  softly  (?).  They  were  served  and 
waited  on  nobly  and  honourably  that  night  at  Emuin  and 
despatches  and  trusty  messengers  were  sent  by  the  queen  to 
her  distirtguished  sons.  They  were  brought  to  lier  after  that, 
and  they  asked  the  queen  what  cause  took  her  away  from 
her  husband  and  what  subject  of  quarrel  and  séparation  they 
had.  "  I  give  my  word  indeed,  "  said  the  queen,  "  I  know 
no  cause  he  lias  except  the  amount  of  your  aversion  and  great 
hatred  of  him,  and  terror  of  your  coming  against  him,  and 
fear  oï  being  hunted  from  Tara.  '  "  We  give  our  word 
indeed,  "  said  they,  "  we  neither  planned  in  our  minds  nor 
plotted  with  our  brave  army  that  design.  " 

"  If  you  would  listen,  fair  sons,  to  my  plan  and  to  Con- 
cubar's  plan  —  and  my  sons,  "  said  she,  "  avenge  ye  my 
affront  and  my  disgrâce  on  your  father.  Summon  (?)  your 
mighty  fierce-minded  champions  and  take  ye  every  district  in 
manly  crushing  energetic  fashion.  Expel  Eochaid  from  bis 
territory  and  from  the  sovereignty,  and  give  the  manor  of 
Tara  with  it's  large  population  to  your  raiders  (?).  " 

"  Evil  "  said  they  "  is  that  counsel  and  not  like  justice.  It 
would  be  a  misfortune  for  his  own  family  to  stir  up  war 
against  the  sovereign  in  his  old  âge,  since  we  would  not  get 
another  foe  to  attack  him  becauseof  awe  and  of  his  own  right 
feeling.  It  would  be  perversity,  it  would  be  impious  in  us,  to 
stir  up  war  against  him  throughout  Ireland. 


Rrvue  Critique.   XL111.  Iq 


294  Margarel  C.  Dobs. 

a  aghaidh.  Ro  badb  clàon  céille  7  ro  badh  coirbthe  an  cho- 
murle  dhuinne  togbhail  cogaid  in  a  aghaidh  fo  Eirenn.  " 

"  Léigidh  as  na  meadhracha  sin,  a  ôga,  "  (ar  an  caoimh- 
fhlaith  Concubhar)  ;  "  agus  a  mhaca  "  ar  se  "  7  an  ccuala- 
bairsi  gemadh  beg  môr  âuthaigh  dhùine  nocha  n-airimhtear 
idar  ardfhlaithi  Eirionn  é  madh  oba.  Uair  gion  go  ngzbaidh 
sibhsiTemhair  achtré  thri  ttrath  biâidh  menmna  cuth-mh'ûedh 
agaibh  ré  hàrdfhlaithes  Eirionn  as  a  haithle  7  biaidh  cediadh 
lé  bhar  maca  annsa  chéim  chéadna  7  ma  eigintàoi a  Eire  do 
léigion  ûaibh  dealeochaidh  bhar  n-ûa  ré  ceimennuibh  re  righe 
7  ni  harimhtear  bhar  siôl  idar  ird-ce'me'ûidhe  go  brath.  " 

6.  Agus  giodh  chlâon  an  chomhairle  sin  ro  faomhadh  ag 
na  Fionnuibh  i  tre  chomuirle  a  mathar,  7  tre  ionlughachtan  b 
aghmhara  escairdemhla'  \J\adh,  7  tre  comurlechaibh  cealga- 
cha  câsidecha c  comh-thnuthacha  cruadh-neimhnecha  Concu- 
bhair.  Ro  ghabsad  na  meic  do  lâimh  an  gniômh  do  ghrodu- 
ghadh  .i.  a  n-athair  do  sgaradh  ré  hârd-fhlaithes  7  do  thafann  a 
Themhr^,  7  do  fhiafraighdar  do  Chonchubhar  ca  congnamh 
do  bhearadh  leo  um  iomchosnamh  Eirenn  uile  "  Do 
bhersadhibh,  ''aranc[a]omh-mlaithConchobhar,  "  x.  x.x.  c. d 
do  chath-mhiluibh  7  do  churaidhibh  na  Crâobh  Rûaidhtf  do 
bhar  ccothughàdh  7  do  bhar  ccongbhail  7  cuiridh  iein  bhar 
ccaoimhthechta  chum  gach  coigeadh  do  thairmesg  a  ttinôil  ag  a 
ttighthibh  7  d'fosdogh  a  n-oirecht  in  a  n-arusuibh  7  do  cho- 
thughadh  a  ccuigecha  in  a  ccrich  îein  gonach  coimh-eirghid 
bhar  n-agaidh  7  denaidh  féin  tionôl  7  toichesdal  tinnesnach 
ionnus  go  madh  taôisga  sgeimhiolta  bhar  ccaomh-sluaga^ 
no  fresdal  na  ccuigedach  do'n  righ  ;  "  7  do  raidh  an  lâoidh  an  : 
a  sequitur. 

Eirghidh,  a  Fionna  [EJamhna, 
co  rachach  e  dibh  môr-mhenmna. 
Cosnaidh  Temhra  aille  drech. 
Marbhthar  libh  Eochaidh  Feidhlwc/j. 
Is  aithe  gach  dealg  is  so, 
ni  hûabhar  ni  hiomargho. 
Chaith  bhar  n-athair  ni  da  aôis. 
Nf  char  cuirn  acht  comh-aôis. 

a.  iigin  daoibli  ?  —  b.  ionluig heachan  ?  —  c.  casaoideacha  ?  —  d.  written 
above  in  ms.  deich  eut  fhithehit  —  e.  go  rachadh  ? 


Cath  Cumair.  295 

"  Cease  thèse  jestings,  young  men,  "  said  the  noble  prince 
Concobar;  "  my  sons  "  said  he  "  did  ye  never  hpar  that 
whether  a  man's  estate  be  big  or  little  he  is  not  reckoned 
among  the  monarchs  of  Ireland  if  he  gives  in  (?).  For,  if  you 
only  held  Tara  for  the  space  of  three  days,  you  will  hâve  the 
will  to  contest  the  sovereignty  of  Ireland  afterwards  and  your 
sons  will  be  adjudged  the  same  rank.  If  you  are  obhged  (?) 
to  give  up  Ireland,  then  your  descendants  will  be  eut  ofFfrom 
the  succession  to  the  throne  and  your  family  will  not  be  includ- 
ed  in  the  aristocracy  ever  again  " 

6.  Though  this  counsel  was  perverse  the  Fionna  accepted  it 
on  their  mother's  advice,  and  through  the  warlike  malicious 
snares  (?)  of  Uladh  and  the  lying  tortuous  (?)  envious  veno- 
mous  counsels  of  Concobar.  The  young  men  undertook  to 
expedite  the  affair  viz.,  to  deprive  their  father  of  the  sove- 
reignty and  to  expel  him  from  Tara.  They  asked  Concobar 
what  help  he  would  give  them  to  contest  ail  Ireland. 

"  I  will  give  you,  "  said  Concobar  the  prince,  "  three 
thousand  soldiers  and  heroes  of  the  Red  Branch  to  support 
and  to  help  you.  Send  you  yourselves  your  partizans  to  every 
province  to  hinder  them  assembling  in  their  houses,  to  detain 
their  nobles  in  their  mansions,  and  to  keep  their  provincial 
kings  in  their  own  boundaries  so  that  they  rise  not  together 
against  you.  Let  you  yourselves  make  prompt  assembly  and 
muster  so  that  the  ambushes  of  your  fine  army  be  quicker 
than  the  rallying  of  the  provincial  kings  to  the  king.  "  And  he 
recited  the  following  poem  : 


Arise,  oh  Fionna  of  Eamain  (?). 

till  ambition  cornes  to  you  (?), 

Défend  Tara  of  fairest  aspect. 

Let  Eochaid  Feidlech  be  slain  by  you. 

The  younger  thorn  is  always  the  sharper. 

This  is  not  a  boast  or  a  lie. 

Your  father  consumes  what  is  of  his  âge, 

He  does  not  love...  except  of  the  same  âge  than  he. 


296  Margaret  C.  Dobs. 

Cosnaidh  Temhair  cenn  a  cceann. 
Marbhthar  libh  .irdrigh  Eirenn. 
Bétlii  féin  va  tTemhrach  dhe. 
A  Fhionna  Emhna,  eirghidh. 

Do  riachtadar  trâth  a  slôigh  7  a  sôchaidhe  go  hEmhuin 
an  oidhche  sin  da  n-ionnsoigeach  7  ro  thinoil  siad  go  tinnes- 
nach  tinnsg^Jal,  a  ttnris  a  n-oirchioll  imchechta  ar  na  mha- 
rach,  .i.  a  ng/oidh  gasda  glômhara  do  ghlan-ghleas  7  a  ccar- 
baid  do  chomh-innioll  7  do  chomh-dhaingneadh  7an-edai- 
gheacb  do  exumlûughadh  7  a  sûathentais  do  srethnughû^ 
ar  a  saor-errdhaibh  go  sainenihuil  7  a  luireacha  leabharghlasa 
luinnerrdhn  do  lesughadh  7  a  ccathbharra  crûadh-soillsi 
corr-mhogallach  do  cho'mnleadb  7  a  sgeith  do  snoidhe  7  do 
sâr-dhatngniugharf/j  7  a  ccloidhmhe  tana  taobh-ghorma  do 
ùiesdughadb  7  a  sleadha  gasda  gadamhla  grinn-r\gan  ;  7  ro 
chuiredar  techtaoibne  ésgaidhe  uatha  goNuadhaNecht25  mac 
Seadna  Sithbhaic  go  fiait  h  sotal  sedmhar  gniômhach  gaisridhe 
gniômh-ôirdheirce  Galiân 26,  7  go  Lugh  2~  laochda  luath-bhuil- 
lech  mac  Lughach  Laimh-fhinn  go  hârdrigh  molbhthach  mor- 
glonnach  min-leatlmn  Muman,  agus  go  Daire  Drech-dh^rg  2S 
degh-solus  mac  Degaidh  go  hârdrigh  cosgrach  claidhm-dearg 
(ô  sloinntear  oirechus  Eochaigh  mac  Lachtna  29),  do  tairgsen 
trom-chomhadh  do  chradh  7  do  chriochaibh  dona  cui^e- 
chaibh  i  gan  com-eirge  ann  a  n-aghaidh. 

7.  Iomthus  thri  meic  Eochaigh  Feidhligh  iarsin  :  do  eir- 
ghedar  go  moch  ar  na  mharach  7  thangadur  ô  Emhoin  siar- 
dhes  go  Bealach  na  Boroimhe  5°  (risa  raidhtear  Tulach  Ôg  an 
Ri)  a  7  a  Sliabh  Bethach  ?I  (risa  raidhtear  Éisidhéin),  7  tair 
cheann  Fionn-locha  Fobhail 32  7  tar  Mhagh  nlth  3î  ghlas- 
nuaidhe  mhac  nlthe,  7  a  nGlenn  fraoichmhor  Fhinne  54,  do 
Bhern«/^  Mhor5>  7  do  Bhemus  Bheg '6,  7  do  Inbh&ir-dha- 
egan//  ?7  (risa  raidhtear  Easa  riôgha  Kuadb  an  tansa)  7  do 
anad///-  ann  an  oidhche  sin  j.7  thangadur  rompa  ar  na  mharach 
tar  Mhagh  n-iuVmhôir  n-ûrthorthach  nEine  38  7  tair  dhiân- 
srothacb  Drobhâois  7  Duibhe  ;9  7  tair  Mhagh  ccnes-solus 
gCedne*0  7  tre  Chnochaib  comh-thorthacha  Cairbve  4'  7  tar 

a.   lcg.  (V  (luii'i  "r 


Cath  Cumàir.  297 

Défend  Tara  bit  by  bit. 

Let  the  high-king  of  Ireland  be  slain  bv  vnu. 

Thereby  you  will  be  at  Tara. 

Arise,  oh  Fionna  of  Emain. 

Their  host  and  army  reached  Emain  then  that  night,  and 
they  rapidly  assembled  their  vanguard  for  the  mardi,  prepar- 
ing  for  the  morrow's  start  viz.  :  grooming  their  swift  muzzled 
horseteams,  equippingand  bracing  up  their  chariots,  variegat- 
ing  their  clothes  and  distributing  blasonry  over  their 
fine  armour  in  great  diversity,  repairing  their  smooth  grey 
glittering  corselets,  polishing  their  hard  shining  helmets  with 
chain-mail  points,  chipping  and  bracing  tight  their  shields, 
testing  their  slender  blue-bladed  swords  and...  their  swift 
twisted  tough  spears.  They  despatched  swift  nimble  messen- 
gers  to  Nuada  Necht2>  son  of  Sedna  Sithbac,  the  haughty 
rich  energetic  gifted  (?)  prince  of  the  Galian  2é,  of  famous 
deéds;  to  heroic  swift-smiting  Lugh2?,  son  of  Lugaid  White- 
hand,  the  praise-worthy  famous  high-king  of  smooth  broad 
Munster  ;  and  to  illustrious  Daire  Red-face  28  son  of  Dega, 
the  victorious  red-swoided  high-king  (from  whom  Eochaid 
son  of  Lachtna  takes  his  title  29)  to  offer  large  concessions  of 
cattle  and  of  lands  to  the  provincial  kings  that  they  should 
not  rise  against  them. 

7.  Concerning  Eochaid  Feidlech's  three  sons  after  that  : 
they  arose  early  the  next  day  and  marched  southwest  from 
Emain  to  Boromhe  Road  5°  (which  is  called  the  Hill  of  Og 
today  (?)),and  to  Betha  Mountain }I  (which  is  called  Eisidein) 
and  past  the  head  of  fair  Loch  Fobal  52  and  over  the  fresh 
green  Plain  of  Ith"  (son  of  Ith)  to  the  heathery  Glen  of  the 
Finn  river3 S  to  Great  Bernus''  and  Little  Bernus>6,  and  to  the 
Estuary  of  Two  Salmon  *?  (which  is  called  the  Cascade  of  Royal 
Ruad  thèse  times)  and  they  stayed  there  that  night.  They 
went  on  the  next  day  over  the  Plain  of  Eine}8  rich  in  corn 
and  very  fertile,  over  rapid-flowing  Drobaois  and  Duibe  î9, 
over  the  bright-surfaced  plain  of  Cedne  4°,  through  the  fruit- 


298  Margarei  C.  Dobs. 

Sruth  an  Tobair  Ghil  *a  (risa  raidhtear  Sligech  an  tansa)  7  tar 
Es  didn-srothach  Dara. 4}  (.i.  Dara  Dearg  draoi  d'Fomhorach 
robaitheadh  ann  7  is  uaidh  a  anmniter),  [7  doj  Ces  choimh- 
aldin  Choruin  JA  7  do  chorr-slidbh  na  Seghsa4i  7  do  Mhagh 
Luirg-an-Ddgha  ^  7  do  Mhagh  Aôi-»?  mhaic  Allghubha  7  a 
cComar  na  Conairt  4H  go  Cruachan  49  (7  Meadhbh  in  a  bhfar- 
rad  ann  50)  ;  7  ni  raibhacht  Clothrann  5'  chiab-solus  ag  cothu- 
ghadb  comh-roine  dona  caonih-sluagaibh  a  cCruachan,  7 
thangadur  na  Finn  Emhna  i[n  a]a  carbad  do  agallam  a  sethar 
go  Cruachan,  7  ô  do  chuala  an  ingen  fuighle  bhaoth-mheara 
a  brahrech  7  mi-ghlor  meadhrach  a  muintire  ro  bhi  agfosdogh 
na  n-ôg  7  ag  toirmesg  a  tturais  7  ag  bregadh  a  braitrarfr. 

Do  chid  arsin  Ruadh  mac  Roch^uil7  Loch  mac  Roch^uil 
an  dâ  priômh-drai  da  n-ionnsoigidh  7  do  bhadar  sin  go  diô- 
chra  dasachtach  ag  toirmesg  a  tturus  uni  na  Fionna,  7  ro 
rdidh  siad  riû  :  "  A  mhaca,  "  ar  iadsan,  "  ni  clés  céiWide  7  ni 
gniômh  gaoisi  7  ni  haôn  chomhartha  amhnusa  dhâoibhse 
bhar  n-athair  do  aimh-riarughadh  fo  Eirm«  a  n-âoinbhliadain, 
oir  ni  ba  suithin  bar  sâoghal  6  osnadhaibh  an  airdthlaith  ar 
na  aimh-riarugadh  7  ni  choiseonaidh  bhar  ccaoimh-slûaigh 
sibh  isan  chath-lathar  a  ccovahxmdead  don  chursa,  ôir  ni 
lucht  fiodhruigh  na  fo-sluaighse  a  ttrath  iorgoile  no  iomghona 
fiocha  no  faisdine  re  flaitheas  foirbhthe  a  ttrath  foghla  no 
foir-éigne  do  righ  Eirenn,  7  ni  chlaoidhfidh  na  meic  mhi- 
chrôdha  filid  ann  bhar  bhfarradhsa  iâd  ;  "  7  cuma  do  bhi 
dha  râdh  7  adubairt  na  briâthrasa  : 

ni  faoMidh  fionn  (orlaidh 

forfos  ré  fiôr-fhlatha. 

Nidfl/  ho'ùidb  hnn-sluaigh 

figri  rigfe,  a  mhaca. 

Ni  soidh  oig  re  harrachtain 

oïrbeart  na  neart  cheidni.  Ni  ". 

7  ro  bhi  Loch  mac  Roch^fuil  ag  a  ttoirmesg  7  do  rdidh  na 
briathra-sa  ann  ; 

Ffionna  trena, 
béad  b  mor, 

a.  .i.  ms.  —  b.  bét  ms. 


Calb  Cumair.  299 

fui  lands  of  Cairbre4',  over  the  Stream  ofthe  Clear  Well  42 
(which  is  called  Sligech  thèse  times),  over  the  rapid-flowing 
Cascade  ofDara43  (viz.,  Dara  the  Red,  druid  ofthe  Fomorians, 
was  drowhed  there.  It  is  named  after  him),  [to]  beautiful  Ces 
Coruin  44,to  the  Peaked  Mountain  of  Segais4*,  to  the  Plain  of 
the  Dagda's  Track  4é,  to  the  Plain  of  Ae  47  son  of  Allguba,  to 
the  Valley  ofthe  Road48,to  Cruachan  49  (and  Medb  was  with 
them  there  s°),  and  there  was  no  one  there  save  sunny-haired 
Clothrann  ;1  dividing  their  portions  to  the  fair  company  at 
Cruachan.  The  Fionna  of  Emain  came  in  a  chariot  to  talk  to 
their  sister  at  Cruachan  and,  when  the  lady  heard  the  sense- 
lesstalk  ofher  brothers  and  the  foolish  babble  of  their  follow- 
ers,  she  began  to  hinder  the  you  ths  and  to  delay  their  march 
and  to  deceive  her  brothers. 

Then  they  saw  Ruad  and  Loch  sons  of  Rochedul,  the  two 
chief  druids,  approaching  them  and  thèse  earnestly  and  boldly 
endeavoured  to  avert  the  Fionna's  expédition.  They  said  to 
them:  "  oh  sons"  said  they  "  it  is  not  a^wisedeviceorsaga- 
cious  deed  or   mark  of  acuteness  in  you  to  create  rébellion 
against  (?)  your  father  throughout  Ireland  in  the  one  year, 
for  your  lives  will  not  be  lasting  by  reason  ofthe  monarch's 
groans  after  the  revolt,  and  your  splendid  army  will  not  pro- 
tect  you  in  the  battle-field  where  it  will  fight  this  time.  For 
thèse  few  troops  are  no  weak   (?)   folk  in  time  of  battle  or 
wounding  or  wrath  or  prophecy   against  decaying  rule,  in 
time  of  havoc  or  violence  offered  to  the  king  of  Ireland,  and 
the  cowardly  fellows  whoare  with  you  will  not  defe  at  th  1  1 
Thus  lie  spoke,  and  he  said  thèse  words  : 


And  Loch  son  of  Rochedul  tried  to  delay  them  and  said 
thèse  words  : 

Oh  strong  Fionna,  oh  great  deed. 
A  king  dcstroys,  lord  (?)  of  battle. 


300  Mur  cran  t  C.   Dobs. 

mh'iWeadh  ri, 
ruarw  »  gliâigh. 
Garg  an  gniômh, 
gubha  ten», 
taothfaidh  feall, 
ûoriidb  ég. 
Trûagh  adad  b, 
buân  an  bead.  Bed. 

8.  Thangadar  na  drâoithe  uatha  iarsin  7  ro  ïeargmdidh  na 
Finn  tre  dhroch-thaisdine  na  ndrûadh  ag  taimgire  a  ttiugh- 
bhdis  don  turus  sin  7  ro  cuireadh*ôig  athlamha  in  a  n-iarmho- 
recht  da  bhïosdadh  gur  mharbhsad  na  draoithe  tre  na  ndroch- 
fhaisdine,  gur  ba  Dumha  na  n  Druadh  52  a  cCrûachain  badh 
thuaidh  ainm  an  ionaidh  sin  ;  7  thangadar  rompa  da  sosâaib 
7  da  siôth-longportuibh  an  oidhche  sin,  7  thainig  Clothrann 
ar  chnocan  corr-ghlasa  na  Crûachan  gur  ro  suidhestar53  ann  7 
adchidh-siuw  dias  aille  fo  cheimennuibh  c  fionnbhân  ar  a  cco- 
mair  .i.  câoimh-ainner  7  cumhal,  inghen  throm-thaithne- 
mhach  thaobh-solus  seghdha  sul-ghlas  so-gradhach  ro-gheal 
ro-mhin  nognaidhç  ngloinuidhe  ngnûis-dherg  ngarechtmgh 
mbârr-ûir  mbognuaidhe  mbeâl-chorcra  ngasda  nghcreidh 
ngeal-bhraidigh  chûana  chiôch-throm  chorp-nûaidhe  ndrech- 
dh^Vg  ndead-ghil  ndonn-mhailgh^/;;  7  is  amhlaidh  ro  bhi  an 
ingen  sin  7  leini  aoingheal  éttlaith  uimpe  7  ionïïar  maothsrôil 
min«ren«  zmlach  iol-bhrec  ndhlandi  tana  taobh-dhearg  tai- 
thnemhach  baillderg  bhlathûr  bhrec-nâoidhe  slemuinn  snâth- 
gheal  sâor-mhaisech  ettrom  ionwûar  oigardha  uimpe,  7  brat 
bog-chas  blath-nûadh  thairis  sin  amûigh  a  n-echtuir,  7  eô 
chlarda  chumhdaigthe.  cosar-leptha  5+  criosdail-gheimhecrh] 
ànn,  7  niôr  bhfurus  s'iïïidh  no  siôr-fhechain  ar  soighnén  d 
seghdha  so-thaithnemhacha  saor-chineoil  na  solus-chem  sin 
ar  na  suidhiughût^  go  sâr-mhaisech  isan  sâr-dhealg  sin,  7 
bréid  suaithnidh  slemhoin  siôduidhe  tar  abhare  a  cas-chor- 
curlach,  7  da  bhog-asa  béal-cumtha  brec  amlacha  ider  a  troi- 
thigibh  tana  7  an  talamh,  7  ro  àrdaigb  fein  rogha  crotha  7 
dealbha  uirre  conach   ingen  badh  ferr  taithniomh  7  tuarus- 

a.  leg.  ruad  ? —  b.  leg.  ah'td  ?  —  c. kg.  coitnenuib  ?  —  d.  leg.  joinneadb} 
—  e.  leg.  abhara  ? 


Cath  Cutnair.  301 

Rough  is  the  deed,  bitter  the  lamentation. 

Deceit  will death  will  verify. 

Sad  is  the  kindling    ?).  Lasting  the  mischief. 


8.  After  that  the  druids  left  them  ;  and  the  Finna  were 
angered  by  the  evil  prophecy  of  the  druids  foretelling  their 
speedy  death  in  that  expédition.  Swift  youths  were  despatch- 
ed  in  pursuit  of  them  to  stop  them  and  they  slew  the  druids 
on  account  of  the  evil  prophecy,  so  that  "  The  Druid's 
Mound,  >2  "  at  Cruachan  to  the  north,  was  the  name  of  that 
spot.  They  proceeded  that  night  to  their  resting-places  and 
peaceful  camps,  and  Clothrann  came  up  on  the  green-peaked 
hillock  of  Cruachan  so  that  they  sat  on  it. 55  They  saw  a  noble 

pair  opposite  them  in  pure-white 

viz.  ;  a  lovely  damsel  and  a  handmaid,  a  most  attractive  lady, 
bright-formed  stately  grey-eyed  lovable  pure-white  délicate 
quecnly  (?)  glittering  rosy-checked  laughing  (?)  bright-haired, 
soft  and  fresh,  red-lipped  sprightly  smooth-handed  white- 
throated  élégant  deep-bosomed  fresh-bodied  rosy-faced  white- 
toothed,  brown  of  eye-brow.  The  lady  was  dressed  in  this 
manner  :  a  pure-white  floating  (?)  tunic  on  her,  and  a  soft 
silken  fine  spotted  (?)  flowing  variegated  starred  thin  red- 
bordered  shining  red-spotted  freshly-new  bright-speckled 
smooth  white-threaded  élégant  light  coolyouthful(?)  robe  on 
her,  and  a  soft-curled  freshly-smooth  cloak  over  that  on  the 
outside,  and  a  flat  chased  crook-pinned  >4  crystal-gemmed 
brooch  in  it.  It  was  not  easy  to  look,  or  gaze  steadfastly,  at 
the  stately  attractive  aristocratie  flashing  (?)  of  those  bright 
gems  that  were  set  so  exquisitely  in  that  wondrous  brooch. 
[There  was]  a  bright  smooth  silky  kerchief  over  her  curly 
purple-hued  hair  (?),  and  two  soft  shoes,  well  eut,  speckled 
and  curled,   between  her  slender  feet  and  the  ground.  She 


302  Margarei  C.  Dobs. 

gbhail  no  i,  uair  ba  drâoi  amhra  i.  s>  Ba  hi  sin  tra  uair  7 
âimsir  bhi  Bres  sinnsear  mac  Eochaigh  ag  fechain  a  s\ua\ghidk 
7  a  sochruide  cona  bhfaca  an  mhndoi  ag  imthecht  an  mhagha 
fa  coimnesa  dhoibh. 

Gabhus  Bres  a  n-donar  da  hagaïïaimh  7  anus  an  ingen  ris 
cona  é  dubhairt  Bres.  "  Can  as  a  ùgidh,  a  ingen,  7  créad  do 
bheir  a  t-aonar  thi'i  ?  "  "  Thangusa  d'agallaimh  a  bfuil  do  thro- 
chaibh  ar  an  maghso,  "  ar  isi.  "  Nitroich  iad  amh,  "  ar  eision. 
"  Is  troich  amh  "  ar  an  ingen,  "  ôir  da  mâdh  ail  leô  saoghal 
badb  faide  do  bheith  aca  no  gheibhddois  cumha  a  righ 
Eirenn.  "  "  Cinnte  linne  amh,  "  ar  Bres,  "  gan  comha  do 
ghabhail  uadha  acht  cath  do  thabairt  dho  ionnus  go  ma  linn 
fein  righe  nEirenn  7  nach  ba  leision.  "  "  Is  olc  an  chomwrle 
sin,  "  ar  an  ingen.  Is  annsin  do  chuir  Bres  a  guala  [ri  fôd  na 
faon-léirge  7  do  chuaidh  an  a  gnâs  7  in  a  cao\n\\-\tbaidh  7 
tairnic  ris  taghall  aice.  "  Ort  do  dhon  7  do  dhuabhas,  "  ar  an 
ingen,  "  is  môr  an. col  7  an  egcôir  do  rinnis.  "  "  Ciodh  on, 
[a]  ingen  ?"ar  Bres.  "Cia  thusa  ?  "  "  Clothrinn  ingen  Eochaigh 
Fheidligh  misi,  "  ar  si,  "  7  is  ar  thainig  dot'  hath-mhillea- 
dhsa  conach  biadh  fiôr  catha  agad  a  n-aghaidh  hathar.  "  "Do 
chol  7  do  chontracht  ort,  "ar  Bres,  "  ôir  is  agad  ro  bhi  fios  7 
ni  hagamsa.  "  Ciodh  tracht  do  choimh-riachtad«r  na  ttriûr  ria 
7  as  e  ann  gednna  a  adubhairt  friu  cona  Glenn  an  Chuil56  for 
Chruacha/n  a  ttûaith  ainm  an  wnaid  a  ndearnadh  sin.  Dorala 
trdth  caomh-thoirches  don  ingen  uatha  na  ttriâr  go  rug  mac 
dhoibh  .i.  Lugaidh  Sriabh-ndearg,  amhail  isbeartan  file  : 

Beirios  Clothrinn  ndéad-gil 
énmhac  da  triur  dearbhrathar. 
Ciân  a  ainm  foxsan  b  Glenn  Sainbh  " 
Lughaidh  Sriabh-ndearg  5*  a  fhiôr-ainm. 
Mac  do  Lughaidh  milibh  giâll 
Criomhthann  Cosgrach  s»  na  bhfionn-riân. 
Gear  bho  ro-throm  an  col  sin. 
Clothrann  rob  i  a  matheir.  Beirios. 


a.  an  çcéadna  ? —  b.  ms.  arsfln. 


Cath  Cumair.  303 

endowed  herself  with  the  choicest  arrangements  of  colour 
and  form  so  that  no  lady  excelled  her  in  appearance  or  de- 
scription, for  she  was  a  renowned  enchantress.55  Now  that  was 
the  hour  and  the  time  when  Bres,  the  eldest  of  Eochaid's 
sons,  was  inspecting  his  host  and  his  army  so  that  he  saw 
the  woman   passing  over  the  adjacent  plain. 

Bres  went  by  himself  to  accost  her  and  the  lady  waited  for 
him.  This  is  what  he  said  :  "  Whence  comest  thou,  lady  ?  How 
is  it  thou  art  alone  ? 

"  I  came  to  talk  to  ail  the  death-doomed  ones  on  this 
plain  "  said  she. 

"  They  are  not  indeed  doomed  to  death,  "  said  he. 

"  Indeed  they  are  doomed,  "  said  the  lady,  "  for,  if  they  did 
désire  longer  life,  they  would  take  terms  from  the  king  of 
Ireland.  " 

"  We  are  indeed  determined,  "  said  Bres,  "  not  to  take  terms 
from  him  ;  but  to  give  him  battle  so  that  we  shall  rule  Ire- 
land, and  not  he  ". 

"  That  is  an  evil  design,  "  said  the  lady. 

Then  Bres  threw  her  down  on  the  sod  of  the  sloping  way 
and  violated  her.  "  On  thee  be  the  shame  and  the  sorrow,  " 
said  the  lady.  "  Great  is  the  sin  and  wickedness  thou  hast 
committed. 

"  How  so,  lady?  "  said  Bres.  "  Who  art  thou  ?  "  "  I  am 
Clothrinn  daughter  of  Eochaid  Feidlech,  "  said  she  :  "and  I 
came  to  compass  your  destruction  that  you  should  not  hâve 
right  on  your  side  in  fighting  [our]  father.  " 

"  Your  sin  and  your  curse  shall  recoil  on  you  ".  said  Bres, 
"for  you  knew  —  and  I  did  not.  " 

However,  the  three  lay  with  her,  and  that  is  the  same 
thing  she  said  to  them  (?),  so  that  the  "  Glen  of  Sjn 5Ô  "  at  Crua- 
chan  southward  was  the  name  of  the  place  where  that  deed 
was  done.  The  lady  conceived  by  the  three  and  bore  them  a 
son,  viz.  Lugaid  Red-stripe  ;  as  the  poet  said  : 

Clothrinn  the  white-toothed  bore  one  son 
to  her  three  brothers. 
Cian  was  his  name  in  Glen  Sanbh  ;  >» 
Lugaid  Red-stripe  s8  was  his  real  name. 


304  Margaret  C.  Dobs. 


9.  Ciodh  tracht  ro  eirgedtfr  go  m  oc  h  ar  na  mharach  7  ro 
ghabhsad  go  hAth  Luain  timchioll 6o  Eirenn  go  nuige  sin  7 
ro  ghabhsad  sosadh  ann  7  saor-longport  isan  chnoc,  dar 
chomh-ainm  Cealt'11  aniû,gan  fhios  do  righ  Eirenn,  7  ro  tog- 
badh  puible  aille  iôl-dhathachadona  Fionnaib  ann  anoidhche 
sin  (.i.  Raith  na  Poible  ainm  an  ionaidh  sin  aniu),  7  ro  chuir 
siad  techta  oibne  eigne  go  a  n-athair  a  ccéadoir  go  bhfol- 
mhuigheadh  Temhair  ar  a  cceann  ;  7  6  rangadar  na  techta  go 
Temhraigh  ro  fhiafraigh  Eochaidh  sgéala  dhiobh.  "  Is  ar  a 
thangamairne,  "  ar  siad,  "  dâ  râdh  riotsa  Temhair  d'folmhu- 
ghadb  ar  cheann  do  mhacca  7  righe  nEirenn  do  léigion 
dôibh  ".  Gach  aon  imorro  do  bhi  na  luidhe  isan  toigh  do 
eirgedar  na  suidhe  7  gach  a  bhi  na  sesamh  thugadar  a 
n-aghthe  a  n-éinfhecht  orra  ionnus  go  rabhadtfr  ag  éisdecht 
risan  aithesg  n-iongantach  adchûalada/'.  Is  ann  trath  do 
bhi  Conall  Cernach  an  tan  sin  ar  dheis  righ  Eirenn  7  eir- 
ghes  a  ccéadoir  7  nochtus  a  chloidhiomh  do  dhith-chennadh 
na  ttechtadhfl/W/;  ar  a  loinne  risan  aithesg  do  chualaidh  leô. 
Thug  Eochaidh  Feidhlecfh]  a  ldmh  fris  7  do  thoirmisg  an 
gniomh.  Ô  do  chûala  trâth  taoisech  an  lucht  tighe  sin,  .i. 
Cet  mor-mac  Magach,  fhobr«5  an  gniomh  céadna  do  dhe- 
namh.  Toirmiosges  Eochaidh  an  gniomh,  7  adubairt  :  "  C'ait 
a  bfuil  Gtiùncheann  drâoi  ?  "  ol  se.  "  Ata  sunna,  "  ar  an 
drâoi.  "  Maseadh,  fionntar  leat  dhuinn  an  fiôr  a  ndub^rtsad  na 
techta  né  cionnus  ar  n-iomsgaivr/ûf/?  misi  7  mo  mhaca  ;  "  7  is 
cuma  ro  bhi  aga  rad[hj  7  do  bert  an  lâoi  ann  : 


[E.]       Abair  riom,  a  Ghluinchenn  drâoi, 
7  na  habair  iomar-gâoi, 
lomus  na  ttri  bhFinn  Emhna 
ca  leith  a  bheraid  a  rabhra. 
[Gl.]       Is  chugad  bhearid,  a  fhir 
an  ruathar  sin,  a  Eochaidh, 
dot'  bheith  gan  tsluagh  gan  fhlaitbius 
dot'  ath-chur  as  do  m     r-mhaithes. 


Catb  Cumair.  305 

The  son  of  Lugaid  of  the  thousand  hostages 
was  Criomthann  the  Victorious  >'  of  the  white  seas. 
That  crime  was  bitter  and  exceeding  grievous. 
Clothrann,  she  was  his  mother. 

9.  Howbeit  they  arose  early  on  the  morrow  and  went  to 
Athlone  (round  1'reland60  thus  far)  and  halted  and  encamped 
at  the  hill  (whose  other  name  nowadays  is  Cealt61)  without 
the  king  of  Ireland's  knowledge.  Beautiful  variegated  tents 
were  put  up  that  night  for  the  Fionna  so  that  "  Rath  of  the 
Tents  "  is  the  name  of  that  place  now.  They  sent  swift  hasty 
messengers  to  their  father,  immediately  to  retire  before  them 
from  Tara.  When  the  messengers  arrived  at  Tara  Eochaid 
asked  them  for  news.  "  The  reason  \ve  hâve  corne,  "  said 
they,  "  is  to  bid  you  vacate  Tara  before  your  sons  and  sur- 
render  the  sovereignty  of  Ireland  to  them.  "  Everyone  who 
was  resting  in  the  house  sat  up,  and  everyone  who  was 
standing  turned  simultaneously  towards  them,  so  as  to  lis— 
ten  to  the  amazing  demand  which  they  heard.  At  that 
moment  Conall  Cernach  was  at  the  king's  right  hand  and  at 
once  he  rose  up  and  drew  his  sword  to  behead  the  envoys  in 
his  wrath  at  the  demand  he  heard  them  make.  Eochaid  Feid- 
lech  laid  his  hand  on  him  and  checked  the  act.  But  when  the 
captain  of  the  household  troops,  Cet  the  great  son  of  Maga, 
heard  it,  he  tried  to  do  the  same  thing.  Eochaid  restrained 
him  and  said  :  "  Where  is  Gluinchenn  the  druid  ?"  said  he. 
—  "I  am  hère,  "  said  the  druid. 

"  Well  now,  examine  thou  for  us  whether  the  messengers 
spoke  trulv  — -  or  why  I  and  my  sons  should  separate.  "  And 
this  is  how  he  spoke,  and  recited  the  poem  : 


\i.       Tell  me,  oh  Gluinchenn  druid, 
and  tell  no  talsehood, 
concerning  the  three  Fionna  of  Emain. 
What  direction  will  their  wantonness  take 

G.       Against  thee,  oh  man,  is  made 
Uns  onset,  oh  Eochaid  ; 
to  deprive  thee  of  armv  and  kingdom, 
to  thrust  thee  ont  of  thv  prosperity. 


306  Ma\~gard  C.  Dois. 

[E.J       Abah  riom  ina  mbià  dhe, 

tabhair  id  t'aire  id  t'faisdine 
\omus  na  bhFionn  riogh  fo  blaid. 
O  tu  uai  omnim  »  abair  " bl 

Abair. 

"Dentar  toichesdal  7  tino[i]l  tinnnesnach  agadsa,  "  aran 
drâoi,  "  ôir  atdiddo  thri  meic  chugad  [i]na  ttricathaibh  coir- 
ighthecomh-mora7  deich  ccéadfhichiodangach  cath  dhiobh.  " 

lO.Eirghios  trath  Eochaidh  gonachairde  annsin  ô  do  chua- 
laidh  nach  raibh  acht  cairde  na  haon  oidhche  aigeona  mhaca, 
7  an  tan  do  eirigh  Eochaidh  do  e'irghedar  na  .x.  ccéacf  .x  x. 
d'fearuibh  fionnliâth6'  leis  da  ghnath-mhuintir  fein  7  nach  sga- 
radh  ris  do  siôr  7  ba  hiad  sin  a  ghnath-theghlach.  Ro  eirigh 
ansin  an  ta6isech  in  lochta  tighe .  7  a  chenn-comhairle  7  a 
chuinge  catha  .i.  Cet  môr-gharg  mac  Maghach.  Is  annsin  than- 
gzdur  amhuis  oga  ri  Eirenn,  7  ba  dearbh-comhartha  flatha  dhô- 
san  a  ttecht  chuige  re  humaigaigh  na  hiorghoile,  7  Conall 
Cernach  cosgrach  cath-bhuadhach  curata  coromhach  mac  Aim- 
hirgin  rompa  .i.  taoisech  na  n-amhus  7  a  fhichet  cead  amhus 
uime.  Is  annsin  thangadwr  urradha  Bregh  7  Midhe  7  Ràon  64 
mac  Rocheduil  ri  dheargd'Ullto*M  rompa  7  Colamain65  tenna 
na  Temhrach  mar  an  cceadna,  fiche  cead  a  lion  fer  re  a  n-ari- 
omh.  Tri  fichid  cead  lion  a  sochroide  an  oidhche  sin  a  n-agh- 
aidh  a  thri  maca,  7  thangadwr  rompa  go  hAth  Comair  an  oidh- 
che sin  7  ro  ghabhsad ,  sosadh  7  longport  ann  6b.  "  Caidhe 
Glûinchenn  drâoi  ?  "  bhar  Eochaidh.  "  Ata  sonna,  "  bhar  an 
dràoi.  "  Ionnsoigh  mo  mhaca,  "  ar  an  righ,  "  7  beir  cumha  let 
uaimsi  dhôibh.  "  "  Ca  comha  sin  ?  "  ar  an  drâoi.  "  Dha 
ttriân  Eirenn  dôibhsion  7  aôn  triândamhsa  (ri  Themhraigh.  " 

Glûaisios  an  drâoi  a  ccéadôir  go  ha[i]rm  a  rabhadar  na  Finn 
cona  slûagh  7  théid  isan  phôbal  a  rab[h]adar.  "  Fochion  do 
thiâchtain,  a  dhrâoi7  a  dheghfhir  dana,  "  bhar  iadsan.  "Tai- 
resi  linn  an  fhailte  sin  gus  aniogh,  "  bhar  an  drâoi.  "  Tairise 
dhuit  aniogh  ar  bhfailtinne,  "  ar  iadsan.  "  O'n  righ-  thangusa 
do  thairgsen  comha  dhâoibhsi.  "  "  Ca  comha  sin  ?"  ar  iadsa. 
"  Dhâ  ttriân  EÀrenn  dâoibhse  7  aôn  triân  dôsan  um  Themh- 

a.  leg.  '«a  imSniom  ?  or  ua  lomnim  =  descendant  of  Imne  ? 


Calb  Cumair.  307 

E.       Tell  me  vvhat  will  corne  from  it, 

betake  thyself  to  watching  and  prophecy 
concerning  the  Fionna  —  the  famous  kings  — 
oh  thou speak  !  "  6j 

"  Lèt  prompt  muster  and  assembly  be  made  by  you,  "  said 
the  druid,  "  for  your  three  sons  corne  towards  you  in  three 
marshalled  battalions  of  equal  strength,  and  three  thousand 
men  in  every  battalion.  " 

10.  Then  indeed  Eochaid  rose  up  with  his  friends  when 
he  heard  he  had  only  one'-night's  respite  from  his  sons. 
When  Eochaid  àrose  there  rose  up  the  three  thousand  vétér- 
ans65 with  him,  his  own  retinue  who  never  left  him.  Those 
were  his  customary  retainers.  There  rose  up  the  captain  of 
the  household,  his  chief  counsellor  and  battle-champion  ;  viz., 
Cet,  the  fierce  son  of  Maga.  The  young  mercenaries  of  the 
Irish  king  came  (it  was  a  true  token  of  his  sovereignty  their 
coming  to  him  for  the  rounding  up  (?)  of  the  struggle)  with 
triumphant  victorious  courageous  combative  (?)  Conall  Cer- 
nach  son  of  Amergin  at  their  head  ;  viz.,  the  captain  of  the 
mercenaries  and  his  two  thousand  mercenaries  round  him. 
Thsre  came  the  chiefs  of  Bregh  and  Meath  and  Raon  6+,  son 
of  Rochedul,  the  red  king  of  the  Ulaid,  at  their  head  ;  and 
likewise  the  grim  Colamairi 6s  of  Tara,  two  thousand  their 
mil  number.  His  army  numbered  six  thousand  that  night 
against  his  three  sons,  and  they  marched  toCumar  Ford  that 
night  and  encamped  there.  é6  "  Where  is  Gluinchenn  the 
druid  ?"  said  Eochaid.  "  I  am  hère,  "  said  the  druid.  "  Go 
to  my  sons,  "  said  the  king,  "  and  offer  them  terms  from 
me. 

"  What  terms  ?  "  said  the  druid. 

"  Two  thirds  of  Ireland  for  them  and  one  third  including 
Tara  for  me.  " 

The  druid  went  at  once  to  the  place  where  the  Fionna 
were  with  their  army,  and  goes  into  the  tent  where  they  were. 

"  Your  coming  is  welcome,  oh  druid,  oh  sage  and  excel- 
lent man,  "  said  they. 


308  Margaret  C.  Dobs. 

raigh.  "  "  Is  dôigh  liomsa,  "  ar  Lothar,  "  do  bhera  7  ni  gea- 
bhthar  uaidh  é  ".  "  Cia  uni  nach  geabhtfor?  "  ol  an  draoi  ; 
"  ôir  ni  flaith  fire  nach  geabhaidh  comha  7  ro  badh  fearr  a  gha- 
bhail  no  a  hobadh  ôir  geliônmar  bhar  slôigh  7  bhar  sochaidhe 
ni  rachaidh  tair  Sionainn  siâr  aguibh  acht  tri  naonbhair  a'ma- 
rach  7  Druim  Anûar  ainm  an  droma  so  gus  aniogh  7  budh 
DruimCrô67  amarach  [a]  ainm  6  fhuil  bhar  ccorp,  bhar  meidh- 
eadh  7  bhar  muineil  7  budh  Tiobruid  na  cCeann  ainm  na  tio- 
bruide  so  sios  ;  "  7  do  râidh  an  lâoi  : 

Ni  mar  lodar  le  bhar  ttoil, 
a  Fhionna  Emhna,  a  hEmhoin. 
Is  dearbh  nocha  réim  ratha, 
is  dréim  a  ccionn  ârdfhlatha. 
Clothfionu  ingen  Airtigli  Fliinn 
dorad  oruibh  âgh  is  imrinn. 
Robdar  mudhadb*  da  bcttaibh 
dahedha/W;  —  da  hilrechtuibh. 
Ath  Comafijr  —  comuirna  ccûan  — 
Ath  a  ttroidfiéar  na  slûaigh. 
Monûarban  tainic  bhar  ttan, 
A  Fliionna.  Ni  ma[r]  lodar.  Ni. 


11.  Filles  an  drâoi  doridliisi  na  frithinge  go  rainig  go 
hEochaidh  Feidhliocb  7  innisidh  a  sgéala  6  imthecht  go  fillead 
in  a  fhiaghnuise,  7  adubart  an  laôi  ann  : 

[G.]      Eirigh,  a  Ri  Temxach  te. 

Agso  chugad  do  mliaicne. 

Truagh  an  gniômh  —  lonn  rod».v  la  — 

ag  iârraidb  an  oighedha  c. 

a.  leg.  perhaps  rob  bar  tnudha  "  you  mav  be  destroved.  "'  —  b.  leg. 
momuiran  ?  —  c.  leg.  oighreadba  ? 


Calb  Cumair.  309 

"  That  welcome  was  our  honour  till  today,  "  said  the 
druid. 

"  Our  welcome  is  an  honour  to  you  to  day,  "  said  they. 

"  I  came  from  the  king  to  offer  you  terms.  " 

"  What  are  those  terms  ?"  said  they. 

"  Two  thirds  of  Ireland  for  you  and  one  third  for  him 
including  Tara. 

"  It  is  my  opinion,'"  said  Lothar,  "  that  he  may  give  — 
and  it  will  not  be  taken  from  him.  "  "  Why  will  you  not 
take  it  ?  "said  the  druid.  "  For  no  true  prince  but  accepts 
terms  —  and  it  would  be  better  to  accept  than  to  refuse  for, 
however  numerous  your  army  and  following,  there  will  not 
go  westward  over  the  Shannon  tomorrow  save  thrice  nine  of 
vou.  Anûar  Ridge  was  the  name  of  this  ridge  till  today  : 
"  Ridge  of  Gore  6"  "  shall  be  it's  name  tomorrow  from  the 
blood  of  your  bodies,  your  trunks  and  necks  —  and  "  Well 
of  the  Heads  "  shall  be  the  name  of  this  well  hère  below."He 
recited  the  poem  : 

Alas  that  they  went  as  you  willed, 

oh  Fionna  of  Emain,  to  Emain. 

It  is  certainly  no  fortunate  course; 

it  is  rébellion  against  a  sovereign. 

Clothfionn,  daughter  of  fair  Airtech, 

brought  danger  and  strife  on  you. 

Thsy  were  destroyed  bv  her  actions, 

bv  her,  bv  the  numerous  forms  she  turned  into. 

Comar  Ford  —  meeting  place  of  troops  — 

the  ford  where  the  hosts  will  fight. 

Alas,  vour  time  is  corne,  oh  Fionna. 

11.  The  druid  went  back  the  same  wav  till  he  came  to 
Eochaid  and  told  his  story  from  the  time  he  went  till  he 
returned  to  his  présence.  He  recited  this  pôem  : 

G.       Arise,  oh  king  of  pleasant  Tara. 
Behold,  thv  sons  approach  thee. 
Sad  is  the  fierce  deed  winch  has  driven  them 
to  seek  their  death. 


Revue  Celtique,  XL111. 


3 10  Margarel  C.  Dobs. 

[E.J       Doïïigh  liom  marbh[adh]  mo  mhac 

ge  thicsad  san  chath  chomhnart. 

Muna  marbhthar  taoithfad  leô. 

Truagh  d'ar  ccairdibh  an  cruadh-ghleô. 
[G.]       Eirghidh  suas  is  fWthrigh  th'  fearg 

bitdh  letsa  Temhair  thaobh-dhearg. 

Torchair  réaflaith  forghes  gâoi 

nt  {Ao'ûidb  ôig  ar  aoin-châoi. 
[EJ       Cionnus  theguid  na  tri  Finn 

go  hAthComair?  Lûaidhidh  rinn. 

Cionnus  côirighid  iad  sunna 

o  ghabhus  câch  a  gcomhlann  ? 
[G]       Bres  znneas  mar  ata68 

do  chomhrac  re  Collamhna. 

Nâr  gus  na  hamhusuibh  —  mêad  nglonn  — 

Lothflr  dhuitsi,  a  ri  Eirenw. 
[E.]       Muirngh^ar  liom  Lothar  luath 

7  budb  lén  do  Nâr  na  slûagh. 

Muirfig[h]«ar  Bres  cibe  dhe, 

budh  haithrech  a  luath  eirghe  . 

Eirigh. 

A  haithle  an  chomhraidb  sin  troisgios  righ  E'irenn  an  oidh- 
che  sin  iri  Chomhair  anôir-ttûaidh  7  anaid  ann  go  maidin 
arna  mharach  ;  7  as  é  ro  dhuisidh  iâd,  na  tri  catha  comh-mora 
ag  a  ccomh-moradh  7  ag  a  ccoimh-egar  isan  ceann  oile  do'n 
ath,  7  ro  eirigh  righ  Eirenn  7  gabhus  a  threalamh  troda  7 
tachair  uni  a  chneis.  Ro  ghabh  cloidiomh  trom  toirt-bhuilkflr/; 
go  ffeigh  goffaoidh  go  fiosgadh,  se  b  slioptha  slemhuin  chrûaidh 
ô  a  dhornnchla  go  a  rinn.  Gabhus  a  dha  sleadh  seimhnecha 
sith-fhoda  go  fFeaithénuibh  fionn-bhruinni  7  go  mbriocht 
nimhe,  7  ro  ghabh  a  sgiath  mhôr  mhilita  ina  uu'ûUeadh  tore 
tré-bhliadhnach  ina  chomh-tharsna,  go  mbile  aith-ghear  iar- 
nuidhe  7  go  slabhradrunT»/?  caomha  congmhala.  Gabhus  iarsin 
a.  .  .  c  chathbhardha  ciorach  chlarach  chethar-eochair  ar  na  n- 
egâr  do  leguibh  loinneardha  loghmhair  'ga  n-uir-egar  na  cenn- 
bh^rte  sin. 

Ro  éirigh  annsin  âirdrigh  aghmhar  o\midhed  Eirenn  À. 
an  flaith  ar  flaithemhnus  7  an  taphar  ar  thaitnemhaidhe  7  an 

a.  leg.  ri-  ?  —  b.  leg.  us  e.  —  c.  some  word  omitted  ;  heimet  ?  or 
crown  ?  —  d.  in  ms.  margin  oir^//;a. 


Cath  Cumair.  3  1 1 

E.       Grievous  to  me  is  the  slaying  of  my  sons 
though  they  came  to  the  fierce  battle. 
If  they  are  not  slain  I  shall  fall  by  them  . 
The  bitter  strife  is  sad  for  our  friends. 

G.       Rise  upand  whet  thy  wrath. 
Red-sided  Tara  will  be  thine 
The  royal  (?)  prince  fell  by  a  spear-thrust  (?). 
Warriors  are  in  no  wise  glad. 

E.       How  do  the  three  Fionna  corne 
to  Cumar  Ford  ?  Tell  us  that  (?). 
How  do  they  marshall  themselves  there 
since  everyone  accepted  the  combat  ? 

G.       Bres  trom  southward  is  thus,  68 
fighting  against  the  Colamain  : 
Nar  against  the  mercenaries  —  share  of  deeds  — 
Lothar  against  thee,  oh  king  of  Ireland. 

E.       Swift  Lothar  will  be  slain  by  me. 
Nar  of  the  hosts  shall  suffer. 
Bres  will  be  slain  —  howe'er  it  be  — 
They  will  repent  their  hasty  rébellion  . 

After  this  conversation  the  king  of  Ireland  fasted  that  night 
at  Cumar  to  the  north-east.  They  remained  there  till  the  next 
morning  and  what  woke  them  was  the  three  strong  battalions 
mobilizing  and  forming  up  at  the  other  side  of  the  ford. 
The  king  aroseand  put  on  his fighting  array.  He  took  a  heavy 
hard-hitting  sword  sharp,  and.  .  .  and  sheathed  (?).  It  was 
polished,  smooth  and  hard  from  hilt  to  point.  He  took  his 
two  rivetted  lengthy  spears  with  well-refined  twists  and  veno- 
mous  magie  charms.  He  took  his  great  soldier's  shield,  in 
which  a  three -year-old  boar  could  repose  cross-wise,  with  it's 
sharp  iron  edge  and  beautiful  supporting  chains.  After  that  he 
took  his  helmet-like  crested  flat  four-edged .  .  .  arranged  with 
glittering  precious  stones  adorning  that  headgear.Then  arose 
the  warlike  commanding  high-king  of  Ireland  viz.,  the  most 
sovereign   prince,  the  most  pleasing.  .  .,  the.  .  .  of  ennemies 


3i2  Margaret  C.  Dobs. 

tathugh^y/;  biodhbtfrf/;  d'ais  7  d'elgean  7  an  righ  ôs  na  riôghuibh 
7  an  t-amhus  ôs  na  hamhusuibh  7  an  leômhan  ar  luinne  7 
an  mathghamhuin  morghlonnach  ar  mhire,  7  ro  bhi  ag  egar 
7  zgàrdiigbadha.  niliuinntire  [i]na  ttri  mbuidhnibh  bruthmhara 
bûan-nertmura  .i.  na  hamhuis  ar  \eatb  7  na  Colamhoin  ar 
\eath  7  an  fiche  cead  fer  foirfe  finnliâ  uime  sion  fein,  agus  adub- 
hairt  Eochaidh  an  rithk/rg  ann  : 

Uch  mo  chràidhe  na  chaoib  chrô 
Mun  bam  marbhsa  ni  bam  beo. 
Ni  bam  beô  ni  bam  marbh, 
plaigh  M  ieidm,  dall  fri  baidhbh. 
Foirgleadb  gleic  —  mo  tliri  meic  clii'i 
mo  chuirp  tuitfit  liom,  uch. 
Tri  Finn  cliù  mo  ghluinn 
sgeithfid  dath  snian  d'uch. 

Uch. 

12.  Is  ansin  thangadar  a  amhuis  7  a  a.rmaigb  chum  righ  Elrenii 
7  do  raidh  siad  ris  :  "  A  Airdrigh,"  bhar  iadsan  "léig  dhuinne 
sosmrdo  chlainne  .i.  Nàr  mac  Eochaigh,  7  is  briâthar  dhuinne 
gion  go  bfuilmaoid  acht  uathadh  iear  7  (elnmadb  annso  go 
ccuingeobhtrtir  sgidthrach  airm-dhluith  ag  ar  laochne;"  7  is 
cuma  ro  bhi  aga  râdh  7  adubart  taoisech  ua  na  n-amhfw  an 
làoidh  siôs  .i.  Conall  : 

Léig  dhuinne  soistu/-  do  chlainne 
A  Eochaidh  go  nemh-ghainne, 
go  ccomh-raicim  drech  fri  dhrech 
isan  chath  ag  Druim  Crhhidb. 
Atam  tri  coicet  fer  fionn 
go  n-armach  curadh  os  arecionn. 
Is  dearbh  nocha  tteithfiom  dhe 
gur  bam  marbh  au  aônbhaile. 
Da  tti  Nàr  an  ar  n~aghaidh 
ni  ba  sâor  ar  serr-fheruibh  a. 
A  lôs  sgeith  is  cloidhiom  ciorr 
as  an  lathar  ni  léigfiom. 

Leig. 

Iârsin    deônuighes  righ    Eirenn  dona  hamruwa   Nâi      ■ 

a.   leg.  searradhiibb  ? 


Calb  Cumair.  3 1 3 

willy-nilly.  the  king  of  kings,  tlie  soldier  of  soldieis,  the  iion 
for  wrath,  the  furious  bear  for  frenzy,  and  he  was  marshalling 
and  ordering  his  men  in  in  three  fiery  staunch  régiments  ;viz., 
the  mercenaries  apart,  the  Colamain  apart,  and  the  two  thou- 
sand  vétérans  round  himself.  Eochaid.  recited  this  rhetoric  : 

Alas,  mv  lieart  in  a  clôt  of  blood. 

If  I  am  not  dead  —  I  will  not  live. 

I  will  not  live. —  I  will  not  die  — 

There  is  a  plague  against  renown  (?), 

there  is  blindness  against  the  goddess  of  war. 

The  contest  is  decided(?),  mv  three  sons,  the  bodv 

of  mv  bodv,  will  fall  by  me,  alas! 

The  three  Finn,  the  body  of  my  knee,68  a 

will  vomit  coloured  streams,  alas 


12.  Then  came  his  mercenaries  and  warriors  to  the  king 
oflrelandand  said  to  him  :  "oh,  High-king,  "  said  they, 
"  leave  to  us  the  youngest  of  thy  children  viz.,  Nar,  and  we 
pledge  ourselves,  though  we  are  but  few  men  and  warriors 
hère,  that  shield-straps  will  be  tightly  held  by  our  heroes.  "So 
they  were  speaking,  and  the  leader  of  the  mercenaries,  viz., 
Conall,  recited  the  following  poem. 

Leave  to  us  thy  youngest  son, 

oh  generous  Eochaid, 

till  we  fight  face  to  face 

in  the  battle  at  Crithech  Ridge. 

We  are  thrice  fifty  fair  men 

with  hero's  weapons  above  us. 

It  is  certain  we  will  not  flee 

till  we    be   dead  in  the  one  place. 

If  Nar  should  corne  against  us 

he  will  not  escape  from  scythes  (?) 

By  dint  of  shield  and  crested  sword, 

we  will  not  let  him  escape   from  the  tield. 


The  king  of  Ireland  then  gave  the  mercenaries  leave  to  attack 


314  Margaret  C.  Dobs. 

chathaibh  d'ion nsoigidh  7  ba  feidhm  môr  dhoibhsion  sin.  Is 
annsin  adubhradar  na  fir  liath  bhadur  um  Eochaidh,  "  Ciodh 
dhuinne  gan  togha  ar  ïeàdbma.  7  ar  foghnamha  ar  iorgal  do 
chloinnesi  7  ciodh  tracht  gan  togha  an  ti  do  thoghsinn,  .i. 
Lothar  an  mac-ri  neimhnech  nert-mhenmnach  is  mô  gâois  7 
gaisgeadh  do  sluagaibh  Eirenn  uile,  7  an  tan  do  mharbhuis 
Facht[n]a  Fathach69  mac  Rosa  Riîaidh  mac  Rughraidhe  do  bha- 
murne  go  ùidm-thenn  fulang-thrén  ag  cosnamh  righe  nEirenn 
dhuitsi,  7  an  tan  do  mharbhuis  Eochaidh  Uchûeathan  a  ccath 
Chraigh  isan  Choruinn70  ro  ba  crûaidhcosgrach  coimh-mhen- 
mnach  an  laocraidhe  sinne  ann  7  do  dhentar  calma  7  crûadh- 
ghleca  isan  16  seo  aniû  againne  re  torrachtain  macne  Eochaigh 
gus  attaoithsad  linn  cona  ccathaibh  ;  "  7  adubhairt  na  rainnsi 
ag  ionnsoigh  Atha  Comuir,  ut  dixit  : 

Léig  duinn  go  leig  Lothur 

go  mbenn  dochar  frith  dhochar. 

7  nocha  isûaill  an  fer 

rug  ûain  an  sosar  saor-gheai. 

Sinne  in  ar  bhfearuibh  liâth 

giodh  môr  ar  mbladh  sar  mbri[th]ar 

Leisgidhe  rinn  dul  ar  ccûl, 

doilghidhe  duinn  iompudh. 

Ciodh  rugadh  rinn  ar  ratha 

Ni  rugadh  ar  n-armgretha. 

Ni  sguirfiom  ré  Lothar  dhe 

gur  bam  marbh  an  aoin-bhaile. 

Is  annsin  do  ghabhaddtr  na  hamhuis  do  laimh  Bres  mac 
Eochaigh  do  dhiongbadh  isan  chath.  Iârsin  do  ghabhadar  fir 
Eirenn  do  laimh  a  n-ionaduibh  catha  7  comhlainn  isan^chath- 
lathar  a  ccomh-raicfidis  dibhlionaibh  7  thugsat  go  feidhm- 
laidir  fogartach  fiôr-ghniomhach  iad  go  a  n-ionadhaibh  catha 
7  go  hurlâr  na  hiorgoile  ;  7  o  do  choncadar  na  meic  sin  ro 
choirgheadar  gleire  feargach  fir-neimhnech  a  n-ûrchomhair  7 
do  rinnedar  tri  catha  comh-mora  comh-ârda  dhiôbh  in  a  râon 
athlamh  âointhir  da  n-ionnsoigh,  agus  ro  thogbhadur  a  meir- 
geadha  maisecha  min-leabhra  ar  a  m[h]arrac/;  7  a  n-onchoin 
châola  chrdos-ôsluigthe  7  a  stûadha  armgeara  aigmheile  uath- 
mara  iorgoile,  7  thangadar  go  tinnesnach  tresarnach  torann- 


Catb  Cuniair.  315 

Nar  and  his  battalions  and  that  was  a  serious  undertaking  for 
them.  It  was  then  the  vétérans  who  were  round  Eochaid  said: 
"  why  should  we  not  exert  the  best  of  duty  and  service  in 
attacking  thy  sons,  and  why  should  we  not  choose  the  one 
we  hâve  chosen,  viz.,  Lothar  the  deadly  stout-hearted  prince 
who  excels  in  wisdom  and  valour  ail  the  hosts  of  Ireland  ? 
When  thou  didst  slay  Fachtna  Fathach  6?  son  of  Ros  the  Red, 
we  held  the  kingdom  of  Ireland  stoutly  and  patiently  for  thee. 
When  thou  didst  slay  Eochaid  Broad-chest  in  the  battle  of 
Clarach  in  the  Coruinn  ~'°  wewere  astern  triumphantunanim- 
ous  band  of  heroes  there.  We  shall  fight  bravely  and  hard 
tins  day  today  against  the  onset  of  Eochaid's  sons  till  they  and 
their  battalions  fall  by  us.  "  When  approaching  Comar  Ford 
he  repeated  thèse  verses  and  said  : 

"  Leave  Lothar  to  us  in  the  meanwhile 

that  we  may  retum  hurtfor  hurt. 

He  is  no  contemptible  man 

who  took  the  bright  voungest  one  trom  us. 

We  grey-haired  men 

though  great  is  our  famé  and  renown 

we  are  more  reluctant  to  retreat, 

it  is  harder  for  us  to  turn. 

Though  we  be  overtaker.  in  running  (?) 

our  weapon's  clang  is  not  overtaken  (?). 

We  will  not  part  from  Lothar 

till  we  be  dead  in  the  one  place  ". 

It  was  then  the  mercenaries  undertook  to  repel  Bres  in  the 
battle.  After  that  the  men  of  Ireland  took  up  their  positions 
for  battle  and  combat  on  the  battle-field  where  they  would 
fight  together.  They  went  forcibly  threateningly  energetically 
to  their  posts  in  battle  and  to  the  field  of  strife.  When  the 
sons  saw  that,  they  marshalled  fierce  deadly  picked  troops 
against  them  and  made  three  battalions  of  equal  size  and  height 
to  attack  in  a  quick  charge  like  one  man.  They  raised  their 
beautiful  flowing  standards  on  the  morrow  (?),and  their  slend- 
er  gaping  leopard-ensigns,  and  their  weapon-sharp  wondrous 
awful  bowsof  war,  and  thus  camequickly  in  warlike(?)  thun- 
dering-wise   to   the  battle.   When   the  mercenaries  and  the 


3 lé  Margaret  C.  Dobs. 

chlcsach  d'ionnsoigidh  an  chatha  ton  samhlaidh  sin  ;  7  o  do 
cboncaÀar  na  hamhuis  7  Colamhoin  thenna  na  Temrach  7  an 
do  céad  fer  foirfe  finn-liath  an  ni  sin  ro  choirighsad  iad  fein  in 
a  ttri  mbuidnaibh  comh-dhluithe  catha.  Is  annsin  do  chomh- 
raic  siâd  na  catha  crodha  cechtardha  dotular^na  sgiath  sgiamh- 
dha  sgeallbholgach  7  do  rennuibh  na  highneadh  leathan-ghlas, 
7  thugadar  frasa  trena  tiûgh-dhluigh  da  n-o'uighibh  catha  for  a 
chéile  no  go  rangadrtr  fo  sochar  a  ccrâoisech  ccrô-fairsing  7  ar 
a  manaoisibh  môra  muirnecha  miodhar-gheara  7  do  chroma- 
dar  a  ccriosluighibh  a  sgiath  ccadad  ccomh-dhualach  7  ro  ionn- 
soigh  câch  a  chéile  dhiôbh  le  cloidhmhidh  |caol-fhada  cuinn- 
iolchrâobhacha,  7  rob  [omda  ann  re  headh  n-aithghoirid  fei- 
nidh  fâon-leadartha  7  feuch-bheal  fWs-ghonta  7  colann  chuirp- 
chiorrtha. 

Ro  badh  iomdha  ann  bheos  troighthe  tana  trûaill-gherrtha 
7  fiora  fornnochta  fiar-léadartha  gur  bho  cosar  chnâmh  chenn 
7  cholann  bher  bhenn  7  b\\or\>-s\eadh  gach  ler[g]  7  gach  lathar 
arar  cinnsead  na  slôigh  do  dhibhleadhibhisin  uair  sin,  7  thug- 
sad  an  cath-mhaoidhm  sin  go  fiôchda  fearamhuil  fôir-thren 
7  go  niata  naimhdigh  nemh-charthannach  no  go  rainic  an  cath 
a  ccennairrche  an  chomhlainn,7  o  do  conairc  Bres  mac  Eoch- 
aigh  an  t-âirdrigh  7  na  Colamhuin  fri  thecht  anoir  ro  ionn- 
soigh  iad  cona  chathaibh  go  tresach  tairpthech  tinesnach 
amhail  tuinne  ro-âird  ro-mhear  robhartach  ag  techt  6  hucht- 
linntibh  mara  môr  anfadha/dfe  chum  tire,  no  mar  bhainne  tal 
cairtrom-dhilionn  agtuitiom  nadhiânsrôthaibh  re  glenn  leirgt 
sleibhe.  Is  amhlaidh  sin  tra  ro  dhith-chuiredar  na  catha  ar  2 
chéile  a  rionwghala  ruaidh  a  roinn-emhna  .i.  a  soighde  sian- 
ghaile  sior-luatha  7  a  fFoghadha  biorra  braoin-neimhnacha  7  a 
sleadha  seimhneacha  snasda  so-dhuibhruice. 

13.  Ba  hi  sin  tra  uair  7  aimsir  rainig  Bres  tair  sruth  soir 
d'ionnsoigh  na  cColam«/«  7  do  riacht  Cet  mac  Magach  tair 
sruth  siâr  d'ionnsoighidh  Nâir  meic  Eochaigh  cona  chathaibh. 
Ciodh  tracht  ro  tolluidh  7  ro  tulrebuid  senacha  sâor-chlann 
isan  chath  sin  7  rob  iomdha  srotha  fôrdherga  fola  ag  snidhe  re 
corpuibh  curadh  7  ca.ù\-m\i\\eadh  sechnôin  an  chatha  o  oirtear 
go  a  iarthair  7  ro  bhadar  sloigh  7'sochuidhe  [i]na  bhfâon-lui- 
dhe  a  bhfola  7  a  sruth-linntibli  crô  sechnôin   an  chatha  isan 


Cath  Cumair.  317 

stout  Colamain  of  Tara  and  the  two  thousand  vétérans  saw 
that  thing,  they  marshalled  themselves  in  three  close  battle- 
formations.  It  was  then  both  the  valiant  batallions  met,  with 
the  bosses  of  their  shinlng  bulging  shields  and  the  points  of 
their  broad  grey  lances.  They  gave  each  other  strong  incessant 
showers  of  their  battle-drinks  till  they  attained  to  the  advantage 
of  their  wide-hooped  lances  and  their  big  clanging  dagger- 
sharp  heavy  spears.They  stooped  in  the  hollows  of  their  hard 
chased  shields  and  each  one  attacked  the  other  with  slender 
long  swords  with  variegated  branching.  .  .In  a  very  short  time 
there  were  many  prostrate  mangled  champions  thereand  shrun- 
ken  lips  pierced  through  and  lacerated  trunks.  There  were 
many  slender  feet  lopped  trom  the  carcase  and  naked  mnngled 
backbones(?),so  that  each  slope  and  spot  where  the  armies  had 
appointed  with  each  other  that  day  was  a  litter  of  bones,  heads, 
trunks,  spear-ends  and  sharp  javelins.  They  gave  that  battle- 
charge  in  fierce  manly  vigorous  fashionand  in  soldierly  hostile 
inimical  wise  till  the  battle  reached  the  centre (?)of  combat. 
When  Bres  saw  the  high-king  and  the  Colamain  coming  west- 
ward  he  attacked  them  with  his  battalions  boldly  proudly  and 
hastily  like  an  enormous  rapid  tidal-wave  coming  from  the 
depths  of  the  tempestuous  océan  to  land,  or  like  the  froth  of 
the  strong  weighty  flood  falling  in  swift  streams  down  the 
ravine  of  a  mountain  side.  It  is  thus  indeed  the  battalions  dealt 
deathto  one  another  with  their grievous  red  points,  their.  .  . 
viz.,  their  gusty  swift  arrows,  their  tested  darts  with  poisoned 
drops,  their  rivetted  neat  lightly-flung  spears. 


13.  Now  that  was  the  hour  and  the  time  Bres  came  east 
over  the  stream  to  attack  the  Colamain,  and  Cet  son  of  Maga 
came  west  over  the  stream  to  attack  Nar  with  his  battalions. 
Howbeit  the  seniors  (?)  of  noble  families  were  pierced  and 
lacerated  in  that  fight,  and  many  were  the  red  streams  of  blood 
dropping  from  heroes'  and  soldier's  bodies  throughout  the 
battle  from  east  to  west,  and  hosts  and  companies  were  lying 
prostrate  in  their  blood  and  running  pools  ot  gore  throughout 


ji8  Margarel  C.  Dobs, 

uair  sin.  Rob  iomdha  ann  bheos  meitihe  maoil-dherga  7  cinn 
gan  cholna  7  buinn  anairde  7  fir  a  gcroling  bhâis  ar  fad  an 
chatha  sin  o  a  oirtear  go  a  iartair.  Is  ansin  ro  léig  Bres  mac 
Eochaigh  é  'na  bhuinne  dhidn-dhiôghar  dhasachtach  7  'na  tho- 
rainn  adhmhuir  fhergach  7  'na  sruth-dhiôghar  dhô-fhresdail 
dhegh-thaptar/r  fo  sluagaibb  na  cColamhan.  Od'  conairc  lira 
an  milidh  mear-chalma  .i.  Rdon  mac  Roicheduil  ri  dhearg 
d'Ulltaibh  sin  .i.  taoisech  7  tren-mhilidh  na  cColamazn,  as  é 
ro  râidh  :  "  ata  liomsacomuirle  7  câoin-chuibhdhes  dhaoibh," 
ar  se  "  .i.  cojridh  bhar  n  iodhna  catha  7  comhluinn  foraibh 
7  tagbham  an  t-achadbso  ar  a  bhfuilmâoid  do  mac-righ  Eirenn 
dôigh  isadhbhar  triâth  7  tigearna  dhuinn  é"1  7  criôch  dhiong- 
bhala  dhuinn  so,  7  da  lenntar  thairis  so  sinn  iompoidhidh  7 
tabhraidh  bharccuid  chatha  7  chomhlainn  dô  7Ïsdoigh  liomsa 
is  romhaibb  bus  rdon  7  bus  ruathar  ".  Ro  faomuid  sin  uile  an 
chomuirle  sin  7  od'  conairc  Bres  na  Colamhuin  ina  ruathar 
soir  ba  deimhin  le  Brescona  sluzgaibb  gar  bho  maidm  dhôibh 
an  t-iompudh  sin.  Is  ansin  adubhairt  Bres  a  lenmhain.  "Côir 
a  dhenamh,  "ar  a  mhuint/r,  "  go  rlacht b  a  ttighthe  7  a  ttre- 
bha  7  gan  sgur  dhiôbh  no  go  ttugthar  a  ccinn  7  a  ccosguir  7 
a  ccomaoidhiomh  uatha  dar  n-ionnsoighne.  "  Od'  chualaidh 
sin  trdth  Raon  mac  Roicheduil  cona  Cholamhuin  ro  iampôi- 
dar  a  n-einfhecht  7  a  n-donûair  a  n-aghaidh  sidr  7  as  é  dlûs  7 
tighe  ro  bhadar  go  ccomhruicdis  renna  ruadhz  rô-dherga  na 
sleagh  seimhneacha  sith-fhoda  slemhuin-chrûaidh  slinn-leath- 
an,  7  na  cclôidhmhfrf/?  ccorr  caol-ghlas  crûadh  rionnuighthe 
ag  tolladh  chorp  7  chnes  7  cruadh-luirech,  gur  bho  manear 
arm-dhluith  fhûar-neimhnech  nacrachmia  cliâth-righne  crûadh- 
armach  do  dhingedar  tar  mhor-sgiathû/^  a  cheile. 

Is  annsin  rainig  Rdoin  mac  Rochedail  ri  dearg  fon  chath  7 
thug  abharann  mhileadh  fo  na  slûaghuibh7  do  leiàhigh  slighe 
ced  7  benn  chomhramhach  ar  ionchaibh  a  ghnuise  mor-mhi- 
leta  7  ro  imira  lûath-fherg  orra  7  ro  mharbh  ced  iear  n-armach 
n-ionchomhlainn  ar  gach  ndorus-bheal  7  reidhighes  rôd  riôgha 
ro-fhairsing  go  hairm  a  mbi  Bres  mac  Eochaigh. Thug  achmu- 
san  ath-gharbh  ain-iarm»rtach  dhô  7  ro  nochtadw  a  leabhair- 

a.  leg.  laîrptacb  ? —  b.  riasaidh  ? 


Cath  Cutnair.  319 

the  battle  in  that  hour.  Moreover  many  were  the  shorn  red 
stumps,  and  heads  without  bodies,  and  soles  upturned,  and 
men  in  death-agony  tliroughoutthat  battle  from  east  to  west 
It  was  then  Bres  went  in  a  véhément  audacious  rush,  in  a 
warlike  wrathful  onset,  in  a  véhément  irrésistible  stream  at 
the  hostsofthe  Colamain.  But  when  the  brave  active  soldier, 
Raon  son  of  Rochedul,  the  red  king  of  the  Ulaid,  saw  that 
(that  is,  the  captain  and  champion  of  the  Colamain)  he  spoke 
thus  :  "  I  hâve  advice  and  fair  counsel  for  you,  "  said  he 
"  viz.,  marshall  your  weapons  of  war  and  combat  before  you 
and  leave  this  field  we  are  in  to  the  prince  of  Ireland  (for  he 
is  our  future  chief  and  lord)7',  and  this  is  a  suitable  bound- 
ary  for  us  :  and,  if  we  are  followed  past  this,  turn  and  give 
him  battle  and  show  fight  and  —  it  is  my  opinion  that  it  is 
before  you  will  be  rout  and  be  overthrow."  They  ail  agreed 
to  that  advice,  and  when  Bres  saw  the  Colamain  retreating 
eastward,heand  hisarmy  were  convinced  that  this  turn  meant 
they  were  routed.  Then  Bres  ordered  their  pursuit.  "  It  is 
the  right  thing  te  do,  "  said  his  men,  "  till  they  reach  their 
houses  and  homes;  and  not  to  let  go  till  their  heads,  their 
triumphs  and  their  vauntings  are  transferred  to  us.  "  When 
Raon  son  of  Rochedul  and  his  Colamain  heard  that,  they 
turned  simultaneously  and  faced  west. They  were  so  close  and 
thick  that  the  ruddy  deep-red  points  of  the  smooth  long 
polished  hard  flat  spears,  and  of  the  straight  thin  grey  hard 
irredescent  swords  piercing  body,  skin  and  hard  cuirass,  were 
crowded  together  so  that  it  was  a  weapon-set  venomous 
enclosure,  the  hard  phalanxed  and  weaponed.  .  .  which  they 
pressed  on  one  another's  great  shields. 

It  was  then  Raon  son  of  Rochedal,  the  red  king,  reached 
the  battle  and  attacked  the  hosts  with  martial  fury.  A  path 
for  a  hundred  to  pass  and  a  horn  of  triumph  was  cleared 
before  his  most  warlike  face,  and  he  raged  among  them  and 
slew  a  hundred  armed  men  fit  for  battle  at  every  opening.and 
he  cleared  a  royal  spacious  road  to  the  place  where  was  Bres 
son  of  Eochaid.  He  taunted  him  roughlv  and  ominouslv,  and 


320  Margaret  C.  Dobs. 

cholga  lonnach-chrûaidhe  loni-liomhtha  7  do  ronnsad  comh- 
rac  féigh  iuWeach  fobhanach  fôir-neimhnech  dar  bhaï\ceibh 
béimenn  7  dar  hinnillthirglW/;  diubhraicthe  tair  crann-bholg- 
aibh  na  sgiath  7  ro  impedar  ar  alanna  ro-righne  7  arna  sles- 
uibli  gur  bho  doirse  bais  na  beimenna  ionnus  gur  lingedar 
buinneada  borb-fhola  tar  do/rsibh  na  bhfear-chrecht.  Acht 
madh  \on  ni  cluna  :  râinic  câogadh  crûadh-chrecht  for  Bhres 
mac  Eochaigh  isan  iomghoin  sin  7  ro  thogaidh  Raôn  a  chloi- 
dhiomh  coinwleach  corr-ghlan  crûadh-fhaobhrach  7  thug  béim 
ledarthach  Iân-chuimsech  d'ionnsoigh  aighthe  Bhreis.Tôgbhus 
Bresan  sgiath  doimdhidin  a  chinn  go  uarlaidh.nn  cloidhiomh 
deisgear  '<2  dornchar  cert  cudramaa  bhfiaghnuisi  andâ  ârdmhi- 
ledh.  "  An  agam,  a  ri-mh'ùi d h,  "  ar  Bres,  "  go  ndechain  d'iar- 
raidb  sgeith  oile  uair  ni  domh  seitrech  isin  chomhlann  gan 
sgiath.  "  "  Fo  liomsa  sin,  "  ar  Raôn,  "  acht  go  bhfregrair  do 
chomhlann  doridhisi.  "  Iârsin  ttra  do  chomhraicadar  na  catha 
crodha  cechtardha  sin  leath  ar  leath  ;  7  fa  torann-chles  uath- 
mhar  aigmheil  ûr-dhearg  crûadh-choigWal  chloidhiomh 
na  cColamhan  ar  chathaibh  Bhreis.  A  n-iomthus  co  nuige 
sin. 

14.  Iomthus  catha  Nâir  7  na  n-amhus  ;  do  bherar  os  aird 
annso  amhail  adubhramar  romhuin.  Rangadwr  sin  tar  sruth  siâr 
d'ionnsoigan  chatha  7  ro  hiomaduigm^/;  na  héchtaacaann.  Ro 
crûadhighft//;  na  cxo\à\\eadha  7  ro  diân-ghonadh  nasâr-mhilidh 
7  ro  egardhluthighidh  a  ccriosluigzT»/;  a  cheile  gur  bho  frasa  fola 
îàxgein  feareta  a  fâon-armtf/M  curadh  7  cath-rnhiledh  re  hiomad 
na  n-armtff/;  na  fFadhbflti/j  7  na  ffain«-f<?ar  7  na  ffann-sluagh 
agtuitima  n-eiseachra  an  chatha  gur  bo  taighleach  taithnemh- 
ach  iol-bhrec  iongantach  an  t-aidhior  6  panaibh  donn-fhola 
7  6  chzobaibh  crô,  gur  bo  tulcha  tiûgha  taobh-dhearga  na 
muighe  fa  na  m'ûeadhaibh  ;  7  ro  chosainsad  na  hamhuis  nert 
na  bhfmr  7  na  bhfVtfr-ghlonn  fria  Nâr  gur  chosainsad  a  lathar 
catha  7  comhlainn  ris  ionnus  go  ndorchair  Nâr  cona  thri  châo- 
gadh  laoch  friâ  torann-chles  nan-ârdamhus  7  ro  chuirsad  fir  a 
bhfuighl/M  a  ngonaibb  7  a  gcroYighibh  7  tugsad  âr  7  esbadha  7 
ainiginn  for  sluagaibh  Nâir.  Iomthus  na  n-amhus  7  mheic-righ 
E'wenn  go  nuige  sin. 

Iomthus  righ  Eireann  annso  siôs  :  thainission  roimhe  an 


Catb  Cuiuaii.  321 

they  drew  their  long  cruelly  hard  bare-polished  swords  and 
made  a  brisk  bloody  disquieting  venomous  onslaught  by 
which  blows  were  strong  and  by  which  shots  were  aimed 
over  the  wooden  bulgesof  the  shields,  and  they  plied  on  their 
tough  coverings  and  on  their  shields  so  that  the  strokes  were 
gâtes  of  death  and  so  that  torrents  of  proud  blood  leapt 
through  the  doors  of  the  men's  wounds.  But  one  thing  more- 
over  :  Bres  received  fifty  severe  wounds  in  that  fight, and  Raon 
raised  hisshiningsmooth-pointed  hard-edged  sword  and  struck 
a  mangling  well-aimed  blow  at  Bres'  face.   Bres  raised  the 

shield  to   protect   his  head,  and  the  sword  fell ~2 

exactly  equal  before  the  two  champions.  'l  Desist  from  me, oh 
royal  champion  :  "  said  Bres,  "  till  I  go  and  get  another 
shield  for  I  hâve  no  strength  (?)in  the  fight  without  one.  "  — 
"  Iam  willing,"  said  Raon,  "  provided,you  résume  the  fight 
again.  "  Now,  after  that,  both  the  valiant  battalions  met  on 
either  side  and  the  hard  harmony  of  riie  swords  of  the  Cola- 
main  againstthe  battalions  of  Breswas  an  awful  piteous  crim- 
son  onslaught.  Thus  far  their  adventures. 

14.  The  adventure  of  Nar's  battalion  and  the  mercenaries 
is  told  aloud  hère  as  we  said  previously.  They  came  west 
over  the  stream  towards  the  battle,  and  exploits  were  multi- 
plied  there.  Hearts  were  steeled.and  champions  were  severely 
wounded,  and  they  pressed  against  each  other's  bellies  so  that 
there  were  showers  of  bitterest  pouring  (?)  blood  from  pro- 
strate weapons,  heroes  and  champions,  with  the  multitude  of 
soldiers,  of  armour,  of  fainting  men  and  feeble  folk  falling  in 
the  tempest  of  the  battle,  so  that  the  air  was  resplendent  glit- 
tering  many-coioured  wonderful  from  the  clots  of  brown 
blood  and  lumps  of  gore,  so  that  the  plains  were  thick  red- 
sided  hills  beneath  the  soldiers.  The  mercenaries  stood  up  to 
the  mightofthe  men  and  fighting-men  with  Nar,  and  they 
held  their  place  in  the  battle  and  strife  against  them  ;  so  that 
Nar  with  thrice  fifty  heroes  fell  under  the  onslaught  of  the 
mercenaries,  and  the  men  inflicted  bleeding  and  wounds  and 
beds  of  gore,  and  slaughter,  loss  and  outrage  on  Nar's  army. 
Thus  far  the  adventure  of  the  mercenaries  and  the  prince  of 
Ireland. 


;:j  Margaret  ('..  Dobs. 

xx-o  irai  loirfc  linn-liâth  ro  blii  *  7  ro  choirisad  leibhenw 
sreith-gheal  sliâbh-ra«gb,  do  sgiathaibh  disle  donn-dhearga  na 
n-uirthimchiall  a  amuigh  7  ro  ghlesiad  grinne  sesmhach 
sl<v/dh  (?)  aithghear'  tre  bhordaibh  na  sgiath  ccadad  ccomh- 
dhùalach  da  n-imdhidion  ar  ghorm-armachotM  curadh  7 
cath-mhileadh  Lothair  mheic  ¥,ochaigb,j  ro  chuirsad  an  fiche- 
ced  fear  foirfe  finn-liath  a  n-ûrthosach  nadruinge  sîn  go  trea- 
bhar-dhluth  tro'ighesaidh (?),  7  ro  orduigluWan  t-airdrigh  ar 
cul  an  chath[a]7  dha  mhilidh  mhor-mhenmneachaar  a  bheal- 
aibh  da  imdhidion  for  -rennuibh  7  b^ruibli  7  hobraibb  eochar 
ghalaibh  an  catha  .i.  Cet  morgharg  mac  Maghach  do  Conach- 
taibh  7  Conall  Cernach  mac  Aimhirgin  a  hUlltaibh  ;  7  thangadar 
rompa  for  rubha  ruadh-armach  7  fo  thoruinn  thesbhratha 
d'ionnsaig  lathair d  [an  chatha],  7  ro  chomh-rainic  dhôibh  ïein  7 
do  sluagaibh  Lothair  for  lar-mheodhon  an  chatha,  7  dob  é  sin 
an  trom-thres  tairpthach  tulchair  tinnesnach  7  an  iomghoin 
aghmhar  athasach  7  an  siân-ghleô  sanntach  saruighthach 
solamhaigh  go  n-aidhbhle  ngonacb  7  go  mbracht-amhlacht 
mbeimenn  re  \uamhairecbt  laithri  :  7  ro  dhluighedar  na  deabh- 
atha  7  ro  ârdaighdar  na  hiom-ogbfW/;tf e  7  is  mairg  tharlaidh 
a  n-aghaidh  na  ttresa  sin  muna  uegbadh  catha/o-/;^coimh-thenn 
no  milidh  lonn  lamh-thren,  7  ni  thainig  fear  do  mhuinntir 
Lothairgan  laighin  leathan-ghlais7gan  sgeith  choinnlech  7  gan 
ligh-lamha  lâoicha75  ccûastolla/W;  na  ccrum-sgiâth,  7  rochom- 
hrainic  dhôibh  go  diân  duibhrictech  degh-thapflfc/;  7  go  ferga  fea- 
ramhuil  friolmhach  '  7  go  niata  naimhdighe  nathardha,  7  ro 
chuimhnigh  câch  dhôibh  a  nûa-fhala  7  a  sen-fhala  da  chéile  an 
tan  sin  :  7  ba  trûagh  trâ  éisdecht  re  gulgharibh  na  mirdhfl^  7  na 
muadh-laoch  aga  mudù[g]hadb  j  re  sreng-fhadhaigh  na  bhfear 
sech-mharbh  aga  srothill^/;g  7  re  huchbhadhaibh  na  bhfear 
ngonta  aga  bhïothughadb  7  re  holl-ghaibhthz'W;  arda  adhuath- 
mhara  ar  faonthrachtuibh  an  chath[a]  an  tan  sin,  7  nior  sguir- 
sad  dona  hiorguilibh  sin  gur  basuigheadb  béoil  aca  7  gur  bânui- 
gheadh  gnuisi  7  gur  reabadh  ruisc  7  gur  tesgadh  fuilt  7  gur 
ciorbadh  cuirp  7  gur  bho  subhach  saithech  baidbh  7  brainneôin 
a  thuil-sechtuibh  h  renn  7  faobhair  an  ruathair  sin.  Ro  ghairsad 

a.  some  words  omitted  hère  ?  —  b.  leg.  sliabh-radhach  or  slabhradhach  ? — 
c.  [n-]aitbgetir  ?  —  d.  or  Lothair  ?  —  e.  leg.  iotnadha?  —  f.  friothalmhach  ? 
—  g.  sroichilledh}  —  h.  0  Fuilleachtaibh} 


Catb  Cumair.  ^25 

The  adventure  of  the  king  of  Ireland  as  follows  :  he  came 
with  his  two  thousand  experienced  vétérans,  and  they  arrang- 
ed  a  bright-layered  surface  of  trusty  brown-red  shields  round 
them  outwardly  and  they  ranged  stout  bundles  of  sharp  spears 
through  the  edges  of  the  hard  evenly-plaited  shields  to  défend 
them  from  the  blue  weapons  of  the  heroes  and  soldiers  of 
Lothar.  They  set  the  twp  thousand  experienced  vétérans  in 
the  fore-front  of  that  host  in  dense  nimble-footed  wise.  They 
placed  the  high-king  behind  the  battalion  and  two  high-spi- 
rited  warriors  before  him  to  protect  him  against  the  points, 
darts,  edges  and  skirmishes  of  the  battle;  viz.,  Cet  the  fierce, 
son  of  Maga  of  the  Connaught  men,  and  Conall  Cernach  son 
of  Aimergen  of  the  Ulaid.  They  advanced  with  red-weaponed 
slaughter  (?)  and  hotly  ardent  onset  to  the  field,  and  they  and 
Lothar's  army  met  right  in  the  middle  of  the  battle.  That  was 
the  proud  strong  wilful  hasty  fight,  and  valorous  effective 
conflict,  and  greedy  injurious  darting  strife  with  vast  wound- 
ing,  with  substantial  blows,  with  swift  slinging.  The  con- 
flicts  waxed  denser  and  the  strife  rose  higher,  and  woe  to  him 
who  was  opposed  in  that  struggle  unless  he  were  a  stout  war- 
rior  or  a  fierce  strong-armed  soldier.  None  of  Lothar's  men 
came  without  a  broad  grey  lance,  without  a  shining  shield, 
"without  a  hero's  hand-stone  "5  in  the  pierced  hollow  of  the  curv- 
ed  shield. 

They  met  vehemently  rapidly  swiftly.  and  manfully  pluck- 
ily  serviceably  (?),  and  heroically  inimically  venomously;, 
and  every  one  of  them  remembered  his  présent  and  former 
grudges  against  others  then.  It  was  pitiful  truly  to  listen  to 
the  wailing  of  the.  .  .  and  of  the  softlings  being  destroyed,  to 
the  groaning  of  dying  men  being  scourged  (?),  to  the  deep 
moaning  of  the  wounded  trying  to  survive  (?),  to  the  shrill 
and  terrible  lamenting(?)  from  the  level  stretches  of  the  battle 
at  that  time.  They  ceased  not  from  those  slaughters  till  lips 
were  dead  and  faces  blanched  and  eyes  torn  out  and  hair  lopp- 
ed  offand  bodies  mangled  by  them.  The  crows  and  ravens 
were  merry  and  full  from  the  traces  of  point  and  blade  of  that 


324  Xlargavtl  C.  Dobs. 

fôs  bonnain  7  bocnna  geiltc  gleinne  7  demhain  aidhir  do 
gach  aird  7  do  gach  airchenn  don  chath  chrôdha  chechtardha 
sin.  Iomthusa  an  chatha  co  nuige  sin. 

15.  Dala  Lothair  immorro  :  do  chuaidh-sen  go  hûr  an  atha 
ait  a  bhfacaidh  a  athair  7  do  conairc-sen  [aj  athair  a  ccert- 
mheôdlion  an  atha  7  Conall  Cernach  ar  a  dheis  7  Cet  mac 
Maghach  for  a  chli  aga  iomchoimhed  ;  agus,  amhail  thug 
gach  fear  a  chloch  leis,thug  Lothar  mar  an  ccéadna  7  ro  togadh 
Lothar  iarsin  an  lamh  go  des  degh-thapach  7  thug  nert  a 
cholna  ar  a  nghidh  7  nert  a  righidh  ar  a  dhorn  7  nert  a 
dhuirn  forsan  lia  fh&zd/nna  7  dorad  urchar  direch  dô-ghionga- 
bhalach  d'ionnsoigh  a  athair  ait  a  raibh  ar  chûl  an  chatha  7 
do  rinne  rotha  réim-thuibhruice  don  rhemhtf/V-liâ  ar  fosadh 
lâr  an  atha  7  ro  ghab  go  seolta  d'ionnsoigh  an  airdrigh.  O  do 
conairc  Cet  mac  Maghach  7  Conall  Cernach  mac  Airtwgm  an 
ni  sin  ro  thogbhadar  an  da  sgéith  ldn-tiûgach,  lân-mhôra  a 
n-aonuair  na  haghaidh.  Ciodh  tracht  do  chuaidh  an  liâgh 
thortilleach  iheadbma.  idir  an  dâ  sgeith  siâr  go  tta.r\adb  tair 
leadhan-ochta  7  ûrbhruinne  don  airdrigh  ionnus  gur  leg  faon 
fo  tharsna  for  lâr-mheadhon  an  atha  é  gona  sgiath  riogha  ro-lea- 
dhan  7  cona  thréalamh  goile  7  gaisgeach  a  bhfothar-linntibh 
Atha  Comair  gur  chuirestar  ûan  cubhair  dubh-f hola  tair  a  bheal 
isan  linn  ;  7  ro  eirigh  righ  Eirènn  suas  annsin  7  an  t-ionadh 
in  a  bhhcadh  an  cloch  do  tharsin  thug  a  chos  uirre  7  ro  adhnaic 
isan  ath  i  conach  bhfuil  acht  aon  triân  6s  talman  di  7  ro  chuir 
a  chos  uirre  an  gan  a  bhadar  ag  cur  an  chatha  7  mairidh  fôs 
isan  n-ath  7  sliacht  a  throighthe  innte  "4  7  mairidh  go  di  an 
brath.  Ciodh  tracht  od' concadar  an  dâ  righ-mhilidh  ar  threisi 
7  ar  thren-fherdhacht  7  an  dâ  fhair-choin  iorghoile  ar  ghoil  7 
ar  ghaisgeadh  7  an  dâ  suinne-catha  a  16  cliâch  7  comhlainn  7 
an  dâ  uaithne  iorguile  fri  fosagadh  7  fri  gabhail  ghiall  7  an 
dâleomhan  ar  lemhandacht  7ar  luinne  7  an  dâ  mhathghamrtm 
mhor-ghlonnach  7  an  dâ  thoinn  rabhartha  7  an  da  bhuinne 
dhilionn7  an  dâ  nathir  ar  neimhnighe  7  an  dâ  choin  ar  chu- 
ratacht  .i.  Conall  Cernach  mac  Aimergin  7  Cet  môr-gharg 
mac  Maghach  an  t-urchar  sin  dolegan  an  righ,  ro  ghabhsad  a 

a.  leg.  cein  ? 


Calh  Cutnair.  325 

onslaught.  Also  sprites  and  goblins,  madmen  of  the  glens,  and 
démons  of  the  air  screamed  from  every  quarter  and  edge  of 
that  redoutable  battle.  So  far  the  doings  of  the  fight. 

15.  Now  as  to  Lothar  :  he  went  to  the  brink  of  the  ford 
where  he  had  seen  bis  father  ;  and  he  saw  him  right  in  the 
middle  ofthe  ford,  and  Conall  Cernach  on  his  right  and  Cet 
son  of  Maga  on  his  left  protecting  him  ;  and  as  every  one 
brought  his  stone  with  him  so  Lothar  had  done  the  same. 
Then  Lothar  raised  his  hand  skilmlly  and  swiftly  and  put  his 
whole  strength  into  his  fore-arm,  and  the  strength  of  his  fore- 
arm  into  his  fist,  and  the  strength  of  hisfist  into  the  service- 
stone  and  made  a  straight  unavoidable  shot  at  his  father 
where  he  was  at  the  rear  of  the  battle  :  and  the  thick  stone 
became  a  straight  careering  wheel  in  the  middle  ofthe  ford, 
and  it  went  direct  at  the  high-king.  When  Cet  and  Conall 
Cernach  saw  that  thing  they  raised  both  their  thick  large 
shields  at  the  same  instant  against  it.  Howbeit  the  strong 
serviceable  stone  went  onward  between  the  two  shields  till  it 
struck  the  broad  chest  and  noble  bosom  of  the  high-king  so 
that  it  laid  him  prostrate,  cross-wise  in  the  very  middle  of  the 
ford,  with  his  royal  broad  shield  and  his  hero's  armour  in  the 
swampy  pools  of  Comar  Ford,  so  that  he  vomited  a  froth  of 
black  bloody  foam  in  the  pool.  Then  the  king  of  Ireland  rose 
up  and  where  he  saw  the  stone  lying  he  put  his  foot  on  it  and 
buried  it  in  the  ford,  so  that  only  one  third  of  it  is  above 
ground,  and  he  kept  his  foot  on  it  as  long  as  the  battle  lasted. 
(It  remains  still  in  the  ford  and  the  mark  of  his  foot  on  it, 7+ 
and  it  remains  to  the  day  of  judgement.)  But  when  the  two 
kingly  soldiers  in  their  strength  and  manhood,  when  the  two 
pugnacious  war-hounds  of  bravery  and  heroism,  the  two  bat- 
tle-stakes  in  the  day  of  war  and  strife,  the  two  pugnacious 
pillars  of  shelter  and  hostage-taking,  the  two  lions  of  ferocity 
and  fierceness,  the  two  bears  of  mighty  deeds,  the  two  tidal- 
waves,  the  two  flood-bursts,  the  two  snakes  for  venom,  the 
two  hounds  for  valour,  viz.  Conall  Cernach  and  Cet  the  fierce, 
when  they  saw  that  shot  lay  the  king  low  they  seized  their 


Rente  Celtique,  XLIII. 


326  Margarel  C.  Dobs. 

ttrealamh  troday  tachairorradh  7thugsadan  fiche-céd  ferfoirfe 
finnliath  a  mbrigh  7  a  mbarann  for  na  sluagaibh  ionnus  gur 
ciorrbadh  cuirp  7  gur  crechtnuigh/V//?  colla  7  gur  dalladh  ruisg 
ré  sâobh-srothuibh  na  fola  ag  snidhe  for  fhairgsionnach.  Ro 
trasgradh  mir-mheica  7  mûadh-lâoich  b  isan  cosgur  sin  leô. 
Rob  iomdha  ann  amhlaidh  buinn  fri  mheidhe  7  meidhe  fri 
bhonnuibh.  Ko  fadhbhuidh  sluagh  7  10  dichennadh  sochaidhe 
isan  tren-thres  sin. 

16.  Iomthus  Chonaill  Chernaigh  7  Chet  mac  Maghach  : 
thugsad  fon  cbath  go  coimh-thenn  céim-dhiôchra  iâd  7  ba 
samhalta  re  dhâ  ôrd  for  inneainn  ath-gbarbh  iarnuidbea  lamh- 
aibh  niâd  7  nert-chunzi^coighedal  7  comh-thûargain  an  dâ  righ- 
mhilidb  rathmhara  roarrachta.  sin  for  na  sluagaibh,  7  ro  dhlu- 
ihaigbsed  na  catha  dibhïionaibh  7  ro  ghabhsad  aga  sloidhe  7 
aga  n-athchuma  7  an  titrus(})c  fa  tiûgh  na  slôigh  do  thanui- 
ghdis  7  ni  biôdh  tana  na  tiughdis  ag  d'ioghail  anthorlainn  ri 
Ekenn  orra,  7  ni  tugadh  o  sin  aie  gus  aniogh  urchar  is  treisi 
ro-dioghladh  no  an  t-urchar  sin  oir  do  rochair  céad  fear  n-ar- 
mach  fria  gach  fer  dhiôbh  7  an  comh-liôn  céadna  fria  gach 
fear  dona  fearuibh  lia  a  bhfrithairigh/i/;  an  chatha  chéadna. 
Ciodh  tracht  ro  badh  iomdha  isa[n]  chath  chliathach  sin  nech 
arna  thrdoithadh  re  nert  na  miledh  mor-mhenmnachasin  go 
ttarladh  Cet  mhac  Magach  7  Lot[hJair  for  aroile  isan  chath  7  ni 
rainigimsgne  naiom-agallamh  eottrra/W;dacht  thugsad  rûathair 
fortille  féim-laidir  tair  môr-sgiâthaibh  a  cheile  7  ô  do  conairc 
Conall  Cernach  an  ni  sin  gonus  7  ath-gonus  Lothtfr.  Fregrus 
Loihar  dosan  mar  an  ccéadna  7  thug  comâoin  a  ghona  7  iôca 
leath  ar  Conall  7  do  chongbaidh  a  chomhlann  le  Cet.  Acht 
chena  ni  raibh  ldoch  a  n-eigin  comhlainn  badh  mô  no  bheadh  e 
ider  iom-ghona  an  dâ  righ-mhilidh  sin.  Is  ansin  tâinig  îer 
n-armach  d'ionnsoigh  Lothair  dachabhair.  Ionnsoighid  umorro 
na  fir  liath  iadsan  7  brisid  râon  cat[h]a  orra  tair  âth  siâr  7 
ro  fhagbhadar  Lothar  a  n-âonar  ar  na  ghon[adh]  ar  lathair 
an  chatha  7  an  chomhlainn.  Ô  do  concadar  an  da  chath  oile 
an  ni  sin  ro  iompoighdar  a  n-aghaidh  siar  7  ro  thréigsad  a 
ccmneadh  7  a  ccothughadh. 

a.  leg.  meirbh  nibeic  ?  —    b.  nùa-,  in  margin  o(  ms.  —  c.  leg.  tan  ?  — 
d.  leg.  eattorra —  e.  lei*.  na  bbeith  ?  ms.  bhetb. 


Catb  Cumair,  327 

battle  and  righting  array.  The  two  thousand  experienced  vétér- 
ans spent  their  force  and  fury  on  the  hosts  so  that  bodies 
were  mangled,  and  trunks  were  gashed,  and  eyes  were  blind- 
ée! with  the  obstructing(P)  streams  of  blood  pouring  across 
the  vision.  Weak  youths  and  softlings  were  overthrown  by 
them  in  that  victory.  So  there  were  many  feet  by  necks  and 
necks  by  feet.  The  army  was  spoiled  (?)  and  the  host  beheaded 
in  that  strenuous  combat. 

16.  As  concerning  Conall  Cernach  and  Cet  son  of  Maga  : 
they  went  into  the  battle  grimly  and  with  eager  step.  Like 
two  hammers  on  a  rough  iron  anvil  in  the  hands  of  cham- 
pions and  strong  warriors  was  the  concert  and  striking  tog- 
ether  ofthe  two  fortunateand  powerful  warriors  upon  the  hosts. 
The  battalions  closed  up  on  both  sides  and  they  began  to 
slay  and  mutilate  them  and  when  the  hosts  were  dense  they 
thinned,  and  when  they  were  thin  they  thickened  them, 
avenging  the  kingof  Ireland's  injury  on  them.  There  was  not 
made  from  that  day  to  this  a  cast  more  thoroughly  avenged 
tlian  that- cast  ;  for  a  hundred  armed  men  fell  by  each  one  ot 
them,  and  the  same  by  every  one  ofthe  vétérans  in  the  waging 
of  that  same  battle.  Howbeit  there  was  many  a  one  in  that 
skirmishing  right  exhausted  by  the  strength  of  those  high-spir- 
ited  soldiers,  till  Cet  and  Lothar  met  each  other  in  the  battle. 
There  was  neither  talk  nor  parley  between  them,  but  they 
charged  stoutly  and  with  mighty  effort  across  one  another's 
shields  each  at  other.  When  Conall  Cernach  saw  that  thing  lie 
wounded  Lothar  again  and  again.  Lothar  retaliated  in  like 
fashion,  and  exchanged  wounds  and  paid  back  Conall,  and 
kept  up  hisfight  with  Cet,  but  indeed  there  was  never  a  hero 
in  greater  stress  of  battle  than  to  be  between  the  attacks  of 
those  two  champions.  Then  armed  men  came  to  Lothar  to 
help  him  ;  but  the  vétérans  attacked  them  and  drove  them  in 
a  charge  over  the  ford  westward,  and  they  left  Lothar  alone 
in  his  wounds  on  the  field  of  combat  and  of  strife.  When  the 
two  other  battalions  saw  that  thing  they  turned  their  faces 
west  and  abandoned  their  families  and  their  sustenance. 


328  Margarel  C.  Dobs. 

17.  Is  annsin  ro  ionnsoighdar  naonmar  do  macuibh  riôgh 
\J\haibb  da  chomh-dUahaibb  Nâr75  mac  Eochaigh  7  ro  thogsad 
leô  éasan  ccosar  chatha  iâr  na  chrosba/Wr1  gur  cuirsad  crôchar 
cao\aigb  fàoi  ar  ghûïûUbh b  g'alghadh  7  gùsgidhech.  Ciodh 
tracht  re  iomad  na  n-iolar  ro  l£a//?nuighedar  na  ruaga  7  do 
â'ibhUgheadar  na  hechta  7  do  dhislighdar  a  ndromana  7  than- 
gadar  na  mbuidhnidh  sgïthahacha.  sgenamhla  7  na  ndiorma- 
haigh  truagha  tuirsecha  tar  ath  siâr,  7  ro  len  Eochaidh  iâd  go 
cenn  iarthuraigh,  7,ro  len  gach  fear  ô  sin  suas  a  ghona  fein  7 
a  chomhruic  7  as  e  torchair  as  sin  go  hiâth  an  ath-longport 
dhiôbh  go  Chelt  ~6  .i.  mile  (ear  n-armach,  7  ro  len  cach  a 
thoghairm  ô  sin  suas  go  Sionuinn,  7  ro  chuirsad  a  n-àr 
annsin  gonach  ternô  tair  Sionuinn  diôbh  acht  naonmar  um 
gach  mac  7  chiodh  iadsen  ann  a  sgaciltech  sganruidhech  do 
chûada/-  .i.  naonmar  dhiôbh  tar  Snamh-dha-én  "  7  naonmar 
tar  Ath  Liâg  >8  7  an  treas  naonmar  tar  Ath  Lûain  79  um  Bhres 
mhac  Eochaigh,  7  gabhus  Ràon  mac  Roicedail  Kuadh  na 
ndiaigh  tar  Ath  Lûain  agus  chiodh  gach  nech  do  chuir  dhe  ni 
hé  Râon  go  râinig  Magh  n-alainn  nAoi  mheic  Allghubha  an 
drûadh,  7  ro  marbh  triir  gach  muimear  an[nj  7  rainic  fein  go 
criôchaibh  iârthair  Conacht.  Agus  ad-chi  Bres  a  dhûn  8o  7  a 
dhegh-bhaile  fein  ûaidh  7  ni  raibh  beô  da  mhuintazr  annsin 
do  coingeobadh  sgiath  tar  a  lorg  da  eise  acht  a  aonmac  fein  .i. 
Da  Thi8'  mac  Bre[i]s,  7  do  fhan  an  mac  d'éis  [a]  athar  7  do 
rinnecomhrac  fri  Râoin  7  ro  thortamhladh  Râoin  fa  dhéoigh 
ar  isan  comhlann  gur  bhain  a  cheann  de,  7  lenus  Bres  iârsin 
go  fiôchda  fearamhuil  7  ni  ciân  do  chuaidh  ûaidh  an  tan  do 
rug  Râoin  fair  7  thugsàd  tuinnsiomha  tenna  trena  nertmura 
daccaol-armuibh  cath-neimhnechaforaroile;7  ôdochoncad«r 
lucht  an  dunaidh  chuca[iad]  ag  a  thrén-thogairm  ro  foisligt&xaT? 
doirse  an  dunaidh  leô  ;  7  o  do  ci  Raoin  an  ni  sin  thug  lamh 
mun  tsleigh  sim-remur  so-dhuibhruicthe  ro  bhi  in  a  gheal- 
ghlaic  7  dorad  rogha  a  n-ûrchair  dhi  go  ttarla  a  gcert-mhead- 
hon  dhroma  an  ri-mhWeadb  i  ionnus  gur  bho  cjaomh-throm 
an  ccrois  très  an  hoch-mh'ùidb  an  tsleagh,  7  ro  dhichenn  é  as 
a  haithle  a  ndorus  a  dhunaidh  7  a  d[h]egh-bhaile  fadhéin,  7 

a.  leg.  aioslach  ?  —  b.  ghuaiîlnibb. 


Cath  Cumair.  329 

17.  It  was  then  nineof  the  princes  of  the  Ulaid,  ofLoihar's"5 

foster-brethren,  chargée!  and  lifted  hira  out  of  the  litter  of 
battle  on  their  girdles(?),  so  that  they  put  a  hier  of  wattles 
underhimon  the  shoulders  of  champions  and  heroes.Howbeit 
the  multitude  was  so  great  that  the  rout  was  wide-spreaù and 
theslaughter  increased,  and  they  retreated  and  came  in  weary 
distracted  troops  and  pitiful  tired  crowds  over  the  ford  west- 
ward.  Eochaid  followed  them  to  the  western  side  ;  and  after 
that,  every  one  pursued  his  own  stabbing  and  fighting  and 
thèse  are  what  fell  fromthis  cause,  from  their  camping-ground 
at  the  ford  to  Celt,  "6  viz.  a  thousand  armed  men.  Every  one 
followed  up  his  rallying-call  from  that  to  the  Shannon,  and 
they  made  a  slaughter  of  them  there  so  that  none  of  them 
escaped  over  the  Shannon  savingnine  with  each  of  the  sons. 
Even  thèse  wentscattered  and  demoralized  viz.  ;  nine  of  them 
over  Snamh-da-en,  "  and  nine  over  Ath  Liag,  "8  and  the  third 
nine  over  Athlone  79  round  Bres.  Raon  son  of  Rochedal  charged 
after  them  over  Athlone  ;  and,  though  every  one  else  desisted, 
he  did  not  till  he  reached  the  fair  Plain  of  Aoi  (son  of  All- 
guba  the  druid).  He  slew  three  of  each  party  there  and  he 
himself  came  to  the  western  parts  of  Connaught.  And  Bres 
beheld  his  fort80  and  his  own  fair  home  afar,  and  none  of 
his  men  survived  to  cover  his  retreat  saving  his  only  son,  Da 
Thi.  8l  The  son  stayed  behind  his  father  and  fought  with 
Raon,  and  Raon  overcame  him  at  last  in  that  combat  and 
beheaded  him.  Then  he  pursued  Bres  fiercely  and  boldly,and 
he  had  not  gone  far  till  Raon  overtook  him,  and  they  made  a 
stout  strong  powerful  assault  on  each  other  with  their  deadly 
slender  weapons.  When  the  garrison  of  the  fort  saw  them 
coming  with  loud  shouts  they  opened  the  gâtes  of  the  fort. 
When  Raon  saw  that,  he  seized  a  spear  no  thicker  than  a 
rush,  easily  flung,  which  was  in  his  whitened  fist,  and  took 
careful  aim  with  it  till  it  hit  the  royal  warrior  in  the  middle 
of  the  back,  so  that  the  spear  was  an  equally  balanced  cross 
through  the  hero.  After  that  he  beheaded  him  in  front  of  his 
fort  and  his  own  fair  home,  and  returned  after  victory  and 


330  Margaret  C.   Dobs. 

thainig  roimhc  ina  frithing  iarccosgar  7  idr  ccomh-mdoidhthe 
7  an  da  cheann  sin  leis  a  ccobhrach  a  sgeith  an  la  sin. 

Iomthus  Lothair  :  ro  ghabhsan  roimhe  tair  Snamh-dha-én 
tar  Siondin  siâr  7  monmar  da  mhuintir  maille  fris  7  ro  lensad 
na  laoich  é  go  rainic  a  chriôch  fein  a  n-idrthair  Conacht  a 
cCera82  7  tarli  Cet  fair  annsin  7  ro  dhichenn  Conalla  a  naon- 
mar  muintire  7  do  rinne  carnw  7  dumbha  forra  :  Fert  Lothair85 
ag  Fionn-loch  Ceara  ainm  an  ionaidh  sin  da  éis. 

18.  Dala  Nâir  mac  Eochaigh  :  rugsad  a  mhuinntir  léo  é  tair 
Ath  Siâr  84,  7  do  lenadtfr  na  hamhuis  é  7  Conall  rompa  7  ni 
fhid/V  nech  dhiôbh  nar  beô  é  7  ro  dhichennsad  Nâr  cona  ndon- 
mur  muinntire  conaTir-an-d[i]rs>  a  ccriochaibh  iarthar  Umhm- 
huill 86  ainm  da  eise  inti(?)  b.  Ro  iompoighdar  idrsin  tarSio- 
nainn  cona  ccosgar  leô.  Chiodh  fil  an  ira  acht  do  iompoigh- 
àar  fir  Eirerm  haithle  na  n-echt  7  na  n-athes  sin  go  Druim 
Chrithidh  7  thugsad  na  tri  cinn  sin  a  bhfidghnuisi  ri  E\renn,y 
adubhairtsion  ag  faicsin  na  ccenn  :  "  truagh  amh  sin  ",  ol  se 
"  do  gheabhasa  bas  do  chumhaidh  na  ccenn-sa  "  ;  7  tugadh 
chuige  i  n-ucht  idd  7  do  rinne  doghra  7  drar-gubha  os  a  ccionn, 
7  adubhairt  an  lâoi  an. 

Leisuight/;<w  libli  na  tri  cinn 

do  dhearg-faobhar,  do  dhearg-rinn. 

Lc'isuightear  a  bhfuilt  ma  le 

7  glantar  a  n-aighthe . 

Coirightrar  iâd  bhar   n-ucht 

na  tri  cinn  —  fa  câoimh  a  ccuirp  — 

na  tri  flaith  riôgha  ferdha 

na  tri  f[e]ar-choin  oire[gh]dha. 

Trûagh  nach  éadh  raidhid  na  fir 

[a]  haithle  chatha  Chumair. 

Da  chinn  donVdheis,  chinn  dom'chliu  , 

is  mo  cheann  d'faicsin  eotrach. 

Cuma  liom  an  domhan  dian 

thés  is  thuaidh  —  thôir  is  thiar   — 

tairéis  na  ccolann  gan  chol 

fil  fo  linn  gan  \esughadb. 

Les. 

a.  les.  Cet  ? —  b.  •«/•  ms. 


Catb  Cumair.  331 

exultation  ;and  he  had  thetwo  headson  the  boss  of  hisshield 
that  day. 

As  to  Lothar,  he  went  across  Snamh-da-en  westward  over 
the  Shannon  and  nine  of  his  people  with  him.  The  lieroes 
followed  him  till  he  reached  his  own  land  in  western  Con- 
naught  at  Cera,  82and  he  met  Cet  there,  and  Cet  beheaded  his 
nine  men  and  made  acairnand  mound  over  them.  "  Lothar's 
Tomb  "  ,J  at  the  White  Lake  of  Cera  is  the  name  of  that  place 
after  him. 

18.  As  to  Nar  son  of  Eochaid  ;  his  people  took  him  with 
them  over  West  Ford  *4  and  the  mercenaries  followed  him, 
Conall  at  their  head.  None  of  them  knew  he  was  dead,  and 
they  beheaded  Nar  and  his  nine  folio wers;  so  that  "  Land  of 
Slaughter,  8>  "  in  the  western  districts  of  Umall 86,  is  the  name 
ever  after.  After  that  they  returned  across  the  Shannon  being 
victorious. 

Howso  e'er  it  be,  the  men  of  Ireland  returned  after  thèse 
exploits  and  successes  to  Crithech  Ridge  and  brought  those  three 
heads  before  the  king  of  Ireland.  On  beholding  the  heads  he 
said  :  "  it  is  sad  indeed,  "  said  he,  "  I  shall  die  for  grief  of 
thèse  heads.  "  They  were  laid  on  his  lap  and  he  lamented  and 
wept  bitterly  over  them,  and  recited  this  poem  : 

"  Dress  ye  the  three  heads 

from  the  red  edge  to  the  red  point. 

Dress  ye  their  hair  about  them 

and  let  their  faces  be  cleansed. 

Clasp  them  to  your  bosoms 

the  three  heads  —  fair  were  their  bodies  — 

of  the  three  royal  manly  princes, 

the  three  illustrious  warriors. 

Alas,  that  the  men  were  not  saved  (?) 

after  the  battle  of  Comar. 

Two  heads  atmy  right,  one  at  my  left, 

and  my  own  head  between  them. 

The  cruel  world  is  nothing  to  me 

south  and  north,  east  and  west, 

after  the  sinless  corpses 

which  are  uncared  for  ". 


j  }2  Margaret  C.  Dobs. 

A  haithle  na  mbriathar  sin  ro  togbadh  leis  na  cinn  sin  go 
Temhraigh,  7  dubhairt  righ  Eirenn  ar  na  rachtain  ;  "  truagh 
nach  bas  a  fuarusa  "  ar  se,  "  sûl  do  bheinn  beô  do  bhar  n-eise 
7  is  deoch  thonnaidh  mo  chuidsi  do  fhlaithemhnus  fesda  "  : 
7  gach  cor  da  ccuradh  dhe  is  crû  fola  do'  thigeadh  ar  a  bheol, 
7  adubhairt  na  briâthra-sa  ann. 

Ro  chûirsium  cath  Cuma[i]r, 
do  ibhsin3  di[gh]  thonnidh,  8" 
ro  laisim  snaidmniuith, 
rom  liithe  réim  ratha. 
Rom  bhuirsad  mo  leicne 
fo  maigneadh  for  meimeadh. 
An  caih  mar  ghuilsium 
ni  cheilsium.  Ro  chûirsium. 

19.  Ro  gabh  crith  7  tuacht  righ  Eirenn  annsin  7  ro  bhi  go 
cenn  secht  lâoithe  gan  tomuilt  bidh  no  lenna  7  thangadar  air- 
ghena  bais  7  bûain-ega  chuige  iârsin  7  ro  bhi  ag  frithegasg  a 
mhuinntire  7  adubhairt  friu  ;  "  beanhar  misi  a  ccrich  Conacht 
.i.  go  Crûachâin  Rath  Aôi  7  murthar  talamh  zrom-ïhoideach 
oram  ann  7  tar  chollnaibh  mo  thriar  mac  .i.  labhanhar  na 
tri  cinn  do  leath  dhiôm  7  na  tri  colna  do'n  leath  oile;  "  7 
tugadh  chuige  na  cinn  7  ro  ghabh  aga  bhfechainn  7  aséthar- 
laidh  in  a  lâimh  dhiôbh  .i.  ceann  Bhreis,  7  adubhairt:  "  rob 
ionmhoin  amh  an  ti  is  ceaijn-so,  "  ar  se,  "  7  niôr  bho  ghnaith 
emh  an  ceann  so  do  chleith  ar  aoxdheadhnibh.  no  ar  dhamhuibh 
ar  slûaghuibh  nô  ar  sochuighibh  "  :  7  is  cuma  ro  bhi  aga  râdh 
7  do  bm  an  lâoi  ann. 

Dûn  Bhreis,  ba  hiomdha  a  zoidhidh. 
Breis  rompa,  ba  for-fhâoilidh 
Niôr  ghnath  ar  aoidhidh  a  cheilt, 
gus  na  laithe  ag  Druim  Crithidh. 
Nâr,  ba  hè  sosir  na  bhfear 
cgal  grini  gne  Temhra/f/;  (?), 
ro  lenadh  gus  an  sâl  surin 
go  tir  an  âir  siâr  a  nUmhall. 
Lothar  nar  bhaoth  beartac^ 
gt^rsad  ille  a  airm-ghreatha. 

a.  leg.  sinn  ? 


Calh  Cumair.  333 

After  thèse  words  he  took  those  heads  with  him  to  Tara, 
and  the  king  said  when  he  arrived  there  :  "  it  is  a  pity  I  did 
not  die  before  I  survived  you,  and  my  share  of  sovereignty  is 
henceforth  a  drink  of  death.  "  Every  movement  he  made  a  clôt 
of  blood  came  from  his  mouth.  He  spoke  thèse  words  : 

\Ve  fought  the  battle  of  Cumar. 
We  drank  a  deadlv  draught  8". 
We  overthrew 

They  made  my  face  swell 


19.  Then  shivering  and  chilliness  seized  the  king  and  he 
was  seven  days  without  takingfood  or  drink.  The  symptoms 
of  death  and  dissolution  came  upon  him,  and  he  instructed 
his  people,  and  he  said  to  them  :  "  carry  me  to  the  land  of 
Connaught,  viz.,  to  Cruachan  Rath  Aoi,and  pile  heavy-sodd- 
ed  earth  over  me  there  and  over  the  bodies  of  my  three 
sons  ;  viz.,  let  the  three  heads  be  put  one  side  of  me  and  the 
three  bodies  on  the  other  side. "The  heads  were  brought  to  him 
and  he  was  looking  upon  them,  and  the  one  that  happened 
to  be  in  his  hand  was  the  head  of  Bres,  and  he  said  :  "  Dear 
indeed  was  he  whose  was  this  head,  "  said  he,  i£  and  it  was 
not  wont  for  this  head  to  hide  from  guests  or  companies,  or 
hosts  or  armies.  " 

Thus  he  was  speaking,  and  he  recited  thefollowing  poem. 

Many  were  the  guests  of  Bres' fort, 
Bres  welcomed  them  right  gladly. 
He  was  not  wont  to  hide  from  guests 
till  the  day  of  Crithech   Ridge. 
Nar,  he  was  the  youngest  of  the  men 


He  was  pursued  to  the  sea  hère, 

to  the  "  Land  of  Slaughter  "  westward  in  Umall. 

Lothar  —  of  no  foolish  deeds 


334  Margaret  C.  Dobs. 

Go  Cera  's  go  Cle-na-con88 
ro  Iensad  na  leith  Lothar. 
Bhaoi  rompa  ro  bhi  dha  ndéis 
Niôr  chuimsech  aôn  a  fhaisnéis 
Doilghe  liom  Gha  Thi  gan  oil 
no  an  triâr  laoch  gan  lan-bhûaidh. 
Do  rith  Raôn  idir  dha  rinn 
go  rug  ar  Dha  Thi  go  grinn. 
Rug  Dha  Thi,  an  ghaisgidh  ghrinn, 
Bres  na  thir  îeino  chaoimh-druim. 
Ba  làn  slighthein  a  dhiâigh. 
Rochuir  Bres  mûr  tar  ghriân. 
Gearsad  ile  —  fichtibh  gai  — 
id'uatharf/;  aniû  'na  dhûnadh. 

Dûn. 

20.  Adubairt  Eochaidh  a  haithle  na  laoidhe  sin  :  "  rom 
thangadar  airdhionna  bais  chugamsa  7  berthar  mé  chum  an 
ionaidh  um  ar  dichennadh  mo  mheic  go  bhfaiciod  a  ngona  7  a 
ccrechta  "  :  7  do  rinnedar  uile  a  ndubhairt  an  righ  riû,  7  ro 
togbadh  é  iarsin  7  a  mhaca  maraôn  fris  7  tugadh  tri  chaogadh 
îear  oglach  for  gach  iear  dhiobh,  .i.  Eochaidh  7  a  mhaca,  7 
thugsad  6  Themhraigh  siâr  go  ndirech  é  7  adubaz'rt  an  righ  : 
"  ionmhoin  amh  an  chriôch  fhorbha  7  ferainn  re  sgarthar  an 
trath-sa  7  is  cead  liom  gach  righ  gheabhus  hire  gan  a  mhac 
do  gabhail  na  dhiâigh  gan  righ  oile  eataradh  ".  Conach  ba  bes 
da  mac  eirghe  da  athair  um  righe  nEirinn  7  do  bhi  ag  ceileabh- 
radh  d'Eirinn  7  do  Themhraigh  7  da  sluaghuibh  go  coitchenn, 
7  adubairt  na  rainn-so  sios  ann. 

"  Cealeabhra  dhuit,  a  Themhair, 
um  a  ndenaid  riôghà  rô-dheabaidh. 
Auocht  is  folamh  do  chrô 
gan  righ  is  gan  ri-dhamhncS. 
Ba  meince  do  sgeith  d'foghail 
7  do  slegha  caoimha  ar  conair, 
7  do  chabharga  —  meâd  ngeall  — 
ar  sealba<f/;airdri  Eirenn. 
Agam  ba  môr  do  chadhus, 
7  nochar  laghduigh  me  haras  : 
ag  Eochaidh,  ag  fiôr  na  ngiomh, 
ba  mo  haoibhnes  na  hiomsniomh. 
Monûar  soidhfid^ar  do  dhath 


Cath  Cutnair.  335 

though  his  weapon-frays  were  many  — 

The  grey-beards  pursued  him 

to  Cera  and  to  Cle-na-con.  88 

He  who  had  been  behind  them  fled  before  them 

No  one  is  fit  to  tell  of  it. 

I  mourn  more  for  blameless  Da  Thi 

than  for  the  three  defeated  heroes. 

Raon  dashed  between  two  weapon-points 

till  he  skilfully  seized  Da  Thi. 

Da  Thi,  the  trained  champion,  brought  Bres 

to  his  own  land  from  the  fair  ridge. 

There  were  many  tracks   behind  him. 

Bres  sent  a  cloud  over  the  sun. 

Though  thev  were  many  with  scores  of  exploits 

they  are  lonely  today  in  his  fortress  . 

20.  After  that  poem  Eochaid  saîd  :  "  The  symptoms  of 
death  hâve  corne  upon  me.  Carry  me  to  the  place  where  my 
sons  were  beheaded  till  I  see  their  wounds  and  their  scars.  " 
So  they  did  ail  that  the  king  told  them,  and  they  lifted  him 
up  thereupon  and  his  sons  along  with  him,  and  thrice  fifty 
men-at-arms  were  assigned  to  each  of  them  viz.,  to  Eochaid 
and  his  sons.  They  took  him  straight  from  Tara  westward, 
and  the  king  said  :  "  Dear  indeed  is  the  inheritance  and  estate 
from  which  I  am  parted  now.I  hope  that  any  king  who  takes 
Ireland  shall'not  be  succeeded  by  his  'son  without  another 
king  between  them.  "  (So  that  it  shall  not  be  a  custom  for  a 
son  to  rebel  against  his  father  for  the  sake  of  the  sovereignty 
of  Ireland.)  He  was  bidding  farewell  to  Ireland,  and  to  Tara, 
and  to  his  people  in  gênerai  ;  and  he  repeated  the  following 
verses. 

Farewell  to  thee,  oh  Tara, 
'round  whom  kings  make  fierce  contention. 
Thy  fold  is  empty  tonight 
without  king  or  king's  heir. 
Many  were  thy  shields  plundering 
and  thy  fair  spears  on  the  road, 
and  thystays(?)  share  of  pledges  (?) 
in  the  possession  ot  the  monarch  of  Ireland. 
Great  was  my  révérence  for  thee 
and  under  me  you  were  honoured. 
With  Eochaid,  with  the  man  of  exploits, 


3}6  Margarel  C.  Dobs. 

7  millfighéw  hionach. 

Is  fada  liom-sa  —  li'th  ngal  — 

6  atû  dhuit  ag  ceileabnii//;  .  " 

A  haithle  na  lâoidh[e]  sin  d'fech  Eochaidh  an  righdaûnadb 
7  ro  mhaoigh  cno-mhaoidhm  cumhadhda  chrôidhe  in  a  chliàbh 
7  gach  conair  a  ndubhairt  a  bhreith  rugadh,  7  ba  tuirsecli 
mna  7  fir  da  chumhaidb  ansin,  7  rugadh  go  Crûachain  Rath 
Aoi  é  7  tugadh  colna  a  thriâr  mhac  da  ionnsoigh  7  ro  hadhnai- 
cedh  maraôn  fris  iâd,  7  ro  muradh  talamh  tromfhoidech  thorra 
a  cCruachain  8?  :  ro  cheilisdar  as  a  haithle.  Cona  é  sin  Cath 
Cumair  9°,  7  Oighidb  thri  meic  Eochaigh  Fheidhligh,  7  Eoch- 
aigh  Fheidhligh  fein  co  nuigesin. 

Finit  um  22  la  da  mi  Nobembear,  1717. 


Catb  Cumair.  337 

your  pleasure  was  greater  than  your  displeasure. 
Alas,  your  colour  will  be  changed, 
your  assembly  will  be  destroyed. 
I  regret  —  oh  heroic  exploits  — 
that  I  am  bidding  you  farewell . 

After  that  poem  Eochaid  contemplated  the  royal  fortress, 
and  a  burst  of  sorrow  from  his  heart  broke  in  his  chest.  He 
was  taken  by  the  route  he  had  commanded,  and  men  and 
women  were  weary  with  mourning  for  him  there.  He  was 
borne  to  Cruachan  Rath  Aoi,  and  the  bodies  of  his  three  sons 
were  brought  to  meet  him,  and  were  buried  with  him,  and 
heavy  sods  of  earth  were  heaped  over  them  at  Cruachan. 8* 
Afterwards  they  were  concealed. 

So  that  is  the  battle  of  Cumar  *°  and  the  tragical  death  of 
Eochaid  Feidlech's  three  sons,  and  of  Eochaid  Feidlech  himself 
so  fan 

Finished  November  22,   1*717. 


NOTES 

1.  Bay  ol  Glandore,  Co.  Cork. 

2.  Mouth  of  R.  Bann,  Co.  Derry. 

3.  Howth  Head,  Co.  Dublin. 

4.  Unknown.  Possibly  Achill  Head  ? 

5.  Tins  seems  to  be  an  ailusion  to  Tiberius,  Drusus  being  the  other 
adopted  son  of  Augustus. 

6.  See  Laud  610,  fol.  112»  where  E.  F's  régnai  date  is  given  as  3  B.  C. 
The  B  Synchronisms  in  B  B  date  his  reign  as  circa  50  B.  C. 

7.  cethramad  —  fourth  in  Laud  610,  fol.  112. 

8.  See  R.  Celt.  Vol.  XXXIX,  no  1. 

9.  Now  Cunghill  townland  in  parish  of  Achonry,  Co  Sligo. 

10.  Ban-senchus  in  Lecan  386  gives  :  "Crofind  daughter  of  Artech  U., 
wife  of  E.  F.,  mother  of  the  three  Finna  of  Emain  and  of  Clothrand.  In 
one  birth  the  four  were  born.  Onga,  another  daughter  of  Artech,  was 
mother  of  Mumain  and  Ethne  ". 

Ban-senchus  in  LL  137  has  :  "  Croind,  child  of  Eochaid  U.,  consort 
of  Eochaid  F.,  mother  of  Medb...  and  the  Find  Emna...  " 

D.  2.  1.,  p.  95  and  H.  3.  17.,  col.  734  hâve  "  Cloand  daughter  of  Air- 
tech  U.  "cp.  BB,  283. 

u.  See  Vol   XXXIX,  p.  10,  for  A's  death  before  battle  of  Leitir  Ruibhe. 

22* 


338  Margaret  C.  Dobs. 

Eochaid  Feidlcch  slcw  him.  He  was  of  the  Domnand  of  Connaugbt.  See 
Celtic  Review  III,  p.  18  for  his  territory  west  of  Cruachan.  See  Caithreim 
C.  Clar.  for  "  Oilill  son  of  Airtech  U.  "  Also  Cath  Airtigh  in  Lecan  342. 

12.  leg.  Eanna  Aignigh}  See  Keat.  II,  p.  179  (/  T5edit.). 

13.  Cath  Boinde  adds  a  fourth  =  Conall  Anglondach. 

Cath  Leitrech  Ruibhe  names  "  Ailill,  Eochaid,  Conall  sons  of  Eochaid 
F.  ",  and  says  the  first  two  were  killed  at  L.  Ruibhe. 

14.  cp.  Bansenchus,  Lecan  386  : 

"  Mumain  hEli  ard-rathach 
Meadb  7  Derdriu  drethach 
Clothra  7  Eithni...  " 

Also  Cath  Boinde,  Ériu  u.  p.  174. 

15.  See  Cath  Boinde,  ibid.,  for  another  dérivation,  "  eamain  =  a  thing 
which  is  not  divided  ".  cp.  Coir.  aumann  par.  104.  Another  trio  of  this 
name  occurred  in  the  family  before  ;  "  Irereo,  Dael,  Daire  the  three  Find 
Emna...  "  Lecan  128»  and  Me  Firbis  p.  105  (in  R.  I.  A.  copy). 

16.  Other  allusions  to  E.  Salbuide  associate  him  with  the  Mourne 
Mountains,  not  with  Armagh. 

17.  Assaroe  at  mouth  of  r.  Erne,  Co.  Donegal. 

18.  Loop  Head  in  Co.  Clare. 

19.  Uncle  of  Conall  Cernach  and  his  chief  enemy  in  the  Tain  cycle. 

20.  The  well-known  Ulster  champion.  He  is  also  brought  into  thestory 
of  Conaire  Mor  in  Bruden  da  Derga  as  in  the  service  of  the  High-king 
rather  than  of  Ulster. 

21.  Meas  B.  belongs  to  the  Etain  and  Conaire  Mor  cycle.  She  is  generally 
called  grand-daughter  of  E.  Airemun. 

22.  In  MS  the  reading  may  be  "  fifty  whiterobed  women,  etc.  "  as 
"  .1.  "  resembles  "  .1.  ",  but  that  given  seems  the  most  likely  version. 

23.  This  locality  is  in  Co.  Monaghan.  As  it  was  on  a  route  to  Armagh 
it  was  probably  the  name  for  some  point  in  the  hills  northwest  ofCarrick- 
macross. 

24.  Locality  unknown. 

2  5 .  A  King  of  East  Leinster  residing  at  Alenn  =  Knockavv  lin  in  Co.  Kil- 
dare  ;  ancestor  of  Cairb  Nia  "Fer,  and  Ailill  husband  of  Medb. 

26.  A  Gaulish  race  settled  in  East  Leinster. 

27.  Probably  father  of  Eochu  "  mac  Luchta  "  who  is  always  given  as 
contemporary  of  Concobar.  See  Rawl.,  B  502.  p.  162  g.  (facs). 

28.  The  second  king  of  Munster  of  the  Clann  Dedad  and  father  of  Cu 
Roi  m.  Daire. 

29.  This  interpolation  is  more  likely  a  référence  to  E.  mac  Luchta  and 
should  be  placed  earlier  after  "  muman  ". 

30.  This  name  is  unknown  but,  if  it  is  same  as  "  Tulach  og",  it  seems 
to  suggest  Tullaghoghe  north  of  Dungannon.  This  ison  the  route  to  Lough 
Foyle,  but  not  to  Slieve  Beagh  the  next  name  on  route. 

51.  This  must  be  Slieve  Beagh  due  east  of  Armagh,  but  it  does  not  fit 


Cath  Cumair.  339 

in  with  the  line  of  march  as  a  whole.  Possibly  there  was  a  Sliabh  B.  in 
the  Sperrin  Mountains. 

32.  The  r.  Foyle  north  of  Lifford  where  it  begins  to  widen. 

33.  Plain  of  Raphoe,  Co.  Donegal. 

34.  Unidentified.  Probably  the  valley  of  r.  Finn. 

35.  Bamesmore  Pass,  Co.  Donegal. 

36.  Unidentified,  but  probably  south  side  of  Barnesmore  and  east  of 
Lough  Eske. 

37.  Poetic  name  for  Assaroe  at  mouth  of  Erne. 

38.  The  fiât  coast  from  r.  Erne  to  r.  Drowes. 

39.  The  rivers  Drowes  and  Duff. 

40.  The  plain  between  Benbulbin  and  the  sea. 

41.  Country  from  DrumclirT  to  Sligo. 

42.  Sligo  river  which  rises  in  L.  Gill.  =  Clear  Lake. 

43.  Ballysadare,  Co.  Sligo. 

44.  Keshcorrin  Mt.  Co.  Sligo. 

45.  Curlew  Mts.  in  south  Sligo.  Segais  was  ancient  name  of  r.  Boyle 
just  south  of  Curlews. 

46.  The  plains  south  of  r.  Boyle  Co.  Roscommon. 

47.  The  plain  round  Croghaun,       »  » 

48.  Unknown,  but  must  hâve  been  just  north  of  Cruachan  =  Croghaun. 

49.  Rathcroghan  in  north  Roscommon,  ten  miles  from  Croghaun. 

50.  This  is  a  superfiuous  interpolation  as  Medb  is  not  in  the  story  at  ail. 
ji.  Same    as    Clothra.  married  to   Conchobar  m.  Nessa  (Cath  Boinde, 

Leitir  Ruide)  and  Clothra  married  to  Fergus  m.  Roigh  (Cogadh  Fergusà), 
and  Clothra  married  to  Cairbre  Cennderg  (LL  p.  379).  Queen  of  Crua- 
chan after  Eochaid  Feidlech,  dethroned  by  Medb.  (LL  pp.  12415,  379).  Dif- 
férent sources  call  her  mother  of  Furbaide,  or  of  Cormac,  sons  of  Conco- 
bar  m.  Nessa. 

52.  Thereare  many  mounds  still  in  existence  at  Rathcroghan.  This  name 
probably  indicated  one  of  them. 

53.  There  is  something  omitted  hère,  or  put  in  wrong  order  :  tainig  C. 
7  cumal  "  ar  ctwcan...  "  or  "  tainig  na  Fionna  ar  cnocan...  " 

54.  casar-lubtha  ?  which  would  aptly  describe  the  pin  characteristic  of 
Irish  brooches. 

5 5.  Cp.  H.  3.  17.,  col.  668  (T  C  D)  for  the  magical  hood  of  Clothra. 

5 6.  Exact  spot  unidentified. 

57.  Probably  in  Magh  Sainb  the  plain  between  Cruachan  and  Athlone. 
Sanb  son  of  Cet  was  a  king  in  Connaught  after  Medb's  time  (Me  Firbis 
p.  59- R-  LA.). 

58.  See  Eriu  V,  pp.  201-218  for  Lugaid  S. 

59.  Son  of  Lugaid  S.,  and  High-king.  (Keat.  il,  p.  235.  I  T  S  edit.). 

60.  Cp.  Dinds.  (LL151.)  "  tuatbbel  nErenn  "  left-hand-wise  round  Ire- 
land. 

61.  Cp.  Dinds.  (ibid.)  for  route  of  the  Finn  E.  from  Athlone  to  Druim 
Criaich  =  Comar.  Cealt  is  not  named,  but  from  a  référence  in  par.  17  it 
seems  it  was  before  their  final  encampment  on  west  side  of  Comar. 


340  Margaret  C.  Dobs. 

62.  At  this  point  the  Dinds.  version  says  Eochaid  asked  for  amonth's 
truce  and  was  refused  (LL  151»  ;  D.  2.2.,  52b  ;  D.  2. 1.,  162».  R  I  A.). 

63.  Lit.,  "  light-grey  men  ".  cp.  airtch  n-arsaid  in  Dindsenchus. 

64.  Unknown  elsewhere. 

65.  See  note  by  E.  Gwynn,  Todd  Lectures  XI,  p.  386. 

66.  **  On  the  hill  east  of  the  ford  "  (Dinds.  LL  151). 

67.  "  It  was  called  Druim  Cro  and  Druim  n-ûar  nAirthir  "  Dinds. 
(LL.  151»). 

68.  Cp.  thèse  four  lines'  with  Dinds.,  **  Bress  aness  immar  ata,  do  throit 
risna  cohmna  etc.  ".  (LL  1 5 1). 

68».  Cf.  J.  Loth,  Rev.  Celt.,  XL,  p.  143. 

69.  In  battle  of  Leitir  Ruibhe.  See  Rev.  Celt.  XXXIX,  p.  1. 

70.  This  surely  is  the  same  battle  as  that  referrcd  to  in  Cath.  L.  Ruibhe 
as  fought  by  Eochaid  against  Airtech  Uchtleathan,  his  father-in-law.  There 
is  a  Claragh  west  of  Templehouse  Lake,  in  Sligo. 

71.  Cp.  Dinds.  "  Bres  fought  his  way  across  the  river.,  the  Colamain  let 
him  corne  :  it  was  to  spare  the  king's  son...  " 

72.  Something  corrupt,  or  omitted  hère. 

73.  Cp.  O'Curry,  M  .C.  11.  146. 

74.  See  Bulletin  Soc.  d'Anthropologie,  VIe  série  V,p.  181  for  "  two  foot- 
prints  on  a  rock.,  near  a  stream,  pointing'  towards  a  carved  rock  on  the 
otherside..,  at  Pierre  le  Mulot....  dates  from  neolithic  times...  "  Some 
thing  of  this  kind  may  hâve  existed  at  Ath  Comair,  and  given  rise  to 
this  legend. 

73.  "  Nar  "  is  in  the  Ms.,  but  the  context  requires  "  Lothar  ". 

76.  Cp.  note  61.  From  the  context  it  is  probable  Celt  was  about  a  day's 
march  west  of  Comar. 

77.  A  ford  near  Clonmacnoise.  Dinds.  adds  "  into  Magh  Find  ". 

78.  Ballyleague  at  north  end  of  Lough  Ree.  Dinds.  adds  "  past  Loch 
Déchet  ". 

79.  Instead  of  Athlone  Dinds.  has  "  Ath  Fir  Féne  ".  Perhaps  an  alter- 
native name  for  Athlone. 

80.  "  Dun  B tothe  south-west  of  Loch  Corrib  "  Dinds. 

81.  The  copy  of  Leabar  Gabala  in  23  k  32,  p.  125  (R  I  A)  says,  "  Da 
Thi  m.  Breis  an  cuigeadh  fer  do  rochair  a  bfail  a  athar". 

82.  Carra  in  Co.  Mayo. 

83.  Some  tumulus  on  the  shore  of  Loch  Carra  was  probably  thus  named. 

84.  The  previous  name  given  is"  Ath  Liag"  which  isalso  in  the  dinds. 
poem.  Perhaps  we  should  read  "  Ath  [Liag]  siar  ". 

85.  The  Dinds.  reads  "  co  tir  in  Ndir...  " 

86.  Burrishoole  in  Co.  Mâyo. 

87.  Cp.  Dinds.  "  dgmar  in  t-pth...  asar'  dàiled  deog  thonnaid...  " 

88.  »        "  darCera  co  ClèithnaCor 

ro  lensat  na  liith  Lothor  ". 
The  prose  paragraph  on  Lothar's  death  does  not  mention  this  place  but 
talks  of  "  Fert  Lothair   ".  This  points  to  the  présent  taie  being  a  com- 
pound  of  two,  or  more,  earlier  versions. 


Calh  Cutnair 


341 


89. The  tradition  of  their  burial  is  really  ancient.  The  Senchus  na  Relec 
in  LU  alludes  to  it  :  "  Oenach  Cruachain,  it  was  there  the  race  of  Ere- 
mon  were  used  to  bury  till  Cremthann  son  of  Lugaid  Riab-nderg  viz.... 
Eocho  Feidlech  with  his  three  sons  (the  three  Find  Emhna),  Eocho 
Airem..  the  six  daughters  of  Eocho  Feidlech...  " 

cp.  poem  by  Torna  Eigeas  in  L  U. 

90. The  oldest  title  for  the  taie  is  that  in  LL  p.  190;  "  Argain  Echach 
for  a  macaib  ". 

A  later  Ms.  (D.  4.  2.)  gives  "  Cath  Droma  Criaich  or  Cath  Atha 
Comair  ". 

Possibly  we  hâve  another  form  of  title  hère  "  Oighidh  thri  Meic  E.F.  ". 

PERSONAL  NAMES 


Airtech  Ucht-leathan 
Aimergin 
Aodh  Ruadh 
Aoi  m.  Allguba 
Argeadmar 

Badharn 

Bres  m.  Eochaigh  F. 

Cet  m.  Magach 

Cian 

Clothfhionn  .1.  Airtigh  U. 

Clothrann  .1.  Eochaigh  F. 

Conaire 

Conall  Cernach 

Conchobar  m.  Nessa 

Criomthann  m.  Lugaig  S 

Dara  Dearg 
Daire  Drechderg 
DaThi 
Dega 
Deirbre 


Fergus  m.  Oililla 
Finn  m.  Finnlogha 
Finnlogh 

Glunchenn  Draoi 
Ith 

Leabharcam 

Loch 

Lodun 

Lothar  m.  Eochaig  F. 

Lugh  m.  Lughach 

Lughaid 

»       Larah-finn 
»  ■     Sriab-nderg 

Maga 

Meadb 

Meas  Buachalla 

Mumain 

Nâr 

Nuadha  Necht 


Eile 

Eochaid  Airemhun 

»  Feidlech 

»  m.  Lachtna 

»  Salbuidhe 

»  Ucht-leathan 

Ethne 

Fachtna  Fathach 

Revue  Celtique,  XL! II. 


Oilill  Aidhnech 

Rion 
Rochedul 
Ros  Ruadh 
Ruadh 
Rudhraighe 

Seadna  Sithbac 


342 


Margaret  C.  Dobs. 


PLACE   NAMES 


Ath  Comair 

Eisidhéin 

»     Liâg 

Ess  Dara 

»     Lùain 

»     Ruadh 

»     Siar 

• 

Fert  Lothair 

Bealach  na  Boroimhe 

Fionn-loch  Cera 

Benn  Eadair 

»       »      Fobhail 

Bernus  Mor 

»      Beg 

Glenn  an  Chuil 

Bregh 

»      Fraoich 

»     Sainbh 

Cairbre 

Cealt 

Inbhear  da  Egonn 

Cera 

Ces  Coruin 

Léim  Con  Choluinn 

Cionn-sleibhe  Modhairn 

Leith-ruidhe  Ruidhe 

Clârach 

Clé  na  Con 

Magh  Aoi 

Comar 

»      Cedne 

»       na  Conaire 

»      Eine 

Conachail  Coruim 

»      Ith 

Connacht 

»      Luirg  an  Dagda 

Corca  Baisginn 

Midhe 
Muman 

Corr-sliabh  na  Segsa 

Cruachan  (Rath  Aoi) 

Rath  na  Poible 

Druim  Anuâr 

Snamh  da  En 

»      Bangubha 

Sionainn 

»      Crithidh 

Sliabh  Bethach 

»      Crô 

Sligech 

Drobhaois 
Dubh 

Sruthan  tobair  ghil 

Dubh-carrgach 

Teamhair 

Dubha  an  Bangubh 

Tiobruid  na  cCeann 

Duma  na  ndruadh 

Tonn  Cliodhna 

Dûn  Breis 

Tonn  Tuaidhe 

Tulach  Og  [an  ri  ?] 

Eamhain  Mâcha 

Umhuill 

LUGNORRE,     CHAMPTAUROZ,     TOLEURE, 

LIMMAT 


Presque  en  même  temps  M.  Aebischer,  dans  la  Rame  Celtique, 
et  le  soussigné,  dans  h  Romania  ',  ont  signalé  comme  un  nou- 
vel exemplaire  des  composés  gaulois  en  -durum  le  nom  du 
village  de  Lugnorre,  dans  le  Vuilly  fribourgeois.  Aux  graphies 
médiévales  identiques  de  Soleure  et  de  Lugnorre  correspondent, 
dans  ce  qui  reste  du  patois  de  Lugnorre,  les  prononciations 
identiques  satyrà  et  bnçrà  ou  Inqrà. 

Le  radical  associé  dans  ce  nom  de  lieu  à  l'appellatif  duros 
est  malaisé  à  identifier.  Partant  de  l'orthographe  et  de  la  pro- 
nonciation officielles,  M.  Aebischer  croit  reconnaître  dans  les 
mentions  Lognerro  de  1336,  Lignoura^  de  1350,  Lugnourro 
de  1352,  Lignorre  de  1378  une  n  mouillée.  Mais  la  tradition 
patoise,  concordant  avec  la  plupart  des  graphies  médiévales, 
nous  assure  que  cette  interprétation  est  erronée.  Jusqu'au 
xvie  siècle  nos  mots  digne,  signe,  règne  ont  été  prononcés, 
comme  l'attestent  des  rimes,  et  maintes  fois  écrits  dine,  sine, 
ren(n)e2  ;  encore  aujourd'hui  nous  ne  mouillons  pas  Yn  de  si- 
gnet. Le  génitif  Agneiis  paraît  dans  une  charte  neuchâteloise 
de  131 1  sous  la  forme  Annetis^,  et  la  prononciation  n  se  per- 
pétue dans  les  noms  de  famille  vaudois  Anet  et  Anex.  Je 
relève  dans  un  inventaire  genevois  de  1448  pag nus  pour  pan- 
nus*  ;  ailleurs  et  à    plusieurs  reprises  dognus  pour  domnus  ; 

1.  P.  Aebischer,  Rev.  Celt.,  XLII,  p.   110  ;  E.  Muret,  Noms  de  lieu  cel- 
tiques en  Suisse  (Rotnania,  L,  p.  449). 
-  2.  Nombreux  exemples  dans  le  Dictionnaire  de  Godefroy. 

3.  Glossaire  des  patois  de  la  Suisse  romande,  art.  Agnès. 

4.  C.  Martin,  La  Maison  de  Ville  de  Genève,  p.  113. 


344  Ernest  Muret. 

parmi  d'anciennes  mentions  de  localités  suisses,  Dignens  pour 
Denens,  Magnens  pour  Mannens,  Rugnens  pour  Retiens,  Pig- 
pignet  pour  Pépinet  (Lausanne),  quelquefois  prononcé  et  écrit 
Pimpinet  '.  On  voit  par  ces  exemples  que  la  graphie  gn  pour 
n  s'est  propagée  de  quelques  mots  «  savants  »  à  d'autres  mots 
et  qu'il  y  faut  regarder  à  deux  fois  avant  d'appliquer  à  ce 
groupe  de  lettres  nos  habitudes  de  lecture  modernes. 

Dans  le  nom  de  Lugnorre,  cependant,  le  mouillement  illu- 
soire de  Yn  parait  à  M.  Aebischer  s'imposer,  en  quelque  sorte, 
avec  un  caractère  de  nécessité.  Constatant  que  les  graphies  en 
gn  «  prennent  la  succession  de  graphies  — les  plus  anciennes  — 
en  -sn-  »,  il  croit  «  que  nous  avons  ici  un  exemple  de  plus  du 
phénomène  connu  par  ailleurs  du  passage  d'un  -s'n-  à  -n-, 
phénomène  qu'on  retrouve  actuellement  dans  une  zone 
horizontale,  insinuée  entre  le  français  et  le  domaine  du  pro- 
vençal, allant  de  Bordeaux  et  de  la  Vendée,  à  l'Ouest,  jusqu'au 
Rhône  et  à  la  Côte-d'Or,  à  l'Est.  »  L'aire  ainsi  délimitée 
«  devait  englober  jadis  le  territoire  franco-provençal  égale- 
ment. »  Preuve  en  seraient  quelques  formes  savoyardes  ou 
valaisannes  des  mots  «  chêne  »  ou  «  frêne  »  et  d'anciennes 
mentions  de  lieux  dits  du  canton  de  Fribourg:  «  le  nom  de 
la  maison  isolée  de  Fragnire  (commune  de  Neirivue)  écrit 
Fragnyeres  en  1432  et  Frasnieres  en  1235  »  (fraxin-arias)  ; 
Chagno  (*cassanum)  et  Chagnel,  à  Cerniat  (1305),  Vaulruz 
(1355)  et  Marsens  (1378);  ou  pas  a  Vagno  (asinum),  à 
Vuadens,  en  1355.  De  ces  exemples  le  seul  valable,  con- 
cordant avec  des  répliques  vaudoises,  est  celui  de  la  Fragnire, 
en  patois  la  frèhïri.  Dans  les  autres  cas  nous  retrouvons  l'em- 
ploi de  gn  pour  n,  ainsi  qu'en  témoignent  les  prononciations 
actuelles  u  tsânà  à  Marsens,  u  prâ  a  l'ânô  à  Vuadens2. 

A  la  seule  exception  des  noms  de  lieu  du  type  Fragnire,  le 
changement  de  sn  en  n  mouillée  n'est  sûrement  constaté  dans 

1.  H.  Jaccard,  Essai  de  toponymie,  pp.  131,  2^5,  358,  382. 

2.  Dans  son  mémoire  Sur  l'origine  et  la  formation  des  noms  de  famille 
dans  le  Canton  de  Fribourg  (p.  33),  M.  Aebischer  allègue  encore  l'exemple  du 
lieu  dit  Agnens,  jadis  Asnens,  dans  les  communes  de  Saint-Aubin  (Fribourg) 
et  de  Missy  (Vaud).  Mais  j'ai  entendu  prononcer  onè  (fr.  anus)  à  Saint- 
Aubin,  ânè  à  Missy. 


Lugnorre,  Cbamptauroi,   Toleure,  Litumat.  345 

la  Suisse  romande  qu'en  Valais,  de  Martigny  à  Sierre,  dans 
le  mot  «  chêne  »  et  très  rarement  dans  le  mot  «  frêne  ».  Ce 
sont  les  mêmes  qui  constituent,  à  eux  seuls,  l'aire  délimitée 
par  M.  Aebischer  au  centre  de  la  France.  Un  mouillée  n'appa- 
raît sur  la  carte  âne  de  Y  Atlas  Linguistique  qu'en  dehors  de 
cette  aire,  au  point  43,  dans  le  département  du  Doubs,  et 
bien  loin  au  nord  (points  193,  194  et  196),  dans  la  province 
de  Liège.  Or,  «  chêne  »  et  «  frêne  »,  sujets  à  être  influencés 
l'un  par  l'autre,  sont  deux  mots  sui  generis.  On  sait  que  plu- 
sieurs noms  d'arbres  ont  dans  les  langues  romanes  des  doubles, 
anciens  adjectifs  en  -eusou-ius:  *abieteum,  *bettium,  *betul- 
leum,  fageum,  pineum,  "liernium1.  Sur  ce  modèle  on  a  pu 
susciter  à  *çassanum  et  fraxinum,  après  la  syncope  de  la 
pénultième,  des  concurrents  à  consonne  mouillée. 

Il  convient,  au  surplus,  de  distinguer  entre  Vs  dentale  (afr. 
asne,  disner,  isnel)  et  l'ancienne  s  palatale  (afr.  aisne,  fraisne, 
taisnieré)  et  de  rechercher  si  les  voyelles  précédant  ou  suivant 
le  groupe  sn  n'ont  pu  concourir,  différemment  selon  les  par- 
lers,  au  mouillement  de  la  nasale.  En  considérant  les  desti- 
nées divergentes  de  c  et  g  latins  dans  jouer,  louer,  rue  et  dans 
loiier,  noiier,  paiier,  soiier,  plaie,  on  conçoit  très  bien  que  dans 
les  mêmes  contrées  la  même  n  latine  puisse  être  prononcée 
autrement  dans  fraxin-aria  que  dans  fraxinum.  Complétée 
par  de  nouveaux  exemples  (les  ègnes  en  Champagne,  egnilli 
ou  ignelli  à  Guernesey,  araigner  en  Bourgogne,  mègnie,  magnie 
magnée)1,  la  thèse  trop  générale  de  M.  Aebischer  se  résout  en 
une  série  de  cas  particuliers  dont  aucun  ne  concorde  exacte- 
ment  avec,  les   données  fournies  par  le  nom  de  Lugnorre. 

L'étymologie  Losunius,  proposée  avec  de  prudentes  réserves 
par  M.  Aebischer,  est  donc  à  rejeter.  Un*Lousinos,  non  attesté, 
qu'il  mentionne  en  passant,  serait  préférable.  Mais  ici  surgit 
un  doute,  né  de  la  graphie  Loisnuerre  du  commencement  du 
xme  siècle.  D'où  proviendrait  IV,  sinon  d'une  s  palatale,  con- 
tinuatrice de  si   ou    ti  en  hiatus,  de  c  suivi  d'e  ou  d'i,    ou 


1.  A.  Thomas,  Essais  de  philologie  française,  p.  74. 

2.  G.  Paris,  Romania,  XV,  p.  619  ;  Godefroy,  articles  isnel,   araisnier, 
tnesniee. 


346  Ernest  Muret. 

bien  du  groupe  de  consonnes  noté  en  latin  par  x  ?  L'absence 
de  cet  i  dans  les  autres  graphies  ne  contredit  pas  cette  inter- 
prétation ;  car  l'écriture  des  langues  romanes  ne  représente  que 
très  imparfaitement  les  consonnes  palatales  inconnues  au 
latin.  A  la  vérité,  Loisnuerre  pourrait  n'être  pas  autre  chose 
qu'une  graphie  inverse,  témoignant  de  la  réduction  de  oi  à  0 
par  où  s'expliquent  les  formes  fréquentes  bu  et  bû  du  mot 
bois.  Je  ne  prétends  pas  résoudre  ici  le  difficile  problème 
auquel  s'est  vaillamment  attaqué  M.  Aebischer.  Je  voudrais 
seulement  en  avoir  précisé  les  termes.  Pour  achever  cette 
mise  au  point,  j'ajouterai  que  l'ancien  0  protonique,  devenu? 
ou  amuï  en  patois  et  remplacé  par  u  dans  la  forme  officielle 
Lugnorre,  peut  résulter  non  seulement  d'un  0  long  ou  bref 
ou  d'un  u  bref,  mais  tout  aussi  bien  d'une  des  diphtongues 
celtiques  ou  et  eu.  Le  nom  de  Lausanne  (Lousonna)  se  pro- 
nonce en  patois  lo^pna  ;  celui  d'Ogo  est  ramené  par  M.  Hub- 
schmied  à  un  prototype  *ouksuko\  Des  noms  de  saints 
Eustachius,  Eugendus,  Euphemia,  Eulalia  sont  dérivés  le 
nom  de  famille  Hostache  et  les  noms  de  lieu  Saint-Oyens 
(Vaud),  Saint-Offenge  (Maine-et-Loire,  Savoie),  Santa  Olalla 
et  Santa  Olaja  (Espagne). 

On  s'étonne  que  M.  Meyer-Lubke  et  après  lui  M.  Aebi- 
scher aient  pu  songer  un  seul  instant  à  annexer  au  petit  groupe 
des  noms  suisses  en  -durum  celui  d'Yvorne  (Vaud),  qui  jure 
si  fort  avec  les  autres.  Dans  le  Dictionnaire  Historique  du  Can- 
ton de  Vaud,  achevé  en  1921,  je  l'ai  rapproché,  sous  sa  forme 
patoise  féminine  èwerna,  du  cognomen  Eburnus  mentionné 
par  Festus,  et  j'aurais  pu  égalemeut  faire  état  du  nom  gaulois 
EVORNOS  enregistré  par  Holder.  En  revanche,  dans  un  autre 
article  du  même  dictionnaire,  j'ai  identifié  le  nom  d'un  autre 
village  vaudois,  Champtauroz  (Chantuoro  1228,  Chantouro^ 
1453,  Chanteurre  dans  le  Nécrologe  du  prieuré  de  la  Lance, 
tsàtQru  en  patois),  à  un  *Cantoduros  helvète,  formé  de 
l'adjectif  *cantOS,  «  blanc  »,  ou  d'un  nom  de  personne  cor- 
respondant au  français  Blanc.  A  la  suite  de  Lugnorre  et 
Champtauroz,  oserai-je  encore  présenter  à  mes  lecteurs    un 

1.  Romania,  L,  p.  440. 


Lugnorre,  Champlauro\,    Toleure,  Limmat.  347 

nouveau  candidat  qui  depuis  longtemps  me  sollicite  de  le 
réintégrer  dans  son  indigénat  celtique? 

Ce  candidat,  le  Toleure,  est  un  gros  ruisseau  du  canton  de 
Vaud,  tributaire  de  l'Aubonne  qui  se  jette  dans  le  lac  Léman,' 
entre  Lausanne  et  Genève,  et  formait  jadis  la  limite  des  deux 
diocèses.  L'Essai  de  toponymie  suisse  de  Jaccard  n'en  fournit 
qu'une  seule  mention  antérieure  au  xixe  siècle  :  Tolère  en  1597. 
L'archiviste  de  l'Etat  de  Vaud,  M.  Maxime  Reymond,  m'en 
a  obligeamment  communiqué  plusieurs  autres,  qu'il  a  extraites 
de  documents  inédits:  Tolloura^  (env.  1350)  et  Tholouurru^ 
(env.  1380),  dans  l'analyse  d'un  acte  de  1304  ;  Tolloure  (158 1), 
Toullouro^  (1673)'.  On  prononce  en  patois  talâoru  (ou 
talauru)  à  Bière,  sur  la  rive  gauche,  talaeru  à  Saubraz,  sur  la 
rive  droite.  L'û  final  atone  des  anciens  proparoxytons  se  con- 
tinue dans  les  patois  suisses  tantôt  par  un  0  tantôt  par  un  u  ; 
dans  celui  de  Bière  la  diphtongue  âo  ou  au  répond,  comme 
0  à  Lugnorre,  à  un  0  latin,  bref  ou  long,  libre  et  accentué  2. 
De  talâoru  on  remonte  sans  aucune  hésitation  à  un  nom  du 
même  type  que  Soleure,  Lugnorre  et  Champtauroz. 

Mais  comment  un  composé  ainsi  formé  aurait-il  pu  servir 
à  dénommer  un  ruisseau  ?  Le  transfert  à  des  cours  d'eau  du 
nom  des  lieux  où  ils  passent  n'est  point  rare.  Un  ruisselet  de 
la  commune  genevoise  de  Bardonnex  est  dit  le  Petit-Pont 
ou  le  Maréchet  (diminutif  de  «  marais  »).  La  Raisse  et  le 
Fleurier,  affluents  de  la  Reuse,  dans  le  canton  de  Neuchâtel, 
le  Chandon  (ou  ruisseau  de  Chandon),  '  affluent  du  lac  de 
Morat,  tirent  leurs  noms  du  hameau  de  la  Raisse  (la  «  scie- 
rie »),  des  villages  de  Fleurier  (Floriacum)  et  de  Chandon 
(Cambodunum)  3.    Le  cas   le   plus  intéressant  est  celui  de 

1.  Une  grosse,  un  terrier  grossoyé  en  1441 .  offre  à  plusieurs  reprises  la 
graphie  Colouroç,  qui  est  une  faute  évidente,  une  faute  de  lecture  du  copiste. 

2.  Cf.  krà,  «  creux  »,  à  Lugnorre,  et  krau  à  Bière,  krâu  dans  la  com- 
mune limitrophe  de  Berolle  (JbJraula). 

3.  Aebischer,  Les  noms  de  quelques  cours  d'eau  fribourgeois,  2e  série 
(extrait  des  Annales  Fribourgeoises,  1925),  I  Chandon.  Cet  exemple  et  les 
autres  semblables  l'emportent  dans  ma  conviction  sur  les  arguments  avan- 
cés plus  loin  par  l'auteur  (pp.  25  ss.)  contre  l'opinion  qui  identifie  le  nom 
du  Gotteron  fribourgeois,  rivi  de  CbauJru[n]  en  1254,  ail.  Gallerenbacb, 
à  celui  de  la  gorge,  Cboudrun  en  1262  (c'est-à-dire  «  le  Chaudron  »), 
par  où  ce  ruisseau- débouche  dans  la  Sarine  en  face  de  Fribourg. 


348  Ernest  Muret. 

la  grande  rivière  qui  jusqu'à  son  entrée  dans  le  lac  de  Zurich 
s'appelle  la  Linth  et  à  sa  sortie  devient  la  Limmat.  La  forme 
Limât  n'apparaît  qu'à  la  fin  du  xve  siècle.  Sous  les  mentions 
antérieures  Lymag  (1492)  ',  Linmag,  Lindmag  ou  Lintmag, 
Lindemacifluminis[Sl)^],Lindimagifluminis  [820]  2,  on  recon- 
naît du  premier  coup  un  composé  formé  du  gaulois  magos 
et  d'un  nom  jadis  commun  à  la  Linth  et  à  la  Limmat.  Ce 
devait  être,  selon  toute  vraisemblance,  l'appellation  d'une 
localité  riveraine,  située  entre  Zurich  (Turicum)  et  le  con- 
fluent avec  l'Aar,  peut-être  de  la  plus  importante,  Baden 
en  Argovie,  dont  nous  ne  connaissons  que  le  nom  alle- 
mand et  le  nom  romain,  Aquae  Heluetiae,  mais  qui  a  dû 
en  avoir  un  autre  dans  la  bouche  des  Helvètes,  puisqu'on  y  a 
découvert  des  vestiges  celtiques. 

A  Bière,  on  a  relevé  sur  le  plateau  de  Champagne,  au  som- 
met d'un  ravin  abrupt  qui  domine  le  cours  du  Toleure, 
l'emplacement  d'un  ancien  camp  retranché  qui,  suivant 
l'archéologue  cantonal  vaudois,  M.  Albert  Naef 5,  peut  avoir 
été  utilisé  dès  les  temps  préhistoriques,  mais  dont  aucune 
fouille  n'a  permis  de  préciser  l'origine.  Les  exemples  ci-des- 
sus nous  autorisent  à  supposer  que  le  ruisseau  s'est  approprié 
et  nous  a  transmis  le  nom  gaulois  de  cette  forteresse,  devenu 
vacant  sous  le  régime  de  la  paix  romaine.  A  quel  mot  ou  à 
quel  nom  propre  celtique  identifiera-t-on  le  premier  élément 
du  composé  Toleure  ?  Vo  de  la  forme  française  et  Va  du  patois 
talâoru  étaient  interchangeables  en  syllabe  protonique,  par  assi- 
milation ou  par  dissimilation.  \J Altceltischer  Sprachschat\  offre 
diverses  possibilités  d'explication,  entre  lesquelles  je  suis 
embarrassé  de  choisir.  Les  radicaux  Toi-  et  Tul(l)-ne  sont 
point  rares  dans  l'onomastique  des  pays  jadis  occupés  par  les 
Gaulois.  De  talos,  «  front  »,  il  semble  qu'on  ait  pu  tirer  la 
dénomination  d'un  ouvrage  fortifié  ;  des  noms  d'hommes 
Talorix,  Argiotalos,  Dubnotalos  et  autres  semblables,  un 
hypocorostique    *Talos.     Ernodurum,    aujourd'hui    Saint- 

1.  Mélanges  Ferdinand  Lot,  p.  533. 

2.  Urkundenbuch  der  Stadt  und  Landscbaft  Zurich,  von  J.  Escher  und 
P.  Schweizer,  I,  pp.  8  et  2 1 .  Cf.  Holder,  Lindimacns. 

3.  Lettre  du  17  avril  1926. 


Lugtwrre,  Cbamptauro^,   Toleurc,  Limmat.  349 

Ambroix,  sur  l'Arnon  ',  affluent  du  Cher,  suggère  une  hypo- 
thèse qui  ne  manque  pas  de  piquant.  La  Béthune  (Seine- 
Inférieure)  était  jadis  la  Telle  (Telia),  éponyme  du  pays  de 
Talou  ;  plusieurs  cours  d'eau  suisses  s'appellent  Tela,  Teylaz, 
Thièle  ou  Toile  et  Talent.  Est-ce  que  le  Toleure,  comme  la 
Limmat,  nous  aurait  conservé,  sous  le  nom  qu'il  a  pris  par 
droit  de  conquête,  celui  qu'il  portait  auparavant  par  droit  de 
naissance  ? 

Ernest   Muret. 

1.  Longnon,  Les  Noms  de  lieu  de  la  France,  p.  38. 


23 


LA    PRÉPOSITION   «   ENTRE 


La  préposition  signifiant  «  entre  «  présente  dans  les  langues 
celtiques  et  romanes  un  curieux  développement  sémantique, 
dont  le  parallélisme  est  instructif. 

En  latin,  inter  s'emploie  pour  désigner  l'espace  intermédiaire 
à  deux  objets.  Et  cet  emploi  subsiste  dans  les  langues 
romanes  :  français  entre  deux  mers,  entre  cour  et  jardin,  entre 
cuir  et  chair,  etc.  Mais  les  deux  objets  peuvent  être  compris 
eux-mêmes  dans  les,  limites  qu'enferme  la  préposition:  si  bien 
que  du  sens  de  «  entre  »  celle-ci  passe  à  celui  de  «  y  compris, 
tout  ensemble,  à  la  fois  ».  Ce  développement  sémantique  a 
du  être  favorisé  par  la  confusion  de  inter  et  de  intra.  En  latin 
classique,  les  deux  prépositions  sont  bien  distinctes  :  intra 
signifie  «  à  l'intérieur  de,  dans  les  limites  de  ».  Ainsi,  chez 
Plaute,  intra  limen  (Men.  416,  Mil.  59e,  Most.  1064),  intra 
praesepis  (Cas.  prol.  57,  Rud.  1038),  intra portam  (Men.  400), 
intra  aedis  (Men.  816),  intra  dentés  (Trin.  909),  intra  pectus 
(Truc.  44),  etc.  C'est  le  contraire  de  extra.  Mais  dans  les  bas- 
temps,  inter  et  intrâ  se  confondent  ;  v.  Einar  Lôfstedt,  Spàtla- 
teinische  Studien,  p.  82-83  (Skrifter  utgifna  af  K.  Kumanistika 
Vetenskaps-Samfundet  i  Uppsala,  XII,  4). 

Les  romanistes  font  remonter  à  inter  la  forme  entre  du  fran- 
çais, du  provençal,  du  catalan,  de  l'espagnol  et  du  portugais, 
intre  du  sarde,  intre  du  roumain  ;  et  d'autre  part  à  intra  la 
forme  ira  de  l'italien  (cf.  Grôher,  A.  L.  L.,  III,  268).  Mais  le 
sens  est  le  même.  Et  en  espagnol  ou  en  français  comme  en 
italien  s'observe  le  même  développement  sémantique.  Nous 
disons  en  français  :  «  Entre  canards  et  poulets,  j'avais  une  tren- 
taine de  volailles  ».  De  même  en  espagnol  :  «  Veinte  perso- 


La  préposition  «  entre  ».  351 

nas,  entre  mujeres  y  ninos,  han  perecido  ».  Ou  encore  en 
italien  :  «  Morirono  più  di  mille  settecento,  tra  cavalieri  e 
pedoni  ».  Cet  emploi  est  fort  ancien,  plus  répandu  même  dans 
le  français  du  moyen  âge  que  de  nos  jours.  En  italien,  la 
langue  de  Dante  en  fournit  des  exemples  :  «  Non  erancento 
tra  '  suo'  passi  e  i  miei  »  (Purgatoire,  XXIX,  v.  9  ;  «  nous 
n'avions  pas  fait  cent  pas  à  nous  deux  »,  m.  à  m.  «  ses  pas 
et  les  miens  n'étaient  pas  cent  »). 

Il  arrive  même  que  la  préposition  «  entre  »  urtisse  le  sens 
de  «  conjointement,  à  la  fois  »  à  celui  d'une  autre  préposition 
suggérée  par  le  contexte.  Quand  nous  disons  en  français  :  «  La 
vie  se  passe  entre  les  plaisirs  et  les  affaires  »,  il  faut  comprendre 
«  à  la  fois  dans  les  plaisirs  et  dans  les  affaires  »,  ou  encore  : 
«  entre  les  courses  et  les  visites,  on  perd  tout  son  temps  »  ;  cela 
veut  dire  :  «  par  les  courses  unies  aux  visites  ».  De  même  en 
italien  :  «  Tra  una  cosa  e  l'altra  abbiamo  perduto  un  tempo 
precioso  »,  ou  encore  :  «  Tra  le  stampe,  la  posta  e  le  visite,  è 
andata  via  una  mattinata  in  un  momento  ». 

Dès  les  plus  anciens  textes,  le  correspondant  celtique  du 
latin  inter  présente  en  irlandais  des  valeurs  semblables.  Au 
sens  de  «  tout  à  fait,  complètement  »  etir  est  courant  en  vieil- 
irlandais  (Z.  E.,  613;  Thurneysen,  p.  499)  ;  et  de  la  prépo- 
sition on  a  tiré  un  substantif  qui  figure  dans  les  locutions 
imm-an-etar  «  réciproquement  »  (Z.  E.,  614),  ni  thibér-sa  tra 
motharb  di-an-etur  «  je  ne  donnerai  certes  mon  taureau  à  aucun 
des  deux  »  (L.  L.,  55  a  26)  ;  Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  144. 
Le  substantif  pourrait  être  traduitpar«  communauté,  ensemble 
de  deux  ».  Au  sens  de  «  à  la  fois,  conjointement  »,  etir,  eter 
est  d'un  emploi  courant  à  toutes  les  époques  de  la  langue. 
Les  exemples  en  sont  innombrables  ;  il  suffira  d'en  citer 
quelques-uns  :  eter  soir  7  dôir,  eter  mug  7  coimdid  «  à  la  fois 
homme  libre  et  esclave,  serviteur  et  maître  »  {JVb.,  27  c  15)  ; 
eter  chorcair  ocus  gortn  «  aussi  bien  pourpre  que  bleu  »  (L.  L., 
54  a  36)  ;  eitir  laithe  7  oidhche  «  jour  et  nuit  »  (L.  Gabh.,  éd. 
Mac  Neill-Macalister,  p.  214  t)  ;  eter  dhaine  7  innile  «  à  la  fois 
gens  et  bestiaux,  bêtes  et  gens  »  {Beatha  Abâin,  §  13,  dans 
l'édition  C.  Plummer)  ;  eter  mnai  7  fer  «  à  la  fois  homme  et 
femme  »  (R.  Celt.,  IX,  24,  1.    9).  Comme  on  le  voit  par  la 


352  /•   Vendryes. 

rection  appliquée  dans  plusieurs  de  ces  exemples,  il  ne  s'agit 
pas  d'un  simple  adverbe  marquant  simultanéité  ou  com- 
préhension, mais  d'un  adverbe  doublé  d'une  préposition.  Les 
deux  mots  réunis  par  la  conjonction  «  et  »  dépendent  en  prin- 
cipe de  la  préposition  eter  '.  Mais  c'est  le  sens  adverbial  qui 
domine  :  edir  thûaith,  thés  is  thiar  «  à  la  fois  au  Nord,  au 
Sud  et  à  l'Ouest  »(Baile  Suibhne,  p.  188). 

L'ensemble  des  deux  mots  commandés  par  la  préposition 
etir  et  dont  cette  dernière  marque  l'union  peut  jouer  syntaxi- 
quement  dans  la  phrase  un  rôle  quelconque. 

Ainsi  de  régime  direct  :  (diabraigdis)  eter  chlochu  7  drmu  «  ils 
lançaient  à  la  fois  pierres  et  armes  »  (Côir  Anmann,  §  146, 
/.  T.,  III,  352);  ancid  Colmân  iatt  uile,  etir  ech  ocns  duine 
Colmdn  les  sauve  tous,  à  la  fois  cheval  et  homme  »  (K.  Meyer, 
B.  Colm.y  p.  90,  v.  12);  rogab  Une  féin  ider  édach  7  cris  7  éidedh 
«  il  mit  autour  de  lui-même  à  la  fois  vêtement,  ceinture  et 
costume  »  (Z.  /.  Celt.  Phil.,  XIII,  p.   231,  13)  ;  etc. 

Ou  de  régime  indirect,  la  nature  particulière  du  rapport 
étant  indiquée  par  le  contexte  :  cech  locc  asmbi  aurgnam  déicsi 
iter  mag  7  tech  «  tout  endroit  permettant  la  vue,  aussi  bien 
dans  la  campagne  que  dans  une  maison  »  (San.  Cormaic,  éd. 
K.  Meyer,  n°  1212)  \amin  torsich  sund itir toind 7  carraic  «nous 
sommes  fatigués  ici  à  la  fois  de  la  vague  et  du  rocher  » 
(FI.  Bricr.  dans  /.  T.,  II,  1,  178,  1.  131);  ifern  iter  sen  is  ôcc 
«  l'enfer  à  la  fois  pour  le  vieux  et  le  jeune  »  (C.  Plummer, 
Miscellanea  hagiographica  hibernica,  p.  109)  ;  eter  foss  no  uttnailli, 
eter  suide  no  sessam  «  à  la  fois  dans  le  repos  ou  l'agitation, 
dansla  position  assise  ou  debout»  (Hymne  de  Colman,  Thés. 
Pal.,  II,  300,  1)  ;  soilsi  etir  là  7  adaig  «  de  la  lumière  à  la 
fois  pendant  le  jour  et  pendant  la  nuit  »  (Sait,  na  Rann, 
v-  4  376);  eier  cill  7  tûaith  «  à  la  fois  dans  le  monastère  et 
parmi  le  peuple  ».  (An.  from  Irish  Mss.,  III,  7);  co  fargabsat 
ili  itir  bas  7  ergabail  «  et  ils  perdirent  beaucoup  (d'hommes) 
à  la  fois  par  la  mort  et  la  captivité  »  (Ann.  d'Ulster,  I, 
p.  426.9  Henn.);  etc. 


t  .  Exceptionnellement,  cette  dernière  est  répétée  deux  fois  :  eter  mor  is 
eter  bée  «grand  et  petit»  (R.  Celt.,  XXIII,  p.  306,  str.  9). 


La  préposition  «  entre  ».  353 

Ou  même  le  rôle  de  sujet  :  firis  muntir  dé...  etir  airgid  oms 
ecneva.  à  m.  «  a  rassasié  la  troupe  de  Dieu...  aussi  bien  l'ar- 
gent que  les  saumons  »  (Jmmr.  Snedgusa,  cf.  la  note  de  l'édi- 
tion de  M.  Thurneysen,  p.  16,  qui  souligne  le  fait  quele  verbe 
au  singulier  a  pour  sujet  l'ensemble  des  deux  mots  que  com- 
mande etir). 

La  préposition  etir  conserve  d'ailleurs  en  irlandais  le  sens 
propre  de  «  entre  »  et  s'emploie  comme  le  latin  inter  pour 
désigner  l'espace  intermédiaire  à  deux  objets  ou  occupé  par  un 
groupe  complexe  :  atâim  idir  antmiin  7  imtechd  «  je  suis  entre 
le  fait  de  rester  et  celui  de  partir  »  (Trip.  Life,  540,  n.  3); 
doicc  etrom  is  mhïionar  «  est  venu  entre  moi  et  ma  tunique  » 
(B.  Suibhne,  p.  88)  ;  atnal  foelaid  etir  chair cha  «  comme  un 
loup  parmi  les  brebis  »(Tog.Trôi,  2e  éd. ,  1.  1433).  Mais  le  tour 
etir...  ocus  pour  unir  les  élément  d'un  tout  est  un  idiotisme 
tellement  habituel  aux  Irlandais  qu'on  le  rencontre  dans  des 
textes  latins  écrits  en  Irlande  ou  sous  l'influence  irlandaise. 
Windisch  (das  Keltische  Britannien,  p.  288)  l'a  relevé  dans  le 
latinde  Nennius,  chap.  48  :  Postquam  exosi  fuerunt  i  11  i  omnes 
homines  gentis  suae  pro  piaculo  suo  inter  potentes  et  impo- 
tentes, inter  seruum  et  liberum,  inter  monachos  et  laïcos, 
inter  paruum  et  magnum,  etc.  Il  est  vrai  que,  dans  ce  cas,  ce 
pourrait  être  aussi  bien  un  idiotisme  brittonique. 

Le  gallois  connaît  en  effet  le  même  emploi  que  l'irlandais. 
Il  le  pratique  seulement  dans  une  mesure  beaucoup  plus  res- 
treinte. C'est  que  l'ancienne  préposition  celtique,  conservée 
en  irlandais  sous  la  forme  etir,  eter,  a  disparu  du  gallois.  Elle 
y  a  été  remplacée  par  une  préposition  nouvelle,  rhwng  ou 
yrwng,  dont  la  valeur  propre  est  «  entre  »  au  sens  du  latin 
inter.  Ainsi  :  yrwng  y  dwydor  «  entre  les  deux  portes  »  (Mab., 
R.  B.,  I,  172,  5  du  bas);  y  rwng  y  venic  ae  lewys  «  entre  ses 
gants  et  ses  manches  »  (ib.  148,  29)  ;  a  bot gelynyaeth  y  rynghot 
ar  holl  adar  «  et  qu'il  y  a  de  l'inimitié  entre  toi  et  tous  les 
oiseaux  »  (Mab.,  W.  B.,  col.  109,  23);  a  ranu  yr  yspeil  a 
vjnaethpwyt  y  rwgywyr  ef  «  et  le  partage  du  butin  fut  fait 
entre  ses  gommes  »  (Bruts,  R.  B.,  II,  49,6). 

C'est  là  l'emploi  ordinaire  de  la  préposition  yrwng.  Mais 
dès  les  anciens  textes  s'observe  un  emploi  idiomatique  ana- 

23* 


354  /•   Vendryes. 

logue  ii  celui  de  l'irlandais  ':  yriung  dyd  a  nos  «  (les  messagers 
marchèrent)  jour  et  nuit  »  (Mab.,  R.B.,  88,  6  ;  J.Loth,  Mab. 
2e  éd.,  I,  p.  22 1)  ;  ac  enynnu  trwy  var  rwg  nef  a  dayarv.  et 
embraser  par  colère  à  la  fois  ciel  et  terre  »  (B.  Tal.,  p.  n.8Ev.); 
gogwn  atrefnawr  rwg  nef  a  llawr  «  je  connais  le  régulateur  à 
la  fois  du  ciel  et  de  la  terre  »  (B.Tal.,  p.  20.25  Ev.)  ; 
ac  yna  rwng  dicter  a  llit  taraw  ym  plith  y  llygot  a  wnaeth  «  et 
alors,  emporié  par  la  fureur  et  le  dépit,  il  se  mit  à  frapper  les 
souris  »  {Mab.  R.  B.,I,  54,  3);  sef  ni  fer  a  las  yna  rwg  tywysso- 
gyon  a  gwyr  da  ereill  tri  ugeinwyr  a  phedwar  canwi ,  «  le  nombre 
de  ceux  qui  périrent  là  fut  de  quatre  cent  soixante  hommes,  à 
la  fois  princes  et  gentilshommes»  (Bruts,  R.  B., II,  139-140); 
esgynneis  aruelyn  0  Vaelyenyt  hyd  ynhir  Reged  rwg  nos  [ytny]  adyl 
«  je  suis  monté  sur  un  cheval  bai  pour  aller  de  Maelienyd 
jusqu'au  pays  de  Rheged  jour  et  nuit  »  (Gorhoffet  Hywel  ab 
Ywein  Gwynet,  dans  la  Myf.  Arch.  198  b  12  =  R.  Celt., 
XLI,  p.  99,  v.  36-37)  2.  Cf  Sir  J.  Morris-Jones,  Taliessin, 
p.  67,  qui  rappelle  le  tour  du  gallois  moderne  rhwng  y  naill 
beth  ar  Hall  «  taking  one  thing  with  another  ».  L'emploi 
idiomatique  a  survécu  à  la  disparition  de  la  vieille  préposition 
qui  signifiait  «  entre  «  et  s'est  étendu  à  son  substitut.  C'est-à- 
dire  que  rhwng  (y  rwng),  qui  désignait  d'abord  l'espace  inter- 
médiaire à  deux  objets,  a  finalement  englobé  les  deux  objets 
dans  sa  sphère.  En  moyen-gallois,  rwng  un  ac  arall  signifie 
«  dans  la  foule  »  :  ac  yn  hynny  rwg  vn  ac  arall  llithraw  yr 
yskymun  vratwr  allan  «  et  alors  le  maudit  traître  s'échappa 
dans  la  foule  (m.  à  m.  entre  l'un  et  l'autre)  »,  Bruts,  R.  B., 
II,  172,7  (le  texte  latin  porte  inter  unum  et  alium  elapsus). 

On  n'a  pas  relevé  de  tour  analogue  en  corniqueni  en  breton 
armoricain.  Mais  ce   dernier  connaît  la  préposition  entre  dans 


1.  Le  moyen-gallors  emploie  fréquemment  un  autre  idiotisme  :  ryngtaw 
ac  «  entre  lui  et  (un  lieu)»  pour  dire  «  dans  la  direction  d'un  lieu  »  {Mai., 
R.  B.,  85,  15  m  W.  B.,  col.  182,  35,  etc.). 

2.  On  peut  joindre  à  cette  liste  l'exemple  suivant  deDafydd  ab  Gwilym, 
dans  la  pièce  sur  l'Alouette  (pièce  95,  v.  25  de  1  édition  O.  M.  Edwards  ; 
pièce  55,  v.  44  de  l'édition  Ifor  Williams)  :  dysgawdur  niawl  rhwng gwawl 
a  gtvyll,  disgyn,  nawdd  Duw  ar  d'esgyll  «  professeur  de  louange  matin  et  soir, 
descends,  avec  la  grâce  de  Dieu  sur  tes  ailes  !  » 


La  préposition  «  entre  ».  355 

un  emploi  particulier,  qui  est  également  répandu  en  moyen 
français.  Lorsque  la  préposition  a  pour  régime  un  pronom 
personnel  au  pluriel,  l'ensemble  constitue  une  locution  qui 
exprime  la  réunion  de  deux  (ou  plusieurs  personnes).  Entre 
nous  équivaut  alors  à  «  moi  et  toi  »,  comme  entre  vous  à  «  toi 
et  lui  ». 

Dans  beaucoup  de  langues,  la  préposition  signifiant  «  entre» 
s'emploie  avec  un  pronom  personnel  au  pluriel  comme  ré- 
gime ;  mais  elle  conserve  sa  valeur  propre  de  préposition. 
Entre  nous  signifie  alors  «  entre  toi  et  moi,  en  limitant  à  nous 
deux  l'entretien  «.Ainsi,  en  français 

Je  crois  bien,  entre  nous,  que  vous  n'existe^  pas. 

On  dit  de  même  en  allemand  unter  uns  ',  en  anglais  belween 
ourselves  2,  et  en  grec  moderne  XsYaps  (àva);j.sta;j  u.a;  ou  àvâ- 
jxsaà  [lxç  «  nous  disions  entre  nous  ». 

Le  latin  ancien  fournit  des  exemples  analogues  avec  inter  : 
Quousque,  quaeso,  ad  hune  modum  \  inter  nos  aniore  utemur  sem- 
per  subrepticio}  (PL,  Cure,  205)  ;  Age  inepte  quasi  nunc  non 
noritnus  nos  inter  nos,  Ctesipho  (Ter.,  Ad.  271)  ;  et  plus  encore 
avec  intra  :  Ea  intra  se  consumant  Arabes  (Plin.  H.  N.,  XII, 
45,  1)  ;  praecipue  quum  affirnietis  intra  uos  futura  «  surtout 
puisque  vous  m'assurez  que  cela  restera  entre  vous  (sans  être 
connu  de  personne  autre)  »  (Plin.,  Epist.,  III,  10).  C'est  le 
point  de  départ  de  la  confusion  des  deux  prépositions  (v. 
ci-dessus,  p.  350). 

Il  faut  interpréter  de  même  l'exemple  suivant  emprunté  au 
comique  (Origo  Mundi,  v.  935)  : 


1.  Comme  on  dit  unter  Freunden,  nnter  vier  Augen.  Certains  dialectes 
emploient  ^wischen  au  sens  de  unter. 

2.  L'anglais  moderne  connaît  l'emploi  de  bettveen,au  sens  signalé  ci-des- 
sus en  celtique  et  en  roman  (cf.  le  Dictionnaire  de  Murrav,  s.u.  belween, 
§  19,  p.  835  3e  col.  en  bas)  Krùger  dans  son  Engliscbe  Syntax,  §  3617  a, 
cite  :  Between  followers  and  sergeanis  the  Templars  mustered  about  15.000 
me  n,  phrase  qui  correspond  tout  à  fait  aux  phrases  irlandaises,  françaises, 
italiennes,  etc.  reproduites  plus  haut.  Mais  le  tour  ne  paraît  atttesté  ni  en 
allemand,  ni  en  Scandinave,  ni  même  en  ancien  anglais. 


356  /.   Vendryes. 

ha  dyso  my  a  leuer 

yntrethon  taelow  pryve 

«et  je  vais  te  dire, 

entre  nous,  les  choses  secrètement  ». 

Mais  l'originalité  du  breton  armoricain  est  d'employer  une 
locution  de  ce  genre  en  réduisant  la  préposition  «  entre  «  au 
rôle  d'un  simple  adverbe  marquant  l'union  des  personnes  en 
question.  En  moyen  breton,  les  exemples  sont  fréquents  où 
entrom  (entromp)  signifie  «  nous  deux,  nous  tous,  tant  que 
nous  sommes  »  (Myst.  de  Jésus,  17  a,  36  a,  227  b,  etc.),  où 
entroch  signifie  «  vous  deux,  vous  tous  ensemble  »  (ib.,  206  a, 
222  a;  Ste  Barbe,  5,  397,  etc.).  A  ce  tour  se  rattache  l'emploi 
de  entre  dou  au  sens  de  «  tous  deux,  ensemble  »  :  en  se  on  grej- 
vtt  entre  dou  «  ainsi  nous  sommes  battus  tous  deux  »  (Myst.  de 
Jésus,  147  z);gruet  hy  entre  dou  badouet  «faites  la  tous  deux 
défaillir  »  (Ste  Barbe,  593),  etc. 

Aucun  de  ces  deux  tours  bretons  n'est  ancien  en  celtique  '. 
Car  pour  traduire  l'idée  de  «  nous  deux,  nous  trois  »,  etc., 
l'irlandais  conserve  l'usage  d'un  vieil  idiotisme,  qui  consistait 
en  l'emploi  du  nom  de  nombre  personnel  au  datif-instrumental 
précédé  de  l'adjectif  possessif  :  âr  n-oendis  «  nous  deux  seuls  » 
(Poème  de  St  Paul,  II,  3  ;  Thés.  Pal.,  II,  293)  ;  cf. Pedersen, 
Z.  C.  P.,  II,  379.  De  là  meinic  bàmar  i  n-dr  n-dts  «  souvent 
nous  étions  tous  deux»  (B.  Suibhne,  154,20);^  rangadar  in-a 
n-dis  «  qu'ils  s'en  allèrent  tous  deux  »  (ib.,  158,  2).  En  gallois 
aussi,  c'est  l'adjectif  possessif  qui  figure  dans  les  locutions  de 
ce  genre  :  aivnn  yn  dwyv.  allons  tous  deux  »  (Historia  o  vuched 
Dewi,  p.  13, 1.  12);  an  taered  ni  an  whech  «  notre  affirmation 
à  nous  six  »  (Mab.,  R.  B.,  18,  30). 

L'origine  des  tours  bretons  entromp  «  nous  deux  »,  enlrocb 
«  vous  deux  »  est  évidente.  Ce  sont  des  emprunts  au  français. 

1.  Sur  l'emploi  de  irl.  etarru  au  sens  de  «  entre  lui  [et  un  autre],  »  ce  qui 
est  un  idiotisme  différent,  voir  Zimmer  K.  Z.,  XXXII,  156  et  Thés.  Pal.hib. 
I,  563,  n.  b(cf.  R.  Celt.,  XXX,  360,  n.  2,  XXXII,  356  et  ci-dessus, 
p.  254).  Dans  le  texte  édité  ci-dessus,  p.  24,  §  23,  et  p.  36,  §  34,  on  lit 
doronsat  in  laidh  etorra  «  ils  firent  ce  poème  entre  eux,  en  se  répondant 
l'un  l'autre  »  ;  ce  qui  se  rapproche  du  tour  breton  étudié  ici. 


La  préposition  «  entre  ».  357 

Le  moyen  français,  qui  employait  couramment  la  préposition 
entre  pour  réunir  deux  noms  en  un  ensemble  grammatical, 
étend  naturellement  cet  emploi  au  cas  du  pronom.  On  lit  dans 
la  Chanson  de  Roland,  v.  3073  : 

Entre  Rembaltet  Hamon  de  Galice 
Les  guideront  tôt  par  chevalerie 

et  dans  le  Jeu  de  la'  Feuillée,  v.  213  (éd.  Ern.  Langlois, 
Champion,  191 1)  : 

Entre  lui  et  Robert  Cosel 

c'est-à-dire  «  Robert  Cosel  et  lui,  tous  deux  ensemble  ».  Le 
Dictionnaire  de  F.  Godefroy  donne  de  nombreux  exemples 
analogues.  Avec  le  pronom  personnel,  les  exemples  ne  sont 
pas  moins  fréquents  :  Alons  à  lui  parler,  sire,  entre  vous  et  moi 
(Berte,  cv).  Et  par  suite,  avec  un  seul  pronom  régime  :  Jeveuil 

que  entre  nous  nous  en  allons  notre  chemin  (Froissart,  II,   2, 

232)  ;  entre  vous  qui  ce  corps  porter,  or  ar restez-vous,  arres\e\ 
(Anciens  Airs  de  Cour  publiés  à  Poitiers  en  1607,  cités  par 
A.  Loquin,   Mclusine.    t.  II,  p.  349,    str.  19). 

Si  l'on  met  à  part  ce  dernier  cas,  où  le  français  a  manifes- 
tement agi  sur  le  breton,  les  faits  rapportés  dans  cet  article  ne 
peuvent  guère  s'expliquer  par  des  actions  réciproques.  Il  s'agit 
bien  plutôt  d'un  de  ces  développements  parallèles  dont  les 
langues  celtiques  et  romanes  offrent,  comme  on  sait,  certains 
exemples  si  frappants. 

J.  Vendryes. 


Revue  Celtique,  XL1II.  2  3 


THE     ANNALS 

IN 

COTTON    MS.    TITUS    A.    XXV 

{suite.) 


MARGINALIA. 


Many  of  the  marginalia  are  attached  to  passages  which,  being 
in  Latin,  will  not  be  translatée!.  It  will  therefore  be  conven- 
ient  to  collect  hère  the  translation  of  ail  those,  except  bare 
dates,  which  are  in  Irish.  Référence  to  this  list  is  made  in  foot- 
notes  to  the  Translation  by  quotation  or  partial  quotation  and 
the  abbreviation  '  M.  '  (=  '  marginalium'). 

§  21.  cein  corgab  etc.  Until  faithful  David  came  to  the  throne, 
forty  years  and  nine  hundred  passed,  it  is  sure...  This  is  not 
a  thing  which...  Eight  hundred,  as  thou  reckonest,  and  two 
great  thousands. 

§  25.  mongach  musga  (which  I  cannot  translate). 

§  40.  ella  ella,  etc.  (  ?  in  cypher). 

§  48.  O  Abraham,  etc.  From  Abraham  to  David  —  it  is  clear 
if  thou  compute  it  —  two  and  forty  and  nine  hundred  years. 
From  Adam  until  David  was  admitted  to  his  kingship  it  is  nine 
and  eight  hundred  and  two  thousand  years. 

§51.0  Dauid,  etc.  From  David  until  the  people  were  car- 
ried  into  captivity,  seventy-three  years  and  four  hundred, 
without  error.  From  Adam  until  the  people's  leaving  its  land  ', 
three  and  sixty  and  three  hundred  and  three  thousand  years. 

§  77.  O  doeradin,  etc.  From  the  condemnation  of  the  people 
to  the  birth  of  the  faithful  Lord,  five  hundred  and  nine  and 
eighty  years,  most  surely.  From  Adam  until  the  Only  Son  of 

1.  ?  cor  deracht. 


The  Annals  in  Cotton  MS.   Titus  A.  XXV.  359 

gentle  Mary  was  born   it  is  two  and  fifty  and  nine  hundred 
and  three  thousand  years. 

§  122.  commarbad.  He  was  killed. 

§  126.  bliadain  et  da,  etc.  1341  years  since  Conn  Cétchathach 
died. 

§  140.  xl  bliadna  iar,  etc.  Forty  years  after  the   death  of 
Niall  Nôigiallach  Patrick  came  to  bless  Ireland.  At  the  end  o 
four  years  after  the  slaying  of  Niall  Nôigiallach  Patrick  was 
taken  captive  in  Ireland.  K  (n).  After  his  release  by  the  angel 
Victor. 

§  169.  F.  Gtin  chain,  etc.  Poetical  quotation  :  The  glorious 
birth  of  Colum  our  cleric  today  above  learned  Ireland.  On  the 
same  festival  —  no  matter  of  pride  —  falls  the  blessed  death 
of  Buadach  the  son  of  Brônach. 

§  172.  hi  ielcuba,  etc.  In  a  vat  of  wine,  on  Hallow-eve,  at 
Mullach  Cleittigh  on  the  Boyne. 

§  175.  Tuathal  Mael  Garb,  etc.  Tuathal  Mâel  Garb,  son  of 
Cormac  Caech  son  of  Carbry  son  of  Niall,  king  ofTara,  jugu- 
latus  in  Grellach  Eilte  by  Mâel  Môr,  grandson  of  Mac  I,  qui  et 
ipse  (that  is,  O  hArgatain)  statim  occisus  est,  unde  dicitur 
Mâel  Môr's  exploit. 

§  177.  budi  Connaill.  The  stubble-yellow  (disease). 

§  183.  do  rèir  m.,  etc.  According  tothe  martyrology  of  Saints' 
Island. 

cethra  xxli,  etc.  Eighty  years  from  the  death  of  Patrick  to 
the  death  of  Dermot  son  of  Carrol. 

.i.  Liban,  etc.  This  was  Li  Ban  (White  Bue),  thedaughter 
of  Eochu  son  of  Muredach.  [She  was  taken]  on  the  shore  at 
Ollorba  in  a  net,  to  wit  that  of  Beondn  son  of  Inli,  who  was 
fisherman  to  Comgall  of  Bangor. 

§  213.  Tomaltach  mac  E.,  etc.  Tomaltach,  son  of  Eochu  son 
of  Aed  son  of  Diarmait  son  of  Ruadri  Câech,  mortuus,  id  est 
in  the  last  month  of  this  year,  in  his  own  house  in  Cluain 
Frôich...  Gofraid  O  Domnaill  king  of  Cénel  Conaill. 

§  253.  Fedlimid,  etc.  Fedlimid  king  of  Munster  quievit. 

§  282.  Coriagal,  etc.  Coriagal  quievit  in  Ard  Oileân. 

§  290.  7  corôin,  etc.  Taking  the  crown  of  the  king  of  Ireland 
with  him. 


360  A.  Martin  Freeman. 

§  291.  in  gha  bernaid  .  Of  the  gapped  spear. 

§  335.  mac  in  s.  Son  of  An  Sinnach. 

caisc  esa  duibe.  The  easter  (?)  of  Ess  Dub. 

§  344.  re  n-abarthar,  etc.  Who  is  called  Mac  Diarmata. 

§  393.  leubar  eiris,  etc.  The  book  of  annals  in  Saints'Islana. 

§  397.  gahbail  na  c,  etc.  The  taking  of  the  Rock  hère. 


TRANSLATION  OF  PASSAGES  IN  IRISH. 

Note.  —  A  few  single  Irish  words  occur  in  paragraphs 
whichare  otherwise  in  Latin.  To  save  space,  such  paragraphs 
arenot,as  a  rule,- translated  when  the  only  Irish  words  they 
contain  are  among  the  following  : 

Cath  =  battle; 

Mac  =  fili-us, -um,-o, -orum  ; 

Meic  =  filii  ; 

Ingen  =  daughter  ; 

Ri  (ri,  rig)  =  king  ; 

IQjï)  =  in. 

In  paragraphs  containing  passages  in  Irish  and  Latin,  the  sen- 
tences wholly  in  Latin  are  not  translated.  On  the  other  hand, 
a  number  of  passages  hâve  been  included  in  the  translation 
which  might  be  considered  to  be  in  Latin  (the  verb,  e.  g., 
being  Latin),  but  which  are  not  readily  intelligible  unless  the 
Irish  proper  names  (often  eccentrically  spelt  in  our  text), 
with  their  inflections,  are  understood. 

§§  I_5>  7:  '  Enair  '  =  '  of  January'. 

32.  Hoc  tempore  the  Fir  Bolc  conquered  Ireland. 

35.  Hoc  tempore  the  Tuatha  Dé  Danann  acceperunt  forti- 
tudinem...  over  the  Fir  Bolc. 

88.  Oengus  Turmech  won  the  battle  of  Tara,  ubi  cecidit 
Fergus  by  the  hand  of  Oengus. 

93.  ...  Mors  of  Cû  Chulind...  The  battle  of  Almain,  ubi 
cecidit  Eterscél  by  the  hand  of  Nuada  Necht.  The  battle  oï 
Cliu,  ubi  cecidit  Nuada  Necht  by  the  hand  of  Conaire... 


The  Annals  in  Cotton  MS.   Titus  A.  XXV.  361 

99.  Bruden  Da  Berça  desrroyed  and  Conaire  Môr  slain.  Ire- 
land  five  years  without  a  king. 

10 1.  Lugaid  Roderc'  xxvi  annis  rexit  in  Tara.  There  are 
triginta  reges  of  Conn's  Half  between  Lugaid  Roderc  and 
Diarmait  son  of  Cerball. 

103.  The  [brothers]  Fothad  regnaverunt  uno  anno. 

109.  Iriel  Glûnech  2  occisus  est  by  Crimthann  Nia  Nâir. 

114.  In  hoc  tempore  claruit  Morann  son  of  Maen,  a  quo 
Morann's  collar. 

125.  Fiacha  Find  interfcctus  est  in  Tara  by  Elim  son  of 
Connra. 

126.  ...  Conaire  son-in-law  of  Conn  rexit  annis  viii...  The 
sons  of  Oilill  Ôlomm  and  the  three  Cairbres  (sons  of  Conaire 
son  of  Lug  Lama)  won  the  battle  of  Cend  Ebrat  against  Lugaid 
MacCon.  Lugaid  MacCon  won  the  battle ofMag  Mucruma,ubi 
cecidit  Art  Oenfer  son  of  Conn  Cétchathach  (C.  of  the  Hun- 
dred  Battles)  et  viifilii  of  Oilill  Olomm...  Benne  Brit,  more- 
over,  occidit  Eogan...  Cormac  Ulfota,  grandson  of  Conn, rexit 
annis  xlii...  Cormac  grandson  of  Conn  won  the  battle  of  Gra- 
nard  against  the  Ulstermen.  Cormac  made  an  expédition  across 
Mag  Rein.  The  Ulstermen  deposed  Cormac  grandson  of 
Conn...  Cormac  grandson  of  Conn  won  the  battle  of  Fochard 
Murthemne...  Disappearance  of  Cormac  grandson  of  Conn 
for  the  space  ofa  week.  Cormac  grandson  of  Conn  won  the 
battle  of  Crinna  in  Bregia. 

130.  Muredach  Tirech  occisus  fuit  by  Caelbad  son  of  Cronn, 
kingof  Ulster,  at  Portrig  Uas  Abull  '. 

139.  Niall  Nôigiallach  (Niall  of  the  Nine  Hostages)  occisus 
by  Eochu  son  of  Enna  Censalach  by  the  Sea  of  Wight. 

148.  A  great  victory  by  Laegaire  son  of  Niall. 

151.  The  Leinstermen  defeated  Laegaire  in  the  battle  of 
Ath  Dara,  in  quo  et  ipse  captus  est... 

152a.  Mors  of  Laegaire  son  of  Niall  at  Grellach  Daphil. 

155.  The  assembly  of  Tara  was  held  by  Ailill  Molt. 


1.  Sriabh  uDercc.  F.  M.  ;  Reoderc,  Tig. 

2.  Called  glumar  in  §  98  and  ghinmar  in  5  1 10. 

5.  i.  e.'    Portrfg  above  Aball  '.  F.  M.  and  Tig.  hâve  '  Daball  '. 


362  A.   Martin  Freeman. 

156.  Ailill  Molt  defeated  the  Leinstermen  in  a  hand-to- 
hand  fight  at  Bri  Eile. 

157.  Mors  of  Conall  Crimthaine  son  of  Niall. 

158.  The  battle  of  Ocha,  in  quo  cecidit  Ailill  Molt  son  of 
Dathi  by  the  hand  of  Lugaid  son  of  Laegaire. 

159.  Initium  regni  of  Lugaid  son  of  Laegaire... 

172.  The  drowning  of  Murchertach  son  of  Ert1.  Ailbe  of 
Imlech  Ibair  quievit. 

179.  Jugulatio  of  Colmân  M6r  (Ç.  the  great)  son  of  Diar- 
mait.  ... 

180.  Diarmait  son  of  Cerball  was  defeated  in  the  battle  of 
CûilDremne.  Fergus  and  Domnall,  the  two  sons  of  Ere,  and 
Ainmire  son  of  Sétna  and  Nainnid  son  of  Dui  and  Aed  son  of 
Eochu,  king  of  Connacht,  victores  erant  per  orationes  of 
Colum  Cille. 

183.  Occisio  of  Diarmait  son  of  Cerball2.  In  hoc  tempore 
capta  est  the  mermaid  '. 

i88i.Initium  regni  of  Aed  son  of  Ainmire.  The  battle  of 
Belach  Dathi,  in  quo  cecidit  Colmân  Bec  (C.  the  little)  son 
of  Diarmait,  a  quo  the  Clann  Colmâin,  i.  e.  the  Ui  Maelsech- 
naill.  Aed  son  of  Ainmire  victor  erat.  Dega  (i.  e.  Daig4)  son 
of  Cairell  quievit. 

193.  Jugulatio  of  the  son  of  Colmân  Môr,  i.  e.  Subne  son 
of  Colmân,  by  Aed  Slâne.  Quies  of  Cainnech  of  Achad  Bô. 

203.  Subne  Mend  son  of  Fiachra  interfectus  by  Congal 
Caech  son  of  Scanlân.  Domnall  son  of  Aed  son  of  Ainmire 
regnare  incipit. 

204.  Môr  of  Munster,  daughter  of  Aed  Bennâin,  mortua  est. 

205.  Domnall  defeated  Congal  in  the  battle  of  Mag  Rath, 
ubi  cecidit  Congal  Claen  >  son  of  Scanlân. 

211.  Conaing  grandson  of  Dant  quievit... 

213.  Mortalitas  magna,  namely  the  Stubble-yellow[Plague]. 

1.  '  Of  Ere  ',  F.  M.,  A.  U.,  and  so  in  §  164  above. 

2.  See  MM.  '  do  rèir  m.  '  and  icethra  xx^\ 

3.  See  M.  '  .1.  Li  Bâti  . 

4.  This  is  a  gloss  in  the  original.  'Daig'  is  the  reading  of  A.   U.   and 

Tig- 

5.  Called  'Congal  Caech'  by  Tig.  and  at  §  203  above. 


The  Annals  in  Cotton  MS.   Titus  A.  XXV.  363 

Diarmait  and  Blâthmac,  the  two  kings  of  Ireland,  mortui 
sunt...  of  the  Stubble-yellow  Plague  '. 

214.  Cendfaelad  son  of  Blâthmac  son  of  Aed  Slâne  [was 
defeated  by]  Finnachtason  of  Donnchad,  ubi  Cendfaelad  inter- 
fectus  fuit  2.  Finnachta  regnare  incipit. 

216.  Loch  Echach  turned  into  blood. 

218.  Finnachta,  king  of  Tara,  and  Bresal  his  son  jugulati 
sunt... 

224.  Bech  5  of  Boirche  obiit.  Pluit  a  shower  of  honey  on 
great  Athan  and  a  shower  ofsilver  on  little  Athan  and  a  show- 
er of  blood  super  fossam  Laginarum,  et  inde  dicitur  'Niall 
Frosach  mac  Fergail'  (\Tiall  of  the  Showers,  son  of  Fergal), 
quia  tune  natus  est. 

227.  Murchad  son  of  Brian,  king  of  Leinster,  mortuus  est. 

235.  Naves  in  aère  vi?ae  sunt  cum  viris  suis  above  Clonmac- 
noise.  A  great  beast  was  castashore  at  Boirche  in  the  time  of 
Fiachna  son  of  Aed,  king  of  Ulster.  There  were  three  golden 
teeth  in  its  head,  and  each  tooth  weighed  fifty  ounces.  Oneof 
the  teeth  was  placed  or  the  altar  of  Bangor. 

237.  Naufragium  of  the  Delbne  Nuadat  on  Loch  Rib,  id 
est,  there  were  thirty  vessels  of  them,  and  none  escaped  except 
the  people  in  one  small  boat. 

243.  ...  unde  dictum  est  :  Five  thousand  haughty  years, 
and  a  thousand  ail  but  one,  from  the  beginning  of  the  wise, 
calm,  world  till  the  certain  death  of  Donnchad  was  heard  of 4. 

245.  The  battle  of  Ruba  Conaill  between  the  two  sons  of 
Donnchad,  ubi  Ailill  cecidit... 

250.  '  athair  '  =  '  father  '. 

251.  Turgesius  went  to  Loch  Rib  and  made  a  fort  there. 
He  was  taken  by  Maelsechnaill  son  of  Maelruanaid  and  drown- 
ed  in  Loch  Uair. 


1.  See  M.  '  Tomaltach  mac   E.\ 

2.  This  entry  is  nonsensical  in  the  original.  To  make  sensé,  we  might 
supply  '  Cathfor'  (the  reading  of  Tig.  )  before  the  first  word. 

3.  Otherwise  '  Becc  '  (Tig.  etc.). 

4.  By  changing  '  demin  '  of  the  original  into  '  demie  '  we  could  trans- 
late •  the  death  of  Donnchad's  good  son',  which  the  context  seems  to 
require. 


364  A.  Martin  Freeman. 

255.  The  battle  of  Cell  Ua  nDaigre  was  won  by  Aed  son  of 
Niall,  king  ofTara,  and  Conchubar  son  of  Tadc,  king  of  Con- 
nacht,  against  the  Ui  Néill  of  Bregia  and  the  Leinstermen  and 
a  host  of  nine  hundred  foreigners  vel  amplius... 

259.  Maelfabaill  son  of  Clerech,  king  of  Adne,  moritur. 
In  Scotland  the  sea  cast  up  a  woman  195  feet  tall,  with  hair 
16  feet  long,  fingers  6  feet  long,  nose  6  feet  long,  and  ail  her 
limbs  44  feet  '. 

261.  The  [sanctuary  ofj  Kells  was  violated  by  Fland  son  of 
Maelsechnaill  against  Donnchad,  his  own  son.  .  .  Joseph  the 
abbot  of  Clonmacnoise,  qui  dicitur  Joseph  of  Loch  Con,  quie- 
vit. 

262.  The  battle  of  Belech  Mugna  was  won  by  the  Lein- 
stermen and  Conn's  Half  against  the  Munstermen,  in  quo  ceci- 
dit  Cormac  son  of  Cuilennân,  high-king  of  Cashel  and  a 
high  noble  of  Ireland.  Fland  son  of  Maelsechnaill,  Cerball  son 
of  Muiricén,  and  Cathal  son  of  Conchubar,  king  of  Con- 
nacht,  victores  fuerunt...  Cerball  son  of  Muiricén,  king  ot 
Leinster,  [died.J 

264.  The  battle  of  Dublin,  in  quo  cecidit  Niall  Glundub. 

266.  Congalach  son  of  Maelmithid  routed  the  foreigners  2. 

267.  Murchertach  son  of  Niall,  a  royal  prince  of  Ireland, 
interfectus. 

268.  The  foreigners  lost  the  battle  of  Muine  Brocâin,  in 
quo  cecidit  Ruadri  grandson  of  Cananan  et  alii  multi.  .  . 

270.  Fergal  grandson  of  Ruarc  was  castrated  and  beheaded. 

272.  Murchertach  son  of  Domnall  grandson  of  Niall,  and 
Congalach  son  of  Domnall  son  of  Congalach  interfecti  sunt 
by  Amlaib  son  of  Sitric. 

273.  The  battle  of  Tara  was  won  by  Maelsechnaill  son  of 
Domnall,  king  of  Ireland,  against  the  foreigners  of  Dublin, 
and  particularly  against  the  sons  of  Amlaib. 

274.  A  battle  was  won  by  Maelsechnaill  and  Glûn  Iarainn 
son  of"  Amlaib  against  Domnall  Claen,  king  of  Leinster,  and 
Imar  of  Waterford,  ubi  ceciderunt  multi.  .  . 

1.  In  place  of  thi-  last  phrase  A.  U.,  F.  M.  ha^e  'she  was  ail  as  white 
as  a  swan  '. 

2.  '  Routed  the  Gailcnga  ',  A.  U.,  F.  M. 


The  Annah  in  Cotton  MS.    Titus  A.  XXV.  365 

275.  Maelsechnaill  son  of  Domnall  ravaged  the  isles  of  Con-' 
nacht  and  killed  their  chieftains. 

27e .  Donnchad  grandson  of  Brian,  coarb  of  Ciarân  of  Clon- 
macnoise,  quievit.  .  . 

277.  Brian  and  Maelsechnaill  led  out  an  army  and  brought 
away  hostages  of  the  foreigners. 

278.  Brian  led  an  army  to  Athlone.  ... 

279.  The  battle  of  Croeb  Tegla  '  between  the  Ulstermen 
and  Cenél  Eogain,ubi  ceciderunt  duo  reges,  scilicet  Aed 
grandson  of  Niall  and  Eochaid  son  of  Ardgal,  king  of  Ulster, 
et  multi  alii. 

280.  Incipit  hic  .  .  .bellum  of  Brian  son  of  Cennétig  son  of 
Lorcân,  the  noble  great  high-king  of  ail  Ireland.  .  . 

281.  Mxiiii.  Brian  son  of  Cennétig  son  of  Lorcân,  high- 
king  of  Ireland,  marched  forth  with  the  warriors  of  great  sta- 
tely  Munster,  and  with  Maelsechnaill  son  of  Domnall,  king 
of  Tara,  with  the  chief  men  of  Ireland  about  them,  and 
came  to  Dublin  to  attack  the  Norsemen  and  the  Danes 
and  Maelmorda  son  of  Murchad,  king  of  Leinster;  for  he  it 
was  who  had  gathered  and  led  and  massed  them  from  the 
large  and  small  islandsof  .  .  .  2  Scandinavia  in  the  Northwest, 
and  from  the  forts  and  strong  places  of  England  and  Wales, 
and  brought  them  into  the  land  of  Ireland.  Among  them 
were  a  thousand  [men  with]  breastplates.  They  came  tog- 
ether  at  Dublin  to  fight  this  heroic  wonderful  unmatched 
battle,  so  valorous  and  valiant  that  its  like  has  not  been  seen 
before  or  since.  And  after  they  had  been  battling  for  a  great 
while,  the  foreigners  and  the  Leinstermen  were  routed  through 
sheer  force  of  arms  and  smiting  and  bravery.  Maelmorda  son  of 
Murchad  son  of  Finn,  king  of  Leinster,  fell  there,  and  the  son 
of  Brogarban  son  of  Conchubar,  king  of  Offaly,  et  multi  alii 
nobiles,  and  countless  numbers  of  the  men  of  Leinster  were 
slain  about  them.  On  the  side  of  the  foreigners  there  fell  Dub- 
gall  son  of  Amlaib,  Gilla  Ciarâin  son  of  Glûn  Iarainn,  Sigurd 
son  of  Lodar,  earl  of  the  Orkney  isles,  Brodor,  the  leader  of 

1.  Croeb  Telcha,  A.  U. 

2.  An  unintelligible  word  or  syllable  occurs  hère. 


366  A.   Martin  Freeman. 

the  Danes,  and  ail  of  the  thousand  men  with  breastplates. 
Three  thousand  of  the  foreigners,  at  the  very  least,  fell 
there.  Moreover  there  were  slain  there  Murchad  son  of  Brian, 
heir-apparent,  and  Toirdelbach  his  son,  who  would  hâve 
become  high-king  of  Ireland,  with  thirty  kings  of  Connacht 
and  Munster  about  them,  viz  :  —  Mothla  son  of  Domnall  son 
of  Faelân,  king  of  the  Déisi  ;  Eochu  son  of  Dûnadach,  Niall 
grandson  of  Conn  and  Cûduilich  son  of  Cennétig,  the  three 
defenders  of  Brian  ;  Tadc  son  of  Murchad,  king  of  the  Uî 
Maine  ;  Maelruanaid  grandson  of  Eiden,  king  of  Aidne  ;  Gei- 
bennach  son  of  Dubchû,  king  of  the  Fir  Maige;  Mac  Bethad 
son  of  Muredach  Claen,  king  of  Ciarraige  Luachra  ;  Domnall 
son  of  Diarmait,  king  of  Corcu  Baescind;Scanlân  son  ofCath- 
al,  king  of  the  Eoganacht  of  Loch  Léin  ;  Domnall  son  of 
Emine  son  of  Cainnech  Môr,  a  high-steward  in  Scotland  '; 
et  alii  multi  nobiles.  At  that  time  Brian  the  high-king 
was  behind  the  battle  with  Conaing  son  of  Donn  Cuan,  his 
brother's  son,  and  they  were  singing  psalms;  and  one  of  the 
Danes  2  reached  the  spot  where  they  were,  unknown  to  their 
people;  and  seeing  his  chance  he  lifted  his  hand  and  struck  at 
the  high-king  with  hissword,  and  then  lifted  his  hand  again  5 
and  struck  at  Conaing  son  of  Donn  Cuan,  and  so  he  killed 
them  both,  et  in  eodem  loco  ipse  occisus  est. 

Brian  son  of  Cennétig  son  of  Lorcân,  high-king  of  Ireland 
and  the  foreigners,  fell  in  the  battle  of  Cluain  Da  Tarb,  tog- 
ether  with  Conaing  son  of  Donn  Cuan,  Murchad  son  of  Brian, 
and  Toirdelbach  son  of  Murchad  son  of  Brian.  And  theguard- 
ians  of  the  Staff  of  Jésus  immediately  carried  their  bodies  to 
Armagh,  where  they  were  buried  honourably,  with  much 
dignity  and  révérence.  Mxv. 

282.  Mac  Liac,  chief  poet  of  Ireland,  mortuus  est  4. 

284.  Cuan  O  Lothcain,  chief  sage  of  Ireland,  interfectus 
est  by  the  men  of  Tethba. 


1.  '  High-steward  of  Marr  in  Scotland  ',  A.  L.  Ce. 

2.  According  to  A.  L.  Ce,  this  was  the  Brodor  mentioned  above. 

3.  The  MS.  adds  :  '  against  him  '. 

4.  See  M.  '  Coriagal  '. 


The  Annals  iu  Cotion  MS.   Titus  A.  XXV.  367 

285.  Tadc  son  of  Cathal  Mac  Conchubair  interfectus  est  by 
Maelsechnaill  O  Maelruanaid,  king  of  Crumthand. 

287.  Much  snow  in  this  year.  .  . 

288.  Tadc  son  of  [Aed]  O  Conchubair  per  dolum  occisus 
est  by[the  men  of J  West  Connacht. 

290.  Donnchad  son  of  Brian  went  toRome  on  pilgrimage  '. 

291.  The  battle  of  Turlach  Adnaig,  in  which  fell  Aed  O 
Conchubair  2,  king  of  Connacht,  and  Aed  O  Conchennainn, 
king  of  the  Ui  Diarmata. 

292.  Diarmait  son  of  Mael  na  Bô,  king  of  Britain  and  the 
Hébrides  and  Dublin  and  Mug  Nuadat's  Half,  was  killed  and 
slaughtered  by  Conchubar  O  Maelsechnaill  in  the  battle  of 
Odba.  Mlxxxi. 

293.  Mlxxxii.  K.  Domnall  son  of  Tadc  O  Conchubair,  heir 
apparent  of  Connacht,  was  treacherously  killed  by  Cathal  O 
Conchubair.  Cathal  O  Conchubair  fell  in  battle,  together  with 
a  large  host,  by  the  hand  of  Ruadri  O  Conchubair.  Mlxxxiii. 

294.  The  battle  of  Môin  Cruinneôige,  ubi  occisus  fuit  Donn- 
chad son  of  [Art  In]  Cailech  O  Ruairc.  Mlxxxv. 

296.  Ruadri  son  of  Aed  O  Conchubair  won  the  battle  of 
Connachla,  in  quo  cecidit  Aed  son  of  Art  O  Ruairc,  and  ail 
the  chiefs  of  Conmaicne  jugulati  sunt  et  occisi. 

297.  .  .  .  Cend  Corad  was  sacked  and  Limerick  burnt  by 
[Domnall]  son  of  Mac  Lochlainn  and  Ruadri  O  Conchubair. 

298.  In  Crâibdech  (The  Pious)  O  Fallamain  was  drowned 
in  Loch  Cahrgin  through  the  curse  of  Ruadri  O  Conchubair. 
Ruadri  O  Conchubair,  king  of  Connacht,  was  blinded  by  Flath- 
bertach  O  Flathbertaig  and  [the  men  of]  West  Connacht. 
Ab  incarnatione  Domini  usque  ad  the  blinding  of  Ruadri  flu- 
xerunt  anni  Mxcii.  .  . 

299.  The  battle  of  Fidnacha,  in  quo  ceciderunt  multi  of 
West  Connacht  and  of  Corcumruad  by  the  hand  of  Tadc  son 
of  Ruadri  O  Conchubair.  Mxcv. 

300.  .  .  .  Flathbertach  O  Flathbertaig,  king  of  Connacht, 
was  killed  by  Matudan  O  Cuannu  to  avenge  the  blinding  of 
his  lord.  .  . 

1 .  See  M.  '  et  corôin  '. 

2.  See  M.  iin  gha  b.\ 


368  A.  Martin  Freeman. 

301.  Murchertach  O  Briain  rnade  a  great  inarch  round  Ire- 
land.  Me. 

302.  K.  Mciii.  The  battle  of  Mag  Coba.  Magnus,  king  of 
the  Danes,  was  killed  cum  multis  by  the  Ulstermen.  Mciiii. 

303.  Fiacha  O  Floind  was  killed.  Murgius  O  Concennaind, 
king  of  the  Ui  Diarmata,  mortuus  est. 

304.  Domnall  son  of  Ruadri  O  Conchubair  was  deposed  by 
Murchertach  O  Briain,  and  his  (Domnall's)  brother,  Toirdel- 
bach,  was  made  king  in  his  stead.  Mcvii. 

305.  The  Conmaicne  routed  the  Sil  Muredaig  at  Mag  Brén- 
gair.  The  Sil  Muredaig  routed  the  Conmaicne  at  Ros. 

30e.  The  clergyof  Ireland  held  the  synod  of  Usnech. 

307.  The  report  about  Murchertach  O  Briain  \ 

308.  Toirdelbach  [O  Conchubair]  was  attacked  by  O  Rech- 
tubrat  2  at  Àth  Bô,  but  he  recovered  safely.  The  driving  snow. 
The  Conmaicne  were  expelled  from  Mag  Aei  and  sent  eastof 
theShannon.  The  Leinstermen's  year. 

309.  Theslaughterat  Ruadbethach,  whereDiarmait  O  Briain 
was  defeated. 

310.  Diarmait  Mac  Enna,  king  of  Leinster  and  Dublin, 
mortuus  est.  The  battle  ofLeittir  Odrâin.  Càthasach  O  Cnâill, 
archiepiscopus  of  Connacht,  quievit.  Maelmuire'  O  Dunain, 
archiepiscopus  of  Munster,  quievit  in  Christo. 

311.  Diarmait  O  Briain,  king  of  Munster  and  Leinster,  mor- 
tuus est.  .  . 

312.  Murchertach  O  Briain,  high-king  of  Ireland  and  the 
valorous  vétéran  '  of  ail  this  latter  âge,  in  bono  fine  vitam 
finivit. 

313.  The  bridge  of  Athlone  was  built. 

314.  Domnall  son  of  Mac  Lochlainn,  king  of  Ireland,  mor- 
tuus est. 


1.  A  report  that  he  was  in  ill-health,  which  Tigernach  says  caused  the 
men  of  Ireland  to  turn  againsthim. 

2.  According  to  A.  U.  this  attack  was  made  by  the  sons,  and  according 
to  A.  L.  Ce,  by  the  grandsons  of  Ruadri  [probably  O  Canannain,  whose 
murder  is  recorded  in  the  previous  year].  Both  state  that  Toirdelbach  was 
seriously  wounded. 

3  ?  egnunia  for  engnama 


The  Armais  in  Cotton  MS.    Titus  A.  XXV.  369 

315.  Tadc  son  of  Mac  Cartaig,  king  of  Desmond,  mortuus 
est.  The  rout  at  Craib  Rois.  Maelsechnaill  son  of  Tadc  [O 
Maeh'uanaid]  the  king  of  Mag  Luire,  interfectus  est. 

316.  Enna  Mac  Murchada,  king  of  Leinster,  moritur. 
Domnall  Find  (D.  the  Fair)  O  Dubda  mersus  est.  Toirdel- 
bachO  Conchubair  entered  Dublin  and  left  his  son,  Conchu- 
bar,  there. 

317.  Cellach,  the  coarb  of  Patrick,  quievit.  The  very  ftot 
summer. 

318.  A  very  greateropof  every  fruit  hoc  anno.  The  battle  of 
Craib  Tretain,  ubi  ceciditDiarmait  O  Maelsechnaill  and  Cochul 
Fliuch  son  of  Mac  Senân.  Tigernàn  O  Ruairc  victor  fuit. 

319.  The  men  of  Connacht  routed  the  North  of  Ireland  at 
Segais  (the  Curliew  Hills). 

320.  In  hoc  anno  [there  was  a]  great  [cattle-plague  called] 
Mael  Garb  (?  Bald  and  Rough).  Dûn  Môr  and  Dûn  Mug- 
dornd  were  burnt  by  the  Munstermen  and  Leinstermen  and 
[Cathal]  son  of  Cathal  O  Conchubair1  ;  and  Gilla  naNaem  O 
Floind  occisus. 

321.  The  consécration  of  Cormac's  church.  .  . 

321.  The  defeat  of  Aed  son  of  Domnall  O  Conchubair  and 
Tadc  O  Cellaig  and  the  Ui  Mani  at  Findabair,  ubi  cecidit  Con- 
chubar  O  Cellaig  the  father  of  Tadc  et  alii  multi.  Conchubar 
son  of  Toirdelbach  [O  Conchubair]  and  the  Sil  Muredaig  vie- 
tores  fuerunt. 

323.  Aed  son  of  Domnall  O  Conchubair  occisus  est.  Dom- 
nall O  Dubhtaig,  Elfinensis  episcopus  and  coarb  of  Ciarân  of 
Clonmacnoise,  quievit  in  Christo  at  Brandan's  Clonfert. 

325.  Cormac  Mac  Cartaig,  king  of  Desmond,  occisus  est  by 
Toirdelbach  O  Briain.  Donnchad  son  of  Tadc  O  Maelruanaid 
was  blinded. 

326.  Defectus  solis,  id  est,  the  Spring  of  the  black  cloud. 

327.  The  year  of  the  great  catch  of  herring  2. 

328.  The  chief  men  of  Leinster  turned  against  Diarmait 


1.  Thus  our  text;  but  according  to  F.  M.,  A.  L.  Ce,  Cathal  O  Conchu- 
bair was  killed  bv  the  men  of  Munster  and  Leinster. 

2.  Read  >i-in:da  in  the  text 

24' 


370  A.  Martin  Freeman. 

Mac  Murchada.  The  son  of  Mac  Faelân  '  and  [Murchad]  O 
Tuathail  and  the  son  of  Mac  Gormâin  were  killed  by  him  ;  he 
also  blinded  Mac  Gilli  Mocolmôc.  Mcxlii.  Constructio  Mel- 
lifontis  2. 

329.  Conchubar  O  Briain,  high-king  of  Munster,  mortuus 
est.  A.  D.  Mcxliii. 

330.  Murchad  O  Maelsechnaill  was  taken  prisoner  by  Toir- 
delbach  O  Conchubair  and  the  kingship  of  Meath  was  given 
to  Conchubar,  his  [Toirdelbach's]  son.  Gilla  Oengussa  O  Clu- 
main,  the  ollav  of  Ireland,  mortuus  est. 

333.  Tigernàn  O  Ruairc  went  to  Loch  Long...  The  break- 
ing  of  the  wicker  [bridge]  at  Athlone  J. 

334.  Kalendae  of  January.  An  attack  on  Tigernàn  O  Ruairc 
at  the  instigation  of  Toirdelbach  O  Conchubair. 

336.  The  night  (?)  ofFiad  Mogain  4. 

337.  Toirdelbach's  victorious  raid  at  Cromad.  The  battle  of 
Môin   Môr... 

338.  Debôrgaili,  the  wife  of  Tigernàn  O  Ruairc,  was 
abducted  by  Diarmait  Mac  Murchada.  Cathal  Miguran  son  of 
Toirdelbach  [O  Conchubair]  occisus  fuit  by  the  Calraigi  of 
Corann. 

339.  ...  Toirdelbach  O  Briain  wasbanished  by  Toirdelbach 
O  Conchubair  and  went  into  the  North.  The  rout  at  For- 
druim.  The  blindingof  Tadc  O  Briain.  Toirdelbach  O  Briain 
in  Munster  iterum.  A.  D.  Mcliii. 

340.  .  .  .  The  rout  at  Bonnamair.  .  . 

341.  Kalendae  of  January...  The  skirmish  at  Berna  na 
Fingaile  (?). 

342.  The  rout  at  Cuaille  Cepàin.  Toirdelbach  O  Conchu- 
bair, king  of  Connacht,  Meath,  Dublin  and  Leith  Moga  Nua- 
dat,  —  (?)  of  Ireland,    mortuus  est.   A.   D.    Mclvi.    ab  init. 

1.  F.  M.  hâve  '  Domnall,  lord  of  the  Ui  Faelâin  '  and  Tig.  has  '  Dom- 
nall  Mac  Faelâin  '. 

2.  The  monks'  church  at  Drogheda.  Its  consécration  is  mentioned  in 

§  343- 

3.  Whereby  many  of  the  followers  of  Toirdelbach  O  Conchubair  were 

drowned. 

4.  Read  Fiada  Mogan  in  the  text. 


The  Aimais  in  Cotton  MS.   Titus  A.  XXV.  371 

Mundi    viM.ccclv.    The    blinding     of     Brian    Breffnech... 

343.  .  .  .  The  consécration  of  the  church  at  Drogheda.  The 
ravaging  of  Inis  Senaig  J  by  Ruadri  O  Conchubair.  Cû  Ulad, 
son  of  Dondslébi  [O  hEochada],  king  of  Ulster,  moritur.  . . 

344.  Domnall  OLongarcâin,  archiepiscopusofMunster,quie- 
vit.  Donnchad  O  Maelsechnaill  was  routed  at  Àth  Maigne  by 
Diarmait  [O  Maelsechnaill]  and  Tigernân  [O  Ruairc]  Conchu- 
bar  son  of  Domnall  O  Briain  was  blinded.  The  Connacht 
clergy  were  routed  at  Corr  [Cluana].  The  rout  at  Mag  Bachla, 
whereinfell  Donnchad  son  of  Ruadri  [O  Conchubnir],  grand- 
son  ofAed,  and  Tomaltach  O  Maelbrennaind  2. 

345.  Diarmait  son  of  Tadc  O  Maelruanaid,  king  of  Mag 
Luire,  mortuus  est.  The  rout  at  Ath  Firdiad,ubi  cecidit  Gilla 
Crist,  the  son  of  Diarmait  [O  Maelruanaid],  king  of  Mag  Luire, 
Murchertach  son  of  Tadc  O  Maelruanaid  and  Diarmait  O  Con- 
cenainn  et  alii  nobiles  et  ignobiles. 

346.  Kalendae  of  January.  Donnchad  son  of  Domnall  Sûc- 
ach  O  Maelsechnaill,  king  of  Meath,  occisus  est.  Brodon  son 
of  Turcall,  kingof  Dublin,  occisus  est. 

347.  .  .  .The  castle  at  Tuaim  was  built  by  Ruadri  O  Con- 
chubair. 

348.  In  Cosnomaid  (The  Contender)  O  Dubda  occisus  fuit. 

349.  Niall  son  of  Murchertach  Mac  Lochlainn  wascaptur- 
ed  by  the  Ui  Maine  aud  his  followers  slain. 

350.  Amlaib  son  of  Gilla  Coemgin  O  Cennétig  was  blinded. 

351.  Toirdelbach  O  Briain  wenton  pilgrimage  et  filius  ejus 
[Murchertach]  regnavit  in  Munster.  .  . 

352.  Toirdelbach  O  Briain  regnavit  iterum.  Ruadri  O  Con- 
chubair marched  to  Dublin  and  was  madekingby  theforeign- 
ers  there.  Thence  he  went  to  Drogheda,  where  he  was 
made  king  by  Donnchad  O  Cerbaill  and  the  men  of  Oriel  ; 
thence  into  Leinster,  where  he  took  hostages  from  Mac  Mur- 
chada  for  the  Ui  Cennsalaig  only.  Eochaid  grandson  *  of 
Dondslébi  [O  hEochada],  king  of  Ulster,  was  blinded  by  Mur- 


1.  F.  M.  hâve  «  Inis  Enaigh  ». 

2.  See  M.  're  n-abarthar\ 

3.  A.  U.,  F.  M.  hâve  'son'. 


372  A.  Martin  Freeman. 

chertach  MacLochlainn.  Murchertach  son  of  Niall  Mac  Loch- 
lainn,  king  of  Ireland,  occisus  est.  The  Cenél  Conaill  gave 
hostages  to  Ruadri.  Ruadri  O  Conchubair,  Diarmait  O  Mael- 
sechnaill  and  Tigernan  O  Ruairc,  with  the  Leinstermen  and 
the  foreigners  ot"  Dublin,  banished  Diarmaid  Mac  Murchada 
overseas.  Ruadri,  Diarmait  and  Tigernan  marched  into  Lein- 
ster,  Ossory  and  Munster,  and  the  people  of  ail  thèse  made 
Ruadri  king. 

353.  The  Cenél  Eogain  gave  hostages  to  Ruadri.  Diarmait  '. 
Toirdelbach  O  Briain,  kingof  MugNuadat's  Half,  moritur.  .  . 

354.  Art  O  Maelsechnaill  was  routed  at  Ath  in  Chomair 
by  Diarmait  O  Maelsechnaill.  In  Gilla  Lethderc  (The  Half- 
red  Lad)  O  Conchubair  of  Corcumruad  occisus  est. 

355.  Ferchar  O  Fallamâin  moritur.  The  fleet  of  Robert  [Fitz- 
StephenJ  came  to  assist  Mac  Murchada.  Diarmait  O  Maelsech- 
naill occisus  est  by  Domnall  Bregach  (D.  of  Bregia)[0  Mael- 
sechnaill.] 

356.  A  great  fleet  came  with  Richard,  the  earl  of  Striguil, 
to  assist  his  son-in-law,  Mac  Murchada.  Sanctus  Thomas.  .  . 
occubuit.  Ruadri,  Art  O  Maelsechnaill,  Domnall  Bregach, 
Tigernan  O  Ruairc  and  Murchad  O  Cerbaill  marched  to 
Dublin.  When  they  were  on  the  green;  they  saw  the  fortress 
in  a  blazeof  fire,  and  Ruadri  with  his  chieftains  at  once  turn- 
ed  back,  while  Mac  Murchada  went,  under  a  promise,  into 
the  fortress.  But  he  broke  his  word  to  the  foreigners  of  the 
place,  nam  multos  exeisoccidit.  Mac  Murchada's  hostages  were 
putto  death  at  the  instigation  of  Tigernan. 

357.  Diarmait  Mac  Murchada,  king  of  Leinster  and  the 
foreigners,  moritur.  The  Rout  of  the  Ashes,  [in  which]  Aed 
son  of  Tigernan  O  Ruairc  occisus  est.  Magnus  Mac  Duind- 
slébi  [Ui  Eochada,]  king  of  Ulster,  moritur.  .  . 

358.  'toisech'  =  'chieftain'. 

359.  'tuisech'  =  'chieftain'. 

360.  •  .  .  Gilla  Meic  Liacc  %  the  coarb  of  Patrick,  quievit. 
Gilla  Mochabdeo,  abbas  of  the  monastery  of  Paul  and  Peter 

1.  D.  Mac  Murchada  arrived  from  overseas  inthis  year  (A.  U.). 

2.  Giollamoliag,  A.  L.  Ce. 


The  Annah  in  Col  ton  MS.    Titus  A.  XXV.  373 

in  Armagh,  quievit.  Florence  O  Gormâin,  chief  lector  oflre- 
land,  moritur.  .  .  The  synod  of  Byrr. 

361.  Maellsu,  son  of  In  Clérech  Corr  (The  Crooked  Clerk), 
episcopus  of  Ulster,  quievit.  Amlaib,  son  of  the  coarb  of  Fin- 
nén,  episcopus  of  Ulster,  quievit.  Domnall  Caemanach  (D.  ot 
Kilcavan),  son  of  Diarmait  Mac  Murchada,  king  of  Leinster, 
occisus  est.  The  foreigners  marched  against  Limerick.  Conchu- 
bar  son  of  Mac  Conchoille  Seganach,  coarb  of  Patrick  quievit. 

362.  Richard  Striguil,  the  earl,  moritur.  The  foreigners  aban- 
doned  Limerick.  Diarmait  son  of  Cormac  [Mac  Cartaig]  was 
captured  by  Cormac  Liathanach,  [his  own  son].  Niall  son  of 
Mac  Lochlainn  occisus  est. ..  Domnall  Midech  (D.  of  Meath), 
son  of  Toirdelbach  O  Conchubair,  heir-apparent  of  Connacht, 
moritur.  .  . 

363.  Aed  son  of  Gilla  Broiti  ORuairc  mortuus  est.  Ragnall 
son  of  Gilla  Cellaig  O  Ruadin,  coarb  of  Mac  Dé,  moritur. 
Vivianus  cardinalis  venit  ad  Hiberniam.  John  de  Courcey  came 
into  Ulster.  .  .  Conchubar  Maenmaigi  (C.  of  Mag  Maen)  was 
captured  by  his  father,  [Ruadri  O  Conchubair.].  .  .  Murchad 
son  of  Ruadri  [O  Conchubair]  was  blinded.  .  . 

364.  The  drying-up  of  the  (river)  Gahvay.  Hugo  de  Lacy 
[made  the]journey  [acrossSliab]  EchtgitoClonmacnoise.  Con- 
chubar Maenmaige  was  taken  from  Loch  Cuain  by  his  followers. 
Aed  O  Flathbertaig,  king  of  West  Connacht,  moritur.  A  sei- 
zure  (?)  ofearthquake  on  the  Shannon  '.  .  . 

365.  .  .  .The  poisonous  snow. 

36e.  Gilla  Crist  son  of  Mac  Cargamna,  chieftain  of  the 
Muinter  Maelshinna,  occisus  est.  The  battle  of  the  Conchu- 
bars.  .  . 

367.  Domnall  O  Cennétig,  king  of  Ormond,  moritur.  .  . 
The  battle  of  the  princes.  .  . 

368.  ..  .  Myles  Gogan,  Raymond,  Cend  Cuilinn,  and  the 
two  Fitz-Stephens  occisi  sunt.  Ruadri  and  Conchubar  Maen- 
maige routed  O  Maeldoraid  and  Donnchad  son  of  Domnall 
Midech  [O  Conchubair,]  ubi  multi  occisi  sunt. 

1.  Tigernach  says  :  'An  island  appared  in  the  Shannon,  and  it  is  not 
known  where  it  came  from  '. 

Rnue  Celtique.   XLIII.  24 


374  A.  Martin  Freeman. 

369.  .  .  .Ruadri  O  Conchubair  left  his  kingdom  to  hisson, 
Conchubar  Maenmaige.  .  .  [Henry]  Fitz-Empress,  rex  Anglo- 
rum,  moritur.  .  . 

370.  'toisech'  =  'chieftain'. 

371.  War  between  Ruadri  and  Conchubar  Maenmaige.  Dom- 
nall  O  Briain .  .  .  ecclesias  et  praedia  of  West  Connacht  devas- 
tavit. .  .  Diarmait  son  of  Cormac  Mac  Cartaig,  king  of  Des- 
mond,  occisus  est  ab  Anglicis.  Maelsechnaill  son  of  [Murcher- 
tach]  Mac  Lochlainn,  king  oftheCenél  Eogain,  occisus  est  by 
the  foreigners.  Diarmait  son  ofToirdelbach  O  Briain  was  blind- 
ed  by  Domnall  O  Briain.  Mathgamain  son  of  Conchubar 
Maenmaige  was  [captured]  by  Murchad  son  of  TadcO  Cellaig 
[and]  given  up  to  Domnall  O  Briain  '.  The  kingship  of  Con- 
nacht was  seized  by  Conchubar  Maenmaige. 

372.  Conchubar  O  Flathbertaig  occisus  est  in  Aran.  Rua- 
dri was  banished  by  Conchubar  Maenmaige.  .  .  The  Rock  of 
Loch  Ce  was  burnt .  .  .  John  de  Courcey  was  routed  in  the 
Segais.  .  . 

373.  ...Conchubar  Maenmaige,  high-king  of  Connacht, 
and  of  Ireland  for  his  importance,  occisus  est  a  suis.  Conchubar 
O  Diarmata,  [his  murderer,]  occisus  est.  Cuilén  son  of  Cui- 
lén  of  Claenglais  occisus  est.  Murchad  O  Flannacâin,  dux  ot 
the  Clann  Cathail,  moritur. 

374.  The  ship  of  Cathal  Crobderc(C.  Red-hand)  [O  Con- 
chubair] was"  sunk,  in  qua  xxxvi  viri  submersi  sunt,  including 
Airechtach  O  Rodib,  chieftain  of  the  Clann  Tomaltaig,  Con- 
chubar son  of  Cathal  Migarain  2  and  Murchertach  son  of  Con- 
chubar son  of  Diarmait  [O  Maelruamaid.].  .  . 

375.  Ruadri  O  Conchubair  left  Connacht  and  went  into 
Cenél  Conaill.  .  . 

377.  Cathal  Odur  (C.  the  swarthy)  son  of  Mac  Cartaig 
occisus  est.  Derbôrgaill  daughter  of  Murchad  O  Maelsechnaill 
in  Mellifonte  defuncta  est.  Aed  O  Maelbrenainn,  chieftain  of 


1.  This  is  the  meaning  of  the  corresponding  passage  in  A.  L.  Ce.  Our 
text  is  ambiguous. 

2.  Thus  A.  L.  Ce.  A.  U.  has  'mie  Urain',  i.  c.  'the  son  of  Uran' 
whileour  text  has  merely  '  mie'  with  a  stroke  over  the  c. 


The  Aimais  in  Cotton  MS.    Titus  A.  XXV.  375 

the  Clann  Conchubair,  occisus  est.  Inis  Clothrann  was  ravag- 
ed  by  Gilbert  Mac  Gostelb. 

378.  Domnall  son  of  Toirdelbach  O  Briain,  king  of  Mun- 
ster, monuusest.  Murchertach,grandson  of  Conchubarson  of 
Domnall  Cerrlâmach  '  (D.  of  the  Crooked  Arm)  [O  Briain], 
was  blinded  by  Murchertach  son  of  Domnall  [?  O  Briain]. 
Gilbert  Mac  Gostelb  marched  to  Ess  Ruad,  but  turned  back 
without  accomplishing  anything. 

379.  .  .  .Cathalson  ofDiarmait[0  Maelruanaid]  came  out 
of  Munster  to  Hag's  Island  2  et  multos  homines  occidit.  .  . 
Domnall  O  Finn,  coarb  of  Brandan's  Clonfert,  quievit. 

380.  The  MuinterEolais  slaughtered  by  Ualgarg  O  Ruairc. 
Ruadri  O  Flathbertaig  made  submission  to  Cathal  Crobderc 
and  peace  was  made  between  them  by  the  coarb  of  Patrick.  In 
Gilla  Ruad  (The  Red-haired  Lad)  son  of  Mac  Ragnaill,  occi- 
sus est .  .  . 

381.  Ruadri  O  Flathbertaig  was  captured  by  Cathal  Crob- 
derc. Flathbertach  OMaeldorid,  king  ofthe  Cenél  Conaill  and 
the  Cenél  Eogain,  moritur.  In  Gilla  Srônmael  (The  Blunt- 
nosed  Lad)  O  Dochartaig  rexit  Cenél  Conaill.  . . 

382.  Ruadri  O  Conchubair,  high-king  of  ail  Ireland,  mori- 
tur. 

383.  Cathal  Carrach  and  Cathal  Crobderc  made  peace.  Cathal 
Carrach  was  brought  into  the  country  and  land  given  to  him. 
[Ruadri]  O  Flathbertaig  was  released. 

384.  Donnchad  Uaithnech  (D.  of  Uaithne)  son  of  Ruadri 
[O  Conchubair]  occisus  est.  The  rout  of  Cathal  Crobderc  and 
the  men  of  Connacht  at  Âth  Borim  (?),  ubi  cecidit  Ruadri  O 
Flathbertaig  cum  aliis  multis.  The  rout  at  Int  Orbar  (?).  Wil- 
liam Burke  in  auxilium  of  Cathal  Carrach  venit  in  Connach- 
tiam,  and  they  left  no  property  of  layman  or  cleric  in  Con- 
nacht unsacked  ;  neither  church  nor  altar  of  monks  nor  canons 
or  abbots  could  protect  [the  people]  from  them.  Never  before 
was  Connacht  afflicted  with  such  a  scourge  of  hunger  and 
nakedness. 


1.  Called  '  Gerrlâmach  ',  i.  e.  '  Short-armed  ',  by  A.  L.  Ce. 

2.  Either  a  mistake,  or  another  name  of  Hag's  Castle. 


376  A.  Mari  in  Freeman. 

385.  Ruadri  Mac  Duindslebi  [Ui  Eochada]  king  of  Ulster, 
occisus  est.  Cathal  Crobderc  made  a  successful  foray  against 
Diarmait  son  of  Conchubar  [O  Maelruanaid]  at  Cûil  Cnâma. 
[He  made]  another  foray  into  Tir  Ailella,  against  Tomaltach 
[son  of  Conchubar  O  Maelruanaid,]  carryingoff  much  cattle. 
Cadla  O  Dubthaig.  .  .  quievit.  The  Fir  Manach,  O  Néill,  the 
Cenél  Eogain  and  the  Cenél  Conaill  were  routed  at  Ess  Dara. 
Ibi  Niall  O  hEcnig,  king  of  the  Fir  Manach,  occisus  est,  et 
alii  multi.  Cathal  Crobderc  vero  perrexit  cum  suis  ad  Hag  s 
Castle,  and  turned  back  thence  with  his  army  routed.  O  Néill 
went  into  the  church  at  Ess  Dara  '.  Tomaltach  O  Conchu- 
bair.  ..  quievit.  John  de  Courcey  and  Hugo  de  Lacy  were 
routed  at  Ard  Ladrann 

38e.  crowned  5  by  O  Néill  and  the  men  of  Connacht.  O 
Néill  made  some  great  raids  and  got  away  safely  afterwards. 
The  foreigners  of  Ireland  were  assembled  by  [Aed]  son  ot 
Cathal  Crobderc,  but  the  Munstermen  inflicted  great  damage 
on  them,  plundering  them  and  killing  many  people.  Echmar- 
cach  MacBranàin  occisus.  The  sons  of  Ruadri  *•  were  banish- 
ed  from  their  land  and  went  into  the  North,  and  Donn  Og 
son  of  Mac  Oirechtaig  together  with  them,  after  the  country 
had  been  laid  waste  by  them  ail. 

387.  The  corn  was  reaped  after  St.  Brigit's  Day,  and  the 
plowing  was  going  on  at  the  same  time  5.  A  great  disease 
among  human  beings  this  spring.  O  Néill  led  an  army  to  the 
borders  6  of  Connacht,  and  turned  back  without  accomplish- 
ing  anything,  though  he  had  assembled  the  host.  Hostages 
of  the  Cenél  Conaill  were  taken  and  the  son  of  O  Domnall 
captured.  Fergal  O  Taidc  occisus  est. 

1 .  A.  L.  Ce  say  he  was  taken  there  as  a  prisoner. 

2.  Hère  the  record  of  twenty-two  and  a  half  years  is  missing  from  the 
MS.  The  next  fragment  begins  in  the  middleof  a  sentence. 

3.  This  must  refer  to  Aed  O  Conchubair,  who  succeedej  his  father, 
Cathal  Crobderc.  The  death  of  the  latter  is  recorded  on  May  28th  of  this 
year  by  F.  M.,  A.  U.,  A.  L.  Ce. 

4.  Tordelbach  and  Aed.  Set  the  endof§  388. 

5.  Reading  '  inaenecht'  for  '  innecht  ' 

6.  Read  iwell  in  the  text. 


The  Annals  in  Cotton  MS.    Titus  A.  XXV.  377 

388.  [Aed]  O  Conchubair  appointed  to  meet  the  son  of 
Geoffrey.  [William]  Mareis,  the  son  ofGeoffrey,  was  captured, 
together  with  other  foreigners.  The  Constable  of  Athlone  was 
killed.Mac  Airt  was  captured  with  his  wifeand  his  foster-father 
and  many  of  his  followers.  A  great  famine  in  Ireland.  Dond- 
slébi  O  Gadra,  king  of  Sliab  Luga,  waskilled  by  In  Gilla  Ruad 
(The  Red-haired  Lad),  his  brother's  son.  In  Gilla  Ruad  was 
killed.  Aed  son  of  Cathal  [Crobderc  O  Conchubair]  was  depo- 
sed  and  went  into  the  North.  He  returned  thence  into  Con- 
nachtand  came  to  the  Curliew  Hills,  where  he  was  routed  by 
the  two  sons  of  Toirdelbach  O  Conchubair.  They  captured 
his  wife  and  carried  her  offin  bondage.  Geoffrey  [Mareis]  built 
the  castle  at  Rinn  Dûin  and  that  at  Athleague  as  well.  There 
was  much  fightingfor  the  land  between  the  two  sons  ofRua- 
dri,  Aed  and  Toirdelbach,  so  that  they  devastated  Connacht 
between  them. 

389.  Aed  son  of  Cathal  Crobderc  O  Conchubair,  the  most 
comely  and  active  lad  there  ever  was  in  Ireland,  was  treacher- 
ously  killed  in  the  house  of  Geoffrey  Mareis.  Great  dévasta- 
tion from  Ess  Dara  to  the  river  of  the  Ui  Fiachrach  in  the 
south,  ail  except  a  little  tract  in  Sliab  Luga  and  Lucht  Airtig. 
David  O  Floind,  chieftain  of  the  Sil  Maelruanaid,  mortuus  est. 
Aed  sonof  Ruadri  [O  Conchubair]  seized  the  kingship  of  Con- 
nacht. .  .  The  archbishop  of  Dublin  quievit.  A  great  famine 
in  Connacht  this  year.  .. 

390.  Kalendae  of  January.  Diarmait  son  of  Mac  Cartaig 
mortuus  est  .  .  Muiredach  O  Gormginli  ',  prior  of  Inis  Mac 
nErin,  a  famous  man  for  piety  and  churchmanship  in  the  land 
he  lived  in,  moritur.  Diarmait  Mac  Gilli  Cartaig,  archipresbi- 
ter  of  Tech  Baethin,  in  fine  ejusdem  anni  mortuus  est.  .  . 

391.  Dondslébi  O  hlnmainéin,  chief  master-carpenter  of 
the  monastery  ofBoyle,  moritur.  MaelmuireOMaeleôin.coarb 
of  Ciarân  of  Clonmacnoise,  [quievit.]  O  Cerballâin,  bishop  of 
Cenél  Eogain,  mortuus.  Joseph  Mac  Teichedâin,  bishop  of 
Conmaicne,  mortuus  est.  Gilla  îsuOClérig,  bishop  of  Luigne, 
mortuus  est.  Rool  Petit,  bishop  of  Meath, .  .  .  quievit.  A  great 

1.  Garmghaile, p.  M.  ;  Gormghaile,  A.  U.  ;  Gormshuiligh,  A.  L.  Ce. 


378  A.  Martin  Freeman. 

army  was  gathered  by  Richard  Burke  and  the  chiet  foreigners 
of  Ireland  and  Donnchad  Cairbrech  O  Briain.  They  came  into 
Connacht  and  reached  the  Curliew  Hills;  Aed  son  of  Ruadri, 
king  of  Connacht,  and  the  Connachtmen  were  defeated  and 
Aed  son  of  Ruadri  was  banished,  and  Donn  Oc  Mac  Oirech- 
taig,  chieftain  of  the  Sil  Muredaig,  was  killed  et  multi  alii  cum 
ipso  occisi  sunt.  The  same  day  the  Justiciary  came  with  an 
army  to  the  shore  at  the  Rock  of  Loch  Ce.  He  remained  there 
a  week  and  two  nights,  and  he  gave  the  kingship  thereof  to 
Fedelmid  son  of  Cathal  Crobderc.  After  this  the  foreigners 
went  away  and  the  army  was  disbanded. 

Aed  O  Néill,  king  of  Cenél  Eogain  and  Cenél  Conaill,  mor- 
tuus  est. 

392.  Fethfailge  daughter  of  Conchubar  Mac  Diarmata  mor- 
tuus  est.  Fedelmid  O  Conchubair  was  treacherously  captured 
by  the  Justiciary  at  Milec.  Eodem  anno  Cormac  son  of  Tomal- 
tach  [Mac  Diarmata]  incepit  to  make  a  market-town  at  Port 
na  Cairge.  Dionysius,  bishop  of  Elphin,  after  resigning  his 
bishopric  for  the  sake  of  God,  and  after completing  inTrinity 
Island  a  life  devoted  to  God  and  to  Clarus  Mac  Mailin,  arch- 
deacon  of  Elphin,  and  to  the  canons  of  th;it  place,  xviii  kalen- 
das  Januarii  in  eadem  insula  in  Christo  quievit. 

393.  Aed  OFergail,  chieftain  ofMuinter  Angaile,  was  burnt 
by  his  kinsmen  on  the  island  of  Loch  Cuile.  Richard  Burke 
built  the  castle  at  Bun  Gaillme,  and  Adam  Standon  the  castle 
at  Dûnlmgain.  Conchubar  son  of  Aed  [O  Conchubair]  escap- 
ed  from  the  foreigners  and  gathered  the  sons  of  the  king  of 
Connacht  about  him.  He  went  into  the  Tuatha  and  the  inha- 
bitants killed  him.  Donnchad  son  of  Tomaltach  [Mac  Diar- 
mata] mortuus  est.  Fedelmid  was  released  by  the  forei- 
gners. .  . 

39_|.  Kalendae  of  January  feria  septima.  Fedelmid  O  Con- 
chubair marched  into  Connacht  and  encamped  at  Dûn  nGre- 
graige.  The  Muinter  Maelruanaid  and  the  three  Tuatha  came 
on  to  his  side,  and  they  pursued  after  Aed  son  of  Ruadri, 
kingof  Connacht,  and  routed  him,  killing  Aed  himselt,  Donn- 
chad son  of  Diarmait  son  of  Ruadri,  Aed  Muimnech  son  of 
Ruadri  and  his  son,  Thomas  Biris  and   Owen   his  brother, 


The  Annals.in  Co'ton  MS.   Titus  A.  XXV.  379 

Owen  Guer  '  and  many  other  Gaels  and  Gauls.  Thèse  men 
had  plundered  churches  and  clerics,  who  cursed  and  excom- 
municated  them.  William  deLacy  and  the  foreigners  of  Meath 
marched  with  a  large  host  into  Breffny  against  2  Cathal  O 
Ragallaig  and  Cûconnacht  his  brother,  and  made  greatforays. 
However,  a  party  of  O  Ragallaig's  peoplecame  upon  William 
de  Lacy  and  the  chiefs  of  the  army  as  they  followed  up  the 
prey,  and  engaged  them.  William  Brit  was  killed  on  the  spot, 
with  other  notable  foreigners,  and  William  de  Lacy,  Cerlas 
son  of  Cathal  Gall  (C.  the  Foreigner)  O  Conchubair  and  many 
more  were  wounded.'Sothey  retired  out  ofthecountry  with- 
out  obtaining  hostage  or  surety  3.  William  de  Lacy  and 
Cathal  Gall  died  very  shortly  afterwards,  in  their  houses,  of 
the  wounds  inflicted  on  them.  Fergal  Mac  Cormaic  mortuus 
est. 

395.  Kalendae  of  January  on  a  Sunday.  A  great  frost  in 
this  year,  so  that  the  lakes  froze,  and  men  and  horses  4  with 
their  loads  walked  [on]  Loch  Ce  and  Loch  Rib  and  many 
other  lakes.  Aed  O  hEgra  was  killed  by  his  own  brother,  the 
son  of  Duorcân  O  hEgra,  while  he  [i.  e.  Aed]  was  king  of 
Luigne. 

Diarmait  O  Cuinn,  chieftain  of  Muinter  Gilgân,  mortuus 
est.  Richard  Marshall  made  war  upon  the  kingof  England  in 
England.  He  crossed  over  and  came  into  Leinster,  and  the 
foreigners  of  Ireland  gathered  to  oppose  him  on  behalf  of  the 
kingof  England,  viz-:  —  Mac  Muiris,  justiciary  of  Ireland  and 
Hugo  de  Lacy,  earl  of  Ulster  and  Walter  de  Lacy,  lord  ot 
Meath.  They  reached  >  Currech  Life  in  Leinster  and  attacked 
the  Marshall,  who  was  killed  and  his  followers  heavily  defeat- 
ed.  Aengus  Mac  Gilli  Finnéin,  king  of  Loch  Erne,  was  killed 
by  O  Domnaill.  He  had  been  plundering  O  Domnaill  and 
O  Domnaill  had  corne  after  him  to  recover  the  spoil.  Maelisu 

1.  Called  lSguiér\  i.  e.  'Squire',  by  A.  L.  Ce. 

2.  Literally  'towards  ',  and  thus  F.  M.,  A.  L.  Ce. 

3.  'gançial!  gan  eittere\  F.  M.  ;  gan  gheill  gan  edire\  A.  L.  Ce. 

4.  An  unintelligible  word  is  inserted  hère.  For  '  on  ',  five  words    later, 
the  MS.  has  'and  '. 

5 .  ?  siachtatar. 


380  A.  Martin  Freeman. 

son  of  Daniel  O  Gormgaile,  prior  oflnis  Mac  nErin,  in  Christo 
quievit.  Gilla  na  Naem  son  of  ArtO  Briain,  archipresbiter  of 
Roscommon  and  [êrenagh]  ',  in  Christo  quievit.  Moelpetair 
O  Carmacain,  master  of  Roscommon,  in  Christo  quievit.  The 
bishop  O  Maelagmâir.  .  .  quievit.  Gilla  Isu  O  Gibellâin,  a 
monk  anchorita  lnsulae  Sanctae  Trinitatis,  in  Christo  quievit. 

396.  Kalendae  Januarii  feriasecunda,  lunae  nona.  Domnall 
O  Néill,  king  of  Cenél  Eogain,  was  killed  by  Mac  Lochlainn, 
who  seized  the  kingdom  after  him.  MatudânO  Matudâin,king 
of  the  Sil  nAnmchada,  in  Christo  quievit. 

397.  Kalendae  of  January.  Thecastle  of  Milec  was  razed  by 
Fedelmid  O  Conchubair.  There  was  a  fight  in  a  camp  in  Con- 
nacht,  and  Taichlech  O  Dubda  was  wounded  in  it,  so  that 
hedied  2.  A  great  army  was  raised  }  by  Mac  Muiris,  Justiciary 
of  Ireland,  and  Hugo  de  Lacy,  earl  of  Ulster,  Richard  son  of 
William  Burke,  Walter  Rittabard  4,  chief  baron  of  Leinster, 
with  the  Leinster  foreigners,  John  Gogan  with  the  Munster 
foreigners,  and  the  bandsof  Ireland.  They  raided  far  and  wide, 
and  came  on  thenight  ofTrinity  Sunday  to  the  monastery  ot 
Boyle  and  damaged  it.  They  broke  open  the  crypt  and  car- 
ried  off  the  mass-chalices  of  the  monastery  and  its  vestments 
and  its  treasure.  The  next  day  they  made  a  great  foray  till  they 
came  to  Cret  and  Cairthe  Muilchén  and  the  Tower  of  Glen- 
farne,  and  brought  huge  booty  to  Ard  Carna  tomeet  the  Justi- 
ciary of  Ireland.  He  came  there  to  meet  them,  and  they  [ail] 
went  thence  into  Thomond  in  pursuit  of  Fedelmid  and  Donn- 
chad  Cairbrech  O  Briain.  They  defeated  Donnchad  Cairbrech 
and  took  hostages  from  him.  Thence  they  went  into  northern 
Connacht  and  came  to  Tobar  Pâtraic  and,  together  with  O 
Flathbertaig  and  O  hEdin,  they  raided  in  ships  round  Insi 
Mod.  From  there  they  proceeded  to  Ess  Dara,  wherethey  raid- 

1.  I  take  this  word  from  F.  M.,  A.  U.,  A.  L.  Ce.  Uasah[h]acart,  the 
reading  of  our  text,  is  the  same  as  archiprespiter. 

2.  According  to  F.  M.,  A.  L.  Ce,  Taichlech  was  killed  by  an  arrow 
while  trying  to  quell  a  disturbance  in  the  camp  of  Fedelmid  O  Conchubair, 
king  of  Connacht. 

3.  See  M.  ' gabhail  na  c.\ 

4.  Riddesford. 


The  Aimais  in  Coiton  MS.   Titus  A.  XXV.  381 

ed  O  Domnaill  '  on  account  of  the  banishment  of  Fedelmid  2. 
Thence  they  passed  to  the  shore  of  the  Great  Rock  of  Loch 
Ce,  into  which  Fedelmid  had  put  ma  n'y  of  his  chief  followers, 
to  hold  it.  On  this  occasion,  however,  the  foreigners  of  Ire- 
land,  on  pitching  their  camp,  granted  protection  and  sanctuary 
and  safeguard  to  Clarus  Mac  Mailin,  archdeacon  of  Elphin,and 
to  Trinity  Island  with  its  canons  on  Loch  Ce.  Moreover  the 
Justiciary  and  the  principal  foreigners  of  Ireland  went  to  see 
the  place  and  to  pray  therein  and  do  it  révérence,  so  that  no 
man  might  venture  to  dishonour  it.  However,  a  fleet  arrived 
at  Loch  Ce,  bringingengines  (?)  5  and  mangonels,  and  a  man- 
gonel  was  mounted  on  a  small  platform  4  aud  many  stones 
were  cast  out  of  it  into  the  fortress.  But  since  it  could  not  be 
reduced  bythis  means,  the  foreigners  made  great  rams(?  rafts) 
outof  the  houses  of  Ard  Carna,  and  brought  ail  the  fuel  (?)  5 
of  the  countryside  and  setfire  to  it.  And  they  tied  empty  bar- 
rels  round  those  rams  to  keep  them  afloat,  and  sent  one  of 
their  ships,  a  large  one  roofed  with  planking,  to  tow  the  rams 
to  the  fortress  and  so  set  it  afire.  But  the  people  inside  were 
seized  with  fear,  and  they  came  out  on  parole  and  upon  con- 
ditions; and  the  Justiciary  put  a  garrison  of  foreigners  into 
it.  And  when  they  had  been  in  it  twenty  nights  complète, 
from  Thursday  to  Thursday,  they  went  away  on  the  Satur- 
day.  Peace  was  made  with  Fedelmid,  and  Cormac  Mac  Diar- 
mata  came  with  him  [to  make  peace].  One  day,  however, 
when  the  constable  of  the  castle  went  outside  its  door,  one 
of  their  own  men,  namely  O  hOstin,  shut  [the  door  of ]  the 
place  behind  them.  The  foreigners  fled  for  sanctuary  to  Tri- 
nity Island  and  were  conveyed  [safely]  thence.  Now  when 

1.  The  MS  bas  '  they  raided  with  O  Domnaill',  but  A.  L.  Ce,  F.  M. 
hâve  'against  for  'with',  as  the  sensé  requires. 

2.  i.  e.  on  account  of  his  having  harboured  Fedelmid  during  his  banish- 
ment :  see  F.  M.,  A.  L.  Ce. 

3.  A.  L.  Ce  has  gailhribh,  explained  as'  foreign  implements'. 

4.  O'  Grady  (Cat.)  suggests  tHe  altération  of  'buic'  to  'biuc'.  Meyer 
(Contribb.)  translates  '  crebanacV  by  'platform',  referring  to  O'  Grady's 
transcription  of  this  passage.  A.  L.  Ce  has  a  créjhaladh  bheg. 

5.  The  MS.  has  'kilns',  which  does  not  seem  good  sensé.  Mever  (op. 
:it.)  suggests  that  ' dthanna  '  stands  for  '  aUbinne'  =  '  firebrand '. 


382  A.  Martin  Freeman. 

Cormac  hadcaptured  theRockhedetermined  to  throwit  down 
and  break  it  in  pièces,  so  that  the  foreigners  should  not  take 
it  again.  .  . 

398.  Kalendae  of  January  on  a  Tuesday.  The  Justiciary 
made  an  appointment  with  Fedelmid  O  Conchubair  to  the 
west  of  Afeoran  '  and  came  there  to  meet  him  2  with  a  great 
army,  came  up  with  him  }  and  plundered  him  4.  The  Justi- 
ciary made  a  great  foray.  They  reached  the  Sligo  in  Cairbre 
where  they  came  up  with  Fedelmid  and  O  Domnailland  Mac 
Diarmata.  They  took  a  great  booty  of  the  cattle  and  people  who 
were  crossing  the  Sligo  to  corne  into  Connacht,  captured 
many  women,  and  carried  off  this  great  spoil  across  the  Cur- 
liew  Hills  into  Mag  Luire.  The  Justiciary  was  waiting  for 
them  in  Druim  nGregrâige  until  they  arrived.  Fedelmid  came 
into  Connacht  out  of  the  North,  with  an  army,  and  reaching  * 
the  country  of  the  Ui  Maine  he  raided  their  fortress.  Conchu- 
bar  Buide  [O  Conchubairj  was  killed  as  he  followed  after  the 
prey. 

Mac  Craith  Mac  Maelin,  sacerdosof  Cell  Meic  Trena,  mor- 
tuusest.  Aed  O  Gibellâin,  sacerdos  of  Cell  Rotâin  and  finally 
a  canon  ofTrinity  Island,  mortuusest,  at  Christmas  and  was 
waked  in  the  choir  that  night  until  the  next  day's  Mass,  and 
buried  honourably  on  that  day  b. 

399.  Kalendae  of  January  on  a  Thursday.  Fedelmid  O  Con- 
chubair came  into  Connacht  with  Cûchonnacht  O  Ragallaig 
and  Cathal  Mac  Ragnaill  and  O  Brûin  7  and  the  Conmaicne. 
They  crossed  the  Curliew  Hills  northwards  in  pursuit  of  the 
sons  of  Ruadri,  engaged  and  routed  them.  They  made  great 
forays  against  Conchubar  son  of  Cormac  [Mac  Diarmata]  in 
Tir  Ailella;  and  after  that  they  put  a  fleet  on  Loch  Ce  and 
drove  out  Cormac  Mac  Diarmata,  king  of  Mag  Luire,  ravaged 


1.  F.  M.,  A.  L.  Ce  hâve  '  Àth  Feorainne'. 

2.  ?  '  i  gcenn  '  =  *  i  geionn  '. 

3.  }'roth'  for  'rocht'  :  cp.  'luth'  for  'lucht'  above. 

4.  ?  innrad. 

5.  ?  '  seth  '  for  '  siacht  '. 

6.  Or  possibly  on  the  third  day.  The  text  is  ambiguous. 

7.  F.  M.,  A.  L.  Ce  hâve  '  and  the  Ui  Brûin  '. 


The  Annals  in  Cotton  MS.   Titus  A.  XXV.  383 

Mac  Luire  and  left  the  kingship  of  the  land  and  the  lake  in 
the  hands  of  Donnchad  son  of  Murchertach  [Luathshûilech 
Mac  Diarmata.j 

Donâit  O  Fidubrâ,  coarb  of  Patrick,  died  in  England.  Mael- 
muire  O  Lachtnain,  archbishop  ofTuaim,held  his  first  synod 
at  Athlone,  after  his  pallium  had  corne  for  him  from  Rome. 
Murchertach  son  of  Ruadri  [O  Conchubair]  waskilled  by  the 
sons  of  Magnus  son  of  Murchertach  [Muimnech  O  Conchu- 
bair]. Thomas  O  Ruadain,  bishop  of  Achad  Conaire,  in  Christo 
quievit.  Gilla  Isu  son  of  In  Scélaige  (The  Narrator),  bishop 
of  Conmaicne,  died.  The  building  of  a  monastery  of  canons 
was  begun  '  by  Clarus  Mac  Mailin,  archdeacon  ofElphin,  on 
Trinity  Island  in  Loch  Uachtair,  by  means  of  the  contribu- 
tion *  of  Cathal  O  Ragallaig. 

400.  Kalendae  of  January  on  a  Friday.  Cathal  Mac  Riabaig, 
chieftain  of  the  Fir  Scène,  mortuus  est. 


401.  Kalendae  of  January  on  a  Sunday... 

402.  Kalendae  of  January  on  a  Monday.  The  foreigners  of 
Ireland  made  a  great  —  (?)  this  year  at  Ath  na  Riaig  (?). 
Lucia  daughter  of  Mac  Gilli  Duib  O  Conaing,  monialis  of  the 
community  if  Ard  Carna,. . .  quievit... 

403.  Kalendae  of  January  on  a  Wednesday.  David  son  of 
Cellach  [O  Gillipâtraic],  episcopus  Casilensis,  quievit...  The 
daughter  of  the  Earl  [ofUlster]  mortua.  The  bishop  ofElphin, 
Tomaltach  O  Conchubair,  built  a  palace  at  Cell  tSésin. 
Mccliii. 

404.  Kalendae  of  January  on  a  Thursday.  Pax  tota  Hiber- 
nia. 

405.  Kalendae  of  January  on  a  Friday,  and  a  good  year. 
In  this  year  came  Florence  Mac  Floinn,  archbishop  of  Tuaim,... 

406.  Kalendae  of  January  on  a  Saturday...  The  Muinter 
Ragallaig  slaughtered  by  Aed  son  of  Fedelmid  O  Conchu- 
bair... 

1 .  ?  tinsc(a)nad  =  tindscelal  leg. 

2.  A.  L.  Ce  has  '  gift'  ;  F.  M.  has  '  permission  ' . 

3 .  The  leaves  containing  the  record  ot  the  remainder  of  this  year  and 
the  whole  of  the  following  twelve  years  are  missing  from  the  MS. 


384  A.  Martin  Freeman. 

407.  Muiris  Mac  Gerailt  quievit...  Goffraid  O  Domnaill 
plundered...  by  the  foreigners  and  was  wounded...  Conchu- 
bar  son  of  Tigernân  [O  Ruairc]  was  killed  by  the  Muinter 
Ragallaig. 

(A  suivre.)  A.  Martin  Freeman. 


UN  NOUVEAU 

«    DÉBAT    DU     CORPS     ET     DE    L'AME    » 

EN  GALLOIS 


Dans  le  Bulletin  of  the  Board  of  Celtic  Studies,  t.  II,  p.  127 
et  ss.,M.  Ifor  Williams  a  publié  le  texte  gallois  d'une  version 
inédite  du  «  Débat  du  corps  et  de  l'âme  »,  d'après  le  manuscrit 
de  Llanstephan  n°  27,  f°  164.  On  sait  combien  ce  sujet  a  été 
répandu  au  moyen  âge  ;  il  en  existe  des  versions  dans  la  plu- 
part des  langues  de  l'Europe  ',  notamment  en  français2  et  en 
irlandais  K  Certaines  de  ces  versions  paraissent  remonter  à  un 
poème  latin  du  xne  siècle,  la  Visio  Fulberti,  lequel  n'est  qu'une 
amplification  d'un  texte  latin  en  prose,  sensiblement  antérieur  4. 
Il  y  a  d'ailleurs  entre  les  diverses  versions  de  notables  diffé- 
rences, dans  le  fond  comme  dans  la  forme  du  dialogue.  Les 
sources  en  peuvent  être  cherchées  fort  haut  dans  l'antiquité 
classique  >,  et  jusqu'en  Orient6.  Il  s'agit  d'un  thème  très  ancien, 

1.  Voir  surtout  Batiouchkof,  Romania,  t.  XX,  pp.  1  et  534.  Cf.  Kleinert, 
Ueber  den  Streit  \iuischen  Leib  und  Seele,  Halle,  1880  (compte  rendu  dans 
la  Romania,  IX,  31)  et  G.  Paris,  Littérature  française  au  moyen  dge (1SS8), 
pp.  158,  227,  263,  272. 

2.  Voir  pour  les  versions  en  français  :  Romania,  XIII,  519  et  Z.f.  rotn. 
Ph.,  IV,  75  et  365  ;  en  provençal  :  R.  des  langues  romanes,  XLVIII  (1905), 
p.  30  et  141,  Annales  du  Midi,  XXIV  (1912),  p.  204,  et  consulter  Blanche 
Sertorius,  le  Débat  provençal  du  corps  et  de  Vdme,  Thèse  de  Fribourg  (Suisse), 
1916. 

3.  Voir  Gaidoz,  R.  Ceît.,  X,46$  et  Dottin,  ibid.,  XXIII,  8  ;  Abbott  and 
Gwynn,  Calai,  of  Irish  mss.  in  Trinity  Collège,  p.  403  ;  R.  Flower,  Catal. 
of  the  Irish  Mss.  of  the  Brit.  Mus.,  II,  28,  37  et  183.  Cf.  R.  Celt.,  XI, 
392,  399  et  425  ;  Z.  /.  Celt.  Phtl,  I,  495. 

4.  Gaidoz,  R.C.,  X,  465. 

5.  Voir  Gaidoz,  Mélusine,  V,   1890-1891,001.    107-109. 

6.  Voir  Dudley,  The  Egyptian  éléments  in  the  legend  of  the  Body  and 
Soûl.  Bryn  Mawr  Monographs,  191 1. 

25* 


38e  /.   Vendryes. 

qui  a  été  traité  assez  librement  par  les  écrivains  qui  s'en  sont 
emparés  dans  les  divers  pays.  Mais  ce  n'est  pas  le  lieu  d'aborder 
l'étude  de  la  diffusion  de  ce  thème,  ni  même  d'examiner  la. 
place  qu'occupe  le  fragment  gallois  édité  par  M.  Ifor  Williams 
dans  l'ensemble  des  versions  que  l'on  en  connaît.  Par  lui- 
même  et  en  raison  de  l'intérêt  qu'il  présente  pour  la  philologie 
galloise,  ce  morceau  mérite  de  retenir  l'attention. 

Ce  n'est  pas  le  premier  texte  gallois  qui  roule  sur  le  débat 
du  corps  et  de  l'âme.  Le  Black  Book  of  Carmarthen  contient 
deux  morceaux  consacrés  à  ce  sujet  :  ce  sont  les  poèmes  numé- 
rotés 6  et  7  par  Skene  (F .  A .  B . ,  t.  II,  p.  8  et  9,  =  p.  23  et 
24  éd.  Evans),  dont  l'un  est  un  discours  du  corps  et  l'autre 
une  réponse  de  l'âme. 

Depuis,  M.  Henry  Lewis  a  publié  dans  le  Bulletin  of  the 
Board  of  Celtic  Studies,  t.  III,  p.  119,  un  nouveau  poème  inédit 
qu'il  considère  comme  se  rattachant  au  même  thème.  Il  ne 
s'y  rattache  en  tout  cas  que  d'assez  loin.  D'abord,  ce  n'est  pas 
un  dialogue.  Pour  le  fond,  c'est  plutôt  une  admonestation 
adressée  à  l'homme  pour  l'engager  à  méditer  sur  le  soft  qui 
l'attend  après  la  mort  '. 

Le  poème  contenu  dans  le  manuscrit  de  Llanstephan  est  au 
contraire  un  dialogue,  où  même  le  corps  et  l'âme  échangent 
des  répliques  sur  un  ton  fort  animé.  Il  est  probablement  ina- 
chevé, car  il  s'arrête  brusquement,  sans  conclusion.  En  outre, 
le  Dialogue  proprement  dit  y  est  précédé  de  trois  strophes,  qui 
peuvent  être  considérées  comme  lui  servant  d'introduction, 
mais  qui  y  ont  été  vraisemblablement  rattachées  après  coup: 
Les  trois  strophes  d'introduction  sont  des  triplets  ;  le  dialogue 
lui-même  se  compose  de  quatrains.  C'est  déjà  une  présomp- 


1.  Dans  son  article  du  B.  B.C.  S.,  t.  II,  p.  127,  M.  Ifor  Williams  signale 
une  autre  version  du  même  débat  qu'il  aurait  étudiée  dans  le  Cymtnroder 
de  191 3.  Nous  n'avons  pas  pu  prendre  connaissance  de  ce  travail.  — Le 
Débat  du  Corps  et  de  l'Ame  est  resté  un  sujet  favori  des  poètes  gallois. 
M.  W.  J.  Gruffydd  a  signalé  un  «  interlude  »  du  XVIe  s.  où  le  corps  et 
l'âme  se  querellent  en  présence  de  saint  Michel  et  du  démon  ;  il  en  a  donné 
quelques  fragments,  d'après  le  ms.  Philipps  17 17 1  de  la  Bibliothèque  de 
Cardiff  (Llenyddicieth  Cymru  o  1450  hyd  1600,  Liverpool,    1922,  p.  69-70). 


«  Débat  du  corps  et  de  F  âme  ».  .387 

tion  qu'il  s'agit  de  deux  morceaux  différents.  Mais  une  preuve 
plus  convaincante  peut  être  fournie  à  l'appui  de  cette  hypothèse. 
Le  premier  quatrain  du  dialogue  est  prononcé  par  l'âme.  Le 
second  est  également  adressé  par  l'âme  au  corps,  tandis  que 
l'échange  régulier  des  deux  interlocuteurs  se  poursuit  ensuite 
de  quatrain  en  quatrain  jusqu'à  la  fin  du  poème.  Il  manque 
visiblement  un  quatrain  entre  le  premier  et  le  second.  Or,  ce 
quatrain  manquant  est  conservé  ailleurs.  Dans  un  blanc  du 
Black  Book  of  Carmarthen,  au  bas  de  la  page  79  (éd.  Evans; 
t.  II,  p. -41  Sk.)  ont  été  transcrits  par  une  main  plus  récente 
deux  quatrains,  dont  le  premier  est  celui  par  lequel  débute 
notre  poème;  le  second  par  une  heureuse  chance  est  celui  qui 
a  été  sauté  dans  le  manuscrit  de  Llanstephan.  On  sait  que  la 
page  80  du  Black  Book,  qui  terminait  un  cahier,  sans  doute 
à  l'origine  indépendant,  est  aujourd'hui  à  peu  près  complète- 
ment illisible.  Il  est  tentant  de  supposer  que  le  dialogue  se 
continuait  sur  la  page  80.  Mais  il  faut  laisser  à  des  paléographes 
compétents  de  se  prononcer  sur  ce  point.  Un  examen  rapide 
de  la  page  80  du  fac-similé  donne  plutôt  l'impression  qu'elle 
contenait  un  poème  différent.  La  main  récente  n'aurait  donc 
utilisé  que  le  blanc  laissé  au  bas  de  la  page  79,  et  pour  y 
inscrire  seulement  les  deux  premiers  quatrains  du  dialogue. 
Cette  copie  est  d'ailleurs  des  plus  fautives,  et  il  est  heureux 
que,  pour  le  premier  quatrain  du  moins,  nous  puissions  la 
corriger  au  moyen  du  manuscrit  de  Llanstephan.  On  ne  peut 
pas  dire  que  le  copiste  du  manuscrit  de  Llanstephan  ait  uti- 
lisé le  Black  Book,  mais  plutôt  qu'il  s'est  adressé  à  la  source 
où  la  main  récente  du  Black  Book  a  également  puisé.  Ce 
n'est  d'ailleurs  pas  le  seul  cas  où  l'on  relève  des  similitudes 
entre  les  deux  manuscrits.  A  la  page  84,  1.  2,  du  Black  Book 
(éd.  Evans)  se  trouve  un  poème  qui  commence  par  Mi  ae 
gowinnei s.  Skene  (t.  II,  p.  44)  l'a  maladroitement  confondu  avec 
le  poème  précédent,  Kyntaiv  geir  a  dywedaw;  les  deux  n'ont 
aucun  rapport.  Or  quatre  strophes  du  poème  Mi  ae  gouuinneis 
se  rencontrent  dans  le  ms.  de  Llanstephan  n°  27,  p.  163  b 
(Ifor  Williams,  B.B.C.S .,  II,  J20).  Ce  poème  dut  avoir  au 
moyen  âge  une  certaine  vogue  :  cinq  strophes  s'en  retrouvent 
à  la  fin  d'un  «  Dialogue  d'Arthur  et  de  l'Aigle  »  dont  on  a 


388  /.   Vendryes. 

plusieurs  manuscrits  (Ifor  Williams,  ibid.,p.  276  et  ss., surtout 
p.  282). 

Au  point  de  vue  du  mètre,  il  convient  de  remarquer  que  le 
triplet  est  dans  la  versification  galloise  un  vieux  genre,  déjà 
démodé  au  xne  siècle  (J.  Loth,  Mètr.  gall.,  Il,  178  etss.).Les 
trois  triplets  qui  forment  ici  l'introduction  du  dialogue  sont 
d'un  type  régulier. 

Toutefois  dans  le  troisième,  le  premier  vers  ne  rime  pas 
avec  les  deux  autres,  mais  avec  la  coupe  du  second;  en  outre, 
il  comprend  neuf  syllabes,  tandis  que  le  second  vers  n'en  a 
que  six.  C'est  un  type  également  bien  connu  (J.  Loth,  ibid., 
192)  '.  Au  dernier  vers,  il  faut  compter  dans  le  premier  triplet 
le  y  de  y  ogawr,  mais  le  supprimer  dans  les  deux  autres  (à 
condition  de   lire  lliaws  en  deux   syllabes  dans  le  troisième). 

Les  quatrains  dont  se  compose  le  dialogue  sont  en  principe 
du  genre  «  englyn  unodl  unsain  «,  dont  le  modèle  est  fourni 
par  le  Marwnad  de  Madawc  ab  M;iredudd  (par  Cynddelw, 
M.  A.,  154b)  ;  v.  J.  Loth,  op.  àt.3  I,  p.  72,  II  p.  i98etss. 
Les  trois  derniers  quatrains  présentent  une  disposition  un  peu 
particulière.  Le  septième  est  du  genre  «  englyn  unodl  cyrch  » 
(Loth,  I,  p.  76;  II,  p.  230),  dont  il  y  a  des  exemples  dans  le 
Black  Book  (p.  31.14,  34-19  Sk.  =  66.8,  69. 6 Ev.). L'avant- 
dernier  comprend  quatre  vers  égaux  qui  riment.  Enfin,  le 
dernier  est  formé  de  la  réunion  de  deux  pelydr  d'englyn  unodl 
unsain  ;  la  rime  finale  est  la  même  dans  les  deux.  En  outre, 
chaque  paladr  a  naturellement  une  rime  intérieure.  Chacun 
des  quatrains  présente  en  outre  un  certain  nombre  de  parti- 


1.  Les  triplets  suivants  (R.B.    poetr.  II,  253 .  19  et  256.6  Sk.)  peuvent 
servir  d'exemples  : 

Gorwyn  blaen  grue  ;  gnaivt  seithuc  ar  Iwfyr  ; 
bvdyr  vyd  diufyr  ar  dal  glan  ; 
gnawt   gau  gywir  eir  kyvan. 

yn  aber  Cuawc  cogeu  a  ganant  ; 
ys  atvant  gan  vym  bryt  ; 
ae  kigleu  nas  clyiv  hefyt. 


«  Débat  du  corps  et  de  Vàme  »  389 

cularités  prosodiques  (contraction,  élision,  syncope)  d'un  type 
connu  ;  v.  J.  Loth,  op.  cit.,  I,  p.  247-266. 

Le  texte  de  VYmdidan  y  Corf  ar  Eneit  est  donné  ci-dessous 
d'après  le  manuscrit  de  Llanstephan.  Le  quatrain  emprunté 
au  Black  Book  a  été  inséré  à  la  place  qui  lui  revient,  entre 
crochets.  Pour  le  premier  quatrain,  le  texte  du  Black  Book  a 
été  donné  en  note. 


YMDIDAN    Y     CORF     A'R     ENEIT 

1 .  Deu  gedymdeith  deu  diwyt 
deu  lwgwr  deu  rywe.yt 
deu  vwynuawr  y  ogawr  byt. 

2.  Deu  gedymdeith  deu  vuner 
eu  da  ac  eu  drwc  goleither 
deu  vwynuawr  y  ogawr  llawer. 

3  .     Claer  ac  anglaer  deu  annwarwenwyn 
deu  derwyn  trwm  eu  gnaws 
deu  vwynuawr  y  ogawr  lliaws. 

1 .  Tra  vom  gytgerdet  ogonet  gedymdeith, 
bit  byrfteith  yn  gweithret  ; 

keisswn  yma  ymwaret 
trwy  ffyd  a  chrefyd  a  chret  r. 

2 .  [Kyd  credwit  douit  drvi  kereirhyt  fit, 
maur  penyd  meith  peunyt; 

eneid,  pan  im  kenerchyt, 
pa  divet  ae  bet  ambit  ?] 

1 .  Le  texte  de  ce  quatrain  est  des  plus  corrompus,  tel  que  le  donne  le 
Black  Book  : 

tra  vont  kyd  keredd  gonet  kydimyteith 
bid  pyrfeyth  in  gueithred 
keyssun  yvnuared 
drvi  fit  a  crevit  a  cred. 
Revue  Celtique,   XL1U.  2* 


390  /.    Vendryes. 

3  .      Na  vit  ryued  gennyt  kynn  elych  y  ved  ; 
car  benyt  a  chrefyd, 
ti  a  gychwynny  y  uynyd 
elchwyl  y'th  delw  ar  elwyd 

4.     Gwedy  drewo  vyng  knawt  ac  yn  ulawt  vy  esgyrn, 
att  esgus  dy  wenwlawt  ; 
ny  chredaf  a  dywedyfd] 
onym  byd  ffyd  y  drindawt. 

5  .      Mi  ae  gweleis  mywn  goleu  lythyr 
a  mynnyr  mawr  eireu, 
mae  ymed  gwedy  gwed  angeu 
vyd  dy  diein  a'th  dieu. 

6 .  Canys  dieu  ym  ved  a  divroed  mawr 
a  digawn  o  dycned, 

meuyl  ym  or  colla[f  J  vyn  gwed 
a'm  edweryt  a'm  enryded. 

7 .  A  gorff,  bychan  pechadur, 
wyt  gwenwyn  hygawd  hygur  ; 
nym  oed,  pan  deuthum  yth  odeu, 
eisseu  dim  da  heb  lafur. 

8 .  Am  oed  ym  dan  a  gweryt 
a  dwfyr  a  daear  y  gyt  ; 

a  minneu,  pei  na  bydut, 

nyt  oed  reit  ym,  eneit,  wrthyt. 

9.  Pan  deuthum  yth  gyt,  gorff  ehut  anwadal, 
pa  aryal  a  allut  ? 

Nythraethut  a'thdauawt,  ny  chlywyt  a'thglusteu, 
dim  fîrwytheu  nys  gallut. 


«  Débat  du  corps  et  de  F  âme  »  391 

TRADUCTION 
DIALOGUE  DU    CORPS  ET    DE   L'AME 

1 .  —  Deux  compagnons,  deux  assidus, 

deux  très  corrompus,  deux  très  protecteurs  (?), 
deux  bienfaisants  pour  la  subsistance  du  monde. 

2.  —  Deux  compagnons,  deux  chefs 

dont  on  supporte  le  bien  comme  le  mal, 

deux  bienfaisants  pour  la  subsistance  de  beaucoup. 

3 .  —  Brillant  et  obscur,  deux  hargneux  (?)  sans  douceur, 

deux  impétueux  à  la  nature  lourde, 

deux  bienfaisants  pour  la  subsistance  de  la  multitude. 

1.  —  L'Ame.  Tant  que  nous  marcherons  ensemble,  hono- 
rables compagnons, 

que  soit  parfaite  notre  conduite  ; 
cherchons  ici  à  nous  sauver 
parla  foi,  la  croyance,  la  religion. 

2.  —  Le  Corps.  Bien  que  Dieu  accorde  la  croyance  par 
l'affection  de  la  foi, 

(il  faut)  grande  pénitence  longue  chaque  jour; 
âme,  puisque  tu  t'adresses  à  moi, 
quelle  fin  aurai-je  ?  est-ce  la  tombe  ? 

3.  —  Ne  sois  pas  troublé,  jusqu'à  ce  que  tu   ailles  à  la 
tombe  ; 

aime  la  pénitence  et  la  foi, 

tu  reviendras  en  haut 

une  seconde  fois  vers  ta  forme  sur  terre. 

4.  —  Après  que  ma  peau  pourrira  et  mes  os  seront  en 
poudre, 

abandonne  le  prétexte  de  ta  pure  essence  ; 
je  ne  croirai  pas  ce  que  tu  dis, 
si  je  n'ai  pas  la  foi  de  la  Trinité. 

5 .  —  J'ai  vu  en  lettres  lumineuses  les  grandes  paroles  que 
tu  désires, 

(à  savoir)  que  dans  la  tombe,  après  la  forme  de  la 

[mort, 
tu  auras  une  renaissance  et  des  jours. 


392  y.   Vendryes. 

6.  —  Puisque  j'aurai  certainement  la  tombe  et  un  grand 
exil 

et  assez  de  misère, 

j'ai  honte  de  perdre  ma  forme, 

et  ma  restauration  (?)  et  mon  honneur. 
7  .    —  O  corps,  petit  pécheur, 

tu  es  hargneux,  irritabie,  soucieux  ; 

je  n'avais,  quand  je  suis  venu  vers  toi, 

besoin  d'aucun  bien,  sans  effort. 

8.  —  J'avais  à  moi  feu,  argile 

et  eau,  et  terre  ensemble  ; 

et  moi-même,  si  tu  n'avais  pas  été, 

je  n'avais,  âme,  aucun  besoin  de  toi. 

9.  —  Quand  je  suis  venue  à  toi,  corps  irréfléchi,  incon- 
stant, 

de  quelle  vigueur  étais-tu  capable  ? 
Tu  ne  parlais  pas  avec  ta  langue,  ni  n'entendais  avec 

[tes  oreilles  ; 
tu  ne  pouvais  produire  aucun  fruit. 

NOTES    CRITIQUES 

Triplets,  1,  v.  2.  Il  faut  sans  doute  lire  rylwg(wjr,  comme 
le  propose  M.  Ifor  Williams,  pour  avoir  les  sept  syllabes  du 
vers.  Le  second  w  de  Iwgwr  est  une  voyelle  irrationnelle.  Pour 
le  sens  de  llwgr,  cf.  llygru  qui  signifie  proprement  «  gâcher, 
gaspiller,  ruiner  »  (Mab.,  R.B.  37.  30,  100.19,  etc.)  et  le 
composé  dilwgyr  «  intact,  non  corrompu  »  (ib.,  40.  18).  On 
trouve  Iwgr,  Iwgyr  dans  la  Myf.  Arch.  (p.  240  b,  v.  29  du 
Dadolwch  i  Lywelyn  et  p.  265  a  13)  et  aussi  dans  les  Lois 
au  sens  de  «  dommage  »  (Wade  Evans,  Wehh  Med.  Law, 
p.  378).  M.  J.  Loth  me  signale  un  passage  intéressant  de  Iolo 
Goch  (éd.  H.  Lewis-Ifor  Williams,  p.  s  5,  v.  18),  où  le  poète 
dit  d'un  cheval  :  ni  Iwgr  ar  ddwr  «  l'eau  ne  lui  fait  pas  de 
mal,  il  résiste  à  l'eau  ».  —  Le  mot  ryweryd  est  embarrassant. 
Le  sens  est  sans  doute  opposé  à  celui  de  rylwgr.  Ce  pourrait  être 
un  verbe  :  gweryd,  3e  pers.  sg.  ind.  prés,  de  giuaredu,  précédé 
de  la  particule  ry-  (cf.  Wade  Evans,  op.  cit.,  p.  5.3  et  7.9). 


«  Début  du  corps  et  de  l'unie  »  393 

Mais  d'après  M.  J.  Loth,  gweryd  existerait  aussi  comme  sub- 
stantifavec  un  sens  approchant  de  celui  de  gwared;  cf.  M.  A.  195 
a  49,  merch  brenhin  dwyrein  doeth  i  Vrewi,  a  phryd  a  gweryd  y 
gyd a  hi  (poème  en  l'honneur  de  saint  David)  et  265  b,  çwr 
coeth  gweryt  doeth  dethol  (Marwnad  Blegywryt,  v.  20).  Voir 
encore  M.  A.  259  b  6  et  surtout  316  a  dern.  1.  (poème  à  la 
Vierge)  :  llewenyd  pob  tir,  gwir  y  gweryt. 

v.  3.  Pour  gogaïur,  aux  références  données  par  M.  Ifor 
Williams,  M.  J.  Loth  ajoute  :  B.  B.  (48.10  Sk.  =  90.6 
Ev.),  guenin  i  gogawr,  où  igogawr  est  remplacé  plus  loin  par 
igado,  igkeithiw  ;  M .  A.  215  b  4  du  bas  ;  Iolo  Gocb,  éd.  Lewis- 
Williams,  p.  135,  v.  63  :  bu  im  ogor  «  j'avais  des  ressources  ». 

2.  v.  1-2.  Il  y  a  un  mot  mimer  substantif  signifiant  «  chef, 
prince,  seigneur  »  (Ifor  Williams.  B. B.C. S. ,11,  106).  On  le 
trouve  accompagné  de  l'épithète  mwynfawr,  par  ex.  M.  A. 
153  b  17,  163  a  6.  Mais  mimer  peut  aussi  être  un  verbe  ;  cf. 
M.  A.  147  a  24  nys  mimer  na  fer  na  fynedig  (=  R.  Celt.,  XL, 
264,  v.  84).  Et  le  parallélisme  du  verbe  goleither  engagerait  à 
prendre  aussi  mimer  comme  un  verbe.  L'expression  muner  eu 
da  s'opposerait  alors  à  eu  drwc  goleither.  Et  le  sens  serait  : 
c  deux  dont  on  désire  le  bien,  deux  dont  on  supporte  le  mal  » 
ou  quelque  chose  d'approchant.  Mais  il  est  sans  doute  préfé- 
rable de  réunir  eu  da  ac  eu  drwc  comme  sujet  de  goleither.  Ce 
dernier  mot,  fréquemment  attesté  dans  les  vieux  poèmes 
comme  verbe  et  comme  substantif  (B.B.C.,  48.15,  5^-3° 
Sk.  =  90.9,  105 .2  Ev.  ;  B.Tal.  113 .  19  Sk.  ;  L.  R.  poetr., 
298. 18,  306.8  Sk.  ;  M.  A.  160  a  32,  176  a  15,  179  b  31, 
192  a  30,  33 1  b  13  d.  b.,  etc.)  a  des  sens  variés  :  «  soumettre  », 
«  flatter  »  et  «  détruire  ».  Le  sens  de  «  supporter  »  semble 
établi  par  L.  R.  306.8  :  areilh gwell  goleith  no gofit  «  c'est  un 
dicton  que  mieux  vaut  supporter  que  se  faire  du  tourment  ». 
—  M.  J.  Loth  me  signale  qu'il  y  a  un  mot  muner  qui  paraît 
signifier  «  présent  »,  pi.  munerawd  (M.  A.  muneiawd  manu 
ni  mwynyant  «  présents  de  mort  n'est  pas  une  jouissance  »)  et 
composé  difuner  (M.  A.  215  b  10  du  bas). 

3.  Pour  gwenwyn,  d.  R.B.  Sk.  II,  247,  2  -.'bit  wenwyn gwrach 
«  que  la  sorcière  soit  hargneuse  ».  Le  mot  anwar  est  le  con- 
traire de  givar  «  doux  ->.  Toutefois,  wenwyn  pourrait  ici  repré- 


394  ]■  Vendryes. 

senter  venwyn  (cf.  plus  loin  elwyd  pour  elvycT),  d'après  une 
orthographe  ancienne  en  gallois  ;  il  s'agirait  alors  d'un  mot 
menivytt,  dont  M.  Loth  me  fournit,  entre  autres  exemples,  cas 
venwyn  (M.  A.  165  b  14),  gwrluar vann  vawr  venwyn  (ib.  165 
b  25).  Il  existe  d'ailleurs  deux  mots  gwenwyn,  entièrement  dif- 
férents d'origine,  l'un  à  sens  défavorable  (empr.  latin  tienenuni), 
l'autre  à  sens  favorable,  qui  apparaît  notamment  dans  le  nom 
d'un  roi  de  Powys,  Gwenwynwyn,  et  dans  gwenwynder  (M.  A. 
167  a  32). 

Quatrains.  1.  Au  vers  1,  ogonet  doit  dépendre  de  gedymdeith, 
et  comme  il  s'agit  d'une  appellation,  la  mutation  de  l'initiale 
est  dans  les  deux  mots  justifiée.  D'ailleurs  le  mot  gogoned  est 
à  la  fois  substantif  et  adjectif;  ex.:  B.Tal.  178.21,  rangogo- 
net  «  part  de  gloire  »  et  R.  B.  22e.  10,  yn  ogonet  «  glorieuse- 
ment, solennellement  »,  ibid.  300.2  et  3,  rann  gan  ogonet 
«  part  avec  gloire  »  et  gogonet  an  rann  «  glorieuse  notre  part  » . 
Le  Black  Book  fournit  à  la  fois  gogoned  (12.29,  38.  33  Sk.  = 
36.9,  73  .  10  Ev.)  et  gogonedauc  (12. 8,  12 .  30  Sk.  =  35  . 1, 
36. 10  Ev.). 

2.  Le  premier  vers  est  manifestement  corrompu,  et  les  formes 
credwit  et  kereirhyt  sont  d'une  interprétation  douteuse.  Pour  la 
seconde,  la  correction  en  herenhyt  est  vraisemblable  (cf.  kerenhyt 
«  affection,  charité  »,  notamment  B.B.  C.  47.78k.  =88.15 
Ev.  et  B.  Tal.  114.20,  117.33);  maison  pourrait  songer  à 
creir-hyt  de  creir  «  reliques  »  ? 

Pour  la  première,  M.  J.  Loth  propose  un  dérivé  vieux  cel- 
tique en  *-yos  (gall.  -ydd)  du  mot  qui  est  en  irlandais  cretem 
«  foi  »  ;  credwydd  signifierait  «  croyant  »  ;  pour  des  idées  ana- 
logues, cf.  M.  A.  179  a  4.  Le  sens  serait  alors  :  «  Bien  que 
croyants  en  Dieu,  (unis)  par  l'affection  de  la  foi  »  (?). 

v.  4.  Comprendre  comme  s'il  y  avait  :  pa  divet  ambii  ?  ae 
bet  ?  c'est-à-dire  que  les  mots  ae  bel  ont  été  introduits  dans 
l'interrogation. 

3.  v.  4.  Noter  elwyd,  orthographe  ancienne  pour  elfyd;  cf. 
ci-dessus  wenwyn  et  ci-dessous  gwenwlawt. 

4.  v.  1.  Mot  à  mot,  que  mes  os  seront  en  tarine. 

v.  2.  att  vient  du  verbe  adaw,  souvent  confondu  avec  gadn 
(cf.  J.  Loth,  R.  Celt.,  XXXVII,  45).  —  gwenwlawt  s'analyse 


«  Débat  du  corps  et  de  l'âme  »  395 

sans  peine  en  given-  fém.  de  gwyn  «  blanc,  bienheureux  »  et 
blawd  «  fleur  ».  Le  mot  blawd  est  masculin  ;  mais  le  composé 
a  pu  prendre  le  genre  féminin,  parce  qu'il  s'applique  à  l'âme, 
à  qui  le  corps  s'adresse  comme  à  une  femme  (M.  J.  Loth, 
qui  me  signale  le  fait,  me  renvoie  pour  cela  à  J.  Morris  Jones, 
tVelsh  Grammar,  p.  223).  Le  mot  blawd  «  fleur  »  (à  bien 
distinguer  étymologiquement  de  blawd  «  farine  »)peut  s'em- 
ployer au  figuré  pour  désigner  l'essence,  la  partie  la  meilleure 
d'une  chose.  On  peut  songer  aussi  aux  légendes  celtiques  sur 
les  êtres  nés  de  fleurs  ou  formés  avec  des  fleurs.  Cf.  l'épisode 
du  Mabinogi  de  Math,  où  Gwydyon  et  Math  font  naître  une 
femme  en  lui  composant  un  corps  avec  des  fleurs  (J.  Loth, 
Mab.,  2e  éd.,  I,  199  et  ss.,  208,  n.  2).  Cet  épisode  est  rappelé 
dans  le  B.  of  Taliesin  (158. 15  Sk.  =  36.4  Ev.)  :  Gwydyon  ab 
Don.  .  .  a  hudwys  gwreic  0  vlodeu.  On  y  peut  joindre  le  pas- 
sage du  même  recueil,  où  le  poète  dit  qu'il  a  été  créé  0  vriallu 
à  blodeu  bre,  0  vlawl  gwyd  Godeu,  etc.  (B.  Tal.,  142.6  Sk.  = 
25 .24  Ev.).  Cf.  B.B.C.  p.  9.  2  Sk.  =  24.5  Ev.  \ 

5.  v.  1.  «  en  lettres  de  lumière  »  ou  «  à  la  lumière  des 
lettres  ».  Pour  mynnyr  au  v.  2,  M.  I.  Williams  propose  de 
lire  myuyr  au  sens  de  «  livre  ».  La  correction  serait  admissible, 
à  condition  que  dans  l'original  copié  par  le  scribe,  le  u  (=  /) 
fût  ici  écrit  uu,  comme  ci-dessus,  3.  Mais  on  peut  conserver 
mynnyr,  de  mynnu  «  désirer,  vouloir  ».  Les  formes  en  -yr  sont 
parfois  équivalentes  comme  sensà  la  2e  pers.  dusingulier.  Ainsi, 
rotwyr,  rymawyr  (Loth,  R.  Celt.,  XXIX,  45  et  XXXI,  481). 
Le  scribe  a  pu  avoir  sous  les  yeux  mynnir.  Cf.  ny  daw  pan  myn- 
nir  «  il  ne  vient  pas  quand  on  veut  »  (B.  Tal.  160. 14  Sk.). 
La  construction  serait  :  «  j'ai  vu  ce  que  tu  désires,  de  grandes 
paroles,  à  savoir.  .  .  ». 

v.  3.  La  leçon  diein  paraît  suspecte  à  M.  I.  Williams.  On 
peut  y  voir  le  mot  dien  «  première  pousse  »  (B.B.C.  12.18, 
47.  27  Sk.  =  35 .  12,  89. 12  Ev.)  ;  cf.  J.  Loth,  Arch.  f.  Celt. 
Lex.,  I,  503.  Silvan  Evans  cite  un  adjectif  dieinig,  qu'il  traduit 
par  «  plein  d'activité,  de  vigueur  ».  —  Le  pluriel  dieu  doit 
être  scandé  en  deux  syllabes,  comme  dans  le  Book  of  Taliesin 
(132. 16  Sk.)et  ailleurs  encore. 

6.  v.  1.  M.  I.    Williams  rappelle  que  divroed  (c'est-à-dire 


396  /.  Vendryes. 

di-jro-edd)  signifie  souvent  «  tristesse  ».  Mais  ici  le  sens  pre- 
mier, «  exil  »,  convient  assez  bien. 

v.  2.  Sur  dycned,  de  dygn  ou  dygyn,  voir  J.  Loth,  R.  Celt., 
XXXVI,  182. 

v.  4.  A  propos  d'edweryt,  il  faut  peut-être  rappeler,  non  seu- 
lement le  mot  cturyt,  eturct,  edvyryt  des  Lois  (Tim.  Lewis, 
Gloss.,  p.  137),  mais  aussi  eturyt  du  Mabinogi  de  Pwyll  (R. 
B.  22,  30  =  W.  B.  col.  34,  32). 

7.  v.  3.  Le  mot  goddeu  «  intention,  direction  »  a  pris  de 
bonne  heure  une  simpie  valeur  prépositionnelle  :  im  gotev  «  vers 
moi  »  (B.B.C.,  8.26  Sk.  =  23.7  Ev. );ytb  oteu  «  vers  toi  » 
(M.  A.  166  a  41,  231  a  11),  etc. 

8.  Le  corps  énumère  ici  quatre  des  éléments  dont  il  est  con- 
stitué. Cf.  dans  le  poème  adressé  par  Prydydd  y  Moch  à 
Llyvelyn  mab  Iorwerth,  v.  5  (M.  A.,  210  b):  Crist  mab 
Meir  ampeir  dm  pedicar  defnyt. 

Dans  le  fragment  du  Black  Book  (poème  VI,  p.  8  Sk . 
'=  23  Ev.),  le  corps  parle  de  sept  éléments,  parmi  lesquels  le 
vent,  le  nuage,  les  fleurs.  L'énumération  des  éléments  du  corps 
varie  suivant  les  textes  (v.  notamment  R.  Celt.,  t.  I,  p.  261 
et  502  et  t.  VI,  p.  xj)  ;  ils  sont  généralement  supérieurs  à 
quatre.  On  peut  s'étonner  qu'ici  la  terre  figure  deux  fois,  sous 
les  noms  de  gweryd  et  de  daear,  et  que  l'air  ne  soit  pas  men- 
tionné. 

9.  v.  1.  Le  mot  cyd  veut  dire  «  réunion,  contact  »  et  même 
«  coït  »  (B.B.  C.  1 1 .  s  Sk.  =  39.10  Ev.).  Cf.  cydiaw  ac  dans 
les  Bruts  (R.B.  II,  142,  25  et  143,  7). 

v.  2.  Le  mot  aryal  (B.B.C.  39.15  Sk.  =  74.11  Ev.), 
écrit  aussi  aral  (ibid.  49. 13  Sk.  =  91.15  Ev.)  est  un  com- 
posé de  ar  -f-  gai  ;  il  signifie  «  vigueur,  impétuosité  »  et  s'em- 
ploie comme  adjectif  aussi  bien  que  comme  substantif.  Il  est 
formé  comme  l'irlandais  irgal  (Windisch,  Wlb.,  645).  Pour 
le  g  devenant  y,  comparer  penn-yal  (Mab.  R.  B.,  212,  14; 
Loth,  Mab.,  2e  éd.,  II,  20_|)  qui  répond  à  l'irlandais  cend-gal. 
A  l'intérieur  d'un  mot,  on  peut  rappeler  le  cas  de  ariant 
«argent  »  etcelui  dearyen  «gelée,  frimas»  (R.B.  poet.,  II,  222, 
27  Sk.,  M.  A.  230  b  23)  écrit  aussi  aren  (B.B.C.  47.25  Sk.  = 
89.  r  1  Ev.). 


«  Débat  du  corps  et  de  Vâme  »  397 

v.  3.  Au  lieu  de  ny  chlywvt  il  faut  lire  ny  chlyivul.  Comme 
l'imparfait  a  aussi  la  valeur  d'un  conditionnel,  on  pourrait 
comprendre  :  «  (sans  moi)  tu  ne  parlerais  pas,  tu  n'entendrais 
pas,  etc.  ». 

v.  4.  Pour  la  construction,  suivant  laquelle  un  substantif, 
étant  jeté  en  tête,  est  rappelé  ensuite  au  moyen  d'un  pronom 
régime,  comparer  les  phrases  suivantes  : 

R.B.  poetr.  II  305,  4  Sk.  (=  20  b  20  Ev.)  :  pob  llyfwr 
llemittyor  arnaiv  «  tout  lâche,  on  le  foule  aux  pieds  »  ; 

Mab.  R.B.  222,  27  :  a  iawn  nys gwnawny  neb  «  et  droit,  je 
ne  l'ai  fait  à  personne  »  (=  «  je  n'ai  jamais  rendu  justice  à 
personne  »). 

J.  Vendryes. 


NOTES 
ETYMOLOGIQUES    ET    LEXICOGRAPHIQUES 

{Suite). 


420.  Irlandais  moyen  dé,  gén.  diad,  dumacha  —  gallois 
dew  ;  dewaint  (addition  à  Revue  celtique,  t.  XLII,  p.  85). 

Le  vieil-irl.  daè  (Ml.  57  a  10 ')  ^lose  fumus.  En  moyen- 
irl.  ce  mot  a  deux  sens  :  i°  fumée,  vapeur,  brume  :  Tain  Bô 
C.  (éd.  Windisch)  5508  :  tre  diaig  (pour  diaid)  in  tigi  imbi 
d'faicsin,  par  le  fait  d'apercevoir  la  fumée  de  la  maison  qui 
l'enveloppe  2,  cf.  dé,  gén.  diad  (in  Cath  Cath.  1502). 

Le  sens  de  brume  est  net  dans  Macgnimartha  Finn,  Rcv.  Celt., 
V,  202,  1  (dé  do  loch). 

2e  coup  de  vent,  étincelle  (P.  O'Clery).  Cf.  Kuno  Meyer, 
Contr. 

Pedersen  (Vergl.  Gr.  II  102)  a  proposé,  avec  doute,  un  rap- 
prochement avec  le  grec  Seorro  (brilla)  ;  de  remonterait  à 
dijet-s  ou  dijat-s.  D'après  lui,  il  serait  peut-être  aussi  possible 
de  le  rattacher  à  l'irl.  dâsacht,  foreur  (ibid.,  p.  32);  ^'remon- 
terait, dans  ce  cas,  à  *dhweset-s. 

Pedersen  n'eût  sûrement  pas  eu  recours  à  ces  hypothèses, 
s'il  avait  connu  ou  tenu  compte  du  gallois  deiv,  quia  les  mêmes 
sens  et  la  même  origine  que  dé. 

Silvan  Evans  donne  à  dew  deux  sens  :  i°  brouillard,  brume, 
brune,  obscurité  et  au  point  de  vue  métaphorique,  mélancolie. 

2°  air  chaud  malfaisant  ;  température  lourde  (Gwent). 

Ce  sont    les   sens   principaux    que  relève  Walde  àfûmus  : 

1 .  Vice  fumi  omniseorum  electio  evanescit  :  atnal  arindchrin  die  «  comme 
s'évanouit  la  fumée.  » 

2.  Le  chef  médecin  Fingin  reconnaît  la  maladie  eu  voyant  la  fumée  dans 
laquelle  se  trouve  le  malade. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  399 

fumée,  vapeur  chaude.  Il  y  a  d'autres  sens  dérivés  :  Ôujôç 
(à  côté  de  Ou[xà(o  qui  a  le  sens  propre  de  fumer):  irlandais 
moyen  dumacha,  brouillards  (/«  Cath  Cath  2496  i  Stokes  le  rap- 
porte à  fûmus)  =  vieux  celt.  diïtnâkâ,  irl.  mod.  damhach 
(*dumâko-)  nébuleux,  sombre  (v.  ind.  dhulikâ  nuage).  La 
racine  indo-européenne  est  *dhù  (*dheuâ-).  Le  sens  primitif 
serait  :  être  en  mouvement  rapide  ;  en  particulier,  tourbillon- 
ner en  parlant  de  la  fumée,  de  la  poussière  (ôâeXXa,   tempête). 

Il  y  aurait  une  racine  dérivée  *dheues-  qui  pourrait  se  retrou- 
ver dans  l'irl.  dâsacht  fureur,  rage  (dhwôs,  dhwâs-).  Cf.  Walde, 
Lat.  Et.  W .  à  fûligô,  fûmus,  et  ci-dessus,  p.  210-21 1. 

Dé,  diad  supposeraient  un  vieux-celt.  deuet-s,  gén.  deuet-os 
(ou  dewat-s),  mais  le  gallois  dew,  ms.  remonterait  à  un  neutre 
*dewos. 

L'irlandais  moyen  dethach,  f.  fumée,  foyer  fumant  ;  vapeur 
(au  point  de  vue  médical)  suppose  un  vieux-celtique  dïtâkâ, 
de  *dhu-itâ  ?  Cf.  Walde,  Lat.  Et.  W.  kfimus. 

Le  gallois  moyen  deweint,  moderne  dewaint  paraît  bien  être 
un  dérivé  de  dew-.  On  comprend  en  général,  sous  ce  mot,  le 
temps  qui  s'écoule  depuis  minuit  jusqu'à  l'aube  ou,  depuis 
l'établissement  des  heures  canoniques,  jusqu'à  pylgeint  (pid- 
licantio)  le  chant  du  coq  ;  en  irlandais  gairm  an  chailig  '. 
L.  Noir  (F.  a.  B.  II.  35,  44):  on  engage  le  pécheur  à  se  réveil- 
ler :  deiueint  duhuned,  qu'il  se  réveille  à  deweint.  C'est  à  pyl- 
geint qn'il  doit  se  lever  :  ibid.  45,  1  :  le  pécheur  obtient  le 
pardon. 

am  kywodi  pilgeint  a  deweint  duhunau 

«  en  se  levant  au  chant  du  coq  et  en  se  réveillant  à  dewaint  » . 
Llywarch  Hen  (Myv.  Arch.  89.  2) 

0  dechreu  nos  hyd  deweint 
Dihunaf  wylaf  bylgaint 

«  depuis  le  commencement  de  la  nuit  jusqu'à  deweint  ;  je 
me  réveillerai,  je  pleurerai  à  pylgeint  ».  Gwynfardd  Brychein- 
iawc  (M.  A.  194-1) 

1.  Cf.  R.  I.  Best,  The  Leabhar  breac  tractate  on  the  canonical  bours,p.  162. 


400  /.  Lolh. 

am  roto  dy  vot  dedwyt  deweint 
aiven  gan  awel  pan  del  pylgeint 

«  que  ta  volonté  (à  Dewi)  me  donne  heureux  deweint,  inspi- 
ration avec  bon  air  quand  viendra  l'aube  »  (même  idée  dans 
des  termes  semblables,  M.  A.  178.   1). 

Mais  pylge int  n'existe  que  depuis  le  christianisme  et  la  divi- 
sion du  jour  et  de  la  nuit  en  heures  canoniques.  Auparavant, 
on  ne  connaît  que  deiveint  et  gwawr,  l'aube,  ou  dyd,\e  jour, 
M.  A.  122.  2  (poème  attribué  à  Meigant,  qui  montre  des  traces 
d'antiquité)  :  dit  dyvit  '  trenghit  deweint 
«  le  jour  vient,  deweint  s'en  va.  » 

L.  de  Taliesin  (F.  a.  B.  II.  165.  13)  :  à  Dieu  : 

ys  tidi  a  vedyd  dyl if  deweint  a  dyd 

«  c'est  toi  qui  es  le  maître  de  la  trame  des  heures  sombres 
et  du  jour.   » 

Ibid.  p.  182.49  on  trouve  à  propos  des  moines  le  vers  sui- 
vant, fort  significatif: 

ny  wdant  pan  yscar  deweint  a  gwawr 

«  ils  ne  savent  pas  quand  se  sépare  l'obscurité  de  l'aube.  » 

Deweint  a  désigné  sûrement  d'abord  les  heures  sombres, 
troubles  de  la  nuit  avant  l'aube  :  c'est  l'opposé  de  dyd  et  de 
gwawr.  Il  est  même  peu  probable  qu'avant  l'époque  chré- 
tienne dewoint  désignât  des  heures  fixes  et  commençât,  par 
exemple,  régulièrement  à  minuit.  Dans  les  heures  canoniques 
deweint  va  de  minuit  à  trois  heures  du  matin,  a  l'époque 
où  le  jour  avec  la  nuit  fut  partagé  en  huit  parties  de  trois 
heures  chacune. 

Dewaint  est  donné  comme  masculin  mais  a  sans  doute  été 
féminin  :  *dewanti.  Ce  changement  de  genre  pour  le  même 
suffixe  se  constate  en  irlandais  (irl.  moderne  méid,  ms:  quan- 
tité, grandeur  ;  irl.  moy.,  tnéit,  f.  =  maniï). 

1.  Ici,  comme  dans  les  exemples  du  L.  Noir  et  celui  deG>.  Brycb,t  =  d. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  401 

421.  Gallois  grenn  ;  vannetais  grenn,  loa-grenn. 

Gren  est  un  vase,  une  cuve  de  grande  capacité,  qui  apparaît 
dans  les  Ancient  Laïus  I.  296,  xxxiv.  O.  Pughe  le  décrit 
comme  un  cuvier  en  argile  et  cite,  pour  sa  capacité,  deux  pas- 
sages des  Lois,  sans  autre  référence.  Le  mot  est  clairement 
féminin. 

Le  dictionnaire  vannetais  d'Ernault  a  aussi  gren,  qu'il  donne 
comme  employé  à  Neulliac  (haut-vannetais)  et  Plouny  (bas- 
vannetais)  dans  le  sens  d'auge,  envier.  Le  mot  eût  dû  être 
écrit  avec  deux  nn  ;  malheureusement  le  Dictionnaire  écrit 
systématiquement  toute  finale  par  une  seule  -n.  Le  mot  est 
bien  connu  dans  la  région  de  Guémené-sur-Scorff  ;  on  pro- 
nonce grenn,  orhrenn.  C'est  un  cuvier  d'une  assez  grande  capa- 
cité. Il  est  en  bois  ;  on  s'en  sert  pour  la  bouillie. 

Ailleurs  le  mot  semble  inconnu.  Il  existe  cependant  à 
Ouessant  en  composition  :  ha-grenn,  cuiller  à  pot  répondant 
au  loa-bot  de  Le  Pelletier.  Quand  la  cuillère  est  en  bois,  on 
l'appelle  loa-brenn.  Le  vase  contenant  la  bouillie  ou  la  soupe, 
marmite  ou  vase  en  terre,  était  d'une  grande  capacité  (Dom 
Malgorn,  Le  breton  (Y Ouessant,  Annales  de   Bretagne,    19 10, 

P-  394)- 

422.  Irlandaismoyen  craic;  crec  ;  irlandais  moderne  craig, 
creag;  scraig,  screag;  irlandais  moyen  crach,  crache  — 
gallois  moyen  greic,  moderne  craig;  cragen;  crach —  bre- 
ton crac,  crag:  cragell  ;  crogenn;  vannetais  crah. 

L'irl.  moyen  craie,  gén.  craicce;  crec,  gén.  creca;  mod.  craig, 
gén.  craige  ;  creag,  gén.  creige  (avec  s-  initial  :  screig,  gén. 
screige;  screag,  gén.  screige),  ont  tous  le  sens  de  l'anglais  crag  : 
roche,  colline  rocheuse  (Kuno  Meyer,  Contr.  ;  Dinneen).  Ces 
mots  sont  largement  représentés  en  toponomastique.  Crach  se 
montre  en  irlandais  moyen  vraisemblablement  avec  le  sens  de 
rude,  dur,  que  lui  donne  Kuno  Meyer.  Crache  paraît  être  le  sub- 
stantif correspondant.  On  le  trouve  au  génitif  dans  un  passage 
du  Glossaire  de  Cormac  à  prull,  mais  son  sens  n'y  est  pas  net, 
le  mot  qui  le  gouverne  ne  paraissant  pas  ailleurs  et  étant  lui- 
même  de  sens  inconnu  '.  Le  contexte  cependant  et  la  variante 

1.  A  chougrus  chraiche,  dô  dur  a  mullacb,  «  il  avait...  sur  le  sommet  de  la 
tète  ». 


402  /•  Loth. 

craicei  semblent  indiquer  un  sens  voisin  de  craie  (cf.  plus  bas 
le  gallois   crach). 

Le  gallois  craig  (gallois  moyen  cre'ic  ')  a  les  mêmes  sens  que 
l'irl.  craig.  Cragen,  écaille,  coquille,  est  de  même  origine. 
On  trouve  un  pluriel  craig,  avec  ce  sens.  Cragen,  au  sens  de 
tesson,  fragment  de  poterie,  rappelle  le  breton  crag,  mean  crag, 
grès;  pod  crag,  pot  de  grès  (Le  Gonidec  ;  Vallée,  Dict.  fran- 
çais-breton ;  Ernault,  Gloss.  à  cragg). 

Crach  est  adjectif  et  substantif  :  crach  2,  qui  a  des  croûtes 
(sur  la  tête),  des  escarres,  galeux,  teigneux  ;  crach,  croûte, 
escarre,  gale,  teigne. 

Crach  est  très  employé  métaphoriquement  dans  un  sens 
péjoratif  (cf.  anglais  scabby,  gueux)  ;  crach  brydydd,  méchant 
poète  ;  crach  feddyg,  médicastre  ;  crach  foneddig,  faux  noble, 
parvenu,  etc. 

Le  breton, outre  crag,  tnean-crag,  grès,  acrac-houad,  sarcelle, 
qui  répond  au  gallois  crach-hwyad,  même  sens  ;  vannetais  cra- 
gell,  sarcelle  (Le  Goff,  Suppl.).  Crac  est  employé,  à  Ouessant 
dans  un  sens  ironique,  qui'rappelle  crach  foneddig  :  cracou,  ar 
c'hrakou  (prononcez  cracu),  les  aristos.  Cracou  conserve  son  c 
intervocalique  dur  sous  l'influence  de  crac  dans  des  mots 
comme  crac-houad. 

Au  gallois  crach  répond  le  haut-vannetais  crah,  monticule, 
butte:  le  sens  primitif  a  dû  être  celui  du  gallois  craig,  colline 
rocheuse;  crah  de  plus,  a  pour  synonyme  crêu,  qui,  d'après 
son  origine,  a  eu  le  sens  d'endroit  rude,  âpre  (voir  plus  bas 
crèu).  En  bas-vannetais  (région  de  Guémené-sur-Scorft), 
crahec  (pour  crahic)  est  un  qualificatif  méprisant  ;  je  l'ai 
entendu  appliquer  moi-même  à  des  personnes  chétives,  désa- 
gréables, ratatinées. 

En  résumé,  en  celtique,  on  a  affaire  à  deux  thèmes  :  crac- 
et  cracc,et,  semble-t-il,  crée-,  crecc-.  La  racine  est  la  même  que 
dans  l'irl.  moy.  carrac,  carraic,  mod.  carraig,  roche,  rocher; 
gall.,  bret.,  comique  carrée,  carreg.  De  même  qukcarraig,  car- 
tec  répondent    gall.   crach,    breton  crach,  de    même  à    l'irl. 

i.  L.  Tal.  F.aB.  II,  141.  23. 

2 .  Proverbe,  hawdd  tynnu  gwaed  0  ben  cracha,  il  est  facile  de  tirer  du  sang 
d'une  tête  à  escarres.  » 


Notes  étymologiques  et   lexicographiques.  403 

carrach  qui  a  des  croûtes,  escarres,  galeux,  répond  le  gallois 
crag,  breton  crag.  L'irlandais  moderne  càrr  a  le  sens  du 
gallois  crach  ;l'irl.  moyen  cairre,  f. ,  de  même  (Kuno  Meyer, 
Contr.  :  cairre,  scabs,  scalds).  Il  est  reconnu  que  carr  remonte 
à  *car-s-.  Le  sens  général  paraît  être  celui  de  :  raboteux,  âpre, 
rude.  Pour  la  racine  qar,  car,  d'où  carc-,  crac-,  cf.  xapxtv;çT 
xipxapo;;  carina,  cancer,  carabus  etc.  (Walde,  Lat.  Et.  W .). 

Le  gallois  craig,  f=  *cracï  le  breton  crac  =  craco-  (cracû-  ?). 
L'irl.  crache  suppose  *craciâ.  A  crac-  appartiennent  les  dérivés 
gallois  cragen,  écaille,  coquille  ;  breton,  comique  crogenn, 
même  sens.  De  plus,  en  comique  et  aussi  en  breton,  crogen  a 
le  sens  de  crâne  (cf.  vieil-ind.  karanka-h,  crâne).  Le  gallois 
connaît  aussi  la  forme  crogen.  Crac-  et  croc-  s'expliquent  dans  la 
série  vocalique  à. 

A  *cracc- remontent  l'irl.  craie,  craig;  gall.  crach,  vannet.  crah. 
Craie  s'expliquerait  par  un  indo-eur.  *crac-nï-;  crach  par  *crac- 
nâ-  :  cf.  norvégien  raeke,  cancer,  squilla,  écrevisse:  germanique 
*hrâki_ôn  =  ide.  *krêkri . 

Kuno  Meyer  ne  donne  pas  le  genre  de  crée,  gén.  creca.  Ce 
serait  un  féminin,  si  on  s'en  fiait  à  l'analogie  de  crecc,  gén. 
creicce  qui  figure  en  toponomastique,  vraisemblablement  avec 
un  sens  voisin.  -L'irlandais  moderne  creag,  gén.  creige,  lui  est 
identique.  Quant  au  type  indo-européen  *de  crecc,  c'est  pro- 
bablement *crcnâ  qui  aura  donné  *criccâ,  creccà.  Une  forme 
masculine  cricc,  gén.  crecca  (*criccû-  nom.)  n'est  pas  toutefois 
impossible  :  cricc  serait  devenu  crée  sous  l'influence  de  crecca. 

J.  Morris  Jones (Gratnmar,  p.  144,  156)  adonnédem^une 
étymologie  insoutenable  (J.  Loth,  Remarques,  p.  62). 

423.  Haut-vannetais   créu  —  irlandais  crô,    crû  ;   gallois 

CREU,    CRAU. 

Je  neconnaiscr^M(écrit&rà*)quepar  leSupplément  de  Le  GofF: 
krah,  kra,  krêu,  hauteur,  butte,  Commeje  l'ai  fait  remarquer 
pour  crah,  évidemment  apparenté  au  gallois  craig,  irl.  craie, 
craig,  au  breton  crag  et  aussi  au  gallois  crach,  le  sens  de  crah  a 
dû  être  d'abord  celui  de  colline  rocheuse.  Krèu  le  confirme.  Pho- 
nétiquement, créu  (prononcez  crèw)  peut  remonter  à  un 
vieux-celtique  *creuo-  ou  crouo-  :  rcu,  gelée  (révS)  est  identique 


404  ]■  Loth. 

au  gallois  rhew,  mais  l'analogie  celtique  indique  *crouo-.  En 
effet,  l'irlandais  crû,  crû,  sang,  gallois  moyen  creu,  moderne 
cran,  comique  crow,  sang  et  mort  ',  qui  remontent  à  *crouo-, 
ont  une  racine  dont  le  sens  primitif  est  brut,  dur,  solide:  crp, 
crau,  c'est  le  sang  versé,  épaissi,  provenant  d'une  blessure.  Cf. 
skr.  kravis,  chair  crue  ;  xpsaç,  v.  slav.  krûvl,  sang  ;  v.  norr. 
hrâr  =  ags.  braêw,  hréaiu  (angl.  raiv  ;  wha.  rô,  cru,  non  cuit 
(Walde,  Lat.  Et.  W .  à  cruor  ;  Falk-Torp,  Norw.  -Dan.  Et.  W. 
à  raa).  De  la  racine  crou-  dérive  l'irl.  moyen  crnaid,  mod. 
cruaidh  —  *croudi-. 

Le  breton  cri%,  vannet.  cri.  a  le  sens  primitif  de  cru,  non 
cuit ,  de  dur  (vannetais  den  cri,  homme  dur  ;  se  dit  aussi  en 
parlant  de  cidre  acre)  ;  rude,  en  parlant  du  chanvre,  en  van- 
netais ;  dregri,  par  force,  en  haut-  et  bas-vannetais,  est  opposé 
à  dre  ger  (g  dur  écrit  à  tort  gaer  dans  le  Dict.  d'Ernault). 
Cri%,  cri,  comme  le  dit  avec  raison  Pedersen,  n'est  nullement 
emprunté  au  latin  crûdus  mais  remonte  à  un  vieux  celt.  *crûdi- 
(Pedersen,  Vergl.  Gr.,  I,  207). 

424.  Gallois  crammen  ;  breton crammen,cremmen — irlandais 
moderne  screamh,  screamhôg,  screamhach  ;  irlandais  moyen 
crem,  moderne  creamh  ;  irlandais  moyen  et  moderne  creimmm? 

Le  gallois  cramen,  f.,a  le  sens  propre  de  croûte  se  formant 
sur  une  plaie  ;  cramenu,  se  couvrir  de  croûtes.  Silvan  Evans 
cite  de  cramen  ou  plutôt  du  pluriel  crannnynnau,  un  exemple 
du  xive  siècle. 

Ernault  (Gloss.)  donne  crammen,  cremmen  f.  avec  le  sens 
de  crasse  qui  se  forme  sur  la  tête,  et  tire  le  gallois  comme  le 
breton,  du  vieux-français  cramme,  le  saint  chrême,  laïcisé  dans 
le  provençal  craumo,  crasse,  sédiment  :  étymologie  de  tout 
point  impossible2.  Ernault  donne  crammen  comme  propre  au 
Léon,  cremmen,  cremen  étant  la  forme  usitée  ailleurs.  Crammen 
est  donné  par  Le  Goff  (Suppl.),  avec  le  sens  de  pellicules, 
ce  qui  concorde  mieux  avec  le  sens  du  gallois.  En  bas-vanne- 
tais (canton  de    Guémené-sur-Scorff),    crammen  (prononcez 

1 .  Cf.  vha  brêo,  cadavre. 

2.  En  trégorrois,  crânien  indique  aussi  le  dépôt  que  laisse  le  lait  dans  un 
vase. 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  405 

crâmsn)  a  le  sens  de  croûte,  crasse  adhérente  à  la  tête,  et  de 
pellicules,  quand  on  se  gratte. 

L'irlandais  moderne  screamh,  f.,  gén.  screimhe,  a  le  sens  de 
croûte,  pellicule,  excroissance  ;  screamhôg  (Dinneen  :  a  scab). 

Il  semble(?)  qu'il  y  ait  un  rapport  entre  crammen,  screamh, 
et  l'irl.  moyen  cm», gén.  crema,  ail  (cneamh  vient  de  creamh)  ; 
cf.  Revue  Celtique,  t. XXVIII,  p.  137.  A  côté  decre?n,  on  trouve 
aussi  en  moyen-irl.  crim  (K.  M.  Contre).  Crem  est  sûrement  en 
rapport  avec  l'ags.  hramsa  (anglais  ramson),  ail,  norvégien  rams, 
rdmsleg  (allium  ursinum).  La  forme  germanique  fondamentale 
est  *hramdsan  ;  ci.  /.pi;xuov  pour  *-/.ps[Ausov  et  lit.  kermus^e, 
ail.  A  l'irlandais  creamh  répond  le  gallois  craj  :  vieux-gaëlique 
*cremu-;  vieux-britt.  *cramu-.  L'irlandais  crem  a  été  précédé 
par  crim  ;  cram  est  dû  à  l'influence  du  génitif  crema. 

Quoi  qu'il  en  soit,  (s)creamh,  f. gén.  screimhe  suppose  *scretnd 
ide.  scrmmâ  ;  cratnm-a  la  même  origine,  le  double  m  excepté. 
Il  y  a  entre  les  deux  langues,  au  point  de  vue  du  vocalisme, 
alternance  :  -em-  ;  -am-. 

Il  est  connu  que  le  suffixe  -w-est  souvent  évincé  par  -mm- 
qui  peut  avoir  plusieurs  origines  (cf.  Pedersen,  Vergl.  Gr., 
1, 169  ;  II,  60).  Il  est  possible  que  (s)creamh  soit  pour  screabh  ; 
on  pourrait,  dans  ce  cas,  supposer  pour  le  brittonique  *crabm-\ 
racine  ide.  krebh,  skrebh  ;  skerdbh  ;  cf.  danois  hrabe  ;  v.  norr. 
krabbi,  ags.  crabba  '  (anglais  crah)  écrevisse;  danois  skrabe; 
■AxpoL^z:,  lat.  carabus. 

Le  sens  primitif  paraît  être  gratter,  égratigner,  érafler. 

Ce  sens  est  voisin  de  celui  de  l'irlandais  moyen  et  moderne 
creimm, action  de  ronger ;cremiuim, je  rouge  ;  corroder;  mordre, 
pincer  (Dinneen). 

Dinneen  donne  aussi  à  creim  ;  f.  gén.  creime,  le  sens  de  : 
gnawing pain. Or  le  danois-norv.  kraeft,  emprunté  au  bas-alle- 
mand, a  le  sens  de  :  maladie  qui  ronge  la  peau  (Falk-Torp, 
Norw.-dàn.  Et.  W .  à  krebs).   Creimm  =  *cremml  =  crebmî? 

Le  breton  cremmen,  à  côté  de  crammen  peut  sortir  de  *crebm- 
mais  est  dû  probablement  à  l'influence  du  pluriel  :  cremm- 
=  *crammîs  (primitivement  thème  en  -/)  :  d'où  un  singulatif 

1.  Il  y  a  un  doublet  ide.  *geiAé*çreb. 
Revue  Celtique,  XLIII.  26 


406  y.   Lolh. 

crèmmen  a  côté  de  crammen.  Le  pluriel  de  cremmen  est  cremenou. 

425.  Irlandais  moyen  curach  ;  gallois  corwg. 

Ces  deux  mots  sont  bien  connus  à  toute  époque  dans  le 
sens  de  canot  pour  la  pêche,  fait  de  branches(osier  notamment) 
entrelacées  et  recouvert  de  peau  ou  cuir.  Thomas  Richards 
donne  du  corwg  une  description  très  détaillée  dans  son  Dic- 
tionnaire. La  forme  la  plus  ancienne  est  corwc.  L.  Aneur.  F. 
a  B.  II,  90,  195.  Un  proverbe  gallois  cité  par  S.  Evans  en 
indique  les  dimensions  :  llwyth  gwr  yn  ei  gorwg,  le  poids  de 
l'homme  est  dans  son  corwg  :  il  est  de  tel  poids  que  l'homme 
peut  le  porter,  et  qu'il  peut  porter  l'homme. 

Ce  qui  est  moins  connu,  c'est  curach  que  Kuno  Meyer, 
Contr.,  traduit  par  body. 

O'Clery  donne  curach.  i.  cor  p.  Kuno  Meyer  cite  ce  passage 
de  H.  3.18,  212:  foxladh  do  chud  re  curach.  i.  delughudh  cinn 
recolainn,  (séparation  de  la  tête  '  du  corps). 

Le  gallois  emploie  couramment  le  mot  corwg  dans  le  même 
sens,  mais  avec  plus  de  précision.  C'est  le  tronc,  le  corps 
moins  la  tête  (S.  Evans,  Wehh  Dict.).  Silvan  Evans  cite  l'ex- 
pression du  Sud-Galles  : 

y  mae  y  gigfran  yn  gwaeddi  am  ei  gorwg 

«  le  corbeau  est  en  train  de  croasser  pour  sa  carcasse  ». 

L'évolution  du  sens  s'explique  du  fait  que  le  curach  = 
corwc  est  essentiellement  un  bateau  de  peau,  et  par  sa  forme, 
représente  assez  bien  le  tronc  du  corps.  Dans  différentes  langues 
peau  se  dit  métaphoriquement  de  l'homme  ou  de  la  femme  : 
en  danois  ancien,  hud,  peau,  est  un  terme  de  mépris  pour  les 
femmes  ;  en  vieux-norrois  kvennskinn  a  un  sens  analogue. 
En  revanche,  skind  peut  se  dire  actuellement  d'une  personne 
honorable  :aerligt  skind,  peau  honorable  (personne  honorable): 
cf.  Falk-Torp  Norw.-dan.  Et.  W.  à  skind).  En  français,  une 
peau  se  dit  d'une  femme  de  mauvaises  mœurs.  En  somme, 
curach,  tronc,  est  quelque  chose  comme  un  sac  de  peau. 

1.  cud,  cod  se  trouve  dans  le  sens  de  tête  en  irlandais  moyen  (cf.  K.M., 
Contr.). 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques .  407 

A  côté  de  corwc,  le  gallois  présente  le  dérivé  corwgl, 
cwrwgl. 

D'après  ce  qui  précède,  l'étymologie  du  mot  me  paraît 
assez  claire  :  curach,  corwc  =  *corûco-,  est  à  rapprocher  du  latin 
corium,  racine  largement  représentée  dans  d'autres  langues 
indo-européennes  (Walde,  Lat.  Et.  W .). 

En  irlandais  moderne,  curach  (écrit  souvent  currach)  ne 
paraît  avoir  que  le  sens  de  canot. 

En  moyen-irl.,  il  y  avait  un  dérivé  curchân. 


426.  Irlandais  moyen  cnâi,  marb-chnai-  gallois  cnaif, 
cnuf,  cnu  ;  breton   de   Vannes  canèu,  ailleurs  kreori. 

Kuno  Meyer,  Conir.,  donne  à  enai  f.  les  deux  sens  de  toi- 
son et  de  couverture  (d'après  Sait,  na  rann  5.303).  Comme 
étoffe,  laine  floconneuse,  enae  (vieil-irl.  vellus)  a  pu  facilement 
arriver  à  ce  sens.  Ce  qui  est  plus  singulier,  c'est  le  composé 
marb-chnai  (gl.  on  marb-chnai)  qui  apparaît  dans  les  Ane.  Laws 
I,  176,  20.  Atkinson  cite  l'expression  et  traduit  enai  par  dress 
avec  un  point  d'interrogation  (enoi  olla,  toison  de  laine,  ibid., 
V,  80,  12,  81,  note). 

Il  ne  me  parait  pas  douteux  qu'il  s'agisse  de  l'étoffe,  du 
linceul  enveloppant  le  mort.  Le  mot  courant  pour  linceul 
est  en  irlandais  moyen  et  moderne  eisléne  (Kuno  Meyer, 
Contr.,  donne  aisléne  et  eisléne).  On  l'a  interprété  par 
manteau  de  mort,  ce  qui  est  faux.  Léne,  mod.  léine,  gall. 
moyen  lieîn,  breton  lien  est  un  tissu  de  lin  primitivement, 
avec  le  sens  de  chemise,  vêtement  de  dessus,  surplis  (au  sens 
religieux). 

L'expression  marb-chnai  semble  indiquer  qu'à  une  certaine 
époque,  à  une  époque  pré-  ou  proto-historique,  le  linceul 
devait  être  fait  d'un  tissu  de  laine  et  même  d'abord  d'une 
peau  de  mouton  avec  sa  toison.  Chez  les  Européens,  dès  l'é- 
poque du  bronze,  le  mort  est  enseveli  revêtu  de  peau,  de  cuir 
ou  de  laine. 

En  Armorique,  à  la  première  époque  du  bronze,  dans  un 
coffre  de  pierre,  sous  tumulus,  on  a  découvert  le  squelette 
d'un  homme  de   haute    taille,   enveloppé    dans  un    linceul 


408  ]■  Lotb. 

de  cuir;  un  autre  dans  un  tronc  de  chêne  avec  des  restes 
de  tissu  non  déterminé. 

En  Scandinavie,  à  la  même  époque,  le  mort  a  été  trouvé 
dans  un  cercueil  de  chêne  enveloppé  de  peaux.  En  Norvège, 
d'après  un  livre  remarquable  qui  vient  de  paraître  de  Haakon 
Shetelig,  La  Norvège  préhistorique -(Champion,  1926),  p.  102, 
à  l'époque  du  bronze,  il  n'y  a  pas  de  cercueil  de  chêne,  mais 
le  mort  dans  son  vaste  tombeau  de  pierres  sous  tumulus,  est 
inhumé,  revêtu  d'un  tissu  de  laine. 

Les  formes  celtiques  au  sens  de  toison,  tonte,  sont  variées. 
Le  vieil-irl.  enae,  irl.  moy,  cuâi,  cnôi  peut  s'expliquer  par 
*knapià  (voir  Falk-Torp,  Norw.-dàn.  Et.  W .  à  nap  et  noppè). 
Cnae  peut  aussi  avoir  la  même  formation  que  le  vannetais 
canèu  ms.  {cannv),  dans  les  autres  dialectes  creon  (creo)  qui 
suppose  *knauio-  '  :  a,  en  breton,  a  subi  l'infection,  comme 
le  prouve  la  différence  de  traitement  avec  *knou-,  noix  :  gall. 
enau,  bas-vann.  cançw,  haut-vann.  kenêu  (foneiu),  ailleurs  kraon 
(krao). 

Le  gallois  enaif,  f.,  a  surtout  le  sens  de  tonte,  en  moyen- 
gallois  (S.  Evans,  Welsh  Dict.);  cneivyaiv,  aujourd'hui  cneifio 
a  le  sens  de  couper,  non  seulement  les  cheveux,  mais  même 
le  blé  :  eilliaw  2  y  varyf  a  chneivyaw  y  ben  (Brut. ,  Gr.  ab  Arthur, 
Myr.  Arch.  11.283)  ;  raser  sa  barbe  et  tondre  sa  tête;  a  mi 
ddisgoganaf  cynhaeaf  cneifir  yr  yd  glas  (Gorddodau  Myrddin, 
d'après  S.  Evans,  à  cneifio)  «  et  moi  je  prédis  un  printemps 
où  on  coupera  le  blé  vert  ». 

Cnaij,i.,  suppose  un  ide.  knabià  ou  knabhià  (cf.  grec  y.vazToi. 
vvasw,  /.vasaAsv).  Dans  ie  sens  de  toison,  c'est  cnuf,  cnu  qui 
est  employé  en  gallois  :  Ane.  Lawsl,  519,  13  :  daval  ae  chnuj 
ae  hoen  ganti,  brebis  avec  sa  toison  et  son  agneau  avec  elle 
(cf.  Silvan  Evans,  IVelsh  Dict.).Cnuf  =knottbâ,kneubâ  (y'xeux- 
suédois  (k)niupa,  suéd.  nypa,  pincer,  tirailler,  plumer). 

Le  comique  knêti  («  =  û  semi-voyelle)  ne  repose  que  sur 
l'autorité  de    Lhwyd  (Arch.  Brit.  170  :  knêu  glàn,  toison  de 

1.  Cf.  xvaiw,  j'égratigne,  je  frotte. 

2.  allaw,  raser,  existait  en  moyen-gallois  :  sef  a  wnaeth  allaiu  y  wallt,  il 
fit  raser  ses  cheveux  (M.  A.  589  :  notes  à  Brut  Tyssiliaw  et  Brut  Gr.ab 
Arthur)  ;  cf.  irl.  alt,altdn,  rasoir;  bret.  aoten  ;  dérivé  gall.  eUyn. 


Notes  étymologiques  et  lexicograpbiques.  409 

laine).  Son  existence  reste  douteuse. Lhwyd  a  enrichi  le  cor- 
nique  assez  souvent  de  mots  forgés  d'après  le  gallois  ou  le 
breton,  et  il  y  a  parmi  ces  mots  des  formes  démenties  par  la 
phonétique  même  de  ces  langues. 

427.  Gallois  moyen  hydrum  ;  breton  truin;  vieux-breton 

TROMDEN. 

Trum  est  connu  en  breton  surtout  dans  l'expression  maro 
Inim,  mort  subite.  Il  est  donné  comme  adjectif  et  adverbe  par 
Grégoire  de Rostrenen  :  trumm,  prompt,  diligent,  diligemment; 
Le  Gonidec  :  protnptement,  vite.  Trumàer,  promptitude,  dili- 
gence, est  donné  par  Grégoire  et  Le  Gonidec  {ci.  Ernault, 
G/055.).  Le  mot  n'est  pas  usité  en  vannetais. 

Trum  n'existe  qu'en  gallois-moyen  dans  le  composé  hydrum  : 
Ane.  Laws  II,  302,  V  :  la  loi  admet  un  certain  nombre  de  cas 
où  un  retard  dans  la  comparution  devant  les  juges  après  som- 
mation est  légal  ;  le  dernier  cas  indiqué  est  :  neu  na  vo  hydrum 
nac  yddo  nac  yw  gennat  y  wlat  «  ou  que  le  pays  ne  soit  pas 
accessible  (facile  à  atteindre),  ni  à  lui,  ni  à  son  messager.  » 

Le  même  mot,  pour  le  même  cas,  est  donné  sous  la  forme 
hyttrum  '  dans  le  Dimetian  Code{ib.  I,  610,  iv,  5)  :  ac  (mieux 
la  variante  neu)  na  vo  hyttrum  nac  idaw  nac  oe  gennat. 

Régulièrement  trum  suppose  un  vieux-celtique  *troummo-. 
Il  semble  bien  que  le  même  thème, à  degré  vocalique  différent 
se  montre  dans  la  glose  envieux-breton  tromden  gl.  pervolamt. 

Pour  le  sens  primitif,  on  peut  comparer  tremor,  le  vieux- 
saxon  thrimman,  tressaillir,  sauter,  etc.  (cf.  Walde,  Lat.  Et. 
JV.y  Mais  pour  le  sens  on  penserait  plutôt  à  âpôjwç.  Outre 
que  dr- alterne  parfois  avec  tr-  en  gallois  {drem,  irem  ;  drwm, 
trwm)  on  peut  supposer  anciennement  deux  formes  apparentées 
trum  et  drum,  trom  et  drom  qui  se  seront  confondues  pour  la 
forme  et  le  sens  sous  trum,  trom.  C'est  le  cas  pour  le  germa- 
nique qui  présente  :  germanique  trem-,  ide.  drem-  ;  germanique 
ftrem-,  ide.  trem-  :  ags.  trem,  trym,  marche,  pas  ;  norvégien 
t rampe,  piétiner  (avec  voyelle  différente  moyen-haut-all.  trump- 

1 .  C'est  probablement  une  graphie  inexte.  Cependant  on  peut  y  voir 
une  influence  de  hyt  ou  même,  à  la  rigueur,  un  composé  avec  hyt  :  bytynt  y 
divfr,  le  cours  de  l'eau  ;  hyt  introduirait  l'idée  de  jusqu'à. 


410  /.  Lotb. 

j'en,   courir),  et  trem    (ide.  drem)  :    vieux-saxon   thrimman, 
sauter,  etc. 

Trom  (trâtri),  trum  supposent  tru-m-bo-  ou  trub-mo-  ;  trou- 
m-bo-,  ou  troub-nw  (cf.  tremor,  trepidus  (cf.  Falk-Torp,  Norw. 
dan.  Et.  W.  à  trampé). 

428.  Vannetais  offen. 

Offen,  f.,  au  sens  de  mangeoire,  auge,  est  usité  dans  tout  le 
vannetais;  dans  le  bas-vannetais  ofzn,f  est  nettement  sourd,  et  0 
ouvert.  C'est  d'autant  plus  remarquable  que  dans  ce  sous-dia- 
lecte, /  intervocalique  devient  généralement  v.  Il  est  probable 
que  le  singulatif  offen  a  été  appuyé  par  off.  Le  mot  n'existe  pas 
dans  les  autres  dialectes  bretons  ;  il  n'y  en  a  pas  trace  en  gal- 
lois non  plus  qu'en  comique. 

Un  emprunt  à  l'anglais  ovcn  est  de  tout  point  impossible  ; 
on  ne  peut  pas  plus  songer  à  l'ags.  ofen,  ni  pour  la  prononcia- 
tion ni  pour  le  sens.  Le  sens  n'est  pas  non  plus  en  faveur 
d'un  emprunt  à  l'allemand  ofen,  four,  fourneau.  Uoffen  van- 
netais est  une  auge  généralement  en  pierre,  de  forme  quadran- 
gulaire.  On  en  voit  encore  fréquemment  auprès  des  puits;  on  y 
versait  de  l'eau  et  les  bêtes  venaient  y  manger  et  s'y  abreuver. 

Si  off  est  indigène,  il  remonte  à  un  v.-britt.  *oppiï,  *uppà, 
qui  ne  pourrait  s'expliquer  que  par  uqu-uquà.  Pour  nqu,  on 
pourrait  penser  à  1— vie,  four.  Les  formes  germaniques  sont 
très  complexes:  cf.  Falk-Torp,  Norv.-dân.  Et.  W.  à  ovn{et  v.- 
norr.  çgri);  cf.  Walde,  Lat.  Et.  W.  à  aulla,  anxilla.  Ct.  skr. 
ukhâ,  vase  ;  pour  le  sens,  cf.  ags.  ofnel,  pot,  marmite. 

429.  Gallois  RHAFF. 

Le  gallois  rhaff,  gallois  moyen  raff  f.,  est  employé  à  toute 
époque  dans  le  sens  de  corde;  Ane.  Laivs  II,  805,  lui  raf 
welew ,  corde  de  crins  (Ane.  L.,  I,  582,  xl,  raff  vkw);  raj 
livyf,  corde  d'écorce  d'ormeau  (Ane.  L.,  I,  582,  lvii,  raff  IwyJ). 
Aucun  mot  semblable  ni  apparenté  n'apparaît  dans  les  autres 
langues  celtiques. 

La  comparaison  s'impose  avec  le  vieux-norrois  reip, n.,got. 
raip,  courroie,  lien  ;  norvégien  reb,  cordage,  corde,  courroie  ; 
ags.  rap,  angl.  tope,  ail.  reif.  Les  mots  germaniques  supposent 


Notes  étymologiques  et  lexicograpbiques.  41 1 

un  indo-eur.  *roipnô-.  Raff  suppose  un  vieux-celt.  rapnâ  —  ïde. 
*fpnâ  ? 

430.  Breton  ràn;  rÀnenn  ; —  rann  — gallois  rhann  ;  irl. 

RANN,   RANNAIM. 

On  a  confondu,  sous  rann  en  breton,  deux  mots  de  forme 
et  de  formation,  sinon  d'origine  différente  :  rann  part  ■  {Doctri- 
nal 1628);  rann,  fracture  (à  Ouessant,  fracture  sans  sépara- 
tion); haut-vannetais  rann  part;  rannein,  diviser;  rannedigeah, 
divisibilité  (léon.  rannedige\,  gall.  rhanedigaeth). 

Le  gallois  dit  rhann,  Y 'irl.  rann,  rannaim,  je  partage,  distribue. 
Stokes  (Urk.  Spr.,  p.  227)  après  avoir  donné  sous  *rannà,  les 
principales  formes  des  langues  celtiques,  termine  en  disant  qu'il 
ne  s'explique  pas  le  double  -un  :  il  rapproche,  en  effet,  rann 
de  rapsïv,  T.i-ptoxai:  pars,  portiro.  Pedersen  {Ver g.  Gr.,  I,  52) 
l'explique  par  *pfsnâ,  ce  qui,  phonétiquement,  explique  le 
double  -nn. 

Mais  il  existe,  en  breton,  une  forme  avec  une  seule  -n, 
avec  allongement  et  nasalisation  de  la  voyelle  a  :  bas-van- 
netais  (région  de  Guémené-sur-Scorfî)  :  rànet,  brisé  en  par- 
lant du  cœur  ;  une  des  plus  belles  chansons  du  pays,  au  point 
de  vue  mélodique,  commence  par  rànd'bra^ec  e  me  halôn, 
«  bien  2  déchiré  est  mon  cœur»  ;  rânein,  déchirer. 

La  différence  entre  ràn  et  rann  est  également  très  nette  à 
Ouessant  :  rânenn,  fente  dans  un  rocher,  falaise,  mais  rann, 
fracture.  Le  bas-vannetais,  comme  Ouessant,  sépare  nettement 
dans  la  prononciation  -an  accentuée,  de  -ann  :  cann,  blanc 
cannein,  laver  (blanchir),  mais  cân,  chanter,  cànein,  chanter. 

Ran  pourrait,  à  la  rigueur,  s'explique  par  *pf-nâ. 

Une  autre  explication  est-elle  possible  ?  Rân-enn  rappelle 
pour  le  sens  le  latin  rupes  (cL  rumpo)  et  d'autres  mots  appa- 
rentés. Il  y  a  des  racines  synonymes  plus  voisines,  *rep,  *rap  : 
rapio,  gr.  Ips^Tcpuzi  ;  irl.  recht,  fureur  ;  gallois  rheith,  anrcith, 
pillage,  butin  (*rept-). 


1.  Vieux-bret.  rannou  g\.  partimonia,  gl.  climatibus. 

2.  bni{ec    pour    bra^ic   serait  mieux   traduit  par  gros  :  déchiré,  gros  est 
mon  cœur  :  cf.  brades,  femme  grosse. 


412  7-   Lotb. 

Rân   pourrait   remonter  à  râpnà  :  et.  tan,  irl.  tene  {tan  = 
*tapno)  '.  Ràn  remonterait  peut-être  à  ?(p)nâ  (cf.  Walde,  Lat. 
El.  W .  à  rapio,  rumpo,  râpes  ;  Folk-Torp,  Norw.-Diin  Ft.  W 
à  rov. 

431.  Gallois  tavv  ;  irlandais  moyen  tâi  ;  irlandais  ancien  et 
moyen  tâm  —  vieux-breton  taguelguiliat. 

Taw,  en  gallois  moyen,  est  employé  dans  le  sens  de  mort  : 
L.  Aneurin  (Gorchan  Adebon),  Skene,  T.a.B.  11  .95,  30: 

ys  meu  y  gwynaw 
kyn  vwyf  y  dyd  taw 

«  c'est  à  moi  de  le  pleurer  avant  que  je  ne  sois  au  jour  de 
la  mort.  »  M. a.  250.2  le  poète  adresse  une  demande  à  Dieu  : 
Kyn  taw  a  chyn  tezui,  «  avant  la  mort  et  avant  de  me  taire.  » 

Il  n'est  pas  douteux  que  les  auteurs  gallois  n'aient  vu  dans 
taw,  le  mot  taw,  silencieux,  se  taire  :  L.  Noir  (F.a.B.n.  33, 
9)  :  au  sujet  de  la  tombe  d'un  guerrier  : 

kin  bu  taw  y  dan  mein 

«  avant  qu'il  ne  fût  silencieux  sous  les  pierres.  » 
On  trouve  athaw  dans  un  sens  analogue  :  M.  A.  209.  2  (au 
sujet  de  la  mort  d'un  chef: 

Bydoed  y  g  kyhoed  y  g  kwyn  a  ethyw 
oe  athaw  yu  amwyn 

«  des  mondes  publiquement,  en  deuil,  sont  devenus,  par 
sa  mort  (son  grand  silence),  sans  joie.  »  Je  suppose  que  amwyn 
est  pour  ammwyn  =  anmivyn  2. 

1.  Stokes,  Urkeltischer  Sprachschat^,  p.  227,  à  *re{p),  cite  l'irl.  rap  tout 
animal  qui  fouit  pour  lui  (les  cochons  par  exemple)  ;  il  cite  aussi  ropp 
bête  d'attaque  =  *rupnô.  C'est  fort  douteux.  On  trouve  rop,  avec  le  sens 
de  tronc  d'un  corps,  In  Cath  Cath,  6098.  Dinneen  donne  indifféremment 
rap,  rop,  tout  animal  qui  fouille  pour  sa  nourriture. 

2.  M.  A.  167.2  cyn  trenl  iithaw  peut  être  lu  :  treul  a  tbaw,  avant  l'usure 
(l'apaisement)  et  la  mort.  S.  Evans  a  lu  athaw  dans  un  vers  de  Taliesin  : 
il  faut  lire  a  thraw,  comme  en  fait  foi  le  ms.  (Gwenogvryn  Evans,  the  book 
ofTatiein,  p.  42,7). 


Notes  étymologiques  et  îexicographiques.  413 

On  peut  se  demander  toutefois  s'il  n'y  aurait  pas  eu  con- 
fusion, ou  avec  tâm-,  ou  avec  un  autre  tâu.  En  vieil-irl.  tâm 
apparait  avec  un  sens  un  peu  vague  :  Thés.  pal.  11 .258,  1.  12  : 
Crist  ocus  Patrie  Artmache  jarna  feil  tâm  na  cisel,  Christ  et 
Patrie  d'Ardmag  sur  lesquels  il  n'y  a  ni  maladie  (pestilence  : 
Stokes  traduit  par  plagué)  ni  démon.  O'Davorens  Gloss.  1539 
donne  à  tam  le  sens  de  mort  ou  qui  demeure,  reste.  Tâm-galar 
(Acall.  na  Sen.  1184)  aie  sens  clair  de  maladie  mortelle.  On 
trouve  en  irlandais  moyen  taim,  tamh  avec  le  sens  de  :  repos, 
défaillance,  mort  (Windisch,  JVôrt.).  Il  en  est  de  même  en 
irl.  moderne  (Dinneen).  Tdimhnéll  '  (Acall.  na  Sen.  1932): 
a  le  sens  d'évanouissement  (nuage  de  défaillance).  Cf.  Tain 
BdC.  p.  558,  1.  3907  :  Laeg  a  roué  de  coups  le  cocher  de  Fer- 
diad  et  l'a  laissé  pour  mort  sur  le  carreau  : 

iarsin  ergis  ara  Firdiad  asa  thdimhnéill 

«  après  cela  le  cocher  de  Ferdiad  se  leva  de  son  évanouis- 
sement. » 

Tàmh  aurait  pour  équivalent  régulier  en  gallois,  tœw  :  cf. 
llaw,  main,  irl.  làmh.  Il  est  vrai  qu'en  dehors  de  la  forme 
monosyllabique,  m  reparaît  :  dy-lovi;  il  n'y  a  pas  d'évolution 
analogue  pour  taw. 

Un  mot  irlandais  fort  rare,  tâi,  laisse  place  au  doute  comme 
origine  et  comme  sens.  Il  apparaît  dans  le  Glossaire  d'O'  Da- 
voren,  1580  (édition  de  YArchiv  fur  Celt.  Lex)  : 

taimthiu  À.  bas  no  sereclighe.  tamtdi  .i. 
eg  a  enar,  ut  est  taimtiu  Eutaic  espoic 

«  taimthiu,  c'est-à-dire  mort  ou  consomption  (lit  de  dou- 
leur), tamtdi,  c'est-à-dire  la  mort  seule,  comme  est  tamtiu 
(mort)  d'Eutychius  l'évêque.  D'après  Stokes,  le  glossateur 
aurait  vu  dans  tamtdi,  tam,  silencieux  et  tâi,  mort  :  c'est  une 
tentative  étymologique. 

Tâi  apparaît  encore  xlans  un  poème  appartenant  à  Toehmarc 
Etâine.  Windisch  donne  ce  poème  à  la  suite  de  son  édition 
de  Toehmarc  Etâine  (Ir.  Texte  1,  p.  132,  24).  Voici  le  passage 

1.   Au  pluriel,  tdimnélla. 

27 


414  /■  Loth. 

concernant  lài.  Le  dieu  Mider  invite  Etain  à  le  suivre  dans  sa 
demeure  divine  et  lui  en  dépeint  les  charmes  : 

Is  and  sin  nad  bi  mûi  na  tdi 
gela  det  and  dubai  brai 
Is  H  sida  lin  ar  sluag 
is  dath  sion  and  cech  gruad 

«  c'est  là  qu'il  n'y  a  ni ni  mort  ;  des  dents  blanches, 

des  sourcils  noirs  ;  la  multitude  de  nos  troupes  a  le  regard 
éclatant  (la  splendeur  de  l'œil)  ;  toute  joue  a  la  couleur  de 
la  digitale.  »  Mûi  ne  se  retrouve  pas.  Windisch  a  reproduit  avec 
un  point  d'interrogation,  très  justifié,  la  traduction  d'O' 
Curry  :  there  no  grief  or  care  is  known.  Whitley  Stokes  (Thés, 
pal.  11,  p.  195,  note  e  à  mûi  gl.  10,  1.  29),  voit  dans  le  vers 
cité  plus  haut  du  poème  à  Étâin,  le  pronom  possessif  d'ail- 
eurs  connu  de  la  ire  personne,  et  dans  tâi,  le  pronom  pos- 
sessif de  la  seconde  personne.  Il  traduit  :  there  there  isneither 
mine  nor  ihine.  Au  point  de  vue  phonétique,  c'est  irrépro- 
chable et,  aussi,  ingénieux  ,  mais  c'est  faire  de  la  demeure 
céleste  de  Mider  un  paradis  communiste  qui  contraste  étran- 
gement avec  les  idées  et  les  mœurs  des  anciens  Celtes.  Ils 
étaient  fort  susceptibles  en  ce  qui  concerne  l'article  du  mien, 
puissance,  richesse,  femmes,  et  beaucoup  moins  préoccupés  du 
tien.  D'ailleurs,  que  viendraient  faire  immédiatement  après 
dans  le  même  grand  vers  :  dents  blanches,  sourcils  noirs  et  le 
reste  ?  Le  contexte  n'est  guère  en  faveur  d'une  pareille  hypo- 
thèse. Le  pays  de  l'éternelle  jeunesse,  le  pays  où  on  ne  meurt 
pas  est,  au  contraire,  un  thème  favori  des  poètes  et  auteurs  de 
l'ancienne  Irlande. 

D'ailleurs,  en  supposant  même  que  tdi  ait  ce  sens  dans  le 
poème,  il  ne  peut  l'avoir  dans  la  glose  d'O'Davoren.  Cette 
glose  paraît  avoir  sa  source  dans  une  glose  du  Félire,  Jul.  2  Gl., 
reproduite  par  Windisch  Ir.  Texte,  Wort.  à  taimthiu  :  taim- 
thiu  ?  .i.  bas  no  tam  no  serb,  no  tamthiu  À.  tomaithium,  no 
tai[m]thiu  À.  tam  tai  À.  éc  a  aenur  no  serg. 

«  taimthiu,  c'est-à-dire  mort  ou  maladie,  ou  consomption  (je 
lis  serg  :  serg  à  la  fin  de  la  glose  parait  déplacé)  c'est-à-dire 
menace  ou  mort  (Windisch  death-bed),  c'est-à-dire  tam  tdi, 


Notes  étymologiques  et  lexicographiques.  415 

c'est-à-dire  mort,  seul.  L'expression  éc  a  aenur  est  éclairée  par 
une  glose  au  Félire,  june  30  :  taimthiu  .i.  a  éc  fri  hadart  «  taintr 
thiu  ',  c'est-à-dire,  sa  mort  contre  l 'oreiller,  mort  solitaire  2.  Si 
on  ne  tenait  pas  compte  du  vers  du  poème  à  Étâin,  on  serait 
tenté  de  voir  dans  tdi,  un  dérivé  en  i  de  tau-  (irl.  to)  :  mort 
silencieuse.  Mais  tâi  paraît  .être  un  substantif. 

La  comparaison  de  l'irl.  tàm  (tâmh)  avec  le  latin  tâbes,  s'im- 
posait :  c'est  un  élargissement  par  -m  (par  bh  en  latin)  de  la 
racine  tâ(ji)-,  à  laquelle  on  donne  généralement  le  sens  de 
fondre  (gallois  tawdd,  toddi,  breton  teu^i,  fondre). 

En  irlandais,  tau-  n'apparaît  pas  dans  ce  sens,  ce  qui  ne 
constitue  pas  une  preuve  contre  l'origine  indiquée  de  tàm, 
mais  une  simple  présomption.  On  remarquera  d'un  autre  côté 
que  les  idées  de  silence  et  de  mort  sont  corrélatives.  Comme 
tàm,  taw  a  non  seulement  le  sens  de  tranquillité,  cessation,  mais 
aussi  de  mort.  Taw  est  substantif  et  adjectif:  pour  le  breton, 
le  supplément  de  Le  Goff  au  Dict.  d'Ernault,  donne  taù, 
silence.  Teùel,  taùein,  en  vannetais,  a  le  sens  de  cesser  (par 
exemple  pour  la  pluie),  se  taire,  faire  cesser,  apaiser  :  taùein 
kounar,  faire  cesser  la  fureur  (de  Dieu).  Ce  sens  rappelle  le 
glose  du  vieux-breton  guo-teguis  gl.  compescuit.  Certains  sens 
de  tàm  ne  s'expliquent  pas,  sans  en  forcer  le  sens,  par  la  tra- 
cine  tâu-,  fondre.  Il  semble  qu'en  celtique  tout  au  moins,  les 
deux  racines  se  soient  confondues. 

Le  vieux  breton  taguelguiliat  gl.  siliccrnium  n'est  pas  sans 
intérêt  au  sujet  de  la  parenté  du  silence  et  de  la  mort.  Le 
mot  a  le  sens  propre  de  veillée  3  silencieuse  (ou  fête  silencieuse), 
en  réalité,  fêle  des  silencieux,  des  morts.  C'est  le  sens  du  mot 
latin  glosé  silicernium.  On  l'interprétait  par  le  repas  appelé  silen- 
cieux, pris  en  silence.  Osthoff  (Par.  1 .  66  et  suiv.)en  a  trouvé 
une  interprétation   qui  s'impose  :  c'est  le  repas  des  morts, 

1.  Cela  paraît  être  une  expression  consacrée  :  éc  friadart,  Goid.  102,12 
(K.M.,  Contr.  à  adarf). 

2.  Windisch  Wort.  traduit  taimthiu  par  death-bed.  L'accusatif  sg.  tatnthine 
se  trouve  Fêl.  oct.,  29  (Windisch,  après  i  29,  a  un  point  d'interrogation). 
C'est  un  subst.  en  -tiô,  -tien.  L'a  paraît  bref,  tomaithium  est  connu  comme 
accusatif.  Dinneen  donne,  d'après  P.  O'Clery,  un  nominatif  tomba itbeamh. 

3.  Le  gallois  gwyl,  breton  gouel,  irl.  /^//représente  le  latin  vig(i)lia. 


416  /.   Loth. 

c'est-à-dire,  suivant  son  heureuse  expression,  des  silentes  (cf. 
Walde  «,  Lat.  Et.  IV.). 

Il  est  probable  que  tdi,  qui  parait  bien  avoir  le  sens  de 
mort,  a  eu  le  sens  primitif  de  silence  (*tâui,  *tausï  ?). 

Les  veillées  et  repas  des  morts  étaient  bien  connus  des 
Celtes.  Il  y  en  avait,  il  n'y  a  pas  loHgtemps,  des  souvenirs  en 
Irlande  et  en  Bretagne. 

En  Basse-Bretagne,  suivant  un  usage  qui  n'a  pas  encore 
disparu,  la  veillée  du  mort  réunissait  bon  nombre  de  parents 
et  d'amis,  un  repas  leur  était  servi.  Mais  le  repas  principal, 
se  fait  après  l'enterrement.  On  boit  ferme  avant  2,  pendant  et 
après,  en  l'honneur  du  défunt. 

432.  Gallois  cerdded  ;  breton  kerzet  ■  voc.  corn,  kerd, 
iter  ;  corn.  moy.  certhes  (th  =  d)  ;  irlandais-moyen  ceird  ; 
fo-cherdam  —  allemand  scherz,  scherzen. 

Le  sens  des  mots  gallois,  breton,  comique,  est  marcher,  se 
mettre  en  marche.  Stokes  (\Jrk.  Spr.,  p.  80) cite  un  mot  irlan- 
dais-moyen, du  Glossaire  d'O'Davoren  :  ceird.  :  céimniugud 
no  cing,  sens  analogue.  (Le  substantif  verbal  decingim,  je  vais, 
marche,  est  généralement  céirri). 

On  a  généralement  rapproché  de  cerd-,  le  vieil  irlandais  et 
irl. -moyen  fo-cherd  —  très  largement  représenté  comme  verbe 
dans  le  sens  ordinaire  de  lancer,  placer  (Pedersen,  Vergl.  Gr.y 
n,  380-384,  499,  502)  '. 

Je  ne  crois  pas  qu'on  ait  jamais  rapproché  le  brittonique 
de  l'allemand  scherzen,  plaisanter,  rire,  se  moquer,  folâtrer. 
Or,  en  mha.  scherzen  avait  le  sens  propre  de  sauter  joyeusement, 
sautiller  ;  scherz,  saut,  marche  rapide  ou  course.  On  en  a  rap- 
proché oxaipw,  v.ipox^  (cf.  Kluge,  Etym.  Wôrt  ;  Falk-Torp, 
Norw.-Ddn.  Et.  W .  1.262  àforskjertse).  Le  gallois  nous  apporte 
pour  ce  rapprochement  un  argument  décisif.  O.  Pughe,  Dict., 

1.  En  Nachtrag,  Walde  cite  de  silice) nium  une  interprétation  d'Ehrlich, 
qui  paraît  peu  vraisemblable. 

2.  Dans  les  bourgs,  une  tournée  dans  les  différentes  auberges  est  obli- 
gatoire, sous  peine  d'être  accusé  d'avarice. 

3.  Pedersen  a  rapproché,  à  tort,  de  cerd-  le  gallois  cordd  qui  remonte  à 
coriâ,  et  est  identique,  moins  le  genre,  à  l'irl.  cuire,  troupe  =  *cor\o-. 


Notes  étymologiques  et  lexicograpbiques.  417 

donne,  comme  mots  courants  :  go-gerdd,  f.,  a  burlesque  ;  go- 
gerddol,  ludicrous  (*uo-cerd-).  Je  n'en  connais  pas  d'exemple 
ancien,  mais  il  n'y  a  aucun  doute  à  avoir  ni  sur  la  lorme,  ni 
sur  le  sens.  Falk-Torp,  comme  on  l'a  fait  souvent,  rapproche 
desformes  germaniques,  Yul.fo-chetdaim,  schlenkern.springen. 
Je  n'en  connais  pas,  en  ce  qui  me  concerne,  d'exemple  avec  ce 
sens. 

433.  Note  additionnelle  à  goubannùél-noz,  goubanen  ; 
vieux-breton  gud  —  (voir  Rev.   Celtique,  t.  XLII,  p.  366). 

L'explication  que  j'ai  donnée  du  maintien  de  ^  initiale  après 
gou-  dans  goubannïoel,  est  fort  discutable.  Le  sens  et  la  phoné- 
tique recommandent  la  composition  en  vieux-breton,  par 
gud-  =  uo-ud-.  banwel,  zénith  :  gubanwel  =  gud-banwel, 
lumière  diminuée,  crépuscule.  Cf.  gud-ndiol  gl.  minus erudiens 
(Gloses  d'Orléans)  ;  gud-coguod  '  gl.  reprehendendi  (ibid.)  ;  gud 
(Gloses  d'Orl.,  p.  29,  n°  163)  est  un  mot  commencé  visant 
évidemment  parvum  :  utrum  parvum  an  magnum  quis  fura- 
tur.  Gud  se  trouve  sous  la  forme  guod-  dans  guod-  cess  gl.  odio 
habentes  (ibid.}  :  le  mot  est  vraisemblablement  inachevé.  La 
composition  avec  gud-  guod-  paraît  avoir  été  courante  en  vieux- 
breton  et  ici,  comme  ailleurs,  suivant  la  juste  remarque  de 
Pedersen  {Vergl.  Gr.  I,  259),  le  préfixe  précédant  ud-  n'est  que 
secondaire  ;  il  est  certain  que  la  valeur  significative  appartient 
à  ud-. 

Goubànen-no^,  goubanen  étant  bas-vannetais  je  verrai  dans 
bàn-  (cf.  lân,  plein,  ailleurs  leun)  l'irl.  bân,  blanc,  pâle  et  une 
composition  analogue  :  u(o)-ud-bân-. 

434.  Irl.  moyen  bongim,  bongaim,  je  brise  ;  gallois  moyen 

DI-VWNG,  GORDIVWNG. 

1.  coguod  pour  com-uod  est  vraisemblablement  une  forme  vocalique  dif- 
férente de  yed-  :  argywdd  :  cf.  v.  bret.  arcogued  gl.  nicivos,  (pour  ued-,  irl. 
fed-  cf.  Pedersen,  Vergl.  Gr.,  I,  339;  II,  516.)  La  racine,  ijet-,  aller  qui  pa- 
rait dans  l'irl. -moy.  con-fethim,  je  rencontre,  se  trouve  peut-être  dans  le  gal- 
lois moyen  kywet  (Myv.  Arch.,  181. 1  :  yn  llann  yn  llwyr  gywed,  dans  le 
cimetière,  en  complète  rencontre  (compagnie).  S.  Evans  donne  un  exemple 
plus  récent  :  adar  gywed  :  cywed,  pour  lui,  a  le  sens  d'accord. 


4i 8  J.   Loth. 

Sur  bongim  et  ses  composés,  voir  Pedersen,  Vergl.  Gr., 
II,  339,  367,  391,  460,  477.  On  n'a  pas  signalé  jusqu'ici  à 
ma  connaissance,  de  forme  brittonique  avec  le  préfixe  nasal 
du  présent.  Bong,  sous  la  forme  régulière  bwng,  se  trouve  dans 
di-vwng  qui  a  le  sens  net  d'inflexible  (qu'on  ne  brise  pas)  : 
M.  A.  (xne  s.)  210-2  : 

Divwlch  ut  divalch  y  esgar 

Divw(ii)g  bhvng  l  blaen  uvel  drwy  var 

«  chef  sans  entaille  (qu'on  n'entame,  atteint  pas),  —  pas 
fier  ses  ennemis  — ,  inflexible,  rude,  en  avant  de  la  flamme 
(ou  flamme  d'avant)  dans  la  colère.  » 

Ibid.     266.2  Pendefic  Crukyeith  meith  mygyr  divzu(n)g 

«  le  chef  de  Cruckyeith,  large,  admirable,  inflexible  ». 

Ibid.      176.1    Yssym  argluyd  gurd  gordivung  y  var 
Gordwy  neb  nyv  y  si  un  g 

«  j'ai  un  seigneur  rude,  à  la  colère  tout  à  fait  inflexible, 
oppression  de  quiconque  ne  se  soumet  pas  à  lui  ». 

Jusqu'ici  on  n'a,  je  crois,  trouvé  d'équivalent  au  celtique 
que  le  sanskrit  bha-nâj-mi,  je  brise. 

Whitley  Stokes  avait  rapproché  de  bong,  un  comique  boing, 
hache,  mais  il  faut  lire  bony  qui  a  deux  syllabes  et  rime  en  -y 
(P.  D.  2564). 

{A  suivre.)  J.  Loth. 

1.  Cf.  breton  moyen  bhonhi,  reprocher  à  quelqu'un  sa  nourriture  (com- 
paré par  Ernault  à  blwuç).  Dans  ces  deux  vers,  /  =d. 


LES 

LANGUES  BRETONNE  ET  FRANÇAISE 

EN   BRETAGNE 

D'APRÈS  UN  TRAVAIL  RÉCENT 


En  1886,  Paul  Sébillot  avait  publié  dans  la  Revue  d'ethno- 
graphie un  travail  de  statistique  concernant  la  langue  bre- 
tonne (La  langue  bretonne,  limites  et  statistiques  avec  cartes). 
M.  Albert  Dauzat  a  repris  cette  étude  dans  la  Nature  du  Ier  mai 
1926,  p.  273  :  Le  breton  et  le  français,  avec  canes  à  l'appui.  Il 
rappelle  le  travail  de  Sébillot  et  le  résume  :  la  limite  tracée 
par  lui  partant  de  la  mer  à  l'ouest  de  Portrieux,  décrivait  un 
vaste  arc  de  cercle  (à  convexité  tournée  vers  l'ouest)  jusqu'au 
canal  de  Nantes  à  Brest,  qu'elle  coupait  à  égale  distance  de 
Loudéac  (côté  français)  et  de  Pontivy  (côté  breton)  ;  elle  se 
dirigeait  ensuite  au  sud-sud-est  jusqu'à  l'embouchure  de  la 
Vilaine  en  passant  à  15  km.  environ  à  l'est  de  Vannes.  En 
note,  M.  Dauzat  rappelle  qu'il  existait  encore,  en  1886,  une 
enclave  bretonne  en  Loire-Inférieure  (partie  rurale  de  la  com- 
mune de  Batz),  résidu  d'un  ilôt  plus  important  que  la  pous- 
sée du  français  dans  la  basse  vallée  de  la  Vilaine  sépara  du 
reste  de  la  masse  bretonne  vers  le  xne  siècle.  Il  n'y  restait  en 
1886,  que  trois  cents  bretonnants  environ,  aujourd'hui  il  n'en 
reste  presque  plus  (cf.  R.  Celt.  XXXIII,  151).  J'ajouterai  que 
le  breton  de  Batz  nous  est  connu  :  c'est,  avec  quelques  traits 
particuliers,  du  haut  vannetais  '. 

1 .  La  parabole  de  Y  Enfant  prodigue  a  été  donnée  en  dialecte  du  bourg 
de  Batz  par  M.  Bureau,  dans  la  Revue  Celtique,  t.  III,  p.  250  (1 876-1878). 
M.  Ernault  a  publié  en  1883,  dans  les  Mémoires  de  r  Association  bretonne, 
une  étude  sur  le  dialecte  breton  de  la  presqu'île  de  Batz  (cf.  R.  Celt.  VI, 
508). 


420  /.  Loth. 

La  statistique  de  M.  Dauzat  rectifie  et  complète  celle  de 
Sébillot.  Le  breton  a  perdu  du  terrain  depuis  1886.  La  limite 
n'est  plus  tout  à  fait  la  même.  Le  recul  est  surtout  sensible 
dans  le  Morbihan.  Des  renseignement  précis  ont  été  fournis  à  ce 
sujet  à  l'auteur  par  l'abbé  Guillevic,  vicaire  général  de  Vannes. 
Sur  169  paroisses  qui  avaient  été  classées  comme  étant  de 
langue  bretonne  lors  du  remaniement  des  diocèses  sous  Napo- 
léon Ier  ;  il  y  en  a  aujourd'hui  48  où  le  catéchisme  et  la  plu- 
part des  prédications  (sinon  toutes)  se  font  en  français,  et  27 
qui)  considérées  comme  bilingues,  ont  deux  catéchismes,  l'un 
en  breton  et  l'autre  en  français,  et  des  prédications  en  breton 
ou  en  français  suivant  les  messes.  Ces  données  appellent  un 
léger  correctif,  d'après  l'abbé  Guillevic,  parce  que  les  institu- 
teurs et  institutrices,  même  libres,  engagent  les  enfants  parlant 
plutôt  le  breton  à  suivre  le  catéchisme  français.  Dans  trois 
localités,  Caudan,  Crach  et  Camac,  tous  les  garçons  vont  au 
catéchisme  breton,  toutes  les  filles  au  français  :  répartition 
arbitraire,  d'après  M.  Dauzat,  mais  qui  prouve  du  moins  que 
les  enfants  connaissent  les  deux  langues.  La  raison  en  est  fort 
simple  :  en  général,  les  institutrices  religieuses  se  refusent 
tout  net  à  enseigner  à  lire  en  breton,  et  cela  avec  l'appui  des 
habitants.  Des  paysans  de  mon  pays  m'ont  dit  plusieurs 
fois  :  nos  enfants  savent  le  breton  ;  ils  n'ont  pas  besoin  qu'on 
le  leur  enseigne.  Ce  recul  du  breton  est  peu  sensible  à  l'inté- 
rieur ;  il  est  considérable  sur  la  côte  du  Morbihan.  Il  n'y  a 
plus  de  catéchisme  breton  à  Groix,  à  Belle-Ile,  dans  le  canton 
(ou  doyenné)  de  Sarzeau,  dans  les  îles  du  Morbihan,  et  les 
paroisses,  jadis  bretonnantes  de  Muzillac  et  de  Questembert. 
Les  îles  de  Houat  et  Hœdic,  plus  isolées,  font  exception  : 
Houat  est  bilingue  ;  Hœdic,  entièrement  breton. 

J'ai  passé  en  1923  deux  mois  à  Saint-Gildas-de-Rhuys  ;  des 
vieillards  parlent  encore  le  breton.  A  Arzon,  et  Port-Navalo  (où 
j'ai  passé  deux  mois,  deux  années  de  suite  en  1921  et  1922), 
j'ai  pu  constater  que  la  population  d'âge  mûr  savait  le  breton, 
mais  que  les  jeunes,  en  général,  l'ignoraient  et  ne  le  com- 
prenaient même  pas.  Dans  une  génération,  le  breton  aura  dis- 
paru de  la  péninsule.  Dans  les  îles  du  Morbihan,  il  y  a  une 
vingtaine   d'années,  tous  les  indigènes  parlaient  ou  compre- 


Les  langues  bretonne  et  française.  421 

naient  le  breton.  J'ai  recueilli  moi-même  un  certain  nombre 
de  chansons  à  l'Ile-aux-Moines  et  publié  une  étude  sur  le  bre- 
ton de  cette  île.  J'en  ai  publié  une  autre  sur  le  breton  de 
Sauzon  (Belle-Ile),  qui  est,  en  somme,  du  bas-vannetais. 

M.  Dauzat  constate  que,  dans  les  Côte-du-Nord,  le  breton 
résiste  mieux,  bien  qu'on  observe  un  fléchissement  au  sud  et 
surtout  sur  la  côte.  A  Saint-Connec,  où  on  prêchait  en  breton, 
il  y  a  trente  ans,  on  ne  parle  presque  plus  breton  et  on  ne 
prêche  plus  qu'en  français  ;  la  paroisse  de  Saint-Gilles  est  com- 
plètement francisée  ;  à  Mur,  il  y  a  vingt  ans  qu'on  ne  prêche 
plus  qu'en  français.  Le  curé-doyen  de  Plouha  à  déclaré  à  M. 
Dauzat  qu'Userait  bien  obligé  de  cesser  les  prédications  en  bre- 
ton, sous  peine  de  n'être  plus  compris.  A  Plouha,  il  n'y  a  plus 
de  catéchisme  breton,  et  on  a  dû  organiser  des  catéchismes 
français  dans  le  doyenné,  à  Lanloup,  Lanleff,  Pléhédel  et 
Pludu^l  où  l'on  ne  prêche  encore  qu'en  breton. 

Ce  qui  est  beaucoup  plus  grave,  c'est  qu'à  l'intérieur  même 
de  la  zone  bretonnante,  il  y  a  un  grand  nombre  d'importants 
îlots  français.  Toutes  les  villes  grandes  ou  petites  parlent  le  fran- 
çais et  sont  des  centres  de  propagation  du  français.  Dans  le 
Finistère  même,  où  il  n'y  a  que  14  paroisses  exclusi- 
vement de  langue  française,  le  français  domine  dans  toutes  les 
villes.  A  Châteaulin  (2.500  habitants),  commerçants,  bour- 
geois, fonctionnaires  parlent  exclusivement  le  français,  paysans 
et  domestiques  parlent  breton.  M.  Dauzat  résume  ainsi,  dans 
une  note,  p.  277,  les  résultats  de  son  enquête  :  «  En  détal- 
quant les  îlots  français  des  villes  et  des  bourgs  (ceux  de  Brest 
et  de  Lorient  surtout  sont  considérables),  on  arrive  à  la  con- 
clusion, qu'un  tiers  à  peine  des  Bretons  parlent  habituel- 
lement breton.  » 

Il  y  aurait  des  réserves  à  faire  sur  certains  éléments  de  la 
statistique  de  M.  Dauzat.  De  ce  qu'il  n'y  a,  plus  de  caté- 
chisme breton  dans  certaines  bourgades,  il  ne  faut  pas  con- 
clure que  le  breton  en  ait  disparu.  Ce  n'est  pas  non  plus, 
je  crois,  la  pensée  de  M.  Dauzat,  mais  ses  lecteurs  pourraient 
le  supposer.  C'est  ainsi  qu'il  n'y  a  plus  que  le  catéchisme 
français  dans  ma  bourgade  natale,  Guémené-sur-Scorff  (Mor- 
bihan). Et  cependant  la  population  est  bilingue.  Il  y  a  même, 

Revue  Celtique,  XL11L  27 


422  /.  Loih. 

je  crois,  très  peu  d'habitants  de  Guémené  qui  ne  comprennent 
pas  le  breton.  Il  y  a  de  20  à  30  ans,  les  deux  catéchismes  exis- 
taient ;  à  le  grand'messe,  on  prêchait  alternativement  en  fran- 
çais et  en  breton.  Je  me  souviens  que  les  paysans  (hommes) 
massés  en  face  de  la  chaire,  près  de  la  grand'porte,  sortaient 
tous,  aussitôt  que  le  curé  montait  en  chaire,  et  entamait  son 
prône  en  français,  pour  aller  boire  à  sa  santé  dans  les 
auberges  groupées  aux  alentours  de  l'église.  Une  chose  que  M. 
Dauzat  n'a  pu  observer  et  qui  n'est  pas  sans  importance,  c'est 
que  des  personnes,  dans  les  centres  bilingues,  parlant  couram- 
ment le  breton,  le  parlent  incorrectement. 

Il  n'y  a  pas  longtemps,  à  Guémené,  entendant  une  com- 
merçante de  mes  amies  parler  breton  avec  une  paysanne,  je  lui 
fis  une  remarque  qui  l'étonna  fort  :  «  Vous  croyez  savoir  le 
breton  ?  Dans  la  simple  phrase  cpre  vous  venez  de  dire,  vous 
avez  fait  trois  grosses  fautes.  »  J'appelai  sa  mère  qui,  comme 
tous  les  anciens,  savait  vraiment  le  breton.  Je  fis  répéter  la 
phrase  à  l'intéressée  :  la  mère  la  reprit  et  les  trois  solécismes 
furent  dûment  constatés. 

Il  y  a  dans  le  travail  de  statistique  si  consciencieux  de  M. 
Dauzat,  quelques  regrettables  erreurs.  On  compte,  dit-il, 
p.  277,  cinq  types  principaux  de  dialectes  :  le  vannetais  (Mor- 
bihan); le  cornouaillais  (sud  du  Finistère),  léonais  (nord  du 
Finistère)  ou  plutôt  Léonard  ;  trégorrois  (ouest  des  Côtes-du- 
Nord),  Goëlo  (à  l'est  du  précédent).  Ces  délimitations  sont 
beaucoup  trop  vagues.  Il  y  a  pour  le  cornouaillais  une  grosse 
erreur  :  il  s'étend  non  seulement  sur  le  sud  du  Finistère, 
mais  encore  sur  le  sud  des  Côtes-du-Nord  pénétrant  à  l'inté- 
rieur, au  nord,  jusqu'à  la  hauteur  de  Bourbriac.  Il  eût  suffi  à 
M.  Dauzat  de  se  reporter  aux  limites  des  évêchés  avant  la  Révo- 
lution. Il  y  a  là  un  fait  d'une  très  grande  importance  :  les 
limites  des  évêchés  étaient  les  limites  des  dialectes.  La  base  des  évê- 
chés était  linguistique,  ethnique.  Pour  l'évêché  de  Vannes,  on 
ne  peut  guère  signaler  dans  l'évêché  de  Cornouailles  qu'une 
paroisse  de  langue  vannetaise,  Neulliac,  aujourd'hui  dans  le 
Morbihan.  Le  canton  actuel  de  Gourin  (Morbihan)  qui  est  de 
dialecte  cornouaillais,  dépendait  de  l'évêché  de  Quimper  ;  de 
même  toute  la  partie  de  dialecte  cornouaillais  du  canton  du 


Les  langues  bretonne  et  française.  423 

Faouët  :  là,  la  limite  était  PEllé  (mieux  Elé  :  Elegium  flumen). 
Les  communes  de  ce  canton  sur  la  rive  gauche  de  l'Ellé, 
Berné,  Meslan,  Priziac,  de  dialecte  vannetais,  dépendaient  de 
l'évêché  de  Vannes.  La  paroisse  actuelle  de  Plouray,  comprise 
dans  le  canton  de  Gourin,  de  dialecte  vannetais,  était  aussi 
dans  Tévèché  de  Vannes.  Il  en  était  de  même  de  Guilïgomarch, 
aujourd'hui  dans  le  Finistère  ;  de  même  aussi  des  paroisses  de 
Mellionec,  Lescouet,  Plélauf,  Perret,  Mur  aujourd'hui  dans 
les  Côtes-du-Nord. 

On  peut  faire,  à  la  rigueur,  un  dialecte  particulier  du  Goello. 
Le  Goello  d'ailleurs  ne  faisait  pas  partie  de  l'évêché  de  Tré- 
guier  ;  c'était  un  des  deux  archidiaconés  de  l'évêché  de  Saint- 
Brieuc,  mais,  dans  ce  cas,  il  faudrait  également  faire  un  dia- 
lecte spécial  du  bas-vannetais  (entre  Scorff  et  Elle).  M.  Dau- 
zat  aurait  trouvé  dans  ma  Chrestomathie  bretonne,  des  échan- 
tillons des  différents  dialectes  et  des  principaux  sous-dialectes. 

M.  Dauzat  (p.  274)  nous  dit  que  le  breton,  vers  les  vme- 
ixe  siècles,  avait  gagné,  au  nord,  le  diocèse  de  Saint-Malo  ; 
au  sud,  la  région  de  Guérande  jusqu'au  voisinage  de  Saint- 
Nazaire.  Il  y  a  là  une  grosse  erreur  historique;  Eginhard  était 
bien  informé  quand  il  avançait  que  les  Bretons  émigrés 
s'étaient  établis  d'abord  sur  les  terres  des  Vénètes  et  des  Curio- 
solites.  De  fait,  les  premiers  émigrés  dont  nous  connaissons 
les  noms,  les  prêtres  Lovocatus  et  Iserninus,  menacés  d'ex- 
communication par  trois  évêques  gallo-romains  de  la  province 
de  Tours,  parmi  lesquels  l'évêque  de  Rennes  (vers  la  fin  du 
règne  de  Clovis)  devaient  se  trouver  sur  les  terres  de  l'évêché 
de  Rennes1. 

Au  vie  siècle,  le  monastère  de  Dol,  fondé  par  un  saint  insu- 
laire qui  est  un  personnage  historique,  est  un  centre  breton 
fort  important.  Nominoé,  grand  politique  aussi  bien  que  grand 
guerrier,  qui  s'était  débarrassé  des  quatre  évêques  gallo-romains 
de  la  péninsule,  dont  celui  de  Vannes,  et  avait  soustrait  ses 
évêques  à  la  suprématie  de  Tours,  fit  de  Dol  la  métropole  de 
la  Bretagne. 

Au  sud,  ce  sont  les  Bretons  établis  entre  l'embouchure  de 

1.   Duchesne,  Revue  de  Bret.  et  de  Vendée;  janvier  1885. 


424  7-  Loth. 

la  Loire  (le  breton  a  été  parlé  jusqu'à  Donges)  et  l'Ellé,  qui 
engagent,  au  cours  du  vic  siècle  contre  les  Francs,  une  lutte 
presque  incessante  jusqu'au  triomphe  définitif  par  la  victoire 
de  Nominoé  à  Ballon,  en  84e.  Tous  les  combats  se  livrent  sur 
leur  territoire.  Le  plus  grand  des  chefs  Bretons,  Weroc,  qui 
a  donné  son  nom  au  vannetais  breton,  au  ixe  siècle  Bro- 
Weroc  (le  pays  de  Weroc),  aujourd'hui  Broerec  ',  lorsque 
l'évèque  de  Nantes,  saint  Félix,  vers  579-580  alla  le  trouver 
pour  intercéder  en  faveur  de  ses  ouailles  qu'il  avait  emmenées 
en  captivité,  avait  sa  résidence  à  Aula  Quiriaca,  que  M.  Quil- 
gars  a  fort  heureusement  identifié  avec  Les-Guiriac,  en  Piriac, 
près  de  Guérande  (dans  les  chartes  du  Cartulaire  de  Redon, 
du  ix- xe  siècle,  le  breton  lis,  les  équivaut  à  Aida  ;  ci.  R.  Celt., 
XXIII,  205). 

Presque  toute  là  péninsule  a  été  bilingue.  A  l'ouest,  au 
ixe  siècle,  le  breton  avait  fini  par  étouffer  le  roman.  Mais  le 
recul  du  breton,  commença  dès  le  xe  siècle  pour  des  raisons 
historiques  que  je  résume  en  quelques  mots. 

Après  avoir  conquis  les  pays  de  langue  française  du  Rennais 
et  du  Nantais,  dans  la  seconde  moitié  du  ixe  siècle,  et  reculé 
les  frontières  de  la  Bretagne  jusqu'à  la  Mayenne  et  la  Maine 
(au  nord,  le  Cotentin  avait  été  annexé),  les  principaux  chefs 
bretons,  avec  leurs  guerriers,  s'établirent  sur  les  frontières, 
en  pleine  zone  de  langue  française.  Des  alliances  entre  eux  et 
des  familles  françaises  (on  en  signale  avec  des  princesses  de 
France)  ne  tardèrent  pas  à  se  nouer.  Les  mœurs  et  la  civili- 
sation françaises  ne  tardèrent  pas  à  les  gagner  et  avec  eux,  la 
langue  de  leurs  sujets  et  de  leurs  alliés.  Mais  cette  francisation 
n'aurait  pas  eu  de  graves  conséquences  dans  le  reste  de  la 
péninsule,  si  elle  n'était  pas  venue  renforcer  l'élément  gallo- 
roman  qui  persistait  sur  un  grand  nombre  de  points  de  la  zone 
bretonnante.  L'exode  d'un  grand  nombre  de  Bretons  des 
classes  élevées,  par  conséquent,  en  général,  de  langue  bre- 
tonne, pendant  les  ravages  des  Scandinaves,  devenus  maîtres 
de  la  péninsule  de  921  à  937,  diminua  aussi  fortement  l'élé- 


1.  Ce  terme  est  aujourd'hui  inusité.  Je  me  souviens  de  l'avoir  entendu 
employer  par  ma  mère,  quand  j'étais  enfant. 


Les  langues  bretonne  et  française.  425 

ment  breton.  Les  uns  passèrent  en  Angleterre;  d'autres  en 
France.  Bon  nombre,  sans  doute,  ne  revinrent  pas.  La  dépopu- 
lation fut  si  grande  que  le  duc  Alain  Barbe-torte  demanda  au  roi 
Louis  d'Outremer  de  lui  envoyer  des  serfs  français,  leur  pro- 
mettant la  liberté.  Si  on  peut  avoir  quelque  doute  sur  ce  point, 
un  fait  significatif  est  que  les  serfs  en  Bretagne,  certaines  régions 
exceptées,  paraissent  avoir  été  affranchis  à  cette  époque. 

Sous  les  influences  que  je  viens  de  signaler,  aggravées  par 
les  vides  produits  par  ce  grand  exode,  l'élément  breton  perd 
du  Xe  au  xiie-xme  siècle,  toute  la  zone  qui  s'étend  du  Coues- 
non  jusqu'à  une  petite  distance  à  l'ouest  de  Saint-Brieuc.  La 
bretonisation  avait  été  évidemment  de  ce  côté  superficielle. 

Le  sud,  plus  fortement  et  dès  la  première  heure  occupé, 
résista  beaucoup  mieux.  La  péninsule  guérandaise  resta  long- 
temps bretonnante. 

M.  Dauzat  connaît  la  Revue  Celtique  puisqu'il  en  fait  men- 
tion. Il  eût  feuilleté  avec  fruit  notamment  certain  travail 
sur  Les  langues  romane  et  bretonne  en  Armorique  (R.  C,  1907, 
p.  374  et  suivantes).  ' 

M.  Dauzat  termine  son  travail  utile  et  intéressant,  p.  278, 
par  une  note  qui  m'a  laissé  rêveur.  Il  signale  d'abord  que, 
sur  la  zone  limitrophe,  là  où  la  population  abandonne  le  bre- 
ton pour  le  français,  les  paysans  parlent  un  très  bon  français. 
Très  bon,  me  paraît  fort  risqué.  A  la  vérité,  ils  parlent  le  fran- 
çais qu'on  leur  a  appris  à  l'école,  assez  correctement,  en  appa- 
rence, mais  quand  on  a  habité  une  localité  où  la  majorité  de 
la  population  et  même  depuis  que  la  totalité  parle  français, 
on  est  assez  vite  renseigné.  Le  français  parlé,  par  exemple,  à 
Port-Navalo,  par  les  gens  du  peuple,  m'a  donné  l'impression 
contraire.  Les  idiotismes  bretons  passent  souvent  en  français. 
Je  me  souviens  de  la  stupéfaction  de  M.  Gaidoz  quand  il 
m'entendit  dire   :  je  l'ai  fait  sans  savoir  à  moi  pour  :  je  l'ai 

1 .  Un  romaniste  compétent  '.et  peu  suspect  d'indulgence,  M.  Paul 
Meyer,  l'a  déclaré  neuf  et  convaincant.  Il  a  fait  des  réserves  sur  la  conser- 
vation deçà-  dans  un  certain  nombre  de  noms  de  lieux  voisins  de  la  fron- 
tière du  Couesnon,.que  j'avais  attribués  à  l'influence  du  breton  :  il  a  cru 
à  une  influence  normande.  Or  ca-  (ke-)  devient  che  du  Couesnon  jusqu'à 
Coutances. 


426  /.  Loîh. 

fait  sans  le  savoir  ;  c'était  une  traduction  de  mon  breton  : 
hon(p)  goût  t'ein  (léonard  hep  gou^put  d'ih  :  l'infinitif  joue  le 
rôle  de  substantif).  On  dit  couramment  «à  Guémené  :  toute 
la  rue  va  avec  eux  pour  :  ils  remplissent  la  rue.  J'ai  entendu  en 
réponse  à  une  question  :  à  récurie  quest  le  cheval,  construction 
parfaitement  bretonne,  pour  :  le  cheval  est  à  récurie. 

Ce  qui  m'a  le  plus  surpris  dans  la  note  de  M.  Dauzat,  c'est 
ce  qui  suit  :  «  A  mesure  qu'on  s'éloigne  à  l'ouest,  le  français 
des  paysans  devient  plus  incorrect,  on  est  surtout  frappé  par 
le  recul  de  l'accent  tonique  et  par  une  prononciation  de  cer- 
taines consonnes  qui  rappelle  celle  des  Alsaciens  (aspiration 
de  k,  t  ;  assourdissement  de  b,  g,  d)  et  qui  a  son  origine  dans 
la  phonétique  lexicale  ou  syntaxique  du  breton. 

Ces  défauts  disparaissent  avec  la  génération  qui  ne  se  sert 
plus  du  breton  comme  langue  usuelle.  »  Le  recul  de  l'accent 
tonique  n'existe  pas  en  vannetais,  en  général.  L'accent  sur  la 
pénultième  brève  ou  longue  existe  bien  dans  les  autres  dia- 
lectes, surtout  en  cornouaillais  et  en  trégorrois.  Chez  ceux  qui 
n'ont  jamais  parlé  breton,  c'est  moins  la  place  que  la  forme 
de  l'accent  qui  est  remarquable.  J'ai  remarqué  sur  un  mien 
cousin,  né  et  élevé  à  Quimperlé,  qui  a  quitté  le  pays  vers  la 
dix-neuvième  année,  lettré,  qui  a  passé  de  longues  années  en 
Tunisie  et  au  Maroc,  et  je  le  remarque  souvent  maintenant 
qu'il  habite  Paris,  qu'il  a  l'accent  le  plus  souvent  sur  la  même 
syllabe  qu'en  français,  mais  que  son  accent  est  très  intensif, 
brusqué. 

Un  fait  général,  c'est  que  la  consonne  occlusive  finale, 
sonore  en  français,  devient  sourde.  Il  y  a  trois  ou  quatre  ans, 
je  causai  à  mon  ami  l'abbé  Rousselot  une  sorte  de  stupeur,  quand 
je  prononçai  sans  y  réfléchir  câmdràtt  au  lieu  de  camarade  ;  il  ne 
s'en  cacha  pas.  Il  y  aurait  aspiration  de  k,  t  d'après  M.  Dauzat  : 
dans  ce  cas  pourquoi  pas  aspiration  de  />?  je  ne  sache  pas  que  les 
Bretons  actuels  aient  imité  les  vieux  Celtes  qui  l'avaient  perdu. 
On  n'a  jamais  fait  d'expériences  de  phonétique  expérimentale 
bien  nette  sur  les  occlusives  initiales  sourdes  et  sonores  du 
breton  et  s'il  y  a  aspiration,  elle  est  sporadique.  Quant  à 
l'assourdissement  de  b,  d,g,  à  l'initiale,  elle  n'a  jamais  été  obser- 
vée.  J'ai  fait  faire,  deux  années  de  suite,  au  laboratoire  du 


Les  langues  bretonne  et  française.  427 

Collège  de  France,  des  expériences  sur  les  sons  du  gallois  du 
Glamorgan.  Elles  ont  été  décisives  :  les  occlusives  sourdes 
initiales  sont  aspirées  ;  les  sonores,  sourdes  ou  accompagnées 
de  très  peu  de  vibrations.  AU  Sommerfelt  est  arrivé  au  même 
résultat  dans  une  autre  partie  du  Pays  de  Galles.  Dans  un 
récent  travail  sur  l'irlandais  de  Torr,  en  Donegal,  il  a  égale- 
ment constaté  que  les  occlusives  sourdes  irlandaises,  à  l'initiale 
sont  aspirées  mais  b  d g  sont  sonores. 

Les  Bretonnants  parlant  français  ont  aussi  parfois  une  ten- 
dance à  transporter  en  français  la  loi  générale  des  langues 
celtiques,  suivant  laquelle  la  syllabe  initiale  du  mot  uni  inti- 
mement au  mot  précédent  et  formant  composé  avec  lui,  subit 
les  mêmes  mutations  que  la  consonne  dans  l'intérieur  du 
mot  :  par  exemple,  un  c  intervocalique  devient  g.  Dernière- 
ment Alf  Sommerfelt  m'écrivait  qu'il  avait  eu  d'abord  du  mal 
à  retrouver  sélect  hôtel  dans  le  sekgôtel  où  une  commerçante 
lui  avait  dit  être  descendue  à  Paris. 

Il  y  a,  en  Bretagne,  un  vaste  champ  d'études  ouvert  pour 
les  dialectologues  et  les  phonétistes. 

J.  Loth. 


VARIÉTÉS 


I.    Sur  un  passage   du  Mabinogi. 

Dans  son  édition  scolaire  du  Mabinogi,  annoncée  ici-même  au 
tome  XLI,  p.  206,  M.  [for  Williams  a  proposé,  p.  90,  de  com- 
pléter le  second  vers  du  second  englyn  chanté  par  Gwydyon  en 
ajoutant  le  mot  gwres.  Cette  correction  n'est  pas  mauvaise,  mais 
elle  laisse  subsister  quelques  difficultés,  qu'il  est  possible  d'écarter 
au  prix  d'une  correction  légèrement  différente. 

Les  deux  premiers  vers  del'englyn  en  question  sont  donnés  dans 
les  manuscrits  ainsi  qu'il  suit  (R.  B.  p.  79,  4  ;  W.  B.  col.  108,  8  ; 
éd.  Mùhlhausen,  p.  65,  7-8): 

dar  a  dyj  yn  arduaes 

nys  gwlych  glaw  nys  mwytawd. 

M.  J.  Loth  (Mab.,  2e  éd.,  I,  401)  a  déjà  signalé  qu'il  manque 
une  syllabe  au  2e  vers  ;  et,  fait  plus  grave,  ce  vers  n'a  pas  de  rime. 
L'expression  nys  gwlych  glaw  se  suffisant  à  elle-même  (cf.  B.  B.  C. 
28,  17  Sk.  =  63,  2  Ev.  et  32,  22  Sk.  =  67,  14  Ev.),  il  faut  com- 
pléter les  mots  nys  mwytàwd qui  restent  en  l'air.  L'addition  du  mot 
gwres  «  chaleur  »  proposée  par  M.  Ifor  Williams  donne  au  vers  la 
syllabe  et  la  rime  qui  lui  manquent  et  au  verbe  mwytawd  le  sujet 
qu'on  attend.  Mais  ce  sujet  convient  mal  pour  le  sens,  puisque  le 
verbe  mwytaw  (auj.  mwydd)  signifie  «  humecter,  tremper,  imbi- 
ber». Si  l'on  admet  la  correction  gwres,  on  ne  peut  maintenir  le 
verbe  mwytawd.  Or,  cette  forme  est  par  elle-même  suspecte.  C'est 
en  effet  un  prétérit,  qui  ne  répond  pas  au  présent  gwlych.  Le  vers 
contient  visiblement  deux  phrases  parallèles  qui  doivent  être  au 
même  temps  (cf.  B.B.C.  17,  4  Sk.  =46, 12EV.).  Dans  le  Red  Book, 
d'après  l'édition  diplomatique  de  Rhys-Evans,  mwytawd  semble 
écrit  en  deux  mots.  Le  White  Book  n'enseigne  rien,  car,  d'après 
l'édition  de  M.  J.  G.  Evans,  mwy  figure  à  la  fin  d'une 
ligne    et   tawd  au    commencement  de   la   suivante.    L'hypothèse 


Variétés.  429 

qu'on  ait  à  faire  à  deux  mots  différents  est  donc  à  peine  une  cor- 
rection. Une  forme  tawd,  3e  pers.  sg.  de  l'indicatif  présent  de  toddi 
«  faire  fondre  »,  outre  qu'elle  convient  au  point  de  vue  de  la  suite 
des  temps,  s'accorde  bien  avec  l'idée  de  la  chaleur  que  le  mot 
gwres  exprime.  Ce  verbe  se  rencontre  souvent  ave  tan  pour  sujet 
(tan  ae  tawd,  M.  A.  287  b  13  d.  b.  ;  cf.  rac  tand  tanaul  ibid.  245  b 
7  d.  b.)  Mais  il  est  aisé  d'améliorer  encore  le  vers  en  y  introdui- 
sant une  allitération  de  plus.  Le  verbe  toddi  suggère  naturellement 
comme  sujet  tes,  autre  nom  de  la  «  chaleur  »  (cf.  Red  Book  Poetry, 
240,  26  Sk.,  où  tes  rime  avec  kyffes;  B.  B.  C.  47,  23  Sk.  =  89, 
10  Ew). 
Le  distique  paraît  donc  devoir  être  lu: 

dar  a  dyf  yn  arduaes 

nys  gwlych  glaw,  nys  mwy  tawd  tes 

«  chêne  qui  pousse  sur  une  haute  terre, 

que  la  pluie  n'humecte  pas,  que  la  chaleur 

ne  dissout  pas  davantage  » . 

Il  faut  entendre  «dissoudre  »  au  sens  de  «  consumer,  détruire», 
comme  dans  la  plupart  des  langues  où  le  verbe  toddi  a  des  corres- 
pondants1. Pour  l'emploi  de  mwy,  cf.  ny  mwy  gysgogit  Wit  uab 
Peithana  pas  davantage  ne  fut  secoué  W.  fils  de  P.  »  (B.  An.  73, 
27  Sk.  =  10,  4  Ev.).  Le  petit  mot  tes  a  disparu  de  l'archétype  du 
Red  Bopk  et  du  White  Book;  on  s'expliquerait  moins  bien  la  dis- 
parition d'un  mot  plus  long  comme  gwres. 

II.  Un  mot  breton  en  poitevin. 

Notre  savant  collaborateur  M.  Antoine  Thomas  veut  bien  nous 
apprendre  que  le  breton  pri  «  argile  »  a  envahi  la  Vendée  et  même 
l'Aunis  avec  son  sens  propre,  voire  au  sens  de  «  cambouis  »,  l'arron- 
dissement de  Civray  (Vienne). 

Dans  le  Glossaire  du  Poitou,  delà  Saintonge  et  de  l'Aunis  par  Fabre 
(Niort,  1867),  on  lit  p.  éi:  bri,  m.  «  argile  ».  Du  celtique  pri 
«  argile  ». 


1.  Sur  l'étymologie  de  ce  verbe,  voir  Wh.  Stokes,  Urk.  Sprachsch., 
p.  120;  Walde,  Lai.  Etym.  Wtb.,2«  éd.,  p.  759;  Boisacq,  Dict.Etytn.  Gr., 
p.  965.  La  même  racine  est  abondamment  représentée  en  germanique 
(Falk-Torp,  Norw.-Dàn.  Etym.  Wtb.,  II,  p.  1313).  L'hypothèse  de  Stern, 
qui  rattachait  toddi  à  l'irlandais  tàdaim  «  j'accorde,  je  réconcilie»  (Z.f.  celt. 
Phil.,  Vil,  493)  ne  parait  pas  valable. 


430  Varié  lés. 

Le  Glossaire  de  V  A  unis  de  L.  H.  Meyer  mentionne  simplement, 
p.  30  :  bri  «  argile  ». 

Le  Glossaire  du  parler  poitevin  de  Lalanne  (Poitiers,  1868)  dis- 
tingue: bri  m.  «  cambouis  »,  air.  de  Civray,  et  bri  m.  «  argile  », 
Vendée. 

Dans  le  Supplément  au  Dictionnaire  de  Littré,  p.  54,  est  enre- 
gistré le  mot  bry  (bri),  nom  de  l'argile  employé  dans  la  Charente- 
Inférieure  à  la  construction  des  digues;  et  nom  donné  en  Saintonge 
aux  terres  des  marais,  qui  sont  argileuses,  noirâtres  et  fertiles. 

M.  Ant.  Thomas  ajoute  :  Je  ne  crois  pas  que  le  français  brai 
«  bouc,  goudron  »  qui  s'applique  parfois  (dans  les  dialectes 
modernes)  à  une  «  terre  grasse  »,  servant  à  faire,  mêlée  à  la  paille, 
le  mortier  dit  bauche,  puisse  être  réduit  à  bri;  le  type  étymolo- 
gique en  est  *brae-,  d'origine  indéterminée. 

Pour  expliquer  le  mot  bri,  Favre  paraît  seul  à  mettre  en  cause 
le  celtique.  Mais  l'identité  de  ce  mot  avec  le  pri(\)  du  breton  est 
des  plus  vraisemblables.  L'altération  de  l'initiale  pourrait  tenir  à 
la  mutation  syntaxique  du  breton  dans  des  cas  comme  skudel-bri 
«  écuelle  de  terre  ».  Mais  s'il  est  possible  de  faire  intervenir  l'in- 
fluence du  français  brai,  le  changement  de  pri  en  bri  s'explique 
mieux  encore.  Le  breton  pri  est  masculin.  C'est  le  même  mot  que 
le  comique  pry  et  le  gallois  pridd.  Le  correspondant  irlandais  en 
est  cré,  gén.  criad,  avec  un  suffixe  à  dentale  en  plus  (cf.  Pedersen, 
Arkiv  for  nordisk  Filologi,  XXIV,  300).  C'est  par  le  commerce  que 
ce  mot  breton  aura  passé  dans  nos  provinces  de  l'Ouest.  Mais  il 
est  étrange  qu'on  ne  l'ait  pas  signalé,  à  notre  connaissance,  dans 
les  parlers  français  de  la  Bretagne.  Aurait-il  été  transporté  par  des 
ouvriers  bas-bretons?  C'était  peut-être  à  l'origine  un  mot  technique 
dans  les  parlers  du  Poitou. 

III.   Des  Marseillais  en  Egypte  au  second 

SIÈCLE    AVANT  NOTRE    ÈRE. 

Les  textes  sur  papyrus,  qui  ont  tant  ajouté  à  notre  connaissance 
de  la  littérature  et  de  la  civilisation  classiques,  vont-ils  fournir 
aussi  des  enseignements  aux  celtistes  ? 

M.  Isidore  Lévy  nous  signale  un  article  delà  Zeitscbrijt  fur  aegyp- 
tische Sprache  und  Allertuinshunde,  t.  60  (1925),  p.  89  et  suiv.,  où  vl. 
U.Wilcken  publie  et  commente  un  texte,  récemment  découvert, digne 
d'intéresser  nos  lecteurs.  Il  s'agit  d'un  acte  passé,  semble-t-il,  devant 
notaire  entre  un  capitaliste  du  nom  d'Archippos  et  cinq  emprun- 


Variétés.  431 

teurs  qui  avaient  besoin  d'argent  pour  fréter  un  navire  en  vue  d'al- 
ler faire  le  commerce  dans  la  région  des  «  aromates  »,  c'est-à-dire 
au  delà  de  la  Mer  Rouge  sur  la  côte  des  Somalis  ou  de  Koroman- 
del.  L'acte  est  du  11e  siècle  avant  notre  ère.  Parmi  les  cinq  arma- 
teurs figure  un  Marseillais  ([Me<T]<j<xXiu>TTrj<;)  dont  le  nom  est  mal- 
heureusement fort  peu  lisible  ;  on  voit  seulement  que  ce 
nom  commençait  par  Ti.  Mais  le  papyrus  contient  autre 
chose  encore.  Il  donne  le  nom  et  la  nationalité  de  cinq 
personnes  associées  avec  les  précédentes  et  qui  servirent  de 
garants  au  prêt  consenti  par  Archippos.  Or,  parmi  les  cinq  garants 
figurent  deux  Marseillais  qui  portent  tous  deux  le  nom  de  Ktvxoç. 
Le  nom  du  père  du  premier  n'est  plus  lisible;  mais  le  second  est 
dit  fils  de  Kfvroç,  si  bien  qu'il  est  permis  de  croire  que  les  deux 
garants  portant  ce  nom  étaient  père  et  fils. 

Il  n'est  guère  douteux  que  Kivtoç  ne  soit  ici  un  nom  celtique. 
C'est  celui  qui  sous  la  forme  latine  Cititus  apparaît  sur  des  inscrip- 
tions en  plusieurs  endroits  du  monde  gaulois  (v.  Holder,  t.  I, 
col.  1023  et  t.  III,  col.  1224).  C'est  pour  le  sens  l'équivalent  du 
latin  Primus. 

M.  Wilcken  ajoute  que  le  nom  Kivto;  se  retrouve  sur  deux  frag- 
ments de  papyrus  conservés  au  Musée  de  Berlin  (P,  5838.4  et  P. 
5840+  5837.10),  qui  paraissent  se  rapporter  à  la  même  affaire, 
et  qui  permettent  d'en  fixer  la  date  avec  plus  de  précision  au  milieu 
du  11e  siècle  avant  notre  ère.  M.  Wilcken  rappelle  enfin  qu'il  y  a 
un  r<r.o;  Kivrousur  un  texte  d'Alexandrie  publié  par  M.  Preisigke 
dans  le  Sammelbuch  (2101,  8).  Et  il  remarque  (p.  97)  :  «  Dass 
ein  Bùrger  der  Griechenstadt  Massalia  einen  keltischen  Namen 
fuhrt  ist  historisch  nicht  ohne  Interesse  ».  Mais  il  n'est  pas  sans 
intérêt  non  plus  de  trouver  des  Marseillais  installés  à  cette  époque 
en  Egypte  pour  y  faire  des  affaires  et  pousser  le  commerce  jus- 
qu'au delà  de  la  Mer  Rouge.  L'association  que  mentionne  l'acte  est 
des  plus  internationales:  on  y  trouve  un  Grec  du  Péloponnèse,  un 
Thessalonicien,  un  Eléate  (de  Lucanie).  un  Carthaginois.  Les  Mar- 
seillais se  trouvaient  là  en  bonne  compagnie. 

J.  Vendryes. 


BIBLIOGRAPHIE 


Sommaire.  —  I.  Holger  Pedersen,  Le  groupement  des  dialectes  indo- 
européens. —  II.  Otto  Heinertz,  Eine  Lautverschiebungstheorie.  —  III. 
Emil  Hochuli,  Strasse,  Weg  und  Kreuzweg  im  romanischen.  —  IV. 
August  OxÉ,  Die  Tôpferrechnungen  von  der  Graufesenque.  — V.  Tadhg 
O'Donnchadha,  Prosôid  Gaedhilge.  —  VI.  Donald  Maclean,  The  Law 
of  the  Lord's  Day  inthe  Celtic  Church. —  VII.  MaxFôRSTER,  Keltisches 
Wortgut  imenglischen.  — VIII.  René  Largillière,  Les  saints  et  l'orga- 
nisation chrétienne  primitive  dans  l'Armorique  bretonne. 

I 

Holger  Pedersen.  Le  groupement  des  dialectes  indo-européens, 
Copenhague,  1925,  57  p.  (Det  Kgl.  Danske  Videnskabernes 
Selskab.,  Histor.-fîl.   Meddelelser,  XI,  3). 

Nous  avons  précédemment  annoncé  les  conférences  faites  par 
M.  Pedersen  au  Collège  de  France  (v.  R.  Celt.,  XLII,  444).  Elles 
viennent  de  paraître  en  volume;  et  ceux  qui  ont  eu  la  bonne  for- 
tune de  les  entendre  auront  grand  plaisir  à  les  retrouver  sous  la 
forme  imprimée.  Dédiée  à  M.  J.  Loth,  «  le  grand  connaisseur  des 
choses  celtiques  »,  la  brochure  est  pleine  de  ces  vues  originales  et 
profondes  dont  M.  Pedersen  a  le  secret.  Traitant  du  groupement 
des  dialectes  indo-européens,  il  ne  pouvait  se  contenter  de  suivre 
les  chemins  battus.  On  ne  trouvera  donc  dans  sa  brochure  ni  un 
résumé  de  l'état  actuel  de  la  question,  ni,  même  un  exposé  d'en- 
semble à  la  façon  du  livre,  d'ailleurs  si  suggestif  et  si  plein,  de 
M.  Meillet.  Son  but  n'était  pas  de  faire  œuvre  de  vulgarisation  ou 
d'exposition  dogmatique,  mais  bien  œuvre  de  recherche  ;  et  dans 
ce  genre,  il  a  donné  un  modèle. 

Il  a  pris  son  sujet  par  un  biais,  qui  lui  a  permis,  tout  en  fixant 
chemin  faisant  nombre  de  détails  nouveaux,  de  préparer  l'établis- 
sement de  conclusions  générales  d'une  grande  portée.  Il  est  parti 


Bibliographie.  433 

du  celtique,  ou  plutôt  de  l'italo-celtique  (qu'il  considère  à  la  façon 
habituelle  en  repoussant  l'hypothèse  soutenue  naguère  parWalde; 
cf.  R.  Celt.,  XLII,  379)  ;  et  il  s'est  proposé  d'en  marquer  les  rap- 
ports avec  les  langues  indo-européennes  nouvellement  découvertes, 
le  tokharien  et  le  hittite. 

Dès  qu'a  été  commencée  l'interprétation  des  textes  en  tokharien, 
l'on  a  été  frappé  des  traits  que  cette  langue  offre  en  commun  avec 
l'italo-celtique  (cf.  R.  Celt.,  XXXIV,  129  et  XXXVIII,  79). 
M.  Pedersen  ajoute  plusieurs  rapprochements  à  ceux  qui  ont  été 
déjà  proposés.  Il  retrouve  par  exemple  dans  le  latin  premô  (per- 
fectum pressi)  un  type  d'élargissement  des  racines  au  moyen  d'un 
suffixe  -m-,  plusieurs  fois  attesté  en  tokharien.  Il  compare  irl. 
cailin  bret.  pl-ac'h  «  jeune  fille  »  à  koutchéen  klea  femme  »,  irl.  cèle 
gall.  cilydd  «  compagnon  »au  suffixe  comitatif  -s'seh  dutourfanien, 
irl.  flailh  gall.  gwlad  a  pays  »  au  koutchéen  walo  et  lânle  «  roi  », 
irl.  cucht  ce  forme  extérieure  »  (cf.  v.  isl.  hâttr  «  apparence  »,  de 
*koktu-)  au  koutchéen  kektsene  «  corps  »,  le  suffixe  italo-celtique 
*-ti-ôn-  (attesté  en  osco-ombrien)  au  suffixe  -tsènd  et  -Iso  du 
koutchéen,  le  suffixe  italo-celtique  *-âgôn-  au  suffixe  -ako  du  kout- 
chéen, le  suffixe  celtique  *-iyamon-  (irl.  brithem  gén.  brithemon 
«  juge  »)  au  suffixe  des  mots  xvasamo  «  compagnon  »,  aisamo 
«  savant»  du  tokharien,  l'évolution  sémantique  de  l'irlandais  daig 
(doig)  «  feu  »  et  «  maladie  »  à  celle  de  tokharien  teki  «  maladie  », 
etc.  Ces  concordances  ne  sont  certainement  pas  accidentelles.  On 
peut  les  interpréter  tantôt  comme  des  survivances  communes,  tantôt 
comme  des  innovations  parallèles,  dont  le  point  de  départ  était 
peut-être  à  peine  perceptible  dans  la  langue  mère  (ainsi  le  système 
des  formes  en  -r-  apparaît  à  M.  Pedersen  comme  une  innovation). 
Dans  les  deux  cas  elles  révèlent  une  étroite  parenté  entre  l'italo-cel- 
tique et  le  tokharien.  Ce  dernier  doit  son  caractère  particulier  à  la 
position  périphérique  qu'il  occupe.  On  peut  dans  une  certaine 
mesure  en  dire  autant  de  l'italo-celtique. 

Le  hittite  vient  confirmer  encore  cette  conclusion.  La  résurrec- 
tion de  cette  langue  est  un  événement  linguistique  considérable, 
dont  on  ne  peut  encore  mesurer  toute  la  portée.  Le  déchiffrement 
et  l'interprétation  des  milliers  de  tablettes  trouvées  à  Boghaz-Keui 
se  poursuivent  régulièrement.  Ce  qu'on  en  sait  déjà,  après  les  tra- 
vaux de  Knudtzon  et  de  MM.  Hrozny,  Marstrander,  Forrer,  Som- 
mer, Friedrich  etc.,  paraît  à  M.  Pedersen  prouver  des  rapports  spé- 
ciaux entre  le  tokharien  et  le  hittite.  L'italo-celtique  présente  par 
suite  quelques  concordances  avec  ce  dernier,  et  avant  tout  la  con- 
jugaison en  -r. 


434  Bibliographie. 

Cette  conjugaison  apparaît  aussi  dans  le  peuqu'on  a  du  phrygien. 
Il  faudrait  donc  supposer  que  Pitalo-celtique,  le  phrygien,  le  tokha- 
rien  et  le  hittite  auraient  constitué  dans  une  antiquité  reculée  un 
groupe  continu  de  dialectes  de  la  langue  mère  et  que  plus  tard  ces 
branches  auraient  été  violemment  séparées  et  éloignées  l'une  de 
l'autre,  une  partie  pour  dominer  l'Europe,  une  autre  pour  s'épa- 
nouir et  s'évanouir  dans  la  mer  de  nations  de  l'Asie.  C'est  la  con- 
clusion de  M.  Pedersen.  Il  la  précise  d'un  mot  qui  est  précieux  pour 
nos  études.  C'est  que  grâce  à  un  esprit  linguistique  particulier,  qui 
a  d'ailleurs  créé  tant  de  bizarreries  à  une  époque  plus  tardive,  le 
celtique  a  souvent  conservé,  par  exemple  dans  la  conjugaison  en -r, 
des  irrégularités  anciennes  que  les  autres  langues  ont  aplanies 
(p.  52).  Si  donc  les  langues  celtiques  cessent  d'être  parlées,  une  des 
nuances  les  plus  originales  et  historiquement  les  plus  intéressantes 
de  l'indo-européen  aura  disparu  (p.  6).  Cette  conclusion  est  à  médi- 
ter par  ceux  qui  ont  reçu  du  destin  la  garde  de  ce  précieux  dépôt. 

J.  Vendryes. 


II 

Otto  Heinertz.  Eine Lautverscbiebungstheorie.  Lund,  1925.  84  p.  8° 
(Lunds  Universitets  Aarsskrift,  N.  F.  Avd.  1  Bd  20,  nr  7). 

Depuis  plus  de  cent  ans  que  les  règles  de  la  mutation  conso- 
nantique  du  germanique  ont  été  découvertes  et  formulées,  on  a 
bâti  mainte  hypothèse  pour  expliquer  la  raison  d'être  de  ce  phéno- 
mène. Jakob  Grimm  tout  le  premier  avait  imaginé  une  explication 
fort  simple,  qui  eut  pendant  de  longues  années  un  succès  général 
dans  son  pays  ;  il  retrouvait  dans  les  transformations  des  occlusives 
l'effet  des  meilleures  qualités  du  tempérament  national  des  Ger- 
mains, la  rude  franchise  et  l'énergie  robuste  :  «  Liegt  nicht  ein 
gewisser  Mut  und  Stolz  darin,  média  in  tenuis,  tenuis  in  aspirata 
zu  verstàrken  ?  »  Plus  tard  on  substitua  des  causes  physiologiques 
à  ces  prétendues  raisons  de  psychologie  ethnique.  La  mutation  des 
consonnes  fut  attribuée  au  climatet  à  l'altitude  :  le  séjour  des  mon- 
tagnes ne  développe-t-il  pas  l'activité  des  poumons  et  ne  porte-t-il 
pas  à  prononcer  les  sons  avec  plus  de  souffle  ?  Il  y  a  aujourd'hui 
encore,  paraît-il,  des  linguistes  sérieux  qui  s'en  tiennent  à  cette 
manière  de  voir  et  que  n'ont  pas  ébranlés  les  critiques  si  judicieuses 
et  si  fines  de  M.  Jespersen  (Phonetische  Grundfragen,  p.  17e  note  et 
Lattguage,    p.   257).  Enfin  il  y  a    l'explication  ethnologique,    qui 


Bibliographie.  435 

attribue  la  mutation  aux  habitudes  de  prononciation  d'un  certain 
peuple  et  en  justifie  le  développement  par  une  tradition  héréditaire. 

Cette  explication  implique  l'hypothèse  d'un  substrat  ethnique 
qui  aurait  introduit  dans  l'indo-européen  un  type  de  prononciation 
étranger.  Elle  a  été  depuis  longtemps  proposée  pour  expliquer  la 
mutation  consonantique  commune  à  tout  le  germanique.  On  la 
trouve  notamment  exposée  dans  le  livre  de  M.  Meillet  sur  les  Carac- 
tères généraux  des  langues  germaniques,  3e  éd.,  p.  40.  M.  Siegmund 
Feist  s'en  est  lait  le  champion  en  Allemagne  (Paul  urid  Braunes 
Beitrâge,  t.  XXXVI,  p.  307  et  t.  XXXVII,  p.  112  ;  lndogermanen 
und  Germanen,  p.  36  et  ss.,  Kultur  Ausbreitung  und  Herkunft  der 
lndogermanen,  p.  450)  ;  son  argument  principal  est  tiré  de  la 
seconde  mutation  consonantique  spéciale  au  domaine  du  haut- 
allemand.  Sur  ce  domaine  en  effet  l'existence  d'un  ancien  substrat 
celtique  n'est  pas  contestable.  D'Arbois  de  Jubainville  (Les  Celtes 
depuis  les  temps  les  plus  anciens,  p.  170),  Mùïïenhoft  (Deutsche  Alter- 
tumskunde,  II,  207),  d'autres  encore  l'ont  établi  par  des  preuves 
convaincantes.  M.  Hirt  a  fait  sienne  cette  doctrine  dans  son  beau 
livre,  die  lndogermanen,  p.  175,  en  des  termes  qui  méritent  d'être 
cités  :  «  Das  Hochdeutsche  herrscht  nun,  wie  keinem  entgehen 
kann,  durchaus  auf  dem  Gebiete,  aufdem  die  keltischen  Stàmme 
in  kompakter  Masse  sassen...  Das  Hochdeutsche  ist  ein  Deutsch 
im  Munde  einer  fremden  Bevôlkerung,  bei  dersich,  als  sie  versuchte 
sich  die  neue  Sprache  anzueignen,  eine  Reihe  von  Eigentùmlich- 
keiten  entwickelten,  die  der  Sprache  ein  ganz  anderes  Aussehen 
gaben.  »  L'une  de  ces  particularités  les  plus  frappantes  est  naturel- 
lement la  mutation  consonantique  propre  au  vieux-haut-allemand, 
c'est-à-dire  la  seconde  dans  l'histoire  des  langues  germaniques. 

En  abordant  l'étude  de  la  mutation  du  haut-allemand,  M.  Hei- 
nertz  avait  donc  des  devanciers  qui  lui  montraient  la  voie  à  suivre. 
Mais  en  s'engageant  après  eux  dans  cette  voie,  il  s'est  appliqué  à 
faire  œuvre  personnelle.  Comme  on  va  le  voir,  son  travail  n'a 
emprunté  à  autrui  qu'une  direction  générale  ;  dans  le  détail  il  est 
original  et  neuf. 

Sous  le  terme  assez  vague  de  mutation  consonantique  (Lautver- 
schiebung)  on  range  trois  évolutions  distinctes,  concernant  res- 
pectivement les  ténues  (occlusives  sourdes*),  les  moyennes  (occlu- 
sives sonores)  et  les  spirantes.  M.  Heinertz  a  soin  de  les  distinguer 
pour  les  étudier  séparément  (p.  26-40,  41-50,  50-59).  Mais  il 
ramène  les  trois  traitements  à  une  même  tendance  phonétique,  dont 
la  formule  est  donnée  p.  64.  Tous  les  procès  de  mutation  conso- 
nantique du  haut-allemand   résulteraient  :   i°  En  ce  qui  concerne 


436  Bibliographie. 

l'initiale,  d'un  renforcement  articulatoire,  et  pour  certains  sons 
d'une  exagération  de  l'articulation,  provoqués  par  l'accent  expi- 
ratoire  ;  20  En  ce  qui  concerne  l'intervocalique,  d'un  adoucis- 
sement (Lenierung)  des  sons  dû  à  la  mollesse  de  l'articulation  qui, 
dans  le  cas  des  occlusives  oppose  au  passage  de  l'air  une  fermeture 
plus  lâche  et  dans  le  cas  des  spirantes  laisse  une  ouverture  plus 
large.  Or  M.  Heinertz  croit  pouvoir  attribuer  au  substrat  celtique  le 
point  de  départ  de  cette  double  tendance.  Non  pas  qu'il  adopte 
l'ancienne  hypothèse  aujourd'hui  généralement  abandonnée,  suivant 
laquelle  l'accent  aurait  frappé  l'initiale  en  celtique  commun.  11  croit 
même  que  les  Celtes  installés  dans  les  régions  où  l'allemand  devait 
s'étendre  ne  possédaient  pas  d'accent  expiratoire.  Son  raisonnement 
est  fort  subtil.  Soit  le  cas  des  ténues,  qui  est  le  plus  clair.  La 
mutation  des  ténues  germaniques  résulterait  d'une  exagération  arti- 
culatoire provoquée  par  le  fait  que  les  Celtes  n'avaient  ni  l'accent 
expiratoire  ni  les  ténues  aspirées  des  Germains.  Le  phénomène 
rentrerait  dans  ce  que  Hermann  Paul  appelait  le  «  sentiment  arti- 
culatoire »  («  Bewegunsgefùhl  »  Prinijpien,  4e  éd.,  p.  48),  qui 
diffère  suivant  les  langues.  En  cas  de  contact  ou  de  mélange  de 
langues,  la  langue  qui  adopte  la  prononciation  d'une  autre  exagère 
parfois  certains  mouvements  articulatoires,  quand  elle  a  une  infé- 
riorité de  «  Bewegungsgefùhl»  à  compenser.  En  se  mettant  à  parler 
une  langue  germanique,  les  Celtes  qui  avaient  l'habitude  d'  «adou- 
cir »  les  intervocaliques  auraient  continué  à  le  faire,  mais  en  outre 
ils  auraient  transformé  la  prononciation  de  la  langue  qu'ils  adop- 
taient en  exagérant  les  effets  de  l'accent  initial  et  de  l'aspiration  des 
ténues,  dont  ils  n'avaient  pas  la  pratique.  Telle  est  en  gros  l'hypo- 
thèse. 

Elle  se  heurte  à  de  graves  objections.  Elle  oblige  à  séparer 
la  seconde  mutation  consonantique  de  la  première  et  à  leur  recon- 
naître à  toutes  deux  des  causes  différentes,  alors  qu'il  paraît  prouvé 
au  contraire  que  le  principe  de  la  mutation  étant  admis,  l'appli- 
cation s'en  est  poursuivie  au  cours  de  l'histoire  et  jusque  dans  la 
période  contemporaine.  Elle  a  d'autre  part  l'inconvénient  de  sup- 
posera la  mutation  consonantique  duhaut-allemandun  caractère  que 
beaucoup  de  linguistes  jugeront  inadmissible.  Le  rôle  de  l'accent 
expiratoire  dans  le  phénomène  n'est  rien  moins  que  prouvé. 
M.  Meillet  enseigne  depuis  longtemps  sur  les  mutations  du  germa- 
nique une  doctrine  qui  a  l'avantage  d'être  cohérente,  d'embrasser  à 
la  fois  les  diverses  périodes  du  phénomène  et  d'expliquer  les 
mutations  semblables  attestées  par  exemple  en  arménien.  Il  y  voit 
non  pas  une    question  d'accentuation,  mais  une  question  d'ouver- 


Bibliographie.  437 

ture  glottale.  Enfin,  du  côté  celtique  aussi,  ily  aurait  des  objections 
à  faire  '. 

M.  Heinertz  ne  s'en  tient  pas  là.  Il  retrouve  l'influence  du  sub- 
strat celtique  dans  la  loi  dite  de  Notker,  qu'il  compare  au  jeu  des 
mutations  initiales  dans  les  langues  celtiques  modernes.  La  loi 
appliquée  par  Notker  dans  ses  écrits  et  baptisée  de  son  nom  con- 
siste en  une  alternance  des  sonores  bd  g  et  des  sourdes  p  tk  à  l'ini- 
tiale (cf.  Braune,  Althochdeutsçhe  Grammatik,  §103).  Un  mot  est  écrit 
par  une  sonore  à  l'initiale  quand  le  mot  précédent  se  termine  par 
une  voyelle,  une  liquide  ou  une  nasale;  un  mot  est  écrit  par  une 
sourde  à  l'initiale  quand  il  figure  au  début  d'une  phrase  ou  quand 
le  mot  précédent  se  termine  par  un  des  sons  p  tk  i bd  gf  h\s.  Tou- 
tefois, en  ce  qui  concerne  les  dentales,  l'alternance  s'applique  seu- 
lement au  cas  de  d  (  =got.  p)  et  non  au  cas  de  /  (=  got.  d)  qui 
reste  toujours  /  en  toute  position.  Telle  est  la  «  loi  de  Notker  ». 
Sur  les  mutations  initiales  du  celtique,  nos  lecteurs  sont  trop  bien 
informés  pour  qu'il  y  ait  lieu  d'insister.  Ils  savent»qu'une  des  prin- 
cipales originalités  des  langues  celtiques  est  que  les  mutations  de 
l'initiale  y  ont  pris  une  valeur  morphologique  et  sont  devenues 
une  marque  de  l'emploi  et  de  la  valeur  des  mots.  Il  y  a  des  caté- 
gories grammaticales,  par  exemple  celle  du  genre  en  brittonique, 
qui  n'ont  guère  d'autre  expression  que  la  mutation  de  l'initiale. 
Mais  l'intérêt  du  rapprochement  n'est  pas  là.  Il  est  dans  le  principe 
de  l'altération  des  initiales  suivant  les  conditions  syntactiques.  Cette 
altération  suppose  que  le  mot  n'a  pas  d'individualité  propre,  qu'il 
est  noyé  dans  son  contexte  et  déterminé  dans  sa  forme  même  par 
les  éléments  qui  l'entourent.  Il  s'agit  d'un  type  de  prononciation 
continue  de  la  phrase,  caractéristique  des  langues  celtiques.  On 
sait  que  des  altérationsde  l'initiale  s'observent  aussi  dans  les  langues 
de  peuples  qui  ontété  en  contact  avec  les  Celtes,  comme  le  basque 


1.  Sur  la  prononciation  des  occlusives  galloises,  M.  Heinertz  n'a  trouvé 
à  citer  qu'une  note  de  M.  J.  Loth  (R.  Celt.,  XXXVIII,  261).  En  fait,  la 
prononciation  particulière  de  ces  occlusives  a  été  depuis  longtemps  signalée. 
Il  en  est  question  déjà  dans  les  Principes  de  phonétique  expérimentale  de 
Rousselot,  t.  I,  p.  501,  où  d'ailleurs  l'enseignement  donné  est  incomplet  et 
pour  la  sonore  d  sujet  à  caution.  Mais  on  a  maintenant  la  description  du 
gallois  de  Cyfeiliog  par  M.  Sommerfelt  (R.  Celt.,  XLII,  434),  que  M.  Hei- 
nertz, il  est  vrai,  ne  pouvait  connaître.  A  consulter  aussii?.  Celt.,  XXXVIII, 
17  et  231.  —  Il  est  regrettable  que  M.  Heinertz  n'ait  pu  utiliser  non  plus 
le  travail  de  M.  Marstrander  sur  les  inscriptions  des  casques  de  Negau 
(cf.  R.  Celt.,  XLII,  p.  199). 

Revue  Celtique,  XL1II.  28 


4  3  8  Bibliographie . 

ou  qui  paraissent  recouvrir  un  substrat  celtique,  comme  certains 
dialectes  de  Toscane  et  de  l'Italie  du  Nord.  Cela  pourrait  donner  une 
valeur  particulière  au  rapprochement  tenté  par  M.  Heinertz.  Tou- 
tefois, si  l'on  admet  l'existence  en  haut-allemand  d'un  type  de 
prononciation  particulier  hérité  d'un  substrat  celtique,  il  est 
étrange  que  la  trace  en  soit  restée  seulement  dans  une  habitude 
orthographique  si  limitée  dans  l'espace  et  dans  le  temps.  C'est  une 
objection  que  maint  lecteur  ne  pourra  manquer  de  se  faire.  11  faut 
ajouter  que  rien  ne  justifie  l'existence  en  germanique  d'une  pro- 
nonciation «  continue  »,  comme  celle  qui  caractérise  les  langues 
celtiques. 

M.  Heinertz  a  été  plus  loin  encore.  Dans  un  dernier  chapitre,  il 
a  réuni  certains  faits  qui  tendraientà  prouver  l'influence  du  substrat 
celtique  sur  le  vocalisme  du  haut-allemand.  Il  s'agit  de  menus 
détails  de  prononciation,  qui  n'ont  en  fait  avec  le  celtique  que  des 
rapports  assez  lointains.  L'auteur  reconnaît  lui-même  qu'il  apporte 
plutôt  des  probabilités  que  des  certitudes.  En  dernier  lieu  il  cite  un 
fait  qui  se  rapporte  à  la  flexion  verbale.  Le  vieux-haut-allemand 
est  seul  parmi  les  langues  germaniques  à  présenter  à  la  ire  pers. 
du  plur.  des  verbes  une  désinence  compliquée,  -mes,  laquelle,  sui- 
vant une  ingénieuse  explication  de  M.  H.  Hirt  (lndog.  Fschg. 
XVII,  73),  résulterait  de  l'addition  d'un  pronom  postposé  à  l'an- 
cienne forme  verbale.  Or,  l'addition  de  particules  pronominales 
aux  formes  flexionnelles  du  verbe  est  un  fait  courant  en  celtique  ; 
et  la  désinence  -mi  de  première  personne  du  pluriel  absolue  en 
irlandais  a  été  expliquée  par  M.  Pedersen(f^/.  Gr.,II,  343)  comme 
M.  Hirt  explique  la  désinence  -mes  de  l'allemand  (soit  bermi  de 
*berom  -f  ni).  Mais  il  faut  tenir  compte  ici  de  certaines  difficultés 
qui  dans  chacune  des  langues  s'opposent  à  un  rapprochement 
trop  étroit.  D'ailleurs  l'habitude  de  renforcer  la  personne  du  verbe 
par  l'addition  d'une  particule  se  manifeste  bien  ailleurs  ;  et  quand 
la  flexion  verbale  manque  par  elle-même  de  clarté,  il  en  résulte 
fatalement  une  soudure  de  la  particule  à  la  forme  verbale.  Ces  con- 
ditions sont  de  nature  trop  générale  pour  qu'on  en  conclue  au 
rapprochement  de  deux  langues  particulières. 

C'en  est  assez  pour  marquer  les  qualités  et  les  défauts  de  la  thèse 
de  M.  Heinertz.  Elle  est  vigoureusement  conduite  et  soutenue 
d'arguments  bien  liés.  Si  elle  n'emporte  pas  la  conviction  et  con- 
tient même  plus  d'un  détail  discutable,  elle  fait  du  moins  toujours 
réfléchir  avec  profit  sur  des  questions  qui  touchent  aux  plus  vastes 
problèmes  de  l'histoire  des  langues. 

J.  Vendryes. 


Bibliographie.  439 

III 

Emil  Hochuli.  Einige  Be\eichxungen  fur  dm  Begri ff  Strasse,  Weg 
unà  Kreuzweg  im  romanischcn  (thèse  de  Doctorat  de  l'Université 
de  Zurich).  Aarau,  1926,  xiv-172  p.  8°. 

Ce  n'est  pas  aux  lecteurs  de  cette  Revue  qu'il  faut  apprendre 
l'utilité  des  recherches  de  toponomastique  pour  la  linguistique  his- 
torique. Notre  connaissance  du  vieux  celtique  repose  pour  la  plus 
grande  part  sur  les  noms  de  lieu;  et  l'histoire  desdialectes  celtiques 
modernes,  celle  notamment  du  breton  armoricain,  tire  de  la  topo- 
nomastique une  masse  de  précieux  renseignements,  comme 
M.  J.  Loth  l'a  si  souvent  montré  ici  même.  La  dissertation  qui  a 
valu  à  M.  Hochuli  le  grade  de  docteur  devant  l'Université  de  Zurich, 
touche  largement  à  la  toponomastique,  puisqu'elle  traite  des  noms 
de  la  «  route  »  et  du  «  carrefour  »  dans  les  langues  romanes.  L'au- 
teur se  recommande  du  patronage  de  deux  maîtres  éminents,  les 
professeurs  Gauchat  etjud.  C'est  dire  assez  qu'il  est  bon  romaniste 
et  qu'il  sait  travailler  suivant  la  bonne  méthode. 

On  sait  quel  rôle  jouent  les  routes  dans  l'histoire  de  l'humanité. 
Un  pays  qui  a  des  routes  est  un  pays  ouvert  au  commerce,  capable 
de  bénéficier  de  tous  les  échanges  qui  favorisent  la  civilisation  et 
le  progrès.  La  Gaule  avait  sans  doute  des  routes  avant  la  conquête 
romaine.  Mais  cette  conquête  l'a  dotée  d'un  réseau  tellement  bien 
conçu  et  si  solidement  exécuté  qu'on  le  retrouve  encore  pour  une 
bonne  part  dans  le  système  de  nos  routes  nationales.  L'étude  des 
noms  qui  ont  été  donnés  à  la  route  est  un  travail  de  géographie 
humaine  autant  que  de  linguistique  historique.  Dans  l'histoire  de 
ces  noms,  de  leur  élimination,  de  leur  renouvellement,  se  reflète 
le  développement  de  la  technique  et  du  commerce. 

M.  Hochuli  commence  par  une  brève  introduction  sur  l'histoire 
de  la  construction  des  routes.  Les  Romains  en  devraient  la  pratique 
aux  Phéniciens.  Mais  il  faut  tenir  compte  des  perfectionnements  de 
la  construction  et  aussi  de  la  nature  des  terrains,  qui  a  ici  une 
grande  importance.  L'auteur  a  négligé  les  indications  contenues 
dans  le  grand  article  de  M.  Meringer  (analysé  dans  la  R.  Celt., 
t.  XXXIV,  p.  229  ;  cf.  aussi  Meillet  B.  S.  L.,  t.  XXII,  p.  17).  Il 
n'est  pas  possible  à  l'origine,  et  dans  l'Europe  continentale,  de 
séparer  le  «  pont  »  du  «  chemin  ». 

Comme  noms  du  a  chemin  »,  les  Romains  avaient  des  mots 
variés,  iter,  uia,  callis,  frames,  sêmita.  dïuerticulum,  qui  ont  donné 


440  Bibliographie. 

dans  les  langues  romanes  des  dérivés  plus  ou  moins  vivaces.  On 
y  peut  joindre  les  mots  actus,  cliuns,  dluortium,  dîner liculum,  même 
uïcus  et  plalea  (avec  deux  accentuations,  cf.  ci-dessus,  p.  228). 
Mais  pour  désigner  la  «  route  »,  les  Romains  employaient  le  mot 
stràta.  Ce  mot  a  survécu  en  français  comme  nom  propre  seulement 
(dans  de  nombreux  Estrées)  :  dans  le  Midi  s'emploie  encore  le  mot 
estrade,  mais  il  eût  convenu  de  distinguer  plus  nettement  ce  mot 
méridional  du  mot  français  emprunté  estrade  au  sens  d'échafaud, 
construction  provisoire  servant  pour  une  manifestation  dramatique 
ou  une  exécution  de  criminel.  Les  deux  mots  peuvent  remontera 
un  étymon  latin  identique  (le  participe  stratus)  ;  ils  n'ont  rien  de 
commun. 

Le  mot  stràta  a.  été  remplacé  comme  nom  commun  par  des  mots 
variés,  camminum,  ruga,  et  surtout  par  des  épithctes  précisant  la 
valeur  du  mot  uia,  soit  (tiia)  calciâta,  (am)  carrâria,  (uia)  rupta. 
M.  Hochuli  étudie  chacun  de  ces  mots  dans  leurs  dérivés  romans 
et  fait  l'histoire  des  notions  qu'ils  représentent.  C'est-à-dire  qu'il 
traite  des  mots  français  chemin,  rue  (ruelle,  etc),  chaussée,  charrière, 
route.  Il  ne  cite  pas  le  dérivé  routin  et  il  ne  dit  rien  des  mots  layon 
ouvenelle.  Manque  également  une  mentiondumot  mi-voie  fréquent 
dans  l'onomastique,  et,  à  propos  du  carrefour,  de  l'expression 
Quatre-chetnins .  Il  touche  à  deux  reprises,  p.  68  et  86,  la  question 
des  Chaussées  Brunehaut,  des  Chemins  de  la  Reine  Blanche  ou  des  Sar- 
rasins ;  mais  il  ne  le  fait  qu'incidemment.  Cette  question  mérite 
qu'on  lui  consacre  une  étude  spéciale,  en  s'inspirant  des  sages 
remarques  deLouis  Havet,  mentionnées  R.  Celt.,  t.  XXXIX,  404, 
sur  les  Camps  de  César. 

Le  breton  armoricain  est  mentionné  deux  ou  trois  fois.  Il  eût 
mieux  valu  le  laisser  de  côté.  Au  point  de  vue  de  la  toponomastique 
FArmorique  forme  un  tout  qui  demande  à  être  traité  à  part.  Les 
problêmes  ne  s'y  posent  pas  comme  dans  le  reste  de  la  France  ;  ils 
ne  peuvent  d'ailleurs  être  élucidés  sans  une  solide  connaissance  du 
breton,  à  toutes  les  périodes  de  son  histoire  et  sous  toutes  ses  formes 
dialectales.  P.  73,  ru-dall  veut  dire  «  rue  aveugle  »  ;  p.  116,  treb 
n'est  pas  un  mot  breton  actuel  ;  c'est  un  vieux  mot  attesté  dans  le 
Cartulaire  de  Redon  au  sens  de  «  village  ».  On  dit  aujourd'hui 
tref  (français  trêve),  mais  au  sens  très  spécial  de  «territoire  dépen- 
dant d'une  succursale  de  paroisse».  P.  144  et  suiv.  ce  qui  est  dit 
de  Condatetx.  de  ses  dérivés  en  français  est  contestable  ;  cf.  ci-des- 
sus, p.  229.  P.  32,1e  détail  tiré  de  la  vie  de  sainte  Brigitte  se  trouve 
mentionné  dans  la  Trias  Thaumaturga  de  Colgan  (1647),  p.  522, 
§  3ï- 


Bibliographie .  441 

La  dissertation  de  M.  Hochuli,  par  l'abondance  des  documents 
qu'elle  contient,  rendra  des  services  ;  elle  fait  bien  augurer  de 
l'avenir  de  ce  jeune  philologue. 


J.  Vendryes. 


IV 


August  Oxé.  Die  Tôpferrechmingen  von  der  Graufesenque.  Bonn. 
Marcus  und  Weber,  192e  (Sonderabdruck  aus  den  Bonner  Jahr- 
bûchern,  Heft  130.  S.  38-99.  Mit  einer  Tafel). 

Après  les  travaux  que  les  linguistes  ont  consacrés  aux  graffites 
de  la  Graufesenque  et  dont  le  principal  a  paru  ici  même,  signé  de 
M.  J.  Loth  (t.  XL1,  p.  1  et  ss.),  il  est  bon  que  les  archéologues 
discutent  à  leur  tour  les  problèmes  qui  se  posent  à  ce  sujet.  On  a 
déjà  signalé  le  travail  de  M.  O.  Bohn  paru  dans  XzGermania  (1924, 
p.  19  :  d.R.Celt.,  XLI,  p.  493)  Voici  que  M.  August  Oxé  con- 
sacre à  ces  graffites  une  brochure  où  il  en  reprend  l'étude  de  fond 
en  comble,  et  où  l'on  trouvera  çà  et  là  quelques  suggestions  à 
retenir. 

La  brochure  aurait  été  certainement  plus  courte  si  M.  Oxé  n'y 
avait  exposé  que  des  idées  nouvelles.  Il  a  opéré  en  effet  comme  si 
personne  avant  lui,  en  dehors  de  M.  O.Bonn,  n'avait  examiné  les 
graffites  mis  au  jour  par  l'abbé  Hermet,  etcette  méthode  l'a  conduit 
à  répéter  bien  des  choses  qui  étaient  connues  avant  lui,  Il  avait  été 
averti  parM.  Thurneysen  que  des  «  savants  Français  »  (p.  39)avaient 
publié  sur  la  matière  quelques  travaux,  où  il  y  a  même  des  inter- 
prétations exactes.  Mais  il  a  dédaigné  ces  interprétations  ou  n'a 
pas  pris  la  peine  de  les  mentionner.  Ceux  de  nos  lecteurs  qui  liront 
sa  brochure  se  féliciteront  que  sur  certains  points  il  y  ait  entre  les 
vues  de  M.  Oxé  et  celles  de  M.  Loth  d'heureuses  concordances, 
qui  sont  pour  l'un  et  l'autre  une  présomption  d'exactitude;  mais  ils 
constateront  aussi  entre  les  deux  savants  de  nombreuses  divergences, 
qui  sont  le  plus  souvent  tout  en  faveur  de  M.  Loth.  Ce  n'était  pas 
la  peine  de  reprendre  la  question  dans  son  entier  pour  présenter 
au  public  des  hypothèses  qui  marquent  souvent  un  recul  sur  les 
travaux  antérieurs.  Si  M.  Oxé  avait  l'ambition,  d'ailleurs  parfai- 
tement légitime,  d'établir  une  édition  aussi  définitive  que  possible 
desgraffites  de  La  Graufesenque,  il  devait  procéder  autrement  qu'il 
n'a  fait. 

C'est  sur  la  partie  celtique  des  graffites  que  son  travail  est  le 
moins  satisfaisant.  Il  s'excuse  lui-même  de  n'être  pasceltiste.  C'était 


442  Bibliographie. 

une  raison  déplus  pour  tenir  compte  de  l'opinion  exprimée  par  des 
celtistes  qualifiés.  Sur  les  noms  de  nombre,  qui  sont  une  des  curio- 
sités les  plus  intéressantes  des  graffites  de  la  Graufesenque,  il  émet 
parfois  des  doctrines  inexactes  et  insoutenables.  P.  71,  il  n'y  avait 
pas  lieu  d'envisager  même  l'hypothèse  d'un  gaulois  petrametos 
répondantà  l'irlandais  cethramad.  La  forme  irlandaise  est  visiblement 
refaite  sur  le  modèle  des  ordinaux  de  sept  à  dix(Pedersen,  Vgl.  Gr., 
II,  135);  fût-elle  ancienne,  qu'on  n'aurait  pas  nécessairement 
d'exact  correspondant  à  en  attendre  en  celtique  continental.  Ce  qui 
est  dit  p.  73  de  nametos  (sic)  «  neuvième  »  est  tout  à  fait  erroné  ; 
v.J.  Loth,  R.  Celt. ,XLI,  p.  38. 

On  sait  quelles  difficultés  présentent  les  quelques  mots  celtiques 
conservés  dans  les  graffites.  Les  hypothèses  qu'on  a  proposées 
pour  les  interpréter  divergent  parfois  ;  certaines  sont  en  tout  cas 
parfaitement  plausibles.  Mais  personne  ne  pourra  prendre  au  sérieux 
ce  que  dit  M,  Oxé  de  tuHbos  ou  de  ïnxios.  11  rattache  le  pre- 
mier de  ces  mots  à  la  famille  des  mots  grecs  -rvcpoç  et  6up.ôç 
(p.  70)  !  Et  le  second  à  la  racine  de  leûc:6<o,  hicëre  en  lui  donnant  le 
sens  de  «  cuit  «  ou  «  à  cuire  »  (p.  76)!  Ce  dernier  sens  n'est 
justifié  ni  par  l'indo-européen  ni  par  les  langues  celtiques 
modernes.  Il  voit  deux  conjonctions  copulatives  dans  les  mots  diui 
et  toni  —  ce  qui  est  déjà  des  plus  contestables  —  et  il  affirme  avec 
désinvolture  que  les  celtistes  n'auront  pas  de  peine  à  justifier  lin- 
guistiquement  une  interprétation  aussi  singulière  (p.  66-67)  !  A 
propos  de  cassidonos,  quelle  que  soit  l'autorité  de  Zeuss,  il  eût  été 
bon  d'y  joindre  des  garanties  plus  modernes  et  de  renvoyer  à  l'ar- 
ticle sur  arcantodan(os)  publié  dans  la  Revue  des  Études  anciennes, 
t.  XXI,  p.  263.  Quant  à  cassidanalone,  l'hypothèse  que  ce  composé 
contiendrait  comme  dernier  terme  le  mot  ialo-  est  inconciliable 
avec  le  sens  que  M.  Oxé  lui  prête  :  ce  serait  un  «  bureau  de  sur- 
veillant» (p.  76)!  Le  mot  ialo- ne.  saurait  avoir  ce  sens.  Sur  le  mot 
uxsedia,  M.  Loth  s'était  exprimé  avec  de  prudentes  réserves  :M.  Oxé 
y  voit  un  rapport  avec  l'irlandais  ocus  «  proche»  (p.  70)  !  Cela  est 
tout  à  fait  en  l'air  pour  le  sens  et  se  heurte  pour  la  forme  à  une 
impossibilité  phonétique. 

Ces  critiques  sont  graves;  on  pourrait  en  allonger  la  liste.  En 
revanche,  il  est  juste  de  signaler  certaines  améliorations  notables 
que  M.  Oxé  apporte  aux  lectures  ou  aux  interprétations  de  ses 
devanciVrs. 

Au  lieu  du  cintux(os)  de  l'abbé  Hermet,  M.  Oxé  lit  cintu  comme 
un  mot  indépendant.  Le  mot  cintusest  bien  connu  dans  l'onomas- 
tique gauloise  (v.  ci-dessus,  p.  431).  Il  correspond  pour  le  sens  au 


Bibliographie.  443 

latin  primus,  et  pour  là  forme  il  a  des  correspondants  exacts  dans 
les  langues  celtiques  insulaires  (irl.  cet-,  gall.  cyttt-).  Les  contro- 
verses auxquelles  a  donné  lieu  l'interprétation  d'un  ordinal  cintuxos 
deviennent  du  coup  sans  objet. 

L'abbé  Hermet,  après  Déchclette,  avait  \v\  ..sli  sena[rios\  sur  un 
graffite  inséré  depuis  dans  le  Corpus  (XIII,  3,  n°  10016,  1.  7). 
M.  Oxé  propose  de  lire  ..s  tisena[ri]  et  interprète  ce  dernier  mot 
comme  une  «  tasse  à  tisane  »  en  comparant  le  passage  d'Horace 
(Satires,  II,  3,  15$),  où  il  est  question  d5 un ptisanarium  ;  c'est  très 
vraisemblable. 

Pour  interpréter  le  mot  imbractaria,  M.  Oxé  a  pensé  au  mot 
imbractum  qui  chez  Apicius  désigne  une  espèce  de  «  sauce  »  ; 
imbractarium  serait  donc  une  «  saucière  ».  L'hypothèse  est  ingé- 
nieuse et  mérite  sans  doute  d'être  préférée  à  celle  que  M.  J.  Loth 
devait  à  son  confrère  M.  Pottier,  si  séduisante  qu'elle  fût  elle- 
même  (R.  Celt.,  XLI,  46). 

L'abbé  Hermet  n'avait  pas  cru  pouvoir  considérer  comme  un  nom 
de  mois  le  mot  Auguslas  (sur  le  graffite  n°  38  de  son  édition)  ;  il 
s'était  donc  décidé  à  le  prendre  pour  un  nom  de  vase,  et  M.  Loth 
appuyait  cette  décision  de  son  autorité.  Mais  la  comparaison  d'un 
graffite  publié  au  tome  III  du  Corpus  (n°  11 382)  rend  vraisemblable 
qu'il  s'agit  en  effet  d'un  nom  de  mois.  On  ne  peut  sur  ce  point 
encore  que  donner  raison  à  M.  Oxé  (p.  79). 

Voici  un  dernier  cas  où  il  paraît  également  tomber  juste.  P.  72, 
il  voit  dans  le  nom  de  lieu  Finten  (à  5  milles  à  l'O.  de  Mayence) 
le  nombre  ordinal  gaulois  pimpetos  «  cinquième  «.  La  comparaison 
du  nom  des  villages  de  Quint  et  de  Det\em,  situés  respectivement 
à  cinq  milles  et  à  dix  milles  de  Trêves  et  qui  remontent  visiblement 
à  Ad  Quintum  et  Ad  Decimum  Çapidem)  est  en  faveur  de  cette 
hypothèse  sur  Finten.  En  revanche,  il  est  bien  douteux  que  Schweich 
(à  un  mille  au  delà  de  Quint)  remonte  à  la  forme  celtique  suexos 
«  sixième  ».  Il  parait  tout  de  même  étrange  qu'autour  de  Trêves 
la  numération  celtique  ait  été  ainsi  mélangée  à  la  numération 
latine;   et  d'ailleurs  le  vocalisme  de  Schweich  fait  difficulté. 

On  voit  par  ces  exemples  que  le  travail  de  M.  Oxé  n'est  pas 
négligeable.  Il  a  le  mérite  de  présenter  un  classement  plus  métho- 
dique des  comptes  de  potiers  de  la  Graufesenque  et  d'y  joindre 
les  fragments  de  comptes  recueillis  dans  les  mêmes  conditions  à 
Blickweiler  et  à  Rheinzabern,  à  Arezzo,  à  Horta,  à  Montans.  En 
outre,  sur  plus  d'un  détail  il  fait  faire  à  l'interprétation  des  graffites 
un  sérieux  progrès.  Il  dénote  un  esprit  érudit  et  ingénieux.  On 
peut  juger  d'autant  plus  sévèrement  le  parti  qu'il  a  pris  d'ignorer 


444  Bibliographie. 

les  travaux  français.  La  science  ne  peut  progresser  sans  la  collabo- 
ration internationale.  Si  les  savants  de  chaque  pays  se  refusent  à 
considérer  ce  que  d'autres  font  au  delà  de  leurs  frontières,  c'est 
l'avenir  même  du  travail  scientifique  qui  sera  compromis. 

J.  Vendryes. 

V 

Tadhg  O'Donnchadha  (Tôrna).  Prosôid  Gaedhilge.  Clé  Ollsgoile 
Chorcaighe,  Corcaigh  agus  Ath  cliath.  [Taeg  O'Donoghue. 
Prosodie  Irlandaise,  Cork  University  Press,  Cork  and  Dublin]. 
1925.  vij-107  p.  in-12.3  sh. 

Comme  le  dit  l'auteur  dans  sa  préface,  le  titre  de  Prosodie  ne 
convient  qu'à  moitié  à  cet  ouvrage.  C'est  en  fait  un  manuel  de 
versification.  Il  a  servi  de  matière  à  un  enseignement  professé  aux 
cours  d'été  del'University  Collège  de  Cork  ;  et  l'auteur,  qui  est  lui- 
même  un  poète  apprécié,  a  eu  en  le  publiant  un  double  dessein: 
celui  d'initier  les  jeunes  poètes,  dont  le  nombre  ne  va  pas  en  dimi- 
nuant, aux  règles  de  la  poésie  nationale  ;  et  aussi  celui  de  fournir 
aux  maîtres  qui  enseignent  l'irlanda.is  etaux  élèves  qui  l'apprennent 
le  moyen  d'apprécier  les  œuvres  poétiques,  si  abondantes  en  Irlande 
dans  les  derniers  siècles. 

Il  y  a  en  Irlande  deux  sortes  de  versification.  La  versification 
ancienne,  qui  porte  le  nom  de  Filidheacht  Shiollabhach  ou  encore 
de  Duanaireacht,  repose  sur  le  nombre  des  syllabes.  La  versification 
moderne,  dite  Filidheacht  Aiceanta  repose  sur  l'accentuation.  C'est 
de  cette  dernière  seulement  qu'il  est  question  ici.  Même  réduit  à 
cet.  objet  et  bien  qu'il  soit  écrit  en  irlandais,  l'ouvrage  mérite  tout 
succès  à  l'étranger;  car  c'est  un  excellent  manuel,  où  la  matière 
est  clairement  et  commodément  disposée  d'après  une  progression 
méthodique. 

Le  simple  résumé  des  chapitres  du  livre  est  un  exposé  des  règles 
essentielles  de  la  versification  irlandaise  moderne. 

Chaque  vers  est  défini  par  un  certain  nombre  d'accents  placés 
à  >  intervalles  réguliers.  En  principe,  les  accents  métriques  sont 
empruntés  à  la  langue  courante.  Toutefois,  dans  celle-ci,  il  y  a  des 
syllabes  frappées  d'accents  principaux,  d'autres  d'accents  secon- 
daires; aux  deux  s'opposent  les  syllabes  non-accentuées.  La  versifi- 
cation au  contraire  ne  connaît  que  l'opposition  de  syllabes  accen- 
tuées et  de  syllabes  non-accentuées.  Et  il  arrive  parfois  que  des 
syllabes   non  accentuées  dans  la  langue  courante  soient  frappées 


Bibliographie.  445 

dans  la  versification  d'un  accent  métrique  :  inversement,  des  syl- 
labes accentuées  dans  la  langue  courante  sont  traitées  souvent  dans 
la  versification  comme  si  elles  étaient  dépourvues  d'accent.  Il  con- 
fient donc  d'apprendre  d'abord  à  reconnaître  le  nombre  d'ac- 
cents métriques  contenus  dans  chaque  vers. 

Autant  d'accents,  autant  de  pieds.  Chaque  pied  (mm)  commence 
par  un  accent  métrique  et  comprend  toutes  les  syllabes  enfermées 
entre  cet  accent  et  le  suivant.  Il  peut  y  avoir  des  pieds  d'une  syl- 
labe (laquelle  porte  naturellement  un  accent  métrique),  et  des  pieds 
de  deux,  trois  ou  quatre  syllabes  (la  première  syllabe  étant  seule 
accentuée,  les  autres  non-accentuées).  Enfin  devant  le  premier 
accent  métrique  peuvent  se  trouver  dans  un  vers  une  ou  même 
plusieurs  syllabes  qui  ne  comptent  pas  dans  le  mètre  et  constituent 
une  sorte  d'anacruse,  qui  porte  en  irlandais  le  nom  de  ruthag  (m. 
à  m.  «  élan,  secousse  »). 

La  forme  métrique  d'un  vers  est  définie  par  la  nature  des  voyelles 
qui  portent  l'accent  métrique.  Il  importe  de  connaître  le  timbre  et 
la  quantité  de  ces  voyelles  (en  se  réglant  naturellement  sur  la 
prononciation  et  non  sur  l'écriture);  car  il  y  a  des  concordances 
obligatoires  entre  les  voyelles  accentuées  des  vers  qui  forment  une 
strophe  ou  un  quatrain.  M.  O'Donoghue  ramène  à  quinze  le 
nombre  des  voyelles  métriques  qu'emploie  la  versification  irlan- 
daise: ce  sont  d'abord  les  cinq  longues  (fada)âôùéi,  puis  les  cinq  brè- 
ves Çgaerid)  ao  ue  i,  puis  les  quatre  mixtes  (cummaisg)  ua  ia  ou  et  y, 
auxquelles  il  joint  la  «  brève  imparfaite  »  (gairid  neamhchruinn)  qu'il 
note/ï.  La  voyelle  v  est  celle  que  Ton  observe  dans  la  première  syllabe 
des  mots  adhmad,  coillte,  deighbhean ,  gaibhil,  meidhreach  ou  dans  les 
monosyllabes  binn,fadhb,greim,roinnt.  La  voyelle  «  représente  le  son 
écrit  1  dans  file,  u  dans  aimas  ou  dubhàn,  ei  dans  feiceann,  io  dans 
gliogaire,  oi  dans  doille.  ui  dans  guirt,  etc.  La  liste  n'est  d'ailleurs 
pas  complète  ainsi;  car  il  convient  d'y  ajouter  les  voyelles  nasales, 
que  l'auteur  note  par  un  accent  circonflexe  (0  û  î  y),  et  aussi  les 
deux  voyelles  qu'il  note  â  et  ï  et  qui  représentent  la  prononcia- 
tion spéciale  de  a  et  de  i  devant  m,nn,  II,  rr,  ng.  On  les  désigne  du 
nom  de  gairid  trom.  Il  faut  ajouter  que  toute  cette  classification 
repose  sur  la  prononciation  en  usage  dans  le  Munster. 

Il  y  a  des  voyelles  qui  sont  élidées.  Ce  sont  des  voyelles  inac- 
centuées appartenant  le  plus  souvent  à  des  mots  accessoires.  L'éli- 
sion  porte  en  irlandais  le  nom  de  bàthadh.  En  revanche,  il  y  a  des 
voyelles  irrationnelles  qui  s'introduisent  parépenthèse  à  l'intérieur 
de  certains  groupes  de  consonnes.  Ainsi  calma  est  prononcé 
cal-u-ma;  macnas,  mac-u-nas;  greannmhair ,  grean-u-mhuir  ;  etc.  La 


446  Bibliographie. 

voyelle  irrationnelle  est  dite  en  irlandais  guta  tacair  («  voyelle  artifi- 
cielle»). Elle  est  naturellement  toujours  inaccentuée. 

La  versification  comporte  certains  «  ornements  »  (prnâideachta), 
dont  quelques-uns  sont  si  habituels  qu'on  peut  les  considérer 
comme  «  de  rigueur  ».  C'est  d'abord  la  uaim,  qui  correspond  à 
notre  «  allitération  »  et  consiste  en  ce  que  deux  ou  plusieurs  syl- 
labes accentuées  commencent  par  le  même  son: 

r/7/;  na  Reatt  is  ceall  ré  câbbadh. 

C'est  ensuite  la  comhjhuaim,  d'après  laquelle  dans  1rs  vers  qui 
ont  plus  de  trois  syllabes  accentuées  (ou  même  trois  syllabes 
accentuées  seulement),  deux  de  ces  syllabes  successives  à  l'intérieur 
du  vers  doivent  avoir  une  voyelle  semblable  : 

dttiiie  gan  star  a  gblôr  ni  measlar  i  gcéill. 

C'est  enfin  Yaicill  et  le  conchlann,  deux  ornements  qui  sont  en 
usage  dans  les  couples  ou  groupes  de  vers.  Viiicill  est  un  lien 
métrique  (ceangal  méidreacbla)  entre  deux  vers  formant  distique  ; 
il  consiste  en  ce  que  les  syllabes  accentuées  qui  terminent  le  pre- 
mier vers  et  celles  qui  commencent  le  second  ont  la  même 
voyelle: 

do  mealladh  Icis  céad  thar  ctadtba  i  gckthaoir 
do  Itigheadb  go  glA.n  diocbt  néamhdha. 

Le  conchland  est  également  un  «  lien  »,  mais  entre  deux  qua- 
trains d'un  même  poème.  Il  consiste  en  ce  que  le  dernier  mot  d'un 
quatrain  est  répété  au  début  du  quatrain  suivant. 

La  poésie  de  l'irlandais  moderne  comporte  quatre  espèces  de 
poèmes,  le  rosg,  le  laoidb  fiannaidbeachta,  le  caoine  et  Yamh- 
rân . 

Le  rosg  est  formé  de  strophes,  comprenant  chacune  un  certain 
nombre  de  petits  vers  égaux  (deux  ou  trois  pieds);  dans  chaque 
strophe,  la  dernière  syllabe  accentuée  a  la  même  voyelle. 

Le  laoidb  fiannaidbeachta  est  un  reste  de  ce  qu'on  appelait  ran- 
naidbeacht  dans  l'ancienne  poésie.  Il  se  compose  de  quatrains,  dont 
chaque  vers  a  le  même  nombre  de  pieds  (trois  ou  quatre);  il  y  a 
obligatoirement  aicill  dans  chaque  demi-quatrain  ;  les  deux  vers 
pairs  du  quatrain  se  terminent  par  la  même  voyelle  accen- 
tuée. 

Le  caoine  «  lamentation  »  ou  «  élégie  »  était  originellement  un 
chant  funèbre,  comme  la  marwnad  des  Gallois.  Mais  on  l'emploie 
aujourd'hui  à  beaucoup  d'usages  qui  n'ont  rien  de  funèbre.  Il  se 


Bibliographie.  447 

compose  également  de  quatrains,  dont  les  vers  sont  égaux  (trois 
ou  quatre  pieds);  mais  les  quatre  vers  finissent  obligatoirement 
par  la  même  voyelle  accentuée  ;  il  arrive  même  que  la  succession 
des  mêmes  voyelles  accentuées  se  reproduise  dans  les  quatre  vers 
du  quatrain.  Enfin  il  y  a  comhfhuaim  au  milieu  ou  au  début  de 
chaque  vers. 

Vamhrân  est  proprement  un  poème  chanté;  mais  on  tend  aujour- 
d'hui à  donner  ce  nom  à  toute  espèce  de  composition  poétique.  Il 
est  constitué  de  strophes  (ceathramhna)  comprenant  un  même  nombre 
de  vers.  Mais  le  nombre  des  pieds  dans  le  vers  et  le  nombre  des  vers 
dans  la  strophe  sont  variables.  Le  type  normal  de  l'amhrân  comprend 
une  suite  de  vers  groupés  métriquement  (c'est-à-dire  ayant  la  même 
forme  métrique  avec  les  mêmes  voyelles  accentuées)  deux  à  deux  ou 
quatre  à  quatre.  Dans  le  premier  cas,  on  a  Vamhrân  cùpluighiachta 
(c'est  le  mètre  sur  lequel  est  bâti  le  Cùirt  an  Mheadhonoidhche  de 
Brian  Merriman);  dans  le  second,  on  a  Vamhrân  féin.  La  comh- 
fhuaim est  de  rigueur  à  l'intérieur  des  vers.  Mais  il  y  a  un  nombre 
considérable  de  variétés  ôVamhrân.  Même  ceux  qui  se  composent 
de  quatrains  présentent  des  formes  métriques  différentes  de  Vamh- 
rân féin.  Beaucoup  se  composent  de  strophes,  qui  ont  de  cinq  à 
vingt  vers.  Les  strophes  de  huit  vers  sont  particulièrement  fré- 
quentes. Dès  que  la  strophe  dépasse  cinq  vers,  des  combinaisons 
très  variées  y  sont  possibles  :  les  vers  peuvent  être  inégaux,  la  même 
forme  métrique  s'y  reproduit  à  intervalles  réguliers,  par  exemple 
de  deux  en  deux  vers  (pairs  ou  impairs)  ou  dans  deux  vers  consé- 
cutifs ou  même  dans  quatre  vers  de  suite.  Il  peut  arriver  que  la 
forme  métrique  varie  d'un  vers  à  l'autre  ou  que  la  ressemblance 
entre  les  vers  soit  limitée  à  l'une  des  voyelles  accentuées  (en  pre- 
mière syllabe  ou  en  dernière).  C'est  le  cas  dans  Vochtjhoclach  breach- 
tach  («  huitain  varié  »)  et  dans  la  crosânacht  (où  les  vers  sont 
inégaux  de  deux  en  deux).  C'est  le  cas  surtout  dans  la  versifica- 
tion libre  ou  irrégulière  (réidh  ou  neamhchruimï),  où  seules  sont  de 
rigueur  l'application  de  Vaicill  et  l'égalité  du  nombre  des  pieds. 

M.  O'Donoghue  donne  de  chaque  type  des  exemples  variés, 
qu'il  analyse  minutieusement;  si  bien  que  son  livre  est  à  la  fois 
un  répertoire  et  une  anthologie  de  la  versification  de  l'irlandais 
moderne.  Une  liste  des  termes  techniques  avec  leur  définition  et 
un  index  des  principaux  types  étudiés  terminent  cet  excellent 
ouvrage. 

J.  Vexdryes. 


448  Bibliographie. 

VI 

Donald  Maclean  [Prof,  of  Church  History,  Free  Church  Collège 
Edinburgh].  TheLaw  of  tbe  Lord' s  Day  in  the  Celtic  Church.  Edin- 
burgh,  T.  and  T.  Clark,  1926-  xj-58  p.  in-12.  3  sh. 

La  Câin  Domnaig  «  Loi  du  Dimanche  »  est  un  des  textes  les 
plus  intéressants  de  la  littérature  ecclésiastique  de  l'Irlande.  Il  en 
existe  plusieurs  copies,  dont  on  trouvera  l'indication  dans  Ériu, 
t.  II,  p.  189.  Dans  un  certain  nombre  de  manuscrits,  le  texte  de 
la  Câin  proprement  dite  est  accompagné  de  deux  autres  :  une 
épître  de  Jésus  (sic)  sur  l'observance  du  dimanche  et  un  récit  de 
trois  miracles  se  rapportant  à  la  violation  de  cette  observance. 
Mais  ces  trois  morceaux  ne  sont  pas  toujours  réunis  ;  et  la  question 
des  rapports  qui  les  unissent  soulève,  comme  on  le  verra  plus 
loin,  des  difficultés  d'ordre  varié. 

Le  texte  irlandais  de  la  Câin  Domnaig  a  été  publié  par  M.  J.  G. 
O'Keeffe  dans  les  Anecdota  from  Irish  Manuscripts,  t.  III,  p.  21-27. 
La  lettre  de  Jésus  a  été  publiée  et  traduite  en  anglais  par  le  même 
dans  Ériu,  t.  II,  p.  193-21 1.  Enfin  00  trouvera  le  texte  du  récit 
sur  les  miracles  dans  la  Zeitschrift  fur  Celt.  Phil.,  t.  III,  p.  228, 
d'après  le  Ms.  Harleian  n°  5280, ,f°  38.  M.  Pokorny  a  récemment 
reproduit  le  texte  d'un  des  miracles  dans  son  Altirische  Gramma- 
tik,  p.  15,  mais  en  le  reconstituant  sous  la  forme  originale,  qu'il 
suppose  être  des  environs  de  l'an  830. 

M.  Donald  Maclean  ne  s'occupe  dans  son  ouvrage  que  delà  Câin 
Domnaig;  et  il  en  donne  d'abord  une  traduction.  C'est  la  première 
qui  soit  faite;  et  la  tâche  n'était  pas  aisée.  Le  texte  nous  a  été 
transmis  dans  des  manuscrits  dont  l'orthographe  est  des  plus  flot- 
tantes. Il  offre  par  lui-même  un  grand  nombre  de  difficultés,  parce 
qu'il  est  rédigé  dans  une  langue  très  voisine  de  celle  des  Lois, 
hérissée  de  termes  techniques  et  remplie  de  formules  dont  la 
concision  est  souvent  aux  dépens  de  la  clarté.  Le  traducteur  s'est  en 
général  tiré  à  son  honneur  des  difficultés  de  sa  tâche.  Pourtant  on 
ne   peut  dire  qu'il  n'ait  rien  laissé  à  faire  à  ses  successeurs1.  Le 


1.  P.  5,  l'appel  de  note  1  doit  être  placé  quatre  lignes  plus  bas,  au  mot 
«  proclamation  ».  Et  la  correction  proposée  dans  la  note  paraît  inutile  (cf. 
Pedersen,  Vgl.  Gr.,  II,  580).  —  P.  5,  1.  15,  les  mots  du  texte  irlandais, 
robud  rianaimdib  «  prévenirde  l'arrivée  d'ennemis  »  (Anecd.,  p.  22,  5)  n'ont 
pas  été  traduits.  — P.  7,  n.  i.Les  mots  a  dhiri  du  texte  (p.  23,  1.  1)  sont 


Bibliographie.  449 

texte  irlandais  de  la  Câin  qui  est  rempli  de  formes  archaïques 
intéressantes,  attend  encore  un  éditeur,  qui  l'établisse  en  s'inspi- 
rant  de  la  langue  juridique  et  surtout  en  faisant  une  comparaison 
minutieuse  avec  le  texte  de  la  lettre  de  Jésus  qu'a  publiée  M.  O' 
Keeffe. 

Il  y  a  entre  les  deux  morceaux  des  rapports  évidents  dont 
M.  Donald  Maclean  semble  tenté  d'atténuer  l'importance.  C'est 
qu'il  les  étudie  surtout  en  historien  de  l'Eglise,  en  théologien.  La 
lettre  de  Jésus  fait  partie  de  ces  grossiers  subterfuges,  dont  Char- 
lemagne,  dans  un  capitulaire  de  l'an  789,  avait  prononcé  la  con- 
damnation (Baluze  I,  174  cité  par  Haddan  andStubbs,  Connais  and 
Ecclesiaslical  Documents,  III,  p.  616).  C'est  d'autre  part  un  texte  mal 
composé,  où  il  y  a  des  répétitions  choquantes.  La  Càin  est  d'une 
trame  plus  serrée,  encore  que  la  composition  n'en  soit  pas  très 
régulière.  M.  Maclean  cherche  à  souligner  entre  les  deux  des  dif- 
férences. C'est  qu'il  veut  faire  du  texte  de  la  Càin  un  morceau 
vraiment  irlandais,  profondément  celtique  d'esprit  et  de  pensée, 
tandis  qu'il  reconnaîtrait  volontiers  à  l'autre  un  caractère  plutôt 
romain. 

Là  gît  le  nœud  du  problème  que  posent  ces  deux  textes.  Il  n'est 
pas  douteux  que  les  prescriptions  de  la  Càin  relatives  à  l'obser- 
vance du  dimanche  sont  tout  à  fait  dans  l'esprit  de  l'ascétisme 
irlandais.  Leur  rigueur  surprend  et  révolte  quiconque  ne  connaît 
pas  les  habitudes  irlandaises  en  matière  de  pénitence  (v.  l'étude 
qu'a  donnée  M.  McNeill  dans  la  Revue  Celtique,  t.  XXXIX  et  XL 
sur  les  «  Celtic  penitentials  »  et  cf.  R.  Cell.,  XXXII,  484).  La 
lettre  de  Jésus  d'autre  part  passe  pour  avoir  été  envoyée  de  Rome 

corrigés  enaidbri,  3e  personne  ;  c'est  une  correction  qui  s'impose.  —  P.  8, 
1.  10,  la  traduction  n'est  pas  sûre  ;  on  est  tenté  de  lire  (Anecd.,  p.  23,  1.  12) 
condathissat  «  jusqu'à  ce  que  viennent  à  eux...  ».  —  P.  8,  dern.  ligne,  les 
mots  no  là  haùiri  (p.  23,  1.  21) n'ont  pas  été  traduits.  — P.  11,  ligne  1,  les 
mots  eter  soiri  ndomnaig  «  à  la  fois  en  ce  qui  concerne  l'observance  du 
dimanche  »  (p.  25,  1.  1)  n'ont  pasété  traduits.  —  P.  il,  1. 15,  la  traduction 
est  inexacte:  lirearnacha  cloathar  (Anecd.,  p.  25,  1.  9)  «  afin  qu'il  (Dieu  ou 
Patrice)  ne  les  écoute  pas  ».  —  P.  Il,  I.  20  (=r  Anecd.,  p.  25,  1.  12) 
conascar,  non  pas  «  brise  »,  mais  «  a  brisé  »  (prétérit  de  con-scaraim,  avec 
ad  comme  particule  perfective).  —  P.  12,  1.  9.  les  mots  di  nench  tes  incinaid 
(Anecd.,  p.  25,  1.  20)  n'ont  pas  été  traduits:  lire  peut-être  in-a  cbinaid,  cf. 
Ane.  Laïus,  I,  10.25,  12.25.  —  P-  J4,  1-  *)>  il  est  probable  que  sous  la 
forme  iasscratai  (Anecd.,  p.  26,  1.  21)  se  cache  un  mot  formé  de  ess-\-scart- 
et  désignant  la  «  fausse  couche.  »  —  En  quelques  passages,  l'auteur  a  laissé 
des  blancs  dans  sa  traduction.  C'était  le  parti  le  plus  sage. 


^  50  Bibliographie. 

en  Irlande;  on  donne  même  le  nom  de  celui  qui  l'aurait  apportée 
avec  lui;  c'est  Conall  Mac  Coelmaine,  abbé  d'Inis  Coel  en  Done- 
gal,  parent  et  contemporain  de  Colum  Cille.  Cela  nous  reporte  au 
vie  siècle.  Or  les  Annales  d'Ulster  mentionnent  l'arrivée  delà  lettre 
en  Irlande  à  l'année  886.  C'est  le  plus  ancien  témoignage  daté  que 
l'on  possède  sur  la  loi  du  dimanche1.  Il  ne  permet  pas  de  trancher 
la  question  des  rapports  entre  les  deux  textes.  Seule  une  étude 
philologique  minutieuse  pourrait  en  fournir  le  moyen.  Mais  M. 
Maclean  ne  l'a  pas  tentée.  Tout  ce  qu'on  peut  dire  c'est  qu'ils 
offrent  des  similitudes  frappantes  ;  visiblement  celui  qui  a  rédigé 
l'un  avait  connaissance  de  l'autre.  La  lettre  est  mentionnée 
dans   le   texte    de     la    Càin,     p.     13    (=    Anecd.,    III,    p.    26, 

I.  9-10)  :  amal  do-n-imarnad  isatid  epistil  dorala  do  mm  for 
altoir  Roma  «  comme  il  a  été  transmis  dans  la  lettre  qui 
est  venue  du  Ciel  sur  l'autel  de  Rome  ».  Les  mêmes  idées  y 
sont  exprimées  presque  dans  les  mêmes  termes  ;  voir  notamment 
Ëriu  II,  p.  201-202  etAnecd.,  p.  21,  1.  6  etss.  ou  encore  Ëriu,  II, 
p.  210,  4  et  Anecd.  p.  22,  1.  4,  etc.  Il  est  interdit  de  balayer  le 
dimanche  (jcuap  dar  làr  tige,  Eriu,  II,  200,  §  17  et  206,  §  25  ;  cf. 
Anecd. ,  p.  21,  1.  7  : gan  glanad  tighi).  Mais  la  Lettre  précise  par- 
fois les  prescriptions  de  la  Càin.  Si  l'on  est  forcé  le  dimanche  d'aller 
protéger  un  champ  du  pillage,  il  y  faut  rester  jusqu'à  la  fin  du 
jour  ;  si  l'onse  rendquelque  part  pour  répondre  à  un  appel  de  détresse, 
on  n'en  doit  pas  revenir  avant  que  la  journée  soit  écoulée  {Ëriu, 

II,  208,  §  32):  le  texte  de  la  Càin  accorde  seulement  la  possibi- 
lité du  déplacement.  Dans  les  deux  textes,  il  est  question  des  Scan- 
dinaves, sous  le  nom  de  Genti  (Ëriu,  II,  p.  196,  1.  4  et  p.  208, 
1.  11;  Anecd.,  p.  26,  1.  24).  Comme  ils  sont  présentés  sous  l'aspect 
d'êtres  redoutables,  cela  date  la  rédaction  de  l'époque  où  l'on  avait 
le  plus  à  craindre  en  Irlande  les  dévastations  de  ces  pirates,  c'est- 
à-dire  environ  du  ixe  siècle.  Mais  si  le  mot  benn-chopur  au  §  20 
de  la  Lettre  de  Jésus  (Ëriu,  II,  p.  202)  désigne  bien  les  tours 
rondes,  il  nous  reporte  à  une  date  sensiblement  postérieure.  11  est 
vrai  qu'on  peut  supposer  ici  une  addition  faite  après  coup. 

Une  chose  est  probable,  c'est  que,  dans  certaines  de  ses  parties, 

1.  M.  Maclean  y  joint  un  témoignage  tiré  du  Félire  d'Oengus  et  qui 
par  conséquent  remouterait  aussi  auixes.  Mais  il  s'agit  en  réalité  d'une  note 
marginale  ajoutée  dans  le  Leabhar  Breacc  au  texte  du  précieux  calendrier: 
Càin  dômnaig  cen  tairmthecht  ind  itir  «  la  loi  du  dimanche  [qui  consiste]  à 
ne  faire  aucune  transgression  ce  jour-là  »  (cf.  Félire  d'Oengus,  éd.  Stokes, 
1880,  p.  xiv).  Le  Leabhar  Breacc  est  un  manuscrit  du  xive  siècle. 


Bibliographie.  451 

la  lettre  de  Jésus  est  d'une  époque  où  un  mouvement  se  dessinait, 
dans  le  clergé  irlandais,  pour  ramener  l'église  d'Irlande  à  l'étroite 
obédience  de  Rome.  Le  préambule  par  exemple  manifeste  nette- 
ment cette  préoccupation,  par  l'insistance  avec  laquelle  l'idée  de 
Rome  y  revient.  Quelques  autres  détails  sont  encore  à  signaler, 
comme  la  mention  de  l'oiseau  dénommé  locusta  (Êriu,  II,  p.  194, 
§  4),  qui  apparaît  dans  le  Betha  Grighora  édité  au  tome  précédent 
de  la  Revue  Celtique  (t.  XLII,  p.  132).  Ainsi  que  le  signale  M. 
Robin  Flower  (Catalogue  of Irish  Manuscripi 's  in  tbe  British  Muséum, 
t.  Il,  p.  442),  c'est  un  emprunt  à  la  vie  de  Saint  Grégoire  par  Paul 
Diacre  (Migne,  Patrol.  Lat.,  LXXV,  col.  5 1,  §  20) '.  11  y  a  encore 
dans  le  Betha  Grighora  un  trait  qui  se  retrouve  dans  la  Lettre  de 
Jésus.  Il  y  est  dit  (Rev.  Celt.,  XLII,  t4<?)  que  le  dimanche  les 
pécheurs  en  enfer  ne  subissent  pas  de  châtiment.  Or  dans  Êriu,  II, 
194,  on  lit  :  ar  ni  piintar  cid  fir  in-iffim  and  (=  isin  domnach). 

Même  si  la  rédaction  que  nous  avons  des  deux  textes  est  con- 
temporaine, la  Câin  Dotnr.aig  est  en  elle-même  probablement  plus 
ancienne  que  la  Lettre.  M.  Maclean  suppose  que  la  loi  du  diman- 
che était  en  vigueur  dès  le  vie  s.  en  Irlande.  C'est  bien  possible.  Les 
arguments  philologiques  qu'a  présentés  M.  Eoin  Mac  Neill  pour 
faire  remonter  un  texte  comme  le  Crith  gablach  à  la  fin  du  vne  siècle 
(Ancient  Irish  Laiu,  dans  les  Proceedings  of  the  Royal  Irish  Acadetnx, 
vol.  XXXVI,  1923,  p.  27i)peuvent  être  également  invoqués  pour 
assigner  à  la  Câin  Domnaig  une  date  de  composition  aussi  reculée. 
C'est  un  texte  essentiellement  juridique,  où  apparaît  surtout  la 
minutie  subtile  des  juristes  irlandais.  Les  intentions  que  trahissent 
certains  passages  de  la  Lettre  de  Jésus  sont  tout  autres. 

J.   Vendryes. 

VII 

Max  Fôrster.  Keltisches  IVortgut  im  englischen,  Eine  sprachliche 
Untersuchung.  Halle,  M.  Niemeyer,  1921,  128  p.  8°  (Sonder- 
druck  aus  :  Texte  und  Forschungen  zur  englischen  Kulturge- 
schichte,  Festgabe  fur  Félix  Liebermann,  p.  119-242).  4  M. 
80  pf. 

C'est  seulement  au  cours   de  l'année   1926  que  cet  ouvrage  est 

1.  Cette  vie  de  saint  Grégoire  par  Paul  Diacre  a  certainement  été  utili- 
sée par  le  rédacteur  du  Betha  Grighora.  L'anecdote  de  la  femme  qui  éclata 
de  rire  en  recevant  la  communion  se  trouve  dans  les  deux  (Migne,  P.L., 
LXXV,  col.  S2  =  R.C  XLIJ,  139,5  n)- 


452  Bibliographie. 

parvenu  à  la  rédaction  de  la  Revue  Celtique.  Mais  sans  doute 
n'est-il  pas  trop  tard  pour  recommander  aux  celtistes  un  travail  très 
consciencieux  où  ils  peuvent  trouver  beaucoup  à  prendre. 

M.  Fôrster  s'est  proposé  de  rechercher  les  éléments  celtiques 
du  vocabulaire  anglais.  Il  n'a  pas  limité  son  enquête  aux  noms 
communs  ;  il  l'a  étendue  aux  noms  propres  de  personnes  et  de 
lieux  ;  ce  qui  lui  ouvrait  un  domaine  presque  illimité,  et  qu'il  ne 
pouvait  même  espérer  d'embrasser  complètement.  Malgré  des 
dépouillements  vraiment  considérables,  on  ne  peut  dire  que 
M.  Fôrster  ait  pour  les  noms  propres  épuisé  sa  matière.  Et  peut- 
être  en  ce  qui  concerne  la  toponymie,  aurait-il  été  préférable  de 
traiter  le  sujet  pour  lui-même,  c'est-à-dire  géographiquement,  en 
montrant  sur  la  carte  l'extension  des  noms  brittoniques  conservés 
en  Angleterre.  Mais  tel  qu'il  est,  par  l'abondance  et  la  précision 
des  références,  l'ouvrage  sera  d'une  grande  utilité  à  ceux  qui  étu- 
dient l'histoire  et  le  développement  des  noms  propres  d'hommes 
et  de  lieux. 

Pour  les  noms  communs  aussi,  l'entreprise  était  immense,  et  à 
certains  égards  prématurée.  Il  s'en  faut  que  toutes  les  richesses  du 
vocabulaire  gallois  du  moyen-âge  soient  classées,  inventoriées, 
identifiées.  On  peut  voir  par  les  enquêtes  menées  en  Galles  dans 
le  Bulletin  of  ibe  Board  of  Celtic  Studies  et  par  celles  dont  M.  J.  Loth 
fait  profiter  la  Revue  Celtique  depuis  de  longues  années  combien  il 
reste  encore  à  faire  pour  déterminer  le  sens  et  la  forme  de  bien 
des  mots  de  l'ancien  gallois.  M.  Fôrster  est  avant  tout  angliste. 
Les  connaissances  qu'il  a  du  celtique  sont  en  majeure  partie  de 
seconde  main.  Il  s'appuie  principalement  sur  les  dictionnaires  éty- 
mologiques, commeceux  de  Wh.  StokesoudeV.  Henry,  répertoires 
fort  précieux  en  effet,  parce  qu'on  n'a  pas  mieux,  mais  dont  on 
sait  qu'ils  ne  doivent  être  aujourd'hui  utilisés  que  sous  le  contrôle 
de  la  critique. 

Ces  observations  faites,  il  convient  de  souligner  tout  le  profit 
que  les  études  celtiques  peuvent  tirer  d'enquêtes  comme  celle-ci. 
Les  dépouillements  qu'a  faits  M.  Fôrster  du  côté  anglais  fournissent 
un  grand  nombre  de  données  d'une  valeur  incontestable  pour  fixer 
maint  détail  de  l'histoire  des  langues  celtiques,  notamment  du 
brittonique.  Le  fait  par  exemple  que  certains  mots  brittoniques 
empruntés  en  anglais  s'y  présentent  avec  la  double  occlusive  non 
encore  changée  en  spirante  (p.  8)  est  pour  l'évolution  phonétique 
une  date  fort  utile.  Et  d'autres  conclusions  de  ce  genre  sont  don- 
nées chemin  faisant  par  M.  Fôrster. 

Un  livre  aussi  riche  de  faits  appelle  naturellement  mainte 
remarque  de  détail.  Nous  en  indiquerons  quelques-unes. 


Bibliographie.  453 

P.  6,  n.  3.  Il  faut  donner  aussi  au  vieiix-cornique  les  gloses  à 
Smaragdus,  comme  M.  J.  Loth  l'a  prouvé  (Arch.  fur  Celt.  Lexi- 
cogr.,  III,  249-256,  txRev.  Celt.,  XXXV,  215-216).  Depuis  l'ou- 
vrage fondamental  de  M.  Loth,  Vocabulaire  vieux-breton ,  Paris, 
1884,  la  bibliographie  du  vieux-breton  s'est  enrichie  de  maint 
article  :  cf.  notamment  R.  Celt.,  VIII,  492,  504  ;  X,  147;  XI,  86, 
203;  XIV,  70;  XXVII,  151;  XXVIII,  43  ;  XXXIII,  417  ;  Z.  f. 
Celt.  Phil.,  II,  83  ;  etc. 

P.  11.  Le  mot  brat,  sous  la  forme  du  plur.  bratteu,  figure  dans 
deux  passages  du  Mabinogi  de  Pvvyll  (W.  B.  col.  23,  9  et  24,  19  ; 
R.  B.  p.  14,  27  et  15,  24).  Il  est  donc  plus  ancien  en  gallois  que 
le  xive  siècle,  puisque  le  White  Book  est  de  la  fin  du  xme,  et  que 
l'accord  des  deux  manuscrits  atteste  qu'il  figurait  déjà  dans  l'ar- 
chétype. C'est  sans  doute  un  mot  irlandais  passé  au  gallois,  et  du 
gallois  à  l'anglais. 

P.  28.  Il  est  exact  que  le  mot  dryiu  au  sens  de  «  druide  »,  est 
depuis  le  xve  siècle  un  mot  savant  de  la  langue  des  bardes  ;  mais 
l'équivalent  de  l'irlandais  driii,  gén.  druad,  ne  pourrait  être  en  gallois 
que  dryw,  si  l'on  compare  syw  «  sage,  prophète  »,  qui  est  l'équiva- 
lent de  l'irlandais  sûi,  gén.  suad.  On  Wtsyw  dans  le  dialogue  de  Mer- 
lin et  de  sa  sœur  (R.  B.  Poetry  577,  Skene  II,  218,  3).  II  est  pro- 
bable que  le  mot  dryw  a  été  de  bonne  heure  appliqué  en  surnom 
au  roitelet  et  s'est  conservé  comme  tel  ;  cf.  J.  Loth,  R.  Celt.,  XX, 
340  et  Rev.  Archcol.,  1924,  t.  II,  p.  63. 

P.  37.  Sur  le  mot  clocca,  il  fallait  renvoyer  aussi  à  Schuchardt, 
Z.f.  rom.  Phil,  XXIV,  566.  et  à  Dottin,  R.E.A.,  XXII,  39. 

P.  41.  Pourquoi  citer  le  verbe  grec  71X7^111x1  a  je  frappe  »,  qui 
n'est  attesté  qu'au  moyen  et  dans  un  seul  passage  (Thucydide  IV, 
125)? 

P.  50.  L'irlandais  cret  ne  signifie  pas  seulement  «  coffre  »  (de 
voiture);  il  s'emploie  souvent  pour  le  corps  humain.  Son  sens 
propre  est  «  carcasse  »,  c'est-à-dire  qu'il  désigne  un  objet  combiné 
d'éléments  agencés,  comme  tant  de  noms  appliqués  à  la  voiture 
(M.S.L.,  XIX,  61  ;  cf.  les  épithètes  7tXexTÔç  eu7rXe>cT0;;  sùitXexv',:; 
données  en  grec  au  char,  Hom.  W  335,  436,  Hés.  Boucl.  63,  306, 
370).  Il  est  donc  permis  de  rattacher  irl.  cret  à  la  racine  représen- 
tée en  latin  par  crûtes  et  cartilage  (Walde,  2e  éd.,  p.  198). 

P.  54-55.  Il  convient  toutefois  de  remarquer  que  le  mot  gallois 
gafael  gafel  est  bien  attesté  dans  la  langue  juridique  au  sens  de 
«  saisie  »  (Wade  Evans,  IVelsh  Mediaeval  Law,  p.  85,  1.  15)  et 
que  le  correspondant  irlandais  (gabàil,  atb-gabâil)  a  la  même 
valeur  juridique. 

RtTiie  Celtique,  XL1II.  M) 


454  Bibliographie. 

P.  61.  Le  nom  Crinoc  est  bien  attesté  en  irlandais.  Il  figure  dans 
la  charmante  pièce  de  vers  que  K.  Meyer  a  éditée  Z.  f.  Celt.  Pbil., 
VI,  266,  et  dont  il  a  donné  une  traduction  anglaise  Ane.  IrishPoe- 
try,  p.  37. 

P.  63.  Depuis  les  observations  de  M.  J.  Loth  sur  le  thème 
*iouto-  en  celtique  (R.  Celt.,  XXXIII,  249-258,'  et  ci-dessus, 
p.  160  et  ss.),  on  ne  peut  pas  affirmer  que  le  nom  propre  Tuta 
sorte  du  nom  du  «  peuple  »  (gall.  tud).  C'est  certainement  à  une 
autre   origine  que  remonte    Tut  dans  Morgan  Tut  par  exemple. 

P.  65,  n.  1.  Sur  les  alternances  de /et  dd,  ff  et  //;,  en  partie 
réglées  par  une  tendance  à  la  dissimilation,  voir  aussi  Mélanges 
F.  de  Saussure,  p.  312. 

P.  71-72.  Il  ne  faut  pas  oublier  que  dans  une  bonne  partie  du 
Pays  de  Galles,  y  est  prononcé  0  devant  w  et  même  devant  /  ;  ainsi 
dans  bowyd,  cowir,  towydd  pour  bywyd  «  vie  »,  cywir  «  juste  », 
tywydd  «  temps  »,  etc.,  mofi  pour  myfi  «  moi  »  (dans  le  sud  de 
Galles),  etc.  Cf.  la  transcription  Howel  du' nom  propre  Hywel  et 
inversement  la  forme  tywel  donnée  dans  l'orthographe  galloise  au 
mot  anglais  towel  emprunté. 

P.  84.  Le  prétendu  mot  uch  «  fille  »  est  un  monstre  qu'il  faut 
désormais  rayer  des  lexiques,  depuis  que  M.  J.  Loth  l'a  expliqué 
comme  une  simple  abréviation  graphique  du  mot  uerch  (mutation 
de  merch),  v.  R.  Celt.,  XLI,  235.  Mais  l'article  de  M.  Loth  n'avait 
pas  paru  quand  M.  Fôrster  préparait  son  livre. 

P.  103,  104,  m.  Pour  comprendre  l'extension  comme  noms 
propres  des  adjectifs  gwynn,  llwyd,  anwyl,  il  faut  tenir  compte  de 
la  valeur  religieuse  de  ces  adjectifs.  Il  est  certain  que  Gwynn  ou 
Llwyd  ne  sont  pas  de  simples  équivalents  des  noms  Leblanc  ou 
Legris  du  français.  Ils  s'employaient  dès  l'ancien  gallois  au  sens 
de  c<  saint,  bienheureux  ».  On  disait  Crist  guin  (B.B.C.,  11.34 
Sk.  =  34. 1  Ev.),  Duw  gwyn(Cyndde\vf,  M.  A.  190  a  2  =  R.C., 
XL,  312),  Dewi  wynn(M..A.  194  b  29),  Duw  Iwyd  (Daf.  ab 
Gwil.,  éd.  Ifor  Williams,  p.  102,  1.  33),  etc.  Et  anwyl  z  une 
valeur  religieuse  dans  certains  emplois  que  mentionne  le  Diction- 
naire de  Silvan  Evans.  Ce  n'est  pas  seulement  une  particularité 
physique  ou  une  qualité  morale  qui  explique  l'emploi  de  ces 
adjectifs  comme  noms  propres. 

P.  107.  C'était  le  cas  de  citer  la  forme  bochan  attestée  dans 
Giraud  de  Cambrie  (t.  VI,  p.  81,  1.  14)  :  canlref-bochan,  id  est 
Kantaredo  breui.  Giraud  était  de  Manorbier  et  parlait  naturellement 
le  gallois  du  sud. 

P.  m.   Il   n'est  pas  surprenant  que  le  poète  Rhys  Cain  ait  tiré 


Bibliographie.  455 

son  nom  de  la  rivière,  le  Cain,  qui  arrosait  son  pays  natal.  Ce 
cas  n'est  pas  isolé.  Tudur  Aled,  né  sur  les  bords  de  l'Aled,  avait 
fait  de  même.  John  Ceiriog  Hughes,  né  à  Llanarmon,  a  pris  son 
nom  aussi  d'une  petite  rivière  voisine,  le  Ceiriog  ;  il  est  vrai  que 
dans  le  choix  qu'il  a  fait,  il  pouvait  y  avoir  un  souvenir  de  Huw 
Morus,  qu'on  avait  surnommé  en  son  temps  Eos  Ceiriog. 

P.  112.  Pour  expliquer  les  formes  étranges  prises  par  le  nom 
Gwenhwyfar  dans  le  français  du  moyen  âge,  il  faut  sans  doute 
tenir  compte  de  l'existence  du  nom  de  Geneviève. 

J.  Vendryes. 

VII 

Largillière  (René).  Les  Saints  et  l'organisation  chrétienne  primitive 
dans  V Armorique  bretonne.  Rennes,  1925,  in-8°,  270  pages  (thèse 
de  doctorat). 

La  toponymie  de  la  Bretagne  armoricaine  a  un  aspect  sui  generis 
qui  frappe  les  voyageurs  les  plus  distraits.  Les  noms  de  villages, 
par  milliers,  commencent  par  les  termes  plou-,  lan-,  tré-,  lok-,  plou 
désignant  le  territoire  d'une  paroisse,  lan  un  monastère  ou  une  cha- 
pelle, tré  un  hameau,  lok  un  lieu  de  culte  (monastère,  prieuré,  cha- 
pelle). De  plus,  si  peu  familier  qu'on  puisse  être  avec  la  langue  bre- 
tonne, on  ne  tarde  pas  à  s'apercevoir  que  le  second  terme,  du  nom 
est  presque  toujours  un  nom  de  saint,  de  saint  celtique,  de  saint 
local.  Une  formation  de  ce  genre  ne  se  retrouve  pas  ailleurs.  Elle 
est  spéciale  à  l'Armorique.  Et  l'idée  devait  venir  tout  naturellement 
qu'elle  est  en  rapport  avec  le  repeuplement  de  cette  contrée  par  les 
émigrés  bretons  venus  de  Grande-Bretagne  au  Ve  siècle.  Aurélien 
de  Courson,  dès  1863',  puis  A.  de  la  Borderie2,  ont  vu  dans 
lep/oîv-un  petit  clan  celtique;  le  second  terme  du  lieu  commençant 
par  plou-  représenterait  le  nom  du  chef  breton  amenant  en  Armo- 
rique la  petite  troupe  d'émigrants;  ce  chef  se  serait  appelé  machtyern. 
La  paroisse,  dont  les  limites  se  confondent  avec  celles  du  plou,  se 
serait  modelée  sur  cette  organisation  politique,  ou  plutôt  la  lan 
serait  la  colonie  ecclésiastique,  alors  que  h  plou  serait  la  colonie 
civile. 

Il  y  a  longtemps  que   M.   J.   Loth  >,   sans  parler  de  feu  l'abbé 

1.  Dans  les  prolégomènes  à  son  édition  du  Cartulaire  de  Redon. 

2.  Histoire  cb>  Bretagne,  t    I,  p.  281;  t.  II,  p.   14^,  174,  1 79- 

3.  Rt-vue  Celtique,  t.  XXII,  1901,  p.  109.  Cf.  Mots  latins  dans  les  langues 
brittoniques,  p.  38. 


456  Bibliographie. 

Duine  et  de  M.  H.  Sée,  avait  fait  à  cette  théorie  de  fortes  objections. 
Rien  absolument  n'indique  l'existence  en  Bretagne  armoricaine 
du  régime  du  clan.  Dans  chaque  pion  il  y  aplusieurs  machlyeriis ou 
seigneurs1,  et  non  un  seul,  ce  qui  s'explique  bien  vu  l'étendue 
territoriale  de  cette  circonscription.  Enfin  le  pion  ne  saurait  être 
une  division  politique,  mais  religieuse,  à  l'origine:  le  mot  est  en 
effet  emprunté  au  latin  d'église  plebern  qui  s'entend  de  la  paroisse 
rurale.  La  synthèse  de  Courson  et  de  la  Borderie  était  prématurée. 
Elle  ne  pouvait  qu'induire  en  erreur  les  historiens. 

Un  disciple  de  M.  J.  Loth,  M.  René  Largillière,  a  eu  l'ambition 
louable  de  reprendre  le  problème  ah  ovo.  Il  lui  a  consacré  des 
recherches  extrêmement  étendues  dont  il  nous  offre  le  résultat 
dans  le  présent  ouvrage. 

La  première  tâche  c'est  de  déterminer  si  les  noms  en  plou, 
tré,  lan,  lok,  sont  synchroniques  ou  non.  Un  premier  résultat 
acquis  c'est  que  les  noms  en  lok-  n'apparaissent  pas  avant  le 
xi8  siècle  et  que  leur  formation  ne  se  prolonge  pas  au  delà  de 
la  fin  du  xme  siècle.  Cette  catégorie  est  donc  à  éliminer2.  Seuls 
les  noms  commençant  par  plou,  tré,  lan  sont  anciens  et  remontent  à 
l'introduction  du  christianisme  breton  en  Armorique.  Il  y  a  cepen- 
dant une  différence  à  noter:  lan  et  tré  cessent  de  bonne  heure 
d'être  compris  et  ne  se  séparent  plus  du  second  terme  du  mot, 
alors  que  plou  garde  plus  longtemps  son  sens  et  sa  vie  propre 
(p.  44). 

Ces  principes  posés,  M.  L.  entreprend  une  étude  particulière 
des  saints  éponymes  des  paroisses  en  plou-,  lan-,  saint-,  en  se  limi- 
tant au  Bas-Tréguier  qu'il  connaît  à  fond.  La  conclusion  c'est 
que  «  la  nuit  presque  complète  règne  sur  chacun  de  ces  individus; 
des  noms  ont  subsisté,  presque  rien  autre  »  (p.  125).  On  ne  sait 
d'eux  qu'une  chose  c'est  qu'ils  ont  donné  leurs  noms  à  la  paroisse 
qu'ils  fondaient  (p.  139-140). 

La  topographie  des  lieux  de  culte  révèle  un  fait  énigmatique  :  à 
un  établissement  côtier  répond  dans  l'arrière-paysun  établissement 
ayant  lemêmeéponyme.  Ainsi  saint  Guirec,  éponymedes  paroisses 


1 .  De  même  il  y   a    plusieurs  le%  (cours  féodales)   dans    une    paroisse 

(P-233)- 

2.  Comme  les  noms  en  lok-  ont  souvent  pour  second  terme  un  saint 
irlandais,  l'auteur  conclut  (p.  128-130)  qu'ona  exagéré  le  rôle  des  Irlan- 
dais, lequel  est  tardif  dans  l'évangélisation  de  l'Armorique.  11  est  signifi- 
catif que  le  culte  de  saint  Patrice  soit  presque  inconnu  en  Basse-Bretagne 
(p.  140- 


Bibliographie.  457 

côtiéres  de  Locquirec  et  Perros-Guirec,  a,  à  l'intérieur  des  terres, 
la  chapelle  de_  Guirec  en  Ploubezre  (p.  150).  Comme  la  chose  se 
répète  pour  une  série  de  saints,  on  n'est  pas  en  présence  d'un  fait 
de  hasard.  S'agit-il  d'un  transport  de  reliques,  ou  bien  le  saint, 
après  avoir  résidé  sur  la  côte,  s'est-il  enfoncé  dans  l'intérieur?  L'au- 
teur (p.  156-166)  semble  pencher  pour  cette  dernière  explication. 
En  tout  cas  la  topographie  du  culte  montre  que  les  saints  ont  agi 
sans  obéir  à  un  plan  d'ensemble,  sans  être  les  serviteurs  d'une  orga- 
nisation. «  Ce  sont  des  isolés  qui  ont  travaillé  à  leur  guise,  au 
mieux  des  intérêts  de  la  religion  et  au  hasard  de  leurs  pérégrina- 
tions »  (p.  166). 

Une  seconde  partie,  intitulée  LesParoisses,  contrôle  et  développe 
les  principes  posés  dans  la  première  partie  (Les  Saints).  Les  pa- 
roisses primitives  sont  toutes  des  plou.  Les  tré  et  les  lan  sont  des 
paroisses  moins  anciennes,  issues  d'un  démembrement  parfois  très 
récent  (xixe  siècle)  d'un  plou  antique.  Ce  qui  frappe  c'est  l'éten- 
due considérable  des plous:  Plestin  et  sa  trêve,  Tremel,  s'étendent 
sur  4645  hectares,  Plougras  et  ses  trêves  sur  9. 138 hectares.  Plou- 
milliau,  amputé  de  Trédrez,  a  encore  onze  kilomètres  de  long, 
Plouigneau  1 5  kilomètres  d'est  en  ouest  (p.  177).  La  différence  de 
superficie  avec  les  paroisses  du  reste  de  la  France  est  saisissante: 
la  moyenne  de  nos  communes  ne  renferme  que  12  à  1300  hec- 
tares. Mais,  à  la  fin  de  l'Empire  romain  et  à  l'époque  mérovingienne, 
le  nombre  des  paroisses  dans  l'ensemble  de  la  Gaule  était  fort  peu 
considérable  et  leur  étendue  devait  être  énorme.  A  la  fin  du 
vie  siècle  le  règlement  d'Aunaire  ne  mentionne  que  36  paroisses 
pour  tout  le  diocèse  d'Auxerre1.  Le  nombre  de  paroisses  dans  la 
Gaule  franque  ne  s'est  multiplié  qu'à  l'époque  carolingienne;  à 
l'imitation  des  évêques  les  seigneurs  ont  fondé  sur  leurs  domaines 
des  capellaek  baptistère,  ce  qui  explique  que  la  commune  moderne, 
continuation  delà  paroisse,  représente  souvent  comme  étendue  une 
villa  gallo-franque.  En  Armorique  la  genèse  des  paroisses,  des 
plous,  est  toute  différente.  L'initiative  de  leur  constitution  revient 
à  des  moines-prêtresqui  quittèrent  la  grande  île  pour  maintenir  la  foi 
chrétienne  chez  les  émigrés  disséminés  dans  la  péninsule  armori- 
caine2. La  population  était  encore  peu  dense,  les  missionnaires 
n'étaient  pas  très  nombreux,  il  fallut  grouper  les  fidèles  en  grandes 

1.  Imbart  de  la  Tour,  La  paroisse  rurale,  p.  59. 

2.  Et  c'est  ce  qui  explique  que  les  paroisses  à  présentation  de  laïques  soient 
si  rares  en  Bretagne.  C'est  l'universalité  des  paroissiens  qui  est  propriétaire 
de  la  paroisse  (p.  241-242) 


458  Bibliographie. 

circonscriptions.  Celles-ci,  à  l'origine,  n'étaient  pas  des  paroisses 
au  sens  continental  du  mot  :  en  Grande-Bretagne  les  fidèles  se  grou- 
paient autour  d'un  monastère.  Ce  n'est  que  peu  à  peu  que  le  grou- 
pement des  fidèles  autour  d'une  église  a  fait  du  territoire  habité 
par  cette  communauté  un  plou,  une  paroisse.  L'éponyme  de  la 
paroisse  est  le  saint  missionnaire  qui  en  a  constitué  les  premiers 
linéaments1.  Ce  saint  est  tout  local,  ignoré  en  dehors  le  plus  sou- 
vent, ce  qui  explique  la  profonde  obscurité  de  l'immense  majorité 
de  ces  humbles  saints  bretons.  11  est  à  remarquer  que  dans  la 
Gaule  franque,  lorsqu'un  ermite  organise  la  vie  religieuse  dans  un 
territoire  où  il  n'y  a  ni  vicus,  ni  villa  qui  préexiste,  la  paroisse  qu'il 
crée  prend  également  son  nom  (p.  219).  Mais  ce  qui  est  ici  l'excep- 
tion est  la  règle  en  Armorique. 

Tandis  que  dans  la  Gaule  franque  les  paroisses  empruntent  leur 
nom  au  chef-lieu,  au  bourg,  «  si  bien  que  la  paroisse  n'a  pas  de 
nom  dans  la  langue  courante  »,  en  Armorique  le  mot  plou  conserve 
dans  toute  sa  force  son  sens  de  territoire  paroissial  et  l'on  conti- 
nue, même  aujourd'hui,  à  dire  que  tel  village  est  en  Plestin,  en  Ploua- 
ret,e\c  Le  nom  du  chef-  lieu,  le  bourg,  nese  confond  pas  avec  celui 
de  la  paroisse  et,  dans  le  Léon,  il  a  son  nom  particulier  commen- 
çant par  guic.  La  chose  est  si  vraie  que  l'église  du  bourg  n'honore 
pas  nécessairement  le  saint  éponyme  de  la  paroisse:  elle  est  dé- 
diée parfois  à  un  saint  d'un  caractère  universel  tel  saint  Pierre  ou 
saint  Paul,  ou  à  Notre-Dame.  C'est  que  le  bourg  n'existait  pas  pri- 
mitivement2 ;  la  population,  clairsemée,  n'était  pas  ramassée: 
elle  l'est  encore  si  peu  en  Bretagne  !  Le  culte  du  saint  fondateur 
n'était  donc  pas  nécessairement  fixé  au  centre  de  la  circonscrip- 
tion ;  il  pouvait  rester  attaché  à  quelque  chapelle  isolée  où 
le  saint  avait  mené  une  vie  érémitique  (p.  191-197  ;  cf. 
p.  153-166,  p.  231).  Cette  unité  sociale  qu'est  le  plou  bre- 
ton se  serre  autour  d'un  patron  et  non  autour  d'une  église  cen- 
trale (p.  196).  Elle  est  comme  indestructible:  il  faut  descendre  jus- 
qu'à l'époque  moderne  pour  que  le  plou,  en  raison  de  son  étendue, 
commence  à  se  scinder.  C'est  pendant  quinze  siècles  une  molécule 
insécable.  Sans  un  humble  etobscur  missionnaire  elle  n'existerait  pas. 

1 .  Dans  la  Gaule  franque,  au  contraire,  le  village  préexiste  à  la  paroisse.  Il 
suffit  d'y  établir  une  église  à  baptistère  pour  faire  une  paroisse  du  vicus 
ou  de  la  villa. 

2.  L'auteur  remarque  que  le  chef-lieu,  le  bourg,  est  parfois  dans  un  pli 
de  terrain,  pour  des  motifs  économiques,  alors  que  la  paroisse  est  sur  la 
pente  ou  la  hauteur. 


Bibliographie..  459 

Sans  ces  prêtres  et  moines  venus  de  Grande-Bretagne  aux  Ve,  vie, 
vne  siècles,  les«  émigrés,  abandonnés  sur  une  terre  étrangère,  sans 
organisation  aucune,  sans  direction,  seraient  peut-être  descendus 
très  bas.  Les  missionnaires  y  ont  maintenu  la  civilisation  et  conti- 
nué les  relations  avec  la  mère  patrie,  de  laquelle  seule  pouvait 
leur  venir  la  lumière.  Leur  oeuvre  est  grande  dans  l'histoire  et  l'on 
peut  conclure  que  le  peuple  a  eu  raison  de  garder  leur  souvenir 
et  de  les  canoniser  »  (p.  230). 

La  lecture  de  l'ouvrage  est  facilitée  pardes  cartes  •  et  des  index 
nombreux  et  soignés.  L'étude  est  fondée  sur  le  dépouillement  des 
cadastres  des  Côtes-du-Nord.  Comme  le  cadastre  offre  de  300  à  500 
noms  par  section  et  qu'il  y  a  trois  ou  quatre  sections  en  moyenne  par 
commune,  on  voit  la  richesse  prodigieuse  de  cette  tournée  d'in- 
formation toponymique,  surtout  pour  les  communes  cadastrées 
entre  181 5  et  1825.  Si  l'on  pense  que  l'auteur  a,  en  outre,  étudié 
scrupuleusement  les  cartes  de  l'État-Major  et  visité  le  terrain,  on 
se  rend  compte  du  labeur  considérable  que  représente  ce  livre  de 
dimensions  modérées.  La  discussion  est  menée  avec  circonspec- 
tion, les  conclusions  de  chaque  chapitre  sont  prudentes.  L'en- 
semble est  véritablement  un  modèle  de  monographie  patiente  et 
scrupuleuse.  La  Faculté  des  lettres  de  Rennes,  à  laquelle  l'ouvrage  a 
été  présenté  comme  thèse  de  doctorat,  lui  a  décerné  à  bon  droit 
la  plus  haute  mention. 

Ferdinand  Lot. 

1.  Carte  du  culte  de  saint-Gueoc,  le  Bas-Tréguier,  le  démembrement 
des  anciennes  paroisses  de  Ploulec'h,  Ploumilliau,  Plouzelambre,  le  terri- 
toire de  Guimaëc  et  les  enclaves  doloises  de  Lanmeur  et  deLocquirec,  le 
bourg  de  Guimaëc  et  les  limites  de  Lanmeur,  la  commune  de  Locquénolé 
dans  le  territoire  de  Taulé. 


CHRONIQUE 


Sommaire.  I.  Un  cours  d'irlandais  moderne  à  l'École  des  Hautes 
Études.  —  II.  État  de  la  langue  irlandaise  en  Irlande.  —  III.  Publica- 
tions de  l'Institut  d'Oslo.  —  IV.  M.  S.  Agrell  et  le  neutre  indo-euro- 
péen. —  V.  Ouvrage  posthume  de  Karl  Brugmann  sur  la  syntaxe.  —  VI. 
M.  Meillet  et  les  caractères  généraux  des  langues  germaniques.  —  VII. 
L'Étude  du  paganisme  Scandinave  au  xixe  siècle,  par  Maurice  Cahen.  — 
VIII.  M.  Hofmann  et  la  langue  familière  des  Latins.  —  IX.  La  médecine 
chez  les  Celtes,  d'après  M.  W.  A.  Jayne.  —  X.  Le  cheval  chez  les  Celtes, 
par  M.  J.  Loth.  —  XI.  Le  dieu  gaulois  Rudiobos,  par  le  même.  —  XII. 
Objets  celtiques  trouvés  en  Norvège.  —  XIII.  La  littérature  des  visions 
au  moyen-âge  et  l'ouvrage  de  MaxVoigt.  —  XIV.  Le  Graal  et  l'Eucha- 
ristie par  M.  A.  Brown. —  XV.  Les  notes  marginales  des  manuscrits 
irlandais,  par  M.  C.  Plummer.  —  XVI.  Chants  populaires  de  l'île  de 
Man.  —  XVII.  Un  hymne  anglais  en  écriture  galloise,  par  M.  Fôrster.  — 

XVIII.  A  la    mémoire  de  sir  John   Rhys,  par   sir  J.  Morris  Jones. — 

XIX.  Une  édition  de  luxe  de  Ceiriog.  —  XX.  Traduction  en  vers 
anglais  de  morceaux  choisis  de  Ceiriog,  par  M.  Perceval  Graves. —  XXI. 
Ouvrages  nouveaux. 

I 

Au  cours  des  années  précédentes,  il  y  a  eu  à  la  Faculté  des 
Lettres  de  l'Université  de  Paris  des  lectorats  de  langues  celtiques. 
Les  titulaires  en  ont  été  successivement  pour  l'irlandais  Miss  Sara 
O'Byrne,  Miss  GeorginaKing,  Miss  Bridie  Feely  et  M.  Myles  Dil- 
lon  ;  pour  le  gallois,  M.  Ambrose  Bebb  et  Miss  Hywi  Saer.  Diverses 
raisons,  en  partie  d'ordre  budgétaire,  ont  entraîné  la  suppres- 
sion, provisoire,  il  faut  l'espérer,  de  cette  institution,  qui  a  rendu 
de  bons  services  à  un  certain  nombre  d'étudiants  Français  et  étran- 
gers. 

Mais  une  compensation  est  assurée  à  ceux  que  l'irlandais  inté- 
resse. 

MI,e  Marie-Louise  Sjœstedt,  dont  nous  avons  annoncé  précé- 
demment les  thèses  de  doctorat  (ci-dessus,  p.  216),  a  été  chargée 
pour  l'année  scolaire  1926-1927  d'une  conférence  temporaire  d'irlan- 
dais moderne  à  l'École  pratique  des  Hautes  Études.   Après  un 


Chronique.  461 

séjour  d'un  an  à  Dublin,  Mllc  Sjoestedt  est  allée  passer  plusieurs 
mois  à  l'extrémité  occidentale  du  Kerry,  à  Dunquin  et  aux  lies  Blas- 
ket,  d'où  elle  a  rapporté  une  solide  connaissance  de  l'irlandais  tel 
qu'on  le  parle  là-bas. 

II 

Le  développement  de  l'irlandais  comme  langue  nationale  est  un 
des  points  essentiels  du  programme  de  l'Etat  Libre.  Aussi,  dès  que 
cela  lui  a  été  possible,  le  nouveau  gouvernement  s'est-il  préoccupé 
de  connaître  exactement  l'état  actuel  de  la  langue,  en  vue  de  don- 
ner  une  base  à  sa  politique.  Une  commission  a  été  nommée  le 
27  janvier  1925  pour  enquêter  sur  les  conditions  dans  lesquelles 
l'irlandais  est  aujourd'hui  parlé  et  pour  aviser  aux  moyens  d'en 
encourager  l'usage.  Cette  commission  avait  pour  président  le  géné- 
ral Richard  O'Mulcahy  (Risteard  Ua  Maolchatha);  elle  a  mené  son 
travail  avec  une  rapidité  exemplaire,  puisqu'elle  s'est  trouvée  en 
mesure  de  publier  son  rapport  dès  1926.  Accompagné  de  cartes 
et  de  graphiques,  ce  rapport  est  un  document  des  plus  importants 
pour  l'histoire  de  la  langue  irlandaise1. 

La  commission  avait  à  sa  disposition  les  éléments  fournis  par  le 
recensement  de  191 1  (et.  Rev.  Celt.,  t.  XXXIII,  p.  483);  elle  lésa 
utilisés  pour  l'établissement  d'une  carte  en  couleur,  montrant  par 
district  la  répartition  de  la  population  parlant  irlandais  à  cette 
date  Une  autre  carte  en  couleur,  de  dimensions  identiques,  montre 
quelle  était  la  répartition  en  1925.  La  comparaison  des  deux  est 
extrêmement  instructive,  bien  qu'elle  ne  s'étende  pas  à  l'ensemble 
du  territoire.  L'enquête  de  191 1  portait  sur  l'Irlande  entière, 
puisqu'elle  avait  été  faite  lors  du  recensement  général.  Il  n'y  a  pas 
eu  de  recensement  en  Irlande  depuis  191 1,  et  la  commission  de 
1925  n'a  fait  porter  son  enquête  qr.e  sur  sept  comtés,  ceux  où 
se  rencontrent  en  majorité  les  native  speakers.  Ce  sont  les  com- 
tés de  Donegal,  Mayo,  Galway,  Clare,  Kerry,  Cork  et  Waterford. 
Encore  pour  les  cinq  derniers  certains  districts  sont-ils  restés  en 
dehors  de     l'enquête.    En    revanche    l'enquête    a   été  étendue   à 

1.  coiMisiÛN  na  gaeltachta,  Report.  Dublin,  Stationery  Office,  1926, 
133  p.  grand 8°,  2  s.  6  d.  Deux  paquets  de  cartes  sont  joints  au  rapport  : 
Map  N°  1,  showing  in  respect  of  census  191 1  the  number  and  percentage 
of  Irish  Speakers  in  each  District  Electoral  Division  ;  Map  N°  2,  showing 
in  respect  of  Spécial  Enumeration  1925  the  number  and  percentage  of  Irish 
Speakers  in  each  District  Electoral  Division. 


462  Chronique 

quelques  districts  des  comtés  voisins  de  Sligo,  Roscommon, 
Limerick  et  Tipperary. 

Une  enquête  préliminaire  et  partielle  fut  confiée  aux  soins  des 
instituteurs  et  des  curés;  elle  fournit  des  directives  utiles  à  la  com- 
mission. Celle-ci  chargea  ensuite  les  gardai siochanâ  (m.  à  m.  «  gar- 
diens de  la  paix  <>),  qui  établissaient  une  statistique  agricole  en 
juillet  et  août  1925,  pour  le  compte  du  Ministère  de  la  Justice,  de 
faire  en  même  temps  une  statistique  linguistique.  On  a  défini 
«  Irish  speaker  »  quiconque  est  capable  de  tenir  une  conversation 
en  irlandais.  Au-dessous  de  sept  ans,  les  enfants  ont  été  rangés  ou 
non  parmi  les  «  Irish  speakers  »  suivant  que  leurs  frères  et  sœurs 
plus  âgés  (ou  à  défaut  de  ceux-ci  leurs  père  et  mère)  étaient  eux- 
mêmes  ou  non  des  Irish  speakers. 

Le  tableau  suivant  présente  les  résultats  de  l'enquête,  en  distin- 
guant, parmi  les  onze  comtés,  les  sept  qui  ont  été  à  peu  près 
intégralement  enquêtes  et  les  quatre  sur  lesquels  l'enquête  n'a  été 
que  partielle. 

Population        Population     Total  des  Total  des 

Comtés                            totale  en             totale  en          Irish  Irish 

1911                 192s           Speakers  Speakers 

en  1911  en  1925 

Donegal 168.537  145.296  S9-31?  52. 647 

Mayo 192.177  168.660  88.601  54.939 

Galway i77-°SS  156.77°  97-747  75-574 

Gare1 81.785  71. 330  34.324  18.824 

Kerrv» 149.391  131.284  59.338  43-472 

Cork* 295.907  254.180  75.743  39.271 

Waterfords 56.502  47.851  21.692  14.522 

(Sligo)6 50.902  44.669  11.959  4755 

(Roscommon)7 31-5  54  26.873  5.532  2.463 

(Limerick)8 27.610  25.811  5.312  3.224 

(Tipperary)9 M-737  11. 612  2.988  1.424 

1.  Moins  le  district  urbain  de  Ballinasloe. 

2.  Moins  le  district  urbain  d'Ennis  et  les  districts  ruraux  de  Limerick  2  et 
de  Scarriff. 

3.  Moins  le  district  urbain  de  Tralee. 

4.  Moins  les  districts  urbains  de  Mallow,  Fermoy,  Cobh,et  la  commune 
de  Cork. 

5.  Moins  la  commune  de  Waterford. 

6.  Seulement  les  districts  de  Boyle  2,  Dromore  West,  Toberrcury  et  une 
partie  du  district  rural  de  Sligo. 

7.  Seulement  le  district  rural  de  Castlereagh. 

8.  Seulement  les  districts  ruraux  de  Glin  et  Newcastle. 

9.  Seulement  le  district  rural  de  Clogheen. 


Chronique.  463 

Cette  statistique  dénote  un  recul  effrayant  de  la  langue  irlan- 
daise. Dans  les  sept  comtés  mentionnés  ci-dessus,  les  seuls  où  la 
langue  soit  vraiment  vivante,  sur  une  population  totale  de  975.371 
habitants  (qui  était  en  1911  de  1. 121.354  habitants),  on  compte 
aujourd'hui  seulement  299.244  Irish  speakers  (contre  436.758  en 
191 1).  Cela  réduit  le  pourcentage  des  Irish  speakers  dans  les  sept 
comtés  à  30,7%  (au  lieu  de  38,9  en  191 1).  Les  conclusions  du 
rapport,  résumées  p.  10,  présentent  la  situation  sous  son  véritable 
jour,  qui  n'a  rien  de  réjouissant. 

Dans  ce  tableau  si  sombre  on  entrevoit  cependant  quelques 
lueurs  d'espoir.  Alors  que  l'usage  de  l'irlandais  diminue  avec  une 
extrême  rapidité  dans  les  régions  où  les  Irish  speakers  formaient  en 
1911  moins  de  70  °/0  de  la  population,  il  marque  au  contraire 
une  tendance  manifeste  à  augmenter  dans  celles  où  le  pourcentage 
était  supérieur  à  ce  chiffre.  En  comparant  les  deux  cartes  établies 
par  la  commission,  on  dirait  que  la  langue  irlandaise,  dispersée 
par  les  circonstances  sur  un  vaste  territoire,  se  résigne  à  abandonner 
à  l'anglais  les  points  où  la  lutte  est  inutile,  mais  tend  à  regrouper 
ses  forces  en  constituant  des  centres  plus  solides  sur  les  points  où 
elle  domine  l'adversaire.  Ainsi  dans  des  forêts  dévastées  par  l'incen- 
die, la  végétation  succombe  là  où  les  cendres  étouffent  la  terre; 
mais  partout  où  il  reste  suffisamment  de  terre  végétale,  on  voit,  sur 
le  sol  noirci,  poindre  çà  et  là  de  petites  touffes  vertes,  chaque  année 
plus  larges  et  plus  drues.  Cela  donne  l'espoir  d'un  repeuplement 
futur  de  tout  le  canton,  à  condition  que  l'administration  forestière 
soit  sage  et  vigilante.  Le  gouvernement  irlandais  parait  décidé  à 
adopter  une  politique  que  les  meilleurs  forestiers  ne  renieraient  pas. 
Elle  consiste  à  s'inspirer  de  la  nature  même  en  favorisant  l'irlan- 
dais là  où  il  manifeste  une  certaine  vitalité.  Les  petits  cercles,  dis- 
séminés sur  la  carte  et  encore  bien  étroits,  où  le  pourcentage  de 
l'irlandais  atteint  aujourd'hui  ioo°/0  —  il  y  en  a  quelques-uns  — 
iront  en  s'élargissant,  se  rejoindront  les  uns  les  autres  et  finiront 
par  couvrir  de  vastes  aires,  si  on  y  entretient  la  langue  nationale 
par  des  mesures  appropriées.  Partout  où  il  y  a  un  noyau  d'ir- 
landais vivace,  il  faut  multiplier  les  écoles  irlandaises,  nommer  des 
fonctionnaires  parlant  irlandais.  L'idée  de  créer  des  corps  de  trou- 
pes où  il  n'y  aurait  que  des  Irish  speakers  à  tous  les  degrés  de  la 
hiérarchie  est  excellente.  Mais  c'est  le  prestige  qu'il  faut  avant  tout 
relever.  Actuellement,  comme  le  rapport  le  constate,  ce  prestige 
est  bas.  Ce  sont  donc  des  mesures  d'ordre  moral  qui  s'imposent 
les  premières. 

Au  sujet  des  réflevions  publiées  ci-dessus,  p.  235  et  ss.,  relati- 


464  Chronique. 

vement  à  l'avenir  de  la  langue  irlandaise,  un  lecteur  nous  fait  obser- 
ver que,  pour  assurer  la  diffusion  d'une  langue,  l'efficacité  de 
mesures  gouvernementales  n'est  pas  contestable.  Il  y  a  beaucoup  de 
volonté  arrêtée  et  de  choix  artificiel  dans  une  bonne  partie  des 
langues  qui  se  parlent  actuellement  dans  les  petites  nations  de 
l'Europe  nouvelle.  Le  letton,  le  lituanien,  l'esthonien  sont  le 
produit  d'une  politique  nationale,  tout  autant  que  le  serbe  ou 
même  le  tchèque,  Et  l'exemple  de  la  Norvège  avec  ses  deux  langues 
rivales  montre  ce  que  peut  l'action  politique,  soutenue  de  l'ensei- 
gnement de  l'école.  L'influence  de  la  volonté  n'est  assurément  pas 
niable.  Mais  il  reste  que  la  première  mesure  à  prendre  est  de  sus- 
citer cette  volonté;  c'est  un  effort  moral  qui  seul  entraînera  le 
mouvement  dont  dépend  l'avenir  de  la  langue  irlandaise. 


III 

Les  publications  de  l'Institut  d'Oslo  pour  l'Étude  comparative 
des  civilisations  (i?.  Celt.,  t.  XLII,  p.  191)  se  succèdent  rapide- 
ment, offrant  une  abondance  et  une  variété  dignes  d'admiration. 
Elles  forment  trois  séries,  de  format  différent,  respectivement  con- 
sacrées à  l'édition  des  conférences  faites  à  Oslo,  à  des  publications 
de  textes  et  à  des  rapports  sur  des  missions  scientifiques.  La  pre- 
mière comprend  les  volumes  suivants  : 

1.  Quatre  conférences  d'introduction  (Fire  Innledningsforelesnin- 
ger),  par  MM.  Fredrik  Stang,  Alf  Sommerfelt,  Knut  Liestôl  et  J. 
Quigstad. 

2.  La  méthode  comparative  en  linguistique  historique,  par  M.  A.  Meil- 
let  (v.  ci-dessus,  p.  185). 

3.  Right  and  Custom,  par  M.  P.  Vinogradoff. 

4.  Mankind,  Nation  and  Individual  jrom  a  linguistic point  ofview, 
par  M.  O.  Jespersen. 

5.  Préhistoire  de  la  Norvège,  par  M.  Haakon  Shetelig. 

6.  Kidturgeschichte  des  Norwegischen  Altertums,  par  M.  A.  W. 
Brôgger. 

7.  Die  Religionen  der  Ajrikaner  in  ihrem  Zusammenhang  mit  dem 
Wirischajlsleben,  par  M.  C.  Meinhof. 

La  seconde  s'ouvre  par  un  recueil  des  œuvres  complètes  de 
Moltke  Moe,  l'illustre  folkloriste  (2  vol.,  contenant  chacun  un 
sommaire  des  matières  en  anglais).  Vient  ensuite  un  premier 
volume  de  contes  populaires  du  pays  de  Santal,  recueillis  par 
M.   P.  O.  Bodding  et    publiés  avec  traduction  anglaise  ;   en  tête, 


Chronique.  465 

M.  Sten  Konow  a  mis  une  préface,  où  il  fait  ressortir  l'intérêt  de 
cette  publication  (voir  notamment,  p.  xv-xvj  une  fine  Remarque 
sur  la  valeur  du  nombre  duel  dans  la  langue  de  ces  contes).  Enfin, 
un  volume  de  M.  Kaarle  Krohn  sur  la  méthode  des  travaux 
de  folklore,  d'après  la  pratique  de  l'école  fondée  par  son  père 
Julius  Krohn  (Die  folkloristische  Arbeitsmethode,  1926),  et  un  diction- 
naire du  lapon  méridional  par  M.  Eliel  Lagercrantz  (Wôrterbuchdes 
Sûdlappischen,  nach  der  Mundart  von  Wefsen,  192e)  terminent 
actuellement  la  seconde  série. 

La  troisième  ne  comprend  jusqu'ici  qu'un  rapport  de  M.  Georg 
Morgenstierne  sur  une  mission  linguistique  en  Afghanistan. 

Plusieurs  de  ces  volumes  intéressent  las  celtistes,  notamment 
ceux  qui  traitent  des  antiquités  de  la  Norvège.  Notre  Bibliographie 
en  reparlera. 

IV 

La  question  de  la  catégorie  du  genre  a  été  en  ces  dernières  années 
discutée  de  divers  côtés  :  v.  notamment  les  articles  de  M.Meillet 
dans  Linguistique  historique  et  linguistique  générale,  p.  199  et  p.  21 1 . 
Dans  la  catégorie  du  genre,  le  neutre  soulève,  comme  on  sait,  des 
problèmes  particuliers.  C'est  à  élucider  quelques-uns  de  ces  pro- 
blèmes que  M.Sigurd  Agrell  consacre  un  intéressant  travail  publié 
dans  le  Bulletin  de  la  Société  Royale  des  Lettres  de  Lund  (1925-1926), 
p.  17-64  :  «  Zur  Geschichte  des  indo-germanischen  Neutrums  ». 

Le  neutre  indo-européen  n'est  caractérisé  par  une  forme  parti- 
culière qu'au  nominatif  et  à  l'accusatif,  et  cette  forme  est  la  même 
pour  les  deux  cas.  Au  singulier,  dans  les  thèmes  autres  que  les 
thèmes  en  *-o-,  la  forme  est  celle  du  thème  nu  sans  désinence, 
dépourvue  même  de  l'allongement  qui  dans  les  noms  masculins- 
féminins  alterne  avec  la  présence  d'une  désinence.  Dans  les  thèmes 
en  *-o-  la  situation  est  complexe  ;  et  une  différence  se  présente 
d'abord  entre  la  déclinaison  nominale  et  la  déclinaison  pronomi- 
nale. Les  pronoms  ont  au  nominatif-accusatif  neutre  une  dési- 
nence *-d.  Dans  les  noms,  une  désinence  nasale  (*-«  ou  *-m)  est 
bien  attestée  en  indo-iranien,  en  grec,  en  italique  et  en  celtique. 
Mais  les  autres  langues  offrent  une  situation  moins  claire  ;  en  bal- 
tique  et  en  slave  notamment,  l'hypothèse  d'une  désinence  *-on 
dans  les  neutres  ne  va  pas  sans  difficultés.  La  nouveauté  du  travail 
de  M. Agrell  est  d'imaginer  ici  une  variété  dialectale  de  l'indo- 
européen  :  les  dialectes  précités  auraient  au  nominatif-accusatif 
neutre  des  thèmes  en  -0-  ajouté  dans  les  noms  une  désinence  nasale, 


466  Chronique. 

tandis  que  les  autres  dialectes  auraient  maintenu  ici  le  thème  nu, 
comme  dans  les  thèmes  en-/-,  les  thèmes  en  -u-  et  les  thèmes  con- 
sonantiques.  Ces  autres  dialectes  seraient  le  germanique,  le  baltique. 
le  slave,  letokharien  et  probablement  l'arménien.  M.  Agrell  y  joint 
le  hittite,  qui,  en  face  d'accusatifs  masculins  en  -an,  a  toujours  des 
nominatifs-accusatifs  neutres  en  -a  sans  désinence.  Le  travail  de 
M. Agrell  est  plein  d'hypothèses  subtiles  et  originales;  beaucoup 
appelleraient  la  discussion  '.  L'idée  générale  en  est  séduisante  ;  elle 
a  d'ailleurs  été  suggérée  à  l'auteur  par  un  article  de  M.iMeillet 
(M.5.L.,  XX,  172). 


Comme  supplément  aux  Indogermanische  Forschungen,  il  a  paru 
en  1925  un  ouvrage  posthume  de  Karl  Brugmann,  die  Sytitax  des 
einfacben  Salies  im  lndogermanischen  (Berlin-Leipzig,  Walter  de 
Gruyter,  229  p.  8°).  C'est  avec  un  respect  teinté  de  mélancolie 
que  les  linguistes  accueilleront  ce  dernier  produit  d'une  activité 
qui  a  été  si  féconde.  L'ouvrage  marque  bien  la  direction  vers 
laquelle  Brugmann  s'orientait  à  la  fin  de  sa  carrière  et  donne  une 
preuve  de  plus  de  cet  effort  constant  de  renouvellement  qui  était 
une  de  ses  plus  éminentes  qualités.  Il  avait  compris  l'importance 
de  la  structure  de  la  phrase  dans  le  développement  des  langues, 
et  il  sentait  qu'il  convenait  d'aiguiller  les  jeunes  linguistes  vers 
l'étude  des  faits  de  syntaxe.  Son  intention  était  de  construire  sur 
cette  matière  un  vaste  répertoire  général  bien  classé,  qui  pût  ser- 
vir à  la  fois  de  base  et  de  modèle  à  des  travaux  de  détail.  La  mort 
l'a  empêché  de  réaliser  son  projet.  Du  moins  avait-il  laissé  en 
manuscrit  une  partie  de  son  oeuvre,  et  une  partie  qui  forme  elle- 
même  un  tout.  On  ne  peut  que  savoir  gré  à  ceux  qui  ont  assumé 
la  tâche  pieuse  de  la  publier. 

Ce  n'est  pas  lieu  d'exposer  la  doctrine  de  Brugmann  sur  la  struc- 
ture de  la  phrase  indo-européenne.  Sur  certains  points,  cette  doc- 
trine prête  à  discussion  ;  et  l'on  trouvera  par  exemple  des  idées  sen- 

1.  A  signaler,  p.  22,  un  ingénieux  tapprocherrient  du  -/  final  au  nom.- 
accus.  de  certains  neutres  (skr.  ydkrt  gén.  yakndh)  et  de  la  désinence  de 
l'instrumental  en  hittite.  Mais  il  y  a  des  neutres  aussi  qui  se  terminent  au 
nom. -accus,  par  un  -/t  (skr.  asrk  gén.  asndh).  M.  Agrell  souligne  avec  rai- 
son l'emploi  de  l'instrumental  en  russe  pour  traduire  ce  dont  on  fait  en 
allemand  ou  en  français  le  sujet  de  l'action  (Boyer-Spéranski,  Manuel, 
p.  246-247).  Il  paraît  certain  que  l'élimination  de  l'instrumental  est  liée 
au  développement  de  la  construction  personnelle  du  verbe. 


Chronique.  467 

siblement  différentes  enseignées  dans  le  Traité  de  Grammaire  compa- 
rée des  langues  classiques  qu"a  publié  en  1924  la  maison  Champion 
(notamment  p.  519  et  ss.). 

Le  celtique  ne  tient  naturellement  qu'une  place  restreinte  dans 
l'ouvrage.  Cependant  avec  sa  conscience  habituelle  et  son  souci  de 
ne  négliger  aucun  élément  d'information,  Brugmann  n'a  pas  man- 
qué de  tirer  à  l'occasion  de  l'irlandais  ou  du  gallois  des  comparai- 
sons utiles.  Il  le  fait  avec  prudence  et  toujours  en  connaissance  de 
cause.  P.  47,  1.  9,  l'exemple  de  Wb.  9  c  24  est  mal  traduit.  Le 
sens  est  en  mot  à  mot  :  «  Ce  ne  fut  pas  indifférent  pour  vous  que  ce 
fût  lui  contre  qui  vous  faisiez  cela  ».  P.  113,  au  sujet  de  l'absence 
de  conjonction  copulative  dans  une  suite  d'adjectifs  juxtaposés, 
Brugmann  cite  une  phrase  de  la  T. B.C.,  mais  ne  se  prononce  pas 
sur  l'usage  général  de  la  langue.  Il  convient  d'être  plus  affirmatif 
que  lui.  Le  tour  qui  consiste  à  mettre  des  adjectifs  qualificatifs  à  la 
suite  les  uns  des  autres  sans  les  réunir  par  aucune  conjonction  est 
courant  en  irlandais  comme  en  gallois  à  toutes  les  époques.  On 
trouve  d'innombrables  exemples  de  cette  construction  dans  cer- 
tains textes  irlandais  moyens,  tout  gonflés  de  «  bombastry  »  (v. 
ci-dessus,  p.  8  et  277).  Les  oeuvres  du  P  O'Leary  montrent  qu'elle  est 
courante  en  irlandais  moderne  (fear  géagach  slinneànach  buidhe  dob' 
eadh  an  tincéir  môr.  Fear  lom  lâidir...  Bbi  se  fadshrônach,  faidleic- 
neach,  deagh-chùmtha  'na  bheul  agus  'na  cborân,  Séadna,  p.  187. 
Bhi  gleann  ana  dboimhinn,  ana  leathan  lasiuaidh  dinn,  agus  cnuc  ana 
tnhôr,  ana  àrd  lastuaidh  den  ghleann,  Mo  sgéal  féin,  p.  78).  Pour 
le  gallois,  il  suffit  de  rappeler  le  vers  d'un  englyn  déjà  cité  ici 
(t.  XXXVIII,  p.  209)  :  mae  du  oer  lom  daear  wleb. 


VI 

Il  y  a  dix  ans  à  peine  que  M.Meillet  publiait  son  livre  sur  les 
Caractères  généraux  des  langues  germaniques.  Une  troisième  édition 
en  a  paru  il  y  a  quelques  mois  (Hachette,  192e,  xvj-236  p.  in-12, 
25  fr.).  On  sait  avec  quel  soin  M.Meillet  s'attache  à  revoir  chaque 
édition  nouvelle  de  ses  ouvrages  pour  la  faire  profiter  des  progrès 
de  la  science  et  surtout  pour  y  introduire  les  suggestions  et  décou- 
vertes d'une  pensée  toujours  en  travail.  Sans  avoir  subi  de  pro- 
fonds remaniements,  cette  troisième  édition  du  livre  consacré  au 
germanique  présente  dans  le  détail  un  bon  nombre  d'innovations. 
L'une  d'elles  intéresse  les  celtistes.  Préoccupé  de  marquer  les 
influences  qu'a  subies  le  germanique  dès  le  début  de  son  développe- 


468  Chronique. 

ment  et  les  relations  qui  l'unissent  aux  langues  immédiatement  voi- 
sines, M.Meillet  fait  appel  à  la  comparaison  des  langues  celtiques 
dans  cette  nouvelle  édition.  Il  y  a  entre  le  celtique  et  le  germa- 
nique des  rapprochements  qui  s'imposent.  Les  deux  langues  ont  eu 
à  l'époque  préhistorique  des  rapports  de  voisinage,  que  dénonce  le 
vocabulaire.  Non  seulement  il  y  a  des  mots  dont  l'emprunt  au  cel- 
tique par  le  germanique  est  évident  (v.  Meillet,  p.  208),  mais  il  y 
a  un  nombre  important  de  mots  qui  sont  communs  aux  deux 
langues  et  ne  se  retrouvent  pas  ailleurs.  Comme  ce  sont  essentiel- 
lement des  mots  de  civilisation,  on  doit  en  conclure  que  le  cel- 
tique et  le  germanique  se  sont  étendus  sur  un  terrain  où  existait 
déjà  une  civilisation  avancée  pourvue  d'une  langue  propre.  On 
sait  que  c'est  le  cas  de  la  plupart  des  langues  indo-européennes, 
qui  sont  des  langues  de  peuples  conquérants.  En  ce  qui  concerne 
le  celtique  et  le  germanique,  l'existence  d'un  substrat  commun  se 
manifeste  aussi  par  la  phonétique.  M.  Meillet  insiste  avec  raison 
sur  les  mutations  des  occlusives  (p.  40  et  44),  sur  l'altération  des 
consonnes  intervocaliques  (p.  55),  sur  le  caractère  intensif  de 
l'accent  (p.  73),  sur  la  réduction  des  finales  (p.  89).  Ce  sont 
là  autant  de  traits  qui  apparentent  le  germanique  au  celtique,  sur- 
tout à  l'irlandais.  La  question  du  substrat  est  de  celles  qui  prêtent 
encore  à  la  discussion  ;  elle  recèle  d'ailleurs  beaucoup  d'obscuri- 
tés. M.  Meillet  ne  la  touche  qu'avec  sa  discrétion,  mais  aussi 
avec  sa  netteté  habituelles  :  ce  qu'il  en  dit  est  de  nature  à  faire 
réfléchir  à  la  fois  germanistes  et  celtistes  '. 


VII 

Le  dernier  travail  de  Maurice  Cahen,  qui  aura  été  publié  de  son 
vivant,  est  un  exposé  de  l'étude  du  paganisme  Scandinave  au 
xxe  siècle.  Il  a  paru  dans  la  Revue  de  F  histoire  des  religions,  t.  XCII 
(1926),  p.  33-107.  On  ne  peut  le  lire  sans  un  serrement  de  cœur. 
Car  il  manifeste  toutes  les  qualités  qui  assuraient  à  son  auteur  une 
place  si  brillante  dans  la  linguistique  française  et  promettaient  une 
moisson  de  si  beaux  travaux  sur  les  langues  et  les  civilisations 
germaniques.  Maîtrise  totale  du  sujet,  vision  exacte  des  moindres 
détails  à  leur  place  dans  l'ensemble,  souci  de  dégager  les  idées 
générales,    et  grand  talent  d'exposition,  voilà  ce  qui  donne  une 

1.  P.  228,  lire  :  lat.  dùcô. 


Chronique.  469 

haute  valeur  à  ce  travail,  qui  n'est  pourtant  que  la  mise  au  point 
de  l'état  d'une  question. 

Depuis  le  commencement  du  xxe  siècle,  l'étude  du  paganisme 
Scandinave  s'est  complètement  renouvelée.  Et  ce  renouvellement 
est  dû  presque  uniquement  à  des  philologues.  C'est  en  étudiant  la 
runologie  et  la  toponymie,  en  combinant  les  résultats  de  l'archéo- 
logie et  du  folklore,  que  Ton  a  travaillé  à  l'histoire  religieuse.  Des 
noms  comme  ceux  de  MM.  Magnus  Olsen,  Setàlà,  Kaarle  Krohn, 
Oskar  Almgren,Ivar  Lindqvistet  de  tant  d'autres  travailleurs  disent 
assez  combien  les  recherches  ont  été  poussées  avec  vigueur  et 
succès.  Maurice  Cahen  marque  en  terminant  que,  malgré  les  résul- 
tats acquis  par  l'aide  si  précieuse  de  ces  diverses  disciplines,  il 
serait  temps  que  l'étude  du  paganisme  Scandinave  fût  entreprise 
en  partant  des  principes  de  la  science  à  laquelle  elle  ressortit  :  la 
science  des  religions.  Sa  modestie  l'a  empêché  de  dire  qu'il  a  lui- 
même  contribué  à  diriger  les  esprits  dans  ce  sens  par  ses  deux 
belles  thèses  dont  la  Revue  Celtique  a  parlé,  t.  XXXVIII,  p.  345  et 
350. 

VIII 

On  ne  connaît  pas  tout  d'une  langue  quand  on  en  a  étudié  les 
textes  littéraires.  Ceux-ci  n'en  représentent  en  effet  qu'un  aspect 
particulier  et  qui  n'est  pas  toujours  le  plus  intéressant,  parce  que 
c'est  un  aspect  fixé,  cristallisé,  à  certains  égards  un  aspect  mort. 
Derrière  la  langue  littéraire,  que  les  grammaires  enseignent  et  que 
les  écrivains  emploient,  il  y  a  la  langue  parlée,  la  langue  popu- 
laire et  familière,  avec  toute  la  richesse  et  la  spontanéité  des  créa- 
tions de  la  vie.  C'est  une  entreprise  difficile  que  d'étudier  la 
langue  parlée,  car  la  matière  est  fuyante  et  on  l'altère  parfois  rien 
qu'en  la  saisissant.  La  difficulté  est  plus  grande  encore  quand  il 
s'agit  d'une  langue  ancienne  ;  car  les  langues  anciennes  ne  nous 
sont  guère  connues  que  par  la  littérature.  Aussi  faut-il  signaler 
le  livre  récent  que  M.J.B.  Hofmann  a  consacré  à  la  Lateinische 
Umgangssprache  (Heidelberg,  Winter,   1925,  xvj-184  p.  in-12). 

C'est  un  excellent  ouvrage,  un  répertoire  très  riche  de  faits 
neufs,  bien  choisis,  bien  classés.  A  vrai  dire,  il  vaut  surtout  par 
les  observations  de  détail  qu'il  renferme.  Si  l'on  ne  peut  dire  que 
les  idées  générales  en  soient  absentes,  du  moins  l'auteur  a-t-il 
évité  de  les  mettre  en  relief.  La  façon  même  dont  il  a  découpé  sa 
matière  accuse  cette  préoccupation.  Le  livre  y  a  gagné  sans  doute 
d'être  plus  facile  à  utiliser,  à  consulter;  mais  il  y  a  perdu  un  peu 

Rn-ue  Celtique,  XLIII.  jo 


470  Chronique. 

delà  portée  qu'on  doit  attendre  d'un  travail  de  linguistique.  Le  pro- 
blème fondamental,  qui  était  de  définir  la  notion  de  «  langue  fami- 
lière »,  y  reste  un  peu  étouffé. 

Néanmoins,  par  la  nouveauté  du  sujet  et  par  l'abondance  des 
exemples,  par  des  comparaisons  fréquentes  établies  avec  le  fran- 
çais et  surtout  avec  l'allemand,  ce  petit  livre  mérite  d'être  recom- 
mandé chaudement  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  la  partie  «  affec- 
tive »  du  langage,  et  qui  l'étudient  dans  une  langue  morte.  Les 
langues  celtiques,  où  la  veine  populaire  est  si  forte  et  si  riche, 
devront  un  jour  ou  l'autre  être  étudiées  de  cette  façon. 


IX 

L'histoire  de  la  médecine  chez  les  Celtes  offre  un  vaste  champ 
de  recherches  encore  très  peu  cultivé.  Dans  un  livre  intitulé  The 
healing  Gods  of  ancient  civilisations  (Yale  University  Press,  New 
Haven,  Connecticut,  1925,  xxxjx-569  p.  8°  $.  5.00),  M.Walter 
Addison  Jayne  a  consacré  un  chapitre  aux  dieux  guérisseurs  des 
Celtes.  L'auteur  est  un  médecin,  professeur  émérite  de  gynécolo- 
gie à  l'Université  de  Colorado.  Ce  n'est  pas  la  première  fois  qu'un 
spécialiste  de  la  médecine  apporte  à  nos  études  les  lumières  de  sa 
compétence  (v.  R.  Celt.,  XXXII,  368).  Mais  il  faut  avouer  que  la 
partie  celtique  n'est  pas  la  plus  importante  du  livre  de  M.  le  Dr 
Jayne.  Celui-ci  a  étudié  avec  une  certaine  ampleur  les  dieux  gué- 
risseurs de  l'Egypte  et  de  l'Assyrie,  de  l'Inde  et  de  l'Iran,  de  la  Grèce 
et  de  Rome.  Pour  les  pays  celtiques,  il  s'est  borné  à  résumer  ce 
qu'il  a  tiré  de  divers  ouvrages  parmi  lesquels  ceux  de  MM.Dottin 
et  Mac  Culloch  lui  ont  été  particulièrement  utiles.  Les  considéra- 
tions générales  sont  assez  maigres  (p.  $03-510)  et  l'on  s'étonne  de 
n'y  voir  même  pas  mentionnées  les  formules  de  Marcellus  l'empi- 
rique (v.  R.  Celt.,  XXXVIII,  67).  Une  liste  des  divinités  guéris- 
seuses est  donnée  p.  511-521  ;  elle  contient  quelques  erreurs  ou 
fautes  d'impression  (p.  511,  lire  Ausonius;  p.  512,  irl.  berbaim  etc.). 
Bien  que  la  Revue  Celtique  soit  plusieurs  fois  citée,  un  important 
article  a  échappé  à  l'auteur  :  celui  de  M.J.Loth  sur  Morgan  Tut 
(R.  Celt.,  XXXIII,  249  et  ss.). 


M.J.Loth  a  donné  aux  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres,  t.  XLIII  (1925),  p.   11 3-148,  une  savante  étude  sur 


Chronique.  471 

«  les  Noms  du  cheval  chez  les  Celtes  en  relation  avec  quelques 
problèmes  archéologiques  ».  L'archéologie  et  la  préhistoire  ont 
établi  l'existence  du  cheval  en  Europe  bien  avant  l'arrivée  des 
Indo-Européens.  Il  y  a  en  indo-européen  un  nom  du  cheval,  qui 
se  retrouve  dans  toutes  les  langues,  c'est  *ekwos.  Mais  dans  toutes 
les  langues  aussi,  le  cheval  a  été  désigné  par  des  noms  nouveaux 
plus  ou  moins  variés.  En  celtique,  ces  noms  sont  :  gaulois  cabal- 
los,  irlandais  capall  gallois  ceffyl,  gall.  caseg  breton  ka\eg,  gaul. 
marcx  irlandais  marc  gall.  marcb,  gall.  gorwydd,  gaul.  mannus. 
M.Loth  étudie  minutieusement  chacun  de  ces  mots,  discutant  les 
étymologies  qui  en  ont  été  données  et  apportant  sur  plusieurs 
d'entre  eux  des  vues  originales  et  nouvelles.  Mais  surtout  il  fait 
ressortir  l'importance  du  cheval  chez  les  Celtes.  Cette  importance  se 
manifeste  par  le  nombre  des  noms  qui  le  désignent,  par  les  monnaies 
ou  les  monuments  figurés  qui  le  représentent,  et  plus  encore  par  la 
variété  des  légendes  dont  il  est  l'objet.  Le  cheval  a  pu  représenter 
parfois  le  soleil  chez  les  Celtes  comme  chez  les  Hindous.  La  lune 
est  appelée  «  la  jument  blanche  »  à  la  fois  dans  un  conte  populaire 
du  Munster  (an  îâir  bhân)  et  dans  le  parler  breton  de  l'île 
Molènes  (ar  ga\ec  wenri);  cf.  J.  Loth,  R.  Celt.  XXXVI,  101-104 
et  R.  Arch.  1924,  p.  7.  Si  l'on  se  rapporte  au  mot  gallois  eppil, 
epil  «  descendance,  progéniture,  race  »  qui  remonte  à  *epo-sllo- 
(m.  à  m.  «  race  du  cheval  »),  le  cheval  aurait  même  été  l'ancêtre 
éponyme  des  Brittons.  En  Irlande  aussi,  le  cheval  tient  une  large 
place  dans  la  légende.  M.  J.  Loth  en  terminant  rappelle  le  voyage 
d'Ossian  dans  la  Terre  des  Jeunes  (Tir  na  n-ôg).  Pris  du  mal  du 
pays,  Ossian  veut  revenir  en  Irlande  ;  il  n'obtient  d'y  rentrer  qu'en 
promettant  de  ne  pas  descendre  de  cheval.  Une  circonstance  l'ayant 
obligé  à  mettre  pied  à  terre,  il  perd  en  un  instant  lavue,  puis  la  jeu- 
nesse, puis  la  vie.  C'est  le  conte  que  Michel  Comyn  a  rendu  célèbre 
au  xvme  siècle  et- dont  M.T.Gwynn  Jones  a  tiré  un  de  ses  plus 
beaux  poèmes. 

XI 

C'est  encore  du  cheval  qu'il  est  question  dans  l'article  de  la 
Revue  archéologique  (1925,  p.  210-227),  où  M. J. Loth  a  étudié  «  le 
dieu  gaulois  Rudiobos,  Rudianos  ».  Le  dieu  Rudiobos  est 
connu  par  l'inscription  gravée  sur  le  socle  du  cheval  de  bronze 
découvert  en  1861  à  Neuvy-en-Sullias  (Loiret).  Le  monument  a 
fait  l'objet  d'une  étude  détaillée  de  M.Soyer  dans  le  Bulletin  de  la 
Société  de  géographie  de    1920.   L'inscription  indique  que  la  statue 


472  Chronique. 

du  cheval  a  été  consacrée  à  Rudiobos  en  un  lieu  nommé  Cassiciate 
(au  locatif).  M.Loth  interprète  ce  nom  comme  le  dérivé  d'un  mot 
gaulois  *cassicâ,  identique  aux  motsgall.  caseg,  pi.  cesyg,  corn,  cas- 
sec,  bret.  kaseg,  qui  désignent  la  «  jument  »  ;  Cassiciate  devait  être 
une  sorte  de  haras,  ou  de  parc  à  chevaux,  destiné  à  l'usage  des 
troupes,  car  on  y  a  trouvé  nombre  d'objets  militaires.  L'offrande 
d'un  cheval  de  bronze  à  Rudiobos  est  une  nouvelle  preuve  du  culte 
du  cheval  en  Gaule,  déjà  bien  connu  parla  déesse  Epona,  protec- 
trice des  chevaux  (cf.  S.  Reinach,  R.  Celt.,  XXII,  p.  14).  Rudio- 
bos ne  devait  pas  être  une  divinité  pacifique,  à  en  juger  par  les 
objets  de  caractère  militaire  trouvés  tout  autour  du  cheval.  Son 
nom  est  interprété  par  M.Loth  comme  un  composé,  dont  le  pre- 
mier terme,  rudio-,  se  rattache  au  thème  *roudbo-,  irl.  rùad,  «  rouge 
et  fort  »  et  dont  le  second  terme  appartient  à  la  racine  qui  signifie 
«  frapper  »  (cf.  uidubium,  irl.  fidbae  gl.  falcastrum).  Le  sens  de  ce 
composé  est  le  «  rouge  ou  fort  frappeur  »  ou  plutôt  «  celui  qui 
frappe  avec  le  rouge  ».  Le  nom  de  Rudiobos  dont  on  connaît 
aussi  la  forme  hypocoristique  Rudianos  {Corp.  Iuscr.  Lat.,  XII, 
381),  servant  d'épithète  à  Mars  (ibid.,  1566,  2264),  fait  naturelle- 
ment penser  à  Rudra  «  Rouge  »,  nom  d'un  dieu  hindou,  père  des 
redoutables  Maruts,  et  lui-même  souvent  des  plus  malfaisants.  Il  y 
a  de  singulières  ressemblances  entre  Rudra  et  le  grand  dieu  irlan- 
dais Dagde  ;  malgré  son  nom  qui  signifie  «  le  bon  dieu  »,  Dagde 
a  un  côté  malveillant.  Or  Dagde  est  appelé  Ruad  rofessa  «  le  Rouge 
à  la  grande  science  ».  Peut-être  faut-il  voir  en  lui  le  oll-athir 
«  père  par  excellence  »  des  Irlandais,  l'équivalent  du  Teutatès  gau- 
lois, que  M.  Loth  interprète  par   Touto-lati-s  «  père  du  peuple  ». 


XII 

On  a  trouvé  en  1924  dans  une  tombe  de  la  période  des  Vikings, 
à  la  ferme  de  Vinjum,  paroisse  d'Aurland  (^Norvège),  un  objet  en 
bronze  gravé  d'origine  manifestement  irlandaise.  M.Johs.  Bôe 
en  fait  une  description  minutieuse  dans  le  Bergens  Muséums  Aarbok 
de  1924-1925,  n°  4  (34  p.  8°,  avec  de  nombreuses  gravures  et 
trois  planches).  Il  s'agit  d'une  sorte  de  vase  à  peu  près  sphérique 
formé  de  deux  parties  emboîtées  l'une  dans  l'autre.  A  la  base  se 
voient  sept  trous  ;  au  sommet  est  placé  un  petit  tube  cylindrique 
qui  se  termine  par  une  branche,  rabattue  horizontalement,  à  l'extré- 
mité de  laquelle  est  une  sorte  de  tête  d'oiseau  ;  il  y  avait  peut-être 
d'abord  une  autre  branche  opposée   à  la  première  et  même  il  est 


Chronique.  473 

possible  que  l'ensemble  ait  formé  une  croix  surmontant  le  vase. 
Cela  fait  croire  que  l'objet  avait  un  caractère  et  une  destination 
ecclésiastiques.  On  pourrait  songer  à  une  cassolette  pour  encens  ; 
l'hypothèse  d'une  chaufferette  pour  les  mains,  comme  celles  dont 
les  célébrants  usaient  pendant  les  offices  dans  certains  pays,  paraît 
exclue  à  M.  Bôe. 

L'intérêt  de  l'objet  est  surtout  dans  l'ornementation  qui  consiste 
en  des  motifs  à  spirales,  accompagnés  d'entrelacs  et  de  stries 
obliques.  Sur  la  moitié  supérieure  formant  couvercle  court  une 
frise  de  quatorze  médaillons  unis  deux  à  deux  et  dont  chacun  est 
traversé  par  une  longue  figure  d'oiseau  ;  la  tête  et  la  queue  de 
chaque  oiseau  dépassent  sensiblement  les  limites  du  médaillon  qui 
l'enferme.  Cette  décoration  rappelle  les  figures  qu'on  voit  peintes 
sur  des  manuscrits  irlandais,  comme  le  Book  of  Durrow  ou  le 
Book  of  Kells  ;  et  l'artiste  qui  a  gravé  ces  motifs  sur  le  bronze  les 
a  probablement  copiés  d'un  manuscrit. 

M.  Bôe  croit  pouvoir  dater  l'objet  des  environs  de  750  :  il  aurait 
été  déposé  un  siècle  environ  plus  tard  dans  la  tombe  où  on  l'a 
trouvé.  Cette  tombe  est  celle  d'une  femme,  peut-être  celle  de  la 
mère  ou  de  la  grand'mère  d'un  Viking  nommé  Brynjôlfr,  mort 
dans  son  lit  vers  915. 

La  même  fouille  a  mis  au  jour  plusieurs  autres  objets,  dont 
M. Bôe  donne  également  la  description  ;  il  y  a  entre  autres  deux 
magnifiques  broches  ovales,  une  petite  boîte  carrée  en  argent,  des 
grains  d'ambre  et  de  verre,  deux  bracelets  de  bronze,  etc.  Le  tra- 
vail se  termine  par  une  relevé  des  objets  celtiques  trouvés  en  Nor- 
vège, dont  une  carte  indique  l'emplacement.  Comme  on  pouvait 
s'y  attendre,  c'est  sur  les  côtes,  et  notamment  sur  les  côtes  méri- 
dionales que  ces  objets  ont  été  trouvés  en  majorité.  Mais  il  y  en 
a  quelques-uns  qui  proviennent  de  l'intérieur.  Une  trouvaille  a 
même  été  faite  dans  l'extrême  Nord  du  pays. 


XIII 

La  littérature  des  visions  aeu  dans  lespays  celtiques  un  tel  déve- 
loppement et  un  tel  succès  qu'il  convientde  signaler  ici  l'ouvrage  de 
Max  Voigt,  publié  en  1924  dans  la  collection  Palaestra  (n°  146, 
Leipzig,  Mayer  et  Mùller;  viij-245  P-  8°)-  Cetouvrage  a  pour  titre 
Bcitràge  iur  Geschichie  der  Visionenliteralurim  Mitielalier  et  se  com- 
pose de  deux  parties,  respectivement  consacrées  à  la  Visio  Laiart, 
poèmedu  moven-àgeen  dialecte  bavarois,  et  aux  Visions  du  chevalier 


474  Chronique. 

Georges  de  Hongrie.  Ces  dernières  intéressent  particulièrement 
l'Irlande.  Nos  lecteurs  en  connaissent  déjà  l'auteur  par  un  article 
publié  par  M.  Gaidoz,  R.  Celt.,  Il,  482-484.  Il  s'agit  d'un  person- 
nage nommé  Georges,  fils  d'un  magnat  de  Hongrie  ;  en  qualité  de 
pécheur  repentant  il  accomplit  en  1 3  5  3  au  Purgatoire  de  Saint  Patrice 
un  pèlerinage  dont  il  nous  a  conservé  le  récit.  L'œuvre  appartient 
donc  à  la  vaste  littérature  inspirée  par  le  Purgatoire  de  Saint  Patrice; 
elle  est  écrite  en  latin  et  on  en  connaît  neuf  manuscrits.  Max  Voigt 
en  donne  une  analyse  qui  en  fait  voir  tout  l'intérêt.  Il  y  en  a  eu 
des  traductions  et  des  arrangements  en  allemand,  sur  lesquels  Max 
Voigt  donne  également  des  renseignements  utiles.  De  la  Vision  de 
Georges  dérive  enfin  une  Visio  Ludouici  de  Francia,  dont  le  texte  est 
publié  par  Max  Voigt.  Il  s'agit  aussi  d'un  voyage  au  Purgatoire  de 
Saint  Patrice  accompli  en  1360  par  un  Français,  de  ciuitate  Autissido- 
rensi  (Max  Voigt  imprime  partout  Antissidorensi),  qui  portait  le 
nom  de  Louis  ;  le  récit  est  en  prose  latine. 

Cet  ouvrage  dénote  une  érudition  solide.  On  pouvait  espérer 
beaucoup  de  son  auteur  pour  l'étude  des  littératures  médiévales. 
Ces  espérances,  nous  apprend  la  préface,  sont  anéanties.  Max  Voigt 
est  mort  le  9  avril  1921,  des  suites  d'une  blessure  de  guerre  reçue 
devant  Arras  le  29  mars  1918.  Il  n'avait  pas  38  ans. 


XIV 

Nous  sommes  habitués  à  considérer  le  Graal,  qne  nous  appelons 
même  le  saint  Graal,  comme  le  symbole  de  l'Eucharistie.  Cette 
conception  religieuse,  chrétienne,  du  Graal  estassurémentancienne, 
puisqu'on  la  trouve  déjà  à  la  fin  du  Percevalde  Chrestien  de  Troyes, 
exposée  par  l'ermite  auquel  le  héros  va  se  confesser  le  jour  du 
vendredi  saint.  Mais  est-elle  bien  à  sa  place  dans  le  poème  de 
Chrestien?  M.  Arthur  C.  L.  Brown  exprime  à  ce  sujet  les  doutes 
les  mieux  fondés  (Moi.  Langu.  Notes,  t.  XLI,  avril  1926,  p.  226- 
233).  Il  avance  de  bonnes  raisons  pour  considérer  les  vers  où  l'er- 
mite assimile  le  graal  à  l'eucharistie,  comme  une  addition  postérieure 
à  Chrestien  de  Troyes.  Ce  n'est  pas  le  lieu  de  reproduire  son  argu- 
mentation qui  paraît  solide.  Chacun  en  tout  cas  sera  d'accord  avec 
M.  Brown  pour  regretterqu'il  n'existe  pas  encore  d'édition  critique 
du  Perceval  de  Chrestien  de  Troyes,. ni  même  de  collation  des  seize 
manuscrits  qui  nous  l'ont  conservé. 


Chronique.  475 

XV 

Tous  ceux  qui  ont  voyagé  en  Irlande  savent  combien  les  gens  du 
pays  engagent  volontiers  la  conversation  avec  les  étrangers  qu'ils 
rencontrent,  pour  les  mettre  au  courant  de  leurs  affaires  privées. 
C'est  un  trait  de  caractère  qui  apparente  les  Irlandais  à  certains 
de  nos  Méridionaux.  Il  est  bien  fait  pour  étonner  et  parfois  même 
scandaliser  les  Anglais.  C'est  par  lui  que  M.  Ch.  Plummer  explique 
la  manie  qu'avaient  les  scribes  irlandais  du  moyen  âge  d'interrompre 
leur  travail  pour  écrire  en  marge  ou  en  note  de  leurs  manuscrits 
des  réflexions  personnelles  destinées  à  faire  connaître  aux  lecteurs 
futurs  leurs  sentiments  souvent  les  plus  intimes.  Il  y  a  là  une 
source  d'informations  curieuses  sur  la  psychologie  du  copiste 
autant  que  sur  le  tempérament  irlandais. 

L'étude  que  M.  Ch.  Plummer  publie  dans  les  Proceedings  of  thë 
British  Academy  (1926,  14  p.  3  sh.)  porte  sur  «  les  Colophons  et 
les  notes  marginales  des  scribes  irlandais  ».  La  lecture  en  est 
piquante.  Notre  savant  collaborateur  y  a  réuni  des  notes  recueillies 
par  lui  dans  un  grand  nombre  de  manuscrits  irlandais,  datant  de 
toutes  les  époques.  Ces  notes  se  réfèrent  aux  sujets  les  plus  variés. 
Très  souvent  le  scribe  y  indique  son  nom  ;  il  y  donne  la  date  du 
début  ou  de  la  fin  de  son  travail,  nomme  le  maître  qui  l'emploie,  le 
pays  dont  il  est  originaire.  Tout  cela  n'a  rien  de  spécialement 
irlandais.  Ce  sont  des  renseignements  «  objectifs  »,  et  qui  sont 
utiles  pour  le  classement  des  manuscrits  autant  que  pour  l'étude 
des  écoles  de  copistes,  dont  la  fonction  était  souvent  héréditaire. 
Mais  les  scribes  irlandais  ne  s'en  tiennent  pas  là.  Ils  manifestent 
leurs  sentiments  à  l'égard  du  texte  qu'ils  écrivent  par  des  approba- 
tions ou  des  protestations,  également  passionnées.  Ils  notent  les 
menus  incidents  de  leur  vie  monotone  ;  leur  chat  s'est  échappé, 
un  oiseau  est  venu  les  distraire,  etc.  Ils  se  plaignent  de  leur  con- 
dition misérable,  ils  souffrent  du  froid  ou  de  la  faim,  ils  sont 
malades,  ils  ont  les  doigts  crispés,  leur  encre  est  mauvaise.  Ils 
déplorent  la  perte  d'un  ami  ou  maudissent  leur  solitude.  Plus 
souvent  encore,  ils  reproduisent  quelque  maxime  morale  pour  se 
donner  du  courage,  ou  font  une  profession  de  foi  religieuse,  ou 
lancent  un  appel  à  l'aide  des  saints,  à  la  miséricorde  de  Dieu.  On 
sait  que  le  scribe  du  manuscrit  irlandais  de  la  Bibliothèque  natio- 
nale ne  fait  pas  exception  (cf.  R.  Celt.,  XI,  399;  XXX,  382; 
XXXII,  133).  C'est  pour  le  lecteur  moderne  une  agréable  surprise 
que  de  voir  apparaître,  au  tournant  d'une  page,  une  figure  humaine 


476  Chronique. 

qui  lui  parle  familièrement.  Certains  de  ces  scribes  parlaient  même 
très  bien,  savaient  trouver  des  mots  touchants  ;  et  quelques-uns 
nous  ont  laissé  de  jolis  vers  (v.  Kuno  Meyer,  Ancieni  Irish  Poetry, 
p.  81,  p.  99-101,  etc.). 

XVI 

Nous  annoncions  ci-dessus,  p.  237,  qu'un  troisième  et  dernier 
fascicule  terminerait  l'important  recueil  de  chansons  populaires  de 
l'île  de  Man  publié  par  miss  A.  G.  Gilchrist.  Ce  fascicule  a  paru  ; 
c'estle  n°  30  du  Journal  of  the  Folk-Song  Society  (1.  VII,  août  1926). 
Il  contient  d'abord  sept  chansons  du  genre  »  carval  »  ;  ce  qui  porte 
à  vingt-huit  le  nombre  de  ces  curieux  airs  reproduits  dans  le  recueil. 
Viennent  ensuite  quatre  airs  empruntés  aux  hymnes  du  «  Métho- 
disme primitif  »,  dontl'île  du  Man  fut  une  des  forteresses  au  com- 
mencement du  xixe  siècle.  Ces  hymnes,  chantés  en  plein  air  dans 
des  «camp-meetings  »,  étaient  adaptés  à  de  vieux  airs  populaires 
traditionnels. 

Enfin,  sous  le  titre  «  last  gleanings  »,  l'auteur  a  réuni  dix-neuf 
airs,  qui  proviennent  presque  tous  de  la  collection  du  Dr  Clague. 
Par  contraste  avec  les  précédents,  ce  sont  des  airs  de  chansons 
populaires  sur  des  sujets  profanes  ;  quelques-uns  sont  pleins  de 
grâce  et  même  de  gaieté. 

Deux  appendices  complètent  le  fascicule,  qui  se  termine  par  un 
double  index  de  tous  les  airs  mannois  contenus  dans  le  volume  VII, 
rangés  d'après  les  titres  et  les  premiers  vers  à  la  fois  en  mannois 
et  en  anglais.  Cela  forme  un  ensemble  du  plus  haut  intérêt  pour  le 
folk-lore  musical. 

XVII 

Au  cours  des  xvie  et  xvne  siècles,  certains  textes  anglais  ont  été 
écrits  en  orthographe  galloise  (cf.  T.  Parry-Williams,  The  Englisb 
Elément  in  Welsh,  London,  1923,  p.  20).  C'est  le  cas  notamment 
pour  un  hymne  à  la  Sainte  Vierge,  publié  par  Furnivall  en  1880 
(Appendix  to  the  Trans.  of  Pbilological  Society  for  1880-1881, 
p.  33*-44*)et  dont  les  principaux  historiens  de  la  langue  anglaise, 
Sweet,  Horn,  Jespersen,  Luick,  ont  tiré  parti  pour  fixer  maint 
détail  de  la  prononciation  de  l'anglais.  L'orthographe  galloise  est 
assez  différente  de  l'anglaise  et  d'autre  part  assez  représentative  de 
la  prononciation  pour  fournir  un  contrôle  des  plus  précieux. 

M.  Max  Fôrster  reprend  les  questions  soulevées  par  cet  hymne 


Chronique.  477 

dans  YArchiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachên  und  Literaturen 
(1926,  p.  187-202).  Il  en  énumère  les  manuscrits,  dont  le  plus 
ancien  est  de  1587  ;  ils  sont  au  nombre  de  cinq.  Un  sixième 
manuscrit,  Pen.  98b,  contient  le  texte  anglais  du  même  poème. 
M.  Fôrster  estime  que  ce  texte  est  unetranscription  faite  après  coup, 
probablement  au  xvne  siècle,  du  texte  en  orthographe  galloise.  Ce 
dernier  n'est  d'ailleurs  pas  aussi  ancien  que  l'ont  cru  les  savants 
qui  le  plaçaient  hardiment  au  xve  siècle.  Il  n'est  probablement  pas 
antérieur  au  xvie.  D'après  une  notice  en  prose  galloise  qui  l'accom- 
pagne dans  un  des  manuscrits,  il  aurait  été  composé  à  Oxford  par 
un  Gallois  désireux  de  montrer  aux  Anglais  qui  l'entouraient  que 
son  pays  n'était  pas  au-dessous  du  leur  pour  le  talent  poétique. 
On  pourrait  penser  que  ce  Gallois  était  le  poète  Jeuan  ab  Howel 
Swrdwal,  qui  vers  1480  dirigeait  à  Oxford  la  jeunesse  galloise. 
Mais  ce  personnage  est  bien  connu  par  ailleurs  ;  il  jouissait  d'une 
grande  réputation.  S'il  avait  composé  l'hymne  à  la  Vierge,  il  est 
étrange  que  la  notice  ne  donne  pas  son  nom.  M.  Fôrster  hésite 
à  reconnaître  en  Swrdwal  l'auteur  du  poème.  Cette  hésitation  est 
sage. 

XVIII 

A  la  séance  du  28  janvier  1925  de  la  British  Academy,  sir  John 
Morris-Jones  a  faitune  «  inaugural  lecture  »  consacrée  à  la  mémoire 
désir  John  Rhys,  mort  à  Oxford  le  17  décembre  191 5  (v.  Rev. 
Celt.,  t.  XXXVI.  p.  418).  Cette  «  lecture  »  a  été  publiée  depuis 
dans  les  Proccedings  oftbe  British  Academy  (28  p.  8°,  2  sh.).  L'auteur 
y  rappelle  les  principales  dates  de  la  vie  de  l'illustre  celtiste  et 
trace  de  lui  un  beau  et  vivant  portrait.  Il  est  d'accord  avec 
M.  Gaidoz  (v.  R.  Celt.,  t.  XXXVIII,  p.  66)  pour  faire  figurer  le 
nom  de  John  Rhys  dans  une  glorieuse  triade  philologique  qui 
comprendrait  avec  lui  Gruffudd  Robert  et  Edward  Lhuyd.  Une 
bibliographie  des  œuvres  de  Rhys  et  des  comptes  rendus  qui  en 
ont  été  faits  termine  cette  intéressante  brochure. 


XIX 

Il  s'est  fondé  en  1925  à  Gregynog,  près  de  Newtown  (Montgo- 
meryshire),  une  maison  d'impression  spécialement  galloise.  Elle 
se  propose  de  publier  dans  les  meilleures  conditions  possibles  des 
œuvres  écrites    en  gallois   ou    en  anglais,  mais  se    rapportant  au 


478  Chronique. 

Pays  de  Galles  et  dignes  de  le  faire  avantageusement  connaître.  Les 
promoteurs  de  l'entreprise  se  sont  mis  d'accord  pour  renoncer 
d'avance  à  tout  profit  personnel;  les  bénéfices  seront  exclusivement 
employés  à  augmenter  et  améliorer  la  production. 

Le  premier  volume  qui  soit  sorti  des  presses  de  Gregynog 
{Gwasg  Gregynog)  est  un  choix  de  poésies  de  Ceiriog  '.  Et  c'est  un 
magnifique  volume  qui  fait  bien  augurer  du  succès  de  l'entreprise. 
Par  ce  début,  la  Gwasg  Gregynog  se  place  d'emblée  au  nombre  des 
meilleures  imprimeries  d'art  de  tous  les  pays.  Ce  choix  des  poésies 
de  Ceiriog  est  une  publication  de  luxe,  dont  le  tirage  a  été  limité 
à  400  exemplaires  numérotés.  Le  papier  est  excellent,  l'impression 
irréprochable.  Il  y  a  des  bois,  frontispices  et  culs-de-lampe,  d'un 
goût  artistique  parfait.  En  un  mot,  la  publication  fait  grand  hon- 
neur à  ceux  qui  l'ont  préparée,  et  notamment  à  M.^Robert  Ashwin 
Maynard,  directeur  des  Presses,  et  auteur,  avec  M.  Horace  Walter 
Bray,  des  gravures  qui  décorent  l'ouvrage. 

C'est  M.  John  Lloyd-Jonesqui  a  été  chargé  de  choisir  les  poèmes 
de  Ceiriog  à  imprimer  dans  le  recueil.  La  tâche  n'était  pas  aisée. 
Car  dans  l'œuvre  si  abondante  et  si  populaire  du  poète  on  a 
vraiment  l'embarras  du  choix.  M.  Lloyd-Jones  a  retenu  vingt-cinq 
pièces  dont  les  deux  plus  longues,  Myfanwy  Fychan  et  Alun  Mabon 
sont  probablement  les  deux  chefs-d'œuvre  du  poète.  La  première 
remporta  le  prix  àPEisteddfod  deLlangollen  en  1857.  La  seconde 
fait  partie  du  recueil  Oriaur  bore(Heures  du  matin)  publié  en  1862. 
Elles  sont  toutes  les  deux  extrêmement  populaires,  et  contiennent 
des  morceaux  que  tout  le  monde  en  Galles  sait  plus  ou  moins  par 
cœur.  D'ailleurs  on  peut  en  dire  autant  de  la  plupart  des  autres 
pièces  du  recueil.  Le  poème  d'  Owain  Wyn,  couronné  à  l'Eistedd- 
fod  de  Merthyr  en  185e,  contient  le  joli  morceau  si  connu  qui 
commence  par 

Mae  gennyf  wen  golomen  dof 
erioed  heb  golli  pluen. 

Et  des  pièces  comme  Nant  y  Mynydd,  Yr  Euetb  Dali,  Dafydd  y 
Garreg  Wen,  P'ie  mae  fy  nhad  ?,  Rhosyn  yr  Haf,  sont  dans  toutes  les 
mémoires.  A  vrai  dire,  il  eût  été  facile  d'augmenter  le  recueil,  où 
des  pièces  aussi    populaires  que  Cerddi  Cymru,    Tros  y  Garreg,  Ti 


1.  Caneuon    Ceiriog,  Detholiad.  Gwasg  Gregynog  1925,  xxx-88  p.  pet. 
in-40. 


Chronique.  .  479 

tuyddost  belh  ddywed  fy  nghalon,  etc.,  auraient  été  aussi  bien  à  leur 
place  l. 

Le  texte  est  précédé  d'une  notice,  où  M.  John  Lloyd-Jones 
donne  un  résumé  de  la  biographie  de  Ceiriog  et  apprécie  ses  qua- 
lités poétiques.  Rien  de  plus  simple,  de  plus  uni,  que  la  vie  de 
John  Ceiriog  Hughes,  né  le  25  juin  1832  à  Pen  y  Bryn  près 
Llanarmon  (Denbighshire),  et  mort  le  23  avril  1887  à  Caersws 
(Montgomeryshire),  après  avoir  été  employé  de  chemin  de  fer  à 
Manchester  de  1849  à  1865,  puis  chef  de  gare  à  Llanidloes,  à 
Towyn,  à  Trefeglwys  et  à  Caersws.  Les  principales  dates  de  sa  vie 
sont  celles  où  il  remporta  des  victoires  aux  concours  des  eisteddfodau 
et  où  il  publia  les  recueils  de  ses  poésies.  Ceiriog  est  le  plus  popu- 
laire des  poètes  gallois  du  xixe  siècle;  mais  cela  ne"  veut  pas  dire 
qu'il  soit  indigne  des  lettrés.  On  peut  lui  reprocher  çà  et  là  des 
faiblesses  de  versification,  des  négligences  de  langue,  des  incor- 
rections de  syntaxe,  même  dans  ses  pièces  les  mieux  venues.  Un 
poète  doué  d'une  si  grande  facilité  était  exposé  à  être  inégal.  Mais 
que  de  qualités  rachètent  ces  défauts  ?  Son  vers  est  aisé,  coulant, 
musical,  comme  un  ruisseau  de  la  montagne;  son  développement 
est  simple  et  sobre,  exprimant  l'idée  d'un  trait  toujours  juste.  Le 
dessin  est  chez  lui  supérieur  à  la  couleur.  Ce  qui  a  fait  surtout  son 
succès  auprès  de  ses  concitoyens,  c'est  un  amour  profond  de  son 
pavs,  accru  encore  par  l'éloignement,  et  un  sentiment  sincère  delà 
nature.  On  l'a  surnommé  le  Robert  Burns  gallois,  tandis  que  l'on 
comparait  à  Wordsworth  son  contemporain  Islwyn.  De  pareils 
rapprochements  sont  toujours  artificiels  et  contestables.  On  pour- 
rait aussi  bien  le  comparer  à  notre  Béranger,  dont  il  eut  la  popu- 
larité, et  d'une  façon  heureusement  plus  durable.  Comme  lui,  il 
mit  souvent  des  paroles  sur  desairs  de  chansons  populaires.  Comme 
lui,  il  fut  à  l'occasion  spirituel  et  ironique.  Mais  il  le  dépasse  sin- 
gulièrement par  sa  tenue  morale  ;  sa  poésie  descendit  parfois  à  des 
sujets  un  peu  terre  à  terre,  elle  ne  traîna  jamais  dans  la  vulgarité 
où  Béranger  se  complut.  Si  l'on  voulait  trouver  à  Ceiriog  un  pen- 
dant dans  notre  littérature,  il  faudrait  plutôt  songer,  semble-t-il,  à 


1.  En  régie  générale,  dans  ce  recueil,  les  poèmes  cités  sont  donnés  inté- 
gralement. Pourtant,  il  manque  une  strophe  a  la  pièce  intitulée  y  Ferch  o'r 
Scèr  (p.  29)., Dans  la  pièce  Dim  ond unwaith yn  y  flwyddyn  (p.  3),  au  3e  vers 
de  la  première  strophe  awn  i  ogli  a.  été  corrigé  en  i  arogli.  Il  est  exact, 
comme  le  remarque  l'éditeur  dans  sa  préface(p.  xiij),  que  ogli  est  une  forme 
fautive  ;  mais,  puisqu'il  avait  prévenu  le  lecteur,  ne  devait-il  pas  laisser 
intact  le  texte  du  poète? 


480  Chronique. 

des  «  poètes  de  terroir  »  comme  François  Fabié,  Gabriel  Vicaire 
ou  Louis  Tiercelin.  Il  est  de  la  même  famille  que  ces  gentils  esprits, 
aimés  des  Muses,  à  l'inspiration  souriante,  à  la  veine  facile.  Mais 
avant  tout  il  est  Gallois  ;  et  c'est  là  sans  doute  pour  sa  gloire  la 
qualité  essentielle. 

XX 

Nos  lecteurs  connaissent  depuis  longtemps  le  nom  de  M.  Alfred 
Perceval  Graves  comme  celui  d'un  traducteur-poète  de  textes  cel- 
tiques (v.  R.  Celt.,  t.  XXXIII,  481  et  t.  XXXVII,  383).  Dans  de 
précédents  ouvrages,  Celtic  Psaltery  (p.  95  et  ss.),  et  surtout  Welsh 
Poetry  Old  and  New  (p.  64-83),  il  a  traduit  de  nombreux  morceaux 
du  poète  Ceiriog.  Au  moment  même  où  ce  dernier  est  honoré  en 
Galles  par  une  magnifique  publication,  M.  A.  P.  Graves  lui  con- 
sacre un  petit  volume  pour  le  faire  mieux  connaître  du  public 
anglais  '.  Il  y  reprend  les  morceaux  qu'il  avaitdéjà  traduits  précé- 
demment, et  il  en  ajoute  d'autres,  fort  bien  choisis.  La  plus  grande 
partie  du  volume  est  occupée  par  Myfanwy  Fychan  et  Alun  Mabon, 
dont  il  n'avait  donné  jusqu'ici  que  de  courts  fragments.  Ces  jolis 
morceaux  méritent  de  plaire  aux  Anglais  sous  le  vêtement  que 
M.  A.  P.  Graves  leur  a  donné. 

XXI 

Ouvrages  nouveaux  dont  il  sera  rendu  compte  ultérieurement  : 

T.  Gwynn  Jones.  Detboliad  0  ganiadau.  Gwasg  Gregynog,  1926, 
xiij-169  p.  pet.  8°. 

Ellis  (T.  P.).  Welsh  Tribal  Law  and  Cuslom  in  the  middle  âges. 
Oxford.  Clarendon  Press.  1926,  2  vol.  xiv-456  et  456  p.  8°  8osh. 

Eleanor  Knott.  The  Bardic  Poems  of  Tadhg  DallO'Huiginn.  Irish 
Texts  Society,  vol.  XXIII.   1926  viij-360  p.  8°. 

Myrrha  Lot-Borodine  et  Gertrude  Schœpperle.  Lancelot  et 
Galaad  mis  en  nouveau  langage  (avec  une  introduction  par  Roger 
Loomis).  New-York,  Oxford  University  Press  (American  Branch). 
1926  xij-226  p.  in-12,  6  sh. 

Standish  Hayes  O'Grady  et  Robin  Flowér,  Catalogue  of  Irish 
Manuscripts  in  the  Brilisb  Muséum.  London,  192e.  2  vol.  xj-706  et 
xxxvj-634  p.  8°. 

J.  Vendryes. 

1 .  English  Verse  Translations  of  the  Welsh  poems  0/  Ceiriog  Hughes,  hy 
Alfred  Perceval  Graves.  Wrexham,  Hughes  and  Son,  1926.91  p.  in-12- 
2  sh.  6  d. 


NECROLOGIE 


A  lois    WALDE 

Le  Xe  volume  de  YIndogermanisches  Jabrbuch,  paru  en  1926,  con- 
tient p.  421  et  ss.  une  biographie  de  Walde,  qui  nous  permet 
d'ajouter  quelques  renseignements  aux  courtes  lignes  insérées  en 
note  dans  un  précédent  fascicule  (v.  t.  XLII,  p.  379). 

Cette  biographie  offre  cet  intérêt  d'avoir  été  rédigée  par  Walde 
lui-même.  Il  y  donne  un  résumé  de  sa  carrière  et  de  ses  travaux 
avec  cette  robuste  franchise  qui  frappait  tous  ceux  qui  le  rencon- 
traient et  lui  attirait  dès  d'abord  la  sympathie. 

Né  à  Innsbrùck  le  30  novembre  1869,  c'est  là  qu'il  fît  ses  études 
universitaires;  il  y  suivit  surtout  les  leçons  de  Friedrich  Stolz 
et  de  Joseph  Seemuller.  Reçu  docteur  en  1894  avec  une  disserta- 
tion sur  le  futur  lituanien,  il  prit  d'abord  un  poste  à  la  bibliothèque 
universitaire  de  sa  ville  natale.  Tout  en  conservant  ce  poste,  il 
obtint  d'être  privat-dozent  en  189e,  puis  professeur  extraordinaire 
en  1904.  Promu  ordinaire  en  1907,  il  passa  en  1909  à  l'Université 
de  Giessen,  d'où  il  revint  à  Innsbrùck  en  191 2  comme  successeur 
de  Stolz;  il  y  fut  recteur  en  1917.  Appelé  à  l'Université  de  Kce- 
nigsberg  en  1922,  il  n'y  resta  qu'un  semestre  pour  prendre  la  chaire 
de  grammaire  comparée  de  l'Université  de  Breslau.  C'est  là  qu'il 
fut  atteint  d'une  douloureuse  maladie,  qui  nécessita  plusieurs  opé- 
rations. Il  revint  mourir  à  Innsbrùck  le  3  octobre  1924. 

En  dehors  d'un  travail  sur  le  germanique  (die  germaniscben  Aus- 
latttgesetie,  Halle,  1900),  il  publia  en  1917  une  dissertation  de 
rectorat,  dont  la  Revue  Celtique  a  parlé  (t.  XLII,  p.  379-390). 
Mais  son  principal  ouvrage,  de  beaucoup  le  plus  considérable,  est 
son  Lateinisches  Etymologiscbes  Wôrlerbuch  publié  en  1905  et  dont  il 
donna  en  1910  uneseconde  édition.  L'utilité  s'en  résume  d'un  mot: 
C'est  une  mine  de  renseignements  sur  l'étymologie  indo-euro- 
péenne à  peu  près  entière,  et  de  renseignements  commodément 
présentés  sous  une  forme  concise  et  claire  à  la  fois.  Tous  les  lin- 

31* 


482  Nécrologie. 

guistes  en  ont  tiré  un  profit  immense.  Le  celtique,  un  peu  négligé 
dans  la  première  édition,  a  pris  dans  la  seconde  une  place  notable, 
grâce  à  M.  Thurneysen. 

Quels  que  soient  les  mérites  de  l'ouvrage  de  Walde,  il  faut 
cependant  reconnaître  que  c'est  plutôt  en  répertoire  de  bibliogra- 
phie étymologique  qu'un  livre  d'étymologie,  au  sens  propre  du 
terme.  Le  développement  du  sens  des  mots  à  l'intérieur  du  latin 
n'y  est  pas  indiqué.  Pour  mieux  dire,  les  mots  y  sont  rangés  en 
vue  de  correspondances  schématiques,  de  rapprochements  formels 
et  qui  ne  laissent  pas  apparaître  la  réalité  des  faits.  Aujourd'hui  que 
les  méthodes  étymologiques  se  sont  perfectionnées,  on  est  en  droit 
de  se  montrer  plus  exigeant.  L'ouvrage  représente  en  somme  un 
type  de  dictionnaire  étymologique,  qui  a  rendu  des  services 
incontestables,  mais  dont  on  peut  dire  que  que  les  temps  sont 
révolus. 

J.  Vendryes. 


Wilhelm     STREITBERG 

Bien  que  Wilhelm  Streitberg  n'ait  pas  été  un  spécialiste  des 
langues  celtiques,  notre  Revue  doit  un  mot  de  regret  à  la  mémoire 
de  ce  grand  linguiste,  dont  la  mort  suit  de  si  près  celle  de  ses 
maîtres  Brugmann,  Windisch  et  Leskien.  Il  appartenait  encore  à  la 
génération  des  Junggrammatiker  auxquels  on  doit  la  fondation  de 
la  linguistique  indo-européenne  sur  des  principes  que  l'avenir 
modifiera  sans  doute,  mais  qui  ont  permis  la  construction  de 
vastes  ensembles,  dont  de  grandes  parties  seront  durables. 

Streitberg  était  né  le  23  février  1864  à  Riidesheim  (Prusse  Rhé- 
nane). Une  maladie  dont  il  souffrit  pendant  une  partie  de  son 
enfance  le  laissa  boiteux  pour  la  vie.  Il  étudia  à  l'Académie  de 
Munster,  puis  à  l'Université  de  Leipzig,  et  dès  1889  il  se  fit  con- 
naître par  une  Habilitationsschrift  sur  le  préverbe  ga-  du  goti- 
que. Professeur  à  l'Université  de  Fribourg  (Suisse)  de  1889  à 
1898,  il  y  composa  ses  principaux  ouvrages,  die  Entstehung  der 
Dehnstufe  (1894),  Urgermanische  Grammatik  (1896),  livre  fonda- 
mental, depuis  longtemps  épuisé,  et  enfin  Gotiscbes  Elementarbuch 
(1897).  De  1898  à  1909  il  fut  professeur  à  l'Académie  (plus  tard 
Université)  de  Munster,  où  il  acheva  sa  monumentale  Gotische 
Bibel  (publiée  en  1908),  puis  de  1909  à  1920  à  l'Université  de 
Munich.  Enfin,  il  succéda  à  Brugmann  en  1920  dans  la  chaire  de 
grammaire  comparée  de  l'Université  de  Leipzig.  C'est  là  qu'il  est 


Nécrologie.  483 

mort  le    19  août  1925  des  suites  d'une  maladie  des  reins,  dont  il 
souffrait  depuis  plusieurs  mois. 

On  trouvera  une  liste  complète  de  ses  publications  dans  la 
Festschrift  qui  lui  fut  offerte  en  1924^'.  R.  Celt.,  t.  XL1,  p.  498). 
Ses  travaux  sur  l'indo-européen  en  général  et  sur  le  germanique 
font  autorité.  Il  contribua  largement  à  établir  la  renommée  des 
Indogermanische  Forschungen ,  auxquelles  il  collabora  dès  la  fondation, 
en  1891,  et  dont  il  devint  directeur  après  la  mort  de  Brugmann. 

J.  Vendryes. 

Anatole  LE  BRAZ 

Le  Braz  est  de  ceux  qui  ont  le  plus  aimé  la  Bretagne  et  l'ont  fait 
le  plus  aimer. 

Né  le  2  avril  1859  à  Saint-Servais-Duault  où  son  père  était 
instituteur,  Anatole-Jean-François-Marie  Lebras  (en  littérature 
Le  Braz)  est  mort  le  20  mars  1926  à  Nice.  Je  l'avais  rencontré  un 
an  auparavant  à  Paris  et  je  l'avais  trouvé  très  fatigué,  mais  j'es- 
pérais que  sa  robuste  constitution,  après  quelques  mois  de  repos 
complet,  triompherait  du  mal  dont  il  était  visiblement  atteint. 

Jusqu'à  son  entrée  au  lycée  de  Saint-Brieuc  comme  élève,  il  a 
toujours  vécu  dans  des  milieux  bretonnants  :  à  Ploumiliau, 
Buhulien,  Ploubezre,  Penvenan.  Aussi  parlait-il  couramment  le 
breton.  Reçu  licencié  es  lettres  en  Sorbonne,  il  fut  nommé  en 
1886  professeur  au  lycée  de  Quimper  ;  le  20  juin  1901,  il  fut 
nommé  maître  de  conférences  de  littérature  française  à  la  Faculté 
des  Lettres  des  Rennes,  et  professeur  titulaire  le  25  décembre  1903. 
Il  demandait  et  obtenait  sa  retraite  le  Ier  août  1924.  Je  me  félicite 
d'avoir  contribué  dans  une  large  mesure  à  le  faire  entrer  dans  l'en- 
seignement supérieur, 

C'était,  en  effet,  non  seulement  un  brillant  littérateur,  mais 
aussi  un  professeur  qui  faisait  aimer  les  lettres  par  les  étudiants.  Il 
parlait  avec  éloquence,  en  poète  plutôt  qu'en'  érudit.  Ce  qui 
m'avait  fait  aimer  Le  Braz  et  m'avait  déterminé  à  agir  en  sa  faveur, 
c'étaient  ses  couvres  intéressant  la  Bretagne.  Je  me  suis  demandé 
depuis,  parfois,  si  j'avais  été  bien  inspiré  en  contribuant  à  le  retirer 
du  milieu  bretonnant,  foncièrement  breton,  Quimper,  dans  lequel 
il  vivait  depuis  huit  ans.  C'est,  en  effet,  avant  de  venir  à  Rennes, 
qu'il  a  été  assurément  le  mieux  inspiré,  qu'il  a  fait  paraître  ses  meil- 
leures œuvres. 

C'est  à  cette  époque  qu'il  a  publié  sa  Légende  de  la  mort,  sa  Chanson 


484  Nécrologie. 

de  la  Bretagne,  son  roman  Tryfina  Kerangla\,  de  beaucoup  son  oeuvre 
la   plus  forte. 

Il  est  remarquable  que  dans  la  Chanson  de  la  Bretagne,  oeuvre 
que  je  relis  avec  prédilection,  de  beaucoup  les  poèmes  les  plus 
émouvants  du  répertoire  sont  ceux  qui  sont  imités  des  chansons 
bretonnes  courantes.  Breton  dans  l'âme,  c'est  dans  les  sujets  bre- 
tons qu'il  puisait  ses  meilleures  inspirations. 

Il  a  beaucoup  publié  depuis  son  arrivée  à  Rennes,  surtout  des 
nouvelles,  où  se  retrouvent  ses  dons  brillants  de  littérateur.  C'est 
en  1903  que  parut  sa  thèse  principale,  V Essai  sur  l'histoire  du 
théâtre  celtique.  Puis  il  publie  en  1907,  Au  pays  d'exil  de  Chateaubriand: 
c'est  la  vie  de  Chateaubriand  à  Beccles  et  à  Bungay,  qu'il  a  essayé 
d'y  reconstituer  après  un  voyage  à  ces  lieux  d'exil. 

Il  aimait  à  parler  et  ce  sont  des  conférences  faites  un  peu  par- 
tout qui  lui  ont  pris  pendant  son  séjour  à  Rennes,  la  plus  grande 
partie  de  son  temps.  Il  a  fait  des  séries  de  conférences  à  Genève, 
Neufchâtel,  Lausanne,  puis  aux  États-Unis  où  il  alla  en  190e, 
puis  en  1910-1911,  en  1911-1912.  Il  y  retourna  pendant  la  guerre 
et,  de  1914  à  1919,  il  s'y  dépensa  sans  compter,  pour  faire  con- 
naître et  aimer  notre  pays,  passant  du  nord  au  sud,  de  l'est  à 
l'ouest.  Son  succès  de  conférencier  y  fut  très  grand.  Si  le  confé- 
rencier y  fut  très  apprécié,  l'homme  y  fut  très  aimé. 

Dottin  a  consacré  à  Le  Brazdans  le  dernier  numéro  des  Annales 
de  Bretagne  une  notice  très  étendue  dans  laquelle  il  dépeint  le  lit- 
térateur et  le  professeur  et  apprécie  l'homme  qu'il  a  intime- 
ment connu.  Un  prochain  numéro  des  Annales  de  Bretagne  con- 
tiendra la  bibliographie  de  ses  oeuvres. 

J.  Loth. 

Maurice  CAHEN 

Si  la  mort  d'un  être  jeune  et  qui  n'a  pas  rempli  sa  destinée  est 
toujours  un  événement  pitoyable,  dont  aucune  parole  ne  peut 
exprimer  l'amertume,  que  dire  lorsque  cette  mort  prive  la  science 
des  espérances  les  plus  brillantes  et  les  anéantit  à  jamais  !  Après 
une  maladie  de  quelques  jours  seulement,  notre  ami  Maurice 
Cahen  nous  a  été  brusquement  ravi  le  18  mai  192e,  laissant  dans 
les  études  linguistiques  comme  dans  notre  affection  un  vide  qui  ne 
saurait  être  comblé. 

Il  avait  à  peine  quarante-deux  ans,  étant  né  à  Saint-Quentin  le 
18  avril  1884.  Ses  années  scolaires  se  passèrent  dans  l'atmosphère 


Nécrologie.  485 

familiale  la  plus  favorable  aux  satisfactions  du  cœur  comme  à  la 
culture  de  l'esprit.  Au  sortir  du  lycée  il  devint  l'élève  de  M. 
Andler  à  la  Sorbonne,  de  M.  Meillet  et  de  Robert  Gau- 
thiot  à  l'Ecole  des  Hautes  Études;  il  alla  en  outre  suivre  à  Ber- 
lin l'enseignement  de  J.  Rœthe  et  à  Leipzig  celui  de  M.  Sie- 
vers.  Après  avoir  obtenu  en  1907  l'agrégation  d'allemand,  il  fut 
envoyé  comme  professeur  au  lycée  de  Valence.  Il  aurait  pu,  comme 
tant  d'autres  se  contenter  d'une  situation  si  honorable  et  attendre 
tranquillement  un  avancement  qui  aurait  été  certainement  rapide. 
Car  il  fut  vite  apprécié  de  ses  élèves  et  de  ses  collègues.  Il  prenait 
toujours  à  cœur  les  tâches  qu'on  lui  confiait  et  s'y  donnait  tout 
entier.  Son  passage  dans  le  professorat  des  lycées  restera  marqué 
par  un  article  qu'il  donna  à  la  Revue  Universitaire  en  19 19  sur 
l'enseignement  de  l'allemand.  Mais  ses  préoccupations  intimes 
étaient  ailleurs:  il  voulait  faire  une  carrière  scientifique.  Déjà  bien 
au  courant  des  problèmes  complexes  que  posent  le  gotique,  le 
haut  et  bas  allemand,  le  vieil-anglais,  il  s'imposa  l'exil,  au  mépris 
de  son  repos,  pour  aller  étudier  sur  place  les  langues  et  les  civi- 
lisations Scandinaves,  dont  il  désirait  acquérir  une  connaissance 
approfondie.  Il  passa  au  Danemark  trois  années  (1909-1912), 
entièrementconsacrées  au  travail  scientifique.  Puis  il  revint  prendre 
ses  classes  du  lycée  de  Valence.  C'est  là  que  le  trouvèrent  les  évé- 
nements de  19 14.  Devant  le  devoir  patriotique,  il  se  montra  plein 
de  courage  et  d'abnégation.  Mais  la  vie  des  tranchées  acheva  de 
gâter  une  santé  déjà  débile;  et  son  organisme  délicat  en  resta 
toujours  affecté.  Réformé  au  cours  de  la  guerre,  il  s'était  remis 
au  travail  pour  devenir  le  germaniste  complet  que  la  France  atten- 
dait depuis  longtemps.  Ses  deux  thèses  de  doctorat  donnèrent 
l'assurance  que  cette  attente  n'était  pas  vaine.  Après  un  séjour  d'un 
an  à  Upsal  comme  lecteur  de  français,  et  un  court  ensei- 
gnement à  l'Université  de  Strasbourg,  il  venait  d'être  nom- 
mé en  janvier  1926  à  une  conférence  de  germanique,  créée 
à  l'École  des  Hautes  Études,  et  spécialement  pour  lui1.  Il 
allait  enfin  recueillir  le  fruit  de  tant  d'années  d'efforts  pour- 
suivis avec  persévérance  au  milieu  des  circonstances  les  plus  con- 
traires ;  il  allait  réaliser  son  rêve  .de  donner  à  son  cher  foyer  une 
assiette  définitive  dans  les  conditions  les  meilleures  pour  le  tra- 
vail. Le  destin  a  tout  brisé  d'un  coup.  Il  nous  enlevé  un  ami 
d'une  sensibilité  exquise,  que  sa  haute  conscience,  sa  loyauté  scru- 

1.   Il  vient  d'v  être  remplacé    par  un   jeune  germaniste,    M. F.  Mossé, 
dont  ceux  qui  le  connaissent  attendent  beaucoup. 

Revue  Celtique,  XL1II.  Ji 


48e  Nécrologie. 

puleuse  rendaient  si  précieux  dans  les  conseils.  Il  détruit  un  capi- 
tal d'intelligence  et  de  science,  d'une  valeur  inestimable.  Soucieux 
d'élargir  toujours  son  horizon  et  de  dominer  les  problèmes  du  plus 
haut  possible,  Maurice  Cahen  avait  poussé  assez  loin  l'étude  de 
l'irlandais.  Il  aurait  été  pour  nos  études  un  auxiliaire  incompa- 
rable. En  dehors  de  ses  thèses  de  doctorat,  on  lui  doit  divers 
articles  qui  sont  de  premier  ordre.  Le  dernier  en  date  a  été  ana- 
lysé ci-dessus,  p.  468;  et  il  a  été  question  d'un  autre,  qui  traite  des 
runes,  dans  la  Rev.  Celt.,  t.  XLII,  p.  239.  On  a  retrouvé  dans  ses 
papiers  le  matière  de  plusieurs  publications  dont  il  est  à  espérer  que 
la  science  ne  restera  pas  privée. 

].  Vendryes. 


TABLE    DES    MATIÈRES 

CONTENUES     DANS       LE       TOME      XLIII 


ARTICLES    DE    FOND 

Pages 

Le  siège  de  Druim  Damhghaire,  par  Marie-Louise  Sjoestedt i 

The  fightingsnakes  in  the  Historia  Britonum  of  Nennius,  par  Alexan- 

der  Haggerty  Krappe 124 

Notes  étymologiques  et  lexicographiques  (suite),  par  J.  Loth.  .  .      132,398 

Kàuà  et?  z'x  toutou  yo'vata  tiOsi'î,  par  Bernard  Haussoullier 168 

Some  Scandinavian  éléments  in  the  Red  Book  of  Hergest  Triads,  par 

G.  Peredur  Jones. 174 

The  battle  of  Cumar,  par  Margaret  C.  Dobs 277 

Lugnorre,  Champtauroz,  Toleure,  Limmat,  par  Ernest  Muret 343 

La  préposition  «  entre  »,  par  J.  Vendryes '. 350 

The   Annals  in  Cotton  MS.   Titus  A.  XXV  (suite),  par  A.  Martin 

Freeman 358 

Un  nouveau  «  Débat  du  corps  et  de  l'âme  »  en  gallois,  par  J.  Ven- 
dryes   38s 

Les  langues  bretonne  et  française  en  Bretagne,  par  J.  Loth 419 

Variétés,  par  J.  Vendryes 428 

NÉCROLOGIE 

Maurice  Cahen  (J.  Vendryes) 484 

Anatole  Le  Braz  (J.  Loth) 483 

Wilhelm  Streitberg  (J.  Vendryes) 482 

Alois  Walde  (J.  Vendryes) 481 

BIBLIOGRAPHIE 

Brown  (Arthur  C.  L.),  The  Grail  and  sir  Perceval  (J.  Vendryes)..  .  193 

Dottin  (Georges),  L'épopée  irlandaise  (J.  Vendryes) 178 

Esnault  (Gaston),  Métaphores  occidentales  (J.  VeDdryes) 204 

Ewald  (F.),  Die  Entwickelung  des  K-  Suffixes  (J.  Vendryes) 207 

Fôrster  (Max),  Keltisches  Wortgut  im  englischen  (J.  Vendryes)  ...  451 
Green  (Alice  S.),  History  of  the  Irish  State  to  1014  (J.  Vendryes)...  181 
Gruffydd  (W.  J.),  Llenyddiaeth  Cymru  o  1540  hyd  1660  (J.  Ven- 
dryes)    186 


488  Table  des  matières. 

Heinertz  (N.  Otto),  Fine  Lautverschiebungstheorie  (J.  Vendryes) 434 

Hochuli  (Emil),  Einige  Bezeichnungen  fur  den  Begriff  Strasse,  Weg 

und  Kreuzweg  im  romanischen  (J.  Vendryes) 439 

Largillière  (R.)>  Les  saints  et  l'organisation  chrétienne  primitive 

dans  la  Bretagne  armoricaine  (F.  Lot) ". 455 

Maclean  (Donald),  The  Law  of  the  Lord's  Day  in  the  Celtic  Church 

(J.  Vendryes) 448 

Meiltet  (Ant.),  La  méthode  comparative  en  linguistique  historique 

(J.   Vendryes; 185 

Muller  (F.),  Altitalisches  Wôrterbuch  (J.  Vendryes) 208 

O'  Donoc-hue  (T.),  Prosôid  Gaedhilge  (J.  Vendryes) 444 

O'  Rahilly  (T.),  Burduin  Bheaga  (J.  Vendryes) 201 

—  Dànta  Grsidha  (J.  Vendryes) 199 

—  Laoithe  Cumainn  (J.  Vendryes) 199 

OxÉ  (August)  Die  Tôpferrechnungen  vonder  Graufesenque  (J.  Ven- 
dryes)    44i 

Parry  (John  J.),  The  Vita  Merlini  (J.  Vendryes) 191 

Pedersen  (Holger),  Le  groupement   des  dialectes    indo-européens 

(J.  Vendryes) 432 

Pembrokeshire  (J.  Vendryes) 202 

Williams  (Itor),  Chwedlau  Odo  (J.  Vendryes) 195 

CHRONIQUE 

Agrell  (Sigurd),  Histoire  du  neutre  indo-européen 46$ 

Bergin  (Osborn),  Extraits  de  Keating .• . . .  231 

»             »           Poèmes  irlandais  inédits 233 

Bernard  (D.)  et  Loth  (J.),  L'onomastique  du  Cap-Sizun 243 

Bertoldi  (Vittorio),  Le  nom  du  myrtille 229 

Boe  (Johs.),  Objets  celtiques  trouvés  en  Norvège 472 

Brown  (Arthur  C.  L.),  Le  Graal  et  l'Eucharistie 474 

Brugmann  (K.),  Syntaxe  de  l'indo-européen 466 

Brunot  (Ff),  Le  français  en  Bretagne 244 

Cahen  (iMaur.),  L'étude  du  paganisme  Scandinave 468 

Ceiriog  ;  une  édition  de  luxe  d'un  choix  de  ses  œuvres 478 

Chansons  populaires  de  l'île  de  Man 237,  476 

Congrès  d'histoire  des  religions  de  1923  (Actes  du) 220 

Darche  (P.))  Liste  de  marques  de  potiers 226 

Devoto  (Giacomo),  ouvrage  sur  la  phonétique  latine 227 

Fôrster  (Max),  Un  hymne  anglais  en  orthographe  galloise 476 

Gauchat  (Festschrift  Louis) 214 

Glozel  (Les  trouvailles  de) 221 

Graves  (Alfred    Perceval),  Poèmes  choisis  de  Ceiriog  traduits  en 

anglais 480 

Hofmann  (J.  B.),  La  langue  familière  des  Latins 469 

Hudson- Williams  (T.),  Traductions  du  français  en  gallois 241 


Table  des  matières.  489 

Institut  d'Oslo  (Publications  de  1') 464 

Jayne  (W.  A.),  La  médecine  chez  les  Celtes 470 

langue  galloise  en  Galles  (État  de  la) 217 

langue  irlandaise  en  Irlande  (État  de  la) 461 

Lehmacher  (le  P.),  L'avenir  de  la  langue  irlandaise 235 

Livres  nouveaux 245,  480 

Loomis  (Roger  S.),  L'identification  de  Bleheris,  Bréri 230 

Lot  (Mélanges  offerts  à  Ferdinand) 213 

Loth  (J.),  Anciennes  relations  entre  l'Irlande  et  l'Ibérie 224 

»          Le  cheval  chez  les  Celtes 470 

»          Le  dieu  gaulois  Rudiobos,  Rudianos 471 

Macalister  (A.  S.),  Conférence  sur  l'archéologie  irlandaise 238 

Marstrander  (S.  J.),  Le  système  des  poids  chez  les  Germains 226 

Meillet  (A.),  Les  caractères  généraux  des  langues  germaniques.  .  .  .  467 

Morris  Jones  (Sir  John),  Leçon  inaugurale  sur  sir  John  Rhys.  .....  477 

Oheix  (A.)  et  Fawtier-Jones  (E.),  La  vie  de  saint  Corentin 242 

Orlando  (Michèle),  L'accent  des  mots  grecs  en  latin 228 

Plummer  (C),  Notes  marginales  des  manuscrits  irlandais 475 

Reinach  (S.),  Ephémérides  d'Alésia 225 

Saer  (D.  J.),  Smith  (F.)  et  Hughes  (J.),  Le  bilinguisme  en  Galles. . .  217 
Sjoestedt  (M.  L.),  chargée  de   conférences  à  l'École  des  Hautes- 
Études  460 

»                     ;  ses  thèses  de  doctorat 216 

Sommerfelt  (Alf.),  Un  cas  de  mélange  de  grammaires 240 

Voigt  (M.),  La  littérature  des  visions  au  moyen  âge 473 

'  Williams  (Dr  Marv),  Suite  de  Gerbert  de  Montreuil 231 

PÉRIODIQUES 

American  Journal  of  Philology  (The),  t.  XLVI 250 

Analecta  Bollandiana,  t.  X LUI 267 

Annales  de  Bretagne,  t.  XXXVI 246 

Bulletin  de  la  Société  de  Linguistique,  t.  XXIV  et  XXV 248 

Bulletin  of  the  Board  of  the  Celtic  Studies,  t.  II 269 

Classical  Review  (The),  t.  XXXVII  et  XXXVIII 250 

Glotta,  t.  XIII 2S3 

Indogermanische  Forschungen,  t.  XLIII 265 

Language,  t.  I 24  S 

Revue  des  Études  Anciennes,  t.  XXVII 247 

Zeitschrift  fur  celtische  Philologie,  t.  XIV 260 

Zeitschrift  fur  romanische  Philologie,  t.  XLIII  et  XLIV 25  s 

Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung,  t.  LU  et  LUI 253 

Le  Propriétaire-Gérant,  Edouard  CHAMPION. 


MAÇON,    PROTAT    FRÈRhS,    IMPRIMEURS.    —    MCMXXVII 


TABLE 

DES     PRINCIPAUX     MOTS    ÉTUDIÉS 

AU    TOME   XLIII 
DE     LA     REVUE    CELTIQUE  ' 


I.  Gaulois  ou  vieux  celtique. 

(Voir  pp.    210,  216,   226,  247,    259,  260,  264,  26s,    343-349,  433,  442, 
443-) 


-a,  noms  masc,  248,250. 
-acum,  264. 
Alesia,  225,  226. 
Allobrox,  pi.  -broges,  250. 
Alpes,  pâturages?,  216. 
anam,  gl.  paludem,  259. 
-apia,  259. 
Arbricum,  248. 
arcantodan(os),  442. 
arepo,  273. 
Argiotalos,  348. 
Ausonius,  470. 

B'.pyo;,  264. 
Bituriges,  229. 
brio,  gl.  ponte,  186. 
Brivalsarae,  Pontoise,  186. 
brûc-,  bruyère,  265. 

caballos,  cheval,  471. 
Cambodunum,  347. 
Cassibus,  Cassubus  ?,  247. 
Cassiciate  (loc),  haras,  parc  à  che- 
vaux, 472. 
Caturiges,  229. 
Kiv-coç,  Cintus,  premier,  431,  442, 

443- 
clocca,  cloche,  453. 
•Condate,  229,  440. 
Cornou(ii),  250. 


Demetae,  248. 
diuo,  Dieu,  262. 
Dubnotalos,  348. 
Dumnonii,  276. 
-durum,  343, 346. 
dusius,  démon  incube,  212. 

Epona,  221,  472. 
Esus,  259. 
Evornos,  346. 

Floriacum,  347. 

glastum,  pastel,  guède,  229,  230. 
glissomarga,  marne   blanche,    259. 

Heluetii  «  qui  ont  beaucoup  de  ter- 
rain »,  262. 

imbractaria,  saucières  ?  143. 

.  Lindimacus,  348. 

-magos,  348. 
mannus,  cheval,  471. 
marca,  cheval,  471. 
Matugenus,  270. 
mentobeto,  souviens-toi,  262. 
Mullo,  221. 


1.  Cette  table  a  été  faite  par  M.  Ernault. 
Revue  Celtique,  XLIII.  —  Table. 


Table  ihst  principaux  mois  clinlics 


Nemosos,  229. 
Noviodunum,  247. 

Pelpa,  Belp  «  tournant  »,  216. 
pimpetOS,  cinquième,  41  ; 
ratis,  fougère,  264. 

Rosmerta,    249. 

Rudianos,  471,  472. 

Rudiobos,   rouge  ou  fort  frappeur; 

celui    qui   frappe  avec    le   rouge, 

47i. 472- 

-smert-,  249. 
Smertullus,  249. 
su-,  bien,  263. 


talo-,  front,  348. 

Taloris,  348. 

TarantiP,  259. 

Teuta:es  «  père  du  peuple  »,  472. 

tisen.i(ii).  tasse  à  tisane?,  443. 

to,  ton.  262. 

toberte,  donne,  on  a  donné,  262. 

tomezeelai,  nie  pose  ou  m'a   posé, 

262. 
tudos,  tuddos,  165. 

Vesontio,  247. 
Vespia,  Viège,  216. 
Viroconium,  250. 


II.  Irlandais. 

(Voir  pp.  5,  8,  10,  12,  13,  18,  24,  28,  30,  42,  50,  56,  58,  62,  68,74,  84, 
92,  94,  102,  116,  179-182,  19},  195,  199-201,  204,  227,  252-235,  251, 
252,  254,  255,  257,  258,  260,  262,  264,  265,  278,  280,  282,  284,  286, 
288,  290,  292,  294,  296,  298,  300,  302,  306,  308,  310,  312,  518,  522, 
324,  326,  328,  330,  352,  557-542,  3 5^-384,  445,448,  449,  467O 


aball,  f. pommier,    253. 
abb,  abbé  ;  chef,  185. 
accobor,  désir,  210. 
ad,  loi,  210. 
adetha,  il  prit,  181. 
adsegat,  ils  implorent,  271. 
Aed,  256. 
Aedân,  256. 
Aegus  mac  ind  Oie,  5. 
aicill,  lien  métrique  vocalique  entre 
deux  vers  formant  distique,  446, 

.  447- 
ail,  gén.  -ech,  dat..  ailig,  ail,  rocher, 

pierre,  208. 
ain,  il  protégera.    34. 
ain(d)rechta,  prodiges,  114. 
ainicin,aineicein,  blessure, dommage, 

46,  94. 
ainnle,  fainnle,  hirondelle,  24. 
airte.  airde,  de  la  hauteur,   184. 
Airtech,  277. 
Aithech-thûata,  264. 
ait,   rasoir,  408. 
ahân,  rasoir,  408. 


anihran,  poème  chanté  ;  toute  com- 
position poétique,  446,  447. 

-in,  dim..  157. 

anhumal,  non  humble,  246. 

anshâdail,  incertain,  pas  fixé,  insta- 
ble, 155. 

àr,  carnage,  210. 

ardainicin,  cruelle  blessure,  calami- 
té, 46,  62. 

ardri,  roi  suprême,  182. 

ascid,  requête,  cadeau,  271. 

asna,  côte,  260. 

Ath  Croi,  6. 

Ath  in  tSloigh,  6. 

Ath  in  tSluaig,  le  gué  de  l'armée, 
58. 

Ath  toncha,  le  gué  du  lavage,  132. 

athgabâil,  saisie,  453. 

atluchur,  je  remercie,  210,  270. 

aue,  descendants,  262,  263. 

Bairfhinn  Blaith,  5. 
bairnech,  furieux,  249. 
bàit,  pi.  bâti,  clown,  134. 


au  tome  XL1II. 


bân,  blanc,  pâle,  417. 

Banba,  Irlande,  263. 

Banbuanana,  6. 

barc,  barque,  133. 

bathadh,  élision,445. 

bearg,  cours  d'eau,  264. 

benn-chopur,  tours  rondes  ?,450. 

béoil,  lèvres,  181. 

Berbae,  le  Barrow,  264. 

berbaim,  je  bous,  470. 

berim,  je  porte,  211,  212. 

bermi,  nous  portons,  438. 

bét,  faute,  méfait,  échec,  181. 

Betha  Grighora,  451. 

bongim,  je  brise,  417,418. 

breith  i  calad,  mener  au  port,  258. 

brithem,  gén.-on,  juge,  433. 

brûan,  fragment,  249. 

brûar,  miette,  249. 

brus,  déchets  de   blé,  249. 

bûrdûn,  plaisanterie  facétieuse,  201. 

cadain,  bernacles,  260. 

cailfn,  jeune  fille,  433. 

Càin  Domnaig,  Loi  du  Dimanche, 
448-451. 

câinim,  je  raille,  136. 

camâr,  dat.  -âir,  herbe,    263. 

canamaint,  parler  vulgaire,  235. 

Cano  mac  Gartnâin,  255,  256,  258, 
259. 

caoine,  lamentation,  élégie  ;  sorte 
de  poème,  446. 

capall,  cheval,  471. 

carr.pl.  cairre,  croûte,  escarre,  403. 

carrac,  -aie, -aig,  roche,  rocher,  402. 

carrach,  qui  a  des  croûtes,  des  es- 
carres ;  galeux,  403. 

casair,  gén.  casrach,  casra,  grêle, 
208. 

cath,  combat,  246. 

Caih  Cumair,  277-342. 

Cath  Leitreach  Ruibe,  277. 

Cath  Maige  Mucrima,  2,  3. 

ceangal  méidreachta,  lien  métrique, 
446. 

ceannide,  capuchon,  260. 

ceathramhna,  strophes,  447. 

Cecht,  5,  6. 

céilsine,  compagnonnage,  264. 

céim,  marche  ;  pied  d'un  vers,  416, 

44  S  • 
ceird,  marche,  416. 


cèle,  compagnon,  264,  265,  433. 
cend-gab,  coup,  pression,  396. 
Cenn  Claire,  56. 

cerd,  art  ;  artiste,  235  ;  langue  litté- 
raire, 248. 
cert,  part  ;  Cerd  Chuinn,  la  part  de 
Conn,    la    moitié  de  l'Irlande,  le 
nord,  160. 
cethramad,  quatrième.  337.  442. 
cingim,  je  vais,  416. 
Cithach,  5. 
Cithmor,  5. 
Cithruadh,  5,  6. 
clé,  gauche,   260. 
Clothra,  339. 
enae,  cnài.cnôi, toison  ;  couverture. 

407,  408. 
cob(h)lach,  flotte,  135. 
Cogadh  Fergusa,  277. 
coichin,  baratte  ?,  108. 
Côir  anmann,  4. 
Colphtha,  5,  6. 
Colum  Cille,  450. 
Comar  na  Cuan,  6. 
comarba,  héritier,  272. 
comhfhuaim,  assonance,  446,  447. 
Conall  Cernach,  180. 
Conall  Mac  Coelmaine,  450. 
Conamail,  256. 
conascar,  a  brisé,  449. 
conchland,  lien  entre  deux  quatrains, 

par   la  répétition  d'un  mot,  446. 
Conchobar,  2,  376,  380. 
confethim,  je  rencontre,  417. 
Connachta,  248. 
Conn  Cetchathach,  2. 
Connla,  6. 

Connlogas,  chef  des  équipages,  262. 
conutgim,  je  bâtis,  210. 
Coonu,  Cuanu,  gén.  Cuanach,  249. 
Cormac  mac  Ain,  2,  3,  5,  6. 
cosnam,  effort,  271. 
crach,  rude,  dur,  401. 
crache,  craicei,  dureté  ?,40i,  402. 
craie,  crecc,  gén.    craicce,  creicce  ; 

crée,  g.  -a  ;  craig,  g.  -e  ;  creag,  g. 

creige,  roche,    colline    rocheuse, 

401-403. 
cré,  g.  criad,  argile,  430. 
crebanach,  plate-forme,  381 . 
crecht,  crécht, créacht,  blessure,  153. 
creim,   f.,  gén.-e,    mal  qui  ronge, 

405. 


IV 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


creimm,  action  de  ronger,  405 . 

crem,  creamh,  cueamh,  crim,  g.  cre- 
ma,  ail,  405. 

cremmim,  je  ronge  ;  je  mords,  je 
pince,  405. 

cret,  coffre  (de  voiture)  ;  carcasse, 
corps  humain  ;  objet  combiné  d'é- 
léments agencés,  453. 

cretem,  foi,  394. 

Crinoc,  454. 

Crith  gablach,  45 1. 

crô,  crû,  sang,  404. 

crosànacht,  sorte  de  poème,  447. 

Crota,  5,  6. 

crûaid,  cruaidh,  dur,  404. 

cruindigim,     j'assemble,     j'amasse, 

eu  mba  hiaraidh  (en  bho),  si  bien 
qu'on  cherchera,  qu'il  n'y  aura 
(plus  un  bœuf),  10,  68. 

cuaichin,  petite  coupe,  108. 

cuanna,  joli,  distingué,  249. 

cucht,  forme  extérieure,  433. 

Cûchulainn,  2,  162,  181,194,201, 
254,  261,  360. 

cud,  cod,  tête,  406. 

cuigean,  fait  de  baratter  le  beurre, 
baratte,  108. 

cuimmscin,  mélange  ?,  108. 

cuire,  troupe,  416. 

Cuirt  an  Mheadhonoidhche,  447. 

cummaisg,  (voyelles)  mixtes,  445. 

cumsanad,  séparation,  262. 
cumsanad,  repos,  262. 
cumtûth  défendre,  163.. 
curach,crrach,  canot  pour   la  pêche, 
fait  de  branches  entrelacées  et  re- 
couvert de  peau  ou  cuir  ;  corps, 
133,  406,407. 

curchàn,  petit  canot,  407. 

dà,  deux,  263. 

dàe,  gl.  fumus,  398. 

Dagde,  «  le  bon  Dieu  »,  472. 

daig,  doig,  feu  ;  maladie,  433. 

dair,  daur,  g.  darach,  daro,  chêne, 

208. 
dam  dretill,  le  taureau  favori,  260. 
dâsacht,  fureur  (d'un  animal),  rage, 

210,  398,  399. 
dâsaim,  je  rends  fou,  210* 
lé,  g.  diad,  fumée,  vapeur,  brume  ; 

coup  de  vent,  étincelle,  398,  399 


dess,  droite  ;  sud,  161, 162,  260. 
dessbel,  deiseal,  à  droite;  sud,  161. 
desscert,    deisceart,    adroite;    sud, 

160, 161. 
dessmuma,  deasmhumha,    Munster 

du  Sud,  Desmond,  161. 
dessre,  -ra,    main  droite,  à  droite, 

161. 
dethach,   f.    fumée,  foyer  fumant  ; 

vapeur  (au  point  de  vue  médical), 

399- 
d(h)ipad  (ro-),  il  enfonça?,  42,  50. 
di,  de,  16,  20. 
dîas,  deux  personnes  ;  âr  n-ôendis, 

nous  deux    seuls  ;    i  n-âr    n-dfs, 

(nous  étions)  tous  deux,  356. 
Dil,  6. 

dligim,  j'ai  droit  à,  210. 
do,  à,  16,  20. 
do-,  160. 

do  fuislim,  gl.  labo(r),  140. 
dôini,  hommes,  210. 
domnach,  maison  du  Seigneur,  184. 
dord,  bourdonnement,   198. 
doth,  couvert,  66,  199. 
dothraei  bennacht,  mille    mercis,  s, 

14. 
drûi,  g.  druad,  druide,  453. 
Druim   Damhghur,    Drum    Damh- 

ghaire,  6,  261. 
du,  terre,  258. 
duanaireacht,  versification  ancienne, 

444. 
duine,  homme,  210. 
dumacha,  brouillards,  599. 
dumhach,   nébuleux,   sombre,  399. 


Eachtra  Conaill  Gulban,  261. 
Eang,  6.         ' 
écen,  nécessité,  210. 
echlach,  f.  messager,  248. 
eisléne,  aisléne,  linceul,  407. 
Elca,  Irlande,  263. 
-em,  noms  d'agent,  433. 
Engaim,  6. 
eô,  g.  iuech,  if,  208. 
Eochaid,  277,  278. 
Ériu,  Irlande,  263. 
Errga,  6. 

es,  trace  de  pas,  263. 
etarru,  entre  lui  (ou  un  autre)  ;etor- 
ra  (ils  firent  ce  poème) entre  eux, 


au  tome  XLIII. 


en  se  répondant  l'un  l'autre,  356. 
Ethne  Aitencâithrech,  180. 
etir,   idir,  entre  ;    etir,   tout  à  fait, 

complètement  ;eter,  edir,  itir,iter, 

à  la  fois,  551-353. 
étrocar,  impitoyable,  246. 

fada,  (syllabes)  longues,  445. 

Fail,  Irlande,  263. 

Failbe,  6. 

fâir  (ace),  aube,  263. 

faitse,  place  du  guerrier  sur  le  char, 
263. 

féadaim,  je  peux,  212. 

féil,  fête,  415. 

Félire,  450. 

fiach,  corbeau,  1 50. 

Fiacha,  6,  122. 

Fiacha  Muillethan,  3,  5. 

fiar,  en  pente,  272. 

filidheacht  shiollabhach,  versifica- 
tion ancienne,  d'après  le  nombre 
des  syllabes;  f.  aiceanta,  v.  mo- 
derne, d'après  l'accent,  444. 

Finn,  2,  6. 

Fir  arda,  272. 

Fir  manach,  272. 

flaith,  puissance,  433. 

(f)ochen,  gl.benigni?,  268,  269. 

focherd-,  lancer,  placer,  416,  417. 

fochla,  place  du  cocher  sur  le  char, 
263. 

forar,  gl.  finis,  271. 

Forbuis  Droma Damhghaire,  1-123. 

Formael  na  Fian,  6. 

fort  a  (do)  colaingcel  ?,  56,  88. 

Fotla,  Irlande,  263. 

freitche,  prépare-toi  ?,  va  ?,82. 

gabâil,  saisie,  453. 

Gadhra,6. 

gaerid,  gairid,  (voyelle)  brève,  nea- 

mhehruinn,    imparfaite   ;     trom, 

grave,  445. 
gairm   an  chailig,   l'aube,    le  chant 

du  coq,   399. 
gai,  bravoure,  396. 
Galiâin,  182. 

Garbh-thonach,  rude  lavage,  132. 
géd,  oie,  263. 

géis,  pi.  gesi,  cygne,  260,  263. 
gemred,  geimred,  geimhreadh, hiver, 

143- 


Genti,  Scandinaves,  450. 

glas,  bleu,  vert,  jaune,  gris,  pale, 
230. 

Glenn  dâ  locha,  Glendalough,  vallée 
des  deux  lacs,  263. 

gnâs,  habitude,  162. 

gnâth,  habituel,  162. 

Gôidil,  Irlandais,  263. 

gothadh, prétention,  avis  avantageux, 
vantardise,  145. 

grech,  gréach,  cri,  153. 

grenu, t., vase,  cuve  de  grande  capa- 
cité, 401. 

guta  tacair,  voyelle  «  artificielle  », 
irrationnelle,  446. 

iasscratai,  fausse  couche?, 449. 
iath,  g.  -a,  terrain,  262. 
il,  beaucoup,  262. 
inda,  inna,  des,  263. 
inderb,  incertain,  246. 
insâidim,  gl.  jacio,  154. 
irgal,  combat,  396 
i-routh,  gl.  in  stadib,  5.14 
irràir,  aréir,  hier  soir,  263. 

laech,  soldat,  198. 

lâir,  g.làrach,  jument  ;  an  lâirbhân, 
la  jument  blanche,  la  lune,  208, 
471. 

làmh,  main,  413. 

laoidh  fiannaidheachta,  sorte  de 
poème,  446. 

lathach,  boue,  208. 

le,  la,  près  de,  chez  ;  leis,  à  lui,  leo, 
à  eux,  210,  254. 

Leabhar  Breacc,  450. 

Leath  Cuinn,  3. 

Leath  Mogha,  3. 

léne,  léine  (tissu  de  lin),  chemise, 
vêtement  de  dessus;  surplis,  407. 

lestar,  vase  ;  navire,  134. 

leth,  côté,  210. 

Leth  Cuind,  la  moitié  de  Conn,  de 
l'Irlande,  le  nord,  160. 

locusta,  sorte  d'oiseau,  451. 

loimm,  gorgée,  goutte,  134. 

long,  vase;  navire,  133-135. 

longbard,  «  barde  à  vase  »,  person- 
nage pauvre  se  livrant  au  pané- 
gyrique,  134. 

long-both,  maison,  enclos  pour  na- 
vire, 134. 


VI 


Table  des  principaux  mois  étudiés 


long-phort,  camp  pour  navires  sur 
le  rivage;  port,  i  34. 

longsithel,  bassin,  134. 

lorg,  massue,  135. 

luchtaire,  (tournant  d'eau  ?),  tourbil- 
lon, 138. 

luchtar,  canot,  138. 

luighe,  chaudron,  vase,  134,  135. 

Lurga,  5,  6. 

Maelduin,  192,  193. 

Mag  femen,  263. 

marbehnai,  étoffe,  linceul  envelop- 
pant un  mort,  407. 

marc,  cheval,  471. 

mathgen,  druide,  269. 

méadal,  gros  ventre,  263. 

méit,  f.,  méid,  m.  quantité,  gran- 
deur, 400. 

mesc-,  mélanger,  108. 

-mi,  ire  pers.  pi.,  438. 

Mogh  Ruith,  4,  6,  260,  261. 

montar,  muinter,  famille,  210. 

muin,cou,  210. 

muinter,  personne  en  tutelle  légale, 
232. 

Mumhan,  de  Munster,  161. 

nâmae,  ennemi,  263. 

nathir,  f., serpent  d'eau,  208. 

neamhchruinn,  (versification)  irré- 
gulière, libre,  447. 

nech,  quiconque,  246. 

neph-,  no-,  263. 

nigim,  je  lave,  133. 

nit  ain,  ils  n'empêcheraient  pas,  5, 
30. 

nôi,  neuf,  262. 

ochtfhoclach  breachtach,  huitain  va- 
rié, 447. 

ocus,  proche,  442  ;  et  254,  255. 

odor,  brun,  263. 

-ôg,  138. 

oll-athir,  le  père  par  excellence,472. 

Orc  tréith,  158. 

ornâideachta,  ornements  de  la  ver- 
sification, 446. 

osme,  gl.  ipse,  263. 

Ossian,  2,  471. 

preidh,    spréidh,  bétail,  proie,  249. 


-r  passif,  433,  434. 

racrich-sibh,  vous  avez  terminé,  70. 

rail,  chêne,  208. 

râithe,  quart  d'année;  tourbillon  (de 
neige),  144. 

rann,  part,  411. 

rannaidheacht,  sorte  de  poème  an- 
cien, 446. 

rannaim,  je  partage,  distribue,  411. 

rap,  animal  qui  fouit,  412. 

ràth,  rdith,  fort,  résidence  fortifiée. 
144,  146. 

Rathcrogan,  339. 

reabhôg,  corde  tressée,   138. 

recht,  fureur,  411. 

righ,  bras,  avant-bras,  161,  162. 

righe,  avant-bras  depuis  le  poignet 
jusqu'au  coude;  coudée;  jambe 
d'animal,  161. 

riglânia,  poignets,  161. 

rocharus,  j'ai  aimé,  180. 

roen,  série,  chaîne,  32. 

roithes,  qui  pousse,  145. 

roithiud,  impulsion,  143,  145. 

rop,  tronc  d'un  corps,  412. 

rop,  animal  qui  fouit,  4 12. 

rosg,  sorte  de  poème,  446. 

rot,     marche   (triomphante),    143, 

145. 
Rotri,  Rhodri,  143,  145. 
ro-ucc-,  apporter,  211. 
rûad,  rouge  et  fort,  472. 
Ruad  rofessa,  «  le  rouge  à  la  grande 

science  »,  472. 
Ruam,  Rome  ;  cimetière,  1 85 . 
rucht,  porc,  139. 
ruthag,    élan,    secousse;    anacruse, 

44S 

ruud,  le  grand  bois,  262. 

saidim,  gl.  figo  ;  sàidhte,  fiché,  plan- 
té dedans,  enfoncé,   154,  155. 

saigim,  je  vise,  212. 

sail,  gl.  labe,  140. 

sailche,  saleté,  impureté,  141. 

saithe,  essaim,  156. 

saithim,  je  lance,  pousse,  pique, 
plante,  155. 

sal,  tache  sur  l'honneur,  141. 

salach,  sale,  141. 

salad,  action  de  fouler  aux  pieds, 
140. 

sait,  saut,  140. 


au  tome  XLII1. 


vu 


saltairt,  action  de  fouler  aux  pieds, 

140. 
saltraim,  je  piétine,  foule  aux  pieds, 

1 39,  140. 

saluighim.je  salis,  corromps, pollue, 

140. 
samrad,  samhradh,  été,    145,  144. 
sataluighim,  je    foule,  écrase   sous 

mes  pieds,  139,  140. 
sâthud,   planter    (des   clous),    1 5  4- 

156. 
scé,  g.  sciach,  épine,  208. 
screadach,  action  de  crier  ;  qui  crie, 

151. 
screadachàn,   petit  enfant   qui   crie, 

I5I- 
screadaim,  je  crie,  151. 

screadân,  bruit  de  toute  chose  qu'on 
déchire,  151,  152. 

screamh,  f.,  g.  screimhe,  croûte, 
pellicule,  excroissance,  405. 

screamhôg,  croûte,  pellicule,  ex- 
croissance, 405. 

screch,  scréach,  sgréach,   cri,    152, 

ISÎ- 

screig,  screag,  g.,  screige,  roche, 
colline  rocheuse,  401. 

scret,  scread,  sgread,  cri,  151. 

scretgaire,  cliquetis  (des  armes),  1  s  1 . 

séaluighim,  je  passe,  filtre  ;  do  shéa- 
luigh  se,  il  mourut,  143. 

searathân,  corde  liée  autour  des  ten- 
dons d'une  bête  à  cornes,  au-des- 
sus du  jarret,  pour  l'empêcher  de 
vagabonder  ;  ficelle  nouée  autour 
du  pantalon,  à  la  hauteur  du  ge- 
nou, quand  on  laboure,  150. 

searr,  action  de  s'étendre,  139. 

searr,  petit  animal  craintif;  frayeur, 
147,  148. 

sech,  au  delà  de,  210. 

seir,  g.  sered,  dual  di  ferid,  cheville, 

140,  249. 
seirt,  force,  149. 

seitir,  capacité,  force,  pouvoir,  212. 
Senach  Siaborthe,  ou  le  Fantômal, 

180. 
Senchan  Torpeist,  258. 
senn-,  jouer  (une  musique),  5,  10. 
sernim,j'étends,je  distends  ;sernaim, 

je   délie,  relâche,  disperse,    139, 

149- 
serr,  hautain  ;  timide,  147. 


serradh,    action    de    distendre    les 

membres,    distendre    la    bouche 

pour  bâiller  ;  gonfler  un   ballon, 

150. 
serraim,  searraim,  je  distends,  étends 

mes  membres  pour  me  mettre  à 

l'aise,  149,  150. 
serriach,  serr-féach,  milan,  150. 
sethfaind,  il  joua  (une  musique),  j, 

10. 
si,  celle-ci,  253. 
sidh,  tertre,    mont  ;    domaine    des 

fées,  57. 
sil,  semence,  race,  141. 
silim  (inf.   sileadh),  je  verse  goutte 

à  goutte,   fais  couler  lentement, 

distille  ;  goro,  shilur-sa,  pour  que 

j'évacue,  141,  142. 
Simon  drui, Simon  le  magicien,  261. 
sin,  ceci,  -ci,  253. 
sine,  mamelle,  249. 
sinim,  j'étends,  271. 
siolân,  passoire,  filtre,  142. 
sioltân,  sioltan,  passoire,  filtre,  142. 
sioltuighim,  je  filtre,  142. 
siothlân,  passoire,  142. 
siothluigim,  je  passe,  filtre,  142. 
Sith  Cleithigh,  3. 
sithlaim,  je  passe,  filtre,  142. 
Sliabh  Fuait,  6. 
som,  celui-ci,  253. 
sonuachair,  épouse,  263. 
spairnech,  furieux,  249. 
speir,  g.  -a,  jarret,  jambon,  249. 
sperthach,  m.,  corde  pour  le  bétail, 

150. 
spruadhna,  fragment,  249. 
sprudhar,  miette,  249. 
sprus,  déchets  de  blé,  249. 
sréim,  srédim,  je  jette,  149. 
sùi,  g.  suad,  sage,   prophète  ;  sui  na 

suad,  sage  des  sages,  26,252,  453. 
Suibhne  Geilt,  192. 
suide,  siège,  155. 

tabart,  comprendre,  212. 

tâdaim,  j'accorde,  je  réconcilie,  429. 

tâi,  mort?,  413-416. 

taim,  tamh,  repos,  défaillance,  mort, 

413. 
tâimhnéll    (nuage    de    défaillance), 

évanouissement,  413. 
tainithiu  ?,  413-41$. 


32* 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


Tâin  bô  Cûailnge,  161,   162,    178, 

248,  398,413,467. 
tâm, maladie  pestilentielle  ?  4 1 3 , 4 1 5 . 
tàmgalar,  maladie  mortelle,  413. 
tangnacht,  fourberie,  143. 
tarmchosal,  transgression,  140. 
techt,  voyage  ;  messager,  248. 
tene,  feu,  412. 
-ti,  -de,  en,  pour  cela,  255. 
tiag,  boîte,  caisse,  261. 
timpan,  tympanon,  10. 
Tir  na  n-ôg,  la  Terre  des  Jeunes, 

471. 
-tiu,  noms  abstraits,  433. 
to-,  do-,  212. 
tô,  silencieux,  415. 
tonach,  tanach,  lavage  d'un  cadavre, 

I3*>  i?3- 
tonn,  vague,  flot,  133. 
tonnao.hadh,  soins  funèbres,  133. 
tonnadh,  mort  par  le  poison,  133. 
toth,  membrum muliebre,  263. 
to-ucc-,  apporter  ;  comprendre,  211, 

212. 
tràgud,  reflux,  164. 
traig,  pied,  164. 
triath,  g.   tréith,  triaith,  roi,   chef, 

IJ7,  158. 
triath,  g.  treithe,  sanglier,  157,  158. 


tri-phne,  à  trois  mamelles,  249. 
trog,  descendance,  164. 
trogaim,  je  produis,  263. 
Trogan,  la  Terre,   164. 
tromlach,  oppression,  159. 
tuas,  thiias,  en  haut;  nord,  162. 
tuas-,  gauche,  162. 
tuascert,  tuaisceart,  à  gauche,  nord, 

160,  161. 
tuasra,  main  gauche,  161. 
tûath,  nord,  161-163. 
Tuatha  Dé  Danann,  2,  360. 
tûathbel,  tûaithbheal,    tuaitheal,    a 

gauche,  nord,  161,  339. 
tuathmuma,  tuathmhumha,tuadmu- 

mu,    Nord-Munster,    Thomond, 

161. 
tuic,  amène  !,  212. 
Tulach  og,  338. 

-u,  g.-ach,  249. 
uaim,  allitération,  446. 
uan,  agneau,  249. 
uasals(h)acart,  archiprêtre,  380. 
uball  n.,  pomme,  233. 
ussairb,  il  meurt,  147. 
ussarb,  mort,  147. 
utais,  domestique  femme,  263. 


Arann,  264. 


III.  Gaélique  d; Ecosse. 

ràithe,  période,  cours,  144. 


cabhlach,  flotte,  135. 
cabhlachach,  un  marin,  135. 


sioladh, /passer,  filtrer,  142. 
IV.  PlCTE.  . 


Gartnait,  256. 

V.  Mannois. 

carval,  chant  religieux  de  la  nuit  de  Noël,  237,  238. 

VI.  Gallois. 

(Voir  pp.  187-189,  197,  198,  203,  204,  241,272,  388,  394.) 


Aberguaun,  Fishguard,  204. 
Adaon,  Afaon,  269,  270. 


adolychaf,  -ygaf,  je  prie,  j'implore, 
270. 


au  tome  XL1II. 


IX 


afal,  pomme,  233. 

afall,  f.,  pommier,  233. 

-ain,  -ein,  inf.,  152. 

Aled^455. 

allaw,  raser,  408. 

alltraw,  maître,  )  39. 

am-,  292. 

am(h)in,  limite,  271. 

am(h)inog,  limitrophe,  271. 

amod,  convention,  272. 

amrant,  paupière,  272. 

amsathr,  piétinement,  140. 

amwlch,  occasion,  272. 

amwyn,sans  joie?,  412. 

amygaf,je  combats,  je  défends,  212. 

an,  notre  ;  an  taered  ni  an  whech, 
notre  affliction  à  nous  six,  356. 

-an,  dim.,  157. 

anghraiff,  exemple,  271. 

anghreifft,  reproche  ;  exemple,  271. 

anghryno,  dépenser,  271. 

anhwyet,  ymanhyed,  flatterie  ;  per- 
suasion, sollicitation,  271. 

Annun  ddy,  174. 

anreith,  pillage,  butin,  411. 

ansawdd,  planter,  fixer;  condition 
stable, état  dans  lequel  on  se  trouve, 
personnage  dont  on  fait  fonction^ 
provision  (de    nourriture),    1 54, 

I5S- 

ansoddi,  qualifier,  154,  155. 
antrefna,(il)  ne  se  pose  pas  (le  vent), 

272. 
anwar,  sans  douceur.  389,  393. 
anwyl,  cher  ;  saint,  454. 
Anwyl,  454. 
ar-,  sur,  396. 
Aran,  263. 

Arberth,  Narberth,  202. 
Arenig,  263. 

argywedd,  dommage,  417. 
ariant,  argent,  396. 
armes,  présage,  272. 
arnaw,  sur  lui,  397. 
aroglau,  odeurs,  272. 
arogli,  sentir,  479. 
Arthur,  192,   194,    230,  231,   270, 

387. 
aryal,  aral,    vigueur,    impétuosité  ; 

vigoureux,  390,  396. 
aryen,  aren,  gelée,  frimas,  396. 
athaw,  mort,  412. 
athraw,  maître,   1 39. 


att,  abandonne,  390,  394. 

banwel, zénith,  417. 

bar,  fureur,  136. 

bar,  trait  en  général,  lance,  136. 

bedrawd,  cimetière,  métropole,  143, 
144. 

berr,  jambe,  249. 

blawd,  fleur  ;  essence,  partie  la  meil- 
leure d'une  chose,  390,  394,  395. 

blawd,  farine,  390,  394,  395. 

blwng,  rude,  41 8. 

bochan,  petit,  454. 

bod,  avoir,  144. 

bratteu,  haillons,  453. 

bryw,  vigueur,  252. 

bwyeit,  hosties  consacrées  ;  messe, 
270. 

bydaf,  nid  de  guêpes,  208. 

bytyrs,  mangeurs,  sg.  bwytawr,24i. 

bywyd,  bowyd,  vie,  454. 

cad,  combat,  246. 

caddug,  brouillard  sombre,  272. 

cadr,  fort,  246. 

Cad van,  261. 

caethrawd,  captivité,  période  de  cap- 
tivité, 143. 

Cain,  454,455- 

carrée,  roche,  rocher,  402. 

carth,  chanvre,  étoupe,  272. 

caseg.  pi.  cesyg,  jument,  471,  472. 

ceflyl,  cheval,  471. 

ceiniaw,  se  moquer  de,  1 36. 

ceintach,  déprécier,  quereller,  136. 

Ceiriog,  455. 

cennad,  f.,  messager,  248. 

cerdd,  art,  poésie,  musique  ;  cerdd, 
pi.  cyrdd,  artiste,  poète,248. 

cerdedd,  marcher,  416. 

kereirhyt,  389,  394. 

kerenhyt,  affection,  charité,  394. 

cerrynt,  courant,  272. 

certn,  clair,  visible,  272. 

churnurs,  grondins,  sg.  chwyrnwr, 
241. 

chwedlau,  fables,  195,  197,    198. 

chwyl,  tour,  140. 

cilchet,  couette,  276. 

Cilgerran,  204. 

cilydd,  compagnon,  433. 

Cimeiliauc,  276. 

Cimro,  276. 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


Cinbelin,  276. 
kirts, cordes,  sg.   kortin,  241. 
clogyrnog,  rocailleux,  raboteux,  189. 
clywed,  entendre  ;   sentir  ;    clywut, 
tu  entendais,  entendrais,  272, 389, 

397- 

cnaif,  i.,  tonte,  408. 

cnau,  des  noix,  408. 

cneivyaw,  cneifio,  couper  (les  che- 
veux, le  blé)  ;  raser,  tondre,  408. 

cnuf,  cuu,  toison,  408. 

coned,  orgueil,  272. 

cordd,  tribu,  416. 

corwc,  -wg,  -wgl,  cwrwgl,  canot  fait 
de  branches  entrelacées,  et  recou- 
vert de  peau  ou  cuir  ;  tronc,  le 
corps  moins  la  tête,  133,  406,407. 

crach,  croûte,  escarre,  gale,  teigne  ; 
qui  a  des  croûtes  (sur  la  tête)  ;  ga- 
leux, teigneux  ;  méchant  (poète), 
faux  (noble),  402,  403. 

crach-hwyad,  sarcelle,  402. 

craf,  ail,  405. 

crag,  croûte,  403. 

cragen,  crogen,  pi.  craig,  écaille, 
coquille  ;  tesson,  fragment  de  po- 
terie, 402,  403. 

cramen,  f.,  pi.  crammynnau,  croûte 
se  formant  sur  une  plaie,  404. 

cramenu,  se  couvrir  de  croûtes,  404. 

cre,  croassement  ;  croasser,  152,153. 

credwit,  389,  394. 

creic,  craig,  roche,  colline  rocheuse, 
402,  403. 

creir,  reliques,  394. 

creu,  crau,  sang,  404. 

crwd  ?,  167. 

crwn,  rond,  271. 

crvg,  rauque,  152,  153. 

cryn,  tremblement,  160. 

cryno,amasser,  thésauriser,  épargner, 
271. 

crynodeb,  utilité,  profit,  271. 
cun,  charmant,  aimable,  249. 
cyd,   réunion,  contact  ;  coït  ;  y  gyt, 
ensemble,  yth  gyt,  vers  toi,  39c, 
596. 
cyfansoddi,     composer,    constituer, 

établir,  1 54. 
cyfarws,  -rwys, présent, cadeau, 272. 

cyfor,  limite,  271. 

cvmhwedd,   moquerie,  plaisanterie, 

'  271. 


cynnydd,  cynnif,  effort,  271. 
cyntor,  cynhor,  cynnor,  porte,  de- 
vant de  porte,  271. 
cyrawal,  sorte  de  baies,  272. 
cystudd, affliction,  douleur,  155. 
cywestach,  coït,  271. 
kywet,  cywed,  rencontre,  417. 
cywir,  cowir,  juste,  454. 

daear,  terre,  390,  396. 

daered,   -rawd,    remise,    versement 

d'argent,    taxe  ;    service  funèbre, 

272. 
dameg,  parallèle,  272. 
darwest,  jeûne,  271. 
defnyt,  élément,  matière,  396. 
deheubarth,  sud,  160. 
deurut,  joues  ;  honneur,  159. 
dew,  brouillard,  brume;  obscurité; 

mélancolie  ;  air  chaud  malfaisant  ; 

température  lourde,  398,  399. 
deweint,  dewaint.    le  temps  depuis 

minuit  jusqu'à  l'aube  (3  heures  du 

matin),  399,  400. 
diaspat,  grand  cri,  152. 
diaspedein,  crier,  152. 
diein,  renaissance,  390,  395. 
dieinig,  plein  d'activité,  de  vigueur, 

.  395- 

dien,  première  pousse,  395. 

dieu,  jours,  390,  395. 

digryno,  dépenser,  271. 

diheu,  désir,  volonté,  271. 

dihewyd,  désir,  volonté,  271. 

dillyn,  élégant  ?,  159. 

dilwgyr,  intact,  non  corrompu, 392. 

Jirmyg,  mépris,  272. 

dirwest,  jeûne,  271. 

divroed,  exil  ;  tristesse,  390,  395, 
396. 

divwug,  inflexible,  418. 

Diuuguallun,  276. 

do-,  160. 

dodwy,  pondre,  199. 

doodrefen,  dyodrefn,  dodrem,  meu- 
ble, ustensile,  145. 

doosparth,  dosparth,  division,  dis- 
crimination, système,  160. 

doosparthus,  gl.  rationabili,  160. 

drem.trem,  aspect,  409. 

drum,  trum,  dos,  409. 

drut,  fou,  sans  frein  ;  cher,  coûteux, 
271. 


au  tome  XLIII. 


XI 


dryll,  morceau,  210. 

dryw,  druide  ;  roitelet,  453. 

du,  noir,  174,  176. 

dwy  :  yn  — ,  (allons)  tous  deux,  3  56. 

dychre,  croasser,  152,  153. 

dycned,  misère,  390,  396. 

dvdd,  jour,  400. 

Dyfed,  248. 

Dyfneint,  Defon,  276. 

dygaf,  je  porte,  21 1. 

dylofi,  manier,  413. 

dvscrethein,  râler,  152. 

ederwyt,  restauration  ?,  390,  396. 

edmyg,  respect,  272. 

Einion,  270. 

Eleuther,  Eleufer,  Eliffer,  176,  177. 

Elidir,  -dyr,  177. 

Eliwlad,  270. 

elwyd,  elfyd,  terre,  390,  394. 

ellyn,  rasoir,  408. 

eneint,  enneint,  bain  ;  potion,  breu- 
vage médical,  132,  133. 

eppil.epil, descendance,  progéniture, 
race,  471. 

ermyg,  respect,  272. 

escar,  ennemi,  160. 

-fa,  272. 

ffer,  cheville,  140,  249. 

gaefrawd,  orage   d'hiver,  143,  144. 

gafael,  gafel,  saisie, 45 3. 

ga/dd,  clôture,  212. 

garth,  enclos,  212. 

germain,  crier,  152. 

glain,  perle,  272. 

glew,  vaillant,  dur,  solide,  166. 

glewyd,  durci,  166. 

glud,  glu  ;  tenace,  adhésif,  166. 

glwys,  joli,  pur,  272. 

gnawd,  habituel,  connu,  162. 

gnaws,  naws,  coutume,  habitude, 
162. 

go-,  272. 

goddeu,  intention,  direction  ;  yth 
odeu,   vers  toi,  390,  396. 

godro,  traire,   164. 

Gogarth,  272. 

gogawn,  gwogawn,  plénitude,  272. 

gogawr,  gogor,  subsistance,  ressour- 
ces, 389,  393. 

gogerdd,  moquerie,  417. 


gogerddol,   railleur,  417. 

gogof,  caverne,    212. 

gogoned,  gloire;  glorieux,  272,  389, 
394- 

gogoniant,  gloire,  272. 

golchiad,  qui  se  lave,  ou  lave  dans 
le  sang,  1 59. 

golchiw,  je  laverai,  159. 

goleith,  soumettre  ;  flatter  ;  détruire; 
supporter  ?,  389,  393. 

golychaf,  gwollychaf,  je  prie,  j'im- 
plore, 270. 

gomedd,  refus,  272. 

gordivung,  tout  à  fait  inflexible,  418. 

gormedd,  envahissement,  272. 

gormes,  oppression,  272. 

gormodd,  excès,  272. 

goror,  limite,  271. 

gorsin,  gorsing,  montant  de  porte, 
272. 

goruc,  il  a  fait,  212. 

gorwydd,  cheval,  471. 

gosgryn,  terreur,  160. 

goslef,  son,  160. 

gosparth,  gouvernement,  160. 

guin,  gwyn,  blanc  ;  saint,  bienheu- 
reux, 454. 

gwar,  doux,  393. 

gwaredu,  protéger,  gwarawt,  il  se- 
courut, 145,  392. 

gwawr,  aurore,  263,  400. 

Gwenhwyfar,  45  s. 

gwenwlawt,pure  essence,  390,  394, 

395- 

gwenwyn,  hargneux  ?,    389,    393, 

394- 

Gwenwynwyn,  394. 

gweryd,  protection,  393. 

gweryt,  argile,  390,  396. 

gwest,  coït,  271 . 

gwlad,  pays,  433. 

gwneuthur.  .  .a  wna,  il  fait,  198. 

gwres,  chaleur,  428. 

gwvdd,  oie,  263. 

Gwyddyl,  Irlandais.  263. 

gwvl,  fête,  415. 

gwylfa,  lieu  d'observation,  272. 

gwyn,  f.  gwen,  bla.K  ;  bienheureux, 

390.  395 
Gwynfei,  272. 
Gwynn,  454. 
gwyr,  en  pente,  272. 
gwvr,  hommes,  272. 


XII 

Gwyrfai,  272. 
gyrfa,  cours,  272. 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


haid,  essaim,  156. 

halou,  gl.  stercora,  141. 

hawd,  le  temps  de  monter  en  épi, 

156. 
Hawdclyr,  Hauteclair,  156. 
he,  se,  race,  142. 
heb,  sans,  210. 
hebrwng,  amener,  265. 
hidlo,  passer,  filtrer,  142. 
hin,  limite,  271. 
hodi,  buissons  sauvages,  1 56. 
hoff,  joli  ;  cher,  aimé,  271. 
hoffi,   louer,   vanter  ;   ymhoffi,    se 

flatter,  se  vanter,  271. 
hy-,  bien,  263. 

hydrum,  hyttrum,  accessible,  409. 
hyt,  jusqu'à,  409. 
hytynt  y   dwfr,  le  cours  de  l'eau, 

409. 
Hywel,  Howel,  454. 

irdang,  stupeur,  143. 
irdant,  stupeur  ?  143- 
irllonedd,  colère,  143. 
iwrch,  chevreuil,    149. 

Hein,  toile,  407. 

Llangolman,  204. 

llaw,  main,  413. 

llef,  voix,  160. 

llefain,  clamer,  crier,  152. 

lleyg,  pi.  -yon, f.  leeces,  laïque,  198. 

lleygwr,  soldat,  198. 

llochwes,  refuge,  198. 

lluch,  souffle  violent,  impétuosité, 
attaque  furieuse,  136. 

lluch,  lluwch,  llywch,  poussière  ou 
neige,  soulevée  et  amoncelée,  135- 
138. 

lluched,  éclair,  137. 

Uuchfa,  tas  de  neige  amassée  par  le 
vent,  136. 

lluchio,  lluvchio,  entasser  la  pous- 
sière ou  la  neige  ;  lancer,  135, 
136. 

lluchvar,  javelot,  lance  de  jet  ;  at- 
taque furieuse  ;  fureur  impétueuse, 
136. 

lluchwayw,  javelot,  lance  de  jet, 
136. 


lluchwynt,  vent  impétueux,  136. 

lluchyad,  attaque,  136,  137. 

lluchynt,  attaque  impétueuse,  inat- 
tendue ?,  137. 

Lludd,  124,  130. 

Ilwch,  poussière  sur  le  sol,  ou  sou- 
levée, 137,  138. 

llwyd,  gris  ;  saint,  bienheureux,  454. 

Llwyd,  454. 

Llychlyn,  Scandinavie,    174. 

Llydaw,  174. 

Uygru,  gâcher,  gaspiller,  ruiner,  392. 

ma,  pi.  mai,  lieu,  272. 

Madyein,  269. 

-main,  inf.,  152. 

march,  cheval,  471. 

marchlwyth,  charge  de  cheval,  176. 

mat,  bon,  269. 

menybr,  poignée,  272. 

merch,  uerch,  fille,  454. 

milgun,milguns,  sg.  milgi,  lévriers, 

241. 
mordwy,  navigation,  199. 
Morgan  Tut,  Morgan  le   Fée,  162, 

454,  470- 
morlwch,  écume,  vapeur  trouble  de 

la  mer,  137. 
mûi  ?,  414. 
muner,  chef,  prince,  seigneur,  389, 

393- 

muner,pl.  awd,  présent  ?,  393. 
muner,  on  désire?  393. 
mwy,  plus,  davantage,  428,  429. 
mwynfawr,   riche,  profitable,  270. 
mwytaw,  mwydo,  humecter,  trem- 
per, imbiber,  428. 
Myddfai,  272. 
myfi,  mofi,  moi,  454. 
mynnyr,  tu  désires,  390,  395. 
Mynydd  Carn,  204. 
Myrddyn  Wyllt,  192. 

naid,  saut,  272. 
neb,  quiconque,  246. 
nemawr,  pas  grand,  246. 
nys  gallut,  tu   ne  le  pourrais,   389, 
397- 

Pader,  le  Pater,  273. 
pant,  pente,  272. 
partrissot,  des  perdrix,  198. 
Penamnen  (Pennant  Beinw),  272. 


au  tomt  XLIII. 


XIII 


penn-yal,  concours,   attroupement  ; 

pression,  396. 
Powys,  272. 
pridd,  argile,  430. 
pylgeint,  l'aube,  au   chant  du  coq, 

399,  400. 

rawd,  troupe,  volée  (de  traits),  143. 

rhaff,  raff,  f.,  corde,  410. 

rhan,  part,  411. 

rhanedigaeth,  distribution,  411. 

rhawd,  période,  temps,  144. 

rhefawg,  corde  tressée,  138. 

rheith,  pillage,  butin,  411. 

rhew,  gelée,  404. 

rhiw,   f. ,  acclivité,   déclivité    d'une 

colline;  pente  abrupte,  d'un  accès 

difficile,  aisée  à  défendre,  146. 
rhod,  roue,  145. 

rhodwedd,  course,  carrière,  144. 
rhodwydd,  gué,  146. 
rhumen,  rhummen,  panse  ;  mamelle, 

146. 
rhwgn,  frottement,  friction,  138. 
rhwng,  yrwng,  y  rwng,  entre  ;  dans 

la  direction  de  ;  à  la  fois,  353,354. 
rhyd,  gué,  146. 

rhygnbren,  baguette  à  entailles,  1 38. 
rhygnu,  frotter;  entailler,    138. 
rhyodres,  rhodres,  orgueil,  pompe, 

145. 
Rotguidou,  146. 

ry->  199»  392- 

rylwg(w)r,  très  corrompu,  392. 
ryweryd,très  protecteur  ?,  389,  392. 

-s,  plur.,  241. 
-s-,  pron.,  160. 
-s-,  prép.,160. 

solder, saldra, fragilité;  mauvais  état 
de  santé  ;  qualité  de  ce  qui  est  vil, 

141. 

salw,  vil,  morose,  sans  valeur,  141. 

salwedd,  qualité  de  ce  qui  est  vil, 
etc.,  141. 

sathar,  piétinement;  bruit  de  piéti- 
nement, 139. 

sathru,  fouler  aux  pieds  ;  marcher 
comme  un  soldat,  139,  140. 

-sawdd,  -soddi,  154,  155. 

-sawt,  155. 

se,  he,  race,  142. 

serfan.  stupide,  147. 


serfyll,  usé, décrépit  ;  prêt  à  tomber, 
ruineux,  147. 

seri,  chevaux?,  139. 

sers,  étoiles,  241. 

serth,  qui  est  à  pic,  escarpé,  abrupt; 
en  pente  rapide,  penché,  147-149, 
272. 

serthan,f.,  précipice,  falaise,  147,148. 

serthus,  en  pente,  147,  148. 

sgoturs,  pêcheurs,  sg.pysgotwr,  241. 

swrth,  f.  sorth,  tombé,  abattu  ;  dis- 
posé à  s'endormir,  indolent,  lour- 
daud,  148,    149. 

Syawndydyr,  Chantecler,  198. 

syrth,  chute;  penchant  ;  escarpé, 
148,  149. 

syrthio,  s'écrouler,  tomber,  148. 

syw,  sage,  prophète,  453. 

tang,  tanc,  paix,  143. 

tapplys,  table  à  jeu,  271. 

taw,  silencieux  ;   se  taire,  412,  413. 

taw,  mort,  412,  41 3. 

tawdd,  fusion,  415 . 

tawdd,  il  fait  fondre,  dissout,  428, 
429. 

teith,  taith,  voyage,  248. 

toddi,  faire  fondre,  dissoudre,  con- 
sumer, détruire,  415,  429. 

torf,  foule,  198. 

torredlu,  armée  formidable,  qui  doit 
tout  briser,  150,  151. 

torredwynt,vent  qui  souffle  en  tem- 
pête et  brise,  151. 

torri,  briser,  150,  151. 

traw,  draw,  au  delà,  164. 

traws,  direction,  côté,  164. 

traws,  violent,  cruel,  164. 

traws-,  à  travers,  de  travers,  164. 

tref,  demeure,  272. 

trefn,  arrangement,  bon  ordre  ;  lo- 
gement, mobilier,  272. 

trefnu,  se   poser,  s'installer,  272. 

treio,  se  retirer  (pari,  de  la  mer), 
164. 

tremyg,  mépris,  272. 

tremyn,  vue,  272. 

tro,  un  tour,  164. 

trochi,  immerger,  se  baigner,  159. 

troed,  pied,  164. 

trofa,  un  tour,  272. 

troi,  diriger  vers,  164. 

trosedd,  transgression,  164,  165. 


XIV 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


trossi,  diriger  vers,  164. 

trwch,  coupé,  émoussé  ;  coupure, 
incision,  1 58,  159. 

trwch,  violent,  158. 

trwm,  lourd,  409. 

trwyd,  roi,  chef,  157,  158. 

trychiad,  qui  coupe,  158. 

trychu,  couper,  158. 

trymlûawc,  à  l'armée  accablante  ; 
-luog,  accablant,  opprimant,  159. 

tu  ac  att,  du  côté  de,  198. 

tud,  peuple,  454. 

tudd,  il  couvre,  protège  ?,  163. 

tudded,  vêtement  de  dessus,  man- 
teau, couverture  de  lit  ;  taie  d'o- 
reiller ;  couverture  de  cheval  ;  pa- 
rure des  bois  l'été  ;  daear  dudet, 
la  terre  qui  recouvre  une  tombe, 
163. 

tusw,  touffe,  165. 

Tut  (Morgan),  Morgan  le  Fée,   162, 

454,  47°- 
twrch,  sanglier,  149;  twrch  trwyd, 

158. 

twrdd,  twrf,  bruit,  198. 
tywel,  serviette,  454. 
tywydd,  towydd,  temps,  454. 


-ut,  2e  pers.  sing.impf.  etcond.,389, 
397- 

Vortigern,  131. 

-wr,  pi.  -wyr,  -urs,   noms  d'agent, 

241. 
wrth,  contre  ;  inférieur  à,  198. 
wylo,  pleurer,  272. 

-ydd,  nomsabstraits,  394. 
ymanhwed,    ymhwedd,     implorer, 

supplier,  271. 
ymserth,  discorde,  148. 
ymserthu,  s'abaisser  à,  148. 
yr  hwnn,  lequel,  198. 
Yrp,  Urb,  Irp,  Yrb,  Urbf,  174,  17S- 
ysgerbwd,  squelette,  cadavre,    166, 

167. 
ysgrech,  yscrech,  cri   perçant,  152, 

ysgrud,  squelette,  cadavre, 166  . 
ysgrwd?,  167. 

ystawd,  ystod,  andain,  fauchée  ;  pé- 
riode, 156. 
ystern,  (bière)  forte,  149. 


ber,  jambe,  249. 
bony,  hache,  418. 


cannas,  messager,  248. 
carrée,  roche,  rocher,  402. 
crogenn,  écaille,  coquille,  403. 
crow,  sang,  mort,  404. 

dremas,  homme  bon,  211. 

fer,  jambe,  249. 

glesin,  gl.sandix,  230. 


VII.     CORNIQUE. 
(Voir  pp.  408,  409.) 

kerd,  gl.  iter,  416. 

pry,  argile,  430. 


sprus,  spus,  pépins,  250. 
stut,  gl.  culex,   155. 

Tristan,  230,  231,  255,  258,  259!'! 
tro,  un  tour,   164. 
trus,  qui  est  de  travers,   164. 
tyrry,  terry,  briser,  150. 

yntrethon,  entre  nous,  356. 


VIII.  Rr^ton  de  France. 

(Voir  pp.  206,207,  240,  247,  426,427,  457,  459) 


alc'hoét,  elfet,  clef,  247. 
-an,  dim.,  156. 


anaoun,  défunts,  210. 
aoten,  rasoir,  408. 


au   tome  XL1I1. 


xv 


arcogued,  gl.  nicivos,  417. 
arstud,  gl.  cuspis,  155. 
astuz,  vermine,   155. 

bezret,  cimetière,  144. 

biz,  nord-est,   148. 

blouhi,   reprocher   à    quelqu'un    sa 

nourriture,  418. 
brazek,   (bien)  déchiré,   ou  (cœur) 

gros(?),  411. 
brazes,  femme  grosse,  411. 
bro-Weroc,  Broerec,  424. 

cazr,  kaer,  beau,  246. 

crag,  mean  crag,  grès  ;  pod  crag, 
pot  de  grès,  402,  403. 

crammen,  cremmen,f.  pi.  ou,  crasse 
qui  se  forme  sur  la  tête  ;  dépôt 
que  laisse  le  lait  dans  un  vase  ; 
pellicules,  404-406. 

criz,  kri,  cru,  non  cuit;  dur;  (ci- 
dre) acre  ;  (chanvre)  rude  ;  dre 
gri,  par  force,  404. 

crogenn,  écaille,  coquille,  403. 

dehel!,  int.  pour  faire  tourner  les 
bêtes  à  droite,  160. 

dezuiff,  dozvi,  dovi,  poudre,  199. 

dihilya,  dishilya,  égrener  en  frois- 
sant les  épis  ;  s'égrener,  s'échapper, 
fuir  comme  le  blé  d'un  sac  percé, 
d'un  épi,  ou  d'une  gerbe  quand  la 
sécheresse  l'en  fait  tomber  par 
grains,  141,  142. 

dihodein,  monter  en  épi,  en  graine, 
156. 

dioucz,  de,  165. 

dishilhan,  -lhorï,  le  moment  où  la 
mer  cesse  de  monter,  142. 

distuz,  jachère,  155. 

Doedy,  243. 

Douady,  243. 

dydreu,  au  delà,    164. 

entrom(p),  nous  deux,  nous  tous, 
tant  que  nous  sommes;  entroch, 
vous  tous  ensemble,  356. 

eontr,  oncle,  210. 

esteuzet,  percé  (d'un  glaive  de  dou- 
leur); navré,  155. 

esteuziff,  éteindre,  135. 

fer-,  cheville,  249. 


Goarem-  an-  Duchen,  165,  166. 
goubannen-  noz,  crépuscule,  417. 
goubannùél-noz,  crépuscule,  417. 
gouel,  fête,  415. 

gouziza,  baisser  (pari,  du  vent),  148. 
gouzronquet,    baigner,    se   baigner, 

•59 
grenn,  f.,  auge  ;cuvier  assez  grand, 

en  bois,  servant  pour  la  bouillie, 

401. 
gud,  gl.  parvum,  417. 
gudcoguod,  gl.  reprehendendi,  417. 
gudnaiol,  gl.  minus  erudiens,  417. 
Gueoc,459. 
guic-,  bourg,  458. 
Guimaëc,  459. 
Guirec.  456,  457. 
guodcess,  gl.  odio  habentes,  417. 
guoteguis,  gl.  compescuit,  415. 
guotroit,  vous  trayez,  164. 
guparth,  gl.  remota,  160. 
gupar(h)olaid,  gl.  privilégia,  160. 

had,  semence,   1 56. 

haloc,  gl.  lugubri,  141 . 

hed,  essaim,  156. 

hérï,  il,  142. 

hep    gouzout    d'ih,    hem(pj    goût 

t'ein,  (je  l'ai    fait)  sans  le  savoir, 

426. 

imgupartfh)on,  gl.  se  abdicant,  160. 
inhodein,  monter  en  épi,  en  graine, 

156. 
-ion,  -ian,  -ien,  plur.,  157. 

kanéu,  kreofi,  toison,  408. 

kann,  blanc, 41 1. 

kann,  chant,  41 1. 

kannein,  laver  (blanchir),  41 1. 

kannein,  chanter,  411. 

kanow,  kenèu,  kraorï,  des  noix, 408. 

karreg,  roche,  rocher,  402. 

kazeg,  jument,  ar  gazeg  wenn,  la 
lune,  471,  472. 

kragell,  sarcelle,  402. 

krah,  monticule,  butte,  402,  403. 

krahek,  (personne)  chétive,  désa- 
gréable, ratatinée,  402. 

krak-houad.  sarcelle,  402. 

krakou,  aristos,  402. 

kréu,  hauteur,  butte,  402,  403. 


Table  des  principaux  mots  étudiés 


lan, monastère  ou  chapelle,  455  457, 

459- 
Les-Guiriac,  424. 

leun,  latin,  plein,  417. 

lien,  linge,  407. 

lis,  les,  lez,  cour  féodale,  424,  456. 

loa-bot,  loa-grenn,  cuiller  à  pot  ; 
loa-brenn,  cuiller  en  bois,  401. 

Locquirec,  457,  459. 

lok-,  lieu  de  culte  (monastère,  pri- 
euré, chapelle),  455,  456. 

ma,  mon,  243. 

machtyern,  seigneur,  455,  456. 

netra,  rien,   246. 

-oc,  -eue,  -ec,  156. 

offen,  ofen,  f.  mangeoire,  auge, 410. 

Parc-an-Dossen,  165. 

penmoc'h,  premoe'h,  porc,  211. 

Perros-Guirec,  457. 

plac'h,  jeune  fille,  453. 

Plestin,  457,  458. 

Ploemodiern,    Plomodiern,     Plou- 

diern,  243. 
plou-,  territoire  d'une  paroisse,  455- 

459- 
Plouaret,  458. 
Ploulec'h,  459. 
prest,  vite,  247. 
pri,  argile,  429,  430. 

rann,  part;  fracture;  rannou,  gl.par- 

timonia,  gl.  climatibus,  41 1. 
rannedigez,  -geah,  divisibilité,  411. 
rannein,  diviser  ;  rahnet,(cœur)brisé, 

411. 
rannenn, fente  dans  un  rocher, falaise, 

411. 
rèu,  gelée,  403. 
Roc'h  :  mont  d'ar  Roc'h,   aller  à  la 

Roche-Derrien  ;  ronfler,  206. 
roc'hal,  ronfler,  206. 
rodoed,  gué,  146. 
rogotetic,  gl.  creditam,  145. 
ru-dall,  «  rue  aveugle  »,  440. 

saltrocion,  gl.  graciles,   141. 
saotra,  sautrein,  salir,  gâter,  140. 
sautrein,  fouler  aux  pieds,  140. 
scrav,  scraf,  éterlet,  153. 


screo,  pi.  screvet,  scravet,  oiseau  de 

mer  au  cri  perçant,  153. 
-se,  -ze,  -là,  142. 
Servel,  147. 
serz,    sers,   ferme,   droit,    vertical  : 

(vent)  soufflant  de  la  région  du  ciel 

entre  est  et  nord,  148. 
serza,    monter,    s'élever  (pari,    du 

vent)  ;  souffler  de  la  région  entre 

est  et  nord  ;  serzet  eo,  (le    vent) 

est  haut  en  plein,  148. 
sizl,  sil,  passoire,  couloir,  142. 
skudel-  bri,  écuelle  de  terre,  430. 
sper,  semence,  lignée,  250. 
splusen,  sprusen,  spus,  semence  qui 

fait  germer,  250. 
stedein,  aligner  (le  foin),  154. 
stedel,  ficelle  qui  agit  sur  le  loquet, 

154- 

steudenn,    rangée,    file,   série,   154, 

steudenn, tenon  de  mortaise;  pointe; 
languette  d'une  balance,  1 54. 

steudennet  mat,  bien  fixé,  bien  mon- 
té, 154. 

steusia,  s'abîmer,  disparaître,  155. 

steut,f.  .rangée  de  gerbes  ;sted,steut, 
rangée  ;  volée  de  coups  de  bâton  ; 
a-  stet,  à  la  file,  154-156. 

sti,  chtî,  (sonnez  fin  et)  serré,  157. 

stiogen,  -gan,  pieuvre,  156. 

strèuein,  éparpiller,  disperser,  éten- 
dre, 149. 

streuet,  litière  qu'on  étend  dans  la 
cour  et  dans  les  endroits  où  passe 
le  bétail,  pour  en  faire  du  fumier. 
149. 

strouis,  gl.  stravi,  149. 

stu,  chtu,  assolement,  première  fa- 
çon donnée  à  la  terre,  155. 


taguelguiliat,  gl.   silicernium,  415. 

tan,  feu,  412. 

taù,  silence,  415. 

taùein,  teùel,  se  taire  ;  cesser  (pari. 

de  la  pluie)  ;  faire  cesser,  apaiser, 

415. 
terri,  part,  torret,  briser,  156. 
teuzi,  fondre,  415. 
tossen,  butte,  montagne,  tumulus  : 

Tossen-ar-Run  ;   Tossen-  Maha- 

rit  ;  Tossen- Ruguezec,  165. 


au  tome  XLIII. 


tostal,  flanc  ou  partie  basse  d'une 
colline,  165. 

tostalek,  (terrain)  raboteux,  165. 

tostenn,  tochtën,  butte,  165. 

tré-,  hameau,  455-457. 

treb,  village,  440. 

tref,  territoire  dépendant  d'une  suc- 
cursale de  paroisse,  440.' 

treuz,  qui  est  de  travers,  164. 

tro,  un  tour,  164. 

troed,  pied,  164. 

tromden,  gl.  pervolauit,  409. 


trouc'h,  coupure,  incision,  158. 
trum,  prompt,    diligent;    prompte- 

ment,  vite  ;  (mort)  subite  409. 
trumder,  diligence,  409. 
tuchenn,     butte,    motte,   tumulus  ; 

Tuchenn  Pol,  155,  156. 
tuec,  taie  d'oreiller,  162,  163. 
tus,  pi.  tusset!  int.  pour  faire  tourner 

les  bêtes  à  gauche,  160,  162. 

uc'hel,  (vent)   haut,  soufflant  de  la 
région  entre  est  et  nord,  148. 


P        Revue  Celtique 
LaCelt       t. 43 (1926) 
R 


PLEASE  DO  NOT  REMOVE 
CARDS  OR  SLIPS  FROM  THIS  POCKET 


UNIVERSITY  OF  TORONTO  LIBRARY