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Full text of "Revue critique d'histoire et de littérature"

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N"  27  Quatrième  année  3  Juillet  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE   F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix    d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
2L  suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

^       _  PARIS 

^^^  LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

t7  ,    "^  67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

Tiy  yr  rs.  x  yr  ly  yf  Ç  TT'  TV  T     Histoire  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
•     iVlv_/  iVl  iVl  O  Ci  IM     Alexandre,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8^  5  fr. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  .Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse.  . 


H-ï  X  7  rp  T  T       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
•      VV   IL  1  L.    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  ^  fr.  ro 

Cet  ouvrage  forme  le  3*"  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direaion  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


PT  A  \T  IVf  Î7  T^     ^^  ^^  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 
.     J  A  IN  1  >  lL.    i      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-S^.  2  fr. 

A  r^  A  ^  T'  A  ]\I      ^^  Capitole  de  \'esontio  et  les  Capitoles  pro- 

■**■•       v^Ao   1    /\1>      vinciaux  du  monde  romain.  In-S"  avec  5  pi. 

jfr. 


I 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Liiterarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N°  24.   5  juin. 

Histoire.  Biographie.  Dimitz-,  Urkunden  zur  Reformationsgeschichte  Krains 
(Laibach).  —  Heyne,  Denkwùrdigkeiten  aus  der  Geschichte  der  katholischen 
Kirche  Schlesiens  (Breslau,  Korn).  —  Von  Heister,  Die  Gefangenschaft  Philipps 
des  Grossmùthigen,  1 547-1 552  (Marburg,  Elwert).  —  Klippel,  Das  Leben  des 
Gênerais  von  Scharnhorst,  t.  I  (Leipzig,  Brockhaus).  —  Neuber,  Turenne  als 
Kriegstheoretiker  und  Feldsherr  (Wien,  Gerold).  —  Linguistique.  Zingeri.e, 
Monumenta  Syriaca  ex  romanis  codicibus  collecta,  vol.  I  (Innsbruck,  Wagner; 
publication  importante).  —  Herwerden,  Analecta  critica  (Utrecht,  Beijers; 
conjectures  critiques  sur  un  grand  nombre  de  passages  d'écrivains  grecs).  — 
RiTSCHL,  Neue  plautinische  Excurse.  I.  Auslautendes  D  im  alten  Latein  (cf. 
Rev.  ait.,  1869,  n°  23).  —  Archéologie.  Neubauer,  La  Géographie  du  Talmud 
(Paris,  Lévy),  —  Histoire  de  l'art.  Vosmaer,  Rembrandt  Harmes  van  Rijn  (cf. 
Rev.  crit.,  1869,  n°  23). 

N°  25.  12  juin. 

Théologie.  Wûnsche,  Der  Prophet  Hosea  (Leizig,  Weigel;  bon  travail  d'un 
débutant).  —  Schmidt,  Zur  Inspirationsfrage  (Gotha,  Perthes).  —  Histoire. 
NoACK,  Von  Eden  nach  Golgatha,  biblisch-geschichtliche  Forschungen  (Leipzig, 
Wigand,  2  voll.  ;  ouvrage  savant  mais  très-bizarre).  —  Bodek,  Marcus  Aurelius 
Antoninus  als  Zeitgenosse  und  Freund  des  Rabbi  Jehuda  ha-Nasi  (Leipzig, 
Duncker  und  Humblot;  beaucoup  d'érudition,  peu  de  résultats).  —  Kœpke, 
Hrotsuit  von  Gandersheim  (cf.  Rev.  crit.,  1869,  art.  95). — Vesque  von  Pùtt- 
LiNGEN,  Uebersicht  der  œsterreichischen  Staatsvertraege  seit  Maria  Theresia 
(Wien,  Braumùller).  —  Jurisprudence.  Kappeler,  Der  Rechtsbegriff  des  œffent- 
lichen  Wasserlaufs  (Zurich,  Schulthess).  —  Grotefend,  Das  deutsche  Staats- 
recht-  der  Gegenwart  (Berlin,  Kortkampf).  —  Linguistique.  Histoire  littéraire. 
Aristotelis  de  partibus  animalium  libri  quattuor,  rec.  Langkavel  (Leipzig, 
Teubner;  t.  I  d'une  édition  nouvelle  d'Aristote;  jugement  peu  favorable).  — 
Sedulii  Scotti  carmina  quadraginta,  éd.  Dûmmler  (Halle,  Buchh.  des  Waisen- 
hauses).  —  Jaffé,  Die  Cambridger  Lieder  (Berlin). 

Zeitschrift  fur  vergleichende  Sprachforschung,  hgg.  v.  KuHN.  T.  XVIII, 
3"  livraison. 

Fœrstemann,  Les  Périodes  de  l'allemand  primitif  (p.  161-186.  Essai  ingé- 
nieux d'une  reconstruction  de  l'arbre  généalogique  des  dialectes  germaniques). 
—  Corssen,  Anciens  monuments  osques  en  écriture  grecque  (p.  187-210, 
Commencement  d'un  important  travail  du  célèbre  latiniste).  —  Max  Mùi.ler, 
Gères,  Hophaestos  (p.  211-215;  étymologies  qui  paraissent  assez  douteuses: 
Ceres  =  scr.  sarad  (temps  de  la  récolte)  qui  aurait  une  forme  secondaire  sarâs; 
"HçaiTToç  =  scr.  yâvishtha  (le  plus  jeune),  épithète  fréquente  d'Agni.  —  Comptes- 
rendus  :  de  Stark,  Die  Kosenamen  der  Germanen,  par  M.  Andressen  (p.  216- 
2j6);  de  Dietz,  Wœrîerbuch  zu  Martin  Luthers  deutschen  Schriften,  par  M.  Kuhn 
(p.  236-237).  —  Réponse  de  M.  Clemm  à  l'article  de  M.  Rœdiger  sur  son  livre 
De  compositis  grscis  qu£  a  verbis  incipiunt,  et  réplique  de  M.  Rœdiger  (p.  237- 
240). 

T.  XVKI,  4^=  et  5*^  livraisons  (réunies). 

Corssen,  Anciens  monuments  osques  en  écriture  grecque  (p.  241-258;  suite 
et  fm).  —  Frœhde,  Le  passage  de  Vu  à  Vo  en  latin  (p.  258-263  ;  travail  inté- 
ressant, mais  un  peu  court.  Résultat  :  «  le  passage  immédiat  d'un  u  radical  à  Vo 
«  se  rencontre  d'assez  bonne  heure  dans  le  langage  populaire  ;  la  langue  écrite 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  27  —  3  Juillet  —  1869 

Sommaire  :  125.  Curtius,  Études  sur  la  grammaire  grecque  et  latine.  —  126.  De 
Wailly,  Recueil  de  Chartes  originales  de  Joinville;  Mémoire  sur  la  langue  de  Join- 
ville;  Joinville,  Histoire  de  saint  Louis,  p.  p.  de  Wailly.  —  127.  Hanusch,  les 
faux  Poèmes  tchèques. 


125.  —  Studien  zur  griechischen  iind  lateinischen  Grammatik,  heraus- 
gegeben  von  Georg  Curtius.  Zweites  Heft.  Leipzig,  Hirzel,  1868.  In-8%  297  p.  — 
Prix  :  5  fr.  j^. 

Ce  second  cahier  est  la  continuation  des  études  de  grammaire  grecque  et 
latine  entreprises  par  des  élèves  de  M.  G.  Curtius  et  publiées  sous  la  direction 
de  leur  maître  (Voir  la  Revue  Critique,  1868,  II,  226). 

Qu<£stiones  de  dialecîo  antiquioris  gr£Corum  poesis  elegiacs  et  iambica  scripsit 
J.  G.  Renner  (p.  1-62).  —  C'est  la  suite  et  la  fin  de  recherches  sur  le 
dialecte  des  anciens  poètes  élégiaques  et  iambiques,  dont  le  commencement  avait 
paru  dans  le  premier  cahier  (p.  133).  Ce  travail  paraît  exécuté  avec  soin. 
Voici  les  conclusions  de  M.  Renner  (p.  57-62)  :  Le  dialecte  des  poètes  élégiaques 
diffère  du  dialecte  homérique  sur  quelques  points  importants  (ils  n'emploient  pas 
les  désinences  verbales  lôa,  ^i,  (iscea;  les  suffixes  tv/,  5e.  :■.  sont  rares;  la  pre- 
mière personne  du  singulier  du  subjonctif  ne  se  termine  pas  en  {it,  etc.);  les 
élégiaques  ioniens  présentent  certaines  formes  propres  à  leur  dialecte;  mais 
Tyrtée  et  Théognis  ont  suivi  le  dialecte  épique  beaucoup  plus  que  les  autres  et 
l'ont  même  préféré  au  dialecte  dorien.  Le  dialecte  des  iambographes  ioniens  est 
à  quelques  différences  près  celui  des  prosateurs  ioniens. 

De  Aspiratione  vulgari  apud  Grscos  scripsit  Vilelmus  Henr.  Roscher  (p.  65- 
127).  —  Dans  cette  intéressante  dissertation  M.  Roscher  a  rassemblé  tous  les 
textes  de  grammairiens  et  les  exemples  fournis  par  les  inscriptions,  qui  lui 
paraissent  démontrer  qu'en  grec  les  fortes  ont  eu  de  bonne  heure  une  certaine  ten- 
dance à  l'aspiration,  qui  a  prévalu  peu  à  peu  dans  le  langage  populaire  des  anciens 
Grecs.  Ainsi  Platon  (Cratyle,  406  a)  nous  apprend  que  les  étrangers  prononçaient 
Xrfim  au  lieu  de  Atitw.  nàpo;  était  devenu  <i>âpo?  (Strab.,  7,  315),  njY£).>a,  «Wvsjia 
(Eustathe,  310,  5);  on  trouve  dans  les  inscriptions  yiyô^ix/o-  et  xaroc.  M.  R. 
explique  par  là  comment  un  nom  qui  était  primitivement  Xa>.xr.5wv  est  devenu 
Xakyrfiûiy,  puis  KaXyr.owv  pour  éviter  d'avoir  deux  aspirées  de  suite.  Toutefois  il 
remarque  lui-même  que  les  Hellènes  prononcent  aujourd'hui  tcIw,  i-^-ot^o,  -at^ïv, 
TToy.dtroiJLa-.,  etc.  On  comprend  que  dans  l'écriture,  des  gens  qui  ne  savent  pas  la 
véritable  orthographe,  mais  qui  savent  en  gros  qu'elle  n'est  pas  conforme  à  leur 
prononciation,  substituent  une  forte  à  une  aspirée.  Mais  il  s'agit  ici  de  pronon- 
ciation, et  il  me  semble  difficile  de  nier  que  dans  les  mots  que  nous  venons  de 
citer  l'aspirée  ait  été  remplacée  par  une  forte.  M,  R,  pense  que  les  aspirées 

VIII  t 


2  REVUE    CRITIQUE 

grecques  étaient  plutôt  des  consonnes  soutenues  que  des  consonnes  explosives 
et  que  la  manière  dont  les  Grecs  prononcent  aujourd'hui  /.  est  un  reste  de  l'an- 
cienne prononciation.  L'orthographe  qui  se  rencontre  dans  des  inscriptions, 
àvaTETeEtfjievot;  pouT  àvarz^iciy.ivoi:;  lui  paraît  Confirmer  Cette  manière  de  voir.  C'est 
ainsi  qu'il  explique  que  ôytç  ait  pu  être  employé  avec  la  première  syllabe  longue 
(II.,  12,  io8). 

Einige  Bemerkungen  iiber  i  und  v  itn  griechischen  (quelques  -remarques  sur 
t  et  y  en  grec)  von  B.  Delbrûck  (p.  131-140).  —  M.  Delbruck,  dans  cette 
dissertation  de  grammaire  comparée,  traite  du  changement  de  Va  en  /  et  en  u 
qui  se  remarque  dans  le  grec  -/.piûiQ  de  x.ap8r„  x?^aà;  de  x^p^o  et  dans  quelques 
autres  mots  :  changement  que  M.  D.  rapproche  de  celui  de  Va  dans  les  verbes 
sanscrits  en  ar  qui  sont  terminés  par  un  r  long,  îar,  tîryât,  par,  pûryât. 

De  productione  syllabarum  suppletoria  lingu£  latine  scripsit  Edmundus  Goetze 
(p.  143-190).  —  M.  Goetze  a  rassemblé  tous  les  mots  latins  où  une  voyelle 
brève  suivie  primitivement  de  deux  consonnes  a  été  allongée  par  compensation 
après  l'élimination  de  la  première  de  ces  deux  consonnes,  comme  dans  divisi,  de 
divissi,  dividsi,  futilis  de  futtilis,  fudtilis,  dirumpere  de  dirrumpere,  disrumpere, 
pedere  de  perdere,  ceres  de  ceres-s,  abies  de  abiets,  etc.  Il  trouve  108  mots  oij  la 
voyelle  a  été  allongée  et  16  où  elle  est  restée  brève. 

Quaestiones  de graecae  tragoediae  dialecto,  scripsit  Bernardus  Gerth  (p.  193-269). 
—  M,  Gerth  traite  des  formes  attiques  archaïques,  des  formes  épiques  et  des 
mots  doriens  qui  se  rencontrent  chez  les  tragiques  grecs.  Il  pense  et  il  me  paraît 
établir  par  des  raisons  plausibles  que  les  tragiques  conservaient  la  diphthongue 
dans  xato),  x),aîw,  aîsTo;,  èXaia,  'Ayadi  devenus  dans  la  langue  vulgaire  attique 
xàu,  xXâw,  àsTô;,  £).âa,  qu'ils  employaient  aid  comme  spondée,  àù  comme  iambe, 

qu'ils  disaient  ).a6;,  vaûç,  t),aoç,  x),ï);,  x),r)w,  etC,   èoLaûf,;,  i^Sr. ,  755r,ç,   v^Set  OU  viosiv, 

enfin  il  pense  avec  Bergk  que  la  seconde  personne  du  singulier  du  moyen  et  du 
passif  conservait  chez  eux  la  forme  ancienne  en  rj  à  laquelle  le  dialecte  commun 
est  revenu.  Quant  aux  mots  qui  ne  sont  pas  du  dialecte  attique  et  auxquels  les 
tragiques  ont  conservé  aussi  leurs  formes  étrangères,  M.  G.  fait  la  remarque 
intéressante  qu'ils  les  ont  pris  non  pas  à  Homère  mais  à  la  poésie  lyrique,  qui  est 
si  intimement  liée  avec  la  tragédie.  Cette  dissertation  semble  très-instructive  et 
très-bien  faite. 

Le  volume  se  termine  par  des  remarques  de  M.  G.  Curtius  sur  la  prononcia- 
tion des  diphthongues  at  et  ot,  le  sens  de  la  formule  homérique  d  tiot'  er.v  et  le 
mot  6),o'T\jp6ç.  M.  C.  signale  fort  ingénieusement  dans  les  crases  Kàytô,  (loOSoxst 
un  témoignage  de  la  prononciation  des  diphthongues  «i  et  ot.  Si  elles  avaient  été 
prononcées  comme  les  Grecs  les  prononcent  aujourd'hui,  elles  n'auraient  pas 
donné  dans  les  crases,  phénomènes  du  langage  vulgaire  et  quotidien,  a  ni  ou;  il 
fallait  que  Va  et  Vo  se  fissent  bien  entendre. 

La  direction  que  M.  Curtius  donne  aux  travaux  de  ses  élèves  me  semble 
excellente;  et  on  ne  saurait  trop  la  recommander  dans  notre  pays.  La  grammaire 
comparée,  au  point  où  elle  est  parvenue  aujourd'hui,  ne  peut  faire  de  progrès 
que  par  l'étude  des  grammaires  spéciales  des  langues  que  l'on  compare.  Ensuite 


d'histoire  et  de  littérature.  3 

il  en  est  de  l'étymologie  en  grammaire,  comme  de  la  poésie  et  de  l'éloquence  en 
littérature  :  elle  ne  supporte  pas  la  médiocrité  ;  et  je  dirais  volontiers  qu'en  éty- 
mologie  //  n'est  pas  de  degrés  du  médiocre  au  pire.  Un  homme  intelligent  et  labo- 
rieux peut  rendre  les  plus  grands  services  à  la  science  en  étudiant  à  fond  un 
point  particulier  de  grammaire  sanscrite,  grecque,  latine,  française,  etc.  Mais  si, 
comme  on  n'y  est  que  trop  disposé  aujourd'hui  en  France ,  l'on  compare  le 
sanscrit,  le  zend,  le  grec,  le  latin,  le  gothique,  le  slavon  ecclésiastique  sans 
savoir  décliner  lozovùr,;  ni  conjuguer  -r-er.ai.  si  l'on  veut  planer  dans  les  régions 
supérieures  au-dessus  des  langues  indo-européennes,  on  se  perd  dans  le  brouil- 
lard et  la  chimère.  Charles  Thurot. 


126.  —  Recueil  de  chartes  originales  de  Joinville  en  langue  vulgaire, 

publié  par  M.  N.  de  Wailly,  membre  de  l'Institut.  Paris,  typ.  Laine  et  Havard, 
1868.  Gr.  in-8*,  56  p.  (Extrait  de  la  Bibl.  de  l'École  des  Chartes,  6*  série,  t.  III). 

Mémoire  sur  la  langue  de  Joinville,  par  le  même.  Paris,  Franck,  1868.  Gr. 
in-8*,  1  )0  p.  (Extrait  de  la  Bibl.  de  l'École  des  Chartes,  6'  série,  t.  IV). — Pri.x  :  4  fr. 

Histoire  de  saint  Ijouis  par  Jean  sire  de  Joinville,  suivie  du  Credo  et  de  la  lettre 
à  Louis  X;  texte  ramené  à  l'orthographe  des  chartes  du  sire  de  Joinville  et  publié  pour 
la  société  de  l'Histoire  de  France,  par  M.  Natalis  de  Wailly.  Paris,  Renouard,  1868. 
In-8*,  xliij-410  p.  —  Prix  :  9  fr.  ' 

M.  de  Wailly,  poursuivant  avec  méthode  le  cours  de  ses  travaux  sur  Joinville, 
est  arrivé  en  dernier  lieu  à  nous  donner  de  l'historien  de  saint  Louis  une  édition 
qui,  jusqu'à  la  découverte  d'un  nouveau  ms.,  peut  être  considérée  comme  à  peu 
près  définitive. 

Récapitulons  la  série  de  ces  travaux  dont  chacun  marque  un  pas  vers  le  résultat 
aujourd'hui  obtenu. 

En  1865  M.  de  W.  publia  en  un  petit  volume  à  bon  marché  une  traduction 
rigoureusement  exacte  de  Joinville,  pour  laquelle  il  avait  collationné  à  nouveau 
les  deux  mss.  connus  jusqu'alors  de  cet  auteur,  et  emprunté  pour  la  première 
fois  au  plus  récent  (ms.  dit  de  Lucques),  un  certain  nombre  de  bonnes  leçons. 
Par  là  cette  traduction  était  en  progrès  sur  le  texte  donné  par  Daunou  dans  le 
t.  XX  des  Historiens  de  France. 

En  1867  parut  l'édition  luxueuse  dont  la  Revue  critique  a  rendu  compte  (1867, 
art.  29).  La  traduction  de  1865,  revue  et  perfectionnée  sur  quelques  points,  y 
était  placée  en  regard  d'un  texte  qui  reproduisait  exactement  pour  l'écriture  '  le 
ms.  le  plus  ancien  (dit  de  Bruxelles,  ou  A),  empruntant,  comme  le  faisait  déjà 
pressentir  la  traduction  de  1 86  5 ,  d'assez  nombreuses  variantes  au  ms.  de  Lucques. 
En  outre,  un  troisième  ms.  tout  à  fait  identique  au  ms.  de  Lucques,  celui  de 
M.  Brissart-Binet,  était  pour  la  première  fois  utilisé,  et  permettait  à  l'éditeur  de 
contrôler  d'un  bout  à  l'autre  le  texte  du  ms.  A,  ce  que  ne  permettait  pas  le  ms. 
de  Lucques  qui,  par  suite  de  l'enlèvement  de  plusieurs  feuillets,  ofîrait  deux 
lacunes  assez  considérables. 


I .  J'avertis  une  fois  pour  toute  que  j'emploie  écriture  au  sens  de  l'anglais  spelling;  le 
terme  orthographe,  dont  on  se  sert  fréquemment  en  ce  sens,  a  l'inconvénient  de  donner,  par 
son  étymologie,  l'idée  d'un  système  de  notation  rigoureusement  fixé  comme  en  français 
moderne. 


4  REVUE  CRITIQUE 

Dès  lors  nous  étions  en  possession  d'un  texte  bien  lu  et  bien  compris,  dans 
lequel  on  n'était  plus  arrêté  à  chaque  page,  comme  dans  les  éditions  précédentes, 
par  des  passages  inintelligibles,  et  qui  pouvait  légitimement  prétendre  à  repré- 
senter exactement,  pour  les  leçons,  la  rédaction,  ou  si  l'on  veut,  la  dictée  de 
Joinville.  Pour  les  leçons,  mais  non  pour  l'écriture,  car  avec  les  habitudes  des 
copistes  du  moyen-àge,  on  ne  pouvait  s'attendre  à  trouver  dans  un  texte  écrit 
vers  le  milieu  du  xiV'  siècle,  plutôt  après  1350  qu'avant  (c'est  l'époque  qu'on 
peut  assigner  au  ms.  .4),  les  formes  de  la  langue  usitée  au  temps  où  Joinville 
dictait  son  livre,  c'est-à-dire  un  demi-siècle  plus  tôt.  M.  de  W.,  dont  l'attention 
était  dirigée  de  ce  côté,  ne  l'ignorait  point;  il  avait  même  signalé  dans  la  notice 
préliminaire  de  son  édition  de  1867,  chez  le  copiste  du  ms.  de  Bruxelles,  un 
certain  nombre  de  méprises  qui  indiquaient  clairement  dans  le  ms.  primitif 
l'existence  de  formes  plus  anciennes,  notamment  des  pluriels  pour  des  singuliers 
(confusion  provenant  de  Vs  caractéristique  du  singulier  dans  l'ancienne  langue, 
et  de  la  forme  commune  au  cas  sujet  de  l'art,  masc.  sing.  et  plur.,  li).  J'ai  rap- 
porté d'après  M.  de  W.  dans  l'article  précité  (1867,  I,  89)  un  certain  nombre 
de  ces  erreurs  et  M.  de  W.  en  a  noté  quelques  autres  dans  sa  nouvelle  édition  '. 

Mais,  si  on  pouvait  poser  en  principe  que  les  formes  usitées  à  la  fm  du 
xiii*^  siècle  et  au  commencement  du  xiv%  devaient  être  introduites  dans  le  texte 
de  Joinville,  on  n'avait  cependant  aucun  moyen  de  résoudre  avec  certitude  ces 
petits  problèmes  qui  se  présentent  en  foule  dès  qu'on  entreprend  de  restituer 
non  pas  seulement  les  leçons,,  mais  encore  l'écriture  d'un  texte.  Sans  doute  il 
était  aisé  de  rétablir  les  formes  de  la  déclinaison  dans  les  cas  si  fréquents  (peut- 
être  neuf  fois  sur  dix)  oh  le  copiste  du  ms.  de  Bruxelles  les  avait  supprimées.  Les 
formes  de  la  conjugaison  souvent  modernisées  par  le  même  copiste  présentaient 
déjà  plus  de  difficultés,  mais  enfin  pouvaient  aussi  sans  trop  d'incertitude  être 
ramenées  à  leur  état  ancien.  Mais  dès  qu'on  voulait  aborder  la  notation  des  sons, 
les  questions  se  multipliaient  et  devenaient  insolubles  ^/^r/on'.  Comment  se  décider, 
par  exemple,  entre  les  finales  or  et  our,  os  et  ous,  âge  et  aige?  Ce  sont  là  des 
points  qui  pourront  sembler  de  bien  faible  importance,  mais  à  l'égard  desquels 
cependant  il  devenait  indispensable  de  prendre  une  décision,  dès  qu'on  recon- 
naissait la  nécessité  de  restituer  au  texte  de  Joinville  sa  forme  originale. 

En  1866*  M.  de  W.  était  tellement  frappé  de  ces  difficultés  que  la  restitution 
du  texte  de  son  auteur  lui  apparaissait  comme  une  œuvre  où  l'arbitraire  aurait 
la  plus  grande  part.  La  Revue  critique,  sans  partager  cette  défiance,  approuva  la 
réserve  de  l'éditeur,  d'abord  parce  qu'il  importait  avant  tout  que  le  ms.  le  plus 
ancien  fût  fidèlement  publié,  ensuite  parce  que  les  éléments  d'une  restauration 
du  texte  de  Joinville  n'étaient  pas  encore  rassemblés.  «  Il  est  une  voie  détournée,  » 
disions-nous  alors  «  par  laquelle  on  arrivera  probablement  à  éclaircir  tous  les 
))  doutes  qui  restent  sur  la  langue  de  Joinville:  l'étude  des  documents  diplo- 
»  matiques.  M.  de  W.  a  réuni  en  assez  grand  nombre  les  chartes  émanées  de 
»  Jean  de  Joinville,  et  il  prépare  à  l'aide  de  ces  éléments  nouveaux  un  mémoire 

1.  Voir  les  notes  qui  accompagnent  les  spécimens  des  mss.  de  Bruxelles  et  de  Lucques, 
p.  xxix-xxxv. 

2.  L'édition  est  datée  de  1867,  mais  elle  parut  à  la  fin  de  l'année  1866. 


d'histoire  et  de  littérature.  5 

«  sur  la  langue  de  ce  personnage.  C'est  alors  seulement  qu'on  pourra  entre- 
«  prendre  avec  méthode  la  restitution  du  texte  de  Joinviile  »  (1867  [9  févr,], 
I,  90).  Et  en  eflfet,  à  peine  M.  de  \V.  avait-il  publié  son  édition,  que,  désireux 
de  vérifier  le  bien  fondé  de  ses  doutes  sur  la  possibilité  de  restituer  le  texte 
primitif,  il  réunissait  en  aussi  grand  nombre  que  possible  et  étudiait  minutieuse- 
ment les  chartes  originales  émanées  de  la  chancellerie  du  compagnon  de  saint 
Louis.  De  cette  recherche  est  d'abord  sorti  un  recueil  de  5 1  chartes  toutes 
publiées  d'après  les  expéditions  originales.  Pour  !e  dire  en  passant,  ce  recueil 
n'offre  pas  seulement  le  genre  d'intérêt  qu'y  recherchait  particulièrement  son 
auteur  :  c'est  encore  une  précieuse  série  de  documents  pour  l'histoire  du  sire  de 
Joinviile.  Le  bon  seigneur,  très-attentif  à  ses  intérêts  comme  on  le  voit  en  plus 
d'un  endroit  de  ses  mémoires  sur  saint  Louis ,  surveillait  de  près  la  rédaction 
des  actes  de  sa  chancellerie.  .Au  bas  d'une  pièce  contenant  une  donation  au  profit 
du  prieuré  de  Réraonvaux  (dioc.  de  Toul),  il  ajoute  de  sa  main  une  recomman- 
dation expresse  pour  hâter  l'exécution  de  la  donation  '  ;  au  dos  d'une  longue 
charte  relative  à  la  ville  de  Vaucouleurs,  il  écrit  ce  fut  fait  par  moy^.  En  dépit 
même  de  la  sécheresse  imposée  aux  documents  diplomatiques,  on  sent  parfois 
apparaître  dans  ces  actes  sa  personnalité;  ainsi  dans  cette  pièce  où  Joinviile  expose 
qu'on  lui  a  apporté  une  charte  de  son  père,  lui  demandant  de  la  renouveler: 
le  sceau  n'était  pas  bien  entier,  et  il  pouvait  y  avoir  matière  à  chicane  ; 
Joinviile  fit  apporter  d'autres  lettres  scellées  du  sceau  de  son  père,  et  ayant 
constaté  par  la  comparaison  l'authenticité  du  sceau  endommagé  qu'on  lui  pré- 
sentait, il  accorda  le  vidimus  demandé?.  Sans  doute  il  se  souvenait  que  saint 
Louis  avait  jugé  de  même  dans  une  circonstance  analogue 4.  Jean  de  Joinviile 
est  un  personnage  assez  considérable  pour  mériter  une  étude  détaillée  ;  nous 
espérons  que  M.  de  W.,  si  bien  préparé  par  ses  travaux  sur  les  historiens  du 
xm*  siècle  en  général  et  notamment  sur  l'époque  de  saint  Louis,  ne  laissera  pas 
à  un  autre  le  soin  d'écrire  une  biographie  dont  il  a  rassemblé  dans  son  Recueil 
les  meilleurs  matériaux. 

Le  Mémoire  sur  la  langue  de  Joinviile  est  le  relevé  de  tous  les  faits  grammati- 
caux qu'offrent  les  chanes  du  recueil  précité.  Des  statistiques  que  M.  de  W.  a 
dressées  de  l'emploi  de  telle  forme  en  un  nombre  de  cas  déterminé,  est  résultée 
pour  lui  la  preuve  que  les  lois  grammaticales  étaient  observées  avec  beaucoup 
plus  de  fixité  qu'il  ne  l'avait  supposé  d'abord,  et  qu'en  y  conformant  le  texte  de 
Joinviile  on  ne  laisserait  qu'une  part  très-restreinte  à  l'arbitraire.  M.  de  W.  a 
exprimé  à  cet  égard  sa  conviction  en  des  termes  que  je  crois  utile  de  repro- 
duire. «  J'exprimais,  »  dit-il  au  début  de  son  mémoire,  «  le  regret  qu'il  ne  fût 
»  pas  possible  de  déterminer  dans  quelle  mesure  ces  altérations  (celles  que  les 
»  copistes  avaient  fait  subir  au  texte  de  Joinviile)  s'étaient  produites,  et  après 

i.  Ruuàl  de  M.  de  Wailly,  pièce  cotée  U;  Bibl.  de  fÊc.  des  Ch.,  4*  série,  III,  61. 
La  Bibl.  donne  un  fac-similé  de  cette  pièce. 

2.  Recueil,  pièce  cotée  W. 

3.  Voy.  la  pièce  T  dans  le  recueil  de  M.  de  Wailly. 

4.  Joinviile,  p.  44-46.  —Je  cite  d'après  l'édition  de  1867  dont  la  pagination  est  repro- 
duite sur  les  marges  de  l'édition  récente. 


6  REVUE   CRITIQUE 

»  avoir  fait  observer  qu'il  n'y  a  pas  de  texte  du  même  temps  où  les  règles  de  la 
)>  grammaire  aient  été  constamment  suivies,  j'arrivais  à  conclure  que  c'eût  été 
»  une  opération  arbitraire  que  de  ramener  le  plus  ancien  manuscrit  de  Joinville 
»  à  une  orthographe  dont  l'observation  ne  fut  jamais  absolue.  Je  regrette  d'au- 
»  tant  moins  d'avoir  émis  cette  opinion  et  pratiqué  cette  méthode,  que  j'obtien- 
»  drai  peut-être  plus  de  crédit  en  me  chargeant  moi-même  de  démontrer  aujour- 
»  d'hui  que  je  me  trompais  alors,  et  qu'il  faut  changer  d'opinion  comme  de 
»  méthode  pour  donner  une  bonne  édition.  » 

Ce  changement  d'opinion,  si  franchement  reconnu,  ne  peut  étonner  ceux  qui, 
par  d'autres  voies,  notamment  par  l'examen  des  rimes,  se  sont  convaincus  que 
l'anarchie  est  plus  apparente  que  réelle  dans  la  langue  du  moyen-âge,  et  qu'on 
peut  dans  beaucoup  de  cas  dégager  avec  certitude  des  textes  transmis  par  les 
copistes  la  leçon  originale  d'un  auteur.  Ils  ne  peuvent  que  se  féliciter  de  rencon- 
trer en  M.  de  W.  un  auxiliaire,  non  point  persuadé  par  les  raisonnements 
d'autrui,  mais  éclairé  par  sa  propre  expérience.  Nous  croyons  du  reste  que  dans 
des  essais  du  genre  de  celui  que  M.  de  W.  a  tenté  sur  Joinville,  l'excès  de  har- 
diesse n'est  point  un  danger  une  fois  que  la  leçon  des  mss.  a  été  rendue  facile- 
ment accessible  par  une  édition  exacte  ;  et  d'un  autre  côté,  il  est  manifeste  que 
la  connaissance  de  notre  ancienne  langue  fera  des  progrès  infiniment  plus  rapides 
que  par  le  passé,  dès  que  les  éditeurs  se  croiront  tenus  de  produire  des  textes 
non  pas  seulement  intelligibles,  mais  encore  conformes  à  des  règles  dont 
l'existence  est  incontestable,  et  qui  ont  seulement  besoin  d'être  déterminées  plus 
exactement  qu'elles  ne  l'ont  été  jusqu'à  présent  et  en  tenant  mieux  compte  des 
temps  et  des  lieux. 

Le  mémoire  de  M.  de  W.  se  divise  en  deux  parties  :  i°  De  l'orthographe  dans 
ses  rapports  avec  la  grammaire;  2°  De  l'orthographe  dans  ses  rapports  avec  la  pro- 
nonciation. Autrement  dit,  pour  employer  des  expressions  plus  précises  et  main- 
tenant généralement  reçues  dans  ces  études,  la  première  partie  traite  de  \a  flexion 
et  la  seconde  la  phonétique.  Suit  un  vocabulaire  ou  index  de  tous  les  mots 
contenus  dans  les  chartes  et  rangés  selon  l'ordre  alphabétique  sous  un  certain 
nombre  de  rubriques  qui  correspondent  assez  bien  à  la  disposition  suivie  dans  la 
première  partie.  La  première  division  est  consacrée  au  sujet  singulier  masculin 
(comprenant,  en  autant  de  sous-divisions,  l'article,  les  subst.,  les  noms  d'hom- 
mes, les  adj.,  les  pronoms,  les  participes);  puis  la  même  série  se  reproduit  pour 
le  cas  régime,  pour  les  deux  cas  du  plur.  du  sujet  masc,  pour  le  féminin  sing.  et 
plur.,  et  pour  le  neutre,  où  M.  de  W.  a  rassemblé  nombre  d'observations  aussi 
intéressantes  que  neuves.  Vient  ensuite  l'index  des  noms  de  lieux  et  des 
noms  de  nombres,  des  diverses  formes  des  verbes  (classées  par  temps),  enfin 
des  mots  invariables.  Je  ne  puis  m'empêcher  de  trouver  que  cette  disposition 
pourrait  être  avantageusement  simplifiée.  Sans  doute  il  faut  mettre  à  part  l'article 
et  les  pronoms,  dont  la  déclinaison  offre  des  formes  toutes  particulières;  mais, 
pour  le  reste,  à  quoi  bon  recommencer  quatre  fois  la  série  de  chacun  des  quatre 
cas  de  l'ancienne  déclinaison  ?  à  savoir  :  1°  pour  les  subst.,  2«  pour  les  noms 
d'hommes,  3°  pour  les  adj.,  4"  pour  les  participes.  Tous  ces  mots  se  comportant 
de  même  au  même  cas,  il  y  avait  lieu  de  les  fondre  en  une  seule  série.  Ou,  si 


d'histoire  et  de  littérature.  7 

on  voulait  subdiviser,  la  subdivision  aurait  dû  prendre  pour  base  la  forme  et  non 
la  qualité  des  mots  ;  ainsi  on  pouvait  réunir  sous  une  rubrique  spéciale  les  mots 
où  l'accent  change  de  place  (emperere-empereor). 

Les  recherches  de  M.  de  W.  ont  été  conduites  avec  un  esprit  si  indépendant 
de  toute  idée  préconçue ,  ses  dépouillements  ont  été  si  complets  que  les 
résultats  ne  pouvaient  être  autre  que  ce  qu'ils  sont,  c'est-à-dire  absolument  sûrs. 
La  critique  ne  peut  ici  trouver  matière  à  objection  que  dans  l'ordre  selon  lequel 
les  faits  sont  présentés  et  dans  l'explication  de  certains  d'entre  eux,  mais  non 
point  dans  les  faits  eux-mêmes. 

Ce  que  j'ai  à  dire  relativement  à  l'ordre  suivi  par  M.  de  W.  s'applique  seule- 
ment à  la  seconde  partie  de  son  Mémoire,  celle  qui  traite  de  l'orthographe  dans  ses 
rapports  avec  la  prononciation.  Il  n'est  pas  contestable  qu'il  règne  dans  cette  partie 
une  certaine  confusion.  Malgré  des  efforts  visibles  pour  mettre  chaque  chose  en 
son  lieu,  il  arrive  souvent  que  des  faits  semblables  sont  séparés  et  des  faits  diffé- 
rents (ou  du  moins  dus  à  des  causes  différentes)  réunis.  On  doit  regretter  que 
M.  de  W.  ne  se  soit  pas  tenu  de  plus  près  à  la  méthode  adoptée  maintenant 
dans  les  grammaires  scientifiques.  Sans  doute  il  s'en  écarte  moins  que  la  plupart 
de  ceux  à  qui  nous  avons  dû  adresser  la  même  critique  ',  et  par  exemple  il 
distingue  avec  soin  les  voyelles  toniques  des  atones,  ce  qui  est  de  première  im- 
portance, mais  d'autres  circonstances  ne  sont  pas  observées  qui  devraient  l'être, 
et  par  exemple  l'influence  de  la  position,  et  celle  qu'exerce  sur  le  son  le  voisi- 
nage de  certaines  lettres.  Au  lieu  d'entreprendre  une  critique  détaillée,  dont 
l'utilité  ne  compenserait  pas  la  longueur,  puisqu'il  s'agit  ici  non  de  contester  les 
faits,  mais  simplement  d'en  réformer  le  classement,  j'essaierai  de  résumer  selon 
la  méthode  usitée  dans  les  grammaires  scientifiques,  les  résultats  exposés  par 
M.  de  W.  dans  l'un  des  paragraphes  de  la  seconde  partie  de  son  mémoire,  et  je 
prendrai  pour  exemple  le  premier,  celui  qui  est  consacré  à  a,  ai,  au  (p.  56-9)  : 

a  tonique,  répond  à  a  tonique  latin  dans  çà,  jà,  là,  à  la  troisième  pers.  sing.  prés, 
du  verbe  avoir  (a  =  habef)  et  par  conséquent  à  la  même  personne  du  futur  des 
verbes  de  toute  conjugaison.  Cet  a  ne  devait  pas  être  toujours  prononcé  aussi 
purement  que  dans  l'île  de  France,  car  on  rencontre  aussi  dans  les  chartes  de 
Joinville  çai,  jai,  lai,  Nicholais,  formes  toutes  lorraines  qui  prouvent  l'hésitation 
des  scribes.  Une  fois  ai  pour  a  Qiabet)  dans  la  charte  g,  1.  4,  mais  néanmoins 
jamais  cette  notation  n'apparaît  à  la  3"^  pers.  du  futur.  —  a  dans  la  {illa),  ma 
(mea'),  ne  passe  point  à  Vai,  non  plus  qu'en  lorrain. 

a  tonique  se  rencontre,  suivi  de  /,  dans  hannal,  leal,  ou  loial,  ospitat,  val.  Aux 
cas  qui  prennent  1'^  caractéristique  du  sujet,  cet  /  se  vocalise,  comme  partout  en 
langue  d'oil  :  chevaus  ou  chevaux,  etc.,  mais  ce  qui  est  rare,  c'est  que  la  vocali- 
sation a  parfois  lieu  en  l'absence  de  l'5;  ainsi  vau  pour  val,  cas  peut-être  unique 
dont  l'explication  pourrait  être  cherchée  dans  la  brièveté  de  ce  mot,  qui  ne  faisait 
pour  ainsi  dire  qu'un  avec  le  mot  commençant  par  une  consonne  devant  lequel  il 
se  trouvait  placé  2.  —  On  trouve  aussi  bannaul,  leauL,  ospitaul,  vaul,  où  /  a 


1.  Voy.  par  ex.  Rtv.  crit.,  1866.  I,  p.  559-60,  1869,  p.  250-1. 

2.  Car  les  exemples  de  cette  forme  nous  la  montrent  lonjours  suivie  d'un  mot  corn- 


8  REVUE  CRITIQUE 

engendré  derrière  lui  un  u,  faisant  passer  a  au  son  au  (prononcé,  non  pas  o 
comme  de  nos  jours,  mais  sans  doute  ao,  comme  en  provençal).  Cela  est  lorrain. 

a  en  position  persiste  :  grâce  {gratja),  usage  (usât'cum)  et  tous  les  mots  en  âge, 
Jaque  (Jâc'bus).  Ces  mêmes  mots  passent  aussi  à  Vai  {graice,  usaige,  Jaiquè),  à 
la  façon  lorraine.  On  ne  trouve  même  qu'avec  cette  notation  aingle  (angulus), 
plainche,  qui  sans  doute  pouvaient  s'écrire  aussi  angle,  planche. 

a  en  position  peut  passer  à  au  lorsque  la  seconde  des  deux  lettres  formant 
position  est  /  ;  estauble,  permenaublement  '_,  à  côté  desquels  on  trouve  aussi  estable, 
permenablemenî.  Estauble  est  à  estable  ce  que  bannaul  est  à  bannal. 

a  avant  la  tonique  se  rencontre  dans  les  mêmes  cas  qu'en  français.  Cependant 
ai  s'introduit  dans  airable,  airdoir,  formes  lorraines,  qui  n'excluent  pas  dans  les 
mêmes  pièces  la  forme  plus  générale  arable,  ardoir.  —  a  avant  la  tonique  se 
rencontre  encore  dans  achatez,  fasole,  formes  lorraines  à  côté  desquelles  on 
trouve  achetée,  achetour,  fesoie.  —  Faisoie,  qui  se  trouve  aussi,  est  une  forme 
lorraine  qui  a  passé  par  l'intermédaire  fasoie.  Elle  n'est  point  à  confondre  avec  le 
faisais  de  notre  orthographe  actuelle,  ou  le  ai  de  la  première  syllabe  n'a  rien  de 
lorrain,  mais  a  été  simplement  adopté,  à  une  époque  relativement  récente,  parce 
qu'il  se  trouvait  à  l'inf.  faire.  La  forme  purement  française  est  fesoie. 

ai  se  rencontre  comme  forme  lorraine  dans  les  cas  ci-dessus  mentionnés; 
comme  forme  ordinaire  dans  les  mêmes  cas  qu'en  français,  c'est-à-dire  avant  la 
nasale:  chapelain,  main,  plaine,  etc.  (Diez,  I,  137),  et  lorsqu'il  se  combine  avec 
c,  par  ex.  dans /a/?  (Diez,  I,  240).  —  Anniversaire,  douaire,  contraire,  etc.,  sont 
des  formes  savantes  :  la  finale  arius,  donnant,  selon  les  lois  générales  de  la  langue 
ier;  —  contrare,  usuare,  offrent  cette  même  finale  savante,  mais  prononcée  à  la . 
lorraine. 

On  voit  que  le  dialecte  de  la  seigneurie  de  Joinville  était,  par  ses  formes 
tout  aussi  bien  que  par  sa  position  géographique,  intermédiaire  entre  le  français 
de  l'Ile  de  France  et  le  lorrain,  conclusion  qu'on  peut  étendre  d'une  manière 
générale,  sauf  à  vérifier  chaque  détail,  à  toute  la  Champagne.  J'incline  même  à 
croire  qu'à  Joinville  la  prononciation  était  plus  lorraine  qu'on  ne  le  supposerait  à 
considérer  l'écriture.  Toutes  les  chartes  du  recueil  formé  par  M.  de  W.  sont,  à 
part  la  première,  de  la  seconde  moitié  du  xiir  siècle,  ou  des  premières  années 
du  XI v%  et  à  cette  époque  le  français  de  F'rance  faisait  déjà  sentir  son  influence, 
sinon  dans  la  prononciation,  du  moins  dans  l'écriture. 

La  langue  de  Joinville  étant  une  fois  fixée  dans  tous  ses  détails  par  l'examen 
des  chartes,  la  restauration  du  texte  devenait  une  œuvre  de  patience  et  de  soin. 
M.  de  W.  s'en  est  acquitté  avec  la  scrupuleuse  attention  dont  il  a  donné  depuis 
longtemps  la  preuve  en  des  travaux  d'un  tout  autre  genre,  et  n'a  laissé  subsister 
des  formes  du  ms.  A  que  celles  qu'autorisaient  les  chartes.  En  se  livrant  à  cette 

mençant  par  une  consonne:  « entre  lou  vau  Raou  et  lou  vati  de  Wassey  jusqu'à  lou 

vaii  Joffroi.  »>  Charte  h,  I.  72-3. 

I.  Il  peut  sembler  inexact  de  à\n  que  permenaublement  a  l'accent  sur  (7/j;  je  pense  cepen- 
dant (jue  dans  les  adverbes  ainsi  formés  le  suffixe  ment  n'était  pas  tellement  joint  à  l'adj. 
qu'il  I  empêchât  de  garder  son  acceniualion  propre. 


d'histoire  et  de  littérature.  9 

opération  délicate,  M.  de  W.  a  trouvé  dans  ce  manuscrit  mainte  trace  de  la 
leçon  primitive  qui  lui  avait  échappé  deux  ans  auparavant^  alors  qu'il  se  préoccu- 
pait moins  de  la  forme  des  mots  que  de  leur  sens.  L'un  des  faits  les  plus  inté- 
ressants à  cet  égard  est  celui-ci  :  On  lit  dans  le  ms.  A  :  «  dont  ce  fu  aussi  comme 
»  une  prophecie  de  la  grant  foison  de  gens  qui  moururent  en  ce  douz  croise- 

))  ment de  ceulz  qui  en  ce  douz  pèlerinage  moururent  vrais  croisiez.  »  Il  est 

certain  que  le  copiste  a  entendu  «  doux  »  (dulcis),  et  il  ne  l'est  pas  moins  qu'il 
faut  entendre  «  deux  »  (duo).  Aussi  M.  de  W.  n'avait-il  pas  hésité  à  corriger  : 

«  ces  deux  croisemens ces  deux  pèlerinages»  (p.   48),  s'autorisant  de  la 

leçon  du  ms.  de  Lucques.  Mais,  si  cette  fois  l'auteur  de  la  rédaction  représentée 
par  les  mss.  de  Lucques  et  Brissart-Binet  a  mieux  compris  la  leçon  de  l'original 
que  le  scribe  du  ms.  A,  il  est  indubitable  qu'il  ne  lui  a  pas  conservé  sa  forme 
primitive,  et  que  cette  forme  nous  est  clairement  indiquée  par  Le  contre-sens  du 
ms.  A  :  «  deux  »  est  dous  dans  les  chartes  de  Joinville  {Mémoire,  p.  îi)  et 
M.  de  W.  a  pu  restituer  avec  toute  certitude  dans  sa  nouvelle  édition  :   «  ces 

»  dous  croisemens ces  dous  pelerinaiges.  >'  Des  faits  aussi  décisifs  achèvent 

de  légitimer  une  entreprise  déjà  justifiée  par  cette  seule  considération  que  Join- 
ville a,  selon  toutes  les  probabilités,  dicté  ses  Mémoires  à  l'un  des  clercs  de  sa 
chancellerie,  à  l'un  de  ceux  qui  ont  écrit  les  chartes  que  nous  possédons. 

Pour  qu'on  puisse  juger  du  nombre  de  corrections  qu'a  dû  subir  le  texte  de 
l'édition  de  1 867  et  en  même  temps  prendre  une  idée  du  rapport  des  deux  leçons 
manuscrites  avec  l'original  supposé,  je  donnerai  ici  en  colonnes  parallèles  un 
court  passage  (44  D)  d'après  les  trois  leçons  :  1°,  au  milieu,  le  texte  original 
représenté  par  la  restitution  de  M.  de  W.;  2°  et  5°,  à  gauche  et  à  droite,  les  textes 
des  deux  mss.  de  Bruxelles  et  de  Lucques  : 


Ms.  de  Bruxelles. 

La  paix  qu'il  fist  au  roy 
d'Angleterre  fist  il  contre  la 
volenté  de  son  conseil,  lequel 
il  disoit  :  «  Sire,  il  nous  sem- 
ble que  vous  perdes  la  terre 
que  vous  donnez  au  roy  d'An- 
gleterre, pour  ce  que  il  n'i  a 
droit,  car  son  père  la  perdi 
par  jugement.  »  Et  à  ce  res; 
pondi  le  roy  que  il  savoit  bien 
que  le  roy  d'Angleterre  n'i 
avoit  droit;  mes  il  y  avoit 
reson  par  quoy  il  li  devoit 
bien  donner.  cCar  nous  avons 
II.  seurs  à  femmes,  et  sont  nos 
enfans  cousins  germains  ;  par 
quoy  il  affiert  bien  que  paiz 
y  soit.  Il  m'est  moult  grant 
honneur  en  la  paix  que  je  ioiz 
au  roy  d'Angleterre,  pour  ce 
que  il  est  mon  home,  ce  que 
il  n'estoit  pas  devant.  » 


Texte  original. 

Lu  pais  qu'il  fist  au  roy 
d'Angleterre  fist  il  contre  la 
volentei  de  son  consoil,  liquex 
li  disoit  :  «  Sire,  il  nous  sem- 
ble que  vous  perdes  '  la  terre 
que  vous  donnez  au  roy  d'An- 
gleterre, pour  ce  que  il  ni  a 
droit,  car  ses  pères  la  perdi 
par  jugement.  *  Et  à  ce  res- 
pondi  li  roys  que  il  savoit  bien 
que  II  roys  d'Angleterre  n'i 
avoit  droit;  mais  il  y  nvoit 
raison  par  quoy  il  li  devoit 
bien  donner.  «  Lar  nous  avons 
dous  serours  à  femmes,  et  sont 
nostre  enfant  cousin  germain; 
par  quoy  il  affiert  bien  que  paiz 
y  soit.  Il  m'est  moût  grans 
honnours  en  la  paiz  que  je  faiz 
au  roy  d' Angleterre ,  pour  ce 
que  il  est  mes  hom,  ce  que  il 
n'estoit  pas  datant.  » 


Ms.  de  Lucques. 

La  paix  qu'il  feist  au  roy 
d'Angleterre  ce  fut  contre  la 
voulenté  de  son  conseil ,  les- 
quelz  luy  disoient  :  «  Sire,  il 
nous  semble  que  vous  perdez 
toute  la  terre  que  vous  donnez 
au  roy  d'Angleterre,  car  il  nous 
semble  qu'il  n'y  a  droit,  car 
son  père  la  perdit  par  juge- 
ment. )>  A  ce  respondit  le  roy 
3ue  bien  sçavoit  que  le  roy 
'Angleterre  n'y  avoit  droit; 
mais  il  y  avoit  raison  par  quoy 
il  luy  devoit  bien  donner.  «Car 
nous  avons  deux  seurs  à  fem- 
mes, et  est  nostre  enfant  cousin 
germain;  par  quoy  il  appar 
tient  bien  que  la  paix  y  soit.  Il 
m'est  moult  grand  honneur  en 
la  paix  que  |'ay  faicte  au  roy 
d'Angleterre,  pour  ce  qu'il  est 
mon  homme,  qu'i  n'estoit  pas 
par  avant.  » 


i.  J'aurais  introduit  ici  le  toute  du  ms.  de  Lucques. 


10  REVUE    CRITIQUE 

Pour  se  faire  une  idée  nette  du  rapport  des  deux  leçons  manuscrites  avec 
l'original,  il  faut  se  bien  mettre  dans  la  tête  que  les  deux  copistes  ayant  sous  les 
yeux  deux  mss.  différents,  mais  à  peu  près  identiques  '  ont  eu  chacun  l'intention 
d'en  rapprocher  la  leçon  de  la  langue  de  leur  temps.  Seulement  le  copiste  d'A, 
écrivant  cinquante  ans  peut-être  après  la  rédaction  du  livre,  comprenait  fort  bien 
la  langue  du  xiii" siècle,  et  ne  se  trompait  qu'accidentellement;  le  mot  dous 
entendu  au  sens  de  doux,  est,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  une  de  ses  erreurs.  Au 
contraire  le  copiste  dont  le  travail  nous  est  conservé  par  les  deux  autres  mss., 
vivant  un  siècle  et  demi  après  Joinville,  devinait  plutôt  qu'il  ne  traduisait.  Ainsi, 
dans  le  passage  qui  vient  d'être  rapporté,  il  suppose  que  liquex  (ligne  3)  signifie 
les^juels,  et  cette  conjecture  malheureuse  l'entraîne  à  mettre  disoient  au  plur. 
Ligne  1 6 ,  nostre  enfant  cousin  germain  lui  paraît  être  un  singulier,  ce  qui  le  con- 
duit à  remplacer *son?  par  est,  correction  qui  enlève  tout  sens  à  la  proposition. 

Cette  édition  contient,  comme  la  précédente,  le  texte  du  Creiio,  qui  apporte  à  la 
restitution  de  M.  de  W.  une  confirmation  de  plus,  offrant,  dans  le  ms.  unique  qui 
nous  l'a  conservé,  des  formes  assez  semblables  à  celles  des  chartes,  le  caractère 
lorrain  y  étant  peut-être  moins  marqué,  ce  qui,  dans  un  texte  écrit  par  un  copiste 
lettré,  n'a  rien  que  de  fort  naturel.  Pour  la  présente  édition  ce  ms.  a  été  coUa- 
tionné,  avec  la  permission  de  son  possesseur  actuel,  le  comte  d'Ashburnham,  et 
cette  collation  a  produit  quelques  résultats  qui  ne  sont  pas  sans  valeur,  bien  que 
l'édition  de  1 867  eût  été  exécutée  d'après  un  fac-similé  qu'on  pouvait  croire 
irès-fidèle.  M.  de  W.  a  corrigé  en  certains  endroits  l'écriture  de  ce  texte,  con- 
formément aux  chartes;  je  regrette  que  dans  ces  cas,  qui  sont  peu  nombreux,  il 
n'ait  pas  mis  au  bas  des  pages  la  leçon  du  ms. 

Aussi  bien  dans  l'Histoire  que  dans  le  Credo  M.  de  W.  a  tenu  compte  de  la 
plupart  des  corrections  que  j'ai  proposées  en  rendant  compte  de  l'édition  de 
1867.  Cependant,  p.  90,  A,  il  persiste  à  écrire  :  «  //  revindrent  au  roi  li  dui 
»  frère...  »  où  je  maintiens  ma  correction  «  Si  revindrent...  «  M.  de  W.  a  aussi 
emprunté  quelques  corrections  à  un  mémoire  de  feu  Corrard  sur  le  texte  de 
Joinville,  que  M.  Thurot  a  publié  dans  la  Revue  archéologie] ue  en  1867.  Du  reste 
il  repousse,  avec  toute  raison  selon  moi,  le  système  général  de  M.  Corrard,  qui 
voit  dans  le  texte  de  Joinville  la  trace  de  quantités  d'interpolations  et  de  gloses; 
malheureuse  application  aux  textes  du  moyen-âge  de  procédés  de  critique  qui 
sont  à  leur  place  dans  l'examen  des  textes  de  l'antiquité.  Nos  anciens  auteurs  ont 
souffert  de  longues  additions,  de  fourrures,  de  suppressions  arbitraires,  et,  lors- 
qu'on n'en  possède  qu'un  ms.,  de  bourdons  sans  nombre,  mais  il  n'y  avait  point 
occasion  à  l'introduction  de  gloses. 

Dans  la  lettre  à  Louis  le  Hutin  (i  3 1 5)  je  ne  puis  m'empêcher  de  signaler  un 
passage  que  je  n'ai  jamais  pu  lire  sans  y  soupçonner  une  faute.  J'hésite  un  peu 
parce  qu'après  tout  ce  n'est  pas  à  une  copie,  mais  à  la  lettre  originale  que  je 
m'attaque,  toutefois  je  livre  ma  conjecture  pour  ce  qu'elle  vaut.  Dans  cette  lettre, 
le  sire  de  Joinville  s'excuse  de  n'avoir  pu,  conformément  à  l'ordre  du  roi,  se 

1.  Le  ms.  .4  dérive  du  ms.  présente  à  Louis  le  Hutin  en  1509  et  les  deux  autres  du 
ms.  original  conservé  à  Joinville. 


1 


d'histoire  et  de  littérature.  Il 

rendre  à  Orchies  «  à  la  moiennetey  dou  moys  de  Joing  «  et  la  raison  qu'il  en 
donne  est  fort  bonne  :  c'est  que  le  mandement  royal  lui  est  parvenu  seulement 
le  second  dimanche  de  juin  (8  juin),  le  jour  même  duquel  il  date  sa  réponse.  Le 
sens  général  est  fort  clair,  mais  le  texte  ne  l'est  pas  :  «  savoir  vous  faz  que  ce  ne 
»  puet  estre  bonnement,  quar  vos  lestres  me  vinrent  le  secont  dimmange  de  joing, 
))  et  vinrent  huit  jours  devant  la  recepte  de  vos  lestres.  »  Je  ne  puis  m'empécher 
de  croire  que  le  second  vinrent  est  une  répétition  fautive  du  premier,  et  la  tra- 
duction de  M.  de  W.  :  «  et  huit  jours  se  passèrent  avant  la  réception  de  vos 
»  lettres,  »  a  quelque  chose  de  forcé  ' .  Il  faudrait  quelque  autre  verbe  en  place 
de  vinrent. 

M.  de  W.  a  publié  pour  la  première  fois  dans  cette  édition  (p.  xxxiv-xxxvj) 
la  légende  de  quatre  miniatures  fort  curieuses  qui  ornent  le  ms.  de  Lucques. 
Miniatures  et  légendes  dérivent  évidemment  de  l'original  conservé  au  château 
de  Joinville.  Au  texte  rajeuni  et  corrompu  de  la  légende,  M.  de  W.  a  joint  en 
regard  une  restitution  où  je  ne  trouve  à  reprendre  qu'en  deux  endroits.  Courusîy 
au  prétérit  (p.  xxxiv,  1.  1 3)  est  une  vraie  faute  d'orthographe;  c'est  courut  qu'il 
faut,  forme  admise  par  M.  de  W.  dans  l'Histoire  444  c,  les  mss.  hésitent  entre 
courut  et  couru,  forme  usée.  —  P.  xxxv,  dern.  1.  il  y  a  évidemment  une  omission; 
je  restitue  en  italiques  les  deux  mots  que  j'estime  avoir  été  sautés  par  le  copiste  : 
«  et  nous  dist  qu'il  aymoit  myeulx  mettre  son  corps  en  adventure  et  sa  femme 
»  et  ses  enfans,  que  VII F  personnes  qui  estoient  od  lui  en  la  nef  demourassent 
»  en  Chipre.  » 

L'édition  de  la  société  de  l'Histoire  de  France  renferme,  outre  la  table  alpha- 
bétique de  l'édition  de  1867,  un  copieux  vocabulaire  (p.  307-^86)  où  sont  enre- 
gistrés tous  les  mots  et  toutes  les  locutions  des  œuvres  de  Joinville.  Les  renvois 
se  réfèrent  à  l'édition  de  1867,  dont  les  pages,  divisées  de  cinq  en  cinq  lignes 
par  des  lettres,  sont  marquées  en  marge. 

Je  pense  avoir  montré  comment  M.  de  Wailly  est  arrivé  graduellement,  et 
conduit  par  la  seule  force  de  la  logique,  à  entreprendre  et  à  parfaire  sur  la 
langue  de  Joinville  des  travaux  qui  feront  époque  dans  la  science.  Les  procédés 
qu'il  a  employés  pourront  n'être  pas  d'un  fi-équent  usage  :  on  n'a  pas  souvent 
affaire,  dans  notre  ancienne  littérature,  à  un  auteur  dont  l'époque  et  l'origine 
soient  bien  déterminées,  dont  la  langue  puisse  être  retrouvée  à  l'aide  des  chartes. 
Mais  à  d'autres  cas  d'autres  moyens.  Ce  qu'il  faut  qu'on  se  persuade  bien,  c'est 
que  l'édition  et  la  révision  de  nos  anciens  textes  offrent  ample  matière  à  ceux  qui 
n'aiment  pas  la  besogne  trop  facile,  et  que  le  temps  est  arrivé  où  les  simples 
copistes  sont  mis  à  part  des  véritables  éditeurs. 

P.  M. 


i.  Sans  compter  (^ue  jours,,  étant  le  sujet  de  vinrent,  devrait  être  écrit /our.  M.  de  W., 
à  qui  cette  dliftculté  n'a  pas  échappé,  relève  dans  son  Mémoire  fp.  ii6)  cet  emploi  de 
jours,  y  joignant  cette  observation  a  taute,  ou  peut-être  féminin  pluriel.  »  Dans  le  glos- 
saire de  son  édition  il  retient  seule  la  seconde  de  ces  deux  hypothèses.  Mais,  s'il  est  vrai 
que  jour  est  quelquefois  féminin  dans  l'expression  toute  jour,  il  me  semble  qu'il  est  constam- 
ment décliné  conformément  à  son  étymologie,  c'est  à-dire  comme  les  mots  masculins  de  la 
même  déclinaison.  Il  faudrait  apporter  des  exemples  du  contraire. 


12  REVUE   CRITIQUE 

1 27.  r-  Die  gefœlschten  bœmischen  Gedichte  aus  den  Jahren  1816-1849. 

Als  ein  Beitrage  zur  bœhmischen  Literaturgeschichte  dargestellt  vonD' J.  J.  Hanusch, 
Universitaïts-Bibliothekar.  Prag,  Dominicus,  1868.  In-8',  84  p.  —  Prix  :  2  fr.  50. 

La  question  de  l'authenticité  des  anciens  poèmes  tchèques  n'est  pas  nouvelle 
pour  les  lecteurs  de  cette  Revue.  Nous  avons  exposé,  il  y  a  trois  ans,  les  argu- 
ments pour  et  contre,  et  aucun  fait  important  ne  s'est  produit  depuis  lors  (voy. 
Rev.  crit.,  1866,  art.  229).  Un  des  motifs  de  suspicion  les  plus  graves  contre  ces 
poèmes,  c'est,  comme  nous  l'avons  dit  alors,  qu'ils  sont  sortis  «  d'un  milieu  de 
»  fabricateurs  de  pièces  apocryphes.  »  Tous  les  noms  qui  sont  mêlés  à  la  décou- 
verte et  à  la  première  publication  de  ces  poèmes  sont  suspects  ou  convaincus  de 
quelque  falsification.  Mais  le  plus  gravement  atteint  est  celui  de  Hanka.  Rien 
n'égale  la  vénération  dont  cet  homme  a  été  l'objet  pendant  sa  vie  ;  rien  n'égale 
le  dédain  avec  lequel  on  le  traite  maintenant.  J'ai  déjà  signalé  la  façon  dont 
M.  Hanusch  parle  de  lui  dans  un  autre  ouvrage  (voy.  Rev.  crit.,  1868,  t.  I, 
p.  294);  dans  celui-ci  il  va  plus  loin  encore.  Hanka  est  représenté  comme  une 
espèce  d'être  bizarre,  faible  d'esprit  et  même  niais,  plein  d'obscurités  dans  l'in- 
telligence et  d'étrangetés  dans  le  caractère,  vivant  dans  un  rêve  et  n'ayant  ni 
le  sens  du  réel  ni  la  distinction  précise  du  vrai  et  du  faux.  Cette  appréciation, 
dont  je  rassemble  ici  les  traits  épars  dans  la  brochure  de  M.  H.,  semble  au 
premier  abord  n'être  pas  de  nature  à  inspirer  de  la  confiance  dans  les  documents 
publiés  par  Hanka;  mais  M.  H.  ne  tombe  si  durement  sur  le  «  vénéré  patriarche  » 
de  la  littérature  bohème  que  pour  arriver  à  le  faire  déclarer  incapable  des  falsifi- 
cations qu'on  lui  attribue.  L'argument  ne  pourrait  en  tout  cas  s'appliquer  qu'à  la 
composition  des  poèmes,  car  pour  ce  qui  regarde  la  langue,  Hanka  était  assez 
versé  dans  l'ancien  tchèque,  et  quant  à  l'écriture,  M.  H.  nous  donne  en  passant 
quelques  renseignements  qui  ont  leur  prix  sur  les  habitudes  et  les  talents  de  l'édi- 
teur des  poèmes  tchèques.  Ainsi  p.  1  ^,  voulant  prouver  que  Hanka  n'est  pas  le 
fabricateur  d'un  document  faux,  il  dit  :  «  La  date  récente  de  l'écriture  se  trahit 
)>  par  l'inclinaison  (à  droite)  des  lettres;  les  anciens,  on  le  sait,  écrivaient  verti- 
))  calement;  Hanka  possédait  ce  talent,  preuve  que  ce  n'est  pas  lui  qui  a  écrit  cette 
»  pièce.  »  Ailleurs  (p.  71)  :  «  Il  aimait  beaucoup  à  imiter  l'ancienne  écriture 
»  bohème;  il  ne  se  contentait  pas  de  rafraîchir  des  initiales  ou  des  miniatures,  il 
»  en  composait  de  toutes  pièces,  comme  le  montre  p.  ex.  son  exemplaire  des 
»  anciens  glossaires  tchèques  au  Muséum.  C'était  un  homme  plein  de  singularités 
»  et  de  manies  (ein  Mann  voiler  Idiosyncrasien  und  Schrullen).  »  Pour  ce  qui 
concerne  la  langue,  à  propos  de  corrections  faites  par  Hanka  au  ms.  de  Kœni- 
ginhof,  M.  H.  dit  (p.  6?)  :  «Appuyé  sur  sa  connaissance  pratique  extraordinaire 
»  de  tous  les  dialectes  slaves,  sur  ses  lectures  fort  étendues  dans  l'ancienne  litté- 
«  rature  tchèque,  il  se  figurait  être  un  vrai  slaviste,  au  sens  scientifique  du  mot, 
»  jugeait  d'après  cette  idée  les  formes  qu'il  rencontrait  dans  les  manuscrits,  »  et 
il  les  corrigeait  sans  hésiter,  notamment  dans  le  ms.  de  Kœniginhof  :  «  ces  alté- 
»  rations  étaient  certainement  impardonnables,  d'autant  plus  que  la  philologie  a 
»  démontré  plus  tard  tout  ce  qu'elles  avaient  d'inexact  ou  en  tout  cas  d'inutile.  » 
Ailleurs  (p.  71)  nous  relevons  ce  jugement  :  «  Schafarik  tenait  Hanka  pour  un 
homme  chez  lequel  la  vanité  patriotique  était  devenue  une  passion  ;  il  la  poussait 


d'histoire  et  de  littérature.  iî 

à  un  tel  degré,  que  son  âme  naïve  se  prêtait  à  n'importe  quel  moyen  de  la  satis- 
faire, sans  qu'il  fût  d'ailleurs  en  état  d'apprécier  la  valeur  de  ce  moyen.  » 

Ceci  bien  entendu ,  nous  passons  aux  falsifications  prouvées  dont  s'occupe 
M.  Hanusch.  Le  but  qu'il  a  voulu  atteindre,  c'est,  tout  en  reconnaissant  les 
falsifications  qui  se  sont  produites  dans  le  domaine  de  l'ancienne  littérature 
bohème,  de  circonscrire  les  soupçons  auxquels  elles  donnent  lieu,  de  soustraire 
à  ces  soupçons  quelques-uns  des  noms  qu'ils  ont  atteints,  et  surtout  de  détruire 
l'opinion  trop  accréditée  d'après  laquelle  ce  domaine  a  été  exploité,  à  un  certain 
moment,  par  une  véritable  bande  de  faussaires.  Cette  opinion  remonte  haut,  et 
elle  a  été  exprimée  pour  la  première  fois  par  un  homme  dont  les  savants  tchèques 
ne  peuvent  prononcer  le  nom  qu'avec  respect.  Dobrovsky  écrivait  en  1827  à  un 
Anglais  qui  traduisait  des  poésies  tchèques  :  «  Il  y  en  a  beaucoup  parmi  nous, 
))  qui,  poussés  par  un  amour  effréné  de  leur  langue  maternelle,  fabriquent  des 
»  poésies  qu'ils  veulent  ensuite  faire  accepter  à  ceux  qui  ne  sont  pas  sur  leurs 

»  gardes Les  zélotes  bohèmes,  non  contents  de  leurs  poèmes  authentiques 

»  du  XIII''  siècle  (le  ms.  de  Kœniginhof,  que  Dobrovsky  n'a  jamais  suspecté), 
))  ont  voulu  avoir  des  poésies  encore  plus  anciennes,,  pour  égaler  les  Allemands 
j)  qui  peuvent  se  vanter  de  poèmes  antérieurs  à  cette  époque.  »  Et  plus  tard 
Kopitar,  le  célèbre  slaviste,  écrivait  :  «  La  peste  de  la  falsification  sévit 
;)  chez  les  Bohèmes  depuis  181 7  (grassari  ab  anno  181 7  in  Bohemis  pestera 
»  voôsîa;),  depuis  que  les  faussaires,  grâce  aux  Chansons  serbes  publiées  par  Vuk 
»  en  18 14,  ont  appris  les  mètres  populaires  slaves.  »  La  brochure  de  M.  H. 
est-elle  faite  pour  détruire  cette  suspicion  ï  J'en  doute.  Je  reconnais  d'ailleurs 
qu'elle  est  écrite  avec  modération,  et  qu'elle  parait  dictée  par  l'amour  de  la 
vérité.  Mais  les  idées  préconçues  tyrannisent  souvent  à  leur  insu  les  hommes 
mêmes  qui  ont  les  meilleures  intentions. 

i.  La  chanson  du  Vychehrad.  En  18 17,  dans  un  recueil  d'anciennes  poésies 
tchèques,  Hanka  publia  cette  pièce,  dont  la  fausseté  a  depuis  été  mise  hors  de 
doute  et  fut  de  bonne  heure  soupçonnée.  Elle  se  trouvait  d'après  lui  sur  une 
feuille  de  parchemin  qu'un  certain  Linda  avait  découverte  en  1816  et  qu'il  avait 
donnée  à  Hanka  ;  d'autres  déclarations  sur  l'origine  de  cette  feuille  offrent  des 
variantes  :  ainsi  on  dit  plus  tard  qu'elle  était  écrite  sur  le  couvercle  d'un  volume  : 
on  n'avait  pas  parlé  de  ce  volume  dès  l'abord,  on  n'a  jamais  dit  quel  il  était,  et 
en  examinant  le  parchemin,  qui  existe  encore,  «  on  ne  voit  pas  le  moindre  indice 
»  tendant  à  faire  croire  qu'il  ait  jamais  eu  cette  destination  (p.  3).  »  —  Le 
fabricateur  semble  avoir  été  Hanka  ou  Linda;  M.  H.  s'efforce  d'écarter  le 
soupçon  de  l'un  et  de  l'autre,  pour  le  reporter  sur  Zimmermann,  que  nous  retrou- 
verons tout-à-l'heure.  A  mon  sens,  il  n'apporte  aucun  argument  de  quelque 
valeur  pour  cette  hypothèse.  En  revanche,  sa  conjecture  sur  la  manière  dont  la 
chanson  fut  fabriquée  est  très-vraisemblable.  On  a  découvert  en  effet  une  feuille 
de  papier  sur  laquelle,  en  1724,  on  avait  écrit  une  traduction  en  mauvais  alle- 
mand de  cette  chanson,  et  l'authenticité  de  cette  feuille  paraît  certaine.  Or  si 
on  retraduit  cet  allemand  en  tchèque ,  on  retrouve  en  plusieurs  lieux  un  sens  et 
même  des  formes  préférables  à  ce  que  donne  la  fausse  chanson  tchèque.  Il  est  donc 
probable  que  le  faussaire  a  eu  sous  les  yeux  un  texte  tchèque  du  xv*  siècle  qu'il 


1^.  REVUE    CRITIQUE 

a  maladroitement  vieilli  (cf.  ce  qui  a  été  dit  plus  haut  sur  Hanka)  et  copié  en 
caractères  du  xiii"  siècle.  Le  copiste  n'a  pu  être  Hanka,  d'après  M.  Hanusch, 
parce  que  l'imitation  de  l'écriture  n'est  pas  parfaite,  et  qu'il  aurait  mieux  réussi 
(voy.  plus  haut);  mais  il  est  très-possible  qu'en  1816  il  n'eût  pas  encore  tout  à 
fait  développé  ce  talent  d'imiter  les  écritures  anciennes  qu'il  posséda  plus  tard  à 
un  si  haut  degré.  Aux  yeux  de  tout  lecteur  non  prévenu,  il  reste  donc  fortement 
suspect. 

2.  La  chanson  du  roi  Venceslav.  En  1819,  un  personnage  assez  équivoque, 
nommé  Zimmermann,  envoya  au  Muséum  de  Prague  un  feuillet  de  parchemin 
écrit  des  deux  côtés  :  sur  le  verso  il  contenait  une  poésie  tchèque  qui  n'était  que 
la  traduction  d'une  chanson  allemande  attribuée,  dans  le  ms.  de  Manesse  • ,  au  roi 
Venceslav  de  Bohême  (7  1243),  et  sur  le  recto  le  petit  poème  lyrico-épique  du 
Cerf,  qui  se  trouve  également  dans  le  ms.  de  Kœniginhof,  que  Hanka  avait 
découvert  en  181 7  et  publié  en  1819.  Hanka  publia  la  chanson  de  Venceslav  en 
1828.  M.  H.  rend  très-vraisemblable  la  fabrication  (parfaitement  certaine)  de  ce 
document  par  Zimmermann,  mais  il  paraît  moins  heureux  dans  une  autre  hypo- 
thèse. Il  veut  en  effet  que  ce  faux  ait  été  commis  de  la  même  manière  que  le 
précédent,  c'est-à-dire  que  le  faussaire  ait  vieilli  un  texte  réellement  tchèque, 
qui  aurait  été  traduit  de  l'original  allemand  au  xiv"  ou  xv"  siècle.  Rien  n'est  moins 
probable.  On  a  montré  que  la  chanson  tchèque  contenait  des  contre-sens  qui  se 
trouvent  dans  des  traductions  allemandes  modernes  de  la  chanson  en  moyen 
haut-allemand ,  d'où  il  résulte  que  c'est  sur  ces  traductions  que  le  faussaire  a 
travaillé.  Aucun  critique  n'acceptera  l'explication  de  M.  H.,  disant  que  ces  contre- 
sens ont  bien  pu  être  également  commis  par  l'ancien  traducteur  tchèque.  Or  avec 
cette  hypothèse  insoutenable  tombe  la  seule  raison  qu'on  puisse  alléguer  pour 
attribuer  à  Zimmermann  la  première  falsification. 

}.  Le  songe  de  Mai  et  quelques  autres  poésies  falsifiées .  En  1823,  dans  le  5^  vol. 
du  recueil  où  il  avait  déjà  publié  les  pièces  précédentes,  Hanka  donna  quelques 
anciennes  pièces  tchèques,  qui,  soit  pour  des  raisons  de  morale,  soit  pour  des 
motifs  politiques,  furent  interdites  par  l'ombrageuse  censure  autrichienne.  Par 
une  distraction  singulière,  on  Igs  avait  laissé  imprimer  sans  rien  dire,  et  quelques 
exemplaires  étaient  même  déjà  en  circulation  quand  arriva  l'ordre  d'interrompre 
la  vente  et  de  mettre  des  cartons  aux  deux  poésies  trouvées  trop  libres,  tandis 
que  les  deux  poèmes  politiques  furent  tout  à  fait  supprimés.  Pour  ce  qui  regarde 
l'un  de  ces  derniers,  Wilhelm  de  Waldeck,  M.  H.  s'exprime  d'une  façon  bien  peu 
claire  ;  il  me  semble  toutefois  comprendre  que  d'après  lui  ce  poème  était  (en 
partie  du  moins)  une  pure  fabrication  de  Hanka  2.  —  Quant  aux  deux  autres 
poésies  (dont  l'une,  le  Songe  de  Mai,  doit  son  existence  à  la  réunion  malencon- 
treuse de  deux  pièces  tout  à  fait  distinctes  ?),  on  remplaça  les  passages  condamnés 

1.  On  sait  que  ce  ms.,  actuellement  à  la  Bibl.  imp.  de  Paris,  est  la  plus  riche  source 
pour  les  œuvres  des  Minnesinger  allemands. 

2.  «  Offenbar  wollie  hier  Hanka  unter  der  Form  altbœhmischer  Gedichte  neubœhmisch 
»  politisches  Kapital  schiagen  (p.  54).  » 

3 .  Ces  deux  pièces  sont  d'ailleurs  traduites  (anciennement)  de  l'allemand  ;  l'une  parle 
d'un  songe,  l'autre  de  mai;  Hanka  les  réunit  pour  pouvoir  attribuer  le  tout  à  un  prince 
tchèque,  Henri  de  Podiebrad,  qui  passe  pour  avoir  composé  un  songe  de  mai. 


d'histoire  et  de  littérature.  15 

par  des  passages  correspondants,  mais  adoucis,  composés  en  ancien  tchèque.  Qud 
fut  l'auteur  de  cette  falsification  nouvelle?  M.  H.  veut  encore  que  ce  soit  l'éternel 
Zimmermann,  dont  il  voudrait  faire  le  bouc  émissaire  de  tous  les  péchés  de  ses 
compatriotes,  mais  il  n'y  a  pas  ici  l'ombre  d'une  probabilité.  Hanka  a  dit  lui- 
même,  dans  une  lettre  écrite  en  1862,  trente-six  ans  après  la  mort  de  Zimmer- 
mann et  sans  aucune  raison  d'altérer  la  vérité  :  «  On  chargea  le  professeur 
»  Svoboda  de  Novarov  de  composer  quelques  autres  vers  en  ancienne  langue 
»  tchèque,  et  on  remplaça  ainsi  les  feuillets  supprimés.  »  M.  H.  prétend  que 
Svoboda  aurait  fait  des  vers  meilleurs  ;  c'est  là  un  argument  tout  subjectif  qui 
n'a  pas  la  moindre  valeur.  Or  le  fait  n'est  pas  sans  intérêt.  Ce  Svoboda  est  en 
effet,  avec  Hanka,  le  premier  qui  ait  fait  connaître  le  ms.  de  Kœniginhof.  Hanka 
avait  à  peine  annoncé  sa  trouvaille,  destinée  à  faire  tant  de  bruit,  que  Svoboda 
la  répandait  de  son  côté,  en  même  temps  que  le  Linda  qui  a  figuré  plus  haut 
(Hanusch,  Das  Schriftwesen  und  Schrifthutn  der  bœhmisch-slovenischen  Vœtkerst<£mine, 
p.  57),  et  en  1819  l'édition  princeps  du  ms.,  donnée  par  Hanka, était  accompagnée 
d'une  traduction  en  vers  allemands  de  ce  même  Svoboda. 

4.  La  prophétie  de  Liboucha.  Il  s'agit  ici  d'une  fabrication  effrontée  de  Hanka, 
fabrication  qu'a  reconnue  M.  Paiacky  lui-même  (cf.  Rev.-crit.,  1866,  p.  515). 
Il  eut  l'audace  de  lire  ce  morceau,  composé  par  lui  en  ancien  tchèque  d'après 
un  poème  latin  qui  parait  authentique,  en  1849,  à  la  Société  royale  des  sciences  de 
Prague  ;  il  disait  l'avoir  trouvé  sur  sept  bandes  de  parchemin  cousues  dans  la 
reliure  d'un  ms.  portant  le  n°  960  au  Muséum  de  Prague  et  renfermant  le  De 
arte  moTiendi  et  il  montra  ces  bandes  à  la  société.  Plus  tard,  il  déclara  les  avoir 
recousues  à  leur  place  primitive.  Or  aucun  ms.  du  Muséum  ne  porte  le  n*'  960, 
et  dans  le  n°  940,  qui  contient  un  De  arte  moriendi,  «  il  n'y  a  pas  et  il  n'y  a 
»  jamais  eu  de  bandes  de  ce  genre  (p.  72).  »  —  Cette  grossière  imposture  a 
été  dénoncée  pour  la  première  fois  par  M.  Max  Bùdinger  (cf.  Rev.  crit.y  1866, 
p.  314,  n''  4);  ce  qu'il  y  a  d'inoui,  c'est  qu'aucun  savant  bohème,  jusqu'alors, 
n'eût  protesté  contre  ce  faux  impudent.  Schafarik,  qui  assistait  à  la  séance  où 
Hanka  fit  sa  lecture,  «  sourit  avec  incrédulité,  mais  ne  répondit  rien  (p.  68).  » 
Il  ne  doutait  pas  cependant,  dit  M.  H.  (p.  71),  du  véritable  état  des  choses; 
mais  «  on  avait  alors  des  égards  pour  Hanka  (man  liess  damais  Hanka  gewaehren), 
»  qui  depuis  1 848  avait  fait  pour  la  cause  slave  des  sacrifices  réels  et  person- 
»  nels.  »  Et  M.  H.  lui-même  est  porté  à  voir  là  «une  action  obscure,»  sans  vou- 
loir affirmer  absolument  l'évidente  culpabilité  de  l'éditeur  responsable  du  ms.  de 
Kœniginhof. 

Je  le  disais  en  commençant,  et  le  lecteur  est  sans  doute  à  présent  de  mon 
avis,  le  livre  de  M.  Hanusch  n'est  pas  propre  à  dissiper  les  graves  soupçons  de 
falsification  coutumière  qui  pèsent  sur  tout  le  groupe  de  littérateurs  tchèques  au 
milieu  duquel  s'est  produit  le  célèbre  manuscrit  de  Kœniginhof  ' .  Il  faut  ajouter 
que  pour  toute  l'Europe  savante,  en  dehors  de  quelques  écrivains  slaves,  il  ne 
saurait  y  avoir  doute  un  seul  instant  sur  la  supposition  du  ms.  de  Grùnberg,  ce 

I.  M.  H.  n'a  rien  dit  d'une  falsification  sur  laquelle  je  n'ai  d'ailleurs  pas  de  détails, 

mais  que  j'ai  indiquée,  d'après  Springer,  dans  mon  article  précité  (p.  314,  n.  5). 


l6  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

ms.  dont  M.  Pertz  a  déclaré  la  fausseté  évidente  (cf.  Rev.  crit.,  1866,  p.  3 14), 
et  qui  contient  cette  misérable  rhapsodie  du  Jugement  de  Liboucha,  dont  le  début 
est  si  clairement  calqué  sur  celui  du  célèbre  poème  serbe,  le  Partage  de  l'héritage  ' . 
—  Reste  donc,  comme  seul  objet  de  discussion,  le  manuscrit  qui  contient  les 
autres  poèmes  épiques.  Les  savants  tchèques  affectent  de  considérer  la  question 
comme  close  :  à  mon  sens  elle  ne  fait  que  commencer  à  se  poser.  Une  enquête, 
dirigée  avec  toutes  les  lumières  et  toute  l'impartialité  possible,  devient  un  besoin 
urgent  ;  il  y  va  de  l'honneur  de  la  nation  bohème  autant  que  des  intérêts  de  la 
science.  Cette  enquête  devra  avant  tout  éclaircir  l'historique  de  la  découverte  du 
manuscrit,  qui,  d'après  les  défenseurs  les  plus  convaincus  eux-mêmes,  fourmille, 
dans  le  récit  de  Hanka,  de  mensonges  (appelés  bénévolement /tî;)5/i5  memorid)  et 
de  contradictions  2.  Il  faudra  ensuite  que  les  slavistes  de  toute  l'Europe  soient 
appelés  à  donner  leur  avis  motivé  ;  Schleichei'  est  mort  malheureusement  avant 
de  s'être  expliqué  sur  ce  point;  mais  M.  Miklosich,  qui  ne  se  sert  plus,  dans  sa 
Grammaire,  du  ms.  comme  texte  de  langue,  a  le  devoir  de  faire  connaître  ses 
motifs.  Pour  ce  qui  regarde  le  côté  historique  et  littéraire,  la  discussion  paraît 
terminée  ;  on  a  été  dans  l'impossibilité  de  citer  un  fait  historique  mentionné  dans 
le  ms.  qui  ne  fût  pas- connu  en  181 7;  la  forme  littéraire  est  parfaitement  insolite 
pour  tous  ceux  qui  s'occupent  d'épopées  nationales.  Les  singularités  paléogra- 
phiques du  ms.  devront  aussi  être  soumises  à  un  jury  compétent.  —  Nous  atten- 
dons cette  enquête  avec  impatience  :  il  faut  absolument  qu'on  sache  enfin  à  quoi 
s'en  tenir  sur  un  fait  d'histoire  littéraire  aussi  important  que  celui-là.  Nous 
avouons  que,  tout  en  déclinant  notre  compétence,  nous  penchons  à  croire  à  une 
supercherie;  et  certes  on  est  de  plus  en  plus  disposé  à  l'admettre  quand  on  voit, 
comme  nous  l'avons  dit  plus  haut,  que  tous  les  noms  qui  sont  plus  ou  moins 
mêlés  à  la  découverte,  à  la  publication  et  à  l'interprétation  de  ce  trésor  national 
sont  ceux  de  faussaires  soupçonnés  ou  convaincus. 

G.  P. 

1 .  On  peut  trouver  la  traduction  allemande  de  ce  chant  serbe  dans  les  poésies  de  Gœthe 
et  à  la  fin  du  tome  I  des  Kkine  Schriften  de  Jacob  Grimm. 

2.  Entre  autres  histoires,  Hanka  raconta  que  des  lambeaux  de  parchemin  appartenant 
primitivement  au  ms.  avaient  servi  aux  Hussites  à  empenner  des  flèches  qui  gisaient  encore 
sur  le  sol  du  caveau  où  il  fit  sa  trouvaille.  Mais  alors  pourquoi  ne  les  a-t-il  pas  ramassés.? 
et  que  sont  devenues  ces  flèches.?  —  Notez  que  le  ms.  est  censé  avoir  été  jeté  dans  ce 
caveau  à  la  mort  du  possesseur  et  avec  ses  autres  livres,  il  y  a  environ  un  siècle,  c'est-à- 
dire  trois  cents  ans  au  moins  après  les  Hussites.  Etc., etc.  M.  Hanusch  dit  à  ce  propos: 
«  Quelques  circonstances  de  la  découverte^  que  Hanka,  dans  son  mélange  de  vérité  et  de 
j>  fiction,  n'a  jamais  bien  éclaircie,  ont  été  révélées  par  Linda  (toujours  les  mêmes  noms!).  » 
Ce  Linda  accusait  bien  d'ailleurs  le  caractère  qu'on  attachait  au  trésor  si  merveilleuse- 
ment découvert,  en  disant  que  l'inventeur  «  était  prêt  à  montrer  cette  antiquité  à  tous  les 
»  patriotes  qui  désireraient  la  voir  »  (Hanusch,  Schriftwesen  und  Schriftthum,  p.  68).  Hanka 
habitait  alors  avec  Linda.  Ce  journaliste,  en  1818,  l'année  de  l'impression  du  ms.,  publiait 
un  roman  historique  sur  Vaçlav  et  Boleslav  (les  héros  d'un  des  poèmes  de  K.œniginhof;. 
C'était,  dit  ailleurs  M.  H.  {Die  gef.  bœhm.  Cedichte,  p.  5)  un  homme  habitué  à  des  senti- 
ments et  à  des  expressions  peu  nobles  :  c'est  pour  cela  que  M.  H.  ne  le  croit  pas  capable 
d'avoir  composé  «  la  fadeur  romantique  et  douceâtre  »  du  Vychekrad;  il  cite  des  passages 
plus  ou  moins  poétiques  (des  chœurs  de  jeunes  gens  et  de  jeunes  filles)  dans  son  roman, 

3ui  sont,  dit-il,  d'une  grande  faiblesse;  mais  il  ne  les  donne  qu'en  tchèque.  Il  y  avait  aussi 
es  passages  en  ancien  tchèijm-,  qui,  d'après  M.  H.  (p.  14),  sont  pleins  d'incorrections. 

Nogent-ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


))  n'en  offre  pas  d'exemple  assuré.  »).  —  Gradl,  Sur  le  Vocalisme  du  dialecte 
franconien  oriental  (p.  263-283).  —  Comptes-rendus  de  Baudry,  Grammaire 
comparée  des  langues  classiques,  t.  1,  par  M.  Schweizer-Sidler  (p.  284-291,  très- 
favorable);  de  CoRSSEN,  Ueber  Aussprache,  Vokalismus  und  Betonung  der  lateini- 
schen  Sprache,  par  M.  Schweizer-Sidler  (p.  291-31 1). — Mélanges.  ScHŒNBERg, 
)r,yw  £/ Fpr.yrjîit  (p.  311-313);  Frœhde,  Étymologics  latines  (p.  313-315: 
frendo,  infestus).  —  Nécrologie.  Schmidt,  August  Schleicher  (p.  31 S-321). 

La  5*"  livraison,  brochée  avec  la  4'',  est  occupée  presque  en  entier  par  un 
article  de  M.  Kuhn  sur  le  livre  de  M.  Scherer,  Zur  Geschichîe  der  deuîschea 
Sprache,  article  qui  tient  près  de  cent  pages  (p.  321-41 1);  M.  Kuhn  s'attaque 
uniquement  à  la  deuxième  partie  de  l'ouvrage,  celle  qui  traite  de  la  flexion,  et  il 
soumet  les  hypothèses  de  M.  Scherer  à  une  critique  sévère,  et,  à  ce  qu'il  semble, 
aussi  judicieuse  qu'approfondie.  — Mélanges.  Fick,  lira  ei  porca  :  [xsXivr,,  malva; 
notes  diverses  (p.  412-416). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


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Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
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Bibliotheca  theologica  od.  systeniatisch 
geordnete  Uebersicht  aller  auf  dem  Ge- 
biete  der  evangel.  Théologie  in  Deutsch- 
land  und  dem  Ausiande  neu  erschienenen 
Bûcher  hrsg.  v.  N.  Mûldener.  21.  Jahrg. 
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gen  (Vandenhoeck  u.  Ruprechî).  i  fr.  10 

philologica  od.  geordnete  Uebersicht 

aller  auf  dem  Gebiete  der  classischen 
Alterthumswissenschaft  wie  der  aelteren 
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schland  u.  dem  Ausland  neu  erschienenen 
Bûcher.  Hrsg.  von  W.  Mûldener.  21. 
Jahrg.  2.  Hft.  Juli-Decbr.  1868  (mit  e. 
alphabet  Register).  In-8*,  p.  80-247. 
Gœttingen  (Vandenhœck  und  Ruprecht) 

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medico-chirurgica,    pharmaceutico- 

chimica  et  veterinaria  od.  geordnete  Ue- 
bersicht aller  in  Deutschland  u.  in  Aus- 
iande neu  erschienenen  medicinisch  chi- 
rurgisch  -  geburtshûlft.  pharmaceutisch  - 
chim.  u.  veterinasr-wissenschaft.  Bûcher. 
Hrsg.  von  C.  J.  Fr.  W.  Ruprecht.  22. 
Jahrg.  2.  Hft.  Juli-Decbr.  1868.  In-8*, 
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NICOLAS  DE  TROYESg^/rno::*; 

nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
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•       L'  i  LLàZ^         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

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N'  28  Qaatrième  année  10  Juillet  1869 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

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67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

TTi  * /^  -*  *  A  yf  Ç  TT'  TV  y     Histoire  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
•     lVlv_/  iVl  iVl  O  L-j  i  >l     Alexandre,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-S".  5  fr. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


HT  X  7  T7»  T  T       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
•      W   L-i  i  L-i    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-S".  3  fr.  jo 

Cet  ouvrage  forme  le  3''  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


PT  A  XI  l\î  PT*  T*     ^^  '^  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci 


liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8°.  2  fr. 


A  r^  A  Q  T*  A  IV      ^^  Capitole  de  Vesontio  et  les  Capitoles  pro- 

■**••      v>(-t»-0   1   r\.iN      vinciaux  du  monde  romain.  In-8°  avec  3  pi. 

jfr. 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Neue  Jahrbûcher  fur  Philologie  und  Fœdagogik  von   Fleckeisen  und 
Masius,  1869.  —  Cahier  2. 

Kekulé,  Compte-rendu  de  Conze,  Mélanges  sur  l'histoire  de  la  plastique 
grecque  (Discussion  sur  quelques  particularités  d'Argos  et  d'Athènes).  —  Fleck- 
EiSEN,  sur  Cicéron,  pro  Archia,  lo,  26.  —  Campe,  La  sortie  des  Platéens 
(Thucyd.,  III,  22  suiv.).  —  Weil,  Compte-rendu  de  Egger,  Mémoire  sur 
quelques  nouveaux  fragments  inédits  de  l'orateur  Hypéride.  —  Schneider, 
10  conjectures  sur  Callimaque.  —  L.  Dindorf,  Nicolas  de  Damas.  — Additions 
au  fragment  de  Priskos.  —  Sur  les  formes  Tp^YoSûTr,?  et  Tsêspioç.  —  Tittler, 
Sur  Cic.  de  orat.  2,  20,  Sô;  28,  122.  —  FuNKH.t:NEL  et  L.  Mùller,  Sur 
Horace.  —  Wunder,  Sur  Horace,  Od.  I,  35,  24,  III,  2,  18. 

Zeitschrift  fiir  -wissenschaftliche  Théologie,  herausgegeben  von  A.  HiL- 
GENFELD.  —  1869.  2'^  Cahier. 

Lipsius,  Études  sur  la  dialectique  de  Schleiermacher  (suite  et  fin).  —  Holtz- 
MANN,  Les  rapports  deTÊvangile  de  Jean  avec  les  synoptiques  (suite  et  fin).  L'auteur 
achève  de  démontrer  que  le  quatrième  évangile  est  dépendant,  sous  plusieurs 
rapports,  des  trois  premiers.  —  Overbeck,  Lettre  au  D''  C.  Holsten  sur  le  passage 
Romains  VIII,  5.  Discussion  exégétique  sur  le  sens  du  fameux  passage 
Iv  à\xo\û>\i.(x.ii  (Tapxoç  à[j.apTtac.  —  Rœnsch,  Nouvcaux  éclaircissements  sur  P Assomp- 
tion de  Moïse.  Remarques  critiques  et  exégétiques,  dont  quelques-unes  fort  inté- 
ressantes, sur  cet  écrit  pseudépigraphe  souvent  mentionné  depuis  quelque  temps. 
—  HiLGENFELD,  Le  Pastcur  d'Hermas  et  son  plus  récent  commentateur,  c'est-à- 
dire  M.  Zahn,  qui  place  la  composition  de  ce  livre  dès  la  fin  du  premier  siècle 
après  J.-C,  et  part  de  là  pour  affirmer  l'apostolicité  de  quelques  écrits 
du  Nouveau  Testament,  fortement  soupçonnés  d'inauthenticité.  M.  Hilgenfeld 
critique  les  résultats  obtenus  par  M.  Zahn. 

3*=  Cahier. 

Lipsius,  La  polémique  d'un  apologéte.  Réfutation  des  attaques  dirigées  contre 
l'auteur  par  M.  Zahn  dans  son  récent  travail  sur  le  Pasteur  d'Hermas.  —  W. 
Grimm,  Sur  la  doxologie  de  Romains  IX,  5.  Contre  M.  H.  Schultz  qui  veut 
encore  appliquer  cette  doxologie  à  Christ.  M.  Grimm  ponctue  ainsi  la  phrase  : 
...ô  côv  sTtl  TtàvTwv.  ©eà;  £ù).oYriTô;  x.  t.  X.;  c'est  l'interprétation  déjà  proposée  par 
Erasme.  —  U.  Immer,  La  dogmatique  dépassant  le  point  de  vue  de  Hegel.  A  propos 
de  l'importante  Dogmatique  chrétienne  de  M.  Biedermann  (Zurich,  1869).  —  W. 
Clemens,  Les  sources  de  l'histoire  des  Esséniens.  Intéressante  critique  des  rensei- 
gnements que  Josèphe,  Philon  et  Pline  nous  ont  transmis  sur  les  Esséniens. 
Hippolyte,  Porphyre,  Eusèbe,  etc.,  n'ont  guère  fait  que  reproduire  les  données 
qu'ils  trouvaient  chez  ces  trois  écrivains. 

BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Ackermann  (F.).  Introductio  in  libres  |      accomodata.    Editio    IV.    In-8*.    Wien 
sacres  veteris  fœderis  usibus  academicis   |      (Beck).  5^-35 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  28  —  10  Juillet  —  1869 

Sommaire  :  128.  Lévêque,  Recherches  sur  l'origine  des  Gaulois.  — 129.  Bernays, 
les  Lettres  d'Heraclite.  —  130.  Ebert,  du  rapport  de  Tertullien  avec  Minucius 
Félix.  —  131.  CouRAJOD,  le  Monasticum  Gal.icanum.  —  132.  Stern,  sur  les  Douze 
Articles  des  Paysans.  —  133.  Œttinger,  Moniteur  des  dates. 

128.  —  Recherches  sur  l'origine  des  Gaulois,  par  C.  Lévêque.  Paris,  A. 
Durand  et  Pedone-Lauriel,  1869.  In-8',  viij-i74  p. 

La  préface  de  ce  livre  débute  ainsi  :  «  Les  différents  écrits  que  nous  livrons  ici 
»  à  l'impression  sont  l'œuvre  posthume  d'un  jeune  interne  en  médecine,  enlevé 
»  à  l'âge  de  26  ans  à  l'affection  de  ses  parents  et  de  ses  nombreux  amis,  après 
»  une  maladie  longue  et  douloureuse  contractée  en  soignant  les  cholériques  de 
»  l'épidémie  de  1 864.  »  De  semblables  paroles  désarment  la  critique  qui  aurait 
beaucoup  à  dire,  si  l'auteur  était  vivant  et  avait  lui-même  publié  ces  Recherches 
sur  rorigine  des  Gaulois.  On  y  voit  un  esprit  sagace,  curieux  et  indépendant, 
l'étoffe  d'un  érudit.  Mais  M.  L.  n'était  pas  encore  complètement  initié  aux 
méthodes  nécessaires  dans  ces  études  et  ne  semble  avoir  eu  qu'une  connaissance 
très-imparfaite  des  travaux  publiés  sur  ces  matières.  Non-seulement  il  ignore 
les  travaux  étrangers,  mais  aussi  des  œuvres  françaises  telles  que  VEthnogénie 
gauloise  de  M.  de  Belloguet.  Toute  sa  philologie  celtique  paraît  prise  dans 
l'ouvrage  de  M.  de  Chevallet  sur  la  Formation  de  la  langue  française.  Dans  la 
partie  purement  historique  de  son  livre,  on  trouve  quelques  objections  ingénieuses 
au  système  de  M.  Amédée  Thierry,  mais  mêlées  à  des  assertions  plus  que  contes- 
tables. —  Du  reste,  si  cette  publication  est  une  œuvre  de  piété  envers  un  mort, 
elle  a  atteint  son  but  ;  en  inspirant  une  vive  sympathie  pour  ce  jeune  savant 
enlevé  si  tôt  à  des  études  qu'il  n'a  pu  qu'aborder. 

H.  G. 


129.  —Die  Heraklitischen  Briefe.  Ein  Beitrag  zur  philcscphischen  und  religions- 
geschichtlichen  Litteratur,  von  Jacob  Bernays.  Berlin,  Hertz,  1859.  In-8*,  159  p. 
—  Prix  :  6  fr. 

Dans  cette  publication  M.  J.  Bernays  a  réédité  après  Westermann  (Heracliti 
epistolae.  Lipsiae,  1857)  la  correspondance  apocryphe  qui  nous  est  parvenue 
sous  le  nom  du  philosophe  Heraclite,  en  l'accompagnant  d'une  traduction  en 
alleniand  et  d'un  commentaire  cil  il  traite  toutes  les  questions  que  soulève  cet 
ouvrage. 

Cette  correspondance  se  compose  de  neuf  lettres.  Les  trois  premières,  invi- 
tation adressée  par  le  roi  Darius  à  Heraclite,  réponse  d'Heraclite,  ordre  donné 
par  Darius  aux  Ephésiens  de  réintégrer  dans  ses  droits  de  citoyen  l'ami  d'Héra- 

Vlll  ;, 


l8  REVUE  CRITIQUE 

dite  Hermodore,  sont  insignifiantes  en  elles-mêmes.  L'intérêt  est  dans  le  com- 
mentaire de  M.  B.  et  dans  la  manière  dont  il  traite  de  certains  points  de  la  phi- 
losophie et  de  la  biographie  d'Heraclite  qui  se  rattachent  à  ces  trois  lettres. 

Dans  la  quatrième  lettre,  adressée  à  Hermodore,  Heraclite,  à  propos  d*tme 
accusation  d'impiété  qui  lui  a  été  intentée  par  un  certain  Euthyclès,  attaque  avec 
vivacité  l'usage  d'enfermer  la  divinité  dans  les  temples  et  dans  l'obscurité  (beau- 
coup de  temples  n'étaient  éclairés  que  par  la  porte),  tandis  que  le  monde  entier, 
avec  les  animaux,  les  plantes  et  les  astres  qui  l'ornent,  est  son  temple  ;  il  se 
compare  pour  la  vertu  à  Hercule  et  se  promet  l'immortalité  :  «  Si  vous  pouviez 
»  ressusciter  dans  cinq  cents  ans,  dit-il  en  s'adressant  aux  Ephésiens,  vous  trou- 
»  veriez  qu'Heraclite  est  encore  vivant  tandis  qu'il  ne  resterait  aucune  trace  de 
»  votre  nom  ;  »  il  épousera  aussi  une  Hébé,  non  pas  l'Hébé  d'Hercule,  mais 
l'une  de  celles  dont  la  Vertu  est  la  mère;  Homère,  Hésiode,  chacun  des  hommes 
illustres  par  leur  sagesse  a  la  sienne.  Puis  revenant  brusquement  au  point  de 
départ  et  à  l'accusation  d'Euthyclès,  le  pseudo- Heraclite  demande  si  des  autels, 
si  des  pierres  peuvent  être  considérées  comme  des  témoins  des  dieux,  ce  sont 
les  œuvres  de  la  divinité  qui  sont  ses  témoins.  Le  soleil,  la  nuit  et  le  jour,  les 
saisons,  la  terre  avec  ses  fruits,  la  lune,  déposent  en  sa  faveur.  M.  B.  pense  que 
conformément  à  l'usage  qui  se  remarque  dans  la  littérature  apocryphe  et  apoca- 
lyptique les  cinq  cents  ans  dont  parle  l'auteur  de  la  lettre  doivent  se  rapporter 
au  temps  où  il  vivait  lui-même,  c'est-à-dire  au  premier  siècle  de  l'ère  chrétienne 
(p.  26).  Ce  raisonnement  ne  me  paraît  pas  bien  convaincant  et  l'analogie 
semble  forcée.  L'auteur  de  la  lettre  ne  prédit  pas  ici  un  événement  précis  et 
déterminé;  c'est  une  manière  figurée  de  dire  que  son  nom  vivra  éternellement; 
le  nombre  cinq  cents  n'a  évidemment  pas  ici  l'importance  du  nombre  des  semaines, 
par  exemple,  dans  le  livre  de  Daniel.  M.  B.  voit  d'ailleurs  dans  cette  lettre  la 
trace  de  deux  mains  différentes,  celle  d'un  philosophe  qui  attache  par-dessus 
tout  de  l'importance  à  la  sagesse  et  à  la  culture  de  l'esprit  (TraiSeîa)  et  qui  la 
récompense  par  l'union  avec  Hébé,  celle  d'un  juif  ou  d'un  chrétien  d'Ephèse  qui 
ne  se  souciait  pas  d'Hébé  ni  d'Hercule,  mais  qui  a  voulu  introduire  dans  la 
lettre  l'expression  de  son  zèle  contre  l'idolâtrie  et  qui  à  la  fin  s'est  évidemment 
rappelé  le  début  du  19'"  psaume  «  coeli  enarrant  gloriam  Dei.  »  Si  M.  B.  n'a  pas 
de  peine  à  mettre  à  part  la  péroraison  de  la  lettre,  il  est  beaucoup  plus 
embarrassé  pour  distinguer  dans  le  début  où  commence  et  où  finit  la  pieuse 
interpolation.  Je  crois  que  M.  B.  reconnaît  avec  raison  un  accent  juif  ou  chrétien 
dans  ces  attaques  contre  l'idolâtrie.  Mais  pourquoi  l'auteur  de  ces  attaques, 
écrivant  sous  le  nom  d'Heraclite,  ne  se  serait-il  pas  conformé  à  la  vraisemblance 
en  le  faisant  écrire  aussi  en  philosophe  et  en  payen  ?  n'était-ce  pas  le  moyen  de 
donner  plus  d'autorité  au  langage  juif  ou  chrétien  qu'il  lui  prête? 

A  propos  de  cette  lettre  M,  B.  signale  avec  raison  (p.  133)  une  pensée 
d'Heraclite  qui  avait  échappé  à  l'attention  des  savants  dans  Clément  d'Alexandrie 

(PrOtrept.  2,  p.    18  P)  :  tàyàp  vo[AiÇô[Ji£va  xar' àvOpwTTOu;  (iviar^ipia  àvtîpw(7Tt  [Aueùvrai. 

La  cinquième  et  la  sixième  lettre  adressées  à  un  certain  Amphidamas  contien- 


d'histoire  et  de  littérature.  19 

nent  des  réflexions  sur  la  médecine  et  de  vives  attaques  contre  les  médecins. 

M.  B.  signale  (p.  58)  les  ressemblances  frappantes  qui  se  rencontrent  entre 
certains  passages  de  ces  lettres  et  des  passages  du  premier  livre  du  traité  attribué 
à  Hippocrate  sur  le  régime;  ce  qui  confirme  l'opinion  qui  attribuait  cet  ouvrage 
à  un  disciple  de  l'école  d'Heraclite. 

La  septième  lettre  adressée  à  Herraodore  est  une  invective  véhémente  contre 
la  société  antique.  Le  pseudo-Heraclite  y  parle  en  particulier  du  viol  des  jeunes 
filles  dans  les  fêtes  de  nuit,  de  la  prostitution  des  filles  encore  toutes  jeunes  et 
des  garçons,  des  excès  commis  dans  les  pique-niques.  Il  condamne  la  guerre 
absolument  et  sans  restriaion  ;  il  s'indigne  qu'on  punisse  comme  déserteurs  ceux 
qui  ne  veulent  pas  se  souiller  du  sang  de  leurs  semblables.  Il  dit  qu'il  n'est  pas 
disposé  à  rire  quand  il  voit  qu'on  s'approprie  le  bien  d'autrui,  qu'on  traite 
comme  sienne  la  femme  d'autrui,  qu'on  vend  comme  esclaves  des  hommes  libres, 
qu'on  mange  les  animaux  tout  vivants,  -rà  ^wvra  xoL-éibu-z,  qu'on  viole  la  justice. 
M.  B.  fait  remarquer  (p.  73-74)  que  le  trait  relatif  aux  animaux  vivants  rappelle 
le  premier  des  préceptes  donnés  à  tous  les  enfants  de  Noé,  c'est-à-dire  à  tous 
les  hommes,  qui  sont  mentionnés  dans  le  Talmud.  Il  croit  voir  une  réminiscence 
de  quelques-uns  des  autres  préceptes  dans  ce  même  passage  du  pseudo-Heraclite. 
Mais  la  chose  n'est  pas  évidente;  et  ici,  comme  ailleurs,  M.  B.  force  un  peu 
l'interprétation  pour  trouver  des  réminiscences  et  des  allusions.  L'un  des  pré- 
ceptes donnés  aux  enfants  de  Noé  défend  le  meurtre;  et  les  invectives  contre  la 
guerre  en  général  ne  peuvent  en  tenir  la  place.  Il  n'y  a  pas  de  précepte  spécial 
qui  défende  de  réduire  en  esclavage  des  personnes  libres.  M.  B.  pense  que 
l'auteur  de  la  lettre  n'a  pas  fait  d'allusion  au  précepte  qui  défend  d'adorer  des 
idoles,  parce  que  c'eût  été  trop  contraire  à  la  vraisemblance  d'attaquer  le  culte 
des  idoles  sous  le  nom  d'Heraclite.  Mais  l'auteur  de  la  quatrième  lettre  n'y  a  pas 
regardé  de  si  près,  et  Sénèque  dans  son  traité  de  la  superstition  dit  sur  ce  point 
des  choses  tellement  fortes  que  saint  Augustin  a  cru  devoir  en  faire  usage  dans 
la  cité  de  Dieu  (VI,  10).  M.  B.  voit  dans  les  mots  v6iio;£î[i'  a>j.bn  une  réminis- 
cence de  la  politique  d'Aristote  (III,  ij,  1284  a  ij).  Mais  cet  ouvrage  était 
bien  peu  lu,  et  le  pseudo-Heraclite  a  pu  tirer  d'ailleurs  cette  expression.  Au 
reste  M.  B,  n'a  peut-être  pas  tort  en  attribuant  cette  lettre  à  un  juif  ou  à  un 
chrétien  du  i^  siècle  de  l'empire. 

M.  B.  a  constaté  que  Sénèque  (Dé  ira,  2,  10,  5.  De  tran<^uill.  1 5,  2)  est  le 
premier  auteur  où  il  est  question  d'Heraclite  pleurant  sans  cesse  par  opposition 
à  Démocrite  comme  riant  toujours,  et  Pline  l'Ancien  (7,  50)  dit  aussi  qu'Hera- 
clite ne  riait  jamais. 

Dans  la  huitième  lettre,  à  Hermodore,  il  est  question  du  voyage  d'Herraodore 
en  Italie,  de  la  part  qu'il  devait  prendre  à  la  législation  romaine  et  de  l'empire 
romain  auquel  seront  soumis  un  jour  les  Grecs  d'Asie.  L'auteur  cite  un  oracle 
sibyllin  qu'il  applique  à  Hormodore  :  SîêvUa  èv  icoÀXoî;  xal  wjto  èçpâcôr,  f.Çstv  <i6?ov 

La  neuvième  lettre  est  adressée  aussi  à  Hermodore.  C'est  une  apologje  de  la 


20  REVUE   CRITIQUE 

mesure  par  laquelle  Hermodore  accordait  aux  affranchis  le  droit  de  cité 
(l(707ro),tT£ia)  et  à  leurs  enfants  le  droit  d'arriver  aux  charges  publiques  (icoT-.fxta). 
Le  pseudo-Heraclite  dit  que  de  plus  puissants  adopteront  les  lois  dont  les  Éphé- 

siens  n'ont  pas  voulu,  saov-at  xpeiTToyç...  ol  TrstffGriCTOfiEVOi  toîç  aoîç  vojxot;.  M.  B.  VOit 

ici  (p.  99)  probablement  avec  raison  une  allusion  à  la  législation  ronfiaine  qui 
était  beaucoup  plus  libérale  que  la  législation  grecque.  Le  pseudo-Heraclite 
développe  d'ailleurs  le  thème  des  stoïciens  sur  l'esclavage  :  tous  les  hommes  sont 
égaux  comme  citoyens  du  monde;  il  n'y  a  d'homme  libre  que  celui  qui  n'est  pas 
assujetti  à  ses  passions.  M.  B.  croit  reconnaître  un  juif  ou  un  chrétien  dans  ce 
qui  est  dit  du  culte  de  la  Diane  d'Ephèse,  qui  a  pour  grand-prêtre  un  eunuque, 
comme  si  sa  virginité  courait  du  danger  avec  un  homme.  Mais  il  y  a  des  traits 
tout  semblables  dans  les  citations  que  saint  Augustin  fait  du  traité  de  Sénèque 
sur  la  superstition.  Les  œuvres  de  Sénèque  en  général  montrent  combien  il  est 
difficile  de  distinguer  par  des  caractères  intrinsèques  et  même  par  le  langage  un 
philosophe  d'avec  un  juif  ou  un  chrétien  dans  ce  qui  tient  à  la  morale  et  même 
au  culte.  Aujourd'hui  encore  il  y  a  des  gens  qui  croyent  que  Sénèque  a  dû  faire 
des  emprunts  à  saint  Paul.  Et  certainement  s'il  ne  nous  était  parvenu  de  Sénèque 
que  quelques  lettres  anonymes,  elles  se  prêteraient  très-bien  aux  raisonnements 
que  M.  B.  a  faits  sur  la  correspondance  du  pseudo-Heraclite. 

Le  texte  de  cette  correspondance  a  été  traité  avec  beaucoup  de  soin  et  de 
sagacité.  Il  y  a  des  restitutions  très-heureuses.  Mais  on  n'est  pas  infaillible;  et 
M.  B.  est  trop  disposé  à  s'étonner  qu'on  puisse  commettre  des  erreurs.  L'auteur 
de  l'histoire  de  la  philosophie  grecque  à  qui  M.  B.  reproche  vivement  (p.  41) 
de  n'avoir  pas  pensé  à  se  servir  du  traité  d'Hippolyte  contre  les  hérésies  pourrait 
s'étonner  à  son  tour  qu'un  philologue  aussi  distingué  que  M.  B.  ait  vu  (p.  128) 
une  incorrection  dans  la  construction  èxewou  sùvoîa  signifiant  «  par  bienveillance 
»  pour  lui.  »   Krùger  (§  47,  7,  5)  et  Madvig  (§  45  rem.)  citent  le  passage 

suivant  de  Thucydide  (7,   $7)  Arifjioaôevouç  <ft),îa  xai  'AOrivaîwv  eùvoîa  èirsxoupriaav,  qui 

justifie  pleinement  le  pseudo-Heraclite.  —  Le  texte  de  la  cinquième  lettre  (p.  48, 
I.  5-6)  ne  me  semble  pas  exempt  d'altération  dans  le  passage  où  après  avoir  dit 
que  la  prédominance  d'un  des  éléments  qui  entrent  dans  le  corps  humain  est  la 
cause  des  maladies,  l'auteur  continue  ainsi  :  àw.à  ôetôv  xt  ({/uxirî  :^  âpjiôijouffa  aùxà  • 

uyeia  ictl  tô  irpÛTOv,  'laxpixwTaTov  çOaiç  -où  yàp  elxâi^et  ii  irpwrr,  àxEyyia.  xi  Ttap'  aOn^v, 
àXXà  ucrxepov  âX),ot  àXXa  iJLijxoij(jL£vot  ol  âvOpwuoi  imniri\L(tç  xàç   àyvoîa;  êxâ/s^av oTSev 

è\iii  (joçta  080ÙÇ  «fùffewi;,  olôs  xai  vôaou  TtaùXav.  Evidemment  l'auteur  veut  dire  que  la 
manière  dont  la  nature  rétablit  l'équilibre  de  la  santé  est  le  modèle  de  la  méde- 
cine, le  prototype  de  la  médecine  que  les  hommes  ont  imité  plus  ou  moins  gros- 
sièrement. Mais  je  ne  comprends  pas  bien  ce  que  donne  le  texte  ûYsîa çOfftç, 

que  M.  B.  traduit  :  «  Die  Gesundheit  ist  das  ursprùngliche,  die  Natur  ist  der 
))  grœsste  Arzt.  »  Et  je  ne  vois  pas  de  restitution  bien  certaine;  faut- 
il  lire  :  (jytictQ  èaù  xô  Trpûxov  laxptxèv  çûdt;,  en  faisant  dépendre  Ofeia;  de  çûdi;?  En 
tout  cas  l'enchaînement  des  idées  exige,  à  ce  qu'il  me  semble,  le  sens  que  j'ai 
indiqué  plus  haut. 


d'histoire  et  de  littérature.  21 

En  somme  l'ouvrage  de  M.  Bernays  est  plein  de  recherches  savantes,  ingé- 
nieuses, présentées  avec  intérêt.  La  matière  est  petite,  mais  le  travail  est  exquis. 
Cette  publication  ajoute  à  ce  que  l'on  savait  de  la  philosophie  d'Heraclite  et  de 
l'état  moral  et  religieux  de  l'empire  romain  au  i"  siècle  de  l'ère  chrétienne. 

Charles  Thurot. 


130.  —  Tertullian's  Verhœltniss  zu  Minncius  Félix,  nebsteinem  Anhangùber 
Commodian's  carmen  apologeticum  von  Adolt  Ebert.  Leipzig,  Hirzel.  — Prix:  j  fr. 
25  c. 

Ce  travail  intéressant  de  M.  Ebert  est  extrait  des  Mémoires  de  l'Académie  des 
sciences  de  Saxe.  Il  se  compose  de  deux  parties,  ou  plutôt  de  deux  mémoires 
séparés  sur  deux  questions  qui  intéressent  l'histoire  et  la  littérature  des  premiers 
siècles  du  christianisme.  Le  premier  est  consacré  à  étudier  les  rapports  qui 
existent  entre  VOctavius  de  Minucius  Félix  et  VApologeticum  de  Tertullien.  Ces 
deux  ouvrages  sont  à  peu  près  du  même  temps;  il  ont  dû  être  composés  vers  les 
trente  dernières  années  du  second  siècle.  Mais  lequel  a  précédé  l'autre  ?  C'est 
une  question  qu'il  est  important  de  résoudre.  Comme  ils  nous  donnent  tous  les 
deux  sur  la  situation  de  !a  société  chrétienne  à  ce  moment  des  renseignements 
qui  concordent  pour  l'ensemble,  mais  diffèrent  quelquefois  par  les  détails  et  les 
nuances,  il  est  utile  à  l'histoire  de  l'Église  que  chacun  des  deux  tableaux  soit 
remis  à  sa  date  précise.  L'histoire  littéraire  n'a  pas  moins  d'intérêt  à  savoir  lequel 
des  deux  livres  a  précédé  l'autre  :  ils  sont  parmi  les  livres  chrétiens  les  plus  anciens 
qui  aient  été  écrits  en  latin,  et  il  est  naturel  qu'on  souhaite  de  connaître  avec 
certitude  par  quel  ouvrage  la  littérature  latine  chrétienne  a  commencé. 

L'Octavius,  dont  nous  ne  possédons  qu'un  seul  manuscrit  ancien,  n'a  été 
publié  pour  la  première  fois  qu'en  1 543.  A  ce  moment  l'Apologétique  de  Tertul- 
lien était  depuis  plus  d'un  demi-siècle  en  possession  de  l'admiration  publique,  et 
l'on  n'hésita  pas  à  regarder  comme  le  plus  ancien  l'auteur  le  plus  connu  et  le  plus 
admiré.  L'opinion  contraire  prévaut  aujourd'hui  ;  c'est  celle  de  M .  Ebert  qui  cherche 
à  prouver  que  VOctavius  est  antérieur  àV  Apologétique.  Malheureusement  on  n'a  pas 
de  texte  précis  pour  l'établir.  Si  Lactance ,  dans  la  revue  rapide  qu'il  présente 
des  défenseurs  du  christianisme  au  5^  livre  de  ses  divinae  institutiones,  met  Minutius 
Félix  avant  Tertullien,  saint  Jérôme,  dans  son  de  viris  illusîribus,  place  au 
contraire  Tertullien  le  premier.  Niebuhr  fait  bien  remarquer  que  Minutius  réfute 
à  deux  reprises  le  livre  que  Fronton  avait  écrit  contre  les  chrétiens,  et,  comme 
on  doit  supposer  que  la  réponse  n'a  pas  dû  être  très-postérieure  à  l'attaque  elle- 
même,  il  en  conclut  que  VOctavius  a  dû  paraître  vers  l'an  170;  mais  M.  Ebert 
ne  trouve  pas  cet  argument  sans  réplique.  Il  lui  semble  que  plusieurs  années 
après  la  mort  de  Fronton  on  pouvait  encore  citer  et  réfuter  l'ouvrage  d'un  orateur 
célèbre  qui  avait  dû  faire  beaucoup  de  bruit  quand  il  parut  et  dont  assurément  la 
renommée  ne  s'était  pas  si  vite  éteinte.  On  est  donc  réduit,  en  l'absence  de  docu- 
ments étrangers,  à  l'étude  comparée  des  deux  livres  et  il  faut  qu'on  se  décide  par 
des  raisons  presque  exclusivement  littéraires.  Toute  l'argumentation  de  M.  Ebert 


22  REVUE   CRITIQUE 

se  borne  à  montrer  qu'il  y  a  chez  les  deux  écrivains  des  morceaux  tellement  sem- 
blables qu'il  faut  que  l'un  ait  copié  l'autre  ;  or  ces  morceaux  semblent  bien  mieux 
à  leur  place  dans  VOctavius  que  chez  Tertullien  ;  ils  y  font  partie  du  plan  même 
de  l'ouvrage  et  l'on  ne  peut  les  enlever  sans  en  compromettre  l'ordonnance  géné- 
rale qui  est  très-sage  et  très-simple.  Au  contraire  dans  l'Apologétique  \\s  sont 
moins  bien  fondus  avec  le  reste,  ils  ne  s'accordent  pas  toujours  avec  le  plan  de 
l'ouvrage  et  ils  ont  l'air  parfois  de  n'avoir  pas  été  faits  pour  l'endroit  où  on  les 
voit.  M.  E.  n'a  pas  de  peine  à  répondre  à  ceux  qui  prétendent  que  l'origina- 
lité de  Tertullien  ne  permet  pas  de  supposer  qu'il  emprunte  ses  idées  d'un  autre. 
On  sait  qu^il  ne  s'est  pas  fait  scrupule  dans  d'autres  passages  d'imiter  saint  Justin. 
D'ailleurs  V Apologétique  était  une  œuvre  de  circonstance,  écrite  en  toute  hâte  au 
début  d'une  persécution  pour  essayer  de  l'arrêter.  Est-il  surprenant  que  l'auteur, 
pressé  d'achever  son  livre,  ait  pris  son  bien  où  il  le  trouvait,  sans  se  préoccuper 
beaucoup  d'ordonner  avec  soin  ses  emprunts .?  Ces  imitations  ne  font  du  reste 
aucun  tort  à  l'originalité  de  V Apologétique.  M.  E.  fait  remarquer  avec  beau- 
coup de  force  que  cette  originalité  se  trouve  dans  le  caractère  juridique  de 
l'ouvrage.  Saint  Justin,  Tatien,  Athénagore  étaient  des  Grecs  qui  connaissaient 
peu  les  lois  romaines;  Tertullien  qui  les  avait  étudiées  et  pratiquées  s'en  est  servi 
le  premier  pour  la  défense  du  christianisme.  Minutius  est  original  aussi  ;  il  ne 
ressemble  pas  aux  Grecs  ses  devanciers,  et  il  a  mis  dans  son  petit  livre  le  carac- 
tère de  son  pays  et  de  son  temps.  C'est  un  philosophe,  mais  non  pas  un  spécu- 
latif ou  un  platonicien.  Il  prend  le  fond  des  doctrines  stoïciennes,  et,  selon 
l'habitude  des  Romains,  le  modifie  par  le  bon  sens  et  l'applique  à  la  vie  commune: 
c'est  un  imitateur  de  Cicéron  et  un  disciple  de  Sénèque.  Ainsi,  comme  le  fait 
remarquer  en  terminant  M.  E.,  c'est  par  deux  œuvres  originales  et  vraiment 
romaines  que  la  littérature  chrétienne  a  commencé  à  Rome. 

L'autre  mémoire  de  M.  Ebert,  quoique  beaucoup  plus  court,  est  plus  intéres- 
sant encore  et  plus  nouveau.  Il  y  traite  du  poème  intitulé  Carmen  apologeticum 
qu'on  attribue  à  Commodien.  Ce  poème  a  été  publié  pour  la  première  fois  par 
D.  Pitra  qui  l'avait  trouvé  sans  nom  d'auteur  dans  la  bibliothèque  désir  Thomas 
Phillips  à  Middlehill.  Le  manuscrit  de  Middlehill  est  rempli  de  fautes  et  D. 
Pitra  en  a  donné  une  édition  fort  médiocre.  M.  E.,  qui  se  montre  très-sévère 
pour  l'éditeur  du  Spicilége,  prouve  qu'il  n'a  pas  été  heureux  dans  la  constitution 
du  texte  et  qu'il  n'a  pas  toujours  compris  les  idées  principales  de  son  auteur.  Le 
commentaire  de  M.  E.  améliore  en  beaucoup  d'endroits  ce  texte  corrompu  et 
nous  fait  bien  mieux  saisir  la  suite  et  la  portée  des  idées.  Ce  qu'il  a  le  mieux 
éclairci,  c'est  la  partie  de  ce  curieux  poème  qui  se  rapporte  à  la  fm  du  monde  et 
à  l'Antéchrist.  Il  y  règne  une  grande  confusion  que  D.  Pitra  n'avait  pas  su 
dissiper.  M.  E.  rappelle  comment  la  croyance  à  l'Antéchrist  est  née  chez  les 
Juifs  de  l'interprétation  de  certains  passages  de  la  Bible,  notamment  de  la  vision 
de  Daniel  et  de  la  prophétie  d'Ezéchiel  sur  Gog  et  Magog.  Les  Juifs  croyaient 
que  l'anti-messie  serait  un  homme  de  la  tribu  de  Dan  qui  s'élèverait  traîtreuse- 
ment contre  le  Christ  «  comme  un  serpent  s'élance  du  chemin,  »  et  qui  après 


d'histoire  et  de  littérature.  2^ 

une  longue  résistance  finirait  par  être  vaincu  par  lui.  Les  chrétiens,  en  quittant 
la  Judée,  emportèrent  ces  croyances  avec  eux.  Ils  pensaient,  avec  saint  Paul, 
que  la  venue  de  V homme  dépêché  était  proche.  La  première  persécution^  à  laquelle 
ils  ne  s'attendaient  pas,  et  les  massacres  qui  en  furent  la  suite  les  disposèrent  à 
croire  que  l'empereur,  qui  les  traitait  si  rudement,  pourrait  bien  être  ce  fils  de 
perdition  prédit  par  les  prophètes.  Précisément  la  canaille  de  Rome,  qui  regret- 
tait Néron,  prétendait,  sous  les  Flaviens,  qu'il  n'était  pas  mort,  qu'il  s'était 
réfugié  chez  les  Parthes  et  qu'il  devait  en  revenir.  Ces  récits  populaires  confir- 
mèrent les  chrétiens  dans  leur  opinion,  et,  à  partir  de  la  fm  du  premier  siècle, 
Néron  fut  pour  eux  l'Antéchrist.  Mais  cette  façon  d'interpréter  la  légende  ne  fut 
acceptée  qu'à  Rome  et  dans  une  partie  du  monde  romain.  A  la  même  époque 
saint  Irénée  continue  à  croire  que  l'Antéchrist  sera  un  homme  de  la  tribu  de  Dan 
et  il  l'appelle  Bélial.  L'originalité  de  l'auteur  du  Carmen  apologeticum  consiste  à 
réunir  les  deux  légendes;  il  y  a  pour  lui  deux  antechrists,  Néron  et  l 'anti-messie 
des  Juifs.  Chacun  a  son  rôle:  «  l'un,  nous  dit  le  poète,  est  la  perdition  de  la  ville, 
»  l'autre  de  la  terre  tout  entière.  »  Néron  tue  Hélie  et  chasse  les  chrétiens  de 
Rome,  à  son  tour,  il  est  défait  et  tué  par  l'anti-messie  qui  détruit  Rome  et  mas- 
sacre les  Romains,  récit  lugubre  que  l'auteur  de  ce  poème  rhythmé  termine  par 

ce  beau  vers  : 

Luget  in  aeternum,  quae  se  jactabat  aeterna! 

à  partir  de  ce  moment  cette  légende  combinée  est  généralement  acceptée  par  les 
écrivains  ecclésiastiques,  et  nous  la  retrouvons  chez  Lactance  et  chez  Sulpice 
Sévère. 

Quant  à  l'auteur  du  poème  et  à  l'époque  où  il  vivait,  M.  E.  se  rapproche 
en  général  des  opinions  de  D.  Pitra,  mais  il  les  établit  sur  de  meilleures  preuves. 
Il  ne  doute  pas  que  l'auteur  du  Carmen  apologeticum  ne  soit  le  même  que  celui 
des  Instructiones  adversus  gentium  deos,  c'est-à-dire  Commodien.  Il  pense  qu'il 
vivait  et  qu'il  a  écrit  vers  le  miUeu  du  iii*^  siècle  et  que  par  conséquent  il  est  le 
premier  en  date  de  tous  les  poètes  latins  chrétiens.  Son  histoire  nous  est  du  reste 
parfaitement  inconnue,  nous  n'en  savons  que  ce  qu'il  nous  en  apprend  lui-même. 
Il  s'appelle,  dans  les  Instructiones,  Gazaeus,  mendicus  Christi.  Il  était  donc  de  la 
ville  de  Gaza,  et  non  africain  comme  on  l'a  prétendu.  Mais,  si  l'on  accorde  à 
M.  E.  qu'il  était  né  en  Orient,  on  ne  peut  s'empêcher  de  croire  que  ce  n'est 
pas  en  Orient  qu'il  a  vécu  et  qu'il  a  composé  ses  ouvrages.  Son  originalité 
consiste  à  être  un  poète  populaire.  Il  n'a  pas  écrit  pour  la  société  lettrée  mais 
pour  la  foule;  il  faut  donc  admettre  que  les  gens  parmi  lesquels  il  vivait  pou- 
vaient le  comprendre,  et  que  par  conséquent  il  écrivait  dans  un  de  ces  pays  de 
l'Occident  où  la  langue  latine  était  celle  de  tout  le  monde.  Il  m'est  difficile  aussi 
d'admettre  avec  M.  E,  que  mendicus  Christi  ne  soit  qu'une  traduction  de  5enu5 
Dei;  je  crois  que  sans  être  téméraire  on  peut  y  voir  autre  chose.  Ces  mots  ne 
semblent-ils  pas  dire  que  Commodien  s'était  condamné  à  la  pauvreté  volontaire  ? 
C'était  donc  peut-être  une  sorte  de  moine  avant  les  moines,  un  apôtre  populaire 
qui  courait  le  monde,  comme  faisaient  les  cyniques  à  ce  moment,  prêchant  la 


24  REVUE   CRITIQUE 

pauvreté  par  ses  leçons  et  son  exemple.  Je  remarque  en  effet  à  plusieurs  reprises 
dans  son  poème  des  mots  bien  cruels  contre  les  riches.  Il  dit  «  qu'à  la  façon 
»  des  bêtes  ils  cherchent  toujours  quelque  proie  à  prendre,  quelque  sang  à  lécher, 
»  et  que  leur  unique  joie  est  de  vivre  comme  des  porcs  à  l'engrais  » 
Dum  modo  laetentur  saginati  vivere  porci  ! 

Gaston  Boissier. 

131.  —  Le  Monasticon  Gallicanum,  par  Louis  Courajod.  Paris,  Liepmannssohn 
et  Dutour,  mai  1869.  In-fol.,  28  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Le  bénédictin  D.  Michel  Germain  composa  sous  le  titre  de  Monasticon  galli- 
canum une  histoire  des  abbayes  de  la  congrégation  de  Saint-Maur;  il  mourut 
avant  d'avoir  pu  faire  imprimer  son  ouvrage,  qui  demeura  définitivement  inédit. 
Un  grand  nombre  de  planches,  représentant  les  vues  à  vol  d'oiseau  des  diverses 
abbayes,  furent  gravées  pour  accompagner  le  texte;  elles  n'existent  plus  aujour- 
d'hui, mais  quelques-uns  des  tirages  qui  en  avaient  été  faits  se  sont  conservés. 
Malheureusement  les  amateurs  qui  les  recueillirent  les  assemblèrent  sans  ordre, 
n'ayant  pas  toujours  la  série  complète  et  y  mêlant  arbitrairement  des  estampes 
étrangères.  De  tels  recueils  interpolés  et  confus  nécessitaient  un  travail  de  dépouil- 
lement que  M.  Courajod  vient  de  faire  paraître.  L'auteur  s'est  attaché  à  recons- 
tituer suivant  un  plan  méthodique  le  catalogue  des  planches,  qu'il  a  reconnues 
avoir  été  exécutées  pour  l'œuvre  de  D.  Germain  et  dont  il  a  assez  judicieu- 
sement arrêté  le  nombre  à  1 5  2 . 

M.  G.  destinant  sa  monographie  à  précéder  la  collection  des  planches  du  Mo- 
nasticon, débrouillée  et  reconstituée  par  lui,  mais  photogravée  aux  frais  d'un 
riche  antiquaire,  s'était  restreint  dans  les  limites  d'une  introduction.  Son  étude, 
éditée  séparément  par  suite  de  circonstances  indépendantes  de  sa  volonté, 
semble  dès  lors  trop  courte;  mais  si  résumée  qu'elle  soit,  elle  n'en  est  pas  moins 
la  base  nécessaire  de  toute  publication  nouvelle  sur  le  même  sujet. 

F.  Calmettes. 


132.  —  Ueber  die  zwœlf  Artikel  der  Bauern  und  einige  andre  Aktenstùcke  aus 
der  Bewegung  von  1525,  von  Alfred  Stern.  Leipzig,  S.  Hirzei,  1868.  In-8*,  viij- 
I  $  1  p.  —  Prix  :  3  fr.  20. 

Le  présent  travail  d'un  jeune  savant  de  Gœttingue  n'est  pas  une  histoire  de 
la  guerre  des  paysans,  mais  il  fait  naître  le  désir  de  voir  l'auteur  aborder 
bientôt  ce  sujet  plus  vaste  auquel  il  prélude  si  bien  par  l'opuscule  que  nous  exa- 
minons ici.  C'est  une  étude  critique  sur  l'origine  du  document  qui  joua  le  rôle 
principal  dans  le  terrible  soulèvement  de  1525,  et  que  nous  connaissons  sous  le 
nom  des  Douze  articles.  Cette  pièce,  dans  laquelle  sont  formulés  avec  une  brièveté 
et  une  modération  magistrale  les  griefs  des  malheureux  paysans,  a  fait  le  tour  de 
l'Allemagne  en  un  clin  d'oeil;  nous  la  retrouvons  partout  ',  de  l'Esthonie  jusqu'en 

I.  L'auteur  cite  31  éditions  contemporaines  différentes  et  il  ne  les  cite  pas  toutes.  Nous 


d'histoire  et  de  littérature.  25 

Alsace  et  en  Lorraine,  et  des  frontières  de  la  Suisse  jusqu'aux  montagnes  de 
Thuringe,  sans  qu'on  ait  encore  pu  découvrir  les  voies  par  lesquelles  elle  se  pro- 
pagea et  sans  qu'on  ait  réussi  jusqu'ici  à  fixer  d'une  manière  indubitable  le  nom 
de  l'homme  qui  formula  cette  déclaration  des  droits  de  l'homme  au  xvi^  siècle. 
L'auteur  ne  s'est  point  laissé  effrayer  par  l'insuccès  de  ses  prédécesseurs,  et  il  a 
essayé  d'arriver  à  des  résultats  positifs  par  une  critique  prudente  et  sagace  unie 
à  une  discussion  minutieuse  des  sources.  M.  Stem  commence  d'abord  par  exa- 
miner les  motifs  du  succès  universel  dont  jouirent  les  Douze  articles;  il  nous 
montre  que  ces  droits  réclamés  par  les  paysans  dans  un  langage  net  et  précis, 
ne  sont  pas  des  postulats  théoriques ,  mais  la  revendication  légitime  d'anciens 
droits  possédés  par  les  Germains  libres  du  ix*'  et  du  x*  siècle,  de  droits  fraudu- 
leusement dérobés  aux  viaimes  par  l'injustice  et  la  dureté  d'une  féodalité  de 
plus  en  plus  oppressive  et  violente.  Les  douze  articles  sont  comme  des  échos 
lointains  des  codes  judiciaires  du  Sachsenspiegel  et  du  Schwabenspiegel,  auquels  se 
mêle  un  élément  religieux  nouveau,  stimulé  par  l'ardent  désir  d'échapper  à 
l'oppression  du  clergé.  M.  St.  décompose  ensuite  les  douze  articles  en  leurs 
différents  éléments.  Les  éditions  les  plus  complètes  sont  ordinairement  précédées 
d'une  introduction  et  accompagnées  de  notes  marginales;  notre  auteur  établit 
que  notes  et  introduction  ne  font  pas  partie  du  texte  primitif  et  sont  l'œuvre 
d'un  commentateur  postérieur  (de  quelques  mois)  à  l'auteur  de  la  rédaction 
première.  Maintenant  d'où  vient  cette  rédaction  première  ^  Cette  grosse  question, 
M.  St.  l'aborde  par  le  côté  négatif  en  discutant  d'abord  les  personnalités  dési- 
gnées par  ses  prédécesseurs  comme  auteurs  probables  des  douze  articles  et  en 
montrant  successivement  l'impossibilité  de  ces  assertions  diverses.  Cinq  personnes  , 
se  sont  involontairement  disputées  jusqu'ici  l'honneur  de  la  rédaction  des  articles; 
je  dis  involontairement,  car  aucune  d'elles  n'a  prétendu  de  son  vivant  à  cet  hon- 
neur, qui  aurait  pu  coûter  cher,  et  ce  sont  des  écrivains  postérieurs  qui  leur  ont 
imposé  ce  labeur.  La  première  de  ces  personnes  est  Christophe  Schappeler  ou 
Sertorius,  prédicateur  à  Memmingen,  réfugié  en  Suisse  après  la  révolte  des 
paysans.  L'introduction  théologique  aux  articles,  lourde  et  peu  digne  du  reste, 
est  peut-être  de  lui,  mais  il  n'a  point  touché  au  texte  même  des  articles,  non 
plus  que  Jean  Heuglin,  vicaire  à  Sernatingen  sur  le  lac  de  Constance,  brûlé 
comme  hérétique  à  Meersbourg  après  la  défaite  des  paysans,  bien  qu'il  ait  été 
accusé  d'avoir  écrit  des  articles;  mais  M.  St.  démontre  qu'il  s'agit  d'autres  pièces 
en  faveur  des  paysans.  C'est  une  confusion  analogue  qui  a  fait  désigner  Frédéric 
Weigand,  fonctionnaire  de  l'électeur  de  Mayenceà  Miltenberg  dans  l'Odenwald, 
comme  auteur  de  notre  document.  Le  prophète  Thomas  Mûnzer,  le  célèbre  chef 
des  paysans  révoltés  de  la  Thuringe  a  également  été  nommé,  mais  plutôt  à  cause 
de  l'importance  de  son  rôle  dans  la  révolte  générale  et  de  sa  valeur  personnelle 
que  sur  des  indices  certains.  Un  dernier  candidat  se  présentait  dans  la  personne 

en  avons  noté  une  au  t.  74  de  la  collection  Wenckeriana  à  la  bibliothèque  du  Séminaire 
protestant  de  Strasbourg,  qu'il  paraît  ignorer. 


26  REVUE   CRITIQUE 

du  chevalier  Jean  de  Fuchsstein,  agent  politique  du  duc  Ulrich  de  Wurtemberg 
pendant  les  années  de  son  exil.  Il  paraissait  peu  probable  de  prime  abord  qu'un 
gentilhomme  ait  trouvé  les  formules  claires  et  expressives  qui  résument  les  vœux 
et  les  désirs  des  paysans  et  sans  quelques  textes  contemporains,  qui  prouvent 
qu'en  effet  Fuchsstein  fut  profondément  impliqué  dans  les  troubles  de  la  Souabe, 
espérant  les  faire  tourner  au  profit  de  son  maître,  on  n'aurait  jamais  songé  sans 
doute  à  ce  nom.  M.  St.  ayant  écarté  ces  diverses  hypothèses  arrive  à  celle  qu'il 
nous  propose  à  son  tour.  D'après  lui,  l'auteur  des  Douze  articles,  c'est  Balthasar 
Hubmaier,  d'abord  professeur  à  l'université  d'Ingolstadt,  puis  converti  au  pro- 
testantisme et  nommé  pasteur  à  Waldshut,  qu'il  amena  aux  doctrines  de  la 
Réforme  et  qui  devint  en  1524  le  centre  politique  des  paysans  révohés  de  la 
Forêt-Noire.  Hubmaier  fut  bientôt  le  conseiller  politique  des  paysans  et  c'est 
sur  leur  demande  et,  pour  ainsi  dire,  sous  leur  dictée,  qu'il  rédigea  le  document 
qui  nous  occupe.  M.  St.  a  réuni  avec  une  grande  sagacité  tous  les  arguments 
en  faveur  de  celte  donnée  importante.  La  preuve  principale  se  trouve  dans  les 
lettres  de  J.  Faber,  vicaire-général  de  Constance,  chargé  de  confisquer  les 
papiers  de  Hubmaier  (qui  fut  brûlé  à  Vienne  en  1 528)  et  qui  y  trouva  les  docu- 
ments établissant  le  fait  et  le  texte  même  des  Douze  articles  écrits  de  la  main  de 
l'accusé.  Quant  à  la  date  de  la  rédaction  des  articles  elle  est  assez  facile  à  fixer 
approximativement.  Les  premiers  exemplaires  en  circulèrent  à  Ulm  et  à  Munich 
dans  les  derniers  jours  de  Mars  1525;  on  peut  donc  admettre  qu'ils  ont  été  com- 
posés à  Waldshut  vers  la  mi-mars  de  cette  année. 

Tout  n'est  pas  également  certain  dans  le  travail  de  M,  Stern  et  lui-même 
,  reconnaît  ce  fait  avec  beaucoup  de  modestie.  Mais  il  est  permis  de  dire  dès 
aujourd'hui  que  plaçant  hypothèse  contre  hypothèse,  celle  de  notre  auteur  est 
encore  celle  qui  paraît  la  plus  probable  et  que  toutes  les  tentatives  faites  avant 
lui  pour  trouver  l'auteur  des  douze  articles  ont  été  moins  heureuses  que  la 
sienne.  Peut-être  sera-t-il  possible  de  découvrir  un  jour  dans  quelques  archives 
d'Allemagne  des  documents  nouveaux  sur  ce  sujet.  Pour  le  moment  tout  nous 
permet  d'accepter  avec  quelque  sécurité  les  résultats  dûs  à  la  sagacité  de  notre 
auteur  et  qui  pourraient  bien  contenir  la  vérité  définitive  sur  un  des  points  les 

plus  controversés  de  l'histoire  allemande. 

Rod.  Reuss. 


1  j  3 .  —  Moniteur  des  Dates.  Biographisch-genealogisch-historisches  Welt  Register, 
par  Eduard  Maria  Œttinger.  Leipzig,  Ludwig  Denicke,  1869.  In-4*,  1075  pages. 
—  Prix  :  140  fr. 

La  traduction  du  titre  de  ce  vaste  ouvrage  en  donnera  une  idée  exacte  : 
«  Répertoire  universel  biographique,  généalogique  et  historique,  comprenant  les 
actes  personnels  de  la  race  humaine,  c'est  à  dire  l'indication  de  la  patrie,  des 
dates  de  naissance,  de  mariage  et  de  mort,  de  plus  de  100,000  personnes  de 
toutes  les  époques  et  de  toutes  les  nations,  ayant  joué  un  rôle  dans  l'histoire, 


d'histoire  et  de  littérature.  37 

depuis  la  création  du  monde  jusqu'à  nos  jours,  avec  des  notes  sur  toutes  sortes 
d'objets  curieux.  »  —  L'épigraphe  est  empruntée  avec  à  propos  à  une  Comedia  de 
Calderon  :  «  Muera  el  hombre,  viva  el  nombre.  »  Un  avant-propos  en  langue 
française  annonce  que  ce  livre  est  le  résultat  de  vingt  ans  de  recherches,  et  qu'il 
contient  près  d'un  million  de  dates  arrangées  par  ordre  alphabétique.  «  Jusqu'à 
»  présent  nul  dictionnaire  n'a  surpassé  le  nombre  de  40,000  personnages;  le 
»  nôtre  sera  le  premier  qui  s'élèvera  à  la  hauteur  de  plus  de  100,000  noms 
»  d'hommes  et  de  femmes.  »  L'ouvrage  est  rédigé  en  langue  allemande;  on  en 
promet  plus  tard  une  traduction  française.  Chaque  page  est  divisée  en  trois 
colonnes  d'une  impression  assez  serrée,  sans  être  cependant  d'une  finesse  qui 
fatigue  la  vue;  chaque  colonne  est  de  95  lignes.  On  se  trouve  donc  en  face  d'un 
total  de  3,319  colonnes  et  de  3 1 5,400  lignes,  énonçant  chacune  plusieurs  faits, 
plusieurs  dates. 

Chaque  individu  indiqué  dans  cet  immense  répertoire  obtient  en  général  trois 
lignes,  quelquefois  deux,  parfois  quatre,  très-rarement  davantage.  D'après  le 
plan  du  livre,  les  indications  se  bornent  aux  dates  de  la  biographie  de  chaque 
personnage,  sans  qu'il  soit  fait  mention  de  ses  travaux  littéraires  ou  scientifiques, 
ni  des  circonstances  auxquelles  il  doit  d'être  connu.  Traduisons  quelques  articles 
qui  serviront  d'exemple  : 

Goethe  (Johann  Wolfgang  v.),  fils  de  Jean  Gaspard  G.,  poète  allemand,  con- 
seiller intime  de  Saxe-Weimar  et  ministre  d'État,  né  à  Francfort  sur  Mein  le 
28  août  1749,  annobli  en  1782,  marié  le  19  octobre  1806  à  Christiane  Vulpius, 
veuf  depuis  181 6,  mort  à  Weimar  le  21  mars  1832. 

Palmerston  (Henry  John),  baronet  Temple,  troisième  vicomte,  fils  d'Henry  II 
Temple,  deuxième  vicomte,  homme  d'État  anglais,  ex-premier  ministre,  né  à 
Broadland  (Southamptonshire)  le  20  octobre  1784,  marié  le  16  décembre  1839 
à  Emily  Mary  Lamb,  mort  à  Brockett  (Herfordshire)  le  18  octobre  1865. 

Vernet  (Jean  Emile  Horace),  fils  d'Antoine  Charles  Horace,  surnomme  Carie, 
peintre  français  d'histoire,  né  à  Paris  le  30  juin  1789,  marié  en  1810  à  Louise 

Pujol,  veuf  en ,  remarié  en à  la  veuve  de  Boisricheux,  mort  à  Paris 

le  17  janvier  1863.  Un  de  ses  tableaux  les  plus  célèbres  est  les  «  Adieux  de 
»  Napoléon  à  Fontainebleau  ». 

Voltaire  (François  Marie  Aroiut  de),  fils  de  François  Arouet  et  de  Marie  Mar- 
guerite Daumart,  philosophe  et  écrivain  français,  né  au  château  de  Chaienay, 
près  de  Sceaux,  le  20  février  1694',  mort  à  Paris  le  30  mai  1778. 

M.  Œtlinger  a  pensé  qu'un  personnage  de  l'importance  de  Voltaire  méritait 
bien  quelques  détails  ;  il  a  donc  joint  trois  notes  aux  lignes  fort  succinctes  que 
nous  venons  de  reproduire  : 

I  *  Il  n'est  pas  exact  que  le  jeune  Arouet  ait  pris  le  nom  de  Voltaire  en  adoptant  celui 
d'une  propriété  rurale  appartenant  à  sa  famille;  c'est  avec  plus  de  raison  que  l'auteur 

I .  [C'est  une  double  erreur  :  Voltaire  naquit  à  Paris  le  2 1  novembre  1 694  ;  voir  son 
acte  de  baptême,  extrait  des  registres  de  Saint-André  des  Arcs,  dans  Jal,  p.  128  5.  Réd.] 


28  REVUE    CRITIQUE 

des  Critical  Essays  by  an  Octogenarian  (Cork,  1851,  in-8*)  fait  observer  que  Voltaire  est 
l'anagramme  de  :  Arouet  1.  j.  (le  jeune). 

43761825        12345678 

Voltaire        Arouet  1.  j. 

2°  La  maison  où  naquit  Voltaire  était  dans  la  rue  des  Vignes;  elle  fut  démolie  en 
1825. 

3°  Voltaire,  qui  avait  déclaré  la  guerre  à  Jeanne  d'Arc,  mourut  précisément  le  même 
jour  où,  en  l'an  1431,  cette  héroïne  fut  livrée  au  supplice.  La  Nouvelle  Biographie  géné- 
rale lui  consacre  un  article  signé  Eugène  Asse,  où  nous  regrettons  de  ne  rien  découvrir  de 
bien  nouveau;  nous  avons  été  frappés  d'y  trouver  une  appréciation  de  Voltaire  par 
Gœthe;  nous  ne  la  connaissions  pas  encore,  mais  nous  l'avons  rencontrée  dans  le  t.  36, 
p.  213,  des  Œuvres  de  Gœthe  (Stuttgart,  1830);  nous  avouons  que  cette  longue  série  de 
mots,  placés  à  la  suite  les  uns  des  autres  (génie,  imagination,  profondeur,  étendue, 
raison...),  nous  semble  remplie  de  pléonasmes  et  de  tautologies,  et  nous  pensons  que 
Gœthe  aurait  pu  porter  sur  Voltaire  un  jugement  plus  précis  et  plus  concluant. 

Pour  montrer  quelle  abondance  de  renseignements  nouveaux  le  travail  de 
M.  Œttinger  ajoute  aux  Dictionnaires  biographiques  les  plus  récents,  nous 
observerons  qu'il  débute  par  signaler  huit  Aa  (Van  der),  tandis  que  la  Bio- 
graphie générale,  éditée  par  MM,  Didot,  n'en  fait  connaître  que  quatre;  et  dès  la 
première  colonne  de  la  première  page  on  trouve  les  noms  d'Aabel,  Aabye, 
Aach,  Aacken,  Aayard  (J.  G.  W.  et  Rasmus),  Aalborg,  Aselholm,  Aall,  Aare, 
et  une  foule  d'autres  dont  il  n'est  fait  aucune  mention  dans  la  Biographie  en 
question.  —  L'auteur  n'a  point  exclu  de  ses  recherches  les  personnages  vivants; 
il  donne  la  date  de  leur  naissance;  c'est  ainsi  qu'en  ouvrant  au  hasard  la  seconde 
partie,  à  la  page  112,  nos  regards  se  portent  sur  Théophile  Gautier,  né  à  Tarbes 
le  31  août  1808,  et  sur  le  peintre  italien  Leonardo  Gavagnini,  né  à  Venise  le 
18  mars  1812.  —  On  comprend  d'ailleurs  qu'il  est  impossible  que  quelques 
lacunes  ne  soient  pas  à  signaler;  il  nous  serait  facile  d'en  indiquer  un  assez 
grand  nombre;  ainsi,  pour  la  lettre  G  (et  nous  prenons  la  première  qui  s'offre 
à  nous),  nous  aurions  à  mentionner  le  baladin  Gaultier  Garguille  (dont  le  vrai 
nom  était  Guérin),  cher  aux  bibliophiles  français,  né  vers  1 574,  mort  vers  1634 
(peut-être  M.  0.  l'a-t-il  repoussé,  faute  d'indications  assez  positives);  le  poète 
Pierre  Gringore,  né  de  1475  à  1480,  mort  vers  1544  (même  observation); 
l'oratorien  Jean  Gaichies,  né  à  Condom  en  1647,  mort  à  Paris  le  5  mai  1741; 
le  comte  J.  R.  de  Gain-Montaignac,  littérateur,  né  en  janvier  1778,  mort  au 
commencement  de  1819  (M.  0.  ne  cite  que  le  prélat  de  ce  nom,  évêque  de 
Tarbes  en  1782,  mort  en  Portugal  en  1806);  l'abbé  Jacques  Galet,  né  à  Lam- 
balle  et  mort  en  1726,  etc.  M.  0.,  qui  cite  parfois  Quérard,  aurait  parfois  pu 
consulter  avec  profit  la  France  littéraire  de  ce  laborieux  écrivain.  Il  nous  semble 
aussi  qu'il  aurait  trouvé  beaucoup  de  renseignements  dans  VObituary  qui  est  joint 
à  chaque  cahier  mensuel  du  Gentleman^s  Magazine;  prenons  le  premiernuméro 
de  ce  journal  qui  nous  tombe  sous  la  main,  celui  du  mois  d'août  1860;  nous  y 
rencontrerons  divers  personnages  qui  mériteraient  d'être  réunis  à  tant  d'autres 
qu'enregistre  le  Moniteur  des  Dates  :  Finlaison  (John),  né  à  Thurso  le  27  août 
1783,  mort  près  de  Londres  le  13  avril  1860,  auquel  on  doit  les  tables  de 
mortalité  qui  servent  de  base  aux  opérations  de  divers  établissements  anglais; 


d'histoire  et  de  littérature.  29 

Martin  (Peter  John),  géologue  distingué,  né  à  Purlborough  (Sussex)  en  1786, 
mort  dans  la  même  ville  le  13  mai  1860;  Roberis  (George),  archéologue,  géo- 
logue et  historien,  mort  à  Lyme  Régis  le  27  mai  1860;  Orm^roi  (William  Piers), 
médecin  et  anatomiste  habile,  auteur  d'ouvrages  estimés,  né  à  Londres  le  14 
mai  1818,  mort  à  Canterbury  le  10  juin  1860;  Thackwell  (Joseph),  général 
anglais,  né  en  1781,  mort  à  Aghada-Hall  (près  de  Cork)  le  8  avril  1859. 
Arrêtons  ici  cette  énumération,  à  laquelle  nous  pourrions  donner  une  extension 
formidable.  —  Nous  observerons  aussi  que  quelques  erreurs,  excusables  assuré- 
ment dans  un  labeur  aussi  gigantesque,  se  rencontrent  de  loin  en  loin;  il  n'est 
pas  exact  (bien  qu'on  l'ait  fort  souvent  redit)  que  Furetière  ait  dédié  au  bour- 
reau son  Roman  bourgeois.  A  propos  de  Locke,  qui  resta  célibataire  toute  sa  vie, 
M.  0.  indique  vingt  et  un  hommes  célèbres  morts  sans  être  mariés:  Addison, 
Ariosto,  Bayle,  Boileau,  etc.;  mais  il  met  à  tort  dans  cette  catégorie  Buffon, 
dont  le  fils  périt  sur  l'échafaud  révolutionnaire,  et  Racine  qu'il  indique  d'ailleurs 
plus  loin  comme  marié  le  1"  juin  1667  à  Catherine  de  Romanet.  Si  l'auteur 
avait  lu  la  curieuse  brochure  de  M,  Louis  Lacour  sur  le  Parc  aux  Cerfs,  il  n'au- 
rait pas  écrit  que  cet  établissement  avait  coûté  200  millions,  et  nous  croyons 
aussi  qu'il  a  trop  légèrement  accepté  comme  fait  authentique  l'inculpation  diri- 
gée contre  Charles  IX  d'avoir,  d'une  des  fenêtres  du  Louvre,  tiré  des  coups 
d'arquebuse  sur  les  Huguenots  le  jour  de  la  Saint-Barthélémy.  Afin  de  relever 
un  peu  l'aridité  qui  est  la  compagne  inséparable  d'une  immense  série  de  noms 
propres  et  de  dates,  M.  0.  a  pris  le  parti  (et  il  a  bien  fait)  de  joindre  à  un 
certain  nombre  d'articles  des  notes  ordinairement  fort  courtes,  destinées  à 
signaler  diverses  particularités  piquantes  ;  nous  croyons  devoir  traduire  quel- 
ques-unes de  ces  annotations,  que  nous  prenons  d'ailleurs  à  mesure  que  nous 
les  rencontrons,  sans  prétendre  choisir.  —  L'historien  prussien  Gundling,  mort 
en  173 1,  et  qui  jouait  auprès  du  roi  Frédéric-Guillaume  I"  le  rôle  de  bouffon, 
faisait  partie  d'une  société  badine,  le  Taback-Collegium,  qui  nous  semble  avoir 
échappé  aux  recherches  spéciales  de  M.  Dinaux;  son  protecteur  le  fit  ensevelir 
dans  une  futaille  de  vin,  et  un  bel  esprit  de  la  cour,  qui  se  piquait  de  savoir  le 
latin,  composa  cette  épitaphe  :  Vinosus,  vino  sus.  —  Le  docteur  André  Halliday, 
mon  en  1839,  et  célèbre  en  Angleterre  pour  le  traitement  des  maladies  men- 
tales, a  écrit  qu'il  avait  envoyé  30,000  lettres  relatives  à  sa  profession,  qu'il  en 
avait  reçu  40,000,  et  que  ses  voyages  pour  inspecter  plus  de  400  hospices 
d'aliénés  publics  ou  particuliers  lui  avaient  fait  parcourir  un  espace  de  18,000 
milles  (plus  de  29,000  kilomètres).  —  Le  socinien  Ludwig  Hetzer,  décapité  à 
Zurich  le  4  février  1 529,  était  un  panisan  déclaré  du  principe  de  la  polygamie; 
ce  précurseur  des  Mormons  avait  épousé  douze  femmes,  et  il  avait  donné  à  cha- 
cune d'elles  le  nom  d'un  des  mois  de  l'année.  —  Le  mathématicien  Hirsch, 
mort  en  1852,  s'était  occupé  de  calculer  le  nombre  de  combinaisons  diverses 
que  pouvait  offrir  le  whist;  il  en  avait  trouvé  635,013,559,600.  Un  joueur  qui 
consacrerait  chaque  jour  dix  heures  à  ce  jeu  et  qui  amènerait  par  heure  trente 
combinaisons  différentes,  aurait  besoin  de  5,795,341  ans  pour  épuiser  toutes  les 


JO  REVUE  CRITIQUE 

combinaisons  possibles,  en  admettant  qu'aucune  ne  se  reproduisît  deux  fois.  — 
C'est  au  compositeur  Koltzmann,  né  à  Meerseburg,  sur  le  lac  de  Constance,  et 
mort  vers  1790,  que  revient  l'honneur  d'avoir  inventé  le  rhythme  reproduit 
dans  la  Marseillaise;  on  le  trouve  dans  le  Credo  de  sa  quatrième  Missa  solemnis. 
—  Le  théologien  Jacques  Christophe  Iselin,  mort  à  Bâle  en  1737,  s'était  attaché 
à  compter  combien  de  versets,  de  mots  et  de  lettres,  se  trouvent  dans  la  Bible, 
il  avait  consacré  à  ce  travail  ingrat  trois  années  entières  en  s'y  appliquant 
pendant  neuf  heures  par  jour,  et  il  finit  par  constater  que  la  Bible  renferme 
31,173  versets,  775,692  mots  et  3,566,480  lettres;  le  mot  et  revient  46,227 
fois,  le  mot  Jehova  6,7  5  5;  mais  le  mot  hébreu  équivalent  «  à  sur  le  champ,  immé- 
diatement >>,  ne  se  montre  qu'une  fois.  Ce  qui  avait  porté  le  courageux  Iselin  à 
entreprendre  un  pareil  labeur,  c'est  qu'il  avait  pris  pour  modèle  un  docte 
musulman  qui  avaft  reconnu  qu'il  y  a  dans  le  Koran  77,639  mots  et  323,015 
lettres.  —  Le  jésuite  bohémien  Korsinek,  mort  en  1680,  soutint  que  Gutenberg, 
l'inventeur  de  l'imprimerie,  était  né  à  Kuttenberg  en  Bohême;  et  ce  sentiment 
aveugle  de  patriotisme  inspira  encore  plus  vivement  Grégoire  Aloys  Dankowsky, 
lequel  s'efforça  d'établir  qu'Anacréon  appartenait  à  la  race  tch^èque.  —  On  a 
bien  peu,  ce  nous  semble,  entendu  parler  en  France  d'un  aventurier  allemand, 
Ernest  Louis  Wofgraf,  enfant  trouvé  qui  eut  la  prétention  de  se  faire  passer 
pour  un  fils  naturel  de  Napoléon  I"  et  d'une  comtesse  de  Kielmansegge,  et  qui, 
né  à  Dresde  vers  1813,  se  suicida,  dans  la  même  ville,  le  14  avril  1866.  — 
A  l'article  du  poète  Jean  Mathias  Dreyer,  né  à  Hambourg  en  17 16,  mort  en 
1769,  nous  trouvons  l'indication  d'un  ouvrage  à  insérer  dans  la  nouvelle  édition 
projetée  (à  ce  qu'on  nous  assure)  du  Dictionnaire  des  livres  condamnés  de  Pei- 
gnot;  un  volume  de  chansons  bachiques  de  cet  auteur  fut  brûlé  de  la  main  du 
bourreau  sur  la  place  publique  de  Hambourg.  —  M.  Œttinger  rencontre  Esco- 
bar,  et  il  nous  offre  un  échantillon  des  assertions  de  ce  casuiste,  dont  le  nom 
est  resté  célèbre ,  mais  dont  les  ouvrages  sont  assurément  bien  peu  ouverts 
aujourd'hui;  il  avance  qu'il  y  a  moins  de  mal  à  tuer  dix  laïques  qu'un  seul 
prêtre,  vingt  prêtres  qu'un  évêque,  trente  évêques  qu'un  cardinal,  cinquante 
cardinaux  qu'un  pape;  ce  qui  revenait  à  dire  que  l'individu  qui  donnerait  la  mort 
à  un  souverain  pontife  serait  plus  coupable  que  s'il  avait  égorgé  trois  cent  mille 
laïques.  —  A  propos  de  Fourier,  n'oublions  pas  ce  qu'il  avance  au  sujet  de 
notre  planète;  sa  durée  sera  de  80,000  ans;  elle  possédera  alors  trois  milliards 
d'habitants,  parmi  lesquels  figureront  37  millions  de  poètes  ayant  autant  de  génie 
qu'Homère,  37  millions  de  philosophes  ne  le  cédant  en  rien  à  Newton,  et  37 
millions  d'auteurs  comiques  égaux  à  Molière.  —  Gessler,  le  tyran  des  Suisses 
du  canton  d'Uri,  frappé  à  mort  par  Guillaume  Tell  en  1 307,  n'est  signalé  que 
pour  être  rangé  parmi  les  personnages  fantastiques  qu'on  a  introduits  dans  l'his- 
toire ;  les  historiens  modernes  ont  en  vain  cherché  quelque  document  qui  atteste 
son  existence.  —  Le  professeur  flamand  Goethals  obtint  du  pape  une  faveur 
dont  il  y  a  peu  d'exemples  ;  quoique  marié  et  père  de  douze  enfants,  il  fut  auto- 
risé à  entrer  dans  les  ordres  ;  il  devint  chanoine,  et  sa  femme,  dont  il  s'était 


d'histoire  et  de  littérature.  ?1 

séparé,  mourut  chanoinesse.  —  Le  philologue  Samuel  Grosser,  mort  en  1756, 
s'était  livré  à  de  profondes  études  sur  le  langage  des  animaux,  notamment  sur 
celui  des  oies  ;  il  se  vantait  de  le  très-bien  comprendre,  d'être  en  état  d'en 
rédiger  un  dictionnaire,  et  il  se  désignait  volontiers  sous  le  nom  de  Lexicographus 
anserinus.  —  Ipolito  Guarinoni,  écrivain  allemand,  malgré  son  nom  italien,  figure 
parmi  les  auteurs  qui  ont  dédié  leurs  livres  à  la  Vierge  ;  il  offre  son  écrit  à  la 
sérénissime  princesse  Marie,  reine  couronnée  de  l'empire  céleste,  grande  maî- 
tresse des  neuf  chœurs  des  anges,  souveraine  de  la  Terre  promise,  archidu- 
chesse de  Juda,  etc. 

Le  Moniteur  des  dates  est  accompagné  du  Moniteur  des  Faits,  contenant  les 
batailles,  les  traités  de  paix,  congrès,  insurrections,  révoltes  et  autres  événe- 
ments extraordinaires,  arrangés  par  ordre  alphabétique  des  lieux  où  ils  se  sont 
passés  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'à  nos  jours.  Le  premier  mot  est 
Aachî,  petite  ville  du  pays  de  Bade  ;  un  combat  y  fut  livré  le  2  5  mars  1 798 
entre  les  Français  et  les  Autrichiens;  le  dernier  est  Zusmarklausen  en  Bavière; 
combat  le  7  mai  1648  entre  les  Français  et  les  Suédois  réunis  et  attaquant  les 
Autrichiens.  Quelques  notes  accompagnent  cette  énonciation  des  lieux  où  s'est 
déployé  l'art  de  détruire.  Au  sujet  du  château  de  Boussu,  près  de  Mons, 
M.  Œttinger  observe  qu'on  rencontre  gravés  en  une  foule  d'endroits  les  mots  : 
«  Il  y  sera  bossu,  il  y  sera  bossu  »;  nulle  interprétation  raisonnable  n'a  encore  été 
donnée.  —  Au  combat  d'Heide,  livré  le  17  février  1 500,  entre  les  Danois  et 
les  habitants  du  Ditmarsch,  la  bannière  de  ces  derniers  était  un  crucifix  que 
portait  une  jeune  fille  de  la  paroisse  d'Oldenvœrde,  nommée  Else,  qui  avait  fait 
vœu  de  virginité  afin  de  se  rendre  digne  de  l'honneur  de  marcher  la  première 
vers  l'ennemi.  —  Une  note  fort  longue,  introduite  dans  l'article  Paris,  offre 
des  détails  étendus  sur  le  papier  monnaie,  invention  dont  il  est  juste  de  rappor- 
ter l'honneur  aux  Chinois,  et  dont  l'Europe  a  bien  abusé  depuis  que  cette  idée 
vint  frapper  l'esprit  de  l'empereur  Hian-Tsung,  il  y  a  près  de  dix  siècles,  —  A 
l'époque  du  Directoire,  une  actrice,  madame  Dugazon,  s'amusa  à  faire  tapisser 
son  boudoir  avec  des  assignats  dont  la  valeur  nominale  dépassait  4  millions. 
—  L'industrie  des  fabricants  de  faux  billets  de  banque  avait  pris  en  Angleterre  un 
tel  développement  que  dans  une  période  de  seize  années,  647  individus,  con- 
vaincus de  ce  crime,  furent  condamnés  à  mort,  et  244  subirent  le  dernier  sup- 
plice. —  A  propos  du  congrès  de  Vienne,  intervient  une  liste  des  princes  et  des 
hommes  d'État  qui  prirent  part  à  cette  réunion  célèbre;  l'empereur  Alexandre  se 
plut  à  qualifier  la  beauté  de  six  des  dames  de  la  cour  d'Autriche  qui  se  distin- 
guaient le  plus  sous  ce  rapport  ;  cinq  comtesses  furent  qualifiées  de  beauté 
coquette,  beauté  triviale,  beauté  étonnante,  beauté  céleste,  beauté  du  diable  ;  la 
princesse  Gabrielle  d'Auesperg  fut  signalée  comme  «  la  beauté  qui  inspire  seule 
un  vrai  sentiment  »,  et  elle  eut  d'autant  plus  à  s'enorgueillir  de  cette  apprécia- 
tion que  l'empereur  était  un  connaisseur  fort  distingué.  —  Quelque  étendue  que 
soit  l'énumération  des  champs  de  bataille,  nous  croyons  cependant  qu'elle  serait 
susceptible  de  quelques  additions  (nous  pourrions  signaler  divers  combats  livrés 


32  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

en  Espagne  pendant  la  guerre  de  l'Indépendance  (1808-1 8 14)  et  quelques 
détails  pourraient  être  rectifiés;  par  exemple,  à  la  bataille  d'Albuera,  16  mai 
1811,  ce  n'était  pas  Wellington,  c'était  lord  Beresford  qui  commandait  l'armée 
anglaise  et  ses  alliés.  —  A  la  fin  du  Moniteur  des  Faits,  on  trouve,  entre  autres 
objets,  une  liste  des  diverses  universités  existant  en  Europe  (au  nombre  de  97  ; 
la  plus  ancienne  est  Bologne,  fondée  en  1158;  la  plus  jeune  est  Bruxelles,  créée 
en  1855);  une  liste  des  membres  de  l'Académie  française  depuis  1634  jusqu'en 
1868  ;  (elle  comprend  424  noms  et  on  y  trouve  10  cardinaux,  10  archevêques, 
lôévêques,  4  maréchaux  et  18  ministres),  le  calendrier  des  Chinois,  la  liste  des 
membres  vivants  de  l'Académie  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg,  etc.  —  Ces 
indications  rapides  fourniront,  nous  en  avons  l'espoir,  une  idée  assez  exacte  de 
ce  que  contient  le  gros  volume  de  M.  Œttinger,  livre  qu'il  faut  ranger  parmi 
ces  ouvrages  de  référence  que  les  travailleurs  consultent  sans  cesse  et  qui  sont 
indispensables  dans  tout  grand  dépôt  littéraire.  Ce  qu'il  a  fallu  de  temps,  de 
persévérance  et  de  méthode  pour  réunir  et  classer  cette  masse  immense  de  faits 
est  véritablement  effrayant  ;  il  est  fort  douteux  qu'il  se  fût  trouvé  en  Europe 
deux  hommes  capables  de  se  charger  d'une  besogne  aussi  considérable,  très- 
utile  assurément,  mais  n'offrant  rien  d'agréable  dans  sa  composition.  L'auteur 
de  la  Bibliographie  biographique  a  d'ailleurs  déjà  fait  ses  preuves  ;  il  faut  le 
remercier  d'avoir  renoncé  au  roman,  à  la  petite  presse  satirique  qui  l'a  occupé 
pendant  quelques  années  et  qui  ne  lui  a  valu  que  des  persécutions  ;  c'est  avec 
raison  qu'il  s'est  livré  à  des  travaux  plus  sérieux;  nous  désirons  qu'il  entre- 
prenne un  ouvrage  qui  manque  encore,  ce  Manuel  du  travailleur  que  réclamait 
Leber,  en  faisant  observer  qu'il  serait  plus  utile  que  le  Manuel  de  l'amatenr, 
déjà  bien  connu.  Ce  projet,  Quérard  l'avait  conçu  ;  il  voulut  l'exécuter  dans  son 
Encyclopédie  du  Bibliothécaire,  mais  son  plan  était  trop  vaste,  et  ses  matériaux 
qui  sont  entre  nos  mains  et  qui  sont  le  fruit  de  trente  ans  de  recherches,  ne  sau- 
raient être  publiés  dans  l'état  où  il  les  a  laissés. 

B. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

BussoN,  Die  florentinische  Geschichter  d.  Malespini  (Innsbruck,  Wagner).  —  Champ- 
FLEURY,  Histoire  de  l'imagerie  populaire  (Dentu).  —  Clekmont-Ganneau,  Histoire 
de  Calife  le*  Pêcheur  (Jérusalem).  —  Colucci,  Gli  Equi.  I  (Naples,  Detken).  —  Guil- 
LOCHE  (Maître),  la  Prophécie  du  roi  Charles  VIII,  p.  p.  le  marquis  de  La  Grange 
(Acad.  des  Bibliophiles).  —  Hûffer,  d.  D.  Mœchte  im  Revolulionskriege  (Munster, 
Aschendorff).  —  Librorum  Levitici  et  Numerorum  versio  antiqua  itala  e  codice  per  anti- 
que in  Bibliotheca  Ashburnhamiense  conservato  nunc  primum  typis  édita  (Londres,  priva- 
tely  printed).  —  Mœrikofer,  Ulrich  Zwingli  (Leipzig,  Hirzel).  —  Steger,  Platonische 
Studien  (Innsbruck,  Wagner).  —  Volquardsen,  Untersuchungen  ùber  d.  (^uellen  d. 
Griech.  u.  Sicil.  Geschichten  ben  Diodor,  b.  XVI  (Kiel,  Schwer).  —  Wiskowatoff 
(VON),  Jacob  Wimpheiinz  (Berlin,  Mitscher  u.  Rœstell). 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Anzeiger  f.  Kunde  der  deutschen  Vorzeit. 
Organ  d.  german.  Muséums.  Redact.  A. 
Essenwein,  G.  K.  Frommann  u.  A.  v. 
Eye.  Neue  Folge.  16.  Jahrh.  1869.  12. 
Nrn.  Mit  Beilagen  u.  Illustr.  in  Holz- 
schn.  In-4'.  Nùrnberg  (Cerm.  Muséum). 

8  fr. 

Audigier.  Mémoires  de  d'Audigier,  limo- 
nadier à  Paris,  XVII'  siècle,  recueillis 
par  Louis  Lacour.  In- 16,  xix-iS  pages. 
Paris  (imp.  Jouaust,  libr.  de  l'Académie 
des  Bibliophiles).  ^  fr-  75 

Beanne  (H.).  Un  procès  de  presse  au 
XVIII"  siècle.  Voltaire  contre  Travenol. 
In-8*,  52  p.  Paris  (lib.  Douniol). 

Bibliotheca  geographico  -  statistica  et 
œconomico-politica  oder  systematrsch 
geordnete  Uebersjcht  der  in  X)eutschland 
und  dem  Ausiande  auf  dem  Gebiete  der 
gesammten  Géographie  Statistik  und  der 
Staatswissenschaften  neu  erschienenen 
Bûcher  hrsg.  \.  N.  Mùldener.  16.  Jahrg. 
2.  Hft.  Juli-Decbr.  1868.  Gr.  in-8*,  p. 
96-246.  Gcettingen  (Vandenhœck  und 
Ruprecht).  i  fr.  10 

historica  od.  systematisch  geordnete 

Uebersicht  der  in  Deutschland  u.  dem 
Auslandeauf  dem  Gebiete  der  gesammten 
Geschichte  neu  erschienenen  Bûcher  hrsg. 
von  W.  Mùldener.  16.  Jahrg.  2.  Hft. 
Juli-Decbr.  1868  (mit  e.  alphabet.  Regis- 
ter).  Gr.  in-8%  p.  99-272.  Gœttingen 
(Vandenhœck  und  Ruprecht).      i  fr.  90 

historica  naturalis,  physico-chemica 

et  mathematica  od.  systematisch  geord- 
nete Uebersicht  der  in  Deutschland  und 
dem  Ausiande  auf  dem  Gebiete  der  ge- 
sammten Natunvissenschaften  und  der 
Mathematik  neu  erschienenen  Bûcher 
hrsg.  von  H.  Guth.  18.  Jahrg.  2.  Hft. 
Juli-Decbr.  1868.  In-8*.  Gœttingen  (Van- 
denhœck und  Ruprecht).  1  fr-  3  S 

mechanico-technologica  et  œconomica 

oder  systematisch  geordnete  Uebersicht 
aller  auf  dem  Gebiete  der  mechan.  und 
technischen  Kûnste  und  Gewerbe,  der 
Fabriken,  Manufacturen  und  Handwerke 
der  Eisenbahn  u.  Machinenbaukunst,  der 
gesammten  Bauwissenschaften  sowie  d. 
Haus,  Land,  Berg,  Forst  u.  Jag>\'issen- 
schaft  in  Deutschland  und  dem  Ausiande 
neu  erschienenen  Bûcher  hrsg.  von  W. 
Mùldener.  7.  Jahrg.  2.  Hft.  Juli  Decbr. 
]868  (mit  e.  alphabet.  Register).  In-8* 
p.  96-236.  Gœttingen  (Vandenhœck  und 
Ruprecht).  i  fr.  50 

Biré.  Victor  Hugo  et  la  Restauration, 
étude  historique  et  littéraire.  In- 18  jésus, 


478  p.   Nantes  (Paris,   LecofFre  fils  et 

C'). 

Back  (de).  L'archéologie  irlandaise  au 
couvent  de  Saint-Antoine  de  Padoue,  à 
Louvain.  In-8*,  52  p.  Paris  (Albanel). 

Baddha  and  his  doctrines.  A  biographi- 
cal  essay.  In-8*,  32  p.  London  (Trùbner 
and  C').  5  fr.  15 

Bulletin  de  la  Société  archéologique,  his- 
torique et  scientifique  de  Soissons.  T.  I. 
2"  série.  In-8',  259  p.  Paris  (Didron). 

Sfr. 

Lambert  (G.).  Histoire  des  guerres  de 
religion  en  Provence,  1530-1598  (suite). 
In-8*,  p.  187-370.  Toulon  -(imp.  Lau- 
rent). 

Liefèvre-Pontalis.  La  Hollande  au 
XVIII'  siècle.  Le  conseil  municipal  d'une 
grande  ville,  épisodes.  In-8*,  40  pages. 
Paris  (Didier  et  G"). 

Liejeal  (G.).  Essai  sur  l'introduction  du 

christianisme  dans  le  Hainaut.  In-8*,  45 
p.  Valenciermes  (Prignet). 

Lettre  de  Henri  IV  aux  Valenciennois, 
publiée  par  le  docteur  A.  Lejeal.  In-8*, 
8  p.  Valenciennes  (Prignet). 

Mémoires  de  l'Institut  impérial  de  France, 
Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 
T.  23.  In-4',  v-324  p.  Paris  (impr.  Im- 
périale). 

Merval  iL.  de).  L'entrée  de  Henri  II, 
roi  de  France,  à  Rouen,  au  mois  d'octo- 
bre 1 550.  Imprimé  pour  la  première  fois 
d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
de  Rouen,  orné  de  10  pi.  gravées  à  l'eau- 
forte.  In-4*  oblong,  64  p.  Rouen  (impr. 
Boissel). 

Sanders  (D.).  Handwœrterbuch  d.  deut- 
schen Sprache.  In-8*,  1067  p.  Leipzig 
(0.  Wigand).  10  fr. 

Sauvage  (H.  >.  Etudes  diverses.  Les  trois 
poètes  Vauquelin.  In-8*,  16  p.  Angers 
(lib.  Barasse). 

Viollet-le-Duc.  Dictionnaire  raisonné 
du  mobilier  français  de  l'époque  carlo- 
vingienne  à  la  Renaissance.  3*  vol.  1" 
fascicule.  Vêtements,  etc.  In-8*,  176  p. 
Paris  (Morel).  i  fr.  50 

Vivenot  (A.).  Thugut,  Clerfayt  u.  Wurm- 
ser.  Original-Documenté  aus  dem  k.  k. 
Haus,  Hof  und  Staats  Archiv  und  dem 
k.  k.  Kriegs-Archiv  in  Wien  vom  Juli 
1794  bis  Febr.  1797.  Mite,  histor.  Ein- 
leitg.  Gr.  in-8',  (333  p.  (m.  2  lith.  fcsle.). 
Wien  (Braumûller).  17  fr.  55 


NICOLAS  DE  TROYES  gon^des"nouvdles 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in-i6,  papier  vergé,  cartonné.  ^  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

Fi-x  T  r7  nr     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  i'"  partie. 
•       -L^  l  i-jZu         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

ET^  ■^~^  TV  T   A    TV  T      Saint  Paul  (Livre  IIF  de  l'histoire  des  origines 
•      rV  IL  1  >  i\  IN      du  christianisme),  i  vol.  in-8°,  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  ,         7  fr.  50 


En  vente  à  la  librairie  A.  Durand  et  Pédone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 

r-^  >^  P)  Y  -r-v  r-T-^  /^  O  T  T  A  /T     ^^  musica  medii  aevi  novam  seriem  a 

kJ  V^  Iv  1  r     1   V^  rv  LJ  iVl     Cerbertina  alteram  collegit  nuncque 
priraum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

En  vente  chez  H.  Plon,  éditeur,  8  et  10,  rue  Garancière. 

J.  CRÉTIN  EAU  JOLY    Sr  j: 

1 80 1  et  le  cardinal  Consalvi ,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-8''.  7  fr.  $0 

En  vente  chez  Fischer,  à  Cassel,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

HY-i  Y     Y  >^  |-x  j^  r^  T     Colometriae  Aristophanae  quantum  superest 
EL  i— «  1  v^  Ï-J  \y  Iv  1     una  cum  reliquis  scholiis  in  Aristophanem 
metricis  edidit  C.  Thiemann.  In-8°.  3  fr.  40 


En  vente  chez  Ebeling  et  Plahn,  à  Berlin,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

D\xr/^T     Ty  A/T  A  NT  NT       Synesius  von  Cyrene.    Eine 
.       VV  U  L.  R  M  A  1 N  IN        biograph.  Charakteristik  aus 
den  letzten  Zeiten  d.  untergehenden  Hellenismus.  In-8°.  7  fr.  40 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


U*  29  Quatrième  année  17  Juillet  1869 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix    d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  15  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

T^       A  yf  r\  IV  >f  A  yf  C  ET  NT     Histoire  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 

1  •  iVl  vJ  iVl  iVl  O  Ci  1 N  Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-S''.  j  fr. 

Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


H-«  T^  r  T-i  T  T       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
•      VV  IL  1  l_i    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  3^  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


De  la  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 


PT  A  1\.T  NT  17  '"P  langue  cnmoise  ex  aes  moyens  a  en  laci- 

•     J  A.  IN  IN  lL    i       liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-S".  2  fr 


A/-^  A  ç  rr^  4   i^T      Le  Capitole  de  Vesontio  et  les  Capitoles  pro- 
•      v^r\i3   1  r\i>l      vinciaux  du  monde  romain.  In- 8°  avec  3  pi. 

3fr. 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

The  Athenœum,  Journal  of  English  and  Foreign  Literatur,  Science  and  the 
Fine  Arts.  London.  —  3  juillet. 

[Jusqu'à  présent  les  périodiques  anglais  n'ont  été  représentés  sur  la  couverture 
de  la  Revue  que  par  \e  Journal  of  Philology,  qui  ne  paraît  qu'à  de  longs  intervalles, 
et  par  le  Irish  Ecclesiastical  Record,  dont  l'objet  est  très-spécial.  VAîhen£um  n'est 
pas  un  journal  de  critique  érudite  ;  toutefois ,  de  toutes  les  revues  anglaises  qui 
s'occupent  de  critique,  c'est  non-seulement  le  plus  répandu,  mais  le  plus  impar- 
tial et  généralement  le  mieux  informé.  Avec  un  cadre  plus  vaste  et  une  direction 
moins  exclusivement  scientifique,  il  est  pour  l'Angleterre  ce  qu'est  le  Lit.  Central- 
Blatt  pour  l'Allemagne.  Nous  ne  mentionnerons  bien  entendu  que  ceux  des 
articles  de  VAthensum  qui  entrent  dans  notre  cadre.] 

The  Life  of  Thomas  Lord  Cochrane,  tenth  Earl  of  Dundonald. . .  by  his  son  (London, 
Bentlei,  2  vol.).  Complète  l'autobiographie  publiée  il  y  a  une  dizaine  d'années 
par  l'amiral  Cochrane,  l'un  des  plus  habiles  et  des  plus  audacieux  marins  qu'ait 
eus  l'Angleterre.  —  The great  parliamenîary  bore,  by  Major  Evans  Bell  (Trûbner) 
curieux  exposé  des  procédés  anglais  à  l'égard  d'un  souverain  indien.  —  Hand- 
book  to  the  Cathedrals  of  England.  Northern  Division  :  York,  Ripon,  Carlisle, 
Durham,  Chester,  Manchester;  by  R.  J.  King  (Murray).  —  A  new  Translation 
of  the  Psalms,  with  a  plea  for  révisai  of  our  versions,  by  the  Rev.  R.  C.  Didham 
(Williams  and  Norgate);  ouvrage  sans  valeur.  —  Merlin,  or  the  early  History 
of  King  Arthur,  edited  by  H.  Wheatley,  with  an  Essay  on  Arthurian  Localities 
by  J.  St.  Glennie  (Trûbner).  Nous  rendrons  compte  de  cet  ouvrage  qui  fait 
partie  des  publications  de  VEarly  English  Text  Society.  —  Ce  n°  annonce  la  mort 
du  Rev.  J.  H.  Todd,  de  qui  les  publications  ont  été  plus  d'une  fois  l'objet  de 
compte-rendus  dans  la  Revue  critique  (1867,  art.  171;  1868,  I,  p.  192;  1869, 
art.  46). 

Historîsche  Zeitschrift,  herausgegeben  von  H.  von  Sybel.  Mùnchen,  1869. 
—  2"  cahier. 

I.  Essais.  Hermann  Markgraf,  Du  projet  d'alliance  entre  tous  les  princes  chré- 
tiens conçu  par  George  Podiebrad  pour  l'expulsion  des  Turcs  et  l'établissement 
de  la  paix  universelle  en  Europe.  Travail  étendu  sur  une  entreprise,  avortée  du 
reste,  qui  devait  assurer  au  roi  national  de  la  Bohême  l'appui  de  l'Occident  et 
surtout  du  roi  Louis  XI  contre  ses  voisins  (1462-1464).  —  0.  Lorenz.  Études 
détachées  ÇAnalecten')  sur  l'histoire  d'Angleterre  au  xvi"  et  au  xvii°  siècle.  Écrites 
à  propos  du  dernier  volume  de  Léopold  Ranke  sur  cette  époque,  i.  L'auteur, 
comme  en  général  les  historiens  allemands  depuis  quelque  temps,  fait  d'abord  le 
panégyrique  de  l'illustre  savant  de  Berlin  aux  dépens  de  Macaulay;  il  faut  être 
allemand  cependant  pour  préférer  à  ce  dernier  le  récit  de  Ranke,  qui  est  ici 
moins  sur  son  terrain  qu'ailleurs,  parce  que  avec  ses  tendances  absolutistes  et 
ses  goûts  diplomatiques  il  n'apprécie  point  avec  justice  l'histoire  d'une  époque 
parlementaire  et  d'un  peuple  libre.  Au  point  de  vue  de  la  narration,  Ranke  donne 
à  peine  des  contours,  Macaulay  des  tableaux.  M.  L.  avance  même  des  faits 
absolument  inexacts.  Il  prétend  p.  ex.  que  Ranke  a  découvert  la  différence  entre 
les  deux  recensions  de  l'Histoire  de  Burnet;  mais  Macaulay  l'avait  signalée 
depuis  longtemps.  2.  Henry  VIII  et  Anna  Boleyn;  détails  curieux  sur  les  opinions 
du  roi  relativement  à  la  virginité,  etc.  3.  Charles  II  dans  l^ exil;  documents  inédits 
des  archives  de  Vienne,  correspondance  avec  l'empereur  Ferdinand  III.  — 
H.  Baumgarten.  La  lutte  pour  la  succession  d'Espagne  pendant  les  dernières 
années  de  Ferdinand  VII.  Essai  très-intéressant  de  l'auteur  de  l'Histoire  moderne 
de  l'Espagne,  écrit  d'après  les  papiers  de  l'ambassadeur  prussien  ds  Liebermann, 
etc. 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  29  —  17  Juillet  —  1869 

Sommaire:  134.  Jongencel,  Nouvelles  découvertes  dans  la  critique  biblique.  — 
135.  CoRSSEN,  Prononciation,  vocalisme  et  accentuation  du  latin.  —  136.  Benndorf, 
Vases  grecs  et  siciliens,  1"  livraison.  —  137.  Volkmann,  Vie  et  philosophie  de  Plu- 
tarque.  —  138.  Bordier,  le  Grùtli  et  Guillaume  Tell;  Rilliet,  Lettre  à  M.  H. 
Bordier;  Hungerbuhler,  Etude  critique  sur  les  traditions  relatives  aux  origines  de 
la  confédération  suisse.  —  139.  Stonau-Novakovitch,  Bibliographie  serbe  de  1741 
à  1867. 

1 34.  —  Neue  Entdeckungen  auf  dem  Gebiete  der  biblischen  Textkritik. 

Proben  und  Hypothesen  von  Jakob  Jo.ngencel,  mit  IV  Tafeln.  Leiden,  SteenhofF, 
1868.  In-8-,  60  p. 

L'auteur  de  cette  brochure  a  certainement  beaucoup  d'imagination.  Je  dirai 
même  qu'il  en  a  trop,  car  en  matière  scientifique  l'imagination  est  souvent  mau- 
vaise conseillère  :  les  étranges  hypothèses  auxquelles  se  livre  M.  Jongencel  en 
sont  une  nouvelle  preuve.  De  pareilles  publications  mettent  le  critique  dans  un 
véritable  embarras.  S'il  pouvait  n'y  voir  qu'un  jeu  d'esprit,  il  passerait  outre  en 
se  disant  que  certaines  gens  ont  une  manière  singulière  d'utiliser  leurs  loisirs. 
Mais  lorsqu'un  auteur  tient  beaucoup  à  être  pris  au  sérieux,  qu'il  affirme  avoir  fait 
des  «  découvertes  surprenantes  »  (iiberraschende  Entdeckungen),  «  d'une  évidence 
»  presque  indéniable  »  (schwer  zur  Uugnenden  Evident),  et  qu'il  croit  ouvrir  à  la 
science  des  «voies  nouvelles»  (meine  bahnbrechende  Schrift) ,  il  faut  bien  s'arrêter 
un  instant  devant  de  telles  prétentions,  ne  fût-ce  que  pour  prévenir  à  temps  ceux 
qui  pourraient  se  trouver  alléchés  par  les  promesses  du  titre.  Voyons  donc  rapi- 
dement quelles  sont  les  «  étonnantes  découvertes  «  faites  par  M.  Jongencel. 

Après  avoir  montré  ou  essayé  de  montrer  l'existence  de  strophes  épiques  dans 
la  prose  hébraïque,  l'auteur  veut  retrouver  comment  ces  strophes  étaient  primi- 
tivement disposées  dans  les  colonnes  du  manuscrit  original,  et,  ce  travail  une  fois 
terminé ,  découvre  un  grand  nombre  d'acrostiches  et  d'anagrammes  qui  avaient 
échappé  jusque-là  à  la  sagacité  des  interprètes.  Je  ne  veux  pas  insister  sur  les 
deux  premiers  points.  Il  est  impossible  de  démontrer  que  les  scribes  de  l'anti- 
quité hébraïque  aient  copié  leurs  volumina  tout  à  fait  comme  le  voudrait  M.  J., 
les  plus  anciens  manuscrits  hébreux  que  nous  connaissions  étant  d'une  époque 
relativement  moderne.  Mais  le  fait  reste  au  moins  probable.  De  plus  certains 
récits  de  l'Ancien  Testament,  —  l'histoire  de  Samson  par  exemple,  —  se  prêtent 
assez  facilement  à  une  division  en  fragments  plus  ou  moins  longs,  où  il  est  plus 
naturel  de  chercher  quelque  chose  d'analogue  à  nos  alinéas  que  des  strophes 
poétiques,  avec  un  nombre  déterminé  de  vers  ou  de  lignes.  Découper  l'histoire 
de  Samson  en  32  strophes  de  12  lignes  chacune,  comme  le  fait  M.  J.,  est  une 
opération  des  plus  fantastiques,  qui  entraîne  nécessairement  une  séparation 
arbitraire  des  lignes  et  l'élimination  non  moins  arbitraire  de  quelques  passages 
vm  5 


34  REVUE   CRITIQUE 

gênants.  Pourquoi  l'auteur  voit-il  une  interpolation  dans  l'épisode  de  Samson 
enlevant  les  portes  de  Gaza  (Juges,  XVI,  1-3)?  Ne  serait-ce  pas  pour  se  déba- 
rasser  d'une  strophe  de  16  lignes?  Une  partie  de  XVI,  27  est  indiquée  comme 
provenant  d'une  glose  introduite  postérieurement  dans  le  texte  :  M.  J.  ne  donne 
aucun  motif  à  l'appui,  mais  évite  ainsi  une  strophe  de  1 5  lignes.  Autre  exemple  : 
Genèse,  II,  4,  jusqu'à  la  fin  du  chap.  se  composerait  aussi  de  strophes  de 
12  lignes;  les  v.  4-7  forment  la  première  strophe;  mais  les  v.  8-9  ne  forment 
que  la  première  moitié  de  la  seconde  ;  il  faut  aller  chercher  la  deuxième  moitié 
aux  v.  15-17;  une  strophe  incomplète  (v.  10-14)  a  été  intercalée  entre  ces  deux 
moitiés  !  On  peut  juger  maintenant  du  degré  d'arbitraire  que  dénotent  de  pareils 
procédés.  Mais  je  ne  veux  pas  appuyer  davantage,  d'autant  plus  qu'il  y  a,  sous 
ces  exagérations  évidentes,  une  idée  juste  qui  n'est  du  reste  pas  nouvelle  et  ne 
peut  passer  pour  une  découverte. 

Après  avoir  retrouvé  les  dimensions  exactes  des  colonnes  et  la  séparation  des 
lignes,  telles  qu'elles  se  trouvaient  dans  le  manuscrit  primitif,  M.  J.  examine  ses 
tableaux  pour  y  trouver  un  sens  caché  jusqu'alors  aux  simples  mortels.  J'en 
demande  bien  pardon  au  lecteur,  mais  je  ne  puis  me  servir  d'un  autre  mot  que 
celui  de  niaiseries  pour  qualifier  les  résultats  auxquels  aboutissent  les  recherches 
de  l'auteur.  On  en  jugera  du  reste  par  quelques  exemples,  empruntés  tous  au 
premier  chapitre  de  la  Genèse  (tableau  IV)  ;  j'en  aurais  pu  trouver  de  plus  sin- 
guliers encore.  Ce  chapitre  est  divisé  en  trois  colonnes,  et  en  lisant  poud-rpoçsSiiv 
(c'est-à-dire  la  première  colonne  de  bas  en  haut,  la  seconde  de  haut  en  bas,  etc.) 
les  lettres  qui  expriment  le  nombre  des  lignes  de  chaque  strophe,  M.  J.  obtient 
la  belle  phrase  suivante  :  xbon  T^n''  a'^aD,  qu'il  traduit  par  «  écrit  d'un  solitaire 
»  enveloppé  dans  les  langes  »  (Schrift  eines  Einsamen  in  Windeln  gewickelt).  Cela 
n'est  pas  très-clair,  mais  doit  pourtant  signifier  «  écrit  mystérieux  »  (ratselhafte 
Schrift).  Je  ne  veux  pas  chicaner  l'auteur  sur  le  changement  du  a  en  r,  qu'il  faut 
opérer  deux  fois  dans  cette  courte  phrase.  Mais  ce  premier  sens  ne  suffit  pas  à 
M.  J.  ;  il  en  cherche  un  second,  et  trouve  en  transposant  les  lettres  :  id2  ^ni 
T^na  nh,  c'est-à-dire  :  «  Tu  ne  devineras  pas.  Qu'il  vive!  Il  a  percé!  »  Il  faut 
encore  changer  un  a  en  r  et  un  -]  en  p,  mais  ce  sont  là  des  vétilles.  Passons. 
Quel  précieux  secours  pour  l'exégèse  du  récit  de  la  création  que  ces  deux 
énigmes!  L'auteur  n'est  pourtant  pas  satisfait  :  il  applique  d'autres  procédés,  et, 
prenant  au  hasard  quelques  lettres  initiales  de  la  première  colonne,  il  obtient  : 
■^x  ÛX1  ni>xi  13,  c'est-à-dire  :  «Je  t'en  prie,  (Dieu)!  Père  et  mère,  (où  sont-ils?)» 
Puis  il  lit  à  rebours  et  trouve  l'anagramme  suivant  :  a  «^xb  iix  dn'^,  c'est-à-dire  : 
«  La  mer  (est)  la  cause  de  la  terre  ferme.  Job.  »  Je  crois  parfaitement  inutile 
de  multiplier  les  citations,  et  encore  plus  inutile  d'en  montrer  toute  l'absurdité. 
On  doit  être  édifié  sur  la  valeur  des  «  découvertes  prodigieuses  »  de  M.  J.  et 
personne  ne  s'étonnera  maintenant  de  le  voir  chercher  un  carmen  figuratum  dans 
la  première  strophe  de  la  troisième  colonne  (tableau,  IV),  où  il  retrouve  la  forme 
d'un  autel! 

Il  est  toujours  triste  d'avoir  à  signaler  de  pareilles  aberrations.  Mais,  je  le  dis 
en  finissant,  j'ai  peine  à  comprendre  comment  des  hypothèses  pareilles  peuvent 


d'histoire  et  de  littérature.  55 

se  concilier  avec  l'esprit  généralement  si  sage  et  si  net  d'un  Hollandais,  surtout 

au  moment  où  la  Hollande  tend  à  reprendre  dans  les  études  relatives  à  l'Ancien 

Testament  le  rang  distingué  qu'elle  y  occupait  jadis  avec  les  Schultens  et  les 

Vitringa. 

A.  Carrière. 


i^^.  —  Ueber  Aussprache,  Vokalismus  und  Betonung  der  lateinischen  Sprache,  von 
W.  CoRSSEN.  Zweite  umgearbeitete  Ausgabe.  I.  Band.  Leipzig,  Teubner,  1868.  Gr. 
in-8*,  XV-819  p.  —  Prix  :  22  fr.  75. 

En  1854,  l'Académie  de  Berlin  mettait  au  concours  pour  l'année  1857  un 
prix  destiné  au  meilleur  mémoire  sur  la  prononciation  de  la  langue  latine.  Les 
auteurs,  disait  le  programme,  devront  s'aider  de  l'étymologie,  du  témoignage  des 
anciens  et  de  l'étude  des  inscriptions  ;  ils  devront  consulter  en  outre  l'orthographe 
des  manuscrits,  la  transcription  des  noms  latins  en  grec;  ils  recueilleront  les 
renseignements  fournis  par  les  autres  dialecjes  italiques  et  par  les  langues 
modernes  sorties  du  latin.  Mais  par-dessus  tout  ils  devront  s'aider  de  la  lecture 
des  poètes  comiques  et  tirer  d'une  étude  approfondie  de  la  métrique  des  infor- 
mations nouvelles  sur  la  prononciation. 

Le  prix  fut  décerné  à  M.  Guillaume  Corssen  déjà  connu  alors  par  un  travail  sur 
les  origines  de  la  poésie  latine  et  par  divers  articles  dans  le  journal  de  Kuhn. 
L'ouvrage  couronné,  qui  forma  deux  volumes,  parut  en  1858-59.  Il  n'est  pas 
nécessaire  de  dire  le  succès  qu'il  obtint.  Par  certains  côtés,  le  livre  de  M.  Corssen 
dépassait  dès  lors  le  programme  de  l'Académie.  Si  le  tome  H,  consacré  à  la 
métrique,  s'adressait  surtout  aux  latinistes,  le  premier  volume  fit  époque  dans 
les  études  de  grammaire  comparée.  Pour  la  première  fois  une  langue  de  la 
famille  indo-européenne  était  analysée  avec  cette  finesse  et  cette  précision. 
L'importance  des  inscriptions,  de  tout  temps  reconnue  en  théorie,  mais  un  peu 
oubliée  dans  la  pratique,  ressortait  avec  une  entière  évidence.  La  méthode  com- 
parative mise  en  œuvre  sur  un  terrain  plus  restreint  acquérait  un  nouveau  degré 
de  sûreté.  On  peut  dire  que  le  livre  de  M.  Corssen  donna  l'idée  d'une  observa- 
tion plus  exacte  que  celle  dont  on  se  contentait  jusqu'alors,  et  grâce  au  modèle 
qu'il  venait  de  donner,  la  science  elle-même  prit  quelque  chose  de  plus  rigou- 
reux et  de  plus  pénétrant. 

Un  livre  aussi  important  souleva  naturellement  des  critiques.  Moitié  pour  y 
répondre,  moitié  pour  continuer  ses  recherches,  M.  Corssen  publia  en  1863  ses 
Kritische  Beitrage  zur  lateinischen  Formenlehre,  où  il  appliqua  à  l'étymologie  les 
principes  émis  dans  son  premier  ouvrage.  Ce  livre  fut  suivi  en  1866  des  Kritische 
Nachtrdge  zur  lateinischen  Formenlehre  où  l'auteur  se  défend  contre  les  attaques 
dont  son  précédent  écrit  avait  été  l'objet,  et  où  il  justifie  les  explications  données 
par  lui  dans  les  Beitrage. 

Après  avoir  ainsi  sans  relâche  poursuivi  ses  études  pendant  dix  ans,  M.  Corssen 
publie  aujourd'hui  une  seconde  édition  de  son  grand  ouvrage.  Il  y  revient  armé 
de  tous  les  secours  nouveaux  que  le  progrès  de  la  linguistique  et  l'extension  de 
ses  propres  recherches  lui  ont  fournis.  Quand  on  compare  entre  elles  les  deux 


36  REVUE    CRITIQUE 

éditions,  on  voit  bien  que  le  plan  et  l'ordre  des  chapitres  sont  les  mêmes.  Mais 
si  l'on  fait  attention  au  développement  que  l'auteur  donne  à  son  sujet,  on 
reconnaît  qu'il  a  singulièrement  élargi  son  cadre.  Le  premier  volume  de  la 
seconde  édition,  (le  seul  qui  ait  paru  jusqu'à  présent)  a  819  pages  qui  répondent 
à  233  pages  de  la  première.  Pour  prendre  des  exemples,  le  chapitre  de  la  lettre 
/qui  avait  six  pages,  en  a  aujourd'hui  38.  Le  chapitre  des  diphthongues  qui 
comptait  80  pages,  en  a  300.  Ajoutez  que  le  format  a  été  agrandi.  Mais  malgré 
ces  chiffres  on  n'aurait  pas  encore  une  idée  exacte  de  la  différence  entre  les 
deux  éditions,  si  l'on  ne  tenait  compte  de  la  circonstance  suivante.  L'auteur 
s'appuie  constamment  sur  ses  deux  précédents  ouvrages  :  à  chaque  page,  il 
renvoie  aux  Beitr<zge,  aux  Nachtrsge.  Les  démonstrations  qu'il  y  a  données,  il  ne 
les  répète  pas  :  il  se  contente  d'en  rappeler  les  conclusions.  Pour  lire  avec  profit 
la  nouvelle  édition  du  Vokalismus,  il  est  donc  indispensable  d'avoir  sous  la  main 
ces  deux  volumes. 

Il  est  intéressant  de  rechercher  d'où  proviennent  les  accroissements  donnés  à 
cette  seconde  édition.  Grâce  au  Corpus  inscriptionum  de  Mommsen,  l'auteur  a  pu 
multiplier  beaucoup  les  exemples  tirés  de  l'ancienne  langue  latine.  Des  dévelop- 
pements ont  été  donnés  à  la  physiologie  des  sons,  d'après  les  livres  de  Brùcke  et 
de  Max  Mûller.  La  partie  paléographique  a  été  également  augmentée.  En  outre, 
M.  Corssen  craint  moins  de  se  donner  carrière  et  discute  en  détail  les  étymo- 
logies  qui  se  présentent  sur  son  chemin.  Enfin  la  critique,  ou  pour  mieux  dire, 
la  polémique  occupe  une  très-large  place  dans  la  nouvelle  édition.  C'en  est,  à 
vrai  dire,  le  trait  dominant.  M.  Corssen  qui,  dans  ses  deux  derniers  livres,  s'est 
beaucoup  défendu  et  a  beaucoup  attaqué,  est  devenu  décidément  agressif  et 
batailleur.  Il  ne  veut  point  laisser  debout  une  opinion  qui  contredise  ses  théories. 
De  là  de  continuelles  digressions,  d'énormes  notes  (p.  39,  166,  232,  648), 
dirigées  quelquefois  contre  des  travaux  peu  dignes  d'être  réfutés  si  savamment 
(p.  239,  300,  480).  D'autres  fois,  l'auteur  prend  contre  des  philologues,  qu'il 
tient,  avec  raison,  en  haute  estime,  un  ton  tranchant  qui,  il  faut  l'espérer,  ne 
deviendra  pas  dans  l'avenir  celui  de  la  philologie  comparative  (p.  143,  166,  232). 
De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire  le  lecteur  peut  déjà  pressentir  le  caractère 
nouveau  qu'a  pris  l'ouvrage  de  M.  Corssen.  La  première  édition  était  un  livre 
se  suffisant  à  lui-même  et  n'en  supposant  aucun  autre.  Il  débordait  quelque  peu 
le  programme  de  l'Académie  de  Berlin,  mais  il  ne  le  noyait  pas.  La  nouvelle 
édition  tend  à  devenir  un  recueil  d'étymologies,  un  ouvrage  de  grammaire  com- 
parée, où  Bopp,  Kuhn  et  son  journal,  Curtius,  Pott,  Schleicher,  Léo  Meyer, 
Schuchardt,  Bùcheler  sont  cités  à  tout  instant,  et  où  le  sanscrit,  le  gothique,  le 
slave  figurent  continuellement  à  côté  du  latin.  Nous  ne  songeons  pas  à  nous  en 
plaindre  ;  mais  la  différence  avait  besoin  d'être  signalée. 

Il  serait  superflu  de  louer  la  pénétration  et  la  science  de  M.  Corssen.  Le 
meilleur  hommage  que  nous  puissions  lui  rendre,  c'est  de  lui  soumettre  quelques 
critiques,  qui  témoigneront  au  moins  de  l'attention  avec  laquelle  nous  l'avons  lu. 

Ces  critiques  porteront  sur  trois  points  :  i^  le  sanscrit;  2°  les  racines  primi- 
tives; 30  les  renvois  aux  précédents  ouvrages  du  même  auteur. 


d'histoire  et  de  littérature.  37 

Le  sanscrit  de  M.  C.  ne  nous  parait  pas  à  l'abri  de  tout  reproche.  C'est 
une  observation  qui  lui  a  déjà  été  adressée  et  dont  il  ne  semble  pas  assez  tenir 
compte.  Il  ne  suffit  pas  qu'une  racine  se  trouve  dans  Westergaard  :  encore 
faut-il  quelques  exemples.  M.  C.  fait  venir  (p.  102)  le  latin  harena,  sabin 
fasena,  d'une  racine  sanscrite  bhas  «  briller.  »  Il  est  vrai  que  Westergaard  donne 
la  racine  bhas  avec  les  sens  suivants  :  1°  reprehendere,  minari;  2°  splendere, 
lucere;  j"  comedere,  vorare.  Mais  il  ne  s'est  trouvé  d'exemple  que  pour  la  der- 
nière signification.  Le  sens  de  «  briller  »  a  été  probablement  attribué  à  ce  verbe 
à  cause  de  bhâs,  c  lucere,  »  qui  existe  en  effet  et  qui  est  une  forme  secondaire 
de  bhâ. 

Dans  ses  Beitrage  (p.  184)  l'auteur  avait  cité  une  racine  sanscrite  fcAag' 
«  chauffer.  »  MM.  Schweizer-Sidler  et  Curtius  firent  observer  avec  raison  qu'une 
telle  racine  n'existe  pas  en  sanscrit.  Néanmoins  nous  la  retrouvons  ici  (p.  143)  : 
M.  C.  cite  à  l'appui  le  participe  bhakta  «  cuit  »  et  le  substantif  bhag'ana  (il 
faut  bhag'ana)  «pot  pour  cuire.))  Mais  bhag'  signifie  «  partager,  »  bhakta  désigne 
les  mets  ou  repas  qu'on  partage  (5aÎTr,),  et  c'est  seulement  W3g' (  i  o^  classe)  qui, 
d'après  Vopadeva, a,  entre  autres  acceptions,  celle  de  «faire  cuire.  ))  Le  sanscrit 
a  le  droit  d'être  traité  avec  le  même  respect  que  le  latin,  et  il  ne  faut  pas,  pour 
appuyer  des  étymologies  qui  peuvent  d'ailleurs  être  justes,  forcer  le  sens  tradi- 
tionnel des  mots. 

M.  C.  ne  traite  pas  avec  moins  de  liberté  les  lois  phoniques  du  sanscrit. 
Dans  un  tableau  où  sont  rangés  les  divers  dérivés  de  la  racine  dju  «  briller  )> 
(p.  365),  juvan  «  jeune  )>  est  placé  au  nombre  des  dérivés  de  cette  racine  qui 
ont  pris  le  gouna.  Mais  où  M.  C.  a-t-il  montré  qu'un  d  initial  tombe  en 
sanscrit  ?  La  forme  frappée  du  gouna  eût  d'ailleurs  été  jô  ou  jav,  et  non  juv.  — 
On  sait  que  l'ô  et  \'e  sont  en  sanscrit  des  diphthongues,  et  qu'ils  représentent  au, 
ai.  Néanmoins  l'auteur  place  les  mots  og'as,  ôkhati,  bhogas,  rôhitas,  dëvas 
parmi  les  mots  à  voyelle  longue,  à  côté  de  pûrna  et  de  ûdhar  (p.  349  et  suiv.). 
La  chose  est  d'autant  plus  surprenante  qu'il  met  lôtram,  êvas  (p.  358,  374) 
parmi  les  mots  à  diphthongue.  —  Les  mots  sanscrits  ne  sont  pas  toujours  correc- 
tement imprimés.  Nous  lisons  p.  312  vaça  au  lieu  devaçâ.  P.  349  les  india- 
nistes ne  trouveront  pas  sans  étonnement  les  deux  mots  usar  «  matin,  )>  ushâsà 
«  aurore.  ))  Cet  ushasa  avait  déjà  paru  page  233.  note.  Quant  à  ushas,  qui  est 
la  vraie  forme  pour  aurore,  l'auteur  lui  donne  le  sens  de  «  brillant.  »  En  résumé, 
le  lecteur,  qui  trouvera  en  M.  C.  un  guide  généralement  très-sûr  pour  le  latin, 
fera  bien  de  vérifier  les  citations  sanscrites. 

Racines  primitives.  —  Sur  ce  point,  M.  C.  nous  semble  parfois  tomber 
dans  le  même  défaut  qu'on  peut  reprocher  à  M.  Léo  Meyer,  son  adversaire 
habituel.  Voulant  non-seulement  rapprocher,  mais  expliquer  certains  mots  de 
même  origine,  il  pose  quelquefois  une  racine  pour  laquelle  il  n'existe  d'autre 
indice  que  les  mots  mêmes  qu'il  a  cités.  Nous  avons  en  sanscrit  Hdhar,  en  grec 
o-jôap,  en  latin  ûber,  en  haut-allemand  ûtar  (allemand  moderne  euter)  qui  signifient 
tous  quatre  «  mamelle,  pis.  ))  Rien  de  plus  juste  que  de  comparer  ces  quatre 
termes.  Mais  pour  en  expliquer  l'origine,    M.    C.   suppose   (p.    553)  une 


38  REVUE   CRITIQUE 

racine  udh  «  être  fécond,  »  qui  ne  fait  pas  avancer  d'un  pas  la  science,  puisqu'elle 
est  tirée  de  ces  mots  mêmes.  Il  est  vrai  que  l'auteur  ajoute  les  noms  de  rivière 
Ufens,  Aufidus  et  le  nom  de  WeuAufina;  niais  le  sens  de  ces  mots  nous  étant 
tout  à  fait  inconnu,  ils  ne  peuvent  servir  de  preuve.  —  Nous  avons  en  grec  le 
substantif  ^p,  «pi^p,  en  latin  fera,  qui  paraissent  bien  être  de  même  famille.  D'un 
autre  côté,  le  sanscrit  possède  un  verbe  dhvar  «  blesser.  »  Mais  est-ce  là  une 
raison  suffisante  pour  poser  une  racine  indo-européenne  dhvar,  d'où  viendrait 
^p,  férus,  ferox,ferire?  Mieux  vaudrait  ne  point  créer  des  êtres  de  raison  qui  ne 
peuvent  qu'induire  en  erreur  les  commençants. 

Nous  venons  de  voir  un  verbe  sanscrit  élevé  au  rang  de  racine  indo-européenne. 
C'est  un  défaut  auquel  on  ne  s^attendrait  pas  chez  M.  Corssen;  mais  le  sanscrit 
prend  quelquefois  dans  ses  livres  une  importance  exagérée.  C'est  ainsi  que  le 
sanscrit  ]prush  «  brûler  »  doit  servir  à  expliquer  le  latin  hustum  et  comburere. 
Manipulas  et  discipulus,  qui  semblent  bien  de  même  formation,  sont  rapportés, 
pour  leur  dernière  partie,  l'un  à  la  racine  pur  «  remplir  »  et  l'autre  à  la  racine 
pu  «  nourrir  »  (p.  j62  et  568).  Le  substantif  latin  daps  est  rattaché  au  causatif 
dapajami,  quoique  ces  sortes  de  causatifs,  qui  ne  se  retrouvent  même  pas  en 
zend,  paraissent  appartenir  en  propre  à  la  langue  indienne. 

Renvois.  —  Les  nombreux  renvois  aux  Beitr£ge  et  aux  Nachtrdge  donnent 
lieu  à  des  comparaisons  intéressantes.  Nous  voyons  l'auteur  mûrissant  ses  idées, 
ajoutant  ici  une  étymologie,  en  retirant  ailleurs  une  autre.  Ainsi  dans  les  Beiîrsge 
(p.  439),  M.  C.  cite  parmi  les  mots  qui  ont  perdu  un  s  initial  le  substantif 
tibia.  Dans  son  nouvel  ouvrage,  il  retranche  cet  exemple  (p.  278)  sans  rien  dire. 
Il  en  est  de  même  pour  le  substantif  lien  qui  figurait  dans  les  Beitr£ge  parmi  les 
mots  ayant  perdu  un /?  :  ce  mot  manque  dans  le  nouvel  ouvrage  (p.  114). 
Évidemment  des  doutes  sont  survenus.  Quelquefois  il  n'est  pas  aussi  facile, 
de  s'expliquer  ce  qui  s'est  passé.  P.  279  mittere  est  cité  sans  autre  obser- 
vation parmi  les  mots  qui  ont  perdu  un  s,  et  l'auteur  renvoie  aux  Beitrage, 
p.  431,  où  il  conclut  que  la  perte  de  1'^  n'est  pas  démontrée  pour  mittere. 
Le  verbe  palpare  aurait  également  perdu  la  sifflante  initiale  (p.  278); 
mais  les  Beitr^ge,  auxquels  nous  sommes  adressés,  disent  que  c'est  là  une 
conjecture  douteuse  (p.  459).  De  même  pour  pulex, pustula, parra.  —  M.  Pictet, 
dans  le  journal  de  Kuhn,  avait  rapproché  le  sanscrit  babhru  «  jaune,  brun  « 
du  latin  fiber.  M.  Corssen  dit  dans  les  Beitr<£ge  (\).  204)  que  ce  rapprochement 
est  loin  d'être  sûr  :  vingt  pages  plus  loin  (p.  228),  il  l'admet  dubitativement. 
Dans  le  nouveau  livre,  le  rapprochement  ne  soulève  point  d'objection,  et  l'au- 
teur renvoie  seulement  au  second  passage  des  Beitrsge. 

Nous  arrêtons  ici  ces  critiques  :  nous  n'avons  pas  besoin  de  dire  qu'elles 
n'enlèvent  rien  à  la  valeur  d'un  livre  qu'aucun  latiniste,  aucun  philologue  adonné 
aux  études  de  grammaire  comparative,  ne  pourra  se  dispenser  de  lire  et 
d'étudier. 

Michel  Bréal. 


d'histoire  et  de  littérature.  39 

,,(5.  __  Griechisch  vind  sicilische  Vasenbilder,  herausgegeben  von  Otto 
Benndorf.  Berlin,  Guttentag,  1869.  In-tolio,  24  p.  et  13  pi.  —  Prix:  32  fr.  la 
livraison. 

Cette  première  livraison  de  l'ouvrage  de  M.  Benndorf,  que  nous  avons  sous 
les  yeux,  doit  être  suivie  de  5  ou  6  autres,  de  sorte  que  le  nombre  total  des 
planches  s'élèvera  à  environ  80.  C'est  donc  une  publication  considérable  qu'a 
entreprise  l'auteur,  l'un  des  travailleurs  les  plus  actifs  de  la  nouvelle  génération 
d'archéologues  qui  a  surgi  en  Allemagne,  maintenant  que  les  grands  maîtres, 
Gerhard,  Welcher,  ne  sont  plus.  Gerhard,  ne  considérait  guère  les  restes  de 
l'art  antique  au  point  de  vue  esthétique  ou  même  historique  ;  ce  qui  prédominait 
chez  lui,  c'était  l'interprétation,  l'herméneutique  des  monuments  figurés,  c'était 
une  tendance  fortement  accusée  à  expliquer  les  idées  religieuses  et  mythologiques 
qui  y  sont  représentées.  C'est  donc  là  qu'il  faut  chercher  le  mérite  immense  de 
cet  archéologue,  mérite  qui  n'est  pas  surpassé  par  celui  qu'il  s'est  acquis  par 
ses  publications  de  monuments  aussi  nombreuses  que  méthodiques.  La  nouvelle 
génération^  au  contraire,  sans  négliger  aucunement  l'interprétation,  examine  les 
monuments  à  des  points  de  vue  multiples  et  féconds  ;  elle  s'attache  à  préciser 
leur  valeur  artistique,  à  fixer  la  place  qu'ils  doivent  prendre  dans  l'histoire  de 
l'art.  Cette  tendance,  qui  déjà  a  fourni  un  assez  grand  nombre  de  résultats 
certains,  n'est  pas  le  propre  d'une  seule  école;  elle  est  partagée  également  par 
les  archéologues  sortis  de  l'école  de  Gerhard,  de  Welcker,  de  Jahn. 

Nous  voyons  dans  cette  extension  un  véritable  progrès;  car  si  l'archéologue, 
se  bornant  uniquement  à  l'explication  des  monuments,  laisse  de  côté  leur  valeur 
esthétique  et  historique,  il  court  le  danger  très-sérieux  d'exagérer  l'importance 
de  certains  objets  qui  n'offrent  de  l'intérêt  qu'à  son  point  de  vue.  Le  défaut 
opposé  cependant  est  tout  aussi  périlleux;  tout  comme  la  considération  de  la 
seule  beauté  d'une  œuvre  d'art  reste  stérile  pour  la  science,  de  même  l'appré- 
ciation outrée  d'ouvrages  dont  le  mérite  est  plutôt  historique  qu'artistique  doit 
nécessairement  mener  à  une  dépravation  du  goût. 

Du  reste  l'archéologie  est  en  bonne  voie,  le  chemin  est  tracé,  il  n'y  a  qu'à  le 
suivre.  Winckelmann ,  lui  qui  n'a  pu  connaître  que  si  peu  de  vrais  ouvrages 
grecs,  les  a  devinés;  on  a  pu  faire  mieux;  souvent  il  a  fallu  redresser  des  juge- 
ments portés  par  lui,  modifier  des  résultats  à  l'aide  des  nouvelles  découvertes, 
mais  en  somme  c'est  à  Winckelmann  que  revient  l'honneur  d'avoir  inauguré  la 
méthode  qui,  malgré  quelques  perturbations  passagères,  a  été  adoptée  par 
l'archéologie,  et  qui  seule  a  pu  nous  guider  pour  mettre  à  profit  l'immense  quantité 
de  matériaux  nouveaux  dont  s'est  enrichie  notre  science. 

Winckelmann  n'a  pas  hésité  à  affirmer  l'origine  grecque  de  ces  vases  que  de 
son  temps  '  on  appelait  vases  étrusques,  dénomination  erronée  qui  cependant 
subsiste  encore  aujourd'hui  dans  le  public.  En  effet,  cela  est  curieux,  de  l'innom- 

I.  Mazocchi  seul  avait  vu  et  dit  vrai  avant  lui  :  Com.  in  tabul.  HaracL,  p.  173  sv., 
SSi  sv. 


40  REVUE    CRITIQUE 

brable  quantité  de  vases  parvenus  jusqu'à  nous,  la  grande  majorité  a  été  trouvée 
hors  de  la  Grèce,  dans  des  pays  non  helléniques.  Ces  vases  avaient  donc  formé 
un  article  de  commerce  fort  considérable ,  dont  les  auteurs  ne  parlent  presque 
pas  du  tout;  et,  ce  qui  est  plus  remarquable  encore,  c'est  que  la  fabrication  de 
ces  poteries,  à  partir  d'une  certaine  époque,  est  le  monopole  exclusif  d'Athènes. 
Les  fabriques  locales,  et  les  imitations  étrangères  ne  sont  relativement  que  de 
peu  d'importance,  et  leurs  produits  se  reconnaissent  très-facilement. 

Depuis  quelques  années  cependant,  le  nombre  des  vases  trouvés  dans  la  Grèce 
proprement  dite  s'est  accru  considérablement.  Mais  les  fouilles  se  font  mal  ;  les 
objets  trouvés  sont  mal  soignés;  et  comme  le  gouvernement  défend  maintenant 
l'exportation  des  œuvres  d'art,  les  commerçants  cachent  fréquemment  l'origine 
d'objets  trouvés  par  des  recherches  faites  en  secret  et  en  contravention  avec  la 
loi.  Une  collection  de  vases  peints  dont  la  provenance  grecque  serait  indubitable 
devait  donc  être  une  entreprise  scientifique  du  plus  haut  intérêt,  et  cet  intérêt 
sera  d'autant  plus  grand  si  la  plupart  des  objets  publiés  viennent  de  l'Acropole 
d'Athènes.  Car,  M.  Benndorf  a  raison  de  le  dire,  tout  ce  qui  vient  de  ce  sanctuaire 
de  l'art  antique  a  droit  à  une  attention  plus  sérieuse  et  présente  des  particularités 
toujours  instructives  et  attrayantes. 

Dans  cette  première  livraison,  nous  trouvons  des  exemples  de  toutes  les 
époques  de  la  céramique  grecque ,  depuis  le  plus  ancien  art  corinthien  et  l'art 
attique  archaïque  jusqu'au  style  de  la  plus  grande  perfection. 

La  pi.  i  figure,  non  un  vase,  mais  une  tablette  en  argile  représentant  une  upoôeo-i;, 
l'exposition  d'un  mort  sur  le  lit  de  parade,  entouré  de  sa  famille;  ce  sujet,  qui 
ne  se  rencontre  pas  fréquemment  sur  les  vases  peints,  a  donné  à  M.  B.  l'occasion 
d'une  dissertation  assez  étendue  non-seulement  sur  cette  coutume  funéraire  mais 
aussi  sur  l'emploi  des  Ttîvaxeç  votifs.  Aux  exemples  donnés  par  M.  B.  p.  13,  on 
peut  ajouter  la  table  votive  qui  se  voit  au  bas  d'un  autel,  sur  la  mosaïque  d'Am- 
purias,  Archml.  Zeitg.,  1869,  p.  7  (t.  XVI).  Un  exemple  montrera  combien  les 
matériaux  archéologiques  ont  augmenté  depuis  quelques  années  :  les  auteurs  du 
Bosphore  Cimmérien  (1854)  ne  pouvaient  citer  qu'un  exemple  d'une  TipôÔEai; 
représentée  sur  un  vase  peint.  M.  B.  nous  offre  une  liste  qui  en  porte  le  nombre 
à  16.  Un  de  ces  vases,  une  hydria  de  style  corinthien,  se  trouve  au  Louvre, 
collection  Campana,  galerie  du  bord  de  l'eau.  Quelques-unes  des  inscriptions 
que  portent  ces  vases  se  refusent  encore  à  une  explication  certaine. 

Une  grande  partie  des  planches  suivantes  ne  nous  offre  que  des  fragments  de 
vases.  M.  B.  les  a  traités  comme  Welcker  a  traité  les  fragments  des  tragédies 
grecques,  et  souvent,  à  l'aide  de  répétitions  analogues  du  même  sujet;  il  a 
expliqué  des  débris  au  premier  coup-d'œil  insignifiants  et  reconstruit  l'ensemble 
dont  ils  faisaient  partie.  Les  peintres  Skythes  et  Pauseas  (pi.  4,  5)  se  trouvent 
ici  pour  la  première  fois.  Le  Nearchos  qui  peignit  le  vase  reproduit  pi.  i }  est  très- 
probablement  le  père  des  deux  peintres  Ergoteles  etTleson(Brunn,  11,675,738). 

Nous  citons  comme  remarquables  pour  leur  beauté  et  l'incomparable  pureté 
de  leur  dessein  les  fragments  XI,  i,  2  :  le  dernier  peut  hardiment  se  placer  à 
côté  de  ce  que  le  dessin  antique  a  produit  de  plus  beau. 


d'histoire  et  de  littérature.  41 

Il  nous  reste  quelques  mots  à  dire  sur  l'exécution  des  planches.  Grâce  au 
mouvement  dont  nous  avons  parlé  plus  haut,  on  recommence  à  attacher  plus 
d'importance  et  à  apporter  plus  de  soin  à  la  reproduction  artistique  des  restes 
de  l'art  antique.  Les  dessins  durs  et  secs  dont  étaient  le  plus  souvent  forcés  de 
se  contenter  l'Institut  de  Rome  et  la  Arch<£ologische  Zeitung,  nous  avaient  presque 
habitués  à  nous  passer  de  la  beauté  dans  les  publications  archéologiques,  et  à 
nous  borner  à  l'exactitude  suffisante  pour  rendre  possible  une  explication.  De 
cette  négligence  trop  grande  du  goût  artistique  au  luxe  impérial  des  planches  du 
Bosphore  Cimmérien,  luxe  impossible  dans  toute  entreprise  particulière,  il  y  a  loin. 
C'est  dans  ce  sage  milieu  que  se  sont  tenus  M.  B.  et  son  éditeur.  Pour  des 
raisons  que  nous  ignorons,  ils  ont  dû  renoncer  aux  couleurs  habituellement  em- 
ployées dans  la  reproduction  des  vases  peints.  Assurément  c'est  fort  regrettable, 
car  quoique  le  dessin  n'en  ait  été  que  plus  soigné  et  que  souvent  même  il  soit 
parfaitement  beau,  certaines  planches  présentent  un  fouillis  de  lignes  dans  lequel 
il  est  difficile  de  se  reconnaître  au  premier  moment  et  de  distinguer  les  différents 
plans.  Cette  observation  porte  surtout  sur  les  dessins  des  fragments;  plus  d'une 
fois  il  faut  y  regarder  de  bien  près  avant  de  deviner  ce  qu'on  a  sous  les  yeux. 
Malgré  ce  léger  reproche  le  style,  le  caractère  des  vases  peints  de  diverses 
époques  est  admirablement  rendu,  sans  embellissement  et  sans  aucune  affectation. 
L'impression  '  et  le  papier  de  cet  ouvrage  sont  superbes.  Nous  adressons 
cet  éloge  à  l'éditeur  d'autant  plus  volontiers  que  nous  n'ignorons  pas  combien 
des  publications  de  ce  genre  sont  coûteuses  et  combien  le  nombre  des  acheteurs 
est  restreint. 

Sous  tous  les  rapports,  le  recueil  de  M.  Benndorf  prendra  une  place  d'hon- 
neur dans  les  études  de  la  céramographie  antique. 

William  Cart. 


137.  —  Leben  Schriften  und  Philosophie  des  Plutarch  von  Chaeronea, 

von  D'  Richard  Volkmann.  Erster  Theil.  Plutarchs  Leben  und  Schriften.  Berlin, 
Calvary,  1869.  In-8*,  xvj-2j9  p.  —  Prix  :  8  fr. 

Le  volume  publié  par  M.  Richard  Volkmann  est  une  introduction  à  une  expo- 
sition détaillée  de  la  philosophie  de  Plutarque.  Il  y  raconte  la  vie  de  son  auteur 
et  discute  l'authenticité  des  ouvrages  compris  dans  la  collection  connue  sous  le 
titre  d'Œuvres  morales. 

M,  V.  fait  d'abord  un  tableau  général  de  l'état  de  la  société  et  des  lettres  au 
temps  de  Plutarque.  Il  admet  (p.  5)  que  le  despotisme  des  Césars  a  été  fatal  à  la 
littérature  et  que  de  Nerva  date  une  renaissance  littéraire  chez  les  Romains  et 
chez  les  Grecs.  Mais  il  semble  que  littérairement,  le  premier  siècle  de  l'ère 
chrétienne  est,  chez  les  Romains,  le  plus  brillant  du  temps  de  l'empire;  sous  les 
Antonins  on  tombe  de  Tacite  à  Fronton,  et  assurément  c'est  tomber  bas.  Tacite 
a  écrit  sous  Trajan;  mais  il  s'était  formé  auparavant.   Il  en  est  de  même  de 

1.  Aux  errata  signalés  à  la  fin  de  la  livraison,  ajoutez  p.  22, 21  Korbreis,  i.  Korbweis. 


42  REVUE   CRITIQUE 

Plutarque.  On  ne  voit  pas  que  les  abominations  d'un  Tibère,  d'un  Caligula,  d'un 
Néron  aient  exercé  sur  la  littérature  grecque  de  ce  temps  une  influence  quelconque. 
M.  V.  essaye  d'établir  (p.  lo)  que  Platon  convenait  mieux  qu'Aristote  au  temps 
de  Plutarque.  Mais  c'est  précisément  en  ce  temps-là  qu'on  s'est  remis  à  étudier 
les  écrits  d'Aristote  eux-mêmes  et  qu'ils  sont  entrés  dans  la  tradition  de  l'ensei- 
gnement philosophique.  Je  ne  sais  sur  quel  fondement  M.  V.  avance  (p.  lo)  que 
les  péripatéticiens  avaient  négligé  la  morale.  Il  reproche  à  Plutarque  (p.  48)  de 
ne  pas  soupçonner  que  les  grands  hommes  remplissent  une  mission  historique, 
qu'ils  sont  au  service  des  idées  qui  se  réalisent  dans  l'histoire,  et  que  par  consé- 
quent ils  ne  sont  pas  libres  et  indépendants  précisément  dans  ce  qui  fait  leur 
grandeur  ;  d'oii  vient  que  Plutarque  dérive  tout  de  la  liberté  de  leur  volonté  et 
de  leur  caractère  personnel.  Pour  ma  part  je  louerais  plutôt  Plutarque  de  n'avoir 
soupçonné  rien  de  tout  cela.  Les  grands  politiques  se  soucient  peu  de 
réaliser  des  idées  j  ils  veulent  être  les  maîtres"  et  laisser  un  nom  et  ils  se  moquent 
des  autres  hommes  y  compris  les  historiens  qui  leur  font  une  mission  historique. 
Je  ne  comprends  pas  bien  en  quoi  le  platonisme  est  incapable  de  comprendre 
l'histoire  (p.  49).  Quiconque  en  général  est  fortement  préoccupé  de  métaphy- 
sique s'intéresse  peu  à  l'histoire  (encore  faut-il  faire  des  exceptions  pour  Aris- 
tote  et  Leibnitz)  ;  mais  un  système  ne  me  paraît  pas  plus  défavorable  à  l'histoire 
qu'un  autre.  Assurément  la  faiblesse  de  Plutarque  comme  historien  ne  dépend 
pas  de  son  platonisme,  très-peu  exclusif,  très-éclectique,  et  par  conséquent  peu 
défavorable  aux  recherches  historiques,  dont  l'esprit  de  système  est  le  fléau.  Je 
ne  sais  si  l'optimisme  de  Plutarque  est  une  conséquence  de  sa  philosophie  (p.  5 1). 
Cette  disposition  tient  en  général  au  caractère  et  au  tempérament  plutôt  qu'à 
telle  ou  telle  métaphysique,  dont  chacun  tire  les  conséquences  qui  lui  conviennent. 
Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  citer  un  seul  système  qui  ne  permette  de  voir  les 
choses  en  noir  ou  en  rose,  suivant  qu'on  y  est  disposé. 

La  discussion  de  l'authenticité  des  ouvrages  de  Plutarque  forme  la  partie  la 
plus  considérable  et  la  plus  intéressante  du  volume  de  M.  Volkmann.  Il  prend  son 
point  de  départ  dans  la  remarque  de  Benseler  qui  a  fait  observer  (De  hiatu  in  scrip- 
toribus  graecis,  1841)  que  Plutarque  évite  l'hiatus.  M.  V.  essaye  d'établir  que 
toutes  les  parties  des  œuvres  morales  où  l'hiatus  n'est  pas  évité  sont  indignes  de 
Plutarque.  Il  s'accorde  avec  tous  les  critiques  à  rejeter  les  traités  de  meîris,  pro- 
verbia  Akxandrina,  de  vita  et  poesi  Homeri.  Il  n'admet  pas,  non  plus  que  Wytten- 
bach,  l'authenticité  des  amatoriae  narrationes,  oh  l'histoire  de  Scédase  et  de  ses 
filles  est  racontée  tout  autrement  que  dans  la  vie  de  Pélopidas  (p.  127-129).  La 
consolatio  ad  Apollonium  est  composée  suivant  des  procédés  tellement  étrangers 
aux  habitudes  de  Plutarque  qu'on  ne  saurait  la  lui  attribuer  (p.  129  et  suiv.). 
Dans  le  traité  de  fato,  il  y  a  trop  d'emprunts  à  Aristote  et  d'emprunts  qui  ne  se 
rencontrent  que  là,  pour  qu'il  soit  de  Plutarque  (p.  146  et  suiv.).  Les  Placita 
philosophorum  sont  une  compilation,  indigne  de  Plutarque,  à  qui  elle  était  d'ail- 
leurs déjà  refusée.  Elle  est  souvent  identique  aux  eclogae  de  Stobée  et  dérive  pro- 
bablement comme  l'ouvrage  de  Stobée  d'une  exposition  des  systèmes  de  philo- 
sophie faite  par  Areus  Didymus  au  temps  d'Auguste  (p.  154  et  suiv.).  M.  V. 


d'histoire  et  de  littérature.  43 

n'admet  pas  davantage  l'authenticité  du  traité  de  musica  (p.  170  et  suiv.);  il  se 
rétracte  sur  ce  point  et  combat  l'opinion  de  Westphal  qui  attribue  l'ouvrage  à  la 
jeunesse  de  Plutarque.  Il  se  réfère  à  Wyttenbach  pour  le  traité  de  puerorum  eda- 
catione  qui  ne  peut  être  de  Plutarque  (p.  180).  Il  lui  paraît  évident  que  le  traité 
de  vitando  aère  alieno  n'est  pas  authentique  (p.  1 80  et  suiv,).  On  y  rencontre  des 
traits  de  mauvais  goût  et  des  mots  qui  sont  rares  et  ne  se  rencontrent  pas  ailleurs 
dans  Plutarque.  Benseler  avait  condamné  à  cause  des  hiatus  le  traité  de  garru- 
litaîe;  M.  V.  en  prend  la  défense  et  pense  que  les  14  hiatus  choquants  peuvent 
être  écartés  par  des  corrections,  qui  me  semblent  contestables.  Le  traité  de  amore 
prolis  lui  parait  authentique  ;  seulement  ce  n'est  qu'un  fragment  et  un  extrait 
(p.  185  et  suiv.).  Quant  au  convivium  septem  sapientium,  le  discours  de  Solon  est 
tellement  absurde  que  cela  seul  suffit  pour  empêcher  d'attribuer  l'ouvrage  à 
Plutarque  (p.  202-203).  M.  V.  est  indécis  sur  l'authenticité  du  traité  de  commu- 
nibus  notiîiis  adversus  stoicos  (p.  210).  Les  regum  et  imperatorum  apophthegmata 
ne  sont  pas  de  Plutarque  ni  tirés  de  Plutarque  (p.  210-234);  l^épitre  dédica- 
toire  à  Trajan  contient  autant  de  niaiseries  que  de  mots.  Quant  aux  trois  traités, 
apophthegmata  Laconica,  instituta  Laconica,  Lacaenarum  apophthegmata,  ils  doivent 
être  rangés  avec  l'ouvrage  précédent  (p.  235  et  suiv.).  M.  V.  ne  traite  pas  en 
particulier  de  l'écrit  de  fluviis,  des  parallçla  minora,  et  des  vitae  decem  oraîorum, 
dont  la  non  authenticité  a  déjà  été  démontrée. 

Je  ne  puis  discuter  ici  le  détail  de  l'argumentation  de  M.  Volkmann.  En  général 
elle  participe  de  la  faiblesse  de  toutes  les  argumentations  du  même  genre,  qui 
est  de  supposer  qu'un  auteur  est  toujours  égal  et  semblable  à  lui-même.  Toute- 
fois elle  est  digne  d'attention,  et  témoigne  d'une  étude  approfondie  du  sujet. 


138.  —  I.  Le  Grûtli  et  Guillaume  Tell  ou  défense  de  la  tradition  vulgaire  sur  les 
origines  de  la  Confédération  suisse,  par  H.  L.  Bordier.  Genève  et  Bâle,  Georg,  1869. 
In-8*.  92  p. 

II.  Lettre  à  M.  Henri  Bordier  à  propos  de  sa  défense  de  la  tradition  vulgaire  sur 
les  origines  de  la  Confédération  suisse,  par  A.  Rilliet.  Genève  et  Bâle,  H.  Georg, 
1869.  In-8*,  55  p. 

III.  Etude  critique  sur  les  traditions  relatives  aux  origines  de  la  Con- 
fédération suisse,  par  Hugo  Hungerbuhler,  étudiant  en  droit.  Genève  et  Bâle, 
H.  Georg,  1869.  In-8',  124  p. 

Nous  nous  étions  trop  avancé  en  disant,  il  y  a  près  d'un  an,  que  la  question 
des  Origines  suisses  et  de  Guillaume  Tell  devait  être  désormais  rayée  de  l'ordre 
du  jour  de  la  critique  et  qu'après  l'ouvrage  de  M.  Rilliet  la  cause  nous  paraissait 
.entendue.  Les  préjugés  enracinés,  l'amour  propre  national  froissé,  peut-être 
aussi  l'attrait  du  paradoxe  ont  amené  de  nouveaux  champions  dans  la  lice  pour 
renouveler  la  lutte.  Nous  n'aurions  pas  songé  cependant  à  parler  de  cette  polé- 
mique si  le  nom  de  l'un  des  écrivains  qui  sont  venus  contester  les  résultats  de 


44  REVUE  CRITIQUE 

M.  Rilliet  et  de  ses  prédécesseurs,  ne  méritait  autre  chose  que  le  silence.  Quel- 
que singulière  que  doive  paraître  la  campagne  entreprise  mal  à  propos  par 
M.  Bordier,  dans  la  brochure  annoncée  plus  haut,  la  valeur  scientifique  de 
l'auteur  et  la  réputation  justement  méritée  dont  il  jouit  parmi  nous,  ont  engagé 
M.  Rilliet  à  lui  donner  la  réplique  et  c'est  de  ces  deux  travaux  que  nous  allons 
dire  quelques  mots,  renvoyant  pour  l'ensemble  de  la  question,  à  notre  précédent 
article.  M.  Bordier  s'est  jeté  dans  cette  «entreprise  hasardée,  sinon  désespérée» 
(p.  7)  pour  «  accorder  la  consolation  d'un  débat  aux  âmes  généreuses  qui 
»  avaient  la  foi  »  (p.  6).  Sentiment  chevaleresque  à  coup  sûr,  mais  qui  demande 
à  être  justifié  par  les  faits!  Or  ces  faits  M.  B.  les  a-t-il  mis  en  lumière,  a-t-il 
dans  ce  qu'il  .appelle  la  «  Défense  de  la  tradition  vulgaire  »  confirmé  les  récits 
de  Tschudi  et  de  Jean  de  Mûller,  ou  du  moins  a-t-il  détruit  la  chaîne  serrée  des 
arguments  présentés  par  son  savant  adversaire?  Cela  nous  semblait  difficile, 
avant  d'avoir  lu  son  travail  ;  cela  nous  paraît  désormais  impossible,  car  si  un 
historien  de  la  valeur  de  M.  Bordier  ne  peut  apporter  aux  débats  d'arguments 
plus  sérieux  que  ceux  que  nous  allons  passer  en  revue,  c'est  que  la  cause  qu'il 
défend  succombe  à  sa  propre  faiblesse  plus  encore  qu'aux  attaques  de  la  critique. 
Disons  d'ailleurs  avant  toute  chose  que  les  âmes  naïves  et  croyantes  dont  l'auteur 
a  voulu  sauvegarder  la  foi,  lui  sauront  peu  de  gré  de  cette  obligeante  tentative; 
en  effet  s'il  a  réellement  entendu  «  défendre  la  tradition  vulgaire  »  il  s'en  est 
tiré  à  bon  marché,  car  lui  aussi  n'admet  pas  l'origine  Scandinave  des  Waldstastten, 
ni  leurs  libertés  immémoriales;  lui  aussi  combat  l'authenticité  de  nombreux 
documents  exploités  par  la  légende,  il  renonce  à  faire  d'Albert  d'Autriche  le 
tyran  que  l'on  sait,  et  quant  à  Guillaume  Tell  nous  verrons  tout  à  l'heure  ce 
qu'il  en  fait  pour  «  défendre  la  tradition  vulgaire.  «  —  Voyons  maintenant  par 
quelques  exemples  la  nature  des  arguments  de  M.  Bordier.  M.  R.  avait  dit  que 
du  temps  des  Romains  et  surtout  avant  eux,  le  territoire  des  Waldstaetten  avait 
été  désert.  A  cela  que  répond  M.  Bordier  ?  «  L'immense  ancienneté  assurée  à  la 
»  race  humaine  par  les  spéculations  de  la  géologie  fait  douter  à  priori  de  ce 
»  fait  »  (p.  12).  D'ailleurs  Strabon  dit  que  le  sol  était  partout  fertile  en  Gaule 
et  qu'il  nourrissait  une  abondante  population,  «  ce  qui  s'applique  atout  l'ensemble 
»  de  la  Gaule  ultérieure  ou  transalpine  »  (p.  13).  Donc  Schv^^ytz  était  habité! 
De  plus  les  Séquanes  qui  habitaient  «  entre  le  Rhin  et  la  Saône  »  étaient  (d'après 
M.  Amédée  Thierry)  de  grands  éleveurs  de  porcs.  Or  le  nom  des  habitants  de 
Schwytz,  Swicences,  indique  encore  clairement  «  la  dénomination  de  la  vallée 
»  par  excellence  pour  l'élevage  du  Schwein  comme  Uri  était  la  vallée  des  grands 
»  bœufs  »  (p.  1 5). 

Mais  M.  Bordier  n'est  pas  à  bout  de  preuves  pour  démontrer  que  les  Wald- 
staetten étaient  habitées  du  temps  des  Romains.  Il  est  persuadé  que  le  Rigi-Culm 
porte  un  nom  romain  (Montis  rigui  culmen  =  le  mont  aux  formes  onduleuses) 
comme  le  Pilate  (Mons  pileatus  =  le  mont  toujours  coiffé  de  nuages)  et  semble 
ignorer  que  le  Pilate  n'a  reçu  son  nom  qu'au  xiv®  siècle  pour  de  tout  autres 
motifs.  Il  se  doute  cependant  que  ces  étymologies  fantaisistes  «  feront  sourire 


d'histoire  et  de  littérature.  45 

n  plus  d'un  lecteur  »,  et  s'en  excuse  en  invoquant  Letronne  qui  disait  que  «  l'on 
»  doit  se  compromettre  hardiment  par  une  hypothèse  aventureuse  plutôt  que 
»  d'omettre  une  hypothèse  utile  »  (p.  16)'.  Tant  pis  pour  cet  éminent  érudit 
si  réellement  il  a  prononcé  de  pareilles  paroles,  car  il  n'a  point  compris  qu'une 
seule  fantaisie  pareille  peut  et  doit  ruiner  chez  tout  lecteur  sérieux  l'autorité  de 
l'auteur  qui  se  la  permet!  Nous  ne  pouvons  suivre  M.  B.  dans  les  détails  de 
son  argumentation  ultérieure;  la  discussion  des  chartes  et  documents  qu'il  engage 
avec  M.  Rilliet  nous  prendrait  trop  de  place  et  nous  mènerait  trop  loin.  Le 
savant  professeur  de  Genève  a  d'ailleurs  si  victorieusement  réfuté  ces  attaques 
dans  sa  Lettre  à  M.  Bordier  que  nous  pouvons  simplement  y  renvoyer  le  lecteur. 
Il  nous  faut  mentionner  cependant  les  nombreuses  erreurs  de  raisonnement  qui 
se  rencontrent  à  chaque  pas  dans  le  travail  de  M.  B.  et  dont  nous  ne  compre- 
nons pas  qu'elles  aient  échappé  à  l'auteur.  Ainsi  (p.  ?  5),  parce  qu'un  document 
se  rapproche  par  sa  date  d'un  autre  document  analogue,  le  premier  se  rapportant 
à  Schwytz  et  le  second  à  Uri,  pourquoi  donc  l'un  doit-il  être  apocryphe?  Ne 
pouvait-on  pas  octroyer  vers  la  même  époque  aux  deux  localités  voisines  des 
privilèges  semblables?  Ou  bien,  contestant  à  M.  Rilliet  le  caraaère  pacifique 
d'Albert  T"",  M.  B.  s'écrie  triomphalement  «  la  guerre  éclata  cependant  puw^ue 
»  le  fils  d'Albert  fut  vaincu  »  (p.  41).  Comme  si  M.  R.  avait  nié  ce  fait  patent! 
Mais  de  ce  que  le  fils  de  Pierre  fait  la  guerre  à  Paul,  il  ne  s'ensuit  pas  néces- 
sairement que  Pierre  lui-même  ait  été  l'ennemi  de  Paul.  Ou  bien  encore  si  des 
pèlerins  Scandinaves  ont  traversé  la  Suisse  au  moyen-âge  pour  aller  à  Rome, 
comment  en  conclure  qu'ils  sont  venus  s'y  établir  au  vu*  siècle,  alors  qu'ils 
étaient  encore  payens  (p.  69)  ?  Il  y  a  bien  d'autres  erreurs  historiques  dans  son 
travail.  Il  transforme  certains  rois  d'Allemagne  en  empereurs,  il  met  les  land- 
graves d'Alsace  à  la  tête  de  la  vallée  d'Uri,  il  nous  apprend  que  «  le  Rhin  a  sa 
«source  même  au  Saint-Gothard  »,  il  semble  ignorer  que  le  traité  de  ij  1 5  a  été 
signé  après  et  non  avant  Morgarten.  A  propos  de  la  scène  fantasmagorique  du 
Grùtli,  principal  objet  des  retouches  de  Jean  de  Mùller,  il  invoque,  pour  en 
affirmer  la  réalité,  «  les  tableaux  de  la  vérité  que  nous  composons  malgré  nous 
»  dans  notre  âme.  »  Source  historique  bien  étrange  pour  un  archiviste  paléo- 
graphe. Pour  en  finir  nous  avons  encore  à  voir  ce  que  fait  de  Guillaume  Tell, 
le  défenseur  de  «  la  tradition  vulgaire.  »  Il  admet  une  création  légendaire ,  mais 
il  intervertit  les  origines  de  la  légende.  Ce  n'est  plus  du  Danemarck  qu'elle  se 
rend  en  Suisse  ;  ce  sont  les  pèlerins  Scandinaves  qui  l'emportent  dans  leur  pays 
en  revenant  de  Rome.  Seulement,  comme  il  est  incontestable  que  la  légende 
danoise  existe  dès  le  xii*  siècle,  M.  B.  se  voit  obligé  d'arracher  Guillaume  Tell 
à  son  entourage  légendaire ,  de  le  reculer  d'un  siècle  et  demi  en  arrière  et  de 
déclarer,  comme  conclusion  dernière  à  sa  «défense  de  la  tradition  »,  qu'un 


1.  M.  Bordier  dit  encore  pour  défendre  ses  étymologies  qu'elles  «  sont  d'accord  cepen- 
»  dant  avec  les  habitudes  de  l'antiquité.  »  Il  me  semble  que  ce  serait  une  raison  de  plus 
pour  s'en  défier. 


46  REVUE  CRITIQUE 

Williamus  Tallo,  renommé  pour  son  adresse  et  son  courage,  vivait  à  une  époque 
quelconque  du  moyen-âge,  antérieure  à  la  fin  du  xii'^  siècle  (p.  GG).  C'est  là 
sans  doute  ce  que  M.  Bordier  entend  par  «  ménager  une  transaction  »  (p.  8). 
Mais  je  ne  saurais  comprendre  ce  qu'y  peut  gagner  la  critique,  et  je  doute  que 
les  partisans  de  la  tradition  vulgaire  en  soient  plus  enchantés  que  les  savants 
négatifs  que  M.  Bordier  voulait  réfuter.  La  haute  estime  que  nous  professons 
pour  le  mérite  et  la  science  du  compatriote  de  Guillaume  Tell,  nous  oblige  à 
lui  déclarer  franchement  ici  qu'il  a  complètement  échoué  dans  sa  curieuse  tenta- 
tive et  que  les  arguments  qu'il  met  au  service  de  sa  cause  ne  soutiennent  point 
l'examen.  M.  Rilliet  le  lui  a  bien  fait  sentir  dans  sa  polémique  aussi  spirituelle 
que  courtoise;  et  bien  que  je  n'ose  plus  affirmer  désormais  que  tout  le  monde 
sera  de  son  avis,  je  dois  répéter  cependant  qu'aux  yeux  de  la  science,  il  ne 
saurait  y  avoir  désormais  de  débat  que  sur  des  détails  d'une  importance  minime 
et  je  profite  de  l'occasion  pour  recommander  encore  une  fois  à  nos  lecteurs  le 
grand  ouvrage  de  M.  Rilliet,  dont  une  seconde  édition  vient  de  paraître. 

Le  travail  de  M.  Hungerbùhler,  dont  nous  dirons  quelques  mots  en  termi- 
nant, est  un  mémoire  couronné  par  l'Institut  national  genevois  et  a  été  com- 
posé avant  la  publication  du  volume  de  M.  Rilliet.  S'il  a  vu  le  jour,  c'est  que 
l'Institut  a  pensé  «  que  le  livre  de  M.  R.,  par  le  fait  même  de  sa  supériorité 
»  scientifique,  ne  s'adressait  qu'à  un  public  assez  restreint;  qu'il  supposait  chez 
»  ses  lecteurs  certaines  connaissances  préliminaires,  une  certaine  dose  d'érudi- 
»  tion,  etc.  »  Sans  examiner  ce  que  cette  opinion  de  l'Institut  de  Genève  peut 
avoir  de  fondé  relativement  à  des  lecteurs  français,  —  et  nous  croyons  qu'il 
s'exagère  un  peu  la  difficulté  de  faire  comprendre  M.  R.  aux  lecteurs  de  bonne 
volonté,  —  nous  dirons  que  l'opuscule  de  M.  H.  répond  aux  vœux  de  ceux  qui 
l'ont  couronné;  c'est,  comme  le  dit  l'auteur  lui-même,  «  un  résumé  simple  et 
M  clair  des  résultats  les  plus  récents  de  la  science  pour  le  grand  public  «  (p.  7). 
Nous  serions  positivement  injuste  en  comparant  ce  mémoire  à  l'ouvrage  bien 
plus  étendu  de  M.  Rilliet,  et  nous  aurions  mauvaise  grâce  à  faire  ressortir  la 
supériorité  de  l'un  sur  l'autre.  M.  Hungerbùhler  lui-même,  qui  appelle  les 
Origines  de  la  Confédération  suisse,  «  une  œuvre  magistrale,  qui  ne  laisse  rien  à 
»  désirer  )),ne  réclame  pour  lui  «  qu'une  seule  chose,  c'est  de  n'être  pas  trouvé 
»  tout  à  fait  indigne  de  figurer  dans  les  rangs  comme  simple  soldat  »  à  la  suite 
de  tant  d'autres  savants  contemporains  qui  se  sont  occupés  de  son  sujet.  Qu'il 
se  rassure;  un  jeune  homme,  encore  étudiant  en  droit,  qui  a  su  se  livrer,  en 
dehors  de  ses  études  professionnelles,  avec  autant  de  critique  que  de  modestie 
aux  travaux  historiques  dont  il  nous  présente  les  fruits,  n'est  déjà  plus  un  simple 
soldat;  c'est,  pour  rester  dans  l'image  choisie  par  lui,  un  jeune  et  brillant  officier 
plein  d'avenir,  qui  n'a  qu'à  continuer  ainsi  pour  arriver  plus  haut.  Le  travail  de 
M.  Hungerbùhler  se  divise  en  trois  parties.  Une  introduction  historique  d'une 
quarantaine  de  pages  répond  à  la  première  moitié  du  volume  de  M.  Rilliet.  La 
première  partie  passe  en  revue  tous  les  chroniqueurs  qui,  de  Jean  de  Winterthur 


d'histoire  et  de  littérature.  47 

à  ^gidius  Tchudi,  ont  parlé  du  soulèvement  des  Waldst£tîen.  La  seconde  partie 

examine  ensuite  la  valeur  historique  de  ces  légendes  nationales,  et  donne  une 

série  d'hypothèses  sur  leur  formation.  Sauf  de  petits  points  de  détail  (ainsi,  pour 

citer  un  exemple,  l'âge  relatif  de  la  branche  légendaire,  appartenant  à  Uri, 

p.  105),  l'auteur  se  trouve  en  accord  parfait  avec  ses  prédécesseurs';  malgré 

les  récriminations  et  les  critiques,  la  question  est  élucidée  à  tel  point  et  la  vérité 

historique  se  fait  jour  avec  tant  d'évidence  qu^il  faut  bien  s'écrier  :  aveugle  qui 

ne  la  voit  point  ! 

Rod.  Reuss. 


139.  —  Stojan  Novakovitch,  Srpska  bibliografia  2a,  noyîjn  Knjijeynost 

1741-1867.  Ouvrage  publié  par  la  Société  des  sciences  de  Serbie.  Belgrade,  impri- 
merie de  l'État,  1869.  xxiv-644  p.  —  Prix  (à  Belgrade)  :  4  fr. 

Nous  avons  déjà  parlé  ici  même  de  M.  Stojan  Novakovitch  et  des  services 
qu'il  a  rendus  à  la  littérature  de  son  pays  2.  Le  livre  que  nous  annonçons  aujour- 
d'hui comble  une  lacune  sérieuse  :  c'est  le  premier  essai  d'une  bibliographie 
méthodique  des  publications  serbes  depuis  un  siècle.  Les  publications  serbes 
antérieures  ont  été  l'objet  d'un  grand  travail  de  Schafarik  dans  son  histoire  de  la 
littérature  des  slaves  méridionaux  (Geschichte  der  sûdsl.  Literatur.  Prag,  1865). 
La  bibliographie  moderne  n'avait  été  que  très-insuffisamment  notée  dans  les 
Annales  serbes  (Srpski  Letopis)  de  Novi-Sad  (Neusatz)  ou  dans  le  Glasnik  de 
Belgrade.  M.  Stojan  Novakovitch  suit  l'ordre  chronologique  :  il  indique  les  publi- 
cations année  par  année.  Cette  disposition  nous  paraît  excellente  en  ce  qu'elle 
permet  de  suivre  pas  à  pas  l'histoire  de  la  renaissance  serbe.  D'ailleurs  chaque 
publication  porte  un  numéro  d'ordre  :  une  double  table  par  noms  d'auteurs  et 
par  ordre  de  matières  permet  de  retrouver  facilement  les  livres  dont  on  ignore 
la  date,  les  publications  anonymes.  C'est  là  une  ingénieuse  combinaison  et  qui 
facilite  singulièrement  les  recherches. 

Le  nombre  des  publications  enregistrées  par  M.  Novakovitch  est  de  3291. 
Sous  le  nom  de  publications  serbes  il  ne  comprend  que  celles  qui  sont  imprimées 
en  caractères  serbes  et  laisse  en  dehors  comme  appartenant  à  la  littérature 
croate,  celles  qui  sont  imprimées  en  caractères  latins.  Cette  distinction  donne 
lieu  à  plus  d'une  difficulté.  Il  y  a  tel  écrivain  dont  un  ouvrage  a  eu  plusieurs 
éditions  :  les  éditions  publiées  en  caractères  latins  ne  comptent  pas  comme  serbes 
dans  le  système  suivi  par  la  société  de  Belgrade.  Précisons  par  des  faits. 
M.  Sundecic  un  des  meilleurs  poètes  serbes  a  publié  en  1864  à  Zara  un  poème 
héroïque  La  chemise  sanglante  (Krvava  Kosulja).  Ce  poème  a  eu  deux  éditions. 
L'édition  en  caractères  latins  est  absolument  omise  dans  le  catalogue  de  M.  No- 


1 .  Si  quelqu'un  désirait  comparer  la  méthode  allemande  à  la  manière  de  procéder  des 
auteurs  dont  nous  avons  parlé,  nous  lui  recommandons  la  lecture  de  l'excellent  travail  de 
M.  W.  Vicher,  Die  Sage  von  der  Befreiung  der  Waldstadte.  Leipzig,  1867,  in-8*. 

2.  Voy.  année  1868,  art.  77. 


48  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

vakovitch.  Il  y  a  dans  la  littérature  serbe  une  autre  œuvre  bien  plus  importante, 
c'est  le  célèbre  poème  du  Vladika  (prince)  du  Monténégro  Pierre  Petrovitch 
Negoch  {Gorski  Vienac,  la  Couronne  des  Montagnes).  Cette  œuvre  popu- 
laire, et  dont  M.  N.  parle  dans  son  histoire  de  la  littérature  serbe  avec 
une  juste  admiration,  a  déjà  eu  trois  éditions  en  caractères  slaves.  M.  N.  les 
a  enregistrées.  Récemment  la  société  de  littérature  dalmate  (Matiça  dalma- 
tinska)  a  publié  du  même  poème  une  édition  en  caractères  latins.  Eh!  bien 
cette  nouvelle  édition,  indispensable,  d'une  œuvre  célèbre,  depuis  long- 
temps épuisée,  ne  sera  pas  signalée  dans  le  supplément  de  M.  N.  si  jamais  il 
en  publie  un.  De  même  M.  Danicicbien  connu  comme  philologue  serbe,  ancien 
secrétaire  de  la  société  des  sciences  de  Belgrade,  aujourd'hui  secrétaire  de 
l'Académie  d'Agram,  verra  omettre  par  les  bibliographes  serbes  celles  de  ses 
publications  qu'il  aura  imprimées  en  caractères  latins.  Nous  appelons  sur  ce  point 
l'attention  de  la  société  de  Belgrade.  Si  l'on  se  bornait  à  enregistrer  les  œuvres 
publiées  dans  la  principauté  nous  comprendrions  un  esprit  de  rigoureuse  exclu- 
sion. Mais  du  moment  oh  on  embrasse  l'ensemble  des  publications  xcri'w  (éditées 
à  Belgrade,  Novi-Sad,  Pesth,  Zara,  etc.),  nous  croyons  qu'il  serait  juste  et  utile 
de  donner  à  ce  terme  sa  plus  grande  extension.  Le  serbe  et  le  croate  sont  si 
bien  une  seule  et  même  langue  que  l'on  peut  imprimer  le  même  ouvrage ,  sans 
y  changer  un  mot,  dans  les  deux  alphabets  latin  et  cyrillique.  A  quoi  bon  alors 
ces  distinctions  surannées .f'  elles  ont  pour  point  de  départ,  nous  le  savons,  des 
différences  religieuses  :  l'alphabet  latin  est  celui  de  Rome,  l'alphabet  cyrillique 
celui  de  l'église  orthodoxe.  Mais  notre  siècle  n'admet  plus  ces  différences,  et  les 
esprits  éclairés  les  repoussent  à  Agram  comme  à  Belgrade.  Nous  pouvons  d'ailleurs 
citer  l'exemple  des  Allemands  qui  aujourd'hui  commencent  à  admettre  l'alphabet 
latin  à  côté  du  gothique  :  en  Bohême  et  en  Pologne  (notamment  en  Silésie)  on 
imprime  encore  des  livres  en  caractères  gothiques  à  l'usage  du  peuple  :  les  biblio- 
graphes tchèques  ou  polonais  ne  croient  pas  devoir  les  oublier.  Encore  une  fois 
nous  signalons  le  fait  à  l'attention  de  la  société  belgradienne.  Il  importe  que  la 
question  soit  tranchée  :  M.  Novakovitch  qui  a  écrit  dans  un  fort  bon  volume 
l'histoire  de  la  littérature  serbo-croate,  partage  assurément  notre  avis.  Je  serais 
heureux  de  lui  donner  l'occasion  de  s'expliquer  sur  ce  point. 

Je  n'ai  pas  du  reste  la  prétention  de  compléter  ou  de  corriger  son 
travail.  Je  lui  signalerai  cependant  une  omission.  M.  Chodzko  a  publié  à  Paris 
en  1858,  une  vie  de  saint  Sava  en  serbe;  c'est  la  réimpression  d'un  livre  publié 
à  Vienne  en  1794.  M.  Novakovitch,  qui  signale  ce  livre  à  l'année  1794,  a  omis 
de  le  rappeler  à  l'année  1858.  Un  livre  serbe  édité  à  Paris  est  chose  assez  rare 

pour  mériter  d'être  noté. 

Louis  Léger. 


Nogent-ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


II.  Comptes-rendus.  Kapp,  Vergleichende  Erdkunde,  2«  éd.  —  Wislicenus, 
Die  Elbgermanen.  —  Wormstall,  Tungern  und  Bastarnen.  —  Monumenta  germa- 
niae  historica,  éd.  Pertz.  Legum  t.  IV.  Article  détaillé  de  M.  Bluhme,  l'un  des 
éditeurs  du  volume.  —  O.  Franklin,  Dos  Reichshofgericht  im  Mittelalter.  — 
Weech,  Ceschichte  der  badischen  Verfassung.  —  Schliephake,  Geschichte  von 
Nassau.  —  Acta  Tomiciana,  t.  IX.  Collection  importante  relative  à  l'histoire  de 
Sigisraond  I"  de  Pologne.  —  Moll,  Kerkgeschiedenis  van  Nederland.  —  Archives 
ou  Correspondance  inédite  de  la  maison  d'Orange,  p.  p.  Groen  van  Prinsterer, 
2^  série,  t.  V  (1650-1688),  etc.,  etc. 

Il  n'y  a  souvent  aucune  proportion  entre  la  valeur  des  livres  et  la  longueur 
des  articles  qu'on  leur  consacre.  Les  littératures  étrangères,  surtout  la  nôtre, 
sont  un  peu  négligées  depuis  quelque  temps. 

III.  Aperçu  des  publications  historiques  de  juillet  à  décembre  1868,  par  W. 
Mûldener.  On  voit  trop  que  cette  très-utile  publication  se  fait  sur  des  catalogues 
souvent  inexacts  de  librairie.  Des  volumes  d'historiettes  pour  la  jeunesse,  venant 
de  la  librairie  catholique  de  Marne  (p.  109,  152),  figurent  à  côté  des  romans  de 
M""^  Dash,  de  MM.  des  Essarts,  Blanquet,  etc.  (p.  137,  1  $0,  etc.),  parmi  les 
productions  de  l'historiographie  française ,  tandis  que  certains  volumes  sérieux 
manquent.  On  devrait  au  moins  séparer  la  littérature  courante  et  légère  (parmi 
laquelle  on  trouve  plus  de  100  brochures  sur  M.  Rochefort!)  de  Ta  véritable 
littérature  historique. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ou\Tages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Ditscheiner''s  (J.  A.)  grammatisch-ortho- 
graphisch-  stilistisches  Handwœrterbuch 
der  deutschen  Sprache  m.  besond.  Riick- 
sicht  auf  die  Beugg.,  Fùgg.,  Bedeutgn. 
u.  Schreibart  der  einzelnen  Wœrter,  ihr 
Synonyme  und  Tropen  und  mit  Kurzen 
Wœrter Idaergn.  u.  erlaeut.  Beispielen.  2. 
verm.  und  verb.  Auflage  bearb.  von  K. 
Schmuck.  2-10.  Lfg.  In-8*,  p.  289-400. 
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Eckardt  (J.).  Die  baltischen  Provinzen 
Russlands.  Poiitischeu.  culturgeschichtl. 
Aufsaetze.  In-8*,  460  p.  Leipzig  (Dunc- 
ker  und  Humblodt).  lo  fr.  75 

Eisenlohr  (A.).  Analytische  Erklaerung 
der  demotischen  Theiles  der  Rosettana. 
I.  Thl.  In-4',  46  p.  Leipzig  (Hinrichs). 

Erbstein  (J.  u.  A.).  Die  Ritter  von 
Schulthess-Rechberg'sche  Mùnz  und  Me- 
daillen  Sammlung.  Als  Anh.  zum  Thaier 
Cabinet  d.  verstorbenen  K.  G.  Ritter  v. 


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von  Anbeginn  bis  zur  Eroberung  Masa- 
da's  im  J.  72  nach  Christus.  In  2  Thln. 
I.  Th.  Bis  zum  Ende  der  persischen 
Oberherrschaft.  In-8*,  320  p.  Leipzig 
(Hirzel).  7  fr.  20 

Lauth  (F.  J.).  Die  geschichtlichen  Ergeb- 
'nisse  der  vîlgyplologie.  Vortrag  in  der 
œffentl.  Sitzg.  der  K.  Akademie  der 
Wissenschaften  am  20.  Maerz  1869  zur 
Vorfeier  ihres  1 1  o.  Stiftungstages  gehal- 
ten.  In-4',  26  p.  Mùnchen  (Franz). 

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Moerikofer  (J.  E.).  Ulrich  Zwingli  nach 
den  urkundlichen  Quellen.  2.  Thl.  In-8*, 
527  p.  Leipzig  (Hirzel).  10  fr. 

Plath  iJ.  H.).  Nahrung,  Kleidung  und 
Wohnung  der  alten  Chinesen.  In-4*,  96 
p.  Mûnchen  (Franz).  4  fr.  85 


NICOLAS  DE  TROYES  go/deTnouveUes 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in-i6,  papier  vergé,  cartonné.  ^  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

FT-\  1  T7  ^     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  i"  partie. 
•       L/  I  IL  Zj         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

ET-)  T-i  TV  T   A   TV  T      Saint  Paul  (Livre  IIP  de  l'histoire  des  origines 
•      rV  IL  1  >l  rV  1  >i      du  christianisme),  i  vol.  in-8°,  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  7  fr.  50 

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ç  /-^  Q  T  T-v  rp  y^  D  T  T  1\  yr     ^^  musica  medii  aevi  novam  seriem  a 

Ov^  Iv  1  1      1   v-/  rv  U  iVl     Gerbertina  alteram  collegit  nuncque 
primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

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J.  CRÉTIN  EAU  JOLY    coZ2' J: 

i8oi  et  le  cardinal  Consalvi,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-8».  7  fr.  50 

En  vente  chez  Fischer,  à  Cassel,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

HT-i  T     T  y^  |->.  y^  r^  T     Colometrise  Aristophanae  quantum  superest 
Cj  l-<  1  v^  lJ  v_y  Iv  1     una  cum  reliquis  scholiis  in  Aristophanem 
metricis  edidit  C.  Thiemann.  In-8°.  3  fr.  40 


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den  letzten  Zeiten  d.  untergehenden  Hellenismus.  In-8°.  7  fr.  40 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  30  Quatrième  année  24  Juillet  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.   —  Départements,   17  fr,  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 


PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

TTi  yr /^  1\/T  A/T  Ç  17  NT     ^^^^^^'"^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
•     iVl  v_/  iVl  iVl  O  IL  1  >     Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8*>.  5  fr. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
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sur  la  guerre  des  Gaules. 
Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


H\\T  17  T  T       ^^  l'or'dre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  cora- 
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corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-S".  5  fr.  jo 

Cet  ouvrage  forme  le  3^  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


PT   A   -NT  TV  T  T7«  r-r^    De  la  langue  chinoise  et  des  mi 
•     J  A.  1 N  1  >  IL    1      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8° 


De  la  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  fad- 

2fr. 


\         r^  A  ^  nr  A  NI      ^^  Capltole  de  Vesontio  et  les  Capitoles  pro- 
■**••      v-i/\k3   I  rVlN      vinciaux  du  monde  romain.  In-8°  avec  3  pi. 

jfr. 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

The  Athenseum.  —  lo  juillet. 

Gladstone  (The  Right  Hon.),  Juventus  Mundi.  The  Gods  and  Men  in  the  Heroic 
Age,  Macmillan;  compte-rendu  sans  compétence  d'un  livre  où  l'imagination  a 
plus  de  part  que  la  critique. — Johnston  (David),  A  translation  ofDante's  Inferno, 
Purgatorio  and  Paradiso  (privately  printed).  —  Correspondance  relative  à  de 
récentes  découvertes  à  Jérusalem.  —  The  semiîic  languages;  article  signé  Charles 
Beke. 

17  juillet. 

RusKiN  (John),  The  Queen  of  the  Air;  being  a  Study  ofthe  Greek  Myths  ofCloud 
and  Storm,  Smith,  Elder  and  C°;  interprétation  morale,  mais  non  scientifique, 
des  mythes  grecs.  —  Calendar  of  the  Carew  Manuscripts,  preserved  in  the  Archi- 
épiscopal Library  at  Lambeth,  1 589-1600,  edited  by  J.  G.  Brewer,  Longmans 
et  C°.  —  RiCHEY,  Lectures  on  the  History  of  îreland  down  to  A.  D.  1 5^4,  Dublin, 
Ponsonby.  —  Kampschulte,  Johann  Calvin,  seine  Kirche  und  seine  Staat  in  Genf, 
erster  Band;  art.  très-favorable,  —  Stephens  (George),  The  Old-Northern  Runic 
Monuments  of  Scandinavia  and  England  now  first  collected  and  deciphered,  part.  II, 
Copenhagen,  Michaelsen  et  Tillge. 

Archiv  fur  das  Studium  der  neueren  Sprachen,  hgg.  von  Herrig.  Tome 
XLIV,  !"■  cahier. 

Ce  cahier  est  occupé  presque  tout  entier  par  une  étude  de  M.  Backe  :  «  De 
»  l'influence  que  les  divisions  religieuses  ont  exercée  sur  le  développement  de  la 
»  littérature  allemande  moderne  (p.  1-90).  »  —  Viennent  ensuite  quelques 
comptes-rendus  assez  insignifiants  (p.  91-101),  des  Mélanges  (p.  102-126),  et 
la  Bibliographie  (p.  127-128).  Parmi  les  Mélanges,  remarquons  une  note  inté- 
ressante de  M.  Hogena  sur  la  scène  I  de  la  2''  partie  de  l'Henri  IV  de  Shaks- 
peare,  et  une  autre  de  M.  Kriegk  :  De  l'élément  comique  et  railleur  dans  les  noms 
propres  usités  à  Francfort  au  moyen-âge. 

2^  cahier. 

P.  u  I  :  LÙDKE,  Des  différences  dans  l'emploi  de  l'article  en  ^ançais  et  en  anglais; 
travail:%ui  n'est  pas  fait  à  un  point  de  vue  historique ,  mais  qui  a  toutefois  le 
mérite  de  présenter  un  grand  nombre  de  faits  bien  classés.  —  P.  25^.  Brand- 
ST^TER,  Les  nouveaux  gallicismes  dans  notre  littérature  (suite;  cf.  Rev.  crit.  1869, 
couvert,  du  n°  6).  —  P.^^i.  Lùcking,  Sur  l'étymologie  des  formes  verbales  fran- 
çaises. Travail  estimable,  mais  qui  ne  contient  rien  de  bien  nouveau.  —  P.  337. 
ScHRŒDER,  Encore  un  cent  de  proverbes  bas-allemands  (supplément  à  un  travail 
publié  dans  le  t.  XLIII  du  même  recueil.  —  Bibliographie.  The  vowell  éléments  in 

Speech by  Samuel  Porter,  New-York,  Westermann,   compte-rendu  par 

LÙCKING. —  Mélanges. 

The  Irish  Ecclesiastical  Record,  a  monthly  Journal  conducted  by  a  society 
of  Clergymen,  under  episcopal  sanction.  Dubhn,  Kelly  (Nous  n'avons  pas  reçu 
le  n"  de  juin).  —  N°  LVIII.  Vol.  V.  —  July,  1869. 

[Ce  n°  contient  peu  d'articles  concernant  l'Irlande.]  —  P.  453-471.  Catholi- 
cisme et  Progrès.  —  P.  472-479.  Qualités  d'un  bon  catéchiste.  —  P.  480-490. 
John  Knox  et  les  premiers  fruits  du  presbytérianisme.  —  491-492.  Questions  litur- 
giques. —  P.  493-500.  MoNASTicoN  HiBERNicu;^  :  Comté  d'Armagk  (suite). 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  30  —  24  Juillet  —  1869 

Sommaire  :  140.  Nutzhorn,  La  composition  des  Poèmes  homériques,  —  141.  Ste- 
GER,  Études  sur  Platon.  —  142.  Urlichs,  de  la  Vie  et  des  Honneurs  d'Agricola. — 
143.  Guillaume  le  Clerc,  le  Besant  de  Dieu,  p.  p.  E.  Martin.  —  144.  Lau- 
W'EREYNS  de  Roosend^le,  Histoire  d'une  Guerre  échevinale  de  177  ans.  —  145. 
MuLLER  (L.),  Histoire  de  la  Philologie  classique  dans  les  Pays-Bas.  —  Variétés  : 
l'Association  pour  l'encouragement  des  études  grecques. 

140.  —  F.  Nutzhorn.  Die  Entstehungsweise  der  Homerischen  Gedichte. 

Untersuchungen  ùber  die  Berechtigung  der  auflcesenden  Homerkritik.  Mit  einem  Vor- 
wort  von  D'  J.  N.  Madvig.  Leipzig, Teubner,  i869.In-8*,xiv-268p.  — Prixiôfr.yj. 

Ce  livre  est  l'ouvrage  d'un  jeune  danois,  mort  à  l'âge  de  trente  et  un  ans.  Il 
l'avait  écrit  dans  la  langue  de  son  pays  et  publié  lui-même  en  1863.  La  traduc- 
tion allemande,  due  à  un  ami  de  l'auteur,  porte  en  tête  un  avant-propos  de 
M.  Madvig  :  elle  parait  en  quelque  sorte  sous  les  auspices  de  cet  éminent  philo- 
logue. Nous  comprenons  les  regrets  que  M,  Madvig  donne  à  son  ancien  élève, 
et  nous  déplorons  avec  lui  la  mort  prématurée  d'un  jeune  savant  que  nous  ne 
connaissons  que  par  ce  livre;  mais  ce  livre  est  plein  de  sens,  il  témoigne  d'un 
bon  esprit,  d'une  excellente  méthode,  et  surtout  d'un  sentiment  très-vif  de  la 
poésie  homérique.  Les  belles  pages  (130-140)  sur  les  comparaisons  d'Homère 
suffiraient  à  elles  seules  pour  justifier  notre  impression. 

Établir  l'unité  des  deux  grandes  épopées,  la  défendre  contre  les  arguments  de 
Wolf,  de  Lachmann  et  d'autres  critiques  :  tel  est  le  but  que  l'auteur  s'est  pro- 
posé. Il  divise  son  sujet  en  deux  parties  :  la  transmission  du  texte  homérique,  et 
l'examen  de  l'un  des  deux  poèmes,  l'Iliade.  Nous  ne  le  suivrons  pas  de  point  en 
point  :  on  trouve  dans  son  livre  beaucoup  de  choses,  beaucoup  de  considérations, 
qui  ne  sont  pas  nouvelles  :  cela  était  inévitable.  Signalons  quelques  vues  moins 
répandues,  plus  personnelles. 

La  fameuse  rédaction  de  Pisistrate  a  été  le  point  de  départ  des  théories  scep- 
tiques. Pour  mieux  en  finir  avec  ces  théories,  M.  N.  nie  que  cette  rédaction  ait 
jamais  eu  lieu.  Le  remède  est  radical  :  il  est  bien  d'un  jeune  homme.  Une  tra- 
dition rapponée  par  Cicéron,  par  Josèphe,  par  Pausanias,  par  d'autres  encore, 
remonte  certainement  à  l'époque  de  l'érudition  alexandrine,  et  si  nous  ne  la 
trouvons  chez  aucun  auteur  plus  ancien,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner  :  aucun 
des  écrits  savants  où  il  pouvait  en  être  question  n'est  venu  jusqu'à  nous.  —  Mais 
les  scholies  ne  citent  jamais  l'édition  de  Pisistrate.  —  Cela  s'explique  aisément,  si 
cette  édition  servait  de  base  au  texte  alexandrin  :  on  indique  la  provenance  de 
quelques  variantes;  l'origine  de  la  vulgate  reste  sous-entendue.  A  une  époque 
où  la  récitation  des  poèmes  homériques  fut  introduite  dans  le  programme  des 
Panathénées,  et  dans  un  pays  où  ces  mêmes  épopées  constituaient  le  point  de 

VIII  4 


50  REVUE    CRITIQUE 

départ  et  le  centre  de  l'éducation  de  la  jeunesse,  il  est  naturel  qu'on  ait  cherché 
à  procurer  un  texte  aussi  bien  ordonné  et  aussi  complet  que  possible  du  poète 
national.  Mais  d'un  autre  côté  il  ne  faut  pas  exagérer  la  portée  du  travail  entre- 
pris sur  l'ordre  de  Pisistrate.  Il  ne  s'agissait  pas  alors  de  créer  l'Iliade  ou 
l'Odyssée  par  le  rapprochement  de  chants  épars  :  ces  poèmes  existaient  depuis 
longtemps  :  le  plan  des  épopées  cycliques  en  fournit  la  preuve  positive. 

L'auteur  fait  très-bien  voir  le  côté  faible  de  la  théorie  de  Lachmann,  ainsi  que 
de  l'hypothèse  beaucoup  moins  radicale  de  M.  Grote.  Mais  ici  encore  il  nous 
paraît  dépasser  le  but.  Nous  admettons  parfaitement  qu'un  poète  ait  laissé 
échapper  des  contradictions,  des  disparates,  dans  une  œuvre  de  longue  haleine. 
Il  y  a  cependant  contradiction  et  contradiction.  Qu'un  guerrier  obscur,  tué  au 
cinquième  livre,  se  porte  assez  bien  dans  le  treizième  pour  pleurer  la  mort  de 
son  fils,  nous  n'y  attachons  aucune  importance.  Mais  que  Diomède  blesse  Vénus 
et  Mars  dans  la  bataille,  qu'il  ne  se  retire  même  pas  devant  Apollon,  et  que  peu 
de  temps  après  il  repousse  avec  horreur  l'idée  de  combattre  des  dieux,  voilà  une 
contradiction  bien  autrement  étrange;  et,  pour  notre  part,  nous  nous  refusons 
à  croire  que  la  bravoure  de  ce  héros  (1.  V)  soit  de  la  même  main  que  sa  ren- 
contre avec  Glaucus  (1.  VI).  L'Iliade  a  sans  doute  reçu  de  nombreuses  amplifi- 
cations, et  elle  a  passé  par  des  rédactions  différentes.  Comment  un  long  poème, 
conservé  par  les  rhapsodes,  redit  par  des  chanteurs  dont  plusieurs  étaient  eux- 
mêmes  poètes,  eût-il  échappé  au  sort  commun  de  toutes  les  épopées  dans  les 
siècles  peu  critiques  ?  Les  traces  de  rédactions  diverses  se  remarquent  encore 
dans  notre  texte.  L'ambassade  du  neuvième  chant  n'est  pas  rappelée  dans  les 
chants  suivants  aux  endroits  où  elle  aurait  dû  l'être;  Achille  s'exprime  même  à 
plusieurs  reprises,  comme  si  elle  n'avait  pas  eu  lieu.  Il  faut  aller  jusqu'au  xviii'^ 
chant  pour  trouver  une  mention  de  cette  ambassade.  Mais  là  nous  apprenons 
que  les  prières  des  princes  grecs  avaient  engagé  Achille  à  leur  envoyer  Patrocle, 
et  que  ce  héros  a  combattu  durant  toute  une  journée  près  de  la  porte  Scée.  Il 
est  vrai  qu'Aristarque  considérait  comme  interpolés  les  vers  auquels  nous  faisons 
allusion  (XVIII,  444-456);  mais  on  ne  saurait  les  retrancher  sans  inconvénient, 
et,  le  pourrait-on,  ils  n'en  attesteraient  pas  moins  que  quelques-uns  des  principaux 
incidents  du  poème  n'étaient  pas  amenés  de  la  même  manière  dans  tous  les  textes. 
M.  N.  ne  voit  pas  ces  différences,  ou  il  ne  veut  pas  les  voir.  Il  s'ingénie  à 
prouver  que  le  Dénombrement  du  livre  11'^  est  un  beau  morceau,  de  proportions 
parfaites,  excellent  au  point  de  vue  poétique,  abstraction  faite  de  l'intérêt  histo- 
rique qu'il  peut  présenter.  Décidément  M.  Nutzhorn  est  trop  orthodoxe;  mais 
cela  n'empêche  pas  que  son  livre  ne  soit  digne  d'être  lu  et  médité. 

Henri  Weil. 

141.  —  Platonîsche  Studien,  von  Josef  Steger,  Professer  an  le.  k.  Gymnasium 
in  Salzburg.  Innsbruck,  Wagner,  1869.  In-8*,  79  p.  —  Prix  :  2  fr.  20. 

Le  but  de  cette  publication,  qui  s'annonce  comme  un  premier  fascicule,  est 
de  tracer  un  parallèle  entre  la  dialectique  de  Platon  et  la  méthode  des  sophistes. 


d'histoire  et  de  littérature.  Çl 

L'indication  des  traits  communs  qui  caractérisent  la  sophistique  et  la  rhétorique 
des  sophistes  est  suivie  d'un  exposé  de  la  dialectique  de  Platon.  En  majeure 
partie  cet  exposé  n'est  qu'une  reproduction  des  propres  paroles  de  Platon,  l'au- 
teur étant  d'avis  que  l'emploi  d'une  terminologie  différente  a  souvent  eu  pour 
résultat  de  prêter  au  philosophe  grec  des  idées  qui  lui  sont  étrangères.  La  dis- 
cussion de  la  valeur  respective  des  deux  méthodes  n'a  pas  trouvé  de  place  dans 
ce  cadre,  principalement  en  ce  qui  concerne  la  sophistique,  comme  l'auteur 
d'ailleurs  en  fait  lui-même  la  remarque  en  citant  quelques  paroles  empruntées  à 
M,  Ueberweg  {Grundriss  der  Gesch.  der  Philosophie,  t.  I,  p.  69,  2^  éd.).  Elle  est 
présentée  exclusivement  du  point  de  vue  polémique  où  se  trouvaient  placés  à  son 
égard  Socrate  et  Platon.  Dans  ces  limites  restreintes  on  ne  saurait  refuser  à 
l'auteur  le  mérite  d'une  exposition  claire  et  méthodique,  reposant  à  la  fois  sur  la 
connaissance  des  ouvrages  de  Platon  et  sur  celle  des  travaux  modernes  qui  ont 
traité  la  même  question.  Son  travail  peut  servir  utilement  d'introduction  partielle 
à  la  lecture  des  ouvrages  du  philosophe  grec;  de  plus,  il  nous  montre  que  le 
niveau  de  l'étude  de  l'antiquité  tend  à  s'élever  en  Autriche. 

Emile  Heitz. 


142.  —  Caroli  Ludovici  Urlichsii  Commentatio  de  Vita  et  Honoribus  Agri- 

colae.  Wirceburgi.  1868.  In-4*,  33  pages.  —  Prix  :  1  fr.  60. 

En  1866,  M.  Emile  Hùbner  publia  dans  VHermès\  cet  intéressant  recueil 
qu'il  venait  de  fonder  et  que  connaissent  bien  nos  lecteurs  2,  une  étude  sur 
VAgncola  de  Tacite.  Ce  travail  n'a  que  quelques  pages,  mais  elles  sont  pleines 
de  vues  originales.  Suivant  M.  H.  le  petit  hvre  latin  est  le  seul  type  parvenu 
jusqu'à  nous  d'un  genre  littéraire  propre  à  l'époque  impériale,  et  qui  se  classe 
dans  les  laudationes  funèbres  :  ce  qui  le  caractérise  c'est  que  l'éloge  n'a  pas  été 
prononcé,  mais  seulement  écrit  et  composé  en  vue  de  la  lecture.  On  sait  qu'à  la 
mort  de  tout  Romain  illustre,  le  cortège,  en  se  rendant  de  la  maison  mortuaire  au 
Champ-de-Mars  où  était  dressé  le  bûcher,  s'arrêtait  au  Forum,  et  que  là,  soit  le  fils 
du  défunt,  soit  l'un  de  ses  parents  ou  de  ses  amis,  prononçait  son  éloge.  Plu- 
sieurs de  ces  éloges,  gravés  sur  les  tombeaux  des  personnages  ainsi  loués,  sont 
parvenus  jusqu'à  nous?.  Quelques-uns,  auxquels  l'illustration  du  défunt  ou  de 
l'orateur  donnaient  un  intérêt  plus  général  plus  durable,  avaient  été  recueillis 
et  faisaient  partie  de  la  littérature  classique  4.  Dans  le  premier  siècle  de  notre 
ère  commencent  enfin  les  éloges  écrits,  tels  que  ceux  de  Thraseas,  composé  par 
Rusticus  Arulénus,  et  d'Helvidius  Priscus  par  Sénécion,  à  côté  desquels  se  range 
l'Agricola  de  Tacite  5.  Leur  type  est  réellement  le  livre  de  Cicéron  sur  Caton 


1.  I,  pp.  438-448. 

2.  Voy.  Rev.  ait.,  1867,  p.  96. 

3.  Orelli  4860  et  Mommsen,  Acad.  de  Berlin,  Abhandl.  1863,  p.  455  et  suiv. 

4.  Tels  ceux  de  Julia  et  de  Cornelia  prononcés  par  Jules  César,  Suét.  Jul.  6. 

5.  M.  Hùbner  compare  ces  éloges  écrits  à  ceux  que  composent  les  Académiciens  fran- 


52  REVUE  CRITIQUE 

(liber  M.  Ciceronis  qui  inscribitur  laus  Caîonis.  Gell.  13.  20.  3);  les  noms  seuls 
des  auteurs  et  de  leurs  héros  indiquent  assez  le  caractère  apologétique  et  poli- 
tique de  ces  ouvrages.  Dans  le  cadre  de  l'ancienne  laudatio  funebris  se  manifes- 
tent les  passions,  les  rancunes  et  les  revendications  patriciennes.  Une  lettre  de 
Pline  le  Jeune  (VII,  19)  nous  apprend  que  l'éloge  d'Helvidius  avait  été  écrit 
par  Senecion  à  la  prière  de  Fannia,  la  femme  même  d'Helvidius ,  et  cette  lettre 
montre  bien  que  les  œuvres  de  ce  genre  étaient  empreintes  de  la  plus  vive 
opposition. 

Si  l'on  prend  la  peine  de  relire  l'Agricola,  il  sera,  je  crois,  difficile  de  refuser 
son  assentiment  presque  complet  aux  vues  très-ingénieuses  et  très-motivées  de 
M.  Hûbner.  Nous  sommes  habitués  à  chercher  dans  ce  livre  des  renseignements 
sur  l'histoire  la  plus  ancienne  de  l'Angleterre  :  ils  y  sont  en  effet,  mais  sous  la 
forme  d'un  excursus  artificiellement  introduit  dans  le  plan  primitif  et  visible  de 
l'ouvrage.  Enlisant  de  suite  les  chapitres  I-IX,  XVIII-XLVI,  on  ne  pourra  mé- 
connaître le  caractère  très-oratoire  de  cette  production.  La  recherche  du  style, 
l'amplification  des  récits,  l'emploi  des  termes  les  plus  généraux,  l'absence  voulue 
de  mots  techniques,  tout  cela,  sans  même  compter  la  célèbre  péroraison,  montre 
ici  un  morceau  du  genre  épidictique,  qui  se  distingue  profondément  des  biogra- 
phies proprement  dites  dont  les  Caesares  de  Suétone  et  les  Hisîoriae  Augustae  sont 
le  type  dans  la  littérature  latine. 

Je  ne  dois  pas  m'étendre  plus  longuement  sur  ce  sujet.  Il  fallait  y  toucher 
néanmoins,  parce  que  M.  Urlichs  ne  voit  pas  dans  l'Agricola  ce  caractère  ora- 
toire, et  s'attache  à  montrer  que  c'est  une  œuvre  d'histoire  proprement  dite. 
M.  U.  ne  me  paraît  pas  avoir  réfuté  les  idées  de  M.  Hùbner.  Par  exemple  licite 
un  grand  nombre  de  locutions  empruntées  par  Tacite  à  Salluste,  pour  en  con- 
clure que  Salluste  étant  un  historien,  Tacite  l'est  aussi.  Mais  la  tournure  oratoire 
des  écrits  de  Salluste  était  reconnue  des  anciens  eux-mêmes  ' .  —  Comment, 
dit  encore  M.  Urlichs,  Tacite  aurait-il  besoin  d'excuse  pour  composer  l'éloge  de 
son  beau-père,  puisqu'il  ne  ferait  que  se  conformer  à  un  usage  bien  antique  de 
Rome  ?  On  trouve  une  réponse  anticipée  à  cette  objection  dans  VHermès  *.  — 
Agricola  est  le  premier  homme  obscur  dont  on  ait  écrit  l'éloge.  Les  grands  rôles 
joués  par  Helvidius  et  Thraséas  devaient  attirer  l'attention  sur  les  livres  composés 
en  leur  honneur  :  mais  Agricola  ne  s'était  signalé  dans  aucune  de  ses  charges, 
ni  même  dans  ses  expéditions  militaires.  C'est  pour  relever  un  peu  son  sujet, 
assez  banal,  que  Tacite  y  a  introduit  sa  digression  historique  sur  la  Bretagne, 
c'est  pour  faire  valoir  son  héros  qu'il  accuse,  dans  son  préambule,  l'indifférence 
de  ses  contemporains,  et  enfin  c'est  pour  désarmer  la  critique  qu'il  présente 
comme  un  monument  de  piété  filiale  l'éloge  qu'il  publie  d'un  homme  honnête, 
mais  de  deuxième  ou  troisième  ordre. 


çais.  Ce  rapprochement  n'est  pas  tout  à  fait  exact,  les  éloges  français  étant  d'abord  pro- 
noncés, et  ensuite  publiés. 

1 .  C'était,  par  exemple,  l'avis  de  Granius  Licinianus. 

2.  L.  /.  p.  444. 


d'histoire  et  de  littérature.  5  5 

D'ailleurs  le  mémoire  même  de  M.  Urlichs  prouve  l'insuffisance  des  rensei- 
gnements fournis  par  Tacite.  Ce  mémoire  n'est  pas  seulement  un  commentaire, 
mais  encore  un  supplément  de  VAgricola.  L'auteur  possède  bien  son  sujet  :  il 
rassemble  un  grand  nombre  de  corrections  et  d'améliorations  de  détails  proposées 
par  Mommsen,  par  Hùbner,  et  par  lui-même.  Dans  plusieurs  articles  du  Rhei- 
nisches  Muséum,  M.  Hùbner,  qui  travaille  depuis  longtemps  sur  les  inscriptions 
latines  de  la  Bretagne,  avait  traité  plusieurs  points  de  l'histoire  des  Romains 
dans  ce  pays,  —  la  série  des  légats  propréteurs,  —  les  légions  et  les  corps 
auxiliaires  '. 

Voici  une  explication  qui  fait  honneur  à  la  sagacité  de  Mommsen  2.  On  lit  dans 
Tacite  (c.  6)  Donitiam  Decidianam,  splendidis  natalibus  orîam,  sibi  junxiî[Agricola]: 
idque  matrimonium  ad  majora  nitenti  decus  ac  rohur  fuit.  Decus  s'explique  bien  :  la 
femme  d'AgricoIa  était  en  effet  la  fille  d'un  personnage  assez  célèbre  3.  Mais 
que  signifie  rohur?  Par  ce  mot,  il  faut  entendre  qu'Agricola  fut  père  de  bonne 
heure,  et  qu'en  vertu  an  jus  Uberorum  il  arriva  plus  vite  aux  magistratures  qu'il 
ambitionnait  (ad  majora  nitens).  Il  faut  avouer  que  Tacite  ne  parlait  guère  ici  en 
historien. 

Parmi  les  \aies  propres  à  M.  Uriichs,  j'en  ai  remarqué  deux,  dont  l'une  inté- 
resse l'administration  de  la  Rome  ancienne,  et  l'autre  notre  propre  histoire. 
Suétone  et  Dion  nous  apprennent  qu'Auguste  divisa  Rome  en  quatorze  régions, 
soumises  les  unes  à  des  préteurs,  d'autres  à  des  tribuns,  d'autres  à  des  édiles. 
En  combinant  plusieurs  inscriptions,  M.  U.  arrive  à  répartir  ainsi  cette  dis- 
tribution : 

P,  X%  XIP,  X1II%  XIIIP  régions,  surveillées  par  des  préteurs  (ce  sont  celles 
dont  les  vici  figurent  sur  la  célèbre  Base  capitoline). 

Xle,  VIII*,  IP.  111%  1111%  surveillées  par  les  tribuns. 

V%  VI%  VII%  VIIII%  surveillées  par  les  édiles. 

Cette  répartition  n'est  pas  démontrée  complètement,  mais  elle  est  très-vrai- 
semblable. 

A  propos  du  gouvernement  de  l'Aquitaine  par  Agricola,  gouvernement  qui 
précéda  immédiatement  son  consulat,  M.  Urlichs  se  demande  s'il  en  était  tou- 
jours ainsi,  et  il  réunit  sept  inscriptions  qui  montrent  que  les  anciens  préteurs 
chargés  du  gouvernement  de  cette  province  recevaient  le  consulat  à  leur  sortie 
de  charge.  On  sait  d'ailleurs  que  Galba  arriva  au  consulat  dans  les  mêmes  cir- 
constances. Les  exemples  rassemblés  par  M.  U.  prouvent  qu'il  y  avait  là  une 
règle  administrative  ou  au  moins  une  coutume  quasi-légale.  C'est  une  observation 
dont  devra  tenir  compte  l'antiquaire  qui  voudrait  faire  sur  l'Aquitaine  une 
monographie  semblable  à  celle  que  M.  Herzog  a  composée  sur  la  Gaule 
narbonnaise. 

C.  DE  LA  Berge. 


1.  Rhcinisch.  Mus.  N.  F.  XI  et  XII. 

2.  Hermès,  III,  p.  80. 

3.  Voy.  son  cursus  honorum,  Henzen,6456. 


J4  REVUE   CRITIQUE 

143  •  —  Le  Besant  de  Dieu,  von  Guillaume  le  Clerc  de  Normandie,  mit  einer  Einlei- 
tung  ûber  den  Dichter  und  seine  saemmtlichen  Werke,  herausgegeben  von  Ernst  Martin. 
Halle,  Buchhandlung  des  Waisenhauses,  1869,  In-S",  xlviij-124  p.  —  Prix  :  4  fr. 

La  poésie  morale  et  didactique,  qui  a  formé  une  des  branches  les  plus  impor- 
tantes et  les  plus  fécondes  de  l'ancienne  littérature  française ,  a  jusqu'ici  moins 
attiré  l'attention  que  la  poésie  épique  et  même  que  la  poésie  lyrique.  Le  fait  est 
naturel  :  elle  offre  moins  d'intérêt  de  fond  et  d'originalité  de  forme.  Elle  n'en  est 
pas  moins  très-digne  d'étude,  non-seulement  à  cause  des  lumières  qu'elle  jette  sur 
l'état  social,  moral  et  intellectuel  de  l'ancienne  France,  mais  encore  à  cause  du 
talent  très-réel  et  très-littéraire  qu'ont  montré  plusieurs  de  ceux  qui  l'ont  cultivée. 
Diverses  publications  récentes,  entre  autres  celle  du  Roman  des  Eles,  de  Raoul 
de  Houdenc,  par  M.  Scheler  ',  ont  rappelé  ce  sujet  au  public;  le  volume  que 
nous  annonçons  aujourd'hui  se  recommande  tout  particulièrement  à  l'attention 
des  lecteurs. 

L'éditeur,  M.  Ernst  Martin,  a  rempli  avec  beaucoup  de  soin  la  tâche  utile 
qu'il  s'était  imposée  :  l'introduction  surtout  témoigne  d'un  travail  consciencieux 
et  bien  dirigé.  Elle  se  divise  en  quatre  paragraphes.  l.Le  manuscrit.  Il  est  unique  : 
c'est  le  ms.  de  la  Bibl.  imp.  19525  (anc.  S.  G.  Fr.  1856).  M,  M.  donne,  après 
d'autres,  l'énumération  des  pièces  qu'il  contient;  il  y  joint  divers  renseignements 
intéressants  sur  plusieurs  de  ces  pièces.  Il  relève  ensuite  les  particularités  de 
l'orthographe  de  ce  ms.;  ce  relevé  est  fait  sans  méthode,  ou  plutôt  avec  une 
méthode  erronée  :  l'auteur  prend  pour  base  de  ses  opérations,  à  ce  qu'il  semble, 
le  français  moderne,  et  signale  comme  des  particularités  de  son  ms.  des  formes 
qui  sont  les  seules  bonnes  formes  de  l'ancienne  langue.  Ainsi  sevent  n'est  pas  pour 
savent;  c'est  savent  qui,  à  une  époque  relativement  moderne  et  sous  l'influence  de 
l'analogie,  a  remplacé  sevent,  seul  régulier;  il  faut  rayer  de  même  femier  pour 
fumier,  etc.  :  tout  ce  tableau  serait  à  refaire  sur  d'autres  principes.  Les  consonnes 
sont  traitées  aussi  superficiellement;  p.  ex.  :  «  r  pour  /,  et  à  l'inverse  /  pour  r  ; 
»  concire  mire  evangire,  —  fortelesce;  »  mais  fortelesce  est  la  forme  ancienne 
et  répond  au  bas  lat.  fortaliîia,  esp.  jortaleza,  pr.  fortalesa.  Il  est  vrai  qu'il  est 
difficile  de  déterminer  le  terme  de  comparaison  qu'on  doit  suivre  pour  établir  le 
caractère  phonétique  d'un  texte.  Le  meilleur  est  assurément  le  latin,  mais  le 
travail  à  faire  pourrait  excéder  les  limites  qu'un  éditeur  ne  veut  pas  dépasser. 
En  l'absence  d'une  grammaire  de  l'ancien  français  (celle  de  Burguy  est,  comme 
on  sait,  très-faible  pour  la  partie  phonétique) ,  on  peut  se  contenter  de  prendre 
pour  base  la  Grammaire  de  Diez,  en  supposant  connu  tout  ce  qui  s'y  trouve; 
on  sera  sûr  au  moins  de  procéder  méthodiquement.  On  peut  encore  prendre  un 
texte  d'une  pureté  exceptionnelle  et  lui  comparer  celui  qu'on  étudie.  Mais  de  tous 
les  systèmes,  le  moins  justifiable  est  assurément  celui  qui  consiste  à  partir  du 
français  moderne  comme  d'une  sorte  d'étalon  classique,  et  à  signaler,  dans  un 

I.  Voy.  Rev.  criu,  1869,  art.  90. 


d'histoire  et  de  littérature.  5  5 

manuscrit,  tout  ce  qui  s'en  éloigne  comme  des  particularités  :  que  dirait  M.  M.  si 
on  appliquait  un  procédé  aussi  naïf  à  l'allemand  du  moyen-âge  ? 

II.  Le  poème.  L'éditeur  donne  d'abord  une  bonne  analyse  du  Besanî  de  Dieu; 
il  détermine  fort  bien  la  date,  qui  ressort  des  allusions  à  des  faits  contemporains  : 
le  poème  a  été  écrit  en  décembre  1226  ou  plutôt  dans  les  premiers  mois  de  1 227. 
M.  M.  signale  ensuite  les  nombreux  emprunts  faits  par  Guillaume  à  l'écrit  du 
pape  Innocent  U\  de  miseria  humanae  conditionis,  qu'il  cite  d'ailleurs  lui-même  à 
deux  reprises.  Il  cite  encore  Morice  de  Sulli,  évêque  de  Paris  (7  1 196),  et  il 
s'agit  sans  doute,  comme  l'a  pensé  M.  M.,  d'un  de  ses  sermons,  et  du  texte 
latin  de  ces  sermons,  comme  le  montre  le  v.  507  5  :  rien  n'indique  qu'il  ait  entendu 
Morice  lui-même  en  chaire;  M.  M.  aurait  pu  essayer  de  retrouver  ce  texte, 
d'autant  plus  qu'il  est  assez  probable  que  Guillaume  ne  s'est  pas  borné  à  ce  seul 
emprunt  fait  à  l'évêque  de  Paris.  Il  n'y  a  pas  de  raison  de  croire  que  Guillaume 
ait  emprunté  à  Robert  Grosseteste  (ou  réciproquement)  l'allégorie  des  trois 
ennemis  de  l'homme  :  elle  remonte,  si  je  ne  me  trompe,  aux  Pères  de  l'Église. 

III.  Les  autres  œuvres  du  poète.  Ce  paragraphe  est  le  meilleur  de  V Introduction; 
M.  M.  y  énumère  les  ouvrages  qu'on  peut  avec  certitude  attribuer  à  Guillaume. 
Il  place  en  tête  le  fabliau  du  Presîre  etd'Alison  (Méon,  IV,  427),  à  propos  duquel 
il  aurait  pu  rappeler,  ce  qui  a  été  signalé  plus  d'une  fois',  que  Boccace  a  traité 
le  même  sujet,  vraisemblablement  d'après  Guillaume,  dans  la  nouv.  4  de  la 
8^  journée  du  Décameron.  Le  style  de  ce  fabliau  est  d'ailleurs  bien  différent  de 
celui  de  notre  auteur,  et  je  ne  sais  si  l'identité  du  Guillaume  le  Normand  qui  l'a 
signé  avec  notre  Guillaume  le  Clerc  de  Normandie  est  hors  de  toute  contestation. 
On  ne  peut  hésiter  au  contraire  à  lui  attribuer  Fregus  et  Galienne,  un  des  bons 
romans  de  la  Table  Ronde  de  la  seconde  époque  :  M.  M.  nous  promet  du  texte 
français  et  de  la  traduction  néerlandaise  {Ferguut)  une  édition  nouvelle  qui  ne 
peut  manquer  d'être  bien  reçue.  Peut-être  en  donnera-t-il  aussi  une  du  Bestiaire 
divin;  celle  de  M.  Hippeau  (1852)  est  devenue  introuvable  et  est  d'ailleurs  bien 
peu  satisfaisante  (M.  M.  donne  à  ce  propos  la  liste  des  douze  mss.  qui  contiennent 
ce  poème).  Le  Bestiaire,  écrit  en  1211,  renferme  de  longs  passages  qui  se 
retTouwent  dans  le  Besant,  composé  en  1227:  M.  M.  explique  le  fait  par  une 
interpolation  d'un  scribe,  interpolation  à  laquelle  n'aurait  échappé  aucun  des  mss. 
du  Bestiaire.  Cette  explication,  qui  a  bien  ses  difficultés,  paraît  cependant  beau- 
coup plus  plausible  que  l'alternative,  qui  consisterait  à  supposer  que  Guillaume 
a  repris  dans  le  Besant  une  partie  de  ce  qu'il  avait  mis  dans  le  Bestiaire;  c'est  ce 
que  montre  M.  M.,  en  s'appuyant  surtout  sur  le  peu  de  rapport  des  passages 
en  question  avec  le  plan  du  Bestiaire  et  avec  le  contexte  même  où  ils  sont  inter- 
calés. —  M.  M,  passe  ensuite  au  poème  des  Trois  mots  donné  par  l'évêque 
(1224-1258)  Alexandre  de  Lichfield  et  Coventry  à  Guillaume  (les  trois  choses 
qui  chassent  l'homme  de  sa  maison  ;  fumée,  —  degot,  —  maie  moillier')  :  il  met 

I.  Voy.  entre  autres  E.  Du  Méril,  Hist.  de  la  poésie  Scandinave,  p.  355  ;  V.  Le  Clerc 
dans  VHtst.  Un.,  t.  XIX,  p.  89. 


$6  REVUE  CRITIQUE 

hors  de  doute  l'attribution  de  ce  poème  à  notre  Guillaume,  déjà  faite  par  V.  Le 
Clerc  ;  de  même  pour  un  autre  petit  poème  sur  la  Naissance  de  Jésus-Christ  (ces 
deux  pièces  se  trouvent  dans  le  même  ms.  que  le  Besant).  M.  M.  conteste  au 
contraire  cette  attribution  pour  d'autres  opuscules  donnés  à  Guillaume  par  divers 
savants,  et  il  paraît  encore  être  dans  le  vrai.  En  somme  tout  ce  paragraphe,  je 
le  répète,  mérite  les  éloges  de  la  critique. 

IV.  Vie  et  caractère  du  poète.  Ce  paragraphe  est  également  très-intéressant  et 
bien  fait;  l'auteur  relève  fort  bien  le  patriotisme  normand  de  Guillaume,  son  peu 
de  goût  pour  la  France,  son  esprit  indépendant  qui  éclate  surtout  dans  la  page 
justement  célèbre  où  il  condamne  énergiquement  la  croisade  albigeoise  et  la 
conduite  du  pape  dans  cette  triste  affaire,  son  amour  pour  le  peuple  et  son  bon 
sens  élevé,  qui  lui  ont  dicté  des  vers  vraiment  beaux  sur  le  crime  des  rois  qui 
font  la  guerre  '  ;  il  précise  assez  bien  les  mérites  de  son  style  et  le  genre  de  son 
talent.  Guillaume  le  Clerc  de  Normandie  doit  prendre  place  parmi  les  meilleurs 
poètes  de  la  période  où  il  a  vécu  ;  comme  penseur  et  comme  écrivain,  il  est  cer- 
tainement supérieur  à  Gui  de  Cambrai,  qui  composait  son  Barlaam  eîJosaphatpe\i 
d'années  après  celle  où  fut  écrit  le  Besant^,  et  s'il  n'a  pas  l'esprit  et  la  grâce  de 
son  autre  contemporain  Huon  de  Méri,  il  le  dépasse  en  gravité  et  en  force.  Il 
s'est  exercé,  pour  ne  parler  que  de  ses  ouvrages  principaux,  dans  trois  genres 
différents  :  il  a  cultivé  le  roman  dans  Fregus  et  Galienne,  le  poème  allégorique  et 
descriptif  dans  le  Bestiaire,  le  poème  moral  dans  le  Besant;  dans  tous  les  trois  il 
a  montré  des  qualités  remarquables  et  essentiellement  françaises.  Son  nom  est  de 
ceux  qui  ont  droit  de  figurer  avec  honneur  dans  l'histoire  de  notre  littérature. 

J'arrive  au  texte  du  poème,  et  je  dirai  d'abord  un  mot  en  général  du  système 
qu'a  adopté  M.  M.  pour  son  édition  et  sur  lequel  il  s'explique  dans  l'Introduction 
(p.  ix-x).  Ce  système  ne  saurait  être  approuvé  complètement.  La  Revue  a  déjà 
eu  occasion  de  le  dire  plus  d'une  fois  :  il  faut  ou  essayer  une  édition  vraiment 
critique,  c'est-à-dire  s'efforcer  de  retrouver  le  texte  même  du  poète,  ou 
livrer  une  copie  fidèle  du  manuscrit  qu'on  publie.  En  tout  cas,  ce  qu'on  ne 
peut  admettre,  c'est  que  l'on  supprime  ou  qu'on  ajoute  des  e  féminins  pour  faire 
le  vers,  comme  M.  M.,  «  sans  trouver  qu'il  soit  même  nécessaire  d'indiquer  la 


1 .  Voici  la  traduction  de  quelques-uns  de  ces  vers  qui  ne  manquent  pas  d'actualité  : 
«  Il  y  a  des  rois  de  grande  puissance,  en  France,  en  Allemagne,  en  Espagne  ou  en  Dane- 
I)  mark...  Si  l'un  d'eux  offense  l'autre,  c'est  le  vilain  des  champs  qui  le  paie;  on  lui  brûle 
»  sa  pauvre  petite  maisonnette,  on  lui  prend  ses  bœufs  et  ses  brebis,  ses  fils  et  ses  filles, 
»  on  l'emmène  lui-même  en  prison.  Dieu!  est-il  chrétien,  ce  roi  qui  fait  sortir  de  son 
»  royaume  trente  mille  hommes  de  guerre,  qui  laissent  à  leurs  maisons  leurs  femmes  et 
»  leurs  enfants  comme  des  orphelins,  et  s'en  vont  aux  batailles  meurtrières  oii  des  milliers 
»  seront  tués  et  en  tueront  autant  de  l'autre  parti?  Les  rois  ne  se  soucient  guère  de  ce 
»  qui  tombe  dans  le  combat;  ils  n'en  tiennent  note  ni  compte;  peu  importeà  l'un  ce  qu'il 
»  a  perdu  pourvu  qu'il  ait  vaincu  l'autre.  » 

2.  On  peut  les  comparer  dans  la  parabole  de  VUnicorne  et  du  Serpent,  traitée  par  Guil- 
laume dans  les  Trois  Mots  (Martin,  Préface,  p.  xxx-xxxvj),  et  par  Gui  dans  Barlaam  et 
Josaphat,  p.  70  ss.  ;  mais  dans  ce  passage  l'avantage  serait  plutôt  au  picard  qu'au 
normand. 


d'histoire  et  de  littérature.  57 

»  leçon  du  manuscrit,  »  M.  M.  s'excuse  de  ne  pas  établir  un  texte  critique  sur 
ce  qu'il  donne  une  édition  princeps  d'après  un  ms.  unique;  mais  par  la  même 
raison  il  était  tenu  de  toujours  communiquer  au  lecteur  la  leçon  de  ce  ms.  ;  et  dans 
les  cas  dont  il  s'agit  la  correction  n'est  pas  toujours  aussi  évidente  qu'il  a  pu  le 
croire,  comme  je  le  ferai  voir  plus  bas  pour  quelques  vers. — En  ce  qui  concerne 
l'impression,  je  ne  suis  pas  d'avis,  pour  ma  part,  de  la  suppression  de  l'accent 
aigu  sur  \'é  de  la  fin  des  mots,  ni  de  quelques  autres  usages  qui  tendent  à  s'intro- 
duire surtout  chez  les  éditeurs  allemands  ;  mais  ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'une 
discussion  approfondie  sur  ce  point. 

Sous  ces  réserves,  M.  M.  a  édité  son  texte  avec  soin,  correction  et  intelli- 
gence; il  a  souvent  heureusement  rétabli  la  leçon  altérée  dans  le  ras.  ;  M.  Tobler, 
professeur  à  Berlin  et  l'un  des  meilleurs  romanistes  de  l'Allemagne ,  lui  a  fourni 
soit  au  bas  des  pages,  soit  dans  l'appendice,  nombre  de  corrections  généralement 
excellentes.  Il  en  reste  à  faire  ;  cela  n'étonnera  aucun  de  ceux  qui  se  sont  occupés 
de  textes  en  vieux  français.  En  voici  quelques-unes,  dont  les  unes  sont  de  pures 
conjectures,  les  autres  des  leçons  fournies  par  le  manuscrit  que  j'ai  comparé  en 
plusieurs  passages  avec  l'impression. 

V.  7,  a  conter,  1.  aconîer  (ms.  sic).  —  V.  230,  guarmente^  ms.  guaimente.  — 
V.  260,  datez,  je  lirais  volontiers  ciutez  pour  ciuté  ou  ciutet,  aveuglement,  de  cius 
ou  cieus  (v.  2904)  =  cœcus.  —  V,  445,  en  adoptant  la  correction  de  M.  Tobler 
pour  les  vers  précédents,  je  lirais  Cest  au  lieu  de  Cist.  —  V.  452  et  461,  nus, 
1.  vuSf  que  demande  le  sens  et  donne  le  ms.  —  V.  491,  le  ms.  donne 
Deuereiî  faire  qui  voldreit;  M.  M.,  qui  substitue  Devreit  à  Devereiî,  ne  nous 
avertit  pas,  d'après  le  système  critiqué  plus  haut,  de  la  vraie  leçon  du  ms.  ;  c'est 
d'autant  plus  inadmissible  que  le  vers  demande  à  être  corrigé;  et  pour  moi,  au 
lieu  de  changer  faire  en  sa  vie,  je  préférerais,  d'après  le  v.  487,  lire  sa  char,  et 
garder  Devereit.  —  Aux  v.  491  et  1 576,  le  ms.  donne  bien,  comme  l'avait  con- 
jecturé M.  Tobler,  iueresce  et  non  meresce.  —  Le  v.  674  est  trop  long  d'une 
syllabe  :  le  ms.  a  E  officiaus  e  maiens  les,  avec  des  signes  qui  indiquent  que  e  doit 
être  supprimé  et  les  mis  à  sa  place;  c'est  donc  E  officiaus  les  maiens;  ce  dernier 
mot  répond  au  medianus  donné  par  Du  Gange,  t.  IV,  p.  334,  col.  3.  —  V.  906, 
geunres;  le  ms.  porte  distinctement  genures,  c'est-à-dire  genvres,  et  c'est  la  bonne 
forme(voy.  mon  Étude  sur  l'accent  latin,  p.  57;  l'exemple  deg^/zvrw  qui  y  est  cité  se 
trouve  au  v.  964  du  Bestiaire  divin  de  notre  Guillaume,  éd.  Hippeau).  —  V.  1098 
et  2658,  vedue,  pour  vedve,  est  sans  doute  une  simple  faute  d'impression,  puisque 
dans  la  Préface,  p.  ix,  M.  M.  lit  vedve.  —  V.  1288,  première  ne  peut  compter 
pour  quatre  syllabes,  1.  premeraine.  —  V.  1332,  gernir  vient,  suivant  la  seconde 
conjecture  de  M,  Tobler,  de  grain;  c'est  le  normand  ^ram/r,  dans  d'autres  patois 
grainer  :  «  Il  paraît  que  les  fèves  ne  grainissent  pas  beaucoup  dans  le  paradis  » 
(Le  Bonhomme  Misère,  dans  E.  du  Mérif,  Etudes  d'archéologie).  —  V.  1382, 
ms.  Ainz  lestuet  regeter;  éd.  A.  li  le  e.  r.;  Tobler  :  A.  li  e.  tosî  r.;  je  préfère  la 
conjecture  de  M.  M.,  en  intervertissant  seulement  le  et  //.  —  V.  1388,  le  vers 
est  trop  court;  1.  Lareume.  —  Lesv.  1931-193  5  sont  devenus  inintelligibles  par 


58  REVUE    CRITIQUE 

suite  d'une  erreur  assez  singulière  de  l'éditeur;  au  v.  193 1  le  ms.  donne  en  effet 
Ire  cerche  et  non  /  recerche,  et  le  sens  indiquait  assez  cette  leçon  ;  il  ne  faut  donc 
pas,  comme  le  propose  M.  Tobler,  changer,  au  v.  1935,  e/g  en  i/.  —  V.  1933, 
le  ms.  donne  beaucoup  plutôt  roîices  que  îoîices,  mais  que  veut  dire  ce  mot  ? 
—  V.  1396,  nel,  1.  ne.  —  V.  1464,  ele,  1,  //. — V.  1883,  choses  me  paraît  une  faute 
pour  chambres.  —  V.  2000,  je  lirais  d'ancesorie.  — V.  2 1 90,  Ne.  il  mesmes  ne  siet  ou 
vaiî;  la  forme  meismes  est  garantie  par  les  rimes  (entre  autres  celles  des  v.  2934  et 
362  3 ,  où  l'éditeur  aurait  dû  écrire  meismé)  ;  il  faut  donc  lire  N'il  meismes  ne  siet  ou. 
vaiî.  —  V.  2  542,  la  leçon  du  ms.  Desjiz  Achor  le  fiz  Carmin  était  excellente;  cf.  la 
note  de  M.  Tobler  sur  le  vers  2540.  —  V.  2565-71,  le  texte  est  évidemment 
altéré;  mais  M.  M.  n'a  pas  mis  assez  fidèlement  le  ms.  sous  les  yeux  du  lecteur. 
Voici  ce  qu'il  porte  :  Se  ieo  fuisse  de  Rome  sire  lames  tel  honte  ne  tel  ve  Ne  me 
serrât  del  quer  passe  Toz  iorz  serreie  en  granî  pensée  Tant  que  ieo  me  fuisse  uengee 
Certes  anceis  ueie  ieo  gie  II  me  auist  que  ieo  i  alasse.  M.  M.  a  bien  raison  de  cor- 
riger le  ve  du  v.  GG  en  ire,  mais  il  a  tort  de  ne  pas  le  dire,  car  pour  toute  per- 
sonne habituée  à  lire  des  mss.  français,  il  est  clair  que  c'est  dette  mauvaise  leçon 
du  copiste  qui  a  exercé  une  influence  perturbatrice  sur  tout  le  passage  :  oubliant 
sire,  il  a  voulu  faire  rimer  le  v.  67  avec  66,  et  il  a  changé  passée  en  passe  (jiasse); 
au  v.  68  restait  pensée,  et  pour  avoir  une  rime  à  ce  mot,  il  a  changé  en  uengee 
le  uengie  (yengie)  qu'il  devait  mettre  au  v.  69  ;  à  partir  du  vers  suivant,  heureu- 
sement, il  a  renoncé  à  ses  corrections.  Ce  vengié,  qu'il  faut  rétablir  au  v.  69, 
empêche  absolument  d'admettre  la  conjecture  de  M.  Tobler  sur  le  vers  70,  veie 
jeo  Dé  :  Dé  {Dieu)  et  vengié  ne  peuvent  en  aucun  cas  rimer  ensemble.  Gié  au 
contraire  rime  richement  avec  vengié;  gié  se  trouve  souvent  à  la  rime  pour  je 
(voy.  Étude  sur  l'accent  latin,  p.  120;  Bartsch,  Chrestomathie,  209,  i3,etc.);yeo 
me  paraît  être  une  simple  glosse  de  gié  intercalée  dans  le  texte  ;  la  restitution  la 
plus  simple  est  sans  doute  ireie  pour  ueie  (le  copiste  aurait  ainsi  lu  u  pour  ir, 
comme  au  vers  2566),  avec  un  point  après  gié;  au  v.  2575  la  correction  de 
M.  M.  m'est  avis  pour  me  auis  est  très-heureuse.  —  V.  2607,  suelt,  1.  soit  (parf. 
au  lieu  de  prés.).  —  V.  2863,  pourquoi  faire  un  seul  mot  de  voie  main,  séparés 
dans  le  ms.?  —  V.  2920,  ni,  1.  n'i.  —  V.  3008,  quel,  1,  q'el.  —  V.  2980,  je 
supprimerais  U  plutôt  que  mult.  —  V.  3015,  Car  quant  Deus  par  le  déluge  Sauva 
Noe  dedens  sa  huge;  le  premier  de  ces  vers  a  une  syllabe  en  moins;  M.  M.  le 
complète  en  ajoutant  ot  entre  Deus  et  par,  et  change  au  v.  suivant  sauva  en  sauvé; 
mais  on  ne  peut  pas  dire  que  Dieu  ait  sauvé  Noé  par  le  déluge;  je  garderais  donc 
sauva,  en  lisant  parmi  au  v.  301 5.  —  V.  305 1 ,  je  corrigerais  ce  vers,  à  l'aide 
du  passage  correspondant  (cité  Préf.  p.  xxviij)  du  Bestiaire  divin  (voy.  ci- 
dessus),  en  Pierre  e  Pol,  Johan  e  Andreu;  on  ne  peut  admettre  Pierres  au  cas 
régime.  —  V.  3 167,  esparne  rime  avec  superne;  M.  M.  en  conclut  dans  sa  Préface 
(p.  viij)  que  le  poète  prononçait  suparne,  et  M.  Tobler  s'en  autorise  (p.  1 14) 
pour  admettre  que  le  poète  a  pu  faire  rimer  colvers  avec  bastars.  Mais  c'est  l'in- 
verse qui  est  la  vérité.  Il  faut  lire  esperne  :  c'est  une  forme  connue  et  garantie 
par  des  rimes;  ainsi  espergne  (l.  esperne)  =  taverne  {Roman  delà  Rose,  v.  5072), 


d'histoire  et  de  littérature.  59 

=  Auverne  (Benoit,  Chron.  de  Nom.,  v.  5039),  =  cerne  (ib.,  v,  16258).  — 
V.  3237,  le  ms.  donne  Ja  sa  joie  nHert  entière,  avec  une  syllabe  en  moins; 
M.  Tobler  conjecture  James;  il  faut  bien  plus  probablement  suppléer  ji  entre  z>rt 
et  entière,  à  cause  du  sens  général  de  la  phrase.  —  V.  3299,  morron,  1.  moron. 
—  V.  3379,  ms.  A  une  porcherie pestre  pors;  éd.  A  une  porcherie  as pors ;  mais  ce 
pléonasme  est  choquant  ;  je  lirais  A  une  vile  pestre  pors;  cf.  v.  3580.  —  V.  5397, 
plain,  le  ms.  lit  avec  raison  pain;  1'/ est  exponctué;  M.  M.  ne  parait  pas  con- 
naître ce  signe.  —  V.  3403,  reconnistrai,  le  ms.  porte  lisiblement  la  bonne 
forme,  reconuistrai ,  et  même  reconuisteraiK 

Je  tiens  à  insister  en  terminant  sur  le  danger  qu'il  y  aurait  à  imiter  M.  M.  dans 
sa  manière  de  traiter  les  e  féminins,  et  spécialement  à  «  introduire  ou  suppri- 
»  mer  Pélision  de  Ve,  pour  faire  le  vers,  sans  même  indiquer  la  leçon  du  ms.  » 
L'élision  facultative  de  Ve  féminin  (et  non  muet)  pour  l'ancien  français  est  un 
problème  délicat  et  compliqué  ;  à  mon  sens,  en  dehors  de  certains  cas  qu'il  n'est 
pas  possible  de  déterminer  ici,  la  non-élision  de  Ve  féminin  dans  notre  ancienne 
versification  est  très-douteuse  ^  :  on  ne  peut  admettre  qu'on  résolve  ainsi  la 
question  tacitement?.  Dans  quelques  exemples,  la  comparaison  du  ms.  montre 
qu'on  devait  restituer  le  vers  autrement  que  ne  l'a  fait  M.  M.  ou  le  laisser  tel 
quel;  ainsi  au  v.  470,  le  ms.  porte  Soefre  en  la  nef  tel  gent  estre  :  or  c'est  là  un 

1.  On  pour  ou  (v.  2295),  ovrrers  pour  ovriers  (v.  2227)  sont  d'évitentes  fautes  d'im- 
pression. 

2.  Je  n'ignore  pas  que  des  savants  qui  font  autorité  ont  cru  pouvoir  l'admettre  sans 
hésitation.  M.  Guessard,  à  propos  du  vers  23  de  la  p.  7  de  son  Macaire,  Une  chanson  et 
dire  et  chanter  (le  texte  franco-italien  était  E  una  cançon  e  dir  c  ganter)  dit  :  «  Le  vers  est  faux 
»  si  Ve  muet  s'élidait  toujours,  mais  rien  ne  me  paraît  moins  démontré,  et  c'est  même  le 
»  contraire  qui  me  semble  établi  par  des  exemples  sans  nombre  qu'on  peut  relever  dans 
»  les  meilleurs  textes...  Je  choisis  dans  mille  exemples  ceux-ci.  »  Suivent'six  exemples; 
les  quatre  qui  sont  tirés  de  Raoul  de  Cambrai  ne  peuvent  être  considérés  comme  appartenant 
à  un  bon  texte  ;  dans  celui  de  Buei'e  d'Hanstone,  au  lieu  de  Sire  entendes  cha,  il  faut  Sires, 
d'après  l'usage  du  XIII*  siècle;  il  en  reste  un  seul,  tiré  de  Gaidon  (p.  207),  et  c'est  une 
faute  certaine  :  le  ms.  d,  suivi  par  les  éditeurs,  donne  bien  en  effet  :  Qui  se  devait  corn- 
batre  a  Guion;  mais  j'ai  comparé  les  mss.  b  (fr.  1 5102)  et  c  (fr.  1475);  or  6  a  (foi.  100 
f)  :  Qui  se  devait  deffandre  envers  Guion,  et  c  (fol.  105  r*)  :  Qui  se  devait  combatre  vers 
Guian;  cette  dernière  leçon  est  évidemment  la  bonne.  —  M.  Léon  Gautier  est  plus  affir- 
matif  que  M.  Guessard;  il  cite  cinq  vers  eta]Oule{Ep.franç.,  t.  I,p.  208)  :«  Nous  pour- 
»  rions  placer  sous  les  yeux  de  nos  lecteurs  quelques  centaines  d'exemples  semblables.  » 
Ceux  qu'il  a  réunis  ne  sont  pas  en  tout  cas  concluants;  le  texte  de  h  Chanson  de  Roland, 
dont  quatre  sont  tirés,  est  bien  trop  peu  sûr  pour  qu'on  puisse  lui  accorder  quelque  auto- 
rité en  pareille  matière.  —  En  revanche,  M.  Littré,  sans  avoir  formulé  de  règle  expresse, 
a  corrigé,  dans  les  poèmes  de  Guillaume  d'Orange  publiés  par  M.  Jonckbloet,  un  grand 
nombre  de  vers  qui  offrent  cet  hiatus  et  que  le  savant  critique  déclare  simplement  faux 
(Hist.  de  la  langue  française,  t.  I,  p.  193  ss.,).  —  Pour  moi,  je  n'oserais  pas  résoudre  la 
question  :  je  dis  seulement  que  tous  les  vers  où  le  cas  se  présente  doivent  être  soumis  à 
un  minutieux  examen  critique.  Il  faut  remarquer  d'ailleurs  qu'on  n'a  jusqu'à  présent  parlé, 
à  ce  point  de  vue,  que  des  poèmes  en  grands  vers  monorimes  ;  il  faudrait  examiner  spé- 
cialement les  vers  octosyllabiques  et  les  pièces  lyriques. 

3.  Au  y.  2094,  le  ms.  porte  Diable  e  tuz  ses  overaignes;  M.  M.  ne  donne  qatovraignes, 
et  il  a  d'ailleurs  raison  de  ne  pas  compter  Ve  à'overaignes  pour  une  syllabe:  l'hiatus  serait 
donc  certain;  mais  il  faut  lire  tûtes,  ovraigne,  dans  ce  texte  et  ailleurs,  étant  toujours  du 
féminin. 


6o  REVUE   CRITIQUE 

des  cas  où  l'hiatus  était  probablement  permis,  et  je  ne  vois  pas  pourquoi  M.  M., 
qui  l'admet  dans  des  cas  bien  plus  douteux,  le  supprime  dans  celui-ci  en  chan- 
geant tel  en  îele.  On  comprend  qu'il  faudrait  collationner  mot  par  mot  tout  le 
poème  pour  découvrir  tous  les  exemples  analogues  qui  peuvent  se  présenter.  En 
voici  qui  sont  indépendants  de  la  question  d'élision  :  v.  470,  le  ms.  donne  £  a/g 
vigne  ou  tant  cresî  de  vin;  M.  M.,  sans  prévenir,  supprime  Ve  de  «/e  et  crée  ainsi 
une  forme  inadmissible;  c'est  l'fî  initial  qu'il  faut  supprimer.  —  V.  2346,  le  ms. 
a  Plus  quil  deiî  del  ciel  la  sus;  M.  M.  ne  donne  que  Plus  que  il  deit  del  ciel  la  sus; 
s'il  avait  fourni  au  lecteur  le  texte  exact  du  ms.,  on  aurait  probablement  préféré 
Plus  qu'il  ne  deit. 

Le  volume  se  termine,  après  des  Notes  intéressantes  qui  sont  dues  pour  la 
plupart  à  M.  Tobler,  par  un  Appendice,  contenant  deux  notices  instructives  de 
M.  Brakelmann,  l'une  sur  les  mss.  de  la  Vie  de  sainte  Marie  Égyptienne,  attribuée 
sans  motif  suffisant  à  Guillaume,  l'autre  sur  ceux  de  la  Vie  de  saint  Alexis,  qui  se 
trouve  dans  le  même  ms.  que  notre  Besant  de  Dieu.  J'ajouterai  que  je  suis  porté 
à  croire  que  ce  ms.  a  été  écrit  en  Angleterre;  ce  serait  un  point  à  vérifier  si  on 
entreprenait  une  étude  sur  la  langue  de  Guillaume. 

En  somme,  la  publication  de  M.  Martin  est  un  excellent  début  :  elle  nous 
permet  de  concevoir  la  meilleure  opinion  de  celles  qu'il  annonce  ou  qu'il  prépare. 
Parmi  les  dernières,  nous  pouvons  en  citer  une  qui  sera  d'une  haute  importance: 
M.  Martin  compte  prochainement  donner,  d'après  tous  les  mss.,  une  édition 
nouvelle  du  Roman  de  Renart.  Ses  études  sur  la  littérature  néerlandaise  et  alle- 
mande l'ont  préparé  à  la  partie  littéraire  de  ce  travail,  et  le  présent  volume  nous 
fait  présumer  qu'il  ne  sera  pas  au-dessous  de  sa  tâche  pour  la  partie  philo- 
logique. G.  P. 

144.  —  Histoire  d'une  guerre  éehevinale  de  177  ans,  ou  les  baillis  et  les 
échevins  de  Saint-Omer  de  1500  à  1677,  etc.,  par  L.  de  Lauwereyns  de  Roo- 
SEND^LE.  Saint-Omer,  Guermonprez,  1867.  In- 12,  xiv-129  p.  —  Prix  :  2  fr. 

Sous  un  titre  un  peu  prétentieux,  M.  de  Roosendaele  nous  offre  dans  cet 
opuscule  qui  paraît  être  la  suite  d'un  travail  sur  l'histoire  de  Saint-Omer  au 
moyen-âge,  l'histoire  des  vicissitudes  subies  par  les  franchises  communales  d'une 
des  villes  les  plus  importantes  de  l'Artois,  depuis  Maximilien  d'Autriche  jusqu'à 
l'annexion  de  l'Artois  à  la  France  en  1677.  C'est  une  contribution  assez  intéres- 
sante au  tableau  général  de  la  décadence  des  cités  et  de  leurs  privilèges  au  xvi^ 
et  au  xvii^  siècle.  La  source  principale  de  l'auteur  est  un  manuscrit  appartenant 
à  son  compatriote  M.  de  Le  Planque,  qui  paraît  être  un  recueil  de  pièces 
diverses  relatives  à  l'administration  municipale  de  Saint-Omer,  mais  que  M.  de 
R.  appelle  aussi,  nous  ne  savons  trop  pourquoi,  la  «  chronique  officielle.  »  Les 
quelques  renseignements  qu'il  nous  donne  sur  ce  manuscrit  sont  absolument 
insuffisants.  Il  fallait  nous  dire  d'où  il  provient,  quel  était  son  âge  et  nous  en 
détailler  exactement  le  contenu  pour  nous  inspirer  une  confiance  plus  légitime  à 
son  égard.  La  narration  se  poursuit  avec  entrain  dans  le  petit  volume  de  M.  de 


d'histoire  et  de  littérature.  6i 

R.,  avec  trop  d'entrain  peut-être  pour  un  récit  historique.  Çà  et  là  c'est  un 
roman-feuilleton  plutôt  qu'un  travail  scientifique,  grâce  aux  nombreux  alinéas, 
aux  exclamations,  aux  citations  poétiques,  et  aux  dialogues  évidemment  inventés 
par  l'auteur  pour  donner  plus  de  charme  à  son  récit.  M.  de  R.  parle  quelquefois 
d'histoire  générale  et  il  n'est  pas  toujours  heureux  dans  ces  excursions.  Il  n'est 
plus  permis,  par  ex.  de  parler  du  «  dégoût  de  Charles-Quint  pour  les  grandeurs 
»  humaines  »  et  de  le  montrer  «  allant  sanctifier  ses  derniers  jours  dans  un 
»  cloître  ))  quand  les  travaux  des  Ranke,  des  Mignet,  etc.,  nous  ont  montré 

son  incessante  activité  politique  à  Yuste. 

ROD.  Reuss. 


145.  —  Greschichte  der  klassischen  Philologie  in  den  Niederlanden  von 

Lucian  Muller,  mit  einem  Anhang  ùber  die  lateinische  Versification  der  Niederlaender. 
Leipzig,  Teubner,  1869.  In-8*,  viij-249  p.  —  Prix  :  6  fr.  75. 

Au  xvii'  et  au  xviii''  siècle  la  culture  de  la  philologie  grecque  et  latine  est 
presque  entièrement  concentrée  dans  la  Hollande.  En  retraçant  les  destinées  de 
la  philologie  classique  en  Hollande,  M.  Lucien  Millier  en  a  donc  fait  l'histoire 
en  Europe  dans  cet  intervalle  de  temps.  Son  ouvrage  est  divisé  en  deux  livres. 
Il  traite,  dans  le  premier,  des  écoles  philologiques  de  la  Hollande  qu'il  suit 
jusqu'à  nos  jours,  dans  le  second,  de  l'organisation  actuelle  de  l'instruction 
publique  en  Hollande  considérée  au  point  de  vue  de  l'enseignement  classique. 
Dans  un  appendice  il  traite  de  la  poésie  latine  des  Hollandais. 

La  tradition  de  la  philologie  hollandaise  date  de  la  fondation  de  l'Université  de 
Leyde  (i  575)  qui  s'est  toujours  maintenue  au  premier  rang  avant  les  universités 
rivales  de  Franeker,  Groningue,  Utrecht,  Harderwyck  et  les  Athénées  de 
Deventer  et  d'Amsterdam.  Les  administrateurs  de  ces  établissements  n'hésitè- 
rent pas  à  confier  des  chaires  à  des  étrangers  qui  se  recommandaient  par  leur 
mérite,  Joseph  Scaliger  (1593),  Saumaise  (1632),  Gronovius  (1658),  Grsevius 
(1661),  Ruhnken  (1757),  Wyttenbach  (1799).  L'application  de  ces  principes 
libéraux  de  libre  échange  qui  ne  sont  pas  moins  utiles  en  science  qu'en  commerce 
et  en  industrie  était  facilitée  par  l'usage  de  la  langue  latine  qui  était  en  Hollande 
la  langue  du  haut  enseignement. 

Au  xvii^  siècle  les  philologues  de  la  Hollande  cultivèrent  presque  exclusive- 
ment la  httérature  latine  et  les  antiquités  grecques  et  latines  qui  faisaient  officiel- 
lement partie  de  l'enseignement.  Ils  rendirent  les  plus  grands  services  en  établis- 
sant la  critique  des  textes  sur  des  bases  plus  scientifiques,  particulièrement  Juste 
Lipse  (i  547-1606),  Jos.  Scaliger  (i  540-1609),  J.-Fr.  Gronovius  (161 1- 1671), 
Nicolas  Heinsius  (1620-1681).  M.  M.  fait  remarquer  que  ces  philologues 
illustres  avaient  un  sentiment  juste  et  fin  de  la  langue  latine  plutôt  qu'ils  n'en 
possédaient  la  science  grammaticale  ;  et  il  en  est  de  même  de  leurs  devanciers 
du  xvi^  siècle.  La  connaissance  scientifique,  théorique  du  grec  et  du  latin  ne  date 
que  de  notre  siècle.  Dans  ce  même  temps  où  les  études  latines  étaient  si  floris- 


6z  REVUE   CRITIQUE 

santés,  le  grée  était  fort  négligé  en  Hollande  (p.  72),  comme  il  l'était  du  reste 
partout  ailleurs,  notamment  en  France.  M.  M.  exagère  (p.  36)  quand  il  semble 
trouver  la  principale  cause  du  fait,  en  ce  qui  touche  notre  pays,  dans  l'influence  des 
jésuites,  ennemis  jurés  du  grec,  «  entre  les  mains  de  qui  l'instruction  de  la  jeu- 
»  nesse  était  définitivement  passée  après  Henri  IV.  »  -Ils  tenaient  une  place  très- 
importante  dans  l'enseignement  ;  mais  ils  n'en  avaient  pas  le  monopole. 

Il  est  évident  qu'au  xviii''  siècle  il  y  a  eu  en  Hollande  et  partout  en  Europe 
une  renaissance  des  études  grecques.  Le  fait  est  certain;  mais  j'avoue  que  les 
causes  m'échappent  complètement.  Cette  renaissance  renouvela  la  philologie 
hollandaise  qui  était  tombée  très-bas  sous  l'influence  de  Pierre  Burmann  (1668- 
1741).  Un  Hollandais,  grand  admirateur  de  son  illustre  contemporain  Bentley, 
Tibère  Hemsterhuis  (1685-1766,  professeur  à  Franeker  1717-1740,  à  Leyde 
1740-1765),  fonda  une  grande  école  d'hellénistes  et  posa  avec  ses  disciples, 
Ruhnken  (1723-1798),  et  Valckenaer  (1715-178$),  les  bases  de  la  philologie 
grecque  d'aujourd'hui.  Cette  tradition  fut  continuée  par  Wyttenbach  (1746-1820) 
et  est  représentée  encore  avec  éclat  par  Charles  Gabriel  Cobet  (professeur  extra- 
ordinaire à  Leyde  depuis  1 847),  qui  est  peut-être  aujourd'hui  le  premier  hellé- 
niste de  l'Europe.  Les  latinistes  Oudendorp  (1696- 1761),  Schrader  (professeur 
à  Franeker  depuis  1744),  Bake  (i 787-1 864),  Peerlkamp  (1786-1865),  n'ont 
pas  le  relief  des  hellénistes  leurs  contemporains. 

Présentement,  d'après  M.  M.  (p.  125  et  suiv.),  la  philologie  languit  en 
Hollande.  L'unique  journal  spécialement  philologique  du  pays,  la  Mnémosyme, 
a  cessé  de  paraître  depuis  cinq  ans,  faute  de  collaborateurs.  Le  nombre  des 
médecins,  juristes  et  théologiens  qui  continuent  à  s'intéresser  aux  lettres  anciennes 
est  réduit  à  un  minimum.  La  jeunesse  des  écoles  a  de  la  répugnance  ou  de  l'in- 
différence pour  les  études  classiques.  Ensuite  l'instruction  est  faible  dans  les 
gymnases.  La  Hollande  (qui  a  un  peu  plus  de  ?  miUions  d'âmes)  compte  63 
gymnases  ou  écoles  latines  avec  1314  élèves  dont  1004  seulement  apprennent 
les  langues  anciennes.  Les  professeurs  sont  au  nombre  de  244.  Les  gymnases 
qui  ont  le  plus  d'élèves  en  comptent  77,  55,  54,  49,  43.  2 1  gymnases  n'ont  que 
10  élèves.  Ces  étabhssements  sont  trop  nombreux.  Les  élèves  sont  admis  trop 
facilement  à  suivre  les  cours  de  l'université.  Pour  remédier  à  l'insuffisance  des 
études  antérieures,  les  étudiants  en  droit  et  en  théologie  sont  assujettis  à  suivre 
les  cours  de  la  faculté  des  lettres  qui  sont  relatifs  à  l'explication  des  auteurs  grecs 
et  latins  en  usage  dans  les  classes  et  aux  antiquités  grecques  et  romaines  et  ils 
doivent  passer  au  bout  d'un  an  un  examen  sur  ces  matières.  La  préparation  à 
cet  examen,  cette  prolongation  des  études  du  collège  à  l'université  dégoûte 
les  étudiants  et  ils  s'en  débarrassent  comme  ils  peuvent.  Il  n'y  a  à  l'université 
que  deux  professeurs  pour  tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'antiquité  classique,  l'un 
pour  le  grec,  l'autre  pour  le  latin.  Encore  ces  deux  professeurs  sont-ils  obligés 
de  faire  des  cours  en  vue  de  l'examen  préparatoire  des  étudiants  en  droit  et  en 
théologie.  Ainsi  pour  l'année  scolaire  (qui  est  ordinairement  de  7  mois)  de  1861 
à  1 862,  Cobet  a  annoncé  le  programme  suivant  :  «  Interpretabitur  Horaerura,  He- 


d'histoire  et  de  littérature.  6? 

»  rodotum  et  Sophoclem  (3  heures  par  semaine  en  vue  de  l'examen  préparatoire); 
»  antiquitates  romanas  tradet  (4  h.  en  vue  de  l'ex.  prép.);  historiam  veterura 
»  provectiores  docebit  (2  h.);  artem  metricam  docebit  (2  h.);  scholas  paedagogi- 
»  cas  habebit  (2  h.);  initia  palaeographicae  graecae  candidatis  literarum  (les  étu- 
»  diants  propres  de  la  faculté  des  lettres  qui  aspirent  au  doctorat)  explicabit  (4  h.); 
»  Disputandi  exercitia  publica  moderabitur  (1  h.).  »  Ce  programme  qui  revient 
toujours  à  peu  près  le  même  n'est  pas  assez  varié  ;  et  comme  il  n'y  a  pas  d'autres 
cours  relatifs  à  l'antiquité,  l'instruction  des  étudiants  n'est  pas  assez  étendue. 

Dans  l'appendice,  où  M.  M.  recommande  de  faire  des  vers  latins  au  point  de 
vue  philologique,  pour  mieux  entrer  dans  l'intelligence  de  la  métrique  et  de  la 
forme  poétique  des  anciens,  il  s'étend  particulièrement  sur  les  qualités  et  les 
défauts  des  poésies  latines  d'Hugo  Grotius. 

Nous  avons  dû  nous  contenter  de  cette  analyse  rapide  du  livre  de  M.  Lucien 
Mùller.  Nous  n'avons  pas  les  moyens  d'en  contrôler  les  résultats.  Nous  ne  pou- 
vons que  signaler  quelques  lacunes.  Il  n'y  a  presque  pas  de  dates  dans  le  corps 
de  l'ouvrage;  l'auteur  a  rejeté,  je  ne  sais  pourquoi,  à  la  fm  du  volume  une  liste 
des  professeurs  de  philologie  classique  de  l'université  de  Leyde  avec  les  dates  de 
leur  naissance,  de  leur  entrée  dans  l'enseignement  de  l'université  et  de  leur 
mort.  Mais  il  n'y  a  aucun  renseignement  de  ce  genre  sur  les  autres.  Nulle  part 
la  date  et  même  le  titre  des  publications  les  plus  importantes  des  philologues 
hollandais  ne  sont  indiqués.  La  chronologie  est  essentielle  dans  toute  histoire. 
Il  me  semble  en  outre  que  l'auteur  n'entre  pas  assez  dans  ces  détails  particuliers 
qui  peignent  les  choses  dont  on  parle,  mieux  que  toutes  les  expressions  générales. 
Quelques  exemples  bien  choisis  auraient  pu  donner  une  idée  plus  nette  de  la  mé- 
thode des  philologues  hollandais.  Leurs  théories  grammaticales  méritaient  d'être 
exposées.  Pour  représenter  l'état  où  étaient  les  études  grecques  à  la  fin  du 
xvii«  siècle,  il  ne  suffit  pas  de  renvoyer  le  lecteur  à  Hunsterhuis  «  de  linguae 
graecae  praestantia  Fran.  1720,»  à  Valckenaer  «de  causis  neglectae  literarum 
graecarum  culturae  Franeq.  1741,  »  à  Vriemoet,  Athen.  Fris.  p.  725,  et  Kramer, 
el.  Periz.  12.  Des  citations  textuelles  des  passages  les  plus  importants  de  ces 
documents  eussent  été  plus  commodément  instructives. 

Évidemment  ce  n'est  pas  la  connaissance  approfondie  du  sujet  qui  fait  défaut 
à  ce  livre;  c'est  la  patience  à  communiquer  aux  lecteurs  le  fruit  de  recherches 
minutieuses.  Et  je  conçois  qu'elle  échappe;  car  quand  il  s'agit  d'apprendre  aux 
autres  ce  qu'on  sait  bien,  on  n'est  plus  soutenu  par  la  curiosité,  et  la  peine 
qu'on  se  donne  est  perdue  pour  l'esprit.  Le  livre  de  M.  Mùller  n'en  est  pas 
moins  très-attachant.  Il  donne  plutôt  l'impression  personnelle  qu'il  a  reçue  des 
faits  que  les  faits  eux-mêmes.  Mais  il  intéresse  parce  qu'il  aime  les  choses  dont  il 
parle,  et  ses  appréciations  inspirent  toute  confiance.  L'auteur  est  un  philologue 
très-versé  dans  la  connaissance  de  la  poésie  latine  ;  il  a  fait  un  ouvrage  de  re 
metrica  poetarum  latinorum  qui  est  justement  estimé  (voir  la  Revue  critique,  1 866, 
art.  41);  il  a  résidé  longtemps  à  Leyde.  Son  impartialité  égale  d'ailleurs  sa 
compétence.  On  sent  dans  tout  son  livre  la  ferme  volonté  de  rendre  à  chacun 


64  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

bonne  et  exacte  justice;  et  la  vivacité  de  ses  impressions  ne  paraît  pas  nuire  à 
l'équité  de  ses  jugements. 

Charles  Thurot. 


VARIÉTÉS. 
^association  pour  rencouragement  des  études  grecques  \ 

Tous  nos  lecteurs  connaissent  VAssociation  pour  l'encouragement  des  études 
grecques  et  applaudissent  à  ses  eflForts.  La  Revue  critique  n'a  pas  à  s'occuper  de 
la  société  elle-même,  mais  seulement  de  ses  publications.  Déjà  l'année  dernière, 
l'Association  avait  publié  un  Annuaire  qui  offrait  un  intérêt  réel  :  outre  les  docu- 
ments officiels  (statuts,  liste  des  membres,  discours  du  président,  rapports  du 
secrétaire  et  du  trésorier  à  l'assemblée  générale),  il  comprenait  une  bibliographie 
des  ouvrages  relatifs  aux  études  grecques,  et  une  réimpression  de  fragments 
d'Aristodême  publiés  par  M.  Wescher  dans  son  ouvrage  intitulé  la  Poliorcétique 
des  Grecs.  Cette  année,  la  composition  de  V Annuaire  est  encore  plus  riche  et  plus 
variée. 

Il  se  divise  en  deux  parties,  paginées  séparément.  La  première,  en  chiffres 
romains,  est  consacrée  aux  documents  officiels;  la  seconde,  en  chiffres  arabes, 
se  compose  :  1°  d'une  double  biographie,  une  liste  des  thèses  de  doctorat  traitant 
de  littérature,  de  philosophie,  d'histoire  et  de  géographie  grecque,  et  une  liste 
des  ouvrages  relatifs  aux  études  grecques  publiés  en  1868;  2°  de  mémoires  et 
notices,  dont  il  suffira  de  donner  la  liste  et  de  nommer  les  auteurs  pour  en 
montrer  l'importance  et  l'intérêt  : 

Les  Estienne,  hellénistes  et  imprimeurs  de  grec  au  xvi'^  siècle,  par  M.  Egger, 
de  l'Institut; 

Notice  critique  sur  le  Parisinus  4  d'Eschyle,  manuscrit  de  la  BibHothèque 
impériale,  par  M.  A.  Pierron; 

De  la  prononciation  nationale  du  grec  et  de  son  introduction  dans  l'enseigne- 
ment classique  (fragment  d'un  travail  sur  ['Usage  pratique  de  la  langue  grecque) 
par  M.  Gust.  d'Eichthal; 

'AvexSoTa  éXXr,vuà,  par  M.  Sathas,  2  vol.  in-8°,  Athènes,  1867;  compte-rendu 
par  M.  Ch.  Gidel; 

Une  inscription  en  dialecte  thessalien,  publiée  par  M.  Heuzey; 

Un  fragment  inédit  d'Appien,  publié  par  M.  Miller,  de  l'Institut. 

A.  C. 

I.  Annuaire  de  l'association  pour  l'encouragement  des  études  grecques,  y  année,  1869. 
In-8',  lvj-160  p.  Durand  et  Pédone-Lauriel. 

Nogent-Ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES    ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Aus  Schelling's  Leben.  In  Briefen  (Von 
Prof.  L.  G.  Plitt).  (In  2  Bdn.).  I.  Bd. 
1775-1803.  In-8", 484p.  Leipzig(Hirzel). 

9  fr.  65 

Baitzer  (J.  B.).  Ueber  die  Anfasnge 
der  Organismen  u.  die  Urgeschichte  der 
Menschen.  5  Vortraege  zur  Widerlegg. 
der  von  Prof.  D'  C.  Vogt  zu  Breslau 
gehaltenen  Vorlesgn.  «  ùb.  d.  Urgeschichte 
»  der  Menschen.  »Paderboni(Schœningh). 

1  fr.  6s 

Bastion  (A.).  Die  Vœlcker  des  œstlichen 

Asien.  Studien  und  Reisen.  5.Bd.  In-S*. 

Jena  (Costenoble).  13  fr.  35 

I-V  Bd.  62  fr.  75 

Bibliotheca  rerum  germanicarum  edid. 

Ph.  Jaffé.  Tom.  V.  In-S'.  Berlin  (Weid- 

mann).  21  fr.  35 

Les  vol.  I-V.  73  fr.  3  5 

Bjverklind.  Esquisses  de  voyage  en 
Transcausie.  Traduit  de  l'allemand  par 
Jules  Leverrière.  In-S",  12  p.  Paris  (Mar- 
tinet). 

Blumstengel  (K.  G.).  Leibniz's  aegj-pti- 
scher  Plan.  Eine  historische  kritische 
Monographie.  In-8',  119  p.  Leipzig  (Lo- 
rentz).  2  fr. 

Bœhtlingk  (0.)  u.  Roth  (R.).  Sanskrit- 
Wœrterbuch,  hrsg.  v.  der  kaiser!.  Aka- 
demieder  Wissenschaften.  40.  Lfg.  In-4*. 
St.  Petersburg  (Leipzig,  Voss).       4  fr. 

Brunner  (S.).   Die  Mysterien  der  Auf- 

klaerung  in  Œsterreich   1770- 1800.  Aus 

archivai,  und  andern  bisser  unbeachteten 

Quellen.  In-8',  564  p.  Mainz(Kirchheim). 

1 1  fr.  jo 

Ciceronis,  Quinti,  reliquiae.  Recogn. 
T.  Buecheler.  In-8*,  70  pages.  Leipzig 
(Teubner).  2  fr.  15 

Epistolœ,  novissimae,  obscurorvum  viro- 
rum.  In- 1 6,  88  p.  Berlin  (Berggold).  2  fr. 

Gandar.  Lettres  et  souvenirs  d'enseigne- 
ment, publiés  par  sa  famille  et  précédés 
d'une  étude  biographique  et  littéraire  par 
M.  Sainte-Beuve,  de  l'Académie  française. 
2  vol.  In-8*,  1 136  p.  Paris  Didier  et  C"). 


Kluckhohn  (A.).  Zur  Geschichte  d.  an- 
geblichen  Bùndnisses  von  Bayonne,  nebst 
e.  Originalbericht  ùb.  die  Ursachen  d.  2. 
Religions-Kriegs  in  Frankreich.  In-8*, 
5 1  p.  Mûnchen  (Franz).  3  fr. 

Maack  (P.  H.  K.  v.).  Urgeschichte  des 
schleswigholsteinischen  Landes.  I.  ThI. 
Das  urgeschichtliche  schleswighoisteini- 
sche  Land.  Ein  Beitrag  zur  histor.  Geo- 
graphie.  2.  starkverm.  Aufl.  Mit  3  Holz- 
schn.  In-8*,  168  p.  Kiel  (v.  Maack).  4  f. 

Nutzhom  (F.).  Die  Entstehungsweise  der 
Homerischen  Gedichte.  Untersuchgn.  ùb. 
die  Berichtigg.  der  auflœsenden  Homer- 
kritif.  Mit  e.  Vorwort  v.  Prof.  D'  J.  N. 
Madwig.  In-8*.  Leipzig  (Teubner).  6f.  75 

Platonis  opéra  omnia.  Recensuit  pro- 
legomenis  et  commentariis  instruxit  Stall- 
baum.  Vol.  VIIL  Scot  I.  Editio  II.  Et 
s.  t.  Platonis  Theaetetus.  Recognovit 
prolegomenis  et  commentariis  instruxit 
M.  Wohlrab.  In-8%  211  p.  Leipzig 
(Teubner).  4  fr. 

Poetarum  scenicornmgraecorum.  /Eschy- 
li,  Sophoclis,  Euripidis  et  Aristophanis 
fabulas  superstites  et  perditarum  fragmenta 
ex  récent,  et  cum  prolegom.  G.  Dindorfii. 
Editio  Vcorrectior.  Fasc.  9.  In-4*,  127  p. 
Leipzig  (Teubner). 

Bitschl  (F.).  Neue  Plautinische  Excurse. 
Sprachgeschtliche  Untersuchgn.  1.  Hft. 
Ausiautendes  D.  im  alten  Latein.  In-8*, 
140  p.  Leipzig  (Teubner). 

Rudorff  (A.  F.).  Ueb.  die  Laudation  der 
Murdie  (Aus  d.  Abhandlungend.  k.  Akad. 
d.  Wiss.  zu  Berlin).  In-4*,  47  p.  Berlin 
(Dùmmler's  Verl.). 

Thomassen  (J.  H.).  Enthùllungen  aus 
der  Urgeschichte  od.  Existirt  das  Men- 
schengeschlecht  nur  6000  Jahre.?  Die  Er- 
gebnisse  der  neuesten  wissenschaftl.  For- 
schgn.  ùber  die  Ur-  und  Entwickelungs- 
geschichte  der  Menschheit,  in  allgemein- 
verstasndl.  Darstellung.  In-8°.  Neuwied 
(Heuser).  2  fr.  jo 


1n1L.vJL<Ao  L)  EL  1  fxCJY  II.O  gon  des  nouvelles 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in- 16,  papier  vergé,  cartonné.  ^  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

FT-\  1  T7  ^     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  r'=  partie. 
•       ■L-'  i  ï-uLu         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

EY)  T?  XT  A   "\T      ^^i^t  Paul  (Livre  IIP  de  l'histoire  des  origines 
•      AV  Ci  1  >l  r\  IN      du  christianisme),  i  vol.  in-8°,  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  7  fr.  50 

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primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

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I_i  L-i  1  v_y  L/  v^  r\  1     una  cum  rehquis  sqjioliis  in  Aristophanem 
metricis  edidit  C.  Thiemann.  In-8°.  3  fr.  40 

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D  .  W  O  L  K  M  A  N  JN  blograph.  Charakteristik  aus 
den  letzten  Zeiten  d.  untergehenden  Hellenismus.  In-8°.  7  fr.  40 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N'  31  Quatrième  année  31  Juillet  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ  SOUS  LA   DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix    d'abonnement   : 

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En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

T-ii  K  /^  ■*  *  TV  yf  Q  r?  IVT     Histoire  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
•     iVlv_/  iVl  IVl  wJ  IL  1  >l     Alexandre,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8^  5  fr. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M,  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 
Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


H^Ti  r  r-1  T  T       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
•      W   LLàii-i    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  jo 

Cet  ouvrage  forme  le  3*^  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


PI    A    X  T  -K  T  T-1  rr^    De  la  languc  chinoise  et  des  mi 
•     J  A.  IN  1  >l  lL    1      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8° 


De  la  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 

2fr. 


A  O  A  Q  nn  A  IVÎ      ^^  Capitole  de  Vesontio  et  les  Capitoles  pro- 

^^*       ^/A0   1/A.i>      vinciaux  du  monde  romain.  In-8°  avec  j  pi. 

5fr. 


I 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

liiterarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N°  26.  19  juin. 

Théologie.  Kaulen,  Geschicbte  der  Vulgata,  Mainz,  Kirchheim  ;  livre  très- 
intéressant  et  très-bien  fait  d'un  théologien  catholique.  —  Philosophie.  Scholten, 
Geschichte  der  Religion  nnd  Philosophie,  ans  dem  holUndischen.  iïb.  von  Redepen- 
NiNG,  Elberfeld,  Friderichs.  —  Histoire.  Pichler,  Die  keltischen  Namen  der 
rœmischen  Inschriftsteine  Karntens,  Klagenfurt;  recueil  utile,  fait  sans  beaucoup 
de  critique.  —  Souchay,  Deutschland  wdhrend  der  Reformation,  Frankfurt,  Sauer- 
laender.  —  Fehr,  Staat  nnd  Kirche  im  frmkischen  Reiche,  Wien,  BraumùUer; 
appréciation  sévère  d'un  livre  dont  nous  rendrons  prochainement  compte.  — 
Falkmann,  Grfl/Sîmon  VI  zur  Lippe  uni  seine  Zeit.  I.  15^4-1579,  Detraold, 
Meyer.  —  Jurisprudence.  Lattes,  Studi  storici  sopra  il  contratto  d'enfiteusi, 
Turin;  livre  dont  il  est  fait  un  grand  éloge.  —  Linguistique.  Histoire  littéraire. 
De  Vogué,  Syrie  centrale  :  Inscriptions  sémitiques  publiées  avec  traduction  et  com- 
mentaires, Paris,  Baudry;  nous  parlerons  prochainement  de  cet  important  ou- 
vrage, très-favorablement  jugé  par  le  critique  allemand.  —  Benicken,  De 
Iliadis  libro  primo,  Berlin,  Calvary;  l'auteur  est  un  disciple  de  Lachmann,  — 
Hense,  Poetische  Personification  in griechischer  Dichtung,  Halle,  Buchhandlung  des 
Waisenhauses;  recherches  curieuses.  —  De  Wailly,  Mémoire  sur  la  langue  de 
Joinville-,  cf.  Rev.  crit.,  1869,  art.  126;  les  observations  de  M.  Mussafia  sont  à 
peu  près  identiques  aux  nôtres.  —  Hartmann  von  Aue,  Iwein,  hgg.  von  Benecke 
und  Lachmann.  3"  éd.,  Berhn,  Reimer.  —  Liliencron,  Die  historischen  Volks- 
lieder  der  Deutschen,  t.  IV;  voy.  Rev.  crit.,  1866,  art.  60.  —  Histoire  de  l'art. 
LÙBKE,  Kunsthistorische  Studien,  Stuttgart,  Ebner  und  Seubert. 

N°  27,  26  juin. 

Théologie.  Novum  Testamentum  Vaticanum,  post  Angeli  Mail  aliorumque  imper- 
fectos  labores  ex  ipso  codice  edidit  Tischendorf,  Leipzig,  Giesecke;  [^Ejnsdem'] 
Appendix  Novi  testamenti  Vaticani  Inest  Apocalypsis  ex  codice  unciali  Vat.  2066...  ; 
article  élogieux  sur  ces  deux  importantes  publications.  —  Histoire.  Gentis,  Die 
Monarchia  Sicula,  Freiburgi.  Br.,  Herder.  —  Schlesinger,  Geschichte  Bœhmens, 
Prag.  —  TÉNOT,  Paris  in  December  1851,  deutsch  von  A.  Rùge,  Leipzig, 
Winter.  —  Wise,  Review  of  the  history  ofmedicine,  London,  Churchill;  M.  Weber 
critique  sévèrement  les  recherches  sur  la  médecine  indienne  qui  occupent  une 
grande  partie  de  ce  livre.  —  Mendelsohn-Bartholdy,  Der  rastatter  Gesandten- 
mord,  Heidelberg,  Bassermann;  l'auteur,  qui  a  utilisé  des  documents  tirés  des 
archives  de  Vienne  et  de  Carlsruhe ,  fait  retomber  la  responsabilité  du  meurtre 
sur  des  émigrés  français,  opinion  qui  paraît  très-contestable  à  l'auteur  du  compte- 
rendu.  —  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Spiegel,  Commentar  liber  das  Avesta, 
t.  H,  Leipzig,  Engelmann.  —  Stengel,  Vocalismus  d.  lateinischen  Elementes  in 
den  wichtigsten  romanischen  Dialecten  von  Graubiinden  und  Tyrol,  Bonn,  Weber; 
quelques  critiques  assez  graves.  —  Archéologie.  Camarda,  La  quinta  tavola  Taor- 
minense  (extrait  de  la  Rivista  Sicula). 

Nuove  Eflfemeridi  Siciliane  di  Scienze,  Lettere  ed  Arti.   Palermo,  tipo- 
grafia  del  Giornale  di  Sicilia.  Vol.  I,  Disp.  L 

[A  propos  de  ce  recueil,  qui  est  tout  nouvellement  fondé,  nous  rappelons  que 
nous  annoncerons  sur  la  couverture  tous  les  recueils  scientifiques  étrangers  qui 
nous  seront  adressés.  Ce  journal  paraîtra  tous  les  mois  à  Palerme  :  il  coûte  8 
livres  par  an,  5  liv.  par  semestre,  i  liv.  par  numéro.  Particulièrement  destiné 
à  concentrer  et  à  retracer  le  mouvement  intellectuel  de  la  Sicile,  il  donnera 
cependant  accès  aux  choses  du  continent.  Il  se  rattache  par  son  titre  et  ses 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  31  —  31  Juillet  —  1869 

Sommaire  :  146.  Westphal,  Prolégomènes  aux  tragédies  d'Eschyle.  —  147.  Gcet- 
TLiNG,  Opuscules  académiques.  —  148.  Tourtoulon  (de),  Jacme  I"  le  Conquérant. 
—  149.  BussoN,  l'Histoire  florentine  de  Malespini  et  son  emploi  par  Dante.  —150. 
Gr.esse,  Trésor  des  livres  rares  et  curieux,  Supplément. 

146.  —  Prolegomena  zu  AEschylus  Tragoedien  von  R.  Westphal.  Leipzig, 
Teubner,  1869.  In-8*,xix-224  p.  —  Prix  ;  6  fr.  75. 

On  connaît  les  travaux  considérables  de  M.  Westphal  sur  la  musique  et  la 
métrique  des  Grecs  anciens.  En  étudiant  les  matériaux  que  nous  offre  la  tradition 
antique,  en  dégageant  de  cet  amas  confus,  autant  que  cela  est  possible,  le 
système  des  auteurs  classiques,  et  particulièrement  d'Aristoxène,  il  a  essayé  de 
reconstruire  un  corps  de  doctrine,  qui  nous  semble,  dans  toutes  ses  parties  essen- 
tielles, établi  sur  une  base  solide  et  vraiment  scientifique.  Recueillir  les  fragments 
de  la  tradition  antique,  les  rapprocher,  et  les  éclairer  par  ce  rapprochement  : 
telle  est  la  méthode  que  M.  Westphal  a  encore  suivie  dans  ses  Prolégomènes  aux 
tragédies  d'Eschyle.  Il  cherche  à  démontrer  que  Pindare  dans  ses  Odes  et  Eschyle 
dans  ses  Chœurs  ont  observé  des  principes  de  composition  qui  leur  venaient  des 
anciens  Nomes. 

Sacadas  exécuta  à  Delphes  un  vôno;  a-:),r.7;xô,-  très-célèbre  dans  l'antiquité  : 
c'était  un  morceau  de  musique  instrumentale ,  dans  lequel  les  sons  de  la  flûte 
imitaient,  représentaient,  la  victoire  d'Apollon  sur  le  dragon  Python.  Ce  vôjkk 
était  composé  de  cinq  panies,  dont  la  principale,  placée  au  centre,  retraçait  le 
combat  du  dieu  contre  le  monstre.  Les  deux  premières  panies  avaient  pour 
sujet  les  préludes  du  combat,  les  deux  dernières  le  triomphe.  Avant  Sacadas, 
Terpandre  avait  établi  la  règle  des  vôtio-.  y.'.6aow2'.xo':,  grands  morceaux  de  musique 
vocale  avec  accompagnement  de  cithare.  Ces  morceaux  se  divisaient  en  sept 
parties.  Mais  si  l'on  fait  abstraction  de  la  première  et  de  la  dernière,  l'exorde, 
irpoo'txiov  ou  àp/i  ' ,  et  l'épilogue,  £-{)oiro;  ou  Èîôotov,  les  cinq  qui  restent  semblent 
avoir  été  assez  analogues  aux  cinq  parties  du  vôfio;  (rj).r.Tixô;.  La  partie  appelée 
6u.ça),6;  se  trouvait  au  centre;  elle  avait  un  caractère  épique,  quelquefois  même 
elle  était  remplacée  par  une  rhapsodie  d'Homère,  La  partie  initiale,  [i-apxi,  se 
rattachait  à  l'ojiça)6ç  par  une  transition  (xararpoirâ)  ;  et  une  autre  transition 
((iETaxaTa-rpo-à)  rattachait  rô[i?a>,6î  à  la  partie  finale,  <7=paft;.  Dans  ce  que  nous 
venons  d'exposer  d'après  M.  W.,  il  y  a  quelques  conjectures;  mais  ces  conjec- 
tures sont  plausibles. 


1.  On  lit  chez  Pollux,  IV,  66  :  MÉpr,  5a  to-j  xiOapwctxov  \6ao:>,  Tsf-ivopo-j  xaTovsî- 
(lavTo;,  èrafx»,  lAî-apya  x-r)..  Mais  il  y  3 ,  pour  £-apx«»  "ne  variante  éîrrapxa,  et  il  nous 

semble  évident  qu'il  faut  écrire  :  Uéçr^ ésTcx  •  ifyi,  \u-:<xfyi  xtX. 

vill  j 


66  REVUE    CRITIQUE 

M.  W.  retrouve  les  traits  essentiels  de  cette  division  dans  les  Odes  de  Pindare. 
Tous  les  lecteurs  de  ce  poète  ont  remarqué  que  chez  lui  la  fable,  la  partie 
mythique,  occupe  très-souvent  le  milieu  de  l'ode,  tandis  que  le  commencement 
et  la  fin  sont  directement  consacrés  au  vainqueur  et  à  sa  famille.  Voilà  donc 
Vàjxtpalôi,  entouré  de  l'àpy.à  et  de  la  açipaviç.  Cet  arrangement  est  si  naturel,  qu'il 
peut  sembler  inutile  de  l'expliquer  par  une  tradition  lyrique.  Il  y  a  quelque  chose 
de  plus  particulier  dans  la  disposition  de  deux  odes  :  la  neuvième  Pythique  et  la 
dixième  Néméenne.  L'éloge  du  vainqueur  s'y  trouve  au  centre,  et  ce  centre  est 
entouré  de  deux  récits  mythiques.  Ce  qui  me  frappe  surtout  c'est  que,  dans  les 
deux  odes,  la  fm  de  la  seconde  fable  coïncide  exactement  avec  la  fm  du  poème, 
sans  que  le  poète  revienne  sur  la  victoire  et  le  vainqueur.  Il  y  a  là  quelque  chose 
qui  peut  faire  croire  à  un  procédé  traditionnel  et  en  quelque  sorte  obligé.  Cepen- 
dant la  thèse  de  l'auteur  n'est  pas  pour  nous  d'une  complète  évidence.  Sans 
entrer  ici  dans  les  détails,  sans  parler  de  certaines  odes  que  M.  W.  a  décom- 
posées d'une  manière  contestable,  nous  nous  bornerons  à  deux  observations 
générales.  Pour  établir  la  filiation  qu'il  suppose,  M.  W.  insiste  beaucoup  sur  les 
transitions.  Il  a  raison  :  la  division  ternaire  n'y  suffit  pas;  il  faut  nous  montrer 
les  cinq  parties.  Or  qu'arrive-t-il .?  La  transition  se  fait  souvent  au  moyen  de 
quelques  phrases  ;  quelquefois  aussi  elle  manque,  et  le  poète  passe  d'un  sujet  à 
l'autre  à  l'aide  d'un  seul  mot,  d'une  simple  conjonction.  Tantôt  c'est  la  première 
transition,  celle  que  M.  W.  identifie  avec  la  xaTaxpoTià  de  Terpandre,  tantôt  c'est 
la  seconde  transition,  la  (xeraxaTarpoirà ,  qui  se  trouve  supprimée.  Pour  croire  à 
un  plan  fixe  et  traditionnel,  nous  aimerions  plus  de  symétrie  :  nous  voudrions 
trouver  dans  le  même  poème  les  deux  transitions,  ou  n'y  trouver  ni  l'une  ni 
l'autre.  Une  autre  objection  nous  semble  plus  importante.  Les  divisions  des 
anciens  nomes  se  marquaient  ostensiblement  par  la  forme  même  du  poème 
musical;  souvent  un  changement  (y-cuxcuêolri)  de  mesure  et  d'harmonie  les  rendait 
encore  plus  sensibles.  Les  divisions  des  odes  de  Pindare  sont,  au  contraire, 
toutes  logiques  :  loin  de  coïncider  avec  les  divisions  strophiques,  elles  tombent 
très-souvent  au  milieu  d'une  strophe  et  même  au  milieu  d'un  vers. 

Quant  aux  chœurs  d'Eschyle,  M.  W.  en  distingue  deux  espèces.  Les  uns  sont 
composés  d'après  la  méthode  de  Terpandre;  les  autres  sont  des  chants  amébées, 
thrènes  proprement  dits  ou  morceaux  analogues  aux  thrènes.  Dans  les  chœurs 
de  la  première  catégorie  la  partie  centrale  (ô[X9a),6i;)  contient  ordinairement  l'idée 
générale  qui  domine  tout  le  morceau.  Personne  ne  contestera  qu'if  en  soit 
ainsi  pour  la  Parodos  de  VAgamemnon.  Le  récit  des  faits  qui  accompagnèrent  le 
départ  des  Grecs,  s'y  trouve  interrompu  par  des  considérations  générales  déve- 
loppées dans  trois  strophes  :  v.  i6o,  Zeùç,  ôaTi;  tcot'  iaxiv,  jusqu'au  v.  183,  cÉXfxa 
(lepàv  ^(jLÉvwv.  Il  nous  est  cependant  difficile  d'attacher  beaucoup  d'importance  à 
cette  division  purement  logique.  La  division  musicale  de  ce  chœur  est  tout 
autre.  On  trouve  d'abord  une  triade  de  strophes  dactyliques  (strophe,  antistrophe 
et  épode)  consacrée  à  l'oracle  de  Calchas.  Voilà  la  première  partie.  La  seconde 
partie  renferme  cinq  couples  de  strophes  trochaïques  et  iambiques.  Les  considé- 
rations générales,  que  M.  W.  regarde  comme  la  partie  centrale  du  chœur, 


d'histoire  et  de  littérature.  '67 

forment  en  réalité  l'introduction  de  cette  seconde  partie.  —  M.  W.  décompose 
à  son  point  de  vue  plusieurs  chœurs  d'Eschyle.  L'analyse  du  second  chœur  de 
VAgamemnon,  v.  367  sqq.  (Aie;  TcXayiv  ixoy^tv  eîiteïv),  nous  a  semblé  des  plus 
heureuses.  Il  nous  reste  des  doutes  sur  d'autres.  Quant  au  grand  chœur  des 
Euménides,  v.  321  sqq.  (Mà-rsp  5  ix'Itixtîç),  nous  ne  saurions  entrer  dans  les  vues 
de  l'auteur.  Tous  les  éditeurs  ont  adopté  une  transposition  faite  par  Heath  et 
grâce  à  laquelle  la  seconde  partie  de  la  deuxième  antistrophe  est  formée  par  les 
mots  yLÔùoL  -(àç,  ouv  à)o\ié^a....  oOcrçopov  ârav.  Revenant  à  l'ordre  offert  par  les  manu- 
scrits, M.  W.  considère  ce  passage  comme  une  antimésode  insérée  entre  la  troi- 
sième strophe  et  la  troisième  antistrophe  (lesquelles  deviennent  chez  lui  la  cinquième 
strophe  et  la  cinquième  antistrophe).  Suivant  nous,  M.  W.  méconnaît  la  suite 
simple  et  naturelle  des  idées,  et  il  prête  à  Eschyle  un  enlacement  de  strophes 
d'une  symétrie  imparfaite.  Dans  notre  édition  nous  avons  défendu  la  transposi- 
tion généralement  admise,  par  des  arguments  que  nous  persistons  à  croire 
décisifs. 

L'étude  approfondie  que  l'auteur  a  consacrée  aux  chants  araébées  d'Eschyle 
nous  semble  plus  féconde  en  résultats  probables.  Et  d'abord,  quels  sont  les 
morceaux  qu'il  faut  ranger  dans  cette  classe .''  Il  ne  peut  y  avoir  de  doute  sur 
ceux  qui  sont  chantés  par  un  ou  deux  acteurs  alternant  avec  le  chœur 
ou  les  demi-chœurs.  Mais  à  quel  signe  reconnaître  si  un  morceau  purement 
chorique  appartient  au  chœur  tout  entier,  ou  s'il  faut  le  partager  entre  les  demi- 
chœurs  '  ?  Les  refrains,  les  répétitions,  et,  pour  hasarder  une  expression  que  tout 
le  monde  comprendra,  les  échos  qui  se  répondent  soit  de  la  strophe  à  l'antistrophe 
soit  dans  le  cours  de  la  même  strophe,  voilà  des  indices,  assurément  très-plausibles, 
d'un  chant  amébée.  C'est  pour  cette  raison  que  M.  W.,  par  une  innovation 
heureuse,  distribue  entre  les  demi-chœurs  le  morceau:  NOv  Sr;  TtpôTîowa  jièv  (rrévet, 
Perses,  548  sqq.;  l'évocation  de  l'ombre  de  Darius,  v.  633  sqq.  de  la  même 
tragédie,  et  les  trois  dernières  strophes  de  la  Parodos  des  Suppliantes,  v.  1 1 1  sqq. 
(to'.ovtœ  r.ibzct  xtX.).  —  M.  W.  considère  comme  amébée  le  deuxième  grand 
chœur  des  Sept  Chefs,  v.  287  sqq.,  parce  que  la  plupart  des  strophes  se  com- 
posent de  plusieurs  parties  nettement  séparées  et  d'un  caractère  métrique  très- 
distinct.  Si  cela  est  vrai ,  nous  pensons  que  le  troisième  grand  chœur  des  Sup- 
pliantes, v.  630  sqq.  (nov  ôtî  xai  bi'A  X-:)..)  doit  être  également  réparti  entre  les 
demi-chœurs.  Cependant,  aux  yeux  de  M.  W.,  ce  morceau  est  un  exemple  de 
la  méthode  de  Terpandre.  —  N'y  aurait-il  pas  d'autres  indices  du  débit  amébée? 
Nous  croyons  en  apercevoir  un,  qui  n'a  pas  été  signalé  par  M.  W.  Les  deux 
derniers  grands  chœurs  des  Choéphores  présentent  un  arrangement  particulier. 
Les  strophes  correspondantes  s'y  trouvent  enlacées  comme  dans  certains  thrènes. 
Nous  sommes  d'autant  plus  disposé  à  repartir  ces  strophes  entre  les  demi-chœurs, 
qu'on  y  remarque  aussi  des  refrains  et  ce  que  nous  avons  appelé  des  échos.  — 


I .  G.  Hermann  a  divisé  certains  morceaux  lyriques  entre  les  douze  ou  quinze  personnes 
dont  se  composait  le  chœur.  M.  W.  pense  que  cette  hypothèse  est  arbitraire  et  ne  repose 
sur  aucune  preuve  solide. 


68  REVUE    CRITIQUE 

Soulevons  ici  une  autre  question  à  laquelle  M.  W.  n'a  pas  touché.  Les  deux 
fonctions  du  chœur,  de  danser  et  de  chanter,  n'étaient-elles  pas  quelquefois 
réparties  entre  les  personnes  qui  le  composaient  ?  Nous  avons  toujours  pensé  que  ' 
les  quatre  premières  strophes  du  grand  chœur  des  Euménides,  v.  321  sqq,,  n'ont 
pu  être  chantées  par  le  chœur  tout  entier.  Elles  étaient  accompagnées  de  danses 
compliquées,  de  gestes  violents,  de  sauts  et  de  bonds  :  il  est  inadmissible  que  les 
choreutes  chargés  d'une  action  si  vive  aient  pris  part  au  chant. 

Disons  un  mot  du  îbrène  des  Sept  Chefs,  un  des  morceaux  dont  M.  W.  a  étudié 
tous  les  détails.  On  croit  généralement  que  la  première  partie  de  cethrène,  c'est- 
à-dire,  les  quatre  premiers  couples  de  strophes,  est  chantée  par  les  demi-chœurs. 
Cependant  dans  le  vieux-manuscrit  de  Florence  le  quatrième  couple  est  partagé 
entre  Israène,  Antigone  et  le  chœur.  Dans  notre  édition  nous  avons  étendu  cette 
division  aux  strophes  qui  précèdent,  et  à  l'appui  de  cette  innovation  nous  avons 
invoqué  la  coutume  observée  dans  les  plaintes  funèbres  et  attestée  par  Homère. 
En  effet,  au  24*=  livre  de  l'Iliade,  on  voit  la  plainte  entonnée  successivement  par 
Andromaque,  par  Hécube,  par  Hélène,  et  chacun  de  ces  morceaux  suivi  des 
lamentations  du  chœur  des  femmes,  èul  8è  axé\ayo\-zo  Ywaïxe;.  M.  W.  admet  la 
convenance  du  rapprochement;  mais  il  objecte  (p.  145)  que,  suivant  le  même 
passage  d'Homère,  les  plaintes  individuelles  étaient  précédées  de  plaintes  collec- 
tives du  chœur  tout  entier.  Or  que  voyons-nous  dans  l'Hiade  ?  Avant  les  trois 
princesses,  d'autres  chanteurs,  anonymes,  avaient  fait  absolument  comme  elles  : 
ils  avaient  entonné  des  plaintes,  suivies  des  lamentations  du  chœur  des  femmes. 
Citons  les  vers  du  poème  (720  sqq.)  : 

Ilapà  5'  eîaav  àoiSoùç 
©piivtov  i^âpyo\)ç,  o?  te  (TTOvoeuffav  àoiSi^v 
01  [J.EV  âp'  è0pr,vcov,  inl  Se  <7-£và;(ovT0  ^uvaixe;. 

Les  mots  sont  d'une  clarté  parfaite,  et  nous  nous  demandons  comment  M.  W.  a 
pu  les  entendre  autrement  que  nous.  Certes,  nous  ne  le  méconnaissons  pas,  on 
peut  faire  des  objections  contre  la  manière  dont  nous  avons  réparti  les  rôles  dans 
le  thrène  des  Sept  Chefs;  mais  l'argument  que  nous  avons  tiré  de  l'Iliade  ne  sau- 
rait être  tourné  contre  nous.  —  Parmi  les  rectifications  de  texte  que  propose 
M.  W.,  il  y  en  a  une  qui  nous  a  frappé  particulièrement.  Il  a  raison  de  distribuer 
entre  deux  interlocuteurs  les  vers  895  sq.,  ainsi  que  les  vers  correspondants, 
907  sq.  Les  derniers  éditeurs  ont  effacé  le  caractère  amébée  de  ces  vers,  parce 
qu'ils  prenaient  pour  point  de  départ  le  texte  de  l'antistrophe.  M.  W.  a  vu  que 
l'antistrophe  était  mutilée.  Cependant  ses  corrections  (p.  141)  ne  nous  satisfont 
pas  complètement.  —  Dans  la  seconde  partie  du  thrène  M.  W.  fait  plusieurs 
transpositions,  et  il  arrive  ainsi  à  recueillir  quelques  éléments  d'une  strophe 
correspondante  aux  vers  961  sqq.,  vers  que  l'on  considérait  jusqu'ici  comme 
une  proode.  Ces  conjectures  (p.  i  j  i  et  suiv.)  sont  séduisantes,  tout  en  prêtant  à 
des  objections. 

A  la  fin  du  volume  quelques  pages  sont  consacrées  à  une  question  relative  au 
Prométhée.  On  croit  généralement  que  le  Prométhée  enchaîné  était  précédé  du 
iTupçopoç  et  suivi  du  Auéiievoç.  Mais  quelle  était  l'action  du  premier  drame  de  la 


J 


d'histoire  et  de  littérature.  69 

trilogie  ?  Comment  ne  faisait-elle  pas  double  emploi  avec  les  longs  récits  du  drame 
conservé?  Voilà  des  questions  quelque  peu  embarrassantes.  Pour  y  échapper, 
M.  W.  place  le  n-j??6p<5.:  à  la  fin  de  la  trilogie.  Voici  son  hypothèse.  Dans  la 
seconde  pièce  Prométhée  est  délivré  par  Hercule,  et  délivré  malgré  Jupiter.  La 
réconciliation  du  Titan  avec  le  maître  des  dieux  n'a  lieu  que  dans  la  troisième 
tragédie.  Prométhée  paraît  dans  l'Olympe;  il  empêche  le  mariage  de  Jupiter  et 
de  Thétis,  en  révélant  le  secret  dont  il  est  dépositaire,  et  les  dieux  permettent  qu'il 
soit  désormais  adoré  dans  la  Grèce,  et  paniculièrement  dans  l'Attique,  sous  le  nom 
de  nupç6po;.  L'idée  est  ingénieuse;  elle  nous  sourit;  cependant  nous  ne  pouvons 
admettre  le  plan  des  deux  tragédies  perdues  tel  que  M.  W.  le  donne.  Un  frag- 
ment des  papyrus  d'Herculanum  (Philodème,  ivepl  £ù«i£6£iaç,  tab.  XC)  dit  positi- 
vement que,  d'après  Eschyle,  Prométhée  doit  sa  délivrance  à  la  révélation  de 
l'oracle  relatif  à  Thétis.  Voici  donc  comment  les  choses  ont  dû  se  passer.  Hercule 
arrive  près  du  Caucase  ;  il  transperce  l'aigle  d'un  coup  de  flèche  ;  Prométhée 
fait  connaître  le  secret  fatal,  et  le  fils  de  Jupiter  le  délivre  de  ses  chaînes.  C'est 
en  vain  que  M.  W.  en  appelle  à  quelques  vers  de  la  tragédie  conservée.  Promé- 
thée y  dit  (v.  770)  que  sa  délivrance  (t^taf  àv  Ix  Seaiiôv  >u6eî;)  peut  seule  dé- 
tourner de  Jupiter  la  catastrophe  qui  le  menace.  Mais  ce  mot  n'implique  nulle- 
ment que  la  délivrance  de  Prométhée  doive  précéder  la  révélation  du  secret;  il 
n'exclut  pas  l'ordre  des  faits  attesté  par  le  fragment  de  Philodème,  et,  rapproché 
des  vers  524  sq.,  il  implique  tout  au  moins  que  la  promesse  de  révéler  l'oracle 
ait  précédé  la  délivrance  du  Titan.  La  conséquence  que  M.  W.  veut  tirer  du 
vers  771  est  encore  moins  rigoureuse.  Disons  tout  d'abord  que  M.  W.  n'est 
pas  le  premier  à  tirer  cette  conséquence,  et  qu'elle  a  déjà  été  réfutée  plus  d'une 
fois.  lo  demande  :  Tî?  ouv  ô  Waoxv  èdttv  àxovro;  A-.ô;;  Il  est  téméraire  d'inférer  de 
ce  vers  qu'Hercule  agira  malgré  Jupiter.  lo  n'est  pas  dans  le  secret  des  destins; 
et  Prométhée,  qui  l'est,  n'a  pas  besoin  de  mieux  l'instruire  sur  ce  point.  On 
lit  dans  la  Théogonie  (v.  529)  que  le  fils  de  Jupiter  délivra  Prométhée  : 

Jusqu'à  preuve  du  contraire  nous  ne  croirons  point  qu'Eschyle  se  soit  écarté  de 
cette  tradition.  Cependant,  pour  ne  pas  admettre  quelques-unes  des  conjectures 
de  M.  W.,  nous  ne  contestons  pas  que  le  n-jpçôso;  ait  pu  terminer  la  trilogie.  Ce 
drame  pouvait  aboutir  à  l'établissement  du  culte  de  Prométhée  dans  l'Attique. 
Mais  quel  en  était  d'ailleurs  le  sujet,  l'action  ?  On  ne  le  voit  pas  clairement,  et 
cette  hypothèse  offre  des  difficultés,  comme  en  offrait  l'hypothèse  à  laquelle  nous 
étions  habitués. 

Henri  Weil. 

•  47-  r~.^^''?''  Guiîelmi  Gœttlingii  Opnscula  Academica.  Praefationis  loco  auc- 
tons  imagmem  adumbravit  Kuno  Fischer.  Accedunt  tabulae  très  lithogr.  Lipziae,  Hirzel, 
1869.  In-8*,  viij-340  p.  —  Prix:  8  fr. 

C.-G.  Gœttling,  professeur  de  philologie  classique  à  l'Université  d'Iéna,  avait 
préparé  la  publication  de  ses  opuscules  académiques  lorsque  la  mort  vint  le  sur- 
prendre le  20  janvier  de  cette  année  à  l'âge  de  76  ans.  Son  collègue  et  son  ami, 


70  REVUE   CRITIQUE 

M.  Kuno  Fischer,  a  retracé  en  tête  du  volume  son  portrait  avec  talent  et  avec 
intérêt. 

Ce  volume  renferme  outre  différents  discours  de  circonstance  prononcés  devant 
l'Université  d'Iéna,  des  dissertations  en  latin  sur  les  sujets  suivants  :  De  Horatii 
od.  I,  30;  I,  32;  3,  4,  10;  3,  20.  —  De  M.  TuUii  Ciceronis  laudatione  Catonis 
et  de  C.  Julii  anticatonibus.  —  De  Margita  Homerico.  —  De  Homeri  Iresiona. 

—  Carmen  Homeri  fornacale.  —  De  loco  quodam  hymni  homerici  in  Cererem 
(vs.  265  sq.).  —  Spicilegium  fragmentorum  Hesiodi.  —  De  Bacide  fatiloquo. 

—  De  Ericapaeo  Orphicorum  numine.  —  De  loco  Antigonae  Sophoclis  (vs.  866- 
879).  —  De  diverbio  nuncii  et  Creontis  in  Sophoclis  Antigona.  —  Animadver- 
siones  criticae  in  Sophoclis  Philoctetam.  —  De  morte  fabulosa  AEschyli.  — 
Animadversiones  in  Aristophanis  Equités.  —  De  BEKKESEAHNOS  vocabulo  ab 
Aristophane  ficto.  —  De  loco  quodam  in  Aristophanis  Triphalete.  —  De  loco 
quodam  Aristophanis  (Nubb.  244  sqq.).  —  De  epigrammate  Callimachi  XIV.  — 
De  duobus  Callimachi  epigrammatis  (XXX  Ern.  et  fr.  LXXI  Bentl.).  —  De 
Callimachi  epigrammate  XXV.  —  Resuscitatur  Callimachi  epigramma  diu  sopi- 
tum.  —  Nova  quaedam  fragmenta  poetarum  Graecorum.  —  De  loco  quodam 
Aristotelis  in  libro  primo  Politicorum  (I,  i.  1253  a  Bkk.).  —  De  ATTA  pro- 
nomine  graeco.  —  De  soloecismo  logico  rhetorico  ejusque  veriloquio.  —  De  loco 
M.  Terentii  Varronis  (de  re  rust.  i ,  2)  qui  de  rogationibus  Liciniis  agit.  — 
Inscriptiones  Acrenses  III  in  Sicilia  repertae  ad  legem  Hieronicam  pertinentis.— 
Inscriptiones  III  in  curia  Atheniensi  nuper  repertae. — Inscriptiones  Olympicae  IV. 

—  D'un  vase  en  terre  du  musée  d'antiquité  de  lena  (avec  deux  lithograph.),  en 
allemand.  —  De  incantata  Thessalonicensi.  —  De  suggestu  oralorum  Athenien- 
sium  a  Trigintaviris  non  mutato.  —  De  Metonis  Astronomi  Heliotropio  Athenis 
in  muro  Pnycis  posito. 

Les  qualités  personnelles  que  M.  Kuno  Fischer  dépeint  dans  Gœttling  se 
reconnaissent  dans  la  manière  dont  il  traite  ces  sujets  de  philologie  et  d'archéo*- 
logie  :  il  y  montre  un  esprit  élégant  et  aimable,  et  il  écrit  dans  un  latin  clair, 
aisé  et  vif  qui  n'est  pas  commun  en  Allemagne. 


148.  —  Études  sur  la  maison  de  Barcelone.  Jacme  I"  le  Conquérant,  roi 
d'Aragon,  comte  de  Barcelone,  seigneur  de  Montpellier,  d'après  les  chroniques  et  les 
documents  inédits,  par  Ch.  de  Tourtoulon.  Montpellier,  Gras,  1863-1867.  2  vol. 
in-8%  xv-472  et  xij-688  p. 

Nous  regrettons  de  n'avoir  pu  rendre  compte  de  cet  ouvrage  —  qui  ne  nous 
est  parvenu  que  récemment  —  lorsqu'il  était  dans  toute  sa  nouveauté.  Toutefois, 
il  suffit  qu'il  ait  été  publié  en  province,  encore  que  Montpellier  ne  puisse  être 
considéré  comme  un  centre  littéraire  de  médiocre  importance,  pour  qu'il  soit 
encore  nouveau  au  plus  grand  nombre  des  lecteurs.  D'ailleurs  l'importance  du 
sujet  comme  la  réelle  valeur  du  livre  commandent  l'attention.  Indépendamment 
des  nombreux  points  de  contact  que  l'histoire  de  Jacme  I"  '  présente  avec  notre 

I .  En  France  on  dit  ordinairement  Jacques  ou  Jaymc.  La  première  de  ces  formes  est 


d'histoire  et  de  littérature.  71 

histoire  nationale,  elle  offre  par  elle-même  un  vif  intérêt.  Le  règne  de  Jacme 
marque  l'apogée  de  la  maison  de  Barcelone.  Jamais  aucun  des  prédécesseurs  ni 
des  successeurs  de  ce  prince  ne  réunit  sous  son  sceptre  les  royaumes  d'Aragon  et 
de  Valence,  le  comté  de  Barcelone,  la  seigneurie  de  Montpellier,  et  les  Baléares; 
jamais  aucun  d'eux  ne  prit  une  part  aussi  considérable  à  la  politique  générale. 
Lors  même  que  M .  de  Tourtoulon  aurait  quelque  peu  exagéré  l'initiative  de  son 
héros  dans  les  aaes  de  sa  première  jeunesse  ou  dans  son  rôle  de  législateur,  il 
resterait  encore  au  Conquistador  une  part  d'activité  assez  grande  pour  justifier 
sa  renommée. 

Sans  analyser  les  deux  volumes  de  M.  de  T.,  ce  qui  nous  amènerait  à  pré- 
senter en  raccourci  une  histoire  de  Jacme,  nous  allons  en  indiquer  la  disposition 
et  nous  terminerons  par  quelques  obser\'ations  sur  les  sources  de  cette  histoire 
et  sur  l'emploi  qu'en  a  fait  M.  de  Tourtoulon. 

Une  introduaion  divisée  en  deux  chapitres  (I,  les  nationalités  du  Midi  de  la 
France;  II,  la  maison  de  Barcelone),  trace  à  grands  traits  l'histoire  de  la  pénin- 
sule ibérique  avant  la  naissance  de  Jacme.  L'exposition,  large  et  claire,  est  d'un 
homme  bien  informé.  Pour  le  second  chapitre  M.  de  T.  s'est  surtout  appuyé  sur 
un  livre  excellent,  Los  condes  de  Barcelona  vindicados,  y  cronologia  y  genealogia  de 
los  reyes  de  EspaM,  considerados  coma  soberanos  independienîes  de  su  Marca,  de 
feu  D.  Prosper  BofaruU  (1836,  2  vol.  in-S»),  mais  là  déjà  on  peut  apercevoir 
la  trace  de  recherches  personnelles.  Les  sept  chapitres  suivants,  formant  le 
premier  livre,  sont  consacrés  aux  vingt  premières  années  de  la  vie  de  Jacme 
(1208-1228):  à  sa  naissance,  entourée  de  circonstances  si  extraordinaires  qu'on 
les  croirait  fabuleuses,  n'était  le  témoignage  à  peu  près  concordant  de  deux 
historiens  de  valeur,  R.  Muntaner  et  B.  d'Esclot;  aux  dernières  années  du  règne 
de  son  père,  tué  en  1 2 1 3  à  la  bataille  de  Muret  ;  aux  premières  luttes  du  jeune 
prince  contre  le  parti  féodal  dont  il  devait  un  jour  triompher;  au  mariage  du  roi 
avec  Eléonore  de  Castille.  Le  second  livre,  qui  termine  le  premier  volume,  nous 
raconte  la  conquête  des  Baléares  et  l'assemblée  solennelle  des  corts  catalanes 
qui  la  précéda,  le  divorce  de  Jacme  d'avec  sa  première  femme,  son  mariage  avec 
Yolande  de  Hongrie,  et  la  conquête  du  royaume  de  Valence.  Au  milieu  du  récit 
de  la  conquête  de  Mayorque  est  intercalé  (p.  273  suiv.),  peut-être  un  peu  hors 
de  propos,  un  chapitre  intéressant,  mais  qui  n'épuise  pas  encore  la  matière,  sur 
l'organisation  militaire  de  la  Catalogne  et  de  l'Aragon  et  sur  le  service  dû  tant 
par  les  seigneurs  que  par  les  communes.  Le  troisième  livre,  qui  ouvre  le  second 
volume,  nous  montre  Jacme  à  l'apogée  de  sa  puissance.  Il  soumet  Xativa  d'où  un 
chrétien  ravageait  le  pays  environnant  à  la  tête  de  troupes  sarrazines  ;  puis, 
donnant  une  preuve  manifeste  de  l'autorité  qu'il  s'était  acquise,  il  confie  le  gou- 
vernement de  Valence  à  un  de  ses  lieutenants,  qu'il  élève  à  cet  effet,  et  contrai- 
rement Siuxfueros,  à  la  dignité  de  rico  home.  Peu  après,  nous  le  voyons  se  mêler 
^ » 

très-acceptable  ;  c'est  une  traduction  ;  mais  la  seconde  n'a  pas  de  raison  d'être.  Pourquoi 
citer  le  nom  d'un  catalan  sous  la  forme  castillane?  M.  de  T.  s'est  attaché  à  conserver  aux 
noms  leur  lorme  originale.  Toutefois  il  ne  l'a  pas  toujours  fait,  et  écrit  par  exemple  Hugues 
de  Mataplana. 


72  REVUE  CRITIQUE 

aux  affaires  du  Midi  de  la  France,  auxquelles,  en  qualité  de  seigneur  de  Mont- 
pellier, il  avait  un  intérêt  direct,  et  conclure  (1243)  avec  le  comte  de  Toulouse, 
Raimon  VII,  un  traité  dont  le  but  général  devait  être  l'allégement  des 
charges  que  le  traité  de  1229  faisait  peser  sur  l'infortuné  comte,  et  plus  particu- 
lièrement la  négociation  d'un  mariage  entre  ce  dernier,  qui  de  sa  première  femme, 
encore  vivante,  n'avait  pas  d'héritier,  et  Sancha,  fille  de  Raimon  Bérenger.  Si  ce 
mariage  se  réalisait,  la  Provence  pouvait  un  jour  venir  par  voie  d'héritage  aux 
mains  du  comte  de  Toulouse,  et  la  domination  française  était  arrêtée  dans  le 
Midi.  Mais  d'abord  il  fallait  que  le  premier  mariage  du  comte  fût  rompu  ;  et 
les  efforts  de  Jacme,  la  pression  exercée  sur  Sancha  d'Aragon,  épouse  du  comte, 
pour  l'amener  à  demander  elle-même  la  cassation  de  son  mariage,  n'amenèrent 
pas  le  résultat  souhaité  si  ardemment,  car,  si  Sancha  d'Aragon  fut  répu- 
diée, Sancha  de  Provence  épousa  en  1244  le  fils  de  Jean  sans  Terre.  M.  de 
T.  a  apporté  à  l'histoire  de  cette  intéressante  négociation  plusieurs  faits 
nouveaux.  Après  cet  échec  de  sa  politique,  le  roi  d'Aragon,  d'ailleurs  distrait 
par  ses  luttes  contre  les  Sarrazins  ou  contre  ses  vassaux,  paraît  s'être  peu  mêlé 
des  affaires  du  Midi.  Il  n'essaya  même  pas,  à  la  mort  de  Raimon  Bérenger  IV 
(1245)  de  faire  valoir  ses  droits  sur  le  comté  de  Provence,  et,  à  part  quelques 
débats  relatifs  à  sa  seigneurie  de  Montpellier  (1255,  1264),  tous  ses  soins  pen- 
dant les  trente  dernières  années  de  son  règne  ont  pour  but  la  consolidation  de 
son  autorité  en  Espagne  et  l'administation  de  ses  États.  D'importants  chapitres 
(1.  III,  chap.  vi-viii)  sont  consacrés  à  l'étude  des  diverses  législations  qui  régis- 
saient les  pays  réunis  sous  le  sceptre  de  Jacme.  Montpellier,  Perpignan,  étaient 
de  droit  romain,  la  Catalogne  reconnaissait  l'autorité  de  l'ancienne  loi  wisigothique 
(le  fuero  juzgoi),  l'Aragon  avait  des  coutumes  qui  furent  codifiées  en  1247;  le 
royaume  de  Valence  enfin,  récemment  conquis  sur  les  Sarrazins,  offrait  à  l'acti- 
vité du  roi  d'Aragon  «  la  plus  enviable  liberté  dont  il  ait  jamais  été  donné  à  un 
«  législateur  de  jouir  :  celle  d'élever  son  œuvre  de  toutes  pièces  sur  un  terrain 
»  déblayé  d'avance ,  et  où.  ni  droits  acquis  ni  usages  antérieurs  ne  pouvaient 
»  entraver  son  action.  «  Il  est  toujours  difficile  de  déterminer  la  part  de  colla- 
boration qu'ont  les  princes  dans  les  codes  auxquels  ils  attachent  leur  nom,  et  nous 
laisserons  à  de  plus  compétents  le  soin  de  décider  jusqu'à  quel  point  il  est  légitime 
de  dire  qu'à  travers  la  diversité  de  ces  législations  «  on  aperçoit  le  désir  de 
»  l'unité  qui  utilise  tous  les  traits  communs  au  profit  d'une  unification  future.  '  » 
Signalons  encore  le  quatrième  chapitre  du  livre  IV,  sur  l'organisation  munici- 
pale des  pays  aragonais,  sur  les  finances,  l'industrie,  les  lettres  et  les  arts  au 
temps  de  Jacme  l".  L'esquisse  tracée  par  M.  de  T.  est  exacte  et  justement  pro- 
portionnée à  l'étendue  de  son  ouvrage.  Mais  on  comprend  sans  peine  que  tous 
les  sujets  traités  dans  ce  chapitre  pourraient  être  repris  en  sous-œuvre  et  fournir 
chacun  la  matière  d'un  livre.  Cela  est  surtout  vrai  de  l'industrie  et  du  commerce, 
qui  ont  de  tout  temps  été  plus  florissants  en  Catalogne  qu'en  aucune  autre  partie 

1.  Pour  la  critique  de  cette  partie  du  travail  de  M.  de  T.  on  peut  voir  un  article 
publié  dans  les  Cœtt.  gel.  Anz.  1868,  n*  25. 


d'histoire  et  de  littérature.  75 

de  l'Espagne,  et  pour  lesquels  on  a  tant  d'excellents  matériaux  dans  les  Memo- 
rias  de  Capmany  et  dans  l'Histoire  du  commerce  de  Montpellier  de  M.  Germain; 
cela  peut  être  dit  aussi  des  pages  consacrées  par  M.  de  T.  à  la  littérature 
catalane  encore  bien  que,  là  comme  partout  ailleurs,  les  recherches  origi- 
nales aient  aussi  leur  part.  Ainsi  nous  trouvons  dans  ce  chapitre  de  nouveaux 
détails  sur  le  libre  de  la  Savieza,  œuvre  du  roi  Jacme  lui-même  '.  Pour  la  litté- 
rature catalane  en  général,  M.  de  T.  me  parait  avoir  accordé  trop  de  confiance 
à  l'Essai  de  M.  Cambouliu,  ouvrage  qui  a  eu  certainement  le  mérite  de  rassem- 
bler pour  la  première  fois  un  grand  nombre  de  faits  épars ,  et  même  de  faire 
connaître  plusieurs  écrits  restés  jusqu'alors  ignorés,  mais  qui  malheureusement 
a  mis  en  circulation  beaucoup  de  vues  extrêmement  contestables.  C'est 
d'après  M.  Cambouliu  que  M.  de  T.  qualifie  le  langage  des  troubadours  de 
«  conventionnel»  (p.  443),  et  qu'il  ajoute  :«  Il  est  généralement  admis  aujour- 
»  d'hui  que  la  langue  des  troubadours  ne  fut  usuelle  en  aucun  pays  n  (ibid., 
note  3),  ce  qui  n'est  vrai  que  dans  la  mesure  où  on  peut  dire  de  tout  idiome 
écrit  qu'il  est  conventionnel,  c'est-à-dire,  en  ce  sens  que  la  langue  écrite  ayant 
besoin  de  ressources  dont  la  langue  parlée  peut  se  passer,  possède  toujours  et 
partout  un  certain  nombre  de  locutions  qui  ne  sont  pas  en  usage  dans  cette  der- 
nière. Mais  cette  question  ne  peut  être  traitée  incidemment.  Quant  à  l'idée, 
d'ailleurs  assez  généralement  répandue,  qu'une  même  langue  était  parlée  au  moyen- 
âge  dans  la  France  méridionale  et  en  Catalogne  (II,  443,  note  i),  elle  n'est 
acceptable  que  sous  certaines  réserves  :  le  catalan,  par  sa  phonétique,  se  classe 
assez  bien  avec  cet  ensemble  de  dialectes  qu'on  appelle  d'un  nom  commun  «  langue 
d'oc»,  bien  qu'il  offre  plus  de  traits  particuliers  qu'aucun  d'eux;  mais,  par  sa 
flexion  il  tient  de  plus  près  aux  autres  dialectes  hispaniques.  Quelques  autres 
assertions  dans  ce  chapitre  auraient  besoin  de  preuves.  Par  exemple  je  n'ai  vu 
nulle  part  que  saint  Louis  se  soit  jamais  essayé  à  traduire  la  Bible  «  en  roman 
»  du  Nord  »  (p.  443),  et  il  serait  bon  de  savoir  sur  quoi  repose  la  tradition 
selon  laquelle  l'intimité  aurait  été  si  grande  entre  Jacme  I"  et  Peire  Cardinal  que 
souvent  le  lit  de  ce  troubadour  aurait  été  dressé  dans  la  chambre  royale 

CP-  459)- 

Quelques  mots  maintenant  sur  les  matériaux  que  M.  de  T.  a  utilisés.  Selon 
un  usage  excellent  et  qui  tend  heureusement  à  se  répandre,  l'auteur  a  consacré 
un  chapitre,  ou  plutôt  deux  longues  notes  de  l'appendice  de  chacun  de  ses 
volumes,  à  l'examen  des  sources  de  l'histoire  de  Jacme  I"  (I,  426-431;  II,  521- 
5).  Cet  examen  est  à  la  vérité  un  peu  sommaire  et  n'entre  pas  dans  la  critique 
détaillée  de  chaque  source.  M.  de  T.  semble  avoir  reconnu  la  nécessité  d'une 
étude  plus  approfondie,  car  il  a  consacré  à  l'appendice  de  son  second  volume 
(p.  j  3 1-542)  une  dissertation  toute  spéciale  à  la  chronique  de  Jacme  I"  dont  il 
démontre  sans  peine  l'authenticité  contre  les  doutes  élevés  par  Josef  Villaroya. 

I .  Toutefois  M.  de  T.  ne  doit  point  ignorer  que  cet  ouvrage  était  déjà  connu  par 
Torres  Amat  qui  lui  a  consacré  deux  colonnes  (p.  3 19-20)  de  ses  Memorias  para  ayudar 
a  formar  un  diccionario  critico  de  los  cscritons  catalanes.  Il  serait  à  désirer  que  ce  libre  de  la 
Savieza  fût  publié  au  moins  par  extraits,  afin  qu'on  pût  en  rechercher  les  sources. 


74  REVUE    CRITIQUE 

Cette  chronique,  ou  plutôt  ces  mémoires,  au  sujet  desquels  Potthast  n'a  trouvé  à  dire 
que  cette  double  sottise  :  «rauhe  Sprache.  Spanisch  geschrieben  »',  sont  assuré- 
ment un  document  de  la  plus  haute  valeur  comme  monument  littéraire  et  comme 
monument  historique.  Toutefois  les  rectifications  que  M.  de  T.  a  dû  apporter 
en  maint  endroit  de  son  livre  aux  récits  du  roi  d'Aragon,  prouvent  qu'on  ne 
peut,  au  moins  pour  la  chronologie,  leur  accorder  une  confiance  entière.  Cela 
étant,  il  semble  qu'il  conviendrait  d'user  avec  prudence,  dans  une  narration 
vraiment  critique,  de  ces  mêmes  récits,  dans  les  cas  où  les  documents  ne  per- 
mettent pas  de  les  contrôler.  Et  par  exemple  les  discours  qui  donnent  à  la  royale 
autobiographie  un  caractère  si  dramatique ,  ne  peuvent  guère  servir  qu'à  titre 
d'indication  générale.  En  mettant  les  choses  au  mieux,  en  supposant  le  royal 
auteur  libre  de  toute  pensée  d'apologie,  sa  chronique  ne  peut  guère  nous 
donner  autre  chose  que  l'aspect  sous  lequel,  après  un  laps  de  temps  qui  n'est  pas 
déterminé,  mais  probablement  assez  long,  sa  mémoire  lui  représentait  les  faits 
dans  lesquels  il  avait  joué  le  rôle  principal  ^. 

M.  de  T.  a  heureusement  utilisé  dans  sa  narration  les  poésies  politiques  des 
troubadours.  Il  a  suivi  généralement  le  livre  de  M.  Milâ  De  los  trobadores  en 
Espaha  (Barcelone,  1861),  où  les  allusions  historiques  des  troubadours  sont 
ordinairement  très-sûrement  élucidées.  Il  s'est  aussi  aidé,  mais  avec  la  circonspec- 
tion nécessaire,  de  Millot  et  des  notices  insérées  dans  l'Histoire  littéraire. 
On  peut  regretter  qu'il  n'ait  point  connu  l'ouvrage,  qu'on  peut  dire  classique, 
de  Diez,  les  Leben  nnd  Werke  der  Troubadours.  On  s'étonnera  moins  qu'il  ait 
négligé  la  collection  de  Mahn  ;  et  en  vérité  on  ne  saurait  lui  faire  un  reproche  dé 
ne  s'être  pas  servi  d'un  recueil  si  mal  ordonné  que  les  gens  du  métier  ne  peuvent 
qu'à  grand  peine  en  tirer  quelque  utilité  ;  notons  cependant  qu'il  y  eût  trouvé 
(Gedichte,  514)  le  texte  complet  de  la  pastourelle  (et  non  pastorale!)  de  Paulet 
de  Marseille  pour  laquelle,  à  part  deux  couplets  publiés  par  Raynouard,  il  a  dû 
se  contenter  de  la  traduction  de  l'abbé  Millot  (II,  1 1 5-6).  —  Pour  le  planh  de 
Sordel  (II,  1 1-3)  M.  de  T.  eût  mieux  fait  de  traduire  lui-même  que  d'emprunter 
à  M.  Villemain  ses  contre-sens  5. 

Ainsi  que  la  plupart  des  historiens,  M.  de  T.  a  dû  user  des  anciens  annalistes, 
et  principalement  de  Zurita,  à  peu  près  comme  d'une  source  originale.  Toutefois 
il  l'a  contrôlé  quand  il  a  pu  le  faire,  et  déclare  n'avoir  eu  en  ce  cas  qu'à 
constater  sa  scrupuleuse  exactitude  (I,  429). 

Les  moyens  de  contrôle  ce  sont  ici  les  chartes,  qui,  malgré  les  bouleversements 


1.  Bibl.  historica  mcdii  aevi,  p.  385. 

2.  Voir  d'ailleurs  sur  un  sujet  analogue  les  observations  d'un  de  nos  collaborateurs, 
Rev.  crit.,  1869,  I,  p.  299-300. 

3.  «  Je  veux  en  ce  rapide  chant...  «  kugier  veut  dire  «  facile  (en  v.  fr.  on  eût  dit  légier) 
»  à  entendre.  »  —  «  Et  les  plus  nobles  vertus  sont  éteintes  en  lui.  »  Ce  serait  trop  naïf, 
puisqu'il  est  mort.  Sordel  n'est  point  coupable  de  cette  platitude  :  il  dit  qu'avec  Blacatz 
ont  péri  toutes  les  nobles  vertus ,  englouties  pour  ainsi  dire  en  sa  mort  {tut  l'alp  valeii 
en  sa  mort  perdut  so).  —  «  Mais  s'il  pense  à  sa  mère;  »  trad.  :  «  s'il  en  plse  »  (si  pes'a 
sa  maire,  il  n'y  a  pas  pensa  ni  pessa  de  s.  m.),  etc.  —  Notons  qu'il  ne  s'agit  pas  ici  d'une 
pièce  en  trobar  dus,  mais  au  contraire  d'un  so  leugier,  «  legier  à  entendre.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  75 

dont  l'Espagne  a  été  mainte  fois  le  théâtre ,  existent  encore  en  nombre  consi- 
dérable, mais  malheureusement  ne  peuvent  être  utilisées  que  sur  place,  faute 
d'inventaires  publiés.  Les  archives  de  la  couronne  d'Aragon  surtout,  se  recom- 
mandent à  l'historien  par  leur  richesse  et  par  leur  excellent  classement.  Ce  n'est 
pas  en  vain  qu'elles  ont  été  depuis  plus  de  cinquante  ans  sous  la  direction  de  D. 
Prosper  Bofarull,  l'auteur  du  livre  mentionné  plus  haut,  et  qu'elles  sont  actuelle- 
ment sous  celle  de  son  fils.  «  Les  archives  d'Aragon,  »  nous  apprend  M.  de  T. 
«  fournissent  à  elles  seules  pour  le  règne  de  Jacme  I*'  2300  actes  sur  parchemin 
»  et  36  registres  sur  papier  »  (II,  ix).  On  ne  saurait  demander  à  un  histo- 
rien le  dépouillement  d'une  aussi  grande  masse  de  documents  et  il  faut 
au  contraire  savoir  gré  à  M.  de  T.  d'en  avoir  tiré  de  nombreuses  indications 
et  un  certain  nombre  de  pièces  qui,  publiées  à  l'appendice  de  chacun  des 
deux  volumes,  en  rehaussent  singulièrement  le  prix.  Citons  à  la  fin  du  t.  I  : 
V  (p.  446),  le  traité  de  paix  entre  Jacme  et  son  grand-oncle  Sanche  (1 2 1 8)  ;  à  la 
fin  du  t.  II  :  I  (p.  547,  cf.  p.  48),  la  donation  du  comtat  Venaissin  faite  à  Cécile 
de  Baux  par  Raimon  VII  (1241),  acte  accompli  par  le  comte  de  Toulouse  pré- 
cisément au  temps  où  il  s'efforçait  de  se  réconcilier  avec  le  roi  de  France;  II  et 
III,  les  traités  d'alliance  passés  entre  Jacme  et  Raimon  VII  ;  IX,  le  testament 
d'Yolande  de  Hongrie,  reine  d'Aragon;  XV,  une  lettre  du  roi  Jacme  à  Charles 
d'Anjou,  au  sujet  de  poursuites  exercées  par  ce  dernier  contre  certains  Marseillais 
réfugiés  à  Montpellier.  On  y  lit  cette  phrase  caractéristique  :  «  Satis  etenim  de- 
»  beatis  esse  pacati  a  nobis  de  comitatu  Provincie  quem  nos  habere  potuimus 
»  eo  quod  fuerat  de  génère  nostro,  et  propter  amorem  et  propinquitatem  quos 
»  cum  illustri  rege  Francie,  fratre  vestro,  et  vobiscum  habemus,  ipsum  recipere 
»  noluimus.  »  Entre  ces  pièces  et  d'autres  encore  qui  apparaissent  pour  la  pre- 
mière fois  à  la  lumière,  M.  de  T.  en  a  inséré  quelques-unes  déjà  publiées, 
mais  peu  accessibles  en  France,  étant  tirées  de  la  Colleccion  de  dociimentos  inedltoi 
del  Archiva  gênerai  de  la  Corona  de  Aragon.  Plusieurs  des  pièces  publiées  offrent 
des  lacunes  remplies  par  des  points,  d'où  il  paraît  résulter  que  les  originaux  sont 
en  mauvais  état. 

M.  de  T.  a  cru  bien  faire  en  n'introduisant  aucun  signe  de  ponctuation  dans 
les  chartes  qu'il  a  publiées  d'après  les  originaux,  système  qui  sert  peu  à  l'éclair- 
cissement des  textes  et  ne  permet  même  pas  de  voir  s'ils  ont  été  compris  par 
l'éditeur.  Il  s'en  est  départi  lui-même  pour  les  pièces  qu'il  a  publiées  (t.  II, 
pièces  II  et  III)  d'après  des  copies  de  Peiresc,  à  la  bibliothèque  de  Carpentras. 
J'insisterai  d'autant  moins  sur  ce  point,  que  dans  une  publication  plus  récente  ' 
M.  de  T.  s'est  conformé  à  l'usage  suivi  par  les  éditeurs  les  plus  approuvés. 

Dans  l'appendice  du  premier  volume,  M.  de  T.  a  dressé  une  série 
de  tableaux  généalogiques  d'où  il  résulte  que  toutes  les  familles  régnantes  de 
l'Europe  descendent  plus  ou  moins  directement  de  Jacme  F^;  travail  qui  occupe 
j  5  pages,  et  dont  l'intérêt  ne  compense  pas  suffisamment  l'étendue.  Sous  le  titre  de 
Complément  le  second  vol.  contient  (p.  61 3-678)  une  «  nomenclature  et  armoriai 

1.  La  Procédure  symbolique  en  Aragon.  Montpellier,  Gras,  1868. 


7^  REVUE   CRITIQUE 

»  des  familles  et  des  personnes  les  plus  connues  des  États  de  Jacme  I".  « 
Comme  index  des  noms  de  personnes  qui  figurent  dans  les  deux  volumes ,  celte 
table  est  fort  utile,  on  peut  même  approuver  M.  de  T.  d'y  avoir  fait  entrer  les 
noms  de  tous  les  personnages  marquants  (ou  qui  lui  ont  paru  tels)  qui  figurent 
dans  les  sources  originales  de  l'histoire  de  Jacme  (sources  énumérées  p.  614-5). 
Mais  il  était  fort  inutile  de  joindre  au  nom  de  chaque  individu  un  blason  :  car, 
outre  le  danger  de  confusions  sans  nombre  que  M.  de  T.  lui-même  reconnaît  être 
inévitables  en  un  travail  de  ce  genre,  il  ne  faut  pas  perdre  de  vue  que  les  armo- 
riaux  d'où  M.  de  T.  a  tiré  ses  blasons  sont  des  œuvres  plus  ou  moins  modernes 
dont  les  assertions,  en  ce  qui  concerne  des  blasons  du  xiii^  siècle,  sont  néces- 
sairement très-suspectes. 

Quelques  mots  maintenant  sur  les  idées  qui  régnent  dans  l'ouvrage.  M.  de  T. 
est  méridional  et  participe,  bien  qu'avec  modération,  aux  sentiments  qui  dans  le 
Midi  vont  gagnant  chaque  jour  du  terrain,  et  qui  se  résument  ordinairement  en 
ce  mot  :  décentralisation.  Il  est  donc  placé  au  meilleur  point  de  vue  pour  appré- 
cier des  événements  qui  se  produisent  dans  un  milieu  entièrement  différent  du 
nôtre,  et  "n'est  point  préoccupé,  comme  la  plupart  des  historiens  de  notre  temps 
par  des  idées  de  nationalité  et  d'unité  qui  n'ont  rien  à  faire  avec  le  moyen-âge. 
Son  opinion  sur  la  formation  des  nationalités  me  semble  résumer  très-heureuse- 
ment ce  qu'on  a  jamais  dit  de  plus  sensé  sur  un  sujet  qui  a  été  et  est  encore 
maintenant  le  prétexte  de  taqt  de  divagations  : 

Que,  par  suite  d'événements  quelconques,  des  populations  de  race  identique  se  trouvent 
placées  dans  des  milieux  différents,  il  en  résultera  avec  le  temps  des  races  distinctes  ;  que 
des  races  différentes,  au  contraire,  soient  soumises  à  l'action  suffisamment  prolongée  d  un 
même  milieu,  elles  arriveront  à  se  fondre  et  à  constituer  ainsi  une  nouvelle  race  homogène, 
parfaitement  distincte  de  chacune  de  celles  qui  lui  ont  donné  naissance.  Dans  ces  divers 
cas,  il  naîtra  avec  chaque  race  une  tradition  historique  particulière,  et,  par  conséquent, 
une  nouvelle  nationalité.  (I,  3.) 

Et  là  est  la  vérité  :  les  événements  et  le  laps  du  temps  forment  la  nationalité ,  la 
race  est  tout  au  plus  un  adjuvant,  la  langue  n'est  que  le  signe  extérieur. 

En  résumé,  le  livre  dont  nous  venons  de  rendre  compte  porte  la  marque  d'un 
esprit  juste  et  réfléchi.  Le  progrès  y  est  sensible  du  premier  au  second  volume, 
et  les  défauts  qui  s'y  trouvent  sont  de  ceux  que  la  pratique  de  la  méthode  histo- 
rique fait  aisément  disparaître. 

n. 


149.  —  Die  florentinische  Geschichte  der  Malespini  und  deren  Benutzung 
durch  Dante,  von  D'  Arnold  Busson,  etc.  Innsbruck,  Wagner,  1869.  In-8*,  89  p. 
—  Prix  :  2  fr.  20. 

VIstoria  fiorentma  des  deux  Malespini,  qui  nous  raconte  l'histoire  de  la  capi- 
tale actuelle  de  l'Italie  depuis  ses  origines  jusqu'en  1286,  est  la  plus  ancienne 
chronique  écrite  en  langue  vulgaire  ' .  Elle  est  peu  connue  cependant,  parce  que 
G.  Villani  l'a  fait  passer  presque  toute  entière  dans  ses  Historié  florentine  et  l'ou- 

I .  Les  Éphèmérides  de  Matteo  di  Giovenazzo  (Matthaeus  Spinelli)  prétendent  à  un  âge 
plus  reculé  ;  mais  on  sait  que  M.  Bernhardi  a  démontré  dernièrement  qu'elles  étaient 
l'œuvre  d'un  faussaire  du  XVI'  siècle  (voy.  Rev.  crit.,  août  1868). 


d'histoire  et  de  littérature.  77 

vrage  plus  remarquable  de  ce  célèbre  écrivain  a  fait  oublier  celui  de  ses  prédé- 
cesseurs. M.  Busson,  privat-docent  k  VUnïversilé  d'Innsbruck,  a  essayé  d'élucider 
dans  le  présent  opuscule  les  différentes  questions  d'histoire  et  de  littérature  qui 
se  rattachent  à  ce  plus  ancien  document  de  l'historiographie  italienne.  Il  nous 
entretient  d'abord  des  divers  manuscrits  de  Vistoria,  dont  le  plus  ancien  ne 
remonte  qu'à  l'année  1 370,  puis  des  cinq  éditions  faites  de  l'ouvrage  depuis 
Veditio  princeps  de  1568.  La  meilleure  de  toutes  (parmi  lesquelles  celle  de 
Muratori  ne  brille  point  par  ses  mérites)  est  celle  de  FoUini,  publiée  à  Florence 
en  181 6.  Le  second  chapitre  est  consacré  aux  auteurs  mêmes  de  la  chronique, 
Ricordano  Malespini  et  Giachetto  Giovanni  Malespini,  continuateur  et  parent  du 
premier.  M,  B.  ne  nous  donne  sur  ces  deux  personnages  que  des  renseignements 
biographiques  assez  vagues;  les  assertions  plus  précises  de  Follini  lui  paraissent 
ou  complètement  fausses  ou  du  moins  sujettes  à  caution.  Il  est  un  peu  plus  affir- 
matif  au  sujet  de  l'époque  à  laquelle  leur  ouvrage  fut  écrit.  Il  fait  ressortir,  par* 
une  minutieuse  comparaison  des  textes,  la  dépendance  fréquente  de  la  chronique 
des  Malespini  de  celle  de  Martin  de  Troppau  {Martinus  Polonus).  Vistoria  ne 
fut  donc  pas  commencée  avant  1278.  Mais  M.  B.  pense  que  pour  différents 
motifs  il  faut  fixer  une  date  encore  plus  récente  à  la  composition  de  l'ouvrage. 
Il  croit  pouvoir  affirmer  que  la  première  partie,  due  à  la  plume  de  Ricordano, 
fut  rédigée  entre  1293  et  1299  et  que  la  continuation  de  Giachetto  fut  terminée 
entre  1302  et  1 309.  Ce  qui  ressort  avec  évidence  de  l'examen  du  livre,  c'est 
qu'il  n'a  point  été  composé  originairement  à  la  façon  d'Annales ,  mais  rédigé 
d'un  trait,  longtemps  après  les  évéments  sur  des  documents  écrits  et  d'après  les 
souvenirs  personnels  de  l'auteur.  Parmi  ces  documents  utilisés  par  les  Malespini, 
nous  trouvons  surtout,  «  une  vieille  chronique  latine,  »  inconnue,  fréquemment 
mentionnée  dans  le  cours  du  récit,  la  chronique  de  Martin  de  Troppau  et  des 
Annales  de  Florence,  aujourd'hui  perdues,  que  M.  B.  essaye  de  reconstituer  avec 
le  texte  des  Malespini,  M.  Wùstenfeld,  de  Gœttingue,  l'un  des  plus  érudits 
connaisseurs  de  l'histoire  italienne  au  moyen-âge,  consulté  par  l'auteur  sur  leur 
mérite,  les  considère  comme  un  document  d'une  grande  valeur.  Dans  le  chapitre 
suivant  M.  B.  met  en  parallèle  Vistoria  des  Malespini  et  la  Cron/ca  universale^  de 
Giovanni  Villani  (-J-  1348).  Il  défend  avec  raison  celui  qu'on  a  surnommé 
l'Hérodote  italien,  contre  l'accusation  de  plagiat,  vu  que  la  notion  de  la  propriété 
littéraire  était  parfaitement  inconnue  au  moyen-âge.  Villani  n'a  point  agi  autre- 
ment â  l'égard  des  Malespini,  que  ceux-ci  ne  l'ont  fait  vis-à-vis  de  Martin  de 
Troppau,  et  que  ce  dernier  à  son  tour  vis-à-vis  de  cent  autres  prédécesseurs.  Il 
faut  mentionner  cependant  un  résultat  assez  bizarre  de  cette  transcription 
presque  complète  de  Vistoria  par  Villani.  Des  critiques  trop  sagaces  ont  cru 
découvrir  dans  l'ouvrage  des  Malespini  le  travail  d'un  faussaire,  tiré  de  la 
Chronique  de  Villani  lui-même,  et  ont  essayé  de  révoquer  en  doute  l'existence  de 

I .  L'ouvrage  de  Villani  est  cité  tantôt  sous  le  nom  de  Cronica  unmrsak,  tantôt  sous 
celui  de  Historié  fiorentine.  Voy.  Potthast,  p.  562. 


yS  REVUE  CRITIQUE 

ces  prédécesseurs  :  erreur  que  les  démonstrations  lumineuses  de  M,  B.  auront 
sans  doute  écartée  pour  jamais.  Le  dernier  chapitre  est  consacré  par  l'auteur  à 
la  démonstration  de  Pidentité  de  nombreux  passages  de  la  chronique  des 
Malespini  avec  des  passages  de  la  Divina  Commedia  du  grand  poète,  leur  com- 
patriote. Les  nombreux  Dantophiles  qui  en  Italie  ainsi  qu'en  Allemagne  et  même 
en  France,  essayent  de  commenter  et  de  tirer  au  clair  tous  les  recoins  de  son 
poème,  remercieront  M.  B.  du  soin  qu'il  a  mis  à  prouver  par  de  nombreux 
exemples  que  Dante  a  souvent  puisé  le  récit  des  faits  dont  il  parle  et  même  les 
erreurs  historiques  qu'il  commet,  dans  la  chronique  qui  nous  occupe.  Le  travail 
de  M.  Busson  n'est  point  destiné,  par  la  nature  même  du  sujet  qu'il  traite,  à  de 
nombreux  lecteurs  ;  il  mérite  d'autant  plus  d'être  signalé  à  tous  ceux  qui  s'occu- 
pent de  l'histoire  et  de  la  littérature  italienne  au  moyen-âge,  comme  un  guide 
sûr  dans  l'étude  des  commencements  de  cette  historiographie  florentine  qui 
devait  fournir  tant  de  beaux  noms  à  littérature  italienne. 

Rod.  Reuss. 


150,  —  Trésor  des  livres  rares  et  précieux,  ou  Nouveau  dictionnaire  biblio- 
graphique contenant  plus  de  cent  mille  articles  de  livres  rares,  curieux  et  recherchés, 
par  J.  G.  Théod.  Graesse,  conseiller  aulique,  bibliothécaire  du  feu  roi  Frédéric 
Auguste  II.  Supplément,  seconde  et  dernière  partie.  Dresde,  R.  Kuntze.  in-4'. 

Cette  continuation  de  la  vaste  publication  entreprise  par  un  laborieux  biblio- 
graphe s'arrête  à  la  page  500  ;  elle  termine  le  complément  du  Trésor  dont  la 
première  livraison  a  vu  le  jour  en  1858;  nous  avons  déjà  rendu  compte  de 
quelques  portions  de  cet  important  répertoire  ' .  A  certains  égards  l'auteur 
s'est  proposé  de  suppléer  parfois  au  silence  du  Manuel  du  Libraire,  ce  qui  n'était 
pas  difficile  au  point  de  vue  de  la  littérature  étrangère.  Il  a  donc  signalé 
un  grand  nombre  d'ouvrages  allemands  ou  anglais  que  M.  J.  Ch.  Brunet  avait 
d'ailleurs  systématiquement  écartés  du  cadre  qu'il  s'était  tracé  ;  il  a  enregistré 
des  livres  italiens  ou  espagnols,  en  consultant  pour  ces  derniers  les  travaux 
spéciaux  de  Gallardo  et  d'Hidalgo  ;  c'est  ainsi  qu'il  a  pu  ajouter  sept  Diez  aux 
écrivains  espagnols  portant  ce  nom  et  mentionnés  au  Manuel.  En  feuilletant 
divers  travaux  de  bibliographie,  divers  catalogues  de  libraires  (notamment  ceux 
de  M.  E.  Tross  de  Paris),  riches  en  ouvrages  rares  et  anciens,  il  se  trouve  en 
position  de  signaler  des  éditions  d'ouvrages  latins  ou  français  restées  inconnues 
aux  bibliographes  généraux.  Nous  allons  en  citer  quelques  unes  ;  Guevrot  : 
Sommaire  très-singulier  de  toute  médecine,  Troyes,  Jehan  Lecoq(vers  1 5  20)  petit  8°; 
La  Vérité  cachée  pendant  cent  ans,  faicte  et  composée  à  six  personnages  (sans  lieu, 
mais  à  Neufchâtel)  1 544,  très-petit  in-8°  39  fts  ;  le  Manuel  ne  cite  que  deux 
éditions,  l'une  sans  date,  l'autre  de  1 539  ;  un  exempl.  de  l'édition  1544  s'est 
montré  (ce  que  M.  G,  aurait  pu  ajouter) dans  une  vente  faite  à  Paris  en  novem- 
bre 1867,  où  il  fut  payé  86j  fr.;  on  attribue  cette  moralité  à  Farel. 

1.  Rev.  crit.  1868,  art.  64. 


d'histoire  et  de  littérature.  79 

Libellus  ad  omnes  de  tempore  et  Sanctis  :  circuitus  et  processionnes  ecclesias- 
ticas,  etc.,  Lipsise,  M.  Lotherus,  1522,  in-8°_,  volume  rarissime  resté  inconnu  à 
tous  les  bibliographes  et  qui  a  échappé  à  M.  Schmid  dans  son  histoire  de  la  nota- 
tion musicale.  Il  renferme  sur  2^0  feuillets  des  hymni,  responsaria,  etc.  avec  leur 
musique  notée,  imprimée  avec  des  caractères  mobiles.  —  Mirabilia  urbis  Rom£ 
(sine  nota,  Romae,  circa  1485)  ;  édition  inconnue  ayant  cinq  gravures  sur  bois 
au  simple  trait  ;  au  folio  34  on  trouve  l'histoire  de  la  papesse  Jeanne.  Ogier  le 
Danois,  Paris,  veut've  Jehan  Trepperel  et  Jehan  Jehannot(sans  date,  vers  1 520), 
in-4°,  édit.  restée  inconnue,  mise  à  450  fr.  sur  un  catalogue  de  M.  Tross-Postel, 
Les  très  merveilleuses  victoires  des  femmes  du  nouveau  monde,  Paris,  Jehan  Gueril- 
lart,  à  l'enseigne  du  Phœnix,  1553,  in-i6,  jôfts.,  édition  non  citée,  probable- 
ment la  première  de  ce  livret  singulier.  —  Les  Quatre  fils  Aymon,  quatre  éditions 
restées  inconnues  à  l'auteur  du  Manuel  sont  signalées  d'après  des  catalogues  de 
M.  Tross  ;  elles  ont  été  publiées  à  Lyon,  par  Claude  Nourry,  1 506,  in-4'*;  à 
Lyon  par  Claude  Nourry  et  Pierre  de  Vingle,  1 526  petit  in-folio  ;  à  Paris,  par 
J.  Bonfons,  s.d.  in-4°;  à  Lyon  chez  F.  Didier,  1 577,  in-8°.  —  Régime  contre  la 
pestilence  faict  et  composé  par  les  médecins  de  la  très-renommée  cité  de  Basle,  Lyon, 
Claude  Nourry  (vers  1 5  30,  in-4°,  4  fts.);  inconnu  aux  bibliographes  français. — 
Roman  du  preux  cheualier  Artus  de  Bretaigne,  Paris,  à  l'enseigne  de  l'Escu  de 
France  (vers  1 540),  petit  in-4^  à  2  colonnes  ;  sign.  a-zr  et  A-M.;  édition  indi- 
quée pour  la  première  fois  sur  un  catalogue  de  M.  Tross  où  elle  est  mise  à 
700  fr.;  —  La  Sauce  au  verjus,  Strasbourg,  1746,  petit  in-S",  80  fts.,  le  Manuel 
ne  cite  de  ce  pamphlet  politique  que  deux  éditions  de  1674  et  1675  ;  la  date  de 
1746  indiquée  dans  le  Trésor  n'est  probablement  pas  la  véritable,  car  en  1746, 
ces  démêlés  étaient  tombés  "dans  l'oubli  le  plus  complet  —  Vegius  Maphaeus, 
Philaletes,  seu  de  amore  veritatis  (sine  nota),  petit  in-4°,  14  fts.  ;  livret  qui  parait 
avoir  été  exécuté  en  Italie  vers  1468  ;  on  y  trouve  une  gravure  en  bois  qui  res- 
semble beaucoup  à  celles  que  présentent  les  Meditationes  de  Tnrrecremata,  1467. 
—  Indépendamment  de  ces  vieux  livres  très-rares,  M.  G.  indique  des  ouvrages 
d'un  tout  autre  genre  publiés  récemment  et  d'un  grand  prix,  tels  que  l'Ornitho- 
logie brésilienne  de  M.  Descourtils  où  les  oiseaux  sont  figurés  de  grandeur  natu- 
relle, le  Sinaï  de  M.  Forster,  les  Manuscrits  anglo-saxons  et  irlandais,  fac-similé 
de  miniatures  et  ornements  du  vii«  au  ixe  siècle,  Londres,  1867-68,  gr.  in-folio, 
publication  magnifique,  laissant  bien  loin  derrière  elle  tout  ce  qu'on  a  vu  paraître 
dans  le  même  genre  (sauf  l'ouvrage  entrepris  par  M.  A.  de  Bastard  et  qui  n'a 
pas  été  achevé).  —  Il  serait  facile  de  signaler  des  livres  fort  rares  que  M.  G. 
n'a  point  inscrits  dans  son  supplément  ;  il  est  impossible  d'être  complet  en  ce 
genre  ;  chaque  jour  presque  amène  un  fait  nouveau,  une  circonstance  encore 
inconnue  ;  nous  nous  bornerons  à  joindre  à  divers  ouvrages  dont  il  parle  quel- 
ques indications  fort  rapides.  Le  Livre  de  la  chasse  du  grand  féneschal  de  Norman- 
die eut,  ce  nous  semble,  été  mieux  à  sa  place  au  mot  Livre,  comme  l'a  placé  le 
Manuel  qu'à  celui  de  chasse;  l'exempl.  de  M.  le  baron  Jérôme  Pichon,  peut-être 
unique  et  qui  n'avait  pas  dépassé  $  fr.  à  la  vente  La  Vallière  en  1783,  vient 


8o  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

d'être  adjugé  à  2005  fr.  A  l'article  des  Songes  drolatiques  attribués  à  Rabelais, 
nous  trouvons  la  mention  de  la  réimpression  donnée  récemment  à  Genève  par 
l'éditeur  Jules  Gay  avec  une  préface  de  M.  Paul  Lacroix  ;  il  n'est  pas  fait  men- 
tion de  celle  qui  a  été  publiée  presque  simultanément  à  Paris  et  qui  est  d'une 
exécution  remarquablement  soignée.  A  propos  des  écrits  d'Andréa  de  Nerciat 
on  peut  observer  qu'indépendamment  de  la  réimpression  exécutée  sous  la  rubri- 
que supposée  de  Bâle,  il  en  a  été  fait  une  autre,  également  en  1864,  toutes 
deux  tirées  à  petit  nombre.  Il  a  été  également  donné  des  réimpressions  des  deux 
autres  ouvrages  de  Nerciat  signalés  par  M.  G.  Lolotte  et  le  Doctorat;  on  avait 
parié  de  la  publication  delà  correspondance  de  ce  personnage  singulier,  mais  on 
prétend  qu'elle  a  été  égarée.  L'ouvrage  de  Mililot  (voir  au  mot  Ecole')  a  obtenu 
quelques  éditions  anciennes  et  une  réimpression  moderne  que  M.  G.  paraît  ne 
pas  avoir  connues  Le  livre  publié  sous  le  pseudonyme  de  Pierre  Dufour  pourrait 
provoquer  de  longs  détails  ;  on  les  trouvera  d'ailleurs  à  l'article  consacré  à  cet 
écrivain  dans  la  seconde  édition  des  Supercheries  littéraires  de  Quérard,  publiée 
par  MM.  G.  Brunet  et  P.  Jannet.  Ne  donnons  pas  plus  d'étendue  à  ces  obser- 
vations qui  pourraient  sembler  trop  minutieuses.  Nous  avons  déjà  eu  l'occasion 
de  dire  que  M.  G.,  bien  qu'écrivant  habituellement  le  français  avec  correction, 
ne  se  préserve  pas  toujours  de  quelques  germanismes  qui  surprennent  un  peu  le 
lecteur  ;  parfois  il  lui  arrive  d'employer  des  mots  qui  sans  doute  ne  rendent 
point  exactement  sa  pensée.  Pourquoi  le  roman  de  J.  Hedelin  :  Macarise,  reine 
des  îles  fortunées  (Paris,  J.  Du  Breuil,  1664,  2  vol.)  reçoit-il  l'épithète  d'odieux, 
qualification  également  donnée  au  Labyrinthe  of  Libertie  d'Austen  Saker,  London, 
1 580?  C'est  par  suite  d'une  méprise  fâcheuse  que  la  compilation  de  Sallentin  : 
V Improvisateur  français  (Paris,  1 804-1 806,  21  vol.)  est  qualifiée  d'ouvrage  ero- 
tique et  obscène,  épithète  qu'elle  ne  mérite  nullement.  Il  est  arrivé  à  M.  G,  ce 
que  nul  auteur  d'une  bibliographie  générale  ne  saurait  éviter  :  parler  quelquefois 
de  livres  qu'on  n'a  pas  vus  et  s'exposer  ainsi  à  se  tromper  un  peu  sur  leur  compte; 
mais,  malgré  ces  tâches  légères,  le  Trésor  des  livres  rares  et  précieux  demeure  un 
ouvrage  très-utile,  que  toutes  les  personnes  s'occupant  de  livres  par  goût  ou 
par  état,  consulteront  très-souvent  avec  profit.  Nous  craignons  d'ailleurs  qu'il  ne 
soit  jamais  bien  répandu  en  France  ;  son  prix  fort  élevé  effrayera  les  acheteurs, 
surtout  ceux  qui  auront  déjà  fait  l'acquisition  du  Manuel  de  M.  J.  Ch.  Brunet, 
travail  dont  le  mérite  est  reconnu,  mais  qui  à  mesure  qu'il  vieillira,  perdra  de  son 
utilité  et  réclamera  un  supplément  dont  la  rédaction  ne  sera  point  une  œuvre 

exempte  de  graves  difficultés . 

B. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


tendances  aux  Effemeridi  scientifichee  Utterarie  per  la  Sicilia  qui  parurent  de  1830 
à  1840.] 

Di  Giovanni,  La  Filosofia  positiva  e  la  induzione  (p.  1-14).  —  Cavallari,  Belle 
Arti  e  Civiltà  (p.  1 5-24),  —  Tommaseo,  Dei  Canti  popolari  e  dello  studio  critico 
sui  canti  popolari  Siciliani  di  Giuseppe  Pitre  (p.  2  5-27  ;  nous  parlerons  prochaine- 
ment de  l'intéressant  ouvrage  de  M.  Pitre  qui  a  motivé  cette  lettre  du  célèbre 
écrivain).  —  Di  Maeizo,  Di  vari  Scultori  del  secolo  XVI  in  Palermo  (p.  28-32). — 
Poésies  (p.  33-38). — Comptes-rendus.  Celesia,  La  Teogonia  dell'  antica  Liguria 
(Pitre);  Vannucci,  Proverbi  latini  illustrati  (Salomone-Marino),  etc. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 

magasin. 


Albanese  (F.;.  Nuovi  studi  sulla  filosofia 
délia  Storia.  Proiegomeni.  In-8',  90  p. 
Venezia  (tip.  del  Commercio)      1  fr.  75 

Belli.  Sonetti  satirici  in  dialetto  Romanesco 
ridotti  alla  miglior  lezione  da  Luigi  Mo- 
randi,  con  un  discorso  dello  stesso  interne 
alla  salira  a  Roma,  ai  sonetti,  e  alla  Vita 
dell  Belli.  In-8*,  90  p.  Spoleto.  i  fr.  j  j 

Barzellotti.  Dell'  anime  di  Michelangelo 
Buonarroti  in  relazione  ail'  ingegno  di 
lui,  alla  Storia  délie  Artiedisuoi  tempi. 
In- 12,  32  p.  Florence  (Loescher).  i  f .  1 5 

Corpus   jnris    civilis.    Edition   ster. 

Fasc.  II.  Digestorumlib.  X-XXIV  recogn. 

T.  Mommsen.  In-4*,  p.   137-320  Berlin 

(Weidmann).  2  fr. 

Les  livraisons  I-II.  4  fr.  45 

Dean.  TheHistory  ofCivilisation.  In  7  vols. 
Vol.  I  et  2.  In-8*  (Albany).  London. 
Chaque  volume.  22  fr.  50 

Ebonis  vita  Ottonis  episcopi  Bambergensis 
éd.  Ph.  Jaffé.  Editio  in  scholarum  usum 
repetita  e  bibliotheca  rerum  Germani- 
carum.  In-8*,  120  p.  Berlin  (Weidmann). 

2fr. 

Grsesse  (J.-G.-T.).  Trésor  des  livres  rjres 
et  précieux  ou  nouveau  dictionnaire  biblio- 
graphique. Supplément  2*  et  dernière  par- 
tie (Tome  VII.  Livr.  41).  In-4*,  iv-i6q- 
500  p.  Dresde  (Kuntze).  40  fr. 

Complet.  376  fr. 

Herbordi  dialogus  de  Ottoni  episcopo 
Bambergensi  edid.  Ph.  Jaffé.  Editio  in 
scholarum  usum  repetita  ex  bibliotheca 


rerum  Germanicarum. 
lin  (Weidmann). 


In-8- 


147  p.  Ber- 
2  fr.  75 


Holtzmann  (H.).  Denckmaeler  der  Reli- 
gionsgeschichte  auf  dem  Gebiete  der  ita- 
lienischen  Kunst.  Drei  Vortrasge.  In-8*, 
100  p.  Elberfeld  (Friderichs).  2  fr. 

Kranss  (J.).  M.  Tullii  Ciceronis  epistu- 
larum  emendaliones.  In-8',  44  p.  Leipzig 
(Teubner).  •  fr-  3  S 

Mémoires  de  l'Académie  impériale  des 
sciences  de  St-Pétersbourg.  VII'  série. 
Tome  XIII.  N*  4.  In-4*,  268  p.  Saint- 
Pétersbourg  (Leipzig,  Voss). 

Mûller  (J.  G.).  Erkiaerung  d.  Barnabas- 
briefes.  Ein  Anh.  zu  de  Wette's  exeget. 
Handbuch  zum  neuen  Testament.  In-8'. 
Leipziz  (Hirzel).  8  fr, 

Steinschneider(M.).  Al-Farabi  (Alpha- 
rabius)  d.  arabischen  Philosophen  Leben 
u.  Schriften,  mit  besond.  Rûcksicht  auf 
die  Geschichte  der  griech.  Wissenschaft 
unter  den  Arabern.  Nebst  Anhaengen  : 
Joh.  Philoponus  bei  den  Arabern.  Dars- 
tellg.  der  Philosophie  Plato's;  Leben  u. 
Testament  d.  Aristoteles  v.  Ptolemaeus. 
Grœsstentheils  nach  handschrifti.  C^el- 
len  (Aus  den  «  Mémoires  de  l'Acad.  imp. 
des  sciences  de  St-Pétersbourg  »).  In-4*, 
268  p.  St-Pétersbourg  (Leipzig,  Voss). 

9  fr.  3  5 

"Walther's  von  der  Vogelweide  Gedichte 
ùbersetzt.  von  Karl  Simrock.  4.  verm. 
neugeordn.  Aufl.  360  p.  Leipzig  (Hir- 
zel). 6  fr.  75 


NICOLAS  DE  T  ROY  ES  gonades  nouvelles 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in- 16,  papier  vergé,  cartonné.  5  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

F"P\  T  t?  T     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  T"  partie. 
•       i-J  1  IL  Z-<         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes.  *. 

En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

ET-)  T-i  TV  T   k   -v  T      Saint  Paul  (Livre  IIP  de  l'histoire  des  origines 
•      IV  IL  IN  JrL  IN      du  christianisme),  i  vol.  in-S",  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  7  fr.  50 

En  vente  à  la  librairie  A.  Durand  et  Pédone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 

çi  x^  Q  T  T-v  r-Tj  y^  D  T  T  1\  /F  ^^  musica  medii  sévi  novam  seriem  a 
O  v_-«  Iv  1  1  1  V_/  Iv  LJ  iVl  Gerbertina  alteram  coUegit  nuncque 
primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

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J.  CRÉTINEAU  JOLY    coZ2' â: 

1 80 1  et  le  cardinal  Consalvi ,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-S".  7  fr-  5° 

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w  y  |— ,  Y  Y  ^->.  y-x  /^  o  T  Colometriae  Aristophanae  quantum  superest 
11  i_j  jL<  1  \J  LJ  v_y  Iv  1  una  cum  reliquis  scholiis  in  Aristophanem 
metricis  edidit  C.  Thiemann.  In-8°.  3  fr.  40 

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r^  W/"/^!  T/' 1\ /T  A  1\.T  NT  Synesius  von  Cyrene.  Eine 
U  .  W  U  L.  K.  M  A  IN  IN  biograph.  Charakteristik  aus 
den  letzten  Zeiten  d.  untergehenden  Hellenismus.  In-8°.  7  fr.  40 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  32  Quatrième  année  7  Août  1869 

REVUE  CRITIQl -: 

D'HISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE   RICHELIEU,    67 

ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

ï      A      O  D  r^  D  I_J  T7  /^  T  17     '^^  ^^^  Charles  VIII  par  maistre 

LA     1     rvw  F  il  lLLI  Ci     Guilloche    Bourdelois,    publiée 

pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 

par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-8^.  7  fr-  50 


AA  yT  A  D  1  17  T"  ""P  T"'     ^"^  ^^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
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j  planches.  3  fr. 

HARTWIG      DERENBOURG 

Essai  sur  les  formes  des  pluriels  arabes.  In-8°.  3  fr. 


HT  T  r  T-«  y  j       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
•      VV   IL  1  L-j    paréesaux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  3*  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


Ar^  \  Q  nn  a  PvT      ^^  Capitole  de  Vesontio  et  les  Capitules  pro- 
^^      •      v_-<r\0   1r\iN      vinciaux  du  monde  romain.  In-82  avec  3  pi. 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N°  28.  3  juillet. 

Théologie.  Richter,  Das  christUche  Claubensbekenntniss,  Berlin,  Lobeck;  ou- 
vrage de  polémique  (libéral)  dans  la  guerre  engagée  entre  le  protestantisme  or- 
thodoxe et  le  protestantisme  indépendant.  —  Von  Hofmann,  Der  Brief  Pauli  an 
die  Rœmer,  Nœrdlingen,  Berk;  ^^  partie  d'un  commentaire  étendu  sur  le  Nouveau 
Testament.  —  Philosophie.  Kœstlin,  /Esthetik,  Tùbingen,  Laupp;  conclusion 
d'un  ouvrage  considérable.  —  Brunus,  De  Umbris  ideanim,  éd.  Tugini;  cf. 
Rev.  criî.,  1869,  art.  47.  —  Histoire.  Mùcke,  Flavius  Claudius  Julianus,  Gotha, 
Perthes;  ouvrage  consciencieux.  —  Sch^efer,  Die  Hansa  und  die  norddeutsche 
Marine,  Bonn,  Marcus.  —  Reimann,  Geschichîe  des  bairischen  Erbfolgekrieges, 
Leipzig,  Duncker.  —  Von  Vivenot,  Thugut,  Clerfayt  und  Wurmser,  1794- 
1797,  Wien,  Braumùller;  d'après  des  documents  tirés  des  archives  de  Vienne. 
—  Authentischer  Bericht  von  dem  an  der  franzœsischen  Friedensgesandschaft  veriibten 
Menchelmord,  Carlsruhe,  Bielefeld;  reproduction  de  documents  officiels,  publiés 
en  1799,  sur  l'assassinat  des  plénipotentiaires  français  à  Rastadt.  —  Jurispru- 
dence. KuNTZE,  Cursus  des  rœmischen  Reichs,  t.  I,  Leipzig,  Hinrichs;  livre  im- 
portant. —  VoLCKMANN,  Das  atteste  geschriebehe  folnische  Rechtsdenkmal,  Stettin, 
Saunier.  —  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Buhler,  Apastambîyadharmasûtram, 
Aphorisme  on  the  sacred  law  ofthe  Hindus,  by  Apastamba.  Part  I,  Bombay  ;  London, 
Trùbner;  cette  publication,  dit  M.  Weber,  est  une  des  plus  importantes  qui  aient 
été  faites  dans  le  domaine  de  l'ancienne  littérature  sanscrite.  —  Jacobi,  Episcopi 

Edesseni,  episîola  ad  Georgium  episcopum  Sarugensum  de  orthografia  syriaca 

edidit,  latine  vertit  notisque  instruxit  J.  P.  Martin,  Paris,  Klincksieck ;  article 
très-favorable  de  M.  Nœldeke.  —  Diodori,  Bibliotheca  historica,  ex  rec.  Din- 
DORFii,  Leipzig,  Teubner.  —  D'Ancona,  La  Leggenda  di  Vergogna;  voy.  Rev. 
crit.,  1869,  art.  123. 

N"  29.  10  juillet. 

Théologie.  Opzoomer,  Die  Religion,  aus  d.  hollsendischen  ùbersetz  von  D'  Fr. 
MooK,  Elberfeld,  Friderichs.  Rœnsch,  Itala  und  Vulgata,  Marburg  und  Leipzig, 
Elwert;  travail  approfondi  sur  les  versions  de  la  Bible  qui  ont  précédé  la  Vulgate 
et  qu'on  désigne  ordinairement  sous  le  nom  commun  d' itala.  Nous  reviendrons 
sur  ce  sujet,  qui  offre  presque  autant  d'intérêt  pour  la  philologie  que  pour  la 
théologie,  à  propos  de  la  publication  récente  d'un  fragment  considérable  d'une 
de  ces  anciennes  versions.  —  Histoire.  J^ger,  Darstellungen  aus  d.  rœmischen 
Geschichte,  Halle,  Buchhg.  d.  Waisenhauses;  bon  ouvrage  de  vulgarisation. 
Le  Drame  de  Waterloo.  Grande  restitution  historique,  rectifications,  justifications,  etc. 
sur  la  campagne  de  iSi^,  par  l'auteur  de  la  Grande  Epopée  de  l'an  II,  Paris,  1868; 
article  qui  nous  renseigne  mal  sur  la  valeur  d'un  livre  dont  le  titre  au  moins  est 
bizarre. — Géographie.  Bholanauth  Chaunder,  The  travels  of  a  Hindoo  ta 
varions  parts  of  Bengal  and  Upper  India,  London,  Trùbner.  —  Linguistique. 

Histoire    littéraire.    Yajneçvaraçarman,  Aryavidyâ  sudhâkara (La  corne 

d'abondance  des  sciences  des  Aryas,  etc.).  Bombay.  Curieux  ouvrage,  composé 
par  un  indou  assez  peu  au  courant  des  travaux  modernes  sur  l'Inde ,  mais  qui 
fournit  cependant  des  renseignements  nouveaux,  principalement  sur  les  diverses 
sectes  religieuses  de  l'Inde,  —  Loth,  Das  Classenbuch  des  Ibn  Sa'd,  Leipzig, 

1869.  —  Joannis  Zonarae  Epitome  Historiarum éd.  L.  Dindorf,  Leipzig, 

Teubner.  —  Caroli  Ludovici  Urlichsii  commentatio  de  vita  et  honoribus  Agricolae 
(voy.  Rev.  crit.,  1869,  art.  142),  —  A.  Persil  Flacci,  D.  Junii  Juvenalis,  Sulpiciae 
Saturae,  rec.  0.  Jahn,  Berlin,  Weidmann.  —  GmhhkVME  Ce  clerc  de  Normandie), 

Le  Besant  de  Dieu hgg.  von  Martin;  art.  de  M.  Mussafîa,  jugement  conforme 

au  nôtre  {Rev.  crit.,  1869,  art.   143).  —  Witte,  Dante-Forschungen,  Halle, 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  32  —  7  Août  —  1869 

Sommaire:  151.  Bonavia,  Contributions  à  la  Christologie.  —  152.  Sybel  (L. 
DE>,  Des  répétitions  de  mots  dans  les  tragédies  d'Euripide.  —  1 5  j.  Hampke,  Remar- 
ques critiques  et  exégétiques  sur  le  I"  livre  de  la  Politique  d'Aristote;  Susemihl, 
Questions  critiques  sur  le  premier  et  le  second  livre  de  la  Politique;  Spengel,  Études 
Aristotéliques,  III,  Sur  la  Politique  et  l'Économique.  —  i  54.  Teissier,  Histoire  de 
Toulon  au  moyen-âge.  —  155.  Lettres  de  l'électeur  palatin  Frédéric  III,  p.  p.  Kluck- 
HOHN.  —  1 56.  GuiLLOCHE,  la  Prophécic  du  Roy  Charles  VIII,  p.  p.  le  marquis  de 
La  Grange. 


151.  —  Contributions  to  christology,  by  Emm.  Bonavia,  M.  D.  Lucknow. 
London,  1869.  In-8*,  viij-170  p. 

L'auteur  de  cet  écrit  n'est  pas  de  ceux  qui  font  de  la  croyance  au  surnaturel 
un  élément  essentiel,  indispensable,  de  la  foi  chrétienne.  Cette  croyance,  en 
opposition  manifeste  avec  la  manière  de  penser  la  plus  caractéristique  de  notre 
époque,  lui  semble  plus  funeste  qu'utile  à  la  cause  du  christianisme;  elle  éloigne 
de  la  religion  les  esprits  éclairés.  C'est  dans  cette  pensée  qu'il  a  cherché  à 
ramener  à  des  faits  conformes  aux  lois  de  la  nature  les  miracles  attribués  à 
Jésus-Christ  dans  les  Évangiles. 

Contrairement  aux  critiques  qui  ne  voient  dans  ces  miracles  que  des  mythes , 
M.  Bonavia  les  tient  pour  des  faits  réels,  mais  exagérés  par  l'ignorance,  l'admi- 
ration et  l'enthousiasme,  et  présentés  comme  des  actes  produits  par  une  puis- 
sance surnaturelle.  Ceux  qui  en  furent  les  témoins,  n'avaient  pas  cet  esprit 
d'examen  qui  est  propre  à  notre  temps;  ils  n'étaient  pas  en  état  de  ramener  à 
leurs  véritables  causes  des  faits  par  eux-mêmes  extraordinaires;  ils  les  prenaient, 
sans  plus  ample  informé,  pour  des  miracles.  Encore  aujourd'hui  dans  l'Inde, 
tout  événement  qui  frappe  l'imagination  et  qu'on  ne  sait  pas  expliquer,  est  con- 
sidéré comme  un  miracle  ;  on  le  rapporte  directement  à  l'action  immédiate  de 
Dieu,  sans  penser  un  seul  moment  qu'il  pourrait  bien  avoir  pour  cause  une  loi 
de  la  nature  qu'on  ne  connaît  pas  encore.  M.  B.  a  eu  occasion  de  le  constater 
plus  d'une  fois,  et  il  en  donne  plusieurs  exemples.  On  procède  de  même  dans 
tous  les  lieux  et  dans  tous  les  temps  où  la  culture  scientifique  est  à  peu  près 
nulle  ;  et  tel  était  certainement  l'état  de  la  Palestine  à  l'époque  où  vécut  Jésus- 
Christ. 

M.  B.  ne  s'en  est  pas  tenu  à  ces  considérations  générales,  qui  ont  sans  doute 
leur  importance,  mais  qui  ne  sauraient  suffire.  Il  a  pris  parmi  les  miracles 
attribués  à  Jésus-Christ,  ceux  qui,  sans  être  les  plus  considérables,  sont  du  moins 
les  plus  nombreux,  et  il  a  cru  pouvoir  les  expliquer  par  l'action  d'une  puissance 
qui,  selon  lui,  appartient  à  la  nature  humaine.  Il  est  fréquemment  question  dans 
les  Évangiles  de  guérisons  miraculeuses  opérées  par  un  mot,  parfois  même  par 
un  simple  attouchement.  A  ces  miracles  il  faut  joindre  l'action  réellement  e.xtra- 
vin  6 


82  REVUE  CRITIQUE 

ordinaire  que  le  fondateur  de  la  religion  chrétienne  exerçait,  d'après  les  récits 
évangéliques,  sur  tous  ceux  auxquels  il  s'adressait.  Ces  actes  étonnants,  dont 
les  Évangiles  ne  cessent  de  parler,  auraient  été  tout  simplement,  d'après  M.  B., 
l'effet  de  la  radiation  animique ,  ou  pour  me  servir  de  termes  plus  connus ,  de  la 
puissance  magnétique  de  Jésus-Christ.  Il  n'est  pas  nécessaire  d'indiquer  sur 
quels  faits  et  sur  quelles  considérations  cette  explication  s'appuie.  Quiconque  est 
un  peu  au  courant  de  ce  qu'ont  dit  ou  de  ce  qu'ont  écrit  du  magnétisme  animal 
ceux  qui  s'en  sont  déclarés  les  partisans,  saura  bien  s'en  faire  une  idée. 

Ce  n'est  pas  la  première  fois  que  cette  explication  est  proposée  ;  on  la  rencontre 
dans  plusieurs  commentaires  allemands;  Olshausen,  entre  autres,  malgré  son 
orthodoxie,  avait  un  faible  pour  elle.  Mais  je  n'étonnerai  personne,  en  ajoutant 
qu'elle  n'a  jamais  été  accueillie  avec  faveur.  Le  magnétism.e  animal  a  servi  si 
souvent  à  exploiter  la  crédulité  publique,  qu'il  en  a  gardé  un  mauvais  renom,  et 
on  éprouve  quelque  répugnance  à  l'associer  au  nom  du  fondateur  de  la  religion 
chrétienne. 

Il  est  possible  que  les  considérations  que  M.  B.  présente  sur  cette  force  ani- 
mique, dans  les  soixante-quinze  premières  pages  de  son  livre,  soient  de  nature  à 
renverser  ou  du  moins  à  ébranler  ce  préjugé,  si  c'en  est  un  ;  mais  il  n'en  est  pas 
moins  incontestable.  Ce  me  semble,  que,  dans  le  cas  le  plus  favorable,  le  magné- 
tisme animal,  ou  comme  il  préfère  le  nommer,  la  radiation  animique,  est  encore 
un  phénomène  obscur,  insuffisamment  étudié,  mal  défini,  et  qui,  bien  loin  de 
pouvoir  servir  à  expliquer  des  traditions  difficiles,  a  grandement  besoin  lui-même 
d'explication. 

M.  B.  ne  laisse  pas  entièrement  de  côté  les  autres  miracles  de  Jésus-Christ. 
Il  convient  de  signaler  ce  qu'il  dit  de  sa  résurrection.  Sans  en  nier  précisément 
la  réalité,  il  incline  à  croire  que,  du  rapprochement  et  de  la  comparaison  des 
diverses  parties  du  récit  qui  en  est  fait  dans  le  premier  Évangile",  il  semble 
résulter  cette  impression  que  le  corps  de  Jésus-Christ  pourrait  bien  avoir  été 
enlevé  par  ses  amis.  Il  est  peu  probable  que  M.  B.  réussisse  à  faire  partager  ce 
sentiment,  même  à  ceux  qui  n'admettent  pas  que  le  prophète  de  Nazareth  soit 
ressuscité;  ils  ont  bien  d'autres  raisons  à  faire  valoir.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  la  manière  dont  il  discute  le  passage  de  saint  Matthieu  relatif  à  ce  sujet,  ne 
manque  ni  d'originalité  ni  même  d'intérêt. 

Ce  livre  ne  fera  certainement  pas  faire  le  moindre  progrès  ni  à  l'exégèse  des 
Évangiles,  ni  à  la  christologie;  mais  dans  l'ensemble,  il  est  curieux,  et  il  ren- 
ferme des  détails  réellement  intéressants,  et  ce  qui  vaut  encore  mieux,  pleins  de 
vérité;  telles  sont  les  judicieuses  observations  sur  ce  fait,  qu'il  met  très-bien  en 
lumière,  que  la  distinction  du  naturel  et  du  surnaturel  est  absolument  étrangère 
aux  hommes  qui  ne  se  sont  pas  élevés  à  un  certain  degré  de  culture. 

Michel  Nicolas. 


I.  M.  B.  ne  fait  porter  ses  observations  cjue  sur  l'Evangile  de  saint  Matthieu,  proba- 
blement parce  qu'il  le  tient  pour  le  plus  ancien  et  pour  la  source  des  autres. 


d'histoire  et  de  littérature.  8j 

IJ2.  —  De  repetitionibus  verborum  in  fabulis  Euripideis,  dissertatio  phi- 
lologica  quam  ad  summos  in  philosophia  honores  irapetrandos  scripsit  Ludovicus  a 
Sybel.  Bonn,  1868.  In-8*. 

Une  excellente  méthode,  de  bonnes  observations  critiques,  des  exemples 
nombreux  et  bien  choisis  recommandent  ce  travail  instructif  et  distingué.  M.  de 
Sybel  commence  par  montrer  qu'Euripide  avait  à  sa  disposition  un  très-riche 
vocabulaire  :  que,  par  conséquent,  il  ne  tenait  qu'à  lui  d'éviter  les  répétitions  de 
mots,  là  où  aucune  raison  de  style  ne  les  justifie.  Il  fait  voir  en  même  temps 
qu'Euripide  a  considéré  les  répétitions  de  mots  comme  un  défaut  :  la  preuve  en 
est  dans  la  remarquable  accumulation  de  synonymes  qu'offrent  certains  passages. 
Donc  Euripide  a  pu  éviter  les  répétitions  de  mots  :  et  secondement,  il  l'a  voulu. 
Cela  posé,  il  faut  considérer  comme  aUérés  les  passages  où  se  trouvent  des  répé- 
titions que  rien  ne  justifie. 

M.  de  S.  part  de  là  pour  corriger  un  bon  nombre  de  vers  où  il  croit  recon- 
naître cette  faute.  Le  principe  dont  il  s'autorise  pour  faire  ces  corrections  est 
celui-ci  :  Les  manuscrits  d'Euripide  sont  tous  détestables  :  et  il  n'y  en  a  pas  un, 
dans  le  nombre,  auquel  on  ait  lieu  d'attribuer  une  valeur  prépondérante;  d'où  la 
proposition  que  voici  :  «  In  omni  critica  disquisitione  a  variis  lectionibus  ubivis 
»  tradiîis  profectos  nostro  nos  nullius  libri  auctoritate  constricto  judicio  uti 
»  debere.  »  Il  faudrait  avoir  fait  une  étude  spéciale  des  manuscrits  d'Euripide 
pour  discuter  cette  thèse  :  tout  ce  que  je  puis  dire,  c'est  que  je  ne  la  crois  pas 
conforme  à  l'opinion  générale,  au  moins  dans  ces  termes  absolus,  et  que,  si  elle 
est  vraie,  nous  avons  les  plus  grandes  chances  de  ne  posséder  jamais  une  resti- 
tution probable  du  texte  d'Euripide.  Jusqu'ici  on  a  admis,  et  je  crois  qu'on  admet 
de  plus  en  plus,  qu'une  exacte  classification  des  manuscrits  et  une  préférence 
raisonnée  pour  un  certain  nombre  d'entre  eux  sont  les  premières  conditions  de 
toute  bonne  critique.  Discutons  les  leçons  des  manuscrits,  il  le  faut  certainement  ; 
mais  commençons  par  choisir  entre  les  manuscrits  et  par  éliminer  du  nombre  des 
autorités  ceux  qui  ne  méritent  à  aucun  degré  ce  titre.  Si  ce  travail,  en  ce  qui 
concerne  Euripide,  n'aboutit  qu'à  un  résultat  négatif,  il  est  vraisemblable  que 
M.  de  S.  a  perdu  sa  peine,  et  que  les  critiques  qui  le  suivront  ne  réussiront  pas 
mieux  que  lui  à  fixer  un  texte  aussi  flottant. 

L'insertion  de  gloses  dans  le  texte  est  certainement  une  cause  fréquente  de 
répétitions  fautives.  M.  de  S.  en  cite  quelques  exemples.  Mais  on  souhaiterait 
qu'il  eût  insisté  davantage  sur  ce  point,  tout  à  fait  capital  pour  le  sujet  qu'il  a 
traité.  Il  a  montré  le  fait  :  on  voudrait  qu'il  l'eût  expliqué  ;  et  cela,  je  crois, 
n'était  pas  très-difficile.  Les  gloses  (et  j'entends  par  là  non-seulement  les  mots 
explicatifs  écrits  d'abord  entre  les  lignes  ou  à  la  marge,  mais  encore  ceux  que  le 
copiste  même  substitue  de  son  chef  aux  mots  trop  difficiles  du  texte)  les  gloses, 
dis-je,  ne  proviennent  pas  généralement  d'hommes  d'un  esprit  très-vif,  d'une 
imagination  très-riche  et  très-active.  Us  cherchent  un  mot  propre  à  éclaircir  la 
leçon  qu'ils  ont  sous  les  yeux.  Iront-ils  le  chercher  bien  loin  ?  Non  :  l'expression 
^^   la  plus  banale  leur  suffira,  et  ils  seront  charmés  de  la  trouver  dans  le  texte 


84  REVUE    CRITIQUE 

trompe,  l'origine  la  plus  commune  des  répétitions  de  mots  qui  nous  choquent 
chez  les  tragiques. 

Elles  sont  choquantes  surtout  lorsque  le  mot  répété  n'a  pas  la  même  acception 
dans  les  deux  endroits.  C'était  là  encore  une  partie  importante  du  sujet  choisi 
par  M.  de  S.,  et  je  ne  vois  pas  qu'il  l'ait  abordée.  Un  exemple,  qui  peut-être 
n'a  pas  encore  été  relevé,  éclaircira  ce  que  je  veux  dire.  Aux  vers  94  et  95 
à'Hippolyte,  le  Serviteur  dit  que  les  hommes  haïssent  -îô  az^jyôv  (l'orgueil)  et 
Hippolyte  convient  qu'en  effet  l'homme  (7c[j.v6;  (orgueilleux)  est  importun  à  tout 
le  monde.  Et  cinq  vers  plus  bas,  comme  conclusion  de  son  raisonnement,  le 
Serviteur  pose  à  Hippolyte  la  question  suivante  :  «  Comment  donc  ne  salues-tu 
))  point  une  déesse  G^m  (auguste,  vénérable).?  »  Il  n'est  guère  admissible  que 
dans  ce  dialogue  serré,  où  se  laissent  reconnaître,  ce  me  semble,  les  formes  de 
l'argumentation  socratique,  le  mot  aesivo;,  qui  est  justement  le  mot  essentiel  du 
raisonnement,  change  ainsi  d'acception  au  grand  détriment  du  raisonne- 
ment même.  Le  premier  et  le  second  ctc(av6;  sont  certainement  authentiques;  au 
vers  99  ce  n'est  plus  qu'une  glose  maladroitement  introduite  dans  le  texte,  dont 
elle  dérange  toute  l'économie. 

En  somme,  la  dissertation  de  M.  deSybel  promet  à  l'Allemagne  un  philologue 
de"  plus,  et  un  philologue  fort  distingué. 

Ed.   TOURNIER. 

153.  —  Hampke,  Critische  und  exegetische  Bemerkungen  ùber  das  I.  Buch 
der  Politik  des  Aristoteles  (programme  du  gymnase  de  Lyck).  1863,  In-4',  22  p. 

Francisci  Susemihl.  De  Aristotelis  politicorum  libris  primo  et  secundo  quaestiones 
criticae.  —  Quasstionum  criticarum  appendix  (programmes  de  l'Université  de  Greifs- 
wald).  1867.  1869.  In-4%  18-21  p. 

Aristotelische  Studien  von  Leonhard  Spengel.  III.  Zur  Politik  und  Œkonomik. 
Vorgetragen  in  der  Sitzung  der  philosophisch-philologischen  Classe  den  3.  november 
1866.  Mùnchen,  Franz,  1868.  In-4*,  76  p.  —  Prix  :  4  fr.  30. 

Les  observations  critiques  de  M.  Léonard  Spengel  sur  la  Politique  et  l'Éco- 
nomique d'Aristote  ont  été  lues  devant  la  classe  des  lettres  de  l'Académie  de 
Munich,  le  3  novembre  1866.  Elles  ont  été  publiées  en  latin  en  1868,  comme 
troisième  tome  d'une  collection  d'observations  critiques  de  M.  Spengel  sur 
l'Éthique  à  Nicomaque  (I,  1864  en  allemand),  les  Eîhica  Eudemia,  les  magna 
moralia  et  une  partie  de  la  Politique  (II,  1865,  en  latin),  la  Poétique  (IV,  1866, 
en  latin).  M.  Spengel  est  très-versé  dans  la  connaissance  d'Aristote;  et  ses 
remarques  ont  une  grande  importance  pour  tous  ceux  qui  veulent  étudier  de  près 
le  texte,  particulièrement  celui  de  la  Politique,  qui  est  un  des  plus  maltraités. 
Les  efforts  de  plusieurs  générations  de  philologues  ne  seront  pas  de  trop  pour 
l'épurer.  M.  Susemihl,  auteur  d'une  bonne  édition  avec  traduction  en  allemand 
de  la  Poétique  d'Aristote,  a  présenté  des  observations  fort  utiles  sur  les  deux  pre- 
miers livres  de  la  Politique  dans  deux  programmes  de  l'Université  de  Greifswald, 
publiés  en  1867  et  1869.  Je  ne  dois  pas  non  plus  devoir  oublier  ici  de  bonnes 
remarques  faites  par  M.  Hampke,  sur  le  premier  livre  de  la  Politique  dans  un 
programme  du  gymnase  de  Lyck  quia  paru  en  1863.  Je  vais  communiquer  ce 


d'histoire  et  de  littérature.  85 

qui  m'a  paru  le  plus  incontestable  dans  les  remarques  de  MM.  Spengel,  Susemihl 
et  Hampke  sur  le  premier  livre  de  la  Politique  d'Aristote.  Je  cite  d'après  l'édition 
in-4°  de  Bekker  (Berlin,  iSji).  Je  désigne  le  premier  programme  de  M.  Suse- 
mihl par  A  et  le  second  par  B. 

1252a  27-28.  Spengel  propose  avec  raison  de  mettre  àpfss  après  ôîjXu  et  de 
lire  Y^v/iîTsw;  au  lieu  de  yvnasui;.  —  12^2  b  ^j\-\2<)]  a  1.  Susemihl  a  raison 
de  trouver  que  ces  deux  phrases  ne  se  lient  pas  clairement  à  ce  qui  précède 
(A  i).  Mais  je  ne  crois  pas  à  une  interpolation,  qui  ne  serait  nullement  motivée. 
Et  en  général  il  ne  semble  pas  qu'il  y  ait  beaucoup  d'interpolations  dans 
Aristote,  particulièrement  dans  la  Politique.  Les  lacunes  sont  plus  probables.  — 

1253  a  38.  Hampke  (p.  2)  a  eu  raison  de  désapprouver  la  substitution  de 
6ixaiorj-/r,  à  oUr,  que  j'avais  proposée  dans  mes  Études  sur  Aristote.  Je  crois  que 
Spengel  a  remédié  à  l'altération  en  supprimant  oîxr,  et  en  rapportant  :^  SI  à 
xotvwvîo;  uoXtTixîj; -rà^;.  —  1253  b  3.  Il  faut  préférer  avec  Spengel  la  leçon 
olxovojiîa;  à  olxîa;.  —  1253^11.  Il  faut  lire  avec  Susemihl  (B  7,  n.  1)  ôri  au 
lieu  de  ô'. —  1253  />  23-33.  Susemihl  (A  7-7)  propose  de  ponctuer  et  de  lire  ainsi 

cette  longue  phrase  :  èîtet  ouv...  xà  épyov,  tûv  ô'  ôprdvtov...  liL'l-x/a.  (oîov...  ÈSTiv),  oÛTû) 

xai  Tû  oixovo;xtxw  tô  xTf.jia...  ?{ni^jyov.  Et  c'est  en  effet  ce  qui  me  semble  le  plus 
plausible.  —  1 2  54  a  28-3 1 .  Conring  avait  remarqué  que  0.7a  yàp...  ne  se  rapporte 
pas  à  ce  qui  précède  immédiatement;  et  Susemihl  (A  6)  a  raison  de  le  rapporter 
à  ce  qu'on  lit  plus  haut  23-24  xat...  àp-/.-'^-  Mais  je  ne  crois  pas  qu'il  soit  néces- 
saire de  transposer  ces  trois  lignes  après  âp/ew.  D'abord  la  liaison  avec  ce  qui 
suit  (31)  xat  ToûTo...  est  intime.  Ensuite  il  faut  voir  dans  tout  le  développement 
24-28  une  parenthèse,  comme  j'en  ai  signalé  tant  d'autres  chez  Aristote  (Obser- 
vations critiques  sur  le  traité  d'Aristote  de  partibus  animalium,  p,  10,  n.  3).  — 

1254  b  21  Susemihl  (A  7-8)  a  raison  de  trouver  que  yio  ne  se  rapporte  pas  à  ce 
qui  précède.  Il  propose  âpa.  Mais  Aristote  ajoute  ici  quelque  chose  dont  il  n'a 
pas  encore  parlé,  sur  la  mesure  dans  laquelle  l'esclave  est  raisonnable.  Je 
remarque  d'autre  part  que  \iéy  (19)  n'a  pas  de  corrélatif.  Il  y  a  ici  quelque  alté- 
ration profonde.  J'ajouterai,  à  ce  propos,  qu'il  faut  peut-être  lire  (16-17) 
^(ux^;  <îwjia  xai  àv6pâ)7ro-j  ôr.pt'ov,  puisqu'il  s'agit  des  esclaves  qui  diffèrent  des 
hommes  libres  comme  le  corps  d'avec  l'âme,  et  la  bête  d'avec  l'homme.  Mais 
l'irrégularité  est  peut-être  du  fait  d'Aristote  lui-même.  —  1256  t  26.  Hampke 
me  semble  montrer  (p.  21)  qu'il  faut  retrancher  avec  Schneider  {lépo;.  Je  crois 
en  outre  qu'il  faut  lire  to-j  oixovo-xtxo-j...  «  5a...  Je  ne  comprends  pas  bien  la 
substitution  de  f,v  à  5  proposée  par  Hampke  (p.  19).  —  1259  a  35.  Spengel 
trouve  avec  raison  que  tià),>ov  cï  ainsi  employé  est  contraire  à  l'usage.  —  1259 
i»  25,  Spengel  conjecture  que  le  génitif  tûv...  SÇeuv  dépend  de  Ixâdr/-  qui  â  été 
omis. 

Spengel  cite  en  entier  (p.  65)  la  portion  du  traité  de  Philodème  r.tol  xoxitôv  xai 
àpsTôiv  trouvé  à  Herculanum,  où  ce  philosophe  analyse  le  premier  livre  des 
Œconomica  qu'il  attribue  à  Théophraste.  Comme  le  montre  Spengel,  les  citations 
de  Philodème  peuvent  servir  à  améliorer  notre  texte.  Ainsi  Philodème  ne  lisait 
pas  éoùv  t'  àpo-Tipa  (i  343  a  2i),  qui  est  en  effet  de  trop,  puisqu'il  n'est  ensuite 


86  REVUE   CRITIQUE 

question  que  de  deux  choses.  Il  a  lu  Trspi  au  lieu  de  xa-rà  (i  345  b  7),  olxovoixaw- 
raTov  au  lieu  de  ityz\LQ^i%éT:a.io^  (i  344  a  23),  et  la  leçon  ttiéCsiv  qui  répond  dans 
son  analyse  à  àviévai  (1 344  a  30)  prouve  que  Schœmann  a  eu  raison  de  corriger 

àvtâv. 

Je  communique  ici  les  variantes  qu'offre  la  vieille  traduction  latine  comparée 
au  texte  de  Bekker  (éd.  in-4°  de  1831)  dans  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
impériale,  tous  du  xiv*  siècle,  7695  A,  16089  {Sorbonne  841),  16490  {Sorb. 
1 545),  et  dans  un  manuscrit  du  xv^  copié  pour  Guillaume  Fichet,  16107  (Sorb. 
587).  Le  manuscrit  7695  A  me  semble  le  meilleur.  On  y  lit  per  numerum,  là  où 
les  autres  ont  per  unnm  (1343  b  2  $),  et  le  mot  grec  eûttvow  (i  345  a  31)  que  le 
traducteur  avait  conservé  sous  la  forme  eupnum  est  moins  altéré  dans  la  leçon  de 
ce  manuscrit,  cupuum,  que  dans  civium  qu'offre  16089,  ^'^^^  "^^i  est  dans  16490 
et  frigidum  àans  16107,  Le  traducteur  n'a  pas  les  habitudes  de  Guillaume  de 
Meerbecken,  ainsi  il  ne  rend  pas  constamment  Se  par  autem;  il  le  traduit  souvent 
par  vero.  Au  lieu  de  rendre  l'optatif  avec  oév  par  le  futur  avec  utique,  il  emploie 
le  présent  et  le  plus  souvent  ne  traduit  pas  àv.  J'ai  laissé  de  côté  les  variantes 
relatives  à  l'ordre  des  mots,  que  le  traducteur  paraît  avoir  traité  librement  ;  car 

il  rend  la  citation  d'Hésiode  (1  544  a  17)  TrapOevixYiv  ce  yasAsiv,  ïva  rfiza.  xîôvà  6t5à|V]!; 

par  «  opportet  puellam  ducere  ut  doceat  bonos  mores.  »  Son  manuscrit  était 
fautif;  il  offre  pourtant  quelques  bonnes  leçons,  qui  lui  sont  propres  à  l'exception 
de  1344  b  1 1,  dans  1343  a  2,  3,  10;  1344  a  8,  28;  1344  fc  7;  1 1  ;  1345  û  7. 
1343  a  2  (jLEv  omis.  Et  je  crois  qu'en  effet  il  vaut  mieux  le  supprimer;  car  il  n'a  pas 
de  corrélatif.  —  3  verum  etiam  quod,  d'accord  avec  Spengel  qui  préfère  avec  raison 
à),Xà  xal  ôTt.  —  4  ouv  omis.  Il  Semble  que  Se  conviendrait  mieux  que  (aèv  ouv.  — 
8  waTE  SvjXov  patet  etiam  —  xal  omis.  —  i  o  /wpa?  prediorum  a  lu  xwptwv  qui 
semble  en  effet  préférable.  —  possessionum  —  1 1  auTapxe;  habundans  —  çavspàv... 
...  12  (0(71  palam  est  enim  quod  quando  nequeunt  —  1 5  yEvsaet  omis  —  yàp  omis 

—  1 7  quid  sit  opus  —  1 8  pars  —  te  omis  —  1 9  êxàuToy  OEtopEttat  singulorum 
reperitur  —  22  nutrimenti  gratia  primum  —  23  xà...  ô[xt),iav  que  de  uxoris  trac- 

tanda  sunt  —  28  au'  àvôpwTitov 30  i:olt[iiv.aX  inhumanitus  nec  violenter  sicut 

bellice. 

1 343  b  2  y.al  omis  —  6  (x6v(ov  tantum  —  èçv\).6nu>\  domum  —  7  tûv...  yyvaïxa 
hominibus  enim  de  conjuge  —  9  yap  quidem  enim —  1 1  t^  et  —  13  -h...  <njvÉ(7Tr,xev 
consistit  in  communicatione  societas  —  1 5  xal  omis  —  ttoT;  i^nispoi;  viris  (avec  une 
barre  au-dessus  de  /'i  7695  A;  les  autres  viris.  Probablement  imeris) —  16  yàp  etiam 

—  18  magis —  20  xTÎ)(7t;  natura  —  2 1  ousa  xvyxavEi  omis —  22  âv  omis  —  Tro^rtjdwat 

fecerent  —  23  àSuvaToùvxEç...  y^pfx  et  in  senio  impotentes  effecti  —  27  5i£i),r,7:Tai.,. 
28  Sûvapitv  assumpta  enim  ad  hec  omnia  utilem  habere  virtutem. 

1 344  a  4  éSpaîov...  à(76£V£';  esse  robustum,  illud  vero  ad  exteriora  negotia  débile 

—  6  salubrius  —  propriam  —  8  xal  omis;  et  il  est  en  effet  de  trop,  comme  l'a  va 
Scaliger  approuvé  par  Spengel  qui  conjecture  avec  probabilité  irpîôTo;...  v6[iio;.  —  1 1 
ixÉTiv  famulam  —  xat  omis  —  1 3  &(7t:b  omis  —  14  lôtiiEiv  uti  — 15  6'  etiam  —  xal 
omis  —  17  doceat  —  21  Staçépouaa...  —  22  ôiJ.i)îa  differens  est  locutionis  trage- 
diarum  in  apparatu  ad  invicem  —  28  liberaliora  le  comparatif  èlt\)bzçiôi-:Bç>tt.  semble 


d'histoire  et  de  littérature.  87 

en  effet préf érable.  —  29  [ai-ts 30  àv-.Évzt  nec  iniuriari  nec  permittere  dissolûtes 

—  30  TtiiTi;  (A£Ta8tôôvai  honorandum  —  55  tûv  èXeueÉpcov  bonis  —  54  parvum. 

1 344  b  4  /«  ^econi  u  omis  —  5  bonis  bonum  —  i  omis  —  7  ts  xai  oviévai 
om«;  ce  ^uz  me  semble  préférable.  —  1 1  non  est  farmacia  —  2ov).wv  om/5,  comm« 
<ij/2^  Philodème  X,  9  ef  <iâ/i^  /«  manuscrits  V"  M*»  <i«  BcM^r.  —  1 2  que  nec  a  lu 

Ta  (ir,T£  —   14  ôè  xal  etiam  —  17  ov. 21   Èvoîi'cÔT,  omis —  24  Tw 25  7:t6oc 

omw  —  26  l-.i...  y.pr..r:ixôv  nec  enim  esse  ornatum  et  utibilem  —  28  twv  x-rr.fta-Mv 

Omw   —    29  ôra>; 30  âîtafftv  OmÙ   —    3I    (rj|i3£pEt  licet  —    34  r.v    Omis  — 

£i;tTà~îiv  ordinari  —  35  5  omis  dans  'j6ç}^  A,  xai  dans  16089. 

1  34$  a  I  Tr.v  i-i\i.éli:ay  et  CUram —  2  âv  i/oi  habct  —  6  (b;...  SiaipeÎTat  UtUtnUS- 

que  distingui  —  7  parvis  quidem  //  alub*^  («xpaï;,  ce  ^ui  «f  peut-être  préférable 

—  14  ultimos  —  sicut  et  cintatem  —  16  ts  taraen  —  17  oîv  omis  —  18  -rij; 
otaBsTEo);  omis  —  20  k  premier  xai  omis  —  24  U  etiam  —  25  te  omis  — à.-Q- 
6),éiTovTa  omis  —  28  sicca  —  huraida  —  29  xai...  ài|njxoiç  omis  —  3 1  Ss  omis  — 

52  £tr,...  ôv  sit. 

1 345  b  3  OV  omis  —  queretur. 

Le  second  livre,  qui  traite  des  devoirs  réciproques  du  mari  et  de  la  femme, 

est  traduit  d'un  original  grec  aujourd'hui  perdu  et  ne  ressemble  en  rien  à  celui 

qui  est  dans  nos  éditions  d'Aristote.  Il  a  été  réédité  par  Valentin  Rose,  Aristoteles 

pseudepigraphus  (Lips.  1863),  p.  644  et  suiv. 

Charles  Thurot. 


1 54.  —  Histoire  de  Toulon  au  moyen-âge,  précédée  d'une  notice  topographique, 
par  Octave  Teissier.  Paris,  Dumoulin,  1869.  In-8*,  xxix,  252-175  p.  avec  un  plan. 
—  Prix  :  7  fr,  50. 

Ce  volume  contient  deux  parties  bien  distinctes  :  i  °  une  notice  topographique 
(imprimée  en  petit  texte  et  paginée  en  chiffres  romains)  de  l'ancien  Toulon 
depuis  le  milieu  du  xv*  siècle  environ  jusqu'à  la  fin  du  siècle  dernier  ;  2°  une 
série  de  treize  chapitres  où  sont  retracés  d'après  des  documents  tirés  des  archives 
municipales,  les  principaux  épisodes  de  l'histoire  de  Toulon  depuis  les  temps  les 
plus  anciens  jusqu'à  la  fin  du  xiv^  siècle.  Ce  n'est  point  encore  une  histoire  com- 
plète de  Toulon,  ce  serait  plutôt,  selon  l'auteur,  «  une  sorte  d'introduction  à 
»  l'histoire  de  Toulon  sous  l'ancien  régime ,  dont  tous  les  éléments  sont  réunis 
»  et  qui  sera  publiée  prochainement.  » 

Mais,  lorsque  M.  Teissier  publiera  cette  histoire,  il  y  reproduira  nécessaire- 
ment les  faits  qui  sont  exposés  dans  les  treize  chapitres  qui  forment  la  plus 
grande  partie  du  présent  livre,  et  en  ce  cas  celui-ci  peut  nous  donner  comme  un 
avant  goût  de  l'ouvrage  plus  considérable  qui  nous  est  promis,  mais  il  ne  saurait 
lui  servir  d'introduction.  Ce  n'est  pas  non  plus  un  «  essai  sur  l'histoire  municipale 
»  de  Toulon  »,  selon  les  termes  de  V Avant-propos,  que  nous  offre  ce  volume, 
car  l'histoire  politique  y  tient  la  plus  grande  place.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  faut  le 
prendre  tel  qu'il  est,  et  savoir  gré  à  M.  T.  des  renseignements  nouveaux  qu'il 
nous  donne  sur  l'état  ancien  d'une  ville  à  laquelle  aucun  travail  fait  d'après  les 
sources  n'avait  été  consacré  jusqu'à  ce  jour. 


88  REVUE    CRITIQUE 

La  partie  la  plus  nouvelle  de  ces  études  est  certainement  la  restitution  topo- 
graphique qui  forme  la  première  partie,  et  dont  les  résultats  apparaissent  claire- 
ment aux  yeux  dans  un  plan  de  grand  format  où  sont  marqués,  non-seulement 
les  établissements  importants ,  mais  encore  les  maisons  avec  le  nom  de  leurs 
propriétaires  en  1442  ou  en  1515  selon  le  cadastre  oii  M.  T.  a  puisé  ses  infor- 
mations. La  méthode  qui  a  permis  d'opérer  d'une  manière  très-sûre  cette  resti- 
tution a  bien,  comme  le  dit  M.  T.  dans  son  Avant-propos^  quelque  analogie  avec 
celle  que  feu  Berty  a  appliquée  à  la  reconstitution  de  l'ancien  Paris ,  mais  elle 
est  assurément  plus  simple  et  d'un  emploi  plus  facile.  M.  T.  avait  à  sa  disposi- 
tion deux  cadastres,  très-bien  tenus  et  passablement  détaillés,  comme  ils  l'ont  été 
dès  l'origine  (c'est-à-dire  dès  le  xiv"  siècle)  dans  le  Midi.  L'un  de  ces  cadastres 
est  de  1442  ;  l'autre  de  151$;  celui-ci  n'a  été  employé  que  pour  suppléer  à  des 
lacunes  du  premier.  Le  procédé  a  consisté  à  copier  sur  des  fiches  tous  les  articles 
du  premier  de  ces  cadastres  (et  ceux  du  second,  là  où  le  premier  faisait  défaut), 
et  à  disposer  ces  fiches  à  côté  les  unes  des  autres  selon  les  confronts  indiqués  dans 
chaque  article.  Si  le  regrettable  Berty  avait  eu  à 'sa  disposition  des  documents 
de  cette  précision,  il  aurait  pu  se  dispenser  de  chercher  péniblement  dans  les 
archives  et  chez  les  notaires  des  baux  et  actes  de  ventes,  rarement  aussi  anciens 
que  l'époque  qu'atteint  d'emblée  M.  T.  à  l'aide  de  ses  cadastres.  Le  point 
commun  constaté  de  part  et  d'autre,  c'est  la  permanence,  jusqu'aux  travaux  qui, 
à  l'imitation  de  Paris,  se  font  maintenant  dans  beaucoup  de  villes,  des  aligne- 
ments des  rues  et  même  de  la  configuration  des  lots.  La  preuve  des  résultats 
consignés  sur  le  plan  joint  au  volume  est  fournie  par  le  texte  même  de  l'ancien 
cadastre  publié,  avec  pagination  à  part,  sous  le  titre  de  Preuves  (p.  1-175). 
Chaque  article  y  est  pourvu  d'un  n°  qui  se  trouve  répété  sur  le  plan  ;  il  est  en 
outre  suivi  du  nom  du  propriétaire  actuel,  et,  lorsqu'il  s'agit  d'immeubles  impor- 
tants, de  la  série  des  propriétaires  antérieurs.  Parfois  même  M.  T.  donne  plus 
encore;  ainsi  il  esquisse  l'histoire  du  Palais-Royal  (n^  M9),  s'aidant  de  docu- 
ments inédits  publiés  par  extraits  en  note.  A  propos  de  la  maison  de  l'évêché 
(n°  1 12),  il  donne  la  liste  des  évêques  de  Toulon,  d'après  le  Gdlia  Christiana, 
faisant  une  rectification  en  ce  qui  concerne  Jean  Etienne  (i  368-95).  Mais  à  cet 
article  il  a  tort  de  présenter  comme  véridique  la  tradition  du  débarquement  sur 
les  côtes  de  Provence  de  saint  Lazare,  et  de  ses  compagnes  et  compagnons.  Les 
prétendues  preuves  de  M.  l'abbé  Paillon  n'ont  jamais  été  acceptées  par  la  critique. 

La  seconde  partie  du  livre  offre  naturellement  des  faits  d'un  intérêt  plus 
général.  Nous  signalerons  notamment  le  chap.  VI,  sur  l'organisation  municipale 
de  la  ville.  La  constitution  de  la  municipalité  est  réglée  par  un  acte  du  roi  et 
comte  Robert  daté  de  Naples,  de  juillet  1314;  toutefois,  il  est  certain,  comme  le 
dit  M.  T.,  que  cette  charte  est  plutôt  la  confirmation  d'institutions  déjà  anciennes 
que  l'établissement  d'un  nouvel  état  de  choses.  Mais,  il  ne  faudrait  point  aller 
jusqu'à  dire  qu'aussi  loin  que  l'on  remonte  dans  le  passé  de  la  ville  «  on  y  retrouve 
))  toujours  la  trace  des  institutions  municipales  qu'elle  avait  possédées  à  l'époque 
;)  où  elle  était  occupée  par  les  Romains  »  (p.  70).  Dût-on  même  admettre  avec 
Raynouard  et  Aug.  Thierry  la  perpétuité  du  régime  municipal  dans  les  villes  du 


d'histoire  et  de  littérature.  89 

Midi,  ce  système,  en  général  très-contestable,  offrirait  ici  des  difficultés  toutes 
particulières,  en  raison  des  troubles  causés  par  l'établissement  des  Sarrazins 
dans  le  voisinage  de  Toulon.  Comment  pourrait-on  prétendre  que  dans  cette 
ville  le  régime  municipal  remonte  aux  Romains ,  en  présence  des  termes  de  la 
charte  de  993,  citée  par  M.  P.  lui-même  au  commencement  de  son  premier 
chapitre  ?  Ces  mots  «  cum  gens  pagana  fuisset  e  finibus  suis,  videlicet  de  Fra- 
»  xeneto  expulsa,  et  terra  Tolonensis  cepisseî  vestiri  et  a  cultoribus  coli\  »  prouvent 
bien  clairement  qu'il  y  eut  dans  la  vie  de  la  cité  une  interruption  plus  ou  moins 

longue. 

A  Toulon,  du  reste,  l'organisation  municipale  ne  présente  rien  de  bien  parti- 
culier, et,  peut-être  à  cause  de  l'époque  tardive  où  les  documents  permettent  de 
l'étudier,  elle  est  loin  d'offrir  le  même  intérêt  que  dans  d'autres  villes,  qu'à  Digne 
par  exemple. 

Parmi  les  faits  saillants  de  l'histoire  intérieure  de  Toulon,  on  notera  le  mas- 
sacre d'une  quarantaine  de  juifs  au  moment  de  la  peste  de  1 548.  Une  sorte  de 
chronique  locale,  de  date  assez  récente,  dont  M.  T.  rejette  avec  raison  le 
témoignage,  assure  que  les  juifs  avaient  provoqué  cette  vengeance  en  insultant 
les  chrétiens  dans  leur  église  le  jour  de  la  Passion,  mais  une  enquête  ordonnée 
par  le  sénéchal  de  Provence,  Raimon  d'Agout,  ne  fait  aucune  mention  de  ces 
prétendues  insultes,  et  il  n'y  a  pas  à  douter  que,  là  comme  ailleurs,  les  juifs 
aient  été  accusés  d'être  les  auteurs  de  la  peste.  On  voit  par  la  narration  de  M.  T. 
que  les  meurtriers  échappèrent  à  peu  près  complètement  au  châtiment.  Cela 
encore  était  dans  la  règle.  Il  eût  été  à  désirer  que  M.  T.  eût  donné  des  rensei- 
gnements plus  circonstanciés  sur  l'état  des  juifs  à  Toulon.  Les  archives  des  villes 
du  Midi  sont  ordinairement  assez  riches  en  documents  de  nature  à  nous  éclairer 
à  cet  égard.  On  est  étonné  du  peu  de  suite  et  même  des  contradictions  que 
manifestent  ces  documents.  Les  lettres  portant  expulsion  des  juifs  sont  souvent 
suivies  à  peu  d'intervalle,  de  lettres  de  sauvegarde  accordées  à  ces  mêmes  juifs. 
Puis  on  voit  la  commune  obtenir  immédiatement  des  lettres  de  non  préjudice 
qui  annulent,  ou  à  peu  près,  la  sauvegarde.  Ces  vicissitudes  singulières  (qui 
s'observent  en  bien  d'autres  objets,  et  par  exemple  à  propos  de  la  participation  des 
clercs  aux  impôts)  nous  donnent  une  triste  idée  de  l'administration  des  comtes  de 
Provence.  Il  n'y  a  rien  d'admirable  dans  l'activité  très-réelle  que  déployaient  ces 
princes  2,  et  qui  n'avait  pas  d'autre  but  que  l'accroissement  de  leurs  richesses. 
Ils  accordaient  les  privilèges  qu'on  leur  payait ,  et  à  quiconque  les  payait.  C'est 
ce  qui  apparaît  clairement  à  l'époque  où,  à  côté  des  actes  émanant  de  l'autorité 
comtale,  existent  les  délibérations  municipales  dans  lesquelles  on  voit  à  quel  prix 
ces  concessions  en  apparence  toutes  gratuites,  ont  été  accordées. 

1.  Cart.  de  Saint-Victor,  II,  104  (pièce  77).  M.  T.  cite  d'après  le  ms.,  pourquoi  ne  pas 
citer  l'édition? 

2.  Ou  plutôt  que  déployait  leur  chancellerie.  M.  T.  parle  (p.  107)  d'un  nombre  consi- 
dérable de  «  lettres  particulières  reçues  par  chaque  communauté  et  portant  la  signature  de 

B  ces  comtes  souverams  qui  étaient  en  même  temps  rois  de  Sicile »  (p.  107).  Pour  ma 

part,  les  seuls  actes  signés  de  la  main  d'un  comte  de  Provence  que  j'aie  vus  sont  du  roi 
René. 


90  REVUE  CRITIQUE 

Entre  les  privilèges  de  la  ville  de  Toulon,  il  en  était  un  émanant  du  roi 
Robert,  et  en  vertu  duquel  la  communauté  pouvait  importer  tous  les  vivres 
nécessaires  à  l'alimentation  publique.  Tels  sont  les  termes  dont  se  sert  M.  Teissier 
(p.  88).  A  priori,  on  ne  conçoit  pas  bien  l'utilité  d'un  tel  acte,  car  à  quoi  bon 
concéder  ce  qui  est  évidemment  du  droit  commun  ?  et  de  quoi  pouvait  servir 
ledit  privilège  en  cas  de  disette,  alors  que  chaque  commune,  se  protégeant 
elle-même  par  une  sorte  d'échelle  mobile,  interdisait  strictement  l'exportation  de 
ses  produits.''  Quoi  qu'il  en  soit  de  la  teneur  de  ce  document,  il  est  certain  que 
les  habitants  de  Toulon  lui  donnèrent  l'extension  la  plus  extraordinaire  en  impor- 
tant de  vive  force  les  vivres  qu'on  n'eût  pas  été  disposé  à  leur  céder  de  plein  gré. 
M.  T.  raconte  à  ce  propos  deux  faits  qui  ne  sont  rien  de  moins  que  des  actes  de 
piraterie.  En  i?  17,  année  de  disette,  un  navire  génois  chargé  de  blé  est  arrêté, 
par  ordre  du  conseil  de  la  ville,  à  l'entrée  de  la  rade;  le  capitaine  et  le  fondé  de 
pouvoirs  du  propriétaire  de  la  cargaison  sont  amenés  à  terre  et  condamnés  par  le 
bailli,  en  vertu  du  privilège  du  roi  Robert,  à  vendre  leur  blé  à  la  communauté 
(p.  88-91).  Le  même  fait  se  reproduit  en  1 346,  et  alors  nous  voyons  des  conseil- 
lers partir  en  croisière  sur  des  barques  armées  à  cet  effet,  saisir  un  navire  qui 
conduisait  une  cargaison  de  blé  à  Narbonne,  et  forcer  le  capitaine  à  détailler  lui- 
même  son  blé  aux  habitants.  Cette  fois  le  bailli  n'invoque  pas  le  privilège  du  roi 
Robert,  mais  «  l'antique  et  ancienne  coutume,  dont  les  habitants  de  Toulon  ont 
»  été  et  sont  encore  en  pacifique  possession,  de  saisir  les  navires  chargés  de  blé, 
))  traversant  la  mer  du  district  de  Toulon  »  (p.  1 30).  C'est  à  la  fois  barbare  et 
grotesque. 

En  résumé,  on  voit  que  l'histoire  de  Toulon  n'est  point  dépourvue  d'événe- 
ments dignes  d'attention.  Nous  les  retrouverons  sans  doute,  présentés  d'une 
façon  moins  èpisodique,  dans  l'histoire  plus  complète  que  prépare  M.  Teissier, 

et  dont  le  présent  volume  nous  fait  augurer  favorablement. 

n. 


15^.  — Briefe  Friedrich  des  Frommen,  Kurfiirsten  von  der  Pfalz,  mit  ver- 
wandten  Schriftstùcken  gesammelt  und  bearbeitet  von  A.  Kluckhohn.  Erster  Band 
1 559-1 566.  Braunschweig,  C.  A.  Schwelschke  u.  Sohn,  1868,  In-8*,  lxvii-741  p.  — 
Prix  :  1 5  fr. 

La  correspondance  de  l'Électeur  palatin  Frédéric  Kl  formera  les  premiers 
volumes  d'une  nouvelle  série  de  publications  de  la  Commission  historique  instituée 
par  Maximilien  II  au  sein  de  l'Académie  royale  de  Munich.  Cette  nouvelle  entre- 
prise d'une  association  qui  a  rendu  déjà  de  si  brillants  services  aux  sciences 
historiques,  embrassera  la  correspondance  politique  des  princes  de  la  famille  de 
Wittelsbach  (Electeurs-Comtes  palatins,  et  ducs,  plus  tard  Electeurs  de  Bavière) 
de  1550  à  1650,  c'est-à-dire  jusqu'après  la  fin  de  la  guerre  de  Trente-.^ns. 
Cette  collection  présentera  le  plus  vif  intérêt  non  seulement  pour  l'histoire  inté- 
rieure d'Allemagne,  mais  encore  pour  ses  rapports  avec  l'étranger.  Nous  en 
avons  la  preuve  dans  ce  premier  volume  que  nous  devons  à  M.  Kluckhohn,  pro- 
fesseur à  l'Université  de  Munich.  Nous  y  trouvons  la  correspondance  d'un  prince 


d'histoire  et  de  littérature.  91 

éminent,  sans  contredit  le  plus  remarquable  des  princes  allemands  de  cette  épo- 
que et  le  soutien  fidèle  des  huguenots  de  France,  ses  coreligionnaires.  Cette  cor- 
respondance a  été  détruite  en  partie,  comme  tant  d'autres  documents  précieux, 
lors  des  cruelles  invasions  du  Palatinat  sous  Louis  XIV  et  de  ce  hideux  sac  de 
Heidelberg  qui  a  fait  tant  maudire  en  Allemagne  le  nom  français.  Les  archives 
palatines,  respectées  en  partie  par  les  horreurs  de  la  guerre  de  Trente-Ans,  ont 
été  brûlées  ou  dispersées  à  la  suite  de  l'incendie  delà  résidence  électorale.  Heureu- 
sement que  les  autres  archives  de  l'Allemagne  contenaient  des  lettres  en  grand  nom- 
bre, écrites  par  Frédéric  III  ;  M.  Kluckhohn  a  consacré  plusieurs  années  à  les  re- 
cueillir dans  les  archives  de  Cassel,  Cobourg,  Dresde,  Hanovre,  Strasbourg,  Wei- 
mar,  etc.  etc.  En  définitive  les  matériaux  se  sont  trouvés  en  nombre  si  consi- 
dérable, que  le  savant  éditeur,  auquel  on  avait  fixé  une  limite  de  deux  volumes 
pour  toute  la  correspondance  de  l'Electeur  Frédéric  le  Pieux,  a  dû  trier  ses 
papiers  et  se  borner  à  ne  publier  in  extenso  que  les  pièces  plus  importantes,  ne 
donnant  des  autres  qu'une  analyse  plus  ou  moins  détaillée,  selon  leur  valeur  his- 
torique, et  laissant  de  côté  bon  nombre  de  documents  recueillis  par  lui  '.  Aux 
lettres  émanées  de  l'Electeur  lui-même  et  aux  réponses  à  lui  personnellement 
adressées,  M.  K.  a  joint  quelques  lettres  de  l'Électrice  Marie,  et  quelques  autres 
pièces  officielles,  nécessaires  pour  comprendre  la  correspondance  elle-même. 
M.  K.  ne  s'est  point  caché  les  inconvénients  résultant  d'une  pareille  manière 
d'agir.  Tout  en  admettant  que  son  choix  ait  été  fait  avec  une  connaissance  par- 
faite du  sujet,  et  qu'il  ait  conservé,  du  moins  en  substance,  tout  ce  qu'il  y  avait 
d'important  dans  les  documents  rassemblés  par  lui,  il  n'en  est  pas  moins  vrai  que 
l'écrivain  qui  mettra  plus  tard  ces  matériaux  en  oeuvre,  aura  toujours  à  repren- 
dre quelque  chose  à  ce  choix,  selon  le  point  de  vue  où  il  se  trouvera  placé.  S'il 
veut  écrire  l'histoire  politique  de  Frédéric  III,  il  regrettera  nécessairement  quêtant 
de  documents  ecclésiastiques  et  de  dissertations  théologiques  aient  fait  mettre  de 
côté  des  pièces  exclusivement  politiques  qui  lui  offriraient  plus  d'intérêt  ;  pour 
un  historien  de  l'Eglise  le  fait  contraire  arrivera.  Tel  autre  trouvera  sans  doute 
que  M.  Kl.  aurait  mieux  fait  de  publier  quelques  pièces  inédites  de  plus,  quand 
même  elles  ne  seraient  pas  de  Frédéric  111  lui-même,  plutôt  que  certains  billets 
autographes  dont  la  valeur  historique  est  très-peu  considérable.  On  pourrait  trou- 
ver d'autres  objections  encore,  mais  du  moment  que  des  considérations,  pécu- 
niaires ou  autres,  interdisaient  la  publication  intégrale  de  la  correspondance,  il 
n'était  guère  possible  de  les  éviter.  Il  est  une  autre  question,  fort  délicate  aussi, 
dont  M.  K.  parle  dans  sa  préface,  qui  touche  à  la  transcription  des  documents. 
M.  K.  a  changé  l'orthographe  des  lettres  pour  faciliter  la  lecture.  Nous  avouons 
que  nous  ne  pouvons  l'approuver.  Où  s'arrêtera-t-on  avec  des  considérations  de 
ce  genre  ?  Si  l'on  change  la  forme  des  mots,  pourquoi  ne  pas  changer  la  forme  des 
phrases  ?  Dans  un  livre  destiné  exclusivement  aux  savants  —  et  je  ne  pense  pas 

I.  Il  est  regrettable  que  le  caractère  typographique,  adopté  pour   les  pièces   extraites 
soit  si  fin  qu'il  fatigue  bien  vite  les  yeux.' 


92  REVUE    CRITIQUE 

que  M.  Kl.  puisse  croire  que  son  recueil  de  documents  tombe  en  d'autres  mains, 
—  l'exactitude,  je  dirai  même  la  minutie  scientifique  doit  primer  toute  autre 
considération.  L'éditeur  lui-même  l'a  senti,  car  il  a,  par  une  bizarre  inconsé- 
quence, respecté  le  style  princier,  tout  en  corrigeant  l'orthographe  du  menu  peuple 
des  ministres,  savants,  etc.  A  moins  que  l'on  ne  doive  voir  en  cela  une  trace  de 
ce  respect  monarchique  outré  dont  on  se  ferait  difficilement  une  idée  chez  nous 
au  xix^  siècle,  mais  qui  subsiste  encore  dans  certains  pays  de  l'Allemagne,  il 
faut  en  conclure  que  M.  Kl.  a  compris  que  la  transcription  exacte  était  préférable  ; 
mais  alors  pourquoi  ne  pas  l'appliquer  à  tout  le  monde  ? 

Enfin,  pour  en  finir  avec  des  critiques  qui  ne  touchent  après  tout  que  des 
détails  de  méthode,  nous  regretterons  encore  que  certaines  pièces  n'aient  pas  été 
données  intégralement,  quand  l'analyse  qu'en  fait  M.  Kl.  est  si  détaillée,  que  le 
gain,  pour  la  place,  a  dû  être  minime,  sans  compter  qu'au  lieu  de  les  avoir  en 
style  direct  nous  les  avons  en  style  indirect  qui  détruit  toujours  plus  ou  moins  la 
physionomie  d'un  document  ■ . 

Le  volume  de  M.  Kl.  s'ouvre  par  une  introduction  détaillée  de  plus  de 
soixante  pages  sur  la  littérature  du  sujet_,  la  vie  de  Frédéric  depuis  1515,  sa 
famille,  ses  correspondants,  etc.  Les  lettres  et  pièces  renfermées  dans  ce  pre- 
mier volume  sont  au  nombre  de  393.  Elles  ne  se  rapportent  qu'à  l'espace  de 
sept  années,  de  i  $  $9  à  1 566.  Nous  n'avons  pas  à  faire  ressortir  ici  leur  valeur 
générale  pour  l'histoire  de  cette  époque,  mais  nous  voulons  indiquer  en  quelques 
mots  les  pièces  qui  intéressent  davantage  notre  histoire  nationale.  Depuis  la 
mort  de  Henri  II  nous  y  trouvons  une  série  non  interrompue  de  communications 
officielles,  officieuses  et  secrètes  entre  la  cour  de  France,  les  mécontents  reli- 
gieux et  politiques  du  pays  et  la  cour  de  Heidelberg.  Nous  citerons  en  parti- 
culier la  longue  relation  des  théologiens  Diller  et  Boquin  sur  le  colloque  de 
Poissy  (p.  2 1 5)  les  promesses  de  conversion  faites  au  nom  de  Catherine  de 
Médicis  par  ses  ambassadeurs,  (p.  236)  les  rapports  détaillés  sur  le  massacre  de 
Vassy  (p.  268),  le  message  de  Pierre  de  Weyda  sur  la  conférence  de  Bayonne 
(p.  590),  le  récit  des  docteurs  Junius  et  Lauck  sur  leur  légation  à  Paris  en 
1566  (p.  731),  ainsi  que  les  nombreuses  ambassades  qui  arrivaient  aux  cours 
d'Allemagne  depuis  le  commencement  des  troubles  religieux  en  France,  sollici- 
tant en  sens  opposé  la  neutralité  ou  bien  les  secours  des  princes  de  l'Empire,  et 
qu'il  serait  trop  long  d'énumérer  ici  ^  Une  bonne  partie  de  ce  volume  est  con- 
sacrée à  l'histoire  ecclésiastique  et  à  la  théologie.  Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  éton- 


1 .  Ainsi,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  pourquoi  un  document  d'un  aussi  haut  intérêt 
que  doit  l'être  nécessairement  la  lettre  de  Philippe  II  d'Espagne  à  Frédéric  III,  sur  la 
conférence  de  Bayonne,  n'est-il  pas  donné  en  entier  ?  Je  suppose  d'ailleurs  que  cette  lettre 
était  écrite  en  français,  ce  qui  n'est  pas  dit. 

2.  Les  épreuves  n'ont  pas  toujours  été  corrigées  avec  le  même  soin.  Nous  avons  vu 
plus  d'un  nom  français  estropié  dans  les  subscriptions  et  les  notes,  p.  ex.  Monloc  pour 
Monluc,  Beaumont  des  Andrets  pour  Baron  des  Adrets,  Remboullet  pour  Rambouillet, 
Vidâmes  des  Chartres  pour  Vidame  de  Chartres,  Doiscl  pour  d'Oyssel,  etc. 


d'histoire  et  de  littérature.  9^ 

ner  :  le  xvi*  siècle  est  le  siècle  de  la  lutte  religieuse,  et  princes  et  manants  y  pre- 
naient part  avec  une  égale  ardeur.  Il  peut  nous  paraître  étrange  de  voir  des 
têtes  couronnées  échanger  des  lettres  sur  la  question  de  savoir  si  Dieu  a  des  yeux 
(p.  401),  sur  la  valeur  du  pédobaptisme(p.  531),  sur  la  signification  précise  delà 
Sainte-Cène  (p.  586),  etc.  En  définitive  ces  sujets  épistolaires  sont  préférables 
encore  à  d'autres,  d'époque  plus  moderne.  L'histoire  des  mœurs  trouvera  égale- 
ment d'intéressants  renseignements  dans  le  volume  de  M.  Kl.;  nous  signalerons 
une  curieuse  lettre  de  Frédéric  sur  le  cabinet  noir  d'un  de  ses  collègues  princiers 
qui  décachetait  ses  lettres,  et  sur  l'ivrognerie  brutale  qui  avait  cours  alors  dans 
les  cercles  les  plus  élevés  de  la  société  (p.  J09)  ;  une  autre  lettre,  très-bien  sentie, 
sur  la  nécessité  de  donner  aux  futurs  souverains  une  éducation  chrétienne 
(p.  704),  une  troisième  sur  le  scandale  que  causait  à  la  cour  de  Heidelberg  la 
vie  privée  du  prince  de  Condé  (p.  517).  Quel  tableau  plus  frappant  et  plus  naïf 
de  la  simplicité  qui  régnait  alors  encore  en  Allemagne,  que  les  lettres  de  l'Elec- 
trice  Marie,  qui  tantôt  envoie  un  berceau  à  son  petit-fils,  ou  bien  expédie  de 
Heidelberg  à  Gotha,  les  chemises  d'un  valet  de  chenil,  dont  la  mère  l'a  prié  de 
se  charger,  ou  bien  accuse  réception  à  sa  fille  de  1 7  pièces  de  lin,  filées  par  elle 
et  dont  l'Electrice  doit  faire  des  draps  ?  (p.  690  ss.). 

Des  notes  historiques  en  grand  nombre  ont  été  partout  ajoutées  où  le  besoin 
s'en  faisait  sentir  ;  elles  seront  rendues  plus  utiles  encore  par  un  index  détaillé 
qui  sera  publié  à  la  fin  du  second  volume.  Nous  souhaitons  vivement  qu'il  ne  se 
fasse  pas  trop  longtemps  attendre  et  que  cette  nouvelle  série  de  publications  de 
l'Académie  de  Munich,  si  bien  commencée  par  M.  Kluckhohn,  compte  bientôt, 
elle  aussi,  de  nombreux  volumes  comme  ses  brillantes  ainées,  les  Chroniques  et  les 

Annales  de  l'Empire. 

RoD.  Reuss. 


1 56.  —  TêSl  Prophécie  du  Roy  Charles  VIII  par  maître  Guilloche  Bourdelois, 
publiée  pour  la  première  fois  d'après  le  ms.  unique  de  la  Bibliothèque  impériale  par  le 
marquis  de  La  Grange,  membre  de  l'Institut,  et  de  l'Académie  de  Bordeaux.  Paris, 
Académie  des  Bibliophiles,  1869.  In- 18,  liv-82  p.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

J'avais  songé  —  je  l'ai  dit  ici  même  '  —  à  imprimer  le  petit  poème  de  Guil- 
loche, mais  je  m'étais  empressé  d'abandonner  ce  projet,  en  apprenant  que 
M.  le  marquis  de  La  Grange  préparait  le  volume  qu'il  nous  donne  aujourd'hui. 
Nul,  disais-je  au  même  endroit,  ne  peut  mieux  que  cet  érudit  publier  la  prophécie 
du  roy  Charles  VIII,  et  ce  n'était  point  là  une  simple  formule  de  politesse,  c'était 
l'expression  d'un  sentiment  sincère  et  que  rendait  bien  naturel  le  souvenir  d'un 
de  ces  passés  qui  sont  une  garantie  pourl'avenir.  Je  constate  avec  joie  que  j'avais 
eu  grandement  raison  de  louer  d'avance  le  nouveau  travail  de  l'éditeur  des 
Mémoires  de  Jacques  Nompar  de  Caumont  et  de  Hugues  Capet. 


I.  Compte-rendu  de  Y  Histoire  de  Charles  VIII  de  M.  deCherrier,  n*  du  15  février  1869, 
103,  note  !. 


94  REVUE    CRITIQUE 

Au  début  de  son  Introduction  (p.  IV),  M.  de  L.  déclare  que,  malgré  les  plus 
persévérantes  recherches  à  la  Bibliothèque  impériale,  à  la  Bibliothèque  de  l'Arsenal, 
dans  les  cartons  de  CoUetet,  dans  tous  les  recueils  et  correspondances  de  la  fm 
du  XV*  siècle,  il  n'a  rien  recueilli  qui  se  rapporte  à  Guilloche,  et  que  l'unique 
document  où  son  nom  figure  est  le  manuscrit  du  poème  : 

De  Bourdeaulx  suis  et  Guiennoys, 
Qu'on  appelle  maislre  Guilloche  (p.  3). 

Mes  propres  investigations  n'ont  pas  été  plus  heureuses,  et,  en  définitive,  il  faut 
se  résigner  à  ne  savoir  sur  le  poète  que  le  peu  qu'il  nous  a  lui  même  appris. 
Quant  à  sa  famille,  M.  de  L.  en  a  cherché  soigneusement  les  traces  dans  le 
Bordeaux  du  xv  et  du  xvi*  siècle,  mais  il  n'a  pu  sortir  du  vague  et  de  l'incertain. 
Le  supplément  de  Jean  Damai  à  la  Chronique  bourdeloise  de  Gabriel  de  Lurbe  lui 
a  offert  la  mention  d'un  Pierre  Guilloche  ou  de  Guilloche  qui  fut  cinq  fois  jurât, 
de  1 5 1 5  à  1 536.  Les  minutes  des  anciens  notaires  de  Bordeaux,  conservées  aux 
Archives  départementales  de  la  Gironde,  ont  appris  à  M.  de  L.  que  ce  Pierre, 
qui  reçoit  dans  les  actes  le  titre  d'écuyer  et  de  Seigneur  de  La  Loubière  ', 
avait  eu  de  Jehanne  Bec  trois  fils,  dont  un,  nommé  Jean,  devint  conseiller  au 
parlement  de  Bordeaux  (8  avril  i  $43),  embrassa  la  Réforme  et  fut  une  des  vic- 
times de  la  Saint-Barthélémy  bordelaise  2.  Un  autre  Guilloche  (Raymond)  appa- 
raît, d'après  divers  documents  des  mêmes  archives,  comme  avocat  à  Bordeaux 
en  1467,  comme  conseiller  au  parlement  de  cette  ville  en  1468;  il  redevint 
avocat  en  1469,  conseiller  eu  1472,  et  il  disparait  avant  le  commencement  du 
XVI*  siècle.  Pierre  et  Raymond  ont  été  tous  les  deux  contemporains  du  poète, 
mais  rien  ne  prouve  qu'aucun  d'eux  puisse  être  identifié  avec  lui,  ni  même 
qu'aucun  d'eux  ait  été  pour  lui  autre  chose  qu'un  homonyme,  et  M.  de  L.  se 
montre  très-prudent  en  ajournant  toute  discussion  sur  ce  point  et  en  se  con- 


1.  M.  de  L.  a  oublié  de  citer  le  Rôle  des  nobles  de  Guyenne  sujets  au  ban  et  à  l'arriére' 
ban  (1 5  juin  1 594)  inséré  dans  .  le  tome  I  des  Archives  historiques  du  département  de  la 
Gironde  (p.  406-422),  et  où  (p.  415)  il  est  question  de  Jean  de  Guilloche,  écuyer,  sei- 
gneur de  la  maison  noble  de  La  Loubière.  Une  fille  et  héritière  de  ce  Jean  (Jeanne  de 
Guilloche,  dame  de  Roquetaillade)  était  dame  de  La  Loubière  en  1609. 

2.  M.  de  L.  aurait  pu  invoquer,  au  sujet  de  ce  Jean  de  Guilloche,  deux  documents 
très-curieux  :  l'un,  que  j'ai  publié  dans  le  tome  X  des  Archives  historiques  du  départ,  de  la 
Gironde  (p.  344)  est  une  lettre  du  sieur  de  Montferrant,  gouverneur  de  Bordeaux,  au 
roi  Charles  IX,  datée  du  28  octobre  i869,etoùJean  deGuillocheet  sonneveule  procureur 
général  (Romain  de  Mulet)  sont  violemment  pris  à  partie  ;  l'autre,  qui  a  été  publié 
dans  les  Mémoires  de  ï Estât  de  France  sous  Charles  neufiesme  (édition  de  1 578, 1. 1,  p.  529- 
539),  intitulé  :  Massacres  de  ceux  de  la  Religion  à  Bourdeaux  le  3  jour  d'octobre  1572,  et 
où  l'on  trouve  ce  passage  :  «  Le  Gouverneur  leur  commanda  de  tuer  tous  ceux  de  la 
Religion...  et  luy-mesmes  leur  voulant  monstrer  l'exemple,  s'en  alla  à  la  maison  de 
M.  Jean  de  Guilloche,  sieur  de  La  Loubière,  conseiller  en  la  Cour  de  Parlement,  pour 
exécuter  la  haine  de  longue  main  conçeue  contre  luy,  lequel  se  voulut  garantir  par  une 
porte  de  derrière  :  mais  il  fut  ramené  en  la  basse  court  de  sa  maison  devant  le  Gouver- 
neur qui  le  massacra  à  coups  de  coutelas.  Sa  maison  fut  entièrement  pillée  et  saccagée.  » 
Il  est  encore  parlé  (à  l'année  1 558)  du  conseiller  Jean  de  Guilloche  dans  ['Histoire  ecclé- 
siastique de  Th.  de  Bèze  (i  580.  t.  I,  p.  151). 


D*H1ST0IRE    ET    DE    LITTÉRATURE.  95 

tentant  de  nous  faire  espérer  (p.  X)  que  «  l'étude  assidue  des  sources  authen- 
tiques dissipera  sans  doute  les  ténèbres  qui  nous  cachent  encore  maître 
Guilloche.  » 

Après  avoir  rappelé  à  l'aide  du  poème,  que  Guilloche  se  rendit  à  Reims  pour 
assister  au  sacre  de  Charles  VIII  (mai  1 584),  qu'ensuite  il  voyagea  en  Italie,  et 
que  ce  fut  en  1 594  qu'il  composa  la  Prophécie  de  Charles  VIII,  M.  de  L.  analyse 
minutieusement  cette  prophécie,  retrace  l'histoire  du  manuscrit  en  se  servant  de 
précieux  renseignements  fournis  par  M.  Léopold  Delisle  ',  et  énumère  les  cri- 
tiques et  les  historiens  qui,  soit  rapidement,  soit  plus  longuement,  ont  eu 
à  s'occuper  de  ce  manuscrit,  dom.  Montfaucon,  Sainte-Palaye,  de  Foncemagne, 
Zeller,  de  Cherrier.  —  M.  de  L.,  qui  a  emprunté  à  la  notice  inédite  de  Sainte- 
Palaye  sur  le  poème  de  Guilloche  (Biblioth.  impér.  coUeaion  Moreau)  une 
bonne  partie  de  sa  description  du  manuscrit  'p.  XLV-XLVII),  a  reproduit  en 
entier  (p.  XLVIII-LIV)  la  notice  sur  le  même  poème  publiée  par  Foncemagne  * 
dans  le  tome  XVI  des  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions  (175 1  p.  245). 

L'appréciation  que  fait  M  de  L.  de  l'opuscule  de  Guilloche,  soit  qu'il  en  con- 
sidère le  fond,  soit  qu'il  en  considère  la  forme,  est  généralement  exacte  :  Seule- 
ment le  docte  éditeur  me  permettra  de  trouver  bien  étrange  ce  rapprochement 
de  la  p.  XXXVIII  :  «  Quelquefois  même  il  (Guilloche)  a  des  mouvements  lyri- 
ques qui  rappellent  Victor  Hugo.  »  Ne  comparons  jamais  le  vulgaire  moineau 
avec  l'aigle  sublime  !  Guilloche  est  un  poète  assez  médiocre,  bien  inférieur  même 
à  la  plupart  de  ceux  qui  ont  chanté  l'expédition  de  Charles  VIII,  et  M.  de  L., 
dans  son  épître  dédicatoire  aux  membres  de  l'Académie  de  Bordeaux,  confesse 
du  reste,  qu'une  place  des  plus  modestes  doit  lui  être  réservée  sur  le  Parnasse 
bordelais?.  Comme  document  historique,  la  Pro/^/zm^  vaut  beaucoup  plus  que 
comme  document  littéraire.  L'on  y  trouvera  certaines  circonstances  qui,  ainsi 
que  l'a  déjà  remarqué  Foncemagne,  «  ont  échappé  aux  historiens.  »  Ce  qu'il  y 
a  de  plus  important  dant  le  poème,  c'est  que  l'on  y  voit  partout  le  reflet  de  cette 
opinion,  alors  générale,  que  la  conquête  de  Constantinople  était  le  véritable  but 
du  voyage  de  Charles  VIII  au-delà  des  Alpes.  Florence,  Rome,  Naples,  n'étaient 
que  les  étapes  du  chemin  qui  conduisait  vers  l'Orient  le  descendant  de  saint  Louis. 
Parmi  les  personnages  célèbres  que  le  poème  nous  fait  mieux  connaître,  je  signa- 
lerai surtout  le  cardinal  Julien  de  la  Rovère,  alors  très-sympathique  à  la  cause 


1.  Le  savant  auteur  du  Cabinet  des  manuscrits  (dans  l'Histoire  générale  de  Paris)  croit 
(tomel,  in-f*,  1868,  p.  95)  que  le  manuscrit,  oui  a  fait  partie  de  la  Bibliothèque  de 
François  I",  avait  appartenu  à  Charles  VIII.  M.  de  L.  ajoute  (p.  XXIV)  que  ce  manus- 
crit avait  été  présenté  à  Anne  de  Bretagne  en  1 594,  ce  qui  est  bien  possible,  mais  ce 
qui  n'est  nullement  prouvé. 

2.  J'avais    prétendu    bien    à  tort,  trompé  par  une  apparente  ressemblance  d'écriture 
que  la  note  anonyme  mise  en  tête  du  manuscrit  171 3  du  Fonds  français,  est   de   l'abbe 
Sallier.  M.  de  L.  la  restitue  en  toute  sûreté  à  Foncemagne  (p.  XCVII). 

3 .  Le  poète  lui-même  ne  paraît  point  se  faire  d'illusion  sur  son  talent.  Il  ne  sait  pas 
trop  (p.  2)  si  sa  a  mectrificature  »  sera  jugée  «  défective  »  ou  non.  »  Il  dit  humblement 
(p.  so)  : 

Si  en  cecy  trouvez  ditz  meschans, 
Vueillez  pardonner  ma  folie. 


96  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

française,  et  qui  depuis  fut,  au  contraire,  sous  le  nom  de  Jules  II,  un  des  plus 
ardents  adversaires  de  cette  même  cause  (p.  41-45). 

Le  texte  de  la  Prophécie  du  roy  Charles  VI II  (p.  I-jo)  a  été  très-fidèlement  re- 
produit. En  comparant  la  copie  de  M.  de  L.  avec  celle  que  j'avais  déjà  com- 
mencé à  prendre,  je  n'ai  pu  relever  aucune  différence.  L'éditeur  a  bien  fait  d'a- 
jouter aux  vers  de  maître  Guilloche  les  accents,  les  points  et  les  virgules  qui 
étaient  indispensables  pour  en  rendre  la  lecture  claire  et  facile.  Ce  texte  n'est 
pas  annoté.  Toutes  les  explications  philologiques  ou  historiques  ont  été  placées 
dans  le  Glossaire-Index  très-copieux,  trop  copieux  même,  qui  remplit  les  ^2  der- 
nières pages  du  volume  si  admirablement  imprimé  par  M.  Jouaust.  J'ai  dit  trop 
copieux,  et  tous  les  lecteurs  probablement  penseront,  avec  moi,  que  l'on  aurait 
pu  se  dispenser  de  traduire  (pour  m'en  tenir  à  la  lettre  A)  les  mots  Acomplir, 
Advis,  affin  que,  Alemaigne,  Aliance,  Aulîruy,  etc.  De  même,  était-il  besoin  de 
définir  (p.  5  3)  les  mots  :  sainte  Ampoule  ?  Si  tout  cela  est,  comme  parle  Guilloche 
(p.  9),  «  chose  superfluse,  «  d'autres  notes  sont  en  grand  nombre  très-utiles  et 
très  intéressantes,  et  en  somme  ce  glossaire  fait  honneur  à  l'éditeur. 

En  finissant,  je  reviens  à  l'introduction  pour  noter,  comme  je  l'ai  avancé  dans 
l'article  déjà  cité  sur  le  Charles  VIII  de  M.  de  Cherrier,  qu'il  reste  aujourd'hui, 
non  pas  «  un  seul  exemplaire  »  de  la  Vision  de  Jehan  Michel  (j>-  xxvii),  mais  deux 
au  moins,  celui  de  la  Bibliothèque  impériale  devant  êtrejointàceluidela  Bibliothèque 
de  Nantes.  M.  de  L.  G.  eût  aussi  dû  s'abstenir  d'affirmer  comme  chose  avérée  que 
le  célèbre  poème  des  Quatre  Fils  Aimon  était  de  Huon  de  Villeneuve,  contempo- 
rain de  Philippe-Auguste.  On  ne  sait  rien  de  ce  Huon  de  Villeneuve,  sinon  que 
son  nom  figure  dans  un  manuscrit  jadis  possédé  par  Fauchet  et  aujourd'hui  perdu. 
Ce  petit  point  d'histoire  littéraire  a  été  débattu  dans  la  préface  ù'Aye  d'Avignon, 
poème  publié  par  les  soins  d'une  commission  dont  M.  de  La  Grange  est  prési- 
dent '.  T.  DE  L. 


.     LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Crétineau-Joly,  Bonaparte,  le  Concordat  de  1801  et  le  Cardinal  Consalvi  (Pion). 

—  Grœber,  Die  handschriftlichen  Gestaltungen  d.  Chanson  de  Fierabras  (Leipzig, 
Vogel).  —  Haussonville  (d'),  l'Église  romaine  et  le  premier  Empire,  t.  IV  (M.  Lévy). 

—  MiÎLLER  (Max),  The  Rig-Veda-Sanhita,  translated  and  explained.  Vol.  I  (London, 
Trùbner).  —  Rutebeuf,  le  Miracle  de  Théophile,  p.  p.  Klint  (Upsal,  Schultz).  — 
Semichon,  la  Paix  et  la  Trêve  de  Dieu,  2'  édit.  (Albanel). 


I.  Cet  article  était  imprimé  lorsqu'à  paru,  dans  la  Bïbliothlqut  de  l'École  des  Chartes 
(p.  348  de  l'année  courante),  un  compte-rendu  du  même  ouvrage,  où  M.  Delisle  nous 
fait  savoir  que  M.  de  La  Grange  a  trouvé,  mais  trop  tard  pour  en  faire  usage  cette  fois- 
ci,  dans  Pasini  {Cod.  Taurin.  II,  496),  l'indication  d'un  autre  poème,  le  Bien  ducal, 
dédié  au  duc  de  Savoie  Philibert  II.  Nul  doute  qu'il  ne  s'y  trouve  de  nouveaux  rensei- 
gnements sur  Guilloche. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Barthel;  réunion  des  mémoires  publiés  à  diverses  époques  sur  Dante  par  l'auteur 
de  la  grande  édition  critique  de  la  Divine  Comédie. 

The  Atheneeum.  24  juillet. 

The  Life  of  Madame  Louise  de  France,  Daughter  of  Louis  the  Fifteenth,  known 
also  as  Mother  Thérèse  de  Saint  Augustin,  by  the  author  of  Taies  of  Kirkbeck, 
Rivingtons;  ouvrage  qui  ne  paraît  point  contenir  de  faits  nouveaux.  — Q^  Horatii 
Flacci  opéra;  illustrated  from  Antique  Gems  by  C.  \V.  King;  the  Text  revised, 
with  an  Introduction  by  H.  A.  Munro,  Bell  and  Daldy  ;  l'introduction  de  M.  Munro, 
le  célèbre  éditeur  de  Lucrèce,  est  présentée  comme  un  morceau  remarquable;  la 
reproduction  des  pierres  gravées  est  médiocre.  —  Brown  (Richard),  A  History 
of  the  Island  of  cape  Breton;  with  some  Account  of  the  Discovery  and  Settlement 
of  Canada,  Nova  Scotia  and  Nœfoundland;  Low  and  C.  —  Découvertes  à  Jéru- 
salem, The  parallel  holiness  ofmounts  Zion  and  Moriah  (lettre).  —  Pagan  rites  in 
France  (lettre  sur  l'usage,  encore  existant  à  Luchon,  de  brûler,  la  veille  de  la 
Saint-Jean,  des  serpents).  —  The  semitic  languages  (Lettre  signée  Hyde  Clarke). 
—  Notons  dans  la  chronique  intitulée  Our  weekly  Gossip  de  curieux  rensei- 
gnements sur  une  grammaire  créole,  publiée  par  un  créole  de  la  Trinité.  — 
NoRTHCOTE  (Spencer)  and  Brownlow,  Roma  Sotteranea,  or  some  account  of  the 
Roman  Catacombs,  especially  of  the  Cemetery  of  San  CalUsto,  Longmanns  and  C°; 
M'  Caul,  Christian  epitaphs  in  the  first  six  Centuries,  Toronto,  Chewett;  le  pre- 
mier de  ces  livres  est  une  compilation  (autorisée)  du  grand  ouvrage  de  M.  de 
Rossi,  le  second  n'est  guère  plus  qu'un  guide. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Arundel  (T.).  Historical  Réminiscences 
of  the  City  of  London  and  its  Livery 
Companies.  In-8*,  cart.  452  p.  London 
(Bentley).  18  fr.  75 

Carlyle(T.).  Life  of  Schiller;  comprehen- 
ding  an  Examination  of  his  Works.  In-8*, 
cart.  320  p.  London  (Chapmann  et  H.). 

9  fr.  40 

Clément  of  Alexandria(Writingsof). 
Translated  by  Rev.  W.  Wilson.  Vol.  II. 
In-8*,  cart.  $38  p.  Edinburgh  (Clark). 
13  fr.  15 


Elliot  (H.  M.).  The  History  of  India  as 
told  by  its  own  Historians.  The  Muham- 
madan  Period.  Edited  by  J.  Dowson. 
Vol.  II.  In-8',  cart.  587  p.  London 
(Trùbner  et  C*).  22  fr.  50 

Freshfleld  (D.  W.).  Travels  in  the  Cen- 
tral   Caucasus   and  Bashan,   including 


Visits  to  Ararat  and  Fabreez  and  Ascents 
ofKazbeckandElbruz.  In-8*,cart.  308  p. 
London  (Longmans).  22  fr.  50 

Inglis  (R.).  The  Dramatic  Writers  of 
Scotland.  In-12,  cart.  156  p.  London 
(Simpkin).  4  fr.  40 

Jinghusan  Battisi,  or  thirty  two  Taies 
of  Bikramajit.  Translated  intoHindu  from 
the  Sanskrit.  New  edit.  In-8*,  cart.  Lon- 
don (W.  Allen).  iS  fr.  6  s 

Nevius  (J.  L.).  China  and  the  Chinese  : 
a  gênerai  Description  of  the  Country  and 
its  Inhabitants  with  map  ad  illustrations. 
In-8%  456  p.  New-York.  10  fr.  65 

Story  of  Gretter  the  Strong.  Translated 
from  the  Icelandic  by  Eerik  Magnusson 
and  W.  Morris.  In-8*,  cart.  328  p.  Lon- 
don (Ellis).  10  fr. 


Tl\/Î  O  1\/î  l\/î  ^  f?  1\T     ^'^^^^""^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
•     iVl  VJ  iVl  iVl  O  LL  1  >      Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8°.  r  fr^ 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 

Pî  A  1\T  NI  TT*  nr    ^^^^  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 
•     J  -r\  i N  iM  Ci    1      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8°.  2  fr. 

NICOLAS  DE  TROYES^X"— ; 

nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in- 16,  papier  vergé,  cai tonné.  5  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

F-pv  T  T7  ^     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  T"  partie. 
•       *-^  l  ïldZ^         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

Ej~\  r-\  TV  T   A    TV  T      Saint  Paul  (Livre  IIP  de  l'histoire  des  origines 
•      IV  I_i  1  >  i\  IN      du  christianisme),  i  vol.  in-S",  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  7  fr.  50 


En  vente  à  la  librairie  A.  Durand  et  Pédone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 

çi  y^  r-^  T  -pv  r-p  /^  D  T  T  TV  /f  ^^  rausica  medii  aevi  novam  seriem  a 
i^v^-'Ivl  1  1  vy  rv  U  iVl  Gerbertina  alteram  coUegit  nuncque 
primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

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J.  CRÉTINEAU  JOLY    ZZZ' Il    I 

1801  et  le  cardinal  Consalvi,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-8°.  7  fr.  50 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  33  Quatrième  année  14  Août  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 
DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 


PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

ï  A  D  D  r^  D  I— I  UT^  T  tr  ^^  ^^^  Charles  VIII  par  maistre 
L^J\  rrVWllltLv^lCj  Guilloche  Bourdelois,  publiée 
pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 
par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-8''.  7  fr.  jo 


AlV/T  A  D  T  tr  T' nr  tr     ^^^  '^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
•      lVl/\rvll_j    1     1    JZj     l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-S^»  avec 

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HARTWIG      DERENBOURG 

Essai  sur  les  formes  des  pluriels  arabes.  In-8°.  3  fr. 


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Cet  ouvrage  forme  le  y  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M,  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


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ihn  nach  den  puellen.  In-8%  194  pages. 
Gœttingen  (Dieterich).  4  fr. 

Aphraates.  The  Homilies  of  Aphraates, 
the  Persian  Sage.  Edited  from  Syriac 
manuscripts  of  the  fifth  and  sixth  centu- 
ries in  the  British  Muséum,  with  an 
English  translation.  Vol  I,  the  Syriac 
text.  In-4'  cart.  London  (V/iliiams  and 
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Benndorf  (0.).  Griech.  u.  sicilische  Va- 
senbiider.  i,  Lfg.  împ.-fol.  (13  lith.  Taf., 
wovon  4  color.  m.  24  S.  Text.).  Berlin 
(Guttentag).  32  fr. 

Berge  (A.).  Dictionnaire  persan-français 
avec  une  table  alphabétique  pour  servir 
de  dictionnaire  français -persan  et  un 
tableau  comparatif  des  années  de  l'ère 
mahométane  et  de  l'ère  chrétienne.  In-8*, 
675  p.  Leipzig  (Voss),  cart.     10  fr.  75 

Beulé  (M.).  Le  sang  de  Germanicus.  In- 
8",  405  p.  Paris  (Michel  Lévy),      6  fr. 

Brecher  (A.).  Histor.  Wandkarte  von 
Preussen,  zur  Uebersicht  d.  territorialen 
Entwickelg.  des  brandenburg.  preuss. 
Staates  von  141 5  bis  jetzt.  Maasstab. 
I  :  750,000.  9  Bltt.  Lith.  u.  color.  Gr. 
in-fol.  Berlin  (D.  Reimer).  16  fr, 

Busson  (A.).  Die  florentinische  Geschichte 
der  Malespini  und  deren  Benutzg.  durch 
Dante.  In-8°,  iij-90  p.  Innsbruck  (Wa- 
gner). 2  fr.  20 

Chardon  (H.).  Les  Députés  de  la  Sarthe 
à  la  Convention.  In-8*,  47  p.  Le  Mans 
(imp.  Monnoyer). 

Chassignet.  Essai  historique  sur  les 
institutions  militaires,  ou  la  formation, 
l'organisation  et  l'administration  des  ar- 
mées en  France,  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'en  1789.  In-8*,  418  p.  Paris 
(Rozier). 

Du  Fresne  de  Beaucourt.  Colbert 
d'après  sa  correspondance.  In-8',  55  p. 
Paris  (Palmé). 

El-Eaz-winis  Zakari  j  aben  Muham- 
med  ben  Mahmûd,  Kosmographie. 


Nachd.  Wiirstenfeld'schen  Text  ausg,  m. 
Benutzg.  und  Beifùgg.  derreichhalt.  An- 
merkgn.  u.  Verbessrgn.  d.  Prof.  Fleischer 
aus  dem  Arab.  zum  ersten  Maie  vollstaen- 
dig  iibersetzt.  von  H.  Ethé.  i.  Halbbd. 
Die  Wunder  der  Schœpfung.  In-8*  J32 
p.  Leipzig  (Eues).  14  fr.  75 

Gaillard  d^tallonde.  Procès  du  che- 
valier de  la  Barre.  Mémoire  présenté  à 
S.  M.  Louis  XVI,  et  pubh'é  par  F.  Pouy. 
In- 18,  57  p.  Paris  (Baur  et  Détaille). 

Georges  (K.  E.).  Ausfùhrl.  latein.  deut- 
scher  Handwœrterbuch  aus  den  Quellen 
zusammengetragen  u.  m.  besond.  Bézug- 
nahme  auf  Synonymik  und  Antiquitasten 
unter  Berùcksicht  des  besten  Hùlfsmittel 
ausgearb.  6.  fastgaïnzlich  umgearb.  und 
sehr.  verm.  Aufl.  2  Bdn.  In-8%  2612  u. 
2304  p.  Leipzig  (Hahn).  17  fr. 

Girard.  France  et  Chine.  Vie  publique  et 
privée  des  Chinois  anciens  et  modernes, 
passé  et  avenir  de  la  France  dans  l'extrême 
Orient,  institutions  politiques,  sociales, 
civiles,  religieuses  et  militaires  de  la 
Chine,  mœurs  et  coutumes,  philosophie 
et  littérature,  sciences  et  arts,  industrie 
et  commerce,  agriculture  et  productions 
naturelles,  action  religieuse,  diplomatique 
et  militaire  de  la  France  en  Chine,  son 
influence  civilisatrice,  son  avenir  politique 
et  commercial  dans  l'extrême  Orient. 
2  vol.  In-8',  915  p.  Paris  (Hachette). 

Grîmm  (J.).  Deutsche  Grammatik.  2. 
Ausg.  Neuer  verm.  Abdruck.  1.  Thi.  i. 
HIfte.  In-8*,  512  p.  Berlin  (Dùmmier's 
Verl.).  12  fr. 

Hucher.  Catalogue  du  Musée  archéolo- 
gique du  ManSj  comprenant  la  description 
de  tous  les  objets  existant  dans  ce  musée 
à  la  date  du  ["janvier  1869.  In-8*,  108  p. 
Paris  (A.  Morel). 

Hucher.  Sceaux  de  la  cour  du  Mans  et 
du  Bourg-Nouvel.  In  8°,  1 3  p.  Caen  (Le 
Blanc-Hardel). 

Janko  (W.  v.).  Das  Leben  d.  k.  k. 
Feldmarschalls  Gideon  Ernst  Frhrn.  v. 
Laudon.  Nach  orig.  Acten  d.  k.  k.  Haus- 


I 


REVUE    CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  33  —  14  Août  —  1869 

Sommaire:  157.  Kirchhoff,  La  composition  de  l'Odyssée.  —  158.  Theiner, 
Histoire  des  deux  Concordats;  Crétineau-Joly,  Bonaparte,  le  Concordat  de  1801 
et  le  cardinal  Consalvi.  —  159.  Berkeley,  Traité  des  principes  de  la  connaissance 
humaine. 


1 57.  —  Die  Composition  der  Odyssée  von  A.  Kirchhoff.  Gesammelte  Auf- 
saetze.  Berlin,  W.  Hertz,  1869.  In-8*,  210  p.  —  Prix  :  4  fr.  85. 

Plusieurs  critiques  ont  essayé  de  décomposer  l'Odyssée.  Mais  ces  tentatives 
sont  plus  récentes  et  plus  rares  que  celles  qui  ont  eu  pour  objet  Viliade  :  elles 
sont  aussi  plus  réservées.  On  a  respecté  jusqu'à  un  certain  point  l'unité  du 
poème,  on  ne  l'a  pas  réduit  en  poudre.  Voici  la  thèse  de  M.  Kirchhoff.  Un 
poète,  le  premier  en  date  et  le  premier  en  mérite,  avait  chanté  les  erreurs 
d'Ulysse  jusqu'au  moment  où  le  héros  remet  le  pied  sur  le  sol  de  sa  patrie.  C'est 
là  le  vieux  nôctto;.  Un  autre  poète  ajouta  une  suite  :  les  aventures  d'Ulysse  dans 
Ithaque.  Ces  deux  éléments  ont  formé  la  première  Odyssée,  Un  rédacteur, 
poète  lui  aussi,  fit  entrer  dans  cet  ouvrage  des  morceaux  d'une  Télémachiade, 
ainsi  que  d'un  xôtto;  différent  de  celui  qui  formait  la  première  partie  de  l'ancienne 
Odyssée;  et  il  réunit  ces  éléments  divers  au  moyen  d'additions  très-faibles.  C'est 
lui  probablement  qui  est  l'auteur  de  la  fin  de  l'épopée,  de  cet  appendice  que  les 
critiques  d'Alexandrie  ont  déjà  condamné.  Enfin  sa  rédaction  est  à  peu  de  chose 
près  celle  que  nous  lisons  encore  aujourd'hui.  Les  rédacteurs  de  Pisistrate  ont 
inséré  quelques  vers,  d'autres  vers  ont  été  interpolés  par  des  rhapsodes;  mais 
tout  cela  est  secondaire.  En  1859  M,  K.  fit  imprimer  un  texte  de  l'Odyssée 
divisée  d'après  ses  vues  (^Die  Homerische  Odyssée  und  ihre  Entstehung.  Text  und 
ErUuîerungen).  Depuis  il  a  publié  plusieurs  mémoires  à  l'appui  de  sa  thèse.  Ces 
mémoires,  au  nombre  de  sept,  se  trouvent  réunis  dans  le  volume  que  nous  avons 
sous  les  yeux. 

Pourquoi  faut-il  croire  que  le  premier  poète  s'est  arrêté  après  avoir  déposé 
son  héros,  profondément  endormi,  sur  le  rivage  d'Ithaque  ?  Ulysse  est  revenu 
dans  son  pays;  mais  il  n'est  pas  rentré  dans  sa  maison.  Comment  triomphera-t- 
il  des  prétendants  ?  Comment  accoraplira-t-il  le  plus  redoutable  de  ses  travaux  ? 
Il  faudrait  prendre  le  mot  Retour,  No^to:,  dans  un  sens  bien  étroit,  pour  déclarer 
le  Retour  d'Ulysse  complet  sans  le  récit  de  ces  événements.  Le  Retour  d'Agamem- 
non  ne  comprenait-il  pas  l'accueil  que  Ciytemnestre  et  Égisthe  firent  à  ce  roi  ? 
Si  M.  K.  avait  raison,  si  le  premier  poète  s'était  en  effet  arrêté  au  vers  184  du 
chant  XIII,  nous  serions  disposé  à  croire  que  la  mort  l'empêcha  de  terminer  son 
ouvrage.  Le  motif  qui  a  déterminé  M,  K.  à  couper  le  poème  en  deux,  ou  tout 
au  moins  le  principal  de  ses  motifis,  se  trouve  exposé  dans  le  mémoire  VI,  le 
plus  intéressant  et,  peut-être,  le  mieux  fait  de  tous.  De  retour  dans  Ithaque 
vm  -, 


98  REVUE    CRITIQUE 

Ulysse  n'est  reconnu  ni  par  ses  amis,  ni  par  ses  ennemis.  Cela  pouvait  s'expli- 
quer d^une  manière  naturelle  :  les  années,  les  fatigues  ont  vieilli  le  héros;  il 
se  présente  sous  un  déguisement;  enfin  tout  le  monde  le  croit  mort  depuis  long- 
temps. Cela  pouvait  aussi  s'expliquer  par  une  action  surnaturelle,  et  c'est  là  ce 
que  nous  voyons  au  1 3^  et  au  i6Mivre.  La  baguette  de  Minerve  transforme 
Ulysse  en  un  misérable  vieillard  méconnaissable  à  tous  les  yeux;  et  elle  lui  rend 
passagèrement  ses  traits  véritables,  afin  qu'il  puisse  se  faire  reconnaître  de  Télé- 
maque.  Mais  cette  donnée  ne  se  soutient  pas  jusqu'à  la  fin.  Au  livre  XIX  Euryclée 
est  frappée  de  la  ressemblance  du  mendiant  avec  son  maître,  et  bientôt  après 
elle  le  reconnaît  à  une  cicatrice.  C'est  au  moyen  de  la  même  cicatrice  que  dans 
le  livre  XXI  Ulysse  se  fait  connaître  à  Eumée  et  à  Philétius.  Cela  ne  s'accorde 
pas  bien  avec  une  métamorphose  magique  ;  mais  cela  se  comprend  aisément,  si 
le  changement  d'Ulysse  est  dû  à  des  causes  naturelles.  Enfin,  au  livre  XXIII, 
Ulysse  n'a  pas  besoin  non  plus  de  la  baguette  de  Minerve  pour  se  faire  recon- 
naître par  Pénélope.  If  est  vrai  qu'il  la  quitte  un  instant  (v.  in  sqq.)  pour 
changer  de  vêtements  et  pour  prendre  un  bain,  duquel  il  sort  beau  et  brillant. 
Mais  les  effets  de  ce  bain  n'ont  rien  de  plus  extraordinaire  que  ceux  du  bain  qui, 
au  6^  livre,  rend  Ulysse  si  admirable  aux  yeux  de  Nausicaa;  et,  de  plus,  M.  K. 
établit  par  des  raisons  plausibles  que  les  vers  11 1- 176  sont  interpolés  par  la 
même  main  qui  ajouta  l'appendice  du  poème.  Dès  l'abord  (v.  85  sqq.),  quand 
Pénélope  arrive  dans  la  grande  salle,  elle  n'a  pas  en  face  d'elle  le  masque  affreux 
décrit  au  13^  livre  ;  on  n'en  doutera  point  en  lisant  ce  morceau  sans  opinion 
préconçue  :  ses  impressions,  ses  sentiments,  les  reproches  que  lui  fait  son  fils, 
tout  le  prouve.  La  seconde  partie  de  l'Odyssée  offre  donc  des  disparates,  que 
M.  K.  a  très-bien  fait  ressortir,  et  que  nous  n'essayerons  point  de  pallier.  Voici 
la  conclusion  qu'il  en  tire.  Dans  les  vieux  chants  populaires  le  changement 
d'Ulysse  tenait  à  des  causes  naturelles  :  le  héros  avait  vieilli.  Cependant  chez 
Calypso,  chez  Circé,  chez  les  Phéaciens,  le  même  Ulysse  paraît  dans  tout  l'éclat 
de  la  beauté  virile.  C'est  que  notre  Odyssée  s'est  formée  par  la  réunion  de  deux 
parties.  Celui  qui  ajouta  au  vieux  Nouxo;  la  suite,  la  seconde  moitié  de  l'épopée, 
s'aperçut  de  cette  contradiction,  et  c'est  lui  qui  imagina  la  baguette  de  Minerve. 
Toutefois  il  se  contenta  de  dissimuler  la  contradiction,  sans  la  lever  tout  entière  : 
il  n'osa  porter  la  main  sur  des  scènes  consacrées  par  la  tradition  :  les  signes 
auxquels  Ulysse  est  reconnu  par  Euryclée,  ceux  qui  lèvent  les  scrupules  de  la 
prudente  Pénélope,  ne  pouvaient  être  modifiés.  Voilà  le  point  oii  nous  commen- 
çons à  nous  séparer  de  l'auteur.  L'hypothèse  de  deux  poètes  est-elle  absolument 
nécessaire  ?  Si  les  deux  parties  de  l'épopée  sont  d'un  seul  et  même  poète,  ce 
poète  n'a-t-il  pas  pu  se  trouver  enchaîné  par  la  tradition  aussi  bien  que  l'auteur 
d'une  suite.''  Ce  qui  fait  la  force  de  l'épopée  homérique,  comme  de  toutes  les 
vieilles  épopées,  c'est  qu'elle  repose  sur  des  traditions  anciennes,  abondantes, 
déjà  façonnées  par  des  poètes.  Mais  ces  mêmes  éléments  traditionnels,  qui 
constituent  la  supériorité  de  ces  poèmes,  ont  aussi  causé  certaines  disparates 
qu'une  critique  incisive  a  pu  considérer  comme  des  défauts. 

Le  mémoire  n°  VII  relève  d'autres  inconsistances.  Les  armes  d'Ulysse  étaient- 


d'histoire  et  de  littérature.  99 

elles  suspendues  dans  la  grande  salle ,  ou  se  trouvaient-elles  dès  l'abord  dans  le 
eâ)a[i(x;?  Les  chants  XVI,  XIX  et  XXII  ne  s'accordent  pas  sur  ce  point,  et  ils 
s'accordaient  encore  moins  primitivement.  M.  K.  a  signalé  avec  beaucoup  de 
sagacité,  et  en  rectifiant  les  vues  des  critiques  alexandrins,  les  vers  interpolés 
pour  dissimuler  tant  bien  que  mal  une  contradiction  qui  subsiste  toujours.  Cette 
contradiction  est  expliquée  par  M.  K.  de  la  même  manière  que  la  précédente:  l'au- 
teur de  la  seconde  moitié  du  poème  n'a  pas  su  mettre  d'accord  ses  propres  inven- 
tions avec  les  chants  traditionnels  sur  lesquels  il  travaillait.  Disons-le  cependant, 
il  nous  est  difficile  de  mettre  les  deux  contradictions  sur  le  même  rang.  Celle 
qui  concerne  le  changement  d'Ulysse  est  en  quelque  sorte  inhérente  au  sujet. 
Celle  qui  concerne  les  armes  conservées  dans  la  maison  d'Ulysse  était  au  contraire 
très-facile  à  éviter;  d'après  le  système  de  M.  K.  l'ordonnateur  de  la  seconde 
moitié  du  poème  l'y  aurait  introduite  de  gaieté  de  cœur.  Peut-être  faut-il  voir 
dans  cette  disparate  un  effet  des  modifications,  des  versions  différentes,  que 
l'épopée  reçut,  en  quelque  sorte  inévitablement,  en  passant  par  la  bouche  des 
poètes  rhapsodes  qui  la  redisaient. 

Quant  à  la  première  panie  de  l'Odyssée,  M.  K.  explique  par  un  autre  système 
les  disparates  qu'il  y  découvre.  Un  premier  noyau,  le  vieux  Xôcrro:,  y  a  été  am- 
plifié au  moyen  de  deux  autres  poèmes.  Pour  ne  parier  ici  que  du  récit  qu'Ulysse 
fait  aux  Phéaciens,  parmi  les  quatre  chants  consacrés  à  ce  récit  le  premier  et  le 
dernier  (IX  et  XII)  sont,  à  peu  de  chose  près,  tirés  du  vieux  Nô^-o;.  Les  deux 
autres  (X  et  XI)  ont  été  empruntés  à  un  poème  plus  récent.  M.  K.  croit  avoir 
reconnu  que  les  aventures  qui  font  le  sujet  de  ces  deux  chants  avaient  été 
racontées  directement  par  l'auteur  de  ce  poème,  et  que  le  rédacteur  les  a  placées 
dans  la  bouche  d'Ulysse,  afin  de  les  accorder  avec  l'ingénieuse  fiction  du 
vieux  NôTTo:.  Telle  est  la  thèse  du  mémoire  V.  Voici  les  arguments.  Ulysse 
raconte  les  événements  qu'il  ne  sait  que  par  ouï-dire  avec  la  même  vivacité 
dramatique  que  ceux  dont  il  a  été  témoin  oculaire  :  il  peint  les  gestes,  il  rapporte 
les  paroles  des  interlocuteurs.  C'est  là  une  faute  que  l'auteur  du  vieux  Notto;  n'a 
pas  commise  :  chez  lui  Ulysse  n'entre  dans  aucun  détail  pareil  en  parlant  de  ce 
qui  arriva  chez  les  Lotophages  à  quelques-uns  de  ses  compagnons.  Cela  est  vrai. 
Mais  cela  tient-il  en  effet  à  la  supériorité  de  ce  vieux  nôcto;?  Il  faut  dire  que  les 
deux  premières  aventures,  celle  des  Cicons  et  celle  des  Lotophages,  sont  très- 
brièvement  racontées  :  elles  n'ont  ensemble  qu'une  quarantaine  de  vers  (IX,  62- 
104).  On  n'y  trouve  de  détail  dramatique  ni  dans  ce  qu'Ulysse  a  vu,  ni  dans  ce 
qu'il  n'a  pas  vu.  —  Un  autre  argument  de  M.  K.  a  moins  de  finesse;  mais,  par 
là  même,  il  prend  quelque  chose  de  plus  positif.  Il  arrive  à  Ulysse,  dans  le  cours 
des  chants  X  et  XI,  de  raconter  des  choses  qu'il  n'a  pas  vues  et  qu'il  n'a  guère 
pu  apprendre  d'autrui.  Nous  le  confessons,  cet  argument  nous  touche  aussi  peu 
que  le  précédent.  Pour  mettre  son  public  dans  la  confidence  des  délibérations 
de  l'Olympe  ou  pour  leur  faire  connaître  d'autres  faits  importants,  le  poète  a 
négligé  certaines  vraisemblances,  de  même  que  plus  haut  il  n'a  pas  observé  cer- 
taines nuances  délicates.  Dans  VÉnéide  (II,  258  sqq.)  les  guerriers  grecs  descen- 
dent du  cheval  de  bois  au  milieu  de  la  nuit  sans  être  aperçus  par  aucun  Troyen. 


100  REVUE    CRITIQUE 

Comment  Enée,  qui  raconte  ces  événements,  a-t-il  pu  savoir  les  noms  des  héros 
enfermés  dans  ce  cheval,  et  même  l'ordre  suivant  lequel  ils  en  sortirent  ?  Je 
l'ignore,  et  je  ne  me  soucie  pas  de  le  savoir.  Qui  voudrait  adresser  à  un  poète 
des  questions  si  indiscrètes  ? 

En  somme,  tous  les  mémoires  réunis  dans  ce  volume  sont  intéressants.  On  y 
retrouve  la  sagacité,  la  pénétration,  qui  ont  si  bien  servi  M.  Kirchhoff  dans 
d'autres  travaux  critiques.  La  rigueur  de  son  esprit  n'est  en  défaut  nulle  part; 
mais  cette  rigueur  nous  semble  quelquefois  excessive  ou  déplacée.  Les  conclu- 
sions de  l'auteur  sont  contestables  ;  ses  observations  sont ,  presque  toutes,  justes 
et  instructives. 

Henri  Weil. 

1 58. —  Histoire  des  deux  concordats  conclus  en  1801  et  en  1803,  d'après 
des  documents  inédits,  extraits  des  archives  secrètes  du  Vatican  et  de  celles  de  France, 
par  Augustin  Theiner,  préfet  des  archives  du  Vatican.  Première  partie.  Concordat 
de  1801.  Paris,  Palmé,  1869.  Gr.  in-8*,  xiv-576  p.  —  Prix  :  12  fr. 

Bonaparte,  le  Concordat  de  1801  et  le  cardinal  Consalvi,  suivi  de  deux 
lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape  Clément  XIVj  par  Crétineau-Joly.  Paris,  Pion, 
1869.  In-8°,  4^5  p.  avec  deux  fac-similé.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

Le  compte  que  nous  avons  rendu  de  l'ouvrage  de  M.  d'Haussonville  (l'Église 
romaine  et  le  premier  Empire)  '  a  fait  voir  qu'avec  des  qualités  de  premier  ordre 
cette  publication  présentait  certaines  lacunes  et  des  défauts  graves.  Elle  laissait 
une  place  assez  large  à  des  spéculations  nouvelles,  et  il  n'était  pas  très-difficile 
de  pressentir  qu'un  essai  aussi  heureux  en  définitive  que  celui  qui  vient  d'ouvrir 
à  son  auteur  les  portes  de  l'Académie  française  ne  tarderait  pas  à  exciter  des 
tentatives  du  même  genre,  dans  un  ordre  d'idées  voisin,  hostile  ou  favorable. 
Œuvre  politique  non  moins  qu'historique,  le  travail  de  M.  d'Haussonville  pro- 
voquait à  la  fois  l'émulation  des  écrivains  qui  cherchent  à  instruire  et  de  ceux 
qui  désirent  plaire.  Le  premier  en  date  (nous  ne  doutons  point  qu'il  n'ait  plus 
d'un  imitateur),  le  Père  Theiner,  préfet  des  archives  du  Vatican,  n'a  point  su  se 
défendre  contre  les  séductions  de  l'exemple.  L'Histoire  des  deux  concordats  {i  Soi - 
1803)  n'échappe  pas  au  double  caractère  de  l'Histoire  de  l'Église  romaine  et  du 
premier  Empire;  elle  y  participe  d'une  façon  étroite,  affectant  les  allures  d'une 
réfutation. 

Et  disons  le  tout  de  suite  :  M.  Crétineau-Joly  se  trompe,  quand  il  se  regarde 
comme  le  principal  objectif  du  Père  Theiner.  Qu'il  y  ait  eu,  qu'il  y  ait  encore 
entre  ces  deux  auteurs  des  inimitiés  profondes,  soit.  Mais  les  ennuis  qu'a  pu 
causer  la  pubHcation  de  M.  Crétineau  n'occupent  qu'un  rang  inférieur  dans  les 
motifs  qui  ont  dicté  la  conduite  de  l'archiviste  du  Vatican.  Les  Mémoires  de 
Consalvi  ne  sont  que  des  matériaux,  malléables  après  tout.  Ce  que  le  Père 
Theiner  a  eu  à  cœur,  c'a  été  de  substituer  au  récit  de  M.  d'Haussonville  une 
version  différente  dans  la  forme,  contraire  par  le  fond,  vraisemblable  et  définitive. 

Esprit  passionné  et  sans  mesure,  doué  de  sagacité  et  dépourvu  de  critique, 

I.  Voy.  Rev.  cnt.,  1868,  art.  54,  1869,  art.  9. 


d'histoire  et  de  littérature.  ioi 

aveugle  et  plein  de  vues,  cynique  et  honnête,  M.  Crétineau-Joly  s'est  Jeté  dans 
la  mêlée  avec  l'intempérance  de  langage  et  d'idées  '  qui  fera  un  jour  son  originalité 
dans  l'histoire  des  lettres.  Les  i  jo  pages  qu'il  consacre  à  la  défense  de  son 
honneur  outragé  selon  lui  par  le  Père  Theiner  (les  seules  pages  qui  doivent 
nous  occuper,  les  autres  se  rapportant  à  une  querelle  étrangère  à  notre  sujet), 
sont  remplies  des  injures  les  plus  gaies,  les  plus  bouffonnes  et  les  plus  inutiles 
qu'on  puisse  imaginer.  Il  est  toujours  superflu  de  dire  d'un  adversaire  que  c'est 
un  menteur,  un  faussaire,  un  ambitieux  :  il  suffit  de  le  montrer.  En  vertu  sans 
doute  d'un  principe  de  tactique  qui  en  effet  a  souvent  réussi,  M.  Crétineau  a 
voulu  porter  le  théâtre  de  la  guerre  sur  le  territoire  ennemi.  Le  gros  du  public 
qu'il  fera  rire  lui  donnera  raison.  En  fait,  ses  attaques  ne  sont  pas  toujours  justi- 
fiées; sa  défense  est  au  contraire  très-solide. 

Le  point  du  débat  entre  M.  Crétineau-Joly  et  le  Père  Theiner  est  celui-ci  : 
quelle  valeur  faut-il  attribuer  aux  Mémoires  de  Consalvi  ?  —  Sont-ils  l'expression 
exacte  des  faits?  La  traduction  publiée  est-elle  la  reproduction  fidèle  et  intégrale 
de  l'original?  Subsidiairement,  sont-ils  authentiques?  Et  s'ils  ont  ce  caractère, 
pourquoi  ne  sont-ils  pas  au  Vatican  ?  —  L'archiviste  de  Rome  ne  pose  pas  ces 
questions  d'une  manière  rigoureuse  et  précise.  Mais  il  les  formule  par  voie  d'in- 
sinuation dans  divers  passages  de  son  récit.  A  quoi  M.  Crétineau-Joly  répond  : 
les  Mémoires  de  Consalvi  étaient  en  effet  destinés  aux  archives  du  Vatican.  Mais 
la  personne  qui  en  avait  reçu  le  dépôt  a  eu  la  très-heureuse  inspiration  de  me  les 
confier.  —  C'est  l'original  et  non  une  copie  que  j'ai  entre  les  mains.  —  Afin  de 
faciliter  la  comparaison  entre  le  texte  et  la  traduction,  je  puhWe  en  fac-similé  l'un 
des  plus  importants  morceaux  (cet  autographe  a  six  feuillets,  p.  80).  D'ailleurs 
je  tiens  le  manuscrit  à  la  disposition  de  tous  ceux  qui  m'en  demanderont  commu- 
nication. —  Consalvi  se  serait,  dites-vous,  repenti  d'un  écrit  composé  sous 
l'empire  de  la  colère,  sans  notes  propres  à  rafraîchir  ses  souvenirs.  Eh  bien! 
lisez  l'article  de  son  testament  daté  de  Rome  le  i"  août  181 1 2,  où  il  s'écrie  en 
affirmant,  dans  leur  ensemble,  la  véracité  de  ses  mémoires  :  Deus  scit  quod  non 
mentior  (fac-similé  en  tête  du  volume).  —  Enfin  toutes  ces  hypothèses  sont 
contradictoires  les  unes  avec  les  autres,  et  il  fallait  sur  elles  prendre  un  parti. 
Tantôt  le  Père  Theiner  croit  les  Mémoires  apocryphes,  tantôt  il  les  déclare 


1.  S'il  n'y  avait  quelque  affectation  à  omettre  le  singulier  défi  porté  par  M.  Crétineau 
de  Droduire  certaines  lettres  de  Bernier  que  le  Père  Theiner  dit  être  déposées  aux  archives 
de  la  guerre  (p.  41),  nous  n'en  parlerions  pas.  Il  est  évident  que  M.  C.  est  sûr  de  son 
fait,  et  nous  pensons  que  cette  lettre  n'existe  aux  dites  archives  q^u'en  copie.  Mais  pour 
qui  a  quelque  peu  fréquenté  ces  archives,  aucun  soupçon  n'est  légitime  sur  la  valeur  his- 
torique de  la  copie,  SI  cette  copie  est  antérieure  à  quelque  vingt  ans.  Une  foule  de  docu- 
ments d'une  authenticité  irrécusable  ne  sont  conservés  au  dépôt  de  la  guerre  que  sous  la 
forme  de  transcription.  Quant  à  l'original,  M.  C.  sait  sans  doute  mieux  que  personne 
entre  les  mains  de  qui  il  se  trouve. 

2.  Cette  date  de  1811  (elle  est  bien  lisible  dans  le  fac-similé),  s'accorde  assez  mal  d'ail- 
leurs avec  l'interprétation  de  M.  Crétineau  qui  représente  le  cardinal  Consalvi  la  souscri- 
vant au  bas  de  son  testament  a  prêt  à  paraître  devant  Dieu  »  (p.  44).  Consalvi  ne  mourut 
qu'en  1824,  et  il  paraît  bien  que  c'est  en  181 2,  à  Reims,  que  le  cardinal  rédigea  ses  sou- 
venirs. La  date  de  1821  semble  bien  préférable.  Peut-être  le  fac-similé  est  fautif  en  cet 
endroit,  ou  Consalvi,  pensant  aux  événements  de  1811,  a  commis  lui-même  un  lapsus 
calami. 


102  REVUE    CRITIQUE 

empreints  de  passion.  Est-ce  ainsi  que  procède  un  historien?  —  Toute  cette 
argumentation  est  irréfutable. 

Si,  mieux  inspiré,  l'archiviste  du  Vatican  avait  serré  de  près  la  discussion,  au 
lieu  de  se  laisser  aller  à  des  généralités  peu  concluantes,  M.  Crétineau  n'en  aurait 
peut-être  pas  eu  aussi  bon  marché.  Une  des  objections  auxquelles  le  Père  Theiner 
devait  se  tenir,  parce  qu'elle  a  une  grande  force,  consiste  à  accepter  les  Mémoires 
de  Consalvi  et  à  leur  opposer  purement  et  simplement  les  documents  officiels. 
Quel  que  soit  en  effet  le  mérite  de  souvenirs  rédigés  après  les  événements,  ils 
ne  peuvent  évidemment  prévaloir  sur  les  témoignages  irrécusables  de  dépêches 
écrites  au  cours  même  de  ces  événements.  Le  principe  est  ici  tellement  rigoureux 
que  M.  Crétineau-Joly,  ayant  à  en  combattre  les  conséquences,  faiblit  immédia- 
tement. Il  partage  les  moyens  de  sa  réplique  en  deux  systèmes  qui  se  détruisent  : 
l'un  tend  à  avancer  que  la  version  des  dépêches  est  identique  à  celle  des  Mémoires 
(et  cela  n'est  point  exact);  l'autre  se  rabat  à  faire  valoir  que  Consalvi,  écrivant 
de  Paris,  ne  se  sentait  pas  libre,  et  qu'il  ne  croyait  pas  à  la  probité  de  l'admi- 
nistration des  postes,  non  plus  qu'à  la  fidélité  des  courriers  (et  en  effet  cela 
paraît  résulter  de  la  correspondance  du  cardinal).  Mais,  d'une  part,  si  la  première 
proposition  est  vraie,  à  quoi  bon  la  seconde .?  Et  d'autre  part,  ce  n'est  pas  seule- 
ment dans  les  dépêches  envoyées  de  Paris  que  l'on  signale  des  divergences  impor- 
tantes avec  les  Mémoires.  Écrivant  de  Rome  en  1801,  dans  toute  la  plénitude 
de  l'indépendance ,  Consalvi  tient  un  autre  langage  et  raconte  autrement  les 
choses  que  dans  ses  souvenirs  (Theiner,  p.  148). 

La  solution  des  problèmes  que  soulève  l'examen  du  concordat  de  1801  se 
trouverait  dans  la  publication  complète  et  intégrale  de  toutes  les  pièces  qui  s'y 
rapportent.  Si  tel  avait  été  le  plan  du  Père  Theiner,  son  travail  serait  irrépro- 
chable. Malheureusement,,  il  ne  déclare  point  avoir  adopté  ce  plan,  ce  qui  autorise 
à  penser  qu'il  s'est  livré  à  un  choix  plus  ou  moins  scientifique  ;  malheureusement 
aussi  le  caractère  de  son  ouvrage,  et  la  connaissance  (aujourd'hui  à  peu  près 
publique)  des  intentions  qu'il  a  eues  en  l'écrivant,  ne  permettraient  pas  d'accorder 
à  ses  assertions  une  foi  entière.  Sans  entrer  dans  les  détails  rebutants  dont 
M.  Crétineau-3oly  (cet  écrivain  a  presque  toujours  eu  le  bonheur  d'être  sûrement 
informé)  montre  qu'il  a  au  moins  à  demi  la  clef,  sans  exposer  ici  les  intrigues 
que  des  ambitions  subalternes  ont  mises  au  service  du  Père  Theiner  à  Paris ,  il 
■  est  nécessaire  de  rappeler  que  ce  savant  n'a  pu  pénétrer  au  fond  des  sources 
secrètes  de  l'histoire  impériale  (fermées  à  tout  le'  monde)  qu'au  moyen  d'enga- 
gements tacites,  de  protestations  verbales,  et  de  professions  faites  à  priori,  c'est- 
à-dire  anti-scientifiques.  Est-il  permis  de  soupçonner  avec  M.  Crétineau-Joly 
que  certains  documents  communiqués  subrepticement  au  seul  Père  Theiner  ou  à 
un  de  ses  amis  aient  depuis  disparu  ?  C'est  aller  un  peu  loin.  Mais  c'est  rester 
dans  les  limites  de  la  saine  critique,  d'affirmer  que  l'historien  du  concordat  de 
1801  a  omis  ou  altéré  les  faits  contraires  à  la  thèse  qu'il  s'est  chargé  de  soutenir. 

Ce  serait  en  effet  une  erreur  de  croire  que  l'étude  de  M.  d'Haussonville  ait 
plu  à  la  cour  de  Rome.  Ennemie  du  bruit  inutile,  attachée  par  nature  à  la  tradi- 
tion, cette  cour  n'aime  pas  également  toutes  les  manières  de  la  défendre;  elle 
n'aime  pas  qu'on  soulève  autour  d'elle  les  problèmes  à  peu  près  résolus  en  sa 


d'histoire  et  de  littérature.  10? 

faveur.  Or  depuis  bien  des  siècles,  les  traités  qui  règlent  les  rapports  du  spirituel 
et  du  temporel,  les  concordats,  sont  son  modus  vivendi.  Elle  sait  ce  qu'ils  ont 
produit  dans  le  passé,  elle  ignore  ce  que  leur  abolition  produirait  dans  l'avenir. 
De  là  une  répugnance  prononcée  à  modifier  son  statut.  Eh  bien  !  qu'il  l'ait  ou 
non  pressenti  (à  son  insu,  nous  le  croyons),  la  conclusion  de  M.  d'Haussonville, 
en  apparence  favorable  au  saint-siége,  est  au  fond  la  démonstration  des  maux 
inhérents  au  mélange  des  choses  de  la  conscience  et  de  celles  qui  tiennent  au 
gouvernement  des  nations.  Rome  a  été  mécontente  plutôt  que  satisfaite  de  l'in- 
vocation de  luttes  ardentes  où  cependant  le  beau  rôle  lui  était  ménagé.  La  raison 
d'être  de  l'Histoire  des  deux  concordats  est  tout  entière  dans  cette  situation. 

Malgré  notre  désir  d'être  bref  sur  la  querelle  agitée  entre  M.  Crétineau-Joly  et 
l'archiviste  du  Vatican,  et  bien  que  nous  en  ayons  seulement  esquissé  les  traits 
principaux,  la  matière  nous  a  entraîné  au  delà  des  bornes  que  comportent  les 
habitudes  de  la  Revue.  On  sentira  combien  ces  développements  importaient  à  l'in- 
telligence de  la  discussion.  Et  même  avant  d'aborder  l'analyse  directe  de  l'ouvrage 
du  Père  Theiner,  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  d'exprimer,  une  fois  pour 
toutes,  le  chagrin  profond  que  causent  aux  esprits  droits,  soucieux  de  la  vérité, 
les  ravages  dont  toute  une  partie  du  champ  de  l'histoire  est  désormais  menacée. 
Par  une  rare  fortune,  l'époque  consulaire-impériale  était  entrée  vivante  au  tom- 
beau. Nous  manquons  de  mots  pour  peindre  la  tristesse  où  nous  jette  la  pensée 
que  de  mesquines  passions  ou  d'insignes  maladresses  ont  attiré  sur  une  statue 
presque  intacte  la  main  des  barbares.  Il  faut  n'avoir  jamais  possédé  au  degré  le 
plus  médiocre  le  goût  de  la  science  désintéressée,  pour  ne  pas  gémir  à  la  vue 
d'une  grande  page  de  nos  annales  qui  s'en  va  en  lambeaux,  trouée  par  l'ineptie, 
déchirée  par  la  pusillanimité,  sacrifiée  à  de  plates  ambitions  et  à  de  dégoûtantes 
intrigues. 

L'ouvrage  du  Père  Theiner  est  divisé  en  treize  chapitres  sous  les  rubriques 
suivantes  :  L  L'Église  de  France  aux  prises  avec  la  Révolution.  II.  Le  général 
Bonaparte  et  l'Église  catholique  avant  le  concordat.  III.  Circonstances  et  raisons 
qui  ont  déterminé  le  général  Bonaparte  à  conclure  le  concordat.  IV.  Négociation 
de  Spina  à  Paris  pour  le  concordat.  V.  Négociation  du  cardinal  Consalvi  à  Paris. 
VI.  Ratification  du  concordat  à  Rome  et  à  Paris.  VII.  Un  mot  d'appréciation  du 
concordat.  VIII.  Le  cardinal  Capraraet  la  publication  du  concordat.  IX.  Récon- 
ciliation du  clergé  constitutionnel.  X.  Création  de  cardinaux  français.  XI.  Dévoue- 
ment du  premier  consul  aux  intérêts  de  l'Église.  XII.  Relations  personnelles 
entre  le  premier  consul  et  Pie  VII.  XIII.  Remplacement  de  Cacault  par  le 
cardinal  Fesch. 

Inégaux  par  le  développement,  ces  chapitres  le  sont  encore  plus  par  le  mérite. 
Ceux  qui  portent  les  numéros  III  et  VII  sont  la  simple  reproduction,  l'un  de 
quelques  pages  de  M.  Thiers,  l'autre  d'une  opinion  émise  par  Dom  Guéranger. 
Il  faut  donc  les  retrancher  de  l'œuvre  du  Père  Theiner.  Les  deux  premiers  cha- 
pitres sont  sans  valeur;  on  n'y  trouve  aucune  recherche  neuve  ou  approfondie. 
C'est  l'amplification  en  style  ecclésiastique  d'un  lieu  commun  qui  traîne  dans 
toutes  les  compilations  dépourvues  d'étude.  Les  abîmes,  les  fléaux  (p.  26),  les 
joies  et  les  afflictions,  etc.,  sont  la  monnaie  courante  de  cette  phraséologie  où  la 


104  REVUE  CRITIQUE 

pensée  est  absente.  La  distinction  historique  entre  Bonaparte  et  Napoléon  (p.  27), 
en  forme  un  des  ornements.  L'hypothèse  de  la  religion  anéantie  en  France  sans 
l'intervention  du  premier  consul  en  est  la  base.  L'injure  y  est  prodiguée  à 
Fauchet'  et  à  Grégoire,  sans  critique  et  sans  mesure  (p.  16,  22,  etc.).  Voilà 
donc  quatre  chapitres  dont  nous  n'avons  pas  à  nous  occuper.  Il  faut  en  dire 
presque  autant,  par  des  motifs  analogues,  de  ceux  qui  terminent  le  livre.  Le  Xr 
se  compose  du  relevé  de  tous  les  passages  de  la  Correspondance  de  Napoléon  P% 
où  il  est  question  de  secours  accordés  à  des  prêtres  ou  à  des  églises.  L'objet  de 
cette  énumération  est  de  prouver  que  le  premier  consul  avait  la  foi.  Il  nous  paraît 
inutile  de  réfuter  une  argumentation  aussi  enfantine.  Sous  un  titre  différent,  le 
chapitre  XI F  n'est  guère  que  la  continuation  du  précédent.  Il  y  est  traité  des 
dons  faits  par  Bonaparte  à  Pie  VII  et  de  l'histoire  des  deux  bricks  envoyés  à 
Civita-Vecchia.  Il  y  a  de  la  légèreté  à  confondre  des  témoignages  de  courtoisie 
avec  des  marques  de  sincérité  religieuse.  Le  reste  est  un  commérage  sur  Pauline 
Borghèse  dans  le  genre  de  ceux  dont  les  gagistes  du  libraire  Ladvocat  ont 
rassasié  la  curiosité  publique  dans  les  dernières  années  de  la  Restauration 
(Mémoires  de  Constant  par  exemple).  Le  chapitre  XIIF  enfin  n'offre  qu'un 
intérêt  secondaire,  sa  vraie  place  serait  dans  une  biographie  de  Cacault  plutôt 
que  dans  l'histoire  du  concordat  de  1801. 

Le  caractère  des  sept  chapitres  que  nous  venons  d'analyser  montre  que  le 
Père  Theiner  pouvait  en  alléger  son  volume.  Heureusement  la  disproportion 
matérielle  entre  cette  partie  de  l'ouvrage  et  celle  dont  il  nous  reste  à  parler  est 
fort  grande.  Les  chapitres  IV,  V,  VI,  VIII,  IX  et  X  forment  le  corps  du  livre 
(450  pages  sur  580).  Toutefois  il  y  faut  encore  mettre  un  peu  d'ordre;  le  décousu 
qui  règne  dans  les  procédés  de  composition  du  Père  Theiner  a  pour  pendant  la 
confusion  qu'il  laisse  dans  ses  idées.  Des  observations,  celles  qui  devraient  se 
trouver  réunies  sont  souvent  fort  éloignées  de  leur  milieu  naturel;  les  autres  se 
présentent  à  l'improviste,  sans  lien  entre  elles.  Il  y  a  dans  son  travail  tout 
ensemble  de  l'histoire,  de  la  polémique ,  de  l'enthousiasme  religieux  et  de  la 
foi  politique.  Nous  allons  tâcher  de  le  réduire  à  certains  points  principaux. 

Ces  points  sont  les  suivants  : 

1°  Réhabilitation  de  Bernier; 

2°  Réhabilitation  de  Caprara; 
.   5°  Amoindrissement  de  Consalvi; 

40  Justification  de  Bonaparte; 

50  Réfutation  de  M.  d'Haussonville; 

6°  Satisfaction  de  désirs  personnels  (pour,  mémoire  voy.  cependant  p.  232). 

Des  cinq  premiers  chefs  (les  seuls  que  nous  ayons  à  retenir  ici),  le  premier  et 
le  troisième  sont  ceux  à  propos  desquels  le  Père  Theiner  a  obtenu  les  meilleurs 
résultats;  il  est  permis  d'affirmer  qu'il  a  échoué  sur  les  autres. 

I.  En  revanche  le  Père  Theiner  est  indulgent  pour  Lamourette.  Un  témoin  non  suspect 
(puisqu'il  fut  chargé  de  publier  sa  rétractation)  des  derniers  jours  de  Lamourette  et  de 
Fauchet,  le  comte  Beugnot,  ne  sépare  pas  ces  deux  hommes  dans  l'hommage  qu'il  rend  à 
leur  piété  et  à  leurs  vertus.  Il  laisse  même  voir  d'une  façon  assez  sensible  la  préférence 
qu'il  accorde  à  Fauchet  dans  son  estime  (Mémoires,  t.  I,  p.  215-218  et  249-2  51). 


d'histoire  et  de  littérature.  105 

1°  Réhabilitation  de  Bemier.  Les  passages  les  plus  concluants  en  ce  sens  se 
trouvent  aux  pages  116,  145,  160,  164,  181,  201,  203,  222,  225,  240,  276, 
321,  567,  369,  389,  59s,  398,  489  (il  est  encore  question  de  Bemier  ailleurs, 
mais  pour  des  faits  étrangers  à  cette  discussion).  Il  en  résulte  que  sans  offrir  un 
modèle  de  désintéressement,  Bemier  ne  manqua  à  aucune  des  règles  essentielles 
de  la  loyauté  et  de  la  bonne  foi.  L'accusation  la  plus  grave  qui  pesait  sur  sa 
mémoire  était  celle  d'avoir  prêté  la  main  à  la  supercherie  d'un  nouveau  projet 
de  concordat ,  substitué  au  moment  de  la  signature  à  celui  dont  les  négociateurs 
étaient  convenus.  La  publication  du  Père  Theiner  ne  laisse  rien  subsister  de  la 
mise  en  scène  introduite  en  cet  endroit  par  l'esprit  évidemment  troublé  de 
Consalvi.  Il  ne  sert  de  rien  à  M.  Crétineau-Joly  de  se  railler  de  la  perte  (p.  100- 
102)  des  deux  billets  envoyés  en  cette  occasion  par  Bemier  au  cardinal,  le  matin 
du  rendez-vous  (i  3  juillet).  En  effet  la  dépêche  où  Consalvi  mentionne  l'envoi 
de  ces  deux  billets  subsiste;  Consalvi  y  déclare  formellement  qu'il  les  annexe  à 
son  rapport  (p.  222).  Et  s'il  est  muet  sur  leur  contenu  en  ce  sens  qu'ils  auraient 
porté  à  sa  connaissance  la  tentative  qui  devait  se  produire  le  soir,  il  fait  une 
déclaration  équivalente  en  exposant  que  le  projet  en  question  était  joint  aux  deux 
billets  (p.  222);  ce  qui  écarte  implicitement  l'intention  de  complicité  dans  cette 
surprise  de  la  part  de  Bemier.  Il  y  a  plus,  la  même  dépêche  (en  date  du  16  juillet) 
constate  que  le  curé  de  Saint-Laud  fit  visite  quelques  instants  après  au  cardinal, 
et  que  leur  conversation  roula  sur  la  difficulté  inattendue  de  la  situation.  Consalvi 
exprima  en  termes  appropriés  à  la  circonstance  ce  qu'il  y  avait  de  fort  dans  le 
procédé  du  gouvernement  français.  Bemier  en  convint,  en  ajoutant  qu'il  ne 
fallait  pas  désespérer  (jp.  223).  Rien  de  plus  explicite.  Ainsi  le  récit  dramatique 
où  Consalvi  se  représente  tenant  déjà  la  plume,  prêt  à  signer,  jetant  par  une 
sorte  d'inspiration  divine  un  coup-d'œil  sur  l'acte,  frappé  de  stupeur  à  la  vue 
d'une  odieuse  substitution,  poussant  des  exclamations,  et  ne  trouvant  autour  de 
lui  que  des  visages  atterrés,  Bemier  balbutiant  quelques  excuses  impossibles, 
comme  un  malfaiteur  surpris  en  flagrant  délit,  tout  cela  doit  être  rayé  de  l'histoire. 
Si  Bemier,  en  cette  circonstance,  manqua  de  fidéhté  (ce  qui  nous  semble  inad- 
missible, la  déloyauté  ne  pouvant  jamais  être  un  devoir),  ce  fut  envers  le  gou- 
vemement  français,  et  non  envers  la  cour  de  Rome,  et  les  règles  de  son  état. 
Telle  fut  certainement  à  cette  époque  l'opinion  de  Pie  VII  et  de  Consalvi  lui-même. 
Les  témoignages  d'une  estime  sincère  et  non  banale  et  d'une  reconnaissance 
sérieuse  de  leur  part  pour  le  négociateur  français,  abondent  dans  les  documents 
publiés  par  le  Père  Theiner.  (f  II  fait  tout  pour  concilier  les  choses  »  (Consalvi, 
p.  181).  «Nous  proclamons  hautement  que  vous  avez  sauvé  l'unité  de  l'Église» 
(Pie  VII,  p.  1 16).  a  Mes  sentiments  sont  ceux  d'un  homme  d'honneur,  et  qui 
»  croit  parla  avoir  des  droits  à  votre  estime  »  (Consalvi,  p.  145).  Protestation 
d'attachement  et  d'estime  (Consalvi,  p.  160).  Prière  au  premier  consul  de 
désigner  Bernier  pour  faire  partie  de  la  promotion  des  cardinaux  dite  des  cou- 
ronnes (Pie  VII,  p.  489).  —  Maintenant,  que  le  futur  évêque  d'Oriéans  ait 
apporté  dans  la  négociation  les  principes  austères  d'un  janséniste,  par  exemple, 
non  !  C'était  un  esprit  qui  aimait  trop  le  mouvement  (témoin  son  rôle  actif  en 
Vendée)  pour  que  la  satisfaction  de  figurer  dans  la  confection  d'un  acte  impor- 


I06  REVUE    CRITIQUE 

tant,  et  le  désir  de  se  faire  valoir  n'entrassent  point  pour  une  certaine  part  dans 
les  mobiles  de  sa  conduite.  On  le  voit,  une  fois  les  négociations  terminées,  montrer 
trop  d'empressement  selon  nous  à  rappeler  ses  services,  saisir  avec  trop  d'ardeur 
les  occasions  d'intervenir,  d'écrire  au  pape,  au  premier  consul,  etc.  (dans 
Theiner  passim).  Mais  ces  petites  faiblesses  ne  dépassent  pas  après  tout  les  limites 
de  l'ambition  permise  à  un  prêtre  même  sous  le  voile  des  intérêts  de  sa  religion. 

2°  Réhabilitation  de  Caprara  (p.  269,  278,  280,  517,  320,  466,  etc.).  Un 
des  torts  de  conduite  reprochés  le  plus  vivement  à  ce  cardinal  est  celui  d'avoir 
cédé  dans  l'affaire  de  la  rétractation  du  clergé  constitutionnel,  et  d'avoir  admis  la 
formule  du  gouvernement  français  contraire  aux  principes  de  l'Église  catholique. 
La  faute  n'est  pas  niable  ;  mais  le  Père  Theiner  la  montre  couverte  par  l'appro- 
bation de  la  cour  romaine.  «  Sa  Sainteté,  écrit  Consalvi  à  la  date  du  23  juin 
»  1 802,  a  vu  avec  la  plus  grande  satisfaction  que  cette  formule  contient  ce  qui  est 
»  indispensable  et  cela  lui  suffit  «  (p.  466).  Voilà  qui  est  explicite.  Mais  la  pusil- 
lanimité ordinaire  et  générale  du  cardinal  Caprara  est  un  fait  qui  reste  acquis  à 
l'histoire  malgré  et  après  la  publication  du  Père  Theiner.  Sa  complaisance  à 
subir  un  ascendant  funeste  aux  intérêts  qu'il  était  chargé  de  défendre,  à  accepter 
avec  les  marques  d'une  satisfaction  hautaine  et  presque  méprisante  une  position 
fausse  et  subalterne,  ne  demeure  pas  moins  certaine. 

3°  Amoindrissement  de  Consalvi.  Tout  développement  serait  ici  superflu.  Les 
questions  traitées  précédemment  suffisent  à  faire  voir  que  le  Père  Theiner  a  obtenu 
sur  ce  point,  peut-être  même  au  delà  de  ses  désirs,  un  succès  complet.  Manifeste- 
ment, le  cardinal  a  fait  œuvre  de  passion  '  en  écrivant  ses  souvenirs.  C'est  une 
preuve  ajoutée  à  toutes  celles  qu'on  avait  déjà  du  caractère  inférieur  au  point  de 
vue  historique  des  autobiographies ,  même  quand  elles  émanent  d'esprits  émi- 
nents.  Il  n'est  guère  permis  d'y  chercher  que  la  trace  des  mœurs  d'une  époque, 
des  idées  d'une  classe  de  personnes,  et  de  leurs  émotions  définitives.  La  source 
des  faits  est  ailleurs. 

4"  Justification  de  Bonaparte.  C'est  la  partie  la  plus  faible  de  l'ouvrage.  Il 
était  impossible  d'y  accumuler  plus  de  maladresses.  Tout  concourt  à  ce  résultat; 
l'emploi  par  le  Père  Theiner  d'une  langue  qui  n'est  pas  la  sienne  et  dont  le 
maniement  est  si  délicat  dans  les  polémiques  ;  l'ignorance  où  il  est  resté  de  faits 
trop  connus  du  public  français  pour  être  discutés  sérieusement  devant  lui,  enfin 
l'insuffisance  générale  de  ses  notions  sur  le  caractère  du  gouvernement  de  l'an 
VIII.  Il  est  manifeste  par  exemple  que  l'expression  a  souvent  trahi  la  pensée  de 
l'auteur  ;  que  la  forme  se  tient  en  deçà  ou  va  au  delà  du  fond.  Il  eût  été  plus 
sage  d'écrire  en  latin  ou  en  allemand.  Mais  il  s'agissait  de  retourner  l'opinion  du 
clergé  français  et  de  réfuter  M.  d'Haussonville.  Voilà  le  mal.  Il  y  aurait  mau- 
vaise grâce  à  abuser  d'une  situation  fausse  ^  Toutefois  il  y  a  un  excès  d'igno- 

1 .  Il  résulte  toutefois  du  propre  témoignage  de  Consalvi  qu'il  n'avait  pas  la  mémoire 
sûre.  Dans  une  dépêche  du  2  juillet  1801  ,  il  déclare  ne  plus  se  rappeler  exactement  une 
disposition  importante  d'une  lettre  écrite  par  lui  au  ministre  Acton  peu  de  jours  aupara- 
vant (p.  199).  Dans  celte  hypothèse,  l'oubli  entrerait  pour  une  part  dans  les  causes  des 
erreurs  matérielles  des  souvenirs  du  cardinal. 

2.  M.  Crétineau-Joly  triomphe  trop  bruyamment  selon  nous  de  l'infirmité  desonadver- 


d'histoire  et  de  littérature.  107 

rance  qui  triomphe  de  toute  indulgence.  Quand  !e  Père  Theiner  débite  grave- 
ment de  Sieyès,  «  cet  ex  abbé  vieux  renard  »  que  depuis  1789  il  «  avait  joué  le 
premier  rôle  '  »  (p.  32),  de  Bonaparte,  que  le  18  brumaire  «  fut  une  journée 
où  on  lui  remit  le  pouvoir  »  (p.  352)  etc.,  vraiment  on  est  tenté  de  croire  qu'il 
se  moque  de  ses  lecteurs.  Passons  à  l'examen  des  propositions  de  la  thèse. 
Elles  consistent  à  soutenir  que  le  catholicisme  était  ruiné  en  France  sans  le  pre- 
mier consul;  que  sa  conduite  fut  dictée  par  des  sentiments  religieux;  que  dans 
toute  la  partie  de  ses  négociations  funestes  ou  défavorables  à  la  Cour  Romaine, 
il  eut  la  main  forcée  et  fut  toujours  personnellement  de  bonne  foi. 

La  première  hypothèse  se  résoud  par  la  seconde,  ou  plutôt  elles  n'en  font 
qu'une.  Il  est  incontestable  que  le  premier  consul  ayant  à  affermir  son  pouvoir 
présent  et  futur,  dût  chercher  et  chercha  autour  de  lui  des  points  d'appui  et  non 
des  occasions  d'embarras.  Si  donc  la  restauration  du  catholicisme,  comme  reli- 
gion officielle  ou  quasi-officielle,  entra  dans  son  plan,  ce  fut  non  pas  seulement 
à  cause  de  la  force  inhérente  à  cette  religion,  mais  parce  qu'elle  avait  dans  la 
nation  des  racines  encore  assez  vivaces  pour  reprendre  un  prompt  épanouisse- 
ment et  former  la  base  d'une  autorité  politique.  Si  l'Eglise  constitutionnelle 
peut  être  regardée  comme  un  acheminement  vers  un  schisme,  il  est  nécessaire 
d'observer  qu'elle  ne  se  séparait  point  dans  ses  manifestations  du  saint -siège, 
qu'elle  professait  au  contraire  le  dogme  d'une  union  au  moins  virtuelle. 
L'orthodoxie  pure  était  en  outre  restée  debout,  sans  parler  de  la  Vendée  ou  de 
la  Bretagne,  dans  nombre  de  provinces.  Bonaparte  n'avait  donc  à  vaincre  que 
l'opposition  superficielle  d'un  petit  groupe  de  philosophes  et  l'indifférence  voltai- 
rienne  de  l'armée.  Il  savait  fort  bien  qu'il  en  serait  quitte  pour  quelques  railleries 
transitoires,  et  que  les  premières  cérémonies  auxquelles  il  ferait  assister  les 
hommes  qui  l'avaient  vu  à  l'œuvre  en  Italie  et  en  Egypte  seraient  regardées 
comme  des  capucinades  ;  que  l'empire  de  l'habitude  triompherait  bien  vite  d'une 
émotion  fugitive  et  que  cette  émotion  ne  pénétrerait  point  dans  les  couches  infé- 
rieures et  denses  de  la  société.  Telle  est  la  vérité  ^  et  ce  que  le  Père  Theiner 
allègue  à  l'encontre  n'a  aucune  valeur.  Sans  doute  l'assertion  de  l'évêque  Lecoz 
que  le  culte  était  établi  en  1797  dans  40,000  communes  est  exagérée  et  nous 
avons  reproché  ici  même  à  M.  d'Haussonville  d'avoir  accepté  un  pareil  calcul 
sans  contrôle}.  Mais  l'archiviste  du  Vatican  se  charge  de  se  réfuter  lui-même  lors 
qu'il  constate  que  «  le  clergé  constitutionnel  avait  continué,  dans  les  jours  de 

saire  et  de  sa  lourdeur  d'écrivain.  II  est  bien  vrai  que  Theiner  écrit  session  pour  séance 
{p.  22^2^2),  rédaction  pour  feuille;  pendant  ses  bains  pour  pendant  son  séjour  aux  bains 
(p.  217).  P.  37  il  dit  :  «  Bonaparte  accorda  généreusement  cette  faveur  avec  réserve  > 
(p.  37),  etc.  Ces  inadvertances  ne  portent  pas  en  somme  préjudice  à  l'intelligence  du  texte, 
non  plus  que  les  germanismes  dans  le  genre  de  celui-ci  :  «  Un  nouveau  serment  devint 
»  prescrit  »  (p.  34). 

1.  Il  n'y  a  que  deux  actes  dans  la  vie  de  Sieyès  :  sa  brochure  de  1789  et  la  constitu- 
tion de  l'an  VIII.  Tout  son  art  consista  le  reste  du  temps  à  se  faire  oublier. 

2.  L'archiviste  du  Vatican  l'avoue  lui-même  en  ces  termes  :  La  mobilité  du  génie  fran- 
çais, le  peu  de  goût  du  peuple  pour  les  discussions  religieuses  et  l'esprit  voltairien,  contri- 
buèrent pour  beaucoup  au  succès  du  concordat  (p.  454). 

3.  Rev.  ait.,  1868.  I,  175. 


I08  REVUE  CRITIQUE 

terreur,  l'exercice  du  culte  catholique  »  (p.  450);  que  le  clergé  avait  «  élevé  sa 
tête  triomphante  sur  toute  la  surface  de  la  France  »  (p.  45 1)  ;  qu'il  ne  comptait 
pas  moins  de  12,000  membres;  quand  il  raconte  Caprara  arrivant  à 
Paris  à  travers  les  hommages,  les  attentions,  les  honneurs  et  l'enthousiasme  de 
toute  la  population  (p.  324,  32$).  Pour  opérer  ce  prodige,  il  avait  suffi  d'un 
coup  de  baguette.  Quant  aux  sentiments  religieux  de  Bonaparte,  nous  avons  déjà 
indiqué  à  propos  du  ch.  XI  les  tristes  preuves  que  le  Père  Theiner  en  donne. 
Celles  qu'il  déterre  ailleurs  sont  de  même  force.  Il  se  paie,  comme  d'argent 
comptant,  des  lieux  communs  répandus  par  Bonaparte  pendant  ses  campagnes 
d'Italie  sur  le  cas  qu'il  faisait  des  bons  prêtres  (p.  30.  31).  Les  sentiments  d'es- 
time affichés  par  le  général  de  la  République  pour  les  mérites  de  Jésus-Christ 
sont  exactement  du  même  ordre  que  ceux  qu'il  proclamait  en  Egypte  pour  les 
vertus  du  Prophète.  Et  c'est  bien  inutilement  que  le  Père  Theiner  conteste 
à  ce  sujet  l'attitude  incontestable  du  vainqueur  d'Aboukir. 

S'il  convenait  au  premier  consul  de  se  servir  de  la  religion  catholique,  il  ne 
lui  convenait  pas  du  tout  de  devenir  un  instrument  entre  les  mains  de  la  Cour 
Romaine.  Il  entendait  bien  rester  absolument  le  maître  ;  il  savait  parfaitement 
qu'il  avait  affaire  à  forte  partie,  et  que  les  précautions  les  plus  minutieuses 
n'étaient  pas  toujours  contre  un  joueur  aussi  habile  une  suffisante  garantie.  De 
là  ses  ruses,  de  là  ses  violences.  A  l'évidence  des  faits,  le  Père  Theiner  oppose 
le  système  le  plus  ridicule.  A  un  point  de  vue  général,  il  représente  le  premier 
consul  comme  dominé,  enchaîné  par  l'hostWïté  du  gouvernement  (sic)  ;  dans  l'étude 
des  détails,  il  le  montre  asservi  à  la  volonté  des  commis  de  ses  ministres.  Les 
expressions  de  notre  auteur  atteignent  quelquefois  dans  cette  argumentation  la 
dernière  borne  du  comique.  «  Le  parti  anti-religieux  yugu/ai/  le  premier  consul  » 
(p.  388).  Devant  une  opposition  aussi  puissante  (celle  que  l'on  sait),  Bonaparte, 
dit-il,  devait  nécessairement fr^mWer  »  (p.  207).  Et  ailleurs,  cefut  «au  risque  de 
sa  vie,  »  qu'il  fit  le  concordat  (p.  451)  Est-il  utile  de  réfuter  de  pareilles  asser- 
tions ?  Sauf  en  ce  qui  touche  les  questions  techniques,  deux  hommes  seulement 
eurent  de  l'influence  sur  les  volontés  de  Napoléon,  Fouché  et  Taileyrand.  Fou- 
ché  se  tint  dans  ces  circonstances  tout  à  fait  à  l'écart.  Taileyrand  avait  des 
raisons  particulières  de  préférer  le  schisme  au  concordat.  Mais  il  avait  trop  de 
sagacité  pour  ne  pas  comprendre  que  toute  résistance,  se  produisant  de  sa  part, 
en  présence  d'un  intérêt  prédominant,  serait  non  avenue  ;  il  savait  en  outre  que 
la  Cour  de  Rome  s'est  toujours  montrée  facile  dans  les  questions  de  personnes, 
et  qu'elle  se  contente  volontiers  de  la  forme  extérieure  du  repentir  ' .  La  négo- 

1.  Les  documents  publiés  par  le  Père  Theiner  complètent  sur  un  point  important  la 
biographie  du  prince  de  Bénévent.  On  a  plus  d'une  fois  remarqué  que  le  bref  de  séculari- 
sation accordé  à  Taileyrand  ne  contenait  aucunement,  ainsi  qu'il  affectait  de  le  croire, 
l'autorisation  de  se  marier.  De  là  une  présomption,  mais  une  présomption  seulement  de 
mensonge.  Aujourd'hui  nous  en  avons  des  preuves.  Ce  n'est  pas  un  silence  plus  ou  moins 
concluant  qu'a  gardé  le  saint-siége;  c'est  un  refus  absolu  qu'il  opposa  à  une  demande  en 
forme,  demande  présentée  par  Bonaparte  en  personne  au  nom  de  Taileyrand,  refus  envoyé 
par  Pie  VII  en  personne,  en  vertu  ae  principes  immuables  (24  mai,  30  juin  1802,  p.  444- 
448). 


d'histoire  et  de  littérature.  109 

cialion  avec  elle  ne  lui  causait  donc  qu'un  très-léger  embarras  dont  il  sortit 
heureusement  au  moyen  d'une  courte  absence  colorée  par  des  raisons  de  santé. 
Quels  sont  donc  les  terribles  personnages  dont  le  Père  Theiner  nous  montre 
Bonaparte  redoutant  les  colères?  (Theiner  prononce  le  mot  :  menaces,  p.  216) 
Qui  le  croirait  ?  Ce  sont  Gaillard,  chargé  de  l'intérim  du  Ministère,  pendant 
l'eloignement  de  Talleyrand,  d'Hauterive  ',  qui  rédigea  certaines  notes  contre  le 
projet  de  Consalvi.  (p.  215-218)  ;  Grégoire  et  Lecoz  dont  l'esprit  animait  le 
concile  national  (p.  190).  Qui  encore  ?  Le  gouvernement  (p.  232).  Qu'est-ce 
que  le  gouvernement  ?  Evidemment  le  Père  Theiner  a  cru  qu'il  y  avait  en  1801 
un  ensemble  d'autorités  étrangères  et  supérieures  à  la  volonté  consulaire.  De  ce 
que,  pour  masquer  le  retour  du  régime  absolu,  les  conspirateurs  du  18  brumaire 
avaient  imaginé  un  mot  qui  pût  tenir  lieu  de  termes  hors  d'usage  ou  encore 
odieux,  de  sorte  qu'il  fût  commode  de  dire,  par  exemple,  arrêtés,  garde,  palais, 
etc.,  du  gouvernement,  l'archiviste  du  Vatican  a  conclu  que  le  premier  consul 
pouvait  être  déchargé  d'une  partie  de  la  responsabilité  de  ses  actes.  S'il  avait 
mieux  étudié  les  documents  qu'il  publie  lui-même,  il  ne  serait  pas  tombé  dans 
une  pareille  méprise.  Il  aurait  trouvé  dans  les  dépèches  de  Gonsalvi  et  autres  les 
marques  irrécusables  de  la  toute  puissance  de  Bonaparte,  et  l'attestation  de  ses 
propres  et  furieux  mouvements  (p.  89  «  sa  volonté  de  fer,  »  p.  1 96,  «  ici  ce 
qu'on  veut  on  le  veut,  »  etc.  p.  221,  226,  243,  244,  264;  317).  Et  les  fameu- 
ses menaces  d'aller  au  protestantisme,  de  qui  sont-elles,  sinon  de  lui  (p.  456- 
458)?  En  fait  il  commande  et  la  France  obéit  (p.  382,  388,  397,  398,  400, 
401,  449.  Voy.  surtout  ce  passage  d'une  lettre  de  Bemier  à  Gonsalvi:  «  Le  con- 
cordat a  été  admis  hier,  sans  discussion,  au  Conseil  d'État  ;  il  s'imprime  en  ce 
moment  et  sera  présenté  après-demain  au  Corps  législatif  non  pour  être  approuvé 
ou  rejeté,  mais  pour  être  promulgué;  »  et  plus  loin:  «  je  ne  m'attends  à  aucune 
difficulté  au  Corps  législatif.  Ce  sera  sa  première  opération,  il  la  fera  bien  ',  „ 
3  avril  1802.  p.  397-398).  —  Il  est  donc  juste  d'attribuer  à  Bonaparte  l'œuvre 
du  Concordat  ;  sans  le  prestige  de  son  autorité  morale  et  matérielle,  jamais  le 
Saint-Siège  n'aurait  été  amené  aux  concessions  qu'il  en  a  obtenues  ;  mais  il  faut 
laisser  au  premier  consul  cette  œuvre  avec  tous  ses  tenants  et  ses  appendices, 
c'est-à-dire  avec  son  cortège  d'arrière-pensées  dans  le  but,  de  supercheries 
dans  les  moyens. 

5°  Réfutation  de  M.  d'Haussonville.  Ce  numéro  rentre  pour  le  fond  dans  le 
précédent.  Mais  sur  des  points  de  détail  M.  d'Haussonville  est  pris  à  partie  et 
nominativement  attaqué  par  le  Père  Theiner,  pages  82,  237,  300,  317,  320, 
321,  384,  385,  394,395.  396,449,   562,  dans  le  texte  même  de  l'ouvrageou 


1 .  M.  Crétineau-Joly  attribue  (p.  97)  une  de  ces  notes,  d'après  les  souvenirs  de  Consalvi, 
à  Talleyrand.  Mais  l'écriture  de  l'ancien  évêque  d'Autun  est  trop  connue  pour  qu'il  y  ait 
à  cet  égard  de  sérieux  débats.  L'accès  des  archives  du  ministère  des  aôaires  étrangères  est 
le  seul  point  qui  fasse  des  difficultés. 

2.  P.  401.  Le  Père  Theiner  constate  t  la  majorité  merveilleuse»  du  vote.  Au  Tribunal 
il  y  eut  78  suffrages  pour  le  Concordat,  7  contre.  Au  Corps  législatif,  il  n'y  eut  que  21 
opposants  (majorité  228). 


I  10  REVUE    CRITIQUE 

dans  des  notes  y  jointes.  Sans  valeur  en  ce  qui  touche  le  corps  du  débat,  les 
reproches  de  l'archiviste  du  Vatican,  toujours  acrimonieux  dans  la  forme,  sont 
rarement  justes,  même  circonscrits  à  des  objets  minutieux.  Ainsi  il  blâme 
M.  d'Haussonville  d'avoir  suivi,  dans  le  récit  du  voyage  de  Spina  à  Paris,  les 
souvenirs  de  Consalvi  plutôt  que  l'histoire  d'Artaud.  Il  est  manifeste  cependant 
que  jusqu'à  preuve  du  contraire  les  Mémoires  du  cardinal  pouvaient  être  regar- 
dés comme  une  source  aussi  bonne  que  ceux  du  collaborateur  de  Cacault.  La 
version  du  Père  Theiner  est  d'ailleurs  très-confuse  et  nous  avouons  avoir  fait 
pour  notre  part  de  vains  efforts  pour  la  comprendre  (p.  80-90).  Le  reproche 
«  d'avoir  pris  au  sérieux  »  ce  que  Consalvi  raconte  au  sujet  de  la  fameuse  scène 
du  1 5  juillet  1801  tombe  par  les  mêmes  motifs.  Il  ne  va  pas  de  soi  comme  l'ad- 
met le  Père  Theiner  qu'un  prince  de  l'Eglise  invente  une  pareille  «  fable  '  » 
(p.  237).  L'accusation  d'avoir  omis  l'emploi  de  certains  papiers  de  la  légation 
Caprara  (p.  562)  n'est  pas  plus  heureuse.  Si  M.  d'Haussonville  ne  les  a  pas  mis 
à  contribution,  c'est  apparemment  qu'on  ne  les  lui  a  pas  communiqués.  Le  Père 
Theiner  devrait  savoir  cela  mieux  que  personne.  Quand  M.  d'Haussonville  use 
contre  Dernier  d'une  lettre  d'Hoche  désignant  cet  abbé  comme  «  soupçonné 
d'aimer  avidement  l'argent  »  (p.  ?2i),  il  se  sert  d'un  procédé  fort  légitime, 
puisqu'àcoup  sûr  l'observation  du  vainqueur  de  la  Vendée  n'a  pas  été  faite  pour 
le  besoin  de  la  discussion.  En  relevant  l'attitude  complaisante  de  Caprara, 
M.  d'Haussonville  ne  pouvait  soupçonner  l'adhésion  jusqu'alors  ignorée  de  Con- 
salvi aux  actes  de  ce  prélat,  tandis  que  le  même  Consalvi  faisait  de  ces  actes  l'ob- 
jet d'une  critique  amère  dans  ses  souvenirs  (p.  394-396).  En  signalant  les  dons 
pécuniaires  acceptés  par  Caprara  du  gouvernement  français,  M.  d'Haussonville 
constate  un  fait  acquis  à  l'histoire,  et  il  avait  le  droit  d'y  voir  le  prix  de  plus 
d'une  faiblesse.  La  prédilection,  dans  une  certaine  mesure,  du  premier  consul 
pour  le  clergé  constitutionnel,  prédilection  fort  naturelle,  puisque  l'autre  clergé 
était  généralement  royaliste,  ne  pouvait  être  omise  par  l'historien  de  l'Église 
Romaine  et  du  premier  Empire.  Le  Père  Theiner  devait  d'autant  moins  affecter 
de  s'étonner  de  l'observation  que,  peu  soucieux  de  se  mettre  d'accord  avec  lui- 
même,  il  représente  le  clergé  constitutionnel  (après  l'avoir  bien  des  fois  bafoué), 
comme  animé  des  sentiments  les  plus  «  patriotiques  »  et  «  cher  à  la  nation  » 
(p.  449).  Enfin  l'archiviste  du  Vatican  fait  preuve  d'une  ignorance  surprenante, 
lors  qu'à  propos  de  l'assertion  de  Lecoz  qu'au  1 5  août  1797  le  culte  était  rétabli 
dans  40,000  communes  de  France,  il  s'écrie:  «  L'illustre  auteur  (M.  d'Haus- 
«  sonville)  aurait  dû  se  demander  comment  il  y  avait  plus  de  40,000  communes 
«  en  France  en  1797,  tandis  qu'il  n'y  en  a  aujourd'hui  que  37,548.  »  (p.  300). 
Evidemment  la  France  date  pour  le  Père  Theiner  du  second  empire  *,  et  il 
pense  bonnement  que  le  territoire  enlevé  par  Bonaparte  aux  mains  de  la  Répu- 


1.  Ailleurs  notre  auteur  se  sert  des  expressions  «  comédie,  roman  »  (p.  232). 

2.  Notre  auteur  se  donne  la  peine  de  dresser  un  tableau  comparatif  entre  l'étendue  de 
la  France  avant  et  après  la  dernière  incorporation  de  la  Savoie.  Il  lui  en  aurait  moins 
coûté  d'ouvrir  l'Almanach  National  de  l'an  VII,  où  il  aurait  vu  qu'à  cette  époque  la  France 
comptait  98  départements. 


d'histoire  et  de  littérature.  I  I  I 

blique  fut  celui  que  la  Restauration  reçut  de  Napoléon  I".  Quant  à  l'imputation 
contenue  à  la  page  IX  de  Vintroduction  que  «  les  Mémoires  de  Consalvi  forment 
l'unique  base  de  l'ouvrage  de  M.  le  comte  d'Haussonville,  »  elle  est  d'autant 
plus  extraordinaire  que  la  Père  Theiner  ne  peut  se  dissimuler  qu'il  y  a  là  un 
véritable  mensonge.  Si  V histoire  de  l'Eglise  Romaine  et  du  premier  empire  n'avait 
fait  que  répéter  les  souvenirs  de  Consalvi,  l'Histoire  des  deux  Concordats  n'aurait 
point  vu  le  jour. 

En  résumé,  la  publication  du  Père  Theiner  renferme  des  documents  très- 
précieux;  elle  pouvait  être  fort  utile.  Mais  elle  s'est  rétrécie  aux  proportions 
d'une  œuvre  de  parti  et  elle  ne  réussira  point  en  France.  On  accepte  assez  faci- 
lement ici  dans  un  livre  historique  des  éléments  étrangers  à  la  science  ;  mais  il 
faut  qu'un  air  de  courage  et  un  parfum  d'honneur  leur  servent  au  moins  de  passe- 
port ;  il  y  a  des  platitudes  qui  révoltent  le  lecteur  le  plus  froid.  Avocat  compro- 
mettant, l'archiviste  du  Vatican  gâte  ses  meilleures  causes.  Non  content  de 
justifier  par  exemple  Dernier  de  toute  participation  à  la  substitution  inqualifiable 
du  1 3  juillet,  il  prétend  innocenter  sur  ce  point  le  premier  consul.  Il  bâtit  à  ce 
propos  toute  une  théorie  qui  consiste  à  avancer  «  que  jusqu'à  la  signature  d'un 
acte,  on  peut  le  changer»  (p.  257).  Les  deux  parties,  apparemment,  et  non  une 
seule  !  et  alors  elles  se  donnent  rendez-vous  pour  délibérer  et  non  pour  signer. 
Bonaparte  espérait  enlever  l'affaire  par  intimidation  et  par  brusquerie.  Tout  le 
reste  n'est  que  fausseté.  De  même  l'apologie  de  Caprara  est  fondée  par  le  Père 
Theiner  sur  ce  raisonnement  :  Un  négociateur  doit  s'attacher  d'abord  à  la  lettre 
de  ses  instructions,  ensuite  à  la  substance  des  dites  instructions,  enfin  à  la  subs- 
tance de  la  chose.  Une  pareille  doctrine  peut  être  accueillie  par  un  casuiste  aux 
prises  avec  les  scrupules  plus  ou  moins  sincères  d'une  conscience  troublée  ;  elle 
ne  peut  servir  de  base  aux  jugements  d'un  historien.  H.  Lot, 


1 59.  —  Berkeley's  Abhandlung  ùber  die  Principien  der  menschlichen  Erlcenntniss 
in's  Deutsche  ùbersetzt  und  mit  eriaûternden  und  prûtenden  Anmerkungen  versehen 
von  D'  Friedrich  Ueberweg,  ord.  Prof,  der  Philosophie  an  der  Universitast  zu  Koenigs- 
berg.  Berlin,  1869,  Heimann.  In-8*,  xiv-149  p.  —  Prix  :  75  c. 

M.  Ueberweg  a  traduit,  en  y  ajoutant  des  remarques,  le  traité  de  Berkeley 
sur  les  principes  de  la  connaissance  humaine.  Dans  cet  ouvrage  publié  en  1710, 
Berkeley  développe  systématiquement  le  paradoxe  célèbre  qui  lui  assure  une 
place  dans  l'histoire  de  la  philosophie.  On  sait  qu'il  nie  absolument  l'existence 
du  monde  corporel  et  qu'il  ne  reconnaît  d'autres  substances  que  l'intelligence 
divine  et  les  esprits  finis  qu'elle  a  créés.  Locke,  dont  la  philosophie  est  le  point 
de  départ  de  la  doctrine  de  Berkeley,  admettait  déjà  que  la  couleur,  le  son, 
l'odeur,  le  goût,  les  qualités  secondaires  en  un  mot  existent  seulement  dans  le 
sujet  sentant  mais  non  dans  l'objet  senti.  Berkeley  étend  cette  assertion  aux 
autres  qualités,  figure,  étendue,  mouvement.  Il  en  conclut  que  ce  que  les  hommes 
appellent  un  objet  n'est  qu'un  ensemble  de  sensations  qui  n'existe  que  dans  le 
sujet  sentant  et  au  moment  où  il  sent.  M.  U.  fait  remarquer  ici  avec  justesse 
(Rem.  8-1 5)  que  Berkeley  suppose  ce  qu'il  s'agit  de  démontrer,  à  savoir  qu'il 


112  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

n'y  a  pas  d'objet  en  dehors  du  sujet  sentant  qui,  agissant  sur  lui,  y  produise  des 
sensations  correspondantes  à  leur  cause  quoique  différentes,  Berkeley  admet 
d'ailleurs  que  les  sensations  ne  sont  pas  des  rêves  et  des  hallucinations.  Elles  ont 
une  cause  indépendante  du  sujet  sentant;  et  cette  cause,  c'est  Dieu,  qui  produit 
dans  les  esprits  finis  les  sensations  au  moment  où  ils  les  éprouvent.  Mais  alors, 
se  demande  Berkeley  à  lui-même  (§  60),  à  quoi  bon  tout  cet  appareil  de  moyens 
que  nous  remarquons  dans  les  œuvres  de  l'art  et  de  la  nature  et  qui  sert  à  pro- 
duire un  effet  que  Dieu  pourrait  produire  sans  tant  d'intermédiaires  compliqués  ? 
Berkeley  répond  (§  62)  que  ces  intermédiaires  sont  nécessaires,  parce  que  Dieu 
dans  sa  sagesse  et  dans  sa  bonté,  pour  développer  l'intelligence  de  l'homme,  a 
voulu  agir  conformément  aux  lois  de  la  mécanique  et  montrer  ainsi  à  l'homme 
comment  il  devait  agir  lui-même.  Il  n'y  a  pas  dans  la  nature  un  enchaînement 
de  cause  et  d'effets  (§§  64-6  5)  ;  il  n'y  a  que  des  combinaisons  de  signes  qui  nous 
enseignent  comment  nous  devons  procéder.  M.  U.  fait  observer  (Rem.  77-80) 
qu'on  voit  ici  comment  la  doctrine  de  Berkeley  est  incompatible  avec  un  ordre 
régulier  quelconque  dans  la  nature.  Si  les  choses  n'existent  que  comme  sensations 
et  au  moment  où  la  sensation  est  éprouvée,  il  s'ensuit  que,  la  sensation  de  l'effet 
précédant  celle  de  la  cause,  la  cause  a  dû  exister  avant  d'exister,  puisque  son 
existence  est  la  condition  de  celle  de  l'effet. 

Ce  qui  est  curieux  au  point  de  vue  psychologique,  c'est  que  Berkeley  annonce 
dans  le  titre  de  son  ouvrage  et  croyait  fermement  que  sa  doctrine  coupait  court 
au  scepticisme  et  à  toutes  les  objections  des  matérialistes  et  des  athées  contre 
Dieu  et  la  religion.  Elle  coupe  court  au  scepticisme,  en  ce  que  le  principal  argu- 
ment des  sceptiques  est  détruit.  En  effet  nous  ne  pouvons  démontrer  que  notre 
pensée  soit  conforme  à  un  objet  extérieur,  ce  qui  est  considéré  vulgairement 
comme  la  condition  de  la  vérité.  Or  il  n'y  a  pas  d'objet  en  dehors  de  nous.  Donc 
l'objection  des  sceptiques  ne  subsiste  plus.  D'autre  part  il  n'y  a  pas  de  matière. 
Donc  le  matérialisme  manque  de  base,  ainsi  que  l'athéisme  qui  est  Ué  intimement 
au  matériahsme.  Berkeley,  comme  a  fait  remarquer  M.  U.  (Rem.  1 14)  n'explique 
pas  (§  14$)  comment  nous  pouvons  nous  tenir  pour  assurés  de  l'existence 
d'autres  esprits  en  dehors  de  nous.  Nous  ne  connaissons  les  autres  hommes  que 
par  les  impressions  qu'ils  font  sur  nos  sens.  Or  s'il  n'y  a  pas  d'objet  correspon- 
dant à  mes  sensations,  si  mes  sensations  existent  seules  au  moment  où  je  sens, 
qu'est-ce  qui  m'assure  qu'il  y  a  d'autres  esprits  que  le  mien .? 

Les  remarques  de  M.  U.  portent  le  caractère  de  justesse  et  de  pénétration 
qui  distingue  ses  autres  ouvrages.  Cette  publication  est  le  22"  cahier  d'une 
bibliothèque  philosophique  dont  le  plan  devrait  être  imité  chez  nous.  M.  Havet 
a  déjà  donné  un  excellent  exemple  de  cette  méthode  de  discussion  et  de  commen- 
taire dans  son  édition  des  pensées  de  Pascal.  On  devrait  le  suivre  pour  Descartes, 
Malebranche,  Locke,  Leibniz.  Je  ne  connais  pas  le  commentaire  de  la  Raison 
pure  de  Kant  publié  par  M.  de  Kirchmann  dans  la  bibliothèque  allemande.  Mais 
s'il  ressemble  à  celui  de  Berkeley,  il  nous  rendrait  service  en  France. 

Charles  Thurot. 
Nogenl-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Hof-  Staats-  u.  Kriegs-Archivs,  Corres- 
pondenzen  u.  Quellen  geschichten.  In-8*, 
516  p.  Wien  {^erold's  Sohn).  13  fr.  10 

Lacroix  (P.).  Histoire  de  la  vie  et  du  règne 
de  Nicolas  I",  empereur  de  Russie.  2' éd. 
revue  et  corrigée.  T.  2.1n-i8jésus,  39SP- 
Paris  (Amyot). 

La  Ménardière.  Un  épisode  de  l'histoire 
du  Nord  au  XVII' siècle  11648-1660). 
In-8*,  36  p.  Nancy  (imp.  V*  Raybois). 

Le  Gointe.  Etude  sur  la  première  Croi- 
sade. Coup  d'oeil  sur  l'ordre  des  Hospi- 
taliers de  Saint-Jean  de  Jérusalem.  In-8*, 
129  p.  Caen  (Le  Gort-Clérion). 

Léflocq.  Études  de  mythologie  celtique. 
In- 18,  315  p.  Orléans  (Herluison). 

Lenormant  (F.).  Manuel  d'histoire  an- 
cienne de  l'Orient  jusc^u'aux  guerres  mé- 
digues.  T.  2.  Assyriens,  Babyloniens, 
Medes,  Perses.  In-18  jésus,  494  p.  Paris 
(Lévy  fils). 

Lit(3>é.  Dictionnaire  de  la  langue  fran- 
çaise. 22*  livraison  (9*  du  t.  2).  In-4*, 
p.  217-1396.  Paris  (Hachette  et  C*). 

3  fr.  50 

Menzel  (W.).  Kritik  der  modemen 
Zeitbewustreins.  In-8*,  344  p.  Frank- 
furt  am  Mein  (Heyder  und  Zimmer). 

6fr. 

Miot-Frochot.  La  Grant  Danse  Macabre 
des  femmes,  que  composa  maislre  Marcial 
de  Paris,  dit  d'Auvergne,  procureur  au 
Parlement  de  Paris.  Publiée  pour  la  pre- 
mière fois,  d'après  le  manuscrit  unique 
de  la  Bibliothèque  impériale.  In-8*,  58  p. 
Paris  (Bachelin-Deflorenne). 

Montesquieu.  Lettres  persanes.  Édition 
Lacour.  In-8*,  335  p.  Libr.  de  l'Acadé- 
mie des  Bibliophiles.  20  fr. 

Morean.  Decamps  et  son  œuvre,  avec  des 
planches  originales  les  plus  rares.  In-8', 
316  p.,  6  pi.  et  portr.  Paris  (Jouaust). 

20  fr. 

Moses  y.  Chorene.  Geschichte  Gross- 
Armeniens.  Aus  dem  Armen.  libers,  von 
M.  Lauer.  In-8*,  240  p.  Regensburg 
(Manz).  4  fr. 

Nissen(H.).  DasTemplum.  Antiquarische 
Untersuchgn.  Mitastronom.  Hùlfstaf.  v. 
B.  Tiele  u.  4  (lith.)  Plaenen.  In-8*,  249  p. 
Berlin  (Weidmann).  6  fr.  75 

Northcote    (J.    S.)    and    Bronnlow 

(W.  R.).  Roma  sotterranea  ;  or,  some 
Account  of  the  Roman  Catacombs,  espe- 
cially  of  the  Cemetery  of  San  Callisto. 


Compiled  from  the  works  of  Commenda- 
tore  de  Rossi ,  with  the  Consent  of  the 
Author.  In-8*,  cart.  410  p.  London 
(Longmans).  59  fr.  40 

Otfrid's  V.  "Weissenburg.  Evangelien- 
buch.  Text ,  Einleitung,  Grammatik, 
Metrik,  Glossar,  v.  J.  Kelle.  2.  Bd.  Die 
Formen-  u.  Lautlehre  d.  Sprache  Otfrids. 
Mit6(lith.)Tat.Schriftproben(inTondr). 
In-8*,  536  p.  Regensburg  (Manz).  24 fr. 
L'ouvrage  complet.  42  fr.  75 

Poydenot.  Découverte  d'un  cimetière  an- 
tique à  Garin  (Haute-Garonne).  In-4', 
22  p.  Paris  (Société  française  de  numis- 
matique et  d'archéologie). 

Preston  (M.).  Studies  in  Shakespeare  :  a 
Book  of  Essays.  181  p.  (Philadelphia) 
London.  8  fr.  i 5 

Ranke's  (L.).  Saemmtl.  Werke.  11.  Bd. 
In-8*.  Leipzig  (Duncker  und  Humblot). 

6  fr. 
Inhalt  :  Franzœsische  Geschichte  vor- 
nehmlich  im  16.  u.  17  Jahrh.  4.  Bd.  Mit 
Verbessrgn.  423  p. 

Rig-Veda  od.  die  heiligen  Lieder  der 
Brahmanen,  herg.  von  M.  Mûller.  Mite. 
Einleitg.,  Text  u.  Uebersetzung  d.  Prâ- 
tisâkhya  od.  der  aeltesten  Phonetik  u. 
Grammatik  enth.  4.  (Schluss)  Lfg.  In-4*. 
Leipzig  (Brockhaus).  25  fr.  35 

L'ouvrage  complet.  64  fr. 

Rosny  (L.  de).  Histoire  du  Boulonnais. 
T.  2.  In-8*,  604  p.  Amiens  (Yvert). 

Rymaille  sur  les  plus  célèbres  bibliotières 
de  Paris  en  1649,  avec  des  notes  et  un 
essai  sur  les  bibliothèques  particulières 
du  temps,  par  A.  de  la  Figelière.  In-S", 
152  p.  Paris  (lib.  Aug.  Aubry).       ^  fr. 

Silvestre  (de).  Renseignements  sur  quel- 
ques peintres  et  graveurs  des  XVII'  et 
aVIII"  siècles.  In-8*,  263  p.  Paris  (Bou- 
chard-Huzard).  j  fr. 

Sorani  Ephesii  liber  de  muliebribus 
affectionibus.  Recensuit  et  latine  inter- 
pretatus  est  Fr.  Z.  Ermerino.  In-8*,  J05 
pages.  Utrecht  (Kunink  und  Zoon). 

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Sybel  (H.  de).  Kleine  historischeSchriften. 
l.  Bd.  2.  Aufl.  In-8-,  sji  p.  8  fr. 

"Winkelmann  (E.).  Bibliotheca  Livoniae 
historica.  Systemat.  Verzeichniss  der 
(Quellen  u.  Hûlfsmittel  zur  Geschichte 
Eitlands,  Livlands  u.  Kurlands.  1.  Heft. 
In-4',  308  p.  St  Petersburg  (Leipzig, 
Voss).  9  fr.  90 


nr  MO  JVf  l\/[  ^  R  M  '^'^^°^'"^^o"^3ine  traduite  par  M.  C.-A. 
1  .  iVi  W  iVl  iVl  O  IL  IM  Alexandre,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VIL  Un  fort  vol.  in-8°.  .  fj. 

Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
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Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M ,  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

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nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
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•       *~^  l  LLiZ^         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

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i8oi  et  le  cardinal  Consalvi ,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-80.  7  fr.  50 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  34  Quatrième  année  21  Août  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOL'S  LA  DIRECTION 

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Hx  Ti  r  T-i  T  I       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  cora- 
•      V  V  I_j  1  ]—<    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  rcMie, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  5*"  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


Af~^  \  C  ^~p  K  TV  T      Le  Capitole  de  Vesontio  et  les  Capitoles  pro- 
•      v--</vO  1   r\iN      vinciaux  du  monde  romain.  In-8°  avec  5  pi. 

3fr. 


PÉRIODIQUES    ÉTRANGERS. 

Literarisches  Gentralblatt  fur  Deutschland.  N°  30.  17  juillet. 

Théologie.  Wittichen,  Der  geschicbîliche  Charakîer  d.  Ev.  JohanniSy  in  Verbin- 
dung  mit  d.  Frage  nach  seinem  Ursprunge,  Elberfeld,  Friderichs.  L^auteur  trouve 
au  quatrième  évangile  un  caractère  juif  très-prononcé  et  ne  voit  pas  de  raison 
pour  ne  pas  l'attribuer  à  Tapôtre  Jean ,  vues  très-contestées  par  le  critique.  — 
CzERWENKA,  Geschiclite  d.  Evang.  Kirche  in  Bœhmen,  t.  I,  Bielefeld,  Velhagen  u. 
Klafing.  —  Histoire.  Art  militaire.  Schlesische  Fiirstenbilder  d.  Mittelalters...  hgg. 
von  LucHS,  Breslau,  Trewendt.  —  Specht,  Geschichte  d.  Waffen,  nachgewiesen 
u.  erlsutert  darch  die  Kulturentwickelung  d.  Vœlker  u.  Beschreibung  ihrer  Waffen  aus 
aîlen  Zeiten,  l'^Mivr.,  Cassel,  Luckhardt;  article  très-favorable. — Wùrdinger, 
Kriegsgeschichte  von  Bayern,  Franken,  Pfalz  und  Schwaben,  von  1347  bis  i  $06, 
t.  II,  Mùnchen.  —  Droit.  Engelmann,  Der  Rûckfall  d.  Eigenthums  im  rœmischen 
Rechte,  Stuttgart,  Nûbling.  —  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Rig-Veda  Sanhiîa. 
The  Sacred  Hymns  ofthe  Brahmans  îrandaîed  and  explained  by  F.  Max  Muller,  t.  I. 
Hymns  to  the  Maruts  or  the  Stormgods,  London,  Trùbner;  compte-rendu  très- 
élogieux  et  plein  de  déférence  par  M.  Delbruck.  —  Raun,  De  Cliîarcho,  Diodori, 
Curtii,  Justini  auctore,  Bonn,  Marcus.  —  Macrobius,  Fr.  Eyssenhardt  reco- 
gnoviî,  Leipzig,  Teubner.  —  Uppstrôm,  Goîiska  bidrag,  Upsal;  Bernhardt, 
Kritische  Untersuchungen  iiber  die  goîhische  Bibeliibersetzung,  2*^  cahier,  Elberfeld, 
Volkmann.  —  Shakspere's  Hamlet,  englischer  Text  berichtigt  und  erklaert  von 
B.  Tschischwitz,  Halle,  Barthel;  premier  vol.  d'une  édition  complète  de  Shaks- 
peare  pour  l'Allemagne,  le  critique  lui  reproche  des  notes  trop  élémentaires.  — 
Mythologie.  Bratuscheck,  Germanische  Gœîtersage,  Berlin,  Lœwenstein. 

The  Athenœum.  3 1  juillet. 

Littérature.  Schenkel,  A  Sketch  ofthe  Character  of  Jésus,  Longmans  and  C°; 
article  véritablement  critique.  —  Pinder,  Sélections from  the  less  know  latin  Poets, 
Oxford,  Clarendon  press.  —  Robertson,  The  gaelic  Topography  of  Scotland,  and 
what  it  proves  explained,  Edinburgh,  Nimmo;  article  un  peu  fantaisiste  sur  un 
ouvrage  qui  paraît  tout  à  fait  dépourvu  de  critique  (cf.  sur  un  autre  livre  du 
même  auteur  Rev.  crit.,  1867,  art.  81).  — Young  (Archibald),  An  historical 
Sketch  of  the  French  Bar,  from  its  Origin  to  the  présent  day,  Edinburgh,  Edmons- 
ton  and  Douglas;  il  est  difficile  d'apprécier  la  valeur  du  livre  d'après  l'article  qui 
lui  est  consacré.  —  Stevenson,  Calendar  of  State  papers,  Foreign  Séries,  of  the 
reign  of  Elizabeth,  1563,  Longmans  and  C°;  contient  l'analyse  d'environ  1600 
documents  dont  beaucoup  intéressent  l'histoire  de  nos  guerres  de  religion.  — 
The  Parallel  holiness  of  mounts  Zion  and  Moriah  (2"  lettre).  —  Le  Weekly  Gossip 
de  ce  n°  contient  tout  un  compte-rendu,  bref  mais  instructif,  des  Romans  de  la 
Table  ronde  de  M.  P.  Paris  (cf.  Rev.  crit.,  1868,  art.  178).  Nous  croyons  cette 
notice  de  M.  Fr.  Furnivall,  bien  connu  par  ses  travaux  sur  l'ancienne  littérature 
anglaise.  —  Science.  Sous  cette  rubrique  figure  un  compte-rendu  de  la  session 
de  l'Institut  archéologique  à  Bury  St.  Edmunds.  —  Beaux  arts.  Archaologia 
Cantiana,  being  transactions  of  ihe  Kent  archaological  Society,  vol.  VII;  ce  vol.  est 
occupé  en  grande  partie  par  un  mémoire  du  prof.  WiUis  sur  l'histoire  architec- 
turale du  monastère  de  Christ  Church,  à  Canterbury.  — A  la  fm,  parmi  les 
miscellanea,  une  bien  absurde  étymologie  du  mot  knot. 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  34  —  21  Août  —  1869 

Sommaire  :  i6o.  Weil,  l'Ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes.  —  i6i. 
Krauss,  Corrections  aux  lettres  de  Cicéron.  —  162.  Esselen,  Histoire  des  Sigam- 
bres.  —  163.  Grœber,  les  Manuscrits  de  la  chanson  de  Fierabras.  —  164.  Reuss, 
Josias  Glaser  et  son  projet  d'annexer  l'Alsace  à  la  France.  —  Variétés  :  Un  Diction- 
naire biographique  des  Alsaciens  célèbres  ;  —  La  Revue  Celtique. 

160.  —  De  Tordre  des  mots  dans  les  lances  anciennes  comparées  aux 
langues  modernes.  Question  de  grammaire  générale  par  Henri  Weil.  Paris, 
Vieweg,  1869.  In-8',  100  p.  (Troisième  fascicule  de  la  collection  philologique).  — 
Prix  :  j  fr.  50. 

Cette  publication  est  la  réimpression  d'une  thèse  présentée  à  la  Faculté  des 
lettres  de  Paris,  en  1844,  par  M.  Henri  Weil,  le  savant  éditeur  d'Eschyle  et 
d'Euripide.  L'ouvrage  est  divisé  en  trois  chapitres,  précédés  d'une  introduction 
qui  présente  l'historique  de  la  question  traitée.  Dans  le  premier  chapitre,  M.  W. 
traite  du  principe  de  l'ordre  des  mots,  dans  le  second,  du  rapport  entre  l'ordre 
des  mots  et  la  forme  syntaxique  de  la  proposition,  dans  le  troisième,  du  rapport 
entre  l'ordre  des  mots  et  l'accent  oratoire. 

Denys  d'Halicarnasse  (de  compositione  verborum,  y),  Demetrius  {de  Elocutione, 
§  199  et  suiv.),  Quintilien  (9,  4,  24),  Hermogène  (de  formis  orationis,  i,  3), 
Priscien  (XVII,  §  105),  parlent  d'une  théorie  de  l'ordre  des  mots  d'après  laquelle 
l'ordre  naturel  (Demetrius  dit  s-jfjix^,)  des  mots  serait  l'ordre  que  nous  appelons 
aujourd'hui  analytique.  Au  moyen-âge,  dès  le  xii'  siècle,  cet  ordre  était  appelé 
ordo  naîuralis  et  prescrit  pour  faire  la  construction  (consîrueré)  dans  l'explication 
des  auteurs,  comme  nous  procédons  encore  aujourd'hui  quand  nous  faisons  le 
mot-à-mot.  Au  xviii^  siècle  Du  Marsais  soutint  que  cet  ordre  qu'il  appelle 
construction  simple,  nécessaire,  naturelle  est  «  le  moyen  le  plus  propre  et  le  plus 
»  facile  que  la  nature  nous  ait  donné  pour  faire  connaître  nos  pensées  par  la 
»  parole  '.  «  Il  se  fonde  sur  ce  principe  que  «  tout  ce  qui  change,  change  par 
»  autrui;  tout  changement  de  terminaison  est  un  effet;  tout  effet  a  une  cause  2.  » 
Or  dans  cette  phrase  de  Cicéron  Diuturni  silentii  finem  hodiernus  dies  atîulit  «  je 
»  vois  ici  Q^Q  finem  est  la  seule  cause  du  gémvA  diuturni  silentii;  je  dis  donc 
))  finem  diuturni  silentii,  non  parce  que  je  dirais  en  français  la  fin  du  discours, 

»  mais  parce  que  la  cause  précède  l'effet Finem  est  encore  un  cas  oblique, 

»  à  cause  de  attuHt,  et  attulit  a  pour  raison  de  sa  terminaison  dies  hodiernus. 
»  Ces  deux  derniers  mots  conservent  la  terminaison  de  leur  première  détermi- 
»  nation,  parce  qu'ils  ne  sont  précédés  d'aucun  autre  mot  qui  puisse  faire 

1.  Article  construction  dans  l'Encyclopédie  (1754),  Œuvres,  V,  3. 

2.  Inversion,  Œuvres,  III,  347. 

Vin  7 


I  14  REVUE   CRITIQUE 

»  changer  cette  première  détermination.  »  Toute  autre  construction  est  une 
inversion,  une  hyperbole,  une  construction  figurée.  L'abbé  Batteux  soutenait  au 
contraire  '  que  l'ordre  naturel  ne  doit  pas  être  confondu  avec  «  un  arrangement 
»  grammatical  relatif  aux  règles  établies  pour  le  mécanisme  de  la  langue  dans 
»  laquelle  il  s'agit  de  s'exprimer;  »  ni  avec  «  un  arrangement  des  idées  consi- 
»  dérées  métaphysiquement;  »  «  cet  ordre  doit  être  dans  les  récits  le  même  que 

»  celui  de  la  chose  dont  on  fait  le  récit;  et dans  le  cas  où  il  s'agit  de  per- 

»  suader l'intérêt  doit  régler  les  rangs  des  objets  et  donner  par  conséquent 

»  les  premières  places  aux  mots  qui  contiennent  l'objet  le  plus  important.  » 
Condillac,  à  un  autre  point  de  vue,  développa  2  que  l'idée  du  sujet  étant  liée 
immédiatement  à  celle  du  verbe,  l'idée  du  verbe  à  celle  du  régime,  l'idée  du 
substantif  à  celle  de  l'adjectif,  «  pour  ne  pas  choquer  l'arrangement  naturel  des 
»  idées,  il  suffit  de  se  conformer  à  la  plus  grande  liaison  qui  est  entre  elles.  Or 
»  c'est  ce  qui  se  rencontre  également  dans  les  deux  constructions  latines, 
»  Alexander  vicit  Darium,  Darium  vicit  Alexander.  Elles  sont  donc  aussi  naturelles 
»  l'une  que  l'autre.  On  ne  se  trompe  à  ce  sujet  que  parce  qu'on  prend  pour  plus 
»  naturel  un  ordre  qui  n'est  qu'une  habitude  que  le  caractère  de  notre  langue 
»  nous  a  fait  contracter.  »  Il  a  fait  ressortir  dans  sa  grammaire  (II®  p.,  ch.  24) 
et  dans  son  Art  d'écrire  (II,  14),  publiés  en  1755,  comment  l'inversion  permet  de 
donner  de  l'unité  à  l'expression  d'une  pensée  composée,  et  contribue  à  la  beauté 
des  images.  Beauzée,  dans  sa  grammaire  générale  (1767),  livre  III,  ch.  9,  a 
essayé  de  défendre  les  idées  de  Du  Marsais  contre  Batteux  et  Condillac.  La 
question  de  l'ordre  des  mots  en  latin  a  été  reprise  dans  notre  siècle,  en  Alle- 
magne, mais  à  un  tout  autre  point  de  vue,  et,  à  notre  avis,  fort  peu  heureusement. 
Stùrenburgî  a  cherché  à  expliquer  l'arrangement  des  mots  par  l'accentuation;  il 
a  distingué  une  accentuation  grammaticale,  une  accentuation  logique,  une  accen- 
tuation emphatique  et  une  quatrième  accentuation  qui  provient  d'une  émotion 
réprimée  à  dessein.  Gœrenz,  philologue  charlatan,  qui  a  joui  il  y  a  une  trentaine 
d'années  en  Allemagne  d'une  réputation  fort  usurpée,  prétendait  qu'il  y  avait  un 
sonus  particulier  à  la  langue  latine  qui  se  portait  sur  le  premier,  le  quatrième,  le 
septième  et  le  dernier  mot  de  chaque  proposition 4.  Nsegelsbach,  lui-même, 
malgré  son  sentiment  très-fin  et  très-délicat  du  génie  de  la  langue  latine,  ne 
nous  paraît  pas  avoir  réussi  dans  la  portion  de  sa  Stilisîique  latine  5  où  il  traite  de 
l'ordre  des  mots   (§§  166-171).  Il  fait  remarquer  avec  raison  que  dans  les 


1.  Coars  de  belles-lettres  (1753),  IV,  306. 

2.  Essai  sur  l'origine  des  connaissances  humaines  (1746),  part.  2,  sect.  1,  ch.  12. 

3.  M.  Tullii  Ciceronis  oratio  pro  Licinio  Archia  poeta,  mit  Anmerkungen  von  D'  Rud. 
Stùrenburg,  1839. 

4.  D'  Franz  Raspe,  Die  Wortstellung  der  lateinischen  Sprache,  1844. 

5.  Dans  cet  ouvrage  (i'"éd.  1846,  2' éd.  i8î2),  qui  a  pour  objet  de  donner  aux  Alle- 
mands des  préceptes  sur  la  manière  d'écrire  en  latin,  on  trouve  une  foule  de  remarques 
justes  et  ingénieuses  sur  le  génie  de  la  langue  latine  comparé  à  celui  de  l'allemand  ;  elles 
sont  souvent  applicables  au  français  qui,  à  cet  égard,  ressemble,  plus  qu'on  ne  pourrait 
le  croire,  à  l'allemand. 


d'histoire  et  de  littérature.  1  I  5 

langues  anciennes  on  procède  généralement  par  opposition,  et  que  ces  opposi- 
tions sont  bien  plus  fortement  marquées  que  dans  les  langues  modernes  ;  que  les 
mots  qui  constituent  les  termes  corrélatifs  d'une  opposition  sont  rangés  tantôt 
dans  l'ordre  inverse,  comme  dans  «  Nunc  ego  jactandas  optarem  sumere  pennas, 
»  Il  sive  tuas,  Perseu,  Daedale,  sive  tuas  (Ov.  Trist.,  5,  8,  5);  »  tantôt  dans  le 
même  ordre,  comme  dans  a  ausos  esse  transire  latissimum  flumen,  ascendere 
»  altissimas  rupes,  subire  iniquissimum  locum  (Caes.  B.  G.  2,  27).  «  Mais  ces 
observations  ne  se  rapportent  qu'à  la  conformation  extérieure  de  la  phrase  en 
quelque  sorte;  elles  ne  touchent  pas  le  principe  et  le  fond  des  choses. 

M.  Weil  a  compris  qu'il  fallait  chercher  le  principe  de  l'ordre  des  mots  dans 
l'ordre  des  idées  que  le  langage  doit  rendre  :  «  Puisqu'on  tâche  de  tracer  par  la 
»  parole  l'image  fidèle  de  la  pensée,  l'ordre  des  mots  doit  reproduire  l'ordre  des 
»  idées,  ces  deux  ordres  doivent  être  identiques  (p.  1 5).  »  Or  l'ordre  des  idées 
est  indépendant  de  la  syntaxe  ;  «  Par  exemple ,  le  fait  que  Romulus  a  fondé  la 
5)  ville  de  Rome,  peut  dans  les  langues  à  construction  libre,  être  énoncé  de 
»  plusieurs  manières  différentes,  tout  en  conservant  la  même  syntaxe.  Supposons 
»  qu'on  ait  raconté  l'histoire  de  la  naissance  de  Romulus  et  des  merveilles  qui 
»  s'y  rattachent,  on  pourrait  ajouter  :  idem  ille  Romulus  Romam  condidiî.  En 
»  montrant  à  un  voyageur  la  ville  de  Rome,  on  pourrait  lui  dire  :  Hanc  urbem 
)>  condidiî  Romulus.  En  parlant  des  fondations  les  plus  célèbres,  après  avoir 
»  mentionné  la  fondation  de  Thèbes  par  Cadmus ,  celle  d'Athènes  par  Cécrops , 
»  on  pourrait  continuer  :  Condidiî  Romam  Romulus.  La  syntaxe  est  la  même  dans 
»  ces  trois  phrases  :  dans  toutes  les  trois  le  sujet  est  Romulus,  l'attribut  est 
»  fonder,  le  complément  direct  est  Rome.  Pourtant  on  dit  dans  ces  trois  phrases 
»  des  choses  différentes,  parce  que  ces  éléments,  tout  en  restant  les  mêmes,  sont 
»  distribués  d'une  manière  différente  dans  l'introduction  et  la  partie  principale 
»  de  la  phrase.  Le  poinî  de  déparî,  le  point  de  ralliement  des  interlocuteurs,  c'est 
»  la  première  fois  Romulus,  la  seconde  fois  Rome,  la  troisième  fois  l'idée  de 
»  fondation.  De  même  ce  que  l'on  voulait  apprendre  à  autrui,  le  buîdu  discours, 
»  est  différent  dans  ces  trois  manières  de  s'exprimer  (p.  24).  »  Il  est  certaines 
notions  générales,  familières  à  tout  le  monde,  espèces  de  cases  de  l'esprit,  dans 
lesquelles  il  classe  tout  ce  qu'il  peut  apprendre,  et  qui  par  conséquent  s'offrent 
d'elles-mêmes  les  premières.  Ainsi  on  commencera  un  récit  par  les  rapports  de 
temps  et  de  lieu  :  <f  Dans  Ephèse  il  fut  autrefois  etc.  »  De  même  quand  on  décrit 
un  pays,  la  situation  géographique,  le  climat,  les  végétaux,  les  animaux,  les 

habitants:  <f  La  Suède  et  la  Finlande  composent  un  royaume  large  de Il 

»  s'étend  du  midi  au  nord L'hiver  y  règne  neuf  mois L'été  y  produit 

»  Les  bestiaux  y  sont Les  hommes  y  sont »  Si  la  notion  initiale  d'une 

phrase  se  rapporte  à  la  notion  initiale  de  la  phrase  précédente,  la  marche  des 
deux  phrases  est  parallèle,  comme  dans  l'exemple  de  César  cité  plus  haut 
«  transire  etc.  »  Si  la  notion  initiale  se  rapporte  au  but  de  la  phrase  précédente, 
la  marche  des  deux  phrases  est  progressive,  comme  dans  ces  vers  de  Racine  : 
«  Us  courent;  tout  son  corps  n'est  bientôt  qu'une  plaie,  jj  De  nos  cris  douloureux 


I  l6  REVUE   CRITIQUE 

»  la  plaine  retentit.  »  Enfin,  «  quand  l'imagination  est  vivement  frappée  ou  que 
»  la  sensibilité  est  profondément  émue,  on  entre  en  matière  par  le  but  du 
»  discours  et  l'on  fait  remarquer  après  coup  les  degrés  par  lesquels  on  aurait  pu 
»  y  parvenir  dans  un  état  plus  tranquille  (p.  40).  »  C'est  l'ordre  pathétique, 
comme  dans  ce  passage  de  Bossuet  :  «  Chacun  demande  à  Dieu  avec  larmes 
»  qu'il  abrège  ses  jours  pour  prolonger  une  vie  si  précieuse  ;  on  entend  un  cri 
»  de  la  nation,  ou  plutôt  de  plusieurs  nations  intéressées  dans  cette  perte.  Elle 
»  approche  néanmoins  cette  mort  inexorable » 

Cependant  dans  la  plupart  des  langues  la  syntaxe  et  l'ordre  des  mots  se  déter- 
minent mutuellement.  Ce  qui  distingue  le  grec  et  le  latin,  c'est  que  l'ordre  des 
mots  est  tout  à  fait  indépendant  de  la  syntaxe  ;  ce  sont  des  langues  à  construction 
libre.  Les  langues  où  les  rapports  grammaticaux  qui  lient  les  mots  ne  sont  pas 
indiqués  par  les  désinences  sont  des  langues  à  construction  fixe.  Alors  le  mot 
gouvernant  précède  ou  suit  le  mot  gouverné.  De  là  deux  sortes  de  constructions 
qui  peuvent  prédominer  exclusivement  ou  être  associés  dans  une  langue.  M.  W. 
étudie  le  caractère  psychologique  de  ces  deux  espèces  de  constructions,  et  fait 
remarquer  que  le  premier  rang  doit  être  donné  aux  langues  qui  ont  imposé  le 
moins  d'entraves  à  la  construction  et  qui,  par  conséquent,  permettent  de  se 
conformer  exactement  à  l'ordre  naturel  des  idées.  Il  fait  sentir  cet  avantage  du 
grec  et  du  latin  par  des  exemples  très-bien  choisis  et  commentés  avec  beaucoup 
de  goût  et  de  justesse.  Il  n'a  pas  oublié  de  faire  remarquer  que  le  français  du 
xiii^  siècle  avait  une  liberté  de  construction  dont  la  perte  a  été  bien  cruelle  pour 
notre  langue. 

Le  dernier  chapitre,  où  M.  Weil  étudie  l'influence  que  l'accentuation  oratoire 
exerce  sur  l'ordre  des  mots,  nous  semble  tout  à  fait  digne  des  précédents.  Et 
en  résumé ,  tout  ce  travail  se  recommande  par  la  justesse  et  la  finesse  avec 
lesquelles  l'auteur  a  traité  une  question  non  moins  importante  que  délicate.  Il 
fait  pénétrer  fort  avant  dans  la  perfection  des  langues  anciennes  et  des  grands 
écrivains  anciens  et  modernes  ;  et  il  suggère  aux  linguistes  des  vues  essentielles 
pour  l'étude  comparée  des  procédés  que  les  différentes  langues  fournissent  à 
l'expression  de  la  pensée.  X. 


161.  —  M.    TuUiî  Ciceronis  epistularum   emendationes  scripsit  Josephus 
Krauss.  Lipsiae,  Teubner,  1869.  In-8',  44  p.  —  Prix:  i  fr.  35. 

L'auteur  de  cet  opuscule  est  professeur  au  gymnase  de  Cologne  ;  absorbé  par 
les  devoirs  de  sa  position,  il  ne  s'est  fait  encore  connaître  par  aucun  travail  de 
longue  haleine  ;  mais  il  nous  annonce  qu'il  en  prépare  un  sur  les  études  homé- 
riques des  Ptolémées.  La  dissertation  que  nous  annonçons  aujourd'hui  est  du 
meilleur  augure  ;  elle  fait  preuve  d'une  méthode  excellente  dans  les  matières  de 
critique,  d'une  méthode  parfaitement  digne  de  l'école  de  Ritschl  d'où  sont  sortis 
tant  de  bons  professeurs  de  gymnase.  La  chose  peut  sembler  singulière  ;  mais 
elle  est  vraie.  La  critique  des  textes,  telle  qu'elle  est  enseignée  et  pratiquée  dans 


d'histoire  et  de  littérature.  117 

les  cours  et  le  séminaire  de  M.  RitschI,  a  pour  résultat  d'exercer  merveilleuse- 
ment à  l'interprétation,  à  la  vraie  compréhension  des  auteurs;  ceux  qui  en  dou- 
teraient n'ont  qu'à  parcourir  les  Emendationes  de  M.  Krauss. 

On  sait  que  le  texte  des  lettres  de  Cicéron  est  loin  d'être  correct  ;  il  donne 
beaucoup  à  faire  à  la  critique.  Le  meilleur  manuscrit  est  le  Medicaeus,  dont 
l'autorité  a  été  méconnue  par  beaucoup  d'éditeurs  et  commence  seulement  à 
reprendre  faveur.  Il  est  parfois  moins  correct  que  les  autres  ;  mais  cela  tient  à 
ce  qu'il  a  été  moins  corrigé  par  des  copistes  maladroits,  en  sorte  qu'il  est  beau- 
coup plus  près  qu'eux  de  la  vraie  leçon.  M.  Kr.  s'appuie  donc  avec  raison  sur 
ce  manuscrit  dans  les  corrections  qu'il  propose  et  qui,  loin  d'être  téméraires, 
sont  très-bien  motivées  et  justifiées.  Presque  toutes  sont  des  modèles  de  bonne 
critique  conjecturale,  ne  s'appliquent  qu'à  des  passages  incontestablement  cor- 
rompus et  portent  un  tel  caractère  d'évidence  qu'on  se  demande  comment  on 
n'y  avait  pas  songé  plus  tôt. 

Nous  ne  saurions  mieux  le  faire  comprendre  qu'en  en  reproduisant  un  spécimen. 
On  lit  dans  la  lettre  de  Cicéron  à  César,  XIII,  16  (éd.  Orelli  et  Baiter):  F.  Cras- 
sum  ex  omni  nobiliîaîe  adolescenîem  dilexi  plurimvm,  et  ex  eo  cum  ab  ineunte  eius 
aetate  hene  speravissem,  îum  j  per  me  exisîimare  coepi  [ex]  Us  iudiciis,  quae  de  eo 
'feceras,  cognitis.  Les  premiers  éditeurs  avaient  déjà  reconnu  que  le  verbe  exisîi- 
mare, correspondant  à  bene  speraiissem  (la  réalisation  opposée  aux  espérances), 
devait  avoir  aussi  pour  complément  un  adverbe  qui  devait  se  cacher  sous  le 
per  me  qui  n'a  ici  absolument  aucune  signification.  Lambin  a  donc  corrigé  tum 
optime  existimare  coepi.  M.  Kr.  accepte  cette  correction,  mais  il  observe  qu'au 
cvm  ab  ineunte  eius  aetate  devait  correspondre  après  tum  une  indication  de  temps, 
et  reconnaît  dans  per  le  reste  de  nuper.  Il  reste  encore  une  difficulté  que  l'édition 
d'Orelli  écarte  en  supprimant  le  ex  devant  Us.  Il  est  évident  que,  si  l'on  veut 
s'en  tenir  au  texte  des  manuscrits,  ou  bien  cet  ex,  ou  bien  le  cognitis  est  superflu. 
M.  Kr.  fait  remarquer  dans  le  Medicaeus  l'orthographe  inusitée  Us  pour  m  et  en 
conclut  que  probablement  ces  trois  lettres  ne  proviennent  pas  du  pronom  is  ; 
de  là  l'idée  toute  naturelle  de  lire  eximiis.  La  phrase  est  ainsi  parfaitement  lim- 
pide et  cicéronienne  :  et  ex  eo  cum  ab  ineunte  eius  aetate  bene  speravissem,  tum 
nuper  optime  existimare  coepi  eximiis  iudiciis  quae  de  eo  feceras  cognitis. 

M.  Kr.  ne  change  point  systématiquement  les  textes  ;  il  défend  parfois  la 
leçon  des  manuscrits  contre  tous  les  éditeurs,  ainsi  XIII,  69  :  Haec  ad  te  eo 
pluribus  scripsi  ut  intelligeres  me  non  vulgare  nec  ambitiose  sed  ut  pro  homine  intimo 
ac  mihi  pernecessario  scribere,  il  soutient  que  vulgare  ne  doit  point  être  changé  en 
vulgariter,  comme  l'ont  fait  tous  les  manuscrits  excepté  le  Medicaeus.  et,  s'ap- 
puyantsur  un  passage  de  la  lettre  suivante  ayant  à  peu  près  le  même  sens,  il 
pense  que  nous  avons  ici  le  verbe  vulgare,  employé  exceptionnellement  sans 
régime,  dans  le  sens  de  «  être  banal,  »  ou  «  donner  une  recommandation  au 
premier  venu»,  comme,  dans  la  lettre  70,  in  vulgus  tribuere  (se.  commendationes). 
Ceci  nous  parait  assez  concluant. 

Dans  la  lettre  I,  i,  3,  M.  Kr.  montre  que  les  mots  :  animadvertebatur  Pompeii 


Il8  REVUE    CRITIQUE 

familiares  assentiri  Volcaîio  proviennent  d'une  annotation  marginale.  Lettre  I,  2,  i 
il  établit  nettement  le  sens  de  discessionem  facere  et  prouve  qu'il  faut  lire  : 
(^Lupus)  inîendere  coepit,  ante  se  oportere  discessionem  facere  quam  consu lares  (au 
lieu  de  consules  que  portent  les  mss.).  —  I,  7,  2  il  défend  la  leçon  du  Medicaeus] 
non  îam  memores.  —  Il  soutient  encore  l'autorité  de  ce  ms.  dans  la  phrase  non 
ALiQUO  erga  me  singulari  beneficio  (I,  9,  4)  et  dans  l'admission  des  formes 
comarguit  ^ouT  coarguit  (}U ,  S ,  y^  et  Philomeli  ^pour  Philo melii  (même  lettre). 
—  IV,  1 5 ,  il  propose  l'excellente  correction  brevi  te  (pour  breviîer)  commonendum 
putavi.  —  V,  10,  2  l'intercalation  devant  bona  direpîa  du  mot  ob,  dont  l'omission 
par  un  copiste  s'explique  si  facilement,  rend  la  phrase  parfaitement  claire  et 
écarte  les  conjectures  plus  téméraires  par  lesquelles  on  avait  voulu  corriger  ce 
passage.  —  VI,  5,  j,  M.  Kr.  lit  :  Cni  rei  adde  eam  spem  pour  Qnare  adeam  spem, 
ce  qui  s'appuie  sur  des  arguments  paléographiques  très-plausibles.  —  Nous  ne 
pouvons  reproduire,  même  en  abrégé,  toutes  les  corrections  ultérieures  de 
M.  Kr.  Elles  concernent  les  passages  suivants  :  VII,  12  ;  VII,  23,2;  VII, 
26;  V,  8  ;  VIII,  n;  IX,  4;  IX,  6;  IX,  18;  IX,  20;  IX,  24  ;  X,  14;  X,  22; 
XII,  7;  XV,  20  ;  XVI,  5  ;  XVI,  8;  et  nous  les  recommandons  comme  les  pré- 
cédentes à  l'attention  de  tous  ceux  qui,  à  un  titre  quelconque,  s'occupent  des 
lettres  de  Cicéron,  surtout  à  ceux  qui  voudraient  les  traduire  ou  les  publier;  car 
comme  nous  l'avons  dit,  elles  concernent,  pour  la  plupart,  des  passages  dont  le 
sens  est  resté  obscur  à  tous  les  éditeurs  et  traducteurs. 

Le  reste  de  l'opuscule,  depuis  la  page  36,  est  consacré  par  l'auteur  à  recher- 
cher quel  est  le  Cassius  qui  a  écrit  la  lettre  XII,  1 3.  Cette  question  est  résolue 
aussi  d'une  façon  satisfaisante.  Il  est  maintenant  certain  que  l'entête  de  la  lettre 
porte  dans  les  mss.  un  faux  prénom,  qu'il  faut  lire  L.  Cassius  et  non  C.  Cassius 
et  qu'il  s'agit  du  fils  de  L.  Cassius  Longinus,  frère  de  C.  Cassius  le  meurtrier  de 
César. 

La  lettre  à  M.  Ritschl,  qui  sert  de  préface  à  cette  brochure,  rappelle  en  quoi 
consistait  l'enseignement  si  fécond  du  maître  ;  elle  le  montre  tel  qu'il  était  à 
Bonn  dans  ses  cours,  dans  son  séminaire,  et  dans  les  conversations  privées  où  il 
excitait  ses  élèves  au  travail  et  leur  donnait  hbéralement  tous  les  conseils  dont 
ils  avaient  besoin. 

Il  est  resté  malheureusement  plus  de  fautes  d'impression  qu'il  n'y  en  a  d'ordi- 
naire dans  les  ouvrages  sortis  des  excellentes  presses  de  Teubner;  ainsi  p.  39, 

In  his  Schiitzius  erat  (l.  errât) immo  errât  (l.  erat)  films. 

Ch.  m. 


162.  —  Geschichte  der  Sigambem  und  der  von  den  Rœmern  bis  zum  Jahr  «6  nach 
Christo  im  nordwestlichen  Deutschland  gefùhrten  Kriege,  von  M.  F.  Esselen.  Leipzig, 
Grunow,  1868.  In-8*,  vi-388  p.  —  Prix  :  8  fr. 

M.  Esselen  s'est  voué  depuis  de  longues  années  à  l'élucidation  de  toutes  les 
questions  historiques  et  topographiques  qui  se  rattachent  à  la  province  de  West- 
phalie,  son  pays  natal,  avant  et  pendant  la  domination  romaine.  La  série  complète 


d'histoire  et  de  littérature.  119 

de  ses  travaux,  dont  les  plus  anciens  remontent  à  1853  et  dont  les  plus  récents 
sont  cités  en  note  ',  paraît  avoir  été  reprise  dans  le  présent  volume,  et  coordonnée 
plus  ou  moins  habilement  pour  nous  offrir  les  résultats  définitifs  auxquels  s'est 
arrêté  l'auteur.  M.  E.  a  fouillé  tous  les  recoins  du  pays  pour  y  retrouver  les 
traces  de  l'occupation  romaine  et  du  passage  des  armées  impériales.  Il  a  scrupu- 
leusement réuni  tous  les  témoignages  des  historiens  de  l'antiquité  sur  les  luttes 
entre  les  Germains  et  Rome,  et  même  les  auteurs  plus  récents  qui  se  sont  occupés 
de  ces  luttes,  mais  il  entasse  souvent  ses  extraits  pêle-mêle,  sans  en  déterminer 
la  valeur,  et  sans  aucune  liaison  critique  ^.  Il  les  commente  en  parcourant  le 
pays  en  tous  sens,  étudiant  partout  le  terrain  lui-même,  et  nous  fournit  ainsi  un 
manuel  topographique  qui  sera  très-utile  à  ceux  qui  voudront  aller  au  fond  des 
récits  romains.  Ce  qui  manque  surtout  au  travail  de  M.  E.  c'est  la  méthode.  Il 
règne  un  désordre  incroyable  dans  son  ouvrage  et  l'on  y  passe  sans  cesse  d'un 
sujet  à  un  autre ,  pour  revenir  ensuite  au  premier.  Ainsi ,  dans  V Introduction 
même,  nous  nous  trouvons  tout  à  coup  en  présence  d'un  excursus  relatif  aux 
ponts  jetés  par  César  sur  le  Rhin,  suivi  lui-même  d'un  appendice  (p.  16)  sur 
l'opinion  exprimée  à  ce  sujet  par  l'auteur  de  l'Histoire  de  César  i.  On  ne  s'explique 
pas  le  moins  du  monde  pourquoi  M.  Esselen  n'a  point  placé  ces  deux  fragments 
au  chapitre  V  où  il  parle  des  guerres  de  César.  C'est  embrouiller  comme  à  plaisir 
le  lecteur 4.  Le  titre  de  l'ouvrage  doit  faire  l'objet  d'une  remarque  préliminaire; 
la  première  partie  en  aurait  dû  être  supprimée,  car  M,  E.  ne  nous  donne  point 
une  histoire  des  Sigambres  et,  à  vrai  dire,  il  ne  pouvait  nous  la  donner. 
En  effet  nous  n'en  connaissons,  pour  l'époque  dont  parle  notre  auteur, 
précisément  que  leurs  guerres  avec  les  Romains.  Ce  que  M.  E.  nous  dit  en  outre 
des  Sigambres  (qu'il  identifie,  à  ses  risques  et  périls^  avec  les  Gambrivii  de  Tacite) 
se  compose  de  notices  générales  données  par  les  écrivains  latins  sur  tous  les 
habitants  des  pays  entre  le  Danube  et  le  Rhin,  et  il  n'existe  aucun  motif  pour 
appliquer  ces  passages  aux  Sigambres  en  particulier  5 .  Disons  à  cette  occasion 
que  ce  n'est  pas  sans  surprise  que  nous  voyons  l'auteur  citer  des  écrivains  vieillis 
comme  Adelung  et  Luden,  tandis  que  l'ouvrage  de  Waitz,  devenu  classique  à 
juste  titre,  n'est  pas  une  seule  fois  nommé  ^.  Plus  intéressant  que  ce  chapitre  sur 

1.  Das  Kastell  Alise,  der  Teutoburger  Wald  und  die  Pontes  longi.  Hannover,  1857. 
—  Zur  Geschichte  der  Kriege  zwischen  den  Rœmern  und  Deutschen.  Hamm,  1862.  — 
Zur  Frage  wo  Caesar  die  beiden  Rheinbrûcken  schiagen  liess.  Hamm,  1864. 

2.  Ainsi  il  mettra  sur  le  même  rang  comme  sources  historiques,  Tacite,  Velleius,  Sué- 
tone, Dion  Cassius  et  Zonaras. 

^.  Napoléon  III  fait  passer  César  près  de  Bonn,  en  56  av.  J.-C.  ;  M.  Elsselen  au  con- 
traire place  le  pont  sur  le  Rhin  à  Kaiserswerth,  près  de  Dùsseldorf. 

4.  Voyez  encore  p.  104,  334,  etc. 

5.  M.  E.  parle  à  la  p.  9  de  l'habitude  des  Sigambres  d'enfouir  leurs  récoltes  dans  des 
fosses  pour  les  hiverner;  il  n'aurait  pas  eu  besoin  d'aller  chercher  des  faits  analogues  en 
Bactrie.  De  nos  jours  encore  les  paysans  d'Alsace  hivernent  leurs  pomnies  de  terre  dans 
des  excavations  pareilles,  pratiquées  dans  le  champ  même. 

6.  Ce  n'est  pas  chez  lui  en  tout  cas  qu'il  aurait  appris  que  les  Suèves  s'appelaient  ainsi 
parce  qu'ils  menaient  une  vie  errante  (schwdfen  =  errer)  et  qu'on  donnait  ce  nom  aux 
peuples  germaniques  dont  les  propriétés  étaient  encore  indivises  ip.  5). 


120  REVUE    CRITIQUE 

le  peuple  des  Sigambres  est  le  chapitre  suivant  qui  traite  des  limites  du  pays  des 
Sigambres.  M.  E.  leur  assigne  comme  demeure  un  territoire  d^environ  140  lieues 
carrées,  qui  coïncide  en  gros  avec  le  district  {Regierungsbezirk)  actuel  d'Arnsberg. 
Sans  contester  les  données  de  l'auteur,  qui  sont  basées  sur  des  études  topogra- 
phiques détaillées,  nous  devons  faire  observer  cependant  qu'il  y  a  quelque  chose 
d'arbitraire  à  fixer  des  limites  précises  à  ces  peuplades  germaniques,  sans  cesse 
en  lutte  avec  leurs  voisins,  s'agrandissant  tantôt  et  tantôt  refoulées,  quittant  plus 
tard  leurs  foyers  pour  aller  chercher  fortune  ailleurs  ou  transplantées  de  force 
par  les  Romains  vainqueurs;  les  données  que  l'on  peut  recueillir  à  leur  sujet  ne 
sont  en  tout  cas  exactes  que  pour  un  laps  de  temps  assez  restreint.  On  doit 
regretter  vivement  que  M.  E.  n'ait  pas  joint  à  son  livre  une  carte  ou,  ce  qui 
vaudrait  mieux  encore,  plusieurs  cartes  très-détaillées ;  malgré  ce  qu'en  dit 
l'auteur  à  la  p.  19,  c'est  une  grave  lacune,  car  puisque  le  principal  mérite  de 
l'ouvrage  réside  précisément  dans  la  discussion  minutieuse  d'une  foule  de  ques- 
tions topographiques,  on  ne  peut  suivre  les  raisonnements  de  l'auteur  et  surtout 
les  juger  qu'avec  une  connaissance  approfondie  du  pays.  Après  un  chapitre 
traitant  des  incursions  de  César  sur  le  sol  germain,  M.  E.  nous  entretient  des 
expéditions  d'Agrippa,  de  Lollius,  de  Drusus  et  discute  longuement,  trop  longue- 
ment même  (car  il  y  avait  moyen  d'être  plus  bref  sans  rien  oublier),  la  situation 
du  casîellum  d'Ahse,  si  controversée  de  nos  jours.  Il  examine  et  rejette  succes- 
sivement les  opinions  qui  le  mettent  à  Liesborn,  Elsen,  Ringbocke,  Haltern, 
Hamm  et  Lippborg  et  la  place  à  quelque  distance  de  Hamm,  à  l'ancien  confluent 
de  l'Ahse  et  de  la  Lippe.  Puis  il  arrive  au  soulèvement  d'Arminius  et  à  la  défaite 
de  Varus,  sujet  de  prédilection  des  sociétés  savantes  de  la  Prusse  rhénane,  du 
Hanovre  et  de  la  Westphalie,  sujet  éternellement  controversé  et  qui  forme  en 
quelque  sorte  une  question  d'Alésia  germanique.  M.  E.,  qui  n'énumère  pas  tout, 
ne  discute  pas  moins  de  vingt-trois  ouvrages  plus  ou  moins  modernes  sur  la 
question,  sans  compter  tous  les  renseignements  de  l'antiquité.  Je  trouve  que  c'est 
pousser  encore  beaucoup  trop  loin  le  désir  légitime  d'être  complet.  Sans  nous 
arrêter  aux  innombrables  hypothèses  émises  sur  la  situation  de  ce  fameux  saltus 
Teutoburgicus,  mentionné  par  Tacite,  disons  seulement  que  d'après  M.  E.  la 
bataille  eut  Heu  près  de  Havixbrock,  au  sud  de  la  ville  de  Beckum.  Le  dernier 
point  d'importance  examiné  dans  l'ouvrage  est  la  situation  des  pontes  longi, 
célèbres  dans  les  luttes  de  Germanicus  et  de  son  lieutenant  Cécina,  contre  les 
Bructères  et  les  Chérusques.  M.  E,  les  place  près  de  Terhaar  dans  les  tourbières 
de  Burtang  (Burtanger  Moof)  situées  sur  les  confins  de  la  province  de  Drenthe 
et  de  la  Frise  prussienne.  On  y  a  retrouvé  des  digues  et  autres  constructions  en 
bois  que  certains  archéologues  affirment  remonter  aux  Romains.  D'autres  savants, 
il  est  vrai,  les  font  remonter  seulement  au  moyen-âge.  Ici,  comme  en  général 
pour  la  plupart  des  questions  soulevées  par  M.  E.  il  est  malaisé  de  hasarder  un 
verdict.  Il  serait  absolument  nécessaire  d'examiner  les  localités  de  visu  pour 
prononcer  un  jugement  compétent.  —  Un  appendice  est  consacré  à  certains 
champs  des  environs  de  Beckum  où  des  fouilles  ont  mis  au  jour  de  nombreux 


d'histoire   et    de   littérature.  121 

cadavres  d'hommes  et  de  chevaux.  On  a  fait  toutes  les  suppositions  imaginables 
sur  ces  corps  ensevelis  pêle-mêle,  ainsi  que  le  montre  le  plan  dont  M.  E.  accom- 
pagne cette  étude.  On  y  a  vu  successivement  des  compagnons  d'Arminius  ou  de 
Germanicus,  un  cimetière  payen,  un  cimetière  chrétien,  des  Saxons  ou  des  Francs 
du  temps  de  Charlemagne,  des  routiers  de  la  guerre  de  Soest  (1444-1449),  etc. 
M.  E.  penche  pour  des  Germains  tués  dans  une  lutte  qu'elconque  au  i"  siècle. 

L'ouvrage  de  M.  Esselen,  dont  nous  reconnaissons  du  reste  les  nombreux 
mérites,  gagnerait  beaucoup  à  être  refondu  par  son  auteur,  mieux  coordonné 
dans  son  ensemble,  limité  quant  à  son  sujet  aux  guerres  entre  Romains  et  Ger- 
mains, sans  essayer  l'histoire  impossible  des  Sigambres.  M.  E.  en  écarterait 
toutes  les  répétitions  inutiles,  les  réminiscences  personnelles,  les  traductions  in 
extenso  de  textes  qu'il  suffirait  de  résumer  en  quelques  mots,  il  pèserait  davan- 
tage les  opinions  contradictoires  au  lieu  de  les  énumérer  toutes ,  il  ajouterait  de 
bonnes  cartes  topographiques  et  des  plans  détaillés  (p.  ex.  vonr  les  pontes  longi)^. 
Alors  seulement  ses  travaux  seront  appréciés  à  leur  juste  valeur  et  deviendront 
d'un  secours  précieux  à  tous  ceux  qui  en  étudiant  les  historiens  romains,  essayent 
de  se  rendre  compte  des  faits  qu'ils  rapportent  et  ne  se  bornent  pas  à  des  études 
de  style  ou  de  grammaire. 

Rod.  Reuss. 


163.  —  Die  handschriftlichen  Gestaltungen  der  Chanson  de  geste 
«  Fierabras  »  und  ihre  Vorstufen,  von  D'  Gustav  Grœber.  Leipzig,  Vogel,  1869. 
In-8*,  x-i  1 1  p.  —  Prix  :  5  fr.  25. 

Cet  opuscule,  par  la  méthode  qui  y  est  appliquée,  est  dans  l'histoire  de 
l'étude  de  l'ancienne  littérature  française  un  événement  assez  important.  C'est 
la  première  fois  qu'on  essaie  de  soumettre  les  manuscrits  d'une  chanson  de  geste 
à  un  véritable  travail  critique ,  et  si  les  conclusions  auxquelles  est  arrivé 
M.  Grœber  ne  sont  pas  toutes  également  solides,  il  n'en  est  pas  moins  évident 
que  la  voie  dans  laquelle  il  a  l'honneur  de  s'engager  le  premier  est  la  seule  par 
laquelle  on  puisse  arriver  à  des  résultats  scientifiques  sur  le  sujet.  Je  vais  donner 
une  analyse  sommaire  de  ce  remarquable  travail,  en  indiquant  les  points  où 
l'auteur  me  semble  trop  s'avancer  ou  être  dans  l'erreur.  Pour  les  élucider  à 
fond,  il  faudrait  néanmoins  une  étude  détaillée  qui  aurait,  je  le  crois,  un  véri- 
table intérêt,  mais  qui  ne  saurait  être  même  abordée  ici  ;  je  la  reprendrai  sans 
doute  ailleurs  quelque  jour. 

La  chanson  de  Fierabras,  en  alexandrins  rimes,  nous  a  été  conservée  dans 
six  manuscrits  français  signalés  jusqu'à  ce  jour.  Les  éditeurs  de  ce  poème  dans 
les  Anciens  poètes  de  la  France  n'ont  malheureusement  connu  que  quatre  de  ces 
manuscrits,  a(B.L  fr.  1 2603,  xiv«  s.),  b  (B.  l.  t.  1 500,  xv«  s.),  c  {Brit.  Mus. 
Reg.  15  E  VI,  XV*  s.),  J(Bibl.  Vat.,  mss.  delà  reine  de  Suède,  16 16,  daté  de 
1317).  Depuis  on  a  fait  connaître  deux  nouveaux  manuscrits,  l'un  qui  se  trouve 


i.  Lisez  p.  333  Einwohncr  pour  Einnahmc  et  planche  1,  Havixbrock  pour  Harixbrock. 


122  REVUE  CRITIQUE 

à  la  bibliothèque  de  l'Escorial  (décrit,  avec  les  variantes  importantes,  par 
M.  Knust  dans  le  Jahrbuchfûr  rom.  Litteraîur,  t.  IX,  p.  44-72),  l'autre  qui  ap- 
partient à  M.  Ambroise-Firmin  Didot,  à  Paris  (voy.  Gautier,  Ep.fr.,  t.  II, 
p.  306);  M.  Gr.  désigne  par  E  le  ms.  de  l'Escorial,  par  D  le  ms.  Didot.  Or 
ces  deux  manuscrits,  restés  inconnus  aux  éditeurs,  sont  tous  deux  du  xiii*  siècle 
et  des  premières  années  de  ce  siècle,  tandis  que  les  quatre  autres  sont  du  xive 
et  du  xv%  ils  ont  en  outre,  comme  le  montre  M.  Gr.,  une  importance  particu- 
lière. Il  fait  voir  en  effet  qu'aucun  des  six  manuscrits  ne  dérive  directement  d'un 
des  autres,  mais  qu'ils  se  divisent  en  deux  familles,  dont  l'une  comprend  ah  c  d 
et  dérive  d'un  prototype  (perdu)  désigné  par  w,  tandis  que  l'autre  se  compose 
des  deux  mss.  D  E  et  a  pour  source  un  texte  (également  perdu)  désigné  par  z. 
On  voit  donc  que  la  connaissance  des  quatre  manuscrits  a  b  c  d  était  absolu- 
ment insuffisante  pour  reconstituer  le  texte  primitif,  source  de  w  et  de  z,  texte 
désigné  par  y,  et  qui  ne  doit  comprendre  que  ce  qui  est  commun  à  z  et  à  )v. 
Toute  cette  argumentation  de  M.  Gr.  est  un  modèle  de  critique  sûre  et  métho- 
dique, et  l'auteur  y  a  d'autant  plus  de  mérite  qu'il  n'a  eu  de  renseignements  suf- 
fisants que  pour  deux  de  ces  six  mss.,  a  et  E.  Les  éditeurs  français  n'ont  fait 
connaître  qu'un  très-petit  nombrs  des  variantes  de  b  c  d,  et  le  ms.  Didot  n'est 
connu  que  par  une  vingtaine  de  vers  qu'a  publiés  M.  Gautier  '.  Et  à  ce  propos 
je  dois  faire  observer  combien  est  peu  satisfaisante  la  méthode  suivie  par  les  édi- 
teurs de  ce  poème  :  «  Le  texte  du  ms.  a,  disent -ils  (p.  xx),  n'est  pas  très-pur, 
»  il  s'en  faut;  mais  il  est  encore,  dans  son  ensemble,  et  plus  complet  et  plus 
»  correct  que  celui  des  trois  autres  manuscrits  ;  aussi  l'avons-nous  suivi  de 
»  préférence.  »  On  voit  tout  ce  qu'il  y  a  de  vague  et  d'arbitraire  dans  cette 
«  préférence  »  dont  on  se  départ  en  certains  endroits.  La  seule  méthode  à 
suivre  pour  les  éditeurs  était  celle  qu'a  mise  en  pratique,  à  leur  défaut, 
M.  Grœber;  ils  devaient  d'abord  résoudre  la  question  de  savoir  sia  b  cd  (puis- 
qu'ils ne  connaissaient  que  ces  textes)  étaient  copiés  l'un  sur  l'autre  ;  la  réponse 
étant  négative,  il  en  résultait  clairement  que  le  texte  de  w  (le  seul  qu'ils  pussent 
prétendre  restituer)  se  composait  de  tout  ce  qu'a  b  c  d  avaient  en  commun,  ou 
de  ce  que  trois,  ou  même  deux  de  ces  mss.  offraient  d'identique,  en  regard  de 
la  leçon  ou  des  deux  leçons  différentes  des  autres  textes.  Au  lieu  d'entreprendre 
ce  travail,  ils  ont  suivi  une  tout  autre  voie,  beaucoup  plus  commode  assurément, 
mais  bien  moins  scientifique  :  ils  ont  imprimé  le  ms.  «  le  plus  correct  et  le  plus 
complet,  »  en  remédiant  çà  et  là  à  ses  fautes  et  à  ses  lacunes  à  l'aide  des  trois 
autres,  invoqués  au  hasard  suivant  qu'ils  paraissaient  donner  une  leçon  plus  ou 
moins  bonne.  Qui  ne  voit  qu'en  agissant  ainsi  ils  ont  constitué  un  texte  qui  n'a 

I .  J'ai  eu  autrefois  ce  manuscrit  entre  les  mains ,  et  je  puis  affirmer  que  la  conjecture 
de  M.  Knust,  reprise  et  fortifiée  par  M.  Gr.,  sur  sa  parenté  avec  E,  est  mise  hors  de 
doute  par  la  comparaison  de  l'ensemble.  Seulement  le  ms.  Didot,  copié  en  Angleterre 
par  quelque  jongleur  ignorant,  est  rempli  des  fautes  les  plus  grossières;  il  n'y  a  guère  de 
vers  qui  ne  soient  défectueux  en  quelque  façon  ;  au  contraire  le  ms.  de  l'Escorial  offre  un 
texte  copié  avec  soin  et  intelligence. 


d'histoire  et  de  littérature.  12? 

jamais  existé  tel  quel  ?  Il  est  temps  que  les  règles  de  la  critique  soient  appliquées 
dans  leur  rigueur  à  la  publication  de  nos  anciens  poèmes,  et  on  ne  saurait  trop 
répéter  que  le  premier  soin  d'un  éditeur  doit  être  la  classification  des  manuscrits 
d'après  leur  rapport  de  filiation  ou  de  collatéralité  :  c'est  seulement  une  fois  ce 
travail  fait  qu'il  peut  essayer  de  constituer  son  texte.  Quant  à  la  correction  d'un 
des  manuscrits,  elle  a  une  tout  autre  valeur  ;  elle  peut  servir  à  fixer  les  formes 
de  langue  et  de  versification,  mais  aucunement  le  texte  lui-même.  Ainsi ,  dans 
notre  espèce,  le  ms.  Didot,  qui  est  un  véritable  monstre  de  langue,  offre  très- 
souvent  une  leçon  préférable  à  celle  du  ms.  a,  qui  paraît  cependant  écrit  à  peu 
près  dans  le  dialecte  du  poète.  Je  ne  puis  que  renvoyer  sur  ce  point  aux  obser- 
vations excellentes  qui  ont  déjà  été  faites  dans  cette  revue  par  notre  collabora- 
teur M.  Bartsch  '. 

La  découverte  des  mss.  D  E  agrandissait  et  compliquait  le  problème.  Dès  lors 
la  forme  à  restituer  n'était  plus  w,  mais  y,  c'est-à-dire  que  (la  non-filiation  de  w 
et  z  étant  bien  établie)  il  en  résultait  que  tout  ce  qui  se  trouvait  également  dans 
w  et  z,  s'était  aussi  trouvé  dans  le  texte  antérieur  d'où  ils  dérivaient  l'un  et 
l'autre,  c'est-à-dire  dans  y;  du  même  coup  on  avait  un  critérium  à  peu  près  in- 
faillible pour  discerner,  en  cas  de  désaccord,  ce  qui  dans  les  mss.  a  b  c  d  était 
primitif,  c'est-à-dire  représentait  w,  ce  qui  dans  les  mss.  D  E  était  primitif,  c'est- 
à-dire  représentait  z.  Si  en  l'absence  du  groupez  les  quatre  mss.  abcd  offraient 
quatre  leçons  différentes,  le  problème  était  insoluble;  mais  si  une  de  ces  variantes 
se  retrouvait  dans  un  des  deux  mss.  du  groupe  z  (d'ailleurs  indépendant  du 
groupe  w),  il  est  clair  que  c'était  la  bonne.  Fait  avec  soin  et  sur  chaque  vers  des 
six  manuscrits,  ce  travail  serait  arrivé  presque  à  coup  sûr  à  restituer  d'une  part 
z  (D  d'accord  avec  E,  ou  D  ou  E  isolément  d'accord  avec  w),  d'autre  part  w  (a 
b  c  d  d'accord,  ou  trois  ou  deux  des  mss.  d'accord  contre  un  isolé  ou  deux 
différents,  ou  un  des  mss.  différant  des  trois  autres,  eux-mêmes  différents,  et 
d'accord  avec  z).  Restait  cependant  une  question  de  première  importance  : 
puisque  )v  et  z  sont  deux  rédactions  différentes,  quand  elles  ne  sont  pas  d'accord, 
quel  texte  faut-il  préférer  ?  en  d'autres  termes,  y  est-il  plus  fidèlement  représenté 
dans  w  ou  dans  z  ?  En  l'absence  de  preuves,  la  présomption  est  pour  z,  qui  com- 
prend deux  mss.  plus  anciens  d'un  siècle  que  le  plus  ancien  des  mss.  du  groupe 
w;  toutefois  ce  n'est  là  qu'une  raison  assez  faible  de  décider.  La  valeur  d'un  ms., 
comme  le  rappelle  fort  bien  M.  Gr.  d'après  Wolf*,  n'est  pas  toujours  en  raison 
directe  de  son  ancienneté  ;  il  est  clair  que  les  mss.  w,  bien  qu'ils  soient  des  xiv*^ 
et  xv^  siècles,  s'appuient  sur  des  textes  antérieurs,  et,  s'ils  sont  fidèlement  trans- 
crits, ils  sont  supérieurs  à  des  textes  plus  anciens  mal  établis.  La  critique  en  se- 


1.  1866,  t.  II,  p.  409. 

2.  Ces  paroles  ne  sauraient  être  trop  souvent  citées,  surtout  en  présence  des  vues 
fausses  si  généralement  répandues  sur  la  criticjue  :  «  Novitas  codicum  non  majus  vitium 
»  est  quam  hominum  adolescentia  ;  etiam  hic  non  semper  aetas  sapientiam  affert  :  ut 
»  quisque  antiquum  et  bonum  actorem  bene  sequitur,  ita  bonus  est  (Prokg.  ad  Hom., 
«  p.  vij).  » 


124  REVUE   CRITIQUE 

rait  donc  réduite  à  se  décider  par  des  considérations  de  goût  qui  ne  doivent  l'in- 
fluencer qu'à  défaut  d'autres  indices,  si  elle  ne  recevait,  pour  résoudre  la  ques- 
tion, un  secours  qui  d'autre  part  la  complique  notablement. 

Il  existe,  on  le  sait,  du  Fierahras,  une  rédaction  provençale.  MM.  Krœber  et 
Servois,  les  éditeurs  du  poème  français,  ont  démontré  que  ce  texte  était  un  texte 
français  recouvert  simplement  d'un  vernis  provençal  '  :  il  n'y  a  plus  à  revenir 
sur  ce  point;  il  est  hors  de  toute  contestation.  Ce  poème  provençal  représente 
donc  une  rédaction  française  qui  n'existe  que  sous  cette  forme  :  il  est  facile  de 
voir  que  cette  rédaction  n'est  ni  celle  de  w,  ni  celle  de  z;  elle  s'en  distingue  dès 
le  premier  abord  de  deux  façons  :  i°  elle  contient  au  début  un  épisode  de  600 
vers  environ  qui  ne  se  trouve  tii  dans  w,  ni  dans  z;  2°  dans  le  corps  du  texte  au 
contraire  elle  a  environ  1 800  vers  de  moins  que  le  texte  français  {y)  qui  résul- 
terait de  w  comparé  àz.  Quelle  est  la  valeur  de  ces  deux  divergences?  et  doivent- 
elles  être  placées  sur  la  même  ligne?  —  M.  Gr.,  par  des  raisonnements  extrê- 
mement spécieux,  se  détermine  pour  une  conclusion  favorable  dans  les  deux  cas 
à  la  rédaction  provençale.  Suivant  lui,  d'une  part,  la  suppression  de  l'épisode  du 
début  est  un  fait  postérieur,  propre  à  la  rédaction  y\  d'autre  part  l'addition  des 
1 800  vers  en  question  est  également  propre  à  y,  et  ils  n'existaient  pas  dans  la 
rédaction  primitive.  Il  regarde  donc  y  comme  une  dérivation  de  x,  source  de  P 
(le  poème  provençal  *),  et  allant  plus  loin  il  prétend  que  la  rédaction  x  elle-même 
contient  des  additions,  des  modifications  et  des  altérations  de  tout  genre;  il  n'en 
impute  d'ailleurs  aucune  (sauf  deux  cas  sans  importance)  au  versificateur  pro- 
vençal. Il  propose  donc  de  ne  regarder  comme  ayant  fait  partie  de  x  que  ce  qui 
se  trouve  dans  P  et  dans  y,  après  quoi  on  soumettra  x  à  un  travail  pfopre,  tout 
de  goût  et  de  logique,  pour  en  tirer  x',  ou  la  forme  primitive  du  poème.  —  Sur 
aucun  de  ces  points  je  ne  partage  l'opinion  de  M.  Gr.,  et  je  compte  dire  ailleurs 
pourquoi  ;  j'espère  que  l'ingénieux  auteur  se  rendra  aux  preuves  qu'il  m'a  lui- 
même  aidé  à  rassembler  contre  lui  :  je  me  bornerai  ici  à  dire  que  c'est  l'emploi 
de  l'analyse  philologique,  trop  négligée  par  M.  Gr.,  qui  m'a  amené  à  révoquer 
en  doute,  puis  à  rejeter  les  résultats  de  sa  critique.  Suivant  moi,  P  (ainsi  que 
David  Aubert  et  le  poème  italien)  remonte  à  une  rédaction  intermédiaire  (qu'on  peut 
appeler  x)  qui  avait  ajouté  l'épisode  du  début  à  la  chanson  plus  ancienne  ;  quant 
aux  lacunes  qui  distinguent  P  dans  le  reste  du  poème,  la  plupart  sont  de  vérita- 
bles suppressions  (quelques-unes,  cela  va  sans  dire,  sont  primitives),  et  pour  un 
assez  grand  nombre  on  peut  prouver  qu'elles  sont  le  fait  du  versificateur  pro- 


1.  Je  l'ai  appelé  un  calque  servile,  et  M.  Gr.  adopte  cette  expression,  qui  n'est  peut- 
être  pas  absolument  juste;  mais  ce  qui  est  vraiment  fausser  la  question,  c'est  de  dire  avec 
M.  Léon  Gautier  {Ep.fr.,  t.  II,  p.  314)  que  le  texte  provençal  est  «  un  insigne  pla- 
giat ».  Il  n'y  a  pas  là  plus  de  plagiat  que  dans  la  transcription  en  normand  d'un  texte 
écrit  en  picard. 

2.  M.  Gr.  démontre  péremptoirement  que  la  compilation  de  David  Aubert  au  xv  siècle 
(on  n'en  connaît  que  les  rubriques)  et  le  poème  italien  de  Fierabraccia  ont  connu  l'épisode 
du  début  de  P  et  ont  par  conséquent  la  même  source. 


d'histoire  et  de  littérature.  125 

vençal  '.  Telle  est  la  thèse,  opposée  à  celle  de  M.  Gr.,  que  je  crois  devoir  sou- 
tenir. Pour  la  seconde  proposition,  la  comparaison  du  texte  de  David  Aubert  se- 
rait un  indispensable  élément  de  discussion.  Ainsi  donc,  d'après  moi,  x  et  y  pro- 
viennent parallèlement  d'un  texte  antérieur  (que  je  désigne  par  0),  qui  ne  com- 
prenait pas  l'épisode  propre  à  x  et  qui,  dans  le  reste  du  poème,  est  conservé 
plus  ou  moins  fidèlement,  tantôt  dans  x,  tantôt  dans  y.  La  comparaison  de  x 
montre,  comme  le  fait  voir  M.  Gr.,  que  dans  le  sein  de  y,  c'est  le  groupe  ::  (E  D) 
qui  se  rapproche  le  plus  de  l'original  :  de  là  une  quasi-certitude  dans  la  restitution 
de  0;  car  la  plupart  des  vers  qui  ont  disparu  dans  u'  (a  bc  d)se  retrouvent  éga- 
lement dans  z  et  dans  P,  et  appartenaient  par  conséquent  à  0  ;  quant  aux  vers 
dey  qui  manquent  dans  P,  il  faudrait,  par  la  comparaison  de  David  Aubert  (et 
même  du  poème  italien),  s'assurer  s'ils  manquaient  dans  x,  et  au  cas  plus  que 
probable  où  ils  seraient  démontrés  y  avoir  existé  et  avoir  été  supprimés  par  P, 
les  regarder  sans  hésitation  comme  faisant  partie  de  0^. 

La  restitution  de  0  ne  terminerait  pas  cette  enquête  critique;.  J'ai  fait  voir 
ailleurs  {Hist.  Poét.  de  Charlemagne,  p.  2  5 1  ss.)  que  Fierabras  se  compose  : 
1°  d'un  épisode  ancien,  le  combat  de  Fierabras  et  d'Olivier;  2"^  d'une  suite  d'un 
tout  autre  genre  et  sans  doute  de  pure  invention.  J'ai  montré  aussi  que  cet  épi- 
sode ancien  avait  été  extrait  d'une  chanson  de  geste  de  la  première  époque, 
perdue  aujourd'hui,  mais  dont  Philippe  Mousket  (7  1 242)  nous  a  conservé  le 
sommaire  dans  sa  chronique.  M.  Gr.  accepte  toute  cette  hypothèse;  seulement 
il  pense  que  j'ai  eu  tort  de  donner  à  cette  chanson  le  nom  de  Balan.  Suivant  lui, 
les  deux  parties  du  poème  n'ont  pas  seulement  une  origine  distincte;  elles  sont 
l'œuvre  de  deux  auteurs;  le  premier,  d'accord  avec  Mousket,  ne  connaît  que 
Fierabras,  et  place  encore,  d'après  la  tradition,  la  scène  en  Italie;  le  second  au 
contraire  transporte  tacitement  en  Espagne  le  théâtre  des  événements  et  introduit 
Balan  et  Floripas,  père  et  sœur  de  Fierabras,  dont  la  première  partie  (sauf  deux 
ou  trois  vers  interpolés)  ne  sait  rien.  Je  ne  crois  aucunement  que  la  première 
partie  de  notre  texte  soit  un  fragment  du  poème  primitif;  elle  est  trop  bien  rimée, 
et  d'allures  trop  modernes  comme  style,  et  je  ne  vois  pas  la  nécessité  d'admettre 
deux  poètes;  il  n'y  a  rien  d'étonnant  à  ce  que  l'auteur  du  tout,  remaniant,  pour 
en  faire  sa  première  panie,  un  épisode  de  l'ancienne  chanson,  ait  laissé  subsister 
des  contradictions  entre  cette  partie  et  celle  qui  est  de  son  invention  pure-*.  Quant 


1.  Il  en  résulte  qu'il  n'a  pas  suivi  son  texte  avec  l'absolue  fidélité  que  lui  attribue 
M.  Gr.,  qui  le  regarde  comme  équivalent  à  un  manuscrit  français. 

2.  Il  faudrait  encore  utiliser,  pour  ce  travail,  les  deux  rédactions  en  prose,  celle  qui  a 
été  maintes  fois  publiée  (elle  se  rapporte  à  w  d'après  M.  Gr.)  et  celle  du  ms.  de  l'Arse- 
nal, que  le  passage  cité  par  M.  Gautier  (1.  1,  p.  312)  ne  permet  pas  d'apprécier  et  de 
classer. 

j.  Quant  aux  efforts  de  M.  Gr.  pour  aller  plus  loin  que  O  (x  d'après  lui)  et  séparer 
l'j/ifAfnt(^u£  de  ce  qui  a  été  ajouté  plus  tard,  je  regarde  ces  tentatives  lachmanmennes 
comme  très-arbitraires  et  au  moins  beaucoup  trop  prématurées. 

4.  Voy.  les  observations  à  peu  près  identiques  qu'a  présentées  M.  Weil  dans  le 
dernier  numéro,  p.  98. 


126  REVUE  CRITIQUE 

au  nom  de  Balan  donné  à  cette  chanson  ancienne,  les  raisons  de  M.  Gr.  pour  le 
supprimer  paraissent  assez  fortes;  j'avais  surtout  été  conduit  à  le  choisir  par  les 
rubriques  de  David  Aubert,  oij  on  voit  Balan  apparaître  dès  le  début  du  récit  ; 
mais  il  est  possible  que  ce  soit  une  addition  du  prosateur  du  xve  siècle  ;  cepen- 
dant, avant  de  souscrire  définitivement  à  la  conclusion  de  M.  Gr.,  je  demande- 
rais une  enquête  supplémentaire. 

Je  ne  puis  que  répéter  en  terminant  ce  que  j'ai  dit  au  début.  Cet  ouvrage  té- 
moigne chez  son  auteur  de  toutes  les  qualités  du  critique  ;  il  fait  honneur  à  l'école 
dont  il  est  sorti  (l'ouvrage  est  dédié  à  M.  Ebert,  le  savant  professeur  de  Leipzig). 
Puisse-t-il  être  suivi  de  beaucoup  d'autres  conçus  dans  le  même  esprit  et  exécutés 
avec  le  même  talent  !  puisse-t-il  surtont  contribuer  à  introduire  dans  le  domaine 
auquel  il  est  consacré  un  esprit  de  critique  et  de  méthode  qui  y  est  encore 
presque  inconnu!  G.  P. 

164.  —  Josias  Glaser  et  son  projet  d'annexer  l'Alsace  à  la  France  en 

1639,  par  Rodolphe  Reuss.  Mulhouse,  1869.  Gr.  in-8',  25  p.  (Extrait  de  la  Revue 
d'Alsace.) 

M,  R.  Reuss,  qui  prépare  une  histoire  de  l'Alsace  pendant  la  guerre  de 
Trente  Ans,  a  rencontré,  en  fouillant  les  archives  de  la  capitale  de  sa  province, 
un  mémoire  inédit  de  Josias  Glaser,  pensionnaire  de  la  couronne  de  France  à 
Strasbourg.  Ce  mémoire  lui  a  paru  curieux,  et  il  l'est  beaucoup  en  effet.  Félici- 
tons M.  Reuss  d'avoir  trouvé  un  tel  document;  félicitons-le  surtout  de  l'avoir  si 
bien  publié  (p.  16-2^).  Le  texte,  scrupuleusement  reproduit,  a  été  entouré 
d'excellentes  petites  notes.  Il  est  précédé  d'une  notice  sur  le  diplomate  stras- 
bourgeois  qui,  dès  1639,  avait  proposé  à  Louis  XIII  l'annexion  de  l'Alsace  à  la 
France.  M.  R.,  à  force  de  chercher  dans  les  archives  de  Strasbourg  des  rensei- 
gnements sur  ce  personnage  inconnu  à  tout  le  monde,  est  parvenu  à  nous  en 
donner  une  biographie  qui,  si  l'on  tient  compte  de  toutes  les  difficultés  vain- 
cues, est  un  petit  chef-d'œuvre  de  patience  et  de  sagacité.  Très-probablement 
fils  du  professeur  Philippe  Glaser,  Josias  naquit  vers  i  $90  :  il  fut  secrétaire  du 
Conseil  des  Quinze  en  16 16,  devint  bailli  de  la  république  de  Strasbourg  à 
Wasselonne  à  la  fin  de  1618,  redevint  secrétaire  du  Conseil  des  Quinze  en  juillet 
1620,  fut  envoyé  à  Francfort  en  1628,  à  Zurich  et  à  Berne  en  1631,  à  Paris 
en  cette  même  année  ;  l'année  suivante,  on  le  trouve  résident  de  Suède  à  Stras- 
bourg. En  1646,  il  va  rejoindre  les  plénipotentiaires  français  à  Munster.  Il  dis- 
paraît à  partir  de  l'année  1649.  De  nouvelles  découvertes  permettront  sans  doute 
à  M.  R.  de  compléter  son  intéressante  notice.  C'est  surtout  aux  Archives  des 
Affaires  étrangères  que  ces  découvertes  semblent  devoir  se  faire.  Aussi  unissons- 
nous  nos  vœux  à  ceux  que  forme  (p.  4)  M.  R.  pour  que  tous  les  travailleurs 
sérieux  obtiennent  enfin  l'autorisation  de  profiter  des  trésors  historiques  accu- 
mulés dans  ces  archives ,  et  pour  que  la  qualité  de  Français  ne  soit  plus  en 
quelque  sorte,  aux  yeux  des  conservateurs  de  ce  dépôt,  un  titre  formel 
d'exclusion.  T.  de  L. 


d'histoire  et  de  littérature.  127 

VARIÉTÉS. 
Un  dictionnaire  biographique  des  Alsaciens  célèbres. 

On  tente  en  ce  moment  en  Alsace  une  entreprise  qui  pourrait  être  imitée  dans 
d'autres  provinces  de  notre  pays,  et  qui  mérite  d'être  signalée  aux  lecteurs  de 
la  Revue.  Il  va  se  publier  à  Mulhouse,  sous  le  patronage  de  la  Société  des  monu- 
ments historiques  d'Alsace,  un  dictionnaire  biographique  des  Alsaciens  célèbres. 
La  liste  des  hommes  plus  ou  moins  éminents  qui  doivent  figurer  dans  cette  ency- 
clopédie provinciale  vient  de  paraître,  avec  quelques  spécimens  biographiques. 
Pour  diriger  cette  vaste  entreprise,  le  comité  du  Haut-Rhin  a  fait  choix  de 
M.  G.  StofFel,  correspondant  du  ministère  de  l'instruction  publique,  très-avan- 
tageusement connu  par  sa  collaboration  à  la  grande  collection  des  Weisîhiimer  de 
Jacob  Grimm  et  par  la  publication  récente  du  Dictionnaire  topographique  du  dépar- 
tement du  Haut-Rhin.  La  liste  préparatoire  effraye  un  peu  le  lecteur  à  première 
vue,  car  elle  ne  contient  pas  moins  de  deux  mille  cinq  cents  noms,  ce  qui  n'a  point 
empêché  certaines  personnes  de  ne  pas  la  trouver  assez  complète  ' .  Ce  chiffre 
élevé  montre  assez  qu'elle  renferme  des  noms  qui  n'ont  qu'une  mince  réputation 
locale  et  même  quelques-uns  qui  n'ont  guère  de  droits  à  y  figurer.  Les 
collaborateurs  promettent  d'être  nombreux;  nous  nommerons  seulement  ici 
MM.  L.  Spach,  Aug.  Stœber,  Ignace  Chauffeur,  X.  Mossmann,  Straub,  E.  Mûntz, 
etc.,  etc.  Néanmoins  ce  sera  bien  là  que  le  directeur  de  l'entreprise  rencontrera 
le  plus  de  difficultés  pour  son  travail.  Il  est  évident  que  ce  n'est  qu'en  confiant  à 
des  hommes  compétents,  c'est-à-dire  spéciaux,  la  rédaction  des  nombreux  articles 
de  son  Dictionnaire,  qu'il  lui  conservera  une  valeur  scientifique.  Or,  trouvera-t-il 
des  spécialistes  de  bonne  volonté  pour  ses  innombrables  clients  ?  Et  cependant 
il  faut  absolument  qu'il  ne  se  laisse  point  envahir  par  les  dilettanti^  qui  se  con- 
tenteraient d'amplifier  les  notices  de  quelque  autre  recueil,  avec  toutes  leurs 
lacunes  et  toutes  leurs  erreurs.  Il  lui  faudra  non  moins  soigneusement  propor- 
tionner la  longueur  des  articles  à  l'importance  des  personnes  ;  ne  pas  épargner  la 
place  aux  biographies  vraiment  importantes,  tout  en  écartant  les  développements 
littéraires  et  les  «'jugements  »  que  chaque  lecteur  pourra  formuler  à  sa  guise, 
mais  réduire  impitoyablement  à  trois  ou  quatre  lignes  les  individualités  obscures 
qui  fourmillent  sur  sa  liste.  M.  Stoffel,  en  agissant  ainsi,  blessera  peut-être 
l'amour-propre  ou  les  susceptibilités  exagérées  de  quelque  collaborateur  prolixe 
ou  trop  enthousiaste,  —  il  doit  savoir  que  pour  une  besogne  pareille  ces  petits 
déboires  sont  inévitables,  —  mais  il  rendra  ser\^ice  à  la  science. 

Nous  souhaitons  toute  chance  à  cette  excellente  entreprise  qui  n'intéresse  pas 
seulement  l'Alsace,  mais  aussi  la  France  et  l'Allemagne  ;  grâce  à  la  générosité 


I.  Dictionnaire  biographique  d'Alsace.  Liste  préparatoire.  Mulhouse,  Bader,  1869. 
m  p.  gr.  in«4*. 


128  REVUE  CRITIQUE    D'HISTOIRE   ET    DE   LITTÉRATURE. 

d'un  riche  fabricant  de  Dornach,  M.  Engel-Dollfus,  les  débuts  matériels  du 
Dictionnaire  sont  assurés;  puisse-t-il  être  plus  heureux  que  la  Collection  des 
Chroniques  alsaciennes,  que  l'on  essayait  de  lancer  naguère  et  qui  vient  d'échouer 
honteusement  devant  l'indifférence  intellectuelle  et  le  manque  de  patriotisme  de 
ceux  auxquels  elle  adressait  en  première  ligne  son  appel  ! 

Rod.  Reuss. 


La  Revue.  Celtique. 

Nous  appelons  toute  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  la  couverture  de  ce  numéro, 
où  nous  publions  partiellement  le  prospectus  de  la  Revue  Celtique  que  fonde  notre 
collaborateur  M,  Gaidoz.  Cette  revue  doit  paraître  aussitôt  qu'elle  aura  trouvé 
deux  cents  souscripteurs;  espérons  qu'ils  ne  se  feront  pas  attendre.  Peu  d'entre- 
prises scientifiques  méritent  autant  d'être  encouragées;  car  il  en  est  peu  qui 
promettent  de  rendre  autant  de  services  à  un  aussi  grand  nombre  de  savants. 
Tous  ceux  qui  s'occupent  d'ethnographie  européenne,  de  mythologie  ou  de  litté- 
rature comparée,  tous  ceux  qui  étudient  les  origines  de  l'histoire  et  de  la  poésie 
moderne,  tous  ceux  qui  s'intéressent  soit  à  la  grammaire  des  langues  indo- 
européennes, soit  particulièrement  à  l'histoire  des  langues  romanes,  ressentent 
depuis  longtemps  avec  amertume  la  lacune  considérable  qu'ouvre  dans  toutes  ces 
études  l'absence  presque  complète  de  travaux  critiques  et  approfondis  sur  l'his- 
toire, la  religion,  la  littérature  et  l'idiome  des  peuples  celtiques  :  tous  ont  le 
devoir  d'aider  autant  qu'il  est  en  eux  le  savant  zélé  et  courageux  qui  a  entrepris 
de  combler  cette  lacune.  M.  Gaidoz  a  parfaitement  compris  que  tant  qu'il  n'y 
aurait  pas  un  lien  habituel  et  persistant  entre  les  pays  celtiques  où  sont  les 
matériaux  de  la  science  et  les  pays  plus  orientaux  où  sont  les  méthodes  et  les 
instruments,  l'exploitation  scientifique  de  ce  vaste  et  riche  domaine  serait  impos- 
sible. De  là  le  plan  véritablement  large  et  cosmopolite  sur  lequel  il  a  conçu  sa 
Revue;  non-seulement  tous  les  noms  illustrés  dans  l'Europe  entière  par  des 
études  celtiques  figurent  sur  la  liste  de  ses  collaborateurs;  mais  encore,  en 
admettant  des  articles  écrits  en  français,  anglais,  allemand  ou  latin,  il  a  donné 
un  exemple  excellent  à  suivre,  à  notre  époque  où  les  savants  sont  tous  obligés 
de  lire  plusieurs  langues  et  n'ont  le  temps  d'apprendre  à  en  écrire  aucune  autre 
que  la  leur.  Il  convient  à  la  France,  l'ancien  pays  celtique  par  excellence,  devenue 
la  première  des  contrées  romanes  et  leur  intermédiaire  naturel  avec  le  monde 
germanique,  il  lui  convient  d'être  le  centre  du  rapprochement  fécond  et  de 
l'active  concurrence  que  veut  instituer  M.  Gaidoz.  Ce  n'est  pas  tous  les  jours  que 
des  idées  de  ce  genre  sont  produites  et  proposées  chez  nous  ;  elles  ne  peuvent 
que  nous  faire  honneur.  Ne  laissons  pas  échapper  la  rare  occasion  d'encourager 
une  œuvre  à  la  fois  nationale,  européenne  et  scientifique,  qui,  si  elle  ne  réussit 
pas  chez  nous,  se  refondera  certainement  ailleurs,  à  la  honte  du  pays  qui  l'aura 
laissée  avorter. 

Nogent-Ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


LIBRAIRIE  A.  FRANCK  (VIEWEG,  propriétaire), 
67,  rue  Richelieu. 


LA  REVUE  CELTIQUE 

PUBLIÉE    AVEC    LE   CONCOURS    DES    PRINCIPAUX    SAVANTS 

FRANÇAIS    ET    ÉTRANGERS, 

PAR 

M.   HENRI  GAIDOZ. 


PRINCIPAUX  COLLABORATEURS  : 

MM.  H.  d'Arbois  de  Jubainville,  à  Troyes  (Aube);  —  Adolf  Bacmeister,  à 
Augsbourg  (Bavière);—  Bamwell,  à  Melksham,  Wiltshire  (Grande-Bretagne); 

—  Anatole  de  Barthélémy,  à  Paris;  —  J.  Becker,  à  Francfort-sur-le-Mein 
(Prusse);  —  J.  G.  Cuno,  à  Graudenz  (Prusse);  —  Lorenz  Diefenbach,  à  Franc- 
fort-sur-le-Mein  (Prusse);  —  H.  Ebel,  à  Schneidemûhl  (Prusse);  —  D.  Sil- 
van  Evans,  à  Llanymawddwy,  Merionethshire,  North  Wales  (Grande-Bretagne); 
Samuel  Ferguson,  à  Dublin  (Irlande^;  —  Giovanni  Flechia,  à  Turin  (Itahe);  — 
W.  M.  Hennessy,  à  Dublin  (Irlande);  —  Eug.  Hucher,  au  Mans  (Sarthe);  — 
P.  W.  Joyce,  à  Dublin  (Iriande);  —  R.  F.  Le  Men,  à  Quimper  (Finistère);  — 
F.  Liebrecht  à  Liège  (Belgique);  —  Adrien  de  Longpérier  à  Paris;  —  F.  M. 
Luzel,  à  Plouaret  (Côtes-du-Nord);— Th.  Mac  Lauchlan,  à  Edimbourg  (Ecosse); 

—  Williams  Mason,  à  Llanfair,  Merionethshire  (North  Wales);  —  Max  Mùller, 
à  Oxford  (Grande-Bretagne);  —  Eugène  Mùntz,  à  Paris;  — C.  Nigra,  à  Paris; 

—  Gaston  Paris,  à  Paris;  —  John  Peters,  à  Bala,  North  Wales  (Grande-Bre- 
tagne); —  Adolphe  Pictet,  à  Genève  (Suisse);  —  Ernest  Renan,  à  Paris;  — 
John  Rhys,  à  Oxford  (Grande-Bretagne);  —  Roget,  baron  de  Belloguet,  à  Paris; 
Whitley  Stokes,  à  Simla  (Indes  Anglaises);  —J.  De  Wal,  à  Leyde  (Hollande), 

L'étude  des  langues,  des  littératures  et  des  antiquités  celtiques  appelle  l'atten- 
tion du  philologue,  de  l'historien  et  du  lettré  par  l'importance  du  rôle  que  les 
Celtes  ont  joué  dans  l'ancienne  histoire  d'Europe  et  aussi  par  les  richesses  des 
littératures  néo-celtiques.  La  période  gauloise  de  notre  histoire  n'est  pas  la  moins 
importante  pour  être  la  moins  connue  ;  Arthur  et  les  romans  de  la  Table-Ronde 
défrayent  une  bonne  partie  de  la  littérature  du  moyen-âge  ;  le  Purgatoire  de 
saint  Patrice  et  le  Voyage  de  saint  Brendan  ont  été  racontés  dans  presque 
toutes  les  langues  de  l'Europe  ;  on  sait  quelle  vogue,  au  commencement  de  ce 
siècle,  s'attacha  pour  un  temps  au  nom  d'Ossian.  La  vive  et  charmante  imagi- 
nation des  races  Celtiques  a  laissé  dans  leurs  littératures  des  trésors  inappréciés 
de  poésie.  Des  écrivains  de  talent  ont  levé  en  partie  le  voile  qui  dérobait  à  nos 
regards  la  Bretagne  Française;  mais  par  la  date  récente  et  par  le  petit  nombre 
de  ses  monuments,  la  littérature  Bretonne  est  de  beaucoup  inférieure  en  impor- 
tance aux  littératures  Irlandaise  et  Galloise.  Les  langues  Celtiques  n'ont  pas 
une  moindre  valeur  pour  la  Grammaire  Comparée  ;  il  suffit  de  citer  les  grands 
travaux  que  leur  consacrent  les  philologues  de  la  savante  Allemagne. 

Il  existe  pourtant  un  grand  obstacle  au  progrès  des  Études  Celtiques,  c'est 
l'absence  d'union  entre  les  savants  qui  les  cultivent.  On  travaille  isolément  et 
comme  dans  l'obscurité.  Pour  les  savants  du  continent,  les  Iles  Britanniques, 


ce  principal  refuge  des  races  celtiques,  sont  presque  en  dehors  du  monde.  Le 
vers  de  Virgile  est  encore  vrai  : 

Et  penitus  toto  divisos  orbe  Britannos. 

Sur  le  continent  on  ne  peut  que  difficilement  savoir  quels  textes  se  publient, 
quels  travaux  se  poursuivent  là-bas.  De  leur  côté,  les  savants  des  pays  celtiques 
qui  ont  à  leur  disposition  les  monuments, les  manuscrits,  les  traditions  et  la 
langue  de  leurs  pays,  cherchent  souvent  en  vain  des  points  de  repère  et  de 
comparaison  ;  les  travaux  les  plus  importants  de  l'Europe  savante  n'arrivent  qu'à 
grand'peine  jusqu'à  eux.  Vienne  une  alliance  entre  les  celtistes  de  tous  les  pays, 
et  le  jour  se  fera  peu  à  peu  sur  l'histoire  et  la  littérature  d'une  grande  race. 
Cette  alliance,  nous  espérons  la  réaliser. 

La  tâche  nous  tente  d'autant  plus  que  ces  études  ne  sont  pas  encore  repré- 
sentées dans  la  presse  savante  du  continent.  Ce  n'est  pas  qu'on  ne  trouve,  de 
temps  à  autre,  de  bons  mémoires  sur  ces  matières  dans  la  Revue  Archéologique, 
dans  la  Revue  Critique  et  surtout  dans  les  Beitrsge  zur  vergleichenden  Sprachforschung, 
mais  de  pareils  travaux  ne  constituent  pas  le  fonds  ordinaire  de  ces  revues,  et 
ne  touchent  que  quelques  côtés  des  Études  Celtiques.  Nous  voulons  fonder  une 
Revue  consacrée  uniquement  aux  Études  Celtiques,  et  qui  en  embrasse  toutes 
les  faces  :  Philologie,  Mythologie,  Histoire,  Histoire  littéraire,  et  Archéologie, 
en  tant  que  l'Archéologie  éclaire  directement  l'Histoire  et  la  Mythologie. 

Nous  croyons  que  sur  bon  nombre  de  points  et  surtout  dans  les  questions 
qui  touchent  aux  origines,  la  science  celtique  doit  s'abstenir  de  prononcer  un 
jugement  définitif,  avant  que  toutes  les  sources  d'information  aient  été  explorées 
avec  soin.  C'est  dire  que  nous  nous  proposons  dans  cette  Revue  de  publier  surtout 
des  matériaux  et  que  nous  nous  abstiendrons  de  conclusions  trop  affirmatives. 

Nous  publierons  :  Des  textes  inédits  (Irlandais,  Écossais,  Mannois,  Gallois, 
Comiques,  Bretons)  avec  traduction.  Nous  aurons  soin  de  choisir  des  textes  inté- 
ressants au  point  de  vue  soit  de  la  Philologie,  soit  de  l'Histoire  littéraire,  soit 
de  la  Mythologie  ;  —  Des  travaux  de  philologie  sur  les  langues  Celtiques  prises 
en  elles-mêmes,  et  sur  leurs  rapports  avec  les  langues  congénères;  —  Des 
recherches  sur  la  Religion  des  Gaulois  et  sur  les  superstitions  et  les  traditions 
des  populations  néo-celtiques  qui  peuvent  jeter  de  la  lumière  sur  les  anciennes 
croyances  de  la  race  celtique  ;  —  Des  dissertations  sur  des  phases  peu  connues 
de  l'histoire  des  races  celtiques  ;  —  Des  mémoires  sur  l'histoire  des  littératures 
néo-cehiques  et  sur  leurs  rapports  avec  la  littérature  générale  du  moyen-âge;  — 
Une  bibliographie,  aussi  complète  que  possible,  des  publications  touchant  les 
études  celtiques  qui  auront  été  faites  dans  l'année. 

De  plus,  nous  avons  l'intention  de  donner  de  temps  à  autre  des  réimpressions 
de  textes  celtiques  intéressants  pour  la  Philologie,  ou  pour  l'Histoire  littéraire, 
et  qui  seraient  devenus  tellement  rares  qu'on  n'en  connaîtrait  plus  que  quelques 
exemplaires,  tels  que  le  Glossaire  irlandais  d'O'Clerigh,  la  grammaire  galloise 
de  Griffith  Roberts,  le  Livre  de  prières  gaélique  de  Carswell,  la  collection  de 
poésies  gaéliques  de  Gillies,  le  Tremenvan  an  ytron  Maria,  et  le  Buhez  mab  den,  etc. 

La  Revue  Celtique  paraîtra  par  livraisons  trimestrielles  d'environ  i  ^o  pages 
chacune.  Le  premier  numéro  sera  mis  sous  presse  aussitôt  que  le  nombre  des  sous- 
cripteurs aura  atteint  le  chiffre  de  deux  cents.  Le  prix  d'abonnement  est  de  20  fr. 
pour  Paris  et  de  22  fr.  pour  les  départements.  Pour  l'étranger,  le  port  en  sus. 
Les  souscriptions  sont  reçues  par  M.  Vieweg,  propriétaire  de  la  librairie 
A.  Franck,  67,  rue  RicheHeu,  à  Paris. 

Le  prospectus  de  la  Revue  Celtique  sera  envoyé  gratis  à  toute  personne  qui  en 
fera  la  demande  par  lettre  affranchie  à  M.  Vieweg. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  35  Quatrième  année  28  Août  1869 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.     MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix    d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

ï      A       ri  O  r\  F)  U  17  /^  T  17     ^"  '^^y  Charles  VIII  par  maistre 

LA     rrVWrrill.L.Illi     Cuilloche    Bourdelois,    publiée 

pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 

par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-S^".  7  fr.  50 


AlV  yf  A    D  T  17  nr  '"P  17     ^""^  ^^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
•      iVl /\  iv  i  LL    1      1    LL     l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-8°  avec 
3  planches. î  fr- 

HARTWIG      DERENBOURG 

Essai  sur  les  formes  des  pluriels  arabes.  In-8°.  5  fr. 

ÎT  "VA^rrîT  ^^  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
11  •      VV  Cj  1  L-i    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 

corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  3"  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 

direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


Ar^  k  Q  F-p  1    p.  T      Le  Capitole  de  Vesontio  et  les  Capitoles  pro- 
•      V_>(/\.^   1   /\  IN      vinciaux  du  monde  romain.  In-S"  avec  5  pi. 

3fr. 


PERIODIQUES    ÉTRANGERS. 

Literarisches  Gentralblatt  fur  Deutschland.  (  Le  n"  3 1   ne  nous  est  pas 
parvenu). 

N°  32.  51  juillet. 

Théologie.  Jongencel,  Neue  Entdeckungen  auf  dem  Gebiete  der  biblischen 
Textkritik  (voy.  Rev.  crit.,  1 869,  art.  1 34). —  Bonavia,  Contributions  to  Christo- 
logy  (voy.  Rev.  crit.,  1869,  art.  151;  l'art,  du  Centralbl.  est  plus  sévère  que  le 
nôtre).  —  Histoire.  Bùchsenschûtz^  Besitz  und  Erwerb  im  griechischen  Alter- 
thume  (Halle,  Buchh.  des  Waisenhauses;  ouvrage  de  première  importance).  — 
De  Rozière,  Liber  diurnus  Romanorum  Pontificum  (Paris,  ;  article 
des  plus  favorables).  —  Caro  ,  Geschichte  Polens,  III,  1286-1330  (Gotha, 
Perthes;  ouvrage  très-important,  déjà  célèbre).  —  Lœher,  Jakobsea  von  Bayern 
und  ihre  Zeit  (Nœrdlingen,  Beck).  —  Jurisprudence.  Bremer,  Die  Rechtslehrer 
und  Rechtsschulen  im  rœmischen  Kaiserreich  (Berlin,  Guttentag;  intéressant). 
—  CoNTZEN,  Geschichte  der  volkswirthschaftHchen  Literatur  im  Mittelalter 
(Leipzig,  Priber;  titre  faux,  ouvrage  incomplet).  —  Linguistique.  Histoire  litté- 
raire. Max  Jacob,  bishop  of  Edessa,  a  Letter  on  Syriac  Ortography edit.  by 

Phillips  (London,  Williams  and  Norgate).  — Julien,  Syntaxe  nouvelle  de  la 
langue  chinoise  (Paris,  Maisonneuve).  —  Brambach,  Die  Neugestaltung  der 
lateinischen  Orthographie  (Leipzig,  Teubner). 

Jahrbuch  fur  romanische  une  englische  Literatur,  hgg.  von  Lemcke. 
T.  X.  Premier  cahier. 

P.  I.  0,  Knauer,  Recherches  pour  servir  à  la  connaissance  du  français  du 
xiv*=  siècle  (suite)  ;  voyez  ce  qui  a  été  dit  sur  les  deux  premières  parties  de  ce 
consciencieux  travail  aux  n°^  21  et  26  de  l'année  1868;  le  présent  article  traite 
de  la  déclinaison.  —  P.  33.  Knust,  Recherches  pour  servir  à  la  connaissance  de  la 
bibliothèque  de  l'Escorial  (suite);  voy.  sur  les  quatre  premières  parties  Rev.  crit., 
1868,  n"^  26,  42,  51  ;  1869,  n°  9;  l'auteur  commente  ici  la  partie  de  son  travail 
qui  est  consacrée  aux  manuscrits  espagnols;  les  plus  intéressants  sont  ceux  qui 
contiennent  des  Enseignements  d'un  père  à  ses  filles  (xv^  siècle)  et  les  Obras  sati- 
ricas  del  Conde  de  Villamediana  (xvif  siècle).  —  P-  73-  Rochat,  Le  manuscrit  de 
chansons  231  de  la  bibliothèque  de  Berne;  texte,  assez  peu  recommandable,  d'un 
manuscrit  qui  contient  vingt  chansons.  —  Bibliographie.  La  Composizione  del 
Mondo  di  Ristoro  d'Arezzo,  pubbl.  da  Enr.  Narducci  (Roma,  1859;  article  juste- 
ment sévère  de  M.  Mussafia). —  Réponse.  A  deux  critiques  de  son  travail  sur  la 
vie  et  les  ouvrages  de  Wace,  l'une  de  M.  Kœrting,  l'autre,  publiée  dans  le  Jahrbuch, 
de  M.  Ten  Brink  (cf.  Rev.  crit.,  1869,  couverture  du  n°  9),  M.  E.  Du  Mérii 
oppose  une  fin  de  non-recevoir  qui  nous  paraît  peu  fondée. 

Deuxième  cahier. 

P.  129.  Knust,  Recherches  pour  servir  à  la  connaissance  de  la  bibliothèque  de 
VEscorial  (6^  article);  les  notes  les  plus  intéressantes  de  ce  travail  fait  avec  soin, 
mais  un  peu  délayé,  commentent  cette  fois  un  livre  célèbre,  mais  jusqu'ici  peu 
connu,  les  Bocados  de  oro.  —  P.  173.  Bœhmer,  Sur  la  Phonologie  des  langues 
romanes;  la  première  partie  de  cette  étude,  sur  le  son  jot,  est  bien  faite  et  mé- 
thodique; on  ne  peut  malheureusement  en  dire  autant  des  paragraphes  qui  suivent 
(2.  la  terminaison  -ard-;  3.  h  pour/;  4.  /  venant  de  d;  y  b  initial;  7.  étymo- 
logies  diverses);  toutes  les  lois  de  la  phonétique  romane  y  sont  foulées  aux  pieds, 
et,  ce  qu'il  y  a  de  plus  étrange,  par  un  disciple  du  maître  qui  les  a  établies  :  les 
ouvrages  de  Diez  sont  l'arsenal  où  M.  B.  puise  ses  armes  pour  le  combattre;  la 
majeure  partie  de  ces  étymologies  appartient  au  domaine  de  la  fantaisie  pure  : 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N-  35  —  28  Août  —  1869 

Sommaire  :  165.  Imruulkaisi  Mu'allaka  p.  p.  Aug.  Muller.  —  166.  Watten- 
BACH,  Premiers  Éléments  de  paléographie  grecque.  —  167.  Zink,  le  Mythologue  Ful- 
gence.  —  168.  Chroniques  de  la  ville  de  Brunswic  p.  p.  l'Académie  de  Munich.  — 
169.  Du  Fresne  de  Be.4ucourt,  les  Chartier.  —  Variétés  :  The  Academy. 

165,  —  Imruulkaisi  Mu'allaka,  edidit  Augustus  Mueller.  Halis,  G.  E.  Barthel 
vendit,  1869.  xxij-31  p.  —  Pri.x  :  1  fr.  60. 

La  mo'alkka  d'Imrpu'ou  'Ikeis,  dont  M.  MùUer  vient  de  donner  une  nouvelle 
édition,  appartient  à  un  groupe  de  sept  (ou  de  neuf)  poésies,  qui  ont  reçu  le 
monopole  de  cette  dénomination.  Longtemps,  pour  l'expliquer,  on  avait  recours 
à  une  mise  en  scène  fort  attrayante.  A  'Okàth,  un  des  cinq  endroits  où  les  tribus 
arabes  se  réunissaient  pour  y  tenir  leurs  foires  annuelles ,  les  poètes  venaient 
lutter  et  conquérir  l'honneur  de  voir  leur  œuvre  reproduite  en  lettres  d'or  sur 
des  étoffes  précieuses  et  suspendues  (mo'allaka)  aux  parois  du  sanctuaire,  de  la 
Ka'aba.  Toutes  les  histoires  littéraires  continuent  à  reproduire  cette  fable, 
malgré  les  avertissements  successifs  de  Pococke,  de  Reiske,  de  Hengstenberg, 
malgré  la  réfutation  si  absolue  et  si  décisive  de  M.  Nœldeke  '. 

Le  choix  des  sept  mo^allakât  n'est  pas  en  réalité  l'œuvre  d'un  peuple  appelé  à 
juger  des  œuvres  d'art.  Un  homme  de  goiît,  fortement  nourri  de  l'ancienne  poésie 
arabe,  un  connaisseur  d'une  science  étendue  et  approfondie,  Hammâd  Ràwiya, 
puisant  dans  les  trésors  de  sa  mémoire,  y  distingua  sept  poèmes  qu'il  déclara  les 
plus  merveilleux  et  les  plus  parfaits  entre  tous.  Cette  première  collection  contient 
les  vers  de  Nâbiga  et  de  A'châ  là  où  nous  trouvons  aujourd'hui  ceux  de  'Antara 
et  de  Hârith.  Ajoutés  plus  tard,  ces  deux  morceaux  ont  fini  par  usurper  deux 
places  dans  le  recueil.  Hammâd  nomma  ces  sept  poèmes  Soumoùî  «  colliers,  » 
ou  Mo'allakât,  «  suspendus  »  peut-être  un  synonyme  du  premier  titre,  peut-être 
aussi  une  expression  employée  dans  un  sens  figuré,  comme  nous  dirions  des 
morceaux  pleins  d'élévation.  La  fantaisie  orientale  s'est  emparée  de  ce  nom  de 
Mo'allakât  pour  bâtir  toute  une  histoire,  portant  son  caractère  religieux  et  con- 
sacrant la  beauté  poétique  par  la  sainteté  du  lieu  où  devaient  avoir  été  «  suspendus  » 
ces  chefs-d'œuvre. 

Le  mot  n'est  pas  trop  fort,  surtout  pour  le  poème  d'Imrou'ou  'Ikeis,  que 
M.  Muller  a  choisi  pour  des  motifs  auxquels  l'esthétique  n'était  sans  doute  pas 
étrangère.  Mais,  pourquoi  est-il  muet  sur  ce  point?  Pourquoi,  en  lisant  ce 
mémoire  distingué  à  tant  d'égards,  ne  trouvons-nous  pas  un  mot,  nous  avertis- 
sant que  l'éditeur  ressent  quelque  admiration  pour  son  texte  ?  Il  semble  que  tout 
le  travail  ait  été  exécuté  à  froid,  avec  la  patience  de  l'érudit,  mais  sans  cet 


I.  M.  Nœldeke,  Beitrage  :ur  Kentniss  der  Poésie  der  alUn  Araber,  1864,  p.  xvijetsuiv. 

VIII  9 


I  30  REVUE   CRITIQUE 

enthousiasme  si  fécond,  même  dans  la  critique.  Je  sais  bien  que  M.  M.  s'est  lui- 
même  imposé  cette  abstention,  et  je  reconnais  volontiers  en  lui  une  nouvelle 
force  pour  nos  études.  Sa  connaissance  de  l'arabe  est  solide,  et  il  est  de  ceux 
dont  on  peut  beaucoup  attendre  ;  il  mérite  vraiment  qu'on  ne  lui  marchande  pas  la 
vérité,  et  qu'on  réclame  de  lui  beaucoup  mieux  que  ce  premier  essai,  dont  la 
conception  est  si  supérieure  à  l'exécution.  Peut-être  d'ailleurs  cette  allure  guindée 
tient-elle  à  des  motifs  particuliers  :  M.  M.  quand  il  écrit  en  latin,  ne  semble  pas  à 
l'aise  et  n'y  met  pas  son  lecteur.  Certaines  périodes  sont  presque  inintelligibles. 
Je  ne  parle  pas  des  incorrections  graves,  ne  voulant  ici  m'arrêter  qu'à  l'arabe, 
où  heureusement  l'auteur  possède  une  science  plus  profonde  et  dont  il  nous  fera 
sans  doute  part  une  autre  fois  en  allemand. 

Les  poésies  antéislamiques,  comme  la  mo^allaka  d'Imrou'ou  'Ikeis,  ne  nous 
sont  parvenues  que  par  des  voies  assez  détournées  :  chantées  par  des  rhapsodes, 
promenées  à  travers  la  péninsule,  elles  ont  été  entamées  par  ces  voyages  succes- 
sifs, et  l'imagination,  venant  en  aide  à  la  mémoire,  a  souvent  modifié,  transformé 
plus  d'un  passage.  Sans  parler  des  omissions  ainsi  produites,  l'ordre  même  des 
vers  n'est  pas  resté  immuable  :  il  a  également  dû  se  plier  aux  caprices  de  ces 
chanteurs  disposant  en  maîtres  du  dépôt  qui  leur  avait  été  confié'.  Bien  plus, 
des  morceaux  de  même  mètre  et  de  même  rime  se  sont  combinés,  se  pénétrant 
mutuellement  ou  ont  été  juxtaposés,  comme  s'ils  se  faisaient  suite.  Dans  la 
mo'allaka  d'Imrou'ou 'Ikeis  par  exemple,  nous  avons  aux  v.  19  et  46  5  deux  nou- 
veaux commencements,  que  trahit  le  premier  hémistiche  rimant  avec  le  second  2. 
On  est  aujourd'hui  réduit  à  chercher  la  plus  ancienne  recension  qui  ait  été 
conservée,  et  à  la  publier,  en  laissant  la  responsabilité  du  texte  à  l'éditeur  indi- 
gène, que  l'on  prend  pour  modèle.  C'est  ainsi  qu'a  fait  M.  de  Slane  dans  son 
Diwan  d'AmroUkaïs^,  M.  Socin  dans  la  publication  de  'AlkamaJ,  M.  Nœldeke 
pour  Lakît  et  'Ourwa  ben  elward^,  M.  Thorbecke  pour  quelques  morceaux  de 
'Antara7,*etc.  Tel  est  aussi  le  procédé,  que  l'auteur  de  ces  lignes  a  cru  devoir 
suivre  quand  il  a  récemment  cherché  à  reproduire  la  version  d'Asma'î  dans  son 
Dîwân  de  NâbigaDhobyânî^.  Les  mêmes  principes  seront  appliqués  dans  l'édition 
des  «  six  poètes  »  que  M.  Ahlwardt  prépare  avec  une  trop  sage  lenteur  et  avec 
une  prudence  peut-être  exagérée?. 

1 .  Aussi  les  traditions ,  puisées  à  des  sources  diverses ,  sont-elles  loin  d'être  toujours 
d'accord  entre  elles. 

2.  Je  cite  les  numéros  des  vers  d'après  l'édition  d'Arnold  (Leipzig,  1852). 

y  D'autres  changements  du  même  genre,  mais  d'une  date  plus  moderne,  ont  été  intro- 
duits par  les  rivalités  des  écoles  grammaticales  de  Basrâ  et  de  Koûfa. 

4.  Paris,  1837,  Imprimerie  impériale. 

5.  Die  Gedichte  der  'Alkama  'Ifahl,  Leipzig,  1866.  In-8'. 

6.  Orient  und  Occident,  I,  p.  689  et  suiv.  et  Abhandlungm  der  kœniglichen  Cesellschaft 
der  Wissenschaften  in  Gœttingen,  XI,  p.  237  et  suiv. 

7.  'Antarah,  ein  vorislamischer  Dichter,  Mannheim,  1868. 

8.  Paris,  Imprimerie  impériale,  MDCCCLXIX  (chez  Maisonneuve). 

9.  Trubner's  american  and  oriental  repository  chaque  numéro  de  1869.  Tous  les  jeunes 
éditeurs  de  vieux  poètes  peuvent,  paraît-il,  se  préparer  à  une  razzia  terrible,  où  aucun 
d'eux  ne  sera  épargné.  Espérons  que  M.  Ahlwardt  réfléchira  et  qu'il  ne  gâtera  point  par 


d'histoire  et  de  littérature.  !}I 

M.  M.  a  été  plus  ambitieux  :  il  a  voulu  supprimer  tous  ces  intermédiaires  et 
remonter  au  texte  du  poète  tel  que  celui-ci  l'avait  conçu  et  rédigé.  Cette  tenta- 
tive de  restitution  est,  dans  tous  les  cas,  fort  honorable;  elle  introduit  dans  les 
travaux  des  orientalistes  un  genre  de  recherches  fort  à  la  mode  dans  la  philo- 
logie grecque  et  latine  ;  mais  c'est  en  même  temps  une  expérience  périlleuse,  et 
où  les  succès  obtenus  n'ont  jamais  été  proportionnés  aux  efforts  accomplis.  M.  M. 
ne  s'est  pas  laissé  effrayer,  et  il  a  bravement  affronté  le  danger. 

Certes,  la  tradition  a  été  souvent  faussée ,  et  elle  ne  doit  pas  être  pour  le 
critique  un  arbitre  souverain,  dont  il  doive  aveuglément  adopter  les  conclusions. 
Mais,  à  moins  de  motifs  graves  et  de  preuves  concluantes,  la  tradition  ne  mérite 
pas  le  mépris  que  M.  M.  lui  inflige.  «  Son  autorité,  dit-il,  doit  être  primée  par 
»  celle  des  autres  arguments,  à  quelque  genre  qu'ils  appartiennent'.  »  Oïl  ne 
peut  pas  conduire  une  telle  théorie  ?  Aussi  M.  M.  donne-t-il  immédiatement  un 
correctif  en  ajoutant  :  «  Mais  il  faut  nous  garder  de  trop  suspecter  la  tradition.» 
Ce  n'est  pas  encore  assez  :  Les  Arabes,  comme  les  autres  peuples  orientaux, 
longtemps  privés  de  l'écriture,  employant  la  mémoire  comme  seul  auxiliaire  pour 
la  propagation  de  la  littérature,  ont  fortifié,  développé,  doublé  cette  faculté  déjà 
très-puissante  chez  eux,  et  sont  arrivés  à  des  miracles  d'érudition  fidèle  et  sûre. 
Les  modifications  voulues  n'ont  pu  porter  que  sur  des  points  de  détail,  un  mot 
ancien  qu'on  ne  comprenait  plus,  un  vers  obscur,  qui  restait  une  énigme.  Mais 
à  part  quelques  soudures  maladroites,  des  transpositions  mal  dissimulées  et  un 
certain  nombre  de  suppressions,  l'ensemble  est  resté  intact,  grâce  à  la  rime  et  au 
mètre.  Les  études  renouvelées,  au  lieu  d'infirmer  la  tradition,  ne  pourront  que 
lui  gagner  des  adhérents,  se  soumettant  à  elle  non  plus  par  une  sorte  de  féti- 
chisme, mais  à  la  suite  de  luttes,  qu'ils  auront  entreprises  pour  la  renverser. 

Une  lacune,  qui  m'a  frappé  dans  l'œuvre  de  M.  M.  c'est  l'absence  d'une  tra- 
duction. Comment  se  justifier  d'avoir  déplacé  des  vers,  qu'on  n'explique  pas  ?  La 
précision  nécessaire  pour  rendre  la  pensée  de  l'auteur  et  pour  la  transporter 
d'une  langue  dans  une  autre,  aurait  certainement  donné  plus  de  rigueur  et  aussi 
plus  de  clarté  à  tout  ce  mémoire.  En  attendant,  il  reste  à  dépasser  la  traduction 
de  M.  Caussin  de  Percevah,  que  M.  M.  semble  ignorer,  et  où  il  aurait  déjà 
trouvé  supprimés  les  vers  3  et  4  comme  paraphrase  inutile.  M.  Caussin  a  plutôt 
développé  son  texte  qu'il  ne  l'a  serré  de  près.  La  prolixité  était  alors  admise,  et 
M.  de  Sacy  fournissait  à  ce  point  de  vue  un  exemple  éclatant.  Plus  concis  que 
son  devancier,  également  habile  à  pénétrer  les  finesses  d'un  texte  difficile, 
M.  Caussin  n'a  pas  toujours  su  éviter  les  longueurs,  mais  il  a  souvent  eu  dans  sa 
traduction  la  bonne  fortune  d'expressions  heureuses  et  définitives. 

Pour  marquer  mes  dissentiments  avec  M.  M.  sur  l'ordre  des  vers,  il  faudrait 
reprendre  à  nouveau  le  travail,  traduire  la  mo^allaka,  et  montrer  comment  les 

des  critiques  excessives  une  œuvre  destinée  à  se  recommander  par  elle-même  et  par  le 
nom  si  justement  estimé  de  son  auteur. 

1.  Cf.  p.  ix. 

2.  Essai  sur  l'histoire  des  Arabes  avant  l'islamisme,  II,  p.  J26.  M.  Caussin  a  ainsi  traduit 
les  sept  mo'allakdt. 


132  REVUE    CRITIQUE 

différents  vers  s'accommodent  plus  ou  moins  de  tel  ou  tel  voisinage.  J'aime  mieux 
réserver  cette  analyse  pour  une  autre  occasion  et  m'arrêter  à  quelques  points  de 
détail.  M.  M.  parle  page  xxj  de  Ibn  Heisdm  quidam.  Le  nom  de  Heisâm  n'est 
pas  un  nom  arabe,  et  il  est  probable  qu'il  s'agit  tout  simplement  du  grammairien 
Djamâl  eddîn  Aboû  Mohammed  'Abd  Allah  ben  Yoûsouf,  surnommé  Ibn  Hichâm, 
auteur  d'un  commentaire  sur  la  poésie  de  Ka'b  ben  Zoheir,  intitulée  d'après  les 
premiers  mots  Bânat  Sou'âd  '. 

M.  M.  regrette  p.  xviij  que  nous  ne  possédions  plus  la  recension  d'Aboû  Sa'îd 
Sokkarî.  Je  suis  heureux  de  lui  apprendre  qu'il  y  en  a  deux  exemplaires,  l'un  à 
Leyde^,  l'autre  à  Paris,  appartenant  à  M.  Caussin  de  Perceval,  et  que  M.  de 
Slane  a  désigné  par  la  lettre  C  dans  son  édition  d'Imrou'ou  'Ikeis.  Un  examen 
récent  de  ce  manuscrit  m'a  démontré  jusqu'à  l'évidence  que  malgré  l'absence  de 
toute  indication,  il  renferme  la  recension  de  Sokkarî.  Voici,  par  rapport  à  l'édi- 
tion d'Arnold,  dans  quel  ordre  il  donne  les  vers  de  la  mo^allaka:  1-7,  9-19,  21, 

20,  22-29,  8,  30-37,  39,  40.  38,  41-47,  52-54,  56,  5  5,  57-59,  6',  69,  63- 
68,  62,  60,  70-72,  74,  76,  78,  77,  79,  81,  73  et  75.  La  tradition,  telle  qu'elle 
avait  été  transmise  à  Sokkarî,  se  trouve  d'accord  avec  M.  M.  pour  placer  le 
vers  8  entre  les  vers  29  et  30  et  pour  faire  suivre  le  vers  47  du  vers  52.  Ce 
sont  là  d'heureuses  coïncidences  qui  ajoutent  à  l'autorité  des  hypothèses  émises 
par  M.  M.  Il  sera  facile  d'ailleurs  d'étendre  la  comparaison,  grâce  au  tableau 
parallèle  qu'on  peut  désormais  établir  entre  l'édition  de  Sokkarî  et  celle  de 
M.  M. 

Dans  un  passage  de  la  préface  5,  M.  M.  essaye  d'expliquer  le  mot,  par  lequel 
les  Arabes  désignent  un  poème  lyrique  :  ils  l'appellent  une  kasîda.  On  reconnaît 
immédiatement  la  racine  kasada  «  chercher  à  atteindre.  »  D'après  M.  M.  une 
kasîda  serait  le  poème,  par  lequel  on  veut  obtenir  une  faveur.  D'abord  consacrés 
aux  intérêts  d'une  tribu,  les  chants  seraient  devenus  de  plus  en  plus  personnels. 
De  là  ce  nom  exprimant  plutôt  une  tentative  déterminée  et  individuelle  que  les 
mélodieux  accents  d'une  âme  inspirée.  Cet  échafaudage  historique  tombe  de  lui- 
même,  quand  on  songe  à  l'antiquité  du  mot  kasîda  dans  cette  signification  :  nous 
le  rencontrons  dès  les  premiers  essais  de  la  poésie  arabe.  Dans  le  dîwân  de 
Nâ'biga  (v.  5)4,  le  mot  est  appliqué  à  des  satires.  Aurait-il  d'abord  eu  cette 
acception  particulière  (de  kasada,  chercher  à  atteindre),  et  serait-il  devenu 
ensuite  l'expression  générale  pour  toute  espèce  de  poésie  ? 

Un  dernier  reproche,  que  je  ferai  à  M.  M.  et  qui,  je  l'espère,  passera  par-dessus 
sa  tête  pour  aller  atteindre  plusieurs  orientalistes  allemands,  c'est  le  bonheur  qu'il 
éprouve  après  tant  d'autres  à  attaquer  J.  von  Hammers.  Ce  grand  homme, 
aux  idées  si  larges,  à  la  science  si  vaste,  a  commis  de  nombreuses  inexactitudes, 
et  ses  assertions  ne  peuvent  être  acceptées  sans  contrôle.  Mais,  comme  il  a 

1.  Ce  commentaire  se  trouve  dans  notre  supplément  arabe,  n*  1430. 

2.  M.  Dozy,  Catalogus  codicum  onentaUum,  II,  p.  33. 

3.  P.  X  et  suiv. 

4.  Cf.  mon  édition,  p.  79  et  J17. 

5.  J'ai  surtout  en  vue  les  expressions  violentes  de  la  p.  iv  (cf.  aussi  p.  xvij). 


d'histoire  et  de  littérature,  133 

étendu  le  domaine  des  lettres  orientales!  Il  y  a  longtemps,  MM,  Fleischer, 
Weil  et  Ahlwardt,  par  de  remarquables  travaux  et  par  d'habiles  retouches,  nous 
ont  non-seulement  mis  en  défiance,  mais  ils  ont  refait  des  œuvres  hâtives  et  rem- 
plies d'erreurs.  Mais,  pourquoi  continuer  encore  à  attaquer  de  parti  pris  un 
homme,  qui  a  consacré  toute  sa  vie  -et  toute  sa  fortune  aux  progrès  de  nos 
études .? 

Nous  espérons  retrouver  bientôt  M,  M.  Qu'il  n'attribue  nos  critiques  qu'au 
plaisir  que  nous  avons  éprouvé  en  trouvant  dans  son  livre  la  marque  d'un  esprit 
distingué,  bien  digne  de  trouver  l'application  de  ses  forces  dans  quelque  centre 
littéraire,  auprès  d'une  bibliothèque.  Il  serait  dommage  que  des  études  aussi 
heureusement  commencées,  attestées  par  un  mémoire  incomplet,  mais  substantiel 
et  vigoureux,  fussent  paralysées  par  un  séjour  prolongé  dans  un  endroit  n'offrant 
aucune  ressource  pour  le  développement  d'une  intelligence  aussi  vive  et  aussi 

heureusement  douée. 

Hartwig  Derenbourg. 


166.  —  Anleitung  znr  griechischen  Palaeographie,  von  W.  Wattenbach. 

Leipzig,  Hirzel,  1867.  In-4*,  55  et  32   p.  (Hierzu  ein  Heft  in  Klein  foiio,  enlhaltend 
XII  Schritttafeln).  —  Prix  5  Ir.  35. 

Pas  plus  que  la  numismatique  et  l'archéologie  de  l'art,  la  paléographie  ne 
peut  s'apprendre  d'une  manière  purement  théorique  ;  seul  le  commerce  prolongé 
avec  des  manuscrits  de  divers  temps  et  de  diverses  mains  peut  donner  au  philo- 
logue les  moyens  de  déchiffrer  facilement  les  écritures  et  de  déterminer  leur  âge. 
Cependant  un  ouvrage  comme  celui  que  nous  annonçons  a  sa  très-grande  utilité: 
il  fournit  à  ceux  qui  sont  appelés  à  faire  usage  des  manuscrits  certains  premiers 
éléments  qui  leur  éviteront  bien  des  tâtonnements,,  et  à  ceux  qui  n'ont  pas  l'occa- 
sion de  visiter  les  grandes  bibliothèques  de  l'Europe,  il  donne  une  idée  plus 
précise  des  conditions  dans  lesquelles  peut  s'exercer  la  critique  diplomatique  des 
textes. 

M.  Wattenbach  a  divisé  son  manuel  en  trois  parties:  la  première  est  imprimée 
en  caractères  typographiques;  elle  contient  (p,  1-38)  1°  un  résumé  très-lucide  de 
l'histoire  et  de  la  bibliographie  de  la  paléographie  grecque  ;  2''un  exposé  des  carac- 
tères distinctifs  de  chaque  genre  d'écriture  (onciale,  cursive  et  minuscule)  avec 
l'indication  des  manuscrits  les  plus  remarquables  de  chaque  genre  conservés 
dans  les  bibliothèques  de  l'Europe;  (p.  38-557),  3°  le  texte,  accompagné  d'ex- 
plications, des  portions  de  manuscrits  reproduites  en  fac-similé  dans  la  troisième 
partie. 

La  seconde  partie  constitue  le  manuel  proprement  dit  de  paléographie  ;  elle 
estautographiée  en  écriture  allemande,  ce  qui  rend  son  usage  un  peu  difficul- 
tueux  pour  des  Français  qui  ont  déjà  beaucoup  de  peine  à  apprendre  la  langue. 
En  outre  cette  écriture  est  loin  d'être  suffisamment  nette.  —  Ici  on  ne  trouve 
que  ce  qui  est  strictement  indispensable.  Les  différentes  formes  des  lettres  sont 
étudiées  dans  l'ordre  alphabétique,  et  en  même  temps   les   at)réviations  des 


I  34  REVUE    CRITIQUE 

diphtongues,  terminaisons  et  particules,  suivant  la  lettre  par  laquelle  elles  com- 
mencent ;  ainsi,  sous  la  lettre  a  on  trouve  les  abréviations  de  at,  ai;,  av,  ànà, 
ap,  apa,  aç,  (et  en  outre  la  signification  de  à  ==l  ou,  dans  la  composition  des  mots, 
TcpwTo  — )  et  ainsi  de  suite.  —  Puis  viennent  quelques  détails  sur  les  abrévia- 
tions particulières  àl'onciale,  sur  la  manière  de  séparer  les  mots,  sur  les  esprits  et 
accents,  la  ponctuation  et  les  chiffres.  —  Les  types  des  lettres  et  abréviations 
ont  été  pris  dans  les  manuscrits  ou  des  fac-similés  de  manuscrits  les  plus  carac- 
téristiques de  chaque  genre  qui  ont  été  à  la  disposition  de  l'auteur.  Le  choix  est 
en  général  bien  fait. 

Quant  à  la  troisième  partie,  elle  consiste  en  douze  fac-similés,  exécutés  avec 
beaucoup  de  soin,  tirés  de  manuscrits  de  la  bibliothèque  de  Heidelberg,  reste  de 
cette  Palatina  qui  a  eu  des  destinées  si  accidentées.  Ces  fac-similés,  chacun  d'une 
bonne  page  in-folio,  peuvent  servir  avec  fruit  comme  premiers  exercices  de  lec- 
ture. On  peut  s'aider  d'abord  pour  les  déchiffrer  de  la  transcription  donnée 
(p.  ?9-$  0  de  la  I™  partie,  puis  on  arrivera  à  les  lire  sans  ce  secours.  Ils  repré- 
sentent des  écritures  variées  du  xe  au  xvie  siècle.  M.  W.  a  jugé  avec  raison 
que,  des  écritures  plus  anciennes,  l'onciale  est  assez  facile  à  lire  et  la  cursive  trop 
compliquée  et  trop  rare  pour  figurer  dans  un  premier  manuel,  d'ailleurs  la  bi- 
bliothèque de  Heidelberg  n'en  possède  pas  de  spécimens. 

Il  serait  fort  à  désirer  que  nous  possédions  en  français  un  manuel  semblable. 
La  Bibliothèque  Impériale  fournirait  des  modèles  encore  plus  caractéristiques  et 
plus  variés.  Nous  n'avons  jusqu'ici  que  d'énormes  et  dispendieux  recueils 
comme  la  Paléographie  universelle  de  Sylvestre;  et  pour  la  théorie  nous  sommes 
forcés  d'avoir  recours  au  vieux  Montfaucon  qui,  malgré  tous  ses  mérites,  n'est 
plus  à  la  hauteur  de  la  science.  Il  ne  connaissait  pas  les  plus  anciens  fragments 
d'onciale  sur  papyrus  récemment  mis  au  jour,  et  quant  à  la  minuscule  du  xv^  et 
xvi^  siècle  il  l'avait  un  peu  négligée  parce  qu'elle  ressemblait  trop  aux  carac- 
tères typographiques  de  son  temps,  qui  aujourd'hui  présentent  à  la  plupart 
d'entre  nous  des  difficultés  presque  aussi  grandes  que  les  manuscrits. 


167.  —  Der  Mytholog  Fulgentius.  Ein  Beitrag  zur  rœmischen  Litteraturgeschichte 
und  zurGrammatik  der  afrikanischen  Lateins,  von  D' Michael  Zink.  Wùrtburg,  1867. 
—  Prix  :  3  fr.  50. 

Quoiqu'il  ne  soit  plus  tout  nouveau ,  nous  ne  voulons  pas  passer  sous  silence 
ce  travail  de  M.  Zink  sur  un  écrivain  qui  a  joui  d'une  certaine  vogue  au  moyen- 
âge. 

M.  Zink  a  divisé  son  livre  en  deux  parties.  Dans  la  première  il  traite  :  1°  de 
la  vie  de  Fulgence;  2°  de  ses  écrits  et  de  sa  valeur  littéraire.  Dans  la  seconde 
il  examine  :  1°  la  latinité  de  Fulgence;  2°  les  sources  et  citations  de  cet  écrivain. 
—  La  vie  de  Fulgence  présente  plusieurs  problèmes  que  M.  Zink  tâche  de 
résoudre  par  une  critique  conjecturale  souvent  ingénieuse.  Si  toutefois  le  livre 
De  aetatibus  mundi  et  bominis  sur  lequel  M.  Reifferscheid  a  rappelé  plus  tard 


d'histoire  et  de  littérature.  135 

l'attention  des  savants',  appartient  réellement  à  Fulgence,  M.  Zink  y  trouvera 
quelques  données  nouvelles  qui  pourront  confirmer  ou  infirmer  quelques-unes  de 
ses  conclusions.  En  ce  qui  concerne  les  noms  de  Fulgence,  le  livre  De  aetaîibus 
nous  donne  Fabius  Claudius  Gordianus  Fulgenîius,  ce  qui  est  d'autant  plus  remar- 
quable que  les  deux  noms  nouveaux  Claudius  Gordianus,  établissent  la  parenté  de 
l'auteur  du  De  aetatibus  avec  Févêque  Fulgence,  dont  le  père  s'appelait  Claudius, 
le  grand-père  Gordianus.  M.  Zink  soutient  d'une  manière  tout  à  fait  victorieuse 
que  Fulgence  était  afiricain  et  non  pas  espagnol,  ainsi  que  le  prétend  Lersch. 
L'opinion  de  Lersch  a  été  soutenue  récemment  par  M.  Lucien  Mùller^  qui  ne 
connaissait  pas  encore  le  travail  de  M.  Zink.  Le  livre  De  aetatibus  dont  l'auteur 
en  plus  d'un  endroit  se  dit  africain,  donne  gain  de  cause  à  M.  Zink.  La  question 
la  plus  difficile  à  décider  est  celle  de  l'époque  à  laquelle  Fulgence  a  vécu.  La 
seule  donnée  positive  c'est  que  Fulgence  est  postérieur  à  Martianus  Capella  qu'il 
cite,  et  qui  d'après  les  recherches  nouvelles  de  M.  Eyssenhardt,  complétées  par 
M,  Lucien  MùUer?,  doit  avoir  écrit  avant  439.  Pour  établir  l'autre  limite 
M.  Zink  prouve  que  le  premier  mythographus  vaticanus  a  fait  usage  de  la  mytho- 
logie de  Fulgence  et  tâche  ensuite  de  trouver  l'âge  de  ce  m)nhographe  qu'il  place 
dans  la  première  moitié  du  vi'  siècle.  Il  établit  d'autre  part  que  le  Dominus  rex, 
dont  parle  Fulgence,  doit  être  Hunerich,  et  il  place  la  rédaction  de  la  Mythologie 
entre  480-484.  Il  ne  fait  pas  mention  d'une  glose  d'un  ms.  de  Leyde,  citée 
par  Muncker  et  Lersch,  qui  place  Fulgence  au  temps  de  l'empereur  Zenon  (474- 
491)  et  il  fait  bien,  car  l'auteur  de  la  glose  peut  très-bien  avoir  confondu,  ainsi 
qu'on  l'a  fait  souvent  au  moyen-âge  et  après,  notre  Fulgence  avec  l'évêque  du 
même  nom,  né  en  480.  Les  conjectures  au  moyen  desquelles  M.  Zink  cherche 
à  établir  par  un  chemin  nouveau  l'âge  de  Fulgence,  quoique  fort  ingénieuses  et 
habilement  construites,  laissent  beaucoup  de  doutes  chez  le  lecteur.  Quant  aux 
passages  de  Fulgence  relatifs  aux  événements  de  son  temps,  ils  sont  trop  vagues 
et  incertains  pour  que  nous  puissions  dire  que  l'opinion  émise  sur  eux,  par 
M.  Zink,  soit  plus  vraie  que  celle  de  plusieurs  autres  critiques.  M.  L.  Mùller  en 
même  temps  que  M.  Zink,  interprêtait  ces  passages  d'une  manière  bien  différente 
et  il  en  arrivait  à  fixer  pour  la  mythologie  la  date  de  456.  M.  Reifîerscheid  en 
tenant  compte  de  quelques  données  du  livre  De  aetatibus,  revient  à  une  ancienne 
opinion  qui  reconnaissait  dans  le  Dominus  rex  Hilderich  (523).  Je  crois  qu'avec 
les  données  dont  on  dispose,  il  n'est  pas  possible  de  fixer  d'une  manière  bien 
précise  l'âge  de  Fulgence;  mais  l'ensemble  de  ces  données  laisse  la  conviction 
que  cet  écrivain  ne  peut  pas  être  postérieur  à  la  première  moitié  du  vi^ siècle. 

Les  pages  que  M.  Zink  a  consacrées  aux  ouvrages  de  Fulgence,  au  savoir, 
au  caractère,  aux  idées  de  ce  singulier  écrivain,  sont  intéressantes  et  remar- 
quables par  une  critique  d'assez  bon  aloi  en  général  et  par  la  justesse  des  appré- 
ciations. A  propos  des  ouvrages  de  Fulgence,  M.  Zink  a  omis  de  parler  d'une 


1.  Rhdnisches  Muséum  fur  Philologie,  vol.  23  (1868),  p.  ijj  suiv. 

2.  Neue  Jahrbùcher  fur  Philologie,  1867,  p.  791  suiv. 
j.  Neue  Jahrbùcher  fur  Philologie,  1866,  p.  705  suiv. 


I  36  REVUE  CRITIQUE 

question  que  Lersch  pose  à  la  fin  de  son  travail,  sur  le  livre  De  abstrusis  sermo- 
nibus.  Lersch  demande  ce  que  c'est  qu'un  manuscrit  de  la  bibliothèque  Zabarella 
de  Padoue,  dont  Tomasini  donne  le  titre  :  Fulgentius  super  bucolica  et  georgica 
Virgilii  cum  nous  scriptus  a  Joan.  de  YppoUîis  Brixiensi  An.  1359.  Est-ce,  dit-il, 
la  même  chose  que  le  De  continentia  Virgiliana?  est-ce  un  ouvrage  à  part?  qu'est 
devenu  ce  manuscrit  ?  L'existence  d'un  commentaire  de  Fulgence  sur  les  Buco- 
liques et  les  Géorgiques,  m'a  paru  un  fait  bien  singulier,  d'autant  plus  que  Ful- 
gence lui-même  dans  son  De  continentia^  dit  explicitement  qu'il  ne  l'a  pas  fait  : 
bucolicam  georgicamque  omisimus  in  quibus  tam  mysticae  sunt  interstinctae  rationes, 
etc.,  etc.  Aussi  j'ai  eu  la  curiosité  de  voir  ce  manuscrit  et  je  l'ai  retrouvé  tel  que 
Tomasini  le  décrit,  dans  la  bibliothèque  publique  de  Padoue.  C'est  bien  un 
commentaire  sur  les  Bucoliques  et  les  Géorgiques,  mais  sans  le  moindre  doute  il 
n'est  pas  de  Fulgence.  Quoique  on  lui  ait  appliqué  le  nom  de  cet  écrivain,  la 
langue,  le  style,  les  idées,  la  méthode  ne  sont  pas  de  lui,  et  du  reste  on  voit  du 
premier  abord,  par  les  autorités  qu'il  cite,  que  l'auteur  de  ce  commentaire  est  bien 
plus  récent.  Ainsi  M.  Zink  n'a  rien  omis  de  bien  essentiel  en  passant  ce  manus- 
crit sous  silence. 

M.  Zink  a  été  le  premier  à  entreprendre  une  étude  assez  approfondie  de  la 
latinité  de  Fulgence  qu'il  examine  longuement,  avec  beaucoup  de  soin.  On  peut 
dire  que  c'est  là  la  partie  la  plus  essentielle  de  son  travail.  Malheureusement  les 
textes  imprimés,  qui  sont  les  seuls  dont  il  se  soit  servi  pour  son  analyse,  sont 
bien  loin  de  la  correction  nécessaire  pour  offrir  un  appui  solide  à  une  étude  de 
ce  genre.  Une  édition  critique  et  définitive  de  ces  textes  obligerait  M.  Zink  à 
bon  nombre  de  changements  dans  certains  points  particuliers  de  son  travail,  qui 
cependant  resterait  toujours  debout  dans  sa  partie  générale  et  essentielle,  car  les 
traits  caractéristiques  de  la  latinité  de  Fulgence  sont  d'une  bizarrerie  assez 
saillante  pour  qu'on  puisse  les  reconnaître  sans  trop  s'y  méprendre,  même 
dans  des  textes  peu  corrects. 

On  sait  que  Fulgence,  ainsi  que  plusieurs  autres  écrivains  charlatans  de  la  même 
trempe,  pour  se  donner  l'air  d'une  érudition  peu  ordinaire,  s'amuse  non-seule- 
ment à  citer  des  auteurs  peu  connus,  mais  aussi  à  forger  des  noms  d'auteurs  et 
des  titres  d'ouvrages  tout  à  fait  imaginaires.  Les  recherches  de  Lersch  ne  laissent 
pas  de  doute  sur  ce  point,  et  les  efforts  de  quelques  savants  pour  laver  le  nom 
de  Fulgence  de  ce  reproche,  n'ont  pas  eu  de  succès.  M.  Zink  traite  à  fond  cette 
question  dans  la  partie  de  son  travail  relative  aux  sources  et  citations  de  son 
auteur.  Il  divise  toutes  les  citations  qui  se  trouvent  dans  les  ouvrages  de  Fulgence 
en  quatre  groupes;  savoir  :  1°  les  citations  authentiques  ;  2°  celles  dont  l'authen- 
ticité est  vraisemblable  ;  3°  celles  dont  la  fausseté  est  certaine  ou  vraisemblable; 
4"  les  citations  sur  lesquelles  on  ne  peut  rien  affirmer,  les  noms  des  auteurs 
étant  ou  totalement  inconnus ,  ou  évidemment  altérés  par  les  copistes.  Cette 
dissection  de  l'érudition  de  Fulgence  est  faite  avec  finesse,  et  elle  est  beaucoup 
plus  exacte  et  plus  complète  que  celles  qu'on  avait  tentées  en  cela  jusqu'ici. 
Dans  une  seconde  édition  de  son  travail  M.  Zink  pourra  ajouter  quelques  citations 
du  livre  De  aetatibus  et  particulièrement  pour  sa  troisième  catégorie,  le  singulier 


d'histoire  et  de  littérature,  I  J7 

Librorum  duodenorum  volumen  Xenophontis  poeîae  in  singulis  libris  singuUs  Utteris 
imminutis . 

A  propos  d'un  auteur  cité  par  Fulgence,  M.  Zink  suit  une  opinion  que  je 
n'hésite  pas  à  qualifier  d'erreur.  Parlant  des  Gorgones,  Fulgence  dit  :  quarum 
quia  fahulam  Lucanus  et  Livius  scripserunt  poeîae,  grammaticorum  scholaribus  rudi- 
mentis  admodum  celeberrimi,  hanc  fabulam  referre  superfluum  duximus.  Pour  ce  qui 
est  de  Lucain,  il  n'y  a  rien  à  redire.  Il  parle  des  Gorgones  dans  son  poème,  et 
son  autorité  auprès  des  grammairiens  avait  notablement  grandi  à  l'époque  de 
Fulgence.  Il  suffit  de  comparer  le  nombre  des  citations  de  ce  poète  chez  Donat 
et  chez  Priscien  pour  voir  combien  il  avait  gagné  dans  l'espace  de  temps  qui 
sépare  ces  deux  grammairiens.  Chez  Priscien,  Lucain  est  le  poète  latin  le  plus 
souvent  cité  après  Virgile.  Mais  qui  est  l'autre  poète  Livius,  qui  d'après  Fulgence 
était  un  des  auteurs  scolaires  les  plus  en  usage  de  son  temps?  Plusieurs  savants 
ont  pensé,  je  crois  très-justement,  que  le  nom  Livius  a  été  substitué  par  erreur 
à  Ovidius.  M.  Zink  ne  veut  pas  admettre  cela;  il  se  refuse  à  croire  qu'Ovide  ait 
pu  être  lu  dans  les  écoles;  et  cependant  on  sait  que  particulièrement  pour 
l'époque  de  Fulgence  et  les  suivantes,  il  serait  très-facile  de  prouver  le  contraire. 
Il  préfère  voir  dans  le  Livius  de  Fulgence  l'ancien  poète  Livius  Andronicus,  dont 
l'Odyssée  latine  servait  encore  de  livre  d'école  au  temps  de  la  jeunesse  d'Horace. 
Cette  idée,  jadis  avancée  par  d'autres  savants,  est  non-seulement  dépourvue  de 
tout  fondement,  mais  elle  est  aussi  positivement  fausse.  En  effet  il  n'y  a  rien  qui 
nous  dise  que  Livius  Andronicus  ait  parlé  des  Gorgones  dans  ses  vers,  et  rien 
n'est  plus  absurde  que  de  croire  qu'un  auteur  aussi  archaïque  et  sans  vogue,  ait 
pu  servir  de  livre  d'école  au  v^  ou  vi^  siècle,  à  côté  de  Virgile  et  de  Lucain. 
Comme  livre  d'école  VOdyssée  de  Livius  fut  complètement  effacée  et  condamnée 
à  l'oubli  par  Virgile  et  les  autres  poètes  de  la  grande  époque.  Chez  les  grammai- 
riens, les  rhéteurs  et  les  érudits  les  plus  friants  d'archaïsmes  des  deux  premiers 
siècles  de  l'empire,  Livius  Andronicus  ne  jouit  que  d'une  assez  faible  autorité  et 
d'une  très-médiocre  faveur.  Fronton  n'en  parle  pas  du  tout.  Aulu  Celle  le  cite 
trois  fois  et  ces  paroles  :  Offendi  in  bibliotheca  Patrensi  librum  verae  vetustatis  Livii 
Andronici  qui  inscriptus  est  'osOffffsia,  sont  bien  loin  de  nous  présenter  l'Odyssée 
de  Livius  comme  un  livre  bien  connu,  soit  dans  les  écoles,  soit  ailleurs.  Plus 
tard  Priscien  le  cite  plusieurs  fois,  mais  sans  doute  ainsi  que  tant  d'autres  auteurs 
de  la  république  alors  oubliés,  d'après  des  grammairiens  plus  anciens.  Il  est  donc 
tout  à  fait  impossible  d'appliquer  à  Livius  Andronicus  les  paroles  de  Fulgence 
et  je  m'étonne  de  voir  que  M.  Bernhardy  ait  pu  croire  digne  de  mention  une 
opinion  aussi  évidemment  fausse. 

Le  travail  de  M.  Zink  est  le  meilleur  et  le  plus  complet  que  nous  ayons  au- 
jourd'hui sur  Fulgence.  Une  édition  critique  de  cet  écrivain  aurait  son  utilité  ; 
nous  voudrions  l'espérer  de  M.  Zink  qui  possède  toutes  les  quahtés  nécessaires 
pour  ce  travail. 

D.  Comparetti. 

I.  Grand,  d.  rœm.  Litt.,  p.  48. 


138  REVUE   CRITIQUE 

i68.  —  Die  Ghroniken  der  deutschen  Stsedte  vom  14,  bis  zum  16.  Jahrhun- 
dert,  herausgegeben  durch  die  historische  Commission  bei  der  kœnigl.  Académie  der 
Wissenschaften,  etc.  T.  6  et  7.  Die  Chroniken  der  niedersaschsischen  Staedte  :  Braun- 
schwcïg,  Bd.  I.  Magdeburg,  Bd.  I.— Leipzig,  S.  Hirzel,  1868-1869.  xlj-s28;  l-^oSp. 
in-8*.  —  Prix  :  10  fr.  75  le  vol. 

Nous  avons  entretenu  plus  d'une  fois  le  lecteur  des  publications  historiques  de 
l'Académie  des  sciences  de  Bavière.  Les  brillants  résultats  obtenus  par  elle  dans 
un  espace  de  temps  relativement  assez  restreint,  montrent  combien  on  peut 
faire  avancer  la  science  avec  une  modeste  subvention  pécuniaire,  grâce  à  la 
coopération  dévouée  des  hommes  d'élite  d'un  même  pays.  C'est  d'ailleurs  de 
l'argent  bien  placé,  car  les  quelques  milliers  d'écus,  consacrés  annuellement  à 
ces  diverses  entreprises  par  le  dernier  roi  de  Bavière,  MaximiHen  II,  contribue- 
ront certes  plus  que  tous  les  autres  actes  de  son  règne,  à  transmettre  son  nom 
d'une  manière  honorable  à  la  postérité. 

L'Académie  de  Munich  poursuit,  on  le  sait,  des  publications  très-variées.  On 
a  parlé  déjà  dans  la  Revue  de  sa  collection  des  Annales  de  l'empire,  de  son  Histoire 
des  sciences  en  Allemagne,  de  sa  collection  des  Chants  populaires  historiques  d'Alle- 
magne et  tout  récemment  encore  de  la  Correspondance  politique  des  princes  de  la 
famille  de  Wittelsbach  au  xvf  et  au  xvii''  siècle.  Il  est  deux  autres  entreprises, 
également  entamées  déjà,  dont  nous  n'avons  point  encore  entretenu  le  lecteur  : 
elles  sont  plus  spécialement  destinées  à  continuer  et  à  compléter  les  Monumenta 
de  Pertz,  qui  devront  s'arrêter  un  jour  à  l'année  i  $00.  C'est  la  collection  des 
Actes  des  Diètes  de  l'Empire  et  la  collection  des  Chroniques  des  villes  allemandes  du 
XIV*  au  XYf  siècle.  C'est  de  cette  dernière  que  nous  avons  l'occasion  de  dire 
aujourd'hui  quelques  mots. 

Pendant  près  de  deux  siècles  les  villes  libres  ont  été  la  puissance  effective  de 
l'empire' germanique,  bien  que  les  constitutions  impériales  les  reléguassent  au 
troisième  rang.  Tandis  que  le  pouvoir  central  était  honni  partout  et  que  Electeurs, 
margraves,  ducs  et  comtes  se  déchiraient  entre  eux  ou  luttaient  vainement  contre 
l'insubordination  de  la  petite  noblesse,  il  se  formait  au  nord,  à  l'occident  et  au 
midi  de  l'Allemagne  de  puissantes  confédérations  municipales,  garanties  par  des 
franchises  impériales,  mais  surtout  par  l'esprit  entreprenant  et  l'énergie  de  leurs 
citoyens.  Les  ligues  de  la  Hanse,  du  Rhin,  de  la  Souabe  et  de  la  Franconie, 
Lûbeck,  Hambourg,  Cologne,  Strasbourg,  Augsbourg  et  Nuremberg,  ont  été 
depuis  la  fin  du  xiv''  et  au  xv"  siècle  les  sièges  principaux  du  mouvement  intel- 
lectuel, du  développement  commercial,  de  la  force  politique  de  l'Allemagne. 
Aussi  c'a  été  une  heureuse  idée  de  réunir  dans  une  collection  unique,  dirigée 
dans  un  même  esprit,  les  chroniques  contemporaines  de  ces  diverses  cités,  offrant 
un  tableau  fidèle  et  détaillé  de  l'histoire  intérieure  de  l'empire  germanique.  Sous 
la  direction  supérieure  de  M.  C.  Hegel,  professeur  à  l'Université  d'Erlangen, 
l'entreprise  des  Chroniques  des  villes  allemandes  a  fait  de  rapides  progrès,  et  l'on 
en  publie  en  moyenne  un  volume  par  an.  Les  cinq  premiers  volumes  ont  été 
consacrés  aux  chroniques  de  Nuremberg,  la  ville  la  plus  importante  du  cercle 
de  Franconie,  et  à  celles  d'Augsbourg,  capitale  du  cercle  de  Souabe.  M.  Hegel 


d'histoire  et  de  littérature.  n9 

luinnême  en  a  soigné  l'édition.  Ce  sont  des  modèles  du  genre,  grâce  à  l'exacti- 
tude critique  avec  laquelle  on  a  donné  les  textes,  presque  tous  inédits,  grâce 
aux  savantes  introductions,  aux  notes,  aux  glossaires,  aux  plans  dont  ces  volumes 
sont  accompagnés.  Les  deux  nouveaux  volumes  que  nous  avons  sous  les  yeux 
nous  transportent  dans  une  autre  sphère.  Ils  renferment  des  chroniques  du  cercle 
delaBasse-Saxe,  qui  voient  le  jour  ici  pour  la  première  fois.  Le  sixième  contient  des 
chroniques  de  Brunswic,  publiées  par  M.  L.  Haenselmann,  archiviste  de  cette 
ville,  et  connu  par  de  savantes  recherches  sur  l'histoire  locale.  Ce  premier  volume 
des  Chroniques  de  Brunswic  renferme  quatre  pièces  différentes  dont  aucune  n'est 
à  \Tai  dire  une  chronique  dans  le  sens  ordinaire  de  ce  mot.  Ce  sont  des  docu- 
ments divers  pouvant  servir  à  l'histoire  de  la  cité,  plutôt  que  le  récit  suivi  des 
événements  de  l'époque.  Riche  cité  marchande,  absorbée  par  son  vaste  commerce, 
Bruns\\-ic  n'a  point  trouvé  le  loisir  nécessaire  pour  produire  des  chroniqueurs 
semblables  à  ceux  de  Nuremberg  et  d'Augsbourg  (voy.  notice  sur  Burkard  Zink, 
Revue,  1869,  1).  Le  premier  des  morceaux  publiés  par  M.  H.  est  même  en  latin, 
contrairement  à  toutes  les  règles  fixées  pour  la  publication  des  Chroniques.  C'est 
un  court  fragment  (p.  1-8)  intitulé  Machinatio  fratrum  minorum,  qui  se  rapporte 
à  la  lutte  du  duc  Albert  de  Brunswic  avec  son  frère,  l'évêque  Othon  de  Hildes- 
heim  en  1279.  La  seconde  pièce  (p.  9-121)  intitulée  Livre  des  guerres  (Fehde- 
buch)  est  un  ramassis  de  notes  officielles,  sans  aucune  liaison  entre  elles,  rela- 
tives aux  affaires  extérieures,  militaires,  etc.  de  la  ville  de  1577  à  1588.  Le 
troisième  document  (p.  122-207)  porte  le  nom  de  Compte-rendu  secret  (Heraelike 
Rekenscop).  Ce  sont  également  des  notes  officielles  rédigées  par  un  échevin 
pour  l'usage  du  Conseil  suprême  de  la  cité,  et  qui  ne  devaient  point  être  connues 
du  public.  Ces  notes  se  rapportent  aux  changements  démocratiques  qui  eurent 
lieu  dans  la  constitution  de  la  ville  vers  la  fin  du  xiv^  siècle,  aux  luttes  avec  les 
ducs  de  Brunswic,  aux  revenus  et  aux  dettes  de  la  \i\\e.  Elles  ont  été  rédigées 
en  1402,  et  continuées  pendant  quelques  années  encore.  La  dernière  pièce  est 
le  Mémorial  de  Hans  Pomer  (p.  208-284).  C'est  l'agenda  —  si  je  puis  m'expri- 
mer  ainsi  —  d'un  citoyen  marquant  de  la  viile,  pendant  plus  de  trente  ans 
fonctionnaire  élu  dans  différentes  charges  municipales,  et  qui  pendant  quelques 
années  (de  141 7  à  1426)  notait  de  temps  à  autre  sur  ces  feuillets  les  faits,  les 
chiffres,  les  événements  journaliers,  sans  aucune  intention  de  tenir  un  journal  ni 
surtout  de  composer  une  chronique.  Il  est  sans  doute  regrettable  que  nous  ne 
trouvions  point  à  Brunswic  de  sources  historiques  plus  développées,  et  plus 
travaillées  que  celles  que  nous  venons  de  citer.  Peut-être  M.  Haenselmann  nous 
en  donnera-t-il  d'autres  dans  le  second  volume  qui  doit  suivre.  En  tout  cas 
l'éditeur  a  tâché  d'obvier,  autant  que  possible,  à  l'inconvénient  que  présentent 
ces  notes  incohérentes,  pour  l'historien  qui  voudrait  en  tirer  profit.  Des  intro- 
ductions spéciales  à  chacun  des  documents  énumérés  plus  haut,  une  introduction 
générale  sur  l'historiographie  brunswicoise  et  sur  le  développement  de  cette  cité 
donnent  un  peu  plus  de  couleur  à  un  volume.  Mais  il  faut  signaler  surtout  les 
appendices,  qui  remplissent  plus  du  tiers  du  volume,  proportion  un  peu  dange- 
reuse en  théorie  et  contraire  aux  principes  établis  pour  la  publication  des  Chro- 


140  REVUE    CRITIQUE 

ni(]aes,  mais  que  justifie  dans  ce  cas  particulier  la  nature  fragmentaire  des  pièces 
publiées.  M.  H.  a  tâché  d'y  faire  lui-même  le  travail  que  n'ont  pas  fait  les  chro- 
niqueurs de  Brunswic  et,  puisant  dans  ses  archives,  il  a  retracé  les  monuments 
principaux  de  l'histoire  municipale  auxiv''  siècle.  Un  glossaire,  dû  à  M.  Schiller, 
de  Schwerin,  très-nécessaire  pour  comprendre  le  bas-allemand  des  textes,  des 
index  de  noms  propres  et  de  noms  de  lieux  terminent  l'ouvrage.  Avec  le  septième 
volume  commencent  les  Chroniques  de  Magdebourg,  dont  l'édition  a  été  confiée  à 
M.  le  docteur  Janicke,  secrétaire  aux  archives  du  gouvernement  à  Magdebourg. 
Ici  nous  ne  trouvons  plus  des  documents  incomplets  et  incohérents,  mais  de 
véritables  chroniques  et  le  premier  volume  tout  entier  est  rempli  par  une  des 
chroniques  les  plus  importantes,  non  pas  seulement  pour  l'histoire  locale  ou  pro- 
vinciale de  l'époque,  mais  même  pour  l'histoire  générale  d'Allemagne  du  Nord. 
C'est  l'ouvrage  connu  sous  le  nom  de  Chronique  des  Echevins  de  Magdebourg 
(Schœppenchronik),  désignation  peu  appropriée,  et  que  M.  J.  aurait  dû  peut- 
être  supprimer  parce  qu'on  en  connaît  maintenant,  grâce  à  lui,  le  principal 
auteur,  Jean  de  Lammenspringe,  secrétaire  des  echevins  de  la  ville,  sur  l'ordre 
desquels  il  en  entreprit  la  rédaction.  Sans  commencer  à  la  création  du  monde, 
comme  tant  d'autres  chroniques  du  moyen-âge,  J.  de  Lammenspringe  remonte 
cependant  dans  son  récit,  jusqu'à  l'époque  du  premier  triumvirat.  Son  premier 
livre  —  l'ouvrage  en  compte  trois  —  raconte  l'histoire  du  monde  et  plus  spécia- 
lement de  sa  patrie,  de  Jules  César  à  Charlemagne.  Le  second  livre  va  jusqu'en 
1350.  Le  troisième  enfin,  qui  contient  l'histoire  contemporaine,  retrace  l'histoire 
de  Magdebourg  de  i  ?  $0  à  1466.  Mais  ce  troisième  livre  n'est  pas  en  entier  de 
la  même  main.  Lammenspringe,  a  commencé  sa  rédaction  vers  1 360.  Il  s'est 
arrêté,  d'après  M.  J.  à  l'année  1372.  D'autres  chroniqueurs  connus  et  inconnus 
qui  ont  occupé  pour  la  plupart  des  fonctions  officielles,  secrétaires,  syndics,  etc. 
ont  tour  à  tour  pris  la  plume  pour  retracer  les  événements  contemporains  pendant 
près  d'un  siècle  encore,  laissant  des  lacunes  plus  ou  moins  considérables  dans 
leur  récit.  Lammenspringe  lui-même  a  basé  son  récit  sur  une  série  de  chroni- 
queurs et  d'annalistes  que  M.  J.  a  recherchés  avec  soin  et  dont  il  indique  les 
emprunts  en  marge  de  la  chronique.  L'annaliste  saxon,  Ekkehard,  les  Annales 
de  Magdebourg  et  de  Quedlinbourg ,  Thietmar  de  Mersebourg  et  beaucoup 
d'autres  ont  été  mis  à  contribution  par  le  secrétaire  des  echevins  magdebourgeois. 
Il  a  consulté  aussi  pour  les  époques  plus  rapprochées  de  lui  les  traditions  locales 
et  les  documents  confiés  à  sa  garde.  M.  J.  entre  sur  tous  ces  points  dans  de 
grands  détails,  qu'on  étudiera  avec  profit  pour  se  rendre  un  compte  exact  de  la 
méthode  de  travail  usitée  par  les  historiens  du  xiv^  siècle.  La  langue  des  chro- 
niqueurs de  Magdebourg  est  le  moyen  bas-allemand.  Ce  dialecte  n'ayant  jamais 
pu  parvenir  à  la  dignité  de  langue  littéraire,  il  est  impossible  de  rétablir  une 
orthographe  rationnelle  d'après  des  principes  généraux.  Bien  que  cette  méthode 
ait,  elle  aussi,  de  graves  inconvénients,  il  vaut  mieux  cependant  dans  un  cas 
pareil  s'en  tenir  scrupuleusement  au  Codex  le  plus  ancien,  sauf  à  corriger  en  note 
les  fautes  de  copiste  et  autres  erreurs  évidentes.  M.  J.  n'a  pas  agi  tout  à  fait  de 
cette  manière  ;  il  donne  bien  en  note  les  variantes  des  deux  plus  vieux  manuscrits 


d'histoire  et  de  littérature.  141 

A  (Berlin)  et  B  (Magdebourg),  mais  dans  le  texte  même  de  son  édition  il  corrige 
bien  souvent  la  forme  des  mots. 

A  la  fin  de  ce  volume  se  trouvent  également  un  glossaire,  des  index  de  noms 
de  lieux  et  de  personnes,  ainsi  qu'un  plan  de  Magdebourg  au  moyen-âge.  Les 
prochains  volumes  de  la  collection  des  Chroniques  doivent  être  consacrés,  nous 
dit-on,  aux  villes  rhénanes;  nous  souhaitons  à  l'entreprise  de  l'Académie  de 
Munich  ainsi  qu'à  Hegel,  son  savant  directeur,  tout  le  succès  qu'elle  mérite;  c'est 
dans  une  dixaine  d'années  surtout,  alors  que  toutes  les  provinces  de  l'empire 
auront  successivement  fourni  les  chroniques  de  leurs  plus  célèbres  cités,  qu'on 
pourra  d'un  coup-d'œil  apprécier  la  haute  valeur  des  documents  rassemblés 
ainsi,  pour  l'étude  plus  générale  des  communes  au  moyen-âge. 

Rod.  Reuss. 

169.  —  Les  Chartier.  Recherches  sur  Guillaume,  Alain  et  Jean  Chartier, 

par  G.  Du  Fresne  de  Beaucourt  ,  membre  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Nor- 
mandie. Caen,  F.  Le  Blanc-Hardel,  1869.  In-4*,  59  p.  (Extrait  du  XXVIII*  volume  des 
Mémoires  de  la  Société  des  Antitjuaires  de  Normandie). 

M.  de  Beaucourt  rappelle,  au  début  de  son  mémoire,  que  «  vers  le  milieu  du 
»  XV*  siècle,  sous  le  règne  de  Charles  VII,  trois  personnages  du  même  nom 
»  acquirent,  à  des  titres  divers,  une  notoriété  considérable  :  l'un  Guillaume 
»  Chartier,  évêque  de  Paris,  dont  ses  contemporains  vantent  la  science,  la 
»  sagesse  et  les  vertus  ;  l'autre,  Alain  Chartier,  poète  illustre, 

Clerc  excellent,  orateur  magnifique' 
«  et  que  Etienne  Pasquier  compare  à  l'ancien  Sénèqiie  romain^;  le  dernier,  Jean 
»  Chanier,  moine  et  chantre  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  chargé  officiellement 
»  par  Charles  VII  d'écrire  l'histoire  du  temps.  »  La  plupart  des  biographes, 
depuis  Moréri  jusqu'à  M.  Th.  Lebreton  (Biographie  normande,  1857-61),  ont 
regardé  ces  trois  personnages  comme  frères,  comme  originaires  de  Bayeux,  et 
ont  attribué  à  Alain  la  priorité  de  naissance.  M.  de  B.,  après  avoir  interrogé 
tous  les  dictionnaires  biographiques  connus ,  apprécie  les  travaux  spéciaux  de 
M.  Pezet,  de  M.  G.  Mancel,  de  M.  Mangeart,  le  bibliothécaire  de  Valenciennes, 
et  enfin  les  trois  articles  donnés  par  M.  Vallet  de  Viriville,  en  1854,  à  la  Nou- 
velle biographie  générale.  Examinant  ensuite  la  question  avec  un  soin  extrême,  il 


1.  M.  de  B.  n'avait  aue  l'embarras  du  choix  en  fait  de  citations  flatteuses  pour  Alain 
Chartier.  Ainsi,  à  côté  du  vers  d'Octavien  de  Saint-Gelais,  il  aurait  pu  mentionner  ce  vers 
de  Clément  Marot  : 

J'ay  leu  Alain,  le  très  noble  orateur, 
et  cet  autre  vers  du  même  poète  : 

En  maistre  Alain  Normandie  prend  gloire, 
et  cet  autre  encore  : 

Le  bien  disant  en  rime  et  prose  Alain. 

2.  M.  deB.  aurait  pu  mettre  en  regard  de  cette  comparaison  une  comparaison  encore 
plus  enthousiaste  :  l'historien  poète  Jean  Lemaire  n'a-t-il  pas  mis  Alain  Chartier  sur  la 
même  ligne  que  Dante?  —  Thomas  Sebilet,  dans  son  Art  poétique  (i  548),  énumérant  nos 
bons  et  classiques  poètes  français,  salue,  entre  les  vieux,  Alain  Chartier  et  Jean  de  Meun. 
Là,  du  moins,  le  rapprochement  est  légitime. 


142  REVUE  CRITIQUE 

réalise  de  la  manière  la  plus  satisfaisante  le  programme  qu'il  s'était  ainsi  tracé 
(p.  5,  6)  :  «  Nous  reprendrons  dans  tous  ses  détails  la  biographie  de  Guillaume 
»  d'Alain  et  de  Jean  Chartier;  en  face  des  notions  vulgaires,  nous  placerons  les 
»  données  que  nous  fournissent  les  documents  authentiques,  et  nous  indiquerons 
»  scrupuleusement  les  sources.  Après  avoir  ainsi  établi  ces  trois  biographies  sur 
»  des  bases  solides,  nous  examinerons  les  points  obscurs  ou  douteux;  nous 
»  discuterons  le  système  de  nos  devanciers  :  du  rapprochement  des  faits  avérés 
»  et  des  conjectures  plus  ou  moins  plausibles,  des  vérités  démontrées  et  des 
»  assertions  reconnues  pour  fausses,  sortira  une  lumière  nouvelle  et  nous  vou- 
»  drions  pouvoir  dire  complète.  » 

Je  vais  résumer  les  savantes  recherches  de  M.  de  B.  sur  Guillaume,  Alain  et 
Jean  Chartier. 

Guillaume  Chartier  naquit  à  Bayeux  vers  i  ^92.  Il  était  fils  aîné  de  Jean  Char- 
tier, bourgeois  de  cette  ville.  Il  fit  ses  études  à  l'Université  de  Paris.  Charles  VII 
l'appela,  en  1432,  à  l'Université  de  Poitiers  pour  y  professer  le  droit  canon,  et 
il  fut  pourvu  vers  la  même  époque  de  la  cure  de  Saint-Lambert  près  Saumur  et 
du  titre  d'archidiacre  de  Gand,  au  diocèse  de  Tournay.  Le  29  avril  1433,  il  fut 
reçu  comme  conseiller-clerc  au  Parlement  de  Poitiers.  En  1435,  il  prit  part 
aux  négociations  qui  aboutirent  au  traité  d'Arras.  En  janvier  1437,  il  fut  nommé 
chanoine  de  Paris;  enfin,  le  4  décembre  1442,  il  devint  évêque  de  Paris.  En 
145  5,  il  fut  un  des  commissaires  délégués  par  le  pape  Calliste  III  pour  la  réha- 
bilitation de  Jeanne  d'Arc'.  En  1459,  il  figura  dans  l'ambassade  solennelle 
envoyée  par  Charles  VII  à  l'assemblée  de  Mantoue.  En  1460,  il  assista  au  concile 
de  Sens.  Le  20  juillet  1462,  il  adressa  de  courageuses  paroles  à  Louis  XI  qui 
devait,  dix  ans  plus  tard,  s'en  venger  bassement,  en  faisant  mettre  sur  la  tombe 
du  prélat  une  injurieuse  épitaphe.  Le  i^'  mai  1472,  après  avoir  présidé  à  une 
procession  dans  sa  cathédrale,  il  tomba  subitement  malade  et  mourut  le  même 
jour. 

Alain  Chartier  vint  au  monde  à  Bayeux,  au  plus  tard  en  1395.  Il  étudia, 
comme  son  frère,  en  l'Université  de  Paris.  C'est  peu  après  la  bataille  d'Azincourt 
(2^  octobre  141 5)  qu'il  composa  le  premier  de  ses  ouvrages,  le  Livre  des  quatre 
darnes^.  Il  ne  fut  point  envoyé  en  Allemagne  en  141 9,  comme  l'a  cru  M.  Vallet 
de  Viriville,  et  c'est  entre  1423  et  1426  que  doit  être  placée  sa  mission  diplo- 
matique auprès  de  l'empereur  Sigismond.  Il  avait  été  auparavant  attaché  à  la 
personne  du  Dauphin  (14 18-1422).  En  juin  ou  juillet  1428,  il  se  rendit  en 


i.  M.  de  B.  n'oublie  pas  de  dire,  à  ce  propos,  que  Guillaume  Chartier,  en  mourant, 
lègue  à  son  église  un  des  exemplaires  originaux  du  procès  de  réhabilitation,  et  c^ue  ce  ms., 
conservé  à  la  Bibliothèque  impériale,  a  servi  à  M.  Quicherat  pour  sa  publication  du 
Procès  de  Jeanne  d'Arc. 

2.  C'est  là  le  seul  des  ouvrages  d'Alain  Chartier  que  M.  D.  Nisard  (Histoire  delalitté- 
rature  française,  y  édition,  1863,  t.  I,  p.  149)  ait  un  peu  loué  :  «  poète  fade,  prosateur 
»  pédantesque,  malgré  quelques  vers  expressifs  sur  le  désastre  d'Azincourt.  »  A  ces  lignes 
si  sèches  et  si  dures  j'opposerai  de  favorables  pages  de  M.  Geruzez  {Histoire  de  la  littéra- 
ture française  depuis  les  origines  jusauà  la  révolution,  y  éd.  Paris,  1865.,  1. 1,  p.  230-242). 
Voir  encore  M.  Demogeot,  Hist.  de  la  littérature  française,  2'  éd.  1855,  p.  no,  211. 


d'histoire  et  de  littérature.  145 

Ecosse  pour  y  négocier  un  renouvellement  d'alliance  avec  ce  pays  et  l'envoi  de 
nouveaux  secours  armés,  en  même  temps  que  le  mariage  du  futur  Louis  XI, 
alors  âgé  de  cinq  ans,  avec  Marguerite,  fille  du  roi  Jacques  I",  l'héroïne  de  l'his- 
toriette racontée  pour  la  première  fois  par  Jean  Bouchet  et,  depuis,  tant  de 
milliers  de  fois  répétée'.  En  1429,  Alain  Chartier  accompagnait  Charles  VII  à 
Reiras.  S'il  est  certain  que  le  poète  ait  eu  une  dignité  ecclésiastique,  qu'il  ait 
rempli  les  fonctions  de  chancelier  de  Bayeux  et  aussi  qu'il  ait  été,  dans  l'ordre 
civil,  pourvu  de  la  charge  de  notaire  et  secrétaire  du  roi,  il  est  douteux  qu'il  ait 
été  archidiacre  de  Paris  et  conseiller  au  Parlement.  Il  mourut  après  le  mois  de 
mai  1449  et  certainement  avant  l'année  1457. 

On  ne  sait  ni  où  ni  quand  naquit  Jean  Chartier.  Loin  d'être  le  frère  d'Alain  et 
de  Guillaume,  comme  l'affirmait  encore  il  y  a  quelques  années  M.  Vallet  de 
Viriville,  que  M.  de  B.  appelle  «  le  dernier  et  le  plus  érudit  des  biographes  »  de 
ces  trois  personnages,  il  est  infiniment  probable  qu'il  ne  fut  pas  même  leur 
parent.  C'est  à  l'année  1430,  dans  les  actes  capitulaires  de  Saint-Denis,  que 
M.  de  B.  a  trouvé  la  première  mention  de  Jean  Chartier;  il  était  alors  un  des 
dignitaires  de  l'abbaye  et  avait  le  titre  de  prévôt  de  la  Garenne.  En  1433,  il 
échangea  la  prévôté  de  la  Garenne  Saint-Denis  contre  la  prévôté  de  Mareuil-en- 
Brie.  Dès  le  commencement  de  1435,  il  était  en  possession  de  l'importante 
charge  de  commandeur  de  l'abbaye.  Le  18  novembre  1437,  Jean  Chartier  fut 
nommé  par  Charles  VII  historiographe  de  France  et  il  reçut  sans  doute  en  même 
temps  le  titre  de  chapelain  du  roi.  En  1445,  il  apparaît,  pour  la  première  fois, 
comme  grand  chantre  de  l'abbaye  de  Saint-Denis,  et  il  conserve  ces  éminentes 
fonctions  jusqu'en  1464  au  plus  tard.  Il  était  encore  en  vie  en  1470,  mais  il  est 
vraisemblable  qu'il  ne  lui  fut  pas  donné  de  présider  à  l'impression  des  Grandes 
chroniques  de  Saint-Denis  achtyée  le  16  janvier  1477'. 

Tels  sont  les  résultats  obtenus  par  M.  de  B.  à  la  suite  des  investigations  les 
plus  persévérantes  et  les  plus  étendues,  faites  dans  les  livres  et  surtout  dans  les 
manuscrits.  Je  n'ai  pas  besoin  d'insister  sur  l'importance  de  ces  résultats. 
D'abord,  une  foule  d'erreurs  disparaissent  définitivement  de  la  biographie  des 
Chartier;  ensuite,  les  renseignements  nouveaux  recueillis  par  M.  de  B.  ne  sont 
pas  moins  nombreux  qu'intéressants?.   Sans  doute  il  reste  encore  quelques 

1.  M.  de  B.  a  bien  voulu  mentionner  (p.  3^,  36)  ma  petite  polémique  avec  M.  Vallet 
de  Viriville  dans  V Intermédiaire  de  1865,  au  sujet  du  fameux  baiser  que  Marguerite  d'Ecosse 
aurait  donné  à  maître  Alain.  Je  constate  avec  plaisir  que  le  judicieux  critique  partage  mon 
opinion  sur  la  gracieuse  légende  des  Annales  d  Aquitaine. 

2.  M.  de  B.  observe  (p.  29)  que  M.  Cheruel,  dans  son  Dictionnaire  historique  des  insti- 
tutions de  la  France  (t.  II,  p. 8 17)  attribue,  après  beaucoup  d'autres,  au  poète  Alain  la 
Chronique  de  Charles  VII,  composée  par  le  moine  Jean.  La  même  erreur  a  été  commise 
par  M.  César  Cantù  qui  (p.  184  du  t.  XII  de  la  traduction  française  de  son  Histoire 
universelle,  1854)  dit  à  propos  du  baiser  de  Marguerite  :  «  Nous  avouons  n'être  pas  de 
>  l'avis  de  la  reme  ;  sa  chronique  est  très-ennuyeuse,  et  dans  les  vers  qui  nous  restent  de 
»  lui  il  étale  une  morale  de  carrefour.  » 

3.  Une  des  plus  précieuses  découvertes  de  M.  de  B.,  est  celle  d'un  frère  authentique  de 
Guillaume  et  d'Alain  Chartier,  qui  prend  la  place  du /aux  frère  Jean.  Ce  troisième  frère, 
dont  l'existence  a  été  révélée  à  M.  de  B.  par  des  lettres  patentes  de  Louis  XI,  du  7  juillet 
1463 ,  conservées  en  original  aux  archives  du  château  de  Morainville,  s'appelait  Thomas 
et|fut|notaire  et  secrétaire  de  Charles  VII,  comme  Alain  Chartier. 


144  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

lacunes  à  combler  dans  l'histoire  de  l'évêque  de  Paris,  du  poète  et  du  chroni- 
queur, mais  M.  de  B.  est  un  de  ces  habiles  et  infatigables  chercheurs  en  qui  l'on 
peut  mettre  toute  espérance,  et  c'est  de  lui-même  que  j'aime  à  attendre  l'heureux 
complément  de  son  remarquable  travail  d'aujourd'hui. 

J'allais  oublier  de  signaler,  à  l'Appendice,  divers  documents  inédits,  tels  qu'une 
lettre  de  Guillaume  Chartier  tirée  de  la  collection  Gaignières,  un  extrait  du 
journal  du  prieur  Maupoint  relatif  aux  troubles  du  bien  public,  extrait  de  la 
collection  de  Dom  Grenier,  les  lettres  patentes  de  Louis  XI  déjà  indiquées,  et 
enfin  une  bibliographie  très-ample,  très-exacte,  et  à  laquelle  il  sera  bien  difficile 
de  rien  ajouter.  T.  de  L. 

VARIÉTÉS. 
The  Academy. 

Le  n°  du  Cenîralblatt  de  Leipzig  que  nous  analysons  sur  notre  couverture 
contient  la  variété  suivante,  que  nous  sommes  heureux  de  reproduire,  d'abord 
parce  que  nous  sommes  naturellement  très-sympathiques  à  l'entreprise  qui  y  est 
annoncée,  et  aussi,  nous  l'avouerons,  parce  qu'elle  contient  à  notre  adresse  des 
paroles  bienveillantes  auxquelles  nous  sommes  très-sensibles.  Le  numéro  spé- 
cimen de  V Academy  ne  nous  a  pas  été  encore  envoyé  ;  dès  que  le  recueil  paraîtra, 
nous  nous  empresserons  de  le  faire  connaître  à  nos  lecteurs.  La  fondation  de  ce 
journal,  quatre  ans  après  le  nôtre,  et  bien  des  années  après  le  Cenîralblatt,  monlre 
que  des  recueils  de  ce  genre  sont  devenus  un  véritable  besoin  pour  la  science 
actuelle.  Nous  souhaitons  de  grand  cœur  un  heureux  succès  à  notre  cadet  d'outre- 
Manche,  auquel  nous  associe  si  amicalement  notre  aîné  d'outre-Rhin. 

«  En  Angleterre  aussi  on  songe  présentement  à  fonder  une  feuille  dans  le 
genre  du  Centralblatt,  dans  laquelle  on  n'admettra  que  des  comptes-rendus  faits 
par  des  hommes  spéciaux  (reviews  written  by  men  of  spécial  Knowledge  in  each  de- 
partment).  Ce  journal  s'appellera  The  Academy  et  paraîtra  tous  les  mois,  à  dater 
d'octobre  prochain.  Par  le  format  (in-4°)  et  la  disposition,  aussi  bien  que  par 
l'espace  accordé  aux  articles,  en  outre  par  le  compte-rendu  régulier  et  abondant 
des  journaux,  et  par  l'addition  de  nouvelles  scientifiques,  VAcademy  se  rattache 
au  Centralblatt  plus  étroitement  encore  que  la  Revue  critique  française.  Des 
savants  connus  y  collaborent,  et  dans  le  nombre  nous  en  remarquons  d'alle- 
mands, comme  notre  célèbre  compatriote  Max  MûUer  à  Oxford,  G.  Sachau,  et 
d'autres.  Comme  dans  la  Revue  critique,  on  accordera  à  la  science  allemande 
une  attention  particulière  :  des  trente-deux  ouvrages  qui  sont  appréciés  dans  le 
numéro-spécimen  que  nous  avons  sous  les  yeux,  quinze  sont  en  langue  alle- 
mande et  ont  paru  en  Allemagne  ;  parmi  les  journaux,  nous  n'en  relevons  pas 
moins  de  dix.  Nous  espérons  donc  que  VAcademy  attirera  autant  que  la  Revue 
critique  la  considération  de  la  science  allemande  et  de  la  librairie  allemande,  et 
nous  ne  manquerons  pas  de  tenir  nos  lecteurs  au  courant  de  sa  publication  et  de 
son  succès.  » 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


citons  seulement  heur  defavor,  haïr  defastidire,  bâtard  de  hostarius,  trancher  de 
intermicare  et  hasard  de  favorarium  !  !  —  P.  203.  Grion,  Un  Dit  de  Lapo  Fari- 
nata  degli  Uberti;  cette  pièce  curieuse,  dont  l'attribution  paraît  probable  et  amena 
M.  G.  à  donner  d'intéressants  détails  sur  l'auteur,  est  une  faîrasie,  qui  dans  se 
forme  est  évidemment  imitée  du  français  (cf.  p.  ex.  la  pièce  donnée  dans  Bartsch, 
Chrest.fr.,  p.  526).  —  Bibliographie.  Cervantes,  Don  Quijote,  edicion  corre- 

gida por  D.  J.  E.  Hartzenbusch  (M.  Delius  fait  justice  avec  une  grande 

modération  de  la  singulière  tentative  de  M.  H.,  qui  a  voulu  refaire  un  Don  Quijote 
tel  que  Cervantes  aurait  du  l'écrire;  c'est  beaucoup  trop  ingenioso').  —  Mussaha, 
Ueber  eine  spanische  Handschrift  der  wiener  Hojbibliothek  (art.  de  M.  Lemcke).  — 
Réplique  de  M.  Kœrling  à  la  lettre  de  M.  E.  Du  Méril  (voy.  ci-dessus);  au 
n°  du  Jahrbuch  est  annexée  une  brochure  de  M.  Ten  Brink,  également  en  réponse 
à  cette  lettre.  Cette  brochure  est  modérée;  la  réplique  de  M.  Kœrting  est  écrite 
avec  une  violence  que  le  ton  dédaigneux  pris  par  M.  Du  M.  ne  suffit  pas  à 
justifier. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES  ET   ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-proraptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 

magasin. 


Beanchet-Fiîleau  (L.).  Pouillé  du  dio- 
cèse de  Poitiers.  In-4*,  xliv-514  p.  Poi- 
tiers (lib.  Oudin,». 

Bhagttvad-Gita.  Die  ûbersetzt.  u.  er- 
Isutert  V.  F.  Lorinser.  In-8*,  290  p. 
Breslau  (Aderholz).  1 2  fr. 

Breton  (E.).  Pompéia  décrite  et  dessinée  ; 
suivie  d'une  notice  sur  Herculanum.  y 
éd.  revue  et  augm.  de  plus  de  1 50  p.  de 
texte  et  de  50  grav.  Gr.  in-8*,  540  p. 
Paris  (lib.  Guérin  et  C'). 

Cardevacque  A.deletTervdnck  A.). 

L'abdaye  de  Saint- Vaast,  monographie 
historique,  archéologique  et  littéraire  de 
ce  monastère.  T.  3.  In-4*,  214  p.  Arras 
(imp.  Brissey). 

CaBsar(J.).  Emendationes  Hephaestionex. 
In-4*,  24  p.  Marburg  (Elwert).    i  fr.  lo 

Dufresne  de  Beancoort  (G.).  Les 
Chartier.  Recherches  sur  Guillaume,  Al- 
lain  et  Jean  Chartier.  In-4*,  6}  p.  Caen 
(lib.  Le  Blanc-Hardel). 

Durlenx  (A.).  La  disette  à  Cambrai 
d'après  des  documents  inédits.  In-8*,  75  p. 
Cambrai  (imp.  Simon). 

Forschungen  zur  deutschen  Oschichte. 
Hrsg.  v.  der  histor.  Commission  bei  der 
Kœnigl.  bayer.  Akademie  der  Wissen- 


schaften.  9.  Bd.  j.  Hfte.  (i  Hft.  201  p.) 
In-S*.  Gœttingen  (Dielerich).  i2fr. 

François  (R.).  Louis  XIV  et  la  révoca- 
tion de  l'Edit  de  Nantes,  essai  d'histoire 
philosophique.  In-8*,  46  p.  Paris  (lib.  G. 
Baillière). 

Foxhoffer.  Damiani,  Benedictini  Panne- 
nii,  Monasteriologiae  regni  Hungariae 
libri  II.  Recognovit  ad  fidem  fontium 
revocavit  et  auxit  D.  Maurus  Czinar.  2 
vol.  in-4*,  347  et  241  p.  Wien  (Sartori). 
13  fr.  35 

HûfiTer  (H.).  Diplomat.  VerhandIungen 
aus  der  Zeit  der  franzœs.  Révolution. 
Ergaenzung  d.  i.  Bdes  :  Die  Politik  der 
deutschen  Maschte  im  Revolutions-Kri^e 
bis  zum  ATjschluss  d.  Friedens  v.  Campo 
Formio.  Zugleich  aïs  Er\siederg.  auf  H. 
v.  Sybels  Ergsnzungheft.  z.  Geschichte 
der  Revolutionszeit.  In-8*,  244  pages. 
Munster  (Aschendendorf).  4  fr.  70 

Jahrbuch  der  deutschen  Shakespeare- 
Gesellschaft.  Im  Auftage  d.  Vorstxnder 
hrsg.  durch  K.  Elze.  IV.  Jahrg.  In-8*, 
390  p.  Berlin  (G.  Reimer).  12  fr. 

Sybel  (H.  de).  Kleine  historischeSchriften. 
II.  Bd.  In-8*,  473  p.  Mûnchen  (liter. 
art.  Anstalt).  8  fr. 


T1\4  r^  \A  l\/r  Q  T7  NT     "'^^^^''^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
.     iVl  W  iVl  iVl  O  IL  IM     Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8°.  ,  fj. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M,  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


PT   A   TVJ  TV  T  T7"T~^     De  la  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 
•     JA.i>iNl-jl      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8°.  2  fr. 

NICOLAS  DE  T  ROY  ES  gon^deTnouvdles 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in-i6,  papier  vergé,  cartonné.  5  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

F-pv  T  TT'  nr     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  i''^  partie. 
•       ■L'  1  IL  Zj         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

ET-j   j-%  TV  T   yy  -v  T      Saint  Paul  (Livre  IIP  de  l'histoire  des  origines 
•      Iv  iL  1  >  r\  i  >l      du  christianisme),  i  vol.  in-8°,  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  7  fr.  50 


En  vente  à  la  librairie  A.  Durand  et  Pédone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 

^  ^  |--v  j  |-v  f-p  y-^  D  T  î  A  /r     ^^  musica  medii  aevi  novam  seriem  a 

O  v^  iV  1  1      1    vy  Iv  U   iVl     Gerbertina  alteram   coUegit  nuncque 
primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

En  vente  chez  H.  Plon,  éditeur,  8  et  10,  rue  Garancière. 

J.  CRÉTINEAU  JOLY    roC'J: 

1 80 1  et  le  cardinal  Consalvi ,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-8°.  7  fr-  5° 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  36  Quatrième  année  4  Septembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  156".  —  Départements,   17  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 
En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

L.  DE  LA  SAUSSAYEetA.  PÉAN 

La  Vie  et  les  Ouvrages  de  Denis  Papin.  Tome  premier,  i""  partie.  6  fr. 


ï     A      D  D  r\  D  I-J  tT"  r^  î  rr     ^"  ^^^  Charles  VIII  par  maistre 

LA     rlvWillLLUIlli     Guilloche    Bourdelois,    publiée 

pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 

par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-80.  7  fi-.  50 


AA  /t  A  D  T  tr  T*  T*  17     ^^^  ^^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
•      iVl /\  tv  1  IL    1     1    IL     l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-8'^  avec 
3  planches.  5  fr. 

HARTWIG      DERENBOURG 

Essai  sur  les  formes  des  pluriels  arabes.  In-S".  5  fr. 


HT  Tï  T  T-i  y  T       De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
•      VV   lLlL<    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  re\Tie, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  j*"  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N"  53.  7  août. 

Histoire.  Volkmann,  Synesius  von  Cyrene  (Berlin,  Ebeling;  article  des  plus 
favorables  sur  un  livre  dont  nous  rendrons  compte  incessamment).  —  Urkunden- 
buch  des  Landes  ob  der  Enns,  t.  V  (Wien,  Gerold).  —  Droysen,  Gustav  Adolf, 
t.  I  (Leipzig,  Veit;  le  nom  de  l'auteur  dit  assez  l'importance  de  cet  ouvrage). 

—  Von  S....N,  Die  Belagerung  und  Einnahme  Wiens,  Oktober  1848  (Leipzig, 
Schulze;  ouvrage  intéressant,  mais  extrêmement  partial  contre  la  démocratie). 

—  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Guttmann,  Dehymnorumhomericorumhistoria 
critica  particulae  quatuor  (Bamberg;  compte-rendu  très-favorable).  —  Bippart, 
Beitraege  zur  Erklserung  und  Kritik  des  Virgilius  (Prag).  —  Zingerle,  Ovidius 
und  sein  Verhaeltniss  zu  den  Vorgaengern  und  gleichzeitigen  rœmischen  Dichtern, 
I  (Innsbruck,  Wagner).  —  Plinii,  Naturalis  Historia,  rec.  Detlefsen,  vol.  III 
(Berlin,  Weidmann).  —  Mussafia,  Zur  rumaenischen  Vocalisation;  Darstellung 
der  altmailaendischen  Mundart  (Wien,  Gerold  ;  travaux  de  première  importance 
pour  l'étude  des  langues  romanes). — Abel,  Ueber  Sprache  als  Ausdruck  natio- 
naler  Denkweise  (Berlin,  Dûmmier).  —  Koch,  Historische  Grammatik  der 
englischen  Sprache,  t.  III  (Gœttingen,  Wigand;  ouvrage  bien  connu,  et  dont 
l'auteur  progresse  à  mesure  qu'il  avance  dans  son  travail).  —  Archéologie. 
Benndorf,  Griechische  und  sicilische  Vasenbilder  (voy.  Rev.  crit.,  1869,  art. 
1 56).  —  Helbig,  Wandgemselde  der  vom  Vesuv  verschùtterten  Staedte  Campa- 
niens  (Leipzig,  Breitkopf  und  Hasrtel;  ouvrage  de  premier  ordre).  —  Mélanges. 
KiSTNER,  Buddha  and  his  doctrines;  a  bibliographical  essay  (London,  Trùbner; 
bibliographie  utile  et  assez  bien  faite,  d'après  M.  Weber). 

Hermès,  tom.  IV,  i"""  livraison. 

MoMMSEN,  Les  récits  relatifs  à  Coriolan  (p.  1-26).  Étude  critique  des  sources, 
tendant  à  prouver  que  cette  tradition  ne  remonte  pas  au  delà  de  la  seconde 
moitié  du  v*^  siècle  et  qu'elle  était  destinée  à  célébrer  la  noblesse  plébéienne.  — 
Haupt,  Varia  (p.  27-56),  notes  critiques  sur  divers  passages  d'auteurs  anciens. 

—  ScHŒNE,  Fragments  de  comptes  relatifs  à  la  construction  de  l'Erechtheion  (p.  37- 
55,  avec  un  appendice,  p.  140).  —  Meincke,  Trois  hymnes  orphiques  (p.  56-68). 
Texte  nouveau,  corrigé  habilement  en  plusieurs  passages,  de  trois  poèmes  publiés 
pour  la  première  fois  par  M.  Miller  dans  ses  Mélanges  de  littérature  grecque.  — 
Sachau,  Traductions  syriaques  d'ouvrages  de  la  littérature  greccjue  classique  (à  l'ex- 
ception d'Aristote)  qui  se  trouvent  au  British  Muséum  parmi  les  manuscrits  Nitri 
(p.  69-80).  —  GiLDEMEiSTER,  Sentences  de  Pythagorc  d'après  la  tradition  syriaque 
(p.  8 1-98).  —  MoMMSEN,  Edit  de  Claude  sur  le  droit  de  cité  des  Anaunes  (99-1 3 1) 
suivi  d'une  étude  importante  sur  les  comités  Augusti.  —  Mélanges.  Parthey, 
Le  géographe  de  Ravenne  utilisé  par  Riccobald  de  Ferrare.  —  Schœne,  Inscriptions 
murales  de  l'amphithéâtre  de  Pompéi  (p.  1 38-140);  ces  inscriptions  indiquent  pro- 
bablement les  places  concédées  à  certains  marchands  sur  le  pourtour  extérieur 
de  l'édifice,  concessions  qui  n'étaient  valables  que  pour  une  seule  représentation. 

—  V.  Rose  ,  Un  fragment  de  Caelius  Aurelianus.  Selon  l'auteur  de  cet  article,  ce 
fragment  d'un  médecin  latin  aurait  été  assez  inexactement  publié  par  M.  Erme- 
rins  dans  son  édition  de  Soranus. 

Zeitschrift  fur  deutsche  Philologie,    herausgegeben   von    Hœpfner   und 
Zacher.  t.  I,  4*  livr. 

Mœbius,  Les  dernières  études  Scandinaves  (p.  389-437;  excellent  travail, 
aussi  intéressant  qu'utile,  qui  roule  spécialement  sur  les  dernières  publications  de 
Sophus  Bugge  et  de  Svendt  Grundtvig).  —  Erdmann,  Remarques  sur  Otfrid 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  36  —  4  Septembre  —  1869 

Sommaire:  170.  Julien,  Syntaxe  nouvelle  de  la  langue  chinoise,  —  171.  Decharme, 
les  Artistes  thébains.  —  172.  De  Richthofen,  la  Loi  des  Saxons.  —  173.  Mowat, 
Noms  propres  anciens  et  modernes.  —  174.  D'Heilly,  Dictionnaire  des  pseudo- 
nymes. 


j  70.  —  Syntaxe  nouvelle  de  la  langue  chinoise  fondée  sur  la  position  des  mots 
par  M.  Stanislas  Julien.  Premier  volume.  Paris,  librairie  de  Maisonneuve,  1869.  x- 
422  p.  —  Prix:  25  fr. 

Le  D'  Marshman  a  publié  en  1814,  à  Sérampore,  ses  «  Eléments  of  Chinese 
»  grammar,  »  un  ouvrage  qui  n'a  pas  moins  de  5  $6  p.  in- 4°.  Cet  auteur  est  le 
premier  qui  ait  affirmé  que  «  toute  la  grammaire  chinoise  repose  sur  la  position 
»  des  mots.  »  Le  malheureux  Endlicher,  dont  la  fin  fut  si  tragique,  avait  mieux 
su  comprendre  ce  principe  que  l'appliquer  dans, sa  «  Crammatik  der  chinesischen 
n  SpracheK  )>  M.  Julien  a  senti  que  les  sinologues  ne  pouvaient  pas  se  passer 
plus  longtemps  d'une  «  boussole  »  et  il  a  écrit  son  nouvel  ouvrage,  intitulé 
Han-wen-îchi-nan  «  Boussole  de  la  langue  chinoise.  » 

Prévenus  depuis  plusieurs  années  par  une  note  insérée  dans  les  Lectures  on  the 
science  of  language  de  M.  Max  Mùller^,  les  linguistes  attendaient  avec  impatience 
les  résultats  que  les  travaux  de  M.  J.  pouvaient  leur  fournir  pour  les  études  de 
grammaire  générale.  La  première  partie  du  nouveau  livre,  la  syntaxe  (p.  1-67) 
est  surtout  intéressante  à  ce  point  de  vue,  et  sera  bien  accueillie  même  par  ceux 
qui,  comme  nous,  ne  sont  pas  sinologues.  On  y  voit  les  moyens  artificiels  par 
lesquels  une  langue  monosyllabique,  où  les  mêmes  mots  sont  tour  à  tour  nom, 
verbe  et  particule,  peut  exprimer  les  rapports  casuels,  les  catégories  verbales  et 
leurs  rapports  de  modes,  de  temps  et  de  personnes,  enfin  les  idées  qui,  dans  nos 
langues  aussi,  sont  rendues  par  des  monosyllabes  indéclinables.  Le  rôle  qu'un 
mot  joue  dans  la  phrase  dépend  complètement  de  la  place  qu'il  y  occupe;  ainsi 
tchi'i  koue  signifie  «  gouverner  le  royaume  »  et  koûe  tch'i  «  le  royaume  est  gou- 
»  vemé.  »  Le  mot  ngan  «  repos,  »  après  un  terme  employé  verbalement,  est 
substantif  pour  devenir  tour  à  tour  verbe  actif  (donner  le  repos)  s'il  précède  un 
autre  mot  dès  lors  employé  substantivement,  ou  verbe  neutre,  s'il  le  suit;  enfin 
adverbe  dans  le  sens  de  «  avec  une  volonté  ferme.  »  Ce  mécanisme,  qui  parle  à 
l'esprit  plutôt  qu'à  l'oreille,  est  présenté  et  démontré  par  M.  J.  avec  une  clarté 
qui  n'est  pas  une  des  moindres  qualités  de  son  travail. 

Le  chinois ,  tout  en  restant  strictement  monosyllabique ,  incline  déjà  vers  les 
procédés  des  langues  agglutinantes.  Certains  caractères  tiennent  lieu,  jusqu'à  un 

1.  Vienne,  1845,  '"'8*- 

2.  First  stries,  p.  116  et  117. 

VllI  10 


146  REVUE  CRITIQUE 

certain  point,  des  désinences  casuelles,  et  modifient,  par  leur  voisinage,  le  sens 
des  mots  auxquels  ils  sont  accouplés.  M.  J.  a  consacré  une  série  de  monogra- 
phies (p.  71-149)  aux  locutions  où  entrent  tchi,  i,  so,  wêï,  tche,  eul,  ya,  tchou. 
M.  J.  a  ajouté  p.  149  à  23 1 ,  comme  supplément  à  ces  monographies,  la  publica- 
tion et  la  traduction  d'un  traité  chinois  sur  les  particules  et  les  principaux  termes 
de  grammaire.  C'est  une  œuvre  moderne,  puisqu'elle  a  été  composée  en  1798  : 
l'auteur  est  un  ministre  de  l'empereur  Kia-khing,  et  se  nomme  Wang-in-tchi. 
On  peut  aussi  regarder  comme  un  appendice  aux  monographies  la  table  des 
particules  qui  servent  à  former  des  idiotismes  ou  expressions  particulières  au 
kou-wen  (style  ancien).  Cette  quatrième  partie  occupe  lés  p.  234-293,  et  est 
disposée,  comme  un  véritable  dictionnaire,  d'après  l'ordre  des  214  clefs  ou 
radicaux. 

Enfin,  les  sinologues  trouveront  un  grand  secours  dans  les  «  fables,  légendes 
»  et  apologues  indiens,  traduits  du  sanscrit  en  chinois  et  expliqués  mot  à  mot  '  » 
Un  chiffre  correspondant  au  signe  idéographique,  et  reproduit  devant  la  trans- 
cription, permet  à  tout  le  monde  de  suivre  pas  à  pas  cette  traduction  littérale 
et  d'apprécier  la  construction  chinoise.  Il  y  a  là,  pour  ceux  qui  ont  étudié  la 
première  partie  en  amateurs,  une  occasion  de  satisfaire  leur  dilettantisme  et  de  se 
donner  comme  un  avant  goût  de  ce  que  doit  approfondir  le  sinologue.  Le  livre 
de  M.  J.  aurait  mérité  un  examen  plus  approfondi  et  plus  compétent;  nous  ne 
pouvons  que  recommander  ce  «  chef-d'œuvre  de  clarté  ^  »  à  tous  les  orienta- 
listes et  en  général  aux  amis  des  études  orientales.  N'oublions  pas  de  féliciter 
l'imprimerie  impériale  de  Vienne  de  la  merveilleuse  exécution  typographique. 

H. 


171.  —  De  thebanis  artificibus.  Thesim  proponebat  facultati  litterarum  parisiens! 
P.  Decharme,  1869.  In-8',  vij-70  p. 

Excellente  dissertation  d'un  ancien  membre  de  l'École  française  d'Athènes 
qui  a  visité  plusieurs  fois  la  Béotie,  y  a  séjourné,  et  a  su  tirer  de  ses  explorations, 
avant  même  de  donner  cette  thèse,  la  matière  d'un  intéressant  recueil  d'inscriptions 
locales  inédites  et  celle  d'un  mémoire  sur  l'hiéron  des  Muses,  par  lui  retrouvé  sur 
l'Hélicon  {Archives  des  missions  scientifiques  et  littéraires,  2^  série,  tome  IV,  1868). 
Le  titre  seul  de  la  thèse  indique  dans  quel  cercle  étroit  l'auteur  a  voulu  restreindre 
son  étude;  il  s'agit  non  pas  de  l'art  béotien  en  général,  mais  seulement  de  l'art 
thébain  ;  M.  D.  s'enferme  strictement  dans  sa  tour  thébaine;  son  principal  objet 
paraît  avoir  été  de  dresser  un  catalogue  complet  et  raisonné  des  artistes  thébains. 
M.  D.  a  de  très-louables  habitudes  de  précision  sévère;  peut-être  cependant 
aura-t-il  laissé  échapper  quelques  erreurs  et  omis  certains  textes  appartenant 
à  son  sujet  qui  eussent  étendu  autour  de  lui  les  horizons. 

M.  D.  a  d'abord  une  préface  de  trois  pages,  où  il  commence  par  rappeler  la 

1.  Ce  sont  des  contes  déjà  traduits  par  M.  J.  dans  ses  Avadânâs,  3  vol.  in-18,   1859. 

2.  M.  Laboulaye  dans  le  Journal  des  Débats  du  7  juillet  1869. 


d'histoire  et  de  littérature.  147 

mauvaise  réputation  du  génie  béotien  ;  mais  il  ne  s'explique  pas  lui-même  très- 
nettement  à  ce  sujet.  Y  a-t-il,  dans  la  série  des  témoignages  sur  la  renommée 
béotienne,  plusieurs  textes  aussi  anciens  que  celui  de  Pindare  (BotwTta  •!»;)  ?  quelle 
valeur  a  le  fragment,  si  souvent  cité,  qu'on  attribue,  à  tort  sans  doute,  à  Dicé- 
arque  (v.  le  second  volume  des  Fragmenta  historicorum  graecorum  de  la  collection 
Didot,  p.  258  et  suiv.)?  L'antiquité  ne  nous  a-t-elle  pas  laissé  des  textes  à 
l'éloge  des  Thébains  ?  Le  prétendu  fragment  de  Dicéarque,  en  même  temps  qu'il 
les  dit  grossiers,  querelleurs,  violents,  note  qu'il  y  a  parmi  eux  des  hommes  de 
coeur,  très-dignes  d'estime,  que  leurs  femmes  sont  grandes ,  élégantes  et  fort 
belles,  Lessing,  dans  son  Laocoon,  estime  que  le  meilleur  argument  pour  démon- 
trer combien  était  général  à  toutes  les  populations  grecques  le  sentiment  esthé- 
tique est  de  rappeler  que  les  Thébains  eux-mêmes  avaient  une  loi  «  commandant 
»  d'imiter  en  beau,  et  prononçant  une  peine  contre  ceux  qui  enlaidissaient  en 
»  imitant.  »  M.  Chassang,  dans  son  intéressant  volume  sur  le  spiritualisme  dans 
la  littérature  et  dans  l'art  grec,  n'a  pas  manqué  non  plus  de  raisonner  ainsi  et  de 
citer  le  texte  d'Elien  qui  rapporte  cette  loi  {Hisî.  Vax.  IV,  4).  Si  M.  D.  était 
d'avis  que  ces  deux  passages,  d'Elien  et  du  prétendu  Dicéarque,  peuvent  bien 
être  des  inventions  tardives,  ne  serait-on  pas  en  droit  de  lui  répondre  qu'ils  n'en 
sont  pas  moins  concluants  et  curieux,  à  titres  d'échos  d'une  renommée  lointaine? 
Après  sa  courte  préface,  M.  D.  se  contente  d'instituer  une  division  en  quatre 
chapitres:  L  Des  primitives  statues  des  dieux  en  Béotie.  —  H.  Des  sculpteurs 
thébains.  —  IIL  Des  peintres  thébains.  —  IV.  Des  musiciens  thébains.  Cette 
division  donne  lieu  à  plusieurs  critiques.  D'abord  le  nom  de  la  Béotie  introduit 
dans  le  premier  chapitre  n'est  pas  d'accord  avec  le  titre  de  la  dissertation  même 
et  avec  le  plan  sévère  que  l'auteur  a  suivi  dans  tout  le  reste  de  son  travail,  où  il 
s'interdit  la  mention  même  d'œuvres  d'art  non  thébaines.  On  se  demande  ensuite 
si  vraiment  l'art  thébain  n'a  connu  que  la  sculpture,  la  peinture  et  la  musique. 
Notez  que  par  son  titre,  Dt  thebanis  artificibus,  M.  D.  paraissait  autorisé  à  com- 
prendre dans  son  cadre  non-seulement  le  grand  art,  mais  encore  certains  métiers, 
et  ce  que  nous  appellerions  l'art  appliqué,  l'art  industriel.  Dans  le  domaine  du 
grand  art,  Thèbes  n'a-t-elle  donc  pas  connu  l'architecture?  Il  ne  semble  pas 
que,  tout  autour  d'elle,  la  Béotie  ait  manqué  de  grands  artistes  primitifs,  archi- 
tectes, ingénieurs-hydrographes,  pour  des  travaux  tels  que  nous  en  retrouvons 
aujourd'hui  sur  le  sol  de  toutes  les  anciennes  provinces  de  Grèce  et  d'Italie, 
tunnels  artificiels,  conduites  d'eaux  souterraines,  caîavothra  du  Copaïs.  Sont-ce 
des  ingénieurs  étrangers  qui  sont  venus  édifier  les  célèbres  portes  de  Thèbes,  et 
le  savant  mémoire  de  M.  Brandis  sur  Thèbes  colonie  sémitique,  inséré  au  second 
volume  de  VHermes,  ne  cherche-t-il  pas  à  démontrer  que  ces  constructeurs 
anonymes  devaient  avoir  une  science  d'orientation  toute  spéciale  et  traditionnelle  ? 
Nous  savons  trop  quelles  dévastations  nous  ont  privés  de  la  connaissance  des 
monuments  d'architecture  thébaine;  Dion  Chrysostome  a  vu  l'ancienne  place 
publique  de  Thèbes  entièrement  ravagée,  sauf  un  hermès  où  il  a  recueilli  une 
intéressante  inscription.  Mais  tout  cela  ne  permet  pas  de  conclure  que  l'archi- 
tecture thébaine  ait  été  nulle;  le  silence  des  textes  sur  les  noms  des  artistes  n'est 


148  REVUE   CRITIQUE 

pas  une  raison  suffisante  d'omettre  toute  une  branche  si  importante  de  l'art. 
M.  D.  a  bien  quelques  lignes,  dans  une  note  (p.  1 5),  où  il  s'explique  sur  cette 
lacune  ;  mais  c'était  dans  le  texte  qu'il  fallait  donner  à  cette  question  de  l'archi- 
tecture thébaine  la  place  que  sans  nul  doute  elle  mérite.  Si  l'on  rencontrait  à  ce 
propos  le  difficile  problème  de  la  colonisation  orientale,  il  n'y  avait  point  de  mai 
à  s'en  expliquer,  la  question  des  origines  de  l'art  grec  ou  de  ses  liens  avec 
l'Orient  étant  d'un  grand  intérêt. 

Le  premier  chapitre,  sur  les  plus  anciennes  représentations  figurées  des  dieux 
en  Béotie,  forme  réellement  dans  la  dissertation  de  M.  D.  une  digression,  où 
nous  ne  le  suivrons  pas.  L'école  thébaine  ayant  d'abord  figuré  ses  divinités  sous 
la  forme  de  statues  en  bois,  tout  comme  les  autres  écoles  grecques,  il  semble 
qu'une  partie  de  ce  premier  chapitre  fait  double  emploi  avec  le  second,  qui  traite 
des  sculpteurs  thébains. 

A  propos  des  Çôava,  l'auteur  aurait  dû  citer  certains  textes  de  nature  à 
montrer  combien  cette  sculpture  primitive,  à  Thèbes  comme  ailleurs,  a  produit 
d'innombrables  monuments.  Pausanias  (IX,  3,  i  sq.)  a  raconté  la  curieuse  fable 
de  Junon  Nympheuoméné  et  les  fêtes  destinées  à  célébrer  ce  souvenir.  Toutes 
les  villes  de  Béotie,  dit-il,  y  contribuaient,  en  apportant  chacune  un  ?6avov  repré- 
sentant une  fiancée  ;  on  faisait  ensuite  de  toutes  ces  statues  de  bois  un  vaste 
bûcher  sur  le  haut  du  Cithéron.  C'est  encore  Pausanias  qui  nous  dit  (IX,  16,  3) 
que  les  Thébains  ont  de  très-vieux  |6ava  représentant  Vénus,  et  qu'on  disait 
consacrés  jadis  par  Amphion  ou  fabriqués  avec  les  proues  des  navires  de  Cadmus. 
M.  D.  ne  croit  pas,  sans  doute,  que  ce  grand  nombre  de  monuments  primitifs, 
multiplié  à  l'infini  par  les  nécessités  du  culte,  n'ait  été  dû  dans  Thèbes  qu'à  des 
artistes  étrangers;  s'il  n'y  a  pas  de  raison  de  penser  ainsi,  il  est  permis  de  con- 
clure que  l'art  thébain  primitif  n'a  pas  été  moins  actif  ni  moins  fécond  que  le 
primitif  art  attique  à  façonner  ces  statues  où  très-probablement  le  caprice, 
l'imagination,  l'art,  glissaient  peu  à  peu  leur  marque  en  dépit  des  traditions 
hiératiques. 

Pourquoi  M.  D.  n'a-t-il  pas  admis  dans  ses  catégories  d'artistes  thébains  les 
artistes  dionysiaques,  quand  il  y  en  a  qui  sont  nommés  sur  les  listes  athéniennes, 
et  les  artistes  en  médailles  ou  monnaies ,  quand  nous  connaissons  un  certain 
nombre  de  ces  curieuses  pièces  thébaines?  Mionnet  (II,  1 0  3 ,  n"  6  s)  décrit  celle  qui 
figure  le  petit  Hercule  et  les  serpents;  dans  le  même  volume  de  sa  Description 
des  médailles  antiques,  du  n°  94  au  n"  109,  il  en  décrit  beaucoup  d'autres; 
Creuzer-Guigniaut  donne  au  tome  IV,  i"  partie,  planche  177,  celle  qui  repré- 
sente Cadmus  debout ,  près  de  lui  la  vache  montrant  la  place  où  il  doit  fonder 
Thèbes,  et  le  coquillage  dans  le  champ  pour  indiquer  peut-être  la  Phénicie, 
patrie  du  héros. 

On  connaît  dans  Pindare(Py?^.,  VIII,  64),  dans  Eschyle  (Les  Sept,  acte  3),  dans 
Euripide  {Phéniciennes,  acte  3),  les  très-curieuses  descriptions  des  boucliers  que 
portaient  soit  les  Sept  chefs  devant  Thèbes  soit  les  Epigones.  Les  descriptions 
d'Euripide  surtout  sont  d'une  précision  singulière.  Il  nous  dit  de  quelle  matière 
sont  faits  et  de  quelles  enveloppes  revêtus  les  boucliers  des  chefs;  celui  que 


d'histoire  et  de  littérature.  149 

porte  Hippomédon  montre,  parmi  les  étoiles,  la  figure  d'Argus,  avec  des  yeux 
qui  s'ouvrent  ou  se  ferment  suivant  le  lever  et  le  coucher  des  astres;  celui  de 
Polynice  offre  les  célèbres  cavales,  nourries  de  chair  humaine,  qu'on  voit  se 
cabrer  «  par  un  mécanisme  ingénieux.  »  Serait-il  hors  de  propos  de  soupçonner 
que  certaines  représentations  plastiques  avaient  pu  donner  lieu  à  de  tels  témoi- 
gnages, et  ne  pouvait-on  se  demander  si,  parmi  ces  artistes  thébains,  il  ne  fallait 
pas  réserver  une  place  aux  mécaniciens  et  aux  ciseleurs  ? 

M.  D.  termine  sa  dissertation  par  un  catalogue  de  noms  d'artistes  thébains;  il 
en  a  5 1 .  M.  D.  a  le  mérite  d'avoir  ajouté,  d'après  les  inscriptions  par  lui  décou- 
vertes, trois  noms  à  ceux  que  fournissaient  les  textes  déjà  connus.  Pourquoi  n'a- 
t-il  pas  admis  le  nom  d'Eumède,  qui  se  trouve  au  bas  d'une  sculpture  repré- 
sentant Hercule  vainqueur  d'Achelous  et  qu'il  a  mentionnée  lui-même  (Archives, 
des  missions,  t.  IV,  p.  503)  ?  —  Eustathe  nous  dit  que  Pindare  eut  dans  Thèbes 
même  pour  premier  maître  de  flûte  Skopelinos.  Skopelinos  n'aurait-il  aucun 
droit  à  entrer  dans  le  catalogue  dressé  par  M.  D.  ?  —  En  revanche  le  sculpteur 
Boïscos  y  figure  seulement  pour  avoir  fait  une  statue  de  Myrtis,  la  femme  poète 
thébaine,  statue  qu'on  voyait  à  Anthédonie  ;  faible  raison.  Onasiraède  n'y  prend 
place  qu'en  vertu  d'une  certaine  leçon  du  texte  de  Pausanias  proposée  par 
Kayser,  et  que  M.  D.  lui-même  proclame  emendatio  audacissima.. 

Après  ces  remarques  générales,  chacun  des  chapitres  de  M.  D.  donnerait  lieu  à 
un  bon  nombre  d'observations.  On  serait  engagé  à  discuter  avec  lui  jusqu'aux  der- 
niers détails  pour  le  suivre  dans  ses  constants  efforts  de  précision  et  de  bonne  criti- 
que. Quand  il  décrit *(p-  16)  le  Jupiter  du  sculpteur  Ascaros  «couronné  comme  de 
fleurs  »,  cum  corona  velut  efloribus,  pourquoi  ne  mentionne-t-il  pas  la  notable  leçon 
proposée  par  M.  Schubart,  qui  a  le  mérite  d'offrir  un  texte  plus  précis?  M.  Schu- 
bart,  corrigeant  ce  passage  de  Pausanias  (V,  24,  i),  au  lieu  de  è7-H3avw[i£vov  5è 
o;a  8ri  âvôeai,  lit  :  i.  ce  îoi;  ôt)  âv6£<ji  «  couronné  de  violettes.  »  —  Il  est  dit  p.  50 
que  Lysis,  élève  de  Pythagore  même,  est  venu  mourir  à  Thèbes;  on  n'admet 
pas  sans  quelque  difficulté  (mais  les  anciens  l'affirment,  il  est  vrai)  que  ce  Lysis, 
cité  par  Plutarque  comme  maître  de  philosophie  d'Epaminondas  (7  363)  ait 
connu  Pythagore,  qui  florissait  vers  5  30,  deux  siècles  auparavant  ? — On  ne  voit 
pas  au  contraire  ce  qui  empêche,  comme  le  dit  M.  D.  (note  5  de  la  page  50) 
Antigenidas,  contemporain  d'Epaminondas,  d'avoir  connu  Périclès  :  il  n'y  a  que 
66  ans  entre  la  mort  de  l'un  et  celle  de  l'autre.  Mais  comment  Ascaros,  le  sculp- 
teur, pourrait-il  être  l'élève  de  Canachos,  si  Pline  a  raison  (XXXIV,  19,  2)  de 
placer  ce  dernier  artiste  dans  la  95*  olympiade,  c'est-à-dire  vers  396,  tandis 
qu'Ascaros  aurait  fleuri  dans  la  72^  olympiade,  c'est-à-dire  vers  488,  92  ans 
auparavant  ? 

Statues  ou  tableaux ,  nous  connaissons  bien  imparfaitement  les  œuvres  origi- 
nales de  l'art  grec.  C'est  une  raison  de  plus  pour  recueillir  et  commenter  avec 
grand  soin  les  textes  et  les  faits  archéologiques  qui  concernent  chacune  de  ces 
œuvres.  M.  D.  enregistre  les  éloges  de  l'antiquité  pour  la  statue  de  Minerve  par 
Hypatodore;  pourquoi  ne  mentionne-t-il  pas,  en  la  critiquant,  la  conjecture 
d'Otfr.  UuWer  {Archxologie,  p.  539)  suivant  laquelle  une  onyx  gravée,  trouvée 


I  50  REVUE   CRITIQUE 

précisément  dans  cette  ville  d'Aliphera  où  se  voyait  la  statue,  reproduirait  la 
figure  d'Athéné  d'après  l'œuvre  du  sculpteur  thébain  ?  —  La  peinture  grecque 
surtout  reste  pour  nous  une  sorte  de  mystère  ;  les  catalogues  peu  nombreux  que 
nous  a  laissés  l'antiquité  n'en  sont  que  plus  précieux  à  commenter  et  à  fixer. 
En  dressant  d'après  Pline  l'Ancien  la  liste  des  peintures  d'Aristide  de  Thèbes, 
M.  D.  a  négligé  plusieurs  variantes  proposées  au  texte  latin,  et  plusieurs  essais 
d'identification.  M.  Urlichs,  dans  sa  Chrestomathia  pliniana,  p.  362,  ne  sépare 
pas  les  mots  SuppUcantem  paene  cum  voce  de  ces  mois  Anapauomenen  propter  fratris 
amorem,  et  il  entend  qu'un  seul  tableau  d'Aristide  se  trouve  désigné  par  ces  deux 
membres  de  phrase;  il  va  plus  loin  et  conjecture  que  le  peintre  thébain  avait 
représenté  la  femme  d'Intapherne  suppliant  pour  son  frère  (Hérodote,  III,  1 19). 
On  pourrait  encore  songer  à  l'étrange  histoire  de  Byblis  racontée  par  Ovide 
(Met.,  IX,  446-665).  —  M.  D.  prend  les  mots  Liberum  et  Ariadrïen  (ainsi  lit-il 
Pline  XXXV,  98)  comme  la  désignation  du  fameux  tableau  d'Aristide  qui  se 
trouvait  à  Corinthe  en  146  et  qui  avait  donné  lieu  au  proverbe  :  où5£v  irpà;  lôv 
Atôwffov.  Cependant  il  s'en  faut  que  tous  les  manuscrits  donnent  cette  lecture  de 
Pline.  Au  lieu  d'Ariadnen,  on  lit  Mariannem,  Artamenen;  M.  Bursian  lit  Artemo- 
nem,  et  M.  Urlichs  (Chrest.  plin.,  p.  362),  distinguant  ici  deux  tableaux,  croit 
retrouver  sous  la  seconde  dénomination  le  fils  aîné  de  Darius,  Artobazane,  qui 
dut  laisser  le  trône  à  Xerxès  son  cadet  (Hérod.,  VII,  2).  —  Nicomaque  aussi, 
maître  d'Aristide,  a  été,  ce  semble,  un  grand  peintre.  A  propos  de  son  tableau 
représentant  Ulysse  coiffé  du  pileas  (p.  33),  on  pouvait  citer  l'intéressante  lettre 
120  de  saint  Jérôme,  qui  paraît  avoir  eu  sous  les  yeux  cette  peinture. 

Enfin  pourquoi  avoir  placé  au  dernier  rang  le  chapitre  concernant  les  musi- 
ciens? M.  D.  a  fort  bien  dit  quelle  fut  l'importance  de  l'aulétique  thébaine,  ma- 
jestueux accompagnement  du  culte  de  Dionysos,  dont  Thèbes  a  été  une  très- 
antique  étape.  N'est-il  pas  probable  qu'un  remarquable  développement  de 
cette  musique  toute  religieuse  aura  précédé  dans  le  monde  thébain  tout  autre 
essor  artistique.  —  Faire  comprendre  aux  modernes  ce  qu'était  la  musique  des 
Grecs,  ce  qu'était  particulièrement  l'aulétique  religieuse,  pourquoi  Aristote 
redoute  la  flûte  comme  un  instrument  immoral,  qui  excite  trop  les  passions  et, 
suivant  son  expression,  bouleverse  l'âme,  faire  saisir  les  rapports  entre  cet  art 
sacré  et  le  culte  rival  de  celui  d'Apollon,  c'est  un  double  problème  qu'il  faut 
ranger,  il  est  vrai,  parmi  les  plus  ardus  et  sur  lequel  des  livres  comme  celui  de 
M.  Jules  Girard  sur  le  sentiment  religieux  chez  les  Grecs,  livre  plein  d'idées  et 
de  faits,  et  comme  celui  de  M.  Westphal  sur  la  métrique,  n'apportent  pas, 
malgré  beaucoup  de  science,  la  lumière  désirée.  Toutefois,  sans  demander  à 
M.  D.  d'agiter  à  propos  des  artistes  thébains  ces  difficiles  questions,  certains 
textes  intéressant  très-directement  son  sujet  l'invitaient  à  entrer  ici  dans  quelques 
explications  techniques.  Athénée  rappelle  que,  suivant  Juba,  les  Thébains  avaient 
inventé  les  flûtes  faites  avec  des  pattes  de  biche  (cf.  M.  D.,  p.  52).  Ils  semblent 
avoir  inventé  aussi  les  armatures  de  métal  qui  s'ajoutèrent  à  la  flûte  primitive 
(Pollux,  IV,  10,  p.  391,  édition  d'Amsterdam  in-folio,  r'' volume).  Ces  textes 
ne  donnaient-ils  pas  à  l'auteur  l'occasion  de  quelques  détails  de  nature  à  faire 


d'histoire  et  de  littérature.  I  5  l 

deviner  comment  la  flûte,  employée  surtout  et  plusieurs  fois  perfectionnée  par 
les  Thébains,  pouvait  devenir  la  furiosa  tibia  d'Ovide  ? 

En  dernier  résultat,  quel  est  l'avis  de  M.  D.  sur  l'art  et  sur  le  génie  thébain? 
Il  semble  s'être  laissé  entraîner  à  ne  considérer  et  à  ne  compter  l'art  thébain  que 
dans  les  périodes  et  par  les  œuvres  pour  lesquelles  les  textes  lui  fournissent  des 
noms  propres,  et  avoir  trop  perdu  de  vue  les  œuvres  innommées,  îl  accepte 
en  grande  partie  pour  le  génie  béotien  les  reproches  que  l'antiquité  lui  adressait. 
Il  veut  cependant  (p.  26)  que  les  Béotiens  aient  péché  par  excès  de  courage 
militaire  (suo  ingenio  et  ad  bellum  et  ad  certamina  instructi,  his  maxime  imaginibus 
delectabantur  quibus  patria  gloria  enitebaty,  cela  ne  concorde  guère  avec  une 
explication  qu'il  donne  ailleurs  de  leur  mauvaise  renommée  (p.  vj  :  Commuais 
patriae  ac  libertatis  proditores).  Son  dernier  mot  parait  être  (p.  67)  que  le  mal- 
heur du  génie  thébain  aurait  été  de  pencher  trop,  du  moins  pour  ce  qui  concerne 
les  arts,  vers  le  faible  et  mou  génie  asiatique.  Cette  conclusion  ne  semble  pas 
donner  pleine  satisfaction  à  l'historien  sur  le  curieux  problème  que  M.  D.  a  si 
soigneusement  étudié.  Sans  sortir  de  la  Grèce  propre,  dans  l'ensemble  harmonieux 
et  divers  des  génies  particuliers  du  faisceau  hellénique ,  il  y  en  a  un  dont  la 
parenté  intellectuelle  et  morale  avec  le  génie  thébain  nous  paraît  plus  évidente 
que  celle  qui  rapprocherait  ce  dernier  du  génie  asiatique.  Les  liens  avec  le 
monde  dorien  sont  ici  pour  nous  évidents.  Quand  Pindare  reprend  dans  ses 
hymnes  les  plus  anciens  souvenirs  de  sa  propre  famille,  qui  se  confondent  avec 
ceux  de  sa  ville,  ses  nobles  ancêtres  les  ^Egides  lui  apparaissent  comme  mêlés 
aux  Doriens  envahissant  le  Péloponèse.  Lui-même,  prêtre  d'Apollon,  honoré 
d'un  siège  dans  le  temple  de  Delphes,  il  a  vécu  dans  les  cours  doriennes  de 
Sicile  et  nous  rend,  —  maintenant  que,  plus  instruits,  nous  la  savons  mieux 
comprendre,  —  toute  la  majesté  dorienne.  Thèbes  semble  avoir  eu,  comme 
Sparte,  le  penchant  mystique  et  l'humeur  violente  :  on  se  rappelle  la  mastigôsis 
des  jeunes  Spartiates  à  l'autel  de  Diane  Limnatis  et  tout  le  caractère  forcé  dont 
est  empreinte  l'œuvre  de  Lycurgue  (v,  la  curieuse  dissertation  de  M.  Wallon 
sur  la  Cryptié);  on  se  rappelle  la  faveur  accordée,  ici  et  là  ou  du  moins  dans  la 
grande  Grèce  dorienne  comme  à  Thèbes,  aux  doctrines  pythagoriciennes.  Les 
deux  villes  à  certains  jours  ont  également  mal  compris  les  intérêts  communs  de 
la  Grèce;  toutes  deux  se  sont  montrées  capables  d'affaissements  et  de  réactions 
généreuses.  L'une  et  l'autre  représentent  des  nationalités  très-anciennes,  attardées 
en  face  du  jeune  génie  attique.  La  nationalité  béotienne  n'aurait-elle  pas,  comme 
la  dorienne ,  précédé  l'entrée  en  scène  des  autres  peuples  helléniques,  et  ne 
serait-ce  pas  l'explication  de  la  défiance  mêlée  tantôt  d'étonnement  respectueux, 
tantôt  de  dédain  juvénile  que  témoigne  envers  Thèbes  et  Sparte  la  littérature 
attique.''  Pour  ce  qui  est  de  l'art  en  particulier,  nous  ne  devons  chercher,  il  est 
vrai ,  ni  dans  Thèbes  ni  dans  Sparte  des  rivales  d'Athènes  ;  les  trois  villes  sont 
sœurs  cependant,  et,  en  qualité  de  cités  grecques,  soyons  assurés  que  le  grand 
art,  pas  plus  que  la  grande  poésie,  ne  pouvait  leur  être  inconnu.  Quoi  de  plus 
majestueux  que  l'architecture  dorienne  de  la  grande  Grèce,  dont  Sparte  était 
comme  la  métropole,  et  que  ne  pouvons-nous  pas  soupçonner  des  magnificences 


I  52  REVUE    CRITIQUE 

passionnées  de  la  musique  thébaine  accompagnant  le  culte  orgiastique  du  divin 
Bacchus  ? 

Nous  n'avons  multiplié  ces  remarques,  dont  la  série  pourrait  encore  s'étendre, 
que  pour  rendre  hommage  au  choix  du  sujet,  qui  est  des  plus  intéressants,  et  à 
la  manière  dont  M.  D.  l'a  traité.  En  somme  il  y  a  fort  peu  de  textes  spéciaux 
que  M,  D.  ignore  ou  qu'il  ait  insuffisamment  critiqués.  Ses  patients  travaux  le 
conduiront  à  un  bon  livre  d'ensemble  sur  le  génie  béotien,  qu'il  a  mieux  que 
personne  étudié.  A.  Geffroy. 

172.  —  Zur  Lex  Saxonum.  Von  D'  Karl  Freiherr  von  Richthofen.  Berlin, 
Wilhelm  Hertz,  1868.  In-8',  iv-432  p.  —  Prix  :  1 1  fr.  25  c. 

On  a  déjà  parlé  de  la  Lex  Saxonum  dans  la  Revue;  c'était  à  propos  du  livre  de 
M.  Usinger,  dont  nous  rendions  compte  l'année  dernière',  et  nous  faisions  remar- 
quer en  terminant  combien  cette  question  de  la  législation  carolingienne  offrait 
encore  matière  à  controverse  aux  historiens  et  aux  jurisconsultes.  Le  présent 
volume  vient  nous  offrir  une  nouvelle  preuve  à  l'appui.  M.  de  Richthofen,  le 
savant  éditeur  de  la  Lex  Frisonum  dans  le  troisième  volume  des  Leges  de  Pertz, 
préparait  depuis  longtemps  une  édition  nouvelle  de  la  loi  des  Saxons  pour  un  des 
volumes  suivants  de  la  grande  collection  des  Monuments  historiques  d'Allemagne. 

II  a  été  naturellement  amené  à  scruter  de  plus  près  toutes  les  questions  historiques 
et  chronologiques  qui  se  rattachaient  à  son  sujet,  et,  travaillant  en  même  temps 
que  M.  Usinger,  il  arrivait  à  des  résultats  en  partie  très-différents,  s'écartant  en 
même  temps  des  données  généralement  acceptées  jusque-là.  Une  grave  maladie, 
des  suites  de  laquelle  l'auteur  souffre  encore,  a  seule  retardé  la  publication  de 
son  ouvrage.  Indiquons  maintenant  en  quelques  mots  les  divisions  et  le  contenu 
du  livre;  nous  verrons  ensuite  en  quoi  consistent  les  divergences  principales 
entre  les  savants  qui  se  sont  occupés  de  la  matière.  Dans  son  premier  chapitre 
M.  de  Richthofen  parle  des  différents  textes  de  la  Lex  Saxonum.  Il  nous  donne 
surtout  d'intéressants  renseignements  sur  les  deux  manuscrits  de  la  loi,  l'un 
nommé  le  Codex  Spangenbergensis ,  du  nom  de  son  premier  possesseur,  qui  se 
trouve  actuellement  au  British  Muséum  ^,  écrit  à  la  fm  du  ix''  ou  au  commence- 
ment du  x""  siècle  ^  ;  l'autre  le  Codex  Corbeiensis,  qui  se  trouvait  autrefois  à  Pader- 
born  et  que  M.  Usinger  croyait  perdu,  M.  de  R.  nous  apprend  au  contraire 
qu'il  se  trouve  actuellement  à  Munster,  aux  Archives  de  la  province  de  West- 
phalie;  il  date  également  du  x"  siècle.  M.  de  R.  nous  parle  ensuite  des  éditions 
de  Herold,  du  Tillet,  Lindenburg,  Gaertner,  Merkel,  etc.,  dont  quelques-unes 
représentent  pour  nous  des  m.anuscriis  perdus.  De  tous  les  textes  existants 
M.  de  R.  préfère  celui  de  Herold  comme  le  plus  ancien;  mais  il  déclare  en  même 
temps  qu'une  tentative  de  reconstituer  le  texte  original  de  la  loi  lui  paraît  im- 
possible (p.  89).  Dans  un  second  chapitre,  l'auteur  examine  l'unité  de  compo- 

1.  Rev.  cnî.,  1868,  art.  23^. 

2.  Ce  manuscrit  du  British  Muséum  est  incomplet;  une  seconde  partie  du  Codex  a  été 
vendue  à  lord  Ashburnham  par  M.  Barrois;  un  troisième  fragment,  enfin  se  trouve  aux 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale,  sous  le  n*  4633. 


d'histoire  et  de  littérature.  15} 

sition  de  la  loi,  et  il  conclut  qu'elle  a  été  promulguée  ou  rédigée  dans  toutes  ses 
parties  à  une  seule  et  même  époque,  et  non  pas  à  trois  dates  différentes  comme 
le  croyait  Merkel.  Sur  tous  ces  points,  remarquons-le  tout  de  suite,  l'accord  est 
à  peu  près  complet  entre  M.  de  R.  et  M.  Usinger  '  ;  les  divergences  ne  se  pro- 
duisent qu'à  propos  de  l'origine  et  de  l'âge  de  la  loi.  Pour  fixer  cet  âge  il  faut 
d'abord  établir  l'époque  de  la  rédaction  d'un  autre  document,  la  Capitulatio  par- 
îibus  Saxoniae,  qui  de  l'aveu  de  tous  les  critiques,  de  M.  Usinger  comme  de 
M.  Waitz  ou  de  M.  de  R.,  est  antérieur  à  la  Lex  Suxonum.  La  date  généralement 
acceptée  pour  la  composition  de  ce  capitulaire  est  celle  de  785  (Pertz,  Waitz, 
Eichhorn,  Wilda,  Gaupp,  etc.)-  Mais  M.  de  R.  n'admet  point  ce  fait.  Dans  une 
longue  exposition  historique  des  guerres  du  roi  Charles  contre  les  Saxons,  et  de 
l'introduction  du  christianisme  dans  leur  pays  (772  à  785),  il  essaye  de  réfuter 
ces  données  premières  et  assigne  comme  date  et  lieu  de  naissance  à  la  Capitu- 
latio la  diète  de  Paderborn,  tenue  par  Charles  en  777.  Il  étudie  spécialement  à 
cette  occasion  la  législation  des  peines  capitales  dans  le  droit  saxon,  pour  prouver 
que  le  document  en  question  n'a  pas  dû  nécessairement  être  promulgué  après  la 
victoire  définitive,  en  785.  M.  G.  Waitz,  l'homme  le  plus  compétent  dans  les 
questions  de  cette  nature,  vient  de  l'examiner  à  neuf,  à  propos  du  livre  même 
dont  nous  rendons  compte ,  et  s'est  prononcé  d'une  manière  très-catégorique 
contre  les  conclusions  de  M.  de  R.^  Notre  auteur  place  la  rédaction  de  la  Lex 
elle-même  entre  777  et  797  et  repousse  l'opinion  plus  généralement  répandue 
qui  la  rapporte  aux  années  802-804.  En  fixant  la  rédaction  de  la  loi  vers  785  à 
peu  près,  il  s'appuie  sur  les  traces,  évidentes  selon  lui ,  d'utilisation  de  la  Lex 
pour  la  rédaction  du  Capiiulare  Saxonicum,  promulgué  à  Aix-la-Chapelle  le 
28  octobre  797.  Mais  cette  utilisation  paraît  très-douteuse,  et  M.  Waitz,  par 
exemple,  se  refuse  absolument  à  l'admettre.  Les  citations  «  secundum  legem 
»  Saxonum  »  que  nous  rencontrons  dans  le  capitulaire  ne  se  rapportent  pas  au 
texte  de  la  Lex  actuelle,  mais  à  un  droit  coulumier  non  encore  rédigé.  Par  contre 
M.  de  R.  n'a  pas  suffisamment  tenu  compte,  pour  fixer  l'âge  de  la  loi,  des  singu- 
lières analogies,  déjà  remarquées  par  M.  Usinger,  entre  la  Lex  et  les  Capitula 
quae  in  lege  Ribuaria  mittenda  sunî,  rédigés  en  80  5  5 .  Ces  analogies  permettent  de 
fixer,  sans  crainte  de  se  tromper  grandement,  la  rédaction  de  la  loi  des  Saxons 
vers  la  même  époque '^.  Malgré  les  efforts  de  M.  de  R.  et  ses  longues  et  savantes 
recherches,  nous  pensons  donc  qu'on  fera  bien  de  s'en  tenir  sur  ce  point  aux 
données  acquises  avant  son  travail,  et  qu'il  est  plus  sûr  de  rattacher  la  Lex  Saxo- 
num au  grand  ensemble  de  travaux  analogues  entrepris  par  Charlemagne  dans 
les  premières  années  du  ix^ siècle,  après  son  couronnement  5.  Une  série  d'appen- 

1 .  M.  Usinger  reconnaissait  deux  mains  dans  la  rédaction  de  la  loi  (voy.  Rev.  crit., 
1868,  II,  p.  294). 

2.  Gœttinger  geUhrte  Anzeigen,  1869,  p.  361  ss.  —  M.  Waitz  est  tout  au  plus  disposé 
à  admettre,  avec  M.  Usinger,  que  la  rédaction  de  la  Capitulatio  peut  être  reculée  jusqu'en 
782. 

3.  Ce  (lue  M.  de  Richthofen  dit  à  ce  sujet,  p.  419  n'est  pas  bien  évident. 

4.  Quelques  écrivains  l'ont  placée  beaucoup  plus  tard,  mais  sans  aucune  raison.  Ainsi 
on  a  été  jusqu'à  l'attribuer  au  roi  Harald  de  Danemark  (984). 

5.  Einhardi,  Vita  Caroli,  cap.  XXIX.  «  Omnium  tamen  nationum  quae  sub  eius  do- 
»  minatu  erant,  iura  quae  scripta  non  erant,  describere  ac  literis  raandari  fecit.  * 


I  S4  REVUE   CRITIQUE 

dices  importants  sont  joints  au  travail  de  M.  de  R.;  nous  citerons  ceux  sur  les 
valeurs  monétaires  et  sur  la  codification  de  la  loi  des  Saxons,  ainsi  que  celui  sur 
la  loi  des  Thoringes  ou  Thuringes.  M.  de  R.  combat  l'opinion  de  MM.  Hermann 
Mùller,  Waitz,  etc.  qui  ont  vu  dans  ces  Toringi  un  peuple  habitant  sur  la  Meuse, 
et  revendique  la  loi  pour  les  Thuringiens  de  la  Thuringe  proprement  dite.  Il 
appuie  surtout  sur  le  caractère  carolingien  de  la  loi.  Mais  précisément  il  ne  nous 
paraît  pas  encore  démontré  d'une  manière  suffisante  que  la  Lex  Thoringorum  ne 
date  pas  de  plus  loin.  Dans  un  dernier  appendice  M.  de  R.  s'occupe  du  livre 
de  M.  Usinger  dont  il  n'a  eu  connaissance  qu'après  avoir  terminé  le  sien.  On  a 
déjà  vu  plus  haut  sur  quels  points  il  est  d'accord  avec  lui  et  sur  quels  autres  il 
s'en  sépare.  Là  où  il  a  complètement  raison,  c'est  quand  il  s'élève  contre  la 
théorie  exposée  par  le  professeur  de  Greifswald,  relativement  à  la  rédaction  de 
la  loi.  M.  Usinger  l'attribuait  à  deux  particuliers,  légistes-amateurs,  qui  sans 
vouloir  faire  oeuvre  de  législation  pratique,  avaient  recueilli  des  données  histo- 
riques. Nous  avions  exprimé,  dans  la  Revue  même  (1868,  II,  p.  294)  nos  doutes 
au  sujet  d'une  entreprise  pareille,  tellement  en  dehors  des  habitudes  intellectuelles 
du  ix"  siècle;  après  ce  qu'en  dit  M.  de  R.  nous  ne  pensons  pas  que  cette  opinion 
soit  davantage  soutenable. 

Nous  souhaitons  bien  vivement,  en  terminant,  que  la  pénible  maladie  dont 
est  affligé  l'auteur  lui  permette  de  continuer  ses  savantes  études  et  de  nous 
donner,  dans  le  prochain  volume  des  Monuments  de  Pertz,  l'édition  critique  de  la 
loi  des  Saxons  qu'il  prépare  avec  tant  de  conscience  et  de  soin.  Si  tous  les 
résultats,  obtenus  par  lui  dans  le  présent  ouvrage,  qui  forme  en  quelque  sorte 
l'introduction  de  cet  autre  travail,  ne  sont  point  également  acceptables,  les  savants 
seront  unanimes  à  reconnaître  le  grand  nombre  d'aperçus  nouveaux  et  de 
recherches  de  détail  que  renferme  son  volume,  et  la  profonde  érudition  dont  il 
témoigne  à  chaque  page.  Rod.  Reuss. 

173.  —  Noms  propres  anciens  et  modernes,  études  d'onomatologie  comparée, 
par  Robert  Mowat.  Paris,  librairie  A.  Franck,  1869,  Gr.  in  8*,  60  p.  —  Prix:  4fr. 

Sous  ce  titre,  M,  Mowat  a  réuni  divers  opuscules  qui,  en  tout  ou  en  partie, 
avaient  déjà  paru  dans  des  recueils  scientifiques.  C'est  une  très-bonne  idée,  qui 
ne  peut  manquer  d'être  bien  accueillie  des  savants;  car  les  études  de  M.  M.  sont 
pleines  d'érudition  et  de  vues,  et  elles  touchent  un  sujet  dont  le  haut  intérêt  a  été 
plus  d'une  fois  signalé  ici  et  commence  à  être  reconnu  de  toutes  parts.  Nous 
allons  donner  le  titre  et  dire  quelques  mots  de  chacune  de  ces  petites  disserta- 
tions. 

I,  (P.  3-8).  Les  noms  propres  latins  en  atius  et  en  onius  '.  D'après  M.  M.  ces 
noms  sont  d'ordinaire  formés  sur  des  noms  de  peuples;  ainsi  Maecenatius,  Alfe- 
natiuSf  Trebatius,  viennent  des  ethniques  Maecenas,  Alfenas,  Trebas;  c'est  pour 
cela  qu'on  s'est  généralement  abstenu  de  former  des  dérivés  en  atius  avec  les 
noms  ordinaires  en  atus,  comme  Praetextatus,  Privatus,  Renatus  (on  ne  trouve  pas 
Praetextatius,  Privatius,  Renatius).  Sans  contester  ce  qui  regarde  le  rapport  de 

I.  Extrait  en  partie  des  Mémoires  de  la  Société  de  linguistique  de  Paris. 


d'histoire  et  de  littérature.  155 

as  et  aûus,  ne  peut-on  pas  remarquer  que  presque  tous  les  noms  en  -atus  appar- 
tiennent aux  plus  bas  temps  de  l'empire  romain,  et  qu'à  l'époque  où  on  créait 
les  noms  pompeux  de  Fortunaîus,  Praetextatus,  Honoratus,  Donatus,  etc,,  on  pré- 
férait également,  pour  la  formation  de  leurs  dérivés,  le  sonore  -aîianus  (auquel 
on  ne  donnait  plus  sa  valeur  propre)  au  modeste  -atius  '  ?  Quant  aux  noms  en 
-onius,  la  conjecture  de  M,  M.  paraît  assez  douteuse;  il  rattache  par  exemple 
Caeso  (d'où  Caesonius)  à  l'ethnique  Caesenas  ;  mais  l'explication  de  «  né  par 
»  l'opération  césarienne,  »  admise  jusqu'ici,  n'est-elle  pas  plus  vraisemblable*? 
J'ai  peine  à  rattacher  Sueîonius  ÇSuetius)  à  Suessa,  Antonius  à  Anîias,  et  surtout 
Sempronius  à  Semnrium,  «  par  insertion  euphonique  de  p  entre  m  et  r,  ou  par 
»  consonification  de  la  voyelle  labiale  u,  »  deux  faits  également  étrangers  à  la 
langue  latine  ancienne. 

II.  (P.  9-16).  Examen  de  la  signification,  attribuée  aux  noms  d'hommes  Sar- 
MENTius,  Projectus,  Stercorius5.  Ccs  trois  noms  ont  été  rangés  par  M.  E.  Le 
Blant  dans  cette  catégorie  de  noms  humiliants  que  les  chrétiens  de  l'empire 
adoptaient  par  dévotion  ou  recevaient  par  mépris  des  païens  (tels  sont  Injuriosus, 
Molestus,  Importunas,  Foedulus.  etc.)  :  ce  fait,  pour  le  dire  en  passant,  est  une 
anomalie  sans  autre  exemple  et  une  sorte  de  monstruosité  dans  l'histoire  de 
l'onomastique,  qui  nous  montre  partout  les  noms  comme  cherchant  à  renfermer 
d'heureux  présages  ou  à  annoncer  de  grandes  qualités  :  comparez  Themistodès  à 
Foedulus!  M.  M.  veut  rayer  de  cette  liste  les  trois  noms  ci-dessus  mentionnés;  il 
a  incontestablement  raison  pour  Projectus  et  Sarmentius;  il  est  probable  qu'il  est 
aussi  dans  le  vrai  pour  Stercorius,  puisque  ce  nom  apparaît  sur  des  épitaphes 
qui,  selon  toute  vraisemblance,  sont  païennes.  Sur  l'origine  de  ce  nom,  qui  se 
rencontre  surtout  sur  les  tombeaux  d'enfants  morts  en  bas-âge 4,  M.  M.  présente 
une  conjecture  fort  ingénieuse,  en  le  rapprochant  du  fameux  surnom  de  Kor.pwwj^Lo;, 
donné,  on  sait  pourquoi,  à  l'un  des  Constantin  de  Byzance.  A  côté  de  cette 
hypothèse,  il  en  présente  une  autre  :  frappé  de  la  fréquence  des  noms  de  ce 
genre  en  Afrique,  il  y  voit  l'équivalent  de  Pirasius  (analogue  à  l'hébreu  Peresch 
et  signifiant /um/er,  ordure),  et  pense  que  ces  dénominations  se  rapportaient  à  l'usage 
répandu  en  Afrique  d'employer  la  fiente  des  chameaux  en  guise  de  combustible. 
Ces  noms  seraient  alors  originairement  ceux  de  gens  occupés  soit  de  l'organisation 
de  ce  chauffage,  soit  de  la  fumure  des  terres.  Cette  hypothèse  paraît  un  peu 
cherchée,  et  elle  paraît  d'autant  moins  assurée  pour  Stercorius  que  M.  M.  ne  cite 
pas  d'exemples  de  cette  forme  en  Afrique,  mais  seulement  de  Sterculus  et  Sterceius, 
mots  dont  le  sens  est  moins  clair  :  aussi  préférerais-je  m'en  tenir  à  sa  première 
explication  s . 

III.  (P.  17-40).  De  l'élément  africain  dans  Vonomastiijue  latine^.  Ce  morceau 

1.  Je  ne  vois  pas  d'anciens  noms  en  atus;  Barbatus  est  un  surnom  tout  personnel;  il 
est  à  remarquer  d'ailleurs  qu'on  trouve  dans  Cicéron  un  M.  Barbatius  Phiiippus. 

2.  M.  M.  lui-même  l'admet  plus  loin,  p.  12. 
j.  Extrait  de  la  Revue  archéologique. 

4.  Ce  serait  alors  un  surnom  iamilier,  qui  devait  disparaître  plus  tard  pour  faire  place 
au  vrai  nom  de  l'enfant,  et  que  les  parents  ont  tenu  à  conserver  sur  la  tombe. 

5.  P.  10,  M.  M.  dit  que  pcndard  signifie  «  qui  mérite  la  corde;  »  c'est  une  petite 
erreur;  pendard  veut  proprement  dire  bourreau,  pendeur;  voy.  Littré,  t.  V. 

6.  Extrait  de  la  Revue  archéologique. 


1^6  REVUE   CRITIQUE 

est  le  plus  intéressant  et  le  plus  remarquable  du  recueil.  L'auteur  y  recherche 
et  y  signale  la  part  considérable  que  l'élément  africain  a  prise,  à  une  certaine 
époque,  dans  l'onomastique  des  Romains  établis  en  Afrique,  puis  de  ceux  du 
reste  de  l'empire.  Ce  travail  a  pour  point  de  départ  l'explication  du  nom  d'homme 
Boniface,  et  relève  ensuite  un  grand  nombre  de  noms  africains  traduits,  comme 
celui-là,  en  latin,  et  dont  plusieurs  ont  passé  dans  notre  onomastique  usuelle.  Il 
serait  à  souhaiter  que  M.  M.  reprit  cette  étude  si  curieuse,  la  complétât  et  la 
refondît  sur  un  plan  plus  clair  et  plus  large  :  j'entends  qu'au  lieu  de  mettre  à  la 
suite  l'une  de  l'autre  des  explications  de  mots  isolés,  il  commençât  par  exposer 
sommairement  le  caractère  de  l'onomastique  africaine  (en  distinguant  l'élément 
punique  de  l'élément  berbère),  indiquât  les  dates  où  apparaissent  les  plus  anciens 
noms  latins  formés  à  l'imitation  de  ces  noms  indigènes,  celles  où  les  noms  de  ce 
genre  passèrent  dans  d'autres  provinces  de  l'empire,  et  s'attachât  à  l'ensemble 
de  ce  «  vaste  cycle  »  présenté  méthodiquement.  Il  aurait  écrit  alors  un  chapitre 
des  plus  importants  et  des  plus  neufs  de  l'histoire  des  noms  propres.  Son  travail, 
qui  n'a  pas  cette  suite  et  cet  enchaînement,  n'en  est  pas  moins  une  étude  fort 
intéressante.  Je  signalerai  surtout  l'explication  du  nom  Boniface,  qui  paraît  défi- 
nitive, et  qui  a  d'ailleurs  été,  depuis  la  publication  de  ce  travail,  acceptée  par 
plusieurs  savants  allemands.  L'ancienne  étymologie,  bonum  faciens,  ne  pouvait 
tenir  en  présence  de  la  longueur  de  Va,  et  celle  de  honifa{c)t'ms,  proposée  par 
M.  Corssen,  donnait  également  prise  aux  plus  graves  objections.  M.  M.  démontre 
que  l'ancienne  forme  du  nom  est  sans  exception  Bonifatius  par  un  î,  et  il  y  voit 
un  composé  de  bonum  et  de  fatum  '  ;  il  observe  ensuite  que  ce  nom  est  surtout 
fréquent  en  Afrique,  où  il  apparaît  pour  la  première  fois,  et  il  y  reconnaît  la 
traduction  latine  d'un  nom  punique,  tel  que  Namgidde  ou  Giddeneme  (m.  s.)  : 
toute  cette  discussion,  strictement  guidée  par  la  méthode  historique  et  phonolo- 
gique, est  excellente.  M.  M.  passe  ensuite  à  tous  les  noms  africains,  d'une  signi- 
fication plus  ou  moins  analogue,  qu'il  retrouve  dans  des  transcriptions  latines, 
dont  quelques-unes,  comme  Deusdedit,  Deusdet,  Quodvultdeus,  vont  jusqu'à  repro- 
duire ces  noms  formés  de  phrases  entières  où  entre  le  nom  de  Dieu,  qui  sont 
propres  aux  langues  sémitiques.  Il  termine  son  curieux  dépouillé  par  la  citation 
de  quelques  noms  africains  introduits  chez  nous  comme  noms  de  famille  (tels  que 
Gibbal,  Ellul,  et  en  dernier  lieu  Gozlan).  —  Dans  une  page  piquante,  M.  M. 
rapproche  des  noms  latins-africains  soit  leurs  dérivés,  soit  leurs  équivalents  en 
français  ancien  ou  moderne,  ainsi  non-seulement  Flourens,  Viau,  de  Florentius, 
Viîalis,  mais  Dieusaide  de  AuxHius,  Dieuleveut  de  Quoduultdeus ,  Dieuslecroisse  de 
Crescentius,  etc.  A  ce  propos,  je  remarquerai  qu'il  faut  rayer  de  cette  liste  (outre 
Roget=Rogaîus,  Rogei  est  un  diminutif  de  Rogo  ou  un  doublet  de  Rouget)  Dudon, 
cité  parmi  les  dérivés  de  Donadeus:  Dudo,  -onis,  qui  se  retrouve  sous  la  variante 
Dodo,  -onis  (en  français  Does,  Doon,  d'où  Doet,  Doetté),  est  un  nom  parfaitement 
germanique,  sur  lequel  on  peut  voir  une  discussion  de  M.  Stark  (Kosenamen, 
p.  5  3).  —  «  Castrum  quod  dicitur  Deus  Louvart  (1028),  »  lisez  Deus  lo  wart. 

1.  Une  des  meilleures  preuves  de  M.  M.  est  le  rapprochement  du  nom  Malifatia  sur 
une  épitaphe  où  il  ne  peut  avoir  que  le  sens  d'infortunée. 


d'histoire  et  de  littérature.  157 

IV.  (p.  41-59).  De  la  déformation  dans  les  noms  propres.  Après  un  examen  rapide 
des  différents  procédés  employés  par  les  diverses  langues  pour  former  des  dimi- 
nutifs ou  des  dérivatifs  familiers  de  noms  propres  (procédés  où  il  reconnaît  l'in- 
fluence de  l'accentuation  propre  à  chaque  langue),  M.  M.  arrive  au  sujet  plus 
spécial  de  son  étude,  qui  est  la  déformation  des  noms  propres  en  français.  Il 
examine  d'abord  les  suffixes  qui  se  trouvent  d'ordinaire  joints  aux  noms  propres, 
comme  et,  ot,  ard,  and,  in,  eau,  etc.  ;  puis,  après  avoir  parlé  sommairement  des 
mutilations  intérieures  que  subissent  souvent  les  noms  formés  avec  ces  suffixes 
{Pernon  par  exemple  de  Perrenon,  dim.  de  Perrin=^ Pierre -\- in  '),  l'auteur  dresse 
une  liste  de  noms  déformés,  c'est-à-dire  de  formes  diminutives  qui  ont  subi  une 
aphérèse,  placées  en  regard  des  formes  normales  correspondantes.  L'auteur, 
avec  une  réelle  modestie,  ne  donne  cette  liste  que  «  sous  bénéfice  d'inventaire,  » 
connaissant  et  expliquant  fort  bien  lui-même  les  nombreuses  causes  d'erreur 
auxquelles  il  était  exposé.  Étant  donnée  en  effet  une  forme  qu'on  suppose  mutilée 
par  aphérèse,  «  il  arrive  souvent  de  deux  choses  l'une  :  ou  bien,  la  partie  déca- 
»  pitée  ne  laissant  aucune  trace  de  son  existence,  la  restitution  est  impossible, 
»  faute  de  preuves  historiques,  ou  bien  différentes  solutions  plus  ou  moins  plau- 
»  sibles  se  présentent  à  l'esprit;  »  ainsi  Naudeau  est-il  pour  Renaudeau  ou  Ar- 
naudeau,  Binet  pour  Robinet  ou  Lambinet?  M.  M.  s'est  donc  résigné  «  à  omettre 
»  encore  plus  de  formes  qu'il  n'en  a  indiquées,  »  pour  ne  pas  tomber  dans  le 
domaine  des  conjectures  trop  multipliées,  et  parmi  celles  qu'il  a  admises  il  s'attend 
bien  à  ce  que  l'une  ou  l'autre  soit  contestée.  Mais  la  liste  est  faite  avec  beaucoup 
de  circonspection  et  un  jugement  généralement  sûr,  et  il  n'y  a  que  bien  peu  de 
mots  sur  lesquels  nous  élèverons  des  doutes,  la  grande  majorité  offrant  des  rap- 
prochements aussi  incontestables  qu'ils  sont  souvent  ingénieux  2.  —  Dreueet  tous 
ses  dérivés  ne  se  rattachent  certainement  pas  aux  formes  diminutives  d'André, 
mais  bien  à  l'ancien  nom  allemand  Drogo-onis  (dérivatif  famil,  de  Drogowaldr). 

—  Glorian  se  trouve,  avec  son  féminin  Gloriande,  dans  des  poèmes  des  xiii*^  et 
xiv*  siècles  (Chevalier  au  Cygne'),  où  il  est  peu  probable  qu'il  vienne  de  Magloire. 

—  Ronel,  Ronneau  peuvent  être  disputés  à  Peronnel  par  le  vieux  mot  Roonel, 
Rooneau,  le  nom  du  mâtin  dans  le  Roman  de  Renart,  dont  les  personnages  ont 
laissé  plus  d'un  représentant  dans  les  noms  de  famille  actuels  :  j'y  rapporterais 
volontiers  Belin  (que  M.  M.  rattache  à  Lambelin),  nom  du  mouton;  Hersent,  nom 
de  la  louve;  Thibert,  nom  du  chat;  Tiercelin,  nom  du  corbeau,  etc.  —  Une 
observation  générale  qu'on  peut  faire  sur  cette  liste ,  c'est  qu'elle  embrasse  un 
peu  pêle-mêle  des  noms  appartenant  aux  divers  dialectes  de  la  France,  et  même 
à  d'autres  langues  romanes.  Notre  onomastique  ne  sera  susceptible  de  recevoir 
des  lois  régulières  que  quand  une  analyse  minutieuse  et  méthodique  en  aura 
écarté  tous  les  éléments  étrangers  et  aura  ramené  à  sa  provenance  locale  chacun 
de  ceux  qui  la  composent  légitimement.  Mais  des  matériaux  complets  et  bien 

1.  Je  ferai  remarquer  que  Proudon  ne  saurait  être  séparé  de  Proudhon  Prudhon  Prud- 
homme,  et  qu'il  ne  se  rattache  pas  à  Perodon  {Peire  Odo),  forme  d'un  autre  dialecte. 

2.  Une  remarque  dont  l'auteur  fait  précéder  cette  liste  et  qui  a  une  grande  importance, 
c'est  que  les  Livres  de  la  Taille  de  Paris  en  1 292  et  1315  contiennent  très-peu  de  noms 
diminutife  et  peut-être  pas  une  forme  aphérésée  sûre;  d'où  il  suit  que  ces  formes,  si  fré- 
quentes aujourd'hui,  ne  sont  pas  plus  anciennes  que  le  XIV*  siècle. 


I  jS  REVUE  CRITIQUE 

classés  sont  indispensables  pour  cet  immense  travail;  M.  M.,  qui  en  apprécie 
parfaitement  la  nécessité,  reconnaît  qu'ils  ne  peuvent  être  réunis  par  les  forces 
d'un  simple  particulier  :  «  Seule,  l'administration  centrale  pourrait  mettre  à 
»  exécution  le  projet  d'un  Onomasticum  français,  dont  les  principaux  éléments 
»  existent  dans  les  tableaux  du  tirage  pour  le  recrutement,  dressés  annuellement 
»  dans  tous  les  cantons  de  l'empire.  «  Ce  serait  en  effet,  pour  le  gouvernement, 
une  œuvre  des  plus  aisées  à  accomplir,  et  certes,  sans  parler  de  l'intérêt  scienti- 
fique pur,  il  y  aurait  un  véritable  intérêt  national  à  réunir  ainsi,  ou  peu  s'en  faut, 
le  nom  de  toutes  les  familles  dont  la  réunion  constitue  le  peuple  français.  C'est 
une  excellente  idée  :  il  y  a  très-peu  de  chances  pour  qu'elle  se  réalise. 

Nous  ne  pouvons,  en  terminant,  que  remercier  M.  Mov^at  de  ses  intéressantes 
études  et  souhaiter  qu'il  continue  dans  une  voie  où  il  a  déjà  fait  plus  d'une  pré- 
cieuse découverte.  Si  nous  avions  un  conseil  à  lui  donner,  nous  l'engagerions  à 
concentrer  ses  recherches  et  ses  méditations  sur  quelque  ouvrage  suivi,  comme 
serait  une  Histoire  de  l'onomastique  latine,  qu'il  a  particulièrement  étudiée.  Dans 
cette  science  toute  nouvelle  encore,  les  travaux  d'ensemble  font  presque  complè- 
tement défaut;  les  études  de  détail  de  M.  Mowat  font  voir  qu'il  pourrait  mieux 
que  personne  en  mener  quelqu'un  à  bonne  fin  :  espérons  qu'il  s'y  décidera. 


174.  —  Dictionnaire  des  pseudonymes,  recueillis  par  Georges  d'HEiLLY. 
Deuxième  édition,  entièrement  refondue  et  augmentée.  Paris,  Dentu.  ln-12,  xxxvj  et 
421  p. 

A  aucune  époque ,  l'usage  ou  plutôt  l'abus  des  pseudonymes  n'a  été  poussé 
aussi  loin  qu'aujourd'hui.  Un  grand  nombre  d'écrivains  signent  leurs  ouvrages 
de  noms  supposés;  quelques-uns  de  ces  noms  sont  devenus  célèbres;  la  plupart 
restent  fort  peu  connus.  Dans  la  petite  presse  surtout,  où  domine  la  fantaisie,  les 
noms  pris  à  plaisir  foisonnent;  plusieurs  journalistes  en  ont  tout  au  moins  une  demi- 
douzaine;  parfois  le  même  nom  sert  à  divers  écrivains.  Il  est  difficile,  même  pour 
les  individus  les  mieux  initiés  aux  mystères  de  l'histoire  de  la  littérature  contem- 
poraine, de  se  reconnaître  dans  ce  labyrinthe.  La  postérité  s'occupera  fort  peu 
sans  doute  de  savoir  quels  étaient  les  personnages  réels  cachés  sous  ces  masques 
si  nombreux,  lorsqu'il  s'agit  de  feuilles  légères  que  l'oubli  emporte  rapidement; 
toutefois  il  est  bon  que  ce  travail  soit  exécuté,  afin  d'épargner  aux  Saumaises 
futurs  des  tortures  extrêmes  et  afin  de  leur  livrer,  lorsqu'il  en  est  temps  encore, 
des  secrets  qu'il  serait  plus  tard  absolument  impossible  de  deviner.  M.  Georges 
d'Heilly  (et  c'est  un  pseudonyme  qui  déguise  le  nom  réel  de  M.  Poinsot)  avait 
publié  en  1 867  une  première  édition  de  son  Dictionnaire,  beaucoup  moins  ample 
que  celle  qu'il  vient  de  mettre  au  jour;  M.  Ch.  Jolyet  a  de  son  côté  traité  le 
même  sujet  dans  le  volume  qu'il  a  intitulé  :  Les  Pseudonymes  du  jour,  mais  avec 
moins  de  développement. 

Les  deux  auteurs,  s'attachant  à  la  littérature  contemporaine  et  d'actualité,  se 
sont  proposé  un  tout  autre  but  que  celui  qu'avait  en  vue  Quérard,  lorsqu'il  publiait 
les  Supercheries  littéraires  dévoilées^;  l'infatigable  bibliographe,  mort,  la  plume 

1 ,  Une  nouvelle  édition  très-augmentée  de  cet  ouvrage  est  entreprise  ;  il  en  a  déjà  paru 


d'histoire  et  de  littérature.  r59 

à  la  main,  à  la  fin  de  1865,  s'en  prenait  surtout  aux  nombreux  ouvrages  mis  au 
jour  sous  le  voile  du  pseudonyme  dans  le  cours  du  xviii' et  du  xix^  siècle;  il 
avait  donné  fort  peu  d'attention  à  la  presse,  parce  qu'il  savait  que  sur  ce  terrain 
les  choses  changent  à  chaque  instant  d'aspect.  M.  Georges  d'Heilly  ne  s'est  pas 
d'ailleurs  borné  aux  écrivains;  il  a  compris  dans  ses  révélations  des  acteurs,  des 
actrices  (dès  la  seconde  page  il  nous  apprend  que  mesdemoiselles  Adèle  et  Agar 
sont  nées  Cuinet  et  Charvin,  que  M.  Laferrière  s'est  d'abord  fait  connaître  sous  le 
nom  d'Adolphe)  ;  il  n'a  point  oublié  un  grand  nombre  d'artistes  qui ,  comme  les 
journalistes  et  les  vaudevillistes,  n'ont  rien  eu  de  plus  pressé  que  de  métamor- 
phoser les  noms  de  leurs  pères.  On  sait  que  Gavarni  s'appelait  Chevallier,  et  que 
le  vrai  nom  de  Grandville  était  Gérard;  le  vicomte  de  Noé  a  rendu  célèbre  le  nom 
de  Cham,  mais  bien  des  personnes  ignorent  que  deux  habiles  musiciens,  connus 
sous  le  nom  d'Alkan,  se  nomment  en  réalité  Morhange,  et  que  c'est  sous  le  pseu- 
donyme de  mademoiselle  Marie  Allan  que  s'est  cachée  madame  Lagneau,  qui  a 
exposé  un  joli  tableau  au  salon  de  1868.  On  pourrait  observer  d'ailleurs  que  le 
Dictionnaire  contient  diverses  révélations  assez  superflues;  était-il  nécessaire  de 
constater  que  le  nom  du  père  de  Sophie,  la  cuisinière  de  M.  Véron,  docteur- 
médecin,  député  et  «  bourgeois  de  Paris  »,  était  Delalande,  et  qu'elle  avait  pour 
prénoms  Victoire-Catherine .'' 

En  lisant  avec  attention  le  Dictionnaire  des  pseudonymes,  nous  y  avons  relevé 
quelques  légères  inexactitudes;  nous  en  signalerons  plusieurs,  afin  que  l'auteur  les 
fasse  disparaître  dans  une  édition  nouvelle  qui  paraîtra  sans  doute  plus  tard ,  et 
nous  ne  lui  en  faisons  nullement  un  reproche,  car  il  est  à  peu  près  impossible,  au 
milieu  de  tant  de  petits  faits,  d'être  toujours  d'une  exactitude  irréprochable.  A 
l'article  consacré  à  M.  Théophile  Thoré  (mort  il  y  a  quelques  mois),  et  avanta- 
geusement connu  dans  la  critique  artistique  sous  le  nom  de  W.  Bùrger,  on  lit 
qu'en  1 848  on  ne  l'appelait  que  le  citoyen  Thoré  :  «  le  peuple  l'envoya  à  la 
»  Chambre  à  une  majorité  de  1 30,000  voix,  comme  républicain  authentique;  » 
de  fait,  et  malgré  ce  grand  nombre  de  suffrages,  Thoré  n'a  jamais  fait  partie,  ni 
de  l'Assemblée  constituante,  ni  de  la  Législative".  A  l'articleSoufccr^/W/e  (le  doc- 
teur), on  lit  après  ce  nom  :  «  médecin  et  bibliophile,  né  en  1800,  Payen  (Jean- 
»  François);  »  ceci  ne  paraît  pas  bien  clair;  en  réalité,  M.  Payen,  médecin  à 
Paris  et  qui  s'est  acquis  une  juste  réputation  pour  ses  recherches  aussi  judicieuses 
que  persévérantes  sur  la  vie  et  sur  les  écrits  de  Montaigne,  n'a  rien  publié  sous 
le  nom  de  Souberbielle,  mais  il  passe  pour  avoir  aidé  ce  lithotomiste  habile  dont 
il  fut  l'élève  dans  la  rédaction  de  ses  écrits;  le  chirurgien,  plus  habitué  à  manier 
le  bistouri  que  la  plume,  avait  besoin  d'un  collaborateur  avant  de  livrer  à  l'im- 

chez  M.  Daffis,  rue  Bonaparte,  9,  un  volume  comprenant  les  lettrés  A-E;  le  Dictionnaire 
des  anonymes  de  Barbier,  revu  par  M.  Olivier  Barbier  de  la  Bibliothèque  impériale  et  en- 
richi d'une  foule  d'additions,  fera  partie  de  cette  publication. 

I .  Quérard  est  entré  dans  des  détails  fort  étencius  au  sujet  de  Théophile  Thoré  dans  la 
table  c|ui  forme  le  cinquième  volume  des  supercheries;  cet  index  renferme  parfois  des  bio- 
graphies très  -  complètes  de  certains  écrivains;  ce  que  bien  des  gens  n'ont  pas  remarqué, 
c'est  que  jusqu'à  une  certaine  portion  de  la  lettre  M,  cette  table  et  le  onzième  volume  de 
la  France  littéraire  offrent  un  texte  identique. 


l6o  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE. 

pression  le  résumé  de  sa  longue  pratique.  —  Est-il  bien  exact  que  M.  Jules 
Garinet  ait  publié  boji  nombre  de  mémoires  historiques  sous  le  pseudonyme  de 
Julien  de  Saint-Acheul  et  qu'il  ait  donné  quelques  livres  à  la  collection  CoUin  de 
Plancy  ?  Nous  connaissons  son  Histoire  de  la  magie  en  France  (Paris,  1818,  in-8°), 
livre  curieux  mais  bien  incomplet  ;  et  quant  à  Collin  de  Plancy,  on  sait  que  ce 
très-fécond  écrivain  a  successivement  entassé  volumes  sur  volumes  dans  deux 
sens  fort  opposés  ;  d'abord  voltairien  décidé,  il  est  devenu  ensuite  mystique.  — 
Parfois  quelques  circonstances,  qu'il  serait  bon  de  noter  en  passant,  se  sont  pré- 
sentées à  nous.  Le  libraire  F.  Tandou  a  publié,  en  1857,  un  petit  recueil  de 
poésies  sous  le  nom  de  Belligera;  ce  nom  s'explique  lorsqu'on  sait  que  c'est 
l'anagramme  de  celui  d'une  femme,  Gabrielle,  qui  avait  inspiré  à  cet  écrivain  un 
attachement  très-vif.  Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  M.  Alexis  Doinet  (qui  a  pris 
le  nom  un  peu  bizarre  de  Toby  Flock')  est  «  aujourd'hui  »  rédacteur  du  Moniteur 
du  Calvados;  il  dirige  depuis  deux  ans  environ  le  Journal  de  Bordeaux.  Divers 
autres  noms  supposés  auraient  pu  être  inscrits  au  compte  de  madame  la  comtesse 
Dash  (c'est-à-dire  de  madame  la  vicomtesse  de  Saint-Mars),  à  laquelle  Quérard 
a  consacré  un  très-long  article  dans  la  table  de  ses  Supercheries.  Nous  pourrions 
multiplier  ces  observations,  mais  il  faut  savoir  s'arrêter.  Mieux  vaut  signaler  des 
détails  piquants  et  curieux  placés  dans  certains  articles,  tels  que  Gazul  (Clara), 
masque  de  M.  Prosper  Mérimée;  le  testament  de  M.  Viennet  (dont  l'anagramme 
est  Ventine')  est  digne  d'être  lu;  au  mot  Ghist  se  trouve  la  reproduction  du  récit 
très-dramatique,  inséré  dans  une  feuille  hebdomadaire,  de  la  fin  tragique  d'un 
écrivain  fort  peu  connu  qui  signait  ainsi  dans  la  petite  presse  des  articles  qui 
passaient  sans  être  remarqués  ;  ils  ne  méritaient  d'ailleurs  pas  de  l'être. 

En  définitive  le  travail  de  M.  Georges  d'Heilly  sera  indispensable  aux  biblio- 
graphes futurs  qui  entreprendront  quelque  jour  de  composer  la  France 
littéraire  du  dix-neuvième  siècle;  il  complétera  à  certains  égards,  en  le  rectifiant, 
le  «  catalogue  général  de  la  librairie  française  de  1 840  à  1865  »  publié  par 
M.  Otto  Lorenz,  livre  utile  sans  doute,  mais  qui  témoigne  quelquefois  d'une 
connaissance  trop  imparfaite  de  la  pseudonymie.  La  préface  offre  une  énuméra- 
tion  intéressante  des  principaux  pseudonymes  du  temps  passé,  mais  elle  pour- 
rait être  bien  plus  étendue.  Puisque  le  farceur  Guillot  Gorju,  célèbre  à 
l'époque  de  Louis  XIII,  a  été  jugé  digne  d'une  mention,  pourquoi  n'avoir  pas 
accordé  le  même  honneur  à  Gaultier  Garguille,  encore  plus  illustre  en  son  genre, 
et  surtout  à  Tabarin,  dont  la  biographie,  assez  obscure,  a  été  mise  dans  un  jour 
nouveau,  grâce  aux  patientes  recherches  de  M.  Jal?  On  aurait  pu  ajouter  aussi 
que  Mercator  était  le  nom  latinisé  du  géographe  Kauffmann,  et  que  l'évêque 
italien  Fortiguerra  est  surtout  connu,  en  fait  de  pseudonyme,  sous  celui  de  Car- 
teromaco,  qu'il  adopta  pour  signer  son  poème  badin  de  Riciiardet,  imité  en  fran- 
çais par  Dumouriez  (le  père  du  général)  et  par  le  duc  de  Nivernais,  qui  charmait 

ainsi  les  ennuis  d'une  détention  menaçante  en  1794. 

B. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


(p.  437-442).  —  HiLDEBRAND,  Une  singularité  des  dialectes  rhénans  (p.  442- 
448).  —  ID.,  La  Signification  de  la  Crypte  (p.  448-452;  opinion  qui  n'est  pas 
nouvelle).  —  Kœhler,  Cornélius  (p.  452-459;  article  extrêmement  curieux  sur 
une  locution  proverbiale  très-usitée  en  allemand  au  xvii^  siècle;  «  avoir  le 
»  Cornélius,  »  c'est  être  soucieux,  de  mauvaise  humeur,  vexé.  Le  sens  primitif 
ne  serait-il  pas  jaloux,  et  n'y  aurait-il  pas  là  quelqu'une  de  ces  plaisanteries 
populaires  sur  le  proverbial  appendice  des  maris  trompés,  dont  la  perspective 
trotterait  dans  l'imagination  de  celui  qui  a  le  Cornélius?  Cf.  Molière,  le  Cocu 
imaginaire,  se.  IV  :  «  Sganarelle  est  un  nom  qu'on  ne  me  dira  plus,  Et  l'on  va 
»  m'appeler  seigneur  Cornélius»).  —  Bochholz,  Être  une  mauvaise  pièce 
(p.  459-465  ;  ein  schlechtes  Tiichlein  sein,  autre  locution  populaire).  —  Leverkus, 
Deux  Chansons  néerlandaises  de  1 593  (p.  465-469).  —  Lubben,  Ancelmus  Seal 
(p.  469-473).  —  Zacher,  Zur  Textkritik  des  Ludwigsliedes  (p.  473-489; 
article  très-piquant  sur  le  premier  mot  du  v.  55,  qu'on  a  lu  jah,  sag,  sah  et  gab). 
—  Mélanges  et  comptes-rendus.  Parmi  ces  derniers,  nous  citerons  celui  de 
M.  Kuhn  sur  un  opuscule  de  M.  Hugo  Meyer,  Roland,  dont  nous  espérons  pro- 
chainement rendre  compte.  —  Le  volume  se  termine  par  une  table  et  un  index 
très-détaillés. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Ems(W.  S.).  The  antiquities  of  Heraldy  | 
collected  from  the  literature.  Coins,  Gems,  ' 
Vases,  and  other  monuments  of  pre-chris- 
tian  and  mediaeval  times,  with  a  cata- 
logue of  early  armoriai  Seals,  tending  to 
show  that  modem  Heraldry  embodies  or 
is  derived  from  the  religions  symbols,  the 
military  Devices  and  the  emblems  of  hea- 
then  deities  of  antiquity.  In-8*,  300  p. 
cart.  London  (J.  R.  Smith).     18  fr,  75 

Glennie  (J.  S.  S.).  Arthurian  localities  : 
their  historical  origin,  Chief  of  Country, 
and  fingalian  relations.  With  a  Map  of 
Arthurian  Scotland.  In-8*,  152  p.  cart. 
London  (Edmonston  et  D.).        9  fr.  40 

Gould  (S.  B.).  Curiositiesof  olden.  Times. 
In-8*,   306  p.  cart.    London    (Hayes). 

7  fr.  50 

Havelock  the  Dane  (the  lay  of).  Re- 
edited  by  W.  W.  Keat.  In-8'.  London 
(Trùbner  et  C*).  12  fr.  50 

Hazlitt(W.).  Characters  of  Shakspeare's 
Plays.  New  edited  by  W.  Hazlitt.  In- 12. 
London  (Templemann).  2  fr, 

Hûffer  (H.).  Diplomat.   Verhandlungen 


aus  der  Zeit  der  franzœs.  Révolution. 
Ergaenzung  d.  1 .  Bdes  :  Die  Politik  der 
deutschen  Maschte  im  Revolutions-Kriege 
bis  zum  Abschluss  d.  Friedensv.  Campo 
Formio.  Zugleich  als  Erwiederg.  auf  H. 
V.  Sybels  Ergaenzungheft.  z.  Geschichte 
der  Revolutionszeit.  In-8*,  244  pages. 
Munster  (Aschendendorfj.  4  fr.  70 

Joyce  (P.  W.).  The  origin  and  history 
of  Irish  Names.  In-12,  5  54  p.  cart.  Lon- 
don (Whittaker).  7  fr.  50 

Taillandier  (St. -René).  Tchèques  et  ma- 
gyars. Bohême  et  Hongrie.  XV'  siècle, 
XIX*  siècle.  Histoire,  littérature,  poli- 
tique. In-8*,  xij-510  p.  Paris  (lib.  Didier 
et  G'). 

Teminck  (A.).  Recherches  sur  les  mo- 
numents et  les  objets  d'art  relatifs  à  l'ab- 
baye de  Saint-Vaast.  Accompagnées  d'une 
étude  numismatique  par  L.  Dancoisne. 
In-4*,  129  p.  et  3  pi.  Arras  (imp.  Brissy). 

Udall  (N.).  Roister  Doister.  Written, 
probably  aiso  represented ,  before  1553; 
carefully  edited  from  the  unique  copy  now 
at  Eton  Collège  by  E.  Arber.  In- 1 2,  86  p. 
London  (Arber).  65  c. 


nr  IVrO  IVr  IVf  ^  P  1\I  ^^^^^'^"^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
1  .  ÏViKJ  iVl  iVl  O  n  IM  Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8".  .  fj. 

Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 

P         T  A  M  1\T  F?  T*     ^^  "^  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 
1    •     J  /\1>  IN  IL    1      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8o.  2  fr. 

NICOLAS  DE  TROYES^oXl":^ 

nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in- 16,  papier  vergé,  cartonné.  ^  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

T^         p\  1  r?  ^     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  T"  partie. 

*  •  *-^  l  LLjAj  Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  Pégard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 


En  vente  chez  Michel  Lévy  frères,  rue  Vivienne,  2  bis. 

ETQ  r-^  TV  T   k   -ly T      Saint  Paul  (Livre  II F  de  l'histoire  des  origines 
•      rv  Il<i>r\l>l      du  christianisme),  i  vol.  in-8°,  orné  d'une  carte 
des  voyages  de  saint  Paul,  par  Kiepert.  7  fr.  50 

En  vente  à  la  librairie  A.  Durand  et  Pédone-Lauriel,  9,  rue  Cujas. 

çi  /^  P)  T  i-v  rr*  /^  D  T  î  1\  yf  ^^  musica  medii  aevi  novam  seriem  a 
kJ  \^  iv  1  r  1  kJ  Iv  U  iV-1  Gerbertina  alteram  coUegit  nuncque 
primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

En  vente  chez  H.  Plon,  éditeur,  8  et  10,  rue  Garancière. 

J.  CRÉTIN  EAU  JOLY   ZZZ' ï. 

1 80 1  et  le  cardinal  Consalvi ,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-S".  7  fr.  50 

Nogent-ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  37  Quatrième  année  11  Septembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER,    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Piix   d'abonnement   : 

Un  an,  Paris,  156-.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

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ANNONCES 
En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

L.  DE  LASAUSSAYEetA.  PÉAN 

La  Vie  et  les  Ouvrages  de  Denis  Papin.  Tome  premier,  r*  partie.  6  fr. 


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LiA  1  rVvJ  r  11  ELUi  L  Cuilloche  Bourdelois,  publiée 
pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 
par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-S».  7  fr-  jo 


AA  /T  A  D  T  17*  nr  '"T'  CT     ^"^  ^^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
•      iVl  /\  rv  1  IL    1     1    i_j     l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-8^  avec 
3  planches.  5  fr. 

HARTWIG      DERENBOURG 

Essai  sur  les  formes  des  pluriels  arabes.  In-8°,  5  fr. 


ï  y  \ A/  tr  T  î  ^^  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
n»  VV  ILlLi  parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 
corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  5*  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


PÉRIODIQUES    ÉTRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschlaud.  N"  34.  14  août. 

Théologie.  Bleck,  der  Hebraeerbrief(Elberfeld,  Friderichs;  ouvrage  posthume, 
abrégé  un  peu  modifié  du  célèbre  ouvrage  de  l'auteur  sur  le  même  sujet).  — 
Histoire.  Krause,  die  Bysantiner  des  Mittelalters  (Halle,  Schwetschke  ;  article 
(de  M.  Hœfer)  d'une  sévérité  qui  paraît  motivée).  —  Pasch,  zur  Kritik  def 
Geschichts  der  Kaiser  Tiberius  (Altenburg,  Pierer;  dirigé  contre  le  livre  de 
Stahr  ;  la  partie  négative  est  la  meilleure).  —  Monumenta  Bambergensia,  éd. 
Jaffé  (Berlin,  Weidmann,  t.  V  de  la  Biblioîheca  rerum  Germanicariimy  dont  on 
connaît  l'importance  et  le  mérite).  —  Rossbach,  Geschichte  der  Gesellschaft. 
II.  Die  Mittelklassen.  (Wûrzburg,  Stuber).  —  Rudorff,  ùber  die  Laudation 
der  Murdia  (Berlin,  Dûmmler  ;  nouvelle  édition  de  ce  texte,  commenté  surtout 
au  point  de  vue  juridique).  —  Histoire  de  l'art.  Eastlake,  Materials  for  a  his- 
tory  of  oil  painting  (London,  1869;  ouvrage  posthume,  très-technique).  — 
DoHME,  die  Kirchen  des  Cistercienserordens  in  Deutschland  (Leipzig), 
Seemann). 

N°  35.  21  août. 

Théologie.  Redslob.  die  kanonischen  Evangelien  als  geheime  kanonische 
Gesetzgebung  in  Form  von  Denkwùrdigkeiten  aus  dem  Leben  Jesu  dargestellt 
(Leipzig,  Brockhaus  ;  le  titre  indique  ce  qu'est  ce  livre,  pour  lequel  le  critique 
nous  paraît  bien  indulgent).  —  Histoire.  Laboulaye,  Geschichte  der  Vereinigten 
Staaten  von  Amerika  (Heidelberg,  Winter).  —  Blankenburg,  dieinnern  Ksempfe 
der  Nordamerikanischen  Union  (Leipzig,  Brockhaus;  bon  livre).  —  Linguistii^ue. 
Histoire  littéraire.  Weihrich,  de  gradibus  comparationis  linguarum  sanscritae 
graecae  latinae  gothicae  (Giessen,  Ricker  ;  travail  digne  d'éloge).  —  Hesiodi 
quae  feruntur  carminum  reliquiae  cum  commentatione  critica  éd.  Schœmann 
(Berlin,  Weidmam).  —  Schmidt,  de  Nonii  Marcelli  auctoribus  grammaticis 
(Leipzig  Teubner)  ;  —  M^hly,  Richard  Bentley,  eine  Biographie  (Leipzig, 
Teubner  ;  on  trouve  à  la  fin  des  notes  inédites  de  Bentley  sur  les  deux  premiers 
livres  de  VlUade,  en  vue  d'une  édition  qu'il  voulait  faire).  —  Bergé^  Dichtungen 
transkaukasischer  Ssenger  des  18  und  19.  Jahrhunderts  (Leipzig,  List  und 
Francke  ;  poésies  remarquables,  en  dialecte  turc  très  mêlé  de  persan^.  — 
Histoire  de  l'art.  Atlas  Kirchlicher  Denkmaeler  des  Mittelalters  im  œsterreichis- 
chen  Kaiserstaats  (Wien,  Gerold;  livr.  10-1 1;  publié  par  le  gouvernernent,  sous 
la  direction  de  M.  Lind).— MENDEL,GiacomoMeyerbeer,eineBiographie(Berlin, 
Heimann).  —  Une  note  de  M.  W.  0....,  l'éditeur  de  l'Histoire  (posthume) 
de  la  Révolution  de  Hausser  revient  sur  une  bien  petite  question,  le  mot  «  immo- 
ralité, »  dans  une  célèbre  phrase  de  Mirabeau,  lu  «  immortalité  »  et  traduit 
«  Unsterblichkeit.  »  Il  veut  établir  que  cette  leçon  n'avait  rien  d'absurde,  et 
qu'on  pouvait  comprendre  cette  exclamation  dans  la  bouche  du  grand  orateur  : 
«  Quel  tort  fait  à  la  chose  publique  V immortalité  de  ma  jeunesse  !  »  Nous  ne  le 
croyons  pas. 

The  Journal  of  Philology.  Vol.  II,  n<>  3  (T*  livraison  de  1869). 

MuNRO.  Le  29^  poème  de  Catulle  (p.  1-34),  cet  article  revient  sur  plusieurs 
corrections  proposées  par  M.  Ellis  (voy.  Rev.  Crit.  1869,  I,  art.  43);  il  confirme 
en  deux  points  les  réserves  que  nous  avions  exprimées,  et  propose  des  resti- 
tutions fort  plausibles.  Du  reste  c'est  une  étude  complète  à  tous  les  pomts  de 
vue,  du  poëme  en  question.  —  Vansittart,  Quelques  variantes  de  Véfitre  aux 
Thessaloniciens  (p.  35-41).  —  Wratislaw,  La  prononciation  de  l'ancien  grec 
éclairée  par  celle  du  bohémien  moderne  (p.  42-47),  tend  surtout  à  expliquer  la  dif- 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  37  —  11  Septembre  —  1869 

Sommaire  :  175.  Julg,  Contes  mongols;  le  même,  la  Légende  héroïque  des  Grecs 
chez  les  Mongols;  Gerland,  anciens  Contes  grecs  dans  l'Odyssée.  —  176.  Curtius, 
Études  sur  la  grammaire  grecque  et  latine,  tome  II,  i"  partie.  —  177.  Hymne  à 
Cérès,  p.  p.  BiicHELER.  —  178.  Q^  Cicéron,  Rdiquiac  éd.  Bûcheler.  —  179. 
Udall,  Royster  Doister,  p.  p.  Arber.  —  180.  Wiskowatoff,  Jacob  Wimpheling. 
—  Variétés  :  la  Géographie  de  la  Chanson  de  Roland. 

175.  —  Mongolische  Maerchen.  Die  neun  Nachtrags-Erzaehiungen  des  Siddhi-Kûr, 
etc.,  von  Prof.  B.  Julg.  Innsbruck,  Wagner,  1868.  —  Prix:  4  tr. 

Die  ^iechische  Heldensage  im  Wiederschein  bei  den  Mongolen,  von 

Prof.  B.  JÛLG  (Mém.  lu  au  congrès  philol.  de  Wùrzbourg  en  1868). 

Altgriechische  Maerchen  in  der  Odyssée.  Ein  Beitrag  zur  vergl.  Mythologie, 
von  D'  Georg  Gerland.  Magdeburg,  Creutz,  1869.  —  Prix  :  i  fr.  55. 

Ces  trois  publications,  dont  la  première  a  été  l'objet  d'un  article  récent  dans 
la  Revues  se  rattachent  l'une  à  l'autre  de  manière  à  nous  permettre  de  les 
grouper  ensemble  pour  en  parler  au  point  de  vue  des  études  de  littérature  com- 
parée auxquelles  elles  appartiennent  ou  peuvent  serv'ir. 

Indépendamment  de  l'utilité  des  publications  de  M.  Jûlg  pour  les  études  mon- 
goles, toutes  les  personnes  qui  s'occupent  de  littérature  populaire  sauront  gré  à 
ce  savant  de  les  avoir  mises  à  même  de  lire  ces  textes  intéressants.  On  sait 
quelle  est  la  valeur  des  versions  mongoles  pour  l'histoire  de  certains  recueils 
indiens,  dont  la  forme  primitive  est  inconnue  ou  incomplètement  connue.  Il  est 
positif,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  Benfey*,  que  le  Siddhi-Kùr  est  la  version 
la  plus  importante  du  Vetâlapantchavinçati,  et  M.  Benfey  lui-même  et  M.  Schief- 
ner  J  ont  déjà  constaté  la  valeur  de  VArdji  Bordji  pour  le  Sinhâsana-dvâîrinçati. 
Peut-être  la  littérature  mongole  pourrait-elle  aider  à  combler  plusieurs  lacunes 
dans  l'histoire  de  certains  livres  populaires  qui  ont  joui  d'un  grand  succès  en 
Orient  et  en  Occident.  A-t-il  existé  une  rédaction  mongole  du  Pantschatantra? 
M.  Benfey,  qui  fait  cette  demande 4,  nous  offre?  quelques  données  qui  rendent 
une  réponse  affirmative  assez  vraisemblable.  Dans  VArdji  Bordji  nous  trouvons 
un  conte  (p.  110  suiv.)  qui  est  justement  celui  qui  sert  de  cadre  au  Çukasaptati. 
On  sait  que  les  manuscrits  indiens  de  ce  livre  aujourd'hui  connus  sont  assez 
récents  et  en  mauvais  état,  et  qu'ils  offrent  un  texte  fort  abrégé.  Une  rédaction 
mongole  pourrait  donc  être  d'une  grande  utilité.   On  ne  connaît  aucun  texte 


1.  1869,  t.  I,  art.  105. 

2.  Mélanges  asialiquts  tirés  du  bulletin  de  l'Acad.  des  sciences  de  Saint-Pétersbourg,  III 
170  suiv.;  Pantschat.,  I,  p.  21.  ' 

3.  Mélanges  asiatiques,  etc.,  III,  p.  204  suiv. 

4.  Pantschat.,  I,  p.  509  suiv. 

5.  Mélanges  asiatiques,  etc.,  III,  p.  200  suiv. 

viU  , , 


102  REVUE  CRITIQUE 

indien  du  livre  de  Sindibâd,  dont  cependant  l'origine  indienne  n'est  pas  contes- 
table. Toutes  les  rédactions  connues  en  Orient  et  en  Occident  {Sept  sages)  pro- 
viennent d'une  ancienne  rédaction  arabe,  comme  nous  l'avons  démontré  dans  un 
récent  travail.  Un  texte  mongol  de  ce  livre  serait  encore  plus  important  que 
pour  le  Panîschaîantra  et  le  Çukasapîaîi.  Nous  recommandons  ces  recherches  aux 
personnes  qui  s'occupent  d'études  mongoles  et  particulièrement  à  M.  Jùlg  qui  a 
si  bien  commencé. 

Rien  n'est  plus  curieux  que  d'étudier  les  contes  populaires  dans  ces  régions  loin- 
taines où  on  les  voit  converger  des  points  les  plus  éloignés  et  des  races  les  plus 
différentes.  Certains  changements,  qu'on  a  l'habitude  de  rencontrer  dans  les  ver- 
sions de  textes  indiens  faites  par  des  musulmans ,  ne  se  rencontrent  naturelle- 
ment pas  ici  où  le  bouddhisme  est  encore  chez  lui  ;  mais  si  l'idée  religieuse  reste 
la  même,  la  liberté  dans  le  remaniement  du  matériel  narratif  n'en  est  pas  moindre, 
et  beaucoup  de  contes  qu'on  trouve  dans  ces  textes  sont  bien  différents  des 
textes  indiens  dont  ils  dérivent.  Toutefois,  en  dehors  du  style  et  des  noms,  pour 
ce  qui  concerne  la  narration,  l'élément  exclusivement  mongol  se  réduit  à  très-peu 
de  chose,  et  la  plus  grande  partie  de  ce  qui  est  raconté  dans  le  Siddhi-Kûr  et  dans 
VArdji  Bordji  peut  être  considéré  comme  importée  chez  les  Mongols,  soit  d'Orient 
soit  d'Occident.  Il  serait  trop  long  d'examiner  ici  un  à  un  les  contes  de  ces  deux 
textes  et  surtout  trop  difficile  d^iouter  quelque  chose  d'important  à  ce  qui  en  a 
été  dit  par  M.  Benfey  dans  plusieurs  endroits  de  son  introduction  au  Panîcha- 
tanîra  et  par  M.  Liebrecht,  dans  ses  savantes  recensions'.  Nous  avons  déjà 
parlé  dans  un  autre  article  *  du  conte  de  VArdji  Bordji  que  M.  Jùlg  publia  il  y  a 
deux  ans  comme  spécimen,  et  de  sa  diffusion  dans  les  littératures  d'Europe  et 
d'Orient.  Ici  nous  en  trouvons  parmi  ceux  du  Siddi-Kûr  un  bien  connu  aussi  qui 
fait  le  sujet  d'un  fabliau  français  5  amplement  illustré  par  M.  Liebrecht4  et  qui 
dans  sa  forme  mongole  attire  notre  attention  à  cause  du  nom  Suria-Bagatiir  du 
héros  principal.  Bagaîur  est  un  mot  mongol  qui  veut  dire  héros,  et  s'il  est  vrai, 
comme  le  soutient  M.  Schiefner,  que  ce  mot  peut  être  d'origine  indienne,  dans 
la  double  signification  du  composé  indien  bhagadhara,  M.  Benfey  5  aurait  trouvé 
une  explication  très-ingénieuse  du  sens  primitif  de  ce  conte.  Toutefois  quoique 
la  composition  bhagadhara  soit  tout  à  fait  régulière  en  sanscrit,  ce  composé 
n'existe  pas  du  tout  dans  cette  langue,  et  il  est  assez  singulier  que  les  Mongols 
se  soient  servi  d'une  langue  étrangère  pour  composer  un  mot  aussi  essentiel  dans 
les  traditions  nationales.  Il  ne  faut  pas  oublier  du  reste  que  ce  mot  se  retrouve 
dans  des  langues  turaniennes,  tout  à  fait  exemptes  d'influence  indienne  6.  Quoi 
qu'il  en  soit,  ce  qui  au  point  de  vue  de  la  littérature  comparée  est  très-remar- 
quable, c'est  que  le  même  mot  existe  en  russe  avec  la  même  signification,  et 

1.  Heidclberger  Jahrbùcher,  i866,  p.  865  suiv.,  954  suiv.  ;  1868,  p.  817  suiv. 

2.  Rev.  crit.,  1867,  t.  I,  art.  60. 

3.  Barbazan  et  Méon,  IV,  287-29^. 

4.  Orient  and  Occident,  I,  1 16-121. 

5.  Orient  und  Occident,  I,  136-138. 

6.  Mon  collègue  M.  Teza  m'indique  pogûtur,  bogatnr,  poater,  bâter  de  la  langue  vogoule; 
madur,  mater  de  roctiaque-somoïde,  et  le  hongrois  bator,  hardi. 


d'histoire  et  de  littérature.  i6^ 

dans  les  contes,  légendes  et  traditions  russes,  on  le  trouve  usité,  comme  en 
mongol,  soit  isolé  soit  appliqué  en  guise  de  titre  à  des  noms  propres  Ilia-bogatyr, 
Buria-bogatyr,  etc.  Quoique  entre  les  pays  slaves  et  les  autres  pays  de  l'Europe 
il  y  ait  eu  échange  de  contes  populaires,  ce  mot  bogatyr  n'a  jamais  franchi  la 
frontière  russe  et  est  resté  étranger  à  toutes  les  langues  germaniques  et  latines. 
Ce  fait  n'est  pas  isolé,  mais  il  se  trouve  d'accord  avec  un  autre  fait  digne  d'atten- 
tion, savoir  que  bon  nombre  de  contes  et  légendes  héroïques  (byliny)  russes 
trouvent  leurs  semblables  beaucoup  plus  en  Asie,  chez  des  peuples  de  race  tartare 
ou  arienne  qu'en  Europe.  On  peut  en  voir  des  preuves  évidentes  dans  une  suite 
d'articles  intéressants  publiés  par  M.  Stasow,  dans  le  Wlestnik  EwropyK 

On  est  frappé  de  rencontrer  dans  le  Siddhi-Kùr  et  dans  VArdji  Bordji  plus  d'un 
conte  bien  connu  en  Europe,  soit  par  les  littératures  du  moyen-âge,  soit  par 
la  tradition  populaire  vivante,  mais  ce  qui  frappe  davantage,  c'est  d'y  trouver 
des  contes  de  l'antiquité  classique,  tels  que  celui  des  oreilles  de  Midas  (Siddhi- 
Kùr,  n"  22)  et  celui  des  grues  à'ihykos  {Siddhi-Kùr,  n°  15).  On  sait  que  ces 
deux  contes  se  retrouvent  chez  plusieurs  peuples  en  Europe.  Comment  sont-ils 
passés  chez  les  Mongols  ?  Faut-il  songer  aux  contacts  des  Mongols  avec  l'Europe 
lors  de  l'invasion  ?  Faut-il  songer  plutôt,  ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  Schiefher*, 
aux  rapports  que  permettaient  les  centres  commerciaux  de  Bjarmien  et  de  Now- 
gorod  ?  Peut-être  a-t-il  existé  ou  existe-t-i!  des  versions  russes  de  ces  deux  contes; 
en  ce  moment  je  ne  me  souviens  pas  de  les  avoir  rencontrées  dans  les  recueils 
dont  je  dispose?. 

Mais  dans  ce  genre  on  trouve  quelque  chose  de  bien  plus  singulier  encore 
dans  le  petit  mémoire  lu  par  M.  Jùlg,  au  congrès  philologique  de  Wûrzburg, 
dans  lequel  il  compare  les  récits  héroïques  des  Mongols,  relatifs  à  leur  héros 
national.  Cesser  Khan,  et  les  légendes  héroïques  grecques,  notamment  celles  de 
l'Odyssée.  En  effet  le  Siddki-Kùr  et  VArdji-Bordji,  étant  eux-mêmes  des  livres 
d'origine  étrangère  chez  les  Mongols,  il  est  moins  étonnant  d'y  trouver  des  élé- 
ments de  narration  de  provenance  étrangère.  Mais  la  légende  de  Cesser  Khan 
est  tout  à  fait  nationale,  et  à  ce  point  de  vue  les  rapprochements  que  M.  Julg  y 

1.  Proishojdcnie  russkih  bylin;  Wustn.  Evtr.  1868  (Janv.-Juiil.). 

2.  Dans  sa  préface  au  premier  volume  du  recueil  de  M.  Radloff  :  Proben  dtr  Voklsliu 
teratur  der  tùrkischen  Stamme  Sûd-Siberiens,  p.  xv  suiv. 

3.  Je  venais  d'écrire  ces  lignes  lorsque  je  reçus  le  premier  volume  des  contes  populaires 
de  la  Russie  méridionale,  récemment  publié  par  M.  Rudchenko  (Narodnyia  iujnorusskiia 
skazki,  Kiew,  1869).  En  feuilletant  je  tombe  justement  sur  le  n*  79  (p.  207  suiv.)  qui 
répond  au  conte  des  grues  d'Ibykos.  En  voici  le  résumé  :  Deux  paysans  revenaient  de 
leur  travail  ;  arrivés  dans  un  endroit  désert,  l'un  d'eux  voulut  tuer  son  compagnon  pour 
s'emparer  de  l'argent  qu'il  avait  gagné.  Celui-ci  demanda  la  permission  de  faire  ses  adieux 
ayant  de  mourir,  et  s'adressant  à  une  plante  qui  s'appela  en  russe  pérékatipole  (les  bota- 
nistes l'appellent  ^\/7io^Aj70 ,  lui  dit  :  adieu,  pèrckatipok;  regarde  bien,  tu  seras  mon 
témoin.  Après  avoir  tué  et  volé  son  compagnon,  l'assassin  rentra  dans  sop  village,  et  se 
maria.  Un  jour  en  passant  avec  sa  femme  à  travers  les  champs,  à  la  vue  de  la  plante  qui 
lui  rappelait  les  dernières  paroles  de  sa  victime,  il  ne  put  s'empêcher  de  sourire.  Sa  femme 
s'étant  aperçue  de  cela,  voulut  en  savoir  la  raison,  et  elle  fit  tant,  qu'il  finit  par  lui  confier 
son  secret.  Tant  que  la  paix  régna  dans  la  maison  la  secret  fut  gardé;  mais  un  jour  le 
mari  s'étant  avisé  de  maltraiter  sa  femme  et  de  la  battre,  celle-ci  révéla  tout  à  son  père 
et  l'assassin  fut  envoyé  en  Sibérie.  [Add.  Rev.  Crit.  1869,  t.  I,  p.  408-9  ] 


164  REVUE    CRITIQUE 

trouve  à  faire  sont  d'autant  plus  surprenants.  Ces  rapprochements  ne  sont  pas, 
à  vrai  dire,  tout  à  fait  nouveaux.  Les  coïncidences  les  plus  saillantes  avaient  déjà 
été  notées  par  M.  Schott'  ;  mais  M.  Jûlg  a  cru  en  reconnaître  bien  davantage. 
Je  ne  sais  pas  si  en  ces  choses-là  mon  exigence  est  exagérée,  mais  il  me  semble 
que  M.  Jûlg  s'est  trop  souvent  contenté  d'une  ressemblance  assez  vague  et 
éloignée.  Ainsi,  p.  ex.,  la  descente  aux  enfers  de  Cesser  et  la  fameuse  scène  de 
la  v£xuta  ne  sont  pas,  à  mon  avis,  très-proches  parentes.  Du  reste  on  a  depuis 
longtemps  reconnu  que  l'Odyssée  présente  des  narrations  d'un  caractère  populaire 
et  qui  ne  sont  pas  exclusivement  propres  à  la  race  grecque.  Le  travail  de  Grimmsur 
la  fable  de  Polyphème  (dont  il  examine,  entre  autres,  une  forme  tartare)  en  est 
une  preuve  des  plus  convaincantes.  Aussi  plusieurs  faits  de  l'Odyssée  que 
M.  Julg  retrouve  dans  le  Cesser  Khan  se  retrouvent  également  ailleurs.  Par 
exemple,  un  des  rapprochements  les  plus  frappants,  et  qui  arrache  à  M.  Jùlg  des 
expressions  d'étonnement,  est  celui  qu'il  fait  entre  les  deux  aventures  du  fleuve 
enchanté  et  des  rochers  mouvants  dans  le  Cesser  Khan  et  celles  des  Sirènes  et 
des  nxayxxaî  OU  SutxuXYiyàôsç  dans  l'Odyssée.  Mais  l'aventure  du  fleuve  enchanté 
rappelle  plutôt  les  Nixen  des  Allemands  et  la  Wodna  jena  des  Slaves ,  que  les 
Sirènes  toujours  placées  par  les  anciens  au  milieu  de  la  mer  dans  des  îles.  Quant 
aux  rochers  mouvants  le  même  fait  se  rencontre  dans  les  légendes  et  chants 
populaires  russes,  et  la  forme  mongole  est  bien  plus  proche  de  la  forme  russe 
que  de  la  grecque,  car  dans  le  Cesser  Khan  les  deux  rochers  mouvants  ne  sont 
pas  en  mer,  mais  sur  terre,  ainsi  que  dans  les  contes  russes,  et  comme  dans 
ceux-ci,  le  héros  passe  à  travers  et  échappe  à  leur  étreinte  au  moyen  d'un  cheval 
enchanté  2.  —  Si  dans  la  recherche  des  points  de  contact  entre  les  légendes 
héroïques  grecque  et  mongole,  M.  Jùlg  a  un  peu  trop  cédé  au  désir  de  les  mul- 
tiplier, il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  y  a  entre  les  deux  légendes  plusieurs 
ressemblances  assez  évidentes.  Quoiqu'il  ne  se  soit  pas  occupé  de  les  expliquer, 
M.  Jûlg  a  très-bien  fait  de  les  signaler  à  l'attention  des  savants  réunis  à 
Wûrzbourg. 

M.  Gerland,  qui  connaît  et  cite  avec  éloge  les  travaux  de  M.  Jûlg,  n'a  pas 
voulu  se  borner  à  de  simples  rapprochements  dans  son  opuscule  de  $2  pages 
dans  lequel  il  nous  donne  un  spécimen  de  ses  recherches  de  mythologie  comparée 
sur  les  narrations  populaires  contenues  dans  l'Odyssée.  M.  Gerland  commence 
par  rapprocher  l'aventure  d'Ulysse  chez  les  Phéaciens  de  celle  de  Saktideva, 
chez  les  Vidyâdharas,  qui  se  trouve  dans  le  recueil  de  Somadeva.  Il  exclut  la 
supposition  d'un  emprunt  de  ce  conte  d'un  peuple  à  l'autre,  et  pour  cela  il  fait 
observer  que  le  même  conte  se  retrouve  en  dehors  des  Grecs  et  des  Indiens, 
chez  d'autres  peuples  bien  différents.  Ici  commence  une  série  de  divagations  qui 
étonnent,  agacent  et  torturent  le  lecteur  traîné  dans  des  pérégrinations  étranges. 
M.  Gerland  croit  pouvoir  rapprocher  de  l'aventure  des  Phéaciens  tous  les  contes 

1.  Die  Sage  von  Gestr-Chan.  Abhdlgn.  d.  Berl.  Akad.  d.  Wiss.,  1851,  p.  279  suiv. 

2.  Rybnikow,  Piesni,  p.  296;  Warenzow,  Sbornik  duhownih  stihow,  p.  ç)'j  ;  Lietopis 
russkoi  literatury  i  drewnosti,  II,  133,  137;  Afanasiew,  Narodnyia  russkiia  skazki,  VIII, 
p.  381  suiv. 


d'histoire  et  de  littérature.  165 

relatifs  à  des  pays  où  régnent  des  femmes  qui  attirent  des  hommes.  Il  commence 
par  parler  des  contes  polynésiens,  puis  des  Amazones,  puis  des  Walkyries; 
l'enlèvement  de  Hilda  le  mène  à  parler  des  contes  du  Fidèle  serviteur,  des  deux 
amis  fidèles,  Oreste  et  Pylade,  Thésée  et  Pirithoùs,  etc.,  etc.  Ce  n'est  qu'à  la 
page  5  3  qu'il  revient  à  l'Odyssée  pour  se  livrer  à  d'autres  divagations  du  même 
genre  à  propos  de  Circé,  de  Calypso,  de  la  vcxvîa.  En  général,  dans  les  rappro- 
chements qu'il  fait  entre  les  contes  de  plusieurs  peuples.  M.  Gerland  exclut  l'idée 
d'un  emprunt  d'un  peuple  à  l'autre;  il  admet  plutôt  une  communauté  d'origine 
qui  d'après  lui  peut  être  antérieure  même  aux  plus  grandes  divisions  des  groupes 
ethniques,  et  expliquer  ainsi  p.  ex.  les  rapports  entre  les  traditions  ar}'ennes  et 
celles  des  peuples  polynésiens.  Les  contes  de  l'Odyssée  qu'il  a  examinés  pro- 
viennent, d'après  lui,  de  mythes  primitifs,  et  dans  les  trois  dernières  pages  de 
son  opuscule  il  nous  apprend  tout  à  coup  que  les  aventures  d'Ulysse  chez  les 
Phéaciens,  chez  Circé,  chez  Calypso  aussi  bien  que  la  vsx-jta  ne  sont  pas  indé- 
pendantes l'une  de  l'autre ,  mais  constituent  un  cycle  de  mythes  solaires ,  car 
Ulysse  n'est  originairement  autre  chose  qu'une  personnification  du  soleil.  Le 
rapport  entre  cette  explication  et  les  comparaisons  qui  la  précèdent  est  nul.  Le 
procédé  logique  ou  plutôt  fantastique  qui  mène  M.  Gerland  à  ces  conclusions 
n'a  pas  plus  de  consistance  que  celui  qui  conduisait  Croesius  à  trouver  la  prise  de 
Jéricho  dans  l'Iliade.  Dans  son  travail  sur  Polyphème  Grimm  est  arrivé  aussi  à 
découvrir  une  signification  solaire  dans  les  cyclopes,  mais  par  un  procédé  de 
comparaison  et  d'induction  scientifique  plein  de  finesse  et  de  circonspection. 
M.  Gerland,  pour  nous  faire  admettre  de  ses  conclusions,  aurait  dû  suivre  cet 
exemple  de  la  bonne  méthode,  de  la  seule  qui  puisse  donner  à  la  mythologie 
comparée  le  caractère  sérieux  et  solide  de  la  science.  Mais  on  aime  à  s'éman- 
ciper ;  on  se  laisse  aller  à  sa  fantaisie,  et  pour  plusieurs  personnes  la  mythologie 
comparée  ressemble  trop  à  un  jeu  facile  dans  lequel  on  peut  se  permettre  les 
combinaisons  les  plus  hasardées.  Il  est  vraiment  à  craindre,  si  on  continue,  que 
la  mythologie  ne  devienne  elle-même  un  mythe. 

D.  Comparetti. 


176.  —  Studien  zur  griechischen  UBd  lateinischen  Grammatik,  heraus- 
gegeben  von  Georg  CuRTius.  Zweiter  Band.  Erstes  Heft.  Leipzig,  Hirzel,  1869,  In-8', 
200  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Ces  études  de  grammaire  grecque  et  latine  forment  le  premier  cahier  du 
second  volume  de  la  collection  publiée  sous  la  direction  de  M.  G.  Curtius,  dont 
il  a  déjà  été  rendu  compte  (voir  la  Revue  critique,  1 868,  art.  2 1 1  ;  1 869,  art.  1 2  5). 

De  dialecte  Arcadica  scripsit  Gelbke.  —  M.  Gelbke  traite  de  la  phonétique  et 
des  formes  du  dialecte  Arcadien,  principalement  d'après  l'inscription  de  Tegée 
publiée  par  Bergk  avec  commentaire,  en  tête  d'un  programme  de  l'Université  de 
Halle  (1860-1 861).  Il  croit  pouvoir  conclure  de  ces  restes,  bien  peu  nombreux, 
du  dialecte  Arcadien,  que  ce  dialecte  formait  avec  le  Lesbien  l'une  des  branches 
des  dialectes  éoliens,  dont  l'autre  était  formée  par  le  Thessalien,  le  Béotien  et 
peut-être  l'Eléen. 


l66  REVUE   CRITIQUE 

Quelques  étymologies  de  M.  Clemm  (en  allemand).  —  M.  Clemm  traite  de 
l'étymologie  du  mot  ix^p  qu'il  rapporte  à  la  racine  sanscrite  sik'  avec  G.  Curtius, 
de  celle  du  mot  «wto;  qu'il  rapporte  à  la  racine  sanscrite  va,  et  enfin  de  celle  de 
sarculum  qu'il  rapporte  à  la  racine  latine  sarp  pour  scarp. 

Les  formes  du  futur  et  de  l'aoriste  composés  en  is  dans  les  poèmes  d'Homère  par 
M.  A.  Leskien  (en  allemand).  —  M.  Leskien  se  propose  d'expliquer  la  présence 
du  double  or  dans  un  grand  nombre  d'aoristes  et  de  futurs  composés  (c'est-à-dire 
premiers,  dans  notre  langage  grammatical  usuel)  qui  se  rencontrent  dans  les 
poésies  d'Homère.  M.  L.  ne  refuse  pas,  et,  ce  semble,  avec  raison,  d'admettre 
que  la  versification  a  exercé  une  grande  influence  sur  la  langue  des  poésies 
homériques.  Ainsi  on  ne  peut  expliquer  étymologiquement  le  datif  vcttéaci  de 

v£[J.sai;,  la   diphthongue  ti  dans   \i.dlmi,  eD.âxwoç,  S-£iX£ÎXia,  eîavo;,  slaptvo;,  elpeffiy). 

Homère  emploie  constamment  imiçécioz  quand  la  dernière  syllabe  est  longue, 
àmpeiaiot;,  quand  elle  est  brève  ou  apocopée.  'Aop  a  l'a  bref  quand  il  est  de  deux 
syllabes;  il  a  l'a  long,  quand  il  est  de  trois;  Pu  est  bref  dans  xuavoç,  xyavôTrpwpo;, 

xuavwTrtç,  long  dans  xuàvco;,  xuavouEÇa,  xuavôireirXoç,  xuavo^^atTr,;.    L'a  CSt  long  dans 

ôuo-aéoç,  bref  dans  Suaayjwv  (Od.,  V,  99);  on  trouve  û-^iepeçT^ç,  mais  au  génitif 
o^-op2?éoç.  C'est  ainsi  que  l't  est  long  dans  £7ii6ûou(n,  avëoaia,  èm-zéiloi  et  l'a  dans 
la  première  syllabe  de  àôàvaToç,  àxàiJiavToç,  àTtovéeaOai.  On  ne  peut  rapporter  aux 
exigences  du  mètre  la  présence  du  double  <t  dans  les  futurs  et  les  aoristes  homé- 
riques. L'autre  forme  est  employée  concurremment  et  le  mètre  la  permet  souvent 
aussi  bien.  M.  L.  pense  que  le  premier  g  vient  de  la  consonne  qui  termine  la 
racine  ou  le  radical.  Il  rassemble  tous  les  verbes  qui  présentent  cette  particularité, 
Un  grand  nombre  sont  en  W-  D'autres  ont  une  racine  en  ;  comme  'évw[i.i,  d'autres 
sont  formés  avec  un  suffixe  en  e;,  comme  -izUoi,  d'autres  avec  un  suffixe  en  aç, 
comme  les  verbes  en  avvu[j.i,  d'autres  avec  un  radical  terminé  par  une  dentale 
comme  xoçCacw.  M.  L.  traite  en  particulier  de  tous  ces  verbes  et  essaie  d'éta- 
blir que  ces  formes  en  doubles  as  sont  un  reste  de  l'ancienne  langue  conservé 
avec  tant  d'autres  dans  le  dialecte  épique.  Cette  thèse  a  une  certaine  vraisem- 
blance. M.  L.  n'aurait  pas  dû  citer  la  forme  £ûpr,(7i;  comme  aussi  bien  autorisée 
que  £ûpYi[xa.  La  forme  classique  est  £ypEfftç;  la  forme  Eupriatç  appartient  à  la  langue 
de  la  décadence;  voir  Lobeck  dans  son  commentaire  sur  Phrynichi  eclogae  nomi- 
num  et  verborum  Atticorum  (Lipsiae,  1820),  p.  446.  Inversement  e\içe\La  était  de 
la  langue  de  la  décadence,  ainsi  que  tous  les  mots  en  (xa  où  ce  suffixe  est  précédé 
de  la  voyelle  brève,  comme  U\La,  àvàOspLa  et  autres.  Je  ne  puis  accorder  à  M.  L. 
que  de  ce  qu'on  rencontre  dans  l'Iliade,  58  formes  d'aoriste  avec  le  double  a  et 
42  avec  le  a  simple,  tandis  que  dans  l'Odyssée  on  en  trouve  $4  avec  le  double 
contre  5  3  avec  le  simple,  on  puisse  conclure  que  la  langue  de  l'Iliade  est  plus 
ancienne  que  celle  de  l'Odyssée.  En  général  la  statistique  ne  prouve  rien  en 
matière  de  langage.  Une  forme,  une  locution,  un  mot,  peuvent  être  très-rares 
dans  un  monument  littéraire  donné  et  n'en  avoir  pas  moins  été  très-usités. 
Quand  on  se  rappelle  que  le  mot  tsttiÇ  ne  se  trouve  qu'une  fois  dans  tout  Homère, 
on  renonce  à  ce  genre  de  raisonnements. 
De  la  formation  du  subjonctif  dans  Homère  par  H.  Stier.  —  Bekker  a  posé  en 


d'histoire  et  de  littérature.  167 

principe,  que  dans  Homère,  au  subjonctif,  l'=>  quand  le  mètre  demande  une 
longue,  se  change  en  zi  devant  0  et  w,  en  r,  devant  r,.  M.  Stier  pense  que  l'a  du 
radical  ne  peut  dans  aucun  cas  s'allonger  en  et  et  qu'une  forme  comme  TtcçicTiCwai 
est  inadmissible.  Mais  il  admet  que  l's  peut  devenir  aussi  bien  v.  que  r,.  Encore 
M.  G.  Curtius  pense-t-il  que  r,  est  plus  autorisé  que  st  comme  allongement  de 

l'c. 

Observations  diverses  par  W.  Roscher.  — Les  plus  importantes,  rédigées  en  latin, 
sont  relatives  à  l'aspiration  des  consonnes  dans  la  langue  latine.  M.  Roscher 
rassemble  tous  les  exemples  de  cette  aspiration  avec  les  autorités  à  l'appui; 
d'abord  ceux  que  cite  Cicéron  dans  le  passage  célèbre  de  VOrator  (48,  160),  à 
savoir  pulcher  (les  grammairiens  n'étaient  pas  d'accord),  Cethegus,  Carthago, 
triumphus,  archivius,  Matho,  Oîho,  sepulchrum  (désaccord  sur  ce  mot),  chorona 
(l'aspiration  en  général  désapprouvée).  Il  cite  ensuite  l'épigramme  de  Catulle  84, 
le  texte  de  Quintilien  i,  5,  19,  celui  d'AuIu-Gelle  2,  3,  3,  enfin  un  certain 
nombre  de  formes  de  noms  propres,  principalement,  que  fournissent  les  inscrip- 
tions et  les  manuscrits;  remzTc^uons  en  ^avùculier  ahenum,  vehemens,  incohare, 
anchora,  cachinnare,  cohors,  îhema,  lympha,  sidphur.  Cette  aspiration  s'était  pro- 
duite dans  le  langage  populaire  et  introduite  dans  le  langage  des  gens  cultivés 
au  temps  de  Cicéron  qui  l'atteste  dans  le  passage  cité  plus  haut.  M.  R.  croit  que 
Vf  dans  chef  de  capuî ,  seifdesepes,  fresaie  de  praesaga  atteste  une  aspiration 
populaire  du  p  dans  les  mots  latins.  Mais  Vf  au  commencement  d'un  nv)t  ne  peut 
être  traitée  comme  Vf  finale.  Vf  se  trouve  à  la  fin  d'un  certain  nombre  de  mots, 
comme  soif  de  sitis,  sans  qu'on  sache  encore  pourquoi.  Un  exemple  remarquable 
c'est  le  terme  grammatical  de  mœuf  de  modus  qui  s'était  introduit  dans  l'usage 
dès  la  fin  du  xiv^  siècle. 

Observations  diverses  par  G.  Curtius.  —  M.  G.  Curtius  traite  :  1°  de  la  forma- 
tion du  nominatif  singulier  en  grec;  il  cherche  en  particulier  à  expliquer  com- 
ment ,u.r,Tr,p,  ôatjjitùv,  Ys'pwv  ont  pu  venir  de  ti^ixss;,  Sai|iov;,  yzço'/z;,  comment  une 
consonne  séparée  d'une  voyelle  par  une  ou  plusieurs  consonnes  a  pu,  en  dispa- 
raissant, allonger  cette  voyelle;  2°  de  l'étymologie  de  âpicr-rov  (déjeûner)  dont  la 
première  syllabe  est  toujours  longue  chez  les  .Mtiques  et  doit  l'être  aussi  dans 
Homère;  il  rattache  ce  mot  à  la  même  racine  que  aypiov,  3"*  M.  Curtius  défend 
contre  les  objections  du  D'  G.  Schulze  la  théorie  qui  dérive  le  ô  et  le  r  en  grec 
d'un  ;  primitif. 

Sur  £w;  et  Tî'w;  par  M.  Delbriick.  —  M.  Delbrùck  pense  que  ces  deux  mots 
dérivent  de  êFo;  et  téFo?  aussi  bien  que  rjo;  et  tï-o;,  qui  doivent  être  lus  dans 
Homère  à  la  place  de  Ew;  téw;,  quand  ces  mots  forment  des  trochées. 

Charles  Thurot. 

177.  —  Hymnus  Cereris  Homericus  edidit  Franciscus  Bûcheler.  Adjectum  est 
manuscripti  simulacrum.  Lipsias,  B.  G.  Teubner,  1869.  In-8*,  48  pages  et  6  planches 
lithographiées.  —  Prix:  3  fr.  25. 

La  découverte  faite  vers  la  fin  du  dernier  siècle  par  Matthaei  de  l'hymne  à 
Cérès  est  certainement  l'une  des  plus  importantes  depuis  le  seizième  siècle.  Le 


l68  REVUE  CRITIQUE 

manuscrit,  arrivé  probablement  du  mont  Athos  à  Moscou,  est  aujourd'hui  mutilé. 
Il  romprend  une  partie  de  l'Iliade  depuis  5,  435,  et  plusieurs  des  hymnes  de 
notre  collection  actuelle.  Ce  fut  Ruhnken  qui  publia  le  premier  l'hymne  à  Cérès 
dont  M.  Bùcheler  nous  donne  aujourd'hui  une  nouvelle  édition,  accompagnée 
d'un  facsimile  de  la  partie  du  manuscrit  qui  le  contient  et  qui  se  trouve  aujour- 
d'hui à  Leyde.  Le  travail  de  M.  B.  se  compose  d'une  courte  préface  destinée  à 
démontrer  que  le  manuscrit  de  Leyde  est  la  suite  du  Cod.  Mosq.  I  dont  s'est 
servi  Heyne,  et  de  l'édition  du  texte  accompagné  d'un  double  commentaire,  l'un 
critique,  l'autre  indiquant  brièvement  tous  les  passages  des  poèmes  homériques 
ou  hésiodiques  qui  présentent  quelque  analogie  avec  le  texte  de  notre  hymne. 
Ce  second  commentaire  est  précieux  surtout  pour  déterminer  l'âge  de  certaines 
parties  dont  se  compose  le  poème.  Il  est  évident  en  effet  qu'à  différentes  épo- 
ques (M.  Bùcheler  croit  que  cela  eut  lieu  jusqu'au  dixième  siècle  après  notre 
ère)  on  a  fait  des  interpolations  dans  cet  hymne  qui  est  un  des  plus  curieux 
monuments  de  la  poésie  religieuse  des  Grecs.  Nous  ne  saurions  que  recomman- 
der le  travail  de  M.  B.,  qui  se  distingue  autant  par  la  netteté  que  par  la  sûreté 
de  la  méthode,  et  qui  marquera  un  pas  de  plus  dans  l'étude  des  hymnes  homé- 
riques poursuivie  vivement  dans  ces  dernières  années. 

Emile  Heitz. 


178.  —  QuiNTi  CicERONis  rellquisB  recognovit  Franciscus  Bùcheler.   Lipsis, 
Teubner,  1869.  In  8*,  70  p.  —  Prix  :  2  fr.  15. 

L'idée  de  recueillir  ce  qui  nous  reste  des  œuvres  du  frère  de  Cicéron  a  été 
déjà  exécutée  en  1791  par  Schwarz  et  Hummel  '.  La  plus  grande  partie  de  ces 
reliquiae  nous  a  été  conservée  parmi  les  œuvres  de  Cicéron  :  le  traité  sur  la 
brigue  des  fonctions  publiques,  qui  est  un  opuscule  à  part,  et  quatre  lettres  de 
la  correspondance  de  son  frère,  voilà  le  plus  net  de  ce  qui  nous  en  reste.  Les 
autres  reliquiae  contenus  dans  le  petit  volume  que  nous  annonçons  aujourd'hui 
sont  vingt  vers  d'un  poème  astronomique  qui  se  trouvent  dans  les  manuscrits 
d'Ausone,  quatre  titres  de  pièces  de  théâtre  et  le  titre  d'un  poème  épique.  C'est 
peu  de  chose,  mais  il  valait  la  peine  de  faire  de  ces  morceaux  une  étude  et  une 
édition  à  part. 

La  préface  que  M.  Bùcheler  a  mise  en  tête  de  son  édition  (p.  1-24)  le  mon- 
tre bien.  Elle  résume  tout  ce  qu'on  sait  sur  la  vie  de  l'auteur  et  sur  son  activité 
littéraire.  Elle  donne  des  renseignements  sur  les  manuscrits,  sur  l'époque  où 
chacun  de  ces  morceaux  a  été  rédigé  et  en  apprécie  la  valeur.  Il  s'en  faut  de 
beaucoup,  comme  le  fait  observer  M.  B.,  que  Quintus  puisse  soutenir,  sous  le 
rapport  du  talent  et  même  du  style,  la  comparaison  avec  son  frère.  Mais  ce  qui 
nous  reste  de  lui  nous  donne  une  image  assez  nette  du  degré  de  culture  que 
devait  posséder  de  son  temps  la  moyenne  des  Romains  quelque  peu  lettrés,  de 
ceux  qui  composaient  la  société  la  plus  intelligente. 

I .  Q^  Ciceronis  Commentariolum  de  petitione  consulatus  ad  M.  Tullium  fratrem,  accédant 
aliae  qaaedam  Quinti  scriptorum  reliquiae,  cum  animadvcrsionibus  Ch.  Gli  Schwarzii  siiisque 
nonnullis  éd.  Bh.  F.  Hummel.  Nuremberg,  1791,  in-8*. 


d'histoire  et  de  littérature.  169 

M.  B.  veut  que  le  traité  qu'on  a  appelé  jusqu'ici  de  petiîione  consulatus  prenne 
désormais  le  titre  plus  général  de  commentariolum  petitionis,  parce  que  les  der- 
niers mots  de  l'auteur  semblent  indiquer  un  but  moins  spécial  que  celui  de  ren- 
seigner son  frère  sur  la  manière  de  briguer  le  consulat.  Quant  à  l'époque  de  sa 
rédaction,  il  la  place,  contrairement  à  l'opinion  la  plus  répandue,  en  l'an  690,  et 
il  admet  que  l'auteur  devait  être  à  Rome  au  moment  où  il  l'écrivit. 

Le  meilleur  manuscrit  que  nous  possédions  de  ce  traité  se  trouve  actuellement 
à  la  bibliothèque  de  Berlin.  Il  n'avait  guère  été  utilisé  jusqu'ici  par  les  éditeurs. 
M.  B.  l'a  fait  collationner  à  son  usage  par  M.  Meincke,  ainsi  que  quelques 
autres  mss.  de  diverses  bibliothèques,  et  il  a  pu  donner  un  apparatus  criticus  plus 
complet  et  plus  exact  que  dans  l'édition  Orelli-Baiter.  Cet  apparatus  est  donné 
au  bas  du  texte,  en  deux  séries  ;  la  première  ne  contient  que  les  variantes  du  ms. 
de  Berlin,  avec  l'indication  des  conjectures  des  savants  pour  la  restitution  du 
texte;  la  seconde  série  donne  non  pas  toutes  les  variantes  des  autres  mss.,  mais 
simplement  un  choix  judicieux  de  celles  d'entre  elles  qui  ont  une  importance 
réelle.  Enfin,  au  dessous  de  ces  notes  vient  un  commentaire  en  deux  colonnes, 
expliquant  les  passages  les  plus  obscurs  et  discutant  les  opinions  des  éditeurs 
antérieurs  • . 

Le  texte  du  traité  est  fort  corrompu.  M.  B.  l'a  corrigé  en  quelques  endroits, 
mais  surtout  par  voie  de  suppression  et  de  transposition.  Dans  la  plupart  des 
cas  nous  lui  donnerions  raison,  mais  dans  d'autres  nous  avons  quelque  peine  à 
saisir  ses  motifs.  Ainsi,  I,  4,  il  supprime  ac  et  numéro,  alors  qu'il  eût  mieux 
valu,  comme  les  Lagomarsinii,  transposer  numéro  après  ac  et  avant  dignum;  les 
arguments  que  M.  B.  donne  en  note  ne  sont  point  suffisants.  En  général  il  nous 
semble  qu'il  est  trop  porté  à  supprimer  uniquement  pour  éviter  une  répétition 
ou  un  pléonasme.  La  fréquence  des  cas  de  ce  genre  dans  Quintus  ne  provien- 
drait-elle pas  plutôt  d'une  particularité  de  son  style  que  d'erreurs  de  copistes  ? 
Deux  très-jolies  corrections  se  trouvent  V,  19  :  profecto  m  omnes  pour  profecto 
HOMiNES,  et  XI,  41  :  in  petitione  necessariasT,  ea  enim,  là  où  le  ms.  de  Berlin 
avait  necessaria;  te  enim,  et  où  les  autres  mss.  avaient  tenté  une  correction  peu 
heureuse  :  Tibi  enim,  en  supprimant  le  tum  qui  vient  après  assentando  jecit..  — 
Pour  les  autres  textes  contenus  dans  la  brochure,  nous  n'avons  pas  remarqué  de 
corrections  importantes  ;  mais  nous  recommandons  le  tout  à  l'attention  du  public 
lettré.  Ch.  M. 


179.  —  English  Reprints.— Nicholas  Udall,M.  A.,master,  in  succession,  of  Eton 
Collège  and  Westminster  School.  Royster  Doister,  written  probably,  aiso  represented, 
before  1553,  carefully  edited  from  the  unique  copy,  now  at  Eton  Collège,  by  Edward 
Arber.  London,  s  Queen  sq.  Bloomsbury,  W.  C.  24  Juiy  1869.  In- 12,  88  p.  — 
Prix  :  65  cent. 

Cette  pièce  tire  son  principal  intérêt  de  ce  qu'elle  est  la  plus  ancienne  comédie 
du  théâtre  anglais,  ayant  été  composée  un  peu  avant  i  J53.  C'est  du  reste  une 

1.  Depuis  quelque  temps  les  éditeurs  allemands,  et  M.  Bùcheler  est  du  nombre,  ont 
pris  l'habitude  d'imprimer  en  italiques  tout  ce  qui  n'est  pas  de  l'auteur  qu'ils  publient  ou 


lyo  REVUE    CRITIQUE 

œuvre  assez  ordinaire.  La  bêtise  du  héros,  Ralph  Roister  Doister,  et  les  facéties 

de  Mathew  Merygreeke,  qui  se  joue  de  lui  sous  prétexte  de  l'aider  à  obtenir  la 

main  de  dame  Custance,  sont  médiocrement  divertissantes.  Toutefois,  on  ne 

perdra  pas  son  temps  en  la  lisant.  Les  proverbes  n'y  manquent  pas,  et  il  s'y 

trouve  (acte  II,  se.  3)  une  jolie  chanson  d'un  rhythme  fortement  marqué  : 

A  thing  very  fitte 

For  them  that  hâve  witte 


On  remarquera  aussi  (p.  50  et  $7  de  la  présente  réimpression)  un  morceau  assez 
long,  une  lettre  d'amour,  qui  offre  deux  sens  absolument  opposés  selon  la  manière 
dont  il  est  ponctué. 

Nicholas  Udall  (ou  encore  Vuedale,  Woddal,  Woodall),  n'est  point  un  inconnu. 
On  sait  qu'il  naquit  dans  le  Hampshire  en  1 504  et  qu'il  mourut  à  Westminster  en 
1556.  Il  fut  fellow  de  Corpus  Christi  à  Oxford,  maître  à  Eton,  curé  de  Braintree 
et  enfin  maître  de  l'école  de  Westminster.  Les  témoignages  qu'on  a  sur  lui, 
fournis  principalement  par  les  Athenae  Oxonienses  de  Wood,  sont  rapportés  dans 
une  courte  notice  sur  ce  personnage  que  M.  Arber  a  placée  en  tête  de  sa  réim- 
pression de  Roister  Doister. 

Mais  Roister  Doister  et  Udall  ont  été  longtemps  connus  séparément  sans  qu'on 
se  fût  avisé  que  celui-ci  était  l'auteur  de  celle-là.  En  effet,  par  une  circonstance 
singulière,  le  seul  exemplaire  connu  de  cette  comédie,  appartenant  au  collège 
d'Eton,  est  privé  de  son  titre.  Aussi  la  pièce  en  question  avait-elle  été  réimpri- 
mée deux  fois  déjà  (181 8  et  1821),  toujours  d'après  l'exemplaire  d'Eton,  sans 
qu'on  en  soupçonnât  l'auteur.  C'est  M.  P.  Collier,  très-connu  par  ses  travaux 
sur  Shakspeare ,  qui  trouva  dans  un  livre  fort  rare,  VArte  of  Logique  de  Thomas 
Wilson,  une  citation  empruntée  à  Roister  Doister,  accompagnée  du  nom  d'Udall  '. 
Depuis,  cette  pièce  a  été  deux  fois  encore  réimprimée  (1830  et  1847),  et,  toutes 
ces  éditions  étant  devenus  rares,  elle  l'est  maintenant  pour  la  cinquième  fois  dans 
la  collection  des  English  Reprints. 

Cette  collection  se  recommande  à  tous  les  amateurs  de  la  littérature  anglaise. 
Tandis  que  l'Early  English  Text  Society  s'occupe  surtout  des  œuvres  du  moyen- 
âge,  les  English  Reprints  consistent  principalement  en  réimpressions  d'écrits  rares 
du  xvi*  au  xviii''  siècle.  Les  volumes  déjà  pubhés  contiennent  :  Milton,  Areopa- 
gitica,  1644;  Latimer,  The  Ploughers,  1549;  Gosson,  The  Schoole  of  Abuse, 
1579;  Sidney,  An  Apologie  for  Poetrie,  159$;  Webbe,  Travels,  1590;  Selden, 

citations  d'autres  auteurs.  Cette  innovation  est  assez  malheureuse  à  notre  avis;  elle 
trouble  toutes  les  habitudes  et  ne  se  justifie  par  aucun  avantage  pratique.  Dans  la  publi- 
cation dont  nous  rendons  compte,  la  préface  (24  pages)  et  le  commentaire  sont  ainsi 
imprimés  en  italiques,  ce  qui  fatigue  singulièrement  la  vue. 

I.  Il  reste  à  faire,  pour  obtenir  la  date  exacte  de  la  Roister  Doister,  une  petite  vérifi- 
cation. L'ouvrage  de  Wilson  eut  trois  éditions  en  1 550-1,  1552  et  1553.  A  la  page  5, 
l'éditeur,  M.  Arber,  dit  que  la  citation  en  question  manque  dans  l'édition  de  1 552,  et  ne 
la  trouvant  que  dans  l'édition  de  1553,  il  en  conclut  naturellement  aue  la  comédie  fut 
composée  «  before  1553.  »  Mais,  dans  le  passage  cité  p.  8,  M.  P.  Collier  déclare  positi- 
vement avoir  fait  sa  découverte  dans  la  première  édition.  La  limite  inférieure  devrait  donc 
être  reculée  de  deux  années.  Il  est  donc  à  regretter  que  M.  Arber  n'ait  pas  vu  cette  pre- 
mière édition,  qu'il  déclare  (p.  5)  être  un  ouvrage  rare. 


d'histoire  et  de  littérature.  171 

Table-Talk,  1689;  Ascham,  Toxophilus,  1545;  Addison,  Criticism  on  Paradise 
Lost,  17 12  (extrait  du  Specîator,  on  ne  voit  pas  bien  l'utilité  de  cet  extrait  d'un 
ouvrage  qui  se  trouve  partout);  Lyly,  Euphues,  1579;  Villiers,  The  Rehearsal, 
i6-j2,  Gascoigne,  The  Steele  glas;  the  Complaynt  of  Phylomene,  1576;  Earle, 
Micro-Cosmographie,  1628;  Latimer,  Sermons  before  Ed.  VI,  1549;  Th.  More, 
Utopia,  1  ^^6;  Punerûiam,  Ane  of  EngUsh  Poésie,  i589;Howell,  Instructions  for 
forreigne  Travel,  1640;  enfin  Udall,  RoisterDoister.  D'autres  volumes  sont  annoncés 
et  doivent  se  suivre  à  peu  de  semaines  d'intervalle.  Ce  qui  donne  à  cette  collection 
un  caractère  tout  nouveau,  en  Angleterre  surtout,  ce  n'est  pas  son  élégance,  ni 
même  l'exactitude  des  réimpressions,  car  les  mêmes  qualités  se  trouvent  dans  bien 
des  publications  antérieures  :  c'est  son  extrême  bon  marché.  Tous  ces  volumes 
imprimés  sur  papier  ordinaire,  mais  cependant  fort  convenable,  se  vendent, 
selon  leur  grosseur,  six  pence  ou  un  shilling.  Ce  dernier  prix  ne  sera  que  très- 
exceptionnellement  dépassé.  Pour  les  bibliophiles,  des  exemplaires  tirés  sur 
grand  papier,  sont  réservés  à  un  prix  triple.  Enfin,  avantage  que  n'offrent  point 
toutes  les  entreprises  de  ce  genre,  chaque  volume  peut  être  acquis  séparément. 
Nous  souhaitons  bonne  chance  aux  English  Reprints,  et  nous  espérons  qu'un  jour 
aussi  le  goût  de  notre  ancienne  littérature  sera  assez  répandu  en  France  pour 
qu'une  pareille  entreprise  y  puisse  être  tentée. 

n. 


180.  —  Jacob  "Wimpheling,  sein  Leben  und  seine  Schriften.  Ein  Beitrag  zur  Ge- 
schichte  der  Humanisten,  von  D'  Paul  von  Wiskowatoff.  Berlin,  Mitscher  und 
Rœstell,  1867.  In-8-,  238  p.  —  Prix  :  4  fr.  js- 

Cet  ouvrage,  ayant  paru  il  y  a  plus  de  deux  ans,  nous  parvient  un  peu  tard 
pour  en  rendre  compte  d'une  manière  détaillée,  mais  comme  c'est  un  travail 
consciencieux  sur  un  sujet  plein  d'intérêt,  on  nous  permettra  d'en  dire  quelques 
mots  dans  la  Revue.  L'auteur  a  voulu  nous  donner  la  biographie  complète  et 
détaillée  du  célèbre  grammairien  Jacques  Wimpheling,  de  l'humaniste  qui  brille 
au  premier  rang  de  cette  pléiade  d'hommes  distingués,  les  Sapidus,  les  Beatus 
Rhenanus,  les  Bucer,  les  Wolf,  les  Spiegel,  etc.,  connus  sous  le  nom  générique 
de  l'École  de  Sélestadt,  et  qui  contribuèrent  tant,  quelques-uns  sans  le  vouloir 
peut-être,  à  frayer  la  route  aux  réformes  du  xvi^  siècle.  Peu  de  vies  ont  été  plus 
noblement  dévouées  que  la  sienne  au  progrès  de  l'intelligence  et  de  la  morale,  à 
la  lutte  contre  l'ignorance  et  la  corruption  générale  de  l'époque.  Si  vers  la  fin 
d'une  longue  carrière  (i 450-1 528)  Wimpheling,  effrayé  du  mouvement  violent 
qui  tout  autour  de  lui  soulevait  les  esprits,  a  paru  renier  les  conséquences  légi- 
times de  l'œuvre  de  toute  sa  vie,  il  ne  faut  pas  trop  en  vouloir  à  un  vieillard 
presque  octogénaire,  et  l'histoire  lui  doit  une  place  d'honneur  à  côté  des  Reuchlin 
et  des  Erasme.  Quoique  peu  connu  en  France,  Wimpheling  n'a  point  manqué 
cependant  de  biographes  en  Alsace  et  en  Allemagne.  Sans  compter  des  ouvrages 
plus  généraux  sur  le  groupe  des  humanistes  tout  entier,  comme  celui  d'Erhard, 
on  peut  mentionner  les  notices  plus  ou  moins  étendues  de  Rœhrich ,  Walther  et 


172  REVUE    CRITIQUE  r 

Schwalb  '  ;  mais  il  faut  citer  en  première  ligne  le  volumineux  et  savant  travail  de 
J.  A.  Riegger,  professeur  à  l'Université  de  Fribourg^,  Bien  qu'il  ait  près  d'un 
siècle  de  date,  il  reste  toujours  le  plus  complet  sur  la  matière.  Mais  les  premiers 
d'entre  ces  travaux  sont  des  thèses  universitaires,  qui  ne  sont  point  dans  le 
commerce;  le  dernier  est  extrêmement  rare  et  de  plus  il  est  écrit  en  latin.  On 
ne  peut  donc  qu'approuver  M.  de  Wiskowatofï  d'en  avoir  donné  dans  un  volume 
de  dimensions  moyennes,  les  résultats  importants,  avec  les  corrections  et  addi- 
tions exigées  par  les  progrès  de  la  critique  moderne.  M.  de  W.  est  un  savant 
russe,  habitant  Berlin  et  maniant  la  langue  allemande  avec  une  grande  facilité  ; 
c'est  à  Berlin  qu'il  a  écrit  son  livre,  sans  visiter  les  contrées  qui  furent  plus  par- 
ticulièrement le  théâtre  de  l'activité  de  Wimpheling.  On  s'en  aperçoit  quelquefois 
à  certaines  erreurs  de  détail.  Ainsi  M.  de  W.  écrit  çà  et  là  les  noms  de  lieux 
d'après  des  chartes  du  moyen-âge  au  lieu  d'employer  l'orthographe  actuelle 
(p.  ex.  Mollisheim  pour  Molsheim,  Salce  pour  Soultz).  Il  n'a  pas  non  plus  visité 
les  archives  et  les  bibliothèques  d'Alsace  où  il  aurait  trouvé  sans  doute  quelques 
renseignements  nouveaux  sur  Wimpheling  et  ses  amis.  Un  des  grands  mérites 
de  son  ouvrage ,  c'est  l'analyse  consciencieuse  et  détaillée  des  nombreux  écrits 
de  Wimpheling;  on  étudie  chez  lui  le  célèbre  grammairien  de  Sélestadt  d'après 
nature  et  non  d'après  les  jugements  d'autrui.  Seulement  l'auteur  n'a  pas  toujours 
eu  entre  les  mains  les  ouvrages  eux-mêmes,  devenus  excessivement  rares  sur  les 
lieux  mêmes  et  probablement  introuvables  à  Bedin  ;  il  a  dû  se  contenter  dans 
ces  cas-là  des  citations  de  Riegger,  ce  qui  explique  quelques  erreurs  dans  l'in- 
dication de  certains  titres?.  Signalons-lui  encore  quelques  autres  petits  péchés 
véniels.  Louis  XI  n'assiégea  pas  Strasbourg  en  1444  (p.  98).  Son  armée  s'arrêta 
un  instant  dans  le  voisinage  de  la  ville,  mais  sans  l'attaquer.  A  cette  époque  il 
n'y  avait  pas  non  plus  de  parti  français  dans  la  cité;  l'auteur  avance  de  cent 
cinquante  ans.  —  La  lettre  de  remerciements  de  Wimpheling  au  Sénat  (p.  104) 
ne  doit  pas  se  rapporter  à  la  publication  de  la  Germania,  parue  en  i  joi,  car  elle 
est  du  29  janvier  1523.  M.  de  W.  ne  doit  point  avoir  eu  sous  les  yeux  le  pro- 
gramme de  J.-J.  Oberlin  qu'il  cite  à  cette  occasion,  car  la  date  s'y  trouve.  — 
L'humaniste  Agricola  s'appelait  Rodolphe  de  son  prénom  et  non  pas  Adolphe 
(p.  114).  —  Pour  l'écrit  de  Wimpheling  adressé  à  l'hermite  de  Vallombrosa,  M.  de 
W.  aurait  pu  consulter  une  note  de  l'ouvrage  important  de  M.  Baum  sur  Bucer 
et  Capiton,  les  réformateurs  de  Strasbourg 4.  On  désirerait  aussi  trouver  la 
bibliographie  complète  des  écrits  de  Wimpheling,  à  la  fin  de  l'ouvrage.  Mais  ce 
ne  sont  là,  en  définitive,  que  des  fautes  de  peu  d'importance,  et  qui  ne  doivent 
point  rendre  injuste  pour  le  mérite  sérieux  d'un  travail,  écrit  loin  des  lieux  où 

1.  T.  W.  Rœhrich,  Die  schlettstadter  Schule,  dans  la  Rtvue  de  théologie  historique 
d'IIlgen,  Leipzig,  1834.  —  F.  Walther,  Histoire  de  la  Reformation  et  de  l'Ecole  littéraire 
de  Sélestadt.  Strasb.  1843.  —  A.  Schwalb,  Notices  sur  Wimpheling.  Strasb.  185 1. 

2.  Amoenitates  Hterariae  Friburgenses  (sans  nom  d'auteur)  Ulmae  1776. 

3.  P.  ex.  le  titre  du  De  conceptu  et  triplici  candore  virginis,  etc.  —  Je  me  souviens  avoir 
eu  entre  les  mains  la  plaquette  sur  les  fourberies  des  Dominicains  de  Berne  en  1 509,  à  la 
bibliothèque  du  séminaire  protestant,  mais  est-elle  bien  de  Wimpheling.? 

4.  J.  W.  Baum,  Capilo  und  Butzer,  Strassburg's  Reformatoren.  Elberfeld,  1860. 


d'histoire  et  de  littérature.  173 

les  conseils  et  les  ressources  scientifiques  auraient  singulièrement  facilité  la  tâche 
de  l'auteur,  et  nous  aimons  mieux  terminer  par  des  encouragements  sincères  à 
l'écrivain  dont  ce  travail  est  sans  doute  le  début  littéraire, 

Rod.  Reuss. 


VARIÉTÉS. 
La  Géographie  de  la  Chanson  de  Roland*. 

M.  Tamisey  de  Larroque,  notre  collaborateur,  a  adressé  dernièrement  à  la 
Revue  de  Gascogne  une  question  qui  a  provoqué  une  réponse  intéressante.  Il 
demandait  qu'on  examinât  de  près,  de  très-près,  la  question  de  savoir  si  c'est 
la  Cerdagne  ou  la  Catalogne  qui  a  été  le  théâtre  de  la  défaite  de  Roland. 

M.  Paul  Raymond,  archiviste  du  département  des  Basses-Pyrénées,  a 
répondu  que  «  le  texte  même  de  la  Chanson  de  Roland  porte  que  c'est  en 
«  Navarre  qu'a  eu  lieu  le  combat.  »  En  effet,  Charlemagne  pour  s'en  retourner 
en  France  traverse  «  les  porz  de  Sizer  (éd.  MûUer,  XLV,  585),  LVII,  719  et 
CCXIII,  2939  »,  ou  mieux  de  Cizre.  Or,  les  ports  de  Cizre  (Cisre  dans  le  ms.  de 
Venise),  appelés,  comme  je  l'ai  noté  ailleurs,  portus  Ciserei  dans  le  faux  Turpin, 
Porîae  Caesaris  dans  la  Kaiserchronik  allemande  (voy.  Hisî.  poét.  de  Charlemagne, 
p.  278),  sont  identifiés  par  M.  Raymond,  de  la  façon  la  plus  incontestable, 
«  avec  le  mot  Cize,  nom  actuel  de  la  partie  de  la  Navarre  française  qui  touche 
»  à  Roncevaux  »;  il  cite  des  actes,  du  ix^  au  xii^  siècle,  où  ce  pays  est  appelé 
Cycereo,  Cirsia,  Cisera,  Sizara,  Cisara,  et  il  rapproche  les  unes  de  Port  de  Cizer, 
que  lui  donne  au  xii'  siècle  l'arabe  Edrisi  (on  trouve  aussi  chez  les  Arabes  Bort- 
Schazar).  Donc  il  n'y  a  aucun  doute  sur  le  point  des  Pyrénées  par  où  l'armée 
de  Charlemagne  avait  passé,  quand  Roland,  qui  commandait  l'arrière-garde  et 
se  trouvait  par  conséquent  à  Roncevaux,  un  peu  en  arrière  des  ports  de  Cizer, 
fut  attaqué  par  l'ennemi. 

A  cette  démonstration  on  peut  ajouter  bien  d'autres  preuves.  La  Chanson  de 
Roland  s'appuie  évidemment  sur  des  souvenirs  historiques  d'une  grande  préci- 
sion et  qui  ne  peuvent  être  que  contemporains  des  faits.  Plusieurs  textes  men- 
tionnent les  ports  d'Aspe,  qui  sont  situés  non  loin  des  ports  de  Cizer.  Dans  un 
passage  précieux  (XIV,  196,  ss.),  qui  appellerait  une  critique  et  un  commen- 
taire, Roland  rappelle  les  villes  qu'il  a  conquises  pendant  les  sept  ans  que  les 
Français  ont  combattu  en  Espagne  ;  or,  malgré  la  prétention  du  premier  couplet, 
d'après  lequel  Charlemagne  aurait  conquis  toute  l'Espagne,  son  neveu  cite 
surtout  des  villes  situées  entre  Roncevaux  et  Saragosse ,  ou  aux  environs  de 
cette  dernière,  comme  Valterne  (Valtierra),  Tuele  (Tudela),  et  la  terre  de  Fine, 
qui,  si  je  ne  me  trompe,  doit  se  laisser  retrouver  dans  les  environs  de  ces  deux 
villes.  Balagued  (Balaguer)  paraît  être  le  point  le  plus  lointain  qu'aient  atteint 
ses  armes  ;  Commibles  n'est  pas  expliqué  ^  ;  Sezilie  doit  sans  doute  être  lu  Sebilie 

1.  Voy.  Revue  de  Gascogne,  t.  X,  1869,  p.  332,  365,  379. 

2.  Le  renouvellement  de  Versailles,  ainsi  que  la  traduction  islandaise,  remplacent  Com- 
mibles  par  Merinde  Morinde. 


174  REVUE    CRITIQUE 

OU  Sevilie,  comme  l'a  conjecturé  M.  Th.  Muller  (la  traduction  islandaise 
donne  Sibilia,  et  voy.  plus  bas)  ;  mais  je  ne  puis  croire  qu'il  s'agisse  ici  de 
Séville.  C'est  sans  doute  quelque  ville  d'un  nom  analogue;  ce  qui  est  sûr,  c'est 
que  Naples  n'est  ni  Constantinople,  comme  traduit  Génin,  ni  Grenoble,  comme 
l'a  compris  l'un  des  continuateurs  du  faux  Turpin  (voy.  Hist.  poét.  de  Charle- 
magne,  p.  287);  cette  ville,  qui  joue  un  rôle  si  considérable  dans  la  tradition, 
est  encore  à  identifier:  —  Un  grand  nombre  de  ces  cités,  conquises  par  Roland, 
sont  énumérées  une  seconde  fois  dans  le  poème,  aux  strophes  lxii  ss.,  avec 
d'autres  non  encore  mentionnées.  Les  «  douze  pairs  »  sarrazins,  opposés  aux 
douze  pairs  français,  sont,  avec  Aelroth,  le  neveu  de  Marsile,  Falsaron,  son  frère, 
et  Corsablis  le  roi  barbarin ,  Malprimes  de  Brigal  (Ven.  Borgol  et  Borgal; 
Vers.  Brigart  et  Mont  Pingal;  Par.  Murgal;  dans  l'allemand  de  Conrad, 
Ampregalt),  une  amirafie  de  Balaguez  (Balaguer,  déjà  cité),  un  almacur  de  Moriane 
(ce  nom  revient  comme  celui  d'un  pays  montagneux,  «  es  vais  de  Moriane  » 
str.  CLXxiv,  V.  2  3 1 8),  Turgis  de  Turteluse  Cil  s'agit  de  Tortosa^  comme  le  montrent 
avec  évidence  les  poèmes  du  cycle  de  Guillaume  au  court  nez,  où  Tortelose  revient 
souvent),  Escremiz  de  Valterne  (Valtierra,  déjà  cité),  Esturgans  et  Estramariz, 
sans  désignation  de  terre,  Margariz  de  Sibilie  («  cil  tient  la  terre  entrequ'a^c^z 
marine,  ms.  d'Oxford,  v,  9 56), — entresque  a  la  marine,  ms.de Venise,  —  de  ci  en 
Samarie,  ms.  de  Versailles,  — daz  aine  (rich)  haizet  5/^//m,  daz  ander  Taceria, 
trad.  de  Conrad,  —  ham  rsedhr  fyrir  thvi  landi  er  Katamaria  heitir,  trad.  islan- 
daise), Chernubles  de  MunigreQ.  Muntneigre,  Ven.  et  trad.  isl.  Valnigre,  Vers. 
Monînigre;  serait-ce  la  Sierra  Morena?').  —  Outre  ces  pays,  deux  villes  sont 
mentionnées  par  les  poètes  :  Cordres,  que  Charlemagne  assiège  (V,  71)  et  prend 
(VIII,  97)^  et  Gaine  (LIV,  662).  On  explique  généralement  Cordres  par 
Cordoue,  mais  je  ne  puis  admettre  cette  interprétation  :  il  est  clair  que  la  ville 
désignée  par  ce  mot  est,  comme  les  autres,  près  des  Pyrénées.  En  effet,  Charle- 
magne est  au  siège  de  Cordres  quand  Marsile  délibère  avec  ses  conseillers 
(str.  V);  Marsile  envoie  son  ambassade  qui  arrive  le  même  jour,  quand  la  ville 
est  prise  (str.  VIII),  et  il  semble  que  ce  soit  encore  le  même  jour  que  Canelon, 
après  être  allé  à  Sarragosse  avec  les  envoyés  de  Marsille  (str.  XXIX),  rejoint 
Charlemagne  dans  son  camp  (LIV,  668).  Mais  Charlemagne  n'est  plus  devant 
Cordres;  il  «  aproismet  sun  repaire  «  (LIV,  661),  c'est-à-dire,  je  pense,  qu'il 
s'est  rapproché  de  France  ;  il  est  arrivé  à  la  cité  de  Gaine,  que  Roland  a  prise 
et  détruite  (mais  dans  un  siège  antérieur,  si  je  ne  me  trompe).  Sur  les  nouvelles 
que  lui  apporte  Ganelon,  il  lève  le  camp  et  s'achemine  vers  «  douce  France  « 
(LV,  701-2);  après  un  jour  de  marche,  il  passe  la  nuit  dans  la  campagne 
(LVII,  717);  un  matin  l'armée  se  remet  en  marche  (LIX,  737),  et  arrive  devant 
les  porz  e  les  destreiz  passages  (LIX,  741),  où  on  désigne  Roland  pour  faire  l'ar- 
rière-garde; le  jour  même  les  Français  passent  le /JOrt  et  Virent  Guascuigne  la  terre 
lur  seignur  (LXVII,  819);  à  peu  près  au  même  moment  l'arrière-garde,  restée 
à  Roncevaux,  entend  les  grailles  des  Sarrazins  qui  viennent  l'attaquer  par  der- 
rière (LXXX,  100$).  —  Après  la  bataille  Charlemagne  refait  le  même  chemin 
en  sens  inverse.  Appelé  par  le  cor  de  Roland  mourant,  il  revient  à  Roncevaux 


d'histoire  et  de  littérature.  175 

le  soir  de  cette  même  journée  si  remplie  (CLXXIX,  2398);  à  deux  lieues  en 
avant,  du  côté  de  l'Espagne,  on  voit  encore  la  poussière  des  Sarrazins  qui  se 
retirent  (CLXXX,  2425-6);  les  Français  se  mettent  à  leur  poursuite,  mais  ils 
n'auraient  pas  le  temps  de  les  atteindre,  car  la  nuit  tombe,  si  Dieu  ne  renou- 
velait pour  Charles  le  miracle  de  Josué  :  la  journée  dure  encore  assez  long- 
temps pour  que  les  chrétiens,  qui  ont  barré  aux  païens  le  chemin  de  Saragosse 
(CLXXXII,  2464),  les  bloquent  contre  l'Ebre  et  les  forcent  à  s'y  jeter  et  à  s'y 
noyer  tous  (CLXXXII),  2465  ss.).  Il  faut  convenir  que  c'est  un  peu  loin;  mais 
en  fait  de  miracles  il  n'y  faut  pas  regarder  de  si  près.  Les  païens  morts,  Charle- 
magne  trouve  qu'il  est  bien  tard  pour  retourner  à  Roncevaux  (CLXXXIII, 
2483),  et  les  Français,  harassés  de  fatigue,  campent  sur  la  terre  déserte 
(CLXXXIV,  2489).  C'est  pendant  cette  même  nuit  que  la  flotte  immense  amenée 
à  Marsile  par  Baligant,  l'amiral  de  Babilone,  remonte  l'Ebre,  à  la  lueur  de  mille 
fanaux  (CXCIII,  2643':,  et  aborde  non  loin  de  Saragosse.  —  Au  matin,  dès 
l'aube,  Charles  se  lève,  et  les  Français  retournent  par  uz  veies  lunges  e  cez  che- 
mins mult  larges,  voir  à  Roncevaux  «  le  merveilleux  dommage  (st.CCVI).  »  C'est 
là  que  les  messagers  de  Baligant  viennent  défier  Charles,  et  le  soir  de  la  même 
journée  l'empereur,  victorieux,  arrive  à  Saragosse  et  s'en  empare;  quand  il  y 
entre.  Clerc  est  la  lune,  les  esteiles  flambient  (CCLXXII,  3659).  —  Il  retourne 
en  France  le  lendemain,  sans  doute  par  le  même  chemin,  puisqu'il  traverse  de 
nouveau  la  Gascogne,  et  arrive  à  Bordeaux  (CCLXXIII,  3684)  et  à  Blaye 
(ib.  3689),  d'où  il  va  directement  à  «  sa  chapelle  d'Aix.  »  —  En  somme,  dans 
tout  cela  les  distances  sont  évidemment  beaucoup  trop  rapprochées,  mais  les 
données  générales  doivent  être  exactes,  et  toutes,  comme  on  le  voit,  concor- 
dent pour  mettre  entre  Saragosse  et  la  Gascogne  le  théâtre  des  événements 
chantés  par  le  poème  qui,  en  cela,  est  parfaitement  d'accord  avec  l'histoire. 
Cordres,  Gaine,  Roncevaux  et  les  ports  de  Cizse  me  paraissent  situés  sur  une 
ligne  oblique  qu'on  tracerait  de  Saragosse  à  la  Gascogne  ;  c'est  aussi  sur  cette 
ligne,  que  se  trouve  l'endroit  appelé  Val  Charlon,  Vallis  Caroli  dans  Turpin,  le 
Val  de  Charles  dans  la  Kaizerchronick  {Hist.  poéî.  de  Charlemagne,  p.  278); 
M.  Raymond  m'apprend  que  la  partie  de  la  Navarre  espagnole  qui  longe  le 
pays  de  Cize  s'appelle  aussi  le  Val  Carlos)  et  cette  dénomination  remonte  très- 
haut  ;  outre  les  auteurs  mentionnés  ci-dessus,  on  la  trouve  dans  la  Chronique 
d'Alphonse  X  au  xiii''  siècle  (Hist.  poét.  de  Charlemagne,  p.  283)  et  je  la  remar- 
que dans  la  carte  de  l'Espagne  arabe  qui  fait  partie  de  VAtlas  historique  de 
Sprunner,  et  qui  est  dressé  surtout  d'après  des  documents  arabes.  —  Reste- 
rait à  savoir  ce  que  c'est  que  Gaine;  l'assonance  demande  un  e  au  lieu  de  Va; 
faut-il  lire  Valterne  (Valtierra),  comme  le  ms.  de  Venise  et  la  traduction  islandaise? 
Ce  serait  possible,  mais  il  est  très-possible  aussi  que  les  copistes  aient  substitué 
ce  nom,  déjà  mentionné  plusieurs  fois,  à  un  nom  qui  ne  se  trouvait  que  dans 
ce  vers. 

A  cet  ensemble  de  passages  qui  me  paraissent  concluants  s'en  opposent  deux  : 
quand  les  païens  s'avai}cent,  en  partant  de  Saragosse,  pour  surprendre  l'arrière- 
garde  française  dans  les  gorges  des  Pyrénées,  ils  chevauchent,  dit  le  poète, 


lyô  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

Tere  Certeine  e  les  vais  e  les  munz  (lxix,  856),  et  aussitôt  après  ce  vers  vient 
celui  où  ils  découvrent  de  loin  les  «  gonfanons  »  de  ceux  de  France.  Or  Tere 
Certeine  paraît  bien  être  la  Cerdagne.  Y  a-t-il  eu  mélange  de  traditions  diverses  ? 
est-ce  une  faute  ?  le  nom  de  la  Cerdagne  a-t-il  eu  peut-être  une  extension  plus 
large  qu'aujourd'hui?  C'est  ce  qu'il  faudrait  étudier  de  près.  —  Quand  Charle- 
magne  revient  en  France,  il  va,  comme  nous  l'avons  dit,  de  Saragosse  à  Bor- 
deaux ;  on  n'est  pas  peu  étonné  de  rencontrer  sur  ce  chemin  le  vers  suivant 
(ccLxxiii,  3683)  :  Passent  Nerbone  par  force  e  par  vigur.  Le  poète_,  il  est  vrai,  ne 
dit  pas  expressément  que  Charles  ait  repassé  par  les  ports  de  Cizre,  mais  il 
semble  étrange,  même  en  revenant  par  la  Cerdagne,  qu'il  ait  passé  par  Narbonne. 
Et  pourquoi  passe-t-il  cette  ville  par  force  e  par  vigur i'  Plusieurs  textes,  il  est  vrai, 
racontent  qu'il  la  prit  en  revenant  d'Espagne;  mais  le  ms.  d'Oxford  n'en  dit 
rien.  Je  soupçonne  ici  une  interpolation,  faite  par  un  scribe  qui  connaissait  ^his- 
toire du  siège  de  Narbonne,  et  qui  a  peut-être  remplacé  par  Narbone  un  autre 
nom,  et,  à  ce  que  je  croirais,  un  nom  de  fleuve  (à  cause  du  verbe  passer,  cf. 
V.  3688  :  Passet  Girunde;  de  la  sorte  par  force  e  par  vigur  s'expliquerait,  le  pas- 
sage d'un  fleuve,  dans  nos  vieux  poèmes,  étant  toujours  une  très-grande  affaire), 
peut-être  le  nom  de  l'Adour. 

Toutes  ces  questions  sont  d'un  haut  intérêt.  M.  Tamizey  de  Larroque, 
dont  la  curiosité  est  si  générale,  mérite  des  remerciements  pour  les  avoir  soule- 
vées; M.  Raymond  en  mérite  plus  encore  pour  la  précieuse  réponse  qu'il  a  déjà 
fournie.  Nous  voudrions  que  les  savants  de  ces  contrées  suivissent  cet  exemple 
et  jetassent  sur  la  géographie  de  la  Chanson  de  Roland  toute  la  lumière  qu'ils  sont 
seuls  en  état  d'y  répandre.  Si  on  savait  tout  ce  qu'il  y  a  d'études  à  faire  dans  un 
seul  texte  comme  la  Chanson  de  Roland  !  Nous  commençons  à  peine  à  soulever 
les  voiles  qui  couvrent  notre  ancienne  poésie,  ensevelie  depuis  tant  d'années  ;  il 
ne  suffit  pas  d'admirer  sa  beauté  :  il  faut  connaître  son  histoire,  définir  son 
caractère  et  expliquer  les  nombreux  hiéroglyphes  qu'elle  présente  à  notre 
curiosité.  G.  P. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Blumstengel,  Leibnitz's  ^gyptischer  Plan  (Leipzig,  Lorenz).  —  Cicéron  de 
finibus,  éd.  Madwig  (Copenhague,  Gyldendal).  —  Comparetti,  Ricerche  interne  al 
libre  di  Sindibad  (Milan,  Bernardoni).  — Ducange,  les  Familles  d'outremer,  p.  p.  Rey 
(Impr.  Imp.).  —  Fortlage,  Sechs  philosophische  Vortraege  (léna,  Mauke).  —  Garât, 
Origine  des  Basques  (Hachettej.  —  Germer-Durand,  Dictionnaire  topographique  du 
Gard  (Impr.  Imp.).  —  D'Haussonville,  l'Église  romaine  et  l'Empire  (M.  Lévy).  — 
HosACK,  Mary,  queen  of  Scoîs  (Londres,  Blackwood).  —  La  grant  Dance  macabre  des 
femmes,  p.  p.  Miot  Frochot  (Bachelin).  —  Lebaigue,  Dictionnaire  latin  (Beiin).  — 
LuMBROSo,  Documenti  greci  (Turin,  Stamp.  reale).  —  Montée,  la  Philosophie  de 
Secrate  (Durand).  —  Quérard,  Brunet  et  Janet,  Supercheries  littéraires  (Daffin). 
—  RuTFBEUF,  le  Miracle  de  Théophile,  p.  p.  Klint  (Upsal,  Schultz).  —  De  Sybel, 
Histoire  de  la  Révolution  française  (G.  Baillière). 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


ficulté  d'accorder  l'accent  avec  la  quantité  dans  la  prononciation. — Jebb,  sur  un 
passage  d'Andocide  (p.  48-54)  réponse  à  M.  Rawlinson  sur  la  valeur  historique 
d'Andocide,  surtout  dans  le  passage  de  Myst.  §  106.  —  Bywater,  Sur  un  dia- 
logue perdu  d'Aristote  (p.  5  5-69).  Cherchée  démontrer  que  nous  possédons  encore 
des  fragments  du  Protrepticus  dans  l'Hortensius  de  Cicéron  et  dans  Jamblique  ; 
sa  démonstration  paraît  assez  concluante.  — Jebb,  Notes  critiijues  sur  le  Philoctète 
(p.  70-81).  —  BuRN,  Les  fouilles  du  Palatin  (p.  82-95  ^vec  un  plan),  résumé 
des  résultats  obtenus  par  ces  fouilles  en  ce  qui  concerne  la  restitution  du  plan 
du  palais  des  Césars;  ce  travail,  fait  par  un  témoin  oculaire,  est  d'un 
grand  intérêt  et  montre  que  ces  découvertes  jetteront  une  grande  lumière  sur 
maint  passage  de  Tacite,  Suétone,  Stace,  Martial,  et  d'autres  auteurs  encore. — 
SiDGWiCK,  Explication  d'un  passage  du  Vh  livre  de  la  République  de  Platon  (p.  96- 
103).  —  CoNiNGTON,  Explication  de  quelques  passages  de  Martial  (p.  104-1 19),  à 
propos  delà  publication  de  MM.  Paley  et  Stone  :  Martialis  epigrammata  selecta 
with  english  notes,  Londres,  1868.  —  Moule,  Sur  les  signes  chinois  de  cas  et  de 
nombre  (p.  120-129).  —  Taylor,  Sur  une  racine  hébraïque  (p.  130-134). — 
Johnson,  Sur  une  prétendue  opération  financière  de  César  (p.  135-138),  concerne 
Suétone  Jul.  42,  César  Bell.  civ.  III,  i,  et  réfute  une  assertion  de  Mommsen 
(Hist.  Rom.  V,  ch.  1 1).  Notes  et  observations  diverses  (p.  1 39-160). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


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annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
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phie  du  département  de  Maine-et-Loire. 
In-S",  463  p.  Angers  (imp.  Lachèse, 
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Bartsch(K.).  HerzogErnst.  In-8',  clxxx- 
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losophie nach  ihrem  ganzen  Einfluss  dar- 
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evesque  d'Avranches,  publiée  et  annotée 
pour  la  première  fois  d'après  un  ma- 
nuscrit conservé  par  M.  A.  Seguin,  par 
V.  A.  Brunet.  In-8",  16  p.  Abbeville 
(imp.  Briez,  Paillart  et  Rataux). 

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propres.  In-8*,    16   p.    Besançon  (lib. 

jo  c. 


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Champion  (P.).  Industries  anciennes  et 
modernes  de  l'empire  chinois,  d'après  des 
notices  traduites  du  chinois,  par  M.  St.- 
Julien,  et  accompagnées  de  notices  indus- 
trielles et  scientifiques.  In-8*,  xv-254  p. 
et  13  pi.  Paris  (lib.  E.Lacroix).  6f.  50 

Dezeimeris  (R.).  Note  sur  l'emplacement 
de  la  villule  d'Ausone.  In-8',  14  p.  et  pi. 
Bordeaux  (imp.  Gounouilhou). 

Durand  (G.).  Notes  épigraphiques.  (^Trois 
inscriptions  inédites  trouvés  au  Moulin- 
Rey  à  Nîmes.  Inscription  du  château  de 
Laroque  (Gard).  Sur  deux  inscriptions 
d'Aramon  (Gard).  Trois  inscriptions 
recueillies  dans  la  Vaunage.  Trois  inscrip- 
tions carlovingiennes  d  Uzès.  Mosaïque 
trouvée  à  Nîmes).  In-8*,  30  p.  Nîmes 
(imp.  Clavel,  Ballivet  et  C*). 

Henriot.  Inventaire  sommaire  des  archives 
communales  antérieures  à  1790.  Ville  de 
Rambervillers.  In-4*,  140  p.  Êpinal  (imp. 
V-  Gleg). 

Widal  (A.).  Juvénal  et  les  Satires.  Études 
littéraires  et  morales.  In-8*,  lix-3  54  p. 
Paris  (lib.  Didier  et  C*). 


T*  l\/fO  l\/[  l\/î  ^  PT  NT  ^^^^°'''^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
1  •  iVl  W  iVl  iVl  O  EL  iN  Alexandre,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8".  j  fr^ 

Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


PI   K   lyr  XT  r^  ry^    De  la  langue  chinoise  et  des  moyens  d'en  faci- 
•     JA.i.>iNI_jl      liter  l'usage.  Broch.  gr.  in-8°.  2  fr. 

NICOLAS  DE  T  ROY  E  S  gon^deTnouvelles 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in-i6,  papier  vergé,  cartonné.  5  fr. 


Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

Fj~\  1  T?  ri     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  i''''  partie. 
•       ^  1  Ci  Z^         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  Pégard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  à  la  librairie  A.  Durand  et  Pédone-Laùriel,  9,  rue  Cujas. 

ç,  •->«  P)  j  T~v  r-p  /^  D  T  T  A  /T     ^^  musica  medii  aevi  novam  seriem  a 

O  \-j  Iv  1  r     1   yJ  Iv  LJ  iVl     Gerbertina  alteram  collegit  nuncque 
primum  edidit  E.  de  Coussemaker.  Tomus  III,  fasciculus  5.  8  fr. 

En  vente  chez  H.  Plon,  éditeur,  8  et  10,  rue  Garancière. 

J.  CRÉTIN  EAU  JOLY    coTS'a: 

1801  et  le  cardinal  Consalvi,  suivi  de  deux  lettres  au  Père  Theiner  sur  le  pape 
Clément  XIV.  In-8°.  7  fr-  50 

En  vente  chez  Braumûller,  à  Vienne,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

MT     yV  T  T  17  D    Grammatik  der  classischen  armenischen  Sprache. 
.    LA  U  EL  K  I  vol  in-80.  5  fr.  25 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N"  38  Quatrième  année  18  Septembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix    d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  i  j  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 
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L.DE  LASAUSSAYEetA.  PÉAN 

La  Vie  et  les  Ouvrages  de  Denis  Papin.  Tome  premier,  i'"  partie.  6  fr. 


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•     v^/».0  1  r\  i>l     de  Habsbourg  et  Jean  de  Chalon-Arlay  en  1289 
et  1290,  étudiés  dans  les  textes  et  sur  le  terrain.  In-S».  i  fr.  50 


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i^/\  r  rVW  r  ri  ILV>.  I  IL  Cuilloche  Bourdelois,  publiée 
pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 
par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-8°.  7  fr.  50 


A  1\/T  A  R  T  tr  T^  nn  tr  ^"^  '^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
i\  •  iVl  /\  ÎV  i  IL  1  [  lL  l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-8*'  avec 
5  planches.  ^  fr. 

T  T  \A7  pr  T  î  ^^  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
II»       VVlLIi_i    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

The  Athenseum.  7  août. 

P.  Clément,  Madame  de  Montespan  et  Louis  XIV;  Didier.  —  Calendar  of  state 
Papers,  Domestic  Séries,  of  the  Reign  of  Charles  the  First,   1637-8.  Edited  by 

J.  Bruce;  Longmans.  —  Chronica  Monasterii  S.  Albani edited  by  H.  T. 

RiLEY,  t.  III;  Longmans.  —  Coleman,  The  apostolical  and  primitive  Church 
popular  in  its  Government,  informai  in  its  Worship;  Edinburgh,  Black;  œuvre  de 
parti.  —The  Odyssey  of  Homer,  translated  into  Blank  Verse  by  G.  W.  Edington  ; 
Longmans,  2  vol.,  très-médiocre.  —  Th.  Richmond,  The  local  Records  of  Stokton 
and  its  Neighbourhood;  Malborough.  —  G.  Bennet,  The  History  of  Bandon  and 
the  principal  Towns  in  the  West  Riding  of  Coiinty  Cork;  Cork,  Guy.  —  R.  Rey, 
Genève  et  les  rives  du  Léman;  cf.  Rev.  crit.  1868,  art.  209.  —  The  Hon.  H.  E.  J, 
Stanley,  The  three  Voyages  of  Vasco  da  Gama  and  his  Vice-Royalty,  from  the 
Lendas  da  India  of  Gaspar  Correa.  Accompanied  by  original  Documents;  printed  for 
the  Hakluyt  Society;  compte-rendu  insignifiant. — A.  Hall,  Godfrey  of  Bouillon; 
l'auteur  de  cette  communication  signale  dans  le  Domesday-book  un  passage  qui 
semble  se  rapporter  au  chef  de  la  première  croisade.  —  The  parallel  holiness  of 
Mounts  Zion  and  Moriah  ( 3 •"  lettre).  —  Ch.  Beke,  Les  rois  pasteurs.  —  H.  C. 
Barlow,  Sur  trois  nouveaux  mss.  de  la  Divine  comédie,  récemment  entrés  au 
musée  Britannique.  —  Ch.  L,  Hemans,  A  History  of  Mediaval  Christianity  and 
sacred  art  en  Italy  (900-1 3  50)  ;  WiUiams  and  Norgate.  —  Miscellanea,  Recherches 
sur  l'étymologie  de  Thames  et  de  Cambridge. 

14  août. 

Près  de  la  moitié  de  ce  n"  est  occupée  par  une  revue  de  l'histoire  d'Exeter, 
ville  o\x  se  tient  cette  année  le  congrès  de  l'Association  Britannique.  — 
Douglas  W.  Freshfield,  Travels  in  the  Central  Caucasus  and  Bashan;  Long- 
mans. —  The  Poems  and  Prose  remains  of  Arthur  Hugh  Clough,  with  a  Sélection 
from  his  Letters  and  a  Memoir;  edited  by  his  Wife;  2  vol.  Macmillan.  —  Aristo- 
phanis  Comoediae,  tertiis  curis  recognovit  Hubertus  Holden  ;  Cambridge,  Deighton, 
Bell  and  C°;  article  favorable  et  véritablement  critique.  —  About  Rymer  and  his 
Fœdera:  compte-rendu  de  l'introduction  de  sir  Th.  Duffus  Hardy  au  premier 
volume  de  son  Syllabus  of  the  Documents  relating  to  England  and  other  Kingdoms 
contained  in  the  collection  known  as  Rymer's  Fœdera.  —  Lûbke,  Geschichte  der 
Renaissance  Frankreichs;  cf.  Rev.  crit.,  1869,  art.  20.  —  Nous  devons  signaler 
p.  215,  sous  la  rubrique  Philology  et  p.  218,  parmi  les  Miscellanea,  comm^ 
entièrement  dépourvues  de  méthode,  des  recherches  :  1°  sur  la  signification  du 
suffixe  ander  dans  Maeander,  Scamander,  etc.;  2"  sur  l'origine  du  nom  de 
Cambridge. 

21  août. 

A.  J.  BooTH,  Robert  Owen,  the  founder  of  Socialism  in  England;  Trûbner.^  — 
Baring-Gould,  The  origin  and  Development  of  religions  Belief;  part  I,  Heathenism 
and  Mosaism;  Rivingtons.  Livre  indépendant,  mais  qui  pêche  par  une  informa- 
tion insuffisante.  —  Ch.  Rogers,  Scotland,  Social  and  Domestic.  Memorials  of  Life 
and  Manners  in  Norîh  Britain;  printed  for  the  Grampian  Club.  Compilation  pleine 
de  faits  intéressants,  mais  mal  ordonnée.  —  Joyce,  The  origin  and  History  of 
Irish  names  of  places;  Dublin,  M'  Gleshan  and  Gill.  On  désirerait  être  renseigné 
sur  la  valeur  de  ce  livre,  mais  l'art,  est  insignifiant.  —  Les  rois  pasteurs,  par  Th. 
Campbell,  contre  le  D""  Beke.  —  Les  Évangiles  de  Lindisfarne  et  de  Rusworth, 
critique  par  le  Rev.  W.  Skeat  de  l'édition  de  ces  textes  publiée  il  y  a  plusieurs 
années  par  le  Surtees-Society.  —  Session  de  l'Association  Britannique  à  Exeter. 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  38  —  18  Septembre  —  1869 

Sommaire  :  i8i.  Glossaire  de  Cormac,  trad.  p.  0' Donovan,  p.  p.  Stokes.  — 
182.  BiicHSENSCHUTZ,  les  Songes  et  leur  interprétation  dans  1  antiquité.  —  i8j. 
VoLKMANN,  Synesius  de  Cyrène.  —  184.  Sainte  Agnès,  mystère  provençal,  p.  p. 
Bartsch.  —  185.  Gaullieur,  l'Imprimerie  à  Bordeaux  en  i486. 

181.  —  Sanas  Chormaic.  Cormac's  Glossary,  transiated  and  annotated  by  the  late 
John  O' Donovan,  LL.  D.;  edited,  with  notes  and  indices,  by  Whitley  Stokes, 
LL.  D.  —  Calcutta,  printed  by  0.  T.  Cutter  for  the  Irish  Archaological  and  Celtic 
Society.  1868,  viij-204  p.  in-4*.  —  (Quelques  semaines  plus  tard  a  paru  une  feuille  de 
Further  Corrigenda  et  Further  Addenda,  paginée  ix-xij.) 

Nos  lecteurs  savent  déjà  que  l'illustre  celtiste  M.  Whitley  Stokes,  retenu 
dans  l'Inde  par  des  occupations  officielles  considérables,,  y  poursuit  avec  ardeur 
ses  études  de  prédilection.  Après  cette  excellente  collection  d'anciens  textes 
irlandais  qu'il  a  publiée  sous  le  nom  de  Goidilica  ',  voici  qu'il  publie,  également 
à  Calcutta,  la  traduction  d'un  ancien  texte  irlandais.  Si  étrange  que  puisse 
paraître  la  publication  d'œuvres  irlandaises  aux  Indes,  la  surprise  est  moins 
grands  quand  on  se  rappelle  que  les  lettres  celtiques  ont  déjà  maintes  fois  fleuri  sur  une 
terre  étrangère.  Et  cela  n'est  pas  d'hier.  N'est-ce  pas  à  Milan  qu'a  été  imprimée 
en  1 567  la  première  grammaire  galloise,  et  à  Rome  en  1677  la  première  gram- 
maire irlandaise .'' 

Le  texte,  dont  ce  nouveau  volume  nous  apporte  la  traduction,  avait  été 
publié  pour  la  première  fois  en  1862  par  M.  Stokes  dans  son  volume  intitulé 
Three  Irish  Glossaries.  Dans  une  introduction,  considérable  par  son  étendue  et 
par  sa  valeur,  l'éditeur  avait  traité  toutes  les  questions  qui  touchent  la  composi- 
tion de  ce  glossaire,  et  avait  fait  entrer,  en  les  coordonnant,  les  expliquant  et 
les  commentant,  tous  les  passages  du  glossaire  qui  présentent  quelque  intérêt 
pour  la  philologie,  pour  l'histoire  et  pour  la  mythologie  2,  Cette  introduction  fai- 
sait connaître  ce  qu'il  y  a  de  plus  important  dans  le  glossaire  de  Cormac,  et  le 
texte  était  publié  pour  la  première  fois.  Une  traduction  restait  pourtant  chose 
très-désirable.  Ce  glossaire,  bien  que  modernisé  par  endroits  et  accru  par  des 
interpolations,  est  antérieur  au  x''  siècle,  et  il  contient  des  citations  de  textes 
déjà  anciens  à  l'époque  de  sa  composition.  Il  n'en  est  que  plus  précieux,  mais 
son  obscurité  s'en  accroît  davantage,  et,  comme  il  ne  s'agit  pas  ici  de  gloses 
ajoutées  à  un  texte  latin,  on  n'a  pas  pour  se  guider  la  ressource  de  connaître 
d'avance  le  sens. 


1.  Voir  la  Revue  Critique  du  4  mai  1867. 

2.  Cette  introduction  prend  une  autre  importance  par  les  digressions  philologiques  de 
'auteur;  c'est  ainsi  qu'il  y  a  inséré  un  glossaire  des  mots  que  l'irlandais  a  empruntés  au 


latin,  etc. 


VIH 


12 


178  REVUE  CRITIQUE 

J.  O'Donovan  promettait  depuis  longtemps  une  traduction  du  glossaire  de 
Cormac  sur  lequel  il  avait  le  premier  appelé  l'attention  ';  il  mourut  sans  avoir 
publié  cette  traduction  qu'on  trouva  dans  ses  papiers.  Bien  qu'il  ait  été  peut-être 
l'homme  de  ce  siècle  qui  ait  le  mieux  connu  la  littérature  et  l'histoire  de  l'an- 
cienne Irlande,  il  se  défiait  sans  doute  de  son  œuvre.  C'est  que  la  Grammatica 
Celtica  avait  paru;  et  quoique,  bien  différent  en  cela  d'O'Curry,  O'Donovan 
proclamât  la  grandeur  de  l'œuvre  du  savant  bavarois  ^  et  se  mît  sérieusement  à 
l'étudier,  il  sentait  qu'il  ne  s'était  pas  complètement  assimilé  le  fruit  de  ces 
recherches  toutes  nouvelles  pour  lui.  C'est  un  fait  que  nous  constatons,  sans 
reprocher  à  O'Donovan  de  n'être  pas  sur  la  fm  de  sa  vie  passé  maître  dans  une 
science  nouvelle  pour  lui  ;  O'Donovan  a  fait  assez  pour  les  lettres  irlandaises 
dans  le  courant  de  sa  laborieuse  existence  pour  qu'on  ne  lui  marchande  pas 
l'éloge.  Nous  le  disons  d'autant  plus  volontiers  qu'aujourd'hui  certaines  per- 
sonnes affectent  en  Irlande  de  nier  son  mérite  et  de  le  mettre  au-dessous 
d'O'Curry.  La  répugnance  qu'il  montrait  à  publier  sa  traduction  de  Cormac 
augmente  encore  notre  sympathie  pour  son  caractère  5. 

La  mort  d'O'Donovan  trompa  la  Société  archéologique  irlandaise  qui  attendait 
toujours  de  lui  une  traduction  de  Cormac.  Elle  prit  alors  un  excellent  parti;  elle 
envoya  le  manuscrit  d'O'Donovan  à  M.  Stokes.  De  cette  collaboration  pour 
ainsi  dire  posthume  est  sorti  le  volume  que  nous  annonçons  :  Voici  comment 
M.  St.  s'exprime  sur  cette  collaboration  :  «  La  traduction  imprimée  dans  ce 
»  volume  a  été  faite  par  O'Donovan  bien  des  années  avant  sa  mort,  et  semble 
»  n'avoir  jamais  été  revue  par  lui  après  qu'il  eut  acquis  cette  connaissance 
))  étendue  et  exacte  de  l'ancien  irlandais  qu'il  possédait  lorsque  j'eus  l'avantage 
»  de  le  connaître  et  de  m'instruire  auprès  de  lui.  Dans  ce  cas,  j'ai  cru  de  mon 
»  devoir  d'essayer  d'imprimer  sa  traduction  dans  la  forme  qu'elle  aurait  prise 
»  s'il  avait  vécu  pour  la  publier.  Mais  partout  où  je  me  suis  permis  de  faire  un 
»  changement  qui  affecte  matériellement  le  sens,  j'ai  donné  les  paroles  d'O'Do- 
))  novan  soit  dans  le  texte,  soit  en  note.  »  On  devine  à  ces  expressions  modestes 
que  M.  St.  a  refondu  la  traduction  d'O'Donovan. 

Dans  bien  des  cas,  la  connaissance  si  étendue  que  M.  St.  possède  de  tous  les 
dialectes  celtiques  et  des  autres  langues  indo-européennes^,  lui  a  permis  de 
retrouver  le  sens  de  mots  irlandais  depuis  longtemps  disparus  de  la  langue  et 
conservés  par  Cormac  dans  des  citations  aujourd'hui  obscures.  Bien  souvent 
aussi  il  donne  en  note  la  traduction  d'O'Donovan,  quand  il  la  trouve  faite  un 
peu  trop  par  divination,  et  il  s'abstient  de  traduire  pour  son  compte.  L'ex- 


1.  Dans  différents  articles  du  Dublin  Penny  Journal,  en  1835. 

2.  Voir  la  notice  qu'O'Donovan  a  consacrée  à  Zeuss  dans  VUlster  Journal  of 
Archaology,  vol.  VII. 

3.  Dans  l'ouvrage  de  M.  William  Stokes  intitulé:  The  life  and  labours  in  Art  and  Archa- 
ologie  of  George  Pétrie  (Londres,  1868)  est  citée  une  intéressante  lettre  d'O'Donovan,  où 
se  montrent  à  plein  son  honnêteté  et  son  esprit  critique.  O'Curry  est  la  personne  dont  le 
nom  a  été  dans  cette  lettre  remplacé  par  un  trait. 


d'histoire  et  de  littérature.  179 

clamation  qui  lui  échappe  en  un  endroit  :  «  Quis  Œdipus  hsec  interpretetur  ?  » 
est  un  souhait  sincère.  Le  glossaire  de  Cormac  contient  malheureusement  encore 
trop  de  mots  qui  feront  longtemps  le  désespoir  des  celtistes. 

Dans  cette  traduction,  M.  St.  a  fait  suivre  chaque  lettre  d'articles  addition- 
nels au  glossaire  de  Cormac  qui  se  trouvent  dans  le  ms.  appelé  le  «Livre  Jaune 
de  Lecan  »  (Leabhar  Buidhe  Lecain).  Ces  articles  n'ont  certainement  pas  fait 
partie  originairement  du  glossaire  de  Cormac,  puisque  les  mss.  plus  anciens  ne 
les  donnent  pas;  mais  ils  n'en  sont  pas  moins  intéressants,  et,  comme  ils  étaient 
encore  inédits,  M.  St.  a  bien  fait  de  les  publier  en  les  accompagnant  d'une  tra- 
duction. Les  notes  de  ce  volume  sont  de  deux  sortes,  les  unes  historiques  et 
topographiques  par  O'Donovan,  les  autres  philologiques  par  M.  St.; on  trouvera 
dans  ces  dernières  maint  rapprochement  nouveau,  mainte  étymologie  ingénieuse. 
Ce  qui  dans  le  glossaire  de  Cormac  présente  un  intérêt  général  pour  la  philo- 
logie, l'histoire,  la  mythologie,  avait  été  donné  par  M.  St.  dans  l'introduction  de 
1862  que  j'ai  citée  plus  haut;  cette  nouvelle  publication  s'adresse  plus  spéciale- 
ment aux  irlandistes .  Ce  volume  est  imprimé  avec  un  luxe  qui  fait  le  plus  grand 
honneur  aux  presses  de  Calcutta.  M.  Stokes  l'a  accompagné  de  cette  richesse 
à^indices  qui  rendent  les  recherches  si  faciles  dans  ses  ouvrages  ;  et  il  le  termine 
par  cette  touchante  épigraphe  (je  dirais  presque  épitaphe)  en  ancien  irlandais  : 
In  tris  artéinefor  lige  m'anamcharat  A.  Rudolf  Tomâs  Siegfried,  inso  suas.  Littéra- 
lement :  «  La  troisième  pierre  sur  la  tombe  de  mon  maître,  id  est,  Rodolphe 
»  Thomas  Siegfried,  ici  même.  »  Dans  la  préface  de  ses  Goidilica,  M.  St.  pro- 
mettait d'élever  un  cairn  à  la  mémoire  de  son  maître  et  ami  Siegfried,  si  préma- 
turément enlevé  aux  études  celtiques.  La  première  pierre  a  été  le  volume  appelé 
Goidilica,  la  seconde  les  Miscellanea  Celtica  de  Siegfried  '.  L'ardeur  que  M.  St. 
porte  au  travail  nous  présage  que  les  pierres  s'accumuleront  bientôt  en  monceau. 
Il  nous  a  promis  une  édition  de  la  Festologie  d'Aengus;  on  va  probablement, 
comme  on  lui  a  envoyé  le  manuscrit  d'O'Donovan,  lui  envoyer  le  manuscrit  de 
la  seconde  partie  du  Liber  Hymnorum,  laissé  par  M.  Todd,  que  les  études  irian- 
daises  ont  perdu  il  y  a  quelques  mois.  A  voir  l'activité  si  féconde  dont  M.  Stokes 
fait  preuve  au  fond  des  Indes,  on  est  tenté  de  se  dire  que  ce  n'est  pas  lui  qui 
vit  loin  de  nous,  mais  bien  nous  qui  sommes  exilés  loin  de  lui. 

H.  Gaidoz. 

182.  —  Traum  und Traumdeutung  îm  Alterthume,  vonB.  Buchsenschutz. 

Berlin,  Calvary,  1868.  In-8*,  94  p.  —  Prix  :  2  fr.  75. 

Cet  ouvrage  publié  par  M.  B.  Buchsenschutz  est  un  résumé  sommaire  de  ce 
que  l'on  trouve  chez  les  anciens  relativement  à  l'explication  physiologique  de 

1.  Les  Miscellanea  Celtica  de  Siegfried,  recueillis  et  publiés  par  M.  Stokes,  ont  été  par- 
tiellement publiés  dans  les  Beitrage  zur  vergleichenden  Sprachforschung  (VI,  1).  Ils  avaient 
déjà  été  donnés  au  complet  dans  les  Transactions  of  the  Philological  Society  de  Londres 
pour  1867.  Il  a  été  fait  de  l'édition  anglaise  un  tirage  à  part  qui  forme  une  brochure  de 
SJ  p.  m-8'. 


l8o  REVUE  CRITIQUE 

l'état  de  rêve,  et  à  l'art  d'interpréter  les  songes.  Le  sujet  est  des  plus  intéres- 
sants, comme  tout  ce  qui  tient  à  l'histoire  des  erreurs  et  des  superstitions  hu- 
maines. Il  est  curieux  de  voir  de  grands  esprits,  comme  Aristote,  ne  pouvoir  se 
soustraire  à  l'empire  de  préjugés  généralement  répandus  et  chercher  un  fonde- 
ment de  vérité  à  la  di\rtnation  au  moyen  de  songes.  Le  travail  de  M.  B.  n'est 
pas  dépourvu  d'intérêt.  Mais  il  est  trop  court,  il  entre  trop  peu  dans  le  détail, 
et  pour  être  pleinement  instructif  il  devait  suivre  cette  superstition  jusqu'à  nos 
jours.  Z. 

183.  —  Synesius  von  Cyrene.  Eine  biographische  Charakteristik  aus  den  letzten 
Zeiten  des  untergehenden  Hellenismus  von  D'  Richard  Volkmann.  Berlin,  Ebeling  et 
Plahn,  1869.  In-8*,  vij  et  258  p.  —  Prix  :  7  fr.  25. 

M.  Richard  Volkmann,  en  retraçant  la  vie  de  Synesius,  a  voulu  en  même 
temps  peindre  l'état  politique,  moral  et  religieux  de  la  Société  payenne  grecque 
à  la  fin  du  iv"  siècle.  Un  travail  biographique  très-étendu  sur  Synesius  a  été  déjà 
publié  par  M.  Druon  '.  M.  V.  fait  cas  de  la  partie  de  cet  ouvrage  où  Synesius  est 
apprécié  au  point  de  vue  littéraire,  et  loue  en  particulier  ce  que  l'auteur  dit  des 
lettres  de  Synesius.  Mais  la  partie  historique  lui  semble  laisser  à  désirer,  parce 
que  M.  Druon  n'a  pas  connu  une  dissertation  de  Clausen  *,  oii  il  y  a  un  essai 
dans  l'ensemble  heureux  pour  déterminer  la  chronologie  des  lettres, 

M.  V.  a  peu  insisté  sur  la  philosophie  et  l'éloquence  de  Synesius.  Il  ne  parle 
pas  de  ses  connaissances  scientifiques.  Il  y  avait  pourtant  là  bien  des  points  qui 
méritaient  d'être  approfondis.  Le  style  et  la  langue  de  Synesius  pouvaient  faire 
l'objet  d'une  étude  intéressante,  nécessaire  même,  parce  que  le  texte  de  Synesius 
est  en  fort  mauvais  état,  et  souvent  ne  peut  être  entendu  comme  il  nous  est  par- 
venu dans  l'édition  complète  de  Pétau  3,  et  dans  l'édition  des  Discours  et  Ho- 
mélies publiée  par  Krabinger^.  Aussi  la  partie  philologique  est-elle  le  côté  faible 
du  travail  de  M.  V.  Il  a  eu  parfois  le  tort  de  vouloir  traduire  des  passages  gâtés, 
peut-être  irrémédiablement.  Ces  altérations  remontent  sans  doute  à  un  temps 
voisin  de  celui  de  Synesius.  Synesius,  qui  était  grand  amateur  de  livres,  nous  dit 
(D/o/j,p.  59  D)  qu'il  n'avait  pas  d'exemplaires  corrects  de  Dion  Chrysostome, 
qui  ne  lui  était  antérieur  que  de  près  de  250  ans,  non  plus  que  des  autres  ora- 
teurs. Il  ajoute  pour  se  justifier  (car  on  lui  en  faisait  un  reproche),  que  c'est  à 
dessein  qu'il  ne  les  corrige  pas,  pour  exercer  l'intelligence  de  son  fils  par  la  res- 
titution des  textes  fautifs.  Il  prétend  que  c'était  un  exercice  recommandé  par 
Pythagore  (jbid.,  p.  60  A,  61  B),  et  qu'il  n'est  pas  si  difficile  de  rétablir  une 
lettre,  une  syllabe,  un  mot  et  même  une  phrase  tout  entière  (p.  6î  B).  Cela  ne 
me  paraît  pas  facile  dans  Synesius  lui-même.  Je  prendrai  pour  exemples  des 
textes  cités  et  traduits  par  M.  Volkmann. 

1.  Etudes  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  Synesius,  Paris,  Durand,  1859,  in-8". 

2.  De  Sjnesio  philosopho  Libyae  Pentapokos  metropolita,  Hafniae,  183 1. 

3.  Publiée  en  1633,  in-f%  réimprimée  dans  la  collection  Migne  Patrologia  Graca, 
t  LXVI. 

4.  Synesii  Cyrenaei  orationes  et  homiliarum  fragmenta.  Landishuti.  1850. 


d'histoire  et  de  littérature.  i8i 

Dion,  p.  48  A.  Synésius  accorde  que  certains  moines  d'Egypte  peuvent  arri- 
ver, comme  les  philosophes,  à  l'unification  complète  de  l'âme  avec  la  divinité,  à 
l'extase;  mais  ils  y  arrivent  sans  méthode.  Ils  y  sautent  plutôt  qu'ils  n'y  courent; 
ils  n'y  atteignent  pas  en  exerçant  l'activité  de  leur  raison,  mais  par  des 
impressions  purement  passives.  Synésius  développe  cette  pensée  dans  une 
longue   période  que  la  ponctuation  vicieuse  des  éditions  rend  inintelligible  : 

à)A'  êoixî  yàp  tô  xar'  aÙTO-J;  rpàYjia  ^oxyiict  xai  a/[xa-i  (xavtKw  5r^  Tivt  xas  6îoçopr,Tw,  xai 
rè  (11^  ôpajjLovra;  sU  'ô  éeT^oiTov  r,x£tv  xaî  ^r,  xa-ïà  XÔYOv  evepyVidavTa^  si;  to  sTcéxsiva  io^ou 
yevEcôat.  ôuSè  yàp  Icriv  olov  ÈTrKJxacîa  ttj;  yvm(7cw;,  rj  Gte?o5o;vov,  ■zà  Xp^l^''*  "^ô  Ispov,  oySè 
olov  â),),o  £v  âXXw'  àXX'<î)ç  [iixpûi  (isïl^ov  Sixàdat,  xaôàirîp  Api(JTOT£>,r,î  à|io:  toù;  Tî),oyjx£vouî 
oO    [xa9îîv    Ti    Sîïv  ,    à/Xà    Traôîïv     xat    SiaTcô^vai ,     yevo{1£Vouç     StiXovoti     î'-'.Tr,o  =  'Ov;. 

Pour   rétablir  le  sens  il  suffit    de  mettre  entre  parenthèses    la  proposition 

ûOoè  yàp...  â).),w  ;    à).).'    ...  ysvofXî'vo'j;  STTiTr.oEÎo-j;    est  OppOSé  à  fxrj...  âvcpyr,7avTa;  et  Se 

rapporte  au  sujet  de  y^vs-reat.  On  a  ainsi  :  «  Il  y  a  dans  leur  fait  une  sorte  d'en- 

»  thousiasme  et  de  transport,  ainsi  que  dans  cette  manière  d'arriver  au  but  sans 

»  courir,  et  quand  pour  aller  au-delà  de  la  raison  (car  la  chose  sacrée,  l'unifî- 

»  cation  de  l'âme  avec  la  divinité,  l'extase  n'est  pas  comme  un  état  de  l'àme 

»  qui  s'arrête  sur  ce  qu'elle  étudie  ou  qui  parcourt  la  chaîne  d'un  raisonnement,' 

n  ni  comme  une  chose  différente  de  celle  où  elle  se  trouve),  quand,  dis-je,  pour 

»  aller  au-delà  de  la  raison,  au  lieu  d'exercer  leur  raison,  ils  deviennent  aptes 

»  à  cette  chose  sacrée  (pour  comparer  une  grande  chose  à  une  petite),  de  la 

»  manière  dont  Aristote  dit  ^  que  doivent  se  préparer  ceux  qui  se  font  initier; 

»  c'est-à-dire  sans  étudier,  mais  en  recevant  des  impressions  et  en  se  compor- 

»    tant  passivement  ?.  T)   —  P.    52  B  oO  yap   èttîv  f,   à)r,9îta  ^rpày^ia   IxxEtfjLcvov   o-Jcè 

xaTagcgXr,|xévov  ojcè  Gr.pa  ).r,TCTôv.  C'est  sans  doute  par  inadvertance  que  M.  V. 
(p.  I  jo)  a  adopté  et  traduit  la  leçon  6r,pa  qui  ne  peut  donner  de  sens  satisfai- 
sant :  «  La  vérité  n'est  pas  chose  commune,  vulgaire,  qui  puisse  se  prendre  à  la 
»  chasse.  »  Wyttenbach  a  très-bien  corrigé  earfpa  v  qui  puisse  se  prendre  de 
»  Vautre  main»,  c'est-à-dire  de  la  main  gauche,  proprement,  sans  se  donner  de 
peine.  —  Lettre  74.  Cette  courte  lettre  à  Pylaemène  est  une  lettre  d'envoi 
qui   était  placée  en  tête  de    VEncomium    calvitiei;    elle   est  ainsi  conçue   : 

'EîTcfi'ià  (701  Tov  Àoyov  'ÂTTtxo'jpy^  tt;;  àxptfSoù;  êpyairia;,  8v  âv  fxèv  èizon^écrçi  IlyXatiiÉvr.î  r, 
xptTixwTaTT,  Twv  àxocùv,  a-jTo  Toy-o  Tîj  cta5o/9j  Toy  yçiôvov  crJvéaTr.cîv  cl   Se   |ir,cèv  çavïÎTat 


1.  Piotin  (cf.  Zeiler,  Phil.  dcr  Gr.,  III,  2,  549)  disait  que  la  pensée  est  une  sorte  de 
mouvement,  et  que  dans  l'extase  l'âme  est  immobile. 

2.  Je  ne  me  rappelle  pas  avoir  rien  lu  de  semblable  dans  les  écrits  d'Aristote  qui  nous 
sont  parvenus  ;  et  je  ne  trouve  pas  cette  pensée  dans  la  collection  des  fragments  d'Aris- 
tote rassemblés  par  M.  V.  Rose  {AnstoteUs  pseudepigraphus). 

5.  Il  faut  aussi  modifier  la  ponctuation  dans  une  phrase  du  de  insomniis ,  p.  145  A, 
citée  par  M.  V.  (p.  144).  Je  lirais  :  irpo;  ow  tw  (txétXiov  elvai  (ruyxyTtxstv  £i;  fà  Toiâoe, 
w;  S' (comme  dans  le  manuscrit  Coislin.,  249)  êywyc  7r£i9o{iai,  xai  àTtT;x9r,{iivov  Ocw  (-rà 
yàp  ...  à-t[iwpr,Tov),  rpà;  ouv  x.-r.é.  H  me  parait  indispensable  d'ajouter  8  "avec  le  Coislin. 
249,  car  cette  proposition  incidente  se  rapporte  évidemment  à  ce  qui  suit  et  non  à  ce 
qui  précède  :  on  pouvait  contester  que  la  magie  fût  odieuse  à  la  divinité  ;  mais  il  était 
certain  qu'elle  exposait  ceux  qui  l'exerçaient  à  beaucoup  de  misères. 


l82  REVUE   CRITIQUE 

cTTouSaïov,  l|£(TTi  Si^TTou  TTaiÇsiv  ta  îraiYvia.  Je  ne  puis  admettre  avec  M.  V.  (p.  i6j) 
que  les  mots  Tri?...  èp^ada;  puissent  être  une  glose  de  'Attixovipyy);  car  pourquoi 
seraient-ils  au  génitif  ?  Je  crois  qu'ils  sont  hors  de  leur  place  et  doivent  être 
transposés  après  iiKxwia^,  avec  lequel  ils  se  construisent  très-bien.  —  Lettre  135. 
Synésius  peint  la  décadence  d'Athènes  qui  laisse  à  l'Egypte  la  gloire  de  la  philo- 
sophie.  C'est  l'Egypte  qui  nourrit  les  semences    déposées    par    Hypatie  : 

al  6è  'AO^vai  TràXai  \ùv  ^v  i\  noXiç  i<77i(x  (joyâiv  •  xà  8è  vûv  ïy^ov  ffspivuvouCTtv  aùxà;  ol 
{leXtTTOupYoï.  Taux'  âpa  xal  ii  Çuvwpiç  xwv  ctoçûv  nXouxapxefwv ,  oïtiveç  oO  t^ 
çTQjAiO   Twv  Xoywv  àysipo'jcnv  èv   toï;  Geà-rpo'.;  toùç   véouç,  à).).à  TOt;  è|  rEAriTtoù   (7Ta(jLvioii;. 

Il  me  paraît  impossible  de  tirer  un  sens  satisfaisant  de  cette  dernière  phrase,  qui 
d'ailleurs  ne  peut  pas  se  construire.  Petau  traduit  :  Quibus  par  illud  sapientum 
»  Plutarcheorum  adjice,  qui  non  orationum  suarum  fama  juvenes  in  theatris 
»  congregant,  sed  mellis  ex  Hymetto  amphoris.  »  M.  V.  (p.  99),  qui  entend  par 
ce  couple  de  sages  Plutarque  et  Syrianus,  traduit  :  «  c'est  pourquoi  même  le  sage 
»  Plutarque  et  son  compagnon  rassemblent,  etc.  »  Il  ne  rend  pas  oï-nveç-,  et  en 
faisant  remarquer  que  la  fin  est  obscure,  il  pense  que  Synésius  veut  dire  que 
Plutarque  resterait  sans  auditeurs,  s'il  ne  venait  pas  par  hasard  à  Athènes  quel- 
ques jeunes  gens  pour  acheter  du  miel.  Je  crois  que  le  texte  est  mutilé,  et  qu'il 
manque  quelque  chose  avant  oïxwe;  et  après  alla.  Voici  ce  que  je  suppléerais 
quant  au  sens:  «C'est  pourquoi  le  sage  Plutarque  et  son  compagnon  eux-mêmes 
»  attirent  moins  de  monde  que  tel  et  tel  éleveur  d'abeilles  qui  rassemblent  non  des 
))  jeunes  gens  dans  les  théâtres  par  la  renommée  de  leur  éloquence,  mais  des 
»  marchands  sur  la  place  publique  par  les  cruches  de  miel  de  l'Hymette.  »  — 

Lettre   155,  p.   292  A.    Il  dit   que  dans  son  Dion  Yéyove  Trîaxt;  uçepTtouffa  xà  Cnrxià<7av 

ôti^YTiixa.  Petau  traduit  exactement  par  «  supina  narratio  probatione  suffulta  est.  » 
Le  mot  OTTTiàCeiv  est  un  terme  technique  de  rhétorique  qui  s'applique  à  une  ma- 
nière d'écrire  et  de  composer  qui  n'est  pas  serrée,  où  il  y  a  du  laisser-aller,  de 
l'abandon.  Je  doute  qu'il  soit  bien  rendu  par  «dieetwaserlahmende  Erzaehlung» 
(p.  148).  Dans  la  même  phrase  xo  Si'  àllo  yev6(jlevov  est  tout-à-fait  gâté  et  intra- 
duisible ;  «  das  eine  das  andere  vorbereitet  und  bedingt  (l'un  prépare  l'autre)  «, 
ne  peut  passer  pour  une  traduction  de  ces  mots. 

La  partie  historique  du  travail  de  M.  V.,  qui  en  est  d'ailleurs  la  principale, 
est  traitée  d'une  manière  attachante.  Il  peint  le  despotisme  oriental  de  la  cour 
de  Byzance;  l'état  misérable  des  provinces  abandonnées  à  la  rapacité  des  gou- 
verneurs-pachas qui  les  rançonnaient  sans  les  défendre  contre  les  ravages  et  les 
invasions  des  barbares  voisins  ;  la  place  considérable  occupée  dans  cette  société 
déchue  par  les  évêques,  seul  refuge  des  opprimés  contre  les  abus  de  pouvoir  ; 
l'importance  que  les  populations  qui  nommaient  elles-mêmes  leurs  pasteurs  atta- 
chaient à  choisir  des  hommes  qui  pussent  les  protéger  par  leur  caractère  et  par 
leur  crédit  :  ce  qui  explique  comment  Synésius  fut  nommé  et  confirmé  évêque  de 
Ptolemaïs,  quoique  dans  une  lettre  pleine  d'une  noble  franchise  (Lettre  105)1! 
eût  déclaré  d'avance  qu'il  continuerait  à  avoir  commerce  avec  sa  femme,  qu'il 
ne  pourrait  jamais  admettre  ni  que  l'âme  fut  née  après  le  corps,  ni  que  le  monde 


d'histoire  et  de  littérature.  185 

dût  périr  entièrement,  ni  qu'il  dût  y  avoir  de  résurrection  comme  le  vulgaire 
l'entend,  enfin  qu'il  ferait  de  la  philosophie  chez  lui  et  de  la  mythologie  devant 
le  peuple,  -rà  jùv  oTxoi  ç0.o(To?â)v,  Ta  5'é^w  çt),oii.u6c5v.  M.  Volkmann  entre  dans  de 
grands  détails,  d'après  les  Lettres  et  les  Discours  de  Synésius  lui-même ,  sur  la 
cour  d'Arcadius,  la  révolte  de  Gainas,  la  situation  de  la  Pentapole  et  l'adminis- 
tration épiscopale  de  Synésius.  Les  faits  sont  bien  choisis,  disposés  avec  clarté, 

et  présentés  avec  intérêt. 

Charles  Thurot. 

184.  —  Sancta  Agnes.  Provenzalisches  geistliches  Schauspiel,  herausgegeben  von  Karl 
Bartsch.  Berlin,  Weber,  1869.  Pet.  in-8*,  xxxii-76  p. 

Cette  publication  est  le  premier  fruit  d'un  voyage  en  Italie  que  M.  Bartsch  a 
fait  l'hiver  dernier.  Considéré  à  un  point  de  vue  purement  artistique,  le  mystère 
de  sainte  Agnès  a  peu  de  valeur.  La  légende  latine  (Bo//.,  Jan.  II,  7 1 5)  est  suivie 
avec  une  fidélité  qui  ne  laisse  aucun  essor  à  l'imagination;  le  dialogue,  par  lequel 
certains  de  nos  mystères,  celui  de  la  Passion  notamment,  rachètent  bien  des 
faiblesses,  est  ici  constamment  froid  et  sans  nuances;  l'action  enfin,  qui  consiste 
en  une  série  de  conversions  instantanées  faites  à  coups  de  miracles,  est  encore 
plus  insupportable,  mise  en  scène,  que  dans  le  récit  original. 

Mais,  envisagé  comme  document  de  l'histoire  littéraire,  ce  même  mystère  offre 
un  intérêt  considérable.  Il  est  dans  la  littérature  provençale  le  représentant 
presque  unique  du  genre  auquel  il  appartient,  car,  ainsi  que  M.  Bartsch  le  fait 
justement  remarquer,  le  mystère  des  Vierges  sages  et  des  Vierges  folles,  bien 
qu'il  nous  ait  été  conservé  dans  un  ms.  exécuté  en  pays  de  langue  d'oc  (à  Saint- 
Martial  de  Limoges),  appartient  cependant  plutôt  à  la  langue  d'oïl;  et  d'autre 
part,  le  Ludus  Sancti  Jacobi,  jusqu'à  ce  jour  le  seul  mystère  provençal  connu,  est 
écrit  dans  une  langue  qui  est  déjà  à  peu  près  le  provençal  moderne.  Sainte  Agnès, 
au  contraire,  est  datée,  par  les  formes  du  langage  comme  par  le  ms.  qui  l'a  con- 
servée, du  XIV*  siècle. 

Il  est  donc  certain  que  le  Midi  de  la  France  a  connu  la  poésie  dramatique 
religieuse.  Ce  genre  de  composition  s'y  est-il  développé  spontanément,  ou  a-t-il 
été  importé  de  France,  c'est  ce  qu'on  ne  peut  guère  déterminer  à  l'aide  de  deux 
spécimens  seulement.  Notons  toutefois  que  Sainte  Agnès  et  Saint  Jacques,  fort 
différents  à  divers  égards,  ont  cependant  un  caractère  commun,  celui  d'être  fort 
courts.  Par  là  ils  se  rapprochent  des  anciens  mystères  français  du  xiii^  ou  du 
xiv'  siècle  ' ,  et  se  distinguent  nettement  de  ces  immenses  compositions  du 
xv^  siècle  dont  Cromwell  n'a  pas  dépassé  l'étendue. 

Faut-il  croire  que  les  représentations  dramatiques  aient  été  aussi  fréquentes 
au  Midi  qu'au  Nord  de  la  France,  et  doit-on  attribuer  la  perte  presque  complète 
des  drames  en  langue  d'oc  aux  circonstances  générales  qui  ont  été  si  funestes  à 


I.  Notamment  de  ceux  qui  sont  contenus  dans  les  mss.  819  et  820  du  Fonds  français 
de  la  Bibl.  imp.  et  dont  un  grand  nombre  ont  été  publiés  par  MM,  Monmerqué  et  Fr. 
Michel  dans  leur  Théâtre  français  au  moyen-âge. 


184  REVUE   CRITIQUE 

la  conservation  des  monuments  de  la  littérature  provençale  ?  Je  ne  le  pense  pas. 
Les  représentations  dramatiques  ne  pouvaient  guère  avoir  lieu  sans  que  les  communes 
s'y  intéressassent  soit  par  une  subvention  donnée  aux  auteurs  et  acteurs,  soit  en 
prenant  à  leur  charge  les  frais  qu'entraînaient  la  construction  des  échafauds,  la 
décoration,  etc.  Voilà  comment  les  Archives  communales  nous  ont  conservé  la 
mention  d'un  grand  nombre  de  jeux,  de  mystères,  qui  présentement  ne  se 
retrouvent  plus  dans  nos  bibliothèques,  ni  imprimés,  ni  manuscrits'.  Or  il  est 
remarquable  que  les  archives  des  villes  méridionales,  si  nombreuses  pourtant  et 
en  général  si  riches  pour  le  xiv^  siècle  et  le  xv%  n'aient  fourni  jusqu'à  présent,  à 
ma  connaissance  du  moins,  aucune  mention  de  ce  genre*.  Il  en  doit  exister 
pourtant,  puisque  deux  mystères  sont  là  pour  prouver  l'existence  du  genre,  mais 
elles  doivent  être  fort  rares.  Il  serait  à  désirer  que  l'attention  des  archivistes  du 
Midi  fût  attirée  sur  ce  point?. 

Par  un  autre  côté  encore  le  jeu  de  sainte  Agnès  offre  un  intérêt  que  M.  B.  a 
bien  su  mettre  en  lumière.  Il  contient  plusieurs  morceaux  de  chant  dont  chacun 
est  précédé  d'une  rubrique  indiquant  l'air  sur  lequel  il  doit  être  chanté.  Et  cet 
air  est  désigné,  non  pas  toujours  malheureusement,  mais  du  moins  dans  la  plu- 
part des  cas,  comme  dans  nos  vaudevilles,  par  le  renvoi  à  une  pièce  connue. 
Deux  de  ces  pièces-types  sont  latines,  les  autres,  au  nombre  de  dix,  sont  pro- 
vençales. Les  deux  pièces  latines  sont  le  Veni  Creator  (\\§,nQ  1040),  et  le  chant 
Si  quis  cordis  etoculi(\.G<^<Ç).  Cettedernièrepoésie,queM.B.n'apuidentifier,nela 
rencontrant  pas  dans  les  recueils  qu'il  avait  à  sa  disposition,  est  un  débat  entre 
le  cœur  et  l'œil  qui  paraît  avoir  été  très-goûté  en  Angleterre,  car  M.  Th.  Wright 
qui  l'a  publié  (Latin  poems  commonly  attributed  to  W.  Mapes,  p.  93),  n'en  cite  pas 
moins  de  sept  copies.  Depuis  je  l'ai  retrouvé  dans  un  ms.  d'origine  française4. 
Il  est  intéressant  d'avoir  la  preuve  qu'elle  a  été  répandue  aussi  dans  le  Midi. 
Des  dix  pièces  provençales,  trois  sont  très-connues.  Ce  sont  l'admirable  aubade 
de  G,  de  Borneil  :  Reis  glorios,  verais  lums  e  clardatz  (1.  492);  le  chant  de  Guil- 
laume de  Poitiers  partant  pour  la  croisade  :  Pois  de  cantar  ni' es  près  talensQ.  1 1 1 2) 
et  enfm  (1.  1419)  le  trope  de  saint  Etienne  qui  fut  si  répandu  dans  tout  le  Midi 
depuis  le  xiii^  ou  le  xiv^  siècle  jusqu'au  xvIII^  Les  sept  autres  pièces  dont  le  jeu 
de  sainte  Agnès  nous  a  conservé  le  premier  ou  les  deux  premiers  vers,  nous  sont 
d'ailleurs  entièrement  inconnues.  Leur  perte  est  d'autant  plus  regrettable  que 
plusieurs  paraissent,  selon  la  juste  remarque  de  M.  B.,  avoir  eu  le  caractère 

1 .  Et  par  exemple  la  mention  d'un  mystère  français  de  sainte  Agnès  qui  fut  repré- 
senté à  Compiègne  en  145 1.  Bibl.  de  l'Éc.  des  Ch.,  s,  IV,  499. 

2.  Je  crois  pouvoir  affirmer  que  les  Archives  de  Tarascon,  qui  permettent  de  suivre 
jour  par  jour  l'histoire  de  la  ville  à  partir  de  1370,  n'en  contiennent  pas  une  seule,  encore 
bien  que  la  mention  de  dépenses  faites  pour  des  réjouissances  publiques  y  soit  fréquente, 

3 .  Ceci  était  écrit  lorsque  j'ai  trouvé  dans  l'inventaire  des  Archives  de  Grasse  la  mention 
d'un  «  don  de  dix  écus  aux  joueurs  de  l'histoire  de  sainte  Marie  Magdeleine.  »  Cette 
mention  est  comprise  dans  un  registre  (BB  8)  qui  contient  les  délibérations  du  conseil 
de  la  commune  de  1595  à  1606.  La  date  précise  se  trouve  nécessairement  dans  le  registre, 
mais  les  règlements  administratifs  conformément  auxquels  cet  inventaire  a  été  rédigé  s'oppo- 
saient à  ce  qu'on  la  donnât! 

4.  Brit.  Mus.,  Egerton  274  fol.  24  V  {Arch.  des  Missions,  2'  série,  III,  283). 


d'histoire  et  de  littérature.  185 

populaire.  La  curiosité  est  vivement  piquée  par  une  chanson  qui  commence 
ainsi  :  Vein  aura  douza,  que  yens  d'outra  la  mar  (I.  1061),  et  plus  encore  par 
celle  dont  les  premiers  vers  sont  :  El  bosc  clar  ai  vist  al  palais  Amfos,  'î\  A  la 
fenestra  de  lapins  auîa  îor  (1.  520).  A  ce  propos,  je  dois  dire  que  le  premier  de 
ces  deux  vers  doit  la  forme  sous  laquelle  je  viens  de  le  transcrire  à  une  très- 
forte  correction  de  l'éditeur.  Cette  correction  est  ingénieuse  sans  doute,  mais 
d'abord  elle  donne  un  sens  médiocre  :  clar  est  une  épithète  bizarre,  appliquée  à 
bosc;  puis  a/ />a/<2«  est  difficilement  admissible  ;  il  faudrait  e/ fij/aw.  Enfin,  elle 
supprime  ou  traite  de  la  façon  la  plus  arbitraire  plusieurs  lettres  de  la  leçon  du 
ms.  Le  ras,  porte  en  effet  el  bosc  clar  deua  uisî  aï  palasih  amfos;  ce  qui,  bien  vu, 
se  rétablit  ainsi  tout  seul  :  el  bosc  d'Ardena  '  justal  palaish  Amfos.  Il  est  vraiment 
provoquant  de  ne  rien  savoir  de  plus  sur  cet  Alphonse  qui  avait  un  palais  dans  la 
forêt  d'Ardenne,  forêt  qui  tient  une  grande  place  dans  la  poésie  du  Midi  comme 
dans  celle  du  Nord,  dans  Girart  de  Rossilho  comme  dans  Renautde  Montauban. 

Revenons  pour  un  instant  aux  trois  pièces  provençales  connues  d'ailleurs 
d'après  lesquelles  l'auteur  du  jeu  a  composé  trois  de  ses  morceaux  de  chant.  Il 
est  remarquable,  comme  le  dit  M.  B.,  qu'un  chant  du  comte  de  Poitiers,  composé 
au  temps  de  la  première  croisade,  soit  resté  assez  longtemps  populaire  pour  être 
cité  au  commencement  du  xiv*  siècle  comme  un  air  connu.  Cela  est  d'autant 
plus  surprenant  que  les  pièces  de  Guillaume  IX  nous  ont  été  conser\-ées  par  un, 
deux,  trois  mss.,  jamais  plus  2.  On  pourrait  presque  faire  la  même  obser\'ation 
au  sujet  de  l'aubade  de  G.  de  Bomeil,  pièce  admirable  sans  doute,  mais  qui  néan- 
moins ne  semble  pas  avoir  été  très-répandue,  puisqu'on  ne  la  trouve  que  dans 
quatre  chansonniers  î.  M.  B.  s'est  beaucoup  étendu  dans  sa  préface  (p. xx-xxiij)  sur 
i'épitre  farcie  (proprement  letrope^  de  saint  Etienne,  et  les  développements  dans 
lesquels  il  est  entré  ont  manifestement  pour  but  de  défendre  contre  la  Revue  critique 
(1868,  II,  20)  l'antiquité  de  ce  chant.  Les  faits  sont  ceux-ci  :  la  pièce  en  question 
a  été  jusqu'ici  reconnue  dans  sept  livres  manuscrits  ou  imprimés,  dont  le  plus 
ancien  remonterait,  dit-on,  au  xiii^  siècle*;  la  langue  et  la  versification  ne  pré- 
sentent rien  qui  exclue  le  xiii*  siècle;  dans  ces  circonstances  est-il  légitime  de 
placer,  comme  l'a  fait  M.  B.  dans  sa  Chrestomathie,  le  trope  de  saint  Etienne  au 
XI''  siècle?  Aussi  M.  B.  n'est-il  plus  si  affirmatif.  Il  remarque  que  le  jeu  de  sainte 
Agnès  constate  la  popularité  de  cette  pièce  dès  le  commencement  du  xiv^  siècle, 
et  que  par  conséquent  il  doit  dater  au  moins  du  xiii=;  ce  que  personne  ne 
conteste  s ,  seulement  le  témoignage  du  jeu  ne  nous  apprend  rien  que  nous  ne 

1 .  Tous  les  paléographes  savent  que  d  et  le  groupe  cl  se  prennent  facilement  l'un  pour 
l'autre. 

2.  Naturellement  je  ne  compte  que  pour  un  les  deux  mss.  8 54  et  12475,  qui  sont  deux 
copies  d'un  même  original.  La  pièce  imitée  dans  SainU  Agnes  se  trouve  dans  trois  mss. 

3.  856  f.  30,  L.-V.  14  f.  8  d,  !749  f.  56,  Laur.  42  f.  19. 

4.  Selon  Jaime  de  Villanueva  cité  par  D.  M.  Milâ  y  Fontanals,  Trovadores  en  Espana, 
p.  466,  note.  L'opinion  du  premier  de  ces  savants  ne  fait  point  autorité  en  matière  de  paléo- 
graphie, et  le  court  passage  cité  par  M.  Milâ  paraît  plutôt  être  du  catalan  du  XIV*  siècle. 
Cette  nouvelle  source  pour  notre  trope  est  à  ajouter  à  celles  que  j'ai  indiquées  Rev.  des 
Soc.  sav.,  4*  série,  V,  298-9. 

j.  J'ai  dit  dans  la  Revue  des  Sociétés  savantes,  4*  série,  V,  299  (1867)  :  t  La  langue, 


l86  REVUE    CRITIQUE 

sachions  déjà,  car  l'un  des  textes  du  trope,  étant  daté  de  1318,  est  probable- 
ment aussi  ancien,  sinon  plus,  que  sainte  Agnès,  sans  parler  du  ms.  qui  daterait, 
au  rapport  de  Villanueva,  du  xiii^  siècle  '.  —  M.  B.  va  plus  loin  et  s'appuie  sur 
l'existence  d'un  trope  français  remontant  au  commencement  du  xii^  siècle.  Qu'est- 
ce  que  cela  prouve  pour  le  texte  provençal  qui  nous  occupe  ?  Nous  avons  en 
français  deux  tropes  de  saint  Etienne,  l'un  du  xii^  siècle  (celui  qu'invoque  M.  B.) 
et  l'autre  du  XIII^  Il  se  peut  fort  bien  que  parallèlement  le  Midi  en  ait  eu  deux 
aussi  ;  mais  en  ce  cas  le  premier  s'est  perdu,  comme  aurait  bien  pu  se  perdre  l'ancien 
trope  français  dont  il  n'existe  qu'un  ms.  »  M.  B.  se  fonde  encore  sur  la  forme 
des  couplets ,  qui  est  ancienne ,  et  il  s'attache  à  montrer  que  les  infinitifs  en  ier 
(au  lieu  de  af)  se  rencontrent  déjà  à  une  époque  ancienne  en  provençal.  J'admets 
le  premier  point,  et  même,  quoique  non  sans  réserves,  le  second  qui  s'appuie  sur 
Girart  de  Rossilho  et  sur  la  première  partie  du  poème  de  la  Croisade,  mais  assu- 
rément les  inf.  en  ier  sont  moins  rares  au  xiii^  siècle  qu'avant,  et  la  disposition 
strophique  du  trope  s'accommode  très-bien  de  la  fin  du  xii"  siècle  ou  même  du 
xIll^  Et  enfin  j'ai  déjà  signalé  dans  l'article  précité  le  parfait  composé  van  menar 
qui  n'est  certainement  pas  du  xf  siècle. 

Venons-en  à  la  constitution  du  texte.  Le  ms.  est  du  commencement  du 
xiv*  siècle,  et  sans  doute  aussi  le  poème.  Il  a  été  exécuté  en  Provence,  ce  que 
montrent  tant  les  caractères  du  dialecte  que  la  description  du  ms.  donnée  par 
M.  B.  3,  et  il  est  à  présumer  que  le  jeu  lui-même  a  été  comme  le  Ludus  S.  Jacobi, 
composé  dans  la  même  province.  Car  à  cette  époque  tardive  de  la  littérature 
provençale,  les  œuvres  littéraires  n'avaient  pas  une  large  circulation,  et  il  est 

»  autant  qu'on  peut  la  rétablir  par  les  rimes,  accuse  le  XIII"  siècle,  sinon  le  XII*.  » 

1.  C'est  de  même  que  le  témoignage  de  J.  deNostre  Dame,  cité  p.  xx,  note,  par  M.  B. 
ne  nous  apprend  rien  de  nouveau  sur  l'usage  du  trope  en  question,  puisque  nous  savons 
d'ailleurs  qu'on  le  chantait  en  1318,  c'est-à-dire  plus  de  deux  siècles  avant  Nostre  Dame, 
et  à  la  fin  du  XVII'  siècle,  plus  de  cent  ans  après  sa  mort. 

2.  A  Tours,  M.  G.  Paris  l'a  publié  dans  le  t.  IV  du  Jahrbuchf.  enghscheu.  romanische 
Literatur. 

3 .  Je  reproduis  en  partie,  avec  quelques  observations,  la  description  purement  diploma- 
tique donnée  par  M.  Bartsch  : 

r  —  F.  1 .  Concilium  per  dominum  Rostagnum,  divina  providencia  Aralatensem  archi- 
episcopum  secundum,  apud  Insulam  celebratum. 

2*  —  F.  3.  Concilium  domini  Johannis,  celebratum  anno  Domini  M.CCXXXIIII,  vj 
idus  Julii, 

3*  —  F.  5.  Concilium  secundum  dicti  domini  Johannis. 

4'  _  F.  6.  Concilium  primum  per  dominum  B.  Maleferrati  condam  archiepiscopum 
Arelatensem  celebratum. 

5*  —  F.  7.  Concilium  domini  Florentini. 

6*  —  F.  14.  Concilium  celebratum  per  dominum  Bertrandum  archiepiscopum  Arela- 
tensem, postea  episcopum  Sabinensem. 

■j'  _  F.  ic).  Concilium  domini  Bertrandi  Amalrici  archiepiscopum  (sic)  Arelatensem, 

Le  plus  récent  de  ces  conciles  est  celui  de  l'Isle  en  Venaissin  dont  les  actes  sont  trans- 
crits en  premier  lieu.  Il  eut  lieu  en  1288.  La  manière  dont  est  conçue  la  rubrique  semble 
indiquer  qu'au  moment  où  elle  fut  écrite  l'archevêque  Rostan  vivait  encore.  Il  mourut 
en  1303.  —  Le  concile  tenu  par  Bertran  Amalric  (n*  7)  est  de  1282.  —  Il  est  à  noter 
qu'ici  l'archevêque  «  B.  Maleferrati  »  (n*  4)  est  clairement  distingué  de  Bertrand  qui  fut 
évèque  de  Sabine  à  partir  de  1273  fn'  6).  Le  Gallia  ckristiana  (I,  571  D),  à  tort  ou  à 
raison,  confond  ces  deux  personnages  en  un  seul. 


d'histoire  et  de  littérature.  187 

toujours  légitime,  jusqu'à  preuve  contraire,  de  considérer  l'œuvre  comme  origi- 
naire du  pays  où  a  été  faite  la  copie.  Dans  ces  conditions  le  travail  de  l'éditeur 
devait  consister  à  reproduire  avec  une  entière  fidélité  l'écriture  (=  spelling)  du 
ms.,  sauf  à  corriger  les  fautes  contre  le  sens  ou  la  mesure.  C'est  un  soin  dont 
M.  B.  s'est  acquitté  avec  un  scrupule  dont  les  notes  nombreuses  qui  remplissent 
les  dernières  pages  du  volume,  rendent  le  témoignage  le  plus  satisfaisant.  Sur  un 
point  ou  deux  seulement,  je  crois  que  M.  B.  aurait  pu  demeurer  plus  fidèle  encore 
à  la  leçon  du  ms.  Il  est  très-vrai,  comme  il  le  dit  dans  la  note  sur  la  ligne  86, 
que  dans  ce  ms.  l'abréviation  qui  signifie  ordinairement  n  (un  trait  horizontal) 
se  rencontre  fréquemment  en  des  mots  où  rien  n'est  à  suppléer  (ainsi  1.  86 
îostêms)',  et  j'ai  eu  récemment  moi-même  l'occasion  de  constater  un  fait  analogue 
dans  un  ms.  également  exécuté  en  Provence;  mais  il  ne  faudrait  pas  négliger 
cette  abréviation  dans  les  cas  où  les  habitudes  de  la  langue  permettent  de  la 
compter  pour  valable.  Ainsi  j'aurais  laissé  subsister,  1.  1002  ben  (le  ms.  ayant 
bë)  encore  que  la  rime  correspondante,  fe,  ne  puisse  recevoir  l'/z.  Il  est  certain 
qu'en  Provence  Vn  final  non  protégé  par  une  dentale  subsistait  (dans  bon,  ben, 
non,  joven  de  juvenis,  etc.),  puisqu'il  est  encore  conservé  maintenant,  et  il  est 
d'ailleurs  prouvé  que  cet  n  n'empêchait  pas  la  rime  avec  des  mots  qui  en  étaient 
dépourvus  ' .  Dès  l'instant  qu'on  le  laisse  subsister  dans  l'intérieur  des  vers,  il 
n'est  pas  légitime  de  le  supprimer  à  la  fin.  C'est  pourquoi  je  conserverais  encore 
bon  (ainsi  écrit  dans  le  ms.)  à  la  1.  i8i .  —  L.  ^74.  M.  B.  a  été  bien  tenté  (voir 
sa  note)  de  supprimer  Vn  de  gens,  parce  que  la  forme  la  plus  ordinaire  est  en 
effet  ges,  mais  d'abord  Vn  est  ici  étymologique  puisque  ce  mot  vient  de  genus  *, 
et  de  plus  gens  se  dit  encore  maintenant  dans  certaines  parties  de  la  Provence. 
—  L'antipathie  de  M.  B.  pour  Vn  l'a  conduit  à  supprimer,  contre  toute  raison, 
cette  lettre  dans  îernz  (601),  tern  (6?o,  1027)  et  à  écrire  partout  terz.  Mais  îernz, 
tern  (ternus),  existe  indépendemment  de  terz  (tertius'),  voir  Raynouard,  Lex.  rom. 
V,  41 1.  —  M.  B.  a  du  reste  étudié  avec  beaucoup  de  sagacité  les  formes  dia- 
lectales que  présente  le  texte  de  sainte  Agnès,  et  il  y  aurait  bien  peu  à  ajouter  à 
ses  remarques.  Peut-être  aurais-je  considéré  comme  une  particularité  dialectale, 
propre  au  copiste  plutôt  qu'à  l'auteur,  mais  non  comme  une  faute,  la  substitu- 
tion de  s  à  /  dans  l'article  : 

singulier. 
Masc.  Fém. 

Sujet    ce,  zt  (pour  /«)  456,  1205  ;  à,  si  (pour  la)  570%  93 1,  1459. 

Rég.    so  (pour  lo)  458;  sa  (pour  la)  425,  567,  1204*,  1235. 


1 .  Voy.  Blhl.  de  l'Éc.  des  Ch.,  6,  V,  266-7. 

2.  Voy.  G.  Paris,  Mém.  de  la  Soc.  de  linguistique  de  Paris,  I,  191. 

3.  Le  ms.  présente  cet  hémistiche  :  Qe  non  a  ci  nostra  ydola.  M.  B.  supprime  ci  pour 
la  mesure;  avec  raison  je  crois,  ce  que  je  remarque  c'est  seulement  que  ci  est  pour  //. 
Dans  ce  texte ,^  comme  dans  quelques  autres  de  la  même  contrée,  li  est  la  forme  du  cas 
sujet  de  l'art,  fém.  sing.  ;  voy.  Flamenca,  p.  xxxij-xxxiij.  Cela  est  constant  dans  la  vie  de 
sainte  Douceline. 

4.  M.  B.  pense  qu'en  cet  endroit  sa  pourrait  être  à  la  rigueur  le  possessif,  ce  qui  ne 
me  paraît  pas  admissible. 


l88  REVUE   CRITIQUE 

PLURIEL. 

Sujet    ci  (pour  /O  917;  — 

Rég.     SOS  (pour  los)  373,  455,  565  ;  — 

Il  me  semble  impossible  qu'une  substitution  de  consonne  qui  se  produit  aussi 
souvent  et  toujours  dans  un  même  mot,  l'article,  soit  véritablement  une  faute.  Il 
y  faut  plutôt  voir  une  particularité  de  prononciation  ;  d'autant  plus  que  cette 
bizarre  substitution  n'est  pas  restreinte  au  seul  texte  de  Sainte  Agnès  :  elle  se  montre 
aussi,  quoique  à  de  rares  intervalles,  dans  le  ms.  de  Flamenca  (voy.  la  note  du 
vers  1 550);  elle  peut  aussi  être  reconnue  dans  le  nom  du  troubadour  Pons  de 
sa  Cardia  (856  fol.  338,  339;  La  Vall.  f.  30  a  et  c)  qu'on  identifie  avec  le  Pons 
de  la  Cardia  ou  de  la  Carda  d'autres  mss.  (1749  p.  165-7,  Oxf.  no»  148-50). 

Les  observations,  toujours  très-fines,  et  ordinairement  appuyées  d'un  riche 
cortège  d'exemples,  que  M.  B.  a  faites  dans  sa  préface  et  dans  quelques-unes  de 
ses  notes,  sur  la  langue  de  sainte  Agnès,  pourraient  encore  suggérer  bien  des 
remarques  et  même  quelques  objections,  mais  de  peur  que  le  compte-rendu 
n'égale  le  livre  en  étendue,  je  me  hâte  de  donner  leur  tour  à  quelques  notes 
isolées  sur  divers  endroits  du  texte  :  59-60  ...si  deu  gardar  \\  Premieramenz 
de  mal  afar;  I.  a  far.  —  262  Si  vos  ajuî  \\  Le  nostre  Dieus;  mieux  vaudrais  si  nos. 
—  412  Malgrat  tien  ;  985  Malgrat  d'est  angel;  dans  l'un  et  l'autre  cas  j'aimerais 
mieux  mal  grat,  comme  à  la  ligne  772.  —  439  et  suiv.  Agnès  dit  que  la  divinité, 
placée  dans  le  ciel,  est  louée  par  les  anges  qui  sont  avec  elle  e  per  los  sanz  qe  an 
munt  son  (1443)-  M.  B.  propose  de  traduire  ces  derniers  mots  par  a  qui  ont  un 
»  ton  pur  (mundam  tonum),  qui  louent  la  divinité  en  un  chant  pur,  »  ou  bien  de 
corriger  qe  el  munt  son,  «  qui  sunt  in  mundo;  »  le  second  sens  est  évidemment 
le  seul  acceptable,  car  il  y  a  une  opposition  évidente  entre  les  anges  qui  sont 
dans  le  ciel  et  les  saints  qui  sont  dans  le  monde.  —  461  Pren  la  liar,  1.  Va.  — 
49 1  (voir  la  note)  postribulum  pour  prostibulum  est  la  forme  constamment  usitée 
en  Provence  pendant  le  xiV  siècle  et  le  xV.  Il  serait  facile  d'en  alléguer  ici  cent 
exemples  tirés  d'archives  communales.  —  494  romancium,  au  sens  de  «  vers  en 
langue  romane  »,  se  retrouve  à  l'explicit  du  recueil  des  pièces  de  P.  Cardinal 
qui  fait  partie  du  ms.  1 521 1  (anc.  Suppl.  fr.  683)  :  «  Explicit  romansium  istum.» 
5  54  Daquesî'y  566  Ni  corn  nos  an  gitadas  dinz  de  nostre  bordel;  1077  M'as  dinz 
d'enfern  gitat;  1.  d'aquest,  d'inz.  —  5  59  et  suiv.  ...et  angeli  aptant  ipsum  (postri- 
bulum) ut  supra  dictum  et ipsicumasper germe...  M.  B.  paraît  considérer  aspergesme 
comme  un  mot  prov.  et  le  traduit  par  «  aspersion  »  (Besprengung);  c'est  plutôt 
«  aspersoir  »;  ce  mot  qui  existe  aussi  en  français  sous  la  forme  asperges  (voy. 
Littré)  n'est  autre  chose  que  le  début  de  la  formule  qui  sert  pour  la  bénédiction 
de  l'eau  et  qui  se  chante  avant  la  grand-messe  :  Asperges  me  Domine  hyssopo 
et  mundabor  (Ps.  50,  9).  —  707,  i  -^6  2 ,  espautat,  1.  espantat,  le  mot  existe  encore  : 

E  de  soute  lou  porje  alucon  espanta. 

(Mireio,  ch.  xii). 

Il  est  bien  vrai  que  le  Lexique  roman,  \U,  167  donne  espautar  avec  trois  exemples, 
mais  c'est  une  faute  évidente  que  la  comparaison  de  l'espagnol,  du  catalan  et  du 
portugais  espantar,  suffirait,  à  défaut  du  prov.  mod,,  à  corriger.  —  843  Ms. 


d'histoire  et  de  littérature.  189 

am  fre  colobras  la  meîrem;  M.  B.  corrige  emfra;  je  préférerais  ambe.  —  962-3 
Sapchas  qix'ieu  non  ai  tonfill  mor  ||  Ans  acel  qu'el  cresia  tant  fort;  il  faut  au  second 

vers  a  cel  :  «  je  n'ai  pas  tué  ton  fils,  mais  l'a  tué  celui »  —  1080  Qn'iea  mel 

daierenant  Jhesu  Christ  asorar.  C'est  un  monstre  que  daierenant,  et  il  ne  sert  de 
rien  de  le  comparer  à  deserenant;  corrigez  d'aici  enanî.  —  1196-7  E  en  Jhesu 
trastut  vos  confites,  ||  Que  si  crezes  el  vos  dara  s'amor;  le  sens  exige  «[/].  —  1246 
et  1289  M.  B.  écrit  Aspain  le  nom  d'un  personnage  qui  aux  vers  1335  et  1429 
est  appelé  Aspani;  le  nom  latin  est  Aspasius.  Selon  M.  B.  (note  sur  1289)  la 
mesure  exige  ces  deux  différentes  formes,  la  première  de  deux,  la  seconde  de 
trois  syllabes.  Ce  serait  bien  singulier.  Les  deux  premiers  vers  sont  ainsi  conçus  : 

1 246.  E  quar  Naspains  es  savis  homs  e  pros. 
1289.  Naspain  seiner,  que  ben  astruc  vos  sia. 

Ces  deux  vers  sont  décasyllabiques  et  par  conséquent  peuvent  admettre  en 
sus  de  la  mesure  une  syllabe  non  accentuée  à  l'hémistiche.  Rien  n'empêche  donc 
de  lire  dans  les  deux  cas  Naspanis,  car  au  v.  1246  la  syllabe  finale  du  mot  en 
question  est  atone,  comme  au  v.  1 289  celle  de  seiner.  Ces  deux  vers  ne  sont  donc 
point  en  contradiction  avec  les  vers  1335  et  1429. —  1378  Donar  qui  allonge 
le  vers  d'une  syllabe,  pourrait  être  remplacé  par  dar.  —  1412  Da  pe  de  la  mon- 
îona.  C'est  le  début  d'un  des  chants  dont  la  musique  a  été  empruntée  par  l'auteur 
de  Sainte  Agnès.  Au  lieu  de  Da  il  faudrait  Dal.  —  145  3  Qu'il  s'a  fah  trop  longua 
durada.  Au  lieu  de  s'a  1.  sa  (pour  saï)  «  ici.  » 

En  terminant  ce  compte-rendu  d'une  publication  par  laquelle  M.  Bartsch  a 
une  fois  de  plus  bien  mérité  des  études  provençales,  qu'il  me  soit  permis 
d'appeler  l'attention  des  personnes  qui  s'intéressent  au  progrès  de  ces  mêmes 
études  vers  les  découvertes  qui  restent  encore  à  faire  dans  le  domaine  de  l'an- 
cienne littérature  des  pays  de  langue  d'oc.  Je  ne  pense  pas  que  toutes  les  biblio- 
thèques du  Midi  aient  été  explorées  avec  le  soin  désirable.  Nous  savons  ce  que 
possèdent  les  bibliothèques  d'Aix,  d'Albi,  de  Carpentras,  de  Montpellier,  de 
Carcassonne,  de  Perpignan,  de  Clermont-Ferrand ;  mais  ailleurs,  n'y  a-t-il  rien? 
Autre  observation  :  il  est  une  des  littératures  les  plus  fécondes  du  moyen-âge 
dont  la  partie  la  plus  ancienne  n'existe  presque  plus  qu'à  l'état  de  fragments 
recueillis  dans  de  vieilles  reliures,  dans  des  parchemins  mis  au  rebut,  la  littérature 
du  moyen  bas-allemand.  Sans  doute  les  œuvres  provençales  n'ont  pas  eu  à  subir 
les  mêmes  désastres  ni  la  même  persécution,  mais  il  est  cependant  certain 
qu'elles  sont  à  peu  près  tombées  dans  l'oubli  dès  les  premières  années  du 
xv'=  siècle.  Sans  doute  alors  beaucoup  de  mss.  en  langue  d'oc  ont  été  non  pas 
absolument  détruits,  —  le  parchemin  était  toujours  bon  à  quelque  chose,  — 
mais  dépecés.  Comment  se  fait-il  qu'on  n'ait  jamais  mis  en  lumière  le  moindre 
fragment  de  littérature  provençale  tiré  d'une  couverture  de  registre  ou  d'un 
feuillet  de  garde  ' ,  tandis  que  bon  nombre  de  morceaux  d'ancien  français  ont  été 


I .  Je  ne  pourrais  citer  du  moins  qu'un  fragment  de  lapidaire  dont  j'ai  donné  un  extrait 
dans  \t  Jahrbuch  f.  engl.  u.  rom.  Literatur,  t.  IV,  et  quelques  feuillets  du  CiVarf</eRoisi/Ao 


L 


190  REVUE    CRITIQUE 

recueillis  dans  cette  condition  misérable  ?  C'est  apparemment  que  dans  le  Midi 
l'attention  ne  s'est  point  tournée  de  ce  côté. 

Qu'il  me  soit  donc  permis  d'insister  pour  que  les  bibliothécaires  et  les  archi- 
vistes des  villes  du  Midi,  examinent  avec  un  soin  scrupuleux  les  couvertures  des 
livres,  registres  ou  dossiers  confiés  à  leur  garde,  et  je  ne  doute  pas  qu'ils  soient 
récompensés  de  leur  sollicitude  par  d'heureuses  découvertes. 

P.  M. 


185.  —  L'Imprimerie  à  Bordeaux  en  1486,  par  Ernest  Gaullieur,  archiviste 
de  la  ville.  Bordeaux,  typ.  Foratié,  1869.  In-8°,  44  p. 

A  quelle  époque  l'imprimerie  a-t-elle  débuté  dans  la  capitale  de  la  Guyenne? 
Les  bibliographes  sont  restés  longtemps  mal  renseignés  à  cet  égard.  Sur  la  foi 
de  ses  devanciers,  le  savant  auteur  du  Manuel  du  Libraire  avait  d'abord  signalé 
comme  le  plus  ancien  produit  des  presses  bordelaises  un  livret  de  10  feuillets, 
devenu  introuvable  :  «  Les  Gestes  des  Solliciteurs .  Imprimé  à  Bourdeaulx,  le  vingt 
»  et  troisième  iour  de  aoust  lan  mille  cinq  cens  XXIX,  par  Jehan  Guyart  (petit 
»  in-4°,  gothique);»  c'est  un  petit  poème  d'Eustorg  de  Beaulieu  dont  on 
connaît  d'autres  ouvrages  publiés  pour  la  plupart  à  Lyon  '. 

Plus  tard,  M.  J.-Ch.  Brunet  apprit  l'existence  d'un  autre  volume  antérieur  de 
neuf  ans  à  celui  qu'il  avait  désigné  ;  il  ne  s'agit  plus  ici  d'un  livret,  mais  d'un 
très-gros  volume  :  Summa  diuersarum  questionum  medicinalium  per  ordinem  alpha- 
beti  collectarum  Per  magistrum  Gabrielem  de  Taregua  doctorem  regentem  Burdegale. 
Il  y  a  là  un  in-folio  achevé  d'imprimer  le  18  décembre  1 520,  chez  Gaspard 
Philippe,  et  qui  se  compose  de  250  feuillets.  Des  exemplaires  se  trouvent  à  la 
bibliothèque  de  Bordeaux  et  à  la  Bibliothèque  impériale  ;  cette  dernière  possède 
aussi  une  autre  édition  du  même  livre  Burdigalae  noviter  impressa  per  Johannetn 
Guyart,  1524,  in-folio.  L'auteur  du  Manuel  entre  à  cet  égard  dans  quelques 
détails  (j^  édition,  tom.  V,  col.  658  et  659),  et  il  observe  que  la  typographie  a 
dû,  à  Bordeaux,  commencer  par  un  ouvrage  moins  considérable  que  l'in-folio  du 
docteur  Taregua  2. 

provençal  qui  sont  en  ma  possession  et  que  j'utiliserai  dans  une  prochaine  publication.  On 
a  trouvé  aussi  à  la  Bibl.  imp.  un  feuillet  isolé  provenant  d'un  chansonnier  perdu.  Il  s'y 
trouve,  si  j'ai  bonne  mémoire,  une  ou  deux  pièces  d'Albertet,  connues  d'ailleurs.  C'est 
tout. 

1.  Le  Manuel  n'indique  pas,  parmi  les  ouvrages  d'Eustorg  de  Beaulieu,  YEspinglier  des 
filles,  Basle,  1550,  petit-in-8%  8  fts.  et  la  Chrestienne  Rcsiouyssance  (sans  lieu,  mais  à 
Bâle),  1^0,  8  fts.  227  et  10  p.  Un  exempi.  de  ce  volume  fort  rare  a  été  payé  640  fr. 
pour  le  compte  de  Mgr  le  duc  d'Aumale,  dans  une  vente  faite  à  Paris  en  novembre  1867, 
par  M.  Tross.  Voir  le  Bulletin  du  bibliophile,  1857,  p.  456, 

2.  Voir  sur  cet  auteur  la  Biblioth.  script,  medic.  de  Manget,  t.  IV,  p.  556.  J.  Tournon 
en  parle  aussi,  dans  sa  Liste  des  ouvrages  des  médecins  de  Bordeaux,  1799,  in-8°,  et  il  indique 
deux  autres  ouvrages  de  ce  docteur,  imprimés  à  Bordeaux  en  1 534  et  1 536.  Mentionnons 
enfin  deux  notices,  l'une  du  docteur  Cailleau,  dans  l'Almanach  de  la  Société  de  médecine  de 
Bordeaux  pour  1820;  l'autre  de  M,  Jules  Delpit,  dans  les  Actes  de  l'Académie  de  Bordeaux, 


d'histoire  et  de  littérature.  191 

On  connaît  une  édition  de  la  Complainte  de  trop  tard  marié,  opuscule  de  Grin- 
gore,  petit  in-8°  de  8  fts.  imprimée  par  J.  Guyard,  sans  date,  mais  très-positi- 
vement à  Bordeaux,  puisque  les  armes  de  cette  ville  sont  au  bas  d'un  des 
feuillets  de  cet  opuscule,  dont  la  Bibliothèque  impériale  possède  un  exemplaire. 
C'est  là  sans  doute  une  de  ces  productions  que  Guyart  mit  au  jour  après  avoir 
succédé  à  Gaspard  Philippe,  qui  avait,  au  commencement  du  xvi^  siècle,  exercé 
à  Paris  et  qui  était  ensuite  venu  à  Bordeaux;  sauf  un  changement  de  nom,  la 
marque  des  deux  typographes  est  la  même. 

Un  an  avant  1529,  Guyart  avait  publié  les  Coustumes  generalles  de  la  ville 
de  Bourdeaulx,  livret  de  22  feuillets  in-4°;  un  exemplaire  sur  vélin  fait  partie  de 
la  bibliothèque  municipale. 

L'archiviste  de  la  ville,  M.  Ernest  Gaullieur,  en  explorant  dans  le  dépôt  confié 
à  sa  garde,  des  liasses  de  parchemin  délaissées  depuis  des  siècles,  a  découvert 
un  document  intéressant  qui  fournit  la  preuve  que  trente-quatre  ans  avant  la 
date  du  premier  livre  imprimé  à  Bordeaux,  les  administrateurs  municipaux  de 
cette  ville  avaient  pris  des  mesures  efficaces  pour  y  introduire  l'exercice  de  la 
typographie.  Le  16  décembre  i486,  ils  passaient,  par-devant  notaire,  un  traité 
avec  un  Allemand,  Michel  Svierler,  de  la  billa  d'Orme  (c'est-à-dire  d'Ulm),  qui 
est  qualifié  de  librayre  et  vendeur  de  libres;  il  s'engage  à  amener  en  la  billa  et  ciutat 
mest.  et  compaignons  perfar  libres  d'impression  et  mole;  de  plus  il  \)rendra  par pretz 
rasonables  des  enfants  et  compagnons  de  la  ville,  s'il  y  en  a  qui  veulent  apprendre 
ledit  art.  M.  Svierler  s'engage  à  rester  dix  ans  à  Bordeaux,  sous  peine  de  saisie 
de  ce  qui  se  trouvera  lui  appartenir,  et  de  leur  côté  le  prévôt  et  les  jurats  lui 
accordent  deux  cents  francs  bordelais  payables  par  quart;  comptant,  à  6  mois, 
à  un  an  et  à  deux  ans.  L'acte  porte  quittance  du  premier  quart,  M.  Gaullieur 
observe  que  le  franc  bordelais  valait  22  fr.  50  de  la  monnaie  actuelle,  ce  qui 
porte  à  4500  fr.  de  notre  monnaie  la  subvention  que  la  ville  accordait;  cette 
somme,  considérable  pour  l'époque,  atteste  que  les  magistrats  municipaux  étaient 
des  amis  du  progrès;  ils  appréciaient  l'importance  de  l'invention  nouvelle  qui, 
depuis  peu  de  temps,  avait  été  introduite  en  France,  et  ils  voulaient  en  faire  jouir 
la  cité  confiée  à  leur  zèle.  Le  jour  même  Svierler  passait  un  autre  contrat  avec  un 
jurisconsulte,  un  licencié  a  en  décrets  »  N.  Nolot  de  Guiton,  lequel  garantissait 
à  la  ville  le  remboursement  des  200  francs  bordelais,  dans  le  cas  où  le  typographe 
étranger  ne  tiendrait  pas  ses  engagements  ;  la  moitié  du  bénéfice  que  Svierler 
pouvait  retirer  de  ses  travaux  devait  revenir  à  Guiton.  Svierler  avait  avec  lui  un 
maître  imprimeur,  Jehan  Walteor,  de  Mindellen,  qui  avait  «  forny  grant  quantité 
»  de  lestres  d'estaing  »  et  qui  devait  rester  deux  ans  auprès  de  Svierler. 

Quels  furent  les  travaux  de  Svierler  à  Bordeaux  ?  c'est  ce  qu'il  est  aujourd'hui 
impossible  de  préciser.  Un  acte  daté  du  7  juin  1487  montre  qu'il  avait  payé 
cent  francs  tournois  à  Etienne  Sauveteau  et  Guillaume  (nom  laissé  en  blanc  dans 
le  manuscrit),  par  suite  d'un  marché  qu'il  avait  fait  avec  eux  pour  «  sept 
»  centz  bréviaires  de  l'ordre  d'Aux  »  (c'est-à-dire  d'Auch,  siège  d'un 
archevêché).  Il    s'agit    sans    doute    d'une    commande    de    700    bréviaires, 


192  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

et  Svierler,  associé  à  Nolot  de  Guiton,  au  lieu  de  les  imprimer  lui-même,  les  fit 
imprimer  à  Poitiers.  Faut-il  en  conclure  qu'il  n'y  avait  pas  encore  d'atelier 
typographique  organisé  à  Bordeaux ,  ou  bien  que  Svierler,  occupé  à  un  autre 
travail,  et  ne  voulant  pas  refuser  une  commande  importante,  la  confia  à  des  tiers  ? 
Dès  1479  la  typographie  avait  débuté  à  Poitiers  par  l'impression  d'un  livre  de 
même  genre  :  le  Breviarium  historiale  de  Landulphe  de  Columna.  Il  serait  fort 
intéressant  de  découvrir  quelques  impressions  exécutées  à  Bordeaux  par  Michel 
Svierler,  de  savoir  s'il  tint  les  engagements  qu'il  avait  contractés  ;  malheureuse- 
ment on  ne  possède  encore  à  cet  égard  aucun  témoignage.  L'écrit  de  M.  Gaullieur 
fournit  du  moins  des  données  précieuses  sur  le  mouvement  intellectuel  dans  la 
capitale  de  la  Guyenne  au  xv*  siècle  ;  il  s'appuie  sur  des  pièces  justificatives 
transcrites  avec  soin  et  il  met  en  lumière  des  faits  complètement  ignorés.  Les 
idées  à  cet  égard  sont  parfois  si  peu  exactes  qu'un  ouvrage  publié  avec  luxe  en 
1852  :  Le  Livre  d'or  des  métiers,  offre  cette  assertion  singulière  :  «  Bordeaux  ne 
»  se  donna  une  imprimerie,  celle  de  Millanges,  qu'en  i  $72.  »  Il  fallait  d'abord 
ne  pas  estropier  le  nom  de  Millanges  ',  et  il  eut  été  bon  de  savoir  qu'indépen- 
damment des  trois  ouvrages  que  nous  avons  cités  dans  le  cours  de  cet  article,  il 
en  fut  imprimé  d'autres  à  Bordeaux  de  1 529  à  1 572  ;  ils  sont  devenus  d'ailleurs 
d'une  rareté  extrême;  nous  mentionnerons  seulement  les  LinguaeVasconum primi- 
îiae per  Bernardum  Dechepare,  Bmd'iQahe,  F.  Mortrain,  1545,  petit  in-8°,  et  les 
Coustumes generalles  de  Bourdeaulx,  1553,  petit  in-40,  également  chez  Morpain. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Chevalier,  Notice  sur  le  Cartulaire  d'Aimon  de  Chissé  (Romans,  l'auteur).  —  Free- 
MAN,  History  of  the  Norman  Conquest  (London,  Macmillan).  —  Homère,  l'Iliade,  p. 
p.  P1ERR0N  (Hachette).  —  Herzog  Ernst,  p.  p.  Bartsch  (Wien,  Braumuller).  — 
HuMBERT,  Molière,  Shakspeare  u.  die  deutsche  Kritik  (Leipzig,  Teubner).  —  Kamp- 
scHULTE,  J.  Calvin,  seine  Kirche  u.  sein  Staat  (Leipzig,  Duncker).  —  Lauer,  Gram- 
matik  d.  classischen  Armenische  Sprache  (Wien,  Braumuller).  —  Rœnsch,  Itala  und 
Vulgata  (Marburg  u.  Leipzig,  Elwert).  —  Sauppe,  Lexilogus  Xenophonteus  (Teubner). 
—  Steitz,  die  Werke  u.  Tage  d.  Hesiodos  (Teubner).  —  Verhandlungen  d.  22  Ver- 
sammlung  deutscher  philologen  (Teubner).  —  Zonarae  Epitome  historiarum,  éd.  L. 
DiNDORFius  (Teubner).  —  Zschokke,  Institut,  fundamentales  linguae  Arabicae  (Brau- 
muller). 

1.  Simon  Millanges  mérite  une  mention  des  plus  honorables  parmi  les  typographes 
provinciaux  de  la  seconde  moitié  du  XVI'  siècle;  il  a  imprimé  avec  élégance  et  correction 
plusieurs  livres  grecs  :  les  Hymnes  de  Synesius,  les  Météores  de  Cleomedes,  etc.  ;  il  a  donné 
les  deux  premières  éditions  (1  $80  et  1 582)  des  Essais  de  Montaigne,  aujourd'hui  si  recher- 
chées (à  la  vente  du  prince  de  Radziwil,  celle  de  1 580  a  été  payée  2050  fr.);  kPymander 
traduit  et  commenté  par  Fr.  de  Foix  de  Candalle,  1 574,  les  éditions  des  ouvrages  de  P. 
Charron,  1593  et  1601,  méritent  aussi  d'être  signalées.  Millanges,  se  conformant  à  un 
usage  assez  répandu  à  cette  époque,  avait  adopté  pour  sa  marque  un  rébus  :  des  anges 
nombreux,  millia  angelorum.  Cette  marque  est  d'ailleurs  reproduite  dans  la  dernière  édition 
du  Manuel  du  Libraire,  tom.  I,  col.  537. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


28  août. 
Edw.  J.  WooD,  The  Wedding  Day  in  ail  Ages  and  Countries;  Bentley;  2  vol. 

Cinco  carias  Polhko-Liter arias  de  D.  Diego  Sarmiento  de  Acuna,  primer  Conde 

de  Gondomar,  Embajador  a  la  corte  de  Inglaîerra,  1613-22.  Ces  lettres  d'un  homme 
d'État  qui  fut  en  même  temps  un  ardent  bibliophile,  sont  publiées  par  D.  Pascual 
de  Gavangos  pour  îa  Société  des  Bibliophiles  de  Madrid.  —  A  nearly  Literal 
Translation  of  Homefs  Odyssey  into  accentuated  dramatic  Verse  by  the  Rev.  Lovelace 
Bigge-Wither;  Parker;  an.  peu  favorable.  —  Session  de  l'Association  Bri- 
tannique. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS    FRANÇAISES    ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ou\Tages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Bœtticher  (K.).  Die  Tektonik  der  Helle- 
nen.  2.  neu  bearb.  Aufl.  1.  Lief.  enth. 
Die  Lehre  d.  tekton.  Kunstformen.  Gr. 
in-8*,  1 52  p.  u.  Atlas  Taf.  1-14.  Gr.  in-f^. 
Berlin  (Ernst  u.  Korn).  13  fr.  35 

Buchholz  (E.).  Die  sittliche  Weltan- 
schauung  d.  Pindaros  u.  /Eschylos. 
In-8*,    viij-200    p.    Leipzig   (Teubner). 

5  fr-  3S 

Euripidis  Electra.  In  usum  Scholar. 
academ.  edid.  C.  A.  Walberg.  In-8*,  iv- 
54  p.  Upsaliae,  Leipzig (Fritsch).  2fr.  50 

Fortlage(C.).  Sechs  philosophische  Vor- 
tra?ge.  In-S",  vij-238  p.  lena  (Mauke's 
Veriag).  5  fr.  35 

Freeman  (E.  A.).  History  ofthenorman 
conauest  of  England ,  ils  Causes  and  ils 
results.-  Vol.  3.  In-8*,  cart.  798  p.  Lon- 
don  (Mac  Millan).  26  fr.  25 

Gossrau  (C.  W.).  Lateinische  Sprach- 
lehre.  In-8*,v-é62  p.  Quedlinburg  (Basse). 

6  fr. 

Handbibliothek  rGermanistische) .  Hrsg. 
y.  J.  Zacher.  1.  Bd.  In-8*.  Halle  (Buchh. 
d.  Waisenhauses).  6  fr. 

Contenu  :  Walther  v.  der  Vogelweide, 
hrsg.  u.  erklsart  v.  W.  Wilmans  x- 
402  p. 

KeU  (C.  F.)  u.  Delitzsch  (F.).  Biblischer 
Commentarûb.  d.  alte Testament.  3.Thi. 
Prophetische  Bûcher.  1.  Bd.  A.  u.  d.  T. 
Biblischer  Commentar  ûb.  den  Propheten 
Jesaja  v.  F.  Delitzsch.  Mit  Vortraege  v. 
D'  Fleischer  u.  D'  Wetzstein.  2.  ùberarb. 


Ausg.  In-8*,  xxij-725  p.  Leipzig  (Dœrf- 
fling  u.  Francke).  16  fr. 

Laroche  ^J.).  Homerische  Untersuchun- 
gen.  In-8*,  xv-310  p.  Leipzig  (Teubner). 

8  fr. 

Laspeyres  ^P.).  S.  Maria  délia  Conso- 
lazionezu  Todi.  Nebst  Mittheilungen  ûb. 
d.  mittelalteri.  Baudenkmale  dieser  Stadt. 
Mit  4  Kpfrtaf.  u.  20  in  den  Text  eingedr. 
Holzchn.  In-fol.  12  p.  Berlin  (Ernst  u. 
Korn).  13  fr.  35 

Lauer  (M.).  Grammatik  der  classischen 
armenischen  Sprache.  In-8*,  viij-98  p. 
Wien  (Braumùller).  3^-2$ 

ILeathes  (S.).  The  Wittness  oi  St.  Paul 
to  Christ;  being  the  Boyie  Lectures  for 
1869.  With  an  Appendix  on  the  Credi- 
bility  of  the  Acts,  in  reply  to  the  récent 
Strictures  of  D'  Davidson.  In-8*,  cart. 
390  p.  London  (Rivingtons).    13  fr.  15 

Pertz  (G.  H.).  Das  Leben  des  Feldmar- 
schalis  Grafen  Neithardt  v.  Gneisenau. 
3 .  Bd.  8  Juni  bis  3 1  Decbr.  1813.  In-3*, 
xxiv-737  p.  Berlin  (Reimer).     13  fr.  35 

Peters  (J.^.  DeSocrate  qui  est  m  Attico- 
rum  antiqua  comoedia,  disputatio.  In-4*, 
21  p.  Leipzig  I Teubner).  i  fr.  35 

Pfeilitzer  -  Franck.  Beitrag  z.  Adels- 
geschichte  d.  Ostseeprovinzen  Russiands. 
I .  Abschnitt.  Ritterwesen,  Lehnsverfassg. 
Adelsentslehg.,  Wappenkunde.  Histo- 
risch  entwickelt.  Mit  (5)  lithog.  Taf., 
wovon  3  in  Tondr.).  In-4*,  iv-^ 
Moskau  Mitau  (Lucas). 


-47  P- 
10  fr. 


corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-S".  ?  fi-_  ^q 

Cet  ouvrage  forme  le  ^  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


TA/T  r^  l\/[  l\/î  ^  1-?  1\T     ^^^^^^""^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
.     iVl  W  M  M  O  Ci  1  >     Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-S».  j  fr. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 
Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


NICOLAS  DE  TROYES  gon^deTnouvdles 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in-i6,  papier  vergé,  cartonné.  5  fr. 

Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  l'été. 

Tp         T-K  T  T7  V     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  r'=  partie, 
*    •       *--'  A  i-^  ^         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  à  la  librairie  de  l'Orphelinat,  à  Halle,  et  se  trouve  à  Paris, 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

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•     IVirV  rv  1    1  IN     Normandie,   mit  einer  Einleitung  ûber  den 
Dichter  und  seine  saemtliche  Werke.  In-8°.  4  fr. 

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Die  handschriftlichen  Gestaltungen  der 
Chanson   de  Geste  «  Fierabras  »  und 
ihre  Vorstufen.  Gr.  in-8°.  3  fr.  ■zj 

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Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


G.  GRŒBER 


N*  39  Quatrième  année  25  Septembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  15  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

L.  DE  LASAUSSAYEetA.  PÉAN 

La  Vie  et  les  Ouvrages  de  Denis  Papin.  Tome  premier,  i""  partie.  6  fr. 


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•     \_-«/\olr\lN     de  Habsbourg  et  Jean  de  Chalon-Arlay  en  1289 
et  1290,  étudiés  dans  les  textes  et  sur  le  terrain.  In-S*'.  i  fr.  50 


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TA  13  D  r^  D  T— I  T^  f^  ]  T7  ^^  ™^  Charles  VIII  par  maistre 
LuJt\  r  rVW  r  11  iLU  1  IL  CuiUoche  eourdelois,  publiée 
pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 
paf  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-8^.  7  fr-  jo 


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3  planches.  3  fr. 

T  T        \  A/  tr  î  T       ^^  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  cora- 
11«      VV1_j11_j    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

The  Athenœum.  4  septembre. 

iAVFFRET,  Le  théâtre  révolutionnaire  (iy2>S-c,);  Paris,  Furne;  art.  favorable. 

—  The  Rev.  G.  Bartle,  The  scriptural  doctrine  of  Hades;  comprising  an  Inquiry 
into  the  State  of  the  Righîeous  and  Wicked  Dead  between  Death  and  the  General  Judg- 
ment,  and  demonstrating  from  the  Bible  that  the  Atonement  was  neiiher  made  on  the 
Cross  nor  yet  in  this  World;  Longmans;  art.  spirituel  sur  un  livre  qu'on  peut 
juger  sur  son  titre  seul.  —P.  Kennedy,  Evening  in  the  Duffrey;  Dublin,  M' 
Glashan;  consiste  en  une  série  de  conversations,  de  ballades,  de  contes  de  fées, 
et  de  traditions  locales,  unies  entre  elles  par  la  trame  d'un  roman.  —  Droysen, 
Gustav  Adolph,  t.  I;  nous  rendrons  compte  de  cet  ouvrage.  —  Session  de  l'Asso- 
ciation britannique  à  Exeter.  Entre  autres  communications  notons  celle  de 
l'archidiacre  Freeman,  intitulée  :  VHomme  contre  les  Animaux  (Man  v.  the 
Animais).  Selon  le  vénérable  auteur,  de  même  que  l'homme  a  été  créé  à  l'image 
de  Dieu,  il  y  a  lieu  de  croire  que  les  animaux  supérieurs,  le  lion,  le  taureau, 
l'aigle,  ont  été  créés  à  l'image  des  chérubins  (Ezéch.  I,  5,  8,  10),  Le  professeur 
Huxley  accueille  cette  théorie  inattendue  avec  le  genre  de  déférence  qui  lui  est 
dû. 

1 1  septembre. 

W.  Carew  Hazlitt,  English  Proverbs  and  Proverbial  Phrases;  J.  R.  Smith.  — 
W.  Dickson,  Japan;  being  a  Sketch  of  the  History,  Government  and  Officers  of  the 
Empire;  Blackwood.  —  J.  E.  Thorold  Rogers,  Historicals  Gleanings,  Mo^tagu, 
Walpole,  Adam  Smith,  Cobbett;  Macmillan.  —  Notons,  parmi  les  articles  origi- 
naux, E.  Jones,  La  réforme  orthographique.  —  Session  de  l'Association  britan- 
nique. 

Historische  Zeitschrift.  Hgg.  von  H.  von  Sybel.  1869.  T.  III. 

Essais.  I.  Gustave  Cohn,  Colbert  dans  ses  rapport  avec  Mazarin.  Intéressante 
étude  basée  sur  les  «  Lettres,  instructions  et  mémoires  de  Colbert  «  publiés  par 
M.  P.  Clément.  —  2.  Stahl,  Études  sur  ^histoire  des  révolutions  de  Naples  et  de 
Piémont  en  1820  et  1821.  L'auteur  était  adjudant  du  général  Guillaume  Pepe; 
ses  souvenirs  ont  été  fixés  immédiatement  après  les  événements,  et  sont  publiés 
ici,  longtemps  après  sa  mort,  par  M.  Hagnauer  son  ami,  qui  les  a  rédigés  jadis. 

—  5 .  Arnold  ScH/EFEr,  Les  négociations  des  villes  hanséatiques  avec  le  sultan  du 
Maroc,  de  1825  à  1850.  —  4.  Max  Lehmann,  La  guerre  de  1866  en  Allemagne  et 
les  négociations  qui  l'ont  précédée.  Critique  des  relations  officielles  publiées  à  ce 
sujet;  raconte  surtout  les  luttes  contre  les  armées  hanovrienne  et  bavaroise.  — 
5.  Alfred  Boretius,  De  la  loi  des  Saxons;  études  faite  à  propos  du  livre  de  M.  de 
Richthofen  (voy.  Rev.  crit.,  1869,  II,  art.  172).  L'auteur,  très-compétent  en  ces 
matières,  exprime  à  son  tour  des  opinions  très-divergentes  de  celles  de  MM. 
Waitz,  Richthofen,  Usinger,  etc.,  sur  cette  question  des  plus  embrouillées.  — 
Critiques  principales  :  Lœbell,  Gregor  von  Tours  und  seine  Zeit;  annonce  de  la  2*= 
édit.  de  cet  excellent  ouvrage.  —  Moet  de  Forte-Maison  ,  Les  Francs,  e^c. 
Jugement  sévère,  mais  mérité  sur  ce  travail  (cf.  Rev.  crit.,  J869,  art.  78).  — 
Valroger,  Les  barbares  et  leurs  lois  (cf.  Rev.  crit.,  1867,  art.  220).  —  Jaffé, 
Bibliotheca  rerum  Germanicarum.  T.  V.  Monumenta  Bambergensia.  —  Guibal,  Ar- 
naud de  Brescia  et  les  Hohenstaufen.  On  félicite  l'auteur  de  sa  connaissance  de  la 
littérature  scientifique  allemande  relative  au  sujet  (cf.  Rev.  crit.  1869,  art.  2).  — 
Dunger,  Die  Sage  vom  trojanischen  Kriege  im  Mittelalter.  —  Jul.  Weizs.ecker, 
Deutsche  Reichstagsakten,  Bd.  I.  —  Rœsler,  Die  Kaiserwahl  Karls  V.  —  L.  de 
Ranke,  Geschichte  Wallensteins.  —  Rathgeber,  Spener  et  le  réveil  religieux  de  son 
époque.  —  Reimann,    Geschichte  des  bayrischen   Erbfolgekriegs.  —  J.    Falke, 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  39  —  25  Septembre  —  1869 

Sommaire  :  i86.  Jacolliot,  la  Bible  dans  l'Inde.  —  187.  Eisenlohr,  Explica- 
tion du  texte  démotique  de  l'inscription  de  Rosette.  —  188.  Loth,  le  Livre  des 
classes  d'ibn  Sa'd.  —  189.  Chevalier,  Cartulaire  de  Saint-André-le-Bas,  —  190. 
Les  Actes  des  Diètes  germaniques,  p.  p.  Weizs-ecker.  —  191.  M"'  d'Épinay, 
Œuvres,  p.  p.  Challemel-Lacour.  —  192.  Quérard,  Supercheries  littéraires, 
p.  p.  Brunet  et  Jannet. 


186.  —  La  Bible  dans  rinde.  Vie  de  lezens  Christna,  par  Louis  Jacolliot. 

Paris,  Librairie  internationale,  1869.  In-8*,  391  p.  —  Prix  :  6  fr. 

L'auteur  de  ce  livre,  président  du  tribunal  de  Chandernagor,  s'est  proposé  de 
prouver  qu'à  peu  près  toutes  les  civilisations,  orientales  et  occidentales,  pro- 
viennent directement  de  la  civilisation  indienne  ;  que  tous  les  livres  religieux, 
tous  les  codes  civils  et  criminels,  depuis  le  pentateuque  et  sa  source  égyptienne 
jusqu'au  Corpus  juris  et  au  Code  Napoléon,  ne  sont  que  des  reproductions  obs- 
curcies des  Védas  et  des  lois  de  Manou  ;  que  toutes  les  langues  de  l'Europe  et  de 
l'Asie  sont  dérivées  de  la  langue  indienne,  et  que  spécialement  tous  les  noms 
propres  d'hommes,  de  dieux  et  de  nations,  depuis  Jéhovah  jusqu'à  Bellone,  depuis 
Iphigénie  jusqu'à  Manès,  depuis  les  Sequanes  jusqu'aux  Valaques,  ne  sont  que 
du  plus  pur  sanscrit.  Comme  dans  tout  le  livre  il  ne  se  montre  presque  pas  de 
trace  de  connaissance  de  l'ancienne  littérature  sanscrite,  et  que  les  nombreuses 
formations,  prétendues  sanscrites,  que  l'auteur  construit  pour  en  tirer  des  éty- 
mologies  incroyables,  accusent  l'ignorance  la  plus  complète  de  la  langue  même, 
il  serait  inutile  d'entrer  dans  un  examen  détaillé  de  ce  livre  qu'on  serait  bien 
tenté  de  ne  pas  prendre  au  sérieux.  Mais  je  dois  à  l'auteur  de  le  dire,  quand  j'ai 
su  que  c'était  lui  qui,  ailleurs  (voy.  La  Devadassi,  comédie  traduite  du  Tamoul 
par  L.  Jacolliot,  Paris,  1868,  p.  10),  avait  traité  le  tamoul  de  «  variété  simpli- 
»  fiée  du  sanscrit  »,  je  n'ai  plus  douté  qu'il  ne  fût,  cette  fois  aussi,  de  la  bonne 
foi  la  plus  entière.  A  coup  sûr  c'est  très-sérieusement  qu'il  prend  (p.  2  5  et  suiv.) 
des  formations  comme:  «  Tha-Saha,  Andha-ra-medha,  0-raksa-îa,  Pula-da,  Apfia- 
»  gana,  Itala,  Su-kam-bri,  Ala-manu,  Tha-na,  »  etc.  pour  des  mots  sanscrits; 
qu'il  leur  assigne  les  significations  :  «  l'associé,  sacrifice  à  la  passion  du  dieu  des 
»  eaux,  voué  au  malheur,  qui  console  par  son  amitié,  qui  finit  sans  postérité, 
»  hommes  de  basses  castes,  les  bons  chefs  de  la  terre,  les  hommes  libres,  chef 
»  des  guerriers,  »  et  qu'il  en  dérive  les  noms  de  Thésée,  d'Andromède,  d'Oreste, 
«  de  Pylade,d'Iphigénie,  des  Italiens,  des  Sicambres,  des  Allemands,  des  Thanes, 
»  nom  des  anciens  chefs  de  clan  écossais.  »  Non  moins  sérieusement  il  nous 
apprend  (p.  251  et  suiv.),  que,  d'APRÈs  le  Véda,  le  paradis  était  situé  dans  l'ile 
de  Ceylan,  que,  encore  d'après  le  Véda,  Adima  et  Héva  étaient  les  premiers 

VIll  ,j 


194  REVUE    CRITIQUE 

hommes,  et  que  c'est  à  cette  circonstance  que  le  Pic  d'Adam  doit  son  nom 
«  DEPUIS  LES  TEMPS  LES  PLUS  RECULÉS.  »  (La  tradition  qui  a  donné  naissance 
au  nom  de  cette  montagne  se  trouve  pour  la  première  fois  chez  Soulaimân,  au 
ix^  siècle,  voy.  Lassen,  Ind.  Alterthumsk.  IV,  925)  ;  et  enfin  que  les  Castras  ont 
plus  de  quatre,  le  Mahâbhârata  plus  de  sept  millions  d'années  d'antiquité  (p.  54), 
et  que  le  nom  du  Christ  doit  être  nécessairement  d'origine  sanscrite,  parce  qu'un 
surnom  grec  ne  convient  pas  à  celui  qui,  «  Juif  de  naissance,  passa  sa  vie  militante 
»  en  Judée  et  mourut  au  milieu  de  ses  compatriotes  »  (p.  ?6i). 

Pour  terminer,  voici  les  dernières  phrases  de  la  préface ,  qui  font  connaître 
l'opinion  propre  de  l'auteur  sur  son  ouvrage  :  «  Ce  livre  vient  vulgariser  toutes 
»  ces  vérités  qui  ne  s'agitent  aujourd'hui  que  dans  les  sommets  de  la  science, 
»  ces  vérités  que  beaucoup  ont  entrevues  sans  doute,  sans  oser  les  produire. 

» Je  sais  quelles  haines  je  vais  soulever,  mais  je  les  attends  sans 

»  crainte.  On  ne  brûle  plus  comme  au  temps  de  Michel  Servin  {sic),  de  Savo- 
»  narole  et  de  Philippe  II  d'Espagne,  et  la  libre  pensée  peut  se  produire  dans  un 
»  pays  libre.  »  Siegfr.  Goldschmidt. 


187.  —  Analytische  Erklœrung  des  demotisclien  Theiles  der  Rosettana, 

von  D'  August  Eisenlohr,  docent  der  segyptischen  Sprache  an  der  Universitaet  Hei- 
delberg.  Theil  I.  Leipzig,  librairie  Hinrichs.  —  Prix  :  5  fr.  3  5. 

L'examen  des  textes  démotiques,  si  intéressants  à  tant  d'égards,  n'a  pas  tenté 
jusqu'à  présent  la  masse  des  égyptologues.  Absorbés  dans  l'étude  plus  agréable 
des  monuments  hiéroglyphiques  et  hiératiques  de  tous  les  temps,  ils  ont  négligé 
les  textes  plus  humbles,  et,  il  faut  bien  le  dire,  fort  ennuyeux  pour  la  plupart 
que  nous  ont  légués  les  basses  époques  grecques  ou  romaines.  Aussi  le  livre  de 
M.  Eisenlohr  est-il  une  nouveauté.  Le  premier,  je  crois,  depuis  M.  Brugsch, 
M.  E.  a  triomphé  de  la  répugnance  qu'inspire  généralement  toute  cette  partie  de 
la  littérature  égyptienne.  Il  a  choisi  pour  morceau  de  début  la  partie  démotique 
de  l'inscription  de  Rosette;  j'aurais  préféré  la  partie  démotique  du  décret  de 
Canope  que  l'auteur  a,  paraît-il,  entre  les  mains,  et  dont  la  publication  immé- 
diate serait  si  utile  aux  progrès  de  la  science. 

La  première  partie  de  l'œuvre  de  M.  Eisenlohr  n'est  guère  qu'un  spécimen, 
une  sorte  de  préface  destinée  à  donner  une  idée  de  la  méthode  suivie  par  l'auteur 
et  des  résultats  auxquels  il  est  parvenu.  Après  deux  pages  consacrées  à  rappeler 
la  bibliographie  de  son  texte,  l'auteur  passe  à  l'examen  de  ce  texte  même.  Il  l'a 
divisé  en  plusieurs  parties  qu'il  se  propose  d'analyser  successivement.  La  pre- 
mière (1.  1-4)  renferme  selon  l'usage  la  double  date  égyptienne  et  grecque  et  le 
protocole  royal  inévitable;  M.  Eisenlohr  restitue  les  lacunes  d'après  les  hypo- 
thèses de  M.  Brugsch  justifiées  depuis  par  la  découverte  de  l'inscription  de 
Canope.  L'explication  de  la  date  amène  le  développement  de  rigueur  sur  l'année 
égyptienne  et  sur  sa  concordance  avec  l'année  macédonienne.  M.  Eisenlohr  lui 
consacre  six  grandes  pages  on  ne  se  trouve  en  résumé  ni  une  donnée  nouvelle. 


d'histoire  et  de  littérature.  195 

ni  une  solution  satisfaisante.  La  deuxième  partie  traite  des  prêtres  qui  rendirent 
le  décret  en  l'honneur  de  Ptoléraée-Epiphane,  et  renferme  une  discussion  trop 
longue  sur  certains  passages  grecs  relatifs  aux  fonctions  du  sacerdoce  égyptien. 
La  troisième  partie  doit  expliquer  le  corps  même  du  décret  (1.  5-21);  elle  est  à 
peine  commencée  et  se  continuera  dans  les  livraisons  suivantes  de  l'ouvrage. 

Cette  disposition  est  excellente  :  rien  n'aide  mieux  que  les  divisions  fré- 
quentes et  les  longs  commentaires  à  l'intelligence  d'un  texte,  surtout  quand  il 
est  rédigé  dans  une  écriture  généralement  peu  connue.  Je  trouve  toutefois 
que  M.  Eisenlohr  a  parfois  abusé  du  droit  d'expliquer,  et  suppose  les  égyp- 
tologues  plus  ignorants  qu'ils  ne  sont  réellement  du  mystère  démotique.  A  tout 
prendre  le  seul  obstacle  à  l'étude  consiste  dans  la  lecture  :  une  fois  le  signe 
déchiffré  et  transcrit  soit  en  caractères  romains,  soit,  ce  qui  vaudrait  mieux,  en 
caractères  hiératiques,  la  langue  elle-même  ne  présente  que  peu  de  difficultés 
sérieuses.  Personne  ne  sera  embarrassé  de  reconnaître  dans  le  Xop  démotique  le 
Xeper  des  bonnes  époques,  et  cela  d'autant  mieux  que  des  inscriptions  de  tous 
les  temps  nous  donnent  la  forme  Xep  identique  de  tout  point  à  la  forme  démo- 
tique. Dans  la  plupart  des  cas  une  simple  transcription  suffit;  un  auteur  scrupu- 
leux mettra  des  renvois  à  la  Grammaire  de  M.  Brugsch  et  passera  outre  sans  plus 
d'explication.  M.  Eisenlohr  se  croit  obligé  d'interpréter  tout  en  détail,  comme  il 
ferait  à  un  enfant;  chaque  mot  lui  fournit  la  matière  de  plusieurs  lignes.  Encore 
si  ces  lignes  renfermaient  des  exemples  nouveaux,  tirés  de  textes  non  publiés 
jusqu'à  présent.  Mais  dans  la  plupart  des  cas,  il  se  borne  à  reproduire  l'opinion 
de  M.  Brugsch  et  les  exemples  cités  par  lui.  Je  n'ai  pas  noté  un  fragment  tiré  de 
contrats  inconnus  ou  de  ces  papyrus  magiques  si  abondants  et  si  précieux.  Le  seul 
document  nouveau  auquel  il  se  permette  de  faire  allusion  est  le  décret  de  Canope  ; 
encore  ne  le  cite-t-il  qu'à  regret  et  avec  une  discrétion  sans  bornes. 

Prenons  un  exemple.  M.  Eisenlohr  rencontre  à  la  ligne  6,  la  phrase  suivante: 
«  en  harf  er  het  asi  pir  àsi  n  na  arpiu  Kern,  il  donna  aussi  beaucoup  d'argent, 
»  beaucoup  de  grains  pour  les  temples  d'Egypte.  «  La  phrase  n'exige  aucune 
explication  et  ne  renferme  rien  qui  puisse  arrêter  même  un  commençant.  Voici 
cependant  de  quelle  manière  M.  Eisenlohr  la  commente.  «  Enharf.  en  exprime 
»  le  temps  passé  ;  en  liaison  avec  er  il  répond  à  l'hiéroglyphique,  herf-râ.  Le 
»  passage  traduit  en  caractères  hiéroglyphiques  donne  herf  râ  het  alu,  pir-u  er 
»  ni  nuîer-hat-u  Kem-t.  —  Le  mot  er  répond  à  râ,  faire,  donner,  il  continua  de 
»  donner,  il  donna  aussi,  en  outre.  HeteslVargent,  proprement,  l'argent  métal.  Cf. 
»  Roset,  1.  8.  —  Ros.  1.  19  donne  nûb,  het,  ha-t,  où  le  texte  grec  correspon- 
»  dant  donne  xpu<^io'J  ts  xal  àpifyptou  xal  )ii6(i)v  TzdhïzzKGyt.  —  Nûb  cst  or,  monnaie 
»  d'or  (yo-jcfîo-j).  Het,  répondant  à  h'adj  or  blanc,  est  argent,  monnaie  d'argent.  Le 
»  troisième  signe,  etc.  »  L'analyse  continue  de  la  sorte  durant  neuf  lignes  encore, 
sans  rien  expliquer  qu'on  ne  connût  déjà.  Si  des  quarante-six  pages  in-4''  fort 
serrées  qui  composent  la  première  livraison,  l'auteur  avait  retranché  toutes  les 
inutilités,  le  mémoire  se  trouverait  réduit  à  douze  ou  quinze  pages  et  gagnerait 
infiniment  à  cette  réduction. 


IC)6  REVUE  CRITIQUE 

Ce  défaut  une  fois  signalé,  je  dois  dire  que  l'ouvrage  de  M.  Eisenlohr  est  loin 
d'être  sans  mérite.  Le  texte  est  bien  compris,  et  bien  traduit;  les  notes  malheu- 
reusement trop  abondantes  ne  renferment  d'ordinaire  que  des  faits  exacts.  On 
pourrait  cependant  signaler  çà  et  là  quelques  erreurs  de  détail.  Ainsi  M.  Eisen- 
lohr à  propos  du  monosyllabe  au^,  affirme  qu'il  se  trouve  souvent  avec  le  sens 
conjonctif,  et,  ce  qui  est  vrai;  mais,  à  l'appui  de  son  dire,  il  cite  le  Papyrus 
d'Orbiney  (6,  7)  ce  qui  est  loin  d'être  exact.  Au  papyrus  d'Orbiney,  au,  même  au 
commencement  des  phrases  est  une  forme  verbale  et  sert  à  former  un  temps.  En 
somme,  si  M.  Eisenlohr,  au  lieu  de  viser  au  développement  inutile,  veut  bien  se 
borner  dans  ses  commentaires  et  se  résigner  à  ne  dire  que  ce  qui  est  strictement 
nécessaire,  il  pourra  rendre  de  grands  services  aux  études  démotiques  et  marquer 

sa  place  à  côté  de  M.  Brugsch. 

G.  Maspero. 


188.  —  Das  Classenbuch  des  Ibn  Sa'd.  Einleitende  Untersuchungen  ûber 
Authentie  und  Inhalt  nach  den  handschriftlichen  Ueberresten,  von  Otto  Loth.  Leip- 
zig, libr.  Hinrichs,  80  p.  —  Prix  :  2  fr.  75. 

La  dissertation  de  M.  Loth  est  comme  le  cadeau  de  joyeux  avènement  qu'il 
offre  à  l'Université  de  Leipzig,  en  s'y  installant  en  qualité  de  privat-docent  à  côté 
de  ses  maîtres,  MM.  Fleischer  et  Krehl.  M.  L.,  qui  avait  déjà  donné  dans  le 
«  Journal  de  la  société  orientale  allemande,  »  un  mémoire  remarqué  sur  les 
pays  volcaniques  énumérés  par  YâÂ;oût,  se  fait  parmi  les  Orientalistes  une  place 
à  part  et  tout-à-fait  distinguée  par  son  étude  critique  et  son  analyse  du  Livre  des 
Classes  d'Ibn  Sa'd. 

MM.  Sprenger,  Wûstenfeld  et  Nœldeke  ont  tour  à  tour  appelé  l'attention  de 
la  science  européenne  sur  cet  ouvrage  si  important,  et  ont  montré  quel  parti 
on  pouvait  en  tirer  pour  mieux  connaître  l'origine  et  les  commencements  de 
V islam.  En  même  temps  une  série  de  circonstances  heureuses  réunissait  dans  les 
principales  bibliothèques  de  l'Allemagne  des  fragments  se  complétant  ou  se  con- 
trôlant l'un  l'autre  ;  chaque  nouveau  volume  que  l'on  découvrait  faisait  mieux 
apprécier  l'ensemble,  et  une  étude  générale  comme  celle  de  M.  L.  devenait 
possible,  grâce  à  ces  trouvailles  successives  et  à  l'accumulation  des  documents 
manuscrits.  Nous  ne  devons  considérer  le  travail  actuellement  publié  par  M.  L. 
que  comme  une  préface  à  une  édition  du  «  Livre  des  Classes.  »  Toutes  les  ques- 
tions relatives  à  l'antiquité  de  ce  livre,  à  la  transmission  des  exemplaires,  à 
l'authenticité  du  texte,  à  l'ordonnance  des  parties,  sont  abordées  par  M.  L.,  dis- 
cutées avec  une  érudition  saine  et  tendant  plutôt  à  se  dissimuler  qu'à  s'étaler, 
enfin  le  plus  souvent  résolues  de  la  manière  la  plus  judicieuse.  Cette  clarté  du 
raisonnement  est  comme  reflétée  par  un  style  hmpide,  net,  élégant,  qui  décrit  et 
met  en  relief  tous  les  contours  de  la  pensée. 

La  composition  ne  le  cède  en  rien  à  l'exécution  :  i  o  Réunion  de  tous  les  ren- 

I.  L.  19. 


d'histoire  et  de  littérature.  197 

seignements  qui  ont  pu  être  recueillis  sur  Ibn  Sa'd  (p.  i-io);  2°  Recherches 
sur  l'authenticité  du  Livre  des  Classes  (p.  10-34);  3°  Aperçu  du  Livre  des 
Classes  (p.  M-^j)-  L'auteur,  l'origine  et  le  contenu,  voilà  les  trois  points  que 
M.  L.  examine  successivement.  Un  appendice  (p.  63-80)  contient  des  pièces 
justificatives,  les  séries  des  personnes  qui  ont  servi  d'intermédiaires  pour 
conserver  le  Livre  des  Classes  {isnâd's  et  samà^s),  enfin  un  court  spécimen  du 
texte. 

Aboû  'Abd  Allah  Mo/iaramad  ben  Sa'd  ben  Manî*,  de  la  race  de  Zouhra,  na- 
quit à  Bairâen  168,  et  mourut  à  Bagdad  en  230  de  l'hégire.  Longtemps  secré- 
taire de  Wâkidî,  il  est  souvent  désigné  par  ce  titre.  On  l'appelle  aussi  l'affranchi 
(maula)  du  Hâchimite  Hosein  ben  *Abd  Allah  ben  'Obeid  Allah  ben  'Abbâs. 
Comme  l'a  démontré  M.  L.  ce  surnom  pris  à  la  lettre  constituerait  un  anachro- 
nisme; en  réalité,  c'est  le  grand-père  d'Ibn  Sa'd,  Manî'  qui  avait  été  mis  en 
liberté  par  Hosein.  La  reconnaissance  faisait  transmettre  un  tel  souvenir,  comme 
un  héritage,  dans  une  famille.  Cependant  il  faut  attribuer  à  des  scrupules  d'exac- 
titude la  modification  qu'un  auteur  •  a  faite  à  ce  surnom,  en  appelant  Ibn  Sa'd 
«  l'affranchi  des  Hâchimites.  »  On  est  d'accord  généralement ,  pour  considérer 
Ibn  Sa'd  comme  un  auteur  dont  la  tradition  mérite  confiance  ;  sous  ce  rapport, 
il  n'avait  contre  lui  que  Ya/iyâ  ben  Ma'în  ». 

M.  L.  ne  mentionne  aucune  autre  œuvre  d'Ibn  Sa'd  que  «  les  classes  de  ceux 
qui  suivent  le  prophète  «  (xahakât  ettâbi'în).  Cependant  nous  lisons  dans  le  Fihrist  î 
qu'Ibn  Sa'd  avait  composé  une  biographie  du  prophète.  De  plus,  Yâfi'î  dans  le 
Af/yâ/c/i/wJ/z 4  l'appelle  «l'auteur  des  Classes  et  du  Livre  historique».  Enfin  Borhân 
eddîn  //alabî  5  lui  attribue  «  le  Livre  des  Classes,  en  deux  éditions,  développée  et 
abrégée,  sans  préjudice  du  Livre  historique  ».  Ce  Livre  historique  doit  être  la 
biographie  du  poète,  dont  parle  le  Fihrist,  et  qui  est  placée  en  tête  du  Livre  des 
Classes.  Cette  séparation  en  deux  ouvrages  est  justifiée  d'ailleurs  par  les  diffé- 
rences de  rédaction  et  il  n'est  pas  étonnant  que ,  même  après  l'unification  du 
livre,  les  deux  parties  publiées  d'abord  l'une  après  l'autre  aient  pu  circuler  iso- 
lément et  être  considérées  comme  des  œuvres  distinctes. 

Ce  qu'il  est  plus  important  de  constater,  c'est  qu'Ibn  Sa'd  est  toujours  dési- 
gné comme  l'auteur.  Et  pourtant,  à  moins  de  considérer  les  mots  ajoutés  à  la 
marge  de  notre  manuscrit  du  Fihrist  comme  faisant  partie  intégrante  du  texte 
primitif,  nous  ne  trouvons  aucune  mention  du  Livre  des  Classes  avant  le  sep- 
tième siècle  de  l'hégire.  M.  L.  nous  dit  que  d'après  Dhahabî,  Ibn  elathîr  en 
avait  fait  la  base  de  son  Ousd  elgâba  ;  en  consultant  la  chronique  d'Ibn  elathîr 


1 .  Borhân  eddîn  //alabî  dans  ses  glosses  sur  la  biographie  du  prophète ,  par  Ibn 
Seyyid  ennâs.  Sup.  Ar.  603  ter,  I,  fol.  7  r*. 

2.  Abu  'Lmahasin,  Annales,  edidit  JuynboII,  à  l'année  230. 

3.  Cf.  le  passage  cité  par  M.  L.,  p.  64. 

4.  Ms.  A.  F.  637,  fol.  182  r*  :  Sàhib  etiabakdt  wattarikh. 

5.  Ms.   cité,  ibid.  Mou$annif  etiabakdt  elkabîr  wassaguîr   wamousannif  etta'rîkh.  Cf. 
M.  Loth,  op.  laud.,  p.  10,  note  32. 


198  REVUE    CRITIQUE 

à  l'année  230,  M.  L.  aurait  pu  voir  que  les  labakât  y  sont  cités.  Ce  qui 
est  étrange,  c'est  le  silence  absolu  de  Mas*oûdî,  de  Tabarî,  d'Ibn  /Coteiba,  de 
Balâdhorî. 

Heureusement,  grâce  à  Ibn  Seyyid  ennâs  '  et  à  quelques  copistes  conscien- 
cieux, nous  pouvons  remonter  pour  le  Livre  des  Classes  depuis  le  viir  siècle  de 
l'hégire  jusqu'au  Iv^  Toutes  ces  listes,  quel  que  soit  leur  point  de  départ,  abou- 
tissent toujours  à  Ibn  Hayyawaihi  *  qui  assista  en  3 1 8  de  l'hégire  à  une  lecture 
faite  chez  Ibn  Ma'roûf.  La  part  de  collaboration  d'Ibn  Hayyawaihi  semble  être 
la  division  du  livre  en  un  certain  nombre  de  sections  (adjzâ)  maintenues  depuis 
lors  dans  toutes  les  versions  et  collations  postérieures.  Mais  le  texte  était  établi 
définitivement,  et  nous  voilà  de  nouveau  amenés  à  chercher  plus  loin  pour 
arriver  à  la  première  rédaction. 

De  qui  Ibn  Ma'roûf  tenait-il  l'exemplaire  complet,  qui  resta  longtemps  comme 
«  le  Livre  d'Ibn  Ma'roûf,  »  à  côté  du  texte  d'Ibn  Hayyawaihi?  Les  variantes 
des  deux  éditions  sont  assez  insignifiantes  pour  qu'on  puisse  ne  les  considérer 
que  comme  des  accidents  de  copie;  ce  qui  est  certain,  c'est  qu'Ibn  Hayyawaihi 
avait  sous  les  yeux  l'original  d'Ibn  Ma'roûf.  Nous  ne  sommes  donc  plus  séparés 
d'Ibn  Sa'd  que  par  un  intermédiaire.  Or,  Ibn  Ma'roûf  cite  comme  ses  autorités  : 
d'une  part  Ibn  Abî  Osâma,  né  en  1 86  de  l'hégire,  un  des  plus  anciens  anditeurs 
d'Ibn  Sa'd,  de  l'autre  Hosein  ben  Fahm,  qui  était  à  peine  âgé  de  dix-neuf  ans, 
lorsque  mourut  l'auteur  présumé  du  Livre  des  Classes.  La  récension  d'Ibn  Abî 
Osâma  est  limitée  à  la  vie  du  prophète;  et  nous  avons  montré  que  contrairement 
à  l'opinion  de  M.  L.5  le  Fihrisî  n'est  pas  seul  à  désigner  cette  biographie  comme 
formant  un  ouvrage  à  part.  Rien  ne  s'oppose  d'ailleurs  à  ce  qu'elle  ait  été  rédi- 
gée par  Ibn  Sa'd  lui-même  et  publiée  de  son  vivant. 

L'authenticité  directe  et  complète  est  plus  difficile  à  démontrer  pour  le  Livre 
des  Classes  proprement  dit.  D'abord  pouvons-nous  croire  qu'Ibn  Sa'd  aurait 
choisi  pour  se  faire  présenter  au  public  un  aussi  jeune  disciple  qu'Ibn  Fahm,  en 
supposant  même  que  celui-ci  ait  jamais  suivi  ses  cours  ?  De  plus,  un  article  est 
consacré  à  Ibn  Sa'd  lui-même,  et  non-seulement  nous  y  trouvons  l'éloge  de  son 
talent  et  de  sa  science,  maià  aussi  la  mention  de  sa  mort  4,  Enfin,  les  dates  vont 
jusqu'en  238,  tandis  qu'Ibn  Sa'd  est  mort  en  230.  Nous  avons  là,  comme  par 
hasard,  un  indice  certain  que  la  dernière  rédaction  ne  peut  pas  être  beaucoup 
plus  moderne  que  cette  même  année  238,  puisqu'un  grand  nombre  de  person- 


1.  P.  64  et  Ms.  A.  F.  771,  fol.  454  r*. 

2.  M.  Loth  avait  écrit  dans  son  mémoire  Hayyuwaih,  et  il  a  depuis,  par  un  nouvel  errata, 
corrigé  cette  leçon  en  Hayyawaih.  C'est  en  effet  une  telle  vocalisation  que  la  grammaire 
arabe  recommande  pour  ces  surnoms  persans,  comme  Sîbaivaihi,  Nijiawaihi,  Wammawaihi, 
etc.  Cependant,  à  propos  de  ce  dernier  nom,  Borhân  eddîn  (op.  cit.,  II,  fol.  523  r*)  met 
en  face  de  cette  opmion  des  grammairiens  la  prononciation  vulgaire  Hammouweihi.  Pour 
le  mot  qui  nous  occupe  spécialement,  il  va  plus  loin  (ibid.  fol.  J26  V),  et  ne  donne 
d'autre  prononciation  que  Hayyouwaihi. 

3.  P.  27. 

4.  P.  64. 


d'histoire  et  de  littérature.  199 

nages  morts  après  238.  sont  cités,  étudiés,  «  classés,  »  et  que  chaque  fois  la 
notice  qui  leur  est  consacrée  est  muette  sur  l'année  de  leur  mort.  La  vérité  est 
qu'Ibn  Fahm  semble  avoir  reçu  le  dépôt  de  cette  collection  importante,  et  s'être 
appliqué  à  publier  ie  livre  des  classes  comme  une  œuvre  posthume  d'Ibn  Sa'd. 
Aucun  article  n'aura  sans  doute  été  ajouté  :  l'éditeur  se  sera  contenté  de  com- 
pléter ce  qui  n'avait  pas  été  achevé,,  sans  jamais  s'écarter  du  plan  de  l'auteur. 
Autant  que  nous  pouvons  en  juger,  Ibn  Fahm  a  fait  preuve  de  tact  et  de  discré- 
tion et  s'est  montré  aussi  impersonnel  que  possible  dans  l'accomplissement  de 
cette  tâche  pénible  et  délicate  :  on  peut  donc  imiter  Ibn  Ma'roûf  dans  la 
confiance  dont  il  fit  preuve,  en  acceptant  la  rédaction  d'Ibn  Fahm  comme  l'œuvre 
authentique  d'Ibn  Sa'd, 

Tels  sont  les  résultats  que  M.  L.  a  mis  en  pleine  lumière.  Vient  ensuite  une 
table  des  matières  contenues  dans  le  Livre  des  Classes  :  i .  La  biographie  du 
prophète;  2.  Les  compagnons  de  Mohamet;  3.  Leurs  successeurs  (tâbi^oûri)  et 
les  autres  Classes.  Les  grandes  lignes  sont  bien  dessinées,  et  le  lecteur  me  saura 
gré  de  le  renvoyer  pour  toute  cette  énumération  au  résumé  si  précis  et  si  habile- 
ment abrégé  de  M.  L. 

Quelques  observations  de  détail.  P.  64,  M.L.  lit,  dans  le  passage  des  Tafcakâf 
relatif  à  Ibn  Sa'd  lui-même,  kaîhîra  'Ikoutoubi  koutoubi  'IhadUh.  Puis  examinant 
à  la  page  9  (note  30)  cette  épithète,  il  se  demande  si  on  ne  devrait  pas  lire 
kathira  Ukaibi  kouîouba  'Ihadith  et  traduire  par  «  habile  à  écrire  des  ouvrages  sur 
»  la  tradition.  »  M,  L.  ne  se  fait  pas  illusion  sur  les  difficultés  que  présente  la 
supposition  d'un  infinitif  katb.  Malheureusement,  dans  une  reproduction  presque 
textuelle  de  ce  paragraphe  que  donne  Borhân  eddin  ',  on  lit  kathîra  'Ikoutoubi 
kaîhîra  'Ihadîth,  et  le  contexte  me  fait  donner  la  préférence  à  cette  leçon.  Dès  lors, 
l'explication  de  M.  L.  n'a  plus  aucune  raison  d'être. 

Enfin  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  impériale,  A.  F.  n"  77 1 ,  fournit  quelques 
bonnes  variantes  pour  le  morceau  du  'Oyoùn  elathar,  publié  p.  64  et  suiv.  A  la 
dernière  ligne  de  la  page  64,  il  faut  lire  'Abd  elmouhsin  hen  e&sâhîb,  et  cette  leçon 
est  confirmée  par  la  glose  de  Borhân  eddîn  ^.  P.  65,1.  3,  le  texte  portait  sans 
aucun  doute  hîna  kara'atî,  comme  dans  notre  manuscrit,  les  deux  mots  étant  à 
l'état  construit,  et  ainsi  s'explique  la  note  i.  L.  9,  il  est  nécessaire  d'intercaler 
ben  Mohammad  entre  Uâriîh  et  ben  Abi  Osâma.  A  la  ligne  1 3,  notre  manuscrit  a 
les  mots  suivants  ^anhou  ^an  eJkààt.  Le  sens  du  passage  ne  m'est  pas  très-clair, 
mais  cette  variante  semble  justifier  la  leçon  du  manuscrit  G  (note  3) ,  leçon  que 
M.  L.  apprécie  peut-être  trop  sévèrement. 

Nous  souhaitons  à  M.  L.  des  imitateurs,  mais  surtout  nous  espérons  qu'il  per- 
sévérera dans  la  voie  oh  il  est  entré  si  résolument.  Avant  tout,  une  édition  critique 
d'Ibn  Sa'd  serait  bien  accueillie  de  tous  les  orientalistes.  Si  nous  osions  donner 
un  conseil  à  M.  L.,  nous  le  prierions  d'y  joindre  une  traduction.  Les  ouvrages 

1.  Ms.  cité,  I,  fol.  7  r*. 

2.  Ms.  cité,  II,  fol.  526  r*. 


200  REVUE   CRITIQUE 

historiques  doivent  en  général  autant  que  possible  être  rendus  accessibles  à  ceux- 
là  mêmes  qui  sont  étrangers  à  nos  études^  et  M.  L.  trouvera  ainsi  la  meilleure 
occasion  de  déployer  son  remarquable  talent  d'écrivain. 

Hartwig  Derenbourg. 


189.  —  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Saint -André -le -Bas  de  Vienne  (Ordre 
de  Saint-Benoît) ,  suivi  d'un  Appendice  de  Chartes  inédites  sur  le  diocèse  de  Vienne 
(IX'-XII"  siècles)  publié  par  l'abbé  C.-U.-J.  Chevalier,  correspondant  du  ministère 
de  l'instruction  publique  pour  les  travaux  historiques  et  archéologiques.  Vienne,  Savi- 
gné;  Lyon,  Brun.  In-8*  de  xliij-3 68-43  P- 

Le  Cartulaire  de  l'abbaye  de  Sainî-André-le-Bas  de  Vienne,  forme  le  tome  pre- 
mier de  la  Collection  de  cartulaires  dauphinois  entreprise  par  M.  l'abbé  Chevalier, 
dont  l'activité  égale  l'érudition.  Ce  volume  ouvre  dignement  une  collection  qui, 
nous  aimons  à  l'espérer,  sera  bien  accueillie  du  monde  savant.  Soit  que  l'on 
examine  le  cartulaire  même,  soit  que  l'on  étudie  les  chartes  inédites,  au  nombre 
de  quatre-vingt-dix-huit  qui  le  suivent  et  le  complètent,  on  ne  peut  trop  féliciter 
le  vaillant  éditeur  du  soin  et  du  zèle  qu'il  a  mis  à  réunir  et  à  publier  d'aussi 
précieux  matériaux.  Le  cartulaire  original  de  Saint- André-le-Bas  est  à  jamais 
perdu.  Il  ne  pouvait  donc,  comme  le  dit  M.  l'abbé  ChevaHer  (Notice  préliminaire, 
p.  iij),  qu'être  utile  à  la  science  historique  d'entreprendre  la  publication  de  la 
seule  copie  authentique  qui  en  subsiste.  Cette  copie  a  été  communiquée  à  l'édi- 
teur par  M.  P.-Em.  Giraud,  ancien  député  de  la  Drôme,  auteur  de  VHisioire  de 
l'abbaye  de  Sainî-Barnard  et  de  la  ville  de  Romans,  consciencieux  érudit  qui  doit 
être  fier  d'avoir  formé  un  élève  tel  que  M.  l'abbé  Chevalier  '.  On  lira  avec  intérêt 
les  détails  que  fournit  la  Notice  préliminaire  sur  le  cartulaire  du  xii*  siècle  qui 
périt  dans  l'incendie  qui  consuma,  le  5  janvier  1854,  la  bibliothèque  de  Vienne 
et  sur  la  copie  qui  heureusement  en  avait  été  prise  par  M.  Eug.  Janin,  archiviste- 
paléographe.  Ces  documents  de  V Appendice,  qui  vont  du  17  août  842  à  la  fin  du 
XII'  siècle,  ont  été  empruntés  à  diverses  collections  publiques  ou  particulières,  et 
notamment  aux  collections  de  la  Bibliothèque  impériale.  On  trouvera  une  rapide 
et  exellente  analyse  de  tous  ces  documents,  ainsi  que  du  cartulaire,  dans  la 
Notice  préliminaire  (p.  xx-xl).  Nous  n'avons  que  des  éloges  à  donner  soit  à  la 
correction  du  texte,  soit  à  l'exactitude  des  notes  2,  Nous  recommanderons  aussi 
à  l'attention  des  érudits  Vindex  chronologicus  qui  précède  le  Cartulaire  et  Vindex 
alphabeticus  personarum,  locorum,  rerum  (p.  j  19-366  et  37-43).  Dans  la  rédaction 
de  ces  tables,  comme  dans  tout  le  reste  de  son  travail,  M.  l'abbé  ChevaHer  s'est 
montré  fidèle  à  cette  «  grande  tradition  bénédictine,  »  dont  il  parle  à  la  fin  de 


1.  C'est  en  termes  touchants  que  M,  l'abbé  Ch,,  en  dédiant  son  livre  à  M.  Giraud, 
lui  exprime  sa  reconnaissance. 

2.  Quelques-unes  de  ces  notes  ne  seront  pas  inutiles  au  continuateur  du  Ga//w  cArwtw«<i 
pour  rectifier  ou  compléter  certaines  parties  de  son  travail. 


d'histoire   et   de   littérature.  201 

sa  préface,  et  les  suffrages  des  bons  juges  ne  peuvent  manquer  de  l'encourager 

à  marcher  dans  une  aussi  bonne  voie. 

Je  me  reprocherais  de  ne  pas  ajouter  que  M.  Pabbé  Chevalier  a  été  très-bien 

secondé  par  son  imprimeur,  et  que  le  substantiel  recueil  est  aussi  un  élégant 

volume. 

T.  DE  L. 

190.  —  Deutsche  Reichstagsakten.  Band  I.  Deutsche  Reichstagsakten  unter  Kœnig 
Wenzel.  Erste  Abtheilung  :  1376- 1387.  Herausgegeben  von  Julius  Weizs^cker. 
Mùnchen,  J.  G.  Cotta,  1868.  In-4',  cix-648  p.  —  Prix  :  16  fr. 

La  collection  des  Actes  des  Diètes  de  l'Empire  a  été  entreprise  sous  les  auspices 
de  la  commission  historique  de  l'Académie  de  Bavière,  dont  nous  avons  eu  si 
souvent  déjà  l'occasion  d'entretenir  nos  lecteurs  ' .  Elle  doit  embrasser  tous  les 
documents  émanés  des  diètes  du  Saint-Empire  romain-germanique,  ou  relatifs  à 
ces  dernières,  ainsi  que  tous  ceux  relatifs  aux  réunions  particulières  des  différents 
États  de  l'Empire  (électeurs,  princes  séculiers  ou  ecclésiastiques  et  villes  libres), 
qui  dans  une  mesure  quelconque,  ont  modifié  la  constitution  sociale  et  politique 
de  l'Empire  et  de  ses  différents  membres.  De  même  que  la  collection  des  Chro- 
niques  des  villes  allemandes  doit  faire  suite  à  la  première  série  des  Monuments 
historiques  de  Pertz,  de  même  aussi  cette  nouvelle  entreprise  de  la  commission 
de  Munich  doit  se  raccorder  avec  la  seconde  série  du  recueil  monumental,  dirigé 
par  l'éminent  bibliothécaire  de  Beriin,  et  continuer  la  série  des  Lois,  qui  devra 
s'arrêter  un  jour  à  la  Bulle  d'Or  de  Charies  IV  (i  3  56). 

Une  entreprise  semblable,  qui  pourra  s'étendre  à  l'infini  et  dont  l'exécution 
durera  certes  plus  d'un  demi  siècle ,  ne  pouvait  être  l'ouvrage  d'un  travailleur 
isolé,  quelque  savant  et  laborieux  qu'il  fût.  Elle  n'avait  une  chance  de  réussite 
qu'au  cas  où  une  association  savante,  bien  connue  en  Europe,  protégée  d'en  haut 
et  aidée  de  fonds  spéciaux  prendrait  en  main  l'initiative  et  parviendrait,  grâce  à 
l'appui  de  la  diplomatie,  à  pénétrer  dans  les  nombreuses  archives  qu'il  fallait 
fouiller  et  qui  ne  s'ouvrent  point  partout  en  Allemagne  avec  plus  d'empressement 
que  chez  nous. 

Dès  1 846,  Léopold  de  Ranke  avait  émis  l'idée  d'un  recueil  analogue,  dans  la 
section  historique  du  congrès  des  philologues  allemands,  à  Francfort.  Une  com- 
mission spéciale  reçut  même  le  mandat  de  s'adresser  à  ce  sujet  à  la  haute  diète 
germanique  ;  mais  cette  dernière  témoigna  peu  d'intérêt  pour  la  résurrection  de 
l'histoire  de  ses  augustes  prédécesseurs.  Ce  ne  fut  que  onze  ans  plus  tard,  en 
1857  que  la  tentative  fut  renouvelée  par  M.  de  Sybel  auprès  de  Maximilien  II 
de  Bavière,  et  grâce  à  une  subvention  annuelle  de  six  mille  francs  accordée  pour 
l'espace  de  douze  ans  %  le  travail  put  être  commencé  sous  la  direction  supérieure 
de  M.  de  Sybel  lui-même.  Depuis  lors  un  grand  nombre  de  savants  ont  travaillé 

1.  Rcv.  ait.,  1867,  I,  p.  63;  1868,  art.  253;  1869,  art.  168. 

2.  Le  roi  actuel  a  prolongé  cette  subvention  pour  quelques  années. 


202  REVUE   CRITIQUE 

déjà  à  rassembler  de  toutes  parts  et  à  coordonner  les  actes  de  l'Empire;  la  préface 
n'en  mentionne  pas  moins  de  dix-neuf,  professeurs,  bibliothécaires,  archivistes, 
etc.;  mais  parmi  eux  nous  devons  une  mention  toute  spéciale  à  M.  Jules  Weizsse- 
cker,  professeur  d'histoire  à  l'Université  de  Tubingue  et  directeur  immédiat  de 
l'entreprise  depuis  que  M.  de  Sybel  est  allé  s'établir  à  Bonn,  ainsi  qu'à  trois  de 
ses  collaborateurs,  MM.  Menzel,  archiviste  à  Weimar,  Kerler,  bibliothécaire  à 
Erlangen,  et  Scheffler,  archiviste-adjoint  à  Munich.  Avant  de  publier  une  seule 
ligne  de  leur  travail,  M.  Weizssecker  et  ses  aides  ont  dû  se  transporter  dans 
soixante-quatorze  archives  et  bibliothèques  publiques  et  copier  avec  une  patience 
de  bénédictins  des  milliers  de  pièces  inédites  ou  collationner  celles  qui  étaient 
déjà  publiées,  pendant  près  de  dix  ans  ' .  Ce  n'est  qu'après  un  aussi  long  et 
pénible  labeur  préliminaire  que  M.  Weizssecker  a  pu  livrer  à  l'impression  le 
magnifique  volume  in-40  qui  inaugure  si  dignement  une  des  plus  utiles  entreprises 
de  l'historiographie  allemande.  Une  introduction  longue  de  cent  dix  pages  ouvre 
le  volume.  Le  savant  éditeur  commence  par  y  donner  l'histoire  et  la  bibliographie 
détaillée  des  divers  essais  faits  depuis  la  fin  du  xv^  siècle,  pour  grouper  sous  un 
titre  devenu  plus  tard  stéréotype  (celui  de  Corpus  recessuum  Imperii)  les  lois  et 
constitutions  de  l'empire  germanique.  C'était  plutôt  des  répertoires  de  jurispru- 
dence pratique,  formés  sans  aucun  esprit  critique,  des  entreprises  de  librairie 
dénuées  de  tout  cachet  d'authenticité  et  dans  lesquelles  on  rassemblait,  en  modi- 
fiant souvent  les  textes,  les  imprimés  qu'on  trouvait  sous  la  main.  Depuis  celle 
de  Munich  qui  parut  en  1 501  jusqu'à  celle  de  Francfort,  publiée  en  1747,  il  y 
eut  trente-neuf  de  ces  collections  successives.  La  présente  qui  paraît  à  Munich, 
comme  la  première  de  toutes,  après  plus  de  cent  ans  d'intervalle,  est  probable- 
ment la  dernière  que  l'on  entreprenne  jamais,  comme  elle  est  aussi  de  beaucoup 
la  plus  riche,  les  deux  tiers  des  documents  qu'elle  renferme  ou  renfermera,  étant 
complètement  inédits.  M.  Weizsaecker  en  effet  n'a  pas  seulement  introduit  dans 
son  recueil  les  pièces  officielles,  protocoles,  recès,  etc.,  émanant  des  diètes  de 
l'Empire;  il  a  fait  entrer  dans  le  cadre  de  son  travail  tous  les  documents  se  ratta- 
chant par  un  côté  quelconque  aux  diètes  générales,  même  aux  réunions  particu- 
lières des  États,  quand  ces  dernières  se  rapportent  aux  préparatifs  des  diètes 
générales,  à  la  mise  à  exécution  de  leurs  décisions,  etc.  Nous  pouvons  donc 
étudier  dans  les  Actes  des  diètes  impériales  non-seulement  le  côté  officiel  de  ces 
assemblées,  mais  y  trouver  encore  une  foule  de  renseignements  intéressants  dans 
les  correspondances  des  princes  et  États  de  l'Empire  relatives  aux  sujets  qui  s'y 
négociaient,  dans  les  listes  de  présence,  dans  les  comptes  municipaux  des  dépenses 
de  la  diète,  les  descriptions  des  fêtes  qui  s'y  rattachaient,  les  instructions  et  les 
dépêches  des  différents  ambassadeurs,  etc.  On  voit  combien  est  grande  la  variété 
des  renseignements  historiques  que  l'on  pourra  trouver  dans  notre  collection;  il 
n'y  a  qu'un  danger  à  redouter,  c'est  qu'à  mesure  que  l'éditeur  s'approchera  des 

i .  En  fait  d'archives  françaises  nous  remarquons  dans  cette  liste  celles  de  Besançon , 
Colmar,  Haguenau,  Mulhouse,  Obernai,  Paris,  Strasbourg  et  Wissembourg. 


d'histoire  et  de  littérature.  203 

temps  modernes,  dès  l'époque  de  Maximilien  I"  et  de  Charles  V,  l'abondance 
des  matériaux  deviendra  telle  qu'il  lui  faudra  consacrer  plusieurs  volumes  à  chaque 
règne,  si  mieux  il  n'aime  reserrer  ses  cadres  et  ne  plus  donner  que  les  pièces 
plifs  importantes.  On  peut  juger  de  ce  qu'offriront  les  archives  allemandes  pour 
ces  époques  moins  reculées  quand  on  voit  que  les  dix  années  du  règne  de  Wen- 
ceslas,  renfermées  dans  ce  premier  volume  et  que  l'on  croyait  si  pauvres  en  fait 
de  documents,  où  l'on  ignorait  tout,  pour  ainsi  dire,  ont  fourni  matière  à  un 
volume  de  plus  de  six  cents  pages  in-4''.  Et  cependant  plus  d'une  série  des  docu- 
ments promis  par  l'éditeur,  n'existe  pas  encore  ou  n'existe  plus  pour  cette  époque 
dans  les  archives  consultées  par  lui  !  Il  faudra  donc  se  contenter  de  donner  plus 
tard  une  foule  de  pièces  sous  forme  de  régestes  et  supprimer  le  menu  fretin. 

Le  présent  volume  embrasse  les  années  1 376  à  1387,  la  première  partie  du 
règne  du  roi  Wenceslas  de  Bohême,  de  cette  famille  de  Luxembourg  qui  fit  peu 
d'honneur  à  la  couronne  allemande,  et  parmi  les  princes  de  laquelle  Wenceslas 
jouit  avec  raison  de  la  plus  mauvaise  réputation.  Les  documents  relatifs  à  celte 
époque,  antérieurement  connus,  étaient  peu  nombreux.  M.  W.  a  découvert  et 
publié  une  série  de  pièces  relatives  à  des  diètes  dont  on  ignorait  jusqu'à  l'existence 
avant  lui.  Par  contre  il  a  démontré  que  d'autres  assemblées  mentionnées  par 
certains  chroniqueurs  (p.  ex.  celle  de  Nuremberg  en  1 579)  n'ont  jamais  eu  lieu. 
On  tirera  de  son  volume  des  renseignements  tout  nouveaux  sur  les  débats 
de  Wenceslas  avec  le  Saint-Siège  à  propos  de  son  élection,  sur  ses  rapports  avec 
Grégoire  XI  et  Urbain  VI,  sur  l'établissement  de  la  paix  publique  (Landjrieden), 
sur  le  développement  des  villes,  sur  les  affaires  monétaires  dans  l'empire^etc, 
etc. 

M.  W.  a  publié  in  extenso  331  documents,  mais  la  substance  de  plusieurs 
centaines  d'autres  a  été  donnée  sous  forme  de  régestes  ou  dans  les  notes.  Le 
soin  apporté  à  l'édition  de  ces  pièces  ne  saurait  assez  être  loué  et  nous  recom- 
mandons la  lecture  des  pages  Ixij-lxxxiv  de  l'introduction  à  tous  ceux  qui  vou- 
draient éditer  des  documents  analogues  ;  ils  y  trouveront  un  véritable  traité  sur  la 
matière.  Chaque  copie  a  été  soumise  à  une  double  collation;  chacune  porte  en 
tête  un  titre  et  un  résumé  succinct  de  son  contenu;  les  dates  sont  reproduites  en 
marges;  à  côté  de  chaque  document  se  trouve  l'indication  détaillée  de  sa  prove- 
nance (archives,  bibliothèques,  etc.)  et,  s'il  n'est  point  inédit,  l'indication  des 
ouvrages  où  il  se  trouve  imprimé.  Les  variantes  des  expéditions  diverses  d'un 
même  document,  sont  scrupuleusement  reportées  en  notes,  où  l'on  rencontre 
aussi  tous  les  éclaircissements  historiques  nécessaires. 

Nous  avons  une  seule  observation  critique  à  présenter  à  M.  W.  à  ce  sujet.  Il 
a  fait  imprimer  en  caractères  plus  saillants  certaines  phrases  ou  certains  alinéas 
qu'il  croyait  —  avec  raison,  sans  doute  —  être  les  plus  importants  de  la  pièce 
où  ils  se  trouvaient.  C'est  un  procédé  que  nous  trouvons  dangereux  à  plusieurs 
égards.  Si  M.  W.  voulait  faciliter  ainsi  la  tâche  de  l'historien  qui  mettra  en 
œuvre  les  documents  publiés  ici,  on  peut  objecter  qu'il  se  bornera  trop  facilement 
à  ne  lire  dans  un  document  que  les  passages  ainsi  soulignés,  négligeant  le  reste. 


204  REVUE   CRITIQUE 

Mais  on  peut  dire  surtout  que,  selon  le  point  de  vue  de  l'historien,  l'importance  des 
divers  documents  et  des  diverses  parties  d'un  document  peut  changer  considé- 
rablement; ce  qui  a  paru  capital  à  M.  W.  peut  n'être  qu'un  point  accessoire 
aux  yeux  d'un  autre,  qui  découvrira  de  son  côté  des  données  importantes  dans 
un  paragraphe  qui  semblait  insignifiant  à  l'éditeur.  En  un  mot,  le  procédé  typo- 
graphique de  M.  W.  nous  paraît  trop  individuel  pour  être  adopté  sans  inconvé- 
nient dans  une  collection  qui  doit  porter  un  cachet  plus  général,  et  si  nous  avions 
un  conseil  à  donner  à  M.  W.,  ce  serait  de  ne  plus  mettre  ce  procédé  en  usage 
à  l'avenir.  Un  registre  chronologique  de  toutes  les  pièces  citées  en  entier  ou  par 
extraits  se  trouve  à  la  fin  du  volume,  ainsi  qu'une  table  alphabétique  des  noms 
de  lieux  et  de  personnes.  L'exécution  typographique  est  très-soignée  '  et  fait 
honneur  à  la  maison  Cotta  ;  le  prix  du  volume  est  minime,  quand  on  considère 
les  habitudes  générales  de  la  librairie  allemande.  M.  Weizsaecker  nous  annonce 
que  le  second  volume  est  à  peu  près  terminé  ;  nous  souhaitons  qu'il  ne  se  fasse 
pas  trop  longtemps  attendre  et  qu'il  contribue  encore  à  augmenter  la  réputation 
méritée  du  savant  éditeur  et  des  collaborateurs  dévoués. 

.     Rod.  Reuss. 

'9'-  —  OEuvres  de  madame  d'Epinay.  Tome  I".  Lettres  à  mon  fils,  réimprimées 
sur  rédition  de  Genève,  1759,  avec  une  introduction  par  M.  Challemel-Lacour. 
Paris,  A.  Sauton,  1869.  In-8',  xxxviij-199  p. 

Il  serait  fort  superflu  de  vouloir  raconter  de  nouveau  l'histoire  de  madame  d'Epi- 
nay, d'insister  sur  le  rôle  qu'elle  a  joué  dans  la  société  polie  du  xviii^  siècle. 
M.  Sainte-Beuve  (Causeries  du  lundi,  tom.  II),  n'a  rien  laissé  à  dire  à  cet  égard  ; 
bornons-nous  à  quelques  indications  bibliographiques.  Les  Lettres  à  mon  fils 
parurent  à  Genève,  en  1759,  sans  nom  d'auteur  (petit  in-8°,  1 36  pages);  elles 
ne  furent,  dit-on,  imprimées  qu'à  25  exemplaires;  il  est  possible  que  ce  nombre 
ait  été  dépassé,  mais  il  n'est  pas  moins  certain  que  ce  petit  volume,  distribué  à 
quelques  amis,  est  d'une  excessive  rareté.  Ces  lettres  au  nombre  de  douze, 
adressées  à  un  enfant  de  dix  ans  qui  resta  un  personnage  fort  ordinaire,  n'offrent 
d'ailleurs  rien  de  bien  remarquable.  «  Le  plus  souvent  M"*  d'É.  se  contente  d'y 
»  rafraîchir,  en  y  répandant  son  vernis  d'élégance,  de  jolis  lieux  communs  sur 
))  la  bassesse  de  la  flatterie  et  de  la  fausseté,  la  nécessité  de  l'attention,  le  poison 
»  envahissant  de  la  paresse.  Elle  invente  des  paraboles  un  peu  prolongées  pour 
»  faire  ressortir  les  dangers  de  l'entêtement  et  de  la  faiblesse.  Elle  prêche  gra- 
»  cieusement  sur  la  bienfaisance  et  l'humanité;  elle  recommande  les  plaisirs 
»  champêtres,  le  goût  de  la  nature.  >>  Tout  ceci  méritait  d'être  remis  en  lumière, 
parce  qu'on  y  trouve  bien  des  observations  délicates  et  finement  exprimées,  et 
parce  qu'il  s'en  dégage  un  rayon  de  plus  sur  un  côté  toujours  curieux  du  siècle 
dernier  :  la  manie  de  la  dissertation  prêcheuse.  L'éditeur  vient  aussi  de  faire 
réimprimer  un  autre  écrit  de  M"""  d'É.  également  imprimé  en  1759,  à  fort  peu 

I.  A  la  page  xlviij,  il  faut  lire  MCCCCXL  pour  MDDDDXL. 


I 


d'histoire  et  de  littérature.  205 

d'exemplaires  :  Mes  moments  heureux;  c'est  un  recueil  de  lettres  et  de  portraits. 
On  y  trouve  de  la  finesse  mêlée  à  de  l'aflFectation.  Ce  qui  doit  surtout  attirer 
l'attention  des  curieux  et  des  délicats,  c'est  la  publication  des  véritables  mémoires 
de  madame  d'Épinay.  On  sait  qu'elle  eut  l'idée  d'écrire  un  long  roman  autobiogra- 
phique où  elle  racontait  son  histoire  sous  des  noms  supposés.  «  C'était,  »  observe 
M.  Sainte-Beuve,  «  une  manière  d'apprendre  à  ses  amis  bien  des  choses  qu'elle 
»  n'était  pas  fâchée  qu'ils  connussent  sans  qu'elle  eût  à  les  dire  en  face.  En  ne 
»  voulant  écrire  qu'un  roman,  M'"M'É.  s'est  trouvé  être  le  chroniqueur  authen- 
»  tique  des  mœurs  de  son  siècle.  »  Le  manuscrit  de  ces  Confessions,  un  peu 
arrangées,  fut  remis  par  madame  d'É.  à  son  ami  Grimm,  qui  ne  voulut  point  le 
publier,  et  laissé  à  Paris,  il  finit  par  avoir  la  bonne  fortune  de  parvenir  dans  les 
mains  d'un  jeune  libraire,  devenu  depuis  célèbre  comme  bibliographe,  M.  Jacques- 
Charies  Brunet.  L'intelligent  propriétaire  comprit  la  valeur  de  cet  écrit  ;  il  sut 
deviner  la  vérité  sous  la  fiction  ;  il  restitua  les  principaux  noms  '  ;  des  hors- 
d'œuvre  furent  retranchés,  des  longueurs  furent  supprimées,  et  il  en  sortit  les 
Mémoires  publiés  en  181 8.  Ils  furent  si  bien  accueillis  qu'en  moins  de  six  mois  il 
y  eut  lieu  d'en  donner  trois  éditions  réelles,  chacune  en  trois  volumes  in-S».  La 
seconde  édition  est  préférable  à  la  première  ;  elle  renferme  quelques  lettres  de 
plus.  M.  Brunet  reconnaît  que  son  ami,  M.  Parison^  l'aida  dans  le  travail  de 
révision  qu'il  avait  entrepris,  travail  qui  ne  saurait  obtenir  l'assentiment  aveugle 
des  amateurs,  puisqu'on  ignore  ce  qui  a  été  retranché  et  quels  motifs  ont  dicté 
ces  coupures.  L'éditeur  dit  avoir  élagué  «  ce  qui  lui  a  paru  purement  romanesque», 
et  c'est  là  peut-être  ce  qu'on  voudrait  lire.  Le  manuscrit  qu'avait  possédé 
Grimm  est  une  copie  des  brouillons  de  M™^  d'É.  faite  sous  les  yeux  de 
l'auteur  et  offrant  un  certain  nombre  de  corrections  autographes;  il  y  a  là  neuf 
volumes  petit  in-4°  de  400  à  500  pages  chaque;  ils  ont  figuré  à  la  vente  des 
livres  de  M.  Brunet  (décembre  1868)  et  ils  ont  été  acquis  par  l'éditeur  qui  vient 
de  placer  sous  les  yeux  du  public  les  deux  premiers  volumes  des  Œuvres  de  M""*  d'E. 
Il  parait  que  M.  B.  n'a  reproduit,  avec  les  modifications  sus-indiquées,  que  quatre 
volumes,  et  qu'il  a  laissé  les  cinq  autres  dans  le  domaine  de  l'inédit.  Il  se  peut  que 
tout  ne  mérite  point  les  honneurs  de  l'impression,  mais  il  doit  y  avoir  matière  à  un 
ou  deux  volumes  intéressants,  et  nous  ne  doutons  pas  que  les  gens  de  goût  ne  les 

1.  Grimm,  Rousseau  et  Diderot  sont  déguisés  sous  le  nom  de  Voix,  de  René  et  de 
Garnier;  M"'  d'E.  se  cache  sous  le  nom  de  madame  de  Montbrillant. 

2.  M.  Parison,  né  à  Nantes  en  1771 ,  mort  à  Paris  en  i8jo,  fut  un  savant  modeste 
qui  n'a  attaché  son  nom  à  aucun  livre  de  sa  composition,  qui  n'a  presque  rien  écrit  direc- 
tement pour  le  public,  mais  par  ses  intelligentes  communications,  par  une  fructueuse  coo- 
pération, il  contribua  puissamment  au  succès  de  divers  ouvrages  importants.  Voir  la  notice 
placée  en  tête  du  catalogue  de  la  belle  bibliothèque  qu'il  avait  formée  (H.  Labitte,  1856). 
C'est  là  qu'a  figuré  (n*  1908)  cet  exemplaire  des  commentaires  de  César  (Anvers,  1 570), 
sur  lequel  Montaigne  avait  inscrit  son  nom ,  des  notes  marginales ,  et  une  remarquable 
appréciation  de  César  et  Pompée  (publiée  par  M.  J.  F.  Payen,  dans  ses  Documents  sur 
Montaigne).  Ce  volume  a  été  acquis  par  Mgr.  le  duc  d'Aumale  au  prix  de  1450  fr.,  plus 
5  0/0  de  frais.  M.  Parison  l'avait  en  i8n  découvert  à  l'étalage  d'un  bouquiniste,  et 
l'avait  obtenu  pour  moins  de  un  franc. 


206  REVUE  CRITIQUE 

reçoivent  avec  satisfaction.  Ajoutons  qu'en  1818,  dès  que  les  Mémoires  parurent, 
un  écrivain  laborieux,  M .  V.-D.  Musset-Pathay  ' ,  en  fit  l'objet  d'un  examen  qu'ilplaca 
en  tête  d'une  brochure  intitulée  :  Anecdotes  inédites  pour  faire  suite  aux  Mémoires  de 
M">°  d'Épinay  (Paris,  Baudouin,  1818,  in-8%  1 1 5  pages),  mais  il  eut  le  tort  de 
contester  l'authenticité  de  ces  Mémoires.  N'oublions  pas  de  dire  aussi  qu'une 
édition  nouvelle,  revue  par  M.  Paul  Boiteau,  a  paru  en  1863  à  la  librairie  Char- 
pentier, mais  l'éditeur  s'est  contenté,  à  quelques  additions  près,  de  reproduire  le 
texte  mis  au  jour  en  181 8.  Il  serait  à  propos  dans  cette  publication  des  Œuvres 
de  M'"'"  d'É.  de  recueillir  sa  correspondance,  restée  éparse  et  en  partie  inédite; 
quelques  lettres  ont  été  imprimées  parmi  celles  de  l'abbé  Gahani,  d'autres  se 
trouvent  dans  les  portefeuilles  de  divers  amateurs  d'autographes  qui  consenti- 
raient peut-être  à  les  communiquer. 

B. 


192.  —  Les  Supercheries  littéraires  dévoilées,  galerie  des  écrivains  français  de 

toute  l'Europe  qui  se  sont  déguisés  sous  des  anagrammes,  des  astéronymes,  des  cryp- 
tonymes,  des  initialismes,  des  noms  littéraires,  des  pseudonymes  facétieux  ou  bizarres, 
par  J.  M.  QyÉRARD.  Seconde  édition,  considérablement  augmentée,  publiée  par 
MM.  Gustave  Brunet  et  Pierre  Jannet,  suivie  :  1°  du  Dictionnaire  des  ouvrages  ano- 
nymes, par  Ant.-Alex.  Barbier,  troisième  édition,  revue  et  augmentée  par  M.  Olivier 
Barbier,  conservateur  sous-directeur  adjoint  à  la  Bibliothèque  impériale;  2°  d'une 
Table  générale  des  noms  réels  des  écrivains  anonymes  et  pseudonymes  cités  dans  les 
deux  ouvrages.  Tome  I,  i"  partie  :  Supercheries  littéraires  dévoilées,  A-Callisthène; 
2"  partie  :  Calmels-Eyonal.  Paris,  Daffis,  1869,  viij-1278  p.  —  Prix  :  20  fr.  (le 
tout  formera  six  volumes  à  20  fr.  ou  douze  livraisons  à  10  fr.). 

La  longueur  de  ce  titre  donne  une  idée  de  l'importance  de  la  publication  que 
nous  annonçons.  Les  deux  ouvrages  bibliographiques  les  plus  considérables 
que  la  France  ait  produits  avec  le  Manuel  du  Libraire  vont  se  trouver  réunis,  et, 
ce  qui  décuplera  l'utilité  de  chacun  d'eux,  ,une  table  générale  embrassera  tous 
les  noms  réels  des  écrivains  pseudonymes  de  Quérard  ou  anonymes  de  Barbier. 
Toutefois  ce  n'est  encore  là  qu'une  faible  partie  des  avantages  qu'offre  cette 
double  réédition:  elle  comprendra  encore  des  augmentations  importantes.  Celles 
qui  concernent  le  Dictionnaire  des  anonymes  seront  l'œuvre  de  M.  Olivier  Bar- 
bier, le  fils  de  l'auteur,  et  qui  depuis  de  longues  années  se  prépare  à  cette 
tâche  ;  quant  à  celles  qui  portent  sur  les  Supercheries  littéraires ,  et  qui  sont  dues 
à  MM.  Gustave  Brunet  et  Pierre  Jannet,  nous  pouvons  dès  à  présent  en  appré- 
cier toute  la  valeur  :  elle  est  telle  que  c'est  par  une  modestie  extrême  que  les 
auteurs  ont  laissé  en  tête  le  nom  de  Quérard.  En  effet,  ils  le  disent  eux-mêmes, 
et  le  fait  est  strictement  vrai,  les  articles  anciens  forment  à  peine  un  huitième  de 
l'édition  nouvelle;  c'est  assez  dire  que  nous  avons  sous  les  yeux  un  ouvrage  com- 


I.  M.  Musset-Pathay,  mort  en  1832,  a  laissé  divers  livres  intéressants,  notamment  une 
Bibliographie  agronomique.  Paris,  1810,  2  vol.  m-S' ,  mais  on  peut  dire  que  celui  de  ses 
ouvrages  qui  fait  le  plus  de  bruit,  c'est  son  fils,  Alfred  de  Musset. 


d'histoire  et  de  littérature.  207 

plètement  nouveau,  dans  lequel  a  été  absorbé  le  travail  primitif.  Toutefois,  les 
éditeurs  ont  tenu  à  respecter  religieusement  le  texte  de  Quérard,  et  nous  ne 
savons  s'ils  ont  eu  parfaitement  raison.  Leur  publication  est  déjà  bien  volumi- 
neuse et  par  conséquent  coûteuse,  et  il  nous  semble  qu'elle  n'aurait  pas  beau- 
coup perdu  à  la  suppression  d'un  grand  nombre  de  hors-d'œuvre  dont  quelques- 
uns  ont  pu  être  piquants  dans  leur  nouveauté,  mais  qui  ne  nous  intéressent  plus 
guère  et  ont  un  caractère  le  plus  souvent  tout  personnel  :  telles  sont  les  attaques 
incessantes  de  Quérard  contre  les  continuateurs  de  la  France  littéraire,  etc.  L'ar- 
ticle consacré  à  Alexandre  Dumas,  et  qui  comprend  plus  de  cent  cinquante 
colonnes,  ne  rachète  pas  par  son  intérêt  le  tort  d'occuper  une  place  aussi 
énorme  :  il  porte  la  marque  d'un  acharnement  qui  actuellement  n'a  plus  sa  rai- 
son d'être;  on  pourrait  en  dire  autant  de  bien  des  réflexions  de  Quérard,  ou 
surannées  ou  oiseuses.  Cependant  le  sentiment  qui  a  empêché  les  éditeurs  de 
supprimer  ces  superfluités  est  respectable,  et  il  faut  reconnaître  que  çà  et  là  les 
notes  du  fantasque  bibliographe  ne  sont  pas  dénuées  d'intérêt. 

Les  additions  des  nouveaux  éditeurs  portent  surtout  sur  les  pseudonymes  an- 
térieurs au  xviii"^  siècle  et  sur  ceux  qui  appartiennent  à  la  littérature  contempo- 
raine. Ils  ont  écarté  avec  raison,  pour  ne  pas  grossir  indéfiniment  leur  liste,  les 
pseudonymes  dont  ils  n'ont  pu  découvrir  le  secret.  Nous  regrettons  qu'ils  aient 
cru  devoir  comprendre  dans  cet  inventaire  essentiellement  français  quelques 
pseudonymes  latins,  anglais,  allemands,  italiens,  espagnols,  etc.,  qui  sont  là  par 
hasard  et  ne  devraient  pas  y  figurer  '.  Une  autre  addition  nous  parait  également 
déplacée  :  c'est  celle  des  apocryphes  sacrés  ou  profanes,  qui  d'une  part  sortent 
de  leur  cadre,  et  qui  d'autre  part  se  trouvent  presque  tous  dans  le  cas  indiqué 
plus  haut,  c'est-à-dire  qu'on  ne  connaît  pas  l'auteur  réel  2.  H  valait  mieux  laisser 
ces  indications  à  des  publications  spéciales  :  tout  ce  qui  grossit  inutilement  un 
ouvrage  aussi  étendu  doit  être  sacrifié.  — Les  nouveaux  éditeurs  l'ont  en  général 
compris  et  se  sont  abstenus  pour  leur  part  des  digressions  oh  Quérard  se  com- 
plaisait; leurs  notes  sont  d'habitude  instructives,  courtes  et  sobres  (il  y  a  cepen- 
dant des  exceptions  qui  ne  sont  guère  justifiées;  voy.  p.  ex.  Abriot,  Adrien  Ro- 
bert). Quant  à  leur  travail  en  lui-même,  c'est  évidemment  le  fruit  de  longues  an- 
nées de  recherches  patientes,  le  résultat  de  milliers  de  notes  qu'une  étude  inces- 
sante peut  seule  et  lentement  amasser.  C'est  un  véritable  trésor  bibliographique, 
auquel  ne  peut  se  comparer  aucune  œuvre  du  même  genre,  et  qui  de  longtemps 
ne  sera  ni  à  refaire  ni  même  à  augmenter  notablement.  C'est  une  publication 
monumentale,  dont  la  première  parâe  peut  déjà  être  appréciée,  et  qui  dès  à 


1 .  C'est  un  résultat  de  l'obligation  qu'ils  se  sont  imposée  de  conserver  tout  ce  que 
Quérard  avait  admis  ;  ils  ont  reconnu  d'ailleurs  que  ces  notices  étaient  de  trop  et  assu- 
rent n'en  avoir  point  intercalé  de  nouvelles  ;  nous  relèverons  cependant  les  mots  Abraham 
aSancla  Clara,  Akthophilus  (Metternich),  Antonio  da  Siena,  Atanasio  da  Verocchio,  etc., 
qui  sont  marqués  du  signe  propre  aux  additions. 

2.  D'ailleurs,  malgré  leur  intention  d'écarter  les  pseudonymes  non  dévoilés,  les  auteurs 
en  ont  laissé  passer  quelques-uns  :  voy.  les  articles  Casanova;  Cbiavacchi,  etc. 


208  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

présent  mérite  à  ses  auteurs  la  plus  vive  reconnaissance  de  la  part  de  tous  ceux 
qui  s'occupent  de  bibliographie  ou  d'histoire  littéraire.  Nous  n'avons  guère  qu'à 
l'accepter  avec  des  remerciements,  car  pour  critiquer  un  pareil  ouvrage  il  fau- 
drait avoir  fait  presque  autant  de  recherches  que  ceux  qui  l'ont  composé.  Nous 
nous  permettrons  cependant  une  ou  deux  remarques,  dont  une  porte  sur  le  plan 
général  :  les  éditeurs  ont  continué,  comme  Quérard,  à  mettre  après  le  nom  de 
chaque  pseudonyme  le  genre  de  supercherie  auquel  il  appartient,  et  ils  ont 
conservé  les  noms  souvent  un  peu  bizarres  inventés  par  leur  prédécesseur  (alpha- 
bétisme,  pseudandrie,  etc.);  ces  indications  sont  au  fond  assez  inutiles,  car  le 
lecteur  voit  bien  lui-même  que  A.  p.  ex.  est  l'initiale  de  Auger,  sans  qu'il  soit 
besoin  de  le  prévenir  que  c'est  un  initialisme  ;  mais  en  outre  elles  sont  données 
tout-à-fait  au  hasard  et  manquent  dans  la  plupart  des  cas;  mieux  vaudrait  les 
supprimer  tout-à-fait.  —  Pour  certains  articles  (p.  ex.  Cabanis,  C^ylus)  nous 
trouvons  accueillies  un  peu  légèrement  des  allégations  qui  appelleraient  le 
contrôle.  —  L'auteur  de  la  Prophétie  publiée  sous  le  nom  de  Bickerstafî  est 
bien  certainement  Swift  et  non  Steele  ' .  —  Entre  les  divers  personnages  qui 
ont  pris  le  pseudonyme  de  un  ancien  officier,  nous  ne  voyons  pas  le  comte  de 
Pontécoulant,  qui  a  été  démasqué  par  la  Revue  critique  (1867,  t.  I,  art.  21 3). 
—  Aux  plagiats  d'Alexandre  Dumas,  il  faut  ajouter  VHistoire  d'un  Casse-Noisette, 
qui  n'est  que  la  traduction  libre  d'un  conte  d'Hofmann.  —  M.  Barbey  d'Aure- 
villy ne  devrait  pas  figurer  ici,  puisqu'il  y  est  mentionné  pour  des  ouvrages  ano- 
nymes et  non  pseudonymes,  et  qu'en  outre  il  est  indiqué  à  son  nom  réel,  ce  qui 
est  tout-à-fait  contraire  au  plan  de  l'ouvrage.  —  Nous  avons  déjà  eu  occasion 
de  dire  (^Rev.  crit.,  1868, 1. 1,  p.  78)  que  le  révélateur  du  plagiat  de  Courchamp 
n'était  pas  P.  J.  Stahl  (J.  Heizel),  mais  sans  doute  Génin.  — Mnt  Lettre  deCaïn 
après  son  crime  à  Méhala  son  épouse  ne  devrait  pas,  ce  nous  semble,  être  rangée 
au  nom  de  Gain  ;  c'est  bien  plutôt  un  ouvrage  anonyme  que  pseudonyme. 


Erratum.  —  P.  192,  1.  6.  Le  Breviarium  historiale  n'est  point,  comme  notre 
article  le  donnerait  à  entendre,  un  bréviaire,  mais  une  compilation  historique; 
voy.  Potthast  au  mot  Landulfus  de  Golumna.  —  L.  15.  Millanges,  1.  Millanger. 

LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 
BucHHOLZ,  die  Weltanschauung  d.  Pindaros  u.  ^schylos  (Leipzig,  Teubner).  — 
DoNALiTius,  Littauische  Dichtungen,  hgg.  von  Nesselmann  (Kœnigsberg,  Hùbner). 
—  Epistolae  obscurorum  virorum  (Teubner).  —  Horatii  Flacci  opéra  rec.  Keller  et 
A.  HoLDER  (id.).  —  Id.  rec.  Luc.  Mueller.  —  Hyperidis  orationes  rec.  Blass 
(id.).  —  La  Roche,  Homerische  Untersuchungen  (id.).  —  Pindari  carmina,  éd. 
Ghrist.  —  (^iNTiLiANi  Inst.  fcc.  Halm  (id.).  —  Semper,  Die  Philippinen  (id.).  — 
Sprenger,  Das  Leben  Mo/zammad  (Berlin,  Nicolaï).  —  Thonnelier,  Dict.  géograph. 
de  l'Asie  centrale,  Prolégomènes  (Maisonneuve).  —  Wecklein,  Gurae  epigraphicae 
(Teubner).  —  Wœlfflin,  Pub!.  Syri  Sententiae. 

I.  Swift  prit  plusieurs  fois  ce  pseudonyme;  il  paraît  que  Steele  a  signé  de  ce  nom 
quelques  critiques;  mais  l'opuscule  dont  il  s'agit  est  de  Swift. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Geschichte  des  Hanses  Lichtenstein,  I.  —  Levasseur,  Histoire  des  classes  ouvrières 
en  France;  compilation  soigneuse  de  données  connues;  toute  la  littérature  extra- 
française est  inconnue  à  l'auteur.  —  Clamageran,  Histoire  de  l'impôt  en  France. 
Livré  utile  et  fertile  en  bons  renseignements.  —  Freeman,  History  ofthe  Norman 
Conquest  of  England.  Vol.  II.  Contient  l'histoire  d'Edouard  le  Confesseur.  — 
Edwards,  Life  of  sir  Walter  Ralegh.,  etc.,  etc. 

The  Irish  Ecclesiastical  Record.  Dublin,  Kelly.  N»  LIX,  vol.  V.  —  August, 
1869. 

P.  501-J22,  De  la  domination  (ascendency)  protestante  et  de  Ndiication  catholique 
en  Irlande,  par  le  Cardinal  Ccllen,  archevêque  de  Dublin.  [Contient  d'intéres- 
sants détails  sur  les  persécutions  dont  les  catholiques  d'Irlande  ont  été  l'objet 
pendant  les  derniers  siècles.]  —  P.  522-543.  Le  cérémonial  catholique. — P.$44- 
548.  Correspondances,  actes  de  V autorité  ecclésiastique. 

N°  LX.  Vol.  V.  —  September,  1869. 

P.  550-572.  Sogarth  aroon  (conférence  sur  le  caractère  et  le  rôle  du  prêtre 
en  Irlande),  par  le  P.  M.  O'Connor.  —  P.  573-581.  John  Knox  et  les  premiers 
fruits  du  presbytérianisme.  —  P.  582-584.  Déclaration  de  l'Épiscopat  Irlandais  sur 
la  question  de  l'enseignement.  —  P.  585-592.  Documents  et  décrets  du  Saint-Siège. 
—  P.  593-600.  MoNASTicoN  HiBERNicuM  :  Comté  d'Armagk. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS    FRANÇAISES   ET   ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Montesquieu.  Lettres  persanes.  Édition 
Lacour.  In-8%  535  p.  Libr.  de  l'Acadé- 
mie des  Bibliophiles.  20  fr. 

Nissen(H.).  DasTempium.  Antiquarische 
Untersuchgn.  Mitastronom.  Hùlfstaf.  v. 
B.  Tie!eu.4(Iith.)Plasnen.  In-8*,  249p. 
Berlin  (Weidmann).  6  fr.  75 

Pindari  Carmina  cum  deperditorum  frag- 
mentis  selectis.  Recognovit  W.  Christ. 
In-8*,    x.x-236   p.    Leipzig   (Teubner). 

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Quintiliani  (M.  F.).  Institutionis  orato- 

riae  libri  XII.   Recens  C.  Halm.   Pars 

posterior.In-8*,42i  p.  Leipzig  (Teubner). 

12  fr. 
Complet.  21  fr.  65 

RouflFy.  Grands  jours  d'Auvergne  en  1 5  56. 
Un  prieur  de  St-Pourçain  au  XVI'  siècle. 
In-8*,  14  p.  Clermont-Ferrand  (lib.  Thi- 
baud). 

Urkunden  u.  Aktenstûcke  z.  Geschichte 
d.  Kurfùrsten  Friedrich  Wilhelm  v.  Bran- 


denburg.  5.  Ed.  In-8*.  Berlin  (G.  Reimer). 

24  fr. 
Les  volumes  I  à  V.  93  fr.  5  5 

Contenu  :  Standische  Verhandlun^en. 

i .  Bd.  (Cleve  Mark).  Hrsg.  v.  A.  Haeften. 

xvj-1040  p. 

"Weber  (G.).  Allgemeine  Weltgeschichte 
mit  besond.  Berucksicht.  d.  Geistes-  und 
Culturlebens  d.  Vœlker  u.  m.  Benutzg. 
d.  neueren  geschichti.  Forschgn.  f.  d. 
gebiideten  Staende  bearb.  8.  Bd.  1 .  Haeifte. 
Geschichte  d.  Mittelalters.  4.  Thl.  In-8*, 
448  p.  Leipzig  (Engelmann).  4  fr. 

Les  volumes  I  à  VIII  et  table.  61  f.  60 

Widranges  (H.  de).  Notices  historiques 
et  statistiques  sur  l'ancien  prieuré  et  la 
commune  actuelle  de  Silmont  et  la  com- 
mune de  Saulx  en  Barrois.  Suivie  de  la 
vie  du  comte  J .-B.  Broussier  (  1 766- 1814), 
par  H.  Labourasse  et  de  la  fuite  de 
Louis  XVI  et  de  la  famille  royale,  son 
arrestation  à  Varennes.  In  8°,  102  p. 
Bar-!e-Duc  (imp.  Contanl-Laguerre). 


corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8",  ,  fj._  ,q 

Cet  ouvrage  forme  le  ^"  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M,  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


T^  l\/[0  1\/T  l\/[  ^  FT  NI  '^^^^°'^^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
1  •  iVl  \J  iVl  iVl  O  lL  IN  Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8°.  ^  fj-_ 

Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 

Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


NICOLAS  DE  TROYESg^rt"::^ 

nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in-i6,  papier  vergé,  cartonné.  5  fr. 

Sous  presse  pour  paraître  dans  le  courant  de  Fêté. 

Fr~\  1  r?  ''/     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  r*^  partie. 
•       LJ  1  IL  Z-i         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  à  la  librairie  de  l'Orphelinat,  à  Halle,  et  se  trouve  à  Paris, 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

EAyr  A  D  '"P  î  NT     ^^  Besant  de  Dieu  von  Guillaume  Le  Clerc  de 
•     IVi/v  iv  1    1  iN     Normandie,   mit  einer  Einleitung  ùber  den 
Dichter  und  seine  saemtliche  Werke.  In-8'\  4  fr. 

En  vente  chez  F.  C.  W.  Vogel,  libraire  à  Leipzig^  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
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Gr^  D  rrr  O  rr  d      ^^^  handschrlftlichen  Gestaltungen  der 
•      vJ  rvvJ_i  D  JlL  Iv     chanson   de  Geste   «  Fierabras  »  und 
ihre  Vorstufen.  Gr.  in-8°.  3  fr.  25 

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librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

Ml     A   T  T  ET  D    Grammatik  der  classischen  armenischen  Sprache 
«    L  A  U  EL  K  1  vol  in-8^  :;  fr.  2< 


3  fr.  2  j 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  40  Quatrième  année  2  Octobre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d.''abonnement  : 

Un  an,  Paris,  156-.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franxk,  67,  rue  Richelieu. 

L.  DE  LA  SAUSSAYEetA.  PÉAN 

La  Vie  et  les  Ouvrages  de  Denis  Papin.  Tome  premier,  r^  partie.  6  fr. 


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•     v^A.O  1  rVlN     de  Habsbourg  et  Jean  de  Chalon-Arlay  en  1289 
et  1290,  étudiés  dans  les  textes  et  sur  le  terrain.  In-8°.  i  fr.  50 


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I  A  PROPt-ît?r^IÏ7'  ^^  ^^y  Charles  VIII  par  maistre 
L./\  rrVVJrrlIl.UlLLi  Guilloche  Bourdelois,  publiée 
pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 
par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-S".  7  fr.  jo 


A  \A  A  R  T  t7  T  T  t7  ^^^  ^^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
r\.  •  iVl  /\  rv  1  Ej  1  1  Cj  l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-8^avec 
î  planches.  ,  fr 

T  T  \  A/  Pr  T  î  ^^  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  cora- 
li»      \  y  lli  i  L^    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue. 


PERIODIQUES    ÉTRANGERS. 

The  Athenseum.  i8  septembre. 

J.  HosACK,  Mary  Queen  of  Scots  and  her  Accusers;  Blackwood;  plaidoyer  cha- 
leureux en  faveur  de  Marie  Stuart,  dont  l'auteur  essaye  de  prouver  la  non  par- 
ticipation au  meurtre  de  Darnley.  Le  critique^  tout  en  reconnaissant  le  mérite  de 
cet  ouvrage  (dont  nous  rendrons  prochainement  compte)  ne  paraît  pas  convaincu. 

—  J.  M.  Flad,  The  Falashas  (Jews)  of  the  Abyssinia,  translated  frora  the  german 
by  Goodhart;  Macintosh.  —  G.  Fr.  Masterman,  Seven  eventful  Years  in  Para- 
guay (Low),  témoignages  personnels  sur  les  cruautés  inouïes  du  maréchal  Lopez. 

—  GoBLET  d'Alviella,  L'établissement  des  Cobourgs  en  Portugal;  Libr.  intern. 

—  L.  Ferri,  Essai  sur  l'histoire  de  la  philosophie  en  Italie  au  xïx"  siècle;  Durand. 

—  Popular  russian  Legends  in  a  Form  adapted  for  Children,  by  a  Moscovian; 
Moscou,  Salaieff.  —  Une  correspondance  (p.  371)  contient  deux  vers  inédits 
de  V.  Hugo.  Ils  sont  gravés  sur  le  collier  de  son  chien.  —  J.  W.  K.  Lettre  sur 
la  réforme  orthographique. 

Germania,  Vierteljahrsschrift  fur  deutsche  Alterthumskunde ,  begrûndet  von 
Franz  Pfeiffer,  fortgesetz  von  Karl  Bartsch.  —  2*  série,  2«  année  (t.  XIV 
de  la  collection),  1869.  r""  cahier.  —  Prix  :  12  fr.  par  an. 

[Ce  recueil^  fondé  en  1855  par  M.  Fr.  Pfeiffer,  et  depuis  la  mort  de  celui-ci 
continué  par  notre  collaborateur  M.  Bartsch,  n'a  pas  cessé  de  tenir  le  premier 
rang  entre  les  périodiques  consacrés  à  l'étude  des  langues  et  littérature  germa- 
niques. Il  s'est,  peut-être  plus  spécialement  quehZeitschriftf.  deuîsches  Alterthum 
de  Haupt  et  la  Zeitschriftf.  deutsche  Philologie  de  Hœpfner  et  Zacher,  consacré 
au  mojen-âge  allemand.  Aussi,  en  raison  de  l'influence  que  l'ancienne  littérature 
française  a  exercée  sur  presque  toutes  les  littératures  européennes,  les  treize 
volumes  parus  de  la  Germania  contiennent-ils  un  nombre  considérable  de  mémoires 
qui  n'intéressent  pas  moins  la  France  que  l'Allemagne.  Nous  signalerons  notam- 
ment les  études  de  M.  Bartsch  sur  la  strophe  lyrique  dans  la  poésie 
allemande  et  dans  la  provençale  (II,  257),  sur  l'imitation  de  poésies  des  trouba- 
dours par  quelques  Minnesinger  (III,  304),  sur  Albéric  de  Besançon  (II,  449), 
sur  une  imitation  flamande  du  poème  de  Floovent  (IX,  407),  sur  l'imitation  d'Erec 
et  Enide  par  Hartmann  von  Aue  (VII,  141);  celles  de  M.  Rochatsur  le  Parzival 
de  Wolfram  comparé  au  Parceval  de  Chrestien  (III,  81,  IV,  414)  sur  Albéric  de 
Besançon  et  le  curé  Lamprecht(I,  273);  la  comparaison  d'Herbort  de  Fritzlar 
avec  son  original,  Benoît  de  Sainte-More,  par  M.  K.  Frommann  (II,  39,  177, 
507),  etc.,  etc.]. 

P.  I.  E.  Fœrstemann.  Noms  de  rues  tirés  de  professions;  premier  essai  qui 
donne  déjà  des  résultats  pleins  d'intérêt.  Il  est  à  peinebesoin  de  faire  remarquer  que 
rien  de  pareil  n'a  été  tenté  jusqu'à  ce  jour  pour  la  France.  —  P.  2G.  J,  Lambel, 
Un  dicton  satirique  du  xv^  siècle;  en  français  et  en  bas-allemand,  relatif  à  la  guerre 
du  Bien  public.  —  P.  27.  K.  Maurer,  Sur  la  saisie  des  biens  nobles  des  Norvé- 
giens par  K.  Harald  Hàrfagari.  —  P.  40.  0.  Schade,  Sur  les  vers  allemands  cités 
dans  la  rhétorique  de  Nokker;  cet  article,  dirigé  en  partie  contre  MùUenhoff,  sert 


I .  En  voici  le  texte  français  :  «  Benedicite.  De  la  jeunesse  de  notre  frère  de  Barry,  B 
1)  De  la  saigesse  de  duc  de  Calabre  11  De  i'oultrecudance  de  Bourbon,  Il  De  l'orgeul  de 
»  cellui  de  Brytaigne,  1|  De  puissance  de  conte  de  Charioys  11  Et  de  l'orribilité  du  conte 
»  d'Armyniak  |1  Libéra  nos  Domine.  » 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  40  —  ^  Octobre  —  1869 

Sommaire  :  195.  Homère,  Iliade,  p.  p.  Pierron.  —  194.  Le  duc  Ernest,  p.  p. 
Bartsch.  —  195.  Clavel,  Arnauld  de  Brescia.  —  196.  Mœrikofer,  Ulrich 
Zwingli,  t.  II.  —  197.  Léon,  Étude  historigue  sur  la  chambre  de  commerce  de 
Bayonne.  —  Variétés  :  Une  représentation  religieuse  à  Auriol  en  1 534. 

193.  —  L'Iliade  d'Homère,  texte  grec  revu  et  corrigé  d'après  les  documents  authen- 
tiques de  la  récension  d'Aristarque,  accompagné  d'un  commentaire  critique  et  explicatif, 
précédé  d'une  introduction  et  suivi  des  prolégomènes  de  Villoison,  des  prolégomènes  et 
des  préfaces  de  Wolf,  de  dissertations  sur  diverses  questions  homériques,  etc.,  par 
Alexis  Pierron.  Tome  premier.  Paris,  L.  Hachette  et  C*,  1869,  clj  et  468  p.  — 
Prix  :  12  Ir.  50. 

Homère,  à  quoi  bon  le  dissimuler?  n'a  jamais  joui  en  France  que  d'une  faveur 
restreinte.  Si  je  ne  craignais  pas  de  faire  une  comparaison  inconvenante,  je  dirais 
volontiers  qu'on  a  pris  l'habitude  de  traiter  le  poète  comme  beaucoup  de  gens 
traitent  le  bon  Dieu.  Et  je  n'entends  pas  ici  parler  des  railleurs,  bien  qu'ils 
n'aient  épargné  ni  l'un  ni  l'autre.  Il  s'agit  au  contraire  de  ceux  qui  professent 
pour  Homère  la  plus  grande  admiration  et  lui  assignent,  sans  hésitation  aucune 
le  premier  rang  entre  les  poètes.  Cependant,  malgré  ces  démonstrations,  ils  ont 
plutôt  l'air  de  le  subir;  l'espèce  de  culte  dont  ils  entourent  le  père  de  la  poésie 
ressemble  un  peu  trop  à  une  adoration  de  commande,  où  l'on  remarque  je  ne 
sais  quoi  d'officiel  et  de  forcé  qui  exclut  tout  amour  et  tout  enthousiasme. 

Nous  obser\'ons  la  même  réserve  et  la  même  discrétion  vis-à-vis  du  difficile 
problème  connu  sous  le  nom  de  question  homérique.  L'effet  produit  en  France,  à 
la  fin  du  dernier  siècle  par  la  publication  des  Prolégomènes  de  Wolf  fut,  on  le 
sait,  un  mouvement  d'humeur  et  presque  de  dépit.  Sans  doute  on  a  fait  du  che- 
min depuis  lors.  Mais  si  l'on  n'ose  plus  traiter,  avec  Sainte-Croix,  de  paradoxe 
littéraire  la  féconde  révélation  du  savant  professeur  de  Halle,  il  n'en  est  pas  moins 
vrai  que  dans  le  long  débat  qu'elle  a  fait  naître,  débat  qui  passionne  encore  nos 
voisins  d'Outre-Rhin,  le  rôle  de  la  France  a  été  presque  entièrement  passif.  Il 
est  permis  de  le  regretter  et,  par  conséquent,  de  saluer  avec  joie  toute  tentative 
sérieuse,  destinée  soit  à  nous  faciliter  la  lecture  d'Homère,  soit  à  nous  initier 
aux  difficiles  et  intéressants  problèmes  que  soulève  l'histoire  des  poèmes  homé- 
riques. C'est  à  ce  double  titre  que  se  recommande  la  publication  de  M.  Pierron. 
Malheureusement,  et  je  tiens  à  le  déclarer  dès  le  début,  l'examen  des  deux 
parties  qui  la  composent  ne  semble  justifier  que  trop  le  jugement  peu  favorable 
que  je  portais  tout  à  l'heure  sur  l'état  des  études  homériques  en  France. 

En  général  le  plan  de  l'introduction  de  M.  P.  parait  assez  bien  conçu.  L'auteur, 
se  réser\'ant  sans  doute  de  revenir  dans  son  second  volume  sur  la  question  de 
l'origine  même  de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée,  se  borne  à  nous  faire  connaître  les 
viii  14 


2  10  REVUE   CRITIQUE 

destinées  du  texte  de  l'Iliade.  Il  faut  lui  savoir  gré  d'avoir  laissé  résolument  de 
côté  la  personne  légendaire  du  poète  pour  se  placer  immédiatement  sur  le  terrain 
historique.  Si  ce  qu'il  dit  des  mesures  prises  à  Athènes  pour  régler  la  récitation 
publique  de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée,  est  loin  de  résoudre  la  question,  la  faute  en 
est  avant  tout  à  l'insuffisance  de  nos  renseignements  qui  ne  permettront  peut-être 
jamais  d'éclaircir  certains  points.  Mais  précisément  pour  ce  motif,  nous  eussions 
désiré  trouver  dans  le  travail  de  M.  P.,  ici  comme  ailleurs,  soit  une  transcrip- 
tion entière,  soit  au  moins  une  indication  plus  précise  de  tous  les  passages  sur 
lesquels  il  s'appuie.  Une  pareille  omission  est  déjà  gênante  pour  des  lecteurs 
familiers  avec  le  sujet,  car  elle  les  force  de  recourir  constamment  à  d'autres 
ouvrages;  mais  elle  devient  beaucoup  plus  grave  pour  ceux  qui,  n'étant  pas  au 
courant  de  la  question,  cherchent  à  s'instruire  et  se  voient  privés  de  tout  moyen 
sérieux  de  contrôle.  Un  exemple  entre  plusieurs  que  nous  pourrions  citer  :  que 
l'on  lise  ce  qui  est  dit  p.  iij  au  sujet  «  de  la  fameuse  scholie  de  Ritschl  et  de 
»  Cramer.  »  Je  doute  qu'il  se  rencontre  beaucoup  de  lecteurs  français  qui  sachent 
à  quoi  s'en  tenir  au  sujet  d'un  texte  aussi  peu  répandu  et  que,  pour  le  dire  en 
passant,  M.  P.  nous  paraît  estimer  bien  au-dessous  de  sa  véritable  valeur. 

Peut-être  faut-il  expliquer  un  procédé  aussi  contraire  à  toute  méthode  vrai- 
ment scientifique  par  le  désir  de  ne  pas  exagérer  les  dimensions  du  volume.  Mais 
ce  résultat  pouvait  être  atteint  d'une  autre  manière  soit  par  le  sacrifice  de  certaines 
longueurs,  soit  par  une  plus  grande  circonspection.  M.  P.  aurait  ainsi  évité  de 
tomber  dans  de  graves  erreurs  et  je  ne  serais  peut-être  pas  obligé  de  lui  repro- 
cher les  deux  pages  et  demie  (xj  ss.)  qu'il  consacre  «  à  la  fameuse  Iliade  de 
»  l'Hélicon.  »  Sans  doute  ce  n'est  pas  trop  quand  il  s'agit  d'opérer  une  véritable 
résurrection.  M.  P.  qui  traite  avec  un  dédain  trop  marqué  Lachmann  et  son 
école  (p.  cl),  accorde  ici  une  confiance  des  plus  imprudentes  à  un  critique  aussi 
justement  décrié  que  l'est  Osann.  Il  paraît  ignorer  que  le  fameux  exemplaire  de 
l'Hélicon,  dont  la  découverte  a  égayé  un  moment  l'Allemagne  savante,  a  vécu 
tout  juste  ce  que  vivent  les  roses;  et  pour  comble  de  mésaventure  M.  P.  croit 
pouvoir  renchérir  sur  les  découvertes  d'Osann.  Il  sait  que  l'exemplaire  faisait 
partie  de  la  bibliothèque  du  temple  des  Muses  situé  sur  l'Hélicon  et  que  de  là 
vient  son  nom  :  il  affirme  qu'Aristarque  a  dû  le  connaître  et  arrive  ainsi  à 
enrichir  son  introduction  de  deux  pages  qui  contiennent  presque  autant  d'erreurs 
que  de  lignes.  M.  P.  devrait  savoir  que  cette  prétendue  Iliade  de  l'Hélicon  s'est 
changée  depuis  longtemps  en  exemplaire  d'ApelUcon  ' .  Le  renseignement  pourra 
lui  être  précieux  et  lui  permettre  de  remplacer  utilement  l'appendice  détaillé 
qu'il  promet  pour  le  second  volume  sur  l'Iliade  de  l'Hélicon  (p.  cxlvj).  Grâce  à 
l'heureuse  imagination  dont  il  fait  preuve  en  maint  endroit,  il  lui  sera  facile  de 
se  figurer  qu'il  tient  enfin  un  exemplaire  de  la  non  moins  «  fameuse  édition  de  la 
»  cassette.  »  Le  sort  de  cette  dernière  le  préoccupe  en  effet  vivement.  Or,  je 


I.  Voir  le  spirituel  article  de  M.  Nauck;  Philologus,  t.  VI,  p.  560  suiv.  et  M.  Ritschl, 
Opuscules,  t.  I,  p.  49,  note. 


d'histoire    et   de    littérature.  211 

n'ai  pas  besoin  de  rappeler  à  un  historien  de  la  littérature  grecque  aussi  bien 
renseigné  «  sur  la  négligence  avec  laquelle  les  livres  furent  traités  par  les  héritiers 
»  des  biens  d'Aristote  »  (p.  xv),  qu'Apellicon  de  Téios  était  précisément  un  de 
ceux  entre  les  mains  desquels  tombèrent  les  manuscrits  du  philosophe. 

Pour  le  dire  en  passant,  je  n'ai  jamais  rien  compris  à  l'importance  que  cer- 
taines personnes  accordent  à  des  notices  aussi  stériles  au  fond  que  celles  qui  nous 
parlent  d'une  récension  d'Homère  entreprise  par  le  philosophe  de  Stagire. 
Admettons  même  que  de  pareils  témoignages  soient  d'une  valeur  indiscutable  (ce 
qui  n'est  nullement  le  cas),  qu'en  résultera-t-il  d'utile  pour  l'histoire  du  texte 
homérique?  Absolument  rien.  A  ce  propos  du  reste  M.  P.  croit  avoir  fait  une 
découverte  à  laquelle  il  semble  attacher  un  certain  prix.  Il  tient  pour  évident 
qu'Aristote  citant  l'Iliade,  suivait  le  texte  qu'il  avait  lui-même  établi.  Je  ferai 
d'abord  observer  que  l'exemple  tiré  de  la  Métaphysique  1.  iv,  ch.  5,  aurait  gagné 
singulièrement  en  portée,  si  M,  P.  avait  su  que  le  même  vers,  absent  de  nos 
textes  actuels,  se  retrouve  dans  le  Traité  de  l'àme  1.  1,  ch.  2,  p.  404^  29. 
J'ajouterai  que  de  pareils  cas  ne  sont  pas  rares  :  que  souvent  ils  s'expliquent  par 
l'habitude  des  anciens  de  citer  de  mémoire.  Enfin  le  fait  n'étant  pas  particulier  à 
Aristote,  mais  se  reproduisant  chez  Platon',  il  ne  saurait  être  expliqué  par  l'hy- 
pothèse de  M.  P.,  mais  sert  uniquement  à  constater,  ce  qui  d'ailleurs  est  établi 
depuis  longtemps,  qu'avant  l'époque  des  Alexandrins,  le  texte  des  poèmes  homé- 
riques était  sensiblement  différent  de  la  Vulgate  adoptée  postérieurement. 

Il  y  aurait  de  même  plus  d'une  réserve  à  faire  en  ce  qui  touche  les  Problèmes 
homériques  d'Aristote  que  M.  P.  ne  paraît  connaître  que  par  ce  qu'en  a  dit 
M,  Egger  dans  son  Histoire  de  la  critique  chez  les  Grecs.  Il  n'est  guère  exact 
d'affirmer,  comme  le  fait  M,  P.  à  deux  reprises  p.  xxij  et  xxiij  que  l'ouvrage 
d'Aristote  «  a  été  fréquemment  mis  à  profit  par  les  commentateurs  alexandrins.  » 
C'est  à  de  nombreux  extraits  d'un  ouvrage  de  Porphyre  contenus  dans  le  Schol. 
B.  qu'est  due  la  presque  totalité  des  solutions  attribuées  à  Aristote.  Pourquoi 
ensuite  ne  pas  avoir  dit  un  mot  du  chapitre  de  la  Poétique  consacré  à  des  problèmes 
homériques  tout  à  fait  analogues?  Nous  en  dirons  autant  de  la  question  d'authen- 
ticité de  ces  problèmes  qui  a  été  niée  formellement  par  M.  Lehrs  et  par  l'un  de 
ses  disciples,  M.  Kammer,  dans  sa  dissertation  intitulée  :  PorphyriiScholiahomerica, 
Regimonti,  1865  (cp.  encore  Wachsmuth,  de  Aristotelis  studiis  homericis,  Berolinl, 
1863).  Ajoutons  encore  que  l'exemple  cité  p.  xxiv  n'est  évidemment  pas  em- 
prunté au  recueil  même  du  philosophe,  mais  extrait  d'un  dialogue  fictif  comme 
l'est  celui  qui  termine  la  seconde  harangue  de  Dion  Chrysostome. 

l!  est  clair  que  nous  ne  pouvons  suivre  M.  P.  pas  à  pas  jusqu'au  bout  de  son 
introduction.  Ce  que  nous  avons  dit  suffirait  à  la  rigueur  pour  caractériser  le 


1 .  Un  exemple  frappant  de  la  liberté  dont  usaient  les  écrivains  de  l'antiquité  pour  citer 
des  passages  de  leurs  poètes  nous  est  fourni  par  Platon.  Les  deux  mêmes  vers  d'Hésiode, 
Travaux  et  Jours,  122  et  123  se  trouvent  chez  lui  Républ.  p.  469,  et  Cratyle,  p.  397  f. 
avec  des  leçons  tout  à  fait  différentes. 


212  REVUE    CRITIQUE 

manque  de  sûreté,  pour  ne  pas  dire  l'inexpérience,  de  sa  méthode  qui  contraste 
trop  souvent  avec  la  sévérité  de  certains  de  ses  jugements  2.  Il  va  sans 
dire  du  reste  que  là  où  il  a  pu  suivre  un  guide  aussi  sûr  que  l'est  M.  Lehrs  (de 
Aristarchi  studiis  homericis),  ses  erreurs  sont  à  la  fois  moins  graves  et  moins 
nombreuses.  Nous  ne  saurions  cependant  accepter  l'idée  qu'il  paraît  se  faire 
d'Aristarque  et  nous  serions  bien  tenté  de  prendre  contre  lui  la  défense  de  Wolf. 
Qu'Aristarque  ait  été  le  premier  critique  de  l'antiquité,  que  le  parti  le  plus  sage 
soit  de  tenter  une  restitution  de  son  texte  d'Homère,  cela  nous  l'accordons  volon- 
tiers. Mais  la  supériorité  d'Aristarque  n'est  que  relative.  D'art  qu'elle  était  autre- 
fois, la  critique  est  devenue  une  science  et  nous  affirmons  hardiment  que,  si  nous 
devions  aujourd'hui  établir  un  texte  d'Homère,  avec  l'aide  de  tous  les  documents 
dont  disposaient  les  Alexandrins,  ce  texte  serait  sur  plus  d'un  point  différent  de 
celui  qu'ils  ont  fixé  et  à  coup  sûr  plus  authentique.  C'est  là  ce  que  Wolf  a  voulu 
dire  et  il  a  mille  fois  raison.  Je  ne  sais  du  reste  si  je  me  trompe,  mais  je  crois 
trouver  dans  l'introduction  de  M.  P.  une  sorte  de  mauvaise  humeur  mal  dissi- 
mulée à  l'adresse  du  grand  critique  allemand,  je  dirai  presque,  une  tentative 
déguisée  de  lui  substituer  Villoison.  Le  nombre  des  hellénistes  distingués  que 
produisit  la  France  au  xviii^  siècle  est  bien  restreint,  et  nous  pouvons  être  fiers 
d'avoir  à  citer  Villoison;  néanmoins  son  mérite  et  celui  de  son  édition  de  l'Iliade 
est-il  aussi  considérable  que  le  proclame  M.  Pierron?  En  particulier  il  sera 
permis  de  douter  de  l'utilité  que  peut  offrir  la  réimpression  promise  de  ses  Prolé- 
gomènes. Le  plus  bel  hommage  à  rendre  à  la  mémoire  de  Villoison  en  France, 
ce  serait  d'y  publier  cette  édition  si  vivement  désirée  et  annoncée  jadis  par 
M.  Cobet  des  scholies  de  Venise.  En  général,  et  c'est  par  là  que  pèche  l'intro- 


2.  Qu'on  nous  permette  cependant  d'ajouter  quelques  preuves  à  l'appui  de  notre  opi- 
nion. A  propos  de  Zoïle,  p.  xxv,  nous  lisons  «  on  cite  habituellement  la  diatribe  de  Zoïie 
»  sous  le  nom  de  <\i6-^oi  '0(xr)pou,  Blâme  d'Homère;  mais  le  titre  réel  parait  avoir  été  "OfAYipo- 
»  ixào-Tt?,  Fouet  d'Homère.  »  Cette  identification  (qui  repose  sur  une  hypothèse  de  M.  Lehrs) 
est  assez  plausible,  mais  pourquoi  continuer  «  outre  le  Fouet  d'Homère  et  le  Blâme  d'Ho- 
»  mère,  Zoïie  avait  écrit  un  éloge  de  Polyphème?  »  (cp.  p.  xxvij  «  le  style  du  Fouet 
»  d'Homère  ou  du  Blâme  d'Homère  ou  de  l'éloge  de  Polyphème.  »  — En  fait  de  jugements 
sévères,  les  pages  consacrées  à  Zénodote  (p.  xxix  ss.)  nous  paraissent  d'une  injustice  évi- 
dente. M.  P.  aime  l'exagération  dans  le  blâme  comme  dans  l'éloge  et,  ce  qui  est  un  tort 
plus  grave,  il  adore  la  phrase.  On  peut  être  Afistarchien  à  outrance,  ce  n'est  pas  une 
raison  pour  lancer  des  réquisitoires  en  règle  contre  des  critiques,  dont  la  méthode  était 
imparfaite,  mais  dont  le  mérite  saurait  d'autant  moins  être  contesté  qu'ils  ont  frayé  la  voie 
à  leurs  successeurs.  Il  est  bon  de  relire  après  la  violente  diatribe  de  M.  P.  les  paroles 
sensées  que  M.  Lehrs  consacre  à  Zénodote  (p.  337  et  358  ss.  de  sa  seconde  édition).  — Que 
signifient  ensuite  des  paroles  comme  les  suivantes,  p.  xxx  :  «  les  modernes  semblent  avoir 
»  pris  à  tâche  d'embrouiller  et  d'obscurcir  tout  ce  qui  concerne  et  la  personne  de  Zéno- 
»  dote  et  le  caractère  de  ses  travaux  d'éditeur.?  »  On  dirait  que  M.  P.  ne  se  doute  pas 
des  difficultés  dont  est  entourée  toute  cette  question  relative  Zénodote.  —  Nous  pourrions 
relever  encore  le  paragraphe  qui  traite  d'Apion  et  d'Hérodore  (p.  lij)  comme  renfermant 
des  erreurs  manifestes,  mais  nous  terminerons  par  une  observation  touchant  les  mots 
»  documents  authentiques  de  la  récension  d'Aristarque  »  d'après  lesquels  M.  P.  annonce 
avoir  revu  et  corrigé  son  texte  grec.  Ici  comme  en  beaucoup  d'autres  endroits  M.  P.  se 
comporte  en  homme  qui  a  fait  des  découvertes  (cp.  surtout  p.  cxliv).  Mais  quelle  que  soit 
du  reste  la  valeur  du  Schol.  Venet.  A  de  l'Iliade,  peut-on  lui  décerner  ce  titre? 


d'histoire    et   de   littérature.  21  j 

duction  de  M.  P.,  il  attache  une  importance  exagérée  à  des  travaux  oubliés 
depuis  longtemps,  comme  p.  ex.  aux  éditions  mort-nées  de  Spitzner  et  de  Bothe. 
Il  y  aurait  encore  là  bien  des  choses  à  retrancher,  et  qui  seraient  remplacées 
avantageusement  par  des  notices  sur  des  travaux  beaucoup  plus  importants. 

Si  maintenant  nous  passons  au  commentaire,  nous  poserions  volontiers  deux 
questions  à  M.  P.  D'abord  s'il  a  jamais  lu  et  étudié  un  de  ces  beaux  commen- 
taires qui  font  la  gloire  de  l'école  française  de  philologie  du  xvi^  siècle?  En  second 
lieu  comment  il  croit  pouvoir  mettre  d'accord  le  contenu  d'un  nombre  considé- 
rable de  ses  notes  avec  le  titre  d^édiîion  savante  sous  les  auspices  duquel  paraît 
son  ouvrage?  Les  notes  dont  nous  voulons  parler  ont  depuis  longtemps  leur  nom 
particulier.  Elles  s'appellent  ad  modum  Minellii.  Nous  ne  dirons  rien  de  toutes 
celles  qui  sont  destinées  soit  à  signaler  les  vers  se  terminant  par  trois  spondées , 
soit  tous  les  infinitifs  ayant  le  sens  d'impératifs,  soit  tous  les  subjonctifs  ayant 
gardé  la  voyelle  brève,  soit  les  duels,  mais  comment  ne  pas  s'étonner  en  présence 
des  remarques  suivantes  :  «  m^i,  des  feux.  C'est  le  pluriel  de  nvo  (&,  509); 
y.aiévTfov,  à  l'impératif  comme  au  vers  517  àn^WôvTuv  (â,  521,  cp.  i,  47,  67); 

£Ï!i'  pour  ;T|xi,  je  vais  marcher  (e,   2  5 6)  ;  xàirTretrov  pour  xatéireTOV  (a,  5 9  j),  xotxxeîovTe? 

pour  xaraxîiovTEç  (a,  6o6);  Treçaviat  apparuit.  C'est  le  parfait  passif  de  çaîvw  (p, 

122);  âpET(o),  de  atpw  toilo,  soulever  (i,   l88);  SoOpa  pour  ôcjpaTa,  ôôpaxa,  de  Sopu, 

bois;  £(TTa6(T(a)  pour  éTTô-ra,  se  tenant  debout  (^,  170);  ^izry  pour  iS-hvry,  de 

lêr.v  aoriste  de  Paivw  (a,  327);  êçT.aeiç,  futur  d'irîr.ai,  lanCer  (a,   518),  à$ov  ou  â?ov, 

de  âf/-j[xt,  briser  (;,  306);  xoXwfféfxev  pour  yoléaei^  (a,  78).  Il  n'y  a  guère  de  page 
qui  ne  pourrait  servir  à  enrichir  cette  liste  beaucoup  trop  longue  déjà.  Et  cepen- 
dant M.  P.  déclare  (p.  cxlv)  qu'il  «  suppose  acquis  tout  ce  qu'on  a  vu  dans  les 
»  grammaires,  tout  ce  qu'on  voit  en  ouvrant  un  dictionnaire.  »  De  pareilles  an- 
notations devraient  être  proscrites  dans  des  éditions  à  l'usage  des  élèves,  que 
dire  lorsqu'elles  s'étalent  au  bas  des  pages  dans  des  livres  destinés  aux  professeurs? 
Homère,  on  l'a  souvent  dit  avec  raison,  est  à  la  fois  le  plus  facile  et  le  plus 
difficile  de  tous  les  auteurs  grecs.  Il  est  facile  si  en  le  lisant  on  se  tient  dans  le 
chemin  battu,  si  on  ne  quitte  pas  la  55o;  /îwsopo;;  en  d'autres  termes  si  l'on  se 
borne  à  comprendre  le  poète,  à  goûter  le  charme  de  sa  poésie.  Mais  du  moment 
qu'on  l'aborde  en  se  plaçant  au  point  de  vue  de  la  philologie  moderne,  la  ques- 
tion change  complètement  et  l'on  se  trouve  en  face  des  problèmes  les  plus  diffi- 
ciles. Nous  ne  ferons  aucun  reproche  à  M.  P.  de  ne  pas  être  entré  dans  cette 
seconde  voie.  Toutefois  il  est  un  certain  nombre  de  ces  points  au  sujet  desquels 
il  n'est  plus  permis  à  un  éditeur  d'Homère  de  ne  pas  avoir  une  opinion  arrêtée. 
Si  tel  était  le  cas  pour  M.  P.  nous  ne  rencontrerions  pas  chez  lui  des  hésitations 
singulières,  des  interprétations  diverses  appliquées  à  des  faits  évidemment  iden- 
tiques. Que  l'on  compare  à  ce  sujet  ce  qu'il  dit  soit  sur  l'allongement  de  la  syllabe 
brève  devant  le  pronom  de  la  troisième  personnes,  7,  i88(=>:,  159),  S-,  190, 
soit  sur  l'hiatus  e,  103,  5,  301.  Une  seule  et  même  explication  est  applicable  à 
tous  ces  cas,  c'est  celle  qui  repose  sur  l'usage  du  digamma,  au  sujet  duquel 
M,  P.  évite  de  se  prononcer  franchement. 


214  REVUE  CRITIQUE 

En  ce  qui  concerne  l'exégèse,  M.  P.  semble  s'écarter  quelquefois  à  tort  de  la 
règle  donnée  déjà  par  les  anciens,  d'après  laquelle  toute  épithète  homérique  doit 
toujours  être  expliquée  de  la  façon  la  plus  concrète.  La  note  suivante  X,  256  en 
fournit  un  exemple  :  «  àvsjxoTpsçéç  (se  rapportant  à  Iyxoç)  ,  nourrie  par  le  vent, 
fille  du  vent,  rapide  comme  le  vent.  Didyme  tô  xoyçov  xaî  ôùxivtitov.  Il  y  a  d'autres 
interprétations  anciennes  :  celle-ci  notamment,  qui  semble  un  peu  bizarre  :  faite 
d'un  bois  nourri  par  le  vent,  fortifié  par  le  vent,  c'est-à-dire  faite  d'un  bois  dur 
et  solide.  »  Eh  bien  c'est  précisément  la  dernière  interprétation  qui  est  la  bonne  : 
tout  le  monde  sait  en  effet  que  le  bois  d'un  arbre  exposé  au  vent  acquiert  une 
bien  plus  grande  force  de  résistance  et  devient  par  là  plus  propre  à  la  fabrication 
des  lances.  Dans  le  choix  de  ses  notes,  c'est  le  hasard  qui  paraît  avoir  souvent 
guidé  M.  P.  Il  cite  fréquemment  des  extraits  de  l'ouvrage  de  M.  Daremberg  sur  la 
médecine  chez  Homère.  Nous  sommes  loin  de  lui  en  faire  un  reproche,  mais 
pourquoi  se  borner  à  cette  seule  monographie  quand  il  en  existe  tant  d'autres_, 
soit  sur  la  psychologie,  soit  sur  les  idées  religieuses,  soit  sur  une  foule  d'autres 
points  dont  il  est  question  chez  le  poète  ?  Enfin  nous  eussions  désiré  voir  Homère 
plus  souvent  expliqué  par  Homère  lui-même.  A  lire  le  commentaire  de  M.  P. 
on  dirait  que  l'Odyssée  n'existe  pas.  Pourquoi,  pour  ne  citer  qu'un  exemple,  à 

propos  du  vers  II.  y,  363  :  -rpt^Gà  -zz  xaî  TExpa^ôà  ôtarpuçèv  exTteaev  X^'P°?)  dont  On 

nous  fait  remarquer  l'harmonie,  ne  pas  avoir  rappelé  le  vers  presque  identique 
de  la  description  de  la  tempête  dans  l'Odyssée  (t,  71)? 

Nous  arrêterons  ici  nos  observations.  Elles  pourront  paraître  sévères,  mais 
nous  ne  les  croyons  que  justes.  Ce  que  nous  accordons  volontiers  à  l'auteur, 
c'est  qu'il  a  fait  preuve  de  beaucoup  de  bonne  volonté,  d'un  désir  véritable  de 
se  mettre  au  courant  de  la  science  actuelle.  M.  P.  nous  apprend  qu'il  a  consacré 
trois  années  à  son  travail.  C'est  trop  et  trop  peu.  C'est  trop  pour  ce  qu'il  nous  a 
donné  ;  cela  serait  évidemment  trop  peu  pour  quelqu'un  qui  voudrait,  au  lieu 
d'une  simple  compilation,  fournir  un  commentaire  de  l'Iliade,  basé  sur  l'étude 
approfondie  de  tous  les  travaux  soit  des  anciens  soit  des  modernes  qui  se  rap- 
portent à  Homère.  Du  reste  la  question  de  temps  n'est  que  secondaire.  C'est 
avant  toute  de  méthode  qu'il  s'agit.  Or  celle  de  M.  P.  nous  paraît  défectueuse  à 
plus  d'un  égard.  Aussi  conseillerons-nous  à  ceux  qui  se  serviront  de  son  livre 
de  le  contrôler  sans  cesse  à  l'aide  des  travaux  qui  l'ont  précédé. 

Emile  Heitz. 

P.  S.  Au  moment  où  nous  terminons  ces  lignes,  nous  recevons  le  2^  volume 
de  l'édition  de  M.  Pierron.  Un  article  spécial  que  nous  lui  consacrerons  nous 
permettra  de  revenir  sur  plusieurs  points  déjà  traités  et  d'en  aborder  plusieurs 
autres  que,  faute  d'espace,  nous  n'avons  pas  pu  traiter  encore. 


d'histoire  et  de  littérature.  215 

194.  —  Herzog  Ernst.  Herausgegeben  von  Karl  Bartsch.  Wien,  Braumùller,  1869. 

In-8*,  cIxxij-308  p.  —  Prix  :  16  fr. 

Le  poème  du  Dur  Ernest  a  été  composé,  en  dialecte  bas-allemand,  entre  les 
années  1 1 7  j  et  1 1 80  ;  on  ne  possède  plus  de  cette  rédaction  primitive  (A)  que 
quelques  fragments  trouvés  dans  des  reliures;  ce  poème  a  été  renouvelé  une 
première  fois  (B)  sans  doute  encore  au  xii*  siècle,  et  une  deuxième  fois  (D)  vers 
la  fin  du  xiii'';  en  outre  au  xiv*  siècle  il  a  été  rais  en  strophes  destinées  au  chant 
(G),  au  xiii^  siècle  il  avait  été  traduit  très-librement  en  latin  (C),  et  c'est  cette 
prose  latine  qui  servit  de  base  au  xv«  siècle  (ou  peut-être  au  xiV)  à  une  rédaction 
en  prose  allemande  (F),  imprimée  plusieurs  fois  sans  lieu  ni  date;  entre  1206  et 
1232,  il  fut  imité  en  hexamètres  latins  par  un  clerc  nommé  Odon  (E)'.  —  De 
ces  sept  versions,  M.  Bartsch  a  imprimé  quatre  :  les  fragments  de  A,  et  le  texte 
de  B,  F  et  G;  il  y  joindra  peut-être  quelque  jour  les  trois  autres,  CDE.  Chacun 
des  textes  qu'il  donne  est  établi  avec  toutes  les  ressources  de  la  critique,  accora-. 
pagné  de  variantes  et  suivi  de  notes  détaillées.  Dans  une  longue  Inîroducîiony 
après  avoir  examiné  le  rapport  de  chacune  des  rédactions  avec  les  autres,  la  date 
de  leur  composition,  leurs  caractères  linguistiques  et  métriques,  etc.  M.  B. 
recherche  :  i°  la  base  historique  de  ce  qui,  dans  le  poème,  s'appuie  sur  une  tra- 
dition; 2°  les  sources  de  la  partie  purement  fabuleuse.  Cette  seconde  partie  de 
son  Introduction  est  d'un  intérêt  général,  surtout  le  chapitre  qui  est  consacré  aux 
aventures  merveilleuses  d'Ernest  en  Orient.  Le  poème  comprend  en  effet  deux 
parties  bien  distinctes  et  d'un  caractère  tout  différent,  dont  l'une,  purement  épi- 
sodique  d'abord,  a  de  plus  en  plus  reculé  l'autre  au  second  plan.  Le  duc  Ernest 
est  le  beau-fils  de  l'empereur  Otton,  qui  a  épousé  sa  mère  Adelheid;  un  traître, 
le  comte  palatin  Henri,  le  brouille  avec  l'empereur;  Ernest  tue  Henri  sous  les 
yeux  d'Otton.  Il  en  résulte  une  grande  et  terrible  guerre,  à  la  suite  de  laquelle 
Ernest,  à  bout  de  ressources,  se  décide  à  quitter  l'empire  et  à  visiter  le  Saint- 
Sépulcre.  Il  part  en  effet,  et  quand  il  revient  après  quelques  années  sa  mère  et 
ses  amis  le  réconcilient  avec  l'empereur.  Tel  est  le  cadre  primitif,  dans  lequel  on 
ne  peut  méconnaître  un  fondement  historique.  M.  B.  a  retrouvé  par  une  analyse 
pénétrante  les  éléments  qui  ont  contribué  à  le  former,  et  les  confusions  de  per- 
sonnages et  de  dates  qui  se  sont  peu  à  peu  introduites  dans  la  tradition  ;  nous  ne 
pouvons,  faute  d'espace,  que  renvoyer  nos  lecteurs  à  cet  excellent  chapitre,  dont 
on  ne  saurait  exposer  ici  les  résultats  sans  entrer  dans  trop  de  détails. 

La  seconde  partie  du  poème  comprend  les  aventures  d'Ernest  pendant  son 
séjour  en  Orient.  Elle  soulève  un  grand  nombre  de  questions  délicates  que  M.  B. 
nous  semble  avoir  résolues  pour  la  plupart  avec  un  grand  bonheur.  En  effet 
plusieurs  de  ces  aventures  se  retrouvent  dans  d'autres  poèmes,  qui  les  attribuent 


I .  Le  poème  d'Odon  a  été  publié  par  D.  Martene,  Thésaurus  novus  Anudotorum,  t.  III, 
p.  307  ss.,  d'après  un  manuscrit  de  Tours  qui  a  disparu.  Peut-être  n'est-il  que  méconnu 
dans  la  bibliothèque  de  Tours;  le  fait  s'est  présenté  plus  d'une  fois. 


2l6  REVUE    CRITIQUE 

soit  à  Henri  le  Lion,  duc  de  Braunschweig,  soit  à  un  Reinfrit,  également  duc  de 
ce  pays.  M.  B.  démontre  que,  dans  l'un  et  l'autre  de  ces  poèmes,  elles  sont 
simplement  tirées  de  l'une  des  rédactions  du  Duc  Ernest,  et  qu'elles  ont  été 
appropriées  par  des  poètes  postérieurs  à  des  héros  pour  lesquels  elles  n'avaient 
point  été  imaginées. 

Reste  donc  à  savoir  quelle  est  leur  origine.  Ces  aventures  sont  brièvement  les 
suivantes  :  Ernest,  parti  de  Constantinople  avec  une  flotte  nombreuse,  la  perd 
toute  entière  dans  une  tempête  à  l'exception  d'un  seul  vaisseau ,  qui  erre  pen- 
dant deux  mois  sur  la  mer;  les  provisions  vont  manquer  quand  on  aperçoit  la 
terre.  Ernest  et  ses  compagnons  débarquent  :  ils  trouvent  une  ville  et  un  palais 
splendides,  mais  déserts  :  c'est  la  ville  de  Grippia.  Les  habitants  reviennent 
bientôt  dans  la  ville  avec  leur  roi^  à  la  rencontre  duquel  ils  s'étaient  tous  portés. 
Ces  habitants  ont  des  têtes  de  grues  sur  des  corps  humains  ;  le  roi  ramène  avec 
lui  une  belle  princesse,  la  fille  du  roi  des  Indes,  qu'il  vient  d'enlever  après  avoir 
tué  ses  parents.  Ernest  veut  la  délivrer  :  il  s'en  suit  un  combat,  où  le  roi  avec 
un  grand  nombre  de  ses  hommes  trouve  la  mort,  ainsi  que  la  jeune  fille.  — 
Ernest  se  rembarque  ;  il  arrive  dans  la  mer  caillée,  où  est  la  montagne  d'aimant 
qui  attire  à  elle  tous  les  vaissaux  à  cause  de  leurs  ferrements  ;  celui  du  duc  subit 
cette  attraction  et  ne  peut  plus  bouger.  La  famine  fait  périr  beaucoup  des  com- 
pagnons d'Ernest;  leurs  cadavres  sont  enlevés  par  des  griffons,  qui  les  portent 
à  leurs  petits.  Ernest  et  trois  des  siens  se  font  coudre  dans  des  peaux  de  bœufs 
et  emporter  par  un  des  oiseaux  gigantesques;  arrivés  à  l'aire,  ils  se  dégagent  et 
errent  dans  une  forêt.  —  Dans  cette  forêt  est  un  fleuve,  ils  le  suivent  jusqu'à 
une  montagne  dans  laquelle  il  s'engoufl"re.  Ils  construisent  un  radeau  avec  lequel 
ils  s'engagent  dans  le  canal  souterrain,  éclairé  çà  et  là  par  une  masse  de  pierres 
précieuses,  dont  Ernest  détache  la  plus  belle'.  —  Le  fleuve  débouche  dans  le 
pays  des  Arimaspes,  dont  les  habitants  n'ont  qu'un  œil  au  milieu  du  front;  le  roi 
reçoit  avec  honneur  Ernest  et  ses  compagnons.  —  Les  Arimaspes  sont  en  guerre 
avec  les  Pieds-plats,  peuples  dont  les  pieds  énormes  leur  font  de  l'ombre  quand 
ils  se  reposent;  grâce  aux  Allemands  le  roi  des  Arimaspes  est  vainqueur  et  il  les 
récompense  en  leur  donnant  des  fiefs.  —  Ernest  défait  un  autre  peuple,  composé 
d'hommes  pourvus  de  si  longues  oreilles  qu'ellesleurtiennent  lieu  de  vêtements. 
—  Non  loin  de  là  demeurent  les  Pygmées,  qui  vivent  dans  la  terreur  perpétuelle 
des  grues  qui  dominent  leur  pays  ;  Ernest  vient  à  leur  aide  et  remporte  la  vic- 
toire sur  les  grues.  —  D'autres  voisins  des  .\rimaspes,  les  Géants  cananéens, 
veulent  leur  imposer  tribut;  le  duc  Ernest  sait  encore  faire  triompher  le  roi  qui 
lui  a  donné  asile. — Au  bout  de  six  ans,  Ernest  quitte  le  pays  des  Arimaspes  pour 
servir  le  roi  d'Ubian  (ou  de  Mauritanie)  contre  le  roi  de  Babylone,  qui  veut  le 
forcer  à  abjurer  le  christianisme;  puis  il  parvient  à  Jérusalem,  d'où  il  retourne  en 
Europe. 

I .  Cette  pierre,  d'après  le  poème,  fut  donnée  plus  tard  par  le  duc  à  l'empereur  :  c'est 
l'Orphelin,  qui  fut  longtemps  célèbre,  et  qui  était  enchâssé  dans  la  couronne  impériale;  il 
fut  perdu  sans  doute  au  XYIII*  siècle. 


d'histoire  et  de  littérature.  217 

Ces  aventures  se  divisent  à  leur  tour  en  trois  groupes  distincts.  Le  premier 
comprend  l'aventure  avec  les  hommes  à  tête  de  grue,  dont  M.  B.  n'a  pu  décou- 
vrir la  source  ;  le  troisième  embrasse  tous  les  récits  qui  suivent  l'arrivée  chez  les 
Arimaspes  et  ne  se  compose  que  de  réminiscences  de  fables  antiques  transmises 
par  Isidore  de  Séville.  Le  second  est  le  plus  curieux  et  le  plus  intéressant  :  il 
renferme:  1°  la  fable  de  la  mer  caillée;  2*^  celle  de  la  montagne  d'aimant; 
30  l'histoire  des  griffons  dont  Ernest  se  sert  pour  se  faire  transporter  ailleurs; 
4**  la  navigation  souterraine,  M.  B.  n'a  pas  manqué  de  faire  remarquer  la  simili- 
tude à  peu  près  complète  de  ces  trois  derniers  contes  avec  trois  épisodes  des 
voyages  de  Sindbad  le  marin  dans  les  Mille  et  une  nuits.  Quant  à  la  mer  caillée 
(en  allemand  Lebermeef),  elle  n'est  pas  moins  célèbre  en  français  qu'en  allemand  ; 
elle  est  désignée  dans  un  très-grand  nombre  de  poèmes  sous  le  nom  de  mer  betée 
(voy.  Cachet,  Gloss.  du  Chevalier  au  Cygne,  s.  v.  beîer;  F.  Michel,  Charkmagne, 
p.  Ixxiv;  Diez,  Etym.  Wb.  II,  c,  s.  v.  beîer^.  Il  est  clair,  comme  l'a  remarqué 
M.  B.,  en  citant  à  l'appui  un  très-curieux  passage  de  Benjamin  de  Tudèle,  que 
cette  mer  beîée,  où  les  vaisseaux  ne  pouvaient  pas  remuer,  jouait  primitivement 
le  rôle  de  la  montagne  d'aimant  en  arrêtant  les  vaisseaux  et  en  forçant  de 
recourir  aux  griffons.  Elle  retient  ainsi,  dans  la  légende  de  S.  Brandan,  le 
vaisseau  du  saint,  qui  s'en  tire  d'ailleurs  autrement;  mais  M.  B.  se  trompe  en 
voyant  dans  cet  épisode  du  poème  allemand  sur  S.  Brandan,  une  imitation  du 
Duc  Ernest,  attendu  qu'il  se  trouve  déjà  dans  la  légende  latine,  antérieure  en  tout 
cas  au  XII®  siècle  (voy.  Jubinal,  la  Légende  de  saint  Braudaine,  p.  26  et  1^2).  — 
La  montagne  d'aimant  est  mentionnée  dans  Philippe  de  Thaon  (Wright,  Popular 
Treatises  on  Science,  p.  125)  avant  le  milieu  du  xii^  siècle,  et  d'après  le  Physio- 
logus,  qui  remonte  beaucoup  plus  haut  ;  mais  on  ne  voit  pas  encore  qu'elle  attire 
les  vaisseaux.  —  Comment  ces  contes  orientaux  (les  Arabes  les  tiennent  eux- 
mêmes  de  l'Inde)  étaient-ils  connus  de  l'auteur  du  Duc  Ernest?  C'est  ce  qu'il  est 
impossible  de  dire.  Ce  qui  paraît  probable,  c'est  que  la  rédaction  de  toutes  les 
aventures  d'Ernest  en  Orient,  appartient  au  même  auteur;  en  effet  il  a  substitué 
à  l'oiseau  Roc  des  Arabes,  au  Garouda  du  sanscrit  (Somadeva,  trad.  Brockhaus, 
chap.  12  '),  des  griffons;  or  les  griffons,  comme  les  Arimaspes  et  les  Pygmées, 
appartiennent  à  la  tradition  classique  où  a  puisé  l'auteur  pour  son  second  groupe 
de  récits.  —  Les  renouvellements  du  poème  allemand,  suivant  sans  doute  en 
cela  le  poème  primitif,  invoquent  un  livre  latin  conservé  à  Bamberg;  il  serait  bien 
possible,  comme  le  suppose  M.  Bartsch,  que  cette  allégation  fût  véritable.  En  ce 
cas,  le  livre  latin  n'aurait  sans  doute  contenu  que  le  voyage  en  Orient;  peut-être 
même  ne  le  rapportait-il  pas  au  duc  Ernest,  et  est-ce  l'auteur  du  poème  allemand 
qui  a  eu  l'idée  de  fondre  deux  récits  qui  n'ont  en  réalité  aucun  lien. 

Non  content  de  donner,  autant  que  possible,  pour  les  contes  entassés  dans  ce 


I  .^  Il  faut  remarquer  que  dans  le  conte  indien  c'est  sans  le  vouloir  que  le  hérosr,  qui  est 
entré  par  hasard  dans  la  peau  d'un  éléphant  mort,  est  transporté  par  un  a  oiseau  de  la 
»  race  de  Garouda  »  dans  le  pays  des  Rakshas. 


2l8  REVUE    CRITIQUE 

voyage,  les  sources  où  ils  ont  été  puisés,  M.  B.  a  rassemblé  en  grand  nombre  les 
passages  d'auteurs  du  moyen-âge,  surtout  allemands,  qui  les  ont  reproduits  ou  y 
ont  fait  allusion.  Dès  1809,  Jacob  Grimm  avait  signalé  une  frappante  analogie 
entre  certains  épisodes  du  Duc  Ernest  et  d'autres  de  la  seconde  partie  de  Huon 
de  Bordeaux,  telle  que  la  conserve  la  rédaction  en  prose  (faite  d'après  le  poème 
manuscrit  à  Turin)  qui  se  réimprime  encore  pour  le  colportage.  Comme  Ernest, 
comme  Sindbad,  Huon  fait  naufrage  à  la  montagne  d'aimant,  est  sauvé  par  un 
griffon,  et  s'embarque  sur  un  fleuve  qui  traverse  un  souterrain  illuminé  de  pierres 
précieuses.  Il  est  très-probable,  comme  l'a  conjecturé  Grimm  et  après  lui  M.  B,, 
que  le  poème  français  a  subi  l'influence  directe  du  récit  allemand  :  ce  qui  semble 
le  mettre  hors  de  doute,  c'est  moins  encore  l'analogie  des  récits  et  surtout  l'ordre 
dans  lequel  ils  se  suivent  (tout  autre  que  dans  Sindbad),  que  la  ressemblance 
frappante  du  cadre  et  de  certains  détails.  Huon  a  tué  le  neveu  de  l'empereur 
Thierri  comme  Ernest  le  favori  de  l'empereur  Otton  ;  le  voyage  du  duc  français 
et  du  duc  allemand  a  lieu  après  une  longue  guerre  contre  l'empereur,  et  l'un  et 
l'autre,  ce  qui  est  le  plus  décisif,  obtiennent  leur  grâce  d'une  façon  à  peu  près 
identique  :  en  demandant,  incognito,  à  l'empereur  de  leur  pardonner  dans  un 
moment  où  il  ne  peut  rien  refuser,  à  l'Église,  après  la  messe  de  Noël  dans  le  Duc 
Ernest,  le  jour  du  vendredi-saint  dans  HuonK  Le  fait  de  l'imitation  d'un  poème 
allemand  en  français  est  tout  à  fait  insolite  ;  mais  il  est  plus  que  probable  que  le 
trouveur  français,  si  inférieur  à  son  prédécesseur,  qui  a  composé  la  suite  de  Huon 
de  Bordeaux ,  connaissait  les  aventures  d'Ernest  par  une  des  deux  rédactions 
latines  ^. 

En  voyant  M.  Bartsch  publier  à  si  peu  de  distance  tant  d'ouvrages  importants 
sur  des  sujets  aussi  divers,  on  pourrait  craindre  qu'ils  ne  portassent  les  traces 
d'une  composition  trop  hâtive.  Le  Duc  Ernest  au  contraire  est  un  travail  mûri  et 
fait  avec  autant  de  soin  que  d'érudition.  L'auteur  nous  apprend  en  effet  qu'il  n'y 
a  pas  moins  de  douze  ans  qu'il  le  prépare.  Dès  1862,  il  était  à  peu  près  terminé, 
et  Uhland  en  avait  accepté  la  dédicace  :  M.  Bartsch  n'a  pu  le  consacrer  qu'à  sa 
mémoire.  On  voit  que  la  fécondité  vraiment  extraordinaire  du  savant  professeur 
de  Rostock,  s'explique  par  une  longue  et  patiente  incubation. 

G.  P. 


1.  Je  me  sers  d'une  fort  mauvaise  édition  du  siècle  dernier. 

2.  Il  est  très-curieux  que  le  cadre  général  de  cette  histoire  est  aussi  celui  du  véritable 
Huon  de  Bordeaux,  dont  M.  B.  a  fait  remarquer  la  ressemblance  avec  h  duc  Ernest.  Là 
aussi,  Huon  tue  le  fils  de  l'empereur,  est  exilé  en  Orient,  où  il  a  des  aventures  merveil- 
leuses, et  rentre  finalement  en  grâce.  Mais  les  différences  sont  immenses,  et  la  coïncidence 
est,  je  le  crois,  tout  à  fait  fortuite.  Le  continuateur  a  été  singulièrement  maladroit  de  re- 
produire ainsi,  avec  des  variantes,  l'histoire  du  héros  qu'il  empruntait  au  poème  du 
XII'  siècle. 


d'histoire  et  de  littérature.  2^19 

195.  —  Arnauld  de  Brescia  et  les  Romains  du  XII*  siècle,  avec  une  carte 

de  Rome,  par  Victor  Clavel,  ancien  élève  de  l'École  normale,  docteur  ès-IettresS 
etc.  Paris,  L.  Hachette,  1868.  In-8',  ix-428  p. 

Il  n'y  a  pas  très-longtemps  que  nous  avons  parlé,  dans  la  Revue,  d'Arnaud  de 
Brescia,  à  propos  du  livre  de  M.  Guibah.  Par  un  singulier  hasard,  le  célèbre 
tribun-prophète  a  été  l'objet  d'un  second  ouvrage  français  dans  le  courant  de  la 
même  année.  Comme  le  travail  de  M.  Clavel,  loin  d'apporter  aucun  fait  nouveau 
au  sujet  qu'il  traite,  est  de  beaucoup  inférieur  à  celui  de  M.  Guibal,  nous  l'aurions 
peut-être  passé  sous  silence,  si  les  éloges  qu'il  a  reçus  dans  la  presse  périodique 
ne  prouvaient  une  fois  de  plus,  et  de  la  façon  la  plus  affligeante,  combien  sont 
encore  modestes  chez  nous  les  exigences  des  littérateurs  académiques,  quand  il 
s'agit  d'ouvrages  de  science.  Nous  ne  voulons  point  fatiguer  le  lecteur  en  mettant 
sous  ses  yeux  la  moisson  complète  que  nous  venons  de  récolter  dans  le  volume 
de  M.  Clavel,  où  l'on  rencontre  à  côté  de  l'usage  constant  de  sources  apocryphes, 
l'intolérable  abus  d'une  prétendue  «  méthode  d'induction  »  qui  permet  à  l'historien 
d'inventer  les  faits  qu'il  ignore,  le  manque  absolu  d'esprit  critique  et  le  culte 
exagéré  de  la  phrase  académique.  Nous  nous  bornerons  donc  à  quelques  exemples, 
mais  si  l'on  nous  croyait  injuste  à  l'égard  de  l'auteur,  nous  sommes  prêt  à  fournir 
un  supplément  de  preuves  à  l'appui  de  ce  que  nous  avançons  ici. 

Nous  avons  signalé  en  première  ligne  l'usage  de  sources  apocryphes.  En  effet 
l'un  des  auteurs  favoris  de  M.  Cl.  est  le  trop  fameux  Gunther,  le  prétendu  poète 
du  Ligurinas,  œuvre  destinée  à  glorifier  les  hauts  faits  de  Frédéric  Barberousse. 
Or  le  plus  mince  savant  de  nos  jours  sait  que  le  poème  du  Ligurinus  est  une 
mise  en  vers  partielle  de  l'Histoire  d'Othon  de  Freisingen,  faite  au  xvi'  siècle 
par  Conrad  Celtes  ou  l'un  de  ses  amis  et  attribuée  par  lui  à  un  moine,  nommé 
Gunther,  qui  aurait  vécu  au  xii^  siècle.  C'est  une  de  ces  vérités  littéraires  qu'il 
n'est  pas  permis  d'ignorer,  surtout  quand  on  a  la  prétention  d'écrire  l'histoire 
du  xii^  siècle,  et  l'historien  qui  cite  Gunther  doit  être  mis  sur  la  même  ligne  que 
le  littérateur  qui  nous  parlerait  encore  des  vers  de  Clotilde  de  Surville,  pour 
caractériser  la  poésie  du  moyen-âge,  ou  que  le  docteur  en  droit  canon  qui 
s'appuierait  sur  les  fausses  Décrétales^.  Le  poème  du  soi-disant  Gunther  n'en 
est  pas  moins  aux  yeux  de  M.  Cl.  un  des  plus  précieux  documents  pour  l'histoire 
d'Arnaud  et  le  seul  regret  qu'il  professe  à  son  égard,  c'est  de  ne  pas  le  voir  plus 
explicite  dans  ses  renseignements.  Les  sagaces  observations  qu'il  fait  de  temps 
à  autre  (p.  131,  256,  etc.)  sur  la  concordance  du  faux  Gunther  et  d'Othon  de 
Freisingen,  sont  naturellement  des  plus  amusantes 4.    M.  Cl.  n'est  pas  plus 

1.  Cet  ouvrage  est  la  thèse  qui  a  valu  à  M.  Clavel  le  grade  de  docteur.  —  [Réd.] 

2.  Rev.  ait.,  1869,  art.  2. 

3.  On  trouvera  les  renseignements  les  plus  récents  sur  le  poème  du  Ligurinus  dans  l'un 
des  appendices  du  beau  livre  de  M.  Kœpke  sur  Hrotsuit  de  Gandersheim,  récemment 
annoncé  dans  la  Ra'uc,  1869,  art.  95. 

4.  Ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux,  c'est  que  M.  Cl.  ne  sait  pas  même  au  juste  quand  son 
auteur  favori  a  composé  son  ouvrage  et  qu'il  varie  là-dessus  considérablement.  \'oy.  p.  81 
et  131. 


220  REVUE  CRITIQUE 

heureux  pour  les  auteurs  modernes  qui  se  sont  occupés  d'Arnaud.  Celle  de  toutes 
les  biographies  du  tribun  romain  qu'il  paraît  préférer  de  beaucoup,  et  qu'il  s'est 
même,  à  ce  qu'il  paraît,  fait  traduire  en  partie  par  de  bienveillants  amis,  c'est 
celle  de  Francke  qui  a  paru  en  1825.  Malheureusement  M.  Cl.  ne  pouvait  placer 
plus  mal  ses  affections;  le  livre  de  Francke,  comme  le  disait  il  y  a  vingt  ans 
déjà  un  biographe  français  d'Arnaud ', -ne  mérite  pas  le  nom  d'histoire,  c'est 
plutôt  un  roman.  M.  Cl.,  qui  prétend  avoir  épuisé  la  littérature  du  sujet,  ne 
connaissait  pas,  il  est  vrai,  le  travail  de  M.  Quirin;  il  ne  connaissait  pas  non  plus 
les  travaux  postérieurs  allemands,  dont  les  auteurs  ont  qualifié  fort  sévèrement 
Francke  ;  mais  nous  ne  comprenons  pas  davantage  qu'il  ait  pu  répéter  ingénue- 
ment  certains  dires  de  cet  écrivain,  quand  il  n'en  trouvait  trace  dans  ses  sources  *. 

Ce  n'est  pas  seulement  l'emploi  de  sources  apocryphes  que  nous  reprochons 
à  l'auteur.  Il  est  des  sources  importantes  qu'il  ne  connaît  point,  telles  que  les 
œuvres  de  Gerhoh  de  Reichersperg.  Il  le  nomme  bien  quelque  part  (p.  308), 
mais  il  est  allé  puiser  ses  renseignements  dans  les  notes  d'une  tragédie  italienne 
du  siècle  passé.  Il  le  cite  même  en  un  autre  endroit  (p.  181),  mais  comme  il 
l'appelle  Gérard  de  Reicherspeg,  il  est  évident  de  prime-abord  qu'il  ne  l'a  point  lu;  au 
reste,  il  n'en  a  pas  la  prétention,  et  renvoie  à  Smidt  (sic),  Histoire  des  Allemands. 
Or  ce  J.  M.  Schmidt  est  un  historien  de  la  fm  du  xviii*  siècle,  occupant  à  peu  près 
dans  la  littérature  historique  allemande  la  place  que  tient  chez  nous  Anquetil. 
Schmidt  n'avait  certainement  pas  lu  Gerhoh  dans  l'original  et  avait  puisé  sa  cita- 
tion ailleurs.  Mais  ce  n'est  pas  là  ce  qu'il  y  a  de  plus  curieux.  Vérification  faite, 
M.  Cl.  n'a  pas  même  eu  entre  les  mains  l'ouvrage  allemand,  mais  il  a  puisé  son 
savoir  —  avec  les  fautes  d'impression  —  dans  Gibbon  qui  donne  au  vol.  XII, 
p.  2'^6,  de  son  Histoire  de  la  décadence  de  l'empire,  la  citation  de  Schmidt  avec 
le  passage  de  Gerhoh.  Cela  peut  suffire  à  caractériser  la  manière  de  travailler  de 
notre  auteur. 

Nous  avons  dit  de  plus  que  M.  Cl.  avait  découvert  «  une  patiente  méthode 
»  d'induction  »  grâce  à  laquelle  il  suppléait  très-souvent  au  silence  des  sources, 
en  inventant  les  faits  dont  il  avait  besoin.  C'est  ainsi  qu'il  nous  raconte  qu'Arnaud 
étudia  le  droit  à  Bologne  sous  Irnerius,  et  en  général  l'histoire  détaillée  de  sa 
jeunesse,  dont  nous  ne  savons  absolument  rien.  Sans  doute  «  aucun  document  ne 
»  mentionne  ces  faits,  »  mais  «  cela  du  moins  est  vraisemblable  »  et  d'ailleurs  où 
«  pourrait-il  mieux  avoir  appris  ce  qu'il  savait  des  origines  de  Rome,  etc.  ?  » 
Des  arguments  de  ce  genre  suffisent  à  M.  Cl.  soit  qu'il  nous  raconte  l'histoire 
en  partie  fort  mythique  du  séjour  d'Arnaud  en  France  et  qu'il  nous  montre  «  le 
»  clergé  français  prononçant  déjà  avec  une  sainte  horreur  »  le  nom  du  jeune 
homme,  alors  parfaitement  inconnu  dans  notre  pays,  soit  qu'il  nous  le  montre 
«  présentant  à  ses  concitoyens  abâtardis  de  Brescia,  des  institutions  républicaines 
»  puisées  dans  Tite-Live,  »  ce  qui  est  un  tableau  de  pure  fantaisie. 


1.  A.  Quirin,  Arnaud  de  Brescia.  Strasbourg,  1847.  In-8*. 

2.  P.  ex.  le  séjour  à  Bologne,  le  nom  de  Leeman  qu'il  prit  à  Zurich,  etc.,  etc. 


d'histoire    et    de   littérature.  221 

Le  sens  critique  aussi  fait  complètement  défaut  à  notre  auteur,  sans  quoi  il  ne 
s'imaginerait  pas  que  certains  passages  de  Platina,  Tritheim,  Tschudi,  Léger  et 
autres  auteurs  du  xv=  et  du  xvi^  siècle,  qu'il  imprime  dans  les  pièces  à  l'appui, 
aient  la  moindre  valeur,  comme  sources,  pour  l'histoire  du  xii'' siècle.  On  ne  peut 
rien  voir  de  plus  curieux  que  l'argumentation  à  laquelle  il  soumet  le  passage  de 
Tritheim  sur  un  certain  Arnolphe  (p.  300)  pour  nous  fournir  au  moins  un  frag- 
ment authentique  des  discours  d'Arnaud;  des  observations  semblables  seraient  à 
faire  en  grand  nombre  sur  ce  qu'il  dit  des  hérésies  en  général  et  des  Vaudois  en 
particulier  ' . 

Enfin  nous  avons  remarqué  dans  le  présent  ouvrage  cette  recherche  conti- 
nuelle de  la  phrase,  qui  est  malheureusement  une  des  plaies  les  plus  vives  de 
notre  littérature  scientifique.  Le  volume  de  M.  Cl.  est  rempli  d'exemples  de  ce 
genre;  nous  nous  bornerons  à  relever  la  prosopopée  dans  laquelle  le  monde  crie 
au  pape  Adrien  :  «  Pourquoi,  moine  obscur,  etc.?  »  et  la  belle  période  ou 
M.  CL,  entraîné  par  son  enthousiasme,  affirme,  entre  autres  choses,  que  le  sou- 
venir d'Arnaud  de  Brescia,  provoqua  les  actes  d'indépendance  de  Guillaume 
Tell,  de  Tell,  l'humble  archer  de  la  légende,  qui,  s'il  avait  jamais  vécu,  n'aurait 
certes  pas  entendu  parler  du  tribun  romain  2.  Il  y  aurait  encore  bien  des  obser- 
vations de  détail  à  faire  ?,  pour  montrer  combien  peu  M.  Cl.  comprend  l'époque 
qu'il  décrit.  Nos  lecteur  souriraient  sans  doute  en  voyant  le  terrible  justicier 
Frédéric  Barberousse  «  retoucher  ses  discours  dans  le  silence  du  cabinet  4  » 
(p.  j  1 8),  et  comprendraient  sans  peine  que  M.  Cl.  n'a  jamais  ouvert  les  codes  de 
Théodose  et  de  Justinien,  en  l'entendant  affirmer  que  «  les  légistes  du  moyen- 
»  âge,  payés  par  l'empire,  interprétaient  les  lois  dans  le  sens  despotique,  on 
»  peut  dire,  les  dénaturaient  (p.  254).  » 

Rien  n'est  plus  caractéristique  aussi  que  l'indécision  perpétuelle  de  l'auteur  au 
sujet  des  opinions  de  son  héros.  Tantôt  Arnaud  est  presque  un  Luther,  tantôt 
c'est  un  bon  catholique,  tantôt  c'est  un  philosophe,  tantôt  la  question  est  si 


1 .  Nous  voulons  seulement  relever  une  assertion  qui  se  rattache  à  un  article  de  la  Revue 
fi866,  art.  18)  mal  compris  par  l'auteur  (p.  54).  M.  Paul  Meyer  n'y  a  point  parlé  de 
l'âge  des  Vaudois  en  général,  mais  de  celui  de  la  Nobla  Leyczon  en  particulier.  Or  s'il  est 
à  peu  près  certain  que  cette  dernière  date  du  XV*  siècle,  il  est  au  moins  aussi  certain 
que  Pierre  Vaido  a  vécu  vers  la  fin  du  XII*  siècle,  ce  qui  est  dit  par  M.  Meyer  à  la  p. 
38  de  l'article  précité. 

2.  Pourquoi  orner  les  vérités  les  plus  simples  de  noms  d'auteurs?  Exemples  :  «  L'his- 
»  toire  des  hommes  se  rattache  à  l'histoire  des  choses,  comme  l'a  dit  éloquemment  Am- 
»  père.  »  —  «  Les  institutions  qui  tombent  sont  comme  des  tours  qui  s'écroulent.  Maxime 
»  Du  Camp.  »  —  «  Qui  peut  sonder  le  cœur  humain.?  comme  dit  très -bien  Henri 
»  Martin.  »  Etc. 

3.  Pourquoi  rééditer  (p.  184)  la  vieille  anecdote  de  Mummius  à  Corinthe,  en  l'enrichis- 
sant de  ce  commentaire  naïf:  «  Ce  trait  est  caractéristique?  »  Et  pourquoi  nous  commu- 
niquer ce  fait  important  qu'en  l'an  de  grâce  1824,  il  n'y  avait  qu'une  seule  baignoire  à 
Rome?  (p.  210). 

4.  Je  n'ai  pas  pu  comprendre  pourquoi  M.  Cl.  appelait  si  sévèrement  un  des  meilleurs 
historiens  du  moyen-âge,  Othon  de  Freisingen,  *  plat,  diffus  et  monotone  »  (p.  318),  lui 
qui  admire  tant  le  Ligurinus  de  Gunther,  qui  n'est  qu'un  pastiche  versifié  d'Othon. 


222  REVUE   CRITIQUE 

compliquée  que  «  les  docteurs  du  moyen-âge  eux-mêmes  seraient  embarrassés  » 
de  la  trancher,  et  même  une  fois  M.  Cl.  (qui  pourtant  écrit  la  biographie 
d'Arnaud  !)  déclare  que  «  l'examen  de  la  question  n'est  pas  de  sa  compétence  » 
(p.  3  5).  Parlerons-nous  encore  de  la  table  des  sources,  où  figurent  des  tragédies 
et  l'Histoire  du  moyen-âge  de  M.  Duruy,  mais  où  manquent  des  ouvrages  comme 
celui  de  Neander  sur  saint  Bernard,  ceux  de  Reumont,  Raumer,  Quirin,  etc.,  et 
où  les  titres  sont  cités  de  la  façon  la  plus  bizarre  ?  Il  est  temps  de  s'arrêter  et 
d'en  finir  avec  un  ouvrage  qui  n'aurait  pas  dû  nous  arrêter  aussi  longtemps ,  si 
la  dure  nécessité  de  protester  au  nom  de  la  science  n'obligeait  quelquefois  la 
critique  à  parler.  —  La  carte  de  Rome,  jointe  à  l'ouvrage,  est  bien  faite  '. 

Rod.  Reuss. 


196.  —  Ulrich  Z-wîngli  nach  den  urkundlichen  Quellen,  von  J.  C.  Mœri- 
KOFER.  Leipzig,  S.  Hirzel,  1869.  T.  II.  xvj-527  pages.  —  Prix  :  10  fr. 

Nous  avons  déjà  rendu  compte  {Revue  critique,  1869,  t.  I,  p.  204  et  205)  du 
premier  volume  de  cet  intéressant  ouvrage.  Le  second  volume,  qui  vient  de 
paraître,  se  distingue  par  les  mêmes  qualités  que  le  précédent.  C'est  toujours  la 
même  sûreté  d'informations  puisées  aux  sources  originales,  et  la  même  richesse 
de  faits.  En  général  on  n'a  guère  écrit  sur  les  réformateurs  du  seizième  siècle 
que  pour  les  exalter  ou  les  dénigrer.  M.  Mœrikofer  a  visé  à  l'impartialité;  il  a 
voulu  peindre  Zwingli  tel  qu'il  fut,  persuadé,  comme  il  le  dit  lui-même,  que  la 
véritable  grandeur  n'a  pas  besoin  qu'on  cache  ses  faiblesses. 

L'histoire  de  Zwingli  est  inséparable  de  celle  de  la  Suisse  allemande  à  cette 
époque.  La  réformation  du  seizième  siècle  n'agit  pas  seulement  sur  les  croyances 
religieuses;  elle  fit  sentir  son  influence  sur  toutes  les  sphères  de  la  vie  humaine 
là  où  elle  réussit  à  s'établir.  La  Suisse  protestante  de  langue  allemande  doit 
certainement  en  grande  partie  à  son  réformateur  d'être  ce  qu'elle  est,  c'est-à- 
dire  un  des  pays  les  plus  éclairés  du  monde,  et  on  peut  ajouter  un  des  plus 
heureux.  En  particulier,  si  Zurich  est  devenu  l'Athènes  de  la  Suisse,  c'est  à 
l'impulsion  libérale  qu'il  donna  à  l'instruction  publique  qu'elle  en  est  redevable, 
ainsi  que  le  fait  remarquer  M.  M.  Il  ne  faut  par  conséquent  pas  s'étonner  que 
l'auteur  ne  se  soit  pas  renfermé  dans  les  limites  restreintes  d'une  simple  biogra- 
phie, et  que,  en  racontant  la  vie  du  réformateur,  il  ait  tracé  en  même  temps  le 
tableau  d'une  des  périodes  les  plus  remarquables  de  l'histoire  de  son  pays. 

Le  côté  théologique  est  suffisamment  mis  en  lumière  pour  donner  une  idée 
des  principes  essentiels  de  Zwingli  au  grand  public  auquel  M.  M.  adresse  son 
ouvrage.  Je  suis  toutefois  tenté  de  croire  qu'un  chapitre  dans  lequel  ses  concep- 
tions religieuses  auraient  été  exposées  dans  leur  liaison  logique  n'aurait  pas  été 


1 .  Le  tableau  de  Rome,  au  XII'  siècle,  est  relativement  une  des  parties  les  mieux  traitées 
de  l'ouvrage  ;  il  n'est  que  juste  d'observer  que  l'auteur  lui-même  reconnaît  tout  le  parti 
qu'il  a  pu  tirer  pour  ce  chapitre,  de  l'excellente  Histoire  de  Rome,  de  Grégorovius. 


d'histoire  et  de  littérature.  22^ 

inutile.  Rien,  ce  me  semble,  ne  pouvait  faire  mieux  comprendre  le  caractère 
particulier  de  son  génie  et  de  sa  nature  morale.  Il  est  bien  vrai  que  tous  ses 
ouvrages  sont  indiqués  et  plus  ou  moins  rapidement  analysés  à  la  date  respec- 
tive de  leur  composition,  disposition  qui  a  l'avantage  d'en  faire  bien  connaître 
l'origine  et  le  but.  Mais  il  est  douteux  que  le  lecteur  conserve  un  souvenir  assez 
net  de  ces  indications  et  de  ces  appréciations  éparses  en  tant  d'endroits  diffé- 
rents, pour  pouvoir  s'en  faire  lui-même  une  vue  d'ensemble.  Peut-être  aussi 
M.  M.  aurait  pu  consacrer  quelques  pages  de  plus  aux  principaux  écrits  du 
réformateur,  en  particulier  à  la  Christianae  fidei  brevis  et  clara  expositio  ad  regem 
christianissimum,  la  dernière  des  productions  de  Zwingli  et  celle  dans  laquelle  se 
trouve  l'expression  la  plus  caractéristique  de  ses  sentiments  religieux.  Il  faut 
reconnaître  cependant  que  M.  M.  en  fait  bien  connaître  l'esprit  et  les  tendances, 
et  qu'il  en  rapporte  ce  qu'il  y  a  de  plus  propre  à  faire  impression,  entre  autres 
ce  qui  y  est  dit  du  salut  des  sages  de  l'antiquité.  Enfin  il  n'aurait  peut-être  pas 
été  superflu  de  donner  dans  un  appendice  ou  dans  les  notes  un  catalogue  de  ses 
écrits  et  des  éditions  qui  en  ont  été  faites  jusqu'à  présent.  Ce  qui  en  est  dit  à  la 
p.  466  ne  manque  pas  d'intérêt,  mais  ne  me  paraît  pas  suffisant. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  ces  observations,  qui  ne  portent  d'ailleurs  que  sur  des 
détails  ou  des  points  accessoires,  l'ouvrage  de  M.  Mœrikofer  est  un  travail  très- 
important  pour  l'histoire  de  la  réformation.  On  n'a  rien  de  plus  exact  et  de  plus 
complet  sur  Zwingli.  Il  est  appelé,  ce  me  semble,  à  un  grand  succès,  principa- 
lement parmi  les  protestants  de  la  Suisse  allemande,  qui  seront  sans  doute  heu- 
reux d'y  trouver  l'expression  de  leurs  sentiments  religieux  et  de  leurs  sentiments 
patriotiques.  Michel  Nicolas. 


197.  —  Étude  historique  sur  la  Chambre  de  commerce  de  Bayonne,  par 

Henri  Léon.  Paris,  Michel  Lévy  frères  (imp.  Crugy  à  Bordeaux),  1869.  In-8*,  174  p. 

Originaire  de  Bayonne,  appartenant  à  une  famille  qui  occupe  un  rang  distingué 
parmi  les  négociants  de  cette  ville,  l'auteur  du  livre  dont  nous  venons  de 
transcrire  le  titre,  l'a  composé  avec  amour;  il  a  compulsé  d'anciennes  archives 
qui  restaient  oubliées;  il  en  a  extrait  des  faits  curieux  qu'il  a  encadrés  dans  un 
récit  intéressant.  Après  avoir  signalé  la  création  du  conseil  de  commerce  en 
■1700,  et  la  formation  des  chambres  particulières  en  1701,  il  montre  une  de  ces 
chambres  établie  à  Bayonne  en  1726.  Elle  eut  dès  ses  débuts  à  lutter  vivement 
contre  les  fermiers-généraux  ;  elle  se  prévalait  des  privilèges  accordés  à  la  ville 
par  divers  rois  et  elle  réclamait  avec  force  l'exemption  de  certaines  taxes.  Le 
débat  dura  plus  d'un  demi-siècle.  Les  événements  politiques  favorisaient  parfois 
le  mouvement  commercial  de  Bayonne,  qui  éprouvait,  en  d'autres  circonstances, 
une  décadence  marquée.  Afin  de  les  ramener  Louis  XVI  décréta  en  1784  la 
franchise  du  port,  mais  la  révolution  vint  donner  aux  affaires  une  direction  nou- 
velle. De  longues  guerres  avec  l'Espagne  et  la  Grande-Bretagne  arrêtèrent  les 
expéditions  maritimes.  En  1807  et  en  1808,  l'empereur  s'arrêta  à  Bayonne,  et 


2  24  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

la  chambre  fit  de  son  mieux  pour  appeler  sa  sollicitude  sur  les  intérêts  commer- 
ciaux. Dès  le  début  de  la  Restauration,  elle  fit  des  démarches  persévérantes  pour 
obtenir  le  rétablissement  de  la  franchise  ;  et  elle  reçut  une  promesse  du  duc 
d'Angoulême;  en  définitive  ces  efforts  restèrent  infructueux.  Sous  le  règne  de 
Louis-Philippe,  l'amélioration  du  passage  de  la  barre  très-dangereuse  de  l'Adour, 
l'établissement  d'un  remorqueur,  les  traités  commerciaux  avec  l'Espagne,  furent 
les  objets  principaux  dont  on  eut  à  s'occuper.  Tous  ces  faits  sont  exposés  en 
détail  et  appuyés  sur  des  documents  officiels.  Il  serait  fort  désirable  que  l'histoire 
des  chambres  de  commerce  de  chacun  des  grands  centres  maritimes  ou  commer- 
çants fût  écrite  avec  autant  de  soin  ;  la  réunion  de  ces  monographies  fournirait 
de  précieux  matériaux  pour  une  histoire  générale  du  commerce  français  au  xviii* 
et  au  XIX''  siècle,  Hvre  encore  à  faire.  M.  H.  Léon  a  joint  à  son  étude  un  tableau 
offrant  la  liste  des  membres  de  la  chambre  de  Bayonne,  depuis  1726  jusqu'en 
1869;  il  y  a  annexé  également  une  planche  qui  offre  les  images  successivement 
empreintes  sur  les  jetons  de  présence,  distribués  depuis  plus  d'un  siècle  et  demi; 
dans  cette  période  ces  jetons ,  qui  portent  habituellement  d'un  côté  les  traits  du 
souverain,  de  l'autre  un  navire  qui  a  été  dessiné  sous  divers  aspects,  ont  varié 
huit  fois. 


VARIÉTÉS. 

Une  représentation  religieuse  à  Auriol  en  1534. 

Dans  un  récent  article  (ci-dessus  p.  184)  on  insistait  sur  la  rareté  des  témoi- 
gnages qui  constatent  l'existence  de  mystères  représentés  dans  le  Midi  de  la 
France.  Jusqu'à  ce  jour  l'usage  des  représentations  dramatiques  et  religieuses 
dans  les  pays  de  langue  d'oc  n'est  attesté  que  par  les  deux  mystères  de  Sainte 
Agnès  et  de  Saint  Jacques,  le  premier  du  xiV,  le  second  du  xv^  siècle,  et  par  la 
mention  (rapportée  p.  184,  note  ^)  de  l'histoire  de  sainte  Marie  Madeleine  jouée 
à  Grasse  entre  1595  et  1606.  Voici  qu'un  lecteur  bienveillant  nous  adresse  un 
numéro  du  Mémorial  d'Aix  (5  sept.  1869),  contenant  un  article,  signé  T.  Saba- 
tier,  où  sont  insérés  la  traduction  et  quelques  extraits  en  original  d'un  acte 
notarié  de  i  $34  par  lequel  un  certain  nombre  d'habitants  d'Auriol  s'engagent  à 
jouer  à  la  Pentecôte  prochaine  le  jeu  de  la  Conversion  de  sainte  Marie  Made- 
leine. La  place  nous  manque  pour  en  dire  plus  long  sur  cette  pièce  intéressante 
à  divers  égards,  et  qui  notamment  donne  la  distribution  des  rôles.  Constatons 
que  jusqu'à  présent  les  représentations  de  ce  genre  paraissent  confinées  à  la 
Provence.  P.  M. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


d'introduction  au  suivant.  —  P.  47.  E.  Plew,  Sur  la  rhétorique  de  Notker;  texte 
presque  complet  de  cet  ouvrage,  d'après  un  ms.  de  Bruxelles.  —  P.  66.  J.  Haupt, 
Deux  fragments  en  ancien  haut-allemand;  ils  appartiennent  à  la  trad.  du  traité 
d'Isidore  de  Séville,  dont  de  longs  morceaux  ont  été  publiés.  Blanschandin,  frag- 
ment d'un  poème  en  moy.  haut-ail.  Ce  fragment,  heureusement  retrouvé  par 
M.  Haupt,  constate  pour  la  première  fois  l'existence  d'une  imitation  fort  développée 
du  poème  publié  il  y  a  deux  ans  par  M.  Michelant(voy.  Rév.  cr/f.  1867,  art.  1 18). 

—  P.  74.  0.  Karnuth,  Sur  VAnnolied;  l'auteur  démontre  que  dans  ce  poème 
non-seulement  les  faits  (ce  qui  était  déjà  connu),  mais  même  un  grand  nombre 
d'idées  et  d'expressions  sont  empruntées  à  des  auteurs  anciens,  notamment  à 
Lucain,  à  Justin  et  à  Boëce.  —  P.  82.  C.  Schrœder,  Sur  Gesta  Romanorum. 
cap.  Lxviii;  restitution  d'après  des  mss.,  de  quelques  phrases  anglaises  omises 
dans  les  éditions.  —  P.  83.  Le  même,  Beide,  employé  pour  désigner  trois,  et 
même  auatre.  —  P.  84.  F.  Liebrecht,  Contes  et  poésies  populaires  en  flamand. 

—  Bibliographie.  Alt-isUndische  Volkshalladen  u.  Heldenlieder  d.  Fsringer,  lum 
ersten  Maie  ûbersetz  von  P.  T.  Willatzen;  Brème,  1865;  compte-rendu  très- 
développé  par  K.  Maurer.  On  y  trouve  des  renseignements  précis  sur  l'état 
actuel  de  l'Islande. — Jon  Thorkelsson  /Efisaga  Gijurar  Thorvaldssonar,  Reykiavik, 
1868;  par  le  même.  —  Bayerisches  Wœrterbuch  von  J.  Andréas  Schmeller, 
2te  Ausgahe....  bearbeitet  von  K.  Fromann;  Mùnchen,  1869.  Simple  annonce  de 
la  première  livraison  de  cet  important  ouvrage.  —  Buch  d.  Biïndth-Ertznei ,  von 

Heinrich  v.  Pfolsprundt hgg.  von  H.  Hœser  u.  A.  Middeldorpf.  Berlin, 

1868.  Livre  de  médecine  médiocrement  publié.  —  Das  Broî  im  Spiegel  schwei- 
terdeutscher  Volsprache  u.  Sitte.  Leipzig,  Hirzel.  —  Mélanges.  Compte-rendu  des 
séances  de  la  section  germanique  du  26*  congrès  des  philologues,  àWurzbourg, 
1-3  oct.  1868. 

2^  cahier'. 

E.  Kœlbing,  La  Saga  de  Parceval  et  ses  sources.  L'auteur  constate  par  une 
comparaison  détaillée  que  cette  Saga  est  imitée  d'assez  près  du  récit  de  Chrestien 
de  Troyes,  tel  qu'il  est  contenu  dans  les  plus  anciens  mss.,  c'est-à-dire  sans  le 
prologue  (cenainement  ajouté,  voy.  Rev.  crit.,  1866,  II,  131)  du  ms.  de  Mons, 
et  sans  les  suites.  —  P.  181.  C.  Schrœder,  Sur  le  jeu  [dramatique]  de  Redentin. 
—  P.  197.  A.  Hœfer,  Études  phonétiques,  lexigraphiques  et  onomastiques;  15  notes 
ou  notices  se  rapportant  principalement  au  bas-allemand  et  au  gothique.  — 
P.  226.  F.  Liebrecht,  Sur  l'histoire  littéraire  de  Wolfdietrich.  Dans  les  Plants, 
pourtraicts  et  descriptions  de  plusieurs  villes,  etc.  de  Du  Pinet  (Lyon,  1 564,  fol.). 
M.  L.  trouve  la  légende  de  Wolfdietrich  rattachée,  dans  un  intérêt  généalogique, 
à  l'histoire  des  comtes  de  Sault  (en  Provence).  —  P.  239.  K.  Bartsch,  Sur  le 
Grégoire  d'Hartmann.  Collation  du  ms.  du  Vatican  publié  par  Greith  dans  son 
Specilegium  Vaticanum. —  P.  243.  R.  Kœhler,  Sur  le  k  Spruch  von  aim  Kœnig 
»  mit  Namen  Ezel;  »  rapprochement  entre  divers  te.xtes  qui  caractérisent  par  le 
même  trait  l'état  d'une  profonde  préoccupation.  —  P.  246.  Le  même,  Sur 
Tristan.  —  Bibliographie.  Bayerisches  Wœrterbuch  von  J.  Andréas  Schmeller. 
Le  critique,  K.  J.  Schrœer,'  désapprouve  le  plan  adopté  par  la  commission 
historique  de  Munich.  —  Volkstanze  im  deutschen  Mittelalter,  von  W.  Angerstein 
(Berlin,  Lùderitz);  ouvrage  très-insuffisant. 


1.  Le  titre  constate  une  modification  dans  la  rédaction  ;  «  ...  begrùndet  von  Fr  Pfeiffer 
D  unter  mithilfe  von  Joseph  Strobl,  hgg.  von  K.  Bartsch.  »  '  ' 


corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8".  j  fr,  ^q 

Cet  ouvrage  forme  le  3*  fascicule  de  la  collection  philologique  publiée  sous  la 
direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 


Tl\/îO  l\/î  1\/[  Q  PT  IM     ^'^^°'^^  romaine  traduite  par  M.  C.-A. 
•     iVl  \J  iVl  iVl  O  L-j  IN     Alexandre ,  conseiller  à  la  cour  impé- 
riale. T.  VII.  Un  fort  vol.  in-8°.  j  fr. 
Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 
Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 

NICOLAS  DE  T  ROY  E  S  gon^deTnouveUes 
nouvelles,  publié  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
in- 16,  papier  vergé,  cartonné.  5  fr. 

Sous  presse  pour  paraître  prochainement 

FT~\  1  r?  '7     Grammaire  des  langues  romanes.  T.  I.  T"  partie. 
•       ■L>'  1  il<  Z-<         Cette  traduction  autorisée  par  l'auteur  et  l'éditeur  et 
faite  par  MM.  G.  Paris  et  A.  Brachet,  sera  à  l'égard  de  la  partie  française  con- 
sidérablement augmentée. 

L'ouvrage  complet  se  composera  de  trois  ou  quatre  volumes. 

En  vente  à  la  librairie  de  l'Orphelinat,  à  Halle,  et  se  trouve  à  Paris, 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

EA/r  A  D  '"P  T  NT     ^^  Besant  de  Dieu  von  Guillaume  Le  Clerc  de 
•     IVi/v  Iv  1    1  IN     Normandie,  mit  einer  Einleitung  ùber  den 
Dichter  und  seine  saemtliche  Werke.  In-8\  4  fr. 

En  vente  chez  F.  C.  W.  Vogel,  libraire  à  Leipzig,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
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G^  Q  ^^TT-i  O  T7  D      ^'^  handschriftlichen  Gestaltungen  der 
•      vj  IvV-lL  o  IL  Iv     chanson   de  Geste   «  Fierabras  »  und 
ihre  Vorstufen.  Gr.  in-8°.  î  fr.  2  j 

En  vente  chez  Braumûller,  à  Vienne,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

MT     A  î  T  17  D    Grammatik  der  classischen  armenischen  Sprache. 
.    LA  U  ri.  rV  I  vol  in-8^.  3  fr.  25 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  41  Quatrième  année  9  Octobre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE   MM.    p.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

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ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  Richelieu. 

AT  ^^  T    XT    Benoit  de  Sainte-More  et  le  roman  de  Troie,  ou  les 
•    J  \~J  J— <  ï      métamorphoses  d'Homère  et  de  l'épopée  gréco-latine  au 
moyen-âge.  i  vol.  in-4*'.  20  fr, 

Cr^  K  1  1  (^  TT  T7  'T'  ^*  plaisir  des  champs  avec  la  vénerie, 
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parties.  Édition  revue  et  annotée  par  P.  Blanchemain.  i  vol.  in-12,  cartonné 
percaline  rouge.  5  fr. 

J/^  D  P  17  R  T    '*'^™°^'"^  ^"^  ^^  rapports  de  l'Egypte  et  de  l'As- 
•    vJ  1     r  i_i  Iv  1      syrie  dans  l'antiquité,  éclaircis  par  l'étude  des 
textes  cunéiformes,  i  vol.  in-4''.  12  fr. 


ETM  T    A  yT  T^  r^  T  T       Histoire  de  la  comédie  ancienne.  T.  II. 
.     DU    MERIL    ,vol.in-8».  8fr. 


AO      A/r  A  r^Ç  ir  "\T    antiquités  prémstonques  au  Danemark. 
.    r  .    iVl  A  UO  tL  IN    —  L'âge  de  pierre.  —  i  vol.  in-fol. 
orné  de  45  pi.  48  fr. 

^         n  »-p  r^  -Q  Tj  T-p  TV  y  Q     The  old  northem  runic  monuments 
-I  •      O   1    IL  r    n  IL  IN  O     of  Scandinavia  and  England  now  first 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Archiv  fur  Litteraturgeschichte,  herausgegeben  von  Richard  Gosche.  T.  I, 
I''*'  livraison  (Leipzig,  Teubner,  in-8°.  —  Prix  :  16  fr.  par  an). 

[Cette  publication  périodique  est  la  continuation,  sous  une  forme  un  peu  diffé- 
rente, de  l'Annuaire  pour  l'histoire  littéraire,  dont  le  premier  volume,  paru  en  1866, 
n^a  pas  eu  malheureusement  de  successeurs.  A  passer  de  la  librairie  Dùmmler 
dans  celle  de  Teubner,  l'ouvrage  a  gagné  certainement  pour  l'exécution  matérielle 
et  nous  espérons  qu'il  y  trouvera  désormais  des  conditions  d'existence  assurée  ; 
nous  ne  voyons  pas  au  contraire  quel  avantage  M.  Gosche  peut  trouver  à  substi- 
tuer la  forme  du  journal  trimestriel  à  celle  de  V Annuaire.  Dès  la  première  livraison, 
nous  rencontrons  un  travail  interrompu  à  la  moitié,  et  le  cas  se  renouvellera 
sans  doute  souvent;  cet  inconvénient  est  celui  de  toutes  les  Revues;  mais  ici  il 
n'est  compensé  par  rien,  puisque  V Archiv  n'a  d'autre  prétention  à  l'actualité  que 
de  donner  des  comptes-rendus  annuels.  —  M.  Gosche  a  ajouté  à  son  plan  pri- 
mitif des  revues  annuelles  des  principales  littératures  européennes;  c'était  une 
addition  que  nous  lui  conseillions  dans  notre  article  sur  son  volume  de  1 866  (voy. 
Rev.  crit.,  i86'6,  t.  Il,  art.  16  j).  Il  paraît  au  contraire,  pour  son  Tableau  annuel 
des  travaux  d'histoire  littéraire,  vouloir  s'en  tenir  au  système  suivi  dans  le 
Jahrbuch  fiir  Litteraturgeschichte;  nous  avons  dit  déjà  pourquoi  nous  le  trouvions 
peu  pratique.  Cette  fois  encore,  l'entreprise  de  M.  Gosche  débute  avec  un  arriéré  ; 
il  a  l'intention,  dans  cette  première  année,  de  passer  en  revue  les  années  1865, 
66  et  67,  ce  qui  lui  laissera  encore  deux  ans,  1868  et  69,  à  traiter  en  1870,  et 
ne  lui  permettra  d'être  au  courant  qu'en  1871 .  Peut-être  aurait-ce  été  le  cas  de 
laisser  toute  la  place,  dans  ces  premières  livraisons,  aux  Comptes-rendus  des 
littératures  et  au  Tableau  des  travaux  d'histoire  littéraire.  —  Nous  nous  félicitons 
vivement  de  voir  reparaître  une  publication  si  utile,  dirigée  avec  tant  d'intelli- 
gence, et  qui,  nous  le  répétons  volontiers,  sous  la  nouvelle  forme  comme  sous 
l'ancienne,  est  indispensable  à  tous  ceux  qui  s'occupent  d'histoire  littéraire.] 

I.  P.  I.  K.  Steinhart,  les  Caractères  et  les  situations  dans  Euripide;  étude 
littéraire  et  morale  intéressante.  —  P.  48.  F.  Liebrecht,  Sur  l'histoire  littéraire 
de  Hugdietrich  et  V/ oljdietrich ;  cet  article  a  également  paru  dans  la  Germania; 
voyez  la  couverture  de  la  Revue  critique,  1869,  t,  II,  n"  40.  —  P.  63.  Chole- 
vius,  la  Signification  des  symboles  dans  le  Conte  du  Serpent  de  Gœthe;  interpréta- 
tion nouvelle  et,  à  ce  qu'il  nous  semble,  aussi  peu  assurée  que  les  autres,  d'une 
allégorie  de  Goethe  qui  n'a  en  réalité  qu'un  mince  intérêt.  —  II.  Mélanges.  P.  90. 
H.  LoTZE,  la  Littérature  judéo-allemande  ;  annonce  intéressante,  avec  citations,  de 
publications  prochaines  relatives  à  cette  littérature  curieuse  et  à  peu  près 
•inconnue.  —  P.  ici.  Gosche,  le  premier  Roman  littéraire  allemand;  ce  roman, 
appelé  Lesbia,  a  paru  en  1690,  et  a  pour  auteur  Joachim  Meier  de  Perleberg;  le 
livre  français  dont  il  a  traduit  les  deux  premiers  livres  et  imité  les  autres  est 
l'ennuyeux  roman,  assez  célèbre  dans  son  temps,  de  La  Chapelle,  les  Amours  de 
Catulle  ( I '"' édition ,  Paris,  168$).  —P.  105.  R.  Hildebrand,  l'Auteur  de  la 
Philosophie  des  Quenouilles;  M.  H.  a  découvert  ingénieusement  que  l'auteur  de 
ce  livre  curieux  (i'"  édition,  Chemnitz,  1705)  s'appelait  Johann  Georg  Schmidt 
et  était  de  Reinssfeld  enThuringe;  M.  R.  Kœhler,  dans  une  note  additionnelle 
(p.  108)  établit  que  ce  Schmidt  mourut  en  1722.  —  P.  1 10.  M.  Bernays,  une 
petite  Addition  aux  œuvres  de  Biirger;  fragment  d'une  traduction  du  Midsummer 
Night  Dream,  qui  ne  fait  pas  regretter  le  reste.  —  P.  1 16,  Gosche,  une  Parabole 
mise  sous  le  nom  de  Biirger,  et  dont  l'auteur  réel  est  inconnu.  —  P.  117.  S.  Hirzel, 
la  Requête  de  Gœthe  pour  la  nomination  de  Schiller  à  Jena;  reproduction  de  l'original. 
—  III.  P.  1 10.  Chaulieu  et  Gosche,  le  Mouvement  de  la  littérature  française  dans 
les  années  1865-67  (première  partie).  Cette  esquisse  rapide  paraît  bien  conçue  et 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N"  41  —  9  Octobre  —  1869 

Sommaire  :  198.  Hoffmann,  Des  traductions  d'Aristote  chez  les  Syriens.  —  199. 
PoLAK,  Observations  sur  les  scholies  de  l'Odyssée.  —  200.  Swinderen,  Dissertation 
sur  les  Tables  de  Malaga  et  de  Salpensa;  Giraud,  la  Lex  Malacitana.  —  201.  Tite- 
LivE,  livres  IlI-VI  publiés  d'après  le  palimpseste  de  Vérone,  par  Mommsen.  —  202. 
Palacky,  Des  rapports  de  la  secte  Vaudoise  avec  les  anciennes  sectes  en  Bohême. — 
203.  Rochambeau  (de),  La  famille  de  Ronsart.  —  204.  Le  Roy,  Les  anciennes 
fêtes  genevoises.  —  Variétés.  Le  R.  P.  Theiner  et  le  ministère  des  affaires  étrangères. 

198.  — De  Hermeneuticis  apud  Syros  Aristoteleis.  Jo.  GeorgiusEnr.  Hoff- 
mann scripsit,  adjectis  textibus  et  Glossario.  Leipzig,  Hinrichs.  ln-8*,  218  p. — Prix: 
17  fr.  3  s. 

Voici  un  ouvrage  qui  sera  certainement  accueilli  avec  faveur  par  tous  ceux 
qu'intéressent  encore  les  hautes  spéculations  de  la  philosophie  et  l'histoire  des 
doctrines  parmi  les  hommes.  On  connaissait,  depuis  longtemps,  le  rôle  considé- 
rable qu'Aristote  a  joué  chez  les  Arabes,  parce  que  les  philosophes  Maures-Es- 
pagnols ont  servi  quelquefois  d'intermédiaire  entre  les  scholastiques  du  m-oyen- 
âge  et  le  fondateur  de  l'école  péripatéticienne.  Ce  que  l'on  savait  moins  bien, 
c'était  la  voie  qu'avaient  suivie  les  doctrines  d'Aristote,  pour  passer  de  l'Attique  aux 
rives  du  Tigre  et  de  l'Euphrate.  On  aurait  pu  croire,  tout  d'abord,  que  les  écoles 
alexandrines,  dites  néo-platoniciennes,  mais  qu'on  nommerait  peut-être  avec 
autant  de  raison  anti-platoniciennes,  avaient  servi  de  canal  pour  transmettre  à 
l'Arabie  les  sciences  philosophiques  de  la  Grèce.  Cependant,  des  études  récentes 
ont  démontré  la  vérité  d'une  hypothèse  qu'on  pouvait  former  déjà,  tant  elle 
paraissait  naturelle.  Il  était  permis  de  croire,  en  effet,  que  les  peuplades  asia- 
tiques, mises  de  si  bonne  heure  en  contact  avec  les  Grecs,  avaient  communiqué 
aux  Arabes  le  trésor  de  connaissances  philosophiques ,  qu'elles  avaient  puisées 
dans  leurs  fréquentes  relations  avec  les  races  studieuses  de  la  Grèce.  Les  Syriens 
semblaient  réclamer,  avant  tous  les  autres,  l'honneur  d'avoir  joué  ce  rôle  d'inter- 
médiaire en  transmettant  à  leurs  voisins  et  à  leurs  vainqueurs  les  sciences  dont 
ils  étaient  dépositaires.  Hâtons-nous  d'ajouter  aussi  que  ce  fait,  entrevu  depuis 
un  siècle,  est  désormais  irrévocablement  acquis  à  l'histoire. 

Les  Assemani  et  en  particulier  le  plus  illustre  d'entre  eux,  l'auteur  de  la 
Bibliotheca  orientalis,  ont  eu  plus  d'une  fois  occasion  de  soulever  la  question  des 
études  philosophiques  chez  les  Syriens  ;  toutefois  on  ne  trouve  chez  eux,  malgré 
leur  vaste  érudition,  que  des  renseignements  incomplets,  et  encore  ces  rensei- 
gnements demandent-ils  à  être  sévèrement  contrôlés.  Les  doaes  Maronites  n'ont 
jamais  eu,  en  effet,  entre  leurs  mains  qu'une  faible  partie  des  élucubrations 
syriennes  sur  la  philosophie.  Il  était  réservé  au  Musée  Britannique  de  nous  pré- 
senter, dans  .la  célèbre  collection  recueillie  au  couvent  de  Sainte-Marie  Deipara 
de  Nitrie,  l'ensemble  des  documents  les  plus  anciens  et  les  plus  précieux  qui 

VIII  1 5 


226  REVUE    CRITIQUE 

existent  sur  cette  matière.  Explorés  en  18^2,  et  décrits  dans  le  Journal  asiatique 
par  M.  Ernest  Renan,  ces  monuments  avaient  clairement  démontré  que  l'Orga- 
non  d'Aristote  était  parvenu  aux  Arabes  par  les  chrétiens  de  la  Syrie,  Ce  fait, 
considéré  comme  certain,  avait  permis  à  M.  Renan  d'affirmer,  sans  trop  de 
témérité,  que  jamais  arabe  ne  fut  capable  de  lire  Aristote  dans  les  textes 
originaux'. 

Depuis  lors,  aucun  ouvrage  sérieux  n'est  venu  accroître  le  trésor  des  connais- 
sances acquises  sur  une  matière  si  intéressante  pour  l'histoire  de  la  philosophie, 
et  M.  Renan  lui-même  n'a  point  tenu  la  promesse  qu'il  avait  faite  de  publier  in- 
tégralement quelques-uns  des  manuscrits  du  Musée  Britannique  décrits  par  lui 
dans  le  Journal  asiatique.  Mais  M.  Hoffmann  nous  donne  un  volume  très-impor- 
tant, que  nous  souhaitons  voir  suivi  de  plusieurs  autres. 

Petermann  a  rapporté,  de  son  voyage  en  Orient,  un  manuscrit  incomplet  où 
se  trouvent  contenus  de  précieux  fragments  des  ouvrages  d'Aristote.  Ce  sont  ces 
fragments  que  le  docte  orientaliste  déjà  nommé  vient  de  publier  sous  le  titre 
mentionné  en  tête  de  cet  article,  et  il  les  accompagne  de  notes  savantes ,  de 
documents  nombreux,  qui  n'ajoutent  pas  une  médiocre  valeur  à  son  intéressant 
volume.  Énumérer  le  contenu  de  cet  ouvrage  nous  semble  le  meilleur  moyen 
d'en  faire  connaître  l'importance  et  l'utilité. 

Il  s'ouvre  par  une  dissertation  sur  les  différentes  versions  du  Ilepl  ipiAr^vetaç,  sur 
leurs  rapports  avec  le  texte  grec  et  sur  leur  valeur  au  point  de  vue  de  la  critique. 
On  savait  qu'Aristote  avait  été  traduit,  en  partie  du  moins,  à  diverses  reprises 
par  les  Syriens,  et  M.  Hoffmann  n'a  pas  encore  dit  probablement  le  dernier  mot 
là-dessus.  Ce  qui  est  acquis  désormais  à  la  science,  c'est  que  traduit  d'abord  au 
v^  siècle,  le  livre  du  Uzçl  éptir.veia;  le  fut  encore  au  VI1^  On  croyait  sur  des 
indications  inexactes  fournies  par  Assemani,  qu'il  existait  trois  versions,  l'une 
faite  par  Probus,  la  seconde  par  Jacques  d'Edesse  et  la  dernière  enfin  par 
Georges,  évêque  d'Arabie.  Mais  le  savant  éditeur  démontre,  d'une  façon  assez 
concluante,  par  d'ingénieux  rapprochements  et  par  une  minutieuse  comparaison 
des  textes  dont  il  a  eu  connaissance,  qu'il  n'existe  en  réalité  que  deux  versions 
du  Ilîpt  ép[jLr,vEta;.  Celle  qu'Assemani  et  M.  Renan  après  lui  attribuent  à  Jacques 
d'Edesse,  n'est  pas  différente  de  celle  qu'on  Ht  dans  le  manuscrit  de  Berlin  et 
dans  le  commentaire  de  Probus,  si  l'on  en  excepte  quelques  variantes,  fournies 
par  les  mss.  de  Paris,  de  Rome  et  de  Florence.  Plus  ancienne  que  celle  de 
Georges,  la  version  de  Probus  lui  est  cependant  bien  inférieure  sous  le  rapport 
de  l'exactitude  et  de  l'élégance.  Georges  paraît  avoir  eu  entre  les  mains  un 
meilleur  manuscrit  et  en  avoir  rendu  le  texte  plus  fidèlement.  La  vérité  de  toutes 
ces  affirmations  ressort  clairement  du  paragraphe  second,  où  M.  H.  compare 
entre  eux  les  six  premiers  chapitres  du  llepl  iç>\i.ryEiaz,  d'après  les  manuscrits  de 
Berlin  et  de  Paris  qui  contiennent  la  version  de  Probus,  et  d'après  celui  de 
Londres  qui  présente  la  traduction  de  Georges. 

I.  Journal  asiatique,  IV'  série,  t.  XIX,  année  1852,  avril,  p.  293,  333;  cf.  De  philo- 
sophia  peripateîica  apud  Syros.  i8j2. 


d'histoire  et  de  littérature.  227 

Dans  le  paragraphe  111%  M,  H.  édite  le  reste  du  texte  syriaque  de  la 
version  de  Probus,  à  l'exception  d'un  assez  coun  fragment,  que  la  perte  d'un 
feuillet  dans  le  ms.  de  Berlin  ne  lui  a  point  permis  de  publier.  Cette  lacune  est 
regrettable  et  nous  sommes  étonné  que  l'éditeur  ne  se  soit  pas  fait  envoyer  cette 
page  de  Paris  ou  de  Rome.  Comme  ce  texte  n'est  qu'une  version  du  grec,  M.  H. 
a  cru  pouvoir  se  borner  à  comparer  dans  les  notes  les  deux  textes,  l'original  et 
la  traduction,  en  indiquant  par  les  lettres  de  l'alphabet  les  divers  manuscrits  grecs 
d'Aristote  employés  par  Becker  et  Waitz. 

Le  paragraphe  IV*  présente  les  sept  premiers  chapitres  d'une  version  arabe 
du  Ilcpi  âpiiTT/ei'oî,  qui  auraient  trouvé  plus  logiquement  leur  place  au  paragraphe 
second.  Le  paragraphe  V*  contient  le  texte  du  commentaire  de  Probus,  sa  tra- 
duction et  de  nombreuses  annotations.  Le  paragraphe  VP  est  consacré  à  des 
notices  sur  Probus,  sur  Georges,  évêque  d'Arabie,  et  sur  Bazvad.  Ce  dernier 
personnage,  peu  connu  jusqu'à  ce  jour,  est  auteur  d'une  espèce  de  Dictionnaire 
philosophique,  renfermé  dans  le  manuscrit  de  Petermann,  auquel  M.  H.  a  fait  de 
fréquents  emprunts.  L'ouvrage  est  clos  par  un  lexique. 

Cet  énoncé  rapide  et  ce  résumé ,  tout  sec  qu'il  peut  paraître ,  suffisent  certai- 
nement pour  montrer  l'importance  de  ce  volume.  Mais  il  faut  le  parcourir  en 
entier  pour  connaître  exactement  tout  ce  qu'il  contient  de  véritable  érudition  et, 
par  suite,  tout  ce  qu'il  a  dû  coûter  à  son  auteur  de  laborieuses  et  patientes 
recherches.  Ce  n'est  pas  à  dire  toutefois  que  nous  n'ayons  quelques  réserves  à 
faire  et  de  sérieuses  observations  à  consigner  ici.  Il  y  a  dans  cet  ouvrage,  en 
apparence  assez  méthodique,  un  désordre  de  détail  qui  n'est  certainement  pas 
un  effet  de  l'art.  Pour  se  servir  avec  fruit  de  ce  livre,  il  faut  commencer  par 
faire  une  étude  minutieuse  des  abréviations,  dont  la  clef,  au  lieu  d'être  présentée 
en  un  seul  endroit  et  avec  uniformité,  se  trouve  par  fragments  aux  pages  i,  2, 
1 12,  216,  dans  le  texte  et  dans  les  notes;  elle  n'est  même  pas  complète.  Il  en 
résulte  que  ce  volume,  écrit  pour  des  hommes  trop  spéciaux,  n'aura  point,  même 
pour  le  public  savant,  toute  l'utilité  dont  il  était  susceptible. 

Pourquoi  M.  Hoffmann  n'aurait-il  pas  ouvert  son  intéressant  ouvrage  par  une 
étude,  en  un  latin  plus  élégant  et  plus  lisible ,  sur  le  mpî  ioarydn:,  sur  son  his- 
toire, ses  éditions,  ses  commentaires,  son  importance,  son  influence  dans  la 
philosophie  et  dans  la  grammaire.?  Il  en  avait  tous  les  éléments  entre  les  mains; 
ils  se  trouvent  même  en  grande  partie  dans  son  livre.  Il  n'avait,  pour  ainsi  dire, 
qu'à  classer  et  à  grouper,  sous  une  série  de  titres  et  dans  un  certain  ordre,  ses 
observations  nombreuses  et  érudites,  jetées  actuellement  çà  et  là  à  travers  le 
volume,  observations  que  le  lecteur  lit  quand  il  s'y  attend  à  peine,  quand  il  n'y 
est  préparé  par  aucune  initiation,  et  qu'il  ne  retrouve  plus  lorsqu'il  les  cherche. 
On  aurait  vu  dans  ce  travail  l'influence  exercée  en  Orient  comme  en  Occident, 
par  Aristote,  non-seulement  sur  les  doctrines  philosophiques,  mais  encore  sur 
toutes  les  sciences  qui  touchent  de  près  au  langage.  C'eût  été  le  cas  de  réunir 
en  un  seul  endroit  les  diverses  remarques  grammaticales  disséminées  aux  pages 
41-42,  1 1 3-1 14-1 1 5,  129-1  jo.  En  les  complétant,  M.  H.  aurait  ajouté  quelque 


228  REVUE   CRITIQUE 

valeur  à  son  livre.  Le  sujet  étant  totalement  nouveau,  il  aurait  pu  émettre 
des  aperçus  pleins  d'érudition  et  d'intérêt  sur  l'influence  du  Ttepi  £p[i.r,v£îa;  dans 
la  grammaire  syriaque.  Nous  savons,  en  effet,  par  lui,  que  la  Bibliothèque  de 
Berlin  renferme  les  grammaires  du  catholicon  Elias  et  de  Jean  Bar-Zougbi. 
Nous  croyons  enfin  que  le  lecteur  aurait  mieux  aimé  trouver  moins  d'annotations, 
mais  des  annotations  rapprochées  des  textes  qu'elles  éclaircissent,  avec  ordre, 
méthode  et  clarté. 

Nous  n'avons  que  des  félicitations  à  adresser  à  M.  H.  en  ce  qui  concerne  le 
texte  syriaque.  On  ne  saurait  être  plus  exact.  Le  docte  éditeur  va  jusqu'à  indi- 
quer les  pages  et  les  Hgnes  du  ms.  qu'il  publie.  Celui  de  Paris,  que  nous  avons 
collationné  en  partie,  présente  un  assez  grand  nombre  de  variantes  et  quelques- 
unes  ne  sont  pas  sans  importance. 

Nous  regrettons  sincèrement  de  ne  pouvoir  pas  louer  autant  le  latin  de 
M.  Hoffmann.  L'expression  n'est  point  choisie  avec  assez  de  soin;  elle  manque 
souvent  de  justesse  ;  la  période  se  développe  péniblement  et  d'une  manière  em- 
barrassée. Le  principal  mérite  d'une  traduction  est  d'éclaircir  le  texte  qu'elle 
accompagne,  et  nous  pourrions  citer  ici  plusieurs  endroits  du  commentaire  de 
Probus  qui  seraient  inintelligibles  sans  le  texte  syriaque. 

Les  notices  biographiques  nous  semblent  irréprochables  :  il  y  a  de  l'érudition 
et  de  la  méthode.  Nous  n'avons  rien  remarqué  qui  confirme  l'opinion  d'après 
laquelle  Georges,  évêque  d'Arabie,  et  Georges  de  Sarug,  un  des  correspondants 
de  Jacques  d'Edesse,  ne  seraient  qu'un  seul  et  même  personnage  '. 

Si  la  lexicographie  syriaque  était  plus  avancée,  nous  reprocherions  vivement  à 
M.  H.  d'avoir  surchargé  son  glossaire  d'une  foule  de  mots  qui  n'ajoutent  rien  à 
ce  que  nous  connaissons  déjà.  Un  lexique  spécial  et  purement  philosophique  dans 
le  cas  actuel,  présentant  à  côté  du  mot  un  exemple  pour  chaque  signification 
nouvelle,  aurait  allégé  le  volume,  et  rendu  plus  de  services  à  la  science. 

Une  quantité  innombrable  de  renvois  n'ajoute  rien  à  la  clarté,  et  le  lecteur  fait 
grâce  de  tout  cet  apparat.  Un  exemple  bien  traduit  serait  plus  apprécié  que  cette 
superfétation  d'érudition.  Recueillir  les  expressions  techniques,  les  mots  nouveaux 
ou  les  significations  exclusivement  nouvelles,  en  donner  le  sens  exact,  confirmer 
le  tout  par  un  ou  deux  exemples  cités  in  extenso,  nous  aurait  paru  la  perfection 
du  genre.  Le  lecteur  est  peu  satisfait  d'être  obligé,  en  voyant  tel  mot,  de 
recourir  à  tel  livre  qu'il  n'a  pas,  à  telle  page,  à  telle  ligne  qu'il  ne  trouve  pas. 
Il  veut,  qu'on  me  pardonne  l'expression,  le  morceau  un  peu  mieux  mâché. 

En  résumé,  ce  livre,  on  le  voit,  est  plein  d'intérêt  et  de  promesses  pour 
l'avenir.  Ce  qu'il  y  a  d'exubérant,  M.  H.  saura  l'élaguer  et  le  régler.  S'il  n'a 
pas  atteint  la  perfection  du  premier  coup,  tout  lui  permet  d'y  prétendre,  et  nous 
sommes  heureux  de  saluer  fraternellement  un  orientaHste  de  mérite,  qui  nous 
donnera  non-seulement  des  ouvrages  érudits  et  solides,  mais  des  ouvrages  bien 
faits  et  bien  utiles.  P.  Martin. 


I .  Ad.  sanct.,  oct.  t.  XII,  p.  972.  Études  religieuses  des  RR.  PP.  Jésuites,  Juillet  1869. 


d'histoire  et  de  littérature.  229 

,55.  _  Observationes  ad  scholia  inHomeri  Odysseam  scripsitH.  J.  Polak. 
Lugduni  Batavorum,  Hazenberg,  1869.  In-8*,  110  p. 

Des  scholies  sur  l'Odyssée,  qui  ont  la  même  origine  que  les  scholies  de  Venise 
sur  l'Iliade,  ont  été  éditées  par  Buttmann  (Berlin,  1821)  et  rééditées  par  Din- 
dorf  (1855).  Un  élève  de  Cobet,  M.  Polak  publie  sur  ces  scholies  des  observa- 
tions où  il  traite  de  leur  caractère  et  corrige  leur  texte  en  beaucoup  d'endroits. 

Dans  la  première  partie  de  sa  dissertation  M.  P.  montre  qu'il  y  a  dans  ces 
scholies  beaucoup  plus  de  remarques  du  grammairien  Aristonicus,  que  Dindorf 
ne  le  reconnaît.  Il  donne  une  idée  de  ces  scholies  qui  contiennent  beaucoup 
moins  d'observations  grammaticales  et  critiques  que  celles  de  l'Iliade,  mais  en 
revanche  une  multitude  de  remarques  étymologiques,  d'explications  allégoriques 
et  surtout  de  ces  observations  où  l'on  essayait  de  résoudre  les  difficultés  qu'on 
élevait  sur  le  fond  même  des  choses  racontées  par  Homère. 

Quant  aux  remarques  sur  le  texte,  je  ne  différerais  d'avis  avec  M.  P.  que  sur 
un  petit  nombre  de  points.  —  P.  40.  Schol.  ad.  e,  18.  xai  to-jtou  T:t(mç,  toû  \Lfi 

5ià  irâôo;  al<r/pôv  <r/ziliiC,zi^,  xo  éToi\iMz  lyjiv  à~oné'^itti\...  M.  P.  Supprime  leS  mOtS 

Toû...  c-/£T>tirc'.v,  moins  parce  qu'ils  ajoutent  une  explication  superflue  (car  il 
reconnaît  que  les  scholiastes  sont  volontiers  verbeux),  que  parce  que  «  perquam 
»  incommode  interposita  sunt,  ita  ut,  quae  arctissime  cohaereant,  cum  senten- 
»  tiae  damno  separentur.  »  Rien  pourtant  n'est  plus  commun  en  grec  que  de 
séparer  le  génitif  des  mots  dont  il  est  le  complément,  et  cela  de  la  façon  qui 
nous  semble  le  plus  insolite  et  même  le  plus  équivoque.  On  trouve  par  exemple 
dans  Aristote  360  b  20  eU  tûv -oppw  Tivà  t6-ov,  361  a  34  :^  çopà  twv  iroppu-Ép*» 
x-jpia  Tf,;  "pi;  (où  Twv  r.  est  Complément  de  x-jpîa  et  -ni;  y-  de  r.o^^.),  744  a  4  Tîi;  5è 
GepjiOTTiTo;  xai  x^ç  '^vjffiôTri-zoz  Triv  tûv  xaTa|i.r,vîwv  al-îov  pûfftv,  et  je  n'en  finirais  pas  de 
citer  tous  les  exemples  de  ce  genre,  bien  autrement  choquants  que  la  construction 

du  SCholiaSte.  —  P.  42.  Schol.  ad.  l,  230.  Tâo-Tova  7:x/;j7îpov  à-ô -roO  izayjj;,  ^ay-wv, 

iràdffwv,  ûç  àrco  6â<rffov,  àffffov.  M.  P.  supprime  le  second  à-ô  comme  une  répétition 
du  premier.  Je  crois  plutôt  qu'il  manque  après  à-b ,  les  mots  tûv  xa/y ,  âvyi , 
nécessaires  pour  que  l'ôva/oY-a  soit  complète.  —  P.  43.  Schol.  ad.  $,   327. 

îroniTjv  vé(Ui>v  TCpôêara  év  toï;  t?,;  Amowvt;;  v.eai  toû  "kCaoi;   (an  Toy  ttéXo^?)  ùysO-STO  icoi- 

(Avr,v  xfx>ii<rrry.  Je  réponds  à  la  question  mise  entre  parenthèses  par  M.  P.  :  non. 
L'adverbe  se  construit  ainsi  avec  l'article,  non  avec  le  pronom.  Cependant  le 
sens  exige  un  changement,  peut  être -rtvo;  twv  Ké).ar.  —  P.  87.  Schol.  ad.  y,  258. 
Nestor  dit  à  Télémaque  que  si  Ménélas  était  revenu  à  temps  pour  trouver  Egisthe 
encore  vivant,  Egisthe  n'aurait  pas  même  reçu  la  sépulture,  twxé  oi  o-jôà  Sovôvri 
xunîv  £7ti  Yaïov  lyzMm.  On  lit  dans  les  scholies  à  propos  de  ce  dernier  mot:  Twè;, 

éxeyev,  ïva  Xeitttj  xô  ti;.  èiv  ôè  êy-.-jm,    ol  7:po(r>;xovT£;  ■zù>  A'.YÎ(76a)  âixa  5r,/.ovÔTi  èxwJiuffev 

aûTo;  ô  MïvElao;.  M.  P.  qui  trouve,  avec  raison,  ce  texte  inintelligible,  lit  :  èiv  ôè 
ex-,  oî  Ttpo;.  T.  A.  lr).o\6-i,  à)A'  Èxw).y(T£v  ov  avToù;  ô  MEvslao;;  ce  qui  me  paraît  donner 
un  sens  peu  satisfaisant.  Car  si  je  ne  me  trompe  (M.  P.  ne  traduit  pas),  on  a  : 
a  si  les  parents  d'Egisthe  l'avaient  enterré,  du  moins  Ménélas  les  aurait  empêchés 


2^0  REVUE   CRITIQUE 

»  de  l'enterrer.  »  Je  crois  qu'il  faut  mettre  un  point  après  AlywO»  et  supposer 
une  lacune  devant  a[Aa  ou  àXXà,  en  conservant  d'ailleurs  les  corrections  de  M,  P. 
Voici  comment  j'entendrais  le  texte  :  «  Quelques-uns  écrivent  h^\izy,  avec  ellipse 
»  de  TIC  Si  l'on  écrit  êx^uav,  il  y  a  ellipse  (il  faut  suppléer  itimC)  de  oi  upooiixovTeç 
»  Tû  AîYiaôo).  (si  Ménélas  était  venu  à  temps,  ils  n'auraient  pas  enseveli  Egisthe); 
»  mais  sans  doute  Ménélas  les  en  aurait  empêchés.  »  —  P.  loi.  Schol.  ad.  ç, 
126.  A  propos  de  Pénélope  qui  accueille  bien  et  questionne  les  moindres  vaga- 
bonds qui  se  présentent  pour  lui  donner  des  nouvelles  d'Ulysse,  le  scholiaste  fait 

la  réflexion  suivante  :  çOffew;  àvÔpwTrivYiç  î5tw(xa  t6  Trspl   twv    àvayxatwv   àmarow-zctç 

^(jiâî   ô(iw;  àva7:uv8dcv£a6ai.  M.  P.  dit  ne  rien  Comprendre  au  texte  et  le  corrige 

ainsi  çuaew?  àvôpwTcCvri;  t5îca[Aa,  toO;  uTiÈp  tûv  àvayxaiwv  àTraxwvca;  fi[Ji.àc,  ô[i.toç    àvairuv- 

eàveaôat  :  ce  qu'il  entend  de  la  manière  suivante  :  «  Insitum  est  in  humana  natura, 
»  eos  quos  scimus  nos  decipere  ob  victum  quotidianum,  tamen  interrogare.  » 
J'avoue  que  j'éprouve  une  impression  absolument  inverse  de  M.  P.  Je  crois 
comprendre  le  texte,  et  je  ne  comprends  pas  du  tout  sa  restitution.  Est-il  vrai 
qu'il  soit  dans  la  nature  humaine  d'interroger  ceux  que  nous  savons  nous  trom- 
per pour  manger  ?  et  même  quel  sens  cela  présente-t-il  ?  Au  contraire  il  me  semble 
naturel  que  quand  il  s'agit  de  nos  parents  {ol  àvaYxaïoi),  nous  questionnions, 
même  quand  nous  nous  défions  de  ceux  que  nous  questionnons;  nous  savons 
qu'ils  nous  trompent  et  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  leur  demander  des 
nouvelles  des  êtres  qui  nous  sont  chers. 

L'espace  me  manque  pour  citer  tout  ce  que  l'on  trouve  de  bon  dans  la  disser- 
tation de  M.  P.  Je  dois  me  borner  à  quelques  exemples  qui  donneront  une  idée 
du  reste.  —  P.  53.  Schol.  ad.  y,  2  j6.  Le  scholiaste  explique  ces  vers  du  discours 
de  Mentor  à  Télémaque  de  la  manière  suivante  :  ô  ...  Xéyei  toioùtôv  èaTiv,  àXXà  rèv 

o[JLOuov  SàvaTOv,  î^youv  tôv  Ttàaiv  ô(ioîwi;  Si86[JL£vov,  où8  'ot  ôeot  àv  àTtoffoê^^aetav  à?'  ou  poû- 
XowTO,  àXXà  t6t£  ÔTtoxav  -g  TieTrpwjjLevov  to  xs\EVTrjGa.i  aÙTÔv.  Dindorf  a  SCntl  qu'il  y  avait 

une  altération  dans  ce  dernier  membre  de  phrase.  Il  pense  qu'il  manque  quelque 
chose  comme  xeXeuTricret.  M.  P.  corrige  plus  simplement  en  supprimant  to  répéti- 
tion du  T£  suivant  et  en  admettant  le  passage  subit  au  style  indirect,  qui  n'est 
pas  rare  même  dans  ces  scolies  :  «  Mentor  dit  qu'il  meurt  au  moment  fixé  par 
»  le  destin,  »  —  P.  61.  Schol.  ad.  a,  21^.  A  propos  de  la  fameuse  réponse  de 

Télémaque,  (xi^Tyip  (xév  t'  è[X£  çrio-t  toû  £[X(i£vai,  aÙTàp  Êycoye  ||  oùx  oTS'.  où  yàpTtw  Tt;  éôv 

yovov  aùToç  àvÉyvw,  on  trouve  dans  les  scholies  la  réflexion  suivante  :  ...  7r69£v  ii 

yvtôat;  toï;  natat  xoù  uarpôç  ;  xà  yàp  «  iiT^xiQp  (AÉv  té  jié  «pvjdt  xoû  ëjxjXEvat,  aùxàp  éytoye  oùx 
»  oT5a    ÔTttûç  |i£V  ï^ii  »  èirt  xoO  TriX£[xàxoy  •    ôte  yàp  à7re8TÎ(xri(7£  Traïç  rjv  (laÇw  ...  eI  Se 

xaOôXou  «  où  yàp  ttw  xtç  éàv  yovov  àvÉyvw,  »  ttôOev  t^  yvwfftç;  M.  P.  fait  d'abord  remar- 
quer que  les  mots  ôirwç  (xàv  êyv)  sont  inutiles  et  qu'il  n'est  pas  dans  les  habitudes 
de  ces  schoHastes  de  mêler  ainsi  leurs  expressions  aux  vers  d'Homère;  ensuite 
il  manque  un  verbe  à  ènlx.  T.  En  conséquence  il  corrige  avec  évidence  ...oTS'»  op 
Owç  (j.£v  £X£i  £7ti  X.  X.  é.  :  «  recte  quidem  habet  de  Telemacho.  »  Il  restitue  aussi 
après  à7ï£6^jxr,(7£  les  mots  0  Tcaxrip  qui  manquent  évidemment.  —  P.  92.  Schol.  ad. 
K,  170.  Ulysse  dit  à  Nausicaa  pour  l'apitoyer  ;  x^'^o?  èetxoaxû  çùyov  rnLOixi  oïvoua 


d'histoire  et  de  littérature.  231 

TTôvTov.  On  trouve  sur  ce  vers  la  scholie  suivante  :  âz'  à)>o  sTSoî  \urix6%\\u  eî;  SXsov 

xivwv  Tr;v  irdpôrvov.  xaî  -b  êixô;  tw  Tsyvtxû.  Tô  {lèv  yàp  -ri;  cûo  i^tiépa;  tovJ  vaya^jou  eliîêïv 
^rrov  uEpiua6é;,  (ruW.aêwv  8à  twv  :^(i£pwv  xàv  àpi8[i.ôv  èv  aï;  izù.ztjz  t^v  (rj|i?opàv  fôetvo- 

7toîr;c£v.  Dindorf  dit  «  verba  non  intégra.  »  Mais  M.  P.  pense  qu'il  n'y  a  pas  de 
lacune,  et  corrige  avec  autant  de  simplicité  que  d'évidence  :  xal  to  tlxrxrcâ 
Tcxvixw;.  —  p.  97.  Schol.  ad.  r,,  ?i8.  Le  scholiaste  dit  que  les  Phéaciens,  crai- 
gnant d'être  attaqués  par  des  ennemis,  oOcéva  Oslo-jdiv  àxptgw;  (iaôsiv  ttoioi;  olxo-j^t 
tÔTtoi;  (il  y  a  ici  un  solécisme  qui  probablement  ne  doit  pas  être  mis  sur  le 
compte  du  scholiaste;  èv  est  sans  doute  omis  après  |xa9£îv)...   ôtà  xal  xo'.!iw[i£v(r/ 

àizo  TÎÔîvTat  TÔv  'OSua^éa,  oià  -zb  jir,  î&sTv  £??  ^oTov  /-.{ir^a  àvaTrXÉovffw.    Comme  le  fait 

remarquer  M.  P.,  on  n'aurait  pas  pu  distinguer  à  Ithaque  le  port  où  reviennent 
les  Phéaciens.  D'ailleurs  c'est /j  route  de  leurs  pays  qu'ils  voulaient  tenir  cachée. 
Mais  le  mot  )i[i£va  n'est  qu'une  conjecture  malheureuse  de  Struve  substitué  à  xai 
â|ia,  qu'on  lit  dans  les  manuscrits,  et  dont  M.  P.  tire  de  la  manière  la  plus  heu- 
reuse, x),T[ia,  KADIA,  dont  le  copisie  lisant  la  première  syllabe  kai  a  complété  en 
dépit  du  sens  la  syllabe  >L\.  Le  mot  -/.xr.aa  qui  se  rapporte  proprement  à  la  latitude 
est  souvent  employé  dans  le  scholiaste  et  et  ailleurs  avec  le  sens  du  latin 
îracîus. 

Ces  exemples  suffisent  pour  montrer  que  ce  travail,  début  philologique  de 
M.  Polak,  se  distingue  par  une  sagacité  qui  donne  l'idée  la  plus  favorable  de 
ses  dispositions  naturelles  et  par  une  sévérité  de  méthode  qui  fait  honneur  à  la 

manière  dont  elles  ont  été  cultivées. 

Charles  Thurot. 


200.  —  Disquisitio  de  aere  Malacitano  et  Salpensano,  auctore  P.  J.  van 
SwiNDEREN.  Groningae,  Huber,  s.  d.  In-8',  xij-233  et  xx  p.  avec  la  reproduction  des 

deux  documents  en  lettres  capitales. 

La  lex  Malacitana,  pour  faire  suite  aux  «  Tables  de  Salpensa  et  de  Malaga,  »  par 
M.  Ch.  GiRAUD.  Paris,  Durand  et  Pedone-Lauriel,  1868.  In-8*,  81  p.*. 

On  se  rappelle  l'émotion  que  produisit  il  y  a  dix-huit  ans  dans  le  monde  savant 
la  découverte  en  Espagne  de  deux  lois  municipales,  remontant  au  premier  siècle 
de  l'empire  romain.  Ces  lois  étaient  assez  nouvelles  dans  leur  genre,  elles  appor- 
taient à  la  science  épigraphique  et  à  l'histoire  du  droit  un  contingent  de  faits 
assez  importants  et  assez  peu  connus  pour  qu'au  premier  moment  on  ait  pu 
douter  de  leur  authenticité  :  la  trouvaille  semblait  trop  belle  à  quelques-uns. 
M.  Laboulaye'  se  fit  le  champion  des  incrédules.  Il  essaya  de  réunir  des  argu- 
ments de  droit  et  d'épigraphie  ;  mais  ce  fut  en  vain.  L'opinion  des  épigraphistes 
et  des  juristes  lui  fut  également  contraire.  M.  Ch.  Giraud  lui  répondit  en  France 
d'une  façon  victorieuse  5  et  il  n'eut  même  pas  la  peine  de  compléter  sa  démons- 

1.  Extrait  de  la  Revue  historiaue  de  droit  français  et  étranger,  1868. 

2.  Les  Tables  de  bronze  de  Salpensa  et  de  Malaga,  Paris,  i8j6. 

3.  Us  Tables  de  Salpensa  et  de  Malaga,  2'  éd.  Paris,  1856. 


232  REVUE  CRITIQUE 

tration,  tant  fut  unanime  le  sentiment  des  connaisseurs  les  plus  autorisés.  Le 
remarquable  travail  de  M.  Mommsen,  publié  dans  les  Mémoires  de  la  société 
royale  de  Saxe  1 ,  tira  immédiatement  les  résultats  les  plus  essentiels  des  bronzes 
de  Salpensa  et  de  Malaga.  Quelques  détails  de  droit  fournirent  seuls  matière  à 
une  discussion  prolongée  entre  les  hommes  spéciaux,  discussion  instructive  au 
plus  haut  degré  et  dont  on  pouvait  déjà  tirer  quelques  conclusions  définitives. 

Les  choses  en  étaient  à  ce  point  lorsque,  en  1863,  la  faculté  de  droit  de 
l'Université  de  Leyde  mit  au  concours  la  question  suivante  :  «  Instituatur  disqui- 
»  sitio  de  aère  Malacitano  et  Salpensano  iîa  ut  slmul  appareat  quid  conférant  ad 
))  illustranda  quaedam  juris  Romani  instituta.  «  C'était  appeler  les  jeunes  talents 
de  l'Université  à  condenser  les  résultats  des  études  antérieures  et  à  exprimer 
leur  opinion  personnelle  sur  chacun  des  points  en  litige.  M.  Van  Swinderen  pré- 
senta alors  un  mémoire  d'un  grand  intérêt,  dont  il  nous  donne  aujourd'hui  une 
nouvelle  rédaction.  Dans  l'intervalle  s'était  produit  un  fait  assez  inattendu.  Un 
privat-docent  de  Heidelberg,  M.  Asher  avait  publié  en  1866,  dans  la  Revue  histo- 
rique du  droit  français  et  étranger,  un  mémoire  dans  lequel  il  combattait  avec  des 
arguments  en  partie  nouveaux,  l'authenticité  des  tables  en  question.  En  Alle- 
magne cette  tentative  fit  simplement  sourire  le  monde  savant ,  et  elle  méritait 
d'être  traitée  de  la  sorte.  En  effet,  l'on  conçoit  jusqu'à  un  certain  point  qu'on 
ait  discuté  la  thèse  de  M.  Laboulaye,  que  les  bronzes  de- Salpensa  et  de  Malaga 
ont  été  fabriqués  en  185 1 ,  ou  du  moins  au  xix*  siècle.  Mais  rien  ne  saurait  pré- 
valoir contre  la  sentence  unanime  des  épigraphistes  les  plus  compétents  :  qu'aucun 
d'entre  eux,  qu'aucun  connaisseur,  si  versé  fût-il  dans  les  questions  du  droit 
municipal,  n'eût  été  capable  de  rédiger  de  pareils  documents.  Il  faudrait  être 
d'une  force  tout  exceptionnelle  pour  fabriquer  une  simple  inscription  honori- 
fique de  vingt  lignes  qui  pût  tromper  un  seul  instant  la  critique  moderne.  Le  sens 
critique,  la  sûreté  des  procédés  actuellement  admis  dans  la  science  rendent  de 
pareils  faux  impossibles.  On  sait  le  sort  qu'a  eue  la  malheureuse  tentative  de 
Nennig  et,  dans  un  domaine  voisin,  le  débat  Pascal,  Newton,  etc.,  est  là  pour 
montrer  qu'au  besoin  l'histoire,  les  sciences  et  l'étude  des  écritures  sont  assez 
avancées  pour  prononcer  en  pareil  cas  une  sentence  définitive. 

Mais  que  dire  de  l'hypothèse  de  M.  Asher?  Il  suppose  que  le  faux  a  été 
commis  au  xvi^  siècle,  que  les  tables  de  Salpensa  et  de  Malaga  ont  été  fabriquées 
entre  1 530  et  i  $70!  On  ne  peut  s'étonner  que  d'une  chose,  c'est  qu'on  ait  pu 
s'arrêter  à  une  pareille  supposition.  Tout  le  monde  sait  ce  qu'au  xvi''  siècle  on 

I.  Die  Stadtrechte  der  latdnischen  Gemeinden  Salpensa  und  Malaga.  Leipzig,  1855-56. — 
M.  Giraud  rappelle  qu'un  fac-similé  complet  des  tables  a  été  exécuté  par  les  soins  de 
MM.  Loring  et  Berlanga;  d'autres  fac-similés  reproduisant  jusqu'à  la  couleur  des  bronzes 
figurent  dans  l'ouvrage  de  M.  Berlanga  :  Monumentos  historicos  del  municipio  Flavio  mala- 
citano. Malaga,  1864.  Un  gros  vol.  in-8°.  L'auteur  a  réuni  en  appendice  la  correspondance  à 
laquelle  a  donné  lieu  l'envoi  de  copies  et  fac-similés  à  diverses  sociétés  savantes  et  aux 
érudits  les  plus  éminents  de  l'Europe.  Cet  appendice  ressemble  un  peu  trop,  il  faut  le  re- 
connaître aux  témoignages  accompagnant  les  annonces  de  la  Révalescière.  M.  de  B.  a  tenu 
à  faire  connaître  à  tous  les  compliments  qu'on  lui  adressait. 


d'histoire  et  de  littérature.  25? 

connaissait  en  épigraphie  et  en  droit  romain,  et  en  particulier  ce  dont  on  se  préoc- 
cupait alors  en  Espagne.  Et  puis,  quel  but  aurait  eu  le  faussaire  ?  Quelle  idée  d'en- 
terrer ensuite  les  tables  ?  Quels  étaient  les  savants  à  qui  on  aurait  pu  se  promettre 
de  jouer  un  bon  tour  r 

L'article  de  M.  Asher  valait-il  la  peine  d'une  réponse  ?  nous  ne  le  pensons  pas 
et  nous  voulons  croire  que  la  seule  raison  qui  a  engagé  M.  Giraud  à  répondre 
est  sa  situation  vis-à-vis  du  recueil  même  qui  a  donné  l'hospitalité  au  factum  du 
privat-docent  d'Heidelberg.  Parmi  les  arguments  il  n'avait  qu'à  choisir  :  ils  se 
pressent  en  telle  masse  qu'on  n'a  pas  même  l'embarras  de  la  recherche.  M.  Van 
Swinderen  a  aussi  pris  la  peine  de  réfuter  M.  Asher,  sur  des  points  de  détail 
juridiques  en  particulier.  Si  les  deux  mémoires  que  nous  annonçons  aujourd'hui 
ne  s'occupaient  que  de  combattre  des  moulins  à  vent,  nous  pourrions  les  passer 
sous  silence.  Mais  dans  le  premier,  la  réfutation  n'est  qu'incidente  et  dans  le 
second  nous  trouvons  également  des  discussions  de  points  importants  qui  ont  leur 
valeur  en  dehors  du  but  principal  que  l'auteur  s'est  proposé. 

Il  est  certain  que  les  documents  espagnols  dont  il  est  ici  question,  offrent 
quelques  difficultés;  c'est  même  là  un  argument  de  plus  en  leur  faveur.  Un  faus- 
saire n'eût  donné  que  des  règles  de  droit  connues  et  indiscutables,  il  n'eût  pas 
parlé  de  choses  trop  obscures  ou  dont  on  ne  savait  rien  à  l'époque  de  la  trou- 
vaille. Or,  sur  quelques  points  le  texte  des  bronzes  s'est  trouvé  confirmé  par  des 
documents  découverts  depuis  185 1.  Sur  d'autres  il  y  a  discussion. 

Le  travail  de  M.  V.  Swinderen  se  compose  de  4  parties.  Dans  la  première  il 
traite  des  municipes  en  général  ;  nous  ne  trouvons  pas  qu'il  y  ait  apporté  beau- 
coup de  lumières  nouvelles.  —  Dans  la  seconde  il  étudie  plus  spécialement  la 
situation  des  municipes  de  Malaga  et  de  Salpensa;  il  confirme  dans  leurs  parties 
essentielles  les  conclusions  déjà  obtenues  par  Mommsen.  Il  est  évident  qu'à  la  fin 
de  la  République  et  surtout  au  commencement  de  l'empire,  il  y  a  eu  des  rema- 
niements considérables  dans  les  droits  des  sujets  de  Rome  et  dans  la  condition 
des  différentes  villes  en  particulier.  Une  étude  d'ensemble  sur  cette  question 
pourra  seule  nous  faire  comprendre  exactement  la  condition  dans  laquelle  se 
trouvaient  Salpensa  et  Malaga,  avec  leurs  cives  Romani  et  cives  Laîini;  (on  sait 
qu'on  n'a  pas  encore  retrouvé  ailleurs  ce  dernier  terme  qui  contredit  l'idée  qu'on 
se  fait  généralement  de  la  civitas).  —  Il  n'y  avait  pas  non  plus  beaucoup  de 
recherches  nouvelles  à  faire  sur  le  droit  public  des  villes  espagnoles,  qui  font 
l'objet  de  la  troisième  partie  du  mémoire  '  ;  seul  le  chapitre  IV  de  cautione  prae- 
dibus  praediisque  offre  un  plus  grand  intérêt.  La  question  qu'il  étudie  a  fait  l'objet 
d'un  mémoire  spécial  de  M.  Rivier,  professeur  à  l'Université  de  Bruxelles, 
mémoire  que  M.  V.  Sw.  cherche  à  réfuter  sur  quelques  points.  Ainsi  il  pense 

^^  I.  Je  ne  sais  pourquoi  M.  V.  Sw.  ne  veut  pas  admettre  que  les  édiles  puissent  être 
désignés  comme  collègues  des  //  vjW.  S'il  est  un  fait  certain,  c'est  bien  celui  que  les  quatre 
premiers  magistrats  de  la  cité  formaient  un  collège  composé  de  II  viri  et  d'édiles.  Ce  oui 
est  plus  curieux,  c'est  qu'à  Salpensa  et  à  Malaga  les  plus  hauts  magistrats  soient  appelés 
//  viri  comme  dans  les  colonies  et  non  IV  viri  comme  dans  les  municipes. 


2?4  REVUE   CRITIQUE 

que  le  praes,  s'engageant  verbalement ,  obligeait  la  totalité  de  ses  biens  ;  il 
admet  avec  Zimmermann  que  la  subsignatio  praediomm  avait  pour  but  d'empêcher 
toute  négligence  et  toute  fraude  de  la  part  de  la  caution  (praes)  qui  aurait  pu 
dissiper  ou  vendre  ses  propriétés,  enfin  que  certains  immeubles  étaient  spécialement 
frappés  d'une  sorte  d'hypothèque.  —  La  quatrième  partie,  qui  s'occupe  du  droit 
privé  des  Latini  k  Salpensa  et  à  Malaga,  recherche  aussi  la  solution  de  problèmes 
importants.  Ici  sont  réfutées  plusieurs  propositions  fort  erronées  de  M.  Asher. 
Quant  à  la  luîoris  opîio,  le  passage  singulier  des  tables  qui  semblerait  l'attribuer 
aux  enfants  impubères ,  est  l'objet  d'une  longue  discussion  aussi  bien  de  la  part 
de  M.  Giraud  que  de  celle  de  M.  V.  Sw.  '  Le  premier  pense  que  le  is,  ea  employé 
dans  toutes  les  formules  de  la  loi  est  ici  (Salpensa  ch.  xxii)  reproduite  par 
simple  style  formulaire,  le  is  étant  dans  le  cas  particulier  sans  application,  et  la 
îutoris  opîio  n'incombant  qu'à  la  femme.  M,  Van  Swinderen  est  du  même  avis. 

En  tout  cas  la  lecture  de  ces  deux  opuscules  sera  utile  à  tous  ceux  qui  vou- 
dront se  mettre  au  courant  de  la  question.  Nous  regrettons  cependant  que 
M.  Giraud  n'ait  pas  donné  à  la  Revue  historique  du  droit,  le  troisième  article  qui 
y  est  annoncé  et  qu'il  ait  publié  ces  deux  articles  en  un  tirage  à  part;  il  renvoie 
sur  certaines  questions  à  une  autre  partie  de  son  travail  que  l'on  cherche  en 
vain.  y.  [I,. 


201.  —  T.  Livii  ab  urbe  condita  lib.  III-VI  quae  supersunt  in  codice  rescripto 
Veronensi  descripsit  et  edidit  Th.  Mommsen  [ex  commentationibus  Regiae  Academiae 
Scientiarum  Berolinensis  a.  MDCCCLXVIII].  Berolini,  Dùmler,  1868.  In-4*,  185  p. 

On  sait  qu'il  existe  à  la  bibliothèque  de  Vérone  plusieurs  palimpsestes  impor- 
tants. Dans  le  nombre  il  en  est  un  qui  a  servi  au  ix'=  siècle  à  copier  une  partie 
des  Moralia  in  Job  de  saint  Grégoire  ;  les  feuilles  dont  on  l'a  composé  ont  appartenu 
auparavant  à  des  manuscrits  de  divers  auteurs.  L'ancienne  écriture  recèle  une 
partie  du  texte  de  Virgile,  qui  n'a  pu  être  complètement  utilisée  jusqu'ici,  avec 
des  scholies  qui  ont  été  recueillies  par  le  cardinal  Mai,  par  Keil  et  par  M.  Arnold 
Hermann,  mais  qui  ne  sont  pas  encore  publiées;  des  fragments  d'une  traduction 
latine  d'Euclide  que  M.  Studemund  doit  éditer  prochainement;  des  fragments 
encore  inconnus  d'un  philosophe  chrétien;  enfin  une  partie  des  livres  III-VI  de 
Tite-Live. 

C'est  une  copie  complète  de  ce  dernier  texte  que  publie  aujourd'hui 
M.  Mommsen;  il  s'est  servi  pour  cela  de  caractères  qui  reproduisent  à  peu  près 
les  formes  de  l'onciale  et  il  a  donné  en  quelque  sorte  un  fac-similé  du  manuscrit, 
en  conservant  la  scripîio  continua  et  en  rendant  ligne  par  ligne,  colonne  par 
colonne  le  contenu  de  l'original  pour  autant  qu'il  a  pu  être  déchiffré.  Ceci  nous 
permet  de  nous  rendre  compte  de  l'étendue  des  lacunes.  Ce  texte  qui  comprend 
les  pages    33-152   est  accompagné  des  principales   variantes  des   meilleurs 

i.  Untcrsuchungen  iiber  die  cautio  praedibus  praedisque.  Berlin,  1868. 


d'histoire  et  de  littérature.  235 

manuscrits  connus  jusqu'à  ce  jour,  en  partie  d'après  des  collations  nouvelles  : 
M.  Schœll  a  revu  pour  M.  M.  le  Mediceus,  M.  Pluygers  le  ms.  de  Leyde.  — 
Puis  viennent  des  observations  critiques  et  philosophiques  (p.  153-20(3);  enfin 
(p.  206  à  21 5)  le  fac-siraile  d'une  feuille  du  Codex  Vaticanus  Palatinus  qui  con- 
tient un  fragment  du  livre  XCI'  de  Tite-Live, 

Le  principal  intérêt  de  cette  publication  se  trouve  à  notre  avis  dans  les  notes 
critiques  et  philologiques.  Tout  ce  qui  était  digne  d'être  remarqué  aux  points  de 
vue  de  l'orthographe,  de  la  paléographie,  de  la  grammaire  et  de  la  critique  du 
texte,  se  trouve  réuni  en  quelques  paragraphes.  On  pourra  peut-être  glaner  encore 
quelques  observations  de  détail,  ou  bien  quelque  philologue  spécialement  versé 
dans  l'étude  de  Tite-Live  =,  pourra  faire  une  étude  d'ensemble  à  la  fois  plus  serrée 
et  plus  pratique.  Mais  l'essentiel  nous  est  suffisamment  indiqué  par  M.  M.  Il  a 
démontré  que  le  texte  du  palimpseste  de  Vérone  remontait  à  une  époque  au  moins 
aussi  ancienne  que  la  récension  des  Nicomachi,  et  qu'il  était  indépendant  d'elle. 
Il  a  donc  une  autorité  incontestable.  C'est  un  témoin  qu'on  devra  consulter  dans 
tous  les  cas.  On  y  trouve  des  fautes  et  même  des  interpolations  qui  ne  se  ren- 
contrent pas  dans  les  Nicomachiani,  mais  l'inverse  est  également  vrai.  La  série 
des  passages  où  le  Veronensis  nous  donne  directement  ou  indirectement  la  vraie 
leçon,  telle  qu'elle  est  dressée  par  l'auteur  du  mémoire,  est  déjà  très-considérable. 
Dans  un  grand  nombre  de  cas  d'ailleurs,  le  palimpseste  ne  fait  que  confirmer  les 
corrections  des  éditeurs.  Ainsi  III,  65,  5  :  conîentiones  où  les  autres  mss.  don- 
naient conîiones;  6-j,  5  :  si  in  vobis  au  lieu  de  sin  vobis.  Dans  quelques  passages 
on  n'avait  pas  encore  trouvé  d'erreurs  et  le  palimpseste  nous  amène  à  en  corriger, 
spécialement  pour  des  noms  propres  :  IV,  17,  2  :  Sp.  Nautius  pour  Sp.  Aniius; 
IV,  54  :  C.  Appius  pour  P.  Pupius;  IV,  54  :  le  présent  abdicaî  doit  être  remplacé 
par  abdicavitj  etc.  —  Ces  quelques  indications  ne  donnent  qu'une  faible  idée  de 
la  riche  moisson  qu'on  peut  faire  en  consultant  soit  les  notes  de  M.  Moramsen, 
soit  le  te.xte  même  qu'il  a  publié.  Nous  recommandons  vivement  à  l'attention  de 

tous  les  philologues  ce  remarquable  travail. 

Ch.  M. 


202.  —  Fr.  Palacky.  Des  rapports  de  la  secte  vaudoise  avec  les  anciennes 
sectes  en  Bohême.  Prague  (Extrait  de  la  Revue  du  Muséum  de  Bohême).  In -8*, 
32p.*  —  Prix  :  I  fr.  25. 

M.  Palacky  continue  ses  recherches  sur  l'histoire  des  sectes  en  Bohême.  Il 
s'occupe  à  réunir  les  matériaux  d'une  nouvelle  édition  de  son  histoire.  Nous 
avons  l'année  dernière  signalé  ici  même  sa  brochure  contre  M.  Hœfler;  celle  que 

1.  M.  Mommsen  semble  espérer  que  Madwig  se  chargera  d'utiliser  la  nouvelle  publica- 
tion pour  une  édition  proprement  dite  :  k  Pertraclare  autem  eius  modi  quaestionem  cum 
unus  homo  possit  ex  iis  qui  hodie  sunt  Madvigius,  hoc  optamus  ut  telam  a  nobis  inchoa- 
tam  et  retexat,  ubi  opus  est,  et  detexat.  » 

2.  Il  a  paru  de  ce  travail  une  traduction  allemande  sous  ce  titre  :  Ueber  die Bcz'uhungen 
und  die  Verhaltnisse  dcr  WaUenscr  zu  den  ehemaligen  Suten  in  Boehmen.  Librairie  Tempsky. 
In-8*  de  58  pages. 


256  REVUE   CRITIQUE 

nous  avons  sous  les  yeux  a  pour  nous  d'autant  plus  d'intérêt  qu'elle  touche  à 
certains  points  de  notre  histoire  religieuse. 

On  sait  que  les  frères  bohèmes,  ces  épigones  des  Hussites,  furent  connus  pen- 
dant plusieurs  siècles,  sous  le  nom  de  Frères  Vaudois.  Ils  rejetaient  ce  nom  comme 
une  injure;  pendant  longtemps  les  érudits  ont  admis  l'existence  de  Vaudois 
Bohèmes  parallèlement  aux  Vaudois  romans.  Quelle  est  l'origine  de  cette  déno- 
mination ? 

Comme  on  sait,  les  Vaudois  doivent  leur  nom  à  un  marchand  de  Lyon,  Pierre 
Valdo,  lequel  vivait  au  xii"  siècle.  Dès  1 184,  leur  secte  était  anathémisée  par  le 
concile  de  Vérone.  Leur  hérésie  gagna  l'Allemagne  et  en  1265  on  les  trouve  en 
Bavière,  un  peu  plus  tard  en  Autriche,  ainsi  qu'il  ressort  des  documents  cités 
par  M.  Palacky.  L'auteur  retrouve  dans  des  bulles  pontificales'  et  dans  divers 
documents  historiques,  la  preuve  qu'à  partir  du  xiii'^  siècle  des  sectes  analogues 
à  celle  des  Vaudois  auraient  existé  en  Bohême.  Elles  n'admettaient  ni  le  sacer- 
doce, ni  le  serment,  ni  la  peine  de  mort,  et  leurs  doctrines  paraissent  à  M.  P. 
empruntées  aux  doctrines  vaudoises.  On  accusait  ces  sectes  de  tenir  des  assem- 
blées nocturnes  pour  se  livrer  à  la  débauche.  M.  P.  rappelle  à  ce  propos  que 
dans  son  pays  en  Moravie,  les  descendants  des  Hussites  tenaient  encore  de 
pareilles  réunions  à  la  fm  du  siècle  dernier.  Pour  rattacher  les  hérétiques  bohèmes 
à  la  secte  vaudoise,  M.  P.  s'appuie  non-seulement  sur  l'analogie  des  doctrines, 
mais  sur  le  témoignage  de  Matthias  Flaccus  Illyricus,  historien  du  xvi^  siècle,  qui 
dans  son  Catalogus  testium  veritatis,  déclare  avoir  eu  entre  les  mains  des  docu- 
ments relatifs  aux  Vaudois  de  Bohême,  documents  remontant  au  xiV  siècle  et 
même  au  xiii^  siècle. 

M.  P.  discute  ensuite  les  témoignages  d'^Eneas  Sylvius  et  de  Hajek.  Il 
démontre  d'après  les  documents  relatifs  à  Jean  Huss  que  le  célèbre  hérésiarque 
avait  des  Vaudois  parmi  ses  disciples.  Enfin  il  montre  d'après  Mansi  (Colkctio 
Concilior.,  XXIX,  402)  les  habitants  du  Dauphiné  (la  terre  classique  des  Vau- 
dois, comme  on  sait)  en  rapport  avec  les  hérétiques  de  Bohême  :  «  In  Delphinatu 
))  est  quaedam  portio  inîer  montes  inclusa  qnae  errorihus  adhaerens  praedictis  Bohoe- 
»  morum,  jam  tributum  imposuit,  levavit  et  misit  eisdem  Bohoemis.  » 

De  ces  divers  témoignages  M.  P.  conclut  que  les  Vaudois  eurent  des  adhérents 

secrets  en  Bohême  depuis  le  xiii^  siècle,  jusqu'au  milieu  du  xv",  et  qu'alors  ces 

adhérents  furent  absorbés  par  les  Hussites.  Quant  à  la  secte  des  frères  bohèmes, 

elle  se  sépara  vite  des  Vaudois  et  répudia  la  plupart  de  leurs  idées.  Il  faut  donc 

regarder  comme  erronée  l'opinion  reçue  jusqu'ici  par  beaucoup  de  savants  qui 

ne  faisait  remonter  qu'à  la  fin  du  xv''  siècle  les  rapports  entre  les  Vaudois  et  les 

frères  bohèmes. 

Louis  Léger. 

I.  L'une  de  ces  bulles  lui  a  été  signalée  en  1867,  lors  de  son  voyage  en  Russie  par 
M.  Lamansky,  le  savant  slaviste  de  Pétersbourg.  Elle  ne  figure  pas  aux  archives  du 
Vatican.  Elle  a  été  trouvée  au  monastère  de  Burton  en  Angleterre  et  publiée  dans  les 
Annales  Monastici,  edited  by  H.  R.  Luard.  Vol.  I.  London,  1864. 


d'histoire  et  de  littérature.  237 

203.  —  La  famille  de  Ronsart,  recherches  généalogiques,  historiques 
et  littéraires  sur  P.  de  Ronsard  et  sa  famille,  par  Achille  de  Rocham- 
BEAu.  Paris,  librairie  Franck,  1868.  In-i6  de  558  p.  —  Prix  :  5  fr.  et  avec  i  album 
1  $  fr.  • 

«  Rien  de  ce  qui  touche  les  grands  hommes  d'un  pays  ne  saurait  être  indiffé- 
»  rent  à  leurs  compatriotes.  »  Ainsi  débute  la  petite  préface  dans  laquelle  M.  de 
Rochambeau  analyse  l'ouvrage  qu'il  a  composé  avec  amour,  désirant  faire  con- 
naître le  poète  Ronsard  «  sous  des  points  de  vue  trop  peu  étudiés.  »  Cet  ouvrage, 
utile  complément  de  l'édition  de  M.  Prosper  Blanchemain^,  est  divisé  en  six 
chapitres  intitulés  :  Généalogie  de  la  famille  de  Ronsart  3  ;  propriétés  seigneu- 
riales possédées  à  diverses  époques  par  la  famille  de  Ronsart;  iconographie  et 
souvenirs  du  poète  Ronsard;  mélanges  sur  P.  de  Ronsard;  P.  de  Ronsard,  ses 
juges  et  ses  imitateurs;  pièces  justificatives.  Nous  allons  rapidement  examiner 
chacune  de  ces  six  parties  que  suivent  :  i°des  errata  et  appendices;  2° une  table 
analytique  des  noms  de  personnes  ;  3°  une  table  analytique  des  noms  de  lieux. 

La  famille  de  Ronsart  est  originaire  des  frontières  de  la  Hongrie  et  de  la 
Bulgarie.  M.  de  R.  la  trouve  établie,  riche  et  puissante.  «  sur  les  rives  du 
»  Danube»  en  plein  xiv*  siècle.  Ce  fut  vers  1390  que  Baudouin  de  Ronsart 
vint  offrir  ses  services  au  roi  de  France  Philippe  VI  de  Valois.  M.  de  R.  con- 
duit la  généalogie  de  la  famille  de  Ronsart  depuis  cette  époque  jusqu'à  nos  jours, 
le  dernier  représentant  du  nom  n'ayant  disparu  que  le  31  août  1866.  Il  nous 
apprend,  chemin  faisant  (p.  54),  qu'une  demoiselle  de  Ronsart  (Jeanne),  petite- 
nièce  de  Pierre,  épousa,  en  1619,  Pierre  Tascher  de  la  Pagerie,  et  que,  par 
conséquent,  l'empereur  Napoléon  III  a  le  droit  de  compter  le  plus  illustre  poète 
du  XVI*  siècle  au  nombre  de  ses  grands-oncles. 

Parmi  les  nombreux  domaines  seigneuriaux  de  la  famille  de  Ronsart,  M.  de  R. 
décrit  surtout  (p.  73-88)  le  château  de  la  Poissonnière  ou  plutôt  de  la  Possonière 
(commune  de  Couture,  canton  de  Montoire,  Loir-et-Cher),  où  naquit  l'auteur  de 
la  Franciade,  le  1 1  septembre  1 524.  Après  avoir  étudié  le  château  en  archéologue, 
M.  de  R.  l'étudié  comme  demeure  successive  des  descendants  de  Baudouin,  qui 
se  fit  bâtir  il  y  a  plus  de  cinq  cents  ans,  et  peut-être  donne-t-il  au  sujet  des  der- 
niers possesseurs,  bien  des  renseignements  qui  ont  trop  peu  d'importance! 

Ce  qui  est  plus  intéressant,  c'est  la  description  de  tous  les  ponraits  connus  de 
Ronsard  (il  n'en  existe  pas  moins  de  trente-cinq).  Aux  plus  exacts  détails  icono- 
graphiques M.  de  R.  a  mêlé  çà  et  là  quelques  souvenirs  et  notamment  (p.  113- 


1.  Cet  album  contient  un  portrait  de  Ronsard  d'après  une  peinture  du  temps,  les 
statues  tombales  de  son  père  et  de  sa  mère,  des  vues  (intérieures  et  extérieures)  du  château 
où  il  naquit,  etc.,  le  tout  admirablement  exécuté. 

2.  Voir  ce  qu'en  a  dit  M.  Prosper  Blanchemain  dans  le  Bulletin  du  Bouquiniste^  du  15 
mai  1869. 

3.  M.  de  R.  dit  (p.  11):  <  Nous  possédons  plusieurs  litres  relatifs  à  cette  maison  et 
»  remontant  presque  tous  au  XVI*  siècle,  tous  portent  le  nom  écrit  par  un  /,  Ronsart  : 
»  nous  adopterons  donc  cette  orthographe  comme  la  plus  véridique.  En  parlant  du  poète, 
»  nous  ferons  une  concession  à  l'usage  généralement  adopté,  en  écrivant  son  nom  par 
>  un  ^.  » 


238  REVUE  CRITIQUE 

1 1 7)  des  vers  intitulés  :  Ronsard  à  Vendôme,  composés  par  un  jeune  poète  vendô- 
mois,  feu  M.  Louis  Bouchet,  vers,  dit-il  en  compatriote  indulgent,  «  peu  connus, 
»  bien  qu'ils  méritent  de  l'être.  » 

La  plus  curieuse  partie  du  volume  est  celle  qui,  sous  le  titre  de  Mélanges, 
renferme  une  note  sur  l'époque  de  la  naissance  de  Ronsard,  une  autre  sur  cette 
question  qu'il  faut  résoudre  négativement  '  :  Ronsard  a-t-il  été  prêtre  ?  diverses 
pièces  de  vers  du  xvi^  siècle  inédites,  telles  que  les  Satires,  la  Conversion  de  Pierre 
de  Ronsard  (p.  142-147)  et  la  Remonsîrance  à  Pierre  de  Ronsard  (p.  148-172), 
tirées  du  volume  485  de  la  collection  Gaignières  à  la  Bibliothèque  impériale,  une 
Epistre  à  la  populasse  de  Paris  (p.  179)  tirée  du  même  volume,  la  lettre  de  Pas- 
serai à  Ronsard  (du  20  août  i  $66),  extraite  du  volume  8585  du  Fonds  latin,  la 
lettre  de  la  duchesse  de  Savoie  Marguerite  de  France ,  à  la  reine-mère  pour  lui 
recommander  Ronsard,  extraite  du  volume  8691  de  l'ancienne  collection  Béthune, 
et  plusieurs  morceaux  en  prose  et  en  vers  de  Ronsard,  les  uns  peu  connus,  les 
autres  inédits  (p.  1 84-1 89)  ^ 

Le  chapitre  sur  les  juges  et  les  imitateurs  de  Ronsard  est  formé  presque  en 
entier  5  d'extraits,  généralement  très-courts,  de  l'Histoire  des  poètes  français  de 
Guillaume  Colletet  (ms.  du  Louvre).  Les  personnages  qui  figurent,  en  croquis, 
dans  cette  galerie  sont  Hierosme  d'Avost,  Lazare  de  Baïf,  Jean-Antoine  de  Baïf, 
Nicolas  Bargedé,  Guillaume  de  Saluste  seigneur  du  Bartas,  Christofle  de  Beau- 
jeu,  Remy  Belleau4,  Guillaume  des  Autels,  Joachim  du  Bellay,  Jacques  Bereau, 
François  de  Beroalde,  sieur  de  Verville,  Jules  Caesar  Le  Besgue,  Pierre  de  Brach, 
de  Chotières,  Florent  Chrestien,  Charles  d'Espinay,  Jacques  Grevin,  Jacques 
Guillot,  Jacques  Hurault,  Amadis  Jamin,  Guy  de  Tours,  Estienne  Jodelle,  Pierre 
de  Loudun,  David  Aubin  de  Morelles,  Claude  de  Morenne,  Marc-Ant.  de  Muret, 
Pierre  Le  Loyer,  Jean  Martin,  Jean  Edouard  du  Monin,  Jean  de  la  Péruse, 
Mathurin  Régnier,  Jacques  Pelletier,  Jean  de  Schelandre,  Saincte-Marthe,  Jacques 
Tahureau,  Marguerite  de  Valois,  Charles  Utenhove,  Pontus  de  Tyard,  Claude 
de  Trelon,  Ch.  Tourniol,   Fr.   Tillier,  Jacques  de  la  Taille,  Arnaud  Sorbin, 

1.  Ce  qui  n'empêcha  pas  Ronsard  de  succéder,  le  28  mars  i  $57,  à  son  frère  Charles 
dans  la  possession  de  la  cure  d'Evaillé,  comme  on  le  voit  par  un  document  irrécusable 
cité  à  V Errata  (p.  321),  ce  qui  confirme  le  double  récit,  si  souvent  combattu,  de  Th.  de 
Bèze  et  du  président  de  Thou,  lesquels  nous  montrent  le  curé-poète  luttant  à  main  armée 
(pro  aris)  en  i  $62,  contre  ceux  qui  pillaient  les  églises  du  Vendômois. 

2.  M.  de  R.  ne  s'est  pas  contenté  de  nous  donner  la  lettre  inédite  de  Ronsard  à  Mons. 
Chrestian,  à  Vendosme,  qui  lui  a  été  communiquée  par  M.  Pr.  Blanchemain,  etie  petit 
billet  sans  adresse  qui  lui  a  été  communiqué  par  M.  Feuillet  de  Conches,  il  a  réimprimé 
aussi  en  tête  de  son  volume,  d'après  une  photographie  de  l'original,  la  lettre  à  Antoine 
de  Baïf  sur  la  Pœdotrophie  de  samte  Marthe,  citée  par  Binet  dans  la  Vie  de  Ronsard,  par 
Colletet  dans  la  Vie  de  sainte  Marthe,  par  M.  B.  Hauréau  dans  l'articfe  de  la  Nouvelle 
Biographie  générale  consacré  à  ce  dernier  poète,  etc. 

}.  Except(ins-en  un  passage  relatif  à  Ronsard  et  à  Rabelais  tiré  du  livre  sur  Rabelais 
du  médecin  Jean  Bernier  (p.  209),  une  anecdote  sur  Ronsard  tirée  du  Recueil  de  bons  mots 
des  anciens  et  des  modernes,  1705  (p.  219),  un  extrait  du  Perroniana  (p.  1-226),  etc. 

4.  M.  de  R.  n'a  pas  rappelé  que  la  vie  de  Belleau  par  Colletet  avait  été  publiée  par 
M.  Gouverneur  en  tête  des  Œuvres  du  charmant  poète  (Bibliothèque  eizévirienne,  1867). 
Il  aurait  pu  rappeler  aussi  la  publication  des  vies  de  Du  Bartas,  de  Brach,  Jean  de  la 
Peruse,  M.  Régnier,  etc. 


d'histoire    et    de    littérature.  2J9 

Maurice  Sceve,  Estienne  Tabourot,  Scalion  de  Virblumeau ,  Clément  de  Saurs. 
Aucune  des  pièces  justificatives  (p.  265-520)  ne  concerne  Ronsard.  Les  seize 
documents  réunis  par  M.  de  R.  se  rapportent  à  d'autres  membres  de  la  famille 
du  poète.  ' T.  de  L. 

204.  —  Les  anciennes  Fêtes  genevoises,  par  F.-N.  Le  Roy,  membre  de  l'Institut 
national  genevois.  Genève,  Cherbuliez,  1868.  In-12,  viij-270  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Ce  petit  livre  est  amusant  et  instructif  L'auteur,  sans  prétentions  érudites,  et 
dans  un  style  facile  qui  gagnerait  à  être  un  peu  plus  serré  et  çà  et  là  moins  décla- 
matoire, présente  au  grand  public  des  renseignements  curieux  sur  des  fêtes 
données  à  Genève  aux  xv^  et  xvi*  siècles.  On  y  retrouve  les  traits  qui  distinguent 
toutes  les  pompes  de  cette  époque,  qui  fut  par  excellence  celle  des  cortèges,  des 
fêtes  et  des  exhibitions  publiques.  Le  chapitre  le  plus  intéressant  est  celui  qui 
concerne  les  réjouissances  faites  en  1523  et  1 524  à  l'honneur  du  duc  Charles  III 
de  Savoie  et  de  la  duchesse  Béatrix  sa  femme.  M.  Le  Roy  donne  in  extenso  le 
texte  de  deux  sotties  qui  furent  jouées  à  cette  occasion,  et  dont  la  seconde  sur- 
tout porte  les  traces  visibles  du  protestantisme  qui  allait  triompher  à  Genève. 
M.  L.  a  imprimé  ces  deux  sotties  à  part,  et  la  Revue  critique  a  déjà  rendu  compte 
de  cette  publication  (1868,  t.  II,  art.  208).  Elles  sont  curieuses  à  plus  d'un  titre, 
mais  le  texte  aurait  besoin  d'être  revu  avec  soin.  —  Une  autre  pièce  singulière, 
également  publiée  dans  ce  volume,  est  VAllégorie  des  A  liés  (Alliés),  représentée 
en  1 5  î  1 ,  en  présence  des  ambassadeurs  suisses  qui  venaient  renouveler  l'alliance 
des  cantons  helvétiques  avec  Genève.  Au  milieu  des  pitoyables  jeux  de  mots 
dont  elle  est  semée,  on  sent  l'esprit  d'indépendance  et  de  patriotisme  qui  animait 
alors  tous  les  cœurs.  —  Beaucoup  d'autres  curiosités  littéraires  ou  historiques 

I.  [La  partie  la  plus  intéressante  de  ce  volume  rempli  de  choses  très  superflues  est  sans 
contredit  celle  qui  porte  le  titre  de  Mélanges  (p.  131-191)-  Les  pièces  inédites  contre  Ron- 
sard qui  y  sont  imprimées  sont  particulièrement  curieuses;  il  est  malheureux  qu'elles 
soient  si  mal  copiées.  Elles  fourmillent  de  fautes  grossières,  qui  détruisent  le  sens,  la 
mesure  et  la  rime;  p.  ex.  p.  143,  v.  6  prince,  !.  prime;  le  v.  10  n'a  pas  de  rime;  le  v. 
ij  n'a  pas  de  sens;  le  v.  18  est  trop  court  d'une  ou  deux  syllabes,  et  le  v.  24  trop  long 
d  une;  le  point  à  la  fin  du  v.  26  rend  les  vers  25-26  inintelligibles,  etc.,  etc.  Il  y  a  des 
mots  nouveaux,  créés  par  l'éditeur,  qui  sont  tout  à  fait  divertissants;  ainsi  vioto  (p. 
146,  1.  virbis),  dresse  (p.  147,  1.  déesse),  folen  (p.  148,  1.  fol  en),  ame  au  masc.  (p.  1 50, 
I.  cerne),  tuon  (p.  153,  1.  taon),  roncipete  (p.  156,  1.  romipite),  chosdc  (p.  164,  1.  chorde), 
faulement  (p.  166,  1.  faulsement),  gandissans  (p.  170,  I.  gaudissans);  un  mari  saige  est 
transformé  en  un  mari  singe  (p.  1 59).  Parmi  ces  mots,  plusieurs  sont  tellement  défigurés 
que  pour  les  restituer  il  faudrait  voir  le  manuscrit;  tels  sont  avollcment  (p.  148),  tinne(p. 
148),  suyestez  (p.  \  ^6),  haineux  (p.  163),  voiffre  (p.  i6é),  etc.,  dont  je  ne  devine  pas  la 
vraie  forme.  Il  y  a  aussi  des  formes  de  conjugaison  tout  à  fait  neuves,  taisa  (p.  148,  I. 
taisait),  fint  (p.  153,  1.  fist),  supportra  ip.  i68,  I.  supportée),  tic.  Quelques  noms  propres 
sont  aussi  bien  traités;  on  lit  par  exemple  (p.  152)  Atulie  pour  Atalie,  ou  (p.  163)  Elen- 
sion  pour  Eleusion.  Un  limaçon  (p.  155)  devient  Lymaron,  personnage  à  nous  inconnu. 
Que  peut  bien  vouloir  dire  ce  vers  de  la  m.ême  page  :  Lucien  apparoir  et  galonie  Azote?— 
C  est  toujours  pour  nous  un  sujet  d'étonnement  qu'on  puisse  publ-er  des  choses  qui  n'ont 
aucun  sens  sans  avoir  l'air  de  s'en  apercevoir  ;  c'est  pourtant  un  fait  qui  n'est  pas  rare, 
et  nous  en  avons  déjà  signalé  plus  d'un  exemple  pour  des  écrits  du  XVI*  siècle.  Les  ama- 
teurs qui  veulent  à  toute  force  imprimer  pourraient  cependant  prier  quelqu'un  de  revoir 
leurs  épreuves;  c'est  une  chose  vraiment  impatientante  que  des  éditions  qui  ne  sont  qu'un 
perpétuel  coq-à-l'âne.  —  S.] 


240  REVUE   CRITIQUE    d'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

sont  éparses  dans  ce  livret,  comme  des  fragments  de  l'Ombre  de  Garnier  Stoffacher, 
par  Joseph  Duchesne,  sieur  de  La  Violette,  représentée  en  1584,  toujours  en 
l'honneur  des  députés  des  cantons  suisses;  on  y  trouve  des  sentiments  élevés, 
un  grand  amour  de  la  liberté,  et  au  milieu  d'un  style  généralement  faible,  quel- 
ques vers  bien  frappés,  surtout  dans  les  strophes  du  chœur.  —  Ce  joli  volume  est 
orné  de  quatre  photographies  :  l'une  représente  le  port  de  Genève  au  commence- 
ment de  ce  siècle,  l'autre  une  fête  dans  ce  port,  la  troisième  reproduit,  malheureu- 
sement dans  des  dimensions  trop  petites,  la  célèbre  tapisserie  qui  offre  la  «  Vraye 
»  représentation  de  l'escalade  entreprise  sur  Genève  par  les  Savoyards  et  sa 
»  belle  délivrance  l'an  1602,  xii.  de  décembre;  »  la  quatrième  est  le  frontispice 
où  figurent  les  armes  de  Genève.  —  M.  Le  Roy,  déjà  connu  par  diverses  publi- 
cations sur  Genève,  en  annonce  une  qui  ne  peut  manquer  d'exciter  l'intérêt 
général  :  c'est  l'Histoire  du  théâtre,  des  jeux  et  des  divertissements  publics  en  Suisse. 

G.  P. 

VARIÉTÉS. 
Le  P.  Theiner  et  les  Archives  du  ministère  des  affaires  étrangères. 

L'un  de  nos  collaborateurs  disait  récemment  (p.  102)  que  le  P.  Theiner 
n'avait  probablement  obtenu  l'accès  d'archives  fermées  à  d'autres  historiens 
qu'au  prix  d'engagements  qui  avaient  dû  nuire  à  son  impartiahté.  Ce  qui  n'était 
qu'une  hypothèse  vraisemblable  est  maintenant  un  fait  avéré.  La  certitude  nous 
vient  d'où  nous  ne  pouvions  guère  l'attendre,  du  ministère  même  des  affaires 
étrangères.  A  un  magistrat  qui  demandait  à  consulter  les  documents  relatifs  à 
l'assemblée  de  1682,  M.  le  directeur  des  archives  du  ministère  a  fait  une  réponse 
dont  on  trouvera  le  texte  complet  dans  l'Univers  du  2  octobre,  mais  dont  nous 
voulons  détacher  au  moins  un  morceau  pour  le  plaisir  de  nos  lecteurs  : 

a  Le  dépôt  des  archives,  »  dit  M.  Faugère,  «  n'est  pas  à  l'usage  du  public;  il  n'est 
»  destiné  qu'au  service  intérieur  du  ministère.  Nos  règlements  n'ont  pas  été  changés, 
p  comme  vous  le  supposez  :  ce  sont  encore  ceux  de  Louis  XIV,  qui  ont  été  appliqués  avec 
»  la  même  rigueur  sous  tous  les  ministères.  Si  nous  ouvrons  quelquefois  nos  archives,  c'est 
»  dans  un  intérêt  public,  dans  un  intérêt  d'État.  Vous  avez  cité  l'exemple  du  P.  Theiner. 
»  Voici  comment  cela  s'est  passé.  Le  P.  Theiner  se  proposait  d'écrire  impartialement 
»  l'histoire  du  Concordat,  et  de  réfuter  M.  d'Haussonville  qui,  il  faut  bien  le  dire,  n'a 
»  pas  été  fidèle  à  la  vérité  historique,  qui  a  versé  du  côté  de  la  passion,  et  qui  a  trop 
»  cédé  à  l'esprit  d'opposition  politique.  Il  y  avait  donc  lieu  de  faire  fléchir  la  règle  dans 
»  un  intérêt  d'État,  dans  un  intérêt  public,  comme  je  le  disais,  et  je  fis  dans  ce  sens  un 
»  rapport  à  M.  de  Moustier,  qui  partagea  mon  opinion.  » 

Tout  est  admirable  dans  cette  réponse  !  et  ce  dépôt  qui  est  destiné  «  au  service 
«  intérieur  du  ministère  »  (service  bien  discret)!  — et  Louis  XIV  qui  intervient  si 
à  propos  pour  couvrir  la  responsabilité  des  archivistes  actuels;  on  n'est  pas  plus 
conservateur  I  —  et  ce  Révérend  Père  qui  sait  d'avance  quelles  conclusions  sorti- 
ront de  documents  qu'il  ne  connaît  pas  encore  !  Tout  cela  est  dit  le  plus  naturel- 
lement du  monde;  et  si  l'on  n'éprouvait  quelque  honte  à  voir  entre  quelles  mains 
sont  déposés  les  matériaux  de  notre  histoire,  on  se  sentirait  désarmé  par  tant  de 
simplicité. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


faite  avec  soin;  il  va  sans  dire  que  les  omissions,  les  manques  de  proportions,  les 
petites  inexactitudes  de  divers  genres  n'y  font  pas  défaut  ;  qui  peut  les  éviter  dans 
un  travail  de  ce  genre?  Les  noms  français  sont  généralement  (chose  rare!) 
exempts  de  fautes  d'impression;  nous  demandons  seulement  qu'on  n'attribue  point 
par  deux  fois  à  M.  Gidel  (sur  qui  voy.  Rev.  crit.,  1866,  art.  251)  «  l'excellent 
»  ouvrage  (p.  142)  »  de  notre  collaborateur  M.  Paul  Gide. 

The  Athenaeum.  2  5  septembre. 

Rev.  S.  Leathes,  The  Witness  of  St.  Paul  io  Christ,  being  the  Boyle  Lecture 
for  1869;  Rivingtons;  livre  de  controverse  affectant  des  prétentions  scientifiques 
peu  justifiées.  —  Edw.  Arnold,  The  poets  of  Greece;  Cassell;  médiocre  livre  de 
vulgarisation.  —  Reidt,  Das  geisîUche  Schauspiele  d.  Mittelalters  in  Deutschland ; 
paraît  être  un  ouvrage  de  vulgarisation.  —  Barbour,  The  Bruce,  published  by 
J.-Jamieson,  a  new  édition  ;  Glasgow,  Ogle;  critique  approfondie  dans  laquelle 
il  est  montré  que  cette  nouvelle  édition  est  une  simple  réimpression,  où  sont  re- 
produites même  les  fautes  typographiques  du  texte  de  Jamieson.  —  Langue  et 
littérature  celtique,  par  G.  Lottner;  compte-rendu  de  la  publication  de  M.  Nigra 
sur  laquelle  cr.  Rev.  crit.,  1869,  art.  122. 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  Richelieu. 

Ar^  \  Q  T*  A  NT     ^^  ^^^o^  ^^  ^^  blocus  de  Besançon  par  Rodolphe 
•     V_>/\0  1  rViN     de  Habsbourg  et  Jean  de  Chalon-Arlay  en  1289 
et  1290,  étudiés  dans  les  textes  et  sur  le  terrain.  In-8°.  i  fr.  50 


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I  A  PROPT-FT?r^TPr  ^^  ^^y  Charles  VIII  par  maistre 
LjI\  irvWrriLLil^ltLi  Cuilloche  Bourdelois,  publiée 
pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  la  Bibliothèque  impériale, 
par  le  marquis  de  La  Grange.  Petit  in-8°.  7  fr.  50 

A  1VT  A  R  T  îT'  TT  T'  tr  ^^^  ^^^  tombes  de  l'ancien  empire  que 
r\»      iVl/\rvllLl     IrL    l'on  trouve  à  Saqqarah.  Gr.  in-8^  avec 

3  planches.  ,  ^ 

LJ  \A/  Pr  T  T  ^^  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  com- 
ll«      VYILIL*    parées  aux  langues  modernes.  Nouvelle  édition  revue, 

corrigée  et  augmentée,  i  vol.  in-8°.  .  ^  3  fr.  50 

Cet  ouvrage  forme  le  3^  fascicule  de  la  collection  philologique'publiée  sous  la 

direction  de  M.  Bréal,  professeur  au  Collège  de  France. 

NICOLAS  DE  TROYESgXl^X 

nouvelles,  pubhé  d'après  le  manuscrit  original  par  M.  Emile  Mabille.  i  vol. 
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collected  and  deciphered.  2  vol.  in-fol.  ornés  d'un  grand  nombre  d'inscriptions 
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sculptures  en  pierre  qui  se  trouvent  à  Nuremberg  et  dans  ses  environs,  dessinées 

sur  bois  et  accompagnées  de  texte,  i  vol.  in-fol.  orné  de  60  pi.  60  fr. 


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Ce  volume  contient  la  guerre  des  Gaules  jusques  et  y  compris  la  bataille  de 
Pharsale. 

Il  est  complété  par  la  traduction  du  célèbre  mémoire  de  Mommsen  sur  la 
question  de  droit  entre  César  et  le  Sénat  et  un  remarquable  travail  de  M.  Alexandre 
sur  la  guerre  des  Gaules. 
Le  huitième  et  dernier  volume  est  sous  presse. 


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ihre  Vorstufen.  Gr.  in-S».  3^-25 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  42  Quatrième  année  16  Octobre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS   LA  DIRECTION 

DE    MM.    p.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 

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Un  an,  Paris,  i  j  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
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PÉRIODIQUES    ÉTRANGERS. 

Literarisches  Gentralblatt  fur  Deutschland.  N°  37,  4  septembre  (le  n°  j6 
ne  nous  est  pas  parvenu). 

Théologie.  Mœrikofer,  Ulrich  Zwingli  nach  den  urkundiichen  Quellen  (voy. 
Rev.  crit.,  1869,  t.  I,  art.  58).  —  Palacky,  Ueber  die  Beziehungen  und  das 
Verhaeltniss  der  Waldenser  zu  den  ehemaligen  Secten  in  Bœhmen  (voy.  Rev. 
crit.,  t.  II,  art.  202).  —  Philosophie.  Aristoteles  Thierkunde...  von  Aubert  und 
Wimmer  (Leipzig,  Engelmann;  publication  importante  pour  la  philologie  et  pour 
l'histoire  des  sciences).  —  Histoire.  Hase,  Sébastian  Franck  von  Wœrd  der 
Schwarmgeist  (Leipzig,  Breitkopf  und  Haertel).  —  Wattenwyl  von  Diesbach, 
Geschichte  der  Stadt  und  Landschaft  Bern,  t.  I  (Schaffhausen,  Hurter).  — 
BùDiNGER,  Wellington  (Leipzig,  Teubner;  panégyrique  trop  complet).  — 
Œsterreichs  Kaempfe  im  Jahre  1866  (Wien,  Gerold;  publication  de  l'état-major 
autrichien).  —  Géographie.  Ethnographie.  Schneider,  Encyclopedya  do  Krajoz- 
newstwa  Galicgi  (Lwov^,  Jasiénski;  ouvrage  important).  —  Van  R^mdonck, 
Gérard  Mercator,  sa  vie  et  ses  œuvres  (Saint-Nicolas;  bon  travail).  —  Linguis- 
tique. Histoire  littéraire.  Zakarija  Ben-Muhammed  ben  Mahmûd  El-Kazwîni's 
Kosmographie,  ùbersetzt  von  Ethé,  I  (Leipzig,  Eues).  —  Euripidis  Fabulae, 
recogn.  Kirchhoff,  I-III  (Berlin,  Weidmann;  très-recommandé).  —  Laubert, 
Die  griechischen  Fremdwœrter  (Berlin,  Guttentag;  nous  parlerons  prochainement 
de  ce  livre).  —  Q^.  Horatius  Flaccus,  ex.  rec.  Bentleii,  I  (Berlin,  Weidmann).  — 
LoBSCHEiD,  English  and  Chinese  Dictionary  (Hongkong;  malgré  des  défauts, 
c'est  l'ouvrage  de  ce  genre  le  plus  complet  qui  existe).  —  Mùller,  Geschichte 
der  klassischen  Philologie  in  den  Niederlanden  (voy,  Rev.  crit.,  1869,  t.  Il,  art. 
.4S. 
N°  38.  1 1  septembre. 

Histoire.  Von  Ranke,  Geschichte  Wallensteins  (Leipzig,  1869;  ouvrage  d'une 
remarquable  jeunesse  du  célèbre  historien).  —  Wolf,  Fùrst  Wenzel  Lobkowitz, 
1609- 1677  (Wien,  BraumûUer).  —  Kowalewski,  der  Krieg  Russlands  mit  der 
Tùrkei,  1853-54  (Leipzig,  Schlicke;  bon  livre).  —  Kodolitsch,  die  englische 
Armée  in  Abyssinien  (Wien,  Gerold). — Jurisprudence.  Rudorff,  Ueber  den 
Ursprung  und  die  Bestimmung  der  Lex  Dei  (Berlin,  Dûmmler;  attribution  sans 
preuves  à  saint  Ambroise  de  cette  Collatio  legum  mosaicarum  et  romanarum).  — 
Mejer,  Lehrbuch  des  deutschen  Kirchenrechtes  (Gœttingen,  Vandenhœck).  — 
Linguistique.  Histoire  littéraire.  Brugsch  ,  Hieroglyphisch-demotisches  Wœrter- 
buch  (Leipzig,  Hinrichs;  ouvrage  de  premier  ordre  à  tous  les  points  de  vue). — 
Flavii  Vegeti  Renati  epitome  rei  miiitaris,  rec.  Lang  (Leipzig,  Teubner;  édition 
critique). 

The  Athenaeum.  2  octobre. 

Deun  HooK,  Lives  of  the  Archbishops  of  Canterhury,  vol.  III,  new  séries; 
Bentley;  contient  l'histoire  du  cardinal  Pôle.  — A  Key  to  the  Knowledge  of  Church 
History,  edited  by  J.  H.Blunt;  Rivingtons;  compilation  faite  avec  peu  de  cri- 
tique. —  Freeman,  The  History  of  the  Norman  conquest  of  England,  vol.  III;  the 
Reign  of  Harold  and  the  Interregnum;  Mac  Millan.  —  Shakspere's,  S<&mmtliche 
Werke,  englischer  Text  berichtigt  u.  erklaert  von  B.  Tschischwitz. 

Forschungen  zur  deutschen  Geschichte,  herausgegeben  von  der  histor. 
Commission  bei  der  k.  bayer.  Académie  der  Wissenschaften.  Gœttingen  , 
Dieterich,  1869.  In-S".  Vol.  IX,  cah.  2. 

L.  Geiger,  Maximilien  I",  ses  tendances  et  son  action  dans  la  lutte  entre  l'huma- 
niste Reuchlin  et  les  dominicains  de  Cologne,  Jean  Pfefferkorn,  etc.  1 509-1 514.  — 


REVUE   CRITIQ_UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  42  —  16  Octobre  —  1869 

Sommaire  :  205.  Steitz,  les  Travaux  et  les  Jours  d'Hésiode.  —  206.  Montée,  la 
Philosophie  de  Socrate.  —  207.  Eussner,  Notes  critiques  sur  divers  auteurs  latins. 
—  208.  De  Sybel,  Histoire  de  l'Europe  pendant  la  Révolution  française,  tome  I". 

205.  —  Die  Werke  Tind  die  Tage  des  Hesiodos,  nach  ihrer  Composition  geprûft 
und  erkiaert  von  D'  August  Steitz.  Leipzig,  Druck  und  Verlag  von  B.  G.  Teubner, 
1869,  188  p.  —  Prix  :  5  fr.  3i  c. 

De  tous  les  poèmes  conservés  sous  le  nom  d'Hésiode,  celui  des  Travaux  et  des 
Jours,  d'après  une  tradition  appuyée  sur  le  témoignage  de  Pausanias  (9,  31), 
parait  posséder  le  plus  de  titres  à  être  regardé  comme  une  production  du 
poète  d'Ascra.  L'antiquité  qui  n'a  du  reste  jamais  apprécié  que  la  valeur  gnomique 
de  cette  œuvre,  se  borna  à  révoquer  en  doute  l'authenticité  des  neuf  vers  destinés 
à  servir  d'introduction  et  à  signaler  comme  interpolés  un  certain  nombre  d'autres. 
Cette  critique  toute  de  détail  et  dépourvue  de  toute  base  solide  ht  continuée  par 
les  modernes.  De  cette  façon  Ruhnken  dans  sa  première  Episiola  critica  et  Brunck 
dans  son  édition  des  poètes  gnomiques,  de  826  vers  que  compte  d'ordinaire  le 
poème  ',  le  réduisirent  à  775.  Les  travaux  de  Wolf  sur  Homère,  précédés  d'ail- 
leurs d'une  édition  de  la  Théogonie  dans  laquelle  se  faisaient  pressentir  certaines 
des  conclusions  des  Prolégomènes,  en  ouvrant  de  tout  nouveaux  horizons,  agran- 
dirent singulièrement  le  débat.  A  dater  de  ce  moment  la  question  se  trouve 
transportée  sur  son  véritable  terrain.  Il  ne  s'agit  plus  en  effet  de  l'authenticité  de 
tel  ou  tel  vers  isolé,  mais  bien  de  savoir  si  dans  l'origine  toutes  les  parties  dont 
se  compose  aujourd'hui  le  poème  étaient  destinées  à  former  un  tout.  Les  avis, 
comme  on  peut  bien  le  penser,  se  sont  complètement  divisés.  Renouvelant,  à 
l'aide  d'autres  moyens  il  est  vrai,  une  tentative  faite  autrefois  déjà  par  Daniel 
Heinsius,  MM.  Ranke  et  Vollbehr»  se  posèrent  en  défenseurs  décidés  de  l'unité 
de  composition  du  poème,  unité  qu'affirme  également,  sans  essayer  du  reste  de 
la  prouver,  G.  Hermann?.  M.  C.  Lehrs  dans  la  troisième  dissertation  de  ses 
Quaestiones  epicae  (Regiomonti,  1837),  ouvrage  dont  la  seconde  édition  est  annon- 
cée, formula  des  conclusions  complètement  opposées.  Selon  lui  les  Travaux  et 
les  Jours  sont  la  réunion  de  débris  d'anciens  poèmes  didactiques.  Partant 
de  là  il  croit  pouvoir  aller  jusqu'à  signaler  la  disposition  par  ordre  alphabé- 


1.  Il  y  en  a  828  chez  Gœttling  parce  que  cet  éditeur  a  admis  dans  le  texte  un  vers 
(120)  cité  par  Diodore  et  un  autre  (169)  qui  se  trouve  dans  plusieurs  manuscrits. 

2.  CF.  Ranke,  de  Htsiodi  Optr.  et  DUbas,  Gott.  1858,  et  Hesiodische  Studiai,  ibid. 
1840.  E.  Vollbehr,  Haiodi  0.  et  D.  Kil.  1844. 

3.  Dans  un  article  très-étendu  consacré  à  l'édition  d'Hésiode  de  Gœttling  et  réimprimé 
dans  les  Opuscula,  t.  6. 

VIII  ,6 


242  REVUE   CRITIQUE 

tique  d'un  certain  nombre  de  sentences  que  renferme  ce  poème.  Entre  ces  deux 
opinions  extrêmes  il  s'en  produisit  une  série  d'autres  intermédiaires  '.  Celle  que 
M.  Steitz  a  déjà  défendue  dans  une  dissertation  :  de  Operum  et  Diemm  Hesiodi 
compositione,  Pars  prior,  Goîîingae,  1865,  et  qu'il  reproduit  aujourd'hui  avec  de 
plus  amples  développements,  appartient  à  cette  dernière  classe.  L'auteur,  comme 
il  le  déclare  lui-même  (p.  12)^  incline  du  côté  conservateur.  Il  espère  pouvoir 
sauver  l'unité  de  composition  du  poème  en  faisant  le  sacrifice  d'un  certain 
nombre  des  parties  qui  le  forment  aujourd'hui.  A  cet  effet  il  retranche  deux  épi- 
sodes plus  étendus,  celui  de  Pandore  (v,  42-10$)  et  celui  des  cinq  âges  du 
monde  (v.  202-285)  ^^  quelques  autres  de  moindre  dimension.  De  même  il 
supprime  des  vers  isolés  et  en  outre,  à  plusieurs  reprises,  fait  usage  de  la  trans- 
position. Quant  aux  deux  dernières  parties  du  poème  (695-828),  celle  qui  ren- 
ferme une  série  de  préceptes  moraux  ou  religieux,  et  celle  qui  méritant  seule  le 
titre  de  Jours,  établit  la  distinction  des  jours  en  heureux  ou  malheureux,  M.  St., 
tout  en  accordant  qu'elles  ne  forment  pas  un  ensemble  nécessaire  avec  ce  qui  les 
précède,  ne  croit  pas  qu'il  y  ait  des  motifs  suffisants  pour  les  retrancher. 

Je  dirai  d'abord  un  mot  de  la  marche  adoptée  par  l'auteur.  Elle  ne  me  semble 
pas  tout  à  fait  heureuse.  Bien  que  le  livre  soit  consacré  principalement  à  rendre 
plausible  l'hypothèse  que  nous  venons  d'exposer,  l'auteur  a  fait  une  large  part  à 
un  autre  élément,  c'est-à-dire  à  l'explication  de  certains  passages  du  poème,  quel- 
quefois même  à  la  critique  philologique  du  texte.  Cette  méthode  offre  de  sérieux 
inconvénients.  J'eusse  préféré  pour  ma  part  une  enarratio  suivie  du  poème  tel 
que  M.  St.  croit  pouvoir  le  reconstruire,  sauf  à  trouver  réunies  dans  un  appen- 
dice les  additions  ou  les  rectifications  qu'il  propose  de  faire  aux  commentaires 
déjà  publiés  sur  le  poème.  Des  remarques  comme  celle  p.  ex.  qui  se  rapporte 
aux  deux  mots  àp6[x[icvai  rfil  9'jT£'jciv  du  vers  22  (p.  27),  remarque  que  je  ne  trouve 
même  ni  suffisamment  juste  ni  nécessaire,  tout  aussi  bien  que  des  considéra- 
tions sur  l'état  politique  et  social  de  l'époque  où  vivait  le  poète,  ne  font  qu'arrêter 
désagréablement  le  lecteur  et  l'empêchent  de  se  rendre  un  compte  exact  de  la 
façon  dont  l'auteur  essaye  d'établir  l'enchaînement  des  idées  du  poème. 

Quant  à  cet  enchaînement  lui-même,  M.  St.  ne  m'a  pas  gagné  à  sa  manière 
de  voir.  Tout  ce  que  je  puis  lui  accorder,  c'est  que  des  huit  parties  dans  lesquelles 
il  divise  tout  le  poème,  un  certain  nombre  peuvent  se  rapprocher,  principale- 
ment par  leur  origine  ;  mais  pour  ce  qui  est  de  découvrir  le  lien  qui  en  forme  un  tout 
complet  et  achevé  dans  ses  parties,  cela  m'est  absolument  impossible.  Je  me  con- 
tenterai de  citer  un  seul  exemple.  Que  la  charmante  fable  du  faucon  et  du  rossi- 
gnol (v.  202-2  1 2)  ait  pu  être  racontée  à  propos  du  différend  entre  le  poète  et 
son  frère  Perses,  cela  ne  fait  pas  le  moindre  doute.  Mais  si  M.  St.,  après 
avoir  retranché  la  transition  maladroite  et  inintelligible  contenue  dans  le  vers 

I.  Elles  ont  été  soutenues  principalement  par  A.  Twesten,  Comm.  critica  de  Hesiodi 
carminé  quod  inscribitur  opéra  et  Dits,  Kiel.  181 5;  F.  Thiersch,  de  gnomicis  carminibus 
Cracorum,  dans  les  Acta  philol.  Monac.  t.  III,  p.  391  ss.  et  par  Gœttling,  dans  son  édition 
d'Hésiode,  Gotha,  1843. 


d'histoire  et  de  littérature.  243 

202  :  vvv  ô'aTvov  ^«(Ti/.syd'.v  épî'o)  çpovÉo-jst  xai  a-JToïî,  placc  Cette  fable  immédiate- 
ment après  le  vers  4 1 ,  et  ne  trouve  ensuite  d'autre  moyen  d'établir  la  suite  des  idées 
que  ces  mots  (p.  90)  «  en  quelque  sorte  la  réponse  des  juges  »  {gleichsam  die 
Antnvrt  der  Richtef),  cela  paraitra-t-il  bien  convaincant?  Pour  dire  toute  ma 
pensée,  dût-elle  ressembler  à  un  paradoxe,  je  ne  suis  nullement  persuadé  que, 
même  dans  l'esprit  du  poète  auquel  appartiennent  les  parties  qui  trahissent  avec 
le  plus  d'évidence  une  origine  commune ,  cette  unité  que  l'on  met  tant  de  peine 
à  rechercher  ait  jamais  existé  véritablement.  Les  sujets  eux-mêmes  que  traite 
toute  cette  poésie  ne  la  comportent  pas.  Si  rien  n'égale,  soit  h  naïveté  avec 
laquelle  sont  formulées  les  règles  qui  doivent  guider  dans  ses  pénibles  travaux  le 
laboureur  de  la  Béotie,  soit  l'accent  profondément  touchant  et  sincère  des 
plaintes  qu'arrache  au  poète  l'injustice  dont  il  a  été  victime,  rien  aussi  ne  parait 
plus  contraire  aux  idées  de  l'époque  lointaine  dont  ces  vers  font  revivre  un  écho, 
que  la  pensée  d'un  poème  didactique  avec  son  unité  factice.  Dans  tous  les  cas 
je  me  défie  de  reconstructions  à  propos  desquelles  l'imagination  ne  borne  pas 
uniquement  son  rôle  au  domaine  poétique,  mais  empiète  constamment  sur  celui 
des  faits. 

Parmi  les  conjectures  que  M.  St.  a  placées  dans  son  texte,  celle  qui  remplace 
au  V.  375  r-ivaixi  par  v-'vaiït,  me  parait  au  moins  inutile.  Le  changement  du  sin- 
gulier po'jv  T'àfOTYipa  au  V.  405  en  pluriel  n'est  guère  mieux  justifié.  On  peut 
trouver  ingénieux  au  premier  abord  d'écrire  au  v.  504  au  lieu  de  u.T;va  5è  Ar.vatwva 
xox'  fjfiata,  |i7;va  cà  BoyxaTtov  xaxdc  t'  f.aata,  mais,  pour  ne  pas  parler  de  la  violence 
du  procédé,  M.  St.  ne  craint-il  pas  qu'on  retourne  contre  lui  son  argumentation? 
Si  l'auteur  du  vers  dont  il  s'agit  vivait  en  Béotie,  rien  de  plus  naturel  que  l'em- 
ploi de  la  désignation  empruntée  au  calendrier  béotien.  Mais  comme  la  question 
d'origine  peut  et  doit  être  posée  constamment,  un  nom  étranger  à  la  patrie 
d'Hésiode  ne  devra-t-il  pas  précisément  être  considéré  comme  un  indice  des 
plus  importants?  J'ajouterai  encore  que  les  preuves  par  lesquelles  l'auteur  essa)'e 
dans  son  introduction  d'établir  la  connaissance  qu'ont  eue  des  Travaux  et  des 
Jours  d'Hésiode  les  poètes  lyriques  du  vii^  siècle  me  paraissent  pour  la  plupart 
fort  peu  concluantes.  Du  reste  M.  St.  n'a  pas  été  sans  le  sentir  lui-même.  Ce 
qu'il  affirme  d'une  façon  générale  et  en  bloc  avec  assez  d'assurance,  il  le  reprend 
ensuite  en  détail,  dès  qu'il  s'agit  d'appuyer  son  assertion  sur  des  faits. 

En  admettant  même  que  toutes  les  réserves  que  je  viens  de  faire  soient  fondées, 
le  travail  de  M.  Steitz  n'en  reste  pas  moins  une  œuvre  consciencieuse  et  dont 
l'étude  mérite  d'être  recommandée.  Il  est  tout  naturel  de  voir  les  opinions  en 
désaccord  lorsqu'il  s'agit  des  monuments  littéraires  d'une  époque  à  laquelle 
s'applique  avec  tant  de  raison  la  parole  du  poète  (Od.  •/.,  190)  : 

w  çi').oi,  où  Y*P  '^'  ÏSjJLev  OTTQ  ïôço;  o-jô'  5m}  r^wç. 

Emile  Heitz. 


244  REVUE   CRITIQUE 

206.  —  La  philosophie  de  Socrate,  par  P.  Montée,  docteur  ès-lettres.  Ouvrage 
ayant  obtenu  une  mention  honorable  de  l'Institut  (Académie  des  sciences  morales  et 
politiques).  Paris,  Durand  et  Pedone-Lauriel,  1869.  In-8*,  382  p. 

M.  P.  Montée  publie  sur  la  philosophie  de  Socrate  un  mémoire  qui  a  obtenu 
à  l'Académie  des  sciences  morales  et  politiques,  une  mention  honorable  dans 
le  jugement  du  concours  ouvert  sur  cette  question.  L'ouvrage  est  divisé  en 
quatorze  chapitres  précédés  d'une  introduction  et  suivis  d'une  conclusion.  L'au- 
teur traite  successivement  de  la  philosophie  grecque  avant  Socrate,  des  premières 
études  de  Socrate,  de  l'influence  d'Anaxagore  sur  la  direction  de  ses  études,  du 
caractère  essentiel  de  la  révolution  qu'il  a  introduite  dans  la  philosophie,  de  la 
maïeutique  et  de  l'ironie  socratiques,  des  théories  de  la  définition ,  des  causes 
finales,  de  la  providence,  du  bien  et  de  l'amour,  du  démon  de  Socrate,  des  rap- 
ports de  Socrate  avec  la  religion  de  son  temps  et  avec  les  sophistes,  enfin  des 
causes  de  son  procès. 

M.  Montée  n'est  pas  assez  familier  avec  les  procédés  de  l'érudition  et  de  la 
critique  historiques.  Ainsi  il  n'est  pas  au  courant  de  ce  qui  s'est  publié  de  plus 
important  sur  le  sujet  qu'il  traite  :  il  ne  paraît  pas  connaître  l'histoire  de  la  phi- 
losophie grecque  de  Zeller,  qu'on  ne  peut  pourtant  pas  laisser  de  côté  quand  on 
traite  de  pareils  sujets;  car  c'est  un  ouvrage  fondamental.  Que  penserait-on  d'un 
mathématicien  qui  traiterait  les  mêmes  questions  qu'Euler,  Lagrange  ou  Abel, 
sans  connaître  les  travaux  de  ces  savants  illustres?  L'érudition  est  soumise  aux 
mêmes  conditions,  et  l'histoire  de  la  philosophie  est  autant,  si  ce  n'est  plus,  du 
domaine  de  l'érudition  que  de  celui  de  la  philosophie. 

Ensuite  les  textes  n'ont  pas  toujours  été  lus  assez  attentivement.  Dans  le  Criton 
(52  B)il n'est pasditseulenient(p.^i)queSocraten'aitjamaisvoyagéloind'Athènes 
excepté  pour  le  service  militaire  :  il  est  ajouté  qu'il  a  été  une  fois  aux  jeux  isth- 
miques,  ce  que  M.  M.  rend  inexactement  par  visiter  l'isthme  de  Corinthe  et  ce 
qu'il  rapporte  d'après  le  témoignage  beaucoup  moins  important  de  Favorinus 
dans  Aulu-Gelle.  Il  fallait  dire  que  le  voyage  de  Socrate  à  Delphes  n'est  pas 
attesté  par  Aristote  dans  un  ouvrage  de  lui  qui  nous  soit  parvenu,  mais  dans 
Diogène  Laërce  II,  22  :  ce  qui  laisse  possible  une  erreur  ou  une  confusion;  car 
Diogène  Laërce  peut  n'avoir  pas  puisé  ce  détail  directement  dans  Aristote.  — 

On  lit  dans  ThéophraSte  (Hist.  Plaut.  III,  1,4):  Ava^ayépa;  [xàv  tôv  Mpa.  Tîàvxwv 
çàffxwv  ex^iv  CT7Tc'p(JiaTa  v.cd  Taùxa  auYxaxaçcpoixeva  tw  viSaxi  Yevvàv  rà  çO-ra.  M.  M.  tra- 
duit (p.  63)  :  «  Anaxagore  affirmait  que  l'air  contient  les  semences  de  toutes  choses 
»  et  que  l'action  de  l'eau  suffit  à  leur  éclosion.  »  —  Aristote,  distinguant  entre 
la  ffoçta  et  la  spfôvriatç,  dit  que  la  première  est  spéculative  et  la  seconde  pratique, 
et  que  c'est  pour  cela  qu'on  dit  (çaci)  d'Anaxagore  et  de  Thaïes  qu'ils  sont  aoçoi 
et  non  çpovtixoi,  quand  on  voit  qu'ils  s'occupent  de  recherches  curieuses  plutôt 
que  des  biens  de  la  vie  (E/Zz.  Nicom.  VII,  7,  1141  b  3).  On  lit  dans  M.  M. 
(p.  74)  :  «  Ce  n'est  pas  sans  raison  qu'Aristote  lui  a  reproché  (à  Anaxagore) 
»  d'avoir  négligé  l'utile  et  la  recherche  des  biens  humains  pour  s'occuper  de 
»  choses  difficiles  et  tout  à  fait  inutiles.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  245 

M.  M.  n'est  pas  assez  délicat  sur  le  choix  des  témoignages  pour  exposer  et 
caractériser  les  doctrines  de  Socrate.  Ainsi  non-seulement  il  croit  que  des  textes 
comme  ceux  du  Phédon  (6  5  c)  et  de  la  République  (VII,  5  26  c),  expriment  la  pensée 
de  Socrate  (p.  81,  99).  Mais  il  trouve  (p.  8?)  que  «  S.  Augustin  a  dit  admira- 
»  blement  (De  Civ.  D.  8,  3)  que  Socrate  ne  voulait  pas  que  des  âmes  obscurcies 
»  par  les  passions  impures  de  la  terre,  tentassent  de  s'élever  tout  .d'abord  à  la 
»  connaissance  des  choses  divines,  de  ces  causes  premières,  qui,  à  ses  yeux, 
»  n'étaient  intelligibles  que  pour  les  hommes  dont  le  cœur  est  pur;  »  que 
Clément  d'Alexandrie  reproduit  exactement  la  pensée  de  Socrate  «  lorsqu'il 
»  nous  défend,  quand  notre  âme  est  malade,  de  nous  approcher  de  la  science, 
»  avant  qu'elle  soit  revenue  à  une  parfaite  santé  (p.  82).  » 

Des  habitudes  aussi  peu  sévères  de  critique  ne  pouvaient  conduire  M.  M.  à 
retracer  un  tableau  exact  des  faits.  Il  transporte  dans  ces  temps  anciens  les 
termes  et  les  idées  de  la  philosophie  moderne.  On  ne  peut  pas  dire  que  les  phi- 
losophes antérieurs  à  Socrate,  étaient  des  matérialistes  et  des  panthéistes.  Ces 
termes  expriment  la  manière  de  résoudre  certaines  questions  qu'alors  on  ne 
pensait  même  pas  à  se  poser.  Si  on  était  venu  dire  à  Thaïes  qu'il  était  panthéiste 
(p.  23),  il  n'y  aurait  absolument  rien  compris.  Et  il  aurait  été  bien  étonné 
d'apprendre  «  qu'à  ses  yeux  la  morale  ne  faisait  pas  partie  de  la  philosophie 
»  (p.  25).  »  Et  Socrate,  qu'aurait-il  dit  si  on  était  venu  le  féliciter  «  d'avoir  jeté 
»  les  bases  de  toute  véritable  métaphysique,  en  créant  la  méthode  psycholo- 
»  gique  (p.  79).  »  Je  sais  qu'ici  M.  M.  a  pu  être  induit  en  erreur  par  Cousin 
qui  caractérise  de  la  même  manière  la  méthode  de  Socrate  et  qui  traduit  le 
■rv(S9î  çcXJTôv  par  «  fais  de  la  psychologie.  »  Mais  j'ai  entendu  dire  à  Cousin  lui- 
même  :  «  il  faut  employer  la  méthode  psychologique  à  l'établissement  des  grandes 
»  vérités  métaphysiques;  il  faut  mettre  le  nouveau  au  service  de  l'étemel.  » 
Socrate,  exprimant  une  vue  profonde  avec  cette  merveilleuse  simplicité  qui  est 
un  des  caractères  essentiels  et  l'un  des  plus  grands  charmes  de  l'art  et  de  l'esprit 
grecs  dans  l'âge  classique,  Socrate  disait  que  la  plus  honteuse  des  ignorances, 
c'est  de  croire  savoir  ce  qu'on  ne  sait  pas,  de  s'imaginer  qu'on  possède  la  science 
quand  on  ne  Pa'pas  (Xenoph.  Mém.  5,  9,  6.  Plat.  Apol.  29  B).  Socrate  est  le 
premier  homme  au  monde  qui  se  soit  douté  de  ce  que  c'est  que  savoir,  de  ce 
que  c'est  que  la  science.  C'est  là  qu'est  sa  grande  originalité;  c'est  par  là  qu'il 
fait  époque  dans  l'histoire  de  la  philosophie.  On  détruit  cette  originalité  si  on 
voit  là  dedans  la  méthode  psychologique  telle  que  la  comprenait  Cousin. 

M.  M.  exagère  étrangement  quand  il  dit  (p.  40)  qu'au  temps  de  Socrate  «  si 
»  le  scepticisme  eût  triomphé,  non-seulement  la  philosophie  était  perdue,  pour 
»  ainsi  dire,  avant  de  naître,  mais  la  conscience  même  de  l'humanité  était 
y>  pervertie.  »  Quelle  est  la  philosophie  qui  triomphe  plus  longtemps  qu'une  géné- 
ration ?  il  a  fallu  un  concours  exceptionnel  de  circonstances  pour  assurer  à 
Aristote  l'empire  pendant  dix-sept  siècles.  Mais  en  général  les  générations  des 
philosophies  sont  comme  celles  des  hommes.  Cousin  a  survécu  à  la  domination 
de  sa  propre  philosophie.  Bien  plus,  il  avait  fini  par  l'oublier  lui-même  et  par  y 


246  REVUE  CRITIQUE 

devenir  étranger.  La  fidélité  au  passé  est  un  sentiment  trop  respectable  pour 
qu'on  reproche  à  M.  Montée  de  terminer  son  livre  par  un  éloge  de  M.  Cousin, 
qui  «  disciple  convaincu  de  Socrate  et  de  Descartes  a  sauvé  la  philosophie  fran- 
»  çaise  des  périls  qui  la  menaçaient  et  de  ses  propres  erreurs  en  restituant  son 
»  rôle  à  la  raison  et  en  relevant  haut  et  ferme  le  drapeau  du  spiritualisme.  Le 
»  souvenir -de  M.  Cousin  animera  les  derniers  défenseurs  du  bien  et  du  vrai,  et 
»  contre  de  nouveaux  dangers  ils  puiseront  dans  son  exemple  et  dans  ses  leçons 
»  de  nouvelles  inspirations  et  de  nouvelles  lumières  (p.  380).  » 

Charles  Thurot. 


207.  —  Spécimen  criticum  ad  scriptores  quosdam  latines  pertinens,  scripsit  Adam 
EussNER.  Wirceburgi  apud  A.  Stuber,  1868.  In-8%  42  p.  —  Prix  :  1  fr.  35. 

Cette  brochure  contient  une  série  d^observations  critiques  sur  le  texte  de 
divers  auteurs  latins.  Il  n'est  pas  facile  de  rendre  compte  d'un  travail  de  ce 
genre,  il  faudrait  presque  le  reproduire  en  entier  en  y  ajoutant  des  observations. 
Essayons  cependant  de  donner  un  aperçu  des  procédés  critiques  de  l'auteur 
avec  quelques  exemples  à  l'appui. 

La  première  partie  est  consacrée  exclusivement  au  texte  de  Quinte-Curce 
(Observationes  criticae  in  Q^  Curîium  Rufum).  Elle  est  fort  intéressante  et  nous 
donne  la  meilleure  opinion  de  la  méthode  de  M.  Eussner.  Nous  en  recomman- 
dons la  lecture  à  tous  ceux  qui  voudraient  se  faire  une  idée  exacte  de  la  manière 
dont  on  rétablit  les  textes.  Vingt-quatre  pages,  ce  n'est  pas  trop  long;  mais  elles 
sont  écrites  simplement,  clairement,  et  les  exemples  sont  en  grand  nombre. 

Le  meilleur  manuscrit  de  Quinte-Curce  se  trouve  à  Paris,  ainsi  que  l'a  montré 
M.  Hedicke  '  ;  M.  E.  insiste  encore  davantage  que  lui  sur  les  mérites  de  cette 
copie  (p.  7).  —  Il  est  curieux  que  ce  soient  presque  toujours  des  Allemands  qui 
nous  apprennent  quels  trésors  récèlent  les  bibliothèques  de  France. 

Étant  donné  un  manuscrit  meilleur  que  tous  les  autres,  et  cependant  plein  de 
fautes  d'orthographe,  il  s'agit  d'abord  de  distinguer  ce  qui  doit  être  mis  sur  le 
compte  d'un  copiste  ignorant  de  ce  qui,  tout  en  contredisant  les  autres  textes,  a 
une  valeur  réelle.  En  ce  qui  concerne  le  texte  de  Q^  Curce,  toutes  les  fois  qu'on 
n'a  pas  affaire  à  une  simple  faute  d'orthographe,  on  doit  tenir  le  plus  grand  compte 
du  Parisinus  5716.  Et  lorsqu'on  y  rencontre  une  leçon  évidemment  fautive,  il 
faut  se  demander  si  les  autres  mss.  n'ont  point  corrigé  maladroitement  un  pas- 
sage qu'ils  ne  comprenaient  pas. 

M.  E.  a  fort  bien  groupé  les  restitutions  qu'il  propose  sous  trois  chefs  : 
1°  leçons  du  Parisinus  qu'il  estime  devoir  être  admises  telles  quelles;  2°  leçons 
qui,  tout  en  étant  fautives,  nous  mettent  cependant  sur  la  voie  de  la  vraie  cor- 
rection. —  Ces  deux  séries  constituent  la  critique  diplomatique,  documentée.  — 
Après  elles  vient,  3°,  la  critique  purement  conjecturale. 

I.  Dans  la  préface  de  son  édition  de  (^inte  Curce.  Berlin,  Weidmann,  1867. 


d'histoire  et  de  littérature.  247 

Parmi  les  restitutions  du  premier  genre,  il  en  est  qui  n'ont  pas  été  admises 
par  M.  Hedicke,  M.  E.  fait  avec  raison  les  suivantes  :  VIII,  1,4:  et  forte  campo 
erant,  pour  i]uae  erant  forte  campo;  il  s'appuie  sur  l'usage  fréquent  de  ces  phrases 
parenthétiques  chez  Q^  Curce. — VIII,  2,   5  :  Ille  humi  prosîraius  corpus gemitu 

ejulatucjue  miserabili  tota  personat  regia;  pour  totam regiam.  —  Vdl,  2,  30  : 

Futurum  se  in  régis  potesiaie^x  respondit  (cf.  A.  Celle,  I,  7,  16).  —  Ceci,  répétons- 
le,  repose  sur  l'autorité  du  manuscrit  de  Paris. 

Les  restitutions  du  second  genre  sont  déjà  un  peu  plus  discutables  parfois. 
Nous  admettons  comme  très-bonnes  les  suivantes  :  VIII,  5,17:  Arsaces  in  Médium 
missus,  ut  Oxydâtes  inde  dEcederet;  la  Vulgate  a  discederet,  le  Parisinus  desederet. 
—  VIII,  86  :  c'est  ici  une  des  meilleures  corrections  de  M.  E.;  elle  s'appuie  sur 
une  discussion  sérieuse  du  passage:  Lyncestem  vero  Alexandrum bis  insidiatum capiti 
meo  a  duobus  indicibus  liberavi,  rursus  convictum  per  biennium  tamen  distuli.  Telle 
est  la  leçon  courante ,  conservée  par  M,  Hedicke.  Mais  d'abord  le  ms.  P  a 
patriennium  au  lieu  de  per  biennium,  ce  qui  nous  indique  la  correction  per  trien- 
nium  exigée  d'ailleurs  par  le  contexte  de  C^Curce  et  par  le  témoignage  des  autres 
historiens.  Mais  en  outre,  pour  obtenir  un  sens  correct,  il  faut  opérer  une  légère 
transposition  et  un  changement  de  ponctuation;  car  on  ne  peut  raisonnablement 
comprendre  les  mots  a  duobus  indicibus  liberavi,  «  je  l'ai  mis  en  liberté  de  deux 

»  délateurs,  »  il  faut  écrire  :  Lyncestem insidiatum  capiti  meoUberavij  a  duobus 

indicibus  rursus  convictum  per  triennium  tamen  distuli. 

Nous  ne  sommes  pas  tout  à  fait  persuadé  en  revanche  de  la  nécessité  des 
restitutions  proposées,  VIII,  2,  22  (où  nous  lirions,  sans  corriger  le  Parisinus  : 
ruinas  munimentorum  supEregressus,  pour  supergressus)  ;  VIII,  8,  8  :  et  summa  imis 
coNFUNDi  viDEMUs.  VIII,  10,  14  (où  nous  ne  conserverions  pas  le  mot  multa,  en 
adoptant  le  reste  de  la  correction  de  M.  E.  :  Laitri  baccarisque  et  inulae). 

Dans  les  conjectures  proprement  dites  nous  nous  séparons  encore  souvent  de 
M.  E.  —  Ainsi  VIII,  2,  13,  nous  convenons  que  ad  confirmandum  pudorem  doit 
être  fautif;  mais  ad  consolandum  pudorem  ne  nous  parait  pas  beaucoup  plus  pro- 
bable. On  ne  console  pas  sa  honte.  Nous  lirions  plutôt  ad  comprimendum 
pudorem. 

Il  est  encore  un  autre  moyen  de  corriger  le  texte  de  Q^  Curce;  mais  il  demande 
à  être  employé  avec  la  plus  extrême  prudence,  comme  le  fait  observer  M.  E.  ; 
c'est  la  comparaison  avec  Trogue  Pompée,  qui  a  puisé  aux  mêmes  sources  que 
Q^  Curce.  Il  y  a  quelques  siècles  on  a  beaucoup  usé  de  ce  moyen ,  et  d'une 
manière  peu  intelligente  ;  en  sorte  que  les  textes  de  ce  dernier  auteur  se  sont 
trouvés  interpolés  par  les  éditeurs  depuis  la  Renaissance.  Mais  ce  n'est  pas  à  dire 
qu'on  ne  doive  pas  s'en  servir  lorsqu'il  y  a  une  lacune  évidente.  M.  E.  n'a  pas 
négligé  cette  ressource;  il  a  corrigé  ainsi  d'une  façon  heureuse  un  certain  nombre 
de  passages,  p.  ex.  VIII,  10,  55  :  Er  credidere  amplius  formae  quam  miserationi 
datum  :  quippe  regium  scortum  appellata  regina  est.  Puero  quoque  certe  posîea  ex 
ea  utcumque  genito  Alexandro  fuit  nomen.  La  correction  amplius  pour  quidam  plus 
est  fournie  par  le  Parisinus,  la  transposition  des  mots  quippe — regina  après  datum 


248  REVUE    CRITIQUE 

ainsi  que  l'insertion  de  regium  scorium  sont  indiqués  par  le  texte  de  Justin  (XII, 
7,  9)  et  absolument  nécessaires  dès  qu'on  veut  trouver  un  sens,  une  logique 
quelconque  à  la  phrase.  —  Nous  approuvons  également  la  restitution  VIII,  14, 
36  :  dejiciehaîqne  Exsanguis  pour  sanguis. 

D'autres  changements,  plus  légers,  qui  consistent  à  transposer  simplement  la 
ponctuation  sont  aussi  dignes  de  fixer  l'attention  des  éditeurs  futurs  de  Q^,  Curce. 
VIII,  7,  i^  :  De  cetera  parce;  quorum  orbas  senectutem,  suppliais  ne  oneraveris;  nos 
jubé  duci,  ut  quod  ex  tua  morte  petieramus  consequamur  ex  nostra,  où  on  lisait  autre- 
fois :  De  ceîero  parce  quorum  orbas  senectutem  ;  suppUciis  ne,  etc. 

La  seconde  partie  de  cet  opuscule,  intitulée  Miscellanea  critica,  rentre  essen- 
tiellement dans  la  catégorie  de  la  critique  conjecturale  ou  divinatoire.  Nous 
avons  peu  de  chose  à  en  dire.  En  général  M.  E.  n'est  pas  parvenu  à  nous 
convaincre  de  l'absolue  nécessité  de  ses  corrections,  qui  cependant,  pour  la 
plupart  ont  trait  à  des  auteurs  dont  le  texte  ne  peut  guère  être  rendu  lisible 
sans  l'application  d'un  remède  énergique.  Les  meilleures  sont  celles  du  texte 
d'Ampelius  {Liber  memorialis);  citons-en  une  seule  qui  est  véritablement  un  trait 
de  génie:  Ch.  II,  7  :  Libraquam  Graeci  Cuyàv  appellant,  virile  nomen  est  j- adeptus  : 
qui  omni  clementiae  iustitia  •[  mochos  dictus.  Ce  passage  a  été  successivement 
amélioré  par  M.  Urlichs,  puis  par  M.  E.  —  M.  Wœlfflin  (dans  son  édition  d'Am- 
pelius) s'était  borné  à  signaler  par  une  croix  les  endroits  où  il  supposait 
l'existence  d'une  lacune.  M.  Urlichs  a  fait  disparaître  la  première  croix  en  lisant  : 
Libra  quam  Graeci  ^\>yôv  appellant  virile  nomen  est.  AdeptusQVE  homo  clementik  et 
justitia;  M.  E.  fait  disparaître  la  seconde  en  continuant:  (jia.b\i.o\)yo;  dictus.  Le 
mot  (7Ta6[j,oûxo;  =  Ubripens  étant  écrit  en  caractères  moitié  grecs,  moitié  latins  et 
défiguré  par  le  copiste,  la  première  syllabe  STA9  a  pu  disparaître  à  cause  de  sa 
ressemblance  avec  stitia,  et  il  ne  sera  resté  que  la  fin  MOCHOS.  Ne  faudrait-il 
pas  cependant  intercaler  le  mot  Libripens  avant  Virile  nomen  est  et  mettre  un 
point  après  appellant. 

Ce  que  nous  approuvons  surtout  dans  la  méthode  de  M.  E.,  c'est  la  conscience 
rigoureuse  avec  laquelle  il  distingue  les  différentes  restitutions  qu'il  propose.  Il 
est  parfaitement  sûr  de  ce  qu'il  fait.  Dans  une  édition  il  ne  fera  passer  dans  le 
texte  que  les  corrections  du  premier  degré,  et  une  bonne  partie  de  celles  du 
second.  Celles  du  3"  degré  ne  figureront  qu'en  note,  à  moins  que  le  consente- 
ment unanime  des  savants  ne  leur  donne  une  autorité  plus  sérieuse;  qu'elles  ne 
s'imposent  d'elles-mêmes.  Du  reste  tout  l'ensemble  de  cet  opuscule  est  du 
meilleur  augure,  il  montre  chez  l'auteur  une  bonne  méthode  et  des  connaissances 

générales  assez  étendues. 

Ch.  M. 


d'histoire  et  de  littérature.  249 

208.  —  Histoire  de  l'Europe  pendant  la  Révolution  française,  par  H.  de 

s'ybel,  membre  du  Parlement  de  l'Allemagne  du  Nord,  professeur  à  l'Université  de 
Bonn.  Traduit  de  l'allemand  par  M'"  Marie  Dosquet,  édition  revue  par  l'auteur.  Pans, 
Germer-Baillière,  1869.  T.  I",  viij-604  p.  —  Prix  :  7  tr. 

Attesté  par  trois  éditions,  dont  la  première  remonte  à  185  5  et  dont  la  dernière 
porte  la  date  de  1865,  le  succès  de  l'ouvrage  de  M.  de  Sybel  ne  parait  pas  près 
de  se  ralentir  en  Allemagne.  La  traduction  qu'on  nous  en  offre  en  notre  langue 
ne  peut  donc  être  accueillie  qu'avec  reconnaissance,  puisqu'elle  met  à  notre 
portée  une  publication  d'ordre  supérieur,  et  qu'elle  nous  permet  de  connaître  les 
appréciations  d'un  étranger  de  talent  sur  notre  propre  histoire.  Rarement  les 
Français  ont  été  à  même  de  savoir  ce  qu'on  pense  de  leurs  gestes  hors  de  leurs 
frontières,  et  c'est  sunout  en  ce  qui  concerne  l'histoire  de  notre  Révolution  que 
ce  défaut  d'information  est  manifeste.  Il  semble  que  la  France  concentrée  dans 
la  contemplation  de  ses  destinées  ne  veuille  porter  son  attention  que  sur  les 
événements  qui  la  touchent  personnellement.  Il  y  a  là  une  sorte  de  fascination  qui 
s'est  prolongée  jusqu'à  nous.  Depuis  80  ans  nos  historiens  ont  enclavé  l'Europe 
dans  la  France,  comme  si  notre  nation  avait  absorbé  les  autres.  M.  de  Sybel 
était  tout  naturellement  préservé  de  cet  éblouissement.  Aussi,  sans  se  dissimuler 
que  la  ruine  de  la  monarchie  des  Bourbons  est  le  plus  grand  événement  de  la 
période  dont  il  esquisse  les  traits,  1789-1795,  il  place  dans  le  même  groupe  et 
non  à  un  rang  secondaire,  comme  on  l'a  toujours  fait  chez  nous  :  i  °  l'anéantisse- 
ment de  la  Pologne;  2''  la  dissolution  de  l'empire  germanique.  Le  tout  est  résumé 
par  lui  sous  la  formule  d'un  phénomène  général  :  destruction  du  régime  féodal  en 
Europe.  (Préface.) 

Le  livre  de  M.  de  S.  ne  se  recommande  pas  seulement  par  l'intérêt  d'un  point 
de  vue  nouveau  pour  nous.  Il  vaut  encore  par  la  solidité  des  études  et  la  nou- 
,  veauté  des  informations.  Et  ce  n'est  pas  là  un  éloge  banal.  Le  croirait-on? 
tandis  que  les  publications  relatives  à  la  Révolution  se  multipliaient  en  France, 
tandis  que  leur  succès  d'avance  assuré,  donnait  l'essor  à  tout  une  littérature,  pas 
un  de  tant  d'historiens'  n'a  songé  à  s'instruire  avant  de  prendre  la  plume;  pas 
un  ne  s'est  donné  la  peine  de  vérifier  les  assertions  qu'il  jetait  en  pâture  à  la 
curiosité  de  la  foule  et  aux  passions  des  partis.  Qu'on  excuse  Lamartine,  Thiers, 
Louis  Blanc,  par  exemple,  en  mettant  une  part  de  leur  négligence  au  compte  de 
l'exil,  de  la  jeunesse  et  de  la  poésie;  soit,  mais  quand  on  pense  que  Michelet  a 
vécu  pendant  vingt  ans  au  centre  du  plus  précieux  dépôt,  sans  se  soucier  d'en 
mettre  à  profit  les  richesses  *,  on  demeure  firappé  d'étonnement.  Le  premier  (en 
1853),  M.  de  Sybel  a  eu  l'idée  de  pénétrer  jusqu'aux  sources  de  l'histoire  révo- 
lutionnaire. Il  a  successivement  visité  les  archives  d'État,  à  Berlin,  à  La  Haye, 
à  Munich,  à  Londres,  à  Naples,  à  Vienne,  à  Paris.  Dans  cette  dernière  ville  les 
portes  du  ministère  des  archives  étrangères  lui  ont  été  ouvertes  aussi  gracieuse- 


1 .  Sauf  bien  entendu  les  auteurs  de  collections  tels  que  Bûchez  et  Barrière.  Mais  ce  ne 
sont  pas  à  proprement  parler  des  historiens. 

2.  On  sait  que  M.  Michelet  a  été  chef  de  section  aux  Archives  de  1830  à  déc.  185 1. 


250  REVUE  CRITIQUE 

ment  que  celles  des  Archives  de  Tempire  et  de  la  Bibliothèque  impériale.  Sans 
doute  il  y  a  eu  pour  lui  un  concours  de  circonstances  heureuses  que  n'aurait  pas 
rencontré  tout  le  monde;  la  générosité  de  la  cour  de  Vienne  qui  a  livré  à  un 
historien  notoirement  hostile  ses  papiers  confidentiels  est  due  certainement  à  des 
considérations  personnelles;  à  Paris,  aucun  Français  peut-être  n'aurait  obtenu 
les  facilités  qui  ont  été  offertes  sur  le  champ  à  un  Prussien.  Mais  le  succès  des 
démarches  faites  par  M.  de  S.  n'enlève  rien  à  leur  mérite. 

Scientifiquement  conçue,  l'œuvre  de  M.  de  S,  est  fortement  construite;  elle 
est  bien  composée;  c'est  le  travail  d'un  penseur,  d'un  écrivain  et  d'un  savant. 
On  ne  peut  pas  dire  qu'une  partie  soit  sacrifiée  à  l'autre,  chaque  chose  est  à  sa 
place  et  dans  la  proportion  qui  convient.  Ce  n'est  pas  à  dire  pourtant  que  ce  livre 
ne  donne  lieu  à  quelques  reproches  qui  portent  sur  son  ensemble. 

Et  d'abord  malgré  le  soin  qu'a  eu  l'auteur  de  rassembler  dans  une  formule 
nette  et  exacte  chaque  trait  de  son  récit,  d'en  offrir  à  la  table  le  résumé  concis, 
le  lecteur  n'a  pas  à  sa  portée  les  points  de  repère  dont  il  a  besoin  :  les  dates  lui 
manquent.  Les  faits  politiques  sont  par  leur  nature  de  signification  variable,  ils 
sont  susceptibles  d'interprétations  indéfinies.  Le  livre  III  par  exemple  est  intitulé  : 
Chute  de  la  royauté  en  France.  Qui  pourrait  sur  cette  seule  indication  décider  sans 
chance  d'erreur  quand  commence  ce  livre  et  où  il  finit.?  Et  si  on  sait  que  M.  de 
S.  prend  pour  limites  extrêmes  de  cette  division  la  réunion  de  l'Assemblée  légis- 
lative et  la  journée  du  10  août,  cette  notion  ne  met  pas  encore  assez  sous  nos 
regards  les  événements  compris  dans  cette  période.  Des  dates  placées  en  marge 
ou  en  titre  courant  remédieraient  à  cet  inconvénient.  Une  imperfection  plus 
grave,  et  qui  est  bien  faite  pour  étonner  de  la  part  d'un  Allemand,  c'est  que 
M.  de  S.  ne  note  pas  ou  note  d'une  façon  toute  sommaire  les  sources  des  rensei- 
gnements dont  il  fait  emploi.  Que  M.  Mortimer-Ternaux,  M.  Hamel  et  d'autres 
encore  se  soient  en  cela  montrés  fidèles  à  la  tradition  française,  ils  ont  une  sorte 
d'excuse  dans  les  mœurs  de  leur  public.  M.  de  S.  qui  n'avait,  pour  bien  faire, 
qu'à  s'en  tenir  aux  usages  de  son  pays,  a  suivi  le  procédé  de  M.  Thiers  qui  a 
toujours  émis  la  prétention  d'être  cru  sur  parole.  «  J'ai  vu  les  pièces;  je  supplie 
»  mes  lecteurs  de  s'en  rapporter  à  moi.  »  Certes  M.  de  S.  a  comme  son  illustre 
devancier,  l'esprit  sagace  et  l'intelligence  droite.  Mais  le  sort  de  VHistolre  du 
Consulat  qui  semblait  il  y  a  quelque  vingt  ans  un  monument  ttre  perennius  et  qui 
s'en  va  déjà  par  morceaux,  doit  lui  servir  de  leçon.  Tout  historien  est  tenu  de 
mettre  les  travailleurs  à  même  de  vérifier  ses  assertions.  Dans  le  cas  présent, 
cette  précaution  était  en  quelque  sorte  imposée  par  l'immensité  de  la  tâche  entre- 
prise par  M.  de  Sybel. 

Lorsqu'on  réfléchit  qu'il  a  fallu  près  de  vingt  ans  à  M.  Mortimer-Ternaux 
assisté  de  plusieurs  secrétaires,  pour  rassembler  à  Paris  seulement,  les  éléments 
d'une  histoire,  dont  le  champ  est  infiniment  plus  restreint,  on  est  tenté  de  se 
demander  comment  M.  de  S.  a  pu  seul,  et  en  bien  moins  d'années,  étudier 
toutes  les  archives  de  l'Europe;  d'où  le  soupçon,  que  les  visites  de  l'auteur  dans 
ces  divers  dépôts  n'ont  peut-être  pas  été  aussi  longues  et  aussi  fructueuses  qu'il 
était  permis  de  le  désirer. 


d'histoire  tT   DE    LITTÉRATURE.  25  l 

M.  de  s.  ne  s'est  d'ailleurs  pas  dissimulé  les  difficultés  qu'il  y  a  «  pour  un 
»  étranger  »  à  s'assimiler  «  les  idées  et  les  passions  »  qui  ont  mis  en  mouvement 
la  nation  française  pendant  la  période  dont  il  raconte  les  événements  (Préface, 
p.  vij).  Aussi  à  certains  égards  son  travail  consiste  moins  en  une  suite  de  récits 
qu'en  une  série  d'études.  Il  semble  même  en  plus  d'un  endroit  présumer  le  gros 
des  faits  connu  de  ses  lecteurs.  En  outre  on  ne  doit  pas  oublier  que  le  public 
auquel  il  s'est  adressé  d'abord,  est  un  public  allemand,  qui  ne  peut  s'intéresser 
autant  que  nous-mêmes  aux  menus  détails  d'un  drame  dont  les  conséquences 
pèsent  plus  que  jamais  sur  notre  régime  politique  et  social.  Ce  procédé  n'est  pas 
sans  inconvénients;  résumés  sous  une  forme  trop  succincte,  les  faits  courent  le 
risque  de  perdre  leur  vraie  physionomie.  C'est  ainsi  qu'un  événement,  sur  lequel 
on  a  écrit  des  volumes,  l'arrestation  du  roi  à  Varennes,  est  raconté  par  M.  de  S. 
en  trois  lignes,  dans  lesquelles  il  ne  serait  pas  difficile  de  signaler  trois  erreurs  ' . 
La  concision  excessive  qui  a  pour  résultat  de  laisser  l'esprit  dans  le  vague,  pousse 
également  à  une  tendance  peu  scientifique,  celle  de  personnifier  des  groupes 
d'hommes  et  même  des  classes  entières,  fort  distincts  les  uns  des  autres,  dans 
quelques  figures  historiques  qui  deviennent  des  types  et  servent  de  points  de 
repère.  C'est  ainsi  que  M.  de  S.  se  plait  à  confondre  Marat  et  Robespierre,  et 
attribue  à  ce  dernier  une  participation  aux  massacres  de  septembre  (p.  508,  511) 
qui  est  absolument  inadmissible.  Peut-être  enfin  faut-il  attribuera  l'obligation  de 
se  concentrer  l'emploi  simultané  et  dépourvu  d'explication  d'ouvrages  aussi  diffé- 
rents par  le  caractère  et  par  la  valeur  que  ceux  de  MM.  Granier  de  Cassagnac  et 
Mortimer-Ternaux.  Quelques-uns  des  renseignements  recueillis  par  le  détracteur 
des  Girondins  sont  bons.  Mais  il  y  a  loin  d'un  pamphlet  de  circonstance  à  un 
travail  sérieux  et  estimable  comme  l'Histoire  de  la  Teneur. 

Quoi  qu'il  en  soit,  nous  n'insisterons  pas  sur  des  points  de  détail  dont  l'examen 
nous  conduirait  à  des  développements  trop  longs.  Il  vaut  mieux  signaler  dans 
l'œuvre  de  M.  de  S.  trois  parties  qui  nous  paraissent  véritablement  neuves  et 
remarquables.  L'étude  des  questions  économiques,  des  relations  internationales 
et  des  opérations  militaires  y  est  abordée  avec  un  soin  et  une  préparation  hors 
ligne. 

Questions  économiques.  Une  passion  domine  l'esprit  de  M.  de  S.,  la  haine  de 
la  féodalité,  non  pas  seulement  de  la  féodalité  en  France,  mais  de  la  féodalité  en 
Pologne,  en  Prusse  et  en  Autriche;  ce  sentiment  le  suit  partout.  Et  par  féodalité, 
il  n'entend  pas  seulement,  comme  on  le  fait  le  plus  souvent  chez  nous,  un  régime 
politique,  de  sorte  que  le  mot  appliqué  à  l'époque  qui  a  précédé  la  Révolution, 
nous  parait  presque  un  anachronisme;  mais  encore  il  veut  parler  de  l'état  social. 
Ce  que  nous  appellerions  le  régime  seigneurial,  quelque  mitigé  et  amoindri  qu'il 
subsiste,  est  l'objet  de  ses  aversions  déclarées*,  et  comme  d'autre  part,  il  mani- 

1 .  Qu'on  en  juge  :  «  Cette  arrestation  avait  eu  lieu  sous  les  yeux  d'une  patrouille  des 
»  dragons  de  Bouille,  dont  pas  un  n'avait  voulu  bouger.  Du  haut  de  la  colline  qui  domine 
»  la  ville,  le  fils  du  général  avait  vu  la  voiture  du  roi  rebrousser  chemin  et  traverser  la 
»  vallée.  »  Des  circonstances  du  départ,  du  voyage,  surtout  des  scènes,  si  significatives, 
du  retour,  pas  un  mot!  (p.  262). 

2.  M.  de  S.  va  jusqu'à  dire  :  L'ancien  système  avait  reposé  sur  {'exploitation  des  basses 


2  $2  REVUE   CRITIQUE 

feste  la  plus  forte  répugnance  pour  les  courants  démocratiques,  on  voit  que  ses 
sympathies  historiques  sont  acquises  aux  tendances  de  la  classe  moyenne  et  à 
l'unité  du  pouvoir  central.  De  là,  son  mépris,  son  peu  de  pitié  pour  la  noblesse 
française,  pour  l'oligarchie  polonaise  et  autrichienne,  et  en  général  pour  tous  les 
hobereaux  allemands.  De  là  son  indulgence  à  peine  dissimulée  pour  les  co-parta- 
geants  de  la  Pologne,  de  là  sa  complaisance  à  énumérer  les  maux  dont  souffraient 
les  populations  de  nos  campagnes  au  xviii*  siècle.  Le  tableau  que  M.  de  S.  trace 
de  la  situation  de  la  France  avant  1789  (ch.  I)  est  d'ailleurs  clair,  exact,  substan- 
tiel. Une  foule  d'observations  prises  aux  meilleures  sources  (Young,  Turgot, 
Quesnay,  Lullin  de  Chàteauvieux ,  de  Lavergne ,  Boiteau,  de  Tocqueville, 
Moreau  de  Jonnès,  etc.  ')  ou  personnelles,  y  sont  rassemblées.  Celles  qui  sont 
relatives  à  la  culture  des  champs  et  à  la  division  de  la  propriété  territoriale  ont 
beaucoup  de  valeur.  Ainsi  M.  de  S.  remarque  que  le  prix  du  pain  n'a  presque 
pas  varié  depuis  un  siècle,  tandis  que  la  production  du  blé  (40  et  70  millions 
d'hectolitres)  a  simplement  suivi  l'accroissement  de  la  population,  ce  qui  prouve 
qu'il  était  beaucoup  plus  cher  autrefois  qu'aujourd'hui  (p.  ?2,  53);  en  effet  le 
métayer  avait  intérêt  à  négliger  la  culture  des  céréales  dont  il  ne  percevait  que 
la  moitié,  moitié  sur  laquelle  il  fallait  encore  prélever  le  prix  des  droits  fiscaux  et 
seigneuriaux  (dîmes,  corvées,  entretien  des  routes,  etc.  p.  24);  il  préférait  les 
terrains  en  friche  et  en  vaine  pâture  qui  lui  procuraient  des  bénéfices  faciles  en 
lait,  œufs  et  croîts  des  troupeaux  (p.  22).  Quant  à  la  propriété  territoriale,  son 
morcellement  ne  provient  pas,  ainsi  qu'on  le  répète  tous  les  jours,  des  principes 
de  la  Révolution.  M.  de  S.  combat  avec  force  cette  erreur  historique.  Il  s'appuie 
sur  l'autorité  d'Young  dont  les  calculs  portent  à  un  tiers  au  moins  le  nombre  des 
petits  propriétaires;  il  soutient  que  la  législation  relative  au  droit  de  succession 
ne  favorisait  nullement  la  concentration  des  terres  dans  les  mêmes  mains  (et  cela 
est  vrai);  il  rappelle  les  plaintes  que  la  noblesse,  peu  à  peu  dépossédée,  élevait  ' 
à  ce  sujet  (p.  19,  20).  Enfin  il  fait  voir  que  ruinés  ou  trouvant  à  peine  les 
moyens  de  subsister,  les  métayers  et  les  paysans  proprement  dits ,  ne  purent 
acquérir  les  domaines  mis  en  vente.  A  la  vérité,  à  partir  surtout  des  derniers 
mois  de  l'année  1791 ,  il  y  eut  une  tendance  marquée  de  la  part  des  municipa- 
lités à  démembrer,  à  disloquer  les  terres  ;  mais  ou  les  paysans  qui  achetèrent  ne 
purent  tenir  leurs  engagements,  ou  les  enchères  ne  furent  pas  couvertes  (p.  2  3  2). 
En  fait  la  vente  ne  profita  qu'à  des  fermiers  déjà  riches  ou  à  quelques  spécula- 
teurs qui  achetèrent  et  conservèrent.  Il  n'y  eut  pas  de  lotissement. 

Comme  la  matière  est  fort  importante,  que  le  point  de  vue  de  M.  de  S.  peut 
paraître  paradoxal  et  contraire  aux  faits,  nous  prenons  la  liberté  de  développer 
son  argumentation  incomplète  à  certains  égards. 

Le  régime  de  la  propriété  territoriale  ne  subit  pas  un  morcellement  brusque  et 
improvisé.  La  terre  ne  fut  pas  divisée,  elle  fut  émancipée.  Dans  la  plupart  des 
régions  de  la  France,  le  domaine  propre  des  seigneurs,  surtout  quand  ils  étaient 


classes  par  les  classes  privilégiées  (p.  216).       ' 

I,  En  revanche  M.  de  S.  ne  paraît  pas  avoir  connu  les  travaux  utiles  de  M.  Levasseur. 


d'histoire  et  de  littérature.  25 j 

ecclésiastiques,  n'avait  qu'une  médiocre  étendue;  mais  le  reste  du  territoire  dé- 
pendait de  ce  domaine  à  cause  de  la  censive.  Le  domaine  propre  était  cultivé 
en  ferme  ou  en  régie,  généralement  assez  mal  et  avec  peu  de  profit,  quand  il 
appartenait  à  une  communauté  religieuse;  les  biens  sujets  à  la  censive  étaient 
cultivés  avec  plus  de  soin  par  les  paysans  pour  leur  propre  compte.  Comme  lors 
du  lotissement  féodal  des  xr  et  xii'  siècles,  le  seigneur  avait  calculé  le  partage 
des  terres  qu'il  leur  abandonnait  à  charge  de  censive,  sur  ce  qu'il  fallait  à  peu 
près  à  l'entretien  d'une  famille,  il  en  était  résulté  une  très-grande  division.  La 
censive  était  d'ailleurs  insignifiante,  à  cause  de  l'avilissement  graduel  des  monnaies, 
et  malgré  certains  accroissements  qui  se  pratiquaient  au  moment  des  renouvelle- 
ments d'aveux  et  des  vérifications  de  titres.  Il  arrivait  même  que  les  seigneurs 
d'un  territoire  distribuaient  plus  de  terres  qu'il  n'en  renfermait,  d'où  la  nécessité 
de  cantonnements  et  de  subdivisions  nouvelles.  Quand,  en  1789,  les  censives 
furent  abolies,  le  domaine  et  les  petites  propriétés  demeurèrent  juxtaposés  sans 
autre  modification  que  la  rupture  du  liep  qui  subordonnait  les  unes  à  l'autre'. 
Depuis,  en  changeant  de  mains,  le  domaine  principal  n'a  pas  diminué  d'étendue; 
sa  valeur  a  suivi  le  mouvement  économique  général.  Au  contraire,  pressées  entre 
les  terres  de  forte  et  moyenne  grandeur,  et  soumises  à  la  culture  intensive,  les 
anciennes  petites  propriétés  censitaires  ont  été  seules  l'objet  de  transactions 
nombreuses  et  de  morcellements  qui  ont  triplé  la  valeur  vénale  du  fonds.  L'écart 
est  devenu  surtout  considérable  à  partir  de  l'établissement  des  chemins  de  fer; 
de  là,  on  le  comprend,  une  tentation  de  doubler,  de  tripler  parfois  son  capital, 
en  lotissant  sa  terre  à  laquelle  ne  résistera  point  indéfiniment  le  grand,  le  moyen 
propriétaire.  Mais  cette  transformation  dans  le  régime  territorial,  due  à  des 
causes  toutes  récentes,  n'a  rien  à  démêler  avec  les  faits  de  la  Révolution. 

La  solution  donnée  par  M.  de  S.  dans  cette  question  historique,  semble  pré- 
juger celle  que  lui  fournit  l'examen  d'autres  problèmes,  ceux  qui  se  rattachent  à 
la  constitution  même  de  la  propriété  individuelle.  Il  est  manifeste  que  la  Révo- 
lution n'ayant  point  touché  en  définitive  aux  dimensions  de  la  propriété  territo- 
riale, en  a  respecté  a  foniori  le  principe.  Telles  ne  sont  pas  les  conclusions  de 
l'auteur;  le  «  socialisme  »  date,  selon  lui,  de  1789.  Comme  cette  contradiction 
a  pour  base  une  opinion  essentiellement  neuve,  il  est  nécessaire  de  rapporter  ici 
ses  propres  paroles  :  «  Le  silence  profond  gardé  jusqu'ici  (1855),  dit-il,  en  ces 
»  matières,  constitue  une  lacune  regrettable  ;  car  il  a  donné  lieu  à  la  croyance 
»  longtemps  accréditée  que  notre  siècle  a  le  premier  tendu  à  la  révolution  sociale, 
»  et  que  le  signal  en  a  été  donné  pour  la  première  fois  en  France  par  Babeuf..... 
»  Toutes  les  tendances  du  communisme  moderne  ont  eu  leurs  apôtres  dans  le 

I .  Difficile  peut-être  en  ce  qui  touche  les  seigneuries  nobles,  parce  que  les  archives  des 
châteaux  ont  été  rarement  bien  conservées,  la  vérification  de  ce  fait  est  aisée  pour  les 
seigneuries  ecclésiastiques,  dont  les  terriers  nous  sont  parvenus  à  peu  près  dans  l'état  oJi 
ils  se  trouvaient  en  1789.  Qu'on  étudie  par  exemple  la  série  S  des  Archives  de  l'empire, 
en  !a  rapprochant  de  notre  cadastre,  on  sera  surpris  de  la  parfaite  identité  (sauf  bien  en- 
tendu les  portions  qui  louchent  les  murs  jie  Paris)  de  la  répartition  des  propriétés  rurales 
à  des  époques  antérieures  et  postérieures  à  la  Révolution.  Il  y  a  aujourd'hui  des  territoires 
exactement  distribués  comme  en  l'an  1 200. 


2  54  REVUE   CRITIQUE 

»  siècle  dernier On  peut  affirmer  qu'aucun  des  plans  de  l'école  actuelle  n'a 

»  été  inconnu  aux  hommes  de  1790;  toutes  les  innovations  de  ces  derniers 
»  temps  se  bornent  à  des  démonstrations  théoriques  et  à  des  développements 

»  philosophiques  de  systèmes  déjà  connus »  (p.  210).  L'affirmation  est,  on 

le  voit,  précise,  catégorique,  et  pour  la  rendre  plus  saisissante,  M.  de  S.  en 
rattache  le  développement  «  aux  émeutes  des  ouvriers  et  aux  soulèvements  des 
))  paysans.  »  Aussi  est-ce  avec  la  plus  vive  curiosité,  tenant  l'assertion  pour 
radicalement  erronée,  que  nous  avons  lu  le  chap  iv  du  livre  II  qui  en  contient 
^exposition.  Mais,  il  faut  bien  le  dire,  nous  n'y  avons  trouvé  aucune  preuve 
sérieuse  du  système  de  l'auteur.  Il  cite  bien  certaines  déclamations  de  Marat  et 
quelques  rêveries  de  Fauchet  (p.  2^4),  des  motions  d'orateurs  de  carrefours 
proposant  de  pendre  les  usuriers  (p.  235),  beaucoup  de  mesures  prises  par  les 
municipalités,  surtout  dans  les  grandes  villes,  tendant  à  l'entretien  des  classes 
pauvres  aux  dépens  des  riches  (ateliers  nationaux,  vente  du  pain  au-dessous  du 
prix  réel,  caisse  de  boulangerie,  etc.).  ^ais  ces  choses  se  sont  faites  de  tout 
temps  et  il  n'y  a  point  là  l'ensemble  d'un  système.  A  ce  compte  Fénelon  était 
socialiste,  les  jacqueries  du  moyen-âge  furent  des  mouvements  socialistes,  en  un 
mot  le  socialisme  est  aussi  vieux  que  le  monde.  Conclure  ainsi,  c'est  s'arrêter  à 
la  surface  des  phénomènes.  En  brûlant  les  châteaux,  les  paysans  assouvissaient 
des  haines  locales  ;  en  se  soulevant,  les  ouvriers  des  villes  obéissaient  à  des  sen- 
timents transitoires  et  non  à  des  idées  arrêtées  en  formules.  Comment  M.  de  S. 
peut-il  admettre  que  la  domination  des  doctrines  révolutionnaires  ait  eu  un 
épanouissement  aussi  complet,  aussi  absolu  que  le  fut  le  règne  de  la  Convention, 
sans  que  le  principe  de  l'abolition  de  la  propriété  individuelle  y  ait  prévalu,  si 
le  socialisme  avait  été,  comme  il  l'avance,  le  dogme  de  la  Révolution?  Supposer 
les  socialistes  maîtres  pendant  trois  ans  du  pouvoir  et  ne  faisant  rien  pour  intro- 
duire le  socialisme  dans  la  loi,  c'est  supposer  l'absurde.  Aussi  est-ce  l'extension 
et  non  l'abolition  de  la  propriété  individuelle  qui  forme  l'esprit  de  la  Révolution, 
qui  en  a  fait  la  force,  et  qui,  selon  nous  a  posé  la  base,  désormais  indestructible, 
du  salut  commun.  Telle  fut  la  doctrine  constante  de  Robespierre  (M.  de  S. 
l'avoue  de  mauvaise  grâce,  mais  il  l'avoue  (p.  250),  et  de  la  masse  des  Monta- 
gnards, autant  que  des  Girondins  et  des  Feuillants.  Ici,  M.  de  S.  transporte  nos 
mœurs  et  nos  passions  dans  le  passé.  Ce  qui  a  donné  naissance  au  socialisme, 
ce  n'est  pas  le  contact  de  l'extrême  opulence  et  de  l'extrême  misère  qui  se  ren- 
contre à  toutes  les  époques  chez  toutes  les  nations;  c'est  la  multiplication  des 
grandes  industries,  fait  essentiellement  moderne,  propre  au  xix«  siècle  qui  a  pour 
résultat  de  mettre  des  centaines  et  quelquefois  des  milliers  d'hommes,  vivant  d'un 
salaire  fixe,  en  présence  d'un  seul  homme  se  ruinant  ou  accumulant  de  gros 
bénéfices,  au  moyen  d'une  direction  intellectuelle  dont  le  labeur  échappe  à  des 
yeux  absorbés  par  la  vue  du  travail  manuel.  Il  semble  que  la  machine  marche 
toute  seule,  de  là  l'idée  d'exclusion  du  ressort,  en  apparence  parasite,  qui  la  fait 
marcher;  de  là,  la  haine  du  capital,  de  la  propriété  individuelle,  se  traduisant 
par  le  système  impraticable,  parce  qu'il  foule  aux  pieds  la  nature  de  l'homme,  de 
la  propriété  collective.  Or  les  manufactures  qui  existaient  en  France  vers  1789, 


d'histoire  et  de  littérature.  255 

n'étaient  ni  organisées  ni  outillées  comme  elles  le  sont  aujourd'hui  ;  comparé  à 
ce  qu'il  est  maintenant,  leur  nombre  était  insignifiant;  l'industrie  n'était  point 
appliquée  à  la  culture  des  champs.  A  mesure  que  le  crédit  s'épuisa,  les  ateliers 
fermèrent.  Bref  les  sentiments  redoutables  qui  ont  fermenté  depuis  ne  pouvaient 
naître,  parce  que  les  froissements  qui  résultent  du  contact  des  prolétaires  avec 
le  capitaliste  étaient  encore  inaperçus,  et  que  les  esprits  incultes  ne  réduisent  en 
doctrines  que  les  souffrances  prochaines  et  immédiates  dont  ils  subissent  direc- 
tement l'atteinte. 

Relations  internationales.  C'est  la  partie  la  meilleure,  la  plus  neuve,  et  même  Is 
plus  étendue  de  l'œuvre  de  M.  de  S.  Pour  la  première  fois,  nous  assistons,  grâce 
à  ce  travail,  au  spectacle  des  négociations  diplomatiques  de  l'Allemagne,  de 
l'Angleterre,  delà  Russie,  pendant  la  période  révolutionnaire.  Le  tort  de  l'auteur, 
que  nous  avons  déjà  signalé,  est  d'indiquer  en  bloc  et  d'une  manière  trop  vague, 
les  sources  où  il  puise;  des  citations,  même  fréquentes,  ne  suffisent  point  à  une 
critique  consciencieuse,  et  il  parait  douteux  que  toutes  les  assertions  de  M.  de  S. 
soient  acceptées  définitivement  par  ses  compatriotes.  Par  exemple,  obéissant 
peut-être  à  un  patriotisme  trop  étroit,  il  s'attache  à  montrer  la  loyauté,  le  désin- 
téressement, il  faut  presque  dire  l'innocence  du  gouvernement  prussien  dans 
toutes  les  discussions  internationales.  Ce  caractère  de  naïveté  enfantine  n'est 
pas  facile  à  admettre  de  la  part  d'hommes  d'État,  dont  le  maître  avait  naguère 
prémédité,  préparé  et  provoqué  au  milieu  des  circonstances  les  plus  aggravantes, 
le  partage  de  la  Pologne.  Sans  doute  cette  théorie  trouvera  quelques  incrédules 
et  plus  d'un  contradicteur.  Celle  qui  fait  de  l'empereur  Léopold  un  esprit  fort 
distingué  paraît  plus  solide.  M.  de  S.  met  en  pleine  lumière  les  qualités  politiques 
de  ce  prince.  Il  nous  le  montre  parvenant  au  trône  au  niilieu  des  cruels  embarras 
légués  par  Joseph  II,  et  laissant  à  sa  mort  l'Autriche  intacte,  avec  la  Belgique 
reconquise,  avec  le  royaume  hongrois  agrandi,  l'Angleterre  tenue  en  suspens,  la 
Russie  déçue  et  arrêtée  net,  la  Prusse  isolée!  Le  point  culminant  de  la  politique 
européenne,  d'après  M.  de  S.,  ce  n'est  pas  la  question  française,  c'est  la  ques- 
tion polonaise.  En  effet  la  Révolution  fait  le  jeu  de  la  Russie.  Arrêtée  sur  le 
chemin  de  Constantinople  par  l'Angleterre  et  par  la  Prusse,  elle  accède  brusque- 
ment aux  vœux  de  l'Autriche  et  attend.  L'Angleterre  se  retire;  la  Prusse  qui  a 
des'velléités  d'action,  n'obtient  que  des  paroles  de  l'Autriche  qui  a  les  yeux  sur 
Varsovie.  Les  deux  puissances  allemandes  sont  paralysées,  ne  sachant  si  elles 
se  porteront  au  nord  ou  à  l'ouest.  Si  elles  vont  à  l'ouest,  elles  perdront  leurs 
parts  de  Pologne,  ou  il  faut  qu'elles  les  obtiennent  avant  de  se  mettre  en  marche. 
Elles  préfèrent  rester  immobiles,  elles  ne  feront  point  la  guerre  à  la  Révolution. 

Mais  la  Révolution,  elle,  ne  veut  pas  la  paix.  Les  Girondins  soufflent  avec 
fureur  dans  l'opposition,  et  dès  qu'ils  tiennent  le  pouvoir,  décrètent  la  guerre  à 
l'Europe.  L'Allemagne,  forcée  dans  ses  retranchements,  est  obligée  de  combattie 
la  France  et  de  partager  la  Pologne. 

Telle  est  la  doctrine  historique  exposée  par  M.  de  S.  (Livre  II,  ch.  vi).  On 
ne  peut  nier  qu'elle  soit  ingénieuse,  spécieuse  même.  Développée  avec  art,  elle 
est  présentée  par  son  auteur  sous  des  formes  qui  en  dissimulent  les  déductions 


256  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

trop  brutales.  Il  est  difficile  en  effet  de  faire  accepter  de  prime  abord  même  aux 
lecteurs  les  plus  prévenus  que  la  France  ait  été,  non  pas  la  complice,  mais  l'au- 
teur de  la  destruction  de  la  Pologne.  Aussi  cette  théorie  ne  peut-elle  être  admise 
par  l'histoire.  Sans  doute  l'Autriche  avait  une  grande  répugnance  à  la  guerre; 
sans  doute  elle  avait  pris  quelques  mesures  pour  la  dispersion  des  corps  d'émi- 
grés, armés  sur  la  frontière;  sans  doute  les  Girondins  ont  désiré  la  guerre  et  y 
ont  poussé  le  ministère  français.  Mais  il  y  a  des  situations  qui  parlent  plus  haut 
que  les  gouvernements.  La  France  n'a  fait  que  prévenir  ses  ennemis.  Au  fond 
la  Prusse  désirait  s'agrandir,  et  donner  une  compensation  à  l'Autriche  en  prenant 
pied  en  Alsace  et  en  Lorraine. 

Opérations  militaires.  Cette  intention  secrète  est  mise  en  évidence  par  la  ma- 
nière dont  furent  conduites  les  opérations  de  Brunswick.  M.  de  S,  n'a  pas  cher- 
ché à  le  contester.  Us'estsurtoutattachéàfairevoircombienleconcoursdestroupes 
autrichiennes  fut  peu  efficace,  peu  actif,  et  en  somme  plus  nuisible  qu'utile  à 
l'armée  prussienne.  Les  incidents,  les  démêlés  de  cette  alliance  militaire  mal 
assortie,  les  négociations  préliminaires  de  cette  coalition  politique  dont  les  nœuds 
étaient  si  mal  serrés,  les  vues  respectives  des  parties  sont  pour  lui  la  matière 
d'études  neuves  et  intéressantes.  Il  y  trouve  l'occasion  de  relever  plusieurs 
erreurs  de  ses  devanciers.  Il  expose  aussi,  au  moyen  de  documents  jusqu'ici 
inexplorés,  les  plans,  les  idées,  la  tactique  de  Brunswick'.  Toutefois  M.  de  S. 
n'est  pas  aussi  original  dans  le  récit  de  la  marche  et  de  la  retraite  des  Prussiens 
qu'il  paraît  le  supposer;  au  fond  la  relation  de  Dumouriez  dont  il  critique  avec 
beaucoup  d'insistance  les  fautes  militaires  et  les  méprises  techniques,  ne  diffère 
pas  essentiellement  de  la  sienne;  et  il  s'en  faut  que  l'écrivain  allemand  soit  le 
premier  à  relever  l'illusion  qu'il  y  eut  à  représenter  les  défilés  de  l'Argonne 
comme  les  «  Thermopyles  de  la  France  »  (Il  n'est  pas  bien  sûr  que  le  général 
ait  jamais  pris  lui-même  au  sérieux  ce  mot  à  effet).  En  revanche  M.  de  S.  qui 
expose  avec  beaucoup  de  clarté  les  vues  et  les  intrigues  de  Dumouriez  dans  les 
négociations  entamées  spontanément  par  lui  après  Valmy,  est  tout  à  fait  instructif 
lorsqu'il  nous  révèle  que  l'adhésion  de  Brunswick  aux  propositions  françaises  ne 
fut  qu'une  feinte  militaire,  ayant  pour  objet  la  concentration  de  ses  troupes  Le 
duc  ignorait  en  effet  qu'il  entrât  dans  les  desseins  du  général  français  de  se  porter 
sur  la  Belgique,  en  masquant  seulement  la  poursuite,  et  la  position  des  corps 
prussiens  disséminés  était  critique  (Livre  IV,  ch.  i,  iv  et  v). 

Disons  enfin  que  pour  la  présente  édition  de  son  ouvrage,  M.  de  S,  a  pu  faire 
et  a  fait  de  nombreux  emprunts  à  l'Histoire  de  la  Terreur.  C'est  là  un  hommage 
fort  judicieux  aux  consciencieuses  recherches  de  M.  Mortimer-Ternaux. 

H.  LoT. 


I.  M.  de  S.  dit,  sans  indic^uer  où  il  a  pris  ce  renseignement,  mais  probablement  d'après 
la  biographie  Michaud,  copiée  elle-même  récemment  par  la  biographie  Didot,  que  le  rédac- 
teur du  célèbre  manifeste  de  ce  prince  fut  le  marquis  de  Limon.  Mais  ce  'actum  est  attri- 
bué à  son  frère  i'abbé  de  Limon  avec  plus  de  vraisemblance  par  le  comte  Beugnot,  qui 
avait  beaucoup  cqnnu,  à  Arcis-sur-Aube  en  1789,  cet  ancien  familier  du  Palais-Royal. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


H.  Markgraf,  Les  relations  politiques  du  roi  de  Bohême,  George  Podiehrad,  et  du 
pape  Pie  II  (Aeneas  Sylvius  Piccolomini).  1462-1464.  — J.  Heidemann,  Études 
sur  l'histoire  et  la  politique  de  Pierre  d'Aspelt,  archevêque  de  Mayence.  Adversaire 
d'Albert  I",  P.  d'A.  amena  les  Luxembourg  et  les  Wittelsbach  au  trône  d'Alle- 
magne, et  en  écarta  pour  longtemps  la  famille  des  Habsbourg.  M.  H.  raconte 
sunout  la  vie  de  l'archevêque  avant  1308.  —  G.  Waitz,  Des  rapports  de  Hrot- 
suiî  avec  Widukind  de  Korvei.  M.  W.  proteste  contre  l'opinion  de  M.  Kœpke  qui 
prétend  que  Hrotsuit  a  été  exploitée  par  Widukind  et  essaye  de  prouver  le  con- 
traire. —  Ph.  Jaffé,  Notes  critiques  sur  la  plus  ancienne  des  deux  biographies  de  la 
reine  Matbilde  d'Allemagne  (f  968).  —  R.  Usinger,  Contributions  pour  la  critiaue 
des  Annales  de  Quedlinbourg ;  l'auteur  démontre,  contre  M.  Giesebrecht,  qu'elles 
sont  de  deux  auteurs  différents.  —  W.  Schmidt,  Le  plus  ancien  manuscrit  de  la 
Vita  Heinrici  II  imperatoris,  d'Adelbert.  Ce  ms.  se  trouve  aux  archives  du  chapitre 
de  Gurk;  il  date  du  milieu  du  xii^  siècle  et  parait  préférable  à  celui  de  Bamberg, 
d'après  lequel  M.  Waitz  a  édité  de  la  V^ita  dans  les  Monuments.  —  E.  Dùmmler, 
Études  sur  Benzo  d'Albe,  qui  écrivit  vers  1087  un  éloge  de  Henri  IV,  et  remarques 
critiques  sur  l'édition  donnée  par  M.  Pertzfils  dans  les  A/onu/n^/î/^. — P.Scheffer- 
BoiCHHORST,  Les  soi-disantes  Ar\T\a.\es  de  SeWgensiadt  et  sources  parentes,  M.  Beth- 
mann  a  publié  au  tom.  XVII  des  Monuments  de  courtes  annales  appelées  Annales 
de  Seligenstadt,  parce  que  c'est  là  qu'on  en  avait  trouvé  le  ms.  En  réalité  ce 
sont  des  annales  italiennes,  dérivées  de  celles  de  La  Gava  et  du  Mont-Cassin. — 
E.  Steindorff,  Études  sur  les  Annales  de  Spire.  L'auteur  cherche  à  démontrer 
que  ces  annales  ne  sont  qu'un  maigre  extrait  d'Othon  de  Freysingen. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES    PUBLICATIONS    FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
firaistous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Aubert  (A.).  Histoire  civile  et  religieuse 
d'Antibes,  suivie  d'une  notice  historique 
sur  les  monuments  religieux  détruits  de 
puis  1789,  dans  l'arrondissement  de 
Grasse.  In-8*,  255p.  Antibes  (Marchand). 

2  fr.  50 

Brasseur  de  Bourbonrg.  Lettre  à 
M.  de  Rosny  sur  la  découverte  de  docu- 
ments relatifs  à  la  haute  antiquité  améri- 
caine et  sur  le  déchiffrement  et  l'inter- 
prétation de  l'écriture  phonétique  et  figu- 
rative de  la  langue  Maya.  In-8*,  20  p. 
Paris  (lib.  Amyot). 

Du  Méril  (E.).  Maccaronis  Sforza,  co- 
médie macarônique  de  Bernardino  Ste- 
fonio.  In-8*,  74  p.  Paris  (Didier  et  C'). 

Kleutgen  (P.).  La  philosophie  scolastique 
exposée  et  défendue.  Traduit  avec  l'au- 
torisation de  l'auteur,  par  le  R.  P.  Sierp. 
T.  j.  In-8*,  583  p.  Paris  (Gaume  frères 
et  Duprey). 

Lacroix  (P.).  Histoire  de  la  vie  et  du 


règne  de  Nicolas  I",  empereur  de  Russie. 
2*  édition,  revue  et  corrigée.  T.  3.  In- 
12,  366  p.  Paris  (Amyot). 

Lefebvre  (A.).  Histoire  des  cabinets  de 
l'Europe  pendant  le  consulat  et  l'empire, 
1800-1815.  Précédée  d'une  notice  par 
M.  Sainte-Beuve,  et  complétée  par  M.  Ed. 
Lefebvre  de  Béhaine.  2*  édition.  T.  5. 
In-8*,  408  p.  Paris  (Amyot). 

Le  Hardy  (G.).  Histoire  du  protestan- 
tisme en  Normandie,  depuis  son  origine 
jusqu'à  la  publication  de  l'édit  de  Nantes. 
In-8*,  xxiv-456  p.  Caen  (Le  Gost-CIé- 
risse). 

Mémoires  présentés  par  divers  savants  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  de  l'Institut  impérial  de  Paris. 
i"  série.  Sujets  divers  d'érudition.  T.  VII. 
^-4°,  iv-459  p.  Paris  (Imp.  impériale). 

Rossignol  (C).  Louis  XIII  avant  Riche- 
lieu. Extrait  d'une  histoire  inédite  du 
château  de  Saint- Germain.  In-8*,  95  p. 
Paris  (Aubry). 


collected  and  deciphered.  2  vol.  in-fol.  ornés  d'un  grand  nombre  d'inscriptions 
gravées  sur  bois.  i  S  S  fr. 

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sculptures  en  pierre  qui  se"  trouvent  à  Nuremberg  et  dans  ses  environs,  dessinées 

sur  bois  et  accompagnées  de  texte,  i  vol.  in-fol.  orné  de  60  pi.  60  fr. 


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Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  43  Quatrième  année  23  Octobre  1869 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    p.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


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PERIODIQUES    ÉTRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N"  40.  25  septembre. 

Théologie.  Fricke,  Twesten,  Henke,  Divers  opuscules  sur  Schleiertnacher.  — 
Histoire.  Friedl^nder,  Darstellungen  aus  der  Sittengeschichte  Roms,  3^  éd.,  I 
(Leipzig,  Hirzel).  —  Die  Chroniken  der  niedersaschsischen  Staedte.  Magdeburg, 
I  (Leipzig,  Hirzel;  tome  VII  de  la  Collection  des  chroniques  des  villes  allemandes 
publiée  par  la  Commission  historique  de  Munich).  —  Kuhn,  Thurgovia  sacra. 
Geschichte  der  kathol.  Kirchl.  Stiftungen  des  Kantons  Thurgau  (Frauenfeld). 

—  C.  M.,  Die  Schaffhauser  Schriftsteller  von  der  Reformation  bis  zur  Gegen- 
wart  (Schaffhausen,  Brodtmann;  échantillon  d'un  dictionnaire  général  des  écri- 
vains de  la  Suisse  qui  promet  d'être  très-bien  fait).  —  Linguistique.  Histoire 

littéraire.  Schmeller,  Bayerisches  Wœrterbuch,  2.  Ausgabe bearbeitet  von 

Frommann  (Mûnchen;  publication  de  la  Commission  historique  de  Munich  dont 
nous  rendrons  compte  incessamment). 

N°  41.  2  octobre. 

Théologie.  Ceriani,  Le  Edizioni  e  i  manoscritti  délie  versione  siriache  del 
vecchio  Testamento  (Milano;  publication  très-importante).  —  Histoire.  Busson, 
Die  florentinische  Geschichte  der  Malespini  (cf.  Rev.  crit.,  1869,  t.  II,  art.  149). 

—  Baxmann,  Die  Politik  der  Paspste  von  Gregor  I  bis  auf  Gregor  VII,  II 
(Elberfeld,  FriderichsJ).  —  Al.  Przezdzieçki,  Jagiellonki  polskie  w  XVI  Wieku 
(Cracovie;  livre  des  plus  importants  et  qui  fait  grand  honneur  à  son  auteur).  — 
Linguistique.  Histoire  littéraire.  Homeri  Odyssea,  éd.  La  Roche,  II  (Leipzig, 
Teubner).  —  Nicolaides,  Topographie  et  plan  stratégique  de  Viliade  (Paris, 
Hachette).  —  Gœttlingii  opuscula  academica,  éd.  Kuno  Fischer  (cf.  Rev.  crit., 
1869,  t.  II,  art.  147).  —  Hattala,  August  Schleicher  und  die  slawischen  Con- 
sonantengruppen  (Prag,  Satow;  polémique  contre  Schleicher  et  son  école).  — 
Archéologie.  Wieseler,  Der  Hildesheimer  Silberfund  (Gœttingen,  Vandenhoek; 
Pauteur  soutient  la  thèse  peu  probable  qu'on  a  trouvé  à  Hildesheim  la  vaisselle 
deVarus).  —  Lûtzow,  Mûnchener  Antiken,  VI  et  VII  (Mûnchen,  Merhoff;  suite 
d'une  publication  intéressante,  bien  connue  des  archéologues). — Musique.  Bitter, 
Cari  Philipp  Emanuel  und  Wilhelm  Friedemann  Bach  und  deren  Brùder  (Berlin, 
Mûller;  étude  pleine  d'intérêt  sur  les  quatre  fils,  diversement  remarquables,  du 
grand  Bach). 

Philologus,  tom.  XXVIII,  j"  livr. 

C0MPARETTI,  Interprétation  d'un  passage  de  Pindare  (p.  385-398;  concerne 
P-jth.  II,  72  et  suiv.).  —  Unger,  Chronologie  de  Phidon  (p.  399-424;  sera  suivi 
d'un  second  article,  dont  nous  communiquerons  les  conclusions).  —  Rumpel, 
le  tétramètre  trochaïque  chez  les  poètes  lyriques  et  dramatiques  de  la  Grèce  (p.  425- 
437;  rectifications  et  observations  de  détail  à  propos  des  théories  de  l'ouvrage 
de  Rossbach  et  Westphal.  —  Bergk,  Lettres  philologiques  (p.  438-468;  cette 
première  lettre  est  dirigée  contre  les  novateurs  en  matière  orthographique;  elle 
est  écrite  avec  le  ton  agacé  que  l'auteur  a  pris  depuis  longtemps.  Il  raisonne  sur 
des  questions  de  philologie  comparée  et  d'étymologie  avec  une  superbe  assu- 
rance; mais  décidément  on  ne  peut  ici  le  prendre  au  sérieux;  dans  le  s  dusabin 
scesna  (=  coena)  il  croit  reconnaître  la  préposition  con  =  ^6v!).  —  Klùgmann, 
Les  nouveaux  monuments  des  Arvaks  (p.  469-493;  résume  les  résultats  les  plus 
importants  des  fouilles  faites  par  M.  Henzen  et  de  la  publication  de  ce  dernier 
Scavi  nel  Bosco  dei  fratelU  Arvali,  Rome,  1868,  fol.).  —  Wittich,  Metrologische 
Beitr£ge,  V  :  sur  le  premier  essai  fait  dans  l'antiquité  pour  mesurer  la  terre  et  sur 
l'argumentation  d'Eratosthène  (p.  494-500).  —  Rapports  :  Hentze,  Les  travaux 
récents  sur  la  syntaxe  d'Homère,  2"  article  (p.  501-536)  analyse  les  principales 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  43  —  23  Octobre  —  1869 

Sommaire  :  209.  La  Bhagavad  Gita,  trad.  p.  Lorinser.  —  210.  Binding,  Le  pre- 
mier royaume  de  Bourgogne.  —  211.  Champfleury,  Histoire  de  l'imagerie  popu- 
laire. —  212.  Behm,  Annuaire  géographique. 

209.  —  Die  Bhagavad  Gita.  Uebersetzt  und  erlaeutert  von  D'  F.  Lorinser.  Bres- 
lau,  Aderholz,  1869.  Gr.  in-8',  xxxvj-290  p.  —  Prix  :  12  tr. 

Ce  livre  contient  une  traduction  de  la  BhG.,  imitant  les  mètres  de  l'original, 
un  commentaire  fort  verbeux,  qui  tend  spécialement  à  relever  les  emprunts  que 
ce  poème  aurait  faits  à  la  Bible  et  surtout  au  N.  T.,  et  un  appendice,  dans 
lequel  ces  rapprochements  sont  réunis  à  part.  L'introduction  expose  la  trame  du 
Mahâbhârata. 

L'auteur,  qui  est  théologien,  a  largement  besoin  de  l'indulgence  que  nous 
sommes  toujours  disposés  à  accorder  aux  efforts  consciencieux  d'un  dilettante.  Je 
n'appuierai  donc  pas  sur  les  fautes  innombrables  dans  la  reproduction  des  mots 
sanscrits,  dont  quelques-unes ,  comme  le  manque  de  l'anusvâra,  du  visarga,  du 
signe  de  longueur  sur  les  voyelles,  du  signe  d'aspiration,  la  séparation  de  mots 
composés,  et,  en  échange,  l'union  par  l'écriture  de  mots  distincts,  sont  tellement 
fréquentes  qu'elles  paraissent  provenir  d'une  négligence,  pour  ainsi  dire,  sou- 
tenue et  intentionnelle  ';  mais  en  voici  d'autres,  qui  n'admettent  pas  cette  inter- 
prétation, et  qui  prouvent  que  l'auteur  ignore  jusqu'à  l'alphabet  du  sanscrit.  — 
P.  7,  note  32,  il  est  dit  que  kurù  est  le  patronymique  de  kuru.  D'abord  je 
pensais  que  la  forme  kurûn,  qui  se  trouve  dans  le  texte,  était  la  cause  de  cette 
erreur;  car  l'auteur  écrit  aussi  les  Vasûs,  p.  168,  v.  23;  p.  178,  v.  6,  etc.  (il  y 
a  Vasûnàm,  Vasàn  dans  le  texte),  et  suppose  généralement  qu'une  voyelle  longue 
dans  une  dérivation  quelconque  prouve  la  longueur  de  la  même  voyelle  dans  le 
thème  :  ainsi  il  dérive,  p.  24,  n.  3  5,  de  la  forme  traigimyavishayà\\  le  mot  vishayà 
(2  fois),  du  patronymique  ;a/i/2aj'/,  p.  171,  n.  79,  le  nom  du  père  jâhnu.  Mais 
bientôt  j'eus  le  regret  de  m'apercevoir  que  l'auteur  écrit  constamment  rà  au 
lieu  de  ru,  c'est-à-dire  qu'il  ne  sait  pas  distinguer  ces  deux  signes;  par  exemple  : 
Varuna,  gurû,  nirûdhya,  garùta  {sic,  2  fois),  Merû,  rûdra,  purùjit,  purùsha,  pau- 
rùsha,  etc.  —  il  est  inutile  de  donner  des  citations,  parce  que  ces  fautes  se 
rencontrent  des  douzaines  de  fois  et  presque  à  chaque  page.  De  même  il  ignore 


I .  Pour  ne  pas  rendre  les  mots  sanscrits  tout  à  fiait  méconnaissables ,  ni  être  arrêté  à 
chaque  pas  par  des  sic,  j'ai  fait  disparaître,  sans  les  signaler,  une  partie  de  ces  fautes  des 
passages  aue  j'aurai  à  citer  du  livre  de  M.  L.;  de  même  j'ai  substitué  la  transcription 
ordinaire  de  l'alphabet  sanscrit  à  celle  adoptée  par  l'auteur,  laquelle  est  basée  exclusive- 
ment sur  la  prononciation  allemande  des  lettres  latines  (p.  e.  tsch  =  c,  dsch=j),  et  manque 
de  plusieurs  distinctions  nécessaires  (p.  e.  entre  les  dentales  et  les  cérébrales,  entre  m  et 
m,  f  et  s). 


vm 


»7 


258  REVUE  CRITIQUE 

la  différence  entre  les  cérébrales  t  et  d  et  écrit  par  conséquent  :  guta,  gutâkeça, 
gânxîva,  garûla,  kirîàa;  deux  fois  dans  la  même  page  (2)  nous  trouvons  gau  au 
lieu  de  gai.  Je  passe  des  cas  comme  uttamaucas  (2  fois),  ujyaîe,  parce  que  d'au- 
tres indices  m'ont  fait  soupçonner  que  la  différence  entre  c  et  y  était  réellement 
connue  de  l'auteur. 

La  traduction,  qui  en  suit  trois  autres  de  près  (celles  de  Schlegel-Lassen,  de 
Thomson  et  d'Emile  Burnouf),  et  quelquefois  de  si  près,  que  l'auteur  ne  s'aper- 
çoit pas  même  des  différences  de  l'original  et  de  son  modèle  (voy.  p.  e,  adhy. 
II,  16,  où  Schlegel  rend  anta  par  discrimen,  l'auteur  par  Unterschied),  lui  a 
fourni,  naturellement,  peu  d'occasions  de  commettre  des  fautes  graves;  néanmoins 
il  s'en  trouve  quelques-unes  dans  la  petite  partie  que  j'ai  conférée  à  l'original. 

Ainsi,   II,   52,  les  mots  :  sukhinah  kshatriyâh labhante  yuddham  îdrçam  = 

heureux  sont  les  guerriers  à  qui  s'offre  un  tel  combat,  sont  traduits  :  «  de  gais 
»  guerriers  saisissent  un  tel  combat  »  ;  X,  6,  yeshâm  loka  (=  loke)  imâh  prajâh 
est  rendu  par  :  «  par  lesquels  ce  monde  (!!)  est  procréé  »  ;  dans  le  même  adhy., 
V.  17,  le  vocatif  }'ogw  est  traité  d'accusatif  (den  vertieften)  '. 

Mais  tout  cela  n'est  pas  fort  grave,  et  ce  n'est  que  dans  les  annotations,  où 
l'auteur  lutte  quelquefois  proprio  Marte,  que  ses  qualités  philologiques  éclatent. 
Je  ne  conteste  pas  qu'il  ne  s'y  trouve  des  observations  très-justes,  même  parmi 
celles  qui  sont  du  crû  de  l'auteur  ;  ainsi  quand  Krsh/2a  dit  —  toujours  dans  le 
même  10"  adhy.,  —  qu'il  est  tout  ce  qu'il  y  a  de  plus  noble  dans  toutes  les 
créations,  qu'il  est  Indra  parmi  les  dieux,  la  mer  parmi  les  eaux,  l'Himalaya 
parmi  les  montagnes,  le  lion  parmi  les  bêtes,  le  roi  parmi  les  hommes, — c'est 
avec  une  justesse  indéniable  que  l'auteur  explique  le  mot  roi  comme  il  suit  : 
«  c'est-à-dire  le  premier  parmi  les  hommes,  le  souverain  »  (p.  169,  n.  6j). 
Mais  quand  Krshna  poursuit  :  Vamno  yadasâm  aham  =  Varunas  (le  dieu  des 
eaux)  inter  aquaîilia  ego,  il  aurait  mieux  valu,  ce  me  semble,  supprimer  "la 
remarque  que  voici  :  «  Varu^za  est  un  des  principaux  dieux  védiques  ;  ici  il  est 
»  traité  d'animal  aquatique  (!),  ce  qui  prouve  à  quel  point  les  idées  religieuses 
»  des  Indous  avaient  changé  depuis.  »  Pour  le  mot  mrgendra  l'auteur  propose 
la  signification  le  tigre  (p.  171,  n.  74);  ici  du  moins  il  est  original,  puisque  les 
lexicographes  sanscrits  depuis  Amarasi/zha  jusqu'à  M.  Benfey  ont  toujours  pensé, 
que  ce  mot  voulait  dire  lion. 

Ce  qu'il  y  a  de  plus  étonnant  c'est  que  vis-à-vis  des  opinions  grammaticales 
et  autres,  émises  par  l'auteur  dans  les  annotations,  la  justesse  de  la  traduction 
reste  souvent  inexplicable  :  ainsi,  III,  26,  huddhihhtdam ajnânâm  est  correc- 
tement rendu  par  :  «  conflit  d'opinions  des  ignorants  »,  mais  l'annotation  36  porte 
la  forme  ajhânâ  au  lieu  d'ajna!  —  XV,  8  :  vâyur  gandhân  ivâçayât;  traduction  : 
«  comme  le  vent  (enlève)  les  odeurs  de  leur  lit  »  ;  annot.  :  «  il  faut  entendre 
»  par  ce  lit  (littéralement  :  demeure,  j'âf^yâf  [!!!])  les  fleurs,  etc.  ».  Ce  dernier 
exemple  est  instar  omnium;  mais  en  voici  encore  d'autres  :  p.  4,  «  uttamaujas 


t .  Dans  ce  cas  la  cause  de  l'erreur  est  palpable  :  le  texte  porte  yogimstvam,  et  l'auteur, 
qui  écrit  toujours  yogi  (ou  0  comme  muni,  a  été  évidemment  égaré  par  le  m. 


d'histoire  et  de  littérature.  259 

»  (mascul.)  =  la  force  extrême  »  ;  la  même  faute  se  retrouve  p.  143  :  «  (bhaktyâ) 
»  ananyayâ  signifie  littéralement  :  par  aucune  autre  «;  —  p.  170  :  aryaman  vient 
d'ârya; — p.  15:  non-existant =na5a/;— p.  99,  i  lo,  259.  etc.:  \e  jîvanmukti  (au 
lieu  de  -ta); — p.  4.5  et  169  nous  rencontrons  la  forme  uccai(K)çravâsa  (ou  -vasa\ 
garantie  parle  mètre;  mais  ici  l'auteur  n'est  pas  très-coupable,  seulement  il  a  eu  la 
mauvaise  chance  de  suivre  cette  fois,  au  lieu  de  la  trad.  de  Schlegel,  celle  de  Thom- 
son, laquelle  a  une  faute  d'impression  à  cetendroit(p.72);  — p.  ^^:  viditâtman= 
qui  s'est  trouvé  lui-même;  — p.  174:  kusumâkara  =^  (\m  fait  des  fleurs.—  Adhy. 
IX,  2[,  est  exposée  la  doctrine  bien  connue,  que  les  gens  pieux,  après  avoir  joui 
des  plaisirs  du  ciel,  sont  obligés  de  retourner  sur  la  terre,  le  fonds  de  leur 
MÉRITE  ÉTANT  ÉPUISÉ  =  kshîm  puTije.  M.  L.  traduit:  quand  le  monde  pur  (= 
le  monde  d'Indra)  a  passé,  c'est-à-dire  après  la  fin  du  monde— je  suis  sûr  que 
les  gens  pieux  ne  demanderaient  pas  mieux.  —  P.  2  :  la  BhG.  est  comptée 
parmi  les  52  upanishads  de  l'Atharvan  (!),  et  y  fait  partie  de  la  troisième  classe, 
nommée  brahmavidyâ  (!!);  de  même  la  Çvetâçvatara-up.  appartient  à  l'Atharvan. 
(p.  287).  —  Le  mot  çloka  est  traité  de  féminin  par  tout  le  livre;  de  même  la 
kâma  et  krodha  (p.  61),  la  Vedântasâra  (p.  182),  la  sâhkhya  (p.  19),  la  yoga 
(p.  27,  87,  etc.),  LA  âranyaka  (p.  9)),  et  en  compensation  le  çruîi  (p.  jo).  — 
P.  42,  l'auteur  nous  offre  le  t)'pe  que  voici  de  la  trishmbh  : 

uo  I  uu  I  uo  I  u<j  j  uu  I  u  1]  uu  1  uu  j  00  j  00  I  uu  i  o 

d'après  lequel  il  se  peut,  —  pour  ne  rien  dire  de  la  singulière  division  des  pieds, 
—  que  nous  rencontrions  une  trish/ubh  composée  de  22  syllabes  brèves. 

Maintenant  qu'il  me  soit  permis  de  citer  encore  deux  passages  remarquables 
par  une  accumulation  vraiment  étourdissante  d'erreurs.  P.  145,  n.  37  :  «  shan- 
»  mâsâ  utîarâyanam  signifie  littéralement  :  les  six  mois  où  le  soleil  se  tient 
»  (sîehf)  le  plus  haut  (au  nord),  et  shanmâsâ  dakshinâyanam  les  six  mois  où  il  se 
»  tient  le  plus  bas  (au  raidi)  ».  Premièrement  il  n'y  a  pas  de  trace  dans  les  mots 
sanscrits  ni  de  haut,  ni  de  bas,  ni  de  se  tenir;  et  je  ne  cache  pas  que  l'au- 
teur me  semble  avoir  été  induit  à  cette  traduction  singulière  par  le  mot  uttara, 
qui,  malheureusement  pour  lui,  à  part  sa  signification  de  septentrional,  a  aussi 
celle  de  plus  haut.  Mais ,  ce  qui  me  paraît  plus  grave ,  quoique  cette  fois  il  ne 
s'agisse  pas  du  sanscrit,  quelle  étrange  idée  faut-il  que  M.  L.  se  fasse  de  notre 
système  solaire,  pour  s'imaginer  que,  dans  l'Inde,  le  soleil  reste  six  mois  au 
nord  et  six  mois  au  sud  ! 

Adhy.  X,  1 5,  se  trouve  la  composition  devadeva  =  dieu  des  dieux;  à  ce  sujet 
l'auteur  fait  l'observation  suivante.  «  Cette  expression  parait  être  une  imitation, 
»  par  l'intermédiaire  du  christianisme,  de  la  locution  identique  de  l'A.  T.  Du 
»  reste  elle  se  trouve  aussi  dans  la  Chândogya-up.  (III,  17,  7),  où  elle  désigne 
»  le  soleil  :  \Ve  attain  to  that  god  of  gods  and  noblest  ofall  lights  the  sun  (Traduc- 
»  tion  de  Râjendr.  Mitra).  »  D'abord,  on  sait  jusqu'à  quel  point  la  locution 
dont  il  s'agit  est  fi-équente  en  sanscrit  :  le  dictionnaire  de  MM.  Bœhtlingk  et  Roth 
en  cite  plus  de  vingt  exemples  ;  et  il  est  vraiment  incroyable ,  qu'un  homme 
sensé  dérive  un  mot  si  commun  d'une  source  aussi  éloignée.  Ensuite,  si  M.  L. 
avait  daigné  jeter  un  coup-d'œil  sur  le  passage  en  question  de  la  Chând.-up., 


26o  REVUE   CRITIQUE 

il  se  serait  aperçu  que  cette  locution,  quelque  fréquente  qu'elle  soit,  ne  s'y 
TROUVE  PAS,  NI  RIEN  DE  SEMBLABLE,  et  qu'il  s'est  laissé  tromper  naïvement  par 
la  traduction  anglaise.  Enfin,  pour  comble  de  malheur,  ce  passage  n'appartient 
même  pas  en  propre  à  l'upanishad  ;  c'est  un  vers  des  plus  connus,  emprunté 
au  /?gveda  (/,  50,  lo);  donc,  si  cette  locution  s'y  trouvait,  il  serait  prouvé  par 
là  même  qu'elle  est  d'un  millier  d'années  plus  ancienne  que  le  christianisme! 

Ce  dernier  exemple  nous  fournit  en  même  temps  la  mesure  d'une  grande 
partie  des  rapprochements  entre  la  BhG.  et  le  N.  T.  Comme  l'auteur  n'a  pas  la 
moindre  idée  des  idiotismes  de  la  langue  sanscrite,  il  ne  se  lasse  pas  de  s'étonner 
de  locutions  fort  ordinaires  et  voudrait  faire  accroire  à  ses  lecteurs  que  telle  et 
telle  phrase  est  «  absolument  inexplicable  »,  à  moins  qu'elle  ne  soit  une  traduc- 
tion d'un  dicton  biblique  quelconque.  C'est  ce  qu'il  dit  p.  ex,  au  sujet  de  l'ex- 
pression :  mâm anuttamâm  gatim  (VII,  18),  imitation  évidente  selon  lui  des 

mots  du  Christ  :  lyw  z\^.%  -n  656;.  C'est  à  dessein  que  j'ai  choisi  cet  exemple,  un 
des  meilleurs  sans  doute  de  tous  ceux  que  l'auteur  relève,  et  dans  lequel  au  premier 
coup-d'œil  la  ressemblance  paraît  réelle;  seulement,  pour  en  être  frappé,  il  faut 
ignorer,  que  l'emploi  du  mot  gati,  appliqué  à  des  personnes,  est  éminemment 
fréquent  en  sanscrit  (voy.  des  exemples  abondants  au  Wœrterbuch  de  B.  et  R. 
s.  V.  gati  7).  De  même  tous  les  rapprochements  de  mots  détachés  et  fort  com- 
muns, comme  d'/m^âh  prajà\i  '  avec  y\  y^-^tk  aû-r;  (52,  n.  ^4),àe prasavishyadhvam 
avec  crescite  et  multiplicamini  (4$,  n.  1 3)  (ici  l'auteur  ne  craint  pas  même  de  voir 
une  trace  de  la  «  révélation  primitive  »),  de  la  phrase  :  je  suis  le  commence- 
ment des  dieux  et  des  patriarches,  avec  la  locution  :  le  Dieu  d'Abraham,  d'Isaac 
et  de  Jacob,  les  comparaisons  entre  la  BhG.  et  l'Imitation  de  Jésus-Christ, 
l'identification  d'Adam  et  d'Abraham  avec  différents  personnages  du  panthéon 
indien  et  tant  d'autres  sont  sans  portée  aucune.  Du  reste  on  sait  à  quel  point  il 
est  facile  de  relever  des  ressemblances  d'expression  et  de  pensée,  bien  autre- 
ment réelles,  entre  des  livres  qui  n'ont  entre  eux  pas  le  moindre  rapport  histo- 
rique, mais  une  grande  affinité  de  contenu  ;  et  l'on  sait  aussi  que  ce  n'est  pas  par 
des  mots  heureux  et  quelques  expressions  réussies  que  se  font  les  emprunts  d'une 
civilisation  à  l'autre.  Il  va  sans  dire  que  ces  observations  ne  touchent  aucune- 
ment à  la  question  même  de  l'influence  chrétienne  sur  le  culte  de  Krsh/za:  cette 
influence  est  désormais  incontestable;  là-dessus  je  suis,  aussi  bien  que  M.  L., 
de  l'avis  de  M.  Weber  2,  partagé  sans  doute  parla  plupart  des  indianistes,  sur- 
tout depuis  les  dernières  recherches  —  parfaites  comme  toujours  —  de  ce  savant 
QJeber  die  Krsh/zajanmâsh/amî,  Berlin,  xZGZ^yo'j.  dimûMonalsher.  der  Berliner 
Akad.  1869,  p.  J7  et  suiv.).  Relativement  à  cette  question  l'auteur  appelle 
l'attention  sur  le  passage  de  Jean  Chrysostôme,  Evang.  Joan.  hômil.  i,  cap.  i, 

1 .  Voici  encore  un  exemple  de  la  négligence  vraiment  inouïe  de  l'auteur  :  dans  la  repro- 
duction et  la  traduction  de  ces  deux  mots  il  n'y  a  pas  moins  de  quatre  fautes  :  il  écrit 
ima  prajâ  et  traduit  dièses  Geschlecht,  au  singul.;  cet  exemple  peut  taire  apprécier  la  cor- 
rection du  livre  entier,  et  l'errata  contient....  quinze  lignes. 

2.  En  corrigeant  l'épreuve,  je  reçois  le  second  volume  des  Indische  Streifen  de  M.  We« 
ber,  où  le  livre  de  M.  L.  est  qualifié  d'essai  remarquable  (p.  288,  n.  i).  Ce  serait  man- 
quer d'impartialité  que  de  ne  pas  signaler  ici  le  jugement  favorable  d'une  telle  autorité. 


d'histoire  et  de  littérature.  261 

où  mention  est  faite  d'une  traduction  indienne  du  N.  T.;  passage  dont  je  ne 
suis  pas  à  même  d'apprécier  la  valeur  critique,  mais  que  l'auteur  paraît  avoir 
le  mérite  de  signaler  le  premier  (p.  268). 

Je  m'arrête  en  mettant  de  côté  le  reste  de  mes  notes.  Peut-être  devrais-je 
m'excuser  de  la  longueur  de  cette  critique;  mais  comme  elle  est  plus  incomplète 
encore  qu'elle  n'est  longue,  j'aime  à  croire  qu'on  ne  me  reprochera  ni  l'un  ni 

l'autre  de  ces  défauts. 

Siegfir.  Goldschmidt. 


210.  —  Das  burgnndisch-romanische  Kœnigppeich.  Eine  reichs  und  rechts- 
geschichtliche  Untersuchung,  von  Cari  Binding,  Professor  des  œfienllichen  Rechts  zu 
Base!.  Erster  Band  :  Ccschichte  des  burgundisch-romanischen  Kanigrcichs.  Mit  einer  Bei- 
lage  :  Sprache  und  Sprachdenkmaeier  der  Burgunden,  von  W.  Wackernagel.  Leip- 
zig, Engelmann,  1868.  In-8*,  xiv-404  pages.  —  Prix  :  9  fr. 

L'édition  de  la  Lex  Burgundionum  donnée  en  1865  par  M.  Bluhme(A/o/z.  Germ. 
t.  III,  497-650)  offre  une  collation  consciencieuse  de  tous  les  textes  fournis  par 
les  divers  mss.  de  la  loi  burgunde,  mais  ne  détermine  pas  leur  valeur  exarte  ni 
leurs  dates  respeaives.  Tandis  que  M.  Hubé,  de  Varsovie,  démontrait  dans  la 
Revue  historiijue  du  droit  français  et  étranger  (1867,  p.  209)  la  nécessité  d'une 
nouvelle  édition,  M.  Binding,  professeur  de  droit  public  à  Bàle,  annonçait  la 
publication  prochaine  de  la  Lex  Burgundionum  accompagnée  d'une  étude  com- 
plète sur  les  institutions  et  la  législation  burgundes.  Le  premier  volume  de  cet 
ouvrage,  seul  paru  jusqu'ici,  en  forme  pour  ainsi  dire  l'introduction  historique. 
Le  second  volume  contiendra  l'histoire  et  l'analyse  des  lois.  Le  premier  volume, 
que  nous  devons  donc  examiner  séparément  aujourd'hui,  a  pour  but  d'éclaircir 
et  de  déterminer,  suivant  l'ordre  chronologique,  tous  les  points  de  l'histoire  des 
Burgundes.  C'est  une  véritable  histoire  critique.  Huit  courtes  dissertations  cri- 
tiques y  sont  jointes  en  appendice  ' .  Après  avoir  ainsi  fixé  l'enchaînement  et  la 
date  des  événements  de  cette  époque  obscure,  M.  B.  pourra  plus  facilement 
expliquer  le  développement  naturel  des  lois  et  des  institutions.  La  concordance 
de  la  législation  avec  l'histoire,  et  de  l'histoire  avec  la  législation,  fournira  une 
mutuelle  vérification  de  l'une  et  de  l'autre.  Il  résulte  malheureusement  de  l'ap- 
parition isolée  du  premier  volume  que  la  preuve  de  plusieurs  des  faits  qui  y  sont 
avancés  est  renvoyée  au  second,  et  que  nous  restons  en  attendant  dans  l'obscu- 
rité et  l'incenitude  (voy.  p.  25  n.  78,  p.  26  n.  91,  p.  5  ?  n.  121,  p.  47  n. 
189,  etc.,  etc.). 

Placé  ainsi  au  point  de  vue  du  droit,  M.  B.  commence  son  histoire  à  l'éta- 
blissement des  Burgundes  en  Sabaudie,  c'est-à-dire  au  moment  où  le  partage 

I.  Ces  dissertations  ont  pour  objet  :  i*  les  sources  de  Marius;  2*  l'autorité  de  la  Vita 
Sigismundi  régis;  y  la  chronologie  des  lettres  d'Avitus;  4*  l'essai  de  Gingins-la-Sarraz 
sur  rétablissemeRl  des  Burgundes;  5*  les  deux  Hilperik  et  la  généalogie  de  la  famille 
royale  burgunde;  6*  les  limites  du  royaume  burgunde  vers  l'an  500;  7*  le  mode  de  dési- 

f  nation  des  années  en  Burgundie  ;  8*  la  diffusion  de  l'élément  germain  dans  le  royaume 
urgunde. 


202  REVUE   CRITIQUE 

des  terres  a  dû  nécessairement  amener  les  premières  dispositions  législatives.  Il 
laisse  entièrement  de  côté  toutes  les  questions  de  race,  d'origines,  de  traditions. 
Il  ne  mentionne  pas  Burgundarholm,  ni  le  royaume  des  Nibelungen,  ni  même  les 
renseignements  plus  précis  donnés  par  Ammien  Marcellin  (XVIII,  2;  XXVIII, 
12),  Orose  (VII,  32),  Prosper  et  Cassiodore  (ad  ann.  413)  sur  le  séjour  des 
Burgundes  aux  bords  du  Rhin.  Il  débute  par  les  défaites  de  43  5  et  437  et  l'éta- 
blissement en  Sabaudie  en  443.  La  théorie  de  M.  B.  sur  le  partage  des  terres 
entre  les  Romains  et  les  Barbares,  bien  qu'elle  manque  parfois  de  netteté  et  que 
les  éclaircissements  et  preuves  soient  souvent  renvoyés  au  second  volume,  est 
ingénieuse  et  vraisemblable  et  rend  compte  pour  la  première  fois  des  différents 
textes  qui  se  rapportent  à  cette  question  épineuse  (p.  1 3-38).  Gaupp,  dont 
l'opinion  a  été  jusqu'ici  universellement  adoptée  {Germanische  Ansiedlungen,  p. 
274-371)  n'admettait  qu'un  seul  partage  légal  accompli  au  commencement  du 
règne  de  Gundobad  entre  470-475.  Mais  alors  les  Burgundes  auraient  pendant 
trente  ans  vécu  au  milieu  des  Romains  sans  partage  régulier,  et  à  la  manière  des 
soldats  en  logement.  Cela  est  peu  vraisemblable  :  un  établissement  arbitraire 
aurait  écrasé  les  indigènes,  et  une  règle  invariable  dut  fixer  le  sort  des  Burgundes 
venus  non  en  vainqueurs,  mais  en  alliés.  Prosper  (ad  ann.  443)  et  Marius  (ad 
ann.  456)  semblent  parler  dès  le  début  d'un  partage  régulier,  et  les  textes  de  la 
Lex  Burgundionum  qui  supposent  toujours  aux  Burgundes  la  moitié  ou  les  deux 
tiers  des  terres  (v.  T.  13,  31,  54,  67),  jamais  le  tiers  comme  au  soldat  romain, 
ne  permettent  pas  d'assimiler  complètement  leur  établissement  à  celui  d'une 
légion  militaire.  M.  B.,  guidé,  il  faut  le  dire,  par  les  hypothèses  très-perspicaces 
de  Gaupp,  montre  qu'il  y  eut  deux  partages  réguliers,  sanctionnés  par  des  lois. 
Le  partage  ne  porta  que  sur  un  certain  nombre  de  propriétés  foncières  dites 
alors  sortes  (parce  qu'on  tirait  au  sort  soit  les  noms  des  propriétaires  sur  qui 
devait  retomber  cette  charge,  soit  plutôt  les  lots  fixés  d'après  le  cadastre)  et 
appartenant  aux  possessores  romains,  hommes  libres  payant  l'impôt  foncier.  Les 
Burgundes  ainsi  établis  sur  les  terres  romaines  prenaient  le  nom  de  Faramanni 
(goth.  fera  =  partie;  voy.  Wackernagel  dans  l'Append.  p.  354).  M.  B.  veut 
que  ce  nom  ne  se  soit  appliqué  qu'à  ceux  qui  eurent  part  au  partage,  c'est-à- 
dire  aux  pères  de  famille  propriétaires  et  non  à  tous  les  Burgundes,  bien  que  la 
Ux  Burgundionum  (T.  54)  semble  employer  indifféremment  les  mots  «  populus 
»  noster  »  et  «  Faramanni  »  (voy.  à  ce  sujet  Boretius  dans  Sybel,  Hist.  Zeitsch. 
1869,  I.  H,  p.  26,  27).  M.  B.  reconnaît  d'ailleurs  avec  Gaupp  que  le  mode 
d'établissement  des  soldats  romains  avait  fourni  la  première  idée  de  ce  genre  de 
partage.  Mais,  tandis  que  le  soldat,  possesseur  du  tiers  d'une  terre,  restait  infé- 
rieur au  premier  propriétaire  et  s'appelait  seul  hospes,  le  Burgunde  et  le  Romain 
copropriétaires  portent  chacun  l'un  vis  à  vis  de  l'autre  le  titre  à'hospes  et  se 
trouvent  dans  des  rapports  d'égalité  mutuelle.  Le  Burgunde  finit  même  par 
acquérir  une  certaine  supériorité.  En  effet,  le  premier  partage  (auquel  se  rap- 
portent les  T.  13,  3 1 ,  67  de  la  Lex  Burgundionum),  conclu  lors  du  premier  éta- 
blissement en  Sabaudie  et  en  Gaule,  divisait  par  moitié  entre  le  Burgunde  et  le 
Romain  la  terre  cultivée  et  laissait  indivis  les  bois  et  prairies.  Plus  tard,  sous 


d'histoire  et  de  littérature.  26 î 

Gundobad,  les  familles  burgundes  s'étant  accrues,  leurs  premiers  lots  furent 
insuffisants  et  on  porta  leur  part  de  terre  cultivée  de  la  moitié  aux  deux  tiers; 
de  plus  les  bois  et  prairies,  indivis  jusqu'alors,  furent  panagés  par  moitié  (T. 
54).  En  outre,  les  Burgundes,  qui  s'étaient  contentés  jusque  là  des  esclaves 
qu'ils  avaient  amenés  avec  eux,  prirent  alors  le  tiers  des  esclaves  de  leurs  co- 
propriétaires romains.  Plus  tard  enfin,  sous  Godomar  (T.  107,  11),  une  nou- 
velle loi  décida  que  les  Burgundes  récemment  venus  dans  le  pays  ne  pourraient 
obtenir  que  la  moitié  de  la  terre  cultivée  et  aucun  esclave. 

Au  premier  abord,  il  parait  invraisemblable  que  les  parts  des  Burgundes  aient 
été  augmentées  sous  Gundobad  et  portées  aux  deux  tiers  de  la  terre  cultivée 
après  avoir  été  seulement  de  la  moitié.  M.  Kaufmann  (Gœtt.  gel.  Anz.,  3  févr. 
1869)  croit  que  leur  part  fut  toujours  des  deux  tiers  et  rejette  absolument  le 
système  de  M.  B.  Suivant  lui  cet  acte  de  spoliation  aurait  été  impolitique  à  un 
moment  où  la  Burgundie  avait  besoin  de  s'appuyer  sur  les  indigènes  pour  résis- 
ter aux  Franks,  et  comment  d'ailleurs  le  concilier  avec  ce  que  Grégoire  de  Tours 
dit  de  Gundobad  (II,  55)  :  «  Burgundionibus  leges  mitiores  dédit,  Romanos  ne 
»  opprimèrent  »?  Mais  le  long  règne  de  Gundobad  (473-516)  vit  diverses  épo- 
ques et  diverses  fortunes.  Les  Burgundes  en  443  venaient  de  subir  deux  défaites; 
on  les  avait  accueillis  dans  l'empire  avec  bienveillance,  ils  durent  accepter  ce 
qui  leur  était  offert.  Au  début  du  règne  de  Gundobad  au  contraire,  ils  avaient 
crû  en  nombre,  la  famille  de  leurs  chefs  s'était  alliée  à  celle  des  chefs  >\nsigoths; 
elle  avait  partagé  l'influence  de  Ricimer,  le  faiseur  d'empereurs,  et  l'empire 
mourant  avait  cherché  en  elle  un  dernier  appui.  Au  moment  de  la  chute  de  l'em- 
pire, les  Burgundes  pouvaient  facilement  imposer  aux  indigènes  des  conditions 
plus  dures,  et  ils  n'avaient  point  encore  de  Franks  à  redouter.  Mais  plus  tard 
Chlodovech  commence  ses  conquêtes,  il  inflige  à  Gundobad  une  première  défaite 
avec  l'appui  d'une  partie  de  la  population  romaine  (v.  Grég.  de  T.  II,  33).  C'est 
à  cette  époque  sans  doute  que  Gundobad,  instruit  par  les  revers,  rendit  ces 
«  leges  mitiores  »  qui  protégeaient  les  Romains  contre  les  injustes  exigences  des 
Burgundes  (L.  B.  T.  54);  qui  donnaient  la  préférence  au  copropriétaire  romain 
au  cas  où  le  Burgunde  voudrait  vendre  sa  terre  (T.  84);  qui  interdisaient  au 
Burgunde  copropriétaire  de  se  mêler  des  querelles  de  deux  possesseurs  romains 
(T.  5  5),  à  moins  qu'il  ne  voulût  poursuivre  sa  cause  selon  la  loi  romaine,  et 
qui  tendaient  ainsi  à  faire  de  la  loi  romaine  la  loi  générale.  La  théorie  de  M.  B. 
nous  parait  donc  aussi  conforme  aux  vraisemblances  historiques  qu'aux  textes 
juridiques. 

C'est  avec  la  même  sagacité  et  la  même  précision  que  M.  B.  a  déterminé 
plusieurs  points  de  l'histoire  burgunde ,  peu  connus  ou  mal  interprétés  ;  entre 
autres  :  les  limites  de  la  Sabaudie  (p.  4-7);  les  progrès  successifs  des  Burgundes 
d'abord  jusqu'à  Ambérieux,  457  (p.  58),  puis  jusqu'à  Lyon,  Vienne  et  même 
jusqu'à  la  Loire  (p.  68-75);  les  résidences  de  Hilperik  à  Lyon,  Gundobad  à 
Vienne  et  Godegisel  à  Genève  (p.  73);  la  nette  distinction  entre  les  deux  Hil- 
perik, l'un  frère,  l'autre  fils  de  Gundiok  (v.  app.  V,  p.  300-305);  l'influence  de 
Gundobad  en  Italie  sous  les  derniers  empereurs  et  l'époque  précise  de  son  avé- 


204  REVUE    CRITIQUE 

nement,  entre  mars  473  et  juin  474  (p.  80-81);  le  rôle  de  la  Burgundie  quand 
elle  soutint  Theodorich  I  contre  les  Suèves,  456-457  (p.  53-56),  puis  quand 
elle  attaqua  Eurich  et  chercha  à  ranimer  les  derniers  restes  de  la  puissance 
romaine,  470-471  (p.  78-80);  la  guerre  de  Ligurie'  (p.  100-102);  l'alliance 
des  Burgundes  avec  Chlodovech  après  la  guerre  de  500  et  la  part  qu'ils  prennent 
à  la  guerre  wisigothique  (p.  194  et  202-212);  enfin  le  règne  si  obscur  de  Go- 
domar,  son  énergie  politique  et  militaire,  ses  réformes  de  5  24,  et  le  rachat  des 
Brandobrigi  en  527  (p.  263-267).  M.  B.  a  consulté  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur 
le  sujet  de  son  étude,  il  rapporte  toutes  les  opinions  de  ses  prédécesseurs  et  les 
discute  avec  une  conscience  peut-être  exagérée.  Ce  qui  vaut  encore  mieux,  il 
n'a  négligé  aucune  source,  il  a  réuni,  étudié,  contrôlé  beaucoup  de  textes  qui 
avaient  échappé  à  ses  devanciers ,  et  il  nous  fournit  tous  les  documents  de  ce 
qu'il  affirme.  Il  a  tiré  un  grand  parti  et  des  vues  toutes  nouvelles  de  quelques- 
uns  des  textes  consultés  par  lui,  surtout  des  inscriptions  et  des  vies  des  saints, 
des  vies  de  saint  Lupicin  (p.  65),  de  saint  Hillidius  (p.  74),  de  l'abbé  Marins 
(p.  1 38),  de  la  vie  de  saint  Épiphane,  par  Ennodius,  qui  éclaire  les  rapports  de 
la  Burgundie  avec  l'Italie,  à  la  fin  du  v^  siècle  (p.  109-1 10).  La  Collatio  episco- 
porum  (Mansi.  C.  C.  VIII,  p.  243  sq.)  au  concile  de  Lyon,  lui  a  donné  les 
éléments  d'une  peinture  animée  de  cette  grande  réunion  où  Gundobad  tenta 
vainement  de  réunir  les  deux  églises,  arienne  et  catholique  (p.  148-1 52).  Enfin 
ce  sont  les  canons  du  concile  d'Epaône  (Yenne,  près  Chambéry),  qui  lui  ont  permis 
de  démontrer  le  caractère  tout  catholique  du  règne  de  Sigismond. 

Je  ne  saurais  pourtant  accepter  toutes  les  conclusions  auxquelles  arrive  M.  B. 
par  les  mille  détours  d'une  critique  toujours  minutieuse  et  souvent  subtile.  A 
force  de  presser  les  textes,  il  leur  fait  dire  parfois  plus  qu'ils  ne  signifient  en 
réalité  ;  sur  un  seul  indice,  il  affirme  hardiment  ce  qu'il  pourrait  tout  au  plus 
supposer  ;  un  fait  passe  ainsi  dans  son  esprit  de  la  possibilité  à  la  vraisemblance 
et  de  la  vraisemblance  à  la  certitude,  pour  servir  ensuite  de  point  de  départ  à 
de  nouvelles  hypothèses.  Malgré  toute  l'habileté  que  déploie  M.  B.  dans  la  cri- 
tique des  sources  (v.  p.  ex.  ses  excellentes  dissertations  II  et  III  sur  l'autorité 
de  la  Vita  Sigismundi  et  sur  la  chronologie  des  lettres  d'Avitus),  il  tombe  dans  un 
excès  de  subtilité  lorsqu'il  prétend  prouver  que  Frédégaire  a  connu  la  chronique 
de  Marins  (p.  225,  n.  779),  parce  qu'il  dit  de  l'avènement  de  Sigismond  «  su- 
»  blimatur  in  regnum  »  et  Marins  «  levatus  est  rex  »,  et  parce  que  les  mots 
c  jussu  patris  »  se  retrouvent  dans  les  deux  documents,  d'ailleurs  à  propos 
d'événements  tout  différents.  Laissant  de  côté  plusieurs  points  secondaires  où  se 
retrouve  la  même  hardiesse  d'affirmation  (p.  113,  prétendue  critique  appliquée 

I .  M.  B.  semble  croire  que  le  royaume  burgunde  ne  dépassa  jamais  au  sud  la  Durance. 

Grégoire  de  Tours  dit  pourtant  (II,  32)  :  «  Gundobadus  et  Godegiselus....  regnum 

cum  Massiliensi  provincia  retinebant.  »  Rien  de  plus  naturel  qu'un  retour  offensif  des 
Burgundes  sur  la  Provence  après  la  mort  d'Eurich  (485)  qui  avait  conquis  quelques 
années  auparavant  Avignon  et  Arles.  Si  les  Burgundes  n'occupaient  pas  une  partie  au 
moins  de  la  Provence,  on  ne  conçoit  plus  les  motifs  ni  même  la  possibilité  de  leur  passage 
en  Ligurie.  Les  évêques  d'Arles  et  de  Marseille  étaient  d'ailleurs  présents  au  concile  de 
Lyon  en  499. 


d'histoire  et  de  littérature.  265 

par  Grég.  de  T.  à  l'histoire  de  Hrôtehild;  p.  i  $9,  suppression  arbitraire  de  toute 
l'histoire  d'Aredius;  p.  189,  la  possession  d'Auxerre  attribuée  aux  Burgundes  et 
non  aux  Franks;  p.  246,  tous  les  sentiments  de  Segerik  imaginés  d'après  l'accu- 
sation calomnieuse  de  sa  belle-mère),  nous  nous  arrêterons  seulement  à  l'inté- 
ressante discussion  soulevée  par  M.  B.  au  sujet  de  l'épitaphe  de  la  reine  Caretene 
(p.  1 16-1 18)  qui,  d'après  lui,  ne  peut  s'appliquer  qu'à  la  femme  de  Hilperik  II. 
M.  de  Boissieu  (Inscr.  de  Lyon,  p.  572)  avait  déjà  émis  et  soutenu  cette 
opinion  (M.  B.,  qui  cite  si  soigneusement  les  opinions  de  tous  ses  devanciers, 
aurait  dû  le  dire  plus  clairement).  Il  faut  alors  rayer  de  l'histoire  tout  le  récit 
de  la  mort  violente  de  Hilperik  tué  avec  sa  femme  par  Gundobad,  puisque  cette 
Caretene,  d'après  l'inscription  de  la  basilique  de  Saint-Michel  fondée  par  elle, 
mourut  tranquillement  à  Lyon  en  506.  La  lettre  V  d'Avitus  à  Gundobad  '  devient 
alors  moins  contraire  aux  sentiments  de  délicatesse  morale  qu'on  aime  à  supposer 
chez  un  évèque  chrétien*.  Mais  cette  lettre  n'est  pas  inconciliable  avec  l'idée 
d'un  meurtre  à  une  époque  où  l'Église  considérait  comme  un  triomphe  de  la 
religion  la  mort,  même  violente,  de  tout  hérétique  ou  ennemi  puissant  (v.  Grég. 
de  T.  Il,  40),  et  oîi  la  fréquence  des  meurtres  avait  émoussé  la  conscience 
publique  à  ce  sujet.  Gundobad  avait  pleuré  «  flebatis  pietate  inefïabili,  »  Avitus 
ne  considère  plus  dès  lors  que  le  résultat  providentiel  du  malheur  qui  est  arrivé 

a  hoc  soium  servabatur  mundo,  quod  sufficiebat  imperio quicquid  prospe- 

»  mm  fuit  catholicae  veritati.  »  Voilà  bien  l'évêque  qui  ne  donnait  le  nom  de 
frère  qu'à  l'homme  «  sub  uno  Deo  pâtre  et  una  ecclesia  raatre,  in  una  fide  posito  » 
(Av.  ep.  I).  Quant  à  l'épitaphe  même,  elle  peut  aussi  bien  et  même  mieux  se 
rapporter  à  la  femme  de  Gundobad  qu'à  celle  de  Hilperik. 

Occuluit  laeto  jejunia  sobria  vultu, 

Secreteque  dédit  regia  membra  cruci. 


Non  sprevit  sacrum  post  diadema  jugum 

peut  vouloir  dire  sans  doute  que  la  femme  du  roi  Hilperik  s'est  retirée  dans  le 
cloître  après  la  mort  de  son  mari,  mais  peut  aussi  signifier  que  la  femme  de 
l'arien  Gundobad  a  caché  un  cœur  catholique  sous  ses  ornements  royaux. 

Praeclaram  sobolem  dulcesque  gavisa  nepotis 
Ad  veram  doctos  sollicitare  fidem, 

s'applique  admirablement  d'après  M.  B.  à  Hrôtehild  et  à  ses  enfants.  Mais  elle 
ne  put  pas  solliciter  leur  foi  {sollicitare),  ni  les  instruire  (doctos),  puisqu'ils  furent 
chrétiens  de  naissance  et  que  ses  petits-fils  vécurent  toujours  éloignés  d'elle, 
tandis  que  Sigismond  et  ses  deux  premiers  enfants,  nés  ariens,  eurent  besoin 
d'être  convertis  à  la  foi  catholique  (v.  Homilia  Aviti.  dicta  in  conversione  domini 
Segisrici,  etc Bibl.  max.    PP.  IX,  p.  592);  ils  purent  l'être,  dans  notre 


I.  Cette  lettre  a  pour  but  de  consoler  Gundobad  de  la  mort  de  ses  frères,  en  lui  mon- 
trant les  avantages  que  la  Burgundie  retirera  de  cette  mort. 
^  2.  M.  B.  qui  se  fait  ici  le  défenseur  d'Avitus  parle  plus  loin  (p.  241-242)  en  termes 
d'une  violence  bien  inutile  (Ekel...  Kriuherà)  des  lettres  écrites  par  Ayitus  à  Anastase  au 
nom  de  Sigismond. 


266  REVUE    CRITIQUE 

hypothèse,  par  l'influence  de  la  femme  catholique  de  Gundobad.  Le  récit  tradi- 
tionnel nous  est  d'ailleurs  parvenu  par  quatre  sources  différentes,  Grégoire  de 
Tours,  VHisîoria  epiîomaia,  la  Vita  Sigismundi  et  les  Gesta  regum  Francorum. 
Leurs  récits,  sensiblement  différents,  ont  été  puisés  directement  dans  les  souve- 
nirs populaires.  Le  meurtre  de  Hilperik  était  donc  universellement  accrédité  au 
vi^  et  au  vii^  s.  aussi  bien  en  Burgundie  qu'en  Neustrie.  De  nombreux  traits  du 
récit  ont  pu  être  ajoutés  après  coup,  mais  le  fond  même  n'a  pu  être  créé  par 
l'imagination  populaire,  surtout  si  la  femme  de  Hilperik  a  continué  pendant  plus 
de  vingt  ans  la  pratique  de  la  piété  et  des  vertus  chrétiennes,  et  si  ses  filles  ont 
vécu  libres  et  entourées  d'honneurs.  L'hypothèse  de  M.  de  Boissieu  a  pour  elle 
certaines  vraisemblances,  mais  il  y  a  loin  de  là  à  une  certitude,  et  M,  B.  ne 
devrait  pas  l'invoquer  ensuite  comme  un  fait  prouvé  (p.  123,  1 34). 

Tandis  qu'au  moyen  d'une  critique  ingénieuse,  mais  subtile  et  téméraire, 
M.  B.  affirme  parfois  des  faits  douteux,  il  croit  pouvoir,  grâce  aux  légers  indices 
que  fournissent  de  rares  documents,  apprécier  le  caractère  et  la  politique  de  ses 
personnages  avec  autant  de  certitude  que  s'il  avait  vécu  auprès  d'eux,  ou  du 
moins  que  s'il  avait  possédé  des  documents  complets  sur  leur  vie  et  sur  leurs 
actes.  Pour  Avitus,  ses  lettres  le  font  assez  bien  connaître,  et  le  portrait  qu'en 
trace  M.  B.  est  un  chef-d'œuvre  de  sagacité  érudite  aussi  bien  que  de  fine  psy- 
chologie (p.  168-178).  Mais  comment  démêler  les  motifs  vrais  de  la  polhique 
des  Burgundes  (p.  61),  de  leur  alliance  avec  Theodorich  et  de  leur  inimitié 
contre  Eurich?  Prétendre  juger,  d'après  le  peu  de  renseignements  que  nous 
possédons,  les  secrets  mobiles  de  Gundobad,  les  aspirations  pacifiques  d'un 
homme  qui  fait  toujours  la  guerre  (p.  166),  la  finesse  du  coup-d'œil  politique 
{mit  Sîaaîsmannischem  Scharjblicke,  p.  179)  d'un  roi  dont  toutes  les  entreprises 
échouent,  et  arriver  à  qualifier  sa  politique  de  «  pohtique  de  suicide  »  {Politik 
des  forîgeseîzten  Selbstmordes,  p.  167)  ;  aller  enfin  jusqu'à  dire  ce  qu'il  aurait  dû 
faire  dans  tel  ou  tel  cas,  cela  me  paraît  l'illusion  d'un  homme  qui  ressuscite  en 
lui,  par  l'imagination,  l'époque  qu'il  a  longtemps  étudiée  et  qui  mêle  ses  propres 
sentiments  à  ceux  des  personnages  qu'il  dépeint.  Cela  est  si  vrai  que  M.  B., 
malgré  toute  son  impartialité  scientifique,  laisse  percer  maintes  fois  ses  sentiments 
personnels,  ses  sympathies  ou  ses  antipathies  actuelles.  C'est  le  contemporain  de 
M.  de  Bismarck  qui  parle  de  la  nécessité  pour  les  Burgundes  d'affirmer  la 
«  Nœtige  Homogenim  n  de  leur  royaume  (p.  167).  C'est  un  Germain  ennemi  des 
races  latines  qui  exalte  la  supériorité  morale  des  ariens  sur  les  catholiques 
(p.  127),  et  qui  semble  regretter  que  les  rois  Burgundes  n'aient  pas  persécuté  le 
catholicisme  (p.  1 29),  uniquement  parce  que  les  Burgundes  sont  ariens  et  les  Franks 
catholiques.  Les  Burgundes  à  cette  époque  n'étaient-ils  pas  pourtant  bien  plus 
imbus  d'influence  latine  que  les  Franks?  D'ailleurs  tout  ce  chapitre  sur  l'Église 
et  l'État  en  Burgundie  (p.  122-124),  si  intéressant  et  si  plein  de  choses  pour  ce 
qui  touche  le  catholicisme,  ne  donne  qu'une  idée  bien  vague  du  rôle  de  l'aria- 
nisme.  Il  était  difficile  d'en  dire  davantage  ;  mais  on  peut  reprocher  à  la  table 
des  matières  de  nous  faire  des  promesses  que  le  livre  ne  tient  pas.  M.  B.  doit 
se  défier  de  son  imagination;  elle  l'induit  à  enfler  l'importance  des  faits  qu'il 


d'histoire  et  de  littérature.  267 

découvre  ou  devine,  et  l'entraîne  parfois  jusqu'à  la  déclamation,  défaut  qui  étonne 
et  détonne  dans  un  livre  d'exacte  critique  et  de  sévère  érudition  (voy.  p.  122, 
«  Nichîs  ist  geeigneter,  etc p.  251,  273). 

Mais  c'est  assez  insister  sur  les  lacunes  et  les  imperfections  d'un  livre  qui  est 
actuellement  le  guide  le  plus  sûr  pour  l'étude  du  royaume  burgunde,  et  un  remar- 
quable exemple  des  riches  résultats  que  peut  fournir  l'étude  attentive  et  sagace 
de  textes  peu  nombreux  et  tout  fragmentaires. 

L'exécution  typographique,  quoique  compacte,  est  nette  et  d'une  remarquable 
correction.  Je  signalerai  pourtant  quelques  inadvertances  qui  ne  sont  pas  toutes 
imputables  à  l'imprimeur  :  p.  59,  «  deux  sources  tout  à  fait  dignes  de  foi,  »  — 
elles  ne  sont  pas  nommées;  p.  48,  n.  199:  445  pour  454;  p.  96  :  «  la  Ligurie 
))  était  encore  entre  les  mains  de  Gundobad,  »  —  l'auteur  n'a  pas  encore  dit 
qu'elle  fût  entre  ses  mains;  p.  106  :  «  aus  Franken  »  pour  «  aus  Alemanien;  » 
p.  140  :  «  Ausch  pour  Auch;  p.  170, 1.  4  :  Dieser  pour  jener,  il  s'agit  du  fils  et 
non  du  père;  p.  196  et  199:  le  même  personnage  est  nommé  Theoderich  et 
Theuderich,  plus  haut  c'était  Theodorich.  Il  faudrait  adopter  une  orthographe 
constante. 

G.   MONOD. 

212.  —  Histoire  de  Timagerie  populaire  par  Champfleury.  Paris,  Dentu, 

1869.  In-!2,  I-312  p.  Avec  nombreuses  gravures  sur  bois.  —  Prix  :  $  fr. 

Les  efforts  de  M.  Champfleury  pour  explorer  et  vulgariser  l'histoire  de  la 
poésie  et  de  l'art  populaire  ont  droit  à  toute  notre  sympathie.  Son  recueil  de 
chansons,  bien  qu'il  ne  soit  pas  à  l'abri  de  graves  objections,  a  eu  le  mérite 
d'ouvrir  la  voie  à  des  recherches  jusqu'alors  à  peu  près  inconnues  chez  nous; 
son  Histoire  des  faïences  patriotiques  a  aussi  appelé  l'attention  sur  un  coin  bien 
curieux  de  l'époque  révolutionnaire  ;  son  Histoire  de  la  caricature  antique  a  mis  en 
lumière  certains  traits  par  lesquels  l'antiquité  se  rattache  aux  plus  humbles  côtés 
de  notre  art.  L'esprit  que  M.  Ch.  apporte  à  ces  investigations  est  excellent,  et 
le  ton  même  un  peu  emphatique  avec  lequel  il  lui  arrive  de  célébrer  leur  impor- 
tance est  de  nature  à  produire  un  bon  effet  sur  le  grand  public  auquel  ces  œuvres 
sont  destinées.  Le  nouveau  volum.e  de  l'ingénieux  écrivain  offre,  comme  ses 
aînés,  bien  des  genres  de  mérite  ;  il  n'est  pas  exempt  non  plus  de  certains  défauts 
propres  à  l'auteur,  et  qui,  nous  l'avouons,  ont  le  don  de  nous  impatienter  quel- 
que peu.  D'abord  le  titre  est  absolument  inexact;  ce  que  nous  donne  M.  Ch.  ne 
ressemble  ni  de  près  ni  de  loin  à  une  histoire  de  l'imagerie  populaire  :  le  volume 
se  compose  de  deux  monographies  détachées  et  de  quelques  notices  de  moindre 
imponance,  rattachées  entre  elles  uniquement  par  une  Introduction  des  plus 
décousues.  Mais  le  plus  curieux,  c'est  que  la  seconde  de  ces  monographies,  qui 
occupe  le  tiers  du  volume,  n'a  aucun  rapport  avec  l'imagerie.  M.  Ch.  dit  bien 
dans  sa  Préface  (p.  xlv)  :  «  Le  Juif-Errant  et  le  Bonhomme  Misère  offraient  l'avan- 
»  tage  de  se  rattacher  à  l'imagerie  et  à  la  littérature  populaire ,  deux  branches 
»  du  même  tronc;  »  mais  un  peu  plus  loin  (p.  xlvij)  il  fait  lui-même  ce  singu- 
lier aveu  :  «  Le  Bonhomme  Misère  appartient  à  la  littérature  populaire ,  non  à 


268  REVUE    CRITIQUE 

»  l'imagerie;  les  nombreuses  éditions  des  divers  pays  ne  comportent  pas  d'illus- 
»  trations  ;  mais  au  premier  jour,  je  l'espère,  Misère  fera  partie  d'une  imagerie  nou- 
»  velle.  ))  Ajoutons  que  tous  les  articles  insérés  dans  ce  volume  ont  déjà,  plus 
ou  moins  complets,  été  publiés  ailleurs,  et  nous  conclurons  que  M.  Ch.  aurait 
dû  intituler  son  volume  :  «  Etudes  sur  quelques  points  de  littérature  et  d'imagerie 
))  populaire;  «  c^était  plus  modeste,  mais  c'était  sincère,  et  l'auteur  n'aurait  pas 
risqué  de  mécontenter  le  lecteur  qui,  afFriandé  par  les  promesses  du  titre,  est  fort 
désappointé  de  trouver  tout  autre  chose  que  ce  qu'il  cherche. 

C'est  encore  une  prétention  peu  acceptable,  et  trop  familière  à  M.  Champ- 
fleury,  que  celle  d'avoir  fait  des  recherches  immenses,  de  s'être  plongé  dans  une 
mer  d'érudition  pour  composer  ses  petits  livres  :  c'est  ainsi  que  dans  sa  dédicace 
(à  notre  collaborateur  M.  Reinhold  Kœhler)  il  parle  de  son  «  labeur  excessif,  » 
ailleurs  (p.  5)  de  «  l'amas  et  de  la  pesanteur  des  matériaux  »  qu'il  a  réunis,  etc.  ; 
c'est  ainsi  que  dans  sa  Caricature antiqueilst^l^ànx  (p.viij)  de  son  «énorme  tâche,» 
de  «  l'énorme  quantité  de  livres  qu'il  a  consuhés  (p.  xvj),  »  et  s'écrie  en  termi- 
nant: «  Les  bibliothèques  m'ont  vu  pendant  des  années  entrer  gaiement  et  sortir 
»  soucieux,  accablé  de  lectures.  »  Il  est  inutile  d'insister  ainsi  sur  la  peine 
qu'ont  pu  vous  donner  vos  études;  ce  qui  intéresse  le  public,  c'est  votre  méthode 
ou  vos  résultats  ;  le  temps  que  vous  avez  perdu  lui  est  complètement  indifférent. 
Et  d'ailleurs,  il  faut  bien  le  dire,  les  études  de  M.  Ch.  ne  portent  pas  la  trace 
de  travaux  si  considérables  ;  il  n'a  étudié  de  première  main  que  ce  qui  concerne 
l'imagerie  ;  ce  qui  touche  les  légendes  en  elles-mêmes  est  le  plus  souvent  de  la 
compilation  adroite  et  intelligente,  mais  assez  facile.  C'est  ce  qui  ressortira  de 
l'examen  de  ce  livre,  où  j'indiquerai  scrupuleusement  tout  ce  qui  est  vraiment 
nouveau. 

La  Préface  (p.  i-1)  contient  des  notes  et  des  réflexions  sur  l'intérêt  et  le  carac- 
tère de  l'imagerie  populaire,  beaucoup  de  choses  justes  et  bien  dites.  En  guise 
d'illustrations,  l'auteur  donne  quelques  bois  pris  au  hasard;  l'un  des  plus  curieux 
est  celui  de  la  p.  xxiv,  planche  normande,  à  ce  que  dit  l'auteur  (pourquoi,  il  ne 
le  dit  pas),  qui  paraît  du  temps  de  Louis  XI H.  Deux  personnages  en  regardent 
ironiquement  un  troisième,  armé  d'un  grand  sabre  et  à  cheval  sur  un  ours  que 
tient  par  la  bride  un  homme  qui  fait  le  geste  d'un  démonstrateur.  C'est  sans 
doute,  dit  M.  Ch.,  l'affiche  de  spectacle  d'un  montreur  d'ours;  l'idée  est  bonne; 
mais  je  crois  en  outre  que  cette  planche  se  rapporte  à  la  vieille  locution  de 
monter  sur  l'ours.  On  disait  proverbialement  de  quelqu'un  qui  n'avait  pas  peur  : 
«  Il  a  monté  sur  l'ours  (voy.  Oudin,  Curiositez  françaises ,  p.  272),  »  et  il  existe 
sur  ce  sujet  une  très-curieuse  pièce  en  patois  bourguignon ,  intitulée  le  Menou 
d'or,  attribuée  à  l'année  1 6 1 1 ,  et  réimprimée  en  dernier  lieu  dans  Mignard,  Hist.  de 
l'idiome  bourguignon,  p.  41 5  ;  le  Meneur  d'ours  invite  successivement  à  monter 
sur  sa  bête  tous  ceux  qui  ont  peur  de  n'importe  quoi,  et  entre  autres  les  faux 
braves,  ce  qui  pourrait  bien  se  rapporter  à  notre  estampe  :  Ce  gentilhomme  de  la 
Biausse  Qui,  quand  on  mené  le  tambor.  Pisse  de  pô  dedan  là  chausse,  Qu'ai  s'en 
venain  montai  sur  l'or. 

I.  Le  Juif-Errant  (p.  1-104).  Tout  ce  qui  concerne  la  légende  est  à  peu  près 


d'histoire  et  de  littérature.  269 

textuellement  semblable  à  ce  qu'en  dit  le  bibliophile  Jacob  dans  ses  Curiosités  de 
l'histoire  des  croyances  populaires  (p.  105  ss.),  et  lui-même  l'a  sans  doute  em- 
prunté à  quelque  autre,  par  exemple  à  M.  Gustave  Brunet,  dont  la  Notice  sur  la 
légende  du  Juif  errant  (i  84^)  est  en  grande  partie  traduite  de  Graesse  ;  l'auteur  n'a 
pas  profité  des  importantes  additions  que  Graesse  a  faites  à  ces  notices  dans  une 
seconàe  éàmon  (^DerTannhaiiserunden'igeJude,  1 861),  et  cette  omission  est  d'autant 
plus  singulière  qu'à  d'autres  endroits  il  cite  Graesse,  en  l'appelant,  il  est  vrai,  tou- 
jours Grœsse,  d'où  je  suppose  que  ces  indications  lui  ont  été  fournies  par  quelque 
obligeant  correspondant.  Comme  il  arrive  toujours  quand  on  travaille  de  seconde 
ou  troisième  main,  M.  Ch.  a  mêlé  quelques  méprises  à  ses  emprunts;  ainsi  d'après 
lui  (p.  18)  «  M.  de  Reifîenberg  cite  une  tradition  allemande,  tirée  des  Souvenirs 
M  d'un  pèlerinage  en  l'honneur  de  Schiller;  »  mais  ces  Souvenirs  sont  l'ouvrage 
même  de  M.  de  Reiffenberg  où  il  rapporte  celte  histoire;  —  p.  32,  M.  Ch. 
écrit  :  «  Dans  les  représentations  sacerdotales  de  l'Église  au  moyen-âge,  où  le 
»  sacré  et  le  profane  étaient  mêlés,  le  Juif-Errant  quelquefois  fit  partie  du  drame 
»  en  compagnie  de  Barabbas,  de  Marie-Madeleine,  de  l'ânesse  de  Balaam,  etc.  » 
Je  ne  sais  où  l'auteur  a  pris  cela,  mais  c'est  certainement  une  erreur;  sauf  le  récit 
de  Mathieu  Paris,  traduit  par  Mousket,  le  Juif-Errant  n'est  cité  dans  aucune 
œuvre  du  moyen-âge  ;  tout  ce  qu'on  dit  de  lui  repose  sur  la  fameuse  lettre  de 
Chr)'sostomus  Dudulaeus  (M.  Ch.  s'est-il  bien  rendu-compte  que  cette  lettre, 
mentionnée  p.  5  J,  était  la  même  que  la  lettre  citée  p.  1 3  ?).  —  Beaucoup  plus 
intéressante  est  la  partie  de  cette  étude  qui  concerne  l'imagerie;  là  les  recherches 
de  M.  Ch.  sont  personnelles  et  elles  ont  en  général  de  la  précision  et  de  la  valeur; 
les  dessins  qu'il  a  reproduits  sont  curieux  ;  on  pourrait  cependant  désirer  une 
classification  plus  nette  dans  les  estampes'.  Je  suis  étonné  de  ne  pas  trouver 
parmi  les  portraits  du  Juif  celui  que  donne  M.  Ch.  Nisard  {Livres  populaires  y 
2«éd.,  t.  I,  p.  494)  comme  tiré  de  l'Histoire  admirable  du  Juif  errant,  édition 
d'Êpinal;  c'est,  dit  M.  Nisard,  «  le  seul  consacré;  »  c'est  en  outre  assurément 
le  plus  joli.  —  Dans  un  dessin  suédois  extrêmement  grossier,  donné  p.  60,  et 
représentant  le  Juif,  M.  Ch.  voit  une  intention  ironique  :  «  Il  y  a  une  pointe  de 
»  raillerie  dans  le  personnage  portant  ses  bottes  au  bout  d'un  bâton  ;  »  n'est-ce 
pas  plutôt  une  allusion  à  son  métier  de  cordonnier.?  —  Dans  les  notes,  M.  Ch. 
donne  la  traduction,  faite  par  M.  Luzel,  du  guerz  breton  du  Juif-Errant;  mais  il 
ne  fait  pas  à  ce  sujet  les  remarques  auxquelles  prête  cette  pièce.  D'abord  le  nom 
de  Boudedeo,  donné  au  Juif,  est  singulier;  il  répond  évidemment  au  nom  de 


I .  Il  y  a  aussi  quelques  légèretés ,  même  dans  cette  partie.  Ainsi ,  à  propos  d'un  bois 
flamand  (p.  62)  où  le  Juif-errant  devant  sa  porte  tient  un  enfant  dans  ses  bras,  l'auteur  fait 
des  réflexions  sur  le  sens  de  ce  détail  ;  il  en  tire  des  conclusions  sur  le  caractère  des  Fla- 
mands, etc.  Mais  c'est  tout  simplement  la  mise  en  scène  d'un  passage  de  la  fameuse  lettre 
de  1 564,  source  de  toutes  ces  représentations  :  «  II  le  dit  (que  Jésus  allait  passer)  à  toute 
»  sa  famille,  afin  qu'ils  le  vissent  aussi,  et,  prenant  sur  son  bras  un  de  ses  petits  enfants 
»  qu'il  avait,  se  mit  à  sa  porte  pour  le  lui  montrer  (Nisard,  p.  481)-  »  De  même  dans  le 
livret  populaire,  et  dans  le  guerz  breton  (Champfleury,  p.  8j). 


270  REVUE  CRITIQUE 

Buttadeus,  qu'attribue  au  marcheur  éternel  un  auteur  du  xvn''  siècle  (v.Graesse, 
1. 1.,  p.  97),  et  qui  semble  un  composé  de  Thaddée  et  peut-être  de  Bar,  défiguré 
en  But;  mais  où  le  poète  breton  a-t-il  trouvé  ce  nom ,  généralement  remplacé 
par  Ahasvérus?  Le  fait  est  d'autant  plus  bizarre  que  s'il  fait  dire  au  juif  à  un 
endroit  Moi  Boudedeo  le  malheureux,  il  semble  bien  l'appeler  ailleurs  (str.  2) 
Absarius,  c'est-à-dire  Ahasvérus.  Ce  guerz  est  d'ailleurs  fondé  sur  le  livret  popu- 
laire français,  et  en  particulier  la  géographie  fantastique  qui  y  est  exposée  vient 
de  ce  livret,  dont  les  origines  ne  sont  pas  encore  bien  étudiées  (voy.  Nisard, 
I.  1.,  p.  491). 

2.  Le  bonhomme  Misère  (p.  105-201).  Ce  travail  contient  le  charmant  récit  du 
Bonhomme  Misère  tout  entier.  L'étude  qui  l'accompagne  est  incomplète,  mais  in- 
téressante et  semée  de  vues  heureuses.  Que  le  livret  populaire  français  soit  tra- 
duit de  l'italien,  ce  n'est  pas  douteux;  je  pencherais  même  à  croire  à  une  rédac- 
tion en  octaves.  L'histoire  a  d'ailleurs  le  cachet  très-marqué  du  xvii^  siècle,  et 
non  du  xvi",  comme  le  dit  M.  Champfleury.  Il  faut  distinguer  deux  choses  dans 
ce  récit  :  les  aventures  en  elles-mêmes,  qui  sont  un  de  ces  lieux  communs  de  la 
littérature  populaire  qu'on  ne  peut  étudier  que  dans  un  travail  spécial', —  et  le 
nom  donné  au  principal  personnage,  nom  qui  amène  la  conclusion  doucement 
épigrammatique  :  «  C'est  ce  qui  fait  que  Misère,  si  âgé  qu'il  soit,  a  vécu  depuis 
»  ce  temps-là  toujours  dans  la  même  pauvreté,  près  de  son  cher  poirier.  Et  suivant 
»  les  promesses  de  la  mort,  il  restera  sur  la  terre  tant  que  le  monde  sera  monde.  » 
Cette  allusion  au  dicton  populaire  Misère  ne  mourra  jamais  est  d'ailleurs  étran- 
gère à  l'esprit  du  conte  lui-même,  qui  a  un  fondement  mythologique  tout  autre. 
J'ai  lu  quelque  part,  mais  je  ne  puis  actuellement  dire  où,uneversiondecettehistoire 
où  on  appelle  Invidia  le  personnage  rendu  immortel  par  sa  ruse,  afin  de  conclure 
à  un  proverbe  analogue,  celui  que  Molière  a  rappelé  dans  Tartufe:  a  Les  envieux 
»  mourront,  mais  non  jamais  l'Envie.  »  Le  conte  du  Bonhomme  Misère  que 
M.  Du  Méril  a  recueilli  en  Normandie  et  que  réimprime  M.  Ch.  n'a  d'ailleurs 
rien  de  commun  avec  le  sujet  de  ce  livret  populaire,  non  plus  que  le  Pécheur  et 
sa  femme  des  contes  de  Grimm  (cité  p.  151).  —  Signalons  le  beau  guerz  breton, 
donné  p.  1 6  5 ,  sur  /a  Rencontre  de  Misère  et  du  Juif-Errant  (traduit  par  M .  Luzel)  ; 
c'est  de  la  poésie  populaire  toute  moderne,  amère  et  irritée;  mais  ce  n'en  est 
pas  moins  de  la  vraie  poésie  populaire. 

T,.  Appendices.  Sous  ce  titre,  M.  Champfleury  a  rassemblé  quelques  notices 
publiées  ailleurs,  toutes  curieuses  et  bien  faites.  Elles  contiennent  ce  qu'il  y  a  de 
plus  nouveau  et  de  meilleur  dans  le  volume.  Sur  ces  sujets  restreints  dans  le 
temps  et  dans  l'espace,  la  curiosité  de  l'auteur  s'exerce  sans  être  gênée  par  le 
manque  de  connaissances  étendues,  et  il  déploie  avantageusement  ses  qualités 


I.  Ce  travail  a  été,  sinon  exécuté  d'une  manière  définitive,  du  moins  esquissé  par  Wil- 
helm  Grimm  dans  ses  notes  sur  les  Kindermarchen  (t.  III,  3'  éd.  p.  131-143).  Il  est  singu- 
lier que  M.  Ch.,  qui  cite  un  conte  de  Grimm  tout  à  fait  étranger  à  son  sujet,  n'ait  pas 
connu  cette  note  ou  au  moins  le  conte  auquel  elle  se  rapporte  (De  Spidhansd). 


d'histoire  et  de  littérature.  271 

d'observateur  et  d'écrivain.  Les  images  étudiées  dans  cette  partie  du  volume 
sont  :  1°  Crédit  est  mort  la  plus  ancienne  planche,  reproduite  ici,  est  de  16^7); 
2°  Images  relatives  à  l'argent  'sont  reproduites  :  l'Horloge  d'argent,  k  grand  Diable 
d'argent)  ;  }»  les  Quatre  vérités  fie  prêtre  dit  :  Je  prie  pour  vous  tous,  le  paysan  :  Je 
vous  nourris  tous,  le  soldat  :  Je  vous  défends  tous,  le  procureur  :  Je  vous  mange 
tous);  4^  Lustucru  fbois  très-curieux,  représentant  Lustucru,  ou  L'eusses  tu  cru, 
«  médecin  céphalique,  »  reforgeant  la  tète  des  femmes  ;  ^°  le  Récollet  de  Châ- 
teaudun  histoire  bizarre,  reproduite  dans  une  estampe;  d'une  quasi-résurrection 
arrivée  au  xviii^ siècle,  ;  6°  la  Danse  des  Morts  de  l'année  1849  (quelques  planches, 
trop  petites,  extraites  des  célèbres  compositions  de  Rethel; .  —  Outre  ces  notices, 
il  s'en  trouve  deux  qui  sont  consacrées  à  la  littérature  populaire  :  i  °  la  Farce  des 
Bossus,  notice  intéressante^  mais  qui  est  loin  d'être  complète,  sur  un  conte  qu'on 
retrouve  dans  un  très-grand  nombre  de  littératures  orientales  et  européennes; 
2°  l'Entrée  de  l'abbé  Chanu  en  paradis,  extraite  d'une  singulière  facétie  normande, 
qui  rappelle  un  peu,  mais  sans  le  valoir,  le  fabliau  du  Vilain  qui  conquit  Paradis 
par  plaid.  —  Le  volume  se  termine  par  des  réflexions  sur  l'Imagerie  de  l'Avenir, 
et  l'utilité  qu'on  pourrait  tirer  de  l'imagerie  populaire  pour  instruire  et  moraliser 
les  masses  :  ces  pages  valent  la  peine  d'être  lues. 

Je  ne  voudrais  pas  avoir  donné  une  idée  défavorable  du  livre  de  M.  Champ- 
fleury  ;  l'auteur,  je  le  répète,  a  droit  à  toute  la  sympathie  de  la  critique  ;  mais  on 
la  lui  ménagerait  moins  s'il  avait  un  peu  moins  de  confiance  en  lui-même,  et  s'il 
se  donnait  simplement  pour  ce  qu'il  est,  un  amateur  zélé  et  un  habile  vulgarisa- 
teur. Son  nouveau  volume  est  intéressant  et  souvent  instructif;  ce  qu'on  a  de 
plus  grave  à  lui  reprocher,  c'est  le  titre  malencontreux  qu'il  a  pris. 
Ce  titre  pourrait  cependant  avoir  un  avantage;  il  pourrait  engager  quelque 
savant  à  essayer  de  remplir  le  vaste  programme  qu'il  contient.  Ce  serait  un 
travail  bien  difficile,  mais  bien  utile  et  bien  attrayant,  que  l'histoire  de  l'imagerie 
populaire  depuis  la  Bihlia  pauperum  et  le  Compost  des  bergers  jusqu'à  la  décadence 
honteuse  où  en  sont  arrivées  les  manufactures  de  nos  jours.  Pour  le  mener  à 
bonne  fin,  il  faudrait  un  archéologue  consommé,  qui  fût  en  même  temps  au 
courant  des  plus  récentes  études  de  littérature  comparée  et  qui  possédât  dans 
tous  ses  détails  l'histoire  des  trois  derniers  siècles.  Rara  avis.  Mais  on  pourrait 
se  partager  la  besogne,  et  quand  on  n'écrirait  qu'une  des  trois  parties  du  livre, 
on  aurait  rendu  à  la  connaissance  de  notre  histoire  nationale,  dans  le  plus  vrai 
sens  du  mot,  un  service  signalé. 

G.  P. 


212.  —  Geographisches  Jahrbuch,  II  Band,  1868,  unterMitwirkungv.  A.  Auwers 
J.  J.  Baeyer,  etc.  Herausgegeben  von  E.  Behm.  Gotha,  Perthes,  1868.  In-S*  carré, 
viij,  488  et  cxiv  p.  —  Prix  :  10  fr.  75. 

Cet  annuaire  géographique  est  assez  bien  dirigé.  On  y  trouve  les  renseigne- 
ments essentiels  aux  géographes  qui,  d'année  en  année,  veulent  se  tenir  au 


272  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE. 

courant  des  changements  survenus  dans  le  monde,  des  travaux  de  savants  spé- 
cialistes et  des  découvertes  faites  par  des  voyageurs. 

Il  se  compose  de  quatre  parties  distinctes.  La  première  a  trait  à  la  chronologie 
et  au  calendrier  :  on  y  trouve  des  éphémérides  géographiques  dont  l'utilité  nous 
paraît  du  reste  assez  contestable,  et  des  détails  sur  la  manière  de  diviser  le  temps 
chez  différents  peuples  anciens  et  modernes. 

La  seconde  partie  est  surtout  statistique;  elle  indique  les  changements  survenus 
dans  la  division  politique,  dans  l'étendue  du  territoire  des  différents  pays  :  l'Alle- 
magne du  Nord  y  occupe  naturellement  une  grande  place.  Les  résultats  de 
recensements  nouveaux  parvenus  à  la  connaissance  des  rédacteurs  et  qui,  suivant 
les  pays,  datent  de  1863  à  1867,  sont  donnés  avec  beaucoup  de  détails.  Puis 
vient  pour  un  grand  nombre  de  pays  la  liste  des  localités  les  plus  importantes 
(pour  les  pays  les  plus  peuplés  on  s'est  borné  à  celles  de  plus  de  2000  âmes), 
avec  l'indication  de  leur  population  ;  à  la  fin  sont  réunies ,  en  ordre  descendant, 
les  villes  du  monde  qui  ont  plus  de  100,000  âmes  et  celles  de  l'Europe  qui  ont 
plus  de  50,000  habitants.  —  Un  tableau  indiquant  la  longitude  et  la  latitude  de 
88  observatoires,  par  M.  Auwers  et  une  esquisse  orographique  de  M.  de  Sydow 
sur  les  Sudètes  sont  joints  à  cette  partie. 

La  troisième  partie  est  aussi  la  plus  intéressante  en  ce  qu'elle  contient  une  série 
de  rapports  sur  les  progrès  de  la  science  géographique.  M.  de  Baeyer  résume  les 
progrès  accomplis  dans  le  mesurage  du  méridien,  question  pleine  d'actualité; 
M.  de  Grisebach  ceux  de  la  géographie  botanique;  M,  Schmarda  ceux  des  tra- 
vaux relatifs  à  la  distribution  géographique  des  animaux;  on  trouve  dans  cet 
article  une  analyse  très-bien  faite  du  livre  de  Murray  {Geographical  distribution  of 
mammals)  et  une  bibliographie  très-complète.  —  M.  Seligmann  résume  l'état 
actuel  des  études  sur  la  théorie  des  races,  M.  Mùller  (Fr.)  esquisse  un  système 
d'ethnographie  linguistique.  M.  Fabricius  expose  les  progrès  faits  et  à  faire  dans 
la  statistique  de  la  population;  il  recommande  l'adoption  d'un  système  uniforme 
dans  tous  les  pays,  et  si  possible  d'une  même  date.  M.  de  Scherzer  donne  quel- 
ques renseignements  sur  le  commerce  et  les  principaux  moyens  de  communication. 
Enfin  M.  Behm  passe  en  revue  les  voyages  géographiques  les  plus  importants 
accomplis  pendant  les  années  1866  et  1867.  C'est  là  le  travail  capital  de  ce 
recueil  ;  on  regrette  seulement  qu'à  l'annuaire  ne  soit  pas  jointe  une  petite  carte 
indiquant  les  contrées  nouvellement  explorées  du  globe. 

La  quatrième  partie  contient  simplement  des  tables  de  réductions  des  mesures 
de  longueur  et  de  surface  dans  différents  pays.  Espérons  que  cette  partie  deviendra 
inutile  un  jour. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


opinions  de  dix  ouvrages  sur  la  théorie  des  cas.  —  Mélanges  :  Wecklein,  Anno- 
tationes  ad  Choephoras  et  Eumenides  .€schyli.  —  Grasberger,  Notes  critiques  sur 
Denysd'Halicarnasse.  —  Schanz,  iWates  critiques  sur  Platon.  —  Kessler,  Horace, 
Epist.  I,  1 1  (propose  une  nouvelle  explication  de  ce  passage).  —  Lorenz,  Sur 
la  critique  de  Plaute  (continue  à  analyser  les  articles  de  Bugge  dans  la  Tijdskrift 
for  Philologi,  voy.  Rev.  crit.  i868,  n''4i,  couverture).  —  Extraits  et  analyses 
des  journaux  et  recueils  savants. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Bibliorum  sacronim  graecus  codex  Vati- 
canus,  auspice  Pic  IX,  Pontifice  Maxime, 
collatis  studiis  C.  Vercellone  Sodalis 
Barnabitae  et  Josephi  Cozza  Monachi 
Basiliani  editus.  Tom.  I.  complectens 
Pentateuchum  et  Librum  Josue.  In-4*, 
270  p.  Roma  (tip.  Prop.  fide). 

Bleek  (W.  H.  J.).  On  the  Origin  of  lan- 
guage.  Edited  by  D' E.  Haeckel.  Trans- 
lated  by  Davidson.  In-8*.  London  (Wil- 
liams et  N.).  2  fr.  50 

Cabot  (S.).  The  Remarkable  Life,  Adven- 
tures  and  Discoveries  of  Sébastian  Cabot 
of  Bristol,  the  founder  of  Great  Britain's 
Maritime  Power,  Discoverer  of  America 
and  its  first  Coloniser.  By  J.  J.  Nicholls. 
In-8*,  200  p.  cart.  9  fr.  40 

Comparetti  (D.).  Ricerche  interne  al 
libro  di  Sindibâd.  In-4',  54  p.  Milano 
(tip.  G.  Bernardoni). 

Cooper  (J.  S.).  Rough  notes  of  seven  cam- 
paigns  in  Portugal,  Spain,  France  and 
America,  from  1809  to  181 5.  In-8*. 
London(Smith,  J.  R.).  3  fr.  15 

De  Bianchi  (F.).  Monumenti  di  storia 
patria  délie  Province  Modenesi,  Cronaca 
modenese.  Tomo  VIII,  fascicolo  III.  161- 
240  p.  Roma  (tip.  Fiaccadori). 

Fabretti  (A.).  Sopra  una  iscrizioneUmbra 
scoperta  in  Fossato  di  Vico.  In-8',  1 5  p. 
con  una  tavola  litografata.  Torino  (E. 
Lœscher).  i  fr.  15 

Hook  (W.  F.).  Lives  of  the  Archbishops 
of  Canterbury,  vol.  8.  Reformation  Per- 
iod.  In-8*,  446  p.  cart.  London  (Bent- 
ley). 18  fr.  75 


Henzen  (G.).  Scavi  nel  bosco  saero  dei 

fratelli    Arvali.     In-8*,    125  p.  Torino 
(E.  Lœscher).  2  fr,  50 

Lescure  (de).  Nouveaux  mémoires  du 
maréchal  duc  de  Richelieu,  1696-1788, 
rédigés  sur  les  documents  authentiques  en 
partie  inédits.  5*  partie.  Louis  le  Bien- 
aimé.  1727-1750.  In-i8  Jésus,  443  p. 
Paris  (Dentu).  3  fr.  \o 

Lnmbroso  (G.).  Document!  greci  del 
Regio  Museo  Egizio  di  Torino.  In-8*, 
45  p.  Torino  (cfrat.  Bocca).      2  fr.  50 

Mignard.  Vocabulaire  raisonné  et  com- 
paré du  dialecte  et  du  patois  de  la  pro- 
vince de  Bourgogne  ou  étude  de  l'histoire 
et  des  mœurs  de  cette  province  d'après 
son  langage.  In-8*,  334  p.  Paris  (Aubry). 

Morris  (J.  P.).  A  Glossary  of  the  Words 
and  Phrases  of  Furness  (North  Lancas- 
hire)  with  illustrative  Quotations,  prin- 
cipally  from  the  Old  Northern  Writers. 
In-8'.  London  (Smith).  4  f.  40 

Morey  fj.).  Le  diocèse  de  Besançon  au 
XV'II'  siècle.  Visite  pastorale  d'Antoine- 
Pierre  de  Grammont  (1665-1668).  In-8*, 
41  p.  Besançon  (imprimerie  Jacquin). 

Notice  sur  le  Cartulaire  de  l'abbaye  de 
Saint- André-le-Bas  et  sur  l'appendice  des 
chartes  relatives  au  diocèse  ae  Vienne, 
formant  le  tome  I"  de  la  collection  de 
Cartulaires  dauphinois,  publié  par  l'abbé 
C.-U.-J.  Chevalier.  In-8*,  42  p.  Vienne 
(imp.  Savigné). 

Pezzi  (D,).  Introduzione  allô  studio  délia 
scienza   del  linguaggio.    In-8',  Ixxx 
Torino  (Lœscher).  2 


l 


collected  and  deciphered.  2  vol.  in-fol.  ornés  d'un  grand  nombre  d'inscriptions 
gravées  sur  bois.  i  S  ^  fr. 

R    \A/  A  1\I  n  PT  R  t?  R    ^^^^  ^'"^^^  ^^  ^°"  ^^°^^'  '490- 

1  •  VY/ll^l^lLrXILrx  1 507.  Collection  de  60  copies  de 
sculptures  en  pierre  qui  se  trouvent  à  Nuremberg  et  dans  ses  environs,  dessi- 
nées sur  bois  et  accompagnées  de  texte,  i  vol.  in-fcl.  orné  de  60  pi.        60  fr. 


En  vente  à  la  librairie  Cotta,  à  Stuttgart,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck,  67,  rue  Richelieu. 

T         r^  PT  î  r^  PT  R   '^^^  Ursprung  der  Sprache.  i  vol.  in-80. 

7  rr.  2  j 

AC  r^  T_T  y     U*  1  f^  T_F  T?  D    ^^^  deutsche  Sprache.  2  verb. 
•    OL^riL-iEilL-iriJLLrVund  verra.  Auflage.  1  vol.  in-80. 

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•     iVl/v  rv  1    1  IN     Normandie,  mit  einer  Einleitung  ûber  den 
Dichter  und  seine  ssemtliche  Werke.  In-S".  4  fr. 


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ihre  Vorstufen.  Gr.  in-8°.  ?  fr.  25 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  44  Quatrième  année  30  Octobre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


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Un  an,  Paris,  ij  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  fin  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

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ANNONCES 


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AT  y^  T    -^r    Benoit  de  Sainte-More  et  le  roman  de  Troie,  ou  les 
•     J  v^  i_-<  I      métamorphoses  d'Homère  et  de  l'épopée  gréco-latine  au 
moyen-âge.  i  vol.  in-4'*.  20  fr. 

Cr^  K  J  ]  (^  T_T  TP  'X'  ^^  plaisir  des  champs  avec  la  vénerie, 
•  vJ  r\  VJ  v^  11  l_j  1  pescherie  et  volerie ,  poème  en  quatre 
parties.  Édition  revue  et  annotée  par  P.  Blanchemain.  i  vol.  in-12,  cartonné 
percaline  rouge.  j  fr. 

Jr^  D  D  17  D  T'    Mémoire  sur  les  rapports  de  l'Egypte  et  de  l'As- 
•     v^  1     1     IL  Iv  1      syrie  dans  l'antiquité,  éclaircis  par  l'étude  des 
textes  cunéiformes,  i  vol.  in-4°.  12  fr. 


ETAT  T     TV  yf  T^  r^  T  T       Histoire  de  la  comédie  ancienne.  T.  II. 
.     DU     MERIL     ,vol.in-8».  8fr. 


AO       A/T  A  r^CTT'lVÎ    ■''^"^^'^^^ïés  préhistoriques  du  Danemark. 
•     r  .    iVl  A  JJO  lL  IN     —  L'âge  de  pierre.  —  1  vol.  in-fol. 
orné  de  45  pi.  48  fr. 

/^         ç  r-p  r-\  i-v  jj  y-p  i^j  Qi      The  old  northern  runic  monuments 
vJ  •      O   1    Cj  F  n  LL  i  N|  O     of  Scandinavia  and  England  now  first 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N°  42.  9  octobre. 

Théologie.  Muller,  Erklaerung  des  Barnabasbriefes  (Leipzig,  Hirzel;  article 
détaillé  de_M,  Hilgenfeld).  —  Histoire.  Trinchera,  Codice  Aragonese  0  sia  lettere 
régie,  ordinamenti  ed  altri  atti  governativi  de'  sovrani  aragonesi  in  Napoli,  etc., 
I-II  (Naples,  Detken  et  Bacholl;  article  peu  favorable).  —  Klapp.  Revolutions- 
bilder  aus  Spanien  (Hannover,  Rùmpler).  —  Géographie.  Lœffler,  Bilder  aus 
Griechenland,  mit  beschreibenden  Text  begleitet  von  Busch,  I-VII  (Triest,  1869; 
ouvrage  intéressant).  —  Llngulsticjue.  Histoire  littéraire.  Philogelos.  Hieroclis  et 
Philagrh  facetiae,  ed.  Eberhard  (Berlin,  Ebeling;  édition  faite  avec  soin,  mais 
le  texte  laisse  encore  à  désirer).  —  yEschylus.  Perser,  erklaert  von  Schiller 
(Berlin,  Weidemann;  bonne  édition;  bon  commentaire).  —  Retzlaff,  Vorschule 
zu  Homer  (Berlin,  Enslin;  le  plus  intéressant  est  la  partie  appelée  Antiquités 
homériques,  où  se  trouve  la  liste  méthodique  de  tous  les  substantifs  employés  dans 
Homère  avec  leurs  épithètes  et  leur  description).  —  Lûtjohann,  Commentationes 
Propertianae  (Kiel,  Schv^ers;  début  remarquable).  —  Richter,  Œsterreichische 
Volksschriften  im  siebenjaehrigen  Kriege  (Wien,  Gerold). 

The  Athenseum.  9  octobre. 

W.  H.  DixoN,  Her  Majesty's  Tower;  Hurst  and  Blackett.  —  St.  Clément  of 
Rome,  The  two  Eplstles  to  the  Corlnthlans,  a  revised  text  with  Introduction  and 
Notes  by  J.  B,  Lightfoot;  Macmillan;  «  ce  volume  fait  honneur  à  la  science, 
»  au  jugement  et  à  Vorthodoxle  de  l'éditeur;  »  M.  Lightfoot  en  effet  soutient 

l'authenticité  de  la  première  épître.  —  Terentii  Comoedlae,  with  notes by 

W.  Wagner;  Cambridge,  Deighton,  Bell  and  C°;  art.  favorable.  —  Calendar 
of  State  Papers,  Domestlc  Séries  of  the  Relgn  of  Ellzabeth,  edited  by  Mary  A.  E. 
Green;  Longmans  and  C°;  2  vol.,  1 595-7  et  1 598-1601.  —  Ch.  Beke,  Sur  la 
dérivation  du  mot  «  barge.  »  La  discussion  de  l'étymologie  de  ce  mot  dure  dans 
VAthenaeum  depuis  plusieurs  n"*  et  montre  chez  ceux  qui  y  prenne  part,  une  bien 
grande  ignorance  de  la  matière.  Ici  M.  Beke  rattache  à  barge  le  mot  baard  qui 
est  le  français  barde,  barder;  renvoyé  à  Diez,  Etym.  Wœrt.  I,  52  et  $3,  aux  mots 
barca  et  barda. 

16  octobre. 

The  Odes  and  Epodes  of  Horace,  a  metrical  translation by  Lord  Lytton; 

Blackwood.  —  Nicholls,  The  remarkable  Life of  Sébastian  Cabot  of  Bristol; 

Low  and  C°;  paraît  fondé  sur  des  recherches  originales;  le  compte-rendu  est  du 
reste  dépourvu  de  compétence.  —  Lecoy  de  La  Marche,  La  Chaire  française  au 
moyen-âge;  Didier.  —  William  Llbrl;  audacieux  panégyrique  dans  lequel  la  valeur 
de  Libri  comme  savant  est  exaltée,  tandis  que  les  preuves  qui  ont  été  fournies 
de  ses  vols  dans  nos  bibliothèques  sont  considérées  comme  non  avenues.  L'auteur 
semble  ignorer  que  l'opinion  publique  en  Angleterre,  qui  était  dans  l'origine 
favorable  à  Libri,  a  subi  depuis  plusieurs  années  un  revirement  notable.  Du 
reste,  s'il  était  nécessaire,  de  nouvelles  preuves  pourraient  être  ajoutées  à  celles 
qui  ont  été  produites.  — W.  S.  Ellis,  The  Antlqultles  of  Heraldry ;  J.  R.  Smith  ; 
l'auteur  s'efforce  de  faire  remonter  jusqu'à  l'antiquité  la  plus  reculée  l'usage  des 
armoiries,  tentative  qui  n'est  pas  nouvelle. 

Jahrbuch  fur  romanische  und  englische  Literatur.  T,  X,  3"  cahier. 

P.  241.  A.  Scheler,  Glanures  lexlcographlques .  Observations  sur  un  certain 
nombre  de  noms  difficiles  tirés  de  la  Vie  de  sainte  Elol,  pubhée  en  1859  par 
M.  Peigné-Delacourt.  Un  des  prochains  n"'  du  Jahrbuch  contiendra  de  nouvelles 


REVUE   CRITIQ_UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N*  44  —  30  Octobre  —  1869 

Sommaire:  213.  Wecklein,  Recherches  épigraphiques  sur  la  grammaire  grecque. — 
214.  BiELCHOWSKY,  Lcs  Syssities  lacédémoniennes.  —  215.  Zingerle,  Ovide.  — 
216.  Sechetan,  Le  premier  royaume  de  Bourgogne.  —  2I7._Rudolphi,  La  famille 
Froschauer.  —  218.  De  Beauchesne,  Vie  de  Madame  Elisabeth.  —  219.  De 
Manne  et  Ménétrier,  Les  Comédiens  de  la  troupe  de  Nicolet.  —  Variités  :  Les 
étudiants  és-lettres  en  France. 


213.  —  Curae  epigraphicae  ad  grammaticam  graecam  et  poetas  scenicos 
pertinentes,  scripsit  N.  Wecklein.  Lipsiae,  Teubner,  1869.  In-8*,  67  p.  — 
Prix  :  1  tr.  7  5 . 

M.  Wecklein  a  tiré  de  l'étude  des  inscriptions  attiques  tout  ce  qui  peut  servir 
à  la  détermination  des  formes  attiques,  principalement  chez  les  poètes  dra- 
matiques. 

1°  Les  désinences  du  datif  pluriel  en  ^ai,  -nai,  amt,  aai,  oi<n  se  trouvent  dans 
les  inscriptions  antérieures  à  l'Olympiade  90  (420-417).  L'adverbe  'Aôr.vr.ai  qui 
doit  s'écrire  sans  •.  souscrit  est  un  reste  de  ces  anciennes  formes. 

2°  La  forme  la  plus  ordinaire  du  nom  de  Minerve  est  r,  'A&r.vai'a.  On  rencontre 
assez  souvent  aussi  '.\6r.vaa  et  'Aôr.vâ. 

3°  L'article  et  les  démonstratifs  sont  employés  au  duel  seulement  sous  la  forme 
masculine ,  même  quand  ils  se  rapportent  à  des  substantifs  du  genre  féminin , 
Toïv,  TO'j-oiv,  Tw,  twSe,  to-jto),  aùTû,  etc.  On  rencontre  le  féminin  duel  du  parti- 
cipe. Le  duel  est  d'un  usage  très-fréquent  dans  l'ancienne  langue  attique. 

4°  Les  noms  en  sO;  ont  le  nominatif  pluriel  en  ^;  avant  la  113*  Olymp.  (328- 
3  2  5).  A  partir  de  cette  époque  on  rencontre  plus  souvent  ei;  et  même  esç.  L'accu- 
satif pluriel  est  ordinairement  eo;,  rarement  àç,  plus  tard  eï?. 

j°  La  forme  non  contracte  des  noms  propres  en  x),£t.;  n'est  pas  rare.  Le 
génitif  y./io-j,  et  l'accusatif  x/î-v  ne  sont  peut-être  pas  antérieurs  à  la  123*  Olymp. 
(288-28  j).  Les  génétifs  xpàTo-j,  ?àvo-j,  côévou,  y^vo-j,  (jlevou  sont  du  même  temps. 

6°  7;-j7.v6;  est  la  forme  ancienne  du  génitif  de  t^vO?. 

7°  La  forme  sûvoy;  pour  tlw.  est  d'un  temps  postérieur. 

S°  5\jo,  Syoïv  sont  les  formes  attiques  et  non  Sûu,  Syeïv  ou  Svaî. 

9°  On  trouve  to  a-j-rôv  et  -à  a-jTÔ,  o-J6ît;,  \Lrfiiic. 

1 0°  On  rencontre    ffww  pour  cwdto,  i-e-:â.'/a.-:o,  YsypàçaTat. 

1 1°  On  a  employé  r,ûpéft»i,  Tjûpr.Tat  jusqu'à  la  106^  Olympiade  environ  (j  J6-3  5  3). 

On  employait  aussi  œfr).(ùam,  à'/r,>,w9r,. 

1 2°  On  rencontre  souvent  ëvexîv,  et  même  quelquefois  eïvsxa,  non  oOvsxa  du 
moins  comme  préposition. 

1 3"  On  trouve  souvent  ttcuSm,  dtvSpôiv  Ivt'xa  dans  les  inscriptions  chorégiques; 
viii  18 


b 


274  REVUE    CRITIQUE 

on  rencontre  wçeXeîv  avec  le  datif;  ôtcwç  construit  avec  le  subjonctif  est  presque 
toujours  accompagné  de  âv. 

14°  ôurix^û  et  non  8ur,xoù. 

I  5°  çàpÇai  pour  9pâ|ai,  çatSuvriQ;  poUr  çaiSpuvTïjç. 

16°  Les  attiques  ascrivaient  l't  dans  beaucoup  de  formes  o\x  il  a  été  supprimé, 

owiCetv,  èvwiSiw,  7:aTptotr,ç. 

17°  L'assimilation  était  faite  dans  la  prononciation  vulgaire,  puisqu'on  trouve 

è[i  Ileipatsï,  éy  '^u'-'^w,  ê;  2(x[j.w,  èy  AÉffêou,  èàji.  Tiep,  tw|jl  {jitaOwffecov,  TÔy  Ypa[JLtiaTéa,  tô). 
XoYov.  D'autre  part  on  trouve  èvyuç,  èvyovoyç,  nàv^O.o;. 

18°  On  ne  supprimait  pas  toujours  dans  l'écriture  les  voyelles  élidées.  Ainsi  on 

trouve  [xi^Te  àTToSÔCTÔai,  Èàv  Se  ol,  àpeT^ç  te  evexa. 

1  9°  On  rencontre  TàÔrivà»  pour  t»)  'Aer,vàa,  â5s),çot  pour  ol  à5£).9ot. 

20"  Dans  des  inscriptions  écrites  en  un  temps  où  l'usage  du  signe  de  l'esprit 
rude,  H,  commençait  à  disparaître,  c'est-à-dire  dans  la  93"  Olympiade  (408- 

405),  on  rencontre  ëSpav  et  HotxoÙCTt,  Hsxovxa,  mv  pour  èv,  HeTrî. 

21°  Le  V  euphonique  est  tantôt  mis  devant  des  consonnes,  tantôt  supprimé 
devant  des  voyelles,  sans  qu'on  puisse  observer  aucune  régularité  dans  son 
emploi. 

22°  âxpt  et  (xe'xpt  sont  seuls  employés,  même  devant  des  voyelles. 

2  3°-28o  On  trouve  noteiôaia,  <7Toà,  IIsipaÉa;,  Iletpaewv,  Iletpasa  à  CÔté  de 
Iletpateij;,  Ileipatea,  ttoeïv  (très-fréquemment) ,  (xtxpôç  (plus  souvent  que  (7[xtxp6ç), 

YtYvo|xai,  yiyvwaxu  (constamment  avant  l'époque  d'Alexandre). 

290  La  forme  lOv  est  tombée  en  désuétude  vers  les  Olympiades  90-92  (420- 
409).  El;  se  rencontre  quelquefois  avant  Euclide  (403)  à  côté  de  èç  et  devient 
ensuite  de  plus  en  plus  fréquent. 

300  On  trouve  sans  a,  Sie^wjxévai,  StéÇwTat,  uTréÇwTat. 

510  On  trouve  aUî,  aiextaïoi,  aîsToyç,  aï  eXàat  (pour  l'arbre),  èxàa?  (pour  le 
fruit). 

On  voit  par  cette  analyse  sommaire  des  résultats  que  M.  Wecklein  a  tirés 
des  inscriptions,  combien  son  travail  est  utile  et  mérite  d'être  recommandé  à 
ceux  qui  s'occupent  de  grammaire  grecque. 


214.  —  A.  BiELCHOwsKY.  De  Spartanorum  syssitiis.  Gr.  in-8',  $6  p.  Berlin, 

Calvary,  1869.  —  Prix  :  i  fr.  75. 

Tout  le  monde  connaît  les  repas  communs  des  Spartiates ,  et  leur  frugalité 
primitive  est  restée  en  proverbe;  mais  personne,  à  ma  connaissance,  n'avait 
encore  songé  à  consacrer  à  cette  institution  une  étude  spéciale.  Un  jeune  docteur 
de  l'Université  de  Breslau,  M.  Bielchowsky,  vient  d'essayer  de  combler  cette 
lacune. 

Après  avoir  rapidement  indiqué  les  documents  peu  nombreux  à  l'aide  desquels 
on  peut  écrire  l'histoire  des  Syssities  lacédémoniennes,  M.  B.  démontre  par  des 


d'histoire  et  de  littérature.  275 

arguments  péremptoires  que  le  vrai  nom  qui  leur  convient  est  celui  d'àvSpsîa 
çiSiTia,  ou  simplement  de  çtoîTta;  il  repousse  par  conséquent  les  opinions  de 
Hœckh,  de  Gœttling,  de  Wachsmuth,  et  d'autres  philologues,  qui  admettent  soit 

çiXtTta,  soit  çetSiTia. 

M.  B.  prouve  aussi  victorieusement  que  les  Irènes,  bien  que  rigoureusement 
ils  ne  fussent  pas  àvops;,  prenaient  part  aux  Syssities.  L'erreur  de  Kopstadt, 
d'après  lequel  Convivii  viri  tantum,  i.  e.  ti  qui  triginîa  annis  majores  erant,  parti- 
»  cipes  erant^  me  paraît,  en  effet,  certaine. — Je  me  sépare  toutefois  de  M.  B. 
lorsqu'il  déclare,  p.  37,  que  les  Syssities  étaient  en  général  composées  de  per- 
sonnes du  même  âge  ;  in  plerisque  Syssitiis  nonnisi  viri  militiae  obnoxii  et  pares 
eranî.  Je  crois  au  contraire  que  «  les  jeunes  gens  étaient  mêlés  aux  vieillards 
»  afin  de  profiter  de  leur  expérience  et  de  s'instruire  par  leurs  leçons.  »  Ce  texte 
de  Xénophon  ÇRep.  Lac.  V,  6)  s'applique  bien  à  la  composition  des  phidities  et 
n'a  pas  trait  seulement  à  la  présence  des  enfants,  admis  à  assister  aux  repas, 
mais  sans  y  prendre  part  (Plutarque,  Lycurgae,  12.  Cf.  Hermann,  Staatsalter- 
thumer,  4^  éd.  §  28,  14). 

A  la  différence  de  ce  qui  avait  lieu  pour  les  àvopna  des  Cretois ,  les  frais  des 
repas  communs  des  Lacédémoniens  n'étaient  pas  supportés  par  l'État;  chaque 
citoyen  devait  y  contribuer  par  des  prestations  mensuelles,  en  nature  et  en 
argent  :  environ  77  litres  de  farines,  36  litres  de  vin,  une  certaine  quantité  de 
fromage  et  de  figues  et  dix  oboles  Eginétiques  (Dicaearque,  apud  Athenaeum, 
IV,  sect.  19).  Quiconque  ne  se  conformait  pas  à  cette  obligation  était  par  cela 
même  déchu  du  droit  de  cité  (Aristote,  Polit.  II,  6,  §  21).  Grave  disposition 
qu'Aristote  a  vivement  blâmée,  prouvant  par  là  qu'il  n'était  pas  dupe  de  l'illusion 
de  certains  auteurs  contemporains ,  qui  ont  cherché  à  l'atténuer,  ou  même  qui 
l'ont  déclarée  inapplicable  I 

M.  B.  trouve  dans  cette  loi  l'explication  d'un  fait  qui  surprend  tous  les  histo- 
riens. Dans  un  espace  de  1 10  ans,  de  480  à  371  av.  J.-C,  le  nombre  des 
citoyens  de  Sparte  tomba  de  8000  à  1200I  —  Pendant  la  période  antérieure,  le 
mal  avait  été  moins  grand  ;  les  guerres  que  Sparte  soutint  contre  les  Messéniens 
et  les  Argiens  avaient  permis  de  reconstituer,  au  moins  en  partie ,  la  fortune  de 
ceux  qui  tombaient  dans  la  misère.  En  outre,  beaucoup  de  Spartiates 
mettaient  en  pratique  les  doctrines  qui  depuis  furent  professées  par  Malthus; 
afin  d'échapper  aux  pénalités  légales,  ils  restreignaient  volontairement  leur 
filiation  et  il  n'était  même  pas  rare  de  voir  plusieurs  frères  se  contentant 
d'une  seule  femme.  —  Mais,  de  480-371,  époque  de  crises  et  de  guerres  inces- 
santes, un  grand  changement  se  produisit.  La  plupart  des  familles  furent  com- 
plètement ruinées;  d'autres,  attachant  moins  de  prix  au  droit  de  cité,  abandon- 
nèrent leur  ancienne  réserve.  Les  citoyens  furent  presque  tous  hors  d'état  d'ac- 
quitter la  cotisation  mensuelle  et  on  appliqua  rigoureusement  la  loi.  De  là  cette 
réduction  à  1200. — Au  lendemain  de  la  bataille  de  Leuctres,  où  périrent  encore 


1.  Dcrerum  Laconicarum  constitutionis  Lycurgeae  origine,  Greifswald,  1849,  p.  134. 


276  REVUE  CRITIQUE 

400  Spartiates,  les  hommes  d'État  durent  enfin  reconnaître  les  inconvénients 
que  la  loi  avait  pour  la  République,  et  ils  suspendirent  son  application.  Dans  une 
autre  circonstance,  Agésilas  avait  dit  :  tou;  vôfAouç  M  ari\Ltçio\  èàv  xaOeOSsw  (Plutarque, 
Agésilas,  30).  On  laissa  donc  dormir  notre  loi;  on  se  borna  à  reléguer  dans  le 
peuple  (5yj(ioç)  et  à  frapper  de  certaines  incapacités  celui  qui  était  trop  pauvre 
pour  figurer  dans  les  Syssities;  mais  on  lui  laissa  sa  qualité  de  citoyen.  Aussi,  en 
244,  il  y  avait  encore  700  Spartiates,  et  la  diminution,  cette  fois,  peut  s'expli- 
quer normalement  par  les  pertes  faites  sur  le  champ  de  bataille.  —  Ces  aperçus, 
que  j'ai  brièvement  résumés,  sont  ingénieux  et  méritent  de  fixer  l'attention  des 
historiens. 

J'en  dirai  autant  des  développements  que  M.  B.  donne  à  une  question  sur 
laquelle  les  savants  sont  loin  d'être  d'accord  :  les  Syssities  formées  en  vue  des 
repas  communs  et  composées  de  quinze  personnes  étaient-elles  les  mêmes  que 
les  syssities  militaires  dont  il  est  parlé  dans  plusieurs  textes  (Hérodote,  I,  65; 
Polyen,  Sîrategicoriy  II,  5,  11)?  —  La  négative  est  énergiquement  soutenue  par 
Mùller,  par  Kopstadt  Qoc.  cit.,  p.  153),  par  Ruestow  et  Kœchly  (Geschichîe  des 
griechischen  Kriegswesens ,  1852,  p.  38),  par  Stein  (Das  Kriegswesen der Spartaner, 
1863,  p.  6).  M.  B.  n'hésite  pas  cependant  à  adopter  l'affirmative  et  je  crois  qu'il 
a  raison.  Pour  lui,  Syssitia  ordines  virorum  et  civiles  et  militares  erant  (p.  33). 
La  syssitie  militaire  était  au  temps  d'Hérodote  une  subdivision  de  la  triacade, 
plus  tard  une  subdivision  de  l'énomotie.  M.  B.  ne  se  borne  pas  à  formuler  très- 
nettement  son  système;  il  réfute  habilement  les  principales  objections  qui  peuvent 
lui  être  adressées,  notamment  celle  qui  est  tirée  du  silence  de  Xénophon  {Rep. 
Lac.  XI,  4)  et  de  Thucydide  (V,  68)  dans  leur  énumération  des  diverses  parties 
de  l'armée  lacédémonienne;  il  s'attache  enfin  à  démontrer  les  inexactitudes  et  les 
incohérences  qui  se  rencontrent  dans  les  systèmes  présentés  par  ses  adversaires. 
—  Cette  partie  de  la  dissertation  est  très-complète,  et  ceux  qui  dans  l'avenir 
auront  à  traiter  de  l'organisation  militaire  de  Sparte  devront  nécessairement  la 
consulter. 

Je  ne  saurais  approuver  cependant  une  correction  trop  hardie  que  M.  B.  pro- 
pose d'apporter  à  un  texte  de  Plutarque  et  qui,  si  elle  pouvait  être  admise,  ferait 
disparaître  le  principal  argument  des  partisans  des  deux  s'yssities.  —  Le  roi  Agis 
a  résolu  de  rétablir  la  discipline  des  anciens  Spartiates  et  notamment  les  syssities; 

d'après  le  texte  vulgaire,  il  veut  (rûv-ra^iv  toutwv  elç  irevrexatSexa  yevé<s^a.i  çiSkta  xatà 

TETpaxoaioyç  xal  Staxoaiouç  (Pluiav que,  Agis,  S).  M.  B.  fait  remarquer  très-justement 
qu'il  est  impossible  de  reconnaître  dans  ce  passage  la  vieille  organisation  des 
repas  publics;  il  propose  donc  de  le  modifier  et  de  lire  :  aûvra^v  toutwv  elç 
Tptaxôaia  YcvÉTÔat  çt5tTia  xatà  usvTsxaiSexa.  —  Fort  heureusement,  la  thèse  de 
M.  B.,  qui  est  aussi  la  mienne,  peut  être  défendue  par  de  meilleurs  arguments; 
car,  si  elle  ne  devait  prévaloir  que  lorsque  cette  correction  sera  unanimement 
admise,  son  triomphe  serait  longtemps  ajourné. 

E.  Caillemer. 


d'histoire  et  de  littérature.  277 

21 5.  —  Ovidius  und  sein  Verhaeltniss  zu  den  Vorgaengern  und  gleichzeitigen  rœmischen 
Dichtern,  von  Anton  R.  Zingerle.  i.  Heft.  Ovid,  Catull,  Tibull,  Properz.  Innsbruck, 
Wagner,  1869.  136  p.  —  Prix  :  3  fr.  25. 

M.  Zingerle  s'est  proposé  pour  une  partie  des  poèmes  d'Ovide  un  travail 
analogue  à  celui  qui  a  été  fait  souvent  pour  les  poètes  latins.  Il  a  recueilli  avec 
une  rare  patience  et  en  mettant  une  certaine  méthode  dans  la  manière  dont  il 
expose  le  résultat  de  ses  recherches,  toutes  les  pensées,  toutes  les  images,  tous 
les  tours  de  phrase  ou  de  versification  qui  constituent  à  ses  yeux  chez  ce  poète 
soit  des  réminiscences,  soit  des  imitations.  De  plus  il  a  ajouté,  ce  que  ne  men- 
tionne pas  le  titre,  l'indication  de  tous  les  passages  dans  lesquels  Ovide  s'est  en 
quelque  sorte  copié  lui-même.  Sans  vouloir  absolument  nier  l'utilité  d'une  pareille 
entreprise,  bien  faite  assurément  pour  nous  initier  aux  procédés  techniques  de  la 
versification  latine  et  pouvant  de  plus  rendre  quelquefois  service  à  la  critique 
verbale,  je  ne  saurais  cependant  lui  accorder  l'importance  que  l'auteur  semble  y 
attacher.  Les  conclusions  qu'il  voudrait  en  tirer  me  semblent  en  tout  cas  infirmées 
par  deux  considérations.  Tout  d'abord  la  poésie  latine  en  général  et  en  particu- 
lier la  poésie  élégiaque  n'a  fait  que  se  mouvoir  dans  un  cercle  passablement 
restreint.  Quoi  de  plus  naturel  par  conséquent  que  la  reproduction  fréquente  des 
mêmes  idées,  des  mêmes  comparaisons,  des  mêmes  expressions?  A  cela  vient 
s'ajouter  encore  l'imitation  des  mêmes  modèles.  Le  second  point  qu'à  mon  avis 
M.  Z.  a  peut-être  trop  perdu  de  vue,  touche  aux  conditions  particulières  même 
où  se  trouve  placée  la  versification  latine.  Plus  que  toute  autre  et  pour  des 
raisons  qui  ont  été  développées  dans  un  livre  trop  peu  connu  de  M.  Kœne', 
elle  obéit  à  des  lois  qui  lui  sont  imposées  par  des  nécessités  prosodiques.  C'est 
là  ce  qui  explique  suffisamment  pourquoi  tel  mot  donné  revient  nécessairement 
à  telle  place  déterminée  du  vers.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  M.  Z.  réunit  de 
cette  façon  tous  les  vers  d'Ovide  où  les  mots  miserabilis  et  miserabile  forment 
l'avant-dernier  mot  de  l'hexamètre.  Il  suffit  d'ouvrir  l'index  d'Erythraeus  sur 
Virgile  pour  rencontrer  exactement  le  même  nombre  de  vers  offrant  la  même 
particularité.  Il  en  est  de  même  d'une  foule  d'autres  cas.  Je  ne  serai  probablement 
pas  de  l'avis  de  tout  le  monde  en  osant  prétendre  que  ce  qui,  au  point  de  vue 
philologique  constitue  un  désavantage  évident,  j'allais  dire  une  infirmité  évidente, 
a  contribué  dans  une  certaine  mesure  à  assurer  le  succès  prolongé  dont  jouit  la 
versification  latine.  Dans  tous  les  cas,  et  c'est  ce  que  prouve  surabondamment 
le  travail  de  M.  Z.,  il  n'est  pas  précisément  nécessaire  de  descendre  jusqu'aux 
poètes  latins  modernes,  pour  arriver  à  constater  une  ressemblance  frappante 
entre  certains  procédés  de  la  versification  latine  et  ceux  employés  pour  le  travail 
de  la  mosaïque. 

Emile  Heitz. 


Kœne,  Uebcr  die  Sprache  der  rœmischen  Epiker,  Mùnchen,  1840.  In-8* 


278  REVUE   CRITIQUE 

216.  — Le  premier  royaume  de  Bourgogne,  par  Éd.  Secretan,  professeur  de 
droit.  Lausanne,  1868.  In-8*,  17$  p. 

L'apparition  simultanée  du  livre  de  M.  Binding  (voy.  notre  précédent  n»)  et 
de  celui  de  M.  Secretan  sur  l'histoire  des  Burgundes  est  une  fâcheuse  coïncidence 
pour  ce  dernier.  La  comparaison  nous  rend  peut-être  à  son  égard  d'une  sévérité 
exagérée,  et  le  superbe  mépris  dont  M,  S.  couvre  tous  ceux  qui  ne  partagent  pas 
ses  opinions,  n'est  pas  fait  pour  nous  désarmer.  L'opuscule  de  M.  S.  se  divise 
comme  l'œuvre  de  M.  Binding  en  deux  parties  :  une  étude  sur  l'histoire  des 
Burgundes  et  une  étude  sur  leur  législation.  La  première  partie  est  la  moins 
bonne.  Au  lieu  d'user  d'une  sage  réserve,  comme  M.  Binding,  M.  S.  a  donné 
une  extension  disproportionnée  à  la  période  primitive  et  tout  à  fait  incertaine  de 
l'histoire  burgunde.  Il  consacre  50  pages  aux  événements  qui  précèdent  l'arrivée 
des  Burgundes  en  Sabaudie  et  à  un  interminable  récit  de  la  bataille  de  Châlons, 
et  48  à  la  période  qui  suit,  la  plus  importante  pour  l'histoire  comme  pour  le 
droit.  Il  aurait  dû  se  contenter  de  renvoyer  pour  la  première  période  à  son  livre 
sur  la  tradition  des  Nibelungen,  qui  a  été  déjà  apprécié  dans  la  Revue  K  L'histoire 
même  des  rois  burgundes  est  traitée  d'une  manière  superficielle  et  avec  une 
connaissance  incomplète  des  textes.  Je  ne  citerai  que  quelques-unes  des  erreurs 
où  est  tombé  M.  S.  pour  montrer  combien  il  serait  dangereux  de  se  fier  à  ses 
assertions,  car  M.  S.  affirme  plus  qu'il  ne  prouve.  P.  24  :  Paul  Diacre  (740- 
790)  n'est  point  un  contemporain  de  Jornandès  (vers  552).  P.  29:  le  rang  où  un 
peuple  est  cité  dans  une  énumération  n'a  souvent  rien  à  faire  avec  son  impor- 
tance, d'ailleurs  M.  S.  doit  avoir  cité  Jornandès  (c.  36)  sans  avoir  eu  le  texte 
sous  les  yeux,  car  les  Burgundes  s'y  trouvent  au  5"  et  non  au  3*  rang.  P.  56  : 
Marius  ne  mourut  pas  en  601,  mais  en  593.  P.  57  :  M.  S.  cite  comme  tiré  de  la 
chronique  d'Eusèbe  qui  se  termine  en  329,  un  passage  dont  le  début  se  rapporte 
à  l'année  377  et  la  fin  aux  années  443-456.  Ce  passage  est  tiré  de  la  chronique 
dite  de  Frédégaire  (II,  46);  les  deux  premières  lignes  sont  extraites  de  la  chro- 
nique de  saint  Jérôme  (ad  ann.  377),  continuateur  d'Eusèbe,  et  le  reste  est 
ajouté  par  le  chroniqueur,  d'après  une  source  qui  nous  est  inconnue.  Le  témoi- 
gnage est  donc  du  vii^etnon  du  v^  siècle.  M.  S.  d'ailleurs  méconnaît  entièrement 
l'établissement  des  Burgundes  en  Sabaudie  en  443  et  le  confond  avec  leur  entrée 
en  Viennoise  en  456,  ce  qui  ne  l'empêche  pas  de  traiter  de  fort  haut  ceux  qui  refu- 
seraient de  se  rendre  au  soi-disant  témoignage  d'Eusèbe!  (p. 60).  P.  69:«leshis- 

»  toriens  disent  que »  quels  historiens?  P.  72  :  «ChilpériketGodomars'al- 

»  lièrent  aux  Alamans  contre  leur  frère  Gundebaud.  »  Cela  est  de  pure  inven- 
tion. M.  S.  l'a  lu  sans  doute  dans  les  historiens?  P.  73  :  M.  S.  dit  que  la  femme 
de  Hilperik  s'appelait  Agrippine.  Pourquoi  pas  Tanaquil  aussi  ?  Voici  le  passage 

de  Sidoine  Apollinaire  sur  lequel  il  s'appuie  (V.  7):  « tempérât  Lucumonem 

»  nostrum  Tanaquil  sua nostrumque  Germanicum  praesens  Agrippina  mode- 

I.  Rev.  crit.,  1866,  art.  115. 


d'histoire  et  de  littérature.  279 

»  retur »  P.  7$  :  M.  S.  semble  croire  que  les  récits  de  Grég.  de  T.  et  de 

Frédégaire  sur  le  mariage  de  Hrôtehild  sont  identiques.  Ils  diffèrent  profondé- 
ment. Ibid.  :  Ce  n'est  pas  à  Tolbiac  que  Chlodovech  a  battu  les  Mamans  (v. 
Junghans  :  Gesch.  Childerichs  und  Chlodov.  p.  39-41)'  •^^'^-  •  La  présence  à 
Epaône  en  J17  de  l'évêque  de  Windisch  ne  prouve  pas  que  Gundobad  eut 
conquis  cette  ville  en  496,  et  la  part  que  M.  S.  lui  fait  prendre  à  la  guerre  contre 
les  Alamans,  est  une  hypothèse  sans  fondement.  P.  82  :  Gundobad  ne  put  pas 
confier  à  Avitus,  en  501 ,  l'éducation  de  Sigismond,  qui  à  cette  époque  avait  plus 
de  trente  ans,  était  marié  et  avait  même  deux  enfants.  P.  82  :  Gundobad  ne  fut 
pas  du  tout  passif  dans  la  guerre  wisigothique.  Il  y  prit  part  comme  allié  de 
Chlodovech  (v.  Isid.  Hisî.  wisig.  era  521). 

La  seconde  partie  de  l'opuscule  de  M.  S.  est  meilleure  que  la  première.  Elle 
consiste  en  une  analyse  assez  bien  faite  des  diverses  institutions  burgundes.  Mais, 
des  deux  questions  les  plus  intéressantes  que  soulève  l'histoire  de  la  législa- 
tion, l'une  est  à  peine  effleurée,  sur  l'autre  M.  S.  s'est  complètement  trompé. 
M.  S.  en  effet  n'a  pas  étudié  l'influence  de  l'histoire  des  Burgundes  sur  leur 
législation;  il  n'a  pas  cherché  à  déterminer  si  le  texte  que  nous  possédons  est 
une  réunion  de  lois  faites  à  diverses  époques  ou  bien  la  dernière  codification  offi- 
cielle. C'est  pourtant  là  une  question  capitale  pour  l'histoire  du  droit.  Quant  au 
partage  des  terres  sur  lequel  repose  pour  ainsi  dire  toute  la  législation  burgunde, 
M.  S.  a  suivi  le  plus  dangereux  des  guides,  M.  de  Gingins-la-Sarraz',  dont  les 
hypothèses  pleines  d'imagination  n'ont  qu'un  défaut,  c'est  de  n'avoir  aucun 
rapport  avec  les  textes  très-précis  que  nous  possédons.  Nous  nous  contentons  de 
renvoyer  M.  S.  à  l'appendice  IV  de  M.  Binding,  où  il  a  fait  Justice  de  ces 
étranges  idées.  Ce  qui  dans  le  volume  de  M.  S.  mérite  le  plus  l'attention,  ce  sont 
les  appendices  D  et  E  sur  les  institutions  rurales  de  la  Suisse  au  moyen-âge. 
Mais  elles  n'ont  qu'un  rapport  éloigné  avec  les  institutions  burgundes.  Ce  serait 
une  tâche  superflue  que  de  vouloir  indiquer  les  nombreux  errata  dont  fourmille 
l'opuscule  de  M.  S.  Mais  on  s'étonne  d'y  trouver  des  fautes  de  français,  telles 
que  :  «  Gondebaud  en  fut  imputable  »  (p.  73). 

M.  S.  qui  est  connu  comme  un  juriste  de  mérite,  aurait  mieux  fait  d'attendre 
pour  publier  son  travail  d'avoir  pu  l'approfondir  davantage.  Une  publication 
aussi  hâtive  et  aussi  incomplète,  ne  peut  que  nuire  à  sa  réputation  sans  bénéfice 
pour  la  science.  G.  Monod. 

217.  —  Die  Buchdrucker-Familîe  Froschauer  in  Zurich,  1 521-1595,  von 
E.  Camillo  Rudolphi.  Zurich,  Orell,  Fuessli  et  C*,  1869.  In-8*,  vij-91  p.  —  Prix  : 

S  fr- 

Les  Froschauer  tiennent  un  rang  distingué  dans  cette  cohorte  brillante  de  typo- 
graphes du  xvi*^  siècle,  aussi  recommandables  par  leur  activité  que  par  leurs  con- 
naissances et  par  leur  dévouement  à  la  noble  industrie  à  laquelle  ils  consacrèrent 

I.  Gingins-la-Sarraz:  Essai  sur  l'établissement  des  Burg.  en  Gaule.  Mém.  de  l'Ac.  de 
Turin.  T.  XL,  i"  série  (18} i). 


28o  REVUE   CRITIQUE 

tous  leurs  moments.  Christophe  Froschauer,  né  à  Neuburg  en  Bavière,  fut  le  chef 
d'une  race  vaillante  ;  on  croit  qu'il  était  fils  de  Jean  Froschauer,  imprimeur  à  Augs- 
bourg  et  que  l'époque  de  sa  naissance  est  entre  1480  et  1490.  En  1 5 19  il  obtint 
à  Zurich  où  il  s'était  établi,  le  droit  de  bourgeoisie,  et  il  établit  dans  cette  ville  un 
atelier  typographique  qui  acquit  bientôt  de  l'importance.  Le  premier  ouvrage 
qu'il  mit  au  jour  est  daté  de  1 5  2 1  ;  c'est  une  traduction  allemande  d'un  traité 
d'Erasme.  Partisan  zélé  de  la  Réforme,  Froschauer  multiplia  les  éditions  de  la 
Bible  en  diverses  langues,  et  il  fut  l'éditeur  de  la  plupart  des  écrits  de  Zwingle 
et  de  Bullinger;  des  ouvrages  de  divers  savants  distingués,  tels  que  Bibliander 
et  Pierre  Martyr,  sortirent  également  de  ses  presses.  L'étendue  croissante  de  ses 
travaux  l'amena  à  prendre  pour  collaborateur  son  frère  Eustache  et  ses  deux 
neveux,  Eustache  et  Christophe;  après  sa  mort,  survenue  le  i^""  avril  1 564,  ce 
fut  ce  dernier  qui  lui  succéda;  il  mourut  à  son  tour  le  2  février  IS85,  sans 
laisser  d'enfants;  ses  héritiers  continuèrent  d'imprimer  en  mettant  au  frontispice 
de  leurs  livres  :  ex  officina  Froschoveri;  en  1 590,  ils  cédèrent  leurs  ateliers  à  Jean 
Wolf  de  Zurich  qui  continua  encore,  pendant  quelques  années,  d'employer  les 
mots  :  typis  Froschovianis.  M.  S.  Vœgelin  a  consacré  au  typographe  qui  nous 
occupe  une  sérieuse  étude  biographique  :  Chr.  Froschauer  d'après  sa  vie  et  ses 
œuvres,  Zurich,  1840,  in-8°;  mais  il  restait  à  faire  le  relevé  exact  et  complet  des 
productions  mises  au  jour  par  cette  famille,  et  c'est  ce  que  M.  Rudolphi  s'est  pro- 
posé de  faire;  c'est  ce  qu'il  a  exécuté  avec  beaucoup  de  soin.  Il  a  fouillé  la 
bibliothèque  municipale  de  Zurich,  dont  le  catalogue,  publié  en  1864,  occupe 
4  volumes;  il  a  fait  des  recherches  chez  des  libraires  et  dans  les  cabinets  de 
quelques  amateurs;  il  a  interrogé  les  divers  ouvrages  de  bibliographie  (notam- 
ment les  Annales,  habituellement  fort  exactes  de  Panzer)  et  il  a  eu  la  bonne 
fortune  de  pouvoir  consulter  deux  catalogues  des  productions  de  la  typographie 
de  Froschauer,  publiés  par  elle-même  et  dont  il  n'existe  peut-être  plus  qu'un 
seul  exemplaire.  Le  catalogue  contient  en  tout  86$  numéros;  les  47  premiers  se 
rapportent  à  des  éditions  sans  dates;  les  autres  s'étendent  de  1521   à   1595. 
Parmi  les  nombreux  ouvrages  qui  s'offrent  ainsi  à  nos  yeux,  nous  signalerons  la 
comédie  de  Gnaphseus  Acolastus,  dont  le  succès  fut  très-vif  au  xvi^  siècle,  deux 
éditions  d'Esope  en  latin,  comprenant  aussi  les  fables  d'Abstemius  et  les  facéties 
de  Pogge;  la  comédie  de  Bétuleus,  Susanna,  les  Eglogues  de  Calphurnius,  trois 
éditions  des  distiques  attribués  à  Caton;  trois  éditions  grecques  d'une  partie  des 
œuvres  d'Hésiode;  les  Emblemata  de  Georgette  Montenoy;  l'Historia  Anglorum 
de  Mathieu  Paris,  trois  éditions  de  Térence,  deux  de  Virgile.  On  observe  aussi 
dix  ouvrages  différents  d'Érasme  en  latin  ou  en  allemand  (quelques-uns  d'entre 
eux  réimprimés  plusieurs  fois);  sept  ouvrages  de  Luther,  quinze  de  Pierre  Martyr, 
vingt-quatre  du  médecin-naturaliste  Conrad  Gesner,  soixante-six  de  Zwingle,  et 
jusqu'à  quatre-vingt-quinze  ouvrages  de  Bullinger  (plusieurs  d'entre  eux  réim- 
primés à  diverses  reprises).  La. Bible  anglaise  de  i  j^j  (la  première  traduction 
anglaise  protestante  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testament  tout  entiers),  n'est 
pas  signalée,  par  le  motif  sans  doute  qu'il  n'est  pas  certain  qu'elle  soit  sortie  des 


d'histoire  et  de  littérature.  281 

presses  de  Froschauer,  auxquelles  divers  bibliographes  l'ont  attribuée';  mais 
nous  trouvons  mentionnée  la  Bible  de  1 5  50,  in-4°;  elle  ne  porte  pas  le  nom  de 
Froschauer,  mais  Pexempl.  conservé  à  la  bibliothèque  de  Zurich  pone  une  note 
autographe  du  t}-pographe  qui  ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard  *. 

L'immense  majorité  des  productions  mises  au  jour  par  Froschauer  et  ses  suc- 
cesseurs se  rapportent  à  l'explication  de  la  Bible  et  à  la  controverse  religieuse; 
on  y  voit  ainsi  un  témoignage  certain  de  la  disposition  des  esprits  en  Suisse  au 
xvi^  siècle.  Il  serait  d'ailleurs  superflu  de  signaler  l'utilité  que  présentent  de  sem- 
blables bibliographies  spéciales  au  point  de  Mie  de  la  connaissance  des  livres. 
L'inventaire  raisonné  des  travaux  de  chaque  imprimeur  célèbre,  fournirait  d'ex- 
cellents matériaux  pour  l'histoire  littéraire;  M.  Rudolphi  a  fait  pour  Froschauer 
ce  que  Renouard  a  accompli  pour  les  Aide  et  les  Estienne,  Pieters  pour  les 
Elzevier,  F.  Federici  pour  la  tipografia  vulpi-cominiana,  Lama  pour  Bodoni.  Il 
est  fort  à  désirer  que  cet  exemple  trouve  de  nombreux  imitateurs. 


218.  —la,  vie  de  Madame  Elisabeth,  sœur  de  Louis XVI,  par  M.  A.  de  Beau- 
CHESNE,  ouvrage  enrichi  de  deux  portraits  gravés  en  taille- douce  sous  la  direction  de 
M.  Henriquet  Dupont,  par  Morse  et  Emile  Rousseau,  de  fac-siraile  d'autographes  et  de 
plans,  et  précédé  d'une  lettre  de  Mgr.  Dupanloup,  évêque  d'Orléans.  Paris,  H.  Pion, 
1869.  2  vol.  in-8*,  XX- 568  et  608  p.  —  Prix  :  16  fr. 

Il  serait  temps  d'en  finir  avec  ces  certificats  apostoliques  décernés  par  l'évêque 
d'Oriéans  à  tous  les  livres  où  la  Révolution  est  attaquée  sans  raison,  ni  mesure, 
où  l'ancien  régime  est  exalté  et  défendu  avec  plus  de  vivacité  que  de  prudence, 
avec  plus  de  conNÏction  que  d'habileté.  Sans  doute  le  prélat  ne  lit  pas  les  livres 
qu'il  recommande;  l'orthodoxie  de  l'auteur  lui  est  une  garantie  suffisante  du 
mérite  de  ses  œuvres.  La  lettre  sur  la  vie  de  Madame  Elisabeth  le  prouve  assez. 
Mais  peut-être  le  patron  des  publications  catholiques  va-t-il  un  peu  trop  loin  quand 
en  tête  d'un  ouvrage  qui  prétend  occuper  une  place  parmi  les  livres  d'histoire,  il 
accueille  des  récits  comme  celui-ci  :  «  On  dit,  les  contemporains  l'affirment, 
»  qu'au  moment  où  cette  angélique  créature  mourut,  il  se  répandit  comme  il 
»  arrive  quelquefois  à  la  mort  des  saints,  un  parfum  sur  toute  la  place 
))  Louis  XV.  '  »  Il  n'en  faut  pas  davantage  pour  mettre  un  leaeur  sérieux  en 
défiance  contre  une  histoire  qui  débute  de  cette  manière. 

1.  On  l'a  aussi  mise  sur  le  compte  d'Egenolph  de  Francfort;  d'autres  auteurs  ont  parlé 
de  Cologne  ou  de  Lubeck.  Cet  in-folio,  gothique,  à  2  colonnes,  avec  des  gravures  en  bois 
de  H  ans  Sebald  Beham,  est  décrit  en  détail  dans  le  Bibliographer's  Manual  de  Lowndes 
(2*  éd.  Londres,  1857),  1. 1,  p.  174.  On  n'en  connaît  pas  un  seul  exemplaire  parfaitement 
complet;  les  bibliophiles  anglais  recherchent  avec  ardeur  ce  volume  qui  s'est  payé  de  60 
à  120  liv.  ster.  en  vente  publique  et  même,  en  1857,  un  exempî.  s'est  élevé  à  190  liv. 
quoiqu'une  vingtaine  de  feuillets  manquants  eussent  été  refaits  à  la  plume. 

2.  Voir  au  sujet  de  cette  édition  Lowndes,  p.  179.  Il  parait  q^u'on  n'a  pas  encore  vu 
passer  aux  enchères  d'exemplaires  parfaitement  complets,  ce  qui  n'a  point  empêché  de 
payer  de  50  à  38  liv.  ster.  ceux  qui  se  sont  montrés  dans  les  auctions  de  Londres.  Lowndes, 
p.  2625,  parle  en  détail  de  l'édition  précieuse  du  Nouveau  Testament  imprimé  en  1 550; 
on  n'en  connaît  qu'un  très-petit  nombre  d'exemplaires. 

3.  Nous  voyons,  p.  230,  t.  II,  que  l'auteur  de  la  biographie  renchérit  sur  l'évêque 


282  REVUE  CRITIQUE 

La  vie  de  Madame  Elisabeth  ne  fera  pas  revenir  le  lecteur  impartial  des  pré- 
ventions que  lui  auront  inspirées  les  termes  de  la  lettre  de  l'év.êque  d'Orléans. 
Avant  tout  est-ce  bien  la  vie  de  Madame  Elisabeth  que  nous  avons  sous  les  yeux? 
Il  est  de  ces  personnages  historiques  dont  le  rôle  secondaire  et  effacé  ne  saurait 
fournir  les  éléments  d'un  livre  étendu.  D'abord,  en  les  tirant  de  leur  obscu- 
rité, on  leur  nuit,  bien  plus  qu'on  leur  rend  service  ;  la  première  place  dans  un 
livre  ne  leur  convient  pas  et  un  auteur  a  beau  vouloir  la  leur  conserver,  il  ne 
peut  y  parvenir,  sous  peine  de  bouleverser  toutes  les  proportions  des  événements. 
Ainsi  il  est  réduit  ou  bien  à  isoler  son  héros  du  milieu  dans  lequel  il  a  vécu,  en 
ne  racontant  que  ce  qui  le  concerne  strictement,  ou  bien  à  admettre  pour  la 
clarté  de  son  livre  un  grand  nombre  de  détails  qui  n'ont  que  très-indirecte- 
ment rapport  au  sujet  principal. 

Si  le  premier  système  eût  été  adopté,  la  biographie  complète  de  Madame 
Elisabeth  eût  parfaitement  tenu  dans  un  volume  de  cent  à  deux  cents  pages.  Nous 
allons  examiner  comment  l'auteur  est  parvenu  à  l'étendre  jusqu'à  douze  cents. 

En  passant  en  revue  les  chapitres  de  ce  livre,  nous  remarquons  tout 
de  suite  qu'un  certain  nombre  d'entre  eux  n'ont  qu'un  rapport  très-indirect  avec 
la  biographie  de  Madame  Elisabeth.  D'abord  l'Introduction  consacrée  aux  der- 
nières années  du  règne  de  Louis  XV  (48  pages)  lui  est  entièrement  étrangère. 
Le  livre  premier  (p.  49-114)  intitulé:  Éducation  de  Madame  Elisabeth  ;  — 
Mariage  de  Madame  Clotilde,  —  serait  diminué  de  plus  de  moitié  si  on  retranchait 
tous  les  développements  sur  la  mort  de  Louis  XV  et  le  commencement  du  règne 
de  Louis  XVI,  Le  livre  deuxième  (p.  1 1 5-222)  est  aussi  singulièrement  grossi 
de  détails  intempestifs  sur  la  mort  de  Marie-Thérèse  d'Autriche,  sur  les  modes 
et  les  fêtes  du  temps,  sur  la  guerre  d'Amérique,  et  aussi  de  lettres  de  Madame  de 
Bombelles  à  son  mari.  Enfin  nous  arrivons  à  l'installation  de  Madame  Elisabeth  à 
Montreuil  et  à  la  vie  qu'elle  menait  dans  cette  retraite.  De  tout  l'ouvrage  la  fin 
du  livre  deuxième  est  peut-être  la  partie  qui  renferme  sur  la  sœur  de  Louis  XVI 
les  renseignements  biographiques  les  plus  intéressants.  En  vain  l'auteur  consacre- 
t-il  encore  deux  chapitres  (livre  troisième  —  1783  à  1786,  et  livre  quatrième  — 
janvier  1787  à  septembre  1789)  à  conduire  la  vie  de  son  héroïne  jusqu'à  la 
Révolution;  il  est  obligé,  malgré  les  correspondances  auxquelles  il  a  souvent 
recours  pour  dissimuler  l'absence  des  faits,  d'introduire  dans  son  récit  des  digres- 
sions continuelles  sur  l'état  politique  de  la  France  et  des  autres  puissances,  et  de 
ménager  par  des  transitions  habiles,  des  excursions  sur  un  domaine  entièrement 
étranger  à  la  vie  de  Madame  Elisabeth.  Nous  arrivons  à  la  Révolution;  ici  l'au- 
teur est  sauvé;  par  un  procédé  commode  et  dont  il  ne  possède  pas  d'ailleurs 
l'usage  exclusif,  il  raconte  tout  simplement  la  Révolution  ;  seulement  le  nom  de 
Madame  Elisabeth  revient  de  temps  en  temps,  le  plus  souvent  possible,  dans  le 
récit,  comme  un  refrain,  afin  de  prouver  au  lecteur  que  l'écrivain  ne  perd  pas 
de  vue  son  titre. 

d'Orléans.  D'après  lui,  tous  les  mémoires  seraient  d'accord  sur  ce  miracle,  et  il  spécifie 
le  parfum,  c'est  une  odeur  de  rose. 


d'histoire  et  de  littérature.  28j 

A  partir  du  second  volume  la  tâche  devient  encore  plus  facile  ;  les  deux  pre- 
miers chapitres  reproduisent  la  relation  de  la  captivité  de  la  famille  royale  au 
Temple,  telle  qu'elle  se  trouve  déjà  dans  Louis  XVII,  sa  vie,  son  agonie,  sa  mort. 
Le  livre  suivant  (p.  149-191)  est  consacré  au  séjour  de  la  princesse  au  Temple 
depuis  le  départ  de  Marie-Antoinette,  et  à  son  interrogatoire;  on  en  trouverait 
aussi  une  grande  partie  dans  l'ouvrage  cité  plus  haut.  Enfin  le  dernier  livre  est 
intitulé  :  Meurtre  de  Madame  Elisabeth.  A  partir  de  la  page  263,  ce  volume  est 
grossi  de  lettres,  de  documents,  dont  nous  aurons  tout  à  l'heure  à  examiner 
l'importance  et  l'utilité. 

Pour  résumer  ce  qui  précède,  les  détails  intéressants  pour  la  vie  de  Madame 
Elisabeth  ne  tiennent  pas  plus  de  trois  cents  pages  dans  ces  deux  volumes,  et 
certes  ils  gagneraient  à  être  réduits  de  moitié. 

S'il  est  un  personnage  de  l'époque  de  la  Révolution  qui  ait  réussi  à  trouver 
grâce  devant  tous  les  historiens,  c'est  assurément  Madame  Elisabeth.  Les  détrac- 
teurs les  plus  violents  de  la  famille  royale  l'ont  épargnée,  ont  reconnu  ses  mérites 
et  l'inutilité  de  sa  condamnation.  La  tâche  était  donc  facile  pour  un  apologiste; 
encore  ne  fallait-il  pas  compromettre  cette  victime  sympathique  par  une  exagé- 
ration de  zèle.  Que  la  princesse,  imbue  dès  son  enfance  des  principes  du  droit 
divin  et  du  pouvoir  absolu,  ait  déploré,  condamné  même  les  tendances  de 
l'Assemblée  nationale  et  les  atteintes  portées  à  la  puissance  royale,  nous  ne  voyons 
là  qu'un  sentiment  très-naturel  et  même  fort  excusable;  mais  son  biographe  la 
compromet  plus  que  pourrait  le  faire  l'ennemi  le  plus  acharné  quand  il  la  repré- 
sente animée  de  sentiments  réactionnaires  et  s'efForçant  d'inspirer  à  son  frère  des 
mesures  rigoureuses.  La  scène  a  lieu  lors  des  journées  des  2  et  3  octobre.  «  De  la 
»  terrasse  de  son  jardin,  dit  l'auteur,  dès  qu'elle  aperçoit  les  premières  troupes 
»  s'avançant  dans  l'avenue  de  Paris,  elle  pense  qu'une  répression  vigoureuse  et 
»  immédiate  peut  épargner  bien  des  malheurs.  Il  lui  semble  évident  que  quelques 
j>  coups  de  canon,  en  repoussant  l'avant-garde  de  l'anarchie,  iraient  jeter  la  con- 
»  fusion  dans  les  bataillons  qui  suivent,  et,  en  imposant  à  la  partie  hostile  de 
»  l'Assemblée  d'utiles  réflexions,  relèveraient  le  moral  de  tous  les  amis  de  l'ordre 
»  effrayés  de  la  pusillanimité  du  gouvernement.  Madame  Elisabeth  accourt  au 
»  palais  ;  elle  développe  son  idée  avec  cette  fermeté  de  raison  et  cette  éloquence 
»  du  cœur  que  Dieu  lui  avait  départie,  etc.  »  Ainsi,  elle  aurait  conseillé  d'em- 
ployer le  canon  contre  une  troupe  de  femmes  manquant  de  pain.  Voilà  une  sin- 
gulière manière  de  défendre  une  princesse  reconnue  jusqu'ici  innocente  de  toute 
complicité  dans  les  mesures  impopulaires  prises  à  ce  moment  même  par  la  cour. 
J'aime  mieux  la  croire  étrangère  au  repas  des  gardes  du  corps  dans  la  salle  de 
spectacle  du  château,  comme  à  toutes  les  menaces  par  lesquelles  la  cour  espérait 
intimider  alors  l'Assemblée.  Au  reste  le  biographe,  suivant  une  habitude  à  peu 
près  invariable,  ne  donne  pas  les  preuves  de  son  assertion,  alors  qu'il  aurait 
besoin,  pour  la  faire  accepter,  des  preuves  les  plus  fortes. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  l'esprit  général  de  l'ouvrage.  Nous  vou- 
lions seulement  indiquer  comment  la  meilleure  cause  peut  se  trouver  corapro- 


284  REVUE    CRITIQUE 

mise  par  des  arguments  malhabiles.  Il  nous  reste  à  entrer  dans  le  détail  des  faits 
et  à  relever  un  certain  nombre  d'inexactitudes. 

P.  xj  de  la  préface  au  lecteur  :  «  Des  pères  comme  Loizerolles  donnaient  leur 
»  vie  pour  leur  fils.  »  Cette  phrase  prouve  que  l'auteur  ne  tient  aucun  compte 
des  travaux  récemment  publiés  sur  la  Révolution,  ou  ne  les  connaît  pas,  ce  qui 
est  aussi  grave.  Le  Tribunal  révolutionnaire  de  M.  Campardon  a  fait  justice  de  cette 
fable  pathétique  de  Loizerolles  père  se  substituant  à  son  fils  endormi.  Les  preuves 
données  par  M.  Campardon  sont  irréfutables.  Il  serait  trop  long  d'entrer  ici  dans 
le  détail  de  cette  affaire;  au  reste  M.  Louis  Blanc  a  reproduit  les  arguments 
fournis  par  l'historien  du  Tribunal  révolutionnaire.  C^est  donc  un  fait  acquis,  qui 
ne  devrait  plus  être  mis  en  question.  Et  cependant  nous  lisons  dans  une  note 
cette  incroyable  affirmation  :  «  La  substitution  de  Loizerolles  père  à  son  fils 
»  n'est  restée  un  doute  pour  personne  ;  Fouquier,  dans  son  procès,  fut  obligé 
))  d'en  convenir,  et  il  rejeta  la  faute  sur  son  substitut  Lieudon  (lisez  Liendon).  » 

—  P.  175.  Une  note  renvoie  à  une  lettre  du  5  novembre  1781  dans  le  deuxième 
volume.  Nous  avons  vainement  cherché  dans  ce  volume  une  lettre  portant  cette 
date.  —  P.  247.  Une  page  presque  entière  nous  représente  Madame  Elisabeth 
présidant  à  la  destruction  des  hannetons  dans  son  domaine  de  Montreuil  et  aux 
environs.  C'est  grâce  à  des  détails  de  cette  importance  que  le  biographe  a  pu 
délayer  en  deux  volumes  un  sujet  qui  n'en  comportait  pas  même  un.  Il  est 
malheureux  qu'il  ne  nous  dise  pas  à  quelle  source  il  a  puisé  ce  renseignement. 

—  P.  272.  «  Louis  XVI  qui  savait  résister  héroïquement  à  la  force.  »  Il  faut 
beaucoup  de  bonne  volonté  pour  trouver  de  l'héroïsme  dans  le  pauvre  monarque. 
On  ne  sait  que  trop  comment  il  compromit  toujours  par  des  hésitations  et  des 
restrictions  peu  honorables  l'effet  des  mesuresles  plus  populaires.  Est-ce  là  ce  que 
l'auteur  appelle  une  héroïque  résistance  à  la  force. —  P.  3 1 5.  L'historien  parle  d'une 
«  narration  exacte  et  inédite  »  du  retour  du  roi  à  Paris,  après  les  journées 
d'octobre;  mais  il  omet  de  nous  en  indiquer  l'auteur,  ce  qui  serait  pourtant  utile 
afin  que  le  lecteur  fût  édifié  sur  la  valeur  de  cette  narration  inédite.  —  P.  374. 
Est  insérée  la  relation  du  retour  du  roi  après  son  arrestation  à  Varennes,  écrite 
par  Pétion.  Ce  hors-d'œuvre,  publié  déjà  in  extenso  par  M.  Mortimer-Ternaux, 
puis  par  M.  Dauban,  occupe  fort  inutilement  vingt  pages;  les  passages  relatifs  à 
Madame  Elisabeth,  sont  connus;  on  pouvait  dans  tous  les  cas  réduire  la  citation 
à  la  partie  qui  la  concerne  et  indiquer  aussi  que  ce  «  récit,  copié  sur  le  manuscrit 
»  original,  dont  les  fautes  de  langage  et  les  fautes  d'orthographe  sont  conservées  » 
n'est  pas  publié  pour  la  première  fois.  Tirer  des  fautes  d'orthographe  ou  de 
français  d'un  personnage  de  cette  époque  une  source  d'épigrammes  contre  lui, 
nous  paraît  une  tactique  assez  maladroite;  car  si  l'auteur  reproduit  l'orthographe 
de  Pétion  dans  toutes  ses  excentricités,  nous  avons  le  droit  d'exiger  qu'il  applique 
le  même  système  aux  lettres  de  Madame  Elisabeth ,  et  il  s'en  garde  bien.  Il 
est  à  noter  que  les  passages  les  plus  caractéristiques  de  cette  relation,  ceux  qui 
auraient  le  plus  de  raison  de  figurer  ici,  je  veux  dire  certaines  confidences  gro- 
tesques de  Pétion  sur  la  sensibilité  de  sa  compagne  de  route,  sont  singulièrement 


'     d'histoire  et  de  littérature.  285 

écourtées.  Cette  étrange  pudeur Vexplique  par  la  nécessité  de  mériter  la  recom- 
mandation apostolique  qui  aurait  pu  s'effaroucher  des  étranges  fatuités  de  Pétion. 
—  P.  410.  L'auteur  accompagnant  le  nom  de  Marat,  de  ceux  de  Chabot,  de 
Legendre  et  de  Couthon,  paraît  croire  qu'il  siégea  avec  eux  à  l'Assemblée  légis- 
lative. C'est  une  erreur  qui  frappera  tout  lecteur  attentif.  —  P.  464.  Le  récit  de 
la  journée  du  10  août,  se  termine  par  cette  appréciation  :  «  Les  Tuileries, 
»  malgré  la  légende  révolutionnaire  qui  a  défrayé  presque  tous  les  historiens 
»  n'ont  pas  été  prises  d'assaut  ;  elles  ont  été  envahies,  après  avoir  été  évacuées 
»  sur  un  ordre  signé  de  la  main  du  Roi.  »  Ce  passage  nous  donne  une  idée  des 
procédés  habituels  des  historiens  dits  royalistes.  Louis  XVI  avait-il  pris  le  parti 
de  la  résistance  armée  ?  Ses  partisans  vinrent-ils  en  armes  pour  combattre  et 
mourir  autour  de  lui  ?  Les  Suisses  luttèrent-ils  jusqu'au  dernier  moment  contre  les 
bandes  qui  occupaient  la  place  du  Carrousel  ?  Enfin  y  eut-il  oui  ou  non  un  combat 
sérieux  devant  les  Tuileries  ?  Dire  après  cela  que  les  Tuileries  n'ont  pas  été 
prises  d'assaut,  c'est  jouer  sur  les  mots.  Peu  importe  que  Louis  XVI,  qui  avait 
d'abord  pourvu  à  sa  sûreté  personnelle,  ait  ensuite  donné  aux  survivants  l'ordre 
de  cesser  une  résistance  inutile. 

Sur  les  vingt-cinq  notes,  documents  et  pièces  justificatives  qui  terminent  ce 
premier  volume,  il  n'en  est  pas  cinq  qui  aient  spécialement  rapport  à  la  vie  de 
Madame  Elisabeth.  L'auteur  a  entassé  ici  des  documents  de  toute  provenance, 
se  rattachant  de  près  ou  de  loin  à  son  sujet,  comme  ceux-ci  :  Plan  d'études  pour 
l'éducation  du  duc  de  Berry  (Dauphin,  puis  Louis  XVI).  —  Mémoire  de  la 
noblesse  remis  à  Louis  XVI  par  l'évêque  de  Noyen.  —  Réponse  du  Roi  au 
mémoire  de  la  noblesse.  —  Notes  sur  les  prières  adressées  de  toutes  parts  pour 
le  repos  de  l'âme  de  Louis  XV.  —  Discours  de  Gresset,  directeur  de  l'Académie 
française  adressé  au  roi  Louis  XVI,  lors  de  son  avènement  à  la  couronne,  etc. 
Mais  c'est  surtout  à  la  fin  du  deuxième  volume  que  se  trahit  la  préoccupation  de 
suppléer  à  l'insuffisance  de  la  matière  et  à  l'aridité  du  sujet  par  un  renfort  de 
pièces  et  de  documents,  publiés  ou  inédits,  puisés  à  toutes  les  sources,  sans 
aucun  choix.  Ainsi  dans  l'Appendice  résen'é  aux  recherches  faites  pour  découvrir 
et  reconnaître  le  corps  de  Madame  Elisabeth,  soixante-dix  pages  sont  occupées 
par  l'énumération  de  toutes  les  personnes  condamnées  par  le  tribunal  révolu- 
tionnaire, qui  ont  été  ensevelies  dans  le  même  cimetière  que  la  princesse.  A  la 
p.  ^  58  l'auteur  cite  un  certain  Potier  (Delille),  natif  de  Lille;  il  est  évident  que 
le  lieu  de  naissance  a  été  pris  par  erreur  pour  un  nom  propre. 

Après  cet  Appendice,  vient  un  certain  nombre  de  lettres  de  Madame  Elisabeth; 
nous  comprendrions  à  la  rigueur  cette  addition,  si  M.  Feuillet  de  Conches  n'avait 
fait  de  la  correspondance  de  la  sœur  de  Louis  XVI  l'objet  d'une  publication  parti- 
culière; le  biographe  pouvait  se  contenter  de  renvoyer  au  livre  de  M.  Feuillet 
de  Conches;  au  contraire  il  n'indique  même  pas,  suivant  son  habitude,  la  prove- 
nance des  lettres  qu'il  publie.  Viennent  ensuite  un  certain  nombre  d'actes  concer- 
nant la  princesse;  nous  n'avons  point  d'objection  contre  leur  présence  ici; 
puis  d'autres  qui  ont  rapport  soit  aux  domestiques,  soit  à  la  maison  de  cam- 


286  REVUE   CRITIQUE 

pagne  de  Madame  Elisabeth  ;  les  documents  relatifs  à  la  maison  de  Montreuil 
seuls  occupent  près  de  i  $o  pages.  C'est  beaucoup  trop  pour  l'intérêt  qu'ils 
présentent. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  sur  un  ouvrage  dont  l'influence  après  tout 
ne  saurait  être  bien  fâcheuse.  Fait  pour  attendrir  les  âmes  sensibles,  comme  on 
disait  en  1793,  il  arrivera  à  son  but  et  l'auteur  sera  satisfait,  sans  avoir  rien 
changé  ni  rien  appris  à  l'histoire.  Il  a  même  ignoré  certains  faits  qui  avaient 
bien  leur  importance.  Le  décret  qui  renvoyait,  le  i"  août,  Marie-Antoinette 
devant  le  tribunal  révolutionnaire ,  contenait  sur  Madame  Elisabeth  un  article 
spécial  qui  devrait  bien  figurer  dans  sa  biographie.  Le  voici,  tel  qu'il  se  trouve 
aux  procès-verbaux  imprimés  de  la  Convention  :  «  VIL  Tous  les  individus  de  la 
»  famille  Capet  seront  déportés  hors  du  territoire  de  la  République,  à  l'exception 
»  des  deux  enfants  de  Louis  Capet  et  des  individus  de  la  famille  qui  sont  sous 
»  leglaivedela  loi.  — VIII.  Madame  Elisabeth  ne  pourra  être  déportée  qu'après 
»  le  jugement  de  Marie-Antoinette.  » 

Le  style  de  cette  biographie  est  agréable,  élégant,  même  parfois  jusqu'à  la 
recherche  et  l'emphase,  sans  parler  des  violences  de  langage  qui  sont  les  défauts 
ordinaires  de  ces  réquisitoires.  On  trouve  fréquemment  des  phrases  comme  celle- 
ci  ;  «  Les  révolutionnaires  de  la  veille  sont  dévorés  par  ceux  du  lendemain. 
»  Malheur  à  qui  s'arrête!  le  char  de  la  révolution  ne  s'arrête  point,  et  ce  char 
»  homicide  qui  porte  les  idoles  de  la  journée  continue  à  avancer  en  broyant  les 
»  retardataires  sous  ses  roues.  «  Emporté  par  le  lyrisme  de  son  transport,  l'au- 
teur ne  s'est  pas  aperçu  qu'un  char  ne  saurait  broyer  des  retardataires,  c'est-à- 
dire  des  gens  qui  viennent  derrière  lui,  en  retard. 

Les  deux  portraits  de  Madame  Elisabeth  nous  la  montrent  avant  la  Révolution 
et  après  la  chute  de  la  royauté.  Les  artistes  qui  les  ont  gravés,  ne  méritent  que 
des  éloges;  nous  aimerions  assez  que  l'éditeur  fit  disparaître  l'innocente  réclame 
dont  M.  Henriquel  Dupont  consent  à  prendre  la  responsabilité  en  autorisant  à 
dire  que  les  gravures  ont  été  dirigées  par  lui.  Outre  ces  portraits,  l'ouvrage 
renferme  un  plan  de  la  propriété  de  Madame  Elisabeth  à  Montreuil,  plusieurs 
plans  de  la  tour  du  Temple  qui  avaient  déjà  figuré  dans  le  Louis  XVK  du  même 
auteur,  le  fac-similé  de  l'acte  d'accusation,  celui  du  procès-verbal  d'exécution, 
le  plan  du  cimetière  de  Monceaux,  le  plan  de  l'ancien  cimetière  de  la  Madeleine. 
A  la  page  166  (t.  II)  est  annoncé  \e  fac-similé  de  plusieurs  signatures  qui  ne  se 
trouvent  pas  dans  le  volume  et  ne  figurent  pas  non  plus  à  la  table. 

J.-J.  GUIFFREY. 

219,  —  Galerie  historique  des  Comédiens  de  la  troupe  de  Nicolet.  Notices 
sur  certains  acteurs  et  mimes  qui  se  sont  fait  un  nom  dans  les  Annales  de  nos  scènes 
secondaires,  depuis  1760  jusqu'à  nos  jours,  par  E.-D.  de  Manne  et  C.  Ménétrier, 
avec  portraits  gravés  à  l'eau-forte  par  Frédéric  Hillemacher.  Lyon,  N.  Scheuring, 
éditeur,  1869.  In-8%  viij-414  p.  —  Prix  :  40  fr. 

Le  contenu  de  cet  ouvrage  est  bien  loin  de  répondre  à  son  titre  qui  semblait 
promettre  au  lecteur  presque  une  histoire  du  théâtre  de  la  Foire  pendant  la 


d'histoire  et  de  littérature.  287 

seconde  partie  du  xviii*  siècle.  En  effet,  comment  parler  de  la  troupe  de  Nicolet 
sans  s'occuper  de  celles  de  ses  rivaux,  car  les  artistes  forains  passaient  volontiers 
d'un  théâtre  à  l'autre;  et,  venant  des  artistes  aux  directeurs,  comment  retracer 
les  vicissitudes  de  la  vie  de  Jean-Baptiste  Nicolet  sans  raconter  un  peu  les  aven- 
tures de  Restier,  de  Bienfait,  de  Ricci  et  de  ce  Gaudon  qui  eut  l'honneur  dans 
son  procès  avec  le  cabaretier  Ramponeaux  d'avoir  Voltaire  pour  adversaire  ? 
MM.  de  Manne  et  Ménétrier  ont  reculé  devant  cette  tâche  qui  exige  plus  d'éru- 
dition qu'on  ne  le  croirait.  Leur  volume  se  compose  de  59  biographies  d'acteurs 
célèbres  à  divers  titres  des  théâtres  de  l'Ambigu,  du  Vaudeville,  de  la  Cité,  des 
Variétés-.A  mu  santés,  etc.  (Audinot,  Montansier,  Beaulieu,  Corse,  Volange,  Marty, 
Lepeintre,  Déburau,  etc.,  etc.).  Sur  les  59  notices  sept  seulement  sont  consacrées 
à  des  comédiens  de  la  troupe  de  Nicolet,  ce  sont  celles  de  Nicolet,  Taconnet, 
Dorvigni,  Constantin,  Madame  Nicolet,  Ribié  et  Mayeur  de  Saint-Pol.  Ajoutez 
une  note  de  neuf  pages  intitulée  auteurs  et  danseurs  de  corde  de  chez  Nicolet  et 
renfermant  des  mentions  fort  courtes  et  très-insuffisantes  sur  Dutacq,  Dubut, 
Dupuis,  Lyonnois,  Restier,  Spinacuta,  Placide,  Fol,  Navarin,  Manuel,  Magrini 
et  les  époux  Storkeinfeld  et  vous  aurez  tout  ce  que  les  recherches  de  MM.  de 
M.  et  M.  ont  pu  rassembler  sur  la  troupe  de  Nicolet.  Ce  travail,  on  le  voit,  est 
loin  d'être  complet  et  on  n'aurait  que  l'embarras  du  choix,  si  on  voulait  citer 
des  noms  pour  prouver  que  les  auteurs  ont  omis  beaucoup  de  personnages  de  la 
troupe  dont  ils  ont  tenté  d'écrire  l'histoire  ;  citons  pourtant  quelques-uns  de  ces 
noms  afin  de  mieux  établir  notre  assertion  :  Charlotte  Bequet,  danseuse;  Jean- 
Marie  Bequet,  danseur;  Jean-François  Ray,  danseur;  Charles-Marie  Timon, 
acteur;  Jacques  Richard,  danse«r;  Bon-Jean-Baptiste  Demagni,  danseur;  Denis- 
Claude  Garsaland,  danseur;  André  Boulanger,  danseur;  Jean-Baptiste  Despaut, 
danseur;  Montigni,  premier  danseur;  Jean-Baptiste  Delor  dit  Merseille,  acteur; 
Marie  Dutacq,  actrice;  Pierre-Joseph-Félix  Hisson,  musicien;  Fanchon  Duhamel, 
actrice;  Pierre-Gilbert  Gourliez  dit  Gaudon  le  Cadet,  sauteur;  John  Hillyard, 
anglais,  chef  d'une  troupe  de  sauteurs;  François-Paul  Nicolet  le  jeune,  acteur; 
Louis  Salle,  acteur;  enfin,  car  il  faut  s'arrêter,  Pierre-Toussaint  Gagneur,  sau- 
teur, puis  directeur  d'une  troupe  ambulante  et  qui  en  1773  montrait  sur  le  bou- 
levard du  Temple  en  société  avec  la  femme  du  dentiste  Trévisani ,  des  animaux 
monstrueux  parmi  lesquels  on  admirait  surtout  un  éléphant. 

Disons  en  terminant  que  les  notices  de  MM.  de  M.  et  M.  sont  quoique  un  peu 
sèches,  exactes  et  puisées  aux  bonnes  sources.  Les  auteurs  ont  consulté  les 
registres  de  l'état  civil,  les  cartons  des  Archives  de  l'empire  et  les  mss.  de  la 
Bibliothèque  impériale.  Leur  volume  est  d'ailleurs  splendidement  imprimé  par 
Perrin  de  Lyon. 

Em.   Campardon. 


288  REVUE   CRITIQUE    d'hISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE. 

VARIÉTÉS. 
Les  étudiants  ès-lettres  en  France. 

Nous  lisions  dernièrement  dans  le  Temps  un  article  où  un  statisticien  en  renom 
prétendait  qu'il  y  avait  en  France  4000  étudiants  ès-lettres  et  que  sous  ce  rapport 
nous  n'avions  rien  à  envier  à  l'Allemagne.  Nous  étions  tout  à  fait  heureux  de 
cette  découverte.  Cependant  quelques  doutes  nous  étant  venus,  nous  avons  voulu 
remonter  à  la  source  de  cette  indication  et  nous  avons  consulté  le  compte-rendu 
des  recettes  et  dépenses  de  l'instruction  publique  pour  1863.  Là,  au  tableau  des 
recettes  des  facultés  des  lettres,  nous  avons  trouvé  en  effet  un  total  de  5927  élèves 
en  moyenne.  Mais  comment  ce  chiffre  a-t-il  été  obtenu?  Tout  simplement  en 
comptant  le  nombre  des  inscriptions,  lequel  est  de  i  $,708,  et  en  le  divisant  par 
le  nombre  des  inscriptions  que  chaque  élève  doit  prendre  par  année  et  qui  est 
de  quatre.  Or,  les  3927  élèves  sont  presque  tous  des  étudiants  en  droit,  obligés, 
on  le  sait,  à  prendre  un  certain  nombre  d'inscriptions  à  la  faculté  des  lettres, 
mais  qui  ne  suivent  régulièrement  aucun  cours.  —  Le  tableau  ne  porte  que 
400  inscriptions  prises  en  vue  d'obtenir  la  licence  ès-lettres,  ce  qui  fait  qu'en 
réalité  il  n'y  à  dans  toute  la  France  que  cent  étudiants  ès-lettres  inscrits,  lesquels 
eux-mêmes  ne  semblent  pas  suivre  beaucoup  les  cours  des  facultés. 

Le  nom  même  d'étudiant  ès-lettres  est  tout-à-fait  inconnu  chez  nous.  Il  n'y 
a  guère,  en  dehors  de  l'École  normale  supérieure,  de  jeunes  gens  qui  suivent 
comme  les  étudiants  en  médecine  et  en  droit  un  cycle  complet  de  cours  sur  les 
différentes  branches  de  leur  spécialité.  L'étudiaftt  ès-lettres  est  donc  encore  à 
créer;  c'est  d'ailleurs  à  ce  résultat  que  doit  tendre,  si  nous  ne  nous  trompons, 
l'École  des  Hautes  Études. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Bastian,  die  Vœlker  des  œstlichen  Asien,  t.  IV  et  V  (lena,  Costenoble).  —  Berg- 
MANN,  Résumé  d'études  ontologiques  (Cherbuliez).  —  Bernus,  Richard  Simon  (Lau- 
sanne, Bridei).  —  Daumas,  la  Vie  arabe  et  la  Société  musulmane  (Michel  Lévy).  — 
Haag,  Vergleichung  des  Prakrit  mit  den  romanischen  Sprachen  (Berlin,  Calvary).  — 
Hartmann,  Schellings  positive  Philosophie  (Berlin,  Lœwenstein).  —  Junge,  de  Cilicia 
provincia  (Berlin,  Calvary).  —  De  Laincel,  Voyage  humouristique  (Lemerre).  — 
Meyer,  Kants  Psychologie  (Berlin,  Hertz).  —  Nagel,  Franzœsisch-englisches  etymo- 
logisches  Wœrterbuch  (Berlin,  Calvary).  —  Neubauer,  Commentationes  epigraphicae 
(ib.).  —  Ranke,  Geschichte  Wallensteins  (Leipzig,  Duncker).  —  Schmidt,  die  antike 
Compositionslehre  (Leipzig,  Vogel).  —  Schœnberg,  Griechische  Composita  (Berlin, 
Calvary).  —  Teissier,  État  de  la  noblesse  de  Marseille  (Marseille,  Boy).  —  Volkmann 
Leben  und  Schriften  Plutarchs,  t.  II  (Berlin,  Calvary).  —  Wolf  (F.  A.),  Kleine 
Schriften,  t.  I  et  II  (Halle,  Waisenhaus). 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


recherches  sur  ces  mêmes  mots.  —  P.  272.  H.  Knust,  Sur  la  Bibliothèque  de 
VEscorial  (fin)  ;  recherches  sur  le  Secret  des  secrets  et  sur  divers  autres  ouvrages 
moins  connus  (Poridad  de  las  poridades,  Proverbios  buenos,  etc.).  —  P.  331,  F. 
LiEBRECHT,  Sur  la  Fiancée  de  Messine  de  Schiller;  l'auteur  montre  dans  ce  drame 
d'assez  nombreuses  réminiscences  de  La  Morîd'Abel  de  Legouvé.  —  Bibliographie. 
Raoul  de  Houdenc,  Meraugis  de  Portlesguez,  p.  p.  Michelant.  La  Rev.  crit. 
(1869,  art.  90)  a  montré  que  l'éditeur  de  ce  poème  n'a  point  utilisé  d'une 
manière  suffisante  les  matériaux  qu'il  avait  à  sa  disposition.  M.  Mussafia  établit 
maintenant  que  même  comme  simple  reproduction  du  ms.  principal  (celui  de 
Vienne)  cette  édition  laisse  considérablement  à  désirer. 

BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES  PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Adyielle  (V.).  Une  lettre  inédite  du  ma- 
réchal d'Ancre  (Concini-Concino)  datée 
de  Pont-Audemer.  In-8*,  7  p.  Pont-Au- 
demer  (imp.  Dugas  Lecomte). 


Belgrand  (E.).  La  Seine  I.  Le  bassin 
parisien  aux  âges  anté-historiques.  Texte 
et  planches.  In-4',  cvj-293  p.  et  79  pi. 
Paris  (Imprimerie  impériale), 

Beloselsky.  Epitre  adressée,  en  1789, 
par  le  prince  russe  A.  Beloselsky  aux 
républicains  de  Saint-Marin,  précédée 
d'une  notice  sur  la  famille  Beloselsky  et 
rééditée  aux  frais  et  par  les  soins  de  M.  V. 
Advielle,d'Arras.In-8*,  ix-i  1 5  p.  Évreux 
(imp.  Richet). 

Cellier  (L.).  Essai  sur  l'atelier  monétaire 
de  Valenciennes  et  sur  le  monogramme 
de  la  monnaie  des  comtes  de  Hainaut. 
In-8',  32  p.  et  pi.  Valenciennes  (Henry), 

Drapeyron  (L.).  De  Burgundiae  historia 
et  ratione  politica  Merovingorum  aetate. 
Thesim  proponebat  Facultati  litterarum 
Pansiensi.  In-8*,  149  p.  Paris  (Thorin). 

Foulon-Menard  (J.).  Les  Moulins  pri- 
mitifs. Première  étude  archéologique  sur 
le  territoire  de  Guérande.  In-8*,  18  p. 
Nantes  (imp.  Forest  et  Grimaud).. 

Guillemaud  (J.).  Ventia  et  Solonion. 
Etude  sur  la  campagne  du  préteur  Pamp- 
tinus  dans  le  pays  des  Allobroges,  la 
dernière  des  Romains  dans  la  Gaule  avant 
le  proconsulat  de  César  (an  62  av.  J.-C). 
In-8',  1 18  p.  Paris  (Didier  et  C*). 

Leblois  (L.).  Des  additions  légendaires. 


dogmatiques  et  liturgiques  faites  au  texte 
primitif  du  Nouveau  Testament.  Étude 
sur  la  question  :  au  nom  de  qui  baptisait- 
on  dans  la  primitive  église.  Avec  un  fac- 
similé  du  passage  I,  Jean  5.  6-9,  où  a  été 
intercalée  la  doctrine  de  la  Trinité.  In-8*, 
41  p.  et  planche.  Paris  (Cherbuliez). 

Le  Jolis  (A.).  Des  prétendues  origines 
Scandinaves  du  patois  normand.  In-8*. 
1 1  p.  Rouen  (imp.  Cagniard). 

Luzel  ^M.).  Contes  et  récits  populaires 
des  bretons  armoricains.  In-8*,  22  p. 
Nantes  (imp.  Forest  et  Grimaud). 

Pirona  (J.).  Vocabolario  friulano.  Fasc. 
VIII.  In-8'.  Venezia  (tip.  Antonelli). 

Promis  (C).  Storia  dell'  antica  Torino 
Julia  Augusta  Taurinorum ,  scritta  sulla 
fede  de'  vetusti  autori  e  délie  sue  iscri- 
zioni  e  mura.  In-8*,  xix-530  p.  con  5  tav. 
Torino  (frat.  Bocca).  11  fr.  50 

Promis  (V.).  Tavole  sinottiche,  délie 
monete  battute  in  Italia  e  da  italiani  ail' 
estero  dal  secolo  VII  a  tutto  l'anno  1868 
iilustrate  con  note.  In-4*,  lxxx-252  p. 
Torino  (frat,  Bocca).  20  fr.  70 

Protzen  (E.).  De  excerptis  Tibullianis. 
Dissertatio  inauguralis  philologica.  In-8', 
iij-56  p.  Greifswald  (Bamberg).  i  fr.  65 

Schleicher  (A.).  Die  deutsche  Sprache. 
2.  verb.  u.  verm.  Aufl.  In-8*,  xj- 
Stuttgart  (Cotta). 

Terracini  (D.).  Elementi  grammaticali 
délia  lingua  ebraica.  In-8*,  180  p.  Torino 
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N*  45  Quatrième  année  6  Novembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


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The  Academy,  A  Monthly  Record  of  Literature ,  Learning,  Science  and  Art. 
—  N°  I,  9  oct.  —  Prix  :  6  d.  (=  0,65  cent.)  la  livraison. 

[Ce  recueil  répond  pleinement  aux  espérances  que  nous  exprimions  dans  un 
de  nos  précédents  n"'  (p.  144).  Le  cadre  est  beaucoup  plus  vaste  que  le  nôtre  : 
il  embrasse  toutes  les  sciences,  et  de  plus  la  littérature  actuelle.  La  publication 
étant  mensuelle  et  chaque  n°  ne  contenant  pas  tout  à  fait  la  valeur  de  trois  n°'  de 
la  Revue  critique,  l'espace  est  nécessairement  insuffisant  et  les  articles  doivent  se 
renfermer  dans  d'étroites  limites.  Mais  leur  concision  ne  nuit  pas  à  leur  solidité, 
et  s'ils  ne  peuvent  donner  place  à  des  critiques  de  détail,  le  jugement  général 
repose  évidemment  sur  un  examen  approfondi.  Il  nous  a  semblé  que  tous  les 
comptes-rendus  que  nous  avons  sous  les  yeux  (sauf  un),  étaient,  conformément 
aux  promesses  du  n°  spécimen,  l'œuvre  d'hommes  véritablement  compétents.  Le 
succès  étonnant  obtenu  par  ce  premier  rf  (une  seconde  édition  est  devenue 
nécessaire  au  bout  de  peu  de  jours  et  on  parle  de  20,000  exemplaires  vendus) 
nous  fait  espérer  que  le  recueil  pourra  prochainement  devenir  bi-mensuel.  Les 
directeurs  reconnaîtront  bientôt  l'impossibilité  de  remplir  leur  programme  avec 
28  pages  par  mois  '.  La  partie  qui  nous  intéresse  le  moins  est  naturellement  celle 
qui  est  consacrée  à  la  littérature  générale,  car  à  cet  égard  VAthenaum  et  les 
autres  recueils  nous  paraissent  suffire,  mais,  si  on  veut  la  conserver,  il  faut  lui 
accorder  l'étendue  convenable,  et  cinq  ou  six  comptes-rendus  par  mois  pour 
tout  le  mouvement  littéraire  européen  sont  absolument  insuffisants.  —  La  seule 
critique  générale  que  nous  pensions  adresser  à  ce  n"  concerne  le  classement  qui 
est  très-défectueux  :  la  meilleure  division  est  certainement  celle  que  nous  avons 
adoptée  :  Orient,  Antiquité,  Moyen-âge,  Temps  modernes;  la  division  par  genre 
amène  incessamment  le  rapprochement  de  matières  tout  à  fait  disparates.  Ici  par 
ex.  M.  Léon  Gautier  est  placé  entre  Baudelaire  et  kho\xl\for  shame!  Puis,  on  ne 
voit  pas  pourquoi  le  livre  d'Ebers  ne  serait  pas  aussi  bien  placé  sous  la  rubrique 
Bihlical  criticism.  Le  mieux  eût  été  de  réunir  cette  dernière  rubrique  à  la  section 
Orient;  car  dès  qu'on  se  place  au  point  de  vue  critique,  quelle  raison  y  a-t-il  de 
classer  la  Bible  à  part  des  littératures  orientales  ^] 

Le  cahier  s'ouvre  par  une  lettre  «  à  sensation  »  de  lord  Byron  (9  avril  181 7) 
qui  ne  nous  paraît  pas  prouver  beaucoup  contre  la  True  Story  de  Mrs.  B.  Stowe. 
—  Littérature  et  art  en  général.  Obermann, par  de  Senancour,  Paris  186^,  Char- 
pentier; art.  de  Matthew  Arnold  ;  il  n'y  avait  guère  de  raison  pour  rendre  compte 
de  ce  livre  qui  ne  se  recommande  point  à  coup  sûr  par  sa  nouveauté.  The  poems 
and  Prose  Remains  of  Arthur  Hugh  Clough;  Macmillan,  2  vol.  —  Beaudelaire, 
Œuvres  complètes.  —  L.  Gautier,  Les  Épopées  françaises;  Palmé.  M.  G.  Masson, 
l'auteur  de  l'article,  est  manifestement  étranger  au  sujet;  ses  observations  sont 
sans  valeur  aucune.  Il  s'est  imaginé  que  le  livre  de  M.  Gautier  était  le  résultat 
d'un  cours  professé  à  l'École  des  Chartes.  —  About,  Ahmed  le  Fellah.  —  Lûbke, 
Kunsthistorische  Studien,  Stuttgart,  Ebner  u.  Seubert.  —  Critique  biblique. 
Renan,  Saint  Paul;  médiocre  article,  par  le  Rév.  J.  B.  Lightfoot,  qui  se  montre 
encore  plus  conservateur  que  M.  Renan.  —  Ewald,  Die  Propheten  d.  alten  Bundes, 
art.  de  T.  K.  Cheyne. —  Sciences  et  philosophie.  Il  ne  nous  semble  point  heu- 
reux de  réunir  dans  une  même  section  des  livres  aussi  différents  que  ceux-cî  : 
H;eckel,  Natiirliche  Schœpfungs-Geschichte,  Berlin;  art.  du  Prof.  Huxley.  —  Fritz 
Mûller,  Facts  and  Arguments  for  Darwin,  translated  by  Dallas;  Murray;  art.  de 
Sir  John  Lubbock.  —  Freudenthal,  Die  Flavius  Josephus  beigelegte  Schrift  liber 

I.  Les  pages  sont  à  deux  col.  ;  deux  pages  équivalent  à  peu  près  à  trois  pages  de  la 
Revue  critique. 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  45  —  6  Novembre  —  1869 

Sommaire:  220.  Volquardsen,  Les  sources  de  Diodore  aux  livres  XI  à  XVI.  — 
221.  Hecht,  Les  Kakndaria  des  Romains.  —  222.  Delisle,  Le  Cabinet  des  Mss. 
de  la  Bibliothèque  Impériale.  —  223 .  Rutebeuf,  Le  Miracle  de  Théophile,  p.p.  Klint. 

220.  —  Untersuchungen  ûber  die  Quellen  der  griechischen  und  sicilischen 
Geschichte  bei  Diodor.  Buch  XI  bis  XVI,  von  Chr.  A.  Volq.uardsen.  Kiel, 
Schwers'sche  Buchhandlung,  1869.  In-8*,  i}2  p. 

De  tout  temps  il  a  existé  une  classe  beaucoup  trop  nombreuse  d'écrivains 
sottement  présomptueux,  incapables  de  se  rendre  compte  de  la  disproportion 
entre  les  difficultés  du  sujet  qu'ils  osaient  aborder  et  leur  propre  médiocrité. 
Diodore  de  Sicile  appartient  incontestablement  à  cette  catégorie  d'auteurs,  et  cela 
malgré  le  programme  assez  judicieux  placé  en  tête  de  sa  bibliothèque  historique. 
L'exécution  de  l'ouvrage  reste  tellement  au-dessous  des  vues  exposées  dans  la 
préface ,  qu'on  pourrait  être  facilement  tenté  de  croire  que  Diodore  n'a  aucun 
droit  à  celle-ci ,  ou  du  moins  qu'en  l'écrivant  il  s'est  complètement  inspiré  des 
idées  d'autrui.  Quoi  qu'il  en  soit  toutes  les  principales  qualités  indispensables  à 
l'historien  font  complètement  défaut  à  Diodore.  A  un  esprit  singulièrement  borné, 
il  joint  une  ignorance  des  mieux  caractérisées  et  qui  devient  particulièrement 
choquante  lorsqu'il  s'agit  de  faits  très-importants  de  l'histoire  de  Sicile.  En  outre 
il  est  complètement  dépour\'u  de  l'exactitude  consciencieuse  qui  seule  peut 
inspirer  la  confiance  et  donner  du  crédit  à  un  narrateui ,  fût-il  même  privé  de 
jugement.  Aux  preuves  nombreuses  fournies  à  cet  égard  par  Niebuhr  et  par 
Mommsen,  M.  Volquardsen  en  joint  de  nouvelles  non  moins  concluantes.  Aussi 
est-il  permis  désormais  de  considérer  comme  définitif  l'arrêt  concernant  la  per- 
sonne même  de  Diodore  et  constatant  son  peu  de  mérite.  L'auteur  ainsi  jugé, 
reste  à  examiner  le  parti  à  tirer  de  son  ouvrage,  dont  le  hasard  nous  a  conservé 
des  débris  fort  considérables,  le  traitant  ainsi  avec  une  faveur  trop  souvent 
refusée  aux  œuvres  du  génie.  Ici  la  question  change  totalement  de  face.  La  rareté 
de  documents  originaux,  ou  du  moins  de  travaux  sérieux  en  fait  d'histoire 
ancienne  assure  une  valeur  trop  réelle  à  la  compilation  de  Diodore.  Cette  valeur 
toutefois,  il  y  a  longtemps  qu'on  l'a  compris,  dépend  tout  entière  de  l'examen 
soit  des  sources  consultées  par  l'auteur,  soit  de  la  manière  dont  il  les  a  utilisées. 
Hepe  a  traité  cette  double  question  dans  une  série  de  dissertations  insérées 
d'abord  dans  le  5'  et  le  7"  volume  des  Commentationes  Societatis  Gattingensls  et 
réimprimées  ensuite  dans  le  i*'  volume  de  l'édition  de  Deux-Ponts.  Malheureu- 
sement en  très-grande  panie  Heyne  a  fait  fausse  route,  en  s'imaginant  que 
Diodore  n'a  fait  que  suivre  les  auteurs  qu'il  nomme  accidentellement  dans  le 
cours  de  son  récit.  C'est  là,  comme  M.  V.  n'a  pas  de  peine  à  le  démontrer,  une 

VllI  ,9 


290  REVUE   CRITIQUE 

erreur  manifeste.  Au  nombre  des  ouvrages  que  Diodore  avait  sous  la  main  se 
trouvaient  probablement  les  Chroniques  d'Apollodore  et  il  leur  a  emprunté  de 
temps  en  temps  des  notices  relatives  à  l'histoire  littéraire  pour  les  insérer  dans  sa 
bibliothèque.  Celles  de  ces  mentions  qui  concernent  particulièrement  certains 
historiens  ne  nous  autorisent  en  aucune  façon  à  conclure  que  Diodore  les  a  suivis 
dans  son  récit  ou  même  qu'il  a  consulté  leurs  écrits.  Bien  loin  de  là,  il  n'a  nulle 
part  indiqué  ses  sources.  Le  travail  de  Heyne  était  donc  à  refaire.  M.  V.  s'est 
chargé  de  la  besogne  pour  la  partie  de  la  Bibliothèque  Historique  qui  embrasse 
spécialement  l'histoire  grecque  et  sicilienne  ' .  Il  n'est  que  juste  d'insister  sur 
l'avantage  qu'offrait  à  M.  V.  la  collection  complète  des  fragments  des  historiens 
grecs  publiée  par  M.  Mûller,  collection  qui  a  déjà  rendu  tant  de  services. 
Cette  observation  du  reste  n'enlève  absolument  rien  au  mérite  de  l'auteur,  dont 
le  travail  comparé  à  celui  de  Heyne  atteste,  à  bien  d'autres  égards  encore,  les 
progrès  heureux  de  la  méthode  appliquée  à  l'étude  de  l'antiquité.  Une  rapide 
analyse  de  l'ouvrage  de  M.  V.  en  fournira  la  preuve.  En  ce  qui  concerne  l'his- 
toire grecque,  M.  V.  expose  d'abord  les  raisons  qui  l'amènent  à  considérer 
Ephore  comme  ayant  été  l'auteur  dont  Diodore  a  suivi  le  récit  (p.  52-66).  Les 
arguments  les  plus  décisifs  lui  sont  fournis  par  le  rapprochement  des  fragments 
de  l'ouvrage  d'Ephore  avec  le  texte  de  Diodore.  Rien  n'est  plus  ingénieux  ensuite 
que  le  parti  qu'il  sait  tirer  de  ce  que  nous  savons  au  sujet  de  certaines  railleries 
qu'avait  values  à  Ephore  son  patriotisme  tout  local  (cp,  Strabon,  13,  p.  924). 
La  réunion  de  tous  les  passages  dans  lesquels  il  est  fait  mention  de  la  ville  de 
Cymes,  la  patrie  d'Ephore,  passages  dont  les  uns  la  nomment  à  tort,  dont  les 
autres  trahissent  une  intention  évidente,  fournit  une  preuve  en  quelque  sorte 
palpable  à  l'appui  de  la  thèse  que  défend  M.  V.  Je  n'oserais  en  dire  tout  à  fait 
autant  au  sujet  de  certaines  tournures  recueillies  dans  deux  discours  d'Isocrate 
(p.  50  s.).  M.  V.  croit  retrouver  ces  tournures  chez  Diodore  et  il  attribue  leur 
présence  précisément  à  l'influence  d'Ephore,  le  disciple  du  rhéteur  athénien.  En 
tout  cas  la  démonstration  de  M.  V.  peut  se  passer  parfaitement  de  ce  secours. 
Ce  qui  lui  assure  une  bien  plus  grande  valeur  que  cette  filiation  un  peu  trop 
compliquée  peut-être,  c'est  l'examen  des  raisons  qui  ont  fait  jusqu'ici  ranger 
Théopompe  au  nombre  des  auteurs  auxquels  s'est  particulièrement  attaché  Diodore. 
Les  conclusions  de  l'auteur  à  cet  égard  sont  entièrement  négatives,  et  nous  ajou- 
terons sont  aussi  convaincantes  que  celles  de  la  première  partie  de  son  argumen- 
tation. Pour  l'histoire  de  la  Sicile,  pour  laquelle  du  reste  la  tâche  était  plus 
facile,  M.  V.  ne  nous  paraît  pas  avoir  été  moins  heureux. 

Après  avoir  écarté  pour  diverses  raisons  parfaitement  acceptables  plusieurs 
noms  mis  en  avant  sans  motif  bien  sérieux,  comme  ceux  d'Antioche,  de  Philiste, 
d'Athanas,  il  se  prononce  en  faveur  de  Timée,  dont  l'exactitude  chronologique 


I.  La  dissertation  de  M.  Ch.  Raux,  de  Clitarcho  Diodori,  Curtii,  Justini  auctore,  Bonn, 
1868  (58  p.  in-8*),  dans  laquelle  est  développée  l'opinion  déjà  émise  par  MM.  Droysen 
et  Grote,  que  le  récit  deClitarque  a  servi  de  base  à  Diodore  pour  l'histoire  d'Alexandre, 
peut  être  considérée  comme  faisant  suite  aux  recherches  de  M.  Volquardsen. 


i 


d'histoire  et  de  littérature.  291 

vantée  par  Polybe  a  exercé  une  heureuse  influence  sur  le  récit  de  Diodore.  A 
ce  propos  M.  V.  examine  également  jusqu'à  quel  point  les  reproches  faits  à 
Timée  par  Polybe  peuvent  s'appliquer  à  la  partie  de  l'ouvrage  de  Diodore  con- 
sacrée aux  événements  arrivés  en  Sicile,  partie  qui  en  général  laisse  une  impres- 
sion bien  plus  favorable  que  celle  que  fait  éprouver  la  lecture  du  reste  de  la 
bibliothèque  historique. 

Tel  est  le  but  principal  des  recherches  de  M.  V.,  qui  témoignent  d'un  esprit 
des  plus  judicieux.  Nous  sommes  loin  cependant  d'avoir  épuisé  le  contenu  complet 
de  l'ouvrage.  Outre  une  série  de  considérations  d'un  caractère  plus  général  sur 
les  procédés  employés  par  Diodore  dans  la  composition  de  son  ouvrage,  sur  la 
manière  dont  il  a  tiré  parti  de  ses  sources,  de  l'examen  de  la  position  qu'il 
occupe  vis-à-vis  d'Hérodote,  de  Thucydide,  de  Xénophon,  on  y  trouvera  d'im- 
portantes discussions  destinées,  soit  à  fixer  certaines  dates  de  l'histoire  grecque 
ou  sicilienne,  soit  à  éclaircir  des  points  obscurs  de  cette  histoire  elle-même. 
Quelques-unes  de  ces  remarques  ont  été  fournies  à  l'auteur  par  son  maître, 
M.  A.  de  Gutschmid,  auquel  est  dédié  le  livre.  Il  n'est  pas  nécessaire  de  dire  que 
ces  additions  dues  au  savant  professeur  de  Kiel,  dont  les  travaux  sur  des  parties 
peu  connues  de  l'histoire  ancienne  tém.oignent  d'une  rare  sagacité,  ne  font 
qu'augmenter  la  valeur  du  livre  de  M.  V.  En  certains  endroits  la  correction 

typographique  laisse  un  peu  à  désirer. 

Emile  Heitz. 

221.  —  Rechtsgeschichtliche  Abhandlungen,  herausgegeben  von  D'.  G.  M. 
AsHER.  Heft  I  :  die  rœmischen  Kakndarienbûcher,  eine  Abhandlung  aus  dem  Gebiet  des 
rœmischen  Verkehrsiebens  von  D'.  F.  Hecht,  Heidelberg  Mohr,  1868,  8*  XII,  86  et 
XIV  p. 

La  dissertation  dont  nous  venons  de  transcrire  le  titre  forme  le  premier  fasci- 
cule d'une  collection  de  mémoires  sur  des  points  de  droit  historique,  collection 
qui  se  publie  sous  la  direction  de  M.  Asher.  Le  nom  de  ce  dernier  n'est  pas 
inconnu  des  lecteurs  de  la  Revue;  nous  l'avons  cité  tout  récemment  à  propos 
de  sa  thèse  paradoxale  sur  les  Tables  de  Salpensa  et  de  Malaga  et  auparavant 
déjà  (1867,  tom.  I,  p.  361)  nous  avons  pu  renvoyer  avec  éloge  à  un  mé- 
moire de  lui  sur  les  bina  jugera  des  citoyens  Romains. 

M.  Hecht  nous  donne  dans  ce  premier  fascicule  une  édition  revue  et  remaniée 
de  la  thèse  de  doctorat  qu'il  avait  présentée  en  1867  à  l'Université  de  Goettingue. 
Bien  qu'elle  soit  un  peu  longue  et  amplifiée  par  de  fi"équentes  répétitions,  nous 
lui  devons  ce  témoignage  qu'elle  apporte  des  éclaircissements  précieux  sur  un 
point  jusqu'ici  peu  étudié  des  antiquités  romaines.  Elle  n'est  d'ailleurs  que  le 
commencement  d'une  série  d'études  sur  le  commerce  de  l'argent,  l'organisation 
des  banques  et  du  crédit  et  sur  le  droit  commercial  des  Romains.  Nous  n'avons 
pas  la  prétention  de  juger  ce  travail  au  point  de  vue  des  questions  de  droit 
qu'il  soulève  ;  mais  il  intéresse  aussi  les  archéologues  :  il  emprunte  ses  preuves 
en  partie  aux  recueils  épigraphiques,  et  par  ce  côté  nous  croyons  pouvoir  l'ap- 
précier en  connaissance  de  cause. 


292  REVUE   CRITIQUE 

Par  kakndar'mm  les  Romains  n'entendaient  pas  seulement  un  calendrier  ;  pour 
eux  ce  mot  avait  encore  un  sens  technique  plus  spécial,  il  désignait  le  registre 
dans  lequel  on  inscrivait  les  sommes  prêtées  sur  hypothèque.  Chaque  capitaliste 
avait  le  sien,  les  communes  et  les  corporations  pouvaient  aussi  avoir  le  leur.  Le 
nom  de  kakndarium  venait  de  ce  que  les  calendes  de  chaque  mois  étaient  le  jour 
fixé  par  l'usage  soit  pour  la  conclusion  des  affaires  d'argent,  soit  pour  le  paie- 
ment des  intérêts,  soit,  au  cas  échéant,  pour  le  remboursement.  —  Par  extension 
le  nom  de  kalendarium  s'applique  aussi  à  la  caisse  (arcd)  où  étaient  renfermés 
le  registre  dont  nous  venons  de  parler,  les  titres  d'emprunt  (cautiones  debitoram) 
et  l'argent  destiné  à  être  placé  sur  hypothèque. 

Le  prêt  hypothécaire  offrant  des  garanties  exceptionnelles,  les  capitalistes 
tenaient  en  général  à  placer  une  partie  de  leur  fortune  de  cette  façon  ;  d'autre 
part  les  communes  possédaient  certains  capitaux,  affectés  à  un  emploi  déterminé, 
provenant  en  général  de  legs  ou  de  fondations,  et  qu'il  fallait  assurer  contre  les 
chances  de  perte  ou  de  négligence.  Pour  le  particulier  comme  pour  la  commune 
il  s'agissait  donc  de  mettre  par  ce  genre  de  placement  une  partie  de  leur  fortune 
à  l'abri  des  chances  plus  aléatoires  de  la  spéculation,  des  frais  et  des  pertes  que 
pouvait  aussi  occasionner  l'exploitation  directe  de  biens-fonds. 

Par  une.  suite  naturelle  de  ce  système  les  personnes  chargées  de  la  direction 
d'un  kalendarium  communal  étaient  tenues  au  remploi  des  sommes  qui  leur 
étaient  versées  à  titre  de  remboursement.  —  Ce  qui  prouve  bien  que  le  but 
principal  était  de  pourvoir  à  la  conservation  du  capital,  c'est  le  fait  mis  en  pleine 
évidence  par  M.  H.,  que  les  intérêts  des  sommes  prêtées  n'étaient  pas  versées 
aux  mains  de  l'administrateur  du  kalendarium. 

C'est  cette  institution  que  M.  H.  a  étudiée  dans  tous  les  détails  que  comportent 
les  sources  incomplètes  que  nous  avons  à  notre  disposition.  Les  kalendaria  des 
communes  nous  sont  surtout  connus  par  des  inscriptions,  tandis  que  les  ou- 
vrages de  droit  ont  principalement  traité  des  kalendaria  des  particuliers.  Il  a 
donc  fallu  élucider  par  des  combinaisons  ingénieuses  mais  prudentes  ce  qui  a 
trait  aux  premiers. 

M.  H.  montre  que  leur  administration  était  confiée  à  des  personnages  im- 
portants du  municipe  (c'était  un  munus  personale  et  non  une  magistrature), 
choisis  par  le  gouverneur  de  la  province  '  après  une  enquête  (inquisitio)  faite 
par  les  magistrats  et  les  décurions  de  la  cité,  qui  sont  responsables  en  cas  de 
malversation.  Les  administrateurs  portent  en  général  le  titre  de  curaîores  ka- 
lendarii.  Vingt  et  une  inscriptions  d'Italie  mentionnent  ce  titre  ;  mais  les  auteurs 
du  droit  en  parlent  aussi  à  propos  de  l'Afrique  et  de  l'Espagne.  Du  reste  en  ceci 
comme  en  tant  d'autres  choses,  une  certaine  variété  paraît  avoir  existé  entre  les 
différentes  localités.  Ainsi  en  général  on  ne  trouve  dans  la  même  commune  qu'un 
seul  kalendarium  et  un  seul  curaîor;  mais  il  y  en  a  où  il  y  a  plus  d'un  kalenda- 


I .  Exceptionnellement  aussi  par  l'empereur  lui-même,  auquel  cas  le  curator  kalendarii 
prend  le  pas  sur  tous  les  fonctionnaires  de  la  cité. 


d'histoire  et  de  littérature.  293 

rium  (Bibracte  en  Gaule  et  Industria  dans  la  Haute  Italie)  ;  si  dans  un  cas  on 
trouve  un  seul  curateur  préposé  à  plusieurs  kalendaria,  dans  d'autres  il  paraît  y 
avoir  eu  plusieurs  curateurs  pour  un  seul  kakndarium.  Enfin  il  est  probable  que 
dans  mainte  cité  il  n'y  avait  pas  de  fonctionnaire  spécial  pour  cette  administra- 
tion, qui  devait  alors  se  trouver  réunie  à  celle  de  la  questure. 

Comment  étaient  disposés  les  registres  des  kalendaria  ?  Quelle  était  la  nature 
des  titres  (cautiones  debiîorum)  qui  étaient  déposés  comme  pièces  à  l'appui  dans 
Varca?  Quelle  était  la  responsabilité  des  administrateurs?  Quelles  garanties  la  tenue 
de  ces  registres  offrait-elle  aux  créanciers  ?  Ces  questions  et  beaucoup  d'autres 
sont  étudiées  par  M.  H.  dans  les  trois  premiers  chapitres  de  son  travail. 

Dans  un  quatrième  chapitre,  l'auteur  fait  l'historique  de  la  question  avec  des 
indications  bibliographiques  très-complètes.  Il  discute  les  opinions  de  ses  devan- 
ciers et  paraît  surtout  leur  reprocher  d'avoir  confondu  les  prescriptions  relatives 
au  kalendarium  rei  publicae  avec  celles  qui  ne  s'appliquent  qu'aux  registres  des 
particuliers.  Il  pense  qu'on  peut  faire  remonter  aux  premiers  temps  de  l'empire 
l'institution  des  kalendaria  et  lui  assigner  une  durée  de  cinq  cents  ans.  Dans 
un  appendice  il  discute  plusieurs  textes  obscurs,  entre  autres  la  fameuse  inscrip- 
tion d'Espagne  (Gruter  478,  9)  011  il  est  question  de  collegia  kalendariorum  et 
iduaria  duo;  il  approuve  naturellement  l'explication  donnée  par  Hùbner  et 
Mommsen  ÇMonatsbericht  der  Berliner  Académie,  1861,  p.  972)  suivant  laquelle 
il  ne  s'agit  point  de  collèges  chargés  d'administrer  les  kalendaria,  mais  bien  de 
trois  corporations  dont  l'une  se  réunissait  aux  calendes  de  chaque  mois,  l'autre 
aux  ides.  Les  pages  I-XIV,  placées  à  la  fin  de  la  dissertation,  contiennent  le  texte 
in  extenso  des  inscriptions  et  des  recueils  du  droit  romain  qui  font  une  mention 
expresse  du  kalendaria. 

Ch.  M. 

222.  —  Histoire  générale  de  Paris.  Le  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
impériale.  Étude  sur  la  formation  de  ce  dépôt,  comprenant  les  éléments  d'une  histoire 
de  la  calligraphie,  de  la  miniature,  de  la  reliure,  et  du  commerce  des  livres  à  Paris 
avant  l'invention  de  l'imprimerie,  par  Léopold  Delisle.  T.  I.  Paris,  Impr.  imp.  1868. 
Gr.  in-4*,  xxiv-jyj  p.  —  Prix  :  40  fr. 

Lorsque  nous  avons  rendu  compte  de  deux  des  volumes  appelés  à  constituer 
1'  «  Histoire  générale  de  Paris,  »  nous  avons  signalé  '  la  phrase  naive  oh  le  préfet 
de  la  Seine  admet  comme  chose  allant  de  soi  que  chacune  des  publications  faites 
sous  ses  auspices  étant  en  particulier  une  œuvre  remarquable,  leur  ensemble 
constituerait  plus  tard  un  véritable  monument.  Cette  assertion ,  à  laquelle  deux 
volumes  d'une  inconcevable  faiblesse  apportaient  un  si  prompt  démenti,  n'a  point 
le  droit  de  chercher  un  point  d'appui  dans  le  livre  dont  nous  allons  rendre 
compte.  Non  pas  que  Le  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale  ait  rien 
à  redouter  ni  guère  à  apprendre  de  la  critique  :  l'impression  que  le  présent 
compte-rendu,  où  l'on  ne  s'arrêtera  pas  à  louer  chacun  des  points  qui  méritent 


I.  Roi.  crit.,  1868,  I,  p.  54. 


294  REVUE   CRITIQUE 

l'éloge,  devra  laisser  au  lecteur,  est  qu'il  n'était  guère  possible  de  produire  sur  la 
matière  un  ouvrage  mieux  conçu  ni  plus  complet;  mais  cet  ouvrage  a  échappé 
entièrement  à  l'action  administrative,  ayant  été  composé  avant  qu'il  fût  question 
des  publications  historiques  de  la  Ville  de  Paris  ;  de  sorte  que  tout  le  mérite  de 
la  commission  préfectorale  se  réduit  à  l'avoir  adopté  tel  que  son  auteur  l'avait 
exécuté.  Ce  mérite,  nous  ne  voulons  pas  le  diminuer,  et  nous  sommes  heureux 
de  constater  que  si  la  commission  dont  il  s'agit  n'arrive  point  à  faire  faire  de 
bons  travaux,  elle  sait  à  l'occasion  les  accepter  quand  on  les  lui  présente  tout 
faits. 

L'indépendance  du  livre  de  M.  Delisle  se  manifeste  par  sa  composition  même  : 
chacune  des  parties  du  sujet  choisi  est  considérée  en  soi  et  non  dans  ses 
rapports  plus  ou  moins  indirects  avec  l'histoire  de  Paris.  On  n'y  rencontre  non 
plus,  et  nous  en  félicitons  l'auteur,  aucune  de  ces  illustrations  aussi  inutiles  que 
dispendieuses,  qui  encombrent  les  deux  volumes  dont  nous  avons  précé- 
demment rendu  compte.  Toutefois  le  goût  prononcé  que  la  commission  préfec- 
torale manifeste  pour  les  images  sera  utilisé  :  M.  D.  annonce  dans  sa  préface  la 
publication  d'un  volume  complémentaire  qui  renfermera  des  fac-similé  d'écritures 
empruntés  autant  que  possible  à  desmss.  datés,  des  reproductions  de  miniatures 
et  des  dessins  de  reliure. 

En  réalité,  le  livre  de  M.  D.  n'a  qu'un  rapport  assez  éloigné  avec  l'histoire  de 
Paris;  mais  c'est  de  quoi  le  lecteur  se  soucie  peu  :  l'important  est  que  le  sujet 
offre  de  l'intérêt  et  soit  bien  traité. 

L'histoire  du  Cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  impériale,  telle  que 
l'a  comprise  M.  D.,  n'est  pas  seulement  le  récit  circonstancié  des  acquisitions 
successives  par  lesquelles  s'est  formé  le  Cabinet  :  c'est  aussi  l'histoire  d'une  série 
de  bibliothèques,  presque  toutes  célèbres,  qui  se  retrouvent  maintenant  en  totalité 
ou  en  partie  dans  le  magnifique  dépôt  ouvert  si  libéralement,  depuis  environ  un 
siècle  et  demi,  aux  érudits  de  tout  pays,  et  qui  fut  à  l'origine  la  librairie  privée  de  nos 
rois.  Ainsi  envisagé,  le  Cabinet  des  manuscrits  est  un  sujet  d'études  plus  fécond 
qu'aucune  autre  bibliothèque  de  l'Europe,  excepté  peut-être  celle  du  Vatican, 
sur  la  constitution  de  laquelle  on  est  imparfaitement  renseigné.  Il  se  peut  qu'un 
jour  (mais  nous  en  sommes  loin)  le  Musée  Britannique  l'emporte  par  le  nombre 
et  la  valeur  de  ses  fonds  sur  la  Bibliothèque  impériale  :  il  est  plus  richement  doté; 
il  est  aussi  plus  à  portée  de  recevoir  des  legs  importants,  car  les  grandes  collec- 
tions privées  sont  moins  rares  en  Angleterre  qu'ailleurs,  et  sont  aussi  moins 
exposées  à  être  dispersées  aux  enchères;  mais  jamais  l'histoire  du  Musée  Britan- 
nique, ni  de  la  Bodléienne,  ni  d'aucun  autre  grand  dépôt  de  livres,  ne  touchera 
par  autant  de  côtés  que  l'histoire  de  notre  Cabinet  des  manuscrits  à  la  vie  litté- 
raire des  siècles  passés.  Que  l'on  cherche  comment  se  sont  constituées  les  collec- 
tions de  Bodley  (Oxford),  de  Cotton,  de  Harley  (Musée  Britannique)  ou,  dans 
des  temps  plus  récents,  celles  de  Hunter  (Glasgow),  de  lord  Egerton  (Musée 
Brit.),  de  Douce  (Oxford),  ou  de  sir  Thomas  Phillipps,  le  spectacle  auquel  on 
assistera  sera  toujours  celui  d'un  homme  qui  par  tous  les  moyens,  à  force  d'ar- 


d'histoire  et  de  littérature.  295 

gent  surtout,  recueille  avec  plus  ou  moins  de  discernement  tous  les  livres  ou 
pièces  de  valeur  qui  peuvent  être  achetés.  Quand  on  a  constaté  la  date  et  le  prix 
de  chaque  acquisition,  on  a  tout  dit.  La  formation  de  ces  bibliothèques  touche 
plus  à  l'histoire  du  commerce  qu'à  l'histoire  de  la  littérature. 

Il  en  est  autrement  de  notre  ancienne  Bibliothèque  du  roi.  Dans  son  principe 
comme  dans  son  développement,  elle  offre  de  perpétuels  points  de  contact  avec 
l'histoire  littéraire.  Charles  V  ne  fut  pas  un  simple  collectionneur.  Assurément, 
il  achetait  des  livres,  et  les  plus  beaux  qui  se  pussent  trouver,  mais  il  en  faisait  faire 
aussi  ;  et  entre  les  900  volumes  et  plus  dont  se  composait  sa  collection,  si  malheu- 
reusement dispersée  après  lui,  bon  nombre  avaient  été  non  pas  seulement  copiés, 
mais  composés  par  ses  ordres.  Sans  lui  les  ouvrages  originaux  ou  les  traductions 
de  Nicole  Oresrae,  de  Raoul  de  Presles,  de  Jehan  Corbichon,  etc.,  n'auraient 
point  vu  le  jour.  L'histoire  de  sa  bibliothèque  est  donc  en  même  temps  celle  d'un 
mouvement  littéraire  très-important,  le  plus  important  qu'ait  vu  le  xiv*  siècle.  La 
même  chose  peut  être  dite,  quoique  dans  une  mesure  moindre,  de  plusieurs 
autres  collections,  notamment  de  celle  que  forma  Jean  duc  de  Berry.  Les  pages 
que  M.  D.  leur  consacre  dans  son  premier  volume  sont  véritablement  des  cha- 
pitres d'histoire  littéraire. 

L'intérêt  que  je  constate  ici  n'est  pas  confiné  au  premier  volume  de  cet  ouvrage, 
où  Charles  V,  Jean  duc  de  Berr}',  les  ducs  de  Bourgogne,  Louis  de  Bruges,  etc., 
sont  étudiés  comme  protecteurs  des  lettres.  A  l'époque  révolutionnaire  la  confis- 
cation des  biens  ecclésiastiques  amena  à  la  Bibliothèque  du  Roi  les  collections 
des  établissements  religieux  compris  dans  les  limites  du  département  de  la  Seine. 
Saint-Germain-des-Prés,  Saint-Victor,  la  Sorbonne  avaient  été  des  centres  d'en- 
seignement et  d'étude,  et  l'examen  de  leurs  bibliothèques  nous  révèle  bien  des 
faits  dont  se  nourrit  l'histoire  littéraire.  Cette  partie  de  l'histoire  du  Cabinet  des 
manuscrits  est  réservée  au  second  tome  de  l'ouvrage ,  mais  déjà  le  volume 
que  nous  avons  sous  les  yeux  contient  quelques  chapitres  riches  en  faits  précis 
sur  la  vie  studieuse  des  religieux  du  moyen-âge  ;  ceux  notamment  où  il  est  ques- 
tion des  mss.  provenant  de  Saint-Amand  (p.  307-18)  et  de  Saint-Martial 
(p.  388-95). 

Un  tel  ouvrage  se  prête  difficilement  à  l'analyse.  Il  est  impossible  de  passer 
en  revue  ce  nombre  presqu'infini  de  petits  faits,  exposés  avec  concision,  classés 
avec  ordre,  qui  constituent  l'histoire  des  éléments  dont  s'est  formée  notre  Biblio- 
thèque. Au  moins  voulons-nous  indiquer  les  principales  matières  traitées,  afin 
qu'on  en  puisse  concevoir  la  variété. 

L'ordre  suivi  par  M.  D.  est  celui  des  accroissements  du  Cabinet.  Chaque 
bibliothèque  particuHère,  chaque  collection  qui  vient  s'adjoindre  aux  fonds  déjà 
réunis,  est  étudiée,  non  à  l'époque  de  sa  formation,  mais  à  la  date  de  son  acqui- 
sition. C'est  ainsi  par  exemple  que  la  formation  de  la  Bibliothèque  de  Colbert  est 
exposée  dans  un  des  chapitres  consacrés  au  règne  de  Louis  XV,  parce  que  c'est 
en  1732  qu'elle  fut  achetée  par  le  roi.  Le  présent  volume  s'arrête  à  la  fin  du 
règne  de  Louis  XVI.  Si  M.  D.  avait  voulu  se  maintenir  strictement  dans  les 
limites  que  comporte  le  titre  de  son  livre,  il  aurait  commencé  l'histoire  du 


296  REVUE   CRITIQUE 

Cabinet  des  manuscrits  à  l'époque  où  a  été  formée  la  première  collection  royale 
qui  nous  soit  parvenue  en  son  entier,  celle  qui  a  été  le  premier  fonds  du  Cabinet 
actuel,  c'est-à-dire  au  règne  de  Charles  VIII.  La  collection  de  livres  que  laissa 
ce  prince,  bien  que  peu  considérable,  eu  égard  surtout  à  celles  qui  vinrent  s'y 
joindre  peu  après  sa  mort,  est  cependant,  comme  le  dit  M.  D.  (p.  98),  «  le 
»  véritable  noyau  de  notre  Bibliothèque  impériale,  »  puisque  la  librairie  bien 
autrement  importante  de  Charles  V  et  de  Charles  VI  avait  été  dispersée  dès  le 
temps  de  l'occupation  anglaise.  Mais  le  grand  intérêt  des  recherches  de  M.  D. 
consiste  bien  plus  dans  les  lumières  qu'elles  jettent  sur  des  bibliothèques  dont 
nous  n'avons  plus  aujourd'hui  que  des  débris  que  dans  l'exposé  des  vicissitudes 
par  lesquelles  a  passé  le  Cabinet  des  manuscrits.  Entre  ces  bibliothèques,  la  plus 
considérable  à  tous  égards  fut  assurément  celle  de  Charles  V,  à  laquelle  est  con- 
sacrée une  grande  partie  du  premier  chapitre  de  l'ouvrage.  Mais  avant  d'aborder 
l'histoire  de  cette  précieuse  collection,  M.  D.  a  réuni,  en  guise  d'introduction, 
toutes  les  notions  qui  peuvent  être  recueillies  sur  les  livres  que  les  prédécesseurs 
de  Charles  V,  à  partir  de  Charlemagne,  ont  possédés  ou  fait  composer.  Il  s'en 
faut  que  l'on  puisse  joindre  l'indication  d'un  ms.  à  chaque  nom  :  les  Carolingiens 
jusqu'à  Charles  le  Simple  tiennent  dignement  leur  place  dans  la  série  des  princes 
qui  ont  eu  le  goût  des  livres,  mais  les  premiers  Capétiens  n'y  brillent  pas. 
Saint  Louis  est  le  premier  d'entre  eux  dont  on  puisse  dire  qu'il  a  possédé  une 
véritable  bibliothèque.  —  Parmi  les  livres  composés  pour  le  pieux  roi , 
M.  D.  aurait  pu  citer  le  traité  intitulé  :  Eruditio  regum  et  principum,  écrit,  ou  du 
moins  achevé,  en  1259  par  Guibert  de  Tournai,  religieux  dont  on  a  d'autres 
ouvrages ' . 

Saint  Louis  n'eut  point,  comme  plus  tard  Charles  V,  l'idée  de  fonder  une 
bibliothèque  permanente.  Il  disposa  de  ses  livres  en  faveur  de  divers  établisse- 
ments religieux,  et  c'est  après  bien  des  vicissitudes  qu'un  très-petit  nombre 
d'entre  eux  sont  arrivés  à  la  Bibl.  imp.  ou  au  Musée  des  Souverains. 

Alphonse,  frère  de  saint  Louis,  eut  aussi  le  goût  des  livres,  du  moins  est-ce 
pour  lui  que  fut  composé  ce  premier  embryon  des  chroniques  de  Saint-Denys 
qu'on  connaît  sous  le  nom  de  Chronique  du  Ménestrel  du  comte  de  Poitiers. 
M.  D.  suppose  qu'un  ms.,  certainement  contemporain,  de  cette  chronique,  le 
n°  5700  du  Fonds  français,  est  l'exemplaire  même  qui  fut  présenté  à  Alphonse. 
Je  note  en  passant  qu'on  a  élevé  la  même  prétention  en  faveur  d'un  ms.  du 
marquis  Costa  de  Beauregard  (n»  505  du  catalogue  de  vente);  prétention  assu- 
rément dénuée  de  fondement,  si,  comme  le  dit  la  notice  du  catalogue,  l'écriture 
est  de  la  fin  du  xiv*  siècle.  Ce  qui  paraît  certain,  c'est  que  cems.,  qui  contient 


1.  J'en  ai  trouvé  un  ms.  à  la  bibliothèque  des  avocats,  à  Edimbourg  {Archives  des 
Missions,  2'  série,  IV,  137-8).  Depuis,  un  autre  exemplaire  du  même  ouvrage  a  passé  en 
vente  publique  à  Paris  (Catal.  des  livres  du  marquis  Costa  de  Beauregard,  Potier,  n*  579), 
et  a  été  adjugé  pour  la  somme  de  40  fr.  Il  est  très  regrettable  que  la  Bibliothèque  impé- 
riale n'ait  pas  saisi  cette  occasion  de  se  procurer  un  ouvrage  qu'elle  ne  possède  pas,  et 
qui,  par  cela  seul  qu'il  est  dédié  à  saint  Louis,  devrait  figurer  dans  ses  collections. 
L'exemplaire  de  la  vente  Costa  de  Beauregard  est  du  reste  en  bonnes  mains  :  il  appartient 
maintenant  à  M.  H.  Bordier. 


d'histoire  et  de  littérature.  297 

une  miniature  de  présentation,  a  dû  être  exécuté  d'après  l'exemplaire  offert 

au  comte. 

Les  paragraphes  III  et  IV  offrent  des  renseignements  pleins  d'intérêts  sur  les 
livres  de  Philippe  le  Hardi,  de  Philippe  le  Bel  et  de  sa  femme  Jeanne  de  Navarre, 
de  Louis  X  et  de  Clémence  de  Hongrie,  de  Philippe  le  Long,  de  Jeanne  d'Évreux, 
de  Philippe  VI,  du  roi  Jean  enfin.  On  remarquera  les  curieux  détails  que  M.  D. 
fournit  sur  une  bible  richement  enluminée  (p.  1 2-3)  par  trois  artistes  qui,  n'osant 
inscrire  bien  franchement  leurs  noms  à  côté,  de  celui  du  copiste,  les  ont  dissimulés 
sous  l'apparence  de  ces  traits  aux  courbes  élégantes  qui  sont  l'un  des  éléments  les  plus 
heureux  de  l'ornementation  des  grandes  lettres  dans  les  mss.  du  xiii*  et  du  xiV  s. 
—  A  propos  de  Jeanne  de  Bourgogne,  femme  de  Philippe  de  Valois,  M.  D. 
rectifie  une  petite  erreur  qui  est  en  train  de  faire  son  chemin  dans  notre  histoire 
littéraire.  Il  montre  (p.  1 5,  note  i)  que  ce  fut  à  cette  princesse  que  l'auteur  du 
roman  (français)  de  Girart  de  Roussillon  dédia  son  plat  ouvrage,  et  non  à  la 
femme  de  Philippe  le  Long  comme  l'avait  pensé  M .  Mignard,  l'éditeur  de  ce  roman. 

La  collection  formée  par  Charles  V,  la  célèbre  librairie  du  Louvre,  a  été  l'objet 
de  bien  des  recherches.  Toutefois,  il  suffit  de  lire  les  pages  que  M.  D.  lui  con- 
sacre pour  reconnaître  combien  les  travaux  antérieurs,  notamment  ceux  de 
Barrois  '  et  de  Van  Praët  étaient  insuffisants.  Le  premier  M.  D.  s'est  rendu  un 
compte  exaa  du  rapport  des  six  ou  sept^  inventaires  de  cette  collection  ;  le  premier 
il  a  réuni  un  nombre  considérable  de  notions,  nouvelles  en  partie,  sur  l'origine 
des  mss.  rassemblés  par  le  roi,  sur  les  caractères  de  ceux  qui  furent  exécutés 
par  ses  ordres ,  sur  les  copistes ,  enlumineurs  et  relieurs  employés  par  lui  ;  le 
premier  enfin  il  a  dressé  la  liste  de  ceux  des  mss.  du  Louvre  qui  existent  encore. 
Leur  nombre  s'élève  à  quarante  environ?,  dont  quelques-uns  même  ne  peuvent 
être  identifiés  avec  une  entière  certitude. 

Charles  VIetlsabeau  de  Bavière  eurent  aussi  le  goût  des  livres*,  mais  ils  en 
prenaient  moins  de  soin  que  Charles  V.  Des  soustractions  dont  on  ne  sait  point 
le  détail,  la  négligence  des  personnes  de  la  famille  royale  à  rendre  les  volumes 
empruntés ,  avaient  peu  à  peu  réduit  la  collection  de  1 200  volumes  environ  à 
843  (selon  un  inventaire  dressé  à  la  mort  de  Charies  VI),  lorsqu'elle  fut  acquise 
en  1424  ou  1425  par  le  dut  de  Bedford.  Depuis  lors  on  en  voit  divers  débris 


1.  Ce  dernier  était  si  complètement  dépourvu  de  critique  qu'il  lui  suffisait  d'avoir 
constaté  l'existence  dans  la  bibliothèque  du  Louvre  d'un  ouvrage  dont  il  possédait  lui- 
même  un  ms.  pour  se  figurer  que  son  exemplaire  était  celui-là  même  qui  avait  appartenu 
à  Charles  V.  Et  aussitôt  il  le  faisait  revêtir  d'une  reliure  plus  riche  qu'élégante  aux 
armes  du  roi  de  France.  Il  a  arrangé  de  la  sorte  bon  nombre  des  mss.  de  sa  collection, 
qui  aujourd'hui  appartient,  comme  on  sait,  à  M.  le  comte  d'Ashburnham. 

2.  Six  ou  sept,  selon  qu'on  compte  pour  un  ou  pour  deux  les  deux  exemplaires  du 
travail  de  Gilles  Mallet  (A  et  B). 

3.  On  conçoit  que  ce  nombre  pourra  s'accroître  par  suite  de  nouvelles  recherches.  Il  y 
faut  déjà  ajouter  la  bible  de  Girone  sur  laquelle  voy.  Rn.  crit.,  1868,  p.  389,  note  2. 

4.  M.  Delisle  cite  notamment  la  traduction  de  la  Passion  qui  fut  faite  pour  cette  reine. 
Aux  trois  mss.  indiqués  p.  50,  on  peut  ajouter  ceux-ci  :  Fonds  fr.  966  et  970,  fonds 
latin  14974,  Troyes  1257  et  131 1,  Musée  Britannique  Addit.  9288;  sur  le  dernier  de 
ces  mss.  voy.  Arch.  des  Missions,  2'  série,  III,  277. 


298  REVUE  CRITIQUE 

apparaître  de  temps  à  autres  à  la  lumière,  sans  qu'on  puisse  savoir  exactement 
quand  elle  fut  di^spersée. 

Il  nous  faut  aller  vite,  sans  nous  arrêter  à  maint  détail  intéressant  dont  l'indi- 
cation la  plus  brève  nous  ferait  bientôt  dépasser  les  limites  dans  lesquelles  doit 
se  renfermer  ce  compte-rendu.  Signalons  comme  un  morceau  complet  le  para- 
graphe XIV  (p.  56-68),  consacré  à  Jean  duc  de  Berry.  Ce  que  M.  D.,  venant 
après  plusieurs  savants,  y  a  fait  entrer,  en  un  espace  restreint,  de  faits  nouveaux, 
est  considérable.  Le  §  XV,  qui  a  pour  objet  la  bibliothèque  des  ducs  de  Bourgogne, 
bien  que  riche  en  renseignements  inédits,  n'embrasse  point  le  sujet  dans  son 
entier.  Les  mss,  des  ducs  de  Bourgogne  ne  se  rencontrent  qu'en  assez  petit 
nombre  dans  nos  collections.  M.  D,  les  a  notés,  laissant  aux  bibliothécaires  de 
Bruxelles  le  soin  d'écrire  l'histoire  détaillée  de  la  collection  dont  nous  n'avons  à 
Paris  qu'un  très-mince  fragment  ' . 

Après  la  vente  de  la  collection  formée  par  Charles  V,  la  librairie  royale  était 
à  refaire.  Ce  soin  ne  paraît  pas  avoir  beaucoup  occupé  ni  Charles  VII  ni  Louis  XI, 
Le  premier  eut  d'autres  soucis.  Mais  le  second  est  sans  excuse.  Il  manqua  de  si 
belles  occasions  !  Il  n'avait  qu'un  mot  à  dire  pour  devenir  possesseur  de  quatre 
belles  collections  que  les  événements  avaient  mises  à  sa  merci,  celles  du  cardinal 
Balue,  de  Charles  duc  de  Guyenne,  de  Charles  le  Téméraire  et  de  Jacques 
d'Armagnac.  «  Malheureusement,  »  dit  M.  D.,  «  ks  avantages  d'une  telle  mesure 
»  ne  se  présentèrent  pas  à  son  esprit  »  (p.  79).  A  la  vérité  il  confisqua  les  livres 
de  Balue,  mais  ils  furent  plus  tard  rendus  à  leur  propriétaire  (p.  8^). 

Passons  par-dessus  les  paragraphes  III  à  VI  du  second  chapitre,  qui  sont 
consacrés  aux  collections  de  Balue,  de  Charles  de  France  duc  de  Guyenne,  de 
Jacques  de  Nemours,  de  Marguerite  d'Ecosse  et  de  Charlotte  de  Savoie,  femmes 
de  Louis  XI  ;  notons  cependant  à  l'occasion  de  Charlotte  que  bien  peu  de  ses 
livres  ont  été  retrouvés.  Dans  l'inventaire  de  son  mobilier  qui  fut  rédigé  en 
1484,  je  vois  mentionné  un  Boccace  «  du  Cas  des  nobles  hommes»  (p. 9?)  qui 
selon  toute  apparence  doit  être  identifié  avec  un  exemplaire  du  même  ouvrage, 
orné  des  armes  de  la  maison  de  Savoie,  qui  se  trouve  au  Musée  Huntérien  de 
Glasgow».  Arrivons  à  Charles  VIII.  C'est  à  partir  de  ce  prince  qu'il  existe  véri- 
tablement une  bibliothèque  royale,  constituée  d'une  manière  permanente,  et 
destinée  à  recevoir  d'incessantes  accessions.  Les  efforts  de  Charles  VIII  et  de 
ses  successeurs,  mieux  servis  par  les  événements,  auront  plus  de  succès  que 
ceux  de  Charies  V,  et  leur  collection,  sans  cesse  accrue,  nous  parviendra  dans 
son  intégrité.  Ce  n'est  pas  toutefois  que  le  vainqueur  de  Fornoue  se  soit  préoc- 
cupé au  même  degré  que  bien  des  princes  de  son  siècle  du  soin  de  fonder  une 
bibliothèque.  Aux  livres  de  son  père  il  joignit  quelques-uns  des  volumes  qu'avait 
possédés  sa  mère,  divers  ouvrages  qui  lui  furent  dédiés,  et  une  petite  partie  de 

1.  Beaucoup  de  ces  mss.,  protégés  par  la  beauté  de  leur  ornementation,  ont  pris  place 
dans  un  grand  nombre  de  collections.  Il  y  en  a  un  magnifique  à  Oxford  (Douce  365),  qui 
a  été  écrit,  et  en  partie  composé,  en  1475,  par  David  Aubert  pour  Marguerite  d'York, 
femme  de  Charles  le  Téméraire. 

2.  Arch.  des  Missions,  2°  série,  IV,  147. 


d'histoire  et  de  littérature.  299 

la  bibliothèque  des  rois  aragonais  de  Naples  ' .  Mais  bientôt  après  lui  la  librairie 
royale  recevait  un  accroissement  notable  par  l'accession  des  collections  des  ducs 
d'Orléans,  des  ducs  de  Milan  et  de  Louis  de  Bruges.  L'histoire  de  ces  trois  fonds, 
non  moins  remarquables  par  la  valeur  des  ouvrages  que  par  la  magnificence  des 
exemplaires,  occupe  le  chapitre  IIL  Là  encore,  même  lorsqu'il  vient  après  Van 
Praët  (pour  Louis  de  Bruges),  Le  Roux  de  Lincy,  L,  de  Laborde  (pour  les  ducs 
d'Orléans),  M.  D.  a  su  trouver  un  grand  nombre  de  faits  nouveaux  et  intéressants. 
Je  signale  en  passant  ce  qui  concerne  les  mss.  qui  ont  appartenu  à  Pétrarque 
(p.  1 38-40).  Fort  habile  est  la  lecture  de  la  note  inscrite  sur  le  ms.  français  40} 
(p.  146)  qui  avait  donné  lieu  aux  conjectures  les  plus  erronées.  Il  résulte  de 
cette  note,  où  M.  ChampoUion  avait  cru  lire  le  nom  de  deux  enlumineurs,  qu'au 
xiv^  siècle  on  ne  faisait  point  scrupule  de  gratter  l'écriture  d'un  beau  ms.  français 
pour  écrire  autre  chose  à  la  place.  M.  D.  a  publié,  p.  1 34-6,  un  extrait  d'inventaire 
qui  pique  vivement  la  curiosité.  C'est  la  partie  consacrée  aux  livres  français  dans 
un  catalogue  de  la  bibliothèque  des  ducs  de  Milan  rédigé  en  1459.  ^^  ^'7  trouve 
bien  des  mentions  difficiles  à  expliquer.  Peires  Cardinales,  Arvelde  mcrw' indiquent 
d'une  façon  suffisamment  claire  un  chansonnier  des  troubadours  où  figuraient 
Peire  Cardinal  et  Amaut  de  Mareuil.  Liber  Guarini,  continens  isîoriam  .xii. 
patrum  (!)  Francie  est  probablement  un  ms.  de  la  geste  de  Garin  de  Monglane; 
Carolus  Martellus  un  Girart  de  Roussillon  ou  un  Garin  le  Lorrain?  L'ouvrage  intitulé 
Isîoria  Herculis  est  sans  doute  un  poème  composé  par  un  italien  dont  on  a 
plusieurs  mss.  *  Mais  qu'est-ce  que  le  De  proprietatibus  animaliutn  in  ritimo  gallico? 
Et  que  faire  de  Benini  Ariscald?  (B...  Mariscald?)  Comment  faut-il  entendre  : 
hore  de  bello  inter  duos? 

Dans  son  quatrième  chapitre  M.  D.  fait  connaître  les  accroissements  de  la 
bibliothèque  du  roi  depuis  l'avènement  de  François  I"  jusqu'à  la  mort  de 
Henri  III.  Le  règne  du  premier  de  ces  princes  fut  pour  le  Cabinet  une  époque 
véritablement  fortunée.  Louis  XII  avait  apporté  la  bibliothèque  des  ducs  d'Orléans, 
François  I"  apporta  celle  des  comtes  d'Angoulême,  mais  son  zèle  pour  les  lettres 
se  manifesta  d'une  façon  bien  autrement  active  lorsqu'il  fonda  la  bibliothèque  de 
Fontainebleau,  destinée  d'abord  à  recevoir  les  mss.  grecs  que  le  roi  faisait 
acquérir  à  grands  frais  ou  que  d'habiles  calligraphes  exécutaient  par  ses  ordres, 
mais  qui  devint  bientôt  5  et  resta  jusqu'à  la  fin  du  règne  de  Charles  IX  4  le  dépôt 
général  de  la  librairie  du  roi.  M,  D.  laisse  ici  (p.  i  j  i  et  1  $7)  la  parole  à  Boivin 

1.  A  la  p.  97  M.  D.  conteste  cette  dernière  acquisition  admise  par  les  auteurs  du 
Mémoire  historique  imprimé  en  tête  du  Cûtal.  des  livres  imprimez  de  la  Bibliothèque  du  Roy 
(1739), mais  de  nouvelles  recherches  l'ont  conduit  à  en  reconnaître  la  réalité;  voy.p.233. 

2.  J'en  ai  signalé  deux  dans  les  Archives  des  Missions,  2'  série,  V,  163,  mais  il  y  en  a 
un  troisième  à  Venise  (Keller,  Romvart,  p.  94-6)  et  un  quatrième  au  Musée  Britannique, 
BibL  reg.,  17.  E.  Il;  voy.  Casiey,  p.  286.  Il  paraît  aussi  que  Martin  roi  d'Aragon 
(f  14 10)  en  possédait  un  exemplaire;  voy.  dans  Milâ  y  Fontanals,  Trovad.  en  Esp. 
p.  491,  le  n*  284  de  l'inventaire  de  ses  livres. 

3.  En  ^44,  lorsque  la  bibl.  de  Blois  qui  provenait  des  ducs  d'Orléans,  et,  depuis 
l'avènement  de  Louis  XII ,  appartenait  à  la  couronne ,  fut  transportée  à  F'ontainebleau 
(Delisle,  p.  178). 

4.  Voy.  Delisle,  p.  194. 


3 00  REVUE  CRITIQUE 

dont  les  recherches,  demeurées  imparfaites  et  inédites,  n'étaient  guères 
connues  que  par  l'analyse  qui  s'en  trouve  dans  le  Mémoire  historique  précédem- 
ment cité  et  dans  VEssai  de  Leprince.  Il  les  complète  par  la  publication  de  lettres 
de  Guillaume  Pellicier,  ambassadeur  du  roi  auprès  de  la  république  de  Venise, 
L'une  d'elles  (p.  1 56),  demeurée  jusqu'à  présent  inédite,  est  particulièrement 
curieuse  en  ce  qu'elle  nous  révèle  la  manière  libérale  dont  le  roi  entendait  user 
des  livres  qu'il  faisait  recueillir  avec  tant  d'ardeur.  Une  acquisition  de  la  plus 
grande  valeur  fut  celle  de  la  collection  des  ducs  de  Bourbon ,  où  se  trouvait 
entre  autres  merveilles  le  célèbre  Josephe  illustré  par  Foucquet  (Fonds  fr,  247); 
mais  ces  accroissements  sont  peu  de  choses  par  comparaison  à  ceux  qu'aurait 
valus  à  la  Bibliothèque  royale  la  réunion  sous  la  main  du  roi  de  tous  les  mss. 
importants  existant  dans  les  abbayes  du  royaume,  mesure  radicale  que  la  négli- 
gence des  propriétaires  ne  suffisait  pas  à  autoriser,  et  dont  il  paraît  bien  que 
François  I"  eut  l'idée,  si  même  elle  ne  reçut  pas  un  commencement  d'exécution  '. 

Désormais  la  Bibliothèque  royale  était  constituée.  Elle  n'était  plus  comme 
précédemment  une  simple  collection  privée  à  l'usage  du  roi  et  des  personnes  de  son 
entourage,  elle  n'était  point  encore  bibliothèque  publique  comme  elle  le  fut  deux 
siècles  plus  tard,  mais  elle  s'ouvrait  libéralement  à  tous  les  érudits.  Elle  se  trou- 
vait dans  les  meilleures  conditions  qui  se  puissent  souhaiter  pour  la  conservation 
des  livres  comme  pour  leur  usage;  car  si  les  mss.  tenus  cachés  à  tous  sont  un 
bien  improductif,  les  communiquer  indistinctement  à  tout  venant,  c'est  perdre  à 
bref  terme  le  capital  et  la  rente.  Par  le  fait  de  François  P''  la  Bibliothèque  royale 
est  devenue  une  institution  d'État;  dès  lors  utile,  elle  sera  bientôt  nécessaire  et 
passera  intacte  à  travers  les  bouleversements  politiques. 

Nous  en  sommes  à  peine  au  tiers  de  l'ouvrage,  et  cependant  notre  analyse 
sommaire  nous  a  entraînés  dans  des  développements  qui  conviennent  plus  au 
Journal  des  Savants  qu'à  la  Revue  critique.  Empêchés  d'accorder  à  chacune  des 
monographies  dont  se  compose  ce  volume  tout  l'espace  que  nous  ne  manquerions 
pas  de  leur  consacrer  si  elles  avaient  paru  isolément,  nous  espérons  pourtant  en 
avoir  dit  assez  pour  montrer  combien  les  recherches  de  M.  D.  débordent  le  titre 
sous  lequel  elles  sont  assemblées,  combien  leur  intérêt  est  varié.  Parmi  les  chapitres 
—  Userait  plus  exact  de  dire  les  monographies  —  dont  il  nous  resterait  à  parler  si 
l'espace  ne  nous  faisait  défaut,  les  uns  sont  indispensables  à  l'économie  de 
l'ouvrage  ;  d'autres,  et  ce  ne  sont  pas  les  moins  intéressants,  se  sont  introduits 


I.  Il  y  a  sur  ce  point  un  témoignage  de  Du  Boulay,  Hist.  un'iv.  Par.  IV ^  951,  que 
rapporte  M.  Delisle,  p.  162.  Il  se  peut  bien  qu'il  y  ait  là  quelque  exagération  et  que 
l'assertion  de  l'historien  de  l'Université  n'ait  pas  d'autre  fondement  que  les  lettres  patentes 
auxquelles  fait  allusion  Jean  de  Gagny  dans  une  épitre  dédicatoire.  adressée  au  roi  son 
protecteur.  L'auteur  de  cette  épitre  déclare  simplement  avoir  été  chargé  de  transcrire  les 
livres  qui  lui  paraîtraient  «  estre  au  profict  de  la  républicque  littéraire  et  accession  de 
»  l'empire  de  philologie,  et  s'estre  mis,  en  exécution  des  ordres  royaux  à  fouiller  toutes  les 
»  librairies  des  monastères  et  chapitres  qui  se  sont  rencontrées  sur  sa  route  tandis  qu'il 
B  était  en  la  compagnie  du  roi  »  (Delisle,  p.  163).  J'ai  fait  de  vaines  recherches  pour 
retrouver  ces  lettres  patentes  dont  le  texte  nous  éclairerait  sans  doute  sur  les  intentions 
précises  du  roi. 


d'histoire  et  de  littérature.  301 

par  le  procédé  de  l'association  des  idées.  Entre  ces  derniers  on  remarquera  les 
§§  (p.  183-189)  consacrés  aux  collections  de  Louise  de  Savoie,  de  Marguerite 
d'Angoulême  et  de  Diane  de  Poitiers,  desquelles  la  Bibl.  imp,  ne  possède  que  de 
faibles  débris,  recueillis  à  diverses  époques.  Comment  parler  de  François  I"  sans 
s'intéresser  à  sa  mère  et  à  sa  sœur  ?  et  puisqu'il  est  incertain  si  le  chiffre  bien 
connu  d'Henri  II  contient  l'initiale  de  Diane  de  Poitiers  ou  celle  de  Catherine 
de  Médicis,  n'était-il  pas  tout  naturel  d'unir  dans  le  même  paragraphe  la  belle 
duchesse  de  Valentinois  à  son  royal  amant?  L'acquisition  (i  595)  de  la  Bible  de 
Charles  le  Chauve  fournit  à  M.  D.  l'occasion  d'introduire  (p.  200-7)  <îes 
recherches  sur  la  bibliothèque  de  l'abbaye  de  Saint-Denis ,  qui  n'eussent  guère 
pu  trouver  place  dans  le  second  volume,  car,  ruinée  pendant  les  guerres  de 
religion,  l'illustre  abbaye  de  laquelle  proviennent  nos  plus  antiques  diplômes,  ne 
put  à  la  Révolution  fournir  à  la  Bibliothèque  nationale  que  deu.x  mss.  Entre  les 
collections  entrées  dans  leur  entier  à  la  Bibliothèque,  les  plus  importantes  sont, 
dans  l'ordre  d'acquisition,  celles  des  frères  Dupuy,  de  Gaignères,  de  Baluze,  de 
Saint  Martial  de  Limoges,  de  la  famille  de  Mesmes,  de  Colbert  enfin,  la  plus 
riche  de  toutes.  Envisagée  sous  des  aspects  jusqu'ici  peu  éclairés,  la  physionomie 
des  grands  collecteurs  du  xvii^  et  du  xviii^  siècle  s'enrichit  de  traits  nouveaux. 
Les  uns,  Colbert,  Gaignères,  y  gagnent;  d'autres,  comme  Baluze,  y  perdent. 
Mais  pourtant,  s'il  est  vrai  (voy.  le  curieux  petit  fait  révélé  par  M.  D.  p.  366-7) 
que  ce  dernier  se  montrait  peu  communicatif  des  matériaux  qu'il  avait  réunis, 
qui  pourrait  lui  en  faire  un  reproche,  considérant  le  soin,  la  critique  avec  laquelle 
il  savait  les  mettre  en  œuvre!  Ce  qui  reste  à  sa  charge,  c'est  une  tendance  bien 
constatée  à  faire  dériver  vers  sa  propre  collection  des  pièces  de  choix  destinées 
à  Colbert  (voy.  p.  365,  459  et  472). 

Ceux  qui  ne  gagnent  pas  à  ces  incursions  dans  le  domaine  de  la  vie  réelle,  ce 
sont  les  moines,  propriétaires  ignorants  et  négligents  de  bibliothèques  où  la  plu- 
part des  collectionneurs  du  xvii''  siècle  allaient  se  pourvoir  comme  au  marché. 
Au  temps  de  François  P"",  Jean  de  Gagny  comparait  les  moines  et  leurs  librairies 
à  des  nations  barbares,  se  morfondant  «  en  froid  et  nuit  d'ignorance  »  auprès 
de  forêts  dont  elles  défendaient  l'usage  aux  étrangers  aussi  bien  qu'à  eux-mêmes 
(p.  162-3).  Dans  le  siècle  suivant,  des  témoignages  irrécusables  attestent  l'aban- 
don où  étaient  laissées  les  bibliothèques  de  l'abbaye  de  Fécamp  (p.  3  2  2)  et  de  la 
plupart  des  établissements  monastiques  compris  dans  le  ressort  de  la  généralité  de 
Caen  (p.  448).  Au  xviii*  siècle  on  jetait  par  tombereaux  dans  la  Loire  des  livres 
de  Saint-Martin  de  Tours  qu'on  avait  laissés  pourrir  à  l'humidité  (p.  462,  n.  3). 

De  toutes  les  collections  acquises  en  bloc  par  la  Bibliothèque  il  existe  des 
catalogues  particuliers.  Elles  ont  pendant  un  temps  plus  ou  moins  long  formé  des 
fonds  distincts.  Il  n'y  avait  donc  point  à  en  reconstituer  la  composition  comme 
M.  D.  l'a  fait  pour  les  collections  qui  ont  été  dispersées  et  dont  nous  ne  possé- 
dons que  des  éléments  épars.  Mais  il  y  avait  à  en  faire  connaître  la  formation, 
qui  sans  contredit  a  été  un  des  faits  considérables  de  la  vie  scientifique  de  notre 
pays.  M.  D.  s'est  acquitté  de  ce  soin  avec  une  abondance  d'information  qui 
n'exclut  pas  la  sobriété  dans  l'exposition.  Les  particularités  qu'il  a  recueillies  et 


ÎOl  REVUE    CRITIQUE 

habilement  groupées  renferment  plus  d'un  enseignement.  Rien  de  caractéristique 
comme  certains  des  procédés  mis  en  œuvre  pour  constituer  la  bibliothèque  col- 
bertinc.Sans  doute  le  grand  ministre  resta  bien  au-dessus  des  manœuvres  par 
lesquelles  on  tenta,  avec  plus  ou  moins  de  succès,  de  circonvenir  les  chapitres  de 
diverses  églises  afin  de  leur  soutirer  leurs  plus  précieux  mss.  ',  mais  la  servilité 
dont  firent  preuve  dans  ces  circonstances  les  intendants  ou  autres  fonctionnaires, 
dans  l'espoir  d'attirer  l'attention  bienveillante  de  leur  chef,  est  bonne  à  noter, 
pour  l'histoire  des  traditions  administratives. 

Comme  toutes  les  recherches  qui  ont  pour  objet  des  faits  analogues  étudiés 
en  des  temps  et  en  des  milieux  différents,  le  travail  de  M.  D.  fait  surgir  à  tout 
instant  des  oppositions  ou  des  similitudes  dont  la  considération  est  instructive. 
Ainsi,  il  est  curieux  de  chercher  dans  chaque  collection  le  reflet  des  tendances  de 
l'époque  et  des  goûts  particuliers  du  collectionneur.  Les  mss.  exécutés  pour 
Chades  V,  d'une  écriture  soignée,  d'une  ornementation  simple,  en  même  temps 
qu'élégante,  offrent  généralement  un  caractère  sérieux.  Les  traductions  d'auteurs 
anciens,  profanes  aussi  bien  qu'ecclésiastiques,  les  traités  scientifiques  y  abondent. 
Le  fonds  l'emporte  sur  la  forme.  —  Dans  les  mss.  de  son  frère,  le  duc  de  Berry, 
homme  dépensier  et  vain,  l'ornementation  est  somptueuse.  La  bibliothèque  elle- 
même,  très-variée,  n'accuse  point  de  direction  bien  déterminée.  —  Les  livres 
faits  pour  le  seigneur  de  La  Gruthuyse,  aussi  beaux,  dans  un  autre  genre,  que 
ceux  du  duc  de  Berry,  marquent  une  phase  dans  l'histoire  de  l'art  flamand.  Peu 
après  l'invention  de  l'imprimerie  le  luxe  des  mss.  passe  de  mode  :  le  cardinal 
d'Amboise  (f  1 5  lo),  l'un  des  fidèles  à  une  tradition  expirante,  fait  encore  exé- 
cuter à  grands  frais  des  copies  manuscrites  admirablement  enluminées.  — 
François  I"  recherche  surtout  les  mss.  grecs.  —  Claude  Dupuy  (-j-i  $94)  a  surtout 
de  beaux  anciens  mss.  des  classiques  latins.  —  Ce  n'est  pas  avant  le  règne  de 
Louis  XIII  qu'on  s'occupe  de  recueillir  en  Orient  des  mss.  sémitiques  (collection 
de  M.  de  Brèves,  p.  214-5).  ^^  tour  des  mss.  indiens  ne  vint  que  bien  plus 
tard,  et  les  premiers  qu'on  acquit  n'avaient  guère  de  valeur.  —  La  première 
grande  collection  historique  formée  de  copies  manuscrites  est  probablement  celle 
de  Brienne  (sous  Louis  XIII).  Elle  avait  du  reste  un  but  pratique  (Delisle, 
p.  21$);  ce  n'est  que  plus  tard  que  l'on  commença  à  former  des  collections 
destinées  à  un  usage  purement  scientifique  de  pièces  d'archives  soit  en  original, 
soit  en  copies  ;  mais  ce  goût  se  répandit  avec  une  extrême  rapidité,  et  on  sait  que 
nous  lui  devons  la  conservation  d'une  masse  énorme  de  documents  qui  ont 
disparu,  tant  par  suite  du  brûlement  des  titres  féodaux  que  par  la  négligence  de 
leurs  anciens  propriétaires,  ou  de  l'administration  moderne  à  qui  incombait  le 
soin  de  les  conserver. 

Mais  il  faut  nous  arrêter,  bien  que  nous  n'ayons  rien  dit  de  plusieurs  chapitres 


l.  Voy.  ce  qui  concerne  le  chapitre  de  Metz  (p.  •448-50),  les  chapitres  de  Saint-Martin 
et  de  Saint-Gatien  de  Tours  (p.  459-62),  l'abbaye  de  Savigny  (p.  463-4),  etc.  —  Pour- 
tant, au  moins  en  ce  qui  concerne  l'enlèvement  des  archives  de  Gand  (p.  467-8),  la  con- 
duite de  Colbert  est  loin  d'être  irréprochable.  Il  est  difficile  aussi  de  ne  pas  considérer 
certains  dons  dp  mss.  comme  de  véritables  pots  de  vin  (voy.  p.  475). 


d'histoire  et  de  littérature.  J05 

d'un  grand  intérêt.  Un  livre  aussi  riche  en  faits  suggère  plus  d'idées  qu'il  n'en 
exprime,  et  se  prête  difficilement  à  un  compte-rendu  bien  proportionné.  La  table 
qui  terminera  l'ouvrage  montrera  combien  de  sujets,  auxquels  je  n'ai  même  pu 
faire  une  rapide  allusion,  reçoivent  une  lumière  nouvelle  par  suite  des  recherches 
de  M.  Delisle.  J'espère  qu'on  y  trouvera  réunis  sous  un  seul  chef  les  noms  des 
enlumineurs  ou  miniaturistes  que  M.  D.  a  eu  si  souvent  occasion  de  citer,  plu- 
sieurs pour  la  première  fois;  sous  un  autre  les  noms  des  copistes;  sous  un 
troisième  les  devises  inscrites  sur  un  si  grand  nombre  de  mss.  exécutés  pour  des 
familles  seigneuriales  ou  princières.  Il  est  une  autre  liste  qui  rendrait  de  bien 
grands  services  à  l'histoire  littéraire  comme  à  la  paléographie ,  et  qui  mériterait 
de  former  une  table  à  part  :  c'est  la  liste  par  fonds  de  tous  les  mss,  (on  pourrait 
se  borner  à  ceux  de  la  Bibl.  imp.)  dont  l'origine  a  été  déterminée  dans  l'ouvrage. 
L'intérêt  qu'il  y  a  à  être  exactement  renseigné  sur  l'origine  des  mss.  ne  sera 
pas  contestée  par  les  savants  qui  savent  que  leur  valeur  dépend  pour  une  grande 
part  de  leur  provenance.  Il  en  est  d'ailleurs  des  mss.  comme  des  médailles  et 
des  monnaies  anciennes,  qui  bien  souvent  ne  valent  guère  plus  que  le  prix  du 
métal,  mais  qui  peuvent  servir,  lorsque  le  point  où  elles  ont  été  trouvées  est 
connu,  à  résoudre  d'importants  problèmes  historiques.  Quel  intérêt  présente  en 
soi  un  ms.  français  du  xiv®  siècle  qui  contient  les  Sermons  de  Maurice  de  Sully, 
le  Lucidaire,  l'histoire  (en  prose)  de  Barlaam  et  Josaphat....?  Aucun,  puisqu'on 
a  de  ces  mêmes  ouvrages  bon  nombre  de  mss.  plus  anciens.  Mais  s'il  est  reconnu 
que  ce  ms.,  qui  est  le  n»  187  du  Fonds  français,  a  fait  partie  de  la  bibliothèque 
des  ducs  de  Milan  (Delisle,  p.  128)  et  qu'il  a  été  exécuté  en  Italie,  il  acquiert 
aussitôt  une  certaine  valeur  en  ce  qu'il  constate  pour  sa  part  l'extension  des 
lettres  françaises  au  delà  des  Alpes. 

On  sera  heureux  de  pouvoir  retrouver  aisément  dans  le  livre  de  M.  Delisle 
ces  indications  de  provenance,  puisque  le  Catalogue  du  Fonds  français,  dont  le 
premier  volume  a  été  récemment  publié  par  l'administration  de  la  Bibliothèque 
impériale,  ne  les  donne  pas.  Et  malheureusement  c'est  par  bien  d'autres  côtés 
encore  que  ce  catalogue  laisse  à  désirer.  Mais  n'anticipons  pas  sur  un  compte- 
rendu  qui  aura  son  tour  '.  P,  M. 


I.  Je  rejette  en  note  trois  ou  quatre  remarques  trop  peu  importantes  pour  figurer  dans 
le  texte.  P.  187,  n.  61,  il  n'est  malheureusement  pas  exact  que  lems.  jo6oducatal.  Offor 
ait  été  vendu,  car  un  incendie  détruisit  toute  la  collection  dans  la  nuit  du  29  juin  1865, 
après  la  première  vacation  qui  comprenait  les  n"  i  à  31$.  Le  ms.  2442  du  même  cata- 
logue (cité  p.  306,  n.  7)  est  naturellement  compris  dans  ce  désastre.  —  P.  206,  note, 
col.  !,  canonicis,  1.  cronicis.  —  P.  256,  le  n*  7  de  l'inventaire  des  mss.  du  card.  d'Am- 
boise  :  «  Vita  Christi,  en  parchemin,  contenant  deux  volumes,  couvert  de  velours  violet,  • 
est  probablement  le  n*  9  du  catalogue  des  mss.  de  la  duchesse  de  Berry  (  1864).  Il  est 
bien  vrai  que  cet  exemplaire  se  compose  de  trois  volumes,  mais  si  mes  souvenirs  me  servent 
bien,  le  troisième  est  d'une  ornementation  différente,  et  aurait  fait  partie  originairement 
d'un  autre  exemplaire.  En  tout  cas  les  trois  volumes  en  question  ont  appartenu  au  cardinal, 
puisqu'ils  sont  ornés  de  ses  armes.  —  P.  167-70.  Les  renseignements  sur  les  livres  du 
cardinal  de  Bourbon  paraissent  rares;  un  très -beau  ms.  du  Musée  Hunter  à  Glasgow  a 
été  exécuté  pour  lui  (Arch.  des  Miss.,  IV,  150).  —P.  379,  n.  8.  Ajoutez  qu'un  des  plus 
beaux  mss.  du  même  Musée  porte  la  signature  de  Foucault  (/.  /.  146). 


304  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE. 

223.  —  Le  Miracle  de  Théophile  de  Rutebeuf,  revu  sur  les  manuscrits,  traduit 
et  accompagné  de  notes,  par  Axel  Henri  Klint,  professeur  suppléant  au  collège  de 
Gefle  (thèse  pour  le  doctorat  présentée  à  la  très-célèbre  université  d'Upsal).  Upsal, 
Schultz,  1869.  In-4%  iv-28  p. 

M.  Klint  a  revu  sur  les  manuscrits  l'édition  du  Théophile  de  Rutebeuf  donnée 
par  M,  Jubinal;  il  y  a  joint  une  traduction,  il  l'a  accompagnée  de  notes  et  d'une 
courte  introduction.  —  Les  corrections  faites  au  texte  sont  peu  de  chose,  ce 
qui  s'explique  puisque,  sauf  une  centaine  de  vers  (la  repentance  et  la  prière  de 
Théophile,  qui  sont  dans  le  ms.fr.  1635),  cet  ouvrage  est  conservé  dans  un 
ms.  unique  (B.  I.  fr.  837).  L'impression  est  correcte  et  la  ponctuation  intelli- 
gente '.  On  ne  peut  approuver  l'auteur  d'avoir  coupé  en  deux  les  vers  alexan- 
drins qui  se  rencontrent  à  plusieurs  reprises  dans  ce  Miracle;  il  allègue  des  rai- 
sons insuffisantes  :  la  véritable  n'est-elle  pas  que  l'impression  a  été  plus  com- 
mode de  cette  façon  ?  —  Dans  la  traduction,  je  relève  une  ou  deux  petites 
inexactitudes;  ainsi  v.  91  «  qu'en  avez-vous  entalenté  ?«  est  rendu  par  :  «Qu'en 
avez-vous  attendu  ?  »  le  sens  est  :  «  A  quoi  vous  êtes-vous  résolu,  qu'avez-vous 
en  talent,  en  désir  ?  »  —  Paier  (v,  j  1 5)  est  traduit  par  payer,  mais  ici  ce  verbe 
a  encore  la  signification  du  latin  pacare,  il  veut  dire,  comme  dans  d'autres 
textes,  réconcilier.  —  V.  394,  Théophile  dit  :  Si  ai  laissié  le  basme  pris  me  sui 
au  seu  »;  M.  Kl.  traduit  5eu  par  suif;  c'est  une  erreur  :  sébum  ne  pourrait 
en  aucun  cas  donner  seu  en  deux  syllabes.  Seu  veut  dire  sureau  (lat. 
sabUcus)  :  on  attribuait  sans  doute  à  cet  arbre  des  propriétés  nuisibles.  En 
résumé,  la  traduction  de  M.  Kl.  est  fidèle,  claire  et  correcte.  Il  n'a  connu  ni 
l'édition  ni  la  traduction  que  M.  Fr.  Michel  a  données  de  ce  Miracle  dans  le 
Théâtre  Français  au  Moyen-Age  (p.  1 39  ss.);  il  a  en  général,  au  moins  pour  l'exac- 
titude, l'avantage  sur  son  prédécesseur.  —  Les  Notes  contiennent  d'abord  des 
remarques  judicieuses  et  intéressantes,  mais  trop  incomplètes,  sur  la  versification, 
puis  différentes  observations  sur  la  langue.  Ces  dernières  montrent  que  l'auteur 
a  une  certaine  lecture  dans  la  littérature  du  moyen-âge  et  connaît  les  livres  de 
Diez,  Burguy,  Littré,  Scheler,  etc.  La  remarque  sur  le  v.  362  :  (.4  mon  vuet) 
Fussiez  vous  evesques  eus,  n'est  pas  juste.  «  Presque  comme  si  l'on  eût  àil  fussiez 
élu,  »  dit  l'auteur.  Fussiez  eu  est  ici  pour  eussiez  été;  c'est  un  exemple  à  joindre 
à  ceux  qu'a  rassemblés,  de  cette  curieuse  façon  de  parler,  M.  Adolf  Mussafia 
(voy.  Jahrbuch  fur  romanische  Literatur,  t.  V,  p.  247-48).  —  Ce  petit  travail 
est  un  bon  début;  souhaitons  qu'il  soit  bientôt  suivi  d'ouvrages  plus  im- 
portants. 

G.  P. 

1.  M.  Kl.  n'emploie  ni  les  accents,  ni  les  trémas,  ce  qui  est  un  système  plus  commode 
pour  l'éditeur  que  pour  le  lecteur  ;  il  ne  met  pas  d'apostrophes,  mais  laisse  un  blanc  entre 
les  deux  mots  dont  le  premier  a  un  e  fém.  élidé;  ainsi  t  aiderai,  m  en,  qu  ai.  Je  n'approuve 
pas  cette  façon  d'écrire,  qui  n'est  ni  celle  du  moyen-âge,  ni  celle  de  nos  jours,  et  qui  pré- 
sente à  l'œil  des  formes  tout-à-fait  insolites. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


die  Herrschap  der  Vernunft;  art.  d'Ad.  Neubauer.  —  Histoire,  géograpiiie,  etc. 
Janus  (=  Dœllinger),  Der  Pabst  und  das  Concil,  Leipzig,  Steinacker;  ouvrage 
d'actualité  qui  cependant  a  une  grande  valeur  scientifique.  —  Freeman,  The 
History  of  the  Norman  Conquest  of  England,  t.  III;  Oxford,  Clarendon  Press. 

—  Brewer,  Calendar  of  the  Carew  mss.;  Longmans;  H.  Schliemann,  L.  Pélo- 
ponnèse, Troie;  Paris,  médiocre  livre  justement  critiqué  par  H.  F.  Tozer.  — 
Philologie  orientale.  De  Vogué,  La  Syrie  centrale  ;  art.  favorable  par  Th.  Nœldeke, 
sur  un  livre  dont  nous  rendrons  compte  prochainement.  —  G.  Ebers,  .Egypien 
u.  die  Biicher  Mose's;  I;  Leipzig;  art.  favorable  par  T.  K.  Cheyne.  —  Littérature 
classique,  etc.  L.  Mùller,  Geschichte  d.  Idassischen  Philologie  in  den  Niederlande ; 
cf.  Rev.  ait.,  1869,  art.  145.  —  Nutzhorn,  Die  Entstehungsweise  d.  Homerischen 
Gedichte;  art.  de  Munro;  cf.  Rev.  crit.,  1869,  art.  140.  —  Weidner,  Commentar 
zu  VergiPs  Aneis;  Leipzig,  Teubner;  art.  du  Prof.  Conington  qui  vient  de  mourir. 

—  The  Mostellaria  of  Plautus,   \\'ith  notes by    W.    Ramsay,  Macmillan  ; 

médiocre  travail  dont  le  critique,  M.  R.  Ellis,  ne  dissimule  pas  les  imperfections. 

—  Les  renseignements  réunis  à  la  fin  de  chaque  section  sous  le  titre  d'Intelligence 
sont  particulièrement  développés  et  intéressants  en  ce  qui  se  rapporte  aux  sciences 
naturelles. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


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respondenzen  der  schles.  Fûrsten  und 
Staende.  Namensd.  Vereinsf.  Geschichte 
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H.  Palm.  Jahrg.  1619.  In-4*,  viij-407  p. 
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u.  occidentalischer  Sprachen.  10.  Aufl. 
Gr.  in-8*,  80  p.   Leipzig  (Brockhaus). 

jfr. 

Bechtinger  (J.).  Ein  Jahr  auf  den  Sand- 
wich-Inseln  (Hawaiische  Inseln).  Land, 
Leute,  Sitten  u.  Gebrauche,  etc.  (Memoi- 
ren  I.  Bd.).  Gr.  in-8*,  v-204  p.  mit  8 
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genauem  Glossar,  hrsg.  v.  G.  H.  F. 
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N*  46  Quatrième  année  13  Novembre  1869 


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M.  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études.  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
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Forme  aussi  le  i*-'  fascicule  de  la  Collection  historique. 

AT     r~\  TV  T  /^  TV  T  /-\  TV  T     Le   Livre  des   Vassaux  du  Comté   de 
•      !--•  VJ  1  >  Ur  i N  vJ  1  >     Champagne,  1 172-1222,  publié  d'après 
le  manuscrit  unique  des  Archives  de  l'Empire,  i  fort  vol.  in-80.  7  fr.  50 

A  I  /^  T    w    Benoit  de  Sainte-More  et  le  roman  de  Troie,  ou  les 

■^  •    ^  ^  ■L-'  I      métamorphoses  d'Homère  et  de  l'épopée  gréco-latine  au 
moyen-âge.  i  vol.  in-4'*.  20  fr. 


PÉRIODIQUES    ÉTRANGERS. 

The  Athenseum.  23  octobre. 

Pressensé,  The  Early  Years  of  Christianity ,  translatée!  by  Annie  Harwood; 
Hodder  and  Stoughton.  —  Th.  Cobbe,  History  of  the  Norman  Kings  of  Engknd 
from  a  new  collation  of  the  Contemporary  Chronicles;  Longmans  and  C°;  art. 
favorable.  —  Gœll,  Culturbilder  ans  Hellas  u.  Rome;  ouvrage  de  vulgarisation 
qui  paraît  bien  fait.  —  Thefirsî  Book  of  Common  prayer  of  Edward  VI...  reprinted 
by  the  Rev.  H.  Baskerville  Walton;  Rivingtons.  —  Articles  originaux  :  Sainte- 
Beuve;  —  les  autographes  de  M.  Chasles;  —  de  la  composition  du  prétendu 
sang  de  saint  Janvier. 

30  octobre. 

J.  J.  Bond,  Handy-book  of  Rules  and  Tables  for  verifying  Dates  with  the  Christian 
Era;  Bell  and  Daldy.  —  Janus  (=  Dœllinger),  The  Pope  and  the  Council; 
Rivingtons;  simple  analyse.  —  Articles  originaux:  Lord  Derby;  —  M.  Leverrier 
et  M.  Chasles  (M.  Chasles  y  est  traité  avec  une  sévérité  qui  n'est  pas  imméritée). 

Jahrbûcher  fur  Kunstwissenschaft.    Hrsg.   von  A.  voN  Zahn.  Leipzig, 
Seemann. 

2^  année.  2°  livraison. 

Hassler,  Documents  relatifs  à  l'histoire  de  l'architecture  au  moyen-âge 
(extraits  des  archives  d'Ulm,  d'Esslingen,  Nœrdlingue  et  Bopfmgen).  —  Henszl- 
MANN,  L'album  d'un  artiste  italien  du  xv!**  siècle  (cet  album  appartient  au  comte 
Zichy,  en  Hongrie).  — Albert  Jahn,  Collection  des  dessins  des  architectes 
italiens,_  dans  la  galerie  des  Offices  à  Florence. — A.  de  Zahn,  Masolino  et 
Masaccio  (l'auteur  complète  et  rectifie  le  travail  que  MM.  Crowe  et  Cavalcaselle 
ont  consacré  à  ces  deux  maîtres  dans  leur  histoire  de  la  peinture  italienne).  — 
Parthey,  Miniatures  du  vin*  ou  ix"  siècle  (Topographia  christiana  de  Cosmas 
Indi  copleutes,  au  Vatican).  —  M.  Thausing,  La  «  Laurea  »  du  char  triomphal 
de  l'empereur  Maximilien,  et  deux  tableaux  de  Jean  de  Culmbach  (article  très- 
important,  contenant  différentes  découvertes  relatives  à  l'œuvre  de  Durer  et  à 
celui  de  son  élève  Jean  de  Culmbach).  —  Bibliographie  et  Extraits.  Notizie 
intorno  aile  due  statue  erette  in  Bologna  a  Giulio  II,  etc.  par  B.  Podesta. 
Bologna  regia  tipografia  1868  (compte-rendu  par  Tourtual).  —  Cesare  Bernas- 
coni,  Studi  sopra  historia  délia  Pittura  Italiana  dei  secoli  xiv*  e  xv°  délia  seccola 
pittorica  Veronese.  Verona  1865  (par  F,  W.  Unger,  de  Gœttingue). 

Cette  livraison,  comme  on  a  pu  le  voir,  par  cette  analyse  sommaire,  contient 
une  foule  de  travaux  intéressants,  et  nous  sommes  étonnés  que  le  recueil  excel- 
lent dont  elle  fait  partie  ne  se  répande  pas  davantage.  Nous  regretterions  vive- 
ment, pour  notre  part,  de  le  voir  disparaître.  Un  seul  moyen,  que  nous  avons 
déjà  indiqué  dans  la  Chronique  des  Arts,  nous  semble  propre  à  lui  procurer  la 
pubHcité  et  les  abonnés  qui  lui  manquent  :  qu'on  en  fasse  un  recueil  international, 
comme  les  Jahrbiicher  fur  romanische  und  englische  Literatur,  et  comme  la  future 
Reme  celtique.  Trop  longtemps  déjà  les  historiens  d'art  sont  isolés,  et  trop  long- 
temps les  feuilles  locales  ont  dérobé  à  la  connaissance  du  grand  nombre  une  foule 
de  découvertes  artistiques  du  plus  haut  intérêt.  Le  moment  est  venu  de  centra- 
liser les  travaux,  et  de  réunir  dans  une  seule  pubHcation  tous  ces  documents  trop 
étendus  ou  trop  arides  pour  trouver  place  dans  la  Gazette  des  beaux-arts,  ou  dans 
la  Zeitschrift  fur  bildende  Kunst.  Ouvrez  les  Jahrbûcher  fiir  Kunstwissenschaft  aux 
savants  et  aux  langues  des  différentes  nations,  rien  ne  s'y  oppose,  et  du  coup 
vous  créez  entre  les  travailleurs  sérieux  les  relations  les  plus  utiles,  et  vous  hâtez 
les  progrès  de  la  science. 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  46  —  13  Novembre  —  1869 

Sommaire  :  224.  Garât,  Origines  des  Basques.  —  225.  De  Goeje  et  de  Josg, 
Fragments  d'historiens  arabes.  —  226.  Pott,  Recherches  étymologiques.  —  227. 
Charvet,  Mémoires  historiques  sur  Vienne,  p.  p.  Allut  et  Savigné.  —  228. 
DoNALiTius,  Poésies  lithuaniennes,  p.  p.  Nesselmann.  —  229.  Ferri,  la  Philoso- 
phie en  Italie  au  XIX*  siècle.  —  250.  Stapfer,  Causeries  guernesiaises. 

224.  —  Origines  des  Basques  de  France  et  d'Espagne,  par  D.-J.  Carat. 
Paris  [Montpellier],  Hachette,  1869.  Petit  in-8*  de  couronne,  vj-294  p.  Prix  :  3  f.  50 

A  s'en  rapporter  au  titre  de  ce  petit  volume,  il  aurait  la  prétention  d'avoir 
traité  ex-professo  l'une  des  questions  les  plus  grosses  d'incertitudes  et  d'obscu- 
rités sur  lesquelles  se  puisse  exercer  la  controverse  des  savants  et  des  érudits;  bien 
plus ,  l'auteur  se  persuade  avoir  si  complètement ,  si  lumineusement  résolu  le 
problème,  que  dans  un  élan  d'admirable  confiance  en  son  œuvre,  faisant  sienne 

la  parole  évangélique,  il  nous  dit,  comme  Jésus  à  Thomas  :  «  Voyez et  ne 

»  soyez  plus  incrédules  !  »  —  En  face  d'un  écrivain  pénétré  d'une  telle  foi,  quel 
euphémisme  employer  pour  lui  faire  comprendre  le  néant  du  triomphe  qu'il  croit 
tenir?  —  Sans  nous  arrêter  à  quelques  écarts  de  grammaire  (p.  1 38,  i  jo;  j?, 
156;  149),  simples  provincialismes  peut-être;  sans  rien  dire  non  plus  de 
quelques  lapsus  onomastiques  (p.  66,  1 50,  221,  etc.)  dont  il  lui  est  permis  de 
rejeter  la  responsabilité  sur  le  dos  du  typographe  montpessulain  ;  fermant  discrè- 
tement les  yeux  sur  telle  ou  telle  inadvertance  de  géographie  (p.  144)  ou 
d'histoire  (p.  170),  nous  nous  empresserons  volontiers  de  proclamer  que  son 
petit  volume  est  agréablement,  chaleureusement  écrit,  coloré  même  d'une  légère 
teinte  de  chauvinisme  local  qui  ne  lui  messied  point;  mais  il  nous  faudra  bien 
ajouter  aussitôt  que  c'est  un  parfait  Éloge  des  Basques,  à  l'adresse  des  gens  du 
monde,  et  nullement  un  traité  des  Origines  de  ce  peuple  à  destination  des  savants 
et  des  érudits  sérieux  :  il  n'en  est  plus  que  l'on  puisse  amuser  aujourd'hui'avec 
des  solutions  fantaisistes  formulées  à  l'aventure  sur  des  questions  à  peine 
entrevues  par  la  surface.  —  Il  est  vrai  qu'en  jetant  les  yeux  sur  la  table  des 
matières  où  l'auteur  a  résumé  la  disposition  générale  de  son  travail,  on  pourrait 
croire  à  un  programme  assez  plausiblement  conçu  :  trois  chapitres  auraient  d'abord 
pour  objet  l'exposition  de  la  thèse,  en  remontant  d'une  description  des  Basques 
modernes  (un  peu  bien  exclusivement  peut-être  ceux  d'Ustaritz  et  de  Cambo), 
à  une  revue  des  diverses  théories  proposées  sur  leurs  origines,  pour  s'arrêter 
spécialement  sur  les  Phéniciens  et  leurs  associés  Sémites,  en  qui  l'écrivain, 
homonyme  de  l'ancien  sénateur  Carat  (son  filleul  apparemment,  son  petit-neveu 
peut-être?),  est  déterminé  à  voir  comme  lui  les  fondateurs  de  la  nationalité 
basque  ;  quatre  chapitres  seraient  ensuite  consacrés  aux  justifications  de  la  solution 
proposée  :  justifications  historiques,  justifications  géographiques,  justifications 
VIII  20 


306  REVUE   CRITIQUE 

linguistiques,  et  justifications indéterminées  (il  s'agit  des  Maures,  desGoths, 

et  de  la  danse);  après  quoi  la  conclusion.  Mais  le  texte  est  bien  loin  de  remplir 
ce  cadre;  il  effleure  à  peine  quelques  points,  et  nulle  part  il  n'entre  au  cœur  de 
la  question,  autour  de  laquelle  il  promène,  au  lieu  d'une  investigation  rigoureuse 
et  sagace,  une  admiration  exclusive,  si  bien  que  les  justifications  annoncées,  où 
l'on  se  serait  imaginé  devoir  trouver  au  moins  quelque  semblant  de  preuves,  se 
résolvent  en  une  simple  apologie  ou  défense  (p.  14$))  ^  l'encontre  des  accusations 
(c'est  l'expression  coup  sur  coup  répétée  p.  125  à  135,  passim)  susceptibles 
d'amoindrir  l'éclat  des  mérites  basques.  —  Évidemment  l'auteurn'étai't  pas  suffi- 
samment préparé  pour  une  tâche  dont  il  semble  n'avoir  pas  même  mesuré  la 
portée.  Son  érudition,  mieux  approvisionnée  de  noms  que  de  choses,  balance 
entre  eux,  dans  une  impartiale  inexpérience,  les  compilateurs  les  plus  obscurs  et 
les  maîtres  du  savoir,  distribuant  à  l'aveuglette  le  titre  de  membre  de  l'Institut 
(p.  213,  246),  prenant  pour  anonymes  (p.  147,  213)  ceux  dont  il  a  oublié  de 
lire  les  noms  à  une  autre  place  qu'au  frontispice  de  leurs  œuvres,  ne  s'étant  pas 
toujours  donné  le  temps  de  rechercher  et  encore  moins  d'étudier  certaines  données 
essentielles  du  problème  qu'il  prétendait  résoudre,  ne  connaissant  trop  souvent 
ses  autorités  que  de  seconde  ou  de  troisième  main,  et  les  désignant  à  l'avenant, 
sous  des  intitulés  fantastiques.  Les  discussions  qui  ont  si  fort  occupé  les  spécia- 
listes les  plus  autorisés  dans  le  sein  de  la  société  d'anthropologie  de  Paris,  pour 
la  détermination  des  types  naturels  observés  chez  les  populations  de  race  basque  ; 
les  éléments  linguistiques  à  considérer  dans  le  rapprochement  comparatif  des 
peuples  chez  lesquels  on  se  hasarde  à  supposer  une  affinité  possible  ou  même 
une  paternité  directe  à  l'égard  des  Basques  ;  et  tant  d'autres  études  préalables 
indispensablement  nécessaires  pour  oser  se  risquer  en  ces  difficiles  questions  : 
ce  sont  choses  dont  notre  auteur  ne  paraît  pas  s'être  suffisamment  préoccupé. 
En  revanche  il  croit  aux  chants  cantabres  contemporains  de  César  Auguste  ;  il 
croit  à  l'antiquité  historique  de  ce  Lelo  il  Lelo  (p.  132)  qui  semble  un  écho  de 
quelque  litanie  musulmane  ;  il  croit  à  la  chanson  basque  de  la  défaite  du  paladin 
Roland  sur  la  montagne  d'Altabiscar  (p.  154  a  154),  ce  pastiche  ingénieusement 
ajusté  sur  une  cantilène  enfantine  des  noms  de  nombre.  Mais  quand  et  comment 
cette  langue  basque,  si  profondément  séparée  par  ses  caractères  propres  de 
toute  parenté  soit  aryenne  soit  sémite,  et  à  laquelle  on  n'a  pu  encore  découvrir 
d'analogies  qu'avec  les  idiomes  agglutinatifs  touraniens  ou  les  idiomes  polysyn- 
thétiques  américains  ;  quand  et  comment  cette  langue  euskara  aurait-elle  été  radi- 
calement effacée  de  la  mémoire  de  ses  usagers  primitifs  (inévitablement  Ibériens 
au  moins  par  l'habitat),  pour  venir  remplacer,  dans  la  bouche  des  advènes  Phé- 
niciens (enfants  incontestables  de  Ham),  le  parler  sémitique  par  eux  antérieure- 
ment appris  sur  les  rivages  palestins  i*  Le  docte  ethnologue  n'a  cure  de  nous 
l'expliquer  ;  c'est  cependant  un  détail  qui  mériterait  peut-être  un  éclaircissement  ! 

Terminons  là  et  concluons.  L'auteur  du  petit  livre  que  nous  avons  sous  les 

yeux  a  probablement  cru  que  les  Origines  des  Basques  étaient  une  question  d'autel 
et  de  foyer  pour  la  solution  de  laquelle  les  défaillances  de  savoir  pourraient  être. 


d'histoire  et  de  littérature.  307 

au  besoin,  suppléées  par  les  chaleureuses  inspiratious  du  patriotisme  :  c'est  une 
illusion,  que  l'inexorable  critique  a  le  rigoureux  devoir  de  lui  enlever.  Mais  le  succès 
qu'il  ne  saurait  légitimement  obtenir  aujourd'hui  dans  la  carrière  ardue  où  il  s'est 
imprudemment  fourvoyé,  il  l'atteindra  aisément  sans  doute  sur  la  voie  plus  large 
de  la  littérature  élégante,  qui  est  naturellement  toute  ouverte  à  son  Éloge  des 
Basques.  * 

22$.  — Fragmenta  historiconim  arabicorum.  Tomns  primus,  continens  partem 
tertiam  operis  Kitabo'l-oyun  wa'1-hadaik  fi  akhbari  '1-hakaIk,  quem  ediderunt  M.  J.  de 
GoEjE  et  P.  DE  JoNG,  I  vol.  in-4*  de  viij  et  410  p.  Lugduni  Batavoruni,  apud  E.J. 
Brill,  1869.  —  Prix  :  18  fr.  50. 

L'histoire  des  califes  s'est  enrichie  depuis  une  douzaine  d'années  de  quelques 
ouvrages  importants,  parmi  lesquels  il  convient  de  citer  au  premier  rang  l'édition 
du  Fakhry,  que  l'on  doit  à  M.  \V.  Ahlwardt.  Il  ne  faut  pas  non  plus  passer  sous 
silence  l'abrégé  de  l'histoire  des  califes,  de  Soyouthy,  publié  à  Calcutta  par  le 
capitaine  W.  Nassau  Lees.  Mais  ces  écrits,  malgré  leur  intérêt,  ne  peuvent  nous 
dispenser  de  recourir  à  des  histoires  plus  détaillées  et  composées  à  une  époque 
moins  récente.  Il  faut  donc  applaudir  à  l'idée  que  deux  savants  professeurs 
hollandais,  déjà  signalés  par  des  travaux  fort  recommandables,  ont  eue  de  réunir 
dans  une  même  publication  deux  précieux  fragments  d'histoire  orientale,  dont  le 
second  est  en  partie  la  répétition,  en  partie  la  continuation  du  premier.  Le  volume 
que  nous  avons  sous  les  yeux  comprend  le  premier  de  ces  fragments,  qui  était 
déjà  connu  des  orientalistes  grâce  à  trois  extraits  étendus,  édités  à  Leyde  par 
M.  de  Goeje  et  par  deux  de  ses  compatriotes.  Il  est  emprunté  à  un  manuscrit  de 
la  bibliothèque  de  l'Université  de  Leyde,  intitulé  KitaboHoyouni  welhadayki  fy 
akhbari  Hhakayki,  c'est-à-dire  le  Livre  des  sources  et  des  vergers,  traitant  des  récits 
véridicjues.  Ce  manuscrit,  le  seul  connu  en  Europe,  consiste  en  un  volume,  qui 
ne  forme  que  le  troisième  tome  de  l'ouvrage  complet,  et  contient  l'histoire  des 
califes  depuis  Walid  P"",  le  sixième  des  Omaiyades,  jusqu'à  Mo'tassim,  le  huitième 
souverain  de  la  dynastie  des  Abbassides.  Il  embrasse,  par  conséquent,  une 
période  d'environ  cent  quarante  années  lunaires,  de  l'an  86  à  l'an  227  de  l'hégire 
(705-842  J.-C).  Le  nom  de  l'auteur  nous  est  inconnu,  et  nous  ne  savons  absolu- 
ment rien  à  son  sujet,  si  ce  n'est  qu'il  vivait  après  le  xi^  siècle.  Mais  son  livre 
est  de  la  plus  grande  importance  pour  les  annales  du  califat.  On  y  trouve  un 
récit,  en  général  circonstancié,  des  expéditions  dirigées  par  les  califes  en  per- 
sonne ou  entreprises  par  leur  ordre,  et  des  notices  nécrologiques,  le  plus  souvent 
fort  succinctes,  sur  les  personnages  marquants  en  tout  genre.  A  la  fin  de  chaque 
règne  l'auteur  indique  le  nombre  des  enfants  du  souverain,  et  fait  connaître  ceux 
qui  ont  laissé  quelque  souvenir  ;  il  passe  en  revue  les  ministres,  les  secrétaires 
des  princes,  les  cadis  ou  juges,  et  termine  cette  nomenclature  par  le  relevé  des 
principaux  rebelles  ou  sectaires  qui  se  sont  soulevés  durant  la  même  période. 
Plusieurs  de  ces  notices  offrent  un  très-grand  intérêt.  Il  en  est  de  même,  à  plus 
forte  raison,  des  récits  plus  détaillés  consacrés  à  certains  chefs  qui  essayèrent  de 


308  REVUE   CRITIQUE 

se  soustraire  à  l'autorité  califale,  soit  par  pure  ambition,  soit  par  fanatisme  reli- 
gieux, ou  pour  revendiquer  les  droits  qu'ils  croyaient  tenir  de  leur  naissance. 

Telles  sont,  par  exemple,  les  pages  où  sont  retracées  la  révolte  de  Yézid,  fils 
du  célèbre  général  Mohalleb  ibn-Aby  Sofrah,  et  celle  de  Zeyd,  fils  d'Aly  Zeyn- 
Al'abidyn  et  arrière-petit-fils  du  calife  Aly.  Ce  personnage  fut  le  fondateur  de  la 
secte  des  Zeydites,  laquelle  existe  encore  dansle  Yémen.  Il  prit  le  titre  de  calife 
dans  la  ville  de  Coufa,  à  la  sollicitation  des  partisans  qu'y  comptait  sa  famille, 
et  malgré  la  juste  défiance  qu'aurait  dû  lui  inspirer  le  sort  de  son  aïeul,  Houçayn. 
Mais  il  ne  tarda  pas  à  succomber  dans  une  bataille  que  lui  livra  l'émir  de  l'Irak 
au  nom  du  calife  Hichâm.  Trahi  par  ses  troupes,  le  malheureux  alide  résista 
courageusement,  à  la  tête  d'une  poignée  d'hommes,  fut  atteint  d'une  flèche  au 
milieu  du  front,  et  ne  survécut  pas  à  l'extraction  de  ce  projectile.  Les  aventures 
de  ce  prince  et  celles  de  Yézid,  fils  de  Mohalleb,  son  devancier,  sont  racontées 
par  le  chroniqueur  anonyme  avec  les  détails  les  plus  circonstanciés  et  les  plus 
dramatiques.  Il  est  difficile  de  ne  pas  s'intéresser  au  sort  de  chefs  si  braves,  si 
généreux  et  si  supérieurs  à  la  plupart  de  leurs  contemporains  et  de  leurs  adver- 
saires, soit  par  leur  courage,  soit  par  leur  libéralité  et  leur  grandeur  d'âme. 

Le  présent  volume  est  dû  pour  les  trois  quarts  environ  aux  soins  de  M.  de 
Goeje  et  pour  le  reste  à  ceux  de  M.  de  Jong  qui,  appelé  de  Leyde  à  Utrecht, 
pour  y  occuper  la  chaire  de  langues  orientales  illustrée  jadis  par  Adrien  Reland, 
n'a  pu  poursuivre  jusqu'à  la  fin  son  travail  d'éditeur.  Dans  l'exécution  d'une 
tâche  qui  présentait  de  nombreuses  difficultés,  les  deux  orientalistes  hollandais 
ont  montré  un  grand  zèle  et  beaucoup  de  savoir.  Ils  ont  souvent  corrigé  fort 
heureusement  le  texte  de  leur  auteur,  soit  par  conjecture,  soit  en  recourant  à 
d'autres  historiens  qui  ont  traité  des  mêmes  matières,  tels  que  Ibn-Khaldoun  et 
Noweïry.  Plusieurs  des  restitutions  empruntées  par  eux  à  ces  deux  écrivains,  en 
ce  qui  concerne  la  révolte  de  Zeyd,  sont  confirmées  par  un  passage  de  Makrîzy, 
dans  sa  Description  de  l'Egypte  ^ ,  passage  qu'ils  ne  paraissent  pas  avoir  connu. 
Nous  ajouterons  ici  quelques  observations  que  nous  a  suggérées  une  lecture 
attentive  du  texte  édité  par  MM.  de  Goeje  et  de  Jong. 

Page  30,  1.  8,  au  lieu  de  galabatho,  que  M.  D.  G.  a  lu  en  place  de  la  leçon 
du  ms.  {'allatho),  je  préférerais  'alatho,  qui  se  rapproche  plus  de  celle-ci.  Le  sens 
reste,  d'ailleurs,  à  peu  près  le  même  (le  surmonta).  A  la  page  117,  1.  6,  en 
place  de  yoçakinanny,  il  vaut  mieux  lire,  je  crois,  yocakinannaho  (que  personne 
n'habite  dans  le  même  lieu  que  lui).  A  la  page  suivante,  1.  5,  le  mot  ben  (fils), 
qui  suit  le  nom  d'Omm-'Abd-al-Méhc,  doit  évidemment  être  changé  en  tint 
(fille).  Page  132,1.  1 1 ,  le  verbe  kala  (dit)  est  une  faute  de  copiste  ou  d'impres- 
sion pour  kama  (monta  sur  le  trône).  Page  218,  1.  12,  il  est  question  d'un 
général  qui  détourna  '  les  eaux  situées  dans  le  voisinage  du  camp  de  son  adver- 


1.  T.  II,  p.  437  à  440. 

2.  Sur  ce  sens  du  verbe  ghawwara,  cf.  Dozy,  glossaire  sur  Ibn  Bédroun,  p.  100  et 
glossaire  sur  le  Bé-jan  almogrib,  p.  37. 


d'histoire  et  de  littérature.  309 

saire  et  y  fit  jeter  des  charognes.  Au  lieu  du  verbe  ghawwara,  que  porte  le  ras., 
les  éditeurs  ont  préféré  lire  ^awwarûy  verbe  qui  signifie  «  combler  (un  puits)  »  et 
aussi  «  gâter,  corrompre.  »  Nous  pensons  que  la  leçon  du  manuscrit  aurait  dû 
être  conservée,  et  ce  n'est  pas  le  seul  cas  oij  l'on  pourrait  faire  la  même  obser- 
vation. Par  exemple,  à  la  page  298,  1.  4,  on  trouve  mentionnées  des  étoffes 
dont  se  revêtait  l'imâm  Malic,  fils  d'Anas,  fondateur  d'une  des  quatre  sectes 
orthodoxes  de  l'islamisme.  Le  nom  de  ces  étoffes,  qui  se  lit  ma'diniya  dans  le 
ras.,  a  été  à  tort  changé  en  'adéniya  par  les  éditeurs  '.  A  la  ligne  3^  de  la  page 
244  il  est  fait  mention  d'un  chef  de  la  famille  d'Aly,  Mohammed ,  fils  d'Abd- 
Allah,  qui  dans  un  combat  où  il  finit  par  être  tué,  se  laissa  tomber  sur  les  genoux 
et  se  mit  à  se  défendre,  dans  cette  posture.  Au  lieu  des  mots  yadzobbo  ^an  nafcihi, 
que  j'ai  traduits  par  «se  défendre  »,  et  qui  sont  éviderament  la  vraie  leçon,  ainsi 
que  le  prouve  la  comparaison  du  passage  correspondant  d'Ibn-Alathyr  »,  les 
éditeurs  ont  imprimé  yadobbo  biseyfihi,  ce  qui  ne  pourrait  signifier  autre  chose 
que  «  ramper  avec  son  épée.  »  De  plus,  je  suis  fort  tenté  de  regarder  comme 
transposés  cette  troisième  ligne  et  les  six  premiers  mots  de  la  suivante,  et  à  les 
reporter  à  la  jMigne  de  la  page  245,  avant  oué  thaanaho.  Cette  conjecture 
s'appuie  également  sur  l'autorité  d'Ibn-Alathyr,  A  la  page  285, 1.  18,  au  lieu  de 
féyayiçou,  il  faut  ]lTe  fétéayyaça.  Page  287,  vers  le  milieu,  on  rencontre  un  verbe 
qui  dans  le  manuscrit  est  tracé  d'une  manière  assez  confuse,  et  que  les  éditeurs 
n'ont  pas  essayé  de  restituer.  Je  serais  fort  disposé  à  rétablir  ainsi  ce  passage  : 
lam  achocca  annaho  «  je  ne  doutai  pas  qu'il,  etc.  »  Page  301,  1.  16,  au  lieu  du 
premier  ila  il  vaut  mieux  lire  min.  Le  nom  de  la  localité  mentionnée  page  354, 
1.  7,  est  Arradzâneïn  et  non  Arradzaaeïn.  C'est  le  duel  d'Arradzân,  nom  qui  dési- 
gnait deux  districts  du  territoire  de  Bagdad,  que  l'on  distinguait  par  les  surnoms 
de  supérieur  et  inférieur».  Page  406,  1.  9,  au  lieu  de  omfakaho,  je  préférerais 
lire  avec  un  simple  déplacement  des  points  diacritiques  de  la  troisième  et  de  la 
quatrièrae  lettre,  ouakafaho.  Enfin,  je  ferai  observer  (ce  que  les  éditeurs  ont 
négligé  d'indiquer)  que  les  cinq  derniers  mots  de  la  page  181  sont  une  citation 
empruntée  au  Coran  (ch.  viii,  versets  43  et  46). 

Le  second  volume  de  la  publication  que  nous  venons  d'annoncer  renfermera, 
outre  la  préface  (car  le  premier  ne  donne,  sous  le  titre  de  praefaiiuncula,  qu'un 
avertissement  de  douze  lignes),  un  glossaire,  des  index,  et  de  plus  un  important 
fragment  de  l'ouvrage  historique  d'Ibn-Mascowalh,  écrivain  mort  en  l'année  42 1 
de  l'hégire  (1030  de  J.-C).  Ce  morceau  qui  forme,  à  quelques  lacunes  près,  la 
si.xième  partie  de  l'ouvrage  complet,  lequel  en  comptait  huit  ou  neuf  4,  conduira 

1.  Cf.  (^alremère,  Hist.  des  sultans  mamlouks,  t.  II,  1"  partie,  p.  33  ;  Journal  asiatique, 
septembre-octobre  1862,  p.  383,  584. 

2.  Ms.  arabe  de  la  Bibliothèque  impériale,  n*  740  bis  du  suppl.,  t.  IV,  folio  133  V. 

3.  Cf.  nos  Recherches  sur  le  règne  de  Barkiarok,  sultan  seldjoukide,  Paris,  1855,  in-8*, 
p.  78,  note  I",  ou  dans  le  Journal  asiatique,  t.  II,  1853,  p.  261,  n. 

4.  Ci.  Catalogus  codicum  orientalium  bibliothecae  academiae  regiae  scientiarum ,  quem,  a 
clar.  Weijersio  inchoatum,  post  hujus  mortem  absolvit  et  edidit  D'  P.  de  Jong,  Lugd.  Bala- 
vorum,  E.  J.  Brill,  1862,  in-8*,  p.  137  à  139. 


310  REVUE    CRITIQUE 

les  annales  du  califat  jusqu'à  252  (866).  Espérons  qu'il  ne  se  fera  pas  trop 
attendre,  et  qu'il  viendra  clore  dignement  une  publication  par  laquelle  les  savants 
éditeurs  se  sont  acquis  de  nouveaux  droits  à  la  reconnaissance  des  amis  de  la 
littérature  arabe  et  de  l'histoire  orientale. 

C.  Defrémery. 


226.  —  Etymologische  Forschungen  auf  dem  Gebiete  der  indo  •  germanischen 
Sprachen,  von  Professer  D'  Aug.  Friedr.  Pott.  Zweite  Auflage  in  vœllig  neuer 
Umarbeitung.  Zweiten  Theiles,  dritte  Abtheilung.'  Wurzeln  mit  consonantischem  Aus- 
gange.  Wurzel  -  Wœrterbuch  der  indo -germanischen  Sprachen.  Zweiter  Band.  Erste 
Abtheilung.  Wurzeln  auf  r  Laute  und  /.  Detmold,  Meyer,  1869.  In-8*,  xviij-740  p. 
—  Prix  :  22  fr.  75. 

Ce  quatrième  volume  des  Recherches  étymologiques  de  M.  Pott  comprend  les 
racines  terminées  par  r  et/.  Nous  avons  déjà  rendu  compte  {Revue  critique,  1868, 
art.  59)  des  deux  volumes  précédents,  qui  comprennent  le  commencement  du 
dictionnaire  des  racines  indo-européennes  et  dont  celui-ci  est  la  continuation. 
Nous  n'avons  donc  pas  à  revenir  ici  sur  ce  que  nous  avons  dit  de  la  méthode  de 
l'auteur.  On  sait  qu'il  étend  la  grammaire  comparée  bien  au  delà  des  limites  où 
elle  se  renferme  d'ordinaire.  H  ne  rapproche  pas  seulement  les  primitifs  et  les 
racines  des  langues  indo-européennes.  Il  met  aussi  en  parallèle  les  dérivés  et 
même  les  mots  composés.  Nous  ne  lui  en  faisons  pas  un  reproche.  Cette  compa- 
raison est  curieuse  et  instructive.  Il  est  certainement  intéressant,  comme  M.  P. 
en  fait  lui-même  la  remarque  (458-459),  de  voir  les  idées  les  plus  éloignées 
rapprochées  de  la  manière  la  plus  inattendue  sous  la  même  racine  ;  c'est  ainsi 
que  sous  la  racine  de  êàw.w  viennent  se  ranger  les  emblèmes,  les  problèmes,  toute 
espèce  de  paraboles  (y  compris  notre  mot  parole),  d'hyperboles,  à'amphibolies,  de 
symboles,  d'armes  de  jet,  et  même  le  diable. 

Nous  nous  contenterons  de  faire  ici  quelques  remarques  détachées  sur  ce  qui 
a  attiré  notre  attention.  P.  38,  note  et  p.  263.  M.  P.  ne  pense  pas  que  le  suffixe 
du  comparatif  tara  vienne  de  la  racine  tr  (transgredi),  parce  qu'il  serait  trop 
violent  de  dériver  le  suffixe  du  superlatif  tama  d'un  prétendu  tarama  par  une 
syncope.  —  P.  112.  Il  regarde  les  formes  hypothétiques  de  la  langue  indo- 
européenne primitive  de  Schleicher  comme  des  créations  fantastiques ,  de  pures 
fictions.  —  P.  164.  M.  P.  a  oublié  concretus,  concret,  participe  de  concernere. — 
P.  308.  La  confusion  du  c  et  du  r  dans  l'écriture  n'est  ordinaire  que  depuis  la 
fin  du  xiii*  siècle.  Antérieurement,  par  exemple  au  xii%  les  deux  lettres  se  dis- 
tinguent très-bien.  —  P.  31 5.  M.  P.  a  oublié  de  citer  à  propos  de  l'allemand 
drillen,  le  français  drille  qui  en  vient  évidemment.  —  P.  378.  Le  terme  expleîivae 
appliqué  aux  conjonctions  était  la  traduction  du  grec  irapairXriptotJLaTtxot  que  M.  P. 
a  oublié  de  rappeler  p.  379.  Voir  Apollonius  (Bekker,  Anecdota  graeca,  515, 
1-12).  —  P.  397.  M.  P.  trouve  dans  le  glossaire  de  Bopp  beaucoup  de  rappro- 
chements naïfs.  —  P.  41 1.  Tercier.  Lisez  :  Tercer.  —  P.  421.  Esparer,  s'éparer 
«  hinten  ausschlagen.  »  M.  Littré  explique  esparer  par  frotter  les  peaux  avec  du 


d'histoire  et  de  littérature.  31 1 

jonc,  et  s'éparer  par  ruer  de  l'italien  sparare.  Je  vois  dans  les  mots  que  rapproche 
ici  M.  P.  le  suédois  spark,  signifiant  coup  de  pied.  Je  doute  de  l'étymologie 
donnée  par  M.  Littré  à  l'italien  sparare  (ruer)  :  s  préfixe  signifiant  dérangement 
et  parare.  —  P.  458.  Dans  Martianus  Capella  (4,  p.  105)  a  omne  quicquid 
»  dicimus  aut  subjectura  est  aut  de  subjecto  aut  in  subjecto  est,  »  le  mot  subjec- 
tum  ne  répond  pas  exactement  à  notre  mot  sujet  dans  le  sens  de  «  matière  d'un 
))  discours,  d'un  traité.  )>  Il  est  la  traduction  du  grec  y-oy.Etixsvov  et  signifie  sujet 
de  la  proposition.  Il  est  employé  comme  il  l'est  dans  Aristote,  Categor.  2  a  34, 
passage  d'où  celui  de  Martianus  Capella  est  comme  traduit. 

La  préface  de  ce  volume  est  une  défense  de  la  grammaire  comparée  contre 
les  philologues  à  l'occasion  de  la  déclaration  de  deux  professeurs  de  l'Université 
de  Berlin,  germanistes,  qui  ont  jugé  qu'il  était  inutile  et  même  dangereux  (unnœ- 
thig,  ja  schaedlich)  de  donner  un  successeur  à  Bopp.  Il  est  certain  que  le  philo- 
logue et  le  linguiste  considèrent  le  langage  à  deux  points  de  vue  très-différents. 
Le  philologue  étudie  une  langue  en  vue  de  l'interprétation  et  de  la  critique  des 
textes,  le  linguiste  en  vue  de  reconnaître  les  lois  et  les  causes  des  faits.  Le  but 
du  philologue  est  pratique,  celui  du  linguiste  est  théorique  et  scientifique;  car 
l'objet  de  la  science  ce  sont  les  lois  et  les  causes.  Or  les  faits  qu'offre  le  langage 
ayant  toujours  leur  raison  dans  un  état  antérieur  à  celui  où  on  les  observe,  le 
linguiste  ne  peut  étudier  une  langue  en  particulier  sans  la  suivre  dans  le  cours 
de  ses  transformations,  sans  remonter  à  son  origine,  et  si  cette  langue  fait  partie 
d'une  famille,  sans  la  comparer  aux  autres  langues  de  la  même  famille  où  les 
traces  de  l'état  primitif  d'où  dérive  le  reste  peuvent  être  mieux  conservées.  Le 
linguiste  doit  donc  procéder  historiquement  et  par  comparaison.  Le  philologue 
n'a  pas  besoin  de  connaître  les  raisons  des  faits  de  langage.  Il  suffit  qu'il  soit 
familier  avec  l'emploi  que  les  auteurs  qu'il  étudie  ont  fait  de  la  langue  où  ils  ont 
écrit.  Comme  les  effets  nous  sont  plus  accessibles  que  les  causes,  le  philologue 
marche  sur  un  terrain  plus  solide  que  le  linguiste.  Il  peut  être  porté  à  trouver 
que  le  linguiste  est  bien  aventureux ,  et  d'autre  part  le  linguiste  est  tenté  de 
trouver  que  le  philologue  a  l'esprit  étroit.  Au  fond  les  deux  manières  de  consi- 
dérer et  d'étudier  le  langage  sont  également  légitimes.  En  fait  de  connaissance 
et  d'étude  rien  n'est  à  dédaigner.  La  grammaire  comparée  est  séduisante  par 
l'étendue  et  la  grandeur  des  perspectives;  mais  elle  demande  beaucoup  de  cir- 
conspection ;  celui  qui  la  cultive  doit  se  résoudre  à  beaucoup  ignorer;  et  à  cet 
égard  rien  n'est  plus  salutaire  que  l'exemple  donné  par  M.  Pott  dans  ses 
recherches  étymologiques  :  nul  n'avoue  plus  fréquemment  et  plus  franchement 
qu'il  ne  sait  pas. 

Charles  Thurot. 


227.  —  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  l'abbaye  royale  de  Saint- 
André-le-Haut  de  Vienne,  par  Claude  Charvet,  archidiacre  de  La  Tour,  publiés 
pour  la  première  fois  sur  le  manuscrit  de  l'auteur,  avec  notice,  notes,  pièces  justificatives, 
figures,  blasons,  etc.,  par  M.  P.  Allut.  Lyon,  N.  Scheuring,  1868.  Petit  in-8*, 
xlix-221  p.  —  Prix  :  1 5  fr. 


312  REVUE  CRITIQUE 

Fastes  de  la  ville  de  Vienne,  manuscrit  inédit  de  Claude  Charvet,  publié  avec 
des  notes  et  une  notice  sur  l'auteur,  par  E.-J,  Savigné.  Vienne,  Savigné,  1869.  In-8', 
xxiv-2j7  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Supplément  à  THistoire  de  l'église  de  "Vienne,  par  C.  Charvet,  corrections 
et  additions  (2*  édition).  Vienne,  Savigné,  1868.  In-4%  31p.  —  Prix  :  3  fr. 

Le  meilleur  historien  de  l'église  de  Vienne  vient  d'être,  à  peu  de  mois  d'inter- 
valle, l'objet  de  trois  publications,  assez  intéressantes  quoique  posthumes  et  très- 
soignées  dans  l'exécution,  bien  faites  de  tout  point  pour  le  venger  de  l'indiffé- 
rence tant  de  ses  contemporains  que  de  notre  époque.  Cette  justice  tardive  lui 
était  due  et  nous  nous  y  associons  d'autant  plus  volontiers  qu'on  chercherait 
vainement  son  nom  dans  la  Nouvelle  biographie  générale  de  Didot  ;  l'auteur  même 
de  la  Biographie  du  Dauphiné  a  répété  à  son  endroit  plus  d'une  inexactitude 
(1,224-5). 

Nous  allons  résumer  les  renseignements  dus  aux  investigations  de  MM.  Allut 
et  Savigné.  Claude  Charvet  naquit  à  Saint-Savin  (Isère)  et  fut  baptisé  le  14  mars 
171 5  ;  incorporé  à  l'église  primatiale  de  Vienne,  il  fut  ordonné  sous-diacre  en 
1734  ^ï  figure  en  1739  comme  prêtre,  en  1745  comme  syndic,  en  1749  comme 
chanoine  archidiacre  ;  nommé  curé  de  Saint-André-le-Bas  de  Vienne ,  il  prit 
possession  le  30  mars  1756  et  fut  remplacé  par  son  frère  Pierre  le  1 5  avril  1760, 
qu'il  devint  archidiacre  du  titre  de  La  Tour  et  officiai  métropolitain  du  diocèse. 
Il  se  retira  près  du  monastère  de  Saint-André-le-Haut ,  fit  son  testament  le 
30  novembre  1771  et  mourut  le  1 5  janvier  1772  :  son  acte  de  décès  (du  17)  le 
qualifie  archidiacre  dé  Saint- Maurice,  curé  de  ladite  église,  officiai  métropolitain 
et  prévôt  du  collège  de  Saint-Maurice. 

La  position  de  Charvet  dans  la  hiérarchie  ecclésiastique  à  Vienne  lui  donna 
toute  facilité  pour  compulser  à  loisir  les  archives  de  cette  église  alors  intactes. 
Les  travaux  historiques  qui  sont  le  fruit  de  ses  longues  recherches,  témoignent 
d'un  goût  prononcé  pour  les  antiquités  de  sa  ville  natale  et  d'assez  de  critique 
dans  l'examen  des  sources.  Ce  sont  : 

A.  Histoire  de  la  sainte  église  de  Vienne  (Lyon,  Cizeron,  1761,  in-4°  de  xvj  et 
816  p.,  I  plan,  et  6  grav.),  à  laquelle  il  faut  joindre  le  Supplément  (1769,  3 1  p.) 
qui  vient  d'être,  cent  ans  après,  supérieurement  réimprimé  en  fac-similé  par 
M.  Savigné.  Dans  cette  histoire  Charvet  a  laissé  bien  loin  derrière  lui  ceux  qui 
s'étaient  antérieurement  exercés  sur  le  même  sujet  '  et  il  n'est  pas  sûr  qu'il  ait 
été  dépassé  en  mérite  par  ceux  qui  l'ont  suivi'.  Bien  qu'il  n'ait  pas  publié  beau- 
coup de  documents  inédits  (voir  cependant  ses  Preuve,  p.  630-798),  il  en  a  mis 
un  très-grand  nombre  à  profit  :  à  bien  peu  d'exceptions  près  >,  ses  extraits  repro- 

i.  Joan.  a  Bosco,  Anûquac,  sanctae  ac  senatoriae  Viennac  Allobrogum  GalUcorum  sacrai 
et  prophanae  antiquitates ,  etc.  (Lyon,  160^);  Jean  Le  Lièvre,  Histoire  de  la  saincteté  et  an- 
tiquité de  la  cité  de  Vienne  en  la  Gaule  celtique  (Vienne,  1623);  Drouet  de  Maupertuy, 
Histoire  de  la  sainte  église  de  Vienne  (Lyon,  1708). 

2.  F.-Z.  Collombet,  Histoire  de  la  sainte  église  de  Vienne,  etc.  (Lyon,  1847);  B.  Hauréau, 
Gallia  Christiana,  t.  XVI  (Paris,  1865). 

3.  P.  ex.  p.  771,  où  dans  une  inscription  de  1225  au  lieu  de  terre  Willelmi  il  a  lu 


d'histoire  et  de  littérature.  J15 

duisent  fidèlement  les  originaux,  comme  nous  l'avons  toujours  constaté.  Men- 
tionnons pour  mémoire  la  discussion  bibliographique,  aujourd'hui  close,  élevée 
au  sujet  des  prétendus  droits  de  Cl.  Et.  Bourdot  de  Richebourg  à  la  paternité  de 
cet  ouvrage  :  tout  au  plus  peut-on  attribuer  à  ce  littérateur  le  mérite  d'avoir 
retouché  le  style  lourd  et  parfois  vicieux  de  Charvet  (v.  Allut,  p.  vij  ss.  ;  Savigné, 
p.  xiij  s,). 

B.  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  de  l'abbaye  royale  de  Saint-André-le-Haut  de 
Vienne.  Le  ms.  autographe  de  cet  ouvrage,  dont  M.  Allut  a  donné  une  édition 
princeps  sur  laquelle  nous  reviendrons  plus  loin,  forme  un  volume  grand  in-fol. 
de  76  p.,  papier  très-fort,  reliure  en  basane  verte,  et  appartient  à  M.  le  marquis 
Auberjon  de  Murinais,  héritier  indirect  du  marquis  Rigaud  de  Serezin,  à  qui 
Pierre  Charvet  légua  les  mss.  de  son  frère. 

C.  Constitution  ancienne  et  moderne,  discipline,  rites,  coutumes  de  l'église  de  Vienne, 
avec  des  remarques.  Ms.  autographe,  inédit,  énorme  in-fol.  de  757  p.,  mêmes 
papier,  reliure  et  possesseur  que  le  précédent;  à  la  fm  signature  de  Charvet  et 
date  de  1765.  Ce  recueil  de  formules  liturgiques  et  de  documents  relatifs  à 
l'église  de  Vienne,  à  ses  cérémonies,  ses  usages  et  sa  discipline,  peut  être  consi- 
déré comme  le  travail  préparatoire  à  l'histoire  ci-dessus;  le  compilateur  y  a  joint 
de  nombreuses  figures  dessinées  à  la  main.  M.  Allut  a  publié  la  table  de  cet 
ouvrage  (p.  5-9). 

D.  Fastes  de  la  ville  de  Vienne.  Ms.  autographe,  grand  in-4''  de  234  p.,  avec 
dessins  et  figures,  qui  tomba  dans  la  biblioth.  Guiffet  (n»  214  du  Catai]  et  fut 
vendu  à  Lyon,  en  1859,  283  fr.  à  M.  Girard,  libraire  de  Vienne;  remis  par 
celui-ci  à  la  bibliothèque  publique  de  sa  ville,  il  eut  à  souffrir  de  l'incendie  qui 
consuma  le  Cartulaire  de  Saint-André-le-Bas,  le  5  janvier  1854,  mais  il  a  été  habi- 
lement remonté  et  la  publication  qu'en  a  faite  M.  Savigné  est  à  peu  près  com- 
plète. D'après  la  Revue  du  Dauphiné  (VI,  571}  il  existerait  un  autre  exempl.  des 
Fastes  dans  la  biblioth.  de  M.  le  marquis  de  Rigaud  :  Colomb  de  Batines  aura 
pris  pour  une  copie  complète  diverses  feuilles  volantes  qui  se  rattachent  à  cet 
ouvrage.  Ajoutons  que  M,  Mermet  attribue  {Hist.  de  Vien.,  III,  429}  à  Charvet 
des  Annales  de  la  ville  de  Vienne,  qui  ne  doivent  pas  différer  des  Fastes. 

E.  Libellum  rapsodicum  latino-gallicum,  petit  cahier  ms.  renfermant  un  recueil 
des  pensées  les  plus  saillantes  que  Charvet  a  extraites  des  auteurs  anciens  et 
modernes,  et  aussi  des  siennes  propres  (Allut,  p.  xxxj). 

F.  Lettres.  Le  zèle  historique  et  la  réputation  de  savoir  de  Charvet 
l'avaient  mis  en  rapports  avec  divers  érudits,  tels  que  Séguier  (de  Nîmes),  le 
comte  de  Caylus,  de  Portes  d'Amblérieu,  l'abbé  d'Artigny,  l'abbé  Deville,  etc. 
M.  Allut  publie  trois  lettres  de  lui  très-intéressantes  (p.  14,  17,  21)  :  il  serait  à 
désirer  que  le  nombre  s'en  accrût. 

Les  derniers  biographes  de  Charvet  lui  ont  en  outre  attribué  un  ms.  donné 


trewilh,  en  notant  que  ce  mot  signifie  pressoir  (vulgairement  truet);  recueillie  par  Car- 
pentier  dans  son  Glossarium  novum  (  1 766) ,  cette  note  a  été  reproduite  sans  plus  ample 
vérification  dans  le  Du  Cange  de  Didot  (VI,  660),  où  elle  n'a  plus  que  faire 


314  REVUE   CRITIQUE 

par  M.  P.-É.  Giraud  à  la  biblioth.  de  Grenoble  et  intitulé  :  Plusieurs  preuves 
sacrées  et  titrées,  historiques  et  chronologiques  y  pour  montrer  l'imposition  du  nom  de 
Saint-Donat  à  l'ancien  bourg-église-château  de  Jovincieux,  etc.  (in-4°  de  238  ff.)  : 
ce  travail  est  l'œuvre  de  Claude  Chalvet,  chanoine  et  capiscol  du  prieuré  de 
Saint-Donat  vers  la  fin  du  xvii*  siècle. 

L'élégant  volume  de  M.  Allut  se  compose  d'une  Notice  biographique  sur 
Cl.  Charvet  (p.  v-xlix),  suivie  de  pièces  justificatives  fp.  1-25),  des  Mémoires 
historiques  sur  l'abbaye  de  Saint-André-le-Haut  (p.  27-171),  accompagnés  d'un 
Cérémonial  des  dames  de  Saint-André  pour  la  vèture  et  la  profession  (p.  173-195) 
et  de  nouvelles  pièces  justificatives  (p.  197-218). 

Dans  son  avant-propos,  comme  dans  les  notes  dont  il  a  enrichi  le  texte  de  son 
auteur,  M.  A.  a  réuni  d'intéressants  détails.  Sa  notice  est  loin  cependant  d'offrir 
autant  de  renseignements  positifs  et  inédits  que  celle  mise  par  M.  Savigné  en 
tête  de  son  édition  des  Fastes;  on  y  désirerait  aussi  un  peu  plus  d'ordre.  Lems. 
de  Charvet  a  été  fidèlement  reproduit  par  l'éditeur,  «  sauf  un  très-petit  nombre 

»  de  corrections  qui n'infirment  et  n'altèrent  jamais  en  rien  ni  les  faits  ni  la 

»  pensée  de  l'auteur.  »  Les  notes  qu'il  a  ajoutées  à  celles  de  Charvet  sont  en 
grande  partie  généalogiques  et  ne  font  guère  connaître  de  faits  nouveaux.  Bien 
que  le  travail  du  continuateur  du  Gallia  Christiana  sur  Saint-André-le-Haut  soit 
bien  pauvre  ',  il  est  à  regretter  que  M.  A.  n'ait  pas  eu  occasion  de  compulser  le 
I"  fasc.  du  tome  XVI,  paru  depuis  186$,  ne  fût-ce  que  pour  être  mis  sur  la 
trace  des  chartes  de  cette  abbaye  recueillies  par  Baluze  2.  Les  archives  de  l'évêché 
de  Grenoble  conservent  les  originaux  de  plusieurs  actes  que  Charvet  n'a  pas  tous 
cités  et  dont  il  n'a  publié  aucun  3.  Le  plus  intéressant  de  ceux  qui  restent  inédits 
est  un  bref  du  pape  Innocent  (IV)  adressé  aux  fidèles  des  diocèses  de  Lyon, 
Vienne  et  Valence  pour  les  engager  à  contribuer  à  la  reconstruction  du  monastère 
(Brescia,  22  sept,  de  sa  9^  an.).  Les  documents  recueillis  par  Charvet  et  repro- 
duits par  M.  A.  sont  au  nombre  de  neuf  : 

i"  Épitaphe  de  saint  Léonien,  abbé  de  Saint-Pierre 4 ;  2°  charte  de  fondation 
par  le  duc  Ansemond  ($42)  s;  j"'  diplôme  du  roi  Rodolphe  III  (25  août  loji)^; 
40  élection  de  l'abbesse  Aldegarde  (1084)  7;  5°  donation  du  comte  Ponce  (2  déc. 
1084);  6"  élection  d'Allindrade  (1091);  7°  concession  de  l'évêque  de  Viviers 
(1 1 54)8;  8°  bulle  d'Alexandre  III  (4  mars  1 173)9;  9° règlement  pour  le  vestiaire 

1.  Il  ne  fait  qu'imparfaitement  connaître  onze  abbesses,  tandis  que  Charvet  donnait, 
cent  ans  auparavant,  des  notices  sur  vingt-huit,  sans  compter  les  deux  ajoutées  par  l'édi- 
teur pour  compléter  la  liste  jusqu'à  la  Révolution. 

2.  Biblioth.  impér.,  mss.  dits  des  Armoires,  t.  LXXV. 

3.  Les  plus  anciens  viennent  de  paraître  dans  le  Cartul.  de  St.-André-le-Bas,  p.  276  et 
308. 

4.  V.  Notice  histor.  et  critique  sur  le  tombeau  et  l'épitaphe  de  S.  L.  par  Alfred  de  Terre- 
basse  (Vienne,  18^8). 

5.  Plusieurs  fois  publiée  (cf.  Bréquigny,  Diplomata,  I,  107);  un  excellent  texte  s'en 
trouve  dans  la  Diplomati(jue  ms.  de  Bourgogne  de  P.  de  Rivaz  (t.  I,  n*  1). 

6.  D.  Bouquet,  Recueil,  t.  XI,  p.  553. 

7.  Gallia  Christ,  nova,  t.  XVI,  instr.  c.  25. 

8.  Columbi,  Opuscula,^.  211. 

9.  Gallia  Christ,  nova,  t.  XVI,  instr.  c.  37. 


d'histoire  et  de  littérature.  315 

(1266).  Trois  seulement  étaient  inédits  :  le  n°  6  est  précieux,  car  il  mentionne 
plusieurs  dignitaires  ecclésiastiques  et  seul  il  révèle  l'existence  de  Ponce  abbé  de 
Saint-André-le-Bas. 

La  publication  de  M.  A.  est  un  véritable  service  pour  l'histoire  du  Dauphiné 
et  le  travail  de  Charvet  en  était  incontestablement  digne.  Mentionnons  parmi 
les  dessins  qui  l'accompagnent,  outre  l'écu  blasonné  de  chaque  abbesse,  un 
groupe  de  jongleurs  p.  xvj  ,  le  sceau  de  Julienne  de  Savoie  (p.  xlv)  et  des  reines 
Mathilde  et  Ermengarde  (p.  xlviij)  '. 

Nous  avons  déjà  dit  un  mot  de  la  Notice  sur  Charvet  dont  M.  Savigné  a  fait 
précéder  son  édition  des  Fastes  de  la  ville  de  Vienne,  ouvrage  dont  il  est  néces- 
saire d'indiquer  les  parties  principales  :  Avant-propos  sur  les  Allobroges  et  les 
Bourguignons;  cinq  articles  étudiant  Vienne,  a.  sous  les  Allobroges,  b.  sous  les 
Romains,  c.  sous  les  rois  des  Bourguignons,  des  Francs,  de  Bourgogne,  d'Arles 
ou  de  Provence,  d.  sous  les  archevêques,  comtes  de  la  ville,  et  sous  les  dau- 
phins des  maisons  d'Albon,  de  Bourgogne  et  de  La  Tour-du-Pin,  e.  sous  les  rois 
et  les  dauphins  de  la  maison  de  France  ;  conciles  de  Vienne,  Vienna  subterranea 
(éloge  en  vers  par  Chorier),  inscriptions  antiques  découvertes  depuis  Chorier  ou 
corrigées,  épitaphes  du  prieuré  de  l'Isle;  remarques  sur  une  tête  coiffée  en  che- 
veux, les  rtiines  d'un  bain  antique,  une  urne  de  verre,  les  aqueducs  et  les  égouis 
romains  dans  Vienne,  les  anciens  monuments  de  Vienne,  les  figlines  ou  poteries, 
les  tuileries;  extrait  d'un  registre  des  délibérations  communes  de  l'église  de 
Vienne  (1561-73);  observations  météréologiques  '1765-70)  ;  noms  anciens  de 
rues  et  lieux  aux  environs  de  Vienne;  notices  des  hommes  célèbres  dans  les 
lettres  nés  à  Vienne  (Sapaudus,  Bourrel,  Serclier,  Le  Lièvre,  Mestral,  Boissat, 
Chorier,  de  Nantes,  d'Artigny;  ;  extrait  des  Mémoires  de  Mathieu  Thomassin. 
Le  décousu  qu'on  obser\-e  dans  ces  divisions  montre  bien  que  ce  travail  n'était 
pas  prêt  pour  l'impression.  Charvet  s'y  révèle  avec  une  vraie  passion  pour  l'an- 
tique, consacrant  ses  soins  et  sa  bourse  à  la  consen'ation  des  monuments  que  de 

I.  Relevons  quelques  erreurs  de  détail  :  p.  vj,  Saint -Donat  n'est  pas  un  bourg  de 
Y  Isère,  mais  de  la  Drômt;  p.  xi,  1.  3,  Lavalloir  =  la  Valloire;  p.  51,  la  date  du  31  mai 
1076  adaptée  à  une  charte  donnée  à  Vienne  au  mois  de  mai,  férié  7,  lune  23,  Léger 
archevêque,  est  impossible,  ce  prélat  étant  mort  en  1070  (Giraud,  Essai,  I,  2*  p.,  74)  : 
ces  notes  chronologiques  concordent  avec  le  31  mai  1057,  date  qu'il  faut  restituer  par- 
tout à  l'abbesse  Raimode;  p.  54,  n.  2,  rapprocher  ce  comte  Ponce  dn  Poncius  vice  cornes 
de  la  ch.  120  du  Cartul.  de  Saint-Barmrd ;  p.  59,  n.  1,  Charvet  ne  dit  pas  que  cet  acte 
soit  de  1088  (p.  309),  bien  qu'il  le  mentionne  sous  cette  date  :  le  texte  conser\-é  par 
Baluze  (1.  c,  f"  351  v')  et  reproduit  dans  le  Cartul.  deSt.-André-lc-Bas  (p.  276)  est  sans 
notes  chronolo^ques  ;  p.  61,  après  Elisabeth  lire  1 1 S4  et  non  1174;  p.  64,  n.  i,  Mahaut 
(ou  Mathilde)  d'Albon  était  fille  de  Guignes  III  et  non  de  Guigues  V,  Agnès  était  la  nièce 
et  non  la  sœur  de  Julienne  de  Savoie  {Rég.  gcn.);  p.  71,  n.  i,  Humbert,  baron  de  La 
Tour-du-Pin,  épousa  Anne,  fille  de  Guigues  VII  et  de  Béatrix  de  Savoie;  p.  83,  n.  i,  il 
est  établi  depuis  1865  que  l'archevêque  de  Vienne  Jean  était  «/cBernin  (Isère)  et  doit  perdre 
la  qualification  de  Bournin  (Bull,  de  l'Acad.  dclph.,  5' s.,  I,  339;  Nècrol.  de  St. -Robert  de 
Cornillon,  au  18  avril»;  p.  84,  n.  i,  I.  7,  Théodure  =  Thodure;  p.  86,  n.  3,  l'arche- 
vêque de  Vienne  Guillaume  II  était  de  Uvron.  {Cartul.  de  Ltoncel,  p.  258);  p.  99,  n.  i, 
Bertrand  de  La  Chapelle  fut  élu  archevêque  de  Vienne  en  1327,  le  lendemain  de  la  mort 
de  son  prédécesseur;  p.  149,  la  note  de  Charvet  est  inexacte,  le  Cartulaire  de  St.-Andri- 
le-Bjs  et  son  appendice  mentionnent  deux  prieures  'p.  276  et  145). 


Jl6  REVUE  CRITIQUE 

nouvelles  fouilles  mettaient  au  jour.  Ceux  qu'il  avait  momentanément  sauvés  de  la 
destruction  n'existant  plus  tous,  la  description  qu'il  en  a  consignée  dans  ses  Fastes 
pourra  être  utile.  Sans  être  d'une  grande  importance,  la  publication  de  M.  S.  est 
intéressante  et  nous  l'en  remercions. 

U.  C. 


228.  —Christian  Donalitius.  Littauische  Dichtungen  nach  kœnigsberger  Hand- 
schriften  mit  metrischer  Uebersetzung,  kritischen  Anmerkungen,  und  genauem  Glossar, 
herausgegeben  von  F.  Nesselmann,  i  vol.  in-8*  de  xiv-;68  p.  Kœnigsberg,  Hubner 
et  Matz.  —  Prix  :  8  fr.  &      &> 

On  sait  l'importance  de  la  langue  lithuanienne  au  point  de  vue  philologique  et 
les  services  que  Schleicher  a  rendus  par  sa  grammaire  et  sa  Chrestomathie  de 
cette  langue.  Outre  cette  Chrestomathie  Schleicher  avait  en  1 86  $  publié  un  volume 
spécial:  Christian  Donaleiîis  litauische  Dichtungen,  ersîe  volstsndige  Ausgabe  mit 
Glossar.  Saint-Pétersbourg,  186$.  D'après  M.  N.  ce  volume  esta  divers  égards 
très-défectueux.  Schleicher  évidemment  en  le  publiant  songeait  plus  aux  philo- 
logues qu'aux  littérateurs  :  «  seule  la  forme  grammaticale  des  mots  avait  de 
»  l'intérêt  pour  lui,  mais  non  pas  l'idée  représentée  par  les  mots.  Un  texte  n'était 
»  pour  lui  qu'une  série  de  vocables  qui  attendaient  de  lui  leur  forme  et  leur 
»  accentuation  :  la  question  de  savoir  s'il  avait  devant  les  yeux  un  texte  ori- 
»  ginal  et  authentique  était  pour  lui  une  question  secondaire.  »  Il  a  surtout  pris 
pour  base,  à  côté  des  deux  manuscrits  de  Kœnigsberg,  le  texte  de  l'édition  de 
Rhésa  ',  édition  très-fautive  à  laquelle  il  a  eu  le  tort  d'accorder  plus  de  confiance 
qu'aux  manuscrits  eux-mêmes.  En  outre,  dans  bien  des  endroits,  il  a  modifié 
le  texte  de  sa  propre  autorité.  Quelques  erreurs  de  Rhésa  ont  passé  encore 
dans  son  livre  ;  ainsi  il  regarde  comme  formant  un  poème  de  Vannée  (métas)  » 
quatre  idylles  sur  les  quatre  saisons  qui  dans  l'esprit  du  poète  n'avaient  aucune 
connexion.  Le  glossaire  qui  accompagne  son  volume  est  incomplet.  M,  N.  a 
constaté  qu'il  y  manque  175  mots,  mais  qu'en  revanche  on  y  trouve  270  mots 
qui  ne  sont  pas  dans  le  texte.  M.  N.  fait  un  reproche  analogue  au  lexique  du 
Litauisches  Lesebuch  qui  fait  suite  à  la  Grammaire  lithuanienne  de  Schleicher. 

Ainsi  fautes  de  texte,  omissions  dans  le  vocabulaire,  voilà  les  deux  reproches 
principaux  que  M.  N.  adresse  à  Schleicher.  Il  lui  reproche  en  outre  d'avoir  par 
une  accentuation  vicieuse  détruit  la  métrique  des  vers.  Schleicher  malheureuse- 
ment n'est  plus  là  pour  se  défendre.  Nous  n'avons  pas  sous  les  yeux  en  ce 
moment  son  volume  pubHé  par  l'Académie  de  Pétersbourg  et  d'un  prix  fort 
élevé.  Un  extrait  en  a  été  reproàml dânsVIndo-germanische Chrestomathie (jp.  300- 

303). 

M.  N.  rend  également  à  l'auteur  son  nom  de  Donalitius  que  Rhésa  et  Schleicher 
avaient  altéré  en  Donaleitis.  Ces  différentes  rectifications  ont  leur  intérêt.  M.  N. 

1.  Das  Jahr  in  vier  Gesaengen,  ein  iaendiiches  Epos  aus  dem  Littauischen  des  Christian 
Donaleitis  genannt  Donalitius  in  gleichem  Vesmaass  ins  Deutsche  ùbertragen  von  D'  L.  J. 
Rhesa,  Kœnigsberg,  18 18. 

2.  Métas,  racine  met,  cf.  latin  meta,  metiri  :  l'année  est  la  mesure  du  temps. 


d'histoire  et  de  littérature.  317 

a  un  culte  pour  son  poète  dont  nous  ne  pouvons  que  le  féliciter.  Il  y  a  dans  ces 
petits  poèmes  de  la  grâce  et  de  la  naïveté  et  d'intéressants  détails  sur  la  vie  du 
paysan  lithuanien.  Mais  parfois  l'auteur  est  diffus  et  lourd,  et  même  souvent 
grossier  :  il  y  a  des  passages  qu'on  ne  pourrait  guère  traduire  qu'en  latin.  Néan- 
moins nous  accueillons  avec  plaisir  une  édition  plus  portative  et  moins  coû- 
teuse que  celle  de  Schleicher.  Nous  remercions  également  M.  Nesselmann  de  la 
traduction  qu'il  a  ajoutée  au  texte,  seulement  nous  regrettons  qu'au  lieu  de 
l'écrire  en  vers  il  ne  se  soit  pas  résigné  à  un  humble  mot  à  mot.  Le  lexique  qui 
termine  le  volume  est  fort  intéressant,  mais  il  pourrait  l'être  plus  encore.  Il  y  a, 
ce  me  semble,  une  étude  très-curieuse  à  faire  sur  le  vocabulaire  lithuanien  :  c'est 
d'y  distinguer  les  mots  slaves  d'origine  (urslawische  wœrîer  pour  employer  la 
technologie  allemande)  de  ceux  que  les  relations  historiques  ont  pu  faire  passer 
dans  le  lithuanien  :  par  ex.  le  lithuanien  ponas,  seigneur,  est  le  polonais  pan 
(tchèque  id.);  le  mot  n'existe  pas  dans  les  autres  langues  slaves  :  a-t-il  passé 
du  polonais  au  lithuanien  ou  vice  versai  Une  connaissance  approfondie  du 
polonais  et  des  langues  slaves  en  général  serait  nécessaire  pour  tenter  ce 
travail  :  nous  le  recommandons  vivement  soit  à  M.  Nesselmann,  soit  au  futur 

lexicographe  de  la  langue  lithuanienne. 

Louis  Léger. 


229.— Essai  sur  Thistoire  de  la  philosophie  en  Italie  au  XIX*  siècle,  par 

Louis  Ferri,  ancien  élève  de  l'école  normale  supérieure  de  Paris,  professeur  d'histoire 
de  la  philosophie  à  l'institut  supérieur  de  Florence.  Paris,  Durand  et  Didier,  1869. 
2  vol.  in-8*,  496  et  379  p. 

Cet  essai  sur  l'histoire  de  la  philosophie  en  Italie  au  xix*  siècle,  publié  par 
M.  Ferri,  est  le  développement  d'un  rapport  qui  avait  été  d'abord  rédigé  en  vue 
d'une  collection  semblable  à  celle  de  nos  rapports  sur  l'exposition  universelle  de 
1867.  Cette  idée  (suivant  nous  peu  heureuse)  avait  été  aussi  adoptée  en  Italie 
mais  ne  fut  pas  mise  à  exécution. 

Le  mouvement  philosophique  de  l'Italie  au  xix^  siècle  est  parallèle  à  celui  qui 
s'est  accompli  en  France,  dont  il  est  d'ailleurs  indépendant.  La  philosophie  de 
Condillac  prédominait  généralement  en  Italie  à  la  fin  du  siècle  dernier  et  au 
commencement  de  celui-ci.  Les  représentants  les  plus  considérables  de  cette 
école  furent  Gioia  (1767-1829)  et  Romagnosi  (1761-183$).  Puis  une  réaction 
idéaliste  accomphe  sous  l'influence  de  la  philosophie  de  Kant  prévalut,  représentée 
par  Galluppi  (1770-1846),  l'abbé  Rosmini  (1797-1855),  l'abbé  Gioberti  (1801- 
1852),  le  comte  Mamiani  (né  en  1800?).  Enfin  M.  F.  constate  (II,  288) 
que  l'Italie  «  semble  aujourd'hui  rassasiée  de  systèmes  et  de  déductions  a  priori  » 
et  qu'elle  attend  le  progrès  de  la  philosophie  de  l'action  «  des  sciences  qui  se 
»  rattachent  par  leurs  objets  aux  origines  et  aux  lois  de  l'humanité  (les  sciences 
»  historiques?).  » 

M.  F.  entre  dans  les  plus  grands  détails  sur  la  vie  et  les  opinions  de  Rosmini, 
Gioberti,  Mamiani,  qu'il  considère  comme  les  représentants  les  plus  importants 
de  la  philosophie  dans  l'Italie  contemporaine.  Les  faits  sont  bien  choisis  et  propres 


JlS  REVUE   CRITIQUE 

à  caractériser  le  mouvement  que  l'auteur  a  voulu  décrire  et  qui  est  intéressant  à 
connaître.  Il  est  curieux,  par  exemple,  de  voir  Gioberti  chercher  et  trouver  dans 
la  philosophie  un  moyen  de  contribuer  (et  puissamment)  à  l'affranchissement  de 
l'Italie.  M.  F.  cite  une  lettre  de  i8ji  où  Gioberti  dit  (I,  ^56)  :  «  Les  Italiens 
»  n'entreprendront  jamais  rien  de  sérieux,  s'ils  ne  s'habituent  d'abord  à  penser; 
»  et  je  ne  crois  pas  être  dupe  de  l'amour  que  je  porte  à  une  science  que  j'ai 
»  cultivée  d'une  manière  spéciale,  si  je  dis  que  les  interminables  malheurs  de 
»  l'Italie  dépendent  principalement  du  peu  d'usage  qu'elle  fait  de  la  pensée, 
»  c'est-à-dire  de  son  peu  de  philosophie.  En  Angleterre,  en  France,  dans  les 
»  parties  civilisées  de  l'Allemagne,  l'exercice  indépendant  et  universel  de  la 
»  raison  a  précédé  la  civilisation  et  l'a  produite;  là  où  l'une  a  fait  défaut, 

»  l'autre  n'a  pas  paru  non  plus Quoique  l'Italie  n'ait  jamais  manqué  d'esprits 

»  qui  ont  profondément  philosophé,  la  passion  de  la  philosophie  n'y  a  jamais 
»  été  assez  intense,  continue  et  générale  pour  déterminer  une  révolution  et  un 
»  perfectionnement  dans  son  état  politique  et  social.  Ceux  qui  sont  jeunes  et 
»  vigoureux  d'esprit  et  de  corps  doivent  prendre  courage,  ne  pas  désespérer  de 
»  pouvoir  faire  ce  qui  ne  s'est  pas  fait  et  remédier  enfin  aux  défauts  de  nos 
»  ancêtres.  »  C'est  là  un  exemple  remarquable  de  l'influence  de  spéculations 
philosophiques  sur  les  affaires  publiques  à  rapprocher  du  stoïcisme  dans  l'anti- 
quité, de  la  philosophie  du  xyiii®  siècle  en  France,  et  de  celle  de  Fichte  dans 
l'Allemagne  de  1 8 1 3 .  Ce  qui  est  caractéristique  c'est  que  deux  des  plus  éminents 
et  des  plus  influents  représentants  de  la  philosopl»ie  italienne  de  notre  temps  ont 
été  deux  ecclésiastiques  qui  ont  profondément  agi  sur  le  clergé  et  qui  ont  voulu 
réformer  l'Église  dans  le  sens  libéral  en  augmentant  son  pouvoir.  Tous  deux  se 
sont  trouvés  en  hostilité  avec  les  jésuites  et  sont  morts  dans  la  disgrâce  de  la  cour 
de  Rome.  Les  imaginations  sont  tellement  vives  en  ce  pays  qu'on  a  cru  et  que 
M.  F.  semble  lui-même  croire  (I,  109)  que  les  jésuites  ont  essayé  d'empoisonner 
Rosmini  le  jour  des  Cendres  de  l'année  1852. 

Les  appréciations  de  M.  F.  sont  généralement  équitables.  Il  ne  rend  pas 
cependant  toujours  justice  à  la  philosophie  de  Condillac.  Il  oublie  que  cette  phi- 
losophie ou  plutôt  que  la  philosophie  de  Locke  est  moins  éloignée  de  la  vérité 
que  beaucoup  de  spéculations  ambitieuses  et  chimériques.  Il  est  surtout  injuste 
envers  le  sensualisme  quand  il  l'accuse  de  corrompre  la  morale.  On  ne  peut  tirer 
d'un  système  de  métaphysique  ou  de  psychologie  que  la  morale  qu'on  y  a  mise.  Les 
principes  de  la  morale  sont  propres  à  la  morale  et  ne  peuvent  être  déduits  d'autres 
idées.  Les  stoïciens,  dont  la  métaphysique  était  toute  matérialiste,  qui  soutenaient 
(ce  qu'un  matérialiste  oserait  à  peine  dire  aujourd'hui)  que  les  vertus  sont  des 
gaz,  les  stoïciens  enseignaient  une  morale  des  plus  sévères.  Les  théologiens  qui 
ont  le  plus  exagéré  le  dogme  de  la  prédestination  et  de  la  grâce  si  peu  favorable 
à  la  morale  sont  d'ordinaire  les  plus  rigoristes.  Il  faudrait  renoncer  à  cette  argu- 
mentation usée  qui  consiste  à  réfuter  une  philosophie  par  de  prétendues  consé- 
quences morales  qu'on  ne  peut  jamais  y  rattacher  légitimement.  Le  patriotisme 
n'est  pas  non  plus  sans  quelque  influence  sur  les  jugements  de  l'auteur.  Ainsi  il 
éprouve  quelque  honte  à  avouer  les  préjugés  nobiliaires  et  cléricaux  de  Rosmini, 


d'histoire  et  de  littérature.  J19 

et  il  glisse  rapidement  sur  ce  point.  Mais,  au  contraire,  plus  des  opinions  sont 
paradoxales  et  même  révoltantes,  plus  il  est  intéressant  de  connaître  les  argu- 
ments par  lesquels  elles  sont  soutenues;  et  nous  aurions  été  très-curieux  de 
connaître  le  détail  des  raisons  par  lesquelles  Rosmini  défend  l'emploi  de  la  force 
pour  maintenir  l'autorité  de  l'Église  et  l'institution  du  servage  (I,  275  et  suiv.). 
Au  reste  la  modération  et  la  sincérité  de  M.  Ferri  éclatent  partout  dans  son 
livre,  où  il  nous  semble  avoir  réussi  à  donner  une  idée  précise  de  ce  qu'il  a  voulu 

faire  connaître  et  même  à  y  intéresser. 

Y. 


230.  —  Causeries  gtiemesiaises,  par  Paul  Stapfer.  Édition  accompagnée  de  dix 
lettres  en  anglais  sur  des  sujets  littéraires.  Guernesey,  Le  Lièvre;  Paris,  Saint-Jorre, 
1869.  In-8*,  xxij-414  p.  —  Prix  :  6  fr.  50. 

Ce  livre  est  de  plusieurs  façons  en  dehors  de  notre  cadre  habituel.  Il  comprend 
plusieurs  leçons  faites  par  l'auteur  à  Guernesey  à  de  jeunes  filles  anglaises,  et  il 
a  gardé  de  cette  primitive  destination  non-seulement  le  caractère  général  d'un 
cours  de  cette  nature,  mais  une  empreinte  toute  locale  et  même  en  maint  endroit 
personnelle  et  presque  intime  qui  en  fait,  à  vrai  dire,  un  \\wre  privaîely  printed 
plutôt  qu'un  ouvrage  destiné  au  grand  public.  Nous  en  dirons  cependant  quel- 
ques mots,  parce  qu'il  offre  bien  des  choses  intéressantes  pour  tout  le  monde,  et 
qu'il  sort  complètement  du  moule  ordinaire  de  cette  sorte  d'ouvrages.  Nous 
n'avons  pas  affaire  ici  à  ces  recueils  de  banalités,  puisées  dans  des  ouvrages  de 
seconde  main  et  passées  au  crible  des  plus  insipides  convenances ,  qu'on  est 
habitué  à  rencontrer  sous  ce  titre  :  Cours  de  littérature  à  l'usage  des  jeunes  filles; 
chose  étrange  et  rare,  l'auteur  de  ces  leçons  travaille  de  première  main,  et  quand 
il  parle  de  Gœthe,  de  Chateaubriand  ou  de  Byron,  c'est  après  les  avoir  lus.  Ce 
qui  vaut  mieux  encore,  il  les  aime,  il  les  étudie  avec  cette  intelligence  qui,  appli- 
quée aux  œuvres  de  l'art,  n'est  jamais  complète  que  si  elle  est  sympathique. 
M.  Stapfer,  dont  nous  avons  déjà  eu  occasion  de  dire  ici  quelques  mots  {Rev. 
crit.,  1866,  t.  I,  art.  53),  a  pour  la  littérature  une  passion  qui  en  bien  des  points, 
s'il  nous  est  permis  de  le  lui  dire,  sent  encore  un  peu  le  jeune  homme  et  parfois 
(semblerait-il)  l'homme  habitué  à  réagir  contre  un  milieu  peu  favorable  à  ses 
idées.  De  là  dans  ses  ouvrages,  çà  et  là,  une  légère  nuance  provinciale,  une 
certaine  insistance  quelquefois  inutile,  une  ardeur  dont  on  peut  sourire  à  défendre 
des  vérités  trop  incontestables.  Mais  ces  quelques  défauts,  —  destinés  à  dispa- 
raître bien  promptement  si  l'auteur  y  fait  attention,  —  sont  largement  compensés 
par  les  qualités  de  chaleur ,  de  conviction ,  de  finesse  et  de  compréhension  qui 
éclatent  dans  toutes  ces  pages.  On  ne  rencontre  pas  souvent  à  notre  époque  cet 
amour  vif  et  délicat  des  choses  de  l'esprit,  cette  sensibilité  à  la  beauté  purement 
littéraire,  cette  étude  attentive  et  heureuse  des  plus  petites  particularités  d'un 
genre  ou  d'une  œuvre.  Le  grand  esprit  que  la  France  vient  de  perdre  se 
plaignait  souvent  de  cette  diminution  du  goût,  dans  ce  qu'il  a  de  charmant  et 
d'élevé,  et  regrettait  parfois  jusqu'aux  minuties  de  cette  ancienne  critique  litté- 
raire qui  avait  en  effet  du  bon,  et  que  M.  St.,  par  exemple,  rappelle  plus  d'une 


320  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET   DE   LITTÉRATURE. 

fois,  tout  en  la  combattant.  Ainsi  comprise,  ainsi  pratiquée,  la  critique  littéraire 
pure  n'a  rien  que  de  bon  et  d'utile;  elle  a  sa  place  marquée  dans  l'activité  intel- 
lectuelle d'un  pays  ;  elle  sert  puissamment  et  répand  dans  des  couches  diverses 
la  haute  culture  de  l'esprit.  Elle  a  droit  d'exister  à  côté  de  la  science;  elle  ne  lui 
est  ni  hostile  ni  odieuse.  Ce  que  nous  avons  toujours  combattu ,  ce  que  nous 
combattrons  toujours  dans  cette  Revue,  c'est  la  critique  littéraire  qui  dédaigne  la 
science  là  où  elle  ne  saurait  se  passer  de  son  concours,  qui  se  figure  avoir  fait 
une  belle  chose  quand  elle  a  répété  sous  une  forme  un  peu  variée  des  lieux 
communs  déjà  cent  fois  servis,  qui  a  une  orthodoxie,  des  saints  et  des  réprouvés, 
et  qui,  incapable  de  rien  découvrir  et  d'utiliser  les  découvertes  des  autres, 
méprise  les  faits  sans  avoir  d'idées.  M.  Stapfer  au  rebours  :  il  ne  méprise  pas 
l'érudition,  et  s'il  s'excuse  avec  esprit  (p.  14)  de  n'en  point  faire,  il  reconnaît 
en  même  temps  que  tout  ce  travail  minutieux,  qu'il  avoue  n'être  point  de  son 
goût,  est  indispensable  à  qui  veut  écrire  sérieusement  sur  n'importe  quel  sujet  ; 
et  je  suis  sûr  que  lui-même,  dans  l'ouvrage  important  qu'il  nous  annonce,  ne  s'y 
est  aucunement  soustrait.  Mais  à  côté  de  l'érudition,  il  faudrait  être  bien  borné 
pour  ne  pas  admettre  ces  commentaires  explicatifs,  ingénieux  et  utiles,  où  un 
homme  de  goût  et  d'esprit  se  place  entre  le  lecteur  et  l'auteur  et  les  rapproche 
habilement  l'un  de  l'autre,  en  indiquant  au  premier  les  points  de  vue  justes  et  les 
traits  originaux,  importants  et  caractéristiques.— Le  sujet  que  M.  St.  avait  choisi 
pour  ses  leçons  de  Guernesey  n'a  déjà  rien  de  banal  :  il  s'est  proposé  d'étudier 
chez  quelques  grands  poètes  de  nos  jours  leurs  opinions  littéraires.  Il  y  aurait  en 
effet  un  joli  chapitre  d'histoire  littéraire  à  écrire  sur  ce  thème;  M.  St.  n'en  a 
donné  que  quelques  fragments  :  s'adressant  à  un  public  tout  à  fait  neuf,  il  était 
obligé  de  s'arrêter  à  plus  d'un  détail  qui  ne  rentrait  pas  dans  son  plan,  et  d'ail- 
leurs il  ne  se  refusait  aucunement  les  digressions  les  plus  variées;  enfin  le  cours 
a  été  assez  rapidement  interrompu.  Il  n'y  a  que  Chateaubriand  et  Byron 
dont  M.  St.  ait  parlé  un  peu  longuement,  et  encore  sur  l'un  et  l'autre  il  n'y  a 
guère  que  des  indications.  M.  St.  a  mis  en  lumière  cette  étrange  contradiction 
de  Byron,  qui,  différent  en  cela  de  la  plupart  des  grands  poètes,  au  lieu  de 
regarder  comme  les  premiers  les  génies  auxquels  il  ressemblait  le  plus,  n'avait 
d'admiration  que  pour  les  classiques  les  plus  purs,  et  mettait  Pope  fort  au-dessus 
de  tous  les  poètes  anglais. 

Le  livre  de  M.  St.  est  une  des  meilleures  lectures  qu'on  puisse  recommander 
à  une  jeune  fille  intelligente  et  développée.  Il  est  plein  de  vues  heureuses  et  aussi 
de  faits  intéressants.  Mais  l'auteur  peut  faire  des  choses  plus  importantes,  et 
nous  attendons  avec  la  certitude  d'y  trouver  de  l'agrément  et  de  l'instruction  le 
livre  qu'il  annonce  comme  devant  prochainement  paraître  sous  ce  titre  attrayant  : 

Laurence  Sterne,  sa  personne  et  ses  ouvrages. 

G.  P. 


Nogent-Ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Agaval  (L')  de  Kapila.  Poème  tamoul 
sur  les  castes  du  sud  de  l'Inde,  traduit 
pour  la  première  fois  en  français  par  Ju- 
lien Vinson.  (Études  orientales.  Ethno- 
graphie dravidienne.)  In-8*,  i6p.  Nancy 
(imp.  Sordoillet  et  fils). 


André  (M.).  Antiquités  rares  de  la  Nor- 
mandie. Notice  sur  une  cassette  d'ivoire 
de  la  cathédrale  de  Bayeux.  In-8'.  1 1  p. 
Rennes  (imp.  Catel  et  C"). 

Bami  Cj.).  Napoléon  I"  et  son  historien 
M.  Thiers.  In-i8  jésus,  xvj-jyi  p.  Paris 
(lib.  Germer-Baillière).  j  fr.  50 

BriiTaut  (abbé).  Histoire  de  la  seigneurie 
et  de  la  ville  de  Champlitte  (Haute-Saône). 
In-8*,  vij-205  P->  plan  et  i  grav.  Langres 
(lib.  Dallet). 

Callandreau  (M.-L.).  Essai  sur  Zeus,  ou 
le  Jupiter  olympien  de  Phidias.  In-8°, 
vij-228  p.  et  10  pi.  Angoulême  (lib. 
Goumard). 

Carttdaire  de  l'abbaye  de  Saint- André-le- 
Bas  de  Vienne,  ordre  de  Saint-Benoît; 
suivi  d'un  appendice,  de  chartes  inédites 
sur  le  diocèse  de  Vienne  (IX'-XII*  siècles»; 
publié  par  l'abbé  C.-U.-J.  Chevalier.  In- 
8*,  lj-416  p.  Vienne  (imp.  Savigné). 

Délivré  (J. -M.).  Monuments  mégalithiques. 
Tumulus,  dolmens,  menhirs  et  cromlechs. 
In-S",  43  p.  Rennes  (imp.  Oberthur  et 
fils). 

Egger  (E.).  L'Hellénisme  en  France, 
leçons  sur  l'influence  des  études  grecques 
dans  le  développement  de  la  langue  et  de 
la  littérature  française.  2  vol.  In-8*, 
994  p.  Paris  (Didier  et  C'). 

Frugère  (F. -P.).  Apostolicité  de  l'église 
du  Velay,  dissertation  sur  la  date  de 
l'évangélisation  du  Velay,  précédée  d'une 
introduction  sur  les  origines  du. christia- 
nisme dans  les  Gaules  en  général,  et  suivie 
d'un  appendice,  de  notes  et  documents. 
In-8*,  iv-244  p.  Le  Puy  (imp.  Marches- 
sou). 

Histoire  littéraire  de  la  France,  par  les 
religieux  bénédictins  de  la  congrégation 
de  Saint-Maur.  Nouvelle  édition  publiée 


sous  la  direction  de  P.  Paris.  T.  12.  In- 
4*,  xvii(-73  5  p.  Paris  (lib.  Palmé). 

Houday  (J.).  Histoire  de  la  céramique 
lilloise,  précédée  de  documents  inédits 
constatant  la  fabrication  de  carreaux 
peints  et  émaillés  en  Flandre  et  en  Artois 
au  XIV*  siècle.  Edit.  nouv.  avec  pi.  Gr. 
in-8*,  xi-171  p.  Lille  (imp.  Danel). 

Huot  (P.).  Les  massacres  à  Versailles  en 
1792.  Éclaircissements  historiques  et 
documents  nouveaux.  In-8*,  63  p.  Paris 
(Challamel  aîné).  2  fr. 

Lehr  (E.).  La  Seigneurie  de  Hohengerold- 
seck  et  ses  possesseurs  successifs.  Étude 
historique  et  généalogique.  In-8*,  39  p., 
avec  I  carte,  i  double  tableau  généalo- 
gique et  un  fac-similé  de  sceau.  Stras- 
bourg (Noiriel). 

Lioupot.  Hincmar,  archevêque  de  Reims. 
Sa  vie,  ses  œuvres,  son  influence.  In-8*, 
334  p.  Reims  (imp.  Dubois  et  C*). 

Marlet.  Le  Chapitre  du  château  de  Gray 
et  le  chef  de  samte  Elisabeth  de  Hongrie. 
In-8*,  vij-65  p.  Vesoul  (imp.  Suchaux). 

Ollier  de  Marichard  (J.).  Recherches 
sur  l'ancienneté  de  l'homme  dans  les 
grottes  et  monuments  mégalithiques  du 
Vivarais ,  avec  carte  et  nombreuses 
planches.  In-8*,  76  p.  Montpellier  (libr. 
Goulet). 

Pfaffenhoffen  (F.  de).  Lettre  à  M.  A. 
de  Longpérier  sur  quelques  monnaies 
celtiques.  In-8*,  19  p.  et  2  pi.  Paris 
(imp.  Cusset). 

Proust  (S.).  Inventaire-sommaire  des 
archives  des  hospices  de  Nogent-Ie-Ro- 
trou  depuis  leur  fondation  jusqu'à  1790. 
In-4*  à  2  col.,  226  p.  Nogent-le-Rotrou 
(imp.  Gouverneur). 

Tabulae  ordinis  theutonici  ex  tabularii 

regii  berolinensis  codice  potissimum  edidit 
E.  Strehlke.  In-4*,  vij-491  p.  Berlin 
(Weidmann).  20  fr. 

Visconti  (F.  M.).  Alcune  letterea  Giosia 
I  Acquaviva  duca  d'.Atri  VI.  édite  con 
note  dal  prof.  G.  Cherubini.  In-8*,  22  p. 
Venezia  (tip.  Antonelli). 


Cr^  \  1  ]  f^  I_J  T?  nn  ^^  plaisir  des  champs  avec  la  vénerie, 
•  vJ  /\  U  V^  FI  LL  1  volerie  et  pescherie ,  poème  en  quatre 
parties.  Édition  revue  et  annotée  par  P.  Blanchemain.  i  vol.  in- 12,  cartonné 
percaline  rouge.  5  fr, 

JO  T3  D  tr  R  T*    '^^"^'^^'"^  ^^^  ^^^  rapports  de  l'Egypte  et  de  l'As- 
•    Vy  l     l    L-j  Iv  1      Syrie  dans  l'antiquité,  éclaircis  par  l'étude  des 
textes  cunéiformes,  i  vol.  in-4°.  12  fr. 


ETM  T     TV /T  17  D  T  T        Histoire  de  la  comédie  ancienne.  T.  II. 
.     U  U     M  EL.  r\  1  L,     ,  vol.  in-8«.  8  fr. 


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The  old  northern  runic  monuments 
of  Scandinavia  and  England  now  first 
coUected  and  deciphered.  2  vol.  in-fol.  ornés  d'un  grand  nombre  d'inscriptions 
gravées  sur  bois.  155  fr. 

•  VV/\i>LJlLrVlLr\  1507.  Collection  de  60  copies  de 
sculptures  en  pierre  qui  se  trouvent  à  Nuremberg  et  dans  ses  environs,  dessi- 
nées sur  bois  et  accompagnées  de  texte,  i  vol.  in-fcl.  orné  de  60  pi.        60  fr. 

En  vente  chez  J.  Parker,  à  Oxford,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
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ceptionis  beatissimae  Virginis  pro  facienda  relatione  coram  patribus  concilii 
Basileae  A.  D.  1437  mense  Julio.  In-4"  cart.  en  toile.  15  fr. 

En  vente  chez  J.  C.  B.  Mohr,  libraire  à  Heidelberg,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
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chluss  der  Rechtsalterthûmer.  2.  Aufl.  unter  Benutzg.  d.  vom  Verf,  hinterlas- 
senen  Handexemplars  bearb.  v.  K.  B.  Stark.  i  vol.  in-8°.  6  fr. 

En  vente  chez  Fues,  à  Leipzig,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
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Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N'  47  Quatrième  année  20  Novembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  \^  fr.  —  Dépanements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE   RICHELIEU,    6j 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE 

DE  L'ECOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES 

publiée  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Sciences  philologiques  et  historiques. 

i"  fascicule.  La  Stratification  du  langage,  par  Max  Mùller,  traduit  par 
M,  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études,  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
répétiteur  à  l'École  des  Hautes  Études.  In-S»  raisin.  4  fr. 

Forme  aussi  le  i"  fascicule  de  la  Nouvelle  Série  de  la  Collection  philologique. 

2"  fascicule.  Études  sur  les  Pagi  de  la  Gaule,  par  A.  Longnon,  élève  de 
l'École  des  Hautes  Études.  In-80  raisin  avec  2  cartes.  3  fr. 

Forme  aussi  le  i*'  fascicule  de  la  Collection  historique. 

AT    /^  TV  T  ^  TV  T  /-\  TV  T    Le  Livrc  des  Vassaux  du  Comté  de 
•     L<V_y  IM  vj  i>  V_/ 1  >     Champagne,  11 72-1 222,  publié  d'après 
le  manuscrit  unique  des  Archives  de  l'Empire,  i  fort  vol.  in-S».  7  fr.  50 

AT  /^  T    w    Benoit  de  Sainte-More  et  le  roman  de  Troie,  ou  les 
•    J  w  Li  I      métamorphoses  d'Homère  et  de  l'épopée  gréco-latine  au 
moyen-âge.  i  vol.  in-4'*.  20  fr. 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N"  43.  16  octobre. 

Théologie.  Achelis,  Richard  Rothe  (Gotha,  Perthes).  —  Histoire.  Mémoires 
de  l'Académie  d'Agram  (Agram,  Suppan).  —  Janko,  Laudon's  Leben  (Wien, 
Gerold).  —  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Eisenlohr,  Anal.  Erklaerung  des 
demotischen  Theiles  der  Rosettana  (Leipzig,  Hinrichs  ;  première  partie  d'un  bon 
travail).  —  Blau,  Bosnisch-tùrkische  Sprachdenkmaeler  (Leipzig,  Brockhaus; 
nous  en  rendrons  prochainement  compte).  —  Ameis,  Anhang  zu  Homer's  Uiad 
(Leipzig,  Teubner;  commentaire  sur  les  chants  I-III).  —  Nutzhorn,  Die 
Entstehungsweise  der  homerischen  Gedichte  (voy.  Rev.  crit.,  1869,  t.  II,  art. 
140).  —  Laur,  Malherbe  (Heidelberg,  Winter;  sans  importance).  —  Pouy, 
Les  Bibliographes  picards  (insignifiants).  —  Mythologie.  Gerland,  Altgriechische 
Maerchen  in  der  Odyssée  (voy.  Rev.  crit.,  1869,  t.  II,  art.  175).  —  Kreutzwald, 
Ehstnische  Maerche,  ùbers.  von  Lœwe  (Halle;  nous  rendrons  incessamment 
compte  de  cet  ouvrage).  —  Archéologie.  Dùmichen,  Der  aegyptische  Felsentempel 
von  Abu-Simbel  (Berlin,  Hempel).  —  Kekulé,  Die  antiken  Bildwerke  imThe- 
seion  (Leipzig,  Engelmann).  —  Wagner  und  Kachel,  Die  Grundformen  der 
antiken  classischen  Baukunsten  (Heidelberg,  Bassermann). 

The  Irish  Ecclesiastical  Record.  A  monthly  journal,  conducted  by  a  society 
of  Clergymen,  under  Episcopal  sanction.  Dublin,  Kelly. 

N°  LXI.  Vol.  VI.  October  1869. 

P.  1-7.  Trinity  Collège.  [Nom  de  l'Université  protestante  de  Dublin.  Réponse 
à  un  article  du  Macmillan's  Mogazine  où  était  fait  un  éloge  pompeux  de  cette 
institution  qui  n'est  qu'à  demi  ouverte  aux  non-anglicans].  —  P.  8-18.  La  civi- 
lisation et  les  arts  dans  l'ancienne  Irlande  (suite).  —  Les  articles  théologiques  et 
les  documents  de  l'autorité  ecclésiastique  prennent  une  grande  place  du  n°  ;  men- 
tionnons seulement:  p.  38-39  un  article  sur  une  vie  de  saint  Patrice,  œuvre 
tout  à  fait  populaire  que  publie  en  ce  moment  l'auteur  de  Vlllustrated  History  of 
Heland  (sur  laquelle  voyez  Rev.  crit.,  1868,  art.  29)  et  p.  41-48  la  suite  du 
Monasticon  Hibernicum  d'Archdall,  comtés  d'Armagh  et  de  Carlow.  Nous  regret- 
tons que  cette  réimpression ,  augmentée  d'excellentes  notes  par  les  nouveaux 
éditeurs,  ne  soit  pas  publiée  avec  une  pagination  distincte. 

N°  LXII.  Vol.  VI.  November  1869. 

F.  49-58.  Dg  /<!  religion  dans  l'éducation.  Discours  prononcé  à  la  réouverture 
des  cours  par  le  recteur  de  l'Université  catholique  de  Dublin.  —  P.  92-96. 
Monasticon  Hibernicum,  comté  de  Carlow. 

Journal  Ministerstva  Narodnago  prosvetschenia.  Journal  du  ministère  de 
l'instruction  publique  de  Russie.  Nous  rendrons  compte  désormais  de  cette 
publication  qui  paraît  tous  les  mois  en  un  fort  volume  in-8°. 

Août-Septembre.  Travail  de  M.  Tolstoï  sur  la  réunion  des  uniates  à  l'église  or- 
thodoxe en  1839.  Intéressant,  mais  demande  à  être  contrôlé  à  l'aide  des  docu- 
ments d'origine  polonaise:  in  medio  veritas.  —  Lomonosow  et  ses  travaux  en  philo- 
logie :  bon  travail  sur  le  Malherbe  de  la  littérature  russe.  —  Des  destinées  de 
l'archéologie  en  Russie  par  M.  Pogodine.  L'éminent  historien  y  passe  en  revue  les 
travaux  historiques  accompHs  en  Russie  jusqu'à  la  mort  d'Alexandre. — Lalittéra- 
ture  bulgare  au  x^  siècle  par  M.  Lamausky.  C'est  l'un  des  meilleurs  slavisants  de 
Pétersbourg.  —  Parmi  les  comptes-rendus  de  livre  signalons  l'article  de  M.  Focht 
sur  une  brochure  de  M.  Kariev  :  Système  phonétique  et  graphique  de  la  langue 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  47  —  20  Novembre  —  1869 

Sommaire  :  231.  Homère,  Iliade,  p.  p.  Pierron.  —  252.  Comparetti,  le  Livre 
de  Sindibad.  —  253.  Bœhmer,  le  De  vulgari  eloquentia  de  Dante.  —  234.  Nagel, 
Dictionnaire  étymologique  anglais-français.  —  235.  Les  Songes  drolatiques  de  Panta- 
gruel, p.  p.  Richard.  —  236.  De  Laincel,  Voyage  humoristique  dans  le  Midi. 

23 1.  —  L'Iliade  d'Homère,  texte  grec  revu  et  corrigé  d'après  les  documents  authen- 
tiques de  la  récension  d'Aristarque,  accompagné  d'un  commentaire  critique  et  explicatif, 
précédé  d'une  introduction  et  suivi  des  prolégomènes  de  V'illoison,  des  prolégomènes  et 
des  préfaces  de  Wolf,  de  dissertations  sur  diverses  questions  homériques,  etc.,  par 
Alexis  Pierron.  2*  vol.  Paris,  libr.  de  Hachette  et  C',  1869.  629  p.  —  Prix  :  8  fr. 
16  fr.  l'ouvrage  complet). 

La  publication  du  second  volume  de  l'édition  de  l'Iliade  par  M.  Pierron  a 

suivi  de  très-près  celle  du  premier'.  On  ne  peut  guère  s'attendre  par  conséquent 
à  rencontrer  entre  les  deux  volumes  une  différence  bien  appréciable.  Cependant 
cette  ressemblance  n'exclut  pas  certains  changements  qui  paraissent  s'être  opérés 
dans  les  idées  de  l'auteur.  Toute  conjecture  sur  les  motifs  probables  de  ces 
variations  serait  déplacée  :  il  suffira  de  constater  le  fait  en  choisissant  pour  exemple 
précisément  l'un  des  points  dont  nous  avons  déjà  parlé.  M.  P.-,  on  s'en  sou\ient 
peut-être,  promet  dans  son  introduction  (p.  xj)  un  appendice  consacré  spécia- 
lement à  VlUade  de  l'Hélicon.  L'intérêt  principal  de  cet  appendice  ne  réside  pas 
dans  les  extraits  du  livre  d'Osann,  absolum.ent  dénués  de  valeur,  mais  dans  les 
remarques  dont  M.  P.  les  accompagne.  Le  lecteur  qui  se  rappelle  en  quels 
termes  il  a  été  précédemment  question  de  l'exemplaire  de  l'Hélicon,  que  «  con- 
»  naissait  certainement  Aristarque,  »  doit  nécessairement  être  surpris  en  lisant 
la  note  que  voici  (p.  5?  5)  •  "s'il  y  a  eu  une  Iliade  de  l'Hélicon,  ce  ne  peut  être 
»  qu'un  volume  de  la  bibliothèque  du  temple  des  Muses.  »  Sa  surprise  augmen- 
tera encore  lorsqu'il  arrivera  au  NB.  qui  termine  l'appendice.  «  Nous  n'avons 
»  point  à  discuter,  dit  M.  P.,  d'une  façon  qui  caractérise  sa  méthode  en  général, 
»  nous  n'avons  point  à  discuter  une  opinion  qui  s'est  produite  en  Allemagne  au 
»  temps  où  Osann  publia  son  livre ,  opinion  d'après  laquelle  àf  ïx-.xwvo;  (cod. 
»  àz'  ïXtxwvo;),  ne  serait  qu'une  faute  de  copiste  pour  'a-e)1ixwvo;  ou  'ATTsÀî.ixû'yTo;.  » 
Si  le  lecteur  auquel  nous  songeons  est  un  homme  sans  défiance  et,  de  plus, 
étranger  à  la  question,  ces  paroles  signifient  évidemment  pour  lui  que  la  décou- 
verte d'Osann,  au  temps  où  elle  fut  publiée(i8$i),  rencontra  quelques  incrédules. 
J'ignore  pour  ma  part  si  Osann  est  mort  convaincu  de  la  réalité  de  l'existence 
de  cet  exemplaire  de  l'Hélicon  qu'il  avait  mis  32  ans  à  révéler  au  public,  mais 
jusqu'ici  je  ne  vois  absolument  que  M.  P.  pour  y  ajouter  foi.  Je  dirai  plus  encore. 
Malgré  l'exhumation  opérée  par  lui,  il  y  a  de  fortes  raisons  qui  me  font  craindre 


I .  Voir  RtMuc  critique,  ci-dessus,  p.  209  ss. 

viii  21 


322  REVUE   CRITIQUE 

que  bientôt  le  souvenir  même  d'une  Iliade  de  l'Hélicon  n'ait  disparu.  Ou  bien 
M.  P.  n'aurait-il  pas  remarqué  par  hasard  le  silence  profond  gardé  au  sujet  de 
la  bévue  d'Osann  soit  par  M.  Lehrs  dans  la  seconde  édition  de  son  ouvrage  sur 
Aristarque,  soit  par  M.  La  Roche,  dans  son  livre  sinon  définitif  du  moins  fort 
complet,  Die  homerische  Textkrlîik  im  Alterthum,  Leipzig,  1866?  Mais  nous 
aurions  vraiment  mauvaise  grâce  à  insister  en  présence  des  paroles  qui  terminent 
le  N.  B.  si  bien  commencé  de  l'auteur.  Après  une  tentative  assez  discrète,  mais 
des  plus  malheureuses,  pour  sauver  l'Iliade  dont  il  s'agit,  et  cela,  entre  autres, 
par  cette  remarque  ingénieuse  «  que  l'expression  Soxoùaa  àp^aîa  suppose  une 
»  édition  antérieure  à  l'archonte  Euclide  »  (comme  si  la  race  des  Simonidès 
n'était  pas  aussi  ancienne  que  la  Grèce  elle-même),  M.  P.  conclut  en  ces  termes  : 
«  d'ailleurs  la  question  relative  à  l'existence  où  à  la  non-existence  de  l'Iliade  de 
«  l'Hélicon,  n'a  aucune  importance  philologique,  et  n'est  qu'une  affaire  de  pure 
»  curiosité.  »  Peut-être  il  aurait  mieux  valu  avouer  franchement  une  erreur, 
pardonnable  après  tout. 

Mais  il  est  temps  pour  nous-même  de  laisser  là  ce  fantôme  ou  pour  mieux 
dire  ce  revenant  de  l'Hélicon,  L'appendice  consacré  à  Zoïle  n'est  guère  que  la 
reproduction  de  ce  qui  avait  déjà  été  dit  dans  l'introduction.  Quant  à  l'analyse 
des  Prolégomènes  de  Villoison,  nous  maintenons  entièrement  ce  que  nous  avons 
déjà  fait  observer.  Qu'un  biographe  de  Villoison  se  fût  chargé  de  la  besogne 
faite  par  M.  P.,  nous  le  comprendrions  à  la  rigueur,  mais,  par  des  raisons  faciles 
à  saisir,  le  travail  du  savant  académicien  n'est  plus  actuellement  à  la  hauteur  de 
la  science  '.  M.  P.  semble  trouver  étrange  qu'on  ne  lise  guère  les  Prolégomènes 
de  Villoison  et  que  personne  ne  les  cite  jamais.  Cet  oubli  fût-il  réel  (si  M.  P.  le 
désire  je  lui  démontrerai  le  contraire),  il  y  aurait  pour  l'expliquer  d'excellentes 
raisons.  On  pourrait  au  besoin  se  contenter  de  celles  que  fournit  M.  P.  lui-même 
dans  une  énumération  conforme,  pour  le  dire  en  passant,  à  toutes  les  règles  de 
la  rhétorique  la  plus  raffinée.  Les  Prolégomènes  de  Villoison  sont  qualifiés  par 
lui  {Intr.  p.  Ixxx  et  t.  II,  p.  499)  «  de  chaos  de  noms  propres,  de  titres  d'ou- 
»  vrages,  de  chiffres  de  toute  espèce,  de  citations  en  diverses  langues,  de  signes 
))  particuliers,  d'abréviations,  d'italiques,  de  grec  en  onciales,  de  parenthèses,  de 
»  notes,  d'excursus.  »  Il  n'y  a  pas  jusqu'à  la  longueur  des  lignes,  de  quatre-vingts 
lettres  chacune,  qui  n'arrache  une  plainte  à  M .  Pierron.  Évidemment  tout  le  monde 
n'est  pas  aussi  intrépide  que  lui.  Je  tremble  presque  en  me  figurant  qu'il  pourrait 
bien  découvrir  l'un  de  ces  jours,  soit  les  Exercitaîiones  Plinianae  de  Saumaise,  à 
l'école  duquel  Villoison  appartient  un  peu  trop,  soit  quelque  autre  ouvrage  de  ce 


I.  Dans  beaucoup  d'endroits  M.  P.  aurait  pu  rectifier  ou  compléter  les  indications  de 
Villoison.  Ainsi  il  n'eût  pas  été  superflu  de  faire  connaître  (p.  513)  qui  était  ce  Senna- 
chérib,  ou  plutôt  ce  Sénachérim  dont  M.  Lehrs  songeait  un  instant  à  prendre  le  nom 
pour  un  pseudonyme  de  Casaubon.  M.  Bernhardy  et  après  lui  M.  Cobet,  Vaiiac  kdioncs, 
p.  186  ss.  ont  fourni  à  cet  égard  les  renseignements  nécessaires,  en  montrant  que  ce  per- 
sonnage enseignait  la  rhétorique  et  la  poésie  à  Nicée,  sous  le  règne  de  Théodore  Ducas 
Lascaris  (1255-1259),  qui  lui  adressait  des  lettres.  A  la  même  page  M.  P.  cite  l'éditeur 
d'une  partie  des  scholies  du  Cod.  B  en  l'appelant  Bonganni.  G  est  Bongiovanni  qu'il  se 
nomme. 


d'histoire  et  de  littérature.  325 

genre  et  en  recommander  la  lecture.  En  tout  cas  je  me  demande,  si  après  un 
pareil  jugement  porté  sur  l'oeuvre  du  savant  français,  il  est  bien  sage  d'imprimer 
ailleurs  (p.  558,  n.  2)  :  «  les  Grecs  avaient  naturellement  cet  art  de  la  disposition 
»  des  parties  qui  manque  aux  Allemands  et  à  Wolf  lui-même.  »  N'est-il  pas  à 
craindre  que  quelqu'un  de  nos  voisins  d'outre-Rhin  ne  s'avise  d'opposer  précisé- 
ment les  Prolégomènes  de  Wolf,  qui,  au  dire  même  de  ceux  qui  n'en  partagent 
pas  les  conclusions,  sont  un  chef-d'œuvre  d'exposition  lucide  et  méthodique,  à 
l'indigeste  élucubration  du  savant  français  ?  En  général,  malgré  certaines  appa- 
rences, au  fond  M.  P.  n'est  pas  juste  pour  Wolf  :  il  oublie  que  le  vrai  mérite  de 
cet  homme  d'un  esprit  supérieur  consiste  avant  tout  à  avoir  posé  le  problème, 
à  avoir  élargi  un  horizon  singulièrement  restreint  avant  lui.  Je  ne  saurais,  pour 
l'ajouter  ici,  approuver  davantage  la  façon  dont  est  traité  le  plus  illustre  des 
disciples  de  Wolf,  M.  Bekker,  le  vénérable  doyen  des  hellénistes  actuels.  Non 
content  d'avoir  déjà  dans  son  premier  volume  malmené  assez  rudement  l'édition 
des  scholies  d'Homère  publiée  par  l'infatigable  savant  de  Berlin',  M.  P-  réédite, 
en  les  empruntant  à  Osann,  certaines  critiques  assez  vieilles  déjà  et  en  tout  cas 
fort  injustes  de  M.  Pluygers,  disciple  de  M.  Cobet.  Il  eût  peut-être  été  équitable 
de  citer  à  ce  propos  la  réponse  un  peu  vive  qui  a  été  faite  au  critique  par  M.  L. 
Friedlasnder. 

On  est  bien  en  droit  de  demander  à  un  éditeur  d'Homère,  surtout  à  l'auteur 
d'une  histoire  de  la  littérature  grecque,  s'il  a  un  système  à  lui  pour  expliquer 
l'origine  des  poèmes  homériques,  ou  bien  quel  est  celui  qu'il  préfère  entre  tous 
ceux  qui  ont  déjà  été  proposés.  Pour  ce  qui  concerne  M.  P.  il  est  difficile  de 
répondre  à  cette  question,  son  système  consistant  précisément  à  n'en  pas  avoir, 
ou  du  moins  à  ne  point  le  communiquer  à  ses  lecteurs.  M,  P.  a  préféré  laisser 
à  cet  égard  la  parole  à  d'autres.  Il  a  eu  l'idée  d'imprimer  à  la  suite  de  l'analyse 
des  Prolégomènes  et  des  Préfaces  de  Wolf,  une  série  d'extraits  destinés  à  faire 
connaître  les  vues  de  MM.  Egger,  Guigniaut,  Grote  et  E.  Bumouf.  Quant  à  lui 
il  se  réserve  en  quelque  sorte  le  rôle  de  juge  du  camp,  redressant  en  cette  qua- 
lité, par  des  notes  placées  au  bas  des  pages,  tout  ce  qui  parait  contraire  à  la  saine 
doarine.  C'est  principalement  dans  ses  notes  qu'on  apprendra  de  quel  côté 
penche  le  nouvel  éditeur  de  l'Iliade.  Wolf  nous  l'avons  déjà  dit,  ne  lui  est  nulle- 
ment sympathique.  Quant  à  Lachmann,  dont  l'opinion  sur  la  matière  est  pour  le 
moins  aussi  importante  que  celle  de  chacun  de  ceux  qui  servent  à  M.  P.  soit  de 
bouclier,  soit  de  cible,  il  ne  veut  pas  même  en  entendre  parler.  Il  ne  mentionne 


I.  Aristomci  Trôpl  Sr;|i£Mi)v  "Diaco;  «/i^uwe  emendatioreSj.Gotting.  1855,  préface,  p.  V]. 
«  Is  autem  qui  Bdkeri  et  Villoisonis  cditionibus  inter  se  comparatis  non  intelligit  quanta  etiam 
»  in  hac  rc  Bekkeri  sint  merita,aut  in  hoc  gcnerc  omnino  nil  intelligit  aut  malignusest.  »  Il  est  du  reste 
facile  de  se  convaincre  que  partout  c'est  l'édition  de  Bekker  qui  a  servi  à  M.  P.  On  peut 
comparer  à  cet  égard  N  246,  555,  426,  H  216,  P  J99,  etc.  Dans  !e  premier  de  ces 
passages  M.  P.  propose  de  changer  deux  fois  en  toû  la  leçon  -rry  que  donnent  Villoison  et 
Bekker.  La  correction  est  parfaitement  superflue  :  il  faut  reprendre  avec  Tfjv  le  mot 
vsv.7.r;v  qui  précède.  Voici  ce  que  veut  dire  le  scholiasie  «  à  côté  du  génitif  ).c6-/to;  il  y  a 
«^  le  nom  propre  Aso'/reyç,  et  non  pas  Asuveû;.  b  Ajoutons  encore  que  le  texte  des  scholies 
n'est  pas  toujours  exactement  cité.  î  272  M.  P.  omet  l'article  devant  cûc-a^rw.  Dans  la 
note  du  v.  576  il  met  y.^-^xi  au  lieu  de  /.ç-niitù!;  que  donnent  Villoison  et  Bekker. 


324  REVUE   CRITIQUE 

Lachmann  et  son  école  (t.  I,  p.  cj)  que  pour  déclarer  qu'il  n'en  sera  pas  ques- 
tion et  cela  pour  l'excellente  raison  que  voici:  «que  d'ailleurs  leurs -exagérations 
»  n'ont  eu  qu'un  médiocre  succès.  »  Mettre  les  gens  à  la  porte  est  une  manière 
d'avoir  raison  commode  et  malheureusement  assez  répandue;  seulement  autre 
chose  est  de  les  réfuter.  Il  ne  faut  pas  du  reste  s'en  étonner.  Les  arguments 
invoqués  par  M.  P,  soit  dans  ses  notes,  soit  dans  son  introduction,  pour  écarter 
tout  ce  qui  ne  cadre  pas  avec  ses  propres  idées,  sont  très-fréquemment  de  cette 
force.  Croit-il  prouver  quelque  chose,  par  exemple,  lorsqu'il  parle  (p.  609,  n.  3) 
de  «  vieilleries  wolfiennes  ?  »  On  serait  presque  tenté  de  supposer,  en  face  d'une 
pareille  expression  que,  dans  le  camp  des  conservateurs  quand  même,  le  mot 
d'ordre  a  été  récemment  changé.  Il  n'y  a  pas  déjà  si  longtemps  que  ces  «  vieil- 
«  leries  »  d'aujourd'hui  y  étaient  repoussées  avec  énergie  comme  des  «  nouveautés 
»  dangereuses.  »  J'ai  beau  y  réfléchir  du  reste,  je  ne  parviens  pas  à  trouver 
plus  de  force  probante  à  l'une  plutôt  qu'à  l'autre  de  ces  expressions.  En  défini- 
tive il  n'y  a  d'autre  «  vieillerie  »  en  tout  ceci  que  l'erreur  si  commune  qui 
,  consiste  à  prendre  pour  une  preuve  une  assertion  avancée  d'un  ton  un  peu 
cavaHer.  Pour  ma  part  je  refuserai  toujours  de  regarder  comme  des  arguments 
des  assertions  dans  le  genre  de  celle-ci  (p.  572,  n.  i)  :  «  nous  savons  de  science 
.5)  certaine  qu'Aristarque  avait  restitué,  autant  que  faire  se  pouvait,  l'Homère 
)>  qu'avaient  en  main  les  contemporains  d'Eschyle  et  de  Pindare,  »  ou  bien 
encore  (p.  610)  :  «  les  légendes  de  Pisistrate  ne  comptent  pas  ou  du  moins  ne 
»  doivent  pas  compter.  »  A  propos  de  cette  fin  de  non  recevoir,  opposée  à  ce 
qui  formera  toujours,  n'en  déplaise  à  M.  P.,  le  nœud  de  la  question  homérique, 
qu'on  me  permette  de  rappeler  ce  qu'écrivait  naguère  dans  cette  Revue  même 
(ci-dessus,  p.  49)  un  homme  dont  la  réputation  n'est  plus  à  faire  et  qui  s'est  tout 
récemment  encore  acquis  de  nouveaux  droits  à  la  reconnaissance  des  hellénistes 
français  par  son  édition  d'Euripide  publiée  dans  la  collection  même  dont  fait  partie 
l'Iliade  de  M.  Pierron.  Voici  ce  que  disait  M.  H.  Weil  à  propos  d'une  attaque 
dirigée  contre  Wolf  et  contre  Lachmann  par  un  jeune  savant  qui,  lui  aussi, 
croyait  pouvoir  faire  usage  de  l'épée  dont  Alexandre  s'est  servi  à  Gordium  :  «  La 
»  fameuse  rédaction  de  Pisistrate  a  été  le  point  de  départ  des  théories  sceptiques. 
»  Pour  mieux  en  finir  M.  Nutzhorn  nie  que  cette  rédaction  ait  jamais  eu  lieu. 
»  Le  remède  est  radical  :  il  est  bien  d'un  jeune  homme.  »  Nous  osons  recom- 
mander à  M.  P.  le  reste  de  l'article  :  à  peu  de  chose  près  on  le  dirait  écrit  à 
son  intention.  Sur  le  terrain  de  la  science  toutes  les  opinions  sérieuses  sont 
libres  :  à  condition  de  se  produire  appuyées  de  preuves.  Qu'on  ne  partage  ni  les 
idées  de  Wolf,  ni  celles  de  Lachmann,  qu'on  préfère  retourner  en  arrière,  certes 
on  en  a  le  droit.  Mais  qu'on  se  garde  de  croire  que  l'on  peut  causer  le  moindre 
tort  aux  opinions  de  ses  adversaires  en  ayant  recours  à  de  simples  dénégations 
ou  à  des  affirmations  réitérées,  dût-on  les  couronner  parce  cri  de  victoire,  assez 
prétentieux  d'ailleurs,  par  lequel  M.  P.  termine  son  ouvrage  :  «  nous  avons 
»  Homère  !  »  Dieu  merci  nous  l'avons,  mais  quant  au  problème  débattu  depuis 
la  fin  du  dernier  siècle,  sa  solution  ne  saurait  être  avancée  d'un  seul  pas  par 
des  tentatives  comme  celle  dont  il  s'agit. 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE.  325 

Nous  n'ajouterons  que  peu  de  mots  sur  le  commentaire.  Le  but  spécial  de 
M.  P.  une  fois  admis,  je  reconnais  volontiers  que  son  travail  contraste  avanta- 
geusement avec  cette  masse  de  publications  sans  valeur  consacrées  chez  nous  à 
faire  connaître  les  œuvres  de  la  littérature  grecque.  Cependant  il  ne  suffit  pas 
toujours  de  sortir  de  l'ornière  pour  se  trouver  immédiatement  sur  le  bon 
chemin.  M.  P.  parle  lui-même  (Jntrod.  p.  cxlv)  des  «  proportions  en  apparence 
»  énormes  de  son  commentaire.  «  Si  c'est  là  un  inconvénient,  il  n'eût  pas  été 
trop  difficile  d'y  porter  remède,  et  cela  sans  rien  sacrifier  d'utile.  Il  y  aurait  eu 
d'abord  tout  avantage  à  résumer  les  points  principaux  relatifs  à  la  langue  et  à  la 
versification  homériques,  sauf  à  y  renvoyer  quand  l'occasion  s'en  présentait;  on 
évitait  ainsi  bien  des  redites.  Que  M.  P.  ait  ensuite  mêlé  la  critique  verbale  du 
texte  à  l'explication ,  cela  n'est  que  la  conséquence  naturelle  du  plan  qu'il  a 
adopté.  J'aurais  même  compris  à  ce  sujet  qu'il  eût  été  plus  complet  dans  l'indi- 
cation de  toutes  les  variantes  antérieures  à  Aristarque  ' .  Mais  pourquoi  perdre  son 
temps  et  sa  peine  à  réfuter  dans  une  foule  de  cas  les  changements  arbitraires 
proposés  par  Bothe  ?  Il  y  a  des  critiques  dont  les  erreurs  même  sont  instructives, 
Bentley  p.  ex.,  mais  on  peut  hardiment  abandonner  à  ceux  qu'une  pareille  étude 
intéresse  et  qui  en  ont  le  loisir,  le  soin  de  rechercher  dans  les  éditions  de  Bothe 
lui-même  jusqu'à  quels  abus  peut  conduire  la  manie  de  la  critique  conjecturale. 
Un  autre  moyen  d'épargner  la  place  eût  été  d'adopter  un  système  uniforme  pour 
désigner  des  textes  fréquemment  cités.  Pourquoi  parler  des  scholiastes  A,  B,  L, 
tandis  que  le  scholiaste  connu  de  tous  ceux  qui  s'occupent  d'études  homériques 
comme  le  scholiaste  V,  est  désigné  constamment  en  toutes  lettres  «  le  scholiaste 
»  de  Pierre  Victorius?»  C'est  là,  dira-t-on,  une  vétille.  Je  le  veux  bien.  Mais  ce 
qui  me  semble  moins  facile  à  justifier,  c'est  la  manière  souvent  prolixe  dont  M.  P. 
a  rédigé  ses  notes.  Nous  citerons  au  hasard  comme  exemple  du  genre  la  note  sur 
N  237  :  M.  P.  commence  par  une  simple  paraphrase  de  la  note  de  Heyne  pour 
constater  ce  fait,  que  les  philologues  modernes  (il  aurait  pu  ajouter  les  anciens) 
se  sont  beaucoup  disputés  sur  le  sens  de  ce  passage,  et  cela  sans  qu'aucun  d'eux 
semble  avoir  connu  la  paraphrase  d'Aristarque  conservée  dans  le  lexique  d'Apol- 
lonius. Je  comprends  d'autant  moins  l'utilité  de  cette  observation  que  le  passage 
d'Apollonius  se  trouve  cité  chez  Heyne,  tout  aussi  bien  que  dans  la  seconde 
édition  de  M.  Lehrs  p.  154.  —  Ailleurs  certains  détails  méritaient  bien  d'être 
ajoutés.  Ainsi  il  n'aurait  pas  été  superflu  de  dire  que  les  vers  i  1 54  ss.,  tels  que 
les  avait  constitués  Zénodote,  complètement  défigurés  par  le  scholiaste  ou  son 
copiste,  ont  été  corrigés  par  Heyne. 

Une  dernière  question  enfin.  Le  texte  donné  par  M.  P.  est-il,  comme  le  semble 
annoncer  le  titre,  conforme  à  l'une  ou  à  l'autre  des  recensions  d'Aristarque? 
Quelques  exemples  démontreront  le  contraire.  M.  P.,  z  4i6,donne£-:vat2Tau(7av. 


I.  Nous  ne  citerons  qu'une  seule  omission  de  ce  genre,  X  491  où  la  leçon  des  éditions 
des  villes  ne  se  trouve  pas  indiquée.  Pourquoi  ensuite  M.  P.  n'mdique-t-il  pas  les  variantes 
qu'offrent  les  citations  antérieures  aux  Alexandrins?  Est-ce  pour  ne  pas  faire  tort  à  sa 
thèse  sur  la  conformité  du  texte  d'Aristarque  avec  celui  des  contemporains  d'Eschyle? 


336  REVUE  CRITIQUE 

Aristarque  ici,  et  probablement  ailleurs,  se  conformant  avec  raison  à  l'analogie, 

avait  écrit  £Ù  vaterowaav,  COmme  l'atteste  Didyme  :  'ApwTapxo;,  StàToùovaiexowaav.— 

E  630,  le  texte  de  M.  P.  porte  tôvts?.  Nos  éditions  n'ont  pas  de  scholie  relative  à 
ce  vers,  mais  évidemment  il  faut  y  rapporter  celle  du  schol.  L  que  Bekker  et 
Bachmann  placent  au  vers  631,  où  elle  n'a  rien  à  faire  :  èv  xr,  éiépa  (c'est-à-dire 
l'une  des  recensions  d'Aristarque)  iovte  xEiiai.  Il  suffit  de  comparer  ce  que  dit 

Didyme  Z  1 2  I  :  lôvreç  •  ZtjVÔSoto;  xal  'ApiCTToçàv/jç  Suïxtoc  lôv-re ,  èv  oï  xoî;  è'[A7:poaO£v 
elp^xafAEV  'Aptfftàpxov  elvai  t/iv  ypaçiiv.  —  Les  SChoUeS  H  89,  409,  II  1 6,    P   161,    S 

5  37,  et  probablement  z  7  j ,  attestent  qu'Aristarque  orthographiait  xeôvYjiwç.  M.  P. 
donne  partout  T£6vr,w;,  sans  indiquer  de  motif. —  o  3  20,  Aristarque  écrivait  non  pas 
xaTEvtoTca  commel'écrit  M.  P.,  ce  qui  est  l'orthographe  d'Hérodien,  mais  ou  bien 
xaT'évwTta  OU  xaTEvwTia.  Cela  résulte  clairement  du  témoignage  d'Hérodien  lui- 
même,  des  schoHes  BL  et  de  celle  publiée  par  M.  Cramer,  Anecdota  Parisiensia, 
t.  III,  20,  28.  — N  382,  M.  P.  écrit  èeSvwTaC  et  cite  en  note  l'explication  d'Aris- 
tarque en  y  laissant  d'ailleurs  par  erreur  èedwzai.  Il  n'a  pas  vu  que  le  schol.  A 
dit  expressément  :  toûto  Sa  'ApioTrapxoç  Safruvsi,  de  sorte  qu'il  devait  donner  éeSvwraî. 
Il  ne  faudrait  rien  de  moins  que  refaire  tout  le  travail  de  M.  P.  pour  savoir  quel  est 
le  nombre  de  passages  de  ce  genre  dans  lesquels,  sans  aucun  avertissement  de 
sa  part,  il  s'éloigne  du  texte  d'Aristarque  tel  que  nous  l'attestent  des  documents 
irrécusables  ■ .  Ailleurs  du  reste  il  s'en  sépare  sciemment,  comme  p.  ex.  N  29,  où 
il  lit  Y-o6oauvvi  en  faisant  observer  que  c'est  la  leçon  d'Aristophane  de  Byzance 
rétablie  par  Hérodien,  tandis  qu'Aristarque  avait  écrit  yrfioawr^.  Sans  doute, 
comme  M.  P.  le  dit,  le  sens  reste  le  même;  mais  que  devient  la  récension 
d'Aristarque?  En  général  je  suis  assez  porté  à  croire  que  M.  P.  ne  s'est  rendu 
suffisamment  compte  ni  des  difficultés  de  son  entreprise,  ni  des  obligations 
qu'elle  lui  imposait.  A  cet  égard  nous  citerons  un  seul  exemple  qui  nous  paraît  con- 
cluant. Q  701 ,  M.  P.  lit  é(7T£wx'  d'après  l'autorité  de  Didyme  :  écjTaôx'  •  'AptorTapxoç 
êa-T£WT'.  Soit  :  mais  ne  serait-il  pas  étonnant  que  sur  les  dix-huit  fois  que  cette 
forme  se  rencontre  dans  l'Jliade  au  commencement  du  vers,  Aristarque  eût 
écrit  dix-sept  fois  éaxaoxa  et  une  seule  fois  ÉcrxEwxa  ?  Évidemment  il  faut  choisir  : 
ou  bien  en  déniant  toute  autorité  au  témoignage  du  schol .  V,  cité  tout  à  l'heure, ou  bien 
en  faisant  comme  Bekker  qui  a  rétabli  partout  icne&z'  ou  éctxew;,  auquel  Aristarque 
paraît  avoir  donné  la  préférence  par  la  raison  qu'il  tâchait  d'introduire  partout 
le  spondée  comme  premier  pied  du  vers.  A  supposer  que  le  but  que  s'est  proposé 
M.  P.  puisse  être  atteint,  et  pour  ma  part  j'ai  quelque  doute  à  ce  sujet,  il  ne 
faudrait  jamais  se  séparer  de  celui  qu'on  a  choisi  pour  guide,  surtout  aussi 
en  ce  qui  concerne  les  athétèses  opérées  par  lui.  Il  suffit  d'une  seule  exception 
à  cette  règle,  et  il  y  en  a  beaucoup  chez  M.  P.,  pour  ouvrir  la  porte  à  toutes 
les  hardiesses  de  la  critique  moderne.  Ici  comme  partout  il  faut  savoir  se  décider 

I.  Nous  nous  contenterons  de  citer  encore  S  412,  où  M.  P.  écrit  PfêXiixstv.  Evidem- 
ment c'est  p£6),r//.£i  qu'avait  écrit  Aristarque.  Cela  résuhe  clairement  de  ce  que  dit  le 
schol.  A  :  oÛTW?  £^(1)  xoù  v  pEéXi^Xct,  xat  âv£u  xoû  £.  Zr;v6ôoxo4  xaî  'Apiuxoçâvr,;  «ryv  xtô  v 
^EêXrjxetv.  Je  n'hésite  pas  à  prétendre  que  chez  le  même  scholiaste  X  36:  'Aptaxapxo; 
é'ffXYJxet  aveu  xoù  t,  au  lieu  de  i  il  faut  lire  v. 


d'histoire  et  de  littérature.  527 

entre  l'autorité  et  le  libre  examen.  M.  P.  se  déclare  hautement  en  faveur  de 
l'autorité,  pourquoi  alors  n'abdique-t-il  pas  complètement  sa  liberté  ? 

Emile  Heitz. 


232.  —  Ricerche  intorno  al  libro  di  Sindibad  per  Domenico  Comparetti, 
professore  nella  regia  Università  di  Pisa.  Milano,  coi  tipi  di  G.  Bemardoni,  1869. 
Gr.  in-4-,  54  p. 

On  a  déjà  fait  bien  des  recherches  sur  le  livre  qui  est  le  sujet  de  ce  travail 
depuis  les  premières  études  de  Loiseleur-Deslongchamps  ' ,  mais  tout  ce  qui  a 
été  écrit  sur  les  rédactions  orientales  du  Livre  des  Sept  Sages  est  tellement 
dépassé  par  la  dissertation  de  M.  Comparetti,  qu'on  peut  dire  que  l'étude 
scientifique  du  sujet  commence  réellement  avec  ce  livre.  Nos  lecteurs  nous  sau- 
ront gré  de  leur  faire  connaître  les  principaux  résultats  de  cet  excellent  travail, 
d'autant  plus  que  le  tirage  à  part  que  nous  avons  sous  les  yeux  ne.  sera  proba- 
blement pas  mis  dans  le  commerce. 

Commençons  par  rappeler  le  sujet  de  ce  livre,  duquel  on  a  pu  dire  que  pour 
la  popularité  pendant  des  siècles  «  il  atteint  les  livres  saints  des  chrétiens  et 
dépasse  tous  les  livres  classiques.  »  Un  roi  a  un  fils,  confié  à  un  sage  maître, 
qui  le  renvoie  à  son  père  quand  il  a  ^^ngt  ans  :  les  astres  ont  appris  au  maître 
que  son  élève  est  perdu  s'il  parle  avant  sept  jours  à  dater  de  son  arrivée  à  la 
cour.  On  s'étonne  de  ce  mutisme;  la  favorite  (ou  femme)  du  roi  promet  défaire 
parler  le  jeune  homme  :  mais  en  réalité  elle  lui  fait  des  propositions  qui  lui  inspi- 
rent une  telle  horreur,  qu'il  rompt  le  silence  imposé  pour  la  menacer  de  la  faire 
punir  au  bout  des  sept  jours.  Effrayée,  elle  l'accuse  auprès  du  roi  d'avoir  voulu 
la  violer.  Sept  sages  (vizirs)  conseillers  du  roi  décident  de  sauver  la  \ne  du 
prince,  qui  est  redevenu  muet.  Chaque  jour  la  favorite  raconte  -au  roi  une  his- 
toire qui  le  décide  à  condamner  son  fils  au  feu,  —  mais  chacun  des  sages  en 
raconte  successivement  deux,  qui  le  déterminent  à  suspendre  l'exécution.  Enfin 
le  septième  jour  le  prince  parle,  son  maître  arrive  à  la  cour ,  et  c'est  la  favorite 
qui  est  punie.  —  Le  grand  attrait  de  ce  récit  est  moins  dans  le  cadre  que  dans 
les  contes  qui  y  sont  intercalés,  et  dont  plusieurs  cependant  sont  ou  grossiers 
ou  insignifiants,  et  n'ont  d'ailleurs  que  peu  de  rapport  avec  le  but  qu'ils  se  pro- 
posent. En  Occident  cette  histoire  subit  de  très-grandes  modifications ,  et  les 
contes  intercalés  surtout  furent  presque  tous  remplacés  par  d'autres. 

M .  Comparetti  commence  par  séparer  bien  nettement  le  groupe  occidental  du 
groupe  oriental,  et  émet  en  passant  l'opinion,  que  nous  partageons  pleinement, 
que  les  rédactions  occidentales  proviennent  de  la  tradition  orale  et  non  d'inter- 
médiaires écrits.  Il  laisse  d'ailleurs  tout-à-fait  de  côté  ces  rédactions  et  ne  s'oc- 

i .  M.  C.  ne  paraît  pas  avoir  connu  le  travail  le  pins  récent  qui,  à  ma  connaissance, 
ait  paru  sur  le  sujet  :  Lindau,  Die  QucUtn  des  Decamerone,  p.  10-28.  Je  ne  le  regrette 
pas  :  bien  que  le  travail  de  M.  Lindau  ait  été  fait  avec  soin,  il  est  plein  d'erreurs,  comme 
on  le  voit  par  celui  de  M.  Comparetti,  et  celui-ci  se  serait  peut-être  cru  obligé  de  les 
réfuter,  ce  qui  aurait  été  de  la  peine  perdue. 


328  REVUE    CRITIQUE 

cupe  que  des  versions  orientales.  Celles-ci  comprennent  :  10  une  rédaction  per- 
sane perdue,  représentée  par  la  traduction  grecque  d'une  traduction  syriaque 
perdue  '  ;  l'auteur  persan  s'appelait  Musa,  le  traducteur  grec  Michel  Andreo- 
poulos  ;  on  désigne  cette  rédaction  sous  le  nom  de  Syntipas,  nom  du  maître  du 
jeune  prince  ;  2°  une  rédaction  arabe  perdue ,  représentée  par  une  version 
hébraïque,  connue  sous  le  nom  de  Sendabar  (forme  qui  provient  d'une  faute  de 
lecture  d'un  scribe  pour  Sendabad);  3°  un  poème  persan  inédit,  mais  dont  il 
existe  une  analyse,  le  Sindibad-Nameh,  écrit  en  1 375;  4°  une  rédaction  persane 
du  commencement  du  xiv''  siècle,  formant  la  huitième  nuit  du  Tûti-Nameh  ou 
Livre  du  perroquet  de  Nachschebî ,  et  traduite  en  allemand  puis  en  italien  par 
MM.  Brockhaus  et  Teza;  50  les  Sept  Vizirs,  texte  arabe  peu  ancien  qui  se  trouve 
dans  quelques  éditions  des  Mille  et  une  Nuits;  6°  un  texte  arabe  perdu,  repré- 
senté par  une  traduction  espagnole  faite  en  1253  et  publiée  pour  la  première  fois 
par  M.  C.  à  la  suite  de  son  mémoire  ^.  On  a  jusqu'à  présent  spéculé  plus  ou 
moins  ^u  hasard  sur  le  rapport  de  ces  textes  les  uns  avec  les  autres.  La  base 
des  recherches  est  fournie  par  les  deux  faits  suivants  ;  Masudi  et  un  autre  écri- 
vain arabe,  Mohammed  Ibn-el-Meddim  el-Werrak,  parlent  du  Hvre  comme  exis- 
tant au  x^  siècle  de  notre  ère;  l'original  était  sanscrit.  —  Partant  de  là,  M.  C. 
prend  les  six  versions  citées  plus  haut,  qui  sont  toutes  postérieures  au  x'  siècle, 
et  dont  aucune  n'est  sanscrite,  et  cherche  en  les  comparant  à  reconstituer  leur 
original  commun.  C'est  un  travail  aussi  solide  qu'ingénieux,  et  dont  le  résultat 
est  désormais  acquis  à  le  science.  Ce  résultat  est  en  gros  celui-ci  :  le  plus  fidèle 
représentant  du  texte  primitif  est  le  grec  Syntipas,  qui  contient  toutes  les  histoires 
de  ce  texte  primitif;  ensuite  vient  le  texte  espagnol,  qui  est  à  peu  près  absolu- 
ment semblable,  si  ce  n'est  que  le  copiste  de  notre  unique  ms.  a  sauté  par  dis- 
traction une  histoire  (la  huitième),  et  qu'il  s'en  trouve  une  de  plus,  qui  est  sans 
doute  une  addition  du  traducteur  espagnol.  Le  Sendabar  hébreu,  très-fidèle  en 
général,  change  l'ordre  de  plusieurs  récits,  en  supprime  sept  et  en  donne  quatre 
nouveaux  ;  le  Sindibad-Nameh  change  tout-à-fait  l'ordre ,  supprime  sept  récits  et 
en  ajoute  six;  le  conte  des  Mille  et  une  Nuits  suit  d'assez  près  l'ordre  du  Syntipas 
et  du  livre  espagnol,  mais  il  supprime  six  contes  et  en  ajoute  neuf;  quant  à 
Nachschebî,  il  ne  donne  que  six  des  contes  du  Syntipas.  Ainsi  est  reconstitué 
d'une  façon  définitive  l'original  de  toutes  les  rédactions  orientales.  M.  C.  explique 
ensuite  de  plus  près  pour  chacune  d'elle  en  quoi  et  pourquoi  elle  diffère  des 
autres.  Cette  investigation  faite  de  main  de  maître  remplit  le  premier 
chapitre. 

Une  question  des  plus  intéressantes  est  l'objet  du  second.  Nachschêbi,  comme 
on  vient  de  le  voir,  ne  donne  que  six  contes,  c'est-à-dire  que  les  vizirs,  au  lieu 

1.  M.  Rœdiger  a  publié  dans  sa  Chrestomathia  Syriaca  un  conte,  dont  M.  Lasinio  a 
fourni  la  traduction  à  M.  Comparetti;  mais  il  est  douteux  que  ce  soit  Toriginai  même  du 
grec  (voy.  p.  jj). 

2.  Cette  traduction  est  publiée  d'après  une  copie  fournie  à  M.  Comparetti  par  M. 
Amador  de  los  Rios;  le  ms.  est  mauvais,  et  la  copie  semble  aussi  assez  fautive  (p.  ex. 
p.  I  pesas  pour  pesar,  vorlad  pour  vcrtad,  etc.);  ce  n'en  est  pas  moins  de  toutes  façons 
un  texte  précieux^  qui  ajoute  encore  de  la  valeur  à  l'ouvrage  de  M.  C. 


d'histoire  et  de  littérature.  329 

de  raconter  deux  histoires,  n'en  disent  qu'une,  et  que  la  favorite  n'en  raconte 
pas  du  tout.  On  avait  vu  dans  cettre  brièveté  la  preuve  d'une  antiquité  plus 
grande,  et  on  pensait  généralement  que  Nachschebi  avait  traduit  directement 
l'original  sanscrit,  qui  s'était  amplifié  dans  les  autres  versions.  M.  C.  démontre 
péremptoirement  qu'il  n'en  est  rien,  et  que  Nachschebi  a  simplement  choisi, 
dans  l'ensemble  des  contes,  les  six  qu'il  a  traduits  et  qui  sont  toujours  les 
secondes  histoires  des  vizirs,  parce  que  ces  six  contes  se  retrouvaient  dans  le 
Çukasaptati,  le  livre  sanscrit  qui  est  la  source  de  son  Tûti-Nameh;  mais  dans  le 
Çukasaptati  il  n'est  pas  question  du  récit  qui  forme  le  cadre  de  notre  histoire  des 
Sept  Sages.  Ces  points  établis,  M.  C.  va  plus  loin,  et  met  à  peu  près  hors  de 
doute  les  faits  suivants  :  le  livre  primitif  de  Sindibad  ne  contenait  pas  ces  secondes 
histoires  des  vizirs,  et  en  effet  il  est  bien  plus  naturel  de  supposer  qu'à  chaque 
histoire  dite  par  la  favorite  répond  seulement  une  histoire  dite  par  un  des  vizirs. 
Un  copiste  quelconque,  ayant  lu  ces  six  histoires  dans  le  Çukasaptati,  les  ajouta 
aux  premières  (qui  ne  se  retrouvent  pas  dans  le  Çukasaptati) ,  et  pour  faire  la 
septième  il  prit  l'histoire  qui  sert  de  cadre  dans  le  Çukasaptati  {le  Mari,  la  Femme 
et  le  Perroquet).  Cette  interpolation  dut  se  faire,  suivant  M.  C,  non  pas  en 
Inde,  mais  dans  une  traduction  persane  qui  puisait  sans  doute  dans  la  traduction 
de  Çukasaptati,  qui  servit  plus  tard  à  Nachschebi  :  la  rédaction  interpolée  fit 
disparaître  l'autre,  et  c'est  elle  qui  est  la  source  commune  de  toutes  les  versions 
orientales,  restituées  dans  le  premier  chapitre.  Nachschebi,  travaillant  à  sa  façon 
l'ancien  Tuîi-Nameh  (traduction  du  Çukasaptati)  et  trouvant  ces  six  histoires  à  la 
suite  l'une  de  l'autre,  en  fit  une  nuit  à  part,  en  les  rangeant  dans  le  cadre  du 
livre  de  Sindibad,  où  il  se  souvenait  de  les  avoir  également  lues;  seulement  il 
ne  pouvait  faire  comme  l'interpolateur  de  Sindibad,  qui  avait  mis  dans  la  bouche 
d'un  des  vizirs  l'histoire  qui  est  le  cadre  du  Çukasaptati,  puisque  cette  histoire 
était  également  le  cadre  de  son  Tuti-Nameh;  de  là  ce  fait  singulier  que  chez  lui, 
bien  qu'il  y  ait  sept  vizirs,  il  n'y  en  a  que  six  qui  racontent  des  histoires.  —  N'est- 
il  pas  bien  intéressant  de  pouvoir  retrouver  ainsi  par  l'induction  seule ,  —  et  on 
peut  le  dire  à  coup  sûr,  —  les  procédés  de  composition,  les  inventions  et  jus- 
qu'aux hésitations  de  ces  conteurs  si  éloignés  de  nous  ? 

Le  chapitre  III,  sur  l'âge  du  Syntipas  et  de  la  version  hébraïque,  nous  apporte 
des  découvertes  d'un  tout  autre  genre.  Le  traducteur  grec  se  nomme,  avons- 
nous  dit  plus  haut,  Michel  Andreopoulos.  A  quelle  époque  vivait-il  ?  Il  dit  dans 
son  prologue  qu'il  était  grammairien  (vpaîiaaT'.xwv  la/aTo;)  et  qu'il  a  été  chargé  de 
son  ouvrage 

ôo'jxô;  (JïêacToy  7r6),£ti>ç  [ic).(i>vJ{xou. 

On  s'est  jusqu'à  présent  peu  soucié  de  ce  passage  pour  fixer  la  date  de  l'ou- 
vrage; ceux  qui  s'en  sont  occupés  ont  suivi  Matthaei,  éditeur  du  Syntipas,  qui, 
ne  comprenant  pas  ujXwwfioy,  l'a  tout  simplement  corrigé  en  MeJevCx^j-j,  sans  se 
demander  si  Melenicum  avait  un  duc.  M.  C.  prouve  que  le  Gabriel  en  question 
ne  peut  être  que  Gabriel,  duc  de  Mélitène  en  Cappadoce  (toXïwç  lisXwvyiiov),  qui 
avait  reçu  de  l'empereur  de  Byzance  le  titre  de  Sebastos  (ôoyxô;  ctêa^m),  et  qui, 


3  30  REVUE    CRITIQUE 

en  1 100,  malgré  les  secours  que  lui  donna  Boémond,  perdit  sa  ville  qui  fut  prise 
parles  Turcs  :  donc  Andreopoulos  a  fait  sa  traduction  avant  la  fin  du  xi'  siècle  à 
Mélitène,  ville  très-voisine  des  pays  de  langue  syriaque  et  en  relation  fréquente 
avec  eux.  —  Quant  au  Sendabar  hébraïque,  M.  C.  soutient  avec  beaucoup  de 
vraisemblance  contre  M.  Benfey  que  l'auteur,  appelé  Joël  par  un  manuscrit,  peut 
fort  bien  être  le  même  que  le  rabbin  Joël  qui  traduisit,  en  1250,  le  livre  de 
Calila  et  pimna  (version  arabe  provenant  du  Pantschatantra),  si  souvent  associé 
au  Livre  des  Sept  Sages. 

Ce  n'est  pas  tous  les  jours  qu'on  a  le  plaisir  de  lire  des  travaux  d'histoire  litté- 
raire comme  celui  que  nous  venons  d'analyser  brièvement.  La  méthode  la  plus 
sûre  y  est  appliquée  par  un  esprit  à  la  fois  pénétrant  et  sage,  les  résultats  sont 
exposés  avec  une  clarté  parfaite.  Quels  progrès  rapides  ferait  l'histoire  comparée 
des  littératures  si  elle  avait,  pour  exploiter  son  riche  domaine,  beaucoup  de  tra- 
vailleurs comme  le  savant  professeur  de  Pise  ! 

G.  P. 


233.  —  Ueber  Dante's  Schrift  de  vulgari  eloquentia.  Nebst  einer  Untersuchung  des 
Baues  der  Danteschen  Canzonen,  von  Eduard  Bœhmer.  Halle,  Buchhandlung  des 
Waisenhauses,  1868.  In-8*,  50  p. 

L'opuscule  de  Dante  sur  l'éloquence  vulgaire  n'a  pas  jusqu'à  présent  attiré 
l'attention  autant  qu'il  le  mérite  :  c'est  pourtant  à  coup  sûr  un  sujet  d'étude  des 
plus  intéressants.  On  n'y  rencontre  pas  seulement  des  idées  grammaticales  extrê- 
mement originales  et  caractéristiques,  et  des  renseignements  intéressants  sur  les 
dialectes  de  l'Italie  au  xiii''  siècle;  on  y  trouve  aussi,  si  on  sait  en  tirer  parti,  les 
éclaircissements  les  plus  précieux  sur  les  œuvres  du  poète  lui-même.  M.  Bœhmer 
a  exprimé  de  ces  pages  curieuses  tout  ce  qu'elles  contiennent  d'essentiel  dans  un 
travail  succinct  et  complet  qu'on  peut  donner  pour  un  modèle  des  études  de  ce 
genre.  Il  fixe  d'abord  la  date  où  l'ouvrage  a  été  composé  (à  Bologne,  de  1 304 
à  1306),  donne  ensuite  une  analyse  substantielle  des  deux  livres  qui  seuls  ont 
été  écrits  (il  devait  y  en  avoir  au  moins  cinq,  p.  40),  indique  en  passant  les 
sources  où  Dante  a  puisé  et  explique  les  obscurités  fréquentes  du  texte,  et  ter- 
mine en  appliquant  aux  Canzoni  du  poète  les  règles  de  critique  contenues  dans  le 
traité  qu'il  vient  d'analyser. 

Donnons  une  idée  de  l'intérêt  et  de  la  nouveauté  de  ce  travail.  Après  avoir 
exposé  ses  théories  bizarres  sur  les  langues  en  général  et  en  particulier  sur  le 
rapport  du  vulgaire  latin  (italien)  avec  la  grammaire  (latin  classique),  Dante 
caractérise  et  classe  les  différents  dialectes  populaires  de  l'Italie  et  déclare 
qu'aucun  d'eux  ne  représente  ce  qu'il  appelle  le  vulgaire  illustre,  c'est-à-dire  la 
langue  littéraire  élevée,  langue  qui  ne  se  parle  nulle  part,  mais  qui  résulte  de  la 
convention  des  excellents  esprits  du  pays  entier.  Au-dessous  du  vulgaire  illustre, 
qui  est  pour  ainsi  dire  l'idéal  de  la  langue  du  pays  entier,  se  placent  les  grands 
dialectes,  comme  le  lombard  ou  le  toscan,  embrassant  de  vastes  provinces,  et 
enfin  au  dernier  degré  les  idiomes  municipaux,  propres  à  une  ville  ou  à  un  petit 
district.  —  Le  second  livre  traite  de  l'application  à  la  poésie  de  celte  langue 


d'histoire  et  de  littérature.  jji 

vulgaire  ainsi  définie.  L'homme  a  trois  vies,  la  vie  végétative,  la  wie  animale,  la  vie 
rationnelle  :  la  vie  végétative  a  pour  but  la  conservation,  la  vie  animale  la  jouis- 
sance, la  vie  rationnelle  la  vertu.  La  poésie  vulgaire',  suivant  qu'elle  répond  à 
une  de  ces  trois  vies,  chante  les  armes,  ou  Vamour,  ou  Vhonneur  (rectitudo,  direc- 
tio  voluntatis).  Cette  dernière  poésie  est  la  plus  noble  de  toutes  ;  elle  a  pour  forme 
propre  la  Canione;  son  style  est  le  style  tragique.  Le  style  tragique  n'admet  que 
le  vulgaire  illustre;  tandis  que  le  style  élégiaque,  le  plus  bas  de  tous,  se  contente 
du  vulgaire  municipal,  et  le  style  comique  admet  le  vulgaire  provincial  et  municipal. 
—  En  traitant  de  la  Canzone,  Dante  signale  tout  ce  qu'elle  doit  éviter;  il  en 
écarte  sévèrement  les  idiotismes  locaux,  les  mots  trop  rudes  ou  trop  mous,  etc.; 
la  plupart  des  traits  qu'il  condamne  se  retrouvent  dans  son  grand  poème  ;  cela 
tient,  comme  le  remarque  fort  bien  M.  B.,  à  ce  que  ce  poème  n'est  pas  écrit  en 
vulgaire  illustre,  et  c'est  pour  bien  indiquer  le  style  dans  lequel  il  est  fait  que 
Dante  l'a  appelé  Commedia.  Ce  point  est  si  intéressant  et  si  neuf  que  je  rapporte 
ici  la  page  entière  de  M .  Bœhmer  :  «  Puisqu'il  appelle  son  grand  poème  comédie, 
»  on  doit  s'attendre  à  ce  qu'il  n'y  emploie  pas  la  langue  illustre  des  Canzoni, 
»  mais  à  ce  qu'il  y  mêle  la  langue  provinciale  et  municipale.  Le  style  comique, 
»  pour  être  bon,  doit  être  un  mélange  de  la  langue  vulgaire  moyenne  (provin- 
j)  ciale)  et  ordinaire  (municipale).  Pour  traduire  convenablement  la  pensée  de 
»  Dante,  il  faudrait  dire  :  la  divina  commedia  est  écrite  non  pas  en  italien,  mais 
»  partie  en  toscan,  partie  en  florentin.  C'est  pour  cela  que  p.  ex.  il  emploie  les 
»  mots  introcque  Qnf.  XX,  130),  etmanicare  (~^  mangiare,  XXXIII,  60),  tandis 
»  que,  dans  le  vulg.  eloq.  I,  1 3,  il  cite  manichiamo  introcque  comme  des  floren- 
»  tinismes,  dans  le  passage  où  il  rassemble  plusieurs  locutions  également  propres 
»  aux  dialectes  municipaux  de  la  Toscane,  afin,  dit-il,  d'enlever  à  ses  compa- 
»  triotes  un  peu  de  cette  vanité  qu'ils  ont  de  croire  parler  l'italien  type.  Il 
M  repousse  (II,  7)  du  style  des  canzoni  les  mots  de  la  langue  des  enfants,  comme 
»  mamma,  babbo,  et  on  les  trouve  dans  la  Commedia,  ainsi  que  pappo  et  dindi; 
»  — ceux  de  la  langue  des  femmes,  et  la  comédie  donne  nanna;  —  ceux  des 
»  paysans,  p.  ex.  greggia,  et  on  le  lit  dans  son  poème  ;  —  les  mots  de  la  langue 
»  usuelle  trop  lisses,  comme  femina,  trop  rudes  comme  corpo,  et  tous  deux,  le 
»  second  surtout,  sont  fréquents  dans  la  Comédie:....  Jamais  dans  une  Canzone 
»  Dante  n'aurait  employé  des  diminutifs  familiers  comme  Bice,  Bindo,  Lapo,  etc., 
»  qu'on  trouve  dans  la  Comédie.  »  Les  conséquences  extrêmement  importantes 
qui  découlent  pour  l'appréciation  de  la  Divina  commedia  de  ce  point  de  vue  si 
juste  et  si  saisissant  ne  sauraient  être  même  indiquées  ici;  elles  n'échapperont 
pas  à  ceux  qui  sont  adonnés  à  l'étude  du  grand  poète  florentin 

Dans  ce  même  second  livre  Dante  donne  la  règle  de  la  versification  des  Can- 
zoni :  ces  règles  procèdent  soit  directement  de  la  métrique  provençale,  soit  de 
l'influence  allemande,  si  grande  à  l'origine  de  la  poésie  italienne  2,  soit  du  déve- 


1 .  L'histoire  appartient  à  la  grammaire,  qui  d'après  Dante,  ne  changeant  pas  comme  le 
vulgaire,  a  été  inventée  pour  transmettre  à  la  postérité  ie  souvenir  des  actions  .passées. 

2.  M.  B.  semble  disposé  à  restreindre  cette  influence  (p.  28,  n.   1);  je  ne  sais  si  les 
objections  qu'il  fait  à  M.  Wackernagei  sont  très-bien  fondées. 


Î32  REVUE   CRITIQUE 

loppement  propre  de  cette  poésie  et  souvent  sans  doute  de  l'invention  même  de 
Dante.  Jamais  génie,  remarquons-le  en  passant,  n'a  été  plus  conscient  et  moins 
spontané  que  Dante  :  de  même  qu'il  n'a  pas  écrit  un  mot  sans  en  avoir  pesé 
tous  les  sens,  de  même  il  n'a  pas  composé  une  strophe  sans  en  avoir  longuement 
médité  le  rhythme  (à  ce  dernier  point  de  vue  d'ailleurs,  comme  à  plusieurs 
autres,  il  est  le  fidèle  disciple  des  troubadours  du  xiii'=  siècle).  —  Après  avoir 
exposé  avec  une  clarté  aussi  grande  que  possible  ces  règles  de  composition  sy- 
métrique qui  sont  souvent  bien  obscures,  M.  B.  en  rapproche  les  Canzoni  du 
poète  lui-même,  et  montre  qu'elles  s'y  appliquent  avec  une  précision  merveil- 
leuse :  d'oià  il  suit  que  certaines  pièces,  attribuées  à  Dante  sans  preuve  suffisante, 
sont  démontrées  apocryphes  par  ce  seul  fait,  resté  jusqu'ici  complètement  ina- 
perçu, qu'elles  sont  en  contradiction  avec  les  lois  délicates  et  minutieuses 
que  Dante  a  formulées  dans  son  traité  et  qu'il  a  suivies  dans  ses  œuvres. 

En  résumé,  je  ne  puis  que  recommander  vivement  cette  plaquette  à  tous 
ceux  qui  s'occupent,  soit  de  Dante,  soit  même  en  général  de  la  poésie  lyrique 
du  moyen-âge.  J'ai  rarement  vu  en  un  espace  aussi  petit  autant  de  choses  inté- 
ressantes, nouvelles  et  bien  exposées. 

4.. 


234.  —  Franzœsich-englisches  etymologisches  'Wœrterbuch  innerhalb  des 
Lateinischen,  fur  Studierende  und  Lehrer  des  Franzœsischen  und  Englichen  an  hœheren 
Unterrichts-Anstalten,  von  D'  S.  Nagel.  Berlin,  Calvary.  Gr.  in-8*,  vj-378  p.  — 
Prix  :  1 2  fr. 

Ce  livre  est  destiné  à  l'enseignement  :  il  n'a  pas  de  prétentions  scientifiques. 
L'auteur  a  extrait  des  ouvrages  de  Diez,  Maetzner  et  MùUer  toutes  les  étymologies 
latines  assurées  de  mots  français  ou  anglais  et  les  a  disposées  dans  un  ordre 
nouveau,  qui  est  l'originalité  et  le  mérite  de  ce  volume.  Chaque  page  est  divisée 
en  deux  colonnes;  à  gauche  sont  les  mots  latins,  rangés  par  ordre  alphabétique, 
accompagnés  de  leurs  dérivés  ou  composés,  et  des  formes  intéressantes  du  bas- 
latin;  à  droite  les  mots  correspondants  français  ou  anglais  avec  leurs  dérivés.  Les 
mots  français  sont  en  caractères  romains,  les  anglais  en  italiques  ;  quand  un  mot 
appartient  aux  deux  langues,  il  est  imprimé  moitié  en  romains,  moitié  en  italiques. 
Latin,  anglais  et  français,  sont  traduits  très-brièvement,  mais  de  façon  à  faire  tou- 
jours comprendre  les  modifications  du  sens.  On  ne  peut  rien  voir  de  plus  simple, 
de  plus  ingénieux  et  de  plus  pratique,  et  on  peut  prédire  à  cet  utile  et  modeste 
travail  un  grand  succès  dans  les  écoles  allemandes. — Il  est  à  regretter  que  l'auteur 
ne  se  soit  pas  servi  du  dictionnaire  de  Littré,  qui  doit  sans  doute  beaucoup  à  Diez, 
mais  qui  est  cependant  original  en  bien  des  points,  et  qui  corrige  et  complète 
sans  cesse  le  Dictionnaire  étymologique.  M.  Nagel  ne  paraît  même  pas  avoir  lu  les 
ouvrages  secondaires  du  professeur  de  Bonn  ;  il  emprunte  au  Dict.  étymol.  des 
étymologies  que  le  maître  a  plus  tard  rétractées  (p.  ex.  chanceler).  —  Les  fautes 
d'impression  ne  sont  pas  rares,  quelques-unes  fâcheuses,  comme  edcre  pour 
edere. 


d'histoire  et  de  littérature.  555 

235.  —  Les  Songes  drolatiques  de  Pantagruel  où  sont  contenues  cent  vingt 
figures  de  l'invention  de  maître  François  Rabelais,  copiées  en  fac-similé  par  Jules  More! 
sur  l'édition  de  1 565  avec  un  texte  explicatif  et  des  notes  par  le  Grand  Jacques  (Gabriel 
Richard).  Paris,  chez  les  bons  libraires,  et  rue  des  Martyrs,  19.  Petit  in-S*,  xij-i2op. 
—  Prix  :  3  fr. 

Les  Songes  drolatiques,  assez  longtemps  délaissés,  sont  aujourd'hui  en  posses- 
sion d'attirer  vivement  l'attention  des  éditeurs.  Dans  l'espace  d'un  an,  nous  en 
avons  vu  surgir  trois  reproductions;  l'une  mise  au  jour  à  Genève,  par  M.  J.  Gay 
avec  une  préface  écrite  par  M.  Paul  Lacroix;  l'autre  publiée  par  M.  Edwin  Tross, 
et  celle  dont  nous  venons  de  transcrire  le  titre.  Les  deux  premières  sont  des 
livres  de  luxe,  tirés  à  petit  nombre,  la  dernière  est  à  l'usage  d'un  public  plus 
nombreux.  On  sait  combien  l'édition  originale,  mise  au  jour  en  1 565,  est  devenue 
rare  et  combien  elle  est  chère  ;  en  1 867,  un  exemplaire  s'étant  montré  à  la  vente 
de  M.  J.  Ch.  Brunet,  fut  porté  au  prix  de  1 500  francs.  ',  Pendant  plus  de  deux 
siècles,  personne  ne  songea  à  reproduire  ces  figures  grotesques.  Le  Duchat  n'eut 
pas  l'idée  de  les  placer  dans  sa  belle  édition  des  œuvres  de  Rabelais  (Amsterdam, 
1741.  5  vol.  in-4°),  et  ce  fut  vers  1797  seulement  que  le  libraire  Sulior  entreprit 
une  reproduction  qui  se  composa  de  60  planches  gravées  par  Malapran  et  deve- 
nues très-rares.  On  ne  sait  pas  positivement  si  la  suite  fut  terminée*.  Les  Songes 
drolatiques  ne  reparurent  en  totalité  que  dans  l'édition  dite  Variorum  mise  au  jour 
de  1825  à  1826,  par  MM.  Esmangart  et  Eloi  Johanneau  avec  des  commentaires 
beaucoup  trop  développés  et  des  explications  qui  n'ont  pas  eu  l'assentiment  des 
meilleurs  juges;  ils  en  forment  le  neu\nème  et  dernier  volume.  Les  éditions  de 
MM.  Gay  et  Tross  n'ont  point  de  commentaire  spécial  consacré  à  chaque  figure, 
mais  celle  de  1869  a  suivi  à  cet  égard  l'exemple  donné  en  1823;  elle  prétend 
indiquer  quel  est  le  personnage  que  le  dessinateur  a  eu  en  vue  dans  chacun  de 
ses  croquis.  Du  reste  sur  presque  tous  les  points  les  explications  sont  les  mêmes; 
l'édition  Variorum  reconnaît  le  pape  Jules  II  dans  vingt  et  une  planches  différentes 

(n°*  I,  3,  7,  15 118,  119);  l'éditeur  de  1 869  partage  cette  opinion;  il  en  est 

de  même  pour  la  plupart  des  types  dessinés  ;  il  s'écarte  sur  bien  peu  de  points 
de  l'avis  de  ses  devanciers;  cependant  la  figure  CXI  paraît  aux  yeux  de  MM.  Es- 
mangart et  Johanneau  un  «singulier  damoiseau  »,  lacé  comme  une  femme  et  très- 
probablement  un  des  oiseaux  gourraandeurs  du  livre  V.  chap.  V,  tandis  que  le 
Grand  Jacques,  rejetant  complètement  cette  interprétation,  voit  là  une  femme  qui 
peut  très-bien  être  une  de  ces  abeyesses  qui  peuplent  Vlsle  sonnante  ou  mieux  encore 
une  de  ces  cailles  coiphées  dont  il  est  parlé  dans  le  prologue  du  livre  IV.  Dans  la 
figure  XXXVI  où  l'édition  Variorum  reconnaît  Niphleseth,  reine  des  Andouilles, 
il  préfère  voir  la  Pragmatique  Sanction.  La  figure  LXVI  ne  lui  paraît  pas  une 


1.  Il  avait  été  adjugé  à  1 50  et  à  41 1  fr,  aux  ventes  Mac-Carthy  et  Nodier  en  1816  et 
en  1844;  c'est  un  des  nombreux  exemples  de  l'augmentation  très-sensible  qui  s'est  mani- 
festée sur  la  valeur  des  livres  rares. 

2.  L'éditeur  avance  que  ces  figures  furent  dessinées  en  Italie  par  Rabelais  lui-même 
dans  le  but  de  ridiculiser  les  premiers  personnages  de  l'époque  et  surtout  ceux  de  la  cour 
de  Rome.  Les  planches  sont  gravées  d'une  pointe  légère,  assez  bien  accentuée;  l'esprit 
des  originaux  n'est  pas  mal  rendu. 


534  REVUE  CRITIQUE 

allusion  à  Corneille  Agrippa ^  mais  à  un  charlatan  inconnu,  peut-être  le  médecin 
de  François  ï".  Il  serait  superflu  de  développer  ces  détails  minutieux.  Ici  se 
présente  une  question  qu'il  est  difficile  de  résoudre.  Rabelais  a-t-il  eu  quelque 
part  aux  Songes  auxquels  quelques  années  après  sa  mort,  l'imprimeur  Richard 
Breton  attacha  son  nom.  L'auteur  du  Manuel  pense  qu'il  y  fut  complètement 
étranger;  M.  Tross  ne  paraît  point  éloigné  d'être  du  même  avis;  M.  Lacroix 
suppose  que  Rabelais  qui  avait  des  connaissances  en  architecture  (sa  description 
de  l'abbaye  de  Thélème  le  démontre)  pouvait  aussi  être  bon  dessinateur,  pour- 
quoi les  dessins  des  Songes  ne  se  seraient-ils  pas  trouvés  après  sa  mort  dans  son 
cabinet?  L'éditeur  de  1869  est  bien  plus  affirmatif  :  «  Si  jamais  l'âme,  l'esprit  et 
»  les  facultés  d'un  homme  se  sont  incarnés  dans  son  ouvrage,  c'est  certainement 
»  quand  maître  Alcofribas  écrivit  les  six  livres  du  Pantagruel  '.  Je  prétends  donc 
»  avoir  ses  secrets  pour  l'avoir  beaucoup  aimé,  et  j'affirme,  par  une  intuition 
»  étrangère  aux  recherches  savantes,  que  ces  gravures  appartiennent  à  la  plume 
»  et  à  l'imagination  de  Rabelais  lui-même.  Il  me  reste  peu  de  doutes  à  cet  égard, 
»  et  je  m'appuie  pour  cela  sur  ma  conviction  personnelle  plus  que  sur  l'affirma- 
»  lion  de  l'édition  de  1 565.  On  retrouve  sa  verve,  son  originalité,  sa  bizarrerie, 
»  son  accent  et  son  style.  » 

Nous  voudrions  avoir  d'autres  preuves  que  celles  qui  résultent  d'une  simple 
appréciation  personnelle  ;  nous  observerons  d'ailleurs  que  plusieurs  ouvrages  de 
la  même  époque  offrent  dans  les  figures  sur  bois  qui  les  accompagnent  des 
images  grotesques  du  même  genre  que  celles  des  Songes  drolatiques;  le  dessina- 
teur des  caricatures  publiées  en  1 565  avait  eu  des  devanciers  à  cet  égard,  mais 
personne  ne  l'avait  égalé  en  fécondité  et  en  bizarrerie.  La  pensée  qui  guida  sa 
main  restera  toujours  couverte  d'un  mystère  impénétrable  aujourd'hui;  il  est 
assez  vraisemblable  qu'il  obéit  surtout  aux  caprices  de  sa  fantaisie  et  qu'il  ne 
songeait  nullement  à  retracer  sous  un  aspect  énigmatiquement  burlesque  les 
figures  de  ses  contemporains.  Lorsqu'on  veut  retrouver  les  originaux  auxquels  on 
se  croit  autorisé  à  rapporter  les  Songes,  il  faut  admettre  une  double  hypothèse; 
par  exemple  que,  dans  l'épopée  rabelaisienne  Bringuenarilles  désigne  Charles  V, 
et  que  la  figure  CIII  est  l'image  de  Bringuenarilles,  au  lieu  que  Frère  Jean  des 
Entomeures  reflète  le  cardinal  de  Bellay  et  que  cinq  des  Songes  (n"'  V,  VI, 
IX,  etc.)  sont  la  charge  de  Frère  Jean.  Tout  cela  est  bien  hasardé.  Si  maître 
François  pouvait  faire  entendre  sa  voix,  il  est  bien  vraisemblable  que  lui  qui  a 
raillé  tant  de  choses,  se  moquerait  vivement  de  ses  trop  ingénieux  commenta- 
teurs; il  leur  recommanderait  de  ne  pas  tant  «  s'emberclucoquer  le  cerveau  pour 
»  calefreter  des  allégories  qui  oncques  ne  furent  songées.  »  —  La  préface  du 
volume  de  1869  donne  des  détails  curieux  sur  les  bois  gravés  par  M.  Gustave 
Doré  pour  une  édition  illustrée  de  Rabelais,  publiée  par  M.  Bry  aîné  et  qui, 
après  la  mort  de  cet  éditeur,  ont  été  adjugés  en  vente  publique  à  MM.  Garnier 
frères  au  prix  de  6000  francs. 

I .  Nous  ne  comprenons  pas  bien  pourquoi  ces  six  livres?  D'ailleurs  le  cinquième  est-il 
de  Rabelais?  Oui,  d'après  M.  Charles  Lenormant;  non,  d'après  M.  Paulin  Paris.  Ques- 
tion fort  controversée  et  très-discutable  qu'il  ne  s'agit  pas  d'aborder  ici. 


d'histoire  et  de  littérature,  335 

signalons  une  petite  inexactitude;  il  est  question,  p.  9  et  lo  delà  bibliothèque 
de  M.  C.  Brunet,  d'une  opinion  de  M.  C.  Brunet;  lisez  M.  J.-Ch.  Brunet,  l'au- 
teur du  Manuel  du  Libraire.  C'est  à  tort  également  que  le  nom  de  l'un  des  éditeurs 
de  1823  est  écrit  à  diverses  reprises  Ermangart,  il  faut  lire  Esmangart.  En  somme, 
le  volume  qui  vient  d'être  publié  aura  pour  résultat  de  populariser  un  recueil  fort 
curieux  qui  était  jusqu'à  présent  d'un  prix  élevé  ;  il  y  a  donc  lieu  de  lui  faire  bon 
accueil. 


236.  —  Louis  DE  Laincel.  Voyage  humoristique  dans  le  Midi.  Études  histo- 
riques et  littéraires.  Paris,  A.  Lemerre,  1869.  In- 12,  502  p.  —  Prix  :  3  fr.  50. 

La  portion  du  Dauphiné  et  de  la  Provence  à  travers  laquelle  M.  de  Laincel 
guide  le  lecteur  est  assurément  l'une  des  régions  les  plus  intéressantes  que  puisse 
souhaiter  un  archéologue.  Nulle  part  en  France  les  souvenirs  de  l'antiquité  et 
du  moyen-âge  ne  sont  plus  nombreux;  nulle  part,  au  milieu  du  calme  qui  a 
succédé  à  une  puissante  activité,  le  touriste  ne  se  sent  plus  dégagé  des  préoc- 
cupations modernes  et  plus  entier  à  la  contemplation  du  passé.  M.  de  L.,  dont 
les  sympathies  paraissent  appartenir  plutôt  au  passé  qu'au  présent,  a  réuni  sur 
un  certain  nombre  de  villes  ou  bourgs  de  la  Drôme  et  du  Vaucluse  tout  ce  qu'il 
a  rencontré  dans  ses  lectures  et  dans  ses  voyages  (surtout  dans  ses  lectures)  de 
récits  et  d'anecdotes.  Tout  cela  forme  un  ensemble  qui  se  lit  facilement,  encore 
bien  que  Vhumour  annoncé  par  le  titre  y  soit  plus  rare  que  dans  les  Lettres  du 
Président  de  Brosse,  par  exemple.  M.  de  L.  serait  du  reste  bien  fâché  d'avoir 
avec  le  savant  Président  aucun  point  de  ressemblance,  puisqu'il  lui  reproche  de 
manquer  de  goût  et  d'écrire  «  avec  un  style  la  plupart  du  temps  entaché  par  un 
»  cynisme  effronté  »  (p.  456). 

Mais  nous  n'avons  point  ici  à  donner  notre  sentiment  sur  la  composition  ou 
compilation  de  M.  de  Laincel.  Les  ouvrages  d'un  caractère  littéraire  (je  veux 
dire  non  scientifique)  restent  en  dehors  du  cadre  de  notre  revue.  Aussi  n'aurions- 
nous  point  parlé  de  ce  livre  s'il  ne  s'y  trouvait  sur  certains  points  d'histoire 
littéraire  des  hérésies  que  nous  tenons  à  signaler. 

M.  de  Laincel  est  l'auteur  d'un  livre  intitulé  :  Des  Troubadours  aux  Felibres, 
histoire  critique  de  la  poésie  provençale  (Aix,  1862).  C'est  un  livre  où  la  critique 
est  sur  le  titre,  comme  Vhumour  dans  le  Voyage  dont  nous  rendons  compte  en 
ce  moment.  M.  de  L.  y  apprécie  les  felibres  et  les  troubadours  avec  un  égal 
jugement.  Ce  qu'il  pense  des  premiers  ne  nous  préoccupe  point;  mais  en  ce  qui 
touche  les  seconds  nous  ne  pouvons  nous  dispenser  de  faire  remarquer  à  M.  de 
L.  que  les  données  sur  lesquelles  il  opère  sont  des  plus  suspectes,  la  source  à 
laquelle  il  puise  à  peu  près  toute  sa  connaissance  de  la  littérature  des  trouba- 
dours étant  l'opuscule  de  Jean  de  Nostre  Dame,  les  Vies  des  plus  célèbres  et  anciens 
poètes  provençaux.  Cela  seul  suffit  à  montrer  combien  M.  de  L.  est  étranger  au 
sujet  qu'il  a  voulu  traiter  dans  l'Histoire  critique  ci-dessus  mentionnée,  et  qui 
revient  de  temps  à  autre  sous  sa  plume  dans  le  Voyage  humoristique  (p.  140,  170, 
270,  etc.).  Car,  s'il  avait  étudié  quelques-uns  des  ouvrages  vraiment  critiques 


336  REVUE   CRITIQUE    d'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

qui,  depuis  Raynouard,  ont  été  consacrés  à  la  poésie  provençale,  il  aurait  vu 
que  l'ouvrage  de  Nostre  Dame  n'y  est  jamais  allégué  comme  autorité  ;  et,  s'il 
avait  eu  recours  aux  textes  mêmes  des  troubadours  et  aux  Vies  contemporaines  . 
qui  ont  été  publiées  par  Raynouard,  par  Rochegude,  par  Mahn,  il  aurait  bien 
été  forcé  de  reconnaître  que  ces  Vies  et  ces  textes  excluent  Nostre  Dame ,  à 
moins  de  les  arguer  de  faux  toutes  les  fois  qu'ils  contredisent  l'historien  pro- 
vençal. Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étendre  davantage  sur  ce  point.  La  question  est 
résolue  depuis  longtemps  et  n'est  plus  douteuse  pour  les  hommes  compétents  '. 
Il  n'en  est  que  plus  regrettable  de  voir  les  mêmes  erreurs  se  reproduire  avec 
persistance  dans  les  livres  destinés  au  grand  public.  Ce  qui  montre  du  reste 
combien  les  matières  philologiques  sont  peu  familières  à  M.  de  Laincel,  c'est  le 
jugement  singulier  qu'il  porte  sur  les  brochures  d'un  certain  M.  Alfred  Artaud, 
d'Apt,  «  qui  a  publié  de  remarquables  études  sur  la  langue  provençale  à  propos 
))  de  la  nouvelle  orthographe  récemment  adoptée  par  une  école  de  poètes  « 
(p.  160).  Ces  remarquables  études  consistent  en  une  ou  deux  brochures  très- 
sottes  à  tous  égards,  publiées  il  y  a  quelques  années  et  dirigées  contre  M.  Rou- 
manille.  M.-P.  Hiacynthe. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

AmSTOTE,  Fragmenta,  p.  p.  Heitz  (Didot).  —  Beal,  Travels  of  Buddhist  Pilgrims 
(Trùbner).  —  Breysio,  Die  Zeit  Karl  Martells  (Leipzig,  Duncker).  —  Brown,  Sanskrit 
Prosody  (Trùbner).  —  Brunner,  Das  Anglo-Normanische  Erbfolgsystem  (Duncker).  — 
BuDENZ,  Ugrische  Sprachstudien  (Pest,  Aigner).  —  Caspari,  Das  Buch  Daniel  (Leipzig, 
Dœrffling).  —  Castelli,  Leggende  talmudiche  (Pisa,  Nistri).  —  Dreydorff,  Pascal 
(Duncker).  —  Droysen,  Geschichte  d.  Preussischen  Politik  (Leipzig,  Veit).  —  Ethé, 
Kazwîni's  Cosmographie;  Id.,  Morgenlaendische  Studien  (Leipzig,  Vues).  —  Fcerster, 
De  Platonis  Phaedro  (Berlin,  Ebeling).  —  Georges,  Handwœrterbuch  d.  Lateinischen 
Sprache  (Leipzig,  Hahn).  —  Giesebrecht,  Geschichte  d.  Deutschen  Kaiserzeit,  I-III 
(Braunschweig,  Schwetschke).  —  Gindely,  Geschichte  d.  30  J.  Krieges  (Prag,  Temp- 
sky).  —  Klinkert,  Maleisch-Nederdeutsch  V/œrdenboeck  (Amsterdam,  Mùller).  — 
Krenkel,  Paulus  (Duncker).  —  Lebrun-Vigée  (M"'),  Souvenirs  (Charpentier).  — 
Michel,  la  Chanson  de  Roland  (Didot).  —  Palacky,  Documenta  J.  Hus  (Prag,Temp- 
sky),  —  Rajna,  La  Materia  del  Morgante.  —  Rozenkranz,  Hegel  (Duncker).  — 
ScHCENE,  Quaestiones  Pompeianae  (Leipzig,  Breitkopf).  —  Wattenbagh,  Lateinische 
Paléographie  (Leipzig,  Hirzel).  —  Weber,  Indische  Streifen,  II  (Berlin,  Nicolaï). 
—  Zeller,  Die  Philosophie  d.  Griechen,  I  (Leipzig,  Vues).  —  Zirngiebel,  Das 
Institut  d.  Gesellschaft  Jesu  (Vues).  —  Zoeppritz,  Aus  Jacobi's  Nachlass  (Leipzig, 
Engelmann). 


1 .  La  Revue  critique  a  du  reste  eu  occasion  de  discuter  quelques-unes  des  assertions  de 
Nostre  Dame  et  d'en  faire  voir  la  fausseté.  Voy.  1867,  I,  p.  171-3  ;  voir  aussi  BM.  de 
l'École  des  chartes,  6'  série,  t.  V,  p.  257-61  et  476-8. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


I 


grecque,  début  d'un  jeune  auteur  qui  ne  paraît  pas  très  au  courant  des  travaux 
de  M.  Curtius. 

Chaque  livraison  renferme  une  bibliographie  des  livres  parus  en  Russie  et  la 
liste  des  principaux  travaux  publiés  par  les  journaux  littéraires. 

Beitrœge  znr  vergleîchenden  Spradiforschung  auf  dem  Gebiete  der 
arischen,  celtischen  und  slawischen  Sprachen  unter  Mitwirkung  von  A_.  Leskien 
und  J.  ScHMiDT,  herausgegeben  von  A.  Kuhn.  Sechster  Band.  Zweites  Heft. 
Berlin,  1869,  librairie  Dùmmler. 

[Bien  que  les  langues  celtiques  soient  mentionnées  dans  le  titre  des  Beitrage, 
elles  n'occupent  depuis  quelque  temps  qu'une  part  bien  restreinte  de  cette  excel- 
lente publication.  Dans  le  précédent  cahier,  elles  prenaient  dix-huit  pages  ;  dans 
celui-ci,  elles  n'en  prennent  que  quatorze.  Si  les  études  celtiques  doivent  y  être 
réduites  à  une  place  aussi  minime,  mieux  vaudrait  consacrer  cette  revue  aux 
études  slaves,  d'autant  plus  que  les  études  celtiques  auront  prochainement  un 
organe  spécial,  la  Revue  celtiijue.'] 

P.  1 29-1  $  I .  J.  ScHMiDT,  Développement  d'un  j  parasite  en  slave  et  en  lithuanien. 
—  P.  1 51-187.  A.  Leskien,  Sut  le  Dialecte  des  chants  populaires  russes  du  gouver- 
nement d'Olonec.  —  P.  188-194.  Wenzel  Burda.  Quelques  observations  sur  le 
Compendiura  de  Schleicher  (2*  éd.).  [Ces  observations  ont  trait  à  la  partie  slave 
du  Compendium].  —  P.  194-197.  Du  même.  Additions  à  la  connaissance  de  quel- 
ques suffixes  en  slave.  —  P.  197-204.  Baudouin  de  Courtenay,  Passage  des 
consonnes  sourdes  en  leurs  sonores  correspondantes  dans  le  développement  historique  de 
la  langue  polonaise.  —  Du  même.  204-22 1 .  Différents  articles  sur  quelques  points 
de  philologie  polonaise.  —  P.  222-226.  H.  Ebel,  Les  neutres  en  -as  en  ancien 
irlandais.  —  P.  227-231,  \Vh.  Stokes,  Glossaire  Gaulois  d'Endlicher.  [Traduc- 
tion allemande  d'un  travail  de  M.  Wh.  Stokes  qui  avait  déjà  paru  en  français 
dans  la  Revue  archéologique  de  trnd  1868.  Les  éditeurs  des  Beitrage  devraient 
mentionner  à  ce  sujet  un  article  de  M.  d'Arbois  de  Jubainville  sur  le  même 
Glossaire ,  article  qui  contient  des  faits  nouveaux  et  d'intéressants  Xachtrdege  à 
l'article  de  M.  Stokes  (dans  la  Revue  archéologique  de  novembre  1868).  Si  remar- 
quable que  soit  le  mémoire  de  M.  Wh.  Stokes,  nous  nous  étonnons  que  les 
Beitr<£ge  reproduisent  (et  sans  dire  où  il  a  paru  déjà)  un  travail  publié  quinze 
mois  auparavant  dans  une  revue  aussi  répandue  que  la  Revue  archéologiçjue.  Le 
procédé,  du  reste,  est  familier  aux  Beitrage;  les  Miscellanea  Celtica  de  Siegfried 
que  contient  leur  précédent  cahier  avaient  déjà  paru  il  y  a  deux  ans  dans  les 
mémoires  de  la  Philological  Society  de  Londres.]  Dans  la  bibliographie,  notons  les 
articles  favorables  de  M.  Ebel  sur  la  traduction  de  Cormac  par  O'Donovan  et 
Wh.  Stokes  (cf.  Revue  crit.,  1869,  t.  II j  art.  181)  et  sur  les  Glossae  Hibernicaede 
M.Nigra  (cf.  Rev.  crit.,  1869,  t.  I,  art.  122);  et  de  M.  L.  Diefenbach,  sur  le 
troisième  volume  de  VEthnogénie  gauloise  par  M.  de  Belloguet  (cf.  Rev.  crit., 
1869, 1. 1,  art.  67).  Dans  les  mélanges  nous  remarquons  une  lettre  où  M.  Lottner 
appelle  l'attention  du  monde  savant  sur  une  lecture  faite  par  M.  Hennessy  '  à 
l'Académie  royale  d'Irlande  et  qu'il  regarde  comme  «  une  des  découvertes  les 
»  plus  importantes  que  la  dernière  génération  ait  vu  s'accomplir  dans  le  domaine 
»  de  la  mjthologie  comparée.  »  Ce  mémoire  de  M.  Hennessy  sur  La  déesse  de 
la  Guerre  chez  les  anciens  Irlandais  est  destiné  à  la  Revue  celtique  et  paraîtra,  si 
nous  sommes  bien  informé,  dans  le  premier  n^  de  cette  publication.  —  Ce  cahier 
des  Beitr£ge  se  termine  par  une  notice  de  quelques  pages  où  M.  J.  Schmidt 
rappelle  les  services  rendus  à  la  science  par  le  regrettable  Schleicher. 


I .  Et  non  Hcnnessey,  comme  l'impriment  les  Bcitrage. 


En  vente  chez  Vogel ,  à  Leipzig,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck  (F.  Vieweg),  67,  rue  Richelieu. 

KO  A    D  nr  C  f^  T_T     Altfranzœsische  Romanzen  und  Pastou- 
•       D/\  rv  1   OV>.ri     rellen.  I  vol.  in-80.  9fr.  65 


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AT  T  A  Ç  Ç  A  ÎSJ     '^"''^S^f^sste  Grammatik  der  vulgaer-arabischen 
•     r~l/\00/\l>     Sprache  m.  besond.  Rùcksicht  auf  den  aegypti- 
schen  Dialekt.  i  vol.  in-8°.  8  fr. 

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MrpTT  l-ri7ÎT/^ÎTNÎ    ^^^^^  ^"  dasGebietd. 

.  1  n  .  VON  n  IL  U  U  L.  1  IN  weissenNilundseiner 
w^estlichen  Zuflùsse  in  den  J.  1 862-1 864.  Mit  e.  Vorworte  v.  D' A.  Petermann. 
Nebst  e.  (lith.)  Karte  (in-folio)  sov^ie  9  in  den  Text  gedr.  Holzschn.  u.  8  Taf. 
nach  Originalzeichngn.  entworfen  u.  auf  Holz  ùbertragen  von  C.  Heyn.  i  vol. 
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tatis  aperiendis  fontibus  rerum  germanicarum  medii  aevi  edid.  G.  H.  Pertz. 
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chluss  der  Rechtsalterthûmer.  2.  Aufl.  unter  Benutzg.  d,  vom  Verf.  hinterlas- 
senen  Handexemplars  bearb.  v.  K.  B.  Stark.  i  vol.  in-8".  6  fr. 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  48  Quatrième  année  27  Novembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE   F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  15  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 


PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK. 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE 

DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES 

publiée  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Sciences  philologiques  et  historiques. 

i"  fascicule.  La  Stratification  du  langage,  par  Max  Mùller,  traduit  par 
M.  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études.  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
répétiteur  à  l'École  des  Hautes  Études.  In-80  raisin.  4  fr. 

Forme  aussi  le  i"  fascicule  de  la  Nouvelle  Série  de  la  Collection  philologique. 

2'  fascicule.  Études  sur  les  Pagi  de  la  Gaule,  par  A.  Longnon,  élève  de 
l'École  des  Hautes  Études.  In-S»  raisin  avec  2  cartes.  j  fr. 

Forme  aussi  le  i"  fascicule  de  la  Colleaion  historique. 

A  T  r\  x  T  /^  TV  T  r\  Tvj  Le  Livre  des  Vassaux  du  Comté  de 
^*  i— 'Wi>l  VJ  l^l  Wl>l  Champagne,  1 172-1222,  publié  d'après 
le  manuscrit  unique  des  Archives  de  l'Empire,  i  fort  vol.  in-80.  7  fr.  50 

A  T  O  î  V  ^^"°^^  ^^  Sainte-More  et  le  roman  de  Troie,  ou  les 
-^  •  J  w  l_j  I  métamorphoses  d'Homère  et  de  l'épopée  gréco-latine  au 
moyen-âge.  i  vol,  in-4°.  20  fr. 


PERIODIQUES    ÉTRANGERS. 

liiterarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N"  4$.  30  octobre.  (Le  n"  44 
ne  nous  est  pas  parvenu). 

Théologie.  Freudenthal,  Die  Flavius  Josephus  beigelegte  Schrift  ùber  die 
Herrschaft  der  Vernunft  (IV  Makkabaeerbuch),  eine  Predigt  aus  dem  I.  christ- 
lichen  Jahrhunderte,  untersucht  (Breslau,  Schletter;  important).  — Histoire. 
Mecklenburgisches  Urkundenbuch,  V,  1301-13 12  (Schwerin,  Stiller).  —  Wat- 
TENBACH,  Peter  Luder  (Karlsruhe,  Braun  ;  très-intéressant  pour  les  commence- 
ments de  l'humanisme  en  Allemagne).  —  Fraas^  Die  nœrdlinger  Schlacht  (Nœrd- 
lingen,  Beck;  n'apporte  pas  grand  chose  de  nouveau  après  le  travail  de  Fuchs). 

—  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Schœnfelder  ,  Onkelos  und  Peschittho 
(Mûnchen,  Lentner;  conclusions  fort  douteuses).  —  Rabinnowicz  ,  Grammaire 
de  la  langue  latine  (Paris,  Delagrave;  livre  dont  nous  rendrons  prochainement 
compte).  —  KiRCHHOFF,  Die  Composition  der  Odyssée  (Berlin,  Hertz;  recueil 
des  articles  bien  connus  de  M.  K.  sur  ce  sujet).  —  Nicolai,  Geschichte  der 
gesammten  griechischen  Literatur  (Magdeburg,  Heinrichshofen  ;  livre  qui  paraît 
avoir  quelques  défauts,  mais  en  tout  cas  utile).  —  Gosche,  Archiv  fur  Litteratur- 
geschichte  (cf.  la  couverture  d'une  des  dernières  Revues).  —  Schade,  Liber  de 
infantia  Marsae;  Visio  Torngdali  (Halle ,  Buchhdlg.  des  Waisenhauses  ;  textes 
latins  importants  comme  sources  de  plusieurs  poèmes  du  moyen-âge).  —  Gœdeke, 
Grundriss  zur  Geschichte  der  deutschen  Dichtung,  HI,  2  (Dresden^  Ehlermann; 
suite,  qui  s'est  bien  fait  attendre,  d'un  ouvrage  excellent  et  très-important). 

Mittheiliingen  des  k.  k.  œsterr.  Muséums  fur  Kunst  und  Industrie. 

Paraît  le  1 5  de  chaque  mois.  Vienne^  en  commission  chez  Gerold's  Sohn. 

4*^  année  (octobre  i868-septembre  1869). 

[Ce  recueil  est  l'organe  du  Musée  autrichien  pour  l'art  et  l'industrie.  Il  annonce 
toutes  les  nouvelles  relatives  à  cet  établissement  important  :  acquisitions,  expo- 
sitions, conférences,  etc.  Mais  il  ne  se  borne  pas  à  ces  communications  d'un 
intérêt  plus  restreint,  il  embrasse  tout  le  domaine  de  l'art  industriel,  et  suit  pas 
à  pas  le  mouvement  qui  s'est  produit  en  sa  faveur  dans  toutes  les  contrées  de 
l'Europe.  Les  dissertations  sur  l'histoire  ou  la  technique  des  industries  d'art,  les 
descriptions  d'objets  anciens  rentrent  également  dans  son  programme  ;  dues  à  des 
savants  de  la  valeur  de  M.  d'Eitelberger,  directeur  du  Musée,  et  professeur  à 
l'Université  de  Vienne,  de  M.  J.  Falke,  etc.,  elles  donnent  aux  Mitîheilungen  toute 
l'importance  d'un  recueil  scientifique.  Enfin  sous  la  rubrique  petites  communications 
le  lecteur  trouvera  un  vrai  répertoire  des  musées  et  des  institutions  créés  pour 
l'avancement  des  arts  industriels.] 

D'Eitelberger,  La  vie  artistique  de  Vienne  en  1867,  —  Compte-rendu  de 
l'Exposition  de  Reichenberg. — Exposition  des  arts  industriels  à  Prague. — Lipp- 
MANN,  Les  Envois  de  la  Bohême  à  la  section  moderne  de  l'Exposition  du  Musée 
autrichien  à  Prague.  —  Progrès  de  l'Industrie  dans  la  Basse-Autriche.  —  Les 
Écoles  de  Reichenberg  et  des  environs.  —  Exner,  Le  Bois,  matière  première 
pour  les  arts  industiels.  — Coup-d'œil  sur  le  mouvement  contemporain  en  faveur 
des  arts  industriels.  —  De  Schwarz,  Le  nouveau  Musée  des  beaux-arts  d'Amiens. 

—  Le  Musée  des  beaux-arts  et  des  industries  d'art  de  Moscou  (extrait  en  partie 
de  la  Gazette  des  beaux-arts).  —  Le  Gewerbe  Muséum  à  Berlin.  —  Acquisitions  du 
cabinet  des  médailles  et  des  antiques  de  Vienne.  —  Lippmann  ,  Les  Antiquités 
religieuses  du  trésor  des  Guelfes.  —  La  Question  des  femmes  dans  l'industrie. 

—  L'Enseignement  technologique  en  Angleterre ,  en  France ,  en  Belgique ,  en 
Suisse  et  en  Allemagne.  — J.  Falke,  Progrès  de  l'orientalisme  dans  l'art.  —  Le 
Marbre  du  Tyrol.  —  Tissus  français  exposés  au  Musée  autrichien.  —  Principes 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  48  —  27  Novembre  —  1869 

Sommaire:  237.  De  Vogué,  Mélanges  d'archéologie  orientale;  Inscriptions  sémitiques 
de  la  Syrie  centrale.  —  238.  Hyperide,  Discours,  p.  p.  Blass.  —  239.  Mignard, 
Vocabulaire  du  dialecte  et  du  patois  de  la  Bourgogne.  —  240.  Rajna,  la  Matière  du 
Morgank.  —  241.  Grimm,  la  Théologie  dogmatique  évangélique.  —  242.  Rossbach, 
Histoire  de  la  Société. 

237.  —-  Mélanges  d'archéologie  orientale,  par  le  comte  de  Vogué,  membre  de 

l'Institut Paris,  Imprimerie  impériale,   1868.  In  8*,   196  p.  Appendice,  39  p.  et 

1 2  planches.  —  Prix  :  i  j  fr, 

Syrie  centrale.  Inscriptions  sémitiques,  publiées  avec  traduction  et  commentaire,  par 

le  comte  Melchior  de  Vogué Paris,  Baudry,  1869.  In-4*,  ij-i32p.et  16  planches. 

—  Prix  :  30  fr. 

L'un  et  l'autre  de  ces  deux  ouvrages  ont  pour  principal  sujet  l'épigraphie 
sémitique.  Le  premier,  recueil  de  mémoires  plus  ou  moins  étendus  et  publiés 
déjà  ailleurs,  s'occupe  spécialement  des  inscriptions,  des  intailles  et  des  monnaies 
phéniciennes,  hébraïques  et  araméennes  et  de  quelques  inscriptions  cypriotes  ;  le 
second  est  consacré  aux  textes  épigraphiques  recueillis  en  1861  et  1862,  par 
l'auteur  et  par  M.  Waddington,  lors  d'une  expédition  scientifique  dans  la  Syrie 
centrale. 

Le  volume  des  mélanges  d'archéologie  orientale  contient  :  1°  un  mémoire  sur 
les  inscriptions  phéniciennes  de  l'Ile  de  Chypre,  c'est-à-dire  sur  six  inscriptions 
inédites  de  Chypre  (p.  i  à  92).  2°  Mémoire  sur  quelques  inscriptions  cypriotes 
inédites  (p.  93  à  104).  Il  s'agit  de  ces  inscriptions  écrites  dans  l'alphabet  propre 
à  l'île  de  Chypre  et  qui  attendent  encore  leur  déchiffrement.  3°  Dissertation  sur 
les  intailles  à  légendes  sémitiques  :  phéniciennes,  araméennes  et  hébraïques 
(p.  105  à  140).  4°  Une  étude  paléographique  sur  l'alphabet  araméen  et  l'alpha- 
bet hébraïque  (p.  140  à  178).  5°  Mémoire  sur  le  lion  d'Abydos,  c'est-à-dire  sur 
un  talent  de  bronze  à  inscription  araméenne.  L'appendice  renferme  trois  disser- 
tations :  i"  sur  les  monnaies  des  rois  phéniciens  de  Citium  ;  2°  sur  les  monnaies 
des  rois  de  Nabatène  et  3°  une  note  sur  une  inscription  punique  de  Carthage. 

Toutes  ces  études  sont  faites  très-consciencieusement.  L'auteur  y  montre 
beaucoup  de  science,  un  sain  jugement  et  une  aversion  très-louable  pour  l'hypo- 
thèse. Aussi  pourra-t-il  revendiquer  le  mérite  d'avoir,  par  son  livre,  enrichi  la 
science  d'un  cenain  nombre  de  résultats  sûrs,  notamment  en  ce  qui  concerne 
l'histoire,  la  mythologie  et  la  paléographie.  Le  travail  sur  l'alphabet  araméen  et 
sur  l'alphabet  hébraïque  est  le  meilleur  du  volume,  le  meilleur  aussi  qui  ait  été 
publié  sur  cette  matière. 

Les  inscriptions  phéniciennes  trouvées  jusqu'à  présent  en  Chypre,  sur  l'empla- 
cement de  l'ancien  Citium  (aujourd'hui  Lamaca),  étaient  au  nombre  de  trente- 
six.  M.  de  Vogué  en  a  trouvé  au  même  endroit  cinq  nouvelles,  qu'il  désigne  par 
^^^yU'dtienne,XXXVUl'dtienne,XXXlX'ciîienne,XLUitienneetXU'ciùenne. 
V'"  22 


338  REVUE   CRITIQUE 

La  sixième  inscription  inédite  publiée  dans  ce  volume  provient  de  Larnax-Lapi- 
thou.  La  plus  intéressante  est  la  première  (XXXVI P  cit.)  gravée  sous  le  règne  de 
Melekyathon,  roi  de  Citium  et  d'Idalie.  Malheureusement,  elle  n'est  plus  com- 
plète. M.  de  V.  a  lu  tout  ce  qu'on  peut  lire.  C'est  trop  de  modestie  de  sa 
part,  quand  il  dit  (p.  3)  qu'il  laisse  le  reste  à  déchiffrera  des  yeux  plus  exercés. 
Mais  ce  n'est  là  qu'une  générosité  apparente;  car  la  planche  exécutée  par  le 
procédé  photolitographique  à  l'Imprimerie  impériale  est  en  grande  partie  illisible. 
Si  les  nouvelles  découvertes  des  imprimeurs  ne  doivent  servir  qu'à  nous  donner 
de  tels  spécimens,  il  vaudrait  mieux  s'en  tenir  aux  anciens  procédés  de  repro- 
duction. Cependant,  tel  qu'il  est,  ce  texte  nous  révèle  plusieurs  choses  impor- 
tantes, comme  par  exemple  les  deux  premières  lettres  d'un  nom  de  mois; 
l'existence,  en  phénicien,  de  l'article  n  ;  une  divinité  nommée  Rescheph,  etc. 
Le  sens  de  l'inscription  est  clair;  il  n'y  a  doute  que  sur  l'expression  de 
D'^O'nsn  y))T2,  que  M.  de  V.  traduit  par  Interprète  des  deux  tribunaux.  Le  mot  "^^ab 
de  la  première  ligne  est  expliqué  par  l'auteur  comme  l'infinitif  du  verbe  -]bxj. 

M.  de  V.  lit  T^'bpî?  et  traduit  :  «  l'an  trois  du  règne  de  Melekyathon » 

Cette  lecture  me  semble  inexacte.  Il  faut  lire  'r^^rb  «  du  roi,  »  car  l'emploi  de 
l'infinitif  dans  cette  combinaison  est  contraire  à  la  syntaxe  hébraïque  et  phéni- 
cienne. Il  se  rencontre,  il  est  vrai,  dans  l'inscription  d'Eschmounazar  et  dans 
une  autre  inscription  sidonienne  publiée  par  M.  de  V.  en  1860  (dans  les  Mémoires 
présentés  par  divers  savants  à  l'Acad.  des  inscr.  et  belles-lettres').  Mais  dans  ces  deux 
cas,  le  mot  est  pourvu  de  la  particule  1  {^yp-ab),  qui  est  le  suffixe  de  la  troisième 
personne  du  singulier  (non  de  la  première  personne  comme  dit  M.  de  V.  p.  5). 
Il  faut  donc  traduire  :  a  Le  16™^  jour  du  mois  •••ys  de  l'an  III  du  roi  Melekya- 
»  thon...  »  Cette  observation  s'applique  aussi  à  la  XXXVI IP  citienne  (p.  20). 

Dans  une  note  de  la  p.  6,  M.  de  V.  dit  que  la  forme  phénicienne  du  nom  de 

Sanchoniathon  était  irr^apo.  C'est  une  erreur.  La  divinité  qui  entre  dans  la  for- 
mation de  ce  nom  propre  était  i^o.  D'autres  monuments  le  prouvent.— La  seconde 
des  inscriptions  publiées  dans  ce  volume  est  bien  conservée  et  d'une  lecture 
facile.  Il  n'y  manque  que  le  nom  du  roi  (Poumyathon),  que  M.  de  V.  a  restitué 
à  l'aide  de  la  r""  citienne  copiée  par  Pococke.  Nous  trouvons  dans  cette  inscrip- 
tion l'emploi  de  l'article  n.  Je  n'ai  que  deux  réserves  à  faire  dans  le  commen- 
taire de  l'auteur.  Il  n'est  pas  exact  de  dire  (p.  18)  que  le  phénicien  est  une  langue 
calquée  sur  l'hébreu  (du  reste  M.  de  V.  s'exprime  plus  correctement  p.  m); 
ensuite  l'explication  du  nom  propre  Ykounschalom  (lisez  Ykounschillêm)  par  «  que 
la  paix  arrive  »  ne  peut  pas  être  vraie  ;  car  ce  n'est  pas  là  un  sens  convenable 
pour  un  nom  propre.  Je  considère  -p"!  comme  équivalent  de  n-n-^  (Yahveh),  de  la 
racine  iis  «  être.  »  Il  est  vrai  que  jusqu'à  présent  nous  n'avons  pas  encore  ren- 
contré sur  les  monuments  une  divinité  appelée  Ykoun;  mais  ce  nom  propre 
de  Ykounschillêm  (voilà  un  nom  propre  plein  de  révélations),  qui  se  lit 
encore  ailleurs,  suffit  pour  prouver  son  existence.  Enfin  la  lecture  du  nom  du 
roi,  Poumyathon  (Poum  =  dsd),  ne  paraît  pas  complètement  certaine;  l'ortho- 
graphe ■)n-''^72s  est  étrange,  et  il  est  probable  que  Pococke  a  commis  une  erreur. 
La  3""=  inscription  (XXXIX'O  est  bilingue;  elle  ne  se  compose  que  de  quelques 


d'histoire  et  de  littérature.  339 

mots  en  grecs,  au-dessous  desquels  se  trouve  une  traduction  (non  littérale)  phé- 
nicienne. M.  Waddington  lit  le  grec  ainsi  :  Eav6to;  èx  A-jxîr,?  Mûpvo;  MaSt  xEîfAai 
àvTip  ÈxTruixa-rôTroio:,  ce  qu'il  traduit  :  «  Mymos  de  Xanthe  en  Lycie;  je  repose 
»  ici.  Fabricant  de  vases.  »  L'autorité  de  M.  Waddington  en  épigraphie  grecque 
est  trop  grande  pour  qu'on  puisse  douter  de  l'exactitude  de  son  interprétation. 
Il  semble  cependant  extraordinaire  que  le  mot  Sivôio;  (non  rendu  dans  le  texte 
phénicien)  soit  mis  en  tête.  Ex  A-jxîr.;  est  rendu  par  iz^îsn,  «  le  Lycien.  »  M.  de 
Vogué  fait  remarquer  que  le  son  de  l'u,  reproduit  par  le  ou  phénicien,  a  dû  être 
à  l'époque  où  cette  inscription  fut  gravée  (iv^  siècle  av.  J.-C),  =  ou.  Cela  est 
possible  ,  mais  cela  ne  résulte  pas  de  l'orthographe  phénicienne ,  oii  les 
voyelles  sont  toujours  un  peu  vagues.  D'ailleurs,  l'alphabet  phénicien  de 
cette  époque  n'avait  pas  d'équivalent  pour  l'u  grec.  —  Les  deux  textes  suivants 
ne  se  composent  chacun  que  de  deux  ou  trois  noms  propres.  —  L'inscription  de 
Lapithos  est  également  bilingue.  Elle  parle  d'un  autel  élevé  par  un  certain  Praxi- 
demos  (Baalschillêm)  à  Athéné,  à  l'occasion  de  la  victoire  du  roi  Ptolémée.  Il 
s'agit,  d'après  la  juste  remarque  de  M.  de  V.,  de  la  victoire  remportée  en  312 
av.  J.-C.  sur  Amigone  et  les  princes  cypriotes  par  Ptolémée  Soter.  Le  texte 

grec  commence  ainsi  :   'A&r.và  Iw-îîpa  Nîxrj  xai  Pa^rOsto;  nTo)î[ia{o-j  npa^lorfio;...    Ce 

que  M.  de  V.  traduit  :  A  Athéné,  sauveur,  et  à  la  victoire  du  roi  Ptolémée 

On  voit  qu'il  y  a  là  quelque  erreur  et  dans  l'original  (où  un  datif  est  relié  à  un 
génitif  par  la  conjonction  xal)  et  dans  la  traduction  française.  Quant  au  texte 
phénicien,  M.  de  V.  le  traduit  :  «  A  Anaït,  force  des  vivants,  et  au  seigneur  des 
»  rois  (z=5:s-!xS')  Ptolémée. . .  »  Cette  traduction  n'est  pas  impossible  à  la  rigueur, 
mais  ce  n'est  pas  la  bonne.  Dans  un  ouvrage  récent,  qui  sera  bientôt  entre  les  mains 
de  tous  les  épigraphistes,  M.  P.  Schrœder  {Die  phœnizische  Sprache,Entwurf  einer 

Grammaîik Halle,  1869,  p.  1 56)  a,  selon  moi,  beaucoup  mieux  saisi  le  sens 

de  cette  inscription.  Après  avoir  démontré  que  le  =  final  est  le  suffixe  possessif  de 
la  troisième  personne  du  singulier,  et  en  séparant  le  groupe  -aàt  de  zrba,  il 
traduit  :  «  A  Anaït et  à  la  victoire  de  son  roi  Ptolémée,  etc.  » 

Je  n'insisterai  pas  sur  les  idées  générales  que  l'auteur  a  développées  dans  la 
seconde  partie  de  son  mémoire,  qui  traite  de  la  mythologie  des  Phéniciens.  Je 
me  bornerai  à  dire  que  les  rôles  des  certaines  divinités  phéniciennes,  telles  que 
Sched,  Rescheph,  Rescheph'hêts;  me  semblent  bien  déterminés.  Seulement  je  ne 
crois  pas  qu'il  soit  nécessaire  d'admettre  l'existence  d'un  dieu  Rescheph  et  d'un 
autre  appelé  Reîseph.  Je  pense  que  ce  sont  là  deux  formes  légèrement  différentes 
d'un  même  nom.  Quant  au  dieu  Set  ou  Sed  qui,  dit  M.  de  V.,  est  identique  à 
Suîekh,  importé  en  Egypte  par  les  Pasteurs,  il  est  à  remarquer  que  la  lecture 
Sutekh  est  inexacte,  parce  que  le  signe  final  n'est  autre  chose  que  le  déterminatif 
même  de  Sed  (voyez  Chabas,  Voyage  d'un  Egyptien,  p.  376,  et  Mél.  Ëgypt.,  II, 
188-9). 

Si  le  livre  de  M.  de  V.  a  une  seconde  édition,  l'auteur  fera  bien  de  ne  plus 
désigner,  comme  il  le  fait  à  la  page  ^7,  Origène  comme  l'auteur  des  Philoso- 
phumena.  On  dirait  vraiment  que  tous  les  travaux  publiés  à  ce  sujet  depuis  1852 
sont  non- avenus  pour  la  France. 


340  REVUE   CRITIQUE 

Je  n'ai  rien  à  dire  du  mémoire  consacré  aux  inscriptions  cypriotes,  si  ce  n'est 
que  M.  de  V.  a  très-bien  fait  de  publier  ses  nouveaux  textes,  même  sans 
explication. 

Les  intailles  à  légendes  sémitiques,  représentées  par  trois  planches  fort  bien 
exécutées,  ont  été  divisées  par  M.  de  V.  en  intailles  phéniciennes,  araméennes 
et  hébraïques.  Ce  classement  n'est  cependant  pas  très-rigoureux  ;  car  il  y  a  des 
légendes  purement  phéniciennes  dans  la  série  araméenne,  et  parmi  les  intailles 
hébraïques,  qui  toutes  présentent  les  caractères  de  l'alphabet  phénicien,  commun 
aux  Juifs  et  aux  autres  peuples  cananéens,  on  trouve  des  symboles  païens.  Je 
pense  qu'il  vaudrait  mieux  classer  tous  ces  monuments  simplement  suivant  leur 
provenance.  Les  légendes  en  question  ne  se  composent  guères  que  de  noms 
propres;  chaque  pierre  en  contient  un,  tout  au  plus  deux;  celui  du  possesseur 
suivi  de  celui  de  son  père.  Les  n°^  24  et  25  qui  avaient  déjà  été  publiés  (voy. 
Levy,  Phoenizische  Studien,  II,  p,  24  et  29),  mais  mal  lus  et  interprétés,  ont 
trouvé  en  M.  de  V,  un  très-habile  commentateur.  Quant  au  n°  26,  je  ne  crois 
pas  que  le  mot  ■»rs-i  {sanatio  mea  ?)  soit  un  nom  propre,  à  cause  de  l'absence  de 
la  particule  h,  qui  précède  la  plupart  des  autres  noms  gravés  sur  les  pierres. 
Celle-ci  est  évidemment  une  amulette.  Il  est  à  remarquer  (M.  de  V,  ne  l'a-t-il 
pas  remarqué  ?)  que  le  symbole  qui  y  est  représenté  (lion  et  scarabée)  est  le 
même  que  celui  d'une  intaille  phénicienne  (planche  V,  n°  8)  dont  la  légende  ne 
paraît  pas  non  plus  constituer  un  nom  propre. 

Nous  avons  déjà  parlé  de  la  dissertation  paléographique  sur  l'alphabet  hébraïque 
et  araméen.  C'est  une  très-belle  étude,  qui  cependant  est  déparée  par  une  grave 
erreur.  A  la  page  167,  Pauteur  cite  la  fable  donnée  par  Josèphe  relativement  à 
la  traduction  des  Septante  comme  un  récit  authentique,  et  en  tire  des  conclusions 
qui  manquent  complètement  de  base. 

En  nous  bornant  à  renvoyer  le  lecteur  au  mémoire  numismatique,  rempli  de 
faits  bien  observés,  finissons  la  revue  de  ce  volume  par  une  dernière  critique.  A 
propos  de  certains  noms  propres  composés  avec  le  groupe  de  lettres  n^,  l'auteur 
parle  des  deux  passages  de  Sanchoniathon,  où  il  est  dit  que  'AYpeuî  et  'AXteO? 
étaient  «  les  inventeurs  de  la  chasse  et  de  la  pêche  »  ou  a  les  Cabires  chasseurs 
))  et  pêcheurs.  »  «  Les  commentateurs,  dit  M.  de  V.,  ont  déjà  remarqué  que  le 
»  mot  'Â>,t£u;  était  la  traduction  de  p:î,  dieu  éponyme  de  la  ville  de  Sidon,  dont 
))  le  nom  signifie  pêcheur,  pêche.  'ArpsOç,  traduction  de  i-^s  chasseur,  paraissait  un 
»  pléonasme  :  nos  inscriptions  nous  prouvent  que  le  texte  original  portait  bien  la 
»  mention  de  deux  personnages  divins  distincts,  l'un  du  nom  de  i:i  Tsid,  l'autre 
))  du  nom  de  -p^  Tsidon.  »  Nous  répondons  ceci  :  Quand  même  le  mot  -is  se 
rattacherait  à  la  racine  tis  (ce  qui  n'est  pas  certain),  "Aypîû;  n'en  serait  nulle- 
ment la  traduction.  Si,  réellement,  Philon  parle  de  deux  divinités  distinctes,  ce 
qui  n'est  pas  prouvé,  ces  représentants  de  la  pêche  et  de  la  chasse  sont  évidem- 
ment sortis  d'une  seule  conception  primitive  ;  car  la  racine  -i-i::  a  les  deux  sens  de 
pêcher  et  de  chasser,  ou  plutôt  la  pêche  n'était,  à  l'origine,  autre  chose  qu'une 
chasse.  Enfin,  si  les  commentateurs  disent  (ce  que  je  ne  peux  pas  vérifier  en  ce 
moment)  que  'A^psû;  paraît  un  pléonasme,  ils  ont  tort.  Il  faut  dire  que  'a),i£uî  et 


d'histoire  et  de  littérature.  541 

'AYpsû;  expriment,  chacun  de  ces  deux  mots  pour  une  moitié,  le  mot  phénicien 
lis. 

Le  second  des  deux  ouvrages  dont  nous  avons  transcrit  les  titres  ci-dessus 
n'est  pas  moins  important  que  le  premier.  Il  nous  offre  cent  quarante-six  inscrip- 
tions de  Palrayre,  dont  cent  trente-quatre  entièrement  inédites;  huit  inscriptions, 
également  inédites,  du  Haourân,  dix-sept  textes  nabatéens  et  quelques  textes 
araméens  tirés  de  papyrus.  Tous  ces  textes  sont  transcrits,  traduits  et  commentés. 
Quiconque  connaît  la  difficulté  de  ces  sortes  de  déchiffrements  n'hésitera  pas  à 
payer  à  l'auteur  un  juste  tribut  d'admiration  pour  le  travail  qu'il  vient  d'exécuter. 
Est-ce  à  dire  cependant  que  M.  de  V.  ait  fait  une  œuvre  définitive?  Assurément 
non,  et  il  est  loin  de  le  prétendre  lui-même. 

M.  de  V.  nous  informe  que  toutes  les  inscriptions  palmyréniennes  qu'il  publie 
ont  été  copiées  par  M.  Waddington.  Malgré  toute  l'attention  que  ce  savant  a 
apportée  à  l'exécution  de  ce  travail ,  il  n'est  pas  moins  certain  que  ses  copies 
renferment  de  nombreuses  lacunes  et  erreurs.  On  s'en  aperçoit  aisément,  en 
comparant  quelques-unes  des  inscriptions  copiées  par  M.  W.  à  un  certain 
nombre  d'autres  pour  lesquelles  M.  de  V.  a  eu  à  sa  disposition  des  estampages 
pris  par  M.  Vignes,  compagnon  de  voyage  de  feu  M.  de  Luynes.  M.  de  V^ogùé 
lui-même  a  dû  remarquer  que  les  premières  résistaient  souvent  à  ses  tentatives 
d'interprétation,  tandis  qu'il  a  réussi  à  merveille  à  expliquer  les  secondes.  On 
peut  trouver  en  outre  que  l'auteur  lui-même  n'a  pas  assez  fait  pour  les  textes 
qu'il  publie.  Je  vais  le  prouver. 

Beaucoup  d'inscriptions  palmyréniennes  sont  accompagnées  d'une  traduction 
grecque.  C'est  là  un  précieux  secours  pour  l'intelligence  des  textes  orientaux,  et 
M.  de  V.  en  a  naturellement  profité.  Mais  les  inscriptions  renferment  un  grand 
nombre  de  noms  propres  qui  sont  de  véritables  noms  appellatifs,  très-importants 
par  conséquent  pour  faire  connaître  la  langue  (les  autres  mots  et  les  formules  des  faits 
énoncés  se  répètent  sans  cesse).  Or,  comme  dans  l'idiome  araméen  de  Palmyre, 
pas  plus  que  dans  les  autres  dialectes  sémitiques,  les  voyelles  ne  sont  exprimées 
dans  l'écriture ,  la  transcription  en  grec  d'une  foule  de  mots  est  une  heureuse 
circonstance  dont  nous  pouvons  tirer  les  résultats  les  plus  importants.  C'est  ce 
qu'a  négligé  de  faire  l'auteur.  Il  a  bien  dressé,  au  commencement  de  son 
ouvrage,  un  tableau  des  lettres  palmyréniennes  et  de  leur  équivalent  en  grec, 
mais  ce  tableau  est  entièrement  inexaa.  Quel  était  le  premier  soin  à  prendre 
pour  établir  cette  concordance  ?  C'était  évidemment  de  se  rendre  compte  de  la 
valeur  des  lettres  grecques,  à  l'époque  et  dans  la  contrée  dont  il  s'agit.  Prenons 
quelques  exemples.  Dans  le  tableau  dont  nous  venons  déparier,  M.  de  V.  écrit: 
«,  =r ...  Or  dans  la  première  inscription  bilingue  (p.  5)  de  même  que  dans  la 
70""*  et  dans  la  72™*,  nous  trouvons  le  nom  propre  "s'^pr,  qui,  dans  le  texte 
grec,  est  transcrit  Moxs-.ixo;.  M.  de  V.  prononce  ce  nom  Moqeimou.  Ce  même  nom 
se  rencontre  aussi  dans  la  2"'*  inscription,  et  dans  la  6""*  également  bilingue;  et 
là  il  est  transcrit  en  grec  Mo/.'.{i.o:  (M.  de  V.  écrit  Môxijio;,  mais  à  tort),  et  l'auteur 
maintient  dans  sa  traduction  française  la  lecture  MoqeimoUj  qui  est  une  forme 


M2  REVUE    CRITIQUE 

barbare.  La  vérité  est  que  le  nom  doit  se  lire  Moqîmou,  le  "^  palmyrénien  étant 
rendu  par  t  ou  si,  se  prononçant  î.  Ce  nom  existe  d'ailleurs  parmi  les  Syriens 
encore  au  v^  siècle.  Un  prêtre  de  Mésopotamie  nommé  Mochimos  ou  Mokimos 
est  mentionné  par  Gennadius,  comme  auteur  d'un  écrit  contre  Eutyches  (Gennad. 
C.  71).  Un  autre  nom,  auquel  s'applique  la  même  observation  que  pour  Moqîmou, 
est  celui  de  iriia  =  Bap^tx^'ç,  dans  l'inscription  n"  2.  Ici  il  n'est  point  douteux 
que  nous  n'ayons  un  participe  passif,,  dont  la  forme  et  la  prononciation  sont  bien 
établies  par  les  règles  grammaticales.  M.  de  V.  objectera-t-il  que  les  voyelles 
sont  trop  arbitrairement  rendues  dans  la  transcription  grecque,  pour  qu'il  y  ait 
lieu  de  tenir  compte  de  cette  dernière .?  Sans  doute  les  voyelles  brèves  (comme 
par  ex.  l'a  dans  Bapsix^t;)  paraissent  avoir  été  mal  saisies  par  les  graveurs  des 
textes  grecs  ;  mais  les  voyelles  longues  et  accentuées  devaient  nécessairement 
être  reproduites  conformément  à  la  prononciation  palmyrénienne.  Enfin  je  fais  la 
même  remarque  pour  le  nom  Zebîdou  dans  l'inscr.  n°  4.  Ici  cependant  on 
pourrait  hésiter  et  se  croire  en  présence  d'un  nom  de  forme  arabe  ou  nabatéenne 
(Zohaid).  Mais  nous  trouvons  dans  le  même  texte  la  diphthongue  aï  transcrit  en 
grec  par  at  (xn-^n  =  BatSa),  et  ainsi  encore  ailleurs.  Voilà  un  exemple  relatif  aux 
voyelles.  En  ce  qui  concerne  les  consonnes,  on  peut  observer  le  même  fait.  Le 
tableau  dressé  par  M.  de  V.  montre  a  =  c  ou  cq.  Les  inscriptions  bilingues 
n°M  I  et  1 2  renferment  le  nom  de  î!<^ss,  rendu  dans  le  texte  grec  très-exacte- 
ment par  Ssççspa.  En  général,  l'écriture  grecque  exprime  avec  beaucoup  plus  de 
soin  les  sons  araméens  que  l'écriture  palmyrénienne  ceux  de  la  langue  grecque. 
Nous  aurions  mauvaise  grâce  à  poursuivre  cette  critique  de  détail,  en  rendant 
compte  d'un  ouvrage  qui  offre  une  foule  de  faits  nouveaux  également  importants 
pour  la  linguistique  et  l'histoire.  Il  est  difficile  de  faire  un  choix  pour  en  citer 
quelques-uns.  Je  signalerai  cependant  les  inscriptions  n*"*  15,  16,  20  à  29  (ces 
dernières  toutes  relatives  à  la  famille  d'Odainath  et  de  Zenobie)  qui  n'ont  pas 
seulement  de  l'intérêt  pour  l'histoire  locale,  mais  touchent  aussi  à  l'histoire 
générale  de  l'antiquité. 

X- 

238.  —  Hyperidis  orationes  quattuor  cum  ceterarum  fragmentis.  Edidit 

Fridericus  Blass.  Leipzig,  chez  Teubner,  \%6<).  In-16,  xxxvj-112  p. 

La  résurrection  d'Hypéride  (on  peut  bien  s'exprimer  ainsi,  puisqu'il  est  sorti 
d'un  tombeau)  a  donné  lieu  à  plusieurs  travaux  excellents;  mais  on  n'avait  pas 
encore  réuni  en  un  seul  volume  tout  ce  que  le  sol  de  l'Egypte  nous  a  rendu  des 
discours  de  ce  grand  orateur  athénien.  Cette  lacune  est  comblée  par  l'édition  de 
M.  Blass,  jeune  savant  qui  s'est  déjà  fait  remarquer  par  des  études  approfondies 
sur  l'histoire  des  orateurs  grecs.  Une  introduction  substantielle  résume  ce  qu'il 
importe  de  savoir  sur  la  découverte  et  l'état  des  papyrus,  les  particularités 
paléographiques  qui  les  distinguent,  et  les  publications  qui  les  ont  fait  connaître. 
Le  texte  des  quatre  discours  est  imprimé  de  manière  à  reproduire  les  lignes  des 
manuscrits  et  à  faire  distinguer  du  premier  coup-d'œil  les  suppléments  et  les 
conjectures  des  éléments  authentiques  fournis  par  les  papyrus.  Les  notes  critiques 


d'histoire  et  de  littérature.  J4? 

donnent  des  détails  plus  précis  :  on  y  trouve  la  leçon  des  manuscrits,  indiquée 
avec  la  plus  grande  exactitude,  ainsi  que  les  plus  importantes  corrections  pro- 
posées soit  par  les  éditeurs,  soit  par  d'autres  hellénistes.  Enfin,  pour  que  rien 
n'y  manquât,  les  fragments  d'Hypéride,  épars  dans  les  écrivains  anciens  et 
recueillis  par  M.  Sauppe  dans  ses  Oratores  Attici,  ont  aussi  été  compris  dans  ce 
volume. 

Le  papyrus  qui  renfermait  les  trois  premiers  discours  offre  un  texte  correct. 
L'oraison  funèbre  provient  d'un  autre  volume  :  elle  est  écrite  avec  une  négligence 
extrême  et  remplie  de  fautes,  qui  ont  exercé  et  qui  exerceront  encore  la  critique 
des  éditeurs.  Le  discours  contre  Démosthène  présente  un  autre  genre  de  difficulté: 
le  papyrus  est  déchiré,  et  il  faut  en  recueillir  et  rapprocher  les  lambeaux,  comme 
les  feuilles  de  la  Sibylle.  C'est  surtout  à  cause  de  ce  discours  qu'on  recherchera 
cette  nouvelle  édition  :  le  texte  en  est  ici  à  la  fois  plus  complet  et  plus  suivi, 
grâce  à  de  nouvelles  découvertes  et  à  la  sagacité  de  M.  Blass.  Il  avait  à  sa  dispo- 
sition les  fragments  publiés  en  1868  par  M.  Egger;  d'autres  fragments,  moins 
importants,  il  est  vrai,  qui  étaient  restés  enfouis  dans  les  cartons  de  M.  Arden, 
le  premier  éditeur  d'une  partie  de  ces  papyrus,  en  ont  été  tirés  par  M.  Babington. 
Ce  savant  a  aussi  communiqué  à  M.  Blass  une  nouvelle  collation,  plus  exacte, 
des  anciens  fragments.  Aujourd'hui  le  discours  contre  Démosthène  se  compose, 
abstraction  faite  de  quelques  lambeaux  insignifiants,  de  quinze  fragments  plus  ou 
moins  étendus.  Voici  les  améliorations  les  plus  importantes.  Trois  très-petits 
morceaux  de  papyrus,  dont  deux  avaient  déjà  été  publiés  par  M.  Egger,  ont 
servi  à  ressouder  deux  anciens  fragments  et  à  en  former  le  n°  V  de  la  nouvelle 
édition.  —  Le  n°  IX  se  compose  du  rapprochement  de  trois  anciens  fragments 
et  d'un  petit  fragment  nouveau.  C'est  un  des  morceaux  les  plus  vifs  du  discours. 
Malheureusement  plusieurs  lignes,  incomplètement  conservées,  sont  d'une  resti- 
tution douteuse.  M.  B.  y  lit  :  [Ta-jTr,v  yàp  tt.v  ç>.>îav  oiép.uo-ii;  a[Ù7Ô;,  5t£  ypj-jstov 
xaxà  Tjj;  îraTpKoç  IXape;...  xai  xaTa[Yé)iow]TOV  (nouS  aimerions  mieUX  xaTdtir-rj<rrov) 
[xlv  Tav-ôv  èzoÎTiao;,  •Aa.zflT/yv]oi^  5è  toù;  èx  tûv  la-po(76îv  -/y^hun  [yO.oy;].  Ainsi   Hypé- 

ride  déclarerait  que  c'est  Démosthène  qui,  par  sa  conduite,  a  déchiré  leur 
ancienne  amitié  et  a  couvert  de  confusion  ceux  qui  le  considéraient  autrefois 
comme  un  des  leurs.  A  en  juger  par  la  suite  du  morceau,  il  nous  semble  que  le 
sens  général  de  ce  passage  a  dû  être  plutôt  celui-ci  :  «  Démosthène  a  souillé  sa 
»  gloire  :  il  a  couvert  de  boue  ses  honneurs,  ses  couronnes,  d'autrefois.  »  — 
Le  n°  IX  est  encore  plus  ingénieusement  recomposé.  M.  Egger  avait  déjà  vu 
que  la  première  partie  de  son  troisième  fragment  se  rattachait  à  un  ancien  frag- 
ment (XXI  Harris).  M.  B.  a  comblé,  ou  peu  s'en  faut,  la  lacune  qui  se  trouvait 
entre  la  première  et  la  seconde  partie  de  ce  troisième  fragment,  en  y  insérant  le 
fragment  I  de  M.  Egger,  complété  à  son  tour  au  moyen  de  deux  autres  petits 
lambeaux  de  papyrus.  —  Enfin  ce  petit  volume ,  un  des  plus  intéressants  et  des 
mieux  faits  de  la  Bibliotheca  Teubneriana,  rend  les  discours  d'Hypéride  acces- 
sibles à  tous  les  amis  des  lettres  grecques,  et  il  servira  à  populariser  de  plus  en 
plus  ce  nouvel  auteur  classique  retrouvé  d'hier. 

Henri  Weil. 


344  REVUE  CRITIQUE 

239.  —  Vocabulaire  raisonné  et  comparé  du  dialecte  et  du  patois  de  la 
province  de  Bourgogne,  ou  Étude  sur  l'histoire  et  les  mœurs  de  cette  province 
d'après  son  langage,  par  Mignard.  Paris,  Aubry,  1870  [sic).  In-8°,  330  pages. 

Dans  ce  vocabulaire,  M.  Mignard  nous  donne  une  nouvelle  édition  de  la  par- 
tie principale  de  l'ouvrage  qu'il  a  publié  en  1856  sous  le  titre  d'Histoire  de 
l'idiome  bourguignon  et  de  sa  littérature  propre,  ou  Philologie  comparée  de  cet  idiome. 
Outre  le  vocabulaire,  qui  reparaît  actuellement  avec  des  modifications  dont  il 
sera  parlé  tout  à  l'heure,  l'Histoire  de  l'idiome  bourguignon  contenait  une  sorte  de 
grammaire,  et,  sous  le  titre  de  Bibliographie  raisonnée  de  l'idiome  bourguignon, 
une  série  de  textes  accompagnés  d'utiles  notices.  Il  est  fâcheux  que  M.  M.  n'ait 
pas  réimprimé,  sinon  son  essai  grammatical,  du  moins  les  textes,  qui  étaient  le 
meilleur  de  l'ouvrage. 

Les  changements  que  M.  M.  a  introduits  dans  son  Vocabulaire  sont  considé- 
rables; et  si  on  compare  l'édition  de  1856  à  celle  de  1870  (sic)  on  sera  frappé 
du  mouvement  considérable  qui  entre  ces  deux  dates  s'est  opéré  dans  l'esprit  de 
l'auteur.  C'est  une  véritable  révolution.  Il  est  évident  que  M.  M.  a  lu  dans  ces 
dernières  années  des  livres  où  il  est  traité  de  matières  philologiques,  et  même 
des  livres  très-savants.  Il  cite  Burguy,  Littré  ',  et,  ce  qui  est  un  excès,  Bruce- 
Whyte.  Mais  il  n'y  prend  pas  ce  qu'il  y  faut  prendre,  et  dans  ses  lectures  il 
paraît  avoir  moissonné  plus  de  mots  que  de  faits  et  d'idées. 

Cela  se  voit  de  prime  abord.  M.  M.  a  écrit  une  longue  Introduction  ou  induc- 
tions à  tirer  du  vocabulaire  en  ce  qui  concerne  principalement  la  phonétique  et  l'his- 
toire. M.  M.  a  vu  dans  quelque  livre  récent  ce  mot  phonétique  et  il  aura  pensé 
qu'il  était  bien  de  le  placer  quelque  part  en  évidence.  L'ayant  mis  dans  le  titre 
de  son  introduction,  il  a  été  conduit  à  le  faire  figurer  dans  l'introduction 
même,  et  il  l'a  fait  comme  il  suit  :  «  Une  étude  d'un  haut  intérêt,  c'est  la  phoné- 
))  tique  qui  les  concerne  (les  dialectes)  ou  leurs  innombrables  flexions  »  (p.  9). 
M.  M.  ne  sait  pas  que  le  terme  phonétique  désigne  tout  autre  chose  que  les 
flexions  :  à  savoir  le  système  des  sons  d'un  idiome.  M.  M.  a  également  entendu 
parler  de  l'accent  tonique  et  de  sa  persistance  à  peu  près  constante  dans  les 
idiomes  d'une  même  famille.  Mais  est-il  bien  sûr  de  se  comprendre  lui-même 
lorsque,  parlant  des  erreurs  de  Ménage,  il  écrit  :  «  Le  vrai  principe,  lequel 
»  repose  sur  l'accentuation,  n'était  pas  même  soupçonné  de  son  temps.  Or  il  suffit 
»  aujourd'hui  de  s'attacher  à  ce  principe  fécond  et  universel  et  de  ne  marcher 
»  qu'avec  lui  et  à  l'aide  du  bon  sens  pour  découvrir  les  dérivations  des  mots  »? 

Les  théories  exposées  par  M.  M.  dans  son  Introduction  et  dans  les  Remarques 
qui  terminent  le  volume  sont  en  général  moins  vagues  et  plus  saisissables,  mais 
l'erreur  en  devient  d'autant  plus  palpable.  Les  idées  de  M.  M.  sur  nos  anciens 
dialectes  et  sur  la  formation  de  la  langue  française  (car  il  paraît  que  ces  questions 
étaient  de  son  sujet)  sont  en  gros  :  qu'un  dialecte  est  le  langage  écrit  d'une 
ancienne  province,  et  le  patois  le  langage  vulgaire  et  non  écrit  de  cette  même 

I.  L'Hist.  de  la  langue  française  ;  M.  M.  ne  paraît  pas  avoir  consulté  le  D(c!ionna(>e  qui 
pourtant  lui  eût  épargné  bien  des  faux  pas. 


d'histoire  et  de  littérature.  545 

province  (p.  63);  conséquemraent,  que  dialectes  et  patois  ont  coexisté  de  tout 
temps  ';  que  du  concours  des  dialectes  «  se  pénétrant  entre  eux  »  étaient  nées 
la  langue  d'oc  et  la  langue  d'oil;  qu'enfin  «  après  trois  siècles  et  demi»  la  langue 
française  était  sortie  de  la  langue  d'oil  (p.  2).  Rien  de  tout  cela  n'est  à  discuter. 
Chacun  sait  que  dialecte  et  patois  sont  deux  termes  qui  désignent  une  même  chose 
à  deux  états  de  son  existence.  On  s'accorde  à  nommer  dialectes  les  diverses 
variétés  d'une  langue  à  une  époque  où  aucune  d'elles  n'a  décidément  pris  le 
dessus,  et  patois  ces  mêmes  variétés  dès  qu'un  dialecte  s'est  élevé  à  la  dignité 
d'idiome  littéraire  et  en  quelque  sorte  officiel.  Quant  à  la  langue  française,  on  a 
renoncé  à  l'hypothèse  tout-à-fait  gratuite  selon  laquelle  les  divers  dialectes  de 
la  France  du  nord  auraient  concouru  à  sa  formation  :  notre  langue  est  l'ancien 
dialecte  de  l'Ile-de-France  modifié  par  le  temps,  façonné  par  les  grammairiens, 
mais  à  peu  près  pur  de  toute  immixtion  normande,  picarde,  lorraine  ou  bour- 
guignonne. 

J'ai  dit  que  M.  M.  avait  apporté  d'importantes  modifications  au  vocabulaire 
proprement  dit.  Il  faut  l'en  louer  :  rien  de  ce  qu'il  a  supprimé  ou  modifié  n'est  à 
regretter.  Mais  on  ne  peut  dire  malheureusement  que  tout  ce  qui  abondait  ait 
été  élagué,  que  toutes  les  modifications  soient  véritablement  des  corrections. 
Beaucoup  de  mots  purement  français,  à  peine  altérés  par  la  prononciation  bour- 
guignonne, ont  été  retranchés,  mais  il  en  reste  encore  qui  auraient  dû  dispa- 
raître :  agrippai  (=  agripper)  est  de  la  langue  commune  ;  de  même  ainicrôche, 
ambrenai  ou  embrenai,  antan,  arche,  arsouille,  etc.  Assurément,  il  est  toujours 
difficile  de  fixer  la  juste  limite  où  doit  s'arrêter  celui  qui  coUige  les  mots  d'un 
patois;  mais  pourtant,  en  règle  générale  on  peut  dire  qu'il  faut  exclure  1°  les 
mots  empruntés  au  français,  2°  les  mots  appartenant  d'origine  au  patois,  mais 
qui  ne  diffèrent  point  pour  le  sens  des  mots  français  correspondants.  Dans  ce 
dernier  cas,  une  légère  différence  de  forme  n'est  pas  un  titre  à  leur  admission 
dans  le  vocabulaire,  à  moins  qu'il  se  rattache  à  ces  mêmes  mots  des  locutions 
proverbiales,  des  dictons,  des  façons  particulières  de  parler  qu'il  est  toujours 
bon  de  recueillir.  Malheureusement  ces  particularités  qui  caractérisent  l'idiome 
et  où  se  reflète  dans  une  certaine  mesure  la  nature  de  ceux  qui  le  parlent,  n'ont 
pas  obtenu  de  l'auteur  une  attention  assez  soutenue,  et  on  doit  d'autant  plus  s'en 
étonner  que  par  là  seulement  M.  M.  pouvait  justifier  le  sous-titre  de  son  œuvre: 
«  Étude  sur  l'histoire  et  les  mœurs...  »  Possédé  de  l'idée  déraisonnable  de  la  co- 
existence du  dialecte  et  du  patois,  il  s'est  principalement  attaché  à  réunir  aux 
mots  patois  des  mots  tirés  d'anciens  textes,  notamment  de  la  traduction  des 
sermons  de  saint  Bernard  qu'a  publiée  en  partie  M.  Le  Roux  de  Lincy.  Il  eût 
été  légitime  de  rapprocher  les  formes  anciennes  des  formes  actuelles  :  il  ne  l'est 
pas  de  réunir  dans  un  même  glossaire  des  mots  et  des  formes  de  dates  fort  dif- 
férentes. D'ailleurs  on  conçoit  que  le  relevé  des  mots  anciens  a  été  fait  à  peu 
près  au  hasard,  sans  principes  arrêtés.  Inutile  à  celui  qui  cherche  à  se  renseigner 

I.  De  là  le  titre  de  l'ouvrage:  Vocabulaire...  du  dialecte  et  du  patois  de  la  province  de 
Bourgogne. 


54^  REVUE    CRITIQUE 

sur  le  patois  de  la  Bourgogne,  il  ne  peut  guère  servir  non  plus  à  ceux  qui  dési- 
rent étudier  le  dialecte  de  la  même  province  pendant  le  moyen-âge. 

La  grande  modification  apportée  par  M.  M.  à  son  vocabulaire  consiste  dans 
la  volte-face  qu'il  a  fait  opérer  à  son  système  étymologique.  En  1856  il  cher- 
chait dans  le  celtique,  c^est-à-dire  dans  le  bas-breton,  l'origine  de  bon  nombre 
de  mots  qu'il  rapporte  aujourd'hui  au  latin.  Sans  doute  M.  M.  est  aujourd'hui 
plus  près  de  la  vérité  que  par  le  passé;  mais,  faute  d'études  bien  dirigées,  il  ne 
tire  guère  plus  de  profit  du  latin  que  du  bas-breton.  Aesmer  (mot  ancien)  ne 
vient  pas  d'aestimare,  mais  à^adaesiimare.  —  Agrippai  ne  peut  se  retrouver  dans 
arripere  :  c'est  un  composé  de  gripper,  mot  dont  l'origine  est  germanique  ;  voy. 
Littré  sous  gripper  et  griffer  ' . 

Il  y  a  aussi  des  étymologies  tirées  du  grec  qui  n'ont  pas  la  moindre  valeur  : 
ainsi  bâfrai  (bâfrer)  de  Pf£?oî;  bringuai  (trinquer,  boire  avec  excès)  de  ppéxeiv^, 
etc. 

Il  n'y  aurait  aucune  utilité  à  poursuivre  cette-  critique.  Ce  que  nous  avons  dit 
suffit  pour  aider  le  lecteur  à  se  former  une  opinion  sur  la  valeur  du  travail  de 
M.  Mignard;  quant  à  relever  une  à  une  les  erreurs  d'un  chercheur  d'étymolo- 
gies  qui  n'a  pas  l'idée  de  consulter  le  dictionnaire  de  M.  Littré,  nous  n'y  son- 
geons pas.  Il  est  cependant  une  erreur  que  nous  tenons  à  relever  parce  qu'elle 
est  volontaire.  Selon  M.  M.,  le  Comité  des  Travaux  historiques,  proposant  pour 
sujet  du  concours  de  1869  un  glossaire  d'un  patois,  aurait  émis  le  vœu  que, 
«  sans  négliger  les  étymologies,  on  rapprochât  l'idiome  du  moyen-âge  de  celui 
»  d'aujourd'hui  »  (p.  6).  M.  M.  a  lu  dans  le  programme  du  concours,  non  ce 
qui  s'y  trouve,  mais  ce  qu'il  y  désirait  trouver.  Les  personnes  qui  l'ont  rédigé 
savaient  bien  que  la  constatation  des  faits  linguistiques  et  la  recherche  de  leurs 
causes  sont  des  études  d'ordres  différents,  ayant  chacune  sa  méthode  propre  et 
exigeant  des  aptitudes  et  des  connaissances  distinctes.  Aussi  le  programme  en 
question  dit-il  aussi  expressément  qu'il  le  pouvait  sans  aller  jusqu'à  formuler  une 
exclusion  absolue  :  «  On  s^abstiendra  sans  inconvénient  d'indications  étymologiques, 
»  mais,  si  les  documents  anciens  et  surtout  les  chartes  du  pays,  le  permettent, 
))  on  pourra  avec  avantage  rapprocher  l'idiome  du  moyen-âge  de  celui  d'aujour- 
»  d'hui  3  »;  et  je  puis  assurer  à  M.  Mignard  que  dans  l'appréciation  des  travaux 
envoyés  au  concours,  la  commission  a  considéré  comme  nulles  et  non  avenues 
toutes  les  recherches  étymologiques  auxquelles  s'étaient  livrés  avec  plus  ou 
moins  de  succès  les  concurrents.  P.  M. 


1.  Au  mot  agripper,  M.  Littré  dit  :  «  autre  forme  du  mot  agripper,  Vf  se  permutant 
sans  peine  en  p  »;  ce  qui  donnerait  à  croire  que  la  permutation  de/en  ;?  a  eu  lieu  en 
français,  tandis  qu'elle  a  eu  lieu  en  allemand,  les  mots  griffer  et  gripper  correspondant  à 
deux  types  germaniques  dont  l'un  a  /  et  l'autre  p. 

2.  Voy.  Diez,  Etym.  Wœrt.  II,  14,  brindisi,  et  Littré,  brinde.  —  M.  M.  réunit  à  la 
p.  17  un  certain  nombre  d'étymologies  grecques  de  sa  façon  qui  sont  toutes  plus  ou  moins 
absurdes.  S'il  désire  se  renseigner  sur  ce  que  la  langue  française  contient  d'éléments  grecs, 
qu'il  lise  l'introduction  à  la  Grammaire  de  Diez  (2*  éd.  allemande  I,  56-60;  Irad.  G.  Pa- 
ris, p.  68-75). 

3.  Revut  des  Sociétés  savantes,  6'  série,  IV,  233. 


d'histoire  et  de  littérature.  547 

240.  —  La  materia  del  Morgsuite  in  un  ignoto  poema  cavalleresco  del  secolo  XV, 
per  Pio  Rajna.  Bologna,  tipi  Fava  e  Garaguani,  1869.  In-8*,  95  p. 

Les  savants  italiens  ont  rexcellente  habitude  de  faire  tirer  à  part  les  travaux 
d'une  certaine  étendue  qu'ils  ont  publiés  d'abord  dans  des  Revues.  On  ne  peut 
que  difficilement  se  procurer  à  l'étranger  tous  les  recueils  périodiques,  et  il  faut 
pourtant  nous  résigner  souvent  à  chercher  les  travaux  importants,  non-seulement 
dans  les  livres  de  longue  haleine ,  mais  dans  les  Revues.  Or  je  ne  pense  pas, 
pour  ne  citer  qu'un  exemple,  que  le  Propugnatore  soit  lu  par  beaucoup  d'italiani- 
sants de  France,  et  si  M.  Pio  Rajna  ne  s'était  décidé  à  publier  à  part  la  brochure 
que  j'annonce,  nous  aurions  pu  ignorer  longtemps  encore  un  fait  des  plus  ira- 
portants  que  ce  savant  révèle  et  qui  jette  un  jour  tout  nouveau  et  très-vif  sur 
une  partie  fort  intéressante  de  l'histoire  littéraire  du  Quattrocento.  M.  Rajna  se 
plaint  avec  raison,  —  et  je  me  suis  permis  également  d'exprimer  cette  plainte 
plus  d'une  fois  —  que  cette  époque  de  la  littérature  italienne  soit  trop  souvent 
sacrifiée  à  l'étude  exclusive  des  xv^  et  xvi^  siècles.  Des  travaux  comme  celui  de 
M.  Rajna  contribueront  puissamment  à  combler  cette  regrettable  lacune. 

M.  R.  a  trouvé  à  la  Laurentienne  le  manuscrit  presque  complet  d'un  poème 
chevaleresque  sans  titre  et  qu'il  propose  d'appeler  VOrlando.  Ce  poème,  M.  R. 
le  prouve  surabondamment,  a  servi  de  base  au  Morgante  de  Pulci.  Le  charmant 
poème  de  l'ami  de  Laurent  le  Magnifique  n'est  donc  qu'un  simple  rifacimento,  au 
même  titre  que  VOrlando  innamorato  de  Bemi.  Est-ce  à  dire  que  cette  intéressante 
trouvaille  diminue  en  rien  le  mérite  de  Pulci?  Nullement.  Ce  poème  original,  qui 
n'est  sans  doute  que  la  version  rimée  d'un  roman  en  prose,  manque  de  tout  ce 
qui  distingue  Messer  Luigi  :  élégance  de  style,  correction  du  vers  et  de  la  rime, 
sobriété,  goût  exquis,  connaissance  du  cœur  humain,  ironie  délicieuse,  art  de 
peindre  en  relief,  esprit  et  philosophie  pratique.  Pulci  ne  pourra  plus  prétendre 
au  mérite  de  l'invention,  sans  doute;  mais  outre  que  l'invention  seule  est  un  fort 
mince  mérite  dont  depuis  Sophocle  jusqu'à  Shakspeare  bien  des  poètes  ont  su 
se  passer,  il  faut  dire  que  ce  n'est  pas  même  une  surprise  pour  nous.  Comme 
toutes  les  personnes  qui  se  sont  occupées  de  la  poésie  chevaleresque  des  Italiens, 
nous  savions  parfaitement  que  Pulci  n'avait  point  inventé  son  sujet.  D'un  côté 
d'ailleurs  le  poète  regagne,  même  sous  le  rapport  de  l'invention,  ce  qu'il  semble 
perdre  de  l'autre.  Les  deux  épisodes  les  plus  charmants  du  poème  —  celui  de 
Margulte  et  celui  d'Astarotte  —  sont  bien  dus  et  e.xclusivement  dus  à  l'imagi- 
nation de  Pulci.  M.  Rajna  me  semble  avoir  mis  ce  point  hors  de  conteste.  Il  y  a 
un  autre  mérite  que  le  poète  florentin  semble  perdre  grâce  à  la  nouvelle  décou- 
verte :  c'est  celui  de  la  composition.  Je  ne  suis  pas  plus  chagriné  de  cette  perte 
que  de  l'autre,  je  dois  l'avouer  ;  car  je  n'ai  jamais  admiré  cette  savante  compo- 
sition, laquelle  m'a  toujours  paru  briller  par  sa  complète  absence.  Pulci  a  bien 
assez  de  qualités  pour  qu'on  ne  lui  prête  pas  celles  qu'il  n'a  pas  et  dont  il  serait 
le  plus  étonné  lui-même  de  se  voir  affublé ,  s'il  revenait  au  monde.  Il  racontait 
aux  Médicis,  comme  Arioste  devait  raconter  aux  d'Esté,  au  jour  le  jour  et  sans 
le  moins  du  monde  se  soucier  de  l'ensemble,  de  la  tela,  de  l'économie.  Cette 


348  REVUE    CRITIQUE 

absence  de  plan  et  cette  absence  d'invention  originale  sont  dans  la  nature  de  la 
poésie  épique  populaire.  Puisse-t-on  le  comprendre  enfin  et  nous  épargner  les 
éternelles  discussions  sur  l'unité  de  V Iliade  et  des  Nibelungen  ! 

Une  rapide  analyse  de  la  monographie  de  M.  Pio  Rajna  permettra  d'apprécier 
l'intérêt  de  la  découverte  et  le  mérite  du  savant  qui  a  su  en  tirer  un  si  grand  et 
si  utile  parti. 

Après  une  courte  description  du  manuscrit,  lequel  semble  être  de  la  seconde 
moitié  du  XV*  siècle ,  M.  R.  commence  la  confrontation  des  deux  poèmes  et 
montre  que  Pulci  suit  presque  toujours  strophe  par  strophe  et  vers  par  vers  le 
poète  inconnu  qu'il  a  pris  pour  guide.  Cette  fidélité  à  l'original  est  surtout 
remarquable  dans  les  trois  premiers  chants,  Pulci  s'émancipant  de  plus  en  plus  à 
mesure  qu'il  avance  dans  son  récit ,  et  se  permettant ,  non  plus  seulement  de 
changer  le  style  et  le  sens,  mais  encore  tantôt  d'amplifier,  tantôt  d'abréger  l'ori- 
ginal. J'ai  déjà  dit  que  l'épisode  si  charmant  de  Margutte  (fin  du  chant  XVIII, 
tout  le  chant  XIX  et  une  grande  partie  du  chant  XX  du  Morgante),  ne  se  trouve 
pas  dans  VOrlando  ;  et  il  faut  dire  en  général  que  le  personnage  comique  du  géant 
Morgante  ne  joue  qu'un  rôle  secondaire  dans  le  poème  ancien.  Quoique  la  fin  du 
manuscrit  retrouvé  manque,  M.  R.  croit  pouvoir  affirmer  que  la  perte  se  borne 
à  une  vingtaine  de  feuillets  au  plus;  et  le  sujet  tout  différent  des  cinq  derniers 
chants  de  Pulci,  qui  traitent  du  désastre  de  Roncevaux  et  qui  nous  reportent  à 
vingt-cinq  ans  plus  tard,  est  une  preuve  de  plus  que  le  poète  a  pris,  à  partir  du 
chant  XXIV,  pour  base  de  son  récit  un  autre  poème,  probablement  la  Spagna 
in  rima.  Ce  qui  semble  certain,  c'est  que  ces  cinq  derniers  chants  du  Morgante 
ont  été  composés  à  une  époque  postérieure  aux  vingt-trois  premiers,  comme 
nous  l'avons  toujours  soupçonné.  M.  R.  s'applique  ensuite  à  établir  l'antériorité 
de  VOrlando  sur  le  Morgante  avec  un  luxe  d'argumentation  presque  superflu. 

Dans  la  seconde  partie  de  son  travail  (p.  32  a  64),  l'auteur  de  notre  étude 
montre  les  changements  apportés  par  Pulci  à  son  original,  qu'il  ne  cesse  cepen- 
dant de  suivre  fidèlement.  C'est  là  qu'éclate  toute  la  supériorité  du  poète  floren- 
tin. On  peut  dire  même  avec  M.  R.  que  ce  n'est  que  maintenant  qu'on  peut 
apprécier  tout  le  talent  et  tout  le  goût  de  Pulci.  Construction,  vers,  mots,  tout 
a  été  changé  ;  et  d'une  œuvre  grossière  que  je  croirais  volontiers  d'un  cantatore 
di  piazza,  —  M.  R.  est  d'un  autre  avis,  —  l'ami  de  Laurent  a  fait  le  poème 
exquis  et  charmant  que  les  esprits  délicats  ne  cesseront  jamais  d'admirer.  Rien 
de  plus  curieux  en  particulier  que  la  transformation  des  stances  d'invocation. 
Ces  appels  à  la  sainte  Vierge  et  à  la  Trinité,  qui  ne  sont  qu'une  affaire  d'usage 
et  de  tradition  chez  le  jongleur,  prennent  chez  le  poète  de  cour  cette  légère 
teinte  ironique  dont  on  s'est  si  fort  étonné  autrefois  et  que  beaucoup  de  critiques 
ont  prise,  les  uns  pour  une  grossière  insulte  d'athée,  les  autres  pour  l'expression 
d'une  foi  naïve,  fort  étrangère  certainement  à  l'hôte  de  Carezzi.  Inutile  de  dire 
que  sous  le  rapport  du  langage  on  a  de  la  peine  à  reconnaître  les  octaves  heur- 
tées de  VOrlando  dans  les  stances  mélodieuses  et  faciles  du  Morgante.  M.  R. 
montre,  par  de  nombreux  exemples,  comment  Pulci  a  procédé;  et  cette  étude 
comparée  est  du  plus  grand  intérêt.  En  dehors  de  l'élégance,  de  la  correction. 


d'histoire  et  de  littérature.  349 

de  la  vivacité  et  du  goût,  il  appelle  l'attention  sur  les  raisonnements  auxquels 
Pulci  était  enclin  et  qu'il  a  introduits  dans  son  poème.  Il  aurait  dû  ajouter,  ce 
me  semble,  la  tendance  évidemment  cléricale  qui  se  manifeste  dans  le  Morgante 
(voy.  la  discussion  théologique,  le  sermon  de  l'abbé  et  le  dialogue  entre  Mor- 
gante et  l'abbé  au  V^  chant;  la  descente  projetée  de  Morgante  à  l'enfer,  les 
invocations  dont  j'ai  déjà  parlé,  etc.).  M.  R.  au  contraire  essaye  (p.  49)  de 
défendre  Pulci  contre  ce  reproche  qui  à  la  vérité  n'en  est  nullement  un  à  nos 
yeux.  M.  R.  signale  avec  un  égal  bonheur  toutes  les  allusions  théologiques  du 
poète  classique,  si  différentes  des  réminiscences  de  l'antiquité  qui  se  trouvent 
chez  le  poète  populaire  et  qui  se  bornent  aux  noms  et  aux  faits  contenus  déjà 
dans  les  romans  du  moyen-âge.  Certains  souvenirs  dantesques  appartiennent 
également  à  Pulci.  M,  R.  a  discuté  un  peu  longuement  la  question  de  savoir  s'il 
faut  considérer  le  Morgante  comme  un  poème  burlesque  :  nous  ne  le  suivrons 
point  dans  cette  discussion  qui  nous  semble  oiseuse  :  le  Morgante  est  une  admi- 
rable chose  sui  generis;  et  il  nous  semble  qu'on  devrait  enfin  se  convertir  à  la 

doctrine  de  Molière  :  «  la  grande  règle  de  toutes  les  règles  est  de  plaire et 

»  je  ne  demande  point  si  les  règles  d'Aristote  me  défendent  de  rire.  » 

Les  recherches  de  M.  R.  ne  lui  ont  pas  permis  de  fi.xer  le  nom  de  l'auteur  de 
VOrlando  :  il  prouve,  par  trop  de  preuves  peut-être,  que  ce  poème  n'est  pas  une 
première  ébauche  de  Pulci  lui-même.  H  nous  semble  en  effet  parfaitement  inu- 
tile d'ajouter  à  un  argument  excellent  et  irréfutable  vingt  autres  qui  le  sont 
beaucoup  moins  et  qui  ne  peuvent  qu'affaiblir  l'argument  principal.  Pourtant 
l'argumentation  de  M.  R.  ne  laissera  guère  de  doute  au  lecteur  :  VOrlando  est 
l'œuvre  d'un  poète  antérieur  à  Pulci.  M.  R.  a  également  réussi  à  prouver  dans 
un  dernier  chapitre  (p.  64  à  95)  que  ce  poète  antérieur  a  dû  être  florentin.  Il  a 
moins  bien  réussi  à  nous  persuader  que  la  date  de  1^84  se  trouve  dans  le  poème 
par  suite  d'une  interpolation.  Cette  interpolation,  il  l'admet  pour  toutes  les  inno- 
vations, les  descriptions  de  temps  et  de  lieux,  et  les  adieux  du  poète,  sans 
raison  selon  nous;  car  nous  trouvons  ces  formules,  si  l'on  peut  les  appeler  ainsi, 
dans  la  plupart  des  poèmes  populaires  de  l'Italie.  Il  est  vrai  que  M.  R.  ne  veut 
pas  voir  dans  le  poète  de  VOrlando  un  cantatore  di  piazza,  ce  qui  nous  semble- 
rait pourtant  fort  probable.  Quant  à  la  source  de  VOrlando,  elle  doit  être 
cherchée  dans  un  des  nombreux  romans  en  prose,  dans  le  genre  des  Reali  di 
Francia,  qui  avaient  cours  en  Italie  au  xiv*^  siècle;  l'auteur  du  poème  le  dit 
expressément  lui-même.  De  p.  76  à  p.  91,  M.  R.  donne  de  précieux  extraits 
du  poème  découvert  par  lui,  environ  soixante-treize  octaves,  qui  permettent  de 
contrôler  ses  assertions,  d'ailleurs  toujours  étayées  par  des  citations  dans  le 
corps  de  son  étude. 

J'aurais  bien  quelques  petites  objections  de  détail  à  faire  à  M.  R,;  mais  en 
somme  il  me  semble  que  cette  heureuse  trouvaille  n'aurait  pu  tomber  dans  des 
mains  plus  intelligentes,  plus  consciencieuses  et  plus  préparées  à  les  recevoir. 
L'auteur  a  mille  fois  raison  de  dire  en  finissant  que  des  études  de  ce  genre,  si 
méprisées  par  les  profanes,  sont  du  plus  haut  intérêt  :  ce  mépris,  dit-il  en  ter- 
minant, è  la  cagione  per  cui  noi  non  possediamo  ancora  una  vera  istoria  délia  nostra 


3  50  REVUE  CRITIQUE 

letîeratura.  A  volera  finalmente  lavare  cotai  macchia  non  è  mestiere  disputare  se  più 
valga  il  Furioso  o  la  Gerusalemme,  sebbene  lavorare  pazlentemente  e  coraggiosamente 
per  esîirpare  poco  a  poco  tutti  i  bronchi  che  c'impediscono  per  ora  non  solo  di  com- 
piere,  ma  perfino  di  pensare  alla  impresa.  M.  R.  peut  se  flatter  d'avoir  rendu  un 
service  de  ce  genre,  et  un  service  éminent,  à  ceux  qui  étudient  plus  spéciale- 
ment la  littérature  du  Quattrocento.  K.  H. 


241.  — Institutio  theologiae  dogmaticae  evangelicae  historico-critica. 

Scripsit  C.  L.  W.  Grimm.  Editio  secunda.  lena,  1869.  In-8°,  x-484  pages.  —  Prix: 
Sfr. 

Les  ouvrages  consacrés  à  l'exposition  de  la  théologie  dogmatique  ou,  comme 
on  dit  communément,  de  la  dogmatique,  constituent  la  partie  la  plus  intéressante 
de  la  littérature  théologique;  et  cela  se  conçoit,  puisque  la  dogmatique  est  en 
définitive  le  point  central  vers  lequel  convergent  toutes  les  autres  branches  des 
sciences  théologiques.  En  Allemagne,  il  n'est  presque  pas  un  seul  des  professeurs 
de  dogmatique  qui  ont  acquis  quelque  réputation,  qui  n'ait  composé  un  manuel 
analogue  à  celui  que  nous  annonçons.  Les  ouvrages  de  ce  genre  sont  avant  tout 
destinés  à  l'enseignement.  Chacun  d'eux  est  comme  le  thème  que  le  professeur 
explique  et  développe  dans  ses  leçons.  Mais  quoique  écrits  pour  l'usage  des 
étudiants  en  théologie,  ces  manuels  sont  assez  explicites  pour  pouvoir  donner  à 
tout  lecteur  sérieux  une  idée  suffisante  de  cettebranche  capitale  de  la  théologie. 
Cela  me  paraît  vrai  surtout  de  celui  de  M.  Grimm. 

L'ouvrage  se  divise  en  trois  parties  précédées  de  prolégomènes  fort  étendus 
(173  pages)  et  très-bien  faits.  La  première,  sous  le  titre  général  de  théologie 
proprement  dite,  traite  1°  de  la  notion  et  de  l'existence  de  Dieu,  2°  de  sa 
nature  (vertus  et  attributs  de  Dieu,  et  doctrine  de  la  Trinité),  3»  de  son  action 
(création,  providence  et  théodicée)  et  4°,  dans  un  appendice,  de  la  doctrine  des 
anges  et  des  démons.  La  seconde  est  une  anthropologie  théologique.  Comme 
l'indique  ce  titre,  l'homme  y  est  considéré  au  point  de  vue  de  la  religion.  Il  y 
est  question  de  l'origine  du  genre  humain,  de  la  notion  biblique  de  l'image  de 
Dieu,  à  laquelle  l'homme  fut  créé,  enfin  de  la  notion  et  de  la  nature  du  péché. 
La  troisième  est  la  sotériologie,  ou  la  doctrine  du  salut  par  Christ,  et  il  y  est 
traité  1°  de  la  christologie,  c'est-à-dire  de  la  nature  du  Christ  et  de  son  œuvre, 
20  des  conditions  du  salut  (la  prédestination,  la  grâce,  la  justification,  les  sacre- 
ments, l'Église)  et  3°  de  l'eschatologie,  c'est-à-dire  des  idées  que  les  Hébreux, 
les  Juifs,  le  Nouveau-Testament  et  enfin  l'Église,  se  sont  faites  de  l'état  ou  des 
états  de  l'homme  après  la  mort. 

Ce  cadre  est  à  peu  de  choses  près  celui  de  tous  les  manuels  de  dogmatique. 
Mais  ce  qui  distingue  l'ouvrage  de  M.  Grimm  de  tous  les  autres  ouvrages  du 
même  genre,  c'est  d'abord  sa  méthode  d'exposition  et  de  discussion,  c'est 
ensuite  l'esprit  critique  qui  y  règne  du  commencement  à  la  fin. 

Ce  théologien,  réellement  philosophe,  a  cru  avec  juste  raison  que,  pour 
exposer  et  discuter  convenablement  une  doctrine,  il  fallait  premièrement  en 


d'histoire  et  de  littérature.  351 

rechercher  les  origines  dans  l'enseignement  de  Jésus-Christ  et  dans  celui  des 
Apôtres,  et  en  second  lieu  en  suivre  la  formation  et  le  développement  dans  les 
écrits  des  Pères,  des  scolastiques  et  des  réformateurs.  En  conséquence,  sur 
chaque  dogme  il  commence  par  examiner  ce  qu'en  disent  les  livres  saints;  il 
recherche  ensuite  quelle  opinion  s'en  firent  les  plus  anciens  docteurs  de  l'Église, 
puis  comment  on  l'entendit  au  moyen-âge,  et  enfin  quelles  explications  en  ont 
données  les  réformateurs  soit  luthériens  soit  calvinistes.  Après  avoir  ainsi  tracé 
1°  une  exposition  biblique  et  2°  une  histoire  de  ce  dogme,  il  fait  connaître  l'état 
actuel  de  la  question,  c'est-à-dire  les  opinions  respectives  des  supranaturalistes 
et  des  rationalistes  sur  ce  point,  et  les  raisons  que  chacun  de  ces  deux  grands 
partis  théologiques  invoque  en  faveur  de  son  explication.  Enfin  vient  une  discus- 
sion critique  du  dogme  lui-même,  de  ses  sources  scripturaires,  des  diverses 
interprétations  qu'on  en  a  données,  etc. 

Une  discussion  des  dogmes  faite  dans  ces  conditions  ne  risque  pas  de  s'éga- 
rer dans  le  vide,  surtout  quand  elle  reste  indépendante,  comme  c'est  ici  le  cas, 
des  idées  de  convention.  M.  G.  est  sincèrement  attaché  au  christianisme,  et 
c'est  sans  le  moindre  doute  parce  qu'il  y  est  attaché  qu'il  tient  à  le  dégager 
autant  des  fausses  interprétations  qu'en  a  données  soit  la  théosophie  bizarre  des 
premiers  siècles,  soit  en  divers  moments  une  piété  plus  fervente  qu'éclairée,  que 
des  restes  des  croyances  juives  dont  n'avaient  pu  se  dépouiller  ses  premiers 
propagateurs.  S'il  fallait  formuler  le  principe  d'après  lequel  il  a  procédé,  il  me 
semble  qu'on  pourrait  le  faire  en  ces  termes  :  il  ne  faut  tenir  pour  chrétien  que 
ce  qui  est  conforme  aux  vérités  morales  et  à  l'esprit  général  qui  sont  essentiels 
au  christianisme  et  qui  le  caractérisent  en  propre  ;  tout  le  reste  est  une  super- 
fétation,  dont  les  diverses  origines,  étrangères  aux  principes  chrétiens,  n'ont  pas 
échappé  à  l'histoire  et  à  la  critique. 

Ce  n'est  pas  cependant  que  M.  G.  ne  se  mette  parfois  en  contradiction  avec 
ses  propres  principes.  Ainsi  quand  il  admet  l'anamartésie  de  Jésus,  il  ne  prend 
pas  garde  que  cette  croyance  tombe  sous  le  coup  d'arguments  entièrement  ana- 
logues à  ceux  qu'il  fait  valoir  contre  la  doctrine  luthérienne  de  la  communication 
des  idiomes  (p.  346  et  347).  Dans  tous  les  cas,  il  aurait  dû  en  donner  des 
preuves  plus  décisives;  celle  qu'il  présente  (p.  350),  la  seule  d'ailleurs  qu'il  fasse 
valoir,  paraîtra  certainement  insuffisante. 

On  fera  probablement  la  même  remarque  sur  sa  preuve  de  la  réalité  historique 
de  la  résurrection  de  Jésus,  preuve  qu'il  tire  du  changement  qui  s'opéra  dans 
les  Apôtres,  découragés  et  abattus  avant  cet  événement,  et  après,  au  contraire, 
pleins  d'espérance  et  d'ardeur.  C'est  aller  bien  loin,  ce  me  semble,  que  de 
prétendre  que,  sans  la  résurrection  du  fondateur  du  christianisme,  sa  cause 
aurait  péri  sans  le  moindre  doute,  et  qu'il  en  serait  à  peine  resté  quelques  traces 
(p.  360).  Ce  qui  surprend  encore  davantage,  c'est  qu'il  présente  la  résurrection 
comme  un  fait  réel,  tout  en  rangeant  l'ascension  dans  la  classe  des  mythes.  Ces 
deux  faits  sont  évidemment  inséparables.  Si  l'ascension  est  un  mythe,  la  résur- 
rection ne  peut  être  un  événement  historique,  et  si  la  résurrection  est  un  fait 
réel,  l'ascension  ne  peut  être  un  mythe.  Et  que  serait  devenu  Jésus,  si,  étant 


3  5^  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

ressuscité,  il  n'était  pas  monté  au  ciel?  Selon  M.  Grimm,  il  aurait  peu  à  peu 
déshabitué  ses  disciples  de  sa  présence  et  de  sa  société,  et,  après  s'être  retiré 
dans  des  lieux  inconnus,  il  serait  revenu  de  temps  à  autre  les  voir  pour  les  con- 
soler et  les  encourager  (p.  362).  Optime  id  conjiciîur,  dit-il.  Cet  optime  me  parait 
bien  hasardé.  Si  Jésus  ressuscité  était  resté  sur  la  terre,  il  n'aurait  pu  se  mettre 
à  l'écart  sans  porter  le  découragement  dans  le  cœur  de  ses  partisans.  C'est  alors 
que  sa  cause  aurait  périclité.  Et  dans  le  cas  qu'il  n'eût  pas  voulu  confondre  lui- 
même  les  Juifs  en  se  présentant  au  milieu  d'eux,  ses  disciples,  dans  l'élan  de 
leur  enthousiasme,  n'auraient  pu  s'empêcher  de  l'entraîner  de  vive  force  à 
Jérusalem,  sur  la  place  publique  ou  dans  le  Temple,  pour  le  produire  aux  yeux 
de  la  foule  comme  la  preuve  irrécusable  de  la  divinité  de  son  enseignement  et 
de  sa  personne. 

Il  ne  faudrait  pas  cependant  donner  trop  d'importance  à  ces  observations. 
Quand  un  ouvrage  embrasse  tant  de  questions  délicates  et  difficiles,  ce  n'est 
pas  aux  quelques  inconséquences  ou  aux  quelques  défaillances  que  peut  y  décou- 
vrir une  critique  minutieuse,  qu'il  faut  regarder  pour  le  juger;  c'est'bien  plutôt  à 
la  solidité  et  à  l'étendue  de  l'érudition,  à  la  valeur  des  principes,  à  l'ensemble  de 
la  discussion.  Sous  ce  rapport,  le  manuel  de  M.  G.  est  un  des  ouvrages  les  plus 
remarquables  que  je  connaisse.  Nulle  autre  part  on  ne  saurait  trouver  une  expo- 
sition exégétique  et  historique  plus  claire  et  une  appréciation  aussi  réellement 
scientifique  des  conceptions  théologiques.  Les  personnes  qui  s'occupent  chez 
nous  des  idées  religieuses  pourraient  y  puiser  un  ensemble  de  connaissances 
qu'elles  ne  semblent  pas  toujours  posséder  à  un  degré  suffisant.  Et  pour  me 
borner  aux  questions  que  dans  ce  moment  elles  débattent  le  plus  vivement,  je 
leur  recommande  les  chapitres  relatifs  à  l'origine  de  la  religion,  à  la  notion  de 
la  religion  naturelle,  à  la  question  de  la  révélation  et  à  celle  des  miracles,  à  la 
perfectibilité  de  la  religion  chrétienne  et  à  l'inspiration  des  écrits  bibliques. 

Il  n'est  pas  inutile  d'ajouter  que  le  latin  de  M.  Grimm  est  toujours  pur,  cou- 
lant, facile,  et  en  somme  aussi  élégant  que  peut  le  permettre  la  nature  d'un 
sujet  pour  lequel  le  vocabulaire  des  anciens  écrivains  de  Rome  est  tout-à-fait 
insuffisant.  Michel  Nicolas. 


242.  —  Geschichte  der  Gesellschaf t ,  von  D'  Johann  Joseph  Rossbach.  I  Theii. 
Die  Aristokratie.  Wùrzburg,  Stuber,  1868.  In- 18,  xij-283  pages.  —  Prix  :  4  fr. 

L'auteur  de  cette  Histoire  de  [^aristocratie,  première  partie  d'une  Histoire  de  la 
Société,  a  conçu  une  vaste  entreprise,  mais  il  ne  paraît  pas  de  taille  à  l'exécuter 
d'une  façon  tout-à-fait  satisfaisante.  Les  vues  historiques  qu'il  expose  dans  son 
introduction  sont  sans  portée  :  l'histoire  de  l'humanité  repose  selon  lui  sur  l'équi- 
libre des  fautes  humaines  et  de  la  providence  divine.  L'idée  de  loi,  au  sens 
scientifique  de  ce  mot,  et  comme  l'a  conçue  Buckle,  est  étrangère  à  son  esprit. 
—  Ce  petit  volume  se  laisse  lire  ;  les  faits  sont  généralement  bien  présentés, 
mais  on  n'y  apprend  rien  de  bien  nouveau.  L. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


de  la  future  Exposition  universelle  à  Londres.  —  Un  Laboratoire  chimique  pour 
l'art  industriel.  —  Société  pour  l'avancement  de  l'art  industriel  à  Dresde.  — 
Sur  un  Crucifix  en  argent  avec  émail  translucide  du  milieu  du  xV  siècle.  —  L'Art 
et  les  industries  d'art  dans  le  budget  de  l'Angleterre.  —  Le  nouveau  Musée  de 
Weimar.  —  J.  Falke,  Une  Famille  de  bijoutiers  romains  :  les  Castellani.  —  Le 
Trésor  d'Hildesheim  et  l'Art  industriel  contemporain.  —  D'Eitelberger,  L'Ex- 
position de  V Union  centrale  des  beaux-arts  appliquée  à  l'Industrie,  en  1869. — 
Organisation  des  Écoles  moyennes  pour  les  classes  ouvrières  dans  les  Pays- 
Bas,  etc.,  etc. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ou\Tages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 

magasin. 


Armfield  (H.  T.).  The  Legend  of  Chris- 
tian Art  illustrated  in  the  Statues  of  Sa- 
lisbury  Cathedral.  Pet.  in-8*  cart.,  160 
p.  Salisbury  (Brown).  5  fr. 

Bascom  (J.).  The  Principles  of  Psycho- 
logy.  In-i2,  345  p.  New-York.  5  fr.  75 

Burgess  rW.  R.).  The  Relations  of  Lan - 
guage  to  Thought.  In- 12  cart.  London 
(Williams  and  Norgate).  3  fr.  1 5 

Chroniques  d'Estienne  Médicis,  bourgeois 
du  Puy,  publiées  au  nom  de  la  Société 
académique  du  Puy  par  A.  Chassaing. 
T.  I.  In-4',  568  p.  Le  Puy  (imp.  Mar- 
chessou). 

Juvénal.  Les  Satires,  traduites  en  vers 
français  par  J.  H.  Curé,  président  hono- 
raire du  tribunal  civil  de  Provins.  In-8*, 
iv-249  p.  Paris  (lib.  Lachaud). 

Lévrier  (G.).  Précis  historique  de  la  ville 
de  Melle.  In-8*,  xij-iyi  p.  Melle  (libr. 
Moreau  et  Lacuve). 

Marchant  fJ.).  Notices  sur  Rome,  les 
noms  propres  et  les  dignités  mentionnés 
dans  les  légendes  des  monnaies  impériales 
romaines.  In-8*,  671  p.  Paris  (lib.  Roi- 
lin  et  Feuardant).  10  fr. 

Matériaux  d'archéologie  et  d'histoire  par 
MM.  les  archéologues  de  Saône-et-Loire 
et  des  départements  limitrophes.  Notices 
et  dessins  colligés  par  J.  G.  et  L.  L. 
N*  I.  Janvier  1869.  In-8',  16  p.  et  pi. 
Chalon-sur-Saône  (imp.  Landa). 

Mémoires  de  la  Société  littéraire  de  Lyon. 
Littérature,  histoire,  archéologie.  Année 


i868.  In-8*,  lxx-160  p.  Lyon  (impr. 
Vingtriniet). 

Perkins  (C).  Les  Sculpteurs  italiens. 
Édition  française,  revue,  augmentée  et 
ornée  d'un  album  contenant  80  eaux- 
fortes  gravées  par  l'auteur  et  de  3  5  grav. 
sur  bois  dans  le  texte  d'après  ses  dessins 
et  des  photographies.  Ouvrage  traduit  de 
l'anglais  par  M.  Ph.  Haussoullier.  2  vol. 
in-8*,  939  p.  Paris  (lib.  Renouard). 

Proust.  Archives  de  l'Ouest.  Recueil  de 
documents  concernant  l'histoire  de  la 
Révolution,  1789-1800.  Série  B.  Admi- 
nistrations locales.  N*  1.  Poitou  (Deux- 
Sèvres,  Vendée,  Vienne).  Gr.  in-8*,  xvj- 
224  p.  Saint-Maixent  (imp.  Reversé). 

Proust  (A.).  La  Justice  révolutionnaire  à 
Niort.  In-8*,  xxx-208  p.  et  plan.  Melle 
(imp.  Moreau  et  Lacuve). 

Royer  (C).  Origine  de  l'homme  et  des 
sociétés.  In-8*,  xxiv-519  p.  Saint-Denis, 
Paris  (lib.  Guillaumin  et  G"). 

Sainte-Beuve.  Le  général  Jomini.  In- 18 
Jésus,  242  p.  Paris  (lib.  Michel  Lévy 
frères).  2  fr. 

The  Révélation  to  the  Monk  of  Eves- 
ham,  II 96,  carefully  edited  from  the 
unique  copy  now  in  the  British  Muséum 
of  the  édition  printed  by  W.  M.  Mach- 
linia  about  1482,  by  E.  Arber.  In-12, 
112p.  English  Reprints.  London  (Arber). 

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de  Mont  Sainct-Michel,  advenue  le  vingt- 
deuxième  juillet  dernier  passé.  In-8' 
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w^estlichen  Zuflûsse  in  den  J.  1862-1864.  Mit  e.  Vorworte  v.  D""  A.  Petermann. 
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Nogent-le-Rolrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N"  49  Quatrième  année  4  Décembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


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Un  an,  Paris,  15  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
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LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

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J.  0/\UiV10/\rvl  ILIM  laires  du  Nord  et  du  Centre 
de  la  France,  contenant:  i°  les  patois  normand,  picard,  rouchi,  wallon,  man- 
ceau,  poitevin,  champenois,  lorrain,  bourguignon,  ainsi  que  ceu.K  du  Centre  de 
la  France;  20  les  termes  populaires  et  néologiques  du  langage  parisien,  qui 
manquent  dans  tous  les  dictionnaires  ;  3°  les  termes  populaires  qui  se  rencontrent 
dans  les  auteurs  tant  anciens  que  modernes;  4°  la  prononciation  des  idiomes 
populaires;  $°  des  notices  historiques  sur  la  prononciation  de  la  langue  litté- 
raire. 

Tome  I.  r*  livraison.  In-S".  î  ff-  75 

BT  -T)  j  T  /-\  r-r^  |T  fT»  /^  A  Oricntalis  et  Linguislica.  Catalogue 
i  D  L-i  L  v_y  1  ri  ILv^/\  des  ouvrages,  recueils  et  mémoires 
relatifs  aux  langues  orientales  et  à  la  philologie  comparée  parus  en  Allemagne 
depuis  i8$o  jusques  et  y  compris  1868,  publié  par  C.  H.  Hermann.  i  vol.  in- 
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moyen-àge.  i  vol.  in-4°.  20  fr. 


PÉRIODiqUES    ÉTRANGERS. 

Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N"  46,  6  novembre. 

Théologie.  Kautzsch,  De  veteris  Testamenti  locis  a  Paulo  allegatis  (Leipzig, 
Lorentz;  très-bon  travail).  —  Guizot,  Méditations  sur  la  religion  chrétienne 
(Paris,  Lévy).  —  Histoire.  Dahlmann's  Quellenkunde  der  deutschen  Geschichte, 

?.  Auflage von  Waitz  (Gœttingen,  Dieterich;  M.  Waitz  a  complètement 

refondu  l'ouvrage  utile  de  Dahlmann).  —  Hammerstein-Loxten  ,  Der  Barden- 
gau  (Hannover,  Hahn).  —  Erdmannsdœrffer,  Graf  Georg  Friedrich  von 
Waldeck  (Berlin,  Reimer;  intéressante  étude  sur  un  ministre  prussien  du 
XVII''  siècle).  —  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Aristophanis  Equités,  rec.  von 
Velsen  (Leipzig,  Teubner;  édition  des  plus  importantes  pour  l'établissement 
critique  du  texte).  —  Hirzel,  De  bonis  in  fine  Philebi  enumeratis  (voy.  Rev. 
crit.,  1869,  t.  I,  art.  73).  —  Christ,  Die  metrische  Ueberlieferung  der  pinda- 
rischen  Oden  (nous  rendrons  compte  de  ce  livre  incessamment).  —  Hœpfner 
und  Zacher,  Zeitschrift  fur  deutsche  Philologie.  —  Dœring,  Ueber  die  Quellen 
der  Niflungasaga  in  der  Thidreksaga  (Halle;  il  résulterait  de  ce  travail,  contrai- 
rement à  l'opinion  reçue,  que  le  compilateur  de  la  Thidreksaga  a  puisé  dans  les 
poèmes  connus  sur  les  Nibelungen  et  non  dans  des  traditions  orales  propres  à  la 
Basse-Saxe).  —  Hûgel,  Ueber  Otfrid's  Versbetonung  (Leipzig,  Vogel).  — 
LIPPOLD,  Ueber  die  Quelle  des  Gregorius  Hartmann's  von  Aue  (Leipzig,  Lorentz  ; 
excellent  travail,  sur  lequel  nous  reviendrons).  —  Archéologie.  Kekulé,  Die 
Balustrade  des  Tempels  der  Athena-Nike  (Leipzig,  Engelmann).  —  Schrader. 
Die  Sirenen  (Berlin,  Reimer;  travail  fait  avec  soin,  mais  dont  les  conclusions 
sont  difficilement  acceptables). 

The  Athenseum.  6  novembre. 

W.  H.  RussEL,  A  Diary  in  the  Easî  during  the  Tour  of  the  Prince  and  Princess 
ofWales;  Routledge.  —  Rev.  Brisbane,.  The  Early  Years  of  Alexander  Smith, 
Poetand  Essayist;  Hodder  and  Stoughton.  —  Mr.  and  Mrs  Petherick,  Travels 
in  Central  Africa  and  Explorations  of  the  Western  Nile  Tributaries ;  2  vol.;  Tinsley. 

—  Sur  des  poèmes  de  William  Basse  nouvellement  retrouvés  (communication  de 
M.  P.  Collier).  —  L'astronomie  en  France  (à  propos  de  l'établissement,  proposé 
par  M.  Faye,  d'observatoires  en  divers  lieux  de  la  France).  —  Sur  l'exposition 
des  beaux-arts  appliqués  à  l'industrie  à  Paris. 

Historische  Zeitschrift.  Hgg.  von  H.  voN  Sybel.  Mûnchen,  Cotta,   1869. 

N°4. 

L  Essais.  K.  Menzel,  De  l'arrangement  et  du  classement  des  archives.  Travail 
très-intéressant.  L'auteur  loue  beaucoup  la  publication  des  inventaires  en  France. 
Il  semble  ignorer  que ,  grâce  aux  prescriptions  ministérielles ,  l'utilité  de  ces 
inventaires  est  assez  douteuse.  —  R.  Pauli,  Notes  sur  l'histoire  d'Irlande,  sous 
les  Tudor .  Écrit  à  propos  du  Calendar  of  the  Carew  manuscripts  at  Lambeth, 
publié  par  MM.  Brewer  et  Bullen.  —  E.  Feuerlein,  La  place  que  doit  occuper 
saint  Augustin  dans  l'histoire  ecclésiastique  et  sociale.  —  A.  Brûckner,  Les 
rapports  de  la  Suède  et  de  la  Russie  en  1788.  Travail  tiré  en  grande  partie  de 
sources  russes,  peu  connues  jusqu'ici. 

II.  Critiques  principales  [d'ouvrages  de  la  plupart  desquels  nous  avons  rendu 
compte].  De  Mas  Latrie,  Traités  de  paix  et  de  commerce  avec  les  Arabes  d'Afrique. 

—  L.  Léger,  Cyrille  et  Méthode.  —  L.  Hausser,  Histoire  de  l'époque  de  la  Réforme 
(1517-1648),  p.  p.  W.  Oncken.  Cours  sténographié  du  célèbre  professeur  de 
Heidelberg.  —  Souchay,  Deutschland  w£hrend  der  Reformation.  —  A.  Stern, 
Die  zwœlf  Artikel  der  Bauern.  —  A.  Gindely,  Geschichte  des  dreissigjahrigen  Krieges, 
I  (la  Revue  rendra  prochainement  compte  de  cet  important  ouvrage).  —  Rod. 
Reuss,  La  destruction  du  protestantisme  en  Bohême.  —  Id.  Josias  Glaser.  — A.  Wolf, 


REVUE    CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  49  —  4  Décembre  —  1869 

Sommaire  :  243 .  Bucheler,  la  Liste  péripatéticienne  d'Herculanum. —  244.  Cornélius 
Nepos,  texte  latin,  p.  p.  Monginot.  —  245.  De  Witte,  Recherches  sur  les  empe- 
reurs qui  ont  régné  dans  les  Gaules.  —  24e.  Leclerc,  l'Église  wallonne  de  Hanau. 

245.  —  Index  Scholarum  in  Univ.  litt.  Gryphiswaldensi  per  sem.  hibern.  a. 
MDCCCLIX-MDCCCLXX  habendarum.  —  Inest  :  Academicorum  Philosophorum 
Index  Herculanensis  editus  a  Francisco  Buchelero.  Gryphisw.  typis  Kunike,  1869. 
24  p. 

L'exploration  des  papyrus  d'Herculanum,  au  gré  de  beaucoup  de  personnes, 
n'a  pas  justifié  jusqu'ici  les  espérances  peut-être  un  peu  exagérées  qu'avait  fait 
concevoir  leur  découverte.  En  tout  cas  on  ne  saurait  nier  que  si  nous  avions  eu  le 
choix,  nous  aurions  désiré  voir  sortir  de  dessous  les  cendres  du  Vésuve  d'autres 
écrits  que  ceux  qu'on  a  réussi  à  en  tirer  jusqu'à  ce  jour.  On  aurait  tort  néan- 
moins de  ne  pas  reconnaître  le  double  avantage  qui  est  résulté  de  cette  décou- 
verte inattendue.  La  connaissance  plus  exacte  des  conditions  matérielles  du  livre 
chez  les  anciens  a  fourni  à  la  critique  verbale  plus  d'une  indication  précieuse 
pour  la  guider  dans  la  restitution  des  textes.  D'autre  part,  pour  être  d'un  intérêt 
moins  général  soit  quant  à  leur  contenu,  soit  quant  à  leur  valeur  intrinsèque,  les 
textes  déjà  publiés  ont  servi  à  combler  plus  d'une  lacune,  principalement  en  ce 
qui  concerne  l'histoire  littéraire  des  siècles  entre  Alexandre  et  Auguste,  pour 
lesquels  nous  comptons  un  si  petit  nombre  d'ouvrages  conservés.  A  cet  égard  la 
liste  des  philosophes  académiciens  mérite  une  attention  toute  spéciale.  Publiée 
dans  le  dernier  tome  des  Vohmina  Herculanensia,  cette  liste  a  été  réimprimée 
par  M.  Spengel  dans  le  second  volume  supplémentaire  du  Philologus.  Aux  efforts 
faits  par  ce  savant,  M.  Bucheler  joint  aujourd'hui  les  siens.  Il  a  réussi  à  combler 
un  nombre  considérable  des  lacunes  que  présente  ce  catalogue.  Avec  une  modestie 
qui  honore  le  nouvel  éditeur,  il  est  le  premier  à  déclarer  que  son  travail  ne 
saurait  être  le  dernier  mot  de  la  science.  En  effet,  comme  il  le  fait  observer  avec 
beaucoup  de  justesse,  une  restitution  complète,  bien  entendu  dans  les  limites  du 
possible,  ne  peut  être  espérée  que  de  l'étude  réitérée  de  ce  document,  aidée  par 
le  temps  et  par  le  hasard.  Malheureusement  ce  qui  resterait  à  faire  est  considé- 
rable et  le  plus  souvent  impossible.  Quoi  qu'il  en  soit,  grâce  aux  procédés  ingé- 
nieux de  M.  B.  et  aux  rapprochements  qu'il  fait  de  tous  les  passages  soit  de 
Diogène  Laërce,  soit  des  autres  auteurs  de  l'antiquité  qui  nous  ont  conservé  des 
détails  sur  les  philosophes  dont  il  s'agit,  la  liste  telle  qu'il  l'a  publiée  peut  prendre 
dès  à  présent  une  place  importante  parmi  les  documents  peu  nombreux  relatifs 
à  l'histoire  de  la  philosophie  grecque.  Quoiqu'elle  ne  soit  pas  l'œuvre  d'un 
philosophe  de  profession,  mais  bien,  comme  le  montre  M.  B.  en  rectifiante  cet 
VIII  23 


3  54  REVUE    CRITIQUE 

égard  une  hypothèse  de  M.  Nietzsch  {Rhein.  Muséum,  t.  24,  p.  187),  d'un  litté- 
rateur athénien,  elle  servira  à  contrôler  ou  à  rectifier  utilement  un  grand  nombre 
de  notices  fournies  par  Diogène  Laërce,  qui  semble  avoir  puisé  fréquemment  aux 
mêmes  sources  que  l'auteur  de  cette  énumération.  Au  nombre  de  ces  sources  il 
faut  placer  Hermippe.  Le  catalogue  dont  il  s'agit  fournit  le  titre  d'un  ouvrage  ou 
plutôt  celui  des  parties  dont  paraissent  s'être  composées  les  Vies  des  philosophes 
de  cet  écrivain,  titre  qu'on  ne  connaissait  pas  encore.  Le  voici  tel  que  l'a  restitué 
en  partie  M.  B.  col.  XI,  4  ss.  : 

"EpjxiTTTTo;  ïv  t[oî?  pî 
ot;  Twv]  OLTzb  (pt)>oaoçta[ç  el; 
Tupavvîû[a;  xat  ôuva(TT£[t 
aç  [jLEÔeffJTriXOTWv. 

Ce  détail  servira  à  compléter  ce  que  nous  savions  au  sujet  d'Hermippe,  le 
disciple  de  Callimaque,  qui  est  évidemment  le  même  qu'Hermippe  de  Smyrne, 
et  dont  l'importance,  surtout  comme  source  principale  de  Diogène  Laërce,  est 
reconnue  de  plus  en  plus.  Aussi  mériterait-il  bien  l'honneur  d'une  nouvelle 
monographie,  celle  de  Loczynski  ayant  singulièrement  vieilli.  De  toute  façon 
celui  qui  se  chargera  d'un  pareil  travail  devra  revendiquer  pour  cet  auteur  le 
livre  sur  les  Mages  que  M.  Mùller  hésite  à  lui  attribuer  (Fragm.  Histor.  gr. 
t.  m).  Pour  un  péripatéticien,  et  Hermippe  l'était,  un  ouvrage  historique  sur  la 
philosophie  devait  nécessairement  commencer  par  les  Mages  ' . 

Emile  Heitz. 


244.  —  Cornélius  Nepos,  texte  latin  publié  d'après  les  travaux  les  plus  récents  de 
la  philologie,  avec  un  commentaire  critique  et  explicatif  et  une  introduction  par  Alfred 
MoNGiNOT,  ancien  élève  de  l'École  normale,  agrégé  de  grammaire  et  des  lettres,  pro- 
fesseur au  lycée  Bonaparte.  Paris,  Hachette,  1868.  In-8*,  xliv-363  p.  —  Prix  :  6  fr. 

Ce  volume  fait  partie  de  la  Collection  d'éditions  savantes  dont  nous  avons  déjà 
plusieurs  fois  entretenu  nos  lecteurs.  En  rendant  compte  du  Virgile  de  M.  Benoist 
nous  croyions  avoir  pris  l'expression  édition  savante  dans  un  sens  suffisamment 
large.  Nous  pensions  qu'en  France  on  pouvait  encore  donner  ce  nom  à  une 
édition  qui  tenait  compte  de  tous  les  travaux  importants  publiés  jusqu'ici  sur  un 
auteur,  qui,  sans  rien  apporter  d'absolument  nouveau  à  la  science,  était  au  moins 
à  la  hauteur  des  études  actuelles.  Nous  comprenions  que,  pour  ne  pas  trop  blesser 
les  usages  reçus,  on  crût  devoir  transiger  avec  la  routine  sur  des  points  secon- 
daires tels  que  l'orthographe  par  exemple. 

Après  avoir  examiné  attentivement  l'édition  de  Cornélius  Nepos  que  nous 
annonçons  aujourd'hui,  nous  avons  acquis  la  conviction  que,  même  dans  cette 
acception  restreinte,  elle  ne  mérite  nullement  l'épithète  de  savante;  qu'elle  n'est 

1.  Dans  nos  manuscrits  d'Aristote,  Polit.,  V,  9,  p.  1311/»  20,  l'un  des  meurtriers  de 
Cotys  est  appelé  ITâppwv.  Le  papyrus  en  question  montre  que  Victorius  avait  raison  de 
prélérer  la  leçon  fournie  par  Démosthène,  Plutarque  et  Diogène  Laërce.  11  porte  col.  VI, 
1 5  en  toutes  lettres  IIuôwv. 


d'histoire  et  de  littérature.  5  55 

pas  faite,  comme  le  titre  V'md\(\\ie,  d'après  les  travaux  les  plus  récents  de  la  philologie. 

Nous  demandons  à  une  édition  savante  :  i°  une  introduction  indiquant  tout  ce 
qui  est  relatif  à  la  vie  de  l'auteur,  aux  éditions  et  au  texte  de  ses  œuvres,  aux 
discussions  sur  l'authenticité  et  la  valeur  de  ses  écrits,  à  la  grammaire  et  à  l'or- 
thographe; nous  n'entendons  pas  que  l'éditeur  donne  tout  le  détail  de  ces 
matières,  mais  simplement  qu'il  en  esquisse  l'historique,  qu'il  fournisse  des  ren- 
seignements bibliographiques  suffisants.  2°  Un  texte  établi  avec  une  méthode 
rigoureuse.  5°  Un  choix  des  variantes  principales.  4°  Un  commentaire  critique  et 
explicatif  signalant,  au  cas  échéant,  les  obscurités  qui  persistent  malgré  les  efforts 
de  la  science,  éclaircissant  les  passages  vraiment  difficiles.  5"  Un  index  complet; 
la  préparation  d'un  index  nécessite  une  dernière  révision  qui  donne  au  travail 
un  caractère  d'ensemble  et  de  conséquence  impossible  à  atteindre  par  un  autre 
procédé.  M.  Monginot  n'a  pas  cru  devoir  nous  en  donner  un. 

L'Introduction  ne  manque  pas,  il  est  vrai;  mais  de  quelle  façon  est  rempli  le 
programme  que  nous  en  avons  tracé  plus  haut  ? 

De  la  vie  de  Cornélius  Nepos  on  ne  sait  pas  grand  chose,  d'accord.  Mais  ce 
n'était  pas  une  raison  pour  rééditer  la  vieille  fable  inventée  par  des  érudits 
Véronais  à  l'époque  de  la  Renaissance,  fable  suivant  laquelle  Nepos  aurait  été 
originaire  d'un  vicus  Hostilia  dépendant  du  municipe  de  Vérone.  M.  Mommsen  ' 
a  montré  que  notre  auteur  était  probablement  de  Pavie.  M.  M.  fait 
naître  Cornélius  vers  l'an  665  de  Rome,  parce  que  suivant  lui  «  on  peut  croire 
»  sans  invraisemblance  qu'il  vit  le  jour  à  peu  près  à  la  même  époque  que  Catulle 
»  son  compatriote.  »  Toutefois  ceci  ne  s'accorde  guère  avec  ce  qu'il  dit  lui-même 
(^Atticus,  19,  i):  quoniam  fortuna  nos  superstites  ei  esse  voluit;  car  il  aurait  eu 
22ansdemoinsqu'Atticus(né  en  643,  suivant  la  manière  de  compter  de  M.  M.)*. 
Quant  à  la  mort  de  Cornélius,  on  nous  dit  que  ce  dernier  survécut  à  Atticus  et 
qu'il  prolongea  par  conséquent  son  existence  au  delà  de  l'an  32  av.  J.-C,  mais 
Nipperdey  a  montré  qu'il  vivait  encore  en  l'an  25  ou  24. 

Ensuite  vient  la  liste  des  écrits  de  Cornélius  Nepos;  dans  cette  liste  nous  remar- 
quons l'absence  de  la  Biographie  de  Cicéron,  citée  par  Aulu-Gelle  J  et  qui  devait 
comprendre  plusieurs  livres  (in  librorum  primo  quos  de  vita  illius  scripsit).  Nous 
sommes  étonnés  aussi  que  M.  M.  n'ait  pas  cru  devoir  tirer  parti  de  l'habile  com- 
binaison par  laquelle  Nipperdey  a  reconstitué  un  plan  très-vraisemblable  des 
livres  composant  l'ouvrage  de  viris  illustribus.  Dans  cette  combinaison  le  seul 
livre  complet  que  nous  ayons  conservé  figure  comme  troisième  livre  avec  le  titre 
de  excelleniibus  ducibus  exterarum  gentium  et,  comme  tous  les  autres  livres  impairs 
de  la  collection,  il  avait  son  pendant  dans  le  livre  pair  qui  le  suivait  :  de  excellen- 


1.  Hermès,  III,  i,  p.  62,  n.  i.  Le  2  mai  1868  les  habitants  d'Ostiglia  n'en  ont  pas 
moins  érigé  une  statue  à  Cornélius  Nepos. 

2.  M.  Teuffel,  Geschichtt  der  Ram.  Litteraîur,  p.  313,  admet  aussi  que  Cornélius  était 
né  vers  660,  mais  ses  raisons  ne  nous  paraissent  pas  très-concluantes. 

3.  XV,  28.  M.  M.  lui-même  reproduit  ce  passage  dans  le  recueil  de  fragments  qui  ter- 


mine son  volume. 


356  REVUE  CRITIQUE 

tibus  ducibus  Romanomm.  Cette  hypothèse  de  Nipperdey  méritait  au  moins  une 
mention. 

Nous  arrivons  maintenant  à  ce  qui  fait  le  fond  de  l'introduction,  aux  questions 
relatives  à  la  valeur  et  à  l'authenticité  de  l'ouvrage.  Un  jugement  original  sur 
cette  matière  exigeait  au  préalable  une  étude  approfondie  et  directe  de  la  langue 
et  de  la  grammaire,  des  manuscrits  et  des  éditions.  Mais  M.  M.  n'avait  pas  de  si 
hautes  prétentions  ;  il  n'a  voulu  que  résumer  la  discussion.  Acceptons  ce  pro- 
gramme, M.  M.  a-t-il  au  moins  réellement  posé  la  question,  en  a-t-il  fait  l'his- 
torique .''  Pas  le  moins  du  monde. 

«  Dès  l'abord,  dit-il,  deux  questions  se  présentent  :  i^les  Vies  des  grands 
»  capitaines  sont-elles  vraiment  l'œuvre  de  Cornélius  Nepos?  N'est-ce  que 
»  le  produit  d'un  faussaire  '  ou  le  résultat  du  travail  d'un  abréviateur  »  ? 
»  2°  quelle  est  la  valeur  intrinsèque  de  l'ouvrage .?  » 

1 .  «  C'est  la  thèse  qu'a  développée  M.  Rinck  dans  ses  ProUgomena  ad  Aemilium 
»  Probum.  » 

2.  «  Cette  opinion  a  été  soutenue  principalement  par  M.  Nissen,  De  vitis  qua 
»  valgo  Cornelii  Nepotis  nomine  feruntur,  etc.  » 

Tout  lecteur  qui  n'est  pas  au  courant  des  nombreux  ouvrages  publiés  sur 
Cornélius  Nepost  rouvera  fort  extraordinaires  ces  questions  posées  ainsi  ex  abrupto 
et  accompagnées  de  leurs  deux  notes  ;  il  s'étonnera  qu'on  ait  pu  soutenir  deux  thèses 
aussi  hardies.  Comment  devinerait-il  que  tous  les  manuscrits  donnent  les  Vies  des 
grands  capitaines  étrangers  non  point  sous  le  nom  de  Cornélius,  mais  bien  sous 
celui  d'Aemilius  Probus  ?  —  qu'un  grand  nombre  d'éditions  ont  été  publiées, 
quelques-unes  en  France  même,  sous  ce  dernier  nom  ?  —  qu'enfin  la  discussion 
qui  n'a  été  que  reprise  sur  l'initiative  de  Rinck  (dont  Roth  admettait  les  conclu- 
sions en  1841)  a  abouti  à  ce  résultat  que,  parmi  les  contemporains,  les  connais- 
seurs les  plus  autorisés  de  la  langue  et  de  la  littérature  latine  (citons  Lachmann, 
Madvig,  Halm,  Fleckeisen  et  Nipperdey)  ont  admis  comme  un  fait  certain  que 
l'ouvrage  était  bien  de  Cornélius  Nepos? 

Mais  le  système  adopté  par  M.  M.  a  deux  avantages  :  d'abord  celui  de  faire 
croire  à  une  de  ces  témérités  de  l'érudition  allemande  contre  lesquelles  doit  pro- 
tester la  «  sage  et  prudente  »  école  française  ;  puis,  avantage  encore  plus  grand,  il 
permet  de  remplir  l'espace  accordé  à  la  préface  de  discussions  générales  sur  une 
question  qui  n'en  est  plus  une,  dont  la  critique  a  fini  par  débarrasser  les  chercheurs 
(en  allemand  ein  iiberwundener  Standpunki).  Des  savants  très-estimables  admettent 
il  est  vrai  que  les  Vitae  (sauf  le  Cato  et  VAtticus)  ne  sont  que  des  extraits  d'un 
ouvrage  plus  considérable.  C'est  la  thèse  de  Nissen,  qui  est  encore  soutenue  en 
Allemagne  par  Bernhardy  dans  son  Histoire  de  la  littérature  romaine  et  en  France 
par  M.  Pierron  dans  son  livre  sur  la  même  matière.  Or,  comme  une  édition 
savante  a  surtout  pour  but  de  faire  connaître  l'état  actuel  des  discussions  scienti- 
fiques, celle  sur  le  nom  d'Aemilius  Probus  devait  être  simplement  rappelée  dans 
un  court  résumé  historique,  et  tout  le  poids  de  l'argumentation  devait  porter  sur 
la  thèse  encore  défendue  aujourd'hui. 


d'histoire  et  de  littérature.  5  57 

Le  procédé  de  M.  M.  est  assez  simple.  Il  a  commencé  par  examiner  la  valeur 
intrinsèque  de  l'ouvrage,  en  supposant  que  Cornélius  Nepos  en  est  réellement 
l'auteur.  Ce  point  de  départ,  quoi  qu'il  en  dise,  ne  nous  paraît  pas  absolument 
contraire  aux  règles  de  la  logique.  Seulement  il  fallait  l'approfondir,  donner  des 
détails  relatifs  aux  sources  consultées  par  Cornélius,  à  la  grammaire  et  au  style. 
D'innombrables  dissertations  ont  paru  sur  la  matière  '  ;  on  pouvait  y  puiser  les 
éléments  d'un  exposé  substantiel;  au  lieu  de  cela  M.  M.  a  préféré  rester  dans  les 
généralités.  Au  lieu  de  citer  ici  les  opinions  des  grands  latinistes,  croirait-on  qu'il 
s'amuse  à  reproduire  et  à  discuter  des  passages  de  Mably,  de  Laharpe,  de 
M.  Amédée  Pommier?—  Cependant,  dès  les  paragraphes  II  et  III  de  son 
introduction,  il  commence  à  guerroyer  contre  Rinck*  (déjà  cité);  il  cite  déjà 
Lieberkûhn  (Vindiciae  librorum  iniuria  suspecîorum ,  Leipzig,  1844)  et  Wiggers 
{De  Cornelii  Nepotis  Alcibiade,  1833):  ces  trois  auteurs,  auxquels  viennent  se  joindre 
Nipperdey  (Spicilegium  criticum)  et  Nissen  (déjà  cité)  sont  les  seuls  auxquels  il 
renvoie;  ceux  qui  ont  traité  de  la  grammaire,  du  style  et  des  sources  sans  se 
préoccuper  de  la  question  de  l'authenticité  méritaient,  nous  semble-t-il,  une 
mention  ;  leur  autorité  devait  être  d'autant  plus  grande  qu'ils  n'avaient  pas  de 
parti  pris.  Mais  le  fait  est  que  M.  M.,  uniquement  préoccupé  de  démontrer  sa 
thèse,  a  oublié  de  nous  donner  aucun  détail  précis  sur  la  grammaire  et  le  style  de 
Cornélius;  il  renvoie  pour  ces  questions  à  son  commentaire.  Nous  verrons  ce  que 
vaut  ce  dernier. 

Donc  la  discussion  sur  l'authenticité,  qui  est  passablement  résumée  du  reste 
dans  le  IV*  paragraphe,  manque  d'originalité.  Les  deux  ou  trois  points  princi- 
paux sont  rappelés  et  délayés  ;  on  a  pris  les  cinq  auteurs  que  nous  venons  de 
citer,  on  les  a  opposés  les  uns  aux  autres  et  l'introduction  a  été  faite. 

Le  même  paragraphe  contient  incidemment  vingt  lignes  sur  les  manuscrits, 
vingt  lignes  de  généralités,  nous  apprenant,  d'après  Nipperdey,  qu'il  a  existé  un 
Codex  Danielinus;  qu'il  existe  encore  un  Guelferbytanus,  et  que  tous  les  autres  mss. 
dérivent  d'un  frère  de  ce  dernier.  C'est  tout  ce  que  nous  donne  l'introdurtion 
sur  les  mss.  de  Cornélius  Nepos  :  deux  noms  et  la  nouvelle  que  tous  ceux  que 
nous  avons  dérivent  de  la  même  source  :  on  n'a  point  jugé  convenable  d'énu- 
mérer  les  principaux  en  indiquant  leur  valeur  relative,  —  Le  V  paragraphe 
devait  contenir  des  détails  sur  les  principales  éditions.  M.  M.  a  fait  un  choix;  il 
cite  celles  qui  «  marquent  dans  l'histoire  de  la  critique:  »  ce  sont  celles  d'Utrecht 
(1J42),  de  Lambin  (1569),  de  Bosius  (1667),  de  Van  Staveren  (1734),  de 
Bardili  (1820),  de  Bremi  (1796-1827),  de  Roth  (1841).  Ce  choix  lui-même  est 
maigre;  on  s'étonne  de  n'y  trouver  ni  les  éditions  princeps,  ni  certaines  éditions 


I.  Il  n'est  peut-être  pas  un  auteur  qui,  relativement  à  son  importance  et  à  son  étendue, 
ait  donné  naissance  à  une  aussi  riche  littérature  que  Cornélius  Nepos  ;  on  peut  consulter, 
outre  la  Bibliothcca  scriptorum  classicorum  d'Engeimann,  les  Jafirbûcher  f.  Philologie  de  Jahn, 
1840,  p.  28,  p.  445  et  suiv.  M.  Monginot  paraît  n'avoir  fait  que  rarement  usage  de  deux 
ou  trois  de  ces  travaux. 


3  $8  REVUE    CRITIQUE 

des  plus  importantes,  telles  que  celle  de  Savaron.  —  Mais  plus  maigres  encore 
sont  les  notices  que  l'on  nous  donne  sur  chacune  d'elles. 

Puis  M.  M.  ajoute  :  «  Il  me  reste  à  citer  l'édition  de  Nipperdey  et  surtout  la 
»  brochure  qu'il  a  publiée  sur  le  texte  de  Cornélius  et  à  laquelle  nous  nous 
))  sommes  précédemment  référé.  M.  Nipperdey  a  suivi  M.  Roth  dans  la  voie  qu'il 
»  s'était  tracée;  il  a  songé  à  aller  lui-même  plus  loin,  et,  sur  plus  d'un  point,  il  a 
«  cherché  à  rétablir  par  des  inductions,  la  plupart  du  temps  fort  plausibles,  mais 
»  souvent  hasardées,  le  texte  véritable  de  l'auteur.  »  Ici  tout  est  admirable. 
Signalons  d'abord  le  cliché  très-commode  par  lequel  on  se  débarrasse  de  ce  qu'on 
est  convenu  d'appeler  en  France  «  les  témérités  de  la  critique  allemande.  »  Et 
puis,  comme  le  mot  plausible  est  habilement  mitigé  par  le  mot  hasardé,  cela  dis- 
pense encore  M.  M.  d'avoir  égard  aux  corrections  de  texte  les  plus  certaines. 
Il  nous  dit  plus  loin  qu'il  a  plus  d'une  fois  tenu  compte  des  remarques  judicieuses 
de  Nipperdey;  ce  «plus  d'une  fois»  ne  s'applique  en  tout  cas  pas  à  Védition  de  Nip- 
perdey. Cette  édition,  nous  avons  de  fortes  raisons  pour  croire  que  M.  M.,  s'il 
l'a  eue  réellement  entre  les  mains,  n'en  a  fait  que  fort  peu  d'usage.  En  effet, 
lorsqu'il  nous  dit  que  Nipperdey  a  suivi  M.  Roth  dans  la  voie  qu'il  s'était  tracée, 
il  commet  une  grosse  erreur  :  le  premier  s'est  appliqué,  comme  le  dit  d'ailleurs 
M.  M.,  à  reproduire  l'archétype  supposé  de  nos  mss.  avec  une  scrupuleuse  exac- 
titude, avec  toutes  ses  fautes  les  plus  grossières;  le  second  a  constitué  un  texte 
plus  correct  que  les  éditions  précédentes  et  que  la  Vulgate,  un  texte  lisible.  La 
voie  est  donc  toute  différente  :  il  n'a  fait  que  profiter  du  riche  matériel  des 
variantes  fourni  par  son  prédécesseur.  Déjà  le  surtout  que  nous  avons  souligné 
dans  la  phrase  citée  plus  haut  est  assez  significatif;  enfin  par  exception  M.  M. 
ne  cite  même  pas  en  note  la  date  de  Védition  de  Nipperdey.  Or  il  y  en  a  plusieurs, 
une  petite  '  et  une  grande  *,  et  depuis  l'apparition  de  la  première  édition  la  petite 
elle-même  n'a  cessé  de  s'améliorer  3.  Enfin  sur  plusieurs  points  nous  avons 
constaté  que  des  observations  de  la  plus  haute  importance,  faites  par  Nipperdey 
dans  son  édition,  n'avaient  point  attiré  l'attention  de  M.  Monginot.  Nous  en  avons 
signalé  déjà  une  ou  deux  à  propos  de  la  vie  de  Cornélius;  nous  en  verrons  d'autres 
plus  loin. 

Cela  nous  fournit  une  transition  naturelle  à  la  question  de  la  constitution  du 
texte  et  du  commentaire  critique  de  l'édition  qui  nous  occupe.  La  préface  de 
M.  M.  ne  prouve  pas  qu'il  ait  consulté  des  ouvrages  plus  récents  que  l'édition  de 
Roth  (1841)  et  le  Spicilegium  criticum  de  Nipperdey  (1850)4.  Il  y  avait  cependant 
deux  autres  publications,  datant  à  peu  près  de  la  même  époque  et  dont  l'étude 
eût  pu  donner  à  M.  M.  une  idée  des  droits  de  la  critique  sur  le  texte  de  Cornélius; 

1 .  Leipzig,  1 849  et  suiv. 

2.  Berlin,  1867. 

3.  M.  M.  eût  pu  au  moins  consulter  la  4*  édition  (Berlin,  Weidmann,  1864),  la  j* 
ayant  paru  en  1868. 

4.  Depuis  lors  M.  Nipperdey  a  fait  paraître  deux  programmes  qui  sont  le  complément  ou 
la  continuation  de  ce  travail  (lena,  1868  et  1869,  in-4*)  et  que  nous  n'avons  pu  consulter. 


d'histoire  et  de  littérature.  5  59 

ce  sont  les  articles  de  Fleckeisen  dans  le  Philologus  (tom.  IV,  1 849,  p.  308-5  5 1  «) 
et  de  Halm,  dans  les  Gelehrîe  Anzeigen  de  Munich,  1850,  n°''2i  et  suiv.  — Depuis 
lors  la  science  s'est  enrichie  de  nouveaux  matériaux  grâce  à  la  découverte  faite 
dès  1836  à  la  bibliothèque  de  Louvain  du  fameux  Codex  Parcensis,  découverte 
fort  importante,  mais  dont  la  valeur  n'a  été  reconnue  que  plus  tard ,  lorsqu'une 
collation  en  fut  publiée  par  M.  Roth  lui-même  dans  le  Rheinisches  Muséum  fur 
Philologie,  tom.  VIII  (1853),  p.  626  et  suiv.  Plus  tard  M.  Bœrsch^  en  a  publié 
{Revue  de  ^instruction  publique  en  Belgique,  IV,  1861,  n°  7,  p.  233)  une  nouvelle 
collation  qui  rectifie  sur  quelques  points  celle  de  Roth.  Cette  découverte  est  im- 
portante à  un  double  point  de  vue  :  d'abord  le  Parcensis  est  le  seul  représentant 
que  nous  possédions  encore  de  la  première  classe  des  manuscrits,  c'est-à-dire  de 
la  meilleure  tradition;  il  se  place  à  côté  du  Danielinus  aujourd'hui  perdu  et  repré- 
senté imparfaitement  par  l'édition  d'Utrecht;  il  a  donc  donné  une  base  un  peu 
plus  certaine  à  la  critique  du  texte.  En  second  lieu  il  a  confirmé  sur  plus  d'un 
point  les  rectifications  faites  par  M.  Fleckeisen  au  texte  admis  par  M.  Roth 
comme  reproduisant  l'archétype. 

Si  M.  M.  eût  été  un  peu  plus  au  courant  des  travaux  concernant  son  auteur, 
il  n'eût  pas  tardé  à  s'apercevoir  de  l'absolue  nécessité  qu'il  y  avait  à  noter  et  à 
apprécier  personnellement  les  variantes,  il  eût  compris  la  méthode  rigoureuse 
avec  laquelle  on  procède  en  critique  diplomatique  et  les  droits  que  possède  un 
latiniste  exercé  pour  rectifier  le  texte  d'un  auteur.  Il  aurait  vu  que  telles  correc- 
tions qui  semblent  hardies  au  premier  abord  ou  qui  s'appuient  uniquement  sur 
des  raisons  grammaticales  et  de  bon  sens  se  trouvent  confirmées  tous  les  jours 
par  la  découverte  de  manuscrits  meilleurs  que  ceux  qu'on  possédait. 

Mais  il  n'a  pas  connu  ces  travaux  J,  et  cela  seul  suffirait  à  ôter  à  son  édition 
toute  valeur  scientifique.  A-t-il  au  moins  suivi  une  méthode  conséquente,  et,  se 
servant  exclusivement  de  Roth  et  du  Spicilegium  de  Nipperdey,  a-t-il  examiné  de 
près  l'état  du  texte  ?  Encore  ici  nous  devons  répondre  négativement.  Il  est  im- 
possible de  se  rendre  compte  des  principes  qui  l'ont  guidé. 

En  matière  de  critique  des  textes  nous  sommes  assez  disposé  à  admettre  lar- 
gement les  droits  de  la  critique  conjecturale,  appuyée,  cela  va  sans  dire,  d'une 
préparation  suffisante.  Mais  nous  concevons  fort  bien  qu'il  y  ait  une  opinion 
conservatrice.  Or  cette  dernière  n'est  conséquente  qu'en  suivant  absolument  le 
système  de  M.  Roth,  ce  qui  aboutit  à  une  édition  presque  illisible  puisqu'on 
admet  dans  le  texte  les  fautes  les  plus  grossières,  quitte  à  apprendre  au  lecteur 
dans  un  commentaire,  suivant  les  cas,  ou  bien  que  la  phrase  est  inintelligible,  ou 


1.  M.  M.  cite  bien  une  fois  cet  article,  mais  sous  le  nom  de  Heckheisen,  et  uniquement 
d'après  Nipperdey  Spic.  crit. 

2.  Qui  a  aussi  publié  une  petite  édition  classique,  malheureusement  fx;>urg«,  de  Corné- 
lius Nepos  (Louvain,  1861,  in-i8),  dans  laquelle  il  a  tenu  le  plus  grand  compte  des  cor- 
rections de  Nipperdey. 

3 .  Il  aurait  aussi  trouvé  d'excellents  renseignements  dans  deux  articles  de  M.  Grasberger, 
Eos,  I,  p.  225  et  suiv.  II,  p.  114  et  suiv. 


?6o  REVUE   CRITIQUE 

bien  qu'on  peut  la  corriger  d'une  façon  certaine,  ou  bien  enfin  qu'on  a  tenté 
telles  corrections  plus  ou  moins  plausibles.  Mais  une  édition  de  ce  genre  ne  peut 
servir  qu'à  titre  de  renseignement  pour  les  critiques  futurs,  et  le  même  but  est 
atteint  d'une  façon  plus  agréable  pour  le  lecteur,  au  moyen  d'un  apparatus  criticus 
bien  disposé. 

Il  y  a  aussi  un  système  conservateur  inconséquent  :  c'est  celui  qui  consiste  à 
s'attacher  à  la  Vulgate,  c'est-à-dire  à  l'édition  qui  est  généralement  acceptée 
parmi  les  savants.  Mais  ce  système  exclut  toute  prétention  au  titre  d'édition 
savante;  il  a  pour  résultat  de  transformer  la  discussion  critique  en  une  simple 
compilation. 

M.  M.  a  voulu  être  conservateur  sans  suivre  toutefois  l'un  de  ces  deux 
systèmes.  Inutile  de  dire  qu'il  n'a  tenté  aucune  correction.  Il  ne  s'est  pas  rendu 
bien  compte  de  l'état  de  corruption  dans  lequel  nous  est  parvenu  le  texte  de 
Nepos.  Puisqu'il  ne  pouvait  ou  ne  voulait  pas  approfondir  par  lui-même  les 
questions  relatives  aux  manuscrits,  il  devait  au  moins  s'en  rapporter  au  jugement 
des  savants  qui  font  autorité  en  philologie  et  reproduire  tout  simplement  pour  le 
texte  l'édition  la  plus  récente  de  Nipperdey,  ainsi  que  les  raisons  diplomatiques, 
grammaticales  ou  autres  qui  ont  engagé  ce  dernier  à  dévier  du  texte  des  éditions 
ayant  encore  cours  dans  nos  classes.  Le  choix  de  variantes  dont  nous  avons 
parlé  plus  haut  se  serait  alors  borné  aux  leçons  des  meilleure  mss.  pour  tous  les 
cas  où  on  s'écartait  de  l'archétype  et  à  la  mention  des  corrections  les  plus  plau- 
sibles proposées  pour  les  passages  douteux.  En  désignant  par  des  lettres  spéciales 
certains  groupes  de  mss.  ou  simplifie  beaucoup  ce  genre  d'indications.  Un  modèle 
de  choix  de  variantes  a  été  donné  p.  ex.  récemment  par  O.  Jahn  dans  sa  petite 
édition  des  satiriques  latins  ' . 

Mais  M.  M.  ne  s'étant  pas  astreint  à  ce  travail,  il  en  est  résulté  chez  lui  une 
hésitation  et  une  inconséquence  regrettables.  Lorsqu'il  a  voulu  discuter  le  texte 
dans  ses  notes,  il  s'est  borné  trop  souvent  à  des  désignations  vagues  dans  l'indi- 
cation des  auteurs  qui  ont  proposé  des  corrections  :  «  certains  éditeurs ,  » 
«  quelques  critiques,  »  «  on  a  voulu  corriger,  »  etc.  En  outre  tantôt  il  s'appuie 
sur  les  meilleurs  manuscrits,  tantôt  il  transforme  en  autorité  un  manuscrit  très- 
inférieur  ;  parfois  enfin  il  n'en  cite  aucun  et  se  borne  à  défendre  la  Vulgate 
aveuglément,  sans  même  avoir  l'air  de  se  douter  qu'il  y  a  de  fortes  différences 
dans  les  différents  manuscrits. 

Ainsi  par  exemple  on  lit  dans  son  édition  {Miltiade,  V,  5)  le  passage  suivant 
où  il  est  question  des  Athéniens  à  Marathon  : 

Acie  e  regione  instructa,  nova  arte,  vi  summa  prœHum  commiserunt. 
Namque  arbores  multis  locis  erant  stratae,  etc.  et  en  note  : 

«  Quelques  critiques  ont  voulu  corriger  ce  passage  en  faisant  remarquer 
»  que  la  succession  des  idées  n'y  était  pas  suffisamment  rigoureuse  et  que 
»  les  mots  vi  summa  venaient  maladroitement  s'intercaler  entre  nova  arîe  et 

I.  Berlin,  Weidmann,  1868. 


d'histoire  et  de  littérature.  j6i 

»  la  phrase  qui  explique  ce  stratagème.  Ce  raisonnement  nous  semble  subtil; 
»  et  en  relisant  avec  attention  la  phrase  de  Cornélius  on  n'y  voit  rien  qui 
»  justifie  une  telle  sévérité.  » 

Qui  devinerait  d'après  cela  que,  si  l'on  a  voulu  corriger  ce  passage,  c'est 
qu'ici  les  manuscrits  ne  sont  pas  d'accord  ?  Les  meilleurs  donnent  :  nona  partis 
summa  (Gifanianus,  édit.  d'Utrecht  et  prob.  aussi  le  Parcensis)  nona  partis  summa 
{Danielinus)  nana  p.  s.  (Guelferbytanus)  non  apertis  (Sangallensis);  tous  les  autres 
mss.  donnent  des  variantes  qui  ne  peuvent  être  considérées  que  comme  des 
conjectures  ou  des  tentatives  plus  ou  moins  plausibles  de  corrections  :  «  et  non 
apertissiraa,  in  parte  montis  summa,  parte  summa»;  les  plus  mauvais  ont  la  leçon 
que  M.  M.  a  admise  et  qui  est  celle  de  l'ancienne  Vulgate.  Roth,  en  s'attachant 
aux  meilleurs  textes,  a  proposé  de  lire  :  acie  regione  instructa  non  apertissima;  la 
répétition  de  e  après  acie,  la  fausse  division  des  mots,  la  transformation  de  pertis 
en  partis,  résultant  de  l'ancienne  orthographe  en  suma  des  superiatifs,  enfin  le 
redoublement  de  la  lettre  m  de  façon  à  donner  summa,  tout  cela  s'explique  très- 
facilement  en  paléographie  ;  on  voit  sans  cesse  une  erreur  de  copiste  en  entraîner 
plusieurs  autres  à  sa  suite. 

Il  est  des  cas  où  M.  M.  a  su  faire  un  choix  intelligent  entre  la  leçon  de  la 
Vulgate,  celle  des  manuscrits  et  les  corrections  de  Nipperdey  ;  le  bon  sens 
qu'il  déploie  dans  ces  cas,  malheureusement  exceptionnels,  nous  prouve  que, 
s'il  eût  pris  la  peine  d'étudier  un  peu  plus  à  fond  la  grammaire  et  la  paléographie, 
le  style  et  les  manuscrits  de  Cornélius,  il  eût  été  assez  bon  philologue.  Citons- 
les  d'abord  afin  de  montrer  que  nous  n'agissons  point  de  parti  pris  contre  lui. 

Milt.  III,  I  :  ipsarum,  défendu  aussi  par  Nipperdey.  —  IV,  3  :  Phidippum. — 
Them.  VII,  4  :  Deos  publicos  (quoique  M.  M.  ne  dise  rien  ici  des  rass,).  —  Paus. 
III,  4  :  clava  (d'après  Nipperdey).  —  IV,  5  :  tam  repentino  consilio.  —  Lys.  I, 
5  :  in  numerum  ib.  confimaret  (mss.  rat).  —  Alcib.  XI,  i  :  consenserunt  (Vulgate 
contrairement  à  Nipperdey).  —  Thras.  III,  j  :  fuerant  d'après  Nipp.  —  Conon 
V,  4  :  periisse.  —  Dion  V,  3  :  attigerat.  —  Iphicr.  II,  5  :  impetus  (Vulgate  et 
Nipp.).  —  III,  4  :  Thressa  (rien  des  mss.).  —  Chabr.  I,  3  :  his  statibus  in  statuis 
ponendis  uterentur,  in  quibus.  —  Epam.  V,  5  :  Meneclides. — Pelop.  III,  i  :  usqiu 
eo  (rien  des  mss.).  —  Ib.  2  :  Archino.  —  Eum.  IX,  3  :  praecipit  (rien  des  mss.). 

—  Ib.  5  :  idemque  (rien  des  mss.).  —  Phocion  IV,  3  :  Eupbiletus.  —  Attic.  III, 
3  :  etpatriam  haberet  et  domum  (comme  les  mss.  contrairement  à  Nipp.).  —  Ib. 
XVI,  3  :  desideret  (Nipp.).  —  XIX,  3  :  Caesarem,  en  supprimant  eum  (Nipp.). 

—  XX,  2  :  intercessiî  (contre  les  meilleurs  mss.  dont  M.  M.  ne  parie  pas). 
Dans  ces  cas,  disons-nous,  nous  sommes  prêts  à  lui  donner  raison  ou  du  moins 

à  reconnaître  qu'il  a  des  raisons  plausibles,  quoique,  comme  nous  le  signalons 
entre  parenthèses,  il  ait  parfois  négligé  d'avertir  dans  ses  notes  que  les  mss. 
n'étaient  pas  d'accord  avec  son  texte,  ce  qui  est  en  tout  cas  un  tort  dans  une 
édition  savante.  Mais,  dans  maint  autre  passage,  il  ne  paraît  s'être  inquiété  nulle- 
ment des  manuscrits,  ni  de  la  grammaire,  ni  de  l'onhographe.  —  Nous  passons 
sous  silence  ce  dernier  point,  quoiqu'il  ait  son  importance.  Il  est  évident  que 
Cornélius  a  écrit  en  général  non-seulement  Hamilcar,  Hannibal,  mais  encore 


?62  REVUE  CRITIQUE 

Thraex  (et  non  Thrax,  à  cause  de  la  forme  grecque  0pâÇ=0PAiS,  THRAEX),etc. 
Passons  à  la  grammaire. 

L'étude  attentive  des  mss.  prouve  que  les  copistes  ont  souvent  confondu  les 
mois  his  et  iis  ou  eis,  parce  qu'ils  écrivaient  presque  partout  hiis.  M.  M.  n'a  tenu 
aucun  compte  de  cette  observation.  Les  règles  du  style  classique  relatives  aux 
temps  et  aux  modes  sont  violées  souvent,  soit  par  simple  négligence  des  copistes, 
soit  par  suite  de  la  confusion  fréquente  des  lettres  e  et  /  (en  majuscule),  soit 
enfin  à  cause  des  abréviations.  Ici  M.  M.  a  été  passablement  inconséquent. 
Tandis  qu'il  admet  quelques  corrections  de  cette  catégorie",  il  repousse 
Milt.  IV,  ^,auden  (et  dimican  Fleckeisen,  1.  c).  —  Paus.  II,  5,  polliceKEtur 
(correction  déjà  admise  par  l'édition  d'Utrecht).  —  Epaminondas  IV,  6  :  possE- 
mus,  Fleckeisen  corrige  avec  raison  possvmus,  ce  qui  est  confirmé  au  moins  quant 
au  temps  par  le  Codex  Parcensis,  lequel  donne  possmus.  —  Ce  genre  de  correc- 
tions suppose  une  connaissance  sérieuse  des  règles  de  la  consecutio  temporum;  il 
y  avait,  rien  que  sur  ce  point,  une  belle  moisson  de  restitutions  à  faire  ou  à 
reproduire  d'après  des  savants  qui  font  autorité. 

Relevons  maintenant  quelques  cas  variés  où  M.  M.  a  péché  soit  en  ne  signalant 
pas  les  variantes  importantes  des  manuscrits,  soit  "en  ne  comprenant  pas  l'absolue 
nécessité  d'une  correction  de  texte  : 

Préface,  4  :  (juam  plurimos  habuisse  amatores,  qui  devait  figurer  dans  l'arché- 
type, est  une  leçon  très-probable.  —  Immédiatement  après,  cenam  est  égale- 
ment la  leçon  de  l'archétype  et  non  scenam,  ce  qui  dispensait  M.  M.  de  l'énorme 
note  qu'il  consacre  à  ce  mot.  —  Mitiade,  V,  5  :  quapugna  nihil  est  adhucnobilius; 
les  mss.  les  meilleurs  (dont  le  commentaire  ne  dit  rien)  ont  hiis  entre  est  et  adhuc, 
d'où  M.  Halm  a  tiré  avec  raison  :  qua  pugna  nihil  extitit  adhuc  nobilius.  —  Ib. 
VIII,  j  :  les  mss.  ayant  Chersoneso,  il  fallait  admettre  non  la  Vulgate  Chersonesi 
mais  bien  avec  Nipperdey  in  Chersoneso,  à  cause  de  la  construction  générale  de 
la  phrase  :  perpetuam  obtinuerat  dominationem.  —  Them.  II,  5,  rien  des  mss.  dont 
les  variantes  conduisent,  comme  l'a  démontré  Nipperdey,  à  la  conclusion  qu'il 
faut  lire  non  pas  septingentorum  millium  peditum,  equitum  quadrigentorum  millium 
fuerunt,  mais  bien  DCC  peditum,  equitum  CCCC  miiik  fuerunt. — Lysand.  I,  i  :  rien 
des  mss.  ;  on  trouve  ici  le  texte  de  la  Vulgate  :  in  Peloponesios,  la  préposition  in 
manque  dans  tous  les  mss.  M.  Nipperdey  a  soutenu  avec  raison  que  Cornélius 
n'employait  la  locution  bellum  gerere  qu'avec  la  préposition  adversus,  qu'il 
rétablit  ici*.  —  Alcib.  II,  i  :  M.  M.  écrit  divitissimum  alors  que  tous  les  mss.  ont 
ditissimum,  ce  qui  est  évidemment  exact  (voir  M.  M.  lui-même,  p.  509,  note  8). 
—  Thras.  IV,  2  :  les  mss.  portent  cum  Mitileni  et  multa  milia  iagerum  et  agri 
munera  darent,  M.  M.  écrit,  se  conformant  à  la  vieille  Vulgate  :  quum  ei  Mitylenaei 
multa  millia  jugerum  munera  darent,  sans  indiquer  d'autre  variante  que  celle  pro- 
posée par  Lambin  muneri;  s'il  eût  bien  étudié  la  phrase  au  point  de  vue  gram- 

1 .  Confirmaret,  periisse,  attigerat,  praecipit,  desidcret,  intercessit  pour  confirmarat,  paisse, 
attigerit,  praeccpit,  desid^rat,  intercesserit. 

2.  Nous  lirions  de  préférence  in  Peloponeso;  romission  de  in  après  enim  s'expliquant 
plus  facilement  que  celle  d'adversus. 


d'histoire  et  de  littérature.  363 

matical  et  paléographique,  il  eût  reconnu  que  munera  ne  pouvait  être  conservé 
qu'en  admettant  la  transposition  et  la  correction  de  Nipperdey  :  Cum  Miîylenaei 
agri  munera  ei,  multa  milia  iugerum  darent;  en  tout  cas  il  devait  citer  le  texte  des 
mss.  en  note.  —  Dion  VI,  3  :  qui  quod  Dioni,  le  dernier  mot  est  une  correc- 
tion, il  manque  dans  les  mss.  dont  M.  M.  ne  dit  rien;  encore  la  plupart  portent- 
ils  qui  quidem,  ce  qui  rend  plus  probable  la  correction  qui,  quod  ei.  —  Ib.  IX, 
3  :  uî  haberet  qua  fugereî  ad  saluîem;  les  mss.  (dont  les  notes  ne  disent  rien)  ont 
quo,  leçon  qui  peut  se  défendre  ou  donner  lieu  à  la  correction  de  Halm  quo  au- 
fugeret. —  Iphicr.  II,  y.  impetus  (rien  des  mss.  qui  portent  tous  inceptus.) — Chabr. 
I,  2  :  fidenîEvi  summuM  ducEW  Agesilavm;  les  mss.  (rien  en  note)  portent  tous  ces 
mots  à  l'ablatif  et  M.  Nipperdey  a  raison  d'admettre  ici  une  lacune.  —  Ib.  IV, 
2  :  dum  primus  portum  intrare  studet  et  gubernatorem,  les  mss.  (rien  en  note)  ont 
oublié  la  conjonction  (et),  sauf  l'édition  d'Utrecht  et  le  Codex  Parcensis  qui  ont 
gubernatoremQVE. 

Mais  passons  à  des  passages  où  M.  M.  montre  décidément  trop  peu  de  souci 
des  règles  de  la  langue  et  de  la  syntaxe  latine  et  où  il  prétend  maintenir  des 
phrases  absolument  inintelligibles  : 

Pelop.  II,  2  :  Hi  omnes  fere  Athenas  se  contulerant,  non  quo  sequerentur  otium, 
sed  uî  queruQUE  ex  proximo  locum  fors  obîulisset,  eo  patriam  recuperare  niîerentur. 
La  longue  note  que  M.  M.  consacre  à  ce  passage  a  pour  but  de  défendre  la  leçon 
des  mss.  quemque.  Il  discute  d'abord  le  sens  de  quo  dans  le  premier  membre  de 
la  phrase  ;  il  prétend  que  ce  mot  équivaut  à  ^wo^,  et  que  no/z^uo^  signifie  «non  pas 
»  que  ».  Mais  comment  peut-il  ignorer  qu'ici  plus  que  jamais  quo  est  écrit  pour 
uî  eo  (et  quo  est  en  effet  décomposé  ainsi  dans  le  second  membre  de  la  phrase), 
que  par  conséquent  non  quo  signifie  «  non  pour  y.  »  Dans  le  second  membre  de 
la  phrase  quemque  est  insoutenable.  Les  exemples  de  Tite-Live  cités  à  l'appui  de 
son  emploi  pour  quemcumque  ne  prouveraient  rien ,  alors  même  qu'ils  seraient 
incontestés  ',  car  on  pourrait  soutenir  que  dans  ces  passages  il  y  a  au  moins 
une  idée  de  distribution  ou  d'alternative,  et  ici  ce  n'est  pas  le  cas  :  les  exilés  de 
Thèbes  s'en  vont  en  un  seul  et  même  endroit,  Athènes,  et  non  pas  chacun  dans 
la  localité  le  plus  à  sa  portée.  La  suppression  de  que  n'a,  paléographiqueraent, 
rien  que  de  très-facile  et  la  construction  de  la  phrase  est  très-simple  :  Sed  uî  niîe- 
renîur  paîriam  recuperare  eo  loco  quem  ex  proximo  fors  obîulisseî.  Locum,  accusatif 
dépendant  de  obîulisset,  est  naturel,  puisqu'il  est  placé  après  quem. 

Eum.  III,  5  :  les  mss.  ont  lîaque  hoc  eius  fuit  prudenîissimum,  ut,  etc.  Les 
copistes  des  mss.  de  troisième  ordre  ont  senti  que  la  phrase  n'était  pas  latine  et 
ont  ajouté  consilium  après  prudentissimum ;  ce  mot  a  passé  dans  la  Vulgate  et  a  été 
reproduit  aussi  par  M.  Monginot.  Nipperdey  a  rappelé  que  ui  suivi  de  l'imparfait  du 
subjonctif  indiquait  non  ce  qui  avait  été  fait,  mais  ce  qu'on  avait  l'intention  de  faire 


^  1.  Dans  ses  deux  éditions  du  De  finibus  de  Cicéron  (Excursus  VI)  Madwig  a  démontré 

d'une  manière  irréfutable  cjue  puisque  n'était  jamais  employé  pour  <]uiscumque  et  qu'il  fal- 
lait en  conséquence  rétablir  les  deux  passages  de  Tite-Live  qu'on  cite  ordinairement  comme 
exemples  en  effaçant  la  particule  tjue. 


964  REVUE    CRITIQUE 

à  l'avenir.  Dans  le  récit  ita^ue  annonce  d'ailleurs  le  résultat  des  considérations 
d'Eumène  exposées  auparavant  par  Cornélius.  Enfin  il  faudrait  au  moins  hoc  ei 
fuit.  Donc  il  faut  corriger  de  préférence,  comme  l'a  fait  Nipperdey  :  hoc  ei  uisum 
est  pradentissimum,  ut  (en  abréviation  et  en  scriptura  continua  :  eiuifuft).  En 
outre  Fleckeisen  a  eu  raison  de  corriger  au  commencement  de  la  phrase  suivante 
Itaque  en  Atque  (ces  deux  mots  sont  parfois  confondus  par  les  copistes),  car  ce 
second  itaque  est  lourd  et  ne  se  relie  pas  logiquement  à  ce  qui  précède. 

Hannib.  VIII.  3  :  in  agenda  bello,  M.  M.  défend  maladroitement  cette  expres- 
sion contre  la  correction  in  gerendo  bello,  car  elle  n'est  guère  usitée  chez  les 
auteurs  classiques.  Si  M.  M.  avait  pris  la  peine  de  lire  jusqu'au  bout  le  passage 
du  Spicilegium  qui  s'y  rapporte ,  il  aurait  vu  que  le  seul  passage  sur  lequel  il 
s'appuie  (Caes.  Bell.  Gall.  III,  28,  i)  donne  bellum  gerere  dans  les  bons  mss. 
Qu'y  a-t-il  d'ailleurs  de  plus  facile  que  d'expliquer  l'origine  de  cette  faute, 
puisque  la  syllabe  re  se  remplace  constamment  par  un  petit  signe  placé  au-dessus 
du  mot  (gendo),  signe  qui  pouvait  passer  inaperçu. 

Hannib.  XI,  6  :  puppes  averterunt,  M.  M.  conserve  cette  leçon  parce  qu'elle  ^ 

est  dans  tous  les  mss.  et  il  la  trouve  très-claire.  Les  vaisseaux  de  Pergame  ne  1 

pouvaient  cependant  pas  détourner  (averîere)  de  l'ennemi  leurs  poupes,  puisque 
c'étaient  les  proues  qu'ils  lui  présentaient.  Il  n'y  a  donc  qu'à  corriger,  avec 
Nipperdey  verterunt  qui  seul  signifie  ce  que  M.  M.  veut  faire  dire  à  averterunt, 
c'est-à-dire  «  virèrent  de  bord.  » 

Caton,  II,  3  :  iratus  senatui,  consulatu  peracto.  Nous  accordons  que  jusqu'ici 
cette  phrase  est  peu  éclaircie;  mais  ce  qu'il  y  a  de  singulier,  c'est  que,  dans  sa 
note,  M.  M.  semble  supposer  qu'il  a  omis  dans  son  texte  le  mot  senatui,  ou  du 
moins  qu'il  a  laissé  la  forme  donnée  par  les  mss.  {senatu,  qui  est,  on  le  sait,  une 
ancienne  forme  du  datif).  C'est  une  simple  inadvertance. 

Attic.  I,  2  :  Pâtre  usus  est  diligente,  indulgente,  et,  ut  tum  erant  tempora,  diti; 
il  ne  fallait  pas  beaucoup  de  clairvoyance  pour  comprendre  (avec  Fleckeisen) 
que  diligente  devait  être  retranché  ;  que  c'était  une  variante  inscrite  dans  un  ms. 
au-dessus  de  indulgente  (en  outre  il  faut  faire  terminer  en  /  chez  Cornélius,  ce 
genre  d'ablatifs;  mais  ceci  est  une  question  de  grammaire  qui  dépassait  les  forces 
de  M.  M.). 

Attic.  II,  4:  ut  neque  usuram  umquam  ab  his  acceperit.  M.  M.  repousse  à  tort  la 
correction  iniquam  qui  en  réalité  ne  constitue  pas  un  changement,  et  qui  donne 
à  toute  la  phrase  un  sens  logique  qu'il  est  impossible  de  retrouver  dans  les 
explications  diffuses  de  M.  M. 

Attic.  VIII,  5  :  libre  à  M.  M.  de  rejeter,  quoiqu'elle  soit  plausible,  la  correc- 
tion dicis  causa  pour  necis  causa  ;  mais  le  reste  de  la  phrase  lui-même  est  absolu- 
ment inintelligible  tel  que  le  donnent  les  mss.  et  tel  qu'il  est  dans  les  éditions. 
Les  mots  desperatis  rébus  provinciarum  sont  obscurs  ;  ce  n'étaient  pas  les  affaires 
des  provinces  qui  allaient  mal,  mais  celles  de  Brutus  et  de  Cassius.  Il  faut 
admettre  qu'il  y  a  une  lacune.  Nous  ne  savons  comment,  avec  l'édition  de  M.  M. 
un  professeur  expliquerait  ce  passage;  quoiqu'il  y  ait  des  notes  fort  longues, 
elles  ne  touchent  rien  à  la  vraie  difficulté.  Il  est  vrai  qu'on  voit  tous  les  jours  des 


d'histoire  et  de  littérature.  365 

traducteurs  estimés  enjamber  des  montagnes  sans  sourciller,  de  peur  d'avoir  l'air 
de  ne  pas  comprendre. 

Attic.  IX,  4  :  ut  nullum  illa  stiteriî  vadimonium  sine  Attico,  qui  sponsor  omnium 
rerum  fuerit.  —  Ici  rien  des  mss.  qui  omettent  le  mot  cjui.  C'est  Lambin  qui  l'a 
inséré,  ce  qui  ne  rend  pas  la  phrase  plus  claire  ni  plus  latine.  M.  Fleckeisen  seul 
a  trouvé  la  vraie  correction,  bien  moins  «  téméraire  »  que  celle  de  Lambin  : 
QUiN  Atîicus  omnium  rerum  sp.  f. 

Attic.  X,  4  :  les  mss.,  dont  M.  M.  ne  dit  rien,  ont  se  eum  et  illius  Canum  de 
proscriptorum  numéro  exemisse;  il  s'agit  d'Antoine  écrivant  à  Atticus  qu'il  l'avait 
effacé  des  listes  de  proscription  avec  son  ami  Gellius  Canus  dont  le  nom  figure 
quelques  lignes  plus  haut.  Il  est  évident  qu'il  y  a  ici  une  erreur  ou  une  lacune. 
Déjà  quelques  mss.  de  troisième  ordre  ont  corrigé  :  et  illius  causa  Canum  (Mona- 
censis)  ou  eum  et  Gellium  Canum  (Codex  Coll.  R.).  M.  M.,  sans  en  rien  dire 
en  note,  a  voulu  abonder  en  corrections,  il  a  réuni  les  deux  en  une  seule  et  lit  : 
se  eum  et  illius  causa  Gellium  Canum.  Nous  n'aurions  rien  à  dire  contre  cette 
restitution,  qui  pourrait  s'expliquer  à  la  rigueur  par  le  fait  que  l'œil  du  copiste 
aurait  sauté  des  lettres  llius  aux  lettres  lUu,  ce  qui  lui  aurait  fait  omettre  les  mots 
causa  Gellium;  mais  ce  qui  nous  fait  douter  de  son  exactitude,  c'est' la  singularité 
qu'il  y  aurait  à  changer  de  pronom  (eum  illius),  alors  que  les  deux  se  rapportent  à 
la  même  personne.  Nous  préférons  lire  par  conséquent  la  leçon  eum  et  GELLIVM 
CANVM  (devenu  d'abord  Gilliû  Canïï  puis  illius  Canli). 

Attic.  XV,  2  :  Idem  in  nitendo  quod  semel  annuisset,  M.  M.  dit  ici  :  «  niîendo 
»  équivaut  à  nitendo  praesîare;  il  ne  nous  semble  pas,  comme  on  l'a  prétendu, 
»  qu'il  y  ait  là  une  ellipse  un  peu  forte  »  (!).  A  cette  remarque  nous  préférons 
la  correction  si  simple  de  Nipperdey  quum  semel  a. 

Attic.  XVII,  I  :  quum  esset  septem  et  sexaginta  (se.  annis).  M.  M.  a  encore 
oublié  de  dire  que  le  mot  esset  manquait  dans  l'archétype  et  que,  s'il  se  trouvait 
dans  le  Sangallensis  ce  n'était  qu'une  correction,  remplacée  dans  d'autres  mss. 
par  haberet.  Nipperdey  a  raison  de  remplacer  ces  conjectures  par  annis  (l'abré- 
viation commune  ann.  en  cursive  peut  facilement  se  confondre  avec  eum). 

Terminons  ici  cette  liste  déjà  fatigante  pour  le  lecteur;  nous  pourrions  l'étendre 
encore  assez  facilement.  Passons  à  la  partie  expHcative  du  commentaire  à  laquelle 
nous  reprocherons  une  trop  grande  prolixité  et  un  choix  d'observations  qui  n'est 
pas  tout  à  fait  bien  digéré.  M.  M.  nous  dit  dans  sa  préface  que  la  partie  histo- 
rique du  commentaire  avait  été  faite  par  Lambin,  mais  qu'il  a  scrupuleusement 
vérifié  les  passages  cités  et  qu'il  s'est  aidé  surtout  de  Bremi.  Nous  ne  nous 
sommes  pas  astreints  comme  pour  la  partie  critique  à  une  étude  détaillée  des 
sources  de  seconde  main  auxquelles  M.  M.  a  puisé.  Pour  l'explication  gramma- 
ticale nous  avons  déjà  montré  par  quelques  passages  combien  elle  laissait  à 
désirer.  Citons  au  hasard  quelques  remarques  qui  nous  ont  frappé  par  leur 
inexactitude. 

Préf.  4  :  à  propos  du  mot  scenam  nous  trouvons,  comme  nous  l'avons  dit,  une 
note  énorme  qui  est  rendue  en  partie  inutile  par  la  découverte  du  Codex  Parcensis 
lequel  donne  la  leçon  cenam  puis,  quelque  lignes  plus  loin  à  propos  de  in  scenam 


566  REVUE    CRITIQUE 

prodire,  nouvelle  note  qui  nous  apprend  que  cette  dernière  locution  signifie 
«  paraître  sur  la  scène  en  qualité  d'acteur  »  tandis  que  la  première,  ad  scenam  ire 
signifie  aller  au  spectacle.  Nous  voudrions  bien  savoir  oii  M.  M.  a  puisé  ce  pré- 
cieux renseignement,  et  s'il  peut  citer  un  seul  exemple  analogue  dans  la  littérature 
latine. 

Them.  IV  fin  :  «  consilio,  ruse  cf  Plutarque,  XV  : Ssivotyiti  GeinaTox^Éoyç.  » 

Ce  n'est  pas  une  raison  pour  traduire  consilio  par  «  ruse ,  »  alors  qu'il  signifie 
»  habileté.  »  —  Milt.  V,  i  (note  2)  :  «  Hérodote  (VI,  108)  dit  que  les  Platéens 
))  envoyèrent  deux  mille  hommes.  »  Hérodote  n'en  dit  pas  un  mot.  — Alcib.  II, 
I  (p.  86,  note  4)  :  «  eminisci,  vieux  mot,  «  M.  M.  aurait  pourtant  pu  voir  par  le 
Spicilegium  de  Nipperdey  que  ce  mot  ne  se  trouvait  pas  dans  les  mss.  de  Varron 
au  passage  cité.  —  Thras.  III,  3  :  dans  son  texte  M.  M.  joint  par  la  ponctuation 
publiée  à  prohibait  et  en  note  (p.  1 10,  n.  7)  il  dit  :  «  au  nom  de  l'État  et  de  la 
loi  qu'il  avait  fait  voter.  Mais  il  faut  ponctuer  cum  quibus  in  gratiam  reditum  erat 
publiée,  comme  le  bon  sens  l'indique.  —  Epam.  X,  i  (p.  190,  note  i)  : 
«  Qui  filium  habebat  infamem  .-Plutarque  dit  bien  que  Pélopidas  avait  des  enfants, 
»  mais  il  n'en  indique  pas  le  nombre  et  ne  dit  pas  qu'aucun  d'eux  se  soit  fait 
»  remarquer  par  sa  mauvaise  eonduite.  »  Voilà  une  traduction  bien  peu  rigoureuse 
dHnfamis  =  S.-:i[Loci,  terme  technique  en  latin  comme  en  grec,  qui  désigne  un  per- 
sonnage exclu  de  la  cité,  mis  hors  la  loi  par  sentence  juridique.  —  Eum. 
VII,  2  (p.  236,  n.  6)  :  quod  et  fecit,  leçon  des  mss.  qu'on  a  corrigée  avec  raison 
quod  effeeit,  est  justifiée  ainsi  :  «  le  verbe  facere  a  un  usage  assez  étendu  pour 
»  qu'on  ne  s'étonne  pas  de  le  voir  employé  ici.  Catulle  a  dit  de  même  :  Quod 
»  volait  feeit;  »  ce  «  de  même  »  est  charmant.  —  Timol.  III,  4  :  les  mots  tantum 

haberet  amorem  Sieulorum  ut regnum  obtineret  que  M.  M.  donne  dans  son  texte, 

sont  expliqués  ainsi  (p.  263,  n.  8)  :  «  Obtineret  équivaut  ici  à  obtinere  posset. 
C'est  la  tournure  grecque  wctts  avec  l'infinitif;  comment  deviner  que  cette  seconde 
explication  se  rapporte  à  une  autre  leçon  :  obtinere,  admise  non  sans  raison  par 
plusieurs  éditeurs,  mais  dont  M.  M.  ne  dit  rien.  —  Cato  I,  i  :  nous  lisons  à  la 
note  I  :  «  Il  porta  »  d'abord  le  surnom  de  Priscus;  «  comment  M.  M.  peut-il 
ignorer  que  c'est  là  une  erreur  de  Plutarque  et  que  le  surnom  de  Priscus  ne  fut 
donné  à  Caton  que  pour  le  distinguer  de  Caton  d'Utique.?  —  Caton,  III,  i  (p. 
306,  n.  i)  :  «  probabilis  (orator).  Cette  expression  indique  que  Caton  se  distingua 
»  par  son  talent  oratoire.  »  Ce  que  M.  M.  oublie,  c'est  précisément  d'expliquer 
la  portée  du  mot  probabilis. 

Quoique  M.  M.  attache  beaucoup  d'importance  aux  passages  parallèles  des 
auteurs  grecs  ou  latins  qu'il  a  cités  textuellement  dans  ses  notes,  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  regretter  qu'il  ne  se  soit  pas  restreint  un  peu  plus  pour  faire 
place  à  d'utiles  indications  chronologiques  ou  bien  pour  rectifier  les  nombreux 
points  d'histoire  dans  lesquels  Cornélius  a  fait  erreur.  Cet  auteur  est  le  premier 
classique  latin  qu'on  mette  entre  les  mains  de  la  jeunesse.  Il  importe  que  pour  le 
texte  comme  pour  l'histoire  il  soit  rectifié  le  plus  possible,  afin  qu'il  ne  laisse  pas 
dans  les  jeunes  cerveaux  des  idées  confuses  sur  la  syntaxe  latine  ou  des  notions 
inexactes  sur  les  événements  de  l'histoire  ancienne.  C'est  surtout  sous  ce  dernier 


d'histoire  et  de  littérature.  567 

rapport  que  M.  M.  eût  pu  largement  profiter  du  commentaire  de  Nipperdey  et  des 
principes  généraux  exposés  par  ce  dernier  dans  la  préface  de  son  édition  de  1 849. 
Nous  ne  terminerons  pas  ce  compte-rendu  sans  exprimer  le  regret  d'avoir  dû 
être  si  sévère  pour  l'édition  de  Cornélius  publiée  par  M.  Monginot.  Mais  com- 
ment ne  pas  éprouver  un  certain  chagrin  en  voyant  se  perdre  une  occasion  si 
belle  de  faire  une  bonne  édition.  On  trouve  trop  rarement  en  France  une  librairie 
disposée  à  donner  aux  auteurs  d'éditions  classiques  une  entière  liberté  pour  la 
dimension  et  le  genre  du  commentaire  et  pour  le  remaniement  du  texte.  MM. 
Hachette  ont  pris  une  initiative  généreuse,  et  ils  méritent  de  trouver  des  savants 
qui  répondent  à  leurs  vœux  «  de  faire  honneur  à  l'érudition  de  notre  pays,  de 
fonder  une  école  de  philologie  française,  enfin, de  bien  mériter  du  monde  savant 
et  universitaire.  »  —  Nous  voudrions  pour  notre  faible  part  contribuer  à  la 
réussite  de  cette  œuvre,  et  nous  ne  pouvons  le  faire  qu'en  rappelant  aux  principes 
élémentaires  de  la  philologie  ceux  des  éditeurs  qui  s'en  écartent  ou  qui  ne  croient 
devoir  donner  à  leur  travail  qu'un  vernis  superficiel  d'érudition. 

Ch.  M. 

245.  —  Recherches  sur  les  empereurs  qui  ont  régné  dans  les  Gaules  au  III*  s. 
de  l'ère  chrétienne,  par  J.  de  Witte.  In-4*  de  202  p.  et  49  pi.  Lyon,  L.  Perrin, 
1868.  —  Prix  :  50  fr. 

Depuis  plusieurs  années  M.  le  baron  de  Witte  recueille  patiemment  tous  les 
monuments  qui  peuvent  servir  à  faire  l'histoire  complète  de  l'un  des  épisodes  les 
plus  intéressants  de  l'histoire  de  la  Gaule  romaine  :  je  veux  parler  des  quinze 
années  qui  s'écoulèrent  entre  258  et  27?,  c'est-à-dire  depuis  l'usurpation  du 
titre  d'empereur  par  Posthume  jusqu'au  jour  oîi  Tetricus,  dans  les  plaines  de 
Châlons-sur-Marne,  trahit  sa  propre  armée  et  se  soumit  à  Aurélien.  Quelques 
textes,  une  grande  quantité  de  monnaies,  et  des  inscriptions  contemporaines , 
tels  senties  éléments  qui  permettent  à  M.  de  W.  d'atteindre  le  but  qu'il  s'est 
proposé.  —  Le  volume  qui  vient  de  paraître  sera  le  second ,  et  il  fait  désirer 
la  prompte  publication  du  tome  l"',  qui  contiendra  l'histoire  proprement  dite, 
et  la  reproduction  des  monuments  épigraphiques.  —  Ce  volume  ne  contient 
que  les  planches  et  la  description  exacte  des  nombreuses  monnaies  que  l'auteur 
a  recueillies  dans  toutes  les  collections  publiques  et  particulières.  En  agissant 
ainsi  M.  de  Witte  a  eu  pour  but  de  faire  connaître  tout  ce  qu'il  avait  pu  réunir 
jusqu'ici  au  point  de  vue  numismatique;  c'était  le  meilleur  moyen  d'arriver  à 
connaître  les  pièces  qui  lui  avaient  échappé.  Son  appel  a  été  entendu,  et  nous 
savons  que  des  exemplaires  très-curieux  lui  ont  été  signalés  depuis ,  en  assez 
grand  nombre  pour  nécessiter  des  planches  supplémentaires 

La  science  et  l'exactitude  de  M.  de  W.  sont  trop  notoires  pour  que  la  descrip- 
tion donnée  en  tête  du  volume  ne  soit  pas  à  l'abri  de  la  critique;  les  planches 
sont  magnifiques  :  on  peut  dire  que  ce  livre  est  un  véritable  monument  dont  la 
place  est  marquée  dans  toutes  les  bibliothèques  publiques.  C'est  une  preuve 
éloquente  de  ce  que  l'épigraphie  et  la  numismatique  peuvent  donner  à  l'historien 
pour  réédifier  sur  des  bases  certaines  le  récit  des  événements. 


?68  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

Nous  verrons  avec  curiosité  de  quelle  manière  l'auteur  appréciera  cette  révo- 
lution appelée  par  quelques  personnes  Vempire  gaulois  :  il  nous  apprendra  s'il  y 
eut  véritablement  là  un  réveil  du  sentiment  national,  ou  si,  plutôt,  les  augustes 
gallo-romains  ne  régnèrent  pas  avec  le  consentement  tacite  des  augustes  de  Rome, 
pour  défendre  les  frontières  rhénanes  des  invasions  germaines.  M.  de  Witte  nous 
mettra  également  au  courant  de  ce  que  l'on  sait  de  ce  gouvernement  si  court,  et 
qui  cependant  laissa  des  traces  nombreuses  de  son  passage,  particulièrement  au 
point  de  vue  de  la  création  et  de  l'entretien  des  voies  de  communication.  Faisons 
des  vœux  pour  que  le  savant  académicien  ne  nous  fasse  pas  attendre  trop  long- 
temps le  complément  de  son  œuvre,  non  moins  intéressant  pour  nos  voisins 
d'outre-Rhin  que  pour  nous  autres  Gaulois. 

Anatole  de  Barthélémy. 


246.  —  Une  église  réformée  au  XVIP  siècle,  ou  histoire  de  l'église  wallonne  de 
Hanau  depuis  la  fondation  jusqu'à  l'arrivée  dans  son  sein  des  réfugiés  français,  par  J.-B. 
Leclerc.  Hanau,  1868.  293  p.  —  Prix  :  6  fr. 

L'église  wallonne  de  Hanau  date  de  1 597,  A  cette  époque,  le  comte  Philippe- 
Louis  II,  de  Hanau-Munzenberg,  traita  avec  un  certain  nombre  de  familles 
wallonnes  et  hollandaises,  qui,  après  avoir  quitté  les  Pays-Bas  sous  Charles  V, 
s'étaient  vu  expulser  successivement  de  l'Angleterre  et  de  la  ville  libre  de  Franc- 
fort. Les  émigrés  s'engageaient  à  construire  une  ville  près  de  la  résidence  de 
Hanau;  on  leur  garantissait,  par  contre,  leur  constitution  presbytérienne,  leur 
confession  de  foi,  leur  langue,  en  un  mot  leur  indépendance  complète  vis-à-vis 
des  églises  du  comté.  En  1642,  la  branche  luthérienne  de  Hanau-Lichtenberg 
succéda  à  la  branche  réformée  de  Hanau-Munzenbcrg.  Le  culte  luthérien,  pros- 
crit jusque-là,  ne  tarda  pas  à  s'introduire  dans  le  pays;  en  1670  l'égalité  entre 
les  deux  confessions  fut  définitivent  proclamée,  après  que  la  résistance  des 
réformés  se  fut  prolongée  pendant  trente  années,  M.  L.  raconte  les  divers  inci- 
dents de  la  lutte  ;  il  décrit  les  relations  de  l'église  wallonne  avec  le  gouverne- 
ment du  pays  et  le  sénat  de  la  ville  de  Hanau,  avec  les  églises  du  comté  et  celles 
du  dehors;  enfin  il  trace  le  tableau  de  la  situation  intérieure  et  de  l'organisation 
de  la  colonie  réfugiée.  On  trouve  dans  son  livre  certains  détails  curieux,  p,  ex. 
sur  l'habitude  que  les  descendants  des  Wallons  ont  toujours  gardée  de  célébrer 
le  culte  en  français,  bien  que  la  langue  allemande  leur  soit  devenue  plus  familière. 
Mais  le  lecteur  se  fatigue  bien  vite  à  chercher  les  rares  renseignements  utiles  ou 
curieux  que  peut  contenir  cet  ouvrage ,  diffus ,  mal  écrit  et  beaucoup  trop  long 
pour  le  sujet  qui  y  est  traité.  Les  sources  auxquelles  M,  L,  a  eu  recours  sont: 
les  archives  de  l'église  wallonne  de  Hanau ,  les  archives  de  la  nouvelle  ville  de 
Hanau,  et  les  mémoires  de  Sturio,  docteur  et  2"  Schultheiss  de  cette  ville.  Ces 
mémoires  embrassent  la  chronique  de  la  ville  neuve  de  Hanau  de  1 597  à  1620, 
et  forment  ?  vol.  petit  in-fol.  A.  Schillinger. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Fûrst  Lobkowitz  geheim.  Rath  Leopold's  I.  —  F.  Haagen,  Geschichte  Aachen's. 
Critique  peu  favorable  par  M.  C.  Hegel.  —  Th.  Juste,  Léopold  I"  roi  des  Belges. 

—  H.  DE  Laferrière,  Deux  années  de  mission  à  Saint-Pétersbourg.  —  C.-U. 
Chevalier,  Letbert,  abbé  de  Saint-Ruf.  —  Lecoy  de  la  Marche,  Œuvres  de  Suger. 

—  ID,  La  Chaire  française  au  moyen-âge.  —  Marie  ,  Essai  sur  le  chancelier  de 
fHospital.  —  Klipffel,  Le  Colloque  de  Poissy.  — A,  Kluckhohn,  Zur  Geschichte 
des  angeblichen  Biindnisses  von  Bayonne.  Travail  curieux  sur  l'entrevue  de  Catherine 
de  Médicis  avec  le  duc  d'Albe  en  1565.  —  De  Noailles,  Henri  de  Valois  et  la 
Pologne  en  1 572.  —  T.  de  Larroque,  Notes  sur  Jean  de  Monluc.  —  Loiseleur, 
Problèmes  historiques.  —  A.  Baschet,  Le  Roi  chez  la  Reine  ou  hist.  secrète  du 
mariage  de  Louis  XIII  (non  pas  Louis  XIV  comme  l'imprime  la  Zeiischrift).  — 
Ravaisson,  Archives  de  la  Bastille,  II.  —  Frosterus,  Les  insurgés  protestants  sous 
Louis  XIV.  —  Dareste,  Histoire  de  France,  t.  VI.  —  Rousset,  Le  comte  de 
Gisors.  —  Despois,  Le  Vandalisme  révolutionnaire.  —  Dauban  ,  La  Démagogie  en 
1793  à  Paris.  —  Claretie,  Les  derniers  Montagnards.  —  Lanfrey,  Histoire  de 
Napoléon  P'.  —  D'Haussonville,  L'Eglise  romaine  et  le  premier  empire.  — 
Steenackers,  L'invasion  de  1814  dans  la  Haute-Marne.  —  T.  Delord,  Histoire 
du  second  empire,  I.  —  D'Arbois  de  Jubainville,  Histoire  des  ducs  et  comtes  de 
Champagne.  —  Clouet,  Histoire  de  Verdun.  —  Coriolis,  Dissertation  sur  les  États 
de  Provence.  —  0.  Hartwig,  Aus  Sicilien.  Cultur-  und  Geschichtsbilder.  —  Lettre 
inédite  du  consul  Bonaparte  au  général  autrichien  Mêlas,  du  20  juin  1800,  com- 
muniquée par  G.  Wolf,  et  tirée  des  archives  du  ministère  de  la  guerre,  à  Vienne. 

_  III.  W.  MÙLDENER,  Bibliotheca  historica,  aperçu  de  toutes  les  publications 
historiques  parues  en  Allemagne  et  à  l'étranger  de  janvier  à  juin  1869.  On  est 
heureux  de  rencontrer  dans  cette  bibliographie ,  d'ailleurs  très-consciencieuse- 
ment compilée ,  quelques-unes  de  ces  bévues  que  les  Allemands  aiment  tant  à 
nous  reprocher.  Ainsi  l'on  voit  figurer  p.  54  le  Cinq-Mars  de  Vigny  sous  la 
rubrique  Histoire  de  France,  et  le  roman  de  Mario  Uchard,  Jean  de  Chazol,  à  la 
p.  121,  sous  la  rubrique  Biographies  et  Mémoires. 

Zeitschrift  fur  bildende  Kanst,  par  R.   de  LuTZOW.   Leipzig,    Seemann. 
4«vol.  liv.  8  à  12. 

Chefs-d'œuvre  de  la  galerie  de  Brunswick  :  portrait  d'homme  par  Antonio 
Moro;  —  le  Fauconnier,  par  F.  Floris  (avec  eaux-fortes  de  \V.  Unger).  — 
EiTELBERGER.  Edouard  van  der  Nûll  et  Auguste  de  Siccardsburg.  —  Le  concours 
pour  le  dôme  de  Berlin.  —  J.  Falke,  Développement  historique  de  la  broderie. 

—  Mer  orageuse  de  Ruisdael  (eau-forte  de  Flameng).  —  Schulcz  Ferencz, 
Constructions  profanes  de  Rome  et  des  environs.  —  Bruno  Meyer,  Edouard 
Hildebrandt.  —  lo.  Le  Monument  de  Schinkel  par  Oncke.  —  La  Renaissance 
en  France,  par  Schnaase.  Compte-rendu  du  livre  de  M.  Lûbke,  Cf.  Rev.  crit., 
1869,  art.  20.  —  Chefs-d'œuvre  de  la  galerie  de  Brunswick.  Portrait  d'homme, 
par  F.  Hais  (eau-forte  d'Unger).  —  Jul.  Meyer,  Leone  Battista  Alberti ;  cet 
article  est  un  spécimen  de  la  nouvelle  édition  du  Dictionnaire  de  Nagler.  — 
Rob.  ZiMMERMANN,  Revue  Esthétique.  —  M.  Carrière,  Michel  Ange  et  la  Réfor- 
mation. —  Chefs-d'œuvre  de  la  galerie  de  Brunswick.  Les  dunes,  paysages 
par  J.  van  der  Meer  de  Hadem  (eau-forte  d'Unger).  —  Langershausen,  Les 
artistes  parisiens  et  la  Révolution  française,  de  1789  à  1795.  —  W.  Schmidt 
Exposition  rétrospective  à  Munich.  —  Bibliographie.  Choix  de  vases  grecs 
inédits,  etc.,  publiés  par  Frœhner  (compte-rendu  par  Engelmann).  —  Sieben 
Karten  zur  Topographie  von  Athen,  von  Emst  Curtius  (par  Bursian),  —  Beitrxge 
zur  Geschichte  der  griechischen  Plastik,  von  Al.  Conze  (par  Lutzow).  —  D/é  Kunst 
m  Zusammenhang  der  Cultur entwickeluug  und  die  Idéale  der  Menschheit,  von  M. 
Carrière,  3«vo1.  2"  partie;  Kunst  und  Kunstgewerbe,  von  F.  Trautmann  (par 
Meszmer.  Cf.  Rev.  crit.,  1869,  art.  84).  —  H.  Weisz,  Kostiimkunde,  livr.  1-4 
(par  Falke).  —  Winckler,  Die  Wohnhauser  der  Hellenen  (par  R.  Engelmann). 


BIBLIOTHÈQUE 

DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES 

publiée  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Sciences  philologiques  et  kistoriques. 

i"""  fascicule.  La  Stratification  du  langage,  par  Max  Mùller,  traduit  par 
M.  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études.  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
répétiteur  à  l'École  des  Hautes  Études.  In-8o  raisin.  4  fr. 

Forme  aussi  le  i"  fascicule  de  la  Nouvelle  Série  de  la  Collection  philologique. 

2"  fascicule.  Études  sur  les  Pagi  de  la  Gaule,  par  A.  Longnon,  élève  de 
l'École  des  Hautes  Études.  In-80  raisin  avec  2  cartes.  3  fr. 

Forme  aussi  le  i"  fascicule  de  la  Collection  historique. 

AT     /^  TV  T  /^  TV  T  r-\  TV  T     Le  Livre  des  Vassaux  du  Comté  de 
•      i-- W  1 N  vJ  IN  vJ  iM     Champagne,  1 172-1222,  publié  d'après 
le  manuscrit  unique  des  Archives  de  l'Empire,  i  fort  vol.  in-80.  7  fr.  50 

En  vente  chez  M.  Heimann,  à  Berlin_,  et  se  trouve  à  Paris,  à  la 
librairie  A.  Franck  (F.  Vieweg),  67,  rue  Richelieu. 

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•     n   LJ  Ci  1     F   JlL  rv  Sein  Leben  und  seine  Werke.  i  vol.  in- 
8".  •  2  fr. 

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librairie  A.  Franck  (F.  Vieweg),  67,  rue  Richelieu. 

J^r-x  o  17  Q  "P^  1  r^  l/'  ^'^  Rœmer  feindlichen  Bewegungen 
•  yy  D  Ci  IX  LJ  i  v^  iS.  im  Orient  waehrend  der  letztin  Haelfte 
d.  dritt.  Jahrh.  nach  Christus  (254-274).  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  d.  rœm. 
Reichs  unter  den  Kaisern.  i  vol.  in-80.  4  fi-_  85 

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librairie  A.  Franck  (F.  Vieweg),  67,  rue  Richelieu. 

Altfranzœsische  Romanzen  und  Pastou- 
rellen.  i  vol.  in-80.  c)  fr.  65 


K.   BARTSCH 


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librairie  A.  Franck  (F.  Vieweg),  67,  rue  Richelieu. 

»  U  \  Q  Q  \  TV  T  Kurzgefasste  Grammatik  der  vulgser-arabischen 
r\»  11  /\^o/\  IN  Sprache  m.  besond.  Rûcksicht  auf  den  aegypti- 
schen  Dialekt.  i  vol.  in-8°.  8  fr. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  50  Quatrième  année  11  Décembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    p.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix    d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  1 5  fr.   —  Départements,   17  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,   67 

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T  "DATIA/Tr^ADT^tTM  ^^ossaire  des  idiomes  popu- 
J.  DAUiVlOAlVl  iLiN  laires  du  Nord  et  du  Centre 
de  la  France,  contenant:  1°  les  patois  normand»  picard,  rouchi,  wallon,  man- 
ceau,  poitevin,  champenois,  lorrain,  bourguignon,  ainsi  que  ceux  du  Centre  de 
la  France;  20  les  termes  populaires  et  néologiques  du  langage  parisien,  qui 
manquent  dans  tous  les  dictionnaires;  3°  les  termes  populaires  qui  se  rencontrent 
dans  les  auteurs  tant  anciens  que  modernes  ;  40  la  prononciation  des  idiomes 
populaires;  5°  des  notices  historiques  sur  la  prononciation  de  la  langue  litté- 
raire. 

Cet  ouvrage  sera  publié  par  livraisons  de  1 0  à  15  feuilles  d'impression  et  sera 
complet  en  1  o  livraisons  au  plus. 

Prix  de  chaque  livraison  de  10  feuilles.  2  fr.  50 

Id.  15       —  ?fr-75 

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BT  O  T  T  /^'"P  l_I  Ï7  r^  K  0"6"^^'is  et  Linguistica.  Catalogue 
A  D  i_i  1  v_y  1  II  I_iV>/\  des  ouvrages,  recueils  et  mémoires 
relatifs  aux  langues  orientales  et  à  la  philologie  comparée  parus  en  Allemagne 
depuis  1850  jusques  et  y  compris  1868,  publié  par  C.  H.  Hermann.  i  vol.  in- 
8".  3  fr.  50 


PÉRIODIQUES    ÉTRANGERS. 
Literarisches  Centralblatt  fur  Deutschland.  N°  47.  13  novembre. 

Théologie.  Renan,  Saint  Paul  (Paris,  Lévy;  critique  très-sévère  ;  la  traduction 
allemande,  dont  il  est  rendu  compte  en  même  temps,  paraît  fort  médiocre).  — 
Histoire.  Colucci,  Gli  Equi,  I  (Florence  et  Turin).  —  Plath,  Nahrung,  Kleidung 
und  Wohnung  der  alten  Chinesen;  ûber  Schule,  Unterricht  und  Erziehung  bel 
den  alten  Chinesen  (Mûnchen,  Franz;  opuscules  très-instructifs).  —  Brunner, 
Die  Mysterien  der  Aufklserung  in  Œsterreich,  1770- 1800  (Mainz,  Kirchheim; 
ouvrage  clérical).  —  Jurisprudence.  Melanthonis  de  legibus  oratio  ex  rec. 
MuTHER  (Weimar,  Bœhlau).  —  Linguistique.  Histoire  littéraire.  Benfey, 
Geschichte  der  Sprachwissenschaft  (dont  nous  allons  rendre  compte  ;  M.  Delbrùck 
qualifie  ce  livre  de  gsnzlich  verfehlt).  —  Grasberger,  Noctes  indicae  (voy.  Rev. 
crit.,  1869,  art.  65).  —  Blass,  Die  attische  Beredsamkeit  von  Gorgias  bis 
zu  Lysias  (Leipzig,  Teubner).  —  Thomas,  Ein  lateinisches  Glossar  des  9.  Jahr- 
hunderts  (Mùnchen,  Franz;  publié  diplomatiquement  d'après  le  Codex  mona- 
censis  lat.  6210).  —  Wûlcker,  Beobachtungen  auf  dem  Gebiete  der  Vocal- 
schv^aechung  im  mittelbinnendeutschen  (Frankfurt  a.  M.).  —  Kœlbing,  Die 
nordische  Parzivalsaga  und  ihre  Quelle  (Wien,  Gerold;  intéressant).  —  Dunger, 
Die  Saga  vom  trojanischen  Kriege  in  den  Bearbeitungen  des  Mittelalters  (Leipzig, 
Vogel;  excellent  travail).  —  Archéologie.  Schlie,  Die  Darstellungen  des  troischen 
Sagenkreises  auf  etruskischen  Aschenkisten  (Stuttgart,  Ebner;  introduction  à  la 
publication  de  ces  monuments,  que  doit  prochainement  faire  M.  Brunn  pour 
l'Institut  de  correspondance  archéologique  de  Rome).  — iiocrToXâxa;,  KaTâ).oYo; 

Twv  àp;(aiwv  vo|jLt(T(jiaTwv  twv  vviawv  Kepxupaç,  A£Ûxa5oç,  ]6àxYiç,  Keça^XYivia;,  Zaxuvôou  xal 

KuOripôv  (Athènes,  Wilberg).  —  Mélanges.  Huber,  Die  lateranische  Kreuzpinne, 
oder  das  Papstthum  als  Hemmschuh  der  Vœlkerwohlfartht.  L  Die  Paepste  als 
Menschenschlaechter  (Bern,  Haller;  le  titre  de  ce  livre  le  caractérise  suffisam- 
ment). 

The  Academy.  I J  novembre. 

M,  Arnold,  Sainte-Beuve.  —  Brisbane,  The  Early  Years  of  Al.  Smith  (W.  M. 
Rossetti).  —  Grettis  Saga.  The  Story  of  Grettir  the  strong,  translated  by  W. 
Morris  and  Eiriker  Magnusson  (Simcox,  article  faible).^ —  Ch.  Hemans, 
A  History  of  Médiéval  Christianity  and  sacred  art  (Sidney  Colvin,  article  générale- 
ment favorable).  —  Renan,  Saint  Paul  (J.-B.  Lightfoot;  second  art.,  ayant  pour 
objet  la  critique  des  idées  et  des  faits).  —  R.  Sinker,  Testamenta  XU  Patriar- 
charum  (Br.  F.  Westcott;  art.  très-favorable).  —  R.  Williams,  The  Nicoma- 
chean  Ethics  of  Aristotle,  newly  translated  into  English  (Thursfield).  —  Tozer, 
Researches  in  tbe  Highlands  of  Turkey  (Boase  ;  récit  d'un  voyage  archéologique 
fait  en  1853,  1860  et  1861  dans  le  nord  de  la  Grèce).  —  J.  Eckardt,  Baltische 
und  russische  Cultursîudien  aus  zwei  Jahrhunderten  (Waring;  recueil  de  plusieurs 
essais,  dont  l'un,  sur  l'état  de  l'église  russe,  paraît  particulièrement  intéressant). 

—  Recueil  des  historiens  des  Gaules  et  de  la  France,  nouvelle  édition,  sous  la 
direction  de  M.  L.  Delisle  (Kitchin;  simple  annonce  qui  n'est  pas  dépourvue 

d'erreurs).  —  Jacobi,  Episcopi  Edesseni,  epistola de  Orthographia  Syriaca, 

éd.  J.-P.  Martin;  A  letter  by  Mar  Jacob,  bischop  of  Edessa by  G.  Phillips 

(Payne  Smith).  —  Dumichen,  Resultate  d.  aufSefehld.  K.  Wilhelm  I  von  Preussen 
nach  Oberegypten  entsendeîen  arch.-photogr.  Expédition  (R.  St.  Poole).  —  The 
Homilies  of  Aphrates,  edited  by  W.  Wright  (Sachau).  —  Terentii  Comoediae, 
by  W.  Wagner  (Nettleship  ;  bon  résumé  des  faits  acquis).  —  Rœnsch,  Itala 
und  Vulgata  (J.  Wordsworth;  nous  rendrons  compte  prochainement  de  ce  livre. 

—  Bernays,  Die  heraclitischen  Briefe  (Bywater,  cf.  Rev.  crit.,  1869,  art.  129). 
— Wecklein,  Curae  epigraphicae  (Hicks).— Gladstone,  Juj^e/z/w  Mundi  (Munro; 
courte  et  judicieuse  appréciation. 


REVUE   CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  50  —  11  Décembre  —  1869 


Sommaire  :  247.  Oppert,  Mémoire  sur  les  rapports  de  l'Egypte  et  de  l'Assyrie.  — 
248.  PiNDARE,  éd.  Christ.  —  249.  Semper,  les  Philippines  et  leurs  habitants. 


247.  —  Mémoire  sur  les  rapports  de  l'Egypte  et  de  l'Assyrie  dans  l'an- 
tiquité, éclaircis  par  l'étude  des  textes  cunéiformes,  par  M.  Oppert. 
(Extrait  de  la  1"  partie  du  tome  VIII  des  Mémoires  présentés  par  divers  savants  à 
l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.)  —  Paris,  librairie  A.  Franck,  1869.  — 
—  Prix  :  12  fr. 

Il  y  a  dans  l'histoire  d'Egypte  peu  d'époques  aussi  inconnues  que  celle  qui 
sépare  laXXIP  et  la  XXVP  dynastie  de  Manéthon.  Quelques  indications  éparses 
sur  les  murailles  de  Thèbes  ou  sur  les  stèles  du  Sérapéum  et  de  Gebel-Barkal, 
quelques  allusions  semées,  comme  au  hasard,  dans  les  livres  saints  des  Juifs, 
nous  laissent  deviner  des  temps  d'affaiblissement  et  de  souffrance  durant  lesquels 
la  vallée  du  Nil,  divisée  en  petits  États,  ruinée  par  des  dissensions  continuelles, 
passa  de  main  en  main,  de  dynastie  en  dynastie,  sans  règle  ni  raison,  jusqu'au 
moment  où  l'invasion  éthiopienne  vint  ajouter  au.x  malheurs  de  la  guerre  civile 
la  honte  d'une  conquête  étrangère;  mais  ces  documents  eux-mêmes  sont  trop 
rares  et  les  renseignements  qu'ils  nous  fournissent  trop  incohérents  pour  nous 
permettre  de  descendre  dans  le  détail  des  faits.  En  attendant  le  jour  oili  les  ruines 
de  Tanis,  de  Bubaste,  de  Mendès,  de  Sais  et  de  ces  grandes  villes  du  Delta  dans 
lesquelles  s'était  concentrée  la  vie  politique  du  pays,  seront  complètement  explo- 
rées, c'est  au  dehors  qu'il  faut  chercher  les  moyens  de  dissiper  en  partie 
l'obscurité  fâcheuse  qui  nous  cache  cette  partie  de  l'histoire  ancienne.  Or,  dès 
l'instant  qu'on  sort  de  l'Egypte,  où  trouver  un  guide  meilleur  que  les  inscriptions 
cunéiformes  ?  Nous  connaissions  déjà  par  les  révélations  partielles  de  MM.  Hincks 
et  G.  Rawlinson  l'existence  de  rapports  étroits  entre  les  deux  civilisations  rivales 
de  l'ancien  monde,  mais  la  suite  complète  des  événements  demeurait  ignorée. 
M.  Oppert  s'est  chargé  de  nous  l'apprendre  dans  le  mémoire  qu'il  vient  de 
publier. 

Je  dois  avouer  qu'à  la  première  lecture  de  ce  mémoire  j'avais  été  saisi  d'un 
effroi  bien  légitime.  Pour  refaire  l'histoire  de  Tàhràqà,  M.  Oppert  n'avait  à  sa 
disposition  que  des  documents  misérablement  mutilés  :  dans  certains  cas  le  bas 
des  colonnes  a  péri,  ailleurs,  la  fm  des  lignes  est  seule  restée  à  peu  près  intacte  '. 
Compléter  et  traduire  des  textes  aussi  frustes  me  paraissait  une  entreprise  pour 
le  moins  hasardeuse.  Toutefois  un  examen  attentif  des  restitutions  proposées 
m'a  convaincu  de  leur  parfaite  justesse.  Les  assyriologues  de  profession  pourront 
contester  l'exactitude  d'un  mot  ou  l'opportunité  d'un  membre  de  phrase  secon- 

I.  Oppert,  p.  47.50. 

VIII  24 


370  REVUE    CRITIQUE 

daire  :  mais  en  somme,  quelque  critique  que  l'on  fasse  des  menus  détails,  l'en- 
semble lui-même  subsiste,  la  vérité  historique  sort  de  ces  débris  si  merveilleuse- 
ment restaurés,  et  s'impose  invinciblement  à  l'esprit. 

Les  rapports  entre  l'Egypte  et  l'Assyrie  remontent  à  une  époque  beaucoup 
plus  ancienne  que  celle  à  laquelle  atteignent  les  inscriptions  ninivites  connues 
jusqu'à  présent.  Ils  datent  du  xix"  ou  du  xviii*  siècle  avant  notre  ère,  et  se  con- 
tinuèrent jusqu'au  temps  des  Ramessides,  sans  que  jamais  les  armées  des  deux 
empires  se  soient  mesurées  sérieusement  sur  les  champs  de  bataille.  Ils  cessèrent 
au  moment  où  les  rois-prêtres  de  la  XX®  dynastie  abandonnèrent  la  Syrie,  pour 
ne  reprendre  que  vers  le  commencement  du  ix®  siècle.  Nous  rencontrons  alors 
un  texte  où  Salmanasar  III  se  vante  d'avoir  perçu  en  Egypte  un  tribut  composé 
de  chameaux  à  double  bosse,  de  singes,  d'un  rhinocéros,  d'un  hippopotame  et 
d'un  éléphant  dont  il  orna  sa  ménagerie  '.  La  mention  des  chameaux  est  d'autant 
plus  curieuse  que  ces  animaux  ne  sont  figurés,  que  je  sache,  sur  aucun  des  monu- 
ments connus.  Une  mention  au  papyrus  Anastasi  n°  I  ^,  une  figurine,  publiée  par 
Cailliaud  dans  les  planches  de  son  Voyage  à  l'Oasis  de  Thèhes,  étaient  les  seules 
preuves  que  nous  eussions  de  l'existence  du  chameau  en  Egypte.  Il  faudra  joindre 
désormais  à  ce  mince  bagage,  le  fragment  de  l'obélisque  de  Sardanapale.  Un 
autre  document  du  même  temps  cite  des  crocodiles  du  Nil  envoyés  par  le  roi 
d'Egypte.  Ce  qui  fait  l'intérêt  du  passage,  c'est  que  le  scribe  assyrien,  faute  de 
mots  purement  sémitiques,  a  pris  le  nom  égyptien /zà-em^u/z'  «les crocodiles», et 
l'a  transcrit  tel  quel  en  caractères  cunéiformes  3.  A  ces  envois  de  bêtes  curieuses 
se  bornèrent  les  relations  des  Pharaons  avec  l'Assyrie,  tant  que  la  puissance 
des  Juifs  demeura  intacte  et  que  les  États  Israélites  servirent  de  boulevard  à 
l'Egypte. 

Mais  Samarie  détruite  et  Israël  abattu,  l'Egypte  et  l'Assyrie  se  trouvèrent  en 
présence  l'une  de  l'autre,  sans  aucun  intermédiaire  qui  les  séparât.  Toutes  les 
contrées  qui  bordent  le  Nil  étaient  alors  soumises  à  Sabacon,  le  premier  roi  de  la 
dynastie  éthiopienne.  Ce  prince  semble  avoir  prévu  les  malheurs  que  le  voisinage 
des  Ninivites  devait  un  jour  attirer  sur  son  royaume  et  voulut  les  conjurer. 
Entretenir  l'agitation  parmi  les  tribus  syriennes,  pousser  à  la  révolte  ouverte  les 
chefs  mécontents,  reconstituer,  s'il  était*  possible,  un  État  assez  puissant  pour 
servir  de  rempart  à  l'Egypte,  tel  fut  dès  le  premier  instant,  le  but  vers  lequel 
tendit  toute  sa  politique.  Il  décida  à  la  rébellion  Hanon,  roi  de  Gaza,  et,  lorsque 
Sargon  eut  franchi  l'Euphrate  pour  soumettre  les  Philistins,  Sabacon  et  ses  Éthio- 
piens marchèrent  résolument  à  la  rencontre  du  monarque  ninivite.  Malheureu- 
sement, les  soldats  africains  avaient  perdu  les  qualités  militaires  qui  leur  avaient 
jadis  assuré  la  victoire  sur  les  peuples  asiatiques.  Ils  furent  battus  à  Rapih  (Raphia); 
leur  allié  tomba  entre  les  mains  du  vainqueur,  et  Sabacon  lui-même  eût  été  pris, 
si  un  pâtre  ne  l'avait  guidé  dans  sa  fuites. 

1.  0pp.,  p.  9-10. 

2.  An.  I,  xxiij,  1.  $.  Chabas.  Voyage,  p.  220. 

3.  0pp.,  p.  10. 

4.  Id.,  p.  11-12. 


d'histoire  et  de  littérature.  371 

Cette  défaite  arrêta  un  moment  la  lutte  :  l'Egypte  se  résigna  pour  quelque 
temps  à  payer  tribut'.  Toutefois  les  guerres  continuelles  qui  troublèrent  les 
dernières  années  de  Sargon  et  les  premières  de  Sennachérib  rendirent  courage 
aux  vaincus.  Ils  soutinrent  Ezéchias  dans  sa  tentative  de  restauration  du  royaume 
de  Juda,  et,  quand  Sennachérib,  après  avoir  pacifié  la  Mésopotamie,  parut  en 
Palestine,  ils  avaient  assez  oublié  la  leçon  de  Raphia  pour  oser  attendre  de  pied 
ferme  le  choc  des  armées  assyriennes.  Cette  fois  encore  la  fortune  leur  fut  con- 
traire. Atteints  sur  le  territoire  de  l'ancienne  tribu  de  Dan,  près  d'Altaku,  les 
Ég}'ptiens  et  leurs  alliés  furent  mis  en  déroute  2.  A  la  suite  de  cette  défaite,  Lachis 
se  rendit  5,  et  le  roi  d'Assyrie  allait  achever  la  défaite  d'Ezéchias,  par  la  réduction 
de  Jérusalem,  quand  l'approche  d'une  nouvelle  armée  égyptienne  vint  suspendre 
le  cours  de  ses  succès.  Les  Assyriens,  campés  près  de  Libnah  (Péluse)  furent 
attaqués  par  les  fièvres  du  Delta  et  périrent  presque  tous  4.  A  la  vue  du  désastre 
inattendu  qui  frappait  leurs  adversaires,  Égyptiens  et  Juifs  crurent  à  une  inter- 
vention miraculeuse  de  la  divinité  et  firent  honneur  de  leur  délivrance,  les  uns 
à  Phîhah  5,  les  autres  à  Jéhovah^.  Sennachérib,  échappé  à  grand  peine,  retourna 
en  Assyrie  où  des  révoltes  perpétuelles  le  retinrent  jusqu'à  sa  mort  en  680  7. 

Son  fils  et  son  petit-fils  réparèrent  glorieusement  cet  échec.  Abydenus  rappor- 
tait à'Asarhaddon  qu'il  avait  fait  de  l'Egypte  une  province  de  son  empire*. 
Asarhaddon  rencontra  sur  les  bords  du  Nil  un  des  hommes  les  plus  énergiques 
du  temps,  Tàhràqà,  le  roi  conquérant  à  qui  la  tradition  grecque  attribuait  la 
conquête  de  l'Afrique  entière?.  Il  prit  néanmoins  Memphis,  contraignit  Tàhràqà 
de  se  retirer  en  Ethiopie  '°  et  organisa  l'Egypte  sur  le  modèle  des  autres  provinces 
de  son  empire.  Il  laissa  une  indépendance  apparente  aux  vingt  princes  qui  se 
partageaient  alors  le  pays,  et  dont  le  plus  connu,  Néchao,  père  de  Psammétik, 
régnait  sur  les  villes  de  Memphis  et  de  Sais,  mais  établit  pour  les  surveiller  des 
gouverneurs  assyriens,  appuyés  sur  de  fortes  garnisons  '  ' .  Aussi,  le  premier  de  sa 
race,  put-il  s'intituler  «  roi  des  rois  d'Egypte,  de  Pà-to-rés  (la  Thébaïde),  et  de 

Ces  conquêtes  avaient  rempli  les  dernières  années  de  sa  vie.  A  sa  mort, 
Tàhràqà,  profitant  de  l'incertitude  occasionnée  par  un  changement  de  règne, 
reconquit  toute  la  vallée  du  Nil,  sauf  quelques  cantons  du  Delta,  où  les  débris 
des  garnisons  assyriennes  se  maintinrent  péniblement.  Le  nouveau  souverain, 
Sardanapale  VI,  accourut  aussitôt.  Vainqueur  à  Kar-Baniti,  au  lieu  de  s'attarder 
à  la  soumission  des  roitelets  du  Nord,  il  s'attacha  sans  relâche  aux  Ethiopiens, 

1.  0pp.,  p.  ij. 

2.  Id.,  p.  25-29. 

3.  Id.,  p.  30-35. 

4.  Id.,  p.  34-36. 

5.  Hérodote,  II,  cxij. 

6.  Rois,  II,  xviij. 

7-  OPP-,  P-  37-38. 

8.  Abyd.,  dans  Eus.  Chr.,  I,  54. 

9.  Strabon,  XV,  687. 

10.  0pp.,  p.  40. 

11.  Id.,  p.  80. 

12.  Id.,  p.  40-42. 


372  REVUE  CRITIQUE 

prit  successivement  Memphis,  Thèbes,  qu'il  atteignit  après  une  marche  de  qua- 
rante jours  ',  et  n'abandonna  la  poursuite  qu'après  avoir  refoulé  son  adversaire 
au  delà  des  cataractes.  Cela  fait,  il  se  reporta  vers  le  Delta,  défit  les  vingt  rois 
confédérés,  et,  au  lieu  de  les  déposer,  les  maintint  sur  le  trône,  en  ayant  soin 
toutefois  de  placer  auprès  d'eux  des  gouverneurs  assyriens  et  de  mettre  garnison 
dans  les  forteresses  que  son  père  avait  élevées  jadis*.  Mais,  à  peine  rentré  dans 
sa  capitale,  un  nouveau  soulèvement  vint  tout  remettre  en  question.  Thàràqà, 
pour  vaincu  qu'il  fût,  pouvait  paraître  plus  à  craindre  que  le  monarque  assyrien 
lui-même.  «  Les  rois  d'Egypte  se  dirent  entre  eux  :  «  Tarqfine  renoncera  jamais 

»  à  ses  plans  sur  l'Egypte,  il  y  est  redouté »  Us  envoyèrent  à  Tarqu,  roi 

»  d'Ethiopie,  des  ambassadeurs  pour  conclure  un  traité  de  paix  et  d'amitié  et  ils 
»  parlèrent  ainsi  :  «  Que  la  paix  se  fasse  dans  notre  alliance  ;  nous  sommes  favo- 
»  râbles  les  uns  aux  autres;....  jamais  dans  notre  alliance  nous  ne  trahirons 
»  pour  nous  tourner  ailleurs,  6  seigneur  !  »  Ils  tentèrent  d'embaucher  par  leurs 
))  traités  l'armée  assyrienne,  le  soutien  de  ma  royauté  et  préparèrent  leurs 
»  conspirations  insidieuses.  ?  »  Les  lieutenants  de  Sardanapale  découvrirent  le 
complot,  surprirent  les  princes  conjurés,  les  jetèrent  dans  les  fers  et  les 
envoyèrent  en  Assyrie.  Ils  y  obtinrent  leur  grâce,  et  Néchao,  le  plus  coupable 
d'entre  eux,  rentra  dans  Sais,  tandis  que  son  fils  «  Nabosezibannin  peut-être 
Psammétik,  recevait  en  apanage  une  ville  du  Delta  4.  Toutefois,  ni  la  clémence 
du  roi,  ni  la  rigueur  des  lieutenants  ne  purent  empêcher  un  soulèvement;  il 
fallut  réduire  par  les  armes  Sais,  Mendès,  Tanis,  repousser  Tàhràqà,  qui  avait 
réussi  à  pénétrer  jusqu'à  Memphis,  où  il  intronisa  le  nouvel  Apis  s  et  fit  mettre 
à  mort  Néchao,  devenu  l'ami  des  Assyriens'^.  Sa  défaite,  suivie  bientôt  de  sa 
mort 7,  ne  put  arrêter  les  tentatives  des  Ethiopiens.  Le  fils  de  sa  femme,  Urda- 
manéy  élu  roi  a'près  lui,  reprit  l'offensive  et  fit  courir  à  la  domination  assyrienne 
un  danger  assez  grand  pour  que  Sardanapale  jugeât  nécessaire  de  se  mettre  en 
personne  à  la  tête  de  ses  armées.  La  soumission  des  rois  provinciaux  et  la  ruine 
d'Urdamané  ne  se  firent  pas  attendre.  «  Mes  bras,  dit  Sardanapale,  atteignirent, 
»  dans  l'adoration  dJAssur  et  àUsîar,  Thèbes  entière.  J'enlevai  l'argent,  l'or,  les 
»  métaux,  les  pierres  précieuses,  le  trésor  de  son  palais,  tout  ce  qu'il  contenait 
»  en  étoffes  de  bérom  et  de  lin,  de  grands  chevaux,  des  esclaves  mâles  et 
»  femelles,  des  ouvrages  de  basalte  (?)  de  marbre, . ...  et  je  l'enlevai  en  Assyrie  8.» 
Thèbes  ne  se  releva  jamais  de  ce  désastre.  Urdamané,  achevé  par  sa  défaite, 
s'enfuit  à  Kipkip,  en  Ethiopie,  et  disparaît  désormais  de  l'histoire?. 

Là  s'arrêtent  les  textes  cunéiformes  expliqués  par  M.  Oppert,  mais  non  point 
les  rapports  entre  l'Egypte  et  les  empires  de  la  Haute-Asie.  Sardanapale  vain- 


!.  0pp.,  p.  68. 

2.  Id.,  p.  51-59;  62-68,  80-199. 

3.  Id.,  p.  S9-6I. 

4.  Id.,  p.  72. 

5.  Id.,  p.  114. 

6.  Id.,  p.  106;  Hérodote,  II,  clj. 

7.  Id.,  p.  77. 

é.  Id.,  p.  §3-84. 
9.  Id.,  p.  73-8o. 


d'histoire  et  de  littérature.  375 

queur  avait  rétabli  l'organisation  assyrienne,  mais,  selon  la  tradition  grecque, 
avait  réduit  de  vingt  à  douze  le  nombre  des  rois  tributaires  ' .  L'un  des  membres 
de  cette  dédocarchie,  Psamraétik,  prince  de  Sais  et  fils  de  Néchao,  prit  l'ascen- 
dant sur  ses  collègues,  grâce  à  un  corps  de  Lyciens  et  de  Cariens  que  lui  envoya, 
parait-il,  Gygés,  roi  de  Lydie  ».  Les  Assyriens  furent  chassés  en  même  temps  que 
les  princes  leurs  créatures,  et  l'Egypte,  réunie  en  un  seul  État,  devint  l'héritage 
d'une  dynastie  nouvelle,  la  XXVP  de  Manéthon.  Tandis  qu'elle  se  relevait  ainsi 
de  son  abaissement,  l'empire  rival,  attaqué  de  tous  les  côtés  à  la  fois,  s'écroulait 
rapidement;  Ninive  avait  déjà  disparu,  et  Babylone  dominait,  quand  Néchao  II, 
fils  de  Psammétik,  jugea  le  moment  favorable  pour  entrer  en  Asie.  Il  suivit  la 
route  traditionnelle  des  conquérants  égyptiens ,  battit  les  Juifs  à  Mageddo ,  prit 
pour  la  dernière  fois  la  fameuse  Kades'  î,  et  soumit  rapidement  toute  la  Syrie. 
Quatre  ans  plus  tard,  il  fut  défait  près  de  Qàrqàmis^  4  et  dut  momentanément 
payer  tribut  à  Nabuchodorossor.  Les  princes  de  l'Egypte  et  de  la  Mésopotamie 
ne  devaient  plus  jamais  se  rencontrer  face  à  face  :  tandis  qu'ils  se  livraient  leur 
dernière  bataille,  la  Perse  grandissait  derrière  eux  et  se  préparait  à  les  courber 
sous  un  joug  commun. 

J'ai  tenu  à  résumer  cette  longue  histoire  afin  de  montrer  quelles  lumières 
inattendues  jette  sur  les  rapports  de  l'Afrique  et  de  l'Asie  le  nouveau  Mémoire  de 
M.  Oppert.  Je  voudrais  maintenant  extraire  de  son  récit  les  principaux  faits  qui 
peuvent  nous  donner  quelques  renseignements  sur  la  constitution  intérieure  de 
l'Egypte  au  temps  des  guerres  assyriennes. 

Les  incriptions  cunéiformes  ne  nomment  pas  les  rois  qui  envoyèrent  à  Salraa- 
nasar  III  ces  présents  que  l'orgueil  ninivite  se  plut  à  représenter  comme  des 
tributs.  Mais,  à  partir  de  la  fin  du  viii*  siècle,  elles  se  montrent  moins  discrètes 
et  suppléent  en  partie  au  silence  déplorable  des  monuments  égyptiens.  C'est  alors 
en  effet  qu'apparaissent  les  trois  rois  classiques  de  la  XXV^  dynastie,  S'àbàkà, 
S'àbàtokà  et  Tàhràqà.  Ce  dernier  se  reconnaît  facilement  sous  la  forme  Tarqù^, 
malgré  la  suppression  de  l'aspirée  médiale  h.  La  transcription  des  deux  autres 
noms  est  loin  de  se  présenter  avec  ce  degré  d'évidence,  et  il  a  fallu  beaucoup 
de  sagacité  pour  découvrir  S'àbàkà  et  S'àbàtokà  dans  des  mots  comme  S'abe'  et 
S^abti\  M.  Oppert  a  pourtant  réussi  à  donner  la  cause  de  ces  divergences  extra- 
ordinaires entre  l'égyptien  et  l'assyrien^.  Le  ghéez  possède  une  classe  de  guttu- 
rales particulières  qu'on  ne  retrouve  dans  aucune  autre  des  langues  dites  sémi- 
tiques, et  dont  une,  le  p7,  entrait  dans  le  nom  des  deux  monarques  éthiopiens. 
Dans  Sève,  Sua,  Sô,  l'hébreu  supprime  entièrement  cette  lettre  embarrassante  ; 
dans  S'àbàkà,  rég}'ptien  lui  donne  pour  équivalent  le  son  plus  dur  k  (p)  ; 
l'assyrien  enfin,  prenant  un  moyen  terme  entre  ces  deux  extrêmes,  la  rend  parle 

1 .  Hérodote,  II. 

2.  Lenormant,  Manuel  d'hist.,  t.  II,  p.  1 16. 
5.  Hérodote  l'appelle  Kâdytis  (II,  cl). 

4.  Hierapolis  et  «non  pas  Circesium  comme  on  le  croit  généralement. 

5.  0pp.,  p.  loi. 

6.  0pp.,  p.  12-14. 

7.  Pour  éviter  l'emploi  de  lettres  éthiopiennes,  j'adopte  la  transcription  proposée  par 
M.  Oppert,  le  p  hébraïque  surmonté  d'un  rond  ». 


Î74  REVUE    CRITIQUE 

signe  de  l'hiatus,  suivi  de  la  lettre  qui  répond  généralement  au  aï/z  hébraïque.  On 

a  donc  la  gamme  de  variantes  : 

Éthiopien.  Égyptien.  Assyrien.     Hébreu.  Grec. 

S'àbàk'à*    S'àbàkà      S'abe'       Sfvè,Su^,SÔ2:agàxwv(Hér.II,cxxxvij)  làéàxwv  (Man.) 

S'àbàîok'à  S'àbàîokà  S'abti'      Seêixwi;,  I.s6riym 

Tàhràqà      Tàhràqà     Tarqà       Tirhakah      T£apxù)(str.)  eapaixvi;  Tàpxoç,Tàpaxo;, 

[(Jos).  [Tapàxrii;. 

Le  nom  de  S^àbàtokà  n'apparaît  qu'une  seule  fois  dans  les  inscriptions  cunéi- 
formes, comme  élément  d'un  nom  de  villes  S'àbàkà  y  est  qualifié,  sultan  de 
Misri;  Tàhràqà  y  est  dit  prince  de  Kus',  mais  partout  ailleurs  son  royaume  est 
appelé  M//uhhi.  C'est  avec  raison,  je  crois,  que  M.  Oppert  a  reconnu  dans  Milu/zAi 
et  dans  ses  variantes  un  équivalent  assyrien  de  Méroé  4;  dans  tous  les  passages 
qu'il  cite,  l'identification  est  complète  et  ne  saurait  laisser  subsister  aucun  doute. 
Pour  terminer  cette  énumération  de  titres,  ajoutons  qu'un  prince,  malheureuse- 
ment indéterminé,  reçoit  la  dénomination  purement  égyptienne  de  Piru'  5. 

A  côté  de  ces  souverains  étrangers,  les  documents  cunéiformes,  d'accord  avec 
les  rares  monuments  égyptiens  ainsi  qu'avec  les  traditions  grecques  et  bibliques, 
nous  font  connaître  les  dynastes  nationaux  de  l'Egypte,  soumis  à  l'autorité 
suprême  du  monarque  éthiopien,  mais  indépendants  l'un  de  l'autre.  Quoi  qu'en 
dise  M.  Oppert 6,  les  égyptologues  n'ont  pas  attendu  les  découvertes  de  la  science 
assyrienne  pour  admettre  la  simultanéité  des  rois  d'Egypte  et  d'Ethiopie,  durant 
toute  cette  période.  La  légende  d'Anysis,  conservée  par  Hérodote  7,  la  présence 
dans  les  Hstes  de  Manéthon  de  trois  rois  de  la  XXVP  dynastie  antérieurs  à 
Psammétik  I'"',  leur  avait  fait  soupçonner  ce  fait  important.  La  découverte  des 
stèles  du  Sérapéum  et  des  inscriptions  éthiopiennes,  les  travaux  de  MM.  Mariette 
et  de  Rougé  sur  Piânxi-M en-amen  ont  changé  ce  soupçon  en  certitude.  Toutefois 
les  textes  assyriens  nous  apportent  une  quantité  de  renseignements  nouveaux  et 
positifs,,  qui  nous  permettent  de  comprendre  l'histoire  de  ce  siècle  beaucoup  mieux 
que  nous  ne  l'avions  fait  jusqu'à  présent.  Durant  les  dernières  années  de  Tahraqa, 
la  vallée  du  Nil  était  partagée  en  vingt  principautés,  dont  M.  Oppert  a  générale- 
ment reconnu  les  noms  égyptiens,  Sais,  Memphis,  Tanis  (ass.  Si'nu  ou  Sa'nu), 
Nâîhû,  sans  doute  la  Naew  d'Hérodote  s,  Pisaptu  ou  Saptu,  capitale  du  nome 
arabique,  probablement  la  fï>aYpapi67roXi!;  de  Strabon9,  Athribis,  Hininsi,  Hnès  de 
la  Bible,  dont  le  nom  égyptien,  lu  généralement  Sûîen-SE-nen,  paraît  désormais 
devoir  se  Hre  XE-nen-sû[ten],  Zâl,  Sebennytos,  Mendès,  dont  le  nom  assyrien 
Bindidi  est  la  transcription  exacte  de  l'égyptien  Bl-n-dad,  Bubaste,  et  une  ville 
de  Bunu  (?)  dont  l'équivalent  Panau  n'a  été  jusqu'à  présent  retrouvé  que  dans 

1.  K'  =  p. 

2.  Opp.,  p.  14. 

3.  Id.,  p.  12. 

4.  Id.,  p.  20-21. 

5.  Id.,  p.  15. 

6.  Id.,  p.  17. 

7.  Hérodote,  II,  cxxxvij. 

8.  Id.,  II,  clxv. 

9.  Strabon,  I.  xv. 


d'histoire  et  de  littérature.  J75 

les  textes  coptes,  Syout,  dans  la  Moyenne-Egypte,  Himnnu,  ou  Chemmis,  Thinis, 
la  ville  de  Menés  et  enfin  ;V/',  ville  d'Ammon,  Thèbes,  que  les  Hébreux  appelaient 
aussi  n:  ou  -(-cx-x:  ' .  Deux  noms  sont  à  peu  près  détruits  et  n'ont  pu  être 
reconstitués  ;  une  troisième  localité  s'appelait  Pi-s^abti',  ce  qui  indique  une  ville 
récemment  bâtie  ou  réparée  par  le  monarque  éthiopien.  L'Heptanomide  enfin 
renfermait  un  royaume  dont  le  nom  Pahnutl  présente  une  tournure  égyptienne, 
mais  n'est  pas  aisé  à  déterminer  *.  La  transcription  assyrienne  semble  se 
résoudre  en  PJ-Xenti  et  pourrait  désigner  alors  un  des  deux  nômes  qui  portent 
le  nom  de  X'ent,  le  nôme  postérieur  (X'ent-pah' ,  Lycopoliîes  posteriof),  puisque 
le  nôme  X'ent  supérieur  et  sa  capitale  Saut  formaient  un  État  indépendant. 

En  dehors  de  ces  capitales, plusieurs  autres  villes  sont  citées:  deux  par  Sarda- 
napale  VI,  Mahariha  [?],  dans  le  Delta,  et  Kipkip  en  Ethiopie,  qui  jusqu'à  présent 
ne  peuvent  être  identifiées;  une,  par  les  livres  saints,  qui  a  été  pour  M.  Oppert 
l'objet  d'une  étude  spéciale,  la  Libnah,  où  Sennachérib  essuya  son  grand  échec. 
Par  une  suite  de  déductions  à  la  fois  ingénieuses  et  solides,  M.  Oppert  en  arrive 
à  prouver  :  i°  que  cette  Libnah  ne  doit  pas  être  confondue,  comme  on  l'avait  fait 
auparavant,  avec  la  Libnah  de  Juda;  2°  qu'elle  est  identique  à  Péluse  d'Egypte  ?. 
Enfin  plusieurs  localités  égyptiennes  avaient  reçu  selon  l'usage  assyrien,  des 
noms  sémitiques  imposés  par  le  vainqueur  :  Sais  est  appelé  Kar-bel-mate,  ce  qui 
répond  évidemment  à  l'égyptien  Pâ-neb-tlti  «  la  ville  du  Seigneur  des  deux 
»  mondes 4.  »  Mahariba  devient  Limir-patisi-Asur,  «  que  le  lieutenant  d'Assur 
»  gouverne!  s  »  Ici  du  moins,  le  texte  nous  donne  l'équivalent  égyptien.  Dans  un 
autre  endroit,  le  scribe  n'a  cité  que  le  nom  assyrien,  comme  c'est  le  cas  pour 
Kar-baniti,  «  la  ville  de  la  déesse  mère.  »  Faut-il  en  conclure  que  cette  forte- 
resse était  une  fondation  récente  d'Asarhaddon  et  n'avait  pas  de  nom  égyptien  ? 

Les  noms  des  vingt  monarques  ont  presque  tous  une  physionomie  égyptienne. 
On  devine  aisément  sous  leur  transcription  cunéiforme  Néchao,  Plqerer,  P-ti-se- 
^(ï5?  (lIcToupâo-rr.;),  Har-si-esi ,  Tawnext,  Sesonq,  Bocchoris ,  Ze[/]-/îo'  (Tîw;  ou 
Taxw;),  Psenmût  (Ass.  Ispimaiu),  Mentà-m-ânx^.  M.  de  Rougé  traduit  Lamenîav 
pa.T  Râ-mentu'.  J'aimerais  mieux  reconnaître  sous  ce  déguisement  assyrien  un 
Râ-men-to,  analogue  au  Râ-men-xeper  déjà  connu,  et  peut-être  écrit  avec  les 
mêmes  caractères;  dès  la  XX*^  dynastie  en  effet,  le  scarabée  possédait,  outre  la 
ya\eMT  Xeper,  la  valeur  to,  si  fréquente  aux  basses  époques.  Pisanhuru,  dans  lequel 
M.  Oppert  voit  une  forme  égyptienne,  est  Pse-n-hor;  cet  exemple  achève  de 
prouver  que  le  nom  d'Horus  se  prononçait  différemment  selon  la  place  qu'il 
occupait  en  composition.  Au  commencement,  on  le  vocalisait  Ar,  Har,  Arsiesi, 
Harpocrale;  à  la  fin,  Hor,  or,  Psenhor.  Nahtirusensini  qui,  au  dire  de  M.  Oppert, 
«  renfermerait  le  même  élément  que  le  nom  de  Psusennés,  »  pourrait  être  Nexî- 
er-sensen-u.  Iptïhardesi  est  évidemment  P-ti-h^rùd-esi,  ou P-ti-xrûd-esi,  ânàiogiiQ 

1.  0pp.,  p.  89-98. 

2.  0pp.,  p.  94. 

3.  Id.,  p.  34-56. 

4.  Id.,  p.  72  et  note. 
j.  Id.,  p.  72. 

6.  Id.,  p.  104-111. 

7.  Id.,  p.  m. 


376  REVUE   CRITIQUE 

à  P-îi-se-basî ;  le  terme  indiquant  la  filiation  est  ici  h'rùd  ou  Xrùd,  au  lieu  de  se, 
et  le  sens  est  «  celui  qui  appartient  à  l'enfant  d'Isis  »  à  Horus.  Unamuna  répond 
peut-être  à  Un-Amen  ou  bien  Un-n-Amen,  «  l'être  d'Ammon».  Puaiku  est  malaisé 
à  définir;  M.  Smith  donne  pour  variante  Puaima.  Si  cette  lecture  est  exacte  nous 
avons  dans  le  texte  cunéiforme,  une  transcription  du  nom  Pimà  «  le  chat  »,  si 
fréquent  dans  la  Basse-Egypte,  à  l'époque  qui  nous  occupe.  Je  ne  saurais  dire 
comment  s'appelait  en  égyptien  Nahke;  mais  j'approuve  pleinement  M.  Oppert 
lorsqu'il  voit  dans  Urdamané,  beau-fils  de  Tàhràqà,  Rut-Amen  et  non  pas  l'éthio- 
pien Amen-meri  Nùî. 

On  sait  quelles  difficultés  soulève,,  même  pour  ces  époques  relativement 
modernes,  le  règlement  de  la  chronologie  égyptienne.  Les  stèles  du  Sérapéum 
ont  permis  à  M.  de  Rougé  de  remonter  avec  certitude  jusqu'à  l'avènement  de 
Tàhràqà  en  693.  Les  documents  assyriens  ont  permis  à  M.  Oppert  de  relever,  au 
delà  de  ce  point,  les  dates  positives  de  quelques  événements  communs  aux  deux 
monarchies  égyptienne  et  ninivite  : 

i'718.  —  S'àbàkà,  vaincu  à  Raphia. 
714.  —  Tribu  de  Piru',  roi  d'Egypte. 
710.  —  Fuite  d'Iatnan,  roi  d'Asdod  en  Ethiopie. 
!700.  —  Batailles  d'Altaku  et  de  Libnah.  —  Tàhràqà, 
roi  de  Kus'. 
693.  —  Il  devient  roi  d'Egypte. 
[[669-667]?  —  r^  conquête  assyrienne.  .—  Tàhràqà 
AsARHADDON  (680-667) .  •'         relégué  en  Ethiopie.  —  Néchao  I^"^  à  Sais  et 
f         Memphis. 

'667.  —  i®""  retour  offensif  de  Tàhràqà;  i"  campagne 

!         de  Sardanapale  VI  en  Egypte.  —  Complot  des 

1        monarques  égyptiens;  2^  retour  offensif  de  T^/z- 

Sardanapale  VI  ....  <         ràqà.  —  Mort  de  Néchao.  —  Date  officielle  de 

j        l'avènement  de  Psammétik  à  Sais. 

1666.  —  Mort  de  Tàhràqà.  Guerre  contre  Urdamané; 

\         pillage  de  Thèbes. 

Grâce  à  ce  canevas  de  dates  fixes,  M.  Oppert  essaie  de  reconstituer  la  série  des 

règnes  éthiopiens.  Il  assigne  l'année  728  comme  limite  inférieure  de  l'avènement 

de  S^àbàkà  et  l'année  7  1 6  comme  époque  probable  de  sa  mort  ' .  Sàbàtokà,  qu'il 

confond  avec  le  Séîhos  d'Hérodote,  tomberait  alors  en  716  et  701  *.  Enfin, 

Tàhràqà,  roi  d'Ethiopie,  au  moment  du  combat  d'Altaku,  serait  devenu  roi 

d'Égypteen693,  après  la  prise  deMemphis5.  L'intervalle  entre  son  règne  égyptien 

et  le  règne  de  S'àbàtokà  serait  comblé  par  les  règnes  simultanés  des  rois  d'Egypte 

mentionnés  sur  les  monuments  de  Sennachérib. 

Je  ne  sais  quelle  impression  produira  sur  les  égyptologues  la  connaissance 
précise  de  ces  faits  nouveaux  pour  eux.  En  ce  qui  me  concerne,  les  données  des 


1.  Opp.,  p.  14-16. 

2.  Id.,  p.  21. 

3.  Id.,  p.  IIS. 


d'histoire  et  de  littérature.  Î77 

raonuraents  assyriens  confirment  une  idée  que  m'avait  inspirée  dès  longtemps 
Tétude  des  documents  hiéroglyphiques  proprement  dits.  J'ai  toujours  été  frappé 
du  rôle  prépondérant  que  jouent  à  cette  époque  la  ville  de  Sais  et  les  princes 
qui  la  gouvernent.  Actifs,  remuants,  mêlés  à  tous  les  événements  qui  s'accom- 
plissent autour  d'eux,  dès  l'instant  que  nous  les  voyons  apparaître  sur  la  scène, 
ils  ont  un  but  unique  vers  lequel  tendent  tous  leurs  efforts  :  ils  veulent  dépossé- 
der les  petits  princes  rivaux  et  fonder,  sur  les  débris  des  dynasties  locales  qui 
ruinaient  le  pays,  une  dpastie  nouvelle  dont  l'autorité  s'étende  sur  l'Egypte 
entière.  L'histoire  de  leur  temps  est  au  fond  l'histoire  des  tentatives  qu'ils  font 
pour  arriver  à  leur  fin  et  des  échecs  qui  retardent  à  chaque  moment  les  progrès 
de  leur  ambition.  Les  petits  princes,  coalisés  contre  eux,  mais  incapables  de 
résister,  appellent  l'étranger  à  leur  secours,  et  trahissent  l'intérêt  de  la  patrie 
commune  au  profit  de  leurs  intérêts  particuliers.  De  là  ces  invasions  éthiopiennes 
dont  les  stèles  du  mont  Barkal  et  la  tradition  classique  nous  ont  conservé  le 
souvenir.  La  djTiastie  cushite  arrête  pour  un  temps  les  empiétements  de  la 
famille  saïte ,  sans  pouvoir  ni  l'abattre  ni  même  la  décourager.  L'insuccès  de 
Tawnext  ne  sert  pas  de  leçon  à  Bocchoris  ;  le  désastre  de  Bocchoris  ne  fait  pas 
hésiter  ses  successeurs.  L'intervention  assyrienne  n'est  pour  eux  qu'un  moyen 
d'user  la  puissance  éthiopienne.  Tàhràqà  vaincu,  les  Assyriens  occupés  en  Asie, 
Psamméîik  reprend  l'avantage  et  finit  par  réaliser  le  rêve  constant  de  sa  race. 
En  quelques  années ,  il  réunit  sous  sa  main  le  pays  tout  entier  et  établit  solide- 
ment cette  XXVP  dynastie  -sous  laquelle  l'Egypte  devait  vivre  encore  quelques 
jours  de  gloire  et  de  prospérité. 

Tawnext  est  le  premier  prince  saïte  qui  nous  soit  connu  par  des  monuments 
certains.  Je  renvoie  au  beau  mémoire  de  M.  de  Rougé  les  personnes  curieuses 
de  connaître  le  récit  de  ses  campagnes  contre  le  roi  d'Ethiopie,  Piânxi  Meri-amenK 
Après  des  succès  partiels,  il  finit  par  être  battu  et  dut  jurer  fidélité  au  vainqueur, 
qui  lui  conserva  ses  titres.  Je  tiens  uniquement  à  constater  et  la  première  preuve 
de  l'ambition  saïte  et  le  premier  exemple  de  la  politique  suivie  par  les  petits 
princes  égyptiens.  Tawnext  avait  déjà  soumis  le  Delta  et  une  partie  de  l'Hepta- 
nomide,  quand  ce  qui  restait  de  dynastes  indépendants  appela  le  puissant  roi 
d'Ethiopie. 

L'antiquité  classique  ne  connaissait  Tawnext  que  par  une  anecdote  insigni- 
fiante ,  meilleure  à  mettre  dans  un  traité  de  morale  en  action  que  dans  un  livre 
d'histoire  2.  C'est  pourtant  ce  document  puéril  qui  nous  apprend  que  le  célèbre 
Bocchoris  était  fils  du  rival  de  Piânxi.  A  la  mort  de  son  père ,  Bocchoris  profita 
sans  doute  d'un  affaiblissement  de  la  dynastie  éthiopienne  pour  usurper  les  titres 
royaux.  Son  autorité  fut  assez  grande,  et  sa  domination  parut  quelque  temps  assez 
solidement  établie,  pour  que  les  chronologistes  égyptiens  aient  jugé  convenable 
de  lui  faire  les  honneurs  d'une  dynastie  nouvelle,  la  XXIV%  dont  il  est  le  seul 
représentant  officiel.  Son  nom  égyptien,  Râ-uoh'-kl  Bok-en-ran-ew,  nous  était 
inconnu  avant  la  découverte  du  Sérapéura.  Il  a  été  découvert  par  M.  Mariette, 

1 .  Revue  archéologique,  1 863 . 

2.  Diod.  I,  45;  Plut.  Is.  8;  Athen.  X,  ij,  418. 


378  REVUE  CRITIQUE 

accompagné  de  la  date  de  l'an  VI  '.  Les  historiens  grecs  vantaient  sa  sagesse  et 
le  mettaient  au  rang  des  grands  législateurs ^  :  il  avait,  disaient-ils,  réparé  les 
temples.  Sa  piété  ne  put  le  sauver.  Sabacon,  après  avoir  relevé  la  puissance 
éthiopienne,  descendit  en  Egypte;  Bocchoris  battu  fut  pris  et  brûlé  vif?.  Cette 
fois  encore,  la  dynastie  saïte  s'était  attiré  un  échec  qui  semblait  devoir  mettre  à 
néant  ses  prétentions. 

Sabacon ,  lui  aussi ,  parut  avoir  établi  son  pouvoir  sur  une  base  solide ,  et 
releva  un  moment  au  dehors  l'influence  égyptienne.  Mais  son  intervention  en 
Syrie,  contre  les  Assyriens^  d'abord  heureuse  puisqu'elle  décida  le  soulèvement 
de  Gaza  4  et  lui  valut  des  tributs  soigneusement  enregistrés  sur  les  monuments 
de  Thèbes,  ne  lui  attira  bientôt  plus  que  des  désastres.  La  défaite  des  armes 
éthiopiennes  à  Raphia,  rendit  courage  aux  Égyptiens.  En  714,  quatre  ans  seule- 
ment après  Raphia,  les  inscriptions  assyriennes  ne  citent  plus  que  Piru  roi 
d'Egypte;  vers  710,  elles  distinguent  soigneusement  le  roi  de  Méroé.  En  700, 
enfin,  les  princes  vaincus  près  d'Ahaku  sont  qualifiés  rois  d'Egypte.  Tout  cela 
indique  bien  que  les  anciennes  divisions,  un  moment  effacées  par  le  succès  de 
Sabacon,  avaient  reparu  presque  aussitôt  après  sa  défaite. 

Où  retrouver  les  rois  qui  profitent  si  vite  du  désastre  des  Éthiopiens?  Ici 
encore,  la  dynastie  de  Sais  est  au  premier  rang  des  rebelles.  Trois  Saïtes,Sff/?/2/- 
natès,  Néchepso  et  Néchao  P""  figurent  dans  les  listes  de  Manéthon  avec  Sabaka  et 
ses  successeurs.  On  sait  quelles  incertitudes  présentent  sur  ces  malheureuses 
listes  les  chiffres  qui  marquent  la  durée  de  chaque  règne  :  néanmoins,  dans  le  cas 
présent,  j'ai  été  frappé  de  la  concordance  des  chiffres  de  l'une  d'entre  elles  avec 
les  données  de  M.  Oppert.  Stèphinatés  aurait  régné  27  ans,  Néchepso  ij,  et 
Nèchao  8.  En  ajoutant,  à  la  somme  de  ces  années,  667,  date  officielle  de  l'avéne- 
ment  de  Psammétichus,  on  arrive  à  l'année  71  j.  Or,  M.  Oppert  a  fixé  approxi- 
mativement à  l'année  716  la  fin  du  règne  de  Sabacon,  Si  on  interprète  l'un  par 
l'autre  ces  documents  d'origines  diverses,  on  arrivera  sans  effort  à  cette  conclu- 
sion probable  :  Sabacon,  après  la  défaite  de  Raphia,  retint  le  Delta  trois  années 
encore,  mais  en  7 1 5  les  petits  princes  se  soulevèrent,  et  le  plus  puissant  d'entre 
eux,  Stèphinatés,  se  rendit  indépendant  à  Sais.  L'expulsion  des  Éthiopiens  était 
probablement  terminée  en  714,  époque  à  laquelle  les  Assyriens  ne  nous  signalent 
que  Pharaon,  roi  d'Egypte.  La  date  de  71 5  n'est  pas  du  reste,  comme  l'a  bien 
vu  M.  Oppert,  la  date  forcée  de  la  mort  de  Sabacon.  Ce  prince,  relégué  dans  la 
Thébaïde  put  y  régner  longtemps  encore  et  transmettre  la  couronne  à  son  fils 
S^àbàtokà.  Si  ce  dernier  parvint  à  étendre  son  autorité  jusque  sur  la  Basse- 
Egypte,  comme  le  prouve  le  nom  de  Pà-S'àbàtokà  appliqué  à  une  ville  du  Delta, 
ce  ne  dut  être  que  pour  un  instant,  car  les  monuments  assyriens  ne  font  aucune 
mention  directe  de  son  règne. 

Ce  Stèphinatés,  qui  reparaît  si  inopinément  à  la  tête  des  Saïtes,  était-il  uni  par 
les  liens  du  sang  à  la  race  de  Tawnext?  En  l'absence  de  documents  originaux. 


1.  Bulletin  archéologique  de  l'Athenaeum  français,  i8$6,  p.  58. 

2.  Diod.  I,  79,  94;  Plut.  Vitios.  pud.,  j. 
j.  Manéthon,  XXV  Dyn. 

4.  0pp.,  p.  12. 


d'histoire  et  de  littérature.  379 

il  est  difficile  de  rien  décider  à  cet  égard.  Sabacon,  en  faisant  mettre  à  mort 
Bocchoris,  qu'il  devait  considérer  comme  un  sujet  rebelle,  à  cause  des  serments 
d'obéissance  prêtés  jadis  à  Piânxi  Mari-amen ,  n'avait  pas  sans  doute  laissé  le 
pouvoir  entre  les  mains  de  la  famille  qu'il  venait  de  frapper  si  cruellement.  Si 
donc  Stéphinatès  était,  comme  je  le  pense,  un  parent  de  Bocchoris,  il  dut  vivre 
quelque  temps  en  exil,  peut-être  dans  ces  marais  où,  selon  Hérodote,  se  cacha 
l'aveugle  Anysis,  et  ne  reparut  qu'en  715,  pour  chasser  Sabacon  de  Sais.  Ce 
serait  donc  lui  que  les  Assyriens  nommaient  en  714  P/ru^  roi  d'Ég}'pte.  Ce  serait 
peut-être  lui  aussi  qu'Hérodote  nomme  Sethos,  et  à  qui  il  attribue  la  victoire  de 
Péluse.  En  ce  cas,  le  nom  de  Stéphinatès  se  décomposerait  tout  naturellement  en 
Set-pâ-naxt,  on,  comme  le  prononçaient  les  Mem^hïtes,  Set-phi-naxt,  Set  le  Victo- 
rieux, et  la  différence  entre  Séthos  (5^0  et  Stéphinatès  (Set-phi-naxt)  s'explique- 
rait aisément  par  les  usages  égyptiens.  Nous  connaissons  en  effet  plus  d'un  roi 
qui,  après  une  victoire,  ajouta  à  son  cartouche  le  titre  de  A'^îx/, victorieux.  Ainsi 
Kamès,  de  la  XVI P,  Ah' mes,  de  la  XV) H^  dynastie,  se  font  appeler  quelquefois 
Kamès-naxt, Ah' mès-naxt, tt,a\ec  l'introduction  usuelle  deVanlde, Kamès-pl-naxt, 
Ah'mès-pa-naxt.  Séthos  serait  en  ce  cas  le  nom  d'avant  la  victoire  de  Péluse, 
Stéphinatès  le  nom  d'après  la  viaoire.  Si  cette  conjecture  est  admise,  la  qualité 
de  prêtre  de  Vulcain  {sam-en-Ptah')  que  prend  le  Séthos  d'Hérodote  nous  prou- 
verait que  le  premier  roi  de  la  XXVP  dynastie  régnait,  non-seulement  à  Sais, 
mais  encore  à  Memphis,  comme  avant  lui  Bocchoris  et  Tawnext,  comme  après 
lui  Néchao  I".  Il  ne  put  du  reste  demeurer  indépendant  jusqu'à  la  fin  de  son  règne 
(688)  :  en  693,  Tàhràqà  entra  dans  Memphis  et  se  fit  proclamer  roi  de  l'Egypte 
entière. 

A  moins  que  le  Néchepso  de  Manéthon  soit  identique  au  Néchepso  des  astro- 
logues gréco-égyptiens,  nous  ne  connaissons  du  second  prince  de  la  XXVP  dynastie 
absolument  que  le  nom.  Par  bonheur,  les  documents  assyriens  sont  prodigues  de 
détails  sur  son  fils  Néchao  I".  Roi  de  Sais  et  de  Memphis,  sous  l'autorité  de 
Tàhràqà,  puis,  après  la  conquête  d'Asarhaddon,  confirmé  dans  ses  possessions 
par  le  vainqueur,  lors  de  l'avènement  de  Sardanapale  VI,  il  prend  parti  pour  les 
Éthiopiens.  Vaincu  et  maintenu  dans  son  poste,  il  conspire  encore,  est  trahi,  - 
saisi  par  les  gouverneurs  assyriens  et  envoyé  à  Ninive.  Sardanapale  lui  par- 
donne, le  renvoie  en  Egypte,  au  moment  où  Tàhràqà  reparaissait  pour  la  seconde 
fois  dans  le  Deha.  A  partir  de  ce  moment,  nous  le  perdons  de  vue,  etnous  igno- 
rerions absolument  ce  qu'il  devint  si  la  tradition  classique  ne  venait  inopinément 
compléter  nos  informations.  Hérodote  nous  dit  qu'il  fut  mis  à  mort  par  Sabacon, 
lisez  par  Tàhràqà.  Cet  événement  dut  tomber  en  667,  époque  à  laquelle  Tàhràqà, 
de  séjour  à  Memphis,  faisait  célébrer  les  fêtes  d'inauguration  d'un  nouvel  Apis. 
Psammètik,fils  de  Néchao,  se  réfugia  en  Syrie,  auprès  des  Assyriens,  pour  éviter 
le  sort  de  son  père,  et  ne  rentra  qu'après  la  chute  de  Tàhràqà  et  celle  d'Urdamané. 
Il  n'en  compta  pas  moins  les  années  de  son  règne  depuis  la  mort  de  son  père, 
comme  le  prouve  l'épitaphe  de  l'Apis  intronisé  en  l'an  26  de  Tahraqa,  et  mort 
l'an  20  de  son  règne  à  lui,  Psammétik. 

La  mort  de  Néchao  fut  le  dernier  échec  sérieux  qu'éprouva  la  maison  saïte. 
Psammétik  I",  délivré  à  la  fois  des  Éthiopiens  et  des  Assyriens,  atteignit  bientôt 


380  REVUE   CRITIQUE 

le  but  auquel  ses  ancêtres  avaient  aspiré  si  longtemps  en  vain.  L'exposé  rapide 
de  ces  efforts  infructueux  prouve,  je  l'espère,  la  justesse  de  l'idée  que  j'ai  émise 
un  peu  plus  haut.  L'histoire  des  princes  sa'ites  antérieurs  à  Psammétichus  est  la 
trame  sur  laquelle  viennent  se  nouer  tous  les  fils  de  la  politique  contemporaine. 

On  voit  quelle  richesse  de  documents  renferme  le  livre  de  M.  Oppert  et  quelles 
conclusions  importantes  on  peut  déjà  tirer  des  données  qu'il  nous  fournit.  Je  ne 
puis  mieux  terminer  cet  article,  insuffisant  malgré  sa  longueur,  qu'en  remerciant, 
au  nom  des  égyptologues,  le  savant  déchiffreur  des  textes  cunéiformes,  et  en  sou- 
haitant qu'il  nous  apporte  bientôt  de  nouveaux  travaux,  aussi  féconds  pour  notre 
science  que  celui  qu'il  vient  de  publier.  G.  Maspero. 


248.  —  Pindari  carmina  cum  deperditorum  fragmentis  selectis.  Reco- 
gnovit  W.  Christ  (Bibliotheca  scriptorum  graecorum  et  romanorum  Teubneriana). 
Lipsiae,  Teubner,  1869.  In-12,  xx-236  p,  —  Prix  :  i  fr.  25. 

M.  W.  Christ  a  donné  à  la  bibliothèque  classique  de  Teubner  une  nouvelle 
édition  du  texte  de  Pindare.  Il  attache  lui-même  moins  d'importance  à  la  partie 
de  son  travail  qui  se  rapporte  à  la  constitution  critique  du  texte  (il  a  tâché  (Praej. 
I)  de  tenir  un  juste  milieu  entre  Tycho  Mommsen  qui  accorde  trop  aux  manus- 
crits et  Bergk  qui  est  trop  hardi  dans  ses  conjectures)  qu'à  celle  qui  se  rapporte 
à  la  métrique.  Il  a  indiqué  soit  dans  les  tableaux  métriques  qui  précèdent  chaque 
ode  soit  dans  le  texte  même  la  structure  rhythmique  des  strophes.  Je  vais  essayer 
de  donner  une  idée  de  ce  travail  fondé  sur  des  principes  qui  sont ,  pour  ainsi 
dire,  complètement  inconnus  en  France. 

On  sait  que  dans  une  ode  de  Pindare  toutes  les  strophes  et  les  antistrophes, 
comparées  entre  elle,  toutes  les  épodes,  comparées  entre  elles,  se  répondent  en 
général,  longues  pour  longues,  brèves  pour  brèves.  Cette  succession  de  brèves 
et  de  longues  ne  peut  pas  se  ramener  aux  types  que  nous  connaissons  par  les 
odes  d'Horace.  Bœckh  a  eu  le  premier  (Ueher  die  Versmasse  des  Pindaros  dans 
Wolf  et  Buttmann,  Muséum  der  Alterthumswissenschaft,  1808.  De  metris  Pindari, 
181 1)  l'idée,  suivie  depuis  par  tous  les  éditeurs  de  Pindare,  de  couper,  de  ter- 
miner le  vers  ou  la  phrase  rhythmique  toujours  après  un  mot,  là  où  il  y  avait 
hiatus  ou  syllabe  indifféremment  brève  ou  longue.  Ainsi  dans  la  IV  Pythique,  il 
termine  le  premier  vers  de  la  strophe  avec  çîXw  parce  qu'il  y  a  hiatus  en  cet 
endroit  dans  les  antistrophes  8,  ç,  et  la  strophe  la,  et  syllabe  brève  à  l'antistr. 
^  et  à  la  strophe  t.  De  même  il  ne  termine  le  vers  suivant  qu'avec  'ApxeaO.a  parce 
qu'il  y  a  hiatus,  antistr.  ê,  y,  str.  r,,  ant.  r,,  str.  i,  ant.  tê,  ly,  syllabe  brève  str. 
g,  ant.  8,  str.  ta,  16.  Comme  cette  ode  a  26  strophes  et  antistrophes,  1 3  épodes, 
l'application  de  ces  principes  ne  souffre  pas  de  difficultés.  Mais  la  IV*  olympique, 
par  exemple,  n'a  qu'une  épode.  Faut-il  avec  Bœckh,  séparer  les  derniers  mots, 
êotxôxa xpovov,  ou  avcc  M.  Christ  les  réunir  au  vers  précédent?  La  solution  de  la 
question  dépend  de  la  manière  de  scander  les  vers,  de  décomposer  ces  phrases 
rhythmiques  en  membres.  Et  la  chose  est  loin  d'être  facile. 

Il  est  fort  probable  qu'une  suite  de  brèves  et  de  longues  comme  aràixsv,  eùt'uTtoy 
Swilrn  Kupâvaç,  6<ppa  xw|Aà^ovxi  (tw  ApxeaîXtx  {Pyth.  IV,  2)  ne  formait  pas  une  unité 
indivisible;  celle-ci  n'a  pas  moins  de  36  temps,  la  brève  étant  comme  on  sait 


d'histoire  et  de  littérature.  }8i 

l'unité  de  temps,  et  la  longue  valant  deux  brèves.  Boeckh  a  compris  que  les  prin- 
cipes de  cette  subdivision  devaient  être  cherchés  dans  la  musique,  et  de  notre 
temps  MM.  Rossbach  et  Westphal  {Metrik  der  Griechen,  r«  éd.  1854- 1865. 
2^  éd.  1867-1868)  ont  tiré  des  restes  que  nous  avons  conservés  de  la  tradition 
musicale  des  Grecs  les  principes  de  la  métrique  lyrique.  En  voici  le  fondement  : 
un  pied  est  une  mesure  musicale  qui  a  un  frappé  (eéTi?)  portant  toujours 
sur  une  longue  ou  l'équivalent  d'une  longue,  et  un  levé  (â?<Ti;).  Ou  la  durée 
du  frappé  est  double  de  celle  du  levé,  et  le  pied  est  du  genre  double, 
comme  le  trochée  -j  et  l'iambe  j-  (car  le  frappé  peut  chez  les  anciens  terminer 
la  mesure)  ;  ou  la  durée  du  frappé  est  égale  à  celle  du  levé  ;  et  le  pied  est  du 
genre  égal,  comme  le  dactyle  -jy  et  l'anapeste,  jj-;  ou  enfin  la  durée  du  levé 
est  une  fois  et  demie  celle  du  frappé,  et  le  pied  est  du  genre  sesquialtère,  comme 
le  péon,  -u-,  ou  -uju.  Ces  rapports  sont  les  seuls  que  reconnaisse  la  rhyth- 
mique  ancienne.  Les  pieds  de  chaque  genre  associés  au  nombre  de  deux,  trois, 
quatre,  cinq,  peuvent  former  une  dipodie,  une  tripodie,  une  tetrapodie,  une 
pentapodie,  que  les  musiciens  traitaient  comme  un  seul  pied  composé,  partagé, 
comme  les  pieds  simples,  entre  un  frappé  et  un  levé  qui  devaient  avoir  pour  la 
durée  l'un  des  trois  rapports,  double,  égal,  sesquialtère.  Tout  pied  composé  ne 
pouvant  se  partager  suivant  l'un  de  ces  trois  rapports  était  exclu.  Les  seuls  pieds 
composés  admis  étaient  donc  ceux  qui  comptaient  6,  8,  9,  10,  12,  15,  18,  20 
ou  25  temps.  Ainsi  5  trochées  ou  iambes  forment  une  pentapodie  ou  pied  com- 
posé de  1 5  temps  qui  peut  se  partager  entre  un  frappé  de  6  temps  et  un  levé  de 
9  temps,  lesquels  ont  entre  eux  le  rapport  sesquialtère  de  i  à  i  1/2.  Il  arrive 
souvent  que  ces  pieds  composés  sont  catalecûques,  qu'il  manque  un  ou  deux 
temps  pour  que  le  pied  ait  l'étendue  exigée  par  la  rhythmique  ancienne.  Alors 
ou  on  allongeait  la  dernière  syllabe  d'un  temps  ou  de  deux  (jmr),  ou  on  suppose 
une  pause  de  un  ()Eïau.a)  ou  deux  temps  (irpocress'.:).  L'application  de  ces  prin- 
cipes est,  comme  on  peut  se  l'imaginer,  pleine  de  difficultés.  D'abord  quand  faut- 
il  supposer  un  allongement  ou  une  pause  ?  nous  ne  le  savons  pas  trop.  Il  est 
toutefois  peu  probable,  comme  l'a  fait  remarquer  M;  Christ  (Jahrbiïcher  fur  Phi- 
lologie und  Psdagogik,  1869,  385),  qu'il  faille  admettre  avec  Westphal  {Metrik, 
II,  827)  une  pause  au  milieu  d'un  mot,  comme  dans  àçvx-tw,  y.a~t>.é-{-/zi  (^Der- 
nière Isthm.  65).  Ensuite,  entre  plusieurs  manières  possibles  de  subdiviser  une 
phrase  rhythmique  en  pieds  composés  et  même  un  pied  composé  en  pieds  sim- 
ples, laquelle  choisir  ? 

Un  exemple  de  ces  difficultés,  c'est  celle  sur  laquelle  M.  H.  Weil  a  déjà 
appelé  l'attention  (Jahrbûcher  fur  Philologie  und  Psdagogik,  1862,  546  et  suiv.) 
et  qui  touche  à  l'un  des  principes  fondamentaux  de  la  nouvelle  métrique. 
Un  mètre  .qui  est  d'un  emploi  très-fréquent  dans  Pindare  et  surtout  dans 
Sophocle  et  Euripide,  est  le  mètre  que  les  anciens  appelaient  glyconique,  et  qui 
se  présente  sous  la  forme  suivante  j  -  -  j  j  -  j  -,  le  premier  pied  pouvant 
être  aussi  un  trochée,  un  spondée  ou  même  un  pyrrhique.  Or  Aristide  {De 
musica,  I,  p.  36-37.  39-40),  d'après  la  tradition  de  la  musique  antique, 
s'accorde  avec  le  métricien  Héphestion  à  considérer  ce  mètre  comme  formé  de 
deux  parties  de  durée  égale,  dont  la  première  est  composée  d'un  Ïambe  suivi 


382  REVUE    CRITIQUE 

d'un  trochée  et  la  seconde  de  deux  iambes.  G.  Hermann,  voyant  que  l'iambe 
initial  de  ce  mètre  peut  répondre  dans  des  parties  lyriques,  soit  à  un  tro- 
chée, soit  à  un  spondée,  soit  à  un  pyrrhique,  le  séparait  du  reste  du  mètre  et 
le  considérait  comme  une  sorte  de  prélude  qu'il  a  appelé  basis.  Bœckh  adopta 
ce  terme  et  son  emploi,  qu'il  étendit  encore  à  d'autres  mètres  (il  marque  la 
base  par  un  x);  seulement  ce  pied  initial  n'était  pas  pour  lui  un  prélude,  mais 
une  monopodie  distincte  du  reste  du  vers.  Car  il  n'admettait  pas  non  plus  que 
Hermann,  qu'un  iambe  pût  être  uni  dans  le  même  rhythme  à  un  trochée.  Par 
suite  de  cette  séparation  de  la  base,  on  a  un  trochée  suivi  d'un  dactyle,  lequel 
est  suivi  lui-même  d'une  dipodie  trochaique  catalectique.  Bœckh  pensait  que 
cette  transition  brusque  du  trochée,  mesure  à  trois  temps,  au  dactyle,  mesure  à 
quatre  temps,  était  musicalement  impossible.  En  conséquence  il  ramenait  le 
dactyle  à  la  durée  d'une  mesure  à  trois  temps,  en  évaluant  la  longue  à  9/7  et 
chacune  des  deux  brèves  à  6/7  (De  metr.  Plnd.  105,  268),  Westphal  rejette 
l'idée  de  la  base  (II,  749-750).  Le  frappé  de  l'iambe  initial  porte,  suivant  lui, 
sur  la  brève  et  non  sur  la  longue  (II,  738),  et  il  place  les  frappés  dans  le  mètre 
glyconique  de  manière  à  lui  donner  le  rhythme  trochaique.  Il  n'admet  pas  non 
plus  que  Bœckh  qu'un  dactyle  mêlé  à  des  trochées,  soit  dans  le  glyconique  soit 
dans  les  autres  mètres,  comme  l'hendécasyllabe  saphique,  puisse  être  une 
mesure  à  quatre  temps.  Il  le  ramène  à  la  durée  du  trochée.  Mais  il  croit  être 
plus  d'accord  avec  les  textes  anciens  en  évaluant  la  longue  du  dactyle  à  4/3,  la 
première  brève  à  2/3  et  la  dernière  brève  à  i.  il  a  ainsi  un  dactyle  dont  le 
frappé  est  de  6/3  ou  de  2  temps  et  le  levé  de  i  temps  (I,  640).  M.  Weil  fait 
remarquer  (article  cité  plus  haut)  que  la  manière  dont  Bœckh  et  Westphal 
mesurent  le  mètre  glyconique,  est  inconciliable  avec  la  tradition  musicale  de 
l'antiquité  telle  qu'Aristide  nous  l'a  transmise,  et  qu'il  est  bien  dangereux  de 
l'abandonner.  M.  Christ  pense  (Jahrh.  1869,  281)  que  les  Grecs  pouvaient 
bien  se  permettre  de  passer  sans  transition  d'une  mesure  terminée  par  un 
frappé  à  une  mesure  commençant  par  un  frappé.  En  conséquence  il  maintient 
le  frappé  sur  la  longue  de  l'iambe  qui  commence  le  glyconique  ;  mais  il  paraît 
scander  le  reste  du  vers  comme  Westphal. 

Je  ne  prétends  pas  décider  cette  question.  Mais  il  est  toutefois  une  objection 
que  me  paraît  soulever  la  manière  dont  Westphal  ramène  le  dactyle  à  la  mesure 
du  trochée,  en  combinant  Aristoxène  (p.  292-294)  et  Denys  d'Halicarnasse 
(Comp.  verb.  17),  Un  pied  est  rationnel  (pr,Tô(;),  c'est-à-dire  le  frappé  a  avec  le 
levé  un  rapport  double,  égal  ou  sesquialtère,  ou  bien  il  est  irrationnel  (àXoYoç), 
c'est-à-dire  que  le  frappé  n'a  avec  le  levé  aucun  de  ces  trois  rapports.  Aristoxène 
ne  donne  pas  au  mot  àXoyoî  le  sens  que  les  mathématiciens  y  attachaient,  qui  est 
que  le  rapport  irrationnel  n'est  exprimable  ni  par  l'unité  ni  par  une  fraction  de 
l'unité.  Aristoxène,  prenant  pour  exemple  le  trochée  irrationnel  (xopsîo;  âXoyoç), 
où  le  frappé  est  de  deux  temps,  et  le  levé  d'un  temps  et  demi,  dit  que  le  rapport 
du  frappé  au  levé  dans  un  pied  irrationnel  peut  être  exprimé  en  nombre,  mais 
n'est  pas  double,  égal,  ou  sesquialtère,  comme  l'exige  la  rhythmique.  Denys 
d'Halicarnasse,  ou  plutôt  ceux  qu'il  a  suivis  paraissent  entendre  le  mot  âXoyo;  au 
sens  des  mathématiciens,  à  qui  il  était  du  reste  emprunté.  Car  Denys  d'Halicar- 


d'histoire  et  de  littérature.  ^83 

nasse  dit  que  les  rhythmiciens  reconnaissent  un  dactyle  et  un  anapeste  dont  la 
longue  a  moins  de  deux  temps,  et  que  ne  pouvant  dire  quelle  est  au  juste  cette 
différence,  ils  appellent  cette  longue  irrationnelle,  o-ix  lyoTcti  S'etreeTv  n6(ju>  xaXotjaw 
aOrriv  «oyov.  Plus  loin  (p.  2o)  revenant  sur  ces  dactyles,  il  dit  qu'ils  ne  diffèrent 
pas  beaucoup,  [i^  itokit  Sioçépetv,  de  trochées.  Je  ne  vois  pas  cprament  la  mesure 
que  Westphal  donne  au  dactyle  irrationnel  peut  s'autoriser  soit  du  texte  d'Aris- 
toxène,  puisque  le  rapport  d'un  frappé  de  6  ?  de  temps  à  un  levé  de  i  est  un 
rapport  double,  soit  du  témoignage  des  rhythmiciens  de  Denys,  puisqu'ils 
disaient  qu'on  ne  peut  pas  évaluer  de  combien  la  longue  irrationnelle  est  moindre 
que  deux  temps. 

En  résumé  il  est  évident  que  la  métrique  d'une  poésie  faite  pour  être  chantée 
est  inséparable  de  la  musique,  et  particulièrement  de  la  partie  de  la  musique  qui 
se  rapporte  à  la  théorie  du  rhythme,  de  la  mesure.  Or  nos  renseignements  sur 
la  théorie  antique  de  la  mesure ,  sur  la  rhythmique  ancienne  sont  tout  à  fait 
insuffisants.  Nous  sommes  réduits  à  quelques  fragments  d'Aristoxène,  disciple 
d'Aristote  ;  et  encore  ces  fragments  n'ont-ils  rapport  qu'à  des  généralités.  Ce  qui 
nous  reste  des  autres  musiciens  grecs  est  également  très-sommaire  et  très-général 
et  nous  ne  l'avons  que  dans  des  compilations  très-postérieures  à  Aristoxène. 
D'autre  part  les  grammairiens  grecs  ne  paraissent  pas  avoir  tenu  compte  de  la 
rhythmique  dans  leur  théorie  des  mètres  lyriques,  et  encore  ne  connaissons- 
nous  leurs  recherches  que  très-incomplétement.  Nous  sommes  donc  réduits  à 
interpréter  quelques  textes  en  suppléant  à  ce  qui  manque  à  l'aide  de  notre  senti- 
ment musical,  qui  doit  être  fort  trompeur,  quand  il  s'agit  de  savoir  comment 
des  vers  étaient  mis  en  musique  il  y  a  2300  ans. 

M.  Christ  indique  dans  les  tableaux  métriques  qui  précèdent  chaque  ode, 
comment  il  entend  que  les  phrases  rhythmiques  entre  lesquelles  se  partagent  les 
strophes  doivent  être  subdivisées,  scandées.  Il  a  cru  devoir  étendre  ces  indications 
au  texte  lui-même  :  ce  qui  est  peut-être  peu  nécessaire.  Il  faut  désespérer  de 
faire  sentir  par  la  prononciation  l'harmonie  d'une  versification  fondée  sur  des 
principes  que  nous  ne  connaissons  qu'imparfaitement  et  que  nous  avons  beau- 
coup de  peine  à  sentir.  Les  éditions  d'Horace  sont  généralement  précédées 
d'un  résumé  de  sa  métrique.  Ce  complément  me  paraît  encore  plus  nécessaire 
pour  une  édition  de  Pindare.  Il  faudrait  même  indiquer  à  chaque  ode  quel  est  le 
genre  de  mesure  et  expliquer  pourquoi  on  scande  de  telle  façon  plutôt  que  de 
telle  autre.  Je  sais  par  expérience  qu'il  est  fort  difficile  de  s'orienter  soit  dans  le 
travail  de  Bœckh,  de  meîris  Pindari,  qui  a  d'ailleurs  vieilli,  soit  dans  la  métrique 
récente  de  Westphal.  Ce  qui  nous  manque  en  ce  moment,  c'est  une  métrique 
composée  avec  une  critique  sévère  et  judicieuse,  qui  distingue  le  certain  du  pro- 
bable et  de  l'incertain,  qui  ait  le  courage  de  dire  et  de  dire  souvent  :  je  doute, 
j'ignore.  MM.  H.  Weil  et  Christ  me  paraissent  particulièrement  préparés  par  leurs 
études  et  leurs  qualités  d'esprit  à  satisfaire  ce  vœu. 

Charles  Thurot. 


384  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

249.  — Die  Philippinen  und  ihre  Bewohner.  Sechs  Skizzen  von  D' C.  Semper. 
Wiirzburg,  A.  Stuber.  In-8',  143  p.  et  2  cartes.  —  Prix  :  6  fr.  7^. 

Ces  «  six  Esquisses  »  sont  le  résultat  d'une  série  de  leçons  faites  à  Francfort 
en  1868.  L'auteur  étudie  successivement  les  volcans  de  ces  îles,  —  les  bancs 
de  corail  qui  en  bordent  les  côtes,  —  le  climat  avec  la  faune  et  la  flore  de  ces 
mêmes  îles,  —  leurs  habitants  primitifs,  nègres  et  malais,  —  la  période  de  la 
domination  musulmane  bientôt  contrariée  par  l'arrivée  des  conquérants  chré- 
tiens, —  enfin  la  période  chrétienne.  Ce  travail  est  complété  par  de  nombreuses 
notes,  dont  quelques-unes  sont  assez  étendues,  notamment  :  par  des  discussions 
sur  certains  volcans  imaginaires,  —  sur  la  théorie  de  Darwin  relativement  à  la 
formation  des  bancs  de  corail  (réimpression  d'un  travail  déjà  publié  par  l'au- 
teur), —  sur  les  opinions  de  certains  auteurs  relativement  aux  plus  anciens 
habitants  de  l'île,  —  enfin  par  des  tableaux  empruntés  au  professeur  G.  Kars- 
ten  de  Kiel,  et  donnant  pour  les  dix  dernières  années  les  résultats  des  observa- 
tions météorologiques  de  tout  genre  (barométriques,  thermométriques,  hygro- 
métriques, etc.).  L'intelligence  du  texte  est,  de  plus,  facilitée  par  deux  cartes, 
qui  sans  être  fort  remarquables,  sont  ingénieusement  disposées  et  font  ressortir 
diverses  particularités:  l'une  est  celle  de  l'ensemble  des  îles  Philippines;  les 
volcans  y  sont  marqués  et  leurs  noms  écrits  en  rouge,  etc.;  l'autre  est  celle  des 
bancs  de  corail  qui  entourent  l'ile  Bohol  ;  des  teintes  diverses  permettent  de 
distinguer  les  parties  que  la  basse  mer  laisse  à  découvert,  celles  où  se  trouve  le 
corail,  enfin  les  régions  où  la  profondeur  de  la  mer  dépasse  quinze  brasses. 

Il  a  déjà  été  publié  plusieurs  travaux  sur  les  îles  Philippines;  l'auteur  les 
connaît  et  y  recourt,  en  les  contrôlant  au  moyen  des  observations  que  dix  mois 
de  résidence  dans  ces  îles  lui  ont  permis  de  faire.  Du  reste  ses  «  Esquisses  » 
ne  sont  que  le  prélude  d'un  ouvrage  plus  étendu,  la  relation  du  voyage  de  l'au- 
teur; c'est  dans  cette  publication  ultérieure  qu'il  promet  de  nous  donner  ce  qu'il 
lui  a  été  donné  de  recueillir  sur  la  langue  des  indigènes.  Les  indigènes  des  îles 
Philippines,  les  premiers  habitants,  appartiendraient  selon  l'auteur  à  une  race 
nègre,  très-voisine  des  Papous  de  la  Nouvelle-Guinée  ou  des  habitants  des  îles 
Fidji,  mais  un  peu  inférieure,  soit  qu'il  en  ait  été  ainsi  dès  l'origine,  soit  qu'un 
mélange  avec  d'autres  races  les  ait  fait  dégénérer.  Du  reste  cette  race  primitive 
est  bien  diminuée  ;  elle  a  reculé  et  péri  en  partie  par  suite  des  invasions  malaises 
antérieures  à  l'introduction  de  l'islamisme,  invasions  dont  l'histoire  est  bien  peu 
connue,  mais  dont  l'importance  est  attestée  par  le  nombre  des  Malais  païens 
encore  établis  dans  ces  îles.  Les  habitants  primitifs  ont  même  perdu  l'usage  de 
leur  langue  nationale;  mais  M.  S.  paraît  se  flatter  d'en  avoir  recueilli  quelques 
débris  dans  le  vocabulaire  qu'il  a  réussi  à  former  sur  la  côte  orientale  de  Luçon, 
la  plus  grande  des  Philippines,  l'une  des  régions  où  subsistent  encore  quelques 
uns  des  restes  des  plus  anciens  habitants.  Léon  Feer. 

ERRATA.  —  L'article  240,  sur  le  livre  de  M.  Rajna,  ayant  été  imprimé  sans  que 
l'auteur  en  ait  revu  les  épreuves,  il  s'y  est  glissé  plusieurs  fautes.  P.  347,  1.  1 5  :  XV'  et 
XVI'  siècles,  /.  XIV'  et  XVI'  siècles;  —  P.  348  1.  5  a.  /.:  Carèzzi,  /.  Careggi;  —  P. 
349,  1.   3:  cléricale,  /.  anticléricale;  —  1.  8:  theologiques,  /.  mythologiques;  —  1.  27: 

mnovations,  /.  invocations. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Les  nouvelles  sont ,  comme  dans  le  précédent  numéro ,  nombreuses  et  inté- 
ressantes. L'article  nécrologique  sur  Libri  (p.  45)  est  de  la  plus  injuste  partialité. 

The  Athenaeum.  1 3  novembre. 

Spencer  Baynes,  Sir  W'illiam  Hamilton;  J.  Veitch,  Memoir  of  Sir  William 
Hamilton;  Blackwood.  —  J.  R.  Andrews,  Life  of  Oliver  Cromwell  to  the  death  of 
Charles  the  First;  Longmans.  —  R.  H.  Story,  Life  and  Remains  of  Robert  Lee; 
2  vol.,  Hurst  and  Blackett.  —  A.  Hall,  Avebury  et  Stonehenge. 

20  novembre. 

L'EsTRANGE,  The  Life  of  Mary  Russel  Mitford;  3  vol.  Bentley.  —  Scott, 
Albert  Durer,  his  Life  and  Works;  Longmans;  Mrs.  Charles  Heaton,  The  History 
ofthe  Life  of  Albrecht  Durer;  Macmillan.  —  Mrs.  Manning,  Ancient  and  Medisval 
India;  Allen;  bon  livre  de  vulgarisation. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Aristotle.  The  Nidromachean  Ethics. 
Newly  translatée!  into  English  by  R. 
Williams.  In  8',  407  p.  cart.  London 
(Longmans).  1 5  fr. 

Calendar  of  State  Papers.  Domestic 
Séries  of  the  Reign  of  Elizabeth,  1 598- 
1601.  Edited  by  M.  A.  Everett  Green. 
Gr.  in-8°  cart.  London  (Longmans). 

18  fr.  7S 

Cleasby  (R.).  An  Iceiandic-English  Dic- 
tionary.  Enlarged  and  completed  by 
Gudbrand  Vigfasson.  In-4*  broché.  Lon- 
don (Macmillan).  26  fr.  25 

Cobbe  (T.).  History  of  the  Norman 
Kings  of  England,  from  a  new  collation 
of  the  contemporary  chronicles.  In-8* 
cart.,  477  p.  London  (Longman).  20  fr. 

Edmunds  (F.).  Traces  of  History  in  the 
names  of  places,  with  a  Vocabulary  of 
the  Roots  out  of  which  Names  of  Places 
in  England  and  Wales  are  formed.  Pet. 
in-8*  cart.,  312  p.  9  fr.  40 

Ferrar  (W.  H.).  A  comparative  Gram- 
mar  of  Sanskrit,  Greek  and  Latin.  Vol. 
I.  In-8'  cart.  London  (Longmans).  1 5  fr. 

Harris  (G.).  The  Theory  of  the  Arts,  or 
Art  in  relation  to  nature,  civilisation  and 
man,  comprising  an  Investigation,  analy- 
tical  and  critical,  into  the  origin,  rise, 
province,  principles  and  application   of 


each  of  the  Arts.  2  vol.  in-8°  cart., 643 
p.  London  (Trùbner).  26  fr.  25 

Hendersen  (W.).  A  Dictionary  and 
Concordance  of  the  Names  of  Persons 
and  Places,  and  of  some  of  the  more 
remarkable  Terms  which  occur  in  the 
Scriptures  of  the  Old  and  New  Testa- 
ment. Gr.  in-8*  cart.,  698  p.  London 
(Hamilton).  22  fr.  50 

Institutes  of  Hindu  Law,  or  the  Ordi- 
nances  of  Menu,  verbally  translated  from 
the  original,  with  Préface  by  Sir  W. 
Jones,  and  collated  with  the  sanscrit 
Text  by  Graves  Chauncey  Haughton. 
jrd.  edit.  with  Préface  and  Index  by 
Standish  Grove  Hardy.  In-8*  cart.,  360 
p.  London  (W.  H.  Allen).  1 5  fr. 

Lubbock  (J.).  Pre-Historic  Times  as  il- 
lustrated  by  ancient  Remains  and  the 
Manners  and  Customs  of  modem  Savages. 
2nd.  edit.  In-8*  cart.,  630  p.  London 
(Williams  and  Norgate),  22  fr.  50 

Manning  (Mrs.).  Ancient  and  mediaeval 
India.  2  vol.  in-8*  cart.,  850  p.  London 
(W.  H.  Allen).  37  fr.  50 

Massinger  (P.)  Plays  of,  from  the  text 
of  W.  Gifford,  with  the  addition  of  the 
Tragedy  «  Believe  as  you  List».  Edited 
by  Lieut.-Col.  F.  Cunningham.  Pet.  in- 
8*  cart.,  666  p.  London  (Warne). 

6  fr.  2j 


BIBLIOTHÈQUE 

DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES 

publiée  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Sciences  philologiques  et  historiques. 

i^""  fascicule.  La  Stratification  du  langage,  par  Max  Mùller,  traduit  par 
M.  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études.  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
répétiteur  à  l'École  des  Hautes  Études.  In-8o  raisin.  4  fr. 

Forme  aussi  le  i^""  fascicule  de  la  Nouvelle  Série  de  la  Collection  philologique. 

2^  fascicule.  Études  sur  les  Pagi  de  la  Gaule,  par  A.  Longnon,  élève  de 
l'École  des  Hautes  Études.  In-S»  raisin  avec  2  cartes.  j  fr. 

Forme  aussi  le  i"  fascicule  de  la  Collection  historique. 

AT     /^  TV  T  /^  TV  T  y^  TV  T    Le  Livre  des  Vassaux  du  Comté  de 
•      i-iV-ZlN  Vjr  i>l  V_/ IN     Champagne,  1 172-1222,  publié  d'après 
le  manuscrit  unique  des  Archives  de  l'Empire,  i  fort  vol.  in-80.  7  fr.  50 


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Der  Trobador  Guillem   de   Cabestanh. 
Sein  Leben  und  seine  Werke.  i  vol.  in- 
8°.  2  fr. 

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j  y^  D  17  D  "P\  î  /^  T/'  ^^^  Rœmer  feindlichen  Bewegungen 
J  •  v^  D  L-Jt  iv  11)  1  K^  Pv  im  Orient  waehrend  der  letztin  Haelfte 
d.  dritt.  Jahrh.  nach  Christus  (254-274).  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  d.  rœm. 
Reichs  unter  den  Kaisern.  i  vol.  in-S".  4  fr.  85 

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AU  A  C  C  A  KT     Kurzgefasste  Grâmmatik  der  vulgaer-arabischen 
•     11  r\^0  A.  IN     Sprache  m.  besond.  Rùcksicht  auf  den  segypti- 
schen  Dialekt.  i  vol.  in-8°.  8  fr. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  51  Quatrième  année  18  Décembre  1869 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  15  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 
suivant  le  pays.  —  Un  numéro  détaché,  50  cent. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

67,    RUE    RICHELIEU,    67 

ANNONCES 

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J|-^       O  T     A  "r\  t?    Études  sur  l'origine  des  Basques,  i  fort  vol, 
•     r  •     DJLi/VL'I-i    grand  in-8°.  lo  fr. 

1  "DAÎTlV/rr'ADT^TT'lVT  ^^^^saire  des  idiomes  popu- 
J  •  0/\  U  iVlLj  /\  tX  1  EL  1  >l  laires  du  Nord  et  du  Centre 
de  la  France,  contenant:  i°  les  patois  normand,  picard,  rouchi,  wallon,  man- 
ceau,  poitevin,  champenois,  lorrain,  bourguignon,  ainsi  que  ceux  du  Centre  de 
la  France;  2°  les  termes  populaires  et  néologiques  du  langage  parisien,  qui 
manquent  dans  tous  les  dictionnaires;  j"  les  termes  populaires  qui  se  rencontrent 
dans  les  auteurs  tant  anciens  que  modernes  ;  4°  la  prononciation  des  idiomes 
populaires;  5°  des  notices  historiques  sur  la  prononciation  de  la  langue  litté- 
raire. 

Cet  ouvrage  sera  publié  par  livraisons  de  10  à  15  feuilles  d'impression  et  sera 
complet  en  10  livraisons  au  plus. 

Prix  de  chaque  livraison  de  10  feuilles.  ,  2  fr.  50 

Id.  15       —  ?fr.  75 

La  I"  livraison  est  en  vente.  î  ff-  75 


m-T)  T  T  /~\nn  T_T  T7  r^  \  Orientalis  et  Linguistica.  Catalogue 
D  L^  l  kJ  1  11  IL  v_-«/\  des  ouvrages,  recueils  et  mémoires 
relatifs  aux  langues  orientales  et  à  la  philologie  comparée  parus  en  Allemagne 
depuis  1850  jusques  et  y  compris  1868,  publié  par  C.  H.  Hermann.  i  vol.  in- 
8».  3  fr.  50 


PÉRIODIQUES    ÉTRANGERS. 
The  Academy.   1 1  décembre. 

ScHAFARiK,  Geschichte  d.  slavischen  Sprache  u.  Literatur  (réimpression  avec 
des  notes  laissées  par  l'auteur  d'un  ouvrage  publié  pour  la  première  fois  en  1825 
et  qui  maintenant  est  arriéré;  l'art,  est  de  notre  collaborateur  M.  L.  Léger). — 
LiEBRECHT,  Zu  Schilkfs  Braut  von  Messina  (extrait  du  Jahrb.  f.  rom.  Lit.;  art. 
de  M.  Max  Mûller  qui  pense  que  les  coïncidences  constatées  entre  la  pièce  de 
Schiller  et  la  Mort  d  Abel  de  Legouvé  n'autorisaient  pas  les  conclusions  qu'en  a 
tirées  M.  Liebrecht).  —  Horace,  Satires  and  epistles,  translated  by  Coni'ngton 
(Simeon).  —  Springer,  Mittelalterliche  Kunst  in  Palermo  (Sydney  Colvin).  — 
J.  KuHN,  Einleitung  in  Katholisclie  Dogma  (Oxenham;  important  ouvrage  d'un 
théologien  catholique).  —  Nœldeke,  Die  alttestamentUche  Literatur  ;  Untersuchungen 
zur  Kritik  d.  Alten  Testaments  (Neubauer;  cf.  Rev.  ait.,  1869,  art.  2j),  — 
Zœckler,  Der Prophet Daniel  [LMiGE's  Bibelwerk,  17  livraison]  (Duncan  H.  Weir; 
ouvrage  protestant  orthodoxe).  —  Fr.  W.  Krummacher,  An  autobiography, 
edited  by  his  Daughter,,  translated  by  Easton  (Cheyne).  —  Spinoza, 
Tractatuli  deperditi  de  Deo  et  Homine  ejusqae  felicitate  versio  Belgica,  éd.  Schaars- 
MiDT  (Bywater;  la  préface  de  l'éditeur  est  importante).  —  Encore  Libri.  Lettre 
de  M.  P.  Meyer  à  l'éditeur  de  V Academy  en  réponse  à  l'article  relatif  à  Libri 
contenu  dans  le  précédent  n"'.  —  Sir  H.  M.  Elliot,  The  Histony  of  India,astold 
by  its  own  Historians  (Sachau).  —  Hook,  Lives  of  the  Archbishops  of  Canterbury, 
t.  VIII  (Boase;  ce  vol.  contient  l'hist.  du  card.  Pôle).  —  Volkmann,  Synesius 
of  Cyrene  (Bywater).  —  Gardiner,  Prince  Charles  and  the  Spanish  Marriage, 
1617-1623  (Waring). — Schrœder,  Die  phsnizische  Sprache  (Deutsch;  art. 
très-favorable).  —  Theodori  Mopsuesteni  Fragmenta  Syriaca,  éd.  Sachau 
(W.  Wright).  —  Aufrecht,  A  Catalogue  a  sanskrit  mss.  in  the  Library  of  Trinity 
Coll.,  Cambridge  (Cowell).  —  M^hly,  Richard  Bentley  (Jebb).  —  Sophocle, 
éd.  TouRNiER  (Campbell;  art,  généralement  favorable;  cf.  Rev.  crit.,  1868,  art. 
96).  —  0.  RiBBECK,  Beitrsge  zur  Lehre  von  d.  lateinischen  Partikeln  (Nettleship). 
—  BooT,  Commentatio  de  Sulpiciae,  quae  fertur,  satira  (Ellis). 

I.  II  s'est  glissé  dans  cette  lettre,  dont  je  n'ai  pas  revu  l'épreuve,  une  petite  erreur  ; 
ce  n'est  pas  par  un  article  de  M.  Terrien  dans  le  National  que  Libri  a  été  averti  de  la 
découverte  du  rapport  de  M.  Boucly,  mais  par  M.  Terrien  lui-même  à  la  séance  du 
28  février  1848.  —  P.  M. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Aeschyli  fabulae  superstites  et  perdita- 
rum  fragmenta.  Ex  rec.  G.  Dmdorfii. 
In-4',  127  p.  Leipzig  (Teubner).  5  fr.  3  5 

Annales  des  voyages,  de  la  géographie, 
de  l'histoire  et  de  l'archéologie,  dirigées 
par  Malte-Brun.  T.  3  de  1869.  In-8*, 


368  p. 
aîné). 


et  carte.  Paris  (lib.   Mallamel 


Aristophanis  fabulae  superstites  et  per- 
ditarum  fragmenta.  Ex  rec.  G.  Dindor- 
fii.  In-4°,  iij-232  p.  Leipzig  (Teubner). 

8  fr. 


REVUE   CRITIQ_UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  51  —  18  Décembre  —  1869 

Sommaire  :  250.  Benfey,  Histoire  de  la  science  du  langage  et  de  la  philologie  orien- 
tale en  Allemagne.  —  251.  [Kistner,]  Buddha  et  ses  doctrines.  —  252.  De  Kam- 
PEN,  Des  Parasites  attachés  aux  temples  grecs.  —  253.  Lumbroso,  Documents  grecs 
du  Musée  égyptien  de  Turin.  —  254.  Robert,  Épigraphie  de  la  Moselle.  —  255. 
Publications  de  la  Société  d'histoire  nationale  de  Saint-Gall.  —  25e.  Wallon,  Jeanne 
d'Arc.  —  257.  [Vian,]  Montesquieu,  sa  réception  à  l'Académie  française. 

250.  —  Geschichte  der  Sprach"wissenschaft  tmd  orientalischen  Philolo- 
gie in  Deutschland ,  seit  dem  Anfang  des  19.  Jahrhunderts,  mit  einem  Rùckblick 
auf  die  frùheren  Zeiten,  von  Theodor  Benfey.  Mûnchen,  Cotta,  1869.  In-8*,  x-836  p. 
—  Prix  :  14  fr.  i  j. 

On  se  rappelle  qu'à  l'occasion  de  l'Exposition  nniverselle  et  sur  l'invitation  de 
M.  Duruy,  alors  ministre  de  l'instruction  publique,  des  rapports  ont  été  composés 
par  divers  savants  sur  les  progrès  accomplis  par  la  France,  en  ces  vingt-cinq 
dernières  années,  dans  les  différentes  branches  des  connaissances  humaines.  Une 
entreprise  analogue  se  poursuit  actuellement  pour  l'Allemagne,  grâce  à  l'initiative 
du  dernier  roi  de  Bavière,  et  sous  les  auspices  de  la  Commission  historique  de 
l'Académie  de  Munich.  Il  s'agit  de  retracer  l'histoire  des  sciences  en  Allemagne 
depuis  le  commencement  de  ce  siècle.  Une  grande  latitude  est  laissée  aux  auteurs 
qui  peuvent,  s'ils  le  veulent,  élargir  leurs  rapports  jusqu'à  en  faire  une  sorte 
d'encyclopédie  de  la  science  dont  ils  sont  les  historiens.  Plusieurs  volumes, 
quelques-uns  signés  de  noms  très-connus,  ont  déjà  été  publiés.  Celui  que  nous 
annonçons  est  le  huitième  de  la  collection'. 

En  pouvant  confier  à  M.  Benfey  le  soin  de  décrire  les  progrès  de  la  linguis- 
tique, rAcadémfe  de  Munich  a  été  particulièrement  favorisée.  Non-seulement 
M.  Benfey  devait  parler  en  maître  d'une  science  qu'il  a  étendue  par  ses  décou- 
vertes, mais  il  était  peut-être  de  tous  les  savants  contemporains  le  mieux  placé 
pour  en  retracer  l'histoire.  Il  a  vu  et  partagé  les  travaux  de  deux  générations  de 
linguistes.  Quand  il  publiait  son  Lexique  des  racines  grecques,  en  1839,  Auguste- 
Guillaume  Schlegel  enseignait  à  Bonn,  Grimm  et  Bopp  étaient  dans  la  force  de 
l'âge  ;  et  les  plus  récents  travaux  de  M.  Benfey  nous  placent  au  milieu  des 
recherches  de  Curtius,  de  Corssen,  de  Schleicher,  de  Justi.  Ajoutez  que  M.  B., 
quoique  surtout  voué  à  l'étude  des  langues  indo-européennes,  a  touché  aux 
idiomes  sémitiques,  au  copte,  à  l'égyptien;  qu'il  a  une  immense  lecture  et  un 


I.  Voici  les  volumes  qui  ont  paru:  Droit  politique  (Bluntschli».  Minéralogie  fKobell). 
Agriculture  et  science  forestière  fFraas).  Géographie  (Peschel).  Théologie  protestante 
(Dorner).  Théologie  catholique  (Werner).  Esthétique  (Lotze).  Il  a  été  rendu  compte  de 
ce  dernier  ouvrage  dans  la  Rev.  crit.,  1869,  t.  I,  art.  54.  Ajoutons  que  le  prix  de  ces 
ouvrages  est  relativement  peu  élevé. 

vm  25 


386  REVUE  CRITIQUE 

esprit  ouvert  à  toutes  les  idées.  On  conviendra  qu'il  était  difficile  de  mieux  choisir 
le  rapporteur. 

Ce  n'est  donc  pas  sans  un  vif  sentiment  de  curiosité  que  nous  avons  ouvert  ce 
volume.  A  dire  vrai,  nous  n'y  avons  pas  trouvé  toute  l'abondance  de  vues  ori- 
ginales et  de  renseignements  nouveaux  que  nous  attendions.  Ou  plutôt,  nous 
avons  été  surpris  par  des  qualités  autres  que  celles  que  nous  croyions  rencontrer. 
On  connaissait  à  M.  Benfey  un  certain  penchant  pour  les  inductions  hardies  : 
c'est  par  la  réserve  et  par  la  sagesse  que  ce  nouvel  ouvrage  se  distingue.  Est-ce 
l'âge  qui  a  tempéré  l'ardeur  du  savant  professeur  de  Gœttingen  ?  Nous  pensons 
plutôt  que  prenant  la  parole  au  nom  d'une  Académie  et  presque  au  nom  de  la 
science  même,  il  s'est  proposé  cette  fois  d'être  inattaquable.  Il  a  distribué  les 
éloges  d'une  main  équitable  et  bienveillante,  il  a  su  se  mettre  au-dessus  de  ses 
propres  opinions  et  de  ses  théories  les  plus  chères  '.  Aussi  son  ouvrage,  qui  sera 
bientôt  entre  les  mains  de  tous  les  philologues,  restera-t-il  comme  le  livre  le  plus 
sûr  et  le  plus  substantiel  qui  ait  encore  été  écrit  sur  la  science  du  langage. 

Ce  volume  qui  a  plus  de  800  pages,  se  divise  en  deux  parties  presque  égales. 
La  première  comprend  l'histoire  de  la  linguistique  jusqu'au  commencement  de  ce 
siècle.  La  seconde  partie  la  continue  jusqu'à  i868.  Dans  la  première  moitié 
de  son  récit,  l'auteur  ne  s'impose  aucune  limite  géographique  :  la  science  gram- 
maticale des  Indous,  celle  des  Grecs  et  des  Romains,  celle  du  moyen-âge  et  de 
la  Renaissance  sont  successivement  passées  en  revue.  La  seconde  partie  (depuis 
Frédéric  Schlegel)  se  borne  uniquement  à  l'Allemagne.  Malgré  l'immense  étendue 
du  sujet,  M.  Benfey  paraît  avoir  composé  son  livre  à  peu  près  sans  secours  et  de 
première  main,  sauf  en  ce  qui  concerne  les  Romains  et  les  Grecs,  pour  lesquels 
il  s'est  servi  d'Egger  ÇEssai  sur  Apollonius  Dyscole)  et  de  Steinthal  (Sprachwissen- 
schaft  der  Griechen  und  Rœtnef).  Il  est  à  regretter  que  pour  le  moyen-âge  il  n'ait 
pas  encore  eu  à  sa  disposition  le  savant  livre  de  notre  collaborateur  M.  Thurot. 

Quand  M.  Benfey  arrive  aux  philologues  contemporains,  son  exposition  se 
resserre  et  finit  par  se  réduire  presque  à  une  simple  énumération  de  noms  et  de 
livres.  L'auteur  garde  un  silence  absolu  sur  les  questions  qui  divisent  aujour- 
d'hui quelques-uns  des  principaux  représentants  de  la  Hnguistique.  On  cherche- 
rait vainement,  par  exemple,  en  quoi  Schleicher  diffère  de  Steinthal,  Curtius  de 
Pott,  Corssen  de  Léo  Meyer,  Scherer  de  Westphal.  Si  l'on  y  réfléchit  un  instant 
on  ne  pourra  qu'approuver  cette  réserve.  Une  fois  que  les  théories  ont  produit 
toutes  leurs  conséquences  et  que  les  auteurs  ont  dit  leur  dernier  mot,  le  juge- 
ment devient  possible  et  souvent  même  facile  :  car  la  plupart  du  temps  les 
systèmes  se  jugent  eux-mêmes.  Mais  comment  résumer  des  discussions  qui  se 
transforment  d'année  en  année,  comment  critiquer  des  systèmes  qui  ne  sont  pas 
encore  arrivésà leur  entier  développement .''  Le  moindre  inconvénient,  c'est  qu'il 


! .  C'est  à  peine  si  en  un  ou  deux  endroits  on  voit  percer  les  deux  théories  favorites  de 
notre  auteur,  sur  la  transmutabilité  des  suffixes  et  sur  la  nature  verbale  des  soi-disant 
racines  (p.  9 i.  55  5)- 


d'histoire  et  de  littérature.  387 

faudrait  entrer  dans  des  détails  qui  seraient  déplacés  en  un  pareil  ouvrage.  Mais 
même  à  ce  prix,  la  chose  nous  paraît  impossible.  Aucun  philologue  contemporain 
n'est  assez  au  dessus  ou  assez  en  dehors  de  ces  débats  pour  pouvoir  s'en  cons- 
tituer l'arbitre.  M.  Benfey  le  pouvait  moins  que  personne,  car  il  y  est  si  intime- 
ment mêlé  qu'il  aurait  été  obligé  de  se  faire  comparaître  et  de  se  juger  lui-même. 
Du  reste,  nous  ne  perdi-ons  rien  à  la  discrétion  que  s'est  momentanément  impo- 
sée l'auteur.  Il  annonce  une  Histoire  des  problèmes  linguistiques,  où,  parlant  en 
son  nom  et  sans  mandat  officiel,  il  nous  donnera  ses  opinions  sans  ménagements 
ni  réticences. 

Un  ouvrage  de  cette  nature  ne  permet  guère  à  la  critique  que  des  observations 
de  détail.  Citons  d'abord  les  morceaux  qui  nous  ont  paru  les  plus  réussis.  La 
grammaire  indienne,,  ainsi  qu'on  pouvait  s'y  attendre,  est  parfaitement  caracté- 
risée. Plus  d'un  lecteur  aurait  sans  doute  désiré  que  l'auteur  s'y  arrêtât  encore 
davantage  et  qu'il  nous  montrât,  par  exemple,  en  quoi  consistent  les  différences 
qui  séparèrent  les  écoles  grammaticales  de  l'Inde.  Le  chapitre  de  Grimm,  traité 
avec  prédilection,  est  un  des  meilleurs  de  l'ouvrage.  Celui  qui  est  consacré  à 
Bopp  se  distingue  presque  partout  par  une  grande  exactitude.  Guillaume  de 
Humboldt  est  caractérisé  par  une  suite  d'extraits  de  son  principal  livre;  l'au- 
teur a  trouvé  d'heureuses  expressions"  pour  dépeindre  ce  grand  esprit,  qui  a 
l'habitude  de  «  se  mouvoir  de  périphérie  en  périphérie  avant  d'arriver  au  sujet 
»  qu'il  veut  traiter,  et  qui ,  en  parcourant  ces  cercles  concentriques ,  s'expose 
»  quelquefois  à  épuiser  ses  forces  avant  d'arriver  à  sa  tâche  véritable.  »  Citons 
encore  cet  autre  passage  :  «  Les  écrits  de  Humboldt,  dit  M,  Benfey,  malgré 
»  tous  leurs  défauts  resteront  pour  le  linguiste  comme  une  source  inépuisable  de 
»  sagesse  et,  pour  ainsi  parler,  d'édification  ;  s'ils  ne  désaltèrent  pas  toujours  la 
»  soif  de  science ,  du  moins  ils  ne  manquent  jamais  de  la  soulager  et  de  la 
»  rafraîchir.  »  Nous  avons  remarqué  aussi  une  belle  page  sur  les  Universités 
allemandes  (p.  215),  une  hypothèse  féconde  sur  les  langues  sémitiques  (483), 
un  joli  portrait  de  Ruckert  (414)  et  deux  magnifiques  éloges  de  Scaliger  et  de 
Henri  Estienne. 

S'il  faut  maintenant  passer  à  la  critique,  nous  signalerons  d'abord  un  passage 
de  Varron  (V,  93)  que  M.  Benfey  nous  paraît  avoir  inexactement  traduit.  Le 
texte  en  question  est  :  «  artificibus  maxuma  causa  ars;  id  est  ab  arte  medicina 
ï)  ut  sit  medicus  dictus,  a  sutrina  sutor,  non  a  medendo  ac  suendo,  quae  omnino 

»  ultimae  earum  rerum  radiées »  D'après  ce  texte,  M.  Benfey  conclut  que 

pour  Varron  les  radiées  sont  les  racines,  non  des  mots,  mais  des  choses  (jerurn) 
désignées  par  les  mots.  C'est  trop  presser  le  latin  et  prêter  à  un  écrivain  que 
d'ailleurs  M,  Benfey  porte  si  haut,  une  opinion  bien  étrange.  —  Plus  loin 
(p.  247)  rappelant  les  travaux  de  Leibniz  en  linguistique,  M.  B.  dit  que  sur  ce 
champ  spécial  deux  hommes  seuls  pouvaient  rivaliser  de  science  avec  lui  :  Ludolf 
et  Reland.  Il  eût  été  juste  de  mentionner  aussi  Fréret,  l'auteur  des  Vues  générales 
sur  l'origine  et  le  mélange  des  anciennes  nations.  —  M.  Benfey  donne  quelque  part 
à  Paulin  de  St-Barthélemy  la  qualification  de  jésuite.  C'est  carme  déchaussé  qu'il 


388  REVUE    CRITIQUE 

aurait  fallu  dire.  —  Page  378  traitant  du  premier  ouvrage  de  Bopp,  le  Conjuga- 
îionssystem ,  et  énumérant  les  découvertes  qu'il  renferme,  M.  B.  dit  que  Bopp  y 
explique  déjà  la  formation  du  passif  latin  par  la  combinaison  de  l'actif  avec  le 
pronom  réfléchi.  Mais  quand  on  se  reporte  à  la  page  103  du  Conjugationssystem 
citée  par  Benfey,  on  trouve  bien  une  explication  du  passif  latin,  mais  une  expli- 
cation tout  autre  et  que  Bopp  a  abandonnée  plus  tard.  —  Page  399  il  est  dit 
que  grâce  à  Schlegel  et  à  Lassen,  Bonn  devint  le  principal  centre  d'où  la  philo- 
logie sanscrite  se  répandit  en  Europe.  Sur  la  même  ligne  que  Bonn  il  n'eût  été 
que  juste  de  mettre  Paris,  qui,  de  1832  à  1852,  fut  un  centre  non  moins  actif  et 
non  moins  fécond.  —  Page  409  M.  B.  dit  que  Max  Mûller  a  laissée  inachevée 
la  publication  du  Rik-prâîiçâkhya.  Quoique  l'auteur,  dans  sa  seconde  partie,  se 
borne  à  l'Allemagne,  personne  n'eût  trouvé  mauvais  qu^'il  mentionnât  la  cause 
pour  laquelle  cette  publication  ne  fut  point  continuée.  C'est  que  M.  Adolphe 
Régnier,  dans  le  même  temps,  a  donné  en  entier  le  texte  et  la  traduction  du 
mèmQ  prâtiçâkhya.  —  Page  430,  celtique  est  proBablement  une  faute  d'impres- 
sion pour  sémitique.  —  Page  437,  note,  l'auteur  expose  en  son  nom  la  loi  de 
substitution  des  consonnes  germaniques.  Nous  avons  été  surpris  d'y  voir  citer 
les  aspirées  ph,  kh,  th,  quand  aujourd'hui  on  reconnaît  généralement  que  les 
aspirées  primitives  ont  dû  être  bh,  gh,  dh,  et  quand  l'auteur  lui-même  cite  un 
peu  plus  loin  (p.  481)  comme  type  primitif  du  grec  ttuO,  la  racine  hhudh.  Le 
jugement  sur  la  Bhagavad-Gîtâ  attribué  (34$)  à  Guillaume  Schlegel  (c'est  le  plus 
beau,  peut-être  le  seul  poème  philosophique  qui  existe)  est  de  Guillaume  de 
Humboldt. 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  le  ton  de  M.  Benfey  est  celui  d'une  grande  bien- 
veillance. Quelquefois  on  sent  le  parti  pris  de  ne  voir  que  le  bon  côté  des  choses; 
voyez  par  exemple  p.  366,  où  il  juge  avec  une  grande  indulgence  la  théorie  de 
Frédéric  Schlegel  sur  les  flexions,  ou  p.  512,  où  il  déclare  qu'il  faut  se  féliciter 
que  Bopp  ait  composé  son  travail  sur  les  langues  malayo-polynésiennes,  qui, 
comme  on  sait,  repose  sur  une  erreur,  parce  qu'il  a  montré  par  là  les  limites  où 
doit  s'arrêter  la  méthode  comparative.  —  Nous  n'avons  remarqué  que  deux 
personnes  auxquelles  M.  Benfey  n'ait  pas  rendu  complète  justice.  En  parlant  des 
Grundziige  der  griechischen  Etymologie  de  Georges  Curtius,  M.  B.  dit  que  ce  livre 
se  distingue  surtout  «par  une  critique,  en  somme  judicieuse,  de  ce  qui  a  été  fait 
»  jusqu'à  présent.  »  Pour  qui  a  lu  et  pratiqué  cet  excellent  ouvrage,  où  sont 
accumulées  tant  de  recherches  personnelles,  l'éloge  paraîtra  mince.  L'autre 
personne  à  l'égard  de  laquelle  M.  Benfey  s'est  montré  d'une  réserve  extrême, 
c'est,  comme  on  pouvait  s'y  attendre,  M.  Benfey  lui-même.  Assurément  on  se 
ferait  une  idée  inexacte  de  la  place  que  l'auteur  occupe  dans  la  science,  si  l'on 
s'en  tenait  aux  simples  mentions  qu'il  donne  de  ses  ouvrages. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  s'étonner  que  le  patriotisme  allemand  se  fasse  jour  dans  un 
livre  consacré  à  l'histoire  d'une  science  plus  d'aux  trois  quarts  allemande. 
Quelquefois  l'expression  de  ce  sentiment  peut  sembler  excessive.  En  lisant  la 
page  1 68,  on  croirait  qu'entre  la  civilisation  antique  et  l'activité  scientifique  dont 


d'histoire  et  de  littérature.  389 

l'Allemagne  est  aujourd'hui  le  principal  foyer,  il  n'y  ait  eu  place  pour  aucune 
haute  culture  de  l'esprit,  et  que  ces  deux  époques  soient  séparées  par  un  désert 
intellectuel.  Plus  loin,  rappelant  les  travaux  sur  l'Inde  dus  à  quelques  mission- 
naires allemands  du  xviii^  siècle,  travaux  assez  modestes  et  comme  tous  les  autres 
pays  peuvent  en  citer  de  pareils,  M.  Benfey  s'écrie  :  «  On  dirait  que  comme  des 
»  navigateurs,  débarquant  les  premiers  dans  une  ile  inhabitée,  ils  aient  voulu  y 
»  planter  le  drapeau  allemand,  pour  assurer  à  leur  patrie  un  droit  particulier  sur 
»  ce  domaine  »  (p.  430).  Nous  citons  seulement  ces  passages  pour  montrer  que 
le  patriotisme  germanique  n'est  pas  toujours  exempt  de  ces  accès  de  jactance 
qu'il  relève  avec  raison  quand  il  les  trouve  chez  d'autres  peuples.  M.  Benfey 
aurait  pu  s'en  défendre  d'autant  plus  aisément  que  les  faits  parlent  assez  haut 
d'eux-mêmes,  et  que  le  simple  récit  des  travaux  philologiques  accomplis  depuis 
Schlegel  en  Allemagne,  est  le  plus  éloquent  témoignage  qu'un  pays  puisse  se 
donner  de  son  activité  et  de  son  aptitude  scientifique. 

Michel  Bréal. 


2ji.  —  Buddha  and  hîs  doctrines,  A  bibliographica!  Essay.  London,  Trûbner 
and  Co.  In-4%  iv-32  pages.  —  Prix  :  3  fr.  1 5. 

La  première  partie  du  titre  de  cette  brochure  ne  doit  pas  faire  illusion  :  c'est 
purement  un  travail  bibliographique.  L'auteur,  M.  Otto  Kistner,  qui  n'a  pas 
mis  son  nom  sur  la  couverture,  mais  qui  le  fait  connaître  en  signant  une  préface 
datée  de  Leipzig  et  écrite  en  anglais  comme  le  reste  de  l'ouvrage  (il  va  sans 
dire  que  le  titre  de  chaque  livre  cité  est  donné  intégralement  dans  la  langue 
même  de  ce  livre),  nous  explique  dans  cette  préface  comment  des  recherches 
sur  la  bibliographie  en  général  l'amenèrent  à  s'occuper  plus  spécialement  de 
bibliographie  bouddhique.  Il  divise  son  travail  en  deux  parties,  on  pourrait  dire 
en  trois,  car  il  a  eu  l'heureuse  pensée  de  mettre  en  tête,  sous  forme  d'intro- 
duction, ce  qu'il  appelle  «  a  sketch  of  Buddhism,  which,  though  small  and  of 
no  prétention,  may  perhaps  to  some  extent  serve  the  purpose  of  an  introduc- 
tion, »  c'ést-à-dire  un  aperçu  de  l'ensemble  de  toutes  les  littératures  bouddhi- 
ques, ou  au  moins  de  la  plupart  et  des  principales  d'entre  elles,  à  savoir  des 
collections  népalaise  (en  sanskrit),  pâlie,  chinoise,  tibétaine,  mongole,  birmane; 
thème  pouvant  donner  lieu  à  un  travail  immense,  résumé  par  l'auteur  en  six 
pages  substantielles.  La  liste  des  ouvrages,  classés  suivant  l'ordre  alphabétique 
des  noms  d'auteurs,  avec  intercalation  des  ouvrages  anonymes  à  la  place  assi- 
gnée par  la  première  lettre  du  titre,  se  divise  en  deux  parties  :  i"  les  ouvrages 
généraux  (General  Works,  pp.  7-12)  qui,  ne  traitant  pas  directement  du  boud- 
dhisme, peuvent  cependant  être  utiles  à  consuher  comme  relatifs  à  des  pays 
bouddhiques;  2°  les  ouvrages  sur  le  bouddhisme  et  les  écrits  insérés  dans  les 
revues  (Works  on  Buddhism  and  extracts  from  periodicals,  pp.  12-33),  partie 
de  beaucoup  la  plus  étendue.  Cette  division  est  fondée  ;  mais  il  n'est  pas  toujours 
facile  de  l'observer  rigoureusement,  et  peut-être  est-il  quelquefois  arrivé  à  l'au- 


590  REVUE    CRITIQUE 

teur  de  mettre  dans  une  partie  tel  ouvrage  qui  aurait  été  mieux  placé  dans 
l'autre  ;  mais  cela  n'a  pas  d'importance  :  le  lecteur  est  prévenu  qu'il  doit  cher- 
cher dans  les  deux  parties.  Le  titre  de  la  deuxième  partie  semble  indiquer  que 
tous  les  articles  de  revue  qui  y  figurent  ont  été  sans  exception  publiés  à  part 
ultérieurement  ;  mais  plusieurs  de  ceux  qu'on  y  trouve  cités  ne  paraissent  pas 
avoir  été  dans  ce  cas.  Peut-être  eût-il  été  bon  de  faire  la  distinction.  Quoi  qu'il 
en  soit,  nous  devons  remercier  M.  Kistner  de  la  pensée  qu'il  a  eue  de  faire  ce 
travail  et  de  la  manière  dont  il  l'a  exécuté.  Il  peut  avoir  fait  des  omissions:  lui- 
même  le  prévoit  et  ne  demande  qu'une  chose,  c'est  d'être  mis  en  mesure  de  les 
réparer.  Nous  communiquons  ce  souhait  à  tous  ceux  qu'il  peut  intéresser  et  qui 
seraient  en  état  d'y  donner  satisfaction.  Du  reste  les  oublis  (involontaires)  de 
l'auteur  ne  doivent  pas  être  nombreux  ;  peu  de  travaux  paraissent  avoir  échappé 
à  ses  actives  recherches. 

Nous  aurions  seulement  à  lui  proposer  une  légère  amélioration.  Ce  serait 
d'ajouter  à  son  travail  une  troisième  partie,  comprenant  la  liste  des  titres  des 
ouvrages  bouddhiques  dont  il  existe  une  ou  plusieurs  traductions,  avec  les  noms 
des  traducteurs.  Cette  simple  mention  suffirait,  le  lecteur  étant  ainsi  renvoyé 
au  nom  du  traducteur  dont  l'œuvre  est  citée  dans  la  deuxième  partie  avec  le 
développement  que  le  sujet  comporte.  M.  K.  a  déjà  fait  quelque  chose  d'ana- 
logue :  dans  la  deuxième  partie,  nous  trouvons  les  noms  Dharmapadam ,  Lalita- 
vistara,  Saddharmapundarika,  avec  renvoi  aux  noms  des  traducteurs  ;  mais  tout 
n'y  est  pas.  Ainsi  Gogerly  a  traduit  le  Chariya-piîaka,  le  Dhammacakkappavaîta- 
nam  :  M.  K.  cite  ces  traductions  au  nom  de  Gogerly  et  même  il  ajoute  une  note 
pour  la  seconde.  Ne  serait-il  pas  utile  de  faire  pour  ces  ouvrages  et  pour  d'autres 
ce  qui  a  été  fait  pour  les  précédents  ?  Nous  ne  faisons  donc  guère  autre  chose 
que  demander  à  l'auteur  de  se  compléter  sur  ce  point.  Reste  à  savoir  si,  au  lieu 
de  laisser  ces  titres  des  ouvrages  bouddhiques  traduits  perdus  dans  la  foule  des 
livres  ou  écrits  qui  forment  la  deuxième  partie,  il  ne  conviendrait  pas  d'en  faire 
une  liste  à  part  qui  servirait  d'appendice  :  elle  ne  serait  pas  fort  longue  pour  le 
présent.  L'exécution  de  ce  plan  pourra  rencontrer  quelques  difficultés  provenant 
de  la  variété  des  systèmes  de  transcription,  de  la  diversité  des  titres  d'un  même 
ouvrage  se  présentant  sous  plusieurs  formes,  sanskrite,  pâlie,  tibétaine,  chinoise, 
etc.,  et  de  plusieurs  autres  circonstances;  mais  il  sera  possible  de  les  surmonter. 
Et  il  y  aurait  un  grand  intérêt  pour  ceux  que  le  bouddhisme  intéresse  à  trouver 
facilement  et  à  voir  en  un  tableau  les  ouvrages  bouddhiques  dont  il  existe  des 
traductions. 

M.  K.  fera  ce  qu'il  voudra  du  conseil  que  nous  lui  donnons  :  nous  le  prions 
d'y  voir  seulement  une  marque  de  l'intérêt  que  son  travail  nous  inspire  et  de 
notre  désir  de  lui  en  faciliter  le  perfectionnement. 

Léon  Feer. 


d'histoire  et  de  littérature.  591 

252,  —  De  parasitis  apud  Graecos  sacrorum  ministris  scripsit  Albertus  de 
Kampen.  Gœttingue,  1867.  In  8*,  56  p. 

Les  parasites  dont  il  est  ici  question  ne  sont  pas  ces  misérables  «  écornifleurs,  » 
âSoSov  ôvo|j.a,  qui  faisaient  métier  de  manger  à  la  table  des  riches  et  de  les  amuser 
par  leurs  flatteries  ou  leurs  bons  mots  ;  ce  sont  des  hommes  honorables  que  les 
Grecs  chargeaient  d'un  service  religieux  et  qui  venaient  en  aide  aux  ministres  du 
culte  dans  l'exercice  de  leurs  fonctions.  —  A  quels  temples  étaient-ils  attachés  ? 
Quel  était  leur  nombre  ?  Comment  étaient-ils  choisis  ?  Quelles  étaient  leurs  attri- 
butions.? Voilà  autant  de  questions  que  M.  de  Kampen  avait  naturellement  à 
résoudre  et  sur  lesquelles  nous  sommes  en  droit  de  lui  demander,  sinon  des 
réponses  satisfaisantes,  au  moins  quelques  éclaircissements. — Malheureusement, 
la  dissertation  qu'il  a  consacrée  à  ce  sujet  encore  peu  connu  laisse  beaucoup  à 
désirer  pour  l'ordre  et  pour  la  clarté  ;  elle  ne  nous  renseigne  qu'assez  imparfai- 
tement^ et  ce  n'est  pas  sans  peine  que  nous  sommes  parvenu  à  en  dégager  nette- 
ment quelques  conclusions. 

I.  Tous  les  temples  n'avaient  pas  de  parasites.  Les  textes  qui  nous  sont  par- 
venus ne  mentionnent  ces  personnages  qu'à  l'occasion  des  divers  temples  d'Her- 
cule, de  ceux  d'Apollon  d'Acharnés  et  de  Minerve  de  Pallène. — On  admet  même 
généralement  qu'il  n'existait  pas  de  parasites  dans  les  temples  d'Athènes  et  que  ceux 
que  l'on  rencontre  étaient  toujours  attachés  aux  sanctuaires  des  dèmes  (Schœ- 
mann,  Griechische  Alterthiimer,  2*  éd.,  t.  II,  p.  399).  Mais  cette  opinion  nous  paraît 
difficile  à  maintenir  en  présence  d'un  texte  cité  par  M.  de  K.  En  effet,  d'après 
Athénée,  VI,  27,  C.  p.  2^5,  les  parasites  figuraient  dans  une  inscription  placée 
dans  l'Anacéum  et  qui,  suivant  toute  probabilité,  se  rapportait  à  ce  temple  ;  or, 
il  est  certain  que  l'Anacéum  ou  temple  des  Dioscures  était  situé  dans  l'intérieur 
de  la  ville. 

II.  Dans  les  temples  d'Hercule,  le  nombre  des  parasites  était  fixé  à  douze 
(Athénée,  VI,  36,  C.  p.  239).  Il  est  à  présumer  qu'à  l'origine  il  en  était  de  même 
pour  le  temple  consacré  à  ce  dieu  dans  le  Cynosarge  ;  mais  le  seul  texte  que 
nous  possédons  à  son  égard  parle  de  soixante  personnes  :  oi  £?r,xo'^:a  (Athénée, 
XIV,  3,  C.  p.  614);  il  doit  se  rapporter  à  une  époque  où  l'institution  primitive 
des  parasites  était  en  pleine  décadence,  et  où  une  corporation  religieuse  s'était 
transformée  en  compagnie  de  joyeux  viveurs.  —  Pour  les  autres  temples,  nous 
sommes  sans  renseignements  précis;  nous  trouvons  seulement  dans  Athénée  la 
mention  de  plusieurs  parasites  attachés  au  temple  de  Minerve  de  Pallène  (VI, 
26,  C.  p.  234)  :  deux  appartiennent  au  dème  rapxr.TTÔî,  le  troisième  au  dème 
n(8o;;  ce  qui  prouve,  pour  le  dire  en  passant,  que  plusieurs  dèmes  s'étaient  asso- 
ciés en  vue  du  culte  à  rendre  à  la  déesse. 

ni.  D'après  M.  de  K.,  les  parasites,  au  moins  ceux  d'Hercule,  étaient  dési- 
gnés, non  par  le  sort,  non  pas  même  par  les  archontes,  mais  par  le  choix  de 
leurs  concitoyens:  nafâîSToi  r-psOr^^av  (Athénée,  VI,  26,  C.  p.  235;  cf.  VI,  36, 
C.  p.  239).  —  Nous  ferons  remarquer  toutefois  qu'un  texte  de  Démosthène 


392  REVUE   CRITIQUE 

semble  indiquer  que  l'élection  et  le  tirage  au  sort  étaient  combinés  pour  arriver 
à  la  nomination  des  ministres  d'Hercule  :  vnb  6r,(ji6Twv  irpoexpiôriv  èv  toT?  &\iyzvt<7-:6.ioi(; 
xXripoùaOa'.  Tviç  UptoCTOvriç  tw  'HpaxXsï  (C.  EubuUdem,  §  46,  Reiske,  1313). 

S'il  fallait  prendre  à  la  lettre  un  texte  de  Diodore  de  Sinope  (Athénée,  VI, 
36,  C.  p,  239),  chaque  dème  de  l'Attique  aurait  nommé  douze  parasites  d'Her- 
cule :  £v  ànaai  toiç  Svîjxok;.  Mais  il  est  certain,  et  nous  venons  de  faire  la  même 
remarque  pour  le  temple  de  Minerve  de  Pallène,  que  plusieurs  dèmes  pouvaient 
se  réunir  pour  le  culte  d'Hercule,  Cela  résulte  pour  la  Mésogée  d'une  inscription 
que  Curtius  a  publiée  en  1843.  L'association  formée  par  les  divers  dèmes  nom- 
mait seulement  douze  parasites.  On  peut  donc  dire,  si  l'on  veut,  qu'Hercule  était 
honoré  dans  tous  les  dèmes  de  l'Attique;  mais  chaque  dème  ne  lui  rendait  pas 
un  cuhe  spécial. 

IV.  Pour  pouvoir  aspirer  aux  fonctions  de  parasite,  il  fallait  être  né  de  père  et 
de  mère  citoyens,  avoir  de  la  fortune  et  jouir  d'une  bonne  réputation  (Démosth., 
C.  Eubulidem,  §  46,  R.  1313;  Athénée,  VI,  §  36,  C.  p.  239).  —  Par  excep- 
tion, les  parasites  du  Cynosarge  ne  pouvaient  être  pris  que  parmi  les  vôôot  •  oi  Se 

■KOLçiaiTOi  £(TTwv  èx  Twv  voôwv  xai  Tûv  TOUTwv  iraiSwv  xaxà  xà  Trà-rpia  (Athénée,  VI,  26, 

C.  p.  234).  D'après  M.  de  K.,  ces  v66oi  étaient  les  citoyens  nés  de  l'union  hors 
mariage  de  deux  citoyens.  Malgré  les  explications  ingénieuses  qu'il  donne  à 
l'appui  de  son  opinion,  nous  persistons  à  croire  que  la  loi  avait  en  vue  les  demi- 
citoyens.  Dans  un  texte  de  Démosthène  (C.  Aristocratem,  §  21 3,  R.  691)  il  est 
question  des  véeoi  du  Cynosarge  et  l'orateur  déclare  qu'il  parle  de  ceux  qui  ont 
seulement  to  ïîiJLiau  toù  y^vou;.  De  même,  Plutarque  (Themistocle,  i)  voit  dans  ces 
v66ot,  non  pas  ceux  qui  sont  nés  hors  mariage,  mais  ceux  dont  un  des  auteurs  seule- 
ment est  citoyen  (cf.  Schœmann,  Griechlsche  Alîerthiïmer,  2"  éd.,  T.  II,  p.  399). 

Les  fonctions  de  parasite  du  Cynosarge  ne  paraissent  pas  avoir  été  recherchées, 
et  beaucoup  de  personnes  essayaient  de  s'y  soustraire.  On  ne  s'expliquerait  pas 
sans  cela  une  disposition  du  décret  d'Alcibiade  :  ôç  6'àv  [x?)  oéXti  Trapaortxeïv,  elTayéTw 
et;  To  StxaTTVipiov  (Athénée,  VI,  26,  c.  p.  234);  disposition  renouvelée  de  Solon 
et  dont  Plutarque  a  méconnu  le  sens  en  l'appliquant  à  la  ffiTriai;  èv  upuTavciw  (V. 
Solonis,  24).  Comme  si  le  législateur  pouvait  raisonnablement  édicter  des  peines, 
en  prévision  du  cas  où  un  citoyen ,  honoré  d'une  distinction  exceptionnelle, 
refuserait  de  l'accepter  !  (cf.  Schœmann,  loc.  cit.,  note  3). 

V.  Dans  les  temples  d'Hercule ,  les  parasites  assistaient  le  prêtre  pendant  les 
sacrifices  mensuels  offerts  au  dieu  (Athénée,  VI,  26,  C.  p.  235).  Ces  sacrifices 
étaient  accompagnés  d'un  festin  en  l'honneur  d'Hercule;  les  parasites  prenaient 
part  à  ce  festin,  et,  dans  le  Cynosarge  au  moins,  ils  en  supportaient  les  frais. 

Leur  assistance  aux  sacrifices  dans  les  temples  d'Apollon  d'Acharnés  et  de 
Minerve  de  Pallène  est  également  attestée  par  des  textes.  —  N'avaient-il  pas 
d'autres  attributions  ?  Si  la  vôjao?  pa<ji),£w;  nous  avait  été  conservée  dans  son 
intégrité,  il  nous  serait  facile  de  répondre.  Mais  Athénée  n'en  a  transcrit  que  des 
fragments  qui  ne  paraissent  pas  se  rattacher  intimement  les  uns  aux  autres  et 
sur  le  sens  desquels  on  est  loin  d'être  fixé  (VI,  27,  C.  p.  235).  Nous  nous  bcr- 


d'histoire  et  de  littérature.  39J 

nerons  à  indiquer  ici  la  traduction  donnée  par  M.  de  K.  :  «  Parasiti  e  grege  sacro 
»  boves  nonnuUos  eligant,....  sacri  hordei  ex  sua  quisque  parte  sextarium 
»  eligat;  sextarium  delectum  parasiti  Acharnensium  in  Apollonis  àpxeïa  déférant  ; 

»  Atheniensium  cuivis  liceat  epularum  publicarum  esse  panicipi ^  —  La 

même  loi  parle  d'un  local  spécialement  affecté  aux  parasites,  TrapaaÎTsiov.  D'après 
Pollux  cet  édifice  se  trouvait  à  Athènes  (VI,  35)-  M.  de  K.  indique  plusieurs 
raisons  qui  lui  semblent  de  nature  à  faire  rejeter  l'affirmation  du  grammairien. 

VI.  L'institution  des  parasites  tomba  de  bonne  heure  en  désuétude.  Leur  nom 
lui-même  perdit  sa  signification  primitive  et  servit  à  désigner  une  classe  d'hommes 
ridiculisés  par  la  comédie  et  ne  se  rattachant  que  par  un  lien  très-éloigné  aux 
anciens  auxiliaires  du  culte. 

Nous  signalerons  en  terminant  une  erreur  capitale  commise  par  M.  de  K.  Il 
ne  fait  pas  de  distinction  entre  la  6r,{j.offi'a  cîrr.ci;  èv  îrp-jTavsCw  et  la  criTr.a-.;  des 
Prytanes.  Il  est  au  moins  disposé  à  appliquer  aux  Prytanes  la  définition  des 
à£Î«7tTot  donnée  par  Hésychius.  —  On  sait  pourtant  que  les  personnes  qui 
avaient  obtenu  l'honneur  de  la  or.îiocrCa  aixr^Gi;  prenaient  leurs  repas  dans  la  Pry- 
tanée,  tandis  que  les  Prytanes  se  réunissaient  et  dînaient  dans  le  Tholus  (Cf.  C. 
Curtius,  Das  Meîroon  in  Aîhen  als  Staaîsarchiv,  Berlin,  1868,  p.  i  j). 

E.  Caillemer. 


2  5  j .  —  Documenti  greci  del  Regio  Museo  Egizio  di  Torino ,  raccolti  dal  Dott.  G. 
LuMBROSo.  Torino,  Stamperia  Reale,  1869.  45  p.  —  Prix  2  fr.  40. 

La  publication  de  M.  Lumbroso  est  destinée  à  faire  connaître  un  certain 
nombre  de  monuments  épigraphiques  de  tout  genre  relatifs  à  l'Egypte  et  conservés 
dans  le  Musée  royal  de  Turin.  De  plus  elle  contient  une  nouvelle  collation  de 
papyrus  déjà  publiés  soit  par  l'abbé  Peyron,  soit  dans  la  collection  qui  fait  partie 
des  Notices  et  Extraits.  Elle  est  donc  de  nature  à  intéresser  tout  spécialement  les 
égyptologues  qui  y  trouveront  entre  autres  une  série  de  ces  inscriptions  connues 
sous  le  nom  d'Ostraca,  en  tout  point  semblables  à  celles  que  M.  Frœhner  a 
insérées  dans  le  11"*  tome  de  la  Revue  archéologique.  La  pièce  qui  nous  semble 
offrir  le  plus  d'importance  au  point  de  vue  de  l'histoire  est  une  inscription  inédite 
selon  l'auteur.  Nous  regrettons  de  ne  pas  trouver  de  renseignements  au  sujet  de 
sa  provenance.  Si  la  restitution  tentée  par  M.  L.  est  exacte  (to  xo[ivov  -wv  tw 
padiXEt  uTCo]  Ta(TffO[i£v,ov  Kpr,Twv),  Cette  inscription  semblerait  prouver  que  l'empire 
des  Lagides  s'étendait  sur  une  partie  de  la  Crète,  fait  au  sujet  duquel  les  historiens 
se  taisent.  Du  reste,  comme  le  fait  observer  l'éditeur,  l'inscription  dont  il  s'agit 
offre  une  frappante  analogie  avec  celle  publiée  dans  le  Corpus  inscriptionum  gr£c., 
sous  le  n°  2622  et  qui  se  rapporte  à  l'île  de  Chypre. 

Emile  Heitz. 


394  REVUE  CRITIQUE 

254.  —  Ch.  Robert.  Ëpigraphie  de  la  Moselle.  Paris,  Lévy,  1869.  In-4*.  Pre- 
mier fascicule,  40  p.  j  pi. 

L'ouvrage  doit  se  composer  de  huit  ou  dix  fascicules  :  nous  en  ferons  l'examen 
critique  quand  il  sera  terminé.  Aujourd'hui  nous  nous  bornons  à  le  signaler  aux 
archéologues  et  à  en  indiquer  brièvement  l'importance. 

La  reproduction  très-exacte  de  plusieurs  bas-reliefs  au  moyen  de  la  photo- 
gravure permet  d'apprécier  le  style  de  ces  monuments  :  ils  décèlent  un  art  tout 
semblable  à  celui  des  médailles  frappées  dans  les  Gaules  pendant  la  durée  du 
m®  siècle.  Il  y  a  même  identité  dans  la  façon  conventionnelle  dont  sont  traités 
plusieurs  détails.  Ainsi  l'hydre  qu'assomme  Hercule  sur  un  bas-relief  du  Musée 
de  Metz  est  figurée  par  un  serpent  armé  de  dents  et  chargé  d'une  crête,  comme 
sur  une  monnaie  de  Maximien  Hercule  frappée  à  Trêves  (Cohen,  Méd.  imp. 
V,  pi.  xni,  n"  42).  Ce  sont  des  éléments  intéressants  pour  une  histoire  de  l'art 
gallo-romain. 

M.  R.  a  donné  ses  soins  à  la  transcription  fidèle  des  noms  gaulois  qui  se  ren- 
contrent sur  les  monuments  épigraphiques;  il  fournit  aux  celtisants  des  matériaux 
de  bon  aloi. 

Enfin  l'auteur,  lorsqu'il  publie  des  inscriptions  aujourd'hui  perdues,  indique 
les  sources  et  discute  l'avis  de  ses  devanciers.  Il  élaguera  ainsi  bon  nombre  de 
monuments  faux  que  renfermaient  les  collections  de  Metz  au  xvii*^  et  xvui®  siècle 
et  qui  ont  pris  place  dans  les  grands  recueils  épigraphiques. 

Signalons  l'inscription  pi.  III  n°  i  du  Musée  de  Metz,  qui  prouve  l'existence 
à  Divodurum  d'un  quartier  appelé  Vicus  Honoris.  Là  existait  sans  doute  un 
temple  ou  un  autel  consacré  au  dieu  Honos,  d'où  le  quartier  avait  reçu  cette 
dénomination.  Et  en  effet,  parmi  des  débris  romains  on  a  trouvé  une  grande 
pierre  sur  laquelle  se  lit  le  mot  HONORIS. 

Remarquons  encore,  au  même  Musée,  un  autel  octogone  dédié  à  Jupiter  et 

offrant  dans  des  niches  les  statues  mutilées,  mais  reconnaissables,  des  dieux  qui 

ont  donné  leurs  noms  aux  sept  jours  de  la  semaine.  Nous  faisons  des  vœux  pour 

le  prompt  achèvement  de  cette  publication. 

C.  B. 


255.  —  Mittheilungen  zur  vaterlœndischen  Geschichte,  herausgegeben  vom 
historischen  Verein  in  St.  Gallen.  St.  Gallen,  Verlag  vonHuberu.  Comp.,  1869.  (iv)' 
227  p.  Neue  Folge.  i  Heft. 

Nous  sommes  heureux  de  l'occasion  qui  s'offre  d'entretenir  les  lecteurs  de  la 
Revue  critique  de  l'avancement  des  études  historiques  dans  la  Suisse  allemande. 
En  Suisse  le  développement  communal  n'a  jamais  rencontré  des  barrières  qui 
l'aient  refoulé  ;  jamais  on  n'a  prétendu  faire  table  rase  des  institutions  antérieures 
et  rompre  avec  le  passé.  Aussi  l'érudition  a-t-elle  encore  aujourd'hui  une  portée 


d'histoire  et  de  littérature.  395 

pratique  que  les  hommes  d'affaires  ne  méconnaissent  point  :  partout  vous  trouvez 
des  chanceliers  faisant  fonctions  d'archivistes,  ou  des  archivistes  faisant  fonctions 
de  chanceliers,  et  presque  partout  ils  sont  les  promoteurs  de  recherches  inces- 
santes et  de  publications  recommandables. 

A  côté  fonctionnent  des  sociétés  savantes  en  grand  nombre  :  on  n'en  compte 
pas  moins  de  vingt  et  quelques ,  exclusivement  vouées  à  l'histoire  et  à  l'archéo- 
logie, dont  la  plupart  publient  leurs  mémoires  ou  des  recueils  de  documents. 
J'ose  dire  que  nulle  part  en  Europe  le  dépouillement  des  archives  n'est  aussi 
avancé  qu'en  Suisse  ;  nos  voisins  reconstituent  brin  par  brin  toute  la  trame  de 
leur  histoire,  et  l'on  peut  prévoir  qu'avant  peu  il  se  trouvera  un  second  Jean  de 
Mùller  pour  en  refaire  la  synthèse. 

La  société  historique  de  Saint-Gall,  qui  vient  de  commencer  après  moins  de 
dix  ans  d'existence  une  nouvelle  suite  de  ses  mémoires,  figure  au  premier  rang 
des  compagnies  qui  se  sont  vouées  à  l'histoire  de  la  patrie  suisse  :  la  bibliothèque, 
les  archives  de  l'antique  abbaye  de  Saint-Gall  lui  ont  fourni  jusqu'ici,  et  conti- 
nuent à  lui  fournir  d'excellents  matériaux. 

Dans  le  nouveau  volume  MM.  Ernest  Dûmmler  et  Hermann  Wartmann  ont 
reproduit  d'après  un  ms.  de  la  bibliothèque  le  texte  des  traités  de  confraternité 
conclus  avec  le  monastère  de  Saint-Gall  par  diverses  abbayes ,  au  nombre  des- 
quelles se  trouve  Murbach,  pour  assurer  les  prières  de  leurs  communautés  aux 
religieux  défunts.  La  plus  ancienne  de  ces  conventions  remonte  à  800,  la  plus 
récente  à  950.  Rien  ne  prouve  mieux  le  prix  qu'on  attachait  alors  à  ces  prières, 
que  le  voyage  de  l'évêque  anglais  Keonwald  qui ,  après  avoir  parcouru  toute 
l'Allemagne  pour  s'en  procurer,  arriva  en  926  à  Saint-Gall  011,  au  moyen  d'abon- 
dantes aumônes  tant  à  l'église  qu'aux  religieux,  il  obtint  qu'ils  feraient  la  commé- 
moration de  son  maître  le  roi  Adelstean, 

A  ce  premier  document  les  éditeurs  ont  ajouté  deux  nécrologes  ou  registres 
des  anniversaires  célébrés  à  Saint-Gall.  Les  décès  sont  compris  entre  les  années 
799  et  1078;  les  noms  connus  sont  en  petit  nombre  :  ainsi  que  le  remarquent 
MM.  D.  et  W.,  l'horizon  historique  de  Saint-Gall  ne  dépassait  pas  la  Souabe,  et 
comme  de  juste  son  action  religieuse  se  concentrait  dans  le  même  rayon.  Mais 
il  ne  faut  pas  oublier  que  ce  sont  là  nos  plus  anciens  registres  de  l'état  civil, 
une  source  inappréciable  d'informations  pour  l'étude  des  chartes  et  des  chro- 
niques, pour  l'histoire  des  mœurs  et  de  la  civilisation,  pour  l'étude  des  noms  de 
personnes,  et  le  soin  qui  a  présidé  à  la  publication  est  un  bon  garant  pour 
l'exactitude  des  formes.  Les  éditeurs  ont  été  jusqu'à  distinguer  les  diverses  écri- 
tures, de  manière  à  permettre  de  déterminer  approximativement  la  date  des 
décès.  Des  tables  où  les  noms  se  trouvent  classés  selon  la  qualité  et  autant  que 
possible  selon  l'origine  des  personnages,  permettent  de  s'orienter  dans  ces  longueâ 
listes,  dont  le  texte  seul  ne  comprend  pas  moins  de  40  pages. 

M.  Gerold  Meyer  de  Knonau  a  reproduit  d'après  six  mss.  de  la  bibliothèque 
de  Saint-Gall  les  plus  anciens  catalogues  des  abbés,  déjà  publiés,  mais  moins 
correctement,  dans  le  tome  II  des  Scriptores  de  Pertz.  Ces  noms  ont  été  colligés 


396  REVUE   CRITIQUE 

pour  la  première  fois  dans  la  première  moitié  du  xi«  siècle,  et  les  listes  ont  été 
continuées  jusqu'à  la  fm  du  xv^. 

Puis  viennent  de  nouveaux  extraits  du  Stadtbuch  ou  protocole  du  conseil  de 
Saint-Gall,  publiés  par  l'archiviste  de  l'abbaye,  M.  W.-Z.  de  Gonzenbach,  et 
suivis  du  texte  d'une  convention  de  1375  entre  l'abbaye  et  la  ville  sur  leurs 
droits  et  leurs  devoirs  réciproques.  A  notre  avis  on  ne  saurait  trop  multiplier  les 
textes  de  ce  genre.  Pour  les  études  d'histoire  communales  on  est  trop  disposé  à 
se  contenter  de  brillantes  généralités  :  il  serait  grand  temps  de  les  traiter  d'une 
manière  plus  concrète.  On  devrait  y  procéder  comme  pour  l'anatomie  comparée. 
Prises  dans  leur  ensemble,  les  communes  ont  des  ressemblances  et  des  dissem- 
blances analogues  à  celles  des  organes  ;  la  société  civile  a  pourvu  à  des  besoins 
communs  par  des  institutions  qui  se  sont  développées  inégalement,  mais  dont  les 
caractères  se  retrouvent  d'âge  en  âge,  sous  les  Romains  comme  sous  les  Barbares 
et  au  moyen-âge.  Ce  sont  ces  caractères  qu'il  importe  de  déterminer  et  de  com- 
parer, si  l'on  veut  connaître  l'organisation  communale  autrement  que  par  à  peu 
près.  A  St-Gall  comme  ailleurs  l'origine  de  la  cité  est  évidemment  indépendante 
de  celle  de  l'abbaye  :  au  xiv^  siècle  on  retrouve  encore  la  distinction  primitive 
des  bourgeois  et  des  vassaux,  des  hommes  libres  et  des  serfs.  Ce  sont  les  enva- 
hissements des  tout-puissants  abbés  qui,  selon  toute  apparence,  ont  amené  les 
ingénus  à  se  conjurer  contre  leur  assimilation  avec  les  simples  tenanciers.  En 
1 375  et  en  1381  encore,  les  corps  de  métiers  ne  devaient  leur  existence  qu'à  un 
pacte  quinquennal  :  libre  à  la  majorité  de  le  rompre  à  son  gré.  Pourvus  de  l'office 
de  comte,  les  abbés  n'exerçaient  sur  les  bourgeois  que  des  droits  de  justice,  et 
dans  l'administration  même  de  la  justice,  il  leur  fallait  le  concours  de  la  ville. 
Les  extraits  du  Stadtbuch  présentent  de  nombreux  exemples  de  sentences  au 
grand  criminel  rendues  par  le  conseil.  On  remarquera  les  considérants  de  quelques 
jugements  pour  meurtre  :  ce  n'est  pas  tant  pour  l'homicide  qu'on  punit  le  cou- 
pable, que  pour  l'avoir  commis  sans  sujet  et  sans  défi  préalable.  La  plupart  des 
condamnations  ne  comportent  que  le  bannissement  à  temps;  il  est  vrai  que 
l'échéance  en  est  reportée  à  cent  ans  et  un  jour,  à  cent  un  ans,  à  cent  cinq 
ans,  ce  qui  est  un  peu  long  ;  serait-ce  un  biais  pour  éviter  quelque  restriction 
juridique  ? 

En  1 391,  le  grand  et  le  petit  conseil  attribuent  à  l'abbé  la  succession  mobi- 
lière d'un  individu,  par  la  raison  qu'il  était  mort  célibataire.  Indépendamment  de 
ces  actes  judiciaires,  il  faut  noter  quelques  mesures  administratives,  telles  qu'un 
marché  pour  la  construction  d'une  horloge,  un  traité  avec  un  maître  d'école, 
chargé,  en  1 382,  d'apprendre  à  écrire  aux  enfants  des  deux  sexes  que  les  parents 
voudraient  lui  confier.  Ces  extraits  sont  comme  les  nécrologes,  accompagnés  de 
tables,  et  c'est  un  exemple  que  nos  sociétés  savantes  devraient  bien  imiter; 
malheureusement  en  France  on  vise  à  mettre  ses  matériaux  en  œuvre,  à  leur 
donner  une  tournure  académique,  et  l'on  perd  trop  souvent  de  vue  les  travail- 
leurs. 

Après  un  intéressant  mémoire  de  M.  J.  Anderes  sur  les  établissements  lacustres 


d'histoire  et  de  littérature.  ^97 

dont  la  société  historique  de  Saint-Gall  a  fait  reconnaître  l'existence  dans  le  lac  de 
Constance ,  le  volume  se  termine  par  le  rapport  sur  ses  travaux  depuis  le 
1"  janvier  1866  jusqu'au  21  juillet  1868.  Il  jette  un  grand  jour  sur  l'activité 
intellectuelle  d'une  petite  ville  suisse,  et  en  la  comparant  à  la  torpeur  de  la  plu- 
part de  nos  villes  de  province,  le  mieux  que  l'on  puisse  faire,  c'est  de  s'humilier. 
Indépendamment  de  son  bulletin,  la  société  historique  publie  chaque  année,  sous 
le  titre  de  Feuilles  du  jour  de  l'an  {NeujahrsbUtter) ,  des  travaux  d'une  portée 
moins  scientifique  pour  rallier  à  sa  cause  le  grand  public  et  la  jeunesse  des  écoles  ; 
elle  fonde  un  musée  archéologique  et  ethnographique  qui  déjà  se  trouve  à  l'étroit, 
et,  d'accord  avec  des  délégués  de  l'administration  municipale,  avec  le  direaoire 
du  commerce,  avec  la  société  des  beaux-arts,  avec  la  société  d'histoire  naturelle, 
on  a  mis  à  l'étude  la  construction  d'un  établissement  spécial,  où  l'on  centralise- 
rait les  différentes  collections  en  voie  de  formation.  Des  faits  de  ce  genre  ne  sont 
pas  rares  en  Suisse.  Il  est  vrai  que  la  vie  communale  y  a  conservé  toute  son 
intensité,  et  que  rien  n'entrave  la  libre  initiative  des  hommes  de  bonne  volonté. 

X.  MOSSMANN. 


256.  —  Jeanne  d'Arc,  par  H.  Wallon,  membre  de  l'Institut,  etc.  Ouvrage  qui  a 
obtenu  en  1860  de  l'Académie  française  le  grand  prix  Gobert.  Deuxième  édition.  Paris, 
L.  Hachette,  1867.  2  vol.  in-8*,  Ixxij,  376  et  456  pages. 

Le  mérite  de  cette  histoire  avait  été  constaté,  dès  sa  publication  première, 
par  l'une  des  plus  hautes  récompenses  que  puisse  décerner  l'Académie  française. 
Le  savant  et  consciencieux  auteur  n'a  vu  dans  cette  distinction  qu'un  motif  de 
plus  de  perfectionner  l'ouvrage  qui  l'avait  obtenu.  La  deuxième  édition  qu'il 
nous  en  offre  n'est  pas  une  réimpression  pure  et  simple,  bien  loin  de  là  :  elle 
présente  de  notables  additions  et  changements,  tant  dans  le  texte  lui-même  que 
dans  les  notes  et  les  appendices  rejetés  à  la  fin  de  chaque  volume.  Plusieurs  de 
ces  morceaux  sont  de  véritables  petits  mémoires,  oij  l'auteur  a  fait  preuve  d'une 
critique  ingénieuse  et  d'une  excellente  méthode  de  discussion.  Telles  sont  la 
note  relative  à  la  véritable  onhographe  du  nom  de  Jeanne  d'Arc  (t.  P',  appen- 
dices, n°  III,  p.  241-246)  et  celle  qui  a  pour  objet  le  pays  de  la  Pucelle  (ibid., 
n°  V,  p.  247-256).  Dans  le  premier  de  ces  morceaux,  M.  W.  prouve,  contre 
le  sentiment  de  feu  M.  Vallet  de  Viriville,  adopté  par  plusieurs  historiens  de 
Jeanne  d'Arc,  que  le  nom  de  famille  de  l'héroïne  doit  s'écrire  avec  l'apostrophe. 
Dans  le  second  il  se  prononce  pour  l'opinion  qui  attribue  le  lieu  de  naissance  de 
Jeanne  d'Arc  à  la  Champagne  plutôt  qu'à  la  Lorraine.  Il  conclut  ainsi  cette 
discussion  :  «  Jeanne  d'Arc  n'a  jamais  été  Lorraine,  car  la  Lorraine  s'arrêtait  à 
la  rive  droite  de  la  Meuse,  et  Domremy  n'a  appartenu  à  la  Lorraine  que  depuis 
1 571.  Jeanne  d'Arc  n'était  pas  davantage  du  Barrois,  ni  même  du  Barrois  mou- 
vant, c'est-à-dire  relevant  de  la  couronne  ;  car  la  portion  de  Domremy  qui  se 
rattachait  au  Barrois  mouvant  était  au  sud  du  petit  ruisseau  qui  faisait  la  limite 
des  deux  pays,  et  la  maison  de  Jeanne  d'Arc  est  au  nord.  Jeanne  d'Arc  est  donc 


398  REVUE   CRITIQUE 

née  en  terre  de  France.  Elle  est  Française  par  la  naissance,  comme  elle  l'était 
par  son  père,  comme  elle  l'a  été  par  toutes  ses  aspirations.  » 

Notre  intention  n'est  pas  de  nous  étendre  sur  un  livre  qui  a  pris  un  rang 
distingué  parmi  les  ouvrages  relatifs  à  notre  histoire.  Il  nous  a  semblé  conve- 
nable d'en  annoncer  une  seconde  édition,  qui  pourrait  bien  ne  pas  être  la 
dernière,  le  mérite  de  l'exécution  venant  en  aide  à  l'intérêt  du  sujet  traité.  C'est 
cette  pensée  qui  nous  encourage  à  soumettre  au  savant  historien  de  Jeanne  d'Arc 
deux  ou  trois  observations  de  détail,  dont  une  seule  a  quelque  importance. 

Dans  la  note  de  la  page  xxxiij  du  premier  volume,  le  titre  de  duc  de  Riche- 
mont  est  donné  à  Arthur  ou  Artus  de  Bretagne.  C'est  une  légère  inadvertance  : 
le  vrai  titre  est  celui  de  comte  de  Richemont,  ainsi  qu'on  lit  quatre  pages  plus 
bas  (p.  xxxvij;  voyez  aussi  le  tome  II,  p.  391).  Dans  la  note  i  de  la  p.  Ixvij, 
la  date  1421,  indiquée  comme  celle  de  l'année  où  le  chancelier  Regnault  de 
Chartres  se  rendit,  en  qualité  d'orateur  d'obédience,  auprès  du  pape  Martin  V, 
ne  peut  être  que  le  résultat  d'une  faute  d'impression  pour  1424'.  Dans  une 
réponse  de  Jeanne  d'Arc,  au  sujet  de  l'épée  qu'elle  portait  quand  elle  fut  prise 
à  Compiègne,  M.  W.  (t.  II,  p.  71)  rend  les  mots  donner  de  bonnes  buffes  et  de 
bons  torchons  par  «  frapper  d'estoc  et  de  taille  ».  C'est  là  une  traduction  un  peu 
libre  :  dans  l'ancien  français  buffe  ou  buffet  signifiait  un  soufflet,  un  coup  sur  la 
figure,  et  torchon  ou,  comme  on  trouve  quelquefois,  torche  %  avait  à  peu  près  le 
même  sens.  De  plus,  l'idée  de  coups  d'estoc  et  de  taille  nous  paraît  en  contra- 
diction avec  le  soin  que  prenait  la  Pucelle  de  ne  pas  répandre  le  sang  de  ses 
adversaires.  —  Enfin,  nous  signalerons  à  M.  W.  une  opinion  émise  par  feu 
M.  Grésy,  dans  un  curieux  travail  inséré  au  tome  XXV  des  Mémoires  de  la  Société 
des  Antiquaires  de  France  K  L'auteur  de  ce  mémoire  croit  reconnaître  dans  une 
des  pièces  dont  il  s'occupe  la  médaille  dont  il  est  fait  mention  dans  l'article  5  2 

de  l'acte  d'accusation  de  Jeanne  d'Arc. 

C.  Defrémery. 


257.  —  Montesquieu.  Sa  réception  à  l'Académie  française  et  la  seconde  édition  des 
lettres  persanes.  Paris,  Didier  et  C%  1869.  Petit  in-8%  24  p. 

Cet  opuscule  ne  porte  point  de  nom  d'auteur;  il  est  à  la  fin,  signé  des  initiales 
L.  V.;  nous  ne  pensons  point  commettre  une  indiscrétion  en  disant  qu'il  est  sorti 
de  la  plume  de  M.  L.  Vian,  référendaire  au  sceau  de  France,  lequel  nous  apprend 
que,  depuis  dix  années,  Montesquieu,  sa  vie  et  ses  ouvrages  occupent  tous  ses 
loisirs. 

Nommé  en  1725  membre  de  l'Académie  française,  Montesquieu  vit  sa  nomi- 


1.  Cf.  Vallet  de  Virivilie,  Histoire  de  Charles  VII,  tome  I,  p.  393. 

2.  Cf.  nos  Mémoires  d'histoire  orientale,  suivis  de  Mélanges  de  crititjue,  de  philologie,  etc. 
Seconde  partie.  Paris,  1862,  in-8',  p.  236. 

3.  Notice  sur  quelques  enseignes  et  médailles  en  plomb  trouvées  à  Paris  dans  la  Seine,  p. 
20,  2 1  du  tirage  à  part. 


d'histoire  et  de  littérature.  399 

nation  invalidée,  des  envieux  ayant  invoqué  le  statut  qui  défendait  de  recevoir 
des  membres  non-résidants  à  Paris  ;  piqué  au  vif,  il  vendit  la  charge  qu'il  occu- 
pait au  Parlement  de  Bordeaux  et  il  vint  en  1726  s'établir  dans  la  capitale;  il 
fréquenta  les  salons  qui  étaient  alors  (et  la  chose  a  persisté  depuis)  en  possession 
d'élaborer  les  candidatures  académiques.  Un  immortel  complètement  ignoré 
d'ailleurs,  un  avocat,  nommé  de  Sacy,  vint  à  mourir  le  iG  octobre  1727  ;  l'élec- 
tion de  Montesquieu  paraissait  assurée,  mais  il  survint  un  incident  grave;  on 
apprit  que  le  premier  et  tout-puissant  ministre,  le  cardinal  de  Fleury,  prévenu 
contre  les  Lettres  persanes  qu'il  n'avait  probablement  pas  eu  le  temps  de  lire, 
manifestait  formellement  sa  désapprobation.  Il  est  juste  de  reconnaître  qu'il  se 
trouvait  en  effet  dans  les  Lettres  en  question  des  passages  de  nature  à  choquer 
en  1727  un  cardinal  et  une  grande  partie  du  public  moins  aguerri  que  de  nos 
jours.  Montesquieu  alla  voir  le  cardinal;  Fleury  écrivit  au  directeur  de  l'Aca- 
démie '  que,  d'après  les  éclaircissements  qui  lui  étaient  donnés,  il  ne  s'opposait 
pas  à  l'élection;  elle  eut  lieu  le  surlendemain  20  décembre;  l'illustre  candidat 
fut  nommé ,  mais  non  sans  avoir  rencontré  une  opposition  assez  vive  ;  on  lui 
opposait  Marais. 

Ce  qui  précéda,  ce  qui  suivit  cette  élection,  est  raconté  fidèlement  et  par  le 
menu  dans  l'écrit  de  M.  Vian,  mais  un  point  reste  obscur;  que  se  passa-t-il  dans 
l'entretien  avec  le  cardinal  ?  Quelques  contemporains  se  taisent;  d'autres  diffèrent 
entre  eux;  Voltaire  avance  que  Montesquieu  fit  faire  à  la  hâte  une  nouvelle 
édition  des  Lettres  persanes  dans  lesquelles  on  retrancha  ou  on  adoucit  tout  ce  qui 
pouvait  être  condamné  par  un  cardinal  ou  par  un  ministre.  MM.  Auger,  Meyer, 
Sainte-Beuve,  et  quelques  biographes  ont  nié  la  version  de  Voltaire  et  l'existence 
de  l'édition  dont  il  parle.  Toutefois  M.  Vian  a  fait  une  découverte  qui  peut  aider 
à  la  solution  de  ce  petit  problème;  il  a  rencontré  par  un  de  ces  hasards  qui  n'ar- 
rivent que  lorsqu'on  les  cherche,  et  il  a  acquis  deux  volumes  petit  in- 12  :  Lettres 
persanes,  seconde  édition  revue,  corrigée,  diminuée  et  augmentée  par  V auteur,  Cologne, 
Pierre  Marteau  2,  1721.  Observions  en  passant  que  le  Manuel  du  Libraire  dit  qu'il 
existe  au  moins  quatre  éditions  sous  la  date  de  1721  dont  une  de  Cologne  à 
l'égard  de  laquelle  il  ne  donne  aucun  détail.  Quérard,  dans  la  France  littéraire, 
mentionne  deux  édition  sous  la  rubrique  d'Amsterdam,  1721,  et  il  en  signale 
six  avec  le  nom  de  Cologne,  mais  la  plus  ancienne  est  datée  de  1 721.  On  ne 
trouve  dans  la  réimpression  qui  nous  occupe  que  140  lettres  au  lieu  de  150 
contenues  dans  le  premier  texte  ;  M.  Vian  signale  en  détail  les  lettres  qui  ont  été 

1.  Le  directeur  était  alors  le  maréchal  d'Estrées  qui  n'avait  jamais  écrit  une  ligne, 
mais  qui  avait  du  moins  le  mérite  d'être  ami  des  livres;  il  avait  formé  une  très-belle 
bibliothèque  dont  le  catalogue  imprimé  en  1740,  remplit  deux  volumes  in-8*,  et  fait  con- 
naître près  de  20,000  articles.  Saint-Simon  parie  des  ballots  de  livres  que  le  maréchal 
avait  entassés  dans  son  hôtel. 

2.  Il  est  inutile  de  dire  que  le  nom  de  Pierre  Marteau,  imprimeur  à  Cologne,  fort  em- 
ployé dans  la  seconde  moitié  du  XVII*  siècle  et  dans  la  première  du  XVIII',  est  un  masque 
emprunté  par  des  libraires,  presque  toujours  hollandais,  afin  de  dissimuler  l'origine  d'ou- 
vrages susceptibles  de  donner  lieu  à  quelques  tracasseries  de  la  part  de  l'autorité. 


400  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

retranchées  ;  la  première  est  celle  d'Usbek  à  Rustan  datée  de  Tauris  le  1 5  de  la 
lune  de  Saphar  1 7 1 1  ;  en  relisant  ces  lettres  on  reconnaît  sans  peine  les  passages 
qui  ont  dû  faire  procéder  à  une  suppression.  En  tout  douze  lettres  ont  disparu, 
mais  il  en  a  été  ajouté  trois  autres. 

M.  V.  ne  manque  point  d'indiquer,  dans  diverses  lettres  qui  ont  été  con- 
servées, les  modifications  introduites  pour  adoucir  des  pensées  trop  hardies,  des 
expressions  trop  vives  ' .  Ce  sont  des  variantes  dont  il  y  aura  lieu  de  prendre 
note  lorsqu'on  donnera  un  jour  une  édition  critique  et  complète  des  œuvres  de 
Montesquieu. 

M.  V.  pense  avoir  mis  la  main  sur  l'édition  citée  par  Voltaire;  la  date  dé  172 1 
le  rendait  indécis,  mais  le  Journal  littéraire  de  1729  consacré  aux  livres  parus  de 
172 1  à  1728,  contient  deux  comptes-rendus  de  cette  seconde  édition;  leur  bien- 
veillance, l'étendue  des  citations,  l'idée  édifiante,  religieuse  même  qu'elles  inspi- 
rent du  livre,  donnent  lieu  de  supposer  un  calcul  pour  faire  croire  que  la  publi- 
cation était  bien  de  172 1 ,  et  que  les  modifications,  imposées  par  les  circonstances 
de  1728,  y  avaient  été  apportées  depuis  longtemps. 

Celte  conjecture  peut  être  plausible  ;  il  est  toutefois  étrange  que  Montesquieu 
ait  eu  l'idée  d'inscrire  en  tête  de  cette  édition,  les  mots  corrigée  et  diminuée;  il 
déclarait  ainsi  que  ce  n'était  pas  son  œuvre  primitive  ;  cet  aveu  était-il  de  nature 
à  le  servir  ou  à  lui  nuire  auprès  du  cardinal?  Question  insoluble  aujourd'hui. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Baumgarten,  Glossaire  des  idiomes  populaires  du  Nord  et  du  Centre  de  la  France 
(Franck).  —  Bladé,  Études  sur  l'origine  des  Basques  (Franck).  —  Cornélius  Nepos, 
éd.  Browning  (Oxford,  Clarendon  Press).  —  Curtius,  Grundzûgp  d.  griech.  Etymo- 
logie  (Leipzig,  Teubner).  —  Edwards,  Free  Town  Libraries  (London,  Trùbner).  — 
Gauchet,  le  Plaisir  des  Champs,  p.  p.  Blanchemain  (Franck).  —  Longnon,  le 
Livre  des  Vassaux  du  comté  de  Champagne  (Franck).  —  Marchant,  Notices  sur  Rome, 
les  noms  romains,  etc.  (Rollin  et  Feuardent).  —  Morosi,  Studi  sui  dialetti  greci  délia 
terra  d'Otranto  (Lecce,  tip.  Salentina).  —  Proust,  la  Justice  révolutionnaire  à  Niort 
(Niort).  —  Poetarum  scenicorum  graecorum  fabulae,  ex  rec.  Dindorf  (Leipzig,  Teub- 
ner). —  ScHMiDT,  Tableaux  de  la  Révolution  française  (Leipzig,  Veit).  —  Viollet, 
les  Œuvres  chrétiennes  des  familles  royales  de  France  (Poussielgue). 


I.  On  trouverait  de  fréquents  exemples  de  modifications  de  ce  genre  dans  Rabelais; 
l'édition  de  Pantagruel,  M. D. XXX. III  (Poitiers?)  connue  depuis  peu  de  temps,  offre  des 
leçons  hardies  et  tort  peu  orthodoxes  que  tous  les  éditeurs  ont  ignorées  jusqu'à  ces  der- 
nières années;  ni  Le  Duchat,  ni  de  l'Aulnaye,  ni  EloiJohanneau  ne  les  avait  soupçonnées; 
voir  la  Notice  de  M.  Gustave  Brunet  sur  une  édition  inconnue  de  Pantagruel  et  sur  le  texte 
primitif  de  Rabelais,  Paris,  1844,  in-8*,  et  les  Recherches  sur  les  éditions  originales  de  Ra- 
belais, par  M.  J.-Ch.  Brunet.  Paris,  1852,  in-8*. 

Nogent-le-RotroUj  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Biedermann  (G.).  Kant's  Kritik  der  rei- 
nen  Vernunft  u.  die  Hegel'sche  Logik  in 
ihrer  Bedeutung  fur  die  Begriffswissens- 
chaft.  Gr.  in-8*,  iij-ioô  p.  Prag  (Temp- 
sky).  2  fr-  7S 

Bœhtlingk  (0.)  u.  Roth  (R.).  Sans- 
krit Wœrterbuch.  Hrsg.  v.  der  kaiser!. 
Académie  der  Wissenschaften.  41.  Lfg. 
In-4*.  6.  Thl.,  p.  321-480.  St Petersburg. 
Leipzig  (Voss).  4  fr. 

Bouteiller  (E.  de).  Notice  sur  les  mo- 
nastères de  l'ordre  de  Saint- François  à 
Metz.  In-8*,  2^7-551  p.  et  plan.  Metz 
(impr.  Blanc '. 

Brasseur  de  Bourbourg.  Manuscrit 
Troano.  Études  sur  le  système  graphique 
et  la  langue  des  Mayas.  T.  i.  In-4', 
viij-2j2  p.  et  36  pi.  Paris  (Impr.  impé- 
riale). 

Chychae  (N.),  Atheniensis,  de  primatu 
papae.  Ex  codice  graeco  biblioth.  Lug- 
duno  Batavae  nunc  primum  edid.  K. 
Demetracopulus.  Gr.  m-8*,  xvj-3  5  pages. 
Leipzig  (List  u.  Franke).  2  fr.  75 

Curtius  (G.).  Grundzûge  der  griechischen 
Etymologie.  3.  Aufl.  Gr.  in-8*,  .xvi-768 
p.  Leipzig  (Teubner).  24  fr. 

Erdmann  (J,  E.).  Grundriss  d.  Geschichte 

der  Philosophie.   I.  Bd.   Philosophie  d. 

Alterthums  u.  d.  Mittelalters.    2.   verb. 

Aufl.  Gr.  in-8*,  viij-6oj  p.  Berlin  (Hertz). 

10  fr.  75 

Euripidis  fabulae  superstites  et  perdita- 
rum  fragmenta.  Ex  rec.  G.  Dindorfii. 
Editio  ex  poetarum  scenicorum  graeco- 
rum  fabulis  expressa.  In-4*,  376  p.  Leip- 
zig (Teubner).  1 2  fr. 

Euripidis  tragoediae.  Ex  rec.  A.  Nauc- 
kii.  Vol.  III.  E.s.t.:  Euripidis  perditarum 
tragoediarum  fragmenta.  In-8*,  xxviij- 
332  p.  Leipzig  (Teubner).  3  fr.  65 

Fabia.n  (E.  A.).  De  Seleucia  Babylonia. 
Gr.  in-8*,  iij-72  p.  mit  i  Steintaf.  Leip- 
zig (Engelmann).  i  fr.  65 

Germain  (A.).  Notice  sur  le  manuscrit 
original  de  l'histoire  de  la  ville  de  Mont- 
pellier du  chanoine  G.  de  Grefeuille.  In- 
4*,  14  p.  et  fac-simile.-Montpellier  (imp. 

Bœhm  et  fils). 

Haussonville  (d').  L'Église  romaine  et 
le  premier  empire,  1 800- 1814,  avec  notes, 
correspondances  diplomatiques  et  pièces 
justificatives  entièrement  inédites.  T.  4 
In-S»,  50 s  p.  Paris  (lib.  Michel  Lévy 
frères).  ) 


Rochambeau  (Achille  de).  La  famille  de 
Ronsard.  Recherches  généalogiques,  his- 
toriques et  littéraires  sur  P.  de  Ronsard 
et  sa  famille.  Petit  in-32,  358  p.  Paris 
(lib.  Franck).  5  fr. 

Album  accompagnant  le  volume  ci- 
dessus.  10  fr. 

Scriptores  rerum  Germanicarum  in  usum 
scholarum  ex  monumentis  Germaniae  his- 
toricis  recudi  fecit  G.  H.  Pertz-Amoldi 
chronica  Slavorum  ex  rec.  J.  M.  Lappen- 
bergii.  In-8*,  295  p.  Hannover  (Hahn). 

2  fr,  so 

rerum  Germanicorum  in  usum  scho- 
larum ex  monumentis  Germ.aniae  histo- 
ricis  recudi  fecit  G.  H.  Pertz.  —  Gisle- 
berti  chronicon  Hanoniense  ex  rec.  W. 
Arnolt.  In-8*,  312  p.  Hannover  (Hahn). 

2  ir.  50 

rerum  Germ.,  etc.  —  Helmaldi  pres- 

byteri  chronica  Slavorum  ex  rec.  J.  M. 
Lappenbergii.  In-8*,  220  p.  Hannover 
(Halm).  2  fr. 

rerum  Germ.,  etc.   —   Monumenta 

Welforum  antiqua  editore  D'  Weilanei. 
In-8*,  63  p.  Hannover  (Hahn).       70  c. 

Spach  (L.).  L'île  et  l'abbaye  de  Reiche- 
nau.  In-8*,  3  $  p.  Avec  une  vue  de  Rei- 
chenau.  Strasbourg  (imp.  V*  Berger- 
Levrault). 

Terence.  Andria,  Heautontimorumenos, 
Adelphi,  Hecyra,  and  Phormio,  from  the 
text  of  Reinhardt;  with  prefatory  matter 
containing  the  Life  of  Terence,  and  a 
Treatise  on  the  Mètres.  New  edit.  In- 12 
cart.,  164  p.  London  (Whittaker). 

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Theodori  Mopsuesteni  fragmenta  syriaca 
e  codicibus  musei  britanici  nitriacis  edid. 
atque  in  latinum  sermonem  vertit.  D'  E. 
Sachau.  In-8*,  vij-i77p.  Leipzig  (Engel- 
mann). 9  fr.  35 

Turrecremata  (J.  de).  Tractatus  com- 
pilatus  de  Veritate  Conceptionis  beatis- 
simae  Virginis.  Edited,  with  préface,  by 
Dr.  Pusey.  In-4*  cart.  Oxford  (Parker). 

.Sfr. 

XVhipple  (E.  P.).  The  Literature  of  the 
Age  of  Elizabeth.  In-12, 364  p.  Boston. 

8  fr.  7$ 

"Wiclif.  Johannes  Wiclif  Trialogus  cum 
Supplemento  Trialogi  illum  recensuit, 
hoc  primum  edidit  utrumque  Commenta- 
rio  critico  instruxit  G.  Lechler.  In-8* 
cart.,  484  p.  London  (Macmillan). 

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BIBLIOTHÈQUE 

DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES 

publiée  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Sciences  philologiques  et  historiques. 

I'"'  fascicule.  La  Stratification  du  langage,  par  Max  Mùller,  traduit  par 
M.  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études.  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
répétiteur  à  l'École  des  Hautes  Études.  In-8o  raisin.  4  fr. 

Forme  aussi  le  i'^''  fascicule  de  la  Nouvelle  Série  de  la  Collection  philologique. 

2^  fascicule.  Études  sur  les  Pagi  de  la  Gaule,  par  A,  Longnon,  élève  de 
l'École  des  Hautes  Études.  In-80  raisin  avec  2  cartôs.  3  fr. 

Forme  aussi  le  i'^'"  fascicule  de  la  Collection  historique. 

AT     /^  TV  T  /^  TV  T  /->w  TV  T    Lc  Lîvrc  dcs  Vassaux  du  Comté  de 
•      L<v_yl>  vJ  1>  V_y  1  >     Champagne,  H72-1 222,  publié  d'après 
le  manuscrit  unique  des  Archives  de  l'Empire,  i  fort  vol.  in-80.  7  fr.  50 


F.  HUEFFER 


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Der  Trobador   Guillem   de   Cabestanh. 
Sein  Leben  und  seine  Werke.  i  vol.  in- 
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J  •  kJ  o  Ha  l\  \~J  1  v^  iV  im  Orient  wsehrend  der  letztin  Haelfte 
d.  dritt.  Jahrh.  nach  Christus  (254-274).  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  d.  rœm. 
Reichs  unter  den  Kaisern.  i  vol.  in-8°.  4  fr.  8$ 


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schen  Dialekt.  i  vol.  in-80.  8  fr. 

Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


N*  52  Quatrième  année  25  Décembre  1869 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE    MM.    P.    MEYER.    CH.    MOREL,    G.    PARIS. 


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Un  an,  Paris,  15  fr.  —  Départements,   17  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 

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1  t:jAÎTA/r/^ADT"l7KT  ^^o^^^ire  des  idiomes  popu- 
J  .  D  A  U  iVlUr  A  rv  1  LL.  1 N  laires  du  Nord  et  du  Centre 
de  la  France,  contenant:  1°  les  patois  normand,  picard,  rouchi,  wallon,  raan- 
ceau,  poitevin,  champenois,  lorrain,  bourguignon,  ainsi  que  ceux  du  Centre  de 
la  France;  20  les  termes  populaires  et  néologiques  du  langage  parisien,  qui 
manquent  dans  tous  les  dictionnaires;  3°  les  termes  populaires  qui  se  rencontrent 
dans  les  auteurs  tant  anciens  que  modernes  ;  4°  la  prononciation  des  idiomes 
populaires;  5°  des  notices  historiques  sur  la  prononciation  de  la  langue  litté- 
raire. 

Cet  ouvrage  sera  publié  par  livraisons  de  10  à  15  feuilles  d'impression  et  sera 
complet  en  10  livraisons  au  plus. 

Prix  de  chaque  livraison  de  10  feuilles.  2  fr.  50 

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La  I"  livraison  est  en  vente.  j  fr.  75 


BT  -T)  T  T  /^  r-T^  Tj  r7  /^  A  Orientalis  et  Linguistica.  Catalogue 
l  D  L^  i  \y  1  n  Lli  v>/\  des  ouvrages,  recueils  et  mémoires 
relatifs  aux  langues  orientales  et  à  la  philologie  comparée  parus  en  Allemagne 
depuis  1850  jusques  et  y  compris  i868,  publié  par  C.  H.  Hermann.  i  vol.  in- 
8°.  3  fr.  50 


PERIODIQUES    ETRANGERS. 

The  Athenaeum.  27  novembre. 

Rev.  R.  Demaus,  Hugh  Latimer,  a  biography  (publié  pour  la  Religious  Tract 
Society).  —  Woolrych,  Lives  of  Emlnent  Serjeants-at-Law  of  the  English  Bar; 
Allen,  —  De  Castro,  //  Mondo  Segreto  ;  Milano,  Daelli  (ouvrage  pour  le  grand 
public).  —  Max  Mûller,  Rig-Veda^Sanhita ;  Trùbner  (nous  rendrons  compte 
prochainement  de  cet  ouvrage  considérable).  —  Barnes,  Scènes  and  Incidents 
in  the  Life  of  the  Apostle  Paul;  Hamilton  (livre  sans  valeur).  —  Baron  von  der 
Decken,  Reisen  in  Ost  Africa  in  d.  Jahren  1859-61,  bearbeitet  von  O.  Kersten; 
Leipzig,  Winter.  —  Schleicher,  Darwinisme  tested  by  the  science  of  language, 
translated  by  D'' Bickler  ;  Hotten  (art.  très-défavorable;  cf.  Rev.  crit.,  1868, 
art.  213).  —  Fr.  Madden,  La  Bible  de  Charlemagne;  l'auteur  de  cette  lettre 
constate  la  communauté  d'origine  de  la  Bible  n°  i  du  fonds  latin  à  la  Bibl.  imp., 
et  de  la  Bible  qui  après  avoir  appartenu  autrefois  à  M.  Speyr-Passavant ,  est 
maintenant  au  Musée  Britannique  (add.  10546).  Il  pense  qu'elles  ont  été  faites 
non  pour  Charlemagne  mais  pour  Charles  le  Chauve,  ce  qui  était  déjà  constaté 
pour  la  première,  cf.  Delisle,  Le  Cab.  des  Mss.,  p.  6,  n.  2.  —  Cleasby,  An  Ice- 
landic-English  Dictionary,  completed  by  G.  Vigfusson;  Oxford,  Clarendon  Press. 

4  décembre. 

P.  Hubert-Valleroux,  Des  associations  ouvrières  et  de  leur  situation  légale  en 
France;  Paris,  Pichon-Lamy.  —  Parkman,  The  Discovery  of  the  Great  West; 
Murray  (principalement  sur  l'expédition  de  La  Salle).  —  Gesenius  and  Rœdiger, 
Hebrew  Grammar  translated  by  Davies;  Asher. 

1 1  décembre. 

Froude,  History  of  England  from  the  Fall  of  Wolsey  to  the  Defeat  of  the  Spanish 
Armada;  Longmans.  — Narrative  of  the  Spanish  Marriage  Treaty ,  edited  and 
translated  by  S.  Rawson  Gardiner;  Camden  Society  (d'après  le  récit  jusqu'à 
présent  inédit  de  Fray  Francisco  de  Jésus). —  Earl  of  Shaftesbury,  Characte- 
ristics,  or  Men,  Manners,  Opinions,  Times,  edited  by  the  Rev.  W.  Hatch;  Long- 
mans. —  Green,  Shakespeare  and  the  Emblems-Writers ;  Trùbner;  l'idée  de  ce 
livre  est  que  Shakespeare  doit  beaucoup  d'idées  et  d'expressions  aux  recueils 
d'emblèmes  qui  de  son  temps  circulaient  en  grand  nombre;  mais  la  plupart  des 
rapprochements  présentés  sont  forcés.  —  Th.  Wright,  Womankind  in  Western 
Europe,  from  the  Earliest  times  to  the  seventeenth  Century;  Groombridge;  article 
très-favorable.  Nous  rendrons  prochainement  compte  de  ce  livre.  —  Le  livre  de 
Salin  le  Sauvage,  de  Sir  Thomas  Malory.  Notice  sur  un  ms.  récemment  acquis 
à  Paris ,  et  qui  contient  le  seul  texte  connu  du  roman  dont  s'est  servi  Malory 
dans  sa  Morte  d'Arture. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  hbrairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Ambrosi    (B.).    Vita,  viaggi  e  predica-  i      8%  388,  400  e  314  p.  Venezia  (tip.  Cec- 
zione  dell'  apostolo  S.  Paolo.  3  vol.  in-  |       chini).  20  fr.  70 


REVUE   CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  52  —  25  Décembre  —  1869 

Sommaire  :  258.  Sauppe,  Lexique  de  Xénophon.  —  259.  Liber  Diurnus,  p.  p.  de 
RoziÈRE.  —  260.  260.  Dahlmann,  Sources  de  l'histoire  allemande,  éd.  Waitz. 
—  261 .  Blumstengel,  le  Plan  de  Leibniz  pour  la  conquête  de  rÉg)'pte.  — Variétés: 
Une  Lettre  de  Hase  à  Raoul  Rochette. 


258.  —  Lexilogus  Xenophonteus  sive  index  Xenophontis  gramraaticus.  Confecit 
Gustavus  Sauppe,  Lipsiae,  Teubner,  1869.  In-8*,  iv-146  p.  —  Prix  :  4  fr. 

M.  Gustave  Sauppe  a  rassemblé  toutes  les  particularités  qu'offre  la  langue  de 
Xénophon  pour  le  vocabulaire,  les  formes  des  mots  et  la  syntaxe.  Il  les  indique 
par  ordre  alphabétique  en  renvoyant  aux  ouvrages  des  hellénistes  qui  en  ont 
traité.  Je  ne  sais  si  l'ordre  alphabétique  était  ici  le  meilleur  qu'on  pût  suivre.  Un 
ordre  systématique  aurait  présenté  l'avantage  de  rapprocher  les  faits  semblables 
et  de'  donner  une  idée  des  caractères  qui  distinguent  la  langue  de  Xénophon.  Un 
index  alphabétique  à  la  suite  aurait  facilité  les  recherches.  Si  l'ordre  alphabétique 
convient  pour  le  vocabulaire  (et  encore  isole-t-il  des  faits  que  l'on  voudrait  voir 
ensemble,  comme  les  à^^a?  /.Eyô-iîva/les  mots  ioniens  ou  poétiques),  il  ne  convient 
pas  pour  les  particularités  grammaticales,  parce  qu'il  est  ici  complètement  arbi- 
traire. Un  autre  reproche  que  je  ferai  au  travail  de  M.  S.  au  point  de  vue  de  la 
commodité,  c'est  que  les  textes  ne  sont  pas  en  général  cités,  mais  indiqués  par 
des  chiffres  :  ce  qui  n'épargne  pas  assez  de  peine  au  lecteur.  M.  S.  suppose 
d'ailleurs  qu'on  a  un  texte  avec  toutes  les  variantes,  et  ses  indications,  très-souvent, 
ne  se  rapportent  pas  au  texte  de  Dindorf,  par  exemple. 

Voici  des  observations  que  nous  avons  à  présenter  sur  quelques  détails. 

P.  29.  Aè  me  semble  tout  à  fait  insolite  à  l'apodose  dans  Anab.   5,  5,  22  : 

&  S'TîTC£tXr,(7a;  w;,  f,v  yyiîv  Soxfj,  KopOXav  xai  IIaç).a-)f6va;  ^j\L\iâyo'j:;  Tro'.r,a£(ï6c  £9'  r,u.âî,  r,- 

JI.EÏÇ  8è,  îiv  {ièv  ôvorpcTi  ^ ,  •  itoiEpîffoiJisv  xai  àjiçôTÉpoiç Cette  conjonction  est  très- 
souvent  substituée  à  ôf,  dans  les  manuscrits,  et  ici  or,  conviendrait  très-bien  avec 
f,ji£T;  pour  fortifier  l'affirmation.  Si  l'on  dit  que  cï  est  employé  comme  s'il  y  avait 
d'abord  cù  tièv  ^etXTjffo;,  il  n'est  rien  qu'on  ne  puisse  défendre  axec  ces  comme  si. 
Il  n'y  a  pas  (tj  (ilv  r^.,  et  par  conséquent  ôï  ne  me  paraît  guère  possible. 

P.  40.  «  El  repetitur,  ubi  conditionalis  sententia  in  aliquot  partes  dispertitur.  » 
M.  S.  exprime  sous  cette  forme  assez  vague  et  assez  inexacte  le  fait  de  S3rntaxe 
que  l'on  trouve  souvent  en  grec  et  en  latin,  par  exemple  dans  Hell.  7.4,  8  : 

à|toû|i£v,  £1  [iJy  Ttva  èfi'i  ffwrr.piav  ûiiïv,  im  StaxapT£pw[j.£v  zoXîtioyvTîî,  SioâÇai  xat  ^{lâç  * 
et  Sa  àirôpw;  YiyvtûiTXEtE  l^ov-a  -rà  rj[x.£T£pa,  zl  [lèv  xai  y[xîv  (rutiçepti,  îroir^cafrôat  (icÔ'  i,- 
|xâiv  TTiV  £lpTTvr,v £1  {lÉvrot  X.  T.  ê.   La  proposition  èm  5iax.  modifie    ffuTTipiOf;  f,[xîv 

S.  ent.    oZam,  et  la  proposition  eî  5è  x.  t.  é.  modifie  tout  ce  qui  suit  considéré 

comme  formant  un  seul  tout,  dont  certaines  parties  sont  exprimées  condition- 

VIII  26 


402  REVUE  CRITIQUE 

nellement.  Mais  on  ne  peut  pas  dire  (si  toutefois  j'entends  bien  M,  S.)  que  ces 

différentes  propositions  conditionnelles  d  Se,  si  [aèv,  eï  [lév-rot  forment  un  tout. 

P.  41 .  La  périphrase  eottiv  wv  me  semble  inadmissible.  Il  y  a  une  faute  évidente 

dans  le  texte  Cyr.   2,    3»    13  I  où  ^àp  êan  StSào-xaXo?  oùSel;  TOÛTwv  xpeiTTwv  wv  Triç 

àvàyxriç.  Dindorf  supprime  wv  qui  est  la  répétition  de  la  dernière  syllabe  du  mot 
précédent.  Il  y  a  inadvertance  à  citer  comme  un  autre  exemple  de  cette  péri- 
phrase Cyr.  5,  3,  22  olamp  àyaôov  ^v  çtXiov  5v,  OÙ  ôv  est  pour  ei  çtX.  ■^v,  et  Metnor. 

2,  3,  9  fèv  àSeXçàv  <p-^ç  (xÉya  àv  àyaSèv  elvai  ôvxa  Trpô;  aè  otov  Seï,  où  ôvxa  eSt 

pour  Et  l(7Tl. 

p.  58.  «  Retinendum  àçy.éc!u> àpxsT  C}^.  i,  6,  i6praesens  j'/Wefur  esse.  »  Il 

faut  plutôt  dire  àpxsT  est  certainement  un  présent.  La  règle  générale,  telle  que  la 
formule  Cobet  cité  par  M.  S.  lui-même  (^novae  lectiones,  65),  c'est  qu'il  n'y  a  pas 
de  futur  en  éaw,  et  qu'il  y  a  contraction,  excepté  dans  les  futurs  disyllabes  et 
dans  ceux  où  l's  est  précédé  d'une  syllabe  longue  par  nature  ou  par  position 

comme  àpxéo-w,  alvE'aoï^at. 

P.  67.  L'article  de  l'imparfait  est  très-incomplet.  Il  y  a  bien  d'autres  exemples 
que  èxe'Xeuov  de  l'emploi  de  ce  temps  comme  synonyme  de  l'aoriste.  Voir  Mémoires 
de  la  société  de  linguistique  de  Paris,  t.  P"",  2"  fascicule,,  p.  11 5. 

P.  69.  M.  S.  ne  me  paraît  pas  s'exprimer  nettement  au  sujet  de  l'emploi  de 

l'infinitif  aoriste,  quand  il  dit:   «  concedimus locos  esse,  quibus  perinde 

»  videatur  esse  utrum  praesentis  an  aoristi  infmitivo  utare,  si  quidem  nulla  tem- 
»  poris  ratione habitaïpsa  actio  per  se  significanda  sit;  ubi  vero  aut  eiusdem  cum 
»  verbo  régente  aut  praesentis  aut  non  certi  cuiusdam  temporls  actio  describenda 
»  sit,  infmitivo  praesentis,  ubi  absolutae  cuiusdam  actionis  significatio  insit, 

»  aoristo utendum.  »  En  fait  il  est  impossible,  bien  souvent,  d'apercevoir  la 

moindre  différence  entre  le  présent  et  l'aoriste  de  l'infinitif.  Voir  Mémoires  de  la 
société,  etc.,  p.  120.  Il  n'est  pas  facile  de  se  faire  une  idée  précise  des  distinc- 
tions établies  par  M.  S.  dans  ce  que  nous  avons  mis  en  italiques. 

P.  88.  M.  S.  cite  quelques  passages  «  in  quibus  negatio  non  ad  unum  verbum 
»  finitum,  sed  simul  ad  id  pertinet,  quod  cum  illo  coniunctum  est,  unam  quasi 
»  notionem  efficiat;  »  comme  par  exemple  Memor.  i,  2,  39  oùx  àpÉaxovxo?  «OtoT; 
SwxpdcTouç  wfjitXYiffàTYiv.  M.  s.  aurait  dû  ajouter  à  sa  citation  la  suite  qui  est  essentielle 
pour  caractériser  l'emploi  de  la  négation,  à  savoir,  àXX'Eùôùi;  è^  àpxvii;  <«)p|xvix6Te 
TrpoEaxàvai  tïïç  TroXEwç.  On  voit  que  la  négation  est  employée  en  antithèse  et  ne 
porte  pas  sur  w(jliX.  mais  sur  àpEax.  aOr.  Swxp.  Dans  l'un  des  deux  autres  exemples 
que  cite  M.  S.  la  négation  porte,  suivant  l'usage,  sur  le  mot  qu'elle  précède 
immédiatement  :  Memor.  2,  9,  i  è\i.i  twe;  eI?  Stxa?  âyoucrtv,  oOx  ô-rt  àStxoùvTat  ùtc' 
è[io\),  àXX'  ôxt  vo|jLtî:oy(nv  x.  t.  ê.  L'exemple,  Memor.  i ,  2,  5  5  me  paraît  être  le  seul, 
parmi  ceux  qu'il  cite,  où  la  négation  opposée  à  àXXà  porte  sur  l'ensemble  de  la 
proposition  en  tête  de  laquelle  elle  est  placée. 

P.  114.  «  Participium  praesentis  de  re  praeterita  ad  praesens  usque  tempus 
»  pertinente.  »  M.  S.  cite  en  exemple  la  construction  du  participe  dit  présent 
avec  TtpôcôEv  dans  des  propositions  comme  la  suivante  Cyr.  i ,  4,  2  5  0 'Aa-cvâyni 


d'histoire  et  de  littérature.  40J 

xat  irpoffôîv  Ttaûv  aùTôv  tôte  «uspsÇsîtéirXTpcTo  èîc'  aùrtô.  Le  participe  très-mal  à  propos 
appelé  présent  a  aussi  souvent  la  valeur  d'un  imparfait  que  celle  d'un  présent  de 
l'indicatif.  C'est  cette  dénomination  vicieuse  de  participe  présent  qui  semble  avoir 
induit  en  erreur  M.  S.  Car  il  est  clair  qu'ici,  non  plus  que  dans  les  autres  textes 
indiqués  par  M.  S.  {Hell.  4,  4,  15;  5,  4,  29;  7,  4,  30.  Memor.  j,  5,  4)  le  fait 
passé  exprimé  par  le  participe  n'a  de  rapport  au  présent.  Les  temps  du  participe 
expriment  seulement  la  simultanéité ,  l'antériorité  ou  la  postériorité.  La  portion 
de  la  durée  relativement  à  laquelle  il  y  a  simultanéité,  antériorité  ou  postériorité 
est  déterminée  soit  par  le  verbe  principal  soit  par  un  adverbe. 
Il  me  paraît  difficile  d'admettre  que  le  participe  présent  «  videtur  pro  fiituro 

»   dictum  ))    dans  Hell.    5  ,  5  ,  4  o-jx  f.pïx^co  î:o).Ijjlo-j  ,  à).),'  àyL-jvôîiîvoi  f,),6ov  er:  to-jç 

Aoxpo'j;.  Ici  aussi  le  participe  présent  a  la  valeur  d'un  imparfait,  et  on  le  rendrait 
exactement  en  français  (mais  en  intervertissant  le  tour)  :  «  ils  ne  faisaient  que 
»  se  défendre  en  attaquant  les  Locriens.  »  Dans  Hell.  7,  i,  13  (èirl  toî;  ïtoi;  xal 

éjioCo'.;    r,x^'-;    '"ry    TJiiaa/îa-;    tto'.o-joîvo;)  ,    4)    5    0^-5-''    2'^'  êor,6wv    rapétr,) ,    le 

participe  présent,  toujours  construit  avec  des  verbes  qui  signifient  venir,  se  pré- 
senter, me  paraît  toujours  exprimer  la  simultanéité.  Seulement  comme  il  s'agit 
d'une  action  qui  doit  avoir  une  certaine  durée,  le  sens  indique  qu'elle  commence 
aussitôt  que  celui  qui  l'accomplit  est  présent.  C'est  ainsi  que  souvent  à  l'indicatif 
le  présent  et  l'imparfait,  non  pas  par  eux-mêmes,  mais  suivant  la  nature  et  les 
circonstances  de  l'action  exprimée,  signifient  le  commencement  de  l'action  dans 
le  temps  relativement  auquel  ils  marquent  sa  simultanéité.  Je  ne  retrouve  pas 
l'indication  Hell.  3,  2,  13  donnée  ici  par  M.  S. 

P.  114.  Je  doute  que  l'infinitif  parfait  soit  employé  «  aoristi  vel  fiituri  signifi- 

»  Catione  »  dans  Hell.  6,  2,  15  ixr,pu?£v  6  Mvâ<Ti7rî:o;  •::£-pâ<76a'.  ôort;  a-JTO[io).otr,.  — 
Œc.   14,   5  YsypaTTra: Çr,u.toû(i6ai   lui  toï?  xX£|ijia(7i,  xat  ÔEos^Oat,  ^v  ti;  à),&)  îiotwv. 

Il  me  paraît  probable  que  dans  ces  deux  passages ,  d'un  tour  tout  semblable, 
l'infinitif  reproduit  au  style  indirect  les  impératifs  parfaits  T.t-ç.â'ybw,  ôcoîtôw. 

P.  116.  Il  me  semble  inadmissible  que  le  plus-que- parfait  «  de  re  statim  vel 
»  celeriter  facta  dicitur.  »  Je  ne  vois  pas  ce  sens  dans  Anab.  6,4,  13  (je  ne 
retrouve  pas  les  textes  Anab.  7,  2,  9.  4,  23.  Memor.  2,  9,  5).  Dans  Cyr.  i,  4, 
1,  ce  sens  est  marqué  par-ra/v,  mais  non  par  le  plus-que-parfait,  qui  a  ici  sa 
valeur  ordinaire  comme  dans  Cyr.  2,  i,  21;  8,  3,  8;  4,  30.  M.  S,  aurait  dû 
mentionner  le  cas  très-fréquent  où  le  plus-que-parfait  n'a  pas  d'autre  valeur  que 
le  plus-que-parfait  latin  et  français ,  et  signifie  purement  et  simplement  antério- 
rité d'une  action  passée  à  une  autre  action  passée,  comme  dans  Cyr.  6,  2,  9; 
Hell.  IV,  I,  3;  V,  8;  7,  i.  V,  2,  7,  10;  4,  9;  VI,  5,  8. 

P.  127.  Ta(icTov.  Cobet  (Novae  lecûones y  331)  condamne  cette  forme  comme 
barbare,  et  ne  reconnaît  pour  attique  que  -xu.:t'.m. 

Le  travail  de  M.  S.  est  en  somme  très-utile  et  me  paraît  être  le  complément 
nécessaire  des  éditions  de  Xénophon. 

Charles  Thurot. 


404  REVUE    CRITIQUE 

259,  —  Liber  diurnus,  ou  recueil  des  formules  usitées  par  la  chancellerie  pontificale 
du  V*  au  XI"  siècle,  publié  par  Eugène  de  Rozière,  inspecteur  général  des  archives. 
Paris,  Durand,  Thorin,  1869.  In-8*,  ccxxxj-43 1  P-  —  Prix  20  fr. 

La  nouvelle  publication  de  M.  de  Rozière  se  compose  de  deux  parties.  La 
première  est  une  introduction,  divisée  en  quatre  chapitres.  Dans  le  chapitre  I" 
(p.  vij  à  xxx)  l'auteur  étudie  l'origine  et  le  caractère,  l'unité,  l'authenticité  du 
Liber  diurnus;  l'époque  présumée  de  sa  rédaction  et  la  durée  de  son  influence.  Il 
raconte  dans  le  deuxième  (xxxj-lxxij)  l'histoire  du  Liber  depuis  le  xi«  siècle 
jusqu'à  nos  jours.  Il  examine  dans  le  troisième  (Ixxiij-cxlviij)  les  causes  de  la 
suppresssion  du  Liber.  Il  consacre  le  dernier  (cxlix  et  suiv.)  à  la  bibliographie,  à 
la  description  des  manuscrits  et  des  éditions,  enfin  à  l'exposition  du  plan  qu'il  a 
lui-même  adopté. 

La  seconde  partie  de  l'ouvrage  est  la  reproduction  littérale  du  manuscrit  de 
l'abbaye  de  Sainte-Croix  de  Jérusalem  (Rome)  collationné  par  MM.  Daremberg 
et  Renan  aux  archives  du  Vatican,  archives  où  il  est  probablement  entré,  vers 
les  dix  premières  années  de  ce  siècle,  pendant  la  domination  française.  Ce  texte 
est  enrichi  des  notes  du  Père  Garnier,  éditeur  en  1680,  du  manuscrit  de  la 
bibliothèque  du  collège  de  Clermont,  et  d'un  commentaire,  jusqu'ici  inconnu,  de 
Baluze,  signalé  à  M.  de  R.  il  y  a  peu  de  temps,  et  qui  est  donné  aujourd'hui  au 
public  pour  la  première  fois.  Viennent  ensuite  quatre  appendices,  contenant  i°les 
formules  qui  se  trouvent  ou  se  trouvaient  '  dans  le  ms.  de  Clermont  et  qui  man- 
quent dans  le  ms.  de  Sainte-Croix  (on  en  compte  huit);  2"  trois  documents  tirés 
par  Holstein  (du  moins  c'est  l'opinion  de  M.  de  R.)  de  la  collection  du  cardinal 
Deusdedit  (f  1099);  3°  six  lettres  empruntées  par  Baluze  à  la  correspondance 
de  saint  Grégoire;  4°  treize  pièces  choisies  par  M.  de  R.  dans  Garnier,  Mabillon, 
Mansi  et  Barberini.  Enfin  les  trois  dissertations  de  Garnier,  une  de  Zaccaria,  les 
variantes  (importantes)  du  commentaire  de  Baluze  (il  y  en  a  trois  rédactions, 
développement  les  unes  des  autres),  et  cinq  tables  indiquant  les  concordances 
de  n"'  des  formules  entre  le  ms.  de  Sainte-Croix,  la  copie  de  Sirmond,  celle  de 
Baluze,  l'édition  d'Holstein  (1662),  celle  de  Garnier  et  celle  de  M.  de  R.,  ter- 
minent le  volume.  Le  nouvel  éditeur  s'est  abstenu  de  dresser  un  tableau  de 
comparaison  avec  les  études  partielles  de  Mabillon  (Muséum  italicnm)  de  Schœp- 
flin  (Commentationes  historicae,  1741),  avec  les  publications  d'Hoffmann  (173 1- 
1733)  et  de  Riegger  (1762)  parce  que  ces  travaux  ne  consistent  qu'en  essais  de 
restitutions,  ou  en  reproductions  plus  ou  moins  estimables  de  l'œuvre  du  Père 
Garnier.  Quant  à  Zaccaria,  on  sait  qu'il  n'eut  pas  le  temps  ou  qu'il  perdit  la 
volonté  (ce  qui  était  arrivé  précédemment  à  Baluze)  de  donner  suite  à  ses  pro- 
jets de  publication.  Mais  M.  de  R.  a  eu  constamment  sous  les  yeux  les  disserta- 
tions qui  en  formaient  la  base,  il  s'en  est  particulièrement  servi.  Il  a  au  contraire 

I.  Compris  dans  l'achat  Meermann  (voy.  Delisle  :  Cabinet  des  mss.),  il  ne  figure  cepen- 
dant pas  dans  la  bibl.  de  sir  Thomas  Phillipps,  principal  acquéreur  de  la  collection  hol- 
landaise, et  on  ignore  ce  qu'il  est  devenu. 


d'histoire  et  de  littérature.  405 

négligé  les  copies  qui  se  trouvent  à  la  Bibl.  impériale  ou  ailleurs  et  qui  vérifica- 
tion faite,  ne  sont  que  des  extraits  modernes,  incomplets  et  incorrects.  Les  mss. 
de  Montchal  et  de  Bignon  qui  ont  eu  au  xyii*"  et  au  xviii*  siècle  une  certaine 
réputation,  participaient  (M.  de  R.  en  donne  la  preuve)  à  ce  caractère,,  et  leur 
perte  est  médiocrement  regrettable. 

Si  nous  avons  réussi  à  donner  une  idée  claire  du  plan  adopté  par  M.  dé  R., 
nous  en  avons  fait  voir  les  mérites,  Anti-datée  (1658),  quand  le  pape  en  laissa 
circuler  quelques  exemplaires  (1724),  l'édition  d'Holstein  était  pour  ainsi  dire 
introuvable  ;  celle  de  Garnier,  peu  commune  en  France  même,  est  très-rare  en 
Allemagne;  enfin  le  texte  accepté  par  Baluze  était  inconnu.  D'un  seul  coup, 
M.  de  R.  nous  offre  donc  avec  la  rédaction  type  (qui  aujourd'hui  est  celle  du 
ms.  de  Sainte-Croix),  lestrois  variantes  principales.  Ces  variantes  qui  consistent 
généralement  en  corrections  grammaticales  ont  pour  résultat  de  faciliter  l'intel- 
ligence du  texte.  Publié  dans  l'ordre  où  il  se  présente  dans  l'original,  ce  texte 
est  lui-même  à  l'abri  des  reproches  qu'encourent  parfois  les  subdivisions  métho- 
diques. Bref,  l'ouvrage  de  M.  de  R,,  par  la  commodité  des  dispositions,  par  la 
condensation  des  matières,  par  le  caractère  vraiment  scientifique  de  la  concep- 
tion, est  destiné  à  prendre  place  entre  les  éditions  qui  demeurent  longtemps 
classiques. 

Deux  remarques  nous  paraissent  toutefois  nécessaires.  M,  de  R.  a  quelque 
peu  exagéré,  selon  nous,  la  valeur  du  commentaire  inédit  de  Baluze.  Quelle  est 
la  partie  importante  d'un  travail  relatif  à  des  formules  ?  Évidemment  celle  qui  a 
pour  objet  de  rapprocher  les  actes  où  elles  peuvent  figurer,  de  les  comparer 
entre  eux,  de  les  soumettre  à  une  sorte  de  contre  épreuve,  A  cet  égard,  le  Père 
Garnier  conserve  une  grande  supériorité  sur  Baluze  ;  et  cela  se  comprend  puisque 
son  successeur  était  réduit  à  glaner  dans  une  moisson  faite  et  bien  faite.  Par  la 
même  raison,  nous  ne  blâmerons  pas  M,  de  R.  de  n'avoir  pas  tenté  à  son  tour  de 
faire  des  découvertes  nouvelles.  Il  a  jugé  la  matière  épuisée  et  s'est  borné  au  rôle 
d'éditeur  scrupuleux  et  utile.  Peut-être  est-il  permis  de  regretter  qu'il  n'ait  pas 
poussé  l'ambition  jusqu'au  désir  de  se  faire  l'interprète  du  recueil.  Le  Liber 
diurnus  n'est  pas  intéressant  à  étudier  au  point  de  vue  seulement  de  l'adminis- 
tration pontificale.  Pourquoi  M,  de  R,  n'a-t-il  pas  essayé  de  grouper  dans  certains 
cadres  quelques  sujets  distincts,  d'en  exprimer  la  substance .''  Il  donne  un  instru- 
ment de  travail  ;  il  aurait  pu  s'en  servir.  Certes  il  a  fait  acte  de  sagesse  en 
respectant  l'ordre  suivi  par  le  ms.  de  Sainte-Croix.  Mais  qui  l'empêchait  de 
rassembler  dans  un  index  les  formules  similaires,  d'en  présenter  l'analyse.? 
L'absence  d'une  table  de  ce  genre  est  bien  sensible.  Il  est  parfois  assez  long  et 
même  pénible  de  lire  toute  la  liste  des  formules  avant  de  trouver  celle  qu'on 
cherche.  Toutefois  notre  principal  regret  porte  sur  les  observations  qu'aurait 
pu  faire  naître  l'examen  de  plusieurs  textes.  Ainsi  les  formules  XXXVI,  XXXVII, 
XXXVIII,  XXXIX,  LXXI,  LXXII,  LXXXl(^de  commutando  mancipio,dedonando, 
puero,  libertatis,  de  concedendo  puero,  etc),  fournissent  la  matière  d'études 
sur  l'état  des  personnes,  et  indiquent  les  idées  de  la  papauté  à  l'endroit  du  ser- 


406  REVUE   CRITIQUE 

vage.  Il  est  manifeste  par  exemple  qu'elle  acceptait  d'un  côté  les  mœurs  contem- 
poraines en  ce  qui  touche  les  contrats  dont  les  esclaves  étaient  l'objet  (le  nombre 
relativement  élevé  des  textes  —  sept  —  et  leur  double  emploi  en  font  foi)  ; 
qu'elle  encourageait  de  l'autre  leur  affranchissement  {ut  post  diem  obitus  tai,  si 
bene  servierit,  a  jugo  servitutis  absolvatur,  Ubertate  a  te  munitus,  p.  67).  Les  formules 
xxvij  et  xxviij  (BasUica  que  post  incendium  reparatur;  que  post  ruinam,  justa  ipsam, 
alla,  constructa  est),  ne  sont  pas  moins  précieuses  pour  l'archéologue.  La  fréquence 
des  incendies,  et  l'usage  de  reconstruire  à  côté  des  basiliques  ruinées  des  monu- 
ments plus  solides  y  sont  attestés  avec  une  précision  remarquable'.  C'est  sur 
des  points  de  ce  genre  que  nous  aurions  voulu  voir  s'exercer  l'érudition  de  M.  de 
R.  Mais  il  a  réservé  tous  ses  efforts  pour  l'élucidation  de  l'histoire  externe  du 
Liber  diurnus;  cette  exposition  remplit  toute  la  préface  à  laquelle  il  est  temps  de 
revenir. 

Des  quatre  chapitres  qui  composent  l'introduction ,  le  dernier  est  le  plus  utile 
et  le  meilleur.  C'est  là  que  M.  de  R.  passe  en  revue  depuis  les  origines  jusqu'à 
nos  jours  les  vicissitudes  des  mss.  (Sainte-Croix,  Clermont,  Montchal,  Bignon, 
Castel-Gandolfo,  etc.)  et  la  bibliographie  des  éditions  (Holstein,  1650,  Garnier, 
etc.).  Il  suffit  de  se  reporter  aux  renseignements  publiés  par  M.Delisle  dans  son 
livre  le  Cabinet  des  manuscrits  pour  constater  l'exactitude  et  la  précision  des 
informations  de  M.  de  Rozière.  D'ailleurs  toute  la  partie  relative  au  ms.  de 
Sainte-Croix  est  le  résultat  de  recherches  souvent  neuves,  et  M.  de  R.  y  ajoute 
un  fait  incontestable.  Contrairement  à  une  opinion,  encore  récemment  soutenue 
(cf.  le  rapport  de  MM.  Darenberg  et  Renan,  Arch.  des  Missions,  I),  M.  de  R. 
prouve  que  ce  ms.  fut  transporté  aux  Archives  du  Vatican  non  pas  vers  le  milieu  du 
xvii^  siècle  (soit  en  1662  après  l'arrêt  de  suspension  de  l'édition  Holstein),  mais 
bien  sous  le  premier  empire,  entre  1804  et  18 10  (p.  clj  et  suiv.),  ainsi  que  nous 
l'avons  dit  plus  haut.  En  effet  on  trouve  d'assez  nombreux  témoignages  de  la 
présence  de  ce  ms.  dans  la  bibhothèque  de  Sainte-Croix,  pendant  tout  le  cours 
du  XVIII®  siècle. 

Nous  n'aurions  rien  à  dire  sur  l'exposition  du  plan  de  l'ouvrage,  plan  qui 
termine  le  ch.  IV  et  que  nous  avons  déjà  loué,  si  nous  n'y  trouvions  (sous  le 
n°  129)  cette  confession  singulière...  «  pour  introduire  un  peu  de  variété,  j'ai 
«  désigné  tour  à  tour  le  ms.  du  Vatican  sous  les  titres  de  ms.  de  Sainte-Croix, 
«  ms.  des  Cisterciens,  ms.  d'Holstein,  ms.  de  Rome,  et  celui  du  collège  de 
«  Clermont  sous  les  titres  de  ms.  de  Sirmond,  ms.  des  Jésuites,  ms.  de  Paris. 
«  Je  confesserai  de  même  que  j'ai  désigné  le  texte  préparé  par  Baluze,  tantôt 
«  sous  le  titre  d'édition,  tantôt  sous  celui  de  ms.  »  Certes,  voilà  un  procédé  peu 


I .  «  Quoniam  beat!  IHius  basilicam  iateribus  aliquando  constructam  funditus  corruisse 
»  perhibes,  et  ita  vel  ruina  vel  aliis  squaloribus  esse  repletam,  ut  mundari  difficilius  fuerit 
»  quam  aedificari,  te  autem  in  vicino  omnino  loco,  aliam,  non  de  Iateribus,  sed  de  calce 
»  atque  arena  instruxisse  commémoras,  et  in  meliorem  longe  statum,  quam  illa  fuerat, 
»  surrexisse.  etc.  (p.  5  j). 


d'histoire  et  de  littérature.  407 

propre  à  éviter  la  confusion  !  Il  était  si  simple  de  désigner  chacun  des  ms.  par 
les  lettres  de  l'alphabet  ! 

Les  préoccupations  qu'indique  le  passage  que  nous  venons  de  citer  se 
retrouvent  en  pleine  lumière  dans  le  ch.  III.  Poussé  par  «  la  crainte  de  paraître 
fastidieu.x,  ;>  M.  de  R  y  a  manifestement  cédé  au  désir  de  plaire  aux  gens  du 
monde.  Tel  est,  en  effet,  dans  une  mesure  qu'il  importe  d'ailleurs  de  ne  pas 
exagérer,  le  côté  faible  de  l'ouvrage  de  M.  de  R.  Ecrite  dans  une  langue  claire, 
élégante,  distinguée  et  qui  rappelle  le  ton  des  meilleurs  mémoires  académiques, 
son  introduction  oscille  trop  souvent  entre  les  spéculations  de  la  science  pure  et 
les  formes  de  la  littérature  superficielle.  Malgré  le  soin  qu'il  prend  de  prémunir 
les  lecteurs  contre  les  interprétations  tirées  des  circonstances  au  milieu  des- 
quelles il  a  eu  la  pensée  d'éditer  à  son  tour  le  Liber  diumus  (p.  5),  ils  s'aper- 
çoivent aisément  que  l'endroit  de  son  travail  qui  porte  sur  «  les  causes  de  la 
suppression  »  est  celui  qui  a  été  l'objet  de  son  attention  la  plus  soutenue.  Les  con- 
clusions de  M.  de  R.  sont  incontestables,  mais  elles  sont  depuis  longtemps  admises. 
L'exposition  du  point  de  fait  pouvait  tenir  en  une  page  et  elle  y  tient  (p  113). 
Ce  n'est  pas  pour  soustraire  à  la  connaissance  du  public  l'assujettissement  de  la 
cour  de  Rome  à  celle  de  Bysance  que  l'édition  d'Holstein  a  été  pendant  70  ans 
gardée  sous  séquestre  ;  c'est  parce  que  le  cardinal  Bona,  chargé  de  l'examen 
du  livre,  et  frappé  du  passage  relatif  à  la  condamnation  d'Honorius,  déclara  la 
nécessité  de  vérifier  dans  l'original  ce  passage  qui  lui  parut  suspect,  et  que  les 
Cisterciens  de  Sainte-Croix  n'avaient  communiqué  le  ms.  que  sous  le  sceau  du 
secret,  ce  qui  ne  permit  point  de  le  connaître  et  d'y  recourir.  Pourquoi  donc 
M.  de  R.  qui  qualifie  de  «  puérile,  »  (n"  70)  tout  autre  direction  des  recher- 
ches en  cette  matière  se  livre-t-il  pendant  quarante  pages  (73-1 1 3)  précisément 
à  l'examen  des  relations  des  empereurs  avec  les  papes  depuis  Constantin  jusqu'au 
viii*  siècle  ?  Ce  tableau  est  peint  de  couleurs  vraies,  mais  dans  l'espèce  il  est 
inutile,  et  en  général  il  n'apprend  rien  à  personne.  Il  y  a  là  une  superfluité  d'au- 
tant plus  étonnante  de  la  part  de  M.  de  R.  que  les  40  pages  dont  il  s'agit  sont 
pleines  de  renvois  à  des  ouvrages  tels  que  ceux  du  Prince  de  Broglie,  du  comte 
Beugnot,  d'Am.  Thierry.  A  coup  sûr  il  est  fort  honorable  pour  un  écrivain  de  se 
trouver  d'accord  avec  des  esprits  aussi  distingués  ;  mais  un  livre  d'érudition  a 
besoin  d'autorités  d'une  autre  nature. 

En  revanche  la  seconde  partie  du  chapitre  III  qui  est  bien  dans  le  sujet  :  la 
condamnation  d'Honorius,  est  traitée  avec  justesse  et  sobriété.  Ce  serait  un  mor- 
ceau définitif  et  capital,  si  certain  désir  de  ménager  des  conventions  étrangères  à 
la  science  ne  perçait  ça  et  là.  M.  de  R.  tient  à  se  montrer  gallican;  il  faut 
excuser  ces  faiblesses.  Toutefois  la  vraie  et  bonne  condition  pour  l'étude,  on  ne 
saurait  trop  le  rappeler,  est  de  faire  abstraction  de  soi-même,  et  de  mettre  à 
priori  de  côté  toute  opinion  religieuse  ou  politique. 

Le  chapitre  II  se  rattache  au  IV*.  Il  en  panage  toutes  les  qualités.  C'est  un 
récit  substantiel  et  limpide  des  destinées  de  notre  formulaire.  Il  est  complet  et 
ne  laisse  rien  à  désirer. 


408  REVUE  CRITIQUE 

C'est  sur  le  chapitre  premier  que  s'exercerait  principalement  notre  critique,  si 
elle  était  plus  compétente.  Malgré  le  sentiment  de  notre  insuffisance,  nous 
allons  essayer  de  marquer  le  point  où  nous  serions  en  désaccord  avec  M.  de 
Rozière. 

Le  nouvel  éditeur  du  Liber  d'mrnus  confond  deux  choses,  selon  nous,  fort 
distinctes,  le  recueil  et  le  manuscrit.  Que  le  manuscrit  ait  été  écrit  par  le  même 
scribe,  c'est  ce  que  nous  concédons  volontiers,  du  moins  c'est  ce  qu'aucune 
des  personnes  qui  l'ont  vu  ne  met  en  doute.  En  est-il  de  mêmç  des  matières  qui 
en  composent  la  substance,  voilà  ce  que  nous  avons  de  la  peine  à  admettre. 
M.  de  R.  aborde  l'examen  du  formulaire,  comme  s'il  avait  affaire  à  un  ouvrage 
conçu  dans  un  dessein  déterminé,  il  lui  attribue  un  auteur  et  lui  assigne  une 
date.  A  l'exemple  de  ses  devanciers  et  en  suivant  d'assez  près  le  Père  Garnier, 
tout  en  combattant  quelques  unes  de  ses  inductions,  il  place  la  rédaction  du 
livre  diurne  entre  les  années  685  et  754.  Les  raisons  de  ses  décisions  sonttirées 
de  la  mention  du  6"  concile  clos  en  68 1 ,  de  celle  d&  Constantin  Pogonat  qualifié 
pie  memorie  (son  décès  est  de  septembre  685),  enfin  des  suscriptions  qui  se 
rapportent  à  l'époque  de  l'exarchat  et  qui  n'ont  pu  subsister  après  l'élévation  de 
Pépin  au  patriciat  de  Rome  (28  juillet  754).  Nous  accordons  volontiers  la  date 
extrême  ;  il  est  clair  que  l'assemblage  du  recueil  ne  doit  pas  la  dépasser  ;  le 
scribe  n'aurait  pas  manqué  d'y  faire  entrer  la  suscription  relative  au  patrice,  s'il 
avait  écrit  dans  la  seconde  moitié  du  viiie  siècle.  Mais  ce  raisonnement  n'est  pas 
applicable  aux  dates  initiales. 

Quel  est  en  effet  le  caractère  d'un  recueil,  d'un  recueil  de  formules  surtout  ? 
M.  de  R.  le  reconnaît  lui-même  ailleurs,  c'est  de  se  former  lentement  par 
juxtaposition,  agrégation  successive.  Un  pape  distingué  écrit  une  lettre ,  il  en 
reçoit  d'un  évêque  instruit,  d'un  abbé  versé  dans  la  connaissance  des  belles- 
lettres.  Les  officiers  de  la  chancellerie  pontificale  sont  frappés  du  mérite  de  la 
rédaction  ;  ils  prennent  copie  du  document  pour  s'en  servir  à  l'occasion  (cette 
origine  est  incontestable  pour  nombre  de  formules,  voir  notamment  Ixxiij,  Ixxiijj, 
Ixxxv,  sine  rubrica).  Réciproquement  ils  ont  un  acte  à  envoyer,  ils  éprouvent 
quelque  embarras,  ils  recourent  à  des  documents  anciens,  ils  choisissent  ce  qui  se 
rapporte  à  l'objet  dont  il  s'agit,  et  le  mettent  en  note  pour  le  retrouver  plus 
aisément.  De  même  ils  gardent  les  meilleures  correspondances  adressées  au 
Saint-Père,  afin  d'en  aider  au  besoin  les  personnes  qui  auront  des  demandes  à 
lui  expédier  (par  exemple  f.  xviii  Petitio  episcopï).  Peu  à  peu  une  tradition  se 
constitue,  des  règles  s'établissent.  Plus  tard,  quand  les  clercs,  les  notaires  delà 
chancellerie,  leur  chef  peut-être,  accueille  l'idée  de  la  rassembler  en  corps  de 
formules,  il  en  reçoit  de  différentes  mains,  il  les  transcrit  sans  beaucoup  d'ordre, 
à  mesure  qu'on  les  produit.  Et  voilà  qui  explique ,  avec  le  nombre  considérable 
des  formules  ayant  trait  au  même  sujet,  véritables  variantes  {Item,  responsum), 
la  dispersion,  l'éloignement  les  unes  des  autres  des  formules  relatives  à  des 
objets  analogues  (voir  celles  que  nous  avons  citées  plus  haut  à  propos  du 
servage). 


d'histoire  et  de  littérature.  409 

Maintenant  le  recueil  est  dressé  ;  viennent  les  années,  les  siècles,  et  après  eux 
les  révolutions  qu'entraîne  le  temps,  qu'importe!  l'usage  du  recueil  subsiste. 
On  néglige  la  formule  périmée,  voilà  tout.  Il  y  a  donc  dans  le  Liber  diurnus  des 
formules  beaucoup  plus  anciennes  les  unes  que  les  autres,  il  y  en  a  du  vu*  et  du 
VIII*  siècle,  il  y  en  a  du  vi*  et  du  ve  peut-être.  Ce  n'est  pas  l'œuvre  d'un  pra- 
ticien, il  n'y  faut  pas  chercher  un  caractère  d'unité,  comme  le  veut  M.  de  R. 
Autrement,  comment  expliquer  que  l'empereur  Constantin  Pogonat  figure  comme 
vivant  dans  les  f.  Ixxiij  et  Ixxxv  et  comme  mort  dans  les  f.  Ixxxiii  et  Ixxviv  ? 
M.  de  R.  se  donne  quelque  peine  à  concilier  la  date  du  rétablissement  de  la 
liberté  des  élections  pontificales  (684)  par  Pogonat  avec  celle  qu'il  assigne  au 
Liber  diurnus,  qui  débute  par  les  témoignages  de  la  servitude  des  papes  (p.  xix, 
xx}.  Dans  notre  système,  la  difficulté  ne  se  pose  même  point. 

En  résumé,  l'édition  du  Liber  diurnus^  que  M.  de  R.  offre  au  public,  est  au 
fond  excellente.  Le  seul  regret  qu'il  nous  soit  permis  d'exprimer,  c'est  qu'il  n'en 
ait  pas  tiré  lui-même  un  enseignement  doctrinal.  Il  nous  semble  qu'un  degré  de 
plus  dans  l'effort  le  conduisait  à  une  œuvre  définitive,  qui  épuisait  la  matière  et 
ne  laissait  de  place  qu'à  des  contradictions  partielles,  contradictions  inévitables, 
car  la  science  n'est  jamais  stationnaire ,  et  la  diversité  des  vues  est  le  premier 

élément  de  son  progrès. 

H.  Lot. 

Post-Scriptum.  —  Nous  recevons,  au  moment  oii  nous  quittons  la  plume,  un 
opuscule  de  M.  de  R.  qui  forme  le  complément  de  son  livre.  Ce  travail  donne 
satisfaction,  en  partie  du  moins,  aux  désirs  exprimés  par  nous.  Suite  naturelle 
de  l'ouvrage,  le  supplément  en  continue  la  pagination  (4^4-51  Ç)  et  se  termine 
par  une  table  des  matières  principales.  Ce  n'est  pas  encore  tout  ce  que  nous 
aurions  voulu,  mais  il  y  a  là  une  véritable  amélioration. 

C'est  la  découverte  tardive  d'un  exemplaire  de  l'édition  de  Gamier,  enrichi 
de  notes  autographes,  qui  a  obligé  M.  de  R.  à  publier  VAddenda  dont  nous 
parlons.  Conservé  à  la  bibliothèque  Sainte-Geneviève  (provenance  :  collège  de 
Clermont),  ce  volume  est  tombé  par  hasard  entre  les  mains  de  l'auteur  qui  n'a 
pas  eu  de  peine  à  reconnaître  qu'il  avait  affaire  à  l'exemplaire  de  Gamier  lui- 
même,  et  que  les  corrections  ou  additions  manuscrites  étaient  l'œuvre  person- 
nelle du  Père  Jésuite.  Pour  tous  les  détails  de  cette  trouvaille  nous  renvoyons 
le  lecteur  aux  explications  de  M.  de  R.  Il  faut  nous  contenter  d'en  indiquer  les 
résultats. 

Le  volume  dont  il  s'agit  a  fourni  à  M.  de  R.  i»  un  certain  nombre  de  notes 
de  Gamier  qui  n'existent  pas  dans  le  commentaire  joint  par  le  savant  Père  à  son 
édition,  2°  toute  une  dissertation,  complète,  inédite,  de  Gamier  en  réponse  à 
Marchesi.  Cette  réfutation,  que  notre  Jésuite  se  proposait  sans  doute  de  publier 
au  moment  de  son  brusque  départ  pour  Rome  (où  une  mort  presque  subite 
l'empêcha  d'arriver},  est  louée  par  M.  de  R.  avec  beaucoup  de  raison.  Elle  est 
pressante,  pleine  d'énergie,  spirituelle  et  définitivement  écrasante.  Toutefois, 


410  REVUE   CRITIQUE 

sans  parler  de  certaines  longueurs  où  l'emploi  de  la  langue  latine  induit  assez 
habituellement  les  écrivains  modernes  (bien  que  le  style  de  l'auteur  soit  parti- 
culièrement correct  et  élégant),  il  y  a  dans  l'argumentation  de  Garnier  deux 
points  au  moins  où  il  prête  le  flanc  à  la  critique. 

Le  dessein  du  Père  Marchesi  fut  de  détruire  l'autorité  morale  et  la  valeur 
historique  du  Liber  diurnus,  uniquement  à  cause  de  la  formule  où  se  trouve  rap- 
pelée la  condamnation  du  pape  Honorius.  Ses  vues  sont  donc  absolument  anti- 
scientifiques.  La  même  préoccupation  l'a  conduit  à  arguer  de  faux  ou  à  contester 
dans  leur  authenticité  certaines  décisions  du  VF  concile.  Mais  de  ce  qu'une 
solution  est  préconçue,  partant  viciée  dans  ses  éléments  de  formation,  il  ne  s'en 
suit  pas  que  les  procédés  mis  au  service  de  cette  cause  soient  toujours  défec- 
tueux et  impropres  à  produire  d'utiles  renseignements  relatifs  au  débat.  Quand 
le  Père  Marchesi  signalait  des  différences  entre  les  formules  du  Liber  diurnus  et 
les  extraits  qu'en  ont  donnés  Ives  de  Chartres  et  Gratien,  il  marchait  certaine- 
ment dans  une  bonne  voie.  Et  si  au  lieu  de  conclure  à  l'inexactitude  ou  à  la 
falsification  du  ms.  du  collège  de  Clermont,  il  avait  simplement  tiré  de  son 
observation  la  conséquence  légitime  qu'il  y  a  eu  autrefois  d'autres  mss.  contem- 
porains du  Liber  que  ceux  qui  nous  sont  parvenus,  il  aurait  émis  un  avis  fort 
raisonnable  et  d'apparence  assez  plausible.  Malheureusement  la  plupart  de  ses 
arguments  sont  poussés  dans  un  sens  aussi  éloigné  que  celui-là  de  leur  valeur 
naturelle,  ou  consistent  dans  des  rêveries  qui  ne  résistent  pas  à  la  critique. 

Le  Père  Garnier,  bien  supérieur  à  son  contradicteur,  n'a  pas  toujours  su,  lui  non 
plus,  éviter  les  paralogismes  où  attire  Pexcès  de  la  conviction.  Voici  par  exemple 
un  de  ses  raisonnements:  «Summus  pontifex  Gregorius  II,  qui  primus  hanc  pro- 
))  fessionem  solenniter  emisit  (il  s'agit  de  la  formule  LXXXIV  Ste-Croix)  approbat 
»  sextum  concilium  perinde  ac  priora  quinque,  et  ea  parte  approbat  qua  damnatur 
»  Honorius,  et  damnationis  causam  adducit.  Ergo  dignus  fuit  Honorius  qui  dam- 
))  naretur  ' ,  quare  prima  Marchesii  disputatio  ruit  funditus  »  (p.  45  3).  Or,  ce  qu'il 
faudrait  prouver  d'abord,  c'est  que  la  profession  dont  s'agit  émane  de  Gré- 
goire II.  Garnier,  qui  le  pense,  est  tellement  convaincu  du  mérite  de  son  argu- 
mentation à  cet  égard,  qu'il  ne  distingue  plus  une  hypothèse  de  la  réalité.  Il 
oublie  que  pour  faire  cadrer  les  textes  avec  son  système  il  a  supposé  lui-même 
que  ce  document  est  d'une  teneur  exceptionnelle,  ce  qui  n'est  pas  conforme  aux 
résuhats  que  fournit  l'étude  de  la  diplomatique  pontificale.  Si  Marchesi,  s'em- 
parant  de  l'imprudence  de  son  adversaire,  avait  pu  montrer  que  Garnier  avait 
arbitrairement  transformé  la  nature  de  la  pièce  et  lui  dire  pour  conclure:  «  Ergo 
Garnerii  disputatio  ruit  funditus  »,  qu'aurait  répondu  le  savant  jésuite  ? 

Quand,  pour  montrer  l'unité  du  Liber  diurnus,  le  Père  Garnier  en  énumère 
sept  parties  se  suivant  dans  un  ordre  logique,  il  oublie  encore  que  c'est  à  ses 


I.  C'est  à  dessein  que  nous  ne  sommes  pas  entré  dans  la  discussion  de  cette  question, 
depuis  longtemps  épuisée  pour  l'histoire,  que  la  controverse  théologique  peut  seule  conti- 
nuer à  agiter,  et  que  M.  de  R.  a  résolue  au  besoin  d'une  façon  définitive. 


d'histoire  et  de  littérature.  411 

propres  mains  qae  cet  ordre  est  dû,  et  que  les  formules,  telles  que  les  offre  le 
ms.,  sont  loin  de  présenter  un  ensemble  aussi  satisfaisant. 

Nous  arrêterons  là  des  remarques  déjà  longues.  Toutefois  nous  ne  saurions 
omettre  la  piquante  révélation  que  M.  de  R.  a  trouvée  dans  la  dissertation  de 
Gamier.  Pendant  que  le  Père  Jésuite  imprimait  son  livre,  les  agents  de  la  cour 
de  Rome  se  faisaient  remettre  les  bonnes  feuilles  par  des  ouvriers  gagnés,  et 
c'est  ainsi  que  l'attaque  de  Marchesi  a  pu  paraître  en  même  temps  que  l'édition. 
«  Folia,  »  dit  le  Père  Jésuite,  «  priusquam  liber  in  publicum  prodiret,  arte  sibi 
»  comparavit,  soUicitata  operarum  fide  »  (p.  455);  et  plus  bas:  «  Semel  cura 
»  operarum  fidelitas  sollicitata  est,  foliaque,  priusquam  publicarentur  Parisiis, 
»  Romam  a  partium  quarumdam  hominibus  transmissa.  » 

Recueillons  enfin  un  mot  qui,  sans  infirmer  la  valeur  de  l'observation  de  M.  de 

Rozière  au  sujet  de  l'attitude  légèrement  opposante,  à  l'endroit  de  la  cour 

romaine,  de  certains  membres  de  la  Société  de  Jésus  à  la  fin  du  xvii^  siècle, 

explique  peut-être  plus  naturellement  le  mobile  auquel  le  Père  Garnier  a  cédé 

en  publiant  le  Liber  diurnus.   «  Urget  unus  me,  »  dit-il,  «  veritatis  amor,  quem 

»  eruditi  morunt  »  (ibid.).  Il  est  impossible,  dans  tous  les  cas,  d'exposer  en 

meilleurs  termes  une  plus  belle  profession  de  foi. 

H.  L. 


260.  —  F.  G.  Dahlmann's.  QaeUenkunde  der  deutschen  Geschichte.   3. 

Auflage.  —  Quellen  und  bearbeitungen  der  deutschen  Geschichte  neu  zusammengestellt 
von  G.  Waitz.  In-8*,  xviij-224  p.  Gœttingen,  Dieterich,  Univ.  Buchhandlung,  1869. 
—  Prix  :  4  fr. 

En  i8?o,  Dahlmann  publia,  à  l'usage, des  élèves  qui  suivaient  ses  coursa 
Gœttingue,  une  liste  méthodique  des  sources  originales  et  des  ouvrages  d'érudition 
qui  peuvent  sennr  à  l'étude  de  l'histoire  d'Allemagne.  Il  réimprima  ce  court  manuel 
en  1838  avec  des  additions  importantes.  Aujourd'hui  M.  G.  Waitz, qui  occupe  la 
chaire  de  Dahlmann  à  Gœttingue,  en  donne  une  troisième  édition  qui  est  en 
réalité  un  livre  nouveau.  Depuis  1858  en  effet,  les  études  historiques  ont  pris 
en  Allemagne  un  immense  développement  ;  un  grand  nombre  d'ouvrages  excel- 
lents ont  paru,  beaucoup  des  sources  inédites  ont  été  publiées.  Aussi  les  deux 
tiers  de  la  troisième  édition  de  D.  sont-ils  entièrement  nouveaux  :  elle  compte 
224  pages  au  lieu  de  99,  et  tous  les  titres  des  ouvrages  ou  recueils  vieillis,  ou 
des  Hvres  qui  n'ont  qu'un  intérêt  spécial,  sont  imprimés  en  petit  caractère.  L'or- 
donnance du  livre  n'est  pas  moins  nouvelle  que  son  contenu.  Elle  est  bien  pré- 
férable à  celle  de  Dahlmann,  qui  avait  pris  pour  cadre  la  série  des  leçons  de  son 
cours.  Voici  les  principales  divisions  de  l'édition  récente.  La  première  partie 
comprend  les  recueils  et  ouvrages  généraux,  relatifs  à  l'histoire  d'Allemagne. 
Elle  se  subdivise  de  la  manière  suivante  : 

I.  Sciences  auxiliaires  de  l'histoire:  philologie,  paléographie,  diplomatique, 
chronologie,  etc.  —  II.  Recueils  de  sources  :  i.  Recueils  généraux;  2.  Historiens; 


4»  2  REVUE    CRITIQUE 

3.  Diplômes;  4.  Actes  diplomatiques;  5.  Textes  juridiques;  6.  Chants  et  légendes; 
7.  Monuments  (chacune  de  ces  divisions  indique  successivement  1°  les  livres  qui 
servent  de  guides  dans  l'étude  de  chacune  de  ces  spécialités;  2°  les  recueils 
généraux;  30  les  recueils  relatifs  à  chaque  contrée  de  l'Allemagne  prise  à  part). — 
III.  Revues  périodiques  d'histoire  et  recueils  de  dissertations  historiques. —  IV.  Ouvrages 
de  seconde  main  :  i.  Sur  l'histoire  d'Allemagne  en  général  ;  2.  Sur  l'histoire  parti- 
culière des  pays,  villes,  fondations  ecclésiastiques;  ?.  Sur  l'histoire  de  la  société 
et  de  la  civilisation  :  constitution,  église,  classes,  diètes  et  assemblées,  associa- 
tions, finances,  instruction,  etc.  La  deuxième  partie  comprend  les  sources  et  les 
ouvrages  de  seconde  main  classés  par  époques;  elle  embrasse  en  six  livres  toute 
l'histoire  d'Allemagne,  depuis  le  temps  de  la  Germanie  païenne  jusqu'à  la  guerre 
de  1866  et  la  constitution  de  la  Confédération  du  Nord.  Chaque  livre  comprend 
plusieurs  subdivisions.  Par  exemple  le  2Mivre  :  L'Allemagne  sous  la  domination 
des  Franks  jusqu'au  traité  de  Verdun,  se  divise  en  :  i.  Époque  mérovingienne; 
2.  Introduction  du  christianisme  en  Germanie  ;  ?.  Époque  carolingienne  ;  4.  Droit 
et  constitution.  Dans  chacune  de  ces  subdivisions  nous  trouvons  l'indication , 
d'abord  des  sources,  puis  des  ouvrages  de  seconde  main  les  plus  importants.  — 
Les  écrits  relatifs  à  la  critique  des  sources  sont  indiqués  en  tout  petits  caractères 
immédiatement  au-dessous  du  document  auquel  ils  se  rapportent.  —  M.  V/.  n'a 
ajouté  aucune  appréciation  sur  la  valeur  des  divers  ouvrages,  et  nous  devons 
approuver  sa  réserve. 

Ce  manuel  sera  surtout  utile  pour  l'histoire  des  temps  modernes  depuis  le 
XIV*  s.  ;  car  pour  le  moyen-âge  il  est  relativement  facile  de  connaître  la  biblio- 
graphie complète  de  chaque  sujet,  et  nous  possédions  déjà  de  nombreux  rensei- 
gnements dans  Wattenbach  et  dans  Potthast.  Le  livre  de  M.  W.  sera  pourtant 
d'un  puissant  secours  pour  tous  les  étudiants,  surtout  pour  les  commençants, 
grâce  à  sa  disposition  méthodique  et  chronologique.  Nous  possédons  là,  en  2812 
numéros,  classés  avec  clarté,  tout  ce  qu'il  est  essentiel  de  connaître  sur  l'histoire 
d'Allemagne.  Pour  qu'il  fût  tout  à  fait  commode,  il  faudrait  qu'il  fût  suivi  d'un 
index  alphabétique  des  noms  de  tous  les  auteurs  cités  dans  l'ouvrage.  Il  arrive 
souvent  qu'on  se  rappelle  ou  qu'on  rencontre  dans  ses  lectures  un  nom  d'auteur 
isolé,  sans  savoir  avec  exactitude  le  sujet  ou  l'époque  sur  lesquels  il  a  écrit.  Un 
index  alphabétique  permettrait  de  retrouver  dans  le  livre  de  M.  W.  l'indication 
bibliographique  qu'on  cherche  ;  il  permettrait  aussi  de  dresser  facilement  la  liste 
des  ouvrages  historiques  d'un  même  auteur. 

C'est  surtout  aux  étrangers  que  le  livre  de  M.  Waitz  sera  utile.  Il  est  souvent 
difficile  de  connaître  tout  ce  qui  a  été  publié  d'important  en  Allemagne  sur  tel  ou 
tel  sujet.  Espérons  que  grâce  à  ce  livre,  nous  n'entendrons  plus  certains  de  nos 
compatriotes  s'excuser  de  fautes  grossières  et  depuis  longtemps  rectifiées,  en 
alléguant  l'ignorance  o\x  ils  sont  des  travaux  publiés  au  delà  du  Rhin.  Nous  espé- 
rons aussi  que  cet  exemple  ne  sera  pas  perdu  pour  nous,  et  que  nous  verrons 
bientôt  paraître  un  guide  semblable  pour  l'étude  de  notre  histoire. 

Qu'il  nous  soit  permis  en  finissant  de  présenter  une  observation  d'une  portée 


d'histoire  et  de  littérature.  413 

plus  générale.  Ce  livre  est  -pour  nous  un  exemple  de  la  manière  dont  les 
professeurs  allemands  comprennent  les  devoirs  de  leur  vocation.  Voilà  deux 
hommes  célèbres  par  leurs  travaux  originaux,  M.  Dahlmann  et  M.  Waitz,  qui 
ont  consacré  une  part  considérable  de  leur  temps  et  de  leurs  efforts  à  une  œuvre 
sans  utilité  pour  eux-mêmes  ni  pour  leur  gloire,  uniquement  parce  qu'elle  devait 
être  utile  à  leurs  élèves.  —  C'est  que  bien  loin  de  faire  de  la  science  un  mono- 
pole jaloux,  leur  seul  désir  est  d'enseigner  le  plus  rapidement  possible  tout  ce 
qu'ils  savent  à  leurs  élèves,  pour  que  ceux-ci  puissent  à  leur  tour  faire  progresser 
la  science.  Ils  ne  leur  livrent  pas  seulement  leurs  résultats,  au  nom  d'une  autorité 
professorale  et  dogmatique,  ils  leur  donnent  le  secret  de  leur  méthode  ;  ils  les 
font  juges  du  détail  tout  entier  de  leurs  travaux,  et  de  la  préparation  même  de 
leurs  œuvres.  —  Voilà  ce  qu'est  le  véritable  amour  de  la  science  et  de  l'en- 
seignement. Voilà  ce  qui  permet  de  fonder  des  écoles  scientifiques.  Voilà  pour- 
quoi M.  Waitz  peut  considérer  avec  orgueil  les  jeunes  historiens  de  l'Allemagne 
qui  presque  tous  sont  ses  élèves  et  sont  fiers  de  l'appeler  leur  maître. 

G.    MONOD. 


261.  —   Leibniz's  aBg3n?tischer  Plan.  Eine  historisch-kritische  Monographie  von 
D'  K.  G.  Blumstengel.  Leipzig,  A.  Lorenlz,  1869.  In-8',  119  p.  —  Prix:  2  fr. 

On  ne  connaît  pas  généralement  en  France  le  curieux  projet  d'une  conquête 
de  l'Egypte,  imaginé  par  Leibniz  à  l'adresse  de  Louis  XIV,  afin  de  détourner  de 
l'Allemagne  le  danger  d'une  invasion,  que  l'insatiable  ambition  de  ce  monarque 
faisait  craindre  sans  cesse  à  ses  voisins.  Ces  plans  d'ailleurs  n'ont  jamais  été  mis 
en  pratique  et  —  ce  qui  est  plus  curieux  encore  —  ils  n'ont  jamais  été  connus 
dans  leur  ensemble  par  l'homme  auquel  ils  étaient  adressés.  M.  Blumstengel  a 
pensé  non  sans  raison  qu'une  monographie  complète  du  sujet,  rendue  plus  facile 
depuis  l'apparition  de  l'excellente  édition  des  œuvres  politiques  de  Leibniz  que 
nous  devons  à  M.  Onno  Klopp  ',  serait  bien  accueillie.  Il  a  divisé  son  mémoire 
en  deux  parties.  Dans  la  première  il  nous  donne  le  détail  des  négociations  poli- 
tiques entamées  entre  la  France  et  l'Électeur  Jean-Philippe  de  Mayence,  surtout 
pendant  les  années  1670  à  1673,  ainsi  que  le  récit  des  relations  intimes  qui 
s'étaient  établies  vers  cette  même  époque  entre  le  ministre  favori  de  l'Électeur, 
Christian  de  Boynebourg  et  le  jeune  et  brillant  jurisconsulte  qui  devait  être  un 
jour  le  grand  Leibniz.  On  y  lira  comment  Leibniz  lui-même  fit  en  1672  le  voyage 
de  Paris  pour  présenter  ses  mémoires  à  M.  de  Pomponne,  alors  ministre  des 
affaires  étrangères,  et  comment  ce  ministre,  avant  même  qu'il  eût  pu  lui  déve- 
lopper ses  projets,  lui  répondit  que  «  les  guerres  saintes  n'étaient  plus  à  la  mode 
»  depuis  saint  Louis.  »  Évidemment  Louis  XIV  trouvait  plus  pratique  de  s'em- 


I .  Nous  préférons  ne  point  parler  de  celle  de  M.  Foucher  de  Careil  pour  n'avoir  pas 
à  répéter  ici  le  jugement  sévère  de  la  Revue  critique  (1866,  I,  p.  289). 


414  REVUE    CRITIQUE 

parer  des  Flandres  et  de  ruiner  la  Hollande  que  d'aller  conquérir  au  loin  quelque 
empire  d'Orient.  Lorsque  Boynebourg,  l'ami  de  Leibniz  fut  mort  en  décembre 
1672  et  que  l'Électeur,  son  maître,  l'eût  suivi  dans  la  tombe  en  février  1673, 
les  plans  de  Leibniz  furent  bientôt  oubliés.  Il  n'en  est  resté  que  les  mémoires 
analysés  en  détail  par  M.  B.,  et  qui  font  admirer  encore  aujourd'hui  le  grand 
jugement  politique  de  Leibniz.  La  seconde  moitié  du  mémoire  de  M.  B.  est  con- 
sacrée à  l'histoire  même  de  ces  écrits.  Ce  n'est  pas  la  partie  la  moins  intéressante 
du  travail.  M.  B.  y  réfute  l'opinion,  émise  il  y  a  longtemps  déjà  par  les  Anglais 
et  répétée  depuis  par  M.  Thiers,  que  ces  plans  de  Leibniz  ont  inspiré  Bonaparte 
dans  son  expédition  d'Egypte  ;  il  démontre  que  jamais  aucun  des  mémoires  du 
philosophe  n'a  été  déposé  entre  les  mains  de  Louis  XIV  ou  de  ses  ministres  et 
ne  se  trouvait  par  conséquent  aux  archives  étrangères,  et  que  leur  existence  n'a 
été  révélée  que  bien  plus  tard ,  au  premier  consul ,  alors  que  le  général  Mortier 
les  eut  découverts  à  la  bibliothèque  de  Hanovre,  en  1805.  M.  B.  rectifie, 
chemin  faisant,  certaines  indications  de  M.  Klopp,  ainsi  que  le  travail  de 
M,  Guhrauer,  «  sur  le  projet  d'expédition  en  Egypte,  présenté  à  Louis  XIV  par 
»  Leibniz,  »  inséré  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  en  1839. 

L'introduction  de  l'opuscule  de  M.  B.  est  un  peu  longue;  les  considérations 
générales  sur  le  rôle  des  Ottomans  en  Europe  y  sont  au  moins  trop  développées, 
sinon  superflues.  Le  style  est  quelquefois  d'un  lyrisme  qui  fait  sourire,  comme  à 
la  p.  42,  où  l'auteur  compare  les  plans  de  Leibniz  à  un  parc  verdoyant,  baigné 
d'un  air  pur  et  couvert  d'un  ciel  bleu!  Relevons  aussi  une  légère  erreur  dans 
cette  partie  du  travail.  Philippe  de  Harlay,  comte  de  Césy  ne  fut  pas  seulement 
ambassadeur  à  Constantinople  de  1620  à  163 1.  Il  y  vint  dès  16 19  et  ne  quitta 
ce  poste  que  vers  1645.  M.  de  Marcheville  ne  fut  qu'envoyé  extraordinaire". 
Les  fautes  d'impression  et  les  négligences  dans  l'orthographe  des  noms  propres 
ne  sont  pas  rares.  P.  8,  lisez  Vévèque  de  Dax  au  lieu  de  l'évêque  d'Ascq;  p.  9, 
Lepanto  pour  Lepento;  p.  37,  Oxensîjerna  pour  Ochsenstirn;  p.  46,  Chardin  pour 
Chardinen;  p.  89,  dissertatio  pour  dissertatis,  etc.  A  la  p.  114,  l.  2,  l'auteur  a 

écrit  par  négligence  Ludwig  au  lieu  de  Leibniz. 

Rod.  Reuss. 


VARIÉTÉS. 

Une  lettre  de  Hase  à  Raoul  Rochette. 

M.  J.-M.  Guardia  veut  bien  nous  communiquer  cette  lettre  curieuse,  dont  il 
possède  une  copie  de  la  main  de  Diibner  :  on  lira  avec  plaisir  ce  morceau  non 
moins  prquant  qu'instructif.  Rappelons  qu'en  1841  le  gouvernement  de  Louis- 

I.  Voy.  à  la  Bibliothèque  impériale,  manuscrits  français,  le  n"  20977  Ambassadeurs 
français  à  l'étranger  et  le  n*  20983  Lettres  originales  de  M.  ae  Césy. 


d'histoire  et  de  littérature.  415 

Philippe  demanda  à  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  une  inscription 
pour  une  médaille  destinée  à  perpétuer  le  souvenir  de  la  création  des  fortifications 
de  Paris.  C'est  dans  le  sein  de  la  commission  nommée  à  cet  effet  qu'eut  lieu  la 
petite  discussion  qui  motiva  cette  lettre.  Ce  fut,  comme  on  devait  s'y  attendre, 
l'opinion  de  Hase  qui  prévalut.  On  lit  dans  les  Mémoires  de  l'Académie  des  inscrip- 
tions, t.  XIV,  i'^  part.,  p.  61  :  «  Quant  à  la  médaille  des  fortifications,  l'Acadé- 
»  raie  a  proposé  pour  la  légende  :  Securitas  publica,  et  pour  l'exergue  :  Luteîia 
»  munitionibus  cincta.  » 

«  15  décembre  1841. 
»  Mon  cher  et  savant  confrère, 

»  Voulez-vous  me  permettre  de  revenir  un  instant  sur  nos  tristes  et  pénibles 
débats  d'avant-hier  à  la  commission  des  médailles  ?  Ce  n'est  pas  pour  attaquer, 
c'est  seulement  pour  faire  mon  apologie. 

»  Vous  proposiez  securitas  regni  au  lieu  de  securitas  publica.  Mais  songez  donc 
que,  jusqu'à  la  décadence  complète  de  la  langue  latine,  regnum  n'a  jamais  eu  la 
signification  de  Royaume  dans  le  sens  moderne,  c'est-à-dire  d'un  pays  civilisé 
gouverné  par  un  souverain  d'après  des  lois  justes. 

»  Regnum  (je  laisse  de  côté  les  significations  plaisantes  ou  bizarres  employées 
dans  les  orgies  des  Romains,  comme  regnum  vint)  Regnum,  dis-je,  n'a  que  ces 
deux  acceptions  :  i  °  gouvernement  d'un  pays  étranger,  régi  tant  bien  que  mal 
par  un  chef  barbare.  Cette  acception  vous  la  connaissez  aussi  bien  que  moi.  Les 
proconsuls  romains,  commandant  les  frontières,  aimaient  assez  parare,  conciliare, 
instituere,  déferre,  stabilire  barbare,  regnum.  C'étaient  les  rapports  de  nos  géné- 
raux d'Afrique  vis-à-vis  des  chefs  bédouins.  Ainsi  dans  Térence,  Adelphes,  II, 
se.  i ,  21,  Sannion  maltraité  et  indigné  s'écrie  : 

Regnumne,  vEschine,  hic  tu  possides? 

2°  Despotisme  odieux,  tyrannie  insupportable.  Voyez  les  passages  que  je  trouve 
en  feuilletant  dans  Cicéron  (Epist.  ad  famil.  XII,  1)  :  Non  regno,  sed  rege  liberati 
videmur.  {De  nat.  Deor.  I,  65)  :  Abuteris  ad  omnia  regno  et  licentia.  (Jn  Verrem  I, 

35,  en  parlant  à  Hortensius):  hta  tua  intolerabilis  pofentia  et  ea  cupiditas 

Nunc  vero,  quoniam  haec  te  omnis  dominatio  regnumque  judiciorum  tanto  opère 

delectat Jusque  sous  les  empereurs,  jusqu'à  Claude  même,  crimen  regni  est 

l'équivalent  de  haute  trahison.  Enfin,  Cicéron  prétend  que  dans  un  regnum  il  ne 
peut  y  avoir  ni  société  permanente  et  stable  ni  même  de  la  bonne  foi,  de  Ofjiciis, 
I,  26  :  Nulla  sancta  societas  nec  fides  regni  est. 

Maintenant,  qu'aurait-on  dit  en  Italie  et  ailleurs  où  l'on  connaît  la  valeur  des 
termes,  si  nous  avions  mis  Securitas  regni?  On  aurait  cru,  ou  que  nous  ne 
savons  pas  le  latin,  ou  que  nous  avons  voulu  faire  une  critique  sanglante  de 
l'ordre  actuel  des  choses. 

»  Vous  me  direz  que  Royaume  a  une  signification  différente  en  français.  Mais  où 
en  serions-nous  si,  par  un  effet  rétroactif,  on  voulait  donner  aux  mots  employés 
par  les  Romains  la  signification  que  ces  mêmes  mots  ont  aujourd'hui  dans  les 


4l6  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

langues  néolatines  ?  Nous  aurions  donc  du  latin  portugais,  espagnol,  français? 
Pour  dolor  parturientis  écririez-vous  malum  infantis,  parce  que  nous  disons  mal 
d'enfant?  On  arriverait  bien  vite  au  latin  que  parlent  les  médecins  dans 
Molière. 

»  Il  m'est  si  pénible  d'être  en  dissentiment  avec  vous,  mon  cher  confrère,  que 
je  redoute  d'avance  le  moment  où  notre  commission  sera  convoquée  de  nouveau 
pour  faire  une  autre  inscription  latine.  Qu'arrivera-t-il  ?  Je  sais  fort  mal  le 
français,  un  peu  moins  mal  le  grec  ;  mais  depuis  bientôt  cinquante  ans  j'ai  réfléchi, 
pendant  toutes  mes  lectures  et  avec  tous  les  efforts  de  ma  pauvre  intelligence, 
sur  les  acceptions  et  les  nuances  des  mots  employés  par  les  auteurs  latins  depuis 
Lucrèce  jusqu'à  la  fin  du  premier  siècle.  Je  ferai  donc,  si  on  le  désire,  une 
inscription  latine,  le  mieux  ou  le  moins  mal  que  je  pourrai.  Quelle  qu'en  soit  la 
rédaction,  vous  la  désapprouverez,  comme  toujours,  et  vous  en  proposerez  une 
autre.  Comme  toujours  aussi,  j'adopterai  cette  dernière,  si  cela  est  moralement 
possible;  car  je  ne  veux  point  vous  contrarier.  Mais  s'il  y  a  des  phrases  comme 
securiîas  regni,  comment  faire  ?  Vous  vous  animerez,  vous  direz  des  paroles  bles- 
santes. Je  crois  qu'alors  j'aimerais  mieux  faire  une  maladie  de  deux  mois  que  de 
me  trouver  un  quart-d'heure  avec  vous  dans  notre  malheureuse  commission. 

»  J'ai  dit,  mon  cher  confrère,  tout  ce  que  j'avais  sur  le  cœur;  et,  encore  un 
coup,  je  n'accuse  pas,  je  ne  veux  que  me  défendre.  Ne  répondez  donc  pas;  vous 
avez  bien  d'autres  choses  à  faire,  dans  l'intérêt  de  la  science.  Jamais  je  n'oublierai 
que  je  vous  ai  les  plus  grandes  obligations;  et  à  défaut  de  gratitude,  une  vive 
sympathie  m'entraînerait  vers  vous.  C'est  pour  cela  que  je  souffre  tant  de  nos 
disputes,  si  l'on  peut  appeler  disputes  des  conférences  où  l'un  s'emporte  et  où 
l'autre  ne  dit  rien.  Il  n'y  a  donc  qu'une  chose  que  je  dirai  toujours  parce  que  je 
la  pense,  savoir  :  que  je  vous  aime  et  que  je  dois  faire  tout  ce  qui  dépendra  de 
moi,  pour  me  montrer,  en  toute  occurence,  le  plus  reconnaissant  de  vos  con- 
frères, le  plus  dévoué  de  vos  collègues. 

»  Hase.  » 


Nogent-le-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


Archivio  Storico  Italiano.  Série  III.  To- 
mo  X.  Parte.  3  a  dispensa  del  1869.  Fi- 
renze  (G.  P.  Vieusseux).  S  fr-  75 

Atti  délia  Società  Ligure  di  Storia  patria. 
Vol.  VI.  Fascicolo  I  et  II.  In-4',  p.  i  a 
673.  Genova  (tip.  del  Reale  Istituto  dei 
Sordo-Muti). 

Beimici  (G.).  Giorgio  da  Cappadocia  e 
Atanasio  il  Grande(3 12-371).  In-12,  180 
p.  Palermo  (L.  Pedone-Lauriel).  2fr,  30 

Bollettino  délia  Società  Geografica  Ita- 
liana.  Fasc.  3.  Settembre  1869.  In-8*, 
560  p.  con  carte  e  piani.  Torino  e  Fi- 
renze  (Lœscher).  1 1  fr.  50 

Borso  d'Esté.  Lettera  inedita  scritta  in 
Roma  il  di  15  aprile  1471  al  suo  Segre- 
tario  Giovanni  di  Compagno,  nella  quale 
descrive  la  sua  esaltazione  a  primo  Duca 
di  Ferrara,  preceduta  da  una  lettera  del 
canonico  G.  Antonelli,  Bibliotecario.  In- 
4*,  28  p.  Ferrara  (tip.  di  D.  Taddei). 

Bnsch  (M.).  Abriss  der  Urgeschichte  des 
Orients  bis  zu  den  medischen  Kriegen. 
Nach  den  neuesten  Forschungen  u.  vor- 
zûglich  nach  Lenormant's  manuel  d'his- 
toire ancienne  de  l'Orient  bearb.  3.  Bd. 
(Araber-Index).  In-8*,  391  p.  Leipzig 
(Abel).  jfr.  35 

Fœrster  (L.  B.),  (^aestio  de  Platonis 
Phaedro.  In-8*,  vj-46  p.  Berlin  (Ebeling 
et  Plahn).  2  fr. 

Gàtâ  Ustavaiti  latine  vertit  et  explicavit 
textum  archetypi  adhibitis  Brockhausii, 
Westergaardi  et  Spiegelii  editionibus  rec. 
Prof.  D'  G.  Kossowicz.  Gr.  in-8*,  xiij- 
137  p.  Petropolis.  Leipzig  (Brockhaus' 
Sort.).  8  fr. 

Grimm  (H.).  Das  Reiterstandbild  d.  Theo- 
dorich  zu  Aachen  u.  das  Gedicht  des 
Walafried  Strabus  darauf.  Gr.  in  8°,  vj- 
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Klein  (K.).  Das  rœmische  Mainz.  I.  Abth. 

In-4*,  36  p.  Mainz  (v.  Zabern).  i  fr.  35 

^Kriegk  (G.  L.).  Die  Brùder  Senckenberg. 
Eme  biogr.  Darstellung.  Nebst  e.  Anh. 
ùber  Gœthe's  Jugendzeit  in  Frankfiirt  a. 


M.  In-8- 
laender). 


xvj-380  p. 


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schichte d.  Abtes  Hugo  I  v.  Cluny  (  1 049- 
1 109).  In-8*,  iv-i  13  p.  Gœttingen  (Van- 
denhœck  et  Ruprecht).  2  fr.  16 

lâpsius  (L.  G.).  Chronologie  der  rœmi- 
schen  Bischœfe  bis  zur  Mitte  d.  4.  Jahrh. 
Gr.  in-8*,  xij-280  p.  Kiel  (Schwers).  8  f. 

Mûller  (M.).  Essays.  2.  Bd.  Beitrasge  z. 
vergleich.  Mythologie  u.  Ethologie.  Nach 
der  2.  engl.  Ausg.  m.  Autorisation  d. 
Verf.  ins  Deutsche  ùbertragen.  Miteinem 
ansfùhrl.  Namen  u.  Sachregister.  In-8*, 
v-376  p.  Leipzig  (Engelmann).        8  fr. 

Pabst  (K.  R.).  Die  Verbindung  der  Kùnste 
auf  der  dramatischen  Bùhne.  In-8',  xvj- 
233  p.  Bern  (Haller).  4  fr.  75 

Pfîzmaier  (A.).  Zur  Geschichte  des  Zwi- 
schenreiches  v.  Han.  Wien  (Gerold's 
Sohn).  I  fr-  75 

Schmidt  (J.  F.  J.).  Beitrasge  zur  physi- 
kalischen  Géographie  von  Griechenland 
(Aus  den  «  publications  de  l'observatoire 
d'Athènes  »).  In-4*,  38  p.  Athen  (Wil- 
berg).  3  fr.  40 

Scholle  (F.).  Ueber  den  BegrifF  Tœchter- 
sprache.  Ein  Beitrag  zur  gerechten  Beur- 
theilung  des  Roman.,  namentlich  des 
Franzœsischen.  In-8*,  85  p.  Berlin  (\Ve- 
ber's  Verl.  Conto).  2  fr.  50 

Stark  (H.  B.).  Gigantomachie  auf  antiken 
Reliefs  u.  der  Tempel  d.  Jupiter  Tonans 
in  Rom.  Festschnft.  Nebst  i  lithogr. 
Tafel.  In-4',  27  p.  Heidelberg  (Mohr). 

I  fr  35 

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schichte der  europaeischen  Staaten.  Voll- 
staendig  umgearb.  v.  Privatdoc.  L.  A. 
Cohn.  3.  Hft.  2.  Abth.  In-fol.  42  p. 
Braunschweig  (Schwetschke  u.    Sohn). 

3  ;>.  40 

"Westphal  (R.).  Théorie  der  neuhoch- 
deutschen  Metrik.  In-8*,  XYiij-239  p.  lena 
(Dœbereiner).  5^-35 

Zeno,  od.  die  Légende  v.  den  heil.  drei 
Kœnigen.  —  Ancelmus,  vom  Leiden 
Christi.  Nach  Handschriften  herausg.'v. 
A.  Lùbben.  In-8*,  xxiij-i4é  p.  Bremen 
(Kùhtmann  et  G').  3  fr.  40 

Zimgiebl  (E.).  Studien  ùber  das  Institut 
der  Gesellschaft  Jesu  m.  Berûcksicht.  d. 

"  pasdagog.  Wirksamkeit  dièses  Ordens  in 
Deutschland.  Gr.  in-8*,  xv-533  p.  Leip- 
zig (Fues).  1 2  fr. 


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publiée  sous  les  auspices  du  Ministère  de  l'Instruction  publique. 
Sciences  philologiques  et  historiques. 

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M.  Havet,  élève  de  l'École  des  Hautes  Études.  —  La  Chronologie  dans  la  for- 
mation des  langues  indo-germaniques,  par  G.  Curtius,  traduit  par  M.  Bergaigne, 
répétiteur  à  l'École  des  Hautes  Études.  In-S»  raisin.  4  fr. 

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•      LvJlN  VJ  IN  wlN     Champagne,  1 172-1222,  publié  d'après 
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Nogent-ie-Rotrou,  imprimerie  de  A.  Gouverneur. 


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1007 
R45 
t. 8 


Revue  critique  d» histoire  et 
de  littérature 


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