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Full text of "Revue critique d'histoire et de littérature"

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REVUE  CRITIQUE 


D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


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REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

PUBLIÉE  SOUS  LA    DIRECTION   DE 

MM.  C.   DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


NEUVIÈME     ANNÉE 

DEUXIÈME   SEMESTRE. 


PARIS 

LIBRAIRIE    A.     FRANCK 

F.  VIEWEG,  PROPRIÉTAIRE 
RUE  RICHELIEU,  67 

1875 


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ANNEE   1875 


TABLE  DU   DEUXIÈME  SEMESTRE 


Art.     Pages 

Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres.  Voy.  Sociétés  savantes. 

Agenais.  Voy.  Tamizey  de  Larroque. 

Aidions.  Voy.  Boos. 

Allemand  (Vieux  haut-).  Voy.  Hahn. 

Allemandes  (Guide  dans  les  Archives).  Voy.  Burkhardt. 

Allemands  (Revue  des  dialectes).  Voy.  Variétés. 

Amérique  (Découverte  de  T)  par  les  Buddhistes.  Voy.  Leland. 

Anabase.  Voy.  Xénophon. 

Analecta  Terentiana.  Voy.  Umpfenbach. 

Ancien  Testament.  Voy.  Kuenen. 

Ancona  (D').  Voy.  Chants. 

Andrée,  Géographie  du  commerce  universel  (H.  Gaidoz) 137       12 

Anglaises  (Légendes)  du  moyen-âge.  Voy.  Horstmann. 

Annales  Bertiniennes.  Voy.  Girgensohn. 

Anthologie  d'Horace.  Voy.  Loiseleur. 

Arbres  (Culte  des)  chez  les  Germains.  Voy.  Mannhardt. 

Archives  allemandes  (Guide  dans  les).  Voy.  Burkhardt. 

AssÉZAT.  Voy.  Œuvres  complètes  de  Diderot. 

Athènes  (L'ancienne).  Voy.  Wachsmuth. 

Attiques  (Inscriptions)  du  Musée  Britannique.  Voy.  Inscriptions. 

Autrichienne  (Politique)  pendant  la  Révolution  française.  Voy.  Docu- 
ments. 

AvoLio.  Voy.  Chants. 

Ayer,  Phonologie  de  la  langue  française;  Scheler,  Exposé  des  lois 
qui  régissent  la  transformation  française  des  mots  latins  (A.  Dar- 
mesteter) 205     262 


yj  TABLE    DES   MATIERES. 

Art.     Pages 
BATAiLtARD  (BPfP^^^^^rrespondanœii^  'àonom  d  db  srrlqoaoliriq  bJ  .laMOiAHp 

Baumgarten.  Voy.  Schmidt  (J.).  '..t.r>^iiO\-iaVjomWr.YoV  .•40ujO'--îmahD 

Beal,  La  Légende  de  Sâkya  Buddha.   .  .  '/.a  .q  ,?n3bhoVl ^mi^lucp^mt^^ 

Becclde  FouQiTiÈRES,  Documents  îiouveaux  suF  André  Chénicr  ssixiODi^Dj  -+27 

Begemann,  Le  Prétérit  faible  des  langues  germaniques  (C.  J.)  v  /I  3:54  "^    9 

Benecke,  Dictionnaire  de  Vlwein  de  Hartmann,  p.  p.  Wilken(^*')*-A;I  57      8ï 

Bersot.  Voy.  Saint  Marc  Girardin.  upnoma  '^jnomuoou  sbxïodO  ^^îauAvaHD 

Bertiniennes  (Annales).  Voy.  GiROENSOttW;     ^    '^   "   ■  -  •■(A  àh  i-^iicoiili  ah  xjoj\0 

Bibliographie  géographique  de  la  Palestine.  Voy.  Tobler.  m'ih  uV^  Vu\ti;imoti^^\\0 

—        des  historiens  et  érudits  de  la  Suisse.  Voy.  Mûlinen.  l)  iMXîx^iWa'^AO 

BiRCH,  L'Egypte  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'en  ^ooiav^fa  :iJi^sno-\i\0 

J.-C.  (G.  Maspero) '\\. 1^)1^7—241 

Bluhme,  La  langue  des  Lombards  (C.  J.) .1  ^i4âGLiA45 

Erratum ,.....•..,,.:.  .  ././...., O-T/iOMiiaSD 

BocKEMÛLLER.  Voy.  LUCRÈCE.     .  .  (ioiuflT  asherO)  M  ^£  jESJnEhfiV  jTsaoD 
Bohémiens.  Voy.  Correspondance.  .HOH^iOîàX  .voV    — 

Boos,  Les  Lites  et  les  Aidions  (Julien  H avet).  .  .  .  .  .  .  "i  .^ .  vîtoi^^m^SRi 

Bordelais  (l'Administration  anglaise  et  le  mouvement  communal  dans  au  ^•^•^^itwuv.  ^ 

le).  Voy.  Brissaud.  oD 

BoswoRTH  Smith,  Mahomet  et  le  Mahométisme  (Cl.  Huart).  ..-,...,  14J  ,..  rj^ 
Bouché-Leclerccl,  Giacomo  Leopardi  (g.  P.).  ..iûî2îl;l).îiï\Vi5;i\ûr\0î!iîsavir4$ 
Boucher,  William  Cowper  (***) .!..{.} -.q^îliiûno^l  b^j\n.<5C7 

BraUNE.  Voy.  HaHN.  '  ./rr-,Hr;rf  ^-Viln'i-rr,-     — 

Brissaud,  l'Administration  anglaise  et  le  mouvement  communal  -oO 

dans  le  Bordelais  (T.  de  L.) 237     377 

Brunet.^  Voy.  Mémoires-journaux. 

Buddha.  Voy.  Beal. 

Buddhisîes  (Découverte  de  l'Amérique  par  les).  Voy.  Leland. 

BuRKHARDT,  Guidc  dans  les  Archives  allemandes  .........     209     277 

Burnell,  Éléments  de  Paléographie  indienne  (A.  Barth)  ....  -  ,o\i69nutjT)3 

—  Suite  et  fin ^ùj2  :^L  .  .  .     175     12^ 

.voV  /f  .0 

Caix  de  Saint- Aymour  (De),  Études  sur  quelques  monuments  mé-  ,_ 

galithiques  de  la  vallée  de  l'Oise  (Y.)  .  . .     135   '  J o 

Calderon,  El  Mdgico  prodigioso ,  p.  p.  Magnabal  (Alfred  Morel-  /      ,    .',-\ 

l'atio) éuhThrfim^'^^     '^^ 

—  Voy.  Correspondance.  "     i*      ,, 
C<2/2om^ue  (Littérature).  Voy.  Schulte.  ,.;,    ,^  ,,   . 
Carrière.  Voy.  Kuenen.  '~ 
Casaubon  (Isaac).  Voy.  Pattison. 

Cassel,  Les  combats  contre  des  lions .^/tiib^^mcmJooe)1^^r^ 

Catalogue  des  Mss.  de  la  bibliothèque  de  Tours.  Voy.  Dorange. 
Chabouillet,  Notice  sur  une  médaille  inédite  de  Ronsard  paf; 
Jacques  Pfimavera  (C.  de  la  Berge) -449;^^)%^  57 


TABLE    DES    MATIÈRES.  Vlj 

.if,^      '•-  Art.     Pages 

Chaignet,  La  philosophie  de  la  science  du  langage  (A.  Darmesteter).     240    401 

Champollion.  Voy.  Mémoires-journaux.  .nîAOf^UAa 

C/zd/2r5  populaires  Noticiens,  p.  p.  Avolio  (Th.  de  Puymaigre)  ., .    ii^i       91^ 
^4-  ^contes  populaires  italiens,  p.  p.  Comparetti  et  D'ANCOHA,r.;^  -; 

(Th.  de  Puymaigre) 19$     210 

Chénier  (André).  Voy.  Becq_de  Fouquières. 

Chevalier,  Choix  de  Documents  historiques  inédits  sur  le  Dauphiné.     201     2^2 

Choix  de  discours  de  Lysias,  p.  p.  Frohberger  (Charles  Graux)  .  .     190     180 

Chresîomatliie  du  vieux  haut- allemand.  Voy.  Braune. 

Chrétiennes  (Mosaïques)  de  Rome.  Voy.  Rossi. 

Chronicjue  àe  Flersheim,  p.  p.  V^alzÇK.). :^?j[j;;;.j;2^ 

—  du  L/W  fi/^/zc.  Voy.  Vaucher.  .^    -^    7 
Claudien,  VEnlèvement  de  Proserpine,  p.  p.  Jeep  (Max  Bonnet).  .153         $ 
Clermont-G ANNEAU.  Voy.  Variétés. 

Cobet,  Variantes,  2*' éd.  (Charles  Thurot)  .  .............     153       70 

—  Voy.  XÉNOPHON.  .^:^f\XiVmQ^'3!^^io':) 
Combats  contre  des  lions.  Voy.  Cassel.            '   '"^ 

Commerce  universel  (Géographie  du).  Voy.  Andrée. 

Comparetti.  Voy.  Chants. 

Comtes  et  Vicomtes  de  Limoges.  Voy.  Lasteyrie. 

<Constantinopolitana  (Historia),  Voy.  Gunther. 

Contes  de  Perrault,  p.  p.  Lefèvre  (G.  P.) 234     363 

—  populaires  italiens.  Voy.  Chants. 

Correspondance  :  Lettre  de  M.  T.  de  L 46 

'  —  Sur  les  Origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes,  avec 

l'explication  du  nom  Tsigane  (Paul  Bataillard)^  /  . ,       1 98 

—  Suite '.'^^Yj:     213 

—  Suite  et  fin. aU"îjwoj.  ....  228 

r--       i-rxj^  Lettre  de  M.  Magnabal .  .  .   .   .  v-'.-': i-;..; -,^78 

Cours  historique  de  langue  française.  Voy.  Marty-Laveaux.  ^jj.'ïm.huÔ 

Courtozé  (Prieuré  de)  et  ses  peintures  murales.  Voy.  Rochambeau, 
Cowper  (William).  Voy.  Boucher. 
^ox,  Histoire  de  la  Grèce  (G.  ï'ërr^t)^^j^?^fL;i^^ 
èreuse  (Histoire  de  la  Révolution  dans  ' 
.Crm^uç5.  Voy.  Maiorescu.        '      '     '^    ^'^ 

—  '  '  (Remarques).  Voy.  Dobree. 
Culte  des  Arbres  chez  les  Germains.  Voy.  Mannhardt. 
Curtius.  Voy.  Études  de  grammaire  grecque  et  latine. 


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DaLL' ONGARO.  Voy.  GUBERNATIS.  .'l,(vv  .... 

Dauphiné  (Documents  inédits  sur  le).  Voy.  CHEVkiltiWP  2lBdmoD.83Ja^ija2EAD 
Découverte  de  l'Amérique  par  les  Buddhistes.  Voy.  Leland.  ■'  -'^■'^-'^'^  ^-' 

Despois,  Poésies  françaises,  latines  et  grecques,  p.  j>.  DHit!^BRΧ- ■  -^ 

(GÇ4^.) .•■^^^l'^'I  ^'^  ?^.  •?\f^Py^.'Tfb>]  8î1^^^ 


^jj  TABLE    DES   MATIÈRES. 

,,;,gq      ^^^  Art.     Pages 

Dezeimeris.  Vop  DBSP01SP  eisimsiq  29b  lusîEîimi  3Dn9ièT.^(.A-.a;  ; 

Dialectes  BWemsinds  (Revue  des).  Voj.  Variétés..  ...   ..,,.;..,  .  .^.i^; 

—     grecs.  Voy.  Dufour.  n^V/ .yoV  .(sb  aupin^riD)  «\mteV\ 

Dictionnaire  biographique  et  bibliographique  des  historiens  et  éruditsns.  zîs\sm^Rf ^ 
l.'y      ^(  i     de  la  Suisse.  Voy.  Mûlinen.  -  ■.  w.  «^:..y,.<..; 

—        de  l'Iwein  de  Hartmann.  Voy.  BENECKEJ-iDnfi  ns/ a^îxai 
Diderot,  Voy.  Œuvres  complètes,     .\o'J  .^un-j^nï^l  ^b  aupr  ))  ^uû:iAîiï»\ 

Diplomatique  (Histoire)  de  la  guerre  Irancè-aHemande';^ Voy.  Sorel*  ')      — 
Dobree,  Remarques  critiques,  p.  p.  Wagner  (Charles  Thurot).  '';ÔQi)^i©Xi:)î^^ 

—  Voy.  Variétés.  '  ^'^ 
Documg/z/^  pour  l'histoire  du  droit  germanique.  Voy.  Mo/2umé/2f5.         ,  ■'^'^ 

—  pour  servir  à  l'histoire  de  la  politique  autrichienne  pendant  -lï^Q  .yaV 

la  Révolution  française,  p.  p.  De  Vivenot,  De  Vive-  -^'^ 

NOT,  Genèse  du  second  partage  de  la  Pologne  (Albert  /^''i 

Sorel) 141       24 

-^      sur<îùl^i8^sar^âcalîgèf^tsyMrnîne?P?^'?mêi:W^^  <      ;;'^ 

?%fémèi7)  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  .  . ..  .  .  .  •.  .  .  \  .  .  \  .  \  .  .  '  i^-^s 

Errata  .  .  i^'^J  ;^.^  !<^.'  j î^nûfil,9tJ^nBJ  elab. 3;iiBcnm£i^  sliavijo 
Dœbner,  Histoire  des  négociations  de  1 32 5  entre  Louis  ÏV-  de  Ba- •   OP'^^^'iT 

vièu-e  et  Frédéric  le  Beau  d'Autriche  (R.) :'v'^'j^,'\^hM^^^ 

Dorange,  Catalogue  des  Mss.  de  la  bibliothèque  de  Tô\iVs''(:P:'%.-)C'^'^2-iig-^'-jfî^ 
DoWden  V  Shakspere  (PaurStàpfer)  .  .  .  .  .^'1  ^k  no^LjliôiA  ^^lu^^^vrj^p) 

DR.EGER,  Syntaxe  historique  de  la  langue  latiiteV^'tfi'^f.^-^^pVtîe^^'^  ^*^^'i^"^^^^^^ 
(Charles  Thurot)  .  .  :^^^ . 'X^J  ^m^^^!:^  A^^  i  .  .  .  .  .^^^Q  ^^l^fÀ^-a«^ 

Drame  musical.  Voy.  SchUR^.'"^^'^^^  '^^^(j^  ssrio  z......  ...  eojIuD)  inu.miyO 

Droit  germanique.  Voy.  Monumenîé?'^^^^  -YoV  .(asupibiiuj  aJnaraunoM)      - 
DuFOUR,  Les  Dialectes  grecs  (Charles  Graux)  .  ..9'^HaHqMiV/..xoV,^RîY;^ 
DuvAL,  Introduction  à  l'histoire  de  la  Révolutic^'^dlliis^îa^iiéë*^^-     — 

(H.Lot) -n'¥WH-iq".-V^9'^^0^^»s^ 

:.iDaiJ  .T^oV  .(a3Li§fifil  23{  ansb  slqÎBVliiijJ^'iq  sJ)  liiiYinijratâO 
Egypte  (Histoire  d'),  Voy.BiRûanaininsa  aaknnA  23!  J9  sofiâbu-i^  ^HHoa^dOiiiO 
Ehlers,  Des  énigmes  des  GreâsboD  2J0cyK2  23j  ,(aQ)35iAJQJivijM-r.52r'iai9^ 
Engel.  Voy.  Pièces  allemandes.  ,..............'....  .(aiul 

Enigmes  des  Grecs.  Voy.  '^)\L^KS.  .  ,  .   ,  .  .^uxû'î  «jd  lil  nsionsU  ,(30)  aiaoO 
Enlèvement  de  Proserpine.  Voy.  Claudien.  *aJMHD2  ."^oV  .aaïaîO 

Ëpître  aux  Romains.  Voy.  Saint PaiîmthaO  .^{oV  .^rni^i  augnai  ^  oîf  aViRmraïnD 
Esthétique.  Voy.  Schmidt  (J.).    .4HaH  .voV  .bmirnoIk-JUBd  xudîv.ub       — 
Etudes  de  grammaire  grecque  et  latine,  p.  p.  GuRTiUs.^ti;iVl;„.(ad^DciS       — 

(Charles  Thurot) .  .  r»'i250 — 355 

Ewald,  Grammaire  hébraïque,  4^  éd.  (Philippe  Berger). .  ,,.....;('  176—134 

Erratum /i^/jvmiM\yûV  -si.  240 

,xo3  .^ûV  .(fil  ab  bia  >.:.';  y  ;i:jTO 
Feret,  Henri  IV  et  l'Église  catholique Xïi*.^^;)/  -hupmm  ^mioiMî^his^l^ 
Fischer  (H,),  Les  travaux  sur  les  Nibelungen  depuis  Lachman^,fnfn.til1^5     io3 


TABLE    DES    MATIÈRES.  ix. 

.  ,;  Art.    Pages 

Fischer  (L.-A.),  Térence  imitateur  des  premiers  comiques  latins  .^msunsiCl 

(T.) iy  iLcwnolio8al:>47É\ 

Flerskeim  (Chronique  de).  Voy.  Walz.  .voV  .p-osig     — 

Fragments  en  vieil  allemand  du  traité  d'Isidore  de  Séville  De  fidel  ';>'\ji>î\nQmiU 

catholica  contra  Judsos,  p.  p.  Weinhold  (C.  J.).  .  .  .     1 54      74 

—  et  textes  en  ancien  latin.  Voy.  Wordsworth. 
Française  (Cours  historique  de  langue).  Voy.  Marty-Laveaux. 

—  (Phonologie  de  la  langue).  Voy.  Ayer. 

Françaises  (Poésies)  de  Despois.  Voy.  Despois.  .1 

Frank.  Voy.  Marguerite.  '.v.v'^  .i^oV      — 

Frédéric  (le  Beau).  Ses  négociations  avec  ^ouis^JV  de  BaviÔreyoq  i\j\amu;>oa 

Voy.  Dœbner.  0'.  ovo:  v  luoq      — 

Frison  (Lexique).  Voy.  Halbertsma.  ncil  noiîulovèH  bI 

Frommann.  Voy.  Variétés.  ^  "*•  ^^n^î)  ,TOvr 

.    (l9102 

Galien,  Opuscule  sur  les  médecins,  p.  p.  Mueller,  2®édr  (Glia^Jf^^og      

Thurot) ;  .  .    ^tî^mS 

Gantrelle,  Nouvelle  grammaire  de  la  langue  latine,  10'  éd.  (Ch.       ^jutT'^î 

Thurot) i-ôB.«H©a*iî>o*^tflf8t^r,'  •     239     394 

Geldner.  Voy. //^'/n/zw.  ,  .  ,  ..i)  srioiimA^b  tiBoOsI  on..... . .,- ...., 

Gengler.  Voy.  Monuments,     [j  suwdioMéél^M^iA  zsbmnôkt^O  i^omnod 
Gentili,  Sur  la  fabrication  des  tapisseries  (Eug.  Mûntz)  .....    \2%uv^j 

Géographie  du  commerce  universel.  Woy.  AiiDREE.  ..,..,.i    ^i'AOshaQ 

Géographique  (Bibliographie)  de  la  Palestine.  Voy.  Tobler.      mj^j.  zeh^dD) 
Germains  (Cultes  des  Arbres  chez  les).  Voy.  Mannhardt.  ,  àmji-\ç\ 

—  (Monuments  juridiques).  Voy.  Gengler.  .....y  \io"\C\ 

Germania.  Voy.  Wimpheling.         ,„e^o  gâheriD)  «oai^  gaîDelBiQ  2>J  ^i\m'\\}Q 

—  nova.  Voy.  Murner.       ,^ij^i  ^i  ^5  aiioîèiriM  i  nerJoiiboUnl  .javuG 
Germam^u^  (Droit).  Voy.  Monuments.  '   ;.....  /' .  .(loA  .V^ 
Germaniques  (Le  prétérit  faible  dans  les  langues).  Voy.  Begemann. 

Girgensohn,  Prudence  et  les  Annales  Bertiniennes '.vM.-ifSy  )u|66i 

Godefroy-Ménilglaize  (De);  Les  savants  Godefroy  (Léonce  Cioi»-/i?0  ,^«3jhH 

ture) :^w;i^S.  .Yacr6..ia26^ 

Goeje  (De),  L'ancien  lit  de  l'Oxus •. >i.i.drw'i..Aoy' -i^àiû  îiSiij\vi4^ 

Gœthe.  Voy.  Schmidt.  ksiquaj^  .yoV  .^ni^i^zoïS.  ab  lî^smsvj^jln^ 

Grammaire  de  la  langue  latine.  Voy.  Gantrelle.         '.  .pV  .mvsiîîioH  xiii>ô-^%H 

—  du  vieux  haut-allemand.  Voy.  Hahn.  -.-•••/.!•>>   .r.-y  .'jui^î\3i\u^5. 

—  grecque  et  latine.  Voy.  Études.  ^:^^h  î%^u\j\ 
:i\ — ur  hébraïque.  Voy.  Ewald.  aohsdvO) 

'  1 —  ~   mexicaine.  Voy.  Olmos.  îO  ^ojav/jI 

—  pâlie.  Voy.  Minayef.  mutena 
Grèce  (Histoire  de  la).  Voy.  Cox. 

Grfc^ue  (Ancienne  musique).  Voy.  Ruelle.  .  .    '.-ï^Vlhj:. 

—     (Grammaire).  Voy.  Études. ^'^^^^'^'^^^'^  2'ji  1U2  xufivsir  ^^J  t(. H)  Si^mzi^. 


•■x  iMWëts^'4^kTiMÈi. 

io^ù'l    jîA  .  .     .     ,    Art.    Pages 

?8Ç— ^^çphilosophie).  Voy.  Walter.  ,...,,  ,ntt  id  ohu'd     — 

Grecques  (Poésies)  de  Despois.  Voy.  Despois. 

Grecs  (Dialectes).  Voy.  Dufour.  -^^rm^iuH  .^^7  .(siriqB^gc^Bq)  m^ii.î.1 

i<^_  "(ÉTiigmes  des)i  Voy.  EHilETià;^  ,:)is|^mnîiina  tiazuM  iih  i3ii^mïi:ij\oiîqi'î:)is\\ 
GuBERNATis  (De),  Dali' Ongaro  .   .   .   .  ■î-n^^Vâi^^? /t^^^  ^ 
Guerre  de  Cent  ans  (Histoire  du  Sentiment  national  en  Francë^)>érâiftit''^<^'^'  -■'  •  '''^ 
la).  Voy.  GuiBAL. 

—  franco-allemande.  Voy.  Sorel.  .  .^i.i:.ijAa.j  ./o/  .Maai 

GUIBAL,  Histoire  du  Sentiment  natiotiS  ëi^vM^ëfmMM^I^  v^^^y\^ 

de  Cent  ans  (Siméon  Luce) '^^^  -X^^^  't^P^^h 

GuNTHER,  Historia  Consîanùnopoliîana,  p.  p.  le  comte  Riant  (G.  P.).     159      85 
GUYARD.  Voy.  MiNAYEF.  ,   "-^--^^'^H  .voV  .^i^^K 

Hahn,  Grammaire  du  vieux  haut-allemand,  p.  p.  JEiTTELfesp^J^/.;.!  jU  tHifj:^ 
Braune,  Chrestomathie  de  vieux  haut-allemand. (C  Jv)^.  .liJ/i  'ù'hat'ài^/^'^À^ 
HalbeRtsm A, -Lexique  Frison  .  ..  ..  ..  .......*., v^ri^^.  .,..^ .,  ./..  ..  (.%60)i03 

Halphen.  YojiMemoiresr-journaux?--'^''^^h'{oz?>m  sîzer  cb  p^^n'-ho  eijJ  ^/rdVi'du-j{ 
Hanoteau  et  Letourneux,  La  Kabylie-et  les  coutumes  kabytesAD  .q  .lî 

(G.  Maspero) .:V.y'aM-.x;oY&9îH[i^8 

Hartmann.  Voy.  Benecke. 

Hébraïque  (Grammaire).  Voy.  Ewald.  .(.H)  ;ï3HD2i'^'  .^oV  .whamhdaJ 

Henri  IV  et  l'Église  catholique.  Voy.  Feret.  .  'i\j>'A-\iio\-'i5^\csubU  .^oV  .xiohoaJ 
Hérodote  (Vie  d'Homère'  attribué^  à). vVoyaoSQHiHiûrr3|a2)dqo2oiiri<î)îf5û5,j\û^ 
HicKS.Yoy.'Inscripiiùàs?3'i^ooh  13  23jmoD  aai  luz  abuîà  ,(aG  .H)  awYataàJ 
Hiéroglyphique  (Vocabulaire).  Voy.  Pierret.  .  ,  ;  .  .  .  (isiniloM  .A) 

Hindous  (Sagesse  des).  Voy.  Moni.e;r  Wi.luams.  ;;)  29JX9J  î3  zîrramgBi"^)  nhjid 
Histoire.  Voy.  Chevalier,  Lasteyrib.t^aO  ^.z^^iiiiâ  .^oV  .^ôif£ramBiO)Wit&A 

—  d'Egypte.  Voy.  BiRCH.       '      ■■  '  "ri  >  ;' -b  ouphojzirf  sxBîniçS)    ~ 

—  de  l'Agenais.  Voy.  Tamizey  de=  LAJ\ROQiœoq23Û  sb  (29i8ào<^I)  ismiiid 

—  de  lâ''Qîièô^i^V28)^ç^3à  noij£KnoÎ2nBiî  £i  Jns22igèi  iup  2ioJ)  iJ\ittid 

—  de  la  littérature  canonique.  Voy.  Schulte.  .:a3jaHD2  .^oV 

—  de  la  Révolution  dans  la  Creuse.  Voy.  Duval.  jVs  z'^im.u'S)  ,\oY  ,viUAd 
\Ti.  _ù;  l  des  négociations  de  1 32 $  entre  Louis  IV  de  Bavière  «S  aa  YOoaJ 
C^^i.   ^iL      Frédéric  le  Beau  d'Autriche.  Voy.  Dq&bner.  — 

àoi  ^j£  du  droit  germanique  Voy.  Monuments.  — 

qoz  4...    du  Sentiment  national  en  France  pendant  la  guerre  •4eç3-Tuaà'ï3j 
Cent  ans.  Voy.  Guibal.  .^.i^^u.>  .^oV  .a^iVâ-^aJ 

—  Constantinopolitaine.  Voy.  GuNTHm^..YoV  .ïi'^.hsiua  îiy;:^û^  ah  siina;^^! 

—  diplomatique  de  la  guerre  franco-allemaiîdeî.('Voy^V'SoRBt^s\Ji  ishnsi^U 
Homère  (Vie  d').  Voy.  Schmidt.  .^.l)  TCiivjiDa  .^oV  .STiwaïaJ 
HoRAGÉ.  Voy.  LoiSELEtiï[?ifib,bua  23l  iBq  suphèrnAM  ab  anavuooàQ  <a>îAjaJ 
Horstmann,  Légendes  anglaises  du  moyen-âg-e.o4.I.-.^H::ji]p;3  ,^^7.  .101,^031125 
Hymnes  du  Rigveda,  tr.  p.  Geldner  et  KAEGfyAa^îfgiMâMtiofe.deavi^iUOTaJ 

Roth  (Abel  Bergaigne) ■/^j-.;huj^^  .yQV.,5o;n'^3j6lx:ij^9 


TABLE   DES   MATIÈRES.  XJ 

«a^'I    .HA    .  ,  Art     Pages 

—  Suite  et  fin ^iiAqozoMl^^^-^^S 

Indienne  (Paléographit).  Voy.  Burnell.         .înjo-rrin  .70'/  /?oî09!f!irr  '  -.-^ 
Inscriptions  attiques  du  Musée  Britannique j  p.  p,,H,v:KS  (Ç/PÉ;^qT^.,;^j8       8 1 
Isidore  (de  Séville).  Voy.  FragmenU.     _   .  oicgnO 'IIêQ  .(hQ)  aiTAw'^ 

/jV^i/Z.  Voy.BENECKE.,.'.  '■:  ,   :        ;f;;rî  îmmi^rî',?  'fh  viinr^iH)  int  \î\'3">  "A 

Jeep.  Voy.  Claudien.  .^  ,  '"  _ 

Juridiques  (Monuments)  germains.  Voy.  Monum&n^^^^^-^^^^^^  .,.^^ 

JuvÉ^ji^L.  Voy.  Ki^R.  "(9ùi/J^froàmr2  'L 

>3       0  '  1     .              :  '/.i/i  cjJinoD  si  .q  .q  ^ï.r;LUio<\omiî\RhtibO  îinoUiwi  ./laHn"/. jD 
Kabylie.  Voy.  Hanoteau.                              ■             •:j,-3-i-.-iT;:   voV  g^i'yjO 
Kaegi.  Voy.  Hymnes. 
Ki^R,  La  Langue  de  Juvénal  (Charles  Thurot) .,>^4....^.S8 

/•KiDNiG,  Étude  sur  l'autlienticité  des  poésies  de  Clotilde  de  SurYille,3viirA;i9 

(G.  P.)  ...   ..  .  .   .  .  .  -i.,  .f^:2-?41nj/^3 

Kuenen,  Les  origines  du  texte  masoréthique .de  l'Ancien XeslAm^/  .H2HqjAH 
tr.  p.  Carrière  (Jv;D.).LO  «si  îo  âilYde:;^  .êJ- .^xua««^woir3J.î9  uA-^mAh^ 

(T^^^HIfw/.VOy.  MlNAYEF.   ....   .  .    .'   .    ,    .(oisqzBM  .0) 

::J.D3L>îaa  .^oV  .kwamt^taH 
Lachmann.  Voy.  Fischer  (H.).  •  .ojawS  .'^oV  .(ammrnfiiD)  au^.MlH 

Lacroix.  Voy.  Mémoires-journaux.  ::i>i^^  .yoV  •■:'"  'vo  ^lU^^tH^Afl  hntiH 
Langage  (Philosophie  de  la  science  du).  yQ^.i!CHAiGNET..ii'h^  dîV^^  sTOOO^àH 
Lasteyrie  (R.  De),  Étude  sur  les  comtes  et  vicomtes  de  Limoges  76V. 2^61  H 

(A.  Molinier) .  >I  ....  ...,,,.  .   .   '  200    250 

Latin  (Fragments  et  textes  en  ancien)..  Voy.. Wqrdswoïith^     ^  \.  '. 

Laf//2e  (Grammaire).  Voy.  Études,  Gantrelle.  aJ  ,;î3îjaV3h3  .^oV  .biibUsH 

—  (Syntaxe  historique  de  la  langue).  Voy.  DRiEGm^oV  .'^îqygH'b      — 
'  Latines  (Poésies)  de  Despois.  Voy.  Despois.  /  .grGno-A^I  5b     — 

Latins  (Lois  qui  régissent  la  transformation  française  d.es  mots).,;. 

Voy.  Scheler.                  .iUHj^  .^ov  ,3ijpinow!.u  'j'^.uhn-jnd  bi  5d  — 
Laun.  Voy.  Œuvres  de  Molièrs.  .yoV  .eeUaiD  rJ  ?nGb  norîoIovàH  fil  sb     — 

Lecoy  de  la  MARCHE,Leroi=Reîié.  I  (G.  Fagniez).^no^fibo§èn.  29b  21a,  277 

—  -ni  ./ovll  (A.  Giry)  *j,vc.fl  si  ahèbài'^.  214    289 

—  —  />yAvmSuite  et  fin.  if/pinera-fâs.JÎoib  t  •  217  306 
Lefébure,  Le  Mythe  Osirien,  l'^^p.  (G.  Maspero)  . a.  în^fniîneg  m  i94  209 
Lefèvre.  Voy.  Contes.                             ..^p.z.-j'j  .^oV  .zns  însD 

Légende  de  Sâkya  Buddha.  Voy.  Beal.  :iO  .^oV  .snifiîïloqonrînfiiafroD  — 
Légendes  anglaises  du  moyen-âge;  Voy.  HoïiSTMAHifcS  5b,9upij*£moIqib  — 
Leibnitz.  Voy.  Schmidt  (J.).  -■  -^^  .^oV  .('b  olV)  3^'*-^}] 

Leland,  Découverte  de  l'Amérique  par  les  Buddhiste$3«i:^^i(ftJ.  .^oV  .ftli     ^5 
^vLeopardi.  Voy.  Bouché-Leclerq^jY^*«  ub  da^iti^ne  «abnaj^èJ  //.vîAMTèHoH 
Letourneux.  .Voy4:HAHûTEAVv,  i- ">»  f-^  ''HMajaQ  .q  .u  ^jiWi^iH ''■ï  -^^^"^^' 
Lm^^^  Fmo/z.  Voy.  Halbertsma.  .rsngiB^isa  bdA)  htO' 


Xij  TABLE    DES    MATIERES. 

Art.    Pages 
Limoges  (Comtes  et  Vicomtes  de).  Voy.  LASTEYRiE;j*:b  nsmJDàcj?  ^(aa)  M3viijijM 
Lions  (Les  Combats  contre  des).  Voy.  Cassel.      >  J3  anshojard  zsb  Dupir! 
Liîes.  Voy.  Boos.  .muiZH3mW^,\Q'^  .n. 

Livre  Blanc.  Voy.  Vaucher.  .inQiîqimnV  .^{OY  .au^\VM\&m8 

Lœrsch.  Voy.  Monuments.  .    .3>îUijp^,  ■ -"^^^    '   ■ '  ^'  '■ 

LoiSELEUR,  Anthologie  d'Horace  (T.  de  L'.y..^^oY  »s; 171     124 

Lombards  (Langue  des).  Voy.  Bluhme.  nuaa'iiiJ  .^oV  .nanuO  am^M 

Louis  IV  (de  Bavière).  Ses  négociations  avec  Frédéric  le  Beau.      '  ' 
Voy.  Dœbner.  ^HD^l^  .^oV  .^y 

Lucrèce,  De  la  Nature  des  choses,  p.p.  Bockemûller (Max  Bonnet3f.^'^'ïl2¥^"^^^î2>i(^ 

Lysias.  Voy.  Frohberger. 

!adourio2  .H)  muâJ  .q  ,qi^9iéi!oM.9b,m«lwï^ 

Madvig,  Opuscules  philologiques  (Charles  thurot)  ........     198     241 

Magen.  Voy.  Documents  sur  Jules-César  Scaliger. 

Mdgico  Prodigioso.  Voy.  Calderon. 

Magnabal.  Voy.  Calderon.        -  •'>^~'i>  y;»imfnr.i0.j 

Mahomet  et  le  Mahométisme.  Voy.  Bosworth  SmitH;   •  - 

Maiorescu,  Critiques . i/|5       45 

M ANNHARDT,  Le  Culte  des  Arbres  chez  les  Germains 231     357 

Manuscrits  de  la  Bibliothèque  de  Tours.  Voy.  Dorange. 

Marguerites  de  la  Marguerite  des  Princesses,  p.  p.  Frank  (T.  de  L.).     212     284 

Marty-Laveaux,  Cours  historique  de  langue  française  (A.  Darme- 
steter) 199     24$ 

Médaille  inédite  de  Ronsard.  Voy.  Chabouillet. 

Médecins  (Opuscule  sur  les).  Voy.  Galien. 

Mémoires-journaux  de  Pierre  de  l'Estoile,  p.  p.  Brunet,  Cham- 
POLLioN,  Halphen,  Lacroix,  Read,  Tamizey  de  Larroque  et 
Tricotel,  t.  I i68     m 

Merzdorf,  Voy.  Stade. 

MÉSA  (Stèle  de).  Voy.  Variétés. 

Mexicaine  (Grammaire).  Voy.  Olmos. 

MiNAYEF,  Grammaire  Pâlie;  tr.  p.  Guyard;  Kuhn,  Contributions  à 
la  grammaire  Pâlie  (E.  Senart) 142       33 

Molière.  Voy.  Œuvres.  ,  .—--.. 

Monier  V^illiams,  L^  Sagesse  des  Hindous  (A.  Barth).   .   :'S^.i^'i)iV^"^iWi6^■V^^^h 

Monuments  juridiques  germains  p.  p.  Gengler;  Documents  pour 
l'histoire  du  droit  germanique,  p.  p.  Lœrsch,  Schrœder 

et  Reifferscheid  (Marcel  Thévenin) 147       $0 

—       mégalithiques  de  la  vallée  de  l'Oise.  Voy.  Caix  de  Saint- 
Aymour. 

Mosaïques  chrétiennes  de  Rome.  Voy.  Rossl  •'  .^oV  .aDv;. 

Mueller  (L).  Voy.  Galien. 

MuiR,  Choix  de  sentences  religieuses  et  morales,  traduites  du  sajisi^V^i^^'^^- 
krit  (A.  Barth) 2o^   273 


TABLE   DES   MATIÈRES.  X^j^ 

-,  rn    .»tA  Art.    Pages 

MuLiNEN  (De),  Spécimen  d'un  dictionnaire  biographique  et  biblio-  oD)  Ztj^wma 

graphique  des  historiens  et  érudits  de  la  Suisse  (G.  M.) 192     19O' 

MURNER.   Voy.  WlMPHELING. 

Musée  Britannique.  Voy.  Inscriptions. 
Musical  (Le  Drame).  Voy.  Schuré. 
Musique  (Ancienne)  grecque.  Voy.  Ruelle. 
Mythe  Osirien.  Voy.  Lefébure. 

Nibelungen.  Voy.  Fischer. 

Noiiciens  (ChâTils  populaires).  Voy.  Chants,     q  ^moibitifa 

Œuvras  de  Molière,  p.  p.  Laun  (H.  Schuchardt) 178     139 

—    complètes  de  Diderot,  p.  p.  Assézat 174     126] 

Oise  (Monuments  mégalithiques  de  la  vallée  de  P).  Voy.  Caix  de  -, 

Saint- Aymour. 

Olmos  (De),  Grammaire  de  la  langue  mexicaine,  p.  p.  Siméon  (G.  ^ 

Maspero) -f^..  -vV 188     177^ 

Osirien  (Le  Mythe).  Voy.  Lefébure. 

Oxus  (L'ancien  lit  de  V).  Voy.  Goeje. 

Paléographie  indienne.  Voy.  Burnell.  'n/^ut^-^j^ill^  r\  :ih  Z3Vn^iJÎ^-u;\.i 

Palestine.  Voy.  Tobler.  ;v|  ^p  Qiipviomd  aiuop  >^u/..t-    '' ^  ' 

Pâ/i^  (Grammaire).  Voy.  Minayef.       ......  ,  .  .   ,  -.  .-  .  . 

Pamphile.  Voy.  Variétés.  .\jdiimi/MD:,XoV  -^^ 

Pattison,  Isaac  Casaubon  (Charles  Thurot)  i  .---." 160      88- 

Peintures  murales  du  prieuré  de  Gourtozé.  Voy.  Rochambeau. 
Perrault.  Voy.  Contes..  iVAr  ,7ia.^>î  ^jc!o>i3aJ  ^hhh  ijAh  e^cuuon 

Philosophie  de  la  science  du  langage.  Voy.  Chaignet.  ^  i  j  . 

—        grecque.  Voy,  Walter.  at8  .yov 

Phonologie  de  la  langue  française.  Voy.  Ayer. 

Pièces  allemandes  à  marionnettes,  p.  p.  Ei^GEhÇ**) ..:a,.>^02     ^'J3 

Pierre  de  L'^s;rpiLE. :  Voy ,;-/l/e/no/rç5-/ournaux.  arnBiiO  ,^ 

PiERRET,  Vocabulaire  hiéroglyphique,  fasc.  I  (G.  Maspero).   .  .■jtji^rfifèlK.^Sl 
Poésies  françaises,  latines  et  grecques.  Voy.  Despois.  ,j  .70V  .^i^' 

Politique  autrichienne  pendant  la  Révolution  française.  Voy.  Dqcuïrt^nMMJi'^J 
Pologne  (Genèse  du  second  partage  de  la).  Voy.  Documents. 
Prétérit  faible  des  langues  germaniques.  Voy.  Begemann. 
Prieuré  de  Courtozé  et  ses  peintures  murales.  Voy.  Rochambeau. 
Primavera  (Jacques).  Voy.  Ghabouillet. 
Proserpine.  Voy.  Claudien. 
Prudence.  Voy.  Girgensohn. 

Rawonpraî/<|ue  (Doctrine  de J3)  danis  la  philosophie  grecque.  Voy.  i/i 

-Walter.  ■  dîua  .A)  Jn:l 


Xiv  TA&tÉ^  ÛËS   ftîAi-lÈkES. 

/..  •  Art,     Pages 

Read.  Voy.  Mémoires-journaux.  ^' 

Keifferscheid.  Voj.  Monuments.        "' 

René  (Le  roi).  Voy.  Lecoy  de  la  Marche. 

Révolution  (Histoire  de  la)  dans  la  Creuse.  Voy.  Duval. 

—       française  (Politique  autrichienne  pendant  la).  Voy.  Dociz- 
'    menîs. 

Revue  des  dialectes  allemands.  Voy.  Variétés. 
Riant  (Le  Comte).  Voy.  GuNTHER.     - 

RiCHARDSON.  Voy.  SCHMIDT  (E.).    '"^^  ^  ~" 

Rigveda.  Voy.  Hymnes. 

RocHAMBEAU  (De)  ,  Prieuré  de  Courtozé  et  ses  peintures  murales 

(A.  Gii-y) i|5       75 

Rome  (Mosaïques  chrétiennes  dé).  Yoj.  Rossi. 

Ronsard.  Voy.  Chabouillet.  '  ^  '    '  "* 

Rossi  (G.  B.  de),  Mosaïques  chrétiennes  de  Rome  antérieures  au 

xv^  siècle  (Eug.  Mûntz)  .  .........  7' Tôy     104 

ROTH.  Voy.  Hymnes.  ""  ~ 

Rousseau  (Jean- Jacques).  Voy.  Saint  Marc  Girardin,  Schmidt 

(E.).     _      . 
Ruelle^  Études  sur  l'ancienne  musique  grecque  (Charles  Graux)  .     186     162 

Sagesse  des  Hindous.  Voy.  Monier  Williams. 

Saint  Louis.  Voy.  Wallon. 

Saint  Marc  Girardin  et  Bersot,  Jean-Jacques  Rousseau  (0/0)  .  .     144      40 

Erratum ;  .  .  .  .>  ;i.i^,   . "  80 

Saint  Paul,  Épître  aux  Romains,  p.  p.  VolkmâH' (A.  Sabatier)  .  .     138       17 
Sanskrit  (Sentences  traduites  du).  Voy.  Muml  ^^  ^up'mmoiqib  âiioîziii  >  Ja>î0c' 
Scaliger  (Jules-César).  Voy.  Z)ocum^/2?^.     ......••.•  .  (^ida.nsb 

Scheler.  Voy.  Ayer.  .x>l^M  .q  .q  .îuVifiVY  .(abnsdiA)  30at2 

ScHLEGEL  (Lettre  inédite  de).  Voy.  Variétés.  ^  -V^^  •^■''' 

Schmidt  (E.),  Richardson,  Rousseau  et  Gœthe  (C.  J.)  .  :''P  P^'J^-  1&4     i-j^S 
Schmidt  (J.),  De  la  Vie  d'Homère  attribuée  à  Hérodote  (Henri '^-f^W  2»^ 

Weil) .^v^^'ï^/xPY  -X^  P^^l^',^)  ïSf'^ 

—         Leibnitz  et  Baumgarten ,  étude' d^ésthéïfci\ié'^(è.  J.)  v  ^> ' '^'^f  - '"5^2 
Schrœder.  Voy.  Monuments. 
ScHULTE  (DE),  Histoire' de^  IrH'ttératùre  canonique/ 1. ^-^--(^111'^  Y:i.Mi^.Ai 

Viollet).  ........:;;;::  rV  .  .  .  .':  ......     227     344 

SCHURÉ,  Le  Drame  musical  (Eg\^^^r'".^V:^^^^^^  »  r  •  1  •'-    225     350 

Sentences  religieuses  et  morales  traMAés  dif^nsé^.  %f?WÉ^.    '^^^^  c,u.u.^  » 
Shakspere.  Voy.  Dowden.  ^''-  <^'''^hd2i'^  .^oV  .aDwanàT 

SiMÉON.  Voy.  Olmos.  .viaî^au^i  .^oY  .(n3iDnA)^n^wfcUâT 

Sociétés  savantes  :Ac^détt&mÉ&^^WÈm\^m^^  ^^^'^^^'^ 

^^^^     '-  -;,:  '1875  (Julien  Havet).'.-^^^"  14 

__     .2iQKA>ioa  .Y.oV  .(ob  aup^i  ^  j^iUg^'  jir.82Mjpl>  3ii8okîfiD),iiiio| 


table:  PES  MATlÈRpiS.  XV 

Art.    Pages 
--  —  9         »  .xlJSiJ\1lîc^^a^wmbVl  .'{oV  .aA4â 

—  .      ~  ^3i/..M  A.^?.n  YODaa  .'{oV-.(4o-i3J)  3H79 
■~                      ..jAVuCr.yoV.  .dWoiD  i^thtiBh  (eI  %b  aiiolztH)  noMo^i^^ 

—  '       —  15         »  »...        ^^^^^.27 

—  —  20  »//.i\iî\R5^>  •     •     •  143 

^  —  3  septembre        »       .'.>v..no2a>îAHn74 

—  —  10         »  »...  195 

~         ..llJiïi  c'Qi;jT:irjf~)r  .;j.  '^I^M^^^-jO  -iuJi^n 208 

—  ^ ."7  .  .     ^7,  ,    »,  ...»      •  •  •  207 

—  -•  24         »o'23nn3i^       •      •  223 

—  -  I  octobre.^3jj,  •>)      .  .  .     .„._238 

UE  20iiJo"nèJnn  ornôTl  sb  Esnnsîîàii^D  asupicec       ■  •  •  ;  .0)  ïzM4 
,^,.        ""  ~  ^5         ^^    .  .rxîn^M  .§u-a)3b3i2^vt7i 

"  —  —  22  »  ^      >>a'^mT\^  .^OV  .HT% 

—  —  S  novembre        »      ...  318 

—  ••         —  ._. 1,2.        »  »      ...  ;m 

—  —  19         ».))...  351 

—  —    ,,-.  .26     '     »->ioM  .x;o%  .c;i^jU.uu:i5.  ^1^3567 

—  —  3  décembre.^- i.;/jnf/  .70V .  ^;'îoJ  ---^83 

~"    .  .(o\o)  Ui:iD22uoitT3upDt.  10         »  ^>       •  •  •  399 

— T- .  .     Supplément;  ......  ..  ..  .,  ..  ..  niu.ih,;i4i5 

SoREL ,  Histoire  diplomatique  de  la  guerre  franco-allemande  (Van 

den  Berg) •  ni^o^fi  ^^^oV  .^iizv:>~<yjiiii:2i^,.  .^i^ 

Stade  (Albert  de),  Troilus,  p.  p.  Merzdorf  .  .  .  .  .  .  ,>isyA  ^^^V  l4Qùdh2^ 

Stèle  de  Mésa.  Voy.  Variétés.  ,^:,\^;\^,iN  .^{cf/  .sb  oïihhai  oimJ)  J303JHD2 

Suisse  (Spécimen  d'un  dictionnaire  biographique  ce|  ^ÔgrdpblqwéL3)  tqimhd?: 
des  historiens  etérudits  delà).  Voy.  MùLiNEN^Cb  ^iV  ^i  aG  ^(.L)  ramno?. 
Surville  (Clotilde  de).  Voy.  Kœnig.  .  .  /lisW 

.^ynîaxe.historique  de  la  langue  latine.  Voy.  DRvEgejUi  js  sîmdiaJ  — 

Tamizey  de  Larroque,  Documents  inédits  pour  sqrvyr..à|,JJhistoir^\  a^junog 
:,.-,     ,..         .   .  d^  l'Agenais.   .....  .".   ,'!'./;.;,  ,  .(^aoi^^55 

o?P    ;rs   ~  Voy.  M^'mozr^^-yW/2^ux^^)  l^^igy^  3ç,g^a  3j  ^à^yj,:;.' 

tapisseries  (Sur  la  fabrication  des).  Voy.  C;e^^:^^^  ^,  m^,ûi^\^^  i,-,^,iv 
Térence.  Voy.  Fischer,  Umpfenbach.  y^r^uoG  .voV  .3^a<^.^"-^' 

Testament  (Ancien).  Voy.  Kuenen.  ^oWiO   voV 

Tobler,  Biblip^r^phje^gép^raphi^jjie^^j^,^ 

,  Ganneau)  .  ••..,', iri-n^ilni/  -f,r-  •  '• 213     286 

Tours  (Catalogue  des  Mss.  de  la  Bibliothèque  de).  Voy.  Dorange.     _ 


Xvi  TABLE    DES   MATIÈRES. 

'  Art.     Pages 

'Tricotel.  Voy.  Mémoires-journaux. 

Troilus.  Voy.  Stade.  \. 

Tsiganes.  Voy.  Correspondance.  .  '  *   '  V'^^ 

UMPFENBACH,  Analecta  Terentiana  (■-.  T  -).ÇP^.^-:]?¥  l^  .-'(iriJ)  4f^"¥|é 

Variantes.  Voy.  Cobet. 

F^nVfé'^  :  Une  lettre  inédite  de  Schlegel  (T.  de  L.).  i  ,(^dT),iiziipmA  nzilst^ 

—  Voy.  Correspondance.  VJX 

...;  —      La  Stèle  de  Mésa  (G.  Clermont-Ganneau)  : ';  . ^nuîi^swifiiaîU  "  î^ 

.-.  —      Revue  des  dialectes  allemands,  p.  p.  Frommann  (C.  J.).    _. .  350 

—  P.  P.  Dobrée. 38? 

—  Un  pamphlet  à  propos  de  Pamphile  (G.  P.) 398 

Vaucher,  La  Chronique  du  L/vr^  fî/d[/2C  (r.) 136  10 

ViVENOT  (De).  Voy.  Documents. 

Vocabulaire  hiéroglyphique.  Voy.  Pierret.  ^^ 
Volkmar.  Voy.  Saint  Paul. 

jWBldkunsD  29ria2ÎiBi3liJ 

Wachsmuth,  L'ancienne  Atiiènçs. (p.. Dechâpu^). ijo     119 

Wagner.  Voy.  Dobree.  ^nriK  ''HI  .luîfiioîJiJ  tiddozlioUid  loh  2ub  nagnuIbriîîiM 

Wallon,  Saint  Louis  et  son  temps  (A.  Molinier) 241     409 

Walter,  La  doctrine  de  la  raison  pratiiiJUfi.dans,-lf.phibso!pMe.:;:A.u^bn3m'/i 

grecque  (Ém.  Boutroux)  .  .  .  ^iîiFW£un*-lhv£-»2i£M  .?^8.î  <^II)^ioi^'%ijq(66l 

Walz.  Voy.  Chronique  de  Fier  sheim.  7A.i\Si  .3om\i\'h 'jiïv^H 

Weinhold.  Voy.  Fragments.  ,„ .^ ,_ ^.  .iuqnoiîDmianl'l sb suvsH 

WiLKEN.  Voy.  Benecke.  .  .ivii  %  ^illVX  .î  ^phbz  .vuqVI 

WiMPHELWG y  Germania;  MuRHEK,  Germania  nova  (E.) 211     282 

WORDSWORTH,  Fragments  et  textes  en  ancien  latin  (M.  B.).  .  .  .     164  .  loi 

Xénophon,  VAnahase,  p.  p.  Cobet  (Charles  Thurot) 132         2 


a'IiUy/Of 


PERIODIQUES     ETRANGERS 

ANALYSÉS  SUR  LA  COUVERTURE. 

Academy  (The).  New  séries,  N"'  162-186 N°'27-si 

Anzeiger  fur  Kunde  der  deutschen  Vorzeit.  1875. 

N-5 27 

6 30 


TABLE    DES    MATIÈRES.  XVJ) 

7 •.xûjiMfcol-Moih'^W.YoV  .jrr^'^^^P 

9 45 

10 48 

Athenaeum  (The).  N"*  2485-2509 ••.-.;, 27-51 

Germania.  Neue  Reihe,  achter  Jahrg.  Heft  II 38 

in 4? 

Indian  Antiquary  (The).  Part  XLVI 44 

XLVII 46 

Jenaer  Literaturzeitung.  iSyj^^.N"^  1 5-22.  ,  j' ;  ,. 27-52 

:'yo}:'^  .    2^-24.  .rvdlh '-;'*: 34-35 

r'     ■■  25 37 

27-28 38-39 

30-32 41-42 

34-3  5 47 

3^ t  u»v  •.o»j\*in»^,:  «^r«  i,fm  44. •..49 

38 JUA*3  .THÎA^  ^VOV  .H    51 

Literarisches  Centralblatt,  N°^  26-32  de  1875. 27-34 

33-48.  .  .  Aiv^^ilJKw.  .  .  36-51 

Mittheilungen  aus  der  historischen  Litteratur.  IIP  année.  N**  3.'..*ioV  .;i3mo/jj^ 

Nittende  Aarhundrede.  1874.  Octobre rj  ^h 35 

Propugnatore  (II)  1875.  Mars-avril-mai-juin 35 

Revue  d'Alsace.  1875.  Avril-mai-juin,  juillet-août-septembre  •   •   •  39 
Revue  de  l'Instruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique. 

Nouv.  série,  t.  XVIII,  4Mivr ogn^g^v  38 

5Mivr.    ..   .   .' <;,;^;H,!rii  ^Kùn^^WCiD.^  45 

Rivista  Europea  (La),  1875.  Avril ?.U^e;  t;?  2îî:3Cr':îrr'î.,v  37 

Mai,  juin 38 

"  Juillet,  août   .  ,  ;  r  *  i.-  i  i.--.  v  i^  t^  <'  '  '*  ' '■  39 

Septembre 40 

Octobre 45 

Novembre 51 


^>i?îDHA^Tà   aauoiaoïiiHq 


.  à8r-£ôi  '"W.  (291132  wsW  .(sriT)  Yfnabfi^A 


hMx-J 


N*  27  Neuvième  année.  3  Juillet  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F>UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


Prix    d^abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 


PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


MÉMOIRES 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

de  la  Société  de  linguistique.  T.  II.  5e  fasci- 
cule (complément  du  volume).  4  fr. 

Contenu:  H.  Kern,  le  suffixe  ya  du  sanscrit  classique,  ia  de  l'arien. — L.Havet, 
Note  sur  l'article  précédent.  —  D'Arbois  de  Jubainville,  les  thèmes  celtiques  en  5. 
—  M.  Bréal,  Umbrica.  —  L.  Havet,  sur  les  palatales  sanscrites. — A.Bergaigne, 
du  rôle  de  la  dérivation  dans  la  déclinaison  indo-européenne.  —  Variétés  : 
M.  Bréal,  Frères  jumeaux  dans  le  vocabulaire  latin.  —  Caro,  carnis.  — Vilis.  — 
Masticare.  —  Kakéq.  —  Latin  sus,  sur.  Ombrien  sururont,  surur.  —  Indulgere. — 
Sanscrit  sva  pour  su  «  bien  ».  —  A.  Bauer,  de  la  double  origine  de  rarticle  alle- 
mand. —  L.  Havet,  sur  la  déclinaison  des  thèmes  féminins  en  a.  —  Le  locatif 
ombrien.  —  F.  Baudry,  Notice  sur  le  suffixe  participial  -anî.  —  J.  Darmestettr, 
Nomen,  nâman.  —  Index. 

COLLECTION    PHILOLOGIQUE    (ANCIENNE  SÉRIE) 

5e  FASCICULE. 

^  •      tv  111  ;JCl4  jTv    Les  noms  de  famille.  3  fr.  50 


G.  PARIS 


Les  Contes  orientaux  dans  la  littérature  française  du 
moyen-âge.  Broch.  in-S^.  i  fr. 


PERIODIQUES. 

The  Academy,  N°  162,  new  séries,  12  juin.  Poetical  and  Dramatic  Works 
of  Thomas  Randolph.  Ed.  by  W.  Carew  Hazlitt.  London,  Reeves  and  Tumer 
(Edward  Dowden).  —  Monumental  Inscriptions  of  the  British  West  Indies,  etc. 
By  Capt.  J.  H.  Lawrence- Archer.  London,  Chatto  and  Windus  (Joseph 
Lemuel  Chester:  recueil  d'épitaphes,  avec  des  annotations  généalogiques  et 
historiques).  —  E.  Reuss,  History  of  Christian  Theology  in  the  Apostolic  Age. 
Transi,  by  Annie  Harwood.  With  a  Préface  and  Notes  b}^  R.  w.  Dale.  2  vols. 
London,  Hodder  and  Stoughton  (Albert  Réville  :  félicite  les  Anglais  d'avoir 
fait  passer  dans  leur  langue  un  ouvrage  de  l'importance  de  celui  de  M.  Reuss). 
—  Feugère,  Erasme;  Pennington,  The  Life  and  Character  of  Erasmus.  With 
a  Préface  by  the  Bishop  of  Lincoln.  London,  Seely,  Jackson  and  Halliday 
(Robert  B.  Drummond;  sur  le  premier  ouvrage,  cf.  Revue  crit.,  1875,  I,  p.  267; 
le  second  mérite  à  peine  d'être  signalé).  —  Worksop,  «  The  Dukery,  »  and 
Sherwood  Forest.  London,  Simpkin,  Marshall  and  Co.  (Edward  Peacock:  utile 
contribution  à  l'étude  des  généalogies).  —  Ritter,  Briefe  und  Acten  zur 
Geschichte  des  dreissigjaehrigen  Krieges,  etc.  (A.  Gindely;  cf.  Rev.  crit.,  1875, 
I,  p.  296).  —  Notes  and  News.  —  Notes  of  Travel.  —  Charles  de  Rémusat  (not. 
nécrol.  p.  G.  Monod).  —  German  Letter  (C.  Aldenhoven).  —  Correspondence. 
The  late  sir  Goldsworthy  Gurney  (C.  Patmore).  —  On  Wentworth's  Un- 
published  Speech  (Samuel  R.  Gardiner).  —  Pepys'  Diary  (Mynors  Bright). 
-—  Sidgwick,  The  Methods  of  Ethics.  London,  Macmillan  and  Co.  (Edward 
Caird).  —  Meetings  of  Societies  (Soc.  royale  de  littérature,  d'archéologie  biblique, 
d'anthropologie). 

The  AthensBum,  N°2485,  12  juin.  The  Quarrel  between  the  Earl  of  Man- 
chester and  Olivier  Cromwell.  By  John  Bruce,  and  Masson.  Camden  Society 
(documents  inédits  relatifs  à  cet  épisode  avec  fragments  d'une  préface  historique 
par  Bruce  et  des  annotations  de  M.  Masson).  —  The  Dramatic  works  of  Molière. 
Rendered  into  English  by  Henry  Van  Laun.  Edinburgh,  Paterson  (excellente 
traduction).  —  De  Gubernatis,  Letture  sopra  la  Mitologia  Vedica  (cf.  Rev. 
cm.,  1875,  I,  p.  49).  —  Mr.  Charles  de  Rémusat.  —  «  The  Interior  of  New 
))  Guinea»  (réplique  de  M.  Lawson  au  capit.  Moresby).  —  Literary  Gossip.  — 
Anthropological  Notes.  —  Societies  (Institut  archéologique,  soc.  d'archéol. 
biblique).  —  Miscellanea.  Is  Aetion  Shakspeare?  (F.  G.  Fleay). 

Jenaer  Literaturzeitung,   1875,  ^"^  ^S?   ^^  avril.  Jahrbùcher  fiir  protes- 

tantische  Théologie herausg.  v.   Hase,  Lipsius,  Pleiderer,  Schrader. 

Jahrg.  1875.  Leipzig,  Barth(G.  Franck).  — Krûger,  Des  Ptolomseus  Lucensis 
Leben  u.  Werke.  Gœttingen,  Peppmuller.  In-8°,  84  p.  (Wilhelm  Bernhardi). 
— Rùckert,  Grammatik,  Poetikund  Rhetoric  der  Perser.  Neu  hrsg.  v.  Pertsch. 
Gotha,  Perthes.  In-8°,  xx,  414  p.  (Stickel).  — Comicorum  Romanorumpraeter 
Plautum  et  Terentium  fragmenta  secundis  curis  recens.  Otto  Ribbeck.  Lipsiae, 
Teubner.  In-8°,  cxxxvj-508  p.  (Karl  Dziatzko).  —  Hertz,  Vindiciae  Gellianae 
alterae.  Leipzig,  Teubner.  In-8%  91  p.  (Adam  Eussner).  — Geitler,  Litauische 
Studien.  Prag,  Mourek.  In-8°,  123  p.;  Bezzenberger,  Litauische  und  lettische 
Drucke  des  16.  Jahrh.  I.  Gœttingen,  Peppmuller.  In-8°,  xiv-36  p.  (Hugo 
Weber). 


— -  N**  16,  17  avril.  Keil,  Biblischer  Commentar  ûber  die  prophetischen 
Geschichtbûcher  des  alten  Testaments.  Bd.  2.  Dis  Bûcher  Samuels.  ZweiteAufl. 
Leipzig,  Dœrfflingu.  Francke.  In-8%  398  p.  (Ad.  Kamphausen).  —  Kuenen, 
Les  origines  du  texte  Masoréthique  de  l'Ancien  Testament.  Tr.  du  hollandais 
p.  Carrière  (cf.  le  présent  n"  de  la  Rev.  crit.).  —  Deutsch,  Der  Islam.  Aus 
dem  Enghschen  ùbertragen.  Berlin,  Dûmmler's  Verlagsb.  (H.  Steiner).  ■— 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  27  —  3  Juillet  —  1875 

Sommaire:  131.KUENEN,  Les  origines  du  texte  masoréthique de  l'Ancien  Testament, 
tr.  p.  Carrière.  —  132.  Xénophon,  VAnabase,  p.  p.  Cobet.  — 133.  Claudien, 
L'Enlèvement  de  Proserpine,  p.  p.  Jeep.  —  134.  Begemann,  Le  Prétérit  faible  des 
langues  germaniaues.  —  135.  De  Caix  de  Saint-Aymour,  Études  sur  quelques 
monuments  mégalithiques  de  la  vallée  de  TOise.  —  136.  Vaucher,  La  Chronique  du 
Livre  Blanc.  — 137.  Andrée,  Géographie  du  commerce  universel. —  Sociétés  savantes  : 
Académie  des  inscriptions. 

131.  —  Les  origines  da  texte  masoréthique  de  T Ancien  Testament,  exa^ 

men  d'une  récente  hypothèse,  par  A.  Kuenen  ,  professeur  à  l'Université  de  Leyde, 
traduit  du  hollandais,  par  A.  Carrière,  répétiteur  à  l'École  des  Hautes-Études.  Paris, 
!875.In-8%viij-$3  p. 

Le  titre  général  de  ce  mémoire,  bien  que  corrigé  quelque  peu  par  la  seconde 
partie,  n'indique  qu^imparfaitement  Pobjet  qui  y  est  traité.  Les  questions:  quandy 
par  qui  et  comment  notre  texte  masoréthique  a-t-il  été  constitué,  non-seulement 
n'y  obtiennent  pas  «  une  réponse  absolument  satisfaisante  »  (p.  53),  mais  elles 
n'y  sont  pas  même  discutées.  Pour  l'époque  seule  au-dessous  de  laquelle  une 
bonne  critique  interdit  de  descendre,  le  savant  professeur  de  Leyde  adopte  avec 
raison,  mais  sans  se  livrer  à  de  nouvelles  recherches,  l'opinion  établie  aujour- 
d'hui que  la  fin  du  11"  siècle  est  le  terminus  ad  qnem  qu'il  est  impossible  de 
dépasser.  Le  vrai  but  que  se  propose  M.  Kuenen  dans  ce  mémoire  est  de  réfuter 
une  hypothèse,  proposée  avec  une  certaine  désinvolture  par  M.  Paul  de  Lagarde, 
professeur  à  Gœttingue,  pour  expliquer  les  différences  considérables  qui  existent 
pour  la  vie  des  patriarches  antérieurs  au  déluge  (Genèse,  chap.  V),  et  celle  des 
ancêtres  d'Abraham  (Genèse,  XI,  10-26),  entre  le  texte  hébreu  de  la  Bible  et  la 
version  des  Septante.  M.  de  Lagarde  propose  de  considérer  comme  une  vérité  la 
tradition,  conservée  dans  l'introduction  d^une  version  arabe  de  la  Genèse  et 
complétée  dans  le  commentaire  d'une  autre  version  du  même  livre,  d'après 
laquelle  les  grands  prêtres  Hanan  et  Kaïafa  se  seraient  mis  d'accord  pour  retran- 
cher mille  ans  des  années  de  la  vie  des  patriarches,  afin  de  pouvoir  nier  l'appa- 
rition du  Messie,  promise  par  Dieu  à  Abraham  au  bout  de  cinq  jours  et  demi,  en 
d'autres  termes  pour  l'année  5500  «. 

En  prenant  comme  point  de  départ  la  thèse  qu'aucun  changement  n'a  été  fait 
au  texte  masoréthique  depuis  l'an  200  après  J.-Ch.,  M.  K.  prouve  qu'aucune 
trace  de  la  prédiction,  donnée  par  le  texte  arabe,  ne  se  trouve  dans'les  premiers 
siècles  de  l'ère  chrétienne,  et  que,  par  conséquent,  aucune  controverse  n'a  pu 
engager  jusqu'à  cette  époque  les  Juifs  à  une  falsification  des  chiffres  dans  les 
deux  chapitres  de  la  Genèse.  L'auteur  prodigue  dans  cette  démonstration  toutes 

I.  Voyez  sur  la  divergence  des  textes,  le  travail  de  A.  Geiger,  Wissenschajtl.  Zeit- 
schrift,  I,  98-121,  174-18S  (cité  par  M.  K.,  p.  49,  note  2),  et  sur  l'hypothèse  de 
M.  Lagarde,  VII,  p.  312-313. 

XVI  I 


2  REVUE    CRITIQUE 

les  ressources  de  sa  vaste  science  et  de  sa  dialectique  fine  et  serrée.  On  regrette- 
rait peut-être  une  sorte  de  gaspillage  dans  ce  déploiement  prodigieux  de  raisons 
pour  battre  en  brèche  une  hypothèse  aussi  peu  sérieuse,  si  les  études  de 
M.  K.  n'étaient  pas  toujours  pleines  de  renseignements  et  d'aperçus  utiles. 

M.  Carrière  a  donc  bien  fait  de  rendre  accessible  aux  Français  ce  beau  mé- 
moire, écrit  en  hollandais,  langue  que  peu  de  savants  comprennent.  Le  tra- 
ducteur, en  publiant  cette  brochure,  a  voulu  du  reste  rendre  hommage  à 
l'université  de  Leyde,  qui  allait  célébrer  le  300»  anniversaire  de  sa  fondation, 
et  en  particulier  à  cette  faculté  de  théologie  si  admirablement  constituée  et  qui 
compte  dans  son  sein  des  hommes  comme  MM.  Kuenen  et  Scholten.  Les 
«  Verslagen  »  de  l'Académie  royale  des  sciences  contiennent  encore  bien  d'au- 
tres mémoires  qui  mériteraient  les  honneurs  d'une  traduction  :  nous  citerons 
entre  autres  le  travail  remarquable  de  M.  Kuenen  sur  les  Sanhédrin.  M.  Car- 
rière rendrait  un  vrai  service  à  la  science,  en  leur  consacrant  la  connaissance 
parfaite  qu'il  a  de  la  langue  hollandaise,  pour  les  faire  passer  dans  la  nôtre. 

J.  D. 

132.  —  Xenophontis  expeditio  Cyri,  in  usum  scholarum  edidit  C.  G.  Cobet. 
Editio  secunda  emendatior,  Lugduni-Batavorum,  Brili,  1873.  xx  et  295  p.  —  Prix  : 
4fr. 

M.  Cobet  avait  publié  en  1859  une  première  édition  du  texte  de  l'Anabase  de 
Xénophon  destinée  à  l'usage  des  classes.  Cette  seconde  édition  repose  sur  les 
mêmes  principes.  «  Nihil  esse  arbitror  »  dit  M.  C.  dans  la  préface  «  quod  sit 
»  simul  et  verius  et  evidentius  quam  Quintiliani  praeceptum  :  interpretationem 
^VPRAECEDERE  DEBET  EMENDATA  LECTio.  Ncmo  potest  et  ipsc  intclligere  et  alteri 
f^f^terpretari  id  qupd  non  est  sanum  et  integrum.  Diligenter  igitur  videndum, 
»  ne  quis,  dum  scripturas  aegras  et  maie  sanas  utcumque  explicare  nititur,  pau- 
»  latim  ingenium  obtundat  suum  iudicioque  vim  afferat,  et  quae  olim  in  linguae 
jj^iXatione  et  usu  certa  et  stabilia  fuerunt,  ea  nunc  librariorum  vitio  incerta 
»  esse  et  fluxa  et  varia  videantur.  In  hac  quoque  re  maxima  debetur  pueris  rêve- 
))  rentiay  qui  primis  doctrinae  démentis  imbuuntur  récentes,  ne  quid  videant  et 
»  imbibant  quod  vitiosum  sit  ac  falsum ,  nam  diu  servant  errorem  et  perversae 
»  interpretationis  consuetudinem  non  facile  dediscunt.  »  Ce  désir  de  ne  rien 
proposer  à  des  jeunes  gens  qui  ne  soit  d'une  pureté  irréprochable  a  conduit 
M.  C.  hors  des  limites  où  il  faudrait  se  renfermer  dans  une  édition  à  l'usage  des 
savants.  Il  a  supprimé  tout  ce  qui  paraissait  redondant  et  oiseux  à  la  sévérité  de 
son  jugement,  et  il  a  changé  tout  ce  qu'il  trouvait  contraire  à  l'analogie  du  dialecte 
attique  qu'il  aime  si  passionnément  et  qu'il  connaît  si  bien.  La  destination  de  son 
livre  excluait  l'expression  du  doute  et  ne  souffrait  pas  qu'on  restât  dans  l'incer- 
titude :  ce  qui,  comme  l'on  sait,  répugne  d'ailleurs  au  caractère  de  l'illustre 
helléniste. 

Nous  discuterons  ici  quelques-unes  des  modifications  que  M.  C.  a  apportées 
au  texte  de  sa  première  édition. 

Quelque  danger  qu'il  y  ait  à  admettre  qu'un  texte  est  interpolé,  quelque  abus 


d'histoire  et  de  littérature.  I 

que  les  critiques  de  notre  temps  aient  fait  de  cette  hypothèse,  en  général  très- 
difficile  à  établir,  on  ne  peut  s'empêcher  d'accorder  à  M.  C.  que  le  texte  de 
VAnabase  n'ait,  en  un  certain  nombre  de  passages,  subi  cette  sorte  d'altération. 
L'une  des  plus  importantes  et  en  même  temps  des  plus  probables  que  M.  C.  ait 
signalées  se  rencontre  dans  II,  ^  23.  Cléarque  dit  à  Tissapherne,  après  la  mort 
de  Cyrus  :   yjjjlsTç  ouïe  auvYjXOojxev  wç  ^oLQiXeX  TroXsix-^aovTsç  cW  £7:op£u5[X£Ôa 

èiul  èoLcikia àxel  §£  Kupoç  TéOvr;/.£v,  out£  êaaiA£Ï  dtvTt7coic6[A£0a  ty;ç  àpXr^^ 

oui'  Igtiv  5tou  £V£y.a  êouXoijisO'  av  ty;v  éaciXéwç  /a)pav  xaT-wç  ';:oi£Tv  cùo'  auxcv 
à7roxx£Tvai  âv  è6é>voi{j.£V.  La  pensée  exprimée  dans  la  dernière  proposition  cio'... 
èO£Xot[jL£v  se  rencontre,  sous  forme  affirmative,  dans  III,  i,  17  et  VII,  i,  27; 
mais,  comme  le  fait  remarquer  avec  raison  M.  C,  «  recte  haec  dicuntur  de  eo 
»  tempore  quum  Cyrus  fratri  et  regnum  et  vitam  ereptum  iret,  sed  Cyro  mortuo 
))  Graecos  negare  se  regem  occidere  velle  quam  fatuum  est!  »  Ajoutons  que 
l'interpolation  n'est  pas  placée  où  elle  devrait  être,  c'est-à-dire  immédiatement 
après  TY)^  oLpyTiÇ.  Il  est  probable  qu'un  réviseur  aura  cru  compléter  la  pensée  en 
mettant  à  la  marge  ce  qu'il  avait  tiré  des  deux  autres  passages.  Il  me  semble  que 
M.  C.  a  eu  raison  d'être  choqué  des  mots  mis  entre  crochets  dans  les  passages 
suivants  :  I,  8,  23  èxTou  àvTtou  [où'b'k  toÏç  T£TaYiAévot.<;  IjjLirpoaôev].  II,  6,  1 1  to 
(JTUYVcv  aÙTOÎ)  [âv  toTç  Tupocroixoiç].  IV,  2,  2  ûtcwç  xauTY)  [zr^  ôBto].  VII,  3,  37 
vc[;.oç  ToTç  EXXyjgiv  Y]Y£T36ai  [lait]  to  6paouTaTov.  Je  conserve  des  doutes  sur  les 
passages  où  un  mot,  qui  n'est  ni  nuisible  au  sens  ni  contraire  à  l'usage,  est  sup- 
primé comme  inutile,  par  exemple  sur  I,  2,  18  xà  tovia  [IçuyHi  ^>  h  ^  tvcavbç 
£Tvai  [oTi;.ai],  I,  4,  14  [liXécv]  ':rpOTi[j.Yja£aÔ£  et  aTuoxpivoJVxai  [Kupw],  I,  8,  5 
icTYjaav  [èv  tw  â£?iw],  I,  8,  24  hpe^z  [toùç  e^ci.y.Kr/j'kiouq]^  I,  8,  28  7:£7:T(i)xcTa 
£TB£  [KDpcv],  IV,  2,  10  ouç  [t]  àxoy,ot]>ai  àva^xY).  Si  ces  interpolations  sont 
possibles,  elles  ne  sont  guères  démontrables.  Les  Grecs  de  l'âge  classique 
n'avaient  pas  sur  le  style  les  mêmes  idées  que  nous.  Nous  serions  choqués  des 

répétitions  que  Xénophon  s'est  permises  (4,  4,  21) -î^  Xwaav ÉaXw,  (4,  5,  2) 

£:rop£uÔr((7av £TOp£6ovTo  :  nous  n'admettrions  pas  une  parenthèse,  comme 

celle  que  Xénophon  ouvre  (4,  7,  16)  w  £açaTTOv £[jl£XXov. 

Il  n'est  pas  moins  difficile  de  décider  sur  les  particularités  de  la  langue  de 
Xénophon.  Il  est  incontestable  qu'à  cet  égard  les  manuscrits  sont  sans  autorité, 
puisque  les  copistes  ont  substitué  de  bonne  heure  les  formes  et  les  locutions  du 
dialecte  commun  à  celles  du  dialecte  attique.  D'autre  part  l'analogie  est  un  guide 
trompeur.  Dans  le  passage  que  nous  venons  de  citer  (4,  4,  21)-,  nous  voyons 
'J^Xwcav  avec  contraction,  kàXiù  sans  contraction,  employés  l'un  à  côté  de  l'autre. 
M.  C.  se  fonde  sur  l'analogie  de  4,  6,  12,  et  de  7,  3,  37  pour  substituer  vuxTwp 
à  TY)v  vuxTa  et  ^.£6'  YjjjLépav  à  xr^v  5a  Yjjjipav  dans  le  passage  suivant  (5,8,  24) 
TGÎJiov  TavavTi'a  '::oiyjc£T£  ri  xouç  xùvaç  TroioDai  *  toùç  tJi.£V  vàp  /.uvaç  toùç  y^oCke- 
xoùç  xàç  jj.£V  inképaq  Sioéaai,  xàç  âà  vuxxaç  àçiact,  toutov  Se,  yjv  a(i)çpovY5T£,  tyjv 
vuxia  iJL£v  ^T^^dETE,  TY)v  §£  Yj[xépav  à^iQaETc.  Il  me  semble  que  dans  les  passages 
rapprochés  par  M.  C.  vuxxwp  et  {ji£6'  -^{xépav  conviennent  pour  exprimer  ce  que 
nous  rendrions  en  français  par  de  nuit,  de  jour,  et  que  dans  le  texte  ($.8,  24), 
l'accusatif  exprime  mieux  pendant  la  durée  de  la  nuit,  du  jour. 


i  ^  REVUE    CRITIQUE 

.L'emploi  des  temps  était,  chez  les  Grecs,  fort  différent  de  ce  qu'il  est  dans  nos 
langues  modernes  ;  et  Pusage  ne  mettait  pas  entre  l'aoriste  et  le  plus  que  parfait 
ou  l'imparfait  la  différence  que  notre  langue  observe  entre  notre  prétérit  défini 
et  notre  plus  que  parfait  ou  notre  imparfait.  Faut-il  lire  TuaosfTxeuaaTo  au  lieu  de 
7uap£GX£uac7aTO  (i,  lo,  i8),  Yj^aYsç  au  lieu  de  ti^eç  (3,  4,  40),  u7:é|/£VcV  au  lieu 
de  u7U£iJ.£iV£V  (4,  I,  1 5)j  TrpoYjYaYov  au  lieu  de  'irpoffYÎ^ov  (6,  i,  14),  M  au  lieu 
de  £Ô£i  (7,  i,  18),  zepi'K'keX  au  lieu  de  izepiiTzkei  (7,  i,  19)?  Il  est  malaisé  de  le 
décider. 

L'emploi  de  l'article  est,  comme  on  sait,  une  des  difficultés  et  des  délicatesses 
de  la  langue  grecque.  M.  G.  l'a  rétabli,  où  il  manquait,  dans  I,  2,  20  aùiY]  (wjç) 
oTpaTtwTaç,  IV,  7,  2$  àXXYjXouç  -/.cà  (xohq)  GTpaxYJYOuç,  VII,  4,  16  ècpaivsTO 
(xb)  Tîup,  et  supprimé,  où  il  était  de  trop,  dans  IV,  8,  25  xtô  Ail  [xà]  awTYjpta,  V, 
5,  20  u7uat6piot  èv  [xY]]  xa?£L  Je  ne  l'aurais  pas  ajouté  dans  II,  4,  6  xcv  S'  o5v 
Eu^pax'/jv  r(T{/,£V  oxi  àSuvaxov  8ia6^vai  y.wXucvxtov  (xô)v)  7roX£p.i(ov.  Il  me  semble 
qu'il  s'agit  ici  d'ennemis  en  général,  ce  que  nous  rendrions  en  français  par 
tt  quand  des  ennemis  s'opposent  au  passage.  »  L'article  était-il  nécessaire  devant 
un  nom  de  peuple  dans  VI,  i,  14  ij.y)x'  àâi/,£tv  (xoùç)  HaçXaYcvaç?  D'autre  part 
je  le  laisserais  dans  V,  2,  17  £X£Yov  cxi  axpa  xé  èaxiv  £v5ov  xal  [ol]  7:oX£[jmoi 
TuoXXoi,  o'i  TiaiouCTiv  £xB£Bpa[j.Y)y,6x£ç  xoùç  evBov  àv6pa)7:ouç.  Je  crois  que  la  propo- 
sition relative  ajoute  ici  une  idée  à  celle  qui  est  exprimée  par  l'article  :  «  les 
»  ennemis  sont  nombreux  et  ils  frappent,  etc.  » 

M.  G.  a  le  sentiment  très-juste  et  très-délicat  sur  la  valeur  des  prépositions 
que  les  copistes  ont  si  souvent  confondues.  Il  me  semble  avoir  raison  de  substi- 
tuer £v  à  Guv  dans  (6,  5,  3)  èxvjpu^av  àptcxYjaavxaç  èçi£vai  xoùç  axpaxiwxaç  aùv 
xoîç  oxXotç,  où  le  sens  serait  rendu  par  le  français  en  armes.  Mais  je  ne  pense 
pas  que  ce  texte  puisse  autoriser  la  même  substitution  dans  (7,  3,  40)  7:apr,v 
"Zeû^Tiq  l^wv  XOUÇ  iTnuéaç  x£0ci)pay,ta^£vouç  v.cà  xouç  7C£Xxaaxàç  aùv  xoîç  otcXûiç, 

où  le  sens  est  avec  les  Hoplites;  car  on  lit  immédiatement  après  /.ai 01  ij.£v 

6'!:XTxai  yj^ouvxo,  01  Bè  7U£Xxa(jxai  eittovxo,  ol  S'  itutuy^ç  wTUiaSoçuXàxouv. 

On  sait  que  les  écrivains  grecs  lient  par  des  conjonctions  les  propositions  co- 
ordonnées, habitude  que  n'ont  pas  les  écrivains  latins.  Gependant  l'asyndète  et 
l'asyndète  sans  figure  oratoire  n'est  pas  rare  chez  Xénophon,  particulièrement 
avec  le  démonstratif  xouxo,  xauxa,  qui  n'est  même  pas  toujours  en  tête  de  la 
proposition,  par  exemple  dans  4,  4,  19;  4,  6,  4;  5,  6,  14.  Je  n'aurais  pas 
ajouté  3'  après  xouxo  dans  j,  2,  7.  M.  G.  n'ajoute  pas  ouv  après  01  |jl£v  dans  i, 
2,  2$  ;  mais  il  l'ajoute  après  01  [xkv  dans  2,  1,6,  xy)v  \)kv  dans  6,  5 ,  i .  On  trouve 
aussi  dans  3,  i,  26  ô  [x£v  xaux'  £X£?£v,  mais  ce  passage  rentre  peut-être  dans 
l'analogie  de  ceux  où  le  démonstratif  est  employé  sans  conjonction  de  coordina- 
tion. Gependant  l'article  suivi  de  jj^àv  est  trop  de  fois  employé  sans  xal  ou  ouv 
pour  ne  pas  autoriser  à  penser  que  Xénophon  s'est  permis  l'asyndète. 

Le  texte  de  l'Anabase  ne  comporte  pas  beaucoup  de  corrections  qui  intéressent 
le  sens.  M.  G.  en  a  fait  une  qui  me  semble  heureuse  dans  2,  2,  13  où  il  est  dit 

que  'Apiatoç  èxuYxav£  èç'  (ZjjlûcÇyîç  ':rop£UO[j.evoç,  Btéxi  èxéxpwxo.  Sur  quoi 

M.  G.  fait  la  remarque  suivante  :  «  absurdum  est  principem  virum  eumque  vul- 


d'histoire  et  de  littérature.  5 

»  neratum  plaustro  vehi.  Imo  vero  è^'  àp[LOL[jA^r,ç  èiropsûsTo,  ut  Atheniensiuiti 
»  legati  in  Perside  iter  faciunt  è:p'  àp{j.a|j.a?ûv  [j.aX0axG3ç  >taTax£([;.£v5i,  apud 
»  Aristophanem  Acliarnens.  vs.  71,  et  rex  Persarum  in  Graeciam  contenderià 
»  [jL£T£7.6aiv£G/.£  cîxwc  wv  XoYOÇ  aiûéoi  ijt  ToD  apaaxoç  ic  àpui.auLa5av,  teste  Her6^ 
»  doto  VII,  41,'^"''      "":  '';-i'^'»^^nlo  JiifiT:r}T3pimqi.iion  J^ 

Nous  croyons  en  avoir  assez  dit  pour  montrer  que  Sédition  de  M.  Cobet 
n'est  pas  bonne  seulement  pour  des  élèves  ;  les  philologues  trouveront  aussi  à 
profiter  dans  l'œuvre  du  plus  fin  connaisseur  en  langue  grecque  que  nous  ayons. 

Charles  Thurot. 


,^^.  —  Cl.  Claudiani  teàptîis  Proserpinae.  Recensuit  D' LndoVîcus  Jeep,  Lip- 

siensis.  Augustae  Taurinorum,  Arminius  Lœscher.   1875  (1874).  xxv  et  59  p.  — 
Prix  :  4  fr.  ,  , 

M.  L.  Jeep  a  etitrepris  un  travail  considérable  et  bien  méfitôîfe'j  c'est  d'établir 
pour  la  première  fois  par  une  critique  méthodique  le  texte  de  Claudien.  Depuis 
1869,  il  a  consacré  une  série  d'écrits  aux  questions  qui  s'y  rapportent'.  Ses 
conclusions  ayant  été  adoptées,  sauf  quelques  réserves,  par  plusieurs  savants 
(Teuffel,  Baehrens,  Vitelli),  il  ne  fait  que  les  énoncer,  avec  de  légères  modifica- 
tions, dans  la  préface  de  son  édition  du  de  raptu  Proserpinae^. 

M.  Jeep  connaît  une  cinquantaine  de  mss.  de  ce  poème,  qu'il  classe  d'après 
les  signes  suivants  :  "^"  moz  zmvjaa^  « 

I  texte  (relativement)  complet;  subdivisée  en  :  s  .D  M 
la  la  leqonfusis  «  conservée  »  dans  1.  I  v.  53.                              ^^'^'  2-*'  sup 
l'b  pensis  au  lieu  àefusis,  1.  IV/  5^.  -^ 

II  lacune  1.  III  v.  280-360. 

III  lacune  1.  III  280-360;  absence  de  la  prétendue  préface  du  1.  III;  omission 
des  vers  III  438  à  448  (derniers  vers  existants  du  poème).  -^X^  jjvOôsw 

IV  lacune  1.  III  v.  280-360;  omission  des  vers  III  438-448;  lacUftë^l  ^Ij^ 
212.  .^--T  '--'vAr: 

V  lacune  1.  III  v.  280-360;  absence  de  la  préface  du  1.  III;  omission  de  III 
438-448,  et  lacune  1.  I  v.  139-212. 

La  filiation  de  ces  classes  serait  la  suivante  : 

h  vix]  h  '":! 

la  I  b      '(Mqm:»  t?fl\l  IV  i)l  L'o  V/t)D  3b  91^ 

1 .  Voir  surtout,  pour  le  poème  de  raptu  P.,  Die  Handschriften  von  Claudian's  Raptus 
P.,  dans  les  Acta  Societatis  philologac  Lips.  éd.  Ritschl,  Lips.  1872,  vol.  I,fasc.  2,  p.  345 

à    387-,  ■    -^-      -  '..,.  .  iû      ,fr...      vM 

2.  C'est  la  forme  du  titre  que  M.  Jeep  approuve  en  note,  tandis  qu'on  lit  sur  la  cou- 
verture Raptus  Proscrpïnae,  etaù  haut  de  la  p.  i.  Carmen  dé  raptu  P. 


(5  .a;iu       REVUE  critique 

i' "En  outre  :  ''' 

îiiiuc  [A«]        [A(rchetypus)]  [A  a] 

Dr:  -j  I 

,n:  I  [a]    . 

nu  icodices  panegyricorum  ^  | 

codices  raptus  Proserpinae, 

c'est-à-dire  que  [a]  n'était  autre  que  la  copie  d'une  liasse  de  4  feuilles  de  8  pages 
à  29  lignes,  détachée  de  l'archétype  unique,  et  depuis  longtemps  perdu,  par 
lequel  Claudien  nous  a  été  conservé.  La  conséquence  saute  aux  yeux:  la  critique 
du  poème  doit  se  fonder  sur  les  mss.  I  a,  subsidiairement  sur  I  b,  et  elle  doit 
laisser  de  côté  entièrement  II  à  V;  car  lors  même  que  [x]  eût  conservé  de 
bonnes  leçons  de  [z],  perdues  dans  I  b,  il  serait  plus  que  probable  qu'on  les 
retrouverait  dans  I  a. 

M.  Jeep  décrit  ensuite  les  trois  mss.  qu'il  a  pris  pour  base  unique,  le  Lauren- 
tianus  plut.  XXIV  sin.  cod.  12  '  (L)  et  le  Vossianus  n°  294  (V)  de  la  classe  I  a, 
et  le  Gudianus  n°  228  (G)  de  la  classe  I  b.  Enfin,  il  discute  quelques  leçons 
-nouvelles  admises  dans  son  texte. 

Il  est  difficile  de  contrôler  la  classification  des  mss.  faite  par  M.  Jeep,  et  il 
serait  encore  plus  difficile  de  la  refaire,  sans  avoir  à  sa  disposition  tous  les  maté- 
riaux que  lui  seul  possède.  Cependant  il  suffit  de  parcourir  les  quelques  mss.  de 
Paris,  que  malheureusement  M.  Jeep  n'a  pas  vus  lui-même 2,  pour  s'assurer  que 
cette  classification  n'est  pas  à  tous  égards  définitive. 

Nous  laissons  de  côté  les  n°'  8081,  8297  et  1 1^24  de  la  Bibl.  nat.,  qui  ne 
sont  que  des  copies  récentes  et  sans  valeur  de  mss,  de  la  classe  I  b  (mais  non 
du  n°  7892).  Les  autres  répondent  à  l'attente  de  M.  Jeep  ?  en  ce  qu'ils  séparent 
le  poème  de  rapîa  P.  du  reste  du  recueil;  et  les  n°'  8080  et  8082  rentrent  même 
dans  une  de  ses  classes  (la  IV®)  4.  Mais  voici  les  n°*  8295  et  8296  qui  ont  en 
commun  une  lacune  de  12  vers  au  lieu  de  66,  de  I  201  à  212  (Religiosa  silex 
—  specalaîus  ah  arce),  sans  être  pourtant  de  la  même  famille;  en  effet,  829$  a  la 
préface  1.  III,  8296  ne  l'a  pas;  les  30  premiers  vers  du  poème  à  eux  seuls  ont 
8  variantes,  sans  parler  des  différences  d'orthographe  ;  enfin  il  y  a  des  vers 
entiers  (de  remplissage)  qui  diffèrent;  p.  ex.,  après  III  279:  8295  Omnishos  (sic) 
recti  nobis  sicfaîa  recéda  ;  8296  Hec  ait  et  lectura  faces  intrat  nenius  alîum. 
^.  !,:Mais  une  observation  bien  plus  importante,  c'est  que  le  n**  7892,  que  M.  Jeep 
attribue  à  la  classe  I  a,  n'en  est  pas  du  tout.  Le  mot  fusis  (I  53)  s'y  voit  à  la 
place  d'un  autre  mot  qui  a  été  gratté,  et  qui  était  sans  aucun  doute  pensiss.  La 
4^f>r-&- 

1.  Et  non  1 12,  comme  portent  les  Acta  p.  355  et  la  préf.  de  l'éd.  p.  viij,  etc. 

2.  Acta,  p.  351;  praef.  p.  viij. 

3.  Acta,  p.  351  suiv. 

4.  Le  n"  8080  omet  le  vers  III  361  ;  le  n*  8082  possède  ce  vers.  Ce  qui  suit  le  v.  III 
437  dans  8080  est  de  seconde  main. 

j.  En  outre,  un  collationnement  très-attentif  de  tout  le  1.  I  nous  a  convaincu  que  ce 
ms.  n'a  presque  aucune  valeur  à  côté  de  L,  et  même  de  V.  Le  ms.  7892,  de  petit  for- 
mat, en  parchemin,  se  compose  de  deux  parties  (f.  1-122  et  123-148),  d'écriture  et  de 
dimension  différentes,  mais  toutes  deux  du  XV  siècle,  et  portant  au  f.    i   r  le  nom  de 


d'histoire  et  de  littérature.  7 

classe  I  a  se  trouve  donc  réduite  à  deux  mss.,  L  et  V.  Mais  il  y  a  plus,  son 
existence  même  est  fort  douteuse;  en  tous  cas,  la  leçon  du  vers  I  53  ne  suffit 
pas  pour  justifier  la  subdivision  de  la  classe  I  en  I  a  et  I  b.  En  effet,  V  et  G 
(représentant  de  I  b)  ont  en  commun  tant  de  fautes  de  copie  et  d'interpolations  ', 
qu'il  ne  saurait  être  question  de  rencontres  fortuites.  Évidemment,  s'il  y  a  eu  un 
intermédiaire  [z]  entre  [a]  et  G,  il  a  servi  aussi  à  V.  Mais  il  a  servi  aussi  à  L, 
s'il  existe  ;  car  L  et  G  ont  la  même  interpolation  ou  la  même  erreur  en  quelques 
endroits  où  la  vraie  leçon  n'était  pas  perdue  dans  [a],  V  certainement  ne  l'ayant 
pas  retrouvée  par  conjecture,  mais  ayant  dû  la  tirer  d'[a]2.  Or,  si  tous  les  textes 
ont  passé  par  le  même  intermédiaire,  autant  identifier  celui-ci  avec  [a].  Seule- 
ment, il  faut  alors  supposer  [a]  déjà  chargé  de  variantes  et  de  gloses  interlinéaires 
ou  marginales?,  que  L  aurait  mises  de  temps  en  temps  dans  le  texte,  et  que 
d'autres  auraient  adoptées  plus  ou  moins  régulièrement,  sans  renoncer  pour  cela 
au  droit  de  faire  des  changements  de  leur  propre  chef.  De  cette  manière,  la 
présence  de  fusis  dans  quatre  mss.  4  s'expliquerait  assez  naturellement  5. 

Mais  il  est  évident  que  ce  ne  peut  être  là  qu'une  hypothèse  très-hasardée  pour 
qui  ne  connaît  les  mss.  I  b  à  V  que  par  le  fatras  de  Burmann.  Il  se  peut  aussi 
qu'en  étudiant  à  nouveau  toute  la  classe  I,  on  découvre  la  vraie  filiation  (car 
évidemment  tous  les  mss.  de  cette  classe  ne  remontent  pas  directement  à  [a])^  et 
que  cette  filiation  donne  le  mot  de  toutes  les  énigmes.  On  pourrait  regretter^  à  ce 
point  de  vue,  que  M.  Jeep  n'ait  pas  fait  connaître  quelques  mss.  de  plus.  En  tous 
cas,  d'après  ce  qu'on  connaît,  on  ne  peut  que  féliciter  M.  Jeep  de  s'être  attaché 
principalement  à  L  pour  constituer  son  texte.  L  n'est  pas,  à  la  vérité,  entièrement 
exempt  de  gloses  mises  à  la  place  du  texte,  ni  même  de  conjectures  <^.  Mais,  en 


«  Claudii  Puteani.  »  Les  f.  123  r  à  141  v  contiennent  le  poème  de  Claudien.  Les  f.  125 
et  126  (1.  II  157-284)  se  trouvent  à  la  place  qu'ils  occupent  par  une  erreur  du  relieur; 
ils  devraient  suivre  le  f.  152;  mais  il  n'y  a  pas  de  lacune.  Presque  toutes  les  leçons  qui 
diffèrent  de  L  V  G  se  retrouvent  dans  le  «  cod.  Mediolan.  »  de  Burmann. 

1.  En  voici  quelques  exemples  :  I  66  illicitas  p.  incestis;  145  rapta  (?)  et  trisulca  p. 
rupîam  et  trisulcam;  146  opponit  p.  opposait;  172  offensa  rimosa  rmt  p.  offensus  rimaîa 
furit;  215  nudat  p.  pandit;  276  arces  p.  auras;  etc.,  etc. 

2.  I  129  cornua  p.  germina;  II  3  ardentes  p.  errantes;  83  longeua  colonis  p.  longaeuus 
harenis;  III  62  saucius  p.  languidus;  etc. 

3.  C'est  ce  que  M.  Jeep  doit  faire  aussi,  dans  une  certaine  mesure,  puisaue,  dans  II 
171  et  III  137,  il  explique  la  leçon  de  I  b  (et  de  V)  par  une  scolie  de  L,  qu  ils  n'ont  pu 
connaître  que  par  [a],  et  puisqu'il  a  observé  dans  L  des  corrections  de  première  main 
telles  que  III  231  wmpo5  p.  colles.  Voy.  aussi  E.  Baehrens,  Jahrbb.  f.  Philol.  1. 105  (1872) 
p.  636. 

4.  L  et  V  de  première  main,  Palat.  1573  (Jeep,  Acta,  p.  368)  et  Paris.  7892  de 
seconde  main.  Du  reste,  fusis  était  facile  à  trouver  aussi  par  conjecture  (Catull.  64, 
Virg.,  etc.) 

5.  Le  système  de  M.  Jeep  est  entièrement  renversé,  semble-t-il,  par  le  v.  II  118,  s'il 
est  authentique.  Comment,  en  effet,  L  et  V,  en  copiant  [a],  et  plusieurs  mss.  I  b  en 
copiant  [z],  auraient-ils  omis  le  même  vers  indépendamment  les  uns  des  autres?  Voudra- 
t-on  croire  qu'il  se  trouvait  en  marge  et  dans  [a]  et  dans  [z]?— Mais  ce  vers  est  suspect. 
Voy.  plus  bas. 

6.  Voy.  ci-dessus  note  8,  et  1.  I  201  obumbrat  p.  opacat;  267  tek  p.  texti\  II  6  iussere 
p.  uoluere;  132  legunt  p.  metunt;  183  se  soluit  p.  dissiluit;  297  eciam  p.  pariter;  III  98 
fuluos  leoncs  p.  fuluas  lecnas\  108  tantum  p.  saltcm\  etc. 


8  REVUE  CRITIQUE 

général,  on  reçoit  l'impression,  en  l'étudiant  d'après  M.  Jeep,  qu'il  offre  une 
tradition  relativement  très-pure  '.  Il  y  a  même  quelques  passages  où  l'on  voudrait 
que  M.  Jeep  lui  fût  resté  plus  fidèle.  Ainsi  I  127  uitulum  —  qui  (uiîulam  est  une 
interpolation;  qu'importait  le  sexePV,  III  103  indulgens  (excellente  correction  de 
M.  Jeep)  Phrygias  uel  nunc  p.  indulges  Phrygiasque  eîiamnum;  41  ^ferebar  p. 
uidebar;  etc. 

Si,  sauf  ces  quelques  points,  la  critique  diplomatique  exercée  par  M.  Jeep  doit 
être  pleinement  approuvée ,  la  partie  divinatoire  de  son  œuvre  provoquera  pro- 
bablement plus  d'objections,  parce  qu'elle  est,  de  sa  nature,  plus  subjective. 
Plusieurs  de  ses  conjectures  paraîtront  inutiles,  comme  II  75  aruum  pour  annum; 
jtMSs  flammisque  pour  damnisque  (conjecture  pour  conjecture,  nutriî  au  lieu  de 
miîtit  est  bien  préférable);  II  331  uanescere  pour  rarescere;  III  281  estis ipour  itis. 
D'autres  donnent  un  texte  positivement  inférieur  à  celui  des  mss.  ou  des  éditions 
précédentes;  ainsi  I  203  coniferi  modulanîur  (L)  rami  au  lieu  de  coniferis  mo- 
dulatur  ramis^.  I  218  peragi  est  îempus  pour  peragi  îempus;  le  t  de  peragit  (L  V  G) 
n'est  qu'une  répétition  de  celui  de  îempus,  et  peragi  est  nécessite  l'élision  d'une 
Toyelle  longue,  extrêmement  rare  chez  Claudien  (L.  Mùller,  dere  meir.  p.  282); 
enfin  v.  Virg.  Mn.  V  638  et  Stat.  Theb.  V  140  cités  par  Heinsius,  et  in  Rufin.  II 
i^i  I.  II  44  natum  p.  nasci;  nasci  est  bien  plus  épique.  II  86  foue  ut  p.  foue;  ut 
affaiblit  la  phrase  et  l'élision  de  foue  ut,  malgré  la  consonne  qui  suit,  est  encore 
plus  inadmissible  que  celle  de  I  218,  surtout  dans  une  conjecture  î.  Mais  il  y  a 
une  série  d'excellentes  corrections  :  l  6  solum  p.  îotum;  21  foribus  p.  opibus; 
III  103  (v.  plus  haut);  etc.  ''■-  i^^  .i» 

:  M.  Jeep  pense  que  son  opinion  sur  l'histoire  dtf  texte  suffit  à  expliquer  que  la 
fin  de  notre  épopée  soit  tronquée,  et  il  trouve  très-probable  que  le  poème  a  été 
achevé.  C'est  très-possible,  sinon  très-probable;  mais  cela  reste  toujours  une 
question  ouverte.  Des  lacunes  dans  le  récit  sans  aucune  incohérence  grammaticale 
sont  plutôt  de  nature  à  faire  naître  des  doutes.  M.  Jeep  lui-même  a  découvert 
une  lacune  de  cette  espèce  entre  I  273  et  274.  Mais  il  y  en  a  une  presque  aussi 
manifeste  entre  II  203  et  204,  où  le  sujet  même  de  l'épopée,  l'enlèvement  de 
Proserpine,  est  passé  sous  silence.  Il  est  dit,  sans  doute  :  rapitur  Proserpina  curru; 
mais  avant  qu'elle  fût  entraînée  sur  le  char,  il  fallait  que  le  dieu  l'eût  prise  et  l'y 
eût  fait  monter 4.  Enfin,  le  vers  II  1 18,  que  L  V  G  et  plusieurs  autres  omettent, 
ressemble  fort  à  ceux  au  moyen  desquels  certains  mss.  essaient  de  dissimuler  la 
lacune  III  280-360,  et  pourrait  bien  n'être  qu'un  remplissage  de  même  nature. 

A  partir  du  v.  III  332,  M.  Jeep  fait  commencer  un  4Mivre.  Il  est  fort  possible 
qu'il  ait  raison,  mais  c'est  peu  important.  Ce  qui  est  bien  regrettable,  au  contraire, 

1 .  Le  copiste  se  montre  souvent  ignorant  et  peu  intelligent,  tellement  qu'on  a  peine  à 
lui  attribuer  la  moindre  altération  volontaire. 

2.  Praef.  p.  xxj,  M.  Jeep  dit  que  dans  la  vulgate  il  faudrait  tirer  de  quani  le  sujet  de 
modulatur,  qui  serait  quae.  C'est  une  inadvertance.  Le  sujet  de  modulatur  est  pinus^  la 
construction  est  la  même  que  I  17  suiv.  (tigris  colligit). 

3.  Caui  II  126,  en  note,  ne  peut  être  qu'un  lapsus  calami;  cauae  serait  bien  oiseux. 

4.  Même  dans  le  petit  récit  de  l'hymne  homérique  sk  A7i|jLr,Tpav,v.  19,  il  y  a  au  moins 
ces  deux  mots  :  àpuà|a;  S'àéxouaav  (eTct  xP^^^Éoicriv  oyoïaiv  yjy'  ôXotpupojxévr.v). 


d'histoire  et  de  littérature.  9 

c'est  que  M.  Jeep,  dans  chacun  des  trois  livres,  ait  changé  le  compte  des  vers. 
Quiconque  a  étudié  les  principaux  poètes  grecs  ou  latins  a  dû  voir  combien  sont 
minimes  les  inconvénients  qui  résultent  de  ce  que  l'on  continue  à  compter  les 
vers  reconnus  inauthentiques,  auprès  des  ennuis  infinis  que  cause  un  numérotage 
différent  d'édition  à  édition.  Espérons  que  M.  Jeep,  en  publiant  les  œuvres  com- 
plètes de  Claudien,  rendra  à  chaque  vers  son  numéro  de  la  vulgate. 

L'impression  du  livre  est  très-agréable  à  la  vue,  en  types  elzéviriens,  sur 
grand  papier  teinté;  mais  elle  est  très-incorrecte.  Dans  une  quinzaine  de  pas- 
sages les  notes  critiques  en  deviennent  inintelligibles.  La  ponctuation  laisse  aussi 
à  désirer'. 

En  somme,  le  poème  de  Claudien  a  gagné  considérablement  par  les  soins  de 
son  nouvel  éditeur,  et  l'on  ne  peut  que  se  réjouir  de  voir  bientôt  le  recueil  de 
Claudien  tout  entier  restauré  de  la  même  main. 

Max  Bonnet. 


1^4. —  Das  schxvache  Prœteritum  der  germanischen  Sprachen.  Ein  Bei- 

trag  zur  Geschichte  der  deutschen  Sprache  von  Wilhelm  Bbgemann.  In-8®.  Berlin, 
Weidmann'sche  Buchhandlung.  1872.  —  Prix;  j  fr.  55. 

Je  ne  sais  quelle  impression  pénible  on  éprouve  à  la  lecture  de  ce  livre;  on 
ne  peut  du  moins  en  le  parcourant  ne  pas  se  prendre  à  regretter  que  l'auteur 
ait  perdu  tant  de  travail  et  de  temps  pour  essayer  de  renverser  une  théorie  à 
laquelle  on  peut  bien  encore  faire  plus  d'une  objection,  mais  qu'il  n'est  plus  possible 
de  remettre  en  question.  Si,  au  lieu  de  rompre  en  visière  à  tous  les  germani- 
sants qui  l'ont  précédé,  M.  B.  s'était  uniquement  attaché  à  compléter  leurs 
explications  bien  plus  qu'à  les  contester,  il  aurait  pu  faire  une  œuvre  utile  ; 
celle  qu'il  a  entreprise,  au  contraire,  si  elle  a  servi  peut-être  à  son  instruction 
particulière,  est  restée  sans  profit  pour  les  progrès  de  la  science.  On  n'était  pas 
accoutumé  de  l'autre  côté  du  Rhin  à  voir  un  débutant  s'affranchir  ainsi  de  l'autorité 
des  maîtres  et  prétendre  refaire  à  nouveau  des  théories  depuis  longtemps  accep- 
tées; la  tentative  a  été  si  malheureuse  qu'il  faut  espérer  qu'on  ne  la  recommencera 
pas. 

L'auteur  veut  prouver  que  le  prétérit  des  verbes  faibles  en  allemand  n'est 
point  formé,  comme  on  l'admet  depuis  Grimm,  à  l'aide  du  verbe  îun  soudé 
comme  suffixe  à  la  racine;  mais  il  n'aborde  pas  son  sujet  sans  de  longs  détours. 
Après  avoir  posé  la  question  et  étudié  en  quelque  sorte  le  prétérit  de  tun  en 
lui-même,  il  s'occupe  d'abord  (p.  26-66)  des  prétérits  faibles  sans  voyelle  de 
liaison  en  gothique,  puis  vient  une  digression  de  vingt-deux  pages  (67-99)  ^^^ 
le  prétérit  défectif  iddja.  C'est  alors  seulement  que  nous  arrivons  à  «  l'origine 
))  et  à  la  formation  du  prétérit  faible  »  (i 06-1 71),  c'est-à-dire  au  sujet  même 
de  cet  ouvrage;  l'examen  des  désinences  de  ce  même  prétérit  le  termine  (172- 
186).  Cette  longue  étude  fatigue  plus  qu'elle  n'éclaire.  M.  B.  relève  bien 
quelques-unes  des  difficultés  que  soulève  la  théorie  de  Grimm  ;  mais  l'identifica- 

I.  I  praef.  4  il  faut  une  virgule  après  uias  {qui  pracbiiit,  [ille]  se  credidit);  I  218  pour- 
quoi la  parenthèse?  11  131  te  maerensN  etc.,  etc. 


10  REVUE  CRITIQUE 

tion  qu'il  propose  du  suffixe  du  prétérit  faible  avec   le  suffixe  du  participe 

passé  indo-européen  ta(s)  n'en  présente-t-elie  pas  de  plus  grandes  encore  ? 

Comment,  par  exemple,  rendre  compte  dans  cette  hypothèse  de  la  terminaison 

jAurïel  dêdum y  déduîh,  dédun  du  prétérit  gothique?  M.   B.  reste  muet  sur  ce 

point,  comme  sur  beaucoup  d'autres  ;  cependant  s'il  n'atteint  point  le  but  qu'il 

se  propose,  son  livre  n'est  point  sans  valeur  et  témoigne  d'un  véritable  talent 

d'analyse,  qu'on  doit  souhaiter  seulement  de  lui  voir  mieux  employer  qu'il  ne 

l'a  fait  ici. 

C.  J. 


155.  —  Études  sur  quelques  monuments  mégalithiques  de  la  vallée  de 
rOise,  par  Am.  DE  Caix  DE  Saint-AymouRj  39  p.  in-8°  avec  50  fig.  sur  bois 
(Extrait  de  la  Revue  d'anthropologie  1874).  Pans,  Leroux.  1875.  —  Prix  :  5  fr. 


M.  de  Caix  de  Saint -Aymour  a  débuté  dans  la  littérature  par  un  ouvrage  de 
linguistique  sur  lequel  a  été  porté  ici-même  un  jugement  sévère  {Rev.  Criî.  du 
30  mai  1868).  Il  s'occupe  maintenant  d'archéologie  et  nous  désirons  que  ce  soit 
avec  plus  de  succès.  La  présente  brochure  est  l'inventaire  de  quelques  monu- 
ments mégalithiques  de  la  vallée  de  l'Oise  et  des  fouilles  que  M.  de  C.  y  a  fait 
exécuter.  C'est  une  pierre  levée  à  Jancy,  commune  de  Cergy,  appelée  dans  le 
pays  pierre  du  F  omet  ou  Palet  de  Gargantua  ;  c'est  une  autre  pierre  levée  dans 
la  commune  de  Jouy-le-Moutier,  près  de  laquelle  existe  un  amas  d'énormes 
blocs  de  grès  ;  ce  sont  enfin  les  débris  d'une  allée  couverte  sise  à  Vauréal  et 
appelée  dans  le  pays  cimeticre  des  Anglais.  Les  fouilles  pratiquées  par  M.  de  C. 
y  ont  fait  découvrir  un  certain  nombre  d'ornements  et  d'objets  laissés  avec  les 
morts,  hachettes,  haches,  pointes  de  lances,  fragments  de  couteaux  en  silex, 
dents  d'animaux  percées  pour  être  suspendues,  etc.  M.  de  C.  décrit  avec  soin 
ces  objets,  et  les  nombreuses  gravures  qui  font  le  principal  mérite  de  son 
opuscule  permettent  de  se  faire  une  idée  nette  de  ces  objets  préhistoriques. 

Y. 

136.  —  La  Chronique  du  Livre  Blanc,  notes  communiquées  le  29  sept.  1874,  à 
Soleure  à  l'Assemblée  générale  de  la  Société  d'histoire  suisse,  par  M.  P.  Vaucher. 
1 1  p.  in-4*. 

ht  Livre  blanc  d'Obwalden  (unt  des  deux  moitiés  du  canton  d'Unterwalden, 
chéf-Iieu  Sarnen)  a  est  une  sorte  de  manuel  officiel,  commencé  un  peu  après 
»  le  milieu  du  xv°  s.  et  renfermant  des  copies  de  documents  relatifs  au  droit 
»  public  suisse,  ainsi  qu'une  courte  chronique  où  l'on  a  réuni  un  certain  nombre 
»  de  notices  et  de  récits  relatifs  à  l'histoire  ancienne  de  la  Confédération.  » 
Cette  chronique  connue  sous  le  nom  de  Chronik  des  weissen  Bûches  a  été  publiée 
par  M.  Meyer  von  Knonau  dans  le  t.  XIII  du  Geschichtsfreund  et  par  M.  de 
Wyss  à  Zurich  en  1856.  M.  Vaucher,  professeur  d'histoire  et  directeur  d'un 
séminaire  historique  à  l'Université  de  Genève  ',  bien  connu  par  ses  recherches 

I .  M.  Pierre  Vaucher  s'est  beaucoup  occupé  de  l'histoire  du  XVI°  s.  et  de  celle  du 


d'histoire  et  de  littérature.  I  I 

sur  les  traditions  relatives  aux  origines  de  la  Confédération  suisse  (Genève  1868), 
a  entrepris  Pexamen  critique  de  la  chronique  du  Livre  blanc.  Il  promet  pour 
plus  tard  l'étude  des  légendes  contenues  dans  le  corps  de  l'ouvrage,  et  n'aborde 
dans  les  notes  lues  à  l'Assemblée  générale  d'Histoire  suisse  que  deux  ou  trois 
points  préliminaires.  -—  Le  fait  que  les  documents  connus  par  l'auteur  de  la 
chronique  sont  ceux-là  même  qui  sont  transcrits  dans  le  Liber  Albus  lui  fait 
croire  que  c'est  le  copiste  du  Liber  Albus  qui  a  composé  la  chronique.  Sans 
décider  qui  est  ce  copiste,  M.  V.  cite  une  note  du  P.  Martin  Kréus,  auteur  de 
l'Histoire  de  la  paroisse  de  Sarnen,  d'après  laquelle  ce  serait  vraisemblablement 
un  certain  Schselly,  secrétaire  d'État  d'Obwalden  de  1445-1480.  M.  V.  examine 
ensuite  le  prologue  de  la  chronique  qui  a  déjà  souvent  exercé  la  sagacité  des 
commentateurs.  D'après  ce  prologue,  les  pays  d'Uri,  de  Schwyz  et  d'Unter- 
walden  se  seraient  volontairement  soumis  au  roi  Rodolphe  de  Habsbourg  à  la 
condition  de  ne  jamais  dépendre  que  de  l'empire.  Mais  la  famille  du  roi  Rodolphe 
de  Habsbourg,  qui  s'était  emparé  violemment  du  Thurgau,  du  Zùrichgau  et  de 
l'Aargau,  s'éteint,  tous  ses  biens  passent  aux  comtes  de  Tyrol  alliés  par  des 
mariages  aux  comtes  de  Habsbourg.  Ces  comtes  cèdent  à  des  nobles  du  Thurgau 
et  de  l'Aargau  les  bailliages  des  Waldstaetten  et  les  exactions  de  ces  baillis  sont 
l'origine  de  toutes  les  discordes  qui  suivirent. 

M.  V.  croit,  et  il  appuie  son  opinion  sur  d'assez  fortes  présomptions,  que  le 
chroniqueur  de  Sarnen  avait  sous  les  yeux  la  grande  chronique  bernoise  de 
Conrad  Justinger,  mais  que  trouvant  que  l'indépendance  primitive  de  Walds- 
taetten n'était  pas  assez  bien  établie  par  le  récit  de  Justinger,  qui  admettait  dès 
l'origine  une  certaine  dépendance  vis-à-vis  de  l'empire  et  prétendait  que  les 
seigneurs  d'Autriche  avaient  acheté  aux  Habsbourg  leurs  droits  sur  les  trois 
cantons,  il  imagina  la  fable  de  leur  soumission  volontaire  à  Rodolphe  et  de  la 
dévolution  des  biens  des  Habsbourg  aux  comtes  de  Tyrol  par  suite  de  mariages, 
ignorant  que  si  la  Suisse  a  eu  affaire  à  des  comtes  de  Tyrol,  c'est  que  les  archi- 
ducs d'Autriche,  descendants  directs  de  Rodolphe,  avaient  hérité  du  Tyrol. 

Nous  espérons  que  M.  V.  poursuivra  ses  recherches,  selon  sa  promesse,  et 
publiera  bientôt  une  critique  complète  et  détaillée  du  Livre  blanc. 

r. 


XVIII«.  Nous  avons  réça,  en  même  temps  que  la  rrotice  sur  le  Livre  Blanc,  une  courte  mais 
intéressante  note  sur  les  Souvenirs  d'Etienne  Dumont  (tirée  de  l'Indicateur  d'Histoire 
suisse).  Tout  en  protestant  qu'il  ne  veut  en  rien  diminuer  la  valeur  historique  des  Souve- 
nirs de  son  compatriote,  M.  V.  montre  avec  raison  qu'Etienne  Dumont  a  exagéré  invo- 
lontairement l'importance  du  rôle  joué  par  les  4  Genevois  qui  ont  servi  à  Mirabeau  de 
collaborateurs  ou  plutôt  de  secrétaires  et  d'ouvriers.  Il  montre  même  que  Dumont,  qui 
écrivait  plusieurs  années  après  les  événements  qu'il  raconte,  pourrait  bien  n'avoir  pas  eu 
toujours  la  mémoire  très-fidèle,  et  qu'en  particulier  le  projet  qu'il  prête  à  Mirabeau  en 
nov.  1789  de  taire  fuir  le  roi  à  Metz,  de  casser  les  décrets  de  l'Assemblée,  de  rappeler 
les  parlements  (Dumont,  p.  206  ss.)  est  directement  contredit  par  le  mémoire  de  Mirabeau 
remis  le  1 5  oct.  par  La  Marck  au  comte  de  Provence  et  imprimé  dans  la  Correspondance 
de  Mirabeau  avec  La  Marck,  I,  p.  364  ss. 


1.2  .v>:u!A>f^VUE   CRITIQUP 

^2.  —  Géographie  des  "Welthandels.  Mit  geschichtlichen  Erlaeuterungen ,  von 
^^D*  Karl  Andrée.  2  vol.  gr.  in-8»  de  668  et  674  p.  Stuttgart,  Maier. 

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Nous  venons  un  peu  tard  annoncer  cette  Géographie  du  commerce  universel 
qui  forme  deux  volumes  de  la  «  Bibliothèque  des  sciences  commerciales  » 
publiée  par  l'éditeur  Jules  Maier  de  Stuttgart.  Au  surplus  ce  nouvel  ouvrage 
de  M.  Karl  Andrée,  bien  connu  des  géographes  comme  directeur  du  Globus,  n'a 
besoin  que  d'être  signalé  au  public  français  auprès  duquel  il  mérite  de  trouver 
le  même  succès  qu'auprès  du  public  allemand.  De  ces  deux  volumes,  le  premier 
traite  de  l'histoire  du  commerce  de  peuple  à  peuple  depuis  les  temps  les  plus 
reculés  jusqu'à  nos  jours,  histoire  qui  à  bien  des  égards  est  celle  de  la  civilisa- 
tion. Les  foires,  les  marchés,  les  caravanes,  la  navigation,  la  distribution  géogra- 
phique des  principaux  objets  de  commerce  forment  la  matière  principale  de  ce 
volume.  Le  second  volume  traite  de  l'Afrique,  de  l'Asie,  de  l'Australie  et  de 
l'Amérique.  La  plupart  des  géographies  comm.erciales  se  bornent  à  décrire  l'état 
présent;  M.  K.  Andrée  élargit  ce  cadre  pour  y  faire  entrer  l'histoire  et  l'ethno- 
graphie, pour  montrer  les  rapports  du  commerce  avec  le  génie  et  la  vie  des 
peuples,  avec  l'histoire  de  leur  industrie  :  il  entre  même  dans  des  détails  lin- 
guistiques, par  exemple  sur  ces  jargons,  nombreux  sur  notre  globe,  qu'on  peut 
appeler  après  lui  les  «  langues  commerciales.  »  En  un  mot,  d'un  sujet  généra- 
lement traité  avec  sécheresse  et  d'une  lecture  plus  instructive  qu'attrayante, 
M.  B.  a  su  faire,  par  le  mélange  de  la  géographie  commerciale  avec  l'histoire 
de  ce  commerce,  avec  la  vie  de  la  civilisation,  un  ouvrage  à  la  fois  scientifique 
et  curieux.  Bien  des  points  touchés  dans  cet  ouvrage  échappent  à  notre  com- 
pétence, mais  la  méthode  semble  mériter  tout  éloge.  Sur  une  question  que  nos 
études  spéciales  nous  ont  rendue  familière,  l'histoire  et  l'emploi  des  éléphants, 
nous  avons  trouvé  M.  A.  bien  informé.  —  Un  troisième  volume  sera  consacré  à 
l'Europe..  ^^^^:r.,-.;, 

Dans  le  cours  de  ces  études  M.  A.  s'occupe  beaucoup  (et  cela  est  naturel)  du 
commerce  allemand.  «  Nous  Allemands,  dit-il,  au  point  de  vue  de  la  navigation 
«5  et  du  commerce  maritime  nous  tenons  le  troisième  rang  parmi  les  peuples  : 
»  seuls  les  Anglais  et  les  Américains  passent  avant  nous.  »  Préoccupés  de  la 
question  militaire  dans  nos  rapports  avec  nos  voisins  de  l'est,  nous  ne  prenons 
pas  assez  garde  à  leur  développement  maritime  et  commercial.  Les  Anglais  ne 
s'y  laissent  pas  tromper.  Lorsqu'en  janvier  1874,  sir  Bartle  Frère,  ancien  gou- 
verneur de  Bombay,  fit  à  Glasgow  deux  lectures  sur  sa  mission  à  Zanzibar,  il 
parla  dès  le  début  de  la  concurrence  que  les  négociants  allemands  font  aujour- 
d'hui aux  négociants  anglais  et  écossais  dans  l'Afrique  orientale.  «  Pendant  mon 
»  dernier  voyage,  dit-il,  je  trouvai  partout  chez  mes  vieilles  connaissances  écos- 
5f-,saises  et  anglaises  cette  conviction  que  les  Allemands  sont  devenus  dans  le 
^,  commerce  une  nation  aussi  formidable  que  dans  la  guerre.  Je  crois  pouvoir 
f>  jsssurer  que  cette  puissance  grandissante  et  incontestable  de  l'Allemagne  dans 
^le  commerce  est  en  rapport  immédiat  avec  l'admirable  instruction  que  reçoit 
»  un  grand  nombre  d'Allemands.  En  Allemagne,  les  jeunes  gens  qui  se  desti- 


d'histoire  et  de  littérature.  ij 

))  nent  au  commerce  parlent  et  écrivent  grammaticalement  au  moins  une  langue 
))  étrangère,  en  comprennent  plusieurs  et  beaucoup  d'entre  eux  connaissent 
»  même  les  langues  classiques.  Ils  ont  aussi  étudié  l'histoire,  les  sciences  physi- 
))  ques  et  naturelles;  beaucoup  d'entre  eux  savent  même  la  musique...  Ajoutez  à 
»  cela  que  ces  jeunes  gens  bien  élevés  et  instruits  mènent  une  vie  laborieuse  et 
»  régulière,  toute  à  leurs  affaires.  «Ces  mérites  auxquels  sir  Bartle  Frère  attribue 
le  succès  des  négociants  allemands  tiennent  à  des  causes  bien  diverses  :  leur 
esprit  d'économie  est  la  vertu  ordinaire  des  peuples  pauvres  qui  se  passent 
d'autant  plus  aisément  des  raffinements  de  la  vie  qu'ils  n'y  sont  pas  habitués  ; 
leur  talent  commercial  tient  à  l'instruction  multiple  qu'ils  ont  reçue  et  dans 
laquelle  domine  l'étude  du  monde  étranger.  Cette  situation  avantageuse  de 
l'Allemagne  a  même  inspiré  à  M.  A.  une  réflexion  trop  naïve  pour  un  ouvrage 
sérieux;  il  s'agit  du  commerce  allemand  sur  les  côtes  de  Chine.  La  plus  grande 
partie  des  échanges  se  fait  par  navires  allemands;  les  maisons  chinoises  ont  des 
navires  allemands  à  leur  service.  Entre  Hong-Kong,  Canton  et  Shang-haï,  une 
centaine  de  navires  allemands  font  leur  transport  pour  le  compte  de  maisons 
chinoises.  On  pourrait  attribuer  ce  fait  à  la  modicité  de  leurs  conditions  ou  à  la 
régularité  de  leur  service;  mais  M.  A.  donne  une  autre  raison  de  ce  fait.  «  Les 
»  négociants  chinois,  dit-il  (§  II,  p.  309),  préfèrent  ces  navires  à  tousles  autres 
»  parce  que  leurs  capitaines  ne  s'occupent  pas  seulement  de  leur  propre  intérêt, 
»  mais  aussi  de  celui  de  leurs  clients.  »  Aurait-on  cru  trouver  autant  de  senti- 
mentalité chez  des  négociants  chinois  et  chez  des  caboteurs  allemands  ^  Nous 
ne  nous  scandalisons  pas  trop  de  rencontrer  ces  panégyriques  chez  un  auteur 
allemand  (bien  qu'un  ouvrage  d'un  caractère  scientifique  dût  être  dépourvu  de 
ces  puérilités),  mais  nous  pourrions  rappeler  qu'un  de  nos  collaborateurs  (qui  ne 
passe  pas  pour  haïr  l'Allemagne)  a  parlé  de  l'honnêteté  du  commerce  allemand 
en  termes  un  peu  différents  ' . 

Pour  en  revenir  à  la  question  d'enseignement,  et  plus  particulièrement  à  la 
géographie  commerciale,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  faire  une  com- 
paraison qui  n'est  pas  à  notre  avantage.  Nous  n'avons  pas  en  France  d'ouvrages 
à  opposer  à  des  livres  comme  celui  de  M.  Andrée,  mais  n'est-ce  pas  la  faute  de 
notre  public  plus  que  de  nos  écrivains  ?  Honos  dit  artes.  Un  des  professeurs  les 
plus  compétents  en  cette  matière,  M.  Bainier,  sous-directeur  de  l'École  de 
commerce  de  Marseille,  a  écrit  une  volumineuse  géographie  commerciale.  S'il  eût 
fait  un  ouvrage  abrégé  répondant  strictement  au  programme  des  collèges,  il  eût 
trouvé  un  éditeur  ;  ayant  fait  un  ouvrage  développé  et  scientifique,  il  n'en  a  pas 
trouvé  et  a  dû  faire  lithographier  son  livre.  Heureusement  tout  annonce  de  plus 
heureux  jours  à  cette  branche  de  la  géographie  qui  tient  par  tant  de  liens  au 
développement  de  notre  industrie  et  de  notre  commerce.  Il  s'est  fondé  à  Bor- 
deaux une  Société  de  géographie  commerciale  :  la  Société  de  Géographie  de 
Paris  a  organisé  une  commission  de  géographie  commerciale  et  sous  les  auspices 
de  cette  commission  s'est  fondée  une  revue,  l'Explorateur,  rédigée  de  façon  à 

I.  Cf.  Rev.  crit.  du  17  octobre  1874,  p.  251. 


1^  REVUE    CRITIQUE 

intéresser  à  la  fois  les  géographes  et  les  négociants,  quoique  ses  articles  soient 
de  valeur  inégale.  A  cet  égard  nous  pourrons  bientôt  nous  suffire  à  nous-mêmes  ; 
mais  jusqu'à  ce  que  notre  littérature  ait  produit  des  œuvres  aussi  étendues  et  où 
soient  condensées  tant  de  recherches,  nous  devons  faire  notre  profit  d'ouvrages 
comme  celui  de  M.  Karl  Andrée.  H.  Gaidoz. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  2  5  juin  1875. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie  : 

1°  les  travaux  suivants  des  membres  de  l'école  française  d'Athènes  :  —  Ca- 
talogue des  vases  peints  conservés  au  musée  de  la  société  archéologique 
d'Athènes,  par  M.  CoUignon;—  Inscriptions  chrétiennes  de  l'Attique  antérieures 
au  8e  siècle,  par  M.  Bayet;  —  Analecta  :  miniatures  de  mss.  byzantins,  lampes 
chrétiennes,  fioles  en  terre  cuite,  plombs  byzantins,  estampages,  par  M.  Bayet; 
p;,,20  une  lettre  par  laquelle  M.  de  S^^  Marie  demande  l'autorisation  défaire  des 
fouilles  pour  le  musée  d'Alger  en  même  temps  qu'il  s'occupe  de  la  mission  qui 
lui  a  été  confiée  en  Tunisie  (renvoyé  à  Pexamen  en  comité  secret). 
^1  Une  commission  composée  de  MM.  de  Saulcy,  Renan,  de  Slane  et  Pavet  de 
Courteille  est  chargé  de  prendre  connaissance  d'une  communication  de 
M.  V.  Guérin. 

L'académie  reçoit  l'avis  que  l'académie  des  beaux  arts  a  désigné  M.  Guil- 
laume pour  faire  partie  de  la  commission  du  prix  Fould. 

M.  Hucher  écrit  qu'il  retire  jusqu'à  nouvel  ordre  son  édition  du  S.  Graal  des 
concours  de  l'académie  (v.  la  dernière  séance). 

M.  Castan  écrit  pour  se  porter  candidat  à  une  place  de  correspondant. 

—  En  présentant  à  l'académie  une  brochure  de  M.  Chabouillet  sur  Ronsard 
(v.  plus  bas),  M.  de  Saulcy  communique  quelques  observations  sur  la  famille 
et  la  naissance  de  Ronsard,  auxquelles  l'ont  conduit  ses  propres  recherches.  On 
trouve  en  141 8  un  maître  particulier  de  la  monnaie  de  Bourges  du  nom  de 
Pierre  Ronsard.  En  1491  le  même  office  est  rempli  par  un  Thomas  Ronsard, 
auquel  succède  en  1 506  son  fils,  nommé  encore  Pierre  Ronsard.  M.  de  Saulcy 
pense  que  ce  dernier  est  le  père  du  poète  :  celui-ci  s'appelait  aussi  Pierre  Ron- 
sard. Les  monnoyers  étaient  exempts  d'impôts  et  formaient  en  cela  une  sorte  de 
noblesse,  qui  pouvait  même  se  transmettre  par  les  femmes  ;  plusieurs  familles  de 
Champagne  qui  ont  compté  depuis  parmi  les  plus  nobles  n'ont  pas  eu  d'autre 
origine.  On  s'explique  donc  que  Ronsard  ait  eu  des  prétentions  à  la  noblesse, 
et  que,  brodant  sur  ce  fond,  il  en  soit  venu  à  prendre  le  titre  de  marquis  et  à 
se  faire  une  généalogie  de  son  invention. 

M.  Naudet  demande  que  M.  de  Saulcy  fasse  de  cette  communication  un  mémoire 
écrit  et  développé  ;  M.  de  Saulcy  dit  qu'il  compte  seulement  en  rédiger  un 
résumé  pour  le  compte  rendu  officiel  des  séances. 


d'histoire  et  de  littérature.  ij 

—  M.  L.  Renier  communique  le  texte  d^une  inscription  découverte  en  1872 
à  Grèzes  le  Cliâteau  (Lozère)  dans  les  fondations  d'une  maison  où  elle  a  été 
replacée  depuis.  Un  estampage  et  une  copie  en  ont  été  pris  par  M.  le  D^  Pru- 
nières  et  envoyés  par  lui  à  M.  de  Rozière,  qui  les  a  transmis  à  M.  Renier. 
L'inscription  est  intéressante  en  ce  qu'elle  donne  le  nom  d'un  fonctionnaire  de  la 
cité  des  Gabali,  qui  n'était  encore  connue  que  par  4  inscriptions  sans  impor- 
tance. En  voici  le  texte  :  L.  SEVERL  SEV^  |  RVS.  L.  SEV.  F.  Om  \  NIBVS. 
HONORIS  I  VS.  IN  CIVITATE.  FVNc  |  TVS.  QVIQ.  HANC.  V/7  |  LAM.  A. 
SOLO.INSTITV//  I  FIL.  EIVS.  MAJOR.  AEDe  |  M.I.O.M.INSTITV  |  ERVNT. 
PRO  SALV/s  I  SVA.ET  SVORVM  ;  «  L.  Seuerius  Seuerus,  L.  Seueri  filius, 
»  omnibus  honoribus  in  ciuitate  functus,  quique  hanc  uillam  a  solo  instituit, 
»  filius  eius  maior,  aedem  loui  Optimo  Maximo  instituerunt  pro  salute  sua  et 
»  suorum.  » 

—  M.  Desjardins,  répondant  aux  observations  de  M.  Naudet  (v.  la  séance 
précédente),  reconnaît  que  le  plus  ordinairement,  en  latin  classique,  le  mot  de 
fmmentarias  a  le  sens  que  lui  donne  M.  Naudet.  Mais,  dans  l'inscription  du 
corps  de  garde  de  la  7^  cohorte  des  vigiles  de  Rome,  la  seule  dont  il  s'occupât 
dans  son  mémoire,  frumentar'ms  désigne  selon  lui  un  vigile  qui  a  déjà  été  admis 
à  participer  à  des  distributions  de  blé;  nous  avons  un  autre  témoignage  de  ces 
distributions  faites  aux  vigiles,  après  un  certain  temps  de  service,  dans  une 
inscription  du  règne  de  Septime  Sévère,  Caracalla  et  Geta,  qui  contient  le 
remerciement  de   16  vigiles  inscrits  sur  les  rôles  de  ces  distributions,   qvi 

FRVMENT(o)  PVBLfico)  INCISI  SVNT. 

M.  Naudet  lit  une  note  développée  dans  laquelle  il  soutient  son  opinion.  Il 
pense  que  les  frumentaires  mentionnés  dans  l'histoire  auguste  et  dans  les 
inscriptions  de  l'empire  sont  toujours  des  centurions  et  soldats  chargés  des 
doubles  fonctions  de  commissaires  aux  vivres  et  d'inspecteurs  de  la  police  géné- 
rale. Quant  au frumentarius  du  corps  de  garde  de  la  7°  cohorte  des  vigiles,  cène 
peut  être  qu'un  fourrier  de  cette  cohorte.  L'inscription  de  l'Aventin  parle  de 
vigiles  qui,  étant  arrivés  à  la  cité  romaine,  sont  inscrits,  comme  citoyens  et  non 
comme  soldats,  au  rôle  des  distributions  que  l'assistance  publique  faisait  à  Rome 
à  200,000  plébéiens.  C'est  là  le  sens  propre  du  mot  Incisus.  Quant  à  frumenta- 
rius^  il  signifie  toujours,  non  pourvu,  mais  pourvoyeur  de  blé. 

—  L'académie  se  forme  en  comité  secret. 

—  A  la  reprise  de  la  séance  publique,  M.  de  Longpérier  lit  une  lettre  de 
M.  le  commandant  Mowat,  qui  signale  un  monument  curieux  en  ce  qu'il  peut 
nous  donner  une  idée  de  la  statue  colossale  de  Mercure  qui  se  trouvait  suivant 
Pline  l'ancien,  l.  34,  ch.  18  (7,  ou  45),  dans  le  temple  de  Mercure  sur  le  Puy 
de  Dôme,  et  qui  avait  été  exécutée  par  l'artiste  Zénodore.  C'est  un  autel  votif 
trouvé  à  Horn  en  Hollande  et  conservé  maintenant  à  Ruremonde.  Il  est  dédié 
au  Mercure  arverne,  mercvrio  arverno,  et  porte  un  bas  relief  qui  représente 
le  dieu  assis.  C'est  jusqu'ici  le  seul  exemple  d'un  Mercure  assis  dans  un  monu- 
ment gaulois.  Il  est  probable  que  celui  qui  a  consacré  cet  autel  à  Mercure,  et 
qui  a  pris  soin  d'ajouter  au  nom  du  dieu  l'épithète  d'Arverne,  aura  tenu  à  ce 


16  REVUE  CRITIQUE   D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE. 

qu'il  fût  représenté  tel  qu'on  le  voyait  dans  son  grand  temple  du  Puy  de  Dôme. 

On  est  donc  fondé  à  croire  que  le  Mercure  de  Zénodore  était  assis.  L'artiste  a 

dû  emprunter  ce  type  à  la  Grèce,  où  on  le  rencontre,  à  Corinthe  notamment, 

d'une  manière  assez  fréquente. 

Ouvrages  présentés  de  la  part  des  auteurs  :  —  Par  M.  de  Saulcy  :  L'étalon  des  mesures 
assyriennes  fixé  par  les  textes  cunéiformes,  par  M.  Oppert,  et  Notice  sur  une  médaille 
inédite  de  Ronsard,  par  M.  Chaboùillet;  —  Par  M.  Le  Blant  :  Histoire  des  persécu- 
tions de  l'église  jusqu'à  la  fin  des  Antonins,  par  M.  B.  Aube;  Par  M.  Léon  Renier  : 
Rapport  sur  une  mission  archéologique  en  Algérie,  par  M.  Héron  de  Villefosse  (c'est 
un  rapport  sur  la  première  mission  de  M.  H.  de  V.  en  Algérie;  le  rapport  sur  sa  seconde 
mission  est  sous  presse);  —  Par  M.  L.  Delisle  :  Catalogue  descriptifet  raisonné  des  mss. 
de  la  bibliothèque  de  Tours,  par  M.  Dorange,  4*.  —  M.  Gustave  d'Eichthal  adresse 
à  l'académie  son  Mémoire  sur  le  texte  primitif  du  i"  récit  de  la  création,  Genèse,  Ch.  I- 
II,  4,  (lu  par  lui  aux  séances  des  8  et  13  août  1873)  suivi  du  texte  du  2*  récit,  Paris, 
8-. 

Julien  Havet. 


ERRATA. 

N°  26.  P.  414,  1.  22,  lire  Ernest  Kapp  au  lien  de  Ernest  Kopp. 

P.  416,  1.  7-9,  lisez  où  M.  Desjardins,  rencontrant  dans  une  inscription  le 
mot  frumenîarius,  l'expliquait  comme  désignant  un  soldat  admis  à  prendre  part 
à  des  distributions  publiques  de  blé,  M.  Naudet... 

Même  page,  1.  2  avant  la  signature,  au  lieu  de  d'égyptien,  lisez  d'Eugyppius. 
Après  M.  J.  Desnoyers,  ajoutez  Paris,  187$,  gr.  in-4'^,  1 5  p.  de  texte  et  6  plan- 
ches de  fac  simile  en  photogravure  avec  la  transcription  en  regard. 


a  s^  îo 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Acta  Societatis  Philologae  Lipsiensis,  éd.  Ritschl  (Lipsiae,  Teubner).  — Altenglische 
Legenden,  herausg.  v.  Horstmann  (Paderborn,  Schœningh).  —  Aulularia  sive  Querolus 
Theodosiani  aevi  comœdia  Rvtilio  dedicata,  edid.  Peiper  (Lipsiae,  Teubner).  —  Beth- 
MANN-HoLLWEa,  Der  Civilprozess  des  gemeinen  Rechts.  VI.  Bd.  i.  Abth.  (Bonn,  Mar- 
cus).  —  BoEHMER,  Rcgcsta  Imperii.  Die  Regesten  des  Kaiserreichs  unter  Kaiser  Karl  IV. 
1346-1378.  Herausg.  v.  Huber  (Innsbruck,  Wagner'sche  Univ.-B.).—  Boos,  Die  Liten 
und  Aldionen  (Gœttingen,  Peppmûller).  —  Busolt,  Der  zweite  athenische  Bund  (Leip- 
zig, Teubner).  —  Caix  de  Saint-Aymour,  Études  sur  quelques  monuments  mégalithiques 
(Paris,  E.  Leroux).  •—  Cassel,  Lœwenkasmpfe  von  Nemea  bis  Golgatha  (Berlin,  Cal- 
vary).  —  Claudiani  Raptus  Proserpinae,  recens.  Jeep  (Augustae  Taurinorum,  Lœscher)^ 

—  Contes  et  Discours  d'Eutrapel,  de  Noël  du  Fail,  p.  p.  Hippeau,  t.I  (Paris,  Jouaust). 

—  Cortambert,  Histoire  des  Progrès  de  la  Géographie  de  1857  à  1874.  — G.  D'Eich- 
thal, Mémoire  sur  le  texte  primitif  du  i"  récit  de  la  Création  (Paris,  Sandoz  et  Fisch- 
bacher).  —  Der  Mensch  eine  Maschine,  von  De  la  Mettrie.  Uebers.  v.  Ritter  (Leipzig, 
Koschny).  —  Des  (^.  Horatius  Flaccus  Sermonen,  herausg.  v.  Fritzsche,  i.  Bd. 
(Leipzig,  Teubner).  —  Die  Flersheimer  Chronik,  herausg.  v.  Waltz  (Leipzig,  Hirzel). 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


Franz  Delitzsch,  Jùdisches  Handwerkerleben  zur  Zeit  Jesu.  2.  Aufl.  Erlangen, 
Deichert.  In-8°,  85  p.  (C.  Siegfried). — Gallenkamp,  Die  Reform  der  hœheren 
Lehranstalten.  Berlin,  Lûderitz'sche  Verlagsb,  In-8%  40  p.  (W.  Hollenberg). 
—  Laas,  Gymnasium  und  Realschule.  Berlin,  Lùderitz'sche  Verlagsb.  In-8", 
95  p.  (C.  Peter).  —  Jahresbericht  des  k.  k.  Ministeriums  fur  Cultus  und  Un- 
terricht  fur  1874.  Wien,  Druck  v.  Gorischek.  In-8'*,  iv-195-lxxxiv  p.  —  K. 
ScHLOTTMANN,  Das  Vergsengliche  und  Unvergaengliche  in  der  menschlichen  Seele 
nach  Aristoteles.  Halle,  B.  d.  Waisenhauses.  In-8°,  57  p.;  Schulz,  Depoetices 
Aristoleleae  Principiis.  Berolini,  typ.  Draegerianis.  In-4%  24  p.  (Walter).  — 
'AptcTOTÉXouç  TTspl  TCoir^Tiy.YJç.  Iterum  recens.  I.  Vahlen.  Berol.,  Franciscus 
Vahlen.  In-8%  xv-246  p.  (cf.  Rev.  crit.,  1875,  1,  p.  129);  Spengel,  Aristo- 
teles' Poetik  u.  Joh.  Vahlen's  neueste  Bearbeitung  derselben.  Leipzig,  Teubner. 
In-8°,  50  p.  (Fr.  Susemihl).  —  Volkmann,  Die  Rhetorik  der  Griechen  und 
Rœmer.  Leipzig,  Teubner.  In-8%  viij-^oSp.  (F.  Blass).  — Teuffel,  Geschichte 
derrœmischen  Literatur  (M.  Hertz;  cf.  Rev.  crit.,  1875, 1,  p.  2$4).— Corssen, 
Ueber  die  Sprache  der  Etrusker  (Sophus  Bugge;  cf.  R^i'.  cn7.,  1874,  II,  p. 321). 

Anzeiger  fttr  Kunde  der  deutschen  Vorzeit,  N*»  5,  Mai  187$.  Buntgla- 
sierte  Thonwaaren  des  1 5.-18.  Jahrh.  im  germ.  Muséum.  XII.  (A.  Essenwein). 
Zur  Darstellung  der  «  Heiligen  Famille  »  (Dr.  Florian  Romer).  —  Urkundliche 
Beitrsege  zur  Kùnstlergeschichte  Schlesiens  (suite  :  Wernicke).  —  Parodie  des 
Doctrinale  (W.  Wattenbach).  —  Die  Prioren  des  ehemaligen  Augustinerklosters 
in  Nûrnberg  (Lochner).  —  Weiern  ^Wattenbach).  —  Beilage  zum  iV°  $. 
Chronik  des  germ.  Muséums.  —  Schnften  der  Akademien  und  historischen 
Vereine.  —  Nachrichten. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  toiis  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Bastian  (H.  C).  Evolution  andtheOrigin 
of  Life.  In-8",  196  p.  cart.  London  (Mac- 
millan).  8  fr.  25 

Bethencourt  (J.  de).  Le  Canarien,  livre 
de  la  conquête  et  conversion  des  Canaries 
(1402-1422).  Publié  d'après  le  manuscrit 
original,  avec  introduction  et  notes  par 
G.  Gravier.  In-8',  lxxxiij-262  p^j^^^.^ 
cartes.  Rouen  (Métérie).  '^'  ,"  ' 

Bonnassies  (J.).  Les  spectacles  forains 
et  la  Comédie-Française.  Le  droit  des 
pauvres  avant  et  après  1 789.  Les  auteurs 
dramatiques  et  la  Comédie-Française  au 
XIX*  siècle,  d'après  des  documents  iné- 
dits. Avec  une  eau-forte  par  E.  Houdin. 
In- 18  Jésus,  303  p.  Paris  (Dentu).  4  fr. 

Bouché-Leclercq  (A.).  Giacomo  Leo- 
pardi,  sa  vie  et  ses  œuvres.  In-12,  viij- 
317  p.  Paris  (Didier  et  C^).  3  fr. 

Bouille  (L.  de>jtrLte  drapeaux  français. 


étude  historique.  2*  édit.  considérable- 
ment augmentée  et  accompagnée  de  125 
dessins.  In-8",  360  p.  Paris  (Dumaine). 

8fr. 

Brun  (F.).  Inscriptions  anciennes  retrou- 
vées ou  inédites,  la-8*,  11  p.  et  pi.  Nice 
(imp.  Caisson  et  Mignon). 

Carey  (F.  de).  De  Paris  en  Egypte,  sou- 
venirs de  voyage.  In-B**,  553  p.  et  carte. 
Paris  (Berger-Levrault). 

Gérés.  Notes  archéologiques.  Compte- 
rendu  sur  les  fouilles  pratiquées  à  la  villa 
romaine  de  Mas-Marcou.  Rapport  sur  les 
fouilles  archéologiques  faites  à  Cavayrac, 
à  Souyri  et  au  couvent  de  la  Providence 
(1865).  In-S",  36  p.  et  pI.  Rodez  (imp. 
Ratery).-!-jr'l  $jG  ^-   .- ^-..r   ^-,  -.,    , 

Chaignet  (E.).  Théorie  de  la  déclinaison 
des  noms  en  grec  et  en  latin ,  d'après  les 
principes  de  la  philologie  comparée.  In- 
8°,  viij-i3G  p.  Paris  (Thorin).         4  fr. 


Chossat(E.  de).  Classification  des  carac- 
tères cunéiformes  bab)[loniens  et  ninivites. 
In-4°,  xij-261  p,  Paris  (imp.  Barousse). 

Cordery  (B.M.)  and  Phillpotts  (J^S.). 
King  and  Commonwealth  :  a  History  of 
the  Great  Rébellion.  In-8^  410  p,  cart. 
London  (Seeley).  6  fr.  25 

Cougny  (E.).  Études  historiques  sur  le 
X  Vie  siècle.  Théories  politiques.  François 
Hotoman.  La  France-Gaule.  In-8',  86  p. 
Paris  (Thorin). 

Davis  (E.  J.).  Autolica;  or,  the  Journal 

of  a  Visit  to  some  of  the  Ancient  Ruined 

Cities  of  Caria,  Phrygia,  Lycia  and  Pi- 

sidia.  In-8*,  362  p.  cart.  London  (Grant). 

26  fr.  2$ 

Desjardins  (E.).  LesAntonins  d'après 
les  documents  épigraphiques.  L'empereur 
Trajan.  In-S»,  32  p.  Paris  (imp.  Claye). 

Devais.  Les  Écoles  publiques  à  Montauban 
du  X-  au  XVP  siècle.  In-8°,  39  p.  Mon- 
tauban (imp.  Forestié). 

Doherty  (H.).  Organic  Philosophy.  Vol. 
4.  In-8"  cart.  London  (Trûbner).  12  f.  $0 

Drake  (C.  B.).  The  Teaching  of  the 
Church  during  the  first  Three  Centuries, 
on  the  Doctrines  of  the  Christian  Priest- 
hood  and  Sacrifice.  In-8*,  162  p.  cart. 
London  (Macmillan).  5  fri  4^ 

Draper  (J.  W.).  History  of  the  Conflict 
between  Religion  and  Science.  In-8*, 
392  p.  cart.  London  (King).       6  fr.  2$ 

EUis  (A.).  Practical  Hints  on  the  Quan- 
titative Pronunciation  of  Latin.  For  the 
use  of  Classical  Teachers  and  Linguists. 
In-i2,  144p.  cart.  London  (Macmillan). 

s  fr.  6s 

Gardner  (J.).  Longevity  :  The  Means  of 
Prolonging  Life  after  Middle  Age.  3d 
Edit.  revised  and  enlarged.  In- 1 2,  1 94  p. 
cart.  London  (King).  5  fr. 

Grimoûard  de  Saint-Laurent.  Guide 

de  l'art  chrétien.  Études  d'esthétique  et 
d'iconographie.  T.  <,  et  dernier.  In-8*, 
$72  p.  et  pi.  Paris  (Didron). 

Guépin  (A.).  Saint  Josaphat,  archevêque 
de  Polock,  martyr  de  l'unité  catholique 
et  de  l'Église  grecque  unie  en  Pologne. 
2.  vol.  in-8%  clxvij-914  p.  Paris  (Palmé). 

Hemans  (C.  J.).  Historié  and  Monumen- 
tal Rome  :  a  Handbook  for  the  Students 
of  Classical  and  Christian  Antiquities  in 
the  Italian  CapitaLGç».iny8*  cart.  Lqn- 


don  (Williams  et  N.).  13  fr.  i^ 

La  Fontaine.  Œuvres  complètes.  Nou- 
velle édition,  très-soigneusement  revue 
sur  les  textes  originaux,  avec  un  travail 
de  critique  et  d'érudition,  aperçus  d'his- 
toire littéraire,  vie  de  l'auteur,  notes  et 
commentaires,  bibliographie,  etc.  T.  3  et 
4.  Contes.  T.  5.  Théâtre.  In-8*,  cxxxiij- 
1334  p.  Paris  (Garnier  frères).  Le  vol. 

7  fr.  50 

La  Gorgue-Rosny  (L.-E.  de).  Recher- 
ches généalogiques  sur  les  comtés  de 
Ponthieu,  de  Boulogne,  de  Guines  et 
pays  circonvoisins.  T.  i.  A-D.  In-8% 
xxvij-508  p.  Boulogne-sur-Mer  (imp. 
(Leroy). 

Lebreton  (A.).  Une  Visite  au  Mont-Saint- 
Michel.  Notes  historiques  et  archéolo- 
giques sur  Avranches,  Pontorson  et 
l'abbaye  du  Mont-Saint-Michel.  In- 12, 
104  p.  Paris  (Aubry). 

Léotard  (E.).  Tableau  de  la  Société  ro- 
maine au  IV*  siècle.  In-8*,  24  p.  Lyon 
(imp.  Pitrat  aîné). 

Loménie  (de).  Mirabeau  et  son  père  à  la 
veille  de  la  Révolution.  In-4*,  24  p. 
Paris  (Firmin  Didot,  frère,  fils  et  C*). 

Marlot.  Note  archéologique  sur  des  sépul- 
tures mérovingiennes  découvertes  dans  la 
commune  de  Vic-de-Chassenay  (Côte- 
d'Or).  In-8*,  12  p.  Dijon  (Manière-Loc- 
quin). 

Mémoires  de  l'Institut  national  de  France. 
Académie  des  Inscriptions  et  belles-lettres. 
T.  22.  Table  alphabétique  des  matières 
contenues  dans  les  vol.  12  à  21.  In-40  à 
2  col.,  124  p.  Paris  (Imp.  nationale). 

Ménard  (R.).  Entretiens  sur  la  peinture 
avec  50  eaux-fortes.  Gr.  in-4',  243  p. 
Paris  (Heymann). 

Miller  (E.).  Un  poète  de  la  cour  des 
Comnènes.  In-4%  20  p.  Paris  (Firmin 
Didot,  frères,  fils  et  C^). 

Tomlinson  (C).  The  Sonnet  :  its  Origin, 
Structure  and  Place  in  Poetry.  With 
original  Translations  from  the  Sonnets  of 
Dante,  Petrarch,  etc.,  and  Remarks  on 
the  Art  of  Translating.  In-8°,  234  p. 
cart.  London  (Murray).  11  fr.  25 

Zimmermann  (G.  A.).  Ephesos  im  ersten 
christlichen  Jahrhundert.  Ein  Beitrag  zur 
neutestamentl.  Zeitgeschichte.  Mit  einem 
Plane  v.  Ephesos  u.  Umgebg.  In-8%  iv- 
1 57  S.  Leipzig  (Brockhaus).  4  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou.    , 


N*  28  Neuvième  année.  10  Juillet  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction:  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix   d^abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 


PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  G u yard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

MU^  IVyr  r\  T  O  t?  c      ^^^^  société  de  linguistique.  T.  II.  5e  fasci- 
t-j  iVl  \J  1  Iv  Ci  O     cule  (complément  du  volume).  4  fr. 

Contenu:  H.  Kern,  le  suffixe  ya  du  sanscrit  classique,  ia  de  l'arien. — L.Havet, 
Note  sur  l'article  précédent.  ■ —  D'Arbois  de  Juhainviile,  les  thèmes  celtiques  en  5. 
—  M.  Bréal,  Umbrica.  —  L.  Havet,  sur  les  palatales  sanscrites. —  A.Bergaigne, 
du  rôle  de  la  dérivation  dans  la  déclinaison  indo-européenne.  —  Variétés  : 
M.  Bréal,  Frères  jumeaux  dans  le  vocabulaire  latin.  —  Caro,  carnis.  — Vilis.  — 
Masticare.  —  KaXcç.  —  Latin  sus,  sur.  Ombrien  sururonî,  surur.  —  Indulgere. — 
Sanscrit  sva  pour  su  «  bien  ».  —  A.  Bauer,  de  la  double  origine  de  l'article  alle- 
mand. —  L.  Havet,  sur  la  déclinaison  des  thèmes  féminins  en  a.  —  Le  locatif 
ombrien.  —  F.  Baudry,  Notice  sur  le  suffixe  participial  -ant.  —  J.  Darmesteter, 
Nomen,  nâman.  —  Index. 


COLLECTION    PHILOLOGIQUE    (ANCIENNE  SÉRIE) 

5e  FASCICULE. 

'^  •      rvll     lllirVLes  noms  de  famille.  3  fr.  50 


GO  A  D  T  C     ^^^  Contes  orientaux  dans  la  littérature  française  du 
•     I   /V  rV  1  O    moyen-âge.  Broch.  in-S^.  i  fr. 


PÉRIODIQUES. 

-  The  Academy,  N°  1 6  3 ,  ne w  séries,  1 9  juin .  The  Dramatic  Works  of  Molière. 
Rendered  into  English  by  H.  van  Laun.  Vol.  I.  Edinburgh,  Paterson  (George 
Saintsbury).  —  Mémoires  posthumes  de  Odilon  Barrot.  T.  I.  Paris,  Charpen- 
tier (G.  MoNOD  :  ces  mémoires  présentent  un  tableau  fidèle  de  l'époque  à  lacjuelle 
appartenait  l'auteur).  —  Clodd,  The  Childhood  of  Religions;  embracing  a  Simple 
Account  of  the  Birth  and  Growth  of  Myths  and  Legends.  London,  King  and  Co. 
(T.  W.  Rhys  Davids  :  charmant  ouvrage  destiné  aux  enfants).  —  Rae,  The 
Land  of  the  North  Wind;  Travels  among  the  Laplanders  and  the  Samoyeds. 
London,  Murray  (Robert  Michell).  —  The  Historians  of  Scotland.  Vols.  V. 
and  VI.  SS,  Ninian,  Kentigern,  and  Columba  (James  Raine).  — A^of^5  and  News. 
—  Notes  of  Travel.  —  Notes  of  a  Tour  in  the  Cyclades  and  Crète.  VII.  Naxos 
and  los  (H.  F.  Tozer).  —  Correspondence.  Blake's  Songs  of  Innocence  (Richard 
Herne  SHepherd).  —  Pythagoras  (Karl  Blind  :  répond  à  VAcademy  qui  lui 
reprochait  de  dériver  de  Buddha  la  première  partie  du  nom  Pythagoras).  —  An 
English  View  of  M.  de  Rémusat  (G.  A.  Simcox).  —  Smart  and  Crofton,  The 
Dialect  of  the  EngHsh  Gipsies.  2d  Ed.  London,  Asher  and  Co.  (Charles  G.  Le- 
land  :  non  sans  valeur).  —  Zimmermann,  Kant  und  die  Positive  Philosophie. 
jv-Wien  (Max  Mûller  :  intéressant  travail  sur  la  question  de  savoir  si  la  philosophie 
^  .de  Kant  a  exercé  quelque  influence  sur  Comte;  la  conclusion  est  négative).  — 
"  Science  Notes  (la.  première  partie  du  Commentaire,  écrit  en  hébreu,  de  feu  Frankel 
sur  le  Talmud  de  Jérusalem  vient  de  paraître  à  Vienne).  —  Meetings  of  Societies 
(Institut  anthropologique,  Soc.  des  antiquaires). 

,  The  Athenaeum,  W2486,  19  juin.  English-Gipsy  Songs.  In  Rommany, 
with  metrical  English  Translations.  By  Leland,  Palmer,  and  Janet  Tuckey. 
Trùbner  (on  recommande  la  lecture  de  cet  ouvrage  à  tous  ceux  qu'intéressent  les 
Gipsies).  —  Thornton,  Indian  Public  Works;  and  Cognate  Indian  Topics. 
Macmillan  and  Co.  —  The  Memoirs  of  Sir  John  Reresby,  of  Trybergh,  Bart., 
M.  P.  for  York,  etc.  1634-1689.  Written  by  Himself.  Ed.byJ.  J.  Cartwright. 
Longmans  and  Co.  (on  est  désappointé  en  parcourant  cette  édition  qui  ne  fait 
guère  que  reproduire  celle  de  182 1).  —  Vaux,  Ancient  History  from  the  Monu- 
ments. Persia  (excellent  ouvrage).  —  Sei  Cento  Lezioni  délia  Divina  Com- 
media.  Tratte  dall'  Edizione  di  Napoli  del  M.CCCCLXXVII,  etc.  Per  opéra  e 
cura  del  Dottore  E.  Barlow.  Williams  and  Norgate  (cette  édition  serait  anté- 
rieure à  l'autre  édition  de  Naples  qui  n'est  pas  datée).  —  The  Palaeographical 
Society.  —  The  Royal  Cloister-Herod's  Temple  (C.  Warren).  —  Liîerary 
Gossip.  —  Geographical  notes.  —  Societies  (Soc.  de  géographie,  association 
britannique  d'archéologie,  institut  anthropologie,  Soc.  nouvelle  Shakespea- 
réenne).  —  Miscellanea.  The  Meaning  of  Action  (J.  W.  Hales). 

Literarisches  Centralblatt,  N°26,  26  juin  (Le  n*'  25  ne  nous  est  pas  par- 
venu). HoLL^NDER,  Die  Kriege  der  Alamannen  mit  den  Rœmern  im  3.  Jahrh. 
n.  Chr.  Karlsruhe,  Braun.  In-8",  47  p.  (bon  travail).  —  Krones,  Die  Herr- 
schaft  Kœnig  Ottokar's  II  von  Bœhmen  in  Steiermark.  Graz,  Selbstverl.  In-8% 
108  p.  (travail  soigné).  —  Sax,  Beitrag  zur  Geschichte  der  Abtei  und  Stadt 
Echternach.  Luxemburg,  Brûck.  In-8%  77  p.  —  Herquet,  Kristan  von  Muhl- 
hausen.  Halle,  B.  d.  Waisenhauses.  In-8%  vj-62  p.  —  Kiepert,  Neue  Wand- 
karte  von  Palaestina.  BerHn,  Reimer  (cette  nouvelle  carte  est  en  progrès  sur 
toutes  celles  qui  l'ont  précédée).  —  H.  Von  Schlagintweit-Sakûlùnski,  Die 
Passe  ùber  die  Kammlinien  des  Karakorûm  und  des  Kùnlùn.  Mùnchen,  Franz 
in  Comm.  In-4^  1 16  p.  (partie  détachée  du  futur  4"  vol.  des  Voyages  dans  l'Inde 
et  dans  la  Haute-Asie).  —  Venjukow,  Die  russisch-asiatischen  Grenzlande.  Aus 
dem  Russ.  ùbertr.  v.  Haupt.  Krahner.  3.  u.  4.  Lief.  Leipzig,  Grunow.  In-8% 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  28  —  10  Juillet  —  1875 

Sommaire  :  138.  Saint  Paul,  Epître  aux  Romains^  p.  p.  Volkmar.  ~  139.  Boos, 
Les  Lites  et  les  Aidions.  —  140.  Albert  de  Stade,  Troilus,  p.  p.  Merzdohf.  — 
141.  Documents  pour  servir  à  l'histoire  de  la  politique  autrichienne  pendant  la  Révo- 
lution française,  p.  p.  De  Vivenot;  De  Vivenot,  Genèse  du  second  partage  de  la 
Pologne.  —  Variétés  :  Une  lettre  inédite  de  Schlegel.  —  Sociétés  savantes  :  Académie 
des  inscriptions. 


138.  —  Paulus  Rœmerbrief.  Der  aelteste  Text  deutsch  und  im  Zusammenhang  er- 
klaert,  von  G.  Volkmar,  mit  dem  Wortabdruck  der  vaticanischen  Urkunde.  Zurich, 
Schabelitz,  1875.  In-8°,  xxj- 164-24  p.  —  Prix  :  6  fr.  ^0. 

L'intérêt  scientifique  de  ce  nouveau  commentaire  sur  Pépître  aux  Romains  est 
tout  entier  dans  une  révision  critique  nouvelle  du  texte  et  dans  une  tentative 
ingénieuse  et  originale  de  retrouver  la  forme  première  et  authentique  de  la 
lettre  de  Paul. 

On  nous  permettra  donc  de  négliger  l'introduction  historique,  qui  ne  renferme 
rien  de  nouveau,  la  traduction  allemande  du  texte  grec,  qui  est  étrange  et 
bizarre  à  force  de  vouloir  être  archaïque  et  littérale,  l'exposition  logique  des 
idées  de  saint  Paul,  qui  n'intéresserait  que  les  théologiens  de  profession,  pour 
nous  arrêter  seulement  aux  recherches  et  aux  solutions  critiques  et  philologiques 
présentées  par  l'auteur. 

M.  V.  se  trouvait  tout  d'abord  en  présence  d'une  question  de  manuscrits.  Il 
a  fait  choix  de  celui  du  Vatican  qu'il  a  mis  à  la  base  de  son  travail.  Le  texte  du 
Codex  Vaîicanus,  au  moins  pour  l'épître  aux  Romains,  lui  paraît  à  bon  droit  la 
reproduction  la  plus  ancienne  et  la  plus  fidèle  de  l'original  apostolique.  M.  V.  a 
cru  devoir  nous  donner  ce  texte  à  la  fin  de  son  commentaire.  Mais  ce  n'est  pas 
une  édition  nouvelle  faite  sur  le  manuscrit  même.  C'est  un  fragment  emprunté 
directement  au  N.  Tesîamentum  Vaîicanum  (Lipsiae  1871)  de  Tischendorf.  M.  V. 
a  essayé  de  lui  donner  un  air  d'antiquité  en  supprimant  les  accents,  les  lettres 
majuscules,  en  conservant  la  vieille  orthographe  et  les  erreurs  du  copiste  corri- 
gées par  Tischendorf.  Mais  d^un  autre  côté,  il  a  distingué  et  séparé  les  mots, 
ponctué  les  phrases,  replacé  les  esprits  doux  et  rudes,  marqué  les  alinéas, 
donné,  en  un  mot,  toutes  les  indications  nécessaires  pour  en  rendre  la  lecture 
facile  à  ceux  qui  ne  sont  pas  familiarisés  avec  la  paléographie  grecque.  Cette 
demi-mesure  paraîtra  passablement  arbitraire.  C'est  trop' ou  trop  peu  :  trop, 
pour  ceux  qui  voudraient  discuter  la  manière  de  lire  le  manuscrit,  trop  peu 
pour  ceux  qui  se  seraient  contentés  d'une  bonne  édition  critique  du  texte  de 
l'épître  aux  Romains. 

Le  texte  des  quatorze  premiers  chapitres  est  très-sûrement  étabh.  Pour 
aucune  autre  partie  du  N.  Testament  nous  n'avons  des  moyens  de  contrôle  plus 
XVI  2 


l8  REVUE   CRITIQUE 

nombreux  et  plus  décisifs.  L'épître  aux  Romains  eût-elle  été  perdue,  nous 
aurions  pu  la  reconstruire  entièrement  avec  les  citations  des  pères  des  trois  pre- 
miers siècles.  La  fidélité  du  texte  du  manuscrit  du  Vatican  ressort  éclatante  d*une 
comparaison  attentive  avec  ces  citations,  et  M.  V.  a  pleinement  raison  de  lui 
donner  la  préférence. 

Ce  n'est  pas  à  dire  qu'il  ne  le  corrige  jamais.  Quand  ces  corrections  sont  fon- 
dées sur  des  témoignages  historiques,  on  peut  les  discuter  et  les  approuver. 
Mais  il  en  est  qui  ne  sont  justifiées  que  par  des  appréciations  purement  subjectives 
et  littéraires,  et  celles-là  n'ont  pas  de  chance  d'être  admises.  Par  exemple, 
M.  V.  propose,  au  chap.  vu,  de  supprimer  les  versets  19  et  20,  parce  qu'ils  ne 
sont  qu'une  répétition  inutile,  interrompant  malencontreusement  le  raisonnement 
de  l'auteur.  ((  Si  ces  versets  sont  de  Paul,  ajoute-t-il,  il  faut  avouer  que  Paul 
»  s'endort  quelquefois.  »  Cette  sorte  de  critique  appliquée  à  un  texte  ancien  ou 
moderne  mènerait  bien  loin.  Tous  les  manuscrits  sans  exception  ont  ces  deux 
versets.  Ils  peuvent  vous  paraître  redondants.  Vous  pouvez  dire  que  Paul 
s'endort,  mais  est-ce  là  une  raison  suffisante  ? 

Si  le  texte  des  quatorze  premiers  chapitres  est  fermement  arrêté  et  ne  peut 
donner  lieu  à  de  bien  graves  discussions,  il  n'en  est  pas  de  même  des  deux 
derniers.  Ici  nous  retombons  dans  l'incertitude  et  la  confusion,  et  le  champ  est 
ouvert  aux  conjectures  et  aux  hypothèses.  L'imagination  inventive  de  M.  V. 
devait  se  trouver  à  l'aise.  Mais  avant  de  faire  connaître  la  solution  qu'il  propose, 
i),importe  de  faire  connaître  l'état  réel  de  la  question. 

î,,,En  lisant  avec  attention  ces  deux  chapitres,  on  s'aperçoit  que  l'épître  aux 
Romains  a  quatre  finales  bien  distinctes  qui  semblent  non-seulement  se  contrarier, 
mais  même  se  contredire  et  s'exclure. 

1°  D'abord  il  y  a  une  solution  de  continuité  étonnante  entre  le  chapitre  xiv 
et  le  chap.  xv.  Nous  trouvons  là  une  place  vide  où  le  Codex  Alexandrinus  et, 
avec  lui,  plus  de  220  manuscrits  byzantins  et  les  anciennes  versions  arménienne, 
gothique  et  autres  placent  la  Doxologie  XVI,  2  $-27  qui  termine  actuellement 
notre  épître. 

2°  Au  chap.  XV,  33,  nous  trouvons  une  nouvelle  formule  finale  bien  caracté- 
risée, le  vœu  par  lequel  Paul  a  l'habitude  de  clore  ses  lettres  :  6  oï  ôsbç  tqz 

3°  Retour  d'une  formule  semblable,  XVI,  20. 

4°  Variante  nouvelle  reparaissant,  XVI,  24. 

Ainsi  l'épître  aux  Romains  finit  quatre  fois  et  même  cinq  fois  dans  certains 
manuscrits,  comme  V Alexandrinus.  Cela  est  contraire  à  la  concision  et  à  la  netteté 
habituelles  de  Paul,  et  même  au  sens  commun.  Il  y  a  donc  là  un  désordre 
évident  que  la  critique  devait  essayer  d'expliquer  et  de  réparer. 

Baur  a  cru  découvrir  dans  ces  deux  chapitres  l'intention  d'adoucir  la  doctrine 
de  Paul  en  la  rapprochant  du  judéo-christianisme.  Voyez  l'épithète  assez  singu- 
lière en  effet  appliquée  à  Jésus-Christ  :  Btàxovov  TuepiTOixYJç  (XV,  8).  Il  les  a 
donc  rejetés  comme  une  addition  postérieure  faite  à  l'épître  dans  un  esprit  de 
conciliation.  Mais  alors  la  lettre  de  Paul  reste  sans  conclusion.  D'un  autre  côté 


d'histoire  et  de  littérature.  19 

ces  observations  ingénieuses  ne  sont  pas  assez  évidentes  ni  assez  incontestées 
pour  appuyer  une  solution  scientifique.  Ce  qui  parait  plus  décisif,  c'est  le  ifait 
remarquable  que  Marcion,  dans  son  recueil  apostolique,  n'avait  point  ces  deux 
chapitres,  que  Irénée  et  Tertulien,  qui  citent  des  passages  fort  abondants  de  tous 
les  précédents,  n'ont  aucune  citation  empruntée  à  ces  deux  derniers.  Par  contre 
le  canon  de  Muratori,  qui  date  de  la  même  époque,  les  a  connus.  L'état  incertain 
et  la  diversité  incroyable  des  manuscrits  à  cet  endroit  expliqueraient  peut-être 
ces  phénomènes  contraires. 

M.  V.  porte  sur  l'ensemble  de  ces  deux  chapitres  à  peu  près  le  même  juge- 
ment que  Baur.  Mais  il  s'efforce  d'aller  plus  loin  ;  il  ne  veut  pas  s^arrêter  à  une 
solution  purement  négative  ;  il  a  l'ambition  de  démêler  la  vraie  et  authentique 
conclusion  de  la  lettre  de  Paul,  et  d'expliquer  la  provenance  des  diverses  addi- 
tions postérieures  au  milieu  desquelles  elle  est  restée  enveloppée.  Il  trouve  cette 
conclusion  dans  les  versets  ^3  du  chap.  XV,  1-2  et  20-25  du  chap.  XVI.  Mais 
cette  solution  souffre  de  plusieurs  difficultés.  D'abord,  il  est  impossible  de  ratta- 
cher par  un  lien  quelconque  XV,  33  à  XIV,  23.  Si  l'épître  finit  ainsi,  on  peut 
dire  qu'elle  finit  d'une  façon  abrupte  autant  qu'imprévue.  C'est  une  chute  à  pic. 
En  second  lieu,  cette  salutation  XV,  33  qu'on  veut  mettre  après  XIV,  23  auquel 
elle  ne  tient  nullement,  est  au  contraire  la  conclusion  et  le  terme  naturel  du  déve- 
loppement XV,  30-33  que  l'on  supprime.  Enfin  dans  cette  nouvelle  reconstruc- 
tion du  texte,  il  reste  toujours  deux  ou  trois  formules  finales  XV,  33,  XVI,  20 
et  XVI,  24.  On  voit  que  nous  n'y  gagnons  pas  grand'chose,  et  qu'il  est  permis 
de  douter  en  bonne  critique  qu'une  telle  hypothèse  obtienne  jamais  grand 
crédit. 

Quant  à  ce  qui  reste  des  deux  chapitres  après  cette  opération  hasardeuse,  M.V. 
y  distingue  deux  fragments  de  nature  et  de  provenance  diverses  ;  un  premier 
morceau,  la  doxologie  des  versets  XVI,  25-27,  imitée  de  Jude,  24,  serait  un 
produit  de  l'église  orientale,  rédigé  contre  Marcion  après  l'an  138,  et  dans  les 
Bibles  de  cette  église  aurait  été  toujours  placé  à  la  fin  du  chap.  XIV.  Le  second 
fragment  comprenant  XV,  1-32  et  XVI,  3-20  aurait  été  écrit  à  Rome  après  l'an 
1 70  et  maintenu  non  moins  ënergîquement  dans  les  Bibles  de  l'église  latine  après 
XIV,  2^.  M.  V.  se  plaît  à  montrer  jusque  dans  la  formation  de  ces  textes  le 
conflit  antique  et  permanent  de  l'orthodoxie  grecque  et  de  l'orthodoxie  catho- 
lique. 

Nous  en  sommes  fâché  pour  le  savant  théologien.  Ce  n'est  là  qu'une  pure 
fantasmagorie  qui  ne  soutient  pas  un  instant  l'examen.  Remarquez  que  tous  les 
manuscrits,  sauf  deux  ou  trois  qu'on  peut  négliger  ici,  et  toutes  les  anciennes 
versions,  sans  en  excepter  la  version  d'Ulfilas  ',  ont  tous  ces  divers  fragments. 
Ils  ne  diffèrent  que  par  l'ordre  dans  lequel  ils  les  rangent.  Or  cet  ordre  varie, 
non  pas  suivant  que  ces  manuscrits  appartiennent  à  l'Eglise  d'Occident  ou  à 
.-^'^l^ibçi^li    L.^^\!ài^ll.>. :-  -    !^^p    nclrfi'^ [ -]/ 

1.  La  doxologie  XVI,  25-27  manque  dans  le  Codex  Bcernerianus,  mais  un  espace  blanc 
est  laissé  après  le  ch.  XIV  pour  la  recevoir.  Elle  manque  aussi  dans  la  version  d'Ulfilas, 
mais  elle  se  trouvait  sans  doute  à  la  fin  du  ch.  XIV  où  présentement  existe  une  lacune. 


20  REVUE   CRITlQyE 

celle  d'Orient,  mais  suivant  qu'ils  proviennent  d'Alexandrie  ou  de  Byzance.  En 
d'autres  termes,  nous  n'avons  pas  ici  l'opposition  de  deux  orthodoxies  ecclé- 
siastiques, mais  l'opposition,  qui  se  constate  dans  bien  d'autres  endroits  du 
N.  Testament,  entre  deux  familles  de  manuscrits  :  la  famille  des  manuscrits  byzan- 
tins et  celle  des  manuscrits  alexandrins.  Il  y  a  quelque  chose  de  singulier  à 
soutenir  que  le  Vaticanus,  le  Sinaïîicus,  la  Peschito,  la  traduction  copte  etc. 
représentent  plutôt  l'Église  latine  que  l'Église  grecque.  '  '^ 

En  résumé,  cette  nouvelle  solution  de  l'énigme  qu'offre  le  texte  de  la  fmUè 
l'épître  aux  Romains  nous  paraît  aussi  hasardée  qu'elle  est  ingénieuse,  et  nous 
nous  demandons  si  la  meilleure  solution  n'est  pas  encore  celle  qu'a  présentée 
M.  Renan;  elle  est  en  tout  cas  beaucoup  plus  simple  et  plus  naturelle  '  :  admettre 
que  Paul  après  avoir  écrit  sa  lettre  en  a  fait  faire  plusieurs  copies  pour  diverses 
églises,  en  ajoutant  à  chacune  une  conclusion  et  des  salutations  particulières. 
Plus  tard  les  copistes  auraient  réuni  ces  diverses  finales  dans  Tordre  où  elles 
parvenaient  à  leur  connaissance,  sans  s'inquiéter  de  l'amalgame  singulier  qu'elles 

faisaient  ensemble. 

A.  Sabatier. 


139.  —  Die  liten  und  aldionen  nach  den  volksrechten  von  H.  Boos,  Dr.  phil.  — 
Gœttingen,  Robert  Peppmûller.  1874.  70  p.  8*.  —  Prix:  2  fr.  25. 

On  trouve  dans  plusieurs  des  anciennes  législations  germaniques  des  personnes 
dont  la  condition  juridique  est  intermédiaire  entre  celle  des  esclaves  et  celle  des 
hommes  libres.  Les  lois  des  Francs,  des  Saxons,  des  Frisons  les  nomment  lites 
Qeti,  liîij  Udi),  celles  des  Lombards  aldii  ou  aldiones.  La  condition  de  ces  per- 
sonnes a  déjà  été  étudiée  par  la  plupart  des  auteurs  qui  ont  écrit  sur  l'ancien 
droit  germanique,  et  leurs  travaux  ont  élucidé  les  points  les  plus  essentiels  du 
sujet.  ' 

La  monographie  que  M.  le  D""  Boos  consacre  aux  mêmes  questions  n'appcfète 
guère  de  résultats  nouveaux.  L'auteur  s'est  borné  à  donner  un  résumé  clair  et 
méthodique  des  travaux  antérieurs,  et  surtout  de  ceux  de  son  maître,  M.  Waitz 
(auquel  il  rend  hommage  dans  sa  préface).  Il  a  fait  en  outre  le  relevé  de  tous 
les  passages  des  sources  législatives  qui  donnent  quelque  renseignement  sur  la 
matière.  Ce  relevé,  qui  paraît  complet,  forme  un  répertoire  commode  :  c'est  là 
ce  qui  donne  à  la  brochure  sa  principale  utilité. 

Au  lieu  de  faire  de  la  condition  des  lites  un  tableau  d'ensemble,  en  groupant 
les  dispositions  éparses  dans  les  diverses  législations  germaniques,  M.  B. 
étudie  à  part  et  successivement  la  condition  de  ces  personnes  dans  le  droit  de 
chaque  peuple.  Il  traite,  dans  des  chapitres  distincts,  des  lites  chez  les  Francs, 
chez  les  Frisons,  chez  les  Saxons,  chez  les  Alamans,  des  classes  analogues  que 
mentionnent  les  textes  bavarois,  et  enfin  des  aidions  lombards.  Ce  n'est  que  dans 
un  chapitre  de  conclusion  qu'il  en  vient  à  des  considérations  générales, 
qui  portent  principalement  sur  Tongine  des  lites  et  des  aidions  2.  Ce  système 

1.  E.  Renan,  Saint  Paul.  Introduction,  p.  Ixviij-lxxiv.:     ici'  ib  aiij:>î-.';iq£. 

2.  Il  aurait  fallu  donner  une  table  dé  ces  divers  chapitres.' 


d'histoire   et   de    littérature.  21 

de  division  par  nations,  qui  dans  un  sujet  moins  restreint,  et  sur  lequel 
les  sources  fourniraient  plus  de  renseignements,  entraînerait  trop  de  redites,  est 
ici  sans  inconvénient  sérieux;  il  a  l'avantage  de  laisser  strictement  à  chaque 
renseignement  sa  juste  valeur  et  de  mettre  en  garde  contre  les  généralisations 
hasardées.  '     '  '  '  ^''  ; 

Il  est  regrettable  qu'en  un  point  assez  important  l'auteur  lui-même  s'en  soit 
écarté.  Dans  son  chapitre  sur  la  condition  des  lites  chez  les  Francs,  M.  B.  ne 
distingue  pas  entre  la  législation  des  Francs  Saliens  et  celle  des  Francs  Ripuaires, 
parce  qu'il  admet  a  priori  que  le  droit  en  cette  matière  devait  être  le  même  chez 
les  deux  peuples  (p.  8).  Sous  l'influence  de  cette  idée  préconçue,  il  déclare  un 
passage  de  la  loi  ripuaire  inexplicable  (p.  1 2  n.  2),  parce  que  ce  passage  ne 
s'accorde  pas  avec  les  dispositions  correspondantes  de  la  loi  salique  :  dans  la  loi 
salique  le  wergeld  du  lite  est  de  100  sous  (26.  i,  42.  3,  etc.),  dans  la  loi 
ripuaire  le  lite  n'a  que  le  wergeld  des  esclaves,  36  sous  (64.  i).  Il  n'y  a  pas  là 
de  contradiction,  cela  prouve  seulement  que  sur  ce  point  les  Ripuaires  n'avaient 
pas  la  même  législation  que  les  Saliens.  Ailleurs  (p.  10),  il  pose  en  principe  que 
chez  les  Francs,  en  général,  l'esclave  affranchi  devenait  lite,  et  il  croit  donner 
une  preuve  suffisante  de  son  assertion  en  citant  un  article  de  la  loi  ripuaire  qui 
suppose  qu'un  maître  confère  à  son  esclave  la  qualité  de  lite  (64.  i);  il  ne  se 
demande  pas  si  la  législation  ripuaire,  étant  la  seulç  qui  prévoie  ce  cas,  n'était 
pas  aussi  la  seule  dans  laquelle  il  pût  se  présenter.  —  La  loi  salique  contient  de 
nombreuses  dispositions  sur  les  lites;  la  loi  ripuaire  les  mentionne  à  peine  '.  Si  la 
condition  des  lites  était  la  même  chez  les  Saliens  et  chez  les  Ripuaires,  comment 
se  fait-il  que  la  loi  des  Saliens  en  parle  tant  et  celle  des  Ripuaires  si  peu .? 
M.  B.,  pour  répondre  à  cette  objection,  suppose  que  le  silence  de  la  loi 
ripuaire  vient  de  ce  que  cette  loi  est  d'une  date  trop  récente.  A  l'époque  où  elle 
fut  écrite,  les  lites  n'étaient  déjà  plus  assez  nombreux  pour  arrêter  l'attention 
des  rédacteurs  (p.  8).  Cette  explication  n'est  pas  satisfaisante.  Il  n'y  a  pas  là 
de  question  de  date  ;  longtemps  encore  après  la  rédaction  de  la  loi  ripuaire,  la 
classe  des  lites  conserva  son  importance.  Ce  qui  le  prouve,  c'est  qu'il  fallut  après 
coup  réparer  le  silence  de  cette  loi  à  leur  sujet  :  un  capitulaire  de  803,  qui  sur 
plusieurs  points  modifie  la  loi  ripuaire ,  y  introduit  une  disposition  nouvelle  sur 
les  lites  2. 

Voilà  les  objections  qui  s'opposent  à  l'hypothèse  de  M.  B.  Faut-il  écarter 
celle-ci  simplement,  et  laisser  sans  explication  les  textes  que  je  viens  de  citer? 
Je  crois  qu'on  peut  aller  un  peu  plus  loin,  et  qu'à  cette  théorie  on  peut  en  sub- 
stituer une  autre.  Ce  n'est,  à  vrai  dire,  qu'une  hypothèse  encore;  mais,  sans 
prétendre  lui  donner  d'autre  valeur,  il  me  semble  qu'elle  rend  compte,  d'une 
manière  plus  satisfaisante  que  la  théorie  de  M.  B.,  des  diverses  données  des 
textes.  Elle  consiste  à  admettre  que  les  lites,  tels  qu'on  les  trouve  dans  la  loi 
salique,  —  jouissant  de  droits  définis,  et  formant  dans  l'état,  entre  les  hommes 

^--(^'^-'   ■■.-      ^-      '■    ^^   ^^i^:  ^v:^   3^^^^-.    ■■•     .:..:—         -  ■  ' 

•^    I.  Deux. -fois feulement,  38.  ^  et  64.  1,  et  la  prcmicro  fois  d-wie  façoft-très-vague. 
2.  4e  capitulaire  de  803,  chYiaiç.-Moni  Germ.  leg.  i  ipj  117. 


,..L 


22  REVUE   CRITIQUE 

libres  et  les  esclaves,  une  classe  nettement  distincte,  —  n'existaient  que  chez  les 
Saliens,  que  les  Ripuaires  n'avaient  chez  eux  rien  de  pareil.  Si  la  loi  ripuaire 
mentionne  à  deux  reprises  des  «  lites'»,  ceux  qu'elle  nomme  ainsi  ne  sont  que 
des  esclaves  auxquels  leur  maître  a  accordé,  sans  modifier  leur  état  juridique, 
une  certaine  hberté  de  fait  '.  L'esclave  qui  reçoit  cette  faveur  ne  sort  pas  de  la 
condition  servile;  il  a  toujours  le  wergeld  des  simples  esclaves  :  «  Si  quis  seruum 
»  suum  tributarium  aut  litum  fecerit,  si  quis  eum  interfecerit,  triginta  sex  solidis 
»  culpabilis  iudicetur  (1.  Rip.  64.  i)^.  »  Si  la  loi  ne  parle  pas  davantage  de  ces 
lites,  c'est  que  leur  condition  est  réglée  par  les  dispositions  relatives  aux  esclaves. 
—  Mais  plus  tard  la  société  ripuaire  subit  l'influence  salienne.  Les  lites  de  condi- 
tion demi-libre,  ceux  qu'on  ne  trouvait  autrefois  que  chez  les  Saliens,  se  ren- 
contrent maintenant  jusque  parmi  les  Ripuaires.  La  loi  était  muette  à  l'égard  de 
ces  nouveaux  venus;  on  ne  pouvait  sans  doute  leur  appliquer  le  wergeld  servile 
des  lites  de  la  vieille  loi.  Alors  le  capitulaire  de  803  intervient  pour  leur  donner 
le  wergeld  de  100  sous  comme  dans  la  loi  salique.  On  insère  le  nom  des  lites 
dans  un  passage  qui  donnait  déjà  ce  wergeld  aux  homines  regii  et  ecclesiastici 
(I.  Rip.  9,  ici),  et  l'on  écrit  :  «  Homo  regius,  id  est  fiscalinus,  et  aeclesias- 
))  ticus  uel  ///U5  interfectus  centum  solidis  conponatur  (cap.  803,  ch.  2).  j)  — 
Ainsi  disparaissent  les  difficultés  qui  ont  embarrassé  M.  B. 

En  plusieurs  endroits  de  sa  brochure,  M.  B.  donne  pour  un  fait  certain  que 
Fesclave  affranchi  prenait,  par  l'effet  de  l'affranchissement,  la  condition  de  lite 
(p.  9,  10,  41,  59).  C'est  l'opinion  qui  est  généralement  admise.  Il  me  semble 
pourtant  que  ce  n'est  qu'une  hypothèse,  et  qu'elle  s'accorde  assez  mal.  avec  les 
données  des  sources.  L'identité  des  lites  et  des  affranchis  n'est  établie  nulle  part?. 
Au  contraire,  chez  les  Francs  au  moins,  beaucoup  de  textes  paraissent  assimiler 
l'affranchi  à  l'homme  pleinement  libre,  //2^^/zizu^ 4.  Il  y  a  d'autres  peuples  dont 
les  lois  n'accordent  aux  affranchis  qu'une  condition  inférieure  à  celle  des  ingénus  : 
mais  alors  on  les  appelle  des  affranchis  et  non  des  lites  5 . 

Quant  à  l'origine  des  lites^  M.  B.  Voit  en  eux  des  peuples  vaincus,  réduits 
à  cette  condition  inférieure  par  les  conquérants.  C'est  une  hypothèse  qu'il  est 
permis  de  trouver  vraisemblable,  mais  qu'il  ne  faudrait  pas  présenter  comme  une 

^ If    ?1(m>'.(ii'r 

1.  C'est  l'opinion  de  M.  Gaupp  (Lex  Francorum  Chamavorum,  Breslau  i85'5v-^l'(?r] 
en  note).    _        _  ...■-■       ,.-•:  ,^:;.).    i        .:   .■•:■(•:'-   /■;):    -itioV 

2.  Le  tributarius  est  probablement  un  esclave  que  son  maître  a  dispensé  de  tout  service 
moyennant  une  redevance  fixe,  suivant  un  usage  déjà  constaté' par  Tacite  (Germ.  25). — 
On  peut  se  demander  si  Htus  ne  serait  pas  ici  un  simple  synonyme  de  tributarius,  et  tribu- 
tarium aut  litum  une  tautologie  comme  on  en  trouve  souvent  dans  les  lois  barbares.  La 
rubrique  de  ce  titre  64  dit  seulement  :  «  De  homine  qui  seruum  tributarium  facit.  » 

3.  Le  passage  que  cite  M.  Waitz  (Verfassungsgesch.  I'  p.  175),  lex  Alam.  pact.  2. 
48,  n'est  rien  moins  que  clair. 

4.  L.  Sal.  26.  2,  Rip.  59.  I,  64.  2,  Cham.  11,  15,  form.  de  Roz.  55-61  (cf.  aussi 
Roz.  94).  Il  est  bien  entendu  que  les  affranchis  ^ecu/z^um  legem  romanam^qm  sont  romains, 
restent  en  dehors  de  la  question. 

5.  Lex  Angl.  et  Werin.  9  (Merkel  IV)  :  «  De  liberto  occiso.  Seruus  a  domino  per 
»  manumissionem  libertate  donatus  si  occisus  fuerit,  LXXX  sol.  conponat.  »  L.  Baiuu. 
text.  I  tit.  5  (Mon.  Germ.  leg.  3  p.  295;  dans  Walter  tit.  IV)  :  «  De  libe'ris  qui  per 
»  manum  dimissi  sunt  liberi,  quod  frilaz  uocant.  » 


d'histoire    et    de    LITTÉRAIURE.  2J 

certitude  (p.  5). — Une  discussion  relativement  étendue  (p.  66-69)  est  consacrée  à 
soutenir,  d'une  manière  assez  plausible,  l'opinion  que  la  plupart  des  aldii  devaient 
être  des  Romains  réduits  à  cette  condition  par  les  envahisseurs  lombards. 

M.  B.  s'est  sagement  abstenu  de  mêler  les  spéculations  philologiques  aux 
questions  de  droit.  Il  ne  discute  pas  l'étymologie  des  mots  litus  et  aldius  (ou 
selon  certains  auteurs  haldius),  et  se  borne  à  renvoyer  le  lecteur  aux  travaux 
spéciaux  sur  ces  questions  (p.  46  n.  i  et  63  n.  2). 

Julien  Havet. 


140.  —  Troilus  Alberti  Stadensis,  primum  ex  unico  codice  editus  a  D'T.  Merz- 
DORF.  Leipzig,  Teubner.  1875.  In- 12,  xix-210  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Ce  volume  porte  sur  le  titre  la  mention  suivante  :  Bibliotheca  scripîorum 
medii  aevi  Teubneriana,  et  une  note  au  verso  nous  avertit  en  effet  qu'à  sa  célèbre 
collection  des  classiques  grecs  et  latins  la  librairie  Teubner  va  en  joindre  une 
d'auteurs  du  moyen-âge  (également  dans  les  deux  langues).  Cette  nouvelle  sera 
certainement  très-bien  accueillie  dans  le  monde  savant,  et  nous  ne  doutons  pas 
que  cette  entreprise,  qui  fait  grand  honneur  à  la  maison  Teubner,  ne  soit  cou- 
ronnée de  succès.  On  ne  peut  se  procurer  qu'avec  peine,  et  généralement  dans 
des  textes  défectueux, 'les  œuvres  du  moyen-âge  qui  ne  sont  pas  purement  histo- 
riques ;  beaucoup  d'entre  elles  sont  encore  manuscrites.  Il  est  vrai  que  la  plupart 
sont  d'une  lecture  peu  attrayante  ;  mais  on  apprécie  de  plus  en  plus  leur  intérêt 
pour  l'histoire  de  la  littérature,  des  idées  ou  des  mœurs,  et  une  série  d'éditions 
soignées  et  peu  coûteuses  contribuera  beaucoup  à  les  faire  mieux  connaître  et 
comprendre. 

On  aurait  pu,  à  vrai  dire,  mieux  débuter  que  par  le  présent  volume.  Le  Troilus 
de  l'abbé  Albert  de  Stade,  écrit  en  1249,  est  une  paraphase  de  Darès  avec 
quelques  morceaux  empruntés  à  d'autres  auteurs.  Ce  long  poème  (5320  vers) 
en  distiques  est  écrit  dans  un  style  fatigant  et  affecté  qui  ne  compense  pas  le 
peu  d'intérêt  du  sujet,  bien  que  l'auteur  y  montre  une  certaine  virtuosité,  et 
surtout  y  fasse  preuve  d'une  lecture  étendue  et  d'une  étonnante  mémoire.  Ses 
vers  sont  absolument  farcis  d'emprunts  faits  aux  poètes  de  l'antiquité  et  du 
xiie  siècle,  au  point  de  faire  parfois  ressembler  son  poème  à  un  centon.  L'éditeur 
a  recherché,  avec  l'aide  des  gloses  marginales  du  manuscrit,  l'origine  de  ces 
emprunts,  et  il  l'a  en  effet  déterminée  pour  un  grand  nombre  ;  d'autres  lui  ont 
échappé.  Le  texte  est  conservé  dans  un  manuscrit  unique,  et  quoiqu'il  soit 
presque  contemporain,  la  langue  d'Albert  est  trop  difficile  pour  que  le  copiste 
n'ait  pas  commis  de  nombreuses  erreurs.  On  pourrait  facilement  en  redresser 
plus  et  les  mieux  réparer  que  ne  l'a  fait  M.  M.,  qui  s'est  fréquemment 
résigné,  sans  le  dire_,  à  imprimer  ce  qu'il  ne  comprenait  pas  :  la  ponctuation, 
trop  souvent  défectueuse,  en  est  la  preuve  irrécusable.  —  Une  courte  introduc- 
tion contient  le  peu  qu'il  y  a  à  dire  sur  le  poète  et  son  œuvre.  —  Le  Troilus 
n'offre  guère  d'intérêt  qu'au  critique  qui  veut  déterminer  ses  sources  et  sa  place 
dans  l'ensemble  du  cycle  troyen  au  moyen-âge  ;  mais  ce  travail  a  déjà  été  fait 


24  REVUE    CRITIQUE 

suffisamment  (notamment  par  M.  Dunger),  et  la  lecture  du  poème  complet 
n'ajoute  à  peu  près  rien  à  ce  qu'on  avait  besoin  d'en  savoir. 

Espérons  que  la  nouvelle  collection  s'enrichira  bientôt  d'ouvrages  plus  impor- 
tants et  dont  le  texte  sera  établi  avec  critique.  Sans  cette  dernière  condition, 
l'entreprise  à  laquelle  nous  applaudissons  serait  plus  nuisible  qu'utile.  Parmi  les 
œuvres  latines  qui  nous  viennent  à  la  pensée  comme  devant  être  réimprimées 
des  premières,  nous  signalerons  l'anonyme  de  Nevelet,  le  de  Gemmis  de  Marbode, 
VHistoria  septem  Sapientiuniy  la  chronique  de  Turpin,  et  surtout,  si  on  trouve  un 
éditeur  qui  veuille  entreprendre  cette  grande  tâche,  un  recueil  général  des 
poésjes  latines  rhythmiques. 
ziTBb  ^abnÊrnsflfi  i.  ■ 

141. — Quellen  zur  Geschichte  der  deutschen  Kaiserpolitik  Œsterreichs 
wsehrend  der  franzœsischen  Revolutionskriege  1790-1801,  von  Alfred 
RiTTER  VON  VivENOT.  Wicn ,  W.  Braumùller.  In-8'.  B.  I.  xvij-618  S.  B.  IL  vij- 
608  S.  —  Prix  :  42  fr.  70.  ,   ,  ^     .  ,      -,/•,,v,^  (• 

?ur  Genesis  der  zweiten  Theilung  Polens,  y^  A.^iVpt'  V^ï^not.  Id,,  id.  In-8", 

La  mort  de  M.  de  Viveiiot  a  été  regrettée  par  toutes  les  personnes  qui  s'occupent 
de  l'histoire  diplomatique  de  l'Europe  pendant  la  Révolution  française.  M.  de  V. 
était  un  contradicteur  ardent  et  convaincu  de  M.  de  Sybel  et  de  toute  l'école 
prussienne.  Il  n'était  pas  plus  favorable  que  M.  de  Sybel  à  la  France  et  à  la 
Révolution;  mais  il  tenait  pour  l'Autriche  contre  la  Prusse.  Ses  livres  sont 
une  longue  apologie  de  la  politique  autrichienne.  Ils  peuvent  se  diviser  en 
deux  séries.  La  première  comprend  des  écrits  historiques,  la  seconde  des 
recueils  de  documents  inédits.  A  tous  égards  la  seconde  série  nous  paraît 
supérieure  à  la  première.  M.  de  V.  quand  il  écrit  est  un  polémiste  plutôt 
qu'un  historien.  Il  se  préoccupe  moins  d'établir  les  faits  et  d'en  montrer 
l'enchaînement  que  de  réfuter  ses  adversaires  et  de  soutenir  sa  thèse.  La 
composition  et  le  style  en  soufïrent  :  ses  ouvrages  manquent  de  suite,  son  style 
manque  de  clarté  :  la  passion  tient  trop  de  place  en  tout  cela,  et  il  en  résulte  de 
la  confusion.  Il  n'empêche  que  dans  les  lourds  volumes  que  M.  de  V.  a  con- 
sacrés au  duc  Albrecht  de  Saxe-Teschen,  le  curieux,  s'il  est  patient^  découvre 
nombre  de  faits  nouveaux  et  de  documents  inconnus  ;  mais  les  faits  sont  noyés 
et  les  documents  sont  tronqués.  M.  de  V.  a  pris  plus  tard  le  meilleur  parti,  il 
s'est  mis  à  publier  purement  et  simplement  les  documents,  en  se  bornant  à  les 
accompagner  d'introductions  plus  ou  moins  étendues.  C'est  ainsi  qu'il  nous  avait 
donné  en  1871  des  pièces  intéressantes  sur  le  congrès  de  Rastadt,  puis  deux 
volumes  très-importants  contenantes  lettres  de  Thugut.  Enfin  en  1 873  et  comme 
pour  mettre  fin  aux  polémiques,  M.  de  V.  s'était  décidé  à  publier  le  texte 
même  des  dépêches  de  la  chancellerie  autrichienne  pendant  les  guerres  de  la  Ré- 
volution. Le  gouvernement  austro-hongrois  s'y  était  prêté  avec  une  libéralité  que 
l'on  ne  saurait  trop  louer. 

L'ouvrage  de  M.  de  V.  devait  s'étendre  de  1790  à  1801  ;  deux  volumes  seu- 
lement ont  paru,  et  le  second  s'arrête  au  mois  de  mars   1795.  Ce  sont  des 


d'histoire  et  de  littérature.  25 

volumes  très-remplis,  un  peu  trop  remplis  même  à  notre  gré,  car  le  caractère 
en  est  si  serré,  les  lignes  en  sont  si  rapprochées  que  la  lecture  un  peu  suivie  en 
devient  très-vite  pénible.  Les  dépêches  y  sont  classées  par  ordre  de  date,  et  des 
répertoires  bien  disposés  permettent  aisément  de  trouver  les  documents  dont  on 
a  besoin.  Il  n'y  a  guère  que  les  dépêches  émanant  de  la  chancellerie  de  Vienne;  les 
rapports  des  ambassadeurs  et  envoyés  autrichiens  n'y  ont  pas  été  joints.  L'ouvrage 
ne  nous  éclaire  donc,  à  proprement  parler,  que  sur  la  politique  de  l'Autriche  :  il  ne 
nous  renseigne  qu'indirectement  sur  les  faits  qui  s'accomplissaient  dans  les  autres 
Etats.  Mais  la  politique  de  l'Autriche  pendant  cette  période,  c'est  presque  la  poli- 
tique de  l'Europe,  et  les  documents  publiés  par  M.  deV.  sont  à  cet  égard  d'un  prix 
inestimable.  Il  les  donne,  suivant  l'excellent  usage  des  éditeurs  allemands,  dans 
la  langue  dans  laquelle  ils  ont  été  écrits  :  il  y  en  a  donc  en  français,  en  allemand 
et  même  quelques-uns  en  latin.  M.  de  V.  a  joint  aux  dépêches  parties  de 
Vienne,  des  pièces  communiquées  à  l'Autriche  par  les  autres  cours,  que  Pon 
envoyait  en  annexe  avec  ces  dépêches,  et  qui  sont  nécessaires  à  l'intelligence  des 
événements.  Enfm  des  mémoires  sur  des  faits  spéciaux  complètent  le  recueil! 
Nous  y  aurions  désiré  plus  d'éclaircissements;  des  notes  biographiques  surtout 
eussent  été  fort  utiles.  Nous  savons  que  M.  deV.  avait  donné  ailleurs,  et  surtout 
dans  sa  correspondance  de  Thugut,  des  notices  sur  la  plupart  des  personnages 
qui  figurent  dans  son  recueil  ;  mais  en  ces  matières,  il  ne  faut  pas  craindre  de  se 
répéter,  et  un  ouvrage,  destiné,  comme  celui-ci,  à  devenir  classique,  aurait  dû 
être  édité  d'une  manière  plus  critique.  Cette  observation  ne  se  rapporte  pas 
seulement  à  l'organisation  de  la  chancellerie  autrichienne,  qu'il  est  indispensable 
de  connaître,  aux  noms  des  agents  de  cette  chancellerie  ou  des  envoyés  autri- 
chiens en  Europe,  elle  se  rapporte  aussi  aux  documents.  En  voici  un  exemple. 
M.  de  V.  reproduit  (I,  p.  218)  le  texte  français  de  la  dépêche  prussienne  du 
28  juillet  1791  sur  les  affaires  de  France.  Cette  dépêche,  une  des  plus  impor- 
tantes dans  toute  l'histoire  des  préliminaires  de  la  guerre  de  1792,  avait  été 
communiquée  à  la  chancellerie  autrichienne.  M.  de  V.  la  donne  telle  qu'elle  a 
dû  être  remise  par  Jacobi  à  Kaunitz;  mais  dans  le  document  original,  qu'Herr- 
mann  a  publié  en  allemand,  il  se  trouve  un  post-scriptum  confidentiel,  destiné 
à  l'envoyé  prussien  seul,  dans  lequel  la  question  des  indemnités  et  notamment 
des  indemnités  en  Alsace  et  en  Lorraine  est  posée  et  discutée.  Sans  doute  Jacobi, 
s'inspirant  de  ce  passage  réservé  dans  ses  conversations  diplomatiques,  n'eut 
point  à  le  remettre  en  copie  avec  le  corps  de  la  dépêche  ;  mais  pourquoi  M.  de 
V.  ne  le  dit-il  pas  ?  Une  note  eût  été  ici  très- nécessaire,  et  on  ne  voit  pas  en 
quoi  la  reproduction  de  ce  post-scriptum  au  bas  de  la  page,  en  caractères  diffé- 
rents, aurait  nui  au  recueil.  L'omission  est  fâcheuse  au  contraire  :  elle  peut 
induire  en  erreur  ceux  qui  n'ont  pas  dépouillé  M.  de  Sybel  avec  assez  d'attention 
ou  qui  n'ont  pas  entre  les  mains  le  précieux  recueil  d'Herrmann.  —  Il  nous 
paraît  aussi  qu'avec  un  peu  de  travail  l'éditeur  aurait  pu  s'éviter  des  répétitions 
inutiles,  qui  risquent  d'arrêter  le  lecteur  et  de  décourager  les  curieux.  On  se 
répète  très-souvent  en  diplomatie;  sur  un  même  fond,  les  rédacteurs  de  chan- 
cellerie brodent  des  dépêches  destinées  à  diverses  puissances  :  elles  ne  diffèrent 


26  REVUE    CRITIQUE 

que  par  les  nuances.  Ces  nuances  seules  sont  intéressantes,  et,  au  lieu  de  repro- 
duire intégralement  plusieurs  dépêches  relatives  au  même  sujet,  M.  de  V.  aurait 
pu  se  contenter  de  reproduire  celle  qui  a  servi  de  type  et  de  ne  rapporter  des 
autres  que  les  passages  caractéristiques.  Cette  observation  en  appelle  naturelle- 
ment une  autre  :  malgré  ces  longueurs,  le  recueil  de  M.  de  V.  est-il  complet? 
contient-il  toutes  les  correspondances  de  la  chancellerie  autrichienne  de  1 790  à 
179^  relatives  aux  affaires  de  la  Révolution?  Nous  nous  garderons  bien  de 
répondre  affirmativement.  Les  archives  de  Vienne  ont  été  si  libérales  que  nous 
aurions  mauvaise  grâce  à  leur  poser  des  questions  peut-être  indiscrètes.  Mais  la 
diplomatie  était  alors  un  art  si  subtil,  les  combinaisons  en  étaient  si  compliquées, 
les  sentiers  qu'elle  suivait  étaient  tellement  sinueux,  il  y  avait  tant  de 
tours,  de  détours,  de  chemins  couverts,  de  mines  et  même  de  chausse- 
trappes  dans  le  labyrinthe  où  elle  se  mouvait,  les  édifices  qu'elle  construisait 
étaient  si  pleins  de  mystères  et  de  surprises,  ils  contenaient  tant  de  cabinets 
secrets  et  d'armoires  à  double  fond  que  le  chercheur  le  plus  patient  ne  peut 
jamais  être  sûr  d'avoir  fouillé  partout  et  d'avoir  tout  découvert.  Il  nous  semble, 
par  exemple,  qu'en  ce  qui  concerne  les  affaires  de  Pologne  et  la  question  des 
indemnités  à  prendre  en  France,  M.  de  V.,  bien  que  déjà  très-prolixe,  ne  doit 
pas  avoir  tout  dit. 

Nous  ne  prétendons  point  donner  ici  un  résumé  de  ces  deux  volumes;  la 
lecture  de  la  table  des  matières  en  dira  plus  que  l'article  le  plus  consciencieux. 
Il  n'y  a  pas  non  plus  à  discuter  des  textes  dont  l'authenticité  est  certaine.  Nous 
croyons  devoir  nous  borner  à  signaler  l'importance  de  l'ouvrage  et  à  indiquer, 
dans  la  terrible  confusion  des  affaires  européennes  en  1790- 179 5,  les  points 
principaux  sur  lesquels  les  nouveaux  documents  autrichiens  peuvent  jeter  de  la 
lumière.  —  Tome  I.  Avant  tout  ce  sont  les  affaires  de  la  Belgique  et  les  affaires 
d'Orient  qui  jouèrent  à  cette  époque  un  rôle  si  considérable;  les  historiens  fran- 
çais n'ont  point,  en  général,  paru  en  sentir  l'importance  ;  l'auteur  des  Mémoires 
tirés  des  papiers  d'un  homme  d'Etat,  est  le  seul  qui  en  ait  parlé  d'une  manière  suivie, 
et  ceux  qui  sont  venus  après  lui  se  sont  contentés,  pour  la  plupart,  de  puiser 
dans  ses  récits  sans  en  vérifier  les  sources  ;  encore  ne  les  ont-ils  reproduits  que 
très-incomplètement.  Il  faut  bien  le  dire,  c'est  aux  Allemands,  et  en  première 
ligne  à  M.  de  Sybel,  que  revient  le  mérite  d'avoir  nettement  montré  les  rapports 
des  événements  de  la  Révolution  avec  ceux  qui  se  passaient  dans  le  reste  de 
l'Europe.  M.  de  V.  apporte  un  contingent  des  plus  précieux  à  cette  étude  qui 
modifie  entièrement  le  point  de  vue  auquel  on  se  plaçait  d'habitude  en  France  pour 
juger  cette  époque.  Il  semblait  que  la  Révolution  fût  un  phénomène  de  l'ordre 
métaphysique  :  les  écrivains  qui  en  racontaient  l'histoire,  faisant  abstraction  de 
l'Europe  ou  se  forgeant  une  Europe  abstraite  pour  la  plus  grande  commodité 
de  leurs  travaux,  l'Europe  disparaissait  devant  la  majesté  de  la  Révolution  ; 
les  événements  de  la  Révolution  ne  s'expliquent  plus  par  des  causes  naturelles, 
tombaient  dans  le  domaine  de  la  légende  et  du  merveilleux.  Il  est  temps  qu'ils 
rentrent  dans  le  domaine  de  la  science.  Les  documents  de  M.  de  V.  aideront 
beaucoup  les  écrivains  qui  tâcheront  de  refaire  l'histoire  de  l'Europe  durant 


d'histoire  et  de  littérature.  27 

cette  grande  crise  des  temps  modernes.  Les  conférences  de  Reichenbach,  celles 
de  Mantoue,  celles  de  Pillnitz,  et  en  général,  tout  ce  qui  a  trait  au  rapproche- 
ment et  à  Palliance  de  la  Prusse  et  de  l'Autriche  se  trouve  singulièrement  éclairé 
par  ces  pièces.  On  y  trouve  aussi  les  choses  les  plus  instructives  sur  les  origines 
du  second  partage  de  la  Pologne.  Les  affaires  polonaises  n'occupaient  pas 
moins  les  cours  que  celles  de  la  France  :  c'est  un  fait  qu'il  ne  faut  pas  un  instant 
perdre  de  vue  quand  on  veut  comprendre  les  causes  de  la  guerre  de  1792  et 
les  raisons  pour  lesquelles  cette  guerre  fut  conduite  comme  elle  l'a  été.  M.  de  V. 
a  consacré  à  ce  sujet  une  dissertation  qui  a  été  publiée  à  part,  en  même  temps 
que  le  Tome  II  de  son  recueil  :  elle  est  destinée  à  innocenter  l'Autriche  de  cette 
seconde  spoliation.  L'affaire  des  princes  possessionnés  en  Alsace  est  aussi 
l'objet  de  nombreuses  dépêches.  Le  Tome  I  s'arrête  à  la  déclaration  de  guerre. 
Le  Tome  II  nous  conduit  jusqu'au  mois  de  mars  1793  :  il  ne  contient  pas  de 
renseignements  bien  nouveaux  sur  Dumouriez  ;  mais  il  en  présente  un  très-grand 
nombre  et  de  très-importants  sur  les  divergences  qui  existaient  entre  les  alliés 
au  moment  de  la  guerre,  qui  ne  cessèrent  de  s'accentuer  avec  le  temps,  et  que  le 
second  partage  de  la  Pologne  ne  fit  qu'envenimer. 

Sur  les  rapports  secrets  de  la  cour  de  Vienne  avec  la  cour  de  France,  M.  de 
V.  ne  nous  apprend  rien  de  nouveau  et  n'ajoute  que  fort  peu  de  chose  à  ce  que 
M.  d'Ameth  et  M.  Béer  nous  avaient  appris.  Au  contraire,  sur  les  rapports  des 
cours  avec  les  émigrés  et  sur  les  véritables  dispositions  des  puissances  au  sujet  de 
la  Révolution  française,  les  documents  autrichiens  sont  du  plus  haut  intérêt.  Nous 
citerons,  à  titre  d'exemple,  quelques  passages  d'une  dépêche  confidentielle  du  12 
novembre  1791;  cette  dépêche  est  adressée  au  représentant  de  l'Autriche  en 
Russie,  elle  traite  la  question  de  savoir  s'il  faut  considérer  comme  sérieuse  l'accepta- 
tion de  la  Constitution  de  1 79 1  par  Louis  XVI  et  si,  cette  Constitution  étant  acceptée, 
il  y  a  encore  lieu  d'établir  un  concert  entre  les  puissances  afin  d'intervenir  dans 
les  affaires  françaises.  Kaunitz  est  d'avis  que  sans  abandonner  la  négociation 
d'un  concert,  il  convient  d'observer,  d'attendre,  de  suivre  avec  attention  les 
affaires  de  France,  de  se  tenir  en  garde  contre  la  propagande;  mais,  tant  que 
la  Révolution  ne  devient  pas  menaçante  et  tant  que  la  France  s'en  tient 
à  la  Constitution,  il  y  a  plutôt  lieu  de  se  féliciter  'que  de  s'alarmer.  Le  lan- 
gage du  vieux  chancelier  est  sur  ce  point  d'une  remarquable  clarté,  et  quand 
on  a  lu  cette  pièce,  quand  on  la  rapproche  de  toutes  celles  qui  furent  écrites  à 
ce  sujet  à  la  même  époque,  on  se  demande  ce  qui  subsiste  de  la  légende  qui 
continue  à  nous  montrer  la  France  de  1791,  c'est-à-dire  la  France 
de  la  Révolution  accomplie  et  consacrée,  comme  menacée  par  l'Autriche. 
Kaunitz  écrit  (Tome  I,  p.  275)  :  «  L'expérience  de  plus  d'un  siècle  qui  fit 
»  éprouver  souvent  à  toute  l'Europe  la  prépondérance  que  la  situation  physique 
))  et  les  ressources  infinies  de  la  France  procuraient  à  ce  royaume  dans  la 
»  balance  générale  sous  le  gouvernement  d'un  monarque  absolu,  a  convaincu 
»  spécialement  l'Autriche  que  rien  n'était  plus  combinable  avec  la  sûreté 
))  complète  et  durable  de  ses  propres  états  épars  et  entourés  d'ennemis  puissants, 
»  qu'un  relâchement  et  une  complication  des  ressorts  internes  de  cette  formidable 


28  REVUE  CRITIQUE 

»  monarchie,  qui  détourneraient  à  l'avenir  son  énergie  des  entreprises  étrangères.  » 
Kaunitz  ajoute  que  «  sans  doute  il  a  été  et  il  restera  essentiel  de  combiner  cette 
))  considération  politique  avec  les  soins  nécessaires  pour  que  Pexemple  et  les 
))  principes  de  la  Révolution  française  ne  se  communiquent  de  proche  en  proche 
»  aux  autres  Etats  de  l'Europe.  »  Dans  ce  dessein  les  puissances  doivent  conti- 
nuer à  échanger  des  communications;  il  est  de  leur  intérêt  «  d'empêcher 
))  l'anéantissement  ou  l'abaissement  total  de  la  royauté  et  l'introduction  d'un 
»  gouvernement  ou  plutôt  d'une  anarchie  populaire  en  France  »  ;  mais,  ajoute- 
t-il,  «  on  est  fondé  à  s'attendre  que  les  inconvénients  sans  nombre  d'une 
»  constitution  métaphysique,  incompatible  avec  l'ordre  moral  des  choses 
))  humaines,  joints  aux  maux  causés  au  peuple  français  par  les  terribles  boule- 
»  versements  qu'il  a  éprouvés  et  par  le  poids  énorme  de  sa  dette  nationale, 
»  amortissant  de  plus  en  plus  son  propre  enthousiasme,  détourneront  de  l'imita- 
»  tion  d'un  funeste  exemple  les  peuples  voisins.  »  Enfin  s'il  faut  absolument 
prendre  des  mesures  de  précaution,  Kaunitz  ne  pense  pas  que  la  guerre  soit  le 
meilleur  moyen  d'atteindre  le  but  «  si  la  nouveauté  et  des  circonstances  fâcheuses 
»  particulières  ont  accru  dans  les  premiers  moments  le  danger  de  la  séduction, 

))  ce  n'est  pas  au  milieu  des  troubles  d'une  nouvelle  guerre mais  en  préser- 

))  vant  soigneusement  le  repos  général...  qu'on  peut  espérer  d'en  guérir  radi- 
»  calement  l'influence.  »  Cette  citation  suffit  à  montrer  l'importance  des  docu- 
ments que  contiennent  les  deux  volumes  de  M.  de  V.,  et  la  nécessité  oii  seront 
les  futurs  historiens  de  la  Révolution  d'en  tenir  très-sérieusement  compte. 
Espérons  qu'un  des  collaborateurs  de  M.  de  V.  ou  un  de  ceux  de  M.  d'Arneth 
dans  les  dépôts  d'archives  de  Vienne,  continuera  ce  grand  travail.  Il  est  trop 
important  pour  que  l'on  se  résigne  à  le  voir  inachevé.  Une  dernière  réflexion  : 
en  lisant  ce  passage  de  Kaunitz  et  maint  autre  où  les  mêmes  sentiments  sont 
exprimés,  on  ne  peut  se  défendre  de  songer  aux  dépêches,  également  confiden- 
tielles, que  le  récent  procès  du  comte  d'Arnim  livra  à  l'étonnement  de  l'Europe. 
Mutatis  mutandis,  c'est  la  même  façon  de  concevoir  les  affaires  de  France;  les 
raisons  qui  conseillaient  en  1872  au  prince  chancelier  de  l'Empire  allemand  de 
soutenir  en  France  le  système  qui  la  régissait  alors,  ressemblent  presque 
mot  pour  mot  à  celles  qui  faisaient  considérer  au  prince  chancelier  de  Cour  et 
d'Etat  le  maintien  de  la  Constitution  de  1791  comme  un  événement  favorable 
à  la  politique  autrichienne.  Cela  ne  prouve  point  que  les  deux  chanceliers  aient 
vu  clair  ni  que  la  situation  fût  la  même  dans  les  deux  époques  —  nous  n'entrons 
point  ici  et  en  ce  moment  dans  ces  discussions  purement  politiques;  nous 
voulons  seulement  indiquer  une  fois  de  plus  et  par  un  exemple  assez  frappant, 
la  permanence  d'un  même  fond  sous  les  apparences  différentes  que  revêtent  les 
combinaisons  diplomatiques.  Montrer  que  ce  fond  existe,  qu'on  peut  l'étudier, 
qu'il  est  possible  de  déterminer  ce  qu'il  y  a  de  fixe  et  ce  qu'il  y  a  de  changeant 
dans  les  choses  européennes,  c'est  apporter  un  argument  à  ceux  qui  pensent  qu'il 
est  possible  d'appliquer  à  l'histoire  les  méthodes  des  sciences  expérimentales  et 
ijfPf  H®^  les  éléments  d'une  science  de  la  politique. 

^  Albert  Sorel. 


d'histoire  et  de  littérature.  29 

VAitlêTÉS. 

Une  lettt»6  inédite  dé  Schlegel. 

M.  E.  Egger,  qui  possède  tant  et  de  si  beaux  livres,  et  qui,  loin  d'être  jaloux 
de  ses  trésors,  en  fait  gracieusement  profiter  ses  confrères  en  bibliophilie,  a  bien 
voulu  m'autoriser  à  publier  ici  une  curieuse  lettre  autographe  de  Schlegel,  placée 
en  tête  d'un  magnifique  exemplaire  de  la  dissertation  du  célèbre  critique  : 
Comparaison  entre  la  Phèdre  de  Racine  et  celle  d'Euripide  (Paris,  1807,  gr.  in-8"), 
exemplaire  qui  provient  de  la  bibliothèque  de  l'orientaliste  Langlès.  On  remar- 
quera dans  cette  lettre  le  touchant  hommage  rendu  par  Schlegel  à  Madame  de 
Staël,  qu'il  venait  de  voir  mourir.  On  savait  déjà  qu'il  avait  beaucoup  admiré  et 
beaucoup  aimé  l'éloquent  auteur  de  V Allemagne^  mais  peut-être  rien  n'avait  encore 
autant  donné  la  mesure  de  son  affection  et  de  ses  regrets,  que  ces  ^impies  lignes 
où  éclate  toute  l'émotion  d'un  cœur  véritablement  brisé.      ît:/;,  .;,,..       1  ,     < 

T.  EFÇ  L, 

.'ti  jno  c'jijiiïïjiJ'iiiq  « 
«  Monsieur, 

Foudroyé  par  la  perte  immense  que  j'ai  faite  quelque  précoce  (^fc)  qu'elle  fût, 
je  suis  incapable  de  voir  personne,  autrement  j'aurois  assurément  été  chez  vous, 
pour  vous  témoigner  ma  reconnoissance  de  toutes  vos  bontés,  et  surtout  de  l'in- 
térêt que  vous  avez  toujours  pris  à  la  maladie  de  mon  illustre  et  immortelle  pror 
tectrice.  Devant  partir  ce  soir  pour  la  Suisse  pour  remplir  un  devoir  triste  gt 
sacré,  je  vous  fais  mes  adieux  par  écrit.  ?. 

Je  vous  renvoyé  les  livres  que  vous  m'avez  si  libéralement  communiqués,  et 
j'espère  que  vous  les  trouverez  soigneusement  conservés..  J'en  joins  la  note  A 
cette  lettre.  .^ 

Je  ne  sais  pas  quand  je  reviendrai  à  Paris.  Veuillez  me  conserver  un  bon  souj- 
venir  et  croire  à  l'assurance  de  mes  sentimens  les  plus  empressés. 

J'ai  l'honneur  d'être 

16  juillet.  !'^'''''  '''V  '"'  '"Monsieur, 

^:'^:^^P^f?tfilettr.  obi.  serviteur, 
O  3D  ie?ii3JUfiiip.3uanq,i;i^  i3i3bi2noDJn3ifi8i4    xir  t)E  Schlegel 

A  Monmur  Monsieur Langlèsycheyalifii[,^e^^y{^^^  à  la  BibliothèqueMoyaU,  Ci-joint 
3  vo/izm^,.^)_„  ,iDi!L  jqà  Xij^b  a-jj  èimb  s>fném  £i  lui 

.    çjjjpijiioq   ;njia:iioq  ^'^\'-"' .-H.   --v    >;t.  '       „.._..   ,^  ...^  _,  ., 
ma-û  s52aB  slqmoxa  ni^oCIÉTÉS  SAVANTES.'^"P^^^^^^^^^^^^ 


j:  •  AfiAP^MJgj^MS   inscriptions  ET  BELLES-LETTRES. 

HiKiÎD  pb^  X  li\up  00  i^ Séance  du  2  juillet  1 87  5 . 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie  un  rapport  de 
M.  Alb.  Dumont  sur  les  travaux  des  membres  de  l'école  archéologique  de  Rome, 
et  un  mémoire  de  M.  HomoUe,  membre  de  cette  école,  intitulé  :  Essai  sur 


.^0  REVUE    CRITIQUE 

l'histoire  des  institutions  et  la  topographie  d'Ostie,  d'après  de  récentes  décou- 
vertes. 

Sur  la  demande  de  la  commission  de  l'école  d'Athènes,  M.  Thurot  est  adjoint 
à  cette  commission. 

—  M.  Êm.  Burnouf,  directeur  de  l'école  française  d'Athènes,  présente  à 
l'académie  : 

i''  des  photographies  du  nouveau  bâtiment  de  l'école  d'Athènes; 

2°  un  mémoire  sur  l'île  de  Minoa,  près  de  Mégare,  mentionnée  par  Thucydide 
(3.  51  ;  4.  67,  118)  :  on  avait  cru  que  depuis  l'antiquité  cette  île  avait  disparu 
ou  avait  été  unie  au  continent;  M.  Burnouf  a  reconnu  au  contraire  que  l'état 
actuel  des  lieux  concorde  encore  parfaitement  avec  le  témoignage  de  Thucydide; 

3**  des  plans  et  desseins  des  déblaiements  opérés  en  avant  de  l'acropole 
d'Athènes,  qui  ont  mis  à  découvert  la  plus  ancienne  montée  de  l'acropole,  dite 
escalier  de  Pan  (entre  autres  découvertes,  on  a  trouvé  le  trou,  cû-/;,  par  où  une 
femme  s'échappe  de  l'acropole  dans  la  Lysistrata  d'Aristophane,  v.  720); 

4°  des  dessins  de  vases  dits  aryballeSy  tirés  d'une  importante  collection  de  vases 
de  cette  espèce,  qui  ont  été  trouvés  à  Tanagre  et  qui  appartiennent  à  l'école 
d'Athènes;  M.  Burnouf  signale  parmi  les  figures  représentées  sur  ces  vases  celle 
d'une  femme  ailée  tenant  deux  oies  dans  ses  mains  :  on  avait  considéré  des 
figures  semblables  comme  des  images  d'Artémis  :  cette  opinion  est  contredite 
par  le  fait  que  la  figure  est  accompagnée  d'une  chouette,  attribut  de  Minerve; 

5^  les  dessins  de  4  statuettes  de  Junon,  dont  3  montrent  la  déesse  avec  une 
tête  humaine  couronnée,  tandis  que  la  4^  a  une  tête  de  cheval  :  M.  Burnouf 
signale  à  ce  sujet  l'intérêt  que  présenterait  un  travail  d'ensemble  sur  les  divinités 
à  têtes  d'animaux  ; 

6° enfin,  un  grand  nombre  de  dessins  et  de  photographies  représentant  des 
objets  découverts  à  Santorin  en  1872  par  MM.  Gorceix  et  Mamet,  membres  de 
l'école  d'Athènes.  Ces  objets  remontent  au  delà  des  temps  historiques  de  la 
Grèce.  Ils  ont  été  trouvés  au  dessous  d'une  couche  épaisse  de  pierre  ponce  dont 
l'île  entière  est  couverte  par  suite  d'une  ancienne  éruption  volcanique.  Des 
fouilles  faites  en  trois  endroits  différents  ont  amené  la  découverte  de  trois  maisons 
bâties  avec  des  pierres  non  taillées  unies  par  de  la  boue  :  ces  constructions  sont 
analogues  à  celles  que  M.  Schliemann  a  trouvées  à  Hissarlik  en  Troade,  dans  la 
couche  la  plus  profonde  du  terrain,  au  dessous  des  plus  anciennes  antiquités 
helléniques.  A  Santorin  les  murs  sont  revêtus  à  l'intérieur  d'un  enduit  de  chaux 
peint  de  diverses  couleurs.  Parmi  les  objets  trouvés  dans  ces  maisons  figure  une 
scie  en  bronze,  mais  aucun  objet  en  fer  n'a  été  découvert  jusqu'ici.  Un  grand 
nombre  de  ces  objets  rappellent  encore  ceux  qu'a  trouvés  M.  Schliemann  :  ce 
sont  des  fusaioles,  des  boules  d'un  usage  inconnu,  peut  être  mystiques  (quelques 
unes  portent  le  signe  composé  d'un  trait  vertical  entre  deux  points,  que  M.  Schlie- 
mann a  appelé  le  monogramme  de  la  chouette),  des  vases  tournés  ou  pétris  à  la 
main,  faits  en  terre  grossière  lissée  au  polissoir,  etc.,  etc. 

Une  observation  que  suggère  à  M.  Waddington  la  vue  des  dessins  qui  repré- 


r 


d'histoire  et  de  littérature.  3 1 

sentent  ces  vases  amène  une  discussion,  à  laquelle  prennent  part  plusieurs 
membres  de  Pacadémie,  sur  la  date  des  objets  trouvés  à  Santorin.  M.  Bumouf, 
s'appuyant  sur  des  considérations  géologiques,  regardait  ces  objets  comme  anté- 
rieurs à  l'ère  chrétienne  de  i8  à  20  siècles.  M.  Waddington  les  trouve  d'un 
travail  trop  perfectionné  pour  admettre  cette  date  :  il  est  porté  à  les  croire  du 
6°  ou  7^  s.  av.  J.  C.  M.  de  Longpérier  dit  que  la  perfection  du  travail  de  ces 
objets  n'est  pas  un  motif  suffisant  pour  croire  qu'ils  ne  puissent  pas  remonter  à 
une  très  haute  antiquité  :  les  monuments  égyptiens  de  la  18^  dynastie  montrent 
à  quel  degré  de  perfection  était  déjà  parvenue  l'industrie  de  ces  temps  reculés. 
Il  cite  notamment  les  vases  qui  figurent  au  nombre  des  présents  envoyés  à 
Thotmès  III  par  les  gens  des  îles  de  la  mer  du  nord,  c.  à  d.  de  la  Méditerranée, 
et  qui  ressemblent  à  ceux  que  MM.  Gorceix  et  Mamet  ont  trouvés  à  Santorin. 

M.  Heuzey  demande  que  les  dessins  et  photographies  que  M.  Burnouf  a  fait 
passer  sous  les  yeux  des  membres  de  l'académie  soient  publiés.  M.  de  Longpérier 
dit  qu'une  partie  de  ces  reproductions  sont  destinées  à  être  publiées  dans  les 
Archives  des  missions  scientifiques  et  littéraires.  M.  Burnouf  exprime  le  désir  que 
la  Revue  archéologique  reproduise  aussi  quelques  uns  de  ces  monuments. 

—  M.  Ernest  Desjardins  termine  la  seconde  lecture  de  son  mémoire  sur  les 
inscriptions  du  corps  de  garde  de  la  7^  cohorte  des  vigiles  à  Rome. 

Ouvrages  déposés  :  —  Marguerite  de  Surville  (Clotilde  de  Surville)  par  Eug.  Ville- 
dieu,  Paris,  187^,  8*;  —  Secundam  synodum  ephesinam  ...  edidit  Samuel  G.  F.  Perry, 
Oxonii,  1875,  ^' }  —  présentés  de  la  part  des  auteurs  :  — par  M.  Egger  :  Études  sur  l'an- 
cienne musique  grecque ,  rapport  au  ministre  de  i'instr.  publique  sur  une  mission  en  Es- 
pagne, par  Ém.  Ruelle;  Géographie  du  départ,  de  la  Seine-Inférieure,  ouvrage  posthume 
de  l'abbé  Bunel,  publié  par  l'abbé  Tougard  ;  —  par  M.  Hauréau  :  De  la  substitution 
de  l'épiscopat  germain  à  l'épiscopat  romain  en  Gaule,  par  Lud.  Drapeyron.  — 
M.  Waddington  présente  de  la  part  de  M.  le  c^e  de  Mérode  un  dessin  des  figures  de 
Pétronille  et  de  Veneranda,  trouvées  dans  la  crypte  de  S«  Pétronille  à  Rome. 

Julien  Havet. 

LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Die  philosophischen  Schriften  von  Leibniz,  i.  Bd.  (Berlin,  Weidmann).  —  Th.  Dœh- 
neri  Satura  Critica  (Piaviae,  Neupertus).  —  Ehlers,  De  Graecorum  aenigmatis  et  gry- 
phis  (Prenzlau,  Mieck).  —  Elliot,  History  of  India.  Vol.  VI.  Ed.  by  Dowson  (London, 
Trûbner).  —  Ellis,  Peruvia  Scythica  (London,  Trûbner).  —  Frohlberger,  Ausge- 
waehite  Reden  des  Lysias  (Leipzig,  Teubner).  —  Germanische  Rechtsdenkmaeler,  Leges, 
Capitularia,  Formulae,  herausg.  v.  Gengler  (Erlangen,  Deichert).  —  Hentsghel, 
Quaestionum  de  Lysiae  Oratione  Epicratea  (XXVII)  Capita  duo  (Misenae,  Klinkicht).— 
HoNEGGER,  Kritische  Geschichte  der  franzœsischen  Cultureinflûsse  in  den  letzten  Jahrh. 
(Berlin,  Oppenheim).  — Hume,  Eine  Untersuchung  in  Betreffdes  menschlichen  Verstandes. 
Uebers.  v.  Von  Kirchmann  (Leipzig,  Koschny).  —  Hyde  Clarke,  Researches  in  Prae- 
historic  and  Protohistoric  comparative  Philology  (London,  Trûbner).  —  Iuliani  Impera- 
toris  quae  supersunt  praeter  reliquias  apud  Cyrilium  Omnia  recens.  Hertlein,  Vol.  I. 
(Lipsiae,  Teubner).  —  Jagoby,  Die  Idée  der  Entwickelung.  i.  Th.  (Berlin,  Oliven).  — 
JoRET,  Herder  et  la  renaissance  littéraire  en  Allemagne  au  XVIII*  s.  (Paris,  Hachette). 


ï2  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

—  Krumbholz,  Quaestionum  Theocritarum  Spécimen  primum  (Berlin,  Mayer  u.  Mûller). 
KuENEN,  De  Profeten  en  de  Profetie  onder  Israël.  I.  Deel  (Leiden,  Engels).  —  Lel.ind, 
Fusang,  or  the  discovery  of  America  (London,  Trûbner).  —  Leland,  E.  H.  Palmer, 
Janet  Tuckey,  English  Gipsy  Songs  (London,  Trûbner).  —  Les  plaidoyers  civils  de 
Démosthène,  tr.  p.  Dareste.  2  vol.  (Paris,  Pion).  — T.  Lucreti  Cari  De  rerum  natura 
libri  sex  redig.  und  erkl.  v.  Bogkemùller,  2  Liefgn.  {Stade,  Stendel).  —  Mannhart, 
Der  Baumkultus  der  Germanen  (Berlin,  Gebr.  Borntrasger).  ~  Luc.  Mulleri  de  Phae- 
dri  et  Aviani  Fabulis  Libellus  (Lipsiae,  Teubner).  —  Œuvres  complètes  de  Diderot,  p. 
p.  ASSÉ7AT.  i"et  2*  vol.  (Paris,  Garnier).  —  Pûnjer,  Die  Religionslehre  Kant's  (lena, 
Maucke's  Verl.).  —  E.  Reglus,  Nouvelle  Géographie,  livr.  i,  2  et  3.  (Paris,  Hachette). 

—  Ritter,  Les  noms  de  famille,  avec  une  préface  par  M.  Bréal  (Paris,  Franck).  — 
Spengel,  Aristoteles'  Poetik  und  Vahlen's  Neueste  Bearbeitung  derselben  (Leipzig, 
Teubner).  —  Stumpf-Brentano,  Die  Wirtzburger  Immunitaet-Urkunden  des  X.  und  XL 
Jahrh.  (Innsbriick,  Wagner'sche  Univ.-Buchh.).  —  The  Romantic  Legend  of  Sâkya 
Buddha  from  the  Chinese-sanscrit,  by  Beal  (London,  Trûbner).  —  Troilus  Alberti  Sta- 
densis  primum  éd.  a  Merzdorf  (Lipsiae,  Teubner),  —  Urkunden  zur  Geschichte  des 
deutschen  Rechtes,  herausg.  v.  Lœrsgh  u.  Schrceder.  L  (Bonn,  Marcus).  —  G.  Valeri 
Flacci  Sesini  Balbi  Argonauticon  libri  octo  recogn.  Baehrens  (Lipsiae,  Teubner).  — 
Vergilis  Georgica  nach  Plan  und  Motiven  erkl.  v.  Bockemùller  (Stade,  Stendel).  — 
Walter,  Die  Lehre  von  der  praktischen  Vernunft  in  der  griechischen  Philosophie  (lena, 
Mauke's  Verl.).  —  Warren,  De  Jainas  (Zwolle,  Tjeenk  Willink).  —  Wœrterbuch  zu 
Hartmann's  Iwein,  von  Benegke.  Zweite  Ausg.  v.  Wilken,  Lief.  2, 3  u.  4  (Gœttingen, 
Dieterich).  —  Zumpt,  De  Imperatoris  Augusti  die  natali  fastisque  ab  dictatore  Caesare 
emendatis  commentatio  (Lipsiae,  Teubner). 

AuBÉ,  Histoire  des  persécutions  de  l'Église  jusqu'à  la  fin  des  Antonins  (Paris,  Didier). 

—  Dorange,  Catalogue  des  mss.  de  la  Bibliothèque  de  Tours.  —  Du  Fresne  de  Beau- 
GOURT,  Charles  VIL  Son  caractère.  2*  partie  (Paris,  Palmé).  —  Glauning,  Der  fran- 
zœsische  Schulunterricht  und  der  nationale  Interesse  (Nœrdlingen,  Beck'sche  B.).  — 
GuiBAL,  Histoire  du  sentiment  national  en  France  pendant  la  guerre  de  cent  ans  (Paris, 
Sandoz  et  Fischbacher).  —  Jahrbûcher  des  deutschen  Reiches  unter  Heinrich  II.  Von 
Siegfried  Hirsgh.  Dritter  Bd.  herausg.  v.  Breslau  (Leipzig,  Duncker  u.  Humblot).  — 
KuHN  (E.),  Beitraege  zur  Pâli  Grammatik  (Berlin,  Dûmmler).  —  Miklosigh,  Ueber  die 
Mundarten  und  die  Wanderungen  der  Zigeuner  Europa's  (Wien,  Gerold's  S.);  Beitraege 
zur  Kentniss  der  Zigeunermundarten  (ibid.).~Tabulae  codicum  manu  scriptorum  prae- 
ter  Graecos  et  Orientales  in  Bibl.  Palat.  Vindobonensi  asservatorum.  Vol.  VII.  (Vindob., 
Gerold's  S.).  — Von  Kirchmann,  Erlaeuterungen  zu  Kant's  kleinern  Schriften  zur  Ethik 
und  Religionsphiiosophie  (Leipzig,  Koschny);  Erlaeuterungen  zu  Kant's  Grundiegung 
zur  Metaphysik  der  Sitten,  etc.  (ibid.). 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEV^EG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


p.  289-512.  —  Von  Thielmann,  Streifzùge  im  Kaukasus.  Leipzig,  Duncker  u. 
Humblot.  In-8°,  viij-493  p.  (une  analyse  de  cette  relation  a  récemment  paru 
dans  la  Revue  de  France).  —  Zenker,  Tùrkisch-arabisch-persisches  Handwœrter- 
buch.  21.  u.  22.  Heft.  Leipzig,  Engelmann.  —  Christ,  Metrik  der  Griechen 
und  Rœmer  (cf.  Rev.  criî.,  1875,  I,  p.  146).  —  Cadovius-Muller,  Memoriale 
linguae  Frisicae.  Herausg.  v.  Kùkelhahn.  Leer,  Leendertz.  In-S**,  120  p.  (im- 
portante contribution  à  l'histoire  de  l'allemand).  —  Legge,  The  life  and  vvorks 
of  Mencius.  London,  Trùbner.  In-8°,  v-402  p.  (forme  le  volume  II  de  la  magni- 
fique et  savante  édition  des  Classiquts  Chinois).  —  Dùtschke,  Antike  Bildwerke 
in  Oberitalien.  I.  Leipzig,  Engelmann.  In-8",  viij-132  p.  (contient  les  monu- 
ments du  Campo  Santo  de  Pise). 

Jenaer  Literaturzeitung,  1875,  i^°'<7i  24  avril.  Seyerlen,  Entstehung 
und  erste  Schicksale  der  Christengemeinde  in  Rom.  Tùbingen,  Eues.  In-8°,  iv- 
67  p.  (Lipsius).  —  Siegfried,  Philo  von  Alexandria.  Jena,  Dufft  (Schrader). 
~  Flammer,  Le  droit  civil  de  Genève,  ses  principes  et  son  histoire.  Genève. 
In-8°,  304  p.  (A,  Rivier).  —  Fischer,  Francis  Bacon  und  seine  Nachfolger. 
Leipzig,  Brockhaus.  In-8%  xx-788  p.  (Erdmann).  —  Hennés,  Fischenich  und 
Charlotte  von  Schiller.  Frankfurta.  M.,  Sauerlaender.  In-8°,  167  p.  (G.  Warren- 
TRAPP;.  —  WOLFF,  Muhammedanischc  Eschatologie.  Leipzig,  Brockhaus.  ln-8", 
xiv-214-i  10  p.  (H.  Steiner).  —  Morgenlaendische  Forschungen  (Schrader; 
cf.  Rev.  crit.y  1875,  I,  p.  289).  —  Roth,  Der  Atharvaveda  in  Kaschmir.  Tù- 
bingen, Laupp.  In-4°,  29  p.;  Benfey,  Einleitung  in  die  Grammatik  der  vedi- 
•schen  Sprache.  Gœttingen,  Dieterich'sche  B.  In-4*^,  40  p.  ;  Ders.,  Die  Quantitaets- 
verschiedenheiten  in  den  Samhitâ-  und  Pada-Texten  der  Veden.  In- 4°,  44  p. 
(Delbrùck).  — Hebler,  Aufsaetze  ùber  Shakespeare.  2.  Ausg.  Bern,  Dalp'sche 
B.  ln-8°,  xij-294p.;  Werder,  Vorlesungen  ùber  Shakespeare's  Hamlet.  Berlin, 
Hertz.  In-8°,  252  p.  (Richard  Wùlcker).  —  Dœhler,  Entstehung  und  Ent- 
wickelung  der  religiœsen  Kunst  bei  den  Griechen.  Berlin,  Lùderitz'sche  Verlagsb. 
In-8%  47  p.  (R.  Gaedechens). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES  PUBLICATIONS   FRANÇAISESi^T , JÊTRANGÊRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
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Amador  de  los  Ries  (R.).  Inscripciones 
arabes  de  Sevilla.  Precedidas  de  una 
carta-proiogo  del  Ilmo.  Si.  D.  J.  Amador 
de  los  Rios.  En  4,  270  p.  y  9  lam. 
Madrid  (Murillo). 

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noologiche.    In-4».    Pisa    (tip.    Nestri). 

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Aymard  CA.),  Antiquités  préhistoriques, 
gauloises  et  gallo-romaines  du  Cheylounet. 
In-8',  98  p.  et  -  pi.  Le  Puy  (imp.  Mar- 
chessou). 

Baguenault  de  Puchesse(G.).  Tombes 
mérovingiennes  trouvées  à  Bazoches-lès- 


In- 


p.  et  pi. 


Gallerandes  (Loiret). 
Orléans  (Herluison). 

Barton  (J.  A.  G.).  Bengal  :  An  Account 
of  the  Country  from  the  Earliest  Times. 
With  full  Information  with  regard  to  the 
Manners,  Customs,  Religion,  etc.  of  the 
Inhabitants,  and  the  Effects  ot  British 
Tule  There.  In- 12,  250  p.  cart.  London 
(Blackwoods).  6  fr.  25 

Boutiot  (T.)  et  Socard  (E.).  Diction- 
naire topographique  du  département  de 
l'Aube  comprenant  les  noms  de  lieu  an- 
ciens et  modernes;  rédigé  sous  les  aus- 
pices de  ia  Société  académique  de  l'Aube. 
In-40,  ixvij-234p.  Paris  (Imp.  nationale). 


Carlson  (F.  F.).  Geschichte  Schwedens. 
5.  Bd,  Bis  zum  Tode  Caris  XI.  In-8»^, 
xxxvi-616  S.    Gotha  (F.  A.   Perthes). 

16  fn 

Comte  (Le)  de  Plélo,  Louis-Robert-Hip- 
polyte  de  Bréhan,  ambassadeur  de  France 
en  Danemark.  1699-1734  par  N.  de  B. 
In-S",  28  p.  Nantes  (imp. -Forest  et  Gri- 
moud). 

Gruzada  Villa-AmiL  Rubens,  diplo- 
mâlico  espanol.  Sur  viajes  a  Espana  y 
noticia  de  sus  cuadros,  segun  los  inven- 
tarios  de  las  casas  de  Austria  y  de  Bor- 
bon.  En  8,  386  p.  Madrid  (Muriilo). 

Feurnier  (A.).  Abt  Johann  v.  Viktring 
u.  sein  Liber  certarum  historiarum.  Ein 
Beitrag  zur  Quellenkunde  deutscher  Ge- 
schichte. In-8*,  xij- 1  $4  S.  Berlin  (Vahien). 

S  fr- 

Lepage  (A.).  Les  Cafés  politiques  et  lit- 
téraires de  Paris.  Le  Procope ,  La  Re- 
naissance, Mad.id,  Suède,  Le  Rat-Mort, 
Buci,  Frontin,  Brasserie  Saint-Séverin, 
Foy,  Le  Coup-du-Milieu,  etc.  In- 16, 
1 14  p.  Paris  (Dentu).  2  fr. 

Liverani  (F.).  La  chiave  vera  e  le  chiavi 
faise  délia  lingua  etrusca.  Saggio.  In- 16, 
98  p.  Siena  (tip.  Lazzeri).  3  fr.  50 

Loiseau  (A.).  Histoire  des  progrès  de  la 
grammaire  en  France,  depuis  l'époque 
de  la  renaissance  jusqu'à  nos  jours.  2' 
fascicule  (adjectif,  pronom,  verbe).  In-8% 
I  n  p.  Paris  (Thorin). 

Magnieu  (E.  de)  et  Prat  (H.).  Corres- 
pondance inédite  de  la  comtesse  de  Sabran 
et  du  chevalier  deBoufflers,  1778- 1788. 
In-8°,  xvj-73 1  p.  et  port.  Pans  (Pion  et 
C-).  8  fr. 

Mandon  (L.).  De  l'influence  française  en 
Espagne  sous  Philippe  V  (1700-1713). 
In-80,  69  p.  Montpellier  (imp.  Bœhm  et 
fils). 

Marchant  (L.).  Ampoules  de  pèlerinages 
en  plomb  trouvées  en  Bourgogne.  In-4", 
12  p.  et  pi.  Dijon  (Manière-Loquin). 

Monod.  Suite  des  mémoires  de  Guillaume 
Monod.  In-8°,  iv-320  p.  Paris  (Thorin). 

Muse  (La)  coutançaise  au  XVII'  siècle. 
Recueil  de  poésies  françaises  et  latines 
dédiées  à  Jacques  de  (fostentin.  Petit 
in-4%  viij-27  p.  Coutances  (Salettes). 

Papato  (II)  ai  tempi  dell'  impero  da  Cos- 
tantino  a  (jiustiniano  e  il  papato  ai  tempi 


nostri  con  alcurie  njdfe  illustr^tive.  In-8*, 
no  p.  Ronra  (tip.  Eredi  Botta),     ji^fr. 

Perrot  (G.).  L'enlèvement  d'Orithyie'par 
Borée  œndchoé  du  Musée  du  Louvre. 
In-4',  28  p.  et  I  pi.  Paris  (imp.  Cha- 
merot;. . 

Philipps  (J.R.).  Memoirs  of  the  CivilWar 
in  Wales  and  the  Marches  1642-1649. 
2  vol.  in-S"  cart.   London  (Longmans). 

S2  fr.  so 

Planck(M.).Karthagou.seineHeerfùhrer. 
In-4*,  26  S.  Tùbingen  (Fues).     i  fr.  75 

Pouy  (F.).  Recherches  sur  les  almanachs 
et  calendriers  artistiques,  à  estampes,  à 
vignettes,  à  caricatures,  etc.  principale- 
ment du  XVI*  au  XIX*  siècle,  avec  notices 
bibliographiques  sur  les  almanachs  divers, 
notamment  à  l'époque  de  la  Révolution. 
In-8*,  147  p.  Amiens  (imp.  Glorieux.;5t 
Ce).  :  .- 

Proudhon  (P.  J.).  Correspondance;  pré- 
cédée d'une  notice  par  J.-A.  Langlois. 
T.  2.  In-80,  391  p.  Paris  (Lib.  inter- 
nationale). 5  fr, 

Quinet  (E.).  L'Esprit  nouveau.  In-S», 
iv-359  p.  Paris  (Dentu).  6  fr. 

Rosseeu^v  Saint-Hilaire.  Disgrâce  de 
la  princesse  des  Ursins  1714-17 15.  In-4% 
23  p.  Paris  (Firmin  Didot,  frères,  fils  et 
C-). 

Schmidt  (O.).  The  Doctrine  of  Descent 

and   Darwinism.    With   26  Woodents. 
In-8°,    336    p.    cart.    London    (King). 

6  fr.  2  $ 

Stuart  (J.).  A  Lost  Chapter  in  the  His- 
tory  of  Mary  Queen  of  Scots  Recovered  ; 
Notices  of  James  Earl  of  Bothwell  and 
Lady  Jane  Gordon,  and  of  the  Dispensa- 
tion  for  their  Marriage;  Remarks  on  the 
Law  and  Practice  of  Scotland  relative 
to  marriage  Dispensations  ;  and  an  Ap- 
pendix  of  Documents.  In-4',  116  p.  cart. 
London  (Hamilton).  i^  fr.  65 

Taine  (H.).  Essai  sur  Tite-Live.  Nouv. 
édit.  In-i8  Jésus,  viij-368  p.  Paris  (Ha- 
chette et  C«).  }  fr.  so 

Veuillot  (L.).  Jésus-Christ.  Avec  une 
étude  sur  l'art  chrétien,  par  E.  Cartier. 
Ouvrage  illustré  de  16  chromolith.  et  de 
200  grav.  exécutées  par  Huyot  père  et 
fils,  d'après  les  monuments  de  l'art  depuis 
les  catacombes  jusqu'à  nos  jours.  In-4*, 
viij-572  p.  Paris  (Firmin  Didot  frères, 
fils  et  C-).  2S  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N»  29  Neuvième  année.  17  Juillet  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.   BRÉAL,  G.   MONOD,  G.   PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard» 


Prix    d^abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —  Etranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 


PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
';6f,'''R}JE  RICHELIEU,  67 


MÉMOIRES 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

de  la  Société  de  Hnguistique..T€U.H5^  fasci- 
cule (complément  du  volume).'     •■         4  fr. 

Contenu:  H.  Kern,  le  suffixe  ya  du  sanscrit  classique,  ia  de  l'arien. — L.Havet, 
Note  sur  l'article  précédent.  -^  D^Arbois  de  Jubainville,  les  thèmes  celtiques  eus. 
—  M.  Bréal,  Umbrica.  —  L.  Havet,  sur  les  palatales  sanscrites. —  A.Bergaigne^ 
du  rôle  de  la  dérivation  dans  la  déclinaison  indo-européenne.  —  Variétés  ; 
M.  Bréal,  Frères  jumeaux  dans  le  vocabulaire  latin.  —  Caro,  carnis.  — Vilis.  — * 
Masîicare.  —  KaXcç.  —  Latin  sus,  sur.  Ombrien  sururont,  surur.  —  Indulgere. — 
Sanscrit  sva  pour  su  «  bien  ».  —  A.  Bauer,  de  la  double  origine  de  l'article  alle- 
mand. —  L.  Havet,  sur  la  déclinaison  des  thèmes.féminins  en  a.  —  Le  locatif 
ombrien.  —  F.  Baudry,  Notice  sur  le  suffixe  participial  -ant.  —  J.  Darmesteter, 
Nomen,  nâman.  —  Index. 

COLLECTION    PHILOLOGIQUE    (ANCIENNE  SÉRIE) 

5e  FASCICULE. 

<tl<  •      iV  11      1    lL  rv    Les  noms  de  famille.  3  fr.  50 


GO  A  D  î  C    ^^^  Contes  j^rientaux  dans  la  littérature  française  du 
•     1    A  rvl  O    moyen-âge.  Broch.  in-S^.  i  fr. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  N*'  164,  new  séries,  1(3  juin.  Lanfrey,  Histoire  de  Napo- 
léon P^  T.  V.  Paris,  Charpentier  (Etienne  Coquerel).  —  Leland,  Fusang, 
or  the  Discovery  of  America  by  Chinese  Buddhist  Priests  in  the  Fifth  Ceiitary 
j^.  H.  Major;  la  Kevm  criî.  |5ubliera  prochainement  un  article  sur  cet  ouvrage). 
H  Calendar  of  the  State  Papers  relating  to  Ireland,  1608-1610.  Ed.  by  the 
Rev.  C.  W.  RussELL  and  J.  P.  Prendergast.  London,  Longmans  and  Co. 
(Samuel  R.  Gardiner).  —  Notes  and  News.  —  Notes  of  Travel.  —  New  Guinea 
(Lettre  d'un  missionnaire,  M.  N.  G.  Lawes).  —  Boston  Letter  (Thomas  Ser- 
GEANT  Perry  :  nouvelles  littéraires).  —  Archeological  News  from  Greece  (J.  P. 
Mahaffy).  —  Science  Notes  (Anthropology).  —  Meetings  of  Societies  (Soc.  royale 
de  géographie,  de  philologie).  —  Etruscan  Antiquities.  Tarquinii  and  Caere  (C,  I. 
Hem  AN  s). 

The  Athenœum,  N°2487,  26  juin.  The  Périls  of  Criticism  (on  se  souvient 
que  VAthen£um  avait  été  condamné,  en  Ecosse,  pour  un  article  sévère  sur 
VEdiicational  Atlas  de  T.  B.  Johnston,  à  payer  à  l'auteur  une  somme  énorme 
1 ,275  livres;  cette  décision  a  produit  en  Angleterre  une  vive  émotion,  et  la  Cour 
écossaise,  réprouvant  le  verdict  du  Jury,  était  disposée  à  recommencer  le  juge- 
ment, quand  le  plaignant  a  consenti  à  laisser  aux  juges  le  soin  de  fixer  le  mon- 
.tant  des  dommages  et  intérêts  :  on  lui  a  accordé  100  livres).  —  Mansel,  The 
Gnostic  Hérésies  of  the  First  and  Second  Centuries.  Murray  (résume  les  travaux 
des  Français  et  des  Allemands).  —  Heckethorn,  The  History  of  the  Secret 
Societies  of  ail  Ages  and  Countries.  2  vols.  Bentley  and  Sons  (refonte  considé- 
rablement augmentée  du  Mondo  secreto  de  De  Castro).  —  Cairnes,  Character 
and  Logical  Method  of  Political  Economy.  Macmillan  and  Co.  (cet  ouvrage  est 
l'un  des  plus  importants  qui  aient  paru  depuis  un  demi-siècle  sur  l'économre 
politique).  —  The  Palaeographical  Society  (2^  art.).  — The  Site  of  Pisgah  (J. 
A.  Paine).  —  When  was  Burke  born?  (E.  J.  Payne).  —  The  Interior  of  New 
Guinea  (réplique  de  J.  Moresby).  —  The  Temple  of  Jérusalem  (James  Fergus- 
son).  —  Literary  Gossip.  —  Geographical  Notes.  —  Societies  (Soc.  asiatique, 
royale  dç  littérature,  dé  numismatique,  de  philologie. 

Literarisches  Centralblatt,  N°  27,  3  juillet.  Lôw,  Die  Lebensalter  in  der 
jûdischen  Literatur.  Szegedin,  Selbstverl.  In-8°,  xvj-459  P-  (cette  importante 
histoire  des  mœurs  juives  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours  forme  le  2*^  volume 
des  Beitr£ge  zur  jûdischen  Aterthumskunde  de  l'auteur).  —  Gr^fe,  Die  70  Jahr- 
wochen  des  Propheten  Daniel,  cap.  9,  24-27,  in  ihrer  Beziehung  auf  Jesum 
Christum.  Leipzig,  Hinrichs.  In-S",  vij-56  p.  (sans  valeur).  —  Teichmûller, 
Studien  zur  Geschichte  der  Begriffe.  Berlin.  Weidmann.  In-8%  ix-667  p.  (disser- 
tations sur  les  divers  systèmes  de  philosophie  en  Grèce).  —  Urkundenbuch  des 
Klosters  Drùbeck.  Vom  Jahr  877-1 594.  Bearb.  v.  Jacobs.  Halle,  B.  d.  \Vaiseri- 
hauses.  In-8°,  xxxviij-344  P-  (forme  le  $°  volume  de  la  belle  publication  de 
l'auteur  :  Geschichtsquellen  der  Provinz  Sachsen).  —  Ranke,  Ursprung  und  Beginn 
der  Revolutionskriege  1791  u.  1792.  Leipzig,  Duncker  u.  Humblot.  In-S''^ 
^^i-'379  P-  (d'après  les  archives  prussiennes  et  autrichiennes).  —  Recueil  général 
de  traités,  etc.  Continuation  du  grand  recueil  de  De  Martens  par  Samwer  et 
HoPF  :  T.  6.  Gœttingen,  Dieterich.  In-8",  viij-733  p. —  Levy,  Neuhebraeisches 
und  chaldaeisches  Wœrterbuch.  Nebst  Beitraegen  v.  Fleischer.  3  Bde  in  12-15 
Lief.  I.  Lief.  Leipzig,  Brockhaus.  In-4",  112  p.  (l'auteur  n'a  pas  de  méthode; 
la  partie  étymologique  est  déplorablement  faible).  —  Schrœder,  Ueber  die 
formelle  Unterscheidung  der  Redetheile  im  Griechischen  und  Lateinischen. 
Leipzig,  Kœhler  in  Comm.  In-8°,  viij-$62  p.  (très-superficiel).  —  The  romantic 
legend  of  Sâkya-Buddha.  ^rom  the   Chinese-Sanscrit.   By  Beal.    London, 

?  ■vx 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  29  —  17  Juillet  —  1875 

Sommaire:  142.  Minayef,  Grammaire  Pâlie,  tr.  p.  Guyard;  Kuhn,  Contributions 
à  la  grammaire  pâlie.  —  143.  Bosworth  Smith,  Mahomet  et  le  Mahomélisme.  — 
144.  Saint-Marc  Girardin  et  Bersot,  Jean-Jacques  Rousseau.  —  145.  Maio- 
REScu,  Critiques.  —  Correspondance  :  Lettre  de  M.  T.  de  L.  —  Sociétés  savantes  : 
Académie  des  inscriptions. 


142.  —  Minayef,  Grammaire  Pâlie,  traduite  du  russe  par  M.  Stanislas  Guyard. 
Paris,  Ernest  Leroux.  1874.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

Ernst  W.  A.  Kuhn,  Beitrœge  zur  Pâli-Grammatik.  Berlin,  Dûmmler.  187$. 
—  Prix  :  $  fr.  }j. 

L'inventaire  philologique  du  Pâli  se  poursuit  avec  ardeur  de  divers  côtés.  En 
attendant  la  grammaire  promise  par  M.  Childers,  M.  Minayef  et  M.  Kuhn  vien- 
nent coup  sur  coup  de  nous  donner  le  tableau  de  sa  phonétique  et  de  ses  flexions. 
Les  deux  ouvrages  ont  exactement  le  même  objet,  l'un  et  l'autre  laissent  de 
côté  la  syntaxe;  mais  ils  sont  assez  différents  de  caractère.  Le  premier,  plus  riche 
de  faits  nouveaux,  philologiques  ou  autres,  plus  tourné  vers  l'aspect  historique 
des  questions,  s'apphque  surtout  à  nous  enrichir  de  données  empruntées  à  la 
Rûpasiddhi,  d'observations  recueillies  dans  des  livres  inédits;  il  ne  s'effraie  pas 
d'un  peu  de  confusion  ni  d'une  allure  parfois  un  peu  trop  indienne.  Le  second, 
qui  a  pu  profiter  de  son  devancier,  exact  et  méthodique,  s'attache  tout  spécia- 
lement au  point  de  vue  linguistique  et  comparatif,  et  se  préoccupe  surtout  de  la 
constitution  et  de  la  dérivation  des  formes.  Cette  différence  de  méthode  est 
dominée  par  une  divergence  dans  les  vues  générales  sur  la  nature  même  et  le 
caractère  propre  de  la  langue  pâlie.  L'arrière-pensée  d'exposer  et  de  soutenir 
une  certaine  opinion  sur  ces  questions  d'ensemble  est  évidemment  pour  beaucoup 
dans  ces  essais  successifs  d'exposition  grammaticale  ;  fondés  sur  un  cercle  de 
publications  si  restreint,  ils  sont  nécessairement  moins  intéressants  par  les  faits 
pour  la  plupart  assez  accessibles  qu'ils  rappellent  que  par  les  théories  qu'ils 
défendent  ou  qu'ils  manifestent. 

.  Le  Pâli  est-il  un  dialecte  local,  strictement  populaire,  ou  un  idiome  artificiel 
et  savant  ?  Quelque  solution  que  l'on  donne  au  problème,  M.  Kuhn  a  tort  à  coup 
sûr  de  le  prendre  si  légèrement.  Selon  lui,  la  seconde  solution,  celle  pour  laquelle 
M.  Kern  s'est  décidé  avec  le  plus  de  vivacité,  ne  ferait  que  «reculer  la  question» 
(p.  9).  Il  est  bien  vrai,  comme  il  le  remarque,  que  toute  langue,  si  artificielle 
qu'elle  soit,  repose  nécessairement  en  dernière  analyse  sur  un  fonds  populaire  et 
local.  Mais  qu'est-ce  à  dire  si  l'on  prend,  par  exemple,  que  le  Pâli  représente  un 
travail  réfléchi,  appliqué  à  des  dialectes  peut-être  divers,  ayant  pour  but  d'en 
effacer  les  caractères  locaux,  d'en  régulariser  les  formes  suivant  des  analogies 

XVI  3 


34  REVUE   CRITIQUE 

plus  OU  moins  décevantes,  de  les  rapprocher  enfin  par  l'orthographe  des  appa- 
rences et  de  la  physionomie  d'une  langue  savante,  inspirée  du  Sanskrit?  Le  fonds 
dialectal  peut  dès  lors  être  aussi  indifférent  qu'insaisissable.  La  question  relative 
à  la  place  du  Pâli  dans  la  série  du  développement  linguistique  de  l'Inde  serait  encore 
plus  directement  affectée  par  une  semblable  solution.  On  s'accoutume  à  consi- 
dérer le  Pâli  comme  une  étape  intermédiaire  entre  le  Sanskrit  et  les  dialectes 
prâkrits  ';  on  a  même  fondé  là-dessus  des  conjectures  relativement  à  son  ancien- 
neté. Toutes  ces  hypothèses  sont  ruinées  par  la  base,  dès  que  l'on  considère  ces 
caractères  archaïques  comme  obtenus  par  un  travail  conscient  de  reconstitution  arti- 
ficielleetérudite.  Parune  conséquence  forcée,  les  formations  singulières  ou  insolites 
transmises  par  les  grammairiens  perdraient  beaucoup  de  leur  intérêt  comparatif 
et  historique  :  si  la  thèse  dont  il  s'agit  laisse  parfaitement  possible  que  des  formes 
réellement  populaires  et  authentiques,  venues  même  d'une  haute  antiquité,  se 
soient  perpétuées  dans  cet  idiome,  elle  permet  aussi  d'admettre  qu'il  a  pu  s'y 
introduire  des  créations  plus  ou  moins  arbitraires,  fondées  sur  l'analogie  ou 
inspirées  par  le  désir  de  combler  des  lacunes.  La  question  est  donc  capitale.  La 
réponse  qu'on  y  fait  doit  influer  puissamment  tant  sur  l'idée  que  l'on  prend  et 
de  l'âge  et  des  lieux  d'origine  du  Pâli,  que  sur  la  façon  d'en  traiter  la  gram- 
maire. A  cette  question  les  deux  livres  répondent  en  sens  opposé  ;  et  sans  y  être 
examinée  au  complet  ni  suivant  une  méthode  rigoureuse,  elle  fait  le  sujet  prin- 
cipal de  l'une  et  l'autre  introduction. 

Pour  M.  Kuhn,  le  Pâli  est,  sauf  quelques  mélanges  accidentels,  un  dialecte 
populaire  appliqué  aux  besoins  religieux  d'une  certaine  école  buddhique 
(p.  9,  etc.).  Reprenant  la  conjecture  ou  développant  les  suggestions  de 
MM.  Lassen  2  et  Westergaard,  il  y  reconnaît  l'idiome  très-peu  altéré  du  Malwa; 
le  nom  de  Mâgadhî  lui  viendrait  de  l'importance  historique  et  religieuse  du 
Magadha.  Il  signale  son  affinité  spéciale  avec  le  dialecte  de  l'inscription  de 
Girnar;  M.  Minayef,  au  contraire  (p.  xxvii,  p.  xliv),  invoque  en  faveur  de  son 
point  de  vue  des  affinités  avec  les  dialectes  orientaux  des  inscriptions  ;  on  a 
signalé  aussi  une  parenté  prétendue  avec  le  Mahârâsh/rî  et  le  Çaurasenî  des 
grammairiens.  Cela  revient  à  constater  que  le  Pâli  n'a  aucun  des  traits  réputés 
caractéristiques  des  dialectes  locaux,  et  qu'il  a  d'autant  plus  de  similitude  avec 
un  idiome  prâkrit  que  celui-ci  par  son  orthographe  se  rapproche  plus  de  la  forme 
sanskrite  et  savante.  M.  Kuhn  attache  une  importance  bien  surprenante 
aux  considérations  qu'il  fonde  sur  la  personne  de  Mahendra.  Acceptons 
un  instant  le  point  de  vue  orthodoxe  singhalais  où  il  se  place  (p.  6,  etc.). 
Mais  nulle  part  Mahendra  n'est  donné  comme  l'auteur  d'une  rédaction  nouvelle 

1.  Seul  M.  Kern  (p.  i^)  considère  le  Pâli  comme  marquant  une  période  postérieure 
aux  dialectes  de  Piyadassi;  mais  ce  jugement  n'est  soutenable  qu'autant  que  l'on  récuse 
l'autorité  implicite  et  absolue  des  apparences  orthographiques,  c'est-à-dire  autant  qu'on 
reconnaît  le  caractère  artificiel  du  Pâli. 

2.  Seulement  M.  Lassen  (Ind.  Alterth.  II,  490  et  suiv.)  part  de  ce  point  de  vue  non 
justifié  que  Kâtyâyana  serait  le  véritable  inventeur  du  Pâli;  il  aurait  d'abord  codifié 
le  dialecte  du  Malwa,  qui,  transporté  à  Ceylan,  aurait  été  appliqué  seulement  au  V  siècle 
de  notre  ère  à  la  traduction  du  canon. 


D'HISTOIRB    ET   DE    LITTÉRATURE.  35 

des  écritures  ni  même  d'une  «  transcription  )>,  comme  parle  M.  Kuhn.  Ce  rôle 
exorbitant  qu'il  lui  prête,  de  son  autorité,  est  d'autant  plus  inadmissible  que  l'on 
accepte  plus  complètement  la  tradition  méridionale  et  que  l'on  admet  l'existence 
dès  cette  époque  d'un  recueil  canonique  et  autorisé  des  écritures.  Si,  malgré 
tout,  Mahendra  eût  été  en  position  de  «  choisir  »  arbitrairement  un  dialecte'/] 
n'est-il  pas  vraisemblable  que,  suivant  l'exemple  de  son  père,  il  se  serait  décidé 
pour  celui  dans  lequel  Piyadassi  s'adressait  aux  religieux  du  Magadha,  qu'il  eût 
accordé  cette  gloire  officielle  à  l'idiome  de  la  capitale,  que  son  Pâli  enfin,  son 
«  texte  )),  eût  mérité  effectivement  son  nom  de  Mâgadhî  ?  M.  Kuhn  fait  bien,  je 
pense,  de  chercher  dans  l'importance  du  Magadha  pour  le  buddhisme  la  raison 
d'être  d'une  dénomination  que  ne  justifient  point  les  caractères  linguistiques.  Ne 
peut-on  aller  un  peu  plus  loin,  et  penser  qu'on  n'aurait  pas  donné,  par  une 
application  historique,  en  somme  arbitraire,  un  nom  tout  régional  à  un  idiome 
qui  aurait  réellement  reflété  les  particularités  dialectales  d'une  autre  région 
quelconque  de  l'Inde  ? 

Pour  repousser  le  système  auquel  nous  ramène  cette  considération,  M.  Kuhn 
se  fonde  surtout  sur  l'insuffisance  des  preuves  produites  par  M.  Kern.  Fidèle  à 
son  point  de  départ,  M.  K.,  dans  l'important  chapitre  du  Verbe,  accepte  en  géné- 
ral comme  légitimes  et  historiques  toutes  les  flexions  admises  dans  les  paradigmes 
des  grammairiens  et  il  s'efforce  d'en  montrer  l'origine.  Cependant,  en  ce  qui 
concerne,  par  exemple,  l'imparfait  (p.  io8),  il  observe  lui-même  que  les  gram- 
mairiens n'ont  rétabli  qu'au  prix  d'un  mélange  de  formes  hétérogènes  l'appa- 
rente intégrité  du  tableau.  Il  importerait  de  déterminer  si  le  même  fait  ne  s'est 
pas  produit  dans  nombre  d'autres  cas.  Nous  manquons  sur  ce  point  d^un  élément 
d'information  essentiel  :  il  faudrait  pouvoir  comparer  aux  décrets  des  écoles 
l'usage  dûment  constaté  des  textes  des  différents  âges.  Il  faudrait  voir  si  les 
formes  exceptionnelles  et  suspectes  qui  resteraient  après  ce  premier  départ  sont 
ou  non  des  accommodations  arbitraires,  si  elles  représentent  les  vivants  organes 
d'une  langue  populaire  ou  les  approximations  d'une  science  plus  ou  moins 
éclairée.  En  attendant  qu'une  pareille  tentative  devienne  possible,  il  me  semble 
que  l'extrême  instabilité  de  certaines  voyelles  finales^  tantôt  longues,  tantôt 
brèves,  tantôt  nasalisées',  le  caractère  anormal  des  modifications  phoniques  que 
supposent  certaines  formes  2,  l'abondance  même  des  flexions  verbales,  dès  main- 
tenant retrouvées  dans  les  livres,  comparée  à  l'indigence  des  Prâkrits  dramatiques 
et  du  Mâgadhî  jaina,  doivent  nous  mettre  d'abord  en  défiance.  Plusieurs  flexions 
ont  une  apparence  bien  étrange  pour  ne  pas  dire  barbare,  si  large  d'ailleurs  que 
l'on  fasse  la  part  de  l'analogie.  M.  Kuhn  dénonce  lui-même  la  deuxième  pers. 
sing.  de  l'imparfait  et  de  l'aoriste  âtmanepadam  en  ase  et  ise.  La  première  pers. 

1.^  Par  exemple  dans  les  désinences  eyya  et  eyyam  du  potentiel,  i*  pers.  sing.  (p.  105), 
la  désinence  a  ou  â  de  la  3*  sing.  de  l'imparfait,  amhâ  et  imhâ,  û  et  iim  de  l'imparfait  et 
de  l'aoriste  comparées  aux  désinences  mha  et  u  du  parlait,  les  désinences  /  et  /  de  la  2'  et 
3*  sing.  de  l'aoriste  (p.  112).  Les  différenciations  arbitraires  et  les  besoins  métriques 
paraissent  avoir  dans  ces  variations  une  part  excessive.  ■  , 

2.  Je  citerai  les  désinences  vho  de  l'impératif  et  du  potentiel,  correspondant  au  sanskrit' 
dhvam,  la  2°  pers.  sing.  du  potentiel  en  tho  pour  sanskrit  îhds. 


3  6  REVUE   CRITIQUE 

plur.  de  l'imparfait  âtmanepadam  en  âmhase  est  tout  aussi  extraordinaire,  et  je 
ne  suis  pas  moins  porté  à  douter  de  l'authenticité  de  la  première  pers.  plur.  en 
ma5g,  de  l'impératif  âtmanepadam  qui  lui  fait  pendant  et  à  laquelle  M.  Kuhn 
prête  une  si  haute  antiquité  '  (p.  loi).  L'une  et  Pautre  forme  sont  pourtant 
attestées  par  des  exemples.  Que  dire  de  diverses  flexions,  encore  plus  douteuses, 
du  parfait  âtmanepadam  ?  Je  ne  puis  m'empêcher  de  regretter  que  M.  Kuhn  n'ait 
point  recherché  avec  son  exactitude  et  sa  méthode  ordinaires  si  ces  faits  et  bien 
d'autres  encore  ne  fournissent  pas  un  appoint  notable  de  force  et  d'arguments 
à  la  thèse  de  M.  Kern  2. 

Quoi  qu'il  en  soit,  cette  thèse  est  aussi  celle  de  M.  Minayef.  A  son  avis 
(p.  XLv)  le  Pâli  (c  n'est  pas  un  dialecte  local  du  Magadha,  mais  la  langue  de  la 
»  culture  buddhique,  c'est-à-dire  une  langue  littéraire  »  ;  il  représente  d'ailleurs, 
«  comme  les  dialectes  prâkrits,  une  forme  du  langage  aryen,  très-voisine  du 
»  sanskrit,  mais  n'en  dérivant  pas.  »  Toute  l'introduction  de  M.  M.,  pleine  de 
fragments  inédits  et  d'intéressantes  suggestions,  est  consacrée  à  des  considéra- 
tions, presque  toutes  plus  historiques  que  philologiques,  aboutissant  à  cette  double 
conclusion.  M.  M.  nous  montre  (p.  xxxvi  et  suiv.)  dans  la  composition  même 
du  sangha  tous  les  éléments  d'un  mélange  de  dialectes  qui  devait  aboutir  à  des 
compromis  et  à  une  régularisation  assez  factice?.  Reprenant  les  vues  de  M.  Weber 
sur  l'histoire  des  langues  indiennes,  M.  M.  isole  complètement  le  Pâli  du 
Sanskrit.  Il  s'applique  surtout  à  établir  entre  le  développement  linguistique  et  le 
développement  religieux  un  parallélisme  étroit  :  le  buddhisme  serait  la  religion 
et  le  Pâli  la  langue  savante  des  Dasyus  et  des  Vrâtyas,  comme  le  brahmanisme 

1.  Pour  M.  Kuhn  (p.  101-102),  cette  formation  est  directement  issue  de  la  désinence 
la  plus  ancienne,  perdue  déjà  dans  les  Védas;  c'est  une  de  celles  qui  démontrent  l'entière 
indépendance  du  Pâli  vis-à-vis  de  l'idiome  védique.  Le  cas  serait  étrangement  isolé  parmi 
les  flexions  verbales  du  Pâli,  et  je  préfère  m'associer  à  M.  Kuhn  quand  il  revendique 
comme  des  créations  secondaires,  inspirées  par  l'analogie,  diverses  formes  (comme  celles 
du  potentiel,  par  exemple,  p.  106)  où  l'on  a  cherché  des  restes  d'une  haute  antiquité. — 
J'opposerais  des  scrupules  analogues  à  une  observation  semblable  que  M.  Kuhn  applique 
à  la  forme  en  c  de  l'accusatif  pluriel  des  thèmes  masculins  en  a  (p.  72).  Cette  désinence, 
suivant  lui,  ne  serait  pas  un  effet  de  l'analogie  de  la  déclinaison  pronominale;  elle 
représenterait  «  simplement  un  renforcement  du  thème  sans  suffixe  casuel  ».  Il  est  tout  à 
fait  antipathique  à  la  nature  de  Vc  pâli  de  fonctionner  comme  renforcement  de  a;  en  Pâli 
comme  dans  les  dialectes  prâkrits,  c  tend  à  perdre  de  son  poids  et  à  s'atténuer:  quand  il 
ne  représente  pas  un  e  antérieur,  il  ne  peut  représenter  qu'un  affaiblissement.  Il  faudrait 
donc  démontrer,  ce  qui  est  impossible,  que  cette  formation  se  serait  consommée  et  son 
emploi  généralisé  dans  une  période  antérieure  au  Pâli. 

2.  Plus  d'une  considération  paraît  la  confirmer.  C'est  d'abord  l'absence  de  tout  carac- 
tère dialectique  et  local  constaté;  c'est  ensuite  la  position  mixte  et  complexe  du  Pâli  vis- 
à-vis  des  dialectes  connus,  que  rend  manifeste  la  divergence  des  opinions  relativement  à 
son  ancienneté  et  à  sa  place  dans  la  série  linguistique.  J'ajoute  l'analogie  de  la  formation 
assignée  par  M.  Kern  à  la  langue  des  gâthâs. 

3.  M.  M.  (p.  xliij  et  suiv.),  par  une  conjecture  peu  conciliable  semble-t-il,  avec  ses 
conclusions  d'ensemble,  paraît  attribuer  dans  la  constitution  de  cette  langue  littéraire  une 
part  fondamentale  au  dialecte  du  Magadha.  Le  Pâli  n'ayant  aucun  des  traits  réputés  carac- 
téristiques du  Mâgadhî,  et  sensibles  dans  les  inscriptions  rédigées  dans  le  dialecte  supposé 
du  Magadha,  M.  M.  ne  se  peut  fonder  que  sur  le  nom  de  Mâgadhî  donné  au  pâli,  ce  qui 
est  évidemment  bien  insuffisant,  ou  sur  les  ressemblances  qu'il  signale  entre  le  Pâli  et  les 
dialectes  orientaux  de  Piyadassi;  il  eût  bien  fait  d'être  plus  explicite  sur  ce  point  où  il 
prend,  à  mon  avis  sans  motif  suffisant,  le  contrepied  du  sentiment  ordinaire. 


d'histoire  et  de  littérature.  37 

serait  la  religion  et  le  Sanskrit  l'idiome  littéraire  des  Indiens  brahmaniques  (p.xiv 
et  suiv.).  M.  M.  pousse,  je  pense,  la  thèse  à  l'exagération  ;  il  insiste  trop  sur  la 
distinction  par  religions,  point  assez  sur  la  distinction  par  castes.  Que  le 
buddhisme  ait  recueilli  l'alliance  et  l'héritage  de  vieilles  oppositions  populaires 
contre  l'institut  brahmanique,  qu'il  ait  fondé  son  action  sur  les  tendances  propres 
et  les  traditions  ou  les  aspirations  méconnues  et  comprimées  des  couches  de  la 
population  non  réduites,  je  suis  loin  d'y  contredire,  ayant  essayé  moi-même  d'en 
faire  la  preuve  sur  un  terrain  différent.  Mais  il  ne  faut  pas  exagérer  cette  indé- 
pendance du  buddhisme,  considéré  dans  sa  constitution  complète,  dans  ses  moyens 
d'action  spéculatifs  et  littéraires.  C'est,  à  mon  avis,  aller  trop  loin  que  de 
comparer  directement  et  immédiatement  au  mythe  éranien  la  légende  buddhique 
de  Mâra  (p.  iv  et  suiv.),  d'attribuer  aux  légendes  sur  la  généalogie  des  Çâkyas 
(p.  X  et  suiv.)  la  valeur  d'un  souvenir  historique  et  authentique,  indépendant  des 
traditions  de  l'épopée.  De  même  pour  la  langue  pâlie;  s'il  la  faut  vraiment 
considérer  comme  en  grande  partie  artificielle  et  arbitrairement  régularisée,  il 
me  paraît  certain  qu'un  pareil  travail  n'a  été  entreprisqu'à  l'imitation  de  ce  que  les 
brahmanes  avaient  fait  antérieurement  pour  le  Sanskrit,  et  avec  l'intention  de  se 
rapprocher  du  type  qu'ils  avaient  d'abord  arrêté  et  fixé.  Quoi  qu'il  en  soit  de 
ces  réserves,  cette  introduction  est  un  morceau  curieux  qui  eût  à  lui  seul  rendu 
une  traduction  fort  désirable  et  méritoire. 

La  partie  technique  du  livre  se  recommande  surtout  par  quelques  formes  nou- 
velles et  quelques  exemples  curieux.  La  phonétique  se  ressent  de  l'influence 
indigène  par  des  lacunes  et  le  manque  de  précision.  Je  signalerai  le  para- 
graphe relatif  aux  voyelles  et  le  vague  «quelquefois»  des  §§  9  et  12.  Le 
§  41  présente  l'r,  dans  des  locutions  telles  que  jîvarera,  jalantariva^  megharivay'^ 
comme  une  transformation  de  n,  etc.  Il  est  pourtant  évident  que,  si  ces  formes  ne 
sont  pas  simplement  des  aberrations  d'un  sandhi  tout  artificiel  et  arbitraire,  l'r 
s'y  doit  expliquer  comme  dérivé  de  l'y  qui  dans  plusieurs  cas  s'est  fixé  devant 
la  voyelle  initiale  des  particules  eva,  iva^  absolument  comme  dans  y^//zanVa,  etc. 
Suivant  le  §  4$,  «  le  niggahita  correspond  quelquefois  au  skr.  r  »,  avec  les 
exemples  cakkhum^  ukkamsa.  Il  est  clair  que  le  premier  représente  une  forme 
nouvelle  dérivée  de  l'analogie  des  thèmes  en  ^;dans  le  second  le  niggahita  attaché 
à  la  voyelle  est  un  simple  équivalent  de  la  longue  substituée  à  la  brève  après  la 
simplification  du  groupe  ss  :  ukkamsa,  pour  ukkâsa,  pour  ukkassa.  Tout  préoccupé 
des  faits  l'auteur  en  néglige  parfois  un  peu  trop  peut-être  l'ordonnance  et 
l'exposition.  Moins  original  et  moins  neuf,  le  travail  de  M.  Kuhn  reprend  à  ce 
point  de  vue  ses  avantages;  plus  méthodique,  mieux  équilibré,  il  est  plus  fourni 
en  exemples  qui,  pour  n'être  point  inédits,  sont  bons  à  trouver  rassemblés. 
L'étymologie  des  formes,  quelquefois  trop  confiante  à  mon  gré^  y  est  attentive 
et  bien  informée.  Je  signalerai  à  ce  propos  un  détail.  M.  Kuhn  analyse 
en  siyà  +  atha  l'adverbe  seyyatha.  La  seconde  place  qui  serait  ainsi 
attribué^  à:  fl,(i^a  dans  la  locution  première  et  la  comparaison  de  la  forme  très- 
ordinaire  seyyathidam,  rendent  cette  explication  insuffisante.  Il  me  paraît  que 
c'est  yaîbâ  et  non  atha  que  recèle  cette  forme.  Le  sens  en  devient  plus  satisfai- 


^8  .3;iUTA;!?î'Smji(t^fl.I(^,ipT2IH'a 

èant  ;  la  première  syllabe  s'explique  aisément  comme  représentam  la  forme  assa 
du  subjonctif  avec  apocope  de  Va  initial  comme  dans  beaucoup  de  cas  analogues 
Çssa,  'iij  'pi).  Cette  analyse  rend  bien  compte  de  la  forme  sayyatliidam^  tandis 
que  la  substitution  de  e  pour  Va  de  la  première  syllabe  s'explique  d'elle-même 
par  le  voisinage  de  y. 

P.  99  et  suiv.  M.  K.  s'associe  avec  trop  de  confiance  au  sentiment  de 
MM.  Childers  et  Pischel  en  niant  absolument  l'emploi  actif  des  formes  gheppati 
et  kayirati  Je  n'en  conteste  pas  l'Usage  au  sens  passif.  Mais  cela  n'exclut  point, 
surtout  en  une  langue  telle  que  le  Pâli,  un  usage  parallèle  au  sens  actif.  Il  est 
certain  que  les  grammairiens  en  général  considèrent  ces  formes  comme  actives 
(p.  ex.,  la  Cullasaddanîîl  :  gahâdiganato  ppanhâppaccayâ  honti  kattari,  tanâdi- 
ga/zato  oyirappaccayâ  honti  kattari);  la  place  que  les  ss.  VI,  2,  19-20  occu- 
pent dans  la  grammaire  de  Kaccâyana  prouve  que  l'auteur  partageait  ce  point  de 
vue,  et  des  formes  comme  l'actif  dajjati  suffisent  à  démontrer  la  parfaite  possibi- 
lité de  pareilles  confusions. 

'^ilhU  pilMû  puplsUp  nt;/j  E.  Senart. 

143.  — Mohammed  and  Mohammedanism.  Lectures  delivered  at  the  Roy.  Insti- 
tution of  Great-Britain,  by  R.  Bosworth  Smith.  London,  Smith  aîné  a^d  Q®.:.t§J4. 
^^,-,In-8',  xxj-252  p.  —  Prix:  7  fr.  50. 

:  iJicLes  quatre  conférences  que  M.  Bosworth  Smith,  attaché  au  collège  de  Harrow 
en  qualité  à'assistanî-master,  a  réunies  en  un  volume  avaient  d'abord  été  des- 
tinées à  être  lues  devant  une  réunion  d'amis  ;  puis,  sur  l'avis  de  plusieurs  de  ses 
auditeurs,  elles  furent,  considérablement  accrues,  prononcées  devant  l'Institut 
Royal  de  la  Grande-Bretagne  en  février  et  mars  1874.  Le  but  que  s'est  proposé 
M.  B.  S.  en  les  écrivant  et  en  les  publiant  est,  non  point  de  présenter  quelques 
faits  nouveaux,  ou  de  nouveaux  aperçus  sur  l'histoire  et  les  dogmes  de  l'isla- 
misme, mais  bien  de  mettre  à  la  portée  des  gens  du  monde  un  résumé  succinct 
des  opinions  que  l'on  doit  avoir  de  cette  religion,  et  surtout  de  chercher  à  faire 
disparaître  certains  préjugés  légués  par  les  siècles  passés  et  trop  communément 
répandus.  M.  B.  S.  n'est  point  orientaliste;  mais,  outre  qu'il  a  des  connaissances 
étendues  dans  l'histoire  des  religions,  il  s'est  entouré  pour  ce  travail  des  ouvrages 
les  plus  récents  et  les  plus  autorisés  ;  il  a  surtout  profité  de  la  Vie  de  Mahomet 
de  Sprenger,  dont  il  se  plaît  à  reconnaître  la  valeur,  bien  qu'il  en  condamne 
certaines  conclusions  :  point  que  je  discuterai  tout  à  l'heure.  Le  soin  que  l'auteur 

;  a  pris  de  s'instruire  aux  meilleures  sources,  et  l'impartialité  qu'il  fait  voir  dans  ses 
jugements,  me  dispensent  d'examiner  en  détail  ce  volume;  mais  je  ferai  briève- 
ment connaître  le  point  de  vue  où  il  se  place  pour  juger  de  l'islamisme,  et  les 
aperçus  originaux  qu'il  en  tire. 

M.  B.  S.  débute  par  des  considérations  générales  sur  l'histoire  des  religions, 
sur  leurs  caractères  primitifs,  leur  tendance  commune  à  passer  d'un  enseignement 

:  moral,  qui  était  leur  forme  première,  à  un  enseignement  théologique  et  théocra- 
tique;  enfin  il  fait  remarquer  avec  raison  que,  tandis  que  le  berceau  des  autres 
religions  est  entouré  de  ténèbres,  le  mahométisme  seul  nous  présente  l'histoire 


d'histoire  et  de  littérature.  39 

de  sa  formation  de  la  façon  la  plus  claire,  et  nous  permet  par  là  de  juger  de  la 
formation  d'autres  croyances  où  les  renseignements  historiques  nous  font  défaut. 
Pour  M.  B.  S.,  l'islamisme  est  notoirement  inférieur  au  christianisme,  dont 
il  n'a  pas  la  pure  morale  et  les  enseignements;  mais  il  semble,  précisément 
pour  cette  raison,  mieux  adapté  à  l'esprit  des  peuples  de  l'Asie  et  de 
l'Afrique,  à  peine  civilisés,  et  d'une  race  inférieure  à  celle  des  Occiden- 
taux :  l'islamisme  doit  devenir  la  religion  de  cette  partie  du  monde,  comme  le 
christianisme  doit  être  celle  de  l'Europe  et  de  l'Amérique  ;  et  ses  doctrines  étant 
celles  qui  se  rapprochent  le  plus  du  christianisme,  par  conséquent  elles  méritent 
de  renverser  d'autres  croyances  moins  pures  et  moins  élevées.  Il  est  de  fait  que 
ses  progrès  incessants  semblent  justifier  cette  opinion  ;  et  n'eût-il  pour  lui  que 
les  éléments  de  civilisation  introduits  par  sa  marche  au  coeur  de  l'Afrique  sau- 
vage, cela  suffirait  à  le  faire  regarder  avec  respect.  M.  B.  S.  ne  fait  aucune  diffi- 
culté d'avouer  que  les  progrès  du  christianisme  chez  les  peuplades  nègres  sont 
presque  nuls,  tandis  que  l'enseignement  du  Koran  se  propage  assez  rapidement, 
grâce  au  zèle  de  missionnaires  dévoués,  mais  cela  rentre  en  quelque  sorte  dans 
sa  théorie  et  la  confirme,  savoir  que  l'islamisme  est  plus  approprié  à  l'état  de 
demi-civilisation  auquel  on  peut  prétendre  amener  des  tribus  jusqu'alors  entière- 
ment sauvages. 

L'auteur  est  naturellement  conduit  à  étudier  la  vie  et  le  caractère  du  prophète 
arabe  ;  et  là  se  pose  devant  lui  ce  problème  historique  qui  n'est  pas  encore  résolu  : 
quelle  fut  la  part  réelle  de  Mahomet  dans  la  grande  rénovation  du  vii^ siècle? 
L'influence  du  milieu  où  vivait  le  prophète  est  indéniable,  et  les  instigateurs 
de  sa  mission  nous  sont  connus  ;  mais  il  y  a  deux  manières  d'envisager  son 
rôle  :  1°  ou  bien  Mahomet  était  un  imposteur,  un  menteur  qui  ne  croyait  pas  un 
mot  à  ses  prédications,  forgeait  à  tête  reposée  les  contes  qu'il  débitait  ensuite 
devant  le  peuple,  tels  que  son  voyage  nocturne,  etc.  et  servait  pour  ainsi  dire 
d^homme  de  paille  derrière  lequel  s'abritaient  les  desseins  ambitieux  de  Khadidja, 
ou  les  projets  de  réforme  religieuse  des  hanïfs,  de  Zéïd  et  de  Waraqa;  2"  ou  le 
prophète  était  de  bonne  foi,  profondément  convaincu  de  la  vérité  de  sa  mission, 
dont  il  avait  puisé  l'idée  dans  le  commerce  des  sociétés  secrètes  (sans  pour  cela 
nier  les  instigations  occultes  dont  il  fut  certainement  l'objet),  et  enfin  devait  ses 
visions,  auxquelles  il  était  le  premier  à  croire,  d'abord  à  l'idée  fixe  qui  le  pré- 
occupait, ensuite  et  surtout  à  son  tempérament  maladif,  comme  l'a  si  bien  établi 
Sprenger  (il  était  sujet  à  des  attaques  de  nerfs).  La  première  opinion  est  partagée 
par  l'éminent  historien  que  je  viens  de  citer,  ainsi  que  par  M.  Renan,  au  moins 
dans  sa  partie  essentielle  ;  mais  elle  a  l'inconvénient  d^annihiler  complètement  le 
rôle  de  Mahomet,  à  qui  incombait,  en  définitive,  toute  la  responsabilité  de  la 
rénovation;  je  veux  bien  que  Zéïd  et  Ali,  de  son  vivant,  qu'Omar,  après  sa 
mort,  aient  plus  fait  pour  la  propagation  des  nouvelles  doctrines  que  Mahomet 
lui-même;  mais  pourquoi  aurait-il  été  choisi,  de  préférence  à  tout  autre,  pour 
les  enseigner  aux  Arabes,  pour  leur  donner  de  la  publicité,  s'il  avait  été  cet 
homme  nul  et  insipide  que  l'on  se  plaît  à  nous  représenter?  M.  B.  S.  s'élève 
contre  cette  opinion,  et  tout  en  ayant  égard  au  savoir  et  à  l'autorité  de  l'illustre 


40  ÎT'fr-^ftl^VTM  CRITIQUE   ^^•^^mVl 

orientaliste  qui  Ta  accréditée,  il  cherche  à  relever  le  rôle  du  prophète,  et  surtout 
à  établir  sa  sincérité.  "-?  *i-  ■■■  ^u>  ^JiiJÙà 

Le  reste  de  Pouvrage  est  consacré  à  l'examen' des  doctrines  de  l'islanï,  fflu 
Koran  et  de  son  histoire,  de  son  influence  sur  la  civilisation  arabe,  etc.  ;  enfin 
des  destinées  futures  du  mahométisme,  des  modifications  qu'il  est  possible  d'y 
introduire,  de  sa  vitalité  permanente,  prouvée  par  les  récentes  tentatives  de 
réformes  dont  il  a  été  l'objet.  Il  est  difficile  d'être  plus  favorable  à  l'islamisme 
que  M.  B.  S.,  bien  qu'il  ait  soin  de  tenir  toujours  la  balance  égale  entre  les  deux 
religions  qu'il  met  continuellement  en  présence. 

Il  y  a  peu  d'inexactitudes  à  reprocher  au  travail  de  M.  B.  S.,  même  dans  la 
transcription  des  noms  orientaux,  qu'il  est  si  facile  d'estropier  dans  une  langue 
européenne.  Je  relèverai  seulement  deux  ou  trois  légères  erreurs  qui  lui  sont 
échappées,  sans  doute  par  inadvertance  : 

P.  28.  Les  mots  «  Atalik  ghazee  »,  qui  sont  un  titre  donné  par  l'émir  de 
Bokhara  au  souverain  actuel  de  Kachgar,  Ya  qoûb-beg,  ne  peuvent  signifier 
«  gardien  des  champions  de  la  Religion.  »  Le  mot  turk  oriental  atâliqy  qui  est 
passé  en  persan  avec  le  sens  de  (.<  précepteur  »,  désigne  dans  le  Turkestan  une 
dignité  particulière,  correspondant  vaguement  à  celle  de  prince  ou  de  chef  de. 
tribu.  Cf.  le  dictionnaire  turk-oriental  de  M.  P.  de  Courteille,  v°  âîâ.  Quanl'^* 
ghâzi,  chacun  sait  qu'il  veut  dire  victorieux  (contre  les  infidèles).  ' 

P.  233.  Mahomet  II  n'a  pas  été  appelé  ainsi  pour  le  distinguer  du  prophète, 
comme  paraît  le  croire  M.  B.  S.,  mais  simplement  à  cause  d'un  Mahomet  I" 
qui  avait  régné  avant  lui,  et  qui  n'est  autre  que  Mohammed  fils  de  Bâyézid 
Ildirim.  <"> 

P.  249.  «  Omar,  the  third  Kaliph  »;  lisez  «  the  second  ». 

Cl.  HUART. 

—  xm  ,no^ 

144.  ■—  Saint-Marc  Girardin  de  l'Académie  française.  Jean- Jacques  Rousseau, 

sa  vie  et  ses  ouvrages  avec  une  introduction  par  M.  Ernest  Bersot  de  l'Institut. 
2  vol.  in-i2.  Paris,  Charpentier.  1875.  —  Prix  :  7  fr. 

<c  Lorsqu'en  1 848  je  me  décidais  à  faire  un  cours  à  la  Sorbonne  sur  les  œuvres 
»  de  Jean-Jacques  Rousseau,  c'était  surtout  le  Contrat  social  que  je  voulais 
»  examiner,  afin  d'attaquer  dans  son  principe  la  plus  funeste  erreur  de  toutes 
»  celles  qui  égaraient  à  ce  moment  la  société,  je  veux  dire  la  doctrine  du  pou- 
»  voir  absolu  de  l'État  et  l'anéantissement  des  droits  de  la  conscience  indivi- 
»  duelle »  Cet  aveu  fait  par  l'éminent  professeur  nous  explique  non-seule- 
ment l'origine  de  son  livre,  mais  il  nous  donne  la  clef  des  défauts  et  des  lacunes 
qu'on  y  trouve,  comme  du  caractère  général  qu'il  revêt.  Quand  de  1852  à 
18$ 6,  en  effet,  il  prit  la  résolution  de  publier  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes  les 
leçons  qu'au  lendemain  de  la  Révolution  de  février  il  avait  faites  sur  Rousseau, 
M.  S. -M.  G.  n'en  changea  pas  essentiellement,  à  ce  qu'il  semble,  la  nature  et  le 
fond,  et,  si  la  forme  en  devint  peut-être  moins  oratoire,  cette  étude  resta  dans 
son  ensemble  ce  qu'elle  avait  été  dans  son  intention  première,  une  œuvre  de 


d'histoire  et  de  littérature.  41 

polémique,  adoucie  seulement  par  l'intérêt  que  lui  inspira,  en  avançant  dans  sa 
tâche,  un  sujet  si  bien  fait  pour  séduire  une  nature  littéraire  comme  la  sienne. 

Il  ne  faut  donc  pas  s'attendre  à  trouver  ici  un  travail  complet  sur  Rousseau, 
mais  seulement  un  examen  curieux  de  ceux  de  ses  ouvrages  ou  des  parties  de 
sa  vie  qui  ont  le  plus  frappé  M.  S.-M.  G.  C'est  ainsi  qu'après  quelques  pages  à 
peine,  consacrées  à  la  jeunesse  du  grand  écrivain,  l'auteur  aborde  sans  préam- 
bule le  Discours  sur  les  sciences  et  les  arts,  qui  rendit  Rousseau  célèbre  et  inaugura 
sa  carrière  de  réformateur.  A  partir  de  ce  moment  (1749;,  il  est  vrai,  et  jusqu'à 
la  publication  du  Contrat  social  (1762),  nous  trouvons  dans  son  livre  un  examen 
étendu  de  chacune  des  œuvres  les  plus  importantes  qui  marquent  cette  période 
de  près  de  treize  ans,  mais  c'est  en  vain  qu'on  y  chercherait  rien  qui  ait  trait 
aux  seize  dernières  années  de  Rousseau.  Les  chapitres  qui  retracent  son  histoire 
pendant  celles  qui  précèdent  n'en  offrent  pas  moins  un  intérêt  puissant. 

Après  le  premier,  consacré  au  Discours  sur  les  sciences,  vient  une  étude  sur 
la  vie  et  les  écrits  de  Rousseau  de  1750  à  1754,  suivie  elle-même  d'une  analyse 
du  Discours  sur  Vinégalité  des  conditions.  Un  autre  chapitre,  qui  traite  des  rapports 
de  Rousseau  avec  Voltaire  et  de  son  établissement  à  l'Hermitage,  sert  comme  de 
prélude  à  l'examen  de  la  Nouvelle  Héloïse;  l'histoire  de  son  séjour  chez  M"'^  d'Epi- 
nay  et  de  sa  passion  pour  M""*^  d'Houdetot  en  complète  l'explication,  tandis  que 
le  récit  de  sa  rupture  avec  sa  bienfaitrice,  qui  suit  la  rupture  plus  importante 
avec  Grimm,  Diderot  et  le  parti  philosophique,  en  est  comme  l'épilogue.  Puis 
vient  la  Lettre  à  d'Alemberty  point  culminant  du  chapitre  intitulé  :  «  Rousseau  et 
»  le  théâtre,  »  par  lequel  s'ouvre  le  second  volume.  Jusqu'ici  la  critique  domine, 
et  la  sévérité  est  le  caractère  saillant  des  chapitres  dont  je  viens  de  parler;  ceux 
qui  suivent,  au  contraire,  en  particulier  les  pages  consacrées  aux  théories  de 
Rousseau  sur  l'éducation,  témoignent  d'une  indulgence,  je  devrais  dire  d'une 
prédilection,  manifeste. 

C'est,  comme  je  l'ai  remarqué,  après  l'examen  du  Contrat  social  et  au  moment 
oii  Rousseau  s'exile  de  France  que  s'arrête  Tétude  qui  lui  est  consacrée.  On 
pourrait  se  demander  ce  qui  a  déterminé  M.  S.-M.  G.  à  laisser  ainsi  son  œuvre 
imparfaite;  s'il  est  assez  difficile  de  répondre  à  cette  question,  il  semble  cepen- 
dant que  la  raison  principale  en  est  qu'il  n'avait  point  fait  de  cours  sur  cette 
partie  de  la  vie  du  réformateur;  or,  à  part  quelques  articles  de  journaux,  le  fond 
et  la  matière  de  tous  les  écrits  du  savant  professeur,  ce  sont,  personne  ne  l'ignore, 
ses  cours  de  la  Sorbonne;  il  ne  savait  point,  —  et  c'est  le  charme  et  le  défaut 
de  ceux  qu'il  a  laissés  —  faire  de  livres  qu'il  n'eût  point  parlés;  il  devait  donc 
lui  être  difficile,  sinon  impossible,  d'en  continuer  un  dont  il  n'avait  point  en 
quelque  sorte  achevé  l'élaboration  devant  son  auditoire. 

Quoi  qu'il  en  soit,  dans  son  étude  sur  Rousseau,  avec  les  qualités  du  célèbre 
critique,  on  retrouve  encore  exagérés  les  défauts  inhérents  à  son  système  de 
composition;  les  digressions  abondent  et  l'emportent  parfois  sur  le  fond,  aucune 
idée  générale  ne  relie  les  diverses  parties  de  son  livre  ;  l'unité  qui  a  fait  la  gran- 
deur et  la  force  des  théories  du  novateur  genevois  ne  paraît  pas  même  avoir  été 
soupçonnée  et  rien  n'établit  l'importance  relative  qui  revient  dans  son  œuvre  de 


42  .nnuTAP.^jŒWiJZ  cRItIQyr■'T^m^(^ 

réformateur  à  chacun  de  ses  écrits.  L'éditeur  de  M.  S.-M.96.9ltt<l^'ïeproché  de 
s'être  trop  appesanti  sur  les  deux  Discours  qui  inaugurent  la  carrière  littéraire 
de  Rousseau,  il  aurait  pu  avec  plus  de  raison  lui  faire  un  reproche  de  n'avoir  pas 
montré  comment  ils  préparaient  et  annonçaient  les  oeuvres  qui  suivirent.  Mais  que  dire 
de  l'oubli  où  sont  laissées  les  influences  si  nombreuses  et  si  diverses  qui  ont  agi  sur 
le  grand  écrivain  ?  Croirait-on  que  Locke  n'est  cité  qu'une  fois  et  encore  d'après 
Rousseau  lui-même,  comme  si  on  ne  trouvait  pas  dans  le  philosophe  anglais  le 
point  de  départ  et  comme  le  germe  de  tout  ce  que  l'écrivain  français  a  dit  de 
l'éducation  et  du  gouvernement  ?  Les  tendances  spiritualistes  et  le  théisme  chré- 
tien de  Rousseau,  qui  ont  fini  par  lui  gagner  les  sympathies  de  son  historien, 
auraient  pu  aussi  être  mieux  indiquées  et  étudiées;  M.  S. -M.  G.  n'aurait  point 
dû  non  plus,  comme  il  l'a  fait,  s'attacher  presque  exclusivement  aux  côtés  par 
lesquels  Rousseau  lui  semblait  être  plus  dans  le  vrai  pour  négliger  ou  passer  sous 
silence  les  autres  ;  mais  il  n'eût  point  fallu  surtout  le  louer  des  erreurs  qu'il  a 
commises.  Comment  expliquer  par  exemple  l'approbation  sans  réserve  donnée  à 
la  théorie  du  réformateur  sur  l'origine  divine  du  langage,  théorie  victorieusement 
réfutée  depuis  plus  d'un  siècle  par  Herder  et  qui  ne  soutient  pas  même  l'examen  ? 
Cette  tendance  à  louer  et  à  blâmer  bien  plus  par  penchant  que  par  raison  nuit 
singulièrement,  je  ne  dirai  pas  à  l'impartialité,  mais  à  l'exactitude  des  jugements 
de  M.  S. -M.  G.  Avec  lui  on  passe  d'une  critique  exagérée  à  une  approbation 
qui  n'est  guère  plus  légitime,  et  qui  prouve  seulement  que  les  opinions  qu'il 
apprécie  sont  plus  en  rapport  avec  les  siennes.  Faut-il  voir  là  une  marque  d'in- 
conséquence ou  de  singularité .?  Nullement,  tout  cela  tient  uniquement,  je  crois, 
à  l'absence  de  sens  philosophique  et  historique,  qui  est  le  propre  de  l'auteur  du 
J.'J.  Rousseau,  et  à  l'erreur  de  sa  critique  qui  fait  de  la  prétendue  valeur  morale 
des  œuvres  de  l'esprit  le  critérium  de  leur  valeur  littéraire,  comme  si  le  bon  et 
le  beau  étaient  choses  identiques.  Il  est  certain  aussi  qu'avec  sa  manière  de 
penser  personne  n'était  moins  propre  que  M.  S. -M.  G.  à  être  l'historien  de 
Rousseau;  la  nature  toute  de  sentiment  du  philosophe  genevois,  qui  explique  si 
bien  les  erreurs  et  les  contradictions  de  sa  conduite  et  parfois  de  ses  opinions, 
échappait  à  sa  critique  rationaliste  et  à  son  esprit  positif,  j'allais  presque  dire 
prosaïque  ;  c'est  cette  étroitesse  de  conception  et  de  pensée  qui  l'a  en  particulier 
empêché  de  comprendre  l'admiration  de  Rousseau  pour  la  nature,  et  ne  lui  a  pas 
permis  de  voir  quelle  influence  ce  sentiment  nouveau  allait  prendre  désormais 
dans  la  littérature.  Quant  à  la  méthode  générale,  on  peut  regretter  que  M.  S. -M.  G. 
n'ait  point  mis  à  contribution  tous  les  documents  contemporains,  et  qu'il  n'ait 
pas  toujours  apporté  une  critique  assez  sévère  dans  le  choix  de  ceux  qu'il  a  con- 
sultés; les  Mémoires  de  M"^°  d'Epinay  entre  autres  demandaient  à  être  contrôlés 
avec  plus  de  rigueur  qu'il  ne  l'a  fait.  Ji22r>q  si  si/p  jafBbfi  ii^;^fiIIîO' 

A  ces  critiques  générales,  j'ajouterai,  comme  complément '^  confirmation  de 
ce  qui  précède,  quelques  critiques  particulières.  Dans  l'étude  qu'il  a  faite  des 
Discours  sur  les  sciences  et  sur  l'Inégalité  des  conditions,  M.  S.-M.  G.  considère 
ces  écrits  comme  un  manifeste  isolé ,  un  paradoxe  brillant ,  jeté  en  défi  au  siècle 
des  lumières  ;  c'est  là  une  erreur  qui  lui  a  fait  méconnaître  ce  qu'ils  ont  été  en 


d'histoire  et  de  littérature.  43 

réalité,  le  prélude  de  l'Emile  et  du  Contrat  social.  S'ils  sapent,  en  effet,  les  fon- 
dements de  la  société ,  c'est  pour  la  réédifier  sur  des  bases  nouvelles  et  plus 
solides.  Dans  cette  œuvre  de  rénovation,  le  paradoxe,  cela  se  comprend, 
convenait  à  merveille  à  Rousseau,  et  son  esprit,  incapable  de  comprendre  le 
développement  historique  de  l'humanité,  ne  s'y  portait  que  trop  facilement. 
M.  S. -M.  G.  a  eu  le  tort  de  croire  que  tous  les  sophismes  qu'on  rencontre  dans 
les  deux  premiers  discours  étaient  voulus  ou  prémédités;  ils  répondent  bien  plu- 
tôt à  un  état  d'esprit  du  novateur,  ils  sont  la  condition  de  son  œuvre  réforma- 
trice, et  si  Rousseau  parut  se  contredire  dans  les  explications  qu'il  fut  amené  à 
donner  par  la  polémique  qu'ils  soulevèrent,  c'est  que  là  il  devançait  et  annonçait 
les  théories  qu'il  devait  développer  plus  tard. 

On  saura  gré  à  M.  S.~M.  G.,  bien  que  plus  d'un  de  ses  aperçus  puisse  être 
contesté,  des  détails  et  des  traits  ingénieux  qui  remplissent  le  chapitre  consacré 
aux  petits  écrits  de  Rousseau,  publiés  de  1750  à  1754;  —  ^^  ^^^^^^  ^^  ^^^^^ 
l'histoire  de  la  polémique  relative  à  la  musique  française  et  à  la  musique  italienne; 
—  mais  sans  m'arrêter  à  ce  sujet  secondaire,  et  sans  revenir  non  plus  sur  le 
chapitre  du  Discours  sur  l'inégalité,  je  passe  à  la  partie  du  livre  de  M.  S.-M.  G. 
qui  commence  au  moment  où  Rousseau  revient  de  Genève  à  Paris,  retour  suivi 
presque  aussitôt,  sinon  de  la  publication,  du  moins  de  la  composition  de  la 
Nouvelle  Héloïse.  Avant  d'aborder  l'étude  du  célèbre  roman,  l'auteur  a,  dans 
quelques  pages  pleines  d'intérêt,  retracé  les  péripéties  des  rapports  entre  Rous- 
seau et  Voltaire,  rapports  que  devait  bientôt  terminer  une  rupture  si  éclatante. 
C'est  le  premier  pas  du  divorce  du  premier  avec  le  parti  philosophique;  mais 
n'est-ce  point  rapetisser  singulièrement  cet  événement  que  d'y  voir,  comme  le 
fait  M.  S.-M.  G.,  le  simple  résultat  de  la  rivalité  de  deux  esprits  également  altiers 
et  orgueilleux,  tandis  que  leur  rupture  est  bien  plutôt  la  conséquence  fatale  de 
l'opposition  qui  régnait  entre  leurs  tendances  et  leur  manière  de  concevoir  le 
monde  et  la  société .'' 

Bien  qu'à  dater  du  retour  de  Rousseau  à  Paris,  la  sympathie  de  M.  S.-M.  G. 
semble,  comme  je  l'ai  dit,  augmenter,  on  ne  peut  s'empêcher  de  trouver  que  les 
relations  du  réformateur  avec  M'"*"  d'Epinay  ne  sont  pas  toujours  racontées  avec 
une  entière  impartialité,  et  que  la  balance  n'est  pas  tenue  égale  entre  le  protégé 
d'une  part,  la  protectrice  et  Grimm  de  l'autre.  Il  me  semble  aussi  que  jamais 
peut-être  les  défauts  et  les  qualités  du  critique  ne  se  sont  montrés  d'une  manière 
plus  manifeste  que  dans  les  pages  consacrées  à  l'étude  de  la  Nouvelle  Héloïse, 
conçue  et  écrite  presque  en  entier,  nous  l'avons  vu,  après  l'installation  de  Rousseau 
à  l'Hermitage.  Esprit  peu  curieux,  M.  S.-M.  G.  ne  s'est  pas  donné  la  peine  de 
rechercher  l'origine,  ni  de  montrer  quelle  a  été  véritablement  la  genèse  du  célèbre 
roman;  il  admet  que  la  passion  inspirée  à  Rousseau  par  M'"*^  d'Houdetot  en  a  été 
l'occasion,  erreur  d'autant  moins  explicable  que,  les  Confessions  nous  l'apprennent, 
les  deux  premiers  livres  du  roman  furent  écrits  avant  que  l'auteur  connût  la 
belle-sœur  de  M""^  d'Epinay.  Il  y  a,  au  contraire,  beaucoup  de  vrai  dans  la 
critique  que  M.  S.-M.  G.  fait  des  portraits  de  femme  de  Rousseau;  l'ami  de 
M"»»  de  Warrens,  cela  est  incontestable,  ne  pouvait  ni  éprouver  ni  peindre  un 


44  REVUE  CRITIQUE 

amour  chaste,  et  il  fallait  la  corruption  du  xviii°  siècle  pour  que  ce  qu'il  y  a  de 
sensuel  dans  ses  descriptions  n'ait  point  choqué  les  contemporains.  Mais  je  ne 
saurais  souscrire  au  jugement  porté  sur  Pensemble  de  l'œuvre  de  Rousseau, 
ni  comprendre  que,  après  en  avoir  condamné  ouvertement  la  première  partie, 
M.  S. -M.  G.  en  approuve  presque  sans  restriction  la  seconde.  C'était,  à  son 
insu,  revenir  à  l'opinion  de  Mendelssohn,  qui  avait  si  fort  scandalisé  les 
contemporains.  Qu'il  y  ait  dans  la  Nouvelle  Héloïse  des  pages  d'une  morale 
élevée  et  pure,  personne  ne  le  nie,  mais  comme  œuvre  d'art  en  est-elle  moins 
défectueuse?  M.  S.-M.  G.  se  demande  comment,  après  avoir  passionné  le 
xviii^  siècle,  le  roman  de  Rousseau  nous  laisse  froids  et  indifférents  ;  la  raison  en 
est  bien  simple,  et  elle  se  trouve  précisément  dans  le  caractère  moral  de  la  seconde 
partie  qu'il  loue,  mais  qui  est  un  contre-sens  dans  une  œuvre  pareille. 

Je  ne  dirai  rien  des  chapitres  VII  et  VIII ,  qui  racontent  les  amours  de  Rous- 
seau et  de  M™^  d'Houdetot  et  achèvent  l'histoire  de  ses  relations  avec  M™''  d'Epinay, 
ainsi  qu'avec  Grimm  et  Diderot;  j'avoue  cependant  que  j^aurais  préféré  les  voir 
placés  avant  le  chapitre  VI  consacré  à  la  Nouvelle  Héloïse;  il  y  a  dans  la  dispo- 
sition adoptée  par  l'auteur  quelque  chose  qui  rompt  l'unité  et  nuit  à  la  clarté  du 
récit.  On  ne  peut  pas  trouver  non  plus,  malgré  l'importance  réelle  du  sujet,  que 
tout  ce  qui  a  trait  à  l'éducation  n'ait  atteint  des  proportions  exagérées,  ce  qui 
n'exclut  point  de  singulières  lacunes  dans  cette  grave  question.  Au  lieu  de 
prendre,  en  effet,  son  sujet  corps  à  corps,  M.  S.-M.  G.  s'est  trop  souvent  jeté 
dans  d'interminables  digressions,  et  a  ainsi  plus  d'une  fois  perdu  de  vue  la 
question  qu'il  traitait.  Mais  en  dépit  de  ces  fautes  on  ne  peut  méconnaître  tout 
ce  qu'offre  d'intérêt  et  souvent  d'aperçus  nouveaux,  non  moins  que  de  justes 
critiques,  les  trois  chapitres  consacrés  à  l'Emile.  Les  deux  suivants  aussi,  qui 
nous  montrent  Rousseau  à  Montmorency  et  dans  ses  rapports  avec  M.  de  Males- 
herbes,  nous  offrent  la  lecture  la  plus  attrayante.  Aussi  me  bornant  à  y  renvoyer 
le  lecteur,  j'arrive  au  dernier  chapitre  du  livre  de  M.  S.-M.  G.,  à  celui  qui  traité, 
du  Contrat  social.  >  '^ 

Dans  l'introduction  qu'il  a  mise  en  tête  de  l'ouvrage  dont  il  se  faisait  l'éditeur, 
M.  Bersot  paraît  s'étonner  de  l'indulgence  avec  laquelle  M.  S.-M.  G.  a  jugé 
cette  dernière  grande  œuvre  de  Rousseau  ;  je  ne  saurais  partager  cette  manière 
de  voir;  ce  qui  est  vrai,  bien  plutôt,  c'est  que  M.  S.-M.  G.  n'a  point  embrasse*' 
dans  leur  ensemble  les  écrits  politiques  du  novateur,  circonstance  qui  l'a  empêché 
de  les  juger  avec  une  entière  impartialité.  Il  faut  l'approuver  sans  doute  quand 
il  prend  en  main  la  défense  des  droits  de  l'individu  contre  l'omnipotence' '^'ë", 
l'État,  quand  il  s'élève  contre  la  théorie  oppressive  d'une  religion  imposée,  encore 
que  la  religion  de  Rousseau  se  borne  à  une  simple  profession  de  foi  peu  faite 
pour  embarrasser  ses  adhérents,  mais  qui  n'en  doit  pas  moins  être  repoussée 
comme  une  atteinte  à  la  liberté  individuelle.  Ce  sont  là  des  erreurs  que  Rous- 
seau devait  à  une  admiration  trop  grande  pour  les  théories  sociales  de  l'antiquité. 
Mais  là  aussi  doit  s'arrêter  le  blâme,  et  M.  S.-M.  G.  ne  me  paraît  pas  fondé  dans 
les  autres  critiques  qu'il  fait  de  l'ouvrage  de  Rousseau,  dont  il  ne  paraît  pas  avoir 
toujours  bien  compris  le  système  politique.  Le  principe  de  la  souveraineté  popu- 


d'histoire  et  de  littérature.  45 

laire  et  de  son  inaliénabilité,  emprunté  à  Locke  par  Rousseau,  ne  saurait,  je 

crois,  être  attaqué;  il  serait  seulement  à  souhaiter  qu^il  eût  été  mieux  compris. 

Quant  à  la  prédilection  que  Rousseau  semble  affecter  pour  les  petits  États,  ellç 

s'explique  sans  peine  par  cette  circonstance  qu'il  avait,  en  écrivant,  ainsi  qu'il 

nous  l'apprend  lui-même,  Genève  devant  les  yeux;  mais  elle  n'infirme  nullement, 

comme  paraît  le  croire  M.  S.-M.  G.,  son  principe;  tout  au  plus  indique-t-elle 

qu'il  faut,  suivant  les  dimensions  des  divers  États,  en  modifier  Papplication. 

Je  m'arrête  ici,  après  cet  examen  un  peu  long  et  peut-être  un  peu  sévère; 

mais  quand  les  œuvres  se  recommandent  par  le  nom  de  leur  auteur,  si  elles  ont 

droit  à  plus  de  respect,  elles  réclament  aussi  une  appréciation  plus  froide  et  plus 

rigoureuse  de  leurs  qualités  comme  de  leurs  défauts.  C'était  aussi  un  devoir  pour 

moi  de  signaler  ce  qu'il  y  a  d'inégal  dans  l'œuvre  de  M.  S.-M.  G.  et  de  faire 

ressortir,  bien  qu'elle  n'ait  pas  trouvé  d'imitateurs,  ce  qu'il  y  a  de  défectueux 

dans  sa  méthode;  faite  au  jour  le  jour,  son  œuvre  porte  tous  les  caractères  de 

son  origine;  on  y  sent  trop,  avec  le  peu  de  souci  d'approfondir  les  questions,  le 

désir  de  frapper  les  esprits;  les  pensées  brillantes,  les  détails  charmants  y 

abondent;  mais  les  vues  générales  y  font  défaut;  je  ne  dirai  pas  que  le  livre  a 

vieilli;  —  M.  S.-M.  G.  ne  l'eût  probablement  pas  fait  d'une  manière  bien 

différente,  à  la  veille  de  sa  mort,  —  mais  il  est  insuffisant;  on  le  lira  avec 

plaisir  sans  doute,  comme  tout  ce  qui  est  sorti  de  la  plume  du  célèbre  critique, 

mais  sans  rien  apprendre  de  bien  nouveau  ;  ce  n'est  pas  là,  c'est  dans  Brockerhoiï 

qu'on  ira  chercher  la  connaissance  véritable  de  Rousseau. 
i]l  9UV  sb  ubidq  ziût  anu  b  o/o 


145.-— T.  Maiorescu.  Critice.  Bucuresti,  Socecu.  1874,  in«i2,  xv-466  p. 

M.  Titu  Maiorescu,  écrivain  justement  réputé  dans  son  pays  et  aujourd'hui 
ministre  de  l'instruction  publique,  a  réuni  dans  ce  volume  des  articles  critiques 
déjà  publiés  séparément.  On  lira  avec  intérêt  le  long  morceau  intitulé  :  la  Direction 
nouvelle  dans  la  prose  et  la  poésie  roumaines  et  plusieurs  autres;  mais  nous  appelons 
surtout  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  le  mémoire  consacré  à  l'orthographe  du 
roumain.  Sur  ce  terrain  où  il  s'est  déjà  livré  tant  de  combats,  M.  M.  a  pris 
une  position  toute  personnelle,  également  éloigné  des  partisans  de  l'orthographe 
purement  étymologique  et  de  ceux  de  l'orthographe  purement  phonétique.  Ses 
théories  linguistiques  sont  parfois  discutables,  mais  ses  idées  en  matière  d^or- 
thographe  sont  très-dignes  d'intérêt  ;  M.  Schuchardt  (auquel  l'auteur  répond  ici) 
les  a  combattues  dans  un  article  de  la  Romania,  et  il  est  certain  qu'il  a  sur  son 
adversaire  l'avantage  d'une  logique  plus  rigoureuse  ;  mais,  comme  on  a  déjà  eu 
l'occasion  de  le  remarquer  ici  ',  en  fait  d'orthographe  la  logique  à  outrance  est 
souvent  dangereuse.  La  question  de  l'orthographe  roumaine  est  si  complexe  que 
nous  ne  voulons  émettre  ici,  pour  le  moment,  aucune  opinion  personnelle,  mais 

— .  [j  j'bnoUnqliJJlpq  j — 

1.  Rev.  criu  1873,  ^^  329- 


46  REVUE   CRITIQUE 

nous  signalons  le  mémoire  de  M.  M.  à  ceux  qu'intéresse  la  question,  et  le  livre 
entier  à  toutes  les  personnes  qui  peuvent  lire  le  roumain  ;  elles  y  trouveront  une 
des  plus  remarquables  expressions  de  Pétat  actuel  du  mouvement  intellectuel  en 
Roumanie.  ■  ' '^  ^' 


CORRESPONDANCE. 

Paris,  ce  1 2  juillet. 

A  Messieurs  les  Directeurs  de  la  Revue  Critique. 

Messieurs , 

Je  viens  humblement  faire  mon  mea  culpa.  Dans  la  Lettre  inédite  de  Schlegel  ici 
reproduite  (p.  29),  j'ai  eu  tort  de  lire  précoce  au  lieu  de  prévue.  Vous  aviez  deviné 
la  vérité,  et  je  ne  m'explique  pas  comment  j'ai  pu,  d'abord,  me  tromper,  et, 
ensuite,  persévérer  dans  mon  erreur.  Il  y  a  là,  selon  l'antique  dicton,  quelque 
chose  de  diabolique  dont  je  demande  mille  fois  pardon  à  vous  et  à  nos  chers 
lecteurs.  La  morale  de  ceci,  c'est  que,  même  dans  les  travaux  les  plus  faciles,  il 
faut  procéder  avec  une  extrême  attention,  et  ne  jamais  oublier  que,  vu  Vhumana 
fragiliîas,  on  doit  se  méfier  de  deux  grands  dangers,  l'inadvertance  et  le  trop  de 
confiance  en  soi. 

Agréez ,  Messieurs ,  avec  tous  mes  regrets  et  tous  mes  repentirs ,  l'assurance 
de  mes  plus  dévoués  sentiments. 

T.  DE  L. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

:  ;  :^;  Séance  du  c}  juillet  iSj^. 

M.  Mohl  présente  à  l'académie  des  empreintes  des  inscriptions  phéniciennes 
conservées  au  musée  britannique.  Ces  empreintes  ont  été  envoyées,  sur  la 
demande  de  la  commission  des  inscriptions  sémitiques,  par  M.  Birch,  sous  la 
direction  duquel  sont  placés  les  originaux.  Des  remercîments  seront  adressés  à 
M.  Birch. 

M.  G.  Perrot  lit  un  mémoire  sur  une  inscription  grecque  dont  une  copie  lui  a 
été  envoyée  par  M.  Titus  Karabéla.  Cette  inscription  a  été  trouvée  par  M.  Kara- 
béla  à  Cyzique,  près  des  murailles,  à  l'est.  M.  Perrot  la  lit  et  la  traduit  ainsi  : 
«  ['E'î:]\  Eùcp'^p.ou  Tou  A£a)Ba[[Aa]vTOç  i7:7:ap-/£(i),  Trapà  GTpa[TiQ]Ytov  v.cà  çuXap^wv 
tG)[x  [ji.£[Tà]  'Ep[jLoBi7.ou  ToD  Aiovuatou  [y.a]l  Twpi.  [xeià  'AptaToXoy^ou  tou  •••  a^ôpou 
y,ai  TsixoTCOiou  ...cwç  tou  'Ov^Topoç,  è[;.ia[ô(î)](7aT0  Tsuxpoç  AïooéTOU  to^ji.  irup^ov 
...aajjLOV  oiy,ooo[x^(7ai,  GxaTYjpwv  TSTpaxociwv  [TjscaepaxovTa  •  h{^(uoq  ...ccâoT..w  n 
«  Euphémos,  fils  de  Léodamas,  étant  hipparque,  Teucros,  fils  de  Diodote,  a 
traité  avec  le  collège  des  stratèges,  que  préside  Hermodikos,  fils  de  Dionysios, 
avec  le  collège  des  phylarques,  que  préside  Aristolochos,  fils  de  ...,  et  avec  ..., 
fils  d'Onétor,  chargé  de  diriger  la  construction  des  murs  de  la  cité;  il  a  entrepris 


d'histoire  et  de  littérature.  47 

pour  440  statères  la  construction  de  la  tour  ....  Garant  [de  l'exécution],  ....  « 
M.  Perrot  commente  celte  inscription  par  des  rapprochements  avec  d'autres 
textes.  L'usage  de  passer  marché,  pour  les  travaux  publics,  avec  un  entrepreneur 
particulier,  paraît  avoir  été  pratiqué  presque  universellement  par  les  cités 
antiques.  On  ne  demandait  pas  à  l'entrepreneur  de  verser  un  cautionnement, 
mais  de  fournir  des  cautions  ou  répondants,  auxquels  on  donnait  les  noms 
d'è-ffUTirr;;,  e'ffjoç.  —  Les  statères  de  Cyzique,  mentionnés  à  la  fin  de  l'inscrip- 
tion, étaient  probablement  des  statères  d'or;  440  de  ces  pièces  faisaient 
24640  drachmes  de  Cyzique,  somme  considérable,  mais  qui  s'accorde  avec  les 
données  fournies  par  d'autres  documents  sur  le  coût  de  ce  genre  de  construction. 
—  L'inscription  remonte,  à  ce  que  pense  M.  Perrot,  au  milieu  du  4°  siècle  avant 
notre  ère  :  c'est  l'époque  où  il  semble  qu'ont  été  construites  les  fortifications  de 
Cyzique. 

M.  L.  Renier  communique  le  texte  d'une  inscription  grecque  trouvée  à  Soulou 
Serai  dans  l'Asie  Mineure  et  publiée  par  le  SuXXcyoç  de  Constantinople,  année 
1874,  p.  4.  La  copie  imprimée  est  très-incorrecte,  mais  les  fautes  sont  faciles  à 
reconnaître  et  à  corriger.  L'inscription  est  faite  en  l'honneur  d'Hadrien  et  de 
son  fils  adoptif  le  césar  Aelius  Verus,  par  les  archontes,  le  sénat  et  le  peuple  des 
Sébastopolitains  aussi  appelés  HéracléopoUîains  (SsêaaxoTroAsiTwv  twv  xal  'Hpay.- 
XsotoXitwv)  ,  Flavius  Arrianus  étant  legaîas  Augusîi  pro  praeîore  (Tupscrêeuiou  xal 
àvTttj7caTYj7ou  Tou  ZzîoLaici))  ou  gouverneur  de  la  province  de  Cappadoce,  en 
l'an  1 39  de  l'ère  locale  de  la  ville  (Itouç  0AP').  La  mention  de  la  2 1^  puissance 
tribunitienne  d'Hadrien  (BY]ixapxiy,Y)ç  è^ouaiaç  xb  KA')  donne  la  date  de  1 37  après 
J.  C.  Ce  Flavius  Arrien  n'est  autre  que  le  célèbre  historien  de  ce  nom.  Dans  son 
Périple  du  Pont  Euxin^  adressé  à  Hadrien^  Arrien  dit  avoir  restauré  à  Trapézonte 
des  autels  où  se  trouvaient  des  inscriptions  en  l'honneur  de  l'empereur,  qui 
étaient  mal  gravées  et  difficiles  à  lire.  L'inscription  de  Soulou  Serai  constate 
probablement  une  restauration  semblable.  —  Nous  savons  par  Dion  Cassius 
qu'Arrien  fut  légat  de  Cappadoce  dès  l'an  1 34.  Il  eut  pour  successeur,  sans  doute 
en  juillet  1 37,  le  légat  Burbuleius,  qui  a  fait  l'objet  d'un  travail  célèbre  de  Bor- 
ghesi.  —  Cette  inscription  semble  identifier  les  deux  villes  d'Héracléopolis  et 
de  Sébastopolis,  jusqu'ici  considérées  comme  distinctes.  Il  faut  en  conclure  quci 
les  deux  villes  formaient  une  seule  cité,  ou  bien  qu'il  n'y  avait  qu'une  ville  por-'- 
tant  deux  noms.  Celui  de  Sébastopolis  n'est  peut  être  qu'une  traduction  grecque 
du  nom  d'Augiista,  dont  furent  honorées  un  grand  nombre  de  villes  sous  l'em^j 
pire.  On  se  servait  dans  cette  cité  d'une  ère  qui  commençait  en  l'an  2  av.  J.  C.  :- 
en  effet  on  voit  par  l'inscription  que  l'an  1 39  de  cette  ère  correspond  à  1 37  de 
la  nôtre.  Ce  fait  donne  lieu  de  supposer  qu'en  cette  année  2  av.  J.  C.  la  cité 
avait  été  constituée  par  Auguste,  et  que  ce  fut  depuis  lors  qu'elle  porta  le  nom 
de  l'empereur  et  qu'on  y  commença  une  ère  nouvelle. 

M.  Perrot  continue  la  lecture  (commencée  par  M.  de  Longpérier  à  la  séance 
du  18  juin)  d'un  mémoire  de  M.  Robiou  sur  la  date  du  règne  de  Phraorte  et  sur 
les  faits  d'histoire  politique  racontés  dans  le  livre  de  Judith,  où  l'auteur  cherche 
à  éclaircir  ces  faits  à  l'aide  des  inscriptions  du  roi  de  Ninive  Assurbanipal. 


48  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

M.  Bergaigne  termine  la  lecture  de  son  mémoire  sur  l'arithmétique  mytholo- 
gique du  Rig-Veda  (v.  les  séances  des  26  février  et  23  avril  1875,  Rev.  crit. 
1875,  I,  p.  159  et  288).  —  M.  Bergaigne  avait  indiqué  deux  procédés  de  for- 
mation des  nombres  mythologiques,  qui  formaient  ce  qu'il  appelait  la  loi  de 
multiplication  des  nombres  et  la  loi  d'addition  d'une  unité.  Les  phénomènes 
compris  dans  cette  seconde  classe  peuvent  se  produire  encore  d'une  autre  façon 
que  celle  qu'il  avait  développée  dans  sa  dernière  lecture.  Les  nombres  qui 
représentent  primitivement  les  différentes  parties  de  l'univers,  la  terre  comprise, 
ont  été  souvent  dans  la  suite,  en  vertu  d'une  tendance  résultant  de  leur  caractère 
sacré,  attribués  tout  entiers  aux  espaces  supra-terrestres.  L'addition  qu'on  peut 
y  faire  alors  d'une  unité  a  un  objet  diamétralement  opposé  à  celui  qui  a  été  pré- 
cédemment reconnu  :  elle  sert  à  rendre  à  la  terre  la  part  qui  lui  appartient  dans 
le  système  du  monde.  —  Une  5^  loi  dont  il  faut  tenir  compte  est  la  loi  d'équiva- 
lence des  nombres.  Si  les  nombres  mythologiques  doivent  être  interprétés  le  plus 
souvent,  par  l'application  des  deux  lois  déjà  étudiées,  comme  correspondant  aux 
divisions  de  l'espace,  ils  doivent  s'équivaloir  en  tant  qu'exprimant,  dans  différents 
systèmes  de  division,  l'ensemble  des  parties  d'un  même  tout.  Cette  nouvelle  loi, 
conséquence  des  deux  premières ,  se  vérifie  aussi  directement.  C'est  ainsi 
qu'Agni  et  Soma  ont  tantôt  3,  tantôt  7,  tantôt  21  formes  ou  demeures,  etc., 
etc.  —  L'équivalence  des  différents  nombres  et  leur  signification  comme  expri- 
mant toutes  les  parties  du  monde,  la  terre  comprise,  dans  divers  systèmes  de 
division,  est  plus  manifeste  encore  quand  ils  sont  appliqués,  non  plus  successi- 
vement, mais  simultanément  à  la  supputation  des  parties  d'un  même  être, 
comme  dans  le  vers  où  il  est  djt  de  l'être  unique  et  omnipotent,  du  taureau, 
représentant  sans  doute  Agni  ou  Soma  :  «  Il  a  quatre  cornes,  trois  pieds,  deux 
têtes  et  sept  mains  :  lié  triplement,  le  taureau  mugit  :  le  grand  dieu  a  pénétré 
chez  les  mortels.  » 

Ouvrages  présentés  de  la  part  des  auteurs  :  par  M.  Maury  :  G.  Perrot,  Mémoires  d'ar- 
chéologie, d'épigraphie  et  d'histoire,  Paris,  8";  Vivien  de  S.  Martin,  L'Ilion  d'Homère 
et  rilium  des  Romains  (extr.  de  la  Revue  archéologique);  —par  M.  Pavet  de  Courteille: 
(A.  Picot),  Les  Serbes  de  Hongrie,  leur  histoire,  leurs  privilèges,  leur  église,  leur  état 
politique  et  social  :  Prague  et  Paris,  8". 

Julien  Havet. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

De  Goeje,  Das  alte  Bett  des  Oxus,  Amû  Darja  (Leiden,  Brill).  —  Hahn's  Althoch- 
deutsche  Grammatik  hrsg.  v.  Jeitteles  (Prag,  Tempsky).  —  J.  Halbertsma,  Lexicon 
Frisicum  éd.  T.  Halbertsma  (Hagas  Comitis,  Nijhoff).  —  Peschel,  Vœlkerkunde 
(Leipzig,  Duncker  u.  Humblot).  —  Sprenger,  Die  alte  Géographie  Arabiens  (Bern, 
Huber). 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


Trùbner.  In-8",  xij-39$  p.  (ce  roman  présente  de  surprenantes  ressemblances 
avec  les  Évangiles), 

Jenaer  Literaturzeitung,  1875,  n°  1 8,  i^'mai.  Dyserinck,  De  apocriefe 
boeken  des  ouden  verbonds.  Met  inleiding  van  Kuenen.  Haarlem,  de  erven 
Loosjes.  In-8°,  lv-423  p.  (0.  F.  Fritzsche).  —  Von  Bunge,  Geschichte  des 
Gerichtswesens  und  Gerichtsverfahrens  in  Liv-,  Est-,  und  Curland.  Reval,  Kluge. 
In-8°,  x-337  p.  (A.  Stôlzel).  —  Dùhring,  Kritische  Geschichte  der  National- 
ôkonomie  und  des  Socialismus.  2.  Aufl.  Berlin,  Grieben.  In-8",  xij-595  p.  (H. 

Rœsler).  —  Geographisches  Jahrbuch  herausg,  v.  Behm.  Bd.  V  (Kirch- 

HOFF  Cf.  Rev.  criî.y  187$,  I,  p.  218).  —  Lindner,  Geschichte  des  deutschen 
Reiches  vom  Ende  des  vierzehnten  Jahrhunderts  bis  zur  Reformation.  Abth.  I. 
Bd.  I.  Braunschweig,  Schwetschke  u.  Sohn.  In-8°,  xv-436  p.  (Wilhelm  Bern- 
hardi).  —  Haug,  Ueber  das  Wesen  und  den  Werth  des  wedischen  Accents. 
Mùnchen,  Franz.  In-^",  107  p.  (A.  Weber).  —  E.  Kuhn,  Beitraege  zur  Pâli- 
Grammatik  (B.  Pischel;  cf.  le  présent  n°  de  la  Rev.  crit.).  —  Holtzmann,  Alt- 
deutsche  Grammatik.  Bd.  I.  Abth.  2.  Leipzig,  Brockhaus.  In-8*',  vj-78  p.  (E. 
Sievers).  —  ScHMiDT,  Lcxicon  zu  Shakespeares  Werken.  Th.  I.  Berlin,  Rei- 
mer;  London,  Williams  and  Norgate.  In-8'%  viij-678  p.  (Julius  Zupitza). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin ,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revae  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Beuecke  (G.  F.).  Wœrterbuch  zu  Hart- 
manns  Iwein.  2.  Ausg.  besorgt  v.  E. 
Wiiken.  2.  Lfg.  In-8*,  S.  129-256. 
Gœttingen  (Dieterich's  Verlag).  3  fr.  2$ 

Book  (The)  of  Arda  Virai.  Glossary  a. 
index  of  the  Pahlavi  text  of  the  book  of 
Arda  Viraf,  the  taie  of  Gosht-i  Fryano, 
the  HaddokhtNask,  a.  to  some  extracts 
from  the  Din-Kard  a.  Nirangistan;  pre- 
pared  from  Destur  Hoshangji  Jamaspji 
Asa's  glossary  of  the  Arda  Viraf  Namak, 
a.  from  the  original  texts  with  Notes  on 
Pahlavi  grammar  by  D'  E.  W.  West. 
Revised  by  Prof.  D'  M.  Haug.  In-8% 
viij-3  so  p.  Mùnchen  (Ackermann).  3  5  fr. 
Text  a.  Glossary.  69  fr.  50 

Campbell  (A.  G.).  La  Vita  di  Fra  Paolo 
Sarpi  da  mss.  original!.  In-8*,  318  p. 
Firenze  (E.  Lœscher). 

Curiosità  e  ricerche  di  storia  Subalpina, 
pubbhcate  da  una  società  di  studiosi  di 
patrie  memorie.  Puntata  II.  In-8*,  400  p. 
Torino  (Bocca),  6  fr.  50 

Friederichsen  (L.).  Erster  Jahresbericht 
d.  geographischen  Gesellschaft  in  Ham- 
burg.    187^-1874.  In-8*,  77  S.  mit  e. 


Karte.  Hamburg  (Friederischen  et  C). 

4fr. 

Halbertsma  (J.).  Lexicon  Frisicum.  A.- 
Feer.  Post  auctoris  mortem  éd.  et  indices 
adjecit  T.  Halbertsma.  In-80,  xj-1044  S. 
m.  I.  Stahlst.  Haag  (Nijhoff).   18  fr.  7$ 

Hammerich  (F.).  iElteste  christliche 
Epik  der  Angelsachsen ,  Deutschen  und 
Nordlasnder.  Ein  Beitrag  z.  Kirchen- 
geschichte.  Aus  dem  Dasn.  v.  A.  Michel- 
sen.  Mit  6  Holzschn.  In-8*,  viii-280  S. 
Gùtersioh  (Bertelsmann).  6  fr. 

Hœrschelmann  (W.).  De  Dionysi^ 
Thracis  interpretibus  veteribus. Partiel. 
De  Melampode  et  Choerobosco.  In-8", 
85  S.  Leipzig  (Teubner).  2  fr.  75 

Jervis  (G.).  I  tesori  sotterranei  dell' 
Italia  :  repertorio  d'informazioni  utili. 
Parte  II.  In-8'*,  xx-624  p.  Firenze  (E. 
Lœscher).  17  fr.  ^o 

Krûger  (K.).  Ptolomaeus  Lucensis  Leben 
und  Werke.  In-8*,  84  S.  Gœttingen 
(Peppmùller).  2  fr.  25 

liumbroso  (G.).  Aneddoti  di  archeologia 


Yoiw;i.j;ji,iJ  .0  j'îijj.T- 


Alessandrina.  In-S**,   32  p.  Firenze  (E. 
Lœscher). 

Mayer  (F.).  Geschichte  Œsterreichs  m. 
besond.  Rucksî'cht  auf  Culturgeschichte. 
2  Bde.  xvj-ô^éS.u.Sgenealog  Tabellen. 
Wien  (Braumùller).  1 3  fr.  3  5 

Meyer  (J.-J.).  La  Chronique  strasbour- 
geoise.  Publiée  pour  la  première  fois 
d'après  le  manuscrit  de  la  Collection  Heitz 
par  R.  Reuss.  In-8*,  viij-179  p.  Stras- 
bourg (Noiriel).  4  fr. 

Pescheh  (A.  A.).  Grosses  Wœrterbuch 
der  europaeischen  modernen  Sprachen. 
Deutsch-lranzœsisch,  italienisch,  spa- 
nisch,  lateinisch,  englisch ,  hollaendisch, 
schwedisch,  bœhmisch,  slovakisch,  slove- 
nisch,  polnisch,  serbisch-kroatisch  und 
ungar.  Thl.  i.  Lief.  In-8%  16  S.  Prag 
Grégr  et  Dattel).  60  c. 

Petrarca  (F.)-  Le  Vite  degli  uomini  il- 
lustri  :  volgarizzate  da  Donato  degli  Al- 
banzani  da  Pratovecchio,  ora  per  la  prima 
volta  messe  in  luce  per  cura  di  L.  Raz- 
zolini.  In-8*,  896  p.  Bologna  (Romagnoli). 

Pio  (0.).  Storia  popolare  d'Italia  dalla 
sua  origine  fino  ail  acquisto  di  Roma. 
Vol.  VIL  In-8-,8oop.  Milano  (Pûletti). 

10  fr. 

Radenhausen  (C).  Osiris.  Weltgesetze 
in  der  Erdgeschichte.  i.  Ed.  i.  Haelfte. 
In-8°,  368  S.  Hamburg(0.Meissner).6f. 

Reuss  (R.)-  Zwei  Lieder  ûb.  den  Diebs- 
krieg  od,  Durchzug  d.  navarr.  Kriegs- 
volkes  im  Elsass  (1587).  Mit  histor. 
Einleitg.  u.  ungedr.  Beilagen.  In-8°, 
xv-151  S.  Strassburg  (Noiriel).        4  fr. 

Reynaud  (G.).  Guillaume  Du  Vair,  pre- 
mier président  du  Parlement  de  Provence. 
In-8%  64  p.  Aix  (imp.  V*  Remondet- 
Aubin). 

Rœnsch  (H.).  Itala  u.  Vulgata.  Das 
Sprachidiom  der  urchristl.  Itala  u.  der 
kathol.  Vulgata  unter  Berùcksicht.  der 
rœm.  Volkssprache  durch  Beispiele  er- 
laeutert.  2.  bericht.  und  verm.  Ausgabe. 
In-8',    xvj-526   S.    Marburg   (Elwert). 

8  fr. 

Seguin.  La  Dentelle.  Histoire,  descrip- 
tion, fabrication,  bibliographie;  ornée  de 
50  pi.  phototypographiques,  fac-similé 
de  dentelles  de  toutes  les  époques  et  de 
nombreuses  gravures  d'après  les  meilleurs 
maîtres  des  XVIe  XVII^  siècles.  Gr.  in- 
4*,  xix-214  p.  et  50  pi.  Paris  (Roth- 
schild). 100  f.. 


Statuti  (Gli)  de  Chianciano  dell'  anno 
MCCLXXXVII  ora  per  la  prima  volta 
messi  in  luce  a  cura  di  L.  Fumi.  In-S*, 
civ-i94p.  Orvieto  (tip.  Già  Tofani). 

Ternas  (A.  de).  La  châtellenie  d'Oisy, 
vente  et  démembrement  de  son  domaine 
par  Henri  IV,  avec  les  généalogies  des 
familles  de  Tournay  dit  Longhet,  de 
Tournay  d'Assignies  et  Plotho  d'Ingel- 
munster,  dressées  sur  titres.  ^-8",  30  p. 
Douai  (Crépin).  3  fr. 

Thielmann  (M.  v.).  Streifzûge  im  Kau- 
kasien,  in  Persien  und  in  der  asiatischen 
Tùrkei.  Mit  5  Holzschntaf.,  illustr.  im 
Text  u,  e.  Uebersichtskarte.  In-8*,  viij- 
493  S.  Leipzig  (Duncker  et  H.).    1 5  fr. 

Vian  (L.-K.).  Histoire  du  village  de  St.- 
Cheron.  T.  3.  La  topographie  et  la  sta- 
tisticjue.  In-8',  443  p.  Evreux  (imp. 
Hérisson). 

Ville-Hardouin  (G.  de).  Conquête  de 
Constantinople.  Avec  la  contmuation 
d'Henri  de  Valenciennes.  Texte  original, 
accompagné  d'une  traduction.  2«  édit. 
contenant  une  chromolith.  représentant 
l'intérieur  de  l'église  Saint -Marc  de 
Venise,  des  lettres  initiales  et  bordures 
empruntées  aux  manuscrits  du  XII' et  du 
XlIIe  siècle ,  et  une  carte  géographique.  | 
Gr.  in-8',  xxiv-620  p.  Paris  (Firmin 
Didot  frères,  fils  et  C").  20  fr. 

Vincent  (F.).  Mademoiselle  de  Montpen- 
sier  à  Saint-Germain-Beaupré,  réfutation 
d'une  erreur  historique.  In-8',  1 1  p. 
Guéret  (imp.  Dugenest). 

Wittich  (K.).  Magdeburg,  Gustav  Adolf 
u.  Tiliy.  I.  Bd.  Kritische  Untersuchgn. 
zur  Geschichte  d,  30.  jaehr.  Krieges  m. 
Benutzung  meistens  ungedr.  Quellen. 
In-80,  xxv-777  u.  Nachtrag  xxiv  S.  Ber- 
lin (Duncker).  20  fr. 

Dasselbe.  2.  (Quellen-)  Bd.  i.  Haelfte, 

In-80,  64  S.  m.  e.  Plan.  Ibid.     i  fr.  so 

\^olf  (A.).  Die  Fûrstin  Eleonore  Liech- 
tenstein, 1745-1812.  Nach  Briefen  und 
Memoiren  ihrer  Zeit.  Mit  Portr.  In-8<», 
vij-344S.  Wien(Gerolû'sSohn).  lof.  75 

Wolf  (J.  W.).  Die  deutsche  Gotterlehre. 
Ein  Hand-  u.  Lesebuch  f.  Schule  u.  Haus. 
Nach  J.  Grimm  u.  A.  2.  Abdr.  In-8', 
xviij-148  S.  Gœttingen  (Dieterich's  Ver- 
lag).  3  fr.  25 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N»  30  Neuvième  année.  24  Juillet  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET  DE  LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix   d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 


PARIS 

LtêkAÎRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

Fj->.  T  T7'  T    Grammaire  des  langues  romanes.  3e  édition  refondue  et 
•      lJ  l  L-jZu    augmentée.  Traduit  par  A.  Morel-Fatio  et  G.  Paris. 
T.  III.  i^"-  fascicule.  Gr.  in-8°.  6  fr. 


BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  PRATIQUE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

23e  fascicule. 

T  nADAyri7Çnri7T'l7D  Haurvatâ/  et  Ameretâf. 
J.  LJArvlVllliOllLllLrV  Essai  sur  la  mythologie 
de  TAvesta.  4  fr. 

COLLECTION    PHILOLOGIQUE  (NOUVELLE  SÉRIE) 

13e  fascicule. 

Cl  /^  r-)  Y7  rip     De  Rhotacismo  in  indoeuropaeis  ac  potissimum  in 
•     «J  V^  iv  Cj   1      germanicis  linguis.  Commentatio  philologa.     3  fr. 


IV/T  PT  A/f  r^  T  D  Î7  Q     ^^^^  Société  de  linguistique.  T.  II.  5^  fasci- 
IVl  IL  iVl  w  1  rV  IL  O     cule  (complément  du  volume).  4  fr. 


;PÉRIODIQUËSy  Y3y 


The  Academy,  N°  i6$,  new  séries,  3  juillet  {le  prix  du  n?  deiV A çademy. -.est 
réduit  à  30  centimes).  A  Sélection  of  Papers  on  Arctic  Geogràphy  and  Ethào- 
logy,  reprinted  and  presented  to  the  Arctic  Expédition  of  1875  by  the  Président, 
Council  and  Fellows  of  the  Royal  Geographical  Society.  London,  Murray  (John 
Rae).  —  Thomas  Wright,  A  History  of  Caricature  and  Grotesque  in  Literature 
and  Art.  The  Illustrations  by  the  late  F.  W.  Fairholt.  London,  Chatto  and 
Windus  (William  B.  Scott  :  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'en  i8ia; 
ouvrage  recommandable,  malgré  quelques  défaillances).  —  Autobiography  of 
Thomas  Guthrie,  D.  D.,  and  Memoir,  by  his  Sons,  Rev.  David  K.  Guthrie 
and  Charles  J.  Guthrie.  In  two  vols.  Vol.  II.  London,  Daldy,  Isbister  and  Co. 
(Robert  B.  Drummond).  —  F.  de  Sanctis,  Storia  délia  Letteratura  Italiana. 
2  Tom.  Napoli,  Morano  (M.  Creighton  :  admire  sans  réserves  ce  petit  ouvrage). 
—  Notes  and  News.  —  Notes  of  Travel.  —  Sélections  from  the  Hatton  Papers. 
■ — Paris  Letter  (G.  Monod  :  nouvelles  littéraires),  —  Correspondence.  The  Grave 
of  a  Scotch  Poet  (G.  B.  Fraser).  —  The  Judge  who  committed  Prince  Henry 
(Alfred  Cutbill).  —  The  Number  of  Landowners  in  Britain  (Edward  Peacock). 
; —  «  Many  A  —  »  (Frederick  J.  Furnivall  :  dans  cet  idiotisme  many  est  resté 
adjectif).  —  Charlton  Bastian,  Evolution  and  Origin  of  Life.  London,  Mac- 
millan  (J.  Burdon  Sanderson,  i"art.  On  sait  que  l'auteur  est  partisan  de  la 
génération  spontanée).  —  Wordsworth,  Fragments  and  Spécimens  of  Early 
Latin,  with  Introduction  and  Notes.  Oxford,  Clarendon  Press  (H.  A.  J.  Munro; 
la  Rev.  crit.  appréciera  bientôt  ce  volume).  —  Meetings  of  Societies  (Soc.  asiar- 
tique,  institut  anthropologique,  soc.  de  numismatique,  des  antiquaires). 

..  The  Athenseum,  N°2488,  3  juillet.  Isabel  Burton,  The  Inner  Life  of  Syria^ 
Palestine,  and  the  Holy  Land.  2  vols.  King  and  Co.  (le  revlewer  dit  plaisamment 
que  ce  livre  est  un  ouvrage  dangereux  écrit  par  une  femme  dangereuse,  car 
toutes  les  Anglaises  voudront  courir  le  désert  à  la  suite  de  la  belle  héroïne).  — 
The  Temple  of  Jérusalem  (Charles  Warren).  —  The  Discovery  of  Australia 
(R.  H.  Major).  —  Literary  Gossip.  —  Societies  (Spç.'jde  géographiey^des^anti'* 
quaires,  institut  anthropologique).  ...r.-.  ■    v-  ;  ^'h'^'^!'^?'!r 

•  Literarisches  Centralblatt,  N°  28,  10  juillet.  Scriptores  rerum  Prussica- 
rum.  Herausg.  v.  Hirsch,  Tôppen  u.  Strehlke.  5.  Bd.  Leipzig,  Hirzel.  In-S", 
viii-738  p.  (ce  volume,  qui  est  suivi  d'un  index  des  tomes  3,  4  et  $,  termine  la 
collection).  —  Bouché-Leclercq_  ,  Giacomo  Leopardi.  Sa  vie  et  ses  œuvres, 
(cf.  le  présent  n°de  la  Revue  crit.).  —  Gottschall,  Der  neue  Plutarch.  2.  Thj 
Leipzig,  Brockhaus.  In-S*",  viij-337  p.  (ce  vol.  contient  les  biographies  de 
Robespierre,  de  Marie-Thérèse  et  de  Cavour).  —  J.  H.  H.  Schmidt,  Zur 
Sprachgeschichte.  Wismar,  Hinstorff.  In-4",  21  p.  (annonce  d'un  grand  travail 
qui  doit  réformer  la  science  du  langage;  art.  peu  favorable).  —  $iebelis,  Wœr- 
terbuch  zuOvid's  Metamorphosen.  2.  Aufl.  besorgtv.  Polle.  Leipzig,  Teubner. 
In-8°,  VJ-378P.  (bon  travail,  malgré  quelques  défauts).  —  Mayers,  The  Chinese 
reader^s  manual.  Shanghai;  London,  Trùbner  and  Co.  In-8°,  xxiv-440  p.  (art. 
extrêmement  favorable  sur  ce  iç^î^iiçl  ^e  biQg?*^hie,  d'histoire,  de  mythologie  et 
de  littérature  chinoise).  ;;,„  j:;.^  T-,^^^,, 

Jenaer  ïl.iteraturzeitung,  187  5,  n"  19,  8  mai.  Leimbach,  Beitrsege  zur 
Abendmahlslehre  Tertullians.  Gotha,  Perthes.  In-8%  xij-ioo  p.  (Lipsius).  — 
Corpus  reformatorum.  Vol.  XLI.  Calvini  opéra  quae  supersunt  omnia,  edidfiji^ 
Baum,  Ed.  CuNiTZ,  Ed.  Reuss,  vol.  13.  Brunsvigae,  Schwetschke  et  fil.  In-4V 
684  p.  (Gass).  —  Erskine  Holland,  An  Inaugural  Lecture  on  Albericus  Gen- 
tîlis.  London,  Macmillan  and  Co.  In-8°,  47  p.  (Alph.  Rivier).  —  Petzholdt, 
Turkestan.  Leipzig,  Schlicke.  In-S*",  vj-88  p.  (Kirchhoff),  — *  Seiff,  Reisen 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  30  —  24  Juillet  —  1875 

Sommaire  :  146.  Bluhme,  La  langue  des  Lombards.  —  147.  Monuments  juridiques 
germains,  p.  p.  Gengler  ;  Documents  pour  l'histoire  du  droit  germanique,  p.  p. 
Lœrsch,  êcHRŒDER  et  Reifferscheid.  —  148.  GuiBAL,  Histoire  du  sentiment 
national  en  France  pendant  la  guerre  de  Cent  ans.  —  149.  Chabouillet,  Notice  sur 
une  médaille  inédite  de  Ronsard  par  Jacques  Primavera.  —  1 50.  Bouché-Leclercq, 
Giacomo  Leopardi.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 

146.  —  Die  gens  Langobardorum.  Zweites  Heft  :  ihre  Sprache.  Von  Friedrich 
Bluhme,  Doctor  d.  Philosophie,  d.  Théologie  u.  beider  Rechte.  Bonn,  Ad.  Marcus. 
1874.  In-8',  vj-54  p.  —  Prix  :  2  fr. 

La  langue  des  Lombards  a  péri  sans  laisser  d'autres  traces  que  quelques  noms 
propres  assez  peu  nombreux  et  quelques  noms  communs  moins  nombreux  encore; 
c'est  en  comparant  ces  éléments  incomplets  que  Grimm  s'est  efForcé  d'en  recon- 
naître la  nature  et  de  lui  assigner  sa  place  parmi  les  autres  idiomes  germaniques. 
Est-ce  une  réfutation  des  résultats  et  des  conclusions  auxquels  est  arrivé  l'histo- 
rien de  la  langue  allemande  que  M.  B.  a  entrepris  d'écrire?  A-t-il  eu  la  bonne 
fortune  de  trouver  des  faits  jusque-là  inconnus  et  de  compléter  ainsi  ce  qu'avait 
découvert  son  prédécesseur.?  Nullement;  ce  qu'il  dit  de  l'idiome  des  anciens 
Lombards  se  réduit  à  fort  peu  de  chose,  et  ce  peu,  moins  complet  que  ce  qui 
se  trouve  dans  Grimm,  est  aussi  moins  exact  '.  Comment  donc  M.  B.  a-t-il  pu 
écrire  cinquante-quatre  pages  sur  un  sujet  auquel  l'auteur  de  la  Grammaire 
allemande  en  avait  consacré  moins  de  trois  .f"  C'est  que  par  une  singulière  méprise 
il  a  traité  ce  sujet  à  un  tout  autre  point  de  vue  que  son  devancier.?  Par  langue 
des  Lombards  il  entend  bien  moins  l'idiome  allemand  que  cette  tribu  parlait 
avant  de  pénétrer  en  Italie,  —  et  auquel,  comme  il  le  reconnaît  lui-même,  elle 
renonça  bientôt,  —  que  le  dialecte  roman,  adopté  par  elle  ;  c'est  donc  de  la  langue 
du  Centre  et  du  Nord  de  la  Péninsule  qu'il  s'agit  surtout  ici  ou  plutôt  des  trans- 
formations que  cette  langue  des  vaincus  aurait  subies  dans  la  bouche  ou  au 
contact  des  vainqueurs. 

Rien,  on  le  voit,  n'est  plus  loin  du  titre  du  livre  que  nous  annonçons;  mais  la 
manière  dont  M.  B.  a  cherché  à  remplir  sa  tâche  ne  répond  guère  mieux  à  l'idée 
qu'on  est  en  droit  de  s'en  faire.  Que  l'établissement  des  Germains  au  milieu  des 
populations  latines  ait  contribué  à  hâter  la  transformation  de  l'idiome  qu'elles 
parlaient,  c'est  là  un  fait  incontestable;  mais  il  n'en  faudrait  pas  conclure  que 
tous  les  changements  par  suite  desquels  le  latin  vulgaire  transformé  a  donné 
naissance  aux  langues  de  l'Europe  orientale  soient  la  conséquence  directe  de 
cette  influence,  et  il  faut  encore  moins  chercher  dans  ces  transformations  à 

1 .  C'est  ainsi  que  le  lombard  est  donné  ici  comme  un  dfalecte  bas-allemand ,  tandis 
qu'il  est  vraiment  par  ses  caractères  généraux,  ainsi  que  Grimm  l'avait  reconnu,  un  dia- 
lecte du  haut-allemand. 

XVI  A 


50  '        REVUE   CRITIQUE 

deviner  le  caractère  de  l'idiome  étranger  qui  les  aurait  produites.  En  le  faisant 
M.  B.  s'est  exposé  aux  plus  étranges  confusions  de  faits  et  de  dates.  Comment 
voir  par  exemple  dans  l'incertitude  qu'il  signale  dans  l'emploi  de  Vh  le  résultat 
d'une  influence  étrangère,  quand  cette  incertitude  se  faisait  sentir,  ainsi  que 
Corssen  l'a  montré,  longtemps  avant  l'invasion .?  L'emploi  de  l'accusatif  à  la 
place  des  autres  cas  indirects  et  même  du  nominatif,  emploi  pour  lequel  l'auteur 
va,  idée  singulière,  chercher  des  analogies  dans  le  dialecte  populaire  du  Slesvig, 
n'est  aussi  que  le  résultat  de  la  confusion  des  désinences  du  latin  par  la  chute  en 
particulier  des  consonnes  finales  m  et  s;  la  construction  du  participe  passé  avec  les 
modes  personnels  d'iiabere,  d'où  devaient  sortir  les  temps  composés  de  la  conju- 
gaison néo-latine,  et  de  l'infinitif  avec  le  présent  du  même  verbe,  qui  devait 
donner  le  futur  roman,  sont  également  des  faits  indépendants  de  toute  influence 
germanique,  et  qui  en  tous  cas  ne  seraient  pas  plus  le  résuhat  d'une  influence 
lombarde  que  franque,  bourguignonne  ou  gothique,  puisqu'on  les  retrouve  indif- 
féremment dans  tous  les  dialectes  romans.:  '..q  920003^311''! 
On  peut  juger  par  là  de  la  confusion  d'idées  qui  a  présidé  à  la  composition  de 
l'ouvrage  de  M.  B.  et  l'on  voit  quelles  erreurs  le  déparent;  défectueux  dans  la 
partie  germanique,  il  offre  dans  la  partie  romane  les  vues  les  plus  fausses  ;  une 
chose  le  recommande  toutefois,  c'est  le  grand  nombre  d'exemples  qu'on  y  trouve 
réunis  ;  par  là  il  peut  être  utile  à  consulter,  et  peut  servir  indirectement  à  faire 
mieux  connaître  les  transformations  qu'a  subies  le  latin  vulgaire  pour  donner 
naissance  aux  diverses  langues  romanes  et  en  particulier  à  l'italien. 

ÎU.  ..:.;    :   .  .      .       .  C.  J. 

"V47.  —  Germanische  Rechtsdenkmaeler,  von  D'  Heinrich  Gottfried  Gengler. 

1    Erlangen,  Deichert.  1875.  —  Prix  :  12  fr. 

iCTrkunden  zur  Geschichte  des  deutschen  Rechtes  fur  den  Gebrauch  bei  Vor- 
-     lesungen  und  Uebungen,  herausgegeben  von  D'  Hugo  Lgersch  und  D'  Richard  Schrœ- 
],  DER,  unter  Mitwirkung  von  D'  Alexander  Reifferscheid.  I.  Privatrecht.   Bonn, 
'■'   Marcus.  1874.  —  Prix  :  6  fr.  7J. 
nu  £■:?..  .  ■  '-   i.^i  •■  : '-i  t-njm  Jï  oinui;, 

3  'A  l'imitation  des  Semm^i/rgs  historiques  destinés,  comme  l'on  sait,  à  familia- 
;;riser  les  élèves  des  Universités  avec  les  sources  d'une  période  donnée  de  l'histoire 
nationale  ou  étrangère,  un  certain  nombre  de  professeurs  ont  établi,  en  Alle- 
rinagne,  concurremment  avec  les  cours  d'exposition  sur  l'histoire  du  droit,  des 
conférences  ayant  un  caractère  privé  où  les  élèves,  par  l'étude  directe  de  textes 
^choisis,  acquièrent  une  plus  exacte  connaissance  des  origines  et  du  développe- 
jipent  du  droit  germanique.  Rien  n'est  plus  profitable  que  cette  méthode  d'ensei- 
gnement; tandis  que  l'exposition  suivie  et  abstraite  propose  simplement  à  l'atten- 
tion et  à  la  mémoire  de  l'auditeur  la  somme  de  connaissances  générales  exigée 
j)our  les  examens,  les  exercices  pratiques  ont  l'avantage  de  présenter  à  l'élève 
gljhistoif€  sous  une  forme, vivante  et  pleine  d'attraits^  d'éveiller  et  de  développer 
^^on  sens  critique  en  l'invitant  à  contrôler  par  lui-même  les  résultats  qu'on  lui 
savait  tout  d'abord  en  quelque  sorte  imposés.  Ces  exercices  pratiques  ont  toute- 
fois l'inconvénient  d'exiger  des  matériaux  considérables  et  fort  coûteux.  Il  est 


d'histoire  et  de  littérature.  5  J 

très-difficile,  on  peut  même  dire  impossible  à  un  étudiant  de  se  procurer,  pour 
ne  citer  ici  que  les  recueils  indispensables,  les  Monumenta  de  Pertz,  les  diplômes 
de  Bréquigny-Pardessus,  de  Beyer,  de  Lacomblet,  les  Âcîa  de  Bœhmer,  etc.,  et 
aussi  les  nombreuses  éditions  des  différentes  Leges;  de  là  pour  le  professeur,  la 
nécessité  de  faire  ces  conférences  pratiques  chez  lui  et  d'emprunter  ces  ouvrages 
volumineux  et  coûteux  à  la  bibliothèque  de  PUniversité;  même  dans  ces  condi- 
tions, le  travail  n'est  pas  chose  aisée,  ainsi  qu'ont  pu  s'en  convaincre  ceux  qui 
ont  suivi  les  séminaires  allemands;  d'ailleurs  ce  qui,  à  la  rigueur,  est  possible 
dans  une  petite  ville,  est  impraticable  à  Berlin,  à  Vienne  ou  à  Leipzig;  ....     ../j 

C'est  donc  à  une  pensée  toute  pratique  que  les  deux  recueils  de  MM.  Gengler, 
Lœrsch  et  Schrœder  doivent  leur  existence.  Bien  que  destinés  spécialement  aux 
étudiants,  ils  rendront  l'un  et  l'autre  des  services  aux  historiens  des  institutions 
de  l'Europe  occidentale  pendant  le  moyen-âge. 

M.  G.  s'occupe  principalement  des  périodes  mérovingienne  et  carolingienne. 
Il  ne  propose  pas  à  ses  élèves  une  loi  entière  ou  un  ensemble  de  capitulaires  à 
étudier,  mais  seulement  des  extraits  choisis  avec  intelligence  qui,  réunis,  donnent 
une  idée  complète  de  la  vie  juridique  à  cette  époque.  Ce  sont  ces  extraits,  dont 
le  texte  est  puisé  aux  meilleures  sources,  que  l'auteur  a  systématiquement  groupés 
en  un  beau  et  fort  volume.  Une  introduction  consciencieusement  rédigée  esquisse 
à  grands  traits  l'histoire  politique  des  peuples  germaniques  dès  leur  apparition 
en  Europe  jusqu'au  x^  siècle.  Pour  chacun  de  ces  peuples,  l'histoire  de  la  légis- 
lation suit  l'histoire  politique.  D'abondantes  notes  mettent  le  lecteur  au  courant 
des  travaux  les  plus  récents;  les  points  délicats  ou  controversés  sont  sobrement 
indiqués.  J'avoue  ne  pas  voir  l'utilité  de  cette  partie  de  l'introduction  qui  a  trait 
à  l'histoire  politique.  Outre  qu'elle  serait  mieux  à  sa  place  dans  un  ouvrage 
d'histoire  proprement  dit,  depuis  quelques  années  on  est  abondamment  pourvu 
de  ces  sortes  de  résumés.  Il  y  en  a  de  fort  bien  faits;  je  me  contenterai  de  citer 
les  annales  de  Richter  dont  il  a  été  question  dans  la  Revue.  Pressé  d'ailleurs  par 
la  nécessité  de  présenter  en  raccourci  un  très-grand  nombre  de  faits,  l'auteur  n'a 
pas  toujours  su  éviter  l'obscurité  et  même  l'inexactitude,  défaut  notable  dans  un 
recueil  de  ce  genre  (p.  21  et  s.  24.  32  et  s.).  Les  paragraphes  qui  traitent  des 
Celtes  (§  33),  des  peuples  slaves  etwendes  (§§  46  et  s.)  m'ont  paru  également 
déplacés  dans  une  introduction  aux  institutions  germaniques.  L'histoire  des 
sources  juridiques  est  d'ailleurs  bien  traitée  et  tous  les  renseignements  désirables 
sont  donnés  en  note.  0^  èvnq  aiéJpgiso  rru  ifiBYG  2^on5i0iaco 

Le  choix  des  textes  de  ce  recueil  est  très-judicieux  ;  Tacite  ouvre  la  série  des 
historiens  ;  l'auteur  a  donné  les  chapitres  les  plus  importants  et  su  éviter  la 
confusion  qui  est  à  craindre  avec  la  bibliographie  si  nombreuse  à  laquelle  la 
Germania  a  donné  naissance.  La  Germania  est  suivie  d'extraits  de  Grégoire  de 
Tours,  d'Einhart,  de  Thegan,  Nithard,  Cassiodore,  P.  Diaconus,  etc.  C'est  le 
complément  nécessaire  des  textes  juridiques.  —  Une  seconde  division  présente 
à  peu  près  complètes  les  Leges  à  l'exception  des  Leges  Anglo-Saxonicae,  ainsi  que 
des  extraits  des  Leges  Romanae.  Parmi  les  capitulaires  franks  que  contient  la 
troisième  division,  ieS  uns  sont  reproduits  en  entier,  les  autres  en  partie  seule- 


52  .3iïUTA;ï|lïVWE3nilTaiÛIBÎ0T21H*a 

m&WiM.  G.  a  très-bien  fait  d'y  joindre  la  lettre  d'Hincmar  de  ordine  palaîii,  Vn 
choix  de  formules,  à  mon  avis  trop  restreint,  forme  une  quatrième  division.  Ce 
choix  est  suivi  d'un  formulaire  d'Ordalia  et,  en  appendice,  de  fragments  du  traité 
de  Réginon  de  synodalibus  causis  et  du  Polyptychum  Irminonmiooiq  iiauosi  sD 

Tous  ces  textes  sont  donnés  d'après  les  meilleures  éditioiisj^'Uiv  seul'fait 
exception ,  la  Lex  Wisigothorum ,  pour  laquelle  une  édition  critique  fait 
encore  défaut.  Les  variantes  sont  soigneusement  indiquées.  Un  nombre  con- 
sidérable de  notices  historiques  et  géographiques,  l'explication  sommaire  d'un 
bon  nombre  de  passages  obscurs  témoignent  assez  du  consciencieux  labeur  de 
M.  G.  L'auteur  nous  fait  en  outre  espérer  la  publication  prochaine  d'un  glossaire 
des  expressions  juridiques;  avec  ce  supplément,  je  ne  connais  pas  de  livre  publié 
en  vue  des  jeunes  historiens  qui  soit  destiné  à  produire  dans  un  avenir  prochain 
de  plus  féconds  résultats.  -  '""  -' 

Nous  devons  également  le  recueil  de  MM.  L.etSchr.'  aux  exercices  pratiques 
sur  l'histoire  du  droit  allemand  dirigés  par  ces  deux  savants  professeurs.  Il  est 
d'ailleurs  le  complément  nécessaire  de  l'ouvrage  de  M.  G.  Tandis  qu'avec  ce 
dernier,  les  élèves  se  familiariseront  avec  le  droit  théorique  proprement  dit,  avec 
le  présent  recueil  ils  se  feront  une  idée  exacte  de  la  mise  en  pratique  de  ce  droit 
et  de  son  adaptation  aux  différents  cas  qui  pouvaient  se  présenter.  MM.  L.etSchr. 
ont  réuni  dans  une  première  partie  les  documents ,  chartes  et  pièces  judiciaires 
de  tout  genre  ayant  seulement  trait  au  droit  privé.  Ils  annoncent  la  publication 
d'une  seconde  partie  qui  contiendra  les  documents  de  droit  public.  Les  auteurs 
se  sont  avec  raison  imposé  la  règle  de  ne  présenter  que  des  espèces  concrètes, 
facilement  saisissables ,  de  reproduire  les  documents  tout  au  long,  enfin  de 
s'arrêter  au  moment  (xv*  siècle  environ)  où  le  droit  romain  pénétrant  en  Alle- 
magne, «le  développement  propre  et  original  du  droit  germanique  s'arrête  ou  du 
'^sîj  moins  abandonne  la  conscience  populaire  pour  se  continuer  dans  le  cabinet  du 
3Kî juriste  ». 

£  Les  formules,  chartes,  documents  judiciaires,  etc.,  sont  empruntés  aux 
recueils  les  plus  autorisés  tels  que  ceux  de  de  Rozière,  de  Beyer,  de  Dronke,  de 
Wartmann,  de  Lacomblet,  etc.,  ou  aux  travaux  si  justement  estimés  de  Ficker, 
de  Ennen  et  Eckertz,  de  Mone,  de  Merkel,  etc.,  etc.  L'indication  du  contenu 
de  chaque  document,  faite  en  termes  précis,  est  suivie  de  la  mention  de  l'ouvrage 
dans  lequel  ce  document  a  été  étudié.  Le  corps  de  textes  est  suivi  de  trois 
tableaux  très-commodes.  Le  premier  indique  la  date  des  documents  au  moyen 
d'un  numéro  d'ordre  correspondant  à  chacun  d'eux;  le  second  est  un  aperçu 
géographique  ;  il  les  groupe  par  régions  ;  le  troisième  les  distribue  suivant  l'ordre 
systématique  suivi  dans  l'enseignement  du  droit.  L'idée  de  cette  répartition  géo- 
graphique et  systématique  est  excellente.  Pour  trouver  Vespèce  désirée,  il  suffit 
au  lecteur  de  la  chercher  sous  U  rubrique  <iui  le  renvoie  au  numéro^  cherché  d^uis 
le  corps  de  textes,  "aan  ?.uon  .eènoTia  give  fji.tofî  é  noi,tift.226  sltao  ^ur>2 
m  .'   ,; ~ ' '~~" — ' ~^~ — ' 

.,  I.  Par  la  date  de  sa  publication,  ce  recueil  se  place  avant  celui  de  M.  G.  —  Ils  sont 
'parvenus  en  même  temps  au  bureau  de  la  Revue  critique,  ce  qui  explique  pourquoi  ils  font 
tous  les  deux  l'objet  d'un  seul  article.  '  .<:  tTntP'irî;  ;•        '  -i^fiibyià  ' 


d'histoirEi  et  de  littérature.  53 

r!  La  plupart  des  textes  allemands  présentant  les  plus  grandes  difficultés  aux 
étudiants  qui  ne  sont  point  philologues,  l'établissement  du  texte  et  l'explication 
des  termes  les  plus  difficiles  ont  été  confiés  à  M.  Alexandre  Reifferscheid.  yn^h 
Ce  recueil  produira  certainement  dans  l'enseignement  de  l'histoire  du  droit 
germanique  les  heureux  résultats  qu'en  attendent  les  auteurs.  Il  est  dédié  à 
M.  Waitz  en  souvenir  du  vingt-cinquième  anniversaire  de  l'inauguration  des 
exercices  historiques  de  Gœttingen;  on  voit  que  MM.  L.  et  Schr.  ont  été  initiés, 
par  les  leçons  du  maître.re^ecté,..^  4f  jscience.iÊ.i'hisîoirjî.ea  ca/ème  .temp« 
qu'à  l'art  de  l'enseigner,  ub  s522b  in^ti^iombl  ziuoiéozo-^Bzzza  5b  sTdmon  tiod 

Marcel  Thévenj^j  0  1(1 

148.  -*<*  Histoire  du  sentiment  national  en  France  pendant  la  guerre  de 
Cent  ans,  par  Georges  Guibal,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Ppi^ers.  Paris, 
Sandoz  et  Fischbacher.  1875.  In-8"  de  j-532  p.  —  Prix  :  7  fr.  '^ 

j?",<^  L'érudition,  dit  dans  son  avant-propos  l'auteur  de  ce  livre,  a  pris  de  nos 
»  jours  dans  les  études  historiques  une  importance  qui  a  été  le  résultat  d'une 
X  réaction  légitime  contre  les  généralités  ambitieuses  ou  prématurées. 
ùoih  L'attention,  les  sympathies,  les  encouragements  du  public  sont  réservés, 
»  d'une  façon  à  peu  près  exclusive,  aux  patientes  investigations  qui  découvrent 
,^>  dans  le  fond  de  nos  archives  ou  de  nos  bibliothèques  des  documents  inédits 
m  et  des  textes  manuscrits.  j  ïioib  ub  mil  însasnôfijaa  îris^e  3in9^  moî  sb 

'c  »  Nous  nous  garderons  bien  d'accuser  cette  tendance.  Nous  voulons  seufé- 
.»  ment  nous  demander  si  elle  ne  pourrait  pas  avoir  ses  exagérations  et  avec  ses 
»  exagérations,  ses  dangers, muDob  zal  aiiubo'iqai  3b  ^ESldszzîzîBZ  înëraaiÎDfii 

»  Ne  pourrait-elle  pas  porter  atteinte  à  P4«B^Èic6idfgiritériièri5histoire  et  refe- 
a>.  treindre  son  utilité  féconde  ?  'r/:o'i  V'  ^-t:-^'  1  vè'  m 

ub)K  L'histoire  n'est  pas  seulement  un  aliment  pour  une  curiosité  qui  risque  de 
))  s'égarer  dans  les  infiniment  petits  :  elle  est  et  doit  être,  surtout  dans  les  temps 
»  comme  les  nôtres,  un  enseignement  pour  la  raison  qu'elle  éclaire,  pour  la 
»  volonté  qu'elle  redresse,  pour  le  cœur  qu'elle  fortifie.  Écrite  par  les  Français, 
»  il  faut  qu'elle  apporte  son  concours  au  relèvement  de  la  France  :  elle  ne  se 
»  doit  pas  seulement  à  la  vérité,  comme  toutes  les  forces  morales,  elle  se  doit 
»  aussi  à  la  patrie.,  j^eI  sb  aiviua  izd  fZiDàiq  i'ormaj  na  sjieî  ,jn9fnL':)r'û  3i:psfi3  sb 

Oii  M.  Guibal  a-t-il-yo  q^e  k-pubKc'fésefve^à  peti-près  exclusivement' s^ 
■encouragements  aux  travaux  d'érudition  ?  C'est  le  contraire  qu'il  faudrait  dire. 
Il  n'y  a  pas  de  public,  dans  notre  pays  du  moins,  pour  les  recherches  savantes, 
même  quand  elles  s'appliquent  à  l'histoire  nationale.  Si  M.  Guibal,  malgré  son 
talent  et  sa  situation  dans  le  haut  enseignement  universitaire,  demande  jamais  à 
l'industrie  privée  de  faire  les  frais  d'un  volume  où  l'on  trouve  plus  ou  moins 
l'appareil  scientifique,  il  ne  tardera  pas  à  s'apercevoir  de  sa  méprise. 

Sauf  cette  assertion  à  notre  avis  erronée,  nous  apprécions  la  mission  de 
l'histoire  exactement  comme  le  savant  professeur  de  la  Faculté  des  lettres  de 
. Poitiers,  et  nous  partageons  ses  inquiétudes.  Il  faut  bien  reconnaître  que,  si 
l'érudition  vouée  spécialement  à  l'étude  de  nos  annales  n'a  cessé  de  faire. des 


54  '^^^-^^^^È^ifE  iiRltlQtfè^^'^21H^0 

progrès  depuis  trente  ans,  l'histoire  proprement  dite  est  loin  d'avoir  marché  du 
même  pas  et  de  se  trouver  dans  des  conditions  aussi  prospères.  On  publie  sans 
cesse,  et  l'on  a  raison,  des  documents  inédits  ou  des  éditions  moins  imparfaites 
de  nos  chroniqueurs,  des  dissertations,  même  des  volumes  relatifs  aux  institutions 
ou  aux  actes  diplomatiques  de  tel  ou  tel  règne;  mais,  pendant  ce  temps,  la  véri- 
table histoire,  Phistoire  narrative,  celle  qui  embrasse  dans  une  vue  d'ensemble 
toutes  les  faces  du  passé,  celle  qui  éclaire  les  faits  par  l'étude  des  institutions  et 
contrôle  en  même  temps  les  institutions  par  les  faits,  afin  de  s'assurer  si  les  lois 
ont  réellement  agi  sur  les  mœurs  et  dans  quelle  mesure,  l'histoire  narrative, 
dis-je,  perd  les  uns  après  les  autres  la  plupart  des  écrivains  qui  l'ont  illustrée, 
les  Augustin  Thierry,  les  Barante,  les  Guizot,  et  personne  ne  se  présente  pour 
continuer  avec  autorité  la  double  tradition,  à  la  fois  littéraire  et  scientifique, 
que  représentent  ces  noms. 

C'est  aux  professeurs  éminents  de  l'Université  qu'il  appartient  surtout  d'avoir 
cette  ambition.  Au  talent  dont  ils  ne  sauraient  manquer,  puisque,  comme  le 
disait  naguère  M.  Bersot,  c'est  le  passeport  indispensable  sans  lequel  on  n'entre 
point  à  l'École  normale  où  se  recrute  l'élite  du  corps  enseignant,  il  leur  suffit 
îde  joindre,  pour  être  des  historiens  complets,  cette  science  et  cette  conscience 
•de  l'érudit  que  l'on  acquiert  facilement  par  le  travail.  '-* 

'  L'ouvrage  de  M.  Guibal  se  recommande  principalement  par  la  consciéhcël 
Personne  n'ignore  combien  sont  misérables  et  insuffisantes  les  ressources  que 
nos  bibliothèques  de  province  offrent  aux  travailleurs.  On  ne  saurait  donc  trop 
féliciter  le  professeur  de  Poitiers  du  soin  avec  lequel  il  s'est  tenu  au  courant  de 
loutes  les  publications  relatives  à  son  sujet.  Il  n'est  point,  je  ne  din(î  pas  de 
dissertation,  mais  de  simple  note  perdue  dans  de  volumineux  recueils,  qu'il  n'ait 
connue  et  mise  à  profit.  Il  a  demandé  des  lumières  à  la  science  étrangère  aussi 
fcien  qu'à  l'érudition  nationale,  et  cela  lui  a  mainte  fois  porté  bonheur.  En 
'combinant,  par  exemple,  les  renseignements  rassemblés  par  M.  Kervyn  de  Let- 
tenhove  dans  les  notes  de  sa  belle  édition  des  Chroniques  de  Froissart,  M.  Guibal 
'est  le  premier  historien  français  qui  ait  raconté  avec  exactitude  les  diverses 
""phases  de  la  bataille  de  Poitiers. 

y  L'auteur  de  V Histoire  du  sentiment  national  n'a  pas  voulu,  à  proprement  parler, 
faire  œuvre  d'érudition.  Cependant,  son  livre  est  fort  supérieur,  si  on  le  consi*- 
dère  sous  cet  aspect,  à  l'ouvrage  publié  par  M.  Perrens  sur  le  même  sujet  et 
^dont  nous  avons  rendu  compte  '.  On  ne  peut  raconter  en  un  volume  une  période 
de  près  d^un  siècle  sans  commettre  un  certain  nombre  d'erreurs  de  détail.  Nous 
en  signalerons  seulement  quelques-unes  à  M.  Guibal,  pour  lui  prouver  que  nous 
avons  étudié  son  travail  avec  une  attention  scrupuleuse.  .8  ia  X-' 

Il  n'est  pas  exact  de  dire  que  la  chevalerie  du  xiv^  siècle,  frappée  de  déca- 
dence, donnait  un  démenti  aux  réminiscences  de  la  Table  ronde  ^.  Les  romans  de 
la  Table  ronde  ont  eux-mêmes  un  caractère  marqué  de  décadence. 


1.  Revue  critique,  n°  du  2  août  1873 

2.  P.  4. 


Si  un  traité  d'économie  rurale  publié  en  Angleterre  au  :ciu"  siècle  recommande 
aux  bouviers  d'être  joyeux  et  doux  avec  leurs  bœufs  et  de  les  charmer  par  le,u,r^ 
chants,,,^>  Çipibal  a  tort  d'en  conclure  que  la  sollicitude  pqur  4^S|  ^119^ 
domestiques  est  un  des  traits  du  caractère  anglais».  Ces  recommandations  so^ 
d'origine  normande  et  se  retrouvent  d'ailleurs  plus  ou  moins  dans  tous  les  pay;^ 
où  l'on  attelle  les  bêtes  à  cornes.  ^ 

Charles  le  Mauvais  adresse  des  sermons  aux  Parisiens  pour  les  soulever  contre 
le  dauphin  ;  et  lorsque  celui-ci,  réduit  à  accepter  la  lutte  sur  le  terrain  oii  ses 
adversaires  l'ont  placée,  fait  à  son  tour  des  discours  en  plein  vent,  est-il  ju^tjç 
d'insinuer  que  sa  parole  est  perfide  et  qu'il  cherche  à  émouvoir  les  passions  dg 
la  multitude  2  ?  ^1 

Robert  de  Clermont,  tué  le  22  février  1358,  n'était  pas  maréchal  de  France?, 
mais  de  Normandie. 

Marcel  ne  paraît  pas  avoir  jamais  eu  de  correspondance  avec  le  comte  de 
Flandre 4.  La  leltrç  dont  M.  Guibal  cjte  un  fragment  est  adressée  aux  communes 
de  Flandre. 

Affirmer  que  le  cœur  du  régent  Charles  ne  put  jamais  complètement  oublier 
ni  pardonnera,  n'est-ce  pas  aller  bien  loin?  Le  futur  Charles  V  savait  si  bien 
oublier  les  injures  qu'il  rendit  ses  bonnes  grâces  à  maître  Robert  de  Corbie  et 
permit  à  son  échanson,  Pierre  de  Dormans,   d'épouser  la  veuve  de  Charles 

Toussac  .  ^oiJii^îï\u^m  :ô  ^L'l6in^^inl  :îrTo^  ''-i-::nc:)  rnon^iVi  ^ririons^ 

M.  Guibal  prétend  que  le  dauphin,  après  l'exécution  de  Marcel,  ri'osak  bouggr 
de  Paris,  tant  il  savait  la  population  de  la  capitale  dévouée  au  roi  de  Navarre  7w 
Rien  n'est  moins  exact.  Après  les  scènes  du  mois  de  juillet,  Charles  le  Mauvais 
ne  conserva  que  des  partisans  isolés;  il  inspira  dès  lors  à  la  plupart  des  Parisiens 
june  véritable  horreur.  L'année  suivante,  lorsque  le  régent  conclut  la  paix  avec 
son  beau-frère  et  l'invita  à  se  rendre  à  Paris,  il  jugea  prudent  de  faire  jurer  au 
prévôt  des  marchands  et  aux  échevins  que  personne  n'attenterait  à  la  vie  du  roi 
de  Navarre. 

D'après  l'auteur  de  V Histoire  du  sentiment  national,  Charles,  pendant  sa 
régence,  serait  resté  au-dessous  de  sa  tâche 8.  Nous  savons  bien  que  telle  est 
depuis  longtemps  l'opinion  régnante,  mais  nous  espérons  prouver  bientôt  qu'elle 
repose  sur  une  étude  incomplète  de  cettç  période,  l'une  des  plus  curieu,s^;j^ 
des  moins  connues  de  notre  histoire.  /! ,  a 

Le  24  juillet  1 369,  le  bailli  de  Caen  s'appelait  Renier  le  Coutelier,  et  non  ^e 
Bouteliçr^.  Le  prénom  du  père  de  Bertrand  du  Guesclin  est  Robert,  no^ 

I.  P.  7  et  8. 

2    P    ^4 

*  p*  ]T  vix  h'ù  r  .i  -jup  9iib  3b  VjBim  2Bq  j23'n  II 

4.  P.  61.  jT  £{  ôb  i   _     iji  yiJG  iJnsmèh  nu  lisanob  .«donsb 

6.  Cette  veuve  s  appelait  Marguerite.  Arcn.  nat.,  sect.  jud.,  Xia  20  f»  381  v^a  383. 

l'  £•  ^7- 

8.  P.  99.  .    , 


$6  àflUTAHÎTOyEagRtT4QyE:oT2IH^d 

Regnault'.  C'est  en  1359  que  Robert  Knolles  faisait  graver  sur  ses  armoiries  la 
devise  rapportée  par  M.  Guibal  à  l'année  1370*.  A  cette  dernière  date,  l'ancien 
chef  de  bande  était  devenu  un  trop  grand  personnage  pour  avoir  besoin  de 
frapper  l'imagination  par  cette  bravade. 

,  Louis,  duc  d'Anjou,  avait  épousé  Marie,  et  non  Marguerite  de  Bretagne,  fi\\e 
^e  Charles  de  Blois  et  de  Jeanne  de  Penthièvre  ?.         hip  S^êif  Jrob  ôfl  nievhoè 

Enfin,  c'est  commettre  une  erreur  plus  grave  que  d'avancer,  à  propos  dés 
Cabochiens,  qu'on  méprisait  les  bouchers  et  que  la  bonne  bourgeoisie  ne  frayait 
pas  avec  eux 4.  Un  acte  nous  montre,  au  contraire,  des  membres  de  cette  cor- 
poration assistant  aux  noces  d'un  fils  du  prévôt  des  marchands  Jean  Culdoe  en 
compagnie  d'un  La  Trémouille  et  de  la  fine  fleur  de  l'aristocratie  5. 

La  conscience  que  M.  Guibal  a  presque  toujours  apportée  dans  ses  recherches 
n'a  refroidi  ni  son  cœur  ni  sa  plume.  Toutes  les  pages  de  son  livre  sont  animées 
d'un  souffle  vraiment  généreux  et  respirent  le  plus  ardent  patriotisme.  L'auteur 
de  VHistoire  du  sentiment  national  porte  même  un  peu  trop  peut-être  dans  l'étude 
du  passé  les  préoccupations  actuelles.  Le  souvenir  de  nos  désastres  l'obsède 
comme  une  idée  fixe.  La  défense  de  Strasbourg,  la  perte  de  l'Alsace,  l'éloge  de 
M.  Thiers  interviennent  plus  d'une  fois  dans  ce  récit  des  principaux  événements 
survenus  pendant  la  guerre  de  Cent  ans.  Mais  quand  on  sait  que  M.  Guibal, 
ancien  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de  Strasbourg,  a  été  violemment  arra- 
ché de  l'Alsace,  sa  patrie  d'adoption,  par  la  conquête  prussienne,  quand  on  sent 
qu'il  y  a  là  une  plaie  encore  saignante,  il  répugne  de  trouver  dans  ces  rappro- 
chements la  matière  d'un  reproche.  Tout  au  plus  exprimerions-nous  un  regret. 
C'est  précisément  parce  que  nos  récents  malheurs  rappellent  à  tant  de  points  de 
vue  la  situation  où  se  trouvait  la  France  au  lendemain  de  Poitiers,  qu'il  est  inu- 
tile de  faire  ressortir  ces  analogies  :  le  lecteur  en  est  d'autant  plus  frappé  qu'on 
le  laisse  les  saisir  de  lui-même.  ù'ino^nr  iii:  511^.^1!/.'-^ 

L'art  délicat  de  la  composition  et  du  style  est  une  -des  maîtresses  parties  -de 
l'historien  et  aussi  du  vulgarisateur.  A  ce  point  de  vue,  nous  avons  éprouvé 
quelque  mécompte  en  lisant  l'ouvrage  que  nous  analysons.  On  reproche  avec 
ïaison  aux  érudits  de  reléguer  trop  souvent  dans  les  notes  ce  qui  devrait  figurçj 
dans  le  texte.  M.  Guibal  tombe  dans  le  défaut  contraire.  Parlant  de  Marcel  ^ 
de  la  commune  parisienne  en  1356  et  1357,  il  écrit  :  «  Ce  sujet  a  été  plus 
»  d'une  fois  traité;  il  a  été  repris  au  lendemain  des  désastres  de  1870-1 871, 
»  par  M.  Charies  Giraud,  qui  lui  a  consacré  deux  articles  publiés  dans  la  Revue 
»  des  Deux-Mondes  (i^""  et  15  juin  1871),  sous  le  titre  de  Traité  de  Brétigny^.  » 
Si  importants  que  soient  les  articles  de  M.  Giraud,  il  suffisait,  de  les  mentionner 
dans  une  note  placée  au  bas  de  la  page.  On  est  surpris  de  voir  M.jGuibal  intro- 


1.  P.  m. 

2.  P.  117.  .ni  ^âîs\^h'\^Qj\D:A  .DÎ9  ^îwj\o?\  sVj  5^ 

î.i -et:  P-  2:^9-     3  „(uKSc[rni,d30/i  .v)  nlfimsrionsia  .M  s  JnBnaJuqqs  ottki 

5.  Arch.  nat.,  sect.  hist.,  JJ  loj,  n*  $23. 

6.  P.  38.  40s  ,hB  ,çc)8i  ^aupiîn 


Qi  ■ 


d'histoire    ET^^^liE'-L'lWlRATUaE.  57 

.duire  une  simple  indication  bibliographique,  comme  celle  que  nous  venons  de 
rapporter,  dans  le  cours  de  sa  narration.  Le  style  n'est  dépourvu  ni  de  mouve- 
ment ni  de  chaleur;  il  est  néanmoins  dans  son  ensemble  d'une  qualité  médiocre. 
L'auteur  prodigue  la  répétition,  l'accumulation  et  autres  figures  de  rhétorique 
qui  peuvent  être  de  mise  dans  une  chaire  ou  à  la  tribune,  mais  dont  un  véritable 
écrivain  ne  doit  user  qu'avec  une  extrême  réserve.  En  revanche,  la  propriété 
de  l'expression,  la  précision,  la  netteté  font  parfois  défaut.  Décrivant  le  Paris 
du  xiV-'  siècle,  M.  Guibal  nous  parle  «  de  maisons  obscures  qui  semblaient  jeter 
»  un  perpétuel  défi  aux  plus  simples  notions  d'alignement  •  »  ;  puis,  il  ajoute 
quelques  lignes  plus  loin  que,  dans  ces  maisons,  «  notre  organisation  moderne 
T)  aurait  mal  résisté  à  quelque  accès  de  spleen ^  ».  Certains  j[ournalistes  n'ont 
donc  pas  seuls  le  secret  de  cette  langue  étrange!  :up  sonaioefloo  fiJ 

Que  M.  Guibal  nous  pardonne  ces  observations  un  peu  sévères.  Il  s^èst' plaint 
dans  son  avant-propos  de  la  prépondérance  de  l'érudition,  de  la  décadence  de 
dfhistoire.  Le  savant  professeur  de  Poitiers  a  la  conscience  d'un  érudit;  'iP'a 
l'âme  d'un  patriote.  Le  jour  où  il  voudra  bien  joindre  à  un  fonds  riche  Tàft 
sans  lequel  on  ne  peut  dans  les  lettres  élever  un  monument  durable,  il  sera  lui^ 
même  un  de  ces  historiens  qui  deviennent  de  jour  en  jour  plus  rares. 

/';s.v^  ^  >  .  i  î.^  Siméon  LucE.^         - 

^P|^."— ^Ai  tnABOUiLLET.  Noticc  sur  une  médaille  inédite  de  Ronsard  par 
►    Jacques  Primavera,  suivie  de  recherches  sur  la  vie  et  les  œuvres  de  cet  artiste. 

Orléans,  imprimerie  de  Georges  Jacob.  1875.  In-8*.  :  j 

3^  Àtix  portraits  de  Ronsard  signalés  par  M.  de  Rochambeau  dans  son  étude  sur 
la  famille  du  grand  poète?,  M.  G.  vient  ajouter  une  médaille  dont,  malheureu- 
sement, l'original  a  disparu  et  n'est  plus  représenté  que  par  un  moulage  de 
plâtre,  tiré,  à  une  époque  inconnue,  sur  un  exemplaire  assez  médiocre 4.  Autour 
du  buste  du  poète,  tourné  à  droite,  revêtu  d'un  pourpoint  et  d'un  manteau,  et 
"la  tête  nue,  on  lit  :  Peîrus  de  Ronssardo.  ae.  s.  Ixi.  Ce  portrait  a  donc  été  exécuté 
en  1 585,  dans  la  dernière  année  delà  vie  de  Ronsard.  L'inscription  lA.  PRIMA\^ 
placée  sous  le  bras,  est  la  signature  de  Jacques  Primavera,  artiste  dont  on  con- 
naissait déjà  plusieurs  médailles.  A  l'occasion  de  celle  qui  vient  enrichir  une  suite 
encore  peu  nombreuse,  M/Ç.  a  rassemblé  ce  qu'il  a  pu  découvrir  sur  la  vje'et 
sur  les  œuvres  de  cti  artiste.  Ce  travail  forme  la  deuxième  partie  de  l'opùsèuîè 
que  nous  annonçons  :  dans  la  première,  consacrée  à  Ronsard,  plusieurs  asser- 
tions de  M.  de  Rochambeau  sont  rectifiées,  et  le  lecteur  y  trouvera  un^  utifë 
complément  aux  remarques  publiées  ici  à  propos  des  Recherches  y,  •      \ 


I.  P.  39.  - 

i.  P.  40..  '"  -^  •! 

3.  La  famille  de  Ronsart,  etc.  Iconographie,  III.  V^^  -^  •* 

4.  Une  autre  médaille  représentant  Ronsard  à  42  ans  n'était  également  'représentée 
que  par  un  plâtre  appartenant  à  M.  Blanchemain  (v.  Rochambeau).  Ce  plâtre  n'existe 
plus.                                                                           ^"^     -    x^  -•    -    ;  - 

5.  Revue  critique,  1869,  art.  203.  •      ■  -    - 


jS  .afiUTA/îèEVUE   CRITIQŒEîOTZIH^C 

On  ne  connaît  ni  la  ville  où  naquit  J.  Primavera,  ni  la  date  de  sa  naissance 
ni  celle  de  sa  mort  :  son  nom  n'est  cité  dans  aucun  document  écrit  du  xvi''  siècle. 
M.  C.  énumère  i6  médailles  signées  par  le  maître  italien  :  encore,  dans  le 
nombre^  deux  ne  sont-elles  connues  que  par  les  planches  d'Heraeus  ',  deux  sont 
citées  par  Bolzenthal2  qui  ne  dit  pas  s'il  les  a  vues,  une  cinquième  enfin  n'est 
connue,  aussi  bien  que  celle  de  Ronsard,  que  par  un  plâtre.  Les  plus  anciennes 
ne  remontent  pas  au  delà  de  i  $68,  les  plus  récentes  ne  descendent  pas  au  dessous 
de  i$8j.  Parmi  les  pièces  que  nous  possédons,  on  remarque  le  portrait  de 
Primavera  lui-même,  à  l'âge  de  36  ans,  celui  d'Hélène  Nisselys  (sa  femme.?), 
ceux  des  poètes  Dorât  et  Baïf.  Ces  deux  médailles  ont  été  exécutées  en  1585 
dans  le  même  temps  que  celle  de  Ronsard.  Cette  circonstance  ne  nous  permet 
guère  d'espérer  qu'on  retrouve  représentés  par  Primavera  les  sept  poètes  de 
la  Pléiade,  car  plusieurs  étaient  morts  bien  avant  cette  date. 

Un  dessin  élégant  et  facile  distingue  les  médailles  sorties  des  mains  de  Prima- 
vera. Par  leur  peu  de  relief,  par  l'habile  agencement  des  parures,  par  le  jet 
ample  et  heureux  des  draperies,  elles  rappellent  plutôt  la  manière  d'un  peintre 
que  celle  d'un  sculpteur  ou  d'un  orfèvre,  et  on  ne  voit  guère  sur  quels  indices 
Bolzenthal  a  voulu  faire  de  Primavera  un  élève  de  Jacques  Trezzo  ou  d'Antonio 
de'  Rossi. 

L'histoire  de  la  gravure  en  médailles  est  encore  à  faire.  On  ne  peut  même  pas 
dire  qu'elle  ait  été  ébauchée,  car  l'esquisse,  très-utile,  de  Bolzenthal  n'est  qu'un 
cadre  à  remplir.  Le  Trésor  de  Numismatique  donne  un  grand  nombre  de  pièces 
ciselées  à  la  belle  époque  de  l'art,  mais  elles  ne  sont  nullement  classées  et  le 
texte,  souvent  inexact,  est  muet  sur  les  artistes.  M.  Alex.  Pinchart  n'a  traité 
qu'une  petite  partie  de  ce  vaste  sujets.  Cette  pénurie  contraste  assurément  avec 
l'embarrassante  profusion  d'ouvrages  publiés  sur  les  autres  branches  de  l'art  du 
dessin  :  mais  avant  que  l'on  puisse  songer  à  y  porter  remède,  il  faut  attendre 
que  les  principales  écoles  aient  été  bien  définies,  et  ce  travail  préliminaire,  lui- 
même,  exige  que  nous  soyons  en  possession  de  monographies  consacrées  aux 
maîtres  les  plus  féconds  et  les  plus  célèbres.  L'intéressant  travail  que  M.  C.  vient 
de  publier  sur  Primavera  prend  naturellement  sa  place  à  côté  des  études  ana- 
logues de  M.  Friedlœnder  sur  Benvenuto  Cellini  et  Andréa  Guacialoti,  et  de 
M.  Ad.  de  Longpérier  sur  Jean-Paul  Poggini4. 

C.  DE  LA  Berge.  ^ 


1.  Bildnisse  der  regierenden  Fûrsten  und  berûhmter  Maenner.  Wien.  MDCCCXXVII^. 
In-fol.  pi.  22  et  62  (et  non  67  comme  le  fait  dire  à  M.  C.  une  faute  d'impression,  p.  41-) 
note  I").  ,j  -n£ 

2.  Skizzen  zur  Kunstsgeschichte  der  modernen  Medaillen-Arbeit.  Berlin.  1840,  p.  160. 

3.  Histoire  de  la  gravure  des  médailles  en  Belgique  depuis  le  XV' siècle  jusqu'en  1794. 
Bruxelles.  1870.  In-8*. 

4.  Revue  Numismatique,  1858  (89-104).  M.  L.  Pigarini  (Periodico  diNumismatica,  1872, 
p.  16)  fait  honneur  à  Pastorino  de  Sienne  de  plusieurs  pièces  que  M.  Ad.  de  L.  attribue 
à  Poggini. 


d'histoire  et  de  littérature.  59 


1 50.  —  Giappmo  Leopardi,  ?a  vie  etses  œuvrçs^  Mr,A..^ûuc^^^rL^G^R(ff3^j 
la  Faculté  (les  lettres  de  Montpellier.  Paris,  bidier  et  C*.  1874.  in-12,  viii-jiy  p. 
Prix:  î  fr.  '  -'  '•   ''^-'M   ^^!   v/i-m!^^^  .:0 


Malgré  un  remarquable  article  de  Sainte-Beuve,  malgré  les  strophes  célèbres 
d'Alfred  de  Musset,  Leopardi  n'est  pas  suffisamment  connu  en  France.  Ceux  qui 
ont  lu  ses  poésies  se  compteraient  sans  peine;  ceux  qui  les  goûtent  pleinement 
sont  plus  rares  encore;  son  nom  même  est  étranger  à  la  masse  du  public. 
Il  ne  faut  pas  croire  que  la  gloire  du  poète  de  Recanati  deviendra  jamais 
populaire:  il  n'a  écrit  que  pour  le  petit  nombre,  et  en  Italie  même,  où  il  est 
maintenant  admis  parmi  les  grands  hommes,  plus  d'un  en  parle  qui  n'a  pas 
ouvert  son  livre  ou  qui  l'a  bien  vite  fermé.  Mais  un  ouvrage  comme  celui  que 
nous  annonçons  contribuera  certainement  à  révéler  à  ceux  qui  sont  faits  pour  s'y 
abreuver  une  source  jusqu'à  présent  trop  cachée.  Dans  un  tableau  composé  et 
exécuté  avec  l'art  le  plus  délicat,  M.  Bouché-Leclercq  suit  le  poète  de  son  ber- 
ceau à  sa  tombe,  entremêlant  au  triste  et  monotone  récit  de  ses  souffrances 
l'analyse  et  la  traduction  fragmentaire  de  ses  plus  belles  œuvres  '.  A  vrai  dirç, 
l'analyse,  appliquée  aux  Opérette  morali,  n'en  donne  qu'une  bien  faible  idée,  et 
des  poésies  comme  celles  de  Leopardi,  où  l'apparente  simplicité  du  style  est  le 
produit  d'une  industrie  merveilleuse  et  patiente,  perdent  dans  une  traduction  une 
bien  grande  part  de  leur  valeur.  Nous  n'en  devons  du  reste  que  rendre  plus  plei- 
nement justice  au  talent  tout  à  fait  remarquable  que  M.  B.-L.  a  montré  dans  les 
siennes.  Sa  prose,  qui  sait  être  au  besoin  hardie  et  courte,  est  surtout  habile  en 
longues  périodes  heureusement  soutenues,  et  se  plie  avec  souplesse  aux  contours 
sévères  ou  gracieux  du  modèle  2.  Mais  il  sent  assurément  lui-même  combien 
ces  intelligentes  copies  restent  loin  de  Poriginal.  Le  style  savant  de  Leopardi, 
qui  reproduit  les  mouvements  et  les  tours  des  lyriques  grecs  avec  les  expressions 
et  les  phrases  des  Toscans  du  xiv°  siècle,  n'est  appréciable  que  dans  sa  langue, 
et,  même  ainsi,  ne  l'est  pleinement  que  pour  des  lecteurs  doublement  érudits. 
André  Chénier  d'un  côté,  Courier  de  l'autre  ne  donnent  chez  nous  qu'une  idée 
fort  imparfaite  de  ce  procédé.  M.  B.-L.,  à  notre  avis,,  ne  s'est  pas  assez  arrêté  à 
cette  question  de  forme,  qu'il  abandonne  sommairement  aux  critiques  italiens.  En 
qualifiant  lui-même  son  livre  d'étude  littéraire  avant  tout,  il  s'imposait  l'obli- 
gation d'étudier  de  plus  près  cette  partie  de  son  sujet,  plus  importante  chez 
l'auteur  qu'il  avait  choisi  que  chez  la  plupart  des  autres. 

C'est  en  définissant  ainsi  son  œuvre  que  M.  B.-L.  s'est  dispensé  d'entrer  dans 
des  recherches  biographiques,  pour  lesquelles  il  est  cette  fois  en  droit  de  renvoyer 
aux  compatriotes  de  Pauteur.  Ceux-ci  n'ont  à  peu  près  rien  fait  pour  remplir  cette 

1 .  Quelques-unes  sont  omises  qui  devraient  figurer,  par  exemple  le  Risorgimento. 

2.  Le  sens  m'a  semblé  d'ordinaire  très-bien  saisi.  Cependant,  sans  parler  des  nuances, 
il  y  a  quelques  passages  qui  ne  sont  pas  exactement  rendus.  La  version  de  l'admirable 
pièce  A  se  stesso,  dont  M.  B.-L.  fait  avec  raison  «  la  véritable  épitaphe  »  du  poète,  laisse 
particulièrement  à  désirer.  Le  Perl  dont  la  répétition  fait  tant  d'effet  n'est  traduit  qu'une 
fois.  In  mi  di  cari  in^anni  non  che  la  speme,  il  desiderio  é  spento,  est  tout  autre  chose  que  : 
«  De  ces  chères  illusions  il  ne  me  reste  pas  même  une  espérance,  pas  même  un  désir.  » 


6o  .a^^^iŒWE^irRitiQuÉ'^^^^»'^ 

tâche.  Il  semble  que  Leopardi,  comme  homme  aussi  bien  que  comme  écrivain, 
inspire  une  admiration  où  il  entre  plus  d'étonnement  que  d'attraction.  Son  ami 
dévoué,  celui  qui  a  consolé  ses  derniers  jours  et  qui  Pa  connu  mieux  que  per- 
sonne, Antonio  Ranieri ,  n'a  su  mettre  en  tête  de  ses  œuvres  qu'une  notice 
de  quelques  pages  où  les  formules  d'un  enthousiasme  naïf  tiennent  beau- 
coup plus  de  place  que  les  renseignements  utiles.  Sur  sa  famille,  sur  ses 
premières  années,  sur  ses  véritables  rapports  avec  son  père,  on  ne  nous  a  rien 
communiqué  d'authentique  ;  ceux  qui  l'ont  connu  se  sont  contentés  de  le  louer 
sans  le  caractériser.  Il  est  vrai  que  la  publication  des  lettres  a  jeté  sur  son  histoire 
intérieure  un  jour  extrêmement  vif;  mais  ces  lettres  se  font  de  plus  en  plus  rares 
et  de  moins  en  moins  intimes  à  mesure  qu'il  avance  en  âge,  et  nous  ne  connais- 
sons à  peu  près  rien  du  développement  de  ses  pensées  et  de  ses  sentiments,  à 
partir  de  son  premier  retour  à  Recanati,  que  par  ses  ouvrages  destinés  au  public. 
Il  n'est  que  temps,  pour  ceux  qui  peuvent  combler  cette  lacune,  de  le  faire; 
chaque  année  emporte  un  de  ceux  qui  ont  vu  de  près  le  poète  mort  il  y  a  bientôt 
quarante  ans,  et  l'ensemble  de  son  œuvre  offre  plus  d'une  énigme  dont  leur 
témoignage  pourrait  faciliter  la  solution.  La  forme  concise  et  impersonnelle 
adoptée  par  Leopardi  n'empêche  pas,  comme  le  dit  "W."  te(.-i..^i^que  toiîs  sei 
écrits  ne  soient,  suivant  le  mot  de  Gœthe,  des  fragments  d'^uhe  confession  géné- 
rale; aussi,  tout  ce  qui  concerne  l'homme  profite  à  l'intelligence  de  l'œuvre  :  l'un 
est  absolument  inséparable  dé  l*atitre.^  -b'âHâ^iuW^ïeftainsefis,  Leopardi  n'aura 
jamais  de  biographie,  car,  en  vérité,  on  peut  dire  qu'il  n'a  pas  vécu;  mais  les 
modifications  de  son  être  intime,  sous  l'influence  de  certaines  circonstances  exté- 
i^VeS'/^rtè  tibtrs'^'antpàs  encore  suffisamment  clairesV^^T&r'cVqùe 'W!'b.-L.' 
pouvait  faire,  en  renonçant  à  des  découvertes  hors  de  àa  pc)ffe,'ît  l'a  fait  :  il  a 
reconstitué  aussi  bien  qu'il  l'a  pu,  à  l'aide  des  poésies,  des  œuvres  morales,  des 
lettres  et  des  rares  témoignages  contemporains,  l'histoire  de  cette  grande  âme  si 
malheureuse,  et  il  n'existe  ni  en  italien  ni  en  allemand  un  livre  qui,  pour  l'en^' 
chaînement  des  faits,  l'intérêt  de  l'exposition  et  la  justesse  de  l'impression  eéné- 
raie,  puisse  se  comparer  au  sien.  "-^^"^  J>j->y-i  -^^^  ^  *'  i 

A  côté  de  l'histoire  du  poète,  MV'1g;l1^^Vl^c^l*S])lMîSïdfffe  œâvY^^^^^^ 
appréciation,  nous  l'avons  déjà  vu,  n'est  pas  suffisamment  approfondie  au  point 
de  vue  littéraire.  L'auteur  a  surtout  insisté  sur  le  côté  psychologique  et  philoso- 
phique du  sujet.  Il  a  montré  dans  l'analyse  des  idées  de  Leopardi  beaucoup  de 
clarté  et  parfois  de  finesse  ;  mais,  à  notre  avis,  il  manque  à  son  livre,  pour  satisfaire 
complètement  le  lecteur,  une  certaine  puissance  et  une  certaine  chaleur.  Il  nous 
assure  dans  sa  préface  qu'il  a  eu  à  se  défendre  «  contre  les  entraînements  d'une 
»  sympathie  profonde  »;  il  s'est  si  bien  défendu  qu'on  se  prend  parfois  â'sç 
demander  si  cette  sympathie  a  été  réellement  bien  profonde  et  bien  entraînante.^ 
Avec  une  insistance  que  n'arrêtent  pas  les  protestations  du  poète  lui-même," 
M.  B.-L.  se  plaît  à  nous  répéter  sans  cesse  que  le  pessimisme  de  Leopardi  nW 
attribuable  qu'à  sa  mauvaise  santé  et  à  sa  laideur,  qu'il  aurait  pensé  tout  autre- 
ment s'il  avait  été  bien  portant  et  aimé  des  femmes,  et  que  son  désespoir  philo- 
sophique n'est  qu'un  phénomène  pathologique  et  «  l'agacement  nerveux  d'un 


D'HlSTOip^^f.,Pl  ,:,C\E  ,^14J:T^  RATURE .  6 1 

»  enfant  en  colère  (p.  175).  »  On  trouve  dans  des  pages  trop  nombreuses,  à 
Kendroit  des  noires  théorie?  ,d^.  ^eppardi,,  I.9  ton  4'une  sorte  de  compassion 
presque  dédaigneuse  .qui^,^l^,véritérjfroÂS5|5q,U<5lciuç  :pj^^jççi^  quiont  sondé  U 
profondeur  des  abîmes  d'où  partent  les  cris  douloureux  du  poète.  M.  B.-L» 
assure  que  Leopardi  n'est  pas  un  vrai  philosophe,  et  il  a  raison  si  on  réserve  ce 
nom  aux  penseurs  qui  essaient  une  exphcation  de  Punivers  ;  mais  il  est  singuliè- 
rement mal  venu  à  lui  reprocher  comme  il  le  fait  de  ne  pas  avoir  eu  le  courage 
d'aller  jusqu'au  fond  de  sa  pensée.  «  La  raison,  dit-il  avec  un  dogmatisme  dont 
»  la  solennité  ne  cache  pas  le  vague  ',  se  doit  à  elle-même  d'aller  jusqu'au  bout 
»  de  ses  forces  ;  il  ne  lui  est  pas  permis  de  se  reposer  après  un  premier  effort 
)>  et  de  s'endormir,  avec  le  calme  de  la  certitude  absolue,  au  sein  d'un  matéria- 
»  lisme  bâtard,  etc.  (p.  54).  »  Que  veut  dire  matérialisme  «  bâtard  »,  et  qu'au-» 
rait  donc  trouvé  la  raison  de  Leopardi  en  allant  au  delà  .?  Il  s'est  si  peu  reposé  (!) 
dans  une  certitude  absolue  que  dans  un  passage  cité  par  l'auteur  lui-même,  il 
écrit  à  Bunsen  :  «  Ma  propre  expérience  m'enseigne  que  le  progrès  de  l'âge, 
))  parmi  tant  de  changements  qu'il  opère  dans  l'homme,  altère  encore  notable- 
))  ment  son  système  de  philosophie.  »  M.  B.-L.  ne  se  contente  pas  de  démontrer, 
plus  qu'il  n'était  peut-être  nécessaire ,  que  le  pessimisme  de  Leopardi  provenait 
âe  sa  situation  personnelle  :  il  en  conclut  implicitement  qu'il  n'a  aucune  valeur 
objective,  et  en  cela  il  va  trop  loin.  Chaque  homme  est  amené  aux  idées  qu'il 
embrasse  par  son  développement  propre  et  les  circonstances  où  il  vit;  mais  il  ne 
s'ensuit  pas  que  ces  idées  n'aient  de  vérité  que  pour  lui.  Leopardi  écrit,  dans 
une  lettre  célèbre  :   «  L'on  a  voulu  considérer  mes  opinions  philosophiques 
»  comme  le  résultat  de  mes  souffrances  particulières,  et  l'on  s'obstine  à  attribuer 
))  à  mes  circonstances  matérielles  ce  qu'on  ne  doit  qu'à  mon  entendement. 
))  Avant  de  mourir,  je  vais  protester  contre  cette  invention  de  la  faiblesse  et  de 
>)  la  vulgarité,  et  prier  mes  lecteurs  de  s'attacher  à  détruire  mes  observations 
»  et  mes  raisonnements  plutôt  que  d'accuser  mes  maladies.»  Qu'il  se  fît  illusion 
en  n'attribuant  pas  à  ses  maux  le  tour  qu'avaient  pris  ses  pensées,  c'est  ce  que 
nous  ne  contesterons  pas  à  M.  Bouché-Leclercq;  mais  que  cela  suffise  pour 
«  détruire  ses  observations  et  ses  raisonnements,  »  nous  ne  l'accordons  pas 
aussi  aisément.   De  tous  les  problèmes  insolubles  que  le  monde  pose  au  philoT^. 
sophe,  Leopardi  n'en  a  vu  et  abordé  qu'un  seul  :  celui  de  la  destinée  humaine 
et  spécialement  du  bonheur.  A   mesure  que  la  philosophie  se  rapproche  de  la 
sciencç^  on  peut  dire  que  ce  problème  perd  de  l'importance  et  descend  peu  à 
peu  du  rang  où  l'avaient  mis  les  anciens  sages.  Mais  si  on  s'attache  à  le  sonder 
en  lui-même,  les  solutions  désespérantes  du  poète  italien  ne  sont  pas  faciles  à 
réfuter.  Elles  peuvent  même  soutenir  l'examen  de  ceux  qui  abordent  l'ensemble 
des  questions  philosophiques.  Depuis  Leopardi,  et  à  un  point  de  vue  sensi- 
blement différent,  le    pessimisme   absolu  a   été  soutenu    par    Schopenhauer 
et  p?ir  d'autres J_^  Jp^^  ^d'être  absurde  ipso  facto,   comme  semble  l'admettre 

I.  Il  étonne  d'autant  plus  qu'en  général  l'auteur  fait  preuve  de  l'esprit  le  plus  libre, 
•îu'b  xusvian  JndmsDBgfiM  »  J3  aupigoloriJBq  snémonèriq  nu'up  iz^'a  dupidqoz 


62  .i/iùT..     REVUE   CRITIQUE 

M.  B.-L.,  il  est  un  des  pôles  entre  lesquels  oscille  nécessairement  la  pensée 
humaine,  et  il  y  a  dans  Peffort  douloureux  avec  lequel  le  poète  de  Recanati  l'a 
atteint  du  premier  bond  une  grandeur  philosophique,  en  même  temps  qu'une 
puissance  d'émotion,  que  le  critique  ne  paraît  pas,  il  faut  bien  le  dire,  avoir 
suffisamment  senties  '.  C'est  ce  qui  explique  que  son  livre,  où  on  trouve  beau- 
coup de  goût,  des  idées  fines,  un  style  extrêmement  élégant  et  un  grand  bonheur 
d'expression,  laisse  en  somme  une  impression  irès-mélangée  et  reste  au  dessous 
de  ce  que  le  sujet  fait  attendre. 

Nous  terminerons  par  une  dernière  critique,  qui  sera  en  même  temps  un  éloge. 
M.  B.-L.  n'est  nullement  un  simple  commentateur;  à  propos  de  chacune  des 
manières  de  penser  ou  de  sentir  qu'il  rencontre  dans  son  auteur,  il  intervient 
personnellement,  les  reprend  à  son  tour,  les  discute,  les  suit  chez  d'autres,  et 
se  montre  dans  toutes  ces  petites  digressions  penseur  ingénieux  et  habile  écrivain. 
Mais  je  ne  sais  si  le  livre,  que  l'auteur,  avec  toute  raison,  a  voulu  réduire  à  des 
proportions  modestes,  n'aurait  pas  gagné  à  être  un  peu  autrement  conçà.^  Eâ 
littérature,  la  philosophie,  la  politique,  la  société  en  Italie,  à  l'époque  où  vécùt 
Leopardi,  sont  fort  mal  connues  en  France  :  en  accompagnant  son  héros  de 
Recanati  à  Rome,  à  Bologne,  à  Florence,  à  Naples,  on  aurait  aimé  que  M.  B.-L. 
dessinât  avec  plus  de  détails  le  cadre  dans  lequel  se  placent  les  épisodes  succes- 
sifs dont  se  compose  son  livre.  Les  jugements  qu'on  a  portés  sur  Leopardi 
auraient  aussi  fourni  un  secours  pour  aider  à  le  comprendre  ;  l'impression  qu'un 
grand  esprit  a  produit  sur  ses  contemporains  est  un  élément  indispensable  pour 
son  appréciation  2.  En  accordant  moins  de  place  à  ses  réflexions  personnelles, 
M.  B.-L.  en  aurait  gagné  pour  ces  utiles  compléments. 

En  résumé,  écrit  avec  beaucoup  d'agrément  et  de  talent,  le  livre  de  M.  Bouché- 
Leclercq  est  le  meilleur  qu'on  ait  sur  Leopardi  ;  il  le  fera  connaître  à  un  public 
nombreux  et  invitera  sans  doute  plus  d'un  lecteur  à  entrer  en  commerce  direct 
avec  le  poète.  On  pourrait  souhaiter  que  l'auteur  eût  pénétré  plus  profondément 
dans  cette  âme  alta^  genîile  e  pur  a;  mais  peut-être,  en  se  laissant  trop  aller  à 
l'admiration  émue  qu'inspirent  les  poèmes  de  Leopardi,  serait-il  devenu  moins 
facilement  abordable  pour  ceux  qui  ne  les  connaissent  pas  encore,  et  n'aurait-il 
pas  été  un  guide  aussi  aimable  et  aussi  bienvenu  pour  les  mener  jusqu'au  pied 
de  ces  austères  sommets. 

G.  P. 
-, . iiinq  t^in  ?mvA\\ 

■-  i;  Il  va  jusqu'à  lui  reprocher  (p.  187)  de  n'être  pas  «  un  causeur  aimable  qui  insinue 
¥  sa  pensée  sans  l'imposer,  »  et  de  «  laisser  voir  qu'il  tient  beaucoup  à  convaincre.  » 

2.  Une  lacune  nous  a  irappé.  M.  B.-L.,  dont  les  études  spéciales  concernent  le  monde 
antique,  passe  très-rapidement  sur  les  travaux  d'érudition  de  Leopardi.  Nous  aurions  été 
heureux  d'avoir  son  appréciation  sur  ce  point,  d'autant  que  la  façon  dont  Leopardi  a 
compris  et  l'antiquité  et  la  science  n'est  nullement  indifférente  pour  l'intelligence  de  sa 
philosophie  et  de  sa  poésie,  .^.^.j  gj^îjpyfiH  i  21;.  ^^qa  ^^iz-^^ml^M 

iup  ,J9mui.a  ;M  yt^^X-^^^.  nuqulq  fil.iL'oq  îiîgï;;2f.oiiqiiaani  29D  InaxnsauâiuariUM 


d'histoire  et  de  littérature.  63 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  1 6  juillet  1 87  $ . 

L'académie  reçoit  l'avis  que  l'académie  des  sciences  a  désigné  M.  le  baron 
Ploquet  pour  faire  partie  de  la  commission  du  prix  Fould  (histoire  des  arts  du 
dessin  chez  les  différents  peuples  de  l'antiquité  jusqu'au  siècle  de  Périclès). 

M.  de  Longpérier  lit  au  nom  de  M.  P.  P.  Mathieu,  de  Clermont-Ferrand,  une 
note  d'où  il  résulte  que  le  bas-relief  trouvé  en  Hollande  et  représentant  Mercure 
arverne,  qui  a  fait  l'objet  d'une  lettre  de  M.  R.  Mowat  lue  à  la  séance  du  2  5  juin 
dernier  (ci-dessus  p.  15),  avait  déjà  été  signalé,  à  l'académie  de  Clermont- 
Ferrand,  par  M.  Mathieu;  celui-ci  en  avait  tiré  la  conclusion  qu'il  a  dû  y  avoir 
au  Puy  de  Dôme  une  statue  de  Mercure  assis.  Mais  le  Mercure  de  Zénodore  ne 
devait  pas  avoir  cette  attitude  ;  ce  point  sera  traité  dans  un  travail  qui  doit 
paraître  prochainement  sous  ce  titre  :  Le  Puy  de  Dôme,  ses  ruines,  Mercures  et  les 
Matrones. 

M.  de  Longpérier  met  sous  les  yeux  des  membres  de  l'académie  un  petit  vase 
grec  qui  lui  a  été  communiqué  par  M.  G.  Perrot,  auquel  il  a  été  envoyé  par 
M.  Karabéla,  de  Constantinople.  C'est  un  vase  de  l'espèce  dite  oenochoe.  Il  a 
cette  particularité  que  le  potier  s'en  est  servi  pour  écrire  à  la  pointe,  sur  le  pied, 
la  note  d'une  commande  qu'on  lui  avait  faite  :  des  vases  de  petite  dimension, 
[j.ixpâ,  savoir,  90  lisses,  Xeta,  et  90  striés  ou  cannelés,  pa6âa)Tà;  cela  faisait  en 
tout  1 80  ou  quinze  douzaines.  Rien  n'indique  que  les  vases  commandés  dussent 
être  pareils  à  celui  où  a  été  écrite  cette  note,  et  il  y  a  lieu  de  penser,  au  contraire, 
que  ce  n'était  pas  des  oenochoés;  en  effet  l'emploi  du  neutre  dans  l'inscription, 
X-:îa,  pa6o(i)Tà,  indique  qu'on  a  sous-entendu  un  nom  neutre,  tandis  qu'oivoxcYj 
est  du  féminin. 

M.  Heuzey  lit  un  travail  intitulé  :  Découverte  de  la  ville  d'Oricum  en  Épire;  le 
sanctuaire  des  Dioscures  dans  les  monts  Acrocérauniens.  —  On  ne  connaissait  pas 
exactemen;^  Ja  . situation  de  l'ancienne  ville  d'Oricum  ou  Oricus  en  Épire. 
M.  Heuzey,  accompagné  de  M.  Daumet,  en  a  reconnu  les  ruines,  au  fond  du 
golfe  d'Avlona,  dans  l'angle  formé  par  la  bifurcation  des  montagnes  de  Khimara, 
auprès  des  points  d'ancrage  appelés  Port-Doukhataes  et  Pacha- Limani.  L'état 
des  lieux  correspond  exactement  avec  la  description  d'Oricum  dans  César.  Il  n'y 
a  donc  plus  de  doute  sur  la  situation  de  cette  place.  —  Non  loin  de  ce  lieu  est 
une  crique  qui  interrompt  la  muraille  à  pic  des  monts  Acrocérauniens  et  forme 
un  lieu  de  refuge  précieux  dans  les  mauvais  temps.  Sur  les  parois  du  roc  se 
î;rouvent  environ  un  millier  d'inscriptions ,  gravées  par  ceux  que  la  tempête  a 
retenus  là  à  toutes  les  époques,  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos  jours  :  de  là  le  nom 
de  Grammata  [dq  xà  -^pimxoLTx)  sous  lequel  est  connu  ce  petit  port  de  refuge. 
Malheureusement  ces  inscriptions  sont  pour  la  plupart  effacées.  M.  Daumet,  qui 


64  REVUE    CRITIQUE    d'histoire    ET    DE    LITTÉRATURE. 

a  tenté  d'en  prendre  des  empreintes  et  des  copies,  n'en  a  trouvé  que  bien  peu 
qui  fussent  encore  déchiffrables.  Les  unes  remontent  à  l'antiquité,  et  témoignent 
que  le  lieu  était  consacré  aux  Dioscures  (toTç  y.upiotç  Aiocxoupotç,  dans  une  de 
ces  inscriptions);  on  y  venait  parfois  en  pèlerinage.  D'autres  ont  été  écrites  par 
des  chrétiens  au  moyen  âge,  comme  celle-ci  :  Kupts,  goY]Ô£i  abv  cojXcv  : 
«  Seigneur,  secours  ton  serviteur!  »  Il  en  est  une  qui  mentionne  le  passage  de 
l'empereur  Jean  Paléologue,  en  l'an  du  monde  6877,  c'est  à  dire  après  J.  C, 
1 369  :  en  cette  année  en  effet  l'empereur  visita  les  chrétiens  de  l'Occident  pour 
obtenir  leur  assistance  contre  les  progrès  croissants  des  Turcs  ;  il  est  naturel 
qu'il  ait  passé  à  Grammata  au  retour  de  ce  voyage. 

M.  Egger  signale  à  l'attention  de  l'académie  un  vol.  récemment  publié  par 
M.  Domenico  Comparetti  sous  ce  titre  :  Papiro  ercolanese  inedito ,  Turin,  1875, 
8°  (extr,  de  la  Rivista  di  filologia  e  dHsîmzione  classica).  M.  Comparetti  a  tiré  d'un 
ms.  retrouvé  à  Herculanum  des  fragments  d'un  ouvrage  anonyme  sur  les  succes- 
sions ou  BiaBoxai  des  philosophes  grecs.  Il  y  a  là  des  listes  de  noms  qui  peuvent 
servir  à  combler  les  lacunes  des  mss.  de  Diogène  Laerce. 

M.  Desjardins  commence  la  lecture  d'un  travail  de  M.  Ch.  Tissot,  intitulé  : 
Recherches  sur  la  géographie  comparée  de  la  Mauritanie^  Tingitane;  impartie,  le 
littoral  maurétanien  de  V embouchure  de  la  M alva  jusqu'à  Tingis^.  M.  Tissot  signale 
le  petit  nombre  des  renseignements  que  les  géographes  anciens  nous  ont  laissés 
sur  cette  contrée.  Pline,  Ptolémée  et  l'Itinéraire  d'Antonin,  qui  en  parlent, 
semblent  n'avoir  connu  que  la  côte  même;  ils  ignorent,  non  seulement  la  géo- 
graphie intérieure  du  pays,  mais  aussi  les  noms  indigènes  des  promontoires  et 
autres  accidents  de  la  côte  qu'ils  signalent.  —  Après  ces  considérations  prélimi- 
naires, M.  Tissot  étudie  en  détail  la  côte  maurétanienne  et  s'attache  à  établir 
l'identification  des  localités  mentionnées  par  ces  trois  auteurs.  La  partie  lue  à 
cette  séance  traite  :  de  la  rivière  Mlouïa,  désignée  par  les  anciens,  comme  deux 
cours  d'eau  distincts,  sous  les  noms  de  Malva  et  Mulucha  ou  Mo^oy^aO;  des  îles 
Zafarines,  indiquées  dans  l'itinéraire  d'Antonin  parcetie  simple  mention,  ad  très 
insulas;  et  du  promontoire  de  Rusaddir.  :^b  Jnoi^a  iul  iup  83§£ivîic  z^i  z\ 

M.  Perrot  continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Robiou  sur  le  règne -de 
Phraorte  et  les  faits  rapportés  dans  le  livre  de  Judith.  "^  hî  vr-  * 

Ouvrage  offert  à  l'académie  (présenté  par  M.  Egger)  :  Mémoires  de  la  société  de  linguis- 
tique de  Paris,  t.  2,  dernier  fascicule;  Paris,  8«.  ^ 

î'^  ''"  ^  Julien  HÀVÉti'    •'   ' 


1.  M.  Desjardins  fait  remarquer  que  la  véritable  orthographe  est  en  effet  e,  et  non  i, 
à  la  seconde  syllabe  de  ce  nom. 

2.  M.  Desjardins  avait  annoncé  ce  travail  et  en  avait  signalé  l'importance  à  la  séance, 
du  7  mai  dernier  (Rev.  crit.,  1875,  I,  p.  318). 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Notent- le-Rotrqu. 


in  der  asiatischen  Tûrkei.  Leipzig,  Hinrichs'sthe  B.  In-8",  vj-553  p.  (Kirch- 
hoff).  ■ — H.  Kern,  Grundriss  der  Paedagogik.  Berlin,  Weidmann'sche  B. 
In-8",  viij-295  p.  (Kirchhoff),  —  Bohmer,  Regesta  imperii.  VIII.  Die  Regesten 
des  Kaiserreichs  unter  Kaiser  Karl  IV.  1 346-1 378.  Herausg.  v.  Huber.  Lief. 
I.  Innsbruck,  Vv^agner'sche  Univers. -B.  In-4°,  p.  1-160  (Winkelmann).  Von 
LoHER,  Geschichte  des  Kampfesum  Paderborn  1 597  bis  1604.  Berlin,  Hofinann. 
ln-8%  xvj-372  p.  (H.  Ulmann).  —  Levy,  Neuhebraeisches  und  chaldaeisches 
Wœrterbuch  ùber  die  Talmudim  und  Midraschim.  Nebst  Beitr.  v.  Fleischer. 
Lief.  I.  Leipzig,  Brockhaus,  ln-4%  p.  i-i  12  (G.  Siegfried).  —  Records  of  the 
Past  :  being  English  translations  of  the  Assyrian  and  Egyptian  monuments.  Vpf. 
III.  Assyrian  texts.  London,  Bagster  and  Sons.  In-S'*,  ij-162  p.  (SchraderY 

—  Emst  CuRTius,  Johannes  Brandis.  Berlin,  Reimer.  In-8°,  24  p.  (Schrader;. 

—  Apici  Caeli  de  re  coquinaria  libri  decem.  Novem  codicum  ope  adiutus  auxij, 
restituit  ...  Schuch.  Ed.  sec.  Heidelbergae,  Winter.  In-8°,  202  p.  (Gustav 
Becker).  —  Distichorum  proverbialium  sententiarum  elegantissimus Jibei^  ^aiiû- 
tore  Glandorpio,  etc.  éd.  Suringar  (cf.  Rev.  crit.,  1874,  ^^  P-  ^90'^^'  ' 

Anzeiger  fur  Kunde  der  deutscîien  Vorzeit,  N°  6,  juin  1875.  Buntgla- 
sierte  Thonwaaren  des  1 5. -18.  Jahrh.  im  germ.  Muséum.  XIII.  (A.  Essenwein). 
• —  Der  Zehent  der  Pfarrei  Orlamùnde  (Lommer).  —  Ein  deutscher  Herbarius 
(W.  Wattenbach).  —  Kalendergedichte  des  Walahfrid  Strabo  (E.  Dùmmler). 

—  Sùhne  fur  einen  Todtschlag  im  Jahre  1406  (Dr.  Baur).  —  Missgeburten 
(Dr.  Baur),  —  Die  Prioren  des  ehemaligen  Augustinerklosters  in  Nûrnberg 
(Lochner  :  fin).  —  Israelitische  Grabsteine  in  Nûrnberg  (Dr.  Frommann).  — 
Aus  einer  Wolfenbùttler  Handschrift  (0.  v.  Heinemann).  —  Nachtraeglichè 
Bemerkungen  zu  Nr.  12  des  Anzeigers  v.  J.  1874,  Sp.  373  (Fr.  Latendorf)! 
r—  Beilage  zum  N^  6.  Chronik  d.  germ.  Muséums.  —  Schriften  der  Akademieôn 
und  historischen  Vereine.  —  Nachrichten.  .      .  ,  j2 

""'§ 

BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE  ^ 

PE§  PHINCIPALES   PUBUCATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGBRESl 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les ^jouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
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scrit de  l'auteur  ayant  appartenu  à 
M-  de  Maintenon  ;  avec  une  notice  pré- 
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149  p.  Paris  (Lib.  dfes  Bibliophiles).  8  f. 

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droit  d'élection  et  sur  les  anciennes  as- 
semblées représentatives  de  la  France. 
In-8°,  viij-437  p.  Paris  X^'i^'ï"'"  1^'^°^ 

frères,  fils  et  G").  .4  ^-.u,,,.;^.  .-5 

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Spracheund  Literatur.  Hrsg.  v.  H.  Paul 
u.  W.  Braune.  2.  Bd.  i  Hft.  In-8°, 
176  S.  Halle  (Lippert).  5  fr. 

Benoit  (A.).  Enseignes  et  insignes.  Mé- 
dailles et  décorations  se  rattachant  à  la 
Lorraine  (suite).  "Tn^TlT  p.  NaffCy 
(Grosjean-MaupinP'''q'^^ 

Bruel   (A.).    Les  chapitres  généraux  de 


Tordre  de  Cluny,  depuis  le  XIII^  jusqu'au 
XVIII'  siècle,  avec  la  liste  des  actes  des 
chapitres  qui  se  sont  conservés  jusqu'à 
nous.  In-8',  40  p.  Nogent-le-Rotrou 
(imp.  Gouverneur). 

Closmadeuc  (G.  de).  Les  Celtae  ou  haches 
en  pierre  des  Dolmens  armoricains.  In-8°, 
51  p.  Vannes  (imp.  Galles). 

Cocheris  (H.).  Dictionnaire  des  anciens 
noms  des  communes  du  département  de 
Seine-et-Oise,  précédé  d'une  notice  sur 
l'origine  des  noms  de  lieux  de  l'arrondis- 
sement de  Corbeil.  In-8",  j6  p.  et  une 
carte.  Versailles  (imp.  Cerf  et  fils). 

Exercices  pratiques  de  philologie  com- 
parée. Le  premier  livre  des  fables  de  La 
Fontaine  (texte  de  1668)  accompagné 
d'une  version  latine  interlinéaire  calquée 
sur  le  texte  français  établissant  la  généa- 
logie des  mots  français  et  les  différentes 
phases  de  leur  transformation,  précédé 
de  la  théorie  des  lois  qui  régissent  la 
formation  de  la  langue  française.  In-8', 
80  p.  (Lib.  de  l'Écho  de  la  Sorbonne). 

Coët  (E.).  Tillolo)^,  ses  seigneurs,  son 
château,  son  église.  In-8°,  ^9  p.  Saint- 
Quentin  (Lib.  du  Vermandois). 

Cohendy  (M.).  Céramique  arverne  et 
faïence  de  Clermont.  Atlas  de  planches 
par  M.  Tamizier.  I,n-8*,  48  p.  Clermqnt- 
Ferrand  (lib.  Thibaud).  " 

Desmaze  (C).  L'Abbaye  de  Saint-Quen- 
tin en  risle  (de  Tordre  de  Saint-Benoît) 
fondée  à  Saint-(^entin  en  Vermandois. 
Étude  historique.  In-8',  44  p.  Saint- 
(^enlin  (imp.  Poette). 

Durand  de  Laur  (H.).  Mouvement  de 
la  pensée  philosophique  à  Rome,  depuis 
Cicéron  jusqu'à  Tacite.  In-8°,  79  p. 
Versailles  (imp.  Aubert). 

Dutilleux  (A.).  Topographie  ecclésias- 
tique du  département  de  Seine-et-Oise, 
accompagnée  d'une  carte  du  diocèse  de 
Versailles  indiquant  les  divisions  ecclé- 
siastiques anciennes.  In-S",  99  p.  Ver- 
sailles (Cerf  et  fils). 

Étude  diplomatique  sur  la  guerre  de 
Crimée  (18^2-18^6)  par  un  ancien  diplo- 
mate. 2  vol.  in-8',  vij-967  p.  Paris 
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- —  archéologique  sur  le  manuscrit  bilingue 
de  Montpellier  désigné  sous  le  nom  d'An- 
tiphonaire  de  Saint  Grégoire,   par  un 


supérieur  de  séminaire,  L.  G.  C.  In-8', 
48  p.  Paris  (Lecoffre  fils  et  C*). 

Fétis  (F.-J.).  Histoire  générale  de  la  mu- 
sique depuis  les  temps  les  plus  anciens 
jusqu'à  nos  jours.  T.  4.  In-8",  559  p. 
Paris  Firmin  Didot  frères,  fils  et  C«). 

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TTjç  Ta^ctoç  TÔiv  lôiojv  PipXtœv,rec.etexpla- 
navit  J.  Mueller.  In-4°,  27  p.  Erlangen 
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Galles  (L.).  Comment  les  dolmens  pour- 
raient bien  avoir  été  construits  par  les 
Gaulois.  In-80,  7  p.  Vannes  (imp.  Galles). 

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t 


N»  31  Neuvième  année.  31  Juillet  1875 

REVUE  CRITIQUE, 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  deiJâiBidaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 

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Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la"  ' 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu).  ,    ', ,  ,v,o 

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cule (complément  du  volume).  4  fr. 


(J^IHÉWODIQUHS 


TJtie  Ap^d,emy,.çi°^J,6i3L,  Jiew  seçks^io  juUkstj  A  Ghronicle-of  England  during 
the  Heîgnâof  Itfe  Xbdbrs^  ffom  A.  n)>-^48$  fo+5  $9.  By  Charles*WRiOTHESLEY, 
Windsor  Herald.  Ed.  by  William  Douglas  Hamilton.  Vol.  I.,^Camden  Society 

(Nichotàs  PocoCk  :  importante' publication;  l'auteur  de  la  chronique,  inconnu 
jusqu'à  présent,  était  contemporain  des  faits  qu'il  relate).  —  Westminster  Drol- 
leries,  both  Parts,  of  1671,  1672;  being  a  Choice  Collection' of  Songs  and 
Poems,  sung  at  Court  and  Théâtres,  with  Additions  made  by  «  a  Person  of 
»  Quality.  »  Ed.,  etc.  by  J.  Woodfall  Ebsworth.  Boston,  Roberts  (R.  G. 
Browne  :  contient  de  curieux  morceaux).— Baring-Gould,  The  Lost  and 
Hostile  Gospels.  London,  William  and  Norgates  (W.  Sanday  :  intéressant,  mais 
plein  d'erreurs  de  détail).  —  Miklosich,  Ueber  die  Mundarten  und  die  Wande- 
rungen  der  Zigeuner  Europa's.  Part  IV.  Wien,  Gerold's  S.  (W.  R.  S.  Ralston: 
ce  fascicule  contient  des  chants  et  des  contes  tsiganes,  qui  paraissent  empruntés 
aux  Slaves).  -^  Elliot,  The  Hiàtory  of  India  as  told  by  its  bWh '  Historians  : 
The  Muhammadan  Period.  Ed.  and  continuéd  by  J.  Dôwson.  Vol.  VI.  London, 
Trùbner  (F.  J.  Goldsmid  :  analyse  des  historiens  des  règnes  d'Akbar  et  de 
Djehângîr).  —  Current  Historical  Literature  (notes  de  FÉditeuit'sur  ['Histoire 
de  Rome  de  M.  Creï^\\ton,,V H istoine  de  l'empire  romain  depuis  Théodose  jusqu'à 
'Chaflemàgnej  par  M".  Curteis,  le  vol.  V  du  Poïychronicon  Ranulphi  Higden,  publié 
^'ar  le  Rév.  Rawson  Lumby,  l'Ancien  Monde  de  M.  Barton,  Le  Parlement  et 
l^ Église  d'Angleterre,  de  M.  Montagu  Burrov/s).  —  Notes  and  News.  —  ï^otes 
of  Travel.  —  Letter  from  Athens  (H.  T.  Scott  :  fait  connaître  les  résultats  des 
fouilles  de  la  Société  archéologique  d'Athènes).  —  Corrcspondence.  Etymoiogy 
of  the  names  Baigorry  and  Bayonne  (L.-L.  Bonaparte).  —  «  Jefwellig  » 
(William  L.  R.  Gates).—  The  Royal  Irish  Academy  and  Dr.  Whitley  Stokes 
(^Robert  Atkinson),  ^ — «  Historié  and  Monuhiental  Rome  «  (C.  I.  Hemans). — 
Gharlton:  Bastian,  Evolution  aUd  Grigin  of  Life.  London,  Maemillàn  and  Go. 
(^.  BurdonSanderson  :  z''- art.),  — •  Burnelu,  Eléments..  of>.  South  Indian 
Palaeography.  Mangalore  (R.  G.  Childers  :  on  peut  dire  que  M.  Burnell.est  le 
fondateur  de  la  paléographie  du  Dekhar^^^^j^.j  ^^^^.^  .^  ^.^^^^^  .^p      /  ,^ 

The  Athense uni,  n°  2489,  10  juillet.  The  Temple  atJetUsalehî  (Jas:fFBf&- 
gusson).  —  sir  John  Reresby  (James  J.  Cartwright  :  réponse  à  une  critique 
àeVAthen£um).  —  Literary  Gossip.  —  Geographical  Notes. — Sùcieties  (Institut 
archéologique.  Soc.  de  paléographie).  '"'*'   "'' 

J..,,      .,-,.,■:■■  ■       '''Si  c  "-u-^  jq  i<^   •; 

'  Literarisches  Çentralblatt,  n°  zc),  17  juillet.  Kayser^^  DaSr.vorexilische 
Ëuch'der  Urgeschichte  Israels.  Strassburg,  Schmidti  In-8'°,  vj-198 'p.  (l'auteur 
place  la  rédaction  des  parties  historiques  du  Pentateuqûe  après' le  retour  de 
Babylone)..  —  Brôcker,  Untersuchungen  ùber  die  Evangelien  und  das  Leben 
Jesu.  Hamburg,  Grùning.  In-8°,  iv-202  p.  Cdiscussions  chronologiques,  princi- 
palement). — r  Wiedemeister,  Der  Caesarenwahnsjnn  der .  Jiilisch-Glaudischen 
Imperatorenfamilie.  Hannover,  Rùmpler.  In-8'\  xij-joé  p,  (l'auteur  voit  des 
maniaques  dans  Tibère,  Calîgula,  Claude  et  Néron;  ces  empereurs  seraient  des 
victimes  du  mariage  entre  consanguins).  —  Archiv  fur  die  schweizerische  Refor- 
mations-Geschichte.  2.  Bd.  Freiburg  i.  Br.,  Herdef.  ^ri-^8'',  xij-557  p.  —  G, 
MoNOD,  Jules  Michelet  (art.  favorable;  cf.  Rev.  crit.,  iSjy,  I,  p.  107). —  Zur- 
BORG,  De  Xenophontis  libello  q.ui  Ilof 01  inscribitur.  Berlin,  Weber.,In-8%  46  p. 
-^  Kôrén,  Qusesîiones  Symmachianae.  Wien ,  Gerold's  S.  In-8°,  46  p.  — 
WORDSWORTH,  Fragments  and  Spécimens  ofearly  Latin '(la  Revl  crit.  publiera 
prochainement  un  article  sur  cet  ouvrage).  —  Hodgson,  Essays  on  the  lan- 
guages,  etc.  of  Népal  and  Tibet  (cf.  Rev.  çriî.,  187$,  I,  p. .177,)' 

<i<P«iikër,  iL5^èp^ttiiîfzél^^^,iW*  '2^^,  r'j'ftaWPTHOMÀsiu^,'  bie'christliche  Dog- 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  31  —  31  Juillet  —  1875 

Sommaire:  iji.  Leland,  Découverte  de  l'Amérique  par  les  Buddhistes.  —  152. 
Walter,  La  doctrine  de  la  raison  pratique  dans  la  philosophie  grecoue,  —  1J3. 
CoBET,  Variantes,  2»  éd.  —  1 54.  Fragments  en  vieil  allemand  du  traite  d'Isidore  de 
Séville  De  fide  catholica  contra  Jadceos,  p.  p.  Weinhold.  —  ijj.  De  Rochambeau, 
Prieuré  de  Courtozé  et  ses  peintures  murales.  —  1 56.  Boucher,  William  Cowper. 
—  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 

151.  —  Fusang,  or  the  Discovery  of  America  by  chinese  buddhist  priests  in  the  fifth 
century,  by  C.  G.  Lexand.  London,  Trùbner.  187J.  In- 12,  xjx  eti:^j2  p.  —  Prix  : 

Les  Chinois  ont-ils  découvert  l'Amérique  mille  ans  avant  Christophe  Colomb.? 
Ont-ils  donné  le  nom  de  la  plante  fusang  soit  à  la  Californie ,  soit  au  Mexique  ? 
Ont-ils  transporté  dans  ces  contrées  lointaines  une  partie  de  leur  civilisation,  et 
peut-on  y  retrouver  des  traces  du  Buddhisme.?  M.  Leland  le  croit  fermement, 
mais  il  reconnaît  lui-même  que  cela  n'a  pas  encore  été  prouvé.  Ce  n'est  pas  pour 
fournir  cette  démonstration  qu'il  a  pris  la  plume,  ce  n'est  même  pas  pour  con- 
vaincre ses  lecteurs.  Sans  quoi  il  n'eût  pas  négligé  d'invoquer  Pautorité  de 
Lassen,  qui  a  consacré  plusieurs  pages  du  quatrième  volume  de  son  Indische 
Alterthumskunde  à'  énumérer  les  diverses  circonstances  qui  rendent  probable  à  ses 
yeux  une  influence  chinoise  et  buddhique  sur  les  prédécesseurs  des  Aztèques  au 
Mexique. 

M.  L.,  qui  connaît  si  bien  la  littérature  allemande,  et  qui  s'intéresse  presque 
autant  à  l'Inde  qu'à  l'Amérique,  n'a  sans  doute  pas  voulu  se  servir  de  ce  témoi- 
gnage, parce  qu'il  ne  représente  qu'une  opinion  personnelle  et  n'a  pas  de  valeur 
démonstrative.  Son  but  en  rédigeant  ce  volume  a  été  surtout  de  mettre  entre  les 
mains  du  public  éclairé  et  curieux  les  principaux  documents  à  l'aide  desquels  on 
peut  commencer  à  se  former  une  opinion.  Il  indique  bien  quelques  arguments 
nouveaux,  mais  sans  se  faire  illusion  sur  leur  valeur,  et  il  compte  beaucoup  sur 
l'avenir  pour  amener  les  preuves  qui  font  encore  défaut;  il  recommande  aux 
chercheurs  les  statuettes  du  Buddha,  qu'on  ne  saurait  manquer  de  découvrir  en 
Amérique,  si  effectivement  le  Buddhisme  y  a  été  jadis  florissant.  En  attendant, 
il  nous  offre,  sous  un  format  et  dans  un  style  également  élégants,  un  résumé  de 
tout  ce  qui  a  été  dit  sur  cette  obscure  et  attrayante  question ,  depuis  Deguignes 
jusqu'aux  récents  articles  qui  ont  paru  dans  les  Notes  and  Queries  on  China  and 
Japan,  et  dans  le  Times  de  Londres. 

Il  commence  par  réimprimer  la  traduction  déjà  publiée  par  lui  du  Mémoire  de 
Neumann  contenant  la  relation  de  Hoei-shin,  pèlerin  buddhiste  du  v^  siècle, 
auquel  on  doit  la  première  mention  et  la  description  du  pays  de  Fusang.  L'au- 
thenticité de  cette  relation  ne  saurait,  croyons-nous,  être  attaquée  ou  défendue 
que  par  des  sinologues.  Tout  ce  que  peut  dire  un  profane  sur  ce  sujet,  c'est  que 

XVI  5 


()<^  REVUE  CRITIQUE 

les  récits  les  plus  véridiques  des  pèlerins  chinois  renferment  des  faits  évidemment 
fabuleux,  dont  ils  affirment  avoir  été  témoins;  circonstance  certainement  difficile 
à  expliquer,  mais  qui,  loin  d'exclure  la  bonne  foi  des  narrateurs,  a  quelquefois 
servi  à  la  confirmer.  A  défaut  du  contrôle  extérieur  que  fourniraient  des  docu- 
ments empruntés  à  une  autre  source,  il  n'est  rien  de  tel  que  l'habitude  des  textes, 
la  connaissance  de  la  littérature  et  de  l'histoire  en  général,  et  des  circonstances 
particulières  dans  lesquelles  a  vécu  et  écrit  un  auteur  oriental ,  pour  juger  si  sa 
narration  est  ou  n'est  pas  digne  de  foi.  Les  objections  de  M.  Bretschneider 
reproduites  également  in  extenso  par  M.  Leland,  ne  peuvent  être  considérées 
comme  une  réfutation  du  travail  de  Neumann,  dont  ce  sinologue,  résidant  en 
Chine,  ne  connaissait  que  le  titre.  Quant  à  la  double  discussion  posthume  de 
Klaproth  contre  Deguignes  et  de  M.  G.  d'Eichthal  contre  Klaproth,  elle  est 
simplement  résumée  par  M.  Leland,  qui  engage  vivement  ses  lecteurs  à  se 
reporter  à  la  Revue  archéologique  de  1 864,  oi^  a  paru  le  mémoire  de  M.  G.  d'Eich- 
thal. M.  L.  publie  *en  outre  une  lettre  fort  compétente  du  colonel  américain 
Barclay  Kennon  sur  la  possibihté  de  la  traversée  de  Chine  en  Amérique  même 
sur  de  très-petits  vaisseaux.  Enfin  l'ouvrage  se  termine  par  un  index  détaillé. 
''Eii'sortimé,  grâce  à  la  circonspection  de  l'auteur,  qualité  rare  et  méritoire 
chez  un  homme  convaincu,  son  ouvrage  ne  peut  qu'être  utile  à  la  fois  à  ceux  qui 
connaissaient  déjà  cette  thèse  ingénieuse,  et  à  ceux  qui  désirent  la  connaître.  Il 
pourra  engager  quelques  ^mg'nc^/zwf^^  à  diriger  spécialement  leurs  recherches 
de  ce  côté.  Pour  aspirer  à  résoudre  définitivement  le  problème  il  est  nécessaire 
et  suffisant  de  joindre  à  la  connaissance  des  antiquités  américaines  une  étude 
sérieuse  du  buddhisme  chinois.  Quand  même  Hoei-shin  serait  convaincu  de 
mensonge,  quand  même  les  diverses  identifications  proposées  entre  la  plante 
nommée  par  les  Œmoisfusang  et  telle  ou  telle  plante  américaine  seraient  reconnues 
inadmissibles,  si  l'on  venait  à  trouver  au  Mexique  ou  ailleurs  des  monuments 
]5résentant  les  caractères  irrécusables  d'une  dérivation  buddhique,  il  faudrait  bien 
se  rendre  à  l'évidence.  Resterait  alors  à  éclaircir  un  point  important  de  chrono- 
logie; car  on  n'admettra  pas  sans  de  très-bonnes  raisons  que  l'Amérique  ait  été 
convertie  au  buddhisme  avant  le  Japon.  '^  ' 

'  Notons,  en  terminant,  que  l'apparition  du  livre  de  Mï'^rf'éo'incide  avec  le 
Congrès  international  des  américanistes,  qui  doit  avoir  lieu  en  ce  moment  à 
Nancy,  et  qui  a  mis  en  tête  de  son  programme  la  question  suivante  :  Rapports 
de  l^Europe,  de  l'Afrique,  de  l'Asie  et  de  VOcéanie  avec  V Amérique  avant  Christophe 
'àolomb.  Mais  y  aurait-il  des  sinologues  au  Congrès  des  américanistes  ? 

na  ;,9î^i8d U2 ; 9Jo î^ii A  sibfi.ei c,  rnoo  ^b  piip/g&m,  aii^a .  î^j è 3;:^ t§||ij ,|ii) < 

152.  —  Die  Leiire  von  der  praktîschen  Vêrnunft  în  der  grîechischen 

Philosophie,  par  le  D'  Julius  Walter,  Privatdocent  der  Philosophie  an  der  Uni- 

Sfi  v^rsit^t^lew.  Jena,  Mauke's  Verlag.., 1,^74^  »;>Y<^nk<§i»j>>i^^  i^niÊniS^^Ôc/^  ^fn^J- 

^'^•'Quël  rapport  existe-t-il  entre  la  théorie  et  la" pratique,  entre  la  sdence  et  la 
iSiorale.?  Celle-ci  n'est-elle  que  l'application  de  celle-là,  ou  bien  le  monde  de 
l'action' •à-t'^il  se^  principes  et  ses  lois  propres,  parallèles,  et  non  subordonnés, 


d'histoibe  et  de  littérature.  67 

aux  principes  et  aux  lois  du  monde  des  essences  ?  La  philosophie  de  Kant  enseigne 
la  seconde;  de  ces  deux  solutions;  elle  voit,  dans  l'impératif  catégorique,  la 
Ubertéji.pi^M  et  l'immortalité,  des  concepts  irréductibles  à^  jce,u}Ç-.,qui  régissent 
la  spéculation  ;  et  admet,  sous  le  nom  de  raison  pratique,  une  source  de  fp(q^ 
naissance  radicalement  distincte  de  la  raison  spéculative  proprement  dite,  f  ..-rf 
h5'if>tl  fe.  nom  de  raison  pratique,  voDç  -Tupay.Tv/.^ç,  se  trouve  déjà  dans  Aristote. 
C'est  d'ailleurs  Aristote  qui  a  le  premier  distingué  nettement  la  pratique  de  la 
théorie.  Dès  lors  ne  serait-ce  pas  chez  Aristote  lui-même  qu'il  faudrait  rechercher 
l'origine  de  celte  théorie,  rapportée  d'ordinaire  à  Kant  comme  à  son  auteur? 
Quelques  critiques  modernes,  parmi  lesquels  Trendelenburg  et  Heinze,  ont  pror 
fessé  cette  opinion,  et  ont  ainsi  jeté  un  pont  entre  le  iv*-' siècle  avant  Jésus-Christ 
et  le  xviii''  après  la  fondation  du  christianisme.  Cette  assimilation  du  point  de 
vue  aristotélique  au  point  de  vue  kantien  est-elle  exacte;  ou  bien  plutôt  l'identité 
àes  termes  ne  recouvre-t-elle  pas  une  différence  radicale  de  point  de  vue  et  de 
doctrine?  Telle  est  la  question  extrêmement  importante  que  traite  M-.Julius 
•Walter  dans  le  livre  dont  il  s'agit. ,,;  ■:  <^ 

Ce  livre  se  divise  en  trois  chapitres  d'étendue  très-inégale.  . ,, 

Le  premier  (p.  1-85)  est  une  exposition  historique  et  critique  des  différentes 
j):hases  pa.r^ Je^quçjlçs,  ^^  pa$5é  l'interprétation  de  la  théorie  aristotélique  du  vov^ 

Le  second  (p.  85-555),  qui  forme  le  corps  de  l'ouvrage,  après  avoir  fait 
<:onnaîtrç  Içs .antécédents  historiques  de  la  théorie  aristotélique,  approfondit^,^ 
i'îside  d$istçxt«is,t9usiles  détails  de  cette  théorie.  ,3 

.    Le  troisième  (p.  5  55-573)  expose  les  principales  solutions  données,  après 
:^r.ist,ote,  auproblèmç  des  rapports  de  la  spéculation  et  de  la  pratique. 
?DiJ^?rfffamrArist<)te,lai-j:RêrTîe).il£Pj'x,  î^î  p<^%;m»  passage  contenant  les  mots  vp^ç 
flTpavvTixQç  qui  ne  se  puisse  appliquer  également  à  la  çpcvr^ji;  (p.  6).  Or  la  çpsvr^aiç 
fl'estnullenient  une  source  spéciale  de  connaissance.  Elle  est  simplement,  dit 

.^rj^tpte  (3\hMk}^h.M)yM^^:^\'*^k^m  ^^^?-  >^^T9«5P^.^^'^ï3.'^^'^^^^ 
«Y-aGà  xai  xa>t».  Les  témoignages  anciens,  comme  ceux  d'Andronicvis,(j^  f^p4fi? 
et  d'Alexandre,  ne  distinguent  pas  le  vojç  7:pay,Tix6c;  de  la  '^pGVY^aiç.  ,,  ,  .I...">> 
;ii  C'est  aH,moy,en-âge,  avec  Albert  le  Grand,  que  l'on  voit  apparaître  une  fausse 
interprétation  du  vou;  7up7-y.Tty.6ç,aristotéhque,  lequel  commence  à  être  distingué 
/de  la  (ppcvYjŒiç  et  rapproché  du  voDç  0£ojpr^Tiy,cç  :  d'après  cette  interprétation,  le 
■voOç  a  deux  objets  :  le  général  et  l'individuel,  les  essences  et  les  fins  :  il  a,  par 
suite,  deux  usages  parallèles  :  le  gouvernement  de  la  science  et  le  gouvernement 
de  la  pratique.  S.  Thomas  subit,  dans  cette  question,  comme  dans  les  autres, 
l'ascendant  de  son  maître  ;  et  cette  manière  de  comprendre  Aristote  subsiste,  en 
somme,  jusqu'aux  temps  modernes.  Aujourd'hui,  Ritter,  Trendelenburg,  Bran^ijs 
exposent  encore  dans  ce  sens  l'Ethique  aristotélique. 

H.  Pour  connaître  exactement  la  pensée  d'Aristote  sur  cette  matière,  il  ne 
suffit  pas  de  rassembler  des  textes  :  il  faut  encore  considérer  les  antécédents 
(historiques  de  la  doctrine,  les  caractères  généraux  de  l'esprit  grec,  qui  se  réflé- 
chit si  fidèlement  dans  les  couvres  ^'AfÇi&to^ei.jBijgni^t-sur^OjULt^  Jf ensemble  du 
système  de  ce  philosophe. 


68  REVUE   CRITIQUE 

Xénophane  et  Parménide  ont  entièrement  retranché  la  pratique,  fondée  selon 
eux  sur  l'illusion,  de  la  philosophie  proprement  dite,  tournée  exclusivement  vers 

être  (^p.  ici;.      ,n(;^4\Y  g!  jryf  ^uQq     ^ut.  oYiioi  .°>rjfi^?Yzpoz  . 
Heraclite  ne  voit  dans  la  loi  morale  qu'urf  cas  particuher  vie  la  loi  cosmique 
universelle,  ou  Xo-foç,  laquelle  consiste  dans  la  sép^aration  ^t  la  réunion  des 
contraires.  Bien  vivre,  c'est  vivre  y.aTà  tcv  X6-(o^ ](^\o6^  iel%6^ç^^jéiLmt 
opposé,  comme  un  contraire,  à  Viola  (^pôrriaiq  (p.  1 1 1).   ^  .      .^ 

Anaxagore  attribue  la  transcendance  au  premier  principe,  .qu'il  appelle  vouç  ; 
mais  il  continue  à  n'en  considérer  que  le  côté  objectif  r(oràÈe,,4e  l!univers) 

(p.  II o).  ,^.  ;    '  '^  '"''';/  ■  ; ^ 

Socrate,  le  premier,  en  considère  le  côté  subjectif  et i^j^arjl^^'.fqT^d^^     Téléo- 

logie.  Mais  l'individuel  n'est  pour  lui  qu'un  point  de  départ  pour  marcher  à  la 

connaissance  du  général;  et,  réciproquement,  le  général  est,  non-seulement 

norme,  mais  causCj  par  rapport  à  l'individuel.   La  vertu  est  le  résultat  de  la 

science,  ou  même  ne  fait  qu'un  avec  elle  (p.  1 1 2\  '•'  '  7    •'" 

^';2plnnirïr 
Platon  distingue  radicalement  le  général  du  particulier.  Le  général  réside  dans 

les  Idées,  lesquelles  sont  des  réalités  transcendantes.  Le  particulier  est  la  matière 
sensible.  Entre  ces  deux  mondes  existe  un  rapport  de  participation  (jj^éOs^tç). 
C'est  seulement  en  vertu  de  leur  participation  aux  Idées  que  les  choses  sensibles 
sont  connaissables.  La  téléologie  socratique  est  ici  remplacée,  en  morale,  par  le 
rapport  esthétique  de  la  copie  au  modèle  (p.  117  sq.).  L'individuel  n'a  de 
valeur  qu'en  tant  qu'il  réfléchit  le  général ,  qu'il  est  ordonné  conformément 
(/.aTà)-au  général.  Platon  s'est,  il  est  vrai,  souvent  servi  du  mot  [xzm  au  lieu 
du  mot  xaxà,  modification  qui,  prise  à  la  lettre,  implique  l'intervention  de  l'élé- 
ment individuel  comme  facteur  actif;  il  a  dit  dans  le  Politique  (294,  299),  qyé 
le  règne  exclusif  de  la.  loi  aurait  pour  effet  d'anéantir  les  arts  parce  qu'il  abolirait 
toute  <iiversité  et  par  suite  tout  travail  individuel  ;  mais  il  n'a  pas  poursuivi  les 
conséquences  de  cette  idée,  dans  laquelle  il  ng  ^.Qy^it  g u'unejobjection,  possible 
contre  son  système  (p.  139).       ^  ^^  ni^tq^oaoa  atL^'Ç^^iPhA  sé^^      î^'  ; 

Aristote,  au  contraire,  attache  tant  d'importance  à  cei  considéî;^wns^^fl.u'il 
en  fait  le  point  de  départ  même  de  ses  déductions  morales.  .....:...   '•.^r 

,i^p,^  toutes  les  différences  qui  existent  entre  les  choses,  la  plus  importante, 
selon  lui,  est  celle  qui  distingue  le  nécessaire  du  contingent  {iv'bex^\xe^o^  àXXw;) 
(p.  242).  Le  nécessaire  seul  est  objet  de  science;  le  contingent  est  objet  d'art 
(Téx,vYî).  Le  nécessaire  est  connu  par  le  vojç  ôsiop-^îTr/iç,  le  contingent  par  le 
vojç  Tcpay.Tiy.oc;.  Or  la  distinction  du  vouç  Tpay.-r/.cc;  et  du  vojç  Occapr^iac;  n'a  pas 
sa  raison  dans  l'essence  même  du  vouç,  lequel,  à  ce  compte ,  renfermerait  deux  ordres 
de  principes.  Elle  tient  uniquement  à  cette  circonstance  que  le  vojç  s'exerce , 
tantôt  seul,  tantôt  de  concert  avec  les  facultés  inférieures.  Le  vou;  7:pay,Ti%6ç.pu 
çpdvr^Œiç  est  le  vouç  combiné  avec  la  volonté  ou  faculté  de  réaliser  une  idée.  . 

Il  n'y  a  qu'une  faculté  de  savoir;  et  cette  faculté  est  le  vojç  ôitopYj-ciT-cç,  Tout 
ce  qui  n'est  pas  l'objet  immédiat  de  cette  faculté  s'en  distingue,  non  comme  un 
ordre  de  vérités  peut  différer  4*un  autre  ordre  de  vérités,  mais  comme  un 
mélange  de  théorie  et  d'application  diffère  de  la  théorie  pure. 

On  ne  doit  donc  pas  prendre  trop  à  la  lettre  les  passages  où  Aristote  parle 


d'histoire  et  de  littérature.  69 

d'une  philosophie ,  d'une  scièficje  tour  à'iôur  ^iopTQTixifj ,  ^paxii/.'/) ,  TroiY^xar^. 

D'abord'  il  n'a  pas  réalisé  cëtté'(îiVisi&n  dànsl'e^'p'oifttciii  de  s^a  philosophie.  Ensuite 
l'ensemble  de  son  système  prouve  que,   pour  lui,  la  théorie  seule  est  science 

■j.;       ')\j    'IÙÛU'jC'U.  2t3llij  jp  3iÊlOfn  lOi  J^i  'àil,. 

proprement  di^e.        .^  •         t     .-  i? 

Vm  n'est  po\ir  ÀMo\èquéTi0^^^  monde  des  faits 

diffère  de  celui  de  la  pensée  pure  non  par  l'hétérogénéité  de  ses  principes,  mais 
seulement  par  l'intervention  du  hasard,  de  l'indétermination,  du  non-être  au  sein 
des  principes  de  la  raison  théorétique.  C'est  Kant,  c'est  l'esprit  moderne  qui, 
fondant  l'individualité  sur  la  liberté,  faisant  de  celle-ci,  considérée  précisément 
comme  puissance,  un  principe  d'une  dignité  infinie,  et  en  déterminant  l'idée  par 
le  concept  de  l'obligation  morale,  émancipera  là  vie  pratique  .et  S'efforcera  de 
l'élever  même  au-dessus  de  la  vie  spéculative.      ^        ;    ■  u 

Les  recherches  de  M.  Julius  Walter  montrent  d'ailleurs  que  l'opposition  que 
l'on  établit  souvent  entre  le  vcj;  r.o'.r-.rAcq  et  le  vcjç  TaOr^T-.y.cç  est  peu  conforme 
à  la  terminologie  d'Aristote  lui-même  (p.  280).  Ce  n'est  pas  l'expression 
7:oiY]Ti7,6;,' c'est  l'expression  ty^  cùa(a  wv  èvspYsia  qui  dans  le  passage  en  question 
(de.  an.  Ill,  $,3)  est  opposée  à  TraO-rjxr/.cç  -Le  mot  Toir^Taéç,  joint  au  mot 
ar-èfoç  qui  en  détermine  le  sens,  désigne  ici  une  propriété,  non  l'essence,  du  vou? 
éternel,  dont  le  vrai  nom  est  voue  6£o)p-r]Tr/.oç.  Partout  ailleurs,  Aristote" réserve 
l'expression  Trcir^Tr/iç  pour  caractériser  l'activité  productrice  (liyyr^ ,  laquelle  se 
rattache  Vl'kctivité  pratique  (vqjç  r.pT/'VAéq).  L'altération  du  sens  de  'juét^feîêç 
'sîîènl  d'Alexandre  d'Aphrodisias  (p.  282). 

'  En  somme  la  pensée  de  l'auteur,  c'est  que  le  rapport  de  la  théorie  et  de  la 
pratiq,iii^,*fé^ifù5îf1à  été  conçu  par  Aristote,  qui  en  cela  fut  l'interprète  ^du  génie 
grec;  éslprfcisémértt  celui  qui  est  assigné  dans  le  passage  suivant  de  l'Ethique 
(Eth.' Nie.  VI,  13,  8)  :  «  IvArr^q  [vr,q  ccçiaç)  oOv  Ivëy.a  ir^rA-czzi  (f/  çpfvr^^iç), 

»  iTCiTaTTsi  TTôpi  ::avTa  là  Iv  ty]  TcéXei.  »  ' 

III.  Après  Aristote,  cette  conception  de  la  çpcvYjciiç  ou  raison  pratique  est 
'successiveniènt  modifiée  par  l'Académie,  les  Péripatéticîens,  le  Portique,  les 
Epicuriens,  l'éclectisme  stolco-péripatéticien,  Alexandre  et  Jamblique. 

L'a  difficulté  qu'avait  créée  la  philosophie  d'Aristote  était  cette  sorte  d'harmonie 
prëétalDlie'qu'elle  supposait  entre  la  vér^a',;  et  Vffioq,  en  plaçant  le  critérium  dû 
bîerï  tour  à  tour  dans  le  \6-(oq  et  dans  la  nature  non  viciée.  Aristote  faisait  à  la 
finalitë,  à  l'individu,  une  plaèe  â  côté  de  la  loi,  de  l'absolu.  Mais  en  même  temps 
il  ne  justifiait  que  les  fins  conformes  à  la  loi.  Or  quelle  assurance  avons-nous 
que  les  tendances  individuelles  sont,  par  elles-mêmes,  conformes  à  la  loi? 

Les  Stoïciens  virent  la  difficulté  et  identifièrent  V^fioq  et  le  X^yoç,  confondant 
ainsi  tout  ce  qù'Aristote  avait  distingué.  Le  propre  de  leur  système,  et  le  point 
par  oh  il  fait  un  pas  vers  les  doctrines  modernes,  c'est  précisément  ce  panthéisme 
en  vertu  duquel' l'individuel  est  mis  au  même  rang  que  le  général,  la  pratique  au 
même  rang  que  la  théorie.  '  ■^''/  /'"  ' 

La  dissociation  de  ces  deux  éléments,  ayant  '^Jâr  coiïséquence  "^d'ériger  la 
pratique  elle-même  en  science  spéciale,  se  suffisant  à  elle-mêniëV'sCTâ 'l'œuvre 
de  l'âge  chrétien. 


^à  REVUE  "CRITÎQU  E 

Tel  est  le  sujet  du  livre  de  M.  Julius  Walter.  On  y  trouvera  des  discussions 
approfondies,  ^indication  et  l'interprétation  de  beaucoup  de  textes  remarquables, 
rexamen  de  plusieurs  questions  capitales  au  point  de  vue  historique  et  au 
j)oîntWvue  dogmatique.  Si  l'exposition  est  parfois  confuse  et  le  style  pénible, 
'ce  défaiit  tient  sans  doute  à  la  diffrculté  du  sujet. 

"  ^''  ■''  ^  '  Ém.  BouTROUx. 


153.  —  Variae  lectiones  quibus  continentur  observationes  criticae  in  scriptores 
graecos.  Scripsit  C.  G.  Cobet.  Editio  secunda  auctior.  Lugduni-Batavorum.  Brill. 
1875.  In.8«,  XXXV  et  681  p.  —  Prix  :  18  fr.  -f> 

Cette  publication  de  M.  Cobet  comprend  deux  parties  :  la  première  est  une 
réimpression  sans  aucun  changement'  des  Variae  lectiones  publiées  en  1874,  et 
occupe  les  400  premières  pages;  la  seconde,  sous  le  titre  de  Epimetrum,  offre  un 
grand  nombre  de  corrections  aux  textes  d'Hérodote,  Thucydide,  Démosthène 
de  falsa  legationej  Eschine  dans  les  trois  discours^   Ispcrate,  Plato  de  republica, 

rrEuripide,  et  même  Cicéron  panïculïèvemçntàans^lèd^divinatione.  Dans  ]^s 
Variae  lectiones  M.  C.  s'était  surtout  proposé  de  montrer  combien  la  langue 
grecque  avait  dégénéré  de  la  pureté  atîique  dans  les  écrivains  appelés  atticistes, 
comme  Lucien  et  Alciphron,  et  en  général  dans  les  temps  de  la  décadence;  dans 

.  V Epimetrum  il  a  cherché  à  établir  dans  quelles  conditions  les  manuscrits  nous  ont 
transmis  les  œuvres  de  l'antiquité  :  il  a  voulu  montrer  par  des  exemples  multi- 
pliés qu'il  n^est  pas  de  manuscrit,  si  ancien  et  si  çprÇi^V  <lu.1l,S9i^,  c^ui^çe  |Qp|-- 
mille  d'altérations  de  toute  espèce.  .,.'..    ^ 

L'espèce  d'altération  que  M.  C.  poursuit  principalement  est  celle  qui  consiste 
dans  l'intrusion  de  mots,  de  groupes  de  mots  ou  de  phrases  qui  n'ap parti ennept 
point  à  l'auteur  lui-même.  «  Fallere  haec  )>  dit  M.  C.  (p.  655)  «  aliquem  inter 
»  legendum  possunt,  et  scriptae  lectionis  auctoritas  potissimum  in  libro  typis 
»  edito  et  ab  editoribus  correcto  caliginem  menti  ofîundit.  Nil  suspicamur  mallet 
»  sic  stomacho  tam  duro  plerique  sumus  ut  lapides  et  saxa  concoquamus.  Sed 
»  qui  codicibus  legendis  assuetus  per  medios  errores  mendaque  omne  genus  et 
»  per  absurda  emblemata  incedere  se.  videt  et  suspicatur  semper  fraudis  aliquid 
»  et  cautus  et  semper  hoc  agens  deprehendit  et  praesertim  admonitus  statim 
»  verum  videbit  et  agnoscet.»  M.  C,  dans  cette  chasse  aux  interpolations,  n'est 
pas  seulement  servi  par  sa  grande  expérience  des  manuscrits;  il  a  un  flair  pro- 
digieusement délicat  de  la  langue  grecque  de  l'époque  Attique,  qui  lui  fait  suppo- 
ser un  changement  de  langue  là  où  le  vulgaire  ne  sent  rien  ou  ne  sent  pas  grand 
chose  même  après  avoir  été  averti.  ^     ..  ..     •    ,-.. 

Il  y  a  deux  espèces  très-distinctes  d'interpolations  fréquentes  dans  les  textes 

I .  C'est  une  inadvertance  que  de  signaler  (p.  1 84)  les  vers  de  1 2  syllabes  qui  forment  la  fable 
Esopique  i  22  comme  n'étant  fondés  que  sur  le  nombre  des  syllabes.  Je  ne  crois  pas  qu'on 
ait  un  exemple  d'une  semblable  versification.  Ces  vers  ont  tous  l'accent  sur  la  pénurtièm'e, 
et  par  conséquent  il  faut  corriger  le  vers  de  13  syllabes  ôanç  èueJ.Ôwv  el-ç  ëva  tûv  (i,\jps- 
^louvrcov.  en  substituant  non  pas  (xups^^tôv  à  (Jt-upeil^oùvxwv,  mais  è)>6wv  à  èTteXôtov.  Il  y  a  une 
grosse  faute  d'impression  p.  390,  1.  1  «  rant.  Idem  error  etc.  »  et  280,  1.  12  (du  bas) 
«  quam  arte  valeret.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  71 

d'auteurs  qui  étaient  très-lus.  Les  unes  sont  des  explications  marginales  ou  inter- 
linéaires que  le  copiste  a  prises  pour  le  supplément  de  mots  omis;  les  autres  sont 
un  délayage  du  texte  de  l'auteur. 

En  ce  qui  touche  la  prem.ière  espèce  d'interpolations,  on  ne  peut  s'empêcher 
d'accorder  à  M.  C.  qu'Eschine  n'a  pas  dû  répéter  à  satiété  (de  fais.  kg.  §  28, 
32,  33)  qu'Amyntas  était  père  de  Philippe  ni  dire  ô  ^CkiizTzo^i  zaTYjp  au  §  33 
où  il  adresse  la  parole  à  Philippe  à  la  seconde  personne.  Il  me  semble  avoir 
également  raison  quand  il  supprime  dans  Thucydide  I,  6  xepi  Ta  atooTa,  I,  126 
iv  toT;  êwtJLoTç,  dans  Eschine  contra  Timarchum  S$  uit^ToO -SYjj/iôtî,  ^  y:cà  èçtcà 
Xezxà  et  èx^épouciav.  Il  a  signalé  (p.  510)  une  curieuse  altération  de  cette  espèce 
dans  Démosthène  de  fais.  kg.  402,  1 3.  Après  avoir  raconté  comment  l'acteur 
Satyrus  avait  demandé  et  obtenu  de  Philippe  dans  le  festin  par  lequel  le  roi  célé- 
brait une  grande  fête,  la  liberté  de  captives  olynthiennes,  Démosthène  passe  à  la 
conduite  tenue  par  Eschine  et  ses  amis  à  l'égard  d'une  captive  olynthienne  dans 
un  repas  :  içeTaffw  [xev  cy;  irpbç  to  tou  Saxapou  toîjto  cup.TOatov  eispov  c^^JKàziO') 
TouTo)v  £v  May.eâovia  Y£véiJ(.£vov.  M.  C.  fait  remarquer  avec  raison  que  sTspov 
(ju[jx6ff'.ov  était  une  sorte  d'annonce  placée,  comme  nous  dirions  aujourd'hui,  en 
manchette,  et  qui  a  été  intercalée  dans  le  texte.  Les  mots  toOto  to  toO  liaiypou 
signifient  ce  trait  de  Satyrus;  ce  repas  de  Satyrus  ne  pourrait- -signifier- que- kfCpàs 
donné  par  Satyrus.  '--^^  ^^  noÎDU J  ârnmo^ 

Il  est  constant  que  le  texte  des  orateurs  est  plus  concis  dans  certains  manus- 
crits, et  plus  développé,  ou  pour  parler  plus  exactement,  plus  délayé  dans  d'autres. 
Ainsi  au  §  3  3  du  discours  contre  Timarque,  le  manuscrit  Coislin  donne  :  OjasTç 
S'  £Ti  'ïï:pOG'éO£<70£  y.aivcv  v6|;.ov  \Kexà  %o  *ÂaXcv  TraY^pàxtcv  0  ouxoç  èTua^y-paTtacTev 
èv  XY)  èxxXyjçta  Gz£paicr/uvÔ£VX£(;  èicl  xw  7upaYpi.axi  %aô'  êy.aaxYjv  èyaXr^at'av  àizo- 
»X7;pouv  çuXy)v  èri  xb  êt^j^a  -r^xiç  7rpo£Bp£6<7£i.   Les  autres  manuscrits  donnent 

ey.y-Xr^aia  •  uizspoLia'/uyM'neç  "^àp  km  xw  Tup.  y.a6'  ex.   èy.y.X.  vé]j.o'^  èOf^xaTt 

•/.atvbv  à'::oxXY]poijv A  la  fm  de  ce  même  discours,  après  èv  yàp  xaTç  u[j.£xépaiç 

7va>ixaiç  •?)  irpa^içitaxaXet'nctai,  trois  manuscrits  ajoutent  :  el  cov  6ouX*/;(7£a6£, 
xà  Ôi'y.ata  xal  xà  (7U[j.Ç£povxa  uf^.wv  xor/^aavxwv,  çtXoxt[;ix£pov  'rjij.sTç  £Ço;x£V  xoùç 
7capavo{;.ouvxaç  £^£xa^£iv.  Il  est  malaisé  de  démontrer  par  des  arguments  intrin- 
sèques cette  espèce  d'interpolations  :  on  n'a  pas  toujours,  on  n'a  même  que 
rarement  les  moyens  que  donnent  le  sens  et  la  langue  pour  dénoncer  ce  genre 
d'altérations.  M.  C.  fait  remarquer  que  eÔYjxaxc  pour  £6£a6£  est  contraire  à 
l'usage  attique,  mais  le  copiste  pourrait  avoir  substitué,  comme  il  arrive  si 
souvent,  une  forme  du  dialecte  commun  à  une  forme  du  dialecte  attique.  Le 
jugement  de  l'oreille,  auquel  M.  C.  se  réfère  plusieurs  fois  p.  433  (I,  98),  928 
(127),  630  (136),  631  (143),  «  auri  permolestum»  «  laedit  aurem  »  etc.,  n'a 
pas  d'autorité,  quand  il  s'agit  d'une  langue  morte.  Est-on  autorisé  à  changer  un 
texte,  parce  qu'autrement  il  sera  plus  dégagé,  plus  rapide,  plus  élégant .?  Sommes- 
nous  de  bons  juges  de  l'élégance  dans  une  langue  étrangère  ^  Tout  ce  qu'on 
peut  accorder  à  ce  genre  de  corrections,  c'est  que  le  délayage  est  possible. 

Un  philologue,  qui  aurait  un  goût  moins  délicat  et  moins  sûr  que  M.  C, 
pourrait  se  tromper  gravement  en  s'engageant  dans  cette  direction.  Il  n'est  arrivé 


72  REVUE   CRITIQUE 

que  bien  rarement  à  M.  C.  de  supprimer  ce  qui  paraîtrait  devoir  être  conservé. 
Pourtant  je  défendrai  résolument  contre  lui  le  texte  de  Démosthène  défais,  kg. 
421,  i8:  ou  XéY^iv  eÏGO)  ty)v  yu^'  ey^ovî',  AtaX^'^AY),  Beî^rOU,  àXXà  xpecêeusiv  [sl'do) 
rr)v  X^^pa  l^ovia].  «  Maie  sit  »  dit  M.  C.  (p.  511)  «  inepto  magistello,  qui  prae- 
»  clarum  locum  sic  corrupiti  Recita  locum  et  senties  pannum  esse  assutum.  » 
Je  relis  le  passage  et  je  crois  sentir  qu'il  y  a  quelqije  chose  de  piquant  à  répéter 
avec  TupsaêeOeiv  la  locution  el'aw  %.  t.  k.  pour  exprimer  une  autre  idée,  celle  de 
ne  pas  tendre  la  main,  idée  importante,  ici  principale,  dont  l'expression  ne  me 
paraît  pas  pouvoir  être  sovis-^ntendye..  Je,  conserverais  le  mot  Ip^ov  dans  Eschine 
contra  Tim.  §  137  :  6p(l^o|;,ai  B'sTva'.  xb  |;,£v  èpav  xm  -AcCkm  xai  aw^pévwv  (^Ckcn^- 
6pwxou  Tcaôoç.y.al  eù^vcoi^covoç  4''^X"^Çî  '^'^  ^'^  àce^Y^iVEiv  ......  uêpiatou  y.al  aTiat- 

BeuTou  dcv^pbç  ^pyov.  Eschine  n'oppose- t-il  pas  les  actes  du  débauché  à  l'amour 
purement  moral  et,  comme  nous  disons  aujourd'hui,  platonique  de  l'homme  ver- 
tueux et  cultivé?  fj-T  . 

Faut-il  voir  une  absurdité  (p.  495)  dan^,E^nÇr.^g/a/^.  leg.  113  :  01  Aoîtpol 
oî  'A[j.çt(7<7rjÇ  [j.aAXov  Ç£  pLTupocCxr^yi.Tsç  aùiwv  avSpsç  TCapavo[j.o)TaTOi  èTTstpYal^ovTO 
Tb  TréSwv.  Sans  doute  les  magistrats  des  Locriens  n'avaient  pas  labouré  eux- 
mêmes  la  plaine  sacrée,  non  plus  que  Cyrus  n'avait  coupé  lui-même  les  arbres 
du  parc  royal,  ni  mis  le  feu  de  sa  main  au  palais  de  son  frère,  Kîipoç  aÙTcv 
èÇéxotl^s  y,ai  xà  ôaciXeia  y.ax£y,aua£V  (Xénophon,  Anab,  i,  4,  10).  Je  réclamerais 
encore  contre  ]es  suppressions  proposées  dans  Eschine  contra  Timarchum  96  : 
où  [JLûvoy  '/.axéçaYe  xà  xaxpîoa,  àXX\  d  oC6v  x'  eaxlv  eiiceïv,  xai  /.axé-Tuiev.  Kai  Y^p 
ouSè  x^ç  à^iaç  sxaaxov  xôv  7,xy){j.axwv.  dicéBoxo  [où^MBuvax'  àvai^éveiv  xb  xXéov 
xa\  xb  XuaixeXouv]  àXXà  xou  yj^yj  eOptdxovxoç  [aTre^i'Soxo].  Ouxcoç  r^Tcei'Yexo  cç6Spa 
-jupbç  xàç  YjBovaç.  «  Et  maie  compositum  »  dit  M.  C.  (p.  62^)  «  et  xaxoçwvov 
»  est  dcxéBoxo  —  fcStSûxo,  et  si  quis  praedia  ai^/gdije  dicitur,  inepte  additur, 
»  non  exspectasse  eum  dum  melius  venderet,  neque  id  ipsum  graece  dici  potest, 
»  xb  TcXéov  y,al  xo  XuatxeXojv.  Deletis  additamentis  optime  sic  procedit  oratio...  » 
Si  l'on  supprime  le  membre  de  phrase  où  il  est  dit  que  Timarque  ne  pouvait  pas 
attendre  qu'on  lui  offrît  davantage,  le  sens  particulier  qu'Eschine  attache  à 
y.axé7ri£v  ne  me  semble  plus  suffisamment  expliqué*^  il  faudra  alors  bien  de  la 
sagacité  pour  deviner  qu'Eschine  a  voulu  dire  que  Timarque  a  non  pas  mangé, 
mais  bu  son  bien,  parce  qu'il  l'a  vendu  aussi  rapidement  qu'un  liquide  descend 
dans  l'estomac,  ta.ndi^,,c^u'il  faut  plus  de  temps  pour  manger  un  aliment  solide 
de  même  volume^; 4^^;nç  sais  si  l'idée  est  exprimée  en  grec,  comme  elle  devait 
l'être  (l'assertion  de  M.  C.  m'intimide  sans  me  persuader),  mais  je  crois  nécessaire 
qu'elle  soit  exprimée.  Peut-être  la  proposition  cùS'  èBuvocx'...  XuatxeXouv  est-elle 
hors  de  sa  place,  et  doit-elle  être,  transposée  à  la,  placide  àreStâoxo,  que  l'on  sup- 
primerait. Ailleurs  (contra  Timarchum  91)  M.  C.  a  raison  de  trouver  absurde  de 
faire  dire  à  Eschine  à  propos  des  voleurs,  des  adultères,  des  meurtriers  :  xouxwv 
01  (JL£V  Itu'  aùxoçwpw  àXdvx£ç,  [^ày  ^iàv .©[/.oXo^wai]  ^Y5[;^,onvxai,  oî  Bà  Xa66vx£ç  xal 
IÇapvoi  '^z'^à\iz'^o\y,^i'^0'^':oLi  èv  xoTç  Bty.aaxr<piotç,  que  ceux  qui  sont  pris  en  flagrant 
délit,  sont  punis,  s^ils  l'avouent;  mais  je  ne  sais  s'il  faut  voir  ici  une  interpolation 
tirée  de  (11  ^)   ot  8e  v6t«.oi  xe^eù^ouat  tûv  xX^tç^ûv  xoùç  [;.èv  bixoXoYouvxaç  ôavaxw 


d'histoire  et  de  littérature.  73 

CY)i;-touff6a'.,  Toùç  S'  àp-i^ouiiivcn^^'xjïfVèweài.  Il  semble  qu^Esciihe  distingue  trois 
classes  de  criminels  :  cétix  (îjtiî  sont  pris  en  flagrant  délit,  ceux  qui  ne  sont  pas 
pris  en  flagrant  délit  et  qui  avouent,  ceux  qui  ne  sont  pas  pris  en  flagrant  délit 
et  qui  nient.  Peut-être  manque-t-il  xal  z\  AaOivT^ç  devant  èàv  ;;.W  èlraVrp'^&fftv. 
En  ce  qui  touche  des  altérations  d'autre  espèce,  M.  C.  a  propose  des  resti- 
tutions fort  heureuses.  Il  en  a  mis  une  fort  brillante  en  tête  de  son  Epimeîram 
(p.  401).  Plutarque  (de  adulaîore  et  arnica  57  A)  cité  tlu  K6Xa?  de  Ménandre 
un  vers  qui  se  lit  ainsi  dans  les  manuscrits  -(éXonc  -lirpbç  TcvK'jxpcov  £vr^Ôc6[j.£vo;. 
Wyttenbach  a  substitué  èxOavouixr^oç  à  èvr^eou]>:évûç,  mais,  comme  le  fait  remar- 
quer M.  C.  i(  quis  credat  Plutarchum  ita  Menahdri  locum  attulisse  ut  omitterét  " 
»  ea  sine  quibus  intelligi  non  posset?  )>  M.  G.  s'est  rappelé  que  Térence  avait  '^ 
tiré  son  Eunuchus  du  Colax  et  du  miles  gloriosus  de  Ménandre  et  qu'on  lit  darià^^^ 
cette  pièce  (3,  2,  44)  :    --^^  ,ii:n  iJiiJO(U£  enoiiiD  ^ucil  tjiunioD  ,itj  :iy^o.u  urjui-iU  a 

Gn.  Ha,  ha,  hé!  Thr.  quid  rides?  Gn.  îstud  quod  dixti  moâà^:^^^"^/^  ^^- 
et  illud  de  Rhodio  dictum  cum  in  rnemem  venifj^^^^^f ^  ^""^^^^J  ^'^f'^'^J 
Il  en  tire  la  restitution  suivante  :  v^Xw  to  'izpc-q'-  tcv  Kî^r^ié^  ^vèéi^ifel.'^fl'a  , 
rétabli  la  vraie  ponctuation  dans  Démosthène  de  fais.  l'èg.  %S^^  i^'^'toTov^'VuV/ 
èpeTç  6icv;  bv  ou  êc6i(j)xaç,'l¥£i')(.  t.  £.420,  2  £Tt'  eu  ah  acçicr^^ç;  y.al  r,0Yr^^6q\ 
Y£.  ou  eu  XoYOYpaçoç;  xai  0£oTç  i^Qp^ç  Y£,  la  vraie  leçon  dans  447,  26  -Kaym^^ 
àXYjOfi  au  Heu  de  Trdvta  TaXr^O^.  Le  discours.  d'Eschine  à  Ctésiphon  lui  doit  éMèC'^' 
Ypa^^  au  lieu  de  lia.  Yfi*aç-^;^  ('90^  «T^^à  £ipYac7[jivou  au  lieu  de  y,aT£tpYaéixiiiâ?^J 
(229).  Je  signalerai  particulièrement  dans  le  discours  contre  Timarque  Tt[j<apxob,/ 
(où)  9£ÙYo)v  (i  $8),  7:apao7Yjo-£tv  au  Ifeu  de  TUE^dîffTV^irEiv  (ï70>.  ^c^ov  {xaXiv)  o^^"''^ 
v£u  (178),  ^^<!>^  au- lieu  de  Xg^^Çrfgjyxvj^L^^^^:^^       tt>b^(^|^>^<iu;''_^ 
lieu  de  7rpoTp£tî/aaG£(f9i).  Il  iàyn'^Té'S^à^J^piïi^m^  lî^  1^  u^'a^?"^~ 

7..  T.  £.  (^190).  M.  G.  fait  une  remarque  juste  sur  le  passage  suivant  de  ce  dis- 
cours oti  Eschine  annonce  d'avance  que  Démosthène  cherchera  à  détruire  \eà  " 
arguments  que  les  accusateurs  de  Timarque  tirent  de  sa  mauvaise  réputatioti 
(126)  :  7:ap(Z^£p£t  S'  autov  h  rr/.M[j.\i7.'oq  \JÀpzi'^  &ç  -^l^uç  àvY]p  y.aV  TzspX  tàç  t^faç 
Siaxptêàç  -^eko^èq-^'n  d  '^:r^  v,à\iz  ozï  »  or^z'.v  <(  u'irr/ousiv  tgTç  o/Xoiç  [X'}]  Ay;[j.ô- 
»  <t6^viqv  x'àXouîXevé^^  àXXà  BaTaAcv,  oti  TauTr^v  è?  uircxopicfjiaTOç  Ttiôiqç  ty]v  £:rw-"  ' 
»  vup.i'av  l^w-  »''tl^ïTi\xoLpyoq  (^patoç  è^éVèTO  y.al  (7y.w7:T£Tai'Tfj  tou  r^pi-^ixaiof 
c'.a^oXvi  y,al  iJtvj  ToTç  auTOu  IpYocç,  où  B'/î'kOU  3tà  tout'  auTév  çv^crt  ^sTv  au-jj^çopa 
z£pi7U£(7£Tv.  Eyà)  3e,  to  Ar^pcécr^svsç,  y.,  t.  L  M.  C.  fait  observer  (p.  627)  que  les 
derniers  mots  evw  Sa  se  rapportent  à  un  discours  direct  précédent,  et  il  propoisè 
d'écrire  vxùxbv  hzX  <:u|i.*popa.  Il  me  semble  qu'il  reste  une  difficulté,  c'est  que  ki, 
{j/})  y.àixè,  qui  répond  au  latîn  nisi  forte,  ne  se  rapporte  à  rien.  On  a  un  très-bon 

sens  en  transposant  sans  changeaient  zl  oï  Ti[iy.pxz; r.zci-iGtiv  avant  Trapa-. 

çEpîi  Se.  Alors  un  discours  direct  de  Démosthène  se  trouve  rapproché  de  l'apos-^^^ 
trophed'Eschine.  ^'^^^ 

Les^remarque^^è^M-:^<Î.^S9?ùif»"èîcér6n  ne  sont  pas  Tnblfe'lJignes'd^âttëirtioh^^  j,^ 
que  celles  qui  se  rapportent  aux  auteurs  grecs.  Il  a  restauré  "aussi  ingénieusemenil; 
qu'évidemment  un  bon  mot  de  Gicéron  perdu  depuisdes  siècles.  Cicéron  dit  à'  ^ 
Atticus  (XIV,  18)  en  parlant  de  Dblabdla  :  't^tôttittl'iè'^ab  te  abalienavit  Dola- 


74  '^^'=  ■        REVUE   CRITIQUE 

»  bella  ea  de  causa  qua  me  quoque  sibi  inimicissimum  reddidit.  O  hominem  pu- 
))  dentem!  Kal.  Jan.  debuit,  adhuc  non  solvit,  praesertim  quum  se  maximoaere 
))  alieno  Faberii  manu  liberarit  et  opéra  ab  eo  petierit.  Licet  enim  jocari  ne  me 
))  valde  conturbatum  putes.  »  M.  C.  fait  remarquer  d'abord  que  le  sens  exige 
libet  au  lieu  de  licet,  ensuite  que  dans  ce  qui  précède  il  n'y  a  pas  le  moindre  mot 
pour  rire,  mais  il  signale  divers  textes  oij  il  est  dit  qu'Antoine  avait  dissipé 
700  millions  de  sesterces  déposés  par  César  dans  le  temple  de  la  déesse  Ops 
(Vell.  Paterc.  2,  60,  4  Cic.  Phil.  $,  §  1 1  etc.),  et  il  substitue  «  opem  ab  Ope 
»  petierit  »  à  «  opem  ab  eo  petierit.  » 

La  réputation  de  M.  Cobet  me  dispense  d'insister  sur  les  mérites  de  sa  critique 
qui  unit  «  l'esprit  de  finesse  »  à  «  l'esprit  .de^  géométrie,  »  le  goût  à  la  connais- 
sance de  la  langue  et  des  manuscrits,  on  nor'' 

Charles  Thurot. 


1 54.  —  Die  altdeutschen  Bruchstûcke  des  Tractats  des  Bischofs  Isidorus  von 
Sevilla  de  fide  catholica  contra  Judaeos.  Nach  der  Pariser  und  Wiener  Handschrift  mit 
Abhandlung  und  Glossar,  hgg.  von  Karl  Weinhold.  Paderborn,  Ferd.  Schœning. 
1874.  In-8°. 

Ce  volume,  le  sixième  de  la  Bibliothèque  des  plus  anciens  monuments  de  la  litté- 
rature allemande,  dont  j'ai  eu  plus  d'une  fois  déjà  occasion  d'entretenir  les  lecteurs 
de  h  Revue,  est  édité  avec  le  soin  qui  est  un  des  caractères  de  cette  publication,  1 
et  avec  une  exactitude  et  une  compétence  dont  le  nom  de  M.  Weinhold  est  à  lui 
seul  une  garantie.  La  traduction  du  traité  d'Isidore  avait  déjà  été  publiée  plu- 
sieurs fois  d'après  le  manuscrit  de  Paris,  entre  autres  en  1836  par  Graff  et  par 
Holtzmann;  des  fragments  assez  nombreux  du  même  ouvrage  avaient  été  égale- 
ment reproduits  par  Massmann  (1834- 1840);  en  comparant  attentivement  les  tra- 
vaux de  ses  devanciers  et  en  corrigeant  les  fautes  manifestes  des  manuscrits, 
M.  W.  nous  donne  aujourd'hui  une  édition  vraiment  critique  de  ce  texte ipr^ojêux 
pour  l'histoire  et  la  connaissance  de  l'ancien  allemand.  ;  M-i.--: 

-yOîMais  ce  n'est  pas  par  cela  seul  que  se  recommande  cette  publication.  Comme 
dans  toutes  celles  de  la  même  collection ,  une  étude  phonétique  et  grammaticale 
et  un  glossaire,  qui  renvoie  à  tous  les  passages  du  texte  où  se  rencontrent  les 
mots  qui  le  composent,  la  complètent  et  en  facilitent  l'emploi.  M.  W.  y  a  joint 
encore  une  recherche  pleine  d'intérêt  sur  l'époque  et  la  patrie  du  traducteur 
d'Isidore.  L'étude  soigneuse  qu'il  a  faite  du  vocalisme  et  du  consonantisme  de 
la  traduction  du  de  fide  l'a  mis  en  état  d'arriver  à  une  solution  précise,  sinon 
définitive  sur  ce  point  délicat.  Tout  d'abord  le  savant  éditeur  prouve  que  le 
vocalisme  du  manuscrit  de  Paris  n'est  ni  bas  ni  moyen-allemand,  mais  qu'il  a 
tous  les  caractères  du  haut-allemand  ;  puis  il  montre  qu'entre  tous  les  dialectes 
présentés  par  cet  idiome  c'est  du  bavarois  qu'il  se  rapproche  le  plus.  Les  résultats 
donnés  par  l'étude  des  consonnes  sont  tout  différents,  Si  le  changement  de  t  en 
2;  et  de  ^  en  cfi  nous  ramènent  encore,  en  effet,  au  haut-allemand,  le  traitement 
des  labiales,  la  présence  de  d  à  côté  de  dh  ainsi  que  l'emploi  de  gh  pour  g  devant 
e  et  i  indiquent  évidemment  un  dialecte  franc.  De  tous  ces  faits  M.  W.  conclut  avec 


d'histoire  et  de  littérature.  75 

raison  que  nous  n*avons  point  ici  un  idiome  vivant  et  populaire,  itiais  une  langue 
factice,  produit  des  modifications  successives  apportées  au  texte  primitif  par  des 
transcriptions  différentes.  C'est  le  cas,  on  le  sait,  pour  un  certain  nombre  des 
plus  anciens  monuments  germaniques,  où  les  formes  du  haut  et  du  bas-allemand 
se  mêlent  si  étroitement  qu'il  est  difficile  de  dire  auquel  des  deux  dialectes  ils 
ont  appartenu  originairement.  Cette  circonstance  permet  déjà  de  conclure  à  la 
haute  antiquité  de  la  traduction  du  De  fide  cathoUca;  M.  W.  la  place  à  la  fin  du 
viiie  ou  au  commencement  du  ix''  siècle.  Là  s'arrêtent  les  suppositions  qu'il  a 
faites  ;  et  il  s'est  bien  gardé  par  exemple  de  chercher  à  deviner  le  nom  de  l'auteur 
de  cette  traduction,  ne  voulant  point  s'exposer  à  l'erreur  de  Holtzmann,  qui 
l'attribuait  à  saint  Firmin,  fondateur  du  monastère  de  Reichenau,  ou  de  Scherer, 
qui  a  cru,  sans  beaucoup  plus  de  raison,  pouvoir  en  identifier  l'auteur  avec  l'évêque 
de  Cologne,  Hildbold,  grand-aumônier  de  Charlemagne.  Le  doute  est  le  com- 
mencement de  la  vraie  science,  il  faut  féliciter  M.  W.  de  s'en  être  souvenu. 

155.  —  Prieuré  de  Courtozé  et  ses  peintures  murales  du  XII®  siècle,  par 

Achille  DE  RoGHAMBEAu,  avcc  six  planches  chromolithographiées.  In-8*,  24  p.  Paris, 
Aubry.  ,^  ^^-y-  v..-,  ,>■■',_:;:-  y-\  ,;  :_j  r:;::^;.  .:  ..[ 

Les  ruines  de  l'ancien  pPîétft-éidë  Gôûitôzé  ^ï  situéek^à- quelques  kilomètres 
N.-^O.  de  Vendôme  près  de  la  routé  -de  Vendôme  à  Blois.  Mi  de  Rochambeau  a 
donné  le  plan  des  quatre  bâtiments  qui  subsi'stent;  le  bâtiment  central  auquel 
il  assigne  pour  date  le  xi*  s.,  mais  qui  a  été  défiguré  par  des  réparations  modernes 
contenait  à  Tétàge- trois  pièces  ;  c'est  dans  celle  du  milieu,  l'ancien  réfectoire  des 
moines,  que  sous  un  badigeon  à  la  chaux  ont  été  découvertes  les  peintures  dont 
la  reproduction,  d'apparence  fort  exacte,  accompagne  sa  brochure. 

Une  faible  partie  seulement  de  la  décoration  de  cette  salle  â  pu  être  retrouvée. 
Sur  le  mur  de  gauche  le  seul  groupé  conservé  représente  une  femme  vêtue  d'une 
robe  bleue  causant  avec  un  tailleur  de  pierres.  La  coiffure  de  la  dame,  une  toque 
avec  un 'bâïideau^isèssouHers  à  pointe,  son  aumônière  suspendue  à  une  lanière 
qui  lui  sert  de  ceîmure  éf  surtout  son  surcot  à  longues  manches  caractérisent  le 
costume  des  dames  nobles  de  l'époque  de  Saint  Louis.  La  décoration  du  mur  qui 
fait  face  à  la  porte  est  mieux  conservée,  elle  me  semble  aussi  mieux  peinte  et 
plus  ancienne.  Un  demi-cercle,  limité  par  une  bordure,  contient  dans  sa  partie 
supérieure  la  représentation  d'une  forêt,  indiquée  par  trois  arbres,  peuplée  d'oi- 
seaux, d'un  écureuil  (que  M.  de  R.  appelle  un  dragon),  d'un  porc  épie,  d'un 
renard  qui  emporte  un  volatile,  et  d'un  chasseur  tirant  de  l'arc.  Trois  groupes 
occupent  la  partie  inférieure  séparée  de  la  précédente  par  uîi  bandeau  :  i**  un 
personnage,  auquel  par  malheur  manque  la  partie  supérieure  du  corps,  à  chevaj 
sur  une  monture  qiii  offre  une  lointaine  ressemblance  avec  le  chameau;  2°  au 
milieu, 'ùrt  personnage  nimbé  paraissant  combattre  une  bête  fauve  qui  pourrait 
bien  être  un  lion,  ce  que  M.  de  R.  interprète  par  une  scène  de  la  vie  de  David; 
:;"un  guerrier  aux  prises  avec  un  animal  qui  doit  être  un  tigre.  La  tunique  flot- 
tarite  que  porte  sous  son  grand  haubert  ce  guerrier,  tunique  appelée  à^-tort  par 


j6  REVUE   CRITIQUE 

M.  de  R.  Gambison  (le  gambison  était  une  espèce  de  gilet  matelassé),  peut  servir 
à  fixer  approximativement  Fépoque  de  la  composition.  On  voit  cette  tunique 
figurée  sur  les  sceaux  depuis  1170  environ,  le  dernier  exemple  signalé  par 
M.  Demay  est^le  sceau  de  Jean  de  Montchevreuil  de  1203  '.""A  la  même  époque 
apparaît  la  cotte  qui  recouvre  le  haubert  et  dont  l'emploi  ne  tarde  pas  à  devenir 
général.  Le  casque  hémisphérique  à  nasal,  que  porte  le  même  guerrier,  n'a  pas 
tardé  à  se  compliquer  au  commencement  du  xiii^  siècle  2. 

M.  de  R.  qui  a  vu,  avec  assez  de  vraisemblance,  dans  la  peinture  du  mur  de 
gauche  un  souvenir  de  l'histoire  du  prieuré,  a  essayé  d'interpréter  celle  du  fond 
de  la  salle  à  l'aide  des  bestiaires,  et  de  lui  trouver  un  sens  symbolique;  ses 
recherches  dans  ce  sens  me  paraissent  sans  valeur  ;  je  verrais  plus  volontiers 
dans  ces  trois  groupes  quelque  représentation  d'aventures  de  la  croisade,  et  dans 
le  paysage  qui  les  surmonte  une  scène  toute  de  fantaisie. 

Il  est  regrettable  que  M.  de  R.  n'ait  pas  fait  sur  ces  peintures  intéressantes 
quelques  observations  de  technique  que  ne  permettent  pas  ses  reproductions.  Il 
aurait  dû  tout  mu  moins  donner  les  dimensions  des  surfaces  couvertes  par  ces 
peintures.  Il  les  appelle  des  fresques,  mais  il  eût  mieux  valu  préciser  et  donner 
quelques  indications  sur  la  nature  et  Pépaisseur  de  l'enduit,  la  composition  des 
couleurs,  etc.  Les  figures  s'enlèvent  sur  un  fond  où  sont  dessinées  par  un  trait 
brun  des  assises  de  pierre;  il  est  impossible  de  savoir  d'après  les  chromolitho- 
graphies si  le  fond  est  l'enduit  qui  apparaît,  oU'  j&'il.  est  touvert  d'un^fr  teînte 
blanche  uniforme.  Comme  dans  les  peintures  de  Saint-Savin  l'ébauche  a  été  faite 
par  un  trait  brun  hardiment  tracé  au  pinceau,  où  Fon  ne  voit  aucune  retouche. 
Les  couleurs  sont  peu  nombreuses:  le  jaune,  plusieurs  nuances  de  fougue  et  de  brun, 
et  un  bleu  qui,  si  les  chromolithographies  ne  sont  pas  trompeuses,  se  serait  conservé 
très-frais  et  très-tendre  contrairement  aux  bleus  de  la  même  époque.  La  pein- 
ture estappliquée  par  teintes  plates  sans  aucun  essai  de  modelé,  sans  souci  de 
la  lumière;  cependant,  dans  la  fresque  la  plus  récente,  quelques  touches  bleues 
sur  la  robe  rouge  clair  du  tailleur  de  pierres,  quelques  traits  plus  foncés  sUr  le 
surcot  de  la  dame  indiquent  des  plis  et  des  ombres.  Le  paysage  qui  surmonte 
l'autre  peinture  ne  dénote  aucune  recherche  d'imitation  de  la  nature,  et  surtout, 
bien  entendu,  aucune  préoccupation  de  la  perspective. 

En  somme  ces  peintures  très-intéressantes  et  très-curieuses  sont  fort  gros- 
sières, les  personnages  sont  gauches  et  sans  vie;  elles  n'ont  aucune  trace  des 
traditions  qui  avaient  inspiré  les  peintres  de  Saint-Savin,  rien  de  la  majesté  et  du 
caractère  que  l'on  trouve  dans  les  fresques  peu  antérieures  d'une  petite  église 
de  la  même  région  que  Courtozé,  l'église  de  Montoire,  qu'il  serait  bien  désirable 
de  connaître  mieux  que  par  les  quelques  croquis  qu'a  donnés  M.  de  Pétigny  dans 
son  histoire  du  Vendômois.  L'intérêt  des  peintures  de  Courtozé  est  précisément 
d'être  dépouillées  de  toutes  les  traditions,  leur  mérite  est  dans  leur  appropriation 
à  Parchitecture  et  dans  leur  convenance  décorative.  Il  faut  savoir  gré  à  M.  de  R. 
de  les  avoir  fait  connaître.  >  A.  Giry. 

1.  Demay.  Le  costume  de  guerre  et  d'apparat,  p.  9.  —  2.  Ibid.,  p.  19. 


d'histoire  et  de  littérature.  77 

I  j6.  —  Léon  Boucher.  'William  p^'wper^  sa  CQcr^popdai^fe  et  ses  poésies.  Paris, 
Sandoz  et  Fischbacher.  1874.  Ii*-i2,  437  p.  —  Prii.:  i  fr.  50. 

Parmi  les  poètes  qui  inaugurent  une  ère  nouvelle  dans  la  littérature  anglaise 
au  siècle  dernier,  W.  Cowper  est  au  premier  rang  avec  Burns;  c'est  là  sans 
doute  avant  tout  la  raison  qui  a  fondé  la  réputation  de  ce  précurseur  de  l'école 
romantique,  mais  il  en  est  une  toute  différente,  qui  n'a  guère  moins  contribué  à  atti- 
rer sur  lui  l'attention,  je  veux  parler  de  la  folie  dont  il  sentit  les  premières 
atteintes  presque  à  ses  débuts  dans  la  vie,  et  qui  a  fait  de  lui  une  énigme  pour 
le  philosophe  psychologiste  non  moins  que  pour  l'historien  littéraire.  Aussi 
Cowper  fut-il  de  bonne  heure  l'objet  de  nombreux  écrits.  Cependant  à  part  deux 
excellents  articles  de  la  Bibliothèque  universelle  de  Genève  (1854)  et  une  étude 
de  Sainte-Beuve  dans  le  onzième  volume  de  ses  Causeries  du  lundi,  écrite  la 
même  année,  nous  n'avions  dans  notre  langue  aucun  ouvrage  un  peu  étendu 
consacré  au  poète  de: la  Tâche;  il  faut  remercier  M.  L.  Boucher  d'avoir 
entrepris  de  combler  cetie  lacune,  en  nous  donnant  une  biographie  complète  de 
cet  écrivain  charmant. 

Rien  4^  plus  simplement  uniforme  que  la  vie  de  Cowper;  mais  cette  vie,  il 
n'importe  pas  moins  de  la  bien  connaître,  si  l'on  veut  comprendre  ce  qu'il  y  a 
d'original  dans  la  poésie  nouvelle  qu'il  inaugure.  Les  renseignements,  par  bon- 
heur, ne  font  pas,  défaut,  et  c'est  Cowper  lui-même  qui  s'est  le  plus  souvent 
chargé  de  les  donner;  sa  correspondance  est  la  mine  féconde,  en  effet,  où  ses 
biographes  ont  puisé  sans  la  tarir,  et  où  ils  ont  trouvé  les  traits  les  plus  sûrs 
pour  peindre  son  génie  étrange  et  gracieux.  Les  nombreux  emprunts  qu'avec 
grande  raison  il  y  a  faits  à  son  tour  ont  permis  à  M.  B.  de  nous  donner  un 
portrait  fidèle  de  cette  nature  maladive  et  sensible  qu'un  rien  séduisait  et  char- 
mait, mais  qu'un  rien  aussi  était  capable  de  troubler  et  de  pousser  au  désespoir. 

Ce  fut  la  crainte  d'avoir  à  parler  en  public  qui  détermina  chez  Cowper  son 
premier  accès  de  folie;  alors  commence  pour  lui  cette  sombre  existence  égayée 
parfois  par  des  éclaircies  de  raison  et  par  le  bonheur  d'amitiés  tendres  et  dévouées, 
mais  qui  devait  se  terminer  par  dix  ans  de  mélancolie  et  de  délire.  H  avait  alors 
trente-deux  ans.  Jusque-là  il  n'avait  écrit  que  par  passe-temps  ;  désormais,  chose 
singulière,  produire  deviendra  pour  lui  un  besoin  irrésistible;  mais  n'était-ce  pas 
aussi  le  moyen  le  plus  sûr  d'échapper  aux  idées  fixes  qui  hantaient  son  imagi- 
nation troublée  ?  Pris  d'un  dégoût  profond  pour  le  séjour  de  Londres,  «  le 
»  théâtre  de  ses  abominations,  «  Cowper  avait  résolu  de  se  fixer  à  la  campagne; 
il  trouva  dans  la  famille  du  pasteur  de  Huntington,  M.  Unwin,  l'asile  et  les  con- 
solations) (dont  il  avait  besoin.  Il  était  pour  ainsi  dire  redevenu  lui;  'Ce'ne  fut 
toutefois  que  deux  ans  plus  tard,  quand,  après  la  mort  de  M.  Unwin,  il  eut  suivi 
sa  veuve  à  Olney,  qu'il  entra  décidément  dans  la  carrière  littéraire. 

La  religion  joue  un  grand  rôle  dans  la  vie  de  Cowper»  mais  elle  fut  pour  lui 
moins  une  consolatrice  qu'une  cause  d'effroi  et  d'épouvante;  il  lui  dut  pourtant  ses 
premières  inspirations.  Le -pasteur  d'Olney,  M.  J.  Newton,  dont  il  était  devenu  le 
disciple,  l'avait  d'abord  fait  membre  des  «  réunions  de  prière»  »  qu'il  avait  insti- 


yS  REVUE   CRITIQUE 

tuées;  bientôt  il  le  prit  pour  auxiliaire  dans  la  composition  d'un  livre  d'hymnes 
religieuses,  dont  il  projetait  la  publication.  Cowper  se  mit  à  l'œuvre,  mais  la 
sombre  exaltation  qu'il  porta  dans  cette  tâche  singulière  devait  lui  être  fatale  : 
sa  raison  y  sombra  une  seconde  fois.  On  comprit  alors,  mais  trop  tard,  qu'il 
fallait  l'arracher  à  l'inflexible  discipline  de  M.  Newton.  Cependant  le  mal  finit 
encore  par  céder  et  la  joie  de  ce  second  retour  à  la  vie  devait  être  pour  le  poète 
une  source  d'inspirations  inconnues;  le  collaborateur  de  l'austère  pasteur  d'Olney 
allait  s'exercer  dans  la  satire  et  dans  la  poésie  légère  :  bizarre  transformation 
dont  il  faut  lire  dans  M.  B.  le  piquant  récitiiwsilOOr 

Cowper  avait  cinquante  ans,  quand  à  la  gravité  de  ses  premiers  écrits  succéda 
ainsi  l'enjouement  des  nouveaux  essais.  Cette  tendance,  qui  se  révèle  d'abord 
dans  les  Propos  de  table,  se  manifeste  davantage  encore  dans  la  Conversation  et 
dans  VEspérance.  Il  semblait  que  rien  ne  fût  resté  en  lui  de  ce  qu'il  avait  été  autre- 
fois; la  connaissance  qu'il  fit  vers  cette  époque  de  lady  Austen  devait  compléter 
la  transformation  :  VHistoire  étonnante  de  John  Giipin  en  est  le  monument  durable. 
Pourquoi  cette  liaison  qui  avait  achevé  de  rasséréner  la  vie  du  poète  fut-elle 
brusquement  interrompue?  On  l'ignore,  mais  il  semble,  comme  M .  B.  le  pense  avec 
raison,  qu'en  cette  occasion  l'amie  de  la  veille  fut  sacrifiée  à  l'amie  des  jeunes 
années.  Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  à  cette  époque  que  fut  écrite  l'œuvre  capitale  de 
Cowper,  la  Tâche,  en  qui  se  résument  et  se  confondent  en  quelque  sorte  ses 
différentes  manières,  et  où  brille  au  suprême  degré  ce  talent,  où  il  était  passé 
maître,  de  donner  du  prix  aux  plus  petites  choses.  Mais  ce  poème  se  recommande 
encore  par  d'autres  qualités,  et  l'accent  de  vérité  qui  y  règne,  la  variété  de  ton, 
la  sincérité  de  pensée  et  d'expression  en  font  un  des  joyaux  de  la  littérature 
anglaise.  On  ne  peut  aussi  que  savoir  gré  à  M.  B.  du  soin  avec  lequel  il  a  étudié 
ce  chef-d'œuvre  du  poète,  et  que  le  féliciter  de  l'avoir  jugé  si  finement. 
"if.Sans  le  vouloir  Cowper  était  arrivé  à  la  gloire;  en  même  temps  s'accroissait 
fë^hombre  de  ses  relations;  et  une  amie  de  jeunesse  depuis  longtemps  perdue  de 
vue,  lady  Hesketh,  venait  remplir  le  vide  que  la  rupture  avec  lady  Austen  avait 
laissé  dans  sa  vie  et  dans  son  cœur.  Mais  les  jours  de  bonheur  du  poète  tou- 
chaient à  leur  fin.  Peu  de  temps  après  son  installation  à  Weston,  la  mort  du  fils 
de  M"*^  Unwin  lui  porta  un  premier  coup.  Il  chercha  à  s'étourdir  par  le  travail. 
Il  avait  entrepris,  résolution  qui  surprend  de  la  part  d'une  nature  primesautière 
comme  la  sienne,  de  traduire. Homère;  malgré  un  retour  de  son  mal,  il  se  donna 
tout  à  cette  tâche  ingrate,  et -en  17^1 ,  après  six  ans  de  travail,  parut  l'Iliade.  Je 
ne  dirai  rien  de  cette  œuvre  de  Cowper  dont  M.  B.  a  parfaitement  saisi  le 
caractère  et  apprécié  le  mérite.  C'est  à  son  hvre  que  je  renvoie. 

Cette  longue  entreprise  avait  épuisé  Cowper;  sa  vie  ne  touchait  pas  encore  à 
son  terme,  mais  la  maladie  fatale  dont  il  portait  le  germe  en  lui  allait  bientôt  le 
ressaisir,  pour  ne  plus  cette  fois  lâcher  sa  proie.  Désormais  son  intelligence 
affaiblie  baisse  sans  retour;  sa  muse  cependant  se  réveillait  parfois  encore  soit 
en  plaintes  attristées,  comme  dans  cette  pièce  de  vers  A  Marie,  adressée  à  sa 
vieille  amie,  M"^''  Unwin,  soit  en  accents  désespérés,  comme  dans  Uhomme  à  la 
mer,  où  il  chantait  en  quelque  sorte  le  naufrage  de  sa  raison  et  sa  fin  prochaine. 


d'histoire  et  de  littérature.  79 

M.  B.  a  fait  de  ces  dernières  années,  comme  de  toute  la  vie  de  Cowper,  un 
tableau  aussi  saisissant  que  véridique;  écrite  d'une  plume  allègre,  l'histoire  qu'il 
en  a  donnée,  résumé  fidèle. de  tout  ce  qui  a  été  dit  sur  lui,  le  fait  connaître  à 
merveille  dans  l'inconsistance  de  sa  nature  et  le  charme  de  son  talent;  à  ce  titre 
on  ne  saurait  trop  la  recommander  aux  amis  que  la  littérature  anglaise  compte 
parmi  nous. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS  it   BElTES-LÊttRES. 

j  •£^^  miib  Di/S^^^^^  ^"  25  juillet  1875.  .;,  L^  ao^a.^3i  ztiLD 

M.  Egger  ayante  la  dernière  séance  signalé  à  l'attention  de  l'académie  un 
volume  récemment  publié  par  M.  D.  Comparetti,  où  sont  donnés  des  fragments 
grecs  tirés  d'un  ms.  trouvé  à  Herculanum,  M.  Ravaisson  rappelle  à  ce  propos 
qu'il  existe  à  la  bibliothèque  de  l'institut  des  rouleaux  manuscrits  provenant 
également  d'Herculanum,  dont  il  n'a  encore  été  tiré  aucun  parti.  Ces  rouleaux 
furent  envoyés  au  premier  consul,  en  1802,  par  le  gouvernement  napolitain; 
il  y  en  avait  alors  six.  L'institut,  auquel  ils  furent  confiés,  nomma  une  commis- 
sion chargée  tj'en- ,te];îter  le  déroulement  et  le  déchiffrement.  Les  expériences  qui 
eurent  lieu,  avec  le  concours  d'un  savant  anglais,  n'amenèrent  d'autre  résultat 
queja,  destruction  de  plusieurs  des  rouleaux  :  il  n'en  reste  plus  aujourd'hui  qu^ 
deux.et  ,1a  moiûé  d'^n, troisième.  Mais  depuis  cette  époque  l'art  de  dérouler  e| 
de  lire  ces  mss.  paraît  avoir  fait  des  progrès,  à  en  juger  par  les  résuhats  qu'il  a 
donnés;  peut-être  y  aurait-il  moyen  aujourd'hui  de  tirer  parti  des  rouleaux  qui 
restent.  M^  Ravaisson  propose  de  nommer  une  commission  pour  rechercher  çç 
qu'il  y  a  à  faire.  —  M.  Egger,  sans  croire  que  les  progrès  aient  été  assez  réels 
pour  faire  espérer  des  résultats  bien  satisfaisants,  estime  pourtant  que  l'opération 
peut  être  tentée  avec  quelque  chance  de  succès  ;  il  appuie  la  proposition  de 
M.  Ravaisson.  —  Une  commission  composée  de  MM.  Ravaisson,  Egger,  Miller, 
A.  de  Longpérier  et  L.  Delisle  est  chargée  d'examiner  la  question. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie,  pour  la  commis- 
sion des  inscriptions  sémitiques,  les/ic  simile  de  5  inscriptions  arabes  d'Algérie, 
envoyés  par  M.  Cherbonneau.  Trois  de  ces  inscriptions  sont  des  épitaphes,  les 
deux  autres  sont  relatives  à  la  construction  d'une  mosquée.  -  f,jQj 

Le  mandat  du  directeur  de  l'école  française  d'Athènes,  nommé,  aux  termes 
du  règlement,  pour  six  ans,  expirant  cette  année,  le  ministre  de  l'instruction 
publique  demande  à  l'académie  de  lui  présenter  deux  candidats  pour  ces  fonctions. 
Renvoyé  à  la  commission  de  l'école  d'Athènes. 

M.  de  Longpérier  termine  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Chabas  sur  les 
monnaies,  poids  et  mesures  des  anciens  Égyptiens  (v.  les  séances  des  4  et  1 1  juin 
1875).  ^^  partie  lue  à  cette  séance  traite  de  la  valeur  des  monnaies  en  usage 
dans  l'ancienne  Egypte,  et  de  celle  de  quelques  objets  dont  les  prix  nous  sont 
parvenus. 


8o  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE. 

M.  Desjardins  continue  la  lecture  du  travail  de  M.  Ch.  Tissot  sur  la  géogra- 
phie de  la  Maurétanie  Tingitane  (v.  la  dernière  séance).  La  partie  lue  aujourd'hui 
traite  de  la  côte  qui  s'étend  entre  le  promontoire  Rusaddi  et  la  presqu'île  de 
Ceuta.  M.  Tissot  s'attache  à  identifier  avec  précision  les  différents  points  de 
cette  côte  mentionnés  par  les  anciens  géographes;  cette  étude  a  pour  résultat 
de  constater  le  plus  souvent  une  grande  exactitude  dans  les  indications  des 
distances  que  donne  l'itinéraire  d'Antonin.  —  Le  promontorium  cannarum  est, 
suivant  M.  Tissot,  la  pointe  d'Abdoun;  le  lieu  appelé  ad  sex  insulas,  la  baie  d'Al- 
Hésumas;  \q  promontorium  Barbari,  le  cap  situé  auprès  de  l'embouchure  de  VOued 
Laou  {flumen  Laud  dans  Pline)  :  ce  point  forme  la  limite  du  pays  maure  et  du 
pays  berbère,  de  là  a  pu  lui  venir  dans  l'antiquité  le  nom  de  pr.  Barbari;  les 
caps  désignés  par  les  mots  ad  aquilam  maiorem  et  ad  aquilam  minorem  sont  le  c. 
Negro  et  la  pointe  de  Castillejos.  —  Arrivant  à  la  presqu'île  de  Ceuta,  M.  Tissot 
étudie  la  question  de  la  situation  des  colonnes  d^Hercule,  déjà  controversée  parmi 
les  anciens.  Il  pense  que  ce  nom  a  désigné  à  l'origine  deux  montagnes  qui 
s'élèvent  à  l'entrée  du  détroit  de  Gibrahar,  celle  de  Capne  sur  la  côte  euro- 
péenne et  celle  d'Abyle  en  Afrique  :  celle-ci  n'est  autre,  selon  M.  Tissot,  que  le 
mont  Acho,  le  point  culminant  de  la  presqu'île  de  Ceuta. 

M.  le  D""  Lagneau  lit  la  première  partie  d'un  mémoire  sur  les  Ligures.  Il  com- 
mence par  énumérer  les  différentes  régions  de  l'Europe  occidentale  où  les  écri- 
vains anciens  mentionnent  des  peuples  ligures.  On  en  trouve  au  N.  jusque  dans 
les  îles  Sorlingues,  dans  la  péninsule  ibérique,  en  Gaule,  en  Italie  non  seulement 
dans  la  Ligurie  propre  (Gènes,  Monaco,  Luna)  mais  aussi  dans  le  Samnium, 
etc.,  etc.  —  Il  montre  ensuite  qu'outre  ces  Ligures  d'Europe,  les  auteurs  men- 
tionnent un  peuple  du  même  nom  en  Asie,  dans  la  Colchide,  où  leur  ville  prin- 
cipale portait  le  nom  de  Cytala.  Il  est  remarquable  que  ces  Ligures  d'Asie, 
comme  ceux  d'Europe,  ont  pour  voisins  des  peuples  appelés  Ibères  et  Bébrykes. 
Les  Bébrykes  d'Europe  habitaient,  comme  les  Ibères,  la  péninsule  à  laquelle 
ceux-ci  ont  donné  leur  nom.  En  Asie  on  trouve  des  Ibères  au  S.  E.  du  Caucase, 
des  Bébrykes  entre  la  Troade  et  le  Pont.  M.  Lagneau  pense  qu'il  doit  y  avoir  une 
parenté  de  race  entre  ces  peuples  européens  et  asiatiques  de  même  nom  :  mais 
il  est  difficile  de  déterminer  dans  quel  sens  aura  eu  lieu  la  migration,  d'orient  en 
occident  ou  d'occident  en  orient. 

Ouvrages  présentés  :  —  par  M.  Delisle  :  Combier,  Le  bailliage  de  Vermandois  et  siège 
présidial  de  Laon  (dernière  partie)  ;  —  par  M.  Maury  :  Cerquand,  Légendes  et  récits 
populaires  du  pays  basque;  —  par  M.  de  Witte  :  Mommsen,  Histoire  de  la  monnaie 
romaine,  traduite  par  le  duc  de  Blacas,  4'  vol.,  publié  et  complété  par  M.  de  Witte  : 
ce  vol.  contient  les  planches,  et  deux  notices  de  M.  de  Witte,  l'une  sur  la  vie  du  duc  de 
Blacas,  l'autre  sur  les  collections  qu'il  avait  formées. 

Julien  Havet. 

ERRATA. 
No  29,  p.  40,  1 3«  ligne  avant  la  fm,  au  lieu  de  décidais,  lisez  décidai. 
No  30,  p.  49,  G"  ligne  avant  la  fin,  au  lieu  d'orientale,  lisez  occidentale. 

Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 
Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


mengeschichte  aïs  Entwicklungs-Geschichte  des  kirchlichen  Lehrbegriffs.  Bd.  I. 
Erlangen,  Deichert.  In-8",  xij-$94p.  (F.  Nitzsch).  —  Hilgenfeld,  Historisch- 
kritische  Einleitung  in  das  neue  Testament.  Leipzig,  Fues's  Verl.  In-8",  viij- 
828  p.  (H.  Lùdemann).  —  DODEL,  Die  neuere  Schœpfungsgeschichte.  Leipzig, 
Brockhaus.  In-8°,  xxvj-$i8  p.  (B.  Wetter).  —  Anleitung  zu  wissenschaft- 
lichen  Beobachtungen  auf  Reisen.  Verf.  v,  Ascherson,  Bastian,  Fôrster, 
Friedel,  Fritsch,  etc.  und  hrsg.  v.  Neumayer.  In-8%  viij-696  p.  (Kirchhoff). 

—  Lang,  Die  Religion  im  Zeitalter  Darwin's.  Berlin,  Lûderitz'sche  Verlagsb. 

In-S*",  56  p.  (Edmund  Pfleiderer).  —  Gerland,  Anthropologische  Beitraege. 

Bd.  I.  Halle  a.  S.,  Lippert'sche  B.  In-S^,  V-424P.  (Fritz  Schulze).  —  Krohn, 

Sokrates  und  Xenophon.  Halle,  Mùhlivîann.  Iu-^",  X'r'179  p.  (Arnold  Hue).  — 

Bernard,  William  Langland.  A  ^rapin^^gal  l^g^U^^^^^Çp^^  Strauss.   In-8", 

04  p.  (Richard  Wûlcker).  '       \    .'^   .  ,         ^'    ', 

^^  ^   ^  ■'    ■  1      :,b  imav  inl  uq  s  AI  S!. 

N°  21,  22  mai.  J.  Delitzch,  Das  Lehrsystera  ^er  rœmischen  Kirche. 

Th.  I.  Gotha,  Besser.  In-8",  iv-415  p.  (Lipsius).  —  Bagehot,    Der  Ursprung 

der  Nationen.  Leipzig,  Brockhaus.  In-8°,  vj-255  p.  (Georg  Gerland).  —  Von 

Hellwald,   Centralasien.   In-S'*,  viij-446  p.   (Kirchhoff).  —  Von  Kremer, 

Culturgeschichte  des  Orients  unter  den  Khalifen  (cf.  R^j^u^  crït.,  1 875  ,;I,  p.  5  5  3); 

Semitische  Culturentlehnungen  aus  dem  Pflanzen-  und  Thierreiche.  Stuttgart, 

Cotta,  In-8°,  70  p.  (G.  Weil).  —  Hartmann,  Weihnachtlied  und  Weihnacht- 

spiel  in  Oberbayern.  Mûnchen,  Kaiser.  In-8",   189  p.  (Alfred  Schottmùller). 

—  EuTiNG,  Sechs  phœnikische  Inschriften  aus  Idalion.  Strassburg,  Triibner. 
In-4°,  17  p.  (Bernhard  Stade).  — Fick,  VergleichendesWœrterbuch  der  Indo- 
germanischen  Sprachen.  3.  Aufl.  Bd.  I.  III.  Gœttingen,  Vandenhoeck  und 
Ruprecht.  In-8%  843;  372  p.  (B.  Delbrùgk). —  Beneçke,  Wœrterbuch  zu 
Hartmanns  Iwein.  Zw.  Ausg.  v.  Wilken.  Gœttingen,  Dieteriçh'sche  Verlagsb, 
In-8°,  viij-391  p.  (Ignaz  Harczyk).  —  Xll  Panegyrici  Latînffecrèns.''Biï:HRENS. 
Lipsiae,  Teubner.  In-8",  xxvj-324  p.  (Eyssenhardt).        •"^'^î  ' 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS  F^RANÇAISÈS"'!^  ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  "à'-'la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge,  en  çnitre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront, demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
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bico  senario  Romani  veteres  verboruum 


Halléguen.  Géographie  historique  de  la 
péninsule  armoricaine,  de  la  conquête  de 
César  au  V'  siècle.  Communication  au 
congrès  breton  de  Quimper  de  1873, 
revue  et  augmentée.  In-S»,  24  p.  Quim- 
per (imp.  Kérangal). 

Jahrbûcîier  (neue)  f.  Philologie  u.  Pae- 
dagogik.  Hrsg.  v.  A.  Fleckeisen  u.  H. 
Masius.  45.  Jahrg.  6  Hfte.  Leipzig 
(Teubner).  40  fr. 

Lair  (J.).  Fragment  inédit  de  la  vie  de 
Louis  VII   préparée   par   Suger.    In-8', 


i6  p.  Nogent'le-Rotrou  (imp.  Gouver- 
neur). 

Lalore  (C).  Le  Trésor  de  Clairvaux  du 
XII-  au  XVIII-  siècle.  In-8',  xxiv.283  p. 
Troyes  (imp.  Brunard). 

Lapierre  (E.).  Le  fonds  judiciaire  des 
archives  départementales  de  la  Haute- 
Garonne.  In-4*,  20  p.  Toulouse  (imp. 
Chauvin  et  fils). 

Lartet  (L.)  et  Chaplaîn-Duparc.  Une 

sépulture  des  anciens  troglodytes  des 
Pyrénées  superposée  à  un  foyer  conte- 
nant des  débris  humains  associés  à  des 
dents  de  lion  et  d'ours.  In-8*,  67  p.  et 
fig.  Paris  (G.  Masson). 

Le  Clerc  de  Bussy.  Les  Prévôts  royaux 
de  Saint-Riquier  depuis  1500,  avec  des 
notes  pour  servir  à  l'histoire  de  leurs 
familles  et  de  celles  qui  en  descendent. 
In-8°,  20  p.  Amiens  (imp.  Lenoël  Hé- 
rouart). 

Lecocq  (J.).  Études  sur  la  Céramique 
picarde,  impartie.  Une  plaque  en  faïence 
de  Sinceny.  In-8',  13  p.  et  grav.  Paris 
(Rouveyre). 

Liîeutaud  (V.).  Lettres  inédites  deL.  A. 
Ruffi  à  P.  J.  de  Haitze.  Discours  prodi- 
gieux de  ce  qui  est  arriué  en  la  comté 
d'Avignon.  In-8°,  20  p.  Marseille  (Boy 
fils). 

Notes  pour  servir  à  l'histoire  de  Pro- 
vence. N*  9.  Proverbes  topographiques 
provençaux.  N*  10.  Les  Péages  du  comté 
deForcalquierauXIlI'siècle.  In-8«>,  24  p. 
Marseille  (Le  même). 

Liindau  (P.).  Gesammelte  Aufsaetze.  Bei- 
traege  zur  Literaturgeschichte  d.  Gegen- 
wart.   In-8'',  vj-4$3  S.   Berlin  (Stilke). 

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de  Catherine  d'Illiers,  damede.Montreuil, , 
à  Duneau.  In-8%  12  p.  et  pi.  Le  Mans 
(imp.  Monnoyer). 

Mommsen  (T.).  Étude  sur  Pline  le  jeune. 
Traduit  par  C.  Morel.  In-S»,  122  p. 
Paris  (lib.  A.  Franck).  4  fr. 

Muséum  (rheinisches)  f.  Philologie.  Hrsg. 
V.  F.  Ritschl  u.  A.  Klette.  Neue  Folge. 
30.  Bd.  (Jahrg.  1875).  4  Hfte.  Frank- 
furt  a.  M.  (Sauerlaender).  18  fr.  75 

ObermûUer  (W.).  Die  Hessen-Vœlker, 
Chatten,  Hersen ,  Menapier,  Bataver, 
Alemannen,  Franken,  Schotten,  Kathag- 
Gaelen,  Enakim,  Aditin,  Chatan-Araber, 


(^hetiter,  Cadusen  u.  Arsaciden.  Histo- 
risch-sprachl.  Forsch.  1.  Hft.  In-8*, 
124  S.  Cassel  (Jungklaus).  2  fr. 

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Lexicographie  u.  Wortbildungsgeschichte 
I-III.    In-8«,    261    S.    Mitau    (Behre). 

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Spicilegium  addendorum  lexicis  latinis. 

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Preger  (W.).  Geschichte  der  deutschen 
Mystik  im  Mittelalter.  Nach  den  C^ellen 
untersucht  und  dargestellt.  1.  Th.  Ge- 
schichte der  deutschen  Mystik  bis  zum 
Tode  Meisters  Eckhart's.  In-S» ,  viij- 
488  S.  Leipzig  (Dœrffling  et  Franke). 

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Proudhon  (P.  J.).  Correspondance,  pré- 
cédée d'une  notice  sur  P.  J.  Proudhon 
par  J.  A.  Langlois.  T.  i.  In-8',  xlviij- 
364  p.  Paris  (Lib.  internationale).   5  fr. 

Restif  de  la  Bretenne.  Monument  du 
costume  physique  et  moral  de  la  fin  du 
XVIII*  siècle,  ou  tableaux  de  la  vie,  ornés 
de  26  figures  dessinées  et  gravées  par 
Moreau  le  jeune  et  d'autres  célèbres  ar- 
tistes avec  texte  par  Restif  de  la  Bretonne 
revu  et  corrigé  par  C.  Brunet.  Préface 
de  A.  de  Montaiglon.  Fasc.  i  à  7.  In-f*, 
40  p.  et  9  pi.  Paris  (Willem).  La  livrai- 
son. 10  fr. 

Rosenzv/eig  (L.).  Étude  sur  les  an- 
ciennes circonscriptions  territoriales  du 
Morbihan.  In-8',  23  p.  Vannes  (imp. 
(Galles). 

Rutebœuf.  Œuvres  complètes.  Recueil- 
lies et  mises  au  jouc^pojir  la  première  fois 
par  A.  Jubinal.  Ti  Q^ïîwi6V39é  p. 
Paris  (Daffis).      *  ^^  '  ^  ^   ^     ^5  fr. 

Salmon  (C).  Trois  reines  chez  les  Car- 
mélites d'Amiens  (imp.  Glorieux  et  C). 

Scriptores  rerum  germanicarum  in  usum 
scholarum  ex  monumentis  Germaniae 
historicis  recudi  fecit  G.  H.  Pertz,  Bur- 
chardi  et  Cuonradi  Urspergensium  chro- 
nicon  ex  rec.  0.  Abel  et  L.  Weiland. 
Iil^",    xij-118    p.    Hannover    (Hahn). 

*     ^  I  fr.  2j 

-^^'Heinrici  Chronicon  Lyvoniae  ex  rec. 
W.  Arndt.  ^-8",  xxiv-223  p.  (Le  même). 

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Zeller  (E.).  Die  Philosophie  derGriechen 
in  ihrer  geschichtlichen  Entwicklung 
dargestellt.  2.  Th.  i.  Abth.  Sokrates  u. 
die  Sokratiker.  Plato  u.  die  alte  Akade- 
mie.  I.  Haelfte.  3.  Aufl.  In-8*',  640  S. 
Leipzig  (Fues).  16  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou, 


N**  32  Neuvième  année.  5  Août  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  r>UBLIÉ  SOUS  LA   DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction:  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,   RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L^ÉCOLE  PRATIQUE   DES   HAUTES  ÉTUDES. 

10^  FASCICULE. 

rp  ^  r?T^  r^  ^  r^  T?  Q      critiques    de   la    conférence    de   philologie 

I-^-A.  L-j  IVV^  1  V--<  L^  kj      grecque,  recueillis  et  rédigés  par  E.  Tour- 

nier,  directeur  d'études  adjoint.  1 2Mivraison  (fin).  i  fr.  50 

25e   FASCICULE. 

î  r^ADTV/Tï7Qnrï7nrT7D  Haurvatâ?  et  Ameretâf. 
J.  IJAlA.  iVljl.Ol  IL  ltl.rv  Essai  sur  la  mythologie 
de  l'Avesta.  4  fr. 

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r\ .  iVl  rVrVlElil  IC^  DILl  cueillis  en  Egypte  et  en 
Nubie.  Livraisons  'i  $  et  16.  Chaque  6  fr. 

P-Q  T  YTi  TQ  T-^  T-^  f-p  Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant 
•  1  1  IL  Iv  iV  Hj  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i ^'' fascicule. 
Gr.  in-8°.  6  fr. 

ET-x  T-1       -Q  j^  î  î  /^  T7      Chrestomathie   égyptienne.   Abrégé 
•       U  IL       rVvJ  U  vjr  IL      grammatical.  3"  fascicule.        20  fr. 
Le  4e  fascicule  est  sous  presse. 


w,^    V> 


V 


FÉHl5îpT5»yg.U[V3^ 


The  Academy,  n**'To7,  new  séries,  17  juillet.  Three  Northern  Love  Stories, 
and  other  Tales;  Transi,  fro m  the' îçêlandigijg  EiriKr  MAci^uVsçit^îiî'Q''. 
Mordis.  London,  Ellis  and  Whlte  (Ëdmund  W.  Gosse;  charmants  récits).  — 
FuRLEY,  4,,History  ûf  the  Weald  of  -fc;enti  Voli  11.'^  London-pRtisiggihgiYiiTfr 
(C.  yTrice  Martin).  —  Von  Kremer,  Gulturgeschichte  des  Orients  uiilër  ff^n 
Chah'fen.  Bd.  I.  (Stanley  Lane  Pûole;  ci.  Rev.  crit ,  iSfy,'ï,-'p.'^)j).  — ' 
Current  Liîerature  (notes  de  Péditeur  sur  les  ouvrages  suivants  :  The  j^arli^m^Qz 
îary  History  of  the  Act  of  Uniformiîy,  par  Canon  Swainson;  Florentlner  Studien^ 
par  SchefFer-Boichorst  ;  IsWria  délia  Republica  di  Firenze,  par  le  marquis  Gino 
Capponi  ;  Qaellen  und  Forschungen  zur  dîesten  Geschichte  der  Stadt  Florenz,  par 
0.  Hartwig;  The  History  of  Proîestantisniy  par  Wylie;  Geschichte  der  christlich- 
lateinischen  Literatur,  par  Ebert,  cf.  Rev.  crit.,  1875,  I,  p.  ^^6).  —  Notes  and. 
News.  —  The  late  Professer  Cairnes  (T.  Ë.  Cliffe  Leslie).  —  Wilhelm  Corssen 
(not.  nécroL).  —  A  venitian  View  of  Some  English  affairs  (J.  J.  CARtWRiGHT): 

—  New- York  Letter  (J.  L.  Gilder  :  nouvelles  littéraires).  —  Correspondence. 
The  Tombs  of  Ch.  Lenormant  and  Otfried  Mùller  at  Colonus  (J.  P.  Mahaffy). 

—  Ancient  Greek  Inscriptions  of  the  British  Muséum.  Part  I.  Ed.  by  Hicxs 
(John  Wordsworth  :  i*"""  art.  ;  cf.  le  présent  n"  de  la  Rev.  crit.).  —  Science  Notes. ,^ 
Philology.  —  Meetings  of  Societies  (Soc.  d'archéologie  biblique).  —  British'  Ar^-^* 
chaeologists  in  Rome  (G.  I.  Hemans).^     v,  o-.;  ;  jjjhi^/ 

The  Athenœum,  n*  2490,  17  juillet/  Thï*€e  Northern  Love  Stories,  efè.^*^—^ 
RoBSON,  Hinduism  and  its  Relation  to  Christianity.  Edinburg,  Oliphant  and  t2ô?- 
(plein  de  détails  intéressants).  —  Memoirs  of  General  William  T.  Sherman,  B^ 
Himself.  2  vols.  King  and  Co.  (cet  ouvrage,  si  important  pour  l'histoire  de  la 
guerre  civile  d'Amérique,  est  malheureusement  déparé  par  des  personnalités). 

—  Shakespearean  Imitations  (J.  W.  Hales).'  —  Prof.  Cairnes  (not.  nécrol.).  — 
The  British  Muséum.  IL—  The  Temple  of  Jérusalem  (Charles  Warren  :  disc'ùs;- 
sion  avec  M.  Fergusson).  —  Literary  Gossip.  —Ceographical  Notes.  — Socté/i^ir 
(Soc.  d'archéologie  biblique).  — J.  Quic.he|îjAT^  Histoire  du  Costume  en  France. 
Paris,  Hachette  (art.  très- favorable).       ..;    ,_. 

Literarisches  Centralbîatt,  n°  3o>  24  juillet.  H.iLDEBRANDT,Juda'sVerhaete-o 
niss  zu  Assyrien  in  Jesaja's  Zeit.  Marburg,  Ehrhardt.  In-8%  84  p.  (contributJQrt^ 
à  l'exégèse  d'Isaïe;  l'auteur  se  sert  habilement  des  inscriptions  cunéiformes). r^r^^ 
LuTHARDT,    Der  johanneische   Ursprung  des  vierten   Evangeliums..  Leipzrg. 
pœrffling  u.  Franke.  In-8°,  viij-224  p.  (résumé  dés  plus  récents  travaux  'ëdn^J^ 
cluant  à  l'authenticité  du  quatrième  évangile).  — Keim,  Geschichte  Jesu.  2.  Auf]'.' 
Zurich,  Orell,  Fûssh  u.  Co.  In-8°,  xij-398  p.  (édition  augmentée  d'une  conclu- 
sion). —  Bloch,  Die  Juden  in  Spanien.  Leipzig,  Leiner.  In-8°,  135  p.  (com-r,. 
pilàtion  sans  valeur).  —  Osthoff,  Forschungen  im  Gebiete  der  indogerma- - 
nischen  nominalen  Stammbildung.   i.  Th.  Jena,  Co^tenoble,  In-8^  xiv-2 1 2  p.''"' 
(l'un  des  plus  importants  travaux  de  grammaire  comparative  qui  ait  paru  sur  la 
question).  —  Sprachwissenschaftliche  Abhandlmrgen ,  hervorg.  aus  G.  Curtius 
grammatischer  Gesellschaft   zu  Leipzig.   Leipzig,   Hirzel. .  Jn-S° ,    175   p.   (les. 
nombreux  travaux  que  contient  ce  volume  témoignent  de  l'excellence  de  l'eri^^' 
gnement  de  Curtius).  —  Pietschmann,  Hermès  Trismegistos.  Leip74g,Éng,e!- 
mânn.  In-S",  58  p.  (l'auteur  a  soigneusement  réuni  toutes  les  traditions,  égyp- 
tiennes, grecques  et  orientales).  —  Weihnachtlied  und  Weinachtspiel  in  Ober- 
baiern.  Von  Hartmann.  Mûnchen,  Kaiser.  In-8'',  190  p.  ''^ 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  22,  29  mai.  PuTT,  Grundriss  der  Symbolîl^.  ' 
Erlangen,  Deichert.  In-8%  viij-169  p.  (Gass).  —  BteHM  und' Wagner,  Die-Bè^^ 
vœlkerung  der  Erde.  III.  Ergaenzungsheft.,  Gotha,  Per thés.  In-4%  viij-i2a:.ug9b 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N'  32  —  7  Août  —  1875 

Sommaire  :  1 57.  Benecke,  Dictionnaire  de  Vlwein  de  Hartmann,  p.  p.  Wilken. — 
ij8.  Inscriptions  attiques  du  Musée  Britannique,  p.  p.  Hicks.  —  159.  Gunther, 
Historia  Constantinopohtana,  p.  p.  le  comte  Riant.  —  160.  Pattison,  Isaac  Casau- 
bon.  —  161.  Chants  populaires  Noticiens,  p.  p.  Avolio.  —  Sociétés  savantes  :  Aca- 
démie des  inscriptions. 


I J7.  —  "Wœrterbuch  zu  Hartmanns  Iwein  von  G.  F.  Benecke.  Zweite  Aus- 
gabe  besorgt  von  E.  Wilken.  Gœttingen,  Dieterich'sche  Verlags-Buchhandlung.  1874. 
In-8',  viij-391  p.  —  Prix  :  3  fr.  25. 

C'est  en  1833  que  Benecke  publia  son  dictionnaire  d* Iwein,  il  le  destinait  à  la 
fois  au  linguiste  érudit  et  à  l'étudiant  à  ses  débuts  ;  de  là  l'abondance  et  la 
variété  des  renseignements  qu'on  trouve  dans  chaque  article;  jamais  vocabulaire 
aussi  étendu  n'avait  encore,  je  crois,  été  fait  pour  l'interprétation  d'un  seul 
texte  ;  aussi,  les  services  que  ce  travail  sans  précédent  a  rendus  à  la  connaissance 
de  l'allemand  du  moyen-âge  sont  plus  faciles  à  deviner  qu'à  apprécier.  Le  succès 
ne  pouvait  manquer  à  une  telle  publication,  et,  on  peut  le  prévoir,  le 
remaniement  que  M.  Wilken  vient  d'en  faire  n'en  rencontrera  pas  un  moins 
grand.  Les  éditions  nouvelles  de  Vlwein  avaient  d'ailleurs,  sinon  ôté  quelque 
chose  de  son  à-propos  au  dictionnaire  de  Benecke,  du  moins  elles  l'avaient  fait 
paraître  arriéré;  M.  Wilken,  en  le  revoyant  avec  soin,  sur  le  texte  nouvelle- 
ment constitué,  ainsi  qu'en  s'aidant  des  travaux  dont  Vlwein  a  été  l'objet  dans 
ces  dernières  années,  a  remis  à  jour  l'œuvre  un  peu  vieillie  de  Benecke.  Les 
citations  ont  été  revues  et  mises  d'accord  avec  les  leçons  les  plus  récemment 
établies,  les  travaux  de  M.  H.  Paul  et  de  Benecke  lui-même  utilisés,  enfin  le 
concours  de  M.  W.  Mùller,  en  soutenant  M.  Wilken  dans  sa  tâche,  lui  a  permis 
d'en  venir  plus  sûrement  à  bout.  Tout  se  réunit  donc  pour  donner  à  cette  seconde 
édition  du  dictionnaire  d'Iwein  la  valeur  scientifique  et  l'exactitude  qui  font  le 
prix  de  ce  genre  de  publications  et  qui  assurent  à  celle-ci  une  place  dans  la 
bibliothèque  de  tous  les  germanisants. 


158.  —  The  collection  of  ancient  Greek  inscriptions  in  the  Britîsh 
Muséum,  edited  by  C.  T.  Newton,  Keeper  of  the  Greek  and  Roman  antiquities. 
Part  I.  Attika,  edited  by  the  Rev.  E.  L.  Hicks,  M.  A.  Printed  by  order  ot  the 
trustées,  at  the  Clarendon  press,  Oxford,  1874.  Petit  in-fol.  160  p. 

Entre  autres  richesses,  le  Musée  Britannique  possède  un  millier  environ 

d'inscriptions  grecques,  qui  ont  été  acquises  en  diverses  fois  et  proviennent  de 

différents  points  du  monde  oriental.  Le  comité  qui  administre  le  Musée  en  avait 

depuis  longtemps  décidé  la  publication  ;  pour  garder  au  recueil  qu'il  préparait 

XVI  6 


82  REVUE  CRITIQUE 

sa  valeur  et  son  importance,  il  avait  même  cru  devoir  refuser  à  l'Académie  de 
Berlin,  dans  ces  derniers  temps,  la  permission  de  faire  estamper  et  copier  à 
nouveau  les  textes  que  celle-ci  voulait  faire  entrer  dans  son  Corpus  inscriptionum 
AtticarumK  M.  Kirchhoff,  dans  la  première  livraison  de  ce  précieux  recueil,  a 
donc  été  forcé,  bien  malgré  lui,  de  publier  d'après  les  copies  anciennes,  sans 
nouvelle  vérification  et  révision,  celles  des  inscriptions  attiques  antérieures  à 
l'archontat  d'Euclide  dont  l'original  était  à  Londres.  Si  l'ouvrage  anglais  avait 
dû  se  faire  longtemps  désirer,  on  aurait  pu  juger  sévèrement  ce  refus,  que  les 
savants  allemands  paraissent  avoir  pris  avec  une  patience  qui  ne  leur  est  point 
ordinaire  ;  mais,  un  an  environ  après  la  première  livraison  du  nouveau  Corpus, 
paraissait  le  premier  fascicule  de  la  belle  publication  projetée  et  annoncée  par  le 
savant  conservateur  des  antiquités  grecques  et  romaines  du  Musée  britannique, 
par  M.  Newton.  Ceux  qui  s'occupent  de  la  langue  et  de  l'histoire  d'Athènes 
n'ont  donc  pas  beaucoup  souffert  du  retard,  et  d'ailleurs  ce  que  contient  ce 
remarquable  volume  est  de  nature  à  leur  ôter  tout  regret  ;  comme  on  dit,  ils 
n'auront  pas  perdu  pour  attendre.  Quant  au  Corpus,  il  en  sera  quitte  pour  donner, 
dans  une  de  ses  prochaines  livraisons,  les  additions  et  corrections  que  rend 
nécessaires  le  soin  avec  lequel  les  textes  ont  été  édités  par  M.  Hicks,  plus 
corrects  et  plus  complets  qu'ils  n'avaient  été  transcrits  par  les  premiers  éditeurs  2. 
Ceux-ci  s'étaient  souvent  trop  pressés,  ou  leurs  études  antérieures  les  avaient 
mal  préparés  à  cette  tâche. 

Le  cahier  que  nous  avons  sous  les  yeux  renferme  toutes  les  inscriptions  du 
Musée  qui  proviennent  de  l'Attique,  il  comprend  1 5  j  numéros,  d'importance  et 
de  dimensions  très-inégales.  Ces  textes  se  partagent  entre  les  catégories  suivantes. 
L  Décrets.  II.  Finances.  III.  Service  militaire.  IV.  Gymnases.  V.  Les  empereurs. 
VI.  Statues  et  dédicaces.  VII.  Rites  religieux.  VIII.  Epitaphes:  Les  caractères  em- 
ployés ne  sont  autres  que  ceux  qui  ont  été  gravés  pour  le  Voyage  archéologique 
de  Le  Bas;  ils  se  prêtent,  autant  que  cela  est  possible  sans  fac-similé,  en  typo- 
graphie, à  reproduire  les  principales  variétés  paléographiques  des  caractères 
employés  sur  les  marbres  aux  diverses  époques.  Je  me  permettrai  seulement  une 
observation.  Pourquoi,  dans  le  texte  en  majuscules,  introduire  les  lettres  qui  ne 
se  lisent  plus  sur  le  marbre,  qui  sont  des  restitutions .?  Pourquoi  les  y  faire 
figurer,  fût-ce  entre  crochets,  dans  le  même  caractère  que  celles  qui  ont  subsisté 
sur  la  pierre.?  Cela  trompe,  au  premier  moment,  sur  l'état  du  texte,  sur  la 
physionomie  que  les  siècles  ont  faite  à  telle  ou  telle  stèle.  Les  lettres  restituées, 
quelque  certaines  que  soient  ces  restitutions,  ne  doivent  jamais  paraître  que  dans 
la  transcription  en  petit  texte;  c'est  ainsi  qu'ont  fait  Bœckh  et  Kirchhoff.  Tous 
les  épigraphistes  leur  donneront  raison  contre  M.  Newton. 

Sous  cette  légère  réserve,  nous  ne  pouvons  qu'approuver  la  manière  dont  a 

1 .  Corpus  inscriptionum  Auicârum ,  consilio  et  auctoritate  Académies  Utterarum  régime  Bô- 
russica  editum.  Volumen  I.  Inscriptiones  Euclidis  anno  vetustiores.  Edidit  Adolphus  Kirch- 
hoff. Berlin,  Reimer,  1873,  P^^^^  ^"'^"  viij-243  p.  et  une  carte. 

2.  Les  textes  édités  ici  ont  tous  été  revus  deux  fois  sur  les  marbres,  une  première  fois 
par  M.  Hicks,  une  deuxième  fois  par  M.  Newton  lui-même. 


d'histoire    et    de    LITTÉRAIURE.  83 

été  conçue,  ordonnée  et  exécutée  la  publication;  elle  est  digne  à  tous  égards  et 
du  grand  établissement  dont  elle  met  les  trésors  à  notre  portée  et  des  savants 
qui  donnent  leurs  soins  à  cette  entreprise.  Il  serait  superflu  de  vanter  la  beauté 
du  papier,  la  netteté  des  caractères,  la  correction  de  l'impression;  tous 
les  amateurs  de  beaux  livres  connaissent  les  presses  de  l'Université  d'Oxford  et 
savent  par  quel  aspect  de  simple  et  sévère  élégance  elles  relèvent  encore  la 
valeur  des  textes  qu'elles  se  chargent  de  répandre  et  de  multiplier.  Ce  qui  doit 
surtout  attirer  notre  attention,  c'est  le  commentaire  :  il  importe  d'indiquer  dans. 
quel  esprit  il  a  été  rédigé  et  d'insister  sur  les  qualités  qui  le  distinguent.  ;:■ 

Le  nombre  total  des  inscriptions  que  renferme  le  Musée  britannique  est 
aujourd'hui  d'environ  un  millier;  en  admettant  que  l'activité  des  trustées,  aidée 
des  libéralités  du  budget  et  secondée  par  la  hardiesse  des  voyageurs  anglais, 
l'augmente  encore  avant  que  ne  soit  terminée  l'entière  publication  du  recueil,  le 
chiffre  ne  dépassera  guère  onze  cents  tout  au  plus,  d'ici  à  quelques  années.  On 
ne  fait  point  souvent  des  fouilles  qui,  comme  celles  de  M.  Wood  à  Éphèse, 
mettent  au  jour  en  neuf  ans  462  textes  épigraphiques.  Les  éditeurs  ont  donc  pu 
se  donner  libre  carrière;  les  ressources  dont  ils  disposent,  grâce  à  la  munificence 
éclairée  des  chambres  anglaises ,  sont  très-considérables  pour  le  nombre  très- 
restreint  des  textes  qu^ils  ont  à  publier.  L'Académie  de  Berlin  doit  faire  tenir 
plusieurs  milliers  d'inscriptions  dans  un  seul  volume;  il  faut  que  le  format  de  ce 
volume  le  rende  d'un  usage  commode,  et  que  le  prix  en  soit  assez  modéré,  pour 
que  les  savants  n'aient  point  à  s'interdire  l'espérance  de  jamais  le  posséder  dans 
leur  modeste  bibliothèque  privée.  Dans  le  nouveau  Corpus,  le  commentaire  a 
donc  été  réduit  au  strict  nécessaire,  à  une  bibliographie  minutieusement  com- 
plète, à  une  transcription  en  caractères  courants  qui  comprend  toutes  les  resti- 
tutions vraisemblables,  et  à  une  brève  indication  de  la  date  probable,  du  sens 
général  et  du  caractère  du  document.  Des  tableaux  placés  à  la  fm  de  la  livraison 
résument  et  réunissent  les  renseignements  que  concourent  à  fournir  différentes 
catégories  d'inscriptions  ;  ainsi  nous  trouvons  là  une  liste  des  trésoriers  d'Athéné, 
une  table  des  tributs  payés  par  les  villes  confédérées,  groupées  par  régions, 
comme  sur  les  marbres.  M.  Kirchhoff,  qui  connaît  si  bien  les  antiquités  athé- 
niennes, aurait  pu,  presque  à  chaque  ligne,  s'arrêter  pour  nous  faire  profiter  du 
trésor  de  sa  riche  et  sûre  érudition;  mais  il  n'a  pas  cédé,  même  une  fois,  à  une 
tentation  dont  Bœckh  se  défendait  mal;  il  a  eu  toujours,  et  nous  ne  pouvons 
nous  empêcher  de  le  regretter,  le  courage  de  se  renfermer  dans  le  programme 
que  lui  avait  tracé  l'Académie.  Les  éclaircissements  qui  eussent  été  si  souvent 
les  bien  venus,  il  les  a  réservés  pour  son  enseignement,  qui  ne  peut  par  malheur 
profiter  qu'à  un  petit  nombre  d'élèves,  et  pour  quelques-unes  de  ces  dissertations 
magistrales  qu'il  donne  de  temps  en  temps  au  Bulletin  et  aux  Mémoires  de  l^Aca- 
démie  de  Berlin  ou  bien  à  l'Hermès.  M.  Hicks  n'était  point  tenu  de  se  mettre 
ainsi  à  la  gêne,  de  se  réduire  à  la  portion  congrue;  il  a  pu  s'étendre  à  son  aise 
sur  tout  ce  qui  lui  a  semblé  obscur,  sur  tout  ce  qui  lui  a  paru  mériter  quelque 
attention.  Chaque  inscription  est  traitée  comme  si  elle  faisait  l'objet  d'un  travail 
spécial  :  ce  n'est  pas  nous  qui  nous  en  plaindrons.  Les  admirables  recherches 


84  REVUE   CRITIQUE 

de  Bœckh  sont  en  effet,  par  suite  de  la  découverte  de  tant  de  textes  nouveaux, 
à  compléter  et  à  corriger  aujourd'hui  sur  bien  des  points,  et  c'est  une  précieuse 
ressource  pour  celui  qui  étudie  les  institutions  d'Athènes  qu'un  commentaire  mis 
au  courant  de  tous  les  résultats  obtenus  depuis  une  trentaine  d'années.  M.  Hicks 
paraît  avoir  été  très-bien  préparé  à  cette  tâche  et  par  une  forte  éducation 
d'helléniste  et  par  une  lecture  attentive,  un  dépouillement  soigneux  de  tout  ce 
qui  s'est  écrit  sur  ces  matières,  de  Bœckh  et  de  Sauppe  à  Kirchhoff  età  Kœhler; 
il  a  aussi  sous  les  yeux  toute  la  collection  du  Journal  archéologique  d'Athènes  et 
l'excellent  ouvrage  de  M.  Koumanoudis  sur  les  inscriptions  funéraires  de  l'At- 
tique.  Il  est  un  recueil  périodique  d'Athènes  qu'il  ne  paraît  point  connaître  et 
que  je  prendrai  la  liberté  de  lui  signaler,  P'AGr^vaioç,  qui  paraît  depuis  plus  de 
trois  ans  sous  l'intelligente  direction  de  MM.  Koumanoudis  et  Kastorchis.  Celte 
revue  a  déjà  publié  bien  des  textes  intéressants.  Dans  le  dernier  numéro  qui  nous 
soit  arrivé,  à  la  page  687  du  t.  III,  M.  Hicks  trouvera  une  bien  curieuse  inscrip- 
tion, qu'il  rapprocherait  tout  de  suite  du  n**  I  de  son  ouvrage.  C'est  aussi  un 
règlement  sur  l'organisation  et  l'administration  d'un  dème  attique,  sur  la  manière 
dont  doit  se  célébrer  son  culte  officiel  et  sur  les  serments  que  doivent  prêter,  en 
entrant  en  fonctions,  les  différents  magistrats  du  dème.  Le  nom  du  dème  manque, 
avec  le  commencement  du  décret;  mais  le  reste  est  bien  plus  complet; :que 
l'inscription  relative  au  dème  des  Scambonides.  •.  -  ^<-y^ 

Une  étude  qui  ajoute  beaucoup  au  mérite  et  au  profit  de  l'ouvrage,  c'est 
l'excellent  commentaire  que  M.  Newton  a  donné  du  n°  35  (160  du  Corpus  ôq 
Bœckh,  322  de  Kirchhoff).  Il  s'agit  de  la  célèbre  inscription  qui  nous  a  conservé 
l'inventaire  dressé,  en  409,  par  une  commission  d'èiciaTiTai^  chargée  de  constater 
oii  en  étaient  les  travaux  de  l'Erechtéion.  M.  Newton  a  eu  l'idée  très-heureuse 
de  joindre  à  cette  inscription  trois  planches  exécutées  avec  le  plus  grand  soin  et 
représentant  l'Erechtéion  restauré.  Sur  ces  planches,  des  lettres  très-fines,  raar>* 
quées  à  l'encre  rouge,  renvoient  au  texte  et  permettent  au  lecteur  de  retrouver, 
sur  l'édifice  même,  la  place  de  chacun  des  membres  d'architecture  mentionnés 
dans  l'inventaire  des  commissaires  athéniens.  Cette  élucidation  du  texte  par  des 
planches  d'architecture,  Bœckh  en  avait  donné  l'exemple,  que  n'a  point  suivi 
Kirchhoff;  mais  Bœckh  n'était  point  archéologue,  il  n'avait  point,  comme 
M.  Newton,  vécu  au  milieu  des  ruines  des  plus  beaux  monuments  de  l'antiquité, 
il  ne  les  avait  point  mesurés  et  décrits  avec  le  concours  d'architectes  érudits,  il 
n'avait  point  dirigé  de  grandes  fouilles  comme  celles  d'Halicarnasse  et  réuûi 
tous  les  éléments  d'une  restauration  comme  celle  du  mausolée.  L'expérience 
archéologique  du  nouvel  éditeur  a  donné  à  ses  explications  plus  de  précision^  à 
ses  conjectures,  là  où  il  n'arrive  point  à  la  certitude,  une  plus  grande  vraisem- 
blance; ses  planches,  dessinées  et  gravées  avec  plus  de  soin,  laissent  bien 
mieux  voir  les  divers  éléments  auxquels  renvoie  ^inventaire.  Ce  commentaire 
rendra  les  plus  grands  services  à  tous  ceux  qui  étudient  l'histoire  de  Parchitec*- 
ture  et  de  la  construction  grecque,  à  ceux  qui  désirent  connaître  les  termes  du 
métier  et  en  fixer  le  sens.  ^  '" 

Il  ne  nous  reste  qu'un  vœu  à'  former,  c'est  que  l'œuvre  entreprise  sous  la 


d'histoire   ET   DE   LITTÉRATURE.  85 

direction  de  M.  Newton  se  poursuive  avec  activité  et  s'achève  promptement. 
Certains  des  textes  retrouvés  par  M.  Wood  à  Éphèse  ont  été,  si  nous  ne  nous 
trompons,  communiqués  par  lui  à  M.  Waddington  et  publiés  dans  le  Voyage 
archéologique;  mais  un  bien  plus  grand  nombre  doivent  être  encore  inédits.  Les 
inscriptions  de  Priène,  d'Iasos  et  de  Rhodes  mentionnées  dans  l'introduction 
n'ont  pas  non  plus,  à  notre  connaissance  du  moins,  été  encore  livrées  aux  savants. 
Personne  ne  connaît  mieux  que  M.  Newton  les  monuments  architectoniques,  la 
numismatique,  les  dialectes,  Phistoire  des  côtes  de  l'Asie-Mineure  et  de  ces  îles 
voisines  qu'il  a  pourcourues  en  tous  sens  pendant  son  séjour  en  Orient;  —  nous 
souhaitons  vivement  que  ses  occupations  lui  laissent  le  temps  d'éditer  et  de 
commenter  lui-même  les  textes  provenant  de  la  région  qui  a  été,  pendant  plusieurs 
années  si  bien  remplies,  le  théâtre  de  ses  voyages,  de  ses  travaux  et  de  ses 
âécouverteiS'/iiùu  ibiniab  ^i  iiniiû  ..;. 
-qiij^.a  jcuùïiiso  nsid  ônw  £i9vuoil  c.  .,, .    G.  Per^çt.  ,, , ^^^  ^ 

nu    i22UB   J23'3    .9JJG17U0    HO?   dh  I  "n  isb  3J:  ■  riqcT  ii'lip  .fTO  T 

159,  ^—  Gtintheri  Alemaùni  sbholastici,  monachi  et  prioris  Parisiensis,  de  ex- 

pugnatione  urbis  Constantinopolitane  seu  Historia  Constantinopolitana,  ad  fidem 

cbaicutn' manuscriptorum.recognita.  Genevae  (Fick),  1875. 

9 uGe"  volume,  exécuté  avec  le  soin  le  plus  élégant  par  l'habile  typographe  qui 
s'est  nommé  à  la  fm,  n'est  pas  mis  dans  le  commerce,  et  nous  ne  pourrions,  en 
en  parlant^  qu'inspirer  à  nos  lecteurs  de  l'envie,  si  le  texte  qu'il  contient  ne 
devait  pas  reparaître  dans  un  Recueil,  plus  accessible,  des  documents  historiques 
nés  du  transport  en  Occident  des  dépouilles  religieuses  de  Constanîinople.  L'éditeur 
de.  l'un  et  de  l'autre  est  M.  le  comte  Paul  Riant,  qui  s'est  fait  connaître  il  y  a 
quelques  années  par  son  excellent  livre  sur  les  Scandinaves  aux  Croisades,  et  qui 
s'occupe  avec  l'intérêt  le  plus  heureux,  depuis  quelque  temps,  d'éclaircir  l'his- 
toire singulière  de  l'expédition  qui,  réunie  pour  délivrer  la  Terre-Sainte,  com- 
mença par  détruire  Zara  et  finit  par  s'emparer  de  Constantinople.  La  relation  de 
Gunther,  moine  de  Pairis  en  Alsace,  écrite  d'après  les  souvenirs  de  l'abbé  Martin, 
qui  avait  assisté  à  tous  les  événements  et  qui  avait  rapporté  à  son  monastère  des 
reliques  et  des  joyaux  enlevés  à  une  église  grecque,  n'est  pas  à  dédaigner 
comme  document  pour  cette  histoire.  L'auteur  écrit  d'un  style  affecté,  mais 
élégant  et  suffisamment  clair,  et  les  faits  qu'il  relate  ne  sont  pas  tous  sans  impor- 
tance; il  arrange  bien  quelque  peu  son  récit  à  la  plus  grande  gloire  de  l'abbé 
Martin ,  mais  il  est  véridique,  et  parfois  bien  informé,  en  tout  ce  qui  touche  le 
reste.  M.  Riant  n'est  peut-être  pas  tout  à  fait  juste  en  lui  attribuant  «  un  esprit 
»  bien  plus  élevé  que  celui  de  l'abbé  sous  l'inspiration  duquel  il  déclare  modes- 
»  tement  écrire;  n  il  me  semble  que  les  appréciations  et  les  observations  judi- 
cieuses dont  il  fait  honneur  à  Gunther  ont  dû  lui  être  communiquées  par  Martin. 
Quoi  qu'il  en  soit,  il  a  le  grand  mérite,  comme  le  dit  M.  R.,  d'être  «  tout  à  la 
»  fois  le  témoignage  allemand  presque  unique,  et  le  seul  historien  cistercien  d'une 
»  expédition  où,  d'un  côté,  l'influence  germanique  a  joué  un  rôle  indiscutable, 
))  et  à  laquelle,  de  l'autre,  l'ordre  de  Cîteaux  a  pris  une  part  considérable.  » 
Entre  autres  circonstances  qui  rendent  son  témoignage  digne  d'attention,  M.  R. 


86  REVUE   CRITIQUE 

fait  ressortir  que  «  seul  de  tous  les  historiens  occidentaux,  il  semble  avoir  péné- 
»  tré  l'entente  qui  se  tramait  alors  entre  Venise  et  le  sultan  d'Egypte.  »  On  sait 
que  cette  question  d'un  traité  secret  entre  le  soudan  et  les  Vénitiens,  promettant 
à  ceux-ci  de  grands  privilèges  s'ils  réussissaient  à  éloigner  les  Croisés  de  l'Egypte, 
a  été  dans  ces  derniers  temps  vivement  débattue;  M.  Riant  vient  de  publier  sur 
ce  point,  dans  la  Revue  des  Questions  historiques,  des  recherches  fort  importantes 
et  après  lesquelles  on  peut  la  regarder  comm.e  tranchée.  Mais  ce  n'est  que  par 
ses  connaissances  acquises  d'autre  part  sur  cette  ténébreuse  machination  qu'il 
a  été  induit  à  interpréter  le  passage  de  Gunther  comme  y  faisant  allusion  : 
Gunther,  ou  plutôt  Martin  a  très-bien  pu  signaler  «la  fraude  et  la  méchanceté» 
des  Vénitiens,  qui  forcèrent  les  croisés  à  aller  prendre  Zara,  sans  pour  cela  soup- 
çonner leur  accord  secret  avec  les  infidèles.  Il  s'agit  avant  tout  pour  l'abbé  de 
Pairis  de  se  disculper,  ainsi  que  les  croisés  en  général,  d'avoir  pris  part  à  cette 
expédition  contre  une  ville  chrétienne,  si  criminelle  aux  yeux  des  chrétiens  sin- 
cères; il  rejette  donc,  et  non  sans  raison,  la  faute  sur  les  Vénitiens,  mais  il  ne 
paraît  pas  savoir  combien  ils  'étaient  coupables.  Au  reste,  comme  on  l'a  vu, 
M.  Riant  ne  présente  son  explication  du  passage  de  VHisîoria  Consîanîinopolitana 
que  comme  une  hypothèse. 

La  relation  de  Gunther  a  été  publiée  une  première  fois  par  Canisius  en  1604, 
d'après  un  manuscrit  d'Ingolstadt,  aujourd'hui  à  Munich,  et,  d'après  Canisius, 
réimprimée  par  Basnage  et  insérée  dans  la  Patrologie  de  Migne.  M.  Riant  al 
trouvé  à  Munich  un  second  manuscrit,  qui,  écrit  seulement  en  1425,  reproduit 
fidèlement,  d'après  une  note  du  scribe,  le  manuscrit  conservé  dans  l'abbaye  de 
Pairis;  il  a  eu  également  à  sa  disposition  un  manuscrit  du  xv^  siècle,  appartenant 
à  la  bibliothèque  de  Côlmar.  Ces  deux  derniers  manuscrits,  M  (Munich)  et  C 
(Colmar),  ont  sur  le  premier  (I)  un  avantage  notable,  c'est  de  renfermer  après 
chacun  des  chapitres  une  sorte  de  répétition  ou  de  digression  en  vers,  qui 
manque  dans  le  ms.  d'Ingolstadt  et  par  conséquent  dans  les  éditions  antérieures. 
Celle  de  M.  Riant  ne  l'emporte  donc  pas  seulement  sur  les  autres  par  la  supé- 
riorité du  texte,  où  les  fautes  de  lecture  de  Canisius  s'ajoutaient  jusqu'ici  aux 
erreurs  du  copiste';  elle  donne  toute  une  partie  inédite,  qui  n'est  pas  entièrement 
dépourvue  de  valeur  historique,  et  qui  a  surtout  de  l'intérêt  pour  une  question 
littéraire  dont  j'ai  à  plusieurs  reprises  entretenu  les  lecteurs  de  la  Revue.  Ils  se 
souviennent  peut-être  que  M.  Pannenborg,  se  fondant  sur  le  nom  de  Gunther 
donné  par  les  éditeurs  du  xvi^  siècle  à  l'auteur  du  Ligurinus,  attribuait' ce  poème 
à  notre  moine,  auquel  appartient  sûrement  le  traité  De  oratione,  etc.,  et  lui 
àoTmd\\  tnzoïtVHistoria  peregrinoruïïij  relation  de  la  croisade  de  Frédéric  F""; 
j'ai  combattu  ici  cette  attribution  (Rev.  crit.,   1873,   I,  p.   32).   Depuis  lors, 

I .  Citons-en  deux  :  Léo  lu  pour  loco  avait  passé  pour  un  surnom  de  Foulcon  de 
Neuilly,  et  Litz  lu  pour  licet  pour  un  surnom  de  l'abbé  Martin.  —  M.  R.  est  tenté 
(p.  xviij)  de  croire  que  Canisius  a  eu  sous  les  yeux,  sans  en  parler,  quelque  autre 
manuscrit  que  celui  d'Ingolstadt;  mais  les  arguments  qu'il  fait  valoir  ne  sont  pas  con- 
vaincants, et  ne  paraissent  même  pas  clairs  d'après  la  disposition  des  variantes  dans  les 
passages  auxquels  il  renvoie.  .»,wiui  t,ai.' 


d'histoire  et  de  littérature.  87 

M.  Pannenborg  a  renoncé  à  une  partie  de  sa  thèse,  mais  pour  soutenir  plus 
vivement  ce  qu'il  en  garde  '  :  il  abandonne  VHistoria  peregrinorum,  mais  reven- 
dique énergiquement  le  Ligurinus  pour  Gunther  de  Pairis.  Je  dois  reconnaître 
que  les  arguments  de  M.  Pannenborg  sont  cette  fois  plus  solides,  et  quelques-uns 
très-dignes  d'attention  :  la  découverte  de  vers  qui  sont  incontestablement  de 
Gunther  ne  peut  qu'engager  à  lui  faire  honneur  aussi  du  Ligurinus  et  du  SoUma- 
rius  2  et  apporte  en  tout  cas  un  nouvel  élément  à  une  discussion  dans  laquelle  je 
ne  veux  pas  rentrer.  Au  premier  abord,  Paspect  des  morceaux  poétiques  inter- 
calés dans  VHistoria  n'est  pas  favorable  à  l'opinion  de  M.  Pannenborg  :  tandis 
que  le  Ligurinus  est  en  hexamètres  imités  des  vers  classiques,  et  dont  quelques-uns 
seulement,  de  loin  en  loin,  sont  léonins,  les  morceaux  poétiques  insérés  par 
Gunther  dans  sa  chronique  3  offrent  un  grand  nombre  des  variétés  souvent  les 
plus  bizarres  des  hexamètres  et  distiques  rimes  du  moyen-âge.  Cependant  une 
certaine  parenté  de  style  et  de  manière  se  laisse  reconnaître,  et  dans  les  quel- 
ques pièces  oh  Gunther  renonce  à  la  rime,  elle  est  frappante  :  il  y  a  notamment 
un  passage  (ch.  XIX)  où  Gunther  célèbre  la  victoire  des  Latins  et  la  compare  à 
celle  des  Grecs  sur  Troie,  avec  un  enthousiasme,  des  expressions  et  des  tour- 
nures qui  rappellent  étonnamment  des  morceaux  semblables  du  Ligurinus.  Mais 
n'est -il  pas  possible  que  les  éditeurs  de  ce  poème  aient  connu  l'ouvrage  de  Gun- 
ther et  lui  aient  attribué  le  Ligurinus  précisément  à  cause  de  cette  ressemblance  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  vu  l'intérêt  de  ces  pièces  de  vers,  où  Gunther  déploie  un 
genre  de  talent  que  ses  contemporains  durent  apprécier  beaucoup  mieux  que 
nous,  je  me  permets  de  soumettre  à  M.  Riant  quelques  corrections  que  m'a 
suggérées  la  lecture  de  la  partie  poétique  de  sa  publication  ;  peut-être  pourra-t-il 
en  tirer  parti  pour  la  réimpression  qu'il  annonce. 

I,  17  noloj  1.  volo  avec  M  pour  le  sens  et  la  mesure.  —  II,  3  decerta,  1.  de 
certa;  $  nec  esse,  1.  necesse.  —  III,  9  velle,  1.  nolle  avec  M  (ceux  qui  portent  la 
croix  par  devant  indiquent  qu'ils  ne  veulent  pas  revenir,  ceux  qui  la  portent  par 
derrière  qu'ils  espèrent  le  retour);  1 1  estraîio,  faute  d'impression  pour  est  ratio. 
—  IV  (cette  pièce  devrait,  comme  d'autres,  être  divisée  en  strophes  monorimes 
de  cinq  vers),  5  a  ireumlenîi,  1.  nil  ou  veL  —  V,  1 1  Sic,  1.  Sit  et  suppr.  la  vir- 
gule. —  VII,  7,  8  suppr.  la  virgule  après  vir;  v.  17  Hic,  1.  Hoc,  et  dans  le 
même  vers,  pour  l'arrangement  des  rimes 4  ipse  pater  pius.  —  IX,  4  certa,  1.  certi 
avec  G.  —  X,  3  suppr.  la  virgule  après  scribimus;  4  dénota,  1.  devota;  5  vitare, 
1.  mirare  avec  G.  —  XII,  12  ditasti,  1.  dicasti.  —  XIII,  3  reportez  le  point  d'in- 


1.  Noch  einmal  Magistcr  Guntherus  {Forschungen  zur  deutschen  Geschichte,  t.  XIV,  1874, 
p.  185  ss.). 

2.  M.  Riant  dit  à  propos  de  ce  poème  :  «  Le  Soly marias  pourrait  bien  ne  pas  être 
»  aussi  parfaitement  perdu  que  le  pensent  MM.  Paris  et  Pannenborg.  »  Cette  insinuation 
pique  vivement  la  curiosité  :  il  serait  à  souhaiter  que  le  savant  éditeur  la  développât. 

3.  M.  Riant  présume  que  les  vers  ont  été  composés  avant  la  prose;  mais  comme  il 
remarque  lui-même  qu'ils  n'ont  jamais  formé  une  œuvre  suivie,  on  ne  voit  pas  bien  com- 
ment ils  auraient  pu  exister  isolément. 

4.  Il  serait  utile  de  faire  ressortir  par  des  blancs  ou  toute  autre  disposition  typogra- 
phique ces  rimes  intérieures  qui  coupent  les  vers  en  tronçons. 


88  REVUE    CRITIQUE 

terrogation  à  la  fin  du  vers  suivant.  —  XVI,  14  sudes  de  C  est  préférable  à  rudes. 
—  XIX,  ^  falliiy  1.  fallat;  1 1  rempl.  après  Atrides  le  point  d'interrogation  par 
une  virgule;  21  l.  Illafefellit  equus  tune  menia;  23  detenîi,  1.  decenni;  iSpreclare, 
1.  predari  avec  G.  —  XXI,  17-18  suppr.  les  signes  de  ponctuation  après  ipsa  et 
suo.—XXU,  4  suppr.  la  virgule  après  tua  et  1.  fine  au  lieu  de  summe  avec  ï  M; 
14  cerîamina  est  certainement  une  faute.  —  XXIII,  12  rede,  1.  sede,  et  suppr.  la 
virgule  après  prede  et  sede.  —  XXIV,  8  suppr.  le  point  d'interrogation  après-- 
faîeri;  9  vocabulo,  1.  vocabula;  34  iste,\.  isti,— XXV  (outre  plusieurs  signes-déb 
ponctuation  à  changer)  4  que,  1.  cum;  8  urk,  l.  orbe,    :  '15*  J 

^ ,    _    -i.  bp  ,nodufi2B3  ^îbM  .laviàijiiuj  si  â  quoDUEsd  inaisnaî  ziovanèO 

160.— Isaac  Casaubon.  »  599-1614;  By  MarJ^f  j^jççsg^^I^^  c^^yi^lçj^Oq 

lege.  London,  Longmans.  1875.  In-8\  54?  P-  ..  .         , 

'b    î/'i  jii.:'Lfoiî  Dfi  II  nnom3Jî&'îî  sfa 

^^(I.Pattison  ne  s'est  pas  contenté  des  documents  imprimés  pour  faire  cette q 
biographie  détaillée  de  Casaubon;  il  s'est  servi  des  Adversaria  de  Casaubon  con- 
servés à'ia  Bibliothèque  Bodléienne,  des  lettres  adressées  à  Casaubon  qui  5e 
trouvent  dans  la  collection  Burney  au  British  Muséum,  des  lettres  de  Casaubon  3 
à  de  Thou  qui  sont  à  notre  Bibliothèque  nationale,  enfin  des  archives  de  Genèvevi^ 
Il  a  su  tirer  de  toutes  ses  recherches  un  tableau  vivant  de  la  personne  de  notre 
grand  helléniste  et  des  circonstances  où  il  a  vécu  ;  sa  biographie  est  particulière- 
ment intéressante  pour  l'histoire  de  l'enseignement,  et  c'est  à  ce  point  de  vue  que 
nous  nous  placerons  pour  en  rendre  compte. 

Isaac  Casaubon  était  né  le  18  février  1 559,  à  Genève,  o\x  ses  parents  «  s'es- 
»  toient  »  comme  il  le  dit  lui-même  (ep.  453)  «  retirez  de  Gascongne,  ayaiit^ 
»  failli  d'estre  bruslez  à  Bourdeaux.  »  Son  père  rentra  en  France  en  1 561  ét« 
accepta  une  place  de  pasteur  à  Crest  en  Dauphiné.  Casaubon  fut  d'abord  instnnt« 
par  son  père  «  homme  très-capable,  mais  très-occupé  des  affaires  de  l'Église  i. .  </ 
»  quelquefois  ...  absent  de  sa  famille  deux  ou  trois  ans,  chassé,  pillé  presque 
»  toutes  les  années,  je  puis  dire  avoir  commencé  mes  estudes,  lors  que  âgé  de 
«vingt  ans  je  fus  par  luy  renvoyé  à  Genève  »  (Casaubon,  ep.  453).  Il  y  apprit.^ 
le  grec  de  François  Portus,  et  le  5  juin  1582  après  la  mort  de  Portus,  il  fats 
présenté  au  petit  conseil  «  par  M.  de  la  Paie  recteur,  pour  estre  professeur  deu 
»  la  langue  grecque,  suyvant  l'advis  de  tous  les  ministres  et  professeurs  »  etn 
accepté.  Il  y  avait  à  Genève  deux  établissements  d'enseignement,  l'un  d'ensei- 
gnement secondaire,  la  scliola  privata  divisée  en  sept  classes,  l'autre  d-'instruction  ; 
supérieure,  la  schola  publica,  qui  n'avait  d'abord  que  trois  chaires,  hébreu,  grec,  [ 
arts,  plus  tard  lois  et  médecine.  Bèze  et  Calvin  enseignaient  la  théologie,  mais 
sans  prendre  le  titre  de  professeurs.  La  journée  commençait  pour  les  professeurs 
à  5  heures  en  été,  à  6 _ heures  en  hiver  par  un  sermon. d'une  heure.  Ensuite  le 
professeur  d'hébreu  faisait  leçon  ^  puis  le  professeur  rde  grec  expliquait  un  texte  - 
de  philosophie  ou  de  quelque  auteur  chrétien  ;  dîner  à  10  heures;  après  le  dîner 
le  professeur  de  grec  expliquait  un  poète,  un  orateur  ou  un.  historien.  Il  n'avait'^ 
pas  de  leçon  le  matin  du  mercredi  ni  du  vendredi^  ni  dexlouteila  journée  du 


d'histoire  et  de  littérature.  89 

samedi.  Les  leçons  étaient  d'une  heure.  Il  fallait  assister  le  jeudi  à  la  conférence 
des  ministres  et  le  dimanche  au  prêche.  Les  professeurs  étaient  entre  les  mains 
de  la  «  vénérable  compagnie  »  des  pasteurs  qui  les  présentait  au  petit  conseil, 
autorisait  les  textes  des  auteurs  qu'ils  devaient  expliquer,  et  leur  donnait  la  per- 
mission d'imprimer  ce  qu'ils  voulaient  publier.  Casaubon,  qui  au  bout  de  quelque 
temps  joignit  l'enseignement  du  latin  à  celui  du  grec,  voulut  expliquer  Tertullien, 
de  PzilLio;  la  «  vénérable  compagnie  »  ne  trouva  pas  le  livre  assez  édifiant;  mais 
elle  lui  permit  d'imprimer  ses  notae  in  Laerîium. 

L'enseignement  de  Casaubon  eut  du  succès,  et  ses  publications  «  lui  donnèrent 
une  réputation  confirmée  par  le  suffrage  imposant  du  grand  Joseph  Scaliger.  Les 
Genevois  tenaient  beaucoup  à  le  conserver.  Mais  Casaubon,  qui  avait  épousé  la 
fille  d'Henri  Estienne,  en  1 586,  et  dont  la  famille  s'augmentait  tous  les  ans,  ne 
pouvait  obtenir  d'une  ville,  dont  les  finances  étaient  épuisées,  une  augmentation 
de  traitement;  il  ne  trouvait  plus  d'ailleurs  à  Genève  des  ressources  suffisantes 
pwîr  poursuivre  ses  études^  il  accepta  en  1595  les  offres  des  magistrats  et  du 
consistoire  de  la  ville  de  Montpellier. 

La  célèbre  école  de  médecine  de  cette  ville  était  redevenue  florissante.  L€S 
examens  y  étaient  plus  sévères  que  partout  ailleurs,  plus  même  qu'à  Padoue;  la 
dispute  y  était  cultivée  assidûment;  les  chaires  étaient  données  au  concours; 
l'une  de  ces  chaires  avait  été  disputée  par  11  candidats  pendant  13  mois;  les 
six  professeurs  royaux  n'avaient  pas  le  privilège  exclusif  de  l'enseignement;  tout 
docteur  en  médecine  pouvait  faire  des  leçons  2.  Les  consuls  de  Montpellier  vou- 
lurent restaurer  l'enseignement  des  lettres;  ils  obtinrent  en  1 596  des  lettres 
patentes  d'Henri  IV  qui  leur  enjoignait  «  de  faire  remettre  et  rétablir  le  collège 
»!qui  jadis  souloit  estre  en  ladite  ville  avec  suffisant  nombre  de  régents  pour 
» '^instruction  de  la  jeunesse  es  dits  arts  libéraux  et  lettres  humaines  et  ez 
)>;  langues  grecque  et  latiney- de  Jtelïe  sorte  qu'on  la  puisse  rendre  capable  des 
».  autres  sciences?.  »      ^^.î!!>' 

t)Lja  commission  mi-partie  de  quatre  protestants  et  quatre  catholiques,  chargée 
de  la  réorganisation  de  l'école,  proposa  à  Casaubon  de  venir  à  Montpellier  «lire 
)):publicquement  et  faire  exercice  publicq  de  ses  langues  et  bonnes  lettres  » 
avec  le  titre  de  conseiller  du  roi  et  professeur  stipendié  aux  langues  et  bonnes  lettres, 
un  traitement  de  266  écus,  le  logement  et  le  bois  4.  Casaubon  fut  reçu  en  grande 
pompe  avec  toutes  les  marques  publiques  de  la  plus  respectueuse  considération. 
Il  faisait  4  leçons  d'une  heure  par  semaine  à  quatre  heures  de  l'après-midi 
devant  un  auditoire  qui  n'était  pas  composé  seulement  de  jeunes  gens,  mais  de 
professeurs  de  droit  et  de  magistrats.  Il  traita  des  magistrats  de  la  république 
romain^,  tde'L'hètoire  romaine,  des  lois  des  XIi;  tables,  de  quelques  fragments 

1.  Les  principales  sont  l'édition  de  Strabon  (1587),  animadversiones  in  Dionysii  Hali- 
carnassei  antiquitatum  romanarum  libros  (1 588),  une  édition  de  Polyen  (1 589),  une  édi- 
tioTi  des  Caractères  de  Théophrast-e  (1 592),  de  Suétone  (1 595). 

2.  M.  P.  a  tiré  tous  ces  détails  de  notes  manuscrites  du  docteur  Primrose  qui  fut 
étudiant  à  Montpellier  au  commencement  du  XVII*  siècle. 

3.  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Montpellier  IV  (et  non  I),  27  j. 
4-  M.  P.  doaneJetfixte  même  du  contrat,  (p.  I46>ii3i5m  ub  fuJjim  si  no  _ 


CfO  REVUE    CRITIQUE 

d'Ulpien  dans  le  Digeste;  il  expliqua  Perse,  Plaute  (Captifs),  le  serment  d'Hippo- 
crate,  la  morale  d'Aristote.  Casaubon  fit  en  outre  pour  les  jeunes  gens  un  cours 
élémentaire  de  grec  où  il  expliqua  Homère  et  Pindare.  Il  est  évident  que  la 
littérature  latine  et  les  antiquités  romaines  intéressaient  plus  le  public  lettré  de 
la  France  que  la  littérature  et  les  antiquités  grecques.  M.  P.  paraît  tenté  d'attri- 
buer ces  préférences  à  la  prédominance  du  catholicisme.  Mais  c'était  partout  que 
le  latin  avait  cette  prépondérance;  il  l'a  conservée  jusqu'au  commencement  de 
notre  siècle.  Le  grec  n'était  cultivé  qu'en  vue  de  la  théologie  et  de  l'érudition 
pure,  principalement  de  l'érudition  historique.  Non-seulement  le  latin  avait  plus 
d'intérêt  littéraire;  mais  les  antiquités  romaines  avaient,  à  cause  de  la  perpétuité 
du  droit  romain,  une  importance  que  ne  pouvaient  avoir  les  antiquités  grecques  '. 
La  civilisation  occidentale  est  essentiellement  d'origine  latine. 

Casaubon  avait  de  grands  admirateurs  de  son  savoir  dans  le  cercle  qu'avait 
présidé  Pierre  Pithou,  et  qui  était  composé  de  l'historien  de  Thou,  de  Rapin,  Pas- 
serai, Servin,  Gillot,  François  Pithou  2.  Us  parlèrent  de  Casaubon  à  Henri  IV,  qui, 
lors  du  passage  de  Casaubon  à  Paris  en  1 598,  entretint  le  savant  de  ses  projets 
sur  l'Université  de  Paris.  En  1 599,  le  24  janvier,  Casaubon  reçut  à  Montpellier  une 
lettre  d'Henri  IV  qui  l'appelait  en  ces  termes  :  «  Ayant  délibéré  de  remettre  sus 
»  l'Université  de  Paris,  et  d'y  attirer  pour  cest  effect  le  plus  de  savans  person- 
»  nages  qu'il  me  sera  possible,  sachant  le  bruit  que  vous  avez  d'estre  aujour- 
»  dhuy  des  premiers  de  ce  nombre,  je  me  suis  résolu  de  me  servir  de  vous  pour 
»  la  profession  des  bonnes  lettres,  en  laditte  Université.  »  Casaubon  ne  se  pressa 
pas  de  venir  à  Paris  ;  il  différa  sous  différents  prétextes,  et  n'arriva  que  le 
28  février  1600. 

Le  12  avril  1600,  il  écrivait  à  Scaliger  (ep.  208)  :  «  Crabrones  quos  nosii 
»  irritare  non  est  animus,  etsi  non  semel  demonstrarit  nobis  6  uTuspévBoHcç  prin- 
»  ceps  noster  voluntatem  suam  opéra  nostra-  utendi  in  restauranda  hac  schola. 
»  Nos  contra  ab  eo  consilio  sumus  quam  alienissimi  :  ea  fme  in  remotissimam 
»  ab  ea  quae  fuit  olim  Academia  urbis  partem  concessimus  :  ut,  si  fieri  possit, 
»  inter  accpcùç  illos  ne  nomen  quidem  nostrum  audiatur.  »  Casaubon  fait  ici 
allusion  aux  professeurs  de  la  facuhé  des  arts,  à  ces  hommes  de  collège,  paedagogi, 
comme  les  appelle  Scaliger  î,  qui  paraissent  avoir  considéré  le  nouveau  venu 
avec  une  jalousie  inquiète.  Casaubon  fit  au  mois  de  septembre  1601  quelques 
leçons  particulières  où  il  expliqua  Hérodote;  mais  il  fut  obhgé  d'y  renoncer 4.  Il 

1 .  Casaubon  reprochait  à  Juste  Lipse  d'avoir  dit  en  parlant  des  lettres  grecques  «  décoras 
»  esse,  non  necessarias  »  (ep.  294). 

2.  L'admiration  que  Scaliger  exprimait  en  toute  occasion  pour  Causabon  avait  tait 
beaucoup  d'impression  sur  eux.  Pendant  son  séjour  à  Montpellier  Casaubon  publia  le 
texte  d'Athénée  (1 597);  le  commentaire  (animadversionum  in  Athenaei  deipnosophistas 
libri  XV)  parut  en  1600. 

3.  Scaliger  désigne  plusieurs  fois  (ep.  I,  53,  57,  58)  ainsi  les  professeurs  qui  ensei- 
gnaient dans  les  collèges  de  Paris,  et  il  écrit  à  Casaubon  en  lui  parlant  de  Sully  et  des 
gens  de  finance  (ep.  I,  58)  :  «  Quo  génère  hominum  nuUum  tibi  infensius  fore  post  pae- 
»  dagogos  augurabar.  » 

4.  Il  donna  quelques  leçons  en  particulier  (ep.  294)  :  «  Proximo  septembri  (il  écrit  au 
»  mois  de  juillet  1602),  cum  amicorum  rogatu  in  privatis  aedibus  Herodoti  interpretatio- 


d'histoire  et  de  littérature.  91 

est  probable,  comme  le  conjecture  M.  P.,  que  l'abjuration  était  la  condition 
qu'Henri  IV  exigeait  pour  donner  une  place  à  Casaubon  dans  l'Université  de 
Paris.  Il  était  difficile  en  ce  temps  d'intolérance  universelle  '  de  confier  à  un 
protestant  une  chaire  dans  une  ville  alors  très-catholique.  M.  P.  ne  me  paraît 
pas  tout  à  fait  juste  quand  il  voit  dans  la  réforme  de  l'Université  promulguée  le 
18  septembre  1600  le  triomphe  du  parti  catholique  et  obscurantiste  :  une  réforme 
à  laquelle  de  Thou  l'historien  et  Richer  le  père  du  gallicanisme  du  xvii*"  siècle 
avaient  présidé  ne  pouvait  pas  avoir  et  n'avait  pas  ce  caractère.  M.  P.  exagère 
quand  il  dit  (p.  292)  que,  d'après  les  statuts,  aucun  dissident  ne  pouvait  être 
non-seulement  professeur,  mais  même  écolier  2.  Enfin  il  est  inexact  d'avancer 
que  l'Université  s'était  opiniâtrée  au  xv!*"  siècle  dans  les  traditions  de  la  scolas- 
tique  :  la  Renaissance  avait  trouvé  de  très-bonne  heure,  dès  le  xv*  siècle,  accès 
dans  l'enseignement  de  la  faculté  des  arts?. 

Casaubon,  qui,  comme  nous  venons  de  le  voir,  se  souciait  d'ailleurs  fort  peu 
d'avoir  un  enseignement  et  d'être  en  rapport  avec  les  professeurs,  eut  le  titre  de 
«  lecteur  du  roi  »  sans  fonction,  et  fut  «  garde  de  la  librairie  du  roi  4.  »  H  pro- 
fita de  cette  position  pour  lire,  pour  dévorer  tout  ce  qu'il  put  dans  cette  collec- 
tion déjà  fort  riche  de  manuscrits  :  il  ne  s'inquiéta  ni  de  faire  des  collations  ni 
de  dresser  un  catalogue  î.  L'assassinat  d'Henri  IV  (16 10),  qui  inspira  les  craintes 
les  plus  vives  aux  protestants  français  et  qui  fit  en  particulier  sur  Casaubon  une 


»  nem  suscepissemus  horis  succisivis,  initio  convenere  sex  septem,  quorum  gratia  atque 
»  adeo  rogatu,  ut  dixi,  res  instituebatur  :  deinde  ubi  rumor  emanavit,  concurrere  omnes 
»  qui  literas  hic  amant,  etiam  viri  graves  omnis  et  dignitatis  et  aetatis.  Sensi  rem  apud 
»  bonos  gratam,  apud  malos  invidiosam;  qui  praetextu  religionis  non  me,  sed  xpiafAsytc-Tov 
»  Maecenatem  meum  obtrectabant.  Ille  quidem,  ut  est  benignissimus,  et  quod  istis  (de 
»  ludimagistris  e  trivio  non  loquor)  dolet  mei  amans,  meum  arbitrium  esse  voluit,  docerem 
»  an  non.  Sed  causas  graves  habui  cur  valetudini  meae  consulerem  et  abslinerem.  » 

1.  Casaubon  lui-même,  qui  était  un  homme  fort  doux,  félicita  Jacques  I"  d'avoir  fait 
brûler  vif  un  Arien,  dans  ce  passage  que  cite  M.  P.  (Exercitationes  in  Baronium.  ded.)  : 
«  Arianum  in  sua  perfidia  obstinatissimum,  qui  in  vinculis  diu  detentus,  revocari  ad  sa- 
»  nam  mentem  nulla  ratione  potuerat,  flammis  ultricibus  tua  majestas  impatiens  injuriae 
»  factae  domino  nostro  Jesu  Christo,  Deo  àxTiarw,  jussit  tradi.  » 

2.  L'article  5  des  statuts  de  la  Faculté  des  arts  porte  :  «  Nemo  a  gymnasiarchis  in 
»  collegia  admittatur  et  hospitio  excipiatur,  qui  religionem  catholicam  et  apostolicam  non 
»  âmplectatur.  Exteri  qui  adeunt  collegia  studii  causa,  moneantur  ne  de  nova  religione 
»  inter  condiscipulos  aut  alios  omnino  conférant.  Quod  si  neglexerint  aditu  collegii  pro- 
»  hibeantur.  »  Les  dissidents  ne  pouvaient  donc  pas  être  internes;  mais  ils  étaient  admis 
comme  externes.  Je  ne  trouve  rien  de  spécial  relativement  aux  professeurs. 

3 .  De  l'organisation  de  l'enseignement  dans  l'Université  de  Paris  au  moyen-âge  par  Charles 
Thurot  (Pans,  18 50),  p.  83-85. 

4.  Il  était  obligé,  comme  Scaliger  le  lui  avait  prédit  (I,  50),  de  se  débattre  pour  les 
appointements  avec  Sully.  M.  P.  cite  le  passage  suivant  du  journal  de  Casaubon  (Is. 
Casauboni,  Ephemerides.  Ed.  Russel  Oxonii.  1850.  II.  8*.  I,  338)  «  III  Eid.  mar.  (i6or). 
»  Et  hic  dies  funditus  periit,  veni  ad  Ronium,  qui  non  obscuram  significationem  dédit 
»  ejus  quod  ab  ipso  possum  sperare.  Deserunt  nimirum  omnia  undique  humana  praesidia, 

i)  nisi  tu,  0  Pater  âuo-jpàvts,  nos  respicis  :  quod  et  spero  faciès  (XIV  Kal.  Apr.; 

»  Prodimur  a  Ronio,  deserimur  ab  aliis.  Thuanus  ô  uàvu  et  si  qui  alii  nobis  serio  cupiunt 
»  apud  ilium  barbarum  irap'  oùosv  eîat.  »  Scaliger  console  Casaubon  à  ce  sujet  dans  plu- 
sieurs de  ses  lettres,  I,  s^,  \^- 

$.  Dans  son  séjour  à  Paris  il  publia  une  édition  des  historiens  de  l'histoire  Auguste 
(1603),  de  Perse  (1605),  la  traduction  latine  de  Polybe  (1609). 


92  REVUE  CRITIQUE 

impression  profonde,  le  décida  à  accepter  les  ofFres  qu'on  lui  faisait  de  se  rendre 
en  Angleterre  auprès  du  roi  Jacques  I". 

Il  fut  accueilli  avec  beaucoup  de  considération  et  reçut  une  prébende  à  Can*- 
torbery/;  il  fut  tourné  du  côté  de  la  théologie  ^^  qui  était  dans  les  goûts  du  roi 
et  que  les  prélats  anglais  cultivaient  suivant  des  principes  tout  à  fait  d'accord 
avec  ses  propres  prédilections,  en  s'attachant  à  la  tradition  des  Pères  des  quatre 
premiers  siècles.  Il  ne  remplit  aucune  fonction  d'enseignement,  et  n'accepta  pas 
même  de  titre  honorifique  à  Oxford,  où  il  fit  une  visite  en  1613,  l'année  qui 
précéda  sa  mort  :  a  inveni  »  écrit-il  (ep.  899)  «  omnia  exspectatione  mea  majora; 
»  coUegia  et  plurima  et  pleraque  eorum  longe  ditissima  3  ;  studiosorum  qui 
»  publico  sumptu  aluntur,  hoc  est  e  reditibus  ipsorum  collegiorum,  magnam 
»  copiam;  nam  superant  duo  millia,  plerique  omnes  honesto  loco  nati,  quidam 
»  ex  nobilitate  etiam  primaria.  Abest  enim  e  coUegiis  Anglorum  illa  quam  vocant 
»  nostri  paedagogicam  4  vitae  rationem.  Hic  literae  coluntur  nobiliter;  capita 
»  collegiorum  instar  nobilium  virorum  splendide  vivunt,  imo  magnifiée  (sunt  inter 
y>  illos  qui  decem  millia  librarum  Gallicarum  in  annum  expendant);  res  studio- 
»  sorum  et  rationes  separatae  sunt,  quod  valde  probavi.  «  M.  P.  retrouve  dans 
ce  que  dit  Casaubon  de  son  séjour  à  Oxford  tous  les  traits  caractéristiques  de 
cette  Université  (p.  417),  le  temps  des  maîtres  absorbé  par  les  formalités  de 
leurs  devoirs  officiels  et  le  soin  de-leurs  affaires,  pas  d'intérêt  pour  la  haute  cul- 
ture, l'intérêt  ecclésiastique  primant  tout  dans  un  corps  composé  de  clercs  qui 
dépendaient  pour  leur  avenir  des  évêques  et  du  gouvernement  et  dans  un  éta- 
blissement que  l'État  considérait  comme  un  instrument  de  combat  contre  les 
deux  oppositions,  catholique  et  puritaine.  «  Cette  Université  »  dît  M.  P.  «  est 
»  ainsi  un  organe  de  la  vie  nationale;  elle  partage  toutes  les  passions,  les  pré- 
»  jugés,  les  sentiments  religieux  qui  ont  cours  dans  la  nation  anglaise,  mais  eîlé 
»  est  destituée  de  tout  pouvoir  pour  vivifier,  redresser,  instruire,  éclâirerl  »     ^ 

M.  P.  caractérise  et  apprécie  très-bien  les  travaux  philologiques  et  ihéolo-^ 
giques  de  Casaubon.  Mais  il  ne  me  paraît  pas  équitable,  quand  il  attribue  àla" 
prédominance  du  catholicisme  le  déclin  des  études  classiques  en  France  et  quand' 

1 .  La  prébende  de  Westminster  fut  promise,  comme  on  le  voit  par  le  jpurn«^^^j^ 
Casaubon;  mais  elle  ne  fut  pas  donnée,  comme  le  montrent  les  registres  du  chapitre,  ou.. 
il  n'y  a  aucune  trace  de  Casaubon  comme  prébende  fp.  360).  '"''^'^ 

2.  Dans  son  séjour  en  Angleterre  il  publia  k  ad  Frontonem  Ducaeum  S.  J.  Theologum 
»  epistola  »  (i6ii),  «ad  epistolam  illustr.  et  reverendiss.  cardinalis  Perronii  responsio))j 
(1612),  «  de  rébus  sacris  et  ecclesiasticis  exercitationes  XVI  ad  Baronii  annales  »  (1614)';' 

3 .  Il  avait  été  frappé  de  l'orgueil  que  cette  richesse  et  cette  magnificence  inspiraient^ 
alors  aux  universitaires  anglais  (ep.  831)  :  «  est  insitum  hinc  nationi  ut  sua  amet,  aliéna 
R  ne  admittat  quidem  ad  comparationem.  Florentissima  enim  et  ditissima  sua  collegia 
»  ipsis  animes  faciunt  ut  omnes  non  vereantur  prae  se  contemnere.vHoc^iyitio!  qui  non 

»  laborant  inter  Anglos  sunt  viri  admirandi.  »  •-•^:  ■: 

4.  Je  crois  que  Casaubon  entend  par  cette  expression  ce  qu'on  aurait  appelé  au 
XVIII'  siècle  «  la  vie  de  collège,  »  telle  que  la  menait  alors  les  professeurs  (paedagogi, 
voir  ci-dessus  p.  90  n.  3)  des  collèges  de  Paris,  qui  étaient  devenus  ce  que  sont  nos 
lycées,  tandis  que  les  collèges  d'Oxford  étaient  restés  des  établissements  d'instruction 
supérieure.  L'interprétation  que  M.  P.  donne  ici  au  texte  de  Casaubon  (p.  403 >  ne  mei 
paraît  pas  tout  à  fait  exacte,  et  il  cite  le  texte  même  d'une  façon  fautive,      f^io.-:.";  ];&iuê 


d'histoire  kt  de  littérature.  95 

il  refuse  à  Sirmond  et  à  Pétau  l'amour  de  la  vérité.  Scaliger  et  Casaubon  étaient 
protestants,  mais  Budé,  Turnèbe  et  Lambin  étaient  catholiques.  Je  ne  vois  rien 
qui  autorise  à  penser  que  Sirmond  et  Pétau  n'aient  pas  respecté  la  vérité  ;  et  si 
PétaU  ne  peut  être  mis  sur  la  même  ligne  que  Scaliger,  il  était  loin  d'être  sans 
mérite.  Le  fait  est  que  les  protestants  comme  les  catholiques  n'étaient  pas  plus 
disposés  les  uns  que  les  autres  à  respecter  la  vérité  quand  leurs  passions  étaient 
engagées.  Ce  n'est  pas  seulement  en  France  que  la  philologie  classique  a  décliné 
au  xvii'' siècle  ;  c'est  dans  toute  l'Europe;  et  on  s'explique  pourquoi,  quand  on 
songe  que  c'est  dans  ce  siècle  qu'ont  vécu  Galilée,  Torricelli,  Kepler,  Leibniz, 
Descartes,  Fermât,  Pascal,  Harvey,  Wallis,  Newton,'*' liés  lesprits  étaient 
ailleurs.  j  i; 

Je  dissimulerais,  si  je  ne  disais  pas  que  M.  Pattison  ne  me  paraît  pas  exempt 
de  toute  prévention  en  ce  qui  touche  la  France  et  le  catholicisme.  Il  fait  néan- 
moins preuve  en  général  d'une  grande  indépendance  d'esprit,  et  il  garde  partout 
cette  sincérité  noble,  ce  franc  parler,  l'un  des  fruits  les  plus  heureux  que  pro- 
duisent des  institutions  libres;  il  exprime  sans  réserves  et  sans  ambages  ce  qui  lui 
paraît  vrai  comme  il  le  lui  paraît.  Ses  recherches  sont  d'ailleurs  approfondies  et 
présentées  avec  beaucoup  de  talent  et  d'intérêt '.'isî  m^  àb  aodu^^Cj  Jib  3Up  -xj 
sb  23lili.miot  a:)i  'im^  [)&vjciii.  20i;ji:ia  ^.-u  i^aisl  :)!  ,:§h^lef  T^CROlinU  e>n:/:j. 
-luo  sîupfî  K'  T.ioa  t'^nôîiirb  d^d  .t^iiUlu'  ^yJ'3i 'jh  nioa  si  iv  ?j':ioiî1o  aiicvsb  2iu3Î 

1^/— ^anti  popolari  di  Note.  Studîî  e  raccolta  di  Corrada  Àvoliq»^  Natoî  tJPw 
-f^^FVi  Zarrimit.  1875.  i  mj^iin^'ée^^i^p^^^V^^  f^i  nwq  ^h'Mi^u^jqBù 

Après  tous  les  recueils  de  poésies  populaires  qui  depuis  peu  ont  été  publiés 
en  .Italie  avçc  une  si  remarquable  activité,  on  pouvait  penser  qu'il  ne  devait  pas 
Yj^yl^i^  jà  matière  à  d'autres  collections  de  ce  genre.  Voici  un  volume  qui  prouve 
le  contraire.  Il  est  intéressant  par  les  chants  qu'il  contient  et  plus  encore  peut- 
être  par  les  recherches  qu'ils .o,nt  provoquées,  mais  qui  auraient  pu  être  présentées 
sj^ej;  ^j^i^v^^^jiffi^^^gf^^^^^^  commence  par  une  étude  çpmparatiy^.^r 

le  sous-dialecte  4e  r^oto.  Cette  étude  précède  un  glossaire  assez  développé 
contenant  les  mots  de  ce  dialecte  qui  manquent  au  sicilien.  Vient  ensuite  sous  ce 
titre  trop  modeste  :  Nota  allô  studio  comparativo  del  soîto  dialetîo  noticiano,  une 
éttide  qui  a  paru  en  partie  dans  le  Nuove  effemeridi  sidUane.  M.  Avolio  y  fait 
bien  connaître  la  physionomie  particulière  d'un  peuple  de  deux  cent  mille  âmes 
répandu  dans  vingt-quatre  communes  et  entre  de  nouveau  dans  des  détails  sur 
la  langue  des  Noticiens  qui  semble  s'être  encore  moins  éloignée  du  latin  que  le 
sicilien.  Ce  travail  offre  sur  divers  points  des  observations  fort  judicieuses.  L'au- 

bn'y.W:  ,i'};n(>  ^u^  l.i  ,n^Jii>i:  vni:!  luutur.:  ;.:j  1.  :    s;^^  .q.;  :.:^^^:\^  .:j:.r  ;:::-. -vm:;  x:.;;  ■:■.;. 

niu  Lenom  de  la  ville  de  Lyon  doit  s'écrire  sans  5  (p.  92  et  passimV,  lisez  (p.  no) 
«  président  à  mortier  »  ;  (p.  ^29  dernière  ligne)  consiliario  au  lieu  de  comitiario,  (p.  530, 
Lie)  ne  sont  au  lieu  àe  ni  font  et  (i.  13)  voulu  au  lieu  de  vouler.  —  Il  y  a  des  fautes  de 
lecture  dans  le  contrat  passé  par  la  ville  de  Montpellier  avec  Casaubon  (p.  146).  Il  est 
probable  qu'il  faut  lire  (l.  3)  au  lieu  de  «  erg"  droicts  »  «  Dr  (Docteur)  es  droicts,  » 
(l.  4  et  5)  au  lieu  de  «  Anthonie  »  «  Anthoine,  »  (1.  1 1)  au  lieu  de  «  demeurans  »  peut- 
être  «  demeurance;  »  il  faut  supprimer  (1.  i  j}  la  virgule  apiès  «  teneues.»- Tout- l'acte 
aurait  besoin  d'être  revu  sur  Toriginallî^m  ojx-jt  s.  'jUj  u  J3  ,:>JDiVi;o  Ji£î  l  luot  zuq  Ji>:; 


04  REVUE    CRITIQUE 

teur  sait  dans  un  jeu  populaire,  dans  des  paroles  adressées  à  des  enfants,  décou- 
vrir des  vestiges  antiques  très-curieux.  Il  comprend  enfin  tout  ce  que  peuvent 
offrir  des  études  du  genre  de  celles  auxquelles  il  s'est  livré  et  dont  il  explique 
ainsi  l'importance  :  «  La  scienza  ha  compreso  oramai  che  in  ogni  parola  di 
»  dialetto  e  in  ogni  fiaba,  esiste  una  forza  che  puô  essere  utilizzata  nello  studio 
»  storico  délia  lingua  e  dei  popoli.  Spesso  in  un  proverbio  0  in  una  panzana, 
»  c'  è  un  palinsesto  prezioso.  Ed  oggi  siva  in  un  villaggio  a  raccor  canti  e 
»  racconti,  voci  e  frasi,  come  il  botanico  ed  il  geologo  vanno  in  campagna,  a 
»  far  collezione  di  plante  e  di  rocce.  » 

A  la  suite  de  cette  note  on  lit  la  préface  des  chants  populaires  que  l'auteur  a 
recueillis  non  sans  difficultés,  rencontrant  chez  les  paysans  auxquels  il  s'adressait 
ces  mêmes  sentiments  de  méfiance  que,  en  occurrence  semblable,  ses  confrères  de 
France  ont  eu  souvent  tant  de  peine  à  vaincre.  M.  Avolio  ne  prétend  pas,  du 
reste,  que  les  vers  recueillis  par  lui  aient  tous  été  composés  par  des  Noticiens. 
La  paternité  lui  paraît  aussi  très-difficile  à  prouver  en  fait  de  chants  populaires. 
En  moins  d'un  mois  un  chant  né  à  Palerme  fait  le  tour  de  l'île,  subissant  dans 
son  voyage  des  changements  qui  semblent  le  naturaliser  dans  vingt  lieux  diffé- 
rents. Plusieurs  de  ces  vers  sont,  suivant  l'auteur,  très-anciens  et  remonteraient 
à  l'époque  de  la  domination  des  Arabes.  M.  AvoHo  croit  que  de  ceux-ci  ont  pu 
provenir  les  images  grandioses  employées  par  les  poètes  populaires.  Il  pense 
encore  que  ces  derniers  ont  eu  une  vive  influence  sur  la  poésie  érudite  de  la 
cour  de  l'empereur  Frédéric  II.  Mais  à  cela  il  y  a  peut-être  une  objection 
dans  le  caractère  même  de  cette  poésie.  On  peut  y  remarquer  —  et  c'est 
ce  qu'a  fait  M.  di  Giovanni  —  quelques  comparaisons,  qui  après  tout  ne 
rappellent  pas  plus  les  Orientaux  que  les  Provençaux,  mais  on  n'y  trouve  vrai- 
ment pas  ces  excès  de  couleur,  ce  luxe  d'hyperboles  qui  appartiennent  bien 
réellement  à  la  poésie  populaire  dont  M.  Avolio  voudrait  faire  descendre  la 
poésie  érudite.  L'auteur  a  classé  les  chants  qu'il  a  réunis  dans  diverses  catégories 
semblables  à  celles  qu'ont  adoptées  ses  prédécesseurs  et  comme  ton,  comme 
inspiration  générale,  les  poésies  noticiennes  ne  diffèrent  guère  de  celles  qu'ont 
rassemblées  Vigo,  Pitre,  Marino,  Lizio  Bruno;  mais  quelques-unes  d'entre  elles 
renferment  des  allusions  que  l'auteur  a  expliquées  dans  des  notes  curieuses  ayant 
trait  à  d'anciens  usages,  à  des  superstitions,  à  des  êtres  surnaturels  dont  les  uns, 
comme  les  Vaviîini,  les  Mammatraj,  ont  sans  doute  une  origine  septentrionale; 
dont  les  autres  paraissent  remonter  au  paganisme  comme  les  Ronni-di-Casa  dans 
lesquelles  l'auteur  croit  reconnaître  les  Lares  et  les  Pénates.  Le  volume  est  ter- 
miné par  la  Vie  de  saint  Corradu,  texte  du  xiv^  siècle,  dont  un  fragment  avait 
paru  dans  le  Nuove  effemeridi.  Bien  qu'écrite  par  un  Noticien,  cette  œuvre  est  en 
sicilien,  ce  qui  prouverait  qu'à  cette  époque  ce  dialecte  était  déjà  usité  dans 
toute  l'île  et  avait  une  sorie  de  supériorité. 

Th.  de  Puymaigre. 


d'histoire  et  de  littérature.  95 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  ^o  juillet  1875. 

M.  Brunet  de  Presle,  en  raison  de  l'état  de  sa  santé,  adresse  à  l'académie  sa 
démission  des  fonctions  de  membre  de  la  commission  centrale  administrative  et 
de  la  commission  des  fonds  de  l'académie.  Il  n'est  point,  jusqu'à  nouvel  ordre, 
donné  suite  à  cette  communication. 

MM,  Deloche  et  Thurot  sont  réélus  membres  de  la  commission  des  comptes. 

M.  le  comte  de  Soultrait  se  porte  candidat  à  une  place  de  correspondant  de 
l'académie,  et  envoie  à  Fappui  de  sa  demande  ses  diverses  publications  (v.  plus 
bas). 

M.  Levasseur  offre  à  l'académie  le  premier  exemplaire  d'une  nouvelle  carte  de 
France,  publiée  parle  ministère  de  l'instruction  publique,  commencée  en  1871 
et  terminée  en  1875,  ^^  exécutée  par  les  soins  d'une  commission  composée  de 
MM.  Levasseur,  membre  de  l'institut,  président,  Rouby,  chef  d'escadron  d'état 
major,  Prudent,  capitaine  du  génie,  Grenet  et  Fontaine,  ingénieurs  en  chef  des 
ponts  et  chaussées,  Germain,  ingénieur  hydrographe,  Ernest  Desjardins,  membre 
de  l'institut.  La  commission  s'est  attachée  à  dresser  cette  carte  uniquement 
d'après  les  sources  les  plus  sûres  ;  les  données  de  la  carte  de  l'état  major  ont  été 
corrigées  en  partie  au  moyen  des  mjnutes  qui  avaient  servi  à  faire  cette  carte, 
et  aussi,  pour  les  noms  de  lieu,  à  l'aide  des  Dictionnaires  topographiques  qui  ont 
été  publiés  pour  quelques  déparlements.  Pour  les  portions  des  pays  étrangers 
visibles  sur  cette  carte,  on  s'est  servi  des  cartes  officielles  étrangères,  et  l'on  a 
reproduit  les  noms  tels  qu'ils  figurent  sur  ces  cartes  sans  les  traduire. 

M.  Perrot  termine  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Robiou  sur  la  date  du  règne 
de  Phraorte  et  sur  les  faits  d'histoire  politique  racontés  dans  le  livre  de  Judith,  faits 
que  l'auteur  s'est  attaché  à  éclaircir  à  l'aide  des  inscriptions  du  roi  de  Ninive 
Assurbanipal,  publiées  et  traduites  en  1871  par  M.  Smith.  Dans  la  première 
partie  de  ce  mémoire,  lue  à  la  séance  du  18  juin  1875,  ^-  Robiou  avait  signalé 
le  roi  des  Élamites  Arioch,  Erioch  ou  Ariuch  du  livre  de  Judith  (1.6)  comme 
identique  avec  Urtaki,  roi  d'Êlam,  contre  lequel  Assurbanipal  eut  à  soutenir  une 
lutte  dont  parlent  les  annales  assyriennes.  Ce  rapprochement,  qui  explique  un 
verset  jusqu'ici  presque  inintelligible,  est  le  fait  auquel  M.  R.  s'attache  principa- 
lement pour  établir  le  synchronisme  du  récit  biblique  et  du  récit  assyrien.  Il 
signale  aussi  l'accord  qui  existe  entre  l'énumération  des  vassaux  de  l'Assyrie, 
donnée  dans  le  livre  de  Judith,  et  ce  que  nous  savons  d'ailleurs  de  la  géographie 
politique  de  ces  contrées  au  temps  d'Assurbanipal.  —  L'auteur  explique  ensuite 
les  divers  détails  du  récit  du  livre  de  Judith,  l'origine  aryenne  d'Holopherne,  le 
caractère  peu  assyrien  de  son  langage,  la  chronologie  et  la  géographie  de  l'in- 
vasion conduite  par  lui  en  Asie  Mineure,  le  surnom  de  Nabuchodonosor  qu'Assur- 
banipal  paraît  avoir  pris  chez  les  Assyriens  à  une  certaine  époque  de  son  règne, 
l'identité  de  Béthulie  et  de  Sassour,  reconnue  par  M.  V.  Guérin,  etc.  Il  se  pro- 


C)6  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

nonce  enfin  contre  l'hypothèse  de  sir  Henry  Rawlinson  qu'il  a  signalée  au  com- 
mencement de  son  mémoire.  —  Dans  sa  conclusion,  M.  Robiou,  invoquant  les 
synchronismes  accumulés  que  fournissent  les  sources  étudiées  par  lui,  se  pro- 
nonce très-décidément  en  faveur  du  caractère  historique  du  livre  de  Judith  et 
contre  le  système  de  ceux  qui  ont  voulu  l'interpréter  symboliquement.  Cette 
réunion  de  synchronismes  est,  dit  l'auteur,  unique  dans  l'histoire,  et  si  elle  n'a 
pas  été  remarquée,  c'est  que  le  texte  exact  du  livre  n'a  pas  été  bien  connu,  la 
collation  des  différentes  versions  ayant  été  négligée  jusqu'ici  comme  peu  intéres- 
sante pour  l'étude  des  questions  théologiques. 

M.  Desjardins  achève  la  lecture  de  la  i^  partie  du  mémoire  de  M.  Ch.  Tissot 
sur  la  géographie  ancienne  de  la  Maurétanie  Tingitane.  Avec  cette  partie  se  ter- 
mine la  description  de  la  côte  Maurétanienne  depuis  l'embouchure  de  la  Malva 
jusqu'à  Tingis.  M.  Tissot  conclut  par  quelques  considérations  sur  l'histoire  du 
détroit  de  Gibraltar,  qui  s'est,  dit-il,  notablement  élargi  depuis  l'antiquité,  grâce 
à  l'empiétement  de  la  mer  sur  la  côte  espagnole.  De  là  ont  pu  venir  en  partie 
les  légendes  suivant  lesquelles  l'Espagne  tenait  autrefois  à  l'Afrique,  et  en  aurait 
été  séparée  de  main  d'homme. 

M.  le  d*"  Lagneau  termine  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les  Ligures.  Il  exa- 
mine les  différents  systèmes  qui  ont  été  soutenus  sur  la  question  de  savoir  à  quelle 
race  les  Ligures  doivent  être  rattachés.  Les  uns  leur  ont  attribué  une  origine 
africaine,  d'autres  les  ont  confondus,  soit  avec  les  Ibères,  soit  avec  les  Celtes. 
La  première  opinion  est  inadmissible  :  les  Africains  se  distinguent  nettement  des 
Ligures  par  la  configuration  de  leur  crâne,  qui  est  dolichocéphale,  tandis  que 
celui  des  Ligures  est  brachycéphale.  Aucun  argument  anthropologique  ne  s'op- 
pose à  admettre  la  parenté  des  Ligures,  soit  avec  les  Ibères,  soit  avec  les  Cehes, 
mais  le  témoignage  des  auteurs  anciens  prouve  qu'ils  doivent  être  néanmoins 
distingués  de  ces  deux  peuples. 

Ouvrages  déposés:  —  Le  comte  de  Soultrait  :  Abrégé  de  la  statistique  monumentale 
de  l'arr.  de  Nevers,  Paris  185 1  ;  Essai  sur  la  numismatique  nivernaise,  1854;  Essai  sur 
la  numismatique  bourbonnaise,  18^8;  Abrégé  de  la  statistique  archéologiaue  de  l'arr.  de 
Moulins  (Allier),  1860;  Notice  sur  quelques  jetons  du  Forez,  Lyon  1863;  Répertoire 
archéologique  du  dép.  de  la  Nièvre,  Paris  1865,  4*;  Dictionnaire  topographique  du  dép. 

de  l'a 


de  la  Nièvre,  Paris  1865,  4°;  Inventaire  des  titres  de  Nevers  de  l'abbé  de  Marolles 
Nevers  1873,  4°;  etc.;  —  A.  Herculano,  Opusculos  :  questôes  publicas;  2a  éd. 
Lisboa  1873 ,  2  vol.  —  Présentés  de  la  part  des  auteurs  :  —  par  M.  Defrémery  :  Ch.  CleR' 


Nevers  1873,  4°;  etc.;  —  A.  Herculano,  Opusculos:  questôes  publicas;  2a  éd. 
Lisboa  1873 ,  2  vol.  —  Présentés  de  la  part  des  auteurs  :  —  par  M.  Defrémery  :  Ch.  Cler 
mont-Ganneau,  Où  était  Hippos  de  la  Décapole?  (mémoire  lu  à  l'académie,  séance  du 


4  juin  1875  ;  ^^^^-  ^^  ^^  Revue  archéologique);  — par  M.  Desnoyers  :  Hamy,  Documents 
inédits  sur  les  Bougors  du  gouvernement  de  Tourks  (Sibérie)  (extr.  du  i"  cahier  du  Musée 
archéologique,  1875,  8*);  —  par  M.  L.  Delisle  :  Peigné  Delacourt,  Tableau  des 
abbayes  et  des  monastères  d'hommes  en  France  à  l'époque  de  l'édit  de  1768  relatif  à 
l'assemblée  générale  du  clergé,  Paris,  4*  (cartes). 

Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-Ie-Rotrou, 


(p.  Kollmann).  — Von  Thielmann,  Streifzûge  im  Kaukasus,  in  Persien  und 
in  der  asiatischen  Tùrkei.  Leipzig,  Duncker  und  Humblot.  In-8°,  viij-493  p. 
(Kirchhoff).  —  Glauning,  Der  franzœsische  Schulunterricht  und  das  nationale 
Interesse.  Nœrdlingen.  Beck'sche  B.  In-S*",  91  p.  (W.  Hollenberg).  — 
Deutsche  Reichstagsakten.  Bd.  II  :  Deutsche  Reichstagsakten  unter  Kœnig 
Wenzel,  herausg.  v.  Julius  WeizS/ECKEr.  Abth.  2.  1 388-1 397.  Munchen, 
Oldenbourg.  In-8°,  xx-544  p.  (Wilhelm  Bernhardi).  —  Birlinger,  Aus 
Schwaben.  Sagen,  Legenden,  Aberglauben,  Sitten,  etc.  Neue  Sammlung.  Bd.  2. 
Wiesbaden,  Killinger.  In-8%  53$  p-  (Alfred  Schottmùller).  —  Erich  Schmidt, 
Reinmar  von  Hagenau  und  Heinnch  von  Rugge,  herausg.  v.  Brink  und  W. 
Scherer.  Strassburg,  Trûbner.  In-8",  122  p.  (H.  Paul).  —  Osthoff,  For- 
schungen  im  Gebiete  der  indogermanischen  nominalen  Stammbildung.  Th. 
L  (Gustav  Meyer).  —  Ley,  Grundzùge  des  Rhythmus,  des  Vers-  und  Strophen- 
baues  in  der  hebraeischen  Poésie.  Halle,  B.  d.  Waisenhauses.  In-8°,  ix-266  p. 
Ce.  Siegfried). 


'1'}  •'in- 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 


DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ETRANGERES. 


AVIS,  -r.  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvragés  qm  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  eri 


magasm. 


U:^)-/..  ?' 


.?oi4.:n 


Anthologie  des  prosateurs  français,  de- 
puis le  Xlle  siècle  jusqu'à  nos  jours;  pré- 
cédée d'une  introduction  historique  sur 
la  langue  française.  Petit  in- 12,  45;  p. 
Paris  (Lemerre).  '     '■    '   6  ir. 

Baschet  (A.).  Histoire  du  dépôt  des  ar- 
chives des  affaires  étrangères  à  Paris  au 
Louvre  en  17 10,  à  Versailles  en  1763  et 
'de  nouveau  à  Pans  en  divers  endroits 
^depuis  1796.  In-80,  xxviij-j90  p.  Paris 
;;(Pipn  etp).  lofr. 

Blanc  (C).  L'art  dans  la  parure  et  dans 
le  vêtement.  In-8',  375  p.  et  vignettes. 
Paris  (Loones).       .  •, 

Bonnassieux(P.).  Observations  sur  cette 
.Question  :  Le  Lyonnais  faisait-il  partie 
de  la  France  en  1259.  In-8*,  11  p. 
Nogent-le-Rotrou  (imp.  Gouverneur). 

Bouillet  (J.-B.).  Antiquités  gallo-romaines 
■découvertes  au  village  de  Manson,  le  12 
janvier  1873.  In-8*,4p.  et  6  pi.  Clermont- 
Ferrand  (Thibaud). 

Boutiot  (T.).  Des  anciennes  fortifieations- 
et  de  l'ancien  beffroi  de  la^villedeTroyes. 
In-8«,  38  p.  et  I  pi.  Troyes  (imp.  Dufour- 
,  Bouquet). 

Carre  (L.).  L'ancien  Orient.  Études  his- 
toriques, religieuses  et  philosophiques 
sur  l'Egypte,  la  Chine,  l'Inde,  la  Perse, 


la  Chaldée  et  la  Palestine.  T.  i .  Egypte- 
Chine.  T.  2.  Inde-Perse-Chaldée.  In-S", 
xvj-ioi6p.  Paris  (M.  Lévy  frères).  i2f. 

Gassîodore.  De  l'âme.  Traduction  fran- 
çaise par  Steph.  de  Rouville.  In-32^  iv- 
160  p.  Paris  (Rouquette). 

Chifflet  (J.).  Saint-Omer  assiégé  et  déli- 
vré l'an  1638.  Traduit  par  L.  Moland. 
Augmenté  du  registre  du  siège  et  de  la 
correspondance  du  maréchal  deChâtillon.', 
In-8°,  xvj-367  p.  Saint-Omer  (imp." 
Fleury-Lemaire). 

Constant  (B.).  Œuvres  politiques,  avec 
introduction ,  notes  et  index  par  Ch. 
Louandre.  In-i8  Jésus,  xxviij-436  p. 
Paris  (Charpentier).  3  fr.  50 

Desjardins  (G.).  Recherches  sur  les 
drapeaux  français.  Oriflamme,  bannière 
de  France,  marques  nationales,  couleurs 
du  roi,  drapeaux  de  l'armée,  pavillons 
de  la  marine.  Gr.  in-8*,  vj-171  p.  et  42 
pi.  Paris  (V  Morel  et  C»).  $0  fr. 

Duhn  (F.  de).  De  Menelai  itinere  Aegyptio 
Odysseae  carminis  IV  episodio  quaes- 
tiones  criticae.  In-8", 4 5  p.  Bonn  (Weber). 

I  fr.  3  s 

Dumas  (E.-R.).  Beaumarchais  d'après  ses 
drames   et   sa    correspondance.    In-12, 


i.4$  P-  Marseille  (imp.  Barlatier-Feissat). 

Fieury  (E.).  Note  sommaire  sur  l'excur- 
sion archéologique  du  20  juin  1873  aux 
villages  souterrains  de  Comin,  Paissy, 
Neuville.  In-8*,  27  p.  Laon  (imp.  Coquet 
et  Ce). 

Frémy  (A.).  Les  pensées  dé  tout  le  monde. 
In- 18  Jésus,  iv-281  p.  Paris  (M.  Lévy 
frères).  3  fr.  $0 

Froment  (T.).  L'Éloquence  et  le  Barreau 
dans  la  première  moitié  du  XVI'  siècle. 
In-8-,  95  p.  Paris  (Thorin). 

Gouriet  (E.).  Bibliographie  poitevine. 
Relation  de  J.  Bujault  et  de  P.  L.  Cou- 
rier. In-8',  8  p.  Niort  (imp.  Favre)^   .,: 

Gras  (L.-P.).  Filigranes  recueillis  dans 
quelques  anciens  terriers  de  Forez.  In-8", 
6  p.  et  5  pi.  S. -Etienne  (Benevent). 

Guérouît  (E.).  Analyse  sommaire"^  de/l 
quatre  manuscrits  concernant  l'abbaye 
de  Jumiéges.  Premier  manuscrit.  Abbayes 
de  France  (T.  5  de  la  collection  Gai- 
gnières).  In-8",  17  p.  Le  Havre  (imp. 
Lepelletier). 

Hanriot  (C).  Introduction  à  l'étude  du 
théâtre  de  Molière.  In-8%  3  $  p.  Troyes 
(Bertrand  Hû). 

Hunfalvy.  Les  Provinces  russes  de  la 
Baltique.  Voyages  et  observations. 
Compte-rendu  par  E.  Sayous.  In-8', 
16  p.  Paris  (Delagrave  et  C*). 

Jaîoustre  (E.).  Lettres  archéologiques 
sur  le  Forez.  Le  Prieuré  de  Saint-Sau- 
veur. ^-8%  26  p.  Lyon  (imp.  Vingtri- 
nier). 

Loudun  (E.).  Les  précurseurs  de  la  Ré- 
volution. In-8*,  iij-3  5S  p.  Paris  (Palmé). 

Merruau  (C).  Souvenirs  de  l'Hôtel-de- 
Ville  de  Paris.  1848-1852.  In-8»,  xv- 
509  p.  Paris  (Pion  et  C'). 

Monumenta  Germaniae  historica  inde 
ab  a.  Christi  500  usque  ad  a.  1 500  aus- 
piciis  societatis  aperiendis  fontibus  rerum 
germanicarum  medii  aevi  éd.  G.  H.  Pertz. 
Scriptorum  Tom.  XXIII.  In-fol.  viij- 
1027  p.  et  3    tab.    Hannover  (Hahn). 

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Petrus  de  Ebu!o  d.  Magisters,  liber  ad 
honorem  Augusti.  Nach  der  original 
Handschrift  f.  akadem.  Uebgn.  hrsg.  v. 
E.  Winkelmann.  In-8°,  x-96  S.  Leipzig 
(Duiicker  et  Humblot).  2  fr.  75 

Posner  (M.).  Quibus  auctoribus  in  bello 


Hannibalico  enarrando  usus  sit  Dio  Cas- 
sius.  Symbola  ad  cognoscendam  ratio- 
nem  ,  quae  inter  Livium  et  Polybium 
hujus  belli  scriptores  intercédât.  In-80, 
82  p.  Bonn  (Weber),.  \  if,  j^ 

Prarond  (E.).  Les  poètes  historiens 
Ronsard  et  d'Aubigné  sous  Henri  III. 
In-8^,  49  p.  Paris  (Thorm)/  J  ]  ['({ 

Proudhon  (P.  J.).  Correspondance.  T.  3. 
In-8*,  398  p.  Paris  (Lib.  internationale). 

Savelsberg  (J.).  Beitraege  zur  Entziffe- 
rung  der  lykischen  Sprachdenkmaeler. 
I.  Thl,  Die  lykisch-griech.  Inschriften. 
In- 8%  64  S.  Bonn  (Weber).       2  fr.  50 

Stender  (J.).  De  Argonautorum  ad  CoU 
chos  usque  expeditione  fabulae  historia 
.cjJtLca,.  In-S",  68  p.  Kiel  (v.  Wechmar). 

2  fr.  7  c 
/  q  ' 

^tumpf-Brentano  (K.  F.).  Die  Wirz- 
burger  Immunitast-Urkunden  d.  X.  u.  XI. 
Jahrhunderts.  Ein  Beitrag  zur  Diploma- 
tik.  Mit  3  facsimile  Taf.  In-8',  76  S. 
Innsbruck  (Wagner).  $  Ir.  35 

Tabari.  Chronique  d'Abou-Djafâr-Mo'- 
hammed-Ben-Djarir-Ben-Yezid  Tabari , 
traduite  sur  la  version  persane  d'Abou- 
Ali-Mo'hammed-Bel'ami ,  d'après  les 
manuscrits  de  Paris,  de  Londres  et  de 
Canterbury,  par  H.  Zotenberg.  T.  4^  et 
dernier.  In-8°,  iij-669  p.  Nogent-le-Rotrou 
(imp.  Gouverneur). 

Waltz(0.).  Die  Flersheimer  Chronik.  Zur 
Geschichte  d.  15.  u.  16.  Jahrhunderts. 
Zum  ersten  Mal  nach  vollstaend.  Hand- 
schrifteahrsg.  Inr8'*,xxiv-i24  S.  Leipzig 
(Hirzei).  ''       i  ^  J  fr.-jj 

WarDkœnig(L.A.),  'Warnkœiiig(T. 

A.)u.Stein(L.).FranzœsischeStaats-u. 
Rechtsgeschichte.  2.  wohlf.  (Titel)  Ausg. 
3  Bde.  In-8«.  Basel  (1848)  (Schweie- 
hauser).         i     ,   ,  32  rr. 

Wiedemeister.  Der  Caesarenwahnsinn 
der  Julisch-Claudischen  Imperatorenfa- 
milie  geschildert  an  den  Kaisern  Tibe- 
rius,  Caligula,  Claudius,  Nero.  In-8°,  xij- 
306  S.  m.  e.  Stammtaf.  Hannover 
(Rùmpler).  8  fr. 

Zeitschrift  (numismatische).  Hrsg.  von 
der  numismat.  Geselischaft  in  Wien,  red. 
v.  J.  Karabacek.  4.  Jahrg.  i.  Halbjahr 
(Jan.-Juni)  1872.  Mit  7.  Taf.  Mùnzab- 
bildgn.  u.  4  Holzschn.  In-8'.  Wien 
(Braumùller).  8  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N°  33  Neuvième  année.  14  Août  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ  SOUS  LA   DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédac'tion  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 


PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  PRATIQUE   DES  HAUTES  ÉTUDES. 

10^  fascicule. 

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Ci -A.  lL  JlVv^*  1  V^  lL  O      grecque,  recueillis  et  rédigés  par  E.  Tour- 

nier,  directeur  d'études  adjoint.  1 2Mivraison  (fin).  i  fr.  50 

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phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i ^"^  fascicule. 
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Le  4<^  fascicule  est  sous  presse. 


^  Ujj^ipÉRrODIQUES.  ^^ 

The  Academy,  n°  i68,  new  séries,  24  juillet.  Thepapersofa  Critic.  Selected 
from  the  Writings  of  the  late  Charles  Wentworth  Dilke.  With  a  biographical 
Sketch  by  his  Granson,  sir  Charles  Wentworth  Dilke.  London,  Murray,  2  vd. 
in-8"  (W.  ElwiiN  :  article  intéressant,  où  sont  analysées  les  études  de  M.  Dilke 
sur  Junius  et  sur  Pope  et  louées,  à  juste  titre,  les  rares  qualités  dont  il  fit  preuve 
comme  directeur  de  VAthen£um  de  1830  à  1846).  —  Jahrbuch  der  Deutschen 
Shakspeare-Gesellschaft.  Zehnter  Jahrgang.  Weimar  (Edw.  Dodden).  —  W.  F. 
B.  Laurie.  Sketches  of  some  distinguished  Anglo-Indians,  with  an  Account  of 
Anglo-Indian  Periodical  Literature.  London,  Day  (W.  W.  Knollys  :  ouvrage 
médiocre).  —  Marie-Antoinette.  Correspondance  secrète  entre  Marie-Thérèse  et 
le  comte  de  Mercy-Argenteau,  avec  les  lettres  de  Marie-Thérèse  et  de  Marie- 
Antoinette.  Publiée  avec  une  introduction  et  des  notes  par  MM.  le  chevalier 
d'Arneth  et  A.  Geffroy.  Paris,  Didot  (H.  Wallon,  article  analytique).  — 
Litton  FoRBES,  Two  Years  in  Fiji.  London,  Longmans  and  Co.  J.  H.  de  Ricci. 
Fiji;  our  new  province  in  the  South  Seas.  London,  Stanford  and  Co.  (Arth.  W. 
Stiffe  :  ouvrages  recommandés.  Le  premier  est  une  relation  de  voyage,  le 
deuxième  un  recueil  de  documents  officiels).  —  Carrent  Literature  (Notes  de 
l'éditeur  sur  les  ouvrages  suivants  :  Protection  and  Free  Trade  par  Is.  Butts;  Rise 
and  Development  of  Judaism  from  Moses  to  our  days  par  A.  Benisch  ;  EssaySy  cri- 
tical  and  biographical  par  H.  Rogers).  —  Notes  and  News.  —  Notes  of  Travel.  — 
The  new  french  law  on  the  higher  éducation  (G.  Monod  :  développement  de 
vues  du  même  ordre  que  celles  qu'ont  présentées  MM.  Renan  et  Bréal).  — 
Ancient  Greek  Inscriptions  of  the  British  Muséum.  Part  L  Ed.  by  Hicks  (J. 
WORDSWORTH  !  deuxième  article).  —  Science  Notes.  Philology. 

The  Athenœum,  n®  2491 ,  24  juillet.  Annals  and  Correspondence  of  the  Vis- 
count  and  the  First  and  second  Earls  of  Stairs  by  John  Murray  Graham.  Black- 
wood  and  Sons,  2  vol.  (recueil  intéressant,  mais  qui  révèle  peu  de  faits  nou- 
veaux). —  F.  Jagor,  Travels  in  the  Philippines.  Chapman  and  Hall  (relation 
intéressante).  —  W.  Lord  Watts,  Snjoland  or  Iceland  :  its  Jokulls  and  Fjalls. 
Longmans  and  Co.  (peu  de  choses  nouvelles).  —  Rotomahana,  and  the  boiling 
Springs  of  New  Zealand.  Sampson  Low  and  Co.  (voyage  pittoresque).  —  Frag- 
ments and  Spécimens  of  Early  Latin,  by  J.  Wordsworth.  Clarendon  Press  (cf. 
le  présent  n**  de  la  Revue  critique).  —  0.  Clery.  The  history  of  the  Italian  Ré- 
volution. First  Period  :  the  Révolution  of  the  Barricades.  1796- 1849.  Wash- 
bourne  (Apologie  du  pouvoir  temporel  de  la  papauté.  L'auteur  s'attaque  ici 
spécialement  aux  carbonari.  Dans  le  second  volume  qui  sera  intitulé  :  the  Révo- 
lution of  the  Bureaux,  il  montrera  «  les  crimes  de  Cavour  et  de  ses  collègues  »). 
—  The  New  Testament  translated  from  the  critical  Text  of  Tischendorf  by 
Samuel  Davidson.  King  and  Co.  (ouvrage  très-recommandé,  bien  qu'on  reproche 
à  l'auteur  un  respect  un  peu  trop  superstitieux  pour  le  texte  de  Tischendorf,  et 
une  tendance  à  changer  sans  utilité  démontrée  les  mots  de  l'ancienne  version 
anglaise).  —  The  earliest  english  théâtral  Companies  (E.  G.  Fleay).  —  The 
inscriptions  near  Mont  Sinai  (Samuel  Sharpe  :  traduction  de  neuf  inscriptions 
choisies  dans  une  série  de  deux  cents  publiée  en  1832  dans  les  Transactions  de 
la  Société  royale  de  littérature).  —  The  temple  of  Jérusalem  (J.  Ferguson  : 
clôture  de  la  polémique  entre  le  signataire  et  le  capitaine  Warren).  —  Literary 
Gossip.  —  Geographical  Notes. 

Literarisches  Centralblatt,  n"  3 1 ,  31  juillet.  Die  Religion  des  Zweiflers. 
Leipzig,  Haessel.  In-8**,  280  p.  (ouvrage  anonyme,  bien  écrit  et  peu  susceptible 
d'utilité).  —  Preger,  Geschichte  der  deutschen  Mystik  im  Mittelalter.  i  Th.  : 
Geschichte  der  deutschen  Mystik  bis  zum  Tode  Meister  Eckart's.  Leipzig, 


3;^.?îî>-  33  TM  y.gl  ?.^è?/(Ifinr.-4.nl4  Aoù^-^-i^isini  sloinr.  :  7.17/^3    V/^^^ï^ni 

Sommaire  :  162.  Cassel,  Les  combats  contre  cfes  lions.  —  165.  Cox,  Histoire  de 
la  Grèce.  —  164.  Wobdsworth,  Fragments  et  textes,  en  ancien  latin. —  165.. 
P'iscHEK,  Les  travaux  sur  les  Nlcbdiingm  depuis  Lachmann.  —  166.  HALBfc:RTSMA, 
Lexique  P'rison.—i  167.  G'.  B.  de  Rossi 
au  XVi«:siede. -^  r68.   Mémoires'  ' 


Rossi,  Mosaïques  chrétiennes  de  ^ome  antérieures 


savantes  :  '.^c^idémi^  4es  inscriptions^ 


162.  —  Lœtvenksempfe  von  Neméa  bis  Golgatha.  Eine  wissens/^Witliche  Ab 
/^/haiidiïu'ng.wiïP»albs4A8SËD.-Berlini  Calvâry.  1875,  In-8° -x.e)7  b.^  "  1  U 

ainsi  dire  de  la  mythologie  théologique.  Ses  explications  symboliques  ne  sont 
_pas  ^tqti|cnuiç^  ^^tfès-assuréesi/  i|iais  çUçs  sont  toujours  ingénieuses,tast^:iti'>gr6tipJè 
d'une  manière  intéressante  les  faits  nombreux  qu'il  recueille.  Ce  ^elîi  livre  "est 
digne  en  tout  point  de  ses  aînés.  L'auteur  a-t-il  raison  de  nous  présenter  le  lion 
de  Némée  comme  symbolisant  la;nuit  et  par  là  le  mal,  Hçrculeicomme  représeuf 
tant  la  lumière,  c'est-à-dire  le  bien  ?  Sans  doute  ce  dualisme  est  au  fond  de  tous 
les  combats  mythiques  de  ce  genre,  mais  la  mythologie  comparée  nous  en  pré- 
sente l'histoire  sous  une  forme  assez  différente.  — En  se  revêtant  de  la  peau  diji 
lion.  Hercule,  devient  lui-même,  pour  ainsi  dire,  un  lion,  seulement  un  lion  lumi- 
neux et  bon,  à  la  place  du  symbole  des  ténèbres  physiques  et  morales:  C'est  par 
pe  conception  analogue,  d'après  M.  C;,  que  le  Christ  est  souvent  appelé  Uontl 
représenté  ainsi  par  l'art  du  moyen-âge.  Gela  est  fort  douteux,,  et  l'auteUr,  ici 
cotnme  ailleurs,  tombe  d$tîs.i|n  défaut  fréquent  :  c'est  de  transporter  chez  les 
autres  l'esprit  systématique  qui  lui,  appartient.  Des  expressions  isolées  de  la 
§ible  ou  des  Pères,  qui  n'ont  qu'une  valeur  absolument  relative  et  momentanée^ 
«ont  pesées,  comparées,  coordonnées  et  finalement  systématisées.  Le  lectet^ 
s'intéresse  volontiers  à  ces  laborieux  châteaux  de  cartes,  mais  un  souffla  les  abaU 
-—  Quelle  que  soit  la  valeur  des  idées  fondamentales  de  l'auteur,  son  livre  se 
lit  avec  beaucoup  d'agrément  et  d'intérêt.  \\  passe  en  :  revue  tous  les  combats 
pontre  des  lions  dont  parlent  les  légendes  de  tous  les  peuples  (il  a  oublié,  chose 
curieuse,  celui  de  Pépin  ;  un  trait  attribué  au  landgrave  Louis  de  Thuringe  s^ 
retrouve  presque  pareil  dans  le  Poemd  del  Cid),  —  En  admirant  la  façon  dont  Homèri^ 
et. Hésiode  >ont  peint  le  lion,  l'auteur  confond  deux  époques  distinctes  ;  le  poète 
de  L'Iliade,  a  çertainet?)envvu  d^ç^  lion^  se  jeter,  sur  des  troupeaux  et  déchirer  des 
bœufs,  celui  du  Bouclier  d'Hercule  ne  fait  que  répéter  dès  formules  connues 'klrattf 
lui;  dans  son  poème  géorgique,.qui  repose  ^^^J'c^^gyatipi?  réçlle,,,  Hésiode, 
,tîaturellement.  ne  dit  pas  un  mot  des  lionÇr-^rV.^  a  n8s:  *X  •'■  •  ■  ■  -• 
:  .flT  1  .i^îlBbJiiM  cni  :>Ii)2YM  nsdpgrugb  i3b  snbidozaD  »>!303^«ï  —  .( 
.glsqisJ   .j^^jiE^I^H    ^alzisM  aboT  nijs  2Îd  ililayM  nsriozîusb  19b  9?r  - 


9|  .  3^U TA^â^VUE   CRITIÇiU^ioTaiH^a 

il^^.^li^%  history  of  Greece,  hy  Geo^'gëW;'W¥f^!^'A?^onâfes,  Longmans. 

Après  ses  compatriotes  Thirlwall  et  Grote,  après  E.  Curtius,  M.  Cox,  déjà 
connu  par  sa  Myîhology  of  Aryan  nations^,  a  entrepris  une  histoire  générale  de 
la  Grèce.  Il  se  propose  même  de  la  pousser  plus  loin  que  ses  prédécesseurs. 
Ceux-ci  s'étaient  arrêtés  qui  à  la  mort  d'Alexandre,  qui  à  la  réduction  de  la  Grèce 
en  province  romaine.  M.  G.  entend  nous  donner  une  histoire  complète  de.  la 
race  grecque,  depuis  Pantiquité  la  plus  reculée  jusqu'à  nos  jours.  Les  deux  pr^T-.; 
miers  volumes,  que  nous  avons  sous  les  yeux,  conduisent  cette  histoire  jusqu'à 
la  fin  de  la  guerre  du  Péloponnèse;  le  troisième  la  mènera  jusqu'à  la  mort 
d'Alexandre  le  Grand;  un  quatrième  suffira,  du  moins  l'auteur  l'espère,  à  suivre, 
le  peuple  grec,  dans  ses  fortunes  diverses,  depuis  ce  moment  jusqu'à  la  fin  du 
règne  du  bavarois  Othon.  Nous  craignons  que  ce  dernier  volume,  embrassant  ^ 
ainsi  plus  de  deux  mille  années,  ne  nous  offre  que  des  tableaux  bien  incomple^^, 
des  résumés  bien  rapides.  Ce  cadre  est  peut-être  trop  vaste;  pour  le  remplir  tout 
entier  en  ne  se  contentant  point  d'à-peu-près,  il  faudrait  —  ce  serait  à  peine 
^|Sifi;«,7r-  toute  la  vie  d'un  homme,  et  M.  Cox  a  déjà  consacré  une  partie  de  i%^ 
sienne  à  d'autres  travaux. 

A  chaque  jour  suffit  sa  peine.  Sans  nous  préoccuper,  en  ce  moment,  de  ce 
que  pourra  être  la  suite  annoncée  de  ces  récits,  nous  avons  à  juger  la  portion 
déjà  publiée  de  cette  œuvre  considérable,  deux  volumes  qui  ont  chacun  plus  de 
600  pages.  Nous  ne  pouvons,  on  le  comprendra  aisément,  entrer  dans  de  grands 
détails  et  discuter  page  par  page  un  travail  d'une  pareille  étendue  ;  nous  devons 
donc  nous  borner  à  quelques  observations  que  nous  suggère  une  rapide  lectuc^ 
du  livre.  .,j 

!  Le  premier  chapitre  décrit  la  configuration  et  le  climat  de  la  Grèce,  explique 
l'influence  que  ce  milieu  a  dû  exercer  sur  la  race  qui  s'y  est  développée.  Or  ,il 
est  bien  insuffisant;  je  préfère  de  beaucoup  celui  que  M.  V.  Duruy  a  écrit  sur 
le  même  sujet  ou  celui  par  lequel  s'ouvre  l'histoire  de  la  littérature  grecque  de 
Bergk  et  qui  a  pour  titre  :  Das  griechische  Land  and  Volk.  Le  chapitre  II,  Origine 
et  croissance  de  la  civilisation  hellénique^  me  semble,  comme  l'auteur  le  laisse 
deviner  lui-même  d'après  ses  notes,  tout  inspiré  de  la  première  partie  du  beau 
livre  de  M.  Fustel  de  Coulanges,  la  Cité  antique.  Dans  le  troisième,  la  Mythologie 
des  Grecs  et  les  légendes  des  tribus,  M.  G.  ne  fait  guère  que  résumer  les  théories 
de  M.  Max  Mûller  et  les  interprétations  des  mythes  principaux  que  lui-même, 
dans  sa  Mythology  of  Aryan  nations,  a  exposées  sur  les  traces  du  maître;  ce 
résumé  est  heureux  et  brillant;  nous  ne  savons  pourtant  pas  si  M.  C.  ne  va  pas 
bien  loin  quand  il  déclare  que  les  récits  sur  le  retour  des  Héraclides  et  sur  la 
fondation  des  colonies  ioniennes  en  Asie-Mineure  ne  contiennent  pas  plus  d'élé- 
ments historiques  ou  du  moins  ne  les  laissent  pas  plus  facilement  et  plus  sûre- 
ment dégager  que  la  Gigantomachie  ou  le  mythe  de  Prométhée.  Pour  loi, 


D'HlSTOIie^fî^k  'litt^ÉlRATURE.  99 

l'histoire,  ^e  l^,.Or,èce  jne  com^iiepce  m.êroç  pas^^  av^PiJ^?)  Ojympiades,  mais  ne 
date  guère  que  du  vu®  ou  plutôt  du  vi"  siècle  avant  notre  ère.  Nulle  part  il 
n'essaye  de  nous  décrire,  à  l'aide  de  l'épopée  et  des  fragments  de  quelques 
lyrique^,' là  société  grecque  du  î**  et'duviii*  sîèôlè;  C'est  ^ôurluîim  terrain  sUr 
lequel  l'historien  ne  doit  pas  s'aventurer.  Nous  préférons  ce  scej^ticisme  au 
procédé  arbitraire  par  lequel  on  essayait  autrefois  de  donner  au  mythe  un  carac- 
tère historique,  de  le  réduire  en  histoire;  mais  n'y  a-t-il  pas  aussi  excès  de  pru- 
dence dans  ce  parti  pris?  Ne  peut-on,  sans  prétendre  fixer  de  dates  ni  rétablir 
la  série  des  faits,  combiner  les  renseignements  épars  que  nous  fournissent  les 
traditions  et  la  poésie,  la  langue  et  les  monuments  figurés,  l'étude  des  lois  et 
Jes  institutions,  de  manière  à  présenter  un  tableau  vraisemblable  de  périodes  que 
l'auteur  laisse  ici  tout  à  fait  en  dehors  de  ses  récits?  M.  C.  ne  tire,  pour  son 
histoire  de  la  Grèce,  aucun  parti  de  l'Iliade  ou  de  l'Odyssée,  aucun  d'Hésiode; 
or  est-il  admissible,  à  priori,  que  les  idées,  les  sentiments,  les  mœurs  des  poètes 
qui  ont  composé  ces  œuvres  et  des  auditeurs  qu'elles  charmaient  ne  se  soient  pas 
réfléchies  dans  le  brillant  miroir  de  l'épopée  ?  Dans  tout  monument  qu'une  géné- 
ration humaine  laisse  d'elle-même  aux  générations  qui  la  suivent,  n'y  a-t-il  pas, 
à  le  bien  prendre,  de  l'histoire  ?  Tout  ce  qui  nous  révèle  la  forme  et  comme  la 
couleur  de  l'âme  d'un  peuple,  à  un  moment  donné,  est  un  document  historique; 
en  refusant  de  considérer  comme  tel  l'épopée  grecque,  le  nouvel  historien  de  la 
Grèce  nous  paraît  avoir  volontairement  rétréci  les  abords  de  l'édifice  qu'il  pré-^ 
tend  élever,  en  avoir  rendu  la  base  moins  solide  et  moins  large  qu'il  n'aurait  ptif 
le  faire.  ;' 

Nous  ne' prouvons  contîniieFâ  le  suivre  pas  à  pas  dans  ce  lent  et  pénible  travaîf' 
de  construction.  Seulement  quelques  remarques  encore,  au  hasard  de  la  lecture. 
Le  chapitre  intitulé  l'Éducation  intellectuelle  des  Grecs  perd  beaucoup  à  cette 
omission,  on  pourrait  presque  dire  à' Cette  suppression  de  l'épopée' et 'de  la 
lyrique  :  on  n'y  voit  pas  ce  qu'il  importait  de  montrer,  comment  la  longue  durée 
et  la  fécondité  brillante  de  cette  période  toute  poétique  eurent  sur  le  génie  grec 
litre  influence  dont  la  trace ^ive'ké' retrouve  même  dans  les  oeuvres  des  époqueâ' 
de  réflexion  et  d'analyse.  Pour  expliquer  comment  la  Grèce  a  créé  et  conçu 
l'histoire,  il  faut  remonter  à  l'épopée,  pour  rendre  compte  du  drame  attique, 
avoir  étudié  la  lyrique;  Hérodote  suppose  Homère  ',  Stésichore  et  Pindare  soîit 
lés  prédécesseurs  nécessaires  d'Eschyle  et  de  Sophocle.  Dans  le  chapitre  en 
question  nous  ne  saisissons  pas  la  suite  naturelle  de  ce  développement  organique, 
qui  ne  fut  nulle  part  aussi  régulier  qu*eri  Grèce.  M.  C.  ne  fait  d'ailleurs,  dans  soiï 
plan,  pour  ainsi  dire  point  de  place  aux  lettres  et  aux  arts;  d'un  bout  à  l'autre 
de  ces  deux  énormes  volumes,  pas  un  chapitre  n'est  consacré  à  ces  manifestations 
du  génie  grec.  Or  est-il  admissible  aujourd'hui  qu'un  historien  entende  sa  tâche 
d'une  manière  aussi  étroite,  aussi  incomplète?  Réduite,  comme  elle  l'est  ici,  au 
récit  des  événements  politiques,  l'histoire,  quand  il  s'aeit  surtout  de  la  Grèce, 


1 .  Ces  rapports  d'Hérodote  et  d'Homère,  M.  C.  les  a  indiqués  dans  le  ch.  I  du  livre  II, 
mais  il  n'avait  pas  commencé  par  étudier  et  définir  l'épopée  grecque. 


100  REVUE   CRITIQUE 

prend  quelque  chose  de  sec  et  de  monotone,  défaut  qu'il  était  bien  facile  d^éviter 
en  cette  matière.  Le  seul  des  grands  écrivains  grecs  que  Pauteur  cherche  à  nous 
faire  connaître,  c'est  Hérodote;  il  l'étudié,  dans  le  premier  chapitre  de  son 
second  livre,  comme  la  principale  source  de  l'histoire  des  guerres  médiques  et 
cherche  à  établir  dans  quelle  mesure  son  témoignage  est  recevable.  Cette  critique 
d'Hérodote  est  judicieuse  et  intéressante;  mais  là  encore  la  proportion,  la  suite 
des  faits  ne  sont  pas  bien  observées;  des  historiens  antérieurs  à  Hérodote,  l'au- 
teur ne  nous  dit  rien,  et  plus  loin,  quand  il  arrive  à  la  guerre  du  Péloponnèse, 
il  ne  fait  pas  pour  Thucydide  ce  qu'il  avait  entrepris  pour  Hérodote,  il  ne  le 
soumet  pas  au  même  examen  et  au  même  contrôle.  Le  chapitre  intitulé  l'empire 
perse  sous  Cyrus  et  Cambyse  explique,  d'une  manière  plus  ou  moins  plausible, 
divers  récits,  divers  personnages  de  l'histoire  des  Mèdes,  des  Perses  et  des 
Lydiens.  Ces  explications  sont  tout  inspirées  de  l'esprit  et  de  la  méthode  de  Max 
MùUer;  M.  C.  retrouve  partout  des  héros  solaires,  et  la  lutte  éternelle  entre  les 
puissances  du  jour  et  celles  de  la  nuit.  Quelques-unes  de  ces  interprétations 
sont  fort  ingénieuses;  mais,  puisqu'il  s'agit  de  l'histoire  grecque,  nous  aimerions 
mieux  trouver  ici  une  étude  sur  les  relations  des  Grecs  de  l'Asie-Mineure  avec 
les  populations  au  milieu  desquelles  ils  vivaient.  L'Assyrie,  par  l'intermédiaire 
des  Phrygiens  et  des  Lydiens,  a  certainement  exercé  une  très-grande  influence 
sur  les  origines  de  la  civilisation  grecque,  lui  a  transmis  un  certain  nombre 
d'instruments  et  de  méthodes,  des  procédés  de  construction,  des  motifs  de  déco- 
ration; c'est  en  Asie  surtout  que,  grâce  à  ces  exemples  et  à  ces  secours,  est  né 
cet  art  grec  qui  devait  atteindre  à  Athènes  sa  perfection.  A  ce  sujet,  pas  un  mot 
chez  M.  Cox.  La  seule  observation  qui  rentre  dans  cet  ordre  d'idées,  c'est  Ce 
qu'il  dit  de  la  musique  phrygienne  et  lydienne,  des  emprunts  que  lui  a  faits  la 
musique  grecque;  mais  de  l'architecture  et  de  la  sculpture,  rien,  pas  une  ligne. 
Quoiqu'il  ait  à  sa  disposition  les  collections  du  British  Muséum,  si  riches  en  frag- 
ments d'édifices  et  en  bas-reliefs  ou  statues  qui  proviennent  de  PAsie-Mineure, 
M.  C.  ne  parait  même  pas  se  douter  des  lumières  que  l'archéologie  peut  jeter 
aujourd'hui  sur  beaucoup  de  problèmes  historiques.  Le  chapitre  suivant,  Vempire 
perse  sous  Darius,  entre,  ce  nous  semble,  dans  trop  de  détails  sur  les  expéditions 
et  les  conquêtes  de  Darius  en  Orient;  l'auteur  paraît  oublier  que  c'est  l'histoire 
de  la  Grèce  qu^il  a  promis  d'écrire.  Le  récit  de  la  révolte  de  Plonie  et  celui  des 
deux  guerres  médiques  est  intéressant  ;  avec  un  esprit  critique  et  une  pénétration 
dont  les  preuves  abondent,  M.  C.  contrôle,  page  par  page,  la  narration  d'Héro- 
dote et  montre  combien  ses  assertions  et  la  manière  dont  il  représente  les  faits 
impliquent  encore  de  contradictions  partielles  et  d'invraisemblances,  quelle 
obscurité  enveloppe  encore  bien  des  événements  importants.  - ''  ^^'^'•'ïîioi  Z'ilh  >  • 
Dans  le  tome  II,  nous  signalerons  la  même  lacune  que  dans  le  tome  I;  rien 
sur  le  brillant  essor  que  prennent  les  arts  et  les  lettres  à  Athènes  au  temps  de 
Périclès,  rien  ni  sur  les  constructions  de  l'Acropole  ni  sur  le  drame  attique,  cette 
grande  nouveauté.  Est-ce  écrire  l'histoire  d'Athènes  que  de  ne  pas  nous  montrer 
à  quoi  elle  emploie  les  tributs  de  cet  empire  maritime  dont  vous  nous  retracez 
la  naissance,  les  progrès  et  l'organisation  ?  Pour  ce  qui  est  de  cette  organisation, 


d'histoire  et  de  littérature.  ioi 

M.  C.  n'a  pour  ainsi  dire  tiré  aucun  parti  des  listes  des  tributs  retr,o^vées  dans 
l'Acropole  d'Athènes,  et  reconstituées,  expliquées,  commentées,  ayec  tant  de 
patience  et  de  sagacité  par  Bœckh,  Kœhler  et  KirchhofF.  Pour  discuter  les 
questions  qui  se  rattachent  à  la  répartition  du  tribut,  M.  C.  ne  cite  que  les 
assertions  de  Thucydide  et  d'Aristophane  (p.  67  et  suiv.);  il  n'a  pas  l'air  de 
soupçonner  l'importance  ni  même  l'existence  de  ces  documents  authentiques  qui 
forment  aujourd'hui,  dans  le  Corpus  inscriptionum  aîticamm,  une  si  riche  série. 
On  peut  dire  que  les  méthodes  et  les  résultats  de  l'épigraphie  lui  sont  aussi 
étrangers  que  ceux  de  l'archéologie. 

Nous  arrêterons  là  cette  revue;  aussi  bien  ces  remarques  suffisent-elles  pour 
donner  une  idée  de  l'ouvrage,  de  ses  qualités  et  de  ses  défauts.  L'étude  prolongée 
qu'a  faite  l'auteur  de  toute  la  période  mythique  de  la  Grèce  et  des  rapports  de 
ces  mythes  avec  ceux  des  autres  peuples  de  même  race,  le  soin  et  la  sagacité 
critique  avec  laquelle  il  a  lu  les  principaux  auteurs  de  l'antiquité  donnent  une 
réelle  valeur  à  bien  des  pages  de  son  livre;  nous  recommandons  surtout  l'essai 
sur  le  génie  et  les  idées  d'Hérodote  qui  est  partout  mêlé  au  récit  des  guerres 
médiques.  En  revanche,  rien  de  plus  incomplet,  nous  l'avons  montré,  que  cette 
histoire.  Non-seulement  les  idées  religieuses  et  philosophiques,  les  lettres  et  les 
^rtsn'y  tiennent  aucune  place;  mais  encore,  même  pour  cette  histoire  toute 
politique  dans  laquelle,  nous  ignorons  pourquoi,  M.  C.  se  renferme  à  l'exemple 
des  anciens,  il  n'a  pas  su  mettre  à  profit  toutes  les  ressources  que  l'érudition 
pr!ép«^re;;j^tjliv,re  aujourd'hui  à  qui  veut  présenter  un  tableau  fidèle  et  complet  du 
passé.  Nous  espérons  qu'une  seconde  édition  lui  permettra  d'élargir  son  cadre 
ou  tout  au  moins,  même  sur  le  terrain  très-arbitrairement  restreint  où  il  s'est 
placé,  de  ne  néghger  aucune  source  d'information. 

G.  Perrot. 


164.  —  John  WoRDSwoRTH,  M.  A.  Fragments  and  spécimens  of  early  latin,  with  in- 
troductions and  notes.  Oxford,,  Clarendon  press.  1874.  In-8',  xxx-679  p.  —  Prix  : 
22  fr.  50. 

L'auteur,  dans  sa  Préface,  dit  qu'il  s'est  proposé  à  peu  près  le  même  but 
qu'avait  en  vue,  il  y  a  trente-deux  ans,  M.  Egger,  quand  il  publia  ses  Latini 
sermonis  veîustioris  reliquU,  et,  en  effet,  le  plan  des  deux  ouvrages  présente 
d'assez  grandes  analogies.  M.  Wordsworth  commence  par  une  grammaire  du 
vieux  latin  ;  puis  il  donne  un  choix  des  plus  anciennes  inscriptions  ;  la  troisième 
partie  contient  une  série  de  textes  empruntés  à  la  Loi  des  douze  tables,  aux 
vieilles  formules  de  droit,  aux  poètes  et  aux  orateurs  antérieurs  à  l'époque  de 
Sylla,  et  enfin  des  extraits  de  Varron;  M.  W.  a  accompagné  ces  textes  de  notes 
nombreuses  et  étendues  (p.  385-662),  ainsi  que  de  plusieurs  index. 

Nous  ne  pouvons  que  louer  l'idée  et  le  plan  du  livre.  Entre  les  mains  d'un  étu- 
diant, cet  ouvrage  forme  une  sorte  d'encyclopédie  du  vieux  latin.  Quant  à  l'exé- 
cution, elle  nous  a  paru  en  général  non  moins  digne  d'éloge.  L'auteur  est  au 
courant  de  la  science  et  se  sert  des  meilleurs  textes.  Parmi  les  inscriptions,  M.  W. 
a  placé  avec  raison  un  certain  nombre  de  monnaies,  des  tessères,  des  grafitti 


102  .3iîUT^;iàfffl:v4je5î:RmQirBOT2iH'a 

de  Pompéï.  Pour  ceux  qui  ne  peuvent  se  procurer |e^^Cp^«5 

ouvrage  est  un  Htpe  et  instructif  inanuel,  fait  principalement  ^u  point  de  vi^^  de 

la  grammaire.  •  : 

M.  W.  s'appuie  ordinairement,  pour  la  partie  phonétique  et  grammaticale, 
sur  Schleicher,  Ritschl  et  Corssen.  Un  reproche  qu'on  pourrait  lui  faire,  c'est  de 
trop  se  défier  de  lui-même  et  de  suivre  ses  guides  sur  des  points  où  il  n'était  pas 
défendu  de  songer  à  mieux.  Mais  le  succès  de  ce  livre,  qui  aura  certainement 
de  nouvelles  éditions,  enhardira  l'auteur.  Nous  sommes  loin  de  méconnaître 
d'ailleurs  qu'il  a  déjà  donné  son  opinion  en  maint  endroit,  soit  pour  proposer 
une  explication,  soit  pour  marquer  un  doute.  Ainsi,  tout  en  reproduisant,  après 
le  texte  du  chant  des  Arvales,  la  traduction  de  Mommsen,  il  laisse  voir  qu'il 
n'en  est  pas  absolument  satisfait.  Voici  à  propos  du  vers  ENOS  LASES  lyVAlÇE 
sa  note  sur  enos  (p.  391)  :  «  l'expHcation  de  l'eest  loin  d'être  certaine.  ,On.n',^n 
»  trouve  aucune  trace  dans  les  pronoms  latins,  quoique  les  formes  grecquies 
ï>  comme  è^AOJ,  r^'^âq  (ce  dernier  exemple  est  de  trop)  présentent  quelque  ^na- 
»  logie.  Le  mieux  sans  doute  est  de  regarder  e  comme  l'interjection  qui  sç  trouve 
»  dans  Ecasîor,  Edepol.  Nous  devons  peut-être  écrire  E  nos.  »  Je  crois  que  le 
modèle  d'où  ce  chant  a  été  copié  portait  ENOM,  qui  est  un  ajdyerlpe  fréquep:^- 
ment  employé  en  osque  et  en  ombrien,  et  qui  signifi^j,;::<f  ,,pujr)if;^jyç^a^'»,<^oiis 
supposons,  en  effet,  que  la  corporation  des  Arvales  avait  conservé  une  vieille 
inscription  sur  pierre  ou  sur  bronze,  et  que  le  chant  dont  on  remettait  le  livret 
aux  prêtres  (libellis  acceptis...  tripodaverui)t)  était  copié;  sur  cette  tal3l^.(^i5^jjÇe 
même  chant  des  Arvales,  que  M.  W.  reproduit  d'après  le  texte  de  Mommsen, 
il  eût  été  bon  de  joindre  les  variantes  fournies  par  Henzen  (^Acta  fraîram  Arva- 
lium,  p.  cciv).  Ainsi  la  phrase  trois  fois  répétée  LIMEN  iSALI  STA  est  écrite  la 
troisième  fois  :  LIMEN  SALISTA,  ce  qui  prouve  que  le  modèle  était  peu  lisible, 
et  que  le  texte  est  probablement  altéré.  Une  autre  corruption  est  le  mot  BERBER, 
''au  lieu  duquel  il  faut  sans  doute  lire  HERBER,  datif  pluriel  de  herba  :  la  forme 
de  la  lettre  H  dans  certains  alphabets  italiques  explique  la  confusion.  Un  autre 
exemple  de  rhotacisme  à  la  fm  d'un  mot  est  SATVR,  qui  est,  à  ce  que  je  crois, 
le  nominatif  pluriel  masculin  (à  la  manière  osque  et  ombrienne)  du  partidpe 
satus.  Les  deux  mots  IN  PLEORES  doivent,  selon  nous,  être  réunis  :  c'est'le 
subjonctif  implores.  En  effet,  le  primitif  de  plorare  est  un  substantif  plevosy  pleos 
'«  pleur  »  (cf.  Pott.  Wurzel  Lexlcon,  I,  1 1 35).  Ce  subjonctif  ne  fait  pas  partie  du 
chant  :  on  y  a  mêlé  les  prescriptions  du  rituel,  comme  cela  se  voit  clairement 
par  la  phrase  Semants  alîernei  advocapit  conctos  «  il  invoquera  à  tour  de  rôle  tôiis 
»  les  Semones.  »  i;ir/^;jiv'j.jJi  .1  i*>|  olu/r; 

Nous  ne  voulons  pas,  en  présence  d'un  si  grand  et:  hbi  riche  ■recueil,  nous 
arrêter  plus  longtemps  à  des  points  de  détail,  et  nous  finissons  en  souhaitant  un 
heureux  succès  à  ce  livre  qui  ne  peut  manquer  de  répandre  en  Angleterre  le 
goût  de  la  saine  philologie.       ^    .        -^ 

■r^v.^    :  ■[;■   vi;    ;u^,>   .jùnÂQ   h'     ■ — ^ ■■ — 1-    ■  ^ 


d'histoire  et  de  littérature.  103 

i65.--Die  Forsiéhnngen  ûber  das  Nibelangenlied  seit  Karl  Lachmann. 

Eine  gekrœnte  Preisschrift,  v.  D'  Hermann  Fischer.   Leipzig,  Vogel.  1874.  In-8', 
iv-272  p.  —  Prix  :  6  tr.  75. 

Ce  livre  est  un  résumé  clair,  suffisamment  détaillé,  à  peu  près  complet,  et 
généralement  impersonnel,  des  travaux  faits  sur  les  Nibeîungen  depuis  Lachmann. 
L'auteur  ne  montre  pas  toujours  une  grande  aptitude  à  saisir  et  à  mettre  en 
relief  les  points  capitaux  des  discussions  qu'il  résume.  Dans  ses  conclusions,  il 
se  rallie  au  système  de  M.  Bartsch,  qui  a  été  exposé  ici;  ce  qui  est  plus  impor- 
tant que  son  adhésion  personnelle,  c'est  que  la  Faculté  de  philosophie  de  Tu- 
bingue,  qui  avait  mis  le  sujet  au  concours,  a  couronné  son  livre.  Il  réfute  dans 
ses  dernières  pages,  —  sans  un  succès  définitif,  —  les  dernières  objections 
adressées  à  cette  théorie  par  MM.  Vollmœller  et  Scherer  (M.  Vollmœller  notam- 
ment a  à  peu  près  renversé  la  théorie  de  Pfeiffer  d'après  laquelle  les  lieder  de 
Kûrenberger  et  les  Nibeîungen,  étant  composés  dans  les  mêmes  strophes,  auraient 
le  même  auteur;  M.  Bartsch  lui-même,  dans  la  Gemania,  a  reconnu  le  peu  de 
solidité  de  cet  argument,  auquel  pour  sa  part,  ajoute-t-il,  il  n'avait  jamais 
accordé  un  grand  poids).  —  Le  livre  de  M.  Fischer  peut  être  recommandé  à 
ceux  qui  désirent  s'orienter  sur  ce  terrain  si  disputé  et  comprendre  les  positions 
diverses  qu'ont  occupées  depuis  quarante  ans  les  combattants  pour  le  trésor  des 
Nibeîungen.  Il  est  probable  que  l'histoire  de  cette  guerre  ne  tardera  pas  à 
compter  de  nouveaux  chapitres  :  pour  les  comprendre  il  faut  s'instruire  de  ce 
qui  a  été  fait  jusqu'ici,  et  cet  ouvrage  permet  de  le  faire  assez  bien  sans  peine. 


166.  —  Lexicon  frisicum.  Composuit  Justus  Halbertsma.  Post  auctoris  mortem 
.çdidit  et  indices  acljecit,Ti4l|ingii).5.;H.Ai<ftS:%TSM a.  La  Haye,  NijhofF.  1874.  In-8°.  — 

,  Une  élégante  préface  latine,  rédigée  par  l'éditeur  de  ce  livre,  nous  apprend 
que  l'auteur,  après  avoir  entrepris  dès  sa  jeunesse  un  lexique  frison,  est  mort  à 
quatre-vingts  ans  sans  en  avoir  poussé  l'impression  plus  loin  que  la  lettre  F.  Le 
respect  filial  n'empêche  pas  M.  T.  Halbertsma  de  reconnaître  que. si  son  père 
avait  choisi  un  meilleur  plan  il  aurait  eu  plus  de  chances  de  mener  à  bonne  fin 
sa  grande  œuvre  ;  il  ne  l'aveugle  pas  non  plus  sur  les  défauts  de  la  partie  publiée, 
dont  les  plus  saillants  sont  le  désordre  dans  l'arrangement  des  mots  et  le  peu  de 
valeur  (on  pourrait  dire  le  manque  de  toute  valeur)  de  la  partie  étymologique. 
Mais  nous  reconnaîtrons  aussi  avec  lui  que  les  trésors  d'érudition  spéciale  accu- 
mulés par  J.  Halbertsma  ne  pourraient  plus  guère  être  recueillis  par  un  autre, 
et  que  ce  volume  contient,  à  côté  de  ses  richesses  lexicographiques,  une  foule 
de  renseignements  piquants  ou  intéressants.  Tel  qu'il  est,  \tLexicon  frisicum  n^est 
assurément  pas  à  la  hauteur  des  progrès  actuels  de  la  philologie  germanique, 
mais  c'est  un  précieux  auxiliaire  qu'aucun  germaniste  ne  négligera.  Il  est  à 
souhaiter  qu'on  tire  des  papiers  d'Halbertsma,  qui  ont  été  légués  à  la  province 
de  Frise,  soit  la  continuation  de  son  lexique,  soit  plutôt,  comme  on  paraît  y 
songer,  un  nouveau  lexique,  établi  sur  un  autre  plan. 


104  REVUE  CRITIQUE 

167.  —  Musaici  cristiani  e  saggi  dei  Pavimenti  deile  Chiese  di  Roma 
anteriori  al  secolo  XV,  tavole  cromo-litografiche,  con  cenni  storici  e  critici  del 
com^G.  B,  DE  Rossi  (avec  traduction  française).  Livraisons  MV.  iRome,  Spithœver. 
1872  et  années  suiv.  —  Prix  de  l'ouvrage  complet  (25  .livraisons^):.  ijZipir... 

L'illustre  épigraphiste  et  archéologue  romain  qui  dans  ce  dernier  quart  de 
siècle  a  si  complètement  renouvelé  la  science  des  antiquités  chrétiennes,  a  com- 
mencé, il  y  a  maintenant  trois  ans,  la  publication  d'un  ouvrage  somptueux  destiné 
à  «  illustrer  »  les  mosaïques  de  sa  ville  natale.  Pour  tous  ceux  qui  connaissent 
son  érudition  si  sûre  et  si  variée,  sa  critique  pénétrante  et  féconde,  son  amour  si 
profond  pour  les  études  auxquelles  il  a  consacré  sa  vie,  il  n'y  avait  pas  de  doute 
que  ce  travail  ne  fût  digne  de  ses  aînés,  qu'on  n'y  trouvât  réunies  les  rares 
qualités  qui  ont  valu  à  M.  de  Rossi  une  réputation  européenne. 

Ce  qui  est  plutôt  un  sujet  de  surprise  et  d-'admiration  c'est  l'activité,  l'ardeur, 
avec  laquelle  il  explore  toutes  les  parties  de  son  vaste  empire.  Au  moment  même 
où  s'imprime  le  troisième  volume  de  sa  Roma  Sotterranea  ',  où  de  sérieuses 
mesures  ont  été  prises  pour  la  continuation  des  Inscripîiones  christians,  si  lentes 
à  paraître  au  gré  du  monde  savant,  où  enfin  le  Bulleîtino  nous  apporte  périodi- 
quement une  ample  moisson  de  découvertes  de  premier  ordre,  M.  de  Rossi  a 
encore  trouvé  le  temps  nécessaire  à  une  nouvelle  entreprise,  non  moins  consi- 
dérable que  les  autres.  Il  s'est  sans  doute  décidé  à  se  charger  de  ce  nouveau 
fardeau  en  voyant  les  discussions  auxquelles  les  mosaïques  de  l'Italie,  ce  produit 
si  brillant  de  l'art  chrétien  primitif,  donnent  lieu  tous  les  jours,  ainsi  que  la 
gravité  des  questions  soulevées  et  l'abondance  des  problèmes  à  résoudre. 

Dans  les  quinze  dernières  années  les  travaux  n'ont  pas  fait  défaut  sur  ces 
matières  si  dignes  d'intérêt.  Il  nous  suffira  de  citer  les  principaux  d'entre  eux. 
M.  Barbet  de  Jouy  a  eu  l'honneur  d'ouvrir  la  voie^  et  ses  descriptions  des 
mosaïques  romaines  se  recommandent  par  leur  exactitude  autant  que  par  leur 
élégance.  L'introduction  de  son  livre  est  un  vrai  modèle  d'érudition  et  de  bon 
goût.  M.  Vitet,  à  la  suite  de  ce  travail,  a  publié  dans  kJournaldes  Savants  (1862- 
1863)  des  articles  qui  abondent  en  aperçus  ingénieux,  en  appréciations  témoi- 
gnant de  la  finesse  et  de  la  rectitude  de  sa  critique.  M.  Labarte,  dans  son 
Histoire  des  arts  industriels,  a  consacré  toute  une  section,  très-nourrie,  très- 
savante,  à  l'examen  des  mosaïques  chrétiennes  soit  de  l'Orient,  soit  de  l'Occident. 

En  Allemagne  où  les  études  relatives  aux  monuments  figurés  du  christianisme 
primitif  sont  tellement  négligées  en  ce  moment,  il  faut  signaler  quelques  pages 
excellentes  de  l'Histoire  des  arts  plastiques,  de  Schnaase  (vol.  III,  1869.  Dussel- 
dorf)  et  la  monographie  très-remarquable  qu'un  Suisse,  M.  Rahn,  professeur  à 
l'université  de  Zurich,  a  donnée  de  Ravenne;  les  mosaïques  de  cette  ville  occu- 
pent une  place  considérable  dans  ce  dernier  éci^itîloiifiJnaaëiqsn  ôibJiyics^.dibJ 

Les  Italiens  peuvent  revendiquer,  non  sans  orgueil,  VHisîoire  de  la  Peinture 

1 .  Nous  avons  le  plaisir  d'annoncer  à  nos  lecteurs  que  ce  volume  paraîtra  vers  la  fin 
de  la  présente  année. 

2.  Les  mosaïques  chrétiennes  de  Rome.  Paris.  1857. 

3.  Jahrbiicher  fur  Kanstwisscnschaft.  1868. 


D'HISTOIREi^^BT    DE    LITTÉRATURE.  I05 

italienne,  de  MM.  Çayalcaselle  et  CrcLwe,  Ces  deux  savants,  y  ont  surtout  étudié 
les  mosaïques  au  point  de  vue  technique,  et  ont  réussi  à  déterminer,  avec  assez 
de  précision,  la  date  de  plusieurs  d'entre  elles,  ainsi  qu'à  distinguer  les  parties 
restaurées  des  parties  intactes. 

Enfm  deux  autres  publications,  celle  de  M.  Parker  '  en  Angleterre,  et  à  Rome 
celle  de  M.  Fontana^  n'offrent  guère  que  le  résumé  des  opinions  émises  par 
Ciampini  dans  ses  ouvrages  célèbres  :  Vetera  monimenta  (Rome,  1690- 1699)  et 

de  sacris  £dificus (R.   1693").  On  n'y  trouve  pas  plus  d'observations  ou  de 

faits  nouveaux  que  dans  les  compilations  anciennes,  sans  originalité  aucune,  de 
Furietti,  de  Leviel  et  de  Spreti. 

Telle  est,  malgré  tant  d'efforts  divers,  l'incertitude  qui  règne  sur  une  des 
questions  capitales,  l'âge  des  monuments,  que  les  attributions  varient  de  cinq, 
six,  huit  et  même  neuf  cents  années.  La  mosaïque  de  Sainte- Pudentienne,  par 
exemple,  appartient  selon  le  dernier  historien  de  Rome,  M.  Gregorovius  ?,  au 
iv«^,  voire  au  iii'^  siècle  (!);  selon  MM.  de  Reumont4,  Parker,  Fontana,  etc.,  etc. 
au  viii^  ou  ix".  Celle  des  absidioles  de  Sainte-Constance  date  d'après  les  uns  du 
temps  de  Constantin,  d'après  d'autres  du  temps  de  Charlemagne,  d'après  d'autres 
encore  de  celui  d'Alexandre  IV  (12  $4-1 261).  Mêmes  divergences  pour  les  com- 
positions du  Portique  de  S.  Venance,  de  S.  Théodore,  de  S.  Maria  in  Cosmedin, 
de  la  Sancta  Sanctorum  au  Latran,  de  la  Confession  de  S.  Pierre,  etc.,  etc. 

En  dehors  de  Rome  des  difficultés  analogues  se  présentent  à  propos  des 
mosaïques  de  Milan  (chapelle  de  S.  Aquilino,  dans  la  basilique  de  S.  Laurent, 
et  abside  de  S.  Ambroise),  de  Naples  (baptistère),  Pesaro  (pavement  de  la 
cathédrale)  et  d'autres  villes  encore. 

A  Ravenne,  où  cependant  la  production  s'est  arrêtée  de  si  bonne  heure,  et  où 
les  données  historiques  abondent,  on  n'échappe  qu'en  partie  à  ces  inconvénients. 
La  Madone  de  la  chapelle  archiépiscopale,  les  différentes  zones  de  la  décoration 
de  S.  Apollinare  Nuovo  et  de  S.  Apollinare  in  Classe,  les  fragments  barbares  de 
S.  Jean  rÉvangéHste.dPPnjçot  lieu  à  des  controverses  qui  sont  loin  d'être  ter- 
minées. ;   ff5  .^l}^ 

Mais  ce  n'est  pas  tout  que  de  fixer  la  chronologie  des  œuvres  qui  sont  par- 
venues jusqu'à  nous.  Pour  tracer  un  tableau  fidèle  et  complet  de  l'état  de  l'art 
aijx  différentes  périodes  de  son  histoire,  il  faut  ajouter  aux  monuments  conservés 
la  liste  des  monuments  perdus  qu'il  est  possible  de  reconstituer  dans  une  mesure 
assez  large.  (J'ai  pu  me  convaincre  qu'avec  le  secours  des  chroniques,  des  vies 
dies  saints,  et  des  notes  manuscrites  laissées  par  les  archéologues  des  xvi^  et  xvii^  s. 
on  peut  arriver  à  doubler  le  nombre  des  mosaïques  connues.)  Ainsi  seulement 
on  se  rendra  compte  du  degré  de  productivité  de  chaque  époque,  de  la  fréquence 
de  telle  ou  telle  représentation  et  d'une  foule  d'autres  questions  essentielles. 

1.  Mosa'ic  Picîures  in  Rome  and  Ravenna.  Oxford  et  Londres.  1866. 

2.  Mosaici  dclla  primitiva  epoca  délie  chiese  di  Roma.  R.  1870.  In-fol. 

3.  Storia  délia  città  di  Roma.  Venise.  1872.  T.  I,  p.  92  :  il  corretto  e  bello  stile  fa 
credere  che  appartengano»al  quarto  ed  anche  al  terzo  secolo. 

4.  Geschichte  Roms.  II,  p.  162. 


I06  REVUE   CRITIQUE  /^^'H'a 

Si  de  notre  temps  ces  questions  n'ont  pas.  été  toutes  abordées,  c'est,  il  faut  le 
croire,  que  l'étude  exclusive  des  monuments  a  trop  souvent  fait  oublier  celle  des 
sources  écrites,  et  que  les  trésors  des  bibliothèques  italiennes,  surtout  de 
celles  de  Rome,  n'ont  pas  suffisamment  attiré  l'attention  de  nos  archéologues 
modernes,  M.  de  Rossi  seul  excepté. 

Le  savant  auquel  on  est  habitué  à  demander  les  renseignements  littéraires 
indispensables,  celui  sur  lequel  on  se  repose  pour  tout  ce  qui  concerne  la  recherche 
et  la  discussion  des  textes,  l'historique  des  restaurations  ou  des  mutilations,  et 
même  la  signification  symbolique  des  mosaïques,  c'est  l'auteur  des  deux  ouvrages 
déjà  cités,  les  Veîera  Monimenta  et  le  de  Sacrls  adificiis,  Jean  Ciampini,  mort  en 
1698.  Ses  travaux  sont  restés  classiques,  malgré  les  erreurs  dont  ils  sont 
remplis',  malgré  les  progrès  de  la  science.  On  recourt  même  encore  à  ses 
planches,  les  plus  inexactes  qui  aient  jamais  été  gravées,  alors  que  les  collections 
de  photographies  de  M.  Parker,  à  Rome,  de  M.  Ricci,  à  Ravenne,  mettent  entre 
les  mains  de  tous  des  reproductions  aussi  fidèles  que  possible. 

Sans  méconnaître  les  services  que  Ciampini  a  rendus,  eu  égard  à  son  temps, 
on  ne  saurait  trop  mettre  en  garde  contre  un  guide  si  dangereux.  Il  faut  désor- 
mais recourir  directement  aux  documents  avec  lesquels  le  prélat  romain  a  com- 
posé ses  livres  et  qui  pour  la  plupart  sont  encore  à  notre  disposition.  On  y  trou- 
vera des  descriptions  plus  précises,  des  dessins  plus  exacts,  bref  on  arrivera 
autant  que  possible  à  remplacer,  grâce  à  eux,  les  originaux  dont  ils  nous  ont 
conservé  l'image.  3t  snoa 

Au  premier  rang  figurent  deux  recueils  célèbres  de  dessins,  que  d'Agincourt 
et  bien  d'autres  ont  examinés,  mais  sans  en  tirer  tout  le  parti  désirable.  L'un 
d'eux  se  trouve  à  la  Vaticane  (n***  5407-5409),  au  catalogue  de  laquelle  il  est 
inscrit  sous  le  nom  de  François  Penia,  quoiqu'il  ait  été  réellement  formé  par  les 
soins  d'Alphonse  Ciacconio  (f  1 599),  ainsi  que  M.  de  Rossi  l'a  prouvé^.  Il  se 
compose  de  trois  volumes  in-folio,  remplis  de  dessins  coloriés  qui  représentent 
non-seulement  des  mosaïques,  mais  encore  des  peintures  muraks. 

L'autre,  infiniment  plus  riche,  date  de  la  première  moitié  du  xvii®  s.  et  doit 
son  existence  à  l'illustre  cardinal  François  Barberini,  le  fondateur  de  la  Biblio- 
thèque de  ce  nom.  Il  comprend  une  quinzaine  de  volumes,  vraiment  inappré- 
ciables pour  l'abondance  et  généralement  aussi  la  sûreté  des  informations  3. 

'  ''  r.  «  t)ès' erreurs  analogues,  »  cfîîiMg'r.'Êàrbier  déMontaûIt,  à  propos  de  la  mosaïque 
du  dôme  d'Aix-la-Chapelle,  «  fourmillent  par  centaines  dans  cet  ouvrage  mal  fait,  que  la 
»  librairie  ancienne  s'obstine  encore  à  coter  à  des  prix  très-élévés,  sans  doute  à  cause  de 
»  sa  rareté.  Qu'on  se  persuade  donc  une  fois  pour  toutes  que  son  texte  ne  vaut  pas  mieux 
»  que  ses  dessins.  »  Annales  archéologiques.  1869.  P.  296. 

2.  Roma  Sotterranea,  I,  16-17.  —  Bullettino  di  arch.  crist.  1864.  SB...-  './J  3I  ?.n 

3.  Bunsen,  dans  la  grande  description  allemande  de  Rome  {Beschreibung  der  Stadt 
Rom),  qu'il  faut  toujours  consulter  avec  circonspection,  s'est  demandé  si  Ciampini  avait 
connu  ces  deux  collections ,  et  réflexion  faite  il  a  déclaré  que  nous  n'étions  pas  en  état 
de  décider  la  question  (I,  p.  lix).  Il  n'en  est  absolument  rien.  A  propos  de  la  mosaïque, 
aujourd'hui  détruite,  de  Se  Agathe  in  Suburra,  Ciampini  avoue  lui-même  qu'il  s'est  servi 
d'un  dessin  de  la  Bibl.  du  Vatican,  ayant  appartenu  à  Penia  iVct.  mon.  I,  271).  En  ce 
qui  concerne  la  collection  Barberini  il  suffit  de  comparer  les  planches  L  à  LXIV  du  t.  I. 


d'histoire  et  de  littérature.  107 

^  jJRarmi  ces  reproductions  anciennes,  il  faut  encore  citer  la  copie  de  l'ancienne 
mosaïque  absidale  de  S.  Pierre,  copie  certifiée  conforme  par  un  notaire  aposto- 
lique, et  conservée  aujourd'hui  dans  les  Archives  de  la  basilique  en  question. 
Ciampini,  je  puis  lui  rendre  cette  justice,  l'a  publiée  exactement,  tandis  que 
Torrigio  {Sacre  Grotte  Vaticane.  R.  16^9,  p.  63)  et  les  BoUandistes  (^Acta  Sancî. 
Juniij  VII,  p.  135)  en  ont  rapporté  d'une  manière  arbitraire  les  inscriptions, 
très-curieuses  au  point  de  vue  de  la  forme  des  caractères.  .-fi 

En  étudiant  ces  dessins  nous  rencontrons  d'abord  plusieurs  monuments  négli- 
gés par  Ciampini  :  les  fragments  d'une  mosaïque,  depuis  longtemps  ruinée,  de 
S^"  Pudentienne  ',  puis  ceux,  encore  inédits,  du  portique  de  S.  Venance,  le  por- 
trait de  Grégoire  IX  tiré  de  l'ancienne  mosaïque  de  la  façade  de  S.  Pierre,  etc. 
Mais  ces  dessins  ont  encore  un  autre  avantage  plus  considérable,  comme  je  l'ai 
déjà  dit,  celui  de  reproduire  plus  fidèlement  que  les  Veîera  Monimenta  le  caractère 
des  compositions  primitives,  la  forme  des  attributs,  bref  une  foule  de  détails 
dont  l'étude  est  indispensable  à  l'archéologue. 

Grâce  aux  documents  écrits  disséminés  dans  les  bibliothèques  italiennes,  nous 
pouvons  faire  plus  ample  connaissance  encore  avec  tant  de  chefs-d'œuvre  ruinés, 
-ou,  ce  qui  revient  au  même,  altérés  pendant  la  longue  période  de  vandalisme 
dont  le  début  se  place  sous  Sixte-Quint  et  dont  la  fin  n'est  pas  encore  bien 
éloignée  de  nous.  Au  lieu  d'être  obligés  de  passer  par  l'intermédiaire  gênant  et 
dangereux  de  Ciampini,  il  nous  est  donné  de  rétablir,  mieux  que  lui,  les  monuments 
sacrifiés,  de  contempler  et  de  faire  en  quelque  sorte  revivre  la  Rome  chrétienne 
primitive  telle  qu'on  la  voyait  encore  dans  les  dernières  années  du  xvi«  siècle. 
En  effet  les  savants  de  la  Renaissance,  auteurs  des  notes  en  question,  se  sont 
occupés  de  cette  partie  de  la  ville  éternelle  avec  une  sollicitude  qu'on  n'aurait 
pas  soupçonnée  chez  des  admirateurs  aussi  enthousiastes  de  l'antiquité  classique; 
ils  l'ont  décrite  avec  un  véritable  amour,  et  ce  qui  surprend  davantage,  ils  l'ont 
j infiniment  mieux  comprise  que  leurs  successeurs  du  xvii'^  et  du  xviii^  s.  Leur 
instinct  n'est  pas  encore  faussé  par  le  goût  académique  et  loin  d'apercevoir  dans 
les  productions  qui  vont  du  pontificat  de  S.  Sylvestre  à  celui  de  Jules  II  une 
série  uniforme  d'œuvres  barbares,  ils  sentent  fort  bien  la  différence  des  styles  et 
trouvent  dans  l'examen  des  nuances. de^ces.œuvceSj  le  nwyen . de_ leur  assigner 
des  dates  relativement  précises.    :w&  m^m^k-ihab-^  ia  oo^nèbnods'I  ii/oq  asldcio 
«    Parmi  ces  savants  nous  en  citerons  surtout  trois  dont  les  écrits  forment  une 
3mjii^q^,^e  renseignements  tout  à.  fait  inappréciable.  Le  premier  est  Onofrio  Pan- 
£iv*iïiQ,.tigon;ttrajté  iie  5S*  BasilUa,  Baptisterio  et  PûtPi<;rchio  Lateranensi,  dont  il 
"existe  des  copies  nombreuses  (Bibl.  Barberini,  n°  106^,  Bibl.  nat.  de  Paris, 
n°  $  179,  etc.),  son  de  Pr<&sîantia  Basilics  S.  Pétri,  publié,  en  partie  seulement, 
dans  le  IX®  vol;  é\i  Spicilegium  de  Mai,  abondent  en  données  faites  pour  com- 
pléter son  livre  si  précieux  :  ig  Sepîem  Urbis  Ecchsiis  (R.^nyjp),  Dans  l'exemplaire 


des  V6t.  mon.  aux  dessins  dujns.  XLIX,  n®  14,  pour  acquérir  la  certitude  d'un  véritable 
plagiat.  ,    ,: 

I.  Publiés  par  M.  de  Rossi  dans  le  Bidlettino  1867,  p.- 44  et  56. 


108  REVUE    CRITIQUE 

du  de  Pmstantia  Bas.  S.  Pétri  conservé  à  la  Vaticane  (n"  6780)  se  trouvent 
beaucoup  de  notes  prises  par  l'illustre  moine  véronais  dans  ses  visites  aux  églises. 
Beaucoup  d'entre  elles  sont  encore  inédites.  Malheureusement  elles  sont  souvent 
d'une  lecture  fort  difficile  et  M.  de  Rossi,  malgré  son  habileté  consommée  de 
paléographe,  a  dû  renoncer  à  les  déchiffrer  entièrement  '.  r  ,^ 

Les  mss.  de  Pompeo  Ugonio,  le  docte  auteur  de  Vlstoria  délie  Stationi  di  Roma 
(R.  1 589),  présentent  un  inconvénient  analogue,  et  peut-être  plus  grand  encore, 
surtout  le  plus  intéressant  d'entre  eux,  le  Theatrum  Urbis  Roms^.  Pour  en  tirer 
un  parti  satisfaisant  il  faudrait  les  étudier  pendant  de  longues  semaines  et  la 
bibliothèque  qui  les  possède  n'est  ouverte  que  le  jeudi  ! 

Le  troisième  de  ces  chercheurs  est  Jacques  Grimaldi,  notaire  apostolique, 
bénéficier  et  archiviste  de  la  basilique  du  Vatican,  mort  en  1623.  Ce  travailleur 
consciencieux  et  infatigable,  touché  par  le  spectacle  de  tant  de  démolitions  sacri- 
lèges, résolut  de  sauver  de  l'oubli  le  plus  grand  nombre  possible  de  monuments, 
soit  en  les  décrivant  avec  toute  la  minutie  d'un  tabellion,  soit  en  les  faisant  des- 
siner. Nous  lui  devons  une  connaissance  bien  autrement  parfaite  de  l'ancienne 
basilique  de  S.  Pierre  (dont  des  fragments  si  considérables  subsistaient  encore 
de  son  temps),  qu'à  un  autre  auteur,  trop  souvent  cité,  Tib.  Alpharanusî.  On 
lui  pardonne  en  faveur  de  son  zèle  et  de  son  exactitude  la  lourdeui;rçi^%opJ^jtyle, 
le  manque  d'élévation  de  ses  idées,  ses  redites  continuelles. 

Les  travaux  archéologiques  de  Grimaldi  attendent  encore  un  éditeur  et  quoi- 
qu'ils aient  été  utilisés  par  plus  d'un  savant,  ils  offrent  un  butin  des  plus  riches  à 
l'érudition  moderne,  pourvue  de  méthodes  de  synthèse  nouvelles.  Pour  donner 
une  idée  de  leur  valeur  il  faudrait  passer  en  revue  les  nombreux  mss.  4  de  cet 
archéologue  que  nous  avons  trouvés,  en  originaux  ou  en  copies  (ces  dernières 
généralement  de  la  main  même  de  l'auteur),  à  Milan,  à  Florence  et  surtout  à 
Rome.  Mais  une  pareille  entreprise  nous  ferait  sortir  du  cadre  de  cet  article. 
Contentons-nous  de  signaler  parmi  les  dessins  inédits,  servant  d'illustration  au 
texte,  ceux  des  mosaïques,  aujourd'hui  détruites,  de  l'Oratoire  de  Jean  VII  au 

1.  Voir  ce  qu'il  en  dit  dans  les  Annales  de  l'Institut  archéologique.  1862,  p.  230  et  dans 
le  Bullettino  di  arch.  crist.  1867,  p.  63. 

2.  BibL  Barberini  XXX.  67.  Voici  un  exemple  des  ressources  qu'on  peut  tirer  de  ces 
mss.  :  Ugonio  a  encore  vu  à  SS.  Nérée  et  Achillée  un  monogramme  signifiant  LEO  PAPA 
et  analogue,  comme  il  nous  l'apprend,  à  celui  du  Triclinium  du  Latran;  la  présence  de 
ce  monogramme  prouve  que  la  mosaïque  de  cette  église  a  été  réellement  exécutée  sous 
Léon  III,  fait  jusqu'ici  douteux,  le  passage  souvent  cité  du  Liber  Pontificalis  s'appliquant 
seulement  à  la  restauration  de  l'église,  non  à  l'exécution  de  la  mosaïque  (XXXI,  n'  45, 
fol.  144  v°). 

3.  Son  Commentarius  de  SS.  BasiHca  B.  Pétri  in  Valicano  antiquissima  et  nova  structura 
(dédié  à  Grégoire  Xill)  ne  contient  pas  de  détails  intéressants  sur  les  mosaïques,  du  moins 
si  j'en  juge  par  les  copies  de  la  Vallicelliana  G.  30  et  de  la  Casanatense  XX.  VI. 
^o.  L'original  se  trouve  dans  les  Archives,  d'un  accès  très-difficile,  de  la  basilique  du 
Vatican.  —  Un  autre  opuscule  d'Alpharanus  (Bibl.  Barberini  XXXII.  1^3  etBibl.  Bran- 
cacciana,  de  Naples,  3.  C.  21)  ne  paraît  être  qu'une  sorte  d'explication  du  plan  de  la 
basilique  du  Vatican  gravé  par  les  soins  de  cet  auteur. 

4.  M.  de  Rossi  n'en  cite  qu'une  demi-douzaine  appartenant  uniquement  à  la  Biblio- 
thèque ou  aux  Archives  de  la  basilique  du  Vatican  {Inscriptwnes  christiana,  préface  xx, 
note  5. 


d'histoire  et  de  littérature.  109 

Vatican',  de  Paul  I"  dans  la  même  basilique,  du  célèbre  Triclinium  de  Léon  III 
(avec  le  portrait  de  ce  pape  et  celui  de  Charlemagne)  avant  la  restauration  de 
1625^,  des  peintures  de  la  nef  de  S.  Pierre,  de  la  fresque  du  Pérugin  (selon 
Torrigio,  Sac.  Grotte,  de  Balthasar  Peruzzi)  dans  la  chapelle  démolie  de 
Sixte  IV,  etc.,  etc.  Je  ne  parle  pas  des  oeuvres  d'art,  d'un  intérêt  plus  secon- 
daire, que  décrit  Grimaldi  :  l'énumération  en  serait  trop  longuet 

En  dehors  de  Rome  ce  genre  de  renseignements  ne  nous  fait  pas  non  plus 
défaut.  Pour  les  mosaïques  détruites  du  royaume  de  Naples  et  plus  spécialement 
pour  celles  de  Capoue  nous  trouvons  des  indications  précieuses  dans  les  ouvrages 
de  Monaco,  dé  Granata.  Les  mss.  de  Mazzocchi,  qu'il  ne  m'a  pas  encore  été 
donné  de  consulter,  semblent  aussi  devoir  promettre  une  moisson  abondante. 

Pour  Ravenne  les  ouvrages  imprimés,  depuis  le  Liber  Pontificalis  d'Agnelli 
jusqu'au  Guide  de  Bellrami,  nous  donnent  des  renseignements  suffisants 4.  En 
outre  les  mosaïques  parvenues  jusqu'à  nous  sont  pour  la  plupart  d^une  conserva- 
tion satisfaisante;  la  race  pernicieuse  des  restaurateurs  n'y  a  pas  exercé  des 
ravages  aussi  grands  que  dans  les  autres  villes  d'Italie.  Aussi  serait-il  bon  de 
commencer  toujours  par  l'ancienne  résidence  des  exarques  l'étude  des  mosaïques 
chrétiennes  :  l'œil  se  formerait  par  la  vue  de  types  ayant  gardé  leur  pureté  primi- 
tive et  acquerrait  une  sûreté  bien  plus  grande  qu'à  Rome. 

Enfin  en  dépouillant  les  Scriptores  de  Muratori  et  les  Acta  Sanctorum  on 
découvre  la  description  d'une  foule  de  peintures  en  mosaïque  perdues,  qui  jusqu'ici 
n'ont  pas  été  remarquées  par  les  historiens  de  cet  art. 

M.  de  Rossi  ne  s'est  occupé  que  des  mosaïques  romaines.  Le  plan  de  son 
ouvrage,  comme  on  le  voit  par  le  titre,  est  à  la  fois  plus  étendu  et  plus  spécial 
que  celui  de  Ciampini;  il  n'admet  que  les  monuments  de  la  ville  éternelle,  mais 
il  les  admet  tous,  du  moins  ceux  qui  existent  encore,  depuis  le  iV  s.  jusqu'au  xv". 
Ciampini  au  contraire  s'était  occupé  de  ceux  de  l'Orient  et  de  l'Occident,  mais 
sans  aller  au  delà  de  l'ère  carolingienne  5 . 

i.  Ciampini  a  négligé  ce  dessin  pour  reproduire  un  petit  croquis,  tout  à  fait  insigni- 
fiant, insère  dans  le  même  ms. 

2.  Ce  dessin  est  aujourd'hui  le  plus  ancien  de  ceux  qui  nous  montrent  la  composition 
originale.  En  effet  le  dessin  de  Ciacconio  (Vatic.  $407)  n'en  donne  qu'un  fragment,  celui 
de  Marc  Welser  (Gretser,  de  S.  Cruce,  p.  452)  a  disparu,  ainsi  que  le  dessin  mystérieux 
d'après  lequel  a  été  faite  la  restauration  de  1625.  Dans  la  correspondance  manuscrite  de 
Peiresc  avec  Aleander  conservée  à  la  Barberine  on  lit  ce  passage  curieux  :  Ho  caro  d'in- 
tendere  che  si  repari  il  mosaico  délia  Basilica  Leoniana,  ma  vorrei  ben  che  non  guastas- 
sero  l'antiquo  si  corne  hanno  guasto  quello  délia  chiesa  di  Santa  Susanna  del  quale  pure 
io  ho  ancora  il  dissegno.  Et  lo  uoleuo  publicare  con  quello  che  dice  V.  S.  ...  Lettre  du 
6  février  162^.  —  Peut-être  ces  derniers  existent-ils  encore  parmi  les  papiers,  si  volumi- 
neux, de  Peiresc  que  conservent  les  Bibliothèques  d'Aix,  de  Carpentras,  ou  de  Paris. 

3.  Un  contemporain  de  Grimaldi,  Mancini,  médecin  d'Urbain  VIII,  (f  1630),  se  dis- 
tingue par  la  justesse  de  son  coup-d'œil.  Dans  son  Viaggio  per  Roma  per  veder  le  Pitture 
(Vaticane,  fonds  Capponi,  n*  231  ,  Barberine  XLVIII,  n*  67,  Chigienne  G  III,  n'  66, 
Venise,  Bibl.  St.  Marc,  etc.),  on  lira,  non  sans  intérêt,  ce  qu'il  dit  de  l'âge  de  la  mo- 
saïque de  S«  Pudentienne,  de  celle  du  Portique  de  S.  Venance,  etc. 

4.  J'ai  vainement  cherché  à  Ravenne  le  ms.  de  Malazappi  que  M.  Cavalcaselle  y  avait 
encore  vu  à  S.  Apollinare  nuovo.  Il  a  disparu  depuis  la  suppression  des  couvents. 

5.  D'une  note  de  la  Correspondance  de  Mabillon  et  Montfaucon,  par  Valéry,  t.  II,  p.  121, 


rrô"  3^''       REVUE   CRITIQUE 

Le  savant  moderne  ne  s*est  pas  proposé  de  nous  donner  des  descriptions 
détaillées;  ses  planches  sont  là  pour  cela.  Il  n'a  voulu,  nous  dit-il,  qu'accompa- 
gner ces  dernières  de  simples  notices  historiques.  Mais  il  faut  bien  se  garder  de 
prendre  cette  déclaration  au  pied  de  la  lettre.  Ces  notices  contiennent  en  réalité 
une  quantité  considérable  de  faits  et  d'aperçus  nouveaux,  non-seulement  sur 
l'art  de  la  mosaïque,  mais  sur  l'archéologie  chrétienne  tout  entière.  M.  de  Rossi 
y  touche  à  chaque  instant  aux  plus  graves  problèmes  et  déploie  pour  les  résoudre 
toutes  les  ressources  de  son  érudition.  Il  y  fait  successivement  passer  devant  nos 
yeux  les  mosaïques  de  la  Bibl.  Chigi,  de  S**"  Sabine,  de  S.  Laurent  hors  les  murs, 
de  S^**  Agnès,  de  S*"  Françoise  Romaine,  de  la  façade  de  S***  Marie  Majeure,  etC>» 

Sa  découverte  la  plus  brillante  est  celle  de  l'âge  réel  de  la  décoration  absidâle 
de  S^^  Françoise  Romaine  que,  d'après  un  passage  mal  compris  du  Liber  Ponti- 
ficaHs,  on  attribuait  généralement  jusqu'ici  au  ix'^s.  bien  qu'elle  portât  tous  les 
caractères  d'une  œuvre  du  xii®.  M.  de  Rossi,  en  recourant  aux  anciennes  repro- 
ductions ou  descriptions,  est  parvenu  à  restituer  l'inscription  mutilée  de  cette 
mosaïque,  ainsi  qu'à  établir  sa  ressemblance  et  sa  parenté  avec  celle  de  l'abside 
de  S^*  Marie  dans  le  Transtévère.  Il  a  fait  cesser  par  là  une  des  comradictions 
les  plus  choquantes  de  l'histoire  de  l'art.  ;'ôbifKHJD*bo"j 

Sans  entrer  dans  le  détail  de  toutes  ses  recherches,  nous  nous  contenterons  de- 
dire  que  son  ouvrage  se  distingue  surtout  par  la  pleine  possession  de  tous  les  • 
éléments  propres  à  fixer  la  chronologie  des  mosaïques  :  inscriptions,  actes  des 
martyrs,  chroniques,  etc.  Le  savant  archéologue  a  compulsé  jusqu'aux  moindres 
plaquettes  avec  un  soin  faisant  le  plus  grand  honneur  à  ses  connaissances  biblio- 
graphiques, qui  sont  vraiment  exceptionnelles  et  qui  ont  joué  un  si  grand  r6l« 
dans  l'histoire  de  ses  découvertes.  Ces  matériaux  sont  discutés  avec  la  critique 
la  plus  rigoureuse  et  la  méthode  est  aussi  sûre  que  les  résultats  sont  brillants. 
On  peut  affirmer  sans  témérité  qu'an  point  de  vue  historique  les-  Musaici  cristiàhi^ 
ne  laissent  rien,  absolument  rien  à  désirer.  ''''^ 

Il  nous  reste  à  parler  des  planches  qui  complètent  cette  publication,  la  phw^ 
somptueuse,  à  coup  sûr,  que  la  ville  éternelle  ait  vue  sortir  de  ses  presses.  Elles 
font  l'éloge  de  l'ancien  atelier  pontifical  de  chromolithographie,  appartenant 
aujourd'hui  à  M.  Spithôver.  Exécutées  avec  un  soin  extrême  elles  rendent  le 
caractère  des  originaux,  autant  que  des  reproductions  de  ce  genre  peuvent  le 
rendre.  J'y  ai  cependant  relevé  quelques  inexactitudes  :  dans  la  bordure  de  la 
mosaïque  de  S^^  Sabine,  les  croix  d'or  formées  par  l'assemblage  de  quatre 
losanges  chacune  ont  été  remplacées  par  des  figures'  semblables  à  des  X-  ^ 
propos  de  cette  bordure  il  aurait  peut-être  aussi  fallu  ajouter  que  dans  roriginâl 
elle  est  peinte,  non  incrustée,  dans  sa  partie  inférieure.  Dans  la  planche  consa- 
crée à  S*^  Agnès,  l'artiste  a  rendu  par  des  carrés  blancs  les  peries  de  la  bande 
gemmée  qui  dans  l'original  sont  rondes,  comme  doivent  l'être  les  perles,  etc. 

Aux  reproductions  des  mosaïques  sont  jointes  des  planches  représentant  àéi 
^  ■     '  ■  ■  ■     I  ■     n    ■  ■        -         Il 

il^'semblë'resùTter'qûe'Cïanipini  aft  composé  deux  autres  parties  des  Vetera  monimenta  qui 
n'auraient  pas  été  publiées.  J'ignore  où  elles  se  trouvent.        '  '  '  ''   '  '  '    "'■' 


d'histoire  et  de  littérature.  I  î  I 

pavements  en  opus  alexandrinum,  ou,  comme  les  appelle  M.  de  Rossi,  en  opus 
sectile  marmoreum.  N'aurait-il  pas  mieux  valu  renoncer  à  s'occuper  de  ce  genre 
d'incrustation  dont  bien  des  échantillons  ont  déjà  été  publiés,  même  en  couleur^  • 
et  qui  n'offre  pas  un  intérêt  bien  considérable  ?  On  aurait  pu  ainsi  diminuer  le 
prix  de  l'ouvrage  qui  est  vraiment  énorme  et  hâter  la  publication  de  ce  magnifique 
volume  dont  les  amis  de  l'art  n'attendront  sans  doute  l'achèvement  que  pendant 
de  trop  longues  années  encore. 

Eug.  MÛNTZ. 

i6S.  —  Mémoires-journaux  de  Pierre  de  TEstoile,  édition  pour  la  première 
fois  complète  et  entièrement  conforme  aux  manuscrits  originaux,  publiée  avec  de  nom- 
breux documents  inédits  et  un  commentaire  historique,  biographique  et  bibliographique, 
par  MM.  G.  Brunet,  A.  Champollion,  E.  Halphen,  Paul  Lacroix,  Charles 
Read,  Tamizey  de  LARR0Q.UE  et  Ed.  Tricotel.  t.  premier.  Journal  de  Henri  III. 
1 574-1 580.  Paris,  Librairie  des  Bibliophiles.  1875.  In-8«,  viij-400  p.  —  Prix  :  1 5  fr. 

:;  Nous;  ne  pouvons  aujourd'hui  qu'annoncer  cette  publication  capitale,  pour 
laquelle  des  érudits  diversement  distingués  ont  associé  leurs  forces.  Le  premier 
volume,  comme  exécution  matérielle  (vraiment  splendide)  et  comme  soin  apporté 
à  la  reproduction  du  texte,  donne  de  l'ensemble  l'idée  la  plus  favorable.  Nous 
avons  été  généralement  très-satisfait  de  la  correction,  sauf  peut-être  quelques 
rares  lapsus  dans  les  textes  latins.  Dans  ces  mêmes  textes,  nous  avons  remarqué 
un  certain  nombre  de  négligences  dans  la  ponctuation,  à  laquelle  les  éditeurs 
ont  en  général  apporté  un  grand  soin,  car,  disent-ils  fort  justement,  c'est  le 
premier  commentaire  de  tout  texte  ancien  qu'on  imprime.  Nous  reviendrons  lon- 
guement sur  cette  édition,  qui  contiendra  le  seul  texte  complet,  et  vraiment  défi4(_ 
nitif,  de  ces  mémoires  inestimables.  Elle  comprendra  douze  ou  quinze  volumes, 
dont  les  derniers  seront  remplis  par  le  commentaire.  A  en  juger  par  les  noms  des 
collaborateurs  qui  se  sont  chargés  de  cette  tâche,  ce  ne  sera  pas  la  partie  la  moins 
précieuse  de  l'œuvre.  Espérons  que  cette  belle  entreprise,  dig^ie  de  tout  notre 
intérêt,  marchera  aussi  rapidement  que  bien. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS   ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  6  août  1875. 
,  L'ordre  du  jour  appelle  la  présentation  de  deux  c^idats  pour  les  fonctions 
de  directeur  de  Pécole  française  d'Athènes.  L'académie  se  forme  en  comité 
secret  pour  entendre  le  rapport  de  la  commission  de  l'école  d'Athènes;  à  la 
reprise  de  la  séance  publique,  elle  désigne,  ex  aequoy  MM.  Albert  Dumont  et 
Foucart. 

M.  de  Longpérier,  au  nom  de  la  commission  du  concours  des  antiquités  de  la 
France,  annonce  que  cette  commission  a  décerné  3  médailles  et  6  mentions 
honorables  aux  auteurs  des  ouvrages  suivants  : 

Médailles  :  —  i .  Robert  de  Lasteyrie,  Étude  sur  les  comtes  et  vicomtes  de 
Limoges  antérieurs  à  l'an  1 000  ;  —  2.  Tholin,  Études  sur  l'architecture  reli- 


112  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

.gieuse  de  l'Agenais ;  —  3.  L'abbé  Hautcœur,  Histoire  et.x:artttîàire;  de  l^àbbayfe 
de  Flines,  3  volumes* —--.  -  •         ,-■;;.     ...;!    :.»:■:.  :.i 

-  Mentions  honorabki^l^^'^Y.  Rivière,  Histoire  des  iristitutiori^';âè' l'Attye^ï, 
'i'l\'(itly^-yï^^^^  Le  trésor  de  Clairvaux  et  onze  autres  mémoires'^ 

%-r'^5.  Harolp  de  Fontenay,  Inscriptions  céramiques  <i?Autun;  -^14. /L'abbé 
U.  Chevalier,  Recueils  de  chartes,  Visites  pastorales  à  Grenobley^  Ghohc'de 
monuments  diplomatiques  inédits;  —  5.  Pierre  Bonnassieux,  De  la  réunion  'de 
Lyon  à  la  France;  —  ^.  Duplès  Agier,  Chroniques  de  S,  Martial  de  Limog^s^. 

M.  Desnoyers  lit  uiie  note  sur  une  mappemonde  manuscrite  faite  par  Salomop 
de  Caus,  qui  figure  actuellement  à  l'exposition  du  congrès  des  sciences  géogra- 
phiques. Cette  mappemonde  est  tracée  sur  parchemin.  Elle  est  certainement 
exécutée  de  la  main  même  de  Salomon  de  Caus,  qui  y  prend  le  titre  de  «  géQ- 
»  graphe  du  Roy.  »  Elle  a  dû  être  faite  pendant  les  années.  1624  à  'i626)aKuO 

M.  Desjardins  continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Charles  Tissot  'StHr^h 

Maurétanie  Tingitane.  Dans  les  chapitres  ^précédents  M.  Tissot  avait  étudié  18 

côte  de  la  Maurétanie  depuis  l'embouchure  de  la  Malva  jusqu'à  Tingis;  dans  Ta 

'partie  lue  aujourd'hui  il  établit  la  position  d^,la  ville  de  Tingis,  qui jci'.^st^^^^^ 

selon  lui,  que  Tanger,  tandis  qu'on  av3i^l^î>50U^Ujla  placer  à  2  miii^rpioft>teifl»^ftfp 

l'est,  au  lieu  appelé  Tandja  el  Balia.  Puis  il  étudie  les  localités  qu'on  reiicontrè 

en  partant  de  Tanger  et  en  pénétrant  dans  l'intérieur.—  Dans  ce  chapitre; 

M.  Tiésot  signale  trois  inscriptions  relevées  par  lui  dans  le  voisinage  de  Tanger. 

%42i  première  est  une  épitaphe.  La  seconde,  qui  présente  quelques  lacunes,  faciles 

d'ailleurs  à  combler,  est  une  dédicace  à  Dioclétien,  de  l'année  291  :  u   imp. 

)X  caes.    c.   AVREL.  VAL.  [  diocleîianO  GERMANICÛ  j  MAX.    PIÛ.    FELI.a 

»  INVICTO    AVQ\p.    M;  TRIBVNICIAÇ:^^QTE^X.j  YUlrjv^S  IIII    PATRI 

»  PATRIAE  PR0C05  ))  :  «  [Imperatori  Caesâri  C'.j  Âuréfiô  vaferio  [Diocletian]o 

;»^-Germanico  Maxîmo  Pio  Felici  Inuicto  Augusto;  [pôm'ifid^nJaximo;  tribùnicîàe 

))  potestatis   octauum,   [conjsuli   quartum,   patri   patriae,  prfoconsulij.  »  La 

^^inscription,  plus  ancienne,  est  intéressante  en  ce  qu^ellè  confirme  rm  passage 

de  Pline  «  (l.  5,  chl  î)  )>,  relatif  à  là  colonie  fondée  par  Claude  à  Tingis.  Pline 

dit  que  cette  colonie  reçut  le  nom  de  Trqducîa  .11111(1,:  On  l'avait  accusé  de  s',être 

trompé  et  d'avoir  confondu  la  colonie  de  Tingis  avec  une  autre.  L'inscription 

découverte  par  M.  Tissot  est  un  fragment  mutiléoù  il  ne  reste  que  des  rnoitié|^ 

de  mots,  mais  on  peut  y  distinguer  le  nom -de  la  colonie,' qui  commence  par  les 

lettres  IVLI  ;  cette  inscription  donne  donc  raison  à  Pline  côntfe  les  auteurs 

modernes  qui  avaient  contesté  son  assertiort^J,^';,^;^;^^^^^;:;^;;^^ 

Ouvrages  offerts  à  l'académie  :  —  Envoi  de  /^■'•50îf^^'ift-^(/^z^Q^-^&ii7/fr7f^^?''^AÏnafilie 
societatei  academice  romane,.  1869-75,  7  vol.;  Gramatec'a  lirtibei  romane,  partea  I,  ana- 
litica,  de  Tim.  Cipariu,  1870;  Diclionarîuiu  limbei  romane,  de  A.  Lauriano  si  J.  C. 
Massimu,  tomu  I,  A-H,  18755  Operele  principelui  Demetriu  Cantemiru,  tomu  I,  Des- 
criplio  Moldaviae,  1872  :  Bucuresci,  4*.  —  Présenté  par  M: Maury  :  Xe  comte  J:  Goz- 
ZADiNi,  De  quelques,  mors  4e  cheval  italiques  et  deTépéé  de  Ronzano  en  bronze,  Bologne, 

^^'^'''k^Ê:xxi.^^tiii^nm^■     :  :ri;::n:.i.^    >iHJ^.JttJiere*|lAVBT;':    S^yrA 


V- 


r 


.■(miaîffïmprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Roti^dt?.'''^  .msb&^lA 


Dœrffling  und  Francke.  In-8",  viij-488  p.  (abondance  de  détails  biographiques 
et  anecdotiques,  absence  de  méthode  et  de  vues  d'ensemble).  —  Witte,  Bei- 
traege  zum  Verstandniss  Kant's.  Berlin.  Mecklenburg.  In-8°,  ix-io6  p.  (note 
assez  favorable).  —  Kôrner,  Instinkt  und  Freier  Wille.  Leipzig,  Scholtze. 
In-8'*,  iv-209  p.  (beaucoup  de  généralités,  peu  de  précision).  —  Bancroft, 
History  ofthe  United  States;  vol.  X.  Leipzig,  Brockhaus.  In-8'\  593  p.  Der- 
selbe,  Geschichte  der  vereinigten  Staaten,  etc.  Deutsch  von  A.  Bartels,  vol. 
IX  et  X.  Leipzig,  Wigand.  In-8%  viij-392  et  x-4$o  p.  (Le  dixième  volume  de 
cet  ouvrage  magistral  s'arrête  à  la  signature  des  préliminaires  de  paix  le  30  no- 
vembre 1782.  La  traduction  allemande  laisse  peu  à  désirer).  — Jalger,  Ge- 
schichte der  neuesten  Zeit  vom  Wiener-Congresz  bis  zum  frankfurter  Frieden. 
Oberhausen,  Spaarmann.  3  vol.  in-8",  vj,  568,  570,  549  p.  (article  très-favo- 
rable. L'ouvrage  donne  plus  que  ne  promet  le  titre,  car  il  ne  s'arrête  qu'à 
l'année  1873.  Le  compte-rendu  laisse  voir  que  M.  J.  n'a  dissimulé  ni  ses  haines 
ni  ses  prédilections  politiques,  ce  dont  l'auteur  de  l'article  lui  sait  bon  gré).  — 
GuNDERT.  Vier  Jahre  in  Asante.  Basel,  Verlag  d.  Missions-Comptoir.  In-8",  iv- 
256  p.  (ouvrage  composé  d'après  le  journal  du  missionnaire  Ramseyer,  prison- 
nier des  Ashantees  depuis  1869  jusqu'à  1873  :  intéressants  détails  de  mœurs). 
—  Uhle,  Griechische  Elementargrammatik.  Dresden,  Wolf.  In-S*",  iv-ioi  p. 
(recommandée).  —  Lysias,  ausgewaehlte  Reden,  fiir  den  Schulgebrauch  erklaert 
von  Frohberger.  Leipzig,  Teubner.  In-8°,  411p.  (excellent  travail).  — Juliani 
Imperatoris  quae  supersunt  praeter  reliquias  apud  Cyrillum  omnia  recens  Fr. 
Car.  Hertlein.  Vol.  L  Leipzig,  Teubner.  In-8",  vij-432  p.  Tbonne  édition). — 
Ludvvig  Uhland's  Leben.  Stuttgart,  Cotta.  In-8",  479  p.  (biographie  intéres- 
sante, composée  par  la  veuve  du  grand  poète  d'après  ses  souvenirs  personnels 
et  des  papiers  de  famille).  —  Engl,  Franz  Stelzhamer.  Wien,  Beck.  In-S", 
99  p.  (deuxième  édition  d'une  biographie  simplement  et  naïvement  écrite  du 
poète  populaire  de  Piêsenham). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Acta  genuina  ss.  œcumenici  concilii  Tri- 
dentini  sub  Paulo  III,  Julio  III  et  Pic  IV. 
pp.  mm.,  ab  A.  Massarello  episcopo 
Thelesino  ejusdem  concilii  secretario 
conscripta,  nunc  primum  intégra  édita  ab 
A.  Theiner.  Accedunt  acta  e)usdem  con- 
cilii sub  Pio  IV.  a  cardinale  G.  Paleotto 
archiep.  Bononiensi  digesta,  secundis 
curis  expolitiora.  T.  I  et  II.  In-4*,  xxij- 
1423  p.  Leipzig  (Breitkopf  u.  Hartel). 
J06  fr.  75 

Acta  nova  regiae  societatis  scientiarum 
Upsaliensis  séries  III.  Vol.  IX,  fasc.  1. 
In-4%  224  S.  m.  3  Steintaf.  Upsala 
(Akadem.  Buchh.).  20  fr. 

Archiv   fur   das   Studium   der    neueren 


Sprachen  und  Literaturen.  Hrsg.  v.  L. 
Herrig.  53.  Bd.  4  Hfte.  Braunschweig 
(Westermann).  8  fr. 

Becker.  Rœmische  Militasr-Verhaeltnisse. 
In-80,  30  S.  Berlin  (Mitller  und  Sohn). 

7S  c. 

Gurtius  (E.).  Wappengebrauch  u.  Wap- 
penstil  im  griechischen  Alterthum.  Mit 
I  Taf.  Gr.  in-4',  42  S.  Berlin  (Dùmm- 
1er).  2  fr.  75 

Dankô  (J.).  Divum  Hieronymum  oppido 
Stridonis  in  regione  interamna  Murakœz 
Hungariae  anno  331p.  Christum  natum 
esse.  Accedit  tabula  veteris  Pannoniae. 
In-4",  87  p.  Mainz  (Kirchheim),  S  f •  3  5 

Fick(A.).  Die  griechischen  Personennamen 


nach  ihrer  Bildung  erklaert,  mit  den 
Namensystem  verwandter  Sprachen  ver- 
glichen  u.  Systematisch  geordnet.  In-S", 
ccxix-2  36  S.  Gœttingen  (Vandenhœck  et 
Ruprecht).  lo  tr.  75 

Friedlsender  (L.).  Darstellungen  aus  der 
Sittengeschichte  Roms  in  der  Zeit  von 
August  bis  zum  Ausgang  der  Antonine. 

2.  Thl.  3.  umgearb.  u.  sehr  verm.  Aufl. 
In-8%    xvj-640    S.    Leipzig    (Hirzel). 

13  fr.  35 

Gerlach  (F.  D.).  Die  Verfassung  der 
rœmischen  Republik  von  den  Gracchen 
bis  auf  Jul.  Cassar.  In-4",  61  S.  Basel 
(Schneider).  2  fr. 

Geschichte  der  europaeischen  Staaten. 
Hrsg.  V.  A.  H.  L.  Heeren,  F.  A.  Ru- 
ckert  u.  W.  v.  Giesebrecht.  36.  Lfg.  2. 
Abth.  In-8',  x-501  S.  Gotha  (F.  A. 
Perthes).  ^  13  fr.  35 

Contenu  :  Geschichte  Polens  v.  J.  Caro 
IV.  Thl.  1430-1455.  ... 

Grassmann  (H.).  Wœrterbuch -z.  Rig~ 
Veda.  4.  Lfg.  Gr.  in-8%  Sp.  865-1152. 
Leipzig  (Brockhaus).  6  fr.  75 

Hertzberg  (G.  F.).  Die  Geschichte  Grie- 
chenlands  unter  d.  Herrschaftd.  Rœmer. 
Nach  den  Quellen  dargestelit.  5.  Thl. 
Von  SeptimJus  Severus  bis  auf  Justinian  L 
In-8;,  viij-571  S.  Halle  (Buchh.  d. 
Waisenh.).  12  fr. 

Hilgenfeld  (A.).  Historisch-kritische  Ein- 
leitung  in  das  Neue  Testament.  In-S», 
viij-828  S.  Leipzig  (Fues).         17  fr.  35 

Jseger  (0.).  Die  Geschichte  der  Rœmer. 

3.  Aufl.  In-8-,  xvj-588  S.  Gûtersioh 
(Bertelsmann).  8  fr. 

Jahn  (A.).  Die  Geschichte  der  Burgun- 
dionen  u.  Burgundiens  bis  zum  Ende  d. 
I.  Dynastie,  in  Prùfg.  der  (Quellen  u.  d. 
Ansichten  aelterer  u.  neuerer  Historiker 
dargestelit.  2  Bde  mit  4  Abbildgn  u.  e. 
Karte  Burgundiens.  In-S",  lxv-1120  S. 
Halle  (Buchh.  d.  Waisenh.).  32  fr. 

Keller  (L.).  Der  2.  punische  Krieg  und 
seine  (^ellen.  Eine  histor.  Untersuchg. 
In-8',    viij-223    S.    Marburg   (Elwert). 

6  fr. 

Kremer  (A.  v.).  Culturgeschichte  des 
Orients  unter  den  Châlifen.  i.  Bd.  In-8', 
•xj-547  S.  Wien  (Braumùller).        16  fr. 

Kriechenbauer  (A.).  Beitraege  zur  ho- 

merischen  Uranologie.  A.  Das  tropische 

.   u.  natùrl.  Jahr  in  d.  Ilias.  B.  Das  Nord- 


gestirn  in  d.  Odyssée.  G.  Die  Merkmale 

d.  Sirius  :  xa)6i;  u.  vuxto;  ày-oXyl^.  D. 
Poséidon  als  Sternbild.  In-8',  9}  S. 
Wien  (Gerold).  2  fr.  75 

liehmann  (J.  A.  0.  L.).  Kandbuch  der 
deutschen  Literatur.  Eine  Sammlung  aus- 
gewaehlter  Stûcke  deutscher  Dichter  und 
Prosaiker,  von  der  asltesten  Zeit  bis  auf 
die  Gegenwart,  nebst  literargeschichtl.  u. 
biograph.  Notizen ,  fur  hœhere  Unter- 
richtsanstalten  u.  Freunde  der  deutschen 
Literatur.  2.  unvera?nd.  Aufl.  2  Thle  in 
1  Bd.  In-8«,xxix-io89S.  Leipzig  (T.  0. 
Weigel).  6  fr. 

Marquardt  (J.)  und  Mommsen  (T.). 
Handbuch  der  rœmischen  Alterthùmer. 
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Leipzig  (Hirzel).  16  fr. 

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T.  Mommsen.  2.  Bd.  i.  Abth. 

Metternich  (Fùrst).  Ueber  Napoléon 
Bonaparte.  In-8",  39  S.  Wien  (Brau- 
mùller). I  fr-  3  5 

Miklosich  (F.).  Beitraege  zur  Kenntniss 
der  Zigeunermundarten.  I-IL  Gr.  in-8', 
36  S.  Wien  (Gerold).  85  c. 

Overbeck  (J.).  Pompeij  in  seinen  Ge- 
bseuden,  Alterthùmern  und  Kunstwerken 
fur  Kunst-  und  Alterthumsfreunde  darge- 
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Aufl.  Mit  26  grœsseren  zum  Theil  farb. 
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sowie  e.  grossen  Plane.  Gr.  in-S^,  xiv- 
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tionibus  instructae.  Pars  V.  Tract. 
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Stein  (H.  v.).  Sieben  Bûcher  zur  Ge- 
schichte der  Platonismus.  Untersuchungen 
ûber  das  System  d.  Plato  und  sein  Ver- 
haeltniss  zur  spaeteren  Théologie  und 
Philosophie.  3.  u.  letzter  Thl.  A.  u.  d. 
T.  :  Verhseltniss  des  Platonismus  zur 
Philosophie  d.  christ.  Zeiten.  In-8*,  viij- 
415  S.  Gœttingen  (Vandenhœck  u.  Ru- 
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"Wustenfeld  (F\).  Bahrein  und  Jemâma, 
nach  arab.  Geographen  beschrieben.  Mit 

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terich).  3  fr.  80 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N*'  34  Neuvième  année.  21  Août  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d^abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


En  vente  â  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  PRATIQUE   DES  HAUTES  ÉTUDES. 

10^  fascicule. 
Y--%  -«r  TT'  ID  /^  T  /^  1C7  C       critiques    de   la   conférence    de   philologie 
l-^^/v  L_j  IVv^  1  V^  Ci  O      grecque,  recueillis  et  rédigés  par  E.  Tour- 
nier,  directeur  d'études  adjoint.  1 2^  livraison  (fin).  i  fr.  50 

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•  1  1  il<  Iv  IV  t_j  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i"  fascicule. 
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ET-x  T7I       Q  ^  J  J  r^  T7      Chrestomathie  égyptienne.  Abrégé 
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Le  4e  fascicule  est  sous  presse. 


PERIODIQUES. 

The  Academy,  n°  169,  new  séries,  3 1  juillet.  J.  Addington  Symonds,  Renais- 
sance in  Italy  ;  the  âge  df  Despots.  London,  Smith  Elder  and  Co.  (W.  A.  Pater, 
article  très-favorable.  L'ouvrage  aura  trois  parties  :  le  tableau  de  la  Renaissance 
en  Italie  est  rattaché  à  l'ensemble  de  la  vie  sociale  en  Europe  aux  xv^  et  xvi°  s. 
L'auteur  appelle  the  âge  of  despotes  Pépoque  où  des  individualités  énergiques, 
François  Sforza,  Savonarole,  Alexandre  VI,  Machiavel,  surgirent  au  sein  des 
communes  italiennes.  Il  déploie  des  qualités  de  style  très-puissantes).  —  Haz- 
litt's  Shakespeare's  library.  London,  Reeves  and  Turner.  6  vol.  (H.  B. 
Wheatley,  recueil  très-utile  des  pièces,  romans,  nouvelles,  poèmes,  histoires 
où  Shakespeare  a  puisé.  Pourtant  on  reproche  à  Pauteur  d'avoir  systématique- 
ment laissé  hors  de  son  plan  la  reproduction  des  Chroniques  d'Holinshed,  alors 
qu'il  donne  de  longs  extraits  du  Plutarque  de  North).  —  An  Historical  Atlas  of 
Ancient  Geography,  Biblical  and  Classical.  London,  Murray  (Ch.  W.  Boase: 
excellent  travail,  à  l'exécution  duquel  ont  présidé  MM.  W.  Smith  et  Grove. 
Les  cartes,  sauf  celles  de  la  Bretagne  et  de  l'Inde,  ont  été  dressées  par  Ch. 
MÛLLER,  l'éditeur  de  Strabon  et  des  Geographi  Minores  dans  la  collection  Didot; 
la  carte  de  Bretagne  est  le  résumé  des  Historical  Maps  of  England  de  Pearsons, 
celle  de  l'Inde  est  basée  sur  les  travaux  du  colonel  Yule,  l'éditeur  de  Marco 
Po/o).— J.  KôsTLiN,  Martin  Luther.  Sein  Leben  und  seine  Schriften.  Elberfeld. 
2  vol.  (Alf.  Stern,  article  très- favorable.  L'auteur  fait  justice  de  mainte  anec- 
dote controuvée,  répétée  depuis  longtemps  sur  Luther.  Il  s'est  heureusement 
servi  du  journal,  publié  en  1872,  d'Antoine  Lauterbach,  un  des  commensaux  du 
réformateur). —  Notes  and  News.  Extraits  de  lettres  adressées  par  Hume  et  par 
J.-J.  Rousseau  à  Davenport,  au  sujet  de  leur  querelle.  —  Notes  of  Travel.  — 
Bishop  Thirlwall  (notice  nécrologique).  —  Athanase  Coquerel  fils  (id.).  — 
Congrès  international  des  sciences  géographiqnes  :  deuxième  session,  Paris, 
187$  (Compte-rendu  détaillé).  —  Correspondence  :  Etruscan  antiquities  (A.  H. 
Sayce),  Cuneiform  Inscriptions  in  Rom  (Enrico  Fabiani),  The  Story  of  Genesis 
and  Exodus  (W.  A.  Skeat  :  VHistoria  Scholastica  de  Pierre  Comestor  est  l'une 
des  sources  du  poème  anglais).  —  Spécimens  of  the  Languages  of  India,  inclu- 
ding  those  Aboriginal  Tribes  of  Bengal,  the  Central  Provinces,  and  the  Eastern 
Frontier.  Calcutta.  Bengal-Secretariat  Press.  (E.  L.  Branreth  :  ces  spécimens, 
au  nombre  de  120,  sont  classés  géographiquement,  sans  tenir  compte  de  l'affinité 
des  idiomes,  et  le  système  de  transcription  adopté  n'est  pas  uniforme;  néan- 
moins l'auteur  de  l'article  montre  que  les  philologues  peuvent  y  trouver  du 
profit).  —  Science  Notes.  Philology. 

The  Athenaeum,  n°  2492,  31  juillet.  Recollections  of  Colonel  de  Gonne- 
viLLE.  Published  bis  his  daughter,  the  Countess  de  Mirabeau.  With  an  intro- 
ductory  sketch  by  General  Baron  Ambert.  Edited  from  the  French  by  Charlotte. 
M.  YoNGE.  2  vols.  Hurst  and  Blacket  (article  favorable,  donnant  une  analyse 
étendue  et  quelques  extraits  intéressants).  —  The  poetics  of  Aristotle.  Vahlen's 
text,  with  Notes  by  the  Rev.  Edward  Moore.  Parker  and  Co.  (article  sévère. 
Pour  le  texte  de  Vahlen  v.  Revue  critique^  1875,  n°  9,  art.  40).  —  Ecclesiastes 
for  English  Readers,  newly  translated  with  Introduction,  Analysis  and  Notes  by 
the  Rev.  W.  H.  B.  Prqby.  Rivingtons.  The  Ten  Canticles  of  the  Old  Testament 
Canon,  newly  translated,  with  Notes  and  Remarks  on  their  Drift  and  Use.^  By 
THE  SAME.  Same  Publishers  (article  défavorable).  —  Monumental  Inscriptions 
of  the  British  West  Indies  from  the  Earliest  Date  chiefly  collected  on  the  Spot 
by  Capt.  J.  H.  Lawrence-Archer.  Chatto  and  Windus  (Inscriptions  tumulaires 
des  xyii'^  et  xviii^  siècles,  recueillies  à  la  Jamaïque  et  à  la  Barbade  :  l'auteur  du 
recueil  aurait  dû  donner  des  commentaires  historiques  plus  étendus).  —  Cursor 
Mundi  (The  Cursor  0  the  World)  :  a  Northumbrian  Poem  of  the  Fourteenth 
Century.  Edited  for  the  Early  English  Text  Society  by  the  Rev.  Richard  Morris 
LL.  D.  Parts  I.  II.  Trùbner.  First  Notice  (Publication  très-importante.   Elle 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  34  —  21  Août  —  1875 

Sommaire:  169.  Burnell,  Éléments  de  Paléographie  Indienne.  —  170.  Wachsmuth, 
L'ancienne  Athènes.  —  171.  Loiseleur,  Anthologie  d'HoRACE. —  172.  Horst- 
MANN,  Légendes  Anglaises  du  Moyen-Age.  —  173.  Martin  Despois,  Poésies  françaises, 
latines  et  grecques.  —  174.  Œuvres  complètes  de  Diderot,  p.  p.  Assézat.  —  175. 
Becq.  de  F0UQ.U1ÈRES,  Documents  nouveaux  sur  André  Chénier.  —  Sociétés 
savantes  :  Académie  des  inscriptions. 

169.  —  A.  C.  Burnell,  Eléments  of  South-Indian  Palœography  from  the 
4th  to  the  i7th  century  A.  D.;  being  an  Introduction  to  the  study  of  south-indian 
Inscriptions  and  MSS.  Mangalore,  Basel  Mission  Book  and  Tract  Depository.  London, 
Trùbner  and  Co.  Gr.  in-4',  viij-98  p.  i  carte  et  32  pi.  lithogr. 

Les  études  épigraphiques  et  paléographiques  '  remontent,  pour  l'Inde  septen- 
trionale, à  la  fondation  même  de  la  Société  de  Calcutta.  Elles  sont  par  consé- 
quent déjà  vieilles  de  près  d'un  siècle.  Depuis  les  admirables  découvertes  de 
J.  Prinsep,  elles  sont  de  plus  en  possession  d'une  base  et  d'une  méthode  scien- 
tifiques et,  durant  les  40  années  qui  ont  suivi,  elles  n'ont  pas  cessé  de  fournir  à 
l'histoire  des  résultats  précieux.  A  peu  près  tout  ce  que  nous  savons  de  positif 
en  fait  de  chronologie  ancienne  de  l'Inde,  nous  le  devons  aux  travaux  épigra- 
phiques de  cette  période,  travaux  auxquels  se  rattachent,  entre  beaucoup  d'autres, 
les  noms  de  Burnouf,  de  Lassen,  de  Westergaard_,  de  Stevenson,  de  J.  et  H. 
Wilson,  W.  et  A.  West,  E.  Norris,  Bhau-Dâji,  E.  Thomas,  Alex.  Cunningham, 
J.  Dowson,  H.  Kern,  J.  Burgess  et  de  ses  collaborateurs  de  Vindian  Antiquary. 

Mais  le  domaine  de  la  plupart  de  ces  recherches  n'a  guère  dépassé  vers  le 
Sud  les  derniers  massifs  du  Vindhya.  L'Inde  méridionale  demeurait  exclue  et 
déshéritée.  Ce  n'est  pas  toutefois  que  les  matériaux  y  fissent  défaut.  Depuis 
longtemps  on  la  savait  riche  en  inscriptions,  plus  riche  même,  à  ne  regarder 
qu'au  nombre,  que  les  contrées  du  Nord  :  de  bonne  heure  aussi  on  s'était  appli- 
qué à  y  recueillir  les  documents  épigraphiques.  D'importantes  collections  furent 
ainsi  recueillies  par  Buchanan  (copies  peu  exactes),  par  Mackenzie,  par  Sir  W. 
Elliot  et  d'autres.  Mais  bien  peu  de  ces  documents  ont  vu  le  jour  :  ce  n'est  que 
dans  ces  derniers  temps  que  M.  Eggeling  en  a  entrepris  une  étude  suivie  et  qu'il 
en  a  communiqué  quelques-uns  des  plus  importants.  La  grande  masse  dormira 
peut-être  encore  longtemps  dans  les  bibliothèques  de  Londres.  Dans  l'Inde 
même,  il  a  paru  quelques  publications  de  luxe  sous  les  auspices  du  gouverne- 
ment :  mais  à  l'exception  de  quelques  notices  dues  à  MM.  Elliot  et  Burnell  et, 

I.  La  paléographie  dans  l'Inde  n'est  pour  ainsi  dire  qu'une  branche  de  l'épigraphie  et 
de  la  numismatique.  Comme  il  n'y  a  pas  de  MSS.  bien  anciens,  elle  n'a  pas  d'autres  ma- 
tériaux que  ceux  qui  lui  sont  fournis  par  les  inscriptions  et  par  les  monnaies.  Dans  l'Inde 
du  Sud  toutefois,  oi!i  coexistent  des  alphabets  peu  connus  et  d'origines  diverses,  ces  con- 
ditions ne  sont  pas  tout  à  fait  les  mêmes  :  l'écriture  des  MSS.  y  a  aussi  son  histoire. 
XVI  8 


^tir4  .aflUTA>îàsit6#«^fi(@S0TEiH*a 

ïMa#t  ëâM^iftn'feiÉe'^avant  enlevé  prématurémerît'à  la' science,  F.  W.  Ellis,  il 
'i'y  est  fàîf  peu  de  chose  pour  l'étude  véritable.  - 

-  Cette  infériorité  du  Sud  vis-à-vis  du  Nord  tient  à  des  causes  diverses.  Non^ 
seulement  la  science  européenne  dut  régler  sa  marche  sur  le  développement 
même  de  la  puissance  britannique,  mais  elle  trouva  encore  dans  les  contrées  du 
Midi  le  terrain  moins  bien  préparé  que  dans  PHindoustan.  A  Fheure  qu'il  est, 
?elle  n'y  a  pas  encore  le  même  accès,  elle  n'y  dispose  pas  des  mêmes  ressources 
et  le  petit  nombre  d'hommes  dévoués  comme  M.  Burnell,  qui  travaillent  à  son 
avancement,  s'y  trouvent  dans  des  conditions  à  bien  des  égards  semblables  à 

■  celles  oi^  se  trouvaient  dans  la  vallée  du  Gange  les  contemporains  de  Colebrooke. 
En  second  lieu  il  faut  bien  se  dire  que  le  foyer  politique  et  intellectuel  de  Tlnde 

■  n'a  jamais  été  placé  dans  le  Dékhan  et  qu'à  première  vue,  le  passé  de  ce  pays 
doit  paraître  pâle  en  comparaison  de  celui  des  riches  contrées  du  Nord,  siège 
antique  de  la  civilisation  et  de  la  puissance,  de  la  religion  et  de  là  littérature.  Il 
est  vrai  qu'à  y  regarder  de  près,  lés  choses  se  présentent  sous  un  aspect  un  peu 

-différent.  Au  moyen-âge  les  contrées  méridionales  réagirent  à  leur  tour  puissam- 
•ment  sur  le  Nord  :  Kûmârila,  Çamkara,   Râmânuja,  Madhvâcârya  étaient  des 
hommes  du  Sud.  Mais  ce  n'est  qu'assez  tard  qu'on  a  pu  se  rendre  compte  ée  la 
ivraie  portée  de  leur  rôle  et  de  l'influence  profonde  exercée  par  quelques-uns 
id'entre  eux.  A  priori  les  antiquités  de  ce  pays  manquaient  de  prestige.  Il  S'est 
eainsi  trouvé  que  le  «  vague  sentimentalisme  »  qui,  selon  la  remarque  très-juste 
de  M.  Burnell,  «  a  infecté  dès  le  début  les  études  indiennes  »,  a  rencontré  dans 
le  Sud  moins  d'aliments  que  dans  le  Nord.  La  recherche  y  a  été  mise  de  suite  à 
un  régime  plus  sobre;  mais,  si  de  ce  chef  elle  a  été  moins  exposée  aux  décep- 
tions, par  contre  elle  a  été  atteinte  de  langueur.  Nous  sommes  ainsi  faits  qu'à 
,  l'étude  la  plus  sévère,  il  s'allie  toujours  un  grain  d'enthousiasme  chimérique. 
çPersoTîne,  sans  doute,  ne  s'attend  plus  à  la  découverte  d''une  inscription  authen- 
tique de  Yudhisht/iira  ou  de  quelque  autre  héros  du  Mahâbhârata;  mais  on  n'en 
,a  pas  fini  ayec  l^s  his^torj^ns  qui  se  servent  de  ce  poème  comme  d'une  sorte  de 
i  chroniquènÇI  çej'^?«$lt||aajiB0n  plus  le  sang-froid  précisément  qui  caractérise  ks 
études  védiques.  ■';; 

;     Une  autre  cause  du  peu  de  progrès  qu'ont  fait  jusqu'ici  ces  recherches  dan^le 
Sud,  tient  aux  difficultés  toutes  particulières  qu'elles  présentent.  Les  peuples  au 
'Dékhan  appartiennent  à  une  autre  race  que  ceux  du  Nord  et  leurs  idiomes  sont 
.Tadicalement  différents  des  langues  indo-européennes.  Bien  que  les  inscriptions 
xies  plus  importantes  soient,  enmajeure  partie,  rédigées  eh  sanscrit,  elles  renféï"- 
^'itient  un  grand  nombre  de  termes,  surtout  des  noms  de  lieux,  empruntés  aux 
-dialectes  nationaux.  L'étude  de  ces  documents  exige  donc,  outre  la  connaissance 
»?<Ju  sanscrit,  celle  des  langues  dravidiennes,  c'est-à-dire  d'une  famille  d'idiomes 
"âôtit  l'investigation  historique  est  à  peine  commencée  et  qui,  malgré  les  problèmes 
ï  ethnographiques  de  premier  ordre  qui  s'y  rattachent,  n'ont  été  étudiés  générale- 
ment jusqu'ici  que  dans  un  but  strictement  professionnel.  M.  Burnell,  qui  possède 
^  ces  langues  presque  aussi  bien  qu'il  possède  le  sanscrit,  a  parfaitement  fait  sentir 
cette  difficulté  et  montré  combien  il  reste  encore  à  faire  sur  ce  terrain. 


d'histoire  et  de  littérature.  I  I  5 

Enfin  il  était  à  cet  abandon  une  dernière  cause  et  celle-là  M.  Burnell  a  fait 
mieux  que  la  signaler;  il  l'a  supprimée.  Il  manquait  en  effet  jusqu'ici  un  ouvrage 
d'ensemble  qui,  au  point  de  vue  d'une  science  plus  avancée,  fût  pour  le  Sud  ce 
que  les  Essais  de  Prinsep  ont  été  pour  le  Nord,  une  introduction  et  un  guide 
dans  l'étude  des  textes  épigraphiques;  un  ouvrage  qui  donnât  la  série  des  alpha- 
bets, leur  filiation,  leur  distribution  géographique,  et  qui,  pour  les  documents 
eux-mêmes,  précisât  les  particularités  de  forme,  de  langue,  de  rédaction  et  tous 
les  caractères  variables  selon  les  temps  et  les  lieux  qui  permettent  de  dater  une 
pièce  et  d'en  affirmer  ou  d'en  nier  l'authenticité  ' .  Cet  ouvrage,  nous  l'avons 
maintenant  dans  les  Éléments  de  Paléographie  de  M.  B.  ;  son  livre  n'est  pas  seule- 
ment un  traité  complet  de  déchiffrement;  c'est  en  même  temps  une  sorte  de 
chrestomathie  épigraphique  qui  résume  et  précise  les  résultats  acquis,  qui  sur 
bien  des  points  les  élargit  et  qui  surtout,  par  des  exemples  bien  choisis,  enseigne 
la  façon  de  manier  cette  sorte  de  documents  afin  d'en  exprimer  pour  ainsi  dire 
tout  le  contenu.  Le  chercheur  qui  s'occupe  de  recueillir  des  inscriptions,  y  trou- 
vera des  conseils,  le  savant  qui  les  interprète,  des  moyens  de  contrôle  et  l'india- 
niste qui  ne  fait  pas  une  étude  spéciale  de  cette  sorte  de  documents,  toute  une 
moisson  de  remarques  neuves  et  ingénieuses  portant  sur  toutes  les  branches  de 
l'archéologie.  Des  inscriptions  l'auteur  passe  aux  manuscrits  ;  il  en  décrit  les 
conditions  et  les  particularités  et  n'abandonne  la  mine  qu'il  a  été  le  premier  à 
ouvrir,  qu'après  en  avoir  sondé  jusqu'au  dernier  filon.  En  un  mot,  pour  aucune 
partie  de  l'Inde  il  n'a  été  fait  jusqu'ici  sur  cette  matière  rien  d'aussi  complet, 
d'aussi  méthodique  ni  d'aussi  commode  que  cette  magistrale  publication  ^. 

La  partie  figurée  de  l'ouvrage  de  M.  B.  se, compose  :  i^jde  19  tableaux  litho- 
graphies donnant  la  série  complète  des  alphabets  qui  ont  été  en  usage  dans  l'Inde 
du  Sud  depuis  le  iV-'  siècle.  Autant  que  les  documents  originaux  le  permettaient, 
ces  tableaux  donnent  chaque  fois  tous  les  signes,  tant  simples  (voyelle  initiale, 

.- ^.Liil- 

1 .  Les  fraudes  ont  dû  s'exercer  surtout  sur  les  actes  de  donation,  qui  sont  précisément 
de  toutes  les  inscriptions  celles  qui  ont  la  plus  grande  valeur  historique.  Une  chroniqiie 
tamoule,  le  Kongudesarâjakkal,  est  en  grande  partie  faite  avec  des  documents  de  ce  genfe. 
Suspectée  par  M.  Dowson,  elle  a  été  défendue  par  MM.  Lassen  et  Eggeling.  Ce  dernier, 
qui  est  probablement  le  savant  d'Europe  le  plus  compétent  en  cette  matière,  s'appuyait 
surtout  sur  un  acte  de  donation  du  roi  Arivarman,  de  247  ap.  J.-C,  acte  que  le  chro- 
niqueur a  eu  peut-être  sous  les  yeux,  tant  il  s'accorde  bien  avec  les  données  de  son  récit, 
et  qui  s'est  retrouvé  dans  les  collections  de  M.  Elliot.  Or  M.  Burnell  n'hésite  pas  à  dé- 
clarer que  cette  pièce  a  été  forgée  au  plus  tôt  au  X'  siècle,  et  il  est  plus  que  proba^b'le 
Que  beaucoup  d'autres  documents  de  ce  genre  mentionnés  dans  la  chronique,  ne  sont  pas 
de  meilleur  aloi.  Par  cet  exemple  on  pourra  juger  et  des  perplexités  réservées  à  l'historien 
dans  ces  recherches,  et  de  l'urgente  utilité  d'un  ouvrage  comme  celui  de  M.  B.  —  M.  B. 
a  traité  en  détail  des  actes  de  donation,  de  leurs  différentes  espèces ,  de  leur  libellé,  4e 
leurs  conditions  et  marques  extérieures  telles  que  sceaux,  sigles,  signatures,  etc.,  ai^i 
que  des  décisions  des  jurisconsultes  à  cet  égard.  Presque  tout  son  V*  chapitre  est  cop- 
sacré  à  cette  matière. 

2.  Avant  ce  dernier  ouvrage,  M.  Bravait  -publié  sur  la  matière  ^4 /cî»'  suggestions  as 
to  thc  best  way  of  making  and  uiilizing  copies  of  Indian  Inscriptions.  In-S'.  Madras,  1.870, 
et  0/2  some  Pahlavi  Inscriptions  of  Soutfi-India,  Mangalore,  1873  (printed  for  private  dis- 
tribution). Pour  ce  dernier  et  d'autres  publications  irécentes  de  M.  B.  cf.  Rcv.  crit.  du 
I"  nov.  1873,  21  et  28  mars  i^y^*  •;  .         .  i  -..  >   ". 


I  l6  REVUE  CRITIQUE 

èonsonne  +  voyelle),  que  composés  (groupé  d^e  'C'onsonnes  +  voyelle).  Un 
tâM^'â^ 'spécial' est  en  outre  affecté  au» caractères  numériqtiesët  iiné darrfe riefpré- 
sente,  par  une  heureuse  combinaison  de  teintes  plates  et  de  lignes  en  couleurs, 
la  distribution  géographique  dés  alphabets  primaires  dû  iv' au  x*  Siècle  envîmn, 
aînsi  que  celle  de  leurs  dérivés  vers  la  fin  du  xvI^  Toutes  celles  de  ces  planches 
qui  se  rapportent  à  des  documents  épigraphiques  sont,  à  l'exception  de  2,  exé^ 
cutées  d'après  des  estampages.  —  2®  de  12  planches  reproduisant  en  fac-simile 
soit  des  inscriptions,  soit  des  manuscrits  de  diverses  époques  du  iv^  au  xvîii^s. 
Sur  une  de  ces  planches  est  figuré  un  choix  de  sceaux  royaux  empruntés  à  dfes 
actes  de  donation.!  ^»^  jiipa\':ûz:^j:i.:iiïu  îmli^jih  ^i.^oii  ^lu-iiti.i  'l  ■ 

L'ouvrage  lui-mériiè-'ëit  <îh^sé  en  5 'fchapitifes.  Dîans  le  I^^  M  B.  examinées 
son  tour  le  problème  tant  de  fois  débattu  de  l'origine  de  l'écriture  dans  l'Inde  et 
présente  en  quelques  pages  le  résumé,  à  notre  avis,  le  plus  substantiel  que  nous 
ayons  de  cette  question  compliquée.  M.  B.  est  un  partisan  décidé  de  l'impor- 
tation étrangère.  Il  montre  que  les  plus  anciens  alphabets  indiens  dont  nous  ayons 
connaissance  paraissent  avoir  été  adaptés  à  la  langue  sanscrite,  plutôt  qu'inventés 
pour  elle  et,  à  l'hypothèse  de  M.  E.  Thomas,  qui  soutient  une  origine  dravi- 
dienne,'  il  oppose  le  fait  décisif  que  le  seul  alphabet  propre  au  Dékhan  découvert 
jusqu'ici  trahit  lui-même  une  provenance  étrangère  et  ne  représente  que  très- 
imparfaitement  les  caractères  phonétiques  des  langues  dravidiennes.  Dans  un- 
appendice  spécial  consacré  à  cette  question,  il  poursuit  l'histoire  de  ces  langues 
bien  plus  haut  qu'on  n'a  fait  jusqu'ici.  A  l'aide  des  mots,  particulièrement  des 
noms  de  lieux  transcrits  par  les  géographes  grecs,  des  termes  conservés  par  des 
écrivains  sanscrits  et  pâlis,  et  surtout  à  l'aide  des  inscriptions,  il  essaie' =^ë 
reconstituer  les  systèmes  phonétiques  que  présentaient  ces  idiomes  à  une  époque 
antérieure  de  plusieurs  siècles  à  l'apparition  des  premières  œuvres  littéraires.  Il 
résulte  de  son  examen  que  ce  n'est  que  par  des' études  poursuivies -étï^éé^^ââ^ 
qu'on  peut  espérer  de  reconstruire  non-seulement  l'histoire  de  cette  partie  dé 
Pinde,  mais  encore  son  ancienne  géographie  ',  et  les  premiers  fondements  de  sa 
grammaire.^ r^'^ti^èrîgine- indigène  des  alphabets  indiens  une  fois  écartée,  M.^'Bî' 
en  cherche  naturellement  la  provenance  chez  les  peuples  qui  ont  écrit  pour  aitiïi 
dire  de  temps  immémorial,  chez  les  Sémites.  Mais  il  ne  se  prononce  qu'avec 
réSét^'^'S^Plé'^^nt-aë 'savoir  par'^Hè  voie  se  serait  faite  l'importation.- Âiki 
déùx'hypbthésës  principales  émisés  jusqu'ici;  celle  de  l'importation  directe  pa'r 
les  Phéniciens  et  celle  de  l'importation  indirecte  par  l'intermédiaire  des  popula- 
tions commerçantes  de  l'Arabie  du  Sud,  il  en  ajoute  une  3®  qu'il  semble  préférer 
et  qui  consiste  à  voir  dans  les  alphabets  d'Açoka  une  dérivation  d'une  écriture 
cursive  araméenne  qui  a  été  en  usage  à  Babylone,  concurremment  avec  les 
caractères  cunéiformes,  dès  le  temps  des  Achéménides  et  peut-être  déjà  avant 
eux  2;  Tant  que  les  preuves  paléographiques  ne  seront  pas  plus  précises,  on  ne 

;*"'  *  

■Try [ ^ ■ r- : " . : 

1.  M.  B.  espère  pouvoir  publier  bientôt  une  carte  de  l'Inde  du  Sud  où  seront  enre- 
gistrées les  données  des  géographes  classiques  qu'il  lui  a  été  possible  d'identifier.  A  en 
juger  par  quelques  exemples,  elle  rectifiera  en  bien  des  points  les  résultats  de  M.  Lassen. 

2.  L'écriture  est  appelée  Upi  en  sanscrit  et  dipi  en  vieux  perse.  Ces  deux  mots  sont 


SypITIflD  3UV3^ 

,,oyov  +  2.nnofl?ff^s^?'^^  ET  DE  LiTTÉ,RATUï\fj.  ^rsil^vov  -^  3n.To.M7 
pourra  rien  affirmer  à  cet  égard.  Peut-être  aussi  convient-il  de  ne- pas  admettre 
une  provenance  unique,, comme  M.  B.  est  amené  lui-même  à  le  penser  relative- 
ment à  l'alphabet  indépendant  qu'il  a  signalé  dans  l'Inde  méridionale, ucin^git  ^[ 

Quant  à  l'époque  à  laquelle  l'écriture  a  commencé  à  être  usitée  dansPlndej 
M.  B.  est  plus  affirmatif.  Il  pense  que  cet  usage  ne  remonte  pas  plus  haut  que 
la  Un  du  iv^'  siècle  avant  notre  ère  et  que,  dans  les  inscriptions  d'Açoka  (environ 
250  av.  J,-C.),  nous  touchons  de  biçp|îrès,^.SÇ$.Qrjgii>^^  J/^Xftt^ç.^g  k.Y^iS 
à  cette  solution  plus  d'une  difficulté.  4nf\^  m  m^^^  ^^zb  à^f\'>(ifil^  i>^'y  *>t>  offif  v.t?. 

D'abord  ces  documents  nous  mettent  immédiatement  en  présence  de  deux 
alphabets  distincts  qui,  bien  que  d'origine  sémitique,  montrent  déjà  toutes  les 
habitudes  restées  jusqu'à  ce  jour  caractéristiques  des  écritures  indiennes,  et  qu) 
l'un  et  l'autre  ont  eu  le  temps  de  s'adapter  d'une  façon  parfaite  et  définitive  aux 
idiomes  sanscrits.  L'un  d'eux,  celui  des  inscriptions  méridionales,  a  même  déjà 
changé  sa  direction  primitive  de  droite  à  gauche  en  celle  de  gauche  à  droite  etj^ 
parmi  les  indices  relevés  par  M.  B.  lui-même,  il  en  est  qui  semblent  montr^^ 
d'une  façon  non  équivoque  que  ce  changement  s'est  fait  sur  le  sol  indien.  L'ortho- 
graphe de  ce?  textes  est  très-irrégulière;  mais  elle  ne  l'est  guère  davantage  que 
oçlle  de  bien  des  documents  postérieurs,  et  rien  ne  prouve  qu'il  faille  voir  là  les, 
tâtonnements  d'un  procédé  dans  l'enfance.  Plusieurs  de  ces  irrégularités  parais-^; 
sent  dues  à  la  négligence  des  lapicides  (Açoka  ;S'en  plaint  et  3'en  explique  lui- 
même  dans  l'inscription  de  Girnar,  n'^XIV);  d'autres  reviennent  si  fréquemment, 
qu'il  est  permis  d'y  voir  des  habitudes  vicieuses,  mais  tolérées;  quelques-unes 
tiennent  certainement  à  des  différences  dialectales;  enfin  il  ne  faut  pas  oublier 
que  ces  édits  sont  rédigés  dans  des  idiomes  populaires  qui  n'avaient  peut-être 
jamais  été  écrits  jusque-là  ni  grammaticalement  cultivés.  Le  silence  presque 
absolu  gardé  longtemps  par  la  littérature  sur  tout. ce  qui  de  près  ou  de  loin 
rappelle  les  procédés  graphiques,  si  singulier  qu'il  soit,  n'est  cependant  pas^ 
ifiexplicable.  En  tous  les  cas  il  prouverait  trop,  en  particulier  pour  M.  B.,  quij 
n'admet  pas,  avec  raison  selon  moi,  que,  sans  l'écriture,  il  puisse  se  produire 
une  littérature  technique.  Il  faudrait  donc  faire  descendre  jusqu'au  iii^  siècle  av^ 
J.-C.  tous  les  ouvrages  en  prose  de  cette  catégorie,  c'est-à-dire  plusieurs, 
hrâhma/zas  et  la  grande  masse  des  sûtras.  Mais  on  admettrait  cette  conclusion^ 
que  la  difficulté  ne  serait  pas  tranchée  pour  cela.  Pâmni  par  exemple,  qui  men-i^ 
tienne  l'écriture  ',  peut  à  la  rigueur  être  ramené  à  cette  époque.  Mais  une  théoriç| 

rapportés  d'ordinaire  à  la  t2lc.  lip  «oindre»,  qui  nie  fournit  pourtant  pas  d'autre  dérivj^ 
analogue  et  qui,  comme  verbe,  n'est  pas  non  plus  employée  dans  le  sens  d'écrire.  A  sa 
place  est  usitée  la  rac.  likh  qui  signifie  rayer ,  gratter  (cf.  scrib.  ypa?-  xapa^'^^ip,  etc.).** 
Comme  les  premiers  textes  écrits  paraissent  avoir  été  dans  l'Inde,  aussi  bien  qu'ailleurs  y 
des  textes  gravés  (cf.  cependant  le  témoignage  de  Néarj^ue  chezStrabon  ci-après),  M.  B^, 
se  demande  si  les  mots  lipi  et  dipi  ne  seraient  pas,  aussi  bien  que  la  chose  qu'ils  désignent, 
d'importation  étrangère  et  sémitique,  et  il  pense  à  la  rac.  ktb.  L'embarras  presque  égal 
qu'on  éprouve,  soit  à  séparer  ces  deux  mots,  soit  à  les  rattacher  légitimement  l'un  à 
l'autre,  semble  en  effet  les  désigner  comme  des  intrus  que  chacune  des  deux  langues  se 
serait  assimilés  de  son  mieux  et  à  sa  façon. 

1.  Çâkafâyana  la  mentionne  aussi  et  presque  dans  les  mêmes  termes.  Ce  grammairien 
est  antérieur  à  Pânini  et  même  à  Yâska.  Mais  M.  B.  a  des  raisons  de  croire  que  l'ou- 


Miô  wz  ^ùzofpi  jnroq  sd  n^  o  i^vuE  critique  j  _,  ^^^^ 
G^mwé'teîienfténèittpfdvhe  pas  :  la  perfection  raènfre  cfe-ison  oeuvre  oWige 
d'admettre  qu'elle  est  le  résumé  d'un  très-long  travail  antérieur  accorapli  dans  la 
même  direction  et  que,  bien  des  générations  avant  lui,  on  concevait  déjà  la 
grammaire  comme  il  la  conçoit  lui-même,  c'est-à-dire  comme  la  réduction  de 
tous  les  faits  grammaticaux  aux  sons  élémentaires  de  la  langue.  Or  cette  concep- 
tion seule  me  semble  supposer  aussi  forcément  l'existence  d'une  notation  alpha- 
bétique, que  le  calcul  suppose  celle  d'un  système  chiffré.  Et  ce  qui  peut  se  dire 
de  la  grammaire,  s'applique,  dans  une  moindre  mesure  il  est  vrai,  à  d'autres 
doctrines,  telles  que  l'exégèse,  le  rituel,  etc.  Quel  que  soit  l'âge  des  traités  qui 
représentent  maintenant  ces  doctrines,  quelques  changements  qu'ils  aient  subis, 
il  reste  toujours  le  fait,  pour  nous  indubitable,  de  l'existence  dans  l'Inde  d'une 
littérature  technique  en  prose  bien  avant  le  m"  siècle.  Cette  littérature  était 
destinée  à  être  apprise  par  coeur  :  elle  n'était  probablement  pas  écrite,  en  ce 
sens  qu'elle  se  conservait  et  se  transmettait  de  mémoire  y'jJfii'' Renseignement 
pral,  conformément  à  l'ancien  usage  soutenu  par  le  préjugé  et  par  l'intérêt. 
Mais  le  développement  en  serait  inexplicable,  si  ses  promoteurs  n'avaient  pas  su 
noter  leur  pensée. 

keste  le  témoignage  des  écrivains  grecs  qui  est  formel,  mais  qui,  dans  sa 
brièveté,  ne  laisse  pas  d'être  embarrassant.  Néarque,  dont  les  informations  se 
rapportent  aux  années  326-325  et  au  bassin  del'Indus,  rapporte  que  les  Indiéhs 
n'ont  pas  de  lois  écrites  ',  mais  il  dit  positivement  qu'ils  écrivent  des  lettres  sur 
des  pièces  de  coton  apprêtées  par  une  sorte  de  foulage  2.  Par  contre  Mégasthène, 
dont  le  témoignage  est  postérieur  d'une  trentaine  d'années  et  s'étend  à  Vlrid^ 
orientale,  après  avoir  confirmé  le  rapport  de  Néarque  quant  aux  lois,  ajouté 
«  car  ils  ignorent  l'écriture  et  tout  se  traite  chez  eux  de  mémoire,  d'après  là 
»  tradition  3  )).  Cette  assertion  s'accorde  assez  mal  avec  ce  qu'il  dit  ailleurs  4  du 
détail  de  l'administration  et  en  particulier,  comme  le  remarque  M.  B.,  de  ces 
stèles  érigées  le  long  des  routes  tous  les  i  o  stades  et  «  indiquant  les  localités 
>  riveraines  et  les  distances  )>.  Mais  indépendamment  de  cela,  elle  est  invrai- 
semblable, au  point  que  Schwanbeck  et,  après  lui,  un  savant  qui  n'est  certai- 
nement pas  tenté  de  surfaire  l'antiquité  des  choses  indiennes,  M.  Weber,  ont 
soutenu  que  Strabon  n'avait  pas  compris  son  auteur  5.  Je  n'ose  aller  jusque-là  : 

vrage  qui  court  sous  ce  nom  et  sur  lequel  il  a  été,  avec  M.  Bûhler,  le  premier  à  donner 
«des  informations  précises,  est,  dans  son  état  actuel,  postérieur  non-seulement  à  la  grain* 
maire  de  Pàn'inï,  mais  même  au  Mahdbhdshya.  Cf.  Vamçabrdhmana,  Préf.  p.  xlj.        '  al 

I.  Apud  Strab.  XV,  1,  66,  éd.  Didot. 
'    2.  Ibid.  XV,  I,  67.  A  première  vue  il  semble  que  Néarque  ait  compté  l'écriture  au 
nombre  des  procédés  que  les  Indiens  prirent  immédiatement  des  Macédoniens.  Mais  en  f 


■cours  longtemps  dans  une  partie  du  pays) ,  prouve  qu'ils  en  possédaient  un  en  propre  et 
que  l'usage  en  était  solidement  établi. 

-  3.  Ibid.  XV,  I,  n. 

4.  Ibid.  XV,  1,  50.  _, 

5.  Megasth,  India,yi^yt-i^^  traduisent  OùSè  yàp  YWM-aTa 
elôévai  auTouç  par  «  ils  ignorent  l'usage  de  pièces  écrites  (dans  les  procès)  ».  Que  Strabon 


d'histoire  et  de  littérature.  119 

je  croirais  plutôt  que  le  témoignage  de  Mégasthène  en  ce  point  repose  sur  une 
observation  superficielle;  que,  n'ayant  vu  nulle  part  l'écriture  intervenir  dans  la 
vie  publique  des  Indiens,  il  en  aura  conclu  qu'elle  était  absolument  ignorée. 
Cette  méprise  de  sa  part  semblera  naturelle,  si  on  admet  que  les  pays  du  Gangen 
où  il  a  surtout  séjourné,  étaient  moins  avancés  sous  ce  rapport  que  ceux  ^ 
rOuestS  ouverts  depuis  longtemps  à  l'influence  étrangère  et  où  Darius,  plus  det 
deux  siècles  auparavant,  avait  établi  une  satrapie.  ?,  ^m  'A.: 

{La  fin  au  prccfiain-ho,}- -iu:.;., .  --  -  ..:  j..  ^,:..,,  ,^.,  .w.A4^.Bl^8lrj».,:n;wM-a 

170.  —  Die  Stadt  Athen  im  Alterthum,  von  Curt  Wachsmuth.  Erster  Bantfi 
:  Leipzig,  Teubner.  1874.  In-8°,  768  p.  2  pi.  -«Prix  :  26  lr,-f^^i^:.i  j  .   ,.  .       ,f^7 

M.  C.  Wachsmuth,  professeur  à  runiversité  de  Gœttîngen  et  l'un  des  cqiIaDo-^ 

rateurs  du  Rheinisches  Muséum,  connu  des  philologues  par  ses  travaux  sur  les  sillorr 
graphes  grecs,  les  Eclogs  de  Stobée  et  le  Florilegium  de  Jean  de  Damas,  à  qui 
l'on  doit  en  outre  une  intéressante  étude  sur  les  coutumes  des  Grecs  moderne^ 
rapprochées  de  celles  de  leurs  ancêtres  2,  nous  a  donné,  vers  la  fin  de  l'anri^ç 
dernière,  la  première  partie  d'un  ouvrage  considérable  qui  a  pour  objet  la  restî; 
tutipn  d'Athènes  antique.  Ce  volume  est  consacré  à  la  topographie  et  à  l'histoire 
de  cette  ville  ;  entendez  l'histoire  de  sa  formation,  de  son  développement,  et 
des  mo.difications  qu'elle  a  subies  depuis  les  Pélasges  jusqu'au  temps  de  Justinien. 
La  topographie  d'Athènes  a  été,  en  notre  siècle  et  depuis  Leake,  l'objet  d'un 
grand  nombre  d'ouvrages,  de  mémoires,  de  dissertations  spéciales  dont  les  con- 
clusions, souvent  divergentes  ou  contradictoires,  n'avaient  pas  encore  été  soumisies 
à  une  critique  d'ensemble.  M.  W.  rend  donc  un  service  important  à  la  science, 
en  réunissant  en  un  corps  d'ouvrage  les  résultats  de  tant  de  travaux  épars 
auxquels  il  ajoute  lui-même  des  lumières  nouvelles.  Les  fouilles  qui  se  poursuivent 
sur  le  sol  d'Athènes  et  les  découvertes  qui  peuvent  en  sortir  modifieront  peut- 
être  bientôt  certains  détails  de  son  œuvre;  mais  cette  œuvre  renferme  un  bon 
,'■  ■  •'  ■     -•  » 

nombre  de  parties  solides  qui  ne  peuvent  être  entamées,  et  l'on  ne  saurait  trop 
remercier  M.  W.  d'avoir  entrepris  un  tel  travail,  qui  est  un  exposé  aussi  exact 
et  aussi  complet  que  possible  de  tout  qdàu'il  est  permis  de  savoir  actuellement 
sur  la  matière.  ,,.,,,,.;   ....  -  ,  ., 

Dans  une  vaste  introduction  j^'^'j^^^^  19Hr^^s 

•■    •     "^       ■■    ■  ■      ■'  '-     "^  "      ~~'     '■       '■     '■■      '■■-  ^ww   ':■  :-i'  -   :'-'■;    -'i,  :^;.ziv 

lui-même  ne  l'entendait  pas  ainsi,  ressort  de  la  remarque  dont  il  fait  suivre,  au  cHâp.  6.7^, 
le  témoignage  de  Néarque  :  iiiKJTokàq  ôè  ypoçeiv....,  twv  àXXwv  Ypàt^fj-acrtv  aùxoù;  (J.1P1  xp^^^^*' 
çafjLÉvwv. 

1.  Eratosthène,  chez  Strabon  XV,  1,11,  nous  apprend  que  les  mesures  itinéraires 
n'étaient  plus  indiquées  à  l'Est  de  Pâfaliputra.  —  M.  B.  voit  une  preuve  de  l'introduc- 
tion récente  de  l'écriture  dans  l'uniformité  des  caractères  employés  dans  les  inscriptions 
méridionales  d'Açoka,  le  même  alphabet  n'ayant  pas  pu  se  maintenir  longtemps  sans  la 
moindre  variation  locale,  du  golte  de  Cutche  à  l'embouchure  de  la  Mahânadî.  J'explique- 
rais plutôt  ce  fait  par  l'emploi  d'un  alphabet  officiel,  correspondant  à  la  langue  officielle 
que  nous  sommes  bien  obligés  d'admettre  pour  une  partie  de  ces  édits,  à  moins  de  sup- 
poser l'existence  d'un  idiome  populaire  uniforme  depuis  les  frontières  du  Penjab  jusqu'à 
la  côte  d'Orissa.  ,  ; 

2,  L'ouvrage  a  pour  titre  :  Das  altc  Griechcnhnd  im  Ncuen.  Bonn,  1864,..     .  -"     ' 


diverses  de  notre  connaissance  de  Pancienne  Athènes,  et  en  critique  la  valeur. 
Peut-être  aurait-on  pu  souhaiter,  pour  ce  premier  chapitre,  un  ordre  plus  mé- 
thodique. Les  pages  qui,  au  début  du  livre,,  sont  consacrées  à  l'examen  des  plans 
et  des  dessins  modernes,  eussent  été,  à  ce  qu'il  semble,  rejetées  avantageusement 
à  la  dernière  division  du  chapitre,  laquelle  comprend  l'énumération  et  l'appré- 
ciation des  travaux  de  topographie  et  d'archéologie  athéniennes,  depuis  Cyriaque 
d'Ancône  jusqu'à  Ernest  Curtius.  Il  eût  été  évidemment  plus  logique  de  com- 
mencer par  l'examen  des  témoignages  des  auteurs  anciens.  Mais  on  passe 
facilement  sur  ce  défaut  de  composition  en  songeant  à  la  précision  et  à  l'abon- 
dance des  renseignements  qui  sont  accumulés  dans  cette  introduction.  M.  W. 
insiste  avec  raison,  au  point  de  vue  topographique,  sur  les  modifications  que 
les  ruines  d'Athènes  ont  subies  depuis  le  milieu  du  xv^  siècle;  étude  déjà  faite 
en  partie  par  M.  de  Laborde,  mais  que  M.  W.  continue  jusqu'à  nos  jours.-à 
l'histoire  des  fouilles  exécutées  depuis  1833  sur  le  sol  d'Athènes,  histoire  où 
nous  n'avons  pu  relever  qu'une  erreur  de  détail  ',  devra  s'ajouter  désormais  la 
mention  des  travaux  récemment  entrepris  par  M.  E.  Burnouf,  qui,  en  déblayant 
le  bastion  d'Odyssée  à  l'Acropole,  a  mis  au  jour  l'appareil  de  la  Clepsydre  et 
l'escalier  de  Pan  2.  —  Dans  le  chapitre  qui  suit,  nous  avons  vu  avec  plaisir 
M.  W.  réduire  à  leur  juste  valeur  les  conclusions  que  certains  archéologues, 
athéniens  surtout,  avaient  cru  pouvoir  tirer,  pour  la  topographie,  de  la  prove>- 
•nance  des  inscriptions,  de  l'emplacement  des  églises  chrétiennes,  et  de  la  tradi- 
tion locale.  Nous  croyons  avec  lui  que  les  inscriptions  ne  peuvent  fournir  de 
sûrs  renseignements  topographiques  qu'à  la  condition  d'avoir  été  trouvées  enfouies 
à  une  assez  grande  profondeur  du  sol  et  d'y  avoir  été  trouvées  en  nombre. 
Quant  aux  églises  chrétiennes,  le  travail  approfondi  d'Aug.  Mommsen  5  et  celui 
moins  complet,  mais  encore  intéressant  de  M.  de  Julleville4  ont  suffisamment 
démontré  que  leur  emplacement  et  leurs  vocables  fournissent  rarement  des 
données  topographiques  vraiment  rigoureuses.  Que  dire  enfin  de  cette  tradition 
locale  à  laquelle  on  doit  la  lanterne  de  Démosthène,  la  prison  de  Socrate  et 
autres  imaginations  semblables  ? 

Avant  d'aborder  les  questions  de  topographie  proprement  dite,  l'auteur  replace 
la  ville  d'Athènes  dans  son  cadre  naturel  et  étudie  avec  soin  les  différentes  con- 
ditions physiques  qui  ont  pu  influer  sur  le  génie  de  ses  habitants.  Ce  qui  fait  la 
valeur  et  la  nouveauté  de  ce  chapitre,  c'est  qu'aux  textes  des  anciens  et  aux 
descriptions  des  modernes  M.  W.  ajoute  des  témoignages  d'un  ordre  purement 
scientifique.  La  météorologie  et  la  géologie  lui  apportent  leur  contingent  d'obser- 
vations utiles.  On  a  mille  fois  célébré,  depuis  l'antiquité,  la  pureté  de  l'atmos- 

1.  D'après  M.  W.  (p.  27,  not.  i)  les  membres  de  rÉcoie  française  auraient  commencé 
des  fouilles  en  1845,  près  du  monument  d'Agrippa.  Qr,  l'École  d'Athènes  n'était  pas 
encore  fondée  à  cette  date.  ,  ' 

2.  Comptes-rendus  de  l'Acad.  des  inscr.  i874j^{3fi  '^liv'fèfej-'ibT; 
-Àiiqy:>Athence  christiana.  Leipzig,  1868.  i-  m     ■;'  ;  ' 
,^,..^  Recherches  sur  le  vocable  et  l'emplacement  des  églises  chrétunncs ^n  Attiaue  (Archives des 
Missions,  t.  V,  2^  Série;  1869),  M.  #.,  dont  la  bibliographie 'est' dWiriaii-e  si  dtâtiEé, 
ne  le  cite  pas.  't^zoqquz  na   Ji.n]  yj  tjl' j:.    , ; / ,  -,  ,;/..■..  j/.v  jiKVti  ^u^i[uJ  .^D/iOi'j  Vb 


D'HISTOmE^iri>)W:.tjTTJ?RATURE.  121 

phère  de  l'Attique  et  sa  clarté  iumineusQ^iOr,. nous  apprenons  panrMirtW/y  .qui 
emprunte  ces  renseignements  aux  publications  de  l'Observatoire  dirigé  par 
M.  J.  Schmidt,  qu'à  Athènes  il  n'y  a  pas  en  moyenne  deux  jours  par  an  où  le 
soteil -soit  complètement  invisible,  et  que  le  nombre  des  jours  simplement  nébu- 
leux y  est  à  peine  de  24.  Quant  aux  nuits,  il  n'y  en  a  pas  plus  de  5  à  6  par 
année  qui  soient  sans  étoiles.  De  tels  faits  valent  mieux  que  les  phrases  les  plus 
poétiques  en  l'honneur  du  ciel  attique.  —  L'étude  du  sol  de  la  ville  et  de  la 
campagne  d'Athènes  sert  à  Pauteur  à  expliquer  comment  l'activité  des  habitants 
devait  nécessairement  se  porter  du  côté  de  la  mer.  Bien  qu'il  n'y  eût  pas  à 
insérer  là  un  traité  de  géologie,  on  aurait  désiré  cependant  sur  ce  point  quelques 
détails  de  plus.  M.  W.  les  aurait  trouvés  dans  un  ouvrage  qu'il  ne  paraît  pas 
connaître  :  la  Géologie  de  l' Attique  de  M.  Gaudry.  —  Sur  la  question  de  climat, 
les  observations  du  D''  Schmidt,  et  l'ouvrage  spécial  du  Dr  Mathiessen  fournis- 
iSaient  des  données  précises  dont  M.  W.  a  su  tirer  profit  et  qu'il  a  heureusement 
rapprochées  des  témoignages  des  anciens.  Il  en  résulte  que  le  climat  d'Athènes 
s'est  certainement  modifié  depuis  l'antiquité,  mais  qu'il  ne  s'est  pas  modifié  d'une 
façon  aussi  sensible  qu'on  le  croit  généralement.  Il  est  incontestable  cependant 
que  la  sécheresse  de  l'atmosphère  est  plus  grande  aujourd'hui  en  Attique  qu'elle 
,n'était  autrefois,  comme  le  prouvent  l'extrême  rareté  et  l'insignifiance  de  la  rosée 
en  été.  Pour  ne  citer  qu'un  exemple,  en  1862,  du  mois  de  juin  au  mois  de  sep- 
tembre, il  n'y  a  pas  eu  trace  de  rosée  dans  la  campagne  d'Athènes.  M.fr\M. 
établit  qu'il  n'en  était  pas  de  même  dans  l'antiquité.  Aux  raisons  qu'il  donne  il 
faut  ajouter,  je  crois,  une  preuve  tirée  de  la  mythologie.  On  sait  l'importance 
qu'avaient  à  Athènes  les  légendes  des  filles  de  Cécrops  :  Hersè,  Pandrosos, 
Aglauros.  De  telles  fables  auraient-elles  pris  naissance  dans  un  pays  où  la  rosée 
eût  été,  primitivement  comme  aujourd'hui,  un  phénomène  presque  inconnu.'' 

La  description  de  Pausanias  est  évidemment  le  fondement  de  toute  étude 
^scientifique  sur  la  topographie  athénienne,  M.  W.  prend  donc  Pausanias  pour 
jguide  dans  la  première  partie  de  ses  recherches  (p.  1 30-28$).  Mais  le  texte  du 
periégète  soulève  des  difficultés  de  plus  d'un  genre.  On  est  loin  de  s'accorder, 
par  exemple,  sur  la  porte  par  où  il  est  entré  et  sur  la  route  qu'il  a  suivie  dans 
ses  promenades  artistiques  à  travers  Athènes.  On  lui  a  souvent  reproché  un 
manque  d'ordre  et  de  méthode,  des  digressions,  des  allées  et  venues  capricieuses 
qui  déconcertent  les  topographes  modernes.  M.  W.  essaye  de  prouver  que  ces 
critiques  sont  sans  fondement,  que  Pausanias,  loin  d'aller  au  hasard,  suit  dans 
sa  description  un  plan  simple,  assez  rationnel,  et  dont  les  différentes  parties  se 
lient  entre  elles.  Il  observe  justement  que  Pausanias  a  fait  un  choix  parmi  les 
milliers  d'objets  qui  pouvaient  solliciter  son  attention,  que  ce  choix  implique 
nécessairement  des  lacunes  dans  sa  description,  mais  que  ces  lacunes  volontaires 
ne  peuvent  le  faire  accuser  de  manquer  de  plan.  Sur  la  méthode  suivie  par  Pau- 
sanias, M.  W.  se  sépare  nettement  d'E.  Curtius.  Il  arrive  souvent  que  le  periégète 
rapproche  et  énumère  au  même  endroit  des  édifices  similaires,  qui  n'étaient  pas 
groupés  ensemble  dans  la  réalité,  mais  au  contraire  dispersés  sur  plusieurs  points 
d'Athènes.  Curtius  avait  cherché  à  expliquer  ce  fait  en  supposant  qu'à  chaque 


12(2  REVUE   CRITIQUE 

groupe  d'édifices  de  mêiti'e  nature  étaient  attachés  deis  exégètes,  des  cicérones 
spéciaux  que  Pausanias  a  pris  pour  guides.  Sans  doute  les  sanctuaires  avaient^ 
leurs  mystagogues,  qui  mettaient  les  étrangers  au  courant  des  légendes  qui  s'j.^ 
rattachaient  et  des  objets  d'art  qui  y  étaient  enfermés.  Mais  pourquoi  les  mond^ 
ments  d'Adrien  auraient-ils  eu  des  exégètes  particuliers  ?  Il  est  bien  naturel,- 
comme  le  remarque  M.  W.,  que  Pausanias,  après  avoir  décrit  l'Olympeion,  parle 
des  autres  édifices  dus  à  la  munificence  d'Adrien,  de  même  que  le  sanctuaire^ 
mystique  d'Agra  le  fait  pensera  l'Eleusinion,  et  que  l'Aréopage  lui  est  une  occâ-" 
sion  de  citer  les  autres  tribunaux  d'Athènes.  Les  digressions  de  Pausanias  sont 
des  digressions  d'antiquaire  et  d'historien  et  ne  correspondent  pas  à  des  excursus 
réels.  Sur  tous  ces  points,  nous  sommes  complètement  d'accord  avec  M.  W.  Il 
nous  semble  aussi  que  sion  fait  entrer  Pausanias  à  Athènes,  non  par  le  DipyloWp 
comme  le  veut  Curtius,  mais  par  la  porte  du  Pirée^  sa  description  de  l'agora  tel 
comprend  et  s'explique  plus  facilement.  En  un  mot,  la  démonstration  de  M.  W.  j 
très-logique  et  sans  cesse  appuyée  de  preuves  solides,  nous  paraît  entraîner 
presque  toujours  la  conviction.  Sur  un  seul  point,  le  plan  de  Pausanias,  heureu- 
sement rétabli  dans  son  ensemble,  paraît  complètement  bouleversé.  La  descrip- 
tion du  quartier  d'Athènes  situé  sur  la  rive  gauche  de  l'ilissus  se  trouve,  on  le 
sait,  coupée  en  deux  parties  que  sépare  un  assez  grand  intervalle,  et  d'une  façon 
si  malheureuse  que  le  passage  du  chapitre  19  qui  a  trait  aux  monuments  d'Agrai^' 
au  lieu  d'être  la  suite  naturelle  des  passages  analogues  des  chapitres  8  et  il(} 
semble  devoir  au  contraire  les  précéder.  Il  y  a  là  un  désordre  qui  est  en  coff-if 
tradiction  formelle  avec  le  plan  méthodique  attribué  à  Pausanias  par  M.  W.,^? 
l^o-n  n'accepte  pas  l'hypothèse,  assez  vraisemblable,  d'une  interversion  '  ééf 
feuilles  dans  un  manuscrit  ancien  d'oti  dériveraient  tous  ceux  que  nous  possé-^ 
dons.  s^i 

Une  source  -non  moins  précieuse  de  renseignements,  ce  sont  les  indicatiori^ 
que  nous  fournissent  les  textes  anciens  sur  la  route  que  suivaient,  à  travers  lés 
rues  d'Athènes,  les  processions  religieuses.  Cette  question  avait  été  déjà  étudiée 
parAug.  Mommsen  dam  %on  Heortôlogie  :  en  la  traîtàttt' â  son 'tôtffPMi^M^^J* 
ajoute  un  surcroît  de  précision  et  d'exactitude  et  il  arrive  à  déterminer,  '  avëè 
une  grande  vraisemblance,  la  place  controversée  du  Pélasgikon,  celle  du  Pythion, 
telle  de  l'Eleusinion.  La  topographie  d'Athènes  se  termine-  et'^i^  complète  par 
une  série  de  monographies  :  sur  le  Pirée,  où  il  n'avait  que  peu  de  chose  à 
ajouter  à  l'excellent  travail  d'Ulrichs  ;  sur  les  Longs  Murs,  les  portes,  les  faubourgs, 
les  quartiers  d'Athènes  ;  sur  le  Théseion,  dont  il  n'accepte  pas  la  dénomination 
et  oi^  il  reconnaît,  par  des  raisons  qui  ne  nous  ont  pas  entièrement  convaincu, 
l'Hérakleion  du  quartier  Mélitè;  sur  l'Eridan;  sur  le  Museion;  sur  le  Pnyx  qu'if 
place  près  de  l'Aréopage,  sur  la  pente  occidentale  de  l'Acropole,  tout  en  décla^^ 
Tant  sagement  que  la  question  appartient  encore  à  la  controverse  et  ne  saurai 
être  tranchée  d'une  façon  définitive.  En  tout  cela,  M.W.  fait  preuve  d'un  véri^ 
table  esprit  critique,  ferme  et  prudent  tout  à  la  fois,  qui  sait  pousser  les  recher- 
ches aussi  loin  que  possible,  qui  serre  de  près  et  discute  tous  les  témoignages 
pour  en  tirer  des  conclusions,  mais  qui  n'a  garde  de  nous  donner  comme  des 


iupiTiiiD  au  van 
d'histoire  et  de  littérature.  123 

vérités  acquises  ce  qui  est  seulennent  vraisemblable  ou  probable.  Ceux-là  mêmf, 
qui  ne  tomberont  pas  d'accord  avec  lui  sur  plusieurs  points,  malheureusemeoti 
encore  bien  incertains,  de  la  topographie  athénienne^  seront  forcés  de  rendre, 
hommage  aux  qualités  supérieures  de  sa  méthode. 

^!^*histoire  de  la  ville  d'Athènes,  qui  occupe  une  place  importante  dans  l'ouvrage 
de  M.  W.  (p.  381-724),  mériterait  un  examen  approfondi.  Forcés  de  nous 
borner  et  de  choisir,  nous  nous  contenterons  de  quelques  courtes  observations 
sur  la  partie  la  plus  controversable  de  cette  histoire  :  celle  qui  concerne  les 
origines.  .u 

L'auteyr  met  tout  d'abord  en  relief  cette  remarque  de  Thucydide  (II,  15,3.4) 
que  la  place  des  premiers  établissements  sur  le  sol  d'Athènes  semble  indiquée 
par  celle  des  plus  anciens  sanctuaires.  Généralisant  cette  observation,  il  en  fait 
un  principe  qu'il  formule  de  la  manière  suivante  :  «  Quand  on  trouve  sur  un 
»  point  déterminé  de  la  ville  un  groupe  d'anciens  sanctuaires  consacrés  au^ 
))  divinités  de  telle  ou  telle  race,  on  peut  en  conclure  que  les  peuplades  appar- 
»  tenant  à  cette  race  se  sont  fixées  dans  ces  limites.  »  Nous  croyons  le  principe 
vrai,  mais  l'application  en  est  souvent  difficile.  S'il  paraît  certain,  par  exemple, 
que  le  culte  d'Apollon  Delphinien  et  celui  de  Poséidon  Heliconios  danS:  le 
quartier  d'Agra  y  impliquent  l'établissement  des  Ioniens,  comment  la  présence  du 
culte  d'Héphaistos  et  son  association  à  celui  d'Athénè  sur  la  citadelle  d'Athènes,, 
peuvent-elles  prouver,  ce  qu'on  induit  d'ailleurs  d'une  autre  façon,  que  les 
Pélasges  ont  occupé  d'abord  l'Acropole  ?  Il  faudrait  établir  auparavant  qu'Hé- 
phaistos  est  une  divinité  d'origine  pélasgique  ;  ce  qui  est  possible,  mais  ce  qui 
n'est  pas  démontré.  De  même,  la  place  du  sanctuaire  des  Euménides  entre.  Ig 
rocher  de  l'Acropole  et  l'Aréopage  ne  prouve  pas  nécessairement  que  ces  dw4^ 
nités  aient  été  apportées  par  les  Pélasges.  De  ce  que  les  Pélasges  ont  rendu  un 
culte  à  Gè,  nous  ne  pouvons  en  conclure  qu'ils  ont  connu  les  Euménides,  filles 
de  la  Terre  d'après  la  croyance  hellénique.  M,  W.  nous  paraît  également  aller 
trop  loin  quand  il  prétend  trouver  dans  le  nom  du  Museion  et  dans  la  position 
du  temple  de  Dionysos  du  quartier  de  Umnae  des  indices  d'établissements  thraces 
à  Athènes.  Le  culte  de  Dionysos  et  celui  des  Muses  sont  à  coup  sûr  d'origine 
thrace  :  mais  ont-ils  été  apportés  directement  en  Attique  par  une  invasion  ou 
une  migration  .?  N'ont-ils  pu  s'y  introduire  plutôt  par  l'intermédiaire  de  la  Béotie, 
alors  que  les  peuplades  thraces  s'étaient  depuis  longtemps  mêlées  dans  ce  pays 
aux  tribus  éoliennes  ?  L'expédition  du  roi  thrace  Eumolpos  contre  Erechtée  est 
une  légende  où  il  est  difficile,  malgré  l'autorité  de  Thucydide,  de  démêler  un 
fondement  historique*; j^rrilÇ^  ^^^serves  faites,  la  méthode  vraiment  neuve  suivie 
par  M.  W.  nous  paraît  avoir  été  féconde  en  heureux  résultats.  La  présence 
d'établissements  phéniciens  dans  le .  qua^^^  est  surtout  très-nettement 

démontrée*5Yii3iq  nâ  .V/.M.jBbDiuoma  .sv  aï  -iiià 

Le  volume  se  termine  par  un  appendice  renfermant  plusieurs  pièces  rares  et 
curieuses  sur  les  ruines  d'Athènes.  C'est  d'abord  la  notice  de  Cyriaque  d'Ancône 
extraite  des  Epigrammata  reperta  per  Illyricum  ;  ce  sont  deux  traités  anonymes 
provenant,  l'un  d'un  ms.  de  la  bibliothèque  de  Vienne,  l'autre  d'un  ms.  de  notre 


^,^1  .HflUTA^ïàTTiJ  .aa  Ta  a>îiOT2iH  a 

^Hxm^  idbhy/3  cn?.z  Knm  '^^^"^  critique  ^^p  ^^  .,,3^  ^„oq  ^^^^  ggq  non 
bibliothèque  nationale  ^.  c'est;  la  lettre  écrite  de  Smyrtier '^■■:  rf6^2  ^iar  '^^le  sjékiiler 
Babin  à  l'abbé  Pécoil  à  Lyon.  ;  Un  plaiir;d'Athènes,  un  autre  du  Pirée,'qui 
apportent  quelques  modifications  utiles  aux  cartes  de  Leake  et  de  ;CiirtiuSi  acbèt* 
vent  de  donner  du  prix  à  ce  volume.  >     ,   n^  lit.'! 

^  En  somme,  l'ouvrage  de  M.  W.  est  le  plus  complet  et  lé  meilleur  qui  ait  été 

publié  jusqu'alors  sur  la  topographie  et  l'histoire  de  la  ville  d'Athènes.  Il  ne 

deviendra  pas  seulement  le  manuel  indispensable  des  membres  de  notre  Ecole 

française,  des  membres  de  l'Institut  archéologique  fondé  l'année  dernière  à 

Athènes  par  le  gouvernement  prussien,  et  de  tous  ceux  qui  vont  étudier  la  Grèce 

chez  elle  :  il  pourra  être  consulté  avec  profit,  et  en  toute  confiance,  par  d'autres- 

encore  que  par  les  archéologues  et  les  topographeçi^uns  îftomùîoaài  :rioL  alla^iip 

P.  Decharme. 


i-^il/:-*^  Une  anthologie  d'Horace,  précédée  d'6bservatîoril'^stfi^^ft"!^Wfi  dont  il 
convient  de  traduire  aujourd'hui  les  poètes,  par  M.  Jules  Loiseleur ,  bibliothécaire 
de  la  ville  d'Orléans.  Orléans,  Herluison;  Paris,  Lemerre.  187$.  In-8°  de  120  p.  tiré 
à  80  exemplaires.  —  Prix  :  5  fr.  v       ..        ^        ^,> 

?-;v!;  :^r  >  ■,  v:-;!  ?vj  ^!;  5idmonliijg(ï  tt5rd  rru  lup{  UBeim  insaèiq  é'upztrf  E-nO 

Voici  une  publication  qui  ne  manque  ni  d'aUdace  ni  d^originalité.  M;  Loisi5fi[:i 
leur,  contraint,  par  la  fatigue  de  sa  vue,  à  s'abstenir  pour  quelque  temps  deSl 
travaux  historiques  qui  l'ont  fait  connaître  si  avantageusement,  a  consacré  ses 
loisirs  forcés  à  une  traduction  en  vers  des  plus  belles  odes  d'Horace,  réalisée 
dans  des  conditions  de  sobriété  et  d'exactitude  tout  à  fait  nouvelles.  Ainsi  qu'it 
le  dit  dans  une  introduction  fort  intéressante,  morceau  de  critique  littéraire  plein) 
d'idées  et  d'idées  accompagnées  de  preuves,  la  traduction  en  vers  est  loin  d'avoir 
suivi  les  progrès  accomplis  depuis  vingt  ans  par  la  traduction  en  prose  :  elle  en 
est  restée  à  peu  près  au  point  où  Delille  l'avait  laissée.  Les  traducteurs  même 
les  plus  vantés  ne  sont  jusqu'à  ce  jour  que  de  libres  imitateurs,  procédant  par 
périphrases,  fuyant  le  mot  propre,  énervant  leur  modèle,  l'altérant  par  des-i 
retranchements  et  des  additions  également  déplorables,  habillant  enfin  la  statue 
antique  à  la  moderne  ' .  Voilà  les  défauts  que  l'auteur  de  V Anthologie  d'Horace  enlre- 
prend  d'éviter,  sans  se  dissimuler  les  difficultés  de  la  tentative,  ni  se  flatter  de. 
les  avoir  toujours  vaincues.  Dans  son  introduction,  il  établit  avec  sa  netteté; 
habituelle  la  somme  et  la  limite  des  concessions  qu'un  lecteur  intelligent  et  équi« 
table  doit  accorder  au  traducteur,  eu  égard  au  génie  différent  des  deux  langues 
et  aux  entraves  résuhant  de  cette  quantité  d'articles,  de  prépositions  et  de  verbes 
auxiliaires  dojiX  l^  nôtre  est  hérissée,  mais  il  ajoute  qu'il  ,est  :  possible  de  rendre 
les  poètes  anciens  avec  plus  de  sobriété  et  de  concision  qu'on  ne  l'a  fait  jusqu'ici. 
Joignant  l'exemple  au  précepte,  il  traduit  les  trente-trois  plus  belles  odes  d'Horace, 

nr.iM:.:'!;.;  |xâSsé  sùceièsàivénierit  en  réviiie  (pitiS^ï^)  les  principales  traductions- eW  ^fê^ 
des  odes  d'Horace,  et  il  signale  spirituellement  les  infidélités  de  MM.  d'Autroche  (1789)41 
de  Wailly,  Pierre  Daru,  Goupy,  Emile  Boulard,  baron  Doyen,  comte  Henri  Siméon;  la.^ 
devise  de  tous  ces  traducteurs  semble  avoir  été  :  mutilation  ou  amplification.  Quand  le 
malheureux  Horace  n'est  pas  écharpé  par  eux  {disjecti  membra  potla)^  il  est  par  eux  noyé 
"[|f[>"^*^Çff[^;5^^u  L  luyii  fil  iiTjjÙQg  iio.  i3.  ^ïy^mî  SD  L  MhYj({  mn  îiitinianii^Mj' 


d'histoire  et  de  littérature.  125 

non  pas  vers  pour  vers,  ce  qui  serait  inexécutable,  mais  sans  excéder  jamais  le 
nombre  devers  de  l'original.  Bien  plus,  il  reproduit  maintes  fois  jusqu'au  rhythm^,' 
c'est-à-dire  que  son  vers  présente  la  même  mesure,  le  même  nombre  de  syllabes 
que  le  vers  d'Horace.  C'était  certes  là  un  problème  aussi  difficile  que  ceux  qù¥ 
l'auteur  s'est  souvent  proposés  dans  le  domaine  de  l'histoire  et  qu'il  a  presque^ 
toujours  résolus.  Et  si  l'on  songe  qu'il  l'aborde  avec  le  secours  d'un  vers  souvent 
heureux,  toujours  plein  et  bien  sonnant,  on  ne  refusera  pas  de  s'associer  i^ 
l'approbation  que  je  lui  donne  ici.  «  J'ai  surtout  entendu  indiquer  la  voie  a 
»  suivre,  dit-il  modestement  dans  une  note  finale  :  de  plus  habiles  se  chargerortï' 
))  de  l'élargir.  »  Et,  en  effet,  si  la  traduction  en  vers  veut  se  relever  du  discrédit 
oh  les  paraphraseurs  l'ont  fait  tomber,  c'est  dans  la  voie  tracée  par  M.  Loiseleur 
qu'elle  doit  résolument  entrer^-sriq^iaW^,  2^  is^  ^âuaolo,^riais  asli^q  9up.  aïoona 

T.  de  L. 

i!72»,rr^  Altenglische  Legenden.  Ans  den  yerschiedenen:>MsscfîZUffli  jersten  Maie 
herausgegeben  von  P'-Carl  Hqrstmann.  Paderborn,  Schœningh.  1875.  In-8*,  xliv- 
240  p.  —  Prix;  :5  fr.  35.  1 

On  a  jusqu'à  présent  mis  au  jour  un  bien  petit  nombre  de  ces  légendes  pieuses 
qui  constituent  une  part  notable  de  la  littérature  anglaise  au  moyen-âge.   M.  C. 
Horstmann  s'est  donné  la  tâche  de  les  faire  connaître.  Après  en  avoir  imprimé 
plusieurs  dans  divers  recueils  périodiques,  il  en  donne  aujourd'hui  quatre;iBtt  ,tiïî^ 
volume,  VEnfance  de  Jésus,  la  Naissance  de  Jésus  (en  partie  dans  un  double  texte),' 
Barlaam  et  Josaphat  (deux  versions  complètes,  dont  l'une  fort  abrégée,  et  un 
fragment)  et  lé  Purgatoire  de  saint  Paîrm.UM.  estime  que  ces  poèmes  remon^^ 
tent  au  milieu  du  xiii^  siècle,  mais  ne  nous  sont  pour  la  plupart  parvenus  que^ 
sous  une  forme  remaniée  au  siècle  suivant.  Dans  son  introduction,  il  se  livre  à 
une  classification  fort  utile  des  compilations  manuscrites  qui  nous  ont  conservé' 
.ces  légendes  avec  beaucoup  d'autres.  La  publication  est  faite  avec  soin  et  criti- 
que, mais  sans  aucune  note.  Dans  l'état  actuel  de  la  lexicographie  du  moyen- 
anglais,  un  lexique  des  mots  intéressants  n'aurait  pas  été  superflu.  L'éditeur  est 
également  fort  sobre  de  renseignements  littéraires.  On  peut  se  demander  si  telle 
ou  telle  de  ces  compositions  n'a  pas  une  source  française  plutôt  que  latine.  Mais 
le  volume  de  M.  H.  n'en  sera  pas  moins  le  bien  venu  auprès  de  ceux  qui  étitr" 
dient-l'histoiï^  de- k  langue  anglaise  et  la  littérature  religieuse  du  moyen-âge.   *  ' 

i^^.  ^  Fèéi^és  ff^ix^ïsés,1à%iheé  <it  grecques  de  Màiiîtt  èespois,  avec 
une  introduction  et  des  notes,  par  Reinhold  Dezeimeris.  Bordeaux,  Gounouiihou. 
1875.  ln-8',  142  p.  (tiré  à  112  exemplaires).  .,      .      ,,      ... 

Martin  Despois,  jurisconsulte,  érudit  et  poète  bordelais,  mourut  à  Bordeaux' 
vjers  1623,  âgé  de  moins  de  quarante  ans.  Il  avait  préparé  pour  l'impression  un 
recueil  de  poésies  en  français,  en  latin  et  en  grec,  qui  est  resté  inédit.  Ce  ma- 
nuscrit étant  venu  entre  les  m^ir;^,4e  M.  Reinhold  Dezeimeris,  il  en  a  tiré  Iç^ 
choix  qui  remplit  ce  volume,  -r-rhuawçinquièrae  environ  du  tout.  L'auteur  n^i 
certainement  rien  perdu  à  ce  triage,  et  on  goûtera  la  fleur  d'un  panier  qui, 


rempli,  aurait  effrayé  plus  d^une  bonne  volonté.  Comme  représentant  des  goûts 
et  des  études  d'une  certaine  élite  provinciale  au  sortir  des  guerres  de  religion  et 
avant  Richelieu,  entre  la  Pléiade  et  le  siècle  de  Louis  XIV,  Despois  est  inté- 
ressâ?nt  f  il  a  trouvé  dans  M.  D.  le  meilleur  éditeur  qu'il  pût  souhaiter.  La  réserve 
wêm«  avec  laquelle,  dans  sa  préface,  il  fait  Péloge  de  son  client  dispose  le  lecteur 
à  trouver  qu'il  reste  en  deçà  de  la  mesure  plutôt  qu'il  ne  va  au-delà.  En  réalité 
il  rend  pleine  justice  à  la  valeur  du  poète  bordelais;  cette  valeur  est,  bien 
entendu,  historique  plus  qu'esthétique,  et  cependant  on  lit  avec  plaisir  la  plupart 
de  ces  pièces  légères,  surtout  des  latines,  imitées  avec  adresse  de  Catulle, 
^e  Martial,  d'Ausone,  de  Marulle,  de  Jean  Second  ou  de  l'Anthologie,  et  où 
■souvent  sont  heureusement  exprimés  des  sentiments  plus  délicats  et  plus  origi- 
naux qu'on  ne  s'y  attendrait.  M.  D.  a  commenté  Despois  ayec  l'érudition  sûre 
et  variée  dont  il  a  donné  mainte  preuve  depuis  son  excellente  édition  de  Pierre 
de  Brach.  Il  a  extrait  dans  son  introduction,  soit  de  ce  qu'il  a  publié,  soit  de  ce 
qu'il  a  laissé  dans  le  manuscrit,  tous  les  renseignements  qui  peuvent  servir  à 
tîaire  bien  connaître  l'époque  et  le  milieu  de  l'auteur.  C'est  en  partie  grâce  à 
¥es  fines  remarques  que  le  joli  volume  où  Despois  a  la  bonne  fortune  de  revivre 
■^evra  de  prendre  une  place  honorable  dans  nos  bibliothèques  :  agréable  en  lui- 
même,  il  vient  s'ajouter  utilement  à  tous  les  matériaux,  jusqu'ici  peu  mis  en 
œuvre,  qui  permettront  d'écrire  l'histoire  littéraire  de  la  période  de  transition,  â 
laquelle  il  appartientP^iïqfn^^K^ÎAcn  ifc  9liBnit)'M>^d--ri^9Jéoq  ub  zbK^/^^'^biRH  é 
0?  3n:^).UD  iv.  '   ^— '^■^■^-— ■ — ^'  '  -.h 

rsnrj'îî-în  "rrr/rr;:  'h 

^.174.  —  Œuvres  complètes  de  Diderot,  revues  sur  les  éditions  originales,  compre- 
nant ce  qui  a  été  publié  à  diverses  époques  et  les  manuscrits  inédits  conservés  à  îa 
^■^    bibliothèque  de  l'Ermitage.  Notices,  notes,  table  analytique;  étude  sur  Diderot  et^le 
ij,   mouvement  philosophique  au  XV1II«  siècle.  Par  J.  Assézat,  Paris,  Gar.nier.   1874. 

s^  "Nous  ftbiisbôfnons  pour  aujourd'hui  à  annoncer  cette  pobîica^oftînif)oftinte, 
-isiir  laquelle  nous  reviendrons  en  détail  avant  qu'elle  soit  terminée.  Disons  tout 
Se  suite  qu'elle  fait  honneur  à  la  librairie  qui  l'entreprend  et  à  l'éditeur  qui 
l'exécute.  Le  texte  est  établi  avec  une  grande  attention  etime  correaion  très- 
remarquable  ;  les  notices  sont  brèves  et  substantielles,  les  notes  bien  placées  et 
utiles.  Déjà  dans  ces  deux  volumes  on  trouve  d'importants  ouvrages  inédits  : 
M.  Assézat  a  eu  le  bonheur  d'avoir  à  sa  disposition  la  copie  de  tous  les  papiers 
de   Diderot  qui  se  trouvent  à  Saint-Pétersbourg  :  cela  suffirait  pour  donner  à 
son  édition  une  valeur  hors  ligne.  M.  A.  a  disposé  les  -œuvres  si  variées  de 
i<Diderotpar  ordre  de  matières  :  Philosophie,  Belles-Lsîtres,  Sciences,  Beaux-Arts j 
iiEncyclopédiej  Correspondance.  Nous  aurions  préféré  l'ordre  biographique,  et  M.  A. 
l'aurait,  semble-t-il,  préféré  lui-même;  il  dit,  en  pariant  de  cette  disposition  : 
«  Cela  donne  une  plus  juste  idée  de  l'auteur,  mais  cela  dérange  les  habitudes.  » 
L'inconvénient  est  assurément  peu  de  chose  en  comparaison  de  l'avantage  ; 
sPintérêt  personnel  qu'inspire  Diderot  est  souvent  plus  grand  que  la  valeur  absolue 
■^e  ses  œuvres,  et  pour  lui  particulièrement  cette  innovation  se  recommandait. 
\»Mais -ce -léger  défaut  n'est  sensible  que  parce  que  l'éditeur  l'a  signalé  lui-même, 
^ il  n'empêchera  pas  que  le  monument  ^levé  enfin  à  Diderot  ne  soit  digne  de  lui. 


I 


D'HISTOIRlPfiT^DET  LITTÉRATURE.  '^'27 

<=l'^V''-^^KCQ  Dfi  Fouc^uièRi:s.  Documents  nouveaux  sur  André  Chénier/tt 
V.  Examen  critique  de  la  nouveile)é(lUio&4ejiCS«eit'yre&^  PiriS)  Chii^eatier.  1875.  In-ini^ 
xiH72  p.  -  Prix  :  3  fr.  jo.-    ,,._  ^..^i,  ^j  tv'  ^bf^\m  ^i  ^--t       h-  ;r 

Nous  annonçons  bien  tardivement  un  livre  qui,  dès  son  apparition,  a  été  rais 
au  rang  qu'il  mérite.  Consacré  presque  tout  entier  à  critiquer  ou  à  compléter 
rl^édition  que  M.  Gabriel  de  Chénier  a  récemment  donnée  des  œuvres  de  son 
oncle,  il  est  tout  le  temps,  malgré  cette  allure  polémique,  intéressant  et  instruc- 
,tif.  Depuis  qu'il  a  donné  ses  belles  éditions  du  poète,  M.  Becq  de  Fouquières, 
Qil  le  voit,  n'a  pas  cessé  de  s'en  occuper  ;  la  pjjblication  de  M.  de  Chénier,  si 
précieuse  comme  fond,  si  malheureuse  comme  forme,  lui  a  donné  l'occasion  de 
traiter  à  nouveau  une  foule  de  points.  D'ailleurs  cette  publication  révélait  tant 
jijcx^ioses  nouvelles  qu'il  était  nécessaire  de  les  trier  et  de  les  apprécier  :  personne 
,ne  pouvait  le  faire  mieux  que  M.  Becq  de  Fouquières.  Son  livre  se  divise  en 
c4eux  parties  relatives,  l'une  à  la  personne,  l'autre  aux  œuvres  de  Chénier;  l'une 
/et  i'autre. abondent  en  renseignements  nouveaux,  en  explications  lucides,  ^ 
remarques  judicieuses.  La  dernière  édition  est  soumise  à  une  critique  impitoyable, 
mais  juste,  et  dont  le  ton  parfois  un  peu  dur  s'explique  par  celui  qu'a  pris  sans 
aucune  raison,  envers  le  précédent  éditeur,  M.  Gabriel  de  Chénier.  La  sagacité 
et  l'attention  de  M.  B.  de  F.  lui  ont  permis  de  tirer  le  meilleur  parti  des  richesses 
,qui  viennent  d'être  communiquées  au  public;  il  a  surtout  parfaitement  reconstruit, 
à  l'aide  des  notes  du  poète,  —  d'ordinaire  si  mal  comprises  par  son  neveu,  —  le 
développement  des  pensées  et  des  travaux  d'André.  La  restitution  du  texte  en 
des  endroits  corrompus  lui  a  permis  de  montrer  la  perspicacité  d'un  vrai  critique: 
son  plus  beau  succès  est  le  déchiffrement  de  deux  vers  des  ïambes,  inédits  jusqu'à 
M.  de  Chénier  :  Comme  sont  les  discours  des  sept  cents  plats  bélîtres,  Dont  Barère  est 
le  plus  savant.  Il  faut  lire  dans  le  livre  comment  il  est  arrivé  à  arracher  ce  sens  au 
texte,  où  les  mots  compromettants  sont  ou  écrits  ou  traduits  en  persan  ou  en 
arabe.  Nous  recommanderions  vivement  cet  excellent  livre  si  tous  les  amis  de 
Chénier  ne  le  possédaient  déjà  ;  nous  souhaitons  que  M.  B.  de  F.  nous  donne  pro- 
chainement, ce  qui  est  devenu  possible,  une  édition  définitive,  avec  commentaire, 
des  œuvres. dit g^and^pQète^aUîtnom  duquel  il^,4^jà  indissQiuMement  lié  le  sien. 

iiJii):>rti  ESgfiivfio  •3îniinoq;fSOCIÉTÊS  SAVANTES.^'t/sfa'sai  znste  £[00  .«shm 

il^hsq   ZSi   2UÛÎ^Jfet^jE   DES   INSCRIPTIONS   ET  BELfÊS^ti-f-RES;  "  *•  '    "  ^     M 

^  '^■'-' ■-:•■:  -^uoQ  Ui-r:-  Séance  du  u  août  iS7<).  "'^ 

■'^  Le  ministre  de  l'instruction  pubHque  transmet  à  l'académie  pour  la  commissioin 
•dès  inscriptions  sémitiques  deux  inscriptions  arabes  envoyées  d'Algérie  par 
M.  Chèrbonneau.  L'une  est  une  inscription  commémorative  de  la  construction 
d'une  mosquée;  l'autre  est  une  épitaphe.^-  De  nouveaux  estampages  d'inscrip- 
^tions  pui*iiques  sont  envoyés  de  Tunisie  par  M.  de  Sainte  Marie. 

M.  Collenot,  ancien  maire  d'Amance,  près  Nancy,  adresse  à  l'académie  la 
photographie  d'une  plaque  de  fonte  armoriée  qui  a  été  trouvée  appliquée  à  une 
chetoinée  dans  une  ancienne  maison  à  Amance. 

—  M.  Egger  lit  une  note  de  M.  Th.  H.  Martin  sur  V origine  et  le  sens  primitif 
du  mot  DiCTATOR  chez  les  Romains.  M.  H.  Martin  rappelle  que  primitivement  les 
dictateurs  de  Rome  portèrent  le  titre  de  magisier  populi;  plus  tard  ce  nom  fut 


128  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

remplacé  par  celui  de  dicîator.  M.  Martin  cherche  l'origine  de  cette  appellation 
nouvelle.  Les  anciens  en  ont  donné  deux  étymologies;  suivant  l'une  le  dictateur 
était  ainsi  appelé  parce  qu'il  était  nommé  dictuSy  par  le  consul,  suivant  l'autre, 
parce  qu'il  avait  pour  mission  de  rendre  des  édits,  edicere,  ou  parce  qu'on  devait 
obéir  à  sa  parole,  dicîo.  La  première  explication  est  inadmissible  parce  qu'elle 
attribue  au  suffixe  -tor  une  signification  passive  qu'il  n'a  jamais  en  latin  ;  la  seconde 
a  le  tort  de  confondre  dictarCj  d'où  vient  dicîator,  avec  dicere.  On  ne  peut  sup- 
poser que  dictare  ait  été  pris  au  sens  de  iuhere,  car  ce  mot  n'a  pris  ce  sens  qu'au 
temps  de  Quintilien.  Dictator  ne  peut  signifier  que  celui  qui  dicte,  au  sens  propre 
de  ce  mot.  Or  dicter  aux  enfants  était  la  besogne  ordinaire  des  maîtres  d'école, 
qui  portaient,  comme  le  magister  .populi,  le  nom  de  magister.  On  peut  supposer 
que  le  peuple,  jouant  sur  ce  mot,  aura  par  plaisanterie  attribué  au  magister  populi 
une  qualification  propre  aux  magistri  qui  dictaient  aux  enfants  ;  puis  ce  nom 
introduit  squs  forme  de  plaisanterie  sera  devenu  habituel  et  enfin  officiel. 
M.  Martin  voit  une  allusion  à  cette  origine  du  nom  des  dictateurs  dans  le  mot 
de  César  sur  Sylla,  «  Sullam  nesciuisse  litteras,  qui  dictaturam  deposuerit  ». 

M.  Naudet  trouve  cette  théorie  peu  vraisemblable.  Les  Romains  de  la 
république  craignaient  trop  l'autorité  des  dictateurs  pour  oser  se  moquer  d'eux 
de  la  sorte.  Le  mot  de  César  sur  Sylla  n'est  qu'un  calembour,  il  ne  faut  pas  y 
chercher  une  théorie  étymologique.  Le  dictateur  était  ainsi  nommé  parce  qu'il 
dictait  ses  ordres,  qu'il  les  prononçait  formellement.  Quand  après  Hadrien  furent 
organisés  les  offices  palatins,  divisés  en  trois  sections,  ab  epistolis,  a  libellis,  a 
memoria,  chacune  dirigée  par  un  magister,  les  fonctions  de  ces  magistri  étaient 
exprimées  par  le  mot  dictare  :  ainsi  être  chef  de  la  section  a  memoria  se  disait 
dictare  ad  memoriam.  C'est  dans  le  même  sens  que  le  magister  populi,  qui  com- 
mandait à  tous  dans  la  république,  fut  appelé  par  excellence  dictator. 

—  M.  Maury  commence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulé,  Nouvelles  observations 
sur  la  langue  étrusque.  C'est  un  examen  critique  du  livre  de  M.  Corssen  sur  le 
même  sujet  ^  M.  Maury  rend  hommage  à  la  méthode  sévère  qui  distingue  le  livre 
de  M.  Corssen.  Il  signale  les  principaux  monuments,  peu  connus  jusqu'à  présent, 
que  ce  livre  fait  connaître  et  met  en  lumière.  Mais  plusieurs  interprétations  pro- 
posées par  M.  Corssen,  notamment  ses  théories  sur  les  noms  de  nombre,  lui 
paraissent  être  en  contradiction  avec  les  témoignages  que  fournissent  les  inscrip- 
tions. Il  s'attache  à  combattre  ces  théories,  et  il  appuie  par  des  arguments  nou- 
veaux les  identifications  proposées  par  les  archéologues  qui  se  sont  déjà  occupés 
de  ces  questions,  comme  M.  Fabretti. 

Ouvrages  déposés  :  —  Aug.  Castan,  J.  Priorat  de  Besançon,  poète  français  de  la  fin 
du  XIII' siècle  (extr.  de  la  Bibliothèque  de  l'école  des  chartes);  —  les  publications  de  la 
société  littéraire  «Le  Parnasse»  {(pt.lQloyiy.bc  (juXXoyoç  ïlapvao-doç),  à  Athènes.  —  Présente 
par  M.  Renier  :  «  Iscrizioni  antiche  Vercellesi,  raccolte  ed  illustrate  »,  par  le  P.  E. 
Bruzza,  de  l'ordre  des  Barnabites,  Rome,  1874,  g'*-  ^'  •  ce  volume  comprend  une  intro- 
duction sur  l'histoire  de  l'antique  Verceil,  et  environ  200  inscriptions. 

Julien  Havet. 

I.  Ueber  die  Sprache  der  Etrusker.  Leipzig,  1874,  8°.  —  Cf.  Revue  critique,  J874, 
2,  p.  321.  

Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 

Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


présente,  imprimées  sur  quatre  colonnes  paratlèies,  quatre  Verrions  du  poème 
tirées  de  manuscrits  appartenant  le  l'-'à  la  collection  Cotton,  au  British  Museumi,')! 
le  2<^  à  la  Bibliothèque  Bodléienne,  le  y'  à  l'Université  de  Gœttingen,   le  4^  ajU(,j 
Trinity  Collège,  à  Cambridge.  Après  quelques  remarques  philologiques,  l'auteur^ 
de  Particle  donne  une  analyse  étendue  du  Cursor  Munii  lequel  n'est  autre  chose  ' 
que  l'Histoire  Sainte,  où  le  récit  biblique  est  fortement  mêlé  de  légendes.   Le 
premier  volume  se  termine  par  l'arrestation  des  frères  de  Joseph  accusés  du  vol 
de  la  coupe).  —  Nalopâkyânam.  By  the  Rev.  Thomas  Jarrett  M.  A.  Cambridge 
University  Press  (Le  texte,  imprimé  en  caractères  romains,  est  accompagné  d'un 
vocabulaire  et  d'une  courte  grammaire).  —  The  British  Muséum.  III.  —  Henry 
H.  HowoRTH.  Saro  Grammaticus.  IL  — Bishop  Thirlwall  (Notice  nécrologique).  '■ 

—  Litcrary  Gossip.  —  J.  B.  Waring,  Ceramic  Art  in  remote  âges.  Illustrated.  -' 
Day  (beaucoup  de  rêveries).  —  The  archaeological  Institute  at  Canterburyb 
(compte-rendu  très-détaillé  du  meeting  annuel  des  archéologues). 

Literarisches  Centralblatt,  n"  32,  7  août.   Zunz,  Gesammelte  Schriften, 
herausg.   vom  Curatorium  der  Zunzstiftung.  I.  Bd.   Berlin,   Gerschel,  in-S**, 
354  p.  (réimpression  utile;  pourtant  le  IP  morceau,  bibel  critisches^  composé 
lui-même  de  plusieurs  études  relatives  à  l'âge  des  textes  bibliques,  est  bien 
arriéré).  —  Die  tirolischen  Weisthùmer,  herausg.  v.  Ign.  v.  Zingerlé  und  K. 
Th.  V.  Inama  Sternegg.  i  Th.  Unter-Innthal.  Wien,  BraumùUer,  in-8",  viij- 
298  p.  (publication  dirigée  par  l'Académie  des  sciences.  Ces  antiquités  juridiques 
du  Tyroi  formeront  4  volumes).  —  Geffcken,   Staat-  und  Kirche  in  ihren 
Verhaeltnissen  geschichtlich  entwickelt.  Berlin,  Hertz,  in-8°,  viij-673  p.  (ouvrage 
médiocre).  —  Egli,  Die  Schlacht  von  Cappel.  Zurich,  Schulthess,  in-8",  88  p. 
(excellente  monographie  accompagnée  de  deux  plans  et  de  relations  inédites  de 
la  bataille  dues  à  des  témoins  oculaires).  —  Heigel,  Andréas  Hofer.  Mùnchen, 
Ackermann,  in-8°,  24  p.  (conférence  intéressante).  —  Des  Q^  Horatius  Flaccus 
Sermonen,  herausg.  und  erklaert  von  Ad.  Th.  H.  Fritzsche.  I  Bd.  :   der  ser- 
monen  Buch  I.  Leipzig,  Teubner,  in-8°,  vj-252  p.  (le  commentaire  est  riche  et"' 
détaillé).  —  Freudenthal,  Hellenistische  Studien.  IL  Th.  Alexander  Polyhistor.  j 
Breslau,  Skutsch,  in-8°,  258  p.  (bonne  édition  critique,  accompagnée  d'une  étude,  ,, 
approfondie  des  sources  de  Polyhistor).  —  Kœnig,  Étude  sur  l'authenticité  des;  ^, 
poésies  de  Clotilde  de  Surville.  Halle,  Schwabe,  in-8",  173  p.  (monographie 
très-détaillée,  qui  n'ajoute  rien  cependant  aux  résultats  acquis.  V.  Revue  critique^ 
1873,  n''  9).  —  Briefe  von  Gœthe,  Schiller,  Wieland,  Kant,  Bœttiger,  Dyk  und 
Falk,  an  Karl  Morgenstern.  Herausg.  von  F.  Sintenis.  Dorpat,  Glaeser,  in-8°, - 
50  p.  (Parmi  ces  lettres,  léguées  par  Morgenstern,  avec  tous  ses  papiers,  àla 
bibliothèque  de   l'Université   de    Dorpat,   celles  de  Falk   présentent  le   plus 
d'intérêt).  ;:■.;.,  jl'-  ::'.i^:  .-n-;*î:.Ji  r:i  j- ;,'■  -" 

Jenaer  Literaturzeituiièf'ïi°l'^V  5  M*^-' G^^^  Gommentar  ùber  dié'I 

Bûcher  der  Makkabâer.   Leipzig,    Dœrffling  und  Francke,  in-8%  iv-428  p. 
fW.  Grimm).  —  F.  H.  Geffcken,   Staat  und  Kirche.  Berlin,  Besser,  in-8**,  . 
viij-675  p.  (0.  Meyer).  — G.  Kretschmar,  Die  Natur  des  Praelegats  nach 
rœmischem  Recht.  Leipzig,  Rossberg,  in-8**,  viij-297  p.  (G.   Hartmann).  —  ' 
ErnstHyECKEL,  Anthropogenie.  Leipzig,  Engelmann,  in-8'',xvj-732  p.  (A.  Gôtte).^^' 

—  J.  Freudenthal.  Hellenistische  Studien.  II  Th.  Alexander  Polyhistor.  Breslau,' 
Skutsch,  in-S",  238  p.  (C.  Mendelssohn\  —  Alb.  Jahn,  Die  Geschichte  der' '' 
Burgundionen  und  Burgundiens  bis  zum  Ende  der  I.  Dynastie.  Halle,  2  vol. 
in-8<>,  xxxvj-$6o  p.  ix-560  p.  (W.  Arndt).  —  J.  Schmidt,  De  Herodotea  quae 
fertur  vita  Homeri.  Halle,  Lippert,  in-8%  vj-12?  p.  (R.  Volkmann).  —  Frag-^ . 
ments  and  Spécimens  of  early  Latin.  By  John  Wordworth.  Oxford^  Clarendon 
Press,  in-8%  xxx-679  P-  i^-  Bùcheler.  Cf.  Revue  critique,  1875  ,  n°  33).  — 
Auguatin  Tùngers  facetiae,  herausg.  von  Ad.  von  Keller.  Tùbingen,  in-8°, 
163  p.  (R.  Peiper).  —  Ch.  JORET,  Du  C  dans  les  langues  romanes.  Paris, 
Franck,  in-8%  xx-344  ?•  (H-  Stengel).  —  Briefe  von  und  an  Gottf.  Aug. 
BùRGER,  herausg.  von  Ad.  Strodtmann.  Berlin,  Paetel,  4yoL4n-^»(H.PRÔHLE). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS    FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  s^ns 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
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Bibliotheca  philologica.  Od.  geordnete 
Uebersicht  aller  auf  dem  Gebiete  der  class. 
Alterthumswissenschaft  wie  der  aelteren 
u.  neueren  Sprachwissenschaft  in  Deutsch- 
land  u.  dem  Ausland  neu  erschienenen 
Biicher.  Hrsg.  v.  W.  Mûidener.  27. 
Jahrg.  I.  Htt.  Jan.-Juni  1874.  In-S", 
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V.  W.  MùIdener.  22.  Jahrg.  i .  Hft.  Jan.- 
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merischen   Troja.   Mit  2  Karten  u.   e. 


landschaft.    Ansicht.    In-8' 
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Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N»  35  Neuvième  année.  28  Août  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


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suivant  le  pays. 

PARIS 
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Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

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nier,  directeur  d'études  adjoint.  1 2Mivraison  (fin).  1  fr.  50 

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sions in  India  from  their  commencement  in  1706  to  1871,  by  Rev.  M.  A.  Sher- 
RiNG.  London,  Trùbner  (R.  S.  Copleston).  —  The  Quarrel  between  the  Earl 
of  Manchester  and  Oliver  Cromweli,  unpublished  Documents  relating  theretOj^^ 
collected  by  the  late  J.  Bruce,  with  an  historical  Préface,  annotated  and  com- 
pleted  by  David  Masson.  London  printed  for  the  Camden  Society  (J.  J.  Cart- 
WRiGHT  :  ces  importants  documents  originaux  sont  précédés  d'une  excellente 
préface,  donnant  le  tableau  le  plus  fidèle  qui  ait  été  tracé  jusqu'ici  de  l'état 
militaire  et  religieux  de  l'Angleterre  au  début  de  la  guerre  civile).  —  Couat, 
Etude  sur  Catulle,  thèse  présentée  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.  Paris,  1875 
(appréciation  bienveillante  et  favorable  de  R.  Ellis,  si  compétent  à  ce  sujet). 
—  The  Chinese  Classics,  translated  by  J.  Legge.  Vol.  II  :  the  Life  and  Works 
of  Mencius.  London,  Trùbner  (J.  Edkins  :  article  très-favorable).  —  The 
Genealogist,  edited  by  G.  W.  Marshall.  N*"  i-  London,  Mitchell  and  Hughes. 
(E.  Chester  Wates  souhaite  la  bienvenue  à  cette  nouvelle  revue  généalogique  et 
héraldique,  mais  trouve  mauvais  le  premier  numéro.)  —  Carrent  Literature.  — 
Notes  and  News.  —  Notes  of  Travel.  —  Congrès  des  sciences  géographiques 
(2 '^  article).  —  Paris-Letter  (G.  Monod  :  parle  des  Lettres  à  une  autre  inconnue 
de  Mérimée,  de  Sainte-Beuve,  de  M.  d'Haussonville,  etc.).  —  Correspondence  : 
M.  Broca  on  Basque  (réclamation  de  M.  L. -Lucien  Bonaparte).  —  Essays 
moral,  political  and  hterary  by  D.  Hume,  éd.  by  T.  H.  Green  and  T.  H.  Grose. 
2  vol.  London,  Longman  (H,  Sidgwick  :  édition  soignée  avec  de  bonnes  intro- 
ductions). —  H.  Fischer,  Die  Forschungen  ùber  das  Niebelunglied  seit  Karl 
Lachmann.  Leipzig,  Vogel  (H.  Sweet  :  bon  résumé  de  la  controverse  sur  les 
origines  de  l'épopée  germanique.  Cf.  Revue  critique,  1875,  ^°  H»  art.^jréif)^:) 

The  Athenœum,  n**  2493,  7  août.  J.  Balfour  Pau^,  Thq  Hjstpry  of  the 
Royal  Company  of  Archers,  the  Queen's-Body  Guard  for  Scotland.  Blackwood 
and  Sons  (peu  intéressant).  —  The  Holy  Bible  according  to  the  Authorized 
Version.  With  an  explanatory  and  critical  Commentary,  and  a  Revision  of  the 
Translation,  by  Bishops  and  other  Clergy  of  the  Anglican  Church.  Vol.  IV  and 
V.  Murray.  (Continuation  du  Speakefs  Commentary .  Le  4^  volume  contient  Job, 
les  Psaumes,  les  Proverbes,  l'Ecclésiaste  et  le  Cantique,  le  ^^  Isaie,  Jérémie  et 
les  Lamentations.  Très-attachés  aux  interprétations  des  rabbins  et  des  pères,  l.e;^^ 
éditeurs  ont  peu  profité  des  résultats  conquis  par  la  critique  contemporaine.)  — 
Mémoires  du  maréchal  de  Grouchy.  Tome  cinquième.  Paris,  Dentu  (développe- 
ments apologétiques).  —  Church  Memorials  and  Caracteristics  ;  being  a  Church 
History  of  the  First  Six  Centuries,  by  the  late  W.  Roberts.  Rivingtons  (article 
favorable).  —  F.  Lenormant,  La  Langue  primitive  de  la  Chaldée  et  les  Idiomes 
Touraniens.  Paris,  Maisonneuve  (article  favorable,  approbation  des  vues  émises 
par  l'auteur  sur  l'idiome  accadien).  —  N.B.  Dennys,  A  Handbook  of  the  Canton 
Vernacular  of  the  Chinese  Language.  Trùbner  and  Co.  (application  de  la  méthode 
Ollendorf).  —  The  Psalms.  With  Introductions  and  critical  Notes  by  A.  C, 
Jennings  and  W.  H.  Lowe.  Books  III  and  IV.  Macmillan  and  Co.  —  Rev.  H., 
T.  Armfield,  The  Graduai  Psalms  :  a  Treatise  on  the  fifteen  Songs  of  Degrees. 
With  Commentary.  Hayes  (appréciation  très-sévère  du  premier  ouvrage;  celui 
de  M.  Armfield  est  loué,  avec  quelques  réserves).  -^  A.  H.  Sayce  ,  Grammar 
of  Assyrian  Language.  Bagster  (recommandée).  —  A.  F.  Didot,  Aide  Manuce. 
et  l'Hellénisme  à  Venise.  Paris,  Didot  (article  favorable,  on  signale  quelques 
fautes  de  traduction).  —  The  public  Libraries  of  London  :  the  free  library  of 
the  Corporation  of  the  City  of  London.  —  Literary  Gossip.  —  The  geographical 
Congress  at  Paris  (i''' article).  —  The  Government  scientific  Expédition  (voyage 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 


N-  35  —  28  Août  —  1875 

.'f 


Sommaire:  175.  Burnell,  Éléments  de  paléographie  Indienne  (fin).  —  176.  Ewald, 
Grammaire  hébraïque,  4^  éd.  —  177.  Umpfenbach,  Analecta  Terentiana.  —  178. 
Œuvres  de  Molière,  éd.  Laun.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 


175.  —  A.  C.  Burnell,  Eléments  of  South-Indian  Palaeography  from  the 
4th  to  the  i7th  century  A.  D,;  being  an  Introduction  to  the  study  of  south-indian 
Inscriptions  and  MSS.  Mangalore,  Basel  Mission  Book  and  Tract  Depository.  London, 
Trùbner  and  Co.  Gr.  in-4',  viij-98  p.  1  carte  et  32  pi.  lithogr. 

(Fin.) 

Dans  le  IP  chapitre,  M.  B.  aborde  Tétude  des  alphabets  du  Dékhan.  Il  en 
donne  la  filiation  et  la  distribution,  et  les  examine  en  détail  au  point  de  vue 
paléographique.  Cette  division,  qui  est  la  partie  essentielle  et  la  plus  neuve  de 
Touvrage,  en  est  aussi  la  moins  susceptible  d'être  analysée.  Voici  le  résumé  des 
principaux  résultats  de  l'étude  de  M.  B.  —  Tous  les  alphabets  de  l'Inde  du  Sud, 
à  l'exception  d'un  seul  dont  il  sera  parlé  plus  loin,  dérivent  du  type  dit  «  des 
»  cavernes  )>,  lequel  est  lui-même  une  modification  du  caractère  méridional 
d'Açoka  et  paraît  avoir  été  en  usage  du  i'""  siècle  avant  au  ii^  siècle  après  notre 
ère.  A  partir  du  iv*^  siècle  au  plus  tôt,  on  trouve  ce  type  représenté  dans  le 
Dékhan  par  trois  variétés  que  M.  B.  désigne  par  les  noms  de  Cera,  Câlukya  et 
Vengi.  La  T"^  apparaît  dans  la  2^  moitié  du  V  siècle  sur  les  incriptions  du  royaume 
Cera,  un  des  rares  états  dravidiens  mentionné  dans  les  édits  d'Açoka.  On  la 
trouve  dans  le  Mysore,  sur  la  côte  occidentale  de  Cochin  à  Mangalore  et  sur  \à> 
côte  orientale  de  Tanjore  à  Madras.  D'elle  proviennent  les  alphabets  modernes 
malayâlam  et  tamoul  ',  ainsi  que  le  caractère  appelé  plus  spécialement  granîha, 
qui  est  proprement  l'alphabet  sanscrit  du  Dékhan.  Enfin  c'est  d'une  forme  orien- 
tale de  ce  même  type  que  M.  B.  fait  dériver  (du  viii*^  au  xi^  siècle)  les  alphabets 
qui  figurent  dans  les  anciennes  inscriptions  de  Java  et  de  l'Indo-Chine.  —  Au  Nord 
de  l'alphabet  Cera  dominent  ceux  du  2®  et  du  3''  groupe,  qu'on  peut  réunir  en 
un  seul,  le  groupe  septentrional.  Les  plus  anciens  spécimens  sont  ceux  que  M.  B. 
désigne  par  le  nom  de  Vengi,  du  pays  de  leur  provenance,  la  partie  du  Kalingana 
comprise  entre  la  Kr/shnâ  et  la  Godâvarî.  Ils  émanent  d'une  dynastie  peu  connue 
qui  paraît  avoir  régné  sur  cette  contrée  du  11^  au  vu"  siècle  2,  époque  où  elle  fut 


1 .  Aux  XI"  et  XII'  siècles  l'alphabet  tamoul  s'étendit  vers  l^î^ord- sur  tout  leCamatic]- 
jusqu'au  delà  de  l'embouchure  de  la  Godâvarî.  ■  ,  ■' 

2.  M.  B.  estime  que  nous  n'avons  sur  ce  pays  aucune  information  antérieure  à  ces 
inscriptions  et  que  le  nom  d'Andhra  en  particulier  ne  lui  fut  appliqué  que  plus  tard 
(1"  exemple  chez  Hiouen-Thsang).  Ce  n'est  pas  loin  de  là,  cependant,  que  nous  avons  à 

XVI  9 


1^0  -     ;  REVUE    CRITIQUE 

supplantée  par  une  branche  de  ses  voisins  de  l'Ouest,  les  Càlukyas  de  Kalyâ/za. 
C'est  à  ces  derniers,  la  r^  dynastie  historique  (à  noms  et  à  dates  connus)  du 
Dékhan  qu'appartient  l'alphabet  appelé  Câlukya  par  M.  B.,  et  dont  le  plus 
ancien  spécimen  est  du  commencement  du  v''  siècle.  A  partir  du  vii%  le  groupe 
septentrional  est  représenté  par  deux  types  Càlukyas,  celui  de  l'Ouest  et  celui  de 
l'Est.  Au  XI*"  il  n'y  en  a  plus  qu'un  seul,  issu  du  type  oriental  et  que  M.  B. 
appelle  transitoire.  Ce  dernier  est  la  source  des  alphabets  modernes  telugu  et 
canara. 

De  ces  divers  alphabets  issus  des  caractères  d'Açoka  et  du  type  des  cavernes, 
il  faut  distinguer  nettement  le  Valtelutta,  ou  alphabet  tamoul  primitif,  dont 
l'origine  tout  à  fait  indépendante  de  celle  des  précédents  se  rattacherait,  d'après 
M.  B.,  au  caractère  des  inscriptions  sassanides.  Toute  l'ancienne  littérature 
tamoule  paraît  avoir  été  écrite  avec  ce  caractère,  dont  les  i*^""^  spécimens  connus 
remontent  au  viii^  siècle.  En  usage  autrefois  dans  tout  l'ancien  royaume  Pâ/z^ya, 
c'est-à-dire  au  Sud  d'une  ligne  tirée  de  Cochin  à  l'embouchure  de  la  Kaverî,  il 
a  été  peu  à  peu  refoulé  par  les  alphabets  d'origine  Cera  et  il  ne  subsiste  plus, 
dans  une  forme  moderne,  que  dans  quelques  districts  aux  environs  de  Travan- 
core.  —  Ce  sont  là  les  alphabets  nationaux  du  Dékhan.  A  côté  d'eux,  l'alphabet 
nâgarî  du  Nord  s'est  im.planté  à  diverses  époques  et  plus  ou  moins  sporadique- 
ment, sous  la  forme  du  Nandinâgarî.  Enfin  des  variétés  des  alphabets  arabe, 
persan  et  syriaque  ont  été  adaptées  aux  langues  dravidiennes  par  plusieurs  petites 
colonies  étrangères  qui  se  sont  fixées  à  l'extrémité  méridionale  de  la  Péninsule. 

Ce  résumé  sommaire  ne  peut  donner  aucune  idée  de  l'abondance  d'érudition 
avec  laquelle  M.  B.  a  rempli  ce  vaste  cadre,  ni  de  la  quantité  de  vues  neuves  et 
ingénieuses  portant  sur  tous  les  points  de  l'archéologie  indienne,  qu'il  a  eu 
occasion  de  développer  chemin  faisant.  De  ces  observations  épisodiques  je  ne 
relèverai  qu'une  seule,  moins  à  cause  du  résultat  inattendu  auquel  elle  aboutit, 
que  parce  qu'elle  est  un  exemple  de  la  tendance  de  M.  B.  à  accorder  une  valeur, 
à  mon  sens  parfois  exagérée,  à  un  certain  ordre  de  preuves.  Jusqu'ici  on  était 
d'accord  pour  voir  dans  les  Kambojas  un  peuple  du  Caboul  ou  de  l'Afghanistan  : 
M.  B.  y  reconnaît  au  contraire  les  habitants  du  Camboje,  de  l'Indo-Chine.  Il  en 
résulte  que  ce  nom  ne  saurait  être  antérieur  au  x*  siècle  et  que  tous  les  passages 
d'œuvres  sanscrites  où  il  se  rencontre ,  à  partir  du  Nirukta  de  Yâska ,  sont  des 
interpolations  postérieures  à  cette  époque.  Ses  principaux  arguments  sont  que  la 
lecture  de  ce  nom  dans  les  édits  d'Açoka  n'est  pas  sûre,  que  les  écrivains  clas- 


chercher  les  Andarae  de  Pline  (VI,  19  et  s.  ce  catalogue  est,  en  partie  du  moins,  tiré  de 
Mégasthène),  que  cet  auteur  appelle  une  nation  puissante  et  qui  possédaient  30  villes 
fortifiées.  Il  les  place  près  des  Modogalingae ,  dans  lesquels  M.  B.  reconnaît  lui-même  les 
peuples  du  Telingana.  Non-seulement  les  noms  de  ce  catalogue  ont  extrêmement  souffert, 
mais  on  n'y  découvre  aucun  ordre  général  et  les  groupes  de  peuples  qu'il  énumère, 
paraissent  se  suivre  au  hasard.  Ces  groupes  eux-mêmes  toutefois  ne  semblent  pas  formés 
arbitrairement.  Or  parmi  les  voisins  de  ces  Andarae,  Pline  nomme  les  Modubae,  les 
Molindae,  lesUberae  (ce  dernier  nom  est  une  restitution  moderne).  Serait-il  téméraire  de 
faire  subir  à  ce  passage  une  correction  de  plus  en  le  rapprochant  de  l'énumération  quisc 
lit  dans  l'Aitoreya-Brâhmana  VII,  18  :  Andhra.....  Çabara,  Pulinda,  Mûtiba? 


d'histoire  et  de  littérature.  I  5  I 

siques  ne  le  mentionnent  pas,  ênfm  que  dans  deux  gahas  de  Pânini  et  de  Câka- 
/âyana  où  ce  nom  figure  et  où  celui  de  Pân^ya  devrait  figurer  au  même  titre,  ce 
dernier  ne  se  trouve  pas;  ce  qui  indique  que  la  rédaction  actuelle  de  ces  ganas 
et  l'introduction  du  nom  de  Kamboja  datent  d'une  époque  où  il  n'y  avait  plus 
de  roi  de  Pâw^ya,  c'est-à-dire  du  x*"  siècle  au  plus  tôt.  Ce  raisonnement  est  cer- 
tainement ingénieux  :  mais  est-il  besoin  de  faire  ressortir  qu'il  s'appuie  entière- 
ment sur  des  preuves  négatives  ?  De  pareilles  preuves  nous  autorisent-elles  à 
admettre  un  nombre  aussi  considérable  d'interpolations  modernes  portant  sur  le 
même  point  dans  les  ouvrages  les  plus  divers,  sanscrits  et  pâlis,  brahmaniques  et 
bouddhiques,  sans  que,  dans  la  plupart  des  cas,  on  voie  la  moindre  raison  qui  les 
aurait  fait  commettre  ?  Car  si  elles  se  conçoivent  dans  des  traités  grammaticaux 
qui  doivent,  autant  que  possible,  embrasser  tous  les  faits  du  langage,  quel  motif 
peut-on  y  supposer  dans  des  poèmes  tels  que  le  Raghuvamça?  Enfin  ne  serait-il 
pas  étrange  qu'à  l'époque  même  où  ces  Kambojas  de  l'Indo-Chine  auraient  paru 
assez  importants  pour  qu'on  les  mît  partout,  on  eût  été  les  chercher  précisément 
dans  la  direction  opposée  à  celle  où  ils  se  trouvaient?  Car,  malgré  la  confusion 
de  la  géographie  poétique  de  l'Inde,  en  comparaison  de  laquelle  celle  de  nos 
romans  du  moyen-âge  est  un  modèle  de  clarté,  il  n'est  pas  douteux  que,  pour  la 
majorité  des  auteurs,  les  Kambojas  ne  soient  un  peuple  du  Nord-Ouest. 

Dans  le  IIP  chapitre,  M.  B.  étudie  les  signes  numériques  usités  dans  l'Inde 
méridionale.  Mais  d'abord,  dans  un  paragraphe  introductoire,  il  reprend  au  point 
où  Wœpcke  '  l'a  laissée,  la  question  de  l'origine  de  ce  système  que  nous  appe- 
lons les  chiffres  arabes,  que  les  Arabes  appellent  les  chiffres  indiens  et  qui  est 
devenu  la  notation  numérique  de  tous  les  peuples  civilisés.  Mieux  que  ce  savant 
n'avait  pu  le  faire,  il  montre  que  le  problème,  au  début  du  moins,  se  compose 
de  deux  questions  bien  distinctes  :  l'origine  des  signes  eux-mêmes  et  celle  de 
l'usage  du  zéro.  Pour  la  i*"®  M.  B.  n'a  pas  de  peine  à  réfuter  l'opinion  commune, 
qui  était  aussi  celle  de  Wœpcke,  que  nos  chiffres  sont  les  lettres  initiales  des 
mots  sanscrits  désignant  les  nombres  de  i  à  9.  Les  documents  découverts  depuis 
ne  permettent  plus  de  maintenir  cette  explication.  Mais  il  fait  un  pas  de  plus,  et 
un  pas  décisif,  en  signalant  la  ressemblance  frappante  des  signes  numériques 
indiens  des  premiers  siècles,  d'où  dérivent  évidemment  ceux  qu'ont  adoptés  plus 
tard  les  Arabeâ,  avéd  les  signes  employés  '^r  les  anciens  Égyptiens^.  Cette 
ressemblance  s'impose  bien  autrement  que  celle  qu'on  a  observée  pour  l'alphabet 
et,  si  l'origine  sémitique  des  lettres  indiennes  a  paru  probable,  une  origine  pre- 
mière égyptienne  des  symboles  numériques  doit  paraître  à  peu  près  certaine.  Je 
puis  dire  que,  pour  mon  compte,  je  n'en  ai  jamais  douté,  depuis  le  jour  où  j'ai 
ouvert  pour  la  r^fois  la  grammaire  de  Champollion. 

1.  Le  mémoire  de  Wœpcke  se  trouve  dans  le  Journ.  asiat.  janvier-juin  1863.  Dans  le 
cahier  d'octobre  de  la  même  année  M.  E.  Thomas  a  donné  une  note  sur  les  signes  numé- 
riques qui  se  lisent  sur  les  parois  des  cavernes  et  que  Wœpcke  n'avait  pas  connus. 

2.  Cette  ressemblance  ne  s'arrête  pas  aux  signes;  elle  s'étend  au  système,  en  tant  qu'il 
admet  des  caractères  spéciaux  pour  10,  20,  30,  etc.  Ce  système  figure  dans  les  inscrip- 
tions du  Nord  de  l'Inde  jusque  vers  la  fin  du  IV  siècle.  Dans  le  Dékhan  il  s'est  conservé 
bien  plus  longtemps;  dans  le  pays  tamoul,  avec  quelques  modifications,  jusqu'à  nos  jours. 


132  .3I1UT.'     REVUE   CRITIQUE 

Quant  à  la  2^  question,  celle  de  l'origine  de  la  valeur  de  position  assignée  aux 
chiffres  et  de  l'usage  du  zéro,  M.  B.  incline  visiblement  vers  l'opinion  opposée 
de  celle  à  laquelle  était  arrivé  Wœpcke  :  il  cherche  cette  origine  en  Occident, 
chez  les  néo-pythagoriciens.  Il  est  incontestable  que  plusieurs  des  raisons  qui 
avaient  décidé  Wœpcke  à  attribuer  cette  invention  aux  Indiens,  n'ont  plus  la 
même  valeur  aujourd'hui  qu'il  y  a  1 2  ans.  Il  en  est  deux,  toutefois,  qui  me 
semblent  être  restées  debout.  Wœpcke  soutenait  que  c'étaient  uniquement  les 
exigences  du  mètre  et  de  la  brièveté  qui  avaient  déterminé  Aryabha/a  à  choisir 
sa  numération  littérale,  laquelle  n'implique  pas  la  connaissance  de  la  valeur  de 
position,  en  lieu  et  place  de  la  méthode  plus  longue  d'énoncer  les  nombres  par 
des  mots  symboliques  ',  que  nous  voyons  employée  dans  le  Sûrya-Siddhânta  et 
chez  Varâha-Mihira,  et  qui,  elle,  suppose  bien  cette  connaissance.  En  second 
lieu  il  attachait  une  grande  importance  au  fait  que,  de  très-bonne  heure,  les 
Indiens  ont  eu  des  noms  pour  désigner,  dans  des  limites  très-étendues,  la  série 
complète  des  puissances  de  10.  M.  B.  n'accorde  pas  une  grande  valeur  à  ce  der- 
nier argument;  mais  je  doute  que  les  mathématiciens  soient  sur  ce  point  de  son 
avis.  Il  n'accepte  pas  non  plus  l'explication  que  Wœpcke  donne  du  procédé 
d'Aryabha/a ,  et  cependant  elle  est  incontestablement  exacte.  Aryabha/a  a  em- 
ployé cette  méthode  de  numération  dans  sa  Daçagîtikâ,  où  il  avait  à  énoncer 
beaucoup  de  nombres  et  de  très-élevés,  et  où,  plus  que  dans  le  reste  de  son 
traité,  il  lutta  de  concision  avec  le  style  des  sûtras.  Or  il  est  difficile  d'imaginer 
quel  autre  procédé  lui  aurait  permis  d'énoncer  en  un  seul  distique,  comme  il  le 
fait  par  exemple  I,  10,  24  nombres  la  plupart  de  3  chiffres.  M.  B.,  sans  toute- 
fois se  prononcer  absolument,  préfère  conclure  de  là  qu'Aryabhafa  a  ignoré  la 
valeur  de  position  et,  comme  cet  auteur  emploie  deux  manières  d'énoncer  les 
nombres  dont  aucune  n'implique  la  connaissance  de  cette  valeur,  la  preuve 
négative  paraît  en  effet  complète.  Heureusement  qu'Aryabha/a  s'est  chargé  lui- 
même  de  nous  donner  la  preuve  contraire,  et  cela  dans  le  sûtra  même  où  il 
expose  sa  numération  et  dont  voici  la  traduction  :  «  Les  lettres  de  â:  à  m  expri-" 
»  ment  des  unités  carrées  (c'est-à-dire  des  unités  d'ordre  impair,  qui  sont  des 
»  carrés  parfaits,  des  unités,  des  centaines,  des  dizaines  de  mille,  etc.);  les 
»  lettres  de  y  à  /z  expriment  des  unités  non  carrées  (c'est-à-dire  d'ordre  pair, 
»  des  dizaines,  des  milles,  des  centaines  de  mille,  etc.);  on  compte  à  partir  de 
»  ka  (lequel  =  0;  ya  égale  na  -]-ma  (c'est-à-dire  30)  :  18  zéros ,  khadvinavaka 
))  (c'est-à-dire  18  ordres  d'unités),  s'expriment  par  les  9  voyelles,  selon  qu'on 
»  les  emploie  avec  les  lettres  du  i^'  ou  du  2^  groupe  ».  Si  on  songe  qu'Arya- 
bha/a  ne  nous  devait  pas  cette  démonstration  et  qu'il  aurait  pu  s'exprimer  tout 
autrement,  on  verra  là  un  exemple  de  ce  que  valent  quelquefois  les  preuves 
négatives.  Il  est  donc  établi  que  l'usage  du  zéro  ou  du  moins  de  la  valeur  de 
position  était  connu  dans  l'Inde  avant  la  fin  du  v^  siècle.  Depuis  combien  de 
temps  l'était-il  et  à  quel  peuple,  des  Grecs  ou  des  Indiens,  en  faut-il  attribuer 
l'invention?  Tant  que  nous  n'aurons  pas  d'autres  documents,  nous  ne  saurons 

I.  Par  exemple  :  flèche  (5),  montagne  (7),  serpent  (8),  iunè  (i)  —  1875. 


I 


d'histoire  et  de  littérature.  l}^ 

rien  de  positif  à  cet  égard  ' .  Actuellement  tout  ce  qu'on  peut  faire  valoir  en 
faveur  des  Indiens,  c'est  la  richesse  de  leur  numération  parlée,  l'originalité  pro- 
bable de  leur  algèbre  (jusqu'ici  les  Grecs  n'ont  rien  à  opposer  à  l'analyse  indé- 
terminée d'Aryabhafa)  et  la  passion  presque  maladive  de  ce  peuple  à  jouer  aVèc 
les  nombres. 

Dans  deux  notes  placées  à  la  fin  de  ce  chapitre,  M.  B.  traite  des  différentes 
manières  symboliques  d'énoncer  les  nombres  à  l'aide  de  mots  ou  de  lettres,  et 
des  ères  qui  ont  été  en  usage  dans  le  Dékhan.  Il  estime  que  Père  Çâka  (78  ap: 
J.-C),  qui  n'est  pas  partout  la  même,  n'a  été  fixée  qu'assez  tard  et  il  attribue 
la  grande  extension  qu'elle  a  fini  par  prendre  à  l'influence  exercée  par  les  écrits 
des  astronomes,  en  particulier  par  ceux  de  Varâha-Mihira.  La  i"  mention 
expresse  qu'on  en  trouve  dans  les  inscriptions  est  du  v^  siècle;  ce  n'est  cepen- 
dant que  vers  le  x^  que  l'usage  en  devint  général.  Quant  à  l'ère  samvat  ($6  av.' 
J.-C),  qui  n'a  jamais  été  reçue  dans  le  Dékhan,  il  la  tient,  comme  M.  Kerrf,' 
pour  une  fiction  relativement  moderne  ^s'^-Q  -M  .oî  -ôfo  B3DnR28iyq  23b  rih\(imo'i 

Dans  le  chapitre  IV«,  M.  B.  examine  au  point  de  vue  paîéographique  les  signes 
en  usage  pour  marquer  l'accent,  la  ponctuation,  les  corrections,  etc.  Les  résul- 
tats auxquels  il  arrive  ne  sont  pas  de  nature  à  corroborer  la  thèse  soutenue 
récemment  encore  par  M.  Delhrûck  (Liter.  Cenîralbl.  17  octobre  1874)  que  la 
théorie  des  Prâtiçâkhya  relative  à  l'accent  n'est  que  la  reproduction  de  la  nota- 
tion traditionnelle  usitée  dans  les  MSS.  D'après  M.  B.  cette  notation  n'a  jamais^ 

».c,jjfAt  pHR?  .  J7  ^y\    PS'itlir]'";  ?   0^)  .t'<^/'fj!f7  f.l  '^3".  i">'0  IJÎO  ïlû 

.  1.  L'usage  dans  les  inscriptions  d'un  système  numérique  différent  n'est  pas  une  preuve* 
bien  décisive,  car  le  même  fait  se  reproduit  en  Occident,  avec  cette  différence  toutefois.,^, 
que  nous  possédons  sur  les  Grecs  une  masse  d'informations  parfois  du  genre  le  plus  intime 
et  que  tout  cela  nous  manque  pour  l'Inde.    ''"'"'   '■'    '  :  'orr 

2.  Cette  question  des  ères  a  été  beaucoup  agitée  dans  ces  derniers  temps.  M.  J.  Fer- 
gusson,  entre  autres,  vient  de  l'examiner  à  nouveau  dans  une  brochure  très-intéressante, 
Notes  on  the  Saka,  Samvat  and  Gupta  eras ;  printed  for  private  distribution.  London, 
March,  1875.  Il  cherche  à  y  établir  les  points  suivants  :  i»  Les  princes  dits  turushkai'^ 
Huvishka,  Kanishka,  etc.,  ont  daté  d'après  l'ère  Çâka  et  Kanishka  lui-même  a  été  le 
fondateur  de  cette  ère.  M.  F.  montre  très-bien  que  rien  n'empêche  de  placer  ce  dernier 
prince  un  demi-siècle  plus  bas  qu'on  ne  fait  d'ordinaire.  Son  explication  a  cependant 
l'inconvénient  de  renverser  l'ordre  de  succession  de  cette  dynastie  et  surtout  de  ne  pas 
serrer  d'assez  près  le  texte  des  documents.  Ainsi  l'inscription  de  Mathurâ  n'  i  ne  dit  pas; 
«  en  l'an  47,  sous  le  règne  de  Huvishka...  »  ;  mais,  comme  l'a  fait  M.  Kern  (Over  eenigc 
Tijdstippen,  etc.,  p.  15),  il  faut  traduire  :  <'  en  l'an  47,  au  monastère  du  roi  Huvishka 
»  il  est  fait  don  ...  ».  —  2°  l'ère  d'après  laquelle  datent  les  Guptas  commence  en  j  19  ap. 
J.-C.  Pour  cela,  il  faudrait  admettre  qu'entre  les  premières  inscriptions  de  cette  dynastie 
et  celles  de  Mathurâ  dont  il  vient  d'être  question,  il  s'est  écoulé  environ  2  1/2  siècles,  ce 
oui  semble  difficile  au  point  de  vue  paléographique.  —  3"  l'ère  Samvat  a  été  établie  vers 
lan  1000.  On  choisit  pour  point  d'origine  une  grande  victoire  du  roi  Çrî  Harsha  Vikra- 
mâditya,  laquelle  on  plaçait  en  544  ap.  J.-C.  Mais  comme  cette  date  eût  été  trop  rappro- 
chée, on  ajouta  10  cycles  de  Jupiter,  soit  600  ans,  ce  qui  donna  le  Samvat  de  Vikramâ- 
ditya  de  56  av.  J.-C.  En  même  temps,  comme  d'une  bonne  chose  on  ne  saurait  trop 
avoir,  on  ajouta  à  cette  même  date  de  ^4,  10  siècles  et  on  obtint  ainsi  une  autre  ère 
fabuleuse,  celle  de  Çrî  Harsha,  de  456  av.  J.-C.  Qu'il  y  ait  à  la  base  de  ces  ères  quelque 
combinaison  de  ce  genre,  semble  assez  probable;  mais  que  ce  soit  précisément  cette 
combinaison  et  non  une  autre,  comment  le  savoir.?  Ce  qui  n'empêche  pas  qu'à  titre  d'hy-, 
pothèse,  la  solution  proposée  et  très-habilement  proposée  par  ^.  F.  ne  mérite  d'être 
prise  en  sérieuse  considération.     -  iri-nTj/  ,  -'!  :^.  l'n-^n  ^i})  ^fi^^rt  :  9lqrno7:i  u4  .  : 


134  e3;;uT     revue  critique 

été  fixe  ni  uniforme  et  il  n'y  a  pas  d'apparence  que  celle  qui  prévaut  maintenant 

soit  fort  ancienne. 

Enfin  le  chapitre  V^  est  consacré  à  l'étude  diplomatique  des  documents  origi- 
naux. Il  en  a  été  parlé  plus  haut.  Un  appendice  spécial  donne  la  transcription 
des  pièces  communiquées  en  fac-similé. 

Cet  ouvrage,  destiné  à  faire  époque  dans  l'histoire  des  études  indiennes,  est 
dédié  par  M.  B.  à  la  faculté  de  philosophie  de  l'Université  de  Strasbourg,  qui  lui 
a  décerné  récemment  le  titre  de  docteur  honoraire.  Certes  jamais  distinction 
conférée  par  un  corps  savant  n'a  été  mieux  méritée  que  celle-là.  Et  pourtant  je 
ne  puis,  à  cette  occasion,  me  défendre  d'une  impression  pénible.  Où  sont  chez 
nous  les  corps  enseignants  qui  pourraient  en  faire  autant  .f*  Et  notre  pauvre 
Académie  de  Strasbourg  se  serait-elle  jamais  permis  rien  de  semblable.?  Officiel- 
lement elle  eût  ignoré  toujours ,  et  de  fait  peut-être  longtemps,  qu'il  y  avait,  au 
fond  d'une  province  perdue  de  l'Inde,  un  savant  de  premier  ordre,  un  pionnier 
de  la  race  des  Colebrooke  et  des  Ellis,  occupant  ses  rares  loisirs  à  élucider  et 
quelquefois  à  refaire  de  toutes  pièces  le  passé  de  ce  pays  qui  nous  touche  de 
près,  malgré  son  éloignement.  C'est  un  triste  spectacle  que  de  voir  l'intrus  faire 
les  honneurs  de  notre  maison  :  c'en  est  un  encore  plus  triste  de  l'en  voir  tirer 
parti  mieux  que  nous  n'avons  su  faire  nous-mêmes. 

A.  Barth. 


176.  —  H.  EwALD^  Hebrseische  Sprachlehre  fur  Anfœnger.  4.  Ausgabe. 
Gœttingen,  Dieterich.  In-S»,  iv-2M  p.  —  Prix:  5  fr.  2^. 

Nous  avons  reçu  la  quatrième  édition  de  la  grammaire  élémentaire  d'Ewald, 
dans  le  même  temps  que  nous  apprenions  la  mort  de  son  auteur.  Voici  donc  la 
dernière  forme,  sinon  la  plus  parfaite,  qu'Ewald  aura  donnée  à  son  œuvre  gram- 
maticale. L'édition  que  nous  avons  sous  les  yeux  n'est  guère  qu'un  abrégé,  son 
titre  l'annonce.  Ewald  y  a  pourtant  ajouté,  sous  forme  d'appendice,  une  gram- 
maire du  chaldéen  biblique,  c'est-à-dire  des  formes  de  ce  dialecte  araméen  que 
l'on  rencontre  à  différents  endroits  de  l'Ancien  Testament.  C'est  là  ce  qui  en 
fait  la  nouveauté  et  l'intérêt.  Ce  chapitre  comble  une  lacune  que  présentent 
presque  toutes  les  grammaires  hébraïques;  il  était  même  le  complément  en 
quelque  sorte  nécessaire  de  celle  d'Ewald,  qu'il  a  toujours  intitulée,  quelque 
forme  qu'il  lui  ait  donnée,  «  grammaire  de  la  langue  de  l'Ancien  Testament.  » 
C'est  aussi  le  seul  point  sur  lequel  Ewald  insiste  dans  sa  préface.  Dans  d'autres 
circonstances,  nous  aurions  fait  comme  lui.  On  nous  pardonnera  d'envisager 
aujourd'hui  son  œuvre  d'un  point  de  vue  un  peu  plus  général.  Nous  le  pouvons 
d'autant  mieux  qu'on  retrouve  dans  cet  abrégé  la  même  méthode,  les  mêmes 
divisions,  nous  ajouterons,  les  mêmes  défauts  que  dans  son  «  Ausfùhrliches 
»  Lehrbuch.  » 

Il  est  peu  d'œuvres  qui  aient  été  aussi  souvent  remaniées  par  leur  auteur  que 
la  grammaire  d'Ewald,  en  conservant  un  fonds  de  doctrine  aussi  invariable.  C'est 
en  1826  que  parut  la  première  édition  de  1'  «  Ausfùhrliches  Lehrbuch  der 


d'histoire  et  de  littérature.  135 

»  hebrseischen  Sprache  des  Alten  Testaments.  »  C'était  un  traité  scientifique  et 
complet  de  l'hébreu  classique. 

A  peine  deux  ans  plus  tard,  Ewald  compose,  cette  fois  directement  en  vue  de 
Renseignement,  une  nouvelle  grammaire  conçue  d'après  un  plan  moins  savant, 
surtout  moins  étendue.  C'est  la  «  Grammatik  der  hebraeischen  Sprache,  n  qui 
eut  trois  éditions  consécutives,  en  1828,  1835  et  1857.  Mais  insensiblement, 
dans  les  modifications  successives  qu'il  y  introduisait,  Ewald  avait  suivi  la  même 
marche  qui  l'avait  guidé  dans  ses  premiers  travaux,  et  quand  il  voulut  en  donner 
une  quatrième  édition,  il  s'aperçut  qu'elle  ferait  double  emploi  avec  son  premier 
ouvrage  et  il  les  fondit  en  un  seul  qui  parut  en  1844  sous  le  titre  de  cinquième 
édition.  C'est  cette  grammaire  ainsi  augmentée  qui  est  devenue,  si  l'on  peut 
s'exprimer  de  la  sorte,  la  grammaire  classique  d'Ewald,  et  qu'il  a  depuis  rééditée 
trois  fois,  en  18$  $,  en  1863  et  en  1870. 

Toutefois,  en  même  temps  qu'il  en  faisait  paraître  la  cinquième  édition,  et  à 
cause  des  dimensions  mêmes  qu'elle  avait  atteintes,  Ewald  comprit  la  nécessité 
d'une  grammaire  élémentaire,  et  il  publia  en  1842  sa  grammaire  à  l'usage  des 
commençants  dont  nous  venons  de  recevoir  la  quatrième  édition.  Seulement,  il 
est  arrivé  à  sa  grammaire  élémentaire  ce  qui  était  arrivé  à  son  Ausfùhrliches 
Lehrbuch  et  à  son  Hebrseische  Gram.matik;  elle  a  été  en  se  compliquant  de 
plus  en  plus.  Il  semble  qu'Ewald,  qui  était  un  grand  théoricien,  ait  manqué  de 
souplesse  ;  à  force  de  vouloir  tout  faire  rentrer  dans  les  cadres  de  son  système, 
il  l'a  compliqué  outre  mesure  et  lui  a  fait  perdre  de  sa  clarté  et  peut-être  même 
de  sa  solidité.  â^i^J'^^^^  'J"-"i  ■•^liCsîrioisoqS  ùno^'..^ 

Nous  ne  disons  pas  cela  pour  diminuer  la  gloire  d'Ewald  ;  son  mérite  est 
ailleurs  :  il  consiste  à  avoir  introduit  un  principe  nouveau  dans  l'étude  de  la 
langue  hébraïque  ;  mais  ce  principe  était  posé  dès  1826.  Ewald  est  le  représen- 
tant de  l'école  systématique  comme  Gesenius  celui  de  l'école  empirique.  Ce  n'est 
pas  que  l'idée  d'une  reconstruction  de  la  langue  hébraïque  fût  étrangère  à 
Gesenius;  le  titre  du  Lehrgebsude  suffirait  à  écarter  cette  erreur.  Quand  cet 
ouvrage  parut  en  181 7,  il  fit  époque.  Il  se  distinguait  de  tout  ce  que  l'on  avait 
vu  jusqu'alors  par  un  ordre  rigoureux,  par  une  grande  profondeur  d'analyse,  et 
par  un  emploi  judicieux  de  toutes  les  ressources  qui  ont  été  utilisées  depuis  par 
Ewald.  Mais  si  Gesenius  faisait  usage  de  l'arabe  et  des  autres  langues  de  la 
même  famille,  c'était  uniquement  pour  arriver  à  saisir  les  caractères  propres  et 
distinctifs  de  l'hébreu;  on  peut  dire  qu'il  étudie  les  formes  grammaticales,  il 
n'en  recherche  pas  l'origine.  Aussi,  les  différents  chapitres  de  sa  grammaire, 
pris  isolément,  sont  d'une  grande  clarté,  toute  la  syntaxe  y  est  traitée  de  main 
de  maître,  et  pourtant,  dans  son  ensemble  elle  est  restée  bien  au-dessous  de  celle 
d'Ewald.  La  grande  œuvre  de  Gesenius  est  moins  encore  sa  grammaire  que 
le  «  Thésaurus  philologicus  criticus  linguae  Hebraeae  et  Chaldseae  »  dont  le  pre- 
mier fascicule  parut  en  1829.  Ewald,  au  contraire,  a  fait  de  la  comparaison  de 
l'hébreu  avec  les  autres  langues  sémitiques  le  pivot  même  de  la  grammaire. 
Il  s'en  sert  pour  remonter  jusqu'à  la  forme  primitive  qui  leur  a  donné  naissance 
à  toutes,  et  c'est  de  cette  forme  plus  ancienne  de  la  pensée  qu'il  déduit  les 


I?6  REVUE   CRITIQUE 

modifications  successives  qu'a  subies  la  langue  hébraïque.  Pour  Ewald,  la 
grammaire  n'est  pas  la  simple  analyse  d'un  état  de  choses  existant,  elle 
consiste  à  en  expliquer  l'origine  et  à  en  montrer  le  développement.  C'est  une 
déduction  historique  reposant  sur  l'analyse  systématique  des  parties  constitutives 
du  langage.  Aussi  nous  a-t-il  fait  pénétrer  bien  plus  avant  que  Gesenius  dans 
l'intelligence  de  l'hébreu  ;  il  est  le  premier  qui  ait  entièrement  rompu  avec  les 
catégories  souvent  très-artificielles  des  grammairiens  Juifs  et  Arabes  du  moyen- 
âge,  et  leur  ait  substitué  un  ordre  rationnel. 

''Toutefois,  ce  n'est  pas  la  seule  réforme  qu'Ewald  ait  introduite  dans  la 
grammaire.  On  lui  doit  aussi  la  place  capitale  qu'a  prise  la  phonétique  dans 
l'explication  des  phénomènes  grammaticaux.  Il  ne  suffit  pas  en  effet  d'étudier  les 
éléments  dont  se  compose  le  langage  et  d'en  fixer  la  dérivation,  il  faut  encore 
expliquer  pourquoi  ces  éléments  ont  donné  naissance  à  certaines  formes  plutôt 
qu'à  toute  autre.  C'est  le  rôle  de  la  phonétique.  Car  presque  toutes  les  variations 
que  l'on  rencontre  d'un  verbe  à, un  autre  dans  la  conjugaison,  ou  d'une  classe 
de  substantifs  à  une  autre,  ou  dans  la  même  racine,  suivant  qu'elle  sert  à  dési- 
gner un  verbe  ou  un  substantif,  proviennent  soit  de  l'accentuation,  soit  de  la  ren- 
contre de  certaines  consonnes  avec  certaines  voyelles.  De  là  vient  que  l'étude  des 
sons  occupe  près  d'un  tiers  de  la  grammaire  d'Ewald  aussi  bien  de  la  petite  que 
de  la  grande. 

Les  progrès  que  cette  manière  d'envisager  l'hébreu  a  fait  faire  à  la  grammaire 
sont  tellement  sensibles  que  Rœdiger,  remaniant  la  grammaire  de  Gesenius,  y  a  fait 
passer  toute  une  partie  de  celle  d'Ewald.  Aussi  étions-nous  impatients  de  voir  appli- 
quer à  l'étude  des  rudiments  non  plus  quelques-uns  des  résultats  de  la  nouvelle 
méthode,  mais  cette  méthode  elle-même  avec  toutes  ses  conséquences.  —  Le  dirons- 
nous  pourtant,  nous  avons  été  déçu.  C'est  que  cette  méthode,  la  seule  qui  puisse 
nous  initier  à  la  manière  de  penser  des  Hébreux,  présente,  au  point  de  vue  de 
l'enseignement,  des  difficultés  réelles  ;  et  ces  difficultés,  qui  disparaissent  plus 
ou  moins  dans  un  traité  complet  de  la  langue  hébraïque  écrit  pour  des  hommes 
ayant  déjà  quelque  connaissance  de  ces  matières,  deviennent  plus  sensibles  dans 
une  grammaire  élémentaire  qui  n'en  a  guère  conservé  que  le  squelette.  On  y 
trouve  bien  les  mêmes  divisions  et  les  mêmes  cadres,  mais  privés  des  développe- 
ments et  des  exemples  qui  les  illustraient  et  permettaient  d'en  saisir  le  lien;  on 
se  perd  dans  les  distinctions  innombrables  qu'Ewald  étabht  entre  les  différentes 
classes  de  substantifs,  et  nous  craignons  que  des  commençants  n'aient  beaucoup 
de  peine  à  les  retenir.  Il  faut,  dans  une  grammaire  élémentaire,  réduire  autant 
que  possible  le  nombre  des  règles  et  non  pas  des  exemples,  multiplier  les 
tableaux,  et  mettre  sous  les  yeux  d'un  seul  coup  tout  ce  qui  a  rapport  à  un 
même  mot.  Nous  voudrions  qu'un  commençant  pût  trouver  réunies  en  un  même 
endroit  toutes  les  irrégularités  qu'amène  dans  la  conjugaison  la  présence  de 
certaines  consonnes  au  radical,  et  qu'il  n'ait  pas  besoin,  pour  étudier  les  verbes 
lamed-hé  par  exemple,  d'ouvrir  successivement  les  chapitres  qui  traitent  de  la 
racine,  des  temps,  des  personnes  et  des  modes. 

La  façon  dont  Ewald  comprend  la  grammaire  présente  pour  des  commençants 


d'histoire  et  de  littérature.  157 

encore  un  autre  inconvénient.  Certaines  parties  de  son  système  ont  déjà  reçu  ou 
sont  destinées  à  recevoir  d'importantes  modifications.  Sa  classification  des  con- 
jugaisons dérivées  a  été  en  grande  partie  transformée.  Sa  théorie  de  l'accent 
tonique,  celle  de  la  formation  du  pluriel  construit  sont  fort  contestées.  Or  il  nous 
semble  qu'il  y  a  un  certain  danger  à  inculquer  aux  élèves  des  théories  et  des 
classifications  qui  auront  perdu  leur  valeur  au  bout  de  quelques  années.  Ce  ne 
sont  là  toutefois  des  défauts  qu'au  point  de  vue  des  commençants,  et  ces  théories 
grammaticales,  même  quand  on  les  aura  dépassées,  seront  toujours  une  des 
gloires  les  plus  solides  d'Ewald.  Si  l'on  veut  mesurer  en  effet  la  portée  des 
réformes  qu'il  a  introduites  dans  la  grammaire,  il  faut  considérer  non-seulement 
les  progrès  qu'il  a  réalisés,  mais  ceux  dont  il  a  été  le  promoteur,  car  Ewald  a 
fait  école.  Par  ses  travaux  il  a  ouvert  la  voie  à  une  nouvelle  science  :  la  gram- 
maire comparée  des  langues  sémitiques. 

Qu'est-ce  en  effet  que  la  grammaire  comparée,  sinon  l'explication  des  analo- 
gies comme  aussi  des  différences  grammaticales  qui  existent  entre  plusieurs 
langues.  Ewald  lui-même  en  a  esquissé  les  traits  dans  trois  articles  d'une  impor- 
tance capitale  qui  ont  paru  dans  les  Mémoires  del'Académie  de  Gœttingue  en  1860, 
1862  et  1870.  D'autres  ont  poussé  plus  avant  dans  la  même  voie.  C'est  ainsi 
que  M.  Renan  a  donné,  en  1871,  dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  linguisti- 
que, une  étude  sur  la  conjugaison  dans  les  verbes  sémitiques,  un  chapitre  détaché 
ou  plutôt  un  paragraphe  de  cette  grammaire  comparée  que  nous  attendons  avec 
impatience.  En  même  temps,  M.  H.  Derenbourg  étudiait  l'état  construit, 
M.  S.  Guyard  la  formation  du  pluriel  brisé  en  arabe;  enfin  la  grammaire  d'Ols- 
hausen  et  les  travaux  du  D»-  Philippi  ont  marqué  une  tendance  encore  plus  accen- 
tuée à  traiter  l'hébreu  comme  l'une  des  langues  sémitiques  encore  vivantes. 
D'autre  part,  les  travaux  de  M.  Maspéro  sur  le  verbe  égyptien  et  sur  le 
pronom  personnel  dans  les  langues  sémitiques  assimilent  de  plus  en  plus  l'égyptien 
aux  langues  sémitiques  proprement  dites. 

Si  l'on  passe  en  revue  tous  ces  travaux,  on  y  reconnaîtra  un  double  courant, 
tendant,  d'une  part,  à  briser  les  cadres  dans  lesquels  les  massorètes  avaient 
emprisonné  la  langue  hébraïque  et  à  la  rapprocher  des  autres  langues  sémitiques; 
de  l'autre,  à  élargir  le  cercle  de  ces  langues  en  y  faisant  rentrer  non -seulement 
l'assyrien,  qui  est  strictement  sémitique,  et  le  phénicien,  mais  même  l'égyptien. 
Et,  de  fait,  rien  n'empêche  qu'on  élargisse  ce  cercle,  pourvu  qu'en  étudiant  les 
points  par  où  ces  langues  se  touchent,  on  ne  perde  pas  de  vue  ceux  par  où  elles 
diffèrent.  Qu'on  leur  conserve,  après  cela,  le  nom  de  sémitiques,  ou  de  proto-, 
sémitiques,  ou  de  sémito-chamites,  nous  ne  nous  plaindrons  jamais  qu'on  élar- 
gisse notre  domaine,  tout  en  '  reconnaissant  que  c'est  au  fond  une  affaire  de 
définition  de  mots,  un  peu,  du  reste,  comme  la  politique  des  nationalités. 

Philippe  Berger. 


1^8  .SHUT.     REVUE   CRITIQUE  '>T5ÎW'<Î 

177.  —  Analecta  Terentiana  vom  Gymnasiallehrer  D'  Umpfenbach  (Programm 
des  grossherzogl.  Gymnasiums  zu  Mainz,  Schuljahr  1873-74).  Mainz,  Buchdruckerei 
V.  H.  Prickarts.  1874.  —  Prix  :  i  tr.  35. 

On  sait  que  M.  Umpfenbach  est  le  premier  qui  ait  fait  connaître,  d'une 
manière  satisfaisante,  la  tradition  manuscrite  du  texte  de  Térence  '.  Son  édition 
de  1870  donne  la  leçon  du  Bembinus  avec  une  exactitude  garantie  par  un  colla- 
tionnement  quadruple  et  souvent  quintuple.  On  y  trouve,  en  outre,  les  variantes 
des  principaux  mss.  de  la  recension  de  Calliopius,  celles  que  fournit  Donat  et 
celles  que  présentent  les  citations  de  Térence  chez  d'autres  auteurs.  Enfin, 
quoique  M.  U.  prétendît  publier  les  œuvres  de  Térence,  emendandas  potins  quant 
emendatas,  il  avait  fait,  en  plusieurs  endroits,  des  corrections  aussi  simples  qu'in- 
génieuses 2.  Néanmoins,  cette  excellente  édition,  indispensable  pour  tout  travail 
sérieux  sur  Térence,  n'a  pas  eu,  dans  le  monde  savant,  tout  le  succès  qu'elle 
méritait.  Elle  n'a  pas  même  provoqué,  comme  elle  semblait  destinée  à  le  faire, 
en  dehors  de  tout  parti  à  prendre  vis-à-vis  de  l'auteur  et  de  son  œuvre,  ce  tra- 
vail d'exploitation  qui  suit  d'ordinaire  les  moindres  publications  de  documents 
inédits,  et  que  M,  U.  attendait  pour  constituer  son  texte  définitivement.  C^est  là 
ce  qu'il  constate  dans  les  premières  lignes  du  présent  opuscule,  sans  laisser 
paraître  d'amertume,  mais  non  sans  un  légitime  regret.  S'étant  décidé  à  mettre 
la  main  à  l'œuvre  lui-même,  il  soumet  ensuite  à  un  examen  critique  approfondi 
une  vingtaine  de  passages,  les  uns  déjà  traités  par  d'autres  savants,  les  autres 
dans  lesquels  il  est  le  premier  à  signaler  des  fautes.  Plusieurs  de  ses  démonstra- 
tions pourront  ne  pas  convaincre  entièrement  ?  (lui-même  d'ailleurs  suspend  son 
jugement  en  quelques  cas)  ;  mais  partout  on  reconnaîtra  une  grande  finesse 
d'analyse,  et  l'observation  la  plus  exacte  des  nuances  du  langage  comique  propres 
à  Térence,  comme  en  général  de  la  manière  de  ce  poète  si  délicat. 

C'est  la  discussion  plus  encore  que  les  conclusions  de  M.  U.  qui  fait  le  mérite 
de  ses  Analecta.  Mais  ne  pouvant  ici  entrer  dans  cette  discussion,  nous  citerons 
au  moins,  comme  spécimen,  quelques-uns  des  résultats  les  plus  intéressants. 
Dans  le  prologue  des  Adelphes,  entre  les  v.  3  et  4,  M.  U.  découvre  une  lacune 
à  combler  «  huncfere  in  modum  »  :  [sarreptam  clamitantes  Plauti  fabulam].  Ad.  V, 

1.  M.  Fleckeisen,  dans  son  édition  justement  estimée  (Lips.  1857),  et  M.  W.  Wagner 
(Cambridge,  1869)  n'avaient  de  collations  nouvelles  du  Bembinus  que  celles  de  Victorius  et 
de  Politien! 

2.  P.  ex.  celle-ci,  qui  est  justifiée  d'une  manière  intéressante  et  instructive  dans  le 
«  programme  »  ci-dessus  cité,  quoique,  à  la  vérité,  elle  n'en  eût  guère  besoin  :  Andr.  II, 
3,  21  et  22  (=  395,  396)  :  Nam  ^uod  tu  s  pères  :  v(  propulsabo  facile  uxorem  his  moribus  : 
Dabit  nemo  »  ;  inueniet  inopem  potius  quam  te  corrumpi  sinat.  Un  simple  changement  de 
ponctuation  qui  illumine  tout  d'un  coup  une  obscurité  jusque-là  impénétrable. 

3.  Dans  cinq  passages  où  M,  U.  suspecte  l'intégrité  du  texte  reçu,  parce  que  la  sortie 
de  scène  des  personnages  n'est  pas  indiquée,  le  nombre  mêm.e  de  ces  cas  doit  rendre  fort 
prudent.  Il  faudrait  peut-être  chercher  à  expliquer  plutôt  pourquoi  Térence  s'est  quelque- 
fois départi  de  son  habitude  de  marquer  Vexit.  —  Heaut.  II,  3,  48  (=  289)  la  correction 
de  Bentley  est  bien  plus  acceptable  que  celle  que  propose,  avec  une  grande  réserve,  il 
est  vrai,  M.  U.  :  Nulla  ar te  faciès  expoUta  mulieris.  —  Il  y  aurait  encore  d'autres  réserves 
à  faire,  en  particulier  sur  Andr.  II,  3,  1  (=  375)  suiv. 


d'histoire  et  de  littérature.  139 

5j  57  (—  823)  Duo  cutn  idem  faciunty  [tamen  idem  non  esse  idem,  Quod  uterque 
faciunt],  s<zpe  ut  possis  dicere,  etc.  Il  donne  du  premier  prologue  de  l'Hécyre 
une  explication  qui  dispense  d'admettre  une  lacune,  et  il  en  corrige  les  v.  i  et 
7.  Il  rétablit  le  mètre  et  le  sens  du  v.  \\yij  4,.(f=î2oO  de  l'Hécyre,  par  la 
seule  répétition  d'un  mot  :  Itaque  adeo  utib  dnlmoomnes  socrus  oderunt,  [oderunt] 

nurus. 

_T  — 


178.  —  Moliére's  "Werke  mit  deutischein  Gommentar,  Einleitungen  und  Ex- 
cursen,  herausgegeben  y.  D'  Adolf  Laun.  Berlin,  Van  Muyden.  1873  et  aa.  ss.* 

La  critique  allemande  s'est  prononcée,  sans  exception  que  je  sache,  favora- 
blement sur  le  Molière  de  M.  Laun.  A  cela  je  vois  deux  raisons  :  d'abord  on  s'est 
contenté  d'un  examen  très-superficiel,  ensuite,  en  fait  d'éditions  d'écrivains 
français,  les  Allemands  ne  sont  pas  gâtés.  A  mon  avis,  l'édition  dont  il  s'agit 
n'est  pas  bonne  :  bien  loin  de  marquer  un  progrès  dans  l'ensemble  des  travaux 
sur  Molière,  elle  ne  satisfait  même  pas  aux  exigences  qu'a  le  droit  d'élever  un 
lecteur  allemand.  Les  appréciations  et  les  éclaircissements  qu'on  trouve  dans  les 
introductions  et  les  appendices  sont  entièrement  extraits  des  éditions  françaises 
ou  des  biographies  connues  de  Molière  :  je  m'abstiens  donc  de  tout  jugement  sur 
cette  partie  de  l'ouvrage,  dont  la  forme  laisse  d'ailleurs  beaucoup  à  désirer  2.  Je 
m'en  tiens  au  texte  et  aux  remarques,  que  je  veux  faire  apprécier  par  un  échan- 
tillon ;  je  choisis  à  cet  effet  les  deux  premiers  actes  du  Misanthrope  :  car  si  on 
peut  s'attendre  à  voir  l'éditeur  faire  de  son  mieux,  c'est  assurément  pour  cette 
comédie,  qui  occupe  un  rang  capital  dans  l'œuvre  du  poète  et  par  laquelle 
M.  Laun  a  voulu  ouvrir  son  édition. 

Texte.  —  Fautes  d'impression.  I,  293  tout  (1.  toutes),  377  sous  (1.  vous)^  432 
encense,  435  He!  Il,  10  che  moi,  25  leurs  (1.  leur),  30  Citandre,  36  éclataut,  $4 
voyez  (}.  voyiez),  54-55  Alcfste,  64  personne,  107  qnoi,  164  lienx,  217  cœurs  (I. 
cœur),  234  Assitôt,  237  véritnble,  264  persounes,  300  port  (1.  porté),  ^16  bon  (J. 
bons).  Aucune  de  ces  fautes  n'est  indiquée  dans  V Errata. 

Orthographe.  —  I,  12  coeurs,  36.  61.  70.  coeur;  cette  notation  tout  à  fait 
inconnue  en  français  persiste  dans  les  remarques ,  tandis  que  plus  tard  elle  est 
dans  le  texte  remplacée  par  œu.  —  M.  L.  écrit  tantôt  Eh!  tantôt  Hé!  Quand 
même  ce  seraient  là  deux  interjections  différentes,  et  non  deux  orthographes 
différentes  d'un  seul  et  même  mot,  il  ne  faudrait  pas  écrire  Eh  bien!  I,  439.  II, 
112,  et  Hé  bien!  III,  349.  —  I,  201  nous  lisons  grand  chose,  et  M.  L.  remarque 
qu'  ce  il  ne  faut  pas  ici  d'apostrophe,  car  il  n'y  a  pas  d'g  muet  élidé;  »  mais  en 


1 .  [Bien  que  la  Revue  ait  déjà  donné  sur  cet  ouvrage  un  article  de  M.  Joret,  qui  avec 
quelques  réserves  en  fait  une  appréciation  généralement  favorable,  nous  pensons  que  nos 
lecteurs  liront  avec  intérêt  l'article  suivant,  dont  l'auteur  étudie  l'ouvrage  de  plus  près  et 
à  un  point  de  vue  spécialement  allemand.  —  Réd.] 

2.  L'auteur  ne  manie  pas  toujours  bien  sa  langue  et  commet  plus  d'urre  néglijgence  dans 
ses  citations. 


140  .FPin      REVUE    CRITIQUE 

admettant  qu'on  réforme  ainsi  sur  un  point  une  orthographe  qu'on  respecte  dans 
bien  d'autres  bizarreries,  il  ne  faudrait  pas  écrire  ailleurs  grand'  ville  (I,  394, 
406);  II,  300  on  lit  grandbasques  en  un  seul  mot  (et  de  même  dans  la  remarque 
sur  ce  vers).  Voilà  trois  orthographes  différentes  pour  la  même  chose.  —  II, 

249  avoûraij  mais  p.  ex.  III,  305  emploierai.  -^-  -  ^  '''\'  '   ''"'"  "  '^•' 

Ponctuation.  —  On  retrouve,  aux  vers  I,  2$,  204^  300.  ipyj^Ij^  24,^^^6, 
58,  172,  etc.,  les  négligences  relevées  dans  le  texte.      '  '.'''  "  '  V    , '  ^    ^^^, ^ 

Leçons.  —  M.  L.  relève  dans  son  commentaire  même  des  variantes  sans  im- 
portance. Cependant  I,  171  il  admet  dans  le  texte  de  vilains  bruits  sans  signaler 
la  leçon  ordinaire,  accueillie  aussi  par  Moland,  de  méchants  bruits.  De  même  I, 
282  on  lit  //  nous  faut  bien  connaître,  et  la  leçon  meilleure  il  faut  nous  mieux  con^ 
naître  n'est  pas  mentionnée.  —  II,  324.  M.  L.  lit  ne  vienne  au  lieu  de  me  vienne; 
la  leçon  reçue,  qui  est  la  bonne,  ne  figure  même  pas  en  note.  —  II,  327.  La 
leçon  de  l'édition  de  1682,  par  lesangbleu,  aurait  dû  servir  de  texte  à  une  petite 
note,  où  on  aurait  montré  que  c'est  là  la  forme  primitive  (d'où  est  sorti  palsam- 
bleu),  et  comment  l'article  féminin  s'est  glus  tard  substitué  au  masçujin. 

C0MMENTAiRE?'^^5\^r^iw fp.*?  »  ^WrîB  uc  ':u9nno2ioqfn9  »  Jiubsiî  .J  .M  .^f^ 

I,  10.  (c  Nach  dem  Charakter,  den  sie  mir  gezeigî  haben  y>  est  une  mauvaise 
traduction  de  Après  ce  qu^en  vous  je  viens  de  voir  paraître;  car  après  signifie  /?05f, 
tandis  que  nach  dans  ce  contexte  ne  peut  signifier  que  secundum.'\-\'-  '^^^''''»^^-  • 

20.  (.<  Sie  iiberhaiifen  ihrefeurigen  Umarmungen  mit  Freundschaft  betheurungen  » 
n'est  pas  de  l'allemand. 

22.  Les  deux  citations  sur  comme  et  comment  sont  séparées  par  une  citation  de 
La  Bruyère,  qui  n'a  rien  à  faire  avec  la  question.       '  ■•">^'  1    ■■   ■        r'' ■  ' 

52,  ic  Faquin,  —  de  l'ital.  facchino,  ht.  fascis.  »  Mâtivaî*àè'étyrtîoiagîé. 

vil  jjt m' Encore  en  est-il  bien,  avec  inversion,  doch  giebt  es  aber  noch.  »  La  par- 
ticule adversative  n'est  pas  dans  le  français,  et  rend  mal  la  relation  de  la  phrase 
avec  la  précédente.  —  «  Ici  Ve  à' encore  n'avait  pas  besoin  d'être  élidé,  parce  que 
))  le  mot  suivant  commence  par  une  voyelle.  »  Ainsi  cet  e  s'éliderait  nécessaire- 
ment devant  les  consonnes  et  facultativement  devant  les  voyelles?  Il  est  vrai  qu'on 
rencontre,  bien  que  fort  rarement,  encor  devant  une  voyelle;  mais  c'est  une 
simple  négligence.  Au  reste,  l'expression  élider  ne  convient  pas  ici,  car  elle  prête 
au  malentendu  entre  la  chute  de  Ve  dans  l'écriture  et  sa  chute  dans  la  pronon- 
ciation. 

■wi  29,  iL'expression  pied-plat  ne  vient  ni  des  chevaux  qui  ne  valent  rien  à 
cause  de  leurs  pieds  larges  et  plats,  ni  des  pieds  sans  cambrure  des  vilains,  mais 
de  la  chaussure  plate  portée  par  les  gens  du  peuple  (cf.  talon  rouge,  qui  en  est 
l'antithèse)i9i;pèil  Î23  .xuîÊÎrlM  laîivèiuoq  ,nîiVh-\si  ii 'luoq n^hm  û  ^s\oxoN  )>  .~(c 

1 97.  Plaîdoierie,  i.  pîaidoirie.'Te  ne prétend'siiitillèîrféfit  téWèi tôiitè féS^iftes 
d'impression  dont  fourmille  le  commentaire. 

202.  «  Pour  la  beauté  du  fait;  ironiquement,  équivaut  ici  à  pour  le  principe.  » 
Sans  doute  c'est  par  exagération  de  ses  principes  qu'Alceste  souhaite  de  perdre 
sa  cause,  mais  ce  n'est  pas  ce  qu'il  dit  :  il  dit  que  la  perte  de  son  procès  serait 


d'histoire  et  de  littérature.  141 

pour  lui  un  fait  intéressant,  qui  enrichirait  son  recueil  de  faits  analogues  et  don- 
nerait raison  à  son  système. 

22G.  Treuve,  «  Wou  des  infinitifs  passait  le  plus  souvent  à  eu,  comme  mourir 
n  meurs,  pouvoir  peux,  mouvoir  meus.  )>  Et  avouer,  louer,  coàter,  aboutir,  courir, 
etc.  ?  C'est  le  latin  0  qui  devient  eu.  L'origine  de  treuve  n'est  pas  assurée,  mais 
il  répond  à  l'it.  trova  avec  0  ouvert,  anciennement  aussi  îruova.  Trouve  a  pris  la 
place  de  treuve,  comme  prouve  celle  de  preuve, ^^1^,.^  srjn'j^^iUèii  20!  ./jîo  .tX^t^ï 

227.  (.(  Quelque  ardeur  qu'elle  m'ait  pu  donner  n*est  pas  admissible;  il  faudrait 
»  amour  (mais  ce  mot  est  déjà  deux  vers  plus  haut).  »  Pourquoi  donc .? 

264.  D'après  M.  Laun  1'^  de  reçois  et  autres  formes  analogues  a  été  d'abord 
ajoutée  au  mot  par  les  poètes  pour  éviter  un  hiatus.  Tout  ce  que  M.  L.  ne 
comprend  pas  bien,  il  le  met  sur  le  compte  de  la  rime  et  du  vers.  ^  i  ",•• 

282.  «  Avant  que  nous  lier  =  avant  que  de,  ou  avant  de;  les  poètes  élidaient 
»  souvent  le  de,  maintenant  on  élide  d'ordinaire  le  que.  »  Il  est  impossible  de 
penser  et  de  s'exprimer  d'une  façon  moins  scientifique. 

2C}2.  (.(  Avecque  moi,  pour  avec,  à  cause  du  vers.  »   M.  L.  semble  ignore^- 
qu'avec^zi^  se  rencontre  souvent  en  prose.  ' 

334.  M.  L.  traduit  «  empoisonneur  au  diable  »  par  verfluchter  Geschmacksver- 
gifler,  et  remarque  que  «  c'est  là  un  aparté  qu'Oronte  n'entend  pas.  »  Il  est 
inconcevable  qu'on  puisse  appliquer  ces  mots  à  Oronte  :  ils  s'adressent  à  Philinte, 
et  Alceste  l'appelle  empoisonneur  à  cause  des  flatteries  dont  il  lui  reproche  d'em- 
poisonner Oronte.      ,.^,,.  A  H  ;  ,  vyn^ii>-\r  .^^U  i.-:^iU).  -  ;.. 

433.  «  Prenez-le  un  peu  moins  haut.  Il  faut,  pour  le  vers,  prononcer  le  et  un  en 
»  un  seul  motw  »  Gela  veut  dire  sans  doute  en  une  seule  syllabe;  mais  comment 
pourrait-on,  chez  un  poète,  les  prononcer  en  deux.?  le  français  —  depuis  le 
xvi^  siècle  —  ne  tolère  pas  cet  hiatus.  Mais  d'autre  part  l'élision  de  Ve  dans  ce 
cas  et  d'autres  seml?lables  (Mis.  11,  302,  faites-le  entrer)  choque  quelque  peu 
l'oreille,  parce  que  le  porte  ici  l'accent.  Il  faudrait  en  faire  la  remarque  dans  une 
édition  allemande  de  Molière,  d'autant  plus  que  dans  beaucoup  d'écoles  alle- 
mandes on  enseigne  à  prononcer  prenéz-le,  aiméz-le.  Il  vaudrait  mieux  traduire  v' 
Schlagen  Sic  einen  eîwas  bescheideneren  Ton  an  que  einen  etwas  sanfteren  Ton. 

II,  30.  (.(  L'heur,  =  bonheur,  de  hora.»  On  sait  aujourd'hui  sur  les  bancs  de  l'école 
d'où  vient  ce  mot  «  qui  se  prête  si  bien  au  vers.o»N  ,0^251  uA  .aonsgiigèn  siqmis 

37.  «  Canon  du  gr.  Kavva;  »  pourquoi  pas  àulat:  ctinnà^"*"''  .•.^^ctr^«!rrrt  yr, 

40.  «  En  faisant  votre  esclave  =  en  se  faisant.  Molière  omet  si  souvent,  pouph^ 

t»  besoin  du  vers,  le  pronom  personnel  qu'il  est  inutile  de  signaler  désormais  ce 
»  trait.  >).(;^ci,j^§iiin^  monstruosité-  ^ufi laquelle  il  est. inutile  de  perdre  des 
paroles.  -  ..^-uc*^  ^^rh'  .b>  x-^^'-^r^  ub  ^;T*^^  «••'  •=.■•'  o^noa  oir.ln  ^iiizz^i^ny  d  00 
8$.  «  Voyons  d'arrêter  pour  à  arrêter,  pour  éviter  l'hiatus,  est  fréquent.  »  Alors 
c'est  pour  éviter  l'hiatus  que  Malherbe  écrit  :  «  Voyez  de  tirer  ce  profit  de  votre 
»  dommage,  »  et  J.-J.  Rousseau  :  «  Voyez  de  cacheter  plus  soigneusement  vos 
))  lettres?  »       .  .-•  ^  ;     .    ,  :ij:_.^  /rn:}rr:M:.;i^>' 

92.  Si  l'édition  originale  porte^ regards  au  lieu  ô'égardsy  il  faut  l'admettre  dans 
le  texte,  à  moins  que  ce  ne  soit  une  faute  d'impression.  M.  L.  ne  semble  pas 
l'envisager  ainsi,  mais  il  n'en  lit  pas  moins  égards. 


lj^2  «vTWl/        REVUE    CRITIQUE  fOTÎîH*0 

102.  «  Braillear,  —  de  braire,  ail.  briiUen^  souabe  brûllen,  angl.  brawl.  )>  Avant 
tout  brailleur  vient  de  brailler.  Il  vaut  mieux  s'abstenir  complètement  de  recher- 
ches étymologiques  que  d'en  fournir  de  cette  valeur. 

i^^L'l2.  (c  Loisible  =  permis,  vieilli.  »  Ce  mot  était  vieilli,  mais  il  est  de  nouveau 
usité:  voy.  Littré. 

1 16.  «  Faire  expliquer  votre  âme;  un  vous  ajouté  rendrait  certainement  cette 
»  phrase  plus  claire,  mais  on  pourrait  aussi  la  comprendre  en  sous-entendant 
))  se,  souvent  omis  avec  faire.  Ich  will  Ihre  Seele  sich  erkUren  lassen,  ou  Ich  will 
))  Sie  Ihre  Gesinnung  erkkren  lassen.  ))  La  première  explication,  proposée  acces- 
soirement, est  seule  admissible.  Il  faut  alors  remarquer  que  ce  n'est  pas  avec 
faire,  mais  avec  un  infinitif  dépendant  défaire  que  le  réfléchi  se  est  souvent  omis. 
M.  L.  pourra  s'éclairer  sur  ce  point  dans  Godefroy,  Lex.  comp.  de  la  langue  de 
Corneille,  II,  185-206.  aQfn  '^upisijp 

125.  a  Se  barbouiller,  de  barbuk';"%e' couvrir  le  visage,  la  barbe  de  farine 
»  comme  les  farceurs.  Ital.  barbuglirse  (corr.  barbugliare).  »  Si  M.  L.  avait  jeté 
un  coup-d'œil  dans  le  Dict.  Etym.  de  Diez,  il  aurait  vu  que  cette  étymologie  ne 
soutient  pas  l'examen.  Le  sens  (c  se  rendre  ridicule  )>  ne  dérive  sûrement  pas  de 
celui  de  «  s'enfariner  le  visage  »  (à  propos  duquel  on  eût  d'ailleurs  pu  rappeler 
la  Jalousie  du  Barbouillé,  farce  de  Molière);  barbouiller  signifie  «  salir,  souiller,  » 
d'où  le  sens  figuré.  L'ital.  barbugliare  est  de  l'érudition  mal  à  propos;  il  n'a  avec 
barbouiller  qu'un  sens  en  commun^  celui  de  «  parler  indistinctement,  bredouiller,  » 
et  il  est  probablement  sorti  de  la  forme  vraiment  italienne  borbogliare  par  assimi- 
lation au  français. 

132.  (c  Chaise,  chaise  à  porteurs;  ce  véhicule  venait  de  Londres  et  était  fort 
»  à  la  mode;  le  nom  anglais  sedan  (de  Sedan)  fait  supposer  qu'il  est  d'origine 
»  française.  »  Eh  bien!  qui  a  la  priorité  de  l'Angleterre  ou  de  la  France .f* 

147.  {(  Kg7///e  =  bagatelle,  lat.  veiilla.  »  Diez  et  autres  se  cassent  la  tête  pour 
découvrir  l'origine  de  ce  mot;  M.  L.  s'en  tire  à  moins  de  peine,  et  enrichit  du 
coup  la  langue  latine  d'un  mot  jusqu'à  lui  inconnu. 

'j'ji<jj^^v  Tutoyer  vient  de  tu  et  toi;  aussi  est-ce  à  tort  qu'on  dit  quelquefois  tu- 
»  tayer.  »  Cette  étymologie  est  mauvaise,  bien  qu'adoptée  par  Littré  et  Scheler. 
Tutoyer  est  pour  tu-oyer  (comme  dit  Montaigne);  le  t  est  intercalé  comme  dans 
abriter  de  abri,  numéroter  de  numéro,  etc.  Si  on  a  dit  vouvoyer  pùur  vousoyer,  cela 
vient  précisément  de  la  fausse  idée  qu'on  se  faisait  sur  la  formation  du  premier 
mot.  Enfin  c'est  une  idée  bizarre  de  prêter  à  Molière  l'intention  de  ridiculiser, 
en  écrivant  tutaye,  la  prononciation  usitée  à  la  cour.  •vi>fifiE  » 

180.  «  C'est  à  sa  table  à  qui  l'on  rend  visite.  »  La  meilleure  expîicairôri  de  cette 
locution  est  dans  la  confusion  des  deux  constructions  «  C'est  à  sa  table  que  «  et 
«  C'est  sa  table  à  qui.  »        ""  à.^iiivuu  aos  i|jqkj  ,00, 

247-8.  Non-seulement  les  àëîxxWpètihfd;  mâîè  ils  doivent  être  rapportés  à  la 
même  ou  aux  mêmes  personnes;  cf.  I,  219  ss. 

Indépendamment  des  erreurs  où  M.  Laun  est  tombé,  il  me  serait  facile  de 
signaler  dans  son  commentaire  un  grand  nombre  de  lacunes,  d'indiquer  par 
exemple  plusieurs  passages  difficiles  à  entendre  ou  intéressants  pour  la  langue  ou 
la  littérature  qui  n'ont  été  l'objet  d'aucune  remarque  (je  citerai  seulement,  dans 


d'histoire  et  de  littérature.  145 

le  morceau  que  j'ai  choisi,  les  vers  I,  23,  29,  209,  ^58,  396;  H,  55,  59,  84, 
98);  mais  je  ne  veux  pas  faire  un  supplément  au  travail  de  M.  Laun.  D'ailleurs 
on  pourrait  contester  le  bien  fondé  de  cette  critique.  Il  est  certain  que  bien  des 
endroits  où  l'éditeur  n'a  rien  noté  appelaient  des  observations  au  moins  à  aussi 
juste  titre  que  d'autres  oi^  il  a  mis  des  notes;  mais  il  n'est  pas  aisé  de  tracer  la 
ligne  de  démarcation  entre  ce  qu'un  commentaire  peut  donner  et  ce  qu'il  doit 
donner. 

Nous  sommes  fiers  depuis  longtemps,  en  Allemagne,  de  l'exactitude  et  du  soin 
que  nous  apportons  à  nos  éditions.  Pour  un  écrivain  français  moderne,  il  ne 
s'agit  pas  d'établir  la  classification  des  manuscrits,  ni  de  retrouver  la  bonne  leçon 
au  milieu  de  corruptions  diverses,  ni  de  surmonter  des  difficultés  de  premier 
ordre  de  forme  ou  de  fond.  Et  spécialement  pour  Molière,  où  ce  qui  se  trouve 
de  remarquable  ou  de  singulier  en  quelque  manière  a  généralement  déjà  été 
relevé,  un  éditeur  a  une  tâche  aisée,  mais  nous  avons  le  droit  d'exiger  qu'il  s'en 
acquitte  d'autant  plus  consciencieusement.  M.  Laun  ne  satisfait  point  à  cette 
exigence;  son  édition  est  défigurée  par  des  négligences  souvent  très-graves,  il 
n'est  pas  parfaitement  maître  de  sa  propre  langue,  et  ce  qu'il  donne  comme 
linguistique  fait  dresser  les  cheveux  sur  la  tète  '. 

De  tous  les  poètes  français  c'est  Molière  que  nous  aimons  le  plus  en  Alle- 
magne, et  relativement  nous  le  lisons  beaucoup.  Le  besoin  d'une  édition  alle- 
mande de  Molière  est  réel;  mais  je  proteste  de  nouveau  contre  le  jugement  porté 
par  la  critique  allemande,  d'après  lequel  il  lui  serait  donné  satisfaction  par  l'édj*. 
tion  de  M.  Laun.  :[ 

,  ^u/^I^  H*  Schuchardt. 

•Ji  u  .y .   1  - 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du.  20  août  1875. 
M.  de  Longpérier  lit  un  rapport  au  nom  de  la  commission  du  prix  Fould.  Ce 
prix,  de  20000  fr.,  est  destiné  à  récompenser  la  meilleure  histoire  des  arts  du 
dessin  (architecture,  sculpture,  peinture)  depuis  les  temps  les  plus  reculés 
jusqu'au  siècle  de  Périclès.  La  commission  chargée  de  le  décerner  est  composée 
de  trois  membres  de  l'académie  des  inscriptions,  un  membre  de  l'académie  des 
sciences  et  un  membre  de  l'académie  des  beaux-arts.  La  commission  n'ayant 
reçu  cette  année  aucun  ouvrage  écrit  en  vue  de  ce  prix  et  où  le  sujet  fût  traité 
complètement,  proroge  le  concours  à  trois  ans,  conformément  au  règlement. 
Elle  décerne  à  titre  d'accessit  une  somme  égale  à  7,  années  du  revenu  du  capital 
du  prix  à  M.  James  Fergusson,  pour  son  ouvrage  intitulé  A  history  of  architecture 
(histoire  de  l'architecture  de  tous  les  peuples  depuis  les  temps  les  plus  anciens 
jusqu'à  la  période  actuelle  :  partie  antique),  en  prenant  aussi  en  considération 


I .  Ne  croit-il  pas  possible  {Mis.  V,  242)  (jue  dire  dans  «  troiwe 

desiderare?.  j^  ^j^^,^  ^înG^^t)^^l^î  uo  oihnolïvj  i  :  'jiioriîib  i^r^zzm 


dans  «  troiwer  à  dire  »  vienne  de 
Mè  Ino'n  : 


144  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

5  autres  écrits  du  même  auteur,  relatifs  à  l'histoire  des  arts  (monuments  de  pierres 
brutes  dans  toutes  les  contrées  ;  les  palais  de  Ninive  et  de  Persépolis  ;  explica- 
tion des  temples  taillés  dans  le  roc  de  l'Inde;  illustrations  de  l'ancienne  architec- 
ture de  l'Hindoustan;  le  culte  de  l'arbre  et  du  serpent,  ou  explications  sur  la 
mythologie  de  l'Inde  d'après  les  sculptures  des  monuments  bouddhistes  de 
Santchi  et  d'Amravati). 

M.  Maury  continue  la  lecture  de  son  mémoire  intitulé  Nouvelles  observations 
sur  la  langue  étrusque,  où  il  examine  les  théories  exposées  dans  le  livre  de  M.  W. 
Corssen,  Ueber  die  Sprache  der  Etrusker.  Il  étudie  plusieurs  mots  des  inscriptions 
étrusques,  que  M.  Corssen  a  pris  pour  des  noms  propres;  M.  Maury  les  consi- 
dère comme  des  noms  communs,  et  pense  qu'on  peut  en  déterminer  le  sens,  du 
moins  d'une  manière  approximative. 

M.  Desjardins  continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Charles  Tissot  sur  la 
géographie  de  la  Maurétanie  Tingitane.  Dans  cette  partie,  M.  Tissot  étudie  la 
côte  occidentale  de  la  Maurétanie,  sur  la  mer  extérieure  ou  océan  atlantique.  On 
trouve  dans  Scylax  une  description  très-détaillée  et  très-précise  de  cette  côte. 
Les  commentateurs  modernes,  s'étant  mal  rendu  compte  de  la  configuration  des 
lieux,  avaient  accusé  la  description  de  Scylax  de  contenir  plusieurs  erreurs  et 
voulaient  en  corriger  le  texte.  Cette  opinion  était  généralement  admise.  Seul, 
M.  Vivien  de  Saint  Martin  avait  exprimé  la  conviction  qu'une  étude  plus  atten- 
tive des  localités  montrerait  que  l'erreur  est  du  côté  des  modernes.  C'est  ce  qui 
est  arrivé.  M.  Tissot,  en  explorant  le  littoral,  a  reconnu  l'exactitude  de  la 
description  de  Scylax.  Il  donne  l'identification  moderne  des  divers  points  men- 
tionnés par  le  géographe  grec,  depuis  les  colonnes  d'Hercule  jusqu'au  fleuve 
'Avio-rjç,  aujourd'hui  Oued  el  Aïacha,  et  à  la  ville  de  Zilis  ou  Zilia  {colonia  Iulia 
Constantia  Zilis,  dans  Pline,  aujourd'hui  en  berbère  Azila),  au  nord  du  fleuve  et 
de  la  ville  de  Lixus. 

Ouvrages  offerts  à  l'académie,  déposés  sur  le  bureau  :  —  Société  académique  de  S.  Quentin, 
sujets  mis  au  concours  :  concours  de  l'année  1876  (4  p.);  —  Neue  kritisch-exegetische 
Bearbeitung  eines  Siegesgesanges  aus  Pindar,  v.  Prof.  D'  Joh.  Jos.  Schwickert  (pro- 
gramme du  progymnase  royal  grand-ducal  de  Diekirch,  1875,  4*)''  —  ouvrages  envoyés  au 
concours  des  antitjuités  de  la  France  :  —  D.  Brissaud,  Les  Anglais  en  Guyenne,  Paris, 
1875 ,  8°;  —  E.  Cauvet,  Étude  historique  sur  Fonfroide,  Montpellier  et  Paris,  1875, 
8*;  —  L'abbé  J.  Corblet,  Hagiographie  du  diocèse  d'Amiens,  tome  5,  Paris  et  Amiens, 
187s,  8-. 

Présenté,  de  la  part  de  l'auteur,  par  M.  de  Longpérier  :  —  Alexandre  Bertrand,  Rap- 
port au  ministre  de  l'instruction  publique  sur  les  questions  d'archéologie  discutées  au 
congrès  de  Stockholm  en  1874. 

^'K^  . o  3^  9-fôqo  5ti3b  m&iKW  Julien  Havet. 

LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 
Beame,  a  comparative  Grammar  of  the  modem  Aryan  Languages  of  India.  Vol.  II 
(London,  Trùbner).  —  Chaignet,  La  Philosophie  de  la  Science  du  Langage  (Paris, 
Didier).  —  Deutsche  Puppenkomœdien  hrsg.   v.   Engel.   Fasc.   II,   III  (Oldenburg, 
Schuize).  --  LiNDAU,  Gesammelte  Aufsaetze  (Berlin,  Stilke). 

Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 
Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-Ie-Rotrou. 


en  Océanie).  —  J.  A.  Symonds,  Renaissance  in  Italy  :  the  Age  of  the  Despots. 
Smith,  Elder  and  Co.  —  Japanese  Antiquities. 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  24,  12  juin.  H.  VoiGT,  Fundaniental  Dogma- 
tik.  Gotha,  Perthes,  in-S",  xxxij-684  p.  (Lipsius).  —  H.  Gottf.  Gengler,  Ger- 
manische  Rechtsdenkmaeler.  Erlangen,  Deichert,  in-8*,xiij-778p.(ScHULz).  — 
0.  BoHTLiNGK  und  R.  RoTH,  Sanskrit  Wœrterbuch.  Th.I-VII.  57.  Lieferungen. 
St.  Petersburg,  Eggers  und  Comp.  Leipzig,  Voss,  in-4"  (Fr.  Spiegel). — 
B.  Delbrùck,  Das  Sprachstudium  auf  den  Deuischen  Universitaeten.  lena, 
DufFt,  in-8%  24  p.  (G.  Curtius).  —  Rig  Veda-Sanhita  éd.  by  F.  Max 
MùLLER.  Vol.  VI.  London,  Allen,  in-4°  (B.  Delbrùck).  —  A.  G.  Burnell, 
Eléments  of  South-Indian  Palaeography.  London,  Trubner,  in-4",  viij-98  p., 
30  pi.  I  carte  (A.  VVeber.  Cf.  le  présent  n°  de  la  Revue  critique).  —  Vâmana'.s. 
Lehrbuch  der  Poetik,  zum  ersten  Maleherausg.  v.  Cari  Cappeller.  lena,  Dufft,  ' 
in-8°,  xj-87  p.  (R.  Pischel). — Ad.  Fr.  Stenzler,  Elementarbuch  der  Sanskrît- 
Sprache.  3,  verm.  Auflage.  Breslau,  Maelzer,  in-8°,  iv-126  p.  (C.  Cappeller). 

—  Bharatae  responsa  Tibetice,  cum  versione  latina.  Petropoli,  typis  imper. 
Acad.  se,  in-4°,  iv-46  p.  (W.  D.  Whitney).  —  S.  Beal,  The  romantic  legend 
of  Sâkya-Buddha.  London,  Trubner,  in-8°,  xij-596  p.  (A.  Schiefner).~B.  H. 
HODGSON,  Essays  on  the  languages  literature  and  religion  of  Népal  and  Tibet. 
London,  Trubner,  in-8°,  xj-145,  124  p.  (Ern.  W.  A.  Kuhn).  —  E.  W.  West, 
Glossary  and  Index  of  the  Pahlavi  Texts  of  the  book  Arda-Viraf.  London, 
Trubner,  in-8",  viij-^^o  p.  (H.  Hùbschmann).  —  J.  Halevy,  Mélanges  d'épi- 
graphie  et  d'archéologie  sémitiques.  Paris,  Maisonneuve,  in-8",  ij-183  p.  (K. 
Schlottmann).  —  G.  Smith,  Assyrian  discoveries.  London,  Sampson  Low, 
Marston,  Low  and  Searbe,  in-8°,  xvj-461  p.  (Schrader).  —  Fr.  Miklosich, 
Altslovenische  Formenlehre  in  Paradigmen.  VV'ien,  Braumûller,  in-S",  xxxv-. 
96  p.  (J.  Schmidt).  —  Greg.  Krek,  Einleitung  in  die  slavische  Litteratur-. 
geschichte.  Th.  I,.  Graz,  Leuschner  und  Lubensky,  in-8°,  vij-336  p.  (Fr. 
Miklosich). — A.  Fried.  Pott.  Ueber  vaskische  Familiennamen.  Detmold, 
Meyer,  in-8'\  v-41  p.  (E.  Windisch). —  R.  Ellis,  Peruvia  Scythica.  London, 
Trubner  and  Co.,  in-8°,  xj-219  p.  (Pott).  —  Aug.  Bœckh's  gesammelte  kleine 
Schriften.  Band  IV.  Leipzig,  Teubner,  in-8°,  viij-547  p.  (R.  Schôll).  -^  O. 
Benndorf,  Die  Metopen  von  Selinunt.  Berlin,  Guttentag,  in-4°,  iij-8i  p.  3  pi. 
(R.  Gaedechens). 

Il  Propugnatore.  Disp.  2  e  3.  Marzo,  Aprile,  Maggio,  Giugno  1875.  Giov>.f 
Sforza,  Lettere  inédite  di  Carraresi  illustri  (Lettres  de  F.  Berrettari,  poète  latin 
du  xvii^  s.). —  Imbriani,  Natanar  II,  lettera  a  Francesco  Zambrini  sul  testo  del 
candelaio  di  Giordano  Bruno.  —  Salomone  Marino,   Storie  popolari  siciliane.'- 

—  G.  Ghivizzani,  g.  Giusti  e  i  suoi  tempi.  F.  Corazzini,  Una  questione  sulla' 
storia  délia  Lingua  (discussion  entre  MM.  Amari  et  Baudi  de  Vesme  sur  l'ancien 
dialecte  sicilien.  —  (C.  Coronedi  Berti.  Novelle  popolari  bolognesi.  —  T. 
Zambrini  e  A.  Bacçhilega,  Le  edizioni  délie  opère  de  G.  Boccacio. 

Det  nittende  Aarhundrede  (Le  xix°  siècle ,  revue  mensuelle  de  littérature 
et  de  critique).  Copenhague.  Octobre  1874.  G.  Brandes,  Paul  Heyse(i'^" partie). 

—  J.  P.  Jacobsen,  L'enfance  de  Maria  Grubbe.  —  E.  Brandes,  Le  récit  du 
déluge  dans  les  inscriptions  babyloniennes.  —  Le  Théâtre  national  danois  et  sa 
direction.  —  Littérature  :  poésie  du  Nord. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES    PUBLICATIONS    FRANÇAISES    ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-proraptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Albert  (P.).  La  littérature  française  au 
XVIII*  siècle.  In- 18  Jésus,  482  p.  Paris 
(Hachette  et  C»).  3  fr.  ^0 

Asseline  (D.).  Les  Antiquitez  et  Chro- 
niques de  la  ville  de  Dieppe.  Publiées 
pour  la  première  fois,  avec  une  introduc- 
tion et  des  notes  historiques  par  MM.  M. 
Hardy,  Guériilon  et  Sauvage.  2  vol.  in-8% 
xxxij-82  5  p.  Paris  (Maisonneuve  et  C'). 

Aubert  (E.).  Reliure  d'un  manuscrit  dit 
ÉvangéliairedeCharlemagne.  In-8°,  21  p. 
Nogent-ie-Rotrou  (imp.  Gouverneur). 

Babinet  de  Rencogne  (G.).  Documents 
relatifs  au  prieuré deN.-D.-de-FontbIanche 
(1220' 166 5),  publiés  pour  la  première 
fois.  ^-8",  42  p.  Niort  (Clouzot). 

Bonnafoux  (J.-F.).  Fontaines  celtiques 
consacrées  par  la  religion  chrétienne, 
sources  merveilleuses,  coutumes  supersti- 
tieuses et  légendes  diverses,  recueillies 
f)our  la  plupart  dans  le  département  de 
a  Creuse.  In-4%  43  p.  Guéret  (imp. 
Dugenest). 

Bouillevaux  (C.-E.).  L'Annam  et  le 
Cambodge,  Voyages  et  notices  historiques, 
accompagnées  d'une  carte  géographique. 
In-S",  548  p.  Paris  (Palmé). 

Casimir  (P.).  Notice  sur  le  duc  et  la  du- 
chesse de  Navailles.  In-8*,  18  p.  Niort 
(Clouzot). 

Choix  de  lettres  adressées  à  M.  de  Nicolay, 
évêque  de  Verdun ,  par  le  Dauphin ,  la 
Dauphine  et  divers  princes,  princesses  ou 
personnages  de  la  Cour  (1750-1769). 
In-4',  41  p.  Nogent-le-Rotrou  (imp. 
Gouverneur). 

Combes  (A.).  Histoire  de  la  ville  de 
Castres  et  de  ses  environs  pendant  la 
Révolution  (1789-1804).  In-S*,  335  p. 
Castres  (Granier). 

Desjardins  (T.).  L'art  des  Étrusques  et 
leur  nationalité.  In-8*,  56  p.  Lyon  (imp. 
Perrin  et  Marinet). 

Duval  (L.).  Archives  révolutionnaires  du 
département  de  la  Creuse  (1789-1794). 


In-8*,  iij-406  p.  Guéret  (l'auteur).  10  fr. 

Even  (C).  Abécédaire  de  numismatique 
romaine,  notes  indispensables  aux  jeunes 
amateurs.  In-8'>,  59  p.  et  12  pi.  Saint- 
Brieuc  (Guyon). 

Fouillée  (A.).  Histoire  de  la  philosophie. 
In-8<».  xvij-j54  p.  Paris  (Delagrave). 

Imbert.  Le  mariage  de  Nicolas  d'Anjou, 
seigneur  de  Mézières ,  avec  Gabrielle  de 
Mareuil.  In-8',  63  p.  Niort  (Clouzot). 

Lettres  de  Catherine  de  Parthenay, 

dame  de  Rohan-Soubise  et  de  ses  deux 
filles  Henriette  et  Anne,  à  Charlotte- 
Brabantine  de  Nassau,  duchesse  de  La 
Trémoïlle;  publiées  d'après  les  originaux. 
In-S»,  124  p.  Niort  (le  même). 

Jacob  (P.-J.).  Bibliographie  et  iconogra- 
phie de  tous  les  ouvrages  de  Restif  de  la 
Bretonne,  comprenant  la  description  rai- 
sonnée  des  éditions  originales,  des  réim- 
pressions, des  contrefaçons,  des  traduc- 
tions, des  imitations,  etc.,  y  compris  le 
détail  des  estampes,  et  la  notice  sut  la 
vie  et  les  ouvrages  de  l'auteur,  par  son 
amiCubières  Palmézeaux,  avec  des  notes 
historiques,  critiques  et  littéraires.  In-S", 
XV-514  p.  et  portr.  Paris  (Fontaine). 

Lecoy  de  la  Marche  (A.).  Le  roi  René, 
sa  vie,  son  administration,  ses  travaux 
artistiques  et  littéraires  d'après  les  docu- 
ments inédits  des  Archives  de  France  et 
d'Italie.  2  vol.  in-S",  xvj-1056  p.  Paris 
(F.  Didot  frères,  fils  et  C"). 

Miklosich  (F.).  Ueber  die  Mundarten  u. 
die  Wanderungen  der  Zigeuner  Europa's 
IV.  In-4-,  68  S.  Wien  (Gerold).      4  fr. 

Pasquier  (F.).  Grands  jours  de  Poitiers 
de  1454  à  1634.  In-8*,  140  p.  Paris 
(Thorin). 

Taillandier  (Saint-René).  Dix  ans  de 
l'histoire  d'Allemagne.  Origine  du  nouvel 
empire,  d'après  la  correspondance  de 
Frédéric-Guillaume  IV  et  du  baron  de 
Bunsen.  1847-18^7.  In-8°,  xx-442  p. 
Paris  (Didier  et  C*).  7  tr.  50 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N»  36  Neuvième  année.  4  Septembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE,MM.^(^,,QE,;.A  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  4é  l^î'îlfedaction  :  M.  Stanislas  G uyard'.^*  ^^■'' 

(fio^tjOPrix  d'abonnement  : 
Un  an,  PaçjSy^p„|ifyiitT^P^partements,   22  fr,  —   Étranger,  le  port  en  sus 

,0)  cr.s^l   q  f^^|:v:    suivant  le  pays. 

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"'-?   'f  ip.'  VIÈWEG,    PROPRIÉTAIRE 
_.,  ,     .5   ,,♦..;- „6^?,  RUE  RICHELIEU,  6"^     .       . 

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Adresser  touUsles^cammunicatlons  à  M.  Stanisiag'GuYARD,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


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En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 

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^  •  >  ^  ^  *^  r\  IL  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i^'"  fascicule. 
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Le  4e  fascicule  est  sous  presse. 


TT  îIAT^^Iriodiques 


The  Academy,  n°  171,  new  séries,  14  août.  H.  Sumner  Maine,  The  EflFect 
of  Observation  of  India  on  modem  European  Thought.  London,  Murray  (E.  de 
Laveleye  :  dans  ce  remarquable  essai,  M.  S.  M.  montre  comment  la  connais- 
sance des  langues  et  des  institutions  de  l'Inde  a  donné  naissance  à  la  philologie 
et  à  la  mythologie  comparées,  et  a  fourni  des  points  importants  de  comparaison 
pour  l'étude  du  droit  et  des  idées  sociales.  M.  de  L.  sur  ce  dernier  point,  hésite 
à  se  prononcer  avec  M.  S.  M.  en  faveur  de  la  supériorité  des  conceptions  euro- 
péennes). —  GiNO  Capponi,  Storia  délia  Repubblica  di  Firenze.  Firenze,  Bar- 
bera, 2  vol.  (Creighton  :  éloge  banal  et  exagéré  de  cet  ouvrage  remarquable 
sans  doute,    mais  singulièrement  insuffisant).  —  Allies,   The  Formation   of 
Christendom.  Part  III.  London,  Longmans  and  Co.  (J.  Wordsworth  :  ouvrage 
consciencieux  d'un  anglican  converti  au  catholicisme).  —  K.  J.  Schrôer,  Die 
deutsche  Dichtung  des  19.  Jahrhunderts  in  ihren  bedeutenderen  Erscheinungen. 
Leipzig,  Vogel  (F.  Hueffer  :  réunion  intéressante  des  noms  et  des  faits,  mais 
appréciations  critiques  très-médiocres).  —  A.  Jobez,  La  France  sous  Louis  XV. 
Paris,  Didier  (Et.  Coquerel  :  article  favorable).  —  Current  Literatur.  —  Notes 
and  News  (notes  sur  un  ms.  très-important  de  Wycliffe,  datant  de  1 390;  sur  la 
découverte,  à  Grotta  Ferrata,  d'un  ms.  palimpseste  de  Strabon  renfermant  des 
passages  des  7^  et  8*"  livres  jusqu'ici  perdus).  —  Hans  Christian  Andersen  (Ed. 
W.  Gosse  :  très-intéressante  notice  nécrologique.  —  Congrès  international  des 
sciences  géographiques.  3'' article.  (L'auteur  trouve  avec  raison  que  les  meilleures 
cartes  murales  exécutées  jusqu'ici  en  France  sont  celles  de  M.  Delaerave.  Celles 
de  M.  Ehrard  (Hachette)  sont  plus  belles  et  plus  fines,  mais  celles  Je  M""  Klein- 
hans  (Delagrave)  sont  préférables  pour  l'enseignement.  —  Congrès  de  géogra- 
phie. —  Correspondence  (L.-L.  Bonaparte  :  sur  les  noms  basques;  A.  Cutbill: 
sur  un  ms.  juridique  anglo-normand  de  l'époque  du  roi  Jean  appartenant  au  duc 
de  Northumberland;  H.  Schliemann  :  antiquités  préhistoriques  du  musée  de 
Leyde).  Science  Notes  :  Philology. 

The  Athenaeum,  n°  2494,  14  août.  The  Speeches  and  Public  Letters  of  the 
Liberator.  With  Préface  and  Historical  Notes  by  Miss  F.  Cusack.  Dublin, 
M'  Glashan  and  Gill,  2  vol.  (Les  incidents  qui  ont  signalé  la  célébration  du 
centenaire  d'O'Connell  ajoutent  à  l'intérêt  de  ce  recueil  :  on  n'y  trouve  pourtant 
rien  de  bien  nouveau  sur  le  grand  agitateur;  ses  discours  au  peuple  irlandais, 
ses  plaidoyers,  ses  lettres  tout  à  fait  privées,  donneraient  de  lui  une  idée  bien 
plus  saisissante  et  plus  vive  que  les  lettres  politiques  et  les  discours  parlemen- 
taires ici  rassemblés).  —  J.  S.  Stuart-Glennie.  Pilgrim  Memories  or  Travel 
and  Discussion  in  the  Birth-Countries  of  Christianity  with  the  late  Henry  Thomas 
Buckle.  Longmans  and  Co.  (Souvenirs  de  conversations  que  M.  S.  G.  entretint 
avec  l'auteur  de  VHistoire  de  la  Civilisation  pendant  un  voyage  en  Egypte  et  en 
Palestine.  D'après  les  passages  cités,  il  semble  bien  que  ces  conversations  las- 
saient parfois  M.  Buckle.  Article  défavorable).  —  S.  Paul's  Epistles  to  the  Colos- 
sians  and  to  Philemon.  A  revised  Text  with  Introduction,  Notes  and  Disserta- 
tions, by  J.  B.  LiGHTFOOT.  Macmillan  and  Co.  (L'auteur  fait  preuve  d'une  grande 
lecture,  mais  le  théologien  domine  trop  l'historien).  —  Guizot,  L'Histoire  de 
France  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'en  1789,  racontée  à  mes  petits 
enfants.  4  vols.  Hachette  —  The  hlstory  of  France,  etc.,  translated  by  R.  Black. 
5  vols.  Sampson  Low  and  Co.  (En  rendant  justice  au  talent  et  au  patriotisme  de 
M.  G.  et  en  reconnaissant  le  caractère  tout  patriarcal  de  son  livre,  l'auteur  de 
l'article  ne  peut  s'empêcher  de  remarquer  combien  l'ouvrage  devenait  plus  faible 
à  mesure  qu'il  avançait).  —  Origenis  Hexaplorum  quae  supersunt;  sive  veterum 
interpretum  Graecorum  in  totum  Vêtus  Testamentum  fragmenta  post  Flaminiuni 
Nobilium,  Drusium,  et  Montefalconium,  adhibita  etiam  versione  Syro-Hexaplari 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  36  —  4  Septembre  —  1875 

Sommaire  :  179.  Beal,  La  Légende  de  Sâkya  Buddha.  —  180.  L.  Dufoub,  Les 
Dialectes  grecs.  —  181.  J.  de  Goeje,  L'ancien  Lit  de  l'Oxus.—  182.  Ed.  Dowden, 
Shakspere.  —  183.  Ph.  Tamizey  de  Larroque,  Documents  inédits  pour  servir  à 
l'histoire  de  l'Agenais.  —  184.  E.  Schmidt,  Richardson,  Rousseau  et  Gœlhe.  — 
Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 

179.  —  The  Romantic  Legend  of  Sàkya  Buddha  :  from  the  Chinese-Sanscrit. 
By  Samuel  Beal,  London,  Trùbner.  1875.  In-S",  xij-395  p. 

«  Cet  ouvrage,  dit  M.  Beal  au  commencement  de  l'Introduction,  est  la  tra- 
))  duction  de  la  version  chinoise  de  VAbhinishkramanaSàtra  faite  par  Djnanakuta, 
»  prêtre  buddhiste  de  l'Inde  septentrionale,  vers  la  fin  du  vi**  siècle  de  notre 
»  ère.  ))  Le  titre  chinois  est  Fo-pen-hing-tsi-King  et  signifie,  d'après  M.  Wassil- 
jew  cité  par  M.  B.  :  Biographie  de  Çâkyamuni  et  de  ses  disciples;  le  sens  du 
titre  sanskrit  est  :  Livre  de  la  Sortie,  et  M.  B.  remarque  très-justement  qu^il  ne 
devrait  s'appliquer  proprement  qu'au  dix-septième  chapitre  de  l'ouvrage,  où  l'on 
raconte  la  sortie  du  Buddha  du  palais  paternel  pour  se  consacrer  à  la  vie  religieuse. 

C'était  là,  semble-t-il,  une  raison  suffisante  pour  ne  pas  admettre  si  facilement, 
sur  la  foi  de  M.  Wassiljew,  qu'un  ouvrage  intitulé  en  chinois  Vie  du  Buddha, 
était  intitulé  en  sanskrit  :  Livre  de  la  Sortie.  Nous  croyons  que  l'assertion  du 
savant  russe  est  le  résultat  d'une  erreur  ou  d'une  confusion  quelconque.  Voici 
en  effet  ce  que  nous  lisons  dans  la  Concordance  Sinico-Samskriîe  '  de  feu  Stan. 
Julien  sous  le  n"  167  :  Fo-pen-hing-tsi-King^^  60  liv.  (Bouddhatcharitra).  Traduit 
par  Djnânagoupta. 

On  voit  que  le  titre  chinois  est  le  même  que  celui  du  livre  traduit  par  M.  B. 
Le  sens  du  titre  sanskrit,  vie  du  Buddha,  en  reproduit  la  partie  essentielle;  le 
nombre  de  soixante  livres  ou  cahiers  est  précisément  celui  des  chapitres  du 
présent  ouvrage.  Enfin  le  nom  du  traducteur  Jnanakuta,  suivant  M.  B.,  Jnâna- 
Goupta,  suivant  Julien,  doit  être  le  même.  C'est  un  nom  indien,  dont  la  transcrip- 
tion chinoise  se  lit  Che-na-kiu-to ,  et  que  les  deux  sinologues  ont  restitué  d'une 
façon  légèrement  différente.  On  serait  tenté  de  donner  la  préférence  à  la  resti- 
tution de  Julien;  d'aboi d  c'est  d'après  l'analogie  du  n*'  1 19  de  la  Méthode^  de 

1.  Journal  asiatique,  quatrième  série.  Tome  XIV,  1849,  p.  353-446. 

2.  Nous  n'hésitons  pas,  malgré  notre  ignorance  absolue  de  la  langue  chinoise,  à  cor- 
riger Kortg,  faute  d'impression  évidente,  en  King.  Ce  dernier  mot  signifie  en  chinois 
Soûtra,  comme  on  peut  le  voir  ibid.  p.  368  et  373,  et  il  termine  régulièrement  les  titres 
de  tous  les  ouvrages  appartenant  à  cette  division  du  canon  buddhique.  D'un  autre  côté 
la  présence  du  mot  Kong  deux  lignes  plus  haut  dans  un  autre  titre  explique  l'erreur  du 
typographe.  ,  .  . 

3 .  Méthode  pour  déchiffrer  et  transcrire  les  noms  sanscrits  qui  se  rencontrent  dans  les  livres 
chinois^  inventée  et  démontrée  par  M.  Stanislas  Julien.  Paris,  Imprimerie  impériale,  1861. 

XVI  10 


146  REVUE    CRITIQUE 

Julien  que  M.  B.  a  essayé  de  constituer  son  Jnana-Kuta,  qui  pourrait  signifier 
masse  ou  sommet  de  science  (ou  même,  d'après  une  acception  spéciale  du  mot 
Kùxa^  fausse  science)  mais  qui  présente  comme  nom  propre  une  forme  inusitée, 
tandis  que  Jnâna  Gupla,  protégé  par  la  science  est  un  nom  d'aspect  tout  à  fait 
buddhique.  De  plus  on  voit  d'après  la  même  Méthode,  p.  69,  que  K'iu-to  corres- 
pond kgupta  dans  Ngo-tO'K^iu-to  =  Atigupta^ .  Enfin  il  est  naturel  de  supposer  que 
Julien  savait  mieux  se  servir  de  sa  Méthode  que  M.  B.  Il  subsiste  cependant  un 
doute  sur  l'exactitude  des  deux  restitutions,  parce  que  ni  l'une  ni  l'autre  ne 
reproduit  le  sens  attribué  par  le  commentateur  chinois  au  nom  Che-na-Kiu-to^  à 
savoir  :  esprit  vertueux  (tih-chj^,  d'après  M.  B.  p.  2  n.  Mais  en  tout  cas  il  reste 
très-vraisemblable  que  le  véritable  titre  sanskrit  du  Fo-pen-hing-tsi-King  est 
plutôt  Buddhacaritra  que  Abhinishkramanasûtra. 

C'est  du  reste  bien  le  même  ouvrage  que  celui  dont  a  parlé  M.  Wassiljew, 
car  on  y  trouve  à  la  fin  la  curieuse  note  déjà  signalée  par  ce  savant,  et  d'après 
laquelle  différentes  sectes  auraient  appliqué  chacune  un  nom  différent  à  un  seul 
et  même  ouvrage.  M.  B.  voudrait  tirer  de  cette  note  un  argument  chronologique 
relativement  à  l'époque  où  la  légende  du  Buddha  était  répandue  dans  l'Inde. 
Nous  partageons  l'opinion  de  M.  B.  sur  l'antiquité  de  cette  légende,  mais  nous 
croyons  que  son  argument  ne  saurait  avoir  de  valeur  tant  que  les  sinologues  ne 
se  seront  pas  mis  d'accord  sur  la  date  des  premières  traductions  de  livres 
buddhiques  en  chinois.  M.  Wassiljew,  le  savant  le  plus  versé  dans  la  littérature 
'sinico-buddhique,  s'exprime  ainsi  ^  :  «  L'histoire  de  la  première  introduction  du 
»  buddhisme  en  Chine  en  l'an  64  ap.  J.-C.  est  une  invention;  le  buddhisme  ne 
»  commença  à  se  répandre  qu'au  iv^  siècle.  »  Or  tant  qu'il  n'y  a  pas  eu  de 
buddhisme,  il  n'a  pas  pu  y  avoir  de  traductions  ni  du  Buddhacaritra  ni  du 
Lalitavistara  ni  d'aucun  ouvrage  buddhique.  Userait  donc  important  d'être  fixé 
une  bonne  fois  sur  un  fait  qui  intéresse  à  la  fois  Phistoire  de  Pinde  et  celle  de  la 
Chine,  et  sur  lequel  les  opinions  des  hommes  compétents  sont  si  divergentes. 

Quand  à  l'assertion  contenue  dans  la  note  finale  du  Fo-pen-hing-tsi-King  elle 
ïie  saurait  être  prise  à  la  lettre.  M.  B.  a  remarqué  que  l'un  des  titres  mentionnés 
Ta-choang-yen  signifiant,  paraît-il,  grande  magnificence,  était,  suivant  M.  Was- 
siljew, celui  d'une  version  chinoise  du  Lalitavistara.  On  trouve  en  effet  les  mêmes 
mots  composant,  en  totalité  ou  en  partie,  les  titres  de  quatre  numéros  (147,  605, 
655  et  705)  de  la  Concordance  sinico-sanskrite,  tous  donnés  par  Julien  comme 
des  traductions  de  cet  ouvrage.  Il  est  possible  qu'elles  aient  été  faites  sur  des 
rédactions  différentes  de  celle,  que  nous  connaissons  tant  par  le  texte  sanskrit 
publié  à  Calcutta  que  par  la  version  tibétaine  éditée  et  traduite  par  .M.  Foucaux. 
Car,  d'une  part,  le  nombre  de  livres  ou  chapitres  ne  correspond  pas,  et  d'un 
autre  côté  la  susdite  Concordance  mentionne  encore  trois  autres  titres  tout  à  fait 


1.  Cf.  Vie  de  Hloaeng-Thsang ,  p.  xxj  n.,  où  l'on  voit  que  Kiou-to  rend  Gupîa  dans 
Buddhagupta  et  Tathdgatagupta. 

2.  Tdrhndtha's,  Geschichte  des  Buddhismus  in  Indien  ans  dem  Tibetischen  ûbersetzt  von  A. 
Schiefner,  p.  313,  note  de  M.  Wasjiljew;  cf.  ibid.  285. 


I 


d'histoire  et  de  littérature.  147 

différents  n""  97,  1 5 1  et  46 3^)  comme  ceux  de  traductions  de  cette  célèbre  bio- 
graphie du  Buddha. 

Mais  à  en  juger  d'après  le  seul  point  de  comparaison  qui  nous  soit  accessible, 
il  n'y  a  pas  grand  rapport  entre  le  Lalitavistara  et  le  Fo-pen-hing-îsi-King.  Le 
sujet  est  en  partie  le  même,  le  plan  également,  mais  la  mise  en  œuvre  diffère 
beaucoup;  les  récits  en  vers,  qui  forment  le  fond  du  Lalitavistara,  sont  bien  plus 
rares  dans  le  second  ouvrage;  ils  ne  sont  souvent  cités  que  par  les  premières 
stances,  et  même,  autant  que  l'on  peut  entrevoir  à  travers  une  double  traduc- 
tion, celles-ci  ne  sont  que  rarement  les  mêmes.  Celles  que  M.  B.  a  signalées 
(p.  189)  ne  sont  pas  propres  au  Lalitavistara,  on  les  retrouve  notamment  en 
pâli  dans  le  Padhânasutta,  d'où  elles  ont  été  extraites  par  M.  Minayef '. 

Un  autre  ouvrage  qui  d'après  la  note  en  question  serait  identique  au  Fo-pen- 
hing-tsi-King,  est  le  Ta-King,  que  M.  B.  croit  n'être  autre  que  le  Mahâvastu^ 
«  volumineux  recueil  des  légendes  relatives  à  la  vie  religieuse  de  Càkya,  » 
suivant  la  définition  de  Burnouf^.  Le  texte  que  nous  en  connaissons  appartient 
à  l'école  des  Mahâsânghikas  (comme  le  Ta-Kirtg)  et  est  rédigé  en  prâkrit.  Mais 
il  ne  saurait  en  aucun  cas  être  confondu  avec  le  Fo-pen-hing-tsi-King  ;  bien  que 
les  deux  ouvrages  renferment  un  certain  nombre  d'épisodes  et  de  légendes,  dont 
'le  fond  est  le  même,  ils  s'écartent  dans  la  manière  de  les  traiter.  On  peut  citer, 
comme  un  exemple  offrant  un  intérêt  littéraire  particulier,  la  fable  du  Dauphin, 
qui  forme  le  cadre  du  quatrième  livre  du  Panchatantra  :  elle  se  rapproche  beau- 
coup dans  le  Mahâvastu  de  la  forme  que  M.  Benfey3  considère  comme  la  plus 
ancienne,  elle  s'en  éloigne  au  contraire  notablement  dans  la  version  chinoise 
traduite  par  M.  B. 

On  voit  que  l'identification  affirmée  à  la  fin  du  Fo-pen-hing-tsi-King  n'a  pas  la 
valeur  qu'on  serait  tenté  de  lui  attribuer  à  première  vue.  Elle  signifie  simple- 
ment que  le  rédacteur  croyait,  ou  voulait  faire  croire,  que  cet  ouvrage  devait 
avoir  la  même  autorité  que  ceux  plus  fameux  auxquels  il  l'assimile.  Il  n'est  pas 
à  croire  qu'aucune  personne  au  courant  de  la  littérature  buddhique  ratifie  ce 
jugement.  Cette  vie  du  Buddha  présente  tous  les  caractères  d'une  œuvre  de 
compilation  secondaire,  telle  qu'il  était  facile  d'en  fabriquer  beaucoup.  Le  canon 
buddhique  tout  entier,  en  ce  sens  qu'il  est  censé  composé  de  discours  et  de 
préceptes  émanant  directement  de  Çâkyamuni  et  accompagnés  comme  tels  de  la 
mention  des  circonstances  dans  lesquelles  ils  auraient  été  prononcés,  le  canon 
buddhique  tout  entier  peut  lui-même  être  considéré  comme  une  immense  biogra- 
phie du  Buddha.  Dans  cette  vaste  matière  on  pouvait  tailler  à  loisir,  et,  une  fois 
les  événements  principaux  racontés  avec  plus  ou  moins  de  détails,  choisir  les 
circonstances  qui  paraissaient  les  plus  dignes  d'être  mises  en  relief,  par  exemple 
dans  un  intérêt  de  secte.  Il  ne  serait  pas  étonnant  qu'on  ait  eu  plusieurs  fois 
recours  à  ce  procédé  dans  l'Inde,  en  Chine  et  ailleurs. 

Nous  ne  pensons  pas  qu'il  y  ait  lieu,  à  propos  de  cette  biographie  de  date 
inconnue,  mais  à  coup  sûr  postérieure  à  celles  déjà  publiées,  d'aborder,  à  la  suite 

1.  Grammaire  pdlie^  traduction  Guyard,  p.  vj. 

2.  Introduction  à  l'hiitoire  du  Buddhismc  indien,  p.  452. 

3 .  Pantschatantra  l,  420  suiv. 


148  REVUE   CRITIQUE 

de  M.  B.,  la  question,  si  attrayante  pour  les  Anglais,  d'emprunts  plus  ou  moins 
possibles  de  la  légende  du  Buddha  à  celle  du  Christ,  ou  réciproquement, 
M.  M.  Mùller  avait,  bien  avant  M.  B.,  signalé  le  rapprochement  à  faire  entre  la 
scène  du  Buddha  à  l'école  et  un  passage  de  VEvangelium  înfant'u^.  Quant  aux 
autres  analogies,  il  sera  bon  d'attendre  la  fm  de  la  publication  du  travail  d'un 
de  nos  collaborateurs,  destiné  à  faire  voir  la  légende  du  Buddha  sous  un  aspect 
plus  nouveau  et  plus  vrai  2. 

Nous  sommes  tout  à  fait  incompétent  pour  apprécier  l'œuvre  même  de  M.  B., 
c'est-à-dire  la  traduction  anglaise  du  texte  chinois,  qui  est  d'ailleurs  inédit.  Une 
phrase  de  la  Dédicace  nous  apprend  que  cette  traduction  est  abrégée,  et  les 
différences  dans  le  type  d'impression  sont  sans  doute  destinées  à  distinguer  les 
passages  rendus  littéralement  de  ceux  qui  sont  seulement  analysés.  Ce  qui  reste 
est  encore  considérable  et  mérite  toute  notre  reconnaissance. 


180.  —  Les  dialectes  grecs  dans  leurs  formes  de  mots.  Manuel  pour  aider 
à  l'étude  des  auteurs  grecs,  par  Louis  Dufour.  Genève,  John  Juilien.  1875.  In-8°, 
77  p.  —  Prix  : 

L'auteur  a  eu  pour  but,  à  ce  qu'il  dit  dans  un  Avant-propos j  «  de  faciliter  le 
»  travail  des  jeunes  gens  pour  l'étude  d'auteurs  grecs  d'un  dialecte  spécial.  »  Il 
a  tenu  à  leur  enseigner  d'abord  les  modifications  subies  par  le  français  dans  les 
a  rues-basses  »  de  Genève,  où  il  a  entendu  prononcer,  entre  autres  façons 
horribles  de  parler  :  vouiy  les  annetons,  m'sieu,  y  (pour  ils),  etc.,  etc.  M.  D.  ne 
veut  pas  qu'on  dise  y  :  nous  ne  prétendons  point  lui  en  faire  un  crime,  encore 
que  le  Parisien  lui  donne  tort  dans  le  langage  familier.  Mais  certaines  personnes, 
nous  le  croyons,  trouveront  qu'il  s'avance  beaucoup,  lorsqu'il  affirme  que, 
«  dans  les  temps  préhistoriques,  jusqu'à  l'an  1200  environ  avant  J.-C,  les 
»  idiomes  de  ces  peuplades  (les  peuplades  qui  occupaient  la  Grèce)  ne  différaient 
;)  pas  encore  beaucoup  entre  eux,  »  et  qu'elles  étaient  «  venues  de  l'Asie  avec 
»Aq  sanscrit  pour  la  langue.  »  M.  D.  croit  aussi  que  «  les  poètes  tragiques  em- 
»  ployaient  dans  leurs  dialogues  l'ionien  mis  à  la  mode  pour  ce  genre  par  les 
;>)  auteurs  épiques,  »  et  non  pas  le  dialecte  attique,  comme  on  se  l'imagine  assez 
généralement  ;  que  c'était  «  pour  empêcher  le  hiatus  »  que  les  Éoliens  se  ser- 
vaient de  la  lettre  F,  et  que  s'ils  prononçaient  vanax  (FavaÇ,  c'était  par  l'effet 
de  ce  sentiment  «  naturel  à  l'homme  »,  qui  faisait  dire  au  Genevois  des  rues- 
basses  voui,  au  lieu  de  oui.  M.  D.  a  encore  bien  d'autres  idées,  qui,  nous  l'es- 
pérons, lui  appartiennent  en  propre.  Il  a  rassemblé  dans  son  travail  un  certain 
nombre  de  particularités  que  présentent  les  dialectes  éolien,  dorien,  ionien  ou 
attique,  et  il  les  a  distribuées  un  peu  pêle-mêle  sous  trois  ou  quatre  rubriques. 
Son  livre  eût  pu  rendre  des  services,  s'il  avait  été  une  Morphologie  élémentaire 
des  dialectes.  Tel  qu'il  est,  ce  n'est  ni  un  exposé  didactique,  propre  à  fournir  des 
notions  claires  et  exactes  aux  élèves,  ni  une  étude  scientifique  :  les  maîtres,  — 

1.  History  of  ancient  Sanskrit  Literatare,  2d  éd.  1860,  p.  517  n. 

2.  Essai  sur  la  Légende  du  Buddha,  son  caractère  et  ses  origines,  par  M.  Senart  (Journal 
asiatique,  septième  série,  t.  II  et  III).  ..^  ^^^^^^  minmm(OMt'm^^ 


d'histoire  et  de  littérature.  149 

Pauteur  a  eu  soin  de  nous  avertir  —  n'ont  rien  à  y  apprendre.  Nous  passons 
sous  silence  les  fautes  d'impression  dans  les  mots  grecs;  celles  d'accent  surtout 
sont  nombreuses.  «  Les  dialectes  grecs  »  ressemblent,  à  s'y  méprendre,  à  un  livre 
fait  par  quelque  amateur  instruit. 

Charles  Graux. 

181.  —  Das  alte  Bett  des  Oxus  Amû-Darja,  von  M.  J.  de  Goeje,  mit  einer 
Karte.  Leiden,  Brill.  1875.  In-8*,  115  p.  —  Prix  :  3  fr.  40. 

Ce  travail  contribue  dans  une  notable  mesure  à  circonscrire  le  terrain  de  la 
discussion  historique  relative  à  l'ancien  lit  de  l'Oxus.  Il  rend  excessivement 
vraisemblable,  pour  ne  pas  dire  certain,  que  ce  lit  desséché,  débouchant  dans  la 
mer  Caspienne  entre  les  deux  monts  Balkhân,  était  déjà  dans  son  état  présent  il 
y  a  plus  de  mille  ans,  et  n'a  jamais  depuis  lors  servi  à  l'écoulement  de  l'Amû- 
darjâ.  Quelle  que  soit  donc  la  cause  encore  incertaine  qui  a  changé  la  direction 
primitive  de  ce  vaste  cours  d'eau,  elle  doit  être  cherchée  à  une  époque  antérieure 
à  l'ère  musulmane,  et  ses  effets  n'ont  pas  plus  au  moyen-âge  que  dans  les  temps 
modernes  été  interrompus,  soit  par  la  nature  soit  par  la  main  des  hommes, 
comme  on  avait  pu  le  croire  d'après  des  textes  mal  interprétés. 

M.  de  Goeje  est  arrivé  à  ce  résultat  intéressant,  bien  que  négatif,  d'abord  par 
la  découverte  d'un  témoignage  plus  ancien  ou  plus  précis  que  ceux  que  l'on  avait 
jusqu'à  présent,  et  ensuite  par  une  critique  judicieuse  de  tous  les  autres  témoi- 
gnages émanant  de  géographes  et  d'historiens  musulmans. 

Le  texte  inédit  apporté  par  M.  de  G.  appartient  à  l'ouvrage  du  célèbre  géo- 
graphe Mokaddasi,  dont  cet  habile  arabisant  prépare  la  publication,  et  consiste 
en  une  légende  qui  peut  se  résumer  ainsi  :  à  une  époque  reculée  un  roi  de 
l'Orient  exila  quatre  cents  hommes  dans  le  Khowârizm,  qui  était  alors  un  désert, 
et  il  dériva  un  canal  de  l'Oxus  afin  de  leur  permettre  de  cultiver  la  terre.  Un 
jour  le  prince  de  Balkhân,  sur  la  Caspienne  à  l'endroit  où  débouchait  le  fleuve, 
étant  venu  visiter  cette  colonie,  joua  avec  le  roi  et  perdit  une  partie  dont  l'enjeu 
était  l'autorisation  pour  celui-ci  de  laisser  le  canal  ouvert  pendant  un  jour  et  une 
nuit.  L'eau  se  précipita  dans  le  canal  avec  une  telle  violence  que  la  direction  du 
fleuve  fut  définitivement  changée  et  qu^il  abandonna  son  cours  vers  la  Caspienne 
pour  se  jeter  dans  l'Aral,  et  la  conséquence  fut  que  le  Khowârizm  devint  floris- 
sant aux  dépens  de  Balkhân,  qui  fut  ruiné.  —  M.  de  G.  nous  paraît  disposé  à 
exagérer  la  valeur  historique  et  surtout  chronologique  de  cette  tradition  locale 
en  admettant  qu'elle  contient  un  souvenir  précis  de  la  première  colonisation  du 
Khowârizm,  c'est-à-dire  d'un  événement  antérieur  à  la  domination  des  Aché- 
ménides.  Pour  nous  elle  ne  vaut  que  ce  que  valent  toutes  les  légendes,  lorsqu'on 
ne  peut  les  contrôler  à  l'aide  de  documents  plus  sérieux.  Elle  se  compose  de 
traits  qu'il  n'est  pas  difficile  de  retrouver  ailleurs.  Ainsi  la  partie  de  dés  rappelle 
certaines  légendes  indiennes;  le  reste  du  récit  de  Mokaddasi  présente  plusieurs 
points  de  ressemblance  avec  ce  que  dit  Hérodote  (III,  117)  du  grand  fleuve 
Aces,  dont  les  eaux,  nécessaires  aux  Chorasmiens  pour  la  culture  de  leur  pays, 
étaient  retenues  par  un  endiguement,  et  n'étaient  distribuées  sur  les  ordres  du 
roi  de  Perse  que  moyennant  un  lourd  impôt.  Sainte-Croix,  le  premier,  croyons- 


I  50  REVUE    CRITIQUE 

nous,  n'hésita  pas  à  identifier  l'Aces  avec  l'Oxus,  ce  qui  n'est  qu'en  partie 
conciliable  avec  les  détails  topographiques  donnés  par  Hérodote.  Nous  ignorons 
si  M.  de  G.  verrait  dans  ce  curieux  passage  un  argument  en  faveur  de  son  opinion, 
mais  en  tout  cas  nous  ne  sommes  nullement  disposé  à  admettre  comme  lui  que 
POxus  ait  pu  dès  l'époque  des  Achéménides  être  réduit  à  son  embouchure  dans 
la  mer  d'Aral,  et  que  «les  dires  des  anciens  sur  l'embouchure  dans  la  Caspienne 
ne  soient  que  des  preuves  de  leur  ignorance  )>.  L'existence  parfaitement  constatée, 
vers  le  commencement  de  notre  ère,  d'une  route  commerciale  qui  descendait  le 
cours  de  FOxus  et  remontait  celui  du  Cyrus,  suppose  nécessairement  que  ces 
deux  fleuves  se  jetaient  dans  le  même  bassin;  et  d'un  autre  côté,  on  est  mainte- 
nant d'accord  pour  reconnaître  l'impossibilité  d'une  communication  par  le  Nord, 
dans  les  temps  historiques,  entre  l'Aral  et  la  Caspienne,  qui  sont  séparées  par 
un  plateau  élevé  d'environ  200  mètres,  sorte  de  prolongation  de  la  chaîne  de 
l'Oural. 

Mais  si  nous  laissons  de  côté  l'histoire  ancienne,  nous  devons  reconnaître  que 
le  fragment  de  Mokaddasi  publié  par  M.  de  G.  a  une  importance  historique  très- 
réelle;  il  prouve  qu'au  moment  où  il  écrivait,  c'est-à-dire  vers  l'an  1000,  la 
distribution  du  delta  de  l'Oxus  n'était  pas  sensiblement  différente  de  ce  qu'elle 
est  de  nos  jours,  et  que  les  habitants,  tout  en  ayant  conservé  la  tradition,  qui 
subsiste  du  reste  encore  aujourd'hui,  d'un  changement  de  cours,  le  faisaient 
remonter  à  une  époque  reculée,  c'est-à-dire  pour  nous  anté-islamique  :  car  les 
prédécesseurs  de  Mokaddasi,  à  l'exception  d'ibn  Khordâdbeh  et  de  Jakûbî,  ne 
connaissaient  pas  d'autre  embouchure  que  celles  de  l'Aral.  Mais  ces  deux  géo- 
graphes, qui  ne  parlaient  pas  comme  Mokaddasi  en  témoins  oculaires,  auront, 
nous  dit  M.  de  Goeje,  commis  une  confusion  très-fréquente  entre  l'Aral  et  la 
Caspienne.  Cette  confusion  était  d'autant  plus  facile,  pour  ceux  qui  travaillaient 
sur  des  documents  écrits,  que  la  Caspienne  était  souvent  nommée  merde  Djordjân, 
et  l'Aral  mer  de  Djordjânijah.  De  ces  deux  noms  si  semblables  le  premier  est  la 
forme  arabe  du  persan  Gurgân  dérivé  lui-même  de  l'ancien  Velnkana,  Hyrcanie; 
l'autre  est  une  prononciation  également  arabisée  du  nom  de  la  ville  d'Urgandj, 
ancienne  capitale  du  Khowârizm.  On  peut  donc  considérer  le  témoignage  de 
Mokaddasi  comme  décisif  non-seulement  pour  son  époque,  mais  encore  pour 
toute  la  période  musulmane  qui  l'avait  précédé.  Quant  à  la  période  suivante, 
M.  de  G.  s'attache  à  montrer  que  les  arguments  empruntés  aux  écrivains  posté- 
rieurs à  Mokaddasi  en  faveur  d'une  bifurcation  même  momentanée  de  l'Oxus, 
sont,  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  dénués  de  valeur.  Ainsi  Jacût,  qui  avait 
visité  le  Khowârizm,  dit  bien,  mais  dans  un  seul  endroit,  que  l'Amû  se  déverse 
dans  la  Caspienne;  partout  ailleurs  il  contredit  lui-même  cette  assertion  :  elle  se 
sera  sans  doute  glissée  dans  sa  vaste  compilation  sous  la  forme  d'une  nbte,que  l'auteur 
aura  oublié  ensuite  de  corriger  et  de  mettre  d'accord  avec  la  réalité.  Hamdollah 
Mostaufi  Kazwînî  a  reproduit  la  même  opinion,  mais  outre  qu'il  ne  parlait  pas 
de  visUj  il  est  réfuté  par  ses  contemporains  Abulfedâ,  Dimashkî,  Ibn-fadhloUah. 
Pour  Djordjânî,  M.  de  G.  montre  que  son  texte  a  été  mal  compris  et  qu'il  prouve 
précisément  le  contraire  de  ce  qu'on  lui  a  fait  dire;  car  d'après  un  usage  local, 
que  cet  écrivain  signale  à  plusieurs  reprises,  il  se  sert  du  mot  djeihun,  non  pas 


d'histoire  et  de  littérature.  IJI 

seulement  comme  d'un  nom  propre,  synonyme  bien  connu  d'Amû-darjâ,  mais 
aussi  comme  d'un  nom  commun  signifiant  grand  fleuve,  et  il  l'emploie  même  au 
pluriel  djeihûniîâ,  mais  il  atteste  positivement  que  le  Djeihûn  proprement  dit,  qui 
passe  à  Tîrmidh  (Termez  près  de  Balkh),  se  jette  dans  le  lac  de  Djend,  c'est-à- 
dire  dans  l'Aral.  La  description  anonyme  du  Khorasan,  exhumée  il  y  a  quelques 
années  par  Sir  Henry  Rawlinson,  n'a  absolument  aucune  valeur  historique  et  on 
peut  hardiment  tenir  son  témoignage  pour  non  avenu.  Mais  celui  d"Abulghâzî 
n'était  pas  aussi  facile  à  écarter.  Cet  historien,  en  sa  qualité  de  Khan  du  Kho- 
wârizm,  était  admirablement  placé  tant  pour  voir  de  ses  yeux  que  pour  obtenir 
tous  les  renseignements  dont  il  pouvait  avoir  besoin.  Or  Abulghâzi  croyait  ferme- 
ment que  l'Oxus  avant  1575  se  jetait  dans  la  Caspienne,  il  décrit  son  cours  et 
Pétat  de  ses  rives,  désigne  l'emplacement  des  tribus  turcomannes  qui  les  habi- 
taient et  expose  leur  genre  de  vie.  S'agit-il  d'un  personnage  qui  antérieurement 
à  cette  date  a  eu  à  traverser  la  contrée  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  Abulghâzi 
n'oublie  pas  de  mentionner  le  passage  de  l'Oxus  et  l'endroit  où  il  s'est  effectué; 
enfin  il  connaît  l'événement  qui  avait  déterminé  le  changement  du  cours  du 
fleuve,  et  la  date  précise  à  laquelle  il  s'était  produit.  Cependant  Abulghâzi  se 
trompait,  M.  de  G.  l'établit  très-clairement;  mais  nous  ne  pouvons  analyser  ici 
la  discussion  très-serrée  qui  fait  le  principal  intérêt  de  ce  travail;  indiquons-en 
sommairement  les  principaux  points.  Abulghâzi  avait  vu  de  ses  yeux  l'ancien  lit 
desséché  de  l'Amû,  il  avait  entendu  de  ses  oreilles  les  traditions  qui  couraient 
chez  les  Turcomans,  et  qui  faisaient  remonter  l'époque  où  le  fleuve  suivait  cette 
route  pour  se  jeter  dans  la  Caspienne  à  100  ans,  chiffre  rond,  expression  toute 
faite,  qui  dans  une  tradition  orale  indique  seulement  un  espace  de  temps  consi- 
dérable, mais  qu'Abulghâzi  a  eu  le  tort  de  prendre  à  la  lettre.  Tous  les  détails 
qu'il  a  ajoutés  à  cette  date  sont  une  reconstruction  dont  les  matériaux  sont  tirés 
soit  de  son  imagination  et  de  son  goût  pour  la  rhétorique,  soit  des  récits  des 
Turcomans.  L'historien  des  Tatars  a  lui-même  prévenu  ses  lecteurs  qu'il  n'avait 
pas  consulté  les  livres  pour  les  deux  siècles  qui  l'avaient  immédiatement  précédé, 
mais  qu'il  avait  rédigé  d'après  ses  propres  souvenirs  ou  ceux  de  sa  famille.  On 
conçoit  d'après  cela  que  les  récits  et  les  descriptions  d'Abulghâzi,  tout  en  étant 
faits  de  bonne  foi,  soient  sujets  à  caution;  ceux  qui  sont  relatifs  à  l'Oxus  pré- 
sentent en  outre  beaucoup  de  contradictions,  que  M.  de  G.  signale  sans  y  insister. 
Il  tire  enfin  un  dernier  argument  du  voyage  de  l'Anglais  Jenkinson  en  1 548,  à 
une  époque  où,  si  Abulghâzi  avait  dit  vrai,  il  aurait  dû  traverser  l'Oxus  à  l'aller 
et  au  retour  sur  la  route  de  Mangishlak  à  Urgendj.  Abulghâzi  était  le  dernier  et 
le  plus  important  témoin  en  faveur  d'une  bifurcation  de  l'Oxus;  depuis  le  moment 
où  il  écrivait  (1665)  nous  savons  qu'il  n'y  a  eu  aucun  changement  important 
dans  le  régime  hydrographique  du  Khowârizm;  la  thèse  de  M.  de  G.  est  donc 
démontrée.  Il  appartenait  à  un  savant  aussi  versé  dans  l'histoire  et  la  littérature 
de  l'Orient  de  débrouiller  le  chaos  d'assertions  contradictoires  qui  obscurcissaient 
ce  problème  compliqué.  M.  de  G.,  bien  connu  parmi  les  arabisants  comme  un 
éditeur  consciencieux  et  infatigable,  n'avait  encore  guère  eu  l'occasion  de  faire 
apprécier  son  talent  de  critique  à  un  cercle  de  lecteurs  moins  restreint;  nous 
croyons  qu'il  aura  lieu  de  se  féliciter  d'avoir  renoncé  pour  cette  publication  à  sa 


1^2  REVUE   CRITIQUE 

langue  maternelle  qui  n*a  pas  de  chance  d'être  jamais  bien  comprise  en  dehors 
de  la  Hollande. 

La  carte  qui  accompagne  ce  volume  nous  paraît  un  luxe  inutile;  c'est  la 
reproduction  d'une  partie  de  la  Carte  des  routes  conduisant  à  Khiwa  publiée  en 
1873  par  M.  Kiepert;  seulement  les  routes  sont  supprimées,  ainsi  qu'un  grand 
nombre  de  détails  topographiques  et  presque  tous  les  noms;  même  ceux  dont  il 
est  question  dans  le  livre  sont  distribués  avec  une  extrême  parcimonie;  bref  la 
carte  est  à  peu  près  vide.  Si  l'on  songe  que  la  carte  de  M.  Kiepert,  mêm.e  en 
dehors  de  ces  mutilations,  n'est  déjà  plus  au  courant,  comme  il  est  facile  de  s'en 
convaincre  en  la  comparant  avec  la  nouvelle  carte  de  l'Asie  centrale  éditée  tout 
dernièrement  par  l'Institut  géographique  militaire  de  Vienne,  où  cependant  les 
plus  récents  résultats  des  expéditions  scientifiques  russes  n'ont  pu  encore  être 
utilisés,  on  ne  peut  s'empêcher  de  trouver  que  cette  addition  n'ajoute  absolument 
aucun  prix  à  l'intéressant  travail  de  M.  de  Goeje. 


182.  —  Shakspere  :  A  critical  study  of  his  mind  and  art.  By  Edward 
DowDEN,  LL.  D.,  professer  of  English  literature  in  the  university  of  Dublin,  vice- 
président  of  'The  new  Shakspere  Society'.  Henry  S.  King  et  Co.,  65  Cornhill,  and 
12  Paternoster  Row.  London.  1875.  ix-430  p. 

Il  y  a  en  littérature  beaucoup  d'idées  qui  n'ont  point  de  valeur  objective  et  ne 
peuvent  en  avoir;  leur  fortune  dépend  uniquement  du  plus  ou  moins  d'esprit  et 
de  talent  qu'on  met  à  les  soutenir.  De  ce  nombre  sont  toutes  les  théories  qu'on 
a  faites  et  qu'on  fera  sur  le  caractère  de  Shakespeare.  Il  est  naturel  que  ce  pro- 
blème irritant  pique  la  curiosité  des  critiques,  on  ne  saurait  trouver  mauvais  que 
leur  sagacité  s'y  exerce,  mais  il  est  clair  qu'en  l'absence  de  documents  péremp- 
toires  il  ne  peut  obtenir  une  solution  définitive. 

On  oppose  généralement  aux  tentatives  faites  pour  reconstruire ,  d'après  son 
théâtre,  la  personne  morale  du  grand  poète  anglais,  une  fin  de  non-recevoir  pure 
et  simple,  par  cette  raison  que  l'art  dramatique  est  impersonnel  de  sa  nature,  et 
que  si  Shakespeare  est  le  plus  grand  des  poètes  dramatiques,  c'est  parce  qu'il  est 
le  plus  impersonnel  de  tous,  parce  que,  mieux  qu'aucun  autre,  il  a  prodigué, 
comme  en  se  jouant,  une  variété  infinie  de  caractères,  au-dessus  desquels  il 
plane  avec  le  sourire  tranquille  d'un  créateur  étranger  à  son  œuvre.  «  Jamais 
»  génie,  écrit  par  exemple  M.  Scherer,  ne  se  livra  à  l'art  avec  une  plus  suprême 
»  indifférence  pour  toute  autre  chose  que  l'art  même.  Aux  yeux  de  Shakespeare, 
»  c'est  lui-même  qui  nous  l'a  dit,  le  drame  est  tout  simplement  un  miroir  placé 
»  devant  la  nature,  et  où  elle  se  réfléchit  sous  ses  aspects  les  plus  divers.  Et 
»  telle  est,  en  effet,  l'impersonnalité  du  théâtre  de  notre  poète,  qu'il  nous  est 
»  impossible  d'en  tirer  le  moindre  renseignement  sur  ses  idées,  ses  passions,  son 
))  caractère.  »  Coleridge  appelle  Shakespeare  «  l'homme  aux  dix  mille  âmes,  » 
et  il  le  compare  à  l'océan ,  non  moins  pour  la  continuelle  mobilité  que  pour  la 
vaste  étendue  de  son  génie.  Emerson  dit  que  Shakespeare  n'a  rien  de  distinctif, 
rien  de  particulier,  point  de  cachet  individuel,  et  il  ajoute  avec  un  grand  bonheur 
d'expression  :  «  Un  lecteur  intelligent  peut  à  la  rigueur  faire  son  nid  dans  le 
»  cerveau  de  Platon  et  se  mettre  à  penser  de  là  ;  dans  le  cerveau  de  Shakespeare 


d'histoire  et  de  littérature.  155 

»  cela  est  impossible,  nous  resterons  toujours  à  la  porte.  »  Schiller  proteste 
contre  toute  prétention  de  chercher  la  personne  de  Shakespeare  dans  ses  oeuvres  : 
«  De  même  que  la  Divinité,  écrit-il,  se  cache  derrière  l'édifice  de  cet  univers, 

»  ainsi  le  poète  objectif  se  cache  derrière  son  œuvre il  faut  déjà  n'être  plus 

»  digne  de  l'œuvre,  ne  la  point  comprendre  ou  en  être  rassasié,  pour  être  seule- 
»  ment  tenté  de  s'inquiéter  de  l'auteur.  Tel  nous  apparaît,  par  exemple,  Homère 
»  dans  l'antiquité  et  Shakespeare  parmi  les  modernes.  » 

A  cette  manière  de  voir,  qui  est  la  plus  sûre,  quelques  commentateurs  répli- 
quent :  —  Shakespeare  était  homme,  et  rien  d'humain  ne  lui  fut,  sans  doute, 
étranger.  Cette  sorte  de  dieu  que  vous  supposez,  créateur  impossible  et  indiffé- 
rent, est  un  être  supérieur  à  l'humanité,  ou  inférieur.  En  tout  cas,  c'est  un 
mythe,  un  personnage  de  convention,  une  simple  figure  du  langage.  Dans  la 
réalité,  on  n'est  pas  olympien  à  ce  point.  On  a  ses  faiblesses,  ses  entraînements, 
ses  passions,  ses  préférences,  son  idéal.  Vous  avez  beau  dire  que  le  théâtre  est 
impersonnel,  il  est  inadmissible  que  la  personnalité  de  l'auteur  ne  s'y  trahisse 
pas,  ne  fût-ce  que  dans  le  choix  des  sujets.  Pourquoi,  à  un  moment  de  sa  vie, 
Shakespeare  écrit-il  une  suite  presque  ininterrompue  de  comédies  gaies  et  bril- 
lantes? pourquoi,  dans  une  autre  période,  ne  compose-t-il  que  des  tragédies? 
N'est-il  pas  naturel  de  supposer  que  ces  choix  correspondaient  à  deux  états 
différents  et  particuliers  de  son  âme?  Qu'on  soit  Homère  lui-même  ou  Shakes- 
peare, on  ne  sort  point  de  sa  propre  nature  par  je  ne  sais  quelle  vertu  transcen- 
dante du  génie  '.  L'homme  est  toujours  présent  au  fond  de  toutes  les  œuvres  de 
l'artiste;  il  ne  s'agit  que  de  le  découvrir.  Nous  convenons  qu'en  ce  qui  touche 
Shakespeare  la  chose  est  singulièrement  difficile  et  demande  un  degré  exceptionnel 
de  pénétration  ;  mais  il  suffit  qu'elle  soit  légitime  et  possible  à  force  de  soin  et 
de  peine,  pour  qu'on  soit  en  droit  de  la  tenter. 

Tel  est,  dans  la  question,  le  second  avis;  moins  sûr  que  le  premier,  il  est  plus 
spécieux  et  plus  séduisant.  En  principe,  on  peut  admettre  que  le  théâtre  de 
Shakespeare  doit  contenir  des  révélations  sur  sa  personne;  en  fait,  il  faut  recon- 
naître qu'on  n'a  rien  trouvé  de  certain.  Toutes  les  inductions  sur  son  caractère, 
ses  goûts,  ses  idées,  sur  les  différentes  phases  et  les  incidents  de  sa  vie,  sont 
hypothétiques  à  tel  point  qu'il  serait  déraisonnable  à  leurs  auteurs  de  les  donner 
pour  autre  chose  que  pour  des  théories  ingénieuses,  d'élégantes  élucubrations 
de  l'esprit,  qu'on  écoute  avec  un  sensible  plaisir  si  elles  sont  logiquement 
construites  et  soutenues  avec  talent,  mais  auxquelles  personne  ne  saurait  être 
sérieusement  requis  d'ajouter  foi.  ^a  a.,  i:/.  >  . 

La  plus  connue  et  la  plus  commune  de  toutes  ces  conjectures  est  <*él!e  qui 
identifie  Hamlet  et  Shakespeare.  Hamlet  est  un  idéaliste.  C'est  pourquoi  Ger- 
vinus,  esprit  élevé,  mais  pratique  et  positif,  épris  avant  tout  de  réalité,  de  poli- 
tique et  d'histoire,  a  cru  devoir  protester  contre  cette  assimilation.  Il  a  vu  le 
danger  de  proposer  à  la  race  germanique  le  prince  de  Danemark  comme  l'idéal 
du  poète,  et,  prenant  hardiment  le  contre-pied  de  l'opinion  reçue,  il  a  prétendu 
que  les  préférences  personnelles  de  Shakespeare  étaient,  non  pour  un  rêveur. 


nfOiii  3rj:£!  •:/?> 


Evm  Shakspere  cannot  transcend  himself,  p.  164. 


I  54  REVUE  CRITIQUE 

mais  pour  un  homme  d^action,  non  pour  Hamlet,  mais  pour  le  grand  roi 
Henry  V. 

Voici  maintenant  un  nouveau  commentateur,  M.  Edward  Dowden,  professeur 
de  littérature  anglaise  à  l'Université  de  Dublin ,  vice-président  de  la  nouvelle 
société  de  Shakespeare,  qui,  dans  un  livre  publié  cette  année,  présente  sur  les 
prédilections  de  Shakespeare  et  sur  son  caractère  une  théorie  de  juste  milieu, 
extrêmement  jolie,  plausible  et  bien  faite.  On  sera  bien  aise  de  la  lire,  et  on  y 
croira,  si  Pon  veut. 

M.  Dowden  commence  par  écarter,  comme  également  fausses,  deux  opinions 
extrêmes  sur  le  caractère  de  Shakespeare.  L'une  est  celle  de  M.  Taine,  qui, 
toujours  heureux  de  montrer  la  bête  dans  l'homme,  se  plaît  à  peindre  le  poète 
comme  une  espèce  d'étalon  sauvage,  «  délivré  des  entraves  de  la  raison  et  de  la 
;>  morale,  n  livré  à  toute  la  fougue  des  sens,  de  l'imagination  et  des  passions. 
D'après  l'autre  paradoxe,  opposé  à  celui-ci,  Shakespeare  aurait  été  au  contraire 
une  sorte  de  marchand  de  poésie,  prudent  et  habile  en  affaires,  s'étant  mis  dans 
le  théâtre  pour  faire  sa  fortune,  comme  d'autres,  avec  un  tour  de  génie  un  peu 
différent,  se  mettent  dans  les  sucres  ou  dans  les  laines,  et  sans  autre  souci  en 
ce  monde  que  celui  de  l'argent  que  lui  rapportaient  ses  pièces.  M.  Dowden 
concilie  ces  deux  manières  de  voir.  H  remarque  qu'en  1604,  Shakespeare,  déjà 
devenu  riche,  intenta  un  procès  contre  un  certain  Philip  Rogers  qui  lui  devait 
I  livre,  15  s.,  10  d.  —  ;  incident  caractéristique,  car  il  prouve,  d'une  part, 
que  Shakespeare  savait  apprécier  la  valeur  en  soi,  pour  cette  vie  temporelle, 
de  I  livre,  15  s.,  10  d.  ;  d'autre  part,  qu'il  avait  la  conviction  bien  arrêtée  que, 
dans  tout  cet  univers,  il  n'y  avait  qu'une  place  légitime  pour  la  somme  en  ques- 
tion, et  que  cette  place  se  trouvait  dans  la  poche  de  William  Shakespeare.  Mais, 
ajoute  M.  Dowden,  dans  cette  même  année  1604  Shakespeare  écrit  Othello  et 
songe  au  Roi  Lear.  Dirons-nous  qu'il  se  préoccupait  de  son  argent  plus  que  de 
ses  drames.?  Non,  cela  serait  trop  invraisemblable.  Quelque  attentif  qu'il  fût  à 
sa  petite  créance,  il  n'est  pas  possible  de  mettre  en  doute  que  toute  sa  nature 
ne  fût  incomparablement  plus  remuée  par  la  vision  du  roi  Lear  errant  sur  la 
bruyère  et  d'Othello  lentement  enveloppé  dans  les  replis  d'Iago.  La  conclusion 
de  M.  Dowden  est  que  Shakespeare  vivait  à  la  fois  dans  deux  mondes,  un  monde 
limité,  pratique,  positif,  et  un  monde  idéal  et  infini.  Il  n'a  pas  sacrifié  l'une  des 
deux  existences  à  l'autre,  il  a  su  les  accorder  et,  par  une  résolution  énergique, 
maintenir  cet  accord  qu'il  jugeait  nécessaire. 

Car  la  tendance  naturelle  de  Shakespeare,  continue  M.  Dowden,  était  de  se 
perdre  dans  l'infini  de  la  pensée  et  dans  l'infini  de  la  passion.  La  prose  de  la  vie 
pratique  n'exerçait  aucune  séduction  sur  lui,  et  ce  n'est  que  par  un  effort  de 
raison  et  de  volonté  qu'il  en  est  venu  à  lui  faire  sa  juste  part.  Nous  voyons  cela 
dans  ses  œuvres.  Tout  son  théâtre  n'est  qu'un  long  apprentissage,  une  sorte  de 
méditation  et  d'étude  personnelle  par  laquelle  il  se  fait  à  lui-même  la  leçon,  pour 
ainsi  dire^  opposant  aux  idéahstes,  aux  rêveurs,  aux  natures  exaltées  ou  pas- 
sionnées, dont  la  destinée  est  de  périr,  les  hommes  de  pratique  et  d'action  aux- 
quels le  succès  est  assuré  dans  ce  monde.  Il  ne  faut  pas  dire,  comme  Gervinus, 
que  Shakespeare  aime  mieux  Henry  V  qu'Hamlet;  non,  sa  préférence  de  cœur 


d'histoire  et  de  littérature.  155 

est  pour  Hamlet,  mais  il  estime  Henry  V  davantage.  Les  favoris  secrets  de 
Shakespeare  sont  Hamlet,  Roméo,  Brutus,  Timon  d'Athènes,  et  toutes  les  vic- 
times de  l'idéal;  ses  admirations  avouées  sont  Henry  V,  Thésée,  Hector,  For- 
tinbras,  Alcibiade,  et  tous  les  héros  de  la  réalité.  Si  Shakespeare  se  montre 
sévère  pour  les  idéalistes  qu'il  aime,  c'est  parce  qu'il  avait  conscience  de  sa 
propre  faiblesse  qui  le  faisait  pencher  de  ce  côté-là;  s'il  témoigne,  au  contraire, 
pour  les  grands  hommes  d'action  cette  admiration  haute,  mais  un  peu  froide, 
qui  ressemble  à  de  l'estime  plus  qu'à  de  l'amour,  c'est  parce  que,  de  sa  nature, 
il  n'était  pas  lui-même  un  homme  pratique.  C'est  passionnément  et  du  fond  du 
cœur  qu'il  aime  Timon  d'Athènes  et  Hamlet,  parce  que  ces  deux  hommes  sont 
ce  qu'il  est;  c'est  par  des  considérations  rationnelles  et,  en  quelque  sorte,  du 
dehors,  qu'il  admire  Alcibiade  et  Fortinbras,  parce  que  ces  deux  hommes  sont 
ce  qu'il  s'efforce  d'être. 

Telle  est  la  théorie  la  plus  récente  sur  le  caractère  de  Shakespeare,  tel  qu'on 
croit  pouvoir  l'inférer  de  son  théâtre.  Elle  est  jolie,  mais  on  en  fera  d'autres,  car 
il  est  de  la  nature  des  œuvres  d'imagination  de  se  renouveler  sans  fm  pour  le 
charme  de  l'humanité. 

Il  y  a  bien  d'autres  idées  et  de  meilleures  idées  dans  le  livre  de  M.  Dowden 
que  cette  spirituelle  hypothèse  psychologique  et  morale.  C'est  une  œuvre  de 
haute  critique,  chose  assez  rare  chez  les  Anglais,  de  critique  vraiment  esthétique. 
L'auteur  a  beaucoup  étudié  les  Allemands,  mais  en  disciple  indépendant  et  ori- 
ginal. Toute  la  partie  relative  à  l'appréciation  de  l'art  du  poète  révèle  un  juge- 
ment supérieur.  Point  de  ces  puérilités  biographiques  ou  critiques,  de  ces  menus 
faits,  de  ces  petites  querelles  sans  signification  et  sans  portée,  où  se  complaît 
l'érudition  de  ses  compatriotes;  partout  une  grande  élévation  de  vues  qui  n'ex- 
clut ni  la  profondeur,  ni  la  fmesse.  On  peut  signaler,  comme  particulièrement 
intéressantes  et  neuves,  les  pages  165  et  224  sur  la  différence  éthique  des  pièces 
historiques  et  des  tragédies;  ^4,  22G  et  suivantes  sur  les  dénouements  de 
Shakespeare,  et  99  sur  son  étude  patiente  de  la  réalité  et  le  développement 
tranquille  et  régulier  de  son  art.  —  Dans  la  préface  de  la  traduction  anglaise  des 
commentaires  de  Gervinus,  M.  Furnivall  exprimait  vivement  le  regret  que  la 
patrie  de  Shakespeare  n'eût  rien  produit  de  comparable  à  ce  grand  ouvrage. 
Cette  plainte  a  cessé  d'être  juste  depuis  la  publication  du  livre  de  M.  Dowden. 
C'est,  à  notre  connaissance,  la  production  la  plus  distinguée  de  la  littérature 
shakespearienne  en  Angleterre,  sans  excepter  les  notes  de  Coleridge,  excellentes 
sans  contredit,  mais  un  peu  surfaites,  et  qui  doivent  peut-être  à  leur  rareté  et  à 
leur  brièveté  l'honneur  d'avoir  été  com-mentées  comme  des  oracles. 

Paul  Stapfer. 


18^.  —  Documents  inédits  pour  servir  à  PHistoire  de  TAgenais,  publiés 
et  annotés  par  Ph.  Tamizky  de  Larroque  (Extrait  du  t.  IV  de  la  deuxième  série 
du  Recueil  des  travaux  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Agen).  Paris, 
Aubry,  et  Bordeaux,  Leiebvre.  1875.  1  vol.  in-8°,  ^  1 5  p. 

Voici  encore  un  nouveau  volume  dû  à  l'infatigable  et  judicieuse  activité  de 
M.  Tamizey  de  Larroque.  En  même  temps  qu'il  publiait  une  réédition  des 


156  REVUE    CRITIQUE 

poésies  de  Rus,  il  donnait  à  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Agen  un 
recueil  de  documents  conservés  à  la  Bibliothèque  nationale  et  aux  Archives  de 
Paris  et  qui  ont  ce  trait  commun,  de  se  rapporter  tous  à  l'histoire  de  l'Agenais. 
—  Le  document  le  plus  ancien  est  du  18  février  1254,  le  plus  récent  est  de  la 
fin  de  l'année  1687.  Les  dix-huit  premiers  documents  sont  de  l'époque  de  la 
domination  anglaise  antérieurement  à  la  guerre  de  Cent  ans,  et  quatorze  émanent 
des  rois  d'Angleterre  eux-mêmes;  ils  sont  tous  tirés  de  la  collection  Bréquigny; 
les  pièces  XIX  à  XXVI  appartiennent  au  temps  de  la  guerre  de  Cent  ans  de 
1538a  1 389,  nous  y  trouvons  trois  lettres  de  Philippe  VI  et  une  de  Charles  VL 
Le  groupe  le  plus  considérable  de  documents  (no' XXVII  à  LXXVIl)  est  relatif  au 
XVI®  siècle  et  en  particulier  aux  guerres  de  religion.  On  y  saisit  sur  le  fait  et  avec 
la  réalité  que  donnent  les  détails  minutieux  et  précis  la  lutte  incessante  et  atroce 
que  protestants  et  catholiques  se  faisaient  dans  le  Midi  de  la  France,  lutte  qu'il 
est  si  difficile  de  comprendre  et  de  juger  avec  équité  quand  on  ne  considère  que 
les  grandes  lignes  de  l'histoire  et  les  faits  principaux.  Rien  n'est  plus  curieux 
par  exemple  que  de  lire  la  double  relation  d'un  même  fait  sous  la  plume  du 
ministre  protestant  Barelles  et  sous  celle  des  magistrats  catholiques  de  la  ville 
d'Agen  (n"'  XXXI V  et  XXXV).  Les  protestants  qui  dans  la  première  lettre 
sont  des  victimes  qui  réclament  vengeance,  dans  la  seconde  deviennent  des 
criminels  dont  on  demande  la  punition.  La  mort  du  capitaine  Ragot  et  de  ses 
quatre-vingts  compagnons  à  Sainte-Foy,  qui  dans  le  récit  de  Th.  de  Bèze  est 
la  juste  punition  d'un  lâche  guet-apens,  devient  pour  le  baron  de  Lauzun  dans 
sa  lettre  à  Charles  IX  (n"  XXXIV)  un  guet-apens  des  protestants.  Les  29  derniers 
numéros  sont  consacrés  à  des  pièces  du  xvii^  siècle.  Les  affaires  religieuses  y 
tiennent  encore  une  très-grande  place.  On  y  trouve  deux  actes  de  partage  rendus 
par  les  commissaires  pour  l'exécution  de  l'Êdit  de  Nantes  au  sujet  de  difficultés 
sans  cesse  renaissantes  causées  par  l'exercice  du  culte  réformé  (n°^  XCIX  et  C), 
et  un  arrêt  du  Parlement  de  Bordeaux  au  sujet  d'un  malheureux  nommé  Bourges, 
assassiné  par  les  protestants  et  probablement  par  ses  propres  parents,  parce  qu'il 
avait  abjuré  et  s'était  fait  catholique. 

Les  documents  publiés  par  M.  T.  de  L.  sont  accompagnés  de  notes  excellentes, 
telles  qu'on  peut  les  attendre  de  son  érudition  exacte  et  abondante.  Un  index 
très-bien  fait  permet  de  profiter  facilement  des  richesses  accumulées  dans  ce 
petit  volume.  Une  table  des  pièces  par  ordre  chronologique  fait  malheureuse- 
ment défaut.  L'impression  du  volume  est  très-correcte'.  Cette  publication  fait 
honneur  à  une  Société  provinciale  qui,  sans  être  spécialement  vouée  aux  travaux 
d'érudition,  a  déjà  montré  à  plusieurs  reprises  qu'elle  savait  en  apprécier  la  valeur. 


184.  —  Richardson,  Rousseau  und  Gœthe.  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  des 
Romans  im  18.  Jahrhundert,  von  Erich  Schmidt.  lena,  Ed.  Frommann.  1875.  In-8®, 
viij-331  p.  —  Prix  :  8  fr. 

Le  rapprochement  de  ces  trois  noms  dans  une  même  étude  n'est  point  arbi- 
traire; ils  marquent  trois  phases  successives  dans  l'histoire  du  roman  en  lettres 

I.  P.  208,  au  lieu  de  1862,  lisez  1602. 


d'histoire  et  de  littérature.  1 57 

au  siècle  dernier  et  nous  montrent  les  progrès  que  ce  genre  littéraire  a  faits  de 
Paméla  à  Werther.  Le  roman  de  Goethe  ne  saurait,  en  effet,  s'expliquer  sans  la 
Nouvelle  Héloise  et  celui  de  Rousseau  ne  se  comprend  guère  davantage  sans 
Clarisse  Harlowe;  c'est  le  mérite  de  M.  E.  Schmidt  d'avoir  mieux  vu  qu'on  ne 
l'avait  fait  avant  lui,  et  mieux  mis  en  lumière  l'étroite  parenté  qui  existe  entre 
ces  œuvres  si  dissemblables. 

On  sait  sous  quelle  influence  ont  pris  naissance  les  romans  de  Richardson,  on 
n'ignore  pas  non  plus  ce  qui  en  fait  le  caractère  distinctif;  M.  E.  Schmidt  a 
résumé,  en  le  présentant  sous  un  jour  nouveau,  ce  qui  a  été  dit  d'essentiel  sur 
ce  sujet;  mais  c'est  plus  tard  que  commence  le  véritable  intérêt  de  son  livre, 
quand  il  étudie  l'influence  que  l'imitation  des  romans  anglais  a  exercée  sur  la 
littérature  du  continent,  en  particulier  sur  la  littérature  allemande.  La  Paméla  de 
Richardson  avait  à  peine  paru  que  Gellert  écrivait  la  Com^g55g5i/gWo/5^,  née  évidem- 
ment du  désir  qu'il  avait  de  rivaliser  avec  lui.  Hermès  allait  bientôt  s'en  inspirer  à 
son  tour.  C'était  surtout  le  côté  moral  des  romans  de  l'écrivain  anglais  que  ces  pre- 
miers imitateurs  avaient  voulu  reproduire;  cette  tendance  est  déjà  moins  sensible 
chez  Knigge,  qui  relève,  il  est  vrai,  encore  plus  peut-être  de  Fielding,  ainsi 
que  dans  la  Clémentine  de  Poretta  de  Wieland;  c'est  le  côté  sentimental,  au  con- 
traire, qui  prédomine  dans  Mademoiselle  de  Sternheim  de  M™^  de  la  Roche.  Mais 
ici  une  autre  influence  se  fait  encore  sentir,  c'est  celle  de  la  Nouvelle  Héloïse. 

Avec  quelque  soin  qu'on  ait  étudié  jusqu'à  présent  le  roman  de  Rousseau,  son 
origine  offre  encore  plus  d'un  point  obscur  à  éclaircir.  M.  E.  Schmidt  a  essayé 
de  résoudre  quelques-unes  des  questions  qu'il  soulève;  et  on  ne  lui  contestera 
pas  d'avoir  montré  dans  cette  tâche  délicate  une  réelle  sagacité;  du  moins  on 
n'avait  point  encore  recherché  avec  autant  de  soin  les  influences  diverses  qui 
ont  donné  naissance  au  célèbre  roman.  L'auteur  insiste  avec  raison  sur  ce  fait 
que,  loin  d'avoir  eu  pour  occasion  la  passion  de  Rousseau  pour  M""''  d'Houdetot, 
la  Nouvelle  Héloïse  était  commencée  longtemps  avant  la  rencontre  à  l'Hermitage 
du  romancier  et  de  la  belle-sœur  de  M"'*"  d'Epinay  ;  il  faut,  en  effet,  en  attribuer  la 
conception  première,  les  Confessions  nous  l'apprennent,  à  la  douce  ivresse  dans 
laquelle  les  quelques  mois  passés  dans  ce  séjour  délicieux  plongèrent  Rousseau, 
aux  souvenirs  de  sa  première  jeunesse  et  aux  regrets  attristés  d'une  vie  qui  me- 
naçait de  finir  sans  qu'il  eût  véritablement  connu  l'amour.  Ce  sont  ces  senti- 
ments empruntés  à  la  vie  réelle,  qui  font,  malgré  le  ton  moralisateur  qui  y  règne, 
la  vérité  et  l'intérêt  de  son  œuvre.  Saint-Preux  est  Rousseau,  Julie  et  Claire 
ont  pour  originaux  M''^^  Galley  et  de  Graffenried,  avec  je  ne  sais  quel  air  de 
sentimentalité  emprunté  à  la  Clarisse  de  Richardson.  Il  n'est  point  jusqu'à  l'espa- 
gnol d'Altuna  qui  ne  semble  avoir  fourni  quelques  traits  au  portrait  de  Wolmar. 
A  ces  réminiscences  du  passé  se  joignit  bientôt  le  souvenir  présent  de  M"^^  d'Hou- 
detot. C'est  un  nouvellement,  qui,  en  s'ajoutantaux  précédents,  devait  transfor- 
mer le  roman  de  Rousseau,  mais  ne  l'a  ni  déterminé,  ni  produit.  Tout  cela  a 
été  fort  bien  vu,  et,  encore  qu'un  peu  longuement,  fort  bien  exposé  par  M.  E. 
Schmidt  dans  la  première  partie  de  son  livre. 

Personne  ne  conteste  aujourd'hui  l'influence  de  Rousseau  sur  le  développe- 
ment de  la  littérature  allemande;  mais  cette  influence  est  loin  encore  d'avoir  été 


1^8  REVUE    CRITIQUE 

jusqu'ici  mesurée  à  sa  juste  valeur;  M.  E.  Schmidta  montré  celle  que  la  Nouvelle 
Héloïse  surtout  a  exercée  de  l'autre  côté  du  Rhin,  en  particulier  sur  l'auteur  de 
Werther.  La  troisième  et  dernière  partie  de  son  livre  non-seulement  expose  avec 
une  conscience  extrême  tout  ce  que  le  poète  allemand  doit  à  son  devancier,  mais 
elle  renferme  une  étude  approfondie  des  ressemblances  qu'on  peut  signaler  entre 
les  deux  écrivains.  Le  mode  de  composition,  les  digressions  et  les  épisodes,  les 
tendances  propres  à  l'auteur  de  la  Nouvelle-Héloïse  et  à  celui  de  Werther,  la 
manière  dont  ils  ont  conçu  l'amour,  le  vif  sentiment  qu'ils  ont  eu  de  la  nature, 
leurs  théories  poétiques  et  leur  style,  enfin  le  suicide  qui  joue  un  rôle  si  impor- 
tant et  si  différent  dans  leurs  œuvres  sont  ici  l'objet  d'une  étude  faite  avec  autant 
de  soin  qu'elle  offre  d'intérêt.  C'est  là  la  meilleure,  comme  la  plus  complète, 
partie  de  son  livre  et  une  étude  qu'on  peut  regarder  à  bien  des  égards  comme 
définitive. 

Mais  si  la  supériorité  de  Werther  sur  la  Nouvelle  Héloïse  au  point  de  vue  de 
la  composition,  l'inutilité  des  digressions  de  Rousseau,  l'heureux  choix  des  épi- 
sodes chez  Goethe,  sont  mis  en  lumière  avec  beaucoup  de  tact  et  de  goût,  les 
deux  chapitres  les  plus  importants  de  cette  dernière  partie  n'en  sont  pas  moins 
ceux  qui  sont  consacrés  à  l'examen  de  la  manière  dont  les  deux  écrivains  ont 
conçu  l'amour  et  le  sentiment  de  la  nature.  C'est  un  point  sur  lequel  M.  E. 
Schmidt  a  insisté  avec  beaucoup  de  raison.  Il  a  très-bien  fait  voir,  il  faut  le 
reconnaître,  quelle  forme  nouvelle  l'amour  a  prise  dans  l'œuvre  de  Rousseau  et 
dans  celle  de  Goethe,  quel  langage  encore  inconnu  il  y  parle,  quelle  couleur  de 
sentimentalité  il  y  revêt.  C'est  une  ère  nouvelle  dans  le  roman  qui  commence. 
Cette  transformation  est  encore  plus  sensible  dans  l'idée  que  les  deux  écrivains 
se  sont  faite  de  la  nature.  Dans  une  étude  fort  bien  faite,  M.  Friedlsender  ',  il  y 
a  deux  ans,  a  montré  que  le  sentiment  de  la  nature,  tel  qu'on  le  connaît  aujour- 
d'hui, est  une  conception  toute  moderne  et  qu'à  Rousseau  revient  l'honneur  de 
l'avoir  introduit  dans  la  littérature.  M.  E.  Schmidt  poursuit  et  développe,  en  les 
rectifiant  parfois,  les  vues  de  son  devancier,  et  étudie  ce  sentiment  nouveau  sous 
les  formes  diverses  où  il  se  présente  dans  le  roman  de  Rousseau  et  dans  celui 
de  Goethe,  soit  qu'il  s'agisse  des  beautés  de  la  nature,  de  l'amour  de  la  vie 
champêtre,  si  chère  aux  deux  écrivains,  de  l'affection  pour  les  enfants,  de  ce 
qu'ils  ont  pensé  de  la  société  ou  de  l'estime  qu'ils  ont  eue  pour  la  science.  Je  ne 
crois  pas  qu'on  eût  encore  mis  en  lumière  aussi  bien  que  l'auteur  l'a  fait  ici  le 
mépris  profond  que,  en  vrai  disciple  de  Rousseau,  Werther  éprouve  pour  la 
science  et  les  livres,  ainsi  que  pour  les  conventions  sociales.  Un  autre  caractère 
du  roman  de  Goethe  non  moins  bien  étudié,  ce  sont  les  théories  novatrices  qu'il 
renferme  au  point  de  vue  du  style  et  de  la  composition,  théories  qui  en  font  en 
même  temps  que  le  chef-d'œuvre,  le  programme  de  la  période  d'Orage,  la  mise  en 
pratique  des  idées  de  réforme  préconisées  par  Herder.  Le  chapitre  sur  le  suicide, 
qui  vient  ensuite,  renferme,  avec  une  étude  toute  nouvelle  de  la  question,  une 
justification  complète,  comme  il  fallait  s'y  attendre,  de  l'emploi  que  Gœthe  en  a 
fait  pour  son  dénouement.  Enfin  un  examen  des  principales  critiques  dont  la 

I.  Voir  Revue  critique^  1873,  art.  222. 


d'histoire  et  de  littérature.  159 

Nouvelle  Héloïse  et  Werther  ont  été  l'objet  termine  ce  travail  consciencieux  et 
étendu  sur  le  roman  au  siècle  dernier.  On  y  trouve  encore  comme  supplément 
un  certain  nombre  de  notes  sur  Mlle  Roussillon  et  Lila  de  Ziegler,  Anton  Reiser, 
Siegwart,  sur  l'origine  et  le  développement  de  l'expression  de  «  Belle  âme  »,  etc. 
Ces  recherches  secondaires  témoignent  des  mêmes  qualités  que  l'ouvrage  auquel 
elles  font  suite  et  d'une  critique  sûre  à  la  fois  et  pénétrante;  M.  E.  Schmidt  me 
paraît  en  particulier  avoir  prouvé  d'une  manière  irréfutable  que  l'amie  dont  Wer- 
ther pleure  la  perte  n'est  autre  que  Lila  von  Ziegler. 

C.  .1. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  2j  août  1875. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  envoie  à  l'académie  un  rapport  qui  lui  a 
été  adressé  de  Palestine  par  M.Victor  Guérin,  et  deux  lettres  de  M.  de  Sainte- 
Marie  :  ces  dernières  sont  accompagnées  des  estampages  de  deux  inscriptions 
latines  trouvées  en  Tunisie. 

M.  de  Longpérier  fait  un  rapport  au  nom  de  la  commission  du  prix  de  numis- 
matique Allier  de  Hauteroche.  Ce  prix  n'a  pas  été  décerné  en  1874.  Cette  année, 
la  commission  décerne  le  prix  double  (comprenant  les  sommes  affectées  à  ce 
prix  pour  les  deux  années  1874  et  1875)  à  ^-  Barclay  Vincent  Head,  conser- 
vateur adjoint  des  médailles  du  musée  britannique,  pour  son  ouvrage  sur  la  série 
chronologique  des  monnaies  de  Syracuse,  1874,  8",  14  planches.  L'auteur  ne  fait 
pas  connaître  de  monuments  nouveaux,  mais  il  donne  un  classement  excellent 
des  monuments  déjà  connus.  Il  a  remplacé  par  une  classification  historique  l'an- 
cienne méthode  de  la  classification  suivant  les  métaux  employés  ou  le  module  des 
pièces.  Les  planches  qui  accompagnent  l'ouvrage  sont  exécutées  au  moyen  d'un 
procédé  nouveau,  Vautoîypie  ou  héliogravure,  qui  donne  mieux  qu'aucun  autre 
une  idée  exacte  des  pièces  représentées.  —  Cet  ouvrage  n'est  du  reste  pas  le 
seul  travail  de  numismatique  important  qu'on  doive  à  M.  Head,  il  a  aussi  colla- 
boré pour  une  part  notable  au  catalogue  des  médailles  antiques  du  musée  britan- 
nique, publié  par  le  conservateur  en  chef  des  médailles  du  musée,  M.  Stuart  Poole. 

M.  de  Saulcy  rend  compte  du  premier  rapport  de  M.  Guérin  au  ministre  de 
l'instruction  publique  sur  sa  mission  en  Palestine,  qui  avait  été  communiqué  par 
le  ministre  à  l'académie  à  la  séance  du  2  5  juin  dernier  et  confié  par  l'académie 
à  l'examen  d'une  commission  spéciale.  Ce  mémoire  est  consacré  aux  tombeaux 
des  Machabées,  déjà  autrefois  reconnus  par  M.  Guérin,  à  Modeïm  (aujourd'hui 
El  Madyeh,  près  d'El  Louda,  l'ancienne  Lydda).  M.  ClermontGanneau  avait  con- 
testé que  les  monuments  reconnus  par  M.  Guérin  fussent  réellement  les  tombeaux 
des  princes  Machabées.  M.  Guérin  s'est  attaché  à  établir  l'authenticité  de  ces 
tombeaux,  et  il  l'a  démontrée,  suivant  M.  de  Saulcy,  d'une  manière  incontestable. 
M.  Derenbourg  présente  le  rapport  de  la  commission  du  prix  ordinaire  de 
l'académie.  Le  sujet  de  ce  concours  était  [^histoire  de  la  lutte  entre  les  écoles  philo- 
sophiques et  les  écoles  théologiques  sous  les  Abbassides.  Un  seul  mémoire  a  été 
déposé.  Sur  les  conclusions  de  la  commission,  l'académie  décide  que  le  prix 
n'est  pas  décerné  celte  année,  et  retire  le  sujet  du  concours. 


l60  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

M.  L.  Renier  lit  un  mémoire  sur  une  inscription  latine  qui  paraît  relative  à 
rhistorien  Velleius  Paterculus.  Cette  inscription,  dont  une  copie  et  un  estampage 
ont  été  adressés  à  M.  Renier  par  M.  Roger,  conservateur  du  musée  de  Philippe- 
ville,  se  lit  sur  une  ancienne  borne  milliaire  trouvée  à  El  Arrouch,  l'ancienne 
uilla  Sele  de  la  table  de  Peutinger.  Elle  est  ainsi  conçue  :  C.  VELLEIO  | 
PATERCVLO  I  LEG.  AVG  |  LEO.  III.  AVG  |  XXIX.  w  C.  Velleio  Paterculo, 
»  legato  Augusti  legionis  tertiae  Augustae.  (Milliarium)  uigesimum  nonum.  » 
Cette  inscription  ne  peut  être  postérieure  à  l'an  36,  car  en  cette  année  le  légat 
de  l'empereur  qui  commandait  les  troupes  de  la  province  d'Afrique  ayant  cessé 
d'être  subordonné  au  proconsul  de  la  province  pour  être  placé  sous  la  dépen- 
dance immédiate  de  l'empereur,  ajouta  comme  les  légats  des  autres  provinces  à 
son  titre  de  legaîus  Augusti  les  mots  pro  praetore  :  or  ces  mots  ne  se  trouvent  pas 
dans  l'inscription  d'El  Arrouch.  Celle-ci,  d'autre  part,  ne  peut  être  antérieure  à 
l'an  50,  qui  est  l'époque  où  Velleius  Paterculus  termina  son  Histoire  :  en  effet  si 
lui  ou  un  membre  de  sa  famille  avait  exercé  avant  cette  époque  les  fonctions  de 
légat  des  troupes  d'Afrique,  il  n'eût  pas  manqué  de  mentionner  ce  fait  comme  il 
a  fait  des  autres  distinctions  dont  sa  famille  fut  honorée.  —  Le  C.  Velleius  Pater- 
culus de  cette  inscription  ne  peut  être  ni  le  frère  de  l'historien,  qui  ayant  été 
adopté  par  un  parent  de  sa  mère  s'appelait  Magius  Celer  Velleianus  et  non  Velleius, 
ni  son  fils,  car  celui-ci  n'aurait  pu  parvenir  en  36  au  commandement  de  la  légion 
d'Afrique  sans  avoir  exercé  dès  avant  l'an  30  d'autres  fonctions  dont  son  père 
n'eût  pas  manqué  de  parler.  Il  faut  donc  croire  que  ce  C.  Velleius  Paterculus  est 
l'historien  lui-même,  qui  aura  exercé  les  fonctions  de  légat  entre  les  années  30 
et  36;  dès  lors  l'inscription  qui  le  mentionne  est  intéressante  :  r  en  ce  qu'elle 
nous  apprend  son  véritable  prénom  qui  n'était  pas  connu  avec  certitude  ;  2°  en 
ce  qu'elle  montre  que  Velleius  vécut  encore  après  la  mort  de  Séjan  et  qu'il  fut 
même  investi  de  fonctions  assez  importantes. 

Ouvrages  déposés  :  —  H.  d'ARBOis  de  Jubainville,  Les  Celtes,  les  Galates  et  les 
Gaulois*;  —  A.  du  Bouetiz  de  Kekorguen,  Recherches  sur  les  États  de  Bretagne, 
2  vol.  in-8*,  Paris;  —  J.  Brun-Dukand,  Notes  pour  l'histoire  de  Die,  Valence,  in-8'; 

—  Siméon  Luge,  Guillaume  Laloue (extrait  du  bulletin  delà  société  de  l'histoire  de  France); 

—  Aristide  Marre  :  Code  des  successions  et  du  mariage  en  usage  à  Java,  Paris,  1874; 
Histoire  des  rois  malais  de  Malâka,  Paris,  1874;  De  l'arithmétique  dans  l'archipel  indien 
(extrait  de  l'Histoire  de  l'archipel  indien  de  John  Crawturd,  traduit  et  annoté),  Rome, 
1874;  —  Paul  MiTzscHKE,  c|)uaestiones  tironianae  (en  latin),  Marcus  Tullius  Tiro  (en 
allemand),  2  brochures  in-8*,  Berlin; —  Félix  Robiou,  Deux  questions  de  chronologie  et 
d'histoire  éclaircies  par  les  annales  d'Assurbanipal  (extrait  de  la  Revue  archéologique; 
mémoire  lu  à  l'académie).  —  Envoyé  de  la  part  des  auteurs  par  M.  Egger  :  L'expédition 
du  duc  de  Guise  à  Naples  :  lettres  et  instructions  diplomatiques  de  la  cour  de  France 
(1647-1648),  documents  inédits  publiés  par  MM.  J.  Loiseleur  et  G.  Baguenault  de 
Puchesse;  Paris,  in-8-.  julien  Havet. 

I.  Dans  cet  article,  extrait  de  la  Revue  archéologique,  sont  examinées  les  théories 
soutenues  par  M.  Alexandre  Bertrand  dans  son  mémoire  sur  les  Gaulois  (académie  des 
inscriptions,  séances  des  23  et  30  avril  et  7  mai  1875).  En  l'adressant  à  l'académie, 
M.  d'Arbois  de  Jubainville,  qui  est  un  de  ses  correspondants,  y  a  joint  une  lettre  dans 
laquelle  il  reprend  quelques  uns  des  points  de  la  discussion  et  donne  les  motifs  de  son 
opinion. 

Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 

Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


multis  partibus  auxit  Fr.  Field.  Oxford  Clarendon  Press.  2  vols.  (Article  très- 
favorable.  Prolégomènes  développés  et  instructifs,  textes  correctement  établis, 
index  commodes;  publication  magistrale  faisant  honneur  à  l'érudition  anglaise). 
—  Ed.  MoHR,  Nach  den  Victoriafaellen  des  Zambesi.  Leipzig,  Hirt,  2  vols. 
(Relation  particulièrement  intéressante  pour  les  sportsmen.  L'auteur  de  l'article 
relève  avec  fierté  plusieurs  passages  où  M.  M.  accorde  de  grands  éloges  à  la 
mission  civilisatrice  et  à  la  puissance  coloniale  de  l'Angleterre  et  lui  donne 
moralement  raison  dans  son  différend  avec  le  Portugal).  —  P.  W.  Joyce,  The 
origin  and  history  of  Irish  Names  of  Places.  Sec.  Séries.  Dublin,  M'Glashanand 
Gill.  (Article  analytique  accompagné  de  citations.)  —  Indian  Inscriptions  (A. 
CuNNiNGHAM  :  nouvelles  inscriptions  d'Açoka).  —  Literary  Gossip.  —  Science  : 
the  geographical  Congress  at  Paris  (deuxième  article). 

liiterarisches  Centralblatt,  n°  3^,  14  août.  RiEL,  Das  Sonnen-  und  Sirius- 
jahr  der  Ramessiden.  Leipzig,  Brockhaus,  in- 4°,  xxiv-370  p.  9  planches  (article 
très-favorable).  —  Urkundenbuch  des  Herzogthums  Steiermark,  bearbeitet  von 
Ji  Zahn.  L  Bd.  Graz,  Leuschner  und  Lubensky,  in-8",  lvj-984  p.  (Les  docu- 
ments publiés  dans  ce  volume,  au  nombre  de  732,  dont  3  5  5  inédits,  commencent 
à  Pannée  798  et  s'arrêtent  à  1 192,  date  de  la  réunion  delà  Styrie  à  l'archiduché 
d'Autriche.  La  date  de  plusieurs  pièces  papales  n'est  pas  déterminée  avec  la  pré- 
cision qu'on  pouvait  atteindre  en  consultant  Jaffé).  — Schwicker,  Zur  Geschichte 
der  kirchlichen  Union  in  der  croatischen  Militargraenze.  Wien,  Gerold's  S.  In-S", 
126  p.  (recueil  recommandé).  —  Kleinschmidt,  Jakob  III,  Markgraf  zu  Baden 
und  Hochberg,  der  erste  regierende  Convertit  in  Deutschland.  Frankfurt  a.  M., 
Winter.  In-8°,  167  p.  (récit  bien  traité  d'un  épisode  intéressant).  —  Schwert- 
ZELL,  Helius  Cobanus  Hessus.  Halle,  Lippert.  In-8°,  128  p.  (utile  contribution 
kVhïslo'ire  de  V humanisme).  —  Bœhmer,  Spanish  reformers  of  two  centuries 
from  1 520.  Their  lifes  und  writings,  according  to  the  late  Benj.  Wiffen's  plan. 
I  vol.  Strassburg,  Trùbner.  In -8%  xvj-216  p.  (vaste  recueil  biographique  et 
bibliographique  :  publication  projetée  par  B.  Wiffen  et  interrompue  par  sa  mort 
en  1867).  —  Briefwechsel  zwischen  Varnhagen  und  Rahel.  Leipzig,  Brock- 
haus. In-8°  2  vol.  xij-336  et  509  p.  (Les  lettres  reproduites  ici  vont  de  1808  à 
181 2).  —  Fr.  Lenormant,  La  Magie  chez  les  Chaldéens  et  les  origines  Acca- 
diennes.  Paris,  Maisonneuve.  In-8%  x-562  p.  —  Le  même.  Études  Accadiennes, 
t.  II,  repart.  In-4",  382  p.  Ibid.  —  Le  même,  La  langue  primitive  de  la  Chaldée 
et  les  idiomes  Touraniens.  In-8",  viij-455  p.  (malgré  quelques  divergences  sur 
les  détails,  l'auteur  de  l'article  adopte  pleinement  les  vues  fondamentales  de 
M.  L.  et  considère  comme  un  fait  acquis  à  la  science  la  parenté  de  l'Accadien  et 
des  idiomes  touraniens).  —  Lycurgos'  Rede  gegen  Leocrates  erk.  v.  Ad.  Nicolai. 
Berlin,  Weidman.  In-8",  vj-78  p.  (bon  travail;  les  notes,  en  allemand,  se  réfèrent 
à  la  grammaire  grecque  de  Krùger).  —  L.  Spengel,  Aristoteles  Poetik  und  Joh. 
Vahlen's  neueste  Bearbeitung  derselben.  Leipzig,  Teubner.  In-8°,  ^0  p.  (écrit 
polémique).  —  Ritter,  Recherches  sur  le  patois  de  Genève.  Genève.  In-8'', 
23  p.  (insuffisant).  —  G.  Wachsmuth,  Die  Stadt  Athen  im  Alterthum.  1  Bd. 
Leipzig,  Teubner.  In-S**,  767  p.  (appréciation  favorable,  analyse  étendue.  Cf. 
Revue  critique,  187$,  n°  34,  art.  170).  —  F.  Adler,  Die  Stoa  des  Kœnigs 
Attalos  II  zu  Athen.  Berlin,  Ernst  und  Korn.  In-fol.,  7  pi.  et  3  grav.  sur  bois 
(belle  publication).  —  Aug.  Schultz,  De  Theseo.  Breslau,  Trewendt  und  Gra- 
lîier.  In-8°,  79  p.  (monographie  soignée  du  Theseion  :  quelques  détails  erronés 
ou  contestables). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES    PUBLICATIONS    FRANÇAISES    ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  clans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Mathieu  (P. -P.).  L'Auvergne  anté-his- 
torique.  In-8',  95  p.  et  2  pi.  Clermont- 
Ferrand  (Thibaud). 


Charveriat  (E.).  L'Allemagne  et  sa  lit- 
térature jugées  avant  et  après  la  guerre. 
In-8%  48  p.  Paris  (Douniol  et  C'). 

Ghassaîng  (A.).  Notice  historique  sur 
un  sceau  de  Jeanne  de  Jambes,  dam.e  du 
Luguet,  veuve  de  Jean  de  Poiignac,  sei- 
gneur de  Beaumont.  In-8°,  12  p.  et  pi. 
Le  Puy  (imp.  Marchessou). 

Déy  (A.  Études  historique  sur  l'établisse- 
sement  des  communes  au  Xll^  siècle  dans 
la  province  ecclésiastique  de  Reims.  In- 
8%  71  p.  Reims  (Giret).  i  fr.  50 

Dourif.  Le  Terrier  de  la  seigneurie  de 
Ravel.  In-8°,  12  p.  Clermont  (Thibaud). 

Eichthal  (G.   d')  et  Perrot  (G.).  Le 

Site  de  Troie  selon  M.  Lechevalier  ou 
selon  M.  Schliemann.  Excursion  à  Troie 
et  aux  sources  du  Menderé.  In-S».  79  p. 
Paris  (Durand  et  Pedone-Lauriel). 

Frossard  (C.-L.).  De  la  vie  future  dans 
l'Ancien  Testament,  ou  de  la  croyance 
chez  les  Hébreux  à  l'immortalité  de  l'âme. 
In-8%  26  p.  Paris  (Grassart). 

Hautcœur  (E.).  Histoire  de  l'abbaye  de 
Flines.  In-8**,  xj-523  p.  et  20  pi.  Paris 
(Dumoulin). 

Leibniz,  œuvres,  publiées  pour  la  pre- 
mière fois  d'après  les  manuscrits  origi- 
naux, avec  notes  et  introductions  par  A. 
Foucher  de  Careil.  T.  7.  Leibniz  et  les 
Académies.  Leibniz  et  Pierre  le  Grand, 
Iri-S*,  xxxvj-656  p.  Paris  (F.  Didot 
frères,  fils  et  C*). 

Le  Proux  (F.).  Lettres  du  cardinal 
Mazarin  à  la  ville  de  Saint-C^uentin  ; 
publiées  avec  d'autres  lettres  et  docu- 
ments tirés  des  archives  municipales. 
In-8°,  3 1  p.  Saint-Quentin  (Lib.  du 
Vermandois). 

Littré  (E.).  Littérature  et  histoire.  In-8*, 
viij-464  p.  Paris  (Didier  et  C»).  7  f.  50 

Marre  (A.).  Sumatra.  Histoire  des  rois 
de  Pasey,  traduite  du  malay  et  annotée. 
In-80,  127  p.  Paris  (MaisonneuveetC*). 


Pinson  (P.).  Essai  de  bibliographie  étam- 
poise,  avec  notes  historiques,  biogra- 
phiques et  littéraires.  In-8°,  59  p.  Paris 
Willem). 

Prévost.  Histoire  de  Manon  Lescaut  et 
du  chevalier  Des  Grieux.  Précédée  d'une 
préface  par  A.  Dumas  fils.  In-8',  xlix- 
375  p.  2  portr.  et  10  grav.  Paris 
(Glady  frères).  30  fr. 

Puymaigre  (De).  Chants  populaires  re- 
cueillis dans  la  vallée  d'Ossau.  In-8*, 
16  p.  Nogent-le-Rotrou  (imp.  Gouver- 
neur). 

Racine  (J.)-  Théâtre.  Orné  de  vignettes 
gravées  à  l'eau  forte  sur  les  dessins  de 
E.  Hillemacher,  par  F.  Hillemacher. 
T.  4.  In-8*,  305  p.  Paris  (Lib.  des 
Bibliophiles).  20  f  r 

Recueil  des  Historiens  des  Gaules  et  de 
la  France.  Nouv.  édit.  publiée  sous  la 
direction  de  M.  L.  Delisle,  membre  de 
l'Institut.  T.  9  et  10.  In-fol.  ccc-1654  p. 
Paris  (Palmé).  Chaque  vol.  50  tr. 

Réveil  (H.).  Fouilles  archéologiques. 
N*  4.  Vase  antique,  prix  donné  à  des 
bestiaires,  Phalères  en  bronze.  Objets 
trouvés  dans  l'amphithéâtre  romain  de 
Nîmes.  In-8',  11  p.  et  pi.  Paris  (V* 
Morel). 

Rocquain  (F.).  Études  sur  l'ancienne 
France,  histoire,  mœurs,  institutions, 
d'après  les  documents  conservés  dans  les 
dépôts  d'archives.  In-i2,xj-343  p.  Paris 
(Didier  et  C^).  3  fr.  50 

Sayous  (E.).  Les  origines  et  l'époque 
païenne  de  l'histoire  des  Hongrois.  In-8», 
133  p.  Paris  (Leroux). 

Tamizey  de  Larroque  (P.).  Lettres 
inédites  du  cardinal  d'Armagnac,  publiées 
avec  une  introduction  et  des  notes.  In-8°, 
138  p.  Paris  (Claudin). 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"  37  Neuvième  année.  11  Septembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.   -—  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 

67,  rue  de  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  PRATIQUE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

10^  FASCICULE. 

|--,  ^TT-  T7  "T)  /^  T  /^  T7  o       critiques    de   la    conférence   de   philologie 

tLyV  Hj  i\v-^  1  V^  Ci  »^      grecque,  recueillis  et  rédigés  par  E.  Tour- 

nier,  directeur  d'études  adjoint.  12^  livraison  (fin).  i  fr.  $0 

TlVyf/^lVyî  1V/ICT7TVT  Histoire  de  la  Monnaie  romaine,  tra- 
.  iVl  U  IVi  M  O  lL  1  N  duite  de  l'allemand  par  le  duc  de  Blacas 
et  publiée  par  J.  de  Witte,  membre  de  l'Institut.  Tome  IV  et  dernier,  i  vol. 
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phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i^' fascicule. 
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Le  4e  fascicule  est  sous  presse. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n"  172,  new  séries,  21  août.  Bristol  (J.  Taylor  :  très-inté- 
ressant article  historique  et  descriptif  sur  les  antiquités  de  Bristol).  —  Ch.  de 
Mazade,  La  Guerre  de  France  1870-71.  Paris,  Pion,  2  vol.  in-8°  (R.  Horne  : 
la  meilleure  histoire  générale  de  la  guerre  publiée  jusqu'ici).  —  Isabel  Burton  : 
The  Inner  Life  of  Syria,  Palestine  and  the  Holy  Land.  London,  King  (E.  H. 
Palmer  :  livre  instructif,  amusant  et  sincère).  —  Colonel  Malleson  ,  An  histo- 
rical  Sketch  of  the  Native  States  of  India  in  subsidiary  Alliance  with  the  british 
Government;  with  a  notice  of  the  mediated  and  minor  States.  London,  Long- 
mans  (F.  J.  Goldsmid  :  compilation  insuffisante,  mais  qui  renferme  des  matériaux 
utiles).  —  L.  Léger,  Études  slaves  :  Voyages  et  Littérature.  Paris,  Ern.  Leroux 
(Ralston  :  article  favorable).  —  Notes  and  News.  —  Notes  of  Travel  (détails  sur 
le  voyage  du  D""  Nachtigall  dans  le  pays  des  Tibbos  sur  les  confins  du  Fezzan). 

—  Congrès  international  des  sciences  géographiques  (4^  et  dernier  article).  — 
Boston  Letter.  —  Correspondence  :  Wentworth  Webster,  M.  Broca  on  Basque; 
Douglas  W.  Freshfield,  A  forgotten  Campaign  of  Charles  the  Great  (indique 
deux  inscriptions  mentionnant  une  campagne  de  Charlemagne  dans  le  val  Ren- 
dena,  et  donne  les  noms  Episcopus  Turpinus,  etc.,  qu'on  y  lit  et  qui  suffisent  à 
prouver  la  fausseté  des  monuments).  —  A.  F.  Mehren.  Manuel  de  la  Cosmo- 
graphie du  moyen-âge,  traduit  de  l'arabe  de  Shems  ed-Din  Abou  Abdallah 
Moh'ammed  de  Damas  et  accompagné  d'éclaircissements.  Copenhague.  1874 
(Ad.  Neubauer:  excellente  publication).  —  Royal  Commission  on  scientific 
instruction  and  the  advancement  of  science,  6th  7th  8th  reports,  it  Notice  (J.  S. 
CoTTON  :  La  partie  la  plus  importante  du  7^  rapport  est  consacrée  aux  Univer- 
sités écossaises  d'Edimbourg,  Glasgow,  St.  Andrews  et  Abeerdeen  qui  comptent 
plus  de  4000  étudiants).  —  Science  Notes.  Philology. —  J.  van  Vloten,  Neder- 
lands  Schilderkunst  van  de  i4notde  iS^eeuw.  Amsterdam,  Van  Kampen  (Mary 
H  EATON  :  ce  livre  renferme  beaucoup  de  détails  nouveaux  et  peu  connus,  mais 
il  est  déparé  par  de  graves  lacunes). 

The  AthenaBum,  n°  2495,  21  août.  The  British  Association  at  Bristol,  1875 
(esquisse  l'histoire  de  Bristol,  à  propos  de  la  45*  session  de  l'association  britan- 
nique pour  l'avancement  des  sciences,  qui  s'y  est  tenue  cette  semaine).  —  En- 
cyclop£dia  Britannica.  9th  éd.  Vol.  11.  Edinburgh.  Black  (analyses  des  articles 
Anthropology  par  le  D""  E.  B.Tylor,  Army  parle  colonel  Colley,  Astronomy,  dont 
l'auteur  n'est  pas  nommé.  Appréciation  généralement  favorable).  — C.  Blackie, 
Etymological  geography.  Daldy,  Isbister  and  Co.  (explication  des  terminaisons 
et  des  préfixes  qui  entrent  dans  les  noms  géographiques  de  l'Europe  et  de  l'Asie  : 
on  loue  la  partie  germanique  et  celtique;  la  partie  orientale  est  m.oins  satisfai- 
sante). —  Shakespeare's  Library  :  a  collection  of  the  Plays  employed  by 

Shakespeare  in  the  Composition  of  his  Works.  6  vol.  Reeves  and  Turner  (article 
sévère).  —  Cursor  Mundi  edited  by  D""  Rich.  Morris.  Early  English  Text 
Society.  Trûbner  and  Co.  (Deuxième  article,  aussi  favorable  que  le  premier). — 
Herm.  Rœnsch,  Itala  und  Vulgata.  Marburg,  Elwert  (ouvrage  parvenu  à  sa 
deuxième  édition,  utile  pour  la  connaissance  du  latin  vulgaire  aux  iii^  et  iv^  s.). 

—  R.  C.  Childers,  a  dictionary  of  the  Pâli  Language.  In  two  parts.  Trùbner 
and  Co.  (ce  premier  dictionnaire  du  langage  pâli  ne  renferme  pas  moins  de 
14000  mots  et  de  45000  références.  C'est  le  résultat  d'un  travail  immense  qui 
fait  autant  d'honneur  à  la  persévérance  qu'à  la  science  de  son  auteur).  —  Lite- 
rary  Gossip.  —  Brash,  The  ecclesiastical  Architecture  of  Ireland,  to  the  Close 
of  the  Twelfth  Century.  Illustrated.  Dublin,  Kelly  (ouvrage  recommandé.  Néan- 
moins l'auteur  de  l'article  n'admet  pas  avec  M.  B.  l'originalité  de  l'art  décoratif 
dont  l'Irlande  offre  les  spécimens,  il  leur  assigne  une  origine  byzantine).  — The 
british  archaeological  Association  at  Evesham  (i*''  article). 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  37  —  11  Septembre  —  1875 

Sommaire  :  i8^.  Schmidt,  De  la  Vie  d'Homère  attribuée  à  Hérodote.  —  i86. 
Ruelle,  Études  sur  l'ancienne  musique  grecque.  —  187.  Girgensohn,  Prudence 
et  les  Annales  Bertiniennes.  —  Variétés^:  La  Stèle  de  Mésa.  —  Sociétés  savantes  : 
Académie  des  inscriptions. 

185.  —  De  Herodotea  qusB  fertur  vita  Homeri  disputavit  loannes  Schmidt. 
Commentatio  ex  dissertationibus  Halensibus  seorsim  édita.  Halle.  1875.  In-8%  123  p. 
—  Prix  :  4  fr. 

L'auteur  de  cette  monographie  prouve  que  le  pastiche  en  dialecte  ionien  sur  la 
Vie  d'Homère  n'est  pas  de  la  main  d'Hérodote.  Tout  le  monde  est  d'accord 
sur  ce  point,  et  il  n'était  pas  nécessaire  de  s'y  étendre  aussi  longuement  qu'il  le 
fait.  Il  cherche  à  établir  que  ce  petit  écrit  a  été  composé  au  deuxième  siècle 
après  J.-C.  par  un  grammairien  opposé  aux  vues  d'Aristarque  et  fortement 
attaché  à  l'opinion  qu'Homère  était  Êolien  de  naissance.  Cela  nous  semble,  en 
effet,  assez  probable. 

D'où  viennent  les  détails  fournis  par  cette  vie  d'Homère  et  parles  autres  vies 
du  poète,  réunis  dans  les  Bic^pàçoi  de  Westermann  ?  La  critique  s'est  souvent 
posé  cette  question.  M.  Schmidt  essaye  à  son  tour  de  la  résoudre  en  suivant  pas 
à  pas  son  auteur,  dont  il  donne  en  quelque  sorte  un  commentaire  perpétuel  au 
point  de  vue  historique,  sans  se  refuser  la  polémique  et  les  digressions  de  toute 
espèce.  Heureusement,  on  trouve  en  tête  du  livre  une  table  des  matières  assez 
détaillée.  Cependant,  le  lecteur  a  beau  être  muni  de  ce  fil,  il  lui  faut  un  grand 
courage  pour  s'engager  dans  ce  dédale  de  questions  enchevêtrées  les  unes  dans  les 
autres.  Nous  aurions  mieux  aimé  une  autre  méthode  d'exposition.  On  pouvait 
commencer  par  dégager  de  ce  fatras  ce  qui  semble  provenir  de  traditions 
anciennes  ;  marquer  ensuite  comment  ces  traditions  ont  été  amplifiées  ou  altérées 
par  la  vanité  des  villes  et  les  vues  personnelles  de  certains  écrivains;  réunir 
dans  un  chapitre  les  inventions  oiseuses  qui  veulent  expliquer  la  science  histo- 
rique et  géographique  d'Homère  par  des  voyages  que  le  jeune  poète  aurait 
entrepris  afin  d'amasser  les  matériaux  de  ses  poèmes,  ou  qui  font  de  lui  le 
contemporain,  l'ami  ou  l'ennemi,  de  Phémios,  de  Mentes,  de  Tychios,  de  Péné- 
lope, de  Thersite  et  d'autres  personnages  qui  figurent  dans  ses  vers  ;  traiter  à 
part  des  poésies  populaires  ou  des  vers  détachés  qui  furent  d'assez  bonne  heure 
attribués  à  Homère  et  rapprochés  de  certaines  circonstances  de  sa  vie.  Quant 
à  cette  dernière  catégorie,  M.  Schm.  soutient  avec  raison  que  les  vers  n'ont  pas 
été  composés  pour  donner  plus  d'intérêt  aux  détails  de  la  vie  du  poète;  mais,  au 
contraire,  que  ces  détails  ont  été  imaginés  pour  expliquer  l'origine  obscure  de 
vers  qui  couraient  sans  nom  d'auteur.  En  effet,  il  en  est  de  ces  vers  comme  de 
tant  de  vieux  noms  et  d'anciens  monuments  qui  ont  donné  lieu  à  des  légendes 

XVI  I  1 


l62  REVUE    CRITIQUE 

OU  à  des  anecdotes,  et  qui  sont  cités  comme  preuves  à  l'appui  de  récits  qu'ils 
ont  fait  naître.  Ces  vues  ne  sont  pas  nouvelles;  mais  M.  Schm.  les  a  parfaitement 
appliquées  et  s'en  est  heureusement  servi  pour  réfuter  de  doctes  chimères.  Le 
vieux  poète  est  dans  l'île  d'Ios,  assis  sur  la  plage,  quand  de  jeunes  pêcheurs  y 
abordent.  Il  leur  demande  : 

"AvBpeç  aTu'  'Apy-aBiYjç  0Y)p'riTop£ç,  fi  p  £/opL£v  Tt  ; 
On  s'est  donné  beaucoup  de  peine  pour  expliquer,  au  moyen  de  je  ne  sais 
quelles  anciennes  migrations,  comment  des  pêcheurs  d'Ios  peuvent  être  appelés 
chasseurs  (ou  pêcheurs  :  car  il  y  a  une  variante  àXi-riTopeç)  arcadiens.  M.  Schm. 
répond  simplement  que  ce  vers,  qui  faisait  partie  d'une  énigme  populaire,  vient 
primitivement  de  l'Arcadie,  qu'il  a  été  attribué,  comme  beaucoup  d'autres,  au 
grand  Homère  et  enchâssé,  tant  bien  que  mal,  dans  la  légende  de  ce  poète. 
Puisque  nous  en  sommes  à  ces  petites  pièces,  vulgairement  appelées  épigrammes 
homériques,  relevons  la  rédaction  défectueuse  de  celle  qui  porte  le  n^  V. 
{Vie.$i6): 

ôecTTopiBY],  6vY)X0Ïaiv  àv(i)iaT(i)v  -juoXewv  ■luap, 
ouBkv  àçpaaTCTspov  icéXsTat  v6ou  àv6pw7:oiffiv. 

On  s'attendrait  à  voou  àvépoç  àvBpi. 

Signalons,  en  finissant,  une  application  ingénieuse,  qu'on  trouvera  à  la  page 
95,  d'un  passage  de  Platon  (Rép.  X^  p.  600)  relatif  à  Homère  et  à  Créophilos. 
M.  Schmidt  ne  manque  ni  de  méthode  critique,  ni  de  jugement.  Qu'il  les 
applique  à  des  sujets  moins  ingrats,  susceptibles  de  conclusions  plus  rigoureuses, 
et  qu'il' expose  le  résultat  de  ses  recherches  de  manière  à  ne  pas  rebuter  les 
lecteurs.  Henri  Weil. 


186.  —  Études  sur  l'ancienne  musique- grecque.  Rapports  à  M.  le  Ministre  de 
l'Instruction  publique  sur  une  mission  littéraire  en  Espagne,  par  Ch. -Emile  Ruelle. 
Paris,  Imprimerie  nationale.  1875.  i  vol.  in-8'  de  1 3  5  pages  (Extrait  des  Archives  des 
missions  scientifiques  et  littéraires j  y  série,  tome  2*},  suivi  de  la  traduction  de  quelques 
textes  grecs  inédits,  par  le  même,  31p.  —  Prix  :  5  fr. 

Chargé  de  mission  par  M.  le  Ministre  de  l'Instruction  publique,  M.  R.  a  fait, 
pendant  l'automne  de  187 1,  un  séjour  de  quatre  semaines  en  Espagne.  Il  a, 
dans  ce  court  espace  de  temps,  visité  plusieurs  bibliothèques  de  Madrid,  celle  de 
l'Escurial  et  celle  de  Tolède.  Chercher,  premièrement,  s'il  ne  restait  rien 
d'inédit,  dans  les  manuscrits  péninsulaires,  concernant  l'ancienne  musique 
grecque;  collationner,  en  second  lieu,  ceux  des  manuscrits  grecs,  de  contenu 
musical,  qui  paraîtraient  en  valoir  la  peine  :  tel  était  le  double  but  de  la  mission. 
Les  recherches  de  M.  R.  n'ont  pas  été  infructueuses  au  point  de  vue  musical. 
Comme,  d'autre  part,  il  a  eu  le  bon  esprit  de  ne  pas  les  borner  à  l'objet  spécial 
de  la  mission,  son  exploration  a  fourni,  de  plus,  des  résultats  intéressants  à  d'autres 
égards. 

Dans  un  premier  rapport,  adressé  au  ministre  presque  aussitôt  après  son  retour, 
mais  dont  l'impression,  sur  la  demande  de  son  auteur,  avait  été  différée  jusqu'à 
la  publication  du  deuxième ,  M.  R.  a  résumé  les  principaux  résultats  de  ses 


d'histoire  et  de  littérature.  iSj 

recherches  à  l'Escurial,  à  Madrid  et  à  Tolède.  Le  second  rapport  est  venu  com- 
pléter ces  premières  et  rapides  indications  :  on  y  trouve  la  description,  plus  ou 
moins  détaillée,  d'une  quarantaine  de  manuscrits,  grecs  pour  la  plupart,  ainsi 
que  les  extraits  inédits  et  les  nombreuses  collations  rapportés  par  le  laborieux 
voyageur.  Les  textes  inédits  sont  tous  en  grec.  En  voici  la  liste  :  i°Un  fragment 
anonyme  sur  la  musique  (d'après  Bacchius  l'Ancien);  2**  un  autre  fragment 
anonyme  sur  divers  intervalles  mélodiques;  3°  trois  lettres  de  Psellus  qui  ont 
trait  à  la  musique;  4**  un  fragment  anonyme  sur  les  accents;  5°  la  table  du  Dyna- 
méron,  ouvrage  encore  inédit  du  médecin  Aelius  Promotus.  M.  R.  avait  publié 
d'avance  une  traduction  française  de  ces  morceaiuxdsins  l'Annuaire  de  P Association 
pour  l'encouragement  des  études  grecques  en  France,  année  1874.  Il  vient  de  réunir 
dans  un  même  volume  les  deux  tirages  à  part  de  cette  traduction  et  de  ses  rapports. 
D'autre  part,  il  a  collationné,  en  tout  ou  en  partie,  sur  différents  manuscrits, 
quelques-uns  des  auteurs  qui  font  partie  du  Corps  des  musicographes  grecs.  Un 
certain  nombre  de  variantes  qu'il  a  relevées  contribueront,  à  ce  qu'il  assure,  à 
améliorer  leur  texte.  Enfin  M.  R.  a  joint  à  son  livre  plusieurs  tableaux  de  nota- 
tion musicale  ancienne  et  de  transcriptions  dans  le  système  moderne,  qui  sont, 
si  nous  ne  nous  en  exagérons  pas  l'importance ,  la  partie  capitale  des  Études  sur 
l'ancienne  musique  grecque. 

Mais,  nous  l'avons  dit,  l'intérêt  de  ces  Rapports  ne  réside  pas  uniquement  dans 
la  partie  musicale.  Ils  renferment  une  grande  abondance  de  renseignements  de 
toute  sorte,  où  viendront  puiser  ceux  qui  s'occupent  de  bibliographie  et  d'histoire 
littéraire.  On  y  trouve,  en  effet,  d'utiles  suppléments  à  l'excellent  Catalogue  des 
manuscrits  grecs  de  l'Escurial,  dressé  par  M.  Miller;  par  exemple,  des  notices  ou 
plus  complètes  ou  plus  détaillées  des  manuscrits  dont  les  marques  suivent  : 
T-I-14;  O-II-22;  <ï)-III-i5;  r-1-3;  W-IV-6;  Q-IV-4  (voir,  chez  M.  R., 
aux  pages  61,  70,  59,  38,  58  et  19).  Puis,  des  additions  et  rectifications, 
toujours  bien  venues ,  au  travail  inachevé  d'Iriarte  (Regiae  bibliothecae  matri- 
tensis  codicum  graecorum  manuscriptorum  vol.  I  (seul  paru),  1769,  in-fol.). 
Puis,  —  et  ceci  a  beaucoup  de  prix  —  la  description  de  manuscrits  tolédans, 
sur  lesquels,  avant  M.  R.,  on  n'avait  aucune  espèce  de  données.  Plus  loin,  nous 
assistons,  dans  la  bibliothèque,  si  riche  en  manuscrits  latins,  des  ducs  d'Osuna 
(il  faut  écrire,  à  l'espagnole,  Osuna,  et  non  Ossuna),  à  la  découverte  de  mss. 
en  langue  romane  et  d'un  César,  du  xii'^  ou  xiii^  siècle,  portant  la  souscription 
«  Julius  Constantinus  emendavit  »,  auquel,  M.  R.,  à  tort  ou  à  raison,  attribue 
de  l'importance.  Enfin,  les  philologues  accueilleront  avec  une  reconnaissance 
particulière  la  publication  de  la  liste  complète  des  manuscrits  grecs,  au  nombre 
de  quarante-trois,  conservés  à  l'Archivo  historico  de  Tolède.  Cette  liste  est  loin 
de  contenir  tous  les  renseignements  désirables  ou  ceux,  au  moins,  qu'on  serait 
en  droit  de  demander  à  un  catalogue.  Ce  n'est,  en  fait,  qu'une  très-sèche  nomen- 
clature des  principaux  traités  renfermés  dans  chaque  manuscrit  :  sans  indication 
bien  exacte  du  contenu,  sans  indication  même  approximative  de  l'âge  des  mss. 
Aussi  M.  R.  a-t-il  soin  de  nous  avertir  que  nous  n'avons  pas  affaire  ici  à  un  travail 
original  de  sa  part  :  il  n'a  fait  que  donner  la  traduction  pure  et  simple  «  de  l'extrait 


164  REVUE   CRITIQUE 

»  du  catalogue  général,  écrit  en  espagnol,  qui  lui  a  été  communiqué  par  le  biblio- 
»  thécaire  en  chef  de  V Archiva.  »  Telle  qu'elle  est,  cette  liste  ne  nous  en  révèle 
pas  moins  l'existence  de  trente-trois  manuscrits,  dont  n'avaient  fait  mention  ni 
Haenel,  ni  Heine,  ni  Valentinelli,  ni  personne,  que  nous  sachions,  de  ceux  qui 
ont  écrit  sur  les  bibliothèques  d'Espagne. 

Voici  maintenant  quelques  observations  mêlées  se  rapportant  au  livre  de 
M.  R. 

Rapports,  etc.,  p.  13.  La  traduction  grecque  des  Provisions  de  voyage,  dont 
l'original  (en  arabe)  est  attribué  au  médecin  Abou-Djaïar,  et  que  M.  R.  a 
retrouvée  à  Madrid,  existe  aussi  dans  les  manuscrits  de  l'Escurial  T-III-5  et 
Q-I-8,  ainsi  que  dans  le  manuscrit  de  Paris  2441  ;  elle  porte  dans  ces  manuscrits, 
au  dire  de  M.  Miller,  le  nom  d'Isaac  le  Médecin  (Miller,  Escurial,  p.  217-8  et 

459)- 

Ibid.,  p.  55.  Le  manuscrit  de  l'Escurial  <T>-III-i,  du  xvi"  siècle,  présente,  au 

rapport  de  M.  R.,  une  particularité  paléographique  qui  est  fort  singulière.  «  Le 
»  groupe  de  lettres  e\  y  est  remplacé  par  le  groupe  p-..  Exemples  :  epi^o)  pour 
))  6éAYa),  cpttpCcjt  pour  cù.<^ici,  etc.  »  Cette  confusion  s'explique.  Qu'on  ouvre 
la  Commentatio  palaeographica  de  Bast  à  la  planche  IIP  :  on  trouvera,  vers  la  fin 
de  la  ligne  9,  un  exemple  qui  se  lit  èv  -zfi  ^^yri.  Si  nous  y  supprimons  par  la 
pensée  le  second  trait  du  v,  ne  conservant  de  cette  lettre  que  l'autre  trait  qui  est 
quasi  vertical,  ce  qui  restera  du  groupe  £v  pourra  se  lire,  soit  £A,  soit  ci.  Il  est 
probable  que  eX  présentait  cette  forme  équivoque  dans  l'original  ou  chez  quel- 
que ancêtre  de  <T>-III-i.  On  n'avait  pas  signalé,  croyons-nous,  avant  M.  Ruelle, 
la  confusion,  très-intéressante,  de  e\  et  de  pi. 

Ibid.,  p.  62-63.  Il  est  possible  de  répondre  avec  certitude  aux  questions  posées 
par  M.  R.  à  propos  du  commentateur  anonyme  de  la  TeipâgijSXoç  de  Claude 
Ptolémée.  Nous  connaissons  l'existence  de  ce  commentateur,  non-seulement  dans 
le  manuscrit  de  l'Escurial  T-I-14,  mais  aussi  dans  le  314  de  la  bibliothèque 
S.-Marc,  à  Venise,  et  dans  le  CoisUn  171,  à  la  bibliothèque  nationale  de  Paris; 
il  a  été  publié  à  Bâle  en  1559  chez  H.  Pétri,  avec  la  traduction  latine  de  Jérôme 
Wolf,  dans  un  volume  in-folio  qui  renferme  aussi  l'EicavwYYî  ou  Introduction  de 
Porphyre  au  même  traité  de  Ptolémée.  Ces  deux  commentaires  sont  distincts,  à 
leur  tour,  de  la  paraphrase,  due  à  Proclus,  qui  est  contenue  dans  le  Marcianus 
303  et  qui  a  été  pubHée  à  Bâle  en  i  $54,  apad  Johannem  Oporinum,  en  un  très- 
petit  in-folio,*  avec  une  préface  de  Phihppe  Mélanchthon. 

Ibid.,  p.  63.  Le  tableau  qui  est  en  tête  du  «  fragment  peut-être  inédit  »  se 
voit,  mais  sans  être  suivi  du  fragment,  dans  le  manuscrit  grec  de  Bâle  A-N-II- 
14  (fol.). 

Ibid.,  p.  64,  1.  8.  L^édition  de  Paul  d'Alexandrie  ne  porte  pas  pour  titre 
(i  Introductio,  etc.  »  Voici  le  titre  exact:  Paulus  Alexandrinus.  Vhyy^Lù-fy  elq  ty;v 
dcTcoTsXea^j.aTixrjV  sive  Rudimenta  in  doctrinam  de  praedictis  nataliciis.  Ex  Ranzovii 
bibliotheca  primani  graece  et  latine  édita.  Witeberg  (Lehmann],  1 588,  in-4°. 

Ibid.,  p.  68.  Le  «  fragment  de  Jules  l'Africain  sur  les  poids  et  mesures  (au 
»  point  de  vue  médical)  »  doit  être  l'original  grec  du  fragment  publié  par 


d'histoire  et  de  littérature.  165 

M.  Hultsch  dans  la  traduction  latine  de  Calvus  (voir  Metrologici  scriptores,  t.  II, 
p.  142.  Cp.  même  tome,  pp.  14  et  39).  Il  existe,  à  notre  connaissance,  au  moins 
trois  autres  manuscrits  du  même  texte  grec,  dont  Pun,  du  x'' siècle,  a  été 
retrouvé  en  Orient  par  M.  l'abbé  Duchesne,  qui  publiera  prochainement  cet 
anecdoton,  en  compagnie  d'autres  trouvailles. 

Ibid.j  p.  70.  Ce  n'est  pas  seulement  dans  les  quatre  manuscrits  mentionnés 
par  M.  R.  que  le  IV^  livre  de  Philon  (l'Ingénieur)  est  acéphale  et  commence 
aux  mots  îxav  klq  IXaaaov.  La  même  particularité  se  retrouve  dans  un  grand 
nombre  d'autres  manuscrits;  nous  citerons  les  Parisini  244  du  supplément  grec, 
2437  et  2441  de  l'ancien  fonds,  Vaticanus  2\ç)^  Urbinas  -jc^,  Monacensis  195, 
Basilensis  A-N-II-i4(fol.),  Taurinensis  60,  Baroccianus  187,  Neapolitani  III- 
C-18  et  III-C-21,  Guelferbytensis  35,  Lugdunensis  Vossianus  3  (fol.),  Vindobo- 
nensis  24  (4"  classe)  et  probablement  Vindobonensis  55  (même  classe). 

Ibid.j  p.  8$,  note  3.  «  Peut-être  le  Zosime  auteur,  dans  le  manuscrit  de  Madrid^ 
»  se  confond-il  avec  le  copiste  de  celui  de  Venise.  »  La  souscription  Z(ùav^.oq  S'.wpOou 
h  KwvffTavTivouréXei  euxu^wç  ne  signifie  pas  que  Zosime  a  copié  le  Marcianus  IV, 
3  qui  la  porte.  Cette  erreur,  commise  par  M.  Marquardt  [Aristoxeni  fragmenta ^ 
p.  xij),  aurait  pu  être  redressée  par  M.  R.  AubpÔou  veut  dire  :  a  relu  et  corrigé. 
L'hypothèse  que  le  nom  du  copiste  (lisez  diorthôte)  Zosime  a  pu  être  pris  pour 
un  nom  d'auteur  est  d'ailleurs  ingénieuse.  «  Une  confrontation  des  deux  écritures 
))  trancherait  sans  doute  cette  question  «,  ajoute  M.  R.  Il  est  permis  d'en  douter. 

Ibid.^p.  100.  C'est  M.  P.  A.  de  Lagarde,  et  non  de  Lagara,  qui  a  retraduit  en 
grec,  d'après  la  version  syriaque,  le  izepl  èp^aaiaç,  ouvrage  d'Aristote  dont  le 
texte  original  est  perdu. 

Ibid.,  p.  10 1.  M.  R.,  qui  le  sait  évidemment  aussi  bien  que  personne,  aurait 
dû  ajouter  que  Theodulus  magister  est  le  même  grammairien  que  l'on  connaît  plus 
communément  sous  le  nom  de  Thomas  magister. 

Ibid.,  p.  105,  note  i.  Swjxaxa  signifiant  corps,  dans  le  sens  que  les  physi- 
ciens attachent  à  ce  mot,  n'est  pas  une  «expression  à  remarquer».  Le  Thésaurus 
en  cite  de  nombreux  exemples,  appartenant  à  la  période  classique  (v.  t.  VII,  col. 
17 10,  éd.  Didot). 

Ibid.,  p.  105,  note  2.  La  traduction  des  Pneumatiques  de  Héron  imprimée  à 
Urbin  en  1 57$  n'est  pas  une  traduction  italienne;  c'est  l'édition  princeps  de  la 
version  latine  faite  par  Comraandini.  Celle  qui  parut  à  Paris  en  1583  n'est  pas 
davantage  en  italien;  c'est  la  répétition  de  l'édition  latine  de  1 57*5.  Enfin,  il  a 
été  publié  à  Londres,  en  18$  i,  une  traduction  en  anglais  du  même  ouvrage  de 
Héron,  due  à  M.  Woodcroft. 

Quelques  inexactitudes  de  détail,  comme  celles  que  nous  avons  pu  relever,  ne 
détruisent  pas  le  mérite  du  livre  de  M.  R.  Ses  Rapports  prouvent  qu'il  reste, 
encore  aujourd'hui,  beaucoup  à  faire  en  ce  qui  concerne  la  connaissance  des 
manuscrits  grecs  d'Espagne.  Tolède  en  possédait  d'absolument  ignorés.  On  ne 
sait  point  s'il  n'y  a  pas  de  découvertes  semblables  à  faire  dans  d'autres  biblio- 
thèques. Celles  du  Midi  n'ont  pas  de  catalogues,  ou  ils  ne  sont  pas  publiés.  On 
en  est  réduit,  pour  tout  renseignement  sur  leurs  manuscrits  grecs,  aux  relevés 


l66  REVUE   CRITIQUE 

fautifs  et  si  incomplets  de  Haenel.  Plusieurs  d'entre  elles  sont  presque  inconnues. 
Si  M.  R.  eût  pu  demeurer  plus  longtemps  dans  la  Péninsule,  sa  mission  eût,  sans 
aucun  doute,  dissipé  bien  des  obscurités.  Au  demeurant,  eu  égard  à  sa  durée, 
on  ne  peut  nier  qu'elle  n'ait  produit  des  résultats  satisfaisants.  En  mettant  à  part 
la  partie  musicale,  qui  présente  un  intérêt  spécial,  on  vient  de  voir  que  les 
Rapports  de  M.  R.  contiennent  beaucoup  de  renseignements  entièrement  nouveaux. 

C'est  un  livre  que  les  philologues  consulteront. 

Charles  Graux. 


187.  —  D'  J.  GiRGENsoHN,  Prudentius  und  die  Bertinianîschen  Annalen. 

Kiga,  Kymniel,  1875.  In-8*,  38  p. 

Cette  brochure  est  ce  qu'on  appelle  en  Allemagne  un  travail  de  séminaire, 
c'est-à-dire  une  dissertation  composée  pour  les  réunions  dans  lesquelles  les 
professeurs  d'Université  font  travailler  sous  leurs  yeux  les  meilleurs  de  leurs 
élèves  et  les  exercent  à  la  pratique  de  la  science.  Ces  travaux,  qui  parfois  sont 
d'excellents  exercices  et  témoignent  d'heureuses  dispositions ,  sont  le  plus  sou- 
vent trop  peu  importants  par  leurs  résuhats  pour  mériter  l'impression,  et  ce 
n'est  pas  sans  dépit  que  nous  nous  voyons  inondés  de  petits  mémoires  qu'on  est 
obligé  de  lire  par  conscience  et  qui  n'apprennent  rien  de  nouveau.  M.  Girgen- 
sohn  a  cru  utile  de  soumettre  à  un  nouvel  examen  les  Annales  Bertiniennes  de 
l'année  835  à  l'année  861,  pour  savoir:  1°  si  ces  annales  ont  un  caractère 
officiel  ;  2°  si  elles  sont  l'œuvre  de  Prudence  de  Troyes.  Comme  on  pouvait  s'y 
attendre,  il  a  répondu  par  Paffirmation  à  ces  deux  questions.  Il  y  a  un  siècle  que 
Pabbé  Lebeuf  avait  mis  la  chose  hors  de  doute  et  quiconque  avait  un  peu 
examiné  les  Annales  Bertiniennes  trouvait  irréprochables  les  pages  que  Watien- 
bach  leur  a  consacrées.  —  M.  G.  nous  paraît  donc  avoir  eu  tort  de  publier  un 
travail  qui  n'est  qu'un  bon  exercice  d'écolier.  Son  excuse  est  le  jubilé  séculaire 
du  Gymnase  de  Mitau  à  l'occasion  duquel  il  a  publié  cette  brochure  comme 
Fest-Schrift. 

VARIÉTÉS. 
La  Stèle  de  Mésa. 

Observations  et  lectures  nouvelles. 

Des  circonstances  indépendantes  de  ma  volonté  m'ont  forcé,  à  mon  grand 
regret,  de  retarder  jusqu'à  ce  jour  la  restauration  de  la  Stèle  de  Mésa  qui  fait 
maintenant  partie  de  nos  collections  du  Louvre  et  que  sont  venus  compléter  les 
fragments  si  libéralement  offerts  par  le  Palestine  Exploration  Fund.  J'ai  pu 
reprendre  il  y  a  quelques  mois  ce  travail  interrompu  par  ma  dernière  mission  en 
Palestine,  et  il  est  à  la  veille  d'être  terminé. 

Les  manipulations  délicates  et  minutieuses  nécessitées  par  cette  reconstruction 
m'ont  permis  d'ajouter ,  à  mes  premiers  déchiffrements,  de  nouvelles  lectures 
dérivées  d'un  examen  répété  des  fragments  originaux  et  de  l'estampage. 


d'histoire  et  de  littérature.  167 

En  attendant  la  publication  du  texte  dont  j'achève  la  préparation  et  qui  four- 
nira à  la  science  une  reproduction  fidèle  du  monument,  je  crois  opportun,  pour 
satisfaire  certaines  impatiences,  de  faire  connaître  brièvement  les  nouvelles  leçons 
dont  il  s'est  enrichi;  quelques-unes  sont  d'une  haute  importance  et  je  me  réserve 
d'y  insister  dans  le  Commentaire  qui  accompagnera  l'édition  définitive. 

Mais  peut-être  ne  sera-t-il  pas  hors  de  propos  de  donner  préalablement  quel- 
ques détails  sur  la  méthode  suivie  pour  la  restauration  du  monument  et  sur  les 
résultats  obtenus. 

La  stèle  a,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  la  forme  habituelle  de  ce  genre  de  monu- 
ments, dont  le  type  est  un  bloc  allongé,  carré  par  en  bas  et  s'arrondissant  par 
en  haut  suivant  une  courbe  surbaissée.  On  ne  saurait  mieux  la  comparer  qu'à  nos 
bornes-fontaines.  Seulement  la  juxtaposition  des  fragments  a  établi  nettement 
que  les  côtés  de  notre  stèle,  au  lieu  d'être  verticaux,  étaient  sensiblement  obliques 
et  s'écartaient  en  dehors  en  donnant  à  l'ensemble  un  aspect  légèrement  trapé- 
zoïde.  Cette  particularité  est  peu  favorable  à  l'hypothèse  qui  veut  faire  du  monu- 
ment un  bloc  symétriquement  arrondi  à  ses  deux  extrémités,  puisqu'au  contraire 
il  était  plus  large  à  la  base  qu'au  sommet.  De  plus,  la  face  postérieure  dont  nous 
possédons  une  section  était  polie  :  il  est  donc  assez  invraisemblable  que  le 
monument,  comme  le  veulent  les  partisans  de  cette  hypothèse,  fût  destiné  à  être 
encastré  dans  une  paroi;  il  devait  être  plutôt  placé  isolé,  debout  sur  sa  base 
stable.  Un  croquis  arabe  que  je  possède  le  représente  avec  deux  crossettes;  je 
démontrerai,  en  le  reproduisant,  que  ce  détail  est  de  pure  fantaisie. 

La  surface  écrite  est  très-inégalement  dressée;  il  y  a  des  régions  bombées, 
d'autres  concaves.  Ces  inégalités  tiennent,  je  pense,  à  ce  que  le  bloc,  trop  dur 
pour  être  taillé  au  ciseau ,  a  été  façonné  à  l'aide  de  molettes  de  pierre  dont  le 
frottement  a  agi  inégalement.  Les  deux  faces  antérieure  et  postérieure  sont 
reliées,  non  par  un  plan  perpendiculaire  avec  elles,  mais  par  une  surface  forte- 
ment convexe  au  moins  dans  la  partie  supérieure  la  seule  qui  ait  été  préservée; 
peut-être  cette  convexité  s'atténuait-elle  sur  les  prolongements  latéraux  de  cette 
surface. 

Le  tracé  des  lignes  est  fait  avec  négligence  ou  maladresse  ;  il  est  supposable 
que  le  lapicide  avait  réglé  la  pierre  pour  aligner  ses  caractères  ;  mais  il  m'a  été 
impossible  de  déterminer  si  cette  ligne  passait  par  le  centre  moyen  des  lettres  — 
ce  qui  est  le  plus  naturel,  —  par  leur  base  ou  par  leur  sommet.  Il  ne  faut  pas 
oublier  d'ailleurs  que  nous  avons  affaire  à  une  écriture  non  lapidaire,  presque 
cursive,  fille  du  kalatn  et  non  du  ciseau.  Les  lettres  qui  sont  de  grandeur  variable, 
tantôt  montent,  tantôt  descendent,  sont  plus  ou  moins  serrées  ;  certaines  lignes 
sont  courbes  et  non  droites,  d'autres  obliques  entre  elles  ;  aucune  équidistance 
rigoureuse  ne  saurait  être  calculée  :  il  n'y  a  peut-être  pas  deux  interlignes  sem- 
blables. J'ai  supposé  un  moment  que  le  graveur,  au  lieu  de  régler  ligne  par  ligne 
la  surface  de  la  stèle,  s'était  contenté  de  la  diviser  en  un  certain  nombre  de 
parties  égales,  contenant  chacune  plusieurs  lignes  dont  le  parallélisme  était  tout 
approximatif. 

Ces  irrégularités  d'exécution  ont  rendu  la  restauration  singulièrement  difficile 


l68  REVUE  CRITIQUE 

et  nécessité  de  longs  et  nombreux  tâtonnements  ;  l'estampage  permettait,  il  est 
vrai,  de  combler  la  majeure  partie  des  lacunes,  mais  la  superficie  du  papier  qui 
s'était  contracté  par  places,  dilaté  ailleurs,  et  qui  de  plus  avait  été  lacéré,  n'était 
pas  mathématiquement  adéquate  à  la  superficie  de  l'original. 

On  a  dû  commencer  par  réunir  tous  les  fragments ,  petits  et  grands ,  qui  se 
touchaient,  en  procédant  de  bas  en  haut,  et  en  tenant  compte  non-seulement  du 
contact  des  lettres,  mais  du  contact  des  morceaux  eux-mêmes  dont  quelques-uns 
étaient  fort  épais.  Puis,  après  avoir  encastré  ce  premier  groupe  dans  une  pierre 
de  taille,  et  l'avoir  noyé  dans  du  plâtre  venant  affleurer  à  la  surface  écrite,  l'es- 
tampage a  été  pour  ainsi  dire  superposé  à  cette  page  moitié  plâtre,  moitié  basalte, 
et  alors  les  morceaux  isolés  ont  été  insérés  à  leur  place.  Après  quoi  les  lacunes 
ont  été  remplies  par  la  transcription  de  l'estampage,  dont  les  lettres  ont  été 
reproduites  avec  soin,  sans  cependant  viser  au  fac-similé  et  au  trompe-l'œil  '. 
Enfin,  cette  masse  hétérogène  formée  de  basalte,  de  pierre  calcaire  et  de  plâtre 
a  été  retaillée  suivant  les  indications  fournies  par  les  parties  originales  mêmes 
qui  y  étaient  contenues  :  la  surface  écrite  une  fois  obtenue,  la  courbure  du  haut 
et  le  côté  de  droite  ont  été  prolongés  et  ont,  combinés  avec  l'alignement  de 
l'encadrement,  engendré  la  forme  générale  du  monument;  le  repère  de  la  face 
postérieure  a  limité  l'épaisseur  totale. 

Le  monument  avait  déjà  perdu  son  angle  droit  avant  le  dernier  accident  qui 
avait  failli  le  détruire  à  tout  jamais  2;  un  morceau  de  cet  antique  fragment, 
fournissant  le  commencement  de  trois  lignes,  a  été  recueilli;  c'est  le  seul  dont 
la  position  quoique  bien  probable  ne  soit  pas  absolument  sûre,  l'estampage  étant 
forcément  muet  sur  ce  point.  Tous  les  autres  fragments  écrits  ont  été  mis  en 
place  avec  certitude,  bien  que  quelques-uns  (d'une  lettre,  d'une  m.oitié  de  lettre 
même)  fussent  fort  petits.  J'ai  échoué  pour  deux  seulement  :  l'un  contient  un 
-û  précédé  peut-être  d'un  point,  ce  qui  indiquerait  12  initial  ;  l'autre  une  ou  deux 
hastes  de  lettres  indéterminées.  Il  y  a  de  plus  un  certain  nombre  de  morceaux 
anépigraphes  appartenant  au  noyau  même  de  la  stèle. 

J'ajouterai  que,  avant  même  sa  mise  en  pièces  par  les  Bédouins,  le  monument 
avait  souffert  des  injures  du  temps,  mais  inégalement;  toute  la  partie  de  gauche 
par  exemple,  c'est-à-dire  la  fin  des  lignes,  était  fruste,  comme  le  prouve  l'estam- 
page. Le  gros  bloc  supérieur  a  de  plus  été  martelé,  de  sorte  que  les  caractères 
y  sont  moins  visibles  que  sur  le  gros  bloc  inférieur. 

Ce  basalte  est  extrêmement  dur,  mais  fragile  en  proportion  ;  un  léger  choc 
à  faux  l'étonné  ou  l'exfolie.  Il  dégage  quand  on  le  frotte  vivement  une  odeur 
sulfureuse  très-prononcée. 

Pour  ce  qui  concerne  la  révision  du  texte,  je  prends  comme  point  de  départ 
celui  qui  est  donné  dans  mes  lettres  à  M.  de  Vogué,  imprimées  en  1870.  J'in- 


1 .  Les  bords  des  fragments  encastrés  ont  été  soigneusement  déchaussés,  pour  que  le 
plâtre  ne  vînt  pas  masquer  les  points  précis  où  les  lettres  originales  étaient  cassées. 

2.  C'est  probablement  la  disparition  de  cet  angle  qui  avait  fait  croire  que  le  monument 
était  arrondi  en  haut  et  en  bas. 


d'histoire  et  de  littérature.  169 

dique  par  (E)  les  observations  faites  sur  l'estampage,  et  par  (B)  celles  faites  sur 
les  fragments  du  basalte. 

Ligne  i .  —  Le  point  séparatif  du  nom  du  père  de  Mésa  ^auj^s  semble  être 
sous  le  "1  (E).  Des  deux  dernières  lettres  qui  commencent  le  mot  'lan-'-in,  on 
distingue  le  n  (E)  ;  l'angle  gauche  inférieur  du  ^i  est  conservé  (B). 

L.  2.  —  On  croirait  voir  un  point  à  la  fin  de  la  ligne  après  sba  (B);  mais  ce 
n'est  pas  sûr,  la  pierre  présentant  plusieurs  petits  trous  dans  cette  région  ;  d'ail- 
leurs ce  point  est  philologiquement  invraisemblable.  Dans  plusieurs  autres  mots, 
il  y  a  des  apparences  de  points,  plus  petits  que  les  points  ordinaires,  mais  qui 
peuvent  fort  bien  être  le  résultat  d'accidents  de  la  pierre;  je  les  noterai  néanmoins 
à  mesure  que  je  les  rencontrerai.  Les  vrais  points  sont  des  trous  francs,  larges, 
faits  à  ce  qu'il  semble  avec  une  mèche  mue  circulairement,  et  sont  constamment 
placés  au  bas  des  mots. 

L.  3.  —  Il  y  a  comme  un  petit  point  entre  n  et  nai  (B).  Après  ntr^p  il  y  a 
seulement  une  barre  disjonctive  et  pas  de  point,  ce  qui  ferait  double  emploi  (E). 
La  lettre  à  queue  qui  suit  le  s  à  la  fin  de  la  ligne  représente  3  ou  «  (E)  ;  il  y 
aurait  encore  place  pour  deux  caractères ,  conformément  aux  restitutions  pro- 
posées :  2)tt3-[i.n73]n  ou  :  ri5-[?3.nn]n. 

L.  4.  —  isbu  :  le  1  est  en  partie  visible,  la  dernière  lettre  paraît  être  plutôt 
•j  que  d  (B).  A  la  fin,  après  le  )  ou  le  ^,  dont  on  distingue  la  queue  (E),  il  y  a 
place  pour  une  lettre,  ce  qui  tend  à  autoriser  la  restitution  i.[^^]3>. 

L.  5.  —  Le  point  après  nx  n'est  pas  nettement  marqué;  le  •;  de  pi  pourrait 
être  à  la  rigueur  un  d.  Entre  le  point  de  .^n  et  le  groupe  tiDx,  il  y  a  un  espace 
suffisant  pour  loger  une  lettre  qui  semble  bien  être  un  n  (E).  Le  «  final  s'entre- 
voit; il  y  a  place  ensuite  pour  une  lettre  :  =;ha_[i]ï<  (E). 

L.  6.  —  Le  groupe  nsn  est  difficile  à  distinguer;  apparence  de  petit  point 
entre  x  et  iss?  (B).  La  lettre  qui  suit  ^^ïî  à  la  fin  est  peut-être  un  5,  bien  que 
l'on  n'en  voie  pas  les  branches  supérieures  (E);  il  y  a  place  ensuite  pour  une 
lettre,  p.  e.  pour  deux,  ce  qui,  dans  ce  dernier  cas,  conduirait  à  restituer  iî2d  ou 
même  nta  plutôt  que  dd  (E). 

L.  7.  —  Le  'i  et  la  queue  horizontale  du  •»  dans  le  nom  de  Omri  sont  conservés 
(B).  Après  nx  à  la  fin,  il  y  a  juste  la  place  pour  loger  les  deux  premières  lettres 
restituées  de  y-["iî<]. 

L.  8.  —  Le  y  et  le  point  qui  suit  ,  au  début  de  la  ligne,  sont  en  partie 
visibles  :  c'est  le  commencement  certain  de  la  ligne;  le  point  qui  sépare  5<ai.n:û 
en  deux  parties  est  très-douteux  (B).  La  lacune  qui  s'étend  entre  nn  et  i^'^  doit 
être  ainsi  comblée  :  .i^jni  .^îs.''.  (E  et  B).  Le  second  mot  semble  former  avec 
n3S."'î:i  une  expression  signifiant  :  «  la  part  des  jours  de  son  fils  »,  c'est-à-dire 
la  portion  de  vie  que  la  destinée  lui  avait  dévolue.  Le  point  qui  isole  de  'la  le  1 
déjà  séparé  de  ii2  (E),  n'est  rien  moins  que  certain;  s'il  n'était  pas  accidentel 
on  ne  pourrait  guère  l'expliquer  qu'en  tenant  le  yod  pour  un  signe  numérique. 


lyo  REVUE    CRITIQUE 

chose  bien  improbable  à  cette  époque.  Si,  comme  je  le  pense,  il  nous  faut  lire 
'i^'i,  nous  aurions  affaire  au  verbe  ^^72,  «  durer,  rester  longtemps.  «  Le  y  de 
i::n  est  obscur  sur  l'estampage,  mais  très-clair  sur  un  petit  éclat  de  la  pierre  qui 
donne  aussi  le  haste  gauche  du  n  et  la  queue  horizontale  de  l'autre  1.  La  dernière 
lettre  visible  de  la  ligne  semble  être  un  1  (E).  Il  y  a  place  ensuite  pour  deux 
lettres  ;  à  ce  compte,  si  nous  avions  affaire  à  un  1  conversif,  la  première  de  ces 
deux  lettres  devrait  être  un  ^  suivi  de  la  première  radicale  d'un  verbe  défectueux 
se  terminant  par  le  i  qui  commence  la  ligne  suivante.  La  restitution  de  M.  Nôl- 
decke  s'adapterait  à  merveille  :  nn_[ttJ'i]i. 

L.  9.  —  On  lit  sans  aucun  doute  i^Jab^JS .  n5<,  expression  d'ailleurs  parallèle  à 
'jni'np ,  nx  ;  la  correction  de  n.s  en  nn  proposée  par  M.  Nôldecke  est  donc  toute 
gratuite,  bien  qu'à  la  ligne  3 cil  y  ait  tout  aussi  sûrement  :  'p-a  b:?:^  .tns  (B).  Dans 
ces  deux  cas  il  n'y  a  pas  de  point  pour  séparer  Baal  Meon  en  deux  mots.  Le 
J:<  de  n^.)S3i<  est  entre  deux  petits  points,  de  sorte  que  par  moments  on  serait  tenté 
de  lire  myj.i<n ,  nn.  Après  5<%  à  la  fm,  il  y  a  place  pour  deux  lettres  :  [p], 

L.  10.  —  Le  n  de  Ataroth,  le  73  de  db^-a  et  le  point  qui  sépare  ces  deux  mots 
sont  sur  un  fragment  (B).  Le  têt  est  impossible  à  saisir  sur  l'estampage  :  par 
instant  on  croirait  apercevoir  un  grand  cercle  ou  un  caractère  polygonal;  il 
devait  avoir  disparu  depuis  fort  longtemps;  le  ^  est  difficile  à  bien  distinguer;  le 
1  de  "^ba,  à  la  fin  offre  des  traces  légères  (E). 

L.  II.  —  Le  mot  Aîaroîh  répété  ici  existe  sur  l'estampage  et  sur  le  basalte  : 
malheureusement  le  têt  y  est  toujours  à  l'état  fruste;  là  encore  il  présente,  vu 
sous  un  certain  angle,  les  rudiments  d'un  cercle  plus  grand  que  le  :y  ;  d'autres 
fois  au  contraire  on  croirait  démêler  des  traits  rectilignes.  A  la  fm,  le  mot  qui 
suit  hj  débute  par  un  n  précédé  d'un  point  (E) ,  il  y  a  place  ensuite  pour  deux 
lettres. 

L.  12.  —  nii  est  sûr,  ainsi  que  a^^^bi , ^a^^b  (E);  la  correction  ^iixîbi<  de 
M.  Schlottmann,  d'ailleurs  superflue,  doit  donc  être  décidément  rejetée.  Après 
Dttja.nujx-,  il  faut  lire  mil , bî<-i5< . n&t  (E).  J'ai  consacré  à  l'interprétation  de  ce 
passage  très-important  une  note  lue  devant  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres  en  1872.  On  distingue  à  la  fin  après  le  i  les  vestiges  d'un  i<  (E);  il  y  a 
place  encore  pour  une  lettre,  probablement  d  :  nan.  [bjxi. 

L.  13.  —  Il  y  a  un  point  isolant  le  suffixe  n  de  nnn  TE);  ce  fait  qui  n'est  pas 
constant  dans  notre  texte  est  d'un  vif  intérêt  grammatical,  -p^a  est  certain  (E). 
A  la  fm,  après  le  jt  il  y  a  place  pour  une  lettre  et  un  point  :  [.^]x. 

L.  14.  —  Le  73  est  sûr  dans  I  n^n?3  (B).  A  la  fm,  le  point  après  bx'nia'^  est 
douteux.  On  aperçoit  ensuite  une  haste  verticale  et  peut-être  les  traces  d'un 
&<  ou  d'un  1  (E).  Si  cette  haste  est  une  barre  disjonctive,  le  point  après  ?î<-iwi  ne 
doit  pas  exister,  et  la  barre  doit  encore  être  suivie  de  5<i,  pour  que  la  construction 
soit  possible  avec  -]bn-[&t].  Dans  ce  cas,  il  faudrait  lire  :  -|bn-[xil]Kx'iu5i, 
exactement  comme  à  la  ligne  32  nous  avons,  à  propos  d'un  ordre  analogue,  mis 


d'histoire  et  de  littérature.  171 

dans  la  bouche  de  Chamos  :  .  ki  I  lï'nina .  ûnnbh .  «r^.  Cette  restitution  serait, 
également  au  point  de  vue  de  la  longueur  de  la  lacune ,  préférable  à  celle-ci  : 

L.  I  $.  —  Au  lieu  de  »p*i,  il  faut  lire  5>pa  (E),  qui  offre  un  sens  bien  plus 
approprié  aux  idées  sémitiques  pour  indiquer  le  lever  de  l'aurore;  cf.  Isaie  58, 
8  :  ^naa  ypn*»  ti<.  Avant  nin^a  il  faut  rétablir  le  n  de  l'article  qui  a  été  omis  dans 
la  planche. 

L.  16.  —  Le  t  très-bien  conservé  (B)  est  accompagné,  en  bas,  à  gauche, 
d'un  petit  trait  qui  rappelle  l'appendice  que  cette  lettre  présente  à  droite  dans  des 
inscriptions  hébraeo-phéniciennes  (p.  ex.,  sur  un  cachet  antique  de  ma  collection 
avec  le  nom  d^Azariahou,  dans  l'un  des  textes  de  Siloam,  etc.).  Ce  trait,  non 
adhérent  et  qui  ne  se  retrouve  pas  dans  les  autres  t  de  la  stèle,  est  apparemment 
fortuit.  Le  mot  "jabî^  a  beaucoup  souffert  (B),  mais  l'estampage  le  donne  claire- 
ment. Tout  ce  qui  suit  jusqu'à  la  phrase  n^iaai  I  a  presque  entièrement  disparu 
de  l'original  et  est  très-confus  sur  l'estampage  à  cause  de  l'empâtement  du  papier 
dans  cette  région.  En  remontant  à  partir  de  n^niil,  l'estampage  nous  montre 
successivement  :  r  une  lettre  à  queue  qui  peut  être  ■)  ou  ?a  ;  2°  ^  ou  a  ;  3°  un 
caractère  à  haste  verticale  n,  ou  x,  ou  "i,  précédé  d'un  point  ;  4°  les  traces  d'un 
n  (^);  5°  a  (J).  Le  basalte,  en  allant  en  sens  inverse,  à  partir  de  ",sb5<  montre  un 
point,  ou  un  trou,  après  le  b;  le  ■)  a  disparu,  sauf  sa  queue;  tout  ce  qui  suit  est 
très-maltraité  ;  on  aperçoit,  correspondant  à  3°,  une  base  de  haste  précédée  d'une  . 
autre  trace  analogue. 

L.  17.  —  Le  n  par  lequel  débute  la  ligne  est  sur  le  basalte,  suit  son  point, 
ainsi  que  la  naissance  du  t  ;  le  'i  a  disparu  (B).  Après  nnn^y  il  y  a  une  barre 
séparative  très-importante  pour  s'orienter  dans  la  marche  de  la  phrase  commen- 
çant par  .13  (B).  Le  -^  de  ^n«::>  a  sa  queue  inclinée  presque  comme  un  c),  mais 
elle  est  rectiligne  et  non  pas  courbe,  ce  qui  empêche  de  le  confondre  avec  cette 
dernière  lettre  (B).  a^nn  doit  être  ainsi  complété  :  In.na^nn,  «  je  les  ai 
vouées  »  (E  et  B). 

L.  18.  —  J'ai  proposé  de  restituer  au  début  '«^-[a],  ou  i^.[nK]  ;  on  pourrait 
à  la  rigueur  songer  à  'ib-  [itiî<],  si  l'étendue. de  la  lacune  finale  à  la  ligne  précé- 
dente comportait  trois  lettres  '.  Le  n  de  .  nnDN  est  indubitable  ainsi  que  le  point; 
le  a  est  fruste  (B).  Entre  h  et  ^:t},  il  y  a  un  assez  grand  intervalle,  mais  qui  n*a 
jamais  dû  recevoir  de  lettre.  Le  basalte  a  conservé  la  tige  du  \>  avec  le  point  et 
une  trace  du  -i,  dans  ^!!<i\i5'i,^b73.  A  la  fin  33  est  sûr  (E);  reste  la  place  de  deux 
ou  trois  lettres,  p.  e.  :  [n.x.njîn? 

L.  19.  —  A  la  fin,  à  partir  de  s^,  l'estampage,  ayant  été  arraché,  fait  défaut. 

L.  20.  —  Le  î^  de  npî<  a  disparu  (B);  après  ntnîti,  il  y  a  un  point  et  non 
une  barre  (E). 

L.  2 1 .  —  Entre  le  n  et  le  »  de  n»n,  il  y  a  un  semblant  de  point,  mais  haut 

I.  Dans  ce  cas  il  faudrait  supposer  *ib-[3,nï<]. 


172  REVUE   CRITIQUE 

placé  (B).  La  dernière  lettre  de  û-isj'i  est  empâtée  (E).  Le  n  du  second  n^n  ne 
se  distingue  pas. 

L.  2  2 .  —  Dans  le  premier  mot,  B2?n  sont  certains  sur  l'estampage  et  le  basalte  ; 
la  lettre  suivante  est  fort  maltraitée;  il  est  possible  que  ce  soit  un  h  comme  l'a 
admis  M.  de  Vogué,  mais  ce  n'est  pas  certain;  un  pli  accidentel  du  papier  vient 
en  outre  augmenter  cette  incertitude.  La  barre  séparative  avant  -(îki  n'est  pas 
nettement  marquée.  Dans  ïi'i'nisJ^::,  apparence  de  petit  point  entre  les  deux  der- 
nières lettres  (B). 

L.  23.  —  Apparence  de  point  entre  n  et  1  dans  "iwa  (B).  Après  isa^n,  immé- 
diatement avant  la  petite  cassure  primitive,  je  crois  voir  un  point  sur  le  basalte, 
mais  je  ne  parviens  pas  à  le  saisir  sur  l'estampage  ;  le  1  de  -p  est  sûr,  La  lacune 
entre  11  et  .ujxn  est  de  trois  lettres.  Le  ,td  de  .ujïtn  semble  avoir  été  suivi  d'un 
autre  v  dont  il  reste  le  trait  de  droite  (B).  Il  faudrait  donc  traduire  «  les  prisons 

))  des  hommes »  Il  se  peut  que  le  nom  suivant  soit  un  nom  propre,  p.  e.  un 

ethnique  :  le  1  de  finale  -p  indiquerait  une  radicale  ou  une  diphthongue;  p.  e. 
avons-nous  affaire  à  une  épithète  dérivée  d'un  verbe  défectif. 

L.  24.  —  Le  n  initial,  marqué  douteux,  est  sûr  (E  et  B).  ibias?  est  suivi  d'un 
point  (E  et  B);  il  y  a  place  ensuite  pour  une  lettre. 

L.  2  j.  —  Apparence  de  point  dans  nn^a,::  (B).  Même  remarque  pour  i.n'is. 
A  la  fin,  le  mot  qui  suit  nnnp  commence  certainement  par  ï<a  (E);  après  îo, 
il  y  a  place  pour  trois  lettres  (E).  Conformément  à  la  suggestion  consignée 
p.  39  de  mon  mémoire,  je  proposerai  de  restituer:  [i-*ib&<]  ('in'iD5<)  «  les  prison- 
»  niers  [d'Israël]  » . 

L.  26.  —  Avant  bi^'n^'i  qui  commence  la  ligne,  il  nous  faut  une  lettre  qui 
devrait  être  suivie  d'un  point  :  le  *'  final  du  dernier  mot  de  la  ligne  précédente 
*''nbN  ferait  juste  l'affaire.  Le  second  •)  de  -p^ït  n'offre  plus  que  des  traces. 

L.  27.  —  Le  premier  mot  est  certainement  -j35<  (É  et  B).  La  lecture  D-nn  est 
confirmée  (E  et  B),  bien  que  le  n  soit  martelé  sur  le  basalte.  A  la  fin  •^y.'^a  est 
évident  (E  et  B).  Il  y  a  ensuite  place  pour  une  lettre.  Il  faut  probablement  lire 
[,  n]  'is? .  "^D  «  qui  était  ruinée  » .  m:?  offre  un  sens  strictement  parallèle  à  celui  de 
D'nn.  Peut-être  au  lieu  du  n,  avons-nous  un  n  à  cause  d'un  trait  oblique  sur 
l'estampage. 

L.  28.  —  Il  reste  avant  le  .^j  qui  précède  p*»*!  un  trait  oblique  (B)  qui  semble 
appartenir  à  un  jt  ou  à  un  ^^  ;  faudrait-il  restituer  )y^^ ,  titx,  «  les  hommes  de 
»  Dibon  »,  ou  bien  considérer  ce  ;2J  comme  la  dernière  radicale  d'un  verbe  à  la 
première  personne  du  singulier  combiné  avec  le  ",  conversif.?  La  lacune  initiale 
devait  comprendre  quatre  lettres;  la  troisième  de  ces  lettres  était  p.  e.  n  ou  s 
à  en  juger  par  deux  traces  de  hastes  verticales.  Il  semble  que  nous  avons  affaire 
à  une  phrase  très-courte  sans  lien  avec  celle  où  figure  Beser,  et  à  laquelle  se 
rapporte  la  proposition  explicative  pii.ÎJD.'^s.  A  la  fin  après  bîQ  il  y  a  place 
plutôt  pour  deux  lettres  que  pour  une. 


d'histoire  et  de  littérature.  175 

L.  29.  —  C'est  ici  que  je  propose  de  placer  le  fragment  nous  donnant  le  début 
de  trois  lignes  qui  seraient  29,  30,  31;  la  contiguïté  du  gros  bloc  empêche  de 
faire  remonter  ce  fragment  plus  haut,  mais  il  pourrait  à  la  rigueur  descendre  plus 
bas.  Le  premier  caractère  est  assez  ambigu  :  il  a  Tallure  d'un  r  ;  on  pourrait  le 
considérer  comme  appartenant  à  une  terminaison  ^n  et  le  rattacher  au  verbe  de 
la  ligne  précédente  :  ["^Jn-b^  ou  [ijn.'/b^a.  Cependant  on  pourrait  admettre 
que  cette  ligne  se  terminant  par  [in]b:o  et  que  la  première  lettre  de  la  ligne  29 
n'a  rien  de  commun  avec  ce  mot.  Cette  première  lettre  a  par  moments  l'air  d'un 
K  :  après  nouvel  examen  du  basalte  le  caractère  qui  la  suit  n'était  pas  un  ■>,  ce 
qui  exclut  la  restitution  ^n  ;  ce  caractère  était  une  lettre  à  haste  verticale.  Puis 
vient  une  lacune  de  trois  lettres  dont  la  médiale  a  son  emplacement  marqué  par 
un  petit  fragment  de  basalte  malheureusement  fruste.  Avec  le  groupe  nxia  com- 
mence l'estampage;  est-ce  le  mot  «  cent  »  ou  la  terminaison  d'un  autre  mot? 
•j-ipn  .'nxTan  présenterait  une  singulière  ressemblance  avec  n^-^pn  ni^i(2Chron. 
4  :  3).  Il  y  a  p.  e.  quelque  rapport  entre  -j^Tan  de  la  phrase  antérieure  et  ni<B, 
si  tous  deux  sont  des  noms  de  nombre.  Il  y  a  sûrement  •^pstj'^  (E)  et  non  tsdx 
comme  le  veut  M.  Noldecke.  A  la  fin  p  est  très-visible;  le  r\  se  dérobe,  mais  il 
y  a  l'espace  nécessaire  pour  le  loger. 

L.  30.  —  Le  fragment  nous  fournit  un  "^  initial,  suivi  d'un  point  qui  complé- 
terait à  merveille  le  mot  précédent  :  i-[n]33.  A  partir  de  cette  lettre  s'étend  une 
lacune  allant  jusqu'à  un  k  qui  précède  immédiatement  irbm .  rai  ;  j'évalue  cette 
lacune  à  environ  six  lettres  (B) ,  et  je  propose ,  m'appuyant  sur  l'existence  de 
cet  î<  et  sur  l'analogie,  de  restituer  un  nom  de  ville  :  i^mnia,  p.  e.  précédé  de  rï< 
pour  parfaire  le  nombre  de  lettres  nécessaires.  La  répétition  de  Madeba  déjà 
mentionné  à  la  ligne  8  n'a  rien  qui  doive  surprendre;  c'est  exactement  le  cas  de 
Baalmeon  qui  figure  à  la  ligne  9  et  à  la  1.  30.  La  cassure  primitive  devait  com- 
mencer à  cet  fit.  Après  le  dernier  53  de  la  ligne,  il  y  a  un  n  ou  un  n  (E)  qui  doit 
la  terminer. 

L.  31.  —  Le  fragment  isolé  semble  donner  un  ^  pour  la  première  lettre  de  la 
ligne,  puis  vient  une  lacune  d'environ  six  ou  sept  lettres.  Ensuite  (B)  trois 
caractères  qui  paraissent  être  "jî^s,  précédant  immédiatement  -pxn  ;  p.  e.  au  lieu 
de  :£  avons-nous  un  n  ;  le  •)  est  douteux  ;  -,ït:£  serait-il  «  les  troupeaux  »  et 
aurait-il  quelque  rapport  avec  -ppn  =  û-'ipn  ?  On  attendrait  plutôt  un  mot  ayant 
le  sens  de  «  limite  ».  La  lacune  après  nn.ni!:'!  contient  d'abord  un  n  (E),  suivi 
d'un  vide  oii  deux  lettres  peuvent  tenir;  puis  un  t  (E  et  B)  précédé  d'un  point 
(très-douteux);  puis  les  vestiges  d'un  "i  ou  d'un  n  (J).  Serait-ce  un  nom  propre: 
"n . .  n  ?  Le  n  indiquerait-il  un  patronymique  ?  Ensuite  des  traces  où  je  crois 
reconnaître  i3î<[i?]. 

L.  32.  —  Il  faut  lire  '^b.'-iTSX'^l  (E);  auparavant  s'étend  une  lacune  de  huit  ou 
neuf  lettres;  si  nous  avons  bien  -|3î<  à  la  fin  de  la  ligne  précédente,  il  est  suppo- 
sable  que  celle  qui  nous  occupe  débutait  par  un  verbe  à  la  première  personne  du 


174  REVUE   CRITIQUE 

parfait.  A  la  fin  ï<i  doit  apparemment  se  compléter  en  iij^i  ou  t3nnî)i<i  p.  e.  suivi 
de  nn  (en  rejetant  bien  entendu  l'excédant  de  cette  restitution  au  commencement 
de  la  ligne  suivante);  la  lacune  qui  suit  5^1  est  d'environ  trois  lettres. 

L.  33.  —  .ujTSD.n  est  précédé  d'un  n  (E),  ce  qui  rapproche  tout  à  fait  ce 
passage  de  celui  de  la  ligne  9  :  ^^^^ ,  ujaa  »nn  ;  là  commençait  la  cassure  ancienne. 
Il  manque  environ  quatorze  lettres.  bsJi . 'i^s'^m  est  suivi  (E  et  B)  de  traces  où  je 
crois  saisir  les  éléments  d'un  n;  puis  1  suivi  d'un  point;  puis  d^a  (E  et  B)  : 
«  Et  je  montai,  ou  je  fis  monter  de  là.  »  inbs?  correspond  bien  à  ^n:  «descends» 
et  tendrait  à  indiquer  que  Mésa  revient  de  son  expédition  de  Horonaïm  par  le 
même  chemin,  par  ce  nma  dont  parle  Jérémie  (48  :  5).  D'après  ce  que  nous 
avons  vu  précédemment  à  Ataroth  et  à  Nébo ,  il  est  admissible  que  Mésa  après 
avoir  pris  Horonaïm  en  rapporte  quelque  trophée  désigné  par  un  mot  dont  il 
nous  reste  les  deux  premières  lettres  \î::}  suivies  d'une  haste  verticale  appartenant 
p.  e.  à  un  n  ou  à  un  n  :  =  1^5?  (d'^'iitts?,  etc.) .? 

L.  34.  —  Le  papier  de  l'estampage  étant  trop  court  coupe  obliquement  par 
son  bord  inférieur  la  trente-quatrième  ligne  et  n'en  donne  que  la  fm.  Le  basalte  et 
l'estampage  combinés  fournissent  avec  presque  certitude  :  xi  I  pi^ ,  niu.  Je  suppose 
que  p^^  =  p"i:£  ;  cette  variante  orthographique  est  tout  à  fait  dans  les  habitudes 
sémitiques;  elle  repose  sur  le  principe  de  la  réaction  des  lettres  fortes  sur  les 
douces  (spécialement  sur  les  sifflantes),  qui  permet  par  exemple  d'écrire  j^-^**'! 
à  côté  de  pns^  et  ^iXsr'^  à  côté  de  pn:£  ;  la  tonalité  dominante  pour  ainsi  dire 
étant  réglée  par  la  lettre  forte  p,  il  est  indifférent  d^ écrire  la  sifflante  par  un  •*!)  ou 
un  y.  p^i2j  =  p.  e.  p-^n^  (p^'^'-^)  ^o^s  offre  une  foule  de  sens  :   «  victoire, 

prospérité,  justice,  salut,  etc »  qui  sont  bien  en  situation  à  la  fin  de  cette 

proclamation  d'un  roi  vainqueur,  nw,  s'il  n'est  la  fm  d^un  mot,  peut  signifier 
«  année  »;  s'il  s'agit  d'un  monument  commémoratif,  «  colonne  ».  Ensuite  (E) 
vient  une  barre  séparative  suivie  de  t^i  où  il  me  paraît  difficile  de  voir  des 
chiffres  et  qui  appartiennent  p.  e.  au  traditionnel  [-^3]  î<%  ce  qui  impliquerait 
que  le  monument  avait  au  moins  une  trente-cinquième  ligne. 

C.  Clermont-Ganneau. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  3  septembre  1 87  5 . 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie,  pour  la  commis- 
sion des  inscriptions  sémitiques,  divers  documents  envoyés  par  M.  Cherbonneau. 

M.  Léon  Renier  rend  compte  de  quelques  inscriptions  latines  dont  des  copies 
ou  des  estampages  ont  été  envoyés  par  M.  de  Sainte  Marie.  Une  de  ces  inscrip- 
tions paraît  intéressante,  elle  contient  le  cursus  honorum  d'un  sénateur  romain  : 
mais  la  copie  envoyée  est  insuffisante,  il  faudrait  avoir  un  estampage.  Trois  autres 


d'histoire  et  de  littérature.  175 

sont  des  inscriptions  funéraires.  Enfin,  M.  de  Sainte  Marie  a  aussi  envoyé 
l'estampage  d'une  inscription  bilingue,  latine  et  néopunique.  Il  n'en  reste  que 
des  fragments,  mais  les  lacunes  du  latin  peuvent  être  comblées  à  l'aide  de  la 
partie  punique,  et  réciproquement.  M.  Derenbourg,  qui  a  étudié  spécialement 
cette  partie,  présente  à  ce  sujet  quelques  observations  :  jointes  à  celles  de 
M.  Renier,  elles  établissent  que  l'inscription  est  la  dédicace  d'un  temple,  consa- 
cré par  un  certain  Azrubal,  en  mémoire  de  son  père  Arsimelec. 
M.  de  Longpérier  fait  une  communication  sur  le  vers  : 

Indocti  discant,  et  ament  meminisse  periti. 

Ce  vers  est  souvent  cité,  mais  on  ignore  généralement  quel  en  est  l'auteur,  et 
on  le  croit  antique.  Il  est  du  président  Hénault,  qui  l'a  mis  en  épigraphe  en  tête 
de  son  Nouvel  abrégé  chronologique  de  l'histoire  de  France,  avec  cette  indica- 
tion :  Traduit  des  vers  741  et  742  de  l'Essai  sur  la  critique  de  Pope.  On  trouve 
en  effet  dans  Pope  à  l'endroit  indiqué  deux  vers  qui  expriment  la  même  idée  : 

Content,  if  hence  th'  unlearn'd  their  wants  may  view, 
The  learn'd  reflect  on  what  before  they  knew. 

Dans  l'édition  du  Nouvel  abrégé  chronologique  publiée  en  1768,  la  dernière  qui 
ait  paru  du  vivant  de  l'auteur,  le  renvoi  à  Pope  ne  se  trouve  plus,  le  vers  latin 
seul  est  resté  ;  il  a  été  aussi  seul  reproduit  dans  les  éditions  postérieures,  en  sorte 
que  l'origine  en  a  été  vite  oubliée.  —  Cherchant  ensuite  ob.  Pope  avait  pu 
prendre  cette  pensée,  M.  de  Longpérier  la  rapproche  d'un  passage  de  Boccace, 
Décaméron,  3''  journée,  6^  nouvelle  :  «  H  che  ad  una  ora  a  voi  presterrà  cautela 
»  nelle  cose  che  possono  avvenire,  e  daravvi  diletto  délie  avvenute.  »  M.  de 
Longpérier  pense  que  peut-être  c'est  ce  passage  qui  aura  inspiré  à  la  fois  Pope 
et  Hénault,  mais  que  celui-ci  aura  ensuite  trouvé  mieux  séant  de  citer  Pope  que 
Boccace. 

M.  Derenbourg  fait  une  communication  sur  une  inscription  néopunique  trouvée 
en  février  dernier  dans  un  champ  près  de  Cherchell  par  un  habitant  du  pays, 
M.  Schmitter.  La  pierre  qui  la  porte,  un  bloc  cubique  de  marbre  blanc,  a  été 
acquise  par  le  m.usée  du  Louvre.  M.  Derenbourg  traduit  ainsi  cette  inscription  : 
«  Un  souvenir  durable  pour  la  femme  bonne,  intelligente!  A  érigé  ce  monument 
«  Rosch,  fille  de  Abdaschmoun,  fils  de  Azrouba'al,  à  sa  mère,  à  cause  de  son 
»  affliction  :  après  qu'eût  fait  (auparavant  déjà)  un  signe  pour  les  vivants  le  mari 
»  d'elle,  Azrouba*al,  le  jeune  (ou  :  le  gendre).  Elle  était  partie,  Hodba'al, 
»  fille  de  Schaklan,  sa  mère,  pour  se  soumettre  pendant  cinquante  ans,  sur  l'île 
»  de  Haschbar,  à  la  purification  prescrite,  et  elle  s'est  gardée  de  voir  les  eaux 
»  du  roseau  et  l'île  de  Dara,  afin  de  se  conserver  heureuse,  comme  aussi  elle  a 
))  eu  la  récompense  de  la  perfection  de  son  œuvre,  elle  qui  s'est  endormie  à  l'âge 
»  de  quatre  vingts  ans.  »  On  voit  qu'il  s'agit  de  deux  îles  voisines,  dont  l'une 
était  bénie  et  servait  de  lieu  de  purification  et  de  retraite,  tandis  que  l'autre  était 
maudite  au  point  qu'il  suffisait  de  l'apercevoir  pour  être  profané.  M.  Desjardins, 
qui  a  été  consulté  par  M.  Derenbourg  sur  l'identification  des  lieux  mentionnés 
dans  cette  inscription,  pense  que  le  nom  de  Haschbar  doit  désigner  une  des  îles 


176  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

Fortunées;  Dara  serait  une  autre  île  du  même  archipel,  elle  pourrait  avoir  pris 
son  nom  du  peuple  des  Darades,  qui  vivaient  sur  la  côte  voisine  (de  même  que 
les  Canarii,  peuple  de  la  côte,  ont  donné  leur  nom  à  l'île  de  Canada ,  la  princi- 
pale des  Fortunées,  nom  qui  s'est  ensuite  étendu  à  l'archipel  entier). 

M.  Desjardins  commence  la  lecture  d'un  rapport  de  M.  Guérin  au  ministre  de 
l'instruction  publique  sur  sa  mission  en  Palestine ,  qui  a  été  communiqué  par  le 
ministre  à  l'académie.  Dans  ce  rapport,  M.  Guérin  indique  l'itinéraire  qu'il  a 
suivi,  les  difficultés  qu'il  a  rencontrées,  les  ruines  qu'il  a  visitées.  Il  a  parcouru 
une  partie  de  la  Galilée,  fait  le  tour  du  lac  de  Tibériade  et  visité  les  villes  de  la 
Décapole.  Il  a  trouvé  dans  l'ancienne  ville  de  Gadara  les  ruines  de  deux  théâtres, 
non  loin  de  là  des  sources  thermales  déjà  mentionnées  par  les  anciens  et  qui  sont 
encore  fréquentées  aujourd'hui,  ailleurs  encore  des  ruines  antiques,  à  Caphar- 
naùm  les  restes  d'un  monument  qu'il  regarde  comme  la  synagogue  qui  existait 
dans  cette  ville  au  temps  de  Jésus.  Mais  il  a  pu  constater  la  détérioration  crois- 
sante de  tout  ce  qui  reste  de  monuments  antiques  en  ces  contrées  :  on  exploite 
les  ruines  pour  en  tirer  des  matériaux  de  construction;  ou  bien  les  Arabes, 
voyant  l'intérêt  avec  lequel  les  Européens  recherchent  les  ruines  antiques,  pensent 
qu'elles  renferment  des  trésors,  et  vont  jusqu'à  briser  les  blocs  de  marbre  sculptés 
pour  y  trouver  les  objets  précieux  qu'ils  y  croient  enfouis.  —  MM.  Derenbourg 
et  L.  Renier  expriment  le  regret  que  M.  Guérin  ne  donne  pas  plus  de  détails  sur 
les  monuments  antiques  qu'il  a  vus.  Il  est  étonnant  qu'il  n'ait  trouvé  aucune 
inscription  à  y  relever.  M.  Derenbourg  voudrait  que  M.  Guérin  se  fût  mis  plus 
en  peine  de  justifier  ses  assertions;  on  ne  voit  pas  à  quel  signe  il  peut  reconnaître 
l'ancienne  synagogue  de  Capharnaùm ,  ni  pourquoi  le  monument  qu'il  appelle 
ainsi  ne  serait  pas  aussi  bien  un  oratoire  musulman ,  ou  tout  autre  édifice.  — 
M.  le  président  fait  observer  que  M.  Guérin  n'a  envoyé  encore  qu'un  rapport 
sommaire  destiné  à  indiquer  les  points  sur  lesquels  se  sont  portées  ses  recherches, 
et  qu'il  se  réserve  sans  doute  d'en  exposer  les  résultats  avec  plus  de  détails  dans 
un  rapport  ultérieur. 

Ouvrages  déposés  :  Le  Blant,  Tablai  égyptiennes  à  inscriptions  grecques  (mémoire 
extrait  de  la  Revue  archéologique);  —  A.  Léger,  Les  travaux  publics,  les  mines  et  la 
métallurgie  aux  temps  des  Romains,  Paris,  1875,  gr.  8*  (ouvrage  envoyé  au  concours 
des  antiquités  de  la  France);  —  présentés  de  la  part  des  auteurs  par  M.  L.  Renier  :  — 
Rossi,  Bullettino  di  archeologia  cristiana,  2*  fascicule;  —  Daremberg  et  Saglio, 
Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et  romaines,  4*  fascicule. 

Julien  Havet. 


LIVRES  DÉPOSES  AU   BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Herbart's  Paedagogische  Schriften  hrsg.  v.  Willmann,  2  Bde  (Leipzig,  Voss).  — 
Ley,  Grundziige  des  Rhythmus,  des  Vers-  und  Strophenbaues  in  der  hebraeischen  Poésie 
(Halle,  Buchhdlg  des  Waisenhauses).  —  G.  Meyer,  Zur  Geschichte  der  Indogermani- 
schen  Stammbildung  und  Declination  (Leipzig,  Hirzel).  —  Œuvres  complètes  de  Mon- 
tesquieu, par  E.  Laboulaye.  T.  I.  Lettres  Persanes  (Paris,  Garnier  frères). 

Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 
Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


l 


Literarîsches  Centralblatt,  n"  54,  21  août.  Kuenen,  Les  Origines  du  texte 
masoréthique  de  PAncien  Testament,  tr.  p.  Carrière  (cf.  Rev.  crit.,  1875,  II, 
.1).  —  HouTSMA,  De  Strijd  over  het  dogma  in  den  Islam.  Leiden,  Van  Does- 
urgh.  In-S",  14^  p.  (écrit  de  valeur  et  qu'on  voudrait  voir  traduit  en  une 
langue  plus  accessible  que  le  hollandais).  —  Schum,  Ein  thùringisch-bairischer 
Briefsteller  des  xv.  Jahrh.,  herausg.  und  erl.  Halle,  B.  des  Waisenhauses.  In-8% 
vj.56  p.  —  LiLiENCRON,  Mittheilungen  aus  dem  Gebiete  der  œffentlichen  Meinung 
in  Deutschland  waehrend  der  zweiten  Haelfte  des  16.  Jahrh.  Mùnchen,  Franz  in 
Comm.  In-4",  66  p.  (travail  estimable,  malgré  quelques  omissions).  —  Wie- 
GAND,  Die  Vorreden  Friedrich's  des  Grossen  zur  «  Histoire  de  mon  temps  ». 
Strassburg,  Trùbner.  In-8",  86  p.  (cet  écrit  tend  à  montrer  que  Frédéric  le 
Grand  n'a  pas  été  apprécié  à  sa  juste  valeur  comme  historien).  —  Hillebrand, 
Zeiten,  Vœlker  und  Menschen.  2.  Bd.  Waelsches  und  Deutsches.  Berlin,  Oppen- 
heim.  In-8°,  xij-46?  p.  (réimpression  d^articles  publiés  dans  divers  recueils).  — 
ScHULTE,  Die  Geschichte  der  Quellen  und  Literatur  des  canonischen  Rechts  von 
Gratian  bis  auf  die  Gegenwart.  3  Bde.  i.  Bd.  Einleitung.  Stuttgart,  Enke. 
In-8°,  viij-264  p.  (cette  introduction  s'étend  jusqu'à  l'époqye  de  Grégoire  IX). 
—  EuTiNG,  Sechs  phœnikische  Inschriften  aus  Idalion.  Strassburg,  Trùbner. 
In-4",  17  p.  (le  déchiffrement  laisse  peu  à  désirer.  —  Suhle  u.  Schneidewin, 
Uebersichtliches  griechisch-deutsches  Wœrterbuch.  Leipzig,  Hahn.  In-8",  x  p.- 
1928  col. -31  p.  (on  recommande  chaudement  ce  dictionnaire  aux  savants).  — 

P.  Vergili  Maronis  opéra ed Forbiger.   Pars  III.  Ed.  IV.   Leipzig, 

Hinrichs.  In-8°,  xxxix-843  p.  —  Bûcher,  Geschichte  der  technischen  Kûnste. 
2.  Lief.  Stuttgart,  Spemann.  In-8°,  63  p.  (peinture  sur  verre  et  mosaïque). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n"  2  $,  19  juin.  Grill,  Die  Erzvaeter  der  Mensch- 
heit.  Abth.  i.  Leipzig,  Fues's  Verl.  In-8°,  xvj-362  p.  (Schrader).  —  Henke's 
Neuere  Kirchengeschichte.  Herausg.  v.  Gass.  Bd.  I.  Halle  a.  S.,  Lippert'sche 
B.  In-8%  xvj-448  p.  (Nippold).  —  Petermann,  N.  Sewerzow's  Erforschung 
des  Thian-Schan-Gebirgs  Systems  1867.  Erste  Haelfte.  Gotha,  Perthes.  In-4", 
vj-$o  p.  (Kirchhoff).  —  Von  Arneth,  Geschichte  Maria  Theresia's.  Bd.  5.  6. 
Wien,  Braumûller.  In-8°,  xij-541  ;  xij-5i4p.  (Arnold  Sch^efer).  —  Kelch, 
Lieflaendische  Historia.  Von  Lossius.  Lief.  1.  Dorpat,  Glaesers  Verl.  (Winkel- 
mann).  —  Verzeichniss  der  Handschriften  der  Stiftsbibliothek  von  St.  Gallen. 
Halle,  B.  d.  Waisenh.  In-8°,  xij-650  p.  (W.  Arndt).  —  Herbst,  Johann 
Heinrich  Voss.  Bd.  I.  II,  i.  Leipzig,  Teubner.  In-8°,  x-342;  vj-i-364  p. 
(Conrad  Bursian).  —  Acta  Societatis  philologae  Lipsiensis  ed.  Ritschelius. 
T.    II,   2.  V.  Lipsiae,  Teubner  (0.   Ribbeck).  —  Commentationes  philologae. 

Scripserunt  seminarii  philologici  regii  Lipsiensis  Sodales.  Lipsiae,  Giesecke 

u.  Devrient.  In-8",  286  p.  (W.  Teuffel).  —  Sprachwissenschaftliche  Abhand- 
lungen  hervorg.  aus  Georg  Curtius'  grammatischer  Gesellschaft  in  Leipzig. 
Leipzig,  Hirzel.  In-8°,  175  p.  (B.  Delbrùck). 

La  Hivista  Europea.  Avril  1875.  P.  Boborykin,  Del  criticismo  russo.  — 
B.  Paulovic',  La  stregoneria  nel  rinascimento  e  sotto  la  riforma  (montre  que  la 
persécution  des  sorciers  a  été  plus  forte  aux  xv^  et  xvi'-  siècles  que  pendant  le 
moyen-âge).  —  B.  Tanari,  Degli  Archivi  e  di  quello  di  Siena  in  particolare 
(fragment  du  livre  inédit  de  la  marquise  Tanari  sur  les  sceaux  de  la  ville  et  de 
la  province  de  Sienne).  —  Alcune  lettere  dantesche  di  Gaetano  Trevisani  a 
Michel  Angelo  Caetani.  —  Patuzzi,  Cesare  Betteloni  (suite).  —  G.  Sforza, 
Rassegna  degli  studii  storici  in  Italia  (fait  l'historique  des  sociétés  d'histoire 
nationale.  Ce  premier  article  est  consacré  à  l'Académie  de  Lucques).  —  Biblio- 
graphie et  nouvelles  littéraires  italiennes,  françaises,  roumaines,  slaves,  alle- 
mandes et  orientales. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-proroptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Bonnassies  (J.).  La  Comédie  française, 
histoire  administrative  lé^-iyjy.  In- 12, 
xiv-38op.  Paris  (Didier  et  C").  3  fr.  50 

Brives- Gazes  (E.)  La  Chambre  de 
justice  de  Guyenne  en  i  ^03-1  ^84.  In-8*, 
126  p.  Bordeaux  (imp.  Gounouilhou). 

Chambre  des  Comptes  de  Paris.  Essais 
historiques  et  chronologiques,  privilèges 
et  attributions  nobiliaires  et  armoriai; 
par  le  comte  H.  Coustant  d'Yanville. 
9"  fascicule.  In-4°,  857-1032  p.  Paris 
(Dumoulin). 

Chevalier  (C.-U.-J.).  Choix  de  docu- 
ments historiques  inédits  sur  le  Dauphiné, 
publiés  d'après  les  originaux  conservés  à 
la  Bibliothèque  de  Grenoble  et  aux  Ar- 
chives de  l'Isère.  In-8°,  viij-400  p.  Lyon 
(Brun).  9  fr. 

Courtat.  Les  vraies  lettres  de  Voltaire  à 
l'abbé  Moussinot,  publiées  pour  la  pre- 
mière fois  sur  les  autographes  de  la 
Bibliothèque  nationale.  In-8*,  xliv-243  p. 
Paris  (Laine).  5  fr. 

Demmin  (A.).  Encyclopédie  historique, 
archéologique,  biographique,  chronolo- 
gique et  monogrammatique  des  beaux- 
arts  plastiques.  Architecture  et  mosaïque, 
céramique ,  sculpture,  peinture  et  gravure. 
T.  3.  L'art  de  la  gravure,  son  histoire 
et  sa  technologie.  Caractères  typogra- 
phiques. Médailles  et  monnaies.  Estampes. 
Caries  géographiques.  Dorure  et  reliure. 
Table  générale  alphabétique  avec  460  gr. 
In-S",  p.  2437-2866.  Paris  (Furne, 
Jouvet  et  C«). 

Dictionnaire  des  antiquités  grecques  et 
romaines  d'après  les  textes  et  les  monu- 
ments, contenant  l'explication  des  termes 
qui  se  rapportent  aux  mœurs,  aux  insti- 
tutions, à  la  religion,  aux  arts,  aux 
sciences,  au  costume,  au  mobilier,  à  la 
guerre,  à  la  marine,  aux  métiers,  aux 
monnaies,  poids  et  mesures,  etc.,  et  en 
général  à  la  vie  privée  et  publique  des 
anciens.  Ouvrage  rédigé  par  une  société 
d'écrivains  spéciaux,  d'archéologues  et  de 
professeurs,  sous  la  direction  de  MM.  C. 


Daremberg  et  E.  Saglio.  Avec  3000  fig. 
d'après  l'antique  dessinées  par  P.  Sellier 
et  gravées  par  Rapine.  3*  fascicule.  In-4', 
p.  321-480  avec  i96fig.  Paris  (Hachette 
et  Ce).  5  fr. 

Diez  (F.).  Grammaire  des  langues  ro- 
manes. 3*  édit.  refondue  et  augmentée. 
Traduit  par  G.  Paris  et  A.  Morel-Fatio. 
T.  2.  2'  fascicule.  In-8*,  p.  225-460. 
Paris  (lib.  Franck).  6  fr. 

Domenech.  La  prophétie  de  Daniel,  phi- 
losophie de  l'histoire  depuis  la  création 
juscju'à  la  fin  des  temps.  2  vol.  in-8", 
xxij-1036  p.  Paris  (Palmé). 

Espagne  (A.).  Proverbes  et  dictons  re- 
cueillis à  Aspiran.  In-8*,  46  p.  Mont- 
pellier (Coulet). 

Guillemin  (J.).  Une  fausse  résurrection 
littéraire.  Clotilde  de  Surville  et  ses  nou- 
veaux apologistes,  ln-8%  46  p.  Chalon- 
sur-Saône  (imp.  Landa). 

Hyver.  Maldonat  et  les  commencements 
de  l'Université  de  Pont-à-Mousson  (i  572- 
1582)  avec  pièces  justificatives.  In-8', 
xxxviij-62  p.  Nancy  (imp.  Collin). 

Lalore.  Collection  des  principaux  cartu- 
laires  du  diocèse  de  Troyes.  T.  1.  Car- 
tulaire  de  l'abbaye  de  Saint-Loup  de 
Troyes.  In-8%  xlij-365  p.  Paris  (Thorin). 

Maunoir  (C).  Rapport  sur  les  travaux 
de  la  Société  de  géographie  et  sur  les 
progrès  des  sciences  géographiques  pen- 
dant l'année  1872.  ^-8",  72  p.  Abbeville 
(imp.  Briez,  Paillart  et  Retaux). 

Saint-Simon.  Mémoires  publiés  par 
MM.  Chéruel  et  A.  Régnier  fils  et  colla- 
tionnés  de  nouveau  pour  cette  édition  sur 
le  manuscrit  autographe,  avec  une  notice 
de  M.  Sainte-Beuve.  T.  17.  In- 18  jésus, 
456  p.  Paris  (Hachette  et  C').    3  fr.  50 

Toustain  de  Billy  (R.).  Histoire  ec- 
clésiastique du  diocèse  de  Coutances. 
Publiée  pour  la  première  fois  par  F. 
Dolbet.  T.  I.  In-8*,  404  p.  Rouen 
(Métérie). 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N°  38  Neuvième  année.  18  Septembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE   F>UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


Prix  d^abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   11  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  G u yard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


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67,  rue  de  Richelieu. 

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nier,  directeur  d'études  adjoint,  i  aMivraison  (fin).  i  fr.  50 

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•  IVl  U  M  M  O  lLi  IN  duite  de  l'allemand  par  le  duc  de  Blacas 
et  publiée  par  J.  de  Witte,  membre  de  l'Institut.  Tome  IV  et  dernier,  i  vol. 
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P-Q  T  T-^  Q  r-\  r^  rp  Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant 
•  1  1  Ci  rv  r\  Ci  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i ^'' fascicule. 
Gr.  in-8".  6  fr. 

ET-x  T-^       r^  >^  J  ]  r^  17      Chrestomathie   égyptienne.  Abrégé 
•      *-^.tîi      iXvJ  U  Ij  Ej      grammatical.  3» fascicule.        20  fr. 
Le  4e  fascicule  est  sous  presse. 


PÉRIODIQUES. 

Revue  de  l'Instruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique. 
Nouv.  série.  T.  XVIII,  4^  livr.  Observations  sur  le  Programme  des  cours  des 
Athénées  royaux  (J.  Gantrelle  et  A.  Wagener).  —  Le  Codex  Bruxellensis  du 
Florilège  de  Stobée  (P.  Thomas,  suite).  —  Note  sur  un  passage  d'Horace  (E. 
Jopken).  —  Le  caractère  légendaire  de  Phistoire  liégeoise  jusqu'au  xiii*"  s.  (G. 
Kurth).  —  De  quelques  parisianismes  populaires,  etc.  (Ch.  Nisard,  8^  suite  et 
fin).  —  Comptes-rendus  :  Remarques  sur  le  Querolus  (P.  Thomas). 

The  Academy,  n°  17^,  new  séries,  28  août.  Reisen  in  der  asiatischen 
Turkei,  von  J.  Seiff.  Leipzig,  Hinrichs,  iSyj  (C.  H.  Bunburg  :  bonnes  obser- 
vations sans  mérite  littéraire).—  Memoirs  of  sir  John  Reresby  of  Thryberg(i634- 
1689),  editedby  James Cartwright.  London,  Longmans.  1875  (R.  C.  Browne: 
ces  Mémoires  d'un  courtisan  des  Stuarts  très-importants  pour  les  règnes  de 
Charles  II  et  de  Jacques  II  sont  édités  par  M.  C.  d'après  un  manuscrit  du  British 
Muséum  beaucoup  plus  complet  que  ceux  précédemment  connus.  Malheureuse- 
ment M.  C.  n'a  pas  toujours  absolument  respecté  le  texte  de  son  auteur).  — 
L'Histoire  de  France,  par  M.  Guizot,  t.  IV  (S.  R.  Gardiner  :  agréable  lecture, 
mais  mauvais  livre  d'histoire). — A  visit  to  Bristol  and  Bath  a  century  ago  (récit 
inédit  d'un  prêtre  irlandais  en  l'année  1772).  —  Higher  éducation  in  the  sou- 
thern  states  of  America.  —  German  Letter  (Aldenhoven  :  traite  des  récents  livres 
d'art  et  de  philologie).  —  Correspondance  (E.  W.  West:  Détermination  du 
sens  du  mot  pehlvi  Hômâst  qui  indique  la  répétition  quotidienne  d'une  partie  du 
Zend-Avesta  pendant  une  certaine  période  de  temps).  —  The  Copenhagen 
Muséum  of  prehistoric  antiquities  (H.  Schliemann).  —  Meeting  of  the  British 
Association.  —  Royal  Commission  on  scientific  instruction  and  the  advancement 
of  science,  6th,  7th,  8th  report  (S.  Cotton,  2*=  article).  —  Ceramic  Art  in  remote 
Ages,  by  J.  B.  Waring.  London,  Day.  187$.  (Bury  Palliser  :  article  favo- 
rable). —  British  Archaeologists  at  Evesham  (Ch.  Robinson).  —  Meeting  of  the 
Cambrian  Archaeologist  at  Carmarthen  (J.  Davies). 

The  Athenœum,  n*  2496,  28  août.  A.  Wilson.  TheAbode  ofSnow  :  Obser- 
vations on  a  Journey  from  Chinese  Tibet  to  the  Indian  Caucasus,  etc.  Black- 
wood  and  Sons  (l'auteur  a  franchi  l'Himalaya  par  des  routes  peu  connues;  son 
ouvrage,  d'une  lecture  agréable,  contient  de  précieux  renseignements  géogra- 
phiques et  autres).  —  The  Establishment  of  the  British  Muséum  (détails  sur 
l'administration  de  cet  établissement,  qui  n'emploie  pas  moins  de  ^16  personnes). 

—  «  Renout  van  Montalbaen  »  (intéressant  article  sur  cette  édition  du  texte 
hollandais  du  Renaud  de  Montauban).  —  Geographical  Notes  (compte-rendu 
d'une  nouvelle  carte  de  la  frontière  Nord-Est  de  Perse  dressée  d'après  les  obser- 
vations du  Col.  V.  Baker  et  du  Lieut.  Gill).  —  The  Outfall  of  LakeTanganyika. 

—  The  British  Archaeological  Association  (2''  art.).  —  W.  Chappell  ,  The 
History  of  Music.  Vol.  I.  Chappell  and  Co.;  Gevaert,  Histoire  et  Théorie  de 
la  Musique  de  l'Antiquité  (appréciation  assez  sévère  du  i*""  de  ces  deux  ouvrages; 
le  second  est  jugé  favorablement  :  cf.  Rev.  crit.^  1875,  I,  p.  282). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  3  $ ,  28  août.  B^deker,  Palaestina  und 
Syrien.  Leipzig,  Baedeker.  In-8°,  xiv-585  p.  (ce  manuel  du  voyageur  rédigé  par 
M.  Socin  fait  honneur  à  la  science  allemande).  —  Seiff,  Reisen  in  der  asiati- 
schen Turkei.  Leipzig,  Hinrichs.  In-8°,  vj-533  p.  (contient  beaucoup  de  rensei- 
gnements nouveaux).  —  Vitae  Catonis  fragmenta  Marburgensia  nuper  reperta 
praemisit  Henr.  Nissen.  In-4°,  23  p.  (cette  vie  inédite  paraît  être  une  traduction 
libre  de  Plutarque,  faite  au  moyen-âge,  plutôt  qu'une  compilation  de  sources 
romaines,  comme  le  croit  l'éditeur).  —  Schiller's  Briefwechsel  mit  seiner 
Schwester  Christophine  und  seinem  Schwager  Reinwald.  Herausg.  v.  Vv^end.  v. 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  38  '  --18  Septembre  —  1875 

Sommaire  :  i88.  De  Olmos,  Grammaire  de  la  langue  mexicaine,  p.  p.  Siméon.  — 
189.  Hanoteau  et  Letourneux,  La  Kabylie  et  les  coutumes  kabyles.  —  190. 
Choix  de  discours  de  Lysias,  p.  p.  Frohberger.  —  191.  Dr^ger,  Syntaxe  histo- 
rique de  la  langue  latine,  t.  I,  2'  partie.  —  ic)2.  De  Mulinen,  Spécimen  d'un 
dictionnaire  biographiaue  et  bibliographique  des  historiens  et  érudits  de  la  Suisse.  — 
Sociétés  savantes  :  Acaaémie  des  inscriptions. 

188.  —  Grammaire  de  la  langue  Nahuatl  ou  Mexicaine,  composée,  en  1 547, 
par  le  Franciscain  André  de  Olmos  et  publiée  avec  notes,  éclaircissements,  etc.,  par 
Rémi  SiMÉON.  In-8°.  Paris,  Imprimerie  Nationale.  1875.  xv-274  p. 

Né  en  1491  au  village  de  Ona,  province  de  Burgos,  l'auteur  de  la  grammaire 
mexicaine  publiée  par  M.  Rémi  Siméon  prit  son  nom  du  bourg  de  Olmos  près 
Valladolid  où  il  fit  ses  premières  études.  Moine  à  vingt  ans,  il  s'attacha  à  Fr.  Juan 
de  Zumarraga  et  le  suivit  dans  tous  ses  voyages  en  Biscaye  d'abord  et  plus  tard 
quand  son  patron  fut  promu  à  Pévèché  de  Mexico  (i  528)  dans  les  régions  nou- 
vellement découvertes  de  l'Amérique.  Il  y  apprit  plusieurs  des  langues  du 
Mexique,  le  nahuatl  y  le  huaztèque,  le  îoîonaque,  le  tepehua  et  ne  cessa  pendant 
quarante-trois  années  consécutives  de  prêcher  la  foi  chrétienne  aux  indigènes. 
Durant  les  quelques  instants  de  repos  que  lui  laissaient  ces  pénibles  prédications, 
il  trouva  moyen  de  fonder  sept  couvents ,  d'enseigner  le  latin  au  collège  de  la 
Santa-Cruz  à  Mexico  ',  de  composer  dans  les  différents  idiomes  du  Mexique  des 
grammaires  et  des  livres  de  piété.  Il  mourut  à  Tampico  le  8  octobre  1571,  à 
l'âge  de  quatre-vingts  ans. 

Aucun  des  ouvrages  qu'il  avait  composés  ne  fut  publié  de  son  vivant  :  d'abord 
conservés  en  manuscrit  dans  les  couvents  de  son  ordre,  ils  ont  fini  par  disparaître. 
Cent  années  après  sa  mort  on  ne  connaissait  plus  de  lui  que  la  Grammaire 
Nahuatl,  la  grammaire,  le  vocabulaire,  la  doctrine  chrétienne  et  le  confession- 
naire  en  langue  huaztèque  déposés  à  Ozoloama,  près  de  Tampico.  VArte  para 
aprender  la  lengua  Mexicana  est  le  seul  que  nous  possédions  aujourd'hui.  Il  vient 
d'être  publié  par  M.  Rémi  Siméon  d'après  deux  manuscrits  appartenant  l'un  à  la 
Bibliothèque  nationale  (fonds  espagnol,  n*»  259,  ancien  8172),  l'autre  à  M.  Mai- 
sonneuve,  libraire-éditeur  à  Paris.  Ces  deux  manuscrits,  qui  se  contrôlent  et  se 
complètent  mutuellement,  permettent  de  rétablir  le  texte  du  Franciscain  avec 
une  entière  certitude  :  il  est  cependant  à  regretter  que  l'éditeur  n'ait  pu  colla- 
tionner  ni  le  manuscrit  conservé  à  la  Bibliothèque  nationale  de  Madrid,  ni  le 
manuscrit  appartenant  à  M.  Aubin.  Ce  dernier  a  d'autant  plus  de  valeur  qu'il  a, 
dit-on,  appartenu  successivement  à  Barthélémy  de  Las  Cases  et  à  Torquemada. 
La  grammaire  mexicaine  n'est  ni  meilleure  ni  plus  mauvaise  que  les  gram- 

i.  Il  y  succédait  à  un  Français,  Fr.  Arnauld  de  Bassace. 

XVI  12 


lyS  REVUE    CRITIQyEu,fr|.JÎ :/ 

maires  des  langues  américaines  dues  aux  moines  du  xvi^  et  du  xviie  siècle.  Elle 
est  conçue  comme  les  autres  sur  le  plan  de  la  grammaire  latine  d'Antoine  de 
Nebrija,  c'est-à-dire  qu'on  y  trouve  des  gérondifs,  des  impératifs  vétatifs  et  tout 
le  cortège  des  temps  et  modes  classiques.  M.  Rémi  Siméon  s'est  acquitté  avec 
tout  le  soin  désirable  de  sa  tâche  d'éditeur  :  peut-être  a-t-il  poussé  un  peu  loin 
le  scrupule  en  reproduisant  jusqu'aux  fautes  d'orthographe  des  manuscrits  origi- 
naux. Je  comprends  qu'il  ait  tenu  à  garder  les  mots  et  les  formes  vieillies  :  agir 
autrement  eût  été  altérer  le  texte  de  son  auteur.  Mais  à  quoi  bon  imprimer 
bueluerij  etc. .''  —  Ajoutons  pour  terminer  que  M.  Rémi  Siméon  nous  promet  une 
grammaire  du  Nahuatl  rédigée  d'une  manière  plus  scientifique  et  dépouillée  de 
tout  cet  appareil  grotesque  de  conjugaisons  et  de  déclinaisons  qui  fait  de  l'étud^ç 
des  langues  américaines  un  travail  des  plus  difficiles.  -  jfî 

G.  Maspero. 

189.  —  La  Kabylie  et  les  coutumes  Kabyles,  par  A.  Hanoteau,  général  de 
brigade  et  A.  Letourneux,  conseiller  à  la  Cour  d'appel  d'Alger.  Paris,  Imprimerie 
nationale.  1872- 1874  (T.  I,  II-515  p.  carte;  t.  II,  $60  p.;  t.  III,  ^64  p.).  —  Prix,^; 
30  fr.  / 

L'ouvrage  de  MM.  Hanoteau  et  Letourneux  renferme  :  i*»  la  description  génlw 
graphique  et  scientifique  du  pays  (t.  I);  2*»  un  exposé  de  l'organisation  politique 
et  de  l'administration  (t.  II,  p.  i-nO*5  3°^^s  principes  du  droit  civil  (t.  Il, 
p.  135  — t.  III,  p.  $1),  du  droit  criminel  et  pénal  (t.  III,  p.  135-327)  de  la 
Kabylie,  rangés  par  livres,  titres  et  chapitres;  enfin  4" toute  une  série  de  pièces 
justificatives  d'où  sont  extraits  en  partie  les  renseignements  et  les  formules  donnés 
dans  les  sections  précédentes  de  l'ouvrage.  Les  pages  consacrées  au  droit 
échappent  par  la  nature  même  du  sujet  à  une  analyse  exacte  :  je  me  bornerai  à 
résumer  ce  que  MM.  Hanoteau  et  Letourneux  nous  apprennent  sur  l'organisation 
politique  et  sur  l'administration. 

Campées  dans  les  montagnes  du  littoral  algérien  depuis  une  haute  antiquité, 
les  tribus  berbères  de  la  Kabylie  ont  toutes  subi  l'influence  de  l'islamisme.  Les 
unes  ont  perdu  leurs  coutumes  propres ,  l'usage  de  leur  langue  nationale  et 
jusqu'au  souvenir  de  leur  origine  :  elles  croient  être  de  sang  arabe  et  obéissent 
aux  prescriptions  de  la  loi  musulmane.  D'autres  n'ont  pris  qu'une  partie  du 
code  étranger,  d'autres  enfin  ont  pu  conserver  jusqu'à  nos  jours  leur  com- 
plète indépendance  :  elles  sont  soumises  aux  mêmes  lois  qui  régissent  encore 
les  nations  berbères  de  l'Afrique  entière  et  la  régissaient  déjà  sans  doute  dès 
l'antiquité,  non-seulement  à  l'époque  grecque  ou  romaine,  mais  au  temps  où  les 
Loubou,  les  Tahennou  et  les  Tamahou  de  l'Est  se  mesuraient  avec  les  armées 
égyptiennes  de  Ménephtah  et  de  Ramsès  III.  Sans  doute  les  vieilles  coutumes 
ont  dû  se  modifier  profondément  au  cours  des  siècles  et  au  contact  des  différentes 
civilisations  étrangères  qui  ont  passé  sur  l'Afrique  :  elles  n'en  sont  pas  moins 
restées  assez  fidèles  à  l'esprit  antique  de  la  race  pour  nous  permettre  dès 
aujourd'hui  de  constater  que  les  chefs  de  la  grande  invasion  berbère,  dirigée 
contre  l'Egypte  il  y  a  plus  de  trois  mille  ans,  agissaient  au  fond  d'après  le& mêmes 
principes  que  les  Kabyles  de  MM.  Hanoteau  et  Letourneux.      ,rF  ub  oimq  in-  ' 


d'histoire  et  de  littérature.  179 

a  L'organisation  politique  et  administrative  du  peuple  kabyle  est  une  des  plus 
»  démocratiques  et,  en  même  temps,  une  des  plus  simples  qui  se  puissent  ima- 
»  giner.  Jamais,  peut-être,  le  système  de  self-governmenî  n'a  été  mis  en  pratique 
»  d'une  manière  plus  complète  et  plus  radicale;  jamais  administration  n'a 
»  compté  un  nombre  aussi  restreint  de  fonctionnaires  et  n'a  occasionné  moins 
»  de  dépenses  à  ses  subordonnés.  »  L'unité  du  monde  kabyle  est  le  village 
(Thaddarth)  :  il  nomme  ses  chefs,  fait  ou  modifie  ses  lois.  S'il  est  assez  fort  pour 
se  passer  de  ses  voisins,  il  garde  son  indépendance  et  vit  isolé  du  reste  de  la 
nation  ;  sinon,  il  se  joint  à  un  ou  deux  villages  voisins  et  forme  avec  eux  une 
tribu  (a^rch).  Plusieurs  tribus  s'assemblent  en  confédération  (jhak'ebilt)  :  il  est 
rare  que  plusieurs  confédérations  s'unissent  par  des  liens  permanents  et  forment 
autre  chose  que  des  alliances  momentanées. 

La  seule  autorité  du  village  est  l'assemblée  générale  des  citoyens  (thadjemaïî 
ou  djemâ^a).  Elle  émet  en  matières  politiques,  administratives  et  même  judiciaires, 
des  décisions  souveraines  qu'elle  exécute  elle-même  ou  fait  exécuter  par  ses 
délégués.  Son  autorité  s'étend  sur  tout  et  n'a  d'autres  limites  que  celles  qu'il  lui 
plaît  de  se  donner,  d'autre  tempérament  que  le  respect  inné  des  coutumes  antiques. 
Elle  délègue  son  pouvoir  à  une  sorte  d'officier  municipal  qui  se  nomme,  selon 
les  endroits,  amiriy  amek'k'eran  Cgrand,  chef),  ou  amfà'f  (vieillard).  L'amin  se 
choisit  pour  coadjuteurs  dans  chaque  fraction  du  village  des  t'amen  qui  doivent 
le  prévenir  des  moindres  délits  venus  à  leur  connaissance,  mais  n'ont  qualité 
pour  rien  réprimer.  L'amin  lui-même  ne  peut  prendre  de  décision  sur  aucune 
affaire  importante  sans  l'avis  de  la  djema'at-  Sa  responsabilité  disparaît  alors 
devant  celle  de  l'assemblée  générale.  •  >^^".^^!^  ■  .-^f^^' 

La  population  de  chaque  village  est  divisée  en  çof.  Ce  sont  «  des  associations 
))  d'assistance  mutuelle  pour  la  défense  et  pour  l'attaque  dans  toutes  les  éven- 
»  tualités  de  la  vie.  Leur  but  est  assez  bien  défini  par  le  vieil  adage  :  Ouinnek 
»  aïoun  ith  idhelem  nif  medhloum,  «  aide  les  tiens,  qu'ils  aient  tort  ou  raison.  » 
Une  fois  admis  dans  un  çof,  l'individu  n'est  pas  obligé  d'y  rester  toute  sa  vie  : 
il  en  peut  changer  sans  scrupule,  au  gré  de  son  caprice  ou  de  son  intérêt.  Sa 
fidélité  est  une  question  de  passion,  plus  souvent  une  question  d'argent  :  «  quel- 
»  ques  douros,  un  sac  de  figues,  une  provision  d'huile,  un  bon  dîner  même, 
«  suffisent  pour  conquérir  au  çof  un  défenseur.  Ces  transactions  honteuses  sont 
))  réprouvées  par  l'opinion  publique;  aucun  parti,  néanmoins,  ne  se  fait  scrupule 
»  d'y  avoir  recours.  La  vénalité  n'est  pas  restreinte,  malheureusement,  à  ces  cas 
»  particuliers  :  en  général,  chez  les  Kabyles,  partout  où  la  corruption  est  pos- 
»  sible,  elle  existe.  »  Malgré  cette  versatilité,  ils  se  donnent  à  leur  parti,  quel 
qu'il  soit,  avec  passion,  et  ne  reculent  devant  rien  pour  soutenir  son  honneur  et 
ses  intérêts.  Le  p/,  de  son  côté,  n'abandonne  jamais  ses  partisans  :  il  venge  leurs 
injures,  leur  porte  secours  en  cas  de  besoin  ou  de  danger,  adopte  leurs  enfants 
et  les  nourrit  à  ses  frais.  L'extension  du  fo/ n'est  pas  bornée  au  village,  ni  même 
à  la  tribu  :  elle  gagne  les  tribus  étrangères,  qui  entrent  réciproquement  dans  le 
fo/les  unes  des  autres.  C'est  alors,  de  la  part  des  gens  de  tribus  différentes,  qui 
font  partie  du  même  çofj  un  échange  constant  de  bons  offices  et  de  secours.  Les 


|80  REVUE   CRITIQUE 

finances  de  l'association  s'alimentent  de  cotisations  volontaires  proportionnées 
aux  ressources  de  chaque  individu.  «  Cet  impôt  est  celui  que  les  Kabyles  paient 
»  le  plus  volontiers,  et  le  seul  qu'ils  acquittent  sans  l'avoir  consenti,  sans  cher- 
»  cher  même  à  en  connaître  l'emploi.  Lorsque  les  chefs  ont  besoin  d'argent  pour 
»  nouer  des  intrigues,  acheter  des  consciences,  préparer  une  trahison,  négocier 
»  l'assassinat  d'un  ennemi  dangereux,  ils  se  concertent  entre  eux,  contractent 
»  des  emprunts,  soldent  les  dépenses  et  ne  font  connaître  à  la  foule  que  la 
»  somme  à  payer.  Le  secret  reste  entre  trois  ou  quatre  personnes  au  plus.  Les 
»  dépenses  plus  avouables,  et  qui  ne  demandent  pas  de  mystère,  sont  débattues 
»  et  contrôlées  par  le  çof  tout  entier.  » 

Afin  d'obvier  autant  que  possible  aux  inconvénients  que  la  guerre  ou  les 
intrigues  des  çof  pourraient  avoir  pour  les  personnes  étrangères,  la  législation 
kabyle  a  recours  à  Va^nàia.  «  Va^ndia,  dans  sa  forme  la  plus  habituelle,  est  la 
»  protection  accordée  à  une  ou  plusieurs  personnes,  par  un  particulier,  un  çof, 
»  un  village,  une  tribu.  Le  Kabyle  qui  accorde  son  a'naïa  doit,  sous  peine 
»  d'infamie,  y  faire  honneur,  dût-il  s'exposer  à  tous  les  dangers.  On  dit  prover- 
»  bialement,  Ouin  fa  iddoun  d'el-a^naïa,  meh'asoul  d'el-meggeîh  alemma;  «  celui 
»  qui  accompagne  son  a^naïa  (son  protégé)  est  censé  mort,  jusqu'à  ce  qu'il  l'ait 
»  conduit  en  lieu  sûr.  »  Va^naïa,  ai  celui-ci  qui  l'accorde  ne  peut  seul  la  faire 
»  respecter,  impose  les  mêmes  obligations  à  sa  famille  d'abord,  puis  à  son  çof, 
»  à  son  village,  à  sa  tribu  et,  dans  certains  cas,  à  la  confédération  tout  entière.  » 

L'ordre  systématique  adopté  par  MM.  Hanoleau  et  Letourneux  permet  d'étu- 
dier jusque  dans  ses  moindres  particularités  la  législation  et  la  constitution  des 
tribus  kabyles.  Le  résumé  rapide  que  je  viens  de  donner  suffit  à  montrer  jusqu'à 
quel  point  le  régime  politique  de  ces  peuples  a  conservé  les  habitudes  et  les 
instincts  des  races  primitives  de  l'Afrique  septentrionale.  Pour  le  détail  des  cou- 
tumes et  des  institutions,  je  ne  puis  que  renvoyer  le  lecteur  au  texte  même  de 
MM.  Hanoteau  et  Letourneux  :  il  y  admirera  la  patience  et  la  sagacité  vraiment 
merveilleuses  avec  lesquelles  les  traditions  du  droit  oral  et  coutumier,  les  déli- 
bérations des  djema^a,  les  actes  des  tribus,  ont  été  rassemblés  et  inter- 
-  prêtés.  Il  fallait,  pour  mener  à  bonne  fin  pareille  entreprise,  un  philologue  et  un 
juriste  qui  eussent  longtemps  vécu  dans  le  pays  et  connussent  le  caractère  de  ses 
habitants.  Mettant  en  commun  leur  science  et  leurs  études,  ils  ont  réussi  à  faire, 
;sur  la  Kabylie  contemporaine,  une  des  monographies  les  plus  intéressantes  qui 

;;aient  paru  dans  ces  derniers  temps. 

G.  Maspero.  .,.♦ 


,î6lf, 


190.  —  Ausgewsehlte  Rfedteii''det3  Lysilas."  Fûr-den'Schulgebrauch  erklasrt  von 
Hermann  Frohberger.  Kleinere  Ausgabe.  i  vol.  in-8*  de  411  p.  — Prix  :  4  fr. 

Il  faudrait  qu'on  ne  pût  jamais  dire,  avec  mépris,  d'un  livre  «  classique  »  ', 
qu'il  est  «  bon  pour  les  élèves.  »  Le  vrai  principe,  c'est  que  rien  ne  peut  être 

I .  Disons  pour  les  étrangers  que  le  caprice  des  libraires  français  a  attribué  au  mot 
u  classique  »  la  signification  de  «  scolaire.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  i8i 

assez  bon  pour  eux.  Mais,  plus  que  tout  le  reste,  une  édition  destinée  à  Pusage 
des  classes  mérite  que  celui  qui  la  revoit  apporte  tous  ses  soins  à  cette  tâche. 
Si  le  Choix  de  discours  de  Lysias,  que  M.  F.  a  donné,  en  trois  fascicules,  de  1866 
à  1873,  dans  la  collection  (Teubner)  d'auteurs  grecs  et  latins  avec  notes  expli- 
catives en  allemand,  a  été  si  bien  accueilli  que  son  auteur  se  voit  obligé  d'en 
préparer  déjà  une  seconde  édition',  cela  tient  sans  doute  à  ce  que  ce  travail  a  été 
composé,  à  l'origine,  en  vue  de  servir  également  au  professeur  et  à  l'élève, 
M.  F.  en  extrait  aujourd'hui  une  «  petite  édition  »  en  un  seul  volume  —  c'est 
celle  dont  nous  venons  rendre  compte  —  qu'il  a  dégagée,  en  grande  partie,  de 
l'appareil  scientifique  et  qu'il  destine  spécialement  à  l'élève.  Ne  notant  point  les 
leçons  des  manuscrits,  elle  ne  saurait  servir  à  une  lecture  critique  de  Lysias. 
Elle  renferme,  néanmoins,  quelques  conjectures  nouvelles,  et  témoigne,  sans 
contredit,  d'un  effort  sérieux  de  la  part  de  son  auteur  pour  nous  offrir  un  texte 
aussi  épuré  que  possible.  Le  présent  volume  est  le  précurseur  de  la  seconde 
«  grande  édition  »,  qui  est  annoncée.  Il  la  devance,  probablement,  de  peu  : 
cependant,  dans  l'intervalle,  M.  F.  pourra  encore  se  raviser,  corriger  et  amé- 
liorer. Nous  lui  soumettrons  donc  notre  sentiment  sur  plusieurs  points  sur  lesquels 
nous  ne  tombons  point  d'accord  avec  lui ,  dans  l'espoir  que  si  nos  observations 
ne  portent  pas  à  faux,  la  réimpression  prochaine  en  profitera. 

Le  nouveau  «  Choix  de  discours  de  Lysias  »  comprend  les  quatorze  discours 
suivants  dans  l'ordre  suivant  :  Contre  Eraîosthène  {XII),  Agoraîos  (XIII),  Renver- 
sement de  la  démocratie  [XXV],  Mantithée  {XVI),  Philon  (XXXI),  Alcibiade  i  et  2 
(XIV-XV),  Nicomaque  {XXX),  Biens  d'Aristophane  (XIX),  Olivier  sacré  (VII),  Acca- 
pareurs (XXII),  Théomneste  (X),  Invalide  (XXIV),  Diogiton  (XXXII).  Seul  le  discours 
«  sur  le  meurtre  d'Eratosthène  )>,  admis  dans  la  précédente  édition,  n*a  pas  été 
réimprimé;  mais,  par  compensation,  les  discours  VII  et  XXII  ont  été  appelés, 
cette  fois,  à  faire  partie  du  «  Choix  ».  Ils  présentent  l'un  et  l'autre  un  grand 
intérêt  et  méritaient  certainement  d'être  choisis  ;  nous  espérons  qu'ils  ne  seront 
pas  exclus,  à  l'avenir,  de  la  grande  édition.  C'est  surtout  à  la  lecture  de  ces  deux 
derniers  discours  que  nous  nous  sommes  attaché ,  parce  que  les  autres,  déjà 
publiés,  il  n'y  a  pas  bien  longtemps,  par  M.  F.,  contiennent  relativement  peu  de 
nouveautés. 

VII  I.  C'est  évidemment  à  tort  que  M.  F.  conserve  la  leçon  du  manuscrit, 
à7rp(7Bo/.YjTO)ç.  (On  sait  qu'il  n'existe,  à  proprement  parler,  qu'un  seul  manuscrit 
de  Lysias,  le  Palatinus  88,  duquel  tous  les  autres  dérivent.)  Il  faut  lire,  avec 
tous  les  éditeurs,  àTCpocBoy.-^Totç.  Le  sens  est  alors  :  «  Je  suis  tombé  dans  des 
»  procès  si  imprévus  et  entre  les  mains  de  sycophantes  si  méchants  que,  etc.  » 
Dans  le  système  de  M.  F.,  irovr^poîç  devient  une  épithète  de  nature  tout  à  fait 


1 .  Cet  article  était  déposé  depuis  longtemps  au  bureau  de  la  Revue^  quand  nous  avons 
trouvé  dans  le  Cenîralblatî  la  fâcheuse  nouvelle  de  la  mort  de  M.  Frohberger.  Nous 
laissons  tel  quel  notre  article,  qu'il  nous  serait  difficile  de  modifier  à  l'heure  qu'il  est. 
Disons  seulement  que  nous  aurions  relevé  moins  sévèrement  certaines  négligences,  si 
nous  avions  soupçonné  qu'il  avait  pu  être  impossible  à  l'auteur  de  revoir  lui-même  les 
épreuves  de  son  œuvre. 


l82  REVUE    CRITIQUE 

redondante.  Quant  à  la  faute  dcTupocBcx-/] t w ç ,  elle  s'explique  par  ouxwç  qui  pré- 
cède immédiatement.  — Au  contraire,  au  chap.  XXXI,  §  34,  M.  F.  fait  bien  de 
défendre  la  leçon  b\Laq  du  manuscrit  contre  la  conjecture  û^àTv,  généralement 
adoptée. 

VII  2.  A  Pappui  de  la  restitution  <(pa(7tv>  *  à^avi^siv,  on  peut  citer,  au  §  11  : 
<pY;al  S'  ô  y.cuv'q'^opoq.  —  Ibid.  au  lieu  de  à7:opa)TdTY]v,  M.  Tournier  a  proposé, 
avec  raison,  ce  semble,  (XTOpwxépav  dans  les  Exercices  critiques,  n°  100  (Biblio- 
thèque de  l'École  des  Hautes-Études,  fascicule  X^) . 

VII  4.  La  conjecture  de  M.  Cobet  BY]iJ.£u6évTa)v  Bè  iwv  èxeîvou  nous  paraît 
préférable  à  celle  de  M.  F.  —  Ibid.  (et  XIII,  71).  Les  fragments  du  décret 
athénien  dans  lequel  il  est  fait  mention  d'Agoratos  sont  reproduits  au  Corpus 
Inscriptionum  Atîicarum,  t.  I,  sous  le  n°  59.  Il  est  à  désirer  que,  dans  la  prochaine 
réimpression,  M.  F.  convertisse  une  partie  de  ses  renvois  et,  pour  toutes  les 
inscriptions  athéniennes  antérieures  à  l'archontat  d'EucHde,  cite  le  n°  sous  lequel 
elles  sont  classées  au  Corpus  attique.  Il  nous  semble  même  que  cette  dernière 
publication  avait  vu  le  jour  assez  à  temps,  pour  qu'il  eût  été  possible  de  faire 
ce  changement  déjà  dans  la  petite  édition. 

VII  5.  Nous  croyons  qu'il  faut  lire  :  ouB'  d  'KoXkcà  èvtjaav  [xopCai,  et  non  : 
cuâ'  £t  TTdtXai  èv^aav  (jLupiai.  MopCai  est  la  leçon  du  manuscrit;  TuoXXai  (MS.  TzâXai) 
a  été  conjecturé  successivement  par  un  copiste  du  xvi^  siècle  (le  copiste  du 
manuscrit  C),  par  Reiske  et  par  nous,  avant  que  nous  sussions  que  la  correction 
avait  été  proposée.  (Voir  les  raisons  daîis  Tournier,  Exercices  critiques,  n°  42.) 
Nous  conseillons,  par  suite,  à  M.  F.  de  supprimer  la  note  :  «  {xupiat]  Ein  kecker 
»  Ausdruck  :  etc.  »  —  Ibid.  (et  XXV,  9).  Est-il  bien  sûr  qu'il  faille  changer 
icepi  en  uxep  ? 

VII  6.  "Oti  nous  paraît  bon,  mais  nous  lirions  :  àXXwç  ts  /.at  <oti>  touto 
TO  xwpCov.  Cp.  §  28  :  ly,  toutou xou  ywpiou. 

VII  7.  Il  faudrait  adopter  l'excellente  correction  de  M.  Meutzner  offw  [Kokiaza. 
(C'est  par  erreur  que  M.  F.  écrit  toujours  Mentzner,  et  cela  dans  ses  deux 
éditions.) 

VII  10.  La  conjecture  de  M.  Meutzner  —  ^ç  TéôVYjxe  •  <v.cà>  xoluto.  <Tà> 
Tpîa  ETY]  —  étant  plus  méthodique  que  celle  de  M.  F.,  est  à  préférer.  !*— /tirf. 
'É|X£[jia8o)To,  au  lieu  de  ij;.ia8a)aaT0,  ne  nous  paraît  pas  nécessaire.'"'  ''   '*  ^^^' 

VII  1 1 .  La  priorité  de  la  conjecture  <pav£p(i)Tepov  doit  appartenir  à  Mark- 
land. 

VII  1 5.  L'addition  de  te  n'est  sûre,  ni  ici,  ni  au  discours  X,  §  3. 
'    VII  14.  Il  vaut  mieux  lire,  comme  M.  Cobet,  tou  ayjîtou  <£V>6vtoç  :  Cp. 

§§5  et  42. 

VII  15.  Kal  d  [fhf  aiff/pcv  9iv  {Aévov  to  'Kpot^]xa!. ^  i^wç  àv  Ttç  twv  TcapiévTWV 
r^{jt.£Xr^Œ£  •  vuv  â'  ou  x£pl  aia^uvr^ç  àWà  ty^ç  t;.£Yi<TTr;ç  t,'q\)Aaç  £*xivB6v£uov.  Ce 
passage  a  été  mal  compris,  si  nous  ne  nous  trompons,  par  plusieurs  interprètes 
qui  ont  suivi  la  traduction  latine  :  «  praetereuntium  forsan  unus  vel  alter  (eam 

I.  Nous  plaçons  entre  crochets  obliques  les  suppléments  destinés  à  combler  les  lacunes. 


d'histoire  et  de  littérature.  181 

»  rem)  neglexisset.  »  Pour  nous,  en  comparant,  au  §  17,  d  twv  oîy.£xG>v 
îrapéaiT)  \).oi  [j.Yjoàv  çpovii^eiv,  nous  entendrions  plutôt  :  «  Si  l'acte  n'était  que 
»  honteux,  on  comprendrait  que  j'eusse  pu  le  commettre  sans  m'inquiéter  des 
»  passants.  »  Si  cette  interprétation  est  la  bonne,  il  faudrait  avertir  l'élève,  par 
une  note,  que  twv  TrapicvTwv  ne  dépend  pas  de  tiç,  mais  de  '^^ixéX-^ae. 

VII  19  note.  Nous  demandons  qu'on  attelle  à  la  voiture,  non  pas  des  enfants 
(Kinder) ,  mais  des  bœufs  (Rlnder) . 

VII  23.  M.  F.  conjecture  inutilement,  à  notre  avis  :  Beivé-caT' ojv  xaa^^a) 
<u7cb  T0UT0Ut>,  Sç,  £1  xtX. ;  car  la  correction  de  M.  Scheibe  —  BavcTax'  ouv 
Tziaxiùi  Sffo),  d  xtX.  —  nous  semble  tout  à  fait  plausible. 

VII  25.  .rva)[jLovaç.  Il  faudrait,  suivant  nous,  corriger  èTuri^cûpLOvaç,  en  se  fon- 
dant sur  l'autorité  d'Harpocration  (s.  v.  eTuiYvtop.ovaç),  qui  ne  connaissait  pas, 
quoi  qu'en  dise  M.  F.  (voir  Einleitungy  p.  316,  note  21),  la  variante  -^(ùixo^aç. 
rva)iJt.a)v,  dans  le  sens  spécial  qu'on  lui  attribue  ici,  est  un  aTcaJ  £'!pr<{xévov,  et 
l'autre  leçon  est  préférable  à  plusieurs  égards.  —  Ibid.  'EÇYî[;.(a)ffé  <\i>  wç. 
M'  (ou  plutôt  [JL£),  puisque  Lysias  n'évitait  pas  l'hiatus)  est  une  excellente  addi- 
tion. Elle  est  de  Meutzner,  ce  dont  il  aurait  fallu  prévenir  le  lecteur. 

VII  41  note.  Nous  ne  voyons  pas  comment  «  on  pourrait  conclure  de  ^evo- 
»  {Jiévou  que  l'accusé  avait  perdu  femme  et  enfants  ».  Eût-il  éprouvé  un  semblable 
malheur,  sa  maison,  au  moment  où  il  parle,  n'est  pas  déserte  :  elle  le  deviendrait, 
seulement,  par  le  fait  de  sa  condamnation  à  l'exil,  car  il  est  sans  enfants  et  il 
n'y  a  pas  d'autre  mâle  que  lui  dans  la  maison  (àiuaiç  wv  xat  [kô^oç] .  —  Dans  le 
texte,  l'insertion  de  ouarjç  nous  paraît  au  moins  inutile. 

XII  3j.  AtaT£ivo^£vouç  est  une  mauvaise  conjecture.  M.  F.  n'a  pas  tenu 
compte  de  l'observation  de  M.  Kayser. 

XXII  $.  C'est  avec  raison  que  M.  F.,  revenant  à  la  leçon  des  manuscrits, 
supprime  y.ai  devant  dr.i.  Mais  nous  ne  changerions  pas  hd^Ti^i  en  àvâgiQTs./,. 

XXII  7.  Il  faut  supprimer  ty]v,  avec  Dobree.  Cp.  VII  2]  zxjvr(^  l^y)ii.{av  oiEiat 
Xp'^jVai  Yevé<TÔai,  XXV  1 3,  TauTY^v  Tuap'  r^\km  tcigtiv  £tXr^(péT£ç  et  la  note  de  M.  F. 
sur  ce  dernier  passage.  Nous  nous  permettrons  de  faire  observer,  en  passant, 
que  beaucoup  de  bonnes  conjectures  de  l'éminent  critique  Dobree  n'ont  pas  été 
remarquées,  jusqu'ici,  par  les  éditeurs.  Il  y  a  encore  un  grand  parti  à  tirer  de 
ses  «  Adversaria  critica  ».  Ce  livre,  qui  vient  d'être  réimprimé,  est  désormais 
accessible  à  tout  le  monde. 

XXII  8.  n£pi  nous  semble  oiseux  :  nous  ne  l'ajouterions  pas.  —  îbid.  «  Il  est 
»  de  l'intérêt  des  Athéniens,  qui  achètent  le  blé  aux  marchands  de  grains,  que 
»  ceux-ci  l'acquièrent  au  meilleur  compte  possible  :  car  il  faut  qu'ils  le  leur 
»  revendent  seulement  une  obole  plus  cher  au  médimne  (ou  boisseau) .  »  Cette 
traduction,  conforme  au  texte  du  manuscrit  et  de  toutes  les  éditions,  rend  sen- 
sible une  altération,  qui  n'avait  pas  échappé  à  Dobree.  Nous  ne  croyons  pas 
cependant  qu'il  ait  reconnu  la  vraie  nature  du  mal.  A  notre  avis,  le  sens  qu'on 
attend  est  le  suivant  :  «  —  car  il  faut  que  ceux-ci  le  leur  revendent  plus  cher, 
»  ne  fût-ce  que  d'une  obole  au  médimne.  »  Nous  serions  tenté  de  proposer  :  S£Îv 
YopaÙTouç,  <y.àv>  o^oXo)  [agvov,  '::a)X£Îv  Tt|x'.a)'çepoy.  Sur  cet  emploi  de  xàv, 


184  ;  '  '"        REVUE  CRITIQUE 

cp.,  par  exemple,  Aristophane,  Acharniens^  v.  102 1  :  {i-éTpYjGov  zlpri^iriq  -ci  |jloi, 

XXII  18.  La  conjecture  èTCi0u|;.oît£  est  bjonne,  A  l'insu  de  M.  F.,  elle 
appartient  à  Dobree.  amiîiO); 

XXII  20.  Nous  retrancherions ,  pour  notre  part,  TzoiçxxM-^iKaToq  heY.y.,  Déjà 
Dobree  voulait  éliminer  du  texte  r,oi.pc(.zBi-^[X(xzoq.  On  a  le  choix  entre  les  deux 
corrections.  —  Ibld.  Il  serait  bon  de  lire  avec  MM.  Cobet  et  Hirschig  :  <x.al> 

XXX  2.  Il  y  aurait  lieu,  selon  nous,  de  tenir  compte  de  la  conjecture  de 
Dobree  :  wv  aùxoç  èirsT-^Seucre.  —  Au  §  8,  Dobree  retranche  avec  raison,  ce 
semble,  5x1.  —  Nous  conserverions  ivé^paçe,  au  §  3,  et  èYïpa?£iç,  au  §  $  ; 
aUToîç,  au  §  28.  —  Au  §  19,  nous  lirions  :  Trpûxov  [asv  v.cLià  xà  Tuaxpia  ôueiv  à 
jj.aXXov  ffU[ji,(pép£i  TY)  iréXei,  liusiB'  a  ô  Sy)[jloç  èt);Y)9(caT0  xat  âuv"^(76iJi.£Ôa  Sa-irocvav  èx 
xwv  TupoGicvTwv  xpr^[jLaTO)v.  —  §  28  note.  M.  H.  Droysen  fils  a  fait  remarquer, 
dans  un  bon  travail  intitulé  De  Demophanti  Paîrodidis  Tisameni  popuUscitis,  etc. 
(Berlin,  1873),  ^^^  ^'^^^  se  livrer  à  une  supposition  gratuite  que  de  considérer 
comme  un  seul  et  même  personnage  :  i**  Tisamène  qui  fut  questeur  d'Athénée 
en  Pan  414  av.  J.-C.  (voir  Corp.  Inscr.  Attic,  t.  I,  n°  133)  ;  2°  Tisamène  auteur 
du  décret  cité  chez  Andocide,  M  y  stères  j  au  §  83  ;  et  3**  Tisamène  fils  de  Mécha- 
nion. 

Quoi  que  nous  puissions  penser  d'un  certain  nombre  de  conjectures  qui  nous 
paraissent  bien  hasardeuses,  nous  n'hésitons  pas  à  reconnaître  que  le  nouveau 
texte  de  Lysias  est  en  progrès  sur  les  éditions  précédentes.  Plusieurs  corrections 
de  M.  F.  peuvent  passer  pour  définitives.  Les  additions  suivantes  nous  paraissent 
bonnes  :  ay.07C£Îv<aiv>  (VII  12);  <0auiJ,aaT6v>  (VII  35);  <è>po6X£(:0£ 
(XXII  17);  <'irave'>6[;.oO  (XXV2);  c[L&q  <l'>d  (XXXI  3);  <àXX'>  ou^ 
(XIV  41);  G/£Bbv  <Yàp>  (X  5).  Mais,  après  avoir  parlé  des  changements 
volontairement  apportés  au  texte,  nous  ne  pouvons  faire  autrement  que  de  dire 
un  mot  de  ceux  que  l'inadvertance  a  laissés  s'y  introduire.  VII  2  :  àYwvî^EGÔai 
est  un  lapsus  ^o\ir  dtYwviaacôai  ;  §  14,  dans  la  note  (ligne  2  d'en  bas)  :  outoç 
est  un  autre  lapsus  pour  xoîixov;  §  17  :  [)^h  a  été  omis  après  gpa/,éo;;  §  26  : 
xaixou  est  pour  xaixoi;  §  33  :  ouxoç  |x6voç  pour  {j.6voç  ouxoç.  XXII  i  :  xapà 
pour7:£pi;  §  2  :  ^ouXàv  pour  pouX')]v;  §  9  '  xouxouç  manque  après  ^ouXyjç; 
g  19,  dans  la  note  :  £(pY3cpi(7|j.6oi  pour  ètJ^YjçiciAévot  ;  §  22,  dans  la  note  :  hiv.d- 
l^wvxai  pour  $iy.aÇovxai.  Ces  fautes  sont  beaucoup  trop  fréquentes  pour  que 
l'indulgence  soit  ici  de  mise.  On  a  pu  constater  qu'elles  tendent  à  se  perpétuer. 
Dans  le  discours  XXX,  que  M.  F.  édite  pour  la  seconde  fois,  les  mots  à 
àvSp£ç  ct7,aaxat,  après  xoivuv  (§12),  manquent  également  dans  les  deux  éditions. 
Il  en  est  de  même  de  b\xdiq  (après  xou  jjib  y^p  au  §  16),  dont  l'omission 
rend  la  phrase  à  peu  près  inintelligible.  Nous  signalerons  encore  7r£tpà-6ai, 
qui  a  pris  la  place  de  zapaxai,  au  discours  XXIV,  §  15.  Il  serait  bon  que 
M.  F.  ne  réimprimât  pas  son  «  Choix  de  discours  de  Lysias  »,  avant  d'avoir 
collationné  minutieusement  son  texte  sur  quelque  autre  édition.  Car  alors  on 
n'éprouvera  plus  aucun  sentiment  de  défiance  en  se  servant  de  son  livre.  On 


d'histoire  et  de  littérature.  185 

n'aura  plus  égard  qu'à  la  richesse  d'informations,  à  la  science  grammaticale  qui 
donnent  tant  de  prix  à  son  commentaire,  ainsi  qu'à  l'intelligence  avec  laquelle  il 
a  su  établir  son  texte  ;  et  l'on  pourra  dès  lors  recommander  à  tous,  sans  scru- 
pule, le  Lysias  de  M.  F.  comme  une  étude  consciencieuse  et  un  ouvrage  de 

fond. 

Charles  Graux. 

191.  —  Historische  Syntax  der  lateinischen  Sprache,  von  D'  A.  Dr^eger, 

Director  des  kœnigl.  Gymnasiums  zu  Aurich.  Erster  Band.  Zweiter  Theil.  Leipzig, 
Teubner.  1872  et  1874.  In-8%  147-626  p/—  Prix  :  13  fr.  3  s. 

Nous  avons  rendu  compte  dans  la  Revue  critique  (1872,  II,  p.  36)  de  la 
première  partie  de  cette  syntaxe  historique  de  la  langue  latine  par  M.  Draeger. 
Dans  cette  seconde  partie  l'auteur  traite  de  ce  que  nous  appelons  en  français  la 
syntaxe  d'accord,  de  l'emploi  des  temps  et  des  modes,  mais  incomplètement  (il 
renvoie,  on  ne  sait  trop  pourquoi,  beaucoup  de  détails  à  une  troisième  et  une 
quatrième  partie  qui  n'ont  pas  encore  paru),  des  formes  de  l'interrogation 
directe,  de  la  construction  de  l'adjectif  comme  attribut,  de  l'emploi  des  cas,  de 
l'emploi  des  prépositions,  de  la  construction  de  l'adjectif  épithète  et  du  substantif 
en  apposition. 

Le  titre  de  «  syntaxe  historique  »  ne  répond  pas  très-exactement  à  l'ouvrage. 
M.  D.  ne  descend  guère  au-dessous  du  second  siècle  de  l'empire;  il  touche  à 
peine  à  la  syntaxe  des  bas  temps,  qui  est  encore  mal  connue  et  dont  l'étude  im- 
porterait beaucoup  à  la  connaissance  des  langues  romanes.  Au  fond  il  ne  s'est 
occupé  que  de  la  langue  littéraire,  dont  la  syntaxe  n'a  pas  éprouvé  de  variations 
importantes.  La  plupart  de  celles  que  relève  M.  D.  me  paraissent  devoir  être 
attribuées  au  hasard,  surtout  en  ce  qui  touche  la  période  archaïque  dont  il  nous 
reste  si  peu  de  monuments.  M.  D.  remarque  lui-même  que  c'est  un  hasard  si  on 
ne  cite  pas  des  auteurs  antérieurs  à  Cicéron  d'exemple  du  double  génitif  «  propter 
»  bellum  Italiae  fugitivorum  »  (p.  434),  de  l'ellipse  des  noms  de  parenté 
«  Caecilia  Metelli  »  (p.  447),  de  l'emploi  de  pro  dans  le  sens  qu'il  a  en  «  pro 
»  rostris,  contione,  tribunali,  etc.  »  (p.  599).  Il  aurait  pu  faire  la  même  remarque 
sur  toutes  les  constatations  négatives,  sur  les  exemples  uniques  ou  peu  nombreux 
d'une  construction  qui  ne  se  rencontre  qu'une  fois  ou  rarement  en  certains 
auteurs,  tandis  qu'elle  est  plus  fréquente  chez  d'autres.  Je  ne  vois  là  que  l'effet 
du  hasard.  Par  exemple,  la  construction  de  habere  avec  un  participe  passé 
passif  «  senatum  inclusum  habuerunt  »  devient  de  plus  en  plus  rare  après  Cicé- 
ron (p.  269);  circumfluere  n'est  pas  construit  transitivement  avant  Ovide 
(p.  350);  obamhulare  n'est  construit  transitivement  que  dans  Plaute  et  dans 
Ovide;  dans  César,  dont  il  ne  nous  reste  qu'une  petite  partie,  on  ne  rencontre 
que  deux  fois  la  construction  pro  certo,  pro  explorato  (p.  355).  Salluste,  dont 
nous  n'avons  que  deux  opuscules  très-courts  et  quelques  fragments,  n'offre  pas 
de  construction  de  l'accusatif  analogue  à  «  nihil,  aliquid  commoveri  »  (p.  362). 
Recens  adverbe  n'est  pas  dans  Cicéron  ni  dans  César  (p.  363).  Avant  Salluste 
(Fr.  4,  21)  on  ne  trouve  que  dans  Plaute  un  exemple  de  la  construction  de 


l86  REVUE    CRITIQUE 

l'accusatif  d'un  nom  de  fleuve  sans  préposition  «  propinquantes  iam  amnem  Tar- 
))  tanium  »  (p.  36$).  Les  formes  composées  eccum,  eccam,  eccos,  eccas,  eccillum, 
eccillatrij  eccisîudj  eccisîam  ne  se  rencontrent  plus  après  Plaute  (p.  368).  On  ne 
trouve  pas  dans  César  un  seul  exemple  de  la  construction  du  datif  «  nobis  est 
»  expositum  »  (p.  396).  Cicéron  n'a  qu'une  fois  (Verr.  3,  31)  la  construction 
«  cui  Pyragro  nomen  est,  »  elle  n'est  pas  dans  César  (p.  400),  et  dans  Tite 
Live  le  nominatif  est  plus  rare  que  le  datif  en  cette  construction  (p.  401). 
César  n'a  qu'une  fois  (B.  C.  3,  105)  la  construction  de  l'adjectif  neutre  «  in 
»  occultis  ac  reconditis  templi  »  (p.  417).  Catulle  est  le  premier  auteur  oh  l'on 
rencontre  les  génitifs  de  prix  assis  et  pili  (p.  427).  On  ne  trouve  d'exemple  de 
ducere  construit  avec  un  génitif  de  prix  que  dans  Cicéron  de  fin.  2,  8,  84  «  quia 
))  parvi  id  duceret  »  (p.  428).  Exsors  n'est  pas  construit  avec  le  génitif  avant 
Virgile,  Horace,  Tite  Live  (p.  438).  César  n'offre  qu'un  exemple  du  participe 
présent  construit  avec  le  génitif  B.  C.  i,  69  «fugiens  laboris))  (p.  446).  Abdere 
n'est  construit  avec  l'ablatif  sans  préposition  qu'une  fois  en  prose  (Cicéron  pro 
Arch.  6,  se  litteris  abdiderunt)  avant  Tacite  et  Suétone  (p.  509).  Humi  ne  se 
rencontre  pas  une  seule  fois  avant  Cicéron  Catil.  i,  10  (p.  530-531);  César 
n'emploie  apud  que  deux  fois  avec  des  noms  de  villes  (p.  $42).  Il  n'y  a  qu'un 
exemple  d'infra  dans  la  période  archaïque  (p.  570),  ce  que  M.  D.  a  tort  de 
trouver  étonnant;  ce  n'est  pas  plus  singulier  que  de  ne  trouver  qu'une  fois  super 
dans  le  sens  propre  de  circonstance  de  lieu  (Ennius  ann.  14,  2,  volât  super 
impetus  undas)  dans  la  même  période. 

S'il  n'y  a  rien  à  conclure  de  ces  faits,  à  plus  forte  raison  ne  peut-on  tirer 
aucun  parti  de  statistiques  comme  celles-ci  :  dans  le  VP  livre  de  Tite  Live,  au 
style  indirect,  après  un  temps  passé,  l'imparfait  et  le  plus-que-parfait  du  sub- 
jonctif sont  employés  160  fois  et  le  présent  et  le  parfait  du  même  mode  89  fois 
(p.  215);  Quinte  Curce  construit  indui -j  fois  avec  l'accusatif,  et  5  fois  avec 
l'ablatif  (p.  336). 

Il  me  paraît  à  peu  près  impossible  de  fonder  des  règles  sur  des  proportions 
numériques,  et  en  général  sur  ce  qu'on  appelle  la  fréquence  ou  la  rareté  d'une 
construction,  indépendamment  de  toute  autre  considération.  Ainsi  de  ce  que 
Tite  Live  dit  à  l'accusatif  sans  préposition  (8,  24)  «  Epirum  devecta,  »  31,  43 
«  iEgytum,  »  37,  31  «  Hellespontum,  »  36,  42;  42,  44;  45,  10  «  Pelopon- 
»  nesum  »  on  ne  saurait  conclure  qu'on  construisait  ainsi  en  prose  les  noms 
grecs  de  pays,  ou  les  noms  de  pays  qui  ont  un  grand  développement  de  côtes; 
M.  D.  a  raison  de  ne  voir  là  qu'un  hasard  (p.  384).  On  a  avancé  que  le  datif  est 
plus  rare  que  le  génitif  avec  superstes;  M.  D.  fait  remarquer  que  l'usage  paraît 
avoir  été  flottant  (p.  409).  On  a  dit  qu'avec  similis  on  construit  presque  toujours 
au  génitif  les  noms  d'êtres  vivants,  particulièrement  de  dieux  et  d'hommes;  mais 
M.  D.  relève  (p.  410)  7  exemples  du  datif  de  ces  noms  dans  Cicéron. 

Ainsi  l'observation  toute  seule  des  faits,  sans  le  raisonnement,  ne  peut  con- 
duire à  aucune  conclusion  relativement  à  l'histoire  ou  à  la  légitimité  d'une 
construction.  En  ce  qui  touche  le  vocabulaire  et  les  formes  des  mots,  on  a  plus 
de  moyens  de  déterminer  l'histoire  de  leur  emploi.  Le  mot  «  guillotine  )>  porte 


d'histoire  et  de  littérature.  187 

sa  date  avec  lui;  on  peut  prouver  que  «frêle»  doit  être  plus  ancien  que  «fragile.  » 
Mais  en  syntaxe,  on  ne  dispose  plus  des  mêmes  ressources.  Comment  établir 
qu'une  construction  du  substantif  comme  «  indomptable  taureau ,  dragon  impé- 
»  tueux,  sa  croupe  se  recourbe  en  replis  tortueux  »  «  fille  de  Henri  le  Grand, 
»  son  grand  cœur  a  surpassé  sa  naissance  »  n'est  pas  antérieure  au  xvii«  siècle  ? 
Cet  embarras  où  nous  nous  trouvons  si  souvent  pour  constater  l'usage  rend 
la  correction  des  textes  bien  délicate.  Si  l'on  s'appuie  sur  le  grand  nombre  des 
exemples  pour  corriger  le  plus  petit,  on  court  risque  de  faire  un  cercle  vicieux. 
Il  serait  bien  possible  que  in  fût  tombé  après  eum  dans  César  (B.  C.  5,  106) 
«  conjectans  eum  ^gyptum  iter  habere;  »  on  peut  même  trouver  la  chose 
probable;  mais  est-elle  certaine?  L'accusatif  masculin  me  semble  suspect  dans 
ce  passage  d'une  lettre  de  Plancus  à  Cicéron  (10,  21,  5)  «  mortuo  non  modo 
))  honorem  sed  misericordiam  quoque  defuturum;  »  Va  et  Vu  se  ressemblent  tant 
dans  les  manuscrits  du  ix''  siècle  qu'on  pourrait  lire  aussi  bien  defuturam  et 
«  graîam  fuisse  »  dans  pro  Sestio  53.  Faut-il  conserver  (jBruf.  75)  ^^  o"^"^  ornatu 
»  orationis  tanquam  veste  ^gfracfa .'' »  J'en  doute.  M.  D.  admet  (p.  177,  202) 
une  ellipse  épistolaire  de  mitîerem  dans  ce  passage  de  Servius  (Cic.  ep.  ad  Fam. 

4,  12,  2)   «se  a  Marcello  ad  me  missum  esse  qui rogaret  uti  medicos. 

»  Coegi.  »  Mais  aujourd'hui  le  manuscrit  de  Tours  '  montre  qu'il  manquait  «  uti 
»  medicos  ei  mitîerem.  Itaque  medicos  coegi.  »  Le  texte  des  lettres  familières  n'est 
pas  jusqu'à  présent  assez  bien  établi  pour  donner  de  l'autorité  aux  singularités 
qui  s'y  rencontrent.  Ainsi  je  n'admettrais  pas  avec  M.  D.  (p.  1 87)  l'ellipse, de 
«  possent  »  après  «  uti  »  dans  4,  $  ;  il  est  plus  probable  que  «  in  republica  — 
»  uti  »  doit  être  transposé  avant  «  honores.  »  On  a  raison,  comme  l'accorde 
d'ailleurs  (p.  469)  M.  D.,  d'ajouter  la  préposition  dans  i,  9,  17  «  a  pristina 
»  causa  desciscere.  »  Le  présent  du  subjonctif  me  paraît  difficile  à  défendre  dans 
Cic.  Verr.  5,6,  14  «  comprehendi  jussit;  quisnon  pertimescat .?  »  Cependant  on 
peut  y  voir  avec  M.  D.  (p.  215)  l'équivalent  d'un  présent  de  narration.  Mais  ce 
serait  bien  dur  dans  pro  5^rt/o  14,  32  «  etiamne  edicere  audeas  ne  maererent 
»  homines  meam,  suam,  reip.  calamitatem?  »  L'imparfait  du  subjonctif 
a  maererent  »  appelle  «  aude^as,  »  correction  de  Lambin  d'ailleurs  facile  à 
justifier  paléographiquement.  Il  ne  me  paraît  guère  possible  de  justifier  (p.  228) 
le  présent  du  subjonctif  dans  Cicéron  pro  Murena  25,  $0  «  quibus  rébus  qui  timor 

»  bonis  omnibus  iniectus  sit si  ille  factus  esset  (consul),  nolite  a  me  com- 

»  moneri  velle.  »  Il  est  trop  facile  de  substituer  «  esset  »  à  «  sit.  »  La  correc- 
tion de  Halm  «  dicerem  »  par  «  dixerim  ;>  me  semble  nécessaire  dans  Cic.  Phil. 
14,  6,  17;  elle  est,  en  tout  cas,  plus  probable  et  plus  naturelle  que  l'emploi  du 
parfait  du  subjonaif,  sur  lequel  M.  D.  a  d'ailleurs  quelque  scrupule  (p.  240). 
J'avoue  ne  pas  soupçonner  comment  on  corrigerait  le  texte  de  Properce  1,16, 
24  «  frigidaque  eoo  me  dolet  aura  gelu;  »  mais  il  me  semble  qu'il  faut  admettre 
une  altération  du  texte  plutôt  que  la  construction  transitive  de  «  dolet  »  comme 
^aufii  rntdiiiryM  1 

I.  Cicéron.  epistolae  ad  Familiares.  Notice  sur  un  manuscrit  du  XII«  siècle  (Bîbîiô- 
thèque  de  l'École  des  Hautes  études.  XVII'  fascicule).  1874.  In-8».  p.  12.  ''^--'^ 


l88  '«^^^;  REVUE   CRITIQUE 

synonyme  de  «  dolore  afficit  »  (p.  528).  M.  D.  ne  pense  pas  (p.  396)  que 
Madvig  et  Wesenberg  aient  eu  des  raisons  suffisantes  d'ajouter  avec  Lambin  «a» 
devant  «  nobis  enim  »  dans  Cic.  Fin.  4,  22  «  nobis  enim  ista  quaesita,  a  nobis 
»  descripta,  notata,  praecepta  sunt.  »  Pourtant  Madvig  dit,  ce  semble,  avec 
raison  :  «  nec  hic  uUo  modo  dativus  hic  ferendus  erat,  quoniam  non  se  haec 
))  quaesita  habere  significat,  sed  sua  opéra  ad  aliorum  usum  quaesita  esse.  » 

L'ellipse  de  «  viris  »  (p.  426)  est  bien  dure  dans  Suétone  Nero  1 5  «  trium- 
))  phalia  ornamenta  et  quaestoriae  dignitatis  et  nonnullis  ex  equestri  ordine 
»  tribuit.  »  Tite  Live  emploie  bien,  elliptiquement,  des  ablatifs  de  qualité  dans 
deux  passages  que  cite  (p.  501)  M.  D.  :  3,  57,  9  a  non  iuniores  modo,  sed 

»  emeritis  etiam  stipendiis ad  nomina  danda  praesto  fuere.  »  21,  62,  5 

«  multis  locis  hominum  specie  procul  candida  veste  visos;  »  mais  ils  sont 
construits  comme  sujets,  ce  qui  ne  prouve  rien  pour  une  construction  d'un  génitif 
de  qualité  comme  complément  indirect.  Il  me  semble  plus  probable  qu'il  manque 
un  mot  dans  le  texte  de  Suétone.  On  ne  saurait  du  reste  reprocher  à  M.  D.  de 
ne  pas  s'inquiéter  en  général  de  la  correction  du  texte.  Ainsi  il  a  raison  de 
suspecter  Florus  2,  7,  8  «  aderant  Rhodii,  nauticus  populus,  quitus  a  mari, 
»  consul  a  terris  omnia  equis  virisque  quatiebat.  )>  Suppléer  «  omnia  quatienti- 
»  bus  »  après  «  mari  »  est  bien  dur;  M.  D.  propose  «  qui  »  au  lieu  de  «  quibus;  » 
on  se  rapprocherait  plus  du  manuscrit  en  lisant  «  qui  [navi]  bus  »  ou  quelque 
chose  de  semblable. 

jirUne  autre  difficulté  que  rencontre  le  grammairien,  c'est  celle  qu'il  éprouve  à 
classer  les  exemples,  à  les  unir  suivant  leurs  analogies  et  à  les  séparer  suivant 
leurs  différences.  Je  n'aurais  sur  ce  point  qu'un  petit  nombre  d'objections  à  faire 
à  M.  D.  L'ellipse  du  verbe  dans  des  propositions  comparatives  (p.  191,  195'; 
196,  197,  202,  203)  comme  «nec  dierum  numerum,  ut  nos,  sed  noctium 
»  computant  (Tacite  G.  1 1)  »  ne  me  semble  pas  de  la  même  espèce  que  a  ipsa 
»  novas  vestes  (feram),  dura  vir  arma  ferat  (Ovide  Her.  13,  40).  »  Si  dans 
l'exemple  cité  de  Tacite  on  peut  sous-entendre  «  computamus,  «  on  ne  peut  pas 
se  contenter  de  cette  ellipse  dans  l'exemple  suivant  «  neque  enim  ego,  ut  multi, 
»  invideo  aliis  bono  quo  ipse  careo  (Pline  ep.  i,  10,  12);  »  ici  il  ne  suffit  pas 
de  sous-entendre  «invident;  »  il  faut  encore  sous-entendre  tous  les  compléments 
d'  «  invideo.  »  L'ellipse  est  au  fond  dans  ces  propositions  celle  du  verbe 
facere,  dont  le  sens  est  contenu  implicitement  dans  la  proposition  principale. 
L'ellipse  de  l'infinitif  avec  les  verbes  possum,  debeo,  exisîimOy  puto,  etc.,  me 
semble  aussi  d'une  autre  espèce  que  celles  qui  se  rencontrent  avec  d'autres 
verbes  (197,  200).  Le  verbe  possum  a,  comme  on  sait  à  l'indicatif  (j)oîui  signifie 
souvent  «  j'aurais  pu  »,  poteram,  «  je  pourrais  »),  une  valeur  trop  particulière 
pour  que  le  subjonctif  puisse  être  expliqué  comme  celui  des  autres  verbes 
(p.  202,  203,  214,  219)  :  ainsi  (p.  294)  dans  l'exemple  de  Cicéron  (Verr.  2,  i, 
75)  «  in  illa  re  quid  facere  potueriî,  non  habebat,  »  le  parfait  du  subjonctif 
paraîtra  peut-être  moins  singulier,  si  l'on  songe  au  sens  du  parfait  de  l'indicatif 
poîui.  Les  constructions  des  pronoms  neutres,  id,  quid,  quod,  etc.,  comme  com- 
pléments directs  avec  les  verbes  doivent  évidemment  être  séparées  de  celles  des 


d'histoire  et  de  littérature.  189 

autres  noms  (p.  332,  345,  347,  348).  Le  datif  dans  «  neque  insidiae  consuli 
))  procedebant  (Salluste  Cat.  3  2)  »  est  réellement  construit  avec  le  substantif 
seul,  si  le  texte  est  correct;  mais  on  peut  contester  (p.  406)  qu'il  soit  ainsi 

construit  dans  «  Tegimenta  galeis facere  iubet  »  (César  B.  C.  3,  62),  «  id 

»  remedium  timori  fuit  »  (Tite  Live  3,  3),  et  ailleurs.  M.  D.  rapproche  (p.  425) 
la  construction  «  omnis  juventus,  omnes  etiam  gravions  aetatis  (César  B.  G.  3, 
»  16)  »  de  «  vir  et  consilii  magni  et  virtutis  (César  B.  G.  3,  5);  »  elle  me 
semble  devoir  être  rapprochée  plutôt  des  exemples  très-remarquables  cités  par 
M.  D.  (p.  420),  où  om/2w  est  construit  comme  un  substantif,  «  omnes  Tarquiniae 
»  stirpis  (Tite  Live  2,  2).  » 

Une  question  importante  et  délicate  de  la  syntaxe  latine,  est  celle  des  héllé- 
nismes. Il  me  semble  peu  probable  en  général  qu'une  langue  emprunte  à  une 
autre  des  constructions;  elle  peut  lui  prendre  des  mots,  des  formes,  des  suffixes: 
mais  en  général  elle  suit  ses  voies  propres  dans  la  syntaxe  et  n'y  marche  avec 
d'autres  langues  que  par  suite  de  la  communauté  d'intelligence  qui  est  entre  les 
hommes  :  des  rencontres  ne  sont  pas  des  emprunts.  M.  D.  a  raison  de  ne  pas 
admettre  (p.  1 56)  d'hellénisme  dans  «  Juno  cum  Minerva  tristes  (Apulée,  Met. 
10,33)'  ))  ni  (p.  171)  dans  «  sub  imperio  fideliter  atque  obedienter  futuros  (Liv. 
8,  19  »  ni  (p.  375)  dans  «dicto  audientem  esse  alicui,  »  ni  (p.  433)  dans  «  bac 
»  vestrum  frequentia  (Cic.  kg.  agr.  2,  21).  »  Je  ne  reconnais  pas  davantage 
l'influence  du  grec  dans  (p.  330)  «  quid  tibi  hanc  curatiost  rem.?  (Plaute  Amph, 
I,.  3,  21),  »  dans  (p.   375)  la  construction  du  datif  avec  «  certare,  iuctari, 

»  pugnare,  »  dans  (p.  399)  celle  du  datif  «  sita  Anticyra  est laeva  parte 

»  sinum  Corinthiacura  intrantibus  »  (Liv.  26,  26),  dans  (p.  402)  le  datif  «  quo 
»  tibi,  Tilli,  sumere  depositum  clavum  fierique  tribunal  »  (Horace  Saî.  i,  6, 
24),  dans  (p.  41$)  le  génitif  «  ut  quisque  audentiae  habuisset,  accurrerunt 
(Tacite  Ann.  15,  53),»  dans  (p.  448,  453)  les  génitifs  «  voti  liberari,  facti  pur- 
»  gare,  etc.  »  «  cupiunt  tui,  studeat  tui,  desipiebam  mentis,  »  dans  (p.  608) 
«  in  una  urbe  universam  ceperitis  Hispaniam  (Liv.  26,  43).  » 

Une  autre  question,  fort  difficile  à  résoudre  pour  nous,  est  celle  des  différences 
qui  séparaient  en  latin  la  langue  poétique  de  la  langue  de  la  prose.  Ces  diffé- 
rences sont  évidentes  en  grec  ;  mais  en  latin  la  langue  des  poètes  semble  avoir 
été  le  produit  d'une  sorte  d'industrie  personnelle,  et  elle  me  paraît  avoir  différé 
de  la  langue  de  la  prose  surtout  par  le  choix,  Pordre  et  l'association  des  mots, 
et  aussi  (comme  toutes  les  langues  poétiques)  par  l'archaïsme.  Ainsi  je  ne  crois 
pas  que  les  poètes  aient  imaginé  les  premiers  de  construire  sans  préposition  des 
noms  de  lieux  autres  que  les  noms  de  villes,  «  devenere  locos,  Laviniaque  litora 
»  venit;  »  et  je  crois  encore  moins  que  «l'imitation  (die  Nachahmung,  p.  365)» 
de  ce  tour  «  commence  déjà  avec  Salluste  (fr.  4,  2 1)  «  propinquantes  iam  amnera 
»  Tartanium.  »  Si  nous  avions  conservé  un  plus  grand  nombre  de  monuments 
delà  prose  la.tine>.le§  différences  qui  séparent  la  langue  de  la  prose  de  celle  de 
iMwjiiiui'i  Jb  JuihiiO  iib  uni • -^ 

'1.  On  lit  dans  La  Fontaine  (Fables y  9,  3)  :  «  Le  singe  avec  le  léopard  gagnaient  de 
♦:}X»:gent.à  la  foire.  » 


190  ,'3Pmh  REVUE    CRITIQUE 

la  poésie  nous  paraîtraient  sans  doute  moins  considérables;  si  nous  n'avions  pas 
Tite  Live,  beaucoup  de  constructions  sembleraient  particulières  à  Virgile. 

L'ouvrage  de  M.  Draeger  offrirait  sans  doute  plus  de  résultats  nouveaux,  si 
l'auteur  ne  s'était  pas  renfermé  dans  un  cercle  d'auteurs  dont  la  langue  a  déjà 
été  fort  étudiée.  Il  n'est  pourtant  pas  sans  utilité  par  les  exemples  qui  sont 
rassemblés  en  grand  nombre,  en  général  convenablement  disposés,  et,  à  l'occa- 
sion, discutés  avec  un  esprit  droit.  c^i\i^^ï/.  â  i'  «. 

Charles  Thorot. 


192.  —  Egb.  Friedrich  v.  Mulinen.  Prodromus  einer  sch^vtreizerischen  His- 
toriographie. Bern,  Huber.  1874.  In-4°,  x-240  p. 

M.  de  Mulinen,  l'auteur  de  VHelvetia  sacra  ',  a  formé  le  projet  d'un  Dictionnaire 
biographique  et  bibliographique  de  tous  les  chroniqueurs,  annalistes,  historiens 
et  érudits  suisses.  Pour  sonder  les  dispositions  du  public,  il  donne  aujourd'hui 
une  esquisse  de  son  travail,  sous  le  titre  de  Prodromus  einer  schwelzerischen  Histo- 
riographie. Sans  doute  les  matériaux  rassemblés  dans  ce  volume  sont  loin  d'être 
sans  valeur  et  nous  y  trouvons  des  renseignements  intéressants  et  utiles  en  par- 
ticulier sur  les  érudits  suisses  contemporains  et  sur  la  bibliographie  de  leurs 
écrits;  mais  d'un  autre  côté,  au  point  de  vue  de  la  méthode  et  de  l'exactitude, 
le  livre  de  M.  de  M.  laisse  singulièrement  à  désirer.  Je  n'insisterais  pas  sur 
la  disproportion  entre  les  notices  de  la  première  partie  du  Dictionnaire,  qui  n'ont 
qu'une  à  deux  lignes  souvent  insignifiantes,  et  celles  de  la  seconde  partie,  qui 
renferment  des  détails  parfois  excessifs,  si  l'on  ne  remarquait  pas  que  c'est  en 
approchant  de  la  lettre  M  que  M.  de  M.  a  jugé  nécessaire  de  donner  plus  de 
développement  à  ses  articles.  —  A  côté  de  ce  défaut  qui  donne  au  livre  l'appa- 
rence d'une  ébauche  encore  informe,  et  que  M.  de  M.  a  lui-même  déploré  dans 
sa  préface,  nous  pourrions  signaler  une  foule  d'inexactitudes  de  détail.  On  est 
étonné  de  voir  un  érudit  suisse,  auteur  d'une  Helvetia  sacra,  écrire  «  Fredegarius, 
»  Scholasticus ,  aus  Avenches,  (?)  lebte  um  649,  schrieb  ein  Leben  des  S*  Co- 
»  lumban.  »  —  Il  n'y  a  que  le  point  d'interrogation  que  nous  puissions  approuver 
dans  cette  ligne  qui  renferme  autant  d'erreurs  que  de  mots  2.  L'auteur  anonyme 
qu'on  a  nommé  Frédégaire  n'a  jamais  écrit  de  vie  de  S*  Colomban,  mais  a 
transcrit  dans  sa  chronique  plusieurs  chapitres  de  la  Vie  de  S*  Colomban  par 
Jonas.  On  pourrait  peut-être  supposer  que  Jonas  serait  l'auteur  de  la  compilation 
dite  de  Frédégaire,  mais  non  pas  faire  de  Frédégaire  l'hagiographe  de  Colom- 
ban. La  notice  sur  M.  Bordier  «  Henri  Bordier,  aus  Genf  »  est  un  peu  sèche. 
Nous  avons  été  heureux  de  voir  que  pour  Marius  d'Avenches,  M.  de  M.  a 
adopté  les  dates  que  nous  avons  cherché  à  établir  dans  nos  études  sur  les  sources 
de  l'Époque  Mérovingienne.  A  l'article  sur  Raîpert,  l'auteur  des  Casus  S.  Galli, 
nous  lisons  que  ce  moine  commença  son  ouvrage  vers  885,  et  mourut  vers  900, 

i.  Berne,  i8$8-i86i.  2  v.  in-4'.ivj'.y»-' :i'î^u.<,<*:>^h.  v..v.    \uk     ,* 
2.  Voyez  à  ce  sujet  Rev.  crit.  1875,  n.  42,  art.t^$è,'^l^'2tj6'2j8; 


d'histoire  et  de  littérature.  191 

quand  M.  Meyer  von  Knonau  dans  son  excellente  édition  de  Ratpert'  a  montré 
qu'il  cessa  de  travailler  en  884  et  probablement  mourut  peu  après.  Chose  plus 
étrange,  M.  de  M.  cite  les  éditions  de  Goldart  et  de  Pertz  (en  réalité  d'I.  v.  Arx 
dans  Pertz)  et  ne  cite  pas  la  dernière  et  la  meilleure,  celle  de  Meyer  v.  Knonau. 
Nous  ne  multiplierons  pas  ces  exemples  qui  suffiront  à  montrer  que  M.  de  M. 
devra  apporter  à  la  confection  de  son  grand  dictionnaire  des  soins  plus  attentifs 
que  ceux  qu'il  a  donnés  à  son  Prodromus. 

G.  M. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  1 0  septembre  1 87  $ . 

M.  de  Longpérier  déclare  qu'à  propos  de  sa  communication  de  vendredi  dernier 
sur  le  vers  Indocti  discant  et  ament  meminisse  periti,  il  a  reçu  une  lettre  de 
M.  Langlacé  qui  lui  dit  que  l'attribution  de  ce  vers  au  président  Hénault  se  trouve 
déjà  dans  un  livre  de  M.  Ed.  Fournier,  L'esprit  des  autres.  M.  Langlacé  émet  en 
outre  l'opinion  que  vraisemblablement  Hénault  a  trouvé  le  genre  de  son  vers 
dans  le  passage  de  Quintilien  :  docti  rationem  componendi  intelligunt,  etiam  indocti 
uoluptatem  (Inst.  or.  9.  4.  116):  M.  de  Longpérier  reconnaît  seulement  qu'  «  ii 
))  est  évident  que  le  mot  indocti  est  commun  aux  deux  textes  ».  ^'^ 

M.  de  Wailly  lit  une  note  au  sujet  d'un  article  de  M.  le  comte  Riant,  sur  la 
4*  croisade ,  qui  a  paru  dans  la  Revue  des  questions  historiques.  Dans  cet  article 
M.  Riant  porte  sur  le  chroniqueur  Ville-Hardouin  les  jugements  les  plus  sévères, 
et,  dit  M.  de  Wailly,  les  moins  justifiés;  il  conteste  l'exactitude  et  même  la 
sincérité  de  Ville-Hardouin,  et  aussi  la  loyauté  de  sa  conduite  dans  la  croisade  : 
il  va  jusqu'à  l'accuser  d^avoir  vendu  à  prix  d'argent  son  influence  ou  son  silence. 
M.  de  Wailly  regrette  que  ses  travaux  ne  lui  laissent  pas  le  temps  de  défendre  la 
réputation  de  l'historien  dont  il  est  le  dernier  éditeur.  Mais  il  ne  veut  pas  laisser 
passer  sans  faire  ses  réserves  l'article  de  M.  Riant,  afin  que  son  silence  ne 
puisse  pas  être  pris  pour  une  adhésion.  —  Il  ajoute  que  du  reste  M.  Riant  n'a 
apporté  à  l'appui  de  sa  thèse  aucun  texte  nouveau;  il  invoque  pour  prouver  que 
les  Vénitiens  avaient  trahi  la  cause  des  croisés  un  traité  de  commerce  du  1 5  mai 
1202,  entre  Malek  Adel  et  Venise,  qui  aurait  été  le  prix  de  la  trahison;  mais 
dans  ce  texte  il  n^y  a  de  nouveau  que  la  date,  et  cette  date  prétendue  n'est 
qu'une  conjecture  de  M.  Hopf.  D'ailleurs  le  texte  du  traité,  qui  était  déjà  connu, 
ne  prouve  aucune  trahison  de  la  part  des  Vénitiens;  ceux-ci  ont  fait  des  traités 
semblables  à  d'autres  époques  où  ils  se  prêtaient  aussi  à  servir  des  entreprises 
de  croisades,  par  exemple  en  12 18. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie  pour  la  commis- 
sion des  inscriptions. sémitiques  les  fac  simile  de  deux  épitaphes  arabes,  avec 


I.  Dans  ks  Mittheilungen  zur  vaterUndischen  Geschichtc,  neue  Folge,  3   Heft.   1872. 

Voy.  Rfv.  cm.  1873,  n*  $2,  art.  228..   ::  _•. 


IC)2  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

transcription  et  commentaire,  et  une  notice  sur  le  pacha  Abdy,  qui  administra 
la  régence  d'Alger  de  1724  à  1732,  le  tout  envoyé  par  M.  Cherbonneau. 

M.  de  Sainte  Marie  écrit  à  l'académie  qu'il  s'occupe  de  faire  emballer  les 
inscriptions  puniques  recueillies  par  lui,  pour  les  envoyer  à  la  Bibliothèque 
nationale,  où  le  ministre  a  décidé  qu'elles  seront  placées.  Ces  inscriptions  sont 
au  nombre  de  208 ^  M.  de  Sainte  Marie  demande  qu'on  emploie,  pour  les 
exposer  à  la  vue  du  public,  le  procédé  qui  consiste  à  encastrer  les  inscriptions 
dans  les  murailles.  —  Il  annonce  en  même  temps  que  par  décision  du  gouver- 
neur général  de  l'Algérie  une  somme  de  500  fr.  a  été  mise  à  sa  disposition  pour 
des  recherches  d'objets  antiques  en  Tunisie. 

M.  Clermont  Ganneau  écrit  pour  faire  ses  réserves  sur  ce  qui  a  été  dit  à 
l'académie  à  propos  du  premier  rapport  de  M.  Guérin.  Ce  rapport  traitait  de  la 
question  du  tombeau  des  Machabées,  et  le  nom  de  M.  Clermont  Ganneau  s'est 
trouvé  mêlé  dans  la  discussion  de  cette  question.  Sa  lettre  est  renvoyée  à  M.  de 
Saulcy,  qui  avait  rendu  compte  à  l'académie  du  rapport  de  M.  Guérin  (séance 
du  27  août). 

M.  Maury  continue  la  lecture  de  ses  observations  sur  la  langue  étrusque,  à 
propos  du  livre  de  M.  Corssen  Ueber  die  Sprache  der  Etrusker.  —  Il  étudie  le  mot 
lupuce,  que  M.  Corssen  a  voulu  expliquer  à  l'aide  du  grec  et  traduire,  soit  par 
e^Xu^l^E,  (un  tel)  a  sculpté,  soit  par  ^Xu^suç,  sculpteur.  M.  Maury  pense  que  dans 
les  inscriptions  où  l'on  trouve  ce  mot,  qui  sont  toutes  des  épitaphes,  il  a  toujours 
pour  sujet  le  nom  du  mort  et  non  pas  le  nom  de  l'artiste  auteur  du  monument, 
que  l'emploi  de  ce  mot  dans  les  inscriptions  funéraires  répond  à  la  formule  latine 
siBi  vivvs  FECiT,  et  que  quant  à  sa  forme  il  correspond  au  latin  locauit. 

M.  Thurot  termine  la  lecture  du  second  rapport  de  M.  Guérin  sur  sa  mission 
en  Palestine. 

Rien  n'étant  plus  à  l'ordre  du  jour,  la  séance  est  levée  à  quatre  heures  et 

demie. 

Ouvrages  déposés  :  —  Notices  et  extraits  des  manuscrits,  t.  25,  2'  partie;  Paris,  1875, 
in.4»;  —  Aristide  Marre,  Kata-kata  malayou  ou  recueil  des  mots  malais  francisés; 
Paris,  1875,  in-i2  ;  —présenté  par  M.  Maury  :  Angelo  de  Gubernatis,  Storia  dei  viag- 
giatori  italiani  nelle  Indie  orientali;  Livorno,  1875,  in- 12. 

Julien  Havet. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU  BUREAU  DE  LA  REVUE. 

Nqeldeke,  Mandaeische  Grammatik  (Halle,  Buchhdlg  des  Waisenhauses). — Pascal's 
Gedanken  ûber  die  Religion.  Untersuchung  v.  Dreydorff  (Leipzig,  Hirzel).  —  Th. 
Wrkjht,  The  Celt,  the  Roman  and  the  Saxon.  3d  éd.  (London,  Trùbner). 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


Maltzahn.  Leipzig,  Veit  u.  Co.  In-8^  xliij-354  p.  (contient  78  lettres  de 
Schiller,  60  de  son  beau-frère,  19  de  sa  sœur).  — J.  Hillebrand,  Die  deutsche 
Nationalliteratur  im  18.  u.  19.  Jahrh.  3.  Aufl.  v.  K.  Hillebrand  (cf.  Rev.  crit.j 

1875.  l  P-  317). 

Jenaer  Literatarzeitung,  n"  27,  3  juillet  (le  n°  26  ne  nous  est  point  par- 
venu). Von  Schulte,  Die  Geschichte  derQuellen  und  Literatur  des  canonischen 
Rechts  von  Gratian  bis  auf  die  Gegenwart.  Drei  Bde.  Bd.  i  :  Einleitung.  Stutt- 
gart, Enke.  In-8",  viij-264  p.  (P.  Hinschius).  —  Loserth,  Studien  zu  bœhmi- 
schen  Geschichtsquellen.  Wien,'Gerold's  S.  In-8°,  42  p.  (SigmundRiEZLER). — 
Von  Dalwigk,  Das  Leben  und  die  Schriften  des  François  de  la  Noue.  Coburg, 
Druck.  d.  Dietz'schen  Hofb.  In-4°,  24  p.  (Theodor  Schott).  —  Zumptius,  De 
imperatoris  Augusti  die  natali  fastisque  ab  dictatore  Caesare  emendatis  commen- 
tatiochronologica.  Lipsiae,  Teubner.  ln-8",  66  p.  (Constantin  John).  —  Weske, 
Ueber  die  historische  Entwickelung  der  finnischen  Sprachen.  Dorpat,  Gedr.  bei 
Laakmann.  In-8°,  16  p.  (Hermann  Suchier). 

Germania,  herausg.  v.  K.  BartscH.  Neue  Reihe.  Achter  Jahrg.  Zweites  Heft. 
Althochdeutsche  Glossen  (Nolte). —  Zu  Konrads  Trojanerkriege  (K.  Bartsch). 

—  Zur  Thidrekssaga  (Hugo  Treutler).  —  Die  Stuttgarter  Oswaltprosa  (A. 
Edzardi).  —  Ueber  islaendische  Apokrypha  (K.  Maurer).  —  Bruchstùcke  aus 
Meister  Eckhart  (Fedor  Bech).  —  Liîteratur  :  Zu  selteren  romantischen  Litte- 
ratur  im  Norden.  I.  (E.  Kœlbing).  —  W.  Wilmans,  Die  Entwicklung  der 
Kudrundichtung  (E.  Wilken). — Miscellen  :  Altdeutsche  Frescobilder.  —  Hand- 
schriften  in  Olmûtz.  —  30.  Versammlung  deutscher  Philologen  und  Schul- 
maenner. 

La  Rivista  Europea.  Mai.  —  P.  Tedeschi,  Sulla  cronaca  di  Dino 
Compagni  (M.  T.  cherche  à  défendre  l'authenticité  de  Dino  —  ce  premier 
article  ne  renferme  que  des  remarques  de  langues  sans  grande  importance).  — 
P.  ViGO,  Il  palazzo  comunale  e  la  repubblica  di  Siena.  —  P.  Boborykin,  Del 
criticismo  russo  (fm).  —  B.  Paulowic,  La  Stregoneria  nel  Rinascimento  e  sotto 
la  Riforma  (fm  :  ne  renferme  rien  d'original).  —  Patuzzi,  Cesare  Betteloni 
(fm).  —  Bibliographie  et  nouvelles  littéraires  d'Italie,  de  France,  de  Russie  et 
de  Hongrie. 

■ Juin.  —   G.  BiASUTTi,    Gli  apologisti    del    Cesarismo.    —    V.    de 

Tivoli  ,  Sonneito  inedito  di  Michel  Angelo  (sonnet  écrit  sur  le  dos  d'une  feuille 
de  croquis  de  la  collection  Lawrence  à  Oxford  et  resté  jusqu'ici  indéchiffrable). 

—  Lettere  inédite  d'illustri  italiani  (entre  autres  trois  lettres  de  Borsieri,  le 
compagnon  de  captivité  de  Silvio  Pellico).  —  P.  Tedeschi,  Sulla  cronaca  di 
Dino  Compagni  (s'attaque  à  Fanfani  et  non  à  Scheffer-Boichorst  qu'il  appelle 
toujours  Schœffer).  —  P.  L.  Cecchi,  Il  progresso  del  pensiero  nelle  lettere  del 
Rinascimento.  —  G.  Sforza,  Rassegna  degli  studii  storici  in  Italia  (sur  les 
publications  de  la  R.  Depatazione  plemonîese  di  sîoria  patria).  —  Bibliographie  et 
nouvelles  littéraires  françaises,  italiennes  et  slaves. 


■  j  diit^miv 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Anleitung  zu  wissenschaftlichen  Beobach- 
tungen  auf  Reisen.  Mit  besond.  Rûck- 
sicht  auf  die  Bedùrfnisse  der  kaiserl. 
Marine  verfasst  v.  P.  Ascherson,  A. 
Bastian.  W.  Fœrster,  etc.  u.  hrsg.  v.  G. 
Neumayer.  Mit  56  Holzschn.  u.  3  lithog. 
Taf.  In-8°,  viij-696  S.  Berlin  (Oppen- 
heim).  24  fr. 

Gapponî  (V.).  Bibliografia  Pistoiese. 
In-8',   x-3  54p.   Pistoia  (tip.  Rosselti). 

7  fi*.  SO 

_ (G.).  Storia  délia  repubblica  di  Fi- 

renze.  2  vol.  In-8",  xliv-1300  p.  Firenze 
(Barbera).  2j  fr. 

Espinay  (d').  La  controverse  sur  l'époque 
de  la  mission  de  Saint-Gatien  dans  les 
Gaules.  In-8°,  68  p.  Angers  (imp.  La- 
chèse,  Belleuvre  et  Dolbeau). 

Feu  Séraphin.  Histoire  de  ce  spectacle 
depuis  son  origine  jusqu'à  sa  disparition. 
1776-1870.  In-8%  339  p.,  portr.  et  vig. 
Lyon  (Scheuring). 

Grote  (G.).  La  religion  naturelle,  son  in- 
fluence sur  le  bonheur  du  genre  humain, 
d'après  les  papiers  de  Jérémie  Bentham. 
Traduit  de  l'anglais  par  M.  E.  Gazelles. 
In- 18  Jésus,  xxiv-162  p.  Paris  (Germer- 
Baillière). 

Legis  exemplar  qua  Perusini  Andream 
De  Caponibus  eiusque  Posteros  a 
MCCCLXXVIII  civitate  donarunt.  In-8% 
10 p.  Perusia2(tip.  Boncompagni  etSoc). 

Le  Vavasseur  (G.).  Étude  sur  le  rôle 
de  quelques  poètes  pendant  les  guerres 
de  religion.  In-8',  39  p.  Caen  (Le  Blanc 
et  Hardel). 

Marsy  (A.  de).  Des  grands  officiers  du 
royaume  de  Sicile  sous  le  règne  de  Charles 
d'Anjou.  In-8',  8  p.  Angers  (imp.  Lachèse, 
Belleuvre  et  Dolbeau). 

Menant  (J.).    Babylone   et  la  Chaldée. 

Gr.  in-8',  vij-303  p.  et  8  plans  et  cartes. 

Paris  (Maisonneuve  et  G'). 
Myers   (P.  V.  N.,  A.  M.).    Remains  of 

lost  Empires  :  sketches  of  the  Ruins  of 


Palmyra,  Nineveh,  Babylon,  and  Perse- 
polis.  With  some  Notes  on  India  and 
the  Cashmerian  Himalayas.  Illustrations. 
In-S'^  cart.  New  York.  22  fr.  50 

Perticari  (G.).  Délie  nozze  di  Costanzo 
Sforza  con  Camilla  d'Aragona  celebrate 
in  Pesaro  l'anno  1475.  ln-4**,  16  p. 
Pesaro  (tip.  Rossi). 

Rabelais  (F.).  Œuvres,  précédées  de  sa 
biographie  et  d'une  dissertation  sur  la 
prononciation  du  français  au  XVI'  siècle, 
et  accompagnées  de  notes  explicatives  du 
texte  par  A.-L.  Sardou.  T.  i.  In-16, 
lxxx-448  p.  San  Remo  (J.  Gay  et  fils). 

Révérend  de  Mesnil  (E.),  Armoriai 
historique  de  Bresse,  Bugey,  Dombes, 
pays  de  Gex ,  Valromey  et  Franc-Lyon- 
nais, d'après  les  travaux  de  Guichenon, 
d'Hozier,  Aubret,  d' Assies,  Steyert,  Baux, 
Guigue,  Albrier,  Arcelin,  les  archives  et 
les  manuscrits,  etc.,  avec  les  remarques 
de  P.  Collet.  2' livr.  H-Z.  In-4-,  p.  328- 
714.  Lyon  (imp.  Vingtrinier). 

Robert  (U.).  Zacharie  le  Chrysopolitain. 
In-8",  3  p.  Nogent-le-Rotrou  (imp.  Gou- 
verneur). 

Sorgenfrey.  Zur  Charakteristik  d.  Otto 
v.  Freising  als  Geschichtschreiber.  In-4", 
19  S.  Berlin  (Calvary  et  C).  2  fr. 

Sforza  (G.).  Saggio  di  una  bibliografia 
storica  délia  Lunigiana.  Tomo  i.  In-40, 
266  p.  Modena  (Vincenzi). 

Steyert  (A.)  et  Relie  (F.).  Inventaire- 
sommaire  des  archives  hospitalières  an* 
térieures  à  1790.  Ville  de  Lyon.  La 
charité  ou  aumône  générale.  Séries  A  et 
B.  T.  I".  In-4',  41 1  p.  Lyon  (Brun). 

Sutta  Nipata  or  dialogues  and  discourses 
of  Gotoma  Buddha  translated  from  the 
Pâli  with  Introduction  and  notes  by  M. 
Coomâra  Swâmy.  In-S®,  xxxvj-i6o  p. 
London  (Trùbner).  8  fr. 

Zumpt.  De  dictatoris  Caesaris  die  et  anno 


natali. 
C«). 


In-. 


3 1  S.  Berlin  (Calvary  et 
2  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N°  39  Neuvième  année.  25  Septembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    propriétaire 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


•  Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

TU        TV  yf  A  O  nn  T  NÎ     ^^  Prométhéide.  Étude  sur  la  pensée 
•     Il  •     iVl  /\  iV  1   1  iN     et    la    structure    de    cette    trilogie 
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duite de  l'allemand  par  le  duc  de  Blacaî 
Institut.  Tome  IV  et  dernier,   i  vol. 
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et  publiée  par  J.  de  Witte,  membre  de  l'Institut.  Tome  IV  et  dernier,   i  vol. 


PTD  T  T7  D  D  ET  T^  Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant 
•  1  1  JCj  rV  rv  IL  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement,  i"  fascicule. 
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Le  4e  fascicule  est  sous  presse. 

En  vente  chez  Rollin  et  Feuardent,  4,  rue  de  Louvois. 

Pr)  T  T-i  Q  Q  T7I  ryi     Dictionnaire    d'archéologie    égyptienne. 
•      r  1  ELi  rvrvll.   1        i  vol.  in-i8jésus.  6fr. 


PÉRIODIQUES, 


'  <l 


Revue  d'Alsace.  Avril-Mai-Juin  187$.  X.  Mossmann,  Matériaux  pour  servir 
à  l'histoire  de  l'invasion  des  Armagnacs  en  Alsace  (ces  matériaux  tirés  des 
archives  de  Colmar,  1435-1445,  ajoutent  de  nombreux  renseignements  à  ceux 
qu'a  recueillis  M.  Tuetey  dans  son  histoire  des  Écorcheurs  sous  Charles  VII).  — 
Arth.  Benoit,  Collections  et  collectionneurs  alsaciens  1600- 1820  (suite).  —  Ed. 
Casser,  Les  Archives  de  Belfort  (inventaire  officiel  dressé  en  173 1).  —  P.  E. 
TuEFFERD,  Curiosités  de  l'histoire  de  Montbéliard  (suite).  —  D.  Fischer,  Les 
revenus  de  l'évêché  de  Strasbourg  (ils  étaient  en  1787  de  520,054  livres,  7  sous, 
7  deniers). — Bulletin  bibliographique  (Tuetey,  Les  Ecorcheurs.  —  D.  Fischer, 
Geschichte  der  Stadt  Zabern). 

Juiilet-Août-Septembre.  —  D.  Fischer,  La  dissolution  de  l'ordre  des 

Jésuites  en  Alsace  (historique  intéressant  des  collèges  de  Jésuites).  —  P.  E. 
Tuefferd,  Curiosités  de  l'histoire  de  Montbéliard  (fin).  —  A.  Duvernoy,  Les- 
Montbéliards  en  Palestine  (étude  sur  la  part  assez  importante  prise  par  les  comtes 
de  Montbéliard  aux  croisades).  —  Arth.  Benoit,  Collections  et  collectionneurs 
alsaciens  1600-1820  (fin).  — Ch.  Grad,  Le  foyer  alsacien  (légende  de  la  chasse 
maudite).  —  X.  Mossmann,  Matériaux  pour  servir  à  l'histoire  de  l'invasion  des 
Armagnacs  (suite). 

The  Academy,  n"  174,  new  séries,  4  septembre.  Liber  Protocollorum 
M.  Cuthberti  Simonis,  Notarii  publici  et  Scribae  Capituli  Glasguensis,  A.  D. 
1499-1 5 1 3,  etc.  Ed.  by  J.  Bain  and  Rev.  Ch.  Rogers.  London  (James  Raine: 
contient  de  forts  curieux  renseignements  sur  les  mœurs  de  l'époque). — W.  Lord 
Watts,  Snioland,  or  Iceland,  its  Jôkulls  and  Fjalls.  London,  Longmans  and  Co. 
(C.  P.  Ilbert  :  mal  rédigé  et  peu  instructif).  —  German  Letter  (C.  Alden- 
HOVEN  :  revue  d'ouvrages  d'histoire).  —  Correspondence.  M.  W.  J.  Van  Eys's 
«  Étude  sur  l'origine  et  la  formation  des  verbes  auxiliaires  basques  »  (L.-L. 
Bonaparte:  expose  la  vraie  formation  du  nom  verbal  eroan,  et  combat  l'opinion 
de  M.  Van  Eys).  —  Mohammad's  Condemnation  of  Pictures  (Stanley  Lane 
PooLE  :  redresse  plusieurs  erreurs  contenues  dans  un  article  récent  de  V Academy 
sur  le  travail  de  M.  Lavoix  relatif  à  l'art  musulman).  —  Shakspere  and  Richard  III 
(F.  J.  Furnivall  :  cite  la  source  historique  sur  laquelle  Shakspere  s'est  fondé 
pour  attribuer  le  meurtre  du  duc  de  Clarence  à  son  frère  Richard).  —  Prehistoric 
Antiquities  in  the  Stockholm  Muséum  (Henry  Schliemann).  —  Vicomte  Henry 
Delaborde,  Le  Département  des  Estampes  à  la  Bibliothèque  nationale.  Paris, 
Pion  (Frederick  Wedmore  :  art.  très-favorable). 

The  Athenœum,  n®  2497,  4  septembre.  Ch.  Merivale,  A  General  History 

of  Rome B.  C.  753-A.  D.  476.  Longmans  and  Co.  (le  meilleur  résumé 

d'histoire  romaine  qu'on  puisse  trouver;  volume  compacte  de  691  pages).  — 
W.  D.  Whitney,  The  Life  and  Growth  of  Language.  King  and  Co.  (résumé 
des  Lectures  on  Language  de  l'auteur). 

Literarisches  Centralblatt,  n*»  36,  4  septembre.  Grill,  Die  Erzvaeter  der 
Menschheit.  i.  Abth.  Leipzig,  Fues's  Verl.  In-8°,  xvj-362  p.  (l'auteur  voit  dans 
les  Hébreux  des  Aryens  et  cherche  à  expliquer  les  noms  propres  de  la  Bible  par 
le  sanscrit).  —  Uhrig,  Bedenken  gegen  die  ^Echtheit  der  mittelalterl.  Sage  von 
der  Entthronung  des  merowingischen  Kœnigshauses  durch  den  Papst  Zacharias. 
Leipzig,  Veit  und  Co.  In-8**,  viij-8i  p.  {on  recommande  la  lecture  de  cette  bro- 
chure comme  spécimen  de  la  méthode  historique  qui  prévaut  en  Allemagne  dans 
les  séminaires  catholiques).  —  Reuter,  Geschichte  der  religiœsen  Aufklaerung 
im  Mittelalter.  i.  Bd.  Berlin,  Hertz.  In-8%  xx-335  p.  (ouvrage  d'une  lecture 
difficile,  mais  très-savant).  —  C.  Valeri  Flacci  Setini  Balbi  Argonauticon  libri 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  39  —  25  Septembre  —  1875 

Sommaire  :  192.  Ehlers,  Des  énigmes  des  Grecs.  —  193.  Calderon,  Le  Magicien 
prodigieux,  p.  p.  Magnabal.  —  Correspondance  :  Sur  les  origines  des  Bohémiens  ou 
Tsiganes,  avec  l'explication  du  nom  Tsigane.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des 
inscriptions. 

y^  ,\.ny,c, 

192.  —  De  Graecorum  aenîgmàtis  et  griphis.  Von  D'  Johannes  Ehlers. 

Prenzlau^  Mieck.  1875.  In-4°,  23  p. 

L'auteur  de  cette  petite  dissertation  s'est  proposé  de  compléter  et  de  mieux 
ordonner  les  recherches  de  Morawski  sur  ce  sujet.  Il  classe  les  énigmes  et  les 
griphes  que  nous  ont  laissés  les  poètes  grecs  suivant  leur  époque,  leur  caractère 
et  leur  provenance,  et  il  apporte  çà  et  là  des  corrections  au  texte.  «  Quo  et  ad 
»  litterarum  historiam,  »  dit-il,  «  et  ad  vitam  privatam  Graecorum  cognoscendam 
»  paulum  conferre,  quantulumcunque  erit,  cupimus.  »  En  effet  cet  opuscule 
contient  diverses  remarques  intéressantes  (voy.  notamment  ce  qui  est  dit  p.  4 
sur  la  différence  des  énigmes  grecques  et  des  modernes).  L'auteur  remarque  avec 
raison  que  les  Grecs  paraissent  avoir  emprunté  l'usage  des  énigmes  aux  Égyp- 
tiens; mais  il  n'a  sans  doute  pas  raison  de  dire  que  le  Sphinx  est  venu  d'Egypte 
en  Grèce  :  il  paraît  plus  probable  que  les  Grecs  ont  donné  aux  étranges  figures 
qu'ils  voyaient  devant  les  temples  égyptiens  le  nom  du  sphinx  thébain  :  pourquoi .? 
c'est  ce  qu'il  est  assez  difficile  de  deviner.  —  M.  Ehlers  a  enrichi  sa  dissertation 
par  le  rapprochement  de  certaines  énigmes  grecques  avec  des  énigmes  populaires 
chez  divers  peuples  germaniques  ;  il  aurait  trouvé  une  moisson  au  moins  aussi 
riche  dans  les  littératures  populaires  romanes.  La  fameuse  énigme  dont  la  solu- 
tion fit,  d'après  une  légende,  mourir  Homère  de  rire,  "Oca  £Xo[;.£v  Xi7uc;j.£«T6(3f 
off'  QUI  êXoiJLev  cp£p6^£G6a,  par  exemple,  se  retrouve  en  France  et  ailleurs.        > 


193.  —  El  mâgico  prodigioso,  comedia  en  très  jornadas,  por  D.  Pedro  Calderon 
de  la  Barca.  Nouvelle  édition  publiée  avec  une  notice,  un  argument  analytique  et  des 
notes  en  français,  par  J.  G.  Magnabal,  agrégé  des  lettres.  Paris,  Hachette  et  çi. 
1875.  In-i2,  xxiij  et  177  p.  —  Prix  :  1  fr.  50. 

C'est  la  première  fois ,  croyons-nous ,  qu'un  drame  de  Calderon  paraît  en 
France,  dans  le  texte  original,  accompagné  d'un  commentaire  grammatical  et 
historique.  Il  peut  donc  sembler  intéressant  d'étudier  la  manière  dont  l'éditeur 
s'est  acquitté  d'une  tâche,  qui,  pour  être  accomplie  d'une  façon  quelque  peu 
satisfaisante,  suppose  chez  celui  qui  l'entreprend  une  préparation  philologique  et 
littéraire  plus  étendue  et  plus  approfondie  que  ne  sont  généralement  portés  à  le 
croire  les  érudits  qui  ne  font  pas  de  la  littérature  castillane  leur  étude  spéciale. 
Cette  publication  réclame  au  reste,  à  un  autre  point  de  vue,  l'attention  de  la 
critique.   Nous  avons  affaire  ici  à   une  édition  classique;  c'est  du  moins  ce 

XVI  ,j 


I  94  REVUE    CRITIQUE 

qui  semble  ressortir  de  ces  mots  qui  terminent  l'introduction  de  l'éditeur  : 
(c  Tant  par  la  notice  qui  précède  que  par  les  notes  que  nous  avons  ajoutées  au 
»  texte,  nous  espérons  avoir  mis  les  lecteurs  du  Mdgico  prodlgioso  à  même  de 
»  comprendre  l'esprit  et  la  lettre  d'une  composition  des  plus  originales  de  don 
»  Pedro  Caldéron  ',  désignée  comme  sujet  d'étude  de  la  langue  poétique  espa- 
»  gnole  par  le  Conseil  supérieur  de  l'instruction  publique  ».  M.  Magnabal  étant 
membre  de  l'Université  de  France,  son  travail  s'adressant  spécialement  à  des 
professeurs  et  à  des  étudiants  de  cette  université,  nous  nous  croyons  autorisé  à 
juger  par  cette  édition,  et  de  la  méthode  que  ce  corps  enseignant  laisse  appliquer 
à  l'étude  de  la  langue  et  de  la  littérature  castillane,  et  du  degré  de  compétence 
qu'il  exige  de  ceux  de  ses  membres  qui  se  vouent  à  cette  branche  de  l'enseigne- 
ment des  langues  modernes.  Nous  allons  examiner  les  trois  parties  de  la  nou- 
velle édition  du  célèbre  drame  espagnol ,  c'est-à-dire  la  Notice  sur  Don  Pedro 
Caldéron  et  sur  le  Mdgico  prodlgioso,  le  texte  de  la  comedla  et  le  commentaire  de 
l'éditeur. 

Notice.  —  Le  résumé  de  la  vie  du  poète  a  été  traduit  par  M.  M.,  sauf  quelques 
détails  pris  ailleurs,  de  la  biographie  de  Caldéron  insérée  par  le  regrettable  et 
regretté  Cayetano  Alberto  de  la  Barrera  dans  son  excellent  Catdlogo  blbllogrdfico 
y  blogrdfico  del  teatro  antlguo  espanol.  Sans  doute  il  n'est  pas  défendu  de  repro- 
duire ce  qui  a  été  dit,  et  bien  dit,  par  un  autre  2,  mais  au  moins  doit-on  copier 
avec  discernement.  M.  M.,  qui  calque  le  castillan  de  La  Barrera,  plutôt  qu'il  ne 
le  traduit,  nous  enseigne,  entre  autres  choses,  que  Caldéron  a  appris  «  les  rudi- 
»  ments  de  la  grammaire  au  collège  impérial  de  Madrid  ».  Cette  épithète  d'Im- 
périal n'indique  pas  aux  lecteurs  français  de  Caldéron,  qui  ne  connaissent  pas 
Madrid,  qu'il  s'agit  ici  du  célèbre  collège  de  la  Société  de  Jésus,  et  cepen- 
dant il  importe  beaucoup  à  ces  mêmes  lecteurs  de  savoir  que  l'un  des  plus 
grands  poètes  de  l'Espagne  a  été  élevé  par  les  Jésuites.  La  phrase  suivante  est 
tout  à  fait  inintelligible  :  «  il  (Caldéron)  se  fit  ordonner  prêtre,  avec  l'autorisa- 
»  tion  royale,  en  165 1,  et  avec  le  titre  d'un  patronat  de  famille,  fondé  dans  la 
»  paroisse  de  San  Salvador  ».  A  tltulo  de  en  castillan  signifie  «  à  cause  de,  sous 
prétexte  de  ».  La  Barrera  a  voulu  dire  qu'une  fondation  pieuse  de  la  famille 
de  Caldéron  dans  la  paroisse  en  question  avait  motivé  le  changement  de  carrière 
du  poète.  M.  M.  s'entend  à  prendre  des  précautions  :  il  déclare  qu'il  n'a  pas 
voulu  «  donner  une  biographie  étendue  et  complète  de  son  auteur  »  ;  mais  il  lui 
eût  été  facile  d'être  plus  complet,  sans  être  plus  étendu  ;  il  devait  parler  en  tous 
cas  de  ce  curieux  et  trop  court  fragment  de  romance  ?  où  Caldéron  se  décrit  lui- 
même  à  une  dame,  au  physique  et  au  moral,  avec  infiniment  d'esprit  et  de 
grâce.  C'est,  malheureusement,  la  seule  autobiographie  que  nous  possédions  du 
poète.  —  La  partie  de  la  notice  qui  concerne  le  Mdgico  prodlgioso  satisfait  encore 
moins  aux  légitimes  exigences  de  la  critique.  Sans  doute  il  ne  s'agissait  point  de 

1.  Pourquoi  M.  M.  écrit-il  toujours  Caldéron.? 

2.  Pourvu  toutefois  qu'on  n'omette  point  de  rendre  à  César  ce  qui  est  à  César. 

3 .  Découvert  par  M.  Jorge  Diaz,  et  publié  par  M.  Hartzenbusch  dans  le  tome  I",  p.  58  $• 
586,  des  Comedias  escogidas  de  Lope  ae  Vega. 


d'histoire  et  de  littérature.  195 

discuter  ici  Porigine  de  la  légende  de  S*  Cyprien,  la  confusion  du  Cyprien 
d'Antioche  et  du  Cyprien  de  Carthage,  les  rapports  des  textes  latins  entre  eux  et 
la  source  directe  du  drame  de  Calderon.  Ces  recherches,  M.  M.  devait  les  faire 
pour  lui,  et  devait  en  présenter  au  lecteur  un  résumé  nourri  et  bien  coordonné. 
Au  lieu  de  cela,  M.  M.  s'est  borné  à  transcrire  «  un  abrégé  des  Actes  authene 
»  tiques  publiés  par  les  Bollandistes  )>.  Que  dire  ensuite  de  la  manière  doiit 
M.  M.  traite  des  rapports  de  la  vie  de  Cyprien  avec  la  légende  de  Faust  ?  Bien 
qu'il  ait  lu  '  une  dissertation  spéciale  sur  ce  sujet  de  K.  Rosenkranz,  c'est  Phi- 
larète  Chasles  que  M.  M.  a  pris  cette  fois  pour  souffleur,  Philarète  Chasles  qui 
entame  une  discussion  sérieuse  avec  Eugenio  de  Ochoa  (!)  sur  cette  question  de 
littérature  comparée.  On  nous  dispensera  d'insister  davantage  sur  cette  partie  du 
travail  de  M.  M.  2.  Une  remarque  toutefois  avant  de  finir.  Dans  l'introduction  de 
cette  édition  classique  destinée  surtout  à  être  lue  dans  des  collèges  français,  on 
ne  trouve  pas  un  mot  sur  la  versification  de  la  comedia  espagnole. 

Texte.  —  Les  recensions  du  Mdgico  prodigioso  qui  doivent  servir  l'établissement 
d'un  texte  correct,  —  je  ne  dis  pas  critique  —  sont  celles  de  la  Parte  XX  de 
comedias  varias  (1663)  et  de  la  Sexta  parte  de  l'édition  de  Vera  Tassis  (1682)?. 
Il  faut  en  outre  consulter  les  éditions  modernes  de  Keil  et  de  Hartzenbusch. 
M.  M.  s'est  contenté  de  reproduire  le  texte  établi  par  Hartzenbusch,  et  il  faut 
lui  savoir  gré  de  cette  preuve  de  modestie  4. 

Commentaire  philologique.  —  Ce  commentaire  est  conçu  de  telle  manière  qu'on 
ne  voit  point  à  quelle  catégorie  de  lecteurs  il  s'adresse.  Tantôt  le  commentateur 
croit  évidemment  parler  à  des  collégiens  qui  ne  savent  pas  un  mot  d'espagnol  : 
quand  il  enseigne,  par  exemple,  que  la  forme  elija  est  le  subjonctif  du  verbe 
eligir;  tantôt  d'importants  idiotismes  de  la  langue  castillane  ne  sont  même  pas 
signalés  à  l'attention  du  lecteur  français  :  à  la  vérité  c'est  un  peu  parce  que 
M.  M.  ne  les  entend  pas  lui-même.  Que  penser  en  effet  d'un  éditeur  de  Calderon 
qui  traduit  (p.  7)  Que  va  que  par  «  Qu'arrive-t-il  c'est  que  »,  au  lieu  de  «  Com- 

1.  Puisqu'il  la  cite  et  l'apprécie  en  ces  termes  :  a  En  1829  Karl  Rosenkranz  à  Leip- 
»  zick  (lisez  :  Halle)  s' occupe  du  Magicien  prodigieux  dans  une  dissertation  des  plus  intéres- 
»  santés  ijuoique  un  peu  trop  métaphysique  ».  Ce  jugement,  un  peu  vague,  ne  serait-il  point 
celui  de  Ticknor.?  M.  M.  doit  savoir  cela  mieux  que  personne,  lui  qui  a  traduit  la  tra- 
duction espagnole  de  l'ouvrage  du  savant  américain.  Voy.  Revue  critique,  1873,  n*  30. 

2.  Vaut-il  la  peine  de  signaler  les  fautes  d'impression  Riano  (partout)  pour  Riano, 
Flandres  (p.  vj)  pour  Flandre  ou  dans  les  Flandres;  Charles  /K  (p.  xv)  pour  Charles  lîl\ 
Criés  (p.  xvij)  pour  Cries j  etc.?  L'édition  de  Hartzenbusch  a  été  publiée  non  en  1866, 
mais  en  1848. 

3 .  Il  y  a  bien  une  copie  manuscrite  du  Mâgico  chez  le  duc  d'Osuna,  mais  on  n'en  a  point 
encore  tiré  parti. 

4.  La  correction  laisse  à  désirer.  P.  29,  v.  7  supprimez  en;  p.  30,  v.  12  mettez  la  virgule 
après  pudiera;  p.  37,  v.  2  du  bas  consangre,  lis.  con  sangre;  p.  92,  I.  2  eboza,  lis.  em- 
hoza;  p.  108,  v.  \  du  bas  santo,  lis.  tanto\  p.  119,  v.  16  Asombraos,  lis.  Asombrâos\ 
p.  120,  V.  7  du  bas  mettez  une  virgule  après  dccir\  p.  128,  11  du  bas  V,  lis.  0;  p.  131, 
V.  1  du  bas  Forzârale,  lis.  Forzarâle;  p.  140,  I.  4  du  bas  Aparecé,  lis.  Aparcce;  p.  156, 
V.  6  Dejàrete,  lis.  Dejaréte;  p.  166,  v.  8  Al  otro^  0  sanudo^  lis.  us.  (pour  être  conséquent 
avec  la  règle  donnée  p.  14^,  note  6);  p.  169,  v.  12  Confia,  lis.  Confia.  —  M.  M.  a  ré- 
tabli avec  raison  à  la  se.  XIV  du  III^  acte  (p.  143)  l'indication  scénique  supprimée,  très 
à  tort,  par  Hartzenbusch.  Pourquoi  n'a-t-il  pas  procédé  de  même  à  la  scène  XI  (p.  140).? 


196  REVUE    CRITIQUE 

»  bien  paries-tu  que  »;  Esa  es  la  ignorancia  (p.  12)  par  «  Telle  est,  etc.  )>,  au 
lieu  de  «  C'est  en  cela  précisément  que  consiste,  etc.  »;  no  hay  traza  (p.  26)  par 
«  il  n'y  a  pas  d'exemple  »,  au  lieu  de  u  aucun  moyen  n'existe  »;  no  ha  nacido 
de  (p.  34)  par  «  il  n'est  pas  naturel  »  pour  «  cela  ne  vient  pas  de  »  ;  Bueno  es 
eso  (p.  $7)  par  «  C'est  bien  »  pour  «  Voilà  qui  est  fort!  ».  Nous  en  passons,  et 
des  meilleures.  Le  côté  de  l'interprétation,  on  le  voit,  laisse  à  désirer  dans  ce 
nouveau  commentaire.  Examinons  maintenant  les  notes  grammaticales.  Ici 
quelques  citations  suffiront.  —  P.  3,  note  6  :  «  Que  hay,  qu'il  y  a;  remarquez 
))  cette  forme  hay,  du  verbe  avoir,  dont  l'indicatif  présent  est  he,  has,  ha.  » 
Ainsi  M.  M.  n'a  pas  vu  que  hay  représente  habet  -f-  ibi!  —  P.  4,  note  6.  On  nous 
dit  ici  à  propos  du  mot  puedo  «  qu'il  faut  remarquer  ce  changement  de  l'o  du 
»  radical  en  ue,  qui  forme  en  espagnol  toute  une  série  de  verbes  irréguliers  »  ; 
Il  faut  encore  signaler  aux  romanistes  une  note  précieuse  (p.  3)  sur  l'origine  de 
//  en  castillan.  Parlerons-nous  enfin  de  «  l'introduction  du  g  dans  tengo  »  (p.  4), 
de  «  l'accent  tonique  ou  orthographique  »  en  castillan  (p.  8),  de  «  visto,  parti- 
»  cipe  passé  irrégulier  de  ver,  voir  »  (p.  33),  de  la  «  contraction  de  ae  en  ai  » 
(p.  49),  etc.,  etc.? 

Mais  tout  cela  n'est  rien  à  côté  des  énormités  que  notre  métier  de  critique 
nous  fait  un  devoir  de  citer.  Que  ceux  de  nos  lecteurs  qui  ont  lu  le  Mdgico 
prodigioso  veuillent  bien  se  reporter  à  la  scène  V  du  premier  acte,  au 
moment  où  Lelio  refuse  le  moyen  que  lui  propose  Cipriano  pour  éviter  de 
se  battre  avec  son  rival  Floro,  et  veut  vider  sa  querelle  sur  le  champ  : 
Hemos  en  apelacion  De  volver  d  las  espadas  (il  faut  en  revenir  aux  épées), 
dit-il,  El  querido  por  su  honor,  y  el  oîro  por  su  venganza  (p.  29).  Le 
deuxième  vers  de  ce  passage  porte  correctement  dans  la  nouvelle  édition 
espadas,  dans  la  note  au  contraire  ce  mot  s'est  changé  en  espaldas.  Le  com- 
mentateur, loin  de  s'étonner  de  cette  bizarre  leçon,  a  préféré  forger  un  sens 
grotesque  avec  cet  intrus  que  de  reporter  les  yeux  au  haut  de  la  page.  Aussi 
M.  M.  a-t-il  pris  sur  lui  d'empêcher  l'amant  de  Justine  de  ressaisir  son  épée;  il 
lui  conseille  prudemment  «  de  tourner  les  épaules,  de  se  retirer  pour  son  hon- 
»  neur  »!  !  Mais  nous  avons  mieux  encore.  —  P.  113.  Ici  c'est  le  démon  qui 
est  en  scène,  il  conjure  en  ces  termes  la  montagne,  —  qu'il  avait  transportée  à 
travers  l'espace  pour  donner  à  Cyprien  une  preuve  de  sa  puissance ,  —  de 
reprendre  sa  place  :  Pdjaro,  que  al  viento  vuelas,  siendo  tus  plumas,  tus  ramos,  etc. 
M.  Antoine  de  Latour  dans  sa  traduction  de  Calderon",  qui  a  été  faite  un  peu 
trop  au  courant  de  la  plume,  interprète  ainsi  ces  deux  vers  :  «  Oiseau  que  le 
»  vent  emporte  et  dont  les  plumes  sont  les  rames.  »  Il  est  clair  qu'il  a  lu,  par 
inadvertance,  remos  au  lieu  de  ramos.  On  ne  peut  pas  toujours  copier  les  autres 
impunément;  ces  malencontreuses  rames  de  M.  de  Latour  qui  ont  passé  dans  le 
commentaire  de  M.  M.  nous  en  fournissent  la  preuve.  Du  reste  une  raison  ex- 
cellente aurait  dû  empêcher  M.  M.  de  reproduire  ce  ridicule  non-sens'.  Le 


I.  Œuvres  dramatiques  de  Calderon.  Paris,  Didier.  1875.  T.  I,  p.  330. 


d'histoire  et  de  littérature.  197 

passage  est  écrit  en  vers  de  romance,  l'assonance  est  en  a-o,  et  porte  précisé- 
ment sur  le  mot  qui  nous  occupe. 

En  voilà  assez,  pensons-nous,  sur  la  compétence  de  l'éditeur  en  matière  de 
castillan. 

M.  Magnabal,  qui  est  agrégé  des  lettres,  sait-il  mieux  le  français  ?  On  en  dou- 
tera peut-être  après  avoir  jeté  un  coup-d'œil  sur  les  quelques  passages  de  son 
commentaire  que  nous  réunissons  ici.  —  P.  151,  note  \  \  A  su  cargo  îuvo  est 
traduit  par  «  eût  pris  »  (pour  <c  a  pris  »);  p.  142,  note  5  :  w  ce  qu'on  désigne 
))  vulgairement  pour  le  mot  abatis  j)  ;  p.  157,  note  i  :  «  avec  quelle  alarme  ils 
»  m'ont  tenue  (en  parlant  d'un  homme)  »;  p.  122,  note  5  :  v.  froide  par  son  em- 
»  pressemenî  à  se  rendre  aux  désirs  de  Clarin  »  ;  p.  40,  note  i  :  El  sol  saliese  est 
traduit  par  «  que  le  soleil  sortit,  c.-à-d.  parut,  reparut  )>  ;  p.  37,  note  12  :  Su 
sed  apaga  con  sangre  De  la  que  à  martires  vierte,  etc.  Le  second  vers  est  rendu 
par  :  «  de  celle  (!)  qui  verse,  qui  répand  les  martyrs,  qui  fait  les  martyrs  »  ; 
etc.,  etc. 

Commentaire  historique  et  littéraire.  —  Parmi  les  allusions  à  la  géographie  ou  à 
l'histoire  ancienne,  il  n'y  en  a  guère  qu'une  qui  puisse  présenter  au  premier 
abord  quelque  difficulté,  et  c'est  aussi  la  seule  que  M.  M.  n'a  pas  expliquée. 
Lisandro  (acte  V,  se.  VII)  parle  d'un  pape  Alexandre,  qui,  évidemment,  ne 
peut  être  qu'Alexandre  V\  Au  reste  l'anachronisme  est  d'autant  moins  choquant, 
comme  l'a  observé  V.  Schmidt^,  que  la  date  traditionnelle  du  pontificat  de  ce  pape 
est  sans  valeur  historique.  Au  contraire  les  allusions  à  Antioche,  ville  peu  connue, 
à  Pline  l'Ancien,  personnage  énigmatique,  ont  suscité  des  notices  développées, 
où  M.  Bouillet,  ou  quelque  autre  compilateur  ejusdem  farinae,  ne  manquera  pas 
de  reconnaître  une  bonne  partie  de  sa  prose.  Quant  à  l'explication  des  termes 
techniques  du  théâtre  de  la  Péninsule,  des  locutions  de  la  langue  familière  ou  du 
jargon  de  collège,  des  tournures  propres  au  style  poétique  de  Calderon,  M.  M. 
s'en  est  tiré  à  bon  marché.  —  P.  i  :  a  Jornada^  journée,  chemin  que  l'on  fait 
))  pendant  une  journée;  —  expédition,  bataille;  dans  le  théâtre  espagnol,  acte 
))  d'une  pièce  «.  Comme  cet  article  tiré  d'un  calepin  quelconque  vous  renseigne 
bien  sur  l'historique  du  terme!  M.  M.  n'en  connaîtrait-il  pas  l'origine,  ne 
saurait-il  pas  au  moins  le  nom  du  poète  espagnol  qui  l'a  le  premier  appliqué  à  la 
comedia?  —  P.  14:  vaya  de  argumento.  Cette  locution,  qui  revient  si  souvent 
dans  les  disputes  entre  gens  d'école,  est  rendue  par  «  que  (l'objet  de  vos  études) 
»  devienne  un  sujet  de  discussion  ».  —  P.  118  :  el  alcdzar  estrellado  (la  forte- 
resse étoilée,  c.-à-d.  le  ciel)  «  se  prend  en  poésie  »,  d'après  notre  éditeur, 
«  pour  le  palais  des  rois  ».  Et  nous  ne  parlons  pas  ici,  bien  entendu,  des  pas- 
sages vraiment  difficiles  qui,  pour  être  entendus,  exigent  une  connaissance 
approfondie  de  la  culture  espagnole  au  temps  de  Calderon,  du  milieu  intellectuel 

).  En  1816  le  littérateur  allemand  J.  D.  Cries  traduisait  correctement  les  mêmes  vers: 
Vogel,  der  die  Luft  durchfliegct,  Dem  ah  Flûgel  diencn  Zweige,  etc.  Schaaspielevon  D.  Pedro 
Calderon  de  la  Barca,  ûbersetit  v.  J.  D.  Gries.  Berlin.  1816.  T.  II,  p.  112. 

2.  Die  Schauspielc  Calderon  s.  Elberfeld.  1857,  p.  441,  ouvrage  inconnu  à  notre  com- 
mentateur. 


1^8  REVUE    CRITIQUE 

et  moral  dans  lequel  s'est  développé  ce  poète  érudit;  ces  passages,  est-il  besoin 
de  le  dire,  M.  M.  les  laisse  se  présenter  d'eux-mêmes  au  lecteur,  sans  com- 
mentaire d'aucune  sorte  '. 

Nous  manquons  de  renseignements  précis  sur  l'état  de  l'enseignement  de  la 
littérature  espagnole  dans  nos  établissements  d'instruction  secondaire.  Il  faudrait 
avoir  pratiqué  des  professeurs  de  cette  spécialité,  ou  avoir  assisté  à  leurs  leçons, 
pour  se  rendre  compte  de  quelle  manière  les  instructions  ministérielles  y  sont 
interprétées.  Mais  puisque  le  Conseil  de  l'instruction  publique  juge  que  nos 
collégiens  sont  de  force  à  expliquer  des  drames  de  la  difficulté  du  Mdgico  prodi- 
giosOj  il  ne  serait  pas  sans  intérêt  de  savoir  s'il  pense  aussi  que  des  éditions,  où 
l'exégèse  est  faite  à  coups  de  dictionnaire ,  soient  de  nature  à  être  mises  entre 
leurs  mains.  Alfred  Morel-Fatio. 


La  Revue  critique  a  récemment  publié  un  article  sur  le  Mémoire  de  M.  de  Goeje  relatif 
à  rorigine  des  Bohémiens.  Notre  collaborateur,  M.  Bataillard,  qui  a  naguère  traité  dans 
la  Revue  ces  mêmes  questions ,  ayant  à  présenter  à  ce  sujet  quelques  explications  et  à 
établir  des  droits  de  priorité  sur  certains  points,  nous  n'hésitons  pas  à  lui  ouvrir  notre 
Recueil.  L'intérêt  du  sujet  et  la  compétence  de  l'auteur  nous  y  invitent  également.  Mais 
nous  tenons  à  lui  laisser  l'entière  responsabilité  de  ses  vues;  car,  sans  avoir  fait  une  étude 
spéciale  de  la  question,  nous  n'ignorons  pas  que  sa  thèse  est  en  opposition  avec  les  idées 
admises  par  les  savants  les  plus  autorisés,  et  soulève  des  objections  sérieuses. 

La  Rédaction. 

CORRESPONDANCE. 
Sur  les  origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes , 

AVEC  l'explication  DU  NOM  TSIGANE. 

Lettre  à  la  Revue  critique. 

La  Revue  critique,  dans  son  n*  du  22  mai  dernier,  a  publié  sur  la  récente 
brochure  de  M.  de  Goeje,  intitulée  :  Contribution  à  l'histoire  des  Tsiganes  (en 
hollandais),  un  article  de  M.  E.  Fagnan,  qui  m'a  d'autant  plus  intéressé  que 
cette  substantielle  analyse  peut  suppléer  jusqu'à  un  certain  point  à  l'écrit  original. 
Or  je  ne  puis  pas  dire  que  je  connaisse  celui-ci,  bien  que  le  savant  professeur 
de  Leyde  ait  eu  la  bonté  de  me  l'envoyer;  car  je  ne  lis  pas  le  hollandais,  et  je 
n'ai  pu  jusqu'ici  m'en  faire  traduire  que  quelques  passages. 

Il  m'a  été  facile  toutefois  de  m'assurer  que  M.  de  Goeje  y  traitait  très-savam- 
ment une  question  intéressante,  celle  de  l'identité  (assez  probable  dans  une 
certaine  mesure)  des  Bohémiens  et  des  Djatt,  que  j'ai  déjà  abordée  il  y  a  2$  ans 
dans  un  travail  sur  lequel  je  reviendrai  tout  à  l'heure;  et  j'ai  vu  avec  quelque 
surprise  que  l'auteur  hollandais,  qui  connaît  et  qui  cite  assez  souvent  les  longs 
articles  que  j'ai  publiés  dans  la  Revue  critique,  2' semestre  de  l'année  1 870-1 871 2, 

1.  Les  fautes  d'impression  dans  les  notes  de  M.  M.  sont  nombreuses  et  parfois  de 
nature  à  troubler  les  lecteurs  inexpérimentés.  P.  4,  note  7  libras,  lis.  libres;  p.  11,  note 
9  prenez,  lis.  preniez  ;  p.  51,  note  i  s( — si,  lis.  si  —  si;  p.  63 ,  note  8  en  ella,  lis.  alla  ;  p.  64, 
note  I  por fin,  lis.  porfia;  p.  71,  note  2  idololatra,  lis.  idolâtra ]  p.  73,  note  12  hu-ja,  lis. 
hu-je\  p.  131,  note  7  esfuerzo,  lis.  esjuerza,  etc. 

2.  Les  derniers  travaux  relatifs  aux  Bohémiens  dans  l'Europe  orientale,  dont  le  tirage  à 
part  forme  un  vol,  de  80  p.,  Paris,  Franck,  1872. 


d'histoire  et  de  littérature.  199 

ne  disait  pas  un  mot  de  mon  travail  de  1849,  et  qu'il  attribuait  (p.  16)  la  pre- 
mière idée  de  l'identification  des  Bohémiens  et  des  Djatt  à  M.  Pott,  dans  un 
passage  de  la  Zeiîschrift  der  D.  Morg.  Gesellschaft  (vol.  Vil,  1853,  p.  39?),  où 
pourtant  M.  Pott  lui-même  renvoie  à  mon  «  exposé  étendu  »  (weitere  Ausein- 
andersetzung)  de  la  question. 

Cette  omission,  que  je  ne  prétends  pas  d'ailleurs  reprocher  à  M.  de  Goeje,  — 
car  sa  bonne  foi  n'est  pas  plus  en  cause  ici  que  sa  science,  à  laquelle  j'aime 
à  rendre  hommage»,  —  s'est  naturellement  reproduite  dans  les  comptes-rendus 
de  son  récent  et  intéressant  mémoire  :  sur  la  foi  des  indications  qu'il  contient, 
l'initiative  de  l'identification  des  Bohémiens  et  des  Djatt  est  attribuée  à  M.  Pott 
et  à  quelques  autres,  parmi  lesquels  mon  nom  brille  par  son  absence.  —  C'est 
pour  réclamer  contre  cette  injustice  involontaire  que  j'ai  pris  d'abord  la  plume. 
Il  me  sera  du  reste  facile  d'abréger  un  peu  cette  première  partie  de  ma  longue 
lettre  ;  car  je  viens  précisément  d'adresser  une  pareille  réclamation  au  journal 
anglais  VAcademy  ^,  et  je  me  bornerai  à  résumer  ici  les  explications  que  j'ai 
données  dans  cette  lettre  qui  a  déjà  quelque  étendue ,  en  y  renvoyant  pour  plus 
de  détails  le  lecteur  que  la  question  peut  intéresser. 

La  Revue  critique  voulant  bien  m'accorder  une  large  place  très-exceptionnelle, 
je  diviserai  ma  lettre  en  trois  parties  :  —  La  première  contiendra ,  avec  ma 
réclamation,  un  résumé  et  un  examen  critique  de  la  thèse  de  M.  de  Goeje.  — 
Dans  la  seconde,  j'exposerai  sommairement  mes  idées  personnelles  sur  l'origine 
des  Bohémiens.  —  Dans  la  troisième,  je  donnerai,  comme  complément  de  l'ex- 
posé qui  remplit  la  seconde,  une  explication  que  je  crois  certaine  et  définitive  du 
nom  des  Tsiganes  ;  puis  je  terminerai  par  quelques  réflexions  sur  les  directions 
nouvelles  que  les  indications  fournies  tant  par  les  données  de  M.  de  Goeje  que 
par  les  miennes  doivent  donner  aux  recherches  philologiques,  anthropologiques 
et  ethnographiques  relatives  à  l'origine  des  Bohémiens ,  et  sur  les  conséquences 
diverses  que  pourront  avoir  les  résultats  de  ces  recherches. 

I. 
VAcademy,  dans  un  court  article  de  son  n"  du  27  février  dernier ,  avait 
signalé  la  brochure  de  M.  de  Goeje,  en  attribuant,  comme  l'a  fait  depuis  la 
Revue  critique ^  à  M.  Pott  en  1853,  l'initiative  de  l'idée  qui  y  est  développée?. 

1.  Ce  qui  précède  et  même  tout  ce  qui  suit  était  écrit,  lorsque  j'ai  reçu  de  M.  de 
Goeje  une  bonne  et  aimable  lettre  (en  date  du  13  juin)  en  réponse  à  celle  que  je  lui  avais 
adressée  en  lui  envoyant  le  n*  de  VAcademy  qui  contient  ma  1"  réclamation.  Il  y  recon- 
naît pleinement  mes  droits,  et  il  m'explique  qu'obligé  à  un  peu  de  hâte  pour  fournira 
l'Académie  de  Hollande  la  contribution  qu'il  avait  promise  pour  la  séance  de  janvier,  il 
n'avait  pu  se  procurer  ni  mes  anciens  mémoires,  dans  l'un  desquels  se  trouve  le  petit 
travail  spécial  dont  d'ailleurs  l'indication  par  Pott  lui  avait  échappé,  ni  les  ouvrages  de 
Paspati  qu'il  a  dû  citer  d'après  les  analyses  que  j'en  ai  données. 

2.  Voy.  le  n'  du  ^  juin  1875,  p.  ^83-585. 

3.  A  M.  Pott,  VAcademy,  d'après  M.  de  Goeje  (p.  15-16  et  25),  adjoignait  le 
D'  Trumpp,  pour  un  passage  de  son  article  publié  dans  la  Zeitschrift  der  D.  Morgenl. 
Gesellschaft  de  1861,  p.  690-695.  A  ces  deux  auteurs,  M.  Fagnan,  dans  la  Revue  critique, 
ajoute  H.  Elliot  {History  of  Itidia,  t.  i ,  Lond.  1867,  p.  507  et  surtout  465 ,  cité  par 
M.  de  Goeje,  p.  1 5  et  18-19),  ^^  M.  Burton ,  mentionné  ci-dessous.  —  A  ce  compte, 


200  REVUE    CRITIQUE 

Puis,  dans  le  n°  du  27  mars  du  même  recueil  anglais,  avait  paru  une  longue  et 
intéressante  lettre  de  M.  Burton,  de  la  Société  royale  de  géographie,  qui  réclamait 
la  priorité  dans  ^identification  des  Bohémiens  et  des  Jat,  Djat  ou  Juth  des  bords 
de  Findus  (dont  le  nom,  dit-il,  se  prononce  Dyaî)  ',  en  citant  un  passage,  d'ail- 
leurs assez  court,  de  son  ouvrage  publié  en  1 8$  i ,  Sindh  and  the  Races  thaï  inhabit 
îhe  valley  of  the  Indus  (p.  246-7),  où  l'idée  d'un  rapport  de  consanguinité  entre 
les  Jat  et  les  Gypsies  est  en  effet  donnée  comme  probable.  M.  Burton  rappelait 
en  même  temps  qu'il  a  beaucoup  vécu  parmi  les  Jat,  qu'il  a  publié  en  1 849  une 
grammaire  de  leur  langue,  etc. 

La  question  de  priorité  dans  l'identification  des  Bohémiens  et  des  Djatt  étant 
ainsi  soulevée  dans  VAcademy,  je  ne  pouvais  me  laisser  tout  à  fait  oublier,  moi 
qui  ai  consacré  tant  d'années  à  l'étude  des  Bohémiens,  et  qui,  bien  que  n'ayant 
publié  jusqu'ici  sur  eux  que  des  travaux  fragmentaires  (dans  lesquels  du  reste 
ont  puisé  presque  tous  ceux  qui  se  sont  occupés  de  leur  histoire),  me  trouve 
avoir  le  premier  traité  cette  question  de  l'identité  probable  des  Tsiganes  et  des 
Djatt. 

Je  me  suis  donc  appliqué,  dans  ma  lettre  à  VAcademy,  à  marquer  exactement 
les  parts  de  chacun.  Voici  un  résumé  de  la  filiation  de  l'idée  développée  par 
M.  de  Goeje.  Pour  en  trouver  le  point  de  départ,  il  faut  s'adresser  en  effet  à 
M.  Pott,  mais  non  à  son  article  de  1853,  il  faut  remonter  à  celui  qu'il  a  publié 
dans  le  même  Zeitschrift  en  1849  (vol.  III,  p.  326)  :  là,  M.  Pott  revient  sur  une 
tradition  rapportée  par  Ferdoussy,  par  le  Modjmel-al-Tevarykh  et  par  le  Tarikh- 
Guzydeh,  d'après  laquelle  Bahram-Gur,  roi  de  Perse  (420-440  de  notre  ère) 
avait  fait  venir  de  l'Inde  2  dix  ou  douze  mille  musiciens,  désignés  sous  le  nom  de 
Luri,  tradition  qu'il  avait  déjà  mentionnée  dans  son  grand  ouvrage,  Die  Zigeaner 
(t.  P',  1844,  p.  62),  en  faisant  remarquer  dès  lors  que  les  Louri,  qui  ont  encore 
des  descendants  en  Perse,  paraissent  être  identiques  aux  Bohémiens;  et,  aux 
témoignages  précédents  il  ajoute,  dans  son  article  de  1849,  celui  de  Hamza 
Ispahani,  qui  rapporte  le  même  fait  dans  un  passage  de  ses  Annales  où  les  musi- 
ciens en  question  sont  désignés  sous  le  nom  de  Zuth.  M.  Pott  a  soin  de  dire  du 
reste  que  c'est  M.  Fleischer  qui  lui  a  communiqué  ce  document,  et  qui  lui  a 
fourni  en  même  temps  l'explication  de  ce  nom  de  Zuth,  qui  était  pour  lui  com- 
plètement énigmatique,  en  ajoutant  à  sa  communication  un  passage  du  Kâmûs 
qui  identifie  Zoth,  forme  arabe,  à  Djatt,  nom  d'une  race  de  l'Inde,  et  le  passage 

c'est-à-dire  en  prenant  tous  ceux  qui,  en  s'occupant  des  habitants  des  bords  de  l'Indus, 
ont  pensé  à  un  rapport  possible  ou  probable  entre  eux  et  les  Bohémiens,  il  serait  certai- 
nement facile  d'accroître  cette  liste. 

1.  Le  capit.  Newbold,  dans  un  court  passage  de  son  précieux  mémoire  posthume,  The 
Gypsies  of  Egypt  (Journal  of  the  R.  Asiat.  Society,  vol.  XVI,  Part.  2,  London,  1856, 
p.  507-308),  où  il  signale  aussi  les  ressemblances  qui  l'avaient  frappé  entre  les  Bohémiens 
et  les  Jats,  et  où  il  renvoie  déjà  sur  ce  point  au  passage  du  Sindh  etc.  de  M.  Burton,  alors 
lieutenant  dans  l'armée  de  Bombay,  dit  en  terminant  :  «  Il  ne  faut  pas  confondre  les  Jats 
»  avec  les  Jats,  autre  tribu  qui  habite  le  Scinde.  »  J'avoue  que  la  distinction  m'échappe  : 
c'est  un  point  à  éclaircir,  sur  lequel  j'appelle  les  explications  des  personnes  compétentes. 

2.  Ferdoussy  dit  que  Bahram-Gur  s'adressa  au  roi  de  Kanodje  pour  se  faire  envoyer 
ces  musiciens;  les  autres  disent  simplement  :  «  au  roi  de  l'Inde.  »  On  aimerait  à  savoir 
au  juste  de  quelle  partie  de  l'Inde  ils  vinrent. 


d'histoire    et    de    littérature.  201 

du  Dict.  français-arabe  d'Ellious  Bocthor,  qui  est  ainsi  conçu  :  «Bohémien,  Arabe 
»  vagabond,  Tchinghiané,  qui  dit  la  bonne  aventure,  vole,  etc.  ;  se  dit  à  Damas 
))  Zotty,  au  pi.  Zott.  »  —  Rien  de  plus.  On  voit  que,  dans  l'identification  des 
Djatt  de  l'Inde  et  des  Tsiganes,  la  part  de  M.  Pott  est  jusqu'ici  fort  petite.  Le 
grand  philologue  de  Halle  est  assez  riche  de  son  propre  fonds  pour  se  contenter 
de  ce  qui  lui  appartient;  et  mon  respect  pour  lui  comme  sa  bienveillance  pour 
moi  me  sont  un  sûr  garant  qu'il  ne  sera  pas  blessé  de  ma  réclamation. 

Là  pourtant,  dans  cette  communication  de  M.  Fleischer,  publiée  par  M.  Pott, 
se  trouve  le  vrai  point  de  départ  et  le  premier  anneau  d'une  identification  sérieuse 
des  Tsiganes  et  des  Djatt.  C'est  ce  que  comprit  le  savant  et  regrettable  M.  Rei- 
naud ,  qui  appela  mon  attention  sur  ce  point,  au  moment  même  où  je  publiais 
dans  la  Biblioîhèque  de  VÉcole  des  chartes  (année  1 849)  mon  2^  mémoire  sur 
V Apparition  des  Bohémiens  en  Europe^,  et  qui,  avec  une  bienveillance  que  je  ne 
saurais  trop  reconnaître,  m'aida  dans  une  tâche  o\i  le  concours  d'un  orientaliste 
était  nécessaire.  De  là,  la  Note  additionnelle  qui  termine  ce  2''  mémoire.  Or  cette 
note  de  10  grandes  pages  assez  compactes  a  précisément  pour  objet  d'établir 
l'identité  probable  des  Tsiganes  et  des  Djatt.  Après  y  avoir  réuni  les  récits,  que 
M.  Pott  n'avait  fait  qu'indiquer,  de  Ferdoussy  (vers  l'an  1000),  du  Modjmel-al- 
Tevarykh  (vers  1 126),  —  je  n^ai  pu  me  procurer  la  relation  textuelle  du  Tarik- 
Giizydeh  (vers  1329),  —  et  celui  de  Hamza-Ispahani ,  que  M.  Pott  avait  cru 
postérieur  à  Ferdoussy,  tandis  que  cet  auteur  arabe-persan  est  le  plus  ancien  de 
tous,  puisqu'il  écrivait  au  x^  siècle,  —  j'ai  encore  pu,  avec  l'aide  de  M.  Reinaud, 
retrouver  un  cinquième  récit  du  même  fait  par  le  persan  Mirkhond  (xv^  siècle), 
où  le  nom  qui  sert  à  désigner  les  musiciens,  écrit  dans  certains  manuscrits  Khani 
ou  Kheny,  est  écrit  dans  d'autres  Djatt  et  Djatty,  au  pi.  Djattan,  qui,  au  juge- 
ment de  M.  Reinaud,  est  beaucoup  plus  vraisemblable.  Je  compare  ces  récits, 
j'indique  leurs  dates  et  la  part  d'originalité  de  chacun;  je  fais  ressortir  l'impor- 
tance du  nom  donné  par  Hamza  et  probablement  par  Mirkhond,  rapproché  des 
indications  fournies  par  le  Kâmûs  et  par  Ellious  Bocthor;  et  finalement  je  pars 
de  là  pour  recueillir  quelques  données  historiques  sur  ces  Djatt  de  l'Inde,  qui 
paraissent  avoir  des  affinités  si  étroites  avec  nos  Bohémiens. 

Il  ne  me  semble  pas  bien  nécessaire  après  cela  de  revenir  sur  le  passage  de 
l'article  de  M.  Pott,  dans  la  même  Zeitschrift  de  iSj^,  qui  est  donné,  par  M.  de 
Goeje  et  par  les  auteurs  des  comptes-rendus  de  son  ouvrage,  comme  le  point  de 
départ  de  l'identification  des  Bohémiens  et  des  Djatt,  et  dans  lequel  M.  Pott 
lui-même  renvoie  à  mon  travail.  On  trouvera  du  reste  ce  passage,  comme  celui 
de  l'article  de  1849,  textuellement  reproduit  dans  ma  lettre  à  VAcademy,  aussi 
bien  que  celui  d'un  article  de  la  Zeitschrift  de  1850,  où  M.  Fleischer,  l'éminent 
orientaliste  de  Leipzig,  le  véritable  initiateur  du  rapprochement  qui  nous  occupe, 

signale  mon  travail,  en  disant  que  «  Bataillard  a,  avec  l'aide  de  Reinaud, 

))  porté  à  une  grande  vraisemblance,  l'opinion  que  les  Zigeuner  descendent  des 

1 .  Ce  2e  mémoire ,  dont  le  tirage  à  part  (beaucoup  plus  complet  que  le  texte  de  la 
Biblioth.  dans  la  Note  addit.  qui  nous  occupe)  n'est  pas  encore  épuisé,  comme  l'est  depuis 
longtemps  celui  du  i",  se  trouve  à  la  librairie  Franck,  1849,  gr.  in-B*  de  48  p. 


202  REVUE  CRITIQUE 

»  G' at  OU  G^et,  les  plus  anciens  habitants  du  Nord-Ouest  de  Pinde »  Je 

pourrais  même  citer  la  lettre  que  M.  Fleischer  a  bien  voulu  m^écrire  à  ce 
sujet,  et  dont  je  suis  heureux  de  le  remercier  à  25  ans  de  distance,  ce  qui  est, 
j'en  conviens,  un  peu  tardif. 

Mais  j'ai  hâte  d'aborder  quelques  questions  moins  personnelles. 

Comme  je  le  remarque  dans  ma  lettre  à  VAcademy^  la  question  de  l'identité 
originelle  des  Bohémiens  et  des  Djatt ,  telle  qu'elle  se  pose  ici ,  c'est-à-dire  en 
tant  que  les  Bohémiens  dériveraient  de  migrations  ou  de  transportations  djattes 
datant  du  moyen-âge,  se  subdivise  en  plusieurs  branches  d'études.  —  Il  y  a  la 
part  de  l'érudition  orientale,  qui,  une  fois  le  lien  entrevu,  doit  nous  renseigner 
sur  les  migrations  ou  transportations  de  Djatt,  rechercher  les  Bohémiens  sous  le 
nom  de  Djatt  hors  de  l'Inde,  et  relever  tout  ce  qui  peut,  surtout  historiquement  y 
justifier  et  expliquer  cette  identification.  C'est  par  ce  côté  que  j'ai  abordé  la 
question  il  y  a  25  ans;  c'est  par  ce  côté  que  M.  de  Goeje  vient  de  la  traiter  plus 
à  fond,  avec  sa  compétence  d'orientaliste  et  surtout  d'arabisant.  Il  faut  noter 
toutefois  que  la  base  sur  laquelle  repose  l'identification  des  Bohémiens  et  des 
Djatt  reste  exactement  celle  que  M.  Fleischer  et  M.  Pott  m'avaient  fournie  en 
1849,  ^^^  M-  ^^  Goeje  ne  l'a,  je  crois,  ni  élargie  ni  fortifiée  (il  a  même  ignoré, 
si  je  ne  me  trompe,  le  petit  étai  nouveau  que  lui  apporte  le  texte  de  Mirkhond), 
que  seulement  il  a  éclairci  la  thèse  elle-même  et  ajouté  à  sa  vraisemblance  en 
complétant  l'histoire  des  migrations  et  des  transportations  de  Djatt  vers  l'Occi- 
dent', et  particulièrement  vers  les  régions  de  l'Asie  antérieure  et  de  l'Europe 
orientale  où  se  retrouvent  les  Bohémiens,  notamment  en  Syrie,  où  les  Bohémiens 
seraient  connus  sous  ce  nom  de  Zott,  qui  a  servi  de  point  de  départ  à  l'identifi- 
cation. —  Mais,  sans  parler  de  l'extrême  opportunité  qu'il  y  aurait  à  mieux  con- 
naître ces  Zott-Bohémiens  de  la  Syrie  2,  il  reste  d'autres  côtés  de  la  question, 
qui  sont  encore  obscurs  ou  inexplorés,  même  après  la  communication  de 
M.  Burton,  et  qui  ont  une  grande  importance. 

Je  veux  parler  des  côtés  ethnographiques ,  anthropologiques  et  philologiques 

1.  M.  de  Goeje  ne  mentionne  pas  de  colonies  djattes  plus  anciennes  que  celles  qu'on 
trouve  sur  les  côtes  de  l'Arabie  et  de  la  Perse  au  VII"  siècle,  et  que  j'avais  déjà  mention- 
nées dans  mon  mémoire  de  1849,  p.  46.  Mais  il  fait  connaître  des  transportations  de 
Zott,  en  Syrie  en  670,  vers  le  Khouzistân  en  710,  etc.,  tandis  que  la  première  que  j'ai 
indiquée  était  celle  du  IX'  siècle. 

2.  Une  identification  qui  repose  sur  un  nom  tout  local,  qui  peut  d'ailleurs  être  mal 
pris  ou  mal  appliqué,  demande  bien  des  vérifications.  —  Par  exemple,  les  Boh.  de  la 
région  de  S.-Jean-de-Luz,  dans  notre  pays  basque,  sont  appelés  Cascarots  :  doit-on  voir 
là  un  souvenir  de  cette  ville  et  province  de  l'Asie  antérieure,  Kaskar,  où  les  Zott  déportés 
firent  une  longue  station  (v.  de  Goeje,  p.  8-1 1  et  13)?  C'est  à  la  rigueur  possible;  mais 
je  me  garderais  bien  de  l'affirmer.  —  D'un  autre  côté,  M.  Pott,  dans  un  passage  que  je 
ne  retrouve  pas  en  ce  moment,  a  noté  une  identification  qui  lui  était  proposée  entre  les 
Bohémiens  et  les  Dom^  peuple  qui  a  son  siège  au  pied  de  l'Himalaya  du  côté  de  l'Inde. 
A  l'appui  de  cette  hypothèse,  je  pourrais  citer  le  nom  de  Damans  que  porte  une  tribu  des 
Boh.  de  la  Syrie  qui  paraît  importante  (Newbold,  Journal  of  the  R.  Asiatic  Society,  vol. 
XVI,  Part.  2,  Lond.  1856,  in-8*,  p.  302,  303-307),  et  celui  de  Doum  que  les  Bohémiens 
de  Syrie  se  donneraient  eux-mêmes  (ibid.  p.  312).  Mais  avant  de  fonder  un  système 
d'identification  sur  de  pareils  rapprochements,  il  faut  y  regarder  de  plus  près.  —  Je  ne 
vois  pas  le  nom  de  Zott  parmi  ceux  que  Newbold  a  relevés  en  Syrie,  et  cette  remarque 
m'inquiète  un  peu. 


d'histoire  et  de  littérature.  205 

de  la  question,  qui  forment  eux-mêmes  autant  de  branches  connexes,  mais  dis- 
tinctes, et  qui,  pour  une  grande  part  au  moins,  comme  je  l'explique  dans  ma 
lettre  à  lMca^gm_y,  exigeraient  des  recherches  spéciales  faites  dans  l'Inde  par  une 
personne  connaissant  très-bien  les  Bohémiens  d'Europe ,  et  aussi  ceux  de  l'Asie 
occidentale  et  de  l'Egypte.  J'aurais  plus  d'une  observation  à  faire  sur  chacune 
de  ces  parties.  Je  m'arrêterai  seulement  un  instant  sur  la  question  des  rapports 
particuliers  entre  la  langue  des  Bohémiens  et  celle  des  Djatt. 

Cette  question,  comme  celle  qui  fait  l'objet  du  travail  de  M.  de  Goeje,  pour- 
rait être  traitée  aussi  en  Europe,  pourvu  qu'elle  le  fût  par  un  indianiste  et  îsigano- 
logue  disposant  d'éléments  de  comparaison  suffisants,  c'est-à-dire  qui,  d'une  part, 
connaîtrait  bien  la  langue  des  Djatt  jusque  dans  les  moindres  dialectes  popu- 
laires, dont  tel  ou  tel  peut  avoir  ici  une  importance  particulière,  qui,  de  l'autre, 
connaîtrait  bien  la  langue  de  nos  Bohémiens  d'Europe  (qui  est  la  plus  pure, 
qu'on  ne  l'oublie  pas),  mais  aussi  les  dialectes  des  Bohémiens  de  Perse,  de  Syrie, 
de  l'Asie-Mineure  et  de  l'Egypte,  qui  peuvent  fournir  un  chaînon  nécessaire,  et 
particulièrement  ceux  des  Bohémiens  qui  se  sont  présentés  ou  qui  se  présentent 
encore  sous  des  noms  ethniques  rappelant  celui  des  Djatt,  ou  que  les  données 
historiques  et  ethnographiques  signaleraient  tout  spécialement  comme  dérivant 
des  migrations  djattes.  —  Mais  ici  qu'on  me  permette  une  question  à  l'adresse 
des  indianistes,  et  peut-être  aussi  des  sémitisanîs  qui  se  sont  occupés  spéciale- 
ment des  idiomes  chamitiques  et  kouschites,  et  qui  pourraient  avoir  eu  la  pensée 
de  rechercher  les  traces  qu'ils  ont  dû  laisser  dans  certaines  langues  populaires 
de  l'Inde,  aussi  bien  que  dans  certaines  langues  des  inscriptions  cunéiformes,  etc. 
Dans  quelle  mesure  connaît-on  la  langue  des  Djatt  et  les  divers  dialectes  qu'elle 
peut  présenter  encore,  et  qui  tous  sans  doute,  comme  la  langue  bohémienne 
elle-même,  ne  sont  plus  depuis  longtemps  que  des  branches  ou  des  rameaux  de 
la  famille  des  langues  aryennes  de  l'Inde?  J'avoue,  dans  mon  ignorance  en  ces 
matières  déhcates,  que  l'article  de  M.  Fagnan  ne  m'a  laissé  sur  ce  point  que  des 
idées  confuses.  Jusqu'ici,  j'ai  cru  que  la  langue  des  Djatt  était  une  langue  à  part 
qu'on  ne  connaissait  guère,  et  j'en  étais  encore  là  lorsque  j'ai  écrit  ma  lettre  à 
VAcademy.  M.  Pott,  dans  son  article  de  1853,  écrit  quatre  ans  après  que 
M.  Burton  avait  publié,  dans  le  Journal  de  la  branche  de  Bombay  de  VAsiatic 
Society  (janvier  1849),  sa  «  Grammar  of  the  Jâtaki  (locally  called)  Belochki 
»  Dialect  '  )>,  disait  en  parlant  des  Djatt  :  «  Avant  tout  il  serait  très-important 
))  pour  nous  d'avoir  des  détails  sur  leur  langue  »  ;  il  la  considérait  donc  comme 
peu  ou  point  connue  ».  Cependant,  M.  Fagnan,  dans  son  article  sur  le  travail  de 
M.  de  Goeje  (p.  321  et  323)  identifie  le  sindhi  et  le  djatt,  ce  que  fait  aussi,  je 
crois,  M.  de  Goeje  lui-même.  Or  il  est  certain,  que  même  avant  le  récent 

1.  Academy  du  27  mars,  p.  524,  col.  2. 

2.  A  la  vérité  M.  Pott  pouvait  ne  pas  connaître  la  grammaire  de  M.  Burton,  sans 
que  cette  ignorance  préjuge  rien  contre  la  valeur  de  ce  travail;  car  il  paraît  que  les 
publications  de  l'Inde  arrivent  très-difficilement  en  Europe,  même  en  Angleterre.  —  Dans 
tous  les  cas  on  aurait  besoin  de  savoir  aussi  ce  qu'est  au  juste  cette  langue  Jataki  (sur 
laquelle  M.  Burton  donne  d'ailleurs  quelques  indications  utiles,  v.  Acad.  du  27  mars)  par 
rapport  au  Sindhi  et  à  la  vraie  langue  des  Djatt,  si  elle  existe. 


204  REVUE   CRITIQUE 

ouvrage  de  M.  Trumpp  (Grammar  of  the  Sindhi  language,  1872)  qui  à  la  vérité, 
au  dire  des  personnes  compétentes,  jette  un  jour  tout  nouveau  sur  cette  langue, 
la  langue  sindhi  n'était  pas  complètement  ignorée;  et  je  remarque  qu'elle  a  été 
un  des  principaux  éléments  de  comparaison  employés  par  M.  Ascoli  dans  son 
étude  sur  la  langue  des  Bohémiens  {Zigennerisches ,  Halle,  1865),  dont  la  con- 
clusion, toute  provisoire  il  est  vrai,  était  que  les  Bohémiens  seraient  «  des  Sin- 
))  dhiens  ayant  fait  un  long  séjour  sous  les  Afghans  '.  »  Mais  si  le  djatt  n'est  rien 
autre  que  le  sindhi,  il  me  semble  qu'il  n'y  a  pas  grand'  chose  de  plus  à  attendre 
de  sa  comparaison  avec  le  bohémien,  que  ce  que  M.  Ascoli  et  plus  récemment 
M.  Miklosich^en  ont  tiré,  c'est-à-dire  une  indentification  déjà  intéressante, 
mais  vague  et  lointaine,  comme  toutes  celles  que  la  philologie,  l'anthropologie  3 
et  l'ethnologie  ont  fournies  jusqu'ici,  lorsqu'elles  ont  cherché  dans  Pinde  ce 
qu'elles  n'ont  pas  encore  trouvé,  la  peuplade  particulière  d^oi^  sont  sortis  nos 
Bohémiens,  celle  qui  représente  véritablement  et  spécialement  les  Bohémiens  dans 
l'Inde.  Je  conviens  pourtant,  toujours  dans  l'hypothèse  de  l'identité  du  djatt  et 
du  sindhi ,  qu'il  est  à  souhaiter,  maintenant  que  cette  dernière  langue  est  de 
mieux  en  mieux  connue,  que  la  comparaison  du  bohémien  avec  elle  soit  reprise 
et  coulée  à  fond  ;  mais,  sans  fermer  les  yeux  aux  traits  de  lumière  qui  peuvent 
jailHr  comme  par  hasard  et  d'une  manière  inattendue,  je  crois  que,  pour  une 
pareille  étude  comparée,  il  vaut  mieux  attendre  les  scrupuleuses  analyses  de 
savants  qui  soient  à  la  fois  indianistes  et  tsiganologues  consommés,  et  ne  pas 
faire  trop  de  fonds  sur  des  rapports  fugitifs,  saisis  à  la  volée  par  des  savants  ou 
des  voyageurs  qui  n'ont  pas  cette  double  compétence. 

Mais  l'identité  du  djatt  et  du  sindhi  est-elle  un  fait  clairement  établi  ?  Voilà  la 
question  que  je  renouvelle,  et  à  laquelle  l'identification  proposée  des  Bohém.iens 
et  des  Djatt,  avec  les  données  historiques  et  les  dates  de  migrations  ou  de  trans- 
portations  sur  lesquelles  elle  s'appuie ,  donne  un  intérêt  tout  particulier  et  un 
objet  parfaitement  précis.  Y  a-t-il  une  langue  des  Djatt,  connue  ou  non  connue, 
qui  soit  distincte  du  sindhi,  et  qui  puisse  servir  à  vérifier  l'hypothèse  vraisem- 
blable que  j'ai  établie  il  y  a  25  ans,  et  que  M.  de  Goeje  vient  de  développer  et 

1.  Voy.  les  derniers  travaux,  etc.,  dans  Revue  crit.,  Vol.  indiqué  plus  haut,  p.  204; 
tirage  à  p.,  p.  14;  et  ma  communication  à  h  Société  d'anihr.  (Bal letins,  19  février  1874, 
p.  129-130)  sur  l'état  actuel  de  la  question  des  affinités  du  boh.  avec  les  langues  de 
l'Inde.  On  trouvera  aussi  dans  ces  deux  endroits  les  conclusions  plus  anciennes  de 
M.  Pott. 

2.  J'indique  plus  loin  les  conclusions  de  celui-ci,  rectifiées  par  lui-même.  Quant  à 
M.  Ascoli,  j'espère  arriver  aussi  à  lui  persuader  que  probablement  la  langue  à  trouver 
dans  rinde  est  plutôt  un  ancien  prâcrit  qu'une  langue  populaire  moderne  {Bulletins  de  la 
Société  d'anthr,,  ibid.,  p.  i?i  et  138). 

3.  C'est  M.  Isid.  Kopernicki  qui  a  en  quelque  sorte  inauguré  les  recherches  anthropo- 
logiques sur  les  Boh.  dans  son  important  mémoire  sur  la  conformation  du  crâne  tsigane 
(en  allem.),  extrait  de  Archiv  fur  Anthropologie,  vol.  V,  Braunschweig,  1872,  in-4', 
p.  267-324,  avec  trois  grands  tableaux  et  4  pi.,  —  travail  dont  l'analyse  a  été  donnée 
dans  h  Revue  d'anthr.  du  D' Broca,  t.  II,  1873,  p.  161 -170.  Il  fournit  une  base  excellente 
dans  les  mensurations  prises  sur  20  crânes  boh.  de  Roumanie  (j'aurais  seulement  souhaité 
que  l'auteur  indiquât  exactement,  toutes  les  fois  qu'il  le  pouvait,  la  classe  de  Boh.  à  la- 
quelle se  rapportait  chaque  crâne);  mais  il  est  nécessairement  insuffisant  dans  la  partie 
relative  à  la  comparaison  des  crânes  boh.  et  des  crânes  «  indiens.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  205 

de  fortifier  ?  Si  cette  langue  existe,  c'est  à  elle  et  à  tous  ses  dialectes  qu'il  faut 
s'adresser,  en  même  temps  que  l'ethnographie  fera  de  son  côté  son  enquête. 

Dans  tous  les  cas,  soit  qu'il  s'agisse  du  sindhi  ou  d'une  autre  langue,  il  serait 
bien  extraordinaire,  lorsque  les  Bohémiens,  surtout  ceux  de  l'Europe  orientale 
et  centrale,  ont  si  merveilleusement  conservé  leur  langue  après  bien  des  siècles 
de  vie  errante  loin  de  leur  première  patrie,  que  les  (populations  plus  ou  moins 
compactes  dont  ils  seraient  issus,  et  dont  ils  ne  seraient  séparés,  d'après  les 
données  historiques  recueillies  par  M.  de  Goeje,  que  depuis  les  vii^  et  vin®  siècles 
de  notre  ère,  ne  pussent  pas  fournir  un  langage  tout  particulièrement  apparenté 
à  la  langue  romani  K  —  Si  cette  preuve  faisait  défaut,  la  thèse  de  M.  de  Goeje 
en  serait,  non  pas  nécessairement  ruinée,  mais  singulièrement  amoindrie;  et,  à 
supposer  même  qu'elle  trouve  l'appui  qui  lui  manque  encore  dans  l'enquête  qui 
reste  à  faire  auprès  des  groupes  bohémiens  qu'on  a  des  raisons  particulières  de 
rattacher  aux  émigrations  relativement  modernes  des  Djatt,  il  faudrait  bien 
admettre,  comme  on  peut  du  reste  le  présumer  déjà  d'après  les  données  que  j'ex- 
pose plus  loin,  que  les  Djatt  des  migrations  signalées  par  M.  de  Goeje  ne  forment 
dans  la  race  bohémienne  qu'une  infime  minorité,  qui  (à  quelques  exceptions 
près  peut-être)  se  serait  fondue  dans  la  masse ,  et  dont  la  langue  n'aurait  pas 
laissé  de  traces  appréciables  dans  la  langue  bohémienne  prise  en  bloc. 

En  attendant  que  la  philologie  réponde  à  ces  questions,  voici  une  petite  con- 
tribution ethnographique  que  je  crois  pouvoir  apporter  à  la  thèse  de  l'identifi- 
cation des  Bohémiens  et  des  Djatt,  et  qui  me  paraît  avoir  son  prix.  C'est  un 
passage  d'une  lettre  que  le  D""  Paspati,  l'auteur  des  Tchinghianés ,  dont  j'ai  lon- 
guement parlé  dans  mes  articles  déjà  indiqués  de  la  Revue  critique,  a  adressée 
vers  le  commencement  de  décembre  dernier,  à  MM.  Smart  et  Crofton,  de 
Manchester  2,  et  dont  M.  Crofton,  à  qui  je  dois  une  foule  de  communications 
précieuses,  a  bien  voulu  m'envoyer  l'extrait  qui  suit;  M.  Paspati,  à  qui  je  n'ai 
pas  le  temps  d'en  référer,  me  pardonnera  sans  doute  de  la  publier  sans  son 
autorisation. 

«  A  l'ouest  de  Tchorlu  (à  70  milles  au  N.-O.  de  Constantinople)  est  un  grand 

1.  M.  Fagnan  (note  2  de  la  p.  321)  signale,  d'après  plusieurs  sources,  des  inscriptions 
des  IV*  et  V*  siècles  «  sur  les  Djatt.  »  Elles  seraient  «  en  caractères  bouddhiques  », 
mais  on  ne  dit  pas  en  quelle  langue.  Si  elles  étaient  en  langue  djatte,  on  aurait  là,  ce 
semble,  un  admirable  critérium  pour  la  vérification  de  la  thèse  de  M.  de  Goeje. 

2.  Auteurs  de  l'important  ouvrage  The  dialect  of  thcEngUshCypsies  (grammaire,  voca- 
bulaire, nombreux  textes  gypsy,  etc.),  London,  107^,  in-S"  de  xxiij  et  302  p.,  qui  méri- 
terait un  compte-rendu  spécial;  car,  malgré  la  publication  en  1874,  par  M.  Borrow  et 
M.  Leland,  de  deux  ouvrages  sur  le  même  sujet  qui  ont  aussi  leur  importance,  il  est  cer- 
tainement la  meilleure  étude  qui  existe  sur  la  langue  des  Boh.  d'Angleterre.  Mais  l'appré- 
ciation détaillée  d'un  pareil  ouvrage  ne  saurait  être  bien  faite  que  par  une  personne  fami- 
lière avec  le  dialecte  gjfpsy.  A  ce  titre,  je  renvoie  à  un  article  de  The  Saturday  Review , 
du  16  janvier  1875,  qui  n'est  pas  signé,  mais  qui,  d'après  ce  qui  m'est  revenu,  serait 
d'un  M.  R.  C.  Caldwell  qui  écrit  dans  diverses  Revues  sur  les  sujets  relatifs  à  l'Inde,  et 
qui  paraît  avoir  une  certaine  compétence  sur  la  langue  gypsy;  puis  à  un  article  de  The 
Examiner  du  10  avril,  qui  pourrait  bien  être  de  M.  Leland;  enfin  à  un  article  signé  de 
celui-ci,  dans  The  Academy  du  19  juin  1875,  dont  je  n'ai  pu  encore  prendre  connaissance. 
—  On  peut  ajouter  un  article  publié  dans  The  Nation  de  New-York  du  18  février  1875 , 
que  je  ne  connais  pas,  mais  qui  m'a  été  signalé  comme  étant  de  M,  Fitz  Edward  Hall, 
examinateur  pour  le  service  civil  dans  l'Inde,  et  comme  écrit  avec  la  compétence  que 
donneraient  à  son  auteur  des  études  faites  dans  l'Inde  sur  les  Gypsies. 


206  REVUE   CRITIQUE 

»  endroit  nommé  Hariupol  (XaptouiroXtç),  par  les  Turcs  Hariampôl,  et  Herepoli. 
»  Un  grand  nombre  de  Bohémiens  demeurent  dans  cet  endroit.  Ils  ont  un  très- 
»  grand  nombre  de  buffles,  les  meilleurs  de  la  Roumélie.  Au  commencement  du 
»  printemps,  ils  quittent  l'endroit,  dans  de  grands  chariots  traînés  par  des 
»  buffles;  et,  voyageant  dans  les  vallées  humides,  ils  continuent  leur  marche 
»  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  vendu  toutes  leurs  bêtes.  Leurs  familles  et  tous  leurs 
»  ustensiles  de  cuisine  sont  dans  les  chariots.  Ils  sont  tous  musulmans  et  la 
»  plupart  sont  riches.  Les  chariots  sont  généralement  au  nombre  de  cinq  à  dix. 
))  En  automne  ils  retournent  dans  leurs  quartiers  d'hiver  à  Hariupol.  Cet  endroit 
»  contient  6$o  familles,  dont  $00  turques.  » 

Si  l'on  rapproche  ce  passage  de  celui  où  M.  deGoeje(p.  9-1 5  ;  Rev.  crit.  p.  322- 
323)  signale  la  transportation,  en  714,  vers  Antioche  et  Mopsueste,  d'un  certain 
nombre  de  Zott  et  autres  Indiens,  avec  leurs  buffles  au  nombre  de  4000,  en  vue 
de  débarrasser  le  territoire  des  lions  qui  l'infestaient  (les  lions  fuient  devant 
le  buffle),  puis  les  transportations  ultérieures  des  mêmes  Zott,  et  finalement  leur 
introduction  en  855  sur  le  territoire  de  l'empire  byzantin,  on  sera  autorisé  à 
supposer  que  les  Bohémiens  de  Hariupol  sont  un  reste  authentique  et  tout  parti- 
culièrement bien  conservé  de  ces  Zott  ou  Jatt.  Il  serait  très-intéressant  de  les 
étudier  de  près,  de  recueillir  leurs  traditions,  les  noms  ethniques  qu'ils  se  donnent 
et  ceux  qu'on  peut  leur  donner  autour  de  cette  localité,  et  de  noter  toutes  les 
particularités  qui  peuvent  les  distinguer  des  autres  Tsiganes  en  ce  qui  regarde  le 
type,  le  langage,  les  mœurs  et  coutumes.  —  Les  buffles  sont  du  reste  très- 
répandus  jusqu'en  Roumanie,  où  leur  lait  est  très-estimé.  Dans  ce  pays  les 
Bohémiens  n'ont  pas  de  buffles;  mais  on  y  rencontre  de  loin  en  loin  quelque 
famille  de  Bohémiens  de  Roumélie  traînant  assez  souvent  un  de  ces  animaux- 
femelles  à  sa  suite  pour  se  nourrir  de  son  lait.  Il  pourrait  y  avoir  aussi  de  ce  côté 
quelques  informations  à  prendre. 

Mais  je  dois  remarquer  que  l'élevage  des  buffles  est  un  genre  d'occupation 
tout  à  fait  exceptionnel  parmi  les  Bohémiens,  et  qui  par  conséquent  ne  peut 
servir  à  appuyer  l'identificatioh  proposée  qu'en  tant  qu'elle  concernerait  quelques 
petits  groupes  spéciaux  de  Bohémiens,  qui  demandent  d'ailleurs  à  être  étudiés 
de  plus  près.  —  Je  remarquerai  aussi  que  même  certaines  occupations  beaucoup 
plus  répandues  parmi  les  Bohémiens,  comme  celles  de  maquignons,  de  musi- 
ciens, etc. ,  si  elles  se  retrouvaient  chez  les  Djatt  de  Syrie  ou  d'ailleurs  aux  moments 
où  nous  sommes  certains  qu'il  s'agit  bien  d'eux,  c'est-à-dire  vers  les  époques  de 
leurs  transplantations  en  Occident,  n'auraient  une  grande  signification  que  si 
elles  formaient  un  certain  ensemble,  car  chacune  d'elles  n'est  pas  exclusivement 
propre  aux  Bohémiens.  Celle  qui  les  caractérise  avant  toutes  autres  en  Orient, 
c'est  la  profession  de  travailleurs  en  métaux  de  diverses  catégories,  presque 
toujours  unie  à  celle  de  devins,  ou  plutôt  de  devineresses  —  car  la  divination 
est  le  lot  des  femmes.  Or  je  ne  crois  pas  que  les  documents  relatifs  aux  Djatt 
transportés  vers  l'Occident  fassent  mention  de  ces  deux  occupations;  ce  qui  me 
paraît  prouver  clairement  que  nous  n'avons  pas  là  la  souche  de  la  généralité  des 
Bohémiens  d'Europe. 

(La  suite  au  prochain  n''.)  Paul  Bataillard. 


d'histoire  et  de  littérature.  207 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  17  septembre  1875. 
M.  de  Wailly,  vice-président,  présidant  la  séance  en  l'absence  de  M.  Maury, 
annonce  la  perte  que  l'académie  vient  de  faire  en  la  personne  d'un  de  ses  membres 
ordinaires,  M.  Brunet  de  Presle,  et  exprime  en  quelques  mots  les  regrets  que 
sa  mort  laisse  à  l'académie. 

M.  Thurot  commence  la  lecture  d'un  travail  sur  les  historiens  de  la  première 
croisade,  qui  doit  faire  partie  de  la  préface  du  4®  volume  des  historiens  occiden- 
taux, dans  la  collection  des  historiens  des  croisades  publiée  par  l'académie.  Dans 
le  chapitre  lu  à  cette  séance,  M.  Thurot  s'occupe  de  l'auteur  anonyme  de  la 
relation  intitulée  Gesta  Francorum  et  aliorum  Hierosolymitanorum.  Cette  relation  a 
été  publiée  pour  la  première  fois  par  Bongars ,  qui  crut  que  l'auteur  était  un 
italien  et  un  témoin  oculaire  des  faits  qu'il  racontait.  Ensuite  parut  une  autre 
rédaction  du  même  récit,  dont  l'auteur  se  nomme  :  c'est  Pierre  Tudebode,  prêtre 
de  Civray.  Celui  qui  la  publia  le  premier,  dans  le  recueil  de  Duchesne,  le  poite- 
vin Besly,  vit  dans  la  rédaction  de  son  compatriote  Tudebode  l'ouvrage  original, 
copié  par  l'anonyme,  et  accusa  celui-ci  de  plagiat.  M.  de  Sybel,  en  1841,  émit 
au  contraire  l'opinion  que  c'était  l'anonyme  qui  était  l'original,  que  Pierre  Tude- 
bode avait  copié  en  ajoutant  quelques  détails  nouveaux.  Depuis  cette  époque  la 
question  a  encore  été  examinée  et  résolue  en  sens  divers  par  plusieurs  savants, 
MM.  de  Saulcy  et  Paulin  Paris  en  France,  en  Allemagne  M.   Gurewitsch. 
M.  Thurot,  sans  reconnaître  la  même  valeur  à  tous  les  arguments  présentés  par 
M.  de  Sybel,  croit  cependant  avec  lui  et  MM.  de  Saulcy  et  Gurewitsch  que  c'est 
l'anonyme  qui  est  l'original  copié  et  amplifié  par  Tudebode.  Il  ajoute  qu'on  doit 
toujours,  dans  un  sens  ou  dans  l'autre,  écarter  l'accusation  de  plagiat,  qui  repose 
sur  la  notion  de  la  propriété  littéraire,  étrangère  aux  hommes  du  moyen-âge. 
—  Cherchant  ensuite  à  déterminer  la  profession  et  la  nationalité  de  l'auteur  des 
Gesta  Francorum,  M.  Thurot  cite  un  passage  d'un  poème  français  du  12^  siècle 
(Bibl.  Bodl.  ms.  Hatton  77)  qui  dit  en  parlant  de  l'histoire  de  la  croisade  (dont 
toutes  les  rédactions  postérieures  paraissent  dérivées  du  récit  de  l'anonyme)  : 
Uns  clers  provencel  Vad  premiers  latimée  (écrite  en  latin).  Soit  qu'il  faille  voir  là 
une  tradition  véritable  ou  une  heureuse  conjecture  du  poète,  il  est  assez  vrai- 
semblable en  effet  que  l'auteur  des  Gesta  Francorum  était  un  prêtre  provençal. 
Les  passages  qu'on  a  cités  pour  établir  qu'il  était  au  nombre  des  combattants  de 
la  croisade  ne  vont  pas  là-contre,  car  il  est  certain  que  beaucoup  de  prêtres  ont 
combattu  dans  les  rangs  des  croisés.  D'ailleurs  un  autre  qu'un  clerc  n'aurait  pas 
'SU  inventer,  par  exemple,  les  discours,  composés  entièrement  d'imagination,  que 
l'auteur  des  Gesta  Francorum  met  dans  la  bouche  des  Musulmans.  On  n'est  pas 
fondé  non  plus  à  le  croire  italien ,  sur  ce  qu'on  trouve  dans  son  texte  des  mots 
prétendus  italiens,  ou  sur  ce  qu'il  parle  en  termes  injurieux  des  Français  (Franci 
tumebant  superbia,  et  autres  phrases  analogues).  Les  mots  qu'on  a  relevés  sont 
plutôt  encore  provençaux  qu'italiens;  le  nom  de  Franci  à  cette  époque  ne  désigne 
que  les  Français  du  nord ,  non  les  Provençaux ,  qui  montraient  au  contraire  en 


208  REVUE    CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

général  pour  les  habitants  de  la  France  du  nord  une   antipathie  prononcée. 

M.  Bouley,  de  Facadémie  des  sciences,  inspecteur  général  des  écoles  vétéri- 
naires, demande  à  Pacadémie  de  faire  rédiger  des  inscriptions  pour  le  piédestal 
d'une  statue  de  Claude  Bourgelat,  fondateur  des  écoles  vétérinaires  de  Lyon  et 
d'Alfort,  qui  doit  être  inaugurée  à  l'école  de  Lyon  le  2  j  octobre  prochain.  Claude 
Bourgelat,  né  en  171 2 ,  mort  en  1779,  ^^^  d'abord  avocat,  puis,  ayant  gagné 
une  mauvaise  cause,  renonça  par  scrupule  à  cette  profession.  La  passion  qu'il 
avait  pour  les  chevaux  l'amena  à  s'occuper  de  l'enseignement  de  l'art  vétérinaire, 
qui  était  alors  abandonné  à  des  praticiens  empiriques  et  ignorants.  En  1762  il 
obtint,  avec  l'appui  de  Bertin  (intendant  de  la  généralité  de  Lyon,  puis  lieutenant 
général  de  police),  la  création  d'une  école  vétérinaire  à  Lyon.  En  1765  il  put 
créer  une  école  semblable,  plus  richement  dotée,  à  Alfort.  Aujourd'hui  l'école 
d'Alfort  se  prépare,  aussi  bien  que  celle  de  Lyon,  à  lui  consacrer  une  statue, 
mais  c'est  une  statue  de  marbre  qui  ne  pourra  être  achevée  avant  l'année  pro- 
chaine, tandis  que  celle  de  Lyon,  coulée  en  bronze,  est  déjà  terminée. 

M.  Desjardins  lit  la  suite  du  travail  de  M.  Ch.  Tissot  sur  la  géographie 
ancienne  de  la  Maurétanie  Tingitane.  La  partie  lue  à  cette  séance  est  consacrée 
à  la  ville  de  Lixus,  située  sur  le  fleuve  du  même  nom,  qui  s'appelle  aujourd'hui 
Loukkos  et  se  jette  dans  la  mer  près  de  la  ville  moderne  d'El  Araich.  Les  ruines 
de  la  ville  renferment  de  curieuses  antiquités  puniques,  notamment  des  restes 
importants  de  murailles  phéniciennes  de  grand  appareil.  A  cette  contrée  se 
rapportaient  d'anciennes  traditions  mythologiques  :  «  là,  dit  Pline  ($.  i .  y,  trad. 
Littré),  fut  le  palais  d'Antée  et  son  combat  avec  Hercule;  là  furent  les  jardins 
des  Hespérides.  La  mer  se  répand  en  un  estuaire  à  trajets  sinueux;  aujourd'hui 
on  explique  le  dragon  et  sa  garde  par  cette  disposition  des  lieux.  Dans  cet 
estuaire  est  une  île,  qui,  bien  qu'un  peu  plus  basse  que  le  reste  du  terrain,  n'est 
cependant  pas  inondée  à  la  marée  montante;  on  y  voit  un  autel  d'Hercule,  et  du 
célèbre  bois  qui  produisait  les  pommes  d'or  il  ne  reste  que  des  oliviers  sau- 
vages. »  La  configuration  de  l'estuaire  a  changé  depuis  le  temps  de  Pline;  le 
fleuve  a  couvert  son  ancien  lit  d'un  dépôt  d'alluvion  et  s'en  est  créé  un  nouveau. 
Dans  l'ancien  lit  on  remarque  une  éminence  évidemment  plus  ancienne  que  le 
terrain  d'alluvion  qui  l'environne,  appelée  Rekada,  que  M.  Tissot  reconnaît  pour 
l'île  dont  parle  Pline. 

L'académie  se  forme  en  comité  secret. 

Ouvrages  déposés  :  —  Fr.  Morand  :  Lettres  inédites  du  pape  Alexandre  III  (extrait 
de  la  Revue  des  sociétés  savantes);  Lettre  à  M.  Aug.  Huguet,  maire  de  Boulogne-sur- 
Mer,  en  réponse  à  son  Pamphlet  contre  l'ancienne  administration  du  musée  de  cette  ville, 
Boulogne,  1875,  in-8*;  —  présenté  par  M.  de  Longpérier  de  la  part  de  M.  François  Lenor- 
mand  :  Die  Anfenge  der  Cultur,  geschichtliche  und  archaeologische  Studien  (traduction 
allemande  de  plusieurs  mémoires  de  M.  Lenormand),  Jena,^  '875)  ^  vol.  in-8°. 

Julien  Havet. 


ERRATUM. 
N°  38,  p.  191,  1.  16,  au  lieu  de  genre,  lire  germe. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEW EG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


octo.  Recogn.  Baehrens.  Leipzig,  Teubner.  In-8°,  lviij-i8o  p.  (art.  défavorable). 
—  Hanslick,  Die  moderne  Oper.  Berlin,  Hofmann  u.  Co.  In-8°,  viij-?4i  p. 
(ouvrage  plein  d'intérêt  et  écrit  par  un  homme  très-compétent  :  l'auteur  se 
montre  très-favorable  à  l'Opéra  français). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  28,  10  juillet  Hengstenberg,  Das  Buch  Hiob 
erlaeutert.  Theil  i.  2.  Leipzig,  Hinrichs'sche  B.  In-8",  31 1  ;  364  p.  (Ad.  Kamp- 
hausen).  —  Heydecke,  Dissertatio  qua  Barnabae  epistola  interpolata  demon- 
stretur.  Brunsvigae,  Bruhn.  In-8^,  79  p.  (Lipsius).  —  Du  Bois-Reymond,  La 

Mettrie.   Rede Berlin,   Hirschwald.  In-S**,  37  p.  (W.  Leube).  —  Well- 

hausen,  Die  Pharisaeer  und  die  Sadducaeer.  Greifswaîd,  Bamberg.  In-8°,  164  p. 
(E.  Schùrer\  —  GiNO  Capponi,  Storia  délia  repubblica  di  Firenze  T.  i.  2. 
Firenze,  Barbera.  In-8°,  xxiij-667;  xix-652  p.  (0.  Hartwig).  —  Hahns,  Alt- 

hochdeutsche  Grammatik Herausg.  v.  Jeitteles.  4.  Aufl.  Prag,  Tempsky. 

In-8°,  XV- 15  2  p.  (E.  SiEVERs). 

Anzeiger  fur  Kunde  der  deutschen  Vorzeit,  n**  7,  juillet.  Ergebnis  e 
einer  im  Jahre  1 874  geschehenen  Nachgrabung  auf  der  Ruine  der  Klosterkirche 
von  Bosau  (jetzt  Posa)  bei  Zeitz  (Gustav  Sommer).  —  Aus  Breslauer  Formel- 
bûchern  (Alwin  Schultz).  —  Ueber  Glockenraeder  in  polnischen  Kirchen  (Prof. 
D'  Messmer).  —  De  apostolicis.  De  tribus  Sociis  (W.  Wattenbach).  —  Zur 
Geschichte  der  Heilkunde  (D'  Baur).  —  Beilage  zum  iV°  7.  Chronik  des  germ. 
Muséums.  —  Schriften  der  Akademieen  und  historischen  Vereine.  —  Nach- 
richten. 

La  Rivista  Europea.  Juillet  1875.  —  Camille  Desmoulins  (Pauteur  de  cet 
article  ne  semble  pas  connaître  l'ouvrage  de  M.  Claretie,  la  plus  complète  des 
biographies  de  G.  Desmoulins).  —  G.  Kuun,  Délia  migrazione  dei  miti  e  dei 
racconti  degli  indiani  ai  popoli  semitici  e  vice  versa.  —  A.  de  Gubernatis, 
Ricordi  Biografici  :  Paolo  Mantegazza,  Gaetano  Trezza.  —  P.  Tedeschi,  Sulla 
cronaca  di  D.  Compagni(fm.  M.  T.  essaie  enfin  de  réfuter  M.  Scheffer-Boichorst, 
mais  il  ne  touche  qu'à  deux  ou  trois  objections  auxquelles  il  répond  d'une  manière 
superficielle).  —  Bulletins  littéraires  italiens,  français,  slaves. 

Août  1875.  —  A.  Malmignati,  Dell'  Ariosto  e  de'  suoi  tempi.  —  G. 

Berarducci,  Nuovi  poeti  Umbri  :  Leopoldo  Tiberi.  —  E.  Piccolomini,  Sulla 
essenza  e  sul  metodo  délia  filologia  classica.  —  R.  de  Miracourt,  Les  Études 
préhistoriques.  —  G.  Kuun,  Délia  migrazione  dei  miti,  etc.  (fin).  —G.  Piazzoli, 
G.  Desmoulins  (travail  sans  critique  écrit  dans  un  esprit  ultra  révolutionnaire). 

—  P.  L.  Gecchi,  Il  progresso  dei  pensiero  nelle  lettere  dei  rinascimento  (suite). 

—  Bulletins  littéraires  français,  italiens,  roumains. 

BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Ahrens  (H.  L.).  Av^  und  Villa.  Etymo- 
logische  Untersuchung.  In-40,  25  S. 
Berlin  (Calvary  et  C«).  2  fr.  2$ 

Anzeiger,  neuer,  fur  Bibliographie  und 


Bibliothekwissenschaft.  Hrsg.  unter  ver- 
antwort.  Rédaction  v.  D.  J.  Petzholdt. 
Jahrg.  1875.  12  Hfte.  Dresden  (Schœn- 
feld).  15  fr. 


Bramantino  (B.  S.).  Le  rovine  di  Roma 
al  principio  del  secolo  XVI  :  Studi,  da 
un  manoscritto  dell'  Ambrosiana  di  80 
tavole  fotocromolitogratate  da  A.  della 
Croce  con  prefazione  et  note  di  G.  Mon- 
geri.  In-4*.  Milano  (Hoepli).  80  fr.- 

Corpus  reformàtorum.  Vol.  XLI.  Gr.  in- 
4*.  Braunschweig  (Schwetschkeu.  Sohn). 

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Contenu  :  Calvini  opéra  quae  super- 
sunt  omnia.  Edid.  G.  Baum,  E.  Cunitz. 
E.  Reuss.  Vol.  XIIÎ. 

Diari  della  città  di  Palermo  dal  secolo 
XVI  al  XIX  pubblicati  su'  manoscritti 
della  Biblioteca  comunale,  preceduti  da 
prefazioni  e  corredati  di  note  per  cura  di 
G.  di  Marzo.  Vol.  XIII.  In-8«,  312  p. 
Palermo  (Pedone-Lauriel). 

Fiorentino  (V.).  Sulle  carte  d'Arborea 
Prefazione.  In- 16,  40  p.  Firenze  (Succès. 
Le  Monnier).  i  fr.  25 

Fornaciari  (R.).  Disegno  storico  della 
lètteratura  italiana  :  lezioni.  2a  ediz  cor- 
retta  ed  accresciuta.  In- 16,  viij-232p. 
Firenze  (Sansoni).  3  Ir. 

Gengler  (H.  G.j.  Germanische  Rechts- 
denkmaeler.  Leges,  Capitularia,  formelae. 
In  Auszûgen  u,  Proben  m.  Einleitg.  er- 
gaenz.  Geschichtszeugnissen,  Anmerkgn. 
u.  Glossar  zum  academ.  Gebrauche.  In- 
8',  viij-778  S.  Erlangen  (Deichert).  16  f. 

Hodgson  (B.  H.).  Essays  on  the  lan- 
guages,  literature  and  religion  of  Népal 
and  Tibet,  together  with  further  papers 
on  the  geography,  ethnology  and  com- 
merce of  ihose  countries.  In-8°,  xj-269  p. 
Strassburg  (Teubner).  18  fr.  75 

Lechner  (M.).  De  Euripide  rhetorum 
discipulo.  In-4»,  20  S.  Berlin  (Calvary 
et  G").  2  fr.  25 

Legge  (A.  0.).  Plus  IX  :  The  Story  of 
his  Life,  to  the  Restauration  in  i8$o. 
With  Glimpses  at  the  National  Movement 
in  Italy.  2  vol.  in-8°,  780  p.  cart.  Lon- 
don  (Chapman).  40  fr, 

Maurer  (K.).  Ueber  den  Hauptzehnt  ei- 
niger  nordgermanischer  Rechte.  In-4*. 
Mùnchen  (Franz).  3  fr. 

Originis  Hexaplorum  quae  supersunt. 
Edid.  F.  Field.  Tomus  I,  fasciculus  2. 
In-4°.  London  (Mac  Millan).     37  fr.  50 

Osorio.  Memoir  of  the  Lady  Ana  d'Oso- 
rio,  Countess  of  Chinchon.  By  G.  R. 
Markham.  In-4*,  cart.  London  (Trûbner). 

35  fr. 


Owen  (R.  D.).  The  Debateable  Land 
between  this  World  and  the  Next.  2d 
Edit.  In-S",  458  p.  cart.  London  (Trûb- 
ner). c)  fr.  40 

Perceval  (P.).  Tamil  Proverbs.  With 
theirEnglish Translations.  3dEdit.  In-8*. 
London  (King).  n  fr.  25 

Records  of  the  Past  ;  being  English  Trans- 
lations of  the  Assyrian  and  Egyptian 
Monuments.  Vol.  3  :  Assyrian  Texts. 
In-8°,  cart.  London  (Bagster).   4  fr.  jo 

Rohr  (A.).  De  Philolai  Pythagorei  frag- 
ments Tcspl  «î^ux^ç.  In-8o,  40  S.  Berlin 
(Calvary  et  C*).  2  fr. 

Sanzio  (R.).  Sonetti  :  dichiarati  e  per  la 
prima  volta  illustrati  con  note  filologiche 
dal  dott.  A.  Marianni.  In-8*,  24  p.  Forls 
(Sec.  democrat.).  60  c. 

Smith    (G.).    Assyrian   Discoveries  :  an 

Account  of  Explorations  and  Discoveries 
on  the  Site  of  Nineveh  during  1875  and 
1874.  With  Illustrations.  In-8»,  463  p. 
cart.  London  (Low).  22  fr.  $0 

Story  of  the  Trojan  War  :  An  Epitome 
(from  Classic  Writers)  of  Incidents, 
Actions  and  Events  which  occurred  be- 
fore,  at,  and  after  the  Siège  of  Troy. 
With  a  Préface  by  the  Lord  Bishop  of 
Gloucester  and  Bristol.  In- 12,  378  p. 
cart.  London  (Blackwood).         6  fr.  25 

Sweet  (H.).  History  of  English  Sonnets, 
from  the  Earliest  Period.  In-8°,  cart. 
London  (Trûbner).  5  fr.  65 

Totâ  Kahânî  (The)  ;  or  taies  of  a  Parrot. 
Translated  from  Saiyid  Haidar  Bakhsh's 
HindûstânT  Version  of  Muhammad  Kâ- 
dirï's  Persian  Abridgment  of  Nakhsahi's 
TDti  Nâma  by  G.  Small.  In-8°,  256  p. 
cart.  London  (Allen).  10  tr. 

Tyler  (T.).  Philosophy  of  Hamlet.  In-8°, 
cart.  London  (Williams  et  N.).  3  fr.  i  j 

Waring  (J.  B.).  Ceramic  Art  in  Remote 
Ages.  In-4°,  cart.  London  (Day).  105  f. 

"Whitney  (D.  T.).  Oriental  and  Linguistic 
Studies.  Second  séries.  The  East  and 
West  Religion  and  Mythology,  Ortho- 
graphy  and  Phonology,  Hindu  Astrono- 
my.  In- 12,  cart.  New-York.      15  fr.  40 

Wyld  (R.  S.).  The  Physics  and  Philoso- 
phy of  the  Sensés;  or,  the  Mental  and 
the  Physical  in  iheir  Mutual  Relation. 
With  Diagrams  and  Engravings.  In-8*, 
572  p.  cart.  London  (King).  20  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N*>  40  Neuvième  année.  2  Octobre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ  SOUS   LA   DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

F.  VIEWEG,  LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK, 

67,  rue  Richelieu. 


Pour  paraître  très-prochainement  : 

LES  TABLES   EUGUBINES 

TRADUCTION,    COMMENTAIRE,    GRAMMAIRE 
ET    INTRODUCTION    HISTORIQUE, 

PAR 

M.   M.   BRÉAL, 

Professeur  au  Collège  de  France  ,  directeur-adjoint  à 

l'École  des  Hautes-Études. 

Un  fort  volume  gr.  in-8°  de  28  a  30  feuilles  d'impression  accompagné  d'un 
album  petit  in-f  contenant  le  fac-similé  des  tables  Eugubines.  1 3  planches 
gravées. 


'  '  PÉRIODIQUES.  ^ 

The  Academy,  n°  175 ,  new  séries,  1 1  septembre.  A.  Wilson,  The  Abode 
of  Snow.  London,  Blackwood  and  Sons  (F.  J.  Goldsmid  :  intéressant  récit 
d'un  voyage  du  Tibet  chinois  au  Caucase  indien,  par  les  vallées  supérieures  de 
l'Himalaya).  —  Straatman,  Paulus  de  Apostel,  etc.  Amsterdam,  Loman  (A.  M. 
Fairbairn  :  ouvrage  de  mérite,  mais  rempli  de  vues  hasardées).  —  Chevalier 
0'  Clery,  The  History  of  the  Italian  Révolution.  I.  London,  Washbourne 
(G.  A.  SiMCOX  :  ce  i^""  volume  est  intitulé  «  histoire  de  la  révolution  des  barri- 
»  cades,  1796-1849  »  ;  il  est  écrit,  dit  M.  Simcox,  pour  montrer  non  ce  qui  a 
été  fait,  mais  ce  qui  suivant  l'auteur,  aurait  dû  être  fait).  —  Joyce,  The  Origin 
and  History  of  Irish  Names  of  Places.  Second  Séries.  London,  Whittaker  and 
Co.  (David  Fitzgerald  :  ce  volume  est  inférieur  au  précédent).  —  Gervinus, 
Shakespeare  Commentaries.  Transi,  by  F.  E.  Bunnètt.  New  Ed.  London, 
Smith,  Elder  and  Co.  (R.  Simpson  :  avec  une  introduction  par  M.  Furnivall). 
—  Notes  from  Boston  (T.  S.  Perry  :  nouvelles  littéraires).  —  Paris  Letter 
(G.  MoNOD  :  nouvelles  Httéraires).  —  Correspondence.  Professer  Whitney  on 
language  (W.  D.  Whitney  :  déclare  inexacte  l'assertion  de  V Academy  que  dans 
son  nouveau  résumé  de  ses  lectures  sur  le  langage  il  a  changé  d'avis  sur  plusieurs 
points).  —  The  Judge  who  committed  Prince  Henry  (Cléments  R.  Markham). 
~-  Shaksperiana.  Sonnet  CXLVI.  L.  2  (F.  J.  Furnivall).  —  Guhl  and  Koner, 
Life  of  the  Greeks  and  Romans.  Transi,  from  the  German  by  Hùffer.  London, 
Chapman  and  Hall  (A.  S.  Murrey.  Sur  l'original,  cf.  Revue  critique,  1873,  I, 
p.  201). 

The  Athenœum,  n*  2498,  1 1  septembre.  Drew,  The  Jummoo  and  Kashmir 
Territories.  Stanford  (l'auteur  a  résidé  pendant  dix  années  dans  le  pays  qu'il 
décrit;  son  ouvrage  est  rempli  d'utiles  informations).  —  A  complète  collection 
of  the  Protests  of  the  Lords,  with  Historical  Introduction.  Ed.  by  Thorold 
RoGERS.  3  vols.  Oxford,  Clarendon  Press  (contribution  importante  à  l'Histoire 
d'Angleterre;  excellente  édition).  —  Gotti,  Vita  di  Michel  Angelo  Buonarotti. 
2  vols.  Florence  (A.  deGubernatis  :  remarquable  ouvrage;  M.  Gotti  était  bien 
placé  pour  l'entreprendre  :  il  est  directeur  des  Galeries  de  Florence).  —  Lite- 
rary  Gossip.  (S.  E.  Iwakura  Tomomi,  envoyé  extraordinaire  du  Japon  en  Angle- 
terre ,  il  y  a  quelques  années ,  vient  d'offrir  à  la  Bibliothèque  de  l'India  Office 
un  exemplaire  de  la  version  chinoise  du  Tripitaka). 

liiterarisches  Centralblatt,  n°  37,  1 1  septembre.  Hengstenberg,  DasBuch 
Hiob.  I.  u.  2.  Th.  Leipzig,  Hinrichs.  In-8°,  309;  364  p.  (on  a  imprimé  tel 
quel  le  manuscrit  de  Hengstenberg,  qui  renfermait  ses  leçons  :  c'est  dire  que  le 
nouvel  ouvrage  laisse  à  désirer  au  point  de  vue  du  style,'  des  citations,  etc.  Il 
renferme  néanmoins  des  observations  de  quelque  valeur).  —  Cronholm, 
Gustav  II,  Adolf  in  Deutschland.  Aus  dem  Schwed.  von  Helms.  i.  Bd.  Leipzig, 
Fues's  Verl.  In-8°,  viij-378  p.  (on  est  heureux  de  voir  traduit  l'important  ou- 
vrage de  Cronholm).  —  Hagen,  Jacobus  Bongarsius.  Bern,  Dalp.  In-4",  76  p. 
(cette  étude,  complète  sur  certains  points,  est  assez  défectueuse  en  ce  qui  con- 
cerne les  éditions  de  Bongars).  —  Steffenhacen  ,  Deutsche  Rechtsquellen  in 
Preussen  vom  xiii.  bis  zum  xvi.  Jahrh.  Leipzig,  Duncker  u.  Humblot.  In-S", 
viij-248  p.  (art.  très-favorable).  —  NcOsXXr^viy.à  'AvaXsxTa  TCEpiccixûç  ixSiBd- 
[jLsva  67:0  Tou  cptXoXo-yr/oîj  ZuXké'^ou  «  ITapvaffaoîj  )>.  T.  B'.  çuXXaS.  a'  y.ai  ^'. 
Athen.  ln-8°,  138  p.  Ao^cBoata  tûv  xaxà  10  S-'  Itoç  (tou  çtX.  ÉuXX.  Ilapv.)  ^evo- 
{j.£V(i)v,  uTcb  M.  n.  Aa[j.Trpou.  Athen.  In-8%  142  p.  (les  deux  fasc.  des  Analecta 
contiennent  des  contes  de  Naxos  et  de  Paros).  —  Hartel,  Homerische  Studien, 
IH.  Wien,  Gerold's  S.  In-8°,  84  p.  (l'auteur  étudie  les  changements  que  subit 
Viota  chez  Homère,  après  quoi  il  passe  au  Digammà). 
1^^ 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  40  —  2  Octobre  —  1875 

Sommaire  :  194.  Lefébure,  Le  Mythe  Osirien,  i"p.  —  195.  Chûnts  et  contes  popu- 
laires italiens,  p.  p.  Comparetti  et  D'Ancona,  t.  IV  et  V.  —  Correspondance  :  Sur 
les  origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes  (suite).  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des 
inscriptions. 


194.  —  Le  Mythe  Osirien,  par  Eugène  Lefébure.  Première  partie  :  Les  Yeux 
d^Horus.  Paris.  1874.  Franck.  In-4°,  128  p.  —  Prix  :  20  tr. 

M.  Lefébure  a  entrepris  d'exposer  dans  une  série  de  mémoires  l'origine  et  les 
développements  du  mythe  Osirien.  La  tâche  n'est  pas  des  plus  faciles  :  trop  de 
documents  nous  manquent  encore  pour  qu'on  puisse  arriver  à  des  solutions  de 
tout  point  satisfaisantes.  Il  en  reste  assez  néanmoins  pour  qu'on  sache  quelles 
étaient  les  idées  théologiques  des  Égyptiens  de  la  décadence,  ce  qu'ils  enten- 
daient par  Osiris,  Isis,  Horus  et  le  reste,  quelles  explications  ils  donnaient  des 
vieux  mythes.  L'Egypte  chrétienne  a  toujours  eu  des  conceptions  bizarres  en 
matière  de  religion  :  l'Egypte  païenne  ne  lui  cédait  en  rien  de  ce  côté. 

La  théorie  de  M.  Lefébure  repose  sur  plusieurs  jeux  de  mots  mythologiques. 
Il  suppose  que  les  Égyptiens  ont  identifié  le  dieu  Hor  avec  le  ciel,  her-t,  et  le 
dieu  Set  avec  le  sol,  Set  :  l'hypothèse  est  dans  le  goût  de  l'antiquité  et  n'a  rien 
que  de  vraisemblable.  La  lutte  entre  Hor  et  Set  est  donc  une  lutte  entre  le  Ciel 
et  la  Terre,  prise  sous  son  aspect  malfaisant.  M.  Lefébure  développe  cette  thèse 
dans  le  dernier  chapitre  de  son  mémoire  {VI,  Horus,  Set  et  les  pleurs  des  yeux 
d^ Horus)  avec  beaucoup  de  finesse  et  nombre  de  détails.  Il  est  bien  certain  qu'à 
partir  d'une  certaine  époque,  plusieurs  écoles  de  théologie  égyptienne,  dont  les 
Grecs  se  sont  fait  l'écho,  ont  envisagé  ainsi  la  question;  mais  faut-il  en  conclure 
qu'en  tous  temps  les  prêtres  et  les  dévots  ont  adoré  le  ciel  dans  Horus  et  maudit 
la  terre  malfaisante  dans  Set?  M.  Lefébure  serait,  je  crois,  bien  embarrassé  de  le 
prouver.  L'explication  naturaliste  qu'il  adopte  ne  s'applique  guère  qu'à  un  des 
derniers  états  du  mythe  :  elle  aurait  peut-être  étonné  les  théologiens  des  siècles 
antérieurs. 

Poussant  le  jeu  de  mots  à  l'extrême,  les  Égyptiens  auraient  encore  identifié  le 
ciel  (her-t)  «face  divine»,  et,  par  suite  le  dieu  Hor,  avec  le  mot  her,  qui  signifie 
la  face.  Les  deux  yeux  de  la  face  céleste,  le  soleil  et  la  lune,  devinrent  de  la  sorte 
les  yeux  d'Horus.  Le  mythe  Osirien  est  rempli  d'allusions  à  ces  deux  yeux  per- 
sonnifiés. Set  essaie  de  les  détruire  par  tous  les  moyens  possibles.  Il  se  change 
en  pourceau  pour  les  dévorer  ;  mais  Horus  se  défend  en  brûlant  son  ennemi  et 
institue  en  mémoire  de  cet  exploit  le  sacrifice  du  porc.  C'est  le  sujet  d'un  cha- 
pitre du  Livre  des  Morts,  le  cent  douzième,  que  M.  Lefébure  a  traduit  après 
M.  Goodwin.  Au  chapitre  suivant  (CXIII),  Horus,  surpris  par  Set,  est  démembré 
XVI  14 


210  REVUE    CRITIQUE 

et  jeté  à  Peau,  d'où  le  dieu  Sevek  le  retire  avec  un  filet.  M.  Lefébure  voit  dans 
ces  deux  mythes  deux  descriptions  allégoriques  des  phénomènes  de  l'éclipsé.  Le 
porc,  qui  prétend  dévorer  l'œil  d'Horus,  est,  comme  le  dragon  des  superstitions 
chinoises  et  hindoues,  l'emblème  de  l'obscurité  qui  menace  d'engloutir  le  soleil 
ou  la  lune  :  le  feu,  qui  dévore  le  pourceau,  n'est  que  la  lumière  triomphant  des 
ténèbres  après  une  défaite  de  quelques  instants.  De  même  pour  le  démembrement 
d'Horus  :  c'est  un  symbole  de  la  faiblesse  qui  semble  s'emparer  de  l'astre  et  le 
livrer  sans  défense  aux  outrages  de  son  ennemi,  jusqu'au  moment  où  un  dieu 
bienfaisant  le  tire  du  danger  et  lui  rend  sa  splendeur  première. 

Je  ne  sais  si  j'ai  toujours  bien  compris  la  pensée  de  M.  Lefébure.  Il  m'a  semblé 
qu'elle  flottait  quelquefois  et  prêtait  à  double  entente.  Aussi  bien,  les  Égyptiens 
n'avaient  pas  qu'une  seule  manière  d'expliquer  un  mythe  :  on  conçoit  aisément 
que  l'interprète  moderne  hésite  à  comprendre  les  allusions  contradictoires  que 
nous  fournissent  les  monuments.  Je  crois  que  M.  Lefébure  aurait  rendu  sa 
démonstration  plus  claire,  s'il  avait  joint  à  l'exposé  dogmatique  de  sa  doctrine 
une  sorte  d'histoire  du  mythe,  nous  montrant,  sinon  ce  que  chaque  génération 
pensait  des  Yeux  d^Horus,  au  moins  les  allusions  qu'elle  fait  et  les  documents 
qu'elle  nous  a  laissés  sur  ce  point  de  religion.  Le  culte  des  yeux  d'Horus  remonte 
haut.  Nous  avons  au  Musée  du  Louvre  un  fragment,  daté  du  règne  de  Sevek- 
hotep  IV(XIII^  dynastie),  qui  nous  parle  de  ses  vertus  et  lui  donne  des  épithètes 
qu'il  eût  été  curieux  d'étudier  (C,  i  o)  :  peut-être  nous  permettent-elles  de  con- 
jecturer l'explication  qu'on  donnait  alors  dans  les  sanctuaires  de  la  Basse-Egypte. 

M.  Lefébure  établit  de  nombreux  rapprochements  entre  les  idées  religieuses 
de  l'Egypte  et  celles  des  nations  indiennes  ou  chinoises.  La  comparaison  des 
mythes  est  certes  un  des  moyens  les  plus  puissants  d'en  approfondir  le  sens; 
mais  encore  faut-il  attendre  pour  comparer  que  l'une  au  moins  des  formes 
soit  dégagée  entièrement,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  pour  les  Yeux  d'Horus. 
Les  citations  empruntées  aux  sources  lointaines  prouvent  l'érudition  de  l'auteur, 
mais  n'ajoutent  rien  à  la  force  de  sa  démonstration.  Le  mérite  du  livre  de 
M.  Lefébure  n'est  pas  dans  ces  agréments  tout  extérieurs  au  sujet  :  il  est  dans 
l'exactitude  de  ses  traductions,  dans  le  soin  et  dans  la  patience  avec  lesquels 
il  a  étudié  les  textes,  dans  le  nombre  des  citations  et  des  allusions  qu'il  a 
recueillies  et  expliquées  l'une  par  l'autre. 

G.  Maspero. 


195.  —  Ganti  e  raccontî  del  popolo  italiano  publicati  per  cura  di  D.  Compa- 
RETTi  ed  A.  d'Ancona.  Vol.  IV.  Canû  Mûrt/z/^wni  un  tomedexxviij-304  p.  Vol.  VI. 
Novelline  popolari  italiane  un  tome  de  vj-310  p.  Rome,  Turin,  Florence,  Ermanno 
Lœscher.  187$. 

Deux  volumes  se  sont  ajoutés  à  la  collection  entreprise  par  MM.  Comparetti 
et  d'Ancona.  Le  tome  IV  contient  les  chants  populaires  de  la  Marche  d'Ancône, 
le  tome  V  —  indiqué,  sans  doute  par  erreur,  comme  le  sixième  —  inaugure  la 
série  des  contes  populaires.  Les  Canti  Marchigiani  ont  été  réunis  par  M.  Gianan- 
drea.  Ils  sont  précédés  d'une  préface  assez  longue,  renfermant  des  détails  sur  la 


d'histoire    et    de    LITTÉRAIURK.  211 

contrée,  sur  la  population  qui  les  ont  fournis,  sur  le  dialecte  dans  lequel  ils  ont 
été  composés  et  sur  leur  caractère.  Ces  canzoni,  au  nombre  de  près  de  1 300,  ne 
sont  pas  toutes  inédites,  beaucoup  d'entre  elles  avaient  été  publiées  par  Tom- 
maseo,  par  Marcoaldi  et  par  Rumori.  La  poésie  narrative,  moins  en  faveur  dans 
les  Marches  que  la  poésie  lyrique,  est  représentée  dans  ce  volume  par  quelques 
pièces  dont  la  plupart  avaient  aussi  paru,  tels  sont  VAnello  caduto  nel  mare, 
Cecilia,  la  pasiorella,  la  prova  d^amore,  la  ragazza  guerriera  et  enfin  Donna  Lom^ 
barda  dont  le  chevalier  Nigra  a  recueilli  plusieurs  versions.  On  trouve  dans  les 
Canîi  Marchigiani  deux  situations  qui  ont  eu  grand  succès  dans  toute  l'Italie,  que 
l'on  retrouve  également  en  France,  et  qui  tiennent  une  place  importante  dans  la 
légende  sicilienne  la  princesse  de  Carini  :  l'amant  errant  sous  les  fenêtres  de  sa 
maîtresse  et  apprenant  que  celle-ci  n'est  plus  ;  Pâmant  descendu  vivant  en  Enfer 
et  y  voyant  sa  maîtresse  damnée.  M.  Gianandrea  s'est  borné  pour  tous  ces  chants 
à  indiquer  les  ressemblances  découvertes  seulement  en  Italie.  Pour  la  partie  nar- 
rative, on  en  apercevrait  de  très-nombreuses  en  France,  pour  la  partie  lyrique 
l'Espagne  pourrait  offrir  quelques  parallèles,  ainsi  ce  scherzo  : 

L'amor  del  soldatino  dura  un'  ora, 
al  sono  del  tamburo;  addio,  Signora. 

est  l'original  ou  la  traduction  de  ce  quatrain  andaloux  : 

El  amor  del  soldado 
es  de  una  hora, 
en  tocando  la  marcha  : 
adios,  Senora. 

Ces  autres  vers  dont  on  retrouve  la  pensée  dans  toute  l'Italie  : 

L'amor  comenza  con  canti  e  con  soni 
e  po'  finisce  con  pianti  e  dolori. 

font  souvenir  encore  d'un  couplet  andaloux  : 

Yendo  y  veniendo, 
fuime  enamorando, 
empeze  riendo, 
y  acabe  llorando. 

On  pourrait  multiplier  les  comparaisons  de  ce  genre.  Au  reste  les  chants 
recueillis  par  M.  Gianandrea  ne  semblent  pas  plus  appartenir  aux  Marches  que 
les  chants  récoltés  en  Sicile  ou  en  Toscane  n'appartiennent  aux  environs  de 
Florence  ou  de  Palerme.  On  retrouve  dans  les  Canîi  Marchigiani  à  peu  près  toutes 
les  idées,  toutes  les  images  qu'on  a  vues  déjà  ailleurs,  mais  on  les  y  retrouve 
avec  plaisir,  car  elles  sont  en  général  bien  exprimées.  Ces  Canti  Marchigiani,  par 
leur  grâce  et  même  par  leur  langue,  ne  sont  pas  indignes  de  la  prédilection  que 
leur  avaient  témoignée  Tommaseo  et  le  grand  poète  Leopardi.        k?.u£.  ua  li.o 

Le  novelline  popolari  sont  publiées  par  M.  Comparetti  avec  l'aide  de  divers 
collaborateurs  parmi  lesquels  on  retrouve  M.  Gianandrea  et  M.  Ferraro;  à  ce  der- 
nier est  due  la  collection  des  Canti  Monferrini.  C'est  M.  Comparetti  qui  a 
recueilli  en  personne  tous  les  contes  qui  portent  le  nom  de  Pise  comme  lieu  de 
provenance.  Ces  récits  sont  en  général  bien  narrés,  ils  sont  en  langue  italienne 
à  l'exception  de  quelques-uns  auxquels  on  a  conservé  leur  dialecte  original.  Si 


212  REVUE  CRITIQUE 

les  personnes  qui  s'occupent  d'études  philologiques  peuvent  regretter  que  l'on 
n'ait  pas  gardé  à  chaque  conte  son  patois  local,  la  plupart  des  lecteurs  étrangers 
ne  se  plaindront  pas  qu'une  langue  plus  intelligible  pour  eux  ait  été  presque 
universellement  adoptée.  Les  contes  publiés  dans  ce  premier  volume  n'offrent 
guère  plus  d'originalité  que  les  chants  populaires  épiques,  ce  qui  ne  les  empêche 
pas  d'être  fort  intéressants  comme  variantes  ou  comme  termes  de  comparaison. 
Le  premier  récit,  //  pappagallo,  qui  est  à  peu  près  le  même  que  celui  que  Pitre  a 
recueilli  en  Sicile  sous  le  titre  de  Pappagaddu,  remonte  évidemment  ainsi 
que  beaucoup  de  ces  fables  à  la  plus  grande  antiquité.  Quantité  d'autres  novelUne 
reproduisent  des  situations,  des  personnages  communs  pour  ainsi  dire  à  tous  les 
pays.  Le  tre  sorelle.  Il  drago,  Margheritina  rentrent  dans  le  cycle  de  la  femme  per- 
sécutée, de  la  mère  dont,  pendant  l'absence  de  son  mari,  on  remplace  l'enfant 
par  un  chien,  ou  qu'on  prétend  être  accouchée  d'un  monstre.  Geppone,  Giovanni 
sema  paura  possèdent  une  table  qui,  à  un  mot  magique,  se  couvrent  des  mets  les 
plus  succulents,  tout  comme  dans  un  conte  andalous,  un  conte  anglais,  un  conte 
allemand  et  un  conte  de  la  Norwège.  La  bella  dei  capelli  d'oro,  Granodoro,  repro- 
duisent cette  donnée  d'une  jeune  fille,  d'un  jeune  homme,  à  qui  un  roi,  sur  le 
conseil  d'envieux,  demande  l'accomplissement  de  choses  qui  semblent  impossibles 
et  dont,  par  des  protections  surnaturelles,  on  vient  toutefois  à  bout.  Le  conte 
intitulé  Occhi  Marci  commence  comme  la  Gardeuse  de  Dindons  des  contes  de 
l'Agenois,  de  Bladé,  comme  Vacqua  e  lu  sali  de  Pitre,  comme  la  Fustots  du  Ron- 
dallayre,  comme  une  innombrable  quantité  d'autres  récits  parmi  lesquels  on  peut 
placer  une  anecdote  du  Moyen  de  parvenir.  La  Cenerenîola,  c'est  Cendrillon,  la 
Venîafochs  de  Maspons  y  Labros,  la  Gratîala  Beddattecla  de  Pitre.  Ces  aventures 
de  Cendrillon  deviennent  encore,  dans  Bladé,  celles  de  la  Gardeuse  de  Dindons; 
dans  Comparetti  celles  de  Zuccacia;  dans  Maspons  y  Labros,  celles  de  Pell  d^ase. 
Ces  deux  derniers  récits  débutent  exactement  comme  notre  conte  de  Peau  d'âne, 
de  même  que  la  Piluredda  de  Pitre,  que  la  Gavia  d'or  du  Rondallayre,  que  la 
légende  de  Santa  Uliva,  que  celle  du  Vicîorial  sur  Éléonore  de  Guyenne,  que  la 
Storia  del  re  di  Dacia,  que  le  livre  catalan  la  Historia  del  rey  de  Hungria,  que  la 
Mannekine.  Il  peut  sembler  probable  que  c'est  des  romans  que  cette  situation  a 
passé  aux  récits  populaires,  et  bien  des  fois  des  transmissions  de  ce  genre  ont  dû 
avoir  lieu;  ainsi  dans  Comparetti  :  Federica,  la  Moglie  calunniata,  ont  le  même 
point  de  départ  que  VHistoire  du  roi  Flores  et  de  la  belle  Jehanne,  la  nouvelle 
de  la  seconde  journée  du  Decameron,  nouvelle  imitée  par  Timoneda  dans  le 
Patranuelo,  le  Roman  de  la  Violette,  l'aventure  racontée  par  Holinshed  et  qui  a 

donné  à  Shakspeare  sa  pièce  de  Cymbeline Quelquefois  les  contes  populaires 

ont  pu  aussi  faire  des  emprunts  aux  poésies  de  même  origine.  Dans  un  chant 
piémontais  {Canzoni  popolari  del  Piemonte,  fasc.  III,  p.  92)  comme  dans  une 
romance  portugaise  (Cancioneiro  de  Almeida  Garret,  t.  III,  p.  65)  on  soumet  à 
diverses  épreuves  un  jeune  soldat  que  l'on  soupçonne  être  une  fille.  Il  y  a  quel- 
que chose  de  cette  situation  dans  //  drago.  —  C'est  au  hasard  que  nous  venons 
d'indiquer  ces  ressemblances.  Il  n'y  a  pas  un  conte  dans  les  NovelUne  popolari  qui 
ne  puisse  donner  lieu  à  de  nombreux  rapprochements.  Ce  travail  comparatif  sera 


fOITÎH'.)   .■5' 0  73'^ 
d'histoire   ET   DE   LITTÉRATURE.  21  J 

fait  seulement  à  la  fin  de  la  publication  et  bien  fait,  on  en  a  l'assurance  quand 
on  se  rappelle  toute  l'érudition  que  M.  Comparelti  a  mise  dans  son  Virgilio  çt 
dans  son  Libro  di  Sindibad. 

Th.  DE  PUYMAIGRE. 

CORRESPONDANCE. 
Sur  les  origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes, 

AVEC  l'explication  DU  NOM  TSIGANE. 

Lettre  à  la  Revue  critique. 

(^Suite.) 

H. 

Maintenant  que  j'ai  considéré  sous  ses  diverses  faces,  et  même  étayé  d'un 
petit  rapprochement  nouveau,  la  thèse  de  M.  de  Goeje,  qui  fut  la  mienne  il  y  a 
2  5  ans,  mais  que  dès  cette  époque  je  ne  présentais  pas  sans  l'entourer  de  notables 
réserves",  je  dois  dire  que  j'ai  encore  bien  plus  de  raisons  aujourd'hui  qu'alors, 
d'affirmer  que ,  quelles  que  soient  les  réponses  de  la  philologie  orientale  et  des 
autres  investigations  sur  cette  thèse,  et  en  supposant  que  celle-ci  prenne  une 
consistance  définitive,  la  clef  de  la  question  si  complexe  des  origines  bohémiennes 
n'est  certainement  pas  là  tout  entière,  et  que  même,  très-vraisemblablement,  la 
porte  ouverte  de  ce  côté  aux  migrations  bohémiennes  vers  l'Europe  n'est  pas  la 
principale  ni  la  plus  intéressante.  Ce  n'est  pas  en  885,  comme  le  supposent 
M.  de  Goeje  (p.  12-13  ^^  ^4)  ^t  M.  Fagnan  (^Rev.  crit.,  1875,  I,  p.  323),  que 
les  Bohémiens  mirent  pour  la  première  fois  le  pied  dans  l'Europe  orientale.  Ils  y 
existaient  de  temps  immémorial j  ma  conviction  est  entière  à  cet  égard  depuis 
10  ou  15  ans. 

Je  ne  fais  aucun  doute  en  effet  que  les  Sigynes  ou  Sigynnes  (quelquefois 
Sigymnes)  et  les  Sinti  ou  Sindi,  que  plusieurs  auteurs  de  l'antiquité  grecque 
signalent ,  quelquefois  côte  à  côte ,  dans  les  régions  du  Caucase ,  dans  l'Asie- 
Mineure,  en  Thrace,  dans  certaines  îles  de  la  Méditerranée  orientale,  dans  les 
contrées  du  bas  Danube  et  jusqu'au  voisinage  de  l'Adriatique,  c'est-à-dire  dans 
les  contrées  qui  sont  restées  les  centres  principaux  de  la  race  bohémienne,  pe 
fussent  des  ancêtres  de  nos  Bohémiens.  Les  deux  noms  de  Sigynes  et  de  Sinti, 
surtout  réunis,  ont  déjà  une  grande  valeur;  car,  d'une  part,  l'identification  du 
premier  avec  celui  de  Tsiganes,  qui,  sous  diverses  modifications,  est  le  nom 
donné  aux  Bohémiens  dans  tous  les  pays  de  l'Europe  orientale,  ne  peut  faire 
aucune  difficulté;  et,  de  l'autre,  le  nom  de  Sinti  est  encore  aujourd'hui  un  des 
principaux  noms  ethniques  que  les  Bohémiens  se  donnent  dans  leur  langue 
secrète  en  plusieurs  contrées  de  l'Europe,  et  celui  qu'ils  gardent  avec  le  plus  de 
mystère.  L'existence  de  ce  nom  de  Sinti  chez  les  Bohémiens  a  été  contestée, 
même  dernièrement  par  M.  Paspati  (Les  Tchinghianés,  p.  21);  mais  j'ai  déjà 
sommairement  répondu  à  cette  dénégation  mal  fondée  2;  et  je  promets  de  donner 

j.  I.  Voy.  les  deux  dernières  pages  de  mon  mémoire  de  1849.  .  ,,-.,  i  -T^f^ff-,^ 
2.  Voy.  les  Derniers  travaux,  Rev.  crit.^  2«  vol.  de  1870-71,  p."  287;!.  à.'  p.,  p.  38. 


2  14  REVUE    CRITIQUE 

ailleurs  sur  ce  point  important  les  preuves  les  plus  précises  et  les  plus  concluantes. 

Ce  qui  est  décisif  pour  celui  qui  connaît  bien  les  Bohémiens,  c'est  ce  que 
l'antiquité  nous  apprend  sur  ces  Sigynes  et  surtout  sur  ces  Sinti ,  sur  ceux  de 
Lemnos  en  particulier.  Je  ne  puis  entrer  ici  dans  des  citations,  qu'on  trouvera 
du  reste  pour  la  plupart  dans  les  deux  écrits  que  j'indiquerai  tout  à  l'heure.  Je 
reviendrai  d'ailleurs  plus  loin  sur  ces  Sinti  (Sivxisç)  de  Lemnos.  Je  remarquerai 
seulement  ici  qu'Homère,  qui  les  représente  comme  un  peuple  favori  de  Vulcain  ', 
c'est-à-dire  adonné  au  travail  des  métaux,  les  appelle  dans  POdyssée  gens  au 
langage  barbare  (aYptctpwvoi),  ce  qui  paraît  indiquer  qu'ils  avaient,  comme  les 
Bohémiens  d'aujourd'hui,  une  langue  particulière;  et  que  Hellanicus  deLesbos», 
historien  un  peu  antérieur  à  Hérodote,  dit  positivement  qu'ils  étaient  venus  de 
la  Thrace.  —  Les  indications  géographiques  que  je  compte  relever  avec  soin 
sont  aussi  très-significatives,  et  il  en  est  qui  ont  une  extrême  importance  histo- 
rique. —  Quant  à  la  lacune  qui  semblait  infranchissable  entre  les  Sigynes  et  les 
Sinti  de  l'antiquité  et  nos  Bohémiens  modernes,  elle  est  en  grande  partie  comblée 
par  ces  hérétiques  du  moyen-âge  byzantin  dont  le  nom  d'Athingans  ou  Azingans 
est  identique  à  celui  des  Bohémiens,  tel  qu'il  se  retrouve  dans  d'anciens  docu- 
ments roumains  des  xiv*  et  xv®  siècles  et  jusque  dans  la  forme  actuelle  du  nom 
des  Tsiganes  en  Grèce?;  et  l'histoire  de  ces  hérétiques  rentrera  beaucoup  plus 
aisément  qu'on  ne  Pimagine  dans  celle  des  Tsiganes  4.  —  On  ne  doit  pas  d'ail- 
leurs perdre  de  vue  les  divers  indices  de  l'ancienneté  des  Bohémiens  en  Europe 
que  fournissent  déjà  la  philologie  et  l'ethnographie  5,  et  qui,  je  n'en  doute  pas,  se 
multiplieront  et  se  préciseront  lorsque  les  recherches  seront  enfin  dirigées  dans 
ce  sens. 

Cette  thèse  de  l'identification  des  Bohémiens  avec  les  Sigynes  et  les  Sinti  de 
l'antiquité  n'est  pas  nouvelle  ;  ce  qui  sera  nouveau,  ce  sera  de  la  rendre  évidente 
et  de  la  faire  accepter  généralement,  en  y  rattachant  des  corollaires  historiques 
qu'on  n'a  pas  aperçus  jusqu'ici  et  qui  ne  manquent  pas  d'importance.  Elle  a  été 
soutenue,  principalement  par  un  Allemand,  le  D' Johann  Gottfr.  Hâsse  (Die Zigeuner 
im  Herodoî,  Kœnigsberg,  1803,  pet.  in-8°  de  46  p.),  et,  44  ans  plus  tard,  par 
M.  Vivien  de  Saint-Martin^,  qui  savait  l'existence  de  l'écrit  de  Hasse,  mais  qui 

,     1.  ll'iad.  I,  594;  Od-js.  VIII,  294,  Yoy.  aussi  quelques  vers  plus  haut. 

2.  Cité  par  M.  Vivien  de  S. -Martin,  dans  le  Mémoire  indiqué  plus  loin,  p.  64. 
i'     j.  M.  Paspati  {Les  Tchinghianès ,  p.  iS)  conteste  l'identité  des  deux  noms,  en  s'ap- 

-puyant  sur  l'autorité  de  Coraï;  mais  je  ne  désespère  pas  de  le  convertir  lui-même. 

4.  M.  Boethlingk  {Mélanges  asiat.  St.-Peters.  T.  II,  1"  livr.  1852,  p.  4-7)  a  fourni, 
d'après  M.  Brosset,  un  curieux  passage  d'une  chronique  géorgienne  du  XI**  siècle,  relatif 
à  une  tribu  d' Atsincans ,  qui  habitait  les  environs  deConstantinople,  et  en  qui  on  ne  peut 
s'empêcher  de  reconnaître  à  la  fois  les  hérétiques  en  question  et  les  Bohémiens.  —  Je 
renvoie  aussi  à  une  importante  remarque  de  M.  Paspati  sur  l'ancien  christianisme  des 
Tchinghianès  musulmans  (L«  derniers  travaux,  ibid.,  p.  293;  t.  à  p.  p.  44),  à  mes 
remarques  sommaires  sur  les  légendes  pseudo-chrétiennes  des  Boh.  (ibid.  p.  317-318;  t. 
à  p.  67-68),  etc. 

'     5.  Les  derniers  travaux:  Rev.  crit.  ibid.  :  voy.  divers  endroits  des  p.  296-303  ;  t.  à  p., 
p.  47- S4;  6t  passim. 

;,     6.  Dans  son  Mémoire  hist.  sur  la  géographie  ancienne  du  Caucase  (Paris,   1847,  in-8') 
depuis  la  p.  49,  et  surtout  depuis  la  p.  57,  jusqu'à  la  p.  69. 


d'histoire  et  de  littérature.  215 

n'avait  pu  en  prendre  connaissance'  ;  en  sorte  que  nous  avons  là  deux  travaux 
originaux,  qui  concordent  parfaitement  dans  leurs  conclusions  générales  et  même 
dans  la  plupart  des  autorités  invoquées,  tout  en  se  complétant  sur  quelques  points 
l'un  par  l'autre.  Mais  ni  l'un  ni  l'autre  de  ces  érudits  n'ayant  fait  une  étude 
spéciale  des  Bohémiens  ne  les  connaissait  assez  pour  appuyer  son  opinion  de 
rapprochements  décisifs;  ils  n'avaient  pas  non  plus  assez  creusé  le  sujet  pour 
aller  au  devant  des  objections  qui  devaient  se  présenter,  et  notamment  pour 
combler  cette  lacune,  en  apparence  infranchissable,  que  je  signalais  tout  à  l'heure 
entre  l'antiquité  et  l'époque  assez  moderne  à  laquelle  presque  tous  les  auteurs 
autorisés  rapportaient  l'apparition  des  Bohémiens  en  Europe.  Aussi  leur  opinion 
fut-elle  à  peu  près  unanimement  repoussée,  et  est-elle  restée  enfouie  dans  deux 
écrits  dont  on  ne  tient  pas  compte  2.  Moi-même,  qui,  le  premier,  dans  mes  deux 
Mémoires  de  1844  et  1849,  ai  nettement  séparé  deux  faits  jusque-là  confondus, 
celui  de  l'apparition  des  Bohémiens  en  Occident,  dont  j'ai  donné  l'histoire,  et 
celui  de  l'apparition  des  Bohémiens  dans  l'Europe  orientale,  dont  l'histoire 
paraît  impossible,  à  prendre  le  mot  apparition  à  la  lettre,  —  qui  ai,  le  premier, 
établi  sans  conteste,  dans  le  second  de  ces  deux  Mémoires,  que  les  Bohémiens 
existaient  dans  le  Sud-Est  de  l'Europe  bien  avant  de  se  répandre  en  Occident  3, 


1.  Ibid.  p.  65,  note  2. 

2.  Pour  ce  qui  regarde  M.  Vivien  de  Saint-Martin,  il  est  bien  entendu  que  je  ne  parle 
ainsi  que  de  la  partie  de  son  mémoire  qui  concerne  les  Bohémiens. 

3.  J'ai  pourtant  eu  la  mauvaise  chance  de  commettre  deux  erreurs  matérielles  en  deux 
des  endroits  les  plus  importants  de  ce  mémoire  de  1849,  Nouvelles  recherches  sur  l'appa- 
rition, etc.  —  La  première  (p.  12  et  suiv.)  ne  m'est  pas  imputable,  et  je  n'ai  pu  la  recti- 
fier qu'en  rencontrant  dans  une  vente  l'ouvrage  de  Symon  Simeon,  que  je  n'avais  trouvé 
dans  aucune  bibliothèque,  comme  j'avais  eu  soin  d'en  prévenir  le  lecteur  :  le  précieux 
passage  en  question  se  rapporte,  non  à  l'île  de  Chypre  en  1332,  mais  à  l'île  de  Crète  en 
1322  (et  non  1422,  comme  je  l'ai  machinalement  et  sottement  écrit  dans  ma  recf/^c<ïr/on  (!) 
delà  Revue  crit.,  1.  c.  p.  322;  t.  à  p.,  p.  72).  —  Quant  au  1"  des  deux  documents 
valaques  de  1386  et  de  1387,  mentionnés  p.  20,  il  est,  d'après  la  traduction  roumaine 
du  texte  slavon,  que  j'ai,  tout  entière  écrite  de  la  main  de  mon  regretté  ami  Nicolas 
Balcesco  (mort  en  1852,  et  qui,  jeune  encore,  était  déjà  historien  aussi  distingué  qu'émi- 
nent  citoyen),  il  est,  dis-je,  non  de  Vlad  ou  Vladislav  (auquel  d'ailleurs  la  date  de  1386 
ne  peut  se  rapporter),  mais  de  Dan,  qui  y  confirme  les  donations  faites  par  son  père  Rada 
(1366-1376?)  et  non  par  son  oncle  Vladislav;  et  je  ne  puis  m'expliquer  à  demi  la  double 
erreur  que  j'ai  commise  sur  un  texte  que  j'avais  entre  les  mains,  et  dont  j'avais  même 
préparé  un  long  commentaire,  qui  est  resté  inédit,  qu'en  remarquant  que  la  date  de  1386 
ne  cadre  pas  non  plus  avec  le  règne  de  Dan  II  ou  d'un  Dan  quelconque  (c'est  déjà 
Mircea  I"  qui  régnait  certainement  alors).  C'est  donc  sur  cette  date  que  paraît  finalement 
porter  l'erreur  qui  reste  à  rectifier;  et  elle  pourrait  s'expliquer  aisément  par  une  inad- 
vertance dans  la  transcription  de  la  date,  exprimée  dans  l'original  en  lettres  slavones 
numérales  se  rapportant  à  l'ère  de  Cp.  La  date  de  ma  charte  a  été  transcrite  6894 
(3  octob.),  qui  répond  bien  à  1386  :  on  aurait  peut-être  dû  lire  6,884  (1376),  qui  se 
rapporterait  en  effet  au  commencement  du  règne  de  Dan  II ,  d'après  la  chronologie  cou- 
rante (telle  que  la  donne  Ubicini  par  exemple;;  mais  cette  chronologie  est  encore  si  dou- 
teuse en  beaucoup  de  points,  et  notamment  pour  ce  qui  regarde  ce  Dan,  que  je  n'ose 
point  donner  cette  rectification  pour  certaine,  quelque  vraisemblable  qu'elle  paraisse.  — 
Il  faut  espérer  que  M.  Hasdeu  (dont  le  nom  s'écrit  aussi  Hajdeu),  qui  a  déjà  éclairci  tant 
de  détails  chronologiques  dans  les  fascicules  parus  de  son  îstoria  critica  a  Romaniloru,  com- 
mencée il  y  a  plusieurs  années  (Bucarest,  in-4'),  nous  donnera  bientôt  un  tableau  général 
de  la  chronologie  roumaine,  aussi  exact  que  peut  l'établir  actuellement  la  critique,  avec  ren. 


2l6  REVUE    CRITIQUE 

et  que,  contrairement  à  de  prétendus  documents  qui  n'existent  pas,  personne  ne 
les  y  avait  jamais  vus  arriver,  —  moi-même,  je  n'étais  pas  alors  armé  de  preuves 
suffisantes  pour  m'éloigner  des  idées  reçues,  au  point  de  passer  du  xv^  siècle  de 
notre  ère  à  l'antiquité  historique  la  plus  reculée.  Aujourd'hui  je  puis  dire 
qu'aucune  des  objections  qu'on  opposait  autrefois  à  la  thèse  de  Hasse  et  de 
M.  Vivien  de  S. -M.  ne  subsiste  plus  pour  moi.  A  la  vérité  la  philologie  paraît 
disposée  à  en  apporter  de  nouvelles,  et  je  dois  m'y  arrêter  un  instant. 

Il  en  est  une  d'abord  que  je  n'ai  vue  formulée  nulle  part,  mais  qui  peut  se 
présenter  à  l'esprit  de  ceux-là  mêmes  qui  ne  sont  pas  philologues,  qui  s'est  pré- 
sentée au  mien,  et  qui  autrefois  m'aurait  paru  assez  forte  :  On  pourra  dire  que, 
si  les  Bohémiens  existent  dans  le  Sud-Est  de  l'Europe  depuis  une  antiquité  im- 
mémoriale, la  conservation  de  leur  langue  qui  est  certainement  apparentée 
aux  langues  de  la  région  de  l'Indus,  et  qui  s'est  en  effet  mieux  conservée  en 
Europe  que  partout  ailleurs,  est  un  phénomène  inouï,  inexplicable.  Je  conviens 
que  le  fait  est  étonnant.  Mais  il  y  a  bien  des  choses  plus  extraordinaires  et  vrai- 
ment impossibles  à  expliquer,  non-seulement  dans  les  données  de  l'opinion  cou- 
rante qui  faisait  sortir  les  Bohémiens  de  l'Inde  à  la  fin  du  xiv^  siècle,  mais  dans 
les  données  de  M.  de  Goeje  qui  nous  font  remonter  quelques  siècles  plus  haut  ;^ 
telle  serait  l'impossibilité,  si  elle  persiste,  d'identifier  positivement  les  Bohémiens 
et  leur  langue  à  aucune  population  et  à  aucune  langue  actuelles  de  l'Inde;  telle 
est  aussi,  dans  les  mêmes  données,  l'obscurité  qui  enveloppe  ce  nom  de  Tsiganes, 
répandu  dans  toutes  les  contrées  si  étendues  et  si  diverses  de  l'Europe  orien- 
tale, et  qui  n'a  pénétré  qu'accidentellement  dans  l'Europe  occidentale".  Je 
remarque,  d'ailleurs,  que  le  fait  incontestable  de  la  conservation  d'une  langue 
bohémienne  incomparablement  plus  pure  en  Europe  que  dans  l'Asie  antérieure 
et  en  Egypte,  paraît  étonnant  aussi  au  premier  abord,  et  que,  loin  d'être  défa- 
vorable à  ma  thèse,  il  vient  à  son  appui;  je  remarque  que  les  Bohémiens  sont 
groupés  en  masses  beaucoup  plus  considérables  dans  le  Sud-Est  de  l'Europe  que 
partout  ailleurs,  que  leurs  antiques  ancêtres  y  ont  formé  soit  de  véritables  peu- 
plades ,  soit  des  corporations  d'artisans  nomades  fortement  constituées ,  dont  je 
pourrais  signaler  des  restes  encore  très-remarquables,  et  que  ces  circonstances 
suffiraient  peut-être  à  expliquer  le  phénomène  qu'on  m'oppose  comme  une  objec- 
tion. Faut-il,  pour  en  compléter  l'explication,  faire  intervenir  des  immigrations 
bohémiennes  plus  récentes,  comme  celles  que  M.  de  Goeje  croit  avoir  trouvées. 


voi  aux  textes  et  aux  dissertations  contenus  dans  son  Istoria  critica  et  dans  d'autres  recueils, 
et  avec  mention  de  tous  les  points  qui  restent  incertains.  —  Quoi  qu'il  en  soit,  ma  charte 
de  1387,  gui  est  bien  de  Mircea,  fils  aussi  de  Radu  et  frère  de  Dan  (desquels  Mircea 
rappelle  ici  les  donations  faites  au  même  monastère  de  Tismana),  et  qui  a  été  publiée 
depuis,  texte  et  trad.  roumaine,  par  M.  Hajdeu,  dans  l'Archiva  istorica,  t.  III,  1867, 
P-  '9 '"'931  garde  toute  sa  valeur.  —  J'aurais  maintenant  d'autres  documents  précieux 
à  ajouter  à  ceux-là;  mais  je  ne  puis  prolonger  cette  note.  Je  dirai  seulement  que,  l'année 
suivante  (1388),  le  même  Mircea  donnait  d'un  coup  à  un  autre  monastère,  celui  de  Cozia, 
^00  familles  de  Atsigani. 

I.  Sur  les  divers  noms  des  Boh.  et  sur  leur  répartition  géographique,  j'aurai  à  faire 
ailleurs  bien  des  observations  utiles.  , 


d'histoire  et  de  littérature.  217 

et  dont  je  suis  loin  de  repousser  Tidée,  puisque  j'ai  moi-même  mis  en  avant  la 
thèse  qu'il  vient  de  développer?  Je  ne  sais.  Je  ne  prétends  pas  affirmer,  ni  que 
tous  nos  Bohémiens  modernes  descendent  des  Sigynes  et  des  Sinti  de  l'antiquité 
et  des  autres  peuplades  anciennes  qu'on  pourra  sans  doute  rattacher  à  celles-là, 
ni  que  la  langue  des  Bohémiens  modernes  dérive  directement  et  exclusivement 
de  la  langue  qu'ils  parlaient.  Mais  je  crois  pourtant  qu'on  peut  se  demander  si 
les  nouvelles  recrues,  djattes  ou  autres,  qui  ont  pu  se  joindre  aux  anciens  groupes 
tsiganes  du  Sud-Est  de  l'Europe,  et  qui  n'avaient  sans  doute  pas  la  cohésion,  la 
forte  organisation  corporative  de  ceux-ci,  qui  d'ailleurs  avaient  déjà  subi  plusieurs 
transportations  avant  d'être  déportées  sur  le  territoire  byzantin,  n'ont  pas  plus 
contribué  au  dépérissement  de  la  langue  dans  l'Asie-Mineure,  en  Perse'et  ailleurs, 
qu'à  son  ravivement  dans  l'Europe  orientale,  où  ces  nouveaux  venus  durent  se 
fondre  dans  l'ancienne  masse.  Car  ici,  dans  la  péninsule  des  Balkans  et  les  régions 
circonvoisines,  est  vraiment  la  seconde  patrie  des  Tsiganes  (je  devrais  peut-être 
dire  la  troisième,  en  tenant  compte  de  l'Egypte  pour  une  partie  de  nos  Tsiganes 
mêmes  d'Europe),  ou  plutôt  leur  vraie  patrie  en  tant  que  Tsiganes,  à  peu  près 
(toute  proportion  gardée  entre  la  civilisation  sédentaire  et  la  barbarie  nomade) 
comme  notre  France  est  notre  patrie  à  nous,  en  dépit  de  nos  origines  asiatiques. 
Mais  ce  sont  là  des  questions  sur  lesquelles  il  serait  oiseux  quant  à  présent  de 
disserter  longuement  :  nous  ne  savons  et  ne  saurons  sans  doute  jamais  rien  de 
la  langue  des  anciens  Sigynes  et  Sinti  ;  et  ce  n'est  que  par  de  délicates  analyses 
dont  les  éléments  paraissent  faire  encore  défaut,  qu'on  pourra  peut-être  un  jour 
asseoir  quelques  données  plausibles  sur  la  proportion  des  diverses  immigrations 
bohémiennes  qui  peuvent  s'être  succédé  en  Europe.  Ce  que  je  crois  pouvoir 
affirmer,  c'est  que  les  premières,  et  probablement  les  principales,  remontent  à 
une  antiquité  trop  reculée  pour  qu'il  soit  possible,  dans  l'état  actuel  de  nos  con- 
naissances, d'en  fixer  les  dates  même  approximatives. 

En  attendant  les  preuves  détaillées  que  je  me  crois  en  mesure  de  donner  de 
ce  fait  capital,  je  ne  dois  pas  oublier  une  autre  objection  qu'on  ne  manquera  pas 
de  me  faire,  et  qui  serait  tirée  de  la  nature  même  de  l'idiome  bohémien  et  de 
ses  rapports  avec  les  langues  populaires  modernes  de  l'Inde.  J'ai  réfuté  ailleurs', 
d'après  des  autorités  qu'on  jugera  sans  doute  suffisantes,  l'opinion,  encore  assez 
répandue  2,  que  le  bohémien  aurait  des  affinités  toutes  particulières  avec  l'hin- 
doustani.  Mais  à  côté  de  cette  langue  bâtarde  et  moderne,  qui  est  d'un  usage 
général  dans  l'Inde,  il  y  a  des  idiomes  locaux,  des  langues  populaires  de  souche 
aryenne,  qu'on  a  aussi  tout  naturellement  comparées  au  bohémien,  et  qui,  tout 
naturellement  aussi,  ont  toutes  fourni,  concurremment  avec  le  sanscrit  et  avec 
l'hindoustani,  des  éléments  lexicaux  et  grammaticaux  d'une  grande  utilité  pour 
l'explication  étymologique  de  la  langue  bohémienne.  Faut-il  en  induire  que  le 
bohémien  soit  lui-même  une  langue  moderne  de  l'Inde ,  c'est-à-dire  une  langue 


I.  Bulletins  de  la  Société  d'anthropologie.  Séance  du  19  fév.  1874. 
2._Cette  opinion  se  retrouve  encore  dans  le  récent  ouvrage  de  M.  Ch.  Leland,  The 
English  Gipsics  and  their  Language.  Lond.  1874. 


2l8  "  -  '  REVUE   CRITIQUE 

qui  fixait  pu  se  former  que  dans  l'Inde  et  à  des  époques  plus  ou  moins  modernes,  telle 
à  peu  près  qu'elle  existe  aujourd'hui  là  où  elle  s'est  le  mieux  conservée?  C'est  là 
une  question  que  l'exposé  sommaire  de  ma  thèse  engagera,  je  l'espère,  les 
savants  compétents  à  examiner  de  plus  près  qu'ils  ne  l'ont  fait  jusqu'à  présen't. 
En  réalité  plusieurs  d'entre  eux  ont  considéré  cette  question  comme  tranchée 
d'avance  dans  le  sens  de  l'affirmative.  C'est  ce  qui  paraît  résulter  notamment  de 
l'importance  particulière  que  M.  Ascoli'  et  M.  Miklosich^  ont  attachée  aux 
langues  néo-aryennes  de  l'Inde  pour  la  recherche  des  origines  de  la  langue 
bohémienne  et  pour  la  constatation  de  ses  étymologies.  On  remarquera  toutefois 
que  leur  préoccupation  à  cet  égard  n'implique  pas  nécessairement  l'opinion 
arrêtée  qu'on  leur  attribue.  En  fait  M.  Ascoli  a  laissé  présumer  cette  opinion, 
qui  était  bien,  je  crois,  au  fond  de  sa  pensée,  mais  il  ne  l'a  formulée  nulle  part; 
et  quant  à  M.  Miklosich,  qui  a  été  plus  explicite,  j'aurai  occasion,  en  rendant 
compte  de  ses  travaux,  d'enregistrer  la  loyale  rétractation  qu'il  a  bien  voulu 
m'adresser  3  au  sujet  du  passage,  en  vérité  trop  aventuré,  oh  il  exprimait  l'opi- 
nion que  les  Bohémiens  avaient  dû  quitter  l'Inde  après  l'an  iooo4.  Il  reste 
toutefois  de  la  marge  entre  l'an  looo  de  notre  ère  et  l'antiquité  reculée  où  se 
placent  les  Sigynes  et  les  Sinti;  et  M.  Miklosich  n'avait  aucun  motif  pour  revenir 
sur  le  passage  où  il  dit,  en  se  fondant  sur  quelques  observations  philologiques, 
que  l'émigration  des  Bohémiens  ne  paraît  en  aucun  cas  pouvoir  être  placée  au 
temps  d'Hérodote 5.  Mais  le  fait  est  que  la  question,  que  beaucoup  de  gens 
regardent  comme  résolue,  n'a  jamais  été  sérieusement  posée  ni  encore  moins 
traitée  à  fond.  Il  était  tout  naturel  que  cette  question  parût  presque  oiseuse, 
lorsque  les  savants  compétents  étaient  d'accord  pour  considérer  l'apparition  des 
Bohémiens  en  Europe  comme  toute  moderne,  et  il  était  impossible  que  la  philo- 
logie ne  se  laissât  pas  influencer  à  cet  égard  par  les  idées  reçues.  Ce  que  je 
demande  maintenant  aux  indianistes  qui  ont  fait  une  étude  approfondie  du  bohé- 
mien, c'est  de  se  dégager  de  toute  opinion  préconçue,  c'est  de  préciser,  de 
grouper  et  de  présenter  sous  une  forme  accessible  aux  profanes  toutes  les 
preuves  qu'ils  croiraient  avoir  de  la  modernité  de  cet  idiome,  et  de  rechercher 
aussi  en  toute  impartialité  si  ces  éléments  modernes  ne  pourraient  pas  s'expli- 
quer, soit  par  un  travail  interne  et  spontané  de  la  langue,  comparable,  par 
exemple,  à  ce  qui  s'est  passé  dans  le  roumain  par  rapport  aux  autres  langues 
romanes,  soit  par  les  influences  des  milieux  modernes  étrangers,  soit  enfin  par 
l'adjonction  aux  anciens  groupes  bohémiens  de  quelques  nouvelles  recrues,  djattes 


1.  Zigeunerisches,  Halle,  1865. 

2.  Ueber  die  Mundarten  und  die  Wanderungen  der  Zigeuner  Europa's  (série  d'importants 
Mémoires  qui  réclament  un  compte-rendu  spécial,  pour  lequel  j'attends  le  concours  d'un 
linguiste  et  particulièrement  d'un  slaviste)  :  Voy.  le  3*  grand  Mémoire  in-4°,  extrait  des 
Denkschriften  de  l'Acad.  de  Vienne,  Wien,  1873,  p.  1-4. 

3.  Dans  une  lettre  du  26  novembre  1874. 

4.  3*  Mémoire  déjà  cité,  p.  3.  —  Il  me  sera  du  reste  permis  de  remarquer  que  M.  Mi- 
klosich, qui  a  une  grande  autorité  comme  slaviste,  comme  linguiste,  et  qui  a  fait  aussi 
une  étude  spéciale  de  la  langue  bohémienne,  n'est  pas  indianiste. 

j,  Ibid. 


d'histoire  et  de  littérature.  219 

ou  autres,  émigrées  de  Pinde  à  des  époques  plus  ou  moins  modernes'.  Cette 
dernière  hypothèse  permettrait  toujours,  ce  semble,  de  concilier  mon  système 
avec  les  données  de  la  philologie,  à  supposer  même  que  celle-ci  fit  des  consta- 
tations réellement  incompatibles  avec  une  séparation  absolue  de  la  race  tsigane 
et  des  populations  indiennes  dès  les  temps  antiques.  Dans  tous  les  cas,  la  philo- 
logie n'est  pas  plus  infaillible  que  les  autres  branches  de  l'érudition ,  et  je  lui 
demande  de  ne  pas  s'attribuer  une  autorité  exclusive  dans  une  question  aussi 
complexe  que  celle  dont  il  s'agit.  Si  elle  a  ses  droits,  les  rapprochements  histo- 
riques et  ethnographiques  sur  lesquels  je  me  fonde  ont  les  leurs  aussi  ;  et,  en 
attendant  que  la  conciliation  se  fasse  clairement  entre  les  données  de  l'une  et  de 
l'autre  provenance,  je  demande  à  la  philologie  de  tenir  quelque  compte  de  celles 
que  je  lui  apporte  et  surtout  de  celles  que  je  lui  apporterai  dans  un  travail  plus 
développé,  comme  je  m'engage  à  tenir  compte,  de  mon  côté,  des  objections  et 
des  indications  contradictoires  qu'elle  pourra  me  fournir.  —  Je  renouvelle  en 
même  temps  la  prière,  qu«  j'ai  déjà  adressée  ailleurs  aux  savants  qui  sont  à  la 
fois  hellénistes  et  tsiganologues,  de  rechercher  dans  le  bohémien  les  traces  que 
le  grec  ancien  a  pu  y  laisser.  M.  Miklosich ,  dans  le  court  aperçu  général  qu'il 
avait  publié  en  1872  dans  les  Sitzungsberichte  de  l'Académie  de  Vienne  et  dont 
j'ai  parlé  dans  les  Derniers  travaux,  etc.  2,  disait,  p.  3,  que  les  éléments  grecs 
qu'il  avait  relevés  dans  le  bohémien  appartenaient  au  grec  des  xiv'  et  xv^  siècles. 
Si  l'on  peut  reconnaître  dans  le  bohémien  du  grec  d'une  date  si  précise ,  il  doit 
être  encore  plus  facile  d'y  reconnaître  du  grec  ancien;  et  dans  ce  cas  je  ne  doute 
pas  qu'en  cherchant  bien,  on  n'en  trouve,  ce  qui  serait  une  confirmation  de  ma 
thèse,  irrécusable  pour  la  philologie. 

Puisque  j'ai  eu  à  faire  allusion  à  une  communication  personnelle  de  M.  Miklo- 
sich, j'ajouterai  que  pour  ce  qui  regarde  les  rapports  particuliers  du  bohémien 
avec  telles  ou  telles  langues  de  l'Inde,  ce  savant,  à  la  différence  de  M.  Ascoli, 
qui  inclinait  à  donner  la  prédominance  au  sindhi,  maintient  dans  la  même  lettre 
l'opinion  qu'il  avait  exprimée  dans  le  mémoire  déjà  cité  (p.  2)  :  il  m'écrit  en 
effet  :  «  Je  ne  crois  pas  que  le  bohémien  puisse  être  mis  en  rapport  plus  intime 
))  avec  l'une  quelconque  des  sept  langues  néo-indiennes  (hindi,  mahratte,  pend- 
»  jabique,  sindhi,  guzerate,  bengali,  orija);  nous  savons  seulement  que  le 
»  bohémien  est  une  langue  parente  de  quelqu'une  de  celles-là,  et  j'aimerais  mieux 
»  l'y  ajouter  comme  huitième.  »  Ici,  sur  une  question  qui  ne  peut  être  débattue 
qu'entre  indianistes,  je  n'ai  plus  d'objections;  je  remarque  seulement  que  l'opi- 
nion de  M.  Miklosich  paraît  encore  moins  favorable  que  celle  de  M.  Ascoli  à  la 
confirmation  philologique  de  la  thèse  de  M.  de  Goeje,  surtout  dans  l'hypothèse 
de  l'identité  du  sindhi  et  du  djatt. 


1.  Feu  le  colonel  Colombari ,  qui  avait  été  assez  longtemps  au  service  de  la  Perse, 
m'a  assuré  autrefois  que  de  petites  migrations  d'Hindous,  paraissant  avoir  les  plus  grandes 
analogies  avec  nos  Bohémiens ,  se  faisaient  encore  de  nos  jours  de  l'Inde  en  Perse  et 
paraissaient  se  continuer  au  delà.  Voyez  aussi  ce  que  dit  des  Tchangars  le  D'  Trumpp, 
cité  par  Miklosich,  p.  2  de  son  3'  Mémoire  in-4''  de  1873  déjà  indiqué. 

2.  Rev.  crit.j  1.  c,  p.  320-323;  t.  à  p.,  p.  70-74. 


220  .-,..         REVUE   CRITIQUE 

Mais  je  reviens  à  ma  thèse ,  pour  dire  quelques  mots  des  corollaires  impor- 
tants qui  en  découlent  :  j'indiquerai  seulement  les  deux  ou  trois  principaux. 

Si  les  Bohémiens  peuvent  être  identifiés  aux  anciens  Sigynes  et  aux  anciens 
Sinti,  ils  se  rattachent  nécessairement  aussi  aux  Cabires,  Telchines,  etc.,  qui 
eurent  leur  centre  dans  les  îles  de  la  Méditerranée  orientale,  mais  qui  laissèrent 
aussi  des  embranchements  en  Thrace,  dans  l'Asie  occidentale  (notamment  les 
Chalybes  ')  et  probablement  en  Egypte.  Car  c'est  un  fait  reconnu  par  tout  le 
monde  que  les  Sigynes  et  surtout  les  Sinti  de  l'antiquité  faisaient  partie  des 
peuplades  cabiriques.  La  chose  est  de  toute  évidence  pour  les  Sinti,  et  je  n*ai 
qu'à  renvoyer  sur  ce  point  aux  pages  substantielles  de  M.  Rossignol  *  sur  les 
Sinti  de  Lemnos.  Si  elle  apparaît  moins  clairement  d'abord  pour  les  Sigynes, 
sur  lesquels  l'antiquité  ne  nous  a  laissé  que  de  rares  témoignages  assez  vagues, 
parce  que  ceux  qui  étaient  plus  particulièrement  connus  sous  ce  nom  de  Sigynes, 
et  qui  avaient  conservé  des  habitudes  plus  nomades,  avaient  leur  principal  siège 
dans  des  régions  du  bas  Danube  et  du  Caucase  que  les  écrivains  grecs  ont  mal 
connues,  —  elle  est  cependant  attestée  par  l'explication  même  de  leur  nom 
(telle  que  je  la  donnerai  plus  loin),  explication  dont  les  éléments  nous  viennent 
précisément  de  ces  îles  de  la  Méditerranée  orientale  qu'habitaient  les  Cabires,  et 
qui  s'appHque  merveilleusement  à  cette  branche  essentielle  des  produits  fabriqués 
par  les  Sinti  ou  Simiens,  les  armes  de  guerre  et  particulièrement  le  javelot.  Ce 
rapprochement  entre  les  ancêtres  de  nos  Bohémiens  et  les  peuplades  cabiriques 
est  de  première  importance,  et  il  trouve  sa  pleine  confirmation  dans  ce  qui 
constitue  encore  aujourd'hui  les  traits  les  plus  saillants  de  cette  étrange  race 
bohémienne.  Si  on  voulait  en  effet  la  caractériser  en  quelques  mots,  il  faudrait 
rappeler  une  race  de  travailleurs  en  métaux,  de  devins  et  de  musiciens,  ce  qui 
est  aussi  la  caractéristique  des  Cabires  et  des  Telchines?.  Je  pourrais  ajouter 
bien  des  traits  secondaires;  mais  ceux-là,  joints  à  l'identité  du  nom  des  Sinti  et 
à  la  signification  du  nom  des  Sigynes,  telle  qu'elle  apparaîtra  plus  loin,  me 
semblent  déjà  suffisants  pour  établir,  à  travers  les  siècles,  un  lien  étroit  entre 
nos  modernes  Tsiganes  et  les  mystérieux  métallurges  de  l'antiquité  cabirique  et 
pélasgique. 

Et  les  Sibylles  que  l'antiquité  classique  a  connues  en  Thrace,  en  Asie-Mineure, 
en  Egypte,  en  Grèce,  c'est-à-dire  partout  oh  étaient  les  principaux  centres  des 
ancêtres  de  nos  Bohémiens,  partout  où  leur  race  est  encore  la  plus  répandue, 
comment  ne  pas  reconnaître  en  elles  des  Tsiganes  ?  Leur  nom  même  me  paraît 
attester  cette  identité  :  il  me  semble  permis  de  ne  voir  dans  ZéùXkoi  qu'une 
forme  particulière  de  ci66vr^,  at^uvY),  Sî^uvoç,  cjiyuvvoç,  at'Yut'.voç^,  qui  se  pren- 


1.  Dont  le  nom  s'expliquera  peut-être  par  la  langue  bohémienne. 

2.  Les  métaux  dans  rantiquité.  Paris,  i86^,  in-8*,  p.  50-55. 

3.  Voy.  Rossignol,  Les  métaux  dans  l'antiquité^  passim. 

4.  Cf.  aussi  SiaêoXia  employé  quelquefois  avec  le  sens  de  javelot,  et  certaines  formes 
du  même  mot  dans  le  grec  ancien  et  le  grec  moderne,  ésloç,  <ji6e),o;. 


d'histoire    et    de    littérature.  221 

nent  Pun  pour  l'autre  en  grec,  et  qui  sont  eux-mêmes  identiques  au  nom  des 
Sigynes  ou  Tsiganes,  comme  nous  le  verrons  encore  mieux  tout-à-l'heure.  Le  mot 
se  retrouve  du  reste  dans  la  basse  latinité  sous  une  autre  forme,  encore  identique  au 
nom  des  Bohémiens  :  «  Sagana^  incantatrix,  vates  »  (Du  C.  Glos.  lut.  au  mot 
Saganà).  Cette  étymologie  n'est  pas,  à  la  vérité,  conforme  à  l'opinion 
générale  :  d'après  celle-ci,  Si6uXXa  serait  un  mot  composé  de  Zi6q  (forme 
dorienne,  tant  du  génitif  de  Zsuç,  Jupiter,  que  du  nominatif  0£éç,  Dieu)  et  de 
6ouXy]  ou  6cXXa,  volonté  '.  Je  ne  suis  pas  linguiste;  mais  je  ne  désespère  pas 
que  l'étymologie  beaucoup  plus  simple  que  je  propose  n'obtienne  l'adhésion  des 
savants  compétents.  Je  l'ai  déjà  du  reste  rencontrée  ailleurs,  incomplète  il  est 
vrai,  chez  tel  ou  tel  auteur  qui  ne  pouvait  penser  aux  Bohémiennes  dans  cette 
antiquité  reculée,  qui  n'avait  pas  cherché  et  trouvé  l'explication  de  leur  nom,  et 
qui  rattachait  directement  2i66XXa  à  (ji6uvy)  par  le  sens  étymologique  de  irait  de 
la  parole  prophétique,  parole-dard  pour  ainsi  dire,  figure  toute  naturelle  qui  se 
retrouve  sous  bien  des  formes,  dans  les  traiîs  de  la  calomnie,  par  exemple,  et 
dans  le  nom  même  de  la  calomnie,  en  grec  SiaêoA-^,  rattaché  à  une  autre 
forme  du  nom  du  javelot,  otaêoXia.  Mais  cette  explication  étymologique 
qui  me  paraît  déjà  bien  meilleure  que  l'étymologie  abstraite  et  composée 
indiquée  plus  haut,  se  simplifie  encore  et  se  concrète,  lorsqu'on  remarque 
que  le  nom  de  Sibylle  n'est  qu'une  forme  particulière  du  nom  ethnique 
de  celles  qui  rendaient  les  oracles.  L'évidence  alors  me  paraît  complète,  mais 
elle  dépend  en  grande  partie  de  l'explication  même  du  nom  de  Tsiganes,  qui 
ne  viendra  que  plus  loin.  —  Du  reste  même  en  commençant  par  écarter  la 
question  d'étymologie,  s'il  devient  certain  que  les  Tsiganes,  et  surtout  les 
Tsiganes  anciens  affiliés  aux  devins  et  aux  dieux  cabiriques,  existaient  dès  ces 
époques  reculées  dans  les  contrées  mêmes  où  se  rencontrent  les  antres  des 
Sibylles,  qui  peut  douter  que  ces  étranges  prophétesses  ne  fussent,  sinon  toutes, 
du  moins  la  plupart,  des  Tsiganes  .?  —  Les  deux  Egyptiennes,  dont  la  légende 
fait  des  colombes  noires,  et  qui,  d'après  le  récit  d'Hérodote  (II,  54-58)  fondè- 
rent deux  des  sanctuaires  prophétiques  les  plus  vénérés  de  l'antiquité  (tous  les 
deux  consacrés  à  Jupiter),  celui  de  Lybie  et  celui  de  Dodone,  ont  aussi  une 
couleur  assez  tsigane;  et  j'aurais  particulièrement  quelques  remarques  à  faire 
sur  celle  de  Dodone  (en  Epire).  Mais  je  ne  veux  pas  m'y  arrêter  ici.  Ce  sont  les 
Sibylles  troglodytes  qui  appellent  avant  toutes  autres  l'identification  bohémienne: 
Quelques-unes  seulement  parvinrent  à  fonder  des  sanctuaires  prophéti- 
ques qui  ont  obtenu  une  célébrité  universelle  ;  mais  celles-ci  ne  peuvent  être 


1.  Voy.  Thés,  graecae  linguae  ab  H.  Stéphane,  revu  par  Hase  et  les  frères  Dindorf, 
1848-54;  Chassang,  Dict.  grec  classiaue;  Littré  au  mot  Sibylle,  etc.  Je  remarque  cepen- 
dant que  dans  le  Thés.,  comme  dans  la  grande  Encyclop.  du  XVIIi«  siècle,  on  mentionne 
aussi  l'opinion  de  «  quelques-uns  »  qui  veulent  que  ce  nom  de  Sibylle  ait  été  d'abord  celui 
d'une  certaine  prophétesse,  et  qu'il  ait  été  ensuite  étendu  à  celles  qui  marchèrent  sur  ses 
traces.  L'étymologie  que  je  propose  substitue  à  ce  prétendu  nom  propre  un  nom  ethnique 
légèrement  modifié  en  raison  de  sa  signification  spéciale. 


222  REVUE    CRITIQUE 

que  des  exceptions  au  milieu  d'une  foule  d'autres,  qui,  dans  leurs  antres  et  sur 
un  trépied  plus  modeste,  distribuaient  leurs  prédictions  au  commun  des 
mortels. 

J'aurais  bien  quelques  autres  aperçus  à  ouvrir.  J'aurais,  par  exemple,  à  faire 
remarquer  que  les  Bohémiens,  qui  doivent  déjà  se  rattacher  à  l'Egypte  '  par 
leurs  origines  cabiriques,  se  retrouvent  aujourd'hui  dans  ce  pays,  non-seulement 
à  peu  près  tels  que  nous  les  connaissons  en  Europe,  mais  aussi  comme  charmeurs 
de  serpents,  ce  qui  rappelle  déjà  d'antiques  souvenirs,  puis  sous  la  forme  plus 
gracieuse  que  pudique  des  Aimées,  qui  paraissent  remonter  elles-mêmes  à 
l'antiquité  la  plus  reculée,  et  sous  les  traits  assez  divers  et  moins  séduisants  des 
meschaéli,  sur  lesquels  M.  Quatremère  2,  après  M.  Silvestre  de  Sacy,  a  recueilli 
quelques  données  historiques  qui  permettent  de  remonter  déjà  au  xiii*^  siècle  (je 
retrouverai  les  meschaéli  jusqueparmi  les  Bohémiens  de  Roumanie),  enfin  sous  d'au- 
tres aspects  encore,  comme  celui  de  derviches  mendiants,  qui  n'est  pas  sans  quel- 
que analogie  avec  le  rôle  de  pèlerins  et  de  pénitents  chrétiens  que  les  Bohémiens 
se  donnèrent  en  arrivant  en  Occident.  —  Tout  cela  peut  faire  présumer  que  ce 
n'est  pas  d'hier  que  les  Tsiganes  ont  fait  connaissance  avec  l'Egypte. 

J'aurais,  d'autre  part,  à  rappeler  l'attention  sur  les  Sicanes  de  Sicile,  dont 
j'ai  dit  un  mot  ailleurs?...  Mais  je  ne  puis  avoir  la  prétention  d'entrer  ici  dans 
toutes  les  ramifications  du  sujet. 

Telles  sont  les  données  principales  du  livre  dont  je  recueille  les  éléments 
depuis  bien  des  années,  et  dans  lequel  seront  refondus  mes  anciens  mémoires  de 
1844  et  1849  sur  l'apparition  des  Bohémiens  en  Europe  (complétés  d'ailleurs 
et  éclairés,  dans  la  partie  qu'ils  traitent,  par  des  documents  nouveaux),  de 
manière  à  former  une  histoire  générale  des  Bohémiens  depuis  l'antiquité  jusqu'au 
xv''  siècle,  c'est-à-dire  jusqu'à  l'époque  qui  était  naguère,  et  qui  est  encore 
aujourd'hui  pour  beaucoup  d'auteurs,  le  point  de  départ  de  nos  connaissances 
sur  cette  race  :  livre  retardé  d'année  en  année  par  des  empêchements  de  toute 
sorte,  mais  surtout,  je  le  confesse,  par  mon  ignorance  en  beaucoup  de  choses 
qu'il  me  faudrait  savoir  pour  traiter  aisément  et  dignement  un  sujet  que  j'aime, 
et  que  je  trouve  très-beau,  mais  bien  vaste  pour  ma  très-petite  érudition.  Faute 
de  mieux,  j'espère  du  moins,  pendant  que  ma  santé  fort  ébranlée  me  le  permet 
encore,  fixer  la  chaîne  de  l'œuvre  dont  je  tiens  les  fils,  et  que  d'autres  recou- 
vriront d'une  trame  plus  riche  et  plus  serrée. 

Paul  Bataillard. 
(Ldf  fin  au  prochain  /z®.) 


1 .  Je  ne  puis  entrer  ici  dans  les  explications  qu'appellent  le  nom  d'Égyptiens  donné  aux 
Bohémiens  dans  plusieurs  pays  et  la  tradition  d'origme  égyptienne  qui  s'est  conservée 
parmi  eux.  Je  puis  seulement  affirmer  que  ce  nom  et  cette  tradition  se  retrouvent  en 
Orient  comme  en  Occident,  qu'ils  sont  plus  anciens  qu'on  ne  l'a  cru,  et  qu'ils  méritent 
une  sérieuse  attention. 

2.  Hist.  des  Sultans  mamlouks de  Makrisi,  trad.  en  français,   Paris,   in-4*,  t.  I, 

i8j7,  2'  partie,  p.  4-6. 

3.  Les  derniers  travaux,  etc.,  Rev.  crit.^  1.  c,  p.  213-214;  t.  à  p.,  p.  23-24. 


d'histoire  et  de  littérature.  225 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 

Séance  du  24  septembre  1875. 

M.  Ermakow,  de  Trébizonde,  qui  a  déjà  envoyé  à  l'académie  des  photo- 
graphies de  monuments  de  l'orient,  écrit  que  l'académie  des  sciences  de 
S.  Pétersbourg  l'a  chargé  d'une  mission  archéologique  dans  l'Asie  Mineure,  la 
Géorgie,  la  Turquie,  le  Caucase,  etc.  :  il  offre  à  cette  occasion  ses  services  à 
l'académie  pour  lui  procurer  des  vues  photographiques  des  localités  et  des 
monuments  qu'il  doit  visiter,  ou  des  reproductions  d'inscriptions. 

L'académie,  ayant  à  nommer  un  lecteur  pour  la  séance  publique  annuelle  des 
cinq  académies,  qui  doit  avoir  lieu  le  2j  octobre,  désigne  M.  Desjardins,  qui 
lira  son  mémoire  sur  les  inscriptions  du  corps  de  garde  de  la  7^  cohorte  des 
vigiles  de  Rome. 

M.  Thurot  lit  la  suite  de  son  étude  sur  les  historiens  de  la  i^  croisade.  Il  parle 
de  Baudri  de  Bourgueil,  auteur  d'un  remaniement  du  récit  anonyme  connu  sous 
le  nom  de  Gesta  Francorum,  dont  il  a  été  question  à  la  dernière  séance.  Ce 
Baudri  fut  moine,  puis  abbé  de  Bourgueil,  enfin  (i  108)  archevêque  de  Dol;  il 
mourut  en  1 1 30.  Il  se  piquait  de  littérature  ;  il  a  laissé  divers  ouvrages  en  prose 
et  en  vers.  Parmi  ses  œuvres  en  vers  on  remarque  des  poésies  erotiques,  imitées 
des  Bucoliques  de  Virgile  ou  des  Héroïdes  d'Ovide  :  il  a  soin,  au  reste,  pour  que 
son  caractère  religieux  n'en  soit  point  compromis,  de  proclamer  qu'il  n'y  a  là 
qu'un  simple  jeu  d'esprit.  Ses  œuvres  en  prose,  toutes  écrites  après  qu'il  eut 
été  nommé  archevêque,  sont  d'une  nature  plus  sévère,  et  se  rapportent  presque 
toutes  à  l'hagiographie.  Ce  sont  diverses  vies  de  Saints,  une  description  du 
monastère  de  Fécamp,  une  histoire  des  évêquesde  Dol,  Gesîa  pontificum  Dolensium, 
et  l'histoire  de  la  croisade.  Baudri  se  pique  peu  d'exactitude  historique,  et  se 
préoccupe  surtout  de  mettre  en  beau  style  ce  que  d'autres  avaient  écrit  avant 
lui  avec  moins  d'art.  Ainsi  il  a  composé  l'histoire  de  la  croisade  en  paraphrasant 
les  Gesîa  Francorum.  Il  n'a  point  cherché  à  corriger  la  langue  de  l'auteur  anonyme; 
la  sienne  est  tout  aussi  incorrecte  :  mais  il  s'est  attaché  à  rendre  le  style  du 
récit  plus  noble  et  plus  harmonieux.  Ainsi  il  substitue  des  expressions  poétiques 
à  celles  qui  lui  semblent  trop  simples:  summo  diluculo  devient  sol  terris  illuxeraî; 
il  fait  souvent  rimer  ensemble  les  divers  membres  d'une  même  phrase.  Il  amplifie 
ou  refait  les  discours  prêtés  par  l'anonyme  à  ses  personnages.  Il  développe 
l'analyse  des  sentiments,  ou  l'introduit  là  0^  le  premier  rédacteur  n'avait  pas  cru 
devoir  la  mettre  :  ainsi  là  où  l'anonyme  met  simplement  egressi  sunty  Baudri 
ajoute  non  sine  remanenîium  lacrimis.  Il  ajoute  des  détails  pittoresques  ;  l'anonyme 
parlant  d'un  château  bien  muni  de  vivres,  castellum  plénum  omnibus  bonis,  Baudri 
spécifie,  frumento,  caseo,  oleo.  Quand  l'anonyme  rapporte  sans  commentaire 
quelque  excès  commis  par  les  croisés  ou  quelque  perfidie  d'un  de  leurs  chefs, 
Baudri  s'efforce  de  voiler  le  fait,  de  l'atténuer  ou  de  l'excuser.  Si  l'on  n'avait 
pas  le  texte  des  Gesta  Francorum  pour  le  contrôler,  il  serait  souvent  difficile  de 
distinguer  dans  Baudri  oe  qu'il  a  su  et  ce  qu'il  a  inventé.    Il  faut  ajouter  que 


224  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

Baudri  a  aussi  intercalé  dans  le  récit  quelques  faits  vrais,  omis  par  Panonyme, 
et  qu'il  avait  appris  d'ailleurs. 

M.  Germain,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  Montpellier,  correspondant  de 
l'académie,  commence  une  lecture  sur  le  Liber  procuratoris  studiosorum  des 
archives  de  la  faculté  de  médecine  de  Montpellier.  Le  procureur  des  étudiants, 
appelé Busslprocuratorbaccakureorum  et studentium,  était,  dans  l'ancienne  université 
de  médecine  de  Montpellier,  un  mandataire  élu  des  étudiants,  chargé  de  les  repré- 
senter dans  toutes  les  affaires  où  leurintérêt  collectif  était  en  jeu.  Il  ne  représentait 
que  ceux  qui  n'étaient  pas  arrivés  encore  à  la  licence,  et  devait  lui-même  n'être 
pas  licencié.  Le  livre  dont  M.  Germain  entretient  l'académie  est  un  registre  de 
la  gestion  des  procureurs  des  étudiants  du  26  mars  1 526  au  15  décembre  M  3  5. 
Pendant  ce  temps  26  procureurs  différents  se  sont  succédé  :  il  y  en  a  de  tous 
pays,  du  midi  de  la  France,  de  Bourgogne,  de  Bretagne,  de  Paris,  de  Flandre, 
de  Suisse,  d'Italie.  On  trouve  dans  ce  registre  des  procureurs  plusieurs  mentions 
relatives  à  Rabelais,  qui  étudia  la  médecine  à  Montpellier  durant  l'année  scolaire 
1 5^0-1 5^1  et  y  fut  reçu  bachelier  en  décembre  1Ç30;  la  signature  même  de 
Rabelais  se  trouve  plusieurs  fois  dans  le  livre.  Le  même  registre  donne  des 
détails  sur  les  nombreux  banquets  dans  lesquels  les  étudiants  se  réunissaient  à 
toute  occasion,  pour  les  grandes  fêtes,  pour  fêter  un  grade  nouveau  donné  à  un 
camarade,  pour  l'arrivée  ou  le  départ  d'un  étudiant.  Le  21  nov.  i  $  34  le  procu- 
reur des  étudiants  marque  qu'un  de  leurs  camarades,  autorisé  à  commencer  un 
cours  à  l'université,  ne  leur  a  offert  qu'un  maigre  repas  où  l'on  n'avait  ni  la 
place  de  s'asseoir  ni  assez  à  manger,  et  se  plaint  vivement  de  cette  lésinerie  :  il 
ajoute  qu'on  aurait  pu  dire  comme  dans  l'évangile  :  Il  y  a  ici  un  petit  garçon  qui  a 
cinq  pains  d'orge  et  deux  poissons,  mais  qu'est-ce  que  cela  pour  tant  de  gens?  — 
Le  liber  procuratoris,  dans  les  premières  années,  n'est  presque  rempli  que  de 
comptes  de  cuisine  et  de  menus  de  banquets.  —  M.  Germain  accompagne  cette 
communication  de  diverses  indications  sur  l'organisation  de  l'université  de 
médecine  de  Montpellier  au  16^  siècle.  —  A  propos  du  terme  de  baccalaureus, 
bachelier,  que  M.  Germain  expliquait  comme  signifiant  celui  qui  reçoit  une  baie 
du  laurier  doctoral,  M.  Thurot  fait  remarquer  que  ce  mot  n'est  qu'une  défor- 
mation, faite  en  vue  de  cette  étymologie,  du  nom  primitif,  qui  est  baccalarius  : 
dans  les  registres  de  l'université  de  Paris  le  grade  du  baccalauréat  ne  s'appelle 
jamais  autrement  que  baccalariatus.  M.  Germain  dit  qu'il  n'ignore  point  ce  fait, 
mais  que  l'expression  baccalaureus  et  le  symbole  de  la  baie  de  laurier  étaient  con- 
sacrés à  l'université  de  Montpellier  depuis  le  14®  siècle. 

Ouvrage  dépose  :  —  Etienne  de  Campos  Leyza,  Analyse  étymologique  des  racines  de 
la  langue  grecque  pour  servir  à  l'histoire  de  l'origine  et  formation  {sic)  de  la  langue, 
Bordeaux,  1874,  in-S^. 

Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


Mittheilungen  aus  der  historischen  Litteratur.  III'  année.  ^^  Fasc.  — 
H^DicKE,  Kurrecht  und  Erzamt  der  Laienfùrsten.  Programm  von  Pforte  1872. 

—  F.  ScHiRRMACHER,  Die  Entstchung  des  Kurfùrstencollegiums.  140  p.  in-8". 
Berlin,  Janke.  1874.  —  W.  Wilmanns,  Die  Réorganisation  des  Kurfùrsten- 
collegiums unter  Otto  IV  u.  Innocenz  III.  viij-i  16  p.  in-S".  Berlin,  Weidmann. 
1873  (Meyer).  —  K.  Krùger,  Des  Ptolomaeus  Lucensis  Leben  und  Werke. 
84  p.  in-8".  Gœttingen,  Peppmûller.  1874  (Meyer).  —  W.  Vogt,  Antheil  der 
Reichsstadt  Weissenburg  a.  Nordgau  an  der  reformatorischen  Bewegung  in  den 
Jahren  1 524-1 530.  64  p.  in-8".  Erlangen,  Deichert.  i874(Brecher).  —  Hehle, 
Der  schwaebische  Humanist  Jakob  Locher  Philomusus  1471-1528.  2  parties, 
1873.  1874.  Ehingen  (Brecher).  —  Th.  Henner,  Die  Herzogliche  Gewalt  der 
Bischœfe  von  Wirzburg.  i  $0  p.  in-8°.  Wurzbourg,  Stuber.  1874  (Feldner). 

—  Mittheilungen  des  historischen  Vereines  fur  Steiermark.  XXI  Heft.  Graz. 
1873.  —  Beitraege  zur  Kunde  steiermaerkischer  Geschichtsquellen.  lo*' année. 
Graz.  1873  (Ilwof). 

Anzeiger  fur  Kunde  der  deutschen  Vorzeit,  n°  8,  août.  Buntglasierte 
Thonwaaren  des  1 5.-18.  Jahrh.  im  germanischen  Muséum.  XIV.  (A.  Essenwein). 

—  Kurtzes  Diarium  (D'"  Baur).  —  Ein  unediertes  Gedicht  des  Mœnches  Geve- 
hardus  zu  Grafschaft  (Nolte.  —  W.  Wattenbach).  —  Das  Bippappspiel 
TD*"  Baur.  —  D'  Frommann).  —  Bemerkung  zu  dem  Spruch  «  De  ebriosis  » 
(Wattenbach).  — Beilage  zutn  N°  8.  Chronik  des  germ.  Muséums.  —  Schriften 
der  Akademieen  und  historischen  Vereine.  —  Nachrichten. 

La  Rivista  Europea.  Septembre  1875.  — J.  Taffiorelli,  I  Giardini  d'in- 
fanzia  nella  scienza  pedagogica.  —  V.  Valeriani,  I  metodi  del  Duhamel  e  la 
logica  del  Condillac.  —  G.  Piazzoli,  Camillo  Desmoulins  (suite).  —  E.  Picco- 
LOMiNi,  Sulla  essenza  e  sul  metodo  délia  filologia  classica  (fm).  —  P.  L.  Cecchi, 
Il  progresse  del  pensiero  nelle  lettere  del  rinascimento  (fm).  —  Nouvelles  litté- 
raires et  bibliographie  italiennes,  françaises,  anglaises  et  slaves. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Bancroft  (H.  H.).  The  Native  Races  of 
the  Pacific  States  et  North  America. 
Vol.  I  :  Wild  Tribes.  Gr.  in-8'.  Lon- 
don  (Longmans).  31  fr.  2j 

Baxley  (H.  W.).  Spain.  Art  Remains 
and  Art  Realities  ;  Painters,  Priests  and 
Princes.  2  vol.  in-S®,  cart.  London 
(Longmans).  26  fr.  2j 

Beaufort  (M.).  Memoir  of  Margaret, 
Countess  of  Richmond  and  Derby.  By 
the  late  Charles  Henry  Cooper,  Edited 
lor  the  two  Collèges  of  her  foundation. 
In-8*,   340    p.    London    (Bell    et   D.). 

9  fr-  40 

Chinese  Classics.  Translated  into  English 


by  J.  Legge.  Vol.  2  :  Life  and  Works 
of  Mencius.  In-8°,  cart.  London  (Trùb- 
ner).  1 5  fr. 

Gonfucius.  TiHio.  Dieerhabene  Wissen- 
schaft.  Aus  dem  Chines,  ùbers.  u.  erklaert 
V.  R.  V.  Piaenckner.  In-8°,  xx-358  S. 
Leipzig  (Brockhaus).  8  fr. 

Crookes  (W.).  Researches  in  the  Pheno- 
mena   of  Spiritualism.    Part    1.    In-S». 


London  (J.  Burns). 


I  fr.  2$ 


Cunningham  (A.).  Life  of.  With  Sélec- 
tions from  his  Works  and  Correspon- 
dence.  By  D.  Hogg.  In-8%  580  p.  Lon- 
don (Hodder  et  S.).  9  fr.  40 


Cyril.  Sancti  Patris  Nostri  Cyrilli  Archi- 
episcopi  Alexandrin!  in  D.  Joannis  Evan- 
gelicum,  Edited  by  E.  B.  Pusey.  5  vol. 
In-8%     cart.     London     (Mac     Millan). 

56  fr.  25 

Dodsley's  Select  Collection  of  Old  English 
Plays.  4th  edit.  by  W.  C.  Hazlitt.  Vol. 
9,  In-80,  j8o  p.  cart.  London  (Reaves 
et  T.).  13  fr.  1$ 

Encyclopsedia  britannica.  Edited  by  T. 
Spencer  Baynes.  Vol.  i.  In-4*>,  cart. 
London  (Simpkin).  37  fr.  50 

Ficker  (J.).  Ueber  die  Entstehungszeit  d. 
Schwabenspiegels.  Gr.  in-8*,  70  S.  Wien 
(Gerold).  i  fr.  3S 

Fischer  (K.).  Francis  Bacon  und  seine 
Nachfolger.  Entwickelungsgeschichte  der 
Erfahrungsphilosophie.  2.  vœllig  _um- 
gearb.  Aufl.  In-8',  xx-788  p.  Leipzig 
(Brockhaus).  20  fr. 

Fox  (H.  C).  On  the  Revision  of  the  Au- 
thorised  Version  of  the  Scriptures.  With 
an  Account  of  the  Revision  now  in  Pro- 
gress.  In- 1 2,  64  p.  cart.  London  (Hodder 
et  S.).  2  fr. 

Fraser  (T.  R.)  and  Dewar  (A.).  Origin 
of  Création  ;  or,  Science  of  Matter  and 
Force.  In-8',  cart.  London  (Longmans). 

10  fr. 

Gardiner  (S.  R.).  A  History  of  England 
under  the  Duke  of  Buckingham  and 
Charles  L  1624-1628.  2  vol.  in-8'',  cart. 
764  p.  London  (Longmans).  30  fr. 

Ingleby  (C.  M.).  Shakspeare's  Centurie 
of  Prayse;  being  Materials  for  a  History 
of  Opinion  on  Shakspeare  and  his  Works. 
In-4°.  London  (Trùbner).         26  fr.  2$ 

Jerrold  (B.).  Life  of  Napoléon  IIL  Deri- 
ved  from  State  Records,  from  unpublished 
Family  Correspondence,and  from  Personal 
Testimony  (4  vol.).  Vol.  2.  In-8*,  496  p. 
cart.  London  (Longmans).        22  fr.  50 

Lûbke  (W.),  History  of  Art.  Translated 
by  F.  E.  Bunnètt.  3d  Edit.  2  vols  gr. 
in-8*,  cart.  950  p.  London  (Smith  et  E.). 

$2  fr.  jo 

Malvezin  (T.).  Michel  de  Montaigne,  son 
origine,  sa  famille.  In-8»,  348  p.  2  fac- 
simile,  I  tableau  et  i  carte.  Bordeaux 
(Lefebvre). 

Mansel  (H.  L.).  The  Gnostic  Hérésies 
of  the  First  and  Second  Centuries.  With 
a  Sketch  of  his  Work,  Life  and  Charac- 


ter  by  the  Earl  of  Carnarvon.  Edited  by 
J.  B.  Lightfoot.  In-8<*,  cart.  312  p. 
London  (Murray).  13  fr.  1$ 

Maurice  (CE.).  Livesof  English  Popular 
Leaders  in  the  Middle  Ages.  Tyler,  Bail 
and  Oldcastle.  In-8°,  228  p.  cart.  Lon- 
don (King).  9  fr.  40 

Mémoires  de  la  Société  d'archéologie 
lorraine  et  du  Musée  historique  lorrain. 
3*  série,  2*  vol.  In-8°,  xvj-504  p.  et  1 1  pi. 
Nancy  (imp.  Crépin-Leblond). 

Nicoîson  (A.).  Sketch  of  the  German 
Constitution ,  and  of  the  Events  in  Ger- 
many  from  181 5  to  1871.  In-8*,  cart. 
London  (Longmans).  6  fr.  2^ 

Paillard  (A.).  Histoire  de  la  transmission 
du  pouvoir  impérial  à  Rome  et  à  Constan- 
tinople.  In-8°,  528  p.  Paris  (Pion  et  C*). 

8fr. 

Pattison  (M.).  Isaac  Casaubon.  1559- 
1614.  In-8*,  cart.  538  p.  London  (Long- 
mans). 22  fr.  50 

Perrens  (F.  T.).  Etienne  Marcel,  prévôt 
des  marchands  (1354-1^^8),  avec  une 
introduction  par  L.  M.  Tisserand.  In-4*, 
xliij-395  p.  Paris  (Imp.  nationale).  30  f. 

Revue  des  Deux-Mondes.  Table  gé- 
nérale (1831-1874).  In-8°  à  2  col.,  viij- 
483  p.  Paris  (Bureaux  de  la  Revue  des 
Deux-Mondes). 

Scherer  (W.).  Deutsche  Studien  II.  Die 
Anfaenge  d.  Minnesanges.  Gr.  in-8', 
82  S.  Wien  (Gerold).  »  fr-  7S 

Schroer  (K.  J.).  Die  deutsche  Dichtung 
d.  19.  Jahrh.  in  ihren  bedeutenderen 
Erscheinungen.  In-8°,  vj-496  S.  Leipzig 
(Vogel).  12  fr. 

Sha-w  (C).  Malta  Sixty  Years  ago,  also 
a  Synoptical  Sketch  of  the  Order  of  St. 
John  of  Jérusalem,  from  its  first  Forma- 
tion till  the  Evacuation  of  Malta;  to 
which  is  annexed  a  short  Sketch  of  the 
Crusades,  and  a  concise  History  of  the 
Knights  Templar.  In-16  cart.  150  p. 
London  (S.  Tinsley).  13  fr.  15 

Spencer  (H.).  The  Study  of  Sociology. 
4th  Edit.  In-8",  cart.  426  p.  London 
(King).  6  fr.  25 

Werder  (K.).  Vorlesungen  ûb.  Shaks- 
peare's Hamlet  geh.  an  der  Universitaet 
zu  Berlin  (zuerst  im  Wintersemester  1859- 
1860,  zuletzt  1870-1871'.  In-80,  2^2  S. 
Berlin  (Hertz).  6  fr.  25 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogenl-le-Rotrou. 


N°  41  Neuvième  année.  9  Octobre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL   HEBDOMADAIRE   F'UBLIÉ  SOUS   LA   DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    propriétaire 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 
F.    VIEWEG,    LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

LIBRAIRIE  A.   FRANCK, 

67,   RUE    RICHELIEU. 


Pour  paraître  très-prochainement  : 

LES  TABLES   EUGUBINES 

TRADUCTION,    COMMENTAIRE,    GRAMMAIRE 
ET    INTRODUCTION    HISTORIQUE, 

PAR 

M.   M.   BRÊAL, 

Professeur  au  Collège  de  France  ,  directeur-adjoint  à 

l'École  des  Hautes-Études. 

Un  fort  volume  gr.  in-8°  de  28  à  30  feuilles  d'impression  accompagné  d'un 
album  petit  in-f°  contenant  le  fac-similé  des  tables  Eugubines.  1 3  planches 
gravées. 


PERIODIQUES. 

The  Academy,  n"  176,  new  séries,  18  septembre.  Denton,  A  Commentary 
on  the  Acls  of  the  Apostles.  Vol.  I.  London,  Bell  and  Sons  (W.  Sanday  :  Fau- 
teur ignore  les  travaux  allemands).  — MsXsty]  i-izi  tcO  ^lou  twv  Vôco-répoiv  'EaX'/j- 
vwv,  uTïb  N.  r.  noXiTcu.  Vol.  I,  Part  2.  Athens,  Wilberg  (H.  F.  Tozer  :  ce 
volume,  intitulé  Mythologie  des  Grecs  modernes  s'occupe  des  idées  populaires  sur 
la  destinée  et  la  condition  des  morts;  il  ne  fournit  guère  plus  de  détails  qu'on 
n'en  trouve  dans  l'ouvrage  de  B.  Schmidt,  Das  Volksleben  der  Neugriechen).  — 
Watkiss  Lloyd,  The  Age  of  Pericles.  London,  Macmillan  and  Co.  (J.  P.  Ma- 
HAFFY  :  article  favorable,  malgré  d'assez  nombreuses  critiques),  ■—  New  York 
Letter  (J.  L.  Gilder  :  nouvelles  littéraires).  —  Correspondeijce.  Michel  Angelo's 
«  Création  of  Adam  »  (Alfred  Higgins  analyse  l'article  de  Richter,  paru  dans  la 
Zeitschr.  fur  bildende  Kunst,  lequel  jette  une  vive  lumière  sur  la  signification  de  la 
peinture  de  Michel  Ange).  —  Lucretius  and  his  Editors  (A.  H.  J.  Munro  : 
répond  à  une  phrase  dirigée  contre  lui  par  Brieger  dans  la  préface  de  sa  récente 
édition  de  Lucrèce  et  à  un  article  du  même,  paru  dans  le  Jahresbericht  iiber  die 
Forîschritîe  der  classischen  Alîerthumswissenschaft).  —  Shakspere  and  Queen  Eli- 
zabeth's  Favourites  (F.  J.  Furnivall).  —  The  Prehistoric  Collections  of  Lûbeck, 
Schwerin  and  Berlin  (Henry  Schliemann).  —  Whitney,  The  Life  and  Growth 
of  Language.  London,  King  and  Co.  (A.  H.  Sayce  :  n'est  pas  d'accord  avec 
l'auteur  sur  la  question  des  racines  monosyllabiques).  — Greek  Etymology  (John 
Rhys  :  revue  des  ouvrages  suivants  :  Grundziige  der  griechischen  Etymologie,  von 
G.  Curtius,  4**  éd.;  Some  Remarks  on  the  Celtic  Additions  to  Curtius'  Greek 
Etymology,  by  Whitley  Stokes;  Principles  of  Greek  Etymology,  By  G.  Curtius, 
transi,  by  A.  S.  Wilkins,  vol.  I). 

The  AthensBum,  n**  2499,  18  septembre.  Vambéry,  Der  Islam  im  Neun- 
zehnten  Jahrhundert.  Leipzig  (tableau  fidèle  de  l'islamisme  actuel).  —  Extracts 
from  the  Records  ofthe  Burgh  of  Eidinburgh,  A.  D.  i5$7-i$7i.  Edinburgh, 
printed  for  the  Scottish  Burgh  Records  Society.  —  Cumbriana;  or.  Fragments 
of  Cumbrian  Life.  London,  Whittaker  and  Co.  (intéressant  ouvrage).  —  An 
Account  ofthe  Primitive  Tribes  and  Monuments  of  the  Nilagiris.  By  the  late 
James  Wilkinson  Breeks.  Ed.  by  his  Widow.  Allen  and  Co.  (importante  publi- 
cation). —  Othello  and  Sampiero  (C.  Elliot  Browne  :  rappelle  qu'un  anonyme 
a  signalé,  il  y  a  plus  d'un  siècle,  la  ressemblance  frappante  qu'offre  l'histoire 
d'Othello  avec  celle  du  Corse  Sampiero).  —  The  Centenary  of  Michel  Angelo. 
—  Remains  of  Moorish  Art  (Trovey  Blackmore  :  décrit  une  ruine  splendide 
qu'il  a  visitée  à  Salée  près  de  Rabat  dans  le  Maroc). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  38,  18  septembre.  Weizs^cker,  Das  Neue 
Testament.  Uebersetzt.  Tùbingen,  Laupp'sche  B.  In-8%  viij-528  p.  (traduction 
au  courant  de  la  science).  —  Lindner,  Geschichte  des  deutschen  Reiches  vom 
Ende  des  14.  Jahrh.  bis  zur  Reformation.  1.  Abth.  i.  Ed.  Braunschweig, 
Schwetschke  u.  S.  In-8°,  xv  p.  456  (ce  volume  traite  de  l'histoire  de  l'Allemagne 
sous  le  roi  Wenzel).  —  Ennen,  Geschichte  der  Stadt  Cœln.  4.  Bd.  9.-14.  Lief. 
Kœln  u.  Neuss,  Schwann.  In-8°,  viij-s  1 3-889  p.  (ce  volume  embrasse  les  années 

1513  a  1577).  —  Troilus  Alberti  Stadensis  éd.  A.  Merzdorf  (cf.  Rev. 

cht.,  187$,  II,  p.  25). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  30,  24  juillet.  Uhrig,  Bedenken  gegen  die 
iEchtheit  der  mittelalterlichen  Sage  von  der  Entthronung  des  Merowingischen 
Kœnigshauses  durch  den  Papst  Zacharius.  Leipzig,  Veit  u.  Co.  ln-8%  viij-Si  p. 
(H.  Hahn).  —  Belgrano,  Délia  vita  privata  dei  Genovesi.  Sec.  Ed.  Genova, 


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REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  41  —  9  Octobre  —  1875 


Sommaire  :  196.  Documents  sur  Jules-César  Scaliger  et  sa  famille,  p.  p.  Magen.  — 
Correspondance  :  Sur  les  origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes,  avec  l'explication  du  nom 
■    Tsigane  (suite  et  fin).  —  Sociétés  savarites  :  Académie  des  inscriptions. 


196.  —  Documents  sur  Jules -César  Scaliger  et  sa  famille,  publiés  par 
M.  Adolphe  Magen.  Agen,  imprimerie  de  Prosper  Noubel.  1873.  In-8*  de  122  p. 
(Extrait  du  Recueil  des  travaux  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et  arts  d'Agen). 

Pendant  la  Révolution,  vers  le  milieu  de  1792,  l'église  des  RR.  PP.  Augustins 
d'Agen,  où  reposaient  les  restes  de  Jules-César  Scaliger,  fut  vendue,  puis  démolie. 
La  sépulture  du  savant  médecin  et  critique,  dont  la  gloire,  déjà  grande  de  son 
temps,  fut  renouvelée  et  bien  dépassée  par  celle  de  son  fils,  n'échappa  point  à  la 
profanation.  Mais  du  moins  ses  os  furent  pieusement  recueillis  par  un  jeune 
citoyen  agenais  et  conservés,  pour  la  majeure  partie,  par  les  héritiers  de  ce 
jeune  homme,  mort  en  1 810,  en  Espagne,  où  il  exerçait  les  fonctions  de  médecin 
militaire.  En  1867,  ces  héritiers  remirent  les  ossements  de  Jules-César  Scaliger 
entre  les  mains  des  membres  du  bureau  de  la  Société  d'agriculture,  sciences  et 
arts  d'Agen,  pour  être  gardés  soigneusement  par  elle  jusqu'à  l'époque  où  il  lui 
serait  possible  de  les  déposer  à  jamais  dans  un  monument  public.  Cette  circon- 
stance a  inspiré  à  un  savant  littérateur  agenais  l'idée  de  réunir  et  de  publier  un 
assez  grand  nombre  de  documents  concernant  le  chef  de  la  famille  Scaliger  et  ses 
descendants.  La  publication  de  M.  Ad.  Magen  comprend  d'abord  une  traduction 
de  la  longue  et  intéressante  lettre  latine  adressée  par  Joseph  Scaliger  à  Janus 
Douza,  lettre  publiée  originairement  à  Leyde,  en  i  $94,  dans  le  format  in-4°,  et 
réimprimée  ensuite  en  tête  de  la  correspondance  de  son  savant  auteur.  M.  M.  a 
cru  devoir  supprimer,  et  nous  ne  saurions  l'en  blâmer,  la  fabuleuse  généalogie 
qui  occupe  les  premières  pages  de  ce  morceau.  Mais  il  y  a  joint  un  grand  nombre 
de  notes  historiques,  biographiques  et  littéraires,  dont  plusieurs  fort  développées 
et  fort  curieuses.  Viennent  ensuite,  sous  forme  d^appendice,  diverses  pièces  con- 
cernant Jules-César  Scaliger,  ses  enfants  et  ses  descendants.  Parmi  ces  docu- 
inents,  on  remarquera  surtout  le  testament  de  Jules-César  et  celui  de  Joseph 

caliger. 

La  traduction  de  M.  M.  est  écrite  avec  beaucoup  de  facilité  et  d'agrément; 
peut-être  en  certains  cas  aurait-elle  pu  serrer  le  texte  de  plus  près.  Nous  allons 
soumettre  au  savant  et  laborieux  écrivain  quelques  observations  que  nous  a  sug- 
gérées une  lecture  attentive  de  son  précieux  recueil. 

Page  10.  On  lit  ce  qui  suit,  à  propos  de  Jules-César  Scaliger  :  <^  Présenté 
»  ensuite  par  son  père  à  l'Empereur  Maximilien,  son  aîné  de  dix  ans,  etc.  » 
M.  M.  fait  observer  en  note  qu'il  y  a  là  une  erreur  évidente,  et  que  Maximilien 
XVI  15 


226  "^V    T    l/^î-      REVUE  CRITIQUE  ")  l^f  '^    Çf 

étant  né  en  1459,  ce  n^ëst  pas  de  dix  ans,  mais  de  vingt-cinq  qu^il  était  l'aîné 
de  Scaliger.  Mais  le  texte  de  Joseph  Scaliger  est  ainsi  conçu  :  «  Annorum  duo- 
»  decim  minor  Maximiliano  Caesari  à  pâtre  Benedicto  oblatus'  »,  ce  qui  nous 
paraît  devoir  se  traduire  de  cette  sorte  :  «  à  l'âge  de  moins  de  douze  ans ,  il  fut 
»  présenté  par  son  père  Benoît  à  l'empereur  Maximilien.  »  Immédiatement  avant 
les  mots  qu'on  vient  de  lire,  il  est  dit  que  Jules-César  Scaliger,  avec  Tite,  son 
frère,  apprit  les  éléments  de  la  grammaire  et  des  lettres  d'un  client  de  sa  famille, 
Jean  Joconde  de  Vérone,  très-savant  homme  et  très-honnête,  qui  se  fit  plus  tard 
moine  franciscain.  Dans  une  note  relative  à  ce  passage,  M.  M.,  après  avoir  fait 
observer  qu'il  s'agit  du  célèbre  F  rate  Giovanni  Giocondo,  ajoute  ces  mots  : 
«  D'après  une  note  dont  je  ne  retrouve  plus  la  source,  il  s'appelait  Jean  Gaillard 
»  et  il  aurait  construit  le  Pont-Neuf  à  Paris.  »  Il  y  a  ici  trois  remarques  à  faire  : 
i*»  Gaillard  est  une  version  un  peu  libre  de  Giocondo,  nom  qu'un  vieux  traduc- 
teur du  xvi*'  siècle  a  rendu  plus-exactement  par  le  joyeulx  ;  2"  ce  n'est  pas  le  Pont- 
Neuf  que  Fra  Giocondo  a  fait  construire,  mais  bien  le  pont  Notre-Dame  2; 
3°  Giocondo  embrassa  de  bonne  heure  la  vie  monastique,  dans  l'ordre  des  frères 
prêcheurs,  et  non  dans  celui  des  franciscains. 

Page  29,  après  avoir  raconté  très-longuement  les  prouesses  de  son  père, 
Joseph  Scaliger  s'emporte  contre  ceux  qui  s'étaient  permis  de  blâmer  de  tels 
actes  d'adresse,  de  force  ou  d'agilité,  et  notamment  contre  un  certain  Lucumon 
Beccelenus,  «  l'homme  du  monde  qui  a  fait  de  son  talent  et  de  ses  loisirs  l'usage 
»  le  plus  indigne  et  qui,  avec  une  grossièreté  sans  exemple,  cherche  à  tourner 
»  mon  père  en  ridicule,  pour  avoir,  en  armes,  dansé  la  Pyrrhique  devant  l'em- 
»  pereur  Maximilien.  Oh!  la  stupide,  l'étrange  impudence!  Mais  le  Maruccin,  si 
))  enclin  à  critiquer  les  talents  et  les  goûts  des  personnages  les  plus  distingués, 
»  ne  s'est-il  pas  moqué  de  Moïse  qui  a  eu,  selon  lui,  le  tort  d'écrire  les  noms 
»  des  patriarches  en  hébreu  plutôt  qu'en  flamand  ?  Et  cependant  ses  Origines, 
»  plus  absurdes  peut-être  qu'impies ,  ont  été  publiées  sur  le  permis  de  gens  qui 
»  prétendent  au  droit  de  contrôle  en  tout  ordre  de  productions.  » 

Sur  ce  passage  M.  M.  a  fait  une  note  ainsi  conçue  :  «  Le  nom  de  Beccelenus 
»  et  celui  de  Maruccin,  qu'on  rencontre  un  peu  plus  bas,  manquent  à  tous  les 
»  Recueils  biographiques,  y  compris  celui  d'Antoine  Teissier  {Les  Éloges  des 
»  hommes  savants,  etc.),  si  bien  informé  sur  cette  époque?.  »  Il  nous  paraît 
certain  que  les  mots  Marrucin  (Marrucinus)  et  Lucumon  4  Becceselenus  (car  c'est 

1.  Josephi  Scaligeri Epistola  de  vetusîate  et  splendore  gentis  Scaligerae  et  Jul.  Caes, 

vita,  p.  3 1  ;  Illustriss.  viri  Josephi  Scaligeri,  Julii  Caes.  a  Barden  f.  epistolae.  Lugduni  Bata- 
vorum,  ex  pfficina  Bonaventurae  et  Abrahami  Elzevir.  1627.  In-8°,  p.  28. 

2.  Cf.  la  Bibliothèque  de  l'École  des  chartes,  2"  série.  J.  II,  1845-1846,  p.  58  suiv., 
article  de  Le  Roux  de  Lincy;  la  Biographie  universelle  de  Michaud,  article  Giocondo,  par 
Éméric-David;  la  Biographie  générale  de  Didot,  Art.  Giocondo,  par  feu  Ern.  Breton; 
et  Martin  Hylacomylus  Waltzemiiller,  ses  ouvrages  et  ses  collaborateurs,....  par  un  géographe- 
bibliophile  (leu  M.  d'Avezac).  Paris,  1867,  in-80,  p.  89.  Voyez  encore  les  Prima  Scali' 
gerana,  dans  le  recueil  de  Des  Maizeaux,  Scaligerana^  Thaana,  Perroniana,  etc.,  t.  II, 
p.  120,  121. 

3.  M.  M.,  p.  29,  note  2. 

4.  Lucumo  =  Fou,  monomane,  mélancolique. 


d'histoire  et  de  littérature.  227 

ainsi  que  porte  le  texte  de  Joseph  Scaliger  »)  désignent  une  seule  et  même  per- 
sonne, et  que  ce  sont  des  épithètes  outrageantes  appliquées  à  cette  personne, 
plutôt  que  son  nom  véritable.  J'ai  déjà  expliqué  ici  même,  à  propos  d'un  passage 
de  Balzac  relatif  à  Rocolet,  ce  qu'il  fallait  entendre  par  Marrucin  ^.  Lorsque  je 
lus  pour  la  première  fois,  au  commencement  de  septembre  1874,  l'opuscule  de 
M.  M.,  je  me  trouvais  à  Granville  (Manche),  c'est-à-dire,  loin  de  mes  livres  et 
de  presque  toute  espèce  de  livres.  Mais  je  supposai  aussitôt  qu'il  devait  être 
question  du  savant  et  systématique  Goropius  Becanus,  et  je  communiquai  par 
lettre  ma  conjecture  à  un  des  amis  de  M.  M.,  qui  est  en  même  temps  un  des 
principaux  collaborateurs  de  la  Revue  critique.  Toutefois  ce  n'était  qu'une  pure 
supposition,  fondée  uniquement  sur  les  railleries  adressées  par  Joseph  Scaliger 
aux  rêveries  étymologiques  du  censeur  de  son  père,  et  sur  le  titre  à^Origines 
donné  au  livre  qui  les  renferme.  Mais  en  recourant  plus  tard  aux  longues  élucu- 
brations  du  médecin  anversois,  j'y  trouvai  ce  passage,  relatif  justement  à  Jules- 
César  Scaliger  :  «  Quid  enim  ille  non  possit,  qui  puer  adhuc  cùm  esset,  in  pano- 
»  plia  coram  Maximiliano  pyrrichen  saltarit  ?  ?  »  Plus  récemment  encore,  en 
feuilletant  le  curieux  petit  volume  intitulé  :  PauU  Colomesii  opuscula^,  à  l'article 
intitulé  :  Clavis  epistolarum  Josephi  Justi  Scaligeri  Aginnensis,  j'ai  vu  que  le  savant 
critique  et  bibliographe  avait  reconnu,  il  y  a  plus  de  deux  siècles,  qui  était  Lu- 
cumo  Becceselenus.  Il  s'était  contenté  d'énoncer  le  fait,  en  promettant  de  parler 
avec  détail  de  Jean  Goropius  Becanus,  dans  un  ouvrage  qui  devait  porter  le  titre 
de  Belgium  Orientale,  mais  qui  n'a  point  vu  le  jour.  Il  est  à  peine  besoin  d'ajouter 
que  Joseph  Scaliger  s'est  complu  malignement  à  donner  à  Goropius  Becanus  un 
nom  qui  ne  diffère  que  par  une  seule  lettre  et  par  la  désinence  du  sous-titre  de  son 
livre.  En  effet,  Becceselenus  «  grand  niais,  imbécille  »  rappelle  aussitôt  le  Becce- 
selana  qui  figure  dans  le  titre  de  l'in-folio  du  médecin  anversois,  et  que  celui-ci 
traduit  par  «  panes  quibus  pueri  nutriuntur5.  » 

Page  40,  Joseph  Scaliger  dit  que  son  père  ayant  éprouvé  un  violent  échauffe- 
ment,  fit  usage,  pour  se  soulager,  du  suc  d'une  plante  qu'on  appelle  albaîeca 
en  Espagne.  M.  M.  suppose  qu'il  pourrait  être  question  ici  de  la  Fabrègue, 
espèce  de  basilic  qu'en  Espagne  on  appelle  :  alhahaca,  alfabega;  et  il  renvoie  au 
Glossaire  des  mots  espagnols  {et  portugais)  dérivés  de  Varahe,  par  R.  Dozy  et  le  C 
(W)  H.  Engelmann,  2^  édition,  p.  C)!,  v°  albahaca,  etc.  Mais  cette  conjecture 
est  contredite  par  ce  qu'on  lit  immédiatement  après,  et  qui  prouve  qu'il  s'agit 
d'un  fruit  et  non  simplement  d'une  plante^.  Je  crois  donc  que  Joseph  Scaliger  a 

1.  Page  41  de  l'édition  elzévirienne. 

2.  Revue  critique,  n*  du  8  août  1874,  p.  91. 

3.  Joan.  Goropii  Becani  Origines  antwerpianae,  sive  Cimmeriorum  Becceselana  novem  libros 
complexa.  Antverpiae,  ex  officina  Christophori  Plantini,  1569,  in-folio.  Antiquitates  Anî- 
werpianae,  p.  295. 

4.  Ultrajecti,  apud  Petrum  Elzevirium,  1669,  in-12;  page  145. 

5.  Opus  suprà  laudatum,  p.   1054.  —  11  est  ainsi  fait  mention  de  Goropius  Becanus 

dans  le  Scaligerana  :  «  Goropius  Becanus  dicebat  linguam  Adam!  fuisse  Brabantinam 

»  Goropius  Becanus  a  esté  fort  estimé,  mais  on  n'en  fait  plus  d'estat  maintenant;  il  ne 
»  vaut  rien.  ))  Scaligerana,  Thuana,  etc.,  t.  II,  p.  223-224. 

6.  Ex  adstricta  ob  cruditatem  \\Ï\ms  jructas  vesica;  p.  47,  éd.  elzévirienne. 


228  •^>'  REVUE    CRITIQUE         "-(H^C! 

voulu  parler  de  la  pastèque  ou  melon  d'eau  (cucnrbita  citrullus),  appelée  en 
espagnol  albudega  ou  alhudeca,  et  en  portugais  paîeca  ' . 

Dans  le  testament  de  Joseph  Scaliger  (p.  76)  on  rencontre  l'expression  :  tout 
arroy  de  cuisine.  M.  M.  a  supposé  qu'il  y  avait  là  une  erreur  de  copiste  et  qu'il 
fallait  lire  harnoy  (harnais).  Je  ne  partage  pas  cette  opinion  :  le  mot  arroy  me 
paraît  la  vraie  leçon  et  s'interprète  très-bien  ici  par  «  attirail.  » 

La  correction  typographique  laisse  trop  à  désirer.  P.  20,  n.  3,  il  est  dit  que 
François  I*""  était  neveu  du  frère  de  Charles  III,  duc  de  Savoie.  C'est  neveu  du 
père  qu'on  doit  lire.  A  la  page  34,  n.  2,  il  faut  sans  doute  changer  Quivini  en 
Quirini,  comalatoria  en  consolatoria,  comporta  en  composta.  —  P.  43,  n.  i,  la  date 
1521  doit  être  remplacée  par  1541. 

En  résumé,  malgré  quelques  taches,  la  plupart  légères,  la  publication  de 
M.  M.  est  un  précieux  service  rendu  à  l'histoire  du  xvi^  siècle.  Elle  mérite  de 
prendre  place  à  la  suite  des  deux  intéressantes  études  biographiques  consacrées 
à  Jules-César  Scaliger  et  à  son  fils,  par  M.  Charles  Nisard,  dans  les  ouvrages 
intitulés  :  Les  gladiateurs  de  la  république  des  lettres  et  Le  Triumvirat  littéraire  au 
xvi^  siècle.  Quand  notre  savant  et  laborieux  collaborateur,  M.  Tamizey  de 
Larroque,  aura  publié  le  travail  qu'il  prépare  sur  Joseph  Scaliger,  il  restera  sans 
doute  bien  peu  de  chose  à  apprendre  sur  les  deux  grands  érudits,  et  nous  aurons 
moins  lieu  de  regretter  que  Ruhnkenius  n'ait  pas  mis  à  exécution  le  projet  qu'il 
avait  formé  d'écrire  la  vie  de  Joseph  Scaliger,  afin  de  l'ajouter  à  l'éloge  d'Hem- 
sterhuys^.  C.  Defrémery. 


CORRESPONDANCE.  sTîîi 

Sur  les  origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes , 

AVEC  l'explication  DU  NOM  TSIGANE. 

Lettre  à  la  Revue  critique.  ^^"^ 

{Suite  et  fin.) 

En  attendant,  je  ne  crois  pas  devoir  retenir  plus  longtemps  l'explication  du 
mot  Tsigane,  qu'on  a  vainement  cherchée  jusqu'ici,  que  M.  de  Goeje,  M.  Burton 
et  M.  Fagnan  viennent  encore  de  tenter  sans  beaucoup  de  succès,  et  que  je  me 
crois  en  mesure  de  donner  d'une  manière  définitive.  Si  je  ne  l'ai  pas  publiée 
plus  tôt,  c'est  qu'elle  me  paraît  être  la  preuve  topique  et  comme  la  confirmation 
matérielle  de  tout  mon  système,  et  qu'il  m'en  coûtait,  soit  d'affaiblir  cette  expli- 

1.  Cf.  Dozy  et  Engelmann,  opus  suprà  laudatum,  p.  74;  et  la  savante  dissertation  in- 
titulée :  B.  C.  D.  Abattichim  sive  melones  yEgyptiij  ah  israèlitis  dcsïderatij  qmnam  et  quaks 
fucrint,  brevi  SiaexeTi  lei  ostendere  co/i<3iu/' Olavus  Celsius.  Lugduni-Batavorum,  1726,  in-S", 
passim  et  surtout  p.  4  et  5.  —  Le  chevalier  d'Arvieux ,  parlant  des  pastèques  d'Alep  et 
de  l'eau  qu'elles  renferment  en  abondance,  ajoute  :  C'est  la  ptysanne  ordinaire  des  malades. 
Mémoires  du  chevalier  d'Arvieux,  recueillis  par  le  R.  P.  Jean-Baptiste  Labat,  t.  VI,  p.  413, 

4'4- 

2.  Vita  Davidis  Ruhnkenii  a  Daniele  Wyttenbachiû  scripta cdidit Carolus  Henncus 

Frotscher.  Fribergae,  1846,  in-8*,  p.  162. 


f 


d'histoire  et  de  littérature.  229 

cation  et  sa  portée  en  Pisolant,  soit  d'affaiblir  ma  thèse  elle-même  et  de  déflorer 
le  livre  que  je  prépare,  en  donnant  de  celui-ci  une  ébauche  informe  et  sans 
étais,  comme  je  viens  de  le  faire  dans  les  quelques  pages  qui  précèdent.  Malgré 
les  inconvénients  d'un  résumé  fait  un  peu  à  la  hâte,  sur  une  masse  de  matériaux 
et  de  notes  que  je  ne  puis  songer  à  passer  en  revue,  c^est  à  ce  dernier  parti  que 
je  me  suis  cependant  arrêté.  Je  répète  que  l'explication  du  mot  Tsigane  et  ma 
thèse  sont  inséparables  :  c'est  ce  qui  m'excusera,  je  l'espère,  d'avoir  osé  parler 
si  longuement,  et  dans  un  recueil  comme  celui-ci,  d'un  livre  qui  n'existe  pas 
encore.  On  voudra  peut-être  bien  reconnaître  aussi  que  les  vues  que  j'ai 
indiquées  n'étaient  pas  inutiles  à  mettre  en  regard  de  celles  exposées  par 
M.  de  Goeje. 

A  la  fin  du  précieux  passage  où  Hérodote  (V,  9)  parle  des  Sigynes,  qu'il  dit 
occuper,  au  nord  de  la  Thrace,  un  grand  pays  désert  au  delà  de  l'Ister,  et  qui 
s'étendent  aussi,  suivant  lui,  jusqu'au  pays  des  Venètes  établis  sur  les  bords  de 
l'Adriatique,  se  trouve  une  glose,  certainement  fort  ancienne,  et  que  des  savants 
autorisés'  pensent  être  d'Hérodote  lui-même.  Cette  glose,  la  voici  :  «  Les 
Ligiens  (Ligures)  qui  demeurent  auprès  de  Massalie  donnent  aux  marchands  le 
nom  de  Sigynnes  (ZiY'Jvvaç);  mais  les  Cypriotes  appellent  ainsi  les  lances  ou 
javelots  (âopaTa)^.  »  Cette  note,  d'où  l'on  peut  induire  que  des  troupes  de  colpor- 
teurs ou  artisans  sigynes,  c'est-à-dire  Tsiganes,  étendaient  dès  lors  leurs  courses 
jusqu'à  l'ancienne  Marseille,  est  déjà  par  là  fort  précieuse.  Quant  à  la  remarque 
relative  au  nom  particulier  que  les  Cypriotes  donnaient  au  javelot  ou  à  la  pique, 
et  qui  de  chez  eux  (et  de  chez  les  Macédoniens  ?)  a  apparemment  passé  dans  la 
langue  grecque  sous  les  diverses  formes4  dont  j'ai  déjà  indiqué  les  principales  en 
parlant  des  Sibylles,  elle  ne  me  disait  rien  de  clair;  mais  elle  m'était  cepen- 
dant restée  dans  la  mémoire  comme  pouvant  contenir  la  matière  de  quelque 
rapprochement  utile,  lorsqu'un  heureux  hasard  me  donna  la  clef  de  l'énigme. 

J'avais  un  jeune  parent  Cypriote,  Eugène  Santi  (mort  depuis),  qui,  après  avoir 
fait  ses  études  classiques  à  Paris,  y  était  revenu  de  Chypre  pour  suivre  les  cours 
de  l'école  des  langues  orientales  vivantes.  Il  s'y  trouvait  ainsi  en  1866.  Je  ne 
pouvais  manquer  de  profiter  de  cette  occasion  pour  m'enquérir  des  Bohémiens 
de  ces  îles  de  la  Méditerranée  orientale,  où  leur  étude  offrirait  un  intérêt  tout 
particulier;  car,  d'une  part,  c'est  dans  ces  îles  qu'était  le  principal  siège 
de  ces  peuplades  ou  corporations  cabiriques,  parmi  lesquelles  les  Sinti  de 
Lemnos  occupent  une  place  importante;  et,  de  l'autre,  cette  région  est 
une  de  celles  où  les  documents  modernes  connus  jusqu'ici  permettent  d'entrevoir 
la  présence  très-ancienne  des  Bohémiens  les  plus  incontestables  J.  Mon  jeune 

r.  Entre  autres  Diefenbach,  Origines  europaa,  1861,  p.  419;  cf.  p.  86. 

2.  Une  glose  assez  voisine  de  celle-là  est  donnée  par  un  scholiasted'Apoll.  de  Rhodes. 
V.  Diefenb.,  ibid,  p.  419.  —  11  n'est  pas  sans  intérêt  de  remarquer  que,  d'après  Suidas, 
le  nom  de  CTtyuvri  s'appliquait  particulièrement  aussi  au  javelot  en  usage  chez  les  Macé- 
doniens. 

3.  Voy.  la  dernière  note. 

4.  Voy.  du  reste  Diefenbach,  ibid.,  et  aussi  p.  287. 

5.  Sur  les  Bohémiens  de  Crète  en  1322,  voy.  dans  mon  mémoire  de  1849,  tirage  à 


IfO  REVUE    CRITIQUE 

parent  ne  put  me  renseigner  que  sur  ceux  de  Chypre,  qui  sont  encore  dans 
cette  île  au  nombre  de  cinq  cents  à  mille  environ,  et  il  me  donna  sur  eux 
(en  mai  et  juin  1866)  des  détails  qu'il  serait  trop  long  de  reproduire  ici.  Le 
point  important,  c'est  que  le  nom  sous  lequel  ils  sont  actuellement  connus  en 
Chypre  est  Kilindjindès.  C'était  la  première  fois  que  j'entendais  ce  nom',  qui 
n'a  jamais  été  recueilli  par  aucun  auteur  ayant  traité  des  Bohémiens,  et  il 
m'intrigua  tout  d'abord.  Mon  jeune  parent  m^expliqua  aussitôt  que  ce  nom  est 
évidemment  d'origine  turque,  avec  une  terminaison  grecque,  et  que  la  finale 
turque  dji,  aussi  bien  que  la  terminaison  grecque  idès,  qui  a  été  ajoutée  à  la  pre- 
mière, servent  généralement  toutes  les  deux  à  désigner  des  métiers.  Quant  à  la 
partie  essentielle  du  nom,  elle  concorde  parfaitement,  sauf  addition  d'un  /z,  avec 
le  mot  Qylidj^  qui  en  turc  signifie  sabre  ou  épée.  Le  mot  signifierait  donc 
marchands  ou  fabricants  d'épées  ou  de  sabres.  Pourquoi  cette  qualification  ? 
Evidemment  elle  se  rapportait  aux  industries  métallurgiques  des  Bohémiens  :  la 
remarque  faite  par  Hérodote  ou  un  de  ses  très-anciens  scholiastes,  à  propos  des 
Slgynes,  que  le  nom  qu'on  leur  donne  est  aussi  celui  qu'on  donne  au  javelot 
en  Chypre,  me  revint  aussitôt  en  mémoire,  et  il  me  sembla  clair  que  le  nom  de 
Kilindjiridès  n'était  qu'une  traduction,  légèrement  modifiée  en  raison  des  diffé- 
rences survenues  dans  les  armes  les  plus  usuelles,  du  nom  des  Tsiganes,  traduc- 
tion faite  par  les  Turcs  établis  dans  l'île,  à  une  époque,  évidemment,  oti 
l'ancienne  synonymie  de  leur  nom  et  des  armes  qu'ils  fabriquaient  ne  s'y  était 
pas  encore  perdue,  mais  où  de  fabricants  de  javelots  ou  de  lances  ils  s'étaient 
faits  fabricants  de  sabres  ou  d'épées.  Cette  interprétation  n'a  rien  que  de  con- 
forme à  ce  que  l'on  sait  des  fréquentes  modifications  que  la  transformation  des 
usages  apporte  au  sens  des  mots,  et  elle  se  trouve  particulièrement  justifiée  par 
un  exemple  pris  dans  la  langue"  même  des  Bohémiens  et  s'appliquant  au  même 
mot  :  chez  ceux  de  l'Asie  Mineure,  Kilidj  signifie  maintenant  faulx  (Paspati,  Les 


part,  p.  11-12,  le  passage  de  Symon  Simeon,  rectifié  comme  il  est  dit  plus  haut  (note  3 
de  la  p.  21 5);  sur  ceux  de  Chypre,  voy.  ibid.,  p.  10-11,  les  passages  de  Lusignan  et  de 
Florio  Bustron;  sur  ceux  des  îles  de  la  Méditerranée  orientale  en  général,  voy.  ibid., 
p.  8-10,  les  passages  d'André  Thevetet  de  Pierre  Belon.  On  remarquera  les  occupations 
métallurgiques  auxquelles  ces  Boh.,  quoique  isolés  et  comme  perdus  dans  ces  îles,  se 
livrent  encore,  d'après  Lusignan,  Thevet  et  Belon.  —  A  ces  documents,  il  faut  ajouter 
maintenant  ceux,  relatifs  aux  Boh.  des  côtes  de  la  Grèce,  que  feu  M.  Cari  Hopf  a  mis 
en  œuvre  (il  est  bien  regrettable  qu'il  ne  les  ait  pas  donnés  textuellement  et  qu'il  n'ait 
pas  même  exactement  indiqué  ses  sources  toutes  manuscrites)  dans  les  p.  11-23  de  sa 
brochure,  Die  Einwanderung  der  Zigeuner  (Gotha,  1870,  pet.  in-S»  de  47  p.).  Le  reste 
n'est  généralement  qu'un  résumé  de  mes  deux  mémoires  de  1844  et  1849,  à  l'exception 
toutefois  de  la  plus  grande  partie  des  p.  23-26,  qui  contiennent  des  choses  très-contes- 
tables (que  le  savant  M.  Rœsler  a  relevées  dans  VAusland  du  22  avril  1872,  p.  106-107). 
Là  aussi,  au  moins  p.  20,  les  Bohémiens  (qu'un  voyageur  allemand  de  la  fin  du  XV'  s., 
parlant  de  ceux  de  Modone,  appelle  Suyginer,  p.  1 5),  apparaissent  comme  chaudronniers 
et  forgerons. 

I.  Je  ne  l'ai  retrouvé  depuis,  comme  nom  ethnique  des  Boh.,  qu'à  Rhodes,  sous  la 
forme  Kaldji  :  ce  nom  m'a  été  fourni,  en  octobre  1866,  par  Auguste  Salzmann,  qui 
depuis  1857  avait  sa  principale  résidence  dans  cette  île,  où  il  taisait  alors  ses  fouilles  bien 
connues  de  Kamiros.  Salzmann,  qui  était  pour  moi  une  vieille  connaissance,  est  aussi 
mort  depuis. 


d'histoire  et  de  littérature.  231 

Tchinghianés,  p.  121)'.  D'un  autre  côté,  hsagaris  des  Amazones  (voy.  plus  loin 
en  note)  n'est  plus  un  javelot,  mais,  paraît-il,  une  hache  en  fer.  Il  serait  facile  de 
multiplier  les  exemples  de  ce  genre. 

Cependant  il  pourrait  encore  rester  quelques  doutes  sur  la  valeur  et  la  portée 
de  ce  rapprochement,  mais  en  voici  une  confirmation,  qui  paraîtra,  je  pense, 
sans  réplique.  Un  des  trois  noms  ethniques  qui  sont  donnés  aux  Bohémiens  en 
Grèce,  est  celui  de  Kai^iêeXoç,  pi.  ci,  (Paspati,  Les  Tching.,  p;  19),  qui  est 
connu  dans  une  grande  partie  de  la  péninsule  du  Balkan,  et  jusqu'en  Roumanie, 
où  l'usage  de  la  langue  grecque,  apportée  par  les  princes  phanariotes,  était 
encore  très-répandu  il  y  a  une  trentaine  d'années.  M.  Paspati,  qui  est  Grec 
pourtant,  mais  qui  vit  à  Constantinople,  et  qui  d'ailleurs  n'avait  pas  les  mêmes 
raisons  que  moi  pour  s'arrêter  sur  ce  nom  2,  est  allé  en  chercher  l'explication 
dans  le  Vocabulaire  grec  vulgaire-italien  de  Somavera  (en  ital.,  Parigi,  1709), 
et  dans  Pott,  t.  II,  p.  259,  où  le  savant  professeur  de  Halle  fait  dériver  le 
mot  grec  d'un  mot  roumain,  cacivel,  et  le  mot  roumain  du  latin  captivas,  capti- 
vellus  5.  Cette  explication  peut  paraître  d'autant  plus  séduisante  au  premier 
abord,  que  les  Bohémiens  ont  été  longtemps  esclaves  en  Roumanie;  mais  elle 
est  inadmissible.  D'abord  cacivel  ne  paraît  pas  exister  dans  la  langue  valaque; 
je  le  cherche  en  vain  dans  les  Dictionnaires  de  cette  langue,  et  les  Roumains 
que  j'ai  consultés  à  cet  égard  connaissent  le  mot  grec,  mais  non  la  prétendue 
forme  roumaine  qu'on  a  mise  en  avant.  De  plus,  la  première  personne  sachant 
le  grec  moderne,  à  laquelle  j'ai  demandé,  sans  aucune  explication  préalable  qui 
pût  la  mettre  sur  la  voie,  ce  que  pouvait  signifier  littéralement  le  mot  KaT^iccXoç 
(c'était  précisément  un  Roumain  bien  connu,  mon  vieil  ami  C.  A.  Rosetti),  m'a 
répondu  sans  hésiter  :  «  6éXoç,  C^êéXo;,  Javelot»  !  Ce  qui  apparaît  si  clairement 
dans  le  grec  moderne  s'explique  du  reste  tout  aussi  bien  par  le  grec  ancien  :  il 
n'est  déjà  pas  difficile  de  retrouver  dans  les  trois  dernières  syllabes  de  Ka-^icsXoç 
le  ai66vr^  ancien,  qui  s'écrit  même  quelquefois  'C,l%Tr^^,  qui,  pour  signifier  Sibylle, 
prend  la  forme  aiêuXXa,  et  qui  apparaît  aussi  sous  la  forme  $ia6o/a'a  en  conser- 
vant la  signification  de  javelot  5.  Mais  il  n'y  a  pas  besoin  de  chercher  si  loin  : 
6€koq  n'appartient  pas  seulement  au  grec  moderne,  il  se  retrouve  exactement 
dans  le  grec  ancien 6,  comme  un  mot  très-usité:  «  êéXoç,  trait,  flèche,  lance, 

1 .  Il  est  curieux  de  noter  qu'une  des  castes  modernes  de  l'Inde  porte  «  sur  un  éten- 
»  dard  rouge  l'effigie  d'une  espèce  de  sabre  nommé  Sangaracoày.  »  E.  Roubaud,  Contri- 
bution à  l'anthropologie  de  l'Inde  (travail  couronné  par  la  Société  d'anthr.  en  1869),  p.  43. 
Je  remarque  en  passant,  ibid.  p.  67,  une  caste  appelée  Singara\d\\o\i,  etc. 

2.  Depuis,  cependant,  M.  Paspati  lui-même  a  eu  l'obligeance  de  me  fournir  une  indi- 
cation de  laquelle  il  résulte  que  le  nom  de  xaxJiigeXoç,  comme  servante  désigner  les  Bohé- 
miens, se  trouve  déjà  chez  un  poète  byzantin  du  milieu  du  XIV'  siècle. 

3.  Paspati,  Les  Tchinghianès,  p.  19. 

4.  La  forme  intermédiaire  «  ZiêuXot,  teli  genus  n  (Nov.  de  Justinien)  se  retrouve  chez 
J.  Meursius,  Clos,  gracco-barbarum,  Lugd.  Bat.  1614,  in-40.  —  Cf.  BeXopaSeç,  acuarii. 

5.  Cf.  SiaêàXXœ,  transpercer;  SàXXw,  jeter,  lancer  contre;  xaraSàXÀto,  jeter  à  bas, 
renverser. 

6.  Et  même  très-ancien  :  il  occupe  plus  de  deux  colonnes  dans  le  J.  Morisbnii  Dancani 

Novum  Lexicon  gr.,  ex  Ch.  Tob.  Dammii  Lexico  Homerico-Pindarico  retract.,  corrigé 

et  aug.  par  Chr.  Frid.  Rost,  Lipsiae,  1836,  in-4',  où  je  remarque  que  les  mots  aiouvri, 


232  REVUE    CRITIQUE 

épée....  ))  (Dict.  de  Chassang)  nous  donne  le  mot  textuel,  même  avec  la  signi- 
fication secondaire  d^épée,  qui  s'offre  à  nous  dans  Kilindjiridès,  l'équivalent  turco- 
grec  de  KaT^iêeXoç.  —  Resterait  à  trouver  la  valeur  précise  de  la  syllabe  initiale 
y,aT.  Ce  préfixe  vient-il  de  xaî^w,  orner,  décorer,  ajuster,  ou  de^caTTUG),  raccom- 
moder? N'est-ce  pas  plutôt  tout  simplement  la  préposition  /.axa,  qui  a,  comme 
chacun  sait,  des  sens  très  divers  et  souvent  difficiles  à  préciser  ?  Ici  elle  signifie- 
rait adonné  à,  s'occupant  de,  comme  dans  -^axeiBoXoç,  adonné  au  culte  des  idoles. 
Mais  c'est  là  un  détail  secondaire  dont  je  laisse  l'explication  dernière  aux  hellé- 
nistes. Kax^iâsXo;  est  évidemment  dans  tous  les  cas  un  ouvrier  en  javelots ,  un 
fabricant  d'armes  de  ce  genre,  et  c'est  une  autre  forme  des  mots  Sigyne  et 
Tsigane,  qui  ont  le  même  sens. 

En  résumé  Si^uvoç,  ancienne  forme  grecque  du  nom  que  les  Tsiganes  portent 
encore  aujourd'hui  dans  tous  les  pays  de  l'Europe  orientale,  d'où  il  a  rayonné  un 
peu  au  delà  et  un  peu  en  deçà',  signifiait  simplement  y^re/of,  pique,  etc.,  soit 
que  le  nom  de  la  chose  ait  passé  à  ceux  qui  la  fabriquaient,  soit  que  le  nom 
ethnique  des  fabricants  ait  passé  à  la  chose..  Puis  ce  nom  ethnique,  qui,  en 
tant  que  nom  commun,  avait  en  grec  ancien  des  formes  assez  diverses, 
notamment  celles  de  ci6uvy)  et  de  6éXoç,  est  devenu  en  grec  du  moyen-âge 
Kax^têsXoç,  qui  signifie  un  peu  plus  explicitement  fabricant  de  javelots, 
flèches,  lances,  épées  ;  et  c'est  là  encore  aujourd'hui  le  nom  grec  des  Bohémiens 
le  plus  répandu,  non-seulement  en  Grèce  (où  on  les  appelle  aussi  'A-c^iYv.avsç 
ou  'A6iYT^voç,  et  Tuozoq,  Egyptien),  mais  en  diverses  régions  de  la  péninsule 
des  Balkans  où  le  grec  a  pénétré.  Enfin  ce  nom,  que  les  Turcs  ont  trouvé  en 
Chypre,  soit  sous  sa  forme  ancienne  de  K^uvoç,  déjà  sans  doute  transformé  en 
Cingani  que  nous  y  rencontrons  au  xv^  siècle,  soit  sous  la  forme  plus  moderne  de 
KaTÎ^iêôXoç,  soit  plus  probablement  sous  l'une  et  l'autre  forme  qui  s'expliquaient 
l'une  par  l'autre,  a  été  traduit  dans  cette  île  par  Kilindjiridès,  mot  turc  flanqué 
d'une  terminaison  grecque,  qui  signifie  plus  particulièrement  fabricant  d'épiés. 
La  même  chose  est  arrivée  à  Rhodes,  avec  cette  seule  différence  que  le  mot 
Kaldji  est  demeuré  purement  turc  sans  addition  de  finale  grecque. 

Ainsi  se  trouve  tout  à  la  fois  expliqué  le  nom  mystérieux  des  Tsiganes,  et 
prouvée  leur  identité  originelle  avec  les  anciens  Siyuvoi  ou  Sqijvvai,  et  par  suite 
aussi  celle  des  Sinti  actuels  avec  les  anciens  Sivxisç,  en  même  temps  que  le 
rapport  des  uns  et  des  autres  avec  les  anciens  métallurges  cabiriques  se  trouve 
aussi  confirmé  par  la  signification  même  du  nom  des  premiers. 

oriYwoç,  etc.  (qui  occupent  une  grande  place  dans  les  Dict.  généraux  de  la  langue  grecque), 
font  entièrement  défaut,  ce  qui  indique  que  leur  usage  est  postérieur  à  Homère  et  à  Pin- 
dare.  Quant  au  mot  2iêO>Xa,  il  y  est  mentionné  (toujours  avec  la  même  étymoiogie),  dans 
ces  termes  :  «  nomen  mulierum  fatidicarum ,  recentiorum  Homero.  »  —  De  son  côté  le 
Thésaurus  d'Henri  Etienne  consacre  au  mot  BéXo;  plus  d'une  colonne;  et,  après  le  sens 
courant  de  «  teium,  jaculum,  sagitta,  hasta  missilis  »,  qui  devient  la  foudre  entre  les 
mains  de  Jupiter,  il  donne  aussi  le  sens  de  «  gladium  »,  etc. 

I .  Ce  nom  a  pris  d'ailleurs  dans  quelques  endroits  une  forme  un  peu  différente ,  celle 
de  Singari,  Cingari  ou  Zingari  et  même  Tsangari,  qui  se  trouve  aussi  en  rapport  avec  des 
modifications  analogues  du  nom  de  l'arme  en  question,  qui  se  rencontrent  de  ci  et  de  là; 
et  il  a  passé  aussi,  à  certaines  époques  et  dans  certaines  contrées,  par  la  forme  un  peu 
altérée  à!Athingans,  Atsincans,  Atsigani. 


d'histoire  et  de  littérature.  233 

Mais  d'où  vient-il  ce  nom  de  Sigy  ne  ou  Tsigane^  On  entre  ki  dans  un  domaine 
plus  ou  moins  hypothétique,  où  je  dois  m'arrêter  d'autant  moins  que  ma  lettre 
est  déjà  beaucoup  trop  longue.  Je  remarquerai  cependant  que  ce  nom,  qui  a 
perdu  sa  signification  ethnique  dans  la  langue  bohémienne,  et  qui  peut  même  n'y 
avoir  jamais  eu  droit  de  cité  avec  cette  signification  (car  les  Tsiganes  ont  des 
noms  ethniques  qu'ils  gardent  secrets  autant  qu'ils  peuvent),  qui  ne  paraît  pas 
non  plus  se  retrouver  chez  eux  avec  le  sens  de  javelot,  lance,  pique,  sabre  ou 
épée,  ce  qui  peut  s'expliquer  suffisamment  peut-être  par  la  désuétude  où  le  pre- 
mier de  ces  engins  est  tombé  en  Europe,  est  pourtant  reconnaissable  dans  les 
mots  de  leur  idiome  qui  signifient  piquer,  couper ^  tuer,  chasseur,  battre^  se  quereller, 
querelle j  et  aussi  graver,  écrireÇà  la  pointe  évidemment),  cracher  (lancer  sa  salive)  •; 
en  sorte  que  le  mot  de  la  même  famille  qui  signifiait  javelot,  lance,  etc.,  a  dû,  ce 
semble,  exister  aussi  dans  leur  langue.  Je  suis  donc  tenté  de  supposer  qu'il  a 
été  apporté  par  eux.  Il  est  très-supposable,  dans  tous  les  cas,  que  le  nom  d'un 
objet  aussi  précieux  que  l'arme  de  bronze  ou  de  fer  qu'ils  étaient  probablement 
seuls  alors  à  fabriquer  dans  certaines  régions  ^,  leur  a  été  appliqué  par  les  popu- 
lations auxquelles  ils  en  fournissaient,  et  qu'ils  ont  eux-mêmes  accepté  ce  nom 
vis-à-vis  des  étrangers,  comme  ils  font  encore  aujourd'hui  (et  bien  plus  volon- 
tiers même  qu'aujourd'hui,  à  une  époque  où  ce  nomdésignaitleur  noble  industrie, 
et  où  ils  avaient  un  prestige  qu'ils  ont  perdu),  tout  en  conservant,  comme 
aujourd'hui,  d'autres  noms  pour  se  désigner  eux-mêmes  dans  leur  langue  ?.  Il 
paraît  aussi  que  le  nom,  d'abord  employé  pour  désigner  le  javelot,  et  qui  était 
devenu  ethnique,  a  servi  ensuite  à  désigner,  comme  nous  l'avons  vu  précédem- 
ment, des  armes  autres  que  le  javelot,  fabriquées  sans  doute  par  les  Sigynes. 
Ce  qui  est  clair,  c'est  que  dans  le  principe  ce  nom  ne  dut  être  donné  qu'aux 
Bohémiens  travaillant  le  cuivre  ou  le  fer,  lesquels  sont  du  reste  encore  aujour- 
d'hui en  grande  majorité. 

Mais,  dans  le  principe  même,  ce  nom,  que  je  suppose  avoir  été  apporté  dans 
l'Europe  orientale  par  les  Tsiganes  et  les  Sinti  de  l'antiquité,  plutôt  comme 
signifiant  javelot,  lance,  etc. ,  que  comme  nom  ethnique,  ne  leur  appartenait  sans 
doute  pas  exclusivement  en  tant  que  servant  à  désigner  l'arme  en  question  ;  car 
il  se  retrouve,  sous  des  formes  plus  ou  moins  rapprochées  du  mot  zagaie,  non 


1 .  Il  serait  trop  long  de  relever  ici  les  diverses  formes  de  ces  noms  dans  tous  les  voca- 
bulaires boh.  de  quelque  valeur. 

2.  Us  sont  encore  aujourd'hui  les  seuls  forgerons,  maréchaux-ferrants,  chaudronniers, 
etc.  du  peuple  des  campagnes  en  Roumanie  et  dans  beaucoup  de  contrées  de  l'Europe 
orientale;  et  il  ne  faudrait  pas  reinonter  bien  haut  pour  les  trouver  seuls  ou  à  peu  près 
seuls  à  exercer  ces  industries  même  dans  les  villes  de  ces  régions.  On  les  voit  même 
chargés  en  Hongrie,  aux  XV»  et  XVI«  siècles,  de  fondre  des  boulets  pour  la  guerre  contre 
les  Turcs  (Grellmann,  2^  éd.  allem.,  1787,  p.  169);  et  je  pourrais  sans  doute  trouver 
d'autres  exemples  significatifs. 

).  Celui  de  Sinti  notamment,  qui  était  alors  public,  du  moins  en  quelques  localités,  et 
qui  est  devenu  secret.  J'aurais  bien  des  remarques  à  faire  sur  les  noms  que  les, Bohémiens 
se  donnent  et  sur  ceux  qui  leur  sont  donnés^  mais  je  ne  puis  les  aborder  ici  :  ce  sera  une 
partie  importante  du  travail  que  je  prépare. 


2  34  REVUE    CRITIQUE 

seulement  dans  les  régions  du  nord  de  l'Afrique  oiiils  ont  très-bien  pu  l'importer», 
et  d'où  nous  serait  venu  notre  mot  sagaie  ou  zagaie  *,  mais  dans  des  contrées 
beaucoup  plus  éloignées  où  il  n'est  guère  supposable  que  les  armes  qu'ils  fabri- 
quaient aient  pénétré  avec  le  nom  qui  désignait  ces  engins.  Mais  comme  je  le 
remarque  dans  une  petite  communication  spéciale  que  j'ai  faite  à  ce  sujet  à  la 
Société  d'anthropologie  ?,  on  ne  connaîtra  bien  l'histoire  de  ce  nom  sagaie  tides 
autres  noms  qui  s'en  rapprochent,  que  lorsque  les  voyageurs  auront  pris  la  peine 
de  les  relever  exactement  chez  les  divers  peuples  ou  peuplades  où  ils  peuvent 
se  rencontrer,  au  lieu  d'appliquer,  comme  ils  le  font  trop  souvent,  notre  mot 
sagaie  aux  armes  piquantes  et  de  jet  qui  s'offrent  à  eux.  Provisoirement  je  pense 
que  le  mot  et  la  chose  pourraient  bien  avoir  été  originairement  répandus  par 
cette  race  chamite  qui  a  formé  des  couches  si  importantes  de  la  population  dans 
les  parties  méridionales  de  l'ancien  continent,  depuis  l'Inde  jusqu'aux  extrémités 
de  l'Afrique,  et  à  laquelle  se  rattachent  certainement  les  Bohémiens.  Je  ne  puis 
douter  en  effet  que  les  Tsiganes  ne  soient  des  Chamites,  et  plus  particulièrement 
des  Kouschites,  qui  auraient  vécu  sous  les  Aryas  dans  la  région  de  l'Indus 
assez  longtemps  pour  perdre  leur  langue  kouschite  et  adopter  une  langue 
aryenne,  mais  dont  les  premières  et  très-probablement  les  plus  importantes 
émigrations  vers  l'Occident  remonteraient  cependant  à  une  antiquité  très-reculée. 

Tel  est  sans  doute  le  point  de  vue  où,  de  leur  côté,  les  recherches  philolo- 
giques, anthropologiques  et  ethnographiques  devraient  se  placer  pour  aboutir, 
s'il  se  peut,  à  des  résultats  précis.  Jusqu'ici  le  vague  des  conclusions  qu'on  peut 
légitimement  tirer  des  comparaisons  instituées  entre  les  Bohémiens  et  telles  ou 
telles  tribus  de  l'Inde,  vient  à  l'appui  des  observations  que  j'ai  déjà  présentées 
plus  haut  4  :  On  saisit  des  rapports  philologiques,  anthropologiques  et  ethnogra- 
phiques généraux,  qui  ne  font  guère  que  confirmer  ce  que  l'on  savait  déjà  d'une 
parenté  évidente  entre  les  Bohémiens  et  les  populations  de  l'Inde,  plus  particu- 
lièrement celles  de  la  région  de  l'Indus;  mais,  en  fm  de  compte,  l'Inde,  d'où 
les  Bohémiens  ont  dû  nous  venir^,  est  précisément  la  contrée  où  jusqu'ici  on  ne 
les  a  pas  encore  retrouvés  avec  certitude  :  d'où  l'on  serait  autorisé  à  conclure 

1.  Il  y  a  des  Bohémiens  jusqu'en  Algérie  :  Voy.  mes  Notes  et  questions  sur  les  Bohé- 
miens m  Algérie^  Paris,  1874.  Extrait  des  Bulletins  de  la  Soc.  d'anthr.,  séance  du  17  juillet 
1873. 

2.  Voy.  \t%  mhmts  Bulletins ,  séance  du  21  mai  1874,  p.  406-409.  —  On  pourrait 
peut-être  cependant  se  demander  si  le  mot  français,  espagnol  et  portugais,  ne  nous  vien- 
drait pas  plus  anciennement  des  Tsiganes  et  des  Grecs.  —  Quoi  qu'il  en  soit,  la  pre- 
mière partie  du  mot  paraît  se  retrouver  dans  le  mot  latin  Sagitta  et  les  autres  mots  qui 
lui  sont  apparentés  en  diverses  langues,  même  en  gaélique  (Voy.  Littré  au  mot  Sagette), 
et  la  seconde  dans  le  gais  des  Gaulois.  —  J'ose  appeler  l'attention  des  linguistes  sur  cette 
famille  de  mots  évidemment  très-intéressante.  —  Ce  qui  est  peut-être  plus  important  à 
noter  ici,  c'est  le  S^g^m  des  Amazones  (Strabon ,  lib.  XI ,  ch.  V,  i.),  arme  (hache  en 
fer,  dit-on)  dont  le  nom  reproduit  une  autre  forme  moins  usitée  du  nom  des  Tsiganes, 
Cingari,  Tsangari,  etc. 

3.  Séance  du  21  mai  1874.  Voy.  note  précédente. 

4.  Et  précédemment  aussi  dans  Les  derniers  travaux  etc.,  Rev.  crit.,  1.  c,  p.  303  en 
note;  t.  à  p.,  p.  S4- 


d'histoire  et  de  littérature.  235 

que  la  parenté  entre  nos  Bohémiens  et  les  populations  hindoues  qui  ont  avec 
eux  le  plus  d'affinités,  remonte  trop  haut  pour  être  bien  définie  et  pour 
donner  un  résultat  d'identification  particulière  et  certaine  :  conclusion  qui,  pour 
être  fort  différente  de  celle  qu*on  a  cherchée  et  qu'on  a  souvent  prétendu 
trouver,  n'en  aurait  pas  moins  sa  grande  importance,  si  elle  était  définitive  (elle 
serait  une  nouvelle  confirmation  de  ma  thèse,  qui  pourtant  peut  s'en  passer). 
Mais  il  ne  faut  jamais  se  presser  d'adopter  de  telles  solutions  négatives.  Il  y  a 
encore  dans  l'Inde  bien  des  peuplades  mal  connues,  notamment  quant  à  leurs 
langues.  D'ailleurs,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  l'identification  des  Djatt  avec  une 
partie  des  Bohémiens  donne  aux  recherches  un  objet  précis;  et,  déplus,  en 
raison  des  dates  relativement  modernes  auxquelles  se  rapporte  cette  identification, 
il  semble  que  ces  recherches  devraient  aboutir.  Il  est  seulement  à  désirer,  comme 
je  l'explique  à  la  fin  de  ma  lettre  à  VAcademy,  qu'elles  soient  faites  dans  des 
conditions  de  pleine  compétence  qui  sont  malheureusement  difficiles  à  réunir.  — 
Il  va  de  soi  d'ailleurs  qu'une  enquête  si  bien  préparée  ne  devrait  pas  négliger 
telles  ou  telles  autres  peuplades  de  l'Inde  dont  l'identification  avec  les  Bohémiens 
a  pu  être  proposée  avec  quelque  apparence  de  vraisemblance,  ou  que  des  rappro- 
chements nouveaux  et  inattendus  signaleraient  à  l'attention. 

En  résumé,  ma  thèse  principale  et  celle  de  M.  de  Goeje,  à  laquelle,  comme 
on  l'a  vu,  je  ne  suis  pas  non  plus  étranger,  mais  que  j'ai  encore  plus  de  raisons 
qu'autrefois  de  considérer  comme  secondaire,  ne  sont  pas  inconciliables.  Il 
s'agira  seulement  de  faire  leurs  parts  ;  mais  en  attendant  les  nouvelles  investiga- 
tions qui  permettront  sans  doute  de  faire  ces  parts  plus  exactes,  je  crois  pouvoir 
dès  maintenant  réclamer  la  plus  grosse  de  beaucoup  pour  le  système  que  j'ai 
sommairement  exposé  ici  pour  la  première  fois. 

Il  est  assez  présumable  en  effet  que  les  Djatt  signalés  par  M.  de  Goeje', 
surtout  ceux  qui  devinrent  habitants  de  la  Syrie  et  de  l'empire  byzantin,  ont  dû, 
en  partie  du  moins,  se  transformer  en  Bohémiens;  et  s'il  en  est  ainsi,  il  peut  y 
avoir  là  un  fait  important  de  nature  à  éclairer  l'ethnologie  bohémienne,  et  à  rendre 

compte  des  caractères  particuliers  de  certains  groupes  Tsiganes. 

. I.  >f 

I.  Je  ne  crois  pas  inutile  de  résumer  ici,  d'après  l'analyse  de  M.  Fagnan,  les  données 
historiques  que  M.  de  Goeje  a  recueillies  sur  les  migrations  ou  transportations  des  Djatt 
vers  l'Occident.  —  Leurs  premières  colonies  sont  trouvées  au  VII'  siècle  «  chez  les  Per- 
»  sans,  chez  les  Arabes  et  ailleurs  encore.  »  Leurs  traces  apparaissent  aussi  dans  le 
«  canal  des  Zott  »  près  de  Babylone,  et  dans  le  territoire  des  Zott  entre  Râmhormouz 
et  Arradjân  à  l'époque  des  premières  conquêtes  de  l'Islam.  —  En  670,  des  familles  de 
Zott  sont  transportées  par  les  Arabes  musulmans  de  Basra  en  Syrie.  —  Vers  710,  les 
mêmes  conquérants  en  transportent  d'autres,  tant  Zott  qu'autres  Indiens,  de  l'Inde  sur 
les  bords  du  Tigre  vers  le  Khouzistan  ;  un  certain  nombre  de  ceux-ci  sont  ensuite 
transportés,  en  714  et  720,  avec  leurs  buffles  au  nombre  de  quatre  mille,  vers  Antioche 
et  Mopsueste,  où,  groupés  principalement  à  Kaskar,  ils  avaient  acquis,  au  siècle  suivant, 
assez  d'indépendance  pour  lutter  contre  le  Khalifat;  cette  lutte  dura  depuis  820  jusqu'à 
834,  époque  où  ils  furent  vaincus  et  amenés  à  Bagdad  au  nombre  de  27,000  :  on  les 
déporta  d'abord  à  Khânikin  (au  N.-E.  de  Bagdad);  puis  la  plus  grande  partie  d'entre 
eux  fut  transportée  à  Ainzarba  en  Syrie;  enfin  les  Byzantins,  ayant  pris  Ainzarba  en 
855,  emmenèrent  les  Zott  avec  tous  leurs  biens,  et  c'est  ainsi  que  ces  étrangers  furent 
introduits  sur  le  territoire  de  l'empire  byzantin. 


2^6  REVUE    CRITIQUE 

Mais  cela  n'est  encore  que  vraisemblable,  cela  reste  à  prouver;  et  il  y  a 
d'abord  des  études  toutes  spéciales  à  faire  dans  ce  sens  sur  les  Bohémiens  de 
diverses  régions,  notamment  sur  ceux  de  Syrie,  chez  qui  l'on  croit  que  le  nom 
de  Zott  s'est  conservé,  ce  qui  demande  aussi  à  être  établi.  Car  il  est  parfaitement 
certain,  pour  moi  du  moins,  que  la  race  entière  des  Bohémiens  ne  dérive  pas 
de  là,  que  cette  race  nombreuse  (que  je  crois  d'ailleurs  de  souche  Kouschite,  et 
qui  pouvait  être  conséquemment  plus  ou  moins  étroitement  apparentée  aux 
Djatt),  existait  dans  le  sud-est  de  l'Europe  et  dans  les  contrées  voisines 
dès  l'antiquité  la  plus  reculée,  et  que  finalement  les  Djatt  des  migrations 
signalées  par  M.  de  Goeje  ne  peuvent  y  être  entrés  que  comme  un  faible  et 
tardif  appoint. 

Il  reste  ensuite  à  faire  dans  l'Inde  des  études  comparatives,  très-complètes  et 
très-approfondies^  entre  les  Bohémiens  et  les  Djatt,  entre  les  deux  langues 
notamment,  qui  pourraient  toutefois  être  étudiées  aussi  en  Europe  et  dans  le 
cabinet  si  l'on  disposait  d'éléments  suffisants.  Mais,  de  quelque  façon  qu'on 
procède,  et  pour  ne  parler  que  de  la  langue,  qui  n'est  pourtant  pas,  il  s'en  faut, 
l'unique  élément  de  la  question,  je  crois,  à  vrai  dire,  qu'on  a  peu  de  chances 
d'aboutir  de  ce  côté  à  l'identification  cherchée,  si  l'on  ne  commence  par  étudier 
tout  particulièrement  la  langue  de  ceux  des  Bohémiens  de  Syrie  ou  d'ailleurs 
qu'on  serait  autorisé,  soit  en  raison  de  leur  nom  de  Zott,  soit  par  suite  de  quelque 
autre  rapprochement  topique,  à  rattacher  spécialement  aux  Djatt  des  migrations 
ou  transportations  signalées  plus  haut,  et  par  recueillir,  non  pas  exclusivement 
bien  entendu,  mais  avec  un  soin  particulier,  tout  ce  qu'elle  peut  offrir  aussi  de 
spécifique. 

Ici  trois  alternatives  se  présentent  : 

Ou  l'on  ne  trouvera,  entre  la  langue  générale  des  Bohémiens  (qu'il  faut  prendre 
surtout  dans  le  sud-est  et  le  centre  de  l'Europe)  et  la  langue  des  Djatt  (sindhi 
ou  autre),  que  des  rapports  de  parenté  plus  ou  moins  lointains,  comme  ceux 
qui  ont  été  déjà  très-bien  constatés  entre  la  romani  tchih  et  telles  ou  telles 
langues  aryennes  de  l'Inde  ;  et  ce  sera  une  éclatante  confirmation  de  ma  thèse, 
qui  pourtant,  comme  je  l'explique  plus  loin,  ne  saurait  être  mise  à  néant  par  la 
solution  contraire. 

Ou  l'on  trouvera  entre  la  langue  romani  et  la  langue  des  Djatt  des  rapports 
assez  étroits  pour  donner  un  appui  nouveau  à  la  thèse  de  M.  de  Goeje  prise 
dans  sa  généralité  (non  dans  son  universalité,  ce  que  je  crois  pouvoir  déclarer 
d'avance  impossible).  Et  alors,  suivant  le  degré  d'importance  des  rapproche- 
ments établis,  je  pourrai  être  forcé  de  reconnaître,  contre  mon  attente,  que  la 
langue  des  Djatt  des  migrations  ou  transportations  du  moyen-âge  a  apporté  un 
élément  notable  dans  la  langue  des  Bohémiens  en  général,  qu'elle  l'a  probable- 
ment ravivée,  et  que  sans  doute  aussi  la  proportion,  dans  la  race  bohémienne 
aujourd'hui  si  nombreuse,  de  la  petite  population  djatte  ainsi  déportée  au  moyen- 
âge,  a  été  plus  considérable  qu'il  ne  me  paraissait  raisonnable  de  le  présumer. 
Mais,  à  supposer  même,  contre  mon  attente,  que  ma  thèse  perdît  ainsi  un  peu 
de  terrain,  il  ne  pourrait  y  avoir  là  qu'une  question  de  proportion  à  discuter; 


d'histoire  et  de  littérature.  237 

car,  dans  ma  conviction,  cette  thèse  est  indestructible  (je  crois  du  reste  qu'elle 
peut  déjà  passer  pour  telle  après  mon  explication  du  mot  Tsigane).  Et  c'est  ici 
que  l'ethnologie,  après  la  philologie,  reprendrait  ses  droits  :  Il  faudrait,  par 
exemple,  que  M.  de  Goeje  ou  tout  autre  m'expliquât  avec  ses  quelques  milliers 
de  Djatt  du  moyen-âge,  éleveurs  de  buffles  ou  adonnés  à  d'autres  occupations 
étrangères  à  la  généralité  des  Bohémiens,  comment,  sur  les  600,000  Tsiganes, 
plus  ou  moins,  qui  existent  actuellement  dans  le  sud-est  de  l'Europe  et  dans 
l'Asie  Mineure,  sans  parler  des  autres  régions,  il  y  en  a  certainement  plus  de  la 
moitié  et  très-probablement  plus  des  trois  quarts',  qui  sont  travailleurs  en 
métaux,  forgerons,  maréchaux-ferrants,  serruriers,  cloutiers,  armuriers,  chau- 
dronniers, orpailleurs,  etc.  :  on  remarquera  en  passant  que  ces  industries  prati- 
quées très-habilement  avec  des  procédés  et  des  instruments  tout-à-fait  primitifs^ 
viennent  certainement  d'une  antiquité  reculée,  et  qu'elles  ne  peuvent  pas  avoir 
été  adoptées  en  Europe,  à  des  époques  plus  ou  moins  modernes,  par  des  nomades 
qui  ne  les  auraient  pas  apportées  avec  eux.  Il  ne  faudrait  pas  oublier  non  plus 
la  divination,  la  musique,  la  profession  de  meneurs  d'ours,  celle  de  fabricants 
d'ustensiles  de  bois  et  d'osier,  celle  de  conteurs,  etc. 

Ou  l'on  trouvera  quelque  rapport  particulier  entre  la  langue  des  Djatt  et  celle 
des  groupes  bohémiens  de  Syrie  ou  d'ailleurs  qui  sont  spécialement  désignés 
pour  cette  étude  comparative,  mais  de  ceux-là  seulement.  Ce  serait  à  la  fois  la 
confirmation  de  ma  thèse  principale  et  celle  de  la  thèse  de  M.  de  Goeje  (qui  est 
un  peu  la  mienne  aussi,  je  désire  qu'on  ne  l'oublie  pas),  mais  de  cette  dernière 
thèse  réduite,  comme  je  crois  qu'elle  doit  l'être,  à  de  très-minimes  proportions. 

Ou,  enfin,  on  ne  trouvera  pas  même  ce  rapport  particulier  (ce  qui  n'est  qu'un 
autre  aspect  de  la  première  alternative)  ;  et  dans  ce  cas  l'appui  philologique 
manquera  à  la  thèse  que  nous  avons  présentée,  M.  de  Goeje  et  moi,  à  des  époques 
et  dans  des  mesures  différentes.  Mais  je  m'empresse  d'ajouter  que  cette  thèse  ne 
sera  pas,  par  ce  seul  fait,  annulée.  Sans  doute  il  se  peut  que  les  Djatt  transportés 
au  moyen-âge  vers  l'Occident  ne  soient  pas  entrés  dans  le  giron  bohémien, 
qu'ils  aient  dépéri,  ou  qu'ils  se  soient  fondus  dans  des  populations  quelconques, 
ou  même  qu'on  en  retrouve  des  groupes  restés  étrangers  aux  Bohémiens,  ce  qui 
serait  le  plus  fort  argument  contre  l'identification  même  partielle.  Mais  il  se  peut 
aussi  très-bien  qu'en  se  fondant  avec  les  Bohémiens,  ils  aient  perdu  ce  que  leur 
langue  avait  de  spécifique  et  adopté  la  langue  de  ceux-ci;  et  l'ethnologie 
devrait  alors  intervenir  de  nouveau  pour  appuyer  ou  démolir  cette  dernière 
hypothèse. 

Dans  tous  les  cas,  et  c'est  un  point  sur  lequel  je  tiens  d'autant  plus  à  insister 
que  je  ne  l'ai  pas  mis  en  lumière  dans  ma  lettre  à  VAcademy,  on  voit  combien  il 


1.  Il  serait  juste  de  ne  pas  faire  entrer  en  ligne  de  compte  ceux  assez  nombreux  qui 
ont  été  astreints  en  Roumanie  à  l'esclavage  domestique,  ni  ceux  que  l'on  a  obligés,  en 
Hongrie  ou  ailleurs,  à  quitter  leurs  occupations  favorites  pour  se  faire  sédentaires. 

2.  Par  exemple,  le  soufflet  de  forge  à  jet  continu,  composé  de  deux  outres.  Voy.  ma 
communication  à  la  Société  d'ânthr.,  déjà  citée.  Bulletins,  21  mai  1874,  p.  409-41 1. 


2^8  REVUE   CRITIQUE 

importe  d'étudier  d'abord  de  près  les  groupes  bohémiens  de  Syrie  ou  d'ailleurs 
qu'on  a  des  raisons  particulières  de  croire  apparentés  aux  Djatt  des  migrations 
du  moyen-âge. 

Paul  Bataillard. 
Paris,  2  juillet  1875. 

Posî-Scriptum,  1 3  août.  —  Je  demande  la  permission  d'ajouter  quelques  mots 
au  sujet  de  la  note  que  les  directeurs  de  la  Revue  critique  ont  placée  en 
tête  de  ma  lettre  et  qu'ils  ont  bien  voulu  me  communiquer  avant  l'impression. 

Je  n'ai  pas  besoin  de  dire  que  cette  note  inattendue  m'a  chagriné,  en  m'appre- 
nant  que  l'exposé  sommaire  de  ma  thèse ,  que  je  croyais  avoir  rendue  évidente 
par  mon  explication  du  nom  des  Tsiganes ,  ne  les  avait  pas  convaincus.  La  note 
en  question  a  du  moins  pour  moi  cette  utilité  de  m'averlir  que  l'inconvénient  est 
encore  plus  grand  que  je  ne  l'avais  prévu,  de  publier  un  simple  aperçu  de  ses 
idées,  quand  elles  heurtent  les  opinions  généralement  admises  En  présence  de 
cette  note,  j'ai  songé  un  instant  à  supprimer  de  ma  lettre  tout  ce  qui  a  rapport 
à  l'exposé  sommaire  de  mon  système,  et  de  la  réduire  à  la  simple  réclamation 
que  je  ne  pouvais  me  dispenser  de  faire.  A  la  réflexion,  et  après  quelques  expli- 
cations échangées  avec  la  Direction  de  la  Revue,  je  suis  revenu  sur  cette  première 
détermination.  Outre  que  ma  critique  de  la  thèse  de  M.  de  Goeje,  et  celle  que  je 
pourrai  avoir  à  faire  ultérieurement  d'autres  travaux  relatifs  aux  Bohémiens, 
doivent  s'éclairer  tout  naturellement  de  l'exposé  de  ma  propre  pensée ,  je  crois 
qu'il  est  bon  que  mon  système,  même  sous  la  forme  de  simple  ébauche,  subisse 
l'épreuve  de  la  publicité  :  je  me  suis  dit  que  mon  travail  définitif  ne  pourrait  que 
profiter  des  critiques  et  des  objections  que  ma  lettre  provoquera  sans  doute.  Tout 
mon  désir  est  que  ces  critiques  et  ces  objections  aillent  au  fond  des  choses  et 
qu'elles  se  formulent  nettement;  je  renvoie  à  cet  égard  aux  observations  que  j'ai 
déjà  présentées  plus  haut  (voy.  p.  218-219). 
'  P.  B. 


^gogpitools! 

^"  "  SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  i^""  octobre  1875. 

01 -Le  directeur  de  l'enseignement  supérieur,  au  ministère  de  l'instruction  publique, 
écrit  à  l'académie  pour  lui  demander  de  s'occuper  du  programme  de  l'examen 
imposé  aux  candidats  à  l'école  d'Athènes.  Renvoyé  à  la  commission  de  l'école 
d'Athènes. 

Le  secrétaire  général  du  ministère  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'aca- 
démie, pour  la  commission  des  inscriptions  sémitiques,  divers  documents  épigra- 
phiques  de  date  moderne,  envoyés  par  M.  Cherbonneau.  M.  Derenbourg  fait 
observer  que  la  commission  ne  compte  admettre  dans  le  recueil  qu'elle  prépare 
aucune  inscription  postérieure  au  8'"  siècle. 

—  M.  Thurot  termine  la  lecture  de  son  étude  sur  plusieurs  des  historiens  de 


d'histoire  et  de  littérature.  239 

la  première  croisade'.  Il  traite  de  Guibert  de  Nogent,  auteur  de  la  relation  qui 
porte  le  titre  célèbre  :  Gesîa  Dei  per  Francos.  Guibert,  né  près  de  Beauvais,  en 
105  3,  d'une  famille  noble,  moine  au  couvent  de  Fiers,  puis  abbé  de  Nogent-sous- 
Couci  (auj.  dép^  de  l'Aisne),  mort  vers  1121,  fut  un  lettré,  un  poète  et  un 
savant.  Il  a  laissé,  outre  la  relation  de  la  croisade,  quelques  écrits  théologiques, 
tels  que  son  Traité  de  ^incarnation  contre  les  Juifs,  et  une  autobiographie  imitée 
des  Confessions  de  S.  Augustin.  Sa  relation  de  la  première  croisade  est,  aussi  bien 
que  son  Traité  de  l'incarnation,  un  ouvrage  écrit  principalement  contre  les  Juifs, 
pour  la  glorification  du  christianisme.  Il  a  voulu,  en  écrivant  l'histoire  de  la 
croisade,  montrer  combien  cette  guerre,  entreprise  pour  Dieu  seul,  et  conduite 
par  Dieu  lui-même  {Gesta  Dei  per  Francos)  était  au  dessus  de  toutes  les  guerres 
de  l'ancien  testament.  Il  a  composé  son  récit  d'après  les  Gesta  Francornm,  mais, 
en  récrivant  la  relation  de  l'anonyme,  il  l'a  mise  en  un  style  prétentieux,  bizarre 
et  souvent  obscur,  qui  lui  semblait  plus  digne  de  la  gravité  de  l'histoire.   Il 
montre  son  érudition  étendue,  quoiqu'incomplète,  par  de  fréquentes  allusions 
aux  auteurs  classiques,  au  point  que  souvent  ce  qu'il  dit  est  inintelligible  si  l'on 
ne  connaît  les  passages  auxquels  il  a  pensé.  Il  a  ajouté  au  récit  des  Gesta  Fran- 
corum  un  assez  grand  nombre  de  faits  qui  lui  ont  été  rapportés  par  diverses 
personnes,  notamment  par  le  comte  Robert  de  Flandre  et  l'archevêque  de  Reims 
Manassès.  A  l'occasion  de  ces  récits,  il  fait  preuve  d'un  certain  mélange  de  cri- 
tique et  de  crédulité;  lorsqu'on  lui  rapporte  un  miracle,  il  n'est  disposé,  ni  à 
l'admettre,  ni  à  le  rejeter,  sans  examen.  Les  additions  qu'il  a  faites  au  récit 
original  ne  sont  du  reste  pas  bien  fondues  avec  le  reste,  et  l'ouvrage  est  dans 
son  ensemble  assez  mal  composé. 

—  M.  Germain  lit  la  fin  de  son  mémoire  sur  le  liber  procuratoris  studiosorum 
de  l'université  de  médecine  de  Montpellier.  Il  indique  les  détails  que  ce  manuscrit 
donne  sur  les  banquets  que  les  étudiants  organisaient  entre  eux ,  et  sur  leurs 
autres  réjouissances  communes  à  l'occasion  des  fêtes,  telles  que  des  représenta- 
tions de  soties  ou  de  moralités.  On  trouverait  là,  dit-il^  des  renseignements 
curieux  pour  l'histoire  du  théâtre  en  France.  Les  étudiants  en  droit  aussi  don- 
naient des  représentations,  et  les  deux  écoles  ne  se  ménageaient  pas  l'une  l'autre  : 
plusieurs  fois  les  étudiants  en  médecine  s'assemblent  et  décident  de  s'armer  pour 
tenir  tète  aux  légistes,  si  ceux-ci  veulent  les  jouer  sur  leur  théâtre.  —  Le  liber 
procuratoris  fournit  aussi  de  curieux  détails  sur  les  dissections  anatomiques.  Elles 
étaient  rares  alors,  2,  3  ou  4  seulement  par  an  :  les  étudiants  ne  trouvaient  pas 
souvent  l'occasion  de  se  procurer  le  cadavre  d'un  supplicié,  ou  d'un  pauvre  mort 
à  l'hôpital.  M.  Germain  cite  le  compte  d'une  de  ces  anatomies,  dans  lequel 
figurent  les  frais  de  l'enterrement,  et  une  messe  à  l'intention  du  disséqué.  Pour 
[çubvenir  aux  frais  de  ces  dissections,  tous  les  étudiants  qui  y  assistaient  devaient 
payer  un  droit. 

1.  En  rendant  compte  de  la  première  partie  de  cette  étude,  lue  à  la  séance  du  17  sep- 
tembre (n*  39,  p.  207),  j'ai  omis  de  dire  que  le  poème  français  du  12*  siècle,  où  se  trouve 
le  vers  cité  par  M.  Thurot,  Uns  clers  pravencel  l'ad  premiers  latimée^  est  encore  inédit,  et 
que  le  renseignement  dont  M.  Thurot  a  tiré  parti  fui  a  été  fourni  par  M.  Paul  Meyer, 
qui  a  examiné  le  manuscrit  en  Angleterre. 


24©  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

—  M.  de  Longpérier  communique,  d'après  M.  Ch.  Roessler,  du  Havre,  la 
nouvelle  d'une  découverte  qui  vient  d'être  faite  dans  l'ancienne  église  abbatiale 
de  Fécamp.  On  a  trouvé  le  sarcophage  du  5*^  abbé  de  Fécamp,  Guillaume  de 
Ros,  mort  en  1107.  Sur  une  plaque  de  plomb  qui  y  était  jointe  se  voit  une 
inscription,  dont  M.  de  Longpérier  donne  la  lecture  suivante  : 

HIC  lACET  ABBAS  WILLELMVS,  PRIMVM  ECÇLESIE 

BAIOCENSIS  CANTOR  ET  ARCHIDIACONVS,  DEINDE  CADOMI  MONACHVS, 

AD  EXTREMVM  FISCANNENSIS  CENOBII  ABBAS  TERCIVS,   QVOD  PER  XXVII  ANNOS 

ET  DIMIDIVM  OPTIME  REXIT  I   ET  ECCLESIAM  ATQVE  OFFICINAS 

INTVS  ET  FORIS  RENOVAVIT,  VIR  IN  OMNIBVS  BONI 

TESTIMONII  .  HIC  OBIIT  VII  KAL'  APRILIS  M^  C"  ET  VII^  ANNO  AB 

INCARNATIONE  DOMINI  SALVATORIS. 

Cette  inscription  est  écrite  avec  un  grand  nombre  de  ligatures  ;  l'usage  de  lier 
les  lettres  n'était  pas  seulement  pratiqué  par  manière  d'abréviation,  c'était  une 
recherche  d'élégance,  qui  remonte  au  temps  de  l'empire  romain.  On  a  trouvé 
aussi  dans  le  cercueil  quelques  fragments  des  ornements  sacerdotaux  de  l'abbé, 
notamment  deux  anneaux  de  sa  crosse,  qui  portent  les  inscriptions  virga  correc- 

TIONIS  et  BACVL9  (baculus)  CONSOLATIONIS. 

M.  Delisle  annonce  une  découverte  analogue  qui  a  été  faite  au  mont  S.  Michel, 
oi^  l'on  a  trouvé  la  tombe  de  deux  abbés  du  mont,  Robert  de  Thorigny  et  son 
successeur  Martin,  avec  leurs  épitaphes.  Le  premier  est  connu  comme  historien; 
l'inscription  qu'on  a  trouvée  nous  donne  sur  lui  un  détail  de  plus,  elle  nous 
apprend  que  lors  de  sa  mort,  en  1 187,  il  était  âgé  de  80  ans.  Quant  à  son  suc- 
cesseur Martin,  son  épitaphe  ajoute  à  son  nom  les  mots  de  fvrmideio,  ou  plutôt 
probablement  de  fvrmineio,  qui  paraissent  indiquer  qu^il  était  du  village  de 
Formigny. 

—  M.  Desjardins  continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Ch.  Tissot  sur  la 
Maurétanie  Tingitane.  La  partie  qu'il  lit  traite  du  fleuve  et  de  la  ville  de  Subur, 
au  Sud  de  Lixus.  M.  Tissot  a  joint  à  cette  partie  de  son  mémoire  divers  croquis 
des  lieux,  et  le  dessin  d'une  tête  sculptée  trouvée  en  cette  contrée ,  qui  paraît 
être  une  œuvre  grecque  de  l'époque  d'Auguste. 

Ouvrage  déposé  :  —  Souvenirs  de  la  vieille  France.  Les  sociétés  de  tir  avant  1789. 
Amiens,  1875,  in-S»  (sans  nom  d'auteur). 

Julien  Havet. 


ERRATUM. 


N°  3  $)  P-  ï  ?7>  1-  22.  Au  lieu  de  l'état  construit,  lisez  :  les  formes  de  pluriels  en 
arabe  et  la  déclinaison  dans  les  langues  sémitiques. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


f 


Tip.  del  R.  Istituto  Sordomuti.  In-8",  438  p.  (0.  Hartwig).  — Heyse,  Beitraege 
zur  Kentniss  des  Harzes,  seiner  Geschichte,  Literatur  und  seines  Mùnzwesens. 
2.  Ausg.  Ascherleben  u.  Leipzig,  Schnock.  In-8°,  vj-içôp.  (Heinrich  Prôhle). 
—  Frey,  .^.schylus-Studien.  Schaffhausen ,  Baader.  In-8^  67  p.  (Joh.  Ober- 
dick).  —  Les  plaidoyers  civils  de  Démosthène  tr.  p.  Dareste,  T.  1.2.  Paris, 
Pion.  In-8^  xliv-387;  566  p.  (Arnold  Sch/EFEr).  —  Schreyer,  Untersuchungen 
ùber  das  Leben  und  die  Dichtungen  Hartmanns  von  Aue.  Berlin,  Caivary.  In-4'', 
56  p.  (Reinhold  Kôhler).  —  Keller,  «  Le  Siège  de  Barbastre  »  und  die 
Bearbeitung  von  Adenet  le  Roi.  lena,  Verl.  von  Deistung.  In-4°,  27  p.  (Her- 
mann  Suchier). 

N"  31,  31  juillet.  Q.  Asconii  Pediani  orationum  Ciceronis  quinque  enar- 

ratio,  recenss.  Kiessling  u.  Schoell.  Berolini,  apud  Weidmannos.  In-8",  xlij- 

123  p.  (Franz  Bûcheler).  —  Troilus  Alberti  Stadensis éd.  A.  Merzdorf 

(R.  Peiper).  —  Jehan  von  Journi,  la  dîme  de  pénitance.  Herausg.  v.  Brey- 
MANN.  Tùbingen,  Fues.  In-8*',  144  p.  (Hermann  Suchier). 

BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUK 
DES  PRINCIPALES    PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  \.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Allighieri  (Dante).  Il  Convito  réintégra to 
nel  teste  con  nuovo  commente  da  G.  Giu- 
liani.  2  vel.  In- 16,  xl-878  p.  Firenze 
(Lemennier).  8  fr. 

Astié  (J.-F.).  La  théologie  allemande  con- 
temporaine, avec  une  lettre-préface  à  la 
jeunesse  théologique  des  pays  de  langue 
française.   In-8»,  745  p.   Bâle  (Geerg). 

lofr.  75 

Averroes.  Philosophie  u.  Théologie.  Aus 
dem  arab.  ùbers.  v.  M.  J.  MûIIer.  In-4% 
122  S.  Mùnchen  (Franz).  6  fr.  50 

Biographie,  allgemeine  deutsche.  Auf 
Veranlassg.  u.  m.  Unterstùtzg.  d.  histor. 
Commission  bei  d.  k.  Akademie  der 
Wissenschaften  in  Mùnchen,  hrsg.  v.  R. 
V.  Liliencron  u.  F.  X.  Wegele  (In  circa 
100  Lfgn.).  I.  Lfg.  Gr,  in-S*»,  160  S. 
Leipzig  (Duncker  et  H.).  3  fr.  25 

Cancionero  de  S.  de  Horozco,  poeta 
toledane  del  sigle  XVI.  In-4»,  Ixxij- 
288  p.  Sevilla  (Tarascô). 

Chansons  hebraïce-provençales  des  Juifs 
comtadins;  réunies  et  transcrites  par  E. 
Sabatier    In- 12,  22  p.  Nîmes  (Catélan). 

Claudiani  (C).  Raptus  Proserpinae  rec 
D'  L.  Jeep.  In-8%  xxv-59  S.  Turin 
(Lœscher).  3  fr.  80 

Codera  y  Zaidin  (F.).  Çecas  arabigo- 
espaiiolas.  In-8*,  54  p.  Madrid  (Murillo). 


Congrès  archéologique  de  France.  XL® 
session.  Séances  générales  tenues  à  Châ- 
teauroux  en  1873  par  la  Société  française 
d'archéologie  pour  la  conservation  et  la 
description  des  monuments.  In-S»,  Ixij- 
731  p.  et  grav.  Paris  (Dumoulin). 

Desmazes  (C).  Le  Bailliage  du  Palais- 
Royal  de  Paris.  In- 16,  85  p.  Paris 
(Daffis).  S  fr. 

Dodsley's  sélect  Collection  ef  Old  English 
Plays.  4th  Edit.  by  W.  C.  Hazlitt. 
Vol.  10.  In-8°,  562  p.  cart.  London 
(Reeves  et  T.).  13  fr.  15 

Duncker  (M.).  Historiade  la  Antiguedad. 
Traducida  por  A.  Garcia  Moreno  y  J. 
Ruvira.  T.  i .  Les  Egipcios.  Las  nacione. 
semîticas.  En  4.,  370  p.  Madrid  (Iraves 
dra  y  Novo). 

Dupond  (A.).  De  dictatura  et  de  magis- 
terio  equitum.  In-8%  x-50  p.  Paris 
(Thorin). 

Fabre  (E.).  De  l'accusation  publique  chez 
les  anciens  peuples,  à  Rome,  et  dans  le 
droit  français.  In-8*,  504  p.  Paris  (Ma- 
rescq  aîné). 

Fiorelli  (G.).  Descrizione  di  Pompei. 
In- 16,  462  p.  con  una  carta.  Napoli 
(tip.  Italiana). 

Gianandrea  (A.).  Canti  popolari  Mar- 


chigiani  raccolti  ed  annotati.  Torino 
(Lœscher). 

Hanserecesse.  Hrsg.  durch  die  histor. 
Commission  bei  der  kœnigl.  (bayer.) 
Akademie  der  Wissenschaften.  3.  Bd.  A. 
u.  d.  T.  :  Die  Recesse  u.  andere  Akten 
der  Hansetage  v.  12 ^6- 1430.  3.  Bd. 
Gr.  in-4',  XV-564S.  Leipzig  (Duncker  et 
H.).  21  fr.  3  s 

Les  3  volumes.  53.fr.  35 

Hartmann  (E.  v.).  Kritische  Grundle- 
gung  d.  transcendentalen  Realismus.  2. 
erweit.  Aufl.  von  :  Das  Ding  an  sich  u. 
seine  Beschaffenheit.  In-8',  xx-172  S. 
Berlin  (Duncker).  5  fr.  3  $ 

Wahrheit  u.  Irrthum  im  Darwinismus- 

Eine  krit.  Darstellg.  d.  organ.  Entwicke- 
lungstheorie.  In-8*,  177  S.  Berlin  (Dun- 
cker). S  fr.  3Î 

Hentschel  (J.  M.).  Quaestionum  de  Ly- 
siae  oratione  Epicratea  (XXVII)  capita 
duo.    In-8°,    55    S.    Leipzig   (Krùger). 

I  fr.  25. 

Hook  (W.  F.).  Lives  ot  the  Archbishops 
of  Canterbury.  Vol.  V.  New  séries. 
Reformation  Period.  In-8*,  316  p.  cart. 
London  (Bentley).  17  fr.  50 

Jousset.  Histoire  de  la  commune  du  Theil 
sous  la  Révolution.  In-8*,  107  p.  Alen- 
çon  (imp.  de  Broise). 

Joyneville  (C).  Life  and  Times  of 
Alexander  I,  Emperor  ofall  the  Russias. 
3    vol.   in-8',  cart.   London    (Tinsley). 

45  fr- 

Klage  Diu,  mit  den  Lesarten  saemmtlicher 
Handschriften,  hrsg.  v.  K.  Bartsch.  In-8*, 
xxiij-224  S.  Leipzig  (Brockhaus).  $  f .  3  5 

Kroehnert  (K.).  De  Rhetoricis  apud 
Herennium.  In-8',  44 S.  Leipzig (Kessler). 

2  fr. 

Laudien  (C.  F.).  Ueber  die  (^uellen  zur 
Geschichte  Alexanders  d.  Grossen  in 
Diodor,  Curtius  u.  Plutarch.  In-8°,  iv- 
40    S.    Kœnigsberg   (Akad.    Buchh.-). 

2  fr.  75 

Le'wes  (G.  H.).  Problems  of  Life  and 
Mind.  I.  Séries  :  The  Foundations  ot  a 
Creed.  Vol.  2.  In-8°,  550  p.  London 
(Trùbner  et  C°).  20  fr. 

Lieutaud  (V.).  Notes  pour  servir  à  l'his- 
toire de  Provence.  N"  1 1 .  La  Reddition 
du  chasteau  de  Gavy  (Var),  XVI'  siècle. 
In-8°,  1 1  p.  Marseille  (Boy  fils).      2  fr. 


Literaturzeitung ,  Jenaer.  Im  Auftrage 
der  Universitaet  lena,  hrsg.  v.  A,  Klette. 
2.  Jahrg.    187$.    52   Nrn.   lena  (Dufft). 

32  fr. 

Marolles  (de).  Inventaire  des  titres  de 
Nevers.  Suivi  d'extraits  des  titres  de 
Bourgogne  et  de  Nivernois,  d'extraits  des 
inventaires  des  Archives  de  l'église  de 
Nevers  et  de  l'inventaire  des  Archives 
des  Bordes,  publié  et  annoté  par  le  comte 
de  Soultrait.  In-4°,  xiij- 1 060 p.  et  2  cartes . 
Nevers  (imp.  Fay). 

Note  sur  Mademoiselle  de  Maures,  plus 
connue  sous  les  noms  de  Manon  Lartigues 
ou  de  Nanon  de  Lartigue.  In-8°,  i  $  p. 
Paris  (imp.  Pillet). 

Poulet-Maîassis  (A.).  Les  Ex-Iibris 
français,  depuis  leur  origine  jusqu'à  nos 
jours.  Nouvelle  édit.,  revue,  très-augmen- 
tée  et  ornée  de  24  pi.  In-8',  viij-79  p. 
Paris  (Rouquette).  .      18  fr. 

Proudhon  (P.-J.).  Correspondance.  T.  4 
et  5.  In-8",  767  p.  (Lib.  Internationale). 
Chaque  vol.  5  fr. 

Ranke(L.  v.).  Geschichten  d.  romanischen 
u.  germanischen  Vœlker  v.  149^  b.  1 5 14. 
2.  Aufl,  In-8',  xxx-325  S.  Zur  Kritik 
neuererGeschichtschreiber.  2.  Aufl.  In-8*, 
viij-174   S.    Leipzig  (Duncker  u.    H.). 

1 3  fr.  3  5 

Rémusat  (C.  de).  Histoire  de  la  philo- 
sophie en  Angleterre,  depuis  Bacon  jus- 
qu'à Locke.  2  vol.  in-8°,  vij-844  p.  Paris 
(Didier  et  C').  14  fr. 

Robiou  (F.).  Les  classes  populaires  en 
France  pendant  le  moyen  âge.  In-8', 
44  p.  Paris  (Douniol  et  C'). 

Sachot  (0.).  La  France  et  l'empire  des 
Indes.  Les  fondateurs  de  la  domination 
française  dans  la  péninsule  indienne. 
Officiers  de  fortune  européens  chez  les 
princes  hindous  contemporains.  In- 18 
jésus,  xj-276  p.  et  12  grav.  Paris  (Sarlit). 

2  fr. 

Vergili  Maronis  'P.).  Opéra  ad  opti- 
morum  librorum  fidem  éd.,  perpétua  et 
aliorum  et  sua  adnotatione  illustravit, 
dissertationem  de  Vergili  vita  et  carmi- 
nibus  atque  indicem  rerum  locupletissi- 
mum  adjecit  A.  Forbiger.  Pars  III. 
yEneidos  liber  VII-XII,  carmina  minora, 
dissertatio  de  Vergili  vita  et  carminibus 
atque  indices.  Edit.  4.  retractata  et  valde 
aucta.  In-8*,  xxxix-843  S.  Leipzig 
(Hinrichs).  12  fr. 

Complet.  32  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N°  42  Neuvième  année.  16  Octobre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


Prix  d'abonnement  : 
'Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   11  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 
F.    VIEWEG,    LIBRAIRE-ÉDITEUR, 

LIBRAIRIE  A.  FRANCK, 

67,   RUE    RICHELIEU. 


Pour  paraître  très-prochainement  : 

LES  TABLES   EUGUBINES 

TRADUCTION  ,    COMMENTAIRE  ,    GRAMMAIRE 
ET   INTRODUCTION    HISTORIQUE, 

PAR 

M.  M.   BRÉAL, 

Professeur  au  Collège  de  France ,  directeur-adjoint  à 

l'École  des  Hautes-Études. 

Un  fort  volume  gr.  in-a"  de  28  à  30  feuilles  d'impression  accompagné  d'ua, 
album  petit  in-f»  contenant  le  fac-similé  des  tables  Eugubines.  13  planches 
gravées. 


PERIODIQUES. 

The  Academy,  n°  177,  new  séries,  2$  septembre.  Somers  Bellâmy,  The 
New  Shaksperian  Dictionary  of  Quotations.  London,  Charing  Cross  Company 
(R.  Simpson  :  ne  voit  pas  de  quelle  utilité  peut  être  cet  ouvrage).  — Lewin,  The 
Life  and  Epistles  of  St.  Paul.  London,  Bell  and  Sons  (William  Henry  Simcox  : 
c'est  l'édition  de  1851  reproduite  et  augmentée;  elle  n'ajoute  rien  à  la  science). 
—  JoRET,  Herder  et  la  Renaissance  littéraire  en  Allemagne  au  xviii^  siècle.  Paris, 
Hachette;  Schmidt,  Richardson,  Rousseau  und  Gœthe.  lena,  Frommann  (Edith 
Simcox  :  pense  que  l'auteur  du  premier  ouvrage  connaît  mieux  ce  qui  a  été  écrit 
sur  Herder  que  ce  qu'il  a  écrit  lui-même;  donne  à  entendre  que  M.  Schmidt  a 
perdu  son  temps).  —  Carrent  historical  Literatur  (notes  de  l'éditeur  sur  les  ou- 
vrages suivants  :  Dean  Merivale,  General  History  of  Rome,  sans  grande  valeur; 
Die  Altdeutschen  Bruchstiicke  des  Tractâtes  des  Bischof  Isidorus  von  Sevilla  de  Fide 
Catholica  contra  Judaeos,  cf.  Rev.  crit.,  1875,  II,  p.  74;  Bernheim  ;  Lothaire  III. 
and  the  Concordat  ofWorms,  excellent  travail;  Wittich,  Magdehurg,  Giisîav  Adolf 
und  Tilly  :  ce  ne  sont  ni  Tilly,  ni  Gustave-Adolphe  qui  ont  brûlé  Magdebourg,  ce 
sont  les  habitants  même  de  la  ville;  Weber,  Zur  Geschichte  der  Reformations- 
Zeitalter  :  appréciation  favorable).  —  Notes  of  a  Tour  in  the  Cyclades  and  Crète. 
VIII.  Sikinos  and  Santorin  (H.  F.  Tozer).  —  Venetian  State  Papers  bearing  on 
the  Reign  of  Charles  II.  —  Correspondence.  The  Révérend  Titus  Oates  (H.  C. 
CooTE  :  le  titre  de  Révérend  était  déjà  courant  en  1689).  —  An  Original  Drawing 
by  Michel  Angelo  (Louis  Fagan  :  M.  Holmes  a  découvert  à  Florence  le  dessin 
original  de  l'enlèvement  de  Ganymède).  —  Shakspere  and  Queen  Elizabeth's 
Favourites  (R.  Simpson,  à  propos  de  la  dernière  communication  de  M.  Furni- 
vall).  —  Palmer,  A  Grammar  of  the  Arabie  Language.  London,  Allen  (Stanley 
Lane  Poole  :  ce  manuel  rendra  de  grands  services  en  Angleterre;  la  métrique 
est  très-bien  traitée,  d'après  le  système  arabe.  Il  faut  faire  ses  réserves  sur  la 
théorie  des  voyelles  longues  qu'expose  M.  P.  La  correction  typographique  laisse 
fort  à  désirer).  — •  Science  Notes.  Philology  (A.  N.  :  parle  de  l'inscription  chal- 
déenne  publiée  et  traduite  par  M.  Boscawen;  reproduit  les  spécimens  de  déchif- 
frement d'inscriptions  cypriotes  publiés  par  M.  I.  H.  Hall  dans  Vindependent  de 
New-York;  annonce  l'apparition  de  la  dernière  partie  des  Hexapla,  éd.  Field; 
rend  compte  des  MorgenUndische  Forschungenj  cf.  Rev.  crit.j  1875,  I,  p.  289). 

The  AthensBum,  n*  2500,  25  septembre.  The  Troubles  of  our  Catholic 
Forefathers  related  by  themselves.  Ed.  by  J.  Morris.  First  and  Second  Séries. 
Burns  and  Oates  (importante  contribution  à  l'histoire  du  conflit  qui  se  produisit 
au  xvi^  siècle  en  Angleterre  entre  la  reine  Elisabeth  et  le  Pape).  —  Frédéricq_, 
Essai  sur  le  rôle  politique  et  social  des  ducs  de  Bourgogne  dans  les  Pays-Bas. 
Ghent,  Hoste  (ouvrage  de  beaucoup  de  valeur).  —  The  Historians  of  Scotland. 
Vol.  V  :  Lives  of  S.  Ninian  and  S.  Kentigern,  compiled  in  the  Twelfth  Century. 
Ed.  by  A.  P.  Forbes.  Edinburgh ,  Edmonston  and  Douglas  (édition  magistrale 
avec  traduction  anglaise).  —  Pijnappel,  Maleisch-Hollandsch  Woordenboek. 
Tweede  uitgaaf.  Amsterdam,  Mûller;  l'abbé  Favre,  Dictionnaire  malais-français. 
Paris,  Maisonneuve  (le  premier  de  ces  dictionnaires  est  une  seconde  édition  très- 
améliorée  ;  le  second  contient  beaucoup  de  mots  et  d'expressions  qui  manquent 
dans  les  autres;  on  désapprouve  l'ordre  alphabétique  adopté  par  l'auteur;  les 
rapprochements  qu'il  établit  entre  quelques  mots  malais  et  sanscrits  sont  souvent 
fautifs;  plusieurs  erreurs  contenues  dans  le  supplément  de  Klinkert,  et  signalées 
par  Von  Dewall,  ont  été  reproduites).  —  Merle  d'Aubigné,  History  of  the 
Reformation  in  Europe  in  the  Time  of  Calvin.  Transi,  by  Cates.  Vol.  VI. 
Longmans  and  Co. 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N'  42  —  16  Octobre  —  1875 

Sommaire  :  197.  Birch,  l'Egypte  depuis  les  temps  les  plus  recules  jusqu'en  300  av. 
J,-C.  —  198.  Madvig,  Opuscules  philologiques.  —  199.  Marty-Laveaux,  Cours 
historique  de  langue  française.  —  200.  R.  de  Lasteyrie,  Étude  sur  les  comtes  et 
vicomtes  de  Limoges  antérieurs  à  l'an  1000.  —  201.  Chevalier,  Choix  de  Docu- 

f  ments  historiques  inédits  sur  le  Dauphiné.  —  202.  Pièces  allemandes  à  marionnettes, 
p.  p.  Engel.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 


197.  —  Egypt  from  the  earliest  times  to  B.  G.  300,  by  S.  Birch,  LLD., 
etc.  published  under  the  direction  of  the  Committee  of  gênerai  Literature  and  Educa- 
tion, appointed  by  the  Society  for  promoting  Christian  Knowledge.  London.  1875. 
In- 16,  xxi)-i92  p. 

L'histoire  d'Egypte  publiée  par  M.  Birch  fait  partie  d'une  collection  destinée 
à  répandre  en  Angleterre  la  connaissance  de  l'histoire  ancienne  d'après  les  mo- 
numents. Elle  donne  dans  un  format  commode  et  sous  un  petit  volume  tous  les 
renseignements  qu'on  a  dans  la  grande  Histoire  de  Brugsch  et  bien  d'autres 
qu'on  y  cherche  sans  pouvoir  les  y  trouver.  Quelques  bois  intercalés  dans  le 
texte  font  passer  sous  les  yeux  du  lecteur  soit  des  vues  de  l'Egypte  moderne, 
soit  des  monuments,  soit  des  scènes  de  la  vie  privée  et  religieuse  empruntées 
aux  bas-reliefs  antiques.  Le  livre  est  bien  fait  pour  intéresser  les  personnes  qui 
sans  rien  entendre  à  la  pratique  du  déchiffrement,  désirent  con-naître  les  résultats 
auxquels  on  est  arrivé  et  se  représenter  ce  que  pouvait  être  le  pays  d'Egypte 
dans  l'antiquité.  G.  Maspero. 


198.  —  Kleine  philologische  Schriften  von  Joh.  Nikolai  Madvig,  Professor  an 
der  Universitset  in  Kopenhagen.  Vom  Verfasser  Deutsch  bearbeitet.  Leipzig,  Teubner. 
1875.  In-8%  vij  et  ^60  p.  —  Prix  :  18  fr.  75. 

M.  Madvig  a  réuni  dans  ce  volume  la  traduction  allemande  de  différents 
opuscules  qu'il  avait  publiés  en  danois  en  1836,  1842,  i8ç6,  1857,  1859,  1863, 
1864,  1866,  1871.  Les  premiers  dans  ce  volume  (i 836-1 857  et  1871)  et  les 
plus  anciens  en  date  se  rapportent  à  ce  que  nous  appelons  en  France  la  gram- 
maire générale  :  M.  M.  y  expose  ses  vues  sur  la  nature,  les  lois  et  le  dévelop- 
pement du  langage,  particulièrement  des  formes  grammaticales  (genre,  nombre, 
cas,  voix,  temps,  personnes,  modes);  c'est  plus  de  la  moitié  du  volume  (i- 
^77).  Dans  le  reste  M.  M.  traite  des  sujets  suivants  :  remarque  sur  la  yp^?^1 
7:apav6[j.a)v  —  de  Granius  Licinianus  —  remarques  d'exégèse  sur  Platon,  Virgile, 
Horace  —  remarques  sur  la  fécondité  de  la  poésie  dramatique  chez  les  Athé- 
niens et  sur  ses  conditions.  —  De  l'avancement  dans  l'armée  romaine.  Ces  deux 
dernières  dissertations  sont  les  plus  développées  (421-560). 

XVI  16 


242  REVUE    CRITIQUE  ^  ,   y  ,-^    ^~,  ■ 

M.  M.  demande  grâce  pour  le  peu  d'aisance  et  de  sûreté  avec  lequel  il  se  sert 
de  la  langue  allemande;  et  en  effet  la  longueur  démesurée  de  certaines  périodes, 
en  outre  surchargées  de  parenthèses,  montre  que  l'instrument,  d'ailleurs  fort 
bon  (à  mon  avis),  n'est  pas  facile  à  manier, -surtout  pour  un  auteur,  qui,  en  lisant 
assidûment  les  classiques  grecs  et  latins,  paraît  avoir  été  plus  sensible  au  fond 
qu'à  la  forme.  Le  style  est  particulièrement  pénible,  comme  il  est  naturel,  dans 
l'expression  des  idées  générales,  dans  la  partie  grammaticale  du  volume.  Mais 
comme  l'esprit  de  M.  M.  a  autant  de  solidité  que  de  finesse,  on  ne  doit  pas  se 
laisser  rebuter  par  ces  imperfections  ;  on  sera  récompensé  de  sa  peine.  Nous 
nous  bornerons  ici  à  indiquer  quelques-unes  des  vues  de  l'auteur  sur  le  langage 
et  la  grammaire  générale. 

M.  M.  insiste  avec  raison  sur  ce  fait  essentiel  que  le  langage  est  parlé  par  des 
individus  pour  les  besoins  du  commerce  social,  qu'il  n'a  pas  une  existence  indé- 
pendante de  ceux  qui  le  parlent  et  qui  le  parlent  non  pour  eux-mêmes,  mais 
pour  se  faire  entendre  des  autres.  Il  en  conclut  qu'il  ne  faut  pas  attribuer  à  une 
langue  de  ces  finesses  imaginaires  que  la  subtilité  des  grammairiens  a  cru  trouver 
dans  les  langues  anciennes.  La  supériorité  du  grec  et  du  latin  sur  les  langues 
modernes  lui  paraît  un  préjugé  de  philologue  :  il  trouve  ni  plus  ni  moins  de 
finesse  en  grec  et  en  latin  qu'en  danois,  en  allemand  et  en  anglais.  M.  M.  place 
à  bon  droit  la  perfection  d'une  langue  dans  la  souplesse  avec  laquelle  elle  se 
prête  à  une  expression  claire  et  aisée  de  la  pensée;  et  à  ce  point  de  vue,  il  ne 
voit  pas  (p.  278)  qu'il  y  ait  de  grandes  différences  entre  des  langues  qui  appar- 
tiennent à  la  même  famille  et  qui  sont  parvenues  à  un  développement  complet, 
par  exemple  entre  l'allemand,  le  français  et  l'anglais.  Il  pense  (et  je  ne  puis  être 
que  de  son  avis)  que  la  structure  grammaticale  d'une  langue  n'a  pas  de  rapport 
avec  l'état  intellectuel  d'un  peuple  (p.  6-8),  que,  par  exemple,  si  une  langue 
ne  distingue  pas  les  genres,  on  ne  saurait  en  conclure  que  ceux  qui  la  parlent 
manquent  d'imagination  poétique  (p.  20).  M.  M.  n'est  pas  satisfait  de  ce  qui  se 
dit  vulgairement  sur  les  différences  qui  distinguent  l'agglutination  d'avec  la 
flexion  et  sur  la  supériorité  de  la  flexion  relativement  à  l'autre  procédé  (p.  168- 
173).  Il  trouve  que  la  distinction  est  difficile  à  maintenir,  et  que  les  avantages 
de  la  flexion  ont  été  vaguement  présentés. 

M.  M.  a  appliqué  ces  vues  générales  à  l'appréciation  de  l'étude  des  langues 
grecque  et  latine  considérées  comme  objet  d'enseignement  (p.  285-290),  et  ce 
qu'il  dit  à  ce  sujet,  quoique  accessoire  dans  son  plan,  est  trop  intéressant  pour 
que  nous  ne  nous  y  arrêtions  pas.  M.  M.  ne  pense  pas  que  le  grec  et  le  latin  ni 
aucune  autre  langue  ait  par  elle-même  des  qualités  telles  qu'elle  doive  servir 
plus  qu'une  autre  à  exercer  l'esprit  et  à  le  préparer  à  d'autres  travaux.  D'autre 
part  il  trouve  qu'on  a  beaucoup  exagéré  et  la  grandeur  morale  du  monde  antique 
et  la  supériorité  artistique  de  ses  monuments  littéraires'.   Ce  qui,  à  ses  yeux, 


I.  P.  288  :  «  Aber  wieder  laesst  sich  die  Nothwendigkeit  dièses  Eléments  weder  mit 
»  dem  Satze  begrùnden ,  das  Alterthum  sei  eine  ethisch  bessere  und  grœssere  Zeit ,  noch 
»  mit  der  Anpreisung  der  alten  Litteraturwerke  als  der  unerreichten  und  unerreichbaren 


d'histoire  et  de  littérature.  243 

recommande  l'étude  des  langues  anciennes,  c'est  qu'elle  est  le  seul  moyen  de 
nous  faire  par  nous-mêmes  une  idée  personnelle  et  directe  de  la  civilisation 
antique,  dont  la  nôtre  est  sortie,  et  par  conséquent  de  nous  rendre  mieux  compte 
de  la  civilisation  où  nous  vivons.  Avec  nos  habitudes,  peut-être  avec  nos  pré- 
jugés français,  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'être  surpris  du  peu  d'impor- 
tance que  M.  M.  donne  dans  l'éducation  à  l'art  d'exprimer  sa  pensée  avec  ordre 
et  clarté.  Il  n'en  parle  même  pas;  et  il  ne  croit  pas  qu'Homère,  Platon,  Xéno- 
phon,  Démosthène,  Cicéron,  Virgile  aient  comme  poètes  et  comme  prosateurs 
le  rang  qu'on  leur  attribue  et  puissent  passer  pour  des  modèles  incomparables  et 
toujours  utiles  à  étudier  et  à  imiter.  Le  développement  de  notre  langue  et  de 
notre  littérature  donne,  dans  notre  enseignement,  aux  lettres  anciennes  et  parti- 
culièrement aux  lettres  latines  une  importance  qu'elles  ne  peuvent  avoir  pour 
des  Anglais,  des  Danois,  des  Allemands,  des  Russes,  dont  la  langue  ne  se  rattache 
pas  au  latin  et  dont  la  littérature  ne  s'est  pas  développée  sous  l'influence  de 
l'antiquité.  Pour  nous  la  connaissance  du  latin  est  absolument  nécessaire,  je  ne 
dirai  pas  seulement  pour  goûter  nos  classiques,  mais  même  pour  comprendre 
une  partie  considérable  de  notre  vocabulaire. 

M.  M.  prémunit  à  plusieurs  reprises  (p.  200-201,  215-216,  345-351)  contre 
l'abus  de  la  phonétique  et  de  l'étymologie  en  grammaire,  particulièrement  dans 
l'enseignement.  «  La  recherche  des  lois  phonétiques,  »  dit-il  (p.  201)  «  a  une 
»  grande  importance  pour  les  études  d'histoire  du  langage  et  d'étymologie; 
»  mais  quand  il  s'agit  de  savoir  une  langue  en  particulier  il  faut  posséder  plei- 
»  nement  l'ensemble  des  faits,  savoir  les  acceptions  des  mots  et  les  poursuivre 
»  dans  leurs  ramifications,  saisir  avec  précision  les  lois  de  la  syntaxe  dans  toutes 
»  leurs  nuances.  »  Il  développe  à  plusieurs  reprises  que  le  sens  primitif  des 
mots  et  surtout  des  éléments  qui  constituent  les  formes  grammaticales  venant  à 
s'effacer,  l'étymologie  n'est  pas  d'un  aussi  grand  secours  qu'on  le  croit  commu- 
nément pour  l'intelligence  d'une  langue  complètement  formée.  Sur  ce  point 
M.  M.  est  peut-être  trop  absolu.  Je  distinguerais  entre  les  langues  anciennes  dont 
l'histoire  ne  peut  être  restaurée  que  par  conjecture  et  les  langues  modernes,  en 
particulier  les  langues  romanes,  dont  l'histoire  peut  être  étudiée  dans  les  faits, 
et  pour  l'étude  des  langues  modernes  entre  la  spéculation  et  la  pratique.  Une 
étymologie  conjecturale  comme  celle  du  grec  et  du  latin  est  plus  nuisible  qu'utile 
à  la  connaissance  de  ces  langues  prises  en  elles-mêmes  et  indépendamment  de 
leurs  rapports  originaires  ;  elle  peut  donner  les  idées  les  plus  fausses  sur  les 
analogies  des  formes,  les  acceptions  des  mots,  et  surtout  l'emploi  des  formes 
grammaticales.  Ainsi  une  théorie  de  l'infinitif  qui  reposerait  sur  l'hypothèse  fort 
incertaine  que  l'infinitif  est  un  locatif  ou  un  datif  devient  facilement  monstrueuse  '. 


Muster  der  Darstellung  und  der  Kunst;  denn  ûber  beide  Behauptungen,  die  gar  zu  oft 
»  ohne  aile  wahre  Kenntniss  und  Prùfung,  mit  merkwùrdigem  Vergessen  der  Schatten- 
»  seiten  und  Masngel  deklamatorisch  ausgetùhrt  werden,  laesst  sich  wenigstens  ins  Unend- 
»  liche  streiten.  » 

1.  Cf.  Revue  criti(]ue  1872  ,11,  27  et  suiv.,  129  et  suiv.  Ces  critiques  sont  tout  à  fait 
d'accord  avec  la  remarque  essentielle  de  M.  M.  sur  l'effacement  du  sens  étymologique. 


^44  REVUE   CRITIQUE 

Il  en  est  tout  autrement  des  langues  romanes ,  où  beaucoup  d'étymologies  de 
mots  et  en  particulier  les  origines  des  formes  grammaticales  sont  absolument 
certaines.  «Le  grammairien  français,))  dit  M.  M.  (p.  216),  «doit  décrire 
»  (beschreiben)  les  différents  emplois  du  conditionnel  avant  de  rechercher  com- 
»  ment  il  est  formé,  quelque  intéressante  que  soit  d'ailleurs  cette  étude  au  point 
»  de  vue  de  l'histoire  de  la  langue  et  quelque  jour  qu'elle  jette  sur  les  procédés 
»  du  langage.  ))  L^exemple  cité  ici  par  M.  M.  est  très-propre  à  montrer  qu'il  est 
à  peu  près  impossible  de  «  décrire  ))  méthodiquement  les  emplois  d'une  forme 
grammaticale  dont  on  ne  connaît  pas  l'origine,  et  même  de  définir  cette  forme 
elle-même.  Les  formes  grammaticales  sont  comme  les  mots;  elles  ont  leur  signi- 
fication primitive  et  leurs  significations  dérivées.  Si  cette  signification  primitive 
n'est  pas  évidente  par  elle-même,  comme  elle  l'est  pour  le  genre,  le  nombre, 
Pimpératif,  ou  si  l'étymologie  et  la  forme  ne  l'indiquent  pas,  comme  dans  les 
cas,  dans  le  subjonctif,  dans  l'optatif,  on  se  trouve  dans  le  plus  grand  embarras. 
Mais  quand  on  a  présent  à  l'esprit  que  je  viendrais  est  formé  de  venire  fiabebam, 
on  n^hésite  pas  à  considérer  la  forme  mal  à  propos  appelée  conditionnel ,  non  pas 
comme  un  mode,  mais  comme  un  temps  de  l'indicatif,  et  comme  un  temps  dont 
la  fonction  propre  est  de  marquer  qu'une  action  passée  est  postérieure  à  une 
autre  action  passée,  «  j'ai  deviné  qu'il  viendrait,  »  et  dont  la  fonction  dérivée  est 
de  marquer  que  la  chose  énoncée  est  considérée  comme  possible,  d'abord  en 
tant  que  conséquence  d'une  supposition,  «s'il  le  voulait,  il  viendrait,  ))  puis 
indépendamment  de  l'idée  de  supposition,  «  je  viendrais  volontiers,  ))  etc.  Faute 
de  se  reporter  à  l'origine  de  cette  forme,  nos  grammairiens  ont  tenu  pour  un 
mode  ce  qui  est  proprement  un  temps  qui  a  pris  par  dérivation  une  signification 
modale,  et  ils  l'ont  mal  défini  en  disant  que  le  conditionnel  affirme  avec  l'idée 
accessoire  d'une  condition  énoncée  ou  sous-entendue  :  définition  qui  ne  convient 
pas  à  la  fonction  temporelle  du  conditionnel  et  qui  ne  s'applique  même  pas 
exactement  à  la  fonction  modale  '.  Au  point  de  vue  de  la  pratique  il  suffit  sans 
doute  d'énumérer  dans  un  ordre  quelconque  les  différents  emplois  du  condi- 
tionnel ;  mais  dès  que  le  grammairien  veut,  je  ne  dirai  même  pas  en  rendre 
raison,  mais  seulement  savoir  de  quoi  il  parle,  il  est  obligé  de  remonter  à  l'ori- 
gine. Un  autre  exemple  non  moins  frappant  de  cette  nécessité  de  remonter  au 
latin  pour  donner  les  règles  du  français,  c'est  la  distinction,  aujourd'hui  pure- 

1.  Meigret  (i^5o)etR.  Estienne  (i  557)  l'appellent  «  optatif  présent,  »  Maupas(  162  5), 
Oudin  (16^5),  Chifflet  (1659),  «  second  imparfait  de  l'optatif,  »  De  la  Touche  (1696) 
«  second  imparfait  du  conjonctif  (subjonctif)  qu'on  appelle  aussi  imparfait  conditionnel,  » 
Régnier  Desmarais  (1706),  «  futur  du  subjonctif.  )>  Butfier  (1709)  le  range  parmi  les 
temps  de  l'indicatif  sous  le  nom  de  «l'incertain,»  Restant  (1730],  de  Wailly  (1763),  sous 
celui  de  conditionnel.  Au  fond  tous  ces  auteurs  le  définissaient  comme  un  mode.  L'abbé 
Girard  {Principes,  1747)  le  range  au  nombre  des  modes  et  l'appelle  «  supositif  »  en  dé- 
clarant (II,  1 1)  qu'il  aimerait  mieux  l'appeler  «  conditionnel.  »  Levizac  (1797)  hésite  sur 
la  question  de  savoir  si  le  conditionnel  est  un  mode  ou  un  temps,  et  la  tient  pour  indif- 
férente. Giraut  Duvivier  (1811)  le  rangea  parmi  les  modes  dans  sa  déplorable  compilation 
(Grammaire  des  grammaires) ,  dont  le  succès  fit  loi  pour  les  autres  grammairiens,  qui,  à 
son  exemple,  ne  citent  pas  parmi  les  emplois  du  conditionnel  son  emploi  propre  et  pri- 
mitif, «  j'ai  prédit  qu'il  viendrait.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  245 

ment  conventionnelle,  des  cas  où  /  suivi  d'une  autre  voyelle  est  monosyllabe  ou 
disyllabe,  chien,  historien,  premier,  lier,  nous  aimions,  les  passions,  etc.  Qu'on 
ouvre  les  traités  de  versification  française  antérieurs  à  celui  de  M.  L.  Quicherat 
(1850),  on  y  verra  des  énumérations  énormes  qui  ne  permettent  guère  de  retenir 
une  distinction  que  notre  prononciation  n'observe  plus.  M.  Quicherat  a  introduit 
la  lumière  dans  ce  chaos  en  faisant  remarquer  qu'en  général  1'/  ne  compte 
pour  une  syllabe  que  dans  les  mots  où  il  est  représenté  en  latin.  Ces  exemples 
font  vivement  sentir  combien  notre  science  du  grec  et  du  latin  est  imparfaite  : 
car  ce  que  l'on  a  conjecturé  sur  leurs  origines  est  à  ce  que  l'on  sait  des  origines 
des  langues  romanes  dans  le  rapport  du  roman  à  l'histoire;  et  en  ce  qui  concerne 
ces  langues,  je  ne  puis  que  donner  raison  à  M.  M. 

Au  reste  je  ne  sais  si  M.  M.  lui-même  ne  se  fait  pas  quelque  illusion  sur  le 
degré  de  sûreté  et  de  délicatesse  que  nous  pouvons  atteindre  dans  la  connais- 
sance ou  plutôt  dans  le  sentiment  d'une  langue  morte,  et  dans  l'appréciation  de 
la  manière  dont  un  ouvrage  est  écrit  en  cette  langue.  Quelle  que  soit  pour  moi 
l'autorité  de  M.  Madvig  comme  latiniste  (et  je  n'en  connais  pas  aujourd'hui  qu'on 
puisse  mettre  à  côté  de  lui),  je  me  refuse  à  le  suivre  quand  il  trouve  que  Tite 
Live  est  un  écrivain  parfois  pesant,  peu  naturel  et  incorrect'.  La  réputation  de 
Tite  Live  chez  les  Romains  était  trop  grande  pour  qu'on  puisse  lui  imputer  vrai- 
semblablement ces  défauts;  et  il  les  aurait  eus  que  le  latiniste  le  plus  consommé 
ne  saurait  les  reconnaître.  Sa  langue  présente  sans  doute  beaucoup  de  particu- 
larités; mais  comment  établir  qu'elles  n'étaient  pas  conformes  à  l'usage  de  son 
temps,  qui  n'est  guère  représenté  pour  nous  que  par  des  poètes  ?  et  d'ailleurs 
avons-nous  assez  de  monuments  de  la  langue  latine  pour  affirmer  qu'elles  ne  lui 
sont  pas  antérieures  ?  La  langue  de  César  est-elle  celle  de  Cicéron  ?  Et  si  tout 
ce  qu'a  écrit  César  nous  était  parvenu ,  ne  trouverions-nous  pas  beaucoup  de 
tours  et  de  locutions  qui  ne  se  recontrent  pas  dans  les  commentaires  ?  En  langues 
anciennes,  comme  en  antiquités,  il  faut  se  résigner  à  beaucoup  ignorer. 

Charles  Thurot. 


99.  —  Cours  historique  de  langue  française  :  i*  De  l'enseignement  de  notre 
langue  :  i  fr.  ;  2*  Grammaire  élémentaire  :  75  c;  3*  Grammaire  historique:  i  fr.  50, 
par  Ch.  Marty-Laveaux,  trois  volumes,  petit  in- 12.  Paris,  Lemerre.  1874-1875. 

Du  Cours  historiijue  de  la  langue  française,  dont  M.  M.-L.  a  entrepris  la  publica- 
ion,  les  trois  petits  livres  dont  les  titres  précèdent  forment  un  tout  assez 
ïmplet,  pour  pouvoir  être  ici  examinés  d'ensemble. 


P.  358  :  «  Livius  ist nicht  nur  der  Repraesentant  der  vœllig  ausgepraegten 

»  Schriftsprache,  sondern  seine  SchriftsprHche  neigt  sich  in  ihrem  methodischen,  berech- 
»  neten  Fortschreiten  zum  Schwerfaelligen ,  ja  wird  durch  ihre  Kunst  bisweilen  im  Ver- 
»  haeltniss  des  Baues  der  Période  zum  Gedanken  incorrekt  und  unnatûrlich  und  hat  hin 
»  und  wieder  Ausdrùcke  und  Redeweisen ,  worin  die  Vorstellungen  ûber  die  natùrliche 
»  Grasnze  hinaus  zusammengedraengt  und  verschraenkt  sind.  » 


2^6  REVUE  CRITIQUE 

Le  premier  opuscule  est  comme  la  préface  du  Cours.  Après  un  rapide  exposé 
de  l'histoire  des  études  grammaticales  en  France,  l'auteur  trace  avec  netteté  et 
précision  le  programme  d'un  enseignement  historique  de  la  langue,  enseigne- 
ment qui  doit  comprendre,  après  la  grammaire  élémentaire,  une  grammaire 
historique,  et  divers  traités  sur  l'histoire  de  la  prononciation,  de  l'orthographe, 
de  la  ponctuation,  du  vocabulaire,  etc.  Cet  opuscule  est  rempli  d'observations 
souvent  neuves,  toujours  judicieuses  et  intéressantes,  et  chaque  chapitre  est 
comme  le  sommaire  d'un  livre  à  écrire.  M.  M.-L.  commence  à  réaliser  son 
vaste  programme,  en  publiant  la  Grammaire  élémentaire  qui  s'adresse  aux 
commençants  et  la  Grammaire  historique  écrite  pour  les  élèves  plus  avancés.  Le 
plan  des  deux  livres  est  le  même  ;  ils  ne  diffèrent  que  par  l'étendue  des  déve- 
loppements et  des  explications  historiques  données  dans  le  second,  qui  quelque- 
fois aussi  apporte  des  corrections  au  premier. 

Nous  commençons  notre  analyse  par  la  Grammaire  élémentaire,  parce  qu'elle 
sert  de  base  à  la  Grammaire  historique. 

Les  réformes  hardies  y  abondent;  réformes  qui  ne  sont  pas  faites  d'une 
main  téméraire,  mais  paraissent  avoir  été  longuement  pesées  et  mûries.  Ce  sont 
ces  nouveautés  qui  donnent  à  cette  petite  grammaire  son  originalité  et  son 
cachet  propre. 

Nous  remarquons  d'abord  l'introduction  du  neutre,  à  côté  du  masculin  et  du 
féminin.  M.  M.-L.  le  retrouve  dans  cela,  ceci,  il  (de  il  pleut,  etc).,  le  (au  sens  décela), 
quoi,  etc.  Nous  croyons  cette  nouveauté  utile,  parce  que,  conforme  en  général  à 
l'histoire  de  la  langue,  elle  simplifie  l'exposition  et  l'explication  de  plusieurs 
règles'.  Toutefois,  quand  M.  M.-L.  voit  un  neutre  dans  le  beau  (ce  qui  est  beau), 
etc.,  peut-être  va-t-il  trop  loin.  Logiquement  le  neutre  y  est,  historiquement  et 
grammaticalement  non,  à  moins  qu'on  ne  démontre  que,  pour  la  forme,  le  beau 
neutre  ait  été,  à  un  moment  donné,  distinct  de  le  beau  masculin,  comme  il  l'est 
en  espagnol  (e/  bello,  lo  bello). 

La  subdivision  du  nom  commun  en  nom  commun  ordinaire,  collectif,  abstrait, 
indéfini,  diminutif  et  composé,  quoique  assez  peu  heureuse  d'exposition,  puis- 
qu'elle réunit  deux  groupes  divers  de  noms,  fondés,  l'un  sur  la  signification 
(noms  collectifs,  abstraits,  indéfinis),  l'autre  sur  la  forme  (diminutifs,  composés), 
est  au  fond  juste  et  utile.  Elle  permet  aussi  de  rattacher  au  nom  certains 
prétendus  pronoms  indéfinis,  tels  que  on  et  personne. 

L'adjectif  est  divisé  en  adj.  qualificatif,  adj.  numéral  et  adj.  pronominal;  la 
théorie  de  ce  dernier  est  ramenée  à  celle  du  pronom  qui  se  divise  en  pronom 
personnel  et  adj.  déterminatif  (le,  la,  les),  en  pron.  et  adj.  possessifs;  pron.  et 
adj.  démonstratifs,  pron.  et  adj.  relatifs  et  interrogatifs,  pron.  et  adj.  indéfinis. Cette 
division  est  ingénieuse  et  simple.  Ce  qu'elle  offre  de  plus  révolutionnaire,  c'est 
la  place  qu'elle  fait  à  l'article,  rattaché  intimement  au  pron.  personnel  le,  la,  les. 
Cette  manière   de  voir  est  discutable  :  étymologiquement  elle  est  vraie,  histori- 

1.  M.  M-L.  fait  de  on  et  de  personne  des  neutres;  c'est  une  erreur;  ces  mots  sont 
masculins  ;  le  neutre  ne  peut  désigner  que  des  choses  indéterminées,  et  non  des  personnes. 


d'histoire  et  de  littérature.  247 

quement^  non.  L'article  et  le  pron.  personnel  viennent  bien  tous  deux  de  illum, 
lllam,  illos;  mais  la  langue,  en  conservant  au  pron.  illum  sa  valeur  latine,  en  a 
d'un  autre  côté  atténué  la  signification  primitive  pour  en  faire  un  démonstratif 
très-effacé,  emploi  nouveau  qu'ignorait  le  latin.  Dans  voyez-vous  le  roi?  je  le  vois, 
le  a  deux  fonctions  absolument  distinctes.  Il  y  a  donc  là  en  somme  deux  mots 
différents,  et  ce  n'est  pas  tenir  compte  de  l'histoire  de  la  langue  que  de  chercher 
à  les  rapprocher,  sous  prétexte  qu'à  l'origine  ils  étaient  identiques.  C'est  commettre 
l'erreur  du  lexicographe  qui  ne  voudrait  voir  dans  bureau  (drap)  et  bureau  (meuble 
de  travail)  qu'une  seule  et  même  chose,  parce  que,  étymologiquement,  c'est 
un  seul  et  même  mot.  C'est  l'écueil  de  la  grammaire  comparée  d'oublier  le  déve- 
loppement qu'ont  pris  les  formes  grammaticales,  pour  n'en  voir  que  les  points  de 
départ,  sans  songer  que  des  formes,  unes  à  l'origine,  ont  pu  modifier  leur 
valeur,  l'atténuer,  l'étendre,  s'adapter  à  l'expression  de  rapports  nouveaux,  se 
soumettre  à  des  fonctions  nouvelles;  et  d'arriver  ainsi,  par  la  recherche  d'une 
simplification  trop  grande,  à  l'indétermination  absolue.  Cette  tendance  à  laquelle 
M.  M.-L.  cède  encore  volontiers  dans  d'autres  parties  de  sa  grammaire  devait  être 
signalée.  Remarquons  en  outre  qu'il  y  a  quelque  chose  d'artificiel  à  donner  à 
l'article  le,  la,  les,  le  nom'd'adj.  déterminatif,  pour  le  séparer  d'un  côté  des  adji 
démonstratifs  dont  il  n'est  qu'une  forme  atténuée,  et  le  rapprocher  de  l'autre  des 
pron.  personnels.  Le  terme  de  déterminatif  est  d'ailleurs  universellement  adopté 
comme  une  expression  générique  qui  embrasse  dans  ses  divisions  les  démons- 
tratifs, les  relatifs,  les  indéfinis. 

Quant  à  la  théorie  générale  qui  consiste  à  rapprocher  les  adjectifs  des  pro- 
noms sans  faire  rentrer  néanmoins  les  premiers  dans  les  seconds ,  elle  est 
juste  et  simple.  Toutefois,  elle  pourrait  être  plus  creusée  ;  nous  renvoyons  sur  ce 
point  à  ce  que  nous  écrivions  ici-même  l'année  dernière  {Revue  critique,  1874, 
2^  semestre,  p.  392). 

La  théorie  du  verbe  renferme  deux  nouveautés.  Les  quatre  conjugaisons  sont 
conservées  ;  mais  les  paradigmes  des  temps  composés  avec  les  auxiliaires  sont 
séparés  de  ceux  des  simples,  et  donnés  à  part  dans  une  section  nouvelle  après  les 
quatre  conjugaisons.  Ces  locutions  verbales ^  comme  les  appelle  M.  M.-L.,  formées 
du  verbe  et  d'un  auxiliaire  avoir,  être  (et  même  dans  certaines  expressions, 
devoir,  aller,  venir),  sont  de  la  sorte  étudiées  d'ensemble.  C-'est  une  simplification 
très-utile  et  qui  repose  sur  une  vue  très-juste;  elle  est  également  pratique  ;  car 
déjà  admise  dans  une  remarquable  grammaire  française  plus  connue  en  Angle- 
terre que  chez  nous  • ,  elle  a  subi  avec  succès  l'épreuve  de  l'enseignement  public 
à  Londres  depuis  plusieurs  années. 

L'autre  nouveauté  est  l'absence  complète  du  passif.  «  Le  verbe  passif  n'existe 
pas  en  français,  »  dit  M.  M.-L.  dans  son  opuscule  De  l'Enseignement  de  notre 
langue  (p.  38).  Bien  qu'il  ne  donne  pas  les  raisons  de  son  affirmation,  il  nous 
parait  être  dans  le  vrai.  En  effet,  le  participe  passé,  que  quelques  grammairiens 


I.  Grammaire  française  par  Antonin  Roche,  un  vol  in-12 ,  Paris  et  Londres,  6*  édit. 
1872. 


248  REVUE   CRITIQUE 

appellent  participe  passif,  mérite  bien  son  nom  de  passé.  Quand  l'on  dit  : 
«  frappé  par  cet  homme,  je  tombai,  »  frappé  signifie  ayant  été  frappé^  après  avoir 
été  frappé.  Or,  cette  signification  de  passé  est  précisément  conservée  dans  le 
prétendu  passif  ye  suis  frappé^  qui  veut  dire  non  dedor^  mais  sum  c<£sus,  «  je  suis 
ayant  été  frappé,  ayant  reçu  un  coup.  »  Le  passif  existe  si  peu  chez  nous  que 
l'on  ne  peut  traduire  cxdorj  passif  de  cxdo,  que  par  on  me  frappe.  Le  participe, 
dans  la  locution  verbale  avec  être,  conserve  donc  toujours  sa  signification  propre, 
et  je  suis  frappé  ne  dit  pas  plus  dans  son  ensemble,  que  les  termes  séparés 
je  suis  -\- frappé;  il  n'y  a  donc  pas  de  locutions  verbales  passives,  et  par  suite 
de  conjugaisons  passives. 

On  voit  par  là  qu'il  n'en  est  pas  du  participe  passé  construit  avec  être  comme 
du  participe  passé  construit  avec  avoir.  Ce  dernier  a  produit  une  locution  ver- 
bale. J'ai  frappé  est  autre  chose  que  j'ai  -\-  frappé.  Le  latin  disait  :  Habeo  scriptam 
epistolam,  «  j'ai  (je  possède)  écrite  une  lettre.  »  Le  progrès  du  français  a 
consisté  à  détacher  peu  à  peu  le  participe  du  substantif,  en  le  dépouillant  de  sa 
valeur  d'adjectif,  pour  l'unir  plus  étroitement  au  verbe  avoir.,  et  faire  dominer  en 
lui  la  signification  verbale;  et,  partie  de  habeo  —  scriptam  epistolam,  la  langue 
est  arrivée  à  habeo  scriptum  —  epistolam.  Voilà  pourquoi  le  participe  construit 
avec  avoirj  qui  s'accordait  d'abord  avec  le  substantif,  a  formé  peu  à  peu  avec  le 
verbe  une  locution  composée,  où  il  tend  à  devenir  invariable.  Le  peuple  aujour- 
d'hui dit  :  Quelle  grande  lettre  il  a  écrit!  et  non  écrite;  et  vraisemblablement  le 
jour  n'est  pas  loin  où  la  grammaire  française  enseignera  l'invariabilité  absolue 
du  participe  construit  avec  avoir. 

L'auteur  supprime  en  dernier  lieu  la  syntaxe,  dont  il  ne  prononce  pas  même 
le  nom.  Il  en  dissémine  les  principales  règles  dans  le  cours  de  la  grammaire  à  la 
suite  de  chaque  section  grammaticale.  Pour  une  grammaire  élémentaire  qui 
s'adresse  à  des  enfants  de  8  à  10  ans,  je  ne  vois  pas  de  mal  à  une  simplification 
de  ce  genre,  si  une  grammaire  plus  étendue  vient  compléter  l'enseignement 
sur  ce  point  et  donner  à  la  syntaxe  la  place  qui  lui  revient.  Toutefois 
dans  la  grammaire  historique  de  M.  L.-M.,  il  n'en  est  pas  malheureusement 
ainsi. 

Telles  sont,  pour  nous  en  tenir  aux  traits  généraux,  les  principales  innovations 
de  cette  petite  grammaire,  neuve  et  originale  en  grande  partie  ;  nous  sommes 
d'accord  avec  l'auteur  sur  la  plupart  des  points.  Toutefois,  en  entrant  dans  les 
détails,  nous  aurions  plusieurs  erreurs  à  signaler;  mais  comme  nous  les  retrou- 
vons avec  d'autres  dans  la  Grammaire  historique,  nous  arrivons  à  cet  ouvrage. 

Nous  avouerons  dès  l'abord  qu'il  est  tout  à  fait  insuffisant.  L'auteur,  de  parti 
pris,  a  éliminé  de  la  grammaire  bien  des  règles  et  des  faits  qui  devaient  y  avoir 
place.  La  phonétique  est  supprimée,  et  la  syntaxe,  comme  dans  la  grammaire 
élémentaire,  réduite  à  la  portion  congrue,  est  mêlée  à  la  théorie  des  formes. 
Pourtant  une  division  plus  rigoureuse  s'imposait  à  la  grammaire  histori(jue  qui, 
étudiant  scientifiquement  la  langue,  devait  en  considérer  d'abord  les  sons,  puis 
les  mots,  et  enfin  les  phrases.  Pour  donner  un  exemple  de  celte  insuffisance,  je 
prendrai  au  hasard  un  chapitre  :  Pronoms  et  adjectifs  indéfinis  (p.  10 $-107). 


I 


d'histoire    et    de    L1TTÈRA1URE.  249 

L'auteur  cite  les  principaux  pronoms  et  adjectifs,  et  oublie  même.  Sur  les  diffé- 
rences d'emploi  de  chaque  et  chacun,  sur  l'emploi  de  l'adjectif  possessif  avec  ces 
deux  mots,  sur  l'emploi  de  aucun  au  pluriel  avec  la  valeur  négative,  sur  la  ques- 
tion du  nombre  du  verbe  avec  l'un  et  Vautre  pour  sujet,  sur  la  différence  de  l^un 
l'autre  et  Vun  et  Vautre,  etc.,  pas  un  mot.  C'est  par  principe  que  M.  M.-L.  a  été 
aussi  peu  explicite,  cela  ressort  de  l'ensemble  de  l'ouvrage;  mais  M.  M.-L. 
semble  avoir  suivi  un  principe  erroné.  Il  n'a  pas  vu  nettement  à  quelle  sorte 
d'élèves  il  s'adressait  ;  il  a  voulu,  ce  semble,  écrire  une  grammaire  à  l'usage 
des  élèves  de  sixième  ou  de  cinquième,  sans  songer  qu'une  grammaire  historique 
ne  peut  convenir  qu'à  ceux  qui  ont  déjà  de  la  langue  une  connaissance  suffi- 
sante, et  que  la  grammaire  historique  doit  être  le  complément  et  le  couronnement 
de  la  grammaire  élémentaire. 

Enfin,  je  signalerai  dans  ce  livre  des  erreurs  graves,  dont  quelques-unes  se 
trouvent  déjà  dans  la  petite  grammaire.  La  théorie  des  voyelles,  diphthongues 
et  consonnes  est  incomplète  et  fautive  en  plusieurs  points;  par  exemple, 
l'auteur  dit  que  Ve  bref,  comme  dans  trompette  est  un  e  muet  ou  fermé  (p.  6.); 
que  dans  patricy  ie  fait  diphthongue;  que  les  gutturales  sont  ainsi  nommées 
parce  qu'elles  se  prononcent  à  l'aide  du  gosier;  le  gosier  n'a  affaire  spéciale- 
ment dans  la  prononciation  d'aucune  lettre  ;  les  gutturales  sont  émises  à  l'aide 
du  palais.  L'auteur  parle  des  deux  valeurs  du  g  et  oublie  de  parler  de  celles 
du  c,  etc.  P.  19,  le  sujet  est  défini  :  «  le  mot  représentant  l'être  qui  fait  une 
action;  »  ex.  Pierre  a  prêté  un  livre  à  Paul.  Mais  dans  Pierre  a  été  frappé,  quelle 
action  exerce  le  sujet.?  P.  21,  on  voit  le  tableau  de  la  déclinaison  romane  au 
ixe  siècle  :  il  en  faut  effacer  les  nominatifs  pluriels  rosae  et  pasîores.  M.  M.-L, 
qui  parle  assez  longuement  du  genre  des  noms,  aurait  pu  dire  un  mot  des  plu- 
riels neutres,  devenus  féminins  parce  qu'ils  ont  été  considérés  comme  apparte- 
nant à  la  première  déclinaison  :  cette  particularité  lui  aurait  permis  d'expliquer 
quelques  doubles  genres,  comme  ceux  de  orge,  orgue,  etc.  Les  pages  sur  le 
comparatif  et  le  superlatif  dans  les  adjectifs  et  les  adverbes  (p.  59-62  ;  17^-176) 
sont  inutiles  (cf.  Revue  critique,  1874,  2^  semestre,  p.  389).  A  la  p.  64,  on  s'atten- 
dait à  une  explication  sur  les  deux  orthographes  mil  et  mille.  Moi  et  toi  et  soi  (p. 
80),  ne  viennent  pas  de  mihi^  de  sibi  et  de  sibi  (cf.  ibidem,  p.  390).  La  théorie  de 
l'imparfait  cantabam,  chanîeve,  chantois,  chantois,  chantais  est  inexacte;  cf.  Roma- 
nia,  II,  145.  Les  formes  inchoatives  en  se  des  verbes  de  la  seconde  conjugaison 
existent  également  aux  trois  personnes  du  singulier,  finis  àe  finisc-o,  finis  de 
finisc-is,  fini{s)t  de  finisc-it^  etc.  Ces  observations  montrent  que  l'ouvrage  pour 
la  partie  étymologique  et  historique  doit  être  soumis  à  une  révision  sévère. 
Cependant,  pour  être  strictement  juste,  il  faut  signaler  nombre  de  remarques 
intéressantes  et  quelquefois  neuves  qui  portent  spécialement  sur  la  langue  du 
xvi«  et  du  xvii^  siècle,  dont  l'auteur  a  fait  une  étude  approfondie,  par  exemple, 
les  observations  sur  le  participe  présent  et  le  participe  passé  (p.  1 5 1  et  1 54). 

En  résumé,  si  la  Grammaire  historique  ménage  avec  trop  de  parcimonie  les 
explications  et  les  règles,  et  si  elle  n'a  pas  su  éviter  de  graves  erreurs,  elle  a  des 
détails  intéressants  et  dans  ses  traits  généraux  elle  présente  les  qualités  qui  font 


250  REVUE    CRITIQUE 

l'originalité  de  la  petite  grammaire.  Comme  celle-ci,  elle  est  écrite  avec  une 
simplicité  qui  ne  manque  pas  d'élégance  et  avec  une  grande  clarté,  et  se  lit 
avec  plaisir.  La  Grammaire  élémentaire  enfin,  qui  peut  franchir  les  murs  du  collège 
et  pénétrer  dans  les  écoles  communales,  avec  les  vues  hardies  et  justes  qui  la 
caractérisent,  fait  faire  à  l'enseignement  grammatical  un  progrès  réel. 

A.  Darmesteter. 


200.  —  Étude  sur  les  comtes  et  vicomtes  de  Limoges  antérieurs  à  l'an 

1000,  par  Robert  de  Lasteyrie,  élève  de  l'École  des  Hautes-Études,  ancien  élève 
de  l'École  des  chartes  (Bibliothèque  de  l'École  des  Hautes-Études,  fascicule  18).  Paris, 
Vieweg.  In-8",  152  p.—  Prix  :  $  fr. 

Il  n'est  guère  de  question  plus  difficile  que  celle  de  l'origine  des  premières 
maisons  féodales;  pour  la  plupart  des  cités  de  la  France,  la  suite  chronologique 
des  comtes  et  des  vicomtes  est  extrêmement  malaisée  à  établir  ;  et  l'on  a  besoin  de 
toutes  les  ressources  de  la  critique  et  de  la  méthode  inductive  pour  retrouver  le 
lien  qui  unit  ces  personnages  la  plupart  sans  histoire.  C'est  à  la  solution  d'une 
question  de  ce  genre  que  M.  de  Lasteyrie  a  appliqué  tous  ses  soins  ;  il  a  voulu 
donner  des  anciens  comtes  et  vicomtes  de  Limoges  une  liste  aussi  sûre  que  pos- 
sible; le  champ  au  premier  abord  semble  assez  étroit;  mais  si  l'on  songea 
l'absence  de  tout  travail  véritablement  critique  sur  la  matière,  à  la  nécessité 
d'employer  une  multitude  de  chartes  mal  copiées,  mal  datées,  souvent  d'une 
authenticité  douteuse,  on  comprend  la  difficulté  de  la  tâche  et  le  mérite  qu'il  y 
a  à  l'avoir  accomplie.  C'est  ce  que  M.  de  L.  a  fait  ou  à  peu  près,  et  dans  ce  petit 
volume,  il  y  a  plus  de  faits  réellement  nouveaux,  plus  d'aperçus  vrais  que  dans 
beaucoup  de  gros  ouvrages.  L'exposition  est  claire,  concise,  trop  concise 
quelquefois. 

Sous  ce  titre  :  Les  comtes  de  Limoges,  M.  de  L.  n'a  pas  compris  l'histoire  des 
comtes  de  Poitiers ,  maîtres  du  Limousin  depuis  le  commencement  du  x^  siècle  ; 
il  ne  s'est  occupé  que  des  plus  anciens  de  ces  princes.  Naturellement  il  n'est  pas 
facile  de  rendre  compte  d'un  pareil  livre,  qui  vaut  surtout  par  l'ensemble  des 
faits  observés,  par  la  méthode  rigoureuse  avec  laquelle  est  menée  la  discussion; 
car  à  vrai  dire,  tous  ces  faits  n'ont  presqu'aucune  valeur  en  eux-mêmes;  il  faut  les 
grouper,  en  opérer  pour  ainsi  dire  la  synthèse  pour  en  composer  une  histoire. 
Nous  n'avons  donc  qu'une  ressource,  c'est  de  parcourir  le  livre  en  indiquant 
les  quelques  endroits  qui  nous  paraissent  défectueux,  en  relevant  quelques 
menues  erreurs  et  en  mentionnant  les  faits  nouveaux,  que  l'auteur  a  mis  en 
lumière. 

P.  6-7.  M.  de  L.  supprime  avec  raison  le  comte  Jocundus,  que  la  plupart 
des  historiens  placent  en  tête  de  la  liste  des  premiers  comtes  de  Limoges,  et 
démontre  d'une  façon  péremptoire  que  les  sources  contemporaines,  Grégoire 
de  Tours  et  les  deux  vies  de  saint  Yrieix,  ne  lui  donnant  pas  cette  qualité,  il  est 
difficile  d'être  aujourd'hui  plus  affirmatif  que  ces  auteurs. 


d'histoire  et  de  littérature.  251 

p.  lo-i  I .  D'autre  part,  c'est  croyons-nous  àtort  que  lui-même  fait  entrer  dans 
la  série  un  certain  Barontus  mentionné  au  vii^  siècle  par  un  diplôme  royal  et  par 
quelques  vies  de  saints  ;  en  effet,  nous  lui  ferons  remarquer  qu'il  invoque  ici  les 
arguments  que  tout-à-l'heure  il  repoussait  à  propos  de  Jocundus  :  aucun  de  ces 
documents  ne  donne  positivement  à  Barontus  le  titre  de  comte. 

P.  14  et  suiv.  Nous  trouvons  ici  une  excellente  dissertation  sur  la  charte  de 
fondation  de  Charroux,  les  arguments  sont  concluants  et  bien  présentés  ;  il  est 
impossible  de  ne  pas  admettre  avec  l'auteur  la  fausseté  partielle  de  cet  acte. 

P.  20  et  suiv.  C'est  ici  que  commence  la  meilleure  partie  du  livre,  l'article  de 
Gérard,  comte  de  Limoges,  que  M.  de  L.  raye  de  l'histoire  en  prouvant  jusqu'à 
l'évidence  que  c'est  un  personnage  apocryphe,  que  tous  les  actes  qu'on  lui 
a  attribués ,  tous  les  faits  qu'on  a  mis  à  son  compte  doivent  être  rapportés  aux 
autres  comtes  Gérard,  qui  vivaient  à  cette  époque. 

P.  26.  Autre  passage  tout  nouveau  sur  Raimond,  comte  de  Limoges,  que 
l'auteur  identifie  avec  le  comte  de  Toulouse  de  même  nom,  souche  de  la  famille 
qui  ne  s'éteignit  qu'au  xiii^  siècle.  Peut-être  faut-il  voir  dans  le  Limousin  le  ber- 
ceau de  cette  race ,  qui  a  joué  un  rôle  si  important  dans  l'histoire  du  moyen- 
âge.  Cette  découverte,  sur  la  trace  de  laquelle  M.  de  L.  a  sans  doute  été  mis 
par  l'histoire  de  Tulle  de  Baluze,  change  complètement  l'histoire  de  cette  partie 
de  la  France  et  permet  de  comprendre  le  rôle  joué  au  x*"  siècle  par  les  succes- 
seurs de  ce  Raimond.  De  plus,  ce  seul  fait  de  l'identité  de  ces  deux  Raimond 
renverse  tout  le  système  de  M.  Deloche  sur  la  transmission  du  comté  de 
Limoges  à  la  famille  de  Poitiers  ;  il  est  vrai  que  ce  dernier  fait  reste  sans  explica- 
tion admissible;  c'est  à  M.  de  L.  que  revient  le  devoir  de  combler  cette  lacune 
en  poursuivant  plus  loin  l'histoire  de  ces  premiers  comtes. 

P.  39,  lignes  4  et  20.  Nous  relevons  à  deux  reprises  une  petite  faute  d'or- 
thographe; le  comte  de  Gévaudan  s'appelait  Acfred  et  non  pas  Alfred;  les  textes 
latins  le  nomment  Aifredus,  Acfredas,  mais  jamais  Adalfredus  ou  Alfredus  ;  le 
nom  français  est  Aifroi  et  non  Aufroi. 

P.  47.  M.  de  L.  reprend  la  thèse  de  M.  Sohm,  en  l'appuyant  du  reste  sur 
d'autres  textes;  il  identifie  le  vicomte  et  le  missus  comitis;  toutefois  l'auteur 
français  n'a  pas  osé  pousser  cette  doctrine  jusqu'au  bout  et  identifier  le  vicedominus 
et  le  vicecomes;  nous  croyons  pourtant  qu'une  étude  attentive  des  textes  l'y  aurait 
certainement  conduit.  M.  de  L.  dit  bien  que  si  le  vicedominus  figure  dans  certains 
actes,  c'est  parce  que  ces  actes  intéressent  des  personnes  ecclésiastiques;  nous  lui 
ferons  remarquer  que  les  actes  du  ix^  siècle  ne  devraient  pas  alors  mentionner 
d'autres  officiers,  puisque  la  plupart  sont  relatifs  à  des  domaines  de  l'Eglise.  Nous 
serions  disposés  à  prendre  le  mot  de  vicedominus  dans  son  sens  étymologique  de 
lieutenant  du  maître,  le  dominus  étant  ici  le  comte.  Cette  explication  lèverait 
toutes  les  difficultés. 

P.  58-59.  M.  de  L.,  dans  quelques  phrases  fort  ingénieuses,  essaie  de  rap- 
porter au  comte  Eudes  de  Toulouse  l'institution  des  vicomtes  de  Limoges  ;  mais 
il  est  obligé  d'interpréter  la  chronique  d'Adémar  de  Chabannes  ou  plutôt  son 
continuateur,  et  une  affirmation  appuyée  sur  l'interprétation  d'un  passage  d'un 


252  REVUE    CRITIQUE 

historien  qui  est   aussi  postérieur   manque    réellement  de  consistance. 

P.  64-5.  Sans  vouloir  ici  trancher  la  question,  nous  ferons  remarquer  à 
l'auteur  qu'il  attribue  au  vicomte  Hildegaire  un  règne  d'une  longueur  extraordi- 
naire, près  de  $6  ans .  Nous  lui  recommandons  ce  point,  au  cas  d'une  nouvelle 
édition  de  son  travail. 

P.  89  et  suiv.  Là  commence  une  belle  série  de  pièces  justificatives,  publiées 
avec  un  soin  minutieux;  nous  ne  ferons  à  M.  de  L.  qu'une  seule  remarque.  La 
plupart  des  copies  employées  par  lui  sont  du  xviie  et  du  xviii^  siècle  ;  il  s'est 
pourtant  donné  la  peine  de  mettre  en  note  toutes  les  variantes.  Elles  sont  des 
deux  espèces  :  les  unes  de  texte,  il  était  bon  de  les  noter,  car  elles  peuvent 
changer  le  sens,  l'éclairer  ou  mettre  sur  la  trace  d'une  correction  utile  ;  les  autres 
d'orthographe,  il  était  superflu  de  les  donner,  car  jamais  personne  n'aura  l'idée 
d'employer  ces  copies  la  plupart  fautives,  pour  reconstituer  le  texte  original  du 
x^  siècle  :  ce  serait  s'exposer  à  autant  d'erreurs  que  de  mots.  Pour  des  études 
de  cette  nature,  il  faut  un  original  ou  une  copie  contemporaine  ;  toute  autre  source 
doit  être  non  avenue.  A.  Molinier. 


201.  —  U.  Chevalier,  Choix  de  Documents  historiques  inédits  sur  le 
Dauphiné,  t.  VI  de  la  3"  série  du  bulletin  de  la  Société  de  statisticjue  du  départ,  de 
l'Isère.  Monlbéliard,  imp.  Hoffmann.  1874.  In-S",  viij-400  p.  —  Prix  :  9  fr. 

Ce  volume  forme  le  t.  vu  de  la  collection  des  Cartulaires  Dauphinois  entreprise 
il  y  a  huit  ans  par  M.  l'abbé  U.  Chevalier,  et  poursuivie  avec  une  activité  qui  n'a 
jamais  nui  à  la  conscience  scrupuleuse  avec  laquelle  les  textes  sont  édités.  Le 
choix  que  nous  offre  aujourd'hui  M.  U.C.  provient  en  majeure  partie  d'un  recueil 
de  pièces  tirées  au  siècle  dernier  par  l'érudit  Guy  Allard  des  archives  de  la 
Chambre  des  comptes  de  Grenoble  et  conservées  aujourd'hui  à  la  bibliothèque 
publique  de  cette  même  ville;  le  reste  du  volume  a  été  emprunté  par  M.  U.  C. 
aux  archives  départementales  de  l'Isère.  Ces  cent  dix  pièces  sont  du  plus  haut 
intérêt  et  ajoutent  beaucoup  à  notre  connaissance  sur  l'histoire  du  Dauphiné 
pendant  le  xiv^  et  le  xv°  s.  '.  Nous  y  trouvons  en  particulier  des  renseignements 
nombreux  et  précis  sur  l'état  politique,  administratif,  financier  du  Dauphiné 
avant  et  après  sa  réunion  à  la  France;  l'énumération  des  seigneuries  qui  devaient 
au  Dauphin  hommage  et  redevances  (n"s  10,  76,  103),  le  montant  des  revenus 
de  la  province  (n°*  45,  80,  etc.),  la  liste  des  officiers,  baillis,  châtelains  du 
Dauphin  (n»  15);  la  valeur  des  monnaies  de  1 345-1 3$o  (no  43);  les  droits  de 
souveraineté  conservés  par  l'Empire  sur  le  Dauphiné  (nos  44,  48,  51,  $2,  etc.), 
plusieurs  procès-verbaux  de  convocation  des  Etats  du  Dauphiné  (no^  6  5 ,  66,  etc.), 
un  compte  très-détaillé  des  dépenses  du  Dauphin  Guigues  VIII  de  1 327  à  1 329 
(no  4) ,  un  acte  en  langue  hébraïque  contenant  une  convention  des  communautés 
juives  du  Graisivaudan  pour  le  paiement  de  l'impôt  au  Dauphin  en  1 346  (no  3  4)  ; 


I.  Deux  pièces  seules  sont  du  XIII«  s.,  l'une  de  1248,  l'autre  de  1298.  --  La  plus 
récente  est  de  1483. 


d'histoire  et  de  littérature.  25^ 

un  long  mémoire  de  l'archevêque  Henri  de  Villars,  lieutenant  de  Humbert  II, 
pour  rendre  compte  à  ce  Dauphin,  alors  en  Orient,  de  l'administration  de  ses 
Etats  en  février  1 346.  Nous  signalerons  en  outre  des  fragments  de  chroniques 
intéressants.  L'un  d'eux  (n°  107)  conservé  aux  archives  de  l'Isère,  relate  avec 
une  grande  exactitude  les  faits  et  gestes  de  Charles  le  Téméraire  de  1471, 
époque  de  la  bataille  de  Bussy,  à  sa  mort  en  1477  (i  5  janvier).  Un  document 
plus  curieux  encore  est  l'instruction  du  procès  intenté  en  1430  au  nom  de 
de  Charles  VII  à  Louis  d'Orange  comte  de  Chalon,  pour  avoir  attaqué  le  gou- 
verneur du  Dauphiné  Raoul  de  Gaucourt  (n°  97).  On  y  trouve  un  récit  détaillé 
de  la  guerre  dite  d'Anthon,  accompagné  de  toutes  les  pièces  à  l'appui.  —  Enfin 
nous  trouvons  un  fait  entièrement  nouveau  mis  en  lumière  par  trois  documents 
tirés  du  recueil  de  Guy  Allard  (n"^'  18-20).  «  Débiteur  de  16000  florins  à  la 
chambre  apostolique,  Humbert  II  avait  fait  de  vains  efforts  pour  se  libérer;  c'est 
alors  que,  pressé  également  par  d'autres  créanciers,  il  dut  proposer  au  pape  de 
tenir  en  fief  de  l'Eglise  romaine  le  marquisat  de  Césane,  la  principauté  de 
Briançonnais,  le  duché  de  Champsaur,  le  comté  de  Graisivaudan,  le  bailliage  de 
la  terre  de  la  Tour  et  labaronie  de  Faucigny.  L'état  des  revenus  de  cette  portion 
du  domaine  delphinal,  présenté  aux  cardinaux  commis  par  Clément  VI,  fut  con- 
trôlé par  des  sous-commissaires  (n»  18),  qui  établirent  à  leur  tour  la  valeur 
justifiée  de  ces  six  provinces  (no  19].  Malgré  les  efforts  des  gens  du  Dauphin, 
pour  suppléer  à  la  différence  constatée  (n"  20),  ces  pourparlers  ne  semblent  pas 
avoir  eu  d'autre  suite.  Humbert  II  se  tourna  vers  Philippe  de  Valois,  et  le  premier 
traité  de  transport  du  Dauphiné  à  la  couronne  de  France  fut  signé  le  2  3  février 
1343  '  ».  Trois  actes  (n°s  21,  23)  se  rapportent  à  cette  cession. 

Nous  ne  pouvons  pas  ici  faire  autre  chose  qu'indiquer  rapidement  les  pièces 
qui  ont  le  plus  vivement  attiré  notre  attention.  Ce  que  nous  venons  de  dire 
suffit  à  montrer  l'intérêt  exceptionnel  de  cette  publication  pour  l'histoire  pro- 
prement dite  comme  pour  l'histoire  du  droit  et  des  institutions.  M.  U.  C.  s'excuse 
de  n'avoir  pu  dresser  un  index  pour  des  documents  qui  sont  le  plus  souvent  une 
suite  de  noms  propres.  H  nous  semble  qu'il  aurait  pu  tout  au  moins  donner  une 
table  chronologique  des  documents.  Le  classement  analytique  donné  dans  la 
préface  (p.  vu)  est  trop  insuffisant.  Les  annotations  sont  pour  la  plupart  des 
variantes,  ou  des  observations  paléographiques  et  diplomatiques.  La  précision  et 
l'intérêt  des  notes  historiques  en  petit  nombre  ajoutées  par  l'auteur  font  regretter 
qu'elles  ne  soient  pas  plus  multipliées.  Mais  si  l'annotation  avait  glissé  dans  le 
commentaire,  le  volume,  déjà  gros,  aurait  pris  des  proportions  démesurées. 


202.  —  Deutsche  Puppenkomœdien ,  herausgegeben  von  Cari  Engel.  II.  Der 
Veriorene  Sohn.  Der  Raubritter  oder  Adelheid  von  Staudenbùhel,  —  III.  Don  Juan. 
Kœnig  Cyrus.  In-12.  Oldenburg,  Verlag  der  Schulzeschen  Buchhandlung.  1875.  — 
Prix  :  3  fr.  50. 

Les  pièces  à  marionnettes  ont,  pour  l'histoire  générale  du  théâtre  et  de  la  litté- 
rature, une  importance  incontestable  que  M.  Engel  s'est  attaché  encore  à  faire 

i.  P.  73. 


2  54  REVUE    CRITIQUE 

ressortir  dans  la  préface  de  son  second  volume.  Il  est  impossible  de  ne  pas  sous- 
crire aux  raisons  qu'il  apporte  et  de  ne  pas  reconnaître  avec  lui  que  ces  drames 
naïfs  prennent  rang,  bien  qu'un  peu  au-dessous,  à  côté  des  légendes  et  des  chan- 
sons populaires.  Aussi  ne  pouvons-nous  qu'encourager  le  nouvel  éditeur  à  conti- 
nuer la  publication,  commencée  par  lui  il  y  a  deux  ans  avec  le  Faust',  des  pièces 
à  marionnettes  allemandes  sous  leur  forme  traditionnelle  et  authentique. 

Les  quatre  drames  populaires  qui  remplissent  les  deux  volumes  que  nous 
annonçons  :  L'Enfant  prodigue,  le  Chevalier  Brigand  ou  Adélaïde  de  Sîaudenbiihel, 
Don  Juan  et  le  Roi  Cyrus,  se  recommandent  à  la  fois  par  l'importance  et  la  variété 
des  sujets.  L'enfant  prodigue  était  déjà  célèbre  au  xvi«  siècle,  et  on  attribue  à 
Shakspeare  un  remaniement  de  cette  légende,  traduit  et  joué  de  bonne  heure 
en  Allemagne,  et  qui  fut  une  des  pièces  favorites  de  Lessing.  Adélaïde  de 
Staudenbuhel  est  moins  connue  ;  mais  ce  drame  si  court  renferme  des  scènes 
pleines  de  naïveté  et  d'un  caractère  vraiment  national  et  allemand.  Avec  Don 
Juan,  au  contraire,  nous  retrouvons  un  sujet  cosmopolite  sous  son  origine  espa- 
gnole. L'importance  de  cette  légende  et  les  remaniements  dont  elle  a  été  l'objet 
delà  part  des  génies  les  plus  divers,  —  il  suffit  de  nommer  Molière  et  Mozart  — 
expliquent  assez  l'intérêt  qui  s'y  attache;  aussi  est-ce  avec  raison  que  M.  Engel 
en  a  suivi  les  transformations  nombreuses  depuis  Tirso  de  Molina  ;  la  pièce  popu- 
laire que  nous  avons  ici  ne  fait  pas  trop  mauvaise  figure  à  côté  de  celles  qui  l'ont 
précédée  et  inspirée;  le  personnage  de  Don  Juan  en  particulier  y  revêt  un 
caractère  de  cruauté  et  de  perversité  sauvage  qui  contraste  avec  celui  qui  lui  est 
attribué  d'ordinaire.  Quant  à  Cyrus,  «  roi  de  Perse,  »  cette  comédie,  dans  sa 
forme  essentiellement  simple  et  naïve,  nous  montre  sous  un  aspect  nouveau  le 
drame  populaire  allemand.  Tout  se  réunit  donc  pour  que  les  deux  volumes 
que  vient  de  publier  M.  Engel  soient,  comme  celui  qui  les  a  précédés,  les  bien- 
venus pour  tous  les  amis  du  théâtre  et  de  la  littérature  populaire. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  8  octobre  1875. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  communique  à  l'académie  :  i"  plusieurs 
documents  envoyés  par  M.  Cherbonneau  pour  la  commission  des  inscriptions 
sémitiques  ;  2°  un  projet  de  décret  sur  l'école  archéologique  de  Rome  (renvoyé 
à  la  commission  de  l'école  d'Athènes). 

M.  Le  Blant  commence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulée  :  Polyeucte  et  le  zèle 

I.  Voir  Revue  critique,  187$,  I,  p.  349. 


d'histoire  et  de  littérature.  255 

téméraire.  Selon  les  anciennes  lois  de  U  discipline  religieuse,  dit  M.  Le  Blant,  le 
Polyeucte  de  Corneille  n'aurait  point  été  reconnu  pour  un  martyr;  la  violence  à 
laquelle  il  se  livre  était  un  acte  formellement  réprouvé  par  l'église.  Aussi  n'est-ce 
point  dans  un  des  récits  que  l'on  tient  pour  authentiques,  comme  les  Acta  Sincera 
de  Ruinart,  que  Corneille  a  trouvé  la  donnée  de  sa  pièce,  mais  dans  une  légende 
sans  autorité.  M.  Le  Blant  cherche  comment  s'est  formée  cette  légende,  qui 
donne  un  acte  condamné  par  l'église  chrétienne  pour  une  œuvre  sainte  et  digne 
de  la  palme  du  martyre.  L'ancienne  église  n'admettait  un  nouveau  nom  sur  la 
liste  des  martyrs  qu'après  un  examen  préalable,  et  elle  en  refusait  le  titre  et  les 
honneurs  à  ceux  qui  avaient  désobéi  à  ses  lois.  Or  s'il  était  du  devoir  des  chré- 
tiens de  souffrir  la  persécution  avec  courage,  ils  ne  devaient  point  la  chercher. 
Il  n'y  avait  d'exception  que  pour  ceux  qui  avaient  faibli  une  première  fois  devant 
la  persécution  ;  ceux-là  pouvaient  se  réhabiliter  en  retournant  d'eux-mêmes  aux 
supplices.  A  tous  les  autres,  il  était  défendu  de  s'offrir  au  martyre  téméraire- 
ment, comme  de  s'y  refuser  lâchement.  Mais  les  chrétiens,  emportés  par  leur 
zèle,  n'obéissaient  pas  tous  à  cette  loi.  Il  y  avait  notamment  une  secte,  dite  des 
circoncellions,  dont  les  adhérents  pensaient  imiter  suffisamment  les  martyrs  s'ils 
faisaient  en  sorte  de  mourir  comme  eux  de  mort  violente,  de  quelque  façon  que 
ce  fût.  Les  uns  recouraient  au  suicide,  d'autres  se  faisaient  tuer  de  force  ou  à 
prix  d'argent.  Souvent  la  foule  honorait  ceux  qui  étaient  morts  ainsi  à  l'égal  des 
martyrs  reconnus  par  l'église. 

M.  Th.  H.  Martin  termine  la  lecture  de  son  mémoire  sur  les  hypothèses 
astronomiques  des  philosophes  grecs  qui  n'admettaient  pas  la  sphéricité  de  la 
terre  (v.  les  séances  des  5  et  12  février  1875,  Revue  critique,  1875, t.  ^  P-  i^^ 
et  126).  Il  expose  le  système  cosmogonique  et  cosmographique  d'Heraclite 
d'Éphèse  (v^  siècle  avant  notre  ère),  qui  lui  paraît  contenir  un  certain  nombre 
d'emprunts  au  système  d'Anaximandre.  Suivant  Heraclite  tous  les  corps  se 
composaient  d'une  même  substance,  susceptible  de  prendre  des  formes  diverses, 
et  le  monde  était  dans  un  état  de  transformation  perpétuelle.  Le  feu  et  l'eau 
n'étaient  point  des  éléments  distincts,  mais  deux  états  contraires  d'un  même 
élément.  Les  astres  étaient,  selon  Heraclite,  des  feux  alimentés  par  les  exhalai- 
sons des  eaux  de  la  mer,  et  contenus  dans  des  nacelles  obscures,  qui  les  empê- 
chaient de  s'enlever.  La  nuit  et  l'hiver  étaient  dus  à  des  diminutions  diurnes  et 
annuelles  des  exhalaisons  marines  qui  alimentaient  le  soleil,  les  éclipses  à  un 
retournement  accidentel  de  la  nacelle  de  cet  astre  ou  de  celle  de  la  lune.  — 
—  M.  Martin  expose  ce  système  dans  le  plus  grand  détail.  Il  conclut  ensuite, 
sur  l'ensemble  de  son  mémoire,  en  faisant  remarquer  combien  était  faible  la 
part  d'idées  vraiment  scientifiques  que  contenaient  les  spéculations  de  ces  philo- 
sophes. 

M.  Michel  Bréal  fait  une  lecture  sur  diverses  étymologies  de  mots  latins. 
Quelques-unes  de  ces  étymologies  lui  ont  été  suggérées  par  l'étude  des  dialectes 
italiques.  D'autres  sont  les  résultats  d'un  travail  entrepris,  sous  la  direction  de 
M.  Bréal,  par  la  conférence  de  grammaire  comparée  de  Pécole  pratique  des 
hautes  études,  qui  a  pour  but  de  rassembler  les  éléments  d'un  dictionnaire  éty- 


256  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

mologique  de  la  langue  latine.  Les  étymologies  exposées  par  M.  Bréal  à  cette 
séance  sont  les  suivantes  : 

1°  filius.  Ce  mot,  comme  on  l'a  déjà  remarqué,  signifie  proprement  nourris- 
son, et  il  est  parent  du  grec  0'/]Xy].  On  le  trouve  employé  au  sens  propre  en 
ombrien,  dans  les  tables  eugubines,  qui  mentionnent  parmi  les  animaux  désignés 
pour  servir  de  victimes  dans  les  sacrifices  des  sues  filios  ou  felios  et  des  sues 
gomias.  Les  premiers  sont  des  cochons  de  lait.  Les  sues  gomias  sont  des  porcs 
engraissés  ;  le  mot  se  retrouve  en  latin  sous  la  forme  gumîas  avec  Pacception 
dérivée  de  «  gourmand  »  :  on  en  a  deux  exemples  en  ce  sens,  tirés  de  Luci- 
lius.  —  Il  y  a  aussi  en  latin  quelques  mots  analogues  à  filius  où  l'acception 
primitive  s'est  conservée,  comme  felebris,  qui  désigne  un  animal  nourri  de  lait. 

2°  mensa.  Au  7^  livre  de  l'Enéide,  les  Troyens  à  la  fin  d^un  repas  mangent 
des  pains  qui  leur  avaient  servi  pour  poser  les  autres  mets,  et  ainsi  s'accomplit 
l'oracle  qui  avait  annoncé  qu'ils  mangeraient  jusqu'à  leurs  tables,  mensas.  La 
légende,  sous  cette  forme,  est  étrange,  et  sans  doute  quelque  peu  défigurée.  Les 
tables  d'Iguvium  semblent  en  fournir  l'explication.  Parmi  divers  genres  de 
gâteaux,  elles  en  mentionnent  un  appelé  mefa.  Or  en  ombrien  «5 devient  souvent 
/.  La  forme  latine  correspondante  serait  donc  mensa.  M.  Bréal  pense  que  dans 
la  légende  primitive  l'oracle  contenait  un  jeu  de  mots  :  il  semblait  parler  de 
tables,  mensae,  mais  c'était  des  gâteaux  du  même  nom  qu'il  fallait  entendre. 

3"  inîerpres.  M,  Curtius  a  rapproché  la  seconde  partie  de  ce  m.ot  du  grec 
çpdc^fo,  parler,  mais  ce  rapprochement  ne  convient  ni  pour  la  forme,  ni  pour  le 
sens.  Par  inîerpres  on  entendait  autrefois  non-seulement  celui  qui  parle  pour  un 
autre,  mais  toute  espèce  d'intermédiaire.  M.  Bréal  pense  qu'à  l'origine  ce  mot 
a  dû  signifier  un  courtier  de  commerce^  et  que  dans  la  dernière  syllabe  il  faut 
reconnaître  la  racine  pra  ou  par,  vendre,  qui  se  trouve  en  grec  dans  TriTrpaoxw 
et  en  latin  dans  preîium. 

4°  carmen.  M.  Bréal  rapproche  ce  mot  du  sanskrit  çasman,  invocation  (de  la 
racine  çahs^  réciter,  prononcer  des  formules).  Le  latin  a  changé  Vs  en  r  comme 
dans  ueternus  de  uetus,  diurnus  de  dius^  etc.  Le  sens  propre  de  carmen  est 
«  formule  »  et  non  «  poème  >),  comme  M.  Bréal  le  montre  par  divers  exemples. 

Ouvrage  dépose  :  L.  Lèques,  Histoire  de  la  gendarmerie,  Paris,  1874,  in-8'.  —  Pré- 
senti  de  la  part  de  l'auteur  par  M.  Desjardins  :  Ch.  Clermont  Ganneau,  Observations 
sur  quelques  points  des  côtes  de  la  Phénicie  et  de  la  Palestine. 

Julien  Havet. 


ERRATA. 


N°  41 .  P.  228,  1.  1 3,  rétablir  le  mot  littéraire  après  l'histoire.  —  Ibid.  note  i , 
3,  lisez  AIASKEfll^EL 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


Literarisches  Centralbîatt,  n°  39>  ^5  septembre.  Bôhringer,  Die  alte 
Kirche.  7.  Theil  :  Das  vierte  Jahrhundert.  I.  Basilius  von  Câsarea.  2.  Aufl. 
Stuttgart,  Meyer  u.  Zeller.  In-8",  viij-184  p.  (la  valeur  de  l'ouvrage  de  Bôhringer 
n'est  plus  à  établir).  —  Albert,  Spinoza's  Lehre  ùber  die  Existenz  Einer 
Substanz.  Dresden,  Pierson.  In-8°,  41  p.  (broch.  de  vulgarisation). — Von 
Hartmann,  Wahrheit  und  Irrthum  im  Darwinismus.  Berlin,  Duncker.  In-8°, 
177  p.  (examen  approfondi).  —  Lieblein,  Index  zum  Todtenbuche.  Christiania. 
Leipzig,  Hinrichs  (cette  publication  sera  accueillie  avec  reconnaissance  par  les 
égyptologues).  —  Ferrai,  1  dialoghi  di  Platone.  Vol.  I.  Padova(le  besoin  d'une 
traduction  nouvelle  de  Platon  se  faisait  sentir  depuis  longtemps  en  Italie;  la 
présente  traduction  y  répondra). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  32,  7  août.  Delitzsch  (Franz),  Jésus  und 
Hillel.  3.  Aufl.  Erlangen,  Deichert.  In-8",  44  p.  (C.  Siegfried).  —  Hegel, 
Die  Chronik  des  Dino  Compagni.  Versuch  einer  Rettung.  Leipzig,  Hirzel.  In-8*^, 
viij-ii2  p.  (0.  Hartwig).  —  Hillebrand,  Zeiten,  Vœlker  und  Menschen. 
Bd.  2  :  Waelsches  und  Deutsches.  Berlin,  Oppenheim.  In-8'\  xij-463  p.  (Wilhelm 
Bernhardi).  —  Fahne,  Livland.  Dûsseldorf,  Schaub'sche  B.  In-8°,  240  p. 
(Konst.  Hôhlbaum).  —  Busolt,  Der  zweite  athenische  Bund  und  die  auf  der 
Autonomie  beruhende  hellenische  Politik  von  der  Schlacht  von  Kidnos  bis  zum 
Frieden  des  Eubulos.  Leipzig,  Teubner.  In-8%  223  p.  (H.  Gelzer).  — Plotin's 
Abhandlung  r.tpl  ^swpi'aç.  Unters.,  ûbers. ,  und  erlaeut.  v.  H.  Fr.  Mùller. 
Berlin,  Weidmannsche  B.  In-4°,  50  p.  (Richard  Volkmann).  —  Juliani  impera- 
toris  quae  supersunt  praeter  reliquias  apud  Cyrillum  omnia.  Recens.  Hertlein. 
Vol.  L  Lipsiae,  Teubner.  jn-8°,  vij-432  p.  (A.  Eberhard).  —  T.  Macci  Plauti 
Trinummus,  recens.  Spengel.  Berolini,  apud  Calvary.  In-S**,  xvj-$8  p.  (Georg 
Gœtz). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 

DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Architecture  de  la  Renaissance.  I.  Le 
château  de  Blois,  ensembles  et  détails, 
sculpture  ornementale,  décorations  pein- 
tes, cheminées,  tentures,  plafonds,  carre- 
lages (extérieur  et  intérieur).  Texte  his- 
toriçiue  et  descriptif,  i  et  2.  In-fol.  8  pi. 
Paris  (Ducher  et  C'). 

Backer  (L.  de).  Bidasari,  poème  malais, 
précédé  des  traditions  poétiques  de  l'Orient 
et  de  l'Occident.  In-S»,  272  p.  Paris 
(Pion  et  C-). 

Cartulaire  du  chapitre  de  l'église  cathé- 
drale de  Notre-Dame  de  Nîmes,  publié  et 
annoté  par  E.  Germer- Durand.  In-8% 
clxij-402  p.  Nîmes  (Catelan). 


Castets  (F.).  Eschine,  étude  historique  et 
littéraire.  In-8*,  xlij-191  p.  Paris  (Tho- 
rin). 

Cauvet  (E.).  Étude  historique  sur  Fon- 
froide,  abbaye  de  l'ordre  de  Citeaux  si- 
tuée dans  le  diocèse  et  le  vicomte  de 
Narbonne  (de  1093  à  1790).  In-8*,  xvj- 
624  p.  Paris  (Durand  et  Pedone-Lau- 
riel). 

Ghampagny  (de).  Études  sur  l'empire 
romain.  T.  7.  Les  Antonins,  ans  de  J.-C. 
69-180.  Suite  des  Césars  et  de  Rome  et 
la  Judée.  3*  édit.  revue  et  augmentée. 
T.  I  et  2.  In-8°  et  in- 18  Jésus,  xj-933  p. 
Paris  (Bray  et  Retaux). 


Gherest  (A.).  Les  faïences  de  l'Auxerrois. 
In-8',  63  p.  et  pi.  Auxerre  (imp.  Perri- 
quet). 

Devic  (G.)  et  Vaissette  (J.).  Histoire 
générale  du  Languedoc,  avec  des  notes 
et  des  pièces  justificatives.  Edit.  accomp. 
de  dissertations  et  de  notes  nouvelles, 
contenant  le  recueil  des  inscriptions  de  la 
province  antique  et  du  moyen  âge,  des 
planches,  des  cartes  géographiques  et 
des  vues  de  monuments,  publiée  sous  la 
direction  de  M.  E.  Dulaurier,  annotée 
par  MM.  E.  Mabille  et  E.  Barry,  conti- 
nuée jusques  en  1 790  par  M.  E.  Roschach. 
T.  i"  (2*  partie).  In-4',  p.  161-1290. 
Paris  (Picard). 

Du  Fresne  de  Beaucourt  (G.). 
Gharles  VII,  son  caractère.  2«  partie, 
p.  181-224.  In-80.  Paris  (Palmé). 

Feraud  (R.).  La  Vida  de  Sant  Honorât, 
légende  en  vers  provençaux.  Publiée  pour 
la  première  fois  en  son  entier  par  les  soins 
et  aux  frais  de  la  Société  des  lettres, 
sciences  et  arts  des  Alpes-Maritimes,  avec 
de  nombreuses  notes  explicatives  par 
M.  A  L.  Sardou.  In-8«,  xx-2i4p.  Nice 
(imp.  Gaisson  et  Mignon). 

Hartmann  (E.  v.).  Die  Selbstzersetzung 
des  Ghristenthums  und  die  Religion  der 
Zukunft.  2.  Aufl.  In-8*,  xvj-122  S.  Ber- 
lin (Duncker),  4  fr. 

Haussonville  (d').  Sainte-Beuve,  étude 
biographique.  In-8*,  127  p.  Paris  (imp. 
Glaye). 

Kuenen  (A.).  Les  origines  du  texte  ma- 
soréthiquedel'Ancien  Testament.  Examen 
critique  d'une  récente  hypothèse.  Traduit 

■  du  hollandais  par  A.  Garrière.  In-8*, 
viij-^3  p.  Paris  (Leroux). 

Laisnel  de  La  Salle.  Groyances  et 
légendes  du  centre  de  la  France.  Souve- 
nirs du  vieux  temps,  coutumes  et  tradi- 
tions populaires  comparées  à  celles  des 
peuples  anciens  et  modernes.  Avec  une 
préface  de  G.  Sand.  2  vol.  in-8®,  xxv- 
748  p.  Paris  (Ghaix  et  G®).  12  fr. 

X'Espine.  La  Macette  du  sieur  de  L'Es- 
pine,  poème  satirique  publié  d'après  le 
nouveau  recueil  des  plus  beaux  vers  de 
ce  temps  (Paris  1 609)  ;  avec  une  intro- 
duction par  E.  Gourbet.  In- 12,  xxxiij- 
25  p.  Paris  (Lemerre).  3  fr.  50 

I^uther.  La  Conférence  entre  Luther  et  le 
Diable  au  sujet  de  la  messe,  racontée  par 
lui-même.  Traduction  nouvelle  en  regard 


du  texte  latin  par  J.  Liseux  avec  les  re- 
marques et  annotations  des  abbés  de  Gor- 
demoy  et  Lenglet-Dufresnoy.  Frontispice 
gravé  à  l'eau-forte  par  J.  Amiot.  In- 18, 
viij-93  p.  Paris  (5,  rue  Scribe).       4  fr. 

Ordonnance  faicte  pour  les  funérailles 
célébrées  à  Paris,  le  24  avril  1498,  pour 
l'enterrement  du  corps  du  bon  roy 
Gharles  huytiesme,  que  Dieu  absoille, 
avec  son  épitaphe  et  la  piteuse  complainte 
de  Dame  Chrestienté,  suivant  les  éditions 
imprimées  en  1498.  Précédée  d'une  in- 
troduction par  A.  Franklin.  ^-8",  92  p. 
Paris  (Techener). 

Peigné-Delacourt.Topographie  archéo- 
logique des  cantons  de  la  France.  Dépar- 
tement de  l'Oise,  arrondissement  de  Gom- 
piègne,  canton  de  Ribécourt.  In-8',  x- 
123  p.,  3  cartes  et  37  vign.  Noyon  (imp. 
Andrieux). 

Saint -Marc  Girardin.  Jean -Jacques 
Rousseau ,  sa  vie  et  ses  ouvrages.  Avec 
une  introduction  par  M.  E.  Bersot.  2  vol. 
in-18  Jésus,  lvij-744  p.  Paris  (Charpen- 
tier et  G«).  7  fr. 

Saint-Simon  (duc  de).  Mémoires,  publiés 
par  MM.  Gheruel  et  A.  Régnier  fils,  et 
collationnés  de  nouveau  pour  cette  édition, 
sur  le  manuscrit  autographe,  avec  une 
notice  de  M.  Sainte-Beuve.  T.  18.  In- 18 
Jésus,  490   p.    Paris  (Hachette  et  G*), 

3  fr-  jo 

Schmidt  (E.).  Richardson,  Rousseau  u. 
Gœthe.  Ein  Beitrag  zur  Geschichte  des 
Romans  im  18.  Jahrh.  In-8°,  viij-331  S. 
lena  (Frommann).  8  fr. 

Smith  and  Grove's  Historical  Atlas  of 
Ancient  Geography,  Biblical  and  Glassical. 
Part  J.  In-fol.  London  (Murray).  26 f.  25 

S-wiécicki  (P.).  DiemenschlicheSprache, 
ihre  Bildung  u.  ihr  ursprùnglicher  Bau. 
In-8°,  106  S.  Leipzig  (Kasprowicz).  4/. 

Tableau  des  crimes  du  comité  révolution- 
naire de  Moulins,  chef-lieu  du  départe- 
ment de  l'Allier,  et  des  citoyens  de  Mou- 
lins, membres  de  la  commission  tempo- 
raire de  Lyon.  ^-8°,  60  p.  Moulins  (imp. 
Desrosiers). 

Talbot  (E.).  Histoire  romaine.  Petit  in- 
12,  viij-234  p.  Paris  (Lemerre).  2  fr.  50 

"Wallon  (H.).  Saint  Louis  et  son  temps. 
2  vol.  in-S*,  xxxvj-1056  p.  Paris  (Ha- 
chette et  G*).  15  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N°  43  Neuvième  année.  23  Octobre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 


Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

F.    VIEWEG,    LIBRAIRE-ÉDITEUR, 
LIBRAIRIE  A.   FRANCK, 

67,   rue    RICHELIEU. 


Pour  paraître  très-prochainement  : 

LES  TABLES   EUGUBINES 

TRADUCTION,    COMMENTAIRE,    GRAMMAIRE 
ET   INTRODUCTION    HISTORIQUE, 

PAR 

M.  M.   BRÉAL, 

Professeur  au  Collège  de  France ,  directeur-adjoint  à 

l'École  des  Hautes-Études. 

Un  fort  volume  gr.  in-S"  de  28  à  30  feuilles  d'impression  accompagné  d'un 
album  petit  in-f°  contenant  le  fac-similé  des  tables  Eugubines.  1 3  planches 
gravées. 


iTiRO  auvaj^ 


The  Academy,  n*  178,  new  séries,  2  octobre.  Mansel,  The  Gnostic  Hérésies 
of  the  First  und  Second  Centuries.  London,  Murray  (G.  A.  Simcox  :  à  certains 
égards  l'ouvrage  de  Mansel  est  supérieur  à  la  partie  correspondante  de  Pouvrage 
de  Matter).  —  The  Works  of  Ben  Jonson,  with  Notes  Critical  and  Explanatory, 
and  Biographical  Memoir.  By  W.  Gifford.  With  Introduction  and  Appendices 
by  Lieut.-Col.  F.  Cunningham.  In  nine  vol.  London,  Bickers  and  Son  (J.  A. 
Symonds  :  appréciation  défavorable  de  cette  réimpression  de  l'édition  de  181 6). 
—  The  Library  Atlas.  London  and  Glasgow,  Collins,  Sons,  and  Go.  (G.  W. 
BoASE  :  cent  cartes,  bien  faites,  de  géographie  moderne,  historique  et  classique, 
avec  introductions  soignées).  —  Ficker,  Forschungen  zur  Reichs-  und  Rechts- 
geschichte  Italiens.  4  Bde.  Innsbruck,  Wagner  (A.  de  Reumont,  i^""  article  : 
on  peut  reprocher  à  l'auteur  de  donner  une  collection  de  matériaux  plutôt  qu'une 
histoire  suivie).  —  The  late  D''  Bleek  (A.  H.  Sayce).  —  Correspondence.  Michel 
Angelo's  «  Greation  of  Adam  »  (William  B.  Scott:  réclame  la  priorité  d'une 
idée  émise  par  M.  Richter  dans  un  article  de  la  Zeiîschr.  fur  hildende  Kunst  sur 
lequel  M.  Higgins  a  appelé  l'attention  dans  V Academy  du  18  septembre).  — 
Cypriote  Inscriptions  (Isaac  H.  Hall  :  rétablit  deux  mots  cypriotes  que  V Aca- 
demy du  2  $  sept,  avait  omis  dans  le  spécimen  qu'elle  a  publié  du  déchiffrement 
par  lui  de  quelques  inscriptions  de  la  collection  Gesnola).  —  Shakspere 
and  Queen  Elizabeth's  Favourites  (F.  J.  Furnivall).  —  Lenormant,  La  langue 
primitive  de  la  Chaldée  et  les  Idiomes  Touraniens.  Paris,  Maisonneuve  (A.  H. 
Sayce  :  est  d'avis  que  cet  ouvrage  fera  époque  dans  la  science,  et  qu'il  fixe 
définitivement  la  place  que  doit  occuper  l'idiome  accadien  dans  les  langues  tou- 
raniennes).  —  More  Fragments  of  the  Sculptures  of  the  Parthenon  (G.  T. 
Newton). 

The  Athenœum ,  n*  2$oi,  2  octobre.  Registrum  Palatinum  Dunelmense. 
Ed.  by  sir  T.  D.  Hardy.  Vol.  III.  Longmans  and  Go.  (on  regrette  que  l'éditeur, 
qui  fait  preuve  de  tant  de  science  et  de  talent,  n'ait  pas  dirigé  ses  efforts  vers  la 
publication  d'un  ouvrage  historique  d'un  intérêt  plus  général).  —  Watkiss  Lloyd, 
The  Age  of  Pericles.  2  vols.  Macmillan  and  Go.  (ouvrage  d'un  rare  mérite,  mais 
d'un  style  déplorable).  —  Geltic  or  Gaelic  Words  in  Shakspeare  and  his  Gon- 
temporaries.  I  (Charles  Mackay  :  range  les  mots  par  ordre  alphabétique  et  cite 
les  passages  o\i  ils  se  rencontrent).  —  Miscellanea.  Shakspeare  Emendations  : 
Sensé  and  Motion  (B.  Nicholson).  —  Rather  (G.  P.  Mason  :  autorise  avec  raison 
l'emploi  de  rather  suivi  de  a,  comme  dans  «  that  is  rather  a  droU  remark  »). 

liiterarisches  Centralblatt,  n"*  40,  2  octobre.  Kôhler,  Lehrbuch  der 
biblischen  Geschichte  Alten  Testamentes.  i .  Haelfte.  Erlangen ,  Deichert.  In-8", 
vj-498  p.  (parle  choix  et  l'agencement  des  matériaux  ce  manuel  sera  très-utile, 
bien  que  l'auteur  s'écarte  souvent  des  principes  de  la  critique  moderne).  — 
ZscHOKKE,  Das  Buch  Job  ùbersetzt  und  erkl.  Wien,  Braumùller.  In-8°,  xxvj- 
334  p.  (bonne  compilation  des  travaux  les  plus  récents;  la  correction  typogra- 
phique ne  laisse  rien  à  désirer,  non  plus  que  l'agencement  des  matières).  —  De 
GoEJE,  Bijdrage  tôt  de  Geschiedenis  der  Zigeuners  (cf.  Rev.  crit.,  1875,  I, 
p.  321).  —  EwALD,  Die  Eroberung  Preussens  durch  die  Deutschen.  2.  Buch. 
Halle,  B.  d.  Waisenhauses.  In-8",  ix-337  p.  (décrit  le  premier  soulèvement  des 
Prussiens  et  les  combats  contre  Swantopolk).  —  Meunier,  Les  ancêtres  d'Adam. 
Paris,  Rothschild.  ^-8*»,  xviij-282  p.  (cet  ouvrage  est  un  panégyrique  de 
Boucher  de  Perthes).  —  Kuhl,  Die  Anfaenge  des  Menschengeschlechts.  i .  Theil. 
Bonn,  Habicht.  In-8%  266  p.  (sans  valeur).  —  Levy,  Neuhebraeisches  und 
chaldaeisches  Wœrterbuch.  Nebst  Beitr.  von  Fleischer.  3  Bde  in  12-1$  Lief. 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  43  —  23  Octobre  —  1875 

Sommaire  :  205.  Pierret,  Vocabulaire  hiéroglyphique,  fasc.  I.  —  204.  Ki^er,  La 
Langue  de  Juvénal"  —  205.  Ayer,  Phonologie  de  la  langue  française;  Scheler, 
Exposé  des  lois  qui  régissent  la  transformation  française  des  mots  latins.  —  206.  De 
Godefroy-Ménilglaize,  Les  savants  Godefroy,  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des 
inscriptions. 


203.  —  Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant  les  mots  de  la  langue,  les  noms 
géographiques,  divins,  royaux  et  historiques,  classés  alphabétiquement  par  Paul  Pierret, 
conservateur-adjoint  des  Antiquités  égyptiennes  au  Musée  du  Louvre,    i"  fascicule. 
\:    In-8%  ij-8o  p.  1875.  Paris,  Franck.  —  Prix  :  6  fr. 

.  Le  Dictionnaire  et  la  Grammaire  de  Birch  font  partie  d'un  ouvrage  qui  coûte 
près  de  deux  cents  francs;  le  Dictionnaire  de  Brugsch  vaut  de  cinq  cents  à  six 
cents  francs  :  ce  sont  là  des  prix  bien  faits  pour  décourager  l'étudiant  et  em- 
pêcher le  recrutement  du  personnel  égyptologique.  M.  Pierret  a  voulu  mettre  à 
la  disposition  de  tous  un  manuel  commode  et  surtout  à  bon  marché  qui  permît  aux 
commençants  d'aborder  directement  les  textes  et  servît  jusqu'à  un  certain  point 
de  complément  aux  Dictionnaires  publiés  jusqu'à  ce  jour.  Il  a  mis  dans  son 
Vocabulaire  non-seulement  les  mots  déjà  classés  par  Champollion,  par  Birch, 
par  Brugsch  et  par  Chabas,  non-seulement  les  noms  royaux,  géographiques  et 
divins,  mais  encore  tous  les  mots  nouveaux  qu'il  a  rencontrés  au  cours  de  ses 
études,  tous  ceux  qu'il  a  trouvés  épars  dans  les  travaux  des  différents  égypto- 
logues.  Son  recueil  sera  évidemment  ce  qu'il  y  a  de  plus  complet  dans  l'espèce. 

M.  P.  n'a  pu  cependant  ni  tout  contrôler,  ni  tout  relever  : 

I"  i4AF  (p.  12,  mot  5)  est  traduit  d'après  Devéria  prix,  récompense.  Il  signifie 
tordre,  tresser ,  faire  la  corde  (Denkm.  II,  126)  et  se  rattache  à  une  racine  *  AF, 
qui  donne  ^AF,  UAF  et  par  adjonction  de  N,  ÀFEN,  AfENI,  ÂFENN^. 

2°  Je  prends  dans  mes  notes  un  certain  nombre  de  mots  qui  paraissent  avoir 
échappé  à  l'attention  de  M.  Pierret  et  de  ses  devanciers. 

AH,  s'extasier  (Mariette,  Denderah,  I,  19,  ^  4). 

ATES,  espèce  de  fleur  {Anastasi  III,  2,  1.  3-4). 

/IPT,  condamner  [Anastasi  II,  6,  1.  $-6). 

i4MMTI,  ceux  qui  habitent  le  tombeau  (.?)  (Mariette,  Monuments  divers,  I,  57 

;l  s-6). 

UM-hAt-U,  ancêtres  (ChampolHon,  Notices  II,  51). 

i4MAT,  bouquetin  fauve,  femelle  (Champollion,  Notices  II,  360). 
f]4HTI,  gosier  {Papyrus  de  Boulaq,  I,  10,  1.  21). 
]i0^h  pâteux,  épais,  visqueux  (Papyrus  de  Boulaq,  pi.  8,  1.  20;  pi.  10, 

[caA,  taureau  (.Denkm.  II,  131). 


2  $8  REVUE  CRITIQUE 

ÂA,  affirmer  {Papyrus  de  Berlin^  I,  145). 

ÂRUI,  pousse  de  palmier  (Papyrus  de  Boulaq,  I,  12,  1.  5). 

ATAL,  potier,  mouleur  (Mariette,  Denderah,  I,  28,  4^  règ.  1.  7). 

On  voit  par  le  petit  nombre  des  rectifications  et  des  additions  combien  peu  le 
travail  de  M.  Pierret  laisse  à  désirer.  J'espère  qu'il  sera  terminé  le  plus  promp- 
tement  possible  et  sera  assez  peu  coûteux  pour  ne  pas  décourager  les  étudiants 
de  bonne  volonté  mais  de  bourse  légère. 

G.  Maspero. 


204.  —  Sermonem  D.  Junii  Juvenalîs  certis  legibus  astrictum  ex  accurata  inqui- 
sitione  locorum  atque  interpretatione  demonstrare  conatus  est  Ludoiphus  0.  Ki/ER. 
Hauniae,  Hoest.  1875.  ^""^'^  241  p.  —  Prix  :  6  fr. 

M.  Kiaer  traite  d'abord  des  particularités  de  la  métrique  de  Juvénal,  ensuite 
de  celles  qu'offre  sa  langue  dans  l'ordre  des  mots ,  l'emploi  des  conjonctions 
copulatives,  l'ellipse,  l'interrogation,  l'infinitif,  l'impératif  et  le  participe,  l'accord 
du  sujet  et  de  l'attribut,  les  changements  de  nombre,  de  sujet,  de  temps  et  de 
mode,  les  cas,  les  tropes  ;  il  termine  par  une  liste  des  mots  grecs  employés  par 
Juvénal. 

M.  K.  n'a  pas  suffisamment  cherché  à  interpréter  les  faits  qu'il  a  rassemblés 
et  dont  bon  nombre  s'expliquent  par  le  genre  de  poésie  que  Juvénal  a  cultivé  et 
par  la  manière  dont  il  le  comprenait.  La  satire  était  un  genre  qui  se  rapprochait 
du  ton  de  la  conversation,  sermoni  propiora,  comme  dit  Horace;  et  c'est  ce  qui 
explique  pourquoi  la  langue  et  la  métrique  de  Virgile  sont  fort  différentes  de 
celle  de  Juvénal  :  d'autre  part  Juvénal  mettait,  comme  Perse  lui  en  avait  d'ail- 
leurs donné  l'exemple,  plus  d'imagination  poétique  dans  la  satire  qu'Horace, 
dont  le  ton  est  beaucoup  plus  familier.  Il  faut  tenir  compte  aussi  des  exigences 
de  la  métrique,  quand  on  étudie  la  langue  d'un  poète.  Si  Juvénal  a  toujours  em- 
ployé famé,  et  les  noms  propres  grecs  en  e^  Migale,  Thymele,  Tisiphone  de  telle 
sorte  que  leur  dernière  syllabe  soit  la  première  d'un  pied,  il  n'a  pas  suivi 
(c  certam  regulam;  »  il  ne  pouvait  pas  les  placer  autrement  dans  un  hexamètre. 
Enfin  le  hasard  est  pour  beaucoup  dans  la  fréquence,  la  rareté  ou  l'absence  d'un 
mot,  d'une  locution,  d'un  tour.  Je  ne  puis  voir  que  quelque  chose  de  purement 
fortuit  dans  le  fait  que  Juvénal  n'emploie  necjue  que  sept  fois,  et  met  nec  partout 
ailleurs;  il  faut  songer  que  nous  n'avons  que  3  588  vers  de  Juvénal  ».  Dans  l'en- 
semble la  langue  de  Juvénal  n'offre  pas  de  particularités  caractéristiques,  et  je 
ne  vois  rien  d'important  à  conclure  des  faits  rassemblés  par  M.  K. 

Les  parties  de  l'ouvrage  où  M.  K.  a  proposé  une  interprétation  nouvelle  ou 
défendu  une  interprétation  ancienne  de  bon  nombre  de  passages  de  Juvénal  me 
paraissent  meilleures.  Je  ne  puis  être  de  son  avis  sur  quelques-unes;  et  pour 


I .  A  plus  forte  raison  quand  il  s'agit  de  Perse,  qui  n'a  que  664  vers,  ne  peut-on  rien 
conclure  de  l'absence  ou  de  la  rareté  d'une  locution. 


ï 


d'histoire  et  de  littérature.  259 

commencer  par  cette  partie  désagréable  de  ma  tâche,  je  ne  saurais  approuver  la 
manière  dont  M.  K.  ponctue  et  explique  (p.  20-22)  les  vers  (XI,  21-23)  • 

Refert  ergo  quis  hase  eadem  paret  ;  in  Rutilo  nam 
Luxuria  est,  in  Ventidio  laudabile  nomen 
Sumit  et  a  censu  famam  trahit. 

Il  sépare  «  laudabile  nomen  »  de  «  sumit  »  et  le  construit  comme  attribut  de 
«  est  »  opposé  à  «  luxuria,  »  ce  qui  semble  forcé  et  inutile;  mais  il  a  raison  de 
trouver  le  sujet  de  «  est  »,  «  sumit  »  dans  «  quis  haec  eadem  paret  »  où  il  est 
en  effet  contenu,  «eadem  agendi  ratio.  »  Heinrich  (qui,  pour  le  dire  en  passant, 
est  un  fort  médiocre  interprète)  a  eu  tort  de  voir  une  tautologie  dans  «  laudabile 
i....  trahit,  »  qui  est  une  manière  de  s'exprimer  très-familière  aux  poètes  latins. 
'—  Dans  XI,  86  et  suivants,  M.  K.  met  une  virgule  après  (89)  «  ligonem  »,  et 

rattache  à  ce  qui  précède  «  quum  tremerent  autem  tout  en  conservant 

«  autem,  »  ce  qui  pour  moi  est  absolument  inintelligible.  —  Dans  VI,  87-90  : 

«  Et  quando  uberior  vitiorum  copia?  quando 
Maior  avaritiae  patuit  sinus.?  Aléa  quando 
Hos  animes.?  Neque  enim  locuiis  comitantibus  itur 
Ad  casum  tabulae,  posita  sed  luditur  arca.  » 

M.  K.  sous-entend  «  habuit  »  avec  «  hos  animos  »  en  Pextrayant  de  «  quando 

))  maior  avaritiae  patuit  sinus  »  qui  serait  l'équivalent  de  «  quando  avaritia  sinum 

»  maiorem  habuit.  »  Ne  serait-il  pas  plus  simple  de  sous-entendre  «  sustulit  » 

que  le  sens  impose  pour  ainsi  dire  à  l'esprit?  —  Dans  la  satire  VIII  après  avoir 

invectivé  contre  les  rapines  des  gouverneurs  de  provinces,  Juvénal  ajoute  (121- 

^24)  : 

Curandum  imprimis,  ne  magna  injuria  fiât 

.:^^     __,  Fortibus  et  miseris.  Tollas  licet  omne  quod  usquam  est 

«^  '■    '';^  ''"    ■    "  Auri  atque  argenti  :  scutum  gladiumque  relinques 
BO'jM'yfîxe  ?ob  !  Et  jacula  et  gaieam  :  spoliatis  arma  supersunt. 

M.  K.  croit  que  le  poète  a  voulu  dire  :  «  il  faut  prendre  garde  de  maltraiter  des 
»  populations  braves  et  de  leur  laisser  leurs  armes;  »  et  il  paraphrase  ainsi  : 
«  tollas  licet  aurum  atque  argentum,  si  scutum,  gladium,  jacula  reliqueris,  arma 
»  iis  supersunt,  et  his  armis  injuriam  ulcisci  conabuntur.  »  Il  préfère  la  leçon 
relincjuas  de  quelques  manuscrits.  Il  y  a  une  sorte  de  naïveté  à  dire  :  «  si  oh  leur 
»  laisse  leurs  armes,  il  leur  restera  des  armes.  »  Le  poète  a  voulu  dire  évidem- 
ment :  «  on  a  beau  leur  enlever  leur  or  et  leur  argent ,  on  leur  laissera  le  fer 
»  avec  lequel  ils  peuvent  fabriquer  des  armes.  »  La  confection  des  armes  de 
guerre  était  alors  chose  moins  compliquée  qu'aujourd'hui.  —  Dans  les  vers  (VI, 
535-541),  dont  Madvig  a  rectifié  le  premier  la  ponctuation, 

Ille  petit  veniam,  quoties  non  abstinet  uxor 
Concubitu  sacris  observandisque  diebus, 
Magnaque  debetur  violato  poena  cadurco. 
Et  movisse  caput  visa  est  argentea  serpens. 
Illius  lacrimae  meditataque  murmura  praestant, 
Ut  veniam  culpae  non  abnuat  ansere  magno 
Scilicet  et  tenui  popano  corruptus  osiris. 

M.  K.  pense  avec  raison  que  les  propositions  «  ille »   «  illius »  se 


I 


rapportent  au  même  fait,  et  qu'il  ne  faut  pas  de  point  après  «  serpens  ;  »  et  du 
reste  Hermann  avait  déjà  mis  un  point  et  virgule.  Mais  il  se  trompe  quand  il 
explique  ainsi  la  suite  des  idées  «  quoties  uxor  concubitu  non  abstinet,  ille  veniam 

»  petit,  et  si  magna  poena visa  est,  illius  lacrimae  praestant  .....  »  Il  me 

paraît  évident,  comme  le  propose  ensuite  M.  K.  lui-même  (140-141),  que  les 

vers  5  57-$?8  «  magnaque serpens»  dépendent  de  «quoties,»  et  désignent 

les  prodiges  par  lesquels  le  dieu  manifeste  sa  colère  ;  mais  je  ne  vois  pas  la  nécessité 
de  mettre  alors  un  point  après  «petit  veniam.  »  —  Dans  la  satire  VI,  Juvénal  par- 
lant des  inconvénients  qu'il  y  a  à  être  marié  à  une  femme  belle  et  honnête,  mais 
orgueilleuse  comme  Cornélie  ou  Niobe,  ajoute  (178-185)  :  .  ;>uv' 

Quae  tanti  gravitas,  quae  forma,  ut  se  tibi  semper  '-^^"^ 

cn:;^  ^;:!.  Impulet?  Huius  enim  rari  summique  voluptas  ibni 

Nuila  boni,  quoties  anime  corrupta  superbo^ 
*^"  Plus  aloes  quam  mellis  habet.  j    ''  "'■',  *'''' 

C'est  à  tort  que  M.  K.  abandonne  l'explication  donnée  par  Ruperti  et  adoptée 
par  les  autres  commentateurs.  Il  entend  par  «  gravitas  »  la  fécondité  de  la 
femme,  prend  «  tibi  »  pour  une  apostrophe  à  l'épouse  orgueilleuse,  et,  ne  tenant 
aucun  compte  (je  ne  sais  pourquoi)  de  «  semper,  »  il  commente  «  se  tibi  im- 
»  putet  »  par  «  tuam  contumaciam  atque  superbiam  ferat,  »  ce  que  je  ne  puis 
comprendre.  Il  ne  me  paraît  pas  douteux  qu'il  ne  faille  sous-entendre  l'idée  de 
«  morum  »  avec  «  gravitas,  »  que  ces  abstractions  ne  soient  le  sujet  de  «  im- 
))  putet,  »  que  «  tibi  »  ne  se  rapporte  au  mari,  et  que  «  imputare  »  ne  doive  être 
pris  dans  le  sens  qu'il  a  très-souvent  chez  les  écrivains  de  ce  temps,  «  mettre 
»  sur  le  compte  d'un  autre  une  chose  comme  un  bienfait  dont  il  doit  vous  être 
»  reconnaissant;  »  par  exemple  dans  Tacite  TG^r/nart.  21)  «  Gaudent  muneribus, 
»  sed  nec  data  imputant,  nec  acceptis  obligantur.  »  —  Dans  VI,  444-446, 

Imponit  finem  sapiens  et  rébus  honestis;  Ad. 

Nam  quae  docta  nimis  cupit  et  facunda  videri 
'^^     -'  ''  Crure  tenus  medio  tunicas  succingere  débet, 

;     ^    ,  Caedere  Sylvano  porcum,  quadrante  lavari 

la  conjonction  «  nam  »  ne  me  semble  pas  employée  elliptiquement ,  par  forme 

de  prétermission  comme  elle  l'est  souvent  :  «  je  ne  parle  pas  de car  »  elle 

indique  la  cause  pour  laquelle  une  femme  raisonnable  garde  une  certaine  mesure 

dans  la  science  et  l'instruction;  car  celle  qui  n'en  garde  pas  n'est  plus  une 

femme.  —  Dans  la  satire  VI,  Juvénal  parlant  des  superstitions  des  femmes,' 

d'abord  de  celle  qui  ne  fait  rien  sans  consulter,  comme  nous  dirions  aujourd'hui, 

l'almanach,  continue  ainsi  (582)  : 

:  -       ^..         Si  mediocris  erit,  spatium  lustrabit  utrinque 
■''P  ;■''<>■'''  Metarum  et  sortes  ducet,  frontemque  manumque 

Praebebit  vati  crebrum  poppysma  roganti. 
585  Divitibus  responsa  dabunt  Phryx  augur  et  Indus 

Conductus,  dabit  astrorum  mundique  peritus 

Atque  aliquis  senior,  qui  pubiica  fulgura  condit  :  .^'^^"L"*-. 

Plebeium  in  Circo  positum  est  et  in  aggere  fatum.  ''  '  '^ 

Quae  nudis  longum  ostendit  cervicibus  aurum 
590  Consuiit  ante  phalas  delphinorumque  colijranas,   .       .       ; 

An  saga  vendenti  nubat  caupone  relicto.  '"■  l    Ja/I*,* 


I 


D'HISTOlft^'-iiî'life  "ïiTTÊRATURE.  261 

Hae  tamen  et  partus  subeunt  discrimen  et  omnes^^^"*  UdMW^oqçui 
Nutricis  tolérant  fortuna  urgente  labores; 
Sed  jacel  aurato  vix  ulla  puerpera  lecto. 

On  a  trouvé,  non  sans  raison,  du  désordre  dans  ce  développement.  M.  K.  fait 
remarquer  que  le  poète  parle  d'abord  de  la  femme  pauvre  qui  consulte  au  cirque, 
puis  de  la  femme  riche  qui  consulte  chez  elle,  ensuite  d'une  femme  riche  du 
peuple  (divitem  cauponam)  qui  consulte  au  cirque.  Pour  remédier  à  cet  incon- 
vénient, il  propose  de  transposer  les  vers  582-584  après  le  vers  591 ,  réunissant 
ainsi  tout  ce  qui  se  rapporte  aux  consultations  faites  dans  le  cirque.  Au  point  de 
vue  de  la  langue  j'y  vois  un  inconvénient  :  c'est  que  le  futur  employé  dans  les 
vers  582-584  correspond  au  futur  employé  dans  les  vers  585-587  :  ce  qui  semble 
indiquer  que  ces  groupes  de  vers  ne  peuvent  être  séparés.  Reconnaissons  que 
l'ordre  n'est  pas  rigoureux,  que  le  poète  après  avoir  opposé  la  femme,  non  pas 
pauvre,  mais  de  petite  condition  à  la  femme  riche,  reprend  le  premier  membre 
de  l'antithèse  sous  une  autre  forme,  et  je  crois,  pour  passer  au  développement 
qui  commence  avec  le  vers  592.  Il  n'y  a  là  rien  qui  ne  puisse  être  toléré  chez  un 
poète  '.  C'est  à  tort  que  M.  K.  et  déjà  avant  lui  Madvig^  considèrent  les  pen- 
dants d'or  comme  une  marque  de  richesse;  les  paysannes  d'Italie  en  portent 
encore  aujourd'hui  pour  la  plupart.  Pourquoi  une  femme  du  petit  commerce, 
une  femme  «  mediocris,  »  n'en  aurait-elle  pas  porté  du  temps  de  Juvénal?  Elles 
ne  les  avaient  pas  sans  doute  en  or  massif.  —  M.  K.  propose  aussi  une  transpo- 
sition dans  VI,  224-229  :  ;  ''  ""''   ■""4:1^  ''-     --i-  -^  t    •"-'•i  ^^ 

..  ^       Imperat  ergo  vire,  sed  mox  haec  régna  relinquit    '^  ^ 

J3  2U0V  .225  Permutatque  domos  et  flammea  conterit,  inde 
^^udiisnum  ji)  -Advoiat  et  spreti  repetit  vestigia  lecti.  -  ç.wo...',u.jui'jjiM 

^c)f^>|.^|.  .^'l'^J'  P'""°  ^"^^  ^^':^^'  pendentia  linquit  .^f^}  ^.^^b  Dsn  hsz  r 

•Vêla  domus  et  adhuc  virides  in  limine  rames.         ^ 
Sic  crescit  numerus,  sic  fiunt  octo  mariti. 

Rapportant  les  vers  227-228  à  la  célébration  du  second  mariage  avec  le 

premier  mari,  il  les  transpose  après  le  vers  224  « relinquit,  Ornatas,  etc.  » 

Il  me  semble  qu'alors  il  manquerait  précisément  ce  que  nous  trouvons  dans  le 
texte,  l'indication  de  la  rapidité  avec  laquelle  la  femme  inconstante  quitte  le  second 
mari  pour  revenir  au  premier;  «  domus  »  se  rapporte  à  la  maison  du  second 
mari.  Je  ne  mettrais  qu'un  point  et  virgule  après  «  lecti.  » 

1.  Il  y  a  bien  d'autres  incohérences  dans  Féneion.  Condiilac  a  déjà  remarqué  (art 
d'écrire,  III,  2)  qu'il  y  a  peu  de  suite  dans  le  tableau  de  l'avarice  de  Pygmalion,  et  qu'en 
général  «  le  tissu  »  du  style  de  Bossuet  «  est  mieux  formé.  »  On  trouve  un  exemple  du 
défaut  d'ordre  habituel  à  Féneion  à  la  fin  du  IV*  livre  dans  la  description  d'ailleurs  poé- 
tique de  l'apparition  d'Amphitrite  :  «  Après  eux  (les  Dauphins)  venoient  des  Tritons,  oui 

»  sonnoient  de  la  trompette  ils  environnoient  le  char  d'Amphitrite  traîné  par  des  che- 

»  vaux  marins Une  troupe  de  nymphes  nageoient  en  foule  derrière  le  char La 

»  déesse avoit  un  visage  serein  et  une  douce  majesté  qui  faisoit  fuir  les  vents  sédi- 

»  tieux Les  Tritons  conduisaient  les  chevaux  et  tenaient  les  rênes  dorés On  voyoit  au 

»  milieu  des  airs  Eole  son  visage sa  voix  ses  yeux tenaient  en  silence 

»  les  fiers  aquilons » 

2.  Opuscula  Academica,  II,  198.  Je  ne  crois  pas  qu'on  puisse  entendre  «  longum 
»  aurum  »  d'un  collier  ;  le  mot  me  semble  désigner  de  longs  pendants  d'oreille  que  l'on 
voit  de  chaque  côté  du  cou  nu. 


262  REVUE    CRlTIQUEaiaT<îia-a 

Il  y  a  un  certain  nombre  de  passages  que  M.  K.  me  paraît  avoir  très-heureu- 
sement éclaircis.  Il  est  certain  que  dans  XV,  1^-1^6  «  Plorare  ergo  jubet  cau- 
))  sam  dicentes  amici  Squaloremque  rei  »,  il  y  a  quelque  chose  qui  ne  peut  se 
construire;  le  sens  est  rétabli  si  on  lit  «  atque  rei,  »  construction  semblable  à 
«  coctae  siliginis  ofïas  et  madidae  »  (V,  71).  —  Dans  la  satire  IX,  Naevolus 
après  s'être  écrié  (139)  «  Quando  ego  figam  aliquid ,  quo  sit  mihi  tuta  senectus 
»  A  tegete  et  baculo?  »  exprime  ses  vœux,  et  ajoute  (146)  «  sufficiunt  haec, 
))  Quando  ego  pauper  ero.  Votum  miserabile,  nec  spes  his  saltem.  »  M.  K.  fait 
remarquer  quMl  vaut  mieux  mettre  un  point  après  «  haec,  »  et  un  point  d'inter- 
rogation après  «  ero.  »  Le  poète  fait  dire  à  Naevolus  :  «  quand  aurai-je  ce  qui 
»  après  tout  n'est  pour  moi  que  de  la  pauvreté?  »  —  M.  K.  rétablit  aussi  le 
sens  et  la  construction  par  le  changement  de  la  ponctuation  dans  XIV,  227- 
232. 

Nam  quisquis  magni  census  praecepit  amorem 
Et  laevo  monitu  pueros  producit  avares 
Et  qui  per  fraudes  patrimonia  conduplicare 
Dat  libertatem  et  totas  effundit  habenas 
Curriculo. 

Il  explique,  comme  l'avait  fait  déjà  Ruperti,  «  et  »  (228)  par  «  etiam,  »  sous- 

entend  «  praecepit  »  avec  «  conduplicare,  »  et  par  conséquent  met  une  virgule 

après  <(  amorem,  »  et  «  conduplicare.  »  — Il  y  a  une  difficulté  sérieuse  dans  X^^ 

173-178: 

Creditur  oiim 
Velificatus  Athos  et  quidquid  Graecia  mendax  .  <■      ' 

Audet  in  historia,  constratum  classibus  isdem  ;(?îl  l-^^  .q) 

Suppositumque  rôtis  solidum  mare  ;  credimus  altos  '  *, 

Defecisse  amnes  epotaque  flumina  Medo 
Prandente,  et  madidis  cantat  quae  Sostratus  alis, 

M.  K.  trouve  avec  raison  que  les  mots  ^  constratum mare  »  sont  construits 

et  placés  singulièrement.  Il  remédie  à  ce  désordre  très-simplement  en  supprimant 
le  point  et  virgule  après  «mare,  »  et  en  mettant  une  virgule  après  «credimus,  » 
avec  lequel  il  construit  «constratum.....  »  ou  avec  quelques  manuscrits  «  quum 

»  stratura » 

On  voit  que  le  travail  de  M.  Kiaer  ii'e;st  p^5  inutile  à  l'interprétation  de  ce 
poète  difficile. 

Charles  Thurot. 


205.  —  Phonologie  de  la  langue  française,  par  C.  Ayer,  directeur  de  l'Aca- 
démie de  Neuchâtel.  Paris,  Neuchâtel  et  Bruxelles.  187^.  i  vol.  in-i2,  viij-136  p. 

Exposé  des  lois  qui  régissent  la  transformation  française  des  mots 
latins,  par  A.  Scheler.  Paris  et  Bruxelles.  1875.  Un  volume  in- 16,  viij-259  p. 

Voici  deux  petits  traités  de  phonétique  française  que  nous  envoient  la  Suisse 
et  la  Belgique ,  preuve  des  progrès  que  fait  au  delà  de  nos  frontières  l'étude 
scientifique  de  notre  langue.  Traitant  le  même  sujet,  il  convient  de  les  réunir 
ensemble  et  de  les  étudier  dans  un  même  article. 


d'histoire  et  de  littérature.  265 

La  Phonologie  de  M.  A.  est  composée  de  trois  parties.  La  première  {Nature 
et  formation  des  sons,  p.  1-34")  étudie  les  sons  en  général,  les  voyelles,  les  con- 
sonnes et  donne  la  théorie  de  l'accent  tonique.  Cette  étude  moitié  physiolo- 
gique, moitié  philologique  est  en  général  exacte;  elle  pèche  toutefois  par  le 
manque  de  précision;  ^analyse  des  sons  n'est  pas  aussi  approfondie  qu'elle 
pourrait  l'être  dans  l'état  actuel  de  la  science.  Le  ch.  IV  de  cette  première 
partie  (De  l'Euphonie  en  français)  contient  un  singulier  mélange  de  remarques 
justes  et  neuves  et  d'assertions  fausses.  D'où  l'auteur  a-^t-il  tiré  ce  principe 
«  général  dans  l'ancien  français  »  que  la  syllabe  finale  ne  peut  être  terminée 
phonétiquement  que  par  une  voyelle  (e  muet  ou  voyelle  sonore)  et  que  par  suite  les 
consonnes  finales  étaient  muettes  (p.  25-26)  ?  De  même  au  ch.  suivant  {Quantité 
et  accent),  l'auteur  établit  que  l'accent  porte  sur  la  dernière  syllabe,  à  moins 
qu'elle  ne  soit  muette;  or,  ajoute-t-il,  comme  cet  emuet  ne  sonne  pas  et  comme 
d'un  autre  côté  l'accent  ne  peut  reposer  que  sur  une  syllabe  terminée  phonétiquement 
par  une  voyelle,  il  suit  de  là  que  la  consonne  qui  vient  après  la  voyelle  accentuée 
ne  se  fait  pas  entendre  (5û/u[t]  park[r])  ou  commence  une  nouvelle  syllabe 
(W-de,  grosse;  hau-X  intérêt,  etc.)  et  que  dans  les  mots  dont  on  fait  sonner  la 
consonne  finale  sans  qu'il  y  ait  liaison,  par  exemple  dans  sec,  mer,  il  y  a  en 
réalité  deux  syllabes  et  non  une  (p.  31).  Bizarre  théorie  qui  repose  sur  une 
fausse  analyse  des  sons  et  l'ignorance  de  l'histoire  de  Ve  féminin  en  vieux 
français. 

La  deuxième  partie  a  pour  objet  l'histoire  des  lettres  latines.  C'est  de  beau- 
coup la  plus  importante,  et  elle  embrasse  plus  de  la  moitié  de  l'ouvrage 
(p.  34-123).  Elle  commence  par  des  considérations  remarquables  sur  la  forma- 
tion populaire  et  la  formation  savante  et  sur  les  principes  généraux  des  modifi- 
cations euphoniques  (permutation,  assimilation,  contraction,  métathèse,  élision, 
addition  de  lettres,  etc.).  La  loi  d'équilibre  que  l'auteur  croit  trouver  entre 
l'action  de  la  syllabe  initiale  où  domine  la  consonne  et  la  syllabe  accentuée  où 
domine  la  voyelle  et  à  laquelle  il  attribue  principalement  la  syncope  des  voyelles 
et  des  consonnes  (p.  42),  n'est  pas  aussi  apparente  qu'il  le  pense.  Il  ne  la  fonde 
guère  que  sur  l'exemple  de  délié  (delicatus)  et  comté  (comitatus)  (p.  51)  où  la 
chute  de  la  consonne  c  aurait  pour  résultat  le  maintien  de  la  voyelle  atone  ï,  et 
réciproquement  la  chute  de  la  voyelle  atone  ï,  celui  de  la  consonne  m.  Or 
l'exemple  de  délié  est  faux ,  parce  que  la  seule  forme  connue  du  vieux  français 
est  delgié  qui  dérive  régulièrement  de  delicatus  par  la  chute  de  la  protonique  brève 
r».  Cette  loi  d'équilibre  dont  on  ne  saisit  pas  d'ailleurs  nettement  l'action  et  qui 
en  outre  serait  en  contradiction  avec  la  loi  de  la  chute  de  la  protonique ,  ne 
nous  paraît  pas  fondée. 

Quand  M.  A.  arrive  à  l'étude  des  voyelles  (p.  $8),  il  reproduit  fidèlement  Diez  : 
or  Ton  sait  que  la  phonétique  romane,  et  spécialement  la  phonétique  française, 
créée  par  l'illustre  auteur  de  la  Grammaire  comparée  des  langues  romanes,  est  restée 
même  dans  la  troisième  édition  de  ce  livre  classique,  en  arrière  des  décou- 

i .  Délié  date  du  XV^  siècle  et  semble  dû  à  une  confusion  avec  le  participe  dcsliè. 


264  REVUE    CRITIQUÉOTgfK^a   • 

vertes  nouvelles  ;  d'ailleurs  ,  depuis  la  publication  de  la  troisième  édition 
(1870)  la  science  a  marché  à  grands  pas;  aussi  la  théorie  des  voyelles,  malgré 
le  soin  qu'y  a  apporté  Pauteur,  est  insuffisante.  Trop  souvent  M.  A.,  suivant 
en  cela  les  errements  du  maître,  fait  une  large  part  aux  mots  de  formation 
savante  ou  aux  mots  populaires  dont  l'orthographe  a  été  rajeunie,  et  qu'il  cite 
comme  des  anomalies  :  par  exemple  il  faut  effacer  (p.  62)  clair,  aile  (vieux 
français  c/gr,  éle),  chandelle  (v.  fr.  chandoilé),  pèse  (y.  fr.  poise);  (p.  63)  lac, 
grave;  (p.  64),  modcy  école,  rade,  etc.,  etc.  La  façon  dont  sont  cités  les  exemples 
oh  entre  le  groupe  oi  («/),  montre  que  l'auteur  n'est  pas  au  courant  de  la  question 
compliquée  que  soulève  ce  groupe.  Le  résumé  que  M.  A.  donne  (p.  69)  du 
traitement  des  voyelles  accentuées  est  en  partie  inexact  :  d  par  exemple  ne  se 
confond  pas  avec  0  quoique  tous  deux  aboutissent  généralement  à- eu.  Pour  les 
voyelles  dites  en  position,  l'auteur  ne  paraît  pas  se  douter  de  l'action  de  la  quan- 
tité sur  l'altération  phonétique.  Des  faits  d'ordre  divers  sont  groupés  confusément 
sans  explication.  Ainsi  pour  e  en  position  latine  ou  romane,  l'auteur  dit  qu'ilse 
maintient.  «  Quelquefois  cependant,  ajoute-t-il  (p.  66),  il  devient  le  :  neptia, 
»  nièce  ;  —  ei  ou  oi  :  sec(aye,  seigle  ;  Stella,  étoile  ;  —  et  même  i  ou  a  :  despectus, 
»  dépit;  lucerna,  lucarne.  »  Quelle  confiance  dans  la  sûreté  des  lois  phonétiques 
peuvent  inspirer  au  lecteur  ces  prétendues  exceptions  dont  il  ne  se  rend  pas 
compte .f*  En  somme,  l'auteur,  avec  tout  son  talent  d'exposition,  n'a  pas  su 
donner  à  cette  théorie  du  vocalisme  l'exactitude  et  la  précision  voulues. 

La  théorie  des  consonnes  est  plus  approfondie,  et  l'auteur  ajoute  quelque 
peu  à  Diez.  La  modification  la  plus  importante  consiste  à  séparer  les  groupes 
de  consonnes  des  consonnes  simples,  que  Diez  avait  confondus.  Cette  division 
éclaire  d'un  jour  nouveau  les  lois  qui  régissent  la  phonétique  des  consonnes; 
toutefois  là  encore  l'auteur  aurait  pu  aller  plus  loin  qu'il  n'a  fait,  et  au  lieu 
de  se  contenter  de  constater  les  faits  et  de  citer  les  exemples  en  détail,  il 
aurait  pu  formuler  des  lois  générales  qui  ressortaient  elles-mêmes  des  exemples 
mieux  groupés.  Ainsi  en  considérant  d'abord  dans  les  consonnes  simples  toutes 
les  consonnes  initiales;  puis  toutes  les  médiales;  puis  toutes  les  finales;  il  serait 
arrivé  à  des  formules  plus  nettes,  plus  propres  à  s'imprimer  dans  l'esprit  du 
lecteur,  et  qui  offraient  en  outre  cet  avantage  de  reparaître  dans  la  théorie  des 
groupes'.  Reconnaissons  toutefois  que  si  dans  la  théorie  des  groupes,  M.  A. 
n'a  pas  su  arriver  à  des  lois  plus  générales,  et  si  souvent  ses  explications  sont 
contestables  ^,  cette  partie  offre  l'avantage  de  réunir  en  quelques  pages  un  en- 
semble d'exemples  dont  on  peut  tirer  bon  parti. 

La  troisième  partie  (les  Lettres  françaises)  ne  contient  que  quelques  pages 

I .  Voir  plus  bas,  page  268'. 
^  2.  L'u  de  coude  (cubitus)  ne  vient  pas  du  b  (p.  116);  c'est  Vu  de  cubitus  qui  donne 
régulièrement  ou.  El  donne  eau  et  non  au  (p.  112);  dauphin  vient  de  *dalphinus,^  aumône 
de  "alimosina;  eau  lui-même  vient  non  pas  du  changement  de  el  en  al  avec  maintien  d'un 
e  ét)rmologique  non  prononcé,  mais  du  changement  de  cl  en  eal,  éàl,  eal,  eau,  avec  e  fémi- 
nin jadis  prononcé  (cf.  plus  bas,  p.  267).  La  théorie  de  la  gutturale  (p.  103  etsuiv.)  est 
en  grande  partie  inexacte.  Caisse  (p.  120)  est  provençal;  Capsa  a  donné  en  fr.  châsse. 
etc..  etc.  ,:-'\'./:\  -    ::':  )  ,■;■  :   :m^  siaîi:;^ 


d'histoire  et  de  littérature.  265 

(12  3-1  ^6).  C'est  un  court  et  très-rapide  exposé  des  principales  règles  établies 
par  Diez  dans  sa  Grammaire  (I,  356-435  de  la  traduction  française).  Nous  y 
trouvons  quelques  remarques  nouvelles,  entre  autres  celte  observation  très-juste 
qu'il  n'y  a  plus  en  français  de  diphthongues  réelles  et  que  dans  ia  de  diable  par 
exemple  Vi  est  consonne. 

En  somme  ce  petit  livre  a  le  grave  inconvénient  d'être  en  retard  sur  les  der- 
nières découvertes.  Il  est  par  trop  insuffisant;  c'est  dommage,  car  il  est  fait  avec 
soin  et  travail;  et  l'auteur  y  fait  preuve  d'un  talent  réel  d'exposition,  surtout  dans 
les  considérations  générales.  L'intérêt  de  ce  livre,  outre  les  vues  d'ensemble, 
est  de  présenter  réunis  commodément  pour  les  lecteurs  les  traits  les  plus 
importants  de  la  phonétique  française  qu'il  faudrait  aller  chercher  dans  tout  le 
premier  volume  de  Diez.  Signalons-y  encore  des  rapprochements  avec  les  dia- 
lectes de  la  Suisse  romande  qui  ont  leur  prix. 

Le  jugement  que  nous  venons  de  porter  sur  le  livre  de  M.  A.  peut  s'appliquer 
.dans  ses  traits  généraux,  et  sauf  quelques  restrictions,  à  celui  de  M.  Sch.  Quoique 
^  supérieur  en  bien  des  points  à  la  Phonologie,  V Exposé  non  plus  ne  satisfait  pas 
.  les  exigences  d'une  science  devenue  aujourd'hui  sévère  et  rigoureuse.   Et  avec 
M.  Sch.  la  critique  a  d'autant  plus  le  droit  de  se  plaindre  que  l'auteur  porte  un 
nom   bien  connu  dans  la  philologie  française.   Noblesse  oblige.  L'auteur  du 
i  Dictionnaire  d'étymologie  et  de  ces  éditions  de  nos  vieux  textes  si  appréciées  par 
le  public  compétent,  se  devait  à  lui-même  de  mettre  son  œuvre  au  courant  des 
;  derniers  travaux.  Aux  faits  réunis  par  Diez,  l'auteur  se  contente  d'ajouter  géné- 
.:  ralement  le  résultat  de  ses  propres  recherches  consignées  pour  la  plupart  dans 
•  son  Dictionnaire.  Mais  celles  de  MM.  Paris,   Meyer,  Schuchardt,   Mussafia, 
Ascoli,  etc.,  qui  ont  dans  ces  dernières  années  transformé  la  phonétique  romane, 
;.quoi  qu'il  en  dise  dans  sa  préface,  M.  Sch.  semble  les  avoir  laissées  de  côté. 
1;  .liL'ouvrage  de  M.  Sch.  est  plus  développé  que  celui  de  M.  A.  Tandis  que 
-celui-ci  consacre  une  soixantaine  de  pages  (assez  compactes,  il  est  vrai)  à 
,-  la  théorie  des  sons  latins  (p.  56-123),  M.  Sch.  étend  son  exposition  sur  plus  de 
;  deux  cent  cinquante  pages,  et,  malgré  cela,  il  ne  se  permet  aucune  considéra- 
;  tion  générale.  A  peine  quelques  lignes  sur  l'accent  tonique,  et  il  entre  immédia- 
<  tement  en  matière,  commençant  par  exposer  la  chute  des  atones  (p.  3-5  $)  pour 
./arriver  au  traitement  des  toniques  et  des  atones  qui  se  maintiennent  (75-141)  et 
j' terminer  par  l'étude  des  consonnes  (143-259)  gutturales  (148),  labiales  (187), 
: -dentales  (210).  Cet  ouvrage  est  donc  une  collection  de  faits  et  d'exemples 
groupés  suivant  certains  principes  que  l'auteur  expose  d'un  style  parfois  algé- 
?:  brique  et  avec  la  sévérité  d'un  formulaire  de  chimie.  A  cela  je  ne  vois  pas  de 

Kmal  et  la  science  ne  perd  rien  à  être  présentée  dans  son  austère  nudité. 
Mais  si  M.  Sch.,  grâce  à  ce  plan  et  à  cette  méthode,  entre  dans  plus  de  détails 
^que  M.  A.;  s'il  donne  plus  de  développements  aux  questions,  multiplie  les 
exemples  anciens  et  modernes,  signale  parfois  les  difficultés  spéciales,  et  essaie 
des  solutions;  si  en  un  mot  il  aspire  à  la  rigueur  et  à  la  précision,  il  faut  le 
reconnaître  avec  regret,  il  est  loin  d'arriver  au  but  qu'il  se  propose.  Un  rapide 
aperçu  du  livre  suffira  pour  s'en  convaincre. 


266  -^^^       REVUE   CRITIQUE 

L'auteur  étudie  d'abord  les  atones  finales ,  lesquelles  tombent  ou  sont  rem- 
placées par  un  e  muet  quand  la  dernière  atone  est  a  ou  quand  cette  atone  est 
précédée  de  consonnances  composées.  «  On  trouve  d'ailleurs,  ajoute  M.  Sch., 
))  de  nombreux  vocables  sous  les  deux  formes  avec  ou  sans  e  muet  :  avarus 
»  -avare  et  aver*y  casa  -case  et  chez;  firmus -ferme  etferm*;  rigidus  -roide  et  roit; 
»  tormentum  -tourmente  et  tourment;  granum  -graine  et  grain;  legumen  -légume 
))  et  léun"  ' .  »  Pourquoi  rapprocher  et  donner  comme  des  anomalies  des  formes 
qui  doivent  leur  explication  à  des  causes  diverses  ?  Avare,  case,  légume  sont  des 
mots  savants  ou  étrangers  ;  ferme,  roide  sont  ferm,  roit  refaits,  comme  d'autres 
adjectifs,  sur  les  féminins;  tourmente,  graine  sont  tormenta,  grana.  —  Dans  les 
proparoxytons,  M.  Sch.  montre  comment  la  première  atone  tombe,  et  comment 
les  deux  consonnes  tantôt  restent  avec  un  e  muet  final  (ordinem ,  ordre) ,  tantôt 
se  réduisent  à  une  consonne  avec  e  muet  (domina,  dame),  tantôt  sont  représentées 
par  une  consonne  simple  (nitidus,  net)  (p.  6-8).  Ces  trois  lois  sont  établies  par 
des  exemples  abondants  et  en  général  exacts  ;  mais  qu'est-ce  qui  détermine  pour 
chacun  de  ces  exemples  l'application  de  l'une  ou  de  l'autre  de  ces  lois  ^  Quel  est 
l'action  de  la  voyelle  finale  ?  des  groupes  de  consonnes  P  Sans  doute  la  plus  grande 
partie  de  ces  explications  doit  être  réservée  pour  la  théorie  des  consonnes,  mais 
pourquoi  M.  Sch.  entreprend-il  dès  le  début,  dans  le  chapitre  des  atones,  la 
théorie  des  groupes?  Car  il  a  cru  utile  d'étudier  en  détail  les  proparoxytons  et 
après  avoir  exposé  les  trois  lois  dont  nous  venons  de  parler,  il  prend  un  à  un  les 
divers  suffixes  ïcus,  ïcem^,  ilis,  ûlus,  etc.,  et  montre  ce  qu'ils  ont  donné  dans  la 
formation  populaire  et  dans  la  formation  savante.  On  ne  peut  qu'approuver  ces 
développements  qui ,  par  le  nombre  considérable  d'exemples  mis  sous  les  yeux 
du  lecteur,  font  toucher  du  doigt  la  différence  radicale  qui  sépare  les  deux 
systèmes  de  formation  de  mots;  toutefois  il  suffit  que  l'auteur  montre  la  chute  des 
voyelles  atones  dans  les  mots  vulgaires  et  l'oppose  au  maintien  des  mêmes 
voyelles  dans  les  mots  savants  sans  avoir  besoin  de  s'occuper  du  sort  des  con- 
sonnes et  d'empiéter,  comme  il  le  fait  durant  vingt-cinq  ou  trente  pages,  sur  la 
théorie  des  consonnes.  Mais  ceci  n'est  qu'un  défaut  de  composition.  Ce  qui  est 
plus  grave  ce  sont  les  exemples  mal  choisis,  mal  groupés  ou  mal  expliqués, 
comme  dans  la  page  3  5  où  l'auteur  étudie  le  groupe  eus,  lus  dans  des  mots  dans 
lesquels  «  l'élément  e,  i  disparaît  sans  trace,  si  ce  n'est  qu'il  sauvegarde  au  î  ou 
))  au  c  qui  précède ,  leur  caractère  sifflant  qu'ils  avaient  déjà  en  latin  (!)  j)  Et 
l'auteur,  à  l'appui  de  cette  règle,  cite  sans  distinguer  des  mots  savants  et  des 
mots  populaires,  des  mots  où  Vi  agit  sur  la  voyelle  accentuée  et  des  mots  où  il 
agit  sur  la  consonne,  etc.  ?. 


1 .  L'auteur  ajoute  en  note  :  ^  C'est  peut-être  sous  l'influence  de  leur  pluriel  en  a  que 
»  beaucoup  de  substantifs  neutres  ont  revêtu  la  forme  féminine.  »  Pourquoi  peut-être? 

2.  Citons  en  passant  le  singulier  lapsus  ou  la  singulière  faute  d'impression  qui,  dans  la 
note  I  de  la  page  13,  fait  écrire  ïcem  dans  perdTccm,  radîcem,  junTcem,  cormcem. 

^.Ab sterne,  audace,  factice,  *omccide,  justice,  sanguin,  superbe  sont  de  formation  savante; 
postiche  est  italien;  aur  est  ^agûrmm,  aguirum,  agûrum  (û  ==  ûi),  agur,  aiir;  cil,  fils,  lis 
ont  1'/  mouillée  en  vieux  français  cilz,  filz,  lilz;  joie  est  gâudia,  jauia,  joie;  etc.,  etc. 


d'histoire  et  de  littérature.  267 

La  théorie  des  voyelles  accentuées  laisse  aussi  à  désirer.  Tout  ce  qui  concerne 
a  =  ié  (p.  62  et  69-73)  est  inexact  et  confus.  Sur  les  rapports  de  e  et  /,  de  0  et 
û  on  ne  trouve  rien  de  satisfaisant.  M.  Sch.  n'a  pas  fait  remarquer  que  le  latin 
populaire  avait  ramené  ^  et  0  à  ^,  0  ouverts  ;  ^  et  T  à  e  fermé  ;  ô  et  iï  à  d  fermé  ; 
que  les  voyelles  en  position  devant  deux  consonnes  ont  conservé  la  valeur  qu'elles 
avaient  en  latin;  que  par  exemple  sex^  lêx  se  prononçaient  sèx,  léx;  que  vïrïdem 
se  prononçait  vérede  ou  véfde;  que  de  la  sorte  é  et  ô  devaient  donner  et  ont  en 
effet  donné  suivant  leur  nature,  un  è  ou  un  é,  un  0  ou  un  ô  ;  que  i  en  position 
n'a  pu  donner  que  é^  tandis  que  ï  en  position  persistait,  etc.'.  De  là  des  assertions 
comme  la  suivante  (p.  89)  :  «  Devant  les  nasales  complexes  c  est  conservé  et 
»  produit,  avec  Vm  ou  Vn  qui  suit,  le  son  spécial  qui  caractérise  notre  pronon- 
»  ciation  de  in  :  ce  son  s'orthographie  tantôt  par  in  ou  im  comme  dans  cinq 
»  (quinque),  prince  (principem),  simple (simplicem),  quint  (quintus),  lynx  v.  fr.  lins 
»  (lynx),  quinze  (quindecim);  tantôt  et  c'est  le  cas  surtout  quand  n  est  suivi 
»  d'une  gutturale,  par  ein  ou  son  équivalent  ain  :  ainsi  dans  cingere,  fin  gère,  pin- 
»  gère,  tingere,  sîringere,  exsîinguere,  fr.  ceindre,  feindre,  peindre,  teindre, 
»  estreindre,  esteindre.  »  In  est  différent  de  ein;  l'un  s'est  prononcé  à  l'origine 
i-/z',  l'autre  éyn';  le  premier  vient  de  i  long  en  position  {quinque,  quintus,  quin- 
decim, cf.  quJnus;  principem  de  prJmus-caput ;  simple  et  lynx  sont  à  discuter);  le 
second  de  e  bref  {cïngere,fïngere,  etc.).  Mêmes  explications  à  donner  aux  divers 
traitements  de  e,  ë,  ï  en  position  devant  la  gutturale;  ë,  c.-à-d.  è-\~\3L  gutturale 
aboutit  à  i  par  ièi;  ë  et  ï,  c.-à-d.  é,  aboutissent  à  éi,  oi.  —  P.  78,  M.  Sch. 
explique,  comme  Diez,  le  changement  de  el  {ëllus)  en  eau  par  l'intermédiaire  de 
iel,  ial,  iau,  eau;  depuis  longtemps  M.  G.  Paris  a  démontré  que  cette  série  est 
inexacte,  que  la  diphthongaison  de  el  en  iel  n'est  pas  admissible  en  français,  que 
le  changement  direct  de  e  en  a  dans  iel,  ial  est  anormal,  et  que  le  passage  de 
iau  en  eau  est  sans  exemple  ;  qu'au  contraire  la  phonétique  et  les  textes  anciens 
s'accordent  à  indiquer  la  série  èl,  èal,  éàl,  éau,  eau  (eo)  d'où  soit  iau  (iô,  picard,  etc.), 
soit  au  (ô,  français).  —  L'auteur  résume  comme  il  suit  les  transforma- 
tions de  û  (p.  108)-  «  U  bref  se  retrouve  sous  les  formes  diverses  suivantes 
»  ou  (couve,  joug,  ou,  loup),  eu  {gueule,  jeune,  couleuvre),  oi  {noix,  croix),  ui 
»  {cuivre,  *sui,  suis),  u  {rude,  due,  sur,  grue),  n  La  science  dans  l'état  actuel 
exige  et  permet  bien  plus  de  rigueur  et  de  précision.  i.n^ia'i  >  .^i^^p23i 

Dans  la  théorie  des  consonnes,  l'auteur  suit  l'exposition  de  Diez  et  Se  contente 
en  général  d'ajouter  des  exemples  nouveaux  à  ceux  que  donne  la  Grammaire. 
Après  l'examen  de  chaque  consonne  qu'il  considère  séparément  comme  initiale, 


I .  A  cet  égard  les  assonances  et  les  rimes  des  vieux  poètes  français  et  le  dictionnaire 
de  rimes  provençales  de  Hugues  Faidit  sont  singulièrement  instructiis.  Ainsi  on  voit 
nettement  distinguer  les  mots  à  e  ouvert  venant  d'un  é  bref  latin  en  position  des  mots  à  é 
fermé  venant  d'un  ï  long  ou  d'un  ï  bref  latin  en  position.  Lettre  de  lïttera  rimera  avec 
mettre  de  mïttcrc,  mais  non  avec  prestre  dQ prësbyter ;  regrette  àe'grëttare  (grëtan)  rimera  ou 
assonera  avec  saéte  de  sagïtta  ou  avec  le  suffixe  c'f/^  Cèttus  ou  plus  vraisemblablement  ittus), 
mais  non  avec  teste  de  testa.  Vérd  (vïridem)  ne  rimera  jamais  avec  perd  (perdit).  Je  ne  puis 
ici  qu'indiquer  ces  observations. 


268  '^^^'^'^^lévUÈ   CRITIQUE  ^'^^^   ^ 

comme  médiale  et  comme  finale,  il  étudie  les  groupes  divers  dans  lesquels  elle 
peut  entrer.  Il  eût  été  plus  utile  de  considérer  d'ensemble  les  consonnes  initiales, 
puis  les  médiales,  puis  les  finales;  de  faire  un  chapitre  à  part  pour  les  groupes 
latins  et  pour  les  groupes  romans  et  d'examiner  ces  groupes  d'après  la  nature  de 
la  consonne  initiale.  L'auteur  serait  arrivé  à  formuler  quelques  lois  générales 
comme  les  suivantes  :  Quand  la  première  consonne  est  une  liquide  ou  une  spi- 
rante,  elle  est  traitée  comme  finale,  et  la  seconde  comme  initiale  (à  moins  que  ce 
ne  soit  une  liquide);  quand  la  première  est  une  muette,  elle  s'assimile  et  tombe 
et  la  seconde  est  traitée  comme  initiale  (à  moins  que  ce  ne  soit  une  liquide);  la 
gutturale  dans  tous  les  cas  présente  un  traitement  particulier.  Faute  d'avoir  suivi 
cette  voie,  M.  Sch.,  à  l'exemple  de  Diez,  accumule  les  règles  de  détail;  chaque 
groupe  présente  sa  règle  et  souvent  ses  règles  particulières,  et  le  lecteur  se  perd 
dans  un  dénombrement  pénible  de  faits  qui  ne  semblent  avoir  aucun  lien  entre 
eux.  Cette  exposition,  qui  était  inévitable  à  l'époque  où  Diez  créait  de  toutes 
pièces  le  système  de  la  phonétique  romane,  doit  être  remplacée  par  celle  de  lois 
générales  embrassant  la  multiplicité  des  faits.  Plus  la  phonétique  deviendra 
rigoureuse  et  précise,  plus  elle  pénétrera  dans  l'organisme  physiologique  des  sons, 
mieux  elle  saisira  le  mouvement  de  ces  lois  qui  régissent  dans  leur  action  directe 
ou  dans  leur  entre-croisement  multiple  le  système  du  vocalisme  et  du  conson- 
nantisme  roman. 

'  Pour  entrer  dans  le  détail  de  cette  troisième  partie ,  il  serait  facile  de  relever 
de  nombreuses  inexactitudes.  —  P.  187.  a  gn  est  transposé  en  ng  :  pugnusî 
))  pungus,  poing;  signum,  singum,  seing;  cognitus,  congtus,  cointe;  vig(i)nti, 
»  vingti,  vingt.  »  Dans  poing,  seing,  cointe,  Vi  représente  le  g  latin  qui  a  été 
ajouté  à  poing  et  à  seing  par  des  clercs  désireux  de  rappeler  l'étymologie  latine. 
Viginti  a  donné  vi-inti,  vint  écrit  postérieurement  vingt.  —  P.  208.  Dans  le 
groupe  mn  «  en  espagnol  n  devient  r;  »  c'est  n  dans  le  groupe  roman  m'n  et 
non  dans  le  groupe  latin  mn.  —  P.  21 1.  «  Le  maintien  du  t  ne 'èaract^rise  pas 
»  toujours  un  mot  comme  appartenant  à  la  couche  savante;  l'ancienne  langue 
))  offre  un  grand  nombre  de  cas  contraires  à  la  règle  de  la  syncope  (du  /  médial), 
))  ainsi  :  visiter,  nature,  quatorze^  citer.,  quite  (quitte),  noter,  toute,  béton,  matière, 
))  poète.  Parfois  le  /  primitif  est  redoublé  :  beta,  bette,  bletum,  blette,  carota, 
»  carotte.  »  M.  Sch.  paraît  ici,  comme  aussi  en  d'autres  passages  de  son  livre, 
porté  à  croire  que  la  formation  savante  ne  date  que  de  l'époque  moderne,  tandis 
qu'elle  remonte  jusqu'à  la  Cantilène  de  S^"  Eulalie  (yirginited).  Dans  la  liste  citée, 
visiter,  nature,  citer,  noter,  matière,  poète  sont  dus  aux  clercs;  toute  est  le  latin  popu- 
laire tutta  ;  il  est  douteux  que  béton  vienne  de  biîumen  ;  quatorze  est  quatvordecim  où 
le  t  est  maintenu  par  le  v  qui  le  suit  ;  la  seule  inspection  des  mots  bette,  blette, 
carotte  (où  le  /  a  été  redoublé  par  suite  d'une  confusion  avec  les  suffixes  ette,  otte) 
montre  qu'ils  ne  dérivent  pas  par  voie  populaire,  de  bëta,  blïta,  carota;  car  sans 
parler  du  maintien  du  /,  il  faudrait  bo'ie^  b\o\e,  charoue,  ou  cheroue.  Quitte  seul 
présente  des  difficultés,  et  le  passage  de  quietus  à  quitte,  comparé  à  coi,  reste 
obscur.  —P.  213.  aordière  d'où  ornière^  »  ornière  vient  de  orne,  en  vieux  français 
et  encore  dans  les  patois,  ligne,  sillon,  de  ordinem.  —  P.  217.  «  Le  groupe  st 


d'histoire  et  de  littérature.  269 

»  devenant  final,  perd  le  /  :  repastus,  repas,  conquis'tus,  conquis,  postea,  puis, 
))  ostium,  huis,  v.  fr.  tos  pour  îost  (/ô/),  os  pour  ost  du  latin  liosîis.  «  Ces  deux 
lignes  rapprochent  des  exemples  qui  jurent  entre  eux.  Conquis  ne  vient  pas  de 
conquisius  (ou  plus  exactement  con-quuestus  qui  a  donné  conquèst^  conquèste);  mais 
c'est,  comme  mis,  une  forme  du  participe  passé  refaite  en  vertu  de  l'analogie  : 
puis  et  huis  viennent  de  postea,  ostium  par  poskia,  oskium,  de  sorte  que  le  /  est 
représenté  dans  ces  deux  mots  par  i.  Os  est  un  affaiblissement  de  oz,  forme  régu- 
lière pour  osts;  tos  (si  cette  forme  est  authentique)  sera  de  même  îost  plus  1'^  adver- 
biale, d'où  îostSy  îoz^  /05.'— PV231.  L'auteur  est  trop  porté  à  exagérer  la  durée 
de  la  prononciation  de  Vs  devant  une  consonne,  et  il  voit  une  anomalie  dans  l'ac- 
centuation du  mot  côte  (coste)  comparé  à  coteau  (au  lieu  de  coteau,  de  costeau)  ; 
l'auteur  ne  voit  pas  que  l'accent  circonflexe  en  principe  n'existe  que  sur  les 
syllabes  portant  l'accent  tonique;  cf.  crête  et  écrire;  dans  le  notre,  0  a  l'accent 
tonique,  dans  notre  {enfant),  notre  est  enclitique.  —  Il  est  inutile  de  multiplier 
ces  citations;  elles  suffisent  à  montrer  que  l'ouvrage  de  M.  Sch.  est  loin  de 
répondre  aux  légitimes  exigences  de  la  science. 

On  était  en  droit  d'attendre  une  œuvre  d'un  caractère  plus  sévère  de  la  part 
de  l'auteur  du  Dictionnaire  d^étymologie  française.  Reconnaissons  toutefois  que  ce 
traité  a,  comme  celui,  plus  que  celui  de  M.  A.,  le  mérite  de  réunir  nombre  de  faits 
intéressants;  on  y  trouve  quelques  explications  neuves'  ou  que  l'auteur  avait 
indiquées  pour  la  première  fois,  sans  les  développer,  dans  son  dictionnaire.  Tel 
qu'il  est,  et  malgré  son  insuffisance  et  ses  erreurs,  il  sera  utile  cependant  aux 
commençants  qui  y  pourront  s'initier  aux  premiers  principes  de  la  philologie 
française. 

A.  Darmesteter. 


206.  —  Les  savants  Godefroy,  mémoires  d'une  famille  pendant  les  XVI',  XVII*  et 
XVIII*  siècles.  1  vol.  in-8*  de  420-ix  p.  Paris,  Didier.  1873.  —  Prix  :  7  fr.  50. 

«  L'auteur  dé  ces  mémoires,  dit  une  note  imprimée  au  verso  du  titre,  est  le 
marquis  de  Godefroy-Ménilglaize.  Lui  et  son  fils  sont  les  seuls  descendants  mâles 
des  savants  Godefroy.  »  On  pressent  un  livre  de  famille^  et  c'est  bien  cela  ;  mais  il 
ne  reste  pas  moins  curieux  et  utile  pour  les  hommes  studieux  que  l'intérêt  du  sang 
n'attache  pas  au  sujet.  Il  fallait  un  membre  de  la  famille  pour  en  retracer  les 
annales  intimes,  en  dépit  de  la  dispersion  de  la  plupart  des  papiers,  depuis  le 
XIV''  siècle  jusqu'à  la  Révolution  française.  Et  ce  caractère  domestique  assure 
une  nouveauté  réelle,  un  surcroît  d'intérêt  vivant  à  des  biographies  auxquelles 
un  lettré  ne  saurait  être  indifférent. 

Le  premier  des  illustres  savants  de  cette  noble  famille,  originaire  de  Mons, 


I.  Comme  celle  de  de-struire  (de  "strucere),  p.  41 ,  ti.  2.  Les  exemples  en  général  sont 
plus  abond^aU^^uç  dan$,Diez,.^t  Tauteuc  <*it«.a$sez.5ûaveat  des  formes  intéressantes  du 

^'  :■■?.  ^J  -«V  -^is:   ."^  —  lîT^^^^^i^o  5h    nol\5ï  ^M^^^  >2!0lKq  ?M  '^^^^ 


t-jQ  mnrmtHijsMM^  critiqué? O'^^iafia: 

mais  fixée  à  Paris  dès  le  commencement  du  xvi^  siècle,  c'est  Denys  I  Godefroy, 
dont  le  nom  latin  Dionysius  Gothofredus  est  si  connu  de  tous  ceux  qui  ont  étudié 
le  droit  romain.  Il  embrasse  la  réforme,  professe  le  droit  à  l'étranger,  et  meurt 
à  Heidelberg  le  7  septembre  1622.  Ses  nombreux  travaux  de  jurisconsulte, 
d'humaniste  et  d'historien  lui  firent  une  renommée  du  meilleur  aloi.  Son  fils 
Jacques  le  surpasse  encore  et  peut  passer,  au  jugement  de  Gravina,  pour  le  pre- 
mier interprète  du  droit  romain  après  Cujas.  Théodore  Godefroy,  son  aîné,  nous 
intéresse  aujourd'hui  davantage,  parce  qu'il  est  l'un  des  plus  respectables  ancêtres 
de  la  vraie  école  historique,  celle  qui  s'appuie  toujours  sur  les  documents  et 
qui  s'alimente  aux  sources.  Ses  innombrables  portefeuilles  sont  connus  de  tous 
les  chercheurs  et  ses  éditions  d^Histoires  de  divers  règnes  par  des  contemporains, 
av€c  des  éclaircissements  et  des  documents  annexés,  n'ont  pas  toutes  été  surpas- 
sées par  les  travailleurs  venus  après  lui.  Converti  au  catholicisme,  il  jouit  de  la 
faveur  royale  en  même  temps  que  de  l'estime  publique  et  put  transmettre  son 
titre  d'historiographe  de  France  à  son  fils  Denys  II,  diplomate,  éditeur  de  textes 
historiques,  collectionneur  de  vieux  titres  comme  lui.  L'histoire  littéraire  réclame 
encore  dans  sa  descendance  Denys  III ,  mort  en  17 19,  à  qui  l'on  doit  quelques 
éditions  d'ouvrages  historiques,  et  dont  l'auteur  de  ce  livre  possède  «  un  Alpha- 
hetica,  sorte  d'encyclopédie  en  huit  gros  volumes,  totalement  de  sa  main,  d'une 
écriture  serrée  et  régulière  (p.  242);  »  et  Jean  Godefroy,  qui  publia  beaucoup 
de  travaux  et  de  documents  curieux  sur  la  Ligue,  et  dont  M.  de  Godefroy- 
Ménilglaize  a  dans  ses  cartons  plusieurs  mémoires  sur  des  questions  d'histoire  et 
de  droit  politiques.  Au  xviii^  siècle,  la  forte  et  généreuse  race  des  Godefroy 
fournit  à  la  diplomatie,  à  l'armée,  à  l'église  des  noms  dignes  de  mémoire,  et  qu^ 
ne  font  pas  mauvaise  figure  à  la  suite  des  noms  chers  à  la  science  et  à  l'érudition, 
qu'elle  avait  donnés  aux  époques  antérieures. 

Ce  livre  se  recommande,  comme  on  le  voit,  aux  amis  de  notre  histoire  litté- 
raire. Qu'on  n'y  cherche  pas  ce  que  l'auteur  n'a  pas  voulu  y  mettre.  Il  n'a  pas 
prétendu  reprendre  en  sous-œuvre  et  juger  par  lui-même  les  travaux  si  multiples 
de  ses  illustres  ancêtres.  A  propos  d'une  discussion  de  théologie  calviniste,  ou 
d'un  commentaire  sur  le  droit  romain,  ou  d'une  édition  critique  d'un  auteur  latin 
ou  d'un  chroniqueur  français,  M.  de  Godefroy-Ménilglaize  n'approfondit  pas  des 
questions  spéciales  qui,  d'ailleurs,  auraient  exigé  plus  de  place  que  son  plan  n'en 
comportait.  Il  a  même  quelques  indications  inexactes  ou  incomplètes  :  ainsi  les 
documents  publiés  par  Annius  de  Viterbe  ne  sont  pas  repoussés  assez  nettement 
(p.  $9),  et  l'auteur  de  Port-Royal  est  substitué  (p.  225)  à  son  homonyme, 
magistrat  parisien  qui  n'était  pas  de  ses  amis.  Mais^  si  la  critique  des  travaux 
publiés  par  les  aïeux  de  l'auteur  ne  gagne  pas  beaucoup  à  cette  publication,  il 
en  est  tout  autrement  de  leur  biographie.  Elle  s'enrichit  de  mille  particularités 
sur  leurs  relations,  leur  fortune,  leurs  alliances,  leurs  affaires  de  famille,  leur  vie 
littéraire  même  :  car  l'auteur  a  utilisé  une  masse  de  papiers  d'affaires  et  de  cor- 
respondances où  les  faits  inédits  abondaient.  Il  s'excuse  une  fois  de  prodiguer 
«  les  détails  minutieux  et  quelque  peu  fastidieux  (p.  99).  »  Tous  les  bons  esprits 
l'absoudront  de  ce  reproche  ;  on  pourra  même  regretter  qu'il  ne  cite  pas  assez 


d'histoire  et  de  littérature.  271 

souvent  les  lettres  familières  de  ces  vieux  savants  qu'il  fait  aimer  ;  ce  qu'il  en 
révèle  est  plein  d'intérêt  et  de  charme  et  remet  en  mémoire  l'excellent  aphorisme 
du  cardinal  Baronius  :  «  Epistolari  historia  nulla  fidelior  atque  tutior.  » 

En  dehors  de  l'histoire  littéraire,  ce  livre  nous  donne  les  annales  d'une  famille 
pendant  trois  siècles,  à  travers  des  positions,  des  milieux  et  des  états  de  fortune 
très-divers.  A  ce  nouveau  point  de  vue,  il  est  d'autant  plus  instructif  qu'il  unit 
la  sincérité  la  plus  absolue  à  l'accent  pénétrant  de  ce  sentiment  profond  de  la 
famille  qui  est  le  plus  précieux  patrimoine  légué  par  les  générations  passées  aux 
générations  nouvelles.  Cette  étude  de  l'organisation  intime  de  la  famille  d'autre- 
fois est  aujourd'hui  en  honneur;  et,  sans  contester  les  illusions  qu'elle  peut  créer 
chez  certains  esprits  trop  tournés  en  arrière,  elle  doit  assurément  donner  à 
l'avenir  plus  d'une  indication  utile;  elle  renferme  d'ailleurs  pour  l'histoire  des 
révélations  d'un  grand  intérêt,  non-seulement  de  curiosité,  mais  d'instruction. 

Léonce  Couture. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

académie  des  inscriptions  et  belles-lettres. 

Séance  du  1 5  octobre  1 87  5 . 

M.  de  S*"  Marie  annonce  que  les  inscriptions  puniques  découvertes  par  lui, 
dont  le  ministre  de  l'instruction  publique  avait  ordonné  l'envoi  à  Paris  et  le 
dépôt  à  la  Bibliothèque  nationale,  sont  parties  de  Tunis  le  29  septembre,  sur  le 
vaisseau  amiral  Magenta.  *- 

L'académie  décide  qu'il  y  a  lieu  de  pourvoir  au  remplacement  de  M.  Brunet 
de  Presle,  et  fixe  la  discussion  des  titres  des  candidats  au  26  novembre  prochain. 

Le  bureau,  autorisé  par  l'académie  à  désigner  les  membres  des  commissions 
qui  devront  lui  proposer  des  sujets  de  concours  pour  le  prix  ordinaire  et  le  prix 
Bordin,  nomme  :  pour  le  prix  ordinaire,  dont  le  sujet  devra  être  pris  dans  les 
études  orientales,  MM.  Defrémery,  Derenbourg,  Mohl  et  de  Slane;  pour  le  prix 
Bordin,  dont  le  sujet  devra  appartenir  aux  études  relatives  au  moyen  âge, 
MM.  Delisle,  Hauréau,  Jourdain  et  Thurot. 

L'académie  n'ayant  reçu  aucun  mémoire  sur  VHistoire  de  la  piraterie  dans  les 
pays  méditerranéens  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  fin  du  règne  de 
Constantin  le  Grand,  question  mise  au  concours  pour  le  prix  ordinaire,  proroge 
le  concours  sur  cette  question  jusqu'au  3 1  décembre  1876. 

M.  Th.  H.  Martin  commence  la  lecture  d'un  second  mémoire  sur  les  hypo- 
thèses astronomiques  des  philosophes  grecs.  Il  étudie  les  théories  de  Xénophane, 
qui  fut  à  la  fois  un  poète  et  un  philosophe,  et  qui  professa  une  sorte  de  pan- 
théisme assez  mal  défmi.  La  doctrine  cosmographique  de  Xénophane  peut  être 
reconstituée  à  l'aide  des  indications  éparses  dans  les  auteurs  anciens.  Il  professait 
que  la  terre  a  ses  racines  dans  l'infini,  c'est  à  dire  qu'elle  s'étend  indéfiniment 
en  profondeur  au  dessous  du  sol,  tandis  qu'au  dessus  l'air  s'étend  aussi  indéfini- 
ment en  hauteur.  La  forme  de  la  terre  était,  selon  lui,  un  plan  d'une  étendue 
horizontale  infinie.  Les  astres  sont  des  nuages  embrasés,  qui  s'allument  à  leur 


272  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

lever  et  s'éteignent  à  leur  coucher.  Le  mouvement  diurne  de  ces  astres  se  fait 
horizontalement  en  ligne  droite  :  c'est  une  fausse  apparence  qui  fait  croire  ce 
mouvement  circulaire.  Cicéron  confond  probablement  Xénophane  et  Xénocrate, 
quand  il  dit  que  suivant  Xénophane  la  lune  était  habitée  comme  la  terre. 

M.  Desjardins,  en  faisant  hommage  à  l'académie  du  4"  fascicule  de  ses  Desi- 
derata du  Corpus  Inscrlpîionum  latinarum,  qui  contient  la  3^  série  des  Balles  de 
fronde  de  la  République,  relève  une  attaque  qui  a  été  dirigée  contre  lui  par 
M.  Th.  Bergk,  dans  les  Jahrbiicher  des  Vereins  von  Alterîhumsfreunde  im  Rhein- 
lande,  publiés  à  Bonn.  Selon  M.  Bergk,  toutes  les  balles  de  fronde  publiées  par 
M.  Desjardins  sont  fausses,  et  M.  Desjardins  a  été  dupe  ou  complice  à'unt  falsi- 
fication impudente.  Depuis  que  cet  article  a  paru,  M.  Mommsen  y  a  répondu,  dans 
la  séance  de  l'académie  de  Berlin  du  5  juin  dernier,  et  a  déclaré  que  l'examen 
des  originaux  avait  suffi,  pour  réfuter  l'opinion  que  M.  Bergk  avait  émise  avec  une 
telle  assurance. 

M.  Benloew,  doyen  de  la  faculté  des  lettres  de  Dijon,  commence  la  lecture 
d'un  mémoire  destiné  à  démontrer  l'identité  des  anciens  Pélasges  et  des  Albanais 
d'aujourd'hui ,  par  la  comparaison  des  anciens  noms  de  lieux  de  la  Grèce  avec 
les  mots  de  la  langue  albanaise.  Humboldt  le  premier  a  remarqué  que  les  noms 
anciens  de  beaucoup  de  villes  espagnoles  pouvaient  s'expliquer  au  moyen  de  la 
langue  basque,  et  il  en  a  conclu  à  l'identité  des  Basques  et  des  anciens  Ibères. 
C'est  la  même  méthode  que  M.  Benloew  se  propose  d'appliquer  à  la  question 
des  Pélasges.  Selon  l'opinion  dominante  en  Allemagne,  les  Pélasges  seraient  les 
mêmes  que  les  Grecs.  Une  opinion  moins  répandue  les  regarde  comme  un  peuple 
sémitique.  Ces  deux  systèmes  sont  erronés,  selon  M.  Benloew  :  les  Pélasges 
étaient  un  peuple  autochthone,  différent  des  Grecs,  mais  indoeuropéen.  Hahn  le 
premier,  il  y  a  vingt  ans,  a  vu  l'identité  des  Albanais  et  des  Pélasges.  Il  a  sou- 
tenu cette  thèse  par  des  arguments  purement  ethnographiques.  Le  mémoire  de 
M.  Benloew  a  pour  but  d'apporter  des  preuves  linguistiques  à  l'appui  de  la  même 
opinion. 

Ouvrages  déposés  :  C.  Bursian.  Ueber  den  reiigiœsen  Charakter  des  griechischen 
Mythos.  Miinchen,  1875,  i'^-4''  —  Monumenta  Boica,  vol.  42.  Edidit  academia  scien- 
tiarum  boica.  Monachii,  1874,  in-4°.  —  Diverses  publications  de  l'académie  des  sciences 
de  Krakovie,  en  polonais.  — J.  Roulez.  Les  légats  propréteurs  et  les  procurateurs  des 
provinces  de  Belgique  et  de  la  Germanie  inférieure.  S.  1.  n.  d.,  in-4\  —  Envoyés  au 
concours  des  antiquités  de  la  France  :  Nicétas  Périaux  :  i*  Dictionnaire  indicateur  et 
historique  des  rues  et  places  de  Rouen,  1871-2;  2*  Histoire  sommaire  et  chronologique 
de  la  ville  de  Rouen,  1874;  2  vol.  gr.  in-8°,  Rouen.  —  Présenté  par  T  auteur  {cf.  ci-dessus): 
E.  Desjardins.  Desiderata  du  Corpus  inscriptionum  latinarum  de  l'académie  de  Berlin. 
Notice  pouvant  servir  de  IV*  supplément.  In-f",  p.  53-87,  pi.  VII-XI.  —  Présentés  par 
M.  de  Longpérier  :  —  Georges  Rayet.  Les  cadrans  solaires  coniques.  S.  I.  n.  d.,  in-8'. 
—  Stanley  Lane  Poole.  The  coins  of  the  eastern  khaleefehs  in  the  British  muséum 
(catalogue  of  oriental  coins  in  the  British  muséum,  vol.  I).  Edited  by  St.  Poole.  1875, 
in-8°. 

Julien  Havet. 
'^^f  .(.H  .H'  ' 

Le  propriétaire-gérant  :  F.  y lEWEG. 
Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-Ie-Rotrou. 


2.  Lief.  Leipzig,  Brockhaus.  In-4%  p.  1 13-224  (on  voudrait  voir  l'auteur  sup- 
primer les  étymologies  fantastiques  qu'il  donne  à  quantité  de  mots).  —  Leffler, 
Nâgra  Ijudfysiologiska  undersôkningar  rôrande  konsonantljuden.  i.  afdel. 
Upsala,  Akadem.  Bokh.  In-8°,  120  p.  (très-intéressant  ouvrage  sur  la  physio- 
logie du  langage;  cette  première  partie  traite  du  redoublement  des  consonnes  et 
de  la  différence  des  Media  et  des  Tenues).  —  Kôstlin,  Geschichte  der  Musik  im 
Umriss.  Tùbingen,  Laupp.  In-8°,  xiij-367  p.  (on  recommande  chaudement  cet 
ouvrage). 

Germania,  herausg.  v.  K.  Bartsch.  Neue  Reihe.  Achter  Jahrg.  3.  Heft.  Zur 
Heimatfrage  Walthers  (J.  V.  Zingerle).  —  Zur  Waltherfrage  (J.  Ficker).  — 
Die  Quellen  der  Mâgussaga  (H.  Suchier).  —  Angelsaechsische  Studien  (J. 
Strobl).  —  Zur  Textkritik  von  vier  romantischen  Saga's  (G.  Cederschiôld). 

—  Ein  litauisches  Sigfridsmaerchen  (A.  Edzardi).  —  Nachtraegliches  zum  jùn- 
geren  Hildebrandsliede  (Von  dems.).  —  Allerlei  aus  Zeitzer  Handschriften 
(F.  Bech).  —  Deutsche  Handschriften  in  Paris  (J.  B^echtold).  —  Nieder- 
saechsische  Fastenandacht  (H.  Martens).  —  Volksthùmliches  aus  Nieder- 
œsterreich  ùber  Thiere  (G.  M.  Blaas).  —  Zum  Fiôlsvinnsmâl  (H.  Môller). — 
Lmer^/ur  :  Zupitza,  Altenglisches  Uebungsbuch.  Wùlcker,  Altenglisches  Lese- 
buch  (E.  Kôlbing;  cf.  Rev.  criî.,  1875,  I,  p.  360).  — L.  Schmidt,  Des  Minne- 
sasngers  Hartmann  von  Aue  Stand,  Heimat  und  Geschlecht  (H.  Fischer).  — 
Weinhold,  Die  altdeutschen  Bruchstiicke  des  Tractats  des  Bischof  Isidorus  von 
Sevilla  de  fide  catholica  contra  Judaeos  (E.  Kôlbing;  cf.  Rev.  crit.j  1875,  II, 
p.  74).  —  Mlscellen  :  Germanistische  Vorlesungen  an  den  Universitaeten  Deutsch- 
lands,  Œsterreichs  und  der  Schweiz  sowie  in  Dorpat  im  Sommersemester  1875. 

—  X  fur  U  (R.  Kôhler).  —  Johann  von  Morssheim,  der  Dichter  des  Spiegels 
des  Régiments  (Von  dems.).  —  Zu  «  lûtbrechic  »  (Schrôer).  —  Personal- 
notizen. 

Anzeîger  fur  Kunde  der  deutschen  Vorzeit,  n°  9,  septembre.  Buntgla- 
sierte  Thonwaaren  des  15. -18.  Jahrh.  im  germ.  Muséum.  XV  (A.  Essenwein). 

—  Kurtzes  Diarium,  etc.  (D*"  Baur,  fin).  Bruchstiicke  einer  Pergamenthand- 
sehrift  des  Schwabenspiegels  (Rockinger), — Beilage  zum  N"  c).  Chronik  des 
germ.  Muséums.  —  Schriften  der  Akademieen  und  historischen  Vereine.  — 
Nachrichten. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
innoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
[evue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
rais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
iagasin. 


Jancroft  (H.  H.). 
Pacific  States  (5 
New- York. 


Native  Races  ot  the 

vol.).   Vol.  I.  In-8». 

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Six  Months  among  the  Palm  Groves, 
Coral  Reefs,  and  Volcanoes  of  the  Sand- 
wich Islands  With  Illustrations.  In-8*, 
470  p.  cart.  London  (Murray).      i  $  fr. 


Buonaccorso  daMontemagno.  Prose 
inédite  aicune,  da  due  codici  délia  Bibl. 
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Giuliari.  In-24,  ^vjyj-u.4  p.  Bologna 
(G.  Romagnoli).   "  "     •  5  fr. 

Cittadella  (L.  N.).  Il  castello  di  Ferrara  : 
descrizione  storico-artistica  con  appen- 
dici.  In-80, 1  g8  p.  Ferrara  (Taddei  e  figli). 


Greville  (C.  C.)-  A  Journal  oftheReigns 
of  King  George  IV  and  King  William  IV. 
Edited  by  H.  Reeve.  4th  Edit.  3  vol. 
in-8%  cart.  London  (Longmans).   45  fr. 

Certes  (J.  D.),  Essays  on  Catholicism, 
Liberalism  and  Sociaiism,  considered  in 
their  Fundamental  Principles.  Translated 
from  the  Spanish  by  W".  M.  Donald. 
In-80,  356  p.  cart.    London  (Simpkin). 

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Deux  lettres  inédites  de  l'empereur  Michel 
Ducas  Parapinace  à  Robert  Guiscard, 
rédigées  par  M.  Psellus  et  publiées  par 
C.  Sathas.  In-8*,  3 1  p.  Paris  (Maison- 
neuve  et  G'). 

Gay  (J.).  Bibliographie  des  ouvrages  rela- 
tifs à  l'Afrique  et  à  l'Arabie.  In-S",  xij- 
212  p.  San  Remo  (J.  Gay  et  fils).  25  fr. 

Hamilton  (C.).  Oriental  Zigzag;  or, 
Wanderings  in  Syria,  Moab,  Abyssinia, 
and  Egypt.  With  Illustrations  by  F. 
Wallis,  from  original  Sketches  by  the 
Author.  In-S",  308  p.  cart.  London 
(Chapman  et  H.).  1 5  f.. 

Hauteclocque(G.  de).  Étude  historique. 
Arras  et  l'Artois  sous  le  gouvernement 
des  archiducs  Albert  et  Isabelle  (1598- 
1633).  In-8",  vj-307  p.  Arras  (imp. 
Courtin). 

Hume  (D.).  Essays  Moral,  Political,  and 
Literary.  Edited,  with  preliminary  Dis- 
sertations and  Notes  by  T.  H.  Greene 
and  T.  H.  Grose.  2  vol.  in-S»,  978  p. 
cart.  London  (Longmans).  3  j  fr. 

Jones  (J.  W.).  Personal  Réminiscences 
Anecdotes,  and  Letters  of  General  Robert 
E.  Lee.  In-8«>,  cart.  New-York.  31  f.  25 

Kinglake  (A.  W.).  The  Invasion  of  the 
Crimea.  Vol.  5.  Battle  of  Inkermann. 
In-8°,  548  p.  cart.  London  (Longmans). 

21  fr.  25 

Léger  (L.).  La  langue  russe  :  Leçon 
d'ouverture  du  cours  complémentaire  de 
langues  slaves  professé  à  l'école  spéciale 
des  langues  orientales  vivantes.  In-8*, 
14  p.  Florence  (imp.  de  la  Rivista  Eu- 
ropea). 

Lettere  (Tre)  artistiche  inédite  (Canova, 
Sabatelli^  Bezzuoli)»  In-8",  75  p.  Firenze 
(tip.  Suce.  Le  Monnier). 

Luther's  Commentary  on  St.  Paul's 
Epistle  to  the  Galatians.  With  Life  of 
the  Author  by  A.  Middleton.  New  edit. 


l: 


corrected  and  revised.  In-8',  cart.  Lon- 
don (Tegg).  8  fr.  7$ 

Maine  (H.  S.).   Lectures  on  the  Early 
History   of  Institutions.    In-8*,  400 
cart.  London  (Murray).  1 5 

Norton  (C.  E.).  Catalogue  of  the  Plates 
of  Turner's  Liber  Studiorum,  With  an 
Introduction  and  Notes,  With  Heliotype 
Facsimiles  of  three  Etchings.  In-40,  cart. 
Boston.  9  fr,  40 

Ravaisson.  (F\).  Archives  de  la  Bastille, 
documents  inédits.  Règne  de  Louis  XIV 
(1681  et  1665  à  1674).  In-8°,  viij-507  p. 
Paris  (Durand  et  Pedone-Lauriel).  9  tr. 

Sieurin  (J.).  Manuel  de  l'amateur  d'illus- 
trations. (Gravures  et  portraits  pour  l'or- 
nement des  livres  français  et  étrangers. 
In-8*,  viij-242  p.  Paris  (Labitte). 

Southesk  (Earl  of).  Saskatchewan  and 
the  Rocky  Mountains  :  A  Diary  and 
Narrative  of  Travel,  Sport  and  Adven- 
ture  during  a  Journey  through  the 
Hudson's  Bay  and  Company's  Territo- 
ries  en  1859  et  1860.  With  Maps  and 
Illustrations.  In-8*,  480  p.  cart.  London 
(Hamilton).  22  fr.  50 

Spencer  (H.),  The  Study  of  Sociology. 
4th  Edit.  In-8*',  426  p.  cart.  London 
(King).  6fr,  2S 

Susane.  Histoire  de  la  cavalerie  française. 
T.  i".  In- 18  Jésus,  317  p.  Paris  (Hetzel 
et  C-). 

S^v^ainson  (C.  A.).  The  Nicene  and 
Apostles'  Creeds  :  their  Literary  History 
together  with  an  Account  of  the  Growth 
and  Réception  of  the  Sermon  on  the 
Faith  commonly  called  «  the  Creed  of 
»  St.  Athanasius.  »  In-8°,  542  p.  cart. 
London  (Murray).  20  fr. 

Thomas  (I.).  The  History  of  Printing  in' 
America.  With  a  Biography  of  Printers 
and  an  Account  of  Newspapers ,  and  a 
Catalogue  of  American  Publications 
previous  to  the  Révolution  of  1776 
(2  vol.).  2d  Edit.  Vol.  I.  In-8»,  cart. 
Albany.  37  fr.  $0 

Toschi's  Engravings  from  Frescoes  by 
Correggio  and  Parmegiano.  Reproduced 
by  the  Heliotype  Process  from  the  Gray 
Collection  of  Engravings,  Harvard  Uni- 
versity.  24  Plates,  with  Titles  and  brief 
Descriptions.  In-4°,  cart.  Boston.  62  f.  50 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"  44  Neuvième  année.  30  Octobre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

G         A  A  A  C  O  ET*  O  r^    Mémoire  sur  quelques  papyrus  du  Louvre. 
•     IVl  /\0  r   lLi  rVV_y    I  vol.  in-4°  accompagné  de  1 5  pi.  20  fr. 


P-p^  Y  -r-i  »--^  -p)  T-i  r^^  Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant 
•  1  1  Ci  rV  fv  Ci  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement.  2*"^  fascicule. 
Gr.  in-8".  6  fr. 


BIBLIOTHÈQUE  'DE  L'ÉCOLE  PRATIQUE   DES  HAUTES  ÉTUDES. 

24^  FASCICULE. 

FTD  T  î  C?  r^  Tj  T-^  T     TT'  o      Précis  de  la  déclinaison  latine. 
•      oU  ELLiilCiLiCirV    Traduit  de  l'allemand  par  M.  L. 
Havet,  et  enrichi  d'additions  communiquées  par  l'auteur. 


Pour  paraître  incessamment  : 

Mr?  TV  /T  r\  1  r^  r-^  n      De  la  Société  de  linguistique  de  Paris.  T.  III. 
h  MOIRES      ,-feseicule.  4fr, 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n°  179,  new  séries,  9  octobre.  Drew,  The  Jummoo  and 
Kashmir  Territories.  London,  Stanford  (F.  J.  Goldsmid  :  ouvrage  capital;  l'au- 
teur a  été  pendant  quelques  années  au  service  du  Maharaja  de  Kashmir).  — 
Elze,  Essays  on  Shakespeare.  Transi,  by  Dora  Schmitz.  London,  Macmillan 
and  Co.  (J.  W.  Hales  :  recommande  à  ceux  qui  étudient  Shakspere  la  lecture 
de  cet  ouvrage;  il  contient  cinq  articles  sur  diverses  pièces  de  Shakspere,  un 
art.  sur  ses  voyages  supposés,  un  sur  Sir  William  Davenant,  un  autre  sur  l'or- 
thographe du  nom  de  Sh.).  —  Ficker,  Forschungen  zur  Reichs-  und  Rechts- 
geschichte  Italiens.  4  Bde.  Innsbruck,  Wagner  (A.  de  Reumont,  2^  art.).  — 
Scandinavian  Literatur  (Edmund  W.  Gosse  :  littér.  moderne).  —  Halfpenny 
Literature  in  France  (M.  Betham-Edwards  :  passe  en  revue  les  ouvrages  publiés 
dans  les  deux  séries  intit.  L'Instruction  républicaine  et  l'Éducation  populaire).  — 
Correspondence.  Michel  Angelo's  «  Création  of  Adam  »  (Alfred  Higgins  :  réplique 
à  M.  W.  B.  Scott;  cf.  le  dernier  n°de  VAcademy.  —  M.  W.  Sanday  ajoute  une 
note  pour  dire  qu'il  croit  que  la  figure  de  fem.me  de  la  Création  d'Adam  n'est 
pas  Eve,  mais  la  Sagesse  Créatrice,  So^fa). — The  Judge  who  Committed  Prince 
Henry  (Alfred  Cutbill).  —  The  German  Urns  with  Human  Faces  (Henry 
ScHLiEMANN  '.  ces  vascs  funéraires  qu'on  trouve  près  de  Dantzig  paraissent 
remonter  au  commencement  de  notre  ère).  —  English-Gipsy  Songs  in  Rommany, 
with  Metrical  English  Translations.  By  Leland,  E.  H.  Palmer,  and  Janet 
TucKEY.  London,  Trùbner  (H .  T.  Crofton  ;  cette  publication  n'est  pas  dépourvue 
d'intérêt;  mais  on  pouvait  attendre  mieux  de  la  collaboration  de  ses  trois  édi- 
teurs). —  Récent  Discoveries  in  a  Roman  Cemetery  at  York.  I.  (James  Raine: 
passe  en  revue  quelques  inscriptions  dédicatoires  et  funéraires  ;  s'occupera  pro- 
chainement d'une  autre  inscription  qui  contiendrait  le  nom  de  la  divinité  perse 
Ahriman). 

The  Athenœum,  n"  2502,  9  octobre.  Ingleby,  Shakespeare  Hermeneutics. 
Trùbner  (un  des  plus  importants  travaux  d'exégèse  Shaksperéenne  qui  aient 
encore  paru;  l'auteur  s'élève  contre  la  facilité  avec  laquelle  les  commentateurs 
admettent  une  corruption  du  texte  quand  ils  ne  comprennent  pas  un  mot  ou  une 
expression;  l'étude  des  auteurs  contemporains  de  Shaksp.  donne  le  plus  souvent 
la  clef  de  ces  termes  obscurs).  —  The  Prince  of  Wales's  Visit  to  India  (inté- 
ressants détails,  à  ce  propos,  sur  l'Inde  moderne,  sur  sa  population,  sur  la  façon 
dont  on  recevra  le  Prince.  Un  poème  en  sanskrit  a  déjà  paru,  qui  annonce  la 
venue  dans  l'Inde  du  dernier  Avatar).  —  The  Remonstrants'  Library  at  Amster- 
dam (F.  A.  signale  la  richesse  en  documents  inédits  de  cette  bibliothèque  peu 
connue).  -—  Celtic  or  Gaelic  Words  in  Shakespeare  and  his  Contemporaries.  II. 
(Charles  Mackay). 

liiterarisches  Centralblatt,  n°  41,  9  octobre.  Vambéry,  Der  Islam  im 
neunzehnten  Jahrhundert.  Leipzig,  Brockhaus.  In-8",  xj-321  p.  (intéressant 
tableau  de  la  civilisation  musulmane  actuelle,  réflexions  sur  ses  destinées,  sur 
l'influence  qu'a  exercée  sur  elle  et  que  devra  exercer  l'Europe,  etc.  On  signale 
dans  quelques  mots  arabes  cités  par  l'auteur  de  bien  singulières  erreurs).  — 
Codex  diplomaticus  Anhaltinus.  Herausg.  v.  0.  von  Heinemann.  2.  Th.  Dessau, 
Barth  in  Comm.  In-4°,  xviij-622  p.  (près  de  900  documents  de  1212  à  1500 
nous  sont  oflferts;  art.  très-favorable).  —  Dutt,  The  peasantry  of  Bengal. 
London,  Triibner.  In-8%  xj-237  p.  (l'auteur,  avocat  hindou,  représente  l'état 
misérable  des  paysans  du  Bengal  et  suggère  les  moyens  de  l'améliorer).  — 
ScHMiDT,  Ad.,  Pariser  Zustaende  wœhrend  der  Revolutionszeit  von  1789-1800. 
2.  Th.  Jena,  Dufft.  In-8°,  viij-336  p.  (on  se  souvient  que  l'auteur  a  en  vue  de 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  44  --  30  Octobre  —  1875 

Sommaire  :  207.  Mum,  Choix  de  sentences  religieuses  et  morales,  traduites  du 
sanskrit.  —  208.  Fischer,  Térence  imitateur  des  premiers  comiques  latins.  —  209. 
BuRKHARDT^  Guide  dans  les  Archives  allemandes.  —  210.  Lecoy  de  la  Marche, 
Le  roi  René  {["article).  —  211.  Wimpheling,  Germania;  Murner,  Gcrmania  nova. 
—  212.  Les  Marguerites  de  la  Marguerite  des  Princesses,  p.  p.  F.  Frank.  —  213. 
ToBLER,  Bibliographie  géographique  de  la  Palestine.  —  Sociétés  savantes  :  Académie 
des  inscriptions. 

207.  — J.  Muir;  Religious  and  Moral  Sentiments  metrically  rendered 
from  Sanskrit  Writers,  with  an  Introduction,  and  an  Appendix  containing  exact 
translations  in  prose.  London,  Williams  and  Norgate.  1875.  ln-8*,  128  p.  —  Prix  : 
2  fr.  50. 

Cette  élégante  petite  anthologie  •  est  une  partie  détachée  d'un  ouvrage  plus 
considérable  dans  lequel  le  savant  auteur  des  Sanskrit  Texts  se  propose  de  retracer 
le  développement  religieux  et  moral  du  peuple  hindou.  Elle  n'en  forme  pas 
moins  un  ensemble  si  bien  proportionné,  si  parfaitement  arrondi,  que  l'impres- 
sion qui  en  résulte  ne  rappelle  en  rien  cette  demi-satisfaction  que  nous  laisse 
d'ordinaire  la  lecture  d'un  fragment.  Les  116  morceaux  d'inégale  longueur 
(de  1  à  30  distiques)  dont  elle  se  compose,  sont  empruntés  aux  principaux 
monuments  de  la  littérature  sanscrite,  depuis  l'Atharvaveda-Samhitâ  et  le 
Çatapatha-Brâhma/za,  jusqu'aux  recueils  modernes  tels  que  le  Subhâshitâr/iava 
et  le  Bhâminîvilâsa,  en  passant  par  les  Upanishads,  Manu,  les  poèmes  épiques 
et  les  œuvres  de  la  poésie  raffinée  et  courtoise  du  moyen-âge.  Aucune  époque 
du  passé  de  l'Inde  n'est  donc  absolument  exclue  de  ce  petit  recueil  et,  par  là,  il 
se  distingue  des  publications  analogues  qui  ont  été  faites  jusqu'ici.  Il  s'en 
distingue  non  moins  nettement  par  la  pensée  une  et  bien  définie  qui  a  déterminé 
le  choix  des  morceaux.  Les  recueils  de  ce  genre  antérieurement  publiés  en 
diverses  langues  de  l'Europe  sont  avant  tout  des  œuvres  purement  littéraires. 
Dans  celui  de  M.  M.  il  y  a  quelque  chose  de  plus.  Bien  qu'il  porte  au  plus  haut 
point  le  cachet  de  la  perfection  littéraire  et  que,  par  les  grâces  de  la  diction,  il 
doive  charmer  les  plus  délicats,  c'est  avant  tout  un  livre  de  doctrine,  n'excluant 
pas  certaines  tendances  pratiques  et  inspiré  d'un  bout  à  l'autre  par  une  aimable 
,et  sereine  philosophie.  Comment  les  Hindous,  quand  ils  daignaient  sortir  des 
[obscurités  de  leur  théosophie  ou  de  leur  sèche  casuistique,  ont-ils  parlé  de  Dieu 
ît  du  devoir.''  Quelles  expressions  heureuses  et  d'un  intérêt  général  ont-ils 
rouvées  pour  ces  grands  problèmes  de  la  pensée  humaine  ?  C'est  pour  répondre 

ces  questions  que  l'auteur  a  réuni  les  matériaux  de  ce  petit  livre. 

A  première  vue  il  semblera  peut-être  que  c'a  dû  être  là  une  tâche  facile.  Le 

I .  Publiée  d'abord  pour  un  nombre  plus  restreint  de  lecteurs  en  2  petites  brochures  : 
Idinburgh,  November  1874  et  April  1875. 

XVI  18 


274  REVUE   CRITIQUE  v   r-»    ,r^! 

génie  hindou  qui  montre  relativement  peu  de  vigueur  et  de  souplesse  dans  la 
conception  concrète  des  sentiments  moraux,  qui  est  inhabile  à  leur  donner  la 
réalité  dramatique,  à  les  nuancer  et  à  les  faire  vivre  sous  la  forme  d'un  caractère, 
se  montre  en  effet  sans  rival  dans  l'analyse  abstraite  de  ces  mêmes  sentiments, 
dans  l'art  de  les  réduire  en  sentences  et  de  leur  imposer  des  préceptes.  D'autre 
part,  il  a  su  exprimer  le  sentiment  religieux  avec  une  variété,  une  intensité  et 
une  profondeur  qui  n'ont  été  égalées  que  dans  les  littératures  chrétiennes. 
M.  M.  n'a  donc  eu  que  l'embarras  du  choix  :  mais  c'était  là  un  embarras  réel,  et 
il  fallait  toute  sa  vaste  lecture  au  service  d'un  tact  exquis,  pour  extraire  de  cette 
richesse  exubérante,  et  renfermer  en  un  si  petit  nombre  de  pages,  un  recueil 
aussi  complet,  aussi  judicieux  et  surtout  aussi  vrai  que  le  sien.  En  effet,  M.  M.,  au 
risque  de  priver  son  livre  de  ce  piquant  que  donne  l'étrangeté,  s'est  abstenu  des 
hardiesses  mystiques  et  des  exagérations  morales  dont  la  littérature  sanscrite 
abonde.  Il  semble  avoir  évité,  plutôt  que  recherché,  une  certaine  espèce  de 
sublime,  et  cela  avec  d'autant  plus  d'équité,  que  la  nature  même  de  son  livre 
l'obligeait  d'autre  part  à  laisser  dans  l'ombre  les  côtés  moins  nobles  de  l'esprit 
hindou.  Réduit,  comme  il  a  soin  d'en  avertir  le  lecteur,  à  n'en  donner  qu'une 
image  partielle,  et  ne  pouvant  pas  atteindre  complètement  à  la  vérité  locale,  il  a 
tenu  du  moins  à  ne  pas  sortir  de  la  vérité  humaine  et,  avec  quelque  abnégation 
peut-être,  il  est  resté  dans  une  voie  moyenne. 

Les  morceaux  du  recueil  de  M.  M.  sont  traduits  en  vers.  Dans  notre  langue 
où  il  est  si  difficile  de  traduire  exactement  en  prose,  une  pareille  tentative  est  un 
tour  de  force  presque  toujours  funeste  à  l'audacieux  qui  l'entreprend.  Il  n'en 
est  pas  de  même  dans  la  langue  anglaise.  Sans  posséder  sous  ce  rapport  les 
ressources  de  l'allemand ,  elle  est  assez  souple  dans  son  vocabulaire  et  dans 
sa  versification,  pour  que  le  traducteur  qui  s'impose  le  joug  de  la  mesure 
et  de  la  rime,  soit  tenu  d'être  presque  aussi  irréprochable  sous  le  rapport 
de  la  fidélité  que  sous  celui  de  l'élégance.  Combien  les  traductions  de 
M.  M.  sont  élégantes,  ce  n'est  pas  à  nous  d'en  juger.  Tout  ce  que  nous 
pouvons  dire,  c'est  qu'elles  nous  ont  charmé,  c'est  que,  parmi  ses  compa- 
triotes, M.  M.  est  unanimement  reconnu  pour  un  maître  dans  cet  art,  et  que 
les  imitations  en  vers  d'hymnes  védiques  qu'il  a  données  dans  ses  Sanskrit 
Texîs  sont  regardées  comme  des  modèles.  Quant  à  l'exactitude  avec  laquelle 
les  originaux  sont  reproduits,  M.  M.  a  mis  le  lecteur  le  moins  compétent 
à  même  de  l'apprécier.  Il  a  donné  en  effet  dans  ses  notes  une  traduction 
littérale  en  prose  de  chaque  morceau,  et  je  ne  doute  pas  qu'après  quelques 
comparaisons,  les  plus  difficiles  ne  se  déclarent  satisfaits.  —  Les  notes  contien- 
nent en  outre  un  grand  nombre  de  passages  parallèles  empruntés  soit  aux  livres 
de  la  Bible,  soit  aux  auteurs  grecs  et  latins,  et  ces  rapprochements  ne  sont  pas 
un  des  moindres  attraits  du  recueil. 

D'après  ce  qui  précède,  on  a  pu  voir  que  le  livre  de  M.  M.  s'adresse  au  public 
lettré  en  général.  Mais  avec  l'auteur  des  Sanskrit  Texts,  la  science,  et  la  science 
la  plus  spéciale,  trouve  toujours  son  compte.  Sans  parler  des  renseignements 
divers  que  contiennent  les  notes,  la  préface  est  consacrée  à  un  exposé  très- 


d'histoire  et  de  littérature.  275 

complet  d'une  des  questions  les  plus  intéressantes  et  les  plus  controversées  de 
l'histoire  littéraire  de  l'Inde  :  l'influence  exercée  par  le  christianisme  ou  par 
certaines  idées  chrétiennes  sur  plusieurs  œuvres  de  la  littérature  sanscrite.  Fidèle 
ici  encore  à  sa  méthode  habituelle  de  laisser  la  parole  aux  faits,  M.  M.  met  le 
lecteur  en  état  de  se  former  un  jugement  plutôt  qu'il  ne  cherche  à  lui  imposer  le 
sien.  Il  se  contente  d'exposer  les  données  de  la  question  ainsi  que  les  interpré- 
tations diverses  qu'on  en  a  fournies;  mais  il  le  fait  d'une  manière  si  complète,  si 
impartiale  et  si  lucide,  que  la  conclusion  est  tout  indiquée,  sans  même  qu'il  la 
formule.  Dans  l'état  présent  denosconnaissances,  cette  conclusion  est  négative.  Et 
en  effet,  si  l'on  examine  dans  leur  ensemble  les  preuves  sur  lesquelles  s'appuie  cette 
prétendue  influence,  on  est  étonné  de  les  trouver  si  légères.  C'est  ainsi  que,  voyant 
apparaître,  à  une  époque  incertaine  mais  relativement  moderne,  dans  les  religions 
de  Çiva  et  de  Vish/2u,  le  sentiment  nouveau  de  la  bhakti  c'est-à-dire  de  la  foi  ou 
plutôt  de  la  dévotion  absolue,  passionnée,  à  un  dieu  suprême  érigée  en  mérite 
souverain  et  en  unique  moyen  de  salut,  on  ne  s'est  pas  demandé  si  cette  doctrine 
ne  trouvait  pas  son  explication  dans  l'évolution  normale  des  religions  hindoues, 
si  le  vieil  et  universel  sentiment  de  la  confiance  en  la  divinité  (la  çraddhâ  védique) 
n'a  pas  dû  prendre  naturellement  cette  forme  chez  des  sectes  arrivées  à  un 
certain  monothéisme  et  qui  voyaient  leur  dieu  contesté  par  des  sectes  rivales'. 
On  s'en  est  emparé  purement  et  simplement  comme  d'un  fait  chrétien,  et  on  a 
décidé  qu'il  fallait  y  voir  une  copie  du  dogme  paulinien  de  la  foi.  La  théorie 
parfaitement  indienne  des  Avatâras  a  dû  subir  des  interprétations  de  même  sorte, 
et  la  Bhagavad-gîtâ  a  été  réclamée  comme  un  centon  de  l'Évangile;  si  bien  qu'à 
tout  prendre,  la  religion  officielle  d'une  grande  partie  de  l'Inde  n'aurait  été,  à 
un  certain  moment,  qu'une  sorte  de  christianisme  déguisé,  quelque  chose 
d'analogue  à  ce  qui  s'est  vu  de  nos  jours  chez  les  Taïpings  de  la  Chine.  Et 
quand  on  s'enquiert  des  traces  qu'auraient  dû  laisser  dans  la  littérature  les  com- 
munications qu'une  influence  pareille  suppose ,  on  est  renvoyé  à  deux  ou  trois 
récits  qui  sont  à  peine  des  légendes  et  qui  portent  tous  les  caractères  de  fictions 
de  remplissage,  telles  que  la  fantaisie  dévote  des  brahmanes  en  a  fabriqué  à  la 
douzaine.  C'est  évidemment  trop  peu  pour  soutenir  une  aussi  grosse  thèse. 
En  pareille  matière,  les  règles  de  la  saine  critique  ne  s'accommodent  pas  de 
faits  simplement  possibles;  elles  en  exigent  de  positifs. 

Il  est  un  point  cependant  où  un  contact  entre  les  religions  de  l'Inde  et  la 
tradition  chrétienne  est  incontestable  :  les  ressemblances  qu'on  observe  entre 
l'histoire  de  Krish/za  et  celle  de  Jésus.  Après  le  savant  mémoire  de  M.  A.  Weber 
sur  la  Knslmajanmâshxamî^  on  ne  saurait  douter  qu'il  n'y  ait  là  de  part  et  d'autre 
iUn  ensemble  de  récits  communs.  M.  M.  n'a  pas  cru  devoir  toucher  à  ce  côté  de 

question,  et  c'est  le  seul  reproche  que  j'aie  à  lui  faire.  En  effet,  c'est  ici  seule- 
lent  que  nous  nous  trouvons  en  présence  de  faits  positifs,  sur  lesquels  la 


I.  Le  même  sentiment  a  certainement  joué  un  grand  rôle  dans  les  religions  d'Adonis, 
le  Sérapis,  de  Mithra,  etc.  Le  XI*  livre  des  Métamorphoses  d'Apulée  en  est  plein.  S'en 
[suit-il  que  tout  cela  soit  chrétien? 


276  REVUE   CRITIQUE 

critique  ait  prise,  et,  s'il  était  démontré  que  les  éléments  de  la  vie  de  Krishna 
sont  des  emprunts  faits  à  l'Évangile,  toute  la  question  de  l'influence  chrétienne 
sur  les  religions  et  sur  la  littérature  de  l'Inde  changerait  de  face.  Cette  démons- 
tration est-elle  faite?  Je  ne  le  pense  pas.  M.  Weber,  qui  a  soutenu  l'affirmative 
avec  une  science  qu'on  ne  saurait  assez  admirer,  ne  paraît  pas  s'être  assez 
souvenu  que  ces  récits  répondent  aux  éléments  les  plus  manifestement  légendaires 
de  la  vie  du  Christ,  et  qu'il  n'est  peut-être  pas  un  seul  Oebç  SwxYjp  ou  simple- 
ment 'AX£?iy,a7,oç  dans  la  biographie  duquel  on  ne  les  retrouve  plus  ou- moins. 
Le  savant  professeur  de  Berlin  croit-il  à  la  réalité  historique  de  l'adoration  des 
Mages,  du  massacre  des  Innocents,  de  la  fuite  en  Egypte,  etc. .?  Et  dans  le  cas 
contraire,  est-il  en  mesure  de  prouver  que  ces  traditions  se  sont  formées  pour  la 
première  fois  en  Judée,  autour  du  nom  de  Jésus  de  Nazareth.?  Je  sais  qu'il  s'est 
débité  à  ce  sujet  beaucoup  de  non-sens;  mais  la  critique  indépendante  n'a  pas  à 
s'occuper  de  ces  excentricités  simplement  irrévérentes.  En  présence  de  ces 
récits,  elle  sent  qu'elle  touche  à  un  vieux  fond  mythique  devant  lequel  la  question 
d'un  emprunt  direct  se  complique  et  tend  à  disparaître. 

Il  ne  nous  reste  plus,  en  remerciant  M.  M.,  qu'à  souhaiter  à  son  gracieux 
recueil  un  très-grand  nombre  de  lecteurs,  sûrs  que  nous  sommes  d'avance,  que 
tout  homme  lettré,  pour  peu  qu'il  aime  suivre  à  travers  les  âges  et  chez  les  divers 
peuples  les  grandes  lignes  de  la  pensée  humaine,  ne  manquera  pas  d'y  trouver 
du  plaisir  et  du  profit. 

A.  Barth. 

9Up  Zfi.q 


208.  —  L.-A.  Fischer.  De  Terentio  priorum  comicorum  latinorum  imprimis  Plauti 
sectatore  quaestiones  selectae.  Dissert,  inaug.  Halis  Saxonum,  formisKarrasianis.  187J. 
ln-8°,  57  p.  —  Prix  :  1  tr.  35.  '   ..-^i^ 

Terentius  in  fabulis  faciendls  talem  se  praesîitit,  ut  priorum  comicorum  Latinorum 
rationem  haberet,  quodque  illi  f eussent,  ipse  faceret,  ita  tamen  instituit  hanc  imita- 
tionem,  ut  hominibus  graece  doctis  fabulas  suas  gratas  reddere  studeret.  (P.  57).  Ceux 
même  qui  insistent  le  plus  sur  l'imitation  de  Ménandre  dans  Térence,  et  contre 
lesquels  M.  T.  a  cru  devoir  soutenir  la  thèse  que  nous  venons  de  citer,  souscri- 
ront sans  hésiter  à  cette  thèse;  car  personne,  pensons-nous,  n'a  jamais  voulu 
dire  que  Térence,  tout  en  s'efforçant  de  conserver  mieux  que  ses  prédécesseurs 
l'atticisme  de  leurs  communs  modèles,  n'ait  pas  eu  pour  point  de  départ  le 
théâtre  latin,  tel  qu'il  était  en  l'an  166.  Mais  il  y  a  toujours  quelque  utilité  à 
étudier  en  détail  ces  appréciations  de  l'histoire  littéraire,  qui  sont  fondées  sur 
une  certaine  impression  générale  plutôt  que  sur  l'observation  exacte.  — 
M.  T.  traite  du  choix  des  sujets  et  des  titres  ;  puis,  très-brièvement  du  nombre 
des  acteurs  et  des  prologues  ;  enfin  du  langage  et  de  la  versification.  Il  reconnaît, 
du  reste,  que  le  sujet  est  loin  d^être  épuisé. 

T. 


d'histoire  et  de  littérature.  277 

20Q.  —  C.  A.  H.  BuRKHARDT,  Hand  und  Adressbuch  der  deutschen  Archive 

im  Gebiete  des  deutschen  Reiches,  der  œsterreichisch-ungarischen  Monarchie,  der  rus- 
sischen  Ostsee  Provinzen  und  der  deutschen  Schweiz.  Leipzig,  Grenow.  1875.  In-8', 
xiij-208  p.  —  Prix  :  10  fr.  75. 

Ce  manuel,  rédigé  avec  un  véritable  esprit  scientifique,  sera  fort  utile  à  ceux 
qui  auront  à  travailler  dans  les  archives  allemandes,  aussi  bien  dans  celles  qui 
se  trouvent  en  Autriche,  dans  les  provinces  baltiques  et  dans  la  Suisse  allemande, 
que  dans  celles  qui  relèvent  du  nouvel  Empire.  Pour  chaque  archive  nous  trou- 
vons l'indication,  non-seulement  des  principaux  fonctionnaires  qui  la  dirigent  et 
de  l'autorité  compétente  pour  accorder  des  autorisations  de  travail,  mais  encore 
la  mention  de  tous  les  ouvrages  qui  ont  parlé  des  archives  et  de  leur  contenu,  et 
une  courte  notice  sur  la  nature  des  documents  qui  s'y  trouvent  renfermés. 


210.  —  Le  roi  René;  sa  vie,  son  administration,  ses  travaux  artistiques  et  littéraires 
d'après  les  documents  inédits  des  archives  de  France  et  d'Italie,  par  A.  Lecoy  de  la 
Marche.  1875.  2  vol.  in-8',  xvj-^59  et  548  p.  Ouvrage  auqueU'Académie  des  Inscrip- 
tions a  décerné  le  premier  prix  Gobert.  —  Prix  :  i  j  fr. 

I. 

L'intérêt  sympathique  que  le  roi  René  inspire  à  la  postérité  est  plutôt  dû  aux 
qualités  séduisantes  de  l'homme  qu'aux  talents  du  souverain  et  du  capitaine. 
Toutefois,  s'il  brilla  plus  dans  les  lettres  et  les  arts  que  dans  les  affaires  publiques, 
il  ne  s'ensuit  pas  que  son  rôle  politique  soit  effacé  et  que  l'histoire  de  ses  négo- 
ciations et  de  ses  guerres  soit  dénuée  d'intérêt.  Pour  qu'un  personnage  historique 
soit  intéressant  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il  ait  réussi,  il  suffit  qu'il  ait  été  mêlé  à 
de  grands  événements  et  qu'il  ait  déployé  du  courage  et  de  l'énergie  dans  sa 
lutte  contre  la  destinée.  La  vie  de  René  offre  ces  deux  conditions  d'intérêt.  On 
ne  pourra  plus,  en  effet,  après  avoir  lu  l'ouvrage  de  M.  L.  delà  M.,  considérer 
René  comme  un  prince  plus  soucieux  de  son  repos  que  de  sa  gloire.  Il  ne  refusa 
aucun  des  états  que  la  fortune  lui  offrit;  s'il  se  dépouilla  de  la  Lorraine  et  du 
Barrois  en  faveur  de  son  fils  Jean  d'Anjou,  ce  fut  seulement  parce  qu'il  reconnut 
que  la  multiplicité  et  l'éparpillement  de  ses  possessions  lui  en  rendait  l'adminis- 
tration presque  impossible;  deux  fois  il  tenta  le  sort  des  armes  en  Italie  ;  enfin,  à 
une  époque  assez  avancée  de  sa  carrière,  il  accepta  le  trône  d'Aragon.  Tout  cela 
ne  témoigne  pas  d'un  amour  exagéré  du  repos.  Ce  qui  est  vrai,  c'est  que  les 
circonstances  lui  imposèrent  une  tâche  au-dessus  de  ses  ressources  et  de  ses 
talents.  —  Le  volume  dont  nous  avons  à  rendre  compte'  se  divise  en  deux 
parties;  la  première  est  une  biographie  du  roi  René,  la  seconde  un  exposé  de 
son  administration  en  Anjou.  Chacun  des  chapitres  de  cette  biographie  correspond 
à  l'un  des  rôles  politiques  que  René  fut  appelé  à  jouer  et  nous  transporte  dans 


I.  Un  de  nos  collaborateurs  rendra  compte  du  second  volume,  consacré  à  l'influence 
artistique  et  littéraire  du  roi  René.  iRéd.] 


278  REVUE  CRITIQUE 

un  des  pays  qu'il  eut  à  gouverner  et  à  conquérir.  L'énumération  des  titres  de  ces 
chapitres  fera  apprécier  la  clarté  du  plan  :  I  René  enfant  CU09-1419),  II  René 
duc  de  Bar  et  de  Lorraine  (141 9- 1458),  III  René  roi  de  Sicile  (143  5-1442), 
IV  René  duc  d'Anjou  sous  Charles  VII  (1442-1461),  René  duc  d'Anjou  sous 
Louis  XI  (1461-1471),  René  comte  de  Provence  (i  471 -1480). 

L'auteur  a  mis  en  œuvre  avec  intelligence  et  habileté  les  matériaux  nombreux 
et  pour  la  plupart  inédits  que  lui  ont  fournis  les  Archives  nationales,  celles  des 
Bouches-du-Rhône,  de  Naples,  de  Milan  et  de  Florence.  Son  récit  est  clair  et 
rapide,  mais  il  ne  reflète  pas  les  mœurs,  les  passions  au  sein  desquelles  René  a 
vécu,  en  d'autres  termes  il  manque  de  vie.  Soit  que  la  nature  ait  refusé  à  M.  L. 
de  la  M.  ce  tact  historique  qui  saisit  la  différence  des  milieux,  soit  qu'avant  de 
traiter  son  sujet  il  ne  se  fût  pas  assez  familiarisé  avec  les  hommes  et  les  choses 
du  xve  siècle,  soit  enfin  à  cause  de  sa  tendance  à  sacrifier  parfois  la  vérité  à  la 
convention,  en  présentant  par  exemple  son  héros  comme  un  type  constant  de 
fidélité  et  de  loyauté,  toujours  est-il  que  son  livre  est  dépourvu  de  cette  couleur 
locale  qui,  discrètement  employée,  fait  le  charme  de  l'histoire  narrative.  Le  style 
lui-même  avec  son  élégance  académique  contribue  à  fausser  l'impression  géné- 
rale et  constitue  un  anachronisme  perpétuel. 

Telles  sont  les  qualités  et  les  défauts  du  volume  pris  dans  son  ensemble; 
passons  maintenant  aux  critiques  de  détail.  P.  1 5  et  36,  M.  L.  de  la  M.  parle 
d'un  arrêt  du  Parlement  rendu  en  1395  et  condamnant  Pierre  de  Craon  à  aban- 
donner à  Louis  II  duc  d'Anjou,  en  remboursement  de  100,000  ducats  qu'il  avait 
pris  à  Louis  T"",  la  terre  de  la  Ferté-Bernard.  M.  L.  de  la  M.,  qui  n'a  pas  vu 
cet  arrêt,  s'est  trompé  sur  sa  date  et  sur  son  objet.  Voici  la  vérité  sur  cette 
affaire.  Louis  I"  avait  envoyé  son  chambellan  Pierre  de  Craon  auprès  de  Bernabo, 
duc  de  Milan,  et  de  Jean-Galeas,  comte  de  Vertus,  ses  alliés,  pour  négocier  un 
emprunt.  L'envoyé  du  duc  d'Anjou  obtint  du  duc  de  Milan  50,000  florins  et  du 
comte  de  Vertus  40,000  florins  ou  ducats  d'or.  Rainaldo  de'  Orsini,  comte  de 
Tagliacozzo  (Reginaldo  de  Hurchinis,  comité  de  Taillecote),  lui  remit  aussi 
10,000  florins.  Pierre  de  Craon  s'appropria  ces  100,000  ducats.  Ajourné  au 
Parlement  en  1^91  après  la  mort  de  son  maître,  il  ne  comparut  pas  en  personne 
et  la  veuve  de  Louis  d'Anjou  obtint  défaut  contre  lui.  Il  fut  assigné  de  nouveau 
pour  le  4  avril  1 392.  N'ayant  comparu  que  par  procureur,  un  second  défaut  fut 
donné  contre  lui  le  17  juin  et  il  fut  cité  une  troisième  fois  pour  le  18  août 
delà  même  année  et  pour  le  25  février  1393  (n.  s.)  avec  menace,  s'il  était 
encore  défaillant,  d'être  condamné  au  bannissement  et  à  la  confiscation.  Il  fit 
défaut  une  quatrième  fois.  En  conséquence,  le  4  mars  1393  (n.  s.)  la  cour 
accorda  à  la  duchesse  le  profit  du  défaut  et  condamna  Pierre  de  Craon  à  perdre 
les  fiefs  qu'il  tenait  de  la  duchesse  d'Anjou,  à  lui  rembourser  100,000  ducats  et 
à  rester  en  prison  jusqu'au  paiement  '.  —  Louis  II  n'était  pas  seulement  resté 
redevable  envers  le  duc  de  Bourgogne  de  quelques  objets  du  trousseau  de 
Catherine  de  Bourgogne  (p.  27),  mais  aussi  d'une  partie  de  la  dot  en  argent,  car 

I.  Reg.  crim.  du  Pari.  X*a  13  f.  126. 


d'histoire  et  de  littérature.  279 

le  12  mars  1432  (n.  s.)  René  obtint  décharge  de  cette  dot  en  cédant  au  chan- 
celier de  Philippe  le  Bon,  Nicolas  Rolin,  les  châtellenies  d'Aymeries,  de  Pont- 
sur-Sambre,  Raismes,  Quartes  et  Dourlers  en  Hainaut'.  La  répartition  des 
impôts  par  les  contribuables  est  moins  rare  au  moyen-âge  que  M.  L.  de  la  M. 
se  le  figure  (p.  41).  D'après  une  ordonnance  de  S.  Louis,  les  tailles  devaient 
être  assises  dans  les  villes  par  des  répartiteurs  au  nombre  de  six  à  douze 
qui  étaient  élus  au  second  degré  par  les  habitants  2.  —  L'accord  intervenu 
entre  Yolande  d'Aragon  et  le  cardinal-duc  de  Bar,  et  en  vertu  duquel  René 
devint  héritier  présomptif  du  duché  de  Bar,  semble  avoir  échappé  aux 
recherches  de  M.  L.  de  la  M.  Nous  n'avons  pas  été  plus  heureux  que  lui. 
Nous  ne  lui  reprocherons  pas  non  plus  de  n'avoir  pas  analysé  les  moyens  pro- 
duits par  Yolande  de  Bar  et  par  son  frère  dans  un  procès  dont  le  dénouement 
seul  intéressait  son  héros.  Nous  profiterons  seulement  de  cette  occasion  pour 
signaler  à  ceux  qui  voudraient  connaître  les  questions  débattues  entre  la  reine 
d'Aragon  et  le  cardinal,  les  conclusions  motivées  présentées  par  les  parties  le 
12,  i^,  19  et  22  décembre  141 8 3.  —  Nous  parlions  en  commençant  delà 
partialité  de  M.  L.  de  la  M.  pour  le  roi  René.  Il  y  a  des  cas  où  cette  partialité  se 
révèle  par  l'omission  de  faits  qui  pourraient  nuire  au  prestige  de  son  héros. 
Quand  il  mentionne  le  siège  de  Passavant  par  René  en  1427  (p.  67-68),  il  ne 
nous  dit  pas  que  cette  place  appartenait  au  dauphin  et  que  René  manquait  à 
cette  fidélité  qui,  d'après  son  historien,  inspira  toujours  sa  conduite.  M.  L.  de 
la  M.  a  complètement  passé  sous  silence  un  autre  acte  d'hostilité  du  roi  René 
contre  le  parti  dauphinois,  rapporté  par  Monstrelet4.  En  1428,  pendant  que 
Guillaume  de  Flavy  était  assiégé  dans  Beaumont  en  Argonne  par  Jean  de  Luxem- 
bourg, le  duc  de  Bar  fit  démolir  la  place  forte  de  Neuville-sur-Meuse,  où  ce 
capitaine  dauphinois  tenait  garnison  et  qui  lui  servait  de  retraite.  M.  L.  de  la  M. 
a  craint  de  diminuer  le  mérite  de  René  en  rappelant  les  événements  qui  le  déci- 
dèrent à  rejoindre  le  dauphin  à  Reims  et  à  retirer  l'hommage  que  son  grand- 
oncle  le  duc  de  Bar  venait  de  faire  en  son  nom  et  en  vertu  de  son  mandat  au 
duc  de  Bedford  (70-74).  Ni  cet  acte  de  foi  et  d'hommage,  ni  même  le  siège  et 
la  démolition  de  places  dauphinoises,  n'autorisent,  nous  le  reconnaissons,  à 
mettre  en  doute  les  sympathies  de  René  pour  la  cause  de  son  beau-frère;  toutefois 
il  fallait  dire  qu'il  attendit  les  succès  de  Jeanne  d'Arc  pour  manifester  ces  sympa- 
thies et  se  séparer  franchement  du  parti  auquel  il  se  rattachait  par  son  grand- 
oncle  et  son  beau-père.  M.  L.  de  la  M.  obéit  à  la  même  partialité  en  faveur  de 
son  héros  quand  il  se  refuse  à  admettre  sa  participation  au  complot  tramé  à 
Angers  en  1437.  Il  se  fonde  sur  ce  que  cette  complicités  n'est  pas  établie  par 
des  preuves  authentiques,  et  il  explique  l'intervention  de  René  comme  celle  d'un 


1.  Bibl.  nat.  coll.  Lorraine ,  238,  n»  3. 

2.  Ordon.  du  Louvre  I,  291. 

3.  Matinées  du  Pari.  X^a  4792  f.  93  V  —  98. 

4.  Ed.  Douet  d'Arcq,  IV,  291. 

5.  Elle  est  reconnue  par  le  dernier  historien  de  Charles  VII.  Beaucourt,  Caracûre  de 
Charles  VU,  p.  88,  89. 


28o  REVUE   CRITIQUE 

conciliateur  (p.  150-131).  Mais,  à  défaut  d'actes  authentiques,  toujours  rares 
quand  il  s'agit  d'une  conspiration,  le  témoignage  de  Perceval  de  Cagny,  familier 
du  duc  d'Alençon  qui  était  l'un  des  conjurés,  suffit  pour  prouver  que  René 
trempa  dans  ces  menées'.  L'explication  de  sa  conduite  dans  cette  circonstance  se 
trouve  peut-être  dans  le  traité  passé  par  lui  avec  Charles  d'Anjou  le  2  août  1437. 
En  échange  du  comté  du  Maine  qui  lui  était  constitué  en  apanage,  le  favori  s'en- 
gageait à  employer  son  crédit  au  profit  du  chef  de  sa  maison.  Cette  promesse 
peut  faire  supposer  que  René  avait  trouvé  son  frère  trop  tiède  pour  ses  intérêts 
et  s'était  joint  à  ses  adversaires  pour  le  renverser  ou  peut-être  seulement  pour 
l'effrayer.  Puisque  nous  parlons  de  l'apanage  de  Charles  d'Anjou,  nous  complé- 
terons ce  que  M.  L.  de  la  M.  dit  de  la  façon  dont  il  fut  réglé  par  le  traité  du 
5  avril  1441  (p.  2$  1-2^2.  Voy.  aussi  p.  131- 132).  Ce  n'est  pas  seulement  le 
comté  du  Maine  que  Charles  d'Anjou  reçut  alors  en  apanage;  René  y  joignit  le 
Château-du-Loir,  la  Ferté-Bernard,  Mayenne-la-Juhel.  Charles  ne  devait  jouir 
de  la  baronnie  de  Sablé  qu'après  la  mort  de  Yolande  d'Aragon  à  laquelle  elle 
avait  été  assignée  en  douaire  2.  Dans  le  cas  où  le  comte  du  Maine  n'aurait  pas 
de  postérité  masculine,  l'apanage  ferait  retour  à  René  ou  à  ses  hoirs  mâles,  la 
descendance  féminine  de  Charles  devant  se  contenter  de  la  seigneurie  de  la 
Roche-sur-Yon  et  de  40,000  écus  d'or.  Ces  conventions  furent  ratifiées  par  le 
roi  le  7  octobre  1441  ?.  —  Au  sujet  des  négociations  de  Louis  XI  avec  les  am- 
bassadeurs florentins  en  1461  et  1462  (n.  s.),  M.  L.  de  la  M.  aurait  pu  consulter 
la  relation  du  voyage  de  ces  ambassadeurs  écrite  par  le  chancelier  de  l'ambas- 
sade et  publiée  dans  VArchivio  storico  (série  III,  tome  I,  part.  i).  Ce  n'est  pas 
que  ce  secrétaire  rende  compte  des  conversations  du  roi  et  des  ambassadeurs, 
mais,  tandis  qu'il  garde  le  silence  sur  l'audience  secrète  du  31  décembre  1461, 
il  nous  apprend  que  le  sire  de  Beau  veau,  sénéchal  de  Provence,  et  le  sire  de  Préci- 
gny  assistèrent  à  l'audience  privée  du  2  janvier  1462  (n.  s.).  La  présence  des 
ambassadeurs  du  roi  René  méritait  d'être  mentionnée.  Elle  ne  s'explique  pas 
seulement  par  les  réclamations  de  la  république  au  sujet  d'un  corsaire  angevin, 
mais  aussi  par  l'espoir  de  la  gagner  à  la  cause  de  leur  maître  (p.  335-336).  Les 
ambassadeurs  florentins  prirent  congé  du  roi  le  10  janvier.  —  M.  L.  de  la  M. 
s'est  trompé  sur  la  date  de  l'ordonnance  en  vertu  de  laquelle  les  greffes  de 
l'Anjou  durent  être  baillés  à  ferme;  le  roi  René  prit  cette  mesure  en  1456  et  non 
en  1457.  C'est  ce  qui  résulte  de  la  communication  faite  le  16  février  1457  (n.  s.) 
au  conseil  ducal  par  le  président  de  la  chambre  des  comptes4.  Quant  à  l'ordonnance 
royale  rendue  un  peu  auparavant  dans  le  même  dessein,  et  dont  René  s'inspira, 
son  existence  n'est  pas  douteuse,  puisqu'elle  est  mentionnée  dans  cette  commu- 
nication ;  mais  elle  est  restée  inconnue  aux  éditeurs  des  recueils  d'ordonnances 


1.  Bibl.  nat.  mss.  Duchesne  48  f°  104  v.  et  105. 

2.  M.  L.  de  la  M.  ne  nomme  pas  la  baronnie  de  Sablé  parmi  les  terres  qui  formaient 
le  douaire  d'Yolande  d'Aragon,  p.  35,  n.  i. 

3.  Pari,  ordonn.  Xla  860$  f.  77  v". 

4.  «  Sire  il  est  vray  que  environ  le  mois  d'aoust  derren.  passé  vous  ordonnastes,  etc.  • 
Arch.  nat.  P  1334*'  f.  14$. 


d'histoire  et  de  littérature.  281 

et  à  M.  Vallet  de  Viriville,  et  on  serait  curieux  d'en  connaître  Tobjet  d'une  façon 
précise.  En  effet  la  mise  en  adjudication  des  greffes  n'était  pas  en  14^6  une 
innovation  en  France,  puisque  dès  le  10  novembre  1322  Charles  le  Bel  ordonnait 
aux  baillis  et  sénéchaux  d'affermer  aux  enchères  les  greffes,  sceaux  et  geôlages 
de  leurs  bailliages  et  sénéchaussées '.  —  Les  noms  de  lieu  ne  sont  pas  toujours 
ramenés  à  leur  forme  actuelle,  ce  qui  déroute  le  lecteur.  Il  est  question  plusieurs 
fois  de  la  terre  de  Chailly  en  même  temps  que  de  celle  de  Longjumeau.  Chailly 
s'appelle  aujourd'hui  Chilly-Mazarin  (Seine-et-Oise,  arr.  Corbeil,  cant.  Long- 
jumeau).  C'est  en  vain  qu'on  chercherait  parmi  les  dépendances  de  la  baronnie 
de  Berre  une  localité  du  nom  d'Alanson  (p.  38).  Sous  cette  forme  archaïque  on 
reconnaît  sans  peine  Lançon  2,  dans  le  voisinage  d'Istre  ou  mieux  Istres  et  de 
Martigues  qui  dépendaient  de  la  même  baronnie.  Le  fief  de  Pocé,  près  Saumur 
(p.  36)  doit  être  identifié  avec  les  localités  du  haut  et  bas  Poçay  que  l'on 
trouve  sur  la  carte  de  Cassini  dans  le  voisinage  de  Bagneux  (arr.  et  cant.  Sau- 
mur). M.  L.  de  la  M.  aurait  dû  déterminer  d'une  façon  plus  précise  la  situation 
de  la  seigneurie  de  Vandale  qu'il  place  en  Provence,  et  que  nous  avons  vainement 
cherchée  dans  Cassini.  Il  a  probablement  reproduit  les  noms  des  villes  du  Bres- 
cian  occupées  en  1453  par  les  forces  réunies  de  René  et  de  Sforza  (p.  280-281)^ 
tels  qu'il  les  a  trouvés  dans  Simoneta;  ces  noms  s'écrivent  différemment 
aujourd'hui.  Pons-sur-Senne  (p.  35,  n.  3)  est  une  mauvaise  lecture,  c'est  Pont- 
sur-Sambre  qu'il  faut  lire.  Doulers  (ibid.)  lisez  Dourlers,  Quarte  lisez  Quartes, 
Raimes  lisez  Raismes,  Attenay  lisez  Athenay  (Sarthe,  arr.  le  Mans,  cant.  la  Suze, 
com.  Chemiré-le-Gaudin).  Alluye  lisez  Alluyes  (Eure-et-Loir,  arr.  Châteaudun, 
cant.  Bonneval).  Auton  lisez  Authon,  auj.  Authon-du-Perche  (Eure-et-Loir,  arr. 
Nogent-le-Rotrou).  La  Basoche  lisez  la  Bazoche,  auj.  la  Bazoche-Gouet.  C'est 
sans  doute  par  suite  d'une  faute  d'impression,  qui  devrait  être  rectifiée  à  Verrata, 
qu'on  lit  Jehan  Dannet  au  lieu  de  Dauvet  parmi  les  noms  des  personnes  qui 
assistèrent  au  conseil  royal  du  i^""  avril  146$  (II,  312).  En  effet  le  nom  du 
premier  président  du  Parlement  est  bien  connu  de  tous  ceux  qui  se  sont  un  peu 
occupés  du  xv^  siècle,  et  on  le  trouve  correctement  écrit  dans  le  premier  volume 
de  l'ouvrage,  à  l'occasion  de  la  demande  que  ce  personnage,  alors  procureur 
général  au  Parlement,  adressa  à  René  pour  obtenir  l'extradition  de  Jean  de 
Village  (I,  295-297).  Nicolas  Rolin  était  seigneur  d'Authume  en  Bourgogne  et 
non  d'AAzthume  (I,  123).  Les  conseillers  du  cardinal-duc  de  Bar  en  présence 
desquels  fut  expédié  l'acte  de  foi  et  hommage  de  celui-ci  au  duc  de  Bedford 
s'appelaient  Harou^'J  et  Bouillon  et  non  Haroug  ei  Bruillon  (II,  219)4.  C'est 
très-probablement  ce  dernier  personnage  qui  figure  dans  un  autre  endroit  de 
l'ouvrage  (I,  115)  sous  le  nom  également  altéré  de  Breuillon. 

On  se  tromperait  sur  l'opinion  que  nous  avons  du  livre  de  M.  L.  de  la  M.  si 


1.  Ord.  du  Louvre  I,  773. 

2.  Bouches-du-Rhône,  arr.  Aix,  cant.  Salon. 

3.  Haroué  (Meurthe,  arr.  Nancy). 

4.  Arch.  nat.j  Pari.  Ordonn.  X'a  8605  f.  12  v' 


282  REVUE    CRITIQUE 

on  la  cherchait  uniquement  dans  les  observations  qui  précèdent.  On  s'explique 
que  M.  L.  de  la  M.,  absorbé  par  la  recherche  et  la  mise  en  œuvre  de  matériaux 
aussi  nombreux,  n'ait  pas  eu  le  temps  ou  la  patience  d'identifier  tous  les  noms 
de  lieu  et  de  personne  qu'il  a  rencontrés  sur  sa  route.  Nous  devions  relever 
ces  imperfections,  mais  nous  ne  pouvons  passer  sous  silence  les  mérites  d'un 
livre  qui,  croyons-nous,  résistera  dans  son  ensemble  à  l'analyse  dissolvante  de 
la  critique.  Il  est  substantiel,  bien  composé,  bien  écrit  '  quoique  avec  un  peu 
d'apprêt.  Il  rectifie  les  nombreuses  erreurs  où  est  tombé  le  prédécesseur  de 
M.  L.  de  la  M.,  M.  de  Villeneuve-Bargemont.  Il  est  enrichi  de  plus  de  cent 
pièces  justificatives  inédites  et  d'un  itinéraire,  dressé  à  l'aide  des  actes  officiels, 
qui  permettra  de  contrôler  les  historiens  du  roi  René  ;  en  somme,  il  est  digne  de 
la  haute  récompense  que  l'Académie  vient  de  lui  décerner. 

G.  Fagniez. 


211.  — Jacobi  "Wimpfelîngiî  Germania  ad  Rempublicam  Argentinensem. 

—  Thomae  Murneri  ad  Rempublicam  Argentinam  Germania  nova.  —  Impressum  Ge- 
nevae  per  Juiium  Guill.  Fick,  anno  Domini  MDCCCLXXIV.  (Strassburg,  Bull.  1874). 
In-4*,  20  p.  —  Prix  :  4  fr. 

La  présente  réimpression,  chef-d'œuvre  d'exactitude,  en  même  temps  que 
modèle  d'élégance  typographique,  remet  entre  les  mains  du  public  lettré  un 
opuscule  que  bien  peu  de  personnes  ont  pu  se  vanter  d'avoir  jamais  aperçu,  et 
dont  la  perte  a  été  mainte  fois  déplorée  par  les  bibliophiles.  Il  s'agit  des  pièces 
d'une  polémique,  moitié  scientifique  et  moitié  politique,  commencée  aux  débuts 
du  xv!*"  siècle,  et  que  des  événements  récents  ont  rendue  plus  acharnée,  comme 
aussi  plus  actuelle  que  jamais.  La  plaine  entre  les  Vosges  et  le  Rhin  appartient- 
elle  à  la  France  où  à  l'Allemagne  ?  Cette  question,  si  souvent  discutée  dans  les 
pamphlets  et  si  souvent  tranchée,  mais  jamais  sans  appel,  par  le  glaive  ou  le 
canon,  un  savant  alsacien,  que  ses  mérites  littéraires  et  pédagogiques  ont  placé 
au  premier  rang  des  humanistes  de  la  fin  du  xv*^  siècle,  Jacques  Wimpheling  de 
Sélestadt,  la  posait  à  ses  concitoyens  en  1 500.  Il  avait  remarqué  que  dans 
Strasbourg  se  formait  un  noyau,  bien  petit  et  bien  caché  encore,  de  sympathies 
françaises,  et  il  croyait  de  son  devoir  d'exhorter  les  Alsaciens  et  surtout  Strasbourg 
à  rester  fidèles  au  Saint-Empire  Romain-Germanique,  «  afin  d'y  voir  fleurir 
toujours  la  liberté  romaine  et  la  vertu  germaine.  »  A  grand  renfort  de  citations 
et  d'arguments,  les  uns  plus  sérieux,  les  autres  d'une  puérilité  ridicule,  il 
démontrait  à  ses  compatriotes  que  l'Alsace  avait  été  toujours  allemande,  que 
Clovis  et  Charlemagne  avaient  été  Allemands,  et  que  la  France  s'arrêtait  aux 
limites  naturelles  des  Vosges. 

Cet  écrit  publié  à  Strasbourg,  par  Jean  Pruss,  en  janvier  1 501,  excita  quelque 


1.  Ces  qualités  brillent  surtout  dans  répisode  de  la  Fausse  Pucclle,  que  l'auteur  avait 
déjà  traité  ailleurs. 


d'histoire  et  de  littérature.  283 

peu  Popinion  publique,  et  un  personnage  bizarre,  malheureusement  aussi  peu 
recommandable  par  ses  mœurs  qu'il  était  remarquable  par  sa  verve  et  son  esprit 
satirique,  le  dominicain  Murner,  entreprit  de  le  réfuter  et  de  prouver  que 
l'Alsace  avait  été  française,  c.-à-d.  gauloise,  dans  le  passé.  C'était  un  jeu  dan- 
gereux pour  l'auteur,  car  on  ne  plaisantait  point  à  cette  époque  avec  «  les 
ennemis  de  l'empire».  Aussi  Murner  eut-il  soin  de  déclarer  que  c'était  au  point 
de  vue  de  l'érudition  seule  qu'il  attaquait  l'écrit  de  Wimpheling,  et  de  protester 
de  ses  sentiments  patriotiques  allemands,  dans  une  dédicace  au  magistrat  de 
Strasbourg.  Mais  les  autorités  de  la  petite  république  ne  goûtèrent  point  ses 
explications  et,  par  ordre  du  Sénat,  l'édition  toute  entière  fut  saisie  chez  l'impri- 
meur Gruninger,  au  moment  où  elle  allait  être  mise  en  vente.  Six  exemplaires 
seulement  avaient  été  déjà  livrés  à  l'auteur  ou  vendus  ;  tous  les  autres  furent 
détruits.  Que  sont  devenus  ces  six  exemplaires .?  L'un  d'eux  arriva  au  xvii*  siècle 
entre  les  mains  du  célèbre  archiviste  strasbourgeois  Wencker,  et  passa  avec  ses 
riches  collections  à  la  bibliothèque  de  la  ville;  il  a  péri  dans  le  bombardement 
de  1870.  Incomplet  comme  lui,  un  autre  exemplaire  se  trouve  à  la  biblio- 
thèque de  Copenhague.  Une  seule  des  six  plaquettes  échappées  à  la  destruction 
ordonnée  en  i$oi,  existe  encore  à  la  bibliothèque  cantonale  de  Zurich.  C'est 
sur  cet  exemplaire  qu'un  savant  strasbourgeois,  qui  a  désiré  garder  l'anonyme, 
a  fait  réimprimer,  disons  mieux,  facsimiler  la  présente  édition,  par  M.  Fick, 
l'éminent  imprimeur  de  Genève;  les  vieux  bois  ont  été  reproduits  par  la  photo- 
lithographie, les  types  copiés  avec  la  plus  grande  exactitude  et  une  des  plus 
grandes  raretés  bibliographiques  rendue  ainsi  à  la  circulation.  Naturellement 
Wimpheling  n'avait  point  vu  son  travail  détruit  comme  celui  de  son  adversaire  ; 
aussi  sa  brochure  est-elle  moins  rare,  sinon  dans  l'édition  originale,  au  moins 
dans  la  seconde  édition  qu'en  fit  le  célèbre  satirique  Moscherosch,  en  1649, 
alors  que  les  tendances  françaises  s'affirmaient  de  plus  en  plus  en  Alsace.  Quand 
Wimpheling  eut  appris  que  Murner  préparait  un  travail  pour  réfuter  le  sien,  il 
tâcha  de  s'en  procurer  le  manuscrit  et  rédigea  d'avance  une  réponse  :  Decla- 
ratio...  ad  mitigandum  adversarium.  C'est  une  plaquette  sans  date  ni  lieu  d'impres- 
sion, dont  un  exemplaire  se  trouve  à  la  bibliothèque  Mazarine,  et  que  Wimpheling 
mit  au  jour  malgré  la  suppression  du  factum  contre  lequel  elle  était  dirigée.  Des 
amis  de  l'humaniste  de  Sélestadt,  irrités  de  le  voir  attaqué  par  le  dominicain, 
publièrent  également  des  brochures  en  faveur  de  sa  thèse  :  Defensio  Germaniae 
Jacobi  Wimphelingi,  etc.,  auxquelles  Murner  répondit  à  son  tour  par  des  satires 
fort  violentes  en  prose  et  en  vers.  Ce  qu'il  y  a  d'amusant  dans  cette  querelle, 
c'est  que,  malgré  le  point  de  départ  tout  politique,  il  n'est  plus  parlé  dans 
aucun  de  ces  pamphlets  de  la  question  des  limites  de  la  Gaule;  sans  doute  on 
craignait  de  voir  l'autorité  civile  intervenir  derechef  dans  une  discussion  si  déli- 
cate, et  l'on  aimait  mieux  se  lancer  de  gros  mots  à  la  tête  (cucullatus  diaholus, 
asinus  plumbeus,  etc.)  que  de  risquer  l'exil  ou  la  prison.  L'éditeur  a  donc  bien 
fait  de  ne  pas  joindre  la  suite  de  cette  polémique  aux  deux  pièces  principales 
réunies  dans  sa  plaquette.  On  sera  frappé,  en  les  lisant,  du  peu  d'originalité  dans 
le  raisonnement,  du  respect  servile  pour  les  autorités  scientifiques  les  moins 


284  REVUE    CRITIQUE 

respectables  qui  s'y  montre  à  chaque  instant,  chez  l'un  comme  chez  l'autre  des 

deux  adversaires.  Les  polémiques  dans  le  champ  de  l'ethnographie  politique  ne 

sont  pas  aujourd'hui  peut-être  beaucoup  plus  loyales,  ni   plus  scientifiques 

qu'alors,  mais  du  moins  on  tâche  d'être  moins  puéril  et  pius  correct  dans  ses 

déductions  logiques. 

E. 


212.  —  Les  Marguerites  de  la  Marguerite  des  Princesses.  Texte  de  l'édi- 
tion de  1^47  publié  avec  introduction,  notes  et  glossaire  par  Félix  Frank.  Paris, 
Jouaust,  1873-74,  4  vol.  in-16  de  xcix-i6o,  2J7,  250  et  313  p.  —  Prix  :  10  fr. 
le  vol. 

La  Revue  critique  est  fort  en  retard  avec  les  Marguerites  de  la  Marguerite  des 
Princesses.  Heureusement  que  les  bonnes  publications  font  leur  chemin  toutes 
seules  et  que,  malgré  le  silence  gardé,  au  sujet  de  la  nouvelle  édition  des  œuvres 
poétiques  de  la  reine  de  Navarre,  par  les  journaux  et  par  les  revues,  cette 
édition  est  déjà  presque  épuisée  !  Bien  des  choses  expliquent  ce  grand  succès  : 
la  rareté  des  exemplaires  du  xvi"  siècle  (non  réimprimés  depuis  300  ans),  l'in- 
térêt du  recueil,  et,  par-dessus  tout,  l'extrême  soin  avec  lequel,  soit  typogra- 
phiquement,  soit  littérairement,  ont  été  édités  les  quatre  volumes  classés  sous  le 
n*  XVI  dans  la  collection  du  Cabinet  du  Bibliophile. 

MM.  Jouaust  et  Frank  ont  reproduit  le  texte  de  l'édition  princeps  (Lyon,  Jean 
de  Tournes,  1547  in-8"),  mais  sans  négliger  de  recourir  à  l'édition  de  15^4, 
toutes  les  fois  qu'une  leçon  leur  a  paru  suspecte.  Ils  n'ont  pas  manqué  non  plus 
de  rapprocher  des  deux  volumes  de  1 547  les  pièces  qui  avaient  vu  le  jour  isolé- 
ment, avant  d'être  réunies  dans  l'écrin  des  Marguerites.  Ils  ont  ainsi  pu  corriger 
diverses  fautes  d'impression  et  nous  donner  un  texte  d'une  incomparable  pureté. 
Ai-je  besoin  d'ajouter  que  l'orthographe  du  xvi^  siècle  a  été  religieusement 
respectée,  et  que,  suivant  la  constante  habitude  de  la  librairie  des  Bibliophiles^  on 
a  seulement  modifié  l'accentuation  et  la  ponctuation?  Les  gravures  sur  bois 
intercalées  dans  le  texte  de  l'édition  originale  ont  été  toutes  exactement  repro- 
duites, et,  de  plus,  on  a  placé,  en  tête  du  premier  volume,  un  portrait  authen- 
tique de  la  reine  de  Navarre,  gravé  à  l'eau  forte  d'après  un  dessin  du  temps  que 
l'on  conserve  au  cabinet  des  Estampes. 

Voici  comment  les  poésies  de  la  sœur  de  François  i^"^  ont  été  réparties  entre 
les  quatre  volumes  : 

I.  Le  Miroir  de  l'âme  pécheresse.  —  Discord  estant  en  l'homme  par  la  contrariété 
de  V Esprit  et  de  la  Chair  et  Paix  par  vie  Spirituelle.  —  Oraison  de  l'âme  fidèle  à  son 
Seigneur  Dieu.  —  Oraison  à  Nostre  Seigneur  Jésus-Christ. 

II.  Comédie  de  la  Nativité  de  Jésus-Christ.  —  Comédie  de  l'Adoration  des  Trois 
Roys  à  Jésus-Christ.  —  Comédie  des  Innocents.  —  Comédie  du  Désert. 

III.  Le  Triomphe  de  l'Agneau.  —  Complainte  pour  un  détenu  prisonnier.  —  Chan- 
sons spirituelles.  —  L'Histoire  des  Satyres  et  Nymphes  de  Dyane.  —  Epistres  de 
la  Royne  de  Navarre  au  Roy  Françoys^  son  frère. 


d'histoire  et  de  littérature.  285 

IV.  Les  quatre  dames  et  les  quatre  gentilzhommes .  —  Comédie.  —  Farce  de  trop, 

prou,  peu,  moins.  —  La  Coche.  —  VUmhre.  —  La  Mort  et  Résurrection  d'Amour. 

—  Chanson  faite  à  une  dame.  —  Les  adieu  des  Dames  de  chez  la  Reyne  de  Navarre 

allant  en  Gascongne.  —  Enigmes. 

Toutes  ces  poésies  sont  à  étudier,  soit  quant  à  la  langue,  soit  quant  aux 
idées,  soit  quant  aux  renseignements  de  biographie  et  d'histoire  que  l'on  peut  en 
extraire.  Le  talent  de  l'auteur,  qui  a  été  très-discuté,  est  incontestable,  mais  il 
n'est  pas  égal,  et  si  quelques  pièces  sont  écrites  avec  grâce  et  avec  délicatesse, 
si  quelques-unes  même  sont  vraiment  délicieuses,  d'autres  et  en  assez  grand 
nombre  sont  des  plus  médiocres.  La  muse  de  Marguerite,  parfois  souriante  et 
ailée,  se  traîne  parfois  péniblement,  musa  pedesîris.  En  somme,  tout  est  à  lire 
dans  les  Marguerites  de  la  Marguerite,  et  certaines  pages  y  doivent  être  relues 
et  savourées". 

M.  Fr.  a  groupé,  à  la  fin  de  chaque  volume,  des  notes  d'une  grande 
utilité,  et  son  glossaire  (t.  IV,  p.  297-51 3)  abonde  en  excellentes  explications  et 
en  curieux  rapprochements.  Mais  ce  qui,  dans  tout  son  travail,  a  le  plus  d'im- 
portance et  mérite  le  plus  d'estime,  c'est  l'Introduction.  Laissons-le  nous  dire 
lui-même  ce  qu'il  a  voulu  y  mettre  et  ce  qu'en  effet  il  y  a  très-bien  mis  (p.  ij 
et  iij)  :  «  En  résumant  aussi  brièvement  que  possible  la  biographie  de  Marguerite 
d'Angoulême,  j'ai  cru  devoir  indiquer  avec  précision  ce  que  son  éducation,  sa 
vie,  son  caractère  et  ses  opinions  offrent  de  plus  saillant.  Signaler  les  principales 
traces  de  ces  divers  éléments  dans  ses  œuvres  ;  rectifier  les  assertions  hasardées 
au  sujet  de  ses  poésies;  relever  certaines  erreurs  matérielles  qu'il  importe  de  ne 
pas  laisser  se  perpétuer,  voilà  encore  une  tâche  que  m'imposait  le  souci  d'une 
critique  impartiale  ;  enfin  la  partie  bibliographique  devait  recevoir  ici  un  déve- 
loppement spécial.  La  Notice  qu'on  va  lire  n'est  donc  ni  une  reproduction  ni  un 
simple  abrégé  des  études  antérieures;  tout  en  profitant  de  leurs  indications,  elle 
les  complète  et  les  corrige  en  plusieurs  endroits;  et  peut-être  la  figure  de 
la  reine  de  Navarre  s'y  dégage- t-elle  avec  plus  de  netteté  de  la  réunion  des 
traits  particuliers,  recueillis  partout  avec  le  plus  grand  soin.  » 

M.  Fr.  a  su  beaucoup  ajouter  à  ce  qu'avaient  écrit  sur  la  vie  de  Marguerite  et 
sur  ses  ouvrages  Bayle,  Génin,  Le  Roux  de  Lincy,  les  frères  Haag,  M.  Littré, 
M.  de  Loménie,  M.  delà  Ferrière-Percy,  M.  d'Héricault,  M.  Victor  Luro ,  etc. 
Je  n'ose  pas  dire  que  la  biographie  de  la  séduisante  princesse  ne  soit  plus  à  faire, 
mais  du  moins  je  crois  pouvoir  déclarer  que  nul  n'aura  autant  contribué  que  le 
jeune  érudit  à  rendre  possible  cette  définitive  biographie.  M.  Fr.  aime  et  admire 
beaucoup  Marguerite,  mais  il  ne  se  laisse  pas  entraîner,  pour  cela,  dans  de 
complaisantes  exagérations.  Le  charme  qu'après  tant  d'autres  il  a  subi  ne  le 
rend  pas  aveugle,  mais  semble  lui  donner,  au  contraire,  une  clairvoyance  toute 
particulière  pour  découvrir  la  vérité  au  milieu  des  récits  dissemblables  et  des 
jugements  contradictoires.  C'est  surtout  quand  il  s'agit  de  défendre  son  héroïne 

1.  Je  ne  m'éloigne  pas  trop,  dans  cette  appréciation,  du  sentiment  de  l'éditeur.  Cf. 
p.  Ivij  et  Ixxxv. 


286  REVUE    CRITIQUE 

contre  certains  reproches  immérités  que  sa  passion  l'inspire  heureusement  ;  son 
esprit,  naturellement  fin,  s'aiguise  encore  dans  cette  lutte  contre  les  adversaires 
de  Marguerite  et  principalement  contre  ceux  qui,  sans  être  des  adversaires, 
n'ont  pas  craint  d'attribuer  à  la  sœur  de  François  l^''  de  coupables  amours. 
Sans  doute  on  avait  déjà  prouvé  que  la  flamme  incestueuse  dont,  d'après  Génin 
et  Michelet,  le  cœur  de  Marguerite  aurait  été  consumé,  n'avait  point  existé, 
mais  la  pressante  et  habile  argumentation  de  M.  Fr.  (p.  xxxj-xxxv)  achève 
de  venger  Marguerite  d'une  injure  qui  n'aurait  jamais  dû  l'atteindre.  Après  avoir 
loué  les  ingénieuses  et  sûres  rectifications  du  biographe,  je  ne  louerai  pas  moins 
les  observations  du  bibliographe  (p.  Ixxxv-xcvij),  et,  en  finissant.  Je  deman- 
derai à  M.  Fr.  une  publication  qu'il  est  si  capable  de  rendre  excellente,  le  recueil 
des  poésies  inédites  de  Marguerite»,  qu'il  pourrait  faire  précéder  du  tableau 
complet  2  d'une  vie  dont  il  a  mis  sous  nos  yeux  la  fidèle  et  brillante  esquisse. 

T.  de  L. 


213.  —  Blbliographica  geographica  Palestinœ  ab  anno  CCCXXXIII,  usque 
ad  annum  M.  Auctore  Tito  Tobler.  Dresdae,  Libraria  G.  Schœnfeldia.  1875.  In-8*, 
27  p.  —  Prix  :  I  fr.  35. 

Cette  plaquette,  extraite  du  Neuer  Anzeiger  fiir  Bibliographie  u.  Biblioîhekwis- 
senschaft  édité  par  Petzholdt  (1875,  fasc.  6,  7,  8,  9),  contient  la  description 
de  tous  les  textes  concernant  la  géographie  de  la  Palestine,  de  l'an  3^3  à 
l'an  1000.  Déjà  M.  Tobler  avait  consacré  à  cette  série,  dans  son  ouvrage 
d'ensemble:  Bibliographia  Geographica  Palestine  etc.,  publiée  en  1867,  sept 
pages  excellentes;  une  question  posée  en  1871  par  l'Académie  des  Inscriptions 
et  Belles-Lettres  l'a  engagé  à  refaire  entièrement  ce  travail  partiel,  qui  a  mainte- 
nant une  étendue  presque  triple  du  premier  ;  ce  qu'il  nous  donne  aujourd'hui,  c'est, 
avec  quelques  légers  changements  et  de  rares  additions,  le  mémoire  envoyé  par  lui 
au  concours  dans  l'espoir  d'obtenir  une  récompense  qui  ne  lui  a  point  été  décernée. 

Nul  n'a  plus  que  M.  T.  de  compétence  pour  traiter  pareil  sujet;  explorateur 
émérite  de  la  Terre-Sainte,  il  a  été  l'éditeur,  et  l'éditeur  irréprochable,  de  plusieurs 
de  ces  textes  dont  il  entreprend  de  dresser  le  catalogue  complet;  c'est  à  ce  savant 
suisse  que  s'est  adressée  la  Société  récemment  constituée  chez  nous,  pour  la  publi- 
cation des  textes  relatifs  à  l'histoire  et  à  la  géographie  de  l'Orient  latin  :  il  a  été  chargé 
du  volume  I  qui  renfermera  les  Pèlerinages  en  Terre-Sainte  (textes  latins  de  3  3  3  à 
1 100).  Ce  choix  heureux  est  un  hommage  bien  fait  pour  consoler  M.  T.  d'une 
légère  déception  sur  laquelle  il  eût  peut-être  mieux  valu  pour  lui  ne  point  insister. 

1 ,  M.  Fr.  dit  à  ce  sujet  (p.  Iviij,  note  i)  :  «  Les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  nationale 
»  et  de  l'Arsenal  contiennent  de  véritables  richesses  qui  fourniraient  la  matière  d'une  très- 
»  belle  publication.  »  Un  peu  plus  loin  (p.  Ix),  il  rappelle  que  M.  Le  Roux  de  Lincy 
goûtait  beaucoup  les  poésies  restées  inédites  et  qu'il  les  appelait  «  le  plus  beau  fleuron  de 
»  la  couronne  poétique  de  notre  princesse.  » 

2.  Voir  sur  ce  point  le  programme  de  l'auteur  (p.  xcix).  Si,  comme  je  l'espère,  M.  Fr. 
ne  laisse  à  personne  l'honneur  de  réaliser  ce  programme,  je  lui  recommanderai  de  cher- 
cher dans  les  documents  des  archives  de  Pau  tout  ce  qui  est  relatif  au  séjour  de  Margue- 
rite à  Nérac  et  en  Béarn. 


d'histoire  et  de  littérature.  287 

La  présente  monographie  commence  avec  le  Pèlerin  de  Bordeaux  (533)  et 
finit  avec  Abou  Abd  Allah  Mohammed  el-Bachchâri  (988).  M.  T.  passe  en  revue, 
pour  chaque  ouvrage,  tous  les  mss.  connus  et  les  diverses  éditions  qui  en  ont 
été  imprimées,  en  accompagnant  le  tout  d'observations  critiques  souvent  fort 
détaillées,  parfois  sévères. 

Je  crois  qu'il  sera  difficile  de  trouver  en  défaut  l'érudition  vigilante  et  la  clair- 
voyance de  l'auteur,  et  que  cet  opuscule  est  indispensable  à  quiconque  s'occupe 
de  la  Palestine.  Peut-être  pourrait-on  lui  reprocher  d'avoir  omis  quelques  textes 
orientaux,  par  exemple  le  Livre  des  routes  et  des  propinces  d'Ibn  Khordadbeh, 
l'ouvrage  d'Ibn  Haukal  et  même  celui  de  Mokaddesy,  pour  ne  citer  que  ceux 
qui  me  viennent  à  l'esprit;  ces  textes,  qui  renferment  de  précieux  renseignements 
sur  la  Palestine  et  ne  dépassent  pas  le  x^  siècle,  rentraient  tout  naturellement 
dans  un  cadre  011  figurent  Istakhri  et  Bachchâri. 

C.  Clermont-Ganneau. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  22  octobre  1875. 

L'académie  met  au  concours  les  questions  suivantes  : 

Prix  ordinaire  :  Traiter  un  point  quelconque  touchant  l'histoire  de  la  civilisation 
sous  le  khalifat; 

Prix  Bordin  :  Étude  historique  sur  les  Grandes  chroniques  de  France.  A  quelle 
époque,  sous  quelles  influences  et  par  qui  les  Grandes  chroniques  ont-elles  été 
commencées  ?  A  quelles  sources  les  éléments  en  ont-ils  été  puisés  ?  Quelles  en 
ont  été  les  rédactions  successives  ? 

La  séance  publique  annuelle  de  l'académie  est  fixée  au  $  novembre.  M.  L. 
Renier  est  désigné  pour  faire  une  lecture  à  cette  séance.  Il  parlera  des  inscrip- 
tions relatives  aux  historiens  Arrien  et  Velleius  Paterculus,  dont  il  a  entretenu 
l'académie  aux  séances  des  9  juillet  et  27  août  1 87  5 . 

M.  Le  Blant  termine  la  lecture  de  son  mémoire  intitulé  :  Polyeucte  et  le  zèle 
téméraire.  Il  achève  de  montrer  que  la  conduite  attribuée  à  Polyeucte  par  le  récit 
qu'a  suivi  Corneille  est  contraire  aux  lois  de  l'ancienne  église.  Il  cite  à  l'appui 
de  cette  opinion  des  exemples  tirés,  tant  de  l'antiquité,  que  de  ce  qui  se  passa 
en  Espagne  quand  les  Musulmans  conquirent  ce  pays  et  en  persécutèrent  les 
habitants  chrétiens.  Si  le  sacrifice  de  ceux  qui  allaient  s'offrir  d'eux-mêmes  au 
martyre  a  pu  être  discuté  et  a  trouvé  des  défenseurs,  les  insultes  contre  la  reli- 
gion dominante  et  les  actes  de  violence  ont  toujours  été  condamnés.  Le  concile 
d'Elibéris,  au  commencement  du  4° siècle,  défendit  d'admettre  au  nombre  des 
martyrs  ceux  qui  briseraient  les  idoles  païennes.  Si  donc  le  fait  qui  a  servi  de 
thème  à  Corneille  n'est  pas  apocryphe,  le  zèle  de  Polyeucte  sortait  de  la  condi- 
tion commune,  et  il  n'a  pu  être  reçu  au  nombre  des  martyrs  que  par  une  déro- 
gation aux  règles  ordinaires. 
M.  Benloew  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  l'albanais  et  la  langue 


288  REVUE    CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

des  Pélasges.  Il  expose  un  certain  nombre  de  rapprochements  étymologiques 
entre  plusieurs  anciens  noms  de  lieu  de  la  Grèce  et  les  mots  de  la  langue  alba- 
naise. Ainsi  les  mots  albanais  èvosvtf,  èvBep,  j'habite,  je  repose,  èvBeiToupa, 
evSeiTiJLspa ,  l'habitation ,  lui  paraissent  fournir  l'étymologie  et  le  sens  primitif  du 
nom  de  la  ville  d'Andanie,  ancienne  capitale  des  Léléges  ou  Pélasges,  de  plu- 
sieurs autres  noms  tels  qu'Andara,  Andros,  Kel-endéris,  etc.,  d'un  grand 
nombre  de  noms  de  villes  dont  le  mot  anda  forme  la  seconde  partie  (ceux-ci  se 
rencontrent  dans  la  Troade,  la  Carie,  la  Lycie,  la  Lycaonie,  dans  toute  l'étendue 
de  l'Asie  mineure  jusqu'à  l'Halys  et  quelquefois  encore  au  delà  de  cette  rivière), 
et  des  noms  comme  Nazianzus,  Arianzus,  etc.  Ensuite  M.  Benloew  étudie  les 
noms  qui  contiennent  la  désinence  ^y)  ((ia,  go;),  et  il  y  retrouve  l'albanais  gevB, 
lieu,  endroit  :  il  explique  ainsi  les  noms  de  Aépê-/],  Aupév;,  "Ia6oç,  Giaêr;,  G-ZjêYj, 
'Apiaêv],  Aéaêoç,  etc.  Enfin  il  explique  à  l'aide  de  l'albanais  ([j.i).£t,  peuple;  ter, 
îra,  tout)  les  noms  de  MtXr^xoÇ;  TepiJLfXai,  etc.,  et  en  rapproche  d'autres  noms 
tels  que  Tpa^jir^Xoç,  Tpoia,  TpoiC*^v.  Il  ajoute  à  ces  groupes  de  mots  un  certain 
nombre  d'étymologies  isolées,  parmi  lesquelles  on  peut  citer  celles  du  nom  de 
l'Olympe,  des  noms  de  Pylos,  de  Dédale,  etc.,  etc. 

M.  le  marquis  d'Hervey  lit  un  mémoire  sur  le  pays  connu  des  anciens  Chinois 
sous  le  nom  de  Fousang.  Ce  pays,  connu  des  Chinois  dès  le  5^  siècle,  a  été 
identifié  avec  l'Amérique  par  Deguignes,  dont  l'opinion  a  été  combattue  par 
Klaproth.  M.  d'Hervey  soutient  l'opinion  de  Deguignes,  et  il  apporte  à  l'appui 
des  arguments  nouveaux.  Il  cite  divers  auteurs  chinois,  inconnus  aux  savants  qui 
ont  étudié  la  question  jusqu'ici  :  ces  auteurs  parlent  d'une  terre  située  à  une 
grande  distance  à  l'est  de  la  Chine,  qui  ne  peut  être,  selon  M.  d'Hervey,  que 
l'Amérique.  Il  est  vrai  que  les  récits  chinois  relatifs  à  ce  pays  contiennent  des 
faits  évidemment  fabuleux,  mais  ces  faits  peuvent  avoir  été  intercalés  après  coup 
dans  une  relation  originale  authentique.  On  a  cité  comme  une  légende  fabuleuse 
qui  devait  discréditer  les  récits  des  Chinois  sur  ce  sujet  la  mention  d'une  nation 
d'amazones  établie  dans  une  des  contrées  du  Fousang  :  mais  M.  d'Hervey  fait 
remarquer  que  cette  même  tradition  se  retrouve  dans  les  relations  des  Espagnols 
et  des  Portugais  qui  ont  visité  l'Amérique  au  16*"  siècle,  et  cette  concordance  lui 
paraît  frappante.  Quant  au  système  de  Klaproth  qui  voulait  que  le  Fousang  fût 
le  Japon,  M.  d'Hervey  le  déclare  insoutenable;  il  y  relève  diverses  sortes  d'er- 
reurs et  de  contradictions. 

Ouvrages  déposés  :  —  Avesta,  livre  sacré  des  sectateurs  de  Zoroastre  :  traduction  du 
texte  par  C.  de  Harlez.  Tome  I  :  Introduction,  Vendîdâd.  Liège,  1875,  in-8°.  — 
R.  C.  Childers  :  A  dictionary  of  the  Pâli  language.  London,  1875,  in-4".  —  La  guerre 
de  Metz  en  1^4,  poème  du  XIV*  siècle,  publié  par  E.  de  Bouteiller,  suivi  d'études 
critiques  sur  le  texte  par  F.  Bonnardot.  Paris,  1875,  in-8°.  —  H.  Vaschalde  : 
Anthologie  patoise  du  Vivarais  (documents  inédits);  Les  poésies  de  François  Valeton 
d'Aubenas;  Nos  pères,  proverbes  et  maximes  populaires  du  Vivarais  :  trois  brochures 
in-S",  Montpellier,  1875. 

Julien  Havet. 

Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 
Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


détruire  la  légende  de  la  Révolution).  —  J^ger,  Quae  fides  Tacito  in  Agricola 
habenda  sit  exponitur,  etc.  Gœttingen,  Dieterich.  In-8%  56  p.  (l'auteur  reprend 
la  question  tant  débattue  de  la  tendance  de  l'Agricola  et  du  degré  de  confiance 
qu'il  faut  accorder  à  Tacite,  mais  sans  parvenir  à  des  résultats  bien  concluants). 

—  RiUTEi  Tanefico,  Komatsu  et  Sakitsi,  trad.  du  japonais  p.  Turrettini. 
Genève,  Georg.  In-8®,  180  p.  (note  favorable).  —  Caix,  Osservazioni  sul  Voca- 
lismo  italiano.  Firenze.  In-8°,  32  p.  (résumé  de  la  discussion  qui  s'est  élevée 
entre  l'auteur  et  M.  Storm,  à  propos  des  Remarques  de  ce  dernier  sur  les  voyelles 
atones  du  latin,  des  dialectes  italiques  et  de  l'italien,  parues  dans  les  Mém.  de  la  Soc. 
deling.,  t.  II).  — Trùbner's  American  and  Oriental  literary  Record.  Spécial 
Number  London,  Trùbner.  In-8",  72  p.  (c'est  le  compte-rendu  des  travaux  du 
Congrès  international  des  orientalistes,  tenu  à  Londres  en  1 874).  —  The  Ràmâyan 
of  Vâlmikî  transi,  into  english  Verse.  By  Griffith.  5  voll.  London,  Trubner 
(traduction  fidèle;  M.  Gr.  a  choisi  la  récension  du  Nord,  dite  de  Bénarès). 

Mittheîlungen  aus  der  historischen  Litteratur.  HT  année.  4''  Fasc.  — 
DuNCKER,  Geschichtedes  Alterthums.  Bd.  I  u.  II.  Leipzig,  1874  (Th.  Zermelo). 

—  GiTSCHMANN,  De  Aristidis  cum  Themistocle  contentione  politica.   Breslau, 

1874.  48  p.  (Gitschmann).  —  Leske,  Ueber  die  verschiedene  Abfassungszeit 
der  Theile  der  Thukydideischen  Geschichte  des  Peloponnesischen  Krieges.  — 
Programm  der  kœnigl.  Ritterakademie  zu  Liegnitz.  1875  (Bernhard).  — 
ScHMiDT,  Das  Leben  Konons.  Leipzig,  1873.  ^^P-  In-8"(MEYER).  —  Bôttger, 
Hermann  der  Siéger.  Hannover,  1874.  xvj-289  p.  In-8°  (Abraham).  —  Beulé, 
Tiberius  u.  das  Erbe  des  Augustus;  Das  Blut  des  Germanicus,  ùbersetzt  v.  E. 
Dœhler.  Halle,  1873-1874.  2  vol.  i$o;  170  p.  In-8"  (Abraham).  —  Bûcher, 
Die  Aufstaende  der  unfreien  Arbeiter.  143-129  v.  Chr.  Frankfurt.  1872.  132  p. 
ln-8"  (F.  B.).  —  Hertzberg,  Die  Geschichte  Griechenlands  unter  der  Herr- 
schaft  der  Rœmer.  3.  Theil  :  Von  Septimius  Severus  bis  auf  Justinian  I.  Halle. 

1875.  viij-570  p.  In-8°  (Brockerhoff). —  Bestushew  Rjumin,  Geschichte 
Russlands,  ùbersetzt  v.  Schiemann.  I.  Bd.  i.  Lief.  160  p.  In-8"(RETHWiscH).— 
Wenzel,  Heinrich's  IV  Sachsenkrieg.  Langensalga.  1875.44p.  In-8"(\VENZEL). 

—  Kœnig,  Kritische  Erœrterungen  zu  einigen  italienischen  Quellen  fur  die 
Geschichtedes  Rœmerzuges  Kaiser  Heinrich's  VII.  Gœttingen.  1874.  ^^  P-  ^""^° 
(Ilgen).  —  Palacky,  Urkundliche  Beitraege  zur  Geschichte  des  Hussitenkrieges 
V.  J.  1419  an.  Bd.  I.  1419-1428.  Bd.  II.  1429-1436.  Prag.  1873.  xiv-5  56  et 
547  p.  In-8''.  —  Bezold,  Kœnig  Sigmund  u.  die  Reichskriege  gegen  die  Hussi- 
ten.  Mûnchen.  1872.  156  p.  In-8°.  —  Zur  Geschichte  des  Hussitenthums. 
Mûnchen.  1874.  114  p.  In-8°  (Bœhm).  —  Hoffmann,  Landgraf  Philipp  von 
Hessen  (Hoffmann).  —  Der  Bauernkrieg  um  Weissenburg  1525.  Nach  einem 
bei  dem  Brande  der  strassburger  Bibliothek  im  Jahre  1870ZU  Grunde  gegangen 
Ms.  von  Balthazar  Bœll.  Weissenburg.  1874.  130  p.  In-8°  (Brocher).  — 
Zermelo,  August  Ludwig  Schlœzer.  Berlin.  1875  (Z.).  —  Gœrlach,  Fùrst 
Bismark.  Stuttgart.  1875.  207  p.  In-8°  (E.  F.). 

The  Indian  Antiquary,  Part  XLVI  (vol.  IV).  September  1875.  Ed.  by  Jas. 
Burgess.  Santâli  Folklore  (F.  T.  Cole).  —  The  two  Brothers  :  a  Manipurî 
Story  (G.  H.  Damant).  —  Metrical  Translation  of  Bhartrihari's  Nîti  Çatakam 
(C.  H.  Tawney).  —  The  Dvaiâsharaya  (suite).  —  Religious  and  moral  Senti- 
ments freely  rendered  from  sanskrit  Writers  (J.  Muir).  —  Archaeological  Notes 
(J.  Walhouse).  —  Sanskrit  and  old  Cjnarese  Inscriptions  (J.  F.  Fleet).  — 
Miscellanea.  Pknm.  —  Map  of  Ancient  India  by  Col  H.  Yule.  —  The  Romantic 
Legend  of  Sakya  Buddha,  by  the  Rev.  S.  Beal.  —  The  History  of  India,  by  J. 
Dowson.  —  Indian  Wisdom  by  Monier  Williams.  —  The  Book  of  Ser  Marco 
Polo,  by  Col.  H.  Yule. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 

AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Armoiries   (Les)  de  la  ville  de  Paiis, 
sceaux,    emblèmes,    couleurs,    devises, 


livrées  et  cérémonies  publiques.  Ouvrage 
commencé  par  feu  le  comte  A.  de  Coët- 
logon,  retondu-  et  complété  par  M.  L. 
Tisserand  et  le  service  historique  de  la 
ville  de  Paris.  T.  i.  In-40,  xxv-351  p. 
Paris  (Dumoulin). 

L'ouvrage  formera  2  vol.  avec  40  pi. 
hors  texte,  en  noir  et  en  couleur,  et  plus 
de  400  bois  gravés  dans  le  texte.  Les 
deux  volumes.  100  fr. 

Bain  (A.).  Logique  déductive  et  inductive. 
Traduit  de  l'anglais  par  G.  Compayré. 
2  vol.  in-8*,  xliv-io89p.  Paris  (G.  Bail- 
lière).  20  fr. 

Bordone.  L'armée  des  Vosges  et  la  com- 
mission d'enquête  sur  les  actes  du  gou- 
vernement de  la  défense  nationale.  Ré- 
ponse au  rapport  de  M.  U.  Perrot.  In-8*, 
399  p.  et  i  carte.  Paris  (Le  Chevalier). 

3  fr. 

Cartier  (E.).  Étude  sur  l'art  chrétien. 
Gr.  in-8»,  viij-99  p.  et  8  pi.  Paris  (F. 
Didot  frères  fils  et  C'). 

Correspondance  de  Charles  VIII  et  de 
ses  conseillers  avec  Louis  II  de  la  Tré- 
moille  pendant  la  guerre  de  Bretagne 
(1488);  publiée  d'après  les  originaux  par 
L.  de  la  Trémoille.  Gr.  in-8%  xij-287  p. 
et  3  fac-similé.  Nantes  (imp.  Forest  et 
Grimaud). 

Denis  (A.).  Recherches  historiques  sur  la 
petite  ville  de  Suippes,  notes  et  docu- 
ments inédits.  In-8°,  168  p.  Châlons-sur- 
Marne  (Le  Roy).  2  fr.  50 

Estienne  (H.).  La  foire  de  Francfort, 
exposition  universelle  et  permanente  au 
XVIe  siècle.  Traduit  en  français  pour  la 
première  fois  sur  l'édition  originale  de 
1574,  par  I.  Liseux,  avec  le  texte  latin 
en  regard,  In- 18,  xij-94  p.  Paris  (5,  rue 
Scribe).  4  fr. 

France  (A.).  Racine  et  Nicolle.  La  que- 
relle des  imaginaires.  In-8',  8  p.  Paris 
(Charavay  aîné). 


Herbert  Spencer.  Principes  de  Psycho- 
logie. Traduits  sur  la  nouvelle  édition 
anglaise  par  T.  Ribot  et  A.  Espinas. 
T.  2.  In-8*,  vj-694  p.  Paris  (G.  Bail- 
lière).  Les  2  volumes.  20  fr. 

La  Bonnardière.  (gestion  de  la  liberté 
de  l'enseignement  supérieur.  Documents 
inédits  sur  l'origine  de  l'Université  de 
Grenoble  et  tableau  historique  des  an- 
ciennes Universités  de  France.  In-8°,  3  2  p. 
Bordeaux  (Baratier  frères  et  Dardelet). 

Lefèvre  (E.).  Notice  sur  la  châtellenie 
d'Epernon.  In-8*,  73  p.  Chartres  (imp. 
Garnier). 

Lespy  (V.).  Dictons  du  pays  de  Béarn. 
In-80,  xiij-297  p.  Pau  (Ribaut). 

Lieutaud  (V.).  Prise  de  Tarascon  par 
Bertrand  Du  Guesclin,  8  avril  1368.  In- 
8",  7  p.  Marseille  (Boy  fils). 

Ménard  (K.).  Histoire  des  be'aux-arts, 
illustrée  de  414  gravures  représentant  les 
chefs-d'œuvre  de  l'art  à  toutes  les  époques. 
^-4",  516  p.  Paris  (Lib.  de  l'Écho  de 
la  Sorbonne).  10  fr, 

Molière.  Œuvres.  Nouvelle  édition,  revue 
sur  les  plus  anciennes  impressions  et 
augmentée  des  variantes,  de  notices,  de 
notes,  d'un  lexique  des  mots  et  locutions 
remarquables,  d'un  portrait,  de  fac-similé, 
etc.,  par  E.  Despois.  T.  2.  In-8',  444  p. 
Paris  (Hachette  et  C").  7  fr.  50 

Montaigne  (M.  de).  Essais,  réimprimés 
sur  l'édition  originale  de  i  ^88,  avec 
notes,  glossaire  et  index,  par  MM.  H. 
Motheau  et  D,  Jouaust,  et  précédés  d'une 
note  par  M.  S.  de  Sacy.  Portrait  gravé 
à  l'eau-forte  par  Gaucherel.  T.  3.  In-8", 
374   p.  Pans  (Lib.   des    Bibliophiles). 

12  fr.  50 

Perroud  (C).  Six  lettres  inédites  de  Vol- 
taire. In-8*,  28  p.  Bourg  (imp.  Dufour). 

Quantin  (M.).  Histoire  des  impôts  aux 
comté  et  élection  d'Auxerre  au  XVIe  s. 
(1578-1585.  In-8o,  53  p.  Auxerre  (imp. 
Perriquet). 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"  45  Neuvième  année.  6  Novembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,  22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

En  vente  à  la  librairie  A.  Franck,  F.  Vieweg  propriétaire, 
67,  rue  de  Richelieu. 

G\A  A  C  D  17  D  r^    Mémoire  sur  quelques  papyrus  du  Louvre. 
•     IVl  r\.k5  F  IZj  ivvy    I  vol.  in-4°  accompagné  de  1 3  pi.  20  fr. 


PT-\  T  -1-1  T^  T-^  r-^  ry^  Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant 
•  îr  i  l-j  tv  tv  IL  1  les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement.  2°'^  fascicule. 
Gr.  in-8°.  6  fr. 


BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  PRATIQUE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

24^FASCICULE. 

FD  T  î  17  /^  Tj  T-i  y     r7  o      Précis  de  la  déclinaison  latine. 
.       t)UllL.rllliLitLrV     Traduit  de  l'allemand  par  M.  L. 
Havet,  et  enrichf  d'additions  communiquées  par  l'auteur. 


Pour  paraître  incessamment  : 

De  la  Société  de  linguistique  de  Paris.  T.  III, 


Mt7TV/r/^Tr^r^C'      De  la  Société  de  linguistique  ae  i^ans.  1 .  iii. 
bi  MO  IRES      ."fascicule.  4fr. 


PÉRIODIQUES. 

Revue  de  Tlnstruction  publique  (supérieure  et  moyenne)  en  Belgique. 
Nouv.  série.  T.  XVIII.  5^  livr.  Quelques  réflexions  sur  la  seconde  révolution 
anglaise  de  1688  (Paul  Frédériccl).  —  Explications  sur  Part  poétique  de 
Boileau  (Thil-Lorrain).  —  Le  Codex  Bruxellensis  du  Florilège  de  Stobée  (P. 
Thomas,  suite).  —  Comptes-rendus.  Historische  Syntax  der  lateinischen  Sprache, 
von  DR/EGEr  (0.  Riemann).  —  Les  conspirations  militaires  en  1 83 1 ,  par  Eenens 
(Godefroid  Kurth).  —  Cours  de  langue  flamande,  par  Claes  (J.  Micheels).  — 
Varia. 


The  Academy,  n**  180,  new  séries,  16  octobre.  The  Camden  Miscellany. 
Vol.  VII.  Camden  Society  (Edward  Peacock  :  utile  recueil  de  documents  rela- 
tifs à  l'histoire  de  l'Angleterre).  —  Dutt,  The  Peasantry  of  Bengal.  London, 
Trûbner  (James  Innés  Minchin  :  l'auteur  suggère  les  moyens  d'améliorer  la 
condition  des  paysans  dans  le  Bengale).  —  Sorel,  Histoire  diplomatique  de  la 
guerre  franco-allemande  (G.  Monod;  la  Rev.  crit.  appréciera  bientôt  cet  ouvrage). 
—  Correspondence.  The  Bruges  M  adonna  (W.  H.  James  Weale). — Julio  Romano 
a  Sculptor  (Hodder  M.  Westropp).  —  The  Judge  whocommitted  Prince  Henry 
(Cléments  R.  Markham).  —  Alba  Longa  (Henry  Schliemann  :  s'est  rendu  à 
Albano,  sur  le  désir  de  M.  Fiorelli,  directeur  des  fouilles  d'Italie,  pour  s'assurer 
si  l'on  trouve  des  terres  cuites  ou  tout  autre  produit  de  l'industrie  humaine  au- 
dessous  des  laves,  et  pour  découvrir  le  site  d'Albe  la  Longue  :  il  esquisse  la 
topographie  des  lieux,  et  établit  que  les  dernières  éruptions  volcaniques  remon- 
tent aux  temps  préhistoriques  ;  on  ne  doit  par  conséquent  pas  s'attendre  à  trouver 
sous  la  lave  aucun  objet.  M.  Schl.  croit  que  le  site  d'Albe  la  Longue  est  Albano 
même).  — The  Jâtaka;  with  its  Commentary.  Published  by  Fausbôll,  and 
transi,  by  Childers.  London,  Trûbner  (T.  W.  Rhys  Davids  (cette  publication, 
qui  est  appréciée  à  sa  juste  valeur  par  tous  les  indianistes,  intéressera  aussi  les 
mythographes  ;  car  les  Jâtakas  nous  offrent  souvent  le  prototype  des  contes, 
fables  et  récits  qui  sont  devenus  en  quelque  sorte  le  bien  commun  de  tous  les 
Aryens.  La  partie  I  du  vol.  I  du  texte  a  seule  encore  paru). 


The  AthenaBum,  n"2  503,  16  octobre.  Rousselet,  L'Inde  des  Rajas.  Paris, 
Hachette  (Le  prince  de  Galles  doit  offrir  aux  potentats  et  aux  savants  de  Pinde, 
entre  autres  ouvrages,  une  traduction  anglaise  du  livre  de  M.  Rousselet;  l'auteur 
de  l'article  espère  que  le  prince  se  ravisera,  le  livre  de  M.  Rousselet  ne  pouvant 
qu'exalter  l'amour-propre  national  des  Hindous).  —  J.  Creagh,  Over  the  Bor- 
ders  of  Christendom  and  Eslamiah.  2  vols.  Tinsley  (voyage  en  Hongrie,  en 
Servie,  en  Bosnie,  dans  l'Herzégovine,  la  Dalmatie  et  le  Monténégro,  et  au  nord 
de  l'Albanie,  exécuté  pendant  l'été  de  1875;  pour  servir  à  l'intelligence  de  la 
question  d'Orient).  —  The  Dramatic  Works  of  Molière.  Rendered  into  English 
by  Van  Laun.  Vol.  II.  Edinburgh,  Paterson.  —  The  Historians  of  Scotland. 
Vol.  VI.  Ed.  by  W.  Reeves.  Edinburg,  Edmonston  and  Douglas  (ce  volume 
contient  la  vie  de  St.  Columban,  écrite  par  l'un  des  abbés  du  monastère  de  Hy, 
du  nom  d'Adamnan).  —  Plato's  Phaedo.  Transi,  by  the  late  M.  Cope.  Cam- 
bridge, University  Press  (le  mérite  de  cette  traduction  consiste  en  sa  littéralité). 
—  The  Prince  of  Wales  Visit  to  India.  —  Punch  (William  Tegg  :  fait  connaître 
quelques  détails  inédits  sur  les  commencements  de  ce  journal).  —  Celtic  or 
Gaelic  Words  in  Shakspeare  and  his  Contemporaries  (Charles  Mackay,  fin).  -- 
The  Gandhara  Sculptures  (James  Fergusson).  —  The  second  pseudo-Sesostris 
(Hyde  Clarke). 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  45  —  6  Novembre  —  1875 


Sommaire  :  214.  Lecoy  de  la  Marche,  Le  roi  René  (II«  articlej.  —  215.  Gen. 
TiLi,  Sur  la  fabrication  des  tapisseries.  —Sociétés  savantes:  Académie  des  inscriptions. 


214.  —  Le  roi  René;  sa  vie,  son  administration,  ses  travaux  artistiques  et  littéraires 
d'après  les  documents  inédits  des  archives  de  France  et  d'Italie,  par  A.  Lecoy  de  la 
Marche.  1875.2  vol.  in-8',  xvj-559  et  548  p.  Ouvrage  auquel  l'Académie  des  Inscrip- 
tions a  décerné  le  premier  prix  Gobert.  —  Prix  :  1 5  tr. 

II. 

Le  roi  René  est  resté  célèbre  et  presque  populaire  surtout  à  cause  de  son  goût 
pour  les  arts  qu'il  pratiqua,  aima  et  encouragea  dans  ses  domaines.  Nombre  de 
ceux  auxquels  sa  renommée  artistique,  transmise  jusqu'à  nous  par  des  traditions 
et  des  légendes,  était  familière,  ignoraient  sa  participation  à  presque  tous  les 
événements  de  son  temps,  où,  à  dire  vrai,  il  ne  joua  pas  les  premiers  rôles  qui 
n'étaient  à  la  hauteur  ni  de  son  caractère  ni  de  ses  talents.  Aujourd'hui  encore, 
pour  la  plupart  des  lecteurs,  et  malgré  tout  l'attrait  qu'elle  peut  acquérir  sous  la 
plume  d'un  écrivain  habile  et  disert,  l'histoire  proprement  dite  de  René  d'Anjou 
a  pour  principal  intérêt  de  le  placer  dans  son  milieu  et  d'expliquer  son  rôle 
artistique. 

Quel  rôle  eut  réellement  René  dans  le  développement  de  l'art  ?  Quelle  influence 
exerça-t-il .?  Telles  sont  les  questions  que  M.  L.  de  la  M.  avait  à  résoudre  et  aux- 
quelles il  a  consacré  environ  la  moitié  de  son  second  volume;  le  reste  est  occupé 
par  les  pièces  justificatives  de  l'ouvrage.  Empressons-nous  de  dire  qu'il  apporte  sur 
ces  points  bon  nombre  d'éclaircissements,  et  que  si  après  lui  la  discussion  n'est 
pas  close,  il  aura  eu  du  moins  l'honneur  d'ouvrir  la  voie  et  d'aborder  la  question 
avec  les  documents  et  les  textes  qui  seuls  permettent  une  discussion  sérieuse'. 

Une  précédente  publication  de  M.  L.  de  la  M.  avait  déjà  beaucoup  contribué 
à  substituer  une  base  certaine  aux  traditions  vagues  sur  lesquelles  s'étaient 
appuyés  les  précédents  historiens.  Les  Extraits  des  comptes  et  mémoriaux  du  roi 
René  n'avaient  pas  diminué  l'idée  qu'on  pouvait  se  faire  de  l'influence    artis- 


I.  Je  n'ai  garde  d'oublier  l'excellent  mémoire  de  M.  J.  Renouvier,  Les  peintres  et  les  en- 
■lumineurs  du  roi  René,  publié  en  1857  ^^"^  \es  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  Mont- 
pellier. Avec  le  peu  de  documents  dont  il  disposait,  M.  R.  a  fait  tout  ce  qui  pouvait  se 
faire  alors.  Sa  discussion  est  l'œuvre  d'un  esprit  très- pénétrant  et  devra  toujours  être 
consultée.  Sans  partager  toutes  ses  opinions,  je  me  piais  à  reconnaître  l'autorité  de  sa 
critique. 

xvi  19 


2O0  REVUE   CRITIQUE 

tique  du  roi  de  Sicile.  Presque  en  tout  point  ils  avaient  confirmé  la  tradition 
en  montrant  ses  goûts,  l'intérêt  qu'il  prenait  aux  travaux  qu'il  commandait, 
la  surveillance  qu'il  exerçait.  Il  avait  apparu  moins  comme  un  artiste,  il  est 
vrai,  que  comme  un  amateur,  curieux  des  procédés  des  artistes  et  des  artisans, 
vivant  dans  leur  familiarité,  ne  dédaignant  pas  de  se  mettre  sous  leur  direction , 
cherchant  à  transporter  dans  ses  domaines  les  pratiques  des  ouvriers  de 
l'Orient,  désireux  d'acclimater  toutes  les  branches  de  l'art,  et  surtout  de  ce 
que  l'on  a  appelé  depuis  l'art  industriel.  Telle  était  l'impression  générale; 
-néanmoins  ces  documents  si  intéressants ,  si  vivants ,  si  féconds  en  révélations 
sur  les  œuvres  et  les  artistes,  étaient  loin  de  satisfaire  la  curiosité  ;  ils  l'exci- 
taient plutôt  en  proposant  nombre  de  problèmes  à  résoudre,  en  mettant  sur  la 
voie  de  nombre  de  recherches.  C'est  en  grande  partie  le  commentaire  de  ces 
textes  que  présente  la  partie  de  l'ouvrage  de  M.  L.  de  la  M.  que  nous  allons 
examiner. 

M.  L.  de  la  M.  a  suivi  dans  son  travail  le  plan,  excellent  du  reste,  qu'il  avait  adopté 
pour  la  classification  des  textes  :  Architecture,  Peinture  et  sculpture.  Objets  mobiliers, 
Musique  et  fêtes.  Un  5°  chapitre  est  dans  son  ouvrage  consacré  à  h  littérature.  Il  a 
très-habilement  tiré  parti  de  ses  documents ,  la  lecture  de  ces  cinq  chapitres  est 
fort  agréable,  et  son  travail  est  une  contribution  importante  à  l'histoire  de  l'art  au 
xv^  siècle.  Il  est  loin  cependant  de  répondre  complètement  à  l'attente  du  lecteur. 
Si,  trop  souvent,  on  a  témérairement  entrepris  l'histoire  de  l'art  rien  que  par 
l'interprétation  et  l'étude  des  monuments,  il  est  clair  cependant  que  c'est  le 
travail  dont  l'histoire  de  l'art  saurait  le  moins  se  passer,  or  M.  L.  de  la  M.  n'a  guère 
utilisé  que  les  documents  écrits  et  quelque  habileté  qu'il  ait  mise  à  les  commenter, 
on  ne  saurait  s'étonner  qu'il  n'ait  pas  réussi  à  leur  donner  un  nouvel  intérêt. 
Les  deux  premiers  chapitres  surtout  {Architecture ,  Peinture  et  sculpture)  sont  restés 
fort  insuffisants.  Ne  cherchez  pas  dans  son  chapitre  sur  l'architecture  quel  a 
été  le  caractère  de  ces  manoirs  de  plaisance  qu'a  construits  l'un  des  premiers 
René  d'Anjou,  architecture  d'un  caractère  nouveau,  singulier  mélange  des  carac- 
tères traditionnels  du  château  seigneurial  et  de  la  maison  de  ville,  acheminement 
vers  le  château  de  la  renaissance  et  la  villa  moderne  et  qui  méritait  bien  qu'on 
l'étudié;  n'y  cherchez  aucune  donnée  sur  l'architecture  religieuse  des  nombreuses 
chapelles  que  le  roi  de  Sicile  fit  bâtir  ou  restaurer,  il  ne  vous  indiquera  même 
que  rarement  les  plans  ou  les  vues  qui  en  ont  été  publiées.  Et  cependant  les 
bases  d'études  étaient  faciles,  sur  une  trentaine  d'édifices  qu'a  fait  bâtir,  amé- 
nager, ou  restaurer  le  roi  René,  il  en  est  une  dizaine  qui  subsistent,  et  parmi  eux, 
plusieurs  de  ces  manoirs  d'Anjou  si  intéressants  et  qui  sont  sa  création  la  plus 
originale.  Mais  M.  L.  de  la  M.  qui  «s'est  élancé  sur  les  traces  de  René  en  Provence 
»  et  en  Italie  »  ne  les  a  point  vus,  et  ne  sait  que  rarement  s'il  en  subsiste  quelques 
vestiges.  Il  traduit  en  langage  académique  ses  documents  d'archives,  paraphrase 
plus  ou  moins  heureusement,  les  marchés  et  devis,  fait  avec  eux  le  compte  des 
chambres,  ajoute  que  les  tourelles  étaient  élégantes,  les  boiseries  ouvragées,  les 
demeures  princières.  Il  connaît  souvent  les  noms  des  constructeurs,  l'époque  de 
construction  des  diverses  parties  des  édifices,  sait  l'origine  et  la  qualité  des 


d'histoire  et  de  littérature.  291 

matériaux;  mais  à  tous  ces  renseignements  précieux,  il  a  manqué  pour  leur 
donner  la  vie  et  les  animer,  la  science  de  Tarchéologue  et  l'interprétation  que 
seule  pouvait  donner  l'étude  des  monuments  encore  existants  ou  de  leurs  ana- 
logues. Privée  de  cette  lumière,  son  étude  est  moins  attrayante  que  la  lecture 
des  documents  qu'il  a  mis  en  œuvre;  son  style  est  plus  vague,  moins  exact,  moins 
piquant  aussi  que  celui  du  xv«  siècle,  et  de  fait,  c'est  aux  Extraits  des  comptes  et 
mémoriaux  qu'il  faudra  toujours  recourir  lorsqu'on  voudra  sur  ces  questions  des 
renseignements  exacts.  Ajoutons  que  les  détails  sur  le  tombeau  de  René  et  sur 
celui  de  la  nourrice  Typhaine  seraient  mieux  à  leur  place  dans  le  chapitre  suivant 
consacré  à  la  sculpture,  qu'on  ne  voit  guère  non  plus  comment  se  rattachent  à 
l'architecture  les  renseignements  sur  les  animaux  de  ses  ménageries ,  que  les 
digues  et  tous  les  travaux  contre  les  inondations  de  la  Loire  n'y  tiennent  pas 
non  plus  par  un  lien  bien  étroit.  Tout  cela  occupe  26  pages  des  60  du  chapitre 
sur  VArchitecture  et  même  dans  le  reste  il  est  beaucoup  plus  question  de  répara- 
tions et  de  consolidations  que  d'architecture  véritable. 

Le  chapitre  relatif  à  la  peinture  et  à  la  sculpture  est  peut-être  de  tout  le  livre 
celui  qui  a  été  le  plus  légèrement  écrit.  M.  L.  de  la  M.  s'est  tout  d'abord  occupé 
de  déterminer  quelle  part  de  vérité  existe  dans  la  tradition  qui  fait  du  roi  René  lui- 
même  un  peintre  et  un  enlumineur.  Il  a  produit  à  cet  égard  des  témoignages 
concluants  qui  confirment  la  tradition,  il  les  a  rapprochés  de  ceux  déjà  produits, 
mais  il  eût  pu  mettre  davantage  ceux-ci  dans  tout  leur  jour.  La  lettre  de  remer- 
ciements qu'adressèrent  à  René  vers  1456  les  Frères  mineurs  de  Laval,  pour 
qui  il  avait  «  prins  tel  labour  de  composer  ung  image  de  pitié',  »  les  indices 
tirés  de  ses  achats  2,  des  instruments  inventoriés  dans  son  cabinet  du  château 
d'Angers?,  la  mention  de  ses  «  petites  et  secrètes  occupations  »  dans  le  Morîi- 
fiement  de  vaine  plaisance  4,  sont  des  preuves  suffisantes  de  ce  fait.  A  côté  de  ces 
témoignages  M.  L.  de  la  M.  a  cité  le  passage  souvent  produit  «  d'une  lettre  de  Sum- 
))  monte.  »  Ce  passage  n'est  pas  tiré  de  Summonte  dont  l'histoire  de  Naples  a  paru 
en  1601  5,  mais  de  Summonzio  napolitain  qui  l'écrivit  le  20  mars  1 524  (moins 
de  $0  ans  après  la  mort  du  roi  René)  dans  une  lettre  qu'il  adressait  à  Marcan- 
tonio  Michèle,  gentilhomme  vénitien,  lettre  communiquée  par  le  Cav.  Lazzara  de 
Padoue  à  Puccini  qui  en  a  publié  des  extraits  dans  ses  mémoires  sur  Antonello 
de  Messine^.  Il  me  paraît  important  d'établir  toute  la  valeur  de  ce  témoignage 
qui  indique  la  prédilection  de  René  pour  la  peinture  flamande  et  sur  lequel  nous 


1 .  Lettre  publiée  dans  les  Archives  de  l'art  français.  T.  I,  p.  321,  rapprochée  par  M.  L. 
de  la  M,  d'un  article  de  compte  de  Jeanne  de  Laval.  T.  II,  p.  77. 

2.  Achat  de  toile  pour  peindre  une  Madeleine  (Comptes  et  Mèm.  N*  469.  Le  roi  René. 
T.  II,  p.  76).  Achat  de  parchemin  pour  faire  des  heures  {Comptes  et  Mèm.  N"  489). 

3.  Voy.  entre  autres  les  «  fourmez  d'oiseaux  »  et  les  tableaux  représentant  des  oiseaux. 
{Comptes  et  Mèm.  N*  642). 

4.  Quatrebarbes,  Œuvres  complètes  du  roi  René.  T.  IV,  p.  i. 

j.  îstoria  délia  citta  e  regno  di  Napoli.  4  vol.  in-40.  Naples.  1601-1643. 

6.  Memorie  istorico-critiche  di  Antonello  degli  Antonj  da  il  Cav.  Tommaso  Puccini  con- 
servatore  degli  stabilimenti  délie  arti,  dell'  archivio  diplomatico,  etc.  Firenze.  1809. 
In-8*. 


292  REVUE  CRITIQUE 

aurons  occasion  de  revenir'.  Celui  de  Nostre-Dame  quoique  postérieur  n'est  pas 
non  plus  à  dédaigner,  et  en  le  citant,  il  est  bon  de  ne  pas  oublier  que  César  de 
Nostre-Dame  était  arrière  petit-fils  de  Pierre  de  Nostre-Dame,  médecin  juif,  astro- 
logue de  René  qui  l'avait  converti  et  lui  avait  accordé  des  lettres  de  noblesse  2. 

La  preuve  faite  que  René  fut  peintre  et  enlumineur,  restait  à  examiner  les 
œuvres  que  la  tradition  lui  attribue.  M.  L.  de  la  M.  a  fait  cette  revue  trop  rapide, 
son  excuse  est  qu'il  ne  les  a  pas  vues.  Dire  que  les  raisons  qu'on  invoque  contre 
l'attribution  au  roi  René  ne  sont  pas  plus  probantes  que  la  tradition?,  c'est 
paraître  ignorer  que  la  critique  peut  trouver  quelques  bases  dans  l'étude  des 
monuments.  Même  si  cet  examen  doit  dépouiller  René,  il  est  loin  d'être  sans 
fruit,  car,  si  l'histoire  de  ces  œuvres  d'art  prouve  qu'elles  ont  été  faites  à  son 
époque  et  dans  ses  états,  elles  restent  comme  éléments  indispensables  de  l'appré- 
ciation de  son  goût  et  de  son  rôle  artistique.  Aussi,  au  lieu  de  ne  traiter  que  légère- 
ment ce  sujet,  M.  L.  de  la  M.  eût  dû  examiner  et  étudier  les  nombreux  tableaux  du 
XV®  siècle,  conservés  dans  les  églises  et  les  collections  de  Provence  et  d'Anjou  4. 

Il  me  paraît  insuffisant  de  dire  du  Buisson  ardent  que  c'est  une  «  œuvre  de 
»  mérite  »,  et  qu'elle  a  été  attribuée  à  Jean  Van  EyckJ.  Ce  tableau  souvent 
décrit^,  qui  appartenait  avant  la  révolution  à  l'église  des  Carmes  et  décorait 
l'autel  ob.  était  déposé  le  cœur  de  René,  est  incontestablement  d'un  maître  fla- 
mand. Si  l'ordonnance  de  la  composition  et  même  certains  personnages  font 
penser  à  Jean  Van  Eyck,  l'attribution  est  néanmoins  impossible,  puisqu'on  y  voit 
représentée  sur  un  volet,  comme  donatrice,  Jeanne  de  Laval  reconnaissable  à  sa 
figure  pâle  et  sèche,  que  ne  déridèrent  jamais  que  les  jeux  grotesques  de  la  Fête- 
Dieu,  et  qu'elle  ne  fut  la  femme  de  René  qu'en  1455,  c'est-à-dire  bien  après  la 
mort  de  Jean  Van  Eyck  7.  La  critique  moderne  s'accorde  en  général  à  faire  hon- 


1 .  Voici  le  passage  :  «  Etiam  de  Soa  mano  pinse  bene,  et  a  questo  studio  fu  somma- 
»  mente  dedito,  pero  secundo  la  disciplina  di  Fiandra.  »  (Ibid.,  p.  37). 

2.  César  de  Nostre-Dame  (i  ^55-1629)  dit  entre  autres  choses  que  René  enlumina  une 
donation  du  comté  de  Provence  au  roi  Louis  XI  (Histoire  et  Chronique  de  Provence.  1614. 
In-f*).  Témoignage  rapporté  par  M.  L.  (t.  II,  p.  86). 

3.  T.  II,  p.  70  n.  I. 

4.  Il  est  à  espérer  que  nous  ne  tarderons  pas  à  avoir  des  éclaircissements  à  ce  sujet. 
En  1870,  le  ministre  des  beaux-arts  avait  chargé  M.  A.  Michiels  «  d'explorer  l'est  et  le 
»  midi  de  la  France  pour  y  chercher  les  origines  de  l'école  Flamande  et  y  apprécier  les 
»  œuvres  nombreuses  de  cette  école  qui  ornent  les  églises  méridionales.  «  Une  partie  du 
rapport  de  M.  Michiels  qui  doit  paraître  avec  la  collaboration  de  M.  de  Chennevières  a 
déjà  été  publiée  dans  le  journal  officiel  {U art  flamand  à  Dijon.  N"  des  13,  14,  17,  18, 
20,  26  avril  1874). 

5.  T.  II,  p.  70. 

6.  Pour  la  première  fois  dans  Pitton.  Histoire  de  la  ville  d'Aix.  1666.  P.  227.  Puis 
dans  de  Hailze,  Les  curiosités  les  plus  remarquables  de  la  ville  d'Aïx.  Aix.  1679.  In-8°. 
Décrit  très-longuement  et  reproduit  au  trait  dans  Millin.  Voyage  dans  les  départements  du 
midi  de  la  France.  Paris.  1807-181 1.  T.  Il,  p.  343  à  351  et  Atlas  pi.  XLIX.  —  Décrit 
et  reproduit  au  trait  dans  Al.  Lenoir.  Monuments  des  arts  libéraux  de  la  France.  Paris. 
1840.  P.  46  et  pi.  XLIV.  Le  meilleure  reproduction  est  encore  celle  donnée  par  Quatre- 
barbes.  Œuvres  complètes  du  roi  René.  T.  I,  p.  7.  Tous  ces  auteurs  l'attribuent  à  René 
d'Anjou. 

7.  M.  Renouvier  (p.  1 2)  maintient  avec  Waagen  l'attribution  à  Jean  Van  Eyck,  en  sup- 
posant que  les  volets  sont  l'œuvre  postérieure  d'un  élève  et  imitateur.  Cette  hypothèse  n'a  été 


d'histoire  et  de  littérature.  295 

neur  de  ce  tableau  au  pinceau  de  Jean  Memling  qui  a  dû  le  peindre  entre  1470 
et  1475'. 

Il  eût  été  à  propos  d'observer  que  l'auteur  de  ce  beau  tableau,  si  finement 
peint,  ne  pouvait  être  celui  du  panneau  du  musée  dé  Cluny  {Prédication  de  la 
Madeleine)  d'une  tout  autre  pratique,  gouache  pour  ainsi  dire,  grossier,  inhabile. 
Ce  dernier,  au  dire  de  M.  de  Chennevières^,  se  rapproche  du  tableau  du  cabinet 
de  M.  Roux  Alphéran  {L'Adoration  des  Mages).  Selon  M.  Michiels  ce  dernier  tableau 
(qui  est  sur  une  toile  très-légère)  serait  au  contraire  un  œuvre  du  xvi' siècle  î. 

Le  tableau  des  Chartreux  de  Villeneuve-lez-Avignon  {La  divine  comédie)  bien 
que  je  ne  le  connaisse  que  par  la  reproduction  au  trait  qui  se  trouve  dans  les 
Œuvres  complètes  du  roi  René^  ne  me  paraît  pas  non  plus  de  la  même  main  que 
les  précédents  et  M.  Renouvier  se  trouve  d'accord  avec  Boisserée  pour  l'attribuer 
à  Jean  Fouquet,  attribution  vraisemblable  J.  Parmi  les  œuvres  attribuées  à  René 
et  qui  ne  subsistent  plus,  M.  L.  de  la  M.  cite  les  peintures  murales  de  la  chapelle  du 
Petit-Puy  à  Baugé^,  des  emblèmes  dans  la  salle  du  roi  à  Arles?,  et  les  attributs 
et  emblèmes  des  chambres  des  manoirs  de  Chanzé  et  de  Reculée  8;  il  eut  pu 
ajouter  un  Ecce  fiomo,  que  virent  Millin  et  Lenoir  chez  les  Observantins  de  Mar- 
seille 9  et  qui  n'a  plus,  à  ma  connaissance,  été  mentionné  depuis. 

admise  par  aucun  de  ceux  qui  depuis  ont  vu  le  tableau  et  n'ont  pu  découvrir  entre  les 
volets  et  le  panneau  principal  les  prétendues  différences  de  touches  signalées  par  M.  Re- 
nouvier. 

1.  Voy.  de  Chennevières.  Recherches  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  quelques  peintres  provin- 
ciaux de  l'ancienne  France.  T.  1,  p.  130.  —  Marius  Chaumelin.  Trésors  d'art  de  la  Provence 
exposés  à  Marseille  en  1861.  Marseille.  1862.  In-8*,  p.  107  à  118.  C'est  la  meilleure 
description  avec  une  discussion  critique  approfondie.  — Notes  et  additions  de  M.  Ruelens 
aux  Anciens  peintres  flamands  de  Crowe  et  Cavalcaselle.  T.  II,  p.  clviij.  —  M.  Michiels 
{Histoire  de  la  peinture  flamande^  t.  III,  p.  162  et  202)  l'attribue  à  Jean  Van  der  Meire 
auquel  il  s'est  efforcé  de  reconstituer  un  œuvre,  mais  sur  des  données  absolument  hypo- 
thétiques. 

2.  Ouv.  cit.  t.  I,  p.  141.  Une  reproduction  en  couleur  de  ce  tableau  se  trouve  dans 
du  Sommerard.  Les  arts  au  moyen-âge.  Album,  i"  série,  p.  38. 

3.  Ouv.  cit.  t.  III,  p.  205.  —  Voici  l'histoire  de  ce  tableau  :  il  appartenait  avant  la 
révolution  aux  religieuses  dominicaines  de  N.-D.  de  Nazareth  d'Aix  (dames  de  Saint- 
Barthélémy);  elles  le  donnèrent  au  P.  Pouillard,  grand  carm.e  d'Aix  (qui  fut  conservateur 
du  musée  du  cardinal  Fesch.  (Voy.  une  notice  sur  lui  d'Emeric  David  dans  le  Moniteur 
universel  du  23  août  1823).  Celui-ci  le  vendit  à  M.  Sallier,  amateur  d'Aix,  qui  le  vendit 
à  M.  Porte  (auteur  d'Aix  ancien  et  moderne)  qui  le  vendit  à  M.  Alexandre  de  Lestang- 
Parade  (voy.  la  description  de  sa  collection  de  tableaux  par  C.  Gaszynski,  Mémorial  d'Aix 
du  13  juin  1841).  Ce  dernier  le  donna  à  M.  Roux-Alphéran  (voy.  Roux-Alphéran.  Rues 
d'Aix.  2  vol.  in-8o,  t.  II,  p.  241).  —  Il  est  reproduit  dans  les  Œuvres  complètes  du  roi 
René,  t.  I,  pi.  16. 

4.  T.  I,  pi.  13.         . 

5.  Renouvier.  Les  peintres  et  enlumineurs  du  roi  René,  p.  1 5 ,  et  Boisserée,  Lettre  sur 
les  anciennes  écoles  de  peinture  françaises,  dans  le  Bulletin  du  comité  historique  des  arts  et 
monuments,  t.  I,  p.  106. 

6.  T.  II,  p.  77. 

7.  T.  II,  p.  78. 

8.  Extraits  des  Comptes  et  Mém.  N"  643  et  suiv. 

9.  Millin.  Ouv.  cit.,  t.  II,  p.  343.  —  Lenoir,  Ouv.  c/V.,  p.  46.  Rapprochez  I'  «  ymaige 
»  de  crucifix  »  donnée  par  René  aux  Frères  mineurs  de  Laval ,  et  qui  contrairement  à 
l'assertion  de  M.  L.  de  la  M.  ne  me  paraît  pas  pouvoir  s'identifier  avec  1'  «  ymaige  de 
»  pitié  »  dont  il  a  été  question  plus  haut  (t.  Il,  p.  77). 


i94  REVUE    CRITIQUE '<>^''îf?''' 

M.  L.  de  la  M.  dit  avoir  trouvé  l'auteur  de  la  peinture  qui  «  surmontait  le  grand 
;)  autel  des  Célestins  d'Avignon  »  et  qui  représentait  le  cadavre  d'une  maîtresse  du 
roi  René.  C'est  selon  lui  un  Italien  du  nom  de  Francesco.  M.  L.  de  la  M.  a  fait 
ici  une  confusion.  Si  l'on  se  reporte  aux  documents  qui  lui  ont  fourni  ce  rensei- 
gnement, on  voit,  d'une  part,  qu'en  1 478  «  Francesco  Laurens  tailleur  d'ymaige  »» , 
c'est-à-dire  sculpteur,  présentait  à  René  des  «ouvrages  d'ymaigerie  en  painture,» 
c'est-à-dire  des  œuvres  de  sculpture  peintes,  suivant  le  goût  de  l'époque,  et 
d'autre  part  que  ce  même  Francesco  faisait  pour  les  Célestins  un  retable  de 
marbre  représentant  la  rencontre  de  J.-C.  et  des  saintes  femmes 2.  Comment 
a-t-il  pu  confondre  ce  bas-relief  avec  la  peinture  dont  on  a  fait  honneur  à  René  ? 
Le  plus  étrange,  c'est  que  M.  L.  de  la  M.  dit  fort  bien  que  ce  retable  est  conservé 
aujourd'hui  dans  l'église  de  Saint-Didier.  Je  ne  sais  en  outre  où  il  a  puisé  que 
la  peinture  attribuée  à  René  avait  décoré  le  grand  autel;  il  faut  avouer  que  c'eût 
été  un  sujet  singulier  à  cette  place.  Elle  n'y  était  plus  au  moins  en  1739,  époque 
où  la  vit  le  président  de  Brosses,  dont  la  description  méritait  d'être  citée  : 
«  Dans  une  de  leurs  salles  (des  Célestins)  je  trouvai  le  fameux  tableau  peint  en 

»  détrempe  par  René  d'Anjou,  roi  de  Provence,  leur  fondateur C'est  un 

»  grand  squelette  debout,  coiffé  à  l'antique,  à  moitié  couvert  de  son  suaire  dont 
»  les  vers  rongent  le  corps  défiguré  d'une  manière  affreuse;  sa  bière  est  ouverte, 
»  appuyée  debout  contre  une  croix  de  cimetière  et  pleine  de  toiles  d'araignées 
»  fort  bien  imitées.  Au  diable  soit  l'animal  qui  de  toutes  les  attitudes  où  il  pou- 
»  vait  peindre  sa  maîtresse  en  a  choisi  une  d'un  si  horrible  spectacle  !  ?  » 

Cet  horrible  spectacle ,  était ,  paraît-il ,  du  goût  de  René ,  et  ceci  nous  amène 
à  parler  de  la  peinture  désignée  sous  le  nom  du  Roi  mort  qui  représentait  le  roi 
de  Sicile  sous  la  forme  d'un  cadavre  encore  revêtu  d'une  partie  de  ses  chairs, 
avec  la  couronne  et  le  manteau,  laissant  tomber  le  globe  et  le  sceptre,  et  qui 
ornait  son  tombeau  à  Angers.  Cette  peinture,  on  le  sait,  est  détruite;  M.  L.  de  la  M. 
l'attribue  hardiment  à  René,  mais  en  l'absence  de  tout  document  précis,  elle  ne 
peut  servir  que  comme  indice  de  son  goût  pour  ces  représentations  allégoriques 
assez  frappantes,  mais  vulgaires.  Il  en  faut  rapprocher,  ainsi  que  l'indique  M.  L. 
de  la  M.  (p.  84),  une  miniature  d'un  livre  d'heures  qui  lui  a  appartenu,  et  qui 
est  non  pas  «  une  réduction  du  tableau  du  roi  mort,  »  mais  une  peinture  analogue 
où  l'on  voit  un  squelette  coiffé  d'une  couronne  royale  4  ;  et  aussi  ce  titre  d'un 
tableau  inventorié  au  manoir  de  la  Ménitré  :  La  mort  qui  pique  Vamoureux.  J 
(P-  8i). 

1.  T.  II. 

2.  Ce  François  Laurens  des  comptes  du  roi  René  fait  songer  à  Francesco  Laurana, 
graveur  en  médaille  assez  célèbre,  qui  cisela  en  1463  une  belle  médaille  du  roi  René.  Je 
n'ai  pas  les  éléments  nécessaires  pour  vérifier  ce  rapprochement,  il  faudrait  voir  le  retable 
de  l'église  de  Saint-Didier  et  rechercher  ce  que  l'on  sait  des  particularités  de  la  vie  de 
Laurana. 

3.  Le  Président  de  Brosses  en  Italie.  Ed.  Didier,  t.  I,  p.  20. 

4.  Bibl.  nat.  ms.  lat,  1 1 56  a  f*  1 13,  in-8'.  —  Cette  miniature  est  gravée  au  trait  dans 
les  Œuvres  complètes  du  roi  René,  p.  68. 

5.  M.  Renouvier,  cite  aussi  une  Image  de  la  mort  de  l'église  de  Saint-Paul  de  Lyon 
attribuée  au  roi  René. 


d'histoire  et  de  littérature.  295 

Nous  savions  déjà  que,  pour  les  contemporains  même  de  René,  «  les  painctres 
»  du  roy  de  Cecille  '  »  avaient  constitué  un  groupe  renommé.  Bien  peu  de  noms 
malheureusement  étaient  connus,  aucun  ne  pouvait  s'appliquer  à  une  œuvre;  les 
textes  mis  au  jour  par  M.  L.  de  la  M.  en  ont  fait  connaître  un  certain  nombre,  ont 
fourni  sur  d'autres  des  renseignements  importants,  ont  montré  dans  quelle  intimité 
avec  René  certains  d'entre  eux  ont  vécu.  C'est  avec  raison  qu'il  a  insisté  sur  l'origine 
flamande  de  la  plupart,  quoiqu'il  n'ait  pas  cependant  mis  dans  tout  son  jour 
l'influence  de  la  peinture  flamande.  Dans  ses  tentatives  de  rapprochements  et 
d'identification  il  a  été  moins  heureux.  Il  dit  à  deux  reprises  (p.  71  et  75)  que 
René  a  dû  être  en  rapport  avec  Jean  Van  Eyck  peu  après  1448,  mais  cette 
hypothèse,  déjà  plusieurs  fois  émise,  ne  peut  plus  se  produire  depuis  que  Pon 
sait  que  Jean  Van  Eyck  est  mort  en  1440 2.  Elle  n'avait  du  reste  qu'une  base 
bien  incertaine,  c'était  la  lettre  adressée  par  René,  pour  lui  demander  des  peintres, 
à  (f  maître  Jehanot  le  Flament;  ))3  mais  les  peintres  flamands  du  nom  de  Jean,  les 
Jean  de  Flandre,  sont  nombreux  dans  les  textes  et  il  n'est  guère  possible  avec  ce 
seul  indice  de  songer  à  une  identification.  On  a  mis  aussi  en  avant  Jean  Memling, 
mais  les  premières  œuvres  connues  de  celui-ci  datent  de  1460  environ  et  en 
1448  il  devait  être  à  peu  près  inconnu.  Peut-être  pourrait-on  penser  à  Jean  de 
Boulogne  qui  devint  en  1449  peintre  et  valet  de  chambre  des  comtes  de  Flandre^. 
Un  des  peintres  les  plus  employés  à  la  cour  de  René  était  Coppin  Delf,  M.  L. 
de  la  M.  a  pu  ajouter  des  détails  curieux  à  ce  que  l'on  savait  déjà  de  lui.  En  disant 
que  Coppin  était  un  surnom  fréquent  chez  les  artisans,  M .  L.  de  la  M .  a  paru  ignorer 
que  c'était  un  prénom,  un  diminutif  de  Jacques  très-usité  dans  le  Nord.  Delf  est 
une  indication  d'origine ,  et  à  moins  de  le  considérer  comme  parent  de  tous  ses 
concitoyens  on  ne  saurait  le  rapprocher  d'un  orfèvre  de  Bruges  nommé  Clay  de 
Delf.  Coppin  avait  orné  de  peintures  et  de  dorures  le  tombeau  de  René,  et  un 
groupe  sculpté  dit  le  Domine  quo  vadis,  qu'on  ne  connaît  que  par  une  estampe 
du  xviii^  siècle.  Quoique  l'on  ait  la  mention  d'autres  œuvres  de  lui,  aucune  n'a 
survécu,  ce  qui  n'empêche  pas  M.  L.  de  la  M.  d'écrire  avec  naïveté  :  «  Les  ou- 
»  vrages  de  Coppin  Delf  ne  sont  pas  perdus  tout  à  fait. . .  ils  revivent  en  partie  dans 
))  les  dessins  qui  nous  ont  été  conservés  du  tombeau  de  René  et  du  groupe  de 
»  Saumur  «  {p.  95).  Il  convient,  il  est  vrai,  que  ce  sont  là  «  des  éléments  bien 
»  faibles  pour  juger  son  talent,....  »  en  effet!  Il  est  bon  d'observer  que  toutes 
les  indications  des  travaux  exécutés  par  ce  peintre  ne  désignent  que  des  pein- 
tures d'attributs,  d'ornements  et  de  sculpture.  Parmi  les  autres  artistes,  M.  L.  de 
la  M.  me  paraît  identifier  à  tort  (p.  90)  le  nom  bien  français  de  Georges  Trubert, 
avec  Turlère  ou  Turlery  qui  semble  être  plutôt  un  Anglais.  —  «  Maistre  Gentil 
))  paintre  »  auquel  René  commanda  en  1476  une  bannière  pour  les  habitants 


1.  Jean  Robertet  à  la  fin  du  XV»  s.  (BibL  de  l'École  des  chartes,  f  série,  t.  III,  p.  69). 

2.  «  Pro  Sepullura  magistri  Johannis  de  Eyck  pictoris,  XII.  lib.  par.  »  (Extrait  du 
compte  de  la  fabrique  de  Bruges  pour  144c,  Carton,  Les  trois  frères  Van  Eyck,  p.  43). 

3.  Cette  lettre  si  intéressante  a  été  publiée  d'abord  par  M.  Renouvier,  puis  par  M.  de 
Montaigion  dans  les  Archives  de  l'art  français,  t.  V,  p.  214. 

4.  Sur  Jean  de  Boulogne,  voy.  de  Laborde.  Les  ducs  de  Bourgogne.  T.  I,  n°  1437  et 
passim. 


296  REVUE    CRITIQUE 

d'Auriol  (p.  96)  fait  songer  à  Bartolommeo  di  Gentile  dont  le  Louvre  possède  un 
tableau  daté  de  1497  (n°  66). 

Tout  en  indiquant  la  prédilection  de  René  pour  la  manière  des  peintres  flamands, 
M.  L.  de  la  M.  dit  qu'il  eut  aussi  des  sympathies  pour  «l'École  d'Italie»  (p.  7O 
et  il  ajoute  qu'il  fut  «  à  même  d'apprécier  »  Colentino  (lisez  :  Colantonio)  del 
Fiore,  Angelo  Franco  et  le  Zingaro,  mais  précisément  ces  peintres  n'ont  été  que 
des  imitateurs  des  Flamands  et  peut-être  en  partie  sous  l'influence  de  René.  En 
ce  qui  touche  Colantonio  du  moins,  nous  avons  un  témoignage  important  que 
M.  L.  delà  M.  n'a  pas  connu:  un  second  passage,  rapporté  aussi  par  Puccini,  delà 
lettre  de  Summonzio  de  1 524,  citée  plus  haut,  nous  dit  que  Colantonio  avait  la 
plus  vive  admiration  pour  la  manière  flamande  et  songeait  à  aller  l'étudier  en 
Flandre,  mais  qu'il  fut  retenu  par  René  qui  lui  en  apprit  les  procédés  ' .  C'est  à  tort 
que  M.  L.  de  la  M.  dit  que  René  ne  put  pas  connaître  Antonello  de  Messine  en 
Italie  (p.  72,  n.  i).  Antonello  né  en  141 4  vint  étudier  sous  Colantonio  del  Fiore 
à  Naples  en  14382;  c'est  précisément  l'année  où  René  y  arriva  lui-même.  Vasari 
en  disant  qu'Antonello  vit  à  Naples  un  tableau  de  Jean  Van  Eyck  appartenant 
au  roi  Alphonse  (c'est  peut-être  le  Saint  Jérôme  qui  y  est  encore)  a  fort  bien  pu 
ne  pas  savoir  lequel  d'Alphonse  ou  de  René  régnait  à  Naples  au  moment  du 
passage  d'Antonello  3. 

Entre  Summonzio  qui  dit  que  René  enseigna  à  Colantonio  la  méthode  flamande 
et  Vasari  qui  raconte  qu'Antonello  alla  en  Flandre  surprendre  les  secrets  des 
Van  Eyck,  semble  exister  une  contradiction.  Si  l'on  ajoute  foi  aux  paroles  de 
Summonzio,  elles  indiquent  trop  nettement  les  procédés  nouveaux,  la  peinture 
à  l'huile  (la  praîica  et  la  tempera  di  tal  coloré)  4  pour  qu'on  puisse  croire  avec 
Crowe  et  Cavalcaselle  que  ce  qui  dans  les  œuvres  flamandes  faisait  l'admiration 
de  l'artiste  napolitain,  ce  que  René  lui  enseigna,  ce  fut  l'ordonnance,  le  style, 
«  les  particularités  de  la  composition  et  du  dessin  ;  »  à  cet  égard,  les  maîtres 
n'auraient  pas  manqué  en  Italie,  et  je  crois  que  le  goût  flamand  n'y  a  pénétré  au 
contraire  que  comme  conséquence  de  l'imitation  du  procédé ,  de  la  technique 
flamande.  Les  témoignages  contemporains  ne  manquent  pas  sur  ce  point; 
Vasari  5,  Fazio'^,  Filarete?  montrent  quelle  importance  capitale  les  peintres 

1.  «  La  professione  di  Colantonio  era,  siccome  portava  quel  tempo,  in  iavoro  di 
»  Fiandra  e  lo  colorire  di  quel  paese,  al  che  era  tanto  dedito  che  aveva  deliberalo  d'an- 
»  darvi,  ma  il  re  Raniero  lo  ritenne  quà  col  mostrargli  ipso  la  pratica  e  la  tempera  di 
»  tal  colore  »  (Puccini.  Ouv.  cit.,  p.  37). 

2.  Crowe  et  Cavalcaselle.  Les  anciens  peintres  Flamands.  Traduct.  Delepierre.  T.  I, 
p.  199  et  205. 

3.  Vasari.  Edit.  Lemonnier.  T.  IV,  p.  78. 

4.  Crowe  et  Cavalcaselle  traduisent  ainsi  ces  mots  :  «  les  procédés  de  sa  propre  mé- 
j)  thode  »  (p.  201).  C'est  une  interprétation  impossible. 

5.  «  Conoscevano  gli  artefici,  che  nelle  pitture  a  tempera  mancavano  l'opère  d'una 

»  certa  morbidezza  e  vivacita,  che  arebbe  potuto  arrecare Molti  avevano,  sofisticando, 

»  cercato  di  tal  cosa  ;  non  pero  aveva  niuno  trovato  che  buono  fusse Fu  una  bellis- 

»  sima  invenzione  ed  una  gran  comodita  ail'  nrte  délia  pittura  il  trovare  il  colorito  a 
»  olio.  »>  Il  faudrait  citer  toute  la  vie  d'Antonello  (Ed.  Lemonnier,  t.  IV,  p.  74-82). 

6.  «  Joannes  Gallicus  (Jean  Van  Eyck)  nostri  seculi  pictorum  princeps  judicatus  est 

»  putaturque  multa  de  colorum  proprietatibus  invenisse »  {Liber  de  viris  illustribus 

rédigé  en  1457.  Ed.  de  1745,  in-4°,  p.  46). 

7.  «  Et  anche  a  olio  si  possono  mettere  tutti  questi  colori.  Ma  questa  e  altra  pratica 


d'histoire  et  de  littérature.  297 

attachaient  à  la  recherche  des  nouveaux  procédés,  et  en  même  temps  combien 
l'on  fut  vivement  frappé  par  les  œuvres  brillantes,  d'une  couleur  pleine  d'éclat  et 
de  transparence,  dont  la  perfection  était  due  en  grande  partie  à  de  nouvelles 
méthodes,  que  produisirent,  dans  la  première  moitié  du  xv'^  siècle,  les  peintres 
Brugeois.  A  l'époque  où  René  devint  roi  de  Naples,  je  ne  vois  rien  d'extraordi- 
naire à  ce  que  lui,  que  nous  savons  à  n'en  pas  douter  par  ses  comptes,  préoccupé 
de  détails  de  métier,  ait  connu,  plus  ou  moins  imparfaitement,  les  procédés 
flamands.  A  ce  moment  ils  n'étaient  guère  plus  un  secret,  dès  1420  la  réputation 
des  Van  Eyck  et  de  leur  nouvelle  méthode  était  fort  répandue  ',  on  a  cité  des 
marchés  pour  des  tableaux  à  l'huile  commandés  à  d'autres  peintres  en  141 9  et 
14^42;  Cennini,  qui  écrivait  en  1437  son  Trattato  délia  piîtur a, 'âr\T\OT)CQ  qu'il 
enseigne  à  peindre  à  l'huile  sur  panneau  comme  le  font  beaucoup  d'Allemands  J. 
Pourquoi  René  qui  avait  été  à  Lille  en  1437»  '^^^  ^vait  vécu  à  la  cour  de  Bour- 
gogne, qui  avait  dû  fréquenter  alors  familièrement  tant  d'artistes,  n'aurait-il  pas 
connu  ces  nouveaux  procédés  4?  Rien  d'extraordinaire  aussi  qu'il  ne  les  ait 
connus  qu'imparfaitement  il  est  vrai,  comme  Cennini,  comme  FilareteJ,  et  que 
malgré  son  enseignement,  on  ait  cru  pouvoir  découvrir  à  Bruges  de  bien  autres 
secrets,  ce  qui  explique  suffisamment  le  voyage  d'Antonello  en  Flandre;  ajoutons 
qu'après  avoir  adopté,  imité,  les  procédés  matériels  des  maîtres  flamands,  on  ne 
tarda  pas  à  en  subir  la  manière  et  à  désirer  d'être  dirigé  par  eux. 

Ceci  nous  a  entraîné  bien  loin  du  livre  de  M.  L.  de  la  M.,  mais  je  pense  que 
le  témoignage  de  Summonzio  valait  la  peine  d'être  discuté;  le  rôle  qu'il  attribue 
à  René  dans  la  diffusion  des  procédés  flamands,  dans  les  relations  entre  les 
peintres  flamands  et  napolitains,  méritait  qu'on  s'y  arrêtât  quelques  instants. 

On  pouvait  espérer  que  les  indications  de  tableaux  qui  se  trouvent  dans  les 
inventaires  ou  les  comptes  de  René  apporteraient  quelques  lumières  sur  son  goût  ; 


»  et  aitro  modo,  il  quale  e  bello  a  chi  lo  sa  fare.  Nella  Magna  si  lavora  bene  in  çiuesta 
»  forma,  maxime  da  questo  maestro  Giovanni  da  Bruggia  et  Maestro  Ruggieri,  i  quali 
»  hanno  adoperato  oplimamente  questi  colori  a  olio.  »  (Citation  du  traité  de  Filarete  dans 
Vasari  éd.  Lemonnier.  T.  IV,  p.  99). 

1.  Crowe  et  Cavaiçaselle,  Oav.  cit.,  t.  I,  p.  46. 

2.  Diericx,  Mémoires  sur  la  ville  de  Gand,  t.  II,  p.  55  et  255. 

3.  Chapitres  89  à  94. 

4.  «  On  assure,  dit  M.  L,  de  la  M.  p.  72,  qu'il  importa  en  Italie  les  goûts  et  les  procédés 
»  flamands  et  qu'il  contribua  en  particulier  à  y  répandre  l'invention  ou  plutôt  le  perfec- 
»  tionnement  de  la  peinture  à  l'huile  dont  il  recommandait  en  effet  l'emploi  à  ses  artistes 
»  d'Anjou.  »  Les  deux  exemples  qu'il  cite,  les  seuls  qu'on  trouve  dans  les  Comptes  et 
Mémoriaux,  ne  sont  pas  concluants;  ils  sont  l'un  de  14^9,  l'autre  de  1472,  encore  faut-il 
observer  qu'il  s'agit  dans  le  premier  de  sculpture  et  dans  le  second  d'attributs  sur  une 
muraille,  or  on  sait  que  bien  avant  les  perfectionnements  des  Van  Eyck  on  employait  les 
couleurs  à  l'huile  en  enduit  ou  teinte  plate,  qu'on  en  peinturait  les  sculptures  et  même 
partiellement  quelques  tableaux. 

$.  «  Dimmi  in  che  modo  si  lavora  con  questo  olio,  e  che  olio  e  questo?  —  L'olio  e  di 
»  semé  di  lino.  —  Non  e  egli  molto  obscuro?  —  Si,  ma  se  gli  toglie.  Il  modo  non  so; 
»  se  non  mettilo  intra  una  amoretta,  et  lasciavelo  uno  buono  tempo,  egli  schiarisce  » 
{Commentario  alla  vita  di  Antonello.  Vasari,  éd.  Lemonnier.  T.  IV,  p.  99).  Les  citations 
cju'en  ont  données  les  éditeurs  de  Vasari  font  bien  désirer  qn'on  publie  le  traité  de  Filarete, 
écrit  à  Florence  vers  1460  et  dont  le  ms.  se  trouve  à  la  bibliothèque  Magliabecchi. 


2"9S  REVUE    CRITIQUE 

jusqu^à  présent  aucun  n'a  pu  être  identifié  avec  une  œuvre  existant  encore  ;  — 
mais  de  ce  côté  tout  espoir  n'est  pas  perdu;  M.  Michiels  a  dû  voir  de  nombreux 
tableaux  et  quand  le  livre  qu'il  annonce  paraîtra,  il  faudra  examiner  si  aucunn^est 
mentionné  dans  les  documents  publiés  par  M.  L.  de  la  M.  loiinoi 

(La  fin  au  prochain  n"" .)  A.  Giry. 


21  j.  —  Sulla  Manifattura  degli  Arazzi.  Cenni  storici  raccolti  e  pubblicati  dall' 
arazziere  Cav.  Pietro  Gentili  romano.  Rome,  typog.  Cuggiani,  Santini  et  C«.  1874. 
In-80,  109  p. 

Sous  le  titre  qu'on  vient  de  lire,  un  artiste  tapissier  italien,  M.  P.  Gëmïli, 
naguère  attaché  à  la  manufacture  pontificale  des  Gobelins  de  Rome,  a  réuni  un 
certain  nombre  de  notices  sur  l'histoire  de  l'art  qu'il  cultive;  il  en  étudie  les 
destinées  en  France,  dans  les  Flandres,  en  Italie  et  dans  d'autres  pays  encore,  et 
en  décrit  quelques-uns  des  spécimens  les  plus  beaux. 

Nous  nous  occuperons  plus  spécialement  dans  ce  compte-rendu  de  la  partie 
de  son  travail  qui  concerne  l'Italie  :  c'est  la  seule  qui  offre  quelque  nouveauté, 
et  c'est  elle  aussi  qui  renferme  le  plus  de  lacunes  parce  que  l'auteur  y  est  aban- 
donné à  ses  propres  forces. 

La  fabrication  des  tapisseries  historiées  ne  paraît  pas  remonter  bien  haut  chez 
nos  voisins,  et  très-certainement  elle  n'a  pas  pris  naissance  chez  eux.  Le  nom 
seul  de  tentures  d'Arras  (Arazzi)  qu'ils  appliquent  à  ses  produits  prouve  qu'elle 
est  d'origine  étrangère.  Ce  sont  des  Flamands  de  la  Flandre  française  qui  ont 
importé  cet  art  dans  fa  Péninsule  ;  les  plus  anciens  documents  connus  en  font 
foi'. 

La  ville  de  Sienne  a  été,  selon  toute  vraisemblance,  la  première  qui  ait  donné 
l'hospitalité  aux  maîtres  venus  de  delà  les  monts.  Les  Documenti  per  la  storia  deW 
arte  senese,  de  M.  Milanesi,  nous  apprennent  en  effet  que  sous  la  date  du  19  no- 
vembre 14^8  «  Renaldo  di  Gualiieri  de  la  Magna  (ou  Mangnia)  Bassa,  maestro 
»  di  panni  di  Razo  » ,  Flamand ,  demanda  au  conseil  de  la  ville  en  question 
«  una  provisioncella  »  pour  enseigner  son  art,  et  que  sa  pétition  eut  un  plein 
succès.  Il  en  fut  de  même  d'une  nouvelle  demande  faite  en  143 9- 1440,  à  la  suite 
de  laquelle  l'artiste  reçut,  pour  la  durée  de  six  ans,  une  indemnité  annuelle  de 
vingt  florins  2.  Son  successeur  à  Sienne  fut  «  Giaghettus  Benedicti  de  Razzo  n 
(Giachetto  d'Arras).  Le  27  octobre  1442  il  conclut  avec  la  commune  un  traité 
par  lequel  il  s'engageait  à  travailler  pour  elle  pendant  une  période  de  dix  ans, 
moyennant  un  salaire  de  quatre-vingt-cinq  florins  par  an.  Il  exécuta  de  nom- 

i.  Antérieurement  à  celte  époque,  en  plein  moyen-âge,  on  faisait  déjà  venir  des  tapis- 
series de  France.  Nous  en  avons  une  preuve  dans  la  lettre  par  laquelle  un  évêque  itaijen, 
du  nom  de  Léon,  prie  Guillaume  V,  comte  de  Poitou,  de  lui  envoyer  un  «  tapetum 
»  mirabile  »  fabriqué  à  Poitiers  (1025).  Jubinal,  Recherches  sur  l'usage  et  l'origine  des 
tapisseries  à  personnages  dites  historiées.  Paris.  1840.  P.  15-16. 

2.  T.  II,  p.  180.  M.  Gentili  n'a  connu  ni  cette  pièce,  ni  les  trois  suivantes,  car  il 
prétend  que  la  première  fabrique  de  tapisseries  de  l'Italie  est  celle  de  Ferrare. 


d'histoire  et  de  littérature.  299 

breuses  tapisseries  pour  le  Palais  public  (on  en  trouvera  la  liste  dans  l'ouvrage 
de  M.  Milanesi,  II,  212),  et  fut  également  occupé  par  le  pape  Nicolas  V.  En 
1456,  après  une  absence  de  quelques  mois,  il  demanda  un  sauf-conduit  pour 
rentrer  à  Sienne  où  il  craignait  d'être  inquiété  par  ses  créanciers  et  ce  sauf- 
conduit  lui  fut  accordé  '. 

A  la  même  époque  (2  juillet  1457)  nous  trouvons  à  Florence  un  autre  tapis- 
sier flamand  «  Livinio  Gigli  de  Burgis  »  ». 

En  1463  le  conseil  des  arts  de  Pérouse  signe  un  traité  avec  M°  «  Jacobus, 
»  alias  Jaconino,  Filippi  Birgieres  de  Lilla  Flandrie,  magister  Nicholaus  ejus 
»  filius  et  domina  Johanna  et  domina  Micheletta  eorum  uxores  ad  praesens  com- 
»  morantes  in  civitate  Perusie.  »  Ces  artistes  seront  tenus  v  ad  construendos 
»  pannos  de  razzo  in  civitate  Perusie  et  debeant  ipsam  artem  pannorum  de 
»  razzo  et  modum  illos  construendi  docere  omnibus  eum  adiscere  volentibus 
»  gratis,  ))  etc.  J 

En  1464  la  ville  de  Ferrare  engage  maître  Zoane  Mille  et  maître  Raynaldo 
Grua  de  Franza  «  maestri  solenni  et  perfectissimi  de  l'arte  de  la  Tapezaria  ad 
ï)  introdure  in  dicta  citade  epsa  arte  de  Tapezaria  4;  »  en  1470,  selon  un  témoi- 
gnage qui  n'est  pas  bien  sûr,  des  artistes  de  Bruges  auraient  travaillé  dans  la 
même  ville,  où  cependant  vers  la  fin  du  siècle,  en  1490,  nous  ne  trouvons  plus 
qu'un  seul  tapissier  M^  Bernardin,  fils  du  peintre  Bongiovanni.  Cet  artiste  ayant 
voulu  s'expatrier,  la  commune  lui  accorda  pour  le  retenir  une  subvention  de 
'quatre  livres  par  mois  J . 

C'est  encore  à  un  Flamand,  Rinaido  Duro,  que  l'on  doit  l'introduction  à  Cor- 
tège de  l'art  de  la  tapisserie.  Le  4  avril  1480  cet  artiste  reçut  57  ducats  d'or 
pour  prix  d'un  de  ses  ouvrages,  et  en  1496  (27  avril)  quelques  lopins  de  terre 
que  la  femme  du  seigneur  du  lieu  lui  céda  en  récompense  de  ses  services.  Il 
,mourut  entre  1 5 11  et  1 5 12  à  Bologne  où  il  avait  fixé  son  domicile^. 

Quelques  années  plus  tard,  vers  1488,  Modène  voit  se  fixer  dans  ses  murs 
Antoine  Barbanti  (peut-être  Brabanti,  du  Brabant),  fils  de  feu  Gerardino  de 
Bruxelles;  en  1 528  un  autre  Flamand,  Jean  de  Gesulis  s'établit  dans  la  même 
ville7.  ^  --  ^^.ii;i...:j  ,:..;;,:,i...  >  , 

La  production  de  tapisseries- MtbHééî "paraît  S*ètre  bornée  à  ces  quelques 
localités  pendant  le  xv^  siècle.  A  Rome,  dans  les  registres  des  paiements  de  la 
chambre  apostolique,  dont  j'ai  parcouru  presque  toute  la  série,  je  n'ai  pas  trouvé 

1.  Milanesi,  Documenti,  t.  II,  p.  210-214.  M.  Milanesi  (p.  213)  identifie  ce  Giachetto 
avec  le  Giachetto  dont  parle  Filarete  (Gaye,  Carteggio  I,  205-209).  M,  de  Montaigion 
croit  au  contraire  qu'il  s'agit  dans  ce  passage  de  Jean  P'ouquet  {Archives  de  l'art  français. 
2'  série,  I,  463). 

2.  Gaye,  Carteggio  I,  563. 

-     3.  Giornale  di  Erudizione  artistica.  1873.  P.  265-266. 

4.  Cittadella,  Notizie  relative  a  Ferrara.  Ferrare.  1864.  P.  650.  —  M.  Gentili  a  puisé 
à  pleines  mains  dans  le  volume,  si  riche  en  renseignements  de  toute  nature,  du  savant 
bibliothécaire  de  Ferrare,  sans  même  le  citer. 

5.  Cittadella,  loc.  cit. 

6.  Campori,  Gli  artisti  italiatii  e  stanieri  negli  stati  estensi.  Modène.  1855.  P.  32  et  49 j. 

7.  Campori,  Gli  artisti P.  32  et  500. 


300  REVUE    CRITIQUE 

jusqu'ici  de  traces  de  tapissiers  ;  les  brodeurs  par  contre  (ricamatori)  abondent. 

Au  xvi^  siècle  les  tentatives  d'acclimatation  gagnent  en  étendue  et  en  impor- 
tance. Cependant  c'est  encore  dans  les  Flandres  que  sont  exécutées  les  tapis- 
series du  Vatican  d'après  les  cartons  de  Raphaël  '.  Il  en  est  de  même  des  tapis- 
series de  Mantoue,  du  même  maître,  qui  ont  été  transportées  à  Vienne  en  1866. 
M.  d'Arco  a  montré  qu'elles  n'ont  pas  vu  le  jour  dans  le  bourg  de  San  Giorgio, 
près  de  Mantoue,  comme  on  le  croyait,  mais  bien  dans  la  cité  d'Arras^. 

Vers  1 5  30,  on  trouve  au  service  du  pape  deux  tapissiers  dont  l'un  au  moins 
était  Flamand ,  et  dont  la  présence  à  Rome  ne  paraît  pas  avoir  été  signalée 
jusqu'ici,  Pierre  Van  Aist  ou  Aelst  et  Adrien.  Le  premier  touche  plusieurs  sommes 
importantes  : 

17  juin  1 531.  D.  Petro  Van  Aelst tapezario  s™  D.  N.  papae  florenos  ducentos 

pro  totidem  quos  id.  d.  Petrus  occ""  pannorum  tapezariae  praelibatorum  s"'° 

D.  N.  dat.  consequi  débet. 

1 1  nov.  1532.  D.  Petro  de  Alst  suae  S^''  tapeziario  duc.  quinquaginta  auri  ... 
ad  bonum  computum  credili  quod  forsan  habet  seu  habebit  cum  Cam^  occasione 
laborariorumJ. 

Adrien  au  contraire  paraît  surtout  occupé  de  travaux  de  restauration. 

26  juillet  1533-  Mag-  Adriano  tapeziario  s""  D.  N.  papae  duc.  quinque  auri 

et  solidos  decem pro  ejus  mercede  resarciturae  certorum  tapetorum  foreriae 

s™*  D.  N.  papae4,  etc. 

Ce  Pierre  Van  Alst  est  sans  doute  le  même  que  celui  qui  figure  dans  des 
comptes  de  1 5 14  et  1 522  publiés  par  M.  Houdoy  5. 

Ferrare  et  Florence  sont  pendant  cette  période  les  deux  centres  de  produc- 
tion les  plus  importants.  Je  ne  m'occuperai  aujourd'hui  que  de  la  première  de 
ces  deux  villes;  l'autre  aura  son  tour  quand  je  rendrai  compte  d'un  travail  que 
M.  Conti  vient  de  consacrer  aux  tapissiers  employés  par  les  Médicis  et  que  je 
n'ai  encore  pu  me  procurer. 

Nous  savons,  grâce  à  M.  Cittadella ,  qu'en  15 16  Ferrare  possédait  un 
«  arazziere  »  du  nom  de  «  Tomaxo  de  M.  Girardino  tapeziero;  »  cet  artiste 
mettait  en  gage  un  «  razo  a  fojame  »  et  un  «  razo  a  figure  »  ^.  En  1 525-1 5  30 
«  Mag,  Michael  fil.  Joannis  de  Combis  de  la  Argenteria  habitator  Ferrariae  »  est 
qualifié  de  u  tapezerius  »  de  la  duchesse  Renée?. 

Vers  le  milieu  de  ce  siècle  a  lieu  l'exécution  des  huit  tapisseries  conservées 
dans  la  cathédrale  de  Ferrare.  L'une  d'elles  porte  l'inscription  : 

1.  Vasari,  éd.  Lemonnier,  VIII,  67. 

2.  Notizïe  intorno  agli  arazzi  disegnati  da  Raffaello.  Mantoue.  1867.  In-S». 

3.  Archives  d'État  de  Rome.  Mandats  de  la  chambre  apostolique  1 530-1 534  i'  55  et 
1531-1534,  f-  59  V. 

4.  Mandats.  1 53  i-i  534,  f°  93. 

5.  Les  Tapisseries  de  Haute-Lisse.  Histoire  de  la  fabrication  lilloise,  Lille.  1871.  P.  143 
et  144. 

6.  Notizie.  P.  651. 

7.  Ibid. 


d'histoire  et  de  littérature.  301 

FACTVM 

FERRARIiî: 

MD 

LUI 

Elles  n'ont  pas  été  faites  d'après  les  cartons  des  Dossi,  comme  on  l'a  cru  pen- 
dant longtemps  et  comme  le  prétend  encore  M.  Gentili  (p.  3  3),  mais  bien  d'après 
ceux  du  Garofalo  et  de  Camille  Filippi.  M.  Cittadella  a  publié  le  contrat  relatif  à 
cette  entreprise;  il  est  en  date  du  1 5  octobre  et  nous  apprend,  outre  les  noms- 
de  ces  deux  peintres,  celui  du  tapissier,  qui  était  Flamand  et  qui  s'appelait 
Jean.  Le  dessin  des  bordures  avait  été  fourni  par  un  autre  Flamand,  M^  Lucas  •. 
M.  Cittadella  est  disposé  à  voir  dans  ce  Jean  le  célèbre  Jean-Baptiste  Rossi  ou 
Rost,  le  tapissier  des  Médicis,  qui  tissa  pour  le  duc  de  Ferrare,  avec  Nicolas 
Rossi,  les  cartons  de  Jules  Romain 2.  Sans  chercher  ici  à  approfondir  cette 
question,  je  me  bornerai  à  faire  remarquer  qu'un  des  arguments  invoqués  par  le 
savant  bibliothécaire  est  peu  admissible.  Je  veux  parler  de  ia  présence  dans  le 
musée  de  Ferrare  de  trois  tapisseries  signées  lAN  RAES  et  contenant  en  outre 
un  monogramme  composé  de  deux  B  affrontés  entre  lesquels  est  figuré  un  écus- 
son.  M.  Cittadella  voudrait  identifier  ce  Jean  Raes  avec  Jea'n- Baptiste  Rost, 
mais  en  cela  je  me  permettrai  d'être  d'un  avis  différent  du  sien.  Il  résulte  en 
effet  de  documents  que  j'ai  publiés  dans  la  Revue  des  Sociétés  savantes^,  qu'un 
Jean  Raes  figurait  vers  1630  parmi  lés  meilleurs  tapissiers  des  Flandres,  et 
M.  Darcel,  dans  le  savant  commentaire  qu'il  a  joint  à  ces  documents,  cite  une 
tapisserie  exposée  en  1874  à  l'Union  Centrale  et  portant  la  signature  E.  RAES, 
avec  la  marque  que  l'on  croit  être  celle  de  Bruxelles,  c'est-à-dire  les  deux  B 
séparés  par  un  écu  4. 

A  l'exposition  rétrospective  de  Milan  (1874),  j'ai  vu  une  tapisserie  apparte- 
nant à  la  cathédrale  de  Côme  et  représentant,  d'après  le  catalogue  (n**  1 70),  la 
mort  de  la  Vierge,  avec  l'inscription  : 

FACTVM 

FERRARI.E 

MDLXII. 

Malgré  ce  certificat  d'origine  on  s'est  accordé  à  lui  trouver  un  aspect  flamand  5, 
et  ajoutons-le,  rien  ne  s'oppose  à  ce  qu'elle  ait  été  exécutée  à  Ferrare  par  un 
artiste  des  Flandres.  Nous  en  trouvons  en  effet  deux  dans  cette  ville  à  Pépoque 
à  laquelle  appartient  la  tapisserie  de  la  cathédrale  de  Côme  :  Gérard  Slot,  fils  de 


1.  Documenti  ed  Illustrazioni  risguardanti  la  storia  artistica  ferrarese.  Ferrare.  1868. 
P.  164  et  suiv. 

2.  Vasari,  X,   110. 

3.  Cinquième  série,  t.  VIII  (nov.-déc.  1874),  p.  519. 

4.  P.  507.  Voir  toutefois  au  sujet  de  cette  attribution  l'article  du  même  auteur  dans 
la  Chronique  des  arts  du  16  janvier  dernier. 

5.  Voir  l'article  précité  de  M.  Darcel  dans  la  Chron.  des  arts,  p.  î8.  La  tapisserie  qui 
s'y  trouve  mentionnée  est  probablement  la  même  que  la  nôtre ,  bien  que  le  sujet  qu'elle 
représente  soit  désigné  sous  le  titre  de  Pentecôte.  La  personne  qui  en  a  donné  une  des- 
cription à  M.  Darcel  y  a  en  outre  découvert  un  monogramme  lormé  d'un  H  et  d'un  K 
accolés  (Hans  Karcher.?). 


■ 


^02  REVUE    CRITIQUE 

Jacques  Slot  de  Flandre,  qualifié  de  tapetiarius  (i  560-1  $62),  et  Gérard  Molinari, 
fils  de  feu  Aries  de  Bruxelles".  En  ce  qui  concerne  «  mag.  Johanes  q.  Aloysii 
»  de  Carcheria  tapezarius  illmi  D.  Ducis  »  établi  à  Ferrare  en  même  temps  que 
Gérard  Slot  (i  562),  nous  manquons  de  renseignements  précis  sur  ses  travaux». 

Au  commencement  du  xvii^  siècle  l'Italie  est  encore  forcée  de  faire  appel  soit 
à  l'industrie,  soit  aux  artistes  de  l'étranger.  M.  A.  Baschet  a  publié  dans  le  temps 
une  série  de  documents  relatifs  à  des  œuvres  de  tapisseries  de  Flandre  et  de 
France  négociées  par  le  nonce  Guido  Bentivoglio  pour  le  cardinal  Borghèse, 
16 10-1621  3.  Le  précieux  Diarium  manuscrit  du  voyage  fait  en  France  par  le 
cardinal  F.  Barberini  en  16254,  nous  fournit  une  autre  preuve  de  l'admiration 
des  Italiens  pour  les  Gobelins  qu'ils  aperçurent  au  Louvre,  à  Notre-Dame,  au 
château  de  Fontainebleau  et  dans  une  foule  de  demeures  royales  ou  particulières. 
Le  rédacteur  de  ce  journal  ne  manque  jamais  de  les  décrire  avec  soin. 

Il  est  à  présumer  que  ce  fut  à  la  suite  de  cette  légation  que  le  cardinal  Bar- 
berini s'occupa  d'établir  à  Rome  une  manufacture  d'  «  arazzi  »  dont  les  produits 
pussent  rivaliser  avec  ceux  qui  l'avaient  si  fortement  frappé  pendant  son  séjour 
en  France.  Ce  projet  n'eut  pas  de  suite ,  mais  la  correspondance  à  laquelle  il 
donna  lieu  abonde  en  renseignements  nouveaux  sur  l'état  de  la  fabrication,  tant 
en  Italie  que  de  l'autre  côté  des  Alpes  J. 

D'après  M.  Gentili  ce  n'est  qu'en  1762,  sous  Clément  XI,  que  Rome  posséda 
enfin  un  atelier  de  tapisseries.  Je  ne  m'étendrai  pas  sur  cet  établissement  qui 
fonctionne  encore,  bien  qu'il  ait  été  enlevé  au  pape  en  1870,  lors  de  l'entrée  des 
Italiens,  et  je  me  contenterai  de  renvoyer  à  l'ouvrage  de  M.  Gentili  qui  l'a  étudié 
avec  assez  de  développements. 

En  ce  qui  concerne  la  plus  jeune  des  manufactures  italiennes  de  tapisseries, 
celle  de  Naples ,  M.  Gentili  n'a  fait  que  la  mentionner,  sans  nous  fournir  ni 
dates,  ni  renseignements  positifs.  Il  lui  aurait  cependant  été  facile  de  se  procurer 
ces  éléments.  Les  archives  d'État  de  Naples  les  lui  auraient  fournis.  Nous 
y  voyons  par  exemple  que  la  manufacture  de  cette  ville  recruta  une  grande  partie 
des  artistes  de  celle  de  Florence,  supprimée  à  la  mort  du  dernier  des  Médicis. 
Les  lettres  ci-jointes,  l'une  écrite  en  italien,  l'autre  en  espagnol,  contiennent  à  ce 
sujet  quelques  indications  curieuses. 

Essendo  che  il  di  9  novembre  1737  partisse  di  Firenze  Domenico  del 

Rosso,  e  Gio.  Francesco  Pieri ,  si  come  il  di  1 2  dicembre  partirono  Ant.  Luigi 
Minchioni,  Marco  Gosier,  Carlo  Mugnai,  Bastiano  Pieroni,  et  Orlando  Filippini, 
i  quali  furono  animati  dal  P.  Rev.  Ascanio,  che  gli  douesse  correre  dal'  di 
suddo  quel  soldo,  etc. 

1.  Cittadella,  Documenti,  p.  168. 

2.  Cittadella,  loc.  cit. 

3.  Gazette  des  beaux-arts.  \"  série.  XI.  406-41 5.  XII.  32-45. 
^^'4.  Bibl.  nat.  de  Naples.  E.  54. 

5.  Voir  la  Revue  des  Sociétés  savantes.  Cinq,  série,  t.  VIII,  p.  509-520.  —  M.  Gentili 
n'a  pas  connu  cette  correspondance  qui  est  conservée  à  la  Bibl.  Barberini. 


d'histoire  et  de  littérature.  ^03 

Partiendo  de  esta  ciudad  para  la  de  Napoles  Domingo  del  Rosso,  y  Francisco 

Pieri  oficiales  de  la  Tapizeria  del  Ser.  S.  Duque  difunto,  che  per  aver  sido  des- 

pedidos  de  este  servicio,  passan  a  emplearse  en  el  de  Su  Mag.  Siciliana,  etc. 

(Florence,  6  nov.  1737  '). 

Un  autre  document,  postérieur  de  quelques  années  (il  est  joint  à  une  lettre 
du  3  février  I740>  "^us  apprend  quels  étaient  les  appointements  et  les  occu- 
pations des  différentes  personnes  attachées  à  la  manufacture. 

Relazione  de  Professori  Arazzieri,  Giovini  e  Persone  impiegate  con  soldo  nella 
Reale  Tappizzeria  d'arazzi  colla  specificazione  di  loro  salarii  ed  occupazioni  che 
anno  presentemente. 

Professori.  Salario  mensuale. 

Domenico  del  Rozzo  capo  maestro,  e  direttore  delli  altri  Professori  e  Giovini 

lavora  nelP  arazzo  rapresentante  l'aria  ad  una  figura  di  nudo  che  dénota  un 

vento.  Ha  di  salario  docati  venti  al  mese  ed  il  quartiere.  d.  20 

Cario  Mugnai  lavora  nel  sud.  Arazzo  ad  una  figura  che  dénota  la  notte 
che  sparisce  (le  logement).  17 

Bastiano  Pieroni  di  présente  è  amalato  (le  logt.).  17 

Marco  Gosier  lavora  nel  sud.  Arazzo  al  terreno,  e  sassi  sottoposti  a  venti 
(le  logt.)  ^  17 

Bernardino  Cavalieri  lavora  nel  sud.  Arazzo  alP  aria  e  nuvole  (logt.).        17 
Antonio  Luigi  Minchioni  lavora  nel  sud.  Arazzo  alla  fregiatura  (logt.).        17 
Antonio  Valenti  lavo^a^  neli'  Arazzo  che  ha  a  rapresentare  l'acqua  alla 
fregiatura  (logt.).         9,     ,..-^  15 

Oriando  Filippini  lavora  nel  3°  Arazzo  alla  fregiatura  (logt.).  .   .  ,  ;iJ.J 

Il  y  avait  en  outre  six  jeunes  artistes  avec  des  appointements  variant  de  3  à  è 
ducats  par  mois,  quatre  autres  sans  salaire,  un  comptable,  un  domestique  et 
enfin  un  modeleur  en  cire,  Jean-François  Pieri  qui  paraît  avoir  été  une  sorte 
d'administrateur  et  qui  recevait  2$  ducats  par  mois,  outre  le  logement 2. 

On  voit  par  ce  qui  précède  combien  l'ouvrage  de  M.  Gentili  est  incomplet; 
on  voit  aussi  combien  il  reste  à  faire  pour  composer  une  bonne  histoire  de  la 
tapisserie  italienne. Eug.  MiiNTZ. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  2^  octobre  1875. 

Le  ministre  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie  un  troisième  rap- 
port de  M.  Victor  Guérin  sur  sa  mission  en  Palestine,  et  divers  documents  épi- 
graphiques  arabes  envoyés  par  M.  Cherbonneau. 

M.  Biehlen,  de  Berne,  adresse  à  l'académie  des  photographies  de  plusieurs 
gemmes  qui  lui  appartiennent,  et  qui  lui  paraissent  intéressantes  au  point  de  vue 
archéologique. 

1.  Segretaria  délia  Casa  Reale.  Reali  Musei.  Quadreria  lavoratorio  di  Pietredure, 
scuola  di  disegno.  Pittura;  arazzeria.  filza  I  1737-1739  (n*  927). 

2.  Naples.  Archives  d'État.  Segretaria  délia  Casa  Reale.  filza  928  (1741-1742). 


^04  REVUE    CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

M.  de  Witte  lit  un  mémoire  sur  le  Mercure  tricéphale  gaulois.  On  a  trouvé  à 
plusieurs  reprises  dans  les  environs  de  Reims  de  petits  cippes  de  pierre  qui 
portent  l'image  d'une  divinité  barbue  à  trois  visages,  Pun  de  face  et  les  deux 
autres  de  profil  ;  on  a  considéré  ce  dieu  comme  un  Mercure  spécialement  adoré 
à  Reims.  Mais  comme  des  images  semblables  ont  été  trouvées  depuis  dans 
d'autres  localités,  à  Laon,  à  Paris  et  dans  le  département  de  Saône-et-Loire,  il 
faut  croire  que  ce  dieu  à  trois  visages  n'était  point  une  divinité  locale  des  envi- 
rons de  Reims,  mais  une  divinité  nationale  gauloise.  M.  de  Witte  présente  divers 
rapprochements  entre  ce  dieu  tricéphale  de  la  Gaule  et  d'autres  divinités  à  trois 
têtes  que  l'on  retrouve  dans  presque  toutes  les  parties  du  monde  connu  des  anciens. 

L'académie  se  forme  en  comité  secret  pour  entendre  un  rapport  de  la  commis- 
sion de  l'école  d'Athènes. 

M.  de  Longpérier  lit  une  note  intitulée  Les  plus  anciens  bronzes  du  monde, 
dans  laquelle  il  signale  deux  statuettes  égyptiennes  de  bronze  qui  sont  parvenues 
récemment  à  sa  connaissance,  et  qui  prouvent  que  l'industrie  des  bronzes  d'art 
remonte  à  une  plus  haute  antiquité  qu'on  ne  l'avait  cru  jusqu'ici.  M.  de  Long- 
périer rapporte  l'une  de  ces  deux  statuettes  au  seizième  siècle  avant  notre  ère. 
C'est  certainement,  dit-il,  le  plus  ancien  ouvrage  d'art  en  bronze  aujourd'hui  connu. 

M.  de  Wailly  commence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulé  Observations  sur  la 
langue  de  Reims  au  treizième  siècle.  M.  de  Wailly  a  pris  pour  base  de  cette  étude 
le  texte  d'un  registre  du  greffe  de  l'échevinage  de  Reims,  commencé  en  1248  et 
terminé  en  1299.  Ce  registre  contient  un  grand  nombre  d'articles  divers  écrits 
au  jour  le  jour  et  par  des  mains  différentes  :  on  est  donc  bien  sûr  qu'il  donne 
exactement  la  langue  de  Reims  à  l'époque  où  il  a  été  rédigé,  sans  perturbation 
causée  par  les  habitudes  particulières  d'un  copiste.  Ce  registre  a  été  publié  par 
M.  Varin  dans  les  Documents  inédits  sur  l'iiistoire  de  France;  en  outre  M.  de 
Wailly  en  a  vérifié  le  texte  sur  le  manuscrit,  qui  lui  a  été  prêté  par  la  ville  à  cet 
effet.  Le  résultat  de  l'étude  qu'il  en  a  faite  a  été  de  constater  une  très-grande 
ressemblance  entre  la  langue  de  ce  registre  et  celle  des  chartes  de  Joinville. 
C'est  pourquoi  il  a  pris  pour  base  de  son  présent  travail  son  précédent  Mémoire 
sur  la  langue  de  Joinville,  se  bornant  à  indiquer  les  points  par  lesquels  la  langue 
du  registre  de  l'échevinage  de  Reims  diffère  de  celle  qu'il  avait  étudiée  'dans  ce 
mémoire. 

Ouvrages  déposés  :  —  Histoire  de  la  ville  et  de  tout  le  diocèse  de  Paris,  par  l'abbé 
Lebeuf,  nouvelle  édition  par  Cocheris,  t.  4,  i«  livraison,  in-S".  —  Le  rituel  brahma- 
nique du  respect  social,  traduit  du  sanscrit  par  Ch.  Schœbel  (extrait  des  mémoires  du 
congrès  provincial  des  orientalistes).  —  XIOTHS,  "laxopia  xoù  'Itoviou  xpàtouç,  in-S». 

Présentés  :  —  par  M.  L.  Renier  :  Edm.  Blanc,  Notice  sur  l'épigraphie  grecque  et 
romaine  de  Vence  et  de  ses  environs  (extrait  des  mémoires  de  la  société  des  sciences 
naturelles  et  historiques  de  Cannes,  t.  4,  p.  126-200);  —  par  l'auteur  :  Ravaisson, 
Projet  d'un  musée  de  plâtres  (extrait  de  la  Revue  archéologique);  —  par  M.  de  Long- 
périer :  P.  PiERRET,  Dictionnaire  d'archéologie  égyptienne;  Paris^  imprimerie  nationale. 

Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


Literarisches  Centralblatt,  n"  42,  16  oct(rt)re.  Smend,  Moses  apud  pro- 

f)hetas.  Halle,  B.  d.  Waisenhauses.  In-8°,  76  p.  (thèse  de  licence  en  théologie; 
'auteur  se  montre  au  courant  de  la  science).  —  Kluckhohn,  Beitraege  zur 
Geschichte  des  Schulwesens  in  Bayern  vom  16.  bis  zum  18.  Jahrh.  Miinchen, 
Franz  in  Comm.  In-8°,  7 1  p.  (excellente  contribution  à  l'histoire  de  la  pédagogie). 

—  De  Goeje,  Das  alte  Bett  des  Oxus  (cf.  Rev.  crit.,  187^,  II,  p.  149).  — 
MÙLLER,  J.  J.,  Nyon  zur  Rœmerzeit.  Zurich,  Attenhofer.  In-4",  50  p.,  5  pi. 
(Histoire  et  antiquités  de  la  colonie  romaine  de  Julia  Equestris  Noviodunum). 

—  Elliot,  The  History  of  India.  Ed.  by  Dowson.  Vol.  VI.  London,  Trùbner. 
In-8",  $74  p.  (période  musulmane;  recueil  des  histoires  d'Akbar  et  de  Djahân- 
ghîr).  -—  KuHN,  Beitraege  zur  Pâli-Grammatik  (cf.  Rev.  crit.  1875,  II,  p.  33). 

—  The  Jâtaka published  by  Fausbôll  and  transi,  by  Childers.  Text  Vol  I, 

part  I.  London_,  Trùbner.  In-8%  viij-224  p.  (article  très-favorable). 

La  Rivista  Europea.  Qctobre  1875.  — V,  de  Tivoli,  La  Giudiîa  de  Michel 
Angelo  (attribue  à  Michel  Ange  une  Judith  de  Londres  attribuée  jusqu'ici  à 
Bronzino).  —  F.  Dini,  Il  cristianesimo  e  la  critica  moderna.  —  A.  de  Guber- 
NATis,  Bernardino  Zendrini.  —  G.  Ferraro,  Curiosità  Storiche  (I.  Marfisa  : 
ce  personnage  fantastique  a  pour  original  une  Marfisi,  fille  naturelle  de  François 
d'Esté,  morte  en  1608.  II.  Projet  de  partage  de  l'empire  ottoman  écrit  au  xvi*  s. 
et  conservé  en  manuscrit  à  la  bibliothèque  municipale  de  Ferrare).  -—  V. 
Valeriani,  I  metodi  del  Duhamel  e  la  logica  del  Condillac  (suite).  —  G.  Piaz- 
zoLi,  Camille  Desmoulins  (suite).  —  F.  Taffiorelli,  I  giardini  d'infanzia  nella 
scienza  pedagogica.  —  Lettere  inédite  di  Carlo  Troya  (sur  Dante,  adressées  au 
duc  de  Sermoneta).  —  Bulletin  littéraire  français,  italien  et  slave. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-proroptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Becq  de  Fouquîères  (L.).  Documents 
nouveaux  sur  André  Chénier  et  examen 
critique  de  la  nouvelle  édition  de  ses 
oeuvres,  accompagnés  d'appendices  rela- 
tifs aux  marquis  de  Brazais,  aux  frères 
Trudaine,  à  F.  de  Pange,  à  M-  de 
Bonneuil,  à  la  duchesse  de  Fleury.  In- 18 
Jésus,  xij-376   p.    Paris  (Charpentier). 

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connaissance  de  l'antiquité  classique  au 
XIII'  siècle.  In-8%  jj  p.  Paris  (Palmé). 

Claretie  (J.).  Camille  Desmoulins.  Lucile 
Desmoulins.  Étude  sur  les  dantonistes , 
d'après  des  documents  nouveaux  et  iné- 
dits. In-B',  496  p.  et  port.  Paris  (Pion 
et  Ce).  8fr. 


Gurtius  (E.).  Griechische  Geschichte. 
Zeittafel  u.  Register  zu  Bd.  Mil.  In-S», 
107  S.  Berlin  (Weidmann).         2  fr.  15 

Delitzsch  (J.).  Das  Lehrsystem  der  rœ- 
mische  Kirche  dargestellt  u.  beieuchtet. 
I .  ThI.  Das  Grunddogma  d.  Romanismus 
oder  die  Lehre  v.  der  Kirche.  In-8*,  vj- 
413  S.  Gotha  (Besser).  10  fr.  75 

Du  Camp  (M.).  Paris,  ses  organes,  ses 
fonctions  et  sa  vie  dans  la  seconde  moitié 
du  XIX'  siècle.  T.  6'  et  dernier.  In-8', 
$86  p.  Paris  (Hachette  et  C').   7  fr.  jo 

Fleury  (P.  de).  Inventaire  sommaire  des 
sceaux  originaux  des  archives  de  la 
Haute-Marne.  In-S",  23  p.  Paris  (Du- 
moulin). 


Gaullieur  (E.).  Les  Gascons  et  l'artillerie 
bordelaise  au  siège  de  Fontarabie  (1521 
à  1 524).  Gr.  in-S",  66  p.  Bordeaux  (imp. 
Gounouilhou). 

Orléans  (G,  d').  Poésies  complètes,  revues 
sur  les  manuscrits,  avec  préface,  notes  et 
glossaire  par  G.  d'Hèricaut.  T.  2.  In-i6, 
320  p.  Paris  (Lemerre).  2  fr.  jo 

Hahn  (K.  A.).  Mittelhochdeutschè  Gram- 
matik.  Neu  aus^earb.  v.  F.  Pfeif'^r.  ; 
Ausg.  In-80,  XYi]-2i  I  S.  Frankfurta.  M. 
(Winter).  4  fr. 

Horace,  œuvres.  Traduction  en  vers  par 
le  comte  Siméon.  T.  3.  Notes  et  com- 
metitaires.  In-8",  xiij-464  p.  et  1  port. 
Paris  (Lib.  d.  Bibliophiles). 

Jellinek  (A.).  Abraham  Ferkowitsch, 
das  religiœse  Oberhaupt  der  Karaeer  (In 
hebr.  Sprache).  In-S»,  iv-15  S.  Wien 
(Winter).  '  ^r.  3  5 

Krumbholz  (A.).  Quaestionum  Theocri- 
tearum  spécimen  primum.  In-8*,  33  S. 
Berlin  (Mayer  et  Muller).  «  "".  3  j 

Labeyrie  (E.).  Étude  historique  sur  la 
vie  du  cardinal  Pierre  de  F'oix,  dit  le 
Jeune,  évêque  de  Vannes  et  administra- 
teur du  diocèse  d'Aire,  1449-1490.  ln-8*, 
42  p.  Paris  (imp.  V*  Vignancour). 

Leibniz  (G.  W.).  Philosophische  Schrif- 
ten,  hrsg.  v.  G.  J.  Gerhardt).  i.  Bd. 
In-4»,   xj-427    S.    Berlin    (Weidmann). 

14  fr.  75 

LemairefE.).  Étude  sur  Tibère,  impartie. 
Vie  de  Tibère  jusqu'à  son  avènement  à 
l'empire  (de 42  av.  J. -G.  à  i4ap.J.-G,). 
In-8«,  38  p.  Saint-Quentin  (imp.  Poette). 

Lindner  (T.).  Geschichte  d.  deutschen 
Reiches  vom  Ende  d.  14.  Jahrh.  bis  zur 
Reformation,  i.  Abth.  Geschichte  d. 
deutschen  Reiches  unter  Kœnig  Wenzel. 
I.  Bd.  In-8%  xvj-436  S.  Braunschweig 
(Schwetschke  u.  Sohn).  10  fr.  7  s 

Marci  diaconi  vita  Porphyrii  episcopi 
Gazensis  éd.  ex  codice  Vindobonensi 
ms.  hist.  graec.  III  a  M.  Haupt.  In-40, 
47  S.  Berlin  (Dummler).  4  fr. 

Michaelis  (G.  T.).   De  ordine  vitarum 

Êarallelarum    Plutarchi.    In-S»,    54   S. 
erlin  (Weber).  >  fr-  3J 

Paris  (G.).  Le  Petit  Poucet  et  la  Grande- 
Ourse.  In-16,  viij-95  p.  Paris  (lib. 
Franck).  2  fr.  50 


Patay.  Répertoire  archéologique  du  dé- 
partement du  Loiret ,  arrondissement 
d'Orléans.  Olivet,  Saint-Hilaire-Saint- 
Mesmin,  Saint-Jean-le-Blanc,  Saint  Pra- 
gné-Saint-Mesmin.  In-8*,  16  p.  Orléans 
(imp.  Jacob). 

Pougeois  (A.).  L'antique  et  royale  cité 
de  Moret-sur-Loing  (Seine-et-Marne). 
In-8',  230  p.  et  4  pi.  Paris  (Pougeois). 

Proudhon  (P.-J.).  Gorrespondance.  T.  6. 
In-8*,  407  p.  Paris  (Lib.  internat.).  5  f. 

Racine  (J.).  Œuvres.  Texte  original  avec 
variantes.  Notice  par  A.  France.  T.  5. 
In- 12,  234  p.  Paris  (Lemerre).         5  fr. 

Restif  dQ  La  Bretonne.  Les  Gontem- 
poraines,  ou  aventures  des  plus  jolies 
femmes  de  l'âge  présent.  Choix  des  plus 
caractéristiques  de  ces  nouvelles  pour 
l'étude  des  mœurs  à  la  fin  du  XVIII*  s. 
Vie  de  Restif.  Restif  écrivain,  son  œuvre 
et  sa  portée.  Bibliographie  raisonnée  des 
ouvrages  de  Restit.  Annotations  tirées 
surtout  des  autres  écrits  de  l'auteur,  par 
J.  Assézat.  I.  Les  Contemporaines  mêlées. 
Vie  de  Restif.  In- 16,  xl-264  p.  Paris 
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Reuter  (H.).  Geschichte  d.  religiœsen 
Aufklaerung  im  Mittelalter  vom  Ende  d. 
8.  Jahrh.  bis  zum  Anfange  d.  14,  [In  2 
Bdn].  I.  Bd.  In-8°,  XX-33S  S.  Berlin 
(Hertz).  9  fr.  ?  S 

Riel  (G.).  Das  Sonnen-  u.  Siriusjahr  der 
Ramassiden .  mit  dem  Geheimniss  der 
Schaltung  u.  das  Jahr  d.  Julius  Gassar. 
Untersuchungen  ùb.  das  altaegypt.  Nor- 
maljahr  u.  die  festen  Jahre  der  griechisch- 
rœm.  Zeit.  xxiv-371  S.  mit9Taf.  Leipzig 
(Brockhaus).  40  fr. 

Rosenkranz  (K.).  Neue  Studien  i.  und 
2.  Bd.  In-8°.  Leipzig  (Koschny).  Le  vol. 

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geschichte  (xv-548  S.).   T.  II.  Studien 
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Schûtz  (A.  de).  Historia  alphabeti  attici 
sive  quibus  fere  temporis  punctis  com- 
positi  sint,  cum  ceteri  tituli  attici  anno 
ol.  94,2  Vetustiores,  tum  ii  qui  Endoeum 
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64   S.    mit    I    Tab.    Berlin    (Weber). 

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Vambéry  (H.).  Der  Islam  im  19.  Jahrh. 
Eine  cuiturgeschichtl.  Studie.  In-8",  vij- 
321  S.  Leipzig  (Brockhaus).  8  fr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N°  46  Neuvième  année.  13  Novembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   11  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

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F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


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67,  rue  Richelieu. 

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•      Lill_jtlîL«ilil  IN       contenus  dans  le  livre  des  morts  publié 
par  R.  Lepsius  d'après  le  papyrus  de  Turin,  i  vol.  petit  in-8°.  12  fr. 


TT  T        Tiyr    4    DT^TM     Mémoiresurlacosmographie  populaire 
•     ri  •     M  A  rV  1    1  IN     des  Grecs  après  l'époque  d'Homère  et 
d'Hésiode.  In-4°.  i  fr.  50 


En  vente  chez  F.  Valhen,  à  Berlin,  et  se  trouve  à  Paris,  chez  F.  Vieweg 
(librairie  A.  Franck),  67,  rue  Richelieu. 

13  >^  1^ T  T  rr-i  ry     Platonische  Studien.  2^  édition,  i  vol.  in-8«. 

•    JBUIN  1  1  Zi  9fr.  35 

Les  commentaires  sur  le  Gorgias,  le  Théétète,  l'Euthymède,  parus  antérieu- 
rement ,  forment  dans  cette  seconde  édition ,  grâce  aux  publications  qui  ont  eu 
leu  sur  ce  sujet,  un  travail  pour  ainsi  dire  complètement  nouveau.  Elle  est  en 
lutre  augmentée  de  commentaires  sur  le  Lâchés,  le  Phèdre,  le  Phédon,  l'Euty- 
)hron,  le  Charmide  et  le  Protagoras. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n°  i8i,  new  séries,  25  octobre.  Fustel  de  Coulanges, 
Histoire  des  Institutions  politiques  de  Tancienne  France.  Vol.  I.  Paris,  Hachette 
(H.  S.  Maine  :  reconnaît  les  brillantes  qualités  de  cet  ouvrage,  mais  lui  fait  un 
procès  de  tendance  :  vouloir  retrouver  presque  exclusivement  des  éléments 
romains  dans  les  institutions  de  la  France  féodale,  c'est  pousser  un  peu  loin  le 
parti  pris).  — -  Rousselet,  India  and  its  Native  Princes  :  Travels  in  Central 
India  and  in  the  Provinces  of  Bengal.  Revised  and  edited  by  Lieut.-Col.  Buckle. 
London,  Chapman  and  Hall  (F.  J.  Goldsmid  :  loue  beaucoup  cet  ouvrage  et,  à 
ce  propos,  le  Tour  du  Monde  où  a  paru  la  relation  originale).  —  Paris  Letter 
(G.  MoNOD  :  nouvelles  littéraires).  —  Correspondence.  The  Irish  Word  «Frass» 
(Hector  Maclean  :  montre  qu'il  y  a  deux  mots  distincts  s'épelant  frass,  l'un 
masc.  signifiant  graine,  l'autre  fém.  signifiant  pluie). —  The  Judge  who  committed 
Prince  Henry  (Alfred  Cutbill).  —  On  Freewill  (James  Hinton).  —  J.  C. 
Southall,  The  Récent  Origin  of  Man,  as  Illustrated  by  Geology  and  the  Modem 
Science  of  Prehistoric  Archseology.  Philadelphia ,  Lippincott  and  Co.  London, 
Trùbner  (Joseph  Anderson).  —  Goidelica  :  Old  and  Early  Middle  Irish  Glosses, 
Prose  and  Verse.  Ed.  by  Whitley  Stokes.  2.  Ed.  (J.  Rhys  :  édition  quelque 
peu  augmentée  de  cet  ouvrage,  dont  la  réputation  est  établie).  —  The  Contest 
of  Poséidon  and  Athene  in  the  Western  Pediment  of  the  Parthenon  (C.  T. 
Newton  :  On  a  retrouvé  près  de  Kertch  un  vase  représentant  le  débat  de  Poséidon 
et  d'Athênê,  vraisemblablement  d'après  le  groupe  perdu  du  Parthenon;  cette 
circonstance  a  permis  à  M.  Stephani  de  reconstituer  quelques  détails  de  la  com- 
position de  Phidias).  —  The  Ruins  on  lona  (Henry  Dryden). 

The  AthensBum,  n**2  504,  23  octobre.  G.  Smith,  The  Assyrian  Eponym 
Canon.  Bagster  and  Sons  (importante  contribution  à  l'histoire  d'Assyrie).  — 
Edward  Hertslet,  The  Map  of  Europe  by  Treaty,  etc.  3  vols.  Butterworth 
(cet  ouvrage,  accompagné  de  cartes  nombreuses,  forme  une  précieuse  histoire 
de  la  géographie  politique  de  l'Europe  depuis  1814).  —  Marquis  deCompiègne, 
L'Afrique  Equatoriale  :  Gabonais  Pahouins-Gallois.  Paris,  Pion  (art.  très- 
défavorable).  —  Mihon's  Copy  of  Cooper's  «  Thésaurus  »  (J.  Payne  Collier: 
a  découvert  l'exemplaire  que  possédait  Milton  du  Thésaurus  linguae  romanae  et 
britannicae,  imprimé  à  Londres  en  1 573  ;  M.  P.  C.  a  reconnu  sur  les  marges  du 
volume  l'écriture  de  Milton).  —  The  Prince  of  Wale's  Visit  to  India.  —  Count 
Alexis  Tolstoï  (not.  nécrol.).  —  Gaelic  Words  in  Shakespeare  (observations  de 
MM.  Walter  W.  Skeat,  F.  Chance  et  Norman  Moore  sur  le  travail  de  M.  Charles 
Mackay,  récemment  publié  dans  VAthenmm).  —  Miscellanea.  Gramercy  (J.  H. 
relève  l'assertion  erronée  de  M.  Mackay  que  les  Français  ne  disent  jamais  Grand 
merci). 

liiterarisches  Centralblatt,  n''43,  25  octobre.  Zschimmer,  Salvianus,  der 
Presbyter  von  Massilia.  Halle,  Lippert.  In-8°,  90  p.  (sur  la  vie  et  les  écrits  de 
Salvianus,  intéressante  contribution  à  l'histoire  de  la  littérature  chrétienne  latine 
du  je  siècle).  —  Hùckst;Edt,  Das  pseudo-tertullianische  Gedicht  Adversus  Mar- 
cionem.  Leipzig,  Hinrichs.  In-8°,  58  p.  (cette  excellente  brochure  fournit  quel- 
ques bonnes  corrections  au  texte  du  poème,  démontre  qu'il  est  dirigé  contre  les 
Marcionites,  plutôt  que  contre  Marcion,  en  place  la  composition  dans  les  dix 
dernières  du  4^  siècle,  à  Rome,  et  l'attribue  à  Victorinus  Afer).  —  Holder- 
Egger,  Ueber  die  Weltchronik  des  sogenannten  Severus  Sulpitius  und  sûdgal- 
lische  Annalen  des  5.  Jahrh.  Gœttingen,  Peppmûller.  In-8°,  7$  p.  (peu  concluant). 
—  Hegel,  Die  Chronik  des  Dino  Compagni.  Leipzig,  Hirzel.  In-8%  viij-i  12  p. 
(tente   sans   succès   de   démontrer   l'authenticité  de   cette   chronique).    — 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  46  '     —  13  Novembre  —  1875 

Sommaire  :  216.  Galien,  Opuscule  sur  les  médecins,  p.  p.  Mueller,  2'  éd.  — 
217.  Lecoy  de  la.  Marche,  Le  roi  René  dl"  art.,  suite  et  fin).  —  218.  Kœnig, 
Étude  sur  l'authenticité  des  poésies  de  Clotilde  de  Surviile.  —  219.  Sorel,  Histoire 
diplomatique  de  la  guerre  franco -allemande.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des 
inscriptions. 


216.  —  Galeni  libellus  quo  demonstratur  optimum  medicum  eundem  esse  phiioso- 
phum.  Recognovit  et  enarravit  Iwanus  Mueller,  Litt.  Graec.  et  Rom.  in  Universitate 
Erlangensi  Prof.  P.  0.  Editio  altéra  auctior  et  emendatior.  Erlangae,  Deichert.  1875. 
In-8°,  52  p.  —  Prix  :  i  fr.  75. 

Cet  opuscule  de  Galien  avait  déjà  été  édité  par  M.  I.  Mùller  dans  un  pro- 
gramme universitaire.  Il  a  disposé  pour  cette  seconde  édition  de  la  collation  du 
manuscrit  du  Vatican,  Urbinas  67,  faite  par  un  de  ses  élèves  feu  Th.  Karrer.  Il 
l'a  jointe  à  celle  d'un  manuscrit  de  Florence,  Laurentianus  LXXIV,  3,  d'un 
manuscrit  de  Paris,  2164,  ^^  ^"^  variantes  consignées  par  Joseph  Scaliger  à  la 
marge  de  l'édition  d'Aide.  Il  place  au  premier  rang  les  leçons  de  seconde  main 
du  Laurentianus ,  au  second  celles  des  autres  manuscrits,  au  troisième  celles  de 
l'édition  d'Aide  qui  paraît  avoir  été  (ici  comme  pour  beaucoup  d'autres  ouvrages) 
la  reproduction  fidèle  d'un  mauvais  manuscrit. 

Le  texte  est  notablement  amélioré  soit  au  moyen  des  manuscrits  qui  fournis- 
sent de  meilleures  leçons  que  l'édition  d'Aide,  seule  base  des  textes  jusqu'ici 
publiés,  soit  au  moyen  des  conjectures  proposées  par  Coraï,  excellent  helléniste 
et  critique  très-intelligent,  et  de  celles  qu'a  trouvées  M.  M.  lui-même,  qui  paraît 
très-bien  connaître  les  ouvrages  et  la  langue  souvent  peu  classique  de  Galien. 

Je  n'ai  d'observations  à  présenter  que  sur  un  petit  nombre  de  points. 

M.  M.  corrige  le  texte  en  trois  endroits,  par  retranchement  :  moyen  toujours 
contestable,  quand  on  ne  peut  pas  expliquer  comment  les  mots  que  l'on  supprime 
se  sont  introduits  dans  le  texte.  Galien  (57  Kùhn)  dit  :  cuy.  èv^éxeiat  twXoûtov 
àpsT^ç  Ti[Aia)T£pov  uTïoôépisvov  v.cà  TY]v  liyyr^^  0O7,  susp^soriaç  àvôptoxwv  ?V£X£v, 
QÙCkcL  y^pY5[jLaTiap.ou  p.aGévxa  tou  t^Xouç  tou  xax'  aùxTjV  èçieaGai.  <p6à(7cuff',  ^àp 
ëT£poi  TuXouTYJaai,  irplv  YjjjLaç  èxl  to  xéXoç  auTYÎç  è^aéaôai.  M.  M.  propose  de 
retrancher  çOàaouci  x.  t.  £.  parce  que  «  his  verbis  neque  sententia  probabilis 
»  subicitur  neque  apta  est  cum  antecedentibus  coniunctio.  »  Sa  critique  est  tout 
à  fait  fondée  ;  mais  elle  prouve  seulement  que  le  passage  est  altéré  :  comment 
aurait-on  ajouté  quelque  chose  qui  n'offre  pas  une  «  sententia  probabilis .?  »  on 

lit  ailleurs  (60  Kùhn):  liq  yj  x^zicf.  tû  ^ww  Ixaciou,  Séov  piàv  àY£iv  xat 

xauxa  p.Y)  à6a(7av(c7Ta)ç,  àXkk  p,£T'  à'7:o§£(5£Wç  'î:£'KiaT£ua6ai_,  r.goc,  t^ç  XcYtxYJç 
Byjtou  BiBaax£(T6ai  p.£G6§ou.  Les  mots  p,£v  «^£17  n'offrent  aucun  sens;  mais  pour- 
quoi les  aurait-on  introduits  dans  le  texte  ?  Il  faudrait  en  rendre  raison  pour 

XVI  20 


^06  REVUE   CRITIQUE 

avoir  le  droit  de  les  supprimer.  Galien  (62  K)  après  avoir  dit  que  c'est  disputer 
sur  les  mots  que  de  refuser  le  nom  de  philosophe  au  médecin  qui  a  les  qualités 
du  philosophe,  ajoute  :  où  ^àp  By^  toîjxo  y'  av  l/oiç  sizeiv ,  wç  ucpavxr^ç  pi,év  Ttç  y; 
axuTOTop.cç  à-^CL^oç  àv£U  [Aaô'rjCTcWç  T£  /.al  àay.Yîcrewç  ou/,  àv  tuots  "/évoiTOU,  oixaioç 
Se  Tiç  (M.  M.  ajoute  ici  laxpéç)  T^i  acoçpwv  y)  àTuocsixiabç  t^  oeivb;  Tuspl  çuaiv  èÇai- 
çviBiov  avaçav^asTai  [Ji'/jTe  BiSaaxaXoiç  /pwjjievoç  [xyjt'  aÙTOç  èicaffx-^aaç  lauxév. 
ei  Toivuv  7,ai  tout'  àvaicxuvTCV  xat  ôaTspov  où  -juepi  -rupaYii-aTiûV  èaTtv ,  àXX'  uTuep 
ovojJLdcTWV  èpi^ovTOç,  çiAoaoç^r^Téov  'r][jlv  èaTiv  TTpOTspov,  elizep  '[7:7:oxpaTOUç  akr^- 
Owç  è(JiA£V  ^-/jXwTai.  Je  ne  pense  pas  qu'il  faille  retrancher  TupéTspov,  comme  si 
çiXoffctpr^Téov  signifiait  être  philosophe,  pratiquer  la  philosophie.  Il  me  semble  que 
cette  expression  se  rapporte  à  ce  que  GaHen  vient  de  dire  et  signifie  faire  de  la 
philosophie,  étudier  la  philosophie  théoriquement  et  pratiquement.  En  somme  le 
raisonnement  de  Galien  revient  à  ceci  :  on  n'est  pas  un  vrai  médecin  sans  être 
philosophe;  on  (je  n'ajouterais  pas  laTpcç  qui  me  semble  contraire  au  sens,  la 
proposition  est  évidemment  générale)  ne  devient  pas  philosophe  sans  étude  et 
sans  exercice;  donc  il  faut  d'abord  faire  de  la  philosophie,  des  études  philoso- 
phiques, pour  être  un  digne  émule  d'Hippocrate. 

Au  reste  M.  Mùller  me  paraît  avoir  en  général  bien  entendu  son  texte.  La 
traduction  est  exacte.  Elle  ne  me  semble  pas  serrer  le  sens  d'assez  près  dans  ce 
passage  où  Galien  (54  Kûhn)  reproduit  à  peu  près  textuellement  Hippocrate 
(Prognosî.  c.  i)  :  tou  TupoYtvci^axeiv  Ta  tî  -^apcvTa  y,al  xà  TrpoYSYovoTa  xal  Ta 
[jiXXovxa  •yevYjcsaOai  tû  xajjivovTt  rSkXr^  Zp^'^^i  r^z'KO\.r^a^œ.  Tupcvoiav  'Ixiro/.parirjç 
çYjaiv.  La  traduction  «  cogitatione  ac  mente  complectamur  »  ne  rend  pas  exac- 
tement le  sens  de  7:poYtvw(77.£tv,  et  les  explications  de  Daremberg  citées  en  note 
n'expliquent  pas  clairement  comment  ce  verbe  est  employé  du  passé  et  du  pré- 
sent. Il  signifie  sans  doute  deviner  le  passé,  avant  qu'on  vous  le  dise,  et  le  pré- 
sent, avant  qu'on  vous  le  montre. 

Une  chose  digne  de  remarque  dans  l'opuscule  de  Galien,  c'est  le  contraste  de 
la  méthode  qu'il  recommande  aux  médecins  avec  celle  que  les  philosophes,  dans 
le  même  temps,  pratiquaient  en  physique.  Galien  croit  qu'on  peut  dépasser 
Hippocrate  et  ajouter  à  ce  qu'il  a  fait  (57  et  63  Kùhn);  il  recommande  de  véri- 
fier par  l'expérience  ce  qu'on  a  appris  par  tradition,  xptvsiv  tî^  iretpa  Ta  èx  Xo^ou 
SiSaxOévxa  (58  K.).  Les  philosophes  mettaient  l'autorité  d'Aristote  et  le  raison- 
nement à  priori  au-dessus  de  l'étude  directe  des  faits.  Il  est  possible  que  l'obli- 
gation que  la  pratique  imposait  aux  médecins  de  se  mettre  en  présence  de  la 
réalité  ait  contribué  à  cette  différence  de  procédés. 

Charles  Thurot. 

217.  —  Le  roi  René;  sa  vie,  son  administration,  ses  travaux  artistiques  et  littéraires 
d'après  les  documents  inédits  des  archives  de  France  et  d'Italie,  par  A.  Lecoy  de  la 
Marche.  1875.  2  vol.  in-8',  xvj-^59  et  548  p.  Ouvrage  auqueirAcadémie  des  Inscrip- 
tions a  décerné  le  premier  prix  Gobert.  —  Prix  :  1 5  tr. 

(Suite  et  fin.) 

Un  certain  nombre  de  mss.  à  miniatures  qui  ont  appartenu  à  René  se  sont 

conservés  ;  leur  examen  devait  figurer  naturellement  à  côté  de  celui  des  autres 


d'histoire  et  de  littérature.  507 

peintures,  mais  ici  encore  M.  L.  de  la  M.  a  été  très-insuffisant.  Il  a  fait  la  critique 
des  livres  d'heures  attribués  à  René  et  conservés  à  Paris  et  avec  toute  raison  n'en 
a  retenu  que  deux,  non  pas  comme  exécutés  par  le  roi  de  Sicile,  mais  qui  ont  été 
faits  pour  lui.  Ce  sont  les  mss.  de  la  Bibl.  nat.  11 56a  et  19^^  du  fonds  latin. 
Ces  deux  mss.  contiennent  des  notes  historiques  relatives  à  René  et  à  sa  famille, 
qui,  dit  M.  L.  de  la  M.,  «  n'ont  guère  pu  être  placées  là  que  par  le  principal 
»  intéressé  ou  son  secrétaire  »  (p.  84).  Cette  conjecture  fait  penser  à  des 
notes  d'écriture  courante  placées  là  après  coup  ;  elles  sont  au  contraire  d'écri- 
ture fort  régulière  et  ont  été  écrites  avant  l'ornementation  des  mss.  dont  \et 
encadrements  ont  été  souvent  reculés  ou  interrompus  pour  leur  faire  place. 
Ajoutons  que  les  charmantes  peintures  du  ms.  11$  6a  ont  tout  le  caractère 
des  productions  flamandes.  L'unique  peinture  du  ms.  17532,  une  grande  tête 
de  vierge,  à  peine  modelée,  raide  de  lignes,  rappelle  le  type  byzantin;  les 
encadrements  du  même  ms.  sont  d'un  très -habile  enlumineur,  mais  ne  sauraient 
compter  comme  œuvres  d'art. 

Il  existe  à  Aix,  à  Angers,  à  Poitiers  et  à  Vienne,  d'autres  livres  d'heures  attri- 
bués à  René;  M.  L.  de  la  M.  ne  les  ayant  pas  vus  n'a  fait  que  les  mentionner; 
il  a  eu  tort  de  dire  qu'ils  «n'offrent  pas  de  caractères  d'authenticité  plus  positifs,  » 
il  eût  fallu  avant  de  produire  cette  affirmation  en  faire  un  examen,  et  même  s'ils 
ont  seulement  appartenu  à  René,  ils  valaient  une  description.  Quant  aux  autres 
mss.  à  peintures  qu'a  possédés  René,  ils  ne  sont  l'objet  d'aucune  notice;  il  n'y  a 
que  de  vagues  indications  soit  à  propos  des  œuvres  littéraires  de  René,  soit 
dans  l'inventaire  que  M.  L.  de  la  M.  a  dressé  de  sa  librairie^.  Parmi  les  livres 
de  cette  librairie  il  en  est  un  que  M.  L.  de  la  M.  indique  ainsi  :  «  Livret  orné  de 
»  figures  et  commençant  par  ces  mots  :  Pour  tel  ouvraige  (m.anuel  d'art)  «  (p.  1 90). 
Un  «  manuel  d'art  »  dans  les  livres  de  René  serait  certes  une  chose  importante^ 
mais  dans  l'inventaire  du  château  d'Angers  où  M.  L.  de  la  M.  a  puisé  l'indication 
de  ce  livre,  rien  n'autorise  à  en  faire  v  un  manuel  d'art»  et  je  ne  sais  où  il  a  pu 
prendre  ce  renseignement 2.  Quinze  miniatures  extraites  de  manuscrits  duxv^s., 
qui  sont  l'œuvre  de  différentes  mains,  et  forment  un  recueil  conservé  au  dép.  des 
Estampes  de  la  Bibl.  nat.  (AD.  94;  elles  ont  été  acquises  en  1 787),  .ont.été 
parfois,  sans  raison  aucune,  attribuées  au  roi  René.  >  i  f^q  rjit 

Toute  une  série  d'œuvres  d'art  qui  subsistent  encore  peuvent  servir  à  juger 
les  artistes  dont  s'entoura  le  roi  René  :  je  veux  parler  de  ses  portraits  et  de  ceux 
de  sa  femme  Jeanne  de  Laval?.  Ces  œuvres,  est-il  besoin  de  le  dire,  ont  encore 

1.  Je  signale  entre  autres  la  première  traduction  latine  de  Strabon  par  Guarini  de 
Vérone,  envoyée  à  René  par  Marcello  (Bibl.  d'Albi,  ms.  77).  Deux  grandes  peintures, 
représentent,  l'une,  le  traducteur  faisant  hommage  de  son  livre  à  Marcello,  l'autre  Mar- 
cello en  faisant  hommage  à  René.  Cette  dernière  est  reproduite  dans  les  Œuvres  complètes 
du  roi  René.  T.  IV,  pi.  24. 

2.  Voici  l'article  de  l'inventaire  :  «  Item,  ung  meschant  petit  livret  en  papier,  couvert 
D  de  parchemin,  ouquel  a  certaines  figures,  et  se  commance  ou  premier  feuillet  :  Pour  tel 
»  ouvraige  »  [Extrait  des  Comptes  et  Mémoriaux,  p.  268). 

3.  Je  ne  crois  pas  qu'on  connaisse  les  traits  de  sa  première  femme  Isabelle  de  Lorraine 
autrement  (^ue  par  un  dessin  colorié  de  la  collection  Gaignières  (t.  XI,  i0  d'après  un 
vitrail  de  l'église  des  Cordeliers  d'Angers.  Il  a  été  reproduit  par  Montfaucon,  Monuments 
de  la  monarchie  française,  t.  III,  pi.  47. 


308  REVUE    CRITIQUE 

un  autre  intérêt,  celui  âenous  faire  connaître  la  figure  de  personnages  historiques, 
ce  qui  a  bien  quelque  importance;  en  outre,  les  types,  étant  bien  établis,  peu- 
vent permettre  d'attribuer  aux  artistes  employés  par  René  les  œuvres  de  son 
temps  où  l'on  retrouverait  ces  représentations.  M.  L.  de  la  M.  n'en  a  parié 
qu'incidemment,  et,  faute  de  les  avoir  bien  classés,  me  paraît  s'être  absolument 
mépris  sur  les  traits  de  la  physionomie  de  René. 

Dans  ces  portraits  contemporains,  il  y  a  des  médailles,  des  ivoires  et  des 
peintures.  Incontestablement,  les  types  authentiques,  commandés  par  René, 
faits  sous  sa  direction,  destinés  à  transmettre  ses  traits  à  la  postérité,  sont  les 
grandes  médailles,  fort  belles,  pour  lesquelles  il  a  employé  des  artistes  célèbres. 
M.  L.  de  la  M.  n'est  pas  de  cet  avis,  il  préfère,  sans  préciser,  les  portraits  des 
miniaturistes;  pour  lui  ceux  des  médailles  sont  imparfaits;  la  raison  qu'il  en  donne 
est  cette  énorme  hérésie  artistique  :  «  L'instrument  et  la  matière  étaient  plus  rebelles 
))  pour  les  graveurs  que  pour  les  peintres  et  il  est  à  croire  que  l'artiste  n'aura  pas  pu 
»  reproduire  exactement  son  modèle.  »  Et  cette  observation  est  faite  à  propos  de  la 
belle  médaille  de  86  millim.  due  à  François  Laurana,  celui-là  même  dont  on 
connaît  une  belle  médaille  de  Louis  XI  ! 

Ajoutons  que  les  types  des  médailles  se  ressemblent  entre  eux ,  ressemblent 
aux  principaux  portraits,  ressemblent  au  portrait  du  volet  du  Buisson  ardent  oh 
René,  quoi  qu'en  dise  M.  L.  de  la  M.,  est  loin  d'avoir  le  nez  aquilin. 

En  dépit  de  sa  mauvaise  opinion  sur  les  graveurs,  M.  L.  de  la  M.  déclare  que 
l'art  de  la  gravure  «  fut  réveillé  par  l'influence  de  René  »,  c'est  là  une  phrase 
banale,  ni  les  comptes,  ni  aucun  document  ne  révélant  rien  de  particulier  à  cet 
égard.  M.  L.  de  la  M.  a  décrit  les  trois  médailles  conservées  au  cabinet  de  la 
Bibliothèque  nationale.  A  propos  de  celle  de  Pierre  de  Milan  datée  de  1461,  il 
faut  observer  que  le  Trésor  de  numismatique  qui  Ta  reproduite  d'après  un  exem- 
plaire du  cabinet  de  Florence  ' ,  dit  que  c'est  la  reproduction  en  bronze 
d'un  ivoire  de  cet  artiste.  En  effet,  ce  médaillon  d'ivoire  faisait  partie 
du  cabinet  du  président  Fauris  de  Saint- Vincent  à  Aix^.  Millin  l'y  vit  et  l'a 
reproduit  dans  son  Voyage  dans  les  départements  du  midi  de  la  France  i.  Une 
quatrième  médaille  sans  date  ni  signature,  représentant  René  seul,  profil  à 
gauche,  revêtu  d^une  armure,  est  reproduite  dans  le  Trésor  de  numismatique, 
d'après  un  exemplaire  du  cabinet  impérial  de  Vienne  4.  H  convient  d'ajouter  à 
cette  liste  la  mention  d'un  médaillon  circulaire  en  bois  sculpté,  d'un  travail  alle- 
mand de  la  fin  du  xv^  siècle,  où  René  est  représenté  en  buste  de  profil  avec  cette 
légende  :  REGIS  .  SICELIDVM  .  EFFIGIES  .  EST  .  ISTA  .  RENATI.  (Musée 
du  Louvre.  Bois  sculptés.  B.  191.) 


1.  Médailles  italiennes,  2"  partie,  pi.  XIV.  La  médaille  de  Pierre  de  Milan  de  1462  y 
est  aussi  reproduite. 

2.  Il  est  décrit  et  reproduit  dans  le  recueil  de  ses  opuscules  publié  sous  le  titre  de 
Recueil  de  divers  monuments  d'antiquités  trouvés  en  Provence,  i  vol.  gr.  in-4*  avec  17  pi. 
Paris.  180^.  Reproduit  aussi  mais  fort  inexactement  dans  Les  tournois  du  ro/K^n^  publiés 
par  ChampoUion-Figeac.  In-f°  maximo.  Didot.  1826. 

3.  Atlas,  pi.  XXXII.  Voy.  aussi  t.  II,  p.  231. 

4.  Trésor  de  numismatique.  Loc.  cit. 


d'histoire  et  de  littérature.  309 

Parmi  les  portraits  en  peinture  il  en  est  un  qui  mérite  de  nous  occuper  quel- 
ques instants.  Dans  la  grande  édition  qu'a  publiée  Didot  des  Tournois  du  roi  René 
en  1826- 1827,  se  trouve  reproduit  en  frontispice,  un  diptyque  de  la  dimension 
d'un  petit  in-octavo  représentant,  à  gauche,  le  roi  René,  vu  à  mi-corps,  et  à  droite, 
un  buste  de  femme  que  M.  Champollion  dit  être  Catherine  Capelle,  une 
maîtresse  du  roi  René,  mais  qui  est  à  n'en  pas  douter  la  figure  sèche  et  froide  de 
la  reine  Jeanne  de  Laval.  Cette  peinture,  que  l'éditeur  attribue  bien  entendu  à 
René  lui-même,  aurait  été  donnée  par  celui-ci  à  Jean  de  Matheron,  l'un  des  fami- 
liers de  René,  et  en  effet,  le  revers  de  chaque  peinture  présente,  sur  un  fonds 
d'azur  parsemé  de  fleurs  de  lys  d'or,  une  tige  de  lys  blanc  enveloppée  d'une 
banderolle  portant  la  devise  :  Ditat  servata  fides,  tige,  banderolle  et  devise  qu'on 
retrouve  sur  la  médaille  de  Jean  de  Matheron,  autre  monument  des  artistes  de 
René,  qu'a  reproduite  Millin  d'après  un  exemplaire  du  cabinet  Fauris  de  Saint- 
Vincent".  Millin  vit  une  peinture  semblable  en  1807  chez  les  descendants  de 
Matheron 2.  Elle  est  reproduite,  fort  grossièrement  et  fort  inexactement  du  reste, 
en  tête  du  livre  des  tournois  et  était  alors  dans  le  cabinet  de  M.  Revoil,  profes- 
seur à  l'école  des  beaux-arts  de  Lyon  ;  elle  est  passée  depuis  dans  la  collection 
de  M.  Didot,  et  on  a  pu  la  voir  à  l'exposition  d'œuvres  d'art  faite  à  Paris  en  1874 
au  profit  des  Alsaciens-Lorrains. 

Mais ,  chose  étrange ,  alors  que  cette  peinture  était  dans  le  cabinet  Revoil , 
M.  Roux-Alphéran ,  dans  son  livre  sur  les  rues  d'Aix,  publié  en  1847,  en 
décrivait  une  semblable  conservée  à  cette  époque  encore  dans  la  famille  Mathe- 
ron :  il  connaissait  cependant  le  tableau  possédé  par  M.  Revoil  et  déclarait  que 
ce  devait  être  une  copie  faite  par  ce  dernier  pendant  son  séjour  à  Aix  3.  M.  Renou- 
vier,  peu  avant  1857,  vit  encore  ces  portraits  chez  M.  de  Saint-Pons,  de  la 
famille  Matheron. 

Depuis,  M.  Chazaud  acquit  le  tableau  des  derniers  descendants  de  Matheron, 
et  j'ai  pu  le  voir  dernièrement  dans  son  cabinet  à  Paris.  Il  est  exactement 
pareil  à  celui  de  la  collection  Didot  4.  Malheureusement  je  n'ai  plus  ce  dernier 
assez  présent  à  la  mémoire  pour  pouvoir  discuter  l'affirmation  de  Roux-Alphéran 
et  me  déclarer  sur  l'authenticité  de  ces  deux  œuvres.  Dans  le  diptyque  de 
M.  Chazaud,  René  est  très-finement  peint,  très-ressemblant  au  portrait  du  volet 
du  buisson  ardent;  c'est  une  œuvre  flamande  d'un  artiste  très-analogue  à 
Memling.  Jeanne  de  Laval,  moins  expressive,  paraît  d'une  autre  main,  moins 
légère,  d'une  touche  plus  lourde.  Lequel  de  ces  deux  tableaux  est  authentique  P 
Est-il  possible  de  croire  que  l'un  soit  une  répétition  contemporaine  de  l'autre  .'* 
C'est  là  un  problème  que  pour  le  moment  je  me  contente  de  poser. 

Il  existe  aux  Archives  nationales  un  aveu  rendu  au  roi  René  par  Jean  de 


1.  Ouv.  cit.  Atlas,  pi.  XXXII.  Voy.  t.  II,  p.  232. 

2.  Ouv.  cit.,  t.  II,  p.  343. 

3.  Roux-Alphéran,  Les  rues  d'Aix.  2  vol.  in-8".  Aix.  1847.  T"-  h  P-  47^* 

4.  Il  n'y  a  pas  jusqu'à  une  gaine  de  velours  rouge  du  XVII'  s.  environ,  figurée  dans 
la  publication  de  M.  Champollion,  que  j'ai  retrouvée  chez  M.  Chazaud. 


51  rô  REVUE    CRITIQUE 

Sainte-Maure  pour  la  baronnie  de  la  Haie-Joullain  dont  la  première  page  est 
ornée  d'une  miniature  carrée,  d'environ  lo  centimètres  de  côté,  assez  fine, 
représentant  le  vassal  faisant  hommage  à  son  suzerain'.  Les  auteurs  du  cata- 
logue du  musée  des  Archives  (p.  279)  et  après  eux  M.  L.  de  la  M. ont  voulu 
voir  naturellement  dans  le  suzerain  un  portrait  du  roi  de  Sicile.  M.  L.  de  la  M. 
dit  formellement  que  l'artiste  lui  a  donné  les  traits  du  roi  René  (p.  86).  Quiconque 
examinera  cette  miniature  sera  tout  d'abord  frappé  de  l'insignifiance  de  cette 
figure.  Il  y  a  d'autres  personnages  plus  vivants,  plus  expressifs,  celui  à  longue 
robe  fourrée,  par  exemple;  mais  on  s'étonnera  bien  davantage  encore  en  voyant 
que  ce  prétendu  roi  René  a  suspendues  au-dessus  de  sa  tête  les  armes  de  France, 
et  que  le  dais  sous  lequel  il  siège  est  bordé  d'un  listel  aux  couleurs  de  la  livrée 
particulière  des  rois  de  France,  bleu,  blanc  et  rouge^.  A  n'en  pas  douter  c'est  un 
hommage  au  roi  de  France  que  représente  cette  miniature.  Est-ce  là  que  M.  L. 
de  la  M.  a  vu  René  avec  un  nez  aquilin  ^  Le  fait  est  étrange,  mais  absolument 
certain,  indiscutable.  Reste  à  trouver  son  explication.  Dans  mon  opinion,  cette 
peinture  n'est  qu'une  œuvre  d'art  industriel,  comme  nous  savons  par  ailleurs 
qu'en  faisaient  à  cette  époque  les  enlumineurs;  c'est  un  parchemin  orné  d'attri- 
buts qu'a  acheté  le  seigneur  de  la  Haie-Joullain  pour  y  faire  transcrire  son 
hommage.  Trop  souvent  on  confond  dans  une  admiration  commune  ces  minia- 
tures très-nombreuses  dans  les  manuscrits  de  luxe,  avec  les  rares  œuvres  de 
grande  valeur  artistique  que  nous  ont  laissées  les  maîtres. 
^;*'iPour  en  finir  avec  les  portraits,  mentionnons  parmi  ceux  que  n'a  pas  cités 
'M.  L.  de  la  M.  la  reproduction  par  Willemin  {Monuments  français  inédits,  pi.  196) 
d'une  miniature  représentant  «  le  roi  René  d'Anjou  dans  son  cabinet  d'après  un 
ii-'ms.  du  fonds  Saint-Germain  »  (Ribl.  nat.  ms.  19039  Fr.  f°  201.  C'est  un  ms. 
au  Mortifiement  de  vaine  plaisance,  écrit  en  1514);  un  dessin  colorié  de  la  collec- 
tion Gaignières  (II,  15)  d'après  un  vitrail  des  cordeliers  d'Angers,  représentant 
*^fë  foi  René  ;  la  copie  par  Gras  du  portrait  du  Buisson  ardent  (musée  de  Versailles 
^^^3922);  une  miniature,  d'un  ms.  du  Pèlerinage  de  la  vie  /zurn^fZ/ze  par  Guillaume 
de  Guilleville,  commencé  au  mois  de  février  1464,  représentant  l'auteur  offrant 
son  livre  à  Jeanne  de  Laval  et  un  ivoire  du  xv^s.  représentant  Jeanne  de  Laval, 
possédé,  je  crois,  par  M.^Bonnafé. 

'  Je  ne  poursuivrai  pas  plus  avant  l'examen  détaillé  du  livre  de  M.  L.  de  la  M. 
On  peut  voir  par  ce  qui  précède  qu'il  n'a  pas  complètement  épuisé  son  sujet.  Je 
n'ajoute  que  quelques  notes  sur  ses  derniers  chapitres.  Dans  celui  consacré  aux 
objets  mobiliers,  il  s'est  trouvé  amené  à  mentionner  la  tapisserie  de  V Apocalypse  que 
Louis  I"  d'Anjou  avait  fait  fabriquer  d'après  un  ms.  de  l'Apocalypse  que  Charles  V 
lui  avait  prêté  avant  1373  (p.  1 11).  Ce  m.s.  n'est  pas  le  m.s.  Français  7013, 
mais  403  de  la  Bibliothèque  nationale;  il  est,  non  pas  du  xii«,  mais  du  milieu  du 

;^     I.  Cette  miniature  a  été  reproduite  en  couleur  par  du  Sommerard.  Les  arts  du  moyen- 

iage  (Album,  9"  série,  pi.  35). 

2.  M.  Douet  d'Arcq  dans  un  mémoire  sur  les  Chartes  à  vignettes  (Revue  archéologique. 
1847.  P.  755)  a  voulu  voir  la  maison  d'Anjou  désignée  par  la  bordure  rouge  du  man- 
teau du  suzerain. 


d'histoire  et  de  littérature.  311 

XII i"  siècle.  Une  comparaison  entre  les  deux  œuvres  serait  très-importante  et 
probablement  très-féconde.  Je  crois  que  c'est  l'unique  exemple  qu'on  puisse 
citer  d'un  modèle  encore  existant  d'une  tapisserie  du  xiv*'  siècle.  —  Dans  ce 
chapitre  consacré  aux  objets  mobiliers,  M.  L.  de  la  M.  eût  pu  citer  une 
armoire  ornée  des  armes  et  devises  de  René  d'Anjou,  dessin  d'une  tapisserie 
conservée  à  Saint-Maurice  d'Angers,  donné  par  Willemin  {Monuments  français 
pi.  209,  texte  p.  1 1).  —  P.  131.  Trouvant  dans  l'inventaire  du  château  d'Angers 
la  mention  que  les  lits  étaient  recouverts  de  pavillons,  de  filets,  de  treillis,  il 
pense  que  c'était  une  «  imitation  des  moustiquaires  de  Provence  )>.  Pourquoi 
vouloir  corriger  l'inventaire  qui  dit  lui-même  que  ces  objets  avaient  pour  but  de 
«  garder  que  les  chiens  ne  se  couchent  dessus  ?  '  » 

M.  L.  de  la  M.  n'a  qu'à  peine  mentionné  au  cours  de  son  travail  quelques  sceaux 
et  quelques  monnaies  du  roi  René  ;  ces  monuments  se  rattachent  cependant  fort 
étroitement  à  l'art.  René  a  eu  un  grand  nombre  de  sceaux  différents,  a  fait 
frapper  un  grand  nombre  de  types  de  monnaies.  Nous  ne  pouvons  songer  à 
entreprendre  ici  le  classement  et  la  description  de  ces  monuments;  nous  nous 
contenterons  d'indiquer,  en  dehors  des  collections  qui  en  contiennent  des 
exemplaires,  quelques  ouvrages  qui  en  ont  donné  des  reproductions.  M.  Blancard 
(Iconographie  des  sceaux  et  bulles  du  département  des  Bouches-du-Rhône,  pi.  20  à  22) 
a  publié  six  sceaux  différents  de  René,  la  plupart  armoriaux  • —  sauf  l'un  d'eux, 
très-beau,  ayant  d'un  côté  le  type  de  majesté,  René  sur  son  trône  soutenu  par 
des  lions  antiques  ;  au  revers,  le  type  équestre  ;  ce  sceau  pend  à  un  document 
de  1439.  M.  Douet  d'Arcq  {Collection  de  sceaux,  n°'  809  à  811)  a  décrit 
3  sceaux  de  René,  comme  duc  de  Bar,  qui  se  trouvent  aux  Archives  nationales; 
2  sont  armoriaux,  un  3^  équestre  de  98  millim.  On  en  trouvera  d'autres  dans  le 
Trésor  de  numismatique  et  de  glyptique  (Grands  feudataires^  pi.  22,  n''^  3  à  5),  dans 
Dom  Calmet,  Histoire  de  Lorraine  (II,  pi.  4,  n°'  23  à  26,  et  V.  pi.  II,  n»  i),  dans 
Ruffi,  Histoire  de  la  ville  de  Marseille  (t.  I,  p.  266,  267,  274,  496),  dans  Vredius 
Généalogie  des  comtes  de  Flandre  (p.  105  a  107  et  pr.  II  p.  244).  Un  sceau 
d'Isabelle  de  143  5  se  trouve  dans  Blancard  (pi.  22,  n**  2).  On  trouvera  les  prin- 
cipales reproductions  de  ses  monnaies  dans  Dom  Calmet,  Histoire  de  Lorraine 
(t.  II,  pi.  2,  n^s  22  à  26,  et  t.  V,  pi.  2,  nos  ^  et  6),  16  types  différents  dans  de 
Saulcy,  Recherches  sur  les  monnaies  des  ducs  de  Lorraine  (pi.  ion"'  10  à  14,  et 
pi.  II  n°*  I  à  II),  Recherches  sur  les  monnaies  des  comtes  et  ducs  de  Bar  (pi.  7 
nos  I  et  2).  Les  monnaies  de  René  comme  souverain  de  Provence,  se  trouvent  dans 
Papon,  Histoire  générale  de  Provence  (t.  III,  pi.  12,  n°M  à  3,  pi.  1 3,  n"'4  à  1 5); 
dans  Tobiesen  Duby,  Monnaies  des  barons  (pi.  99,  n^s  i  à  6).  Les  n°'  3  et  4 
portent  dans  le  cercle  la  représentation  de  la  tarasque,  cette  bête  chimérique  qui 
servit  de  prétexte  aux  jeux  institués  par  René.  —  M.  de  Longpérier  a  publié 


1 .  Les  chiens  étaient  très-nombreux  dans  les  habitations  princières  du  XV'  s.  et  avaient 
leurs  entrées  partout.  Comparez  un  art.  des  comptes  des  ducs  de  Bourgogne  mentionnant 
un  achat  de  toile  «  à  faire  ung  sac  pour  porter  les  coussins  de  l'oratoire,  pource  que  les 
»  chiens  de  mondit  seigneur  avoient  mengié  l'autre.  »  (De  Laborde.  T.  I,  p.  228.) 


312  REVUE   CRITIQUE 

dans  la  Revue  numismastique  (1844,  p.  286)  une  monnaie  de  René  comme  roi 
d'Aragon,  M.  Voillemier,  une  autre,  avec  une  monnaie  comme  roi  de  Navarre 
(ibid.,  1840,  p.  347).  On  trouve  ses  monnaies  comme  roi  de  Sicile,  dans  Paruta, 
Sicilia  descritîaÇeà.  de  Maier,  1697,  p.  126).  Dans  Vergara,  Monete  del  regno  di 
NapoliÇp.  47  à  49)  et  dans  Muratori,  Antiquitates  itaUc£  (I,  pi.  3 1  n°^4  à  9).  On 
voit  que  toutes  ces  reproductions  pouvaient  servir  à  une  étude  des  sceaux  et  des 
monnaies  de  René;  il  est  regrettable  que  M.  L.  de  la  M.  ne  Pait  pas  entreprise. 

Les  œuvres  littéraires  de  René;,  assez  nombreuses,  sont  comme  la  plupart  des 
autres  œuvres  de  l'époque  un  tissu  d'allégories  qu'il  nous  est  aujourd'hui  impos- 
sible de  goûter.  Elles  n'ont  qu'un  intérêt,  mais  capital,  c'est  de  nous  faire  pénétrer 
complètement  dans  le  caractère  du  roi  de  Sicile  et  d'autant  plus  que  toutes  ont 
été  inspirées  par  une  situation,  une  disposition  d'esprit  particulière.  Veuf  d'Isa- 
belle de  Lorraine,  René  écrit  un  traité  de  morale  mystique,  le  Mortifiement  de  vaine 
plaisance;  en  butte  aux  tracasseries  de  Louis  XI  il  compose  une  sorte  de  satire, 
ou  plutôt  un  récit  allégorique  de  ses  malheurs,  VAbuzé  en  court;  au  moment  de 
son  mariage  avec  Jeanne  de  Laval,  une  pastorale,  Regnault  et  Jeanneton  où  il  altère 
à  peine  les  noms  des  deux  héros.  La  chevalerie  de  l'époque  jouait  volontiers  au 
berger,  témoin  le  pas  d'armes  de  la  bergère  en  1449  à  Tarascon,  où  Isabelle  de 
Lenoncourt  présidait  le  tournoi  habillée  en  pastourelle  et  où  tous  les  chevaliers 
et  écuyers  étaient  en  pastours  avec  des  houlettes.  Enfin  quelque  temps  après  son 
mariage,  il  écrit  Le  cœur  d'amour  épris.  M.  L.  de  la  M.  a  sagement  analysé  ces 
ouvrages  et  a  montré  ce  qu'on  pouvait  en  tirer  pour  mieux  connaître  son  héros. 

Au  sujet  des  œuvres  du  roi  René,  nous  ne  lui  ferons  qu'un  seul  reproche, 
c'est  d'avoir,  sans  examen,  déclaré  non  authentique  une  pièce  qui  se  trouve  dans 
un  ms.  de  la  bibliothèque  de  Troyes  (n^  763)  tout  en  ayant  ingénieusement 
songé  à  la  rapprocher  de  vers  de  René  sur  la  passion  indiqués  par  Lacroix  du 
Maine  et  qui  ne  se  retrouvent  plus  (p.  173). 

A  propos  des  relations  de  René  avec  les  hommes  illustres  de  son  temps, 
M.  L.  de  la  M.  a  discuté  la  possibilité  d'une  rencontre  avec  Villon  (p.  179);  il 
est  certain  que  si  Villon,  parti  pour  Angers  ,en  1456,  y  arriva^  il  apu  y  trouver  et 
y  voir  René.  Mais  à  cette  époque  et  pour  le  poète,' partir  et  arriver  étant  choses 
fort  distinctes,  nous  continuerons  à  tenir  avec  M.  Longnon  le  séjour  de  Villon 
à  Angers  pour  douteux. 

Dans  toute  cette  partie  du  livre,  du  reste,  nous  ne  relèverons  plus 
que  quelques  phrases  hyperboliques  sur  René  :  «  Il  est  évident  qu'il  lisait 
»  les  auteurs  latins  dans  leur  texte  original.  Pour  les  Grecs,  c'est  moins 
»  démontré  puisqu'ils  ne  figurent  dans  sa  bibliothèque  que  sous  la  forme  de 
»  traduction  latine  (p.   191).  »  —  «  L'anglais  ne  pouvait  lui  être  totalement 

»  étranger  en  raison  de  ses  liens  de   parenté Vingt-quatre  volumes  en 

»  langue  turque  ou  maure  qui  parurent  aux  rédacteurs  de  ses  inventaires 
»  autant  de  grimoires  indéchiffrables  n'avaient  pas  été  rassemblés  pour  rien.... 
»  Les  orientaux  l'avaient  sans  doute  familiarisé  avec  leurs  dialectes»  (p.  192). 
«  Si  la  découverte  de  l'Amérique  était  arrivée  quelques  années  plus  tôt,  il  n'est 
»  pas  douteux  que  sa  curiosité  scientifique  eût  trouvé  dans  cet  événement  capital 


d'histoire  et  de  littérature.  313 

.)  un  aliment  et  un  essor  nouveau  »  (p.  193).  On  pourrait  multiplier  les  cita- 
tions de  cette  nature;  celles-ci  suffisent  pour  montrer  jusqu'à  quel  point 
M.  L.  de  la  M.  a  poussé  cette  apologie  constante  du  roi  René  qui  est  le  défaut 
le  plus  saillant  de  son  livre. 

A.  GiRY. 


215.  —  Étude  sur  Tauthenticité  des  poésies  de  Clotilde  de  Surville,  par 

Wilhelm  Kœnig.  Halle,  Schwabe.  1875.  ln-8*,  173  p.  —  Prix  :  5  fr. 

Après  les  publications  de  MM.  Loquin,  Guillemin  et  Merzon  (voy.  Rev.  Crit.^ 
1874,  t.  I,art.  94),  démontrer  la  supposition  des  poésies  de  Clotilde  de  Surville, 
c'est  véritablement  enfoncer  une  porte  ouverte.  M.  Kônig  s'excuse  en  disant  que 
son  livre  a  été  écrit  en  grande  partie  il  y  a  longtemps  et  remanié  seulement  à  la 
suite  des  récents  ouvrages  sur  la  question.  Il  ajoute  qu'il  a  cherché  à  préciser 
plus  qu'on  ne  l'avait  fait  «  les  impossibilités  tenant  à  la  langue,  aux  idées,  aux 
))  connaissances,  etc.»  Il  en  a  effectivement  réuni  un  grand  nombre  et  nous  dirons 
volontiers  avec  lui  :  «  les  simples  résultats  provenant  d'un  tel  travail,  qui  est 
»  parfois  difficile  et  aride,  pèsent  plus  dans  la  balance  que  les  résultats  les 
»  plus  brillants.  )>  Nous  pouvons  recommander  la  lecture  de  cette  brochure, 
écrite  dans  un  français  remarquablement  aisé  et  presque  toujours  correct,  à  ceux 
qui  douteraient  encore  de  la  fabrication  des  œuvres  de  Clotilde.  La  partie  philo- 
logique pourrait  être  plus  approfondie,  mais  elle  contient  cependant  quelques 
observations  intéressantes.  Dans  une  note  finale,  M.  K.  éprouve  le  besoin  de 
dire  qu'il  partage  l'opinion  de  M.  Loquin  sur  la  collaboration  d'un  «  feudiste  >> 
dans  le  travail  du  marquis  de  Surville.  Sans  ces  quelques  lignes,  nous  n'aurions 
à  relever  dans  sa  dissertation  aucune  hypothèse  aventurée.  '     ''  i  i*  '  '•' 

i>i  O-'vh  .jn:;/i   'jb  -Mi  goqoiq    A 

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219.  —Histoire  diplomatique  de  la  guerre  francb-aïlemiEUiplé^        Aloert' 

SoREL.  Paris,  Pion.  1875.  iz' vol.  in-8°,  428-452  p.         *J^^''  ^  ^'*'»^  -^^^''^  'ft^'  "' 

«  L'objet  de  ce  livre  est  "de  faire  connaître  les  événements  diplomatiques  qui 
»  ont  amené  la  guerre  entre  la  France  et  l'Allemagne  et  qui  l'ont  accompagnée, 
»  de  déterminer  les  rapports  de  ces  événements  avec  l'état  général  de  l'Europe, 
»  d'en  indiquer  les  conséquences  dans  les  traités  qui  ont  consacré  les  résultats 
))  de  la  guerre.  »  —  M.  Albert  Sorel  marque  ainsi  en  termes  précis,  dès  les 
premiers  mots  de  sa  préface,  le  but  de  son  Histoire  diplomatique  de  la  guerre 
franco-allemande.  L'ouvrage  de  M.  S.  embrasse  les  principales  questions  dont  le 
sujet  lui  imposait  l'examen.  Toutes  ces  questions  ne  sont  pas,  à  dire  vrai,  trai- 
tées avec  la  même  étendue.  Les  rapports  directs  de  la  France  et  de  l'Allemagne 
tiennent  la  plus  grande,  place  dans  cette  histoire.  C'était  là,  en  effet,  le  fonds  du 
sujet  et  la  partie  essentielle  du  travail.  Les  deux  adversaires  n'ont  pas  cessé  un 
instant,  dans  le  combat  et  dans  les  négociations,  de  rester  isolés  l'un  vis-à-vis 


314  REVUE  CRITIQUE 

de  Pautre.  La  guerre  a  été  un  duel  quMls  ont  engagé,  poursuivi  et  terminé  sans 
intervention  de  qui  que  ce  soit.  L'Europe  a  conservé  une  attitude  toute  passive, 
et  les  efforts  de  la  diplomatie,  pour  obtenir  une  médiation,  ont  complètement 
échoué  contre  le  parti  pris  de  Pintérêt,  de  l'indifférence  ou  de  la  peur.  M.  S.  a 
constaté  le  fait  et  en  a  donné  les  raisons  principales  sans  qu'il  lui  parût  nécessaire 
d'entrer  dans  le  détail  de  la  politique  de  chacun  des  états.  Le  Hvre  a  été  préparé, 
comme  Patteste  l'index  bibliographique  des  ouvrages  cités,  d'après  les  sources  les 
plus  autorisées.  L'auteur  s'est  appliqué  à  suivre  la  méthode  historique,  comme 
s'il  écrivait  l'histoire  d'une  époque  éloignée  au  lieu  de  raconter  les  événements 
dont  nous  avons  été  les  contemporains.  M.  S.  a  composé  son  ouvrage  avec 
beaucoup  d'art  et  de  clarté.  Le  style  a  du  mouvement  et  parfois  de  l'éclat.  On 
n'y  sent  jamais  la  froideur  et  la  sécheresse  qu'affectent  les  écrivains  traitant 
des  questions  diplomatiques.  Le  livre,  en  un  mot,  est  un  livre  bien  fait  et  bien 
écrit. 

Les  chapitres  consacrés  à  l'étude  des  origines  de  la  guerre,  à  la  candidature 
Hohenzollern,  aux  négociations  d'Ems,  à  la  déclaration  de  guerre,  sont  la  partie 
la  plus  fortement  étudiée  de  l'ouvrage  de  M.  S.  On  se  doutait  déjà,  surtout 
depuis  les  explications  fournies  par  M.  le  duc  deCramont,  que  la  guerre  de  1870 
avait  été  le  résultat  de  la  «  maladresse  »  de  notre  gouvernement.  M.  S.  a  dit  le 
mot  (préface,  p.  vij)  et  il  a  prouvé  la  chose.  Sa  démonstration  ne  laisse  rien  à 
désirer  pour  la  précision.  Que  M.  de  Bismark  qui  voulait  la  guerre  se  soit  servi 
de  la  candidature  Hohenzollern  pour  nous  entraîner  à  quelque  démarche  impru- 
dente, cela  prouve  qu'il  ne  faisait  pas  grand  cas  de  l'habileté  de  nos  politiques. 
Mais  qu'un  ministre  qui  prétendait  connaître  le  terrain  diplomatique  et  qui  ne 
voulait  pas  la  guerre,  ainsi  qu'il  l'a  dit  et  répété,  que  M.  de  Gramont  n'ait  pas 
vu  aussitôt  le  piège,  cela  restera  comme  un  exemple  rare  dans  l'histoire  de  la 
diplomatie.  Or,  il  ne  l'a  pas  vu  :  son  livre  France  et  Prusse^  ses  dépositions 
devant  la  commission  parlementaire,  sa  polémique  avec  M.  Benedetti  démontrent 
son  erreur.  De  là  sa  déclaration  du  6  juillet  1870,  «  le  premier  désastre  de  la 
»  France,  dit  M.  S.  Ce  fut  un  Wœrth  diplomatique.  Il  fallait  que  la  Prusse 
))  cédât,  sinon  c'était  la  guerre.  »  M.  S.  nous  montre  les  effets  de  cette  malen- 
contreuse déclaration  sur  l'opinion  publique  à  Paris,  sur  les  cabinets  de  l'Europe, 
sur  le  roi  de  Prusse.  Elle  nous  interdit  toute  retraite  honorable  et  nous  mena  à 
la  guerre.  M.  S.  essaie  d'expliquer  enfin  le  mystère  de  la  nuit  du  i4au  1$  juillet. 
Dans  le  conseil  qui  se  tint  à  St-Cloud,  la  mobilisation  des  troupes  fut  ajournée 
vers  onze  heures  du  soir,  et  une  demi-heure  après  la  guerre  fut  résolue  !  Que 
renfermait  donc  la  dépêche  dont  le  maréchal  Le  Bœuf  a  parlé  dans  sa  déposition, 
et  qui  provoqua  un  si  brusque  revirement  ?  Il  ne  s'agissait  pas  du  fameux  télé- 
gramme d'Ems  imaginé  par  M.  de  Bismark  :  on  le  connaissait  depuis  le  matin. 
Ce  télégramme  d'ailleurs,  bien  qu'il  fût  un  incident  très-fâcheux,  n'aurait  pas 
justifié  les  mots  de  «  nouvelles  désastreuses  »  dont  M.  de  Gramont  s'est  servi 
pour  caractériser  les  renseignements  qui  produisirent  tant  d'effet  sur  le  conseil 
au  dernier  moment.  Mais  parmi  les  nouvelles  qu'il  reçut  dans  la  soirée  du  14  et 
dans  la  nuit  du  14  au  1  $,  M.  de  Gramont  parle  d'un  «  compte-rendu  très-exact 


d'histoire  et  de  littérature.  31  j 

))  du  langage  tenu  la  veille  par  M.  de  Bismark  à  l'ambassadeur  d'Angleterre  et 
»  de  l'attitude  prise,  à  partir  du  13,  par  le  cabinet  de  Berlin.  »  Or,  on  sait, 
d'après  une  dépêche  de  lord  Loftus,  que  M.  de  Bismark  se  préparait  à  demander 
«  une  rétractation  ou  une  explication  satisfaisante  du  langage  menaçant  tenu  par 
»  M.  le  duc  de  Gramont.  »  Ainsi  après  avoir  lancé  un  ultimatum  à  la  Prusse, 
notre  gouvernement  était  dans  une  situation  analogue  à  celle  où  se  trouva  placée 
la  Prusse  vis-à-vis  de  l'Autriche  en  1850.  Et  pour  échapper  à  l'injonction  de 
M.  de  Bismark,  on  se  précipita  tête  baissée  dans  la  guerre.  Si  cette  explication 
est  exacte,  on  voit  que  nous  avons  payé  bien  cher  la  «  maladresse  »  du 
6  juillet. 

Il  n'a  point  été  facile  de  déterminer  l'état  réel  de  nos  relations  diplomatiques 
au  point  de  vue  des  alliances,  soit  avant  soit  après  la  déclaration  de  guerre. 
«  J'avais  lieu  de  croire,  a  dit  le  maréchal  Le  Bœuf,  que  nous  ne  serions  pas 
))  isolés  en  Europe.»  M.  de  Gramont  a  refusé  de  s'expliquer  sur  ce  sujet  délicat, 
soit  dans  son  mémoire  France  et  Prusse j  soit  devant  la  commission  d'enquête. 
Sans  une  polémique  qui  s'engagea  entre  ce  personnage  et  M.  de  Beust,  sans  la 
publication  d'une  dépêche  confidentielle  adressée  par  le  ministre  autrichien  à 
M.  de  Metternich  le  20  juillet,  et  sans  quelques  indications  assez  précises  qu'a 
fournies  M.  de  Chaudordy,  on  ne  saurait  rien.  Les  documents  relatifs  aux  négo- 
ciations de  la  France  furent  enlevés  du  ministère,  avant  la  révolution  du 
4  septembre.  «  Les  précautions  étaient  prises  depuis  deux  jours,  »  dit  M.  de 
Gramont  dans  son  livre  (p.  347)  et  nous  regrettons  que  M.  S.  n'ait  pas  signalé 
ce  fait  qui  n'a  pas  laissé  d'avoir  son  importance  lorsque  l'on  a  tenté  après  le 
4  septembre  de  nouvelles  négociations  avec  l'Autriche  et  l'Italie.  Depuis  1 867 
il  y  avait  eu  des  négociations  très-confidentielles  entre  l'empereur  Napoléon  et 
l'empereur  d'Autriche  d'une  part  et  le  roi  d'Italie  de  l'autre.  «  Il  n'y  eut  abso- 
))  lument  rien  de  signé,  »  dit  M.  S.  Il  est  possible  pourtant  qu'un  traité  ait  été 
rédigé,  et  M.  de  Gramont  nous  le  dira  peut-être  quelque  jour.  En  tous  cas,  après 
la  déclaration  de  guerre,  un  traité  fut  conclu  entre  l'Autriche  et  l'Italie  de  con- 
cert avec  la  France.  Les  deux  puissances  observeraient  la  neutralité  armée 
jusque  vers  le  i  $  septembre,  —  puis,  leurs  préparatifs  étant  achevés,  elles 
réclameraient  de  la  Prusse,  sous  la  forme  d'un  ultimatum,  le  statu  quo  défini  par 
le  traité  de  Prague.  Mais  il  y  avait  une  condition  expresse  pour  l'exécution  du 
traité,  c'est  que  les  troupes  françaises  entreraient  en  Allemagne.  Tout  était 
arrêté  et  conclu  à  la  date  du  5  août,  mais  le  6  nous  fûmes  battus  à  Wœrth  et  à 
Spickeren.  L'Autriche  et  l'Italie  se  dégagèrent  aussitôt.  M.  de  Beust  fit  parvenir 
à  Londres  l'assurance  qu'il  était  «  libre  de  tout  engagement».  Le  cabinet  italien 
sollicita  de  l'Angleterre  la  conclusion  d'une  ligue  de  neutralité  qui  lui  permit  de 
résister  aux  demandes  pressantes  de  la  France  et  l'obligeait  à  ne  rien  faire  sans 
l'avis  des  contractants.  En  même  temps,  en  Danemark,  une  négociation  en  vue 
d'une  alliance  fut  interrompue.  Si  l'on  ajoute  que  l'Angleterre  avait  désapprouvé 
notre  attitude,  depuis  la  déclaration  du  6  juillet,  et  que  la  Russie  avait  mani- 
festé l'intention  d'intervenir  si  l'Autriche  agissait  pour  nous,  —  il  est  difficile  de 
contester  que  la  France  ne  fût  tout  à  fait  isolée.  «  Ce  ne  fut  pas  la  révolution  du 


3l6  REVUE   CRITIQUE 

»  4  septembre  qui  rompit  les  négociations  d'alliances,  dit  M.  S.,  ce  furent  les 
»  députés  du  6  août.  L'isolement  diplomatique  de  la  France  était  complet  le 
»  jour  de  la  capitulation  de  Sedan  et  les  conditions  de  la  Prusse  étaient  posées 
»  déjà.  )) 

A-t-il  été  possible,  après  la  révolution  du  4  septembre  et  bien  que  le  gouver- 
nement de  la  défense  nationale  n'eût  point  été  reconnu  par  l'Europe,  d'obtenir 
une  médiation  entre  la  France  et  la  Prusse?  M.  S.  en  s'appuyant  sur  le  témoi- 
gnage de  M.  de  Chaudordy,  se  prononce  pour  l'affirmative.  Il  raconte  en  détail, 
—  et  non  peut-être  sans  quelque  complaisance,  —  la  négociation  conduite  avec 
beaucoup  d'habileté  par  M.  de  Chaudordy,  en  vue  de  faire  sortir  l'Angleterre 
de  son  abstention.  Notre  délégué  aux  affaires  étrangères  obtint,  en  effet,  de  la 
part  de  l'Angleterre  la  démarche  la  plus  inattendue.  Le  20  octobre,  au  moment 
où  M.  Thiers  revenait  de  sa  mission  près  des  cours  de  l'Europe,  le  cabinet  de 
Londres  prit  l'initiative  d'une  proposition  d'armistice  qu'il  adressa  en  même 
temps  à  la  France  et  à  la  Prusse.  Il  demanda  aussi  à  la  Russie,  à  l'Autriche,  à 
l'Italie  de  faire  aux  belligérants  des  «  représentations  pressantes  )>  pour  appuyer 
celles  qu'il  leur  adresserait  de  son  côté.  «  Vous  avez  obtenu  des  choses  extra- 
»  ordinaires,  «  dit  M,  Thiers  à  M.  de  Chaudordy.  M.  S.  n'a  point  de  peine  à 
démontrer,  en  effet,  que  M.  Thiers  avait  moins  obtenu  de  la  Russie  que  M.  de 
Chaudordy  de  l'Angleterre,  a  La  Russie,  dit-il,  s'était  engagée  à  transmettre  à 
»  la  Prusse  une  demande  d'armistice  venant  de  la  France;  l'Angleterre  propo- 
»  sait  aux  deux  belligérants,  en  même  temps,  de  se  mettre  en  rapports.  » 
M.  S.  a  parfaitement  raison,  au  point  de  vue  théorique,  —  mais  au  point  de  vue 
pratique,  il  se  fait  peut-être  illusion  sur  le  succès  de  la  proposition  anglaise. 
M.  Thiers  avait  bien  quelque  raison  de  ne  point  trop  compter  sur  le  cabinet  de 
Londres,  malgré  tous  les  efforts  d'un  diplomate  aussi  avisé  que  M.  de  Chaudordy. 
La  proposition  anglaise  avait  été  accueillie  avec  dédain  par  le  cabinet  de  Péters- 
bourg.  «  Sa  majesté,  avait  dit  le  prince  Gortchakov,  croit  que  tout  arrangement 
»  entre  les  puissances  neutres  serait  une  œuvre  stérile  et  sans  résultat  pra- 
»  tique.  ))^  Eût-il  suffi  dès  lors  d'entraîner  l'Autriche-Hongrie  et  l'Italie  pour 
imposer  à  la  Prusse  .f*  Oui,  peut-être,  si  les  ministres  anglais  avaient  montré  la 
résolution  de  se  faire  écouter.  Mais  il  est  bien  clair  que  l'Angleterre  n'agissait 
qu'à  la  condition  de  ne  se  compromettre  en  aucune  façon.  Si  M.  Thiers  eût 
abandonné  la  proposition  russe  pour  attendre  l'effet  de  la  proposition  anglaise,  il 
est  douteux  que  le  cabinet  anglais  eût  montré  pour  cela  plus  d'énergie  et  plus 
d'activité  pour  faire  triompher  ses  intentions.  Il  y  a  lieu  de  regretter  que  le  voyage 
de  M.  Thiers  à  Paris  et  ses  pourparlers  à  Versailles  aient  retardé  le  mouvement 
offensif  de  l'armée  de  la  Loire,  à  la  fin  d'octobre,  —  mais  si  M.  Thiers  jugeait 
nécessaire  de  conclure  la  paix,  la  proposition  de  la  Russie  lui  donnait  le 
moyen  de  savoir  ce  que  M.  de  Bismark  voulait,  tandis  que  la  proposition 
de  l'Angleterre  n'eût  point  tenu  contre  une  fin  de  non-recevoir  du  cabinet 
prussien. 

M.  S.  insiste  sur  ce  fait  que  M.  Thiers  n'a  point  essayé,  lors  des  négociations 
pour  les  préliminaires  de  Versailles,  de  faire  intervenir  les  neutres  dans  la  fixa- 


d'histoire  et  de  littérature.  317 

tion  des  conditions  de  paix.  «.Ce  fut  de  parti-pris,  dit-il,  que  M.  Thiers  évita 
»  d'en  appeler  à  l'Europe.  »  Un  autre  écrivain  très-judicieux,  M.  Valfrey,  avait 
signalé  le  même  fait  dans  son  Histoire  de  la  diplomatie  du  gouvernement  de  la 
défense  nationale.  «  Le  fait  caractéristique  de  la  procédure  de  M.  Thiers,  dit-il, 
»  est  de  n'avoir  pas  mis  les  puissances  au  courant  des  exigences  territoriales  de 
»  la  Prusse.  »  Les  deux  écrivains  se  montrent  très-surpris  de  cette  façon  d'agir 
et  n'hésitent  point  à  la  blâmer.  M.  S.  établit  qu'une  intervention  des  neutres,  en 
dépit  du  mécontentement  que  M.  de  Bismark  en  eût  ressenti,  n'aurait  point 
aggravé  les  conditions  de  paix.  M.  Valfrey,  même  pour  les  cessions  territoriales, 
est  d'avis  qu'une  autre  procédure  diplomatique  aurait  ramené  M.  de  Bismark  à 
des  conditions  plus  modérées  que  celles  qui  ont  prévalu  (I.  133).  L'histoire 
saura  sans  doute  quelle  réponse  M.  Thiers  réserve  à  ces  objections,  mais  nous 
essaierons  d'indiquer  une  explication  de  sa  manière  d'agir. 

Ce  fut  l'une  des  difficultés  les  moins  apparentes  et  peut-être  les  plus  réelles 
pour  notre  gouvernement,  lorsqu'il  engagea  les  négociations  de  paix,  de  déter- 
miner dans  quelle  mesure  et  dans  quel  sens  les  grandes  puissances  seraient 
disposées  à  faire  prévaloir  leur  influence  près  des  belligérants.  La  Prusse  avait 
dit  bien  haut  qu'elle  entendait  faire  la  paix  sans  médiateur,  et  tout  le  monde 
savait  dès  les  premiers  jours  de  la  guerre  à  quelles  conditions,  au  point  de  vue 
des  cessions  territoriales,  elle  traiterait  avec  nous.  Mais  rien  ne  nous  autorise  à 
penser  que  M.  de  Bismark  n'eût  pas  su  tirer  au  besoin  grand  profit  d'une  média- 
tion offerte  par  les  cabinets  sans  rien  céder  d'essentiel  sur  les  conditions  de  paix. 
Si  les  états  de  l'Europe  avaient  manifesté  la  préoccupation  de  maintenir  un 
certain  équilibre,  en  dépit  de  la  prépondérance  conquise  par  la  Prusse,  M.  de 
Bismark  eût  cherché  de  son  côté  le  moyen  de  garantir  la  durée  de  son  traité  de 
paix  avec  la  France.  Ces  deux  tendances  n'étaient  pas  sicontradictoires  qu'un  poli- 
tique habile  comme  le  ministre  prussien  n'eût  trouvé  le  moyen  de  les  concilier. 
Il  eût  suffi  pour  cela  de  répondre  aux  conseils  de  modération  qu'il  aurait  reçus 
de  Londres,  de  Vienne,  de  Pétersbourg,  en  réclamant  de  l'Europe  la 
garantie  de  la  paix  qu'il  nous  eût  imposée.  Or  il  y  avait  fort  à  craindre,  dans 
l'état  d'isolement  et  de  défiance  où  l'on  voyait  alors  les  grandes  puissances,  que 
M.  de  Bismark  n'obtînt  cette  précieuse  garantie  au  prix  de  très-minimes  conces- 
sions. Ainsi  la  défaite  de  la  France  eût  été  sanctionnée  par  l'Europe.  On  comprend 
donc  que  M.  Thiers,  qui  avait. vu  de  près  tous  les  hommes  d'état  de  l'Europe, 
n'ait  pas  voulu  laisser  faire  de  notre  abaissement  l'une  des  conditions  d'un  soi- 
disant  équilibre  européen.  Tous  les  peuples  ont  subi  des  défaites  et  traversé  des 
périodes  de  faiblesse  et  d'effacement.  Ceux-là  seuls  ont  mérité  de  tenir  une 
grande  place  dans  l'histoire  qui  n'ont  jamais  désespéré  de  leur  avenir.  Or,  c'eût 
été  désespérer  que  d'accepter,  sous  le  nom  de  paix  garantie  par  l'Europe,  une 
sorte  de  tutelle  honteuse  et  dégradante.  La  paix  de  Francfort  n'a  eu  d'autre 
sanction  que  la  force  :  —  Nous  ne  voyons  pas  quel  avantage  c'eût  été  pour  nous 
de  lui  donner  pour  sanction  un  verdict  européen,  à  moins  que  la  médiation  de 
l'Europe  nous  eût  sauvé  du  démembrement. 

Nous  n'avons  touché  qu'à  quelques  questions  et  nous  sommes  obligés  de  nous 


3l8  REVUE    CRITIQUE 

borner.  Le  livre  de  M.  S.  n'est  pas  seulement  une  histoire,  mais  un  traité  de 
diplomatie.  Il  expose  toutes  les  parties  d'une  négociation  de  telle  façon  qu'on  en 
comprenne  le  fort  et  le  faible.  On  trouve  parfois  qu'il  a  trop  de  confiance  dans 
cet  art  dont  il  connaît  à  fond  la  théorie  et  la  pratique.  L'infaillibilité  de  M.  de 
Bismark,  qu'il  est  si  facile  d'opposer  à  la  faiblesse  de  ses  adversaires,  a  surtout 
acquis  toute  sa  valeur  à  cause  de  M.  de  Moltke.  On  serait  tenté  de  penser  que 
M.  S.  l'oublie  à  certains  moments.  Mais,  quoiqu'il  en  soit,  le  livre  mérite  d'être 
étudié  sérieusement  et  il  atteste  la  profonde  compétence  de  M.  S.  dans  son 
enseignement  de  l'École  des  sciences  politiques.  Nous  ne  voulons  pas  terminer 
notre  appréciation  sans  recommander  la  lecture  de  deux  dissertations  très-instruc- 
tives, que  M.  S.  a  mises  en  appendice,  sur  le  maréchal  Niel  et  sur  une  comparaison 
des  événements  de  1806  et  de  1870.  On  y  verra  des  faits  qui  fortifient  singu- 
lièrement les  réflexions  très-sages  que  nos  désastres  ont  inspirées  à  M.  S.  sur  les 
conditions  d'existence  de  notre  pays. 

Van  den  Berg. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  publique  annuelle  du  $  novembre  1 87  5 . 

M.  Alfred  Maury,  président  de  l'académie,  prononce  un  discours  dans  lequel 
il  fait  connaître  les  prix  décernés  en  187$  et  les  sujets  de  prix  proposés. 

Les  prix  décernés  cette  année  ont  été  annoncés  par  la  Revue  critique,  187c, 
I  p.  399,  2  p.  II 1-2,  143-4,  159.  En  outre,  le  prix  Stanislas  Julien,  pour  le 
meilleur  ouvrage  relatif  à  la  Chine,  a  été  décerné  à  M.  James  Legge,  pour  son 
Recueil  des  classiques  chinois  avec  traduction  et  commentaire  en  anglais,  Hong- 
Kong,  1861-72,  gr.  in-80.  Aux  sujets  de  concours  déjà  annoncés  {Revue  critique, 
1873,  2,  p.  342,  et  1874,  2,  p.  383),  il  faut  ajouter  les  suivants'  :  —  Prix 
ordinaire  (2000  fr.)  :  —  1877  (concours  prorogé).  Histoire  de  la  piraterie  dans 
les  pays  méditerranéens  depuis  les  temps  les  plus  anciens  jusqu'à  la  fin  du  règne 
de  Constantin  le  Grand.  —  1878.  Traiter  un  point  quelconque  touchant  l'histoire 
de  la  civilisation  sous  le  Khalifat.  — Prix  Bordin  (3000  fr.)  :  —  1877  (concours 
prorogé).  RecueilHr  les  noms  des  dieux  mentionnés  dans  les  inscriptions  baby- 
loniennes et  assyriennes,  tracées  sur  les  statues,  bas-reliefs  des  palais,  cylindres, 
amulettes,  etc.,  et  tâcher  d'arriver  à  constituer,  par  le  rapprochement  de  ces 
textes,  un  panthéon  assyrien.  —  1878.  Etude  sur  les  Grandes  Chroniques  de 
France.  A  quelle  époque,  sous  quelles  influences,  et  par  qui  les  Grandes  Chroni- 
ques de  France  ont-elles  été  commencées .?  A  quelles  sources  les  éléments  en 
ont-ils  été  puisés  .?  Quelles  en  ont  été  les  rédactions  successives  ? 


1.  Les  mémoires  devront  être  déposés  au  secrétariat  de  l'institut,  le  3 1  décembre  1876, 
terme  de  rigueur,  pour  les  concours  de  1877,  et  le  3 1  décembre  1877,  terme  de  rigueur, 
pour  les  concours  de  1878. 


d'histoire  et  de  littérature.  319 

Dans  le  même  discours,  M.  Maury  indique  les  travaux  que  l'académie  a  reçus 
des  membres  des  écoles  françaises  d'Athènes  et  de  Rome.  M.  Collignon  a  dressé 
un  catalogue  des  vases  peints  du  musée  d'Athènes.  M.  Bayet  a  recueilli  les 
inscriptions  chrétiennes  de l'Attique.  M.  Bloch  a  fait  un  travail  sur  le  sénat  romain. 
M.  Riemann  a  entrepris  une  étude  sur  les  manuscrits  de  la  première  décade  de 
Tite-Live.  M.  Homolle  poursuit  des  recherches  sur  le  territoire  d'Ostie.  M.  l'abbé 
Duchesne  a  fait  un  travail  sur  le  Liber  pontificalis ;  M.  Clédat,  un  classement  des 
manuscrits  de  Bertrand  de  Born.  M.  Mùntz  a  commencé  un  livre  sur  l'histoire 
de  la  mosaïque  chrétienne  en  Italie. 

M.  Maury  termine  son  discours  en  exprimant  les  regrets  de  l'académie  pour 
la  perte  de  deux  de  ses  membres,  MM,  d'Avezac  et  Brunet  de  Presle,  qui  sont 
morts  depuis  la  dernière  séance  publique.  Enfin  il  proclame  officiellement,  au 
nom  de  l'académie,  les  noms  des  élèves  de  l'école  des  chartes  qui  ont  été 
nommés  archivistes  paléographes  pour  l'année  1875  (v.  Revue  critique,  187s, 
i,p.  158). 

M.  H.  Wallon,  secrétaire  perpétuel  de  l'académie,  lit  une  Notice  sur  la  vie  et 
les  travaux  de  Aignan-Stanislas  Julien,  membre  ordinaire  de  ^académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres.  Après  avoir  raconté  la  vie  de  Stanislas  Julien  '  jusqu'à  l'époque 
où  il  fut  nommé  professeur  de  chinois  au  collège  de  France  (1832),  puis  membre 
de  l'institut,  et  dit  comment,  doué  d^une  grande  ardeur  et  d'une  merveilleuse 
facilité  pour  l'étude  des  langues,  il  avait  appris  en  peu  de  temps  et  coup  sur 
coup  presque  toutes  les  langues  de  l'Europe  et  de  l'Asie,  M.  Wallon  s'attache  à 
faire  connaître  la  méthode  nouvelle  qu'il  a  introduite  dans  l'étude  du  chinois,  les 
découvertes  par  lesquelles  il  a  porté  la  lumière  dans  ce  langage  encore  très- 
obscur  avant  lui. 

Il  explique  comment  la  langue  chinoise  n'ayant  aucune  espèce  de  flexions,  ni 
pour  les  noms  ni  pour  les  verbes,  y  supplée  par  les  lois  d'une  syntaxe  rigou- 
reuse, qui  attribue  aux  mêmes  mots  des  valeurs  diverses  suivant  la  place  qu'ils 
occupent  dans  la  phrase.  Cette  syntaxe  avait  été  entrevue  par  les  sinologues 
antérieurs,  mais  Julien  en  a  le  premier  déterminé  les  lois,  et  par  là  il  a  pu  com- 
prendre et  traduire  avec  sûreté  un  grand  nombre  de  textes  réputés  avant  lui 
inabordables,  notamment  les  anciennes  poésies,  que  souvent  les  Chinois  même 
ne  pouvaient  expliquer.  —  Fier  des  résultats  de  sa  méthode,  il  la  jugea  si  néces- 
saire qu'il  ne  crut  pas  qu'on  pût  prétendre  désormais  s'en  passer.  Il  ne  put 
souffrir  que    d'autres  voulussent  se    hasarder   sans  lui  sur  un  terrain    dont 


I.  M.  Wallon  signale,  relativement  à  ses  prénoms,  un  fait  jusqu'ici  f)eu  connu.  Julien, 
le  sinologue,  était  né  à  Orléans  le  ij  avril  1797,  et  son  prénom  était  Noël;  Aignan- 
Stanislas  était  son  frère,  né  le  20  sept.  1799,  qui  fut  mécanicien,  partit  pour  l'Amérique 
à  l'âge  de  16  ou  17  ans,  et  ne  reparut  plus.  Noël  Julien  porta  ce  prénom  jusque  passé 
vingt  ans  :  «  Ce  fut  seulement  quand  il  publia  ses  premiers  livres  qu'il  les  signa  du  nom 
»  de  Stanislas,  le  trouvant  sans  doute  plus  sonore,  plus  large,  plus  imposant  :  en  telle 
»  sorte  qu'on  se  demande  s'il  n'aurait  pas  confondu  l'acte  de  naissance  de  son  frère  avec 
»  le  sien.  »  En  effet  dans  une  biographie  publiée  en  1834,  que  M.  Wallon  considère 
comme  une  autobiographie,  il  est  indiqué  comme  né  en  1799. 


3 20  REVUE   CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

il  se  sentait  si  bien  maître.  De  là  son  différend  si  vif  avec  M.  Pauthier, 
son  concurrent  malheureux  au  Collège  de  France  et  à  l'institut.  Pauthier  était 
de  ceux  qui  croyaient  «  que  l'interprétation  d'un  texte  chinois  n'était  que  l'art  de 
»  deviner  une  série  d'énigmes,  ou  la  mise  au  net  d'une  suite  d'images  indécises 
»  entre  lesquelles  le  traducteur  européen  devait  établir  une  liaison  qui  n'existait 
»  pas  en  chinois  »  ;  JuUen  qui  avait  montré  que  cette  liaison  existait  dans  les 
textes  et  enseigné  l'art  de  l'y  découvrir,  ne  pardonna  jamais  à  son  rival  d'avoir 
dédaigné  la  méthode  de  traduction  rigoureuse  dont  il  était  le  créateur,  et  d'avoir 
prétendu  mettre  au-dessus  un  procédé  qui  remplaçait  l'intelligence  exacte  des 
textes  par  une  sorte  de  divination  ingénieuse. 

Toutefois  ses  querelles  ne  furent  pas  sans  profit  pour  la  science.  Un  différend 
qu'il  eut  avec  l'arabisant  Reinaud  sur  la  géographie  indienne  l'amena  à  faire  des 
livres  chinois  relatifs  à  l'Inde  une  étude  approfondie,  d'où  il  tira  une  découverte 
des  plus  considérables,  sa  méthode  pour  déchiffrer  et  transcrire  les  noms  sanscrits 
qui  se  rencontrent  dans  les  livres  chinois.  —  Outre  ses  découvertes  philologiques, 
on  lui  doit  un  très-grand  nombre  de  traductions  du  chinois,  genre  de  travail 
qu'il  appréciait  beaucoup  plus  que  les  dissertations  les  plus  savantes.  Parmi 
celles  de  ces  œuvres  pour  lesquelles  il  a  montré  le  plus  de  goût,  et  qui  ont  rendu 
le  plus  de  services,  M.  Wallon  signale  ses  traductions  d'ouvrages  relatifs  aux 
industries  chinoises,  et  surtout  à  celles  de  la  soie  et  de  la  porcelaine.  Son  Résumé 
des  principaux  traités  chinois  sur  la  culture  des  mûriers  et  Véducation  des  vers  à  soie 
(1857),  fut  estimé  d'une  telle  importance  qu'en  très-peu  d'années  il  fut  traduit 
en  italien,  en  allemand,  en  anglais,  en  russe  et  en  grec  moderne.  —  Depuis  ses 
premiers  débuts  dans  les  études  chinoises,  Stanislas  Julien  s'y  attacha  vivement 
et  exclusivement.  «  Il  fut,  on  peut  le  dire,  l'homme  d'une  seule  chose».  Il 
n'appréciait  point  les  autres  études;  il  Cï*ut-à  pdrtie'âu'^'déchiffrement  des  hiéro- 
glyphes, et  point  du  tout  à  celui  des  inscriptions  en  caractères  cunéiformes.  Il 
donna  un  dernier  témoignage  de  son  attachement  aux  études  chinoises  dans  son 
testament,  par  lequel  il  légua  à  l'académie  des  inscriptions  une  rente  annuelle 
de  I  $00  fr.  pour  être  donnée  en  prix,  tous  les  ans,  au  meilleur  ouvrage  publié 
sur  la  Chine.  —  Il  mourut  le  14  février  1873,  et  fut  remplacé  à  l'académie  des 
inscriptions  par  M  j  Jules  Girard .  '  0  i  J  îri  1 H    H 1 T  HJ  ^1 U  S 

Le  programme  de  la  séance  annonçait  la  lecture  d'une  Explication  de  deux 
inscriptions  antiques  relatives  aux  historiens  Velleius  Paterculus  et  Arrien,  par  M.  Léon 
Renier.  M.  Renier  s'est  borné  à  lire  la  partie  de  son  travail  qui  se  rapportait  à 
Velleius  Paterculus.  C'est  la  communication  qu'il  avait  faite  à  l'académie  à  la 
séance  du  27  août  1875  (^^^"^  critique,  187^,  2,  p.  160). 

.,.ù  .uoiji  LL.         Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  .F.,  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


\ 


GiESEBRECHT,  Geschichtc  der  deutschen  Kaiserzeit.  i.  Bd.  4.  Aufl.  Braun- 
schweig,  Schwetschke  u.  Sohn.  In-8",  xlj-928  p.  (contient  quelques  additions). 

—  Faber,  a  systematical  digest  of  the  doctrines  of  Confucius.  Transi,  from  the 
German  of  P.  G.  v.  Môllendorf.  Hongkong.  London,  Trubner.  In-S",  viij- 
131  p.  —  'A^aixéiAvovoç  dcptŒTsia.   Das  zehnte  Lied  vom  Zorne  des  Achilleus 

nach  K.  Lachmann herausg.  v.  Benicken.  Gùtersloh,  Bertelsmann.  In-8", 

64  p.  ;  Benicken,  K.  Lachmann's  Vorschlag  im  10.  Liede  vom  Zorne  des  Achil- 
leus a  402-507  an  A  557  zu  fûgen als  richtig  erwiesen.  Ebd.  In-8°,  x-72  p. 

(n'emporte  pas  la  conviction).  —  Nâgavarma's  Canarese  Prosody,  éd.  by  Kittel. 
London,  Trubner.  In-8°,  lxxxij-160  p.  (travail  digne  des  précédents;  l'intro- 
duction contient  des  détails  sur  Pouvrage  de  Nâgavarma  et  un  essai  sur  la  litté- 
rature Canara).  —  The  Vikramânkadevacharita composed  by  his  Vidyâpati 

Bilhana.  Ed.  with  an  Introd.  by  G.  Bùhler.  Bombay,  Government  Central 
Book  Depot.  In-S"*,  46-168  p.  (importante  publication;  l'auteur  hindou  vivait 
à  la  cour  de  Vikramânka,  dans  la  seconde  moitié  du  1 1*"  s.  ;  son  ouvrage  retrace 
l'histoire  de  trois  princes  de  la  dynastie  Câlukya,  qui  régna  au  1 1^  s.  dans  le 
Dekhan).  —  Klein,  Geschichte  aes  Drama's.  XI.  i.  Das  spanische  Drama. 
4.  Bd.  I.  Abth.  Leipzig,  Weigel.  In-8°,  581  p.  (le  style  de  l'auteur  est  tel  que 
le  signataire  de  l'article  a  dû  fermer  le  livre  après  en  avoir  lu  une  demi-douzaine 
de  pages).  —  Mitford,  Geschichten  aus  Alt-Japan.  Aus  d.  Engl.  ûbers.  v.  J.  G. 
KoHL.'  2  Bde.  Leipzig,  Grunow.  In-8",  xxxj-319;  308  p.  —  Bursian,  Ueber 
den  religiôsen  Charakter  des  griechischen  Mythos.  Mûnchen,  Franz  in  Comm. 
In-4°,  27  p.  (pour  l'auteur,  les  mythes  grecs  se  sont  formés  par  l'attribution  des 
phénomènes  natqrels  à  l'action  de  divinités  personnelles).  —  Lilienfeld,  Die 
antike  Kunst.  Magdeburg,  Baensch.  In-8°,  xij-184  p.  (sans  valeur). 

The  Indian  Antiquary,  Ed.  by  Jas.  Burgess.  Part XLVII (vol.  IV).  October, 
187$.  Eight  Arabie  and  Persian  Inscriptions  from  Ahmadâbâd  (H.  Blochmann). 

—  Biography  of  Jellâl-al-Din  Rûmi  (E.  Rehatsek).  —  On  the  Age  and  Country 
of  Bidyâpati  (John  Beames).  —  Archaeological  Notes  (J.  Walhouse).  —  Notes 
on  the  Antiquities  found  in  Parts  of  upper  Godâvari  and  Krischna  Districts.  — 
Progress  of  Oriental  Research,  1874-75.  —  Correspondence  and  Miscellanea. 
Malabar  Christians  (Richard  Collins).  —  Report  on  Sanskrit  Mss.  (G.  Bùhler). 

—  Sufi  Manzals.  —  Cape  Comorin  or  Kumârî.  —  Religious  Harmony  in  Jhelam 
District.  —  Albîrûnî  on  the  Déluge.  —  Book  Notices.  Census  of  the  Bombay 
Presidency.  —  The  Principles  of  Comparative  Philology,  by  A.  H.  Sayce. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


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annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
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et  maritimes,  notices  et  documents  statis- 
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ticismus  vom  IdeaJistischen  Standpunkte. 
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liminaire sur  les  antiquités  antérieures 
aux  Romains  dans  le  département  des 
Alpes-Maritimes.  In-8',  14  p.  Nice(imp. 
Caisson  et  Mignon). 

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contemporaine  en  Russie.  In-) 8  Jésus, 
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tina  collecta  nuncque  primum  edit.  T.  4. 
Fasc.  3.  In-4°,  p.  161-240.  Paris  (Durand 
et  Pedone-Lauriel). 

Duboin  (E.).  La  Muraille  de  César.  Les 
AUobroges  et  l'émigration  des  Helvètes. 
A  propres  de  vestiges  romains  découverts 
près  de  Chancy.  In-S»,  32  p.  Saint-Julien 
(imp.  Mariatj. 

Du  Chatellier  (A.).  Correspondance  de 
François  Watrin,  adjudant  général  de 
Hoche  pendant  les  guerres  de  la  Vendée 
(documents  inédits).  In-B»,  100  p.  Paris 
(Dumoulin). 

Dupré-Lasale  (E.).  Michel  de  l'Hospital 
avant  son  élévation  au  poste  de  chance- 
lier de  France.  150^-1^58.  In-8°,  370  p. 
Paris  (Thorin). 

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germanischen  und  romanischen  Sprachen 
vergleichend  zusammengestellt.  2.  Bd. 
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dissertatio  etymologica  I  et  II  1.  In-8*. 
Leipzig  (Voss).  6  fr.  75 

Enquête  parlementaire  sur  les  actes  de  la 
Défense  nationale.  Assemblée  nationale. 
Rapports.  VII.  Rapport  de  M.  Perrot 
sur  les  actes  militaires  du  gouvernement 
de  la  Défense  nationale  en  province 
(2'  partie.  Expédition  de  l'Est.  In-4°, 
812  p.  Paris  (G.  Baillière).  15  fr. 

Freudenthal  (J.).  HellenistischeStudien. 
î.  u.  2.  Heft.  :  Alexander  Polyhistor  u. 
die  V.  ihm  erhaltenen  Reste  judaïscher  u. 
samaritan.  Geschichtsv^erke.  In-8*,  239  S. 
Breslau  (Skutsch).  8  fr. 

Hozier  (J.-F.  d').  L'Impôt  du  sang,  ou  la 
noblesse  de  France  sur  les  champs  de 
bataille,  publié  par  L.  Paris,  sur  le  ma- 
nuscrit unique  de  la  Bibliothèque  du 
Louvre,   brûlé  dans  la   nuit  du  23   au 


24  mai  1871,  sous  le  règne  de  la  Com- 
mune. T.  I.  2®  partie.  In-S",  320  p. 
Paris  (Techener).  6  fr. 

Juliani  imperatoris  quae  supersunt  prae- 
ter  reliquias  apud  Cyrillum  omnia.  Rec. 
F.C.  Hertlein.  Vol.  I.  In-8-,  viij-432  p. 
Leipzig  (Teubner).  6  fr. 

Kollerjffy  (M.  v.).  Ortslexicon  der  Laender 
der  ungarischen  Krone  mit  Rùcksicht  auf 
die  verschiedenen  Zweige  der  Verwaltg. 
Mit  Benùtzg.  der  neuesten  amtl.  Daten. 
Gr.  in-8*,  iv-1152  S.  Leipzig  (Haenel). 

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Lallier  (R.).  De  la  condition  de  la  femme 
dans  la  famille  athénienne  au  V*  et  au 
VI'  siècle.  In-80,  299  p.  Paris  (Thorin). 

Lamartine.  Correspondance,  publiée  par 
M""  V.  de  Lamartine.  T.  5.  1834-1841. 
In-8°,  595  p.  Paris  (Furne,Jouvet  et  C*). 

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pour  la  première  fois  sur  le  manuscrit 
autographedu  poète  avec  une  introduction 
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265  p.  Paris  (Lemerfe).  7  fr.  50 

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formes inédits  ou  incbmplétement  publiés 
jusqu'à  ce  jour.  3*  fascicule.  In-4',  161- 
270  p.  Paris  (Maisonneuve  et  C). 

L^Epinois  (H.  de).  Les  Catacombes  de 
Rome,  notes  pour  servir  de  complément 
aux  cours  d'archéologie  chrétienne,  avec 
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bibliogr.).  2  fr.  50 

Meaume  (G.-E.).  Les  Assises  de  l'an- 
cienne chevalerie  lorraine.  In-8%  73  p. 
Nancy  (Wiener). 

Moulenq  (F.).  La  Justice  au  XVII*  siècle, 
épisode  de  l'histoire  d'Auvillars.  In-S", 
92  p.  Agen  (imp.  Noubel). 

Mûller  (L.).  De  Phaedri  et  Aviani  fabulis 
libellus.  In-8o,  iij-34  p.  Leipzig  (Teubner). 

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Petit  de  Julleville  (L. ).  Histoire 
grecque.  In-12,  310  p.  Paris  (Lemerre). 

Thoemes  (N.).  Divi  Thomae  Aquinatis 
opéra  et  praecepta ,  quid  valeant  ad  res 
ecclesiasticas  politicas  sociales.  Pars  I. 
In-8",  I  so  p.  Berlin  (Putkammer  et  M.). 

4fr. 

Valeri  flacci  Setini  Balbi  (C).  Argonau- 
ticon  Libri  VIII.  Recogn.  A.  Baehrens. 
In-80,  lx-i8o  p.  Leipzig  (Teubner).  2  tr. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"  47  Neuvième  année.  20  Novembre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

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67,  rue  Richelieu. 

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çt  annoté  par  C.  Huart.  5  fr.  50 


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L'Afrique  équatoriale.  Paris,  Pion  (Richard  F.  Burton  :  article  défavorable). 
—  Sayous,  Les  Origines  de  l'Époque  païenne  de  l'Histoire  des  Hongrois.  Paris, 
E.  Leroux  (Arthur  J.  Patterson;  cf.  Rev.  crit.,  1874,  ^U  P-  298).  —  Chro- 
nicon  Angliae  ab  A.  D.  1328  usque  ad  Annum  1 388,  auctore  monacho  quodam 
Sancti  Albani.  Ed.  by  E.  M.  Thompson.  Rolls  Séries  (C.  W.  Boase  :  excellente 
édition;  le  ms.  a  été  découvert  par  l'éditeur  au  British  Muséum).  — The  English 
Colonies  during  the  Seventeenth  Century  (deux  documents,  l'un  sur  la  traite  des 
blancs,  l'autre  sur  la  révolte  de  Bacon  en  Virginie).  —  Correspondence.  The 
Judge  who  Commited  prince  Henry  (Cléments  R.  Markham).  — Michel  Angelo's 
«  Création  of  Adam  »  (William  B.  Scott).  —  Roby,  A  Grammar  of  the  Latin 
Language  from  Plautusto  Suetonius.  Part  IL  London,  Macmillan  (H.  Nettle- 
SHip  :  cette  partie  traite  de  la  syntaxe;  l'auteur  s'y  montre  original  ;  les  exemples 
sont  abondants  et  bien  choisis). 

The  Athenœum,  n**2$o$,  30  octobre.  Hepworth  Dixon,  While  Conquest. 
2  vols.  Chatto  and  Windus  (très-intéressant  ouvrage  sur  les  États-Unis).  —  A. 
Ch.  Ewald,  The  Life  and  Times  of  the  Prince  Charles  Stuart,  Count  of  Albany, 
commonly  called  the  young  Prétendant.  2  vols.  Chapman  and  Hall  (contient 
quelques  détails  nouveaux,  empruntés  à  des  documents  officiels  et  autres).  — 
Records  ofthe  Past.  Vols  IV,  V.  Bagster  and  Sons  (monuments  littéraires  égyp- 
tiens et  assyriens  traduits  par  les  principaux  égyptologues  et  assyriologues).  — 
CuNNiNGHAM,  Report  for  the  Year  1872- 187  3  on  the  Archaeological  Survey  of 
India.  Calcutta,  Government  P-rinting  Office  (c'est  le  V^  volume  :  il  contient, 
comme  les  précédents,  une  abondance  de  faits  et  d'observations;  ces  rapports 
placent  M.  Cunningham  au  premier  rang  parmi  les  archéologues  orientalistes; 
on  en  regrette  la  forme  un  peu  trop  sèche).  —  Gaelic  Word  in  Shakspeare.  II 
(Walter  W.  Skeat  :  continue  sa  critique  du  travail  de  M.  Mackay).  —  The 
Alban  Lake  (James  Young  :  décrit  les  travaux  qu'y  avaient  exécutés  les  Romains 
pour  en  utiliser  les  eaux).  —  Moorish  Antiquities  (Trovey  Blacmore  :  publie  la 
traduction  faite  par  M.  Rieu  des  inscriptions  découvertes  dans  le  mausolée  des 
Beni-Merin  à  Shella,  près  de  Rabat,  cf.  VAîhenmm  du  18  septembre).  — 
Miscellanea.  —  Mich.  —  Tirret  (C.  Godwin). 

Literarisches  Gentralblatt,  n"  44,  30  octobre.  Arnobii  ad  versus  nationes 
libri  VII,  recens,  et  commentario  instruxit  Reifferscheid.  Wien,  Gerold's  S. 
In-8°,  xviij-3  52  p.  (cette  édition  marque  un  progrès  considérable  dans  la  critique 
du  texte  d'Arnobe).  —  Draper,  Geschichte  der  Conflicte  zwischen  Religion  und 
Wissenschaft.  Leipzig,  Brockhaus.  In-8°,  xxiv-383  p.  (bonne  traduction  de  ce 
très-intéressant  ouvrage  anglais).  —  Mehlis,  Studien  zur  aeltesten  Geschichte  der 
Rheinlande.  i.  Abth.  Leipzig,  Duncker  u.  Humblot.  In-8%  ix-75  P-  (l'auteur 
est  bien  aventureux,  et  ne  fait  pas  preuve  en  un  sujet  aussi  délicat  de  la  minutie 
et  de  la  sûreté  d'érudition  voulues).  —  Celestin  ,  Russland  seit  Aufhebung  der 
Leibeigenschaft.  Laibach,  v.  Kleinmayr  u.  Bamberg.  In-8°,  388  p.  (ouvrage 
instructif  et  d'une  lecture  agréable).  —  Zeitschrift  fur  Deutsches  Alterthum  und 
Deutsche  Litteratur.  Unter  Mitwirkung  von  K.  Mûllenhof  u.  W.  Scherer. 
Herausg.  v.  E.  Steinmeyer.  Neue  Folge.  VII.  Bd.  i.  Heft.  Berlin,  Weidmann. 
In-8°,  112,  64  p.  (paraît  maintenant  tous  les  trois  mois).  — Bernays,  Der 
junge  Goethe.  3  Theile.  Leipzig,  Hirzel.  In-8'',  xcviij-41 1  ;  507;  720  p.  (lettres 
et  poésies  de  Goethe,  depuis  1764  jusqu'à  1776;  h  Revue  crit.  appréciera  bientôt 
cet  ouvrage).  —  Oppert,  L'étalon  des  augures  assyriennes.  Extrait  du  Journal 
asiatique  (les  résultats  de  ce  travail  paraissent  définitifs).  —  Klon  Stephanos, 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  47  —  20  Novembre  —  1875 

Sommaire  :  220.  Dobree,  Remarques  critiques,  p.  p.  Wagner.  —  221.  Lucrèce,  De 
la  Nature  des  Choses,  p.  p.  Bockemuller.  —  222.  Hahn,  Grammaire  du  vieux  haut- 
allemand,  p.  p.  Jeitteles,  4*  éd.;  Braune,  Chrestomathie  de  vieux  haut-allemand. 
—  223.  La  Chronique  de  Flersheim,  p.  p.  Walz.  —  224.  Dorange,  Catalogue  des 
Mss.  de  la  bibliothèque  de  Tours.  —  225.  Schuré,  Le  Drame  musical.  —  Sociétés 
savantes  :  Académie  des  inscriptions. 


220.  —  Pétri  Pauli  Dobree  adversaria  critica.  Editio  inGermania  prima  cum 
praefatione  Guilelmi  Wagneri.  Berolini,  S.  Calvary,  1874- 187 5.  5  vol.  in-8°,  I,  xij 
et  352  p.  ;  II,  220  p.  ;  III,  147  p.  ;  IV,  298  p.  ;  V,  63  p.  —  Prix  :  (6  fr. 

Dobree  (Pierre-Paul)  né  dans  l'île  de  Guernesey  en  1783,  fut  fellow  du  Trinity 
Collège  à  Cambridge  et  ami  intime  de  Porson.  Il  édita  en  1820  le  Piutus  d'Aris- 
tophane avec  les  remarques  de  Porson  et  les  siennes,  et  il  procura  en  1822 
l'édition  du  Lexique  de  Photius  que  Porson  avait  préparée.  Il  fut  nommé  profes- 
seur de  grec  à  Cambridge  en  1823  et  mourut  le  24  septembre  1825.  Il  laissait 
dans  ses  papiers  un  très-grand  nombre  de  remarques  critiques  sur  les  classiques 
grecs.  Elles  furent  publiées  par  son  ami  J.  Scholefield,  à  Cambridge,  en  1831, 
sous  le  titre  de  Pétri  Pauli  Dobree  adversaria  critica.  Elles  placent  leur  auteur  au 
premier  rang  des  hellénistes.  M.  Wagner,  qui  a  conseillé  cette  réimpression  et 
qui  y  a  présidé,  semble  même  placer  Dobree  au-dessus  de  Porson  :  «  ne  que 
))  tamen  dixerim  »  dit-il  dans  sa  préface  p.  iv,  «  Dobraeum  ad  solius  Porsoni 
»  exemplum  se  totum  fmxisse  atque  formasse,  sed  ut  ingénue  fatear,  videtur  mihi 
»  Porsoni  timidam  quandam  sapientiam  cautionemque  haud  iniuria  abiecisse  et 
»  in  re  critica  factitanda  ipsum  magistrum  audacia  superasse.  Quod  non  sum 
»  nescius  Britannis  longe  aliter  videri  hominibus  plerumque  cautissimis  nimiaque 

»  anxietate  vulgatas  quas  dicunt  lectiones  conservantibus Itaque  Porsonus 

»  maior  fortasse  fuisset  si  nonnumquamaudaciae  indulgere  voluisset,  sed  itacaute 
»  vestigia  ponere  solet,  ut  errores  vix  commiserit.  Quid!  nonne  magnum  est  taies 
»  errores  committere  quales  sunt  Bentlei .?....  semper  fere  credimus  Porsono 
»  summamque  eius  diligentiam  et  circumspectam  cautionem  laudamus;  per- 
»  saepe  non  persuadet  nobis  Bentleius,  at  critices  rationem  ab  hoc  potiusdiscimus 
»  quam  ab  illo.  » 

Nous  ne  pouvons  être  de  l'avis  de  M.  Wagner:  Bentley  est  un  critique  plus 
ligne  d'admiration  que  d'imitation.  Il  avait  infiniment  d'esprit  et  de  lecture, 
'mais  moins  de  goût  et  de  jugement.  La  circonspection  que  M.  Wagner  reproche 
à  Porson  me  paraît  précisément  une  des  marques  les  plus  évidentes  de  son  génie. 
Quoi  de  plus  fort  que  de  ne  pas  abuser  de  sa  force  !  Quoi  de  plus  grand  et  de 
plus  rare  que  de  ne  pas  avoir  les  défauts  de  ses  qualités  et  de  réunir  des  mérites 
aussi  difficilement  compatibles  que  le  bon  sens  et  la  pénétration  !  Au  reste  je 
XVI  -  21 


322  REVUE    CRITIQUE 

puis  invoquer  l'autorité  d'un  homme  qui  peut  être  nommé  à  côté  de  Bentley 
et  de  Porson;  M.  Madvig  dit  en  parlant  de  la  critique  (^Adv^rsaria,  i,  124)  : 
«  Eam  artem  etsi  non  praeceptis  comprehensam  quidam  naturali  quadam  pru- 
dentia  tenuerunt  velut  Richardus  Porsonus,  etsi  in  uno  fere  Graecorum  scriptorum 
génère  ingenium  exercuit,  alii,  qui  magni  critici  haberi  soient,  aut  ex  aliqua  parte 
saepe  eam  violarunt,  ut  Bentleius  in  mendis  coarguendis  et  in  suspicione  con- 
tinenda^,  aut  prorsus  ea  caruerunt;,  ut  G.  Hermannus,  qui  non  maximum  numerum 
bonarum  emendationum  obruit  innumerabili  inanium  et  levium  opinionum  festi- 
nanter  iactarum  multitudine.  » 

Charles  Thurot. 


221.  — T.  LucRETi  Cari  De  rerum  natura  libri  sex,  redigirt  und  erkiaert  von 
Friedrich  Bockemuller.  Gedruckt  als  Handschrift.  Stade,  Verlag  v.  Fr.  Steudei  sen. 
1873  (1.  I  et  II),  1874  (1.  III-Vl).  2  vol.  in-8'  (1.  I  à  III  et  IV  à  VI),  255  et  279  p. 

Il  faut  du  courage  pour  faire  une  nouvelle  édition  de  Lucrèce,  en  Allemagne, 
du  moins,  dans  la  patrie  de  Lachmann.  Et  cependant,  en  voici  deux  en  peu  de 
temps;  une  qui  est  annoncée  pour  paraître  prochainement,  de  M.  Brieger';  et 
une  autre  qui  a  vu  le  jour  l'année  dernière,  celle  dont  le  titre  figure  en  tête  de 
ces  lignes.  M.  Brieger  est  aujourd'hui  un  des  savants  les  mieux  qualifiés  pour  ce 
travail;  ses  études  sur  Lucrèce  dans  le  Philologus,  et  ailleurs,  l'ont  prouvé.  Au 
contraire,  ceux  qui  avaient  lu  l'opuscule  intitulé  :  Lncretiana  quae  scripslt  Fr. 
Bockemuellerus  (Stade,  1869),  et  un  article  des  Grenzboîen,  1869,  signé  Fr.  B.^, 
ne  pouvaient  pas  augurer  aussi  favorablement  d'une  édition  de  Lucrèce  faite 
par  M.  B.  Et,  en  effet,  cette  édition  est  loin  de  marquer  un  progrès  dans  la 
science  ? . 

Le  texte  de  Lucrèce  «  rédigé  »  par  M.  B.  est  un  texte  remarquable,  cela  est 
vrai,  par  sa  nouveauté.  On  y  compte  par  centaines  les  mots  que  M.  B.  a  cru 
devoir  corriger  4  et  les  passages  où  il  a  élagué  ou  transposé  un  ou  plusieurs  vers. 
Mais  parmi  plus  de  mille  corrections,  il  en  est  bien  peu  qui  soutiennent  un 
examen  attentif,  pas  plus  d'une  quinzaine  qu'on  pourrait  songer  à  adopter,  et 
quatre  ou  cinq  qui  sont  à  peu  près  évidentes  5.  La  grande  majorité  est  de  la  nature 


1.  Mittheilungen  der  Veriagsbuchhandiung  B.  G.  Teubner.  1875.  N*  4,  p.  55. 

2.  Ein  Zeitgenosse  Julius  Ca?sars  (Grenzboten.  1869.  T.  II,  p.  129  suiv.). 

?.  M.  B.  dit,  il  est  vrai  (Lose  Blaetter,  N*  1,  zu  Lucrez,  p.  3),  qu'il  n'a  pas  voulu 
donner  une  édition  de  Lucrèce  dans  l'acception  ordinaire  de  ce  mot;  il  fait  profession 
d'avoir  offert  au  public  seulement  :  'i»  des  matériaux  pour  une  édition  à  venir;  2°  le  texte 
de  Lucrèce  rétabli,  avec  preuves  à  l'appui  ;  3°  un  commentaire  suivi,  divisé  par  chapitres. 
Mais  qu'est-ce  donc  que  le  texte  d'un  auteur,  revu  et  accompagné  d'un  commentaire,  si 
ce  n'est  une  édition  dans  l'acception  ordinaire  du  mot? 

4.  J'avais  noté  environ  1060  corrections  que  M.  B.  paraissait  donner  comme  étant 
de  lui.  Mais  j'ai  vu  qu'il  y  en  avait  plusieurs  qui  avaient  déjà  été  proposées  par  d'autres. 

5.  I  450  (Lachm.)  hamni;  II  92  modoque  (p.  modoquesî);  617  ullam  (p.  muam)\  802 
coruscat;  812  cum  nigrum;  III  41 5  splendeat;  -jjS  et  spedare;  702  dispertita  rétro,  le  v.  702 
devant  précéder  le  701  ;  IV  406  ibi;  957  satur  ac;  V  697  et  eo  (seulement,  il  fallait  expli- 
quer eo  =  ideo)-j  1360  durarunt;  VI  8$  qui  fiant;  498  uideas. 


d'histoire  et  de  littérature.  323 

de  celles,  absolument  inutiles  ou  inadmissibles,  qui  se  présentent  à  l'esprit  la 
première  fois  qu'on  lit  un  auteur,  sans  connaître  ni  son  style  ni  sa  manière  de 
penser.  Enfin,  il  y  en  a  une  multitude  par  lesquelles  M.  B.  attribue  à  Lucrèce 
des  expressions  qui  ne  sont  pas  latines,  ou  des  idées  si  bizarres,  qu'on  se  demande 
quel  auteur  aurait  songé  à  les  énoncer  en  n'importe  quelle  langue".  —  M.  B. 
eût  peut-être  échappé  à  ces  reproches,  si,  à  défaut  d'un  certain  tact  critique,  il 
avait  au  moins  de  la  méthode  ;  s'il  fondait  sa  critique  (et  son  interprétation)  sur 
l'observation  lexicographique ,  grammaticale,  métrique,  etc. 3;  s'il  essayait  de 
justifier,  aux  yeux  de  la  raison  et  du  bon  sens,  les  opérations  auxquelles  il  sou- 
met le  texte;  s'il  se  rappelait  que  la  critique  peut  bien  rarement  trancher  les 
questions,  qu'elle  est,  comme  toute  science,  et  plus  que  toute  autre  science,  une 
espèce  de  calcul  des  probabilités.  Mais  bien  loin  de  là,  M.  B.  semble  se  défier 
de  l'observation,  ou  la  mépriser 3;  il  ne  doute  jamais;  il  affirme,  et  quand  il 
donne  des  raisons,  ce  sont  trop  souvent  encore  des  affirmations  qui  ont  besoin 
de  preuve  à  leur  tour  4. 

Les  vers  sont  éliminés  ou  transposés  avec  non  moins  d'arbitraire.  Il  n'y  a  nul 
doute  que  Lucrèce  n'a  pas  terminé  son  poème,  et  que  bien  des  passages  n'occu- 
pent pas  la  place  oh  Lucrèce  les  aurait  rangés,  s'il  avait  pu  y  mettre  la  dernière 
main  ;  il  y  en  a  même  qui  ne  trouvent  leur  place  nulle  part  dans  le  poème  tel  que 
nous  le  possédons.  Tout  le  monde  est  d'accord  là-dessus  depuis  Lachmann. 
Mais  cela  ne  suffit  pas  à  M.  B.  Il  prétend  savoir  dans  quelle  année  chaque  mor- 

1.  En  voici  un  très-petit  choix  :  I  476  turgidulus  p.  durateus  {equus  Troianus);  II  173 

blandrter  (adv.);  934  hune  (sensum) non  fieri  partum  («  partie.  »)  :  «  que  cette  sensa- 

»  tion  ne  prend  pas  naissance;  »  III  460  in  munis  (corrigé  par  M.  B.  pour  inmanis)  : 
«  muniorum,  gén,  de  munia,  est  attesté;  l'abl.  munis  ne  l'est  pas  ailleurs  qu'ici;  mais 
»  l'impropriété  de  i'épithète  inmanis  appliquée  à  morbos  est  une  espèce  de  preuve  (bat  ihre 
»  Beweiskraft!)  »;  IV  123  suiv.  quaecumqut  ...  expirant  ...  absinthia  ...  hahrotoniquc  ..., 
horum  fp.  quorum)  unum  ...  si  forte  ciebis  (p.  duobus)  !  «  que  de  choses  l'absinthe  et  i'aurone 
»  exhalent!  »  662  pena  erant  (p.  pénétrant)  :  «  restaient  en  réserve,  comme  provision; 
»  pena,  piur.  de  penum,  qui  est  fréquent  à  tous  les  cas  du  singulier  »;  843  manu  pugnea 
«  avec  la  main  qui  fait  le  poing  »;  V  50  M.  B.  prouve  que  Lucrèce  ne  peut  pas  avoir 
parlé  des  oiseaux  du  Stymphale,  puis  il  corrige  tymphala  cokntcs  (mss.)  en  tum  prata  co- 
lentes;  300  esi  (p.  ei)  exitium  «  l'épuisement  de  l'huile  de  lampe  »;  <  cjum  =:  combustible, 
»  VJrg.  Mn.  V  683  »  {lentusque  carinas  \  est  uapor);  436  molisque  cohum  ortae  p.  molis- 
que  coortae.  VI  1096  ea  cum  casu  sunt  corte  (p.  forte)  coorta  :  a  carte  =  cohorte^  en  masse 
»  compacte  ». 

2.  Il  n'aurait  pas  l'idée,  p.  ex.,  en  introduisant  dans  le  texte  de  Lucrèce  rébus  ab  (IV 
91),  tempore  in  (IV  794),  et  plusieurs  tournures  pareilles,  de  se  demander  quelles  règles 
Lucrèce  observe  dans  l'emploi  de  cette  figure.  Il  ne  paraît  pas  seulement  se  servir  d'un 
index  uerborum  :  «  je  n'ai  pas  remarqué,  dit-il  (es  ist  mir  nicht  aufgetallen) ,  que  Lucrèce 
»  emploie  les  mots  elementa  ei  figurae  pour  désigner  les  atomes  dans  le  1.  I  »  (I,  109, 
note). 

3 .  IV  740  animalis  :  «  Il  serait  étrange  qu'il  n'eût  pas  été  permis  à  Lucrèce  d'employer 
»  au  singulier  un  des  mots  les  plus  usités  »  (mss.  anima,  Lamb.  animalis,  Munro  ani- 
mantis,  parce  que  Lucrèce,  en  effet,  n'emploie  qu'une  seule  fois  animal,  et  huit  fois  ani- 
mans)\  etc. 

4.  il  323  «  magno  cursu  avait  peut-être  une  acception  technique  spéciale  ».  404  \t  le 
»  mot  uidere  peut  désigner  n'importe  quelle  perception  des  sens  chez  Lucrèce  ».  V  260 
«  edens  (p.  ergo),  sous-ent.  partu,  comme  c'est  le  cas  fréquemment  chez  les  poètes  ».  6jo 
«  ingenti  ne  peut  pas  servir  d'épithète  à  caligine  chez  un  poète  tel  que  Lucrèce  ».  VI 52 
«  iaciunt  animos  peut  se  dire,  comme  on  dit  :  Mcmmius  iacet  ». 


324  REVUE   CRITIQUE 

ceau  a  été  composé;  combien  de  fois  Lucrèce  a  remis  son  poème  sur  le  métier; 
quels  vers  il  a  ajoutés  ou  retranchés  à  chaque  fois  '  ;  enfin,  quelle  était,  dans  la 
pensée  de  l'auteur,  la  forme  que  devait  adopter  définitivement  l'ensemble  et 
chacune  des  parties  de  son  œuvre.  C'est  pour  nous  la  présenter  sous  cette  forme 
que  M.  B.  procède  aux  dislocations  les  plus  surprenantes 2.  Il  a  un  cadre  tout 
fait,  d'après  des  vues  trop  systématiques  sur  le  plan  du  poème  et  la  distribution 
des  matières,  et,  de  gré  ou  de  force,  il  fait  tout  rentrer  dans  ce  cadre,  même 
les  morceaux  dont  il  est  prouvé  jusqu'à  l'évidence  que  Lucrèce  ne  leur  avait  pas 
encore  trouvé  de  place?.  Néanmoins,  c'est  peut-être  le  principal  mérite  de 
l'ouvrage  de  M.  B.,  d'attirer  l'attention  du  lecteur  sur  les  divisions,  les  transi- 
tions, les  récapitulations,  en  un  mot  sur  les  indices  de  l'ordre  adopté  par  Lucrèce; 
et  pour  ceux  qui  ne  le  suivront  pas  dans  ses  tours  de  force  critiques ,  il  aura 
réussi  tout  au  moins  à  révéler  dans  le  texte  de  Lucrèce  encore  plus  d'incohé- 
rence qu'on  n'en  avait  déjà  reconnu.  C'est  quelque  chose  de  constater  le  mal, 
lors  même  qu'il  n'y  aurait  pas  de  remède  4. 

L'  «  explication  «  de  Lucrèce  offerte  par  M.  B.  se  réduit  à  fort  peu  de  chose. 
On  vient  de  voir  qu'il  s'applique  particulièrement  à  rendre  compte  du  plan  du 
poème  et  de  l'enchaînement  des  idées;  il  faut  lui  en  savoir  gré,  tout  en  regret- 
tant les  excès  oîi  cette  préoccupation  très-légitime  l'a  poussé.  Mais  à  part  cela, 
l'interprétation  de  M.  B.  n'est  guère  qu'une  espèce  de  paraphrase  dont  il  serait 
difficile  de  concevoir  l'utilité  5,  pour  ne  rien  dire  de  certaines  erreurs  trop  mani- 
festes 6.  Quelques  notes,  éparses  çà  et  là,  relatives  aux  antiquités,  sont  tirées  de 
Guhl  et  Koner7.  Très-peu  de  chose,  nous  l'avons  dit,  sur  la  grammaire,  le  style, 
la  versification  de  Lucrèce.  Presque  rien  sur  la  philosophie  épicurienne.  M.  B. 

1.  Memmius  joue  un  grand  rôle  dans  tout  cela.  Or  rien  ne  prouve  que  le  Memmius 
de  Lucrèce  soit  celui  que  M.  B.  a  en  vue,  le  préteur  de  Bithynie  de  l'an  57.  C'est  pos- 
sible, voilà  tout  ce  qu'on  peut  affirmer. 

2,  Ainsi,  dans  le  1.  III,  où  il  est  vrai  que  les  arguments  contre  l'immortalité  sont  accu- 
mulés sans  beaucoup  d'ordre,  ils  ont  dû  presque  tous  changer  de  place,  sans  que  l'en- 
chaînement logique  y  ait  sensiblement  gagné.  Il  en  est  de  même  de  la  seconde  partie  du 
I.  VI,  oili  M.  B.  établit  deux  catégories  de  phénomènes,  terribilia  et  mirabilia.  Ceci  est 
encore  assez  indifférent.  Mais  l'histoire  du  monde  au  1.  V  est  véritablement  bouleversée. 
Enfin,  c'est  dans  d'innombrables  transpositions  de  fragments  moins  étendus  que  le  poème 
a  le  plus  souffert,  chacune  de  ces  transpositions  ayant  nécessité  la  transformation  d'un 
ou  plusieurs  vers. 

5.  II  167-183,  vers  que  M.  B.  trouve  tout  à  fait  à  leur  place  entre  166  et  184;  IV 
822  suiv.,  etc. 

4.  M.  B.  paraît  cependant  avoir  trouvé  le  remède  en  quelques  endroits;  ainsi,  quand 
il  place  les  v.  205  à  207  du  1.  I  après  214  (cf.  Stuerenburg,  de  carminis  Lucr.  1. 1.  Lips. 
1874,  p.  23  suiv.);  de  même  I  885  herbis  quoque  saepc decebat,  \  884  cum  lapidi  in  lapidem 
terimusj  manare  cruorem  ;  etc. 

5.  Je  prends  au  hasard  :  II  71 1  nam,  car  —  sua  cuique  corpora^  les  atomes  convenables 
à  chaque  organisme  passent  —  ex  omnibus,  de  tous  les  aliments  dans  l'intérieur  des 
membres  —  712  conexaque  efficiunt,  et  après  être  entrés  en  rapport,  ils  contribuent,  etc. 

6.  IV  9^3  «  membra  summittuntur,  les  membres  sont  relevés,  redressés  (I,  8  tellus flores 
»  summitlil)  ».  V  102  «  fert  proxima,  conduit  le  plus  vite  —  munita  fidei  (comme  III  498 
»  munita  niai)  signifie  la  même  chose  que  munitam  fidem,  une  preuve  certaine,  suffisante.  » 
VI  S^^  fons  fertur^  une  source  jaillit.  Etc.,  etc. 

7.  Non  pas,  p.  ex.,  des  erreurs  telles  que  celle-ci  :  «  Les  Romains  n'avaient  ni  le 
»  besoin  ni  l'habitude  de  boire  des  breuvages  chauds  dans  des  coupes  »  (VI  949,  note). 


d'histoire  et  de  littérature.  325 

cite  fréquemment  les  commentaires  et  les  monographies  sur  Lucrèce;  mais  ce 
n'est  pas,  en  général,  pour  en  tirer  ce  qu'ils  renferment  de  mieux,  ni  avec  une 
entière  exactitude'. 

Il  est  regrettable  que  M.  B.  ait  pris  la  peine  de  faire  imprimer  son  «manuscrit», 
et  qu'il  ait,  par  là,  imposé  la  peine  de  le  lire  à  ceux  que  des  études  spéciales 
obligent  à  se  tenir  au  courant  des  publications  relatives  à  Lucrèce.  Car  si  l'on  a 
pu  dire  de  certains  grands  critiques  qu'on  apprend  d'eux  lors  même  qu'ils  se 
trompent,  c'est  le  contraire  de  M.  B.  On  n'apprend  guère  de  lui,  même  quand 
il  a  raison. 

Max  Bonnet. 


222.  —  K.  A.  Hahns  Althochdeutsche  Grammatik,  nebst  einigen  Lesestûcken 
und  einem  Glossar.  Hrsg.  von  Adalbert  Jeitteles.  Vierte  wesentlich  veraenderte  und 
vermehrte  Auflage.  Prag.  In-12.  1875.  Verlag  von  F.  Tempsky.  vx-152  p. 

Althochdeutsches  Lesebuch  zusammengestellt  und  mit  Glossar  versehen  von  Wil- 
helm  Braune.  Halle,  Lippert'sche  Buchhandlung.  1875.  In-S»,  viij-225  p.  —  Prix  : 
4fr. 

L'ancien  haut- allemand  a  pour  l'étude  de  la  philologie  germanique  une 
importance  capitale  et  depuis  longtemps  reconnue;  si  les  monuments  qui  nous 
en  restent,  en  effet,  ne  sont  pas  aussi  nombreux  que  ceux  de  la  plupart  des  autres 
idiomes  congénères,  les  différences  profondes  des  dialectes  qu'on  y  rencontre, 
le  mélange  de  la  diversité  des  formes  qu'ils  présentent,  formes  tantôt  plus  récentes 
et  plus  affaiblies,  d'autres  fois  plus  archaïques  et  partant  plus  complètes,  en  font 
une  mine  unique  et  précieuse  d'enseignements  ou  de  comparaisons  et  expliquent 
que  cet  idiome  ait  été  de  bonne  heure  l'objet  d'une  étude  spéciale.  Ce  fut  là  ce  qui 
détermina  K.  A.  Hahn  à  publier  en  1852  sa  Grammaire  de  l'ancien  allemand. 
Mais  depuis  cette  époque  la  connaissance  des  dialectes  germaniques  a  fait  de 
grands  progrès  et  son  livre  avait  besoin  d'être  soigneusement  remanié.  Les 
morceaux  choisis  qui  le  terminent  présentaient  des  lacunes  évidentes,  le  diction- 
naire était  aussi  par  trop  incomplet.  C'étaient  là  des  défauts  qui  pour  être  voulus 
n'en  étaient  pas  moins  regrettables.  M.  Jeitteles,  chargé  après  la  mort  de  l'auteur 
de  publier  son  recueil,  s'est  attaché  à  les  effacer  dans  deux  éditions  successives,  et 
l'accueil  que,  malgré  quelques  critiques,  a  reçu  l'œuvre  de  Hahn  ainsi  modi- 
fiée en  fait  assez  l'éloge  et  en  montre  l'utilité.  La  quatrième  édition  qui  nous  en 
est  offerte  aujourd'hui  ne  mérite  pas  un  accueil  moins  empressé  :  les  changements 
apportés  à  la  grammaire,  la  révision  attentive  du  texte  des  morceaux  qui  la 
suivent,  les  additions  utiles  faites  au  glossaire  contribuent  à  faire  de  ce  petit  livre 
un  manuel  excellent  pour  les  jeunes  germanisants,  qui  y  trouvent  à  la  fois  tout  ce 
qui  est  nécessaire  pour  arriver  à  une  connaissance  générale  de  l'ancien  haut- 
allemand  et  une  préparation  suffisante  pour  en  faire  une  étude  plus  approfondie 
et  plus  complète. 


I.  IV  304  adurit  p.  ardurit;  etc.  IV  1034  M.  B.  n'a  pas  du  tout  compris  ce  que 
Lachmann  dit  de  Naugerius,  ce  qui  prouve  qu'il  n'a  pas  consulté  l'édition  de  ce  dernier. 


326  REVUE    CRITIQUE 

Cette  étude  plus  complète,  M.  Braune  s'est  proposé  de  fournir  ce  qu'il  fallait 
pour  l'entreprendre  :  une  grammaire  et  un  Lesebuch  étendus.  En  attendant  qu'il 
publie  la  grammaire,  il  nous  donne  aujourd'hui  le  recueil  dpnt  elle  doit  être  en 
quelque  sorte  le  commentaire.  Ce  choix,  destiné  à  suppléer  à  ce  qu'il  y  a  d'incomplet 
dans  les  Lesebuch  de  Wackernagel  et  de  Schade  renferme  tous  les  petits  monu- 
ments en  ancien  haut-allemand  de  quelque  importance  pour  l'étude  de  la  langue 
et  de  l'histoire  littéraire,  et  de  longs  extraits  des  monuments  plus  considérables; 
c'est  ainsi  qu'on  y  trouve  un  fragment  de  l'Harmonie  des  Evangiles  d'Ottfried, 
qui  n'a  pas  moins  de  2600  vers'.  Cet  important  recueil  est  suivi  d'un  diction- 
naire qui  renferme  tous  les  mots  qui  s'y  rencontrent.  Si  on  peut  regretter  que 
l'auteur  n'ait  qu'exceptionnellement  indiqué  les  passages  d'où  ils  étaient  tirés,  on 
ne  trouve  pas  moins  dans  son  glossaire  tout  ce  qui  est  nécessaire  à  une  intelli- 
gence complète  du  texte.  Le  livre  de  M.  Br.  est  ainsi  appelé  à  rendre  les  plus 
grands  services  à  tous  ceux  qui  voudront  aborder  l'étude  difficile  de  l'ancien 
haut-allemand,  et  on  ne  peut  que  le  féliciter  de  s'être  si  bien  acquitté  de  la  tâche 
qu'il  s'était  imposée  et  que  l'encourager  à  l'achever  en  nous  donnant  prochaine- 
ment la  grammaire  qu'il  nous  promet. 

C.  J. 


223.  —  Die  Flersheimer  Chronik.  Zur  Gesqhichte  des  XV.  u.  XVI.  Jahrhunderts. 
Zum  ersten  mal  nach  volistasndigen  Handschriften  herausgegeben  von  D'  Otto  Walz, 
a.  o.  Prof,  der  Geschichte  an  der  Universitaet  Heidelberg.  Leipzig,  S.  Hirzel.  1874. 
In-80,  xxiv-124  p.  —  Prix  :  5  fr.  3j. 

Nous  avons,  une  fois  déjà,  prononcé  ici  le  nom  de  la  Chronique  de  Flersheinif 
en  rendant  compte  de  l'intéressante  biographie  de  François  de  Sickingen  due  à 
M.  Ulmann(Rgj^.  Crit.  1874,  p.  261).  En  rédigeant  son  ouvrage,  M.  U.  annon- 
çait avec  regret  que ,  malgré  toutes  ses  recherches ,  il  n'avait  point  réussi  à 
retrouver  le  manuscrit  de  ce  récit  si  important  pour  son  sujet,  et  qu'il  faudrait 
se  contenter  désormais  de  la  copie  incomplète  et  fautive,  publiée  par  le  docteur 
Ernest  Mùnch,  quarante  ans  auparavant.  Mais  par  un  de  ces  jeux  du  hasard  qui 
apprennent  au  savant  à  ne  point  désespérer  trop  tôt ,  c'est  au  moment  même  où 
des  autorités  compétentes  constataient  ainsi  devant  le  monde  savant  la  perte 
définitive  de  la  Chronique,  qu'un  jeune  professeur  de  Heidelberg,  actuellement 
à  Dorpat,  parvenait  à  retrouver  notre  écrit  entre  les  mains  d'un  haut  dignitaire 
de  l'Eglise,  M.  le  chanoine  Holger,  de  Trêves.  Il  vient  de  le  livrer  au  public 
dans  une  édition  soigneusement  établie. 

C'est  en  effet  un  document  des  plus  curieux  pour  l'histoire  des  troubles  politi- 
ques qui  accompagnèrent  les  origines  de  la  Réforme  en  Allemagne  et  précédèrent 
la  guerre  des  Paysans.  Philippe  de  Flersheim,  qui  en  a  rédigé  la  majeure  et  la 
plus  intéressante  partie,  était  le  beau-frère  de  François  de  Sickingen;  sa 
Chronique  a  été  composée  pour  défendre  l'illustre  chevalier  contre  les  accusations 

I.  On  y  trouve  aussi  (p.  i  $o-i  j8)  quelques  extraits  de  textes  en  ancien  saxon. 


d'histoire  et  de  littérature.  327 

d'ingratitude  à  l'égard  de  la  Maison  Palatine,  et  pour  montrer  qu'au  contraire 
c'est  elle  qui  a  fort  mal  reconnu  les  services  de  l'illustre  condottiere  germain.  La 
rédaction  de  la  chronique  ne  remonte  qu'à  1 547  environ,  alors  que  Philippe  de 
Flersheim  occupait  le  siège  épiscopal  de  Spire;  il  dictait  son  récit  à  son  secré- 
taire, et  quelques-unes  de  ses  narrations,  puisées  dans  des  souvenirs  assez 
lointains  déjà,  restent  sujettes  à  caution;  quelques  impressions  se  sont  effacées, 
et — curieuxexemple  d'une  influence  anti-historique,  très-compréhensible  d'ailleurs 
dans  la  position  de  l'évêque  !  —  d'autres  sont  systématiquement  écartées  :  ainsi 
l'auteur  s'obstine  à  faire  mourir  Sickingen,  ce  fougueux  champion  de  la  Réforme, 
en  fervent  catholique.  L'édition  de  M.  W.  est  faite  avec  un  grand  soin,  et  telle 
qu'on  devait  l'attendre  d'un  connaisseur  aussi  compétent  de  la  première  moitié 
du  XVI*  siècle.  M.  W.  ne  s'est  pas  contenté  de  nous  donner  le  texte  primitif  de 
la  chronique;  il  a  joint  à  son  volume  les  additions  qu'un  neveu  de  l'évêque, 
Frédéric  de  Flersheim,  fit  au  manuscrit  jusqu'en  1572,  ainsi  que  celles  par 
lesquelles  son  petit-fils,  Jean-Frédéric  de  Flersheim,  continua  le  récit  jusqu'à 
l'année  i  $88.  Le  manuscrit  de  Trêves  a  été  collationné  avec  une  copie  décou- 
verte à  Wùrzbourg,  et  un  autre  exemplaire,  retrouvé  par  M.  Walz  à  Heidelberg 
même,  que  l'on  croyait  également  depuis  longtemps  perdu.  Un  registre  des 
noms  propres  et  des  noms  de  lieux  mentionnés  dans  la  chronique  termine  cette 
utile  publication. 

R. 


224.  —  Catalogue  descriptif  et  raisonné  des  manuscrits  de  la  biblio- 
thèque de  Tours,  par  A.  Dorange.  Tours.  1873.  Gr.  in-4*,  viij-^Bi  p. 

La  bibliothèque  de  Tours  est  l'une  des  plus  riches  de  nos  bibliothèques  pro- 
vinciales. Ellecontient  des  monuments  paléographiques  que  l'on  peut  dire  uniques, 
tels  que  l'évangéliaire  en  lettre  d'or  de  Saint-Martin  (n°  22),  des  mss.  d'auteurs 
classiques,  de  l'un  desquels  (n°688)  M.  Thurot  a  récemment  montré  l'impor- 
tance dans  la  Bibliothèque  de  l^ Ecole  des  Hauîes-Ëtudes  (^fasc.  1 7),  des  textes  anciens 
de  plusieurs  de  nos  anciens  poëmes,  tels  que  Gui  de  Bourgogne  (dont  on  ne 
connaît  d'ailleurs  qu'un  autre  ms.,  celui  de  Londres),  Huon  de  Bordeaux,  Ogier 
le  Danois  (les  meilleurs  textes  connus),  etc. 

Il  n'est  point  surprenant  qu'une  bibliothèque  où  sont  venues  affluer  les  collec- 
tions de  Saint-Gatien,  de  Saint-Martin,  de  Marmoutiers,  soit  aussi  riche  :  il 
faut  bien  plutôt  s'étonner  et  regretter  qu'elle  ne  le  soit  pas  davantage;  et  elle  le 
serait,  sans  l'état  d'abandon  où  elle  a  été  laissée  pendant  la  première  moitié 
de  ce  siècle.  Vaverîissement  placé  en  tête  du  Catalogue  dont  nous  allons  rendre 
compte  contient  à  cet  égard  des  témoignages  précis,  et  dès  l'instant  que  selon 
l'expression  de  M.  Dorange  «  les  livres,  les  manuscrits  même  se  promenaient 
»  dans  les  divers  bureaux  de  la  préfecture  »,  on  s'explique  sans  peine  que  quel- 
ques uns  des  plus  anciens  et  des  plus  beaux  livres  de  Saint-Martin  et  de  Saint- 
Gatien  aient  été  s'égarer  dans  la  collection  de  feu  Libri,  pour  aller  de  là  trouver 
un  refuge  dans  la  bibliothèque  d'un  riche  bibliophile  d'outre-Manche.    . 


328  REVUE  CRITIQUE 

La  meilleure  sauvegarde  d'une  collection  de  mss.  est  un  catalogue  imprimé. 
Il  est  dangereux  de  faire  passer  en  vente  publique  un  ouvrage  volé  dont 
l'identité  est  officiellement  constatée  et  partant  facile  à  démontrer.  Or  s'il 
est  souvent  possible  de  déguiser  la  provenance  d'un  volume  imprimé,  il  est 
extrêmement  difficile  de  tromper  sur  l'identité  d'un  ms.,  lorsqu'il  a  été  bien 
décrit.  C'est  qu'on  peut  toujours  supposer  l'existence  de  plusieurs  exemplaires 
d'un  imprimé,  si  rare  soit  il,  tandis  que  les  mss.  sont  de  leur  nature  des  exem- 
plaires uniques. 

Le  catalogue  de  M.  Dorange,  qui  indique  avec  précision  le  contenu  des  mss., 
et  fait  connaître  les  incipiî  ainsi  que  la  page  où  commence  chaque  ouvrage, 
suffit  à  constater  l'identité  des  mss.,  et  suffit  aussi,  ou  à  peu  près,  à  renseigner 
les  travailleurs  qui  savent  chercher,  et  que  la  connaissance  du  sujet  met  à  même 
de  deviner  ce  qui  n'est  pas  dit  expressément.  De  sorte  qu'en  somme  M.  D.  a  fait 
un  travail  utile  et  dont  on  doit  lui  savoir  gré. 

Mais  si  nous  voulions  examiner  par  le  menu  son  travail,  en  tant  qu'œuvre 
d'érudition,  nous  y  pourrions  signaler  bien  des  imperfections.  Non  pas  qu'on  y 
rencontre  beaucoup  de  grosses  erreurs  :  M.  D.  a  eu  soin  de  soumettre  les 
épreuves  de  son  catalogue  à  des  personnes  de  la  plus  indiscutable  compétence, 
et  la  phrase  dans  laquelle  il  adresse  ses  sincères  remerciements  «à  MM.  L.  Delisle, 
»  Michelant,  H.  Zotenberg,  K.  Wescheret  A.  Molinier  »,  ne  donne  qu'une  idée  fort 
inadéquate  des  obligations  qu'il  a  contractées  envers  ces  érudits,,  envers  le  pre- 
mier surtout.  Mais  tout  dans  ce  catalogue,  et  ce  qui  s'y  trouve,  et  ce  qui  ne  s'y 
trouve  pas,  et  la  rédaction  même,  tout  trahit  une  grande  inexpérience  des  choses 
de  l'érudition  en  général,  de  la  bibliographie  des  mss.  en  particulier. 

Examinons  d'abord  quelques  points  de  la  description  matérielle  des  mss.  : 
M.  D.  indique  les  dimensions  des  volumes  par  les  abréviations  gr.,  moy.,  pet. 
Ces  désignations  ont  un  sens  pour  les  employés  de  la  Bibliothèque  nationale,  car 
dans  cet  établissement  les  mss.  sont  divisés  dans  chaque  fonds  en  trois  classes 
selon  leur  hauteur  :  les  grands  ayant  de  C", 37  à  C",  50,  les  moyens  de  o"", 27  à 
o"i,37,  les  petits  moins  de  0^,27.  Mais  pour  le  public,  qui  n'est  point  initié  à  ces 
détails  d'administration,  grand,  moyen,  petit,  sont  des  termes  sans  précision;  et 
pourtant  les  dimensions  exactes  des  mss.  sont  utiles  à  connaître,  puisqu'elles 
fournissent  l'un  des  éléments  d'identification  les  plus  certains.  C'est  donc  avec 
toute  raison  que  M.  Delisle,  dans  une  brochure  dont  nous  avons  rendu  compte 
ici  même  en  son  temps',  recommandait  «  de  mesurer  en  millimètres  la  hauteur  et 
»  la  largeur  des  volumes,  en  tenant  compte  du  corps  même  du  mss.,  et  non 
»  pas  des  plats  de  bois  ou  de  carton  dont  les  dimensions  peuvent  être  modifiées 
))  par  un  changement  de  reliure.  »  Pour  le  dire  en  passant  je  remarque  avec 
satisfaction  que  cette  méthode  est  celle  qui  prévaut  depuis  peu  dans  la  rédaction 
des  catalogues  à  la  Bibliothèque  nationale. 

Autre  détail.  M.  D.  a  le  soin  d'indiquer  le  feuillet  oi!i  commence  chaque 


I.  Rev,  crit.  1873,  art.  166. 


d'histoire  et  de  littérature.  329 

ouvrage,  mais  il  est  fort  rare  qu'il  donne  le  nombre  total  des  feuillets  du  ms.  Or 
cette  indication  a  une  grande  importance.  D'abord  parce  qu'elle  est  l'un  des 
meilleurs  moyens  qu'on  ait  de  constater,  et  par  suite  de  prévenir,  la  mutilation 
des  livres;  ensuite  parce  que  dans  le  cas  d'ouvrages  peu  connus  ou  dont 
l'étendue  varie  selon  les  rédactions,  la  connaissance  du  nombre  des  feuillets  est 
un  utile  élément  d'appréciation. 

Passons  à  des  critiques  d'un  autre  ordre.  M.  D.  est  verbeux  :  il  dit  peu  en 
beaucoup  de  mots.  Ayant  à  dire  que  le  roman  de  Cliget  (n°  942)  est  inédit,  il 
s'exprime  ainsi  :  «  Plusieurs  travaux  préparatoires  ont  été  entrepris  sur  ce 
»  poëme.  Quoique  dans  l'état  actuel  des  nombreuses  études  qui  se  poursuivent 
»  sur  l'ancien  français,  il  soit  assez  difficile  de  pouvoir  dire  si  une  pièce  quelconque 
»  est  encore  inédite  ou  non,  nous  sommes  sûr  que  ce  poëme  n'a  pas  encore  été 
))  publié.  »  Nous  sommes  sûr,  veut  sans  doute  dire  :  «  Nous  avons  appris  de  M.  le 

))  D'F ,  qui  prépare  une  édition  du  Cliget »  —  Ailleurs  (p.  46),  après 

avoir  cité  ces  mots  qui  terminent  le  ms.  11 0:  «  Explicit  glosa  continua  super 
»  Lucam  et  Johannem,  édita  a  beato  Thomas  de  Aquino,  ordinis  Predicatorum, 
»  compléta  per  manum  Yvonis  Mesnagier,  canonici  et  penitenciarii  Turonensis. 
»  A.  D.  1443°.  »  M.  D.  croit  devoir  ajouter  :  «  la  note  qui  précède  nous  fait 
»  voir  que  ce  volume  a  été  achevé  en  1443  par  Yves  Mesnagier,  chanoine  et 
»  pénitencier  de  l'église  de  Tours.  »  M.  D.  pense-t-il  que  les  gens  que  cette  note 
peut  intéresser  ignorent  le  latin  ?  C'est  à  l'aide  de  développements  de  cette  force 
que  l'auteur  a  élevé  aux  dimensions  d'un  grand  in-4'*  un  catalogue  qui  aurait  pu 
sans  dommage  se  maintenir  dans  les  limites  d'un  simple  in-8°.  Si  M.  D.  veut 
bien  prendre  la  peine  de  jeter  les  yeux  sur  le  récent  catalogue  des  mss.  de 
Vienne  '  il  apprendra  comment  on  peut  faire  tenir  beaucoup  de  matière  en  peu 
d'espace. 

Voici  qui  est  plus  grave.  M.  D.  ne  sait  pas  distinguer  un  ouvrage  connu  d'un 
ouvrage  qui  ne  l'est  pas;  ou,  pour  dire  la  même  chose  en  d'autres  termes,  tous 
les  ouvrages  lui  paraissent  rentrer  dans  la  seconde  de  ces  deux  catégories.  Ainsi, 
il  emploie  une  cinquantaine  de  lignes  à  faire  connaître  (d'une  façon  bien  impar- 
faite pour  le  dire  en  passant)  le  contenu  du  traité  de  G.  de  Saint-Amour  Depericulis 
novissimorum  temporum  (n°  1 12).  Il  ne  paraît  pas  s'être  douté  que  ce  traité  avait 
en  son  temps  excité  quelque  émotion,  de  sorte  que  le  titre  seul,  et  au  besoin  un 
renvoi  à  l'Histoire  littéraire^  eussent  suffi  au  lecteur  le  plus  exigeant.  Du  reste  les 
indications  bibliographiques  sont  rares  chez  M.  D.,  et  ordinairement  peu  précises. 
Ainsi,  à  propos  du  poëme  de  Barlaam  et  Josaphat  (no  949),  il  indique  qu'un 
autre  poëme  sur  le  même  sujet,  celui  de  Gui  de  Cambrai,  a  été  publié  par 
M.  Zotenberg  et  par  moi  (toutefois  sans  rapporter  le  titre  de  notre  publication), 
il  ajoute  même  que  de  la  version  contenue  dans  le  ms.  de  Tours  il  existe  un 


» 


1 .  Tabulât  codicum  manu  scriptorum ,  praeter  graecos  et  orientales,  in  bibliothcca  Palatina 
Vindobonensi  asservatorum ,  Edidit  Academia  Caesarea  Vindobonensis.  Vindobonae ,  j  864 
et  suiv.,  six  vol.  in-8°. 


^50  REVUE    CRITIQUE 

autre  ms.  à  Carpentras,  mais  il  néglige  absolument  ce  point  essentiel  que  nous 
avons  donné  à  la  suite  du  poëme  de  Gui  de  Cambrai,  des  extraits  du  ms.  de 
Tours.  —  Le  dédain  de  M.  D.  pour  les  indications  bibliographiques  se  mani- 
feste surtout  dans  la  description  du  ms.  927;  cette  description  suit  de  très- 
près  (et  il  ne  faut  pas  s'en  plaindre)  celle  que  M.  Delisle  a  donnée  du  même 
ms.  dans  la  Romania,  II,  91,  et  cependant  la  notice  de  M.  Delisle  n'est  pas 
mentionnée. 

La  table,  qui  renvoie  aux  pages,  et  non  aux n^^des mss.,  ce  qui  est  une  faute, 
laisse  beaucoup  à  désirer. 

J'en  ai  dit  assez  pour  montrer  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  soumettre  ce  travail  à  un 
examen  détaillé  •.  D'ailleurs,  quelles  qu'en  soient  les  imperfections,  il  est  évident 
que  M.  Dorange  a  fait  le  mieux  qu'il  a  pu. 

P.  M. 


225.  —  Le  Drame  musicaL  T.  I.  La  musique  et  la  poésie  dans  leur  développement 
historique.  T.  II.  Richard  Wagner,  son  œuvre  et  son  idée,  par  Edouard  Schuré. 
Paris,  Sandoz  et  Fischbacher.  1-XIII.  1-368  et  1-428.  15  fr. 

Cet  ouvrage  ne  renferme  pas  tout-à-fait  ce  qu'annonce  son  titre  et  notamment 
le  sous-titre  du  i"  volume.  Il  semble  que  M.  Schuré  ait  d'abord  projeté  de 
traiter  le  sujet  qu'il  aborde  dans  son  2^  volume  :  «  Richard  Wagner,  son  œuvre  et 
son  idée  »,  puis,  qu'une  fois  ce  2"  volume  conçu,  il  ait  pensé  que  pour  faire  com- 
prendre la  révolution  tentée  dans  l'art  dramatique  et  lyrique  par  le  moderne 
novateur  allemand ,  une  analyse  détaillée  de  ses  œuvres  —  à  la  fois  poétiques  et 
musicales  —  ne  suffirait  pas  :  M.  S.  a  entrepris  d'exposer  l'enchaînement  des 
raisons  qui  expliquent  et  justifient  les  essais  de  réforme  de  l'auteur  de  Lohengrin 
et  des  Niebelungen,  et  pour  cela  il  est  remonté  jusqu'à  l'origine  du  drame  lyrique, 
puis  il  en  a  suivi  rapidement  les  transformations  depuis  l'antiquité  jusqu'à  nos 
jours.  Cette  étude  remplit  le  i^''  volume.  Dès  les  premières  pages  l'auteur  pose 
une  thèse  dont  l'ouvrage  entier  est  le  développement  et  que  voici  en  deux 
mots  :  A  l'éclosion  du  drame,  éclosion  qui  fut  aussi  en  un  sens  un  épanouisse- 
ment, M.  S.  rencontre  la  tragédie  grecque  «  la  forme  dramatique  la  plus  élevée 
»  et  la  plus  complète  que  l'art  humain  ait  su  créer  »,  combinaison  complexe  à 
laquelle  concouraient  les  trois  arts  que  les  anciens  désignaient  sous  le  nom  d'arfs 
musiques^  la  poésie,  la  musique  proprement  dite  et  la  pantomime  rhythmée 
(Vorchestiqué).  C'est  à  la  tragédie  grecque  ainsi  conçue  comme  le  produit  de 
l'alliance  des  trois  muses  que  M.  S.  rattache  tout  le  système  de  son  livre  :  «  La 
»  loi  supérieure,  dit-il,  qui  domine  le  développement  de  l'art  grec,  c'est  la 
»  primitive  et  profonde  harmonie  de  la  danse,  de  la  musique  et  de  la  poésie. 
»  Cette  harmonie  persiste  à  travers  toutes  ses  métamorphoses  et  produit  enfin  le 

I.  Disons  pourtant  à  M.  D.  que  le  motSor,  qui  paraît  l'avoir  vivement  intrigué  (voy. 
p.  209,  note)  doit  se  lire  Sortes  et  signifie  Socrate;  voy.  Thurot,  Notices  et  extraits  des 
mss.,  XXII,  106,  note  i. 


d'histoire  et  de  littérature.  ^31 

»  chef  d'œuvre  tragique.  Le  divorce  des  trois  arts  spontanés  amène  la  décadence 
»  de  la  tragédie  et  de  l'art  grec  tout  entier. . .  Rapide,  brillante  et  unique  évolution 
»  qui  contient  d'avance  et  résume  les  évolutions  futures  de  l'art  dans  l'huma- 
»  nité...  Les  arts  particuliers  ne  sont  que  les  fragments  d'un  grand  tout  qu'on 
»  pourrait  appeler  l'art  humain  universel...  Les  muses  sœurs  autrefois  unies 
»  sont  maintenant  séparées.  Est-ce  à  dire  qu'elles  se  suffisent  à  elles-mêmes  ? 
»  Elles  le  croient,  le  disent,  mais  il  n'en  est  rien.  » 

Nous  nous  attendions  à  trouver  dans  le  livre  de  M.  S.  la  démonstration  en 
règle  des  principes  esthétiques  posés  sous  cette  forme  un  peu  vague ,  et 
nous  avons  ouvert  avec  curiosité  les  premiers  chapitres  :  mais  notre  attente 
a  été  déçue  :  M.  S.  n'a  pas  construit  son  ouvrage  d'après  les  règles  de  la  méthode 
scientifique  :  on  n'y  constate  nulle  rigueur  d'analyse.  L'auteur  fait  preuve  de 
qualités  d'un  autre  genre:  l'élévation  de  la  pensée,  la  noblesse  des  aspirations 
esthétiques,  la  pureté  du  sentiment  artistique  animent  d'un  souffle  vif  et  puissant 
plus  d'une  page  de  son  livre  ;  mais  ces  qualités  ne  suppléent  pas  celles  dont 
nous  regrettons  l'absence.  M.  S.  revêt  ses  idées  d'une  forme  sytématique  et 
absolue  qui  n'est  pas  toujours  justifiée  par  l'examen  rigoureux  des  faits.  Cons- 
tamment il  classe  ceux-ci  en  grandes  catégories,  puis  bâtit  sur  ces  catégories  des 
théories  générales  auxquelles  ne  manquent  ni  l'originalité  ni  l'éclat,  mais  qui 
n'ont  pas  une  base  assez  sûre.  Le  style  même  pèche  par  l'absence  de  précision  : 
il  abonde  en  images  brillantes,  en  frappantes  antithèses;  la  phrase  prend  ainsi 
de  la  couleur  mais  ne  dit  pas  toujours  ce  qu'elle  devrait  dire.  L'auteur  déclare 
lui-même  dans  sa  préface  «qu'il  n'a  pas  fait  un  livre  de  critique».  Nous  ne  sau- 
rions mieux  indiquer  ce  qui  rend  son  ouvrage  défectueux,  ou  plutôt  ce  qu'il  n'y 
faut  pas  chercher. 

Dès  le  point  de  départ  la  précision  fait  défaut.  C'est  en  vain  qu'on  voudrait 
dans  les  chapitres  consacrés  à  la  Grèce  apercevoir  clairement  ce  que  l'auteur 
entend  parla  combinaison  des  trois  arts  dans  la  tragédie  antique.  M.  S.  néglige 
absolument  ce  côté  essentiel  de  son  sujet.  Il  célèbre  en  termes  enthousiastes  les 
merveilleux  effets  de  l'union  des  trois  muses,  mais  il  oublie  de  nous  dire  comment 
suivant  lui  se  réalisait  cette  fusion  magique.  Pour  ne  parler  que  de  deux  de  ces 
muses,  il  semble  que  l'auteur  parte  d'un  fait  tout-à-fait  clair  lorsqu'il  nous  entre- 
tient du  mélange  du  chant  et  de  la  poésie  helléniques  :  au  fond  c'est  un  point 
fort  obscur  et  qui  méritait  que  l'auteur  le  traitât  avec  plus  de  soin.  Les  immenses 
développements  de  la  musique  moderne  sous  le  rapport  de  la  polyphonie  rendent 
pour  nous  très-problématiques  les  conditions  d'existence  du  drame  lyrique  antique. 
Nous  sommes  obligés  d'admettre,  étant  donnée  la  richesse  du  texte  poétique,  une 
subordination  constante  de  la  musique  à  la  poésie  ;  la  première,  malgré  l'impor- 
tance de  l'élément  rhythmique  et  mélodique,  n'étant,  même  dans  les  chœurs  et  dans 
les  parties  plus  spécialement  lyriques  des  chœurs,  que,  suivant  l'expression 
d'Aristote,  un  assaisonnement  (-/jûuajjia)  de  l'œuvre  du  poète'.  Au  lieu  de  poser 


I.  Voy.  Rossbach  et  Westphal,  Griechischc  Metrik,  2*édit.  T.  I,  p.  18,  qui  résume  les 


332  REVUE   CRITIQUE 

nettement  les  termes  du  problème,  M.  S,  s'en  tient  à  des  appréciations  générales 
d'un  vague  regrettable.  Ses  aperçus  sur  l'origine  et  la  structure  du  drame  grec 
sont  tout  à  fait  insuffisants  et  même  —  ce  qui  est  plus  grave  —  pourraient  faire 
naître  de  singulières  erreurs  dans  l'esprit  d'un  lecteur  non  au  courant  de  la 
matière.  On  pourrait  croire  qu'aux  yeux  de  l'auteur,  le  drame,  au  moins  dans 
certaines  de  ses  parties,  consistait  en  une  sorte  d'action  commune  où  la  danse, 
la  musique  et  la  poésie  intervenaient  simultanément  et  avec  une  égale  impor- 
tance, sans  se  nuire  ni  s'effacer  mutuellement  :  résultat  qui  n'a  jamais  été 
atteint  à  aucune  époque  et  par  aucun  art.  Si  telle  n'est  pas  au  fond  l'idée 
de  M.  S.  sur  le  théâtre  d'Eschyle  et  de  Sophocle,  il  a  si  peu  éclairci  un  point 
qui  était  pourtant  le  véritable  nœud  de  son  sujet,  qu'une  confusion  de  la  part 
du  lecteur  serait  tout  à  fait  excusable.  Tant  que  ce  doute  peut  subsister,  tant 
que  l'auteur  laisse  planer  des  nuages  sur  ce  qu'il  veut  désigner  par  l'alliance 
de  la  musique  et  de  la  poésie  dans  le  drame  antique,  sa  formule  qui  suppose 
cette  alliance  définie  n'a  pas  de  valeur. 

Le  livre  entier  se  ressent  du  peu  de  précision  des  premiers  chapitres. 

Après  avoir  célébré  l'antique  alliance  des  muses,  M.  S.  essaye  de  les  suivre 
dans  leurs  courses  séparées  à  travers  les  siècles  ;  il  montre  la  poésie  se  dévelop- 
pant en  des  floraisons  immenses,  d'où  la  musique  a  disparu  et  avec  elle  la  calme 
perfection  et  l'harmonie  complète  des  compositions  antiques;  la  musique  s'éclip- 
sant  pendant  plusieurs  siècles,  puis  surgissant  de  nouveau  des  ténèbres  sous 
forme  de  combinaisons  harmoniques  et  mélodiques  où  la  poésie  et  par  suite 
l'élément  vivant  et  dramatique  ne  joue  plus  qu'un  rôle  secondaire.  Tout  cela  est 
un  peu  factice  et  superficiel.  .  ;  zr.hb  A:>u\D  ab  alôi  si  omjjgtn  Irupzic 

M.  S.  s'est  tracé  un  vaste  cadre  qu'il  remplit -d^Ine  façon  incomplète.  Ses 
chapitres  d'histoire  sont  plutôt  en  réalité  des  digressions  —  dont  plusieurs  bril- 
lantes et  bien  écrites — sur  Dante  et  Byron,  Gœthe  et  Shakspeare,  Palestrina  et 
Beethoven.  Le  lien  qui  rattache  un  assez  grand  nombre  de  ces  pages  au  sujet 
même  du  livre  est  fragile  et  ne  s'aperçoit  pas  clairement.  Le  chapitre  relatif  à 
Beethoven,  où  l'auteur  suppose  qu'en  introduisant  dans  le  dernier  morceau  de  sa 
9«  symphonie  quelques  strophes  de  Schiller,  l'illustre  compositeur  a  définitivement 
démontré  que  pour  atteindre  à  son  apogée  l'art  devait  unir  la  musique  à  la  poésie, 
ce  chapitre  pourrait  soulever  bien  des  objections.  Beethoven  fournit  précisément 
les  plus  puissants  arguments  contre  la  thèse  favorite  de  M.  S.  Il  a  ouvert  à  la 
symphonie  purement  instrumentale  des  horizons  presque  infinis  :  on  pourrait 
croire  que  les  paroles  lui  paraissaient  des  chaînes  et  qu'il  voulut  prouver  com- 
ment la  musique  pouvait  en  s'en  affranchissant  s'élever  jusqu'au  ciel. 

Nous  regrettons  que  M.  S.  n'ait  pas  consacré  un  de  ses  chapitres  à  un  sujet 
qu'il  eût  cependant  été  pour  lui  bien  intéressant  de  traiter  :  nous  voulons  parler 
des  essais  scéniques  du  moyen-âge,  des  drames  religieux,  qui  eussent  offert  de 


rares  témoignages  anciens  sur  ce  sujet,  notamment  sur  le  débit  de  certaines  parties  du  dia- 
logue avec  accompagnement  de  musique  instrumentale  (  7rapaxaTa>.o'pQ  )  et  dans  le  même 
ouvrage  t.  Il,  p.  296  :  Die  metrische  Composition  der  dramatischcn  Dichtungen. 


d'histoire  et  de  littérature.  33  3 

curieux  points  de  comparaison  avec  la  tragédie  antique  sortie  comme  eux  du  culte 
populaire.  M.  S.  aurait  pu  trouver  là  et  suivre  ensuite  jusqu'à  la  cantate  d'église 
et  l'oratorio  de  Bach  et  de  Haendel  une  veine  féconde  d'études  sur  les  transfor- 
mations qu'a  subies  l'alliance  de  la  musique  et  de  la  poésie  religieuses  ' . 

Le  livre  intitulé  VOpéra  est  moins  une  histoire  qu^une  suite  de  critiques  contre 
les  tendances  de  cette  forme  du  drame  lyrique  durant  son  entier  développement. 
Ces  critiques  sont  souvent  justes  :  l'auteur  est  impitoyable  pour  les  défauts  de 
l'école  italienne  et  les  exagérations  ou  les  futilités  qui  par  son  influence  ont 
envahi  nos  scènes  lyriques.  Tout  en  reconnaissant  de  grandes  beautés  dans  les 
opéras  de  tant  de  maîtres  illustres,  italiens,  allemands  ou  français,  M.  S.  consi- 
dère en  somme  leurs  œuvres  «  comme  une  série  de  tâtonnements,  d'essais  plus 
))  ou  moins  manques,  de  confusions  ou  de  méprises.  »  C'est  le  genre  lui-même 
qui  est  ainsi  condamné,  et  quoique  sur  plusieurs  points  nous  acceptions  le  juge- 
ment sévère  de  l'auteur,  cette  condanuiation  en  bloc  nous  paraît  bien  sommaire. 
Nous  aurions  voulu  de  l'auteur  une  analyse  quelque  peu  précise  des  systèmes 
suivis  par  les  grandes  écoles  des  deux  derniers  siècles  et  du  nôtre,  depuis  l'école 
florentine  qui,  comme  on  sait,  en  créant  l'opéra  à  la  fin  duxvi*'  siècle,  crut  ressus- 
citer la  déclamation  de  la  tragédie  antique ^  jusqu'à  l'opéra  moderne  qui,  surtout 
en  France,  est  devenu  comme  une  sorte  de  fusion  entre  les  divers  styles.  L'au- 
teur glisse  sur  ce  sujet  qui  valait  la  peine  d'être  traité  plus  à  fond  :  il  ne  s'arrête 
un  peu  longuement  qu'à  Gluck.  Celui-ci  constitue  en  effet  un  point  culminant  dans 
le  développement  du  drame  lyrique,  et  M.  S.  a  raison  de  le  représenter  comme 
un  géant  parmi  ses  contemporains  ou  ses  successeurs.  Mais  il  arrive  à  une  conclu- 
sion exagérée  lorsqu'il  résume  le  rôle  de  Gluck  dans  ces  mots  :  «  Les  compositeurs 
»  qui  viennent  après  lui  ont  contribué  à  développer  les  ressources  de  l'orchestre, 
»  mais  ils  n'ont  pas  fait  faire  un  pas  de  plus  à  la  tragédie  lyrique  :  tout  au  con- 
»  traire  ils  l'ont  fait  reculer  et  Gluck  les  domine  de  toute  sa  hauteur.  »  Gluck  a 
le  premier  (en  continuant  cependant  Lully  et  Rameau)  posé  la  formule  définitive 
de  l'art  tragi-lyrique  et  créé  par  réaction  contre  le  genre  factice  et  conventionnel 
de  l'école  italienne  (à  cette  époque  l'école  napolitaine)  ce  drame  mouvementé, 
pathétique,  respectueux  de  la  vérité  théâtrale  et  de  la  justesse  de  la  déclamation, 
qui  n'a  plus  disparu  de  la  scène.  A  ce  point  de  vue  les  réformes  de  l'auteur  d'Or- 
phée et  d^Alcesîe  ont  eu  une  portée  immense  :  mais  comment  nier  les  progrès  dus 
à  Mozart,  Weber,  Spontini  et  aux  maîtres  plus  modernes,  et  les  beautés  nouvelles 
dont  malgré  de  fâcheux  retours  à  de  mauvaises  traditions,  ils  ont  doté  le  drame 
musical .? 

La  nouvelle  école  dont  M.  R.  Wagner  est  le  chef  incontesté  et  dont 
M.  S.  défend  chaleureusement  les  doctrines,  a,  on  le  sait,  l'ambition  d'opé- 

1 .  Voir  entre  autres  Coussemaker,  Drames  liturgiques  du  moyen-dge  (texte  et  musique). 

2.  Ce  fut  là  le  but  poursuivi  par  l'école  florentine  au  temps  des  Péri,  des  Caccini,  des 
Emilie  de!  Cavalière  :  «  Nous  avons  voulu,  disait  Caccini  dans  ses  Nuove  Musiche^  faire 
»  une  espèce  de  chant  par  lequel  il  fût  possible  de  parler  pour  ainsi  dire  en  musique.  » 
Voir  Gevaert,  Chefs-d'œuvre  de  la  musique  vocale  italienne  aux  XVII'^  et  XVIII*  siècles.  In- 
troduction historique. 


I 


j^4  REVUE    CRITIQUE 

rer  dans  le  drame  lyrique  une  réforme  complète.  Cette  réforme  diaprés 
le  nouveau  programme  se  rattacherait  directement  aux  idées  de  Gluck. 
Celui-ci,  dit-on,  avait  entrevu  une  transformation  de  l'opéra  encore  plus  profonde 
que  celle  qu'il  a  réalisée,  et  cette  transformation,  il  l'a  indiquée  dans  le  passage 
bien  connu  de  son  épîtredédicatoire  d'Alceste  :  «J'ai  cherché  à  réduire  la  musique 
»  à  sa  véritable  fonction,  celle  de  seconder  la  poésie  pour  fortifier  l'expression 
»  des  sentiments  et  l'intérêt  des  situations  sans  interrompre  l'action  ni  la  refroidir 
»  par  des  ornements  superflus,  etc.  »  Si  Gluck,  ajoute-t-on,  eût  été  fidèle  à  ce 
programme,  au  lieu  de  conserver  la  coupe  générale  de  l'opéra  avec  ses  catégories 
reçues,  airs,  récitatifs,  morceaux  d'ensemble;  etc.,  il  serait  allé  plus  loin  :  il  aurait 
supprimé  toutes  les  formes  convenues  comme  autant  de  barrières  qui  arrêtent  la 
marche  du  drame,  confondu  la  mélodie  avec  le  récitatif,  effacé  les  périodes  rhyth- 
miques  régulières  —  qui  sont  dans  la  musique  classique  comme  les  assises  de  l'édi- 
fice mélodique  et  harmonique  —  donné  enfin  au  drame  musical  l'allure  exacte  d'un 
drame  shakspearien  dont  le  chant  aurait  suivi  tous  les  détours,  tous  les  capri- 
cieux élans.  Gluck  s'est  arrêté  en  chemin  ;  l'école  nouvelle  pense  qu'il  s'est 
arrêté  trop  tôt,  et  ce  qu'il  n'a  pas  fait,  elle  le  tente.  On  ne  saurait  méconnaître  le 
talent  considérable  déployé  dans  ces  tentatives  :  mais  il  ne  s'en  suit  pas  que 
la  voie  si  hardiment  ouverte  soit  celle  où  l'art  de  l'avenir  doit  marcher. 

C'est  précisément  à  décrire  cette  voie  nouvelle  et  les  efforts  du  maître  qui  l'a 
frayée  que  M.  S.  consacre  son  2«  vol.  tout  entier.  Nous  ne  voulons  pas  le  suivre 
dans  son  analyse  détaillée  des  ouvrages  de  M.  Wagner.  L'examen  de  ces  longs 
chapitres,  d'ailleurs  intéressants  et  bien  écrits,  nous  entraînerait  à  des  discussions 
qui  ne  sont  pas  du  domaine  de  cette  Revue.  L'avenir  seul  montrera  la  valeur 
définitive  de  ces  efforts  dont  nous  ne  nions  pas  la  puissance,  mais  dont  l'efficacité 
nous  paraît  plus  douteuse.  Rien  n'est  moins  certain  à  priori  que  le  principe  mis 
en  avant  par  la  nouvelle  école  de  la  nécessité  d'une  constante  et  intime  fusion  de 
là  musique  avec  la  poésie  :  rien  ne  prouve  surtout  que  cette  fusion  soit  possible  : 
chacun  des  deux  arts  a  ses  lois  propres,  et  il  faut  pour  qu'une  alliance  entre  eux 
puisse  se  réaliser  que  Pun  des  deux  fasse  des  sacrifices.  Le  drame  grec  subordon- 
nait le  chant  au  texte  poétique  :  l'opéra  moderne  a,  sauf  dans  le  récitatif,  donné 
la  prépondérance  à  la  musique  :  résultat  tout-à-fait  conforme  à  ce  qu'exigeait  le 
développement  de  l'art  musical.  Vouloir  arriver  à  un  partage  égal  entre  les 
deux  muses,  c'est  une  chimère  :  ni  l'antiquité,  ni  la  renaissance  n'y  ont  réussi, 
et  nous  ne  pensons  pas  que  l'art  moderne  ait  un  meilleur  succès  dans  cette 
voie. 

«  Dans  un  opéra,  écrivait  Mozart',  il  faut  absolument  que  la  poésie  soit  la  fille 
»  obéissante  de  la  musique  ;  »  ce  qui  ne  veut  pas  dire  que  celle-ci  doive  en 
mauvaise  mère  maltraiter  sa  compagne,  comme  les  scènes  lyriques  en  ont  fourni 
trop  d'exemples.  On  comprend  mieux  aujourd'hui  que  jadis  la  nécessité  pour  le 
compositeur  de  respecter  le  texte  poétique  et  les  lois  du  drame  :  à  ce  point  de 


Mozart  ;  lettres,  traduites  par  Goschier  ;  lettre  209. 


d'histoire  et  de  littérature.  335 

vue  l'influence  de  la  nouvelle  école  est  et  sera  salutaire.  —  Mais  quant  au  bou- 
leversement absolu  des  principes  auxquels  nous  devons  en  somme  des  types 
musicaux  et  dramatiques  admirables,  bouleversement  solennellement  annoncé 
dans  de  nombreuses  préfaces  et  brochures  et  dont  le  théâtre  de  Bayreuth  doit 
prochainement  montrer  la  réalisation  complète  —  (les  ouvrages  jusqu'ici  les  plus 
connus  de  R.  Wagner  n'étaient  que  de  premiers  pas  faits  dans  la  voie  nouvelle 
et  les  parties  qui  ont  produit  le  plus  d'impression  se  rapprochent  plus  ou  moins 
de  l'ancienne  forme)  —  peut-être  est-il  prématuré  d'applaudir  avec  enthousiasme 
à  ces  projets  de  révolution  comme  le  fait  M.  S.  Quelle  que  soit  la  puissance  du 
novateur,  on  peut  conserver  des  doutes  sur  la  valeur  du  genre  qu'il  a  l'ambition 
de  créer. 

E. 

SOCIÉTÉS  SAVANTES. 
ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS   ET    BELLES-LETTRES. 

Séance  du  12  novembre  1875. 

Le  ministère  de  l'instruction  publique  transmet  à  l'académie  :  1°  $0  estampages 
d'inscriptions  sémitiques,  et  l'estampage  d'une  inscription  romaine,  envoyés 
par  M.  de  Sainte-Marie;  2°  un  rapport  de  M.  Emile  Legrand  sur  une  mission 
en  Grèce. 

M .  de  Wailly  termine  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la  langue  de  Reims  au  1 3  '  siècle. 
Après  avoir  signalé  l'emploi  assez  fréquent  de  l'article  picard //pour/a,  M.  de  Wailly 
indique  les  principales  particularités  que  les  documents  étudiés  par  lui  pré- 
sentent au  point  de  vue  de  la  phonétique.  Va  tonique  latin  devient  généralement 
ei  et  non  e  (sauf  après  un  /  qui  ne  compte  pas  pour  une  syllabe)  :  ainsi  dans  la 
première  conjugaison  l'infinitif  est  en  eir  et  le  participe  masculin  en  ei;  le  parti- 
cipe féminin  est  en  ee  dans  l'orthographe,  mais  M.  Wailly  pense  que  cet  ee  se 
prononçait  comme  eie.  Dans  quelques  mots  seulement  l'a  tonique  latin  est  repré- 
senté par  un  simple  e,  père,  mère,  procurere;  la  3^  personne  du  pluriel  du  passé 
défini  est  quelquefois  en  erent  et  plus  souvent  en  arent.  On  trouve  aussi  a  pourvu, 
par  exemple  acun.  De  même  0  et  iz  ahernent  avec  ou:  le  même  scribe  écrit  tantôt 
nos  et  tantôt  nous,  tantôt  mainburnie  et  tantôt  mainbournie ;  selon  M.  de  Wailly 
ces  diverses  orthographes  représentent  également  le  son  ou.  Parfois  aussi  ce 
même  son  est  représenté  par  un  0  surmonté  d'un  trait  horizontal  :  ô.  On  a  cru 
jusqu'ici  que  l'abréviation  ô  représentait  toujours  on  ou  cm.  M,  de  Wailly  pense 
qu'elle  représente  également  ou.  Il  en  donne  pour  preuve  un  grand  nombre  de 
mots  que  les  scribes  de  Reims  écrivent  tantôt  par  d  et  tantôt  par  ou,  jamais  par 
on  :  œuenance  et  couuenance.,  Thomas  et  Thoumas,  etc.  Il  soutient,  par  de  sem- 
blables motifs,  que  le  signe  abréviatif  en  forme  de  9  qui  dans  les  textes  latins 
réprésente  les  lettres  con  ou  corn  peut  aussi  signifier  en  français  cou  :  ainsi  l'on 
trouve  c)uert  pour  couvert,  et  un  même  ms.  écrit  notre  adverbe  comment 
indifféremment  coumsAz/,  côment  et  c)ment;  de  même  \e  p  accompagné  d'une  ligne 
sinueuse  à  gauche  de  la  haste  signifie,  selon  M.  de  Wailly,  aussi  bien  prou  que 


336  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE. 

pro.  —  En  ce  qui  concerne  les  consonnes,  M.  de  Wailly  remarque  seulement 
que  les  consonnes  sont  tantôt  redoublées  et  tantôt  simples,  et  que  le  choix  entre 
ces  deux  manières  d'écrire  est  tout  à  fait  indépendant  de  l'orthographe  latine. 
Il  relève  aussi  l'emploi  de  l'x  pour  le  son  ks  dans  axion  pour  action.  Enfin  il 
signale  Pusage  des  accents,  non-seulement  pour  marquer  les  /  (comme  nous 
employons  aujourd'hui  le  point),  mais  aussi  pour  séparer  des  voyelles  en  contact 
qui  devaient  se  prononcer  séparément  :  ainsi  Pon  trouve  les  participes  féminins 
receûéj  véuéy  ôié. 

M.  Le  Blant  met  sous  les  yeux  des  membres  de  l'académie  les  photographies 
de  trois  fragments  du  tombeau  de  S.  Martin  de  Tours,  qui  ont  été  retrouvés 
récemment. 

M.  Heuzey  commence  la  lecture  d'un  mémoire  intitulé  Eludes  sur  la  ville  de 
Dyrrhachium.  Cette  ville  avait  été  fondée  par  les  Corcyréens,  qui  lui  avaient 
donné  le  nom  ô^Epidamnos;  les  commerçants  étrangers  l'appelaient  plus  souvent 
Dyrrhachium  du  nom  d'une  colline  voisine  ;  les  Romains  préférèrent  ce  dernier 
nom,  trouvant  celui  d'Epidamnos  de  mauvais  augure  parce  qu'il  semblait 
contenir  le  mot  damnum.  Toutefois  les  anciens  même  avaient  quelques  doutes 
sur  l'identité  du  Dyrrhachium  des  Romains  avec  l'Epidamnos  des  Corcyréens  ;  et 
Anne  Comnène,  au  12^  siècle,  rapporte  que  les  habitants  de  Durazzo  ou 
Dyrrhachium  montraient  hors  de  leurs  remparts  l'emplacement  de  l'ancienne 
Epidamnos. 

M.  Chodzkiwick  commence  la  lecture  d'un  mémoire  dans  lequel  il  se  propose 
de  donner  une  nouvelle  lecture  d'une  inscription  cunéiforme,  trouvée  dans  un 
palais  d'habitation  bâti  par  Darius  I  à  Persépolis,  et  qui,  bien  que  très-courte 
et  écrite  en  trois  langues,  n'a  pu  encore  être  expliquée  d'une  manière  satisfai- 
sante. 

Ouvrages  présentés  de  la  part  des  auteurs  :  —  par  M.  G.  de  Tassy  :  «  Antiquities  et 
»  Orissa  »,  par  le  Babou  Rajendra  Lala  Mitra,  de  Calcutta,  t.  I,  in-folio  (magnifique 
ouvrage  publié  sous  le  patronage  du  gouvernement  de  l'Inde,  avec  un  grand  nombre  de 
planches  en  photographie,  en  lithographie  et  en  gravure  sur  bois);  —  par  M.  L.  Renier 
{de  la  part  de  M.  Arïodante  Fabretti)  :  le  premier  fascicule  des  Actes  de  la  société  d'ar- 
chéologie et  des  beaux-arts  de  Turin  ;  —  par  M.  Duruy  :  Biographie  de  Fr.  Cailliaud 
(explorateur  de  l'Afrique),  par  M.  le  baron  de  Girardot;  —  par  M.  Thurot  {de  la  part 
du  traducteur)  :  Fr.  BUcheler,  Précis  de  la  déclinaison  latine,  traduit  de  l'allemand  par 
L.  Havet,  enrichi  d'additions  communiquées  par  l'auteur  (24^  fascicule  de  la  Bibliothèque 
de  l'école  des  hautes  études,  sciences  philologiques  et  historiques);  —  par  M.  Egger  : 
L.  de  Backer,  Bidasari,  poème  malais  (traduit  du  néerlandais);  A.  Dumont,  Essai  sur 
l'éphébie  attique,  t.  II  ;  —  par  M.  Renan  :  Henri  Fournel,  Les  Berbères,  étude  sur  la 
conquête  de  l'Afrique  par  les  Arabes,  t.  I,  Paris,  imprimerie  nationale. 

Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


'EtciyP^?*'  ^'OÇ  "^'^(Cro^  26ccu.  Athen,  Wilberg.  In-S*",  92  p.  (ce  recueil  des 
inscriptions  de  Syros  est  magistralement  exécuté  ;  il  en  résulte  quelques  données 
nouvelles  pour  l'histoire  de  cette  île). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  34,  21  août.  R.  A.  Lipsius,  Die  Quellen  der 
aeltesten  Ketzergeschichte  neu  untersucht.  Leipzig,  Barth.  ln-8",  vj-2^8  p.  (G. 
Volkmar).  —  Tyndall,  Religion  und  Wissenschaft.  Autorisirte  Uebersetzung. 
Hamburg,  Grùdener.  ln-8",  $7  p.  (Rudolf  Eucken).  —  E.  Steindorff,  Jahr- 
bùcher  des  Deutschen  Reichs  unter  Heinrich  III.  Bd.  i.  Leipzig,  Duncker  und 
Hamblot.  In-S**,  xij-536  p.  (Max  Bùdinger). — Jaffé  et  Wattenbach,  Eccle- 
siae  Metropolitanae  Coloniensis  codices  manuscripti.  Berolini,  ap.  Weidmannos. 
In-8",  X-166  p.  (Karl  Zangemeister).  —  Mehlis,  Die  Grundidee  des  Hermès 
vom  Standpunkte  der  vergleichenden  Mythologie.  Abth.  I.  Erlangen,  Deichert. 
In-8'',  65  p.  (Wilhelm  Heinr.  Roscher).  —  Comparetti,  Papiro  Ercolanese 
inedito.  Firenze,  Torino,  Roma,  Lœscher..In-4°,  112  p.  (Th.  Gomperz). 

N°  35,  28  août.  BiMBENET,  Université  d'Orléans.  Orléans,  Herluison. 

In-8%  160  p.  (Alph.  Rivier).  —  Original  sanskrit  texts transi,  and  illustr. 

by  J.  MuiR.  Vol.  1-4,  second  édition.  Vol.  5.  London,  Trûbner  (Delbrûck). 
—  TzETZES,  Ueber  die  altgriechische  Musik  in  der  griechischen  Kirche.  Mùn- 
chen,  Wolf  u.  Sohn.  In-8°,  1^4  p.  (Hermann  Buchholtz).  —  Gomperz, 
Beitraege  zur  Kritik  und  Erklaerung  griechischer  Schriftstel'er.  I  :  Zu  den  Frag- 
menten  der  Tragiker.  Wien,  Gerold's  S.  In-4°,  48  p.  (;Otto  Hense).  —  Aulu- 

laria  sive  Querolus éd.  Peiper  (W.   Studemund;  cf.   Rev.  criî.,    187^,  I, 

p.  374).  — JoRET,  Herder  et  la  renaissance  littéraire  en  Allemagne  au  j8'-  s. 
Paris,  Hachette.  In-8%  xij-$64  p.  (Bernhard  Suphan).  —  Zeitschrift  fur 
deutsche  Philologie,  herausg.  v.  Hôpfner  u.  Zacher.  Ergaenzungsband.  Halle, 
B.  d.  Waisenhauses.  In-8",  622  p.  (E.  Sievers). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-pforoptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 

Adams  (J.  Q.).  Memoirs  edited  by  the 
Hon.  C.  F.  Adams.  Vol.  4.  In-8°,  cart. 
Philadelphia.  31  fr.  25 

— —  (C.  K.).  Democracy  and  Monarchy 
in  France.  From  the  Inception  of  the 
Great  Révolution  to  the  Overthrow  of 
the  second  Empire.   In-8°.  New  York. 

15  fr.  65 

Gançoner  de  les  obretes  mes  divulgades 
en  nostra  lengua  materna  durante  las 
segles  XIV,  XV  e  XVI.  En  4-,  mayor, 
con  grabados.  Barcelona  (Verdaguer). 

Escriu  A.  M.  Pineda  notari,  a  con  son 
gran  amich  nouamente  casât,  8  p.  cobles 
noues  sobre  la  presa  d'Sact  Quinti,  etc. 
12  p.  —  Les  set  paraules  que  Jésus  dix 


en  la  creu,  4  p.  —  Cobles  en  Lahor  des 
glorios  pare  Sact  Domingo,  4  p.  — 
Cosells  y  bosaaisos  dirigits  a  una  noble 
senyora,  etc.,  8  p. 

French  (B.  F.).  Historical  Collections  of 
Louisiana  and  Florida.  2d  séries.  In-S®, 
cart.  New  York.  25  fr, 

Hédon.  Noël  Le  Mire  et  son  œuvre, 
suivi  du  catalogue  de  l'œuvre  gravé  de 
Louis  Le  Mire.   Portrait  à   l'eau-forte 

^  par  Gilbert.  In-8*,  viij-319  p.  Paris 
(Baur). 

^Hignard.  Les  peintures  antiques  relatives 
au  mythe  de  Daphné,  d'après  M.  W. 
Helbig.  In-8°,  20  p.  Lyon  (imp.  Ristor). 


Hozier  (J.  d').  L'Impôt  du  sang,  ou  la 
noblesse  de  France  sur  les  champs  de 
bataille.  Publié  par  L.  Paris,  sur  le  manu- 
scrit unique  de  la  Bibliothèque  du  Louvre. 
T.  2  (r*  partie).  In-8%  323  p.  Paris 
(Dumoulin). 

Jones  (C.  H.).  Africa  :  the  Historj^  of 
Exploration  from  Herodotus  to  Living- 
stone.  With  Map  and  Illustrations.  In-8', 
cart.  New  York.  31  fr.  25 

Lane  (E.  W.).  An  Arabic-English  Lexicon. 
Book  I.  Part  5.  In-4°,  cart,  London 
(Williams  et  N.).  31  fr.  25 

Legenden,  altengliche.  Kindheit  Jesu, 
Geburt  Jesu,  Barlaam  und  Josaphat,  St. 
Patrik's  Fegefeuer.  Aus  denverschiedenen 
Mss.  zum  ersten  Maie  hrsg.  v.  C.  Horst- 
mann.  In-8',  xliv-240  S.  Paderborn 
(Schœningh).  5  fr.  35 

Lieutaud  (V.).  Les  criées  municipales  de 
Marseille  au  mois  de  décembre  1319.  La 
Saint-Antoine  à  Mornas  (  Vaucluse).  In-8', 
34  p.  Marseille  (Boy  fils). 

Liotard  (G.),  (peignes  notes  philolo- 
giques et  étymoTogiques.  Fortune  de 
certains  mots,  subtilités  et  difficultés  de 
la  langue  française.  In-S",  30  p.  Nîmes 
(imp.  Clavel-Ballivet), 

Mallet  (J.).  Cours  élémentaire  d'archéo- 
logie chrétienne.  In-8°,  ix-244  p.  Paris 
(Poussielgue  frères). 

Marsy  (A.  de).  Mélanges  sur  le  Verman- 
dois  aux  XlVe  et  XV^  siècles.  In-S», 
28  p.  Saint-C^entin  (imp.  Poette). 

Merle  d'Aubigré  (J.-H.).  Histoire  de 
la  réformation  en  Europe  au  temps  de 
Calvin.  T.  6.  Ecosse,  Suisse,  Genève. 
In-8°,  xx-656  p.  Paris  (Michel  Lévy 
frères).  7  fr.  jo 

Millares  (A.).  Historia  de  la  Inquisicion 
en  las  Islas  Canarias.  4  Tomos  en  8. 
Madrid  (Murillo). 

Monasterio  de  Sahagun.  Indice  de  las 
documentos  del  Monasterio  de  Sahagun, 
de  la  orden  de  San  Benito,  y  Glosario  y 
Diccionario  geogrâfico  de  voces  sacadas 
de  los  mismos.  Gr.  en  4,  xij-690  p. 
Madrid  (imp.  de  Aribau  y  C»). 

Munoz  Garnica  (D.  M.).  San  Juan  de 
la  Cruz.  Ensayo  histôrico.  En  4,  xvj- 
441  p.  Madrid  (Lopez). 

Nieto  (E.).  El  realismo  en  al  arte  contem- 
peraneo.  En  8,  126  p.  Madrid  (Murillo). 


Oracles  (Les)  de  Léon  le  Sage.  La  Ba- 
taille de  Varna.  La  Prise  de  Constanti- 
nople.  Poèmes  en  grec  vulgaire  publiés 
pour  la  première  fois  d'après  les  manu- 
scrits de  la  Bibliothèque  nationale  par  E. 
Legrand.  In-8*,  112  p.  Paris  (Maison- 
neuve  et  C'). 

Parkman  (F.).  The  Old  Régime  in  Ca- 
nada. In-8',  cart.  466  p.  London  (Low). 

15  fr.  6j 

Pfordten  (L.  v.).  Studien  zu  Kaiser 
Ludwigs  oberbayerischen  Stadt-  u.  Land- 
rechte.  In-8",  vij-372  S.  Mùnchen  (Kai- 
ser). 10  fr.  75 

Proudhon  (P.-J.).  Correspondance.  T.  7. 
In-S®,  379  p.  Paris  (Lib.  internat.),  j  fr. 

Ranke  (L.  v.).  Ursprung  u.  Beginn  der 
Revolutionskriege  1791  u.  1792.  ln-S°, 
x-'^-jc)    S.    Leipzig    (Duncker    u.    H.). 

Il  fr.  2 J 

Rawlinson  (H.).  England  and  Russia 
in  the  East  :  A  séries  of  papers  on  the 
political  and  geographical  condition  of 
Central  Asia.  With  Map.  In-8%  cart. 
410  p.  London  (Murray).  15  fr. 

Siegfried  (C).  Philo  von  Alexandria  als 
Ausleger  d.  alten  Testaments  an  sich 
seibst  u.  nach  seinem  geschichtl.  Einflusse 
betrachtet.  Nebst  Untersuchgn.  ùb.  d. 
Graecitaet  Philo's.  In-8",  vj-418  S.  Jena 
(Dufft).  12  fr. 

Spencer  (H.).  Essays  scientific,  Political 
and  spéculative.  Vol.  3,  new  edit.  con- 
taining  an  Appendix.  In-80,  cart.  352  p. 
London  (Williams  et  N.).  9  fr.  40 

Spengel  (L.).  Aristoteles  Poetik  und  J. 
Vahlen's  neueste  Bearbeitgn.  derselben. 
In-8°,  50  S.  Leipzig  (Teubner).  i  fr.  jo 

Tabulae codicum  manu  scriptorum  praeter 
Graecos  et  Orientales  in  bibliotheca  Pala- 
tina  Vindobonensi  asservatorum.  Vol. 
VII  :  cod.  Il  501-14000.  In-8*,  442  p. 
Wien  (Gerold).  12  fr. 

Vol.  I-VIIj.  90  fr.  75 

Teufifel  (W.  S.).  Geschichted.  rœmischen 
Literatur.  3.  Aufl.  In-8',  1216  S.  Leipzig 
(Teubner).  14  fr.  75 

Vivien    de    Saint -Martin.    L'année 

géographique,  revue  annuelle  des  voyages 
de  terre  et  de  mer,  des  explorations, 
missions,  etc.,  relatives  aux  sciences 
géographiques  et  ethnographiques.  T.  12. 
13e  année.  1874.  In- 18  Jésus,  xij-429  p. 
Paris  (Hachette  et  C').  3  fr-  jo 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"»  48  Neuvième  année.  27  Novembre  1875 

REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  l'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


AVIS. 

A  partir  du  i'^'"  janvier  1876,  la  Revue  critique  (Vhistoire  et  de  littérature  paraîtra 
chez  M.  Ernest  Leroux,  libraire-éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  où  l'on  devra 
remettre  les  ouvrages  et  publications  périodiques  destinés  à  la  Reme,  et  adresser 
toutes  les  communications. 


En  vente  chez  F.  Vieweg,  libraire-éditeur  (librairie  A.  Franck), 
67,  rue  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

2$«  ET  26e  fascicules. 

CHEREF-EDDÎN  RAMI    'ocUt 

Traité  des  termes  figurés  relatifs  à  la  description  de  la  beauté.  Traduit  du  persan 
et  annoté  par  C.  Huart.  $  fr.  50 


PID  î  t?  O   D   17  nn      Vocabulaire   hiéroglyphique   comprenant 
•      1     1  IL  Iv  iV  EL    1        les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement.   5'"^  fascicule. 

6fr. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n°  183 ,  new  séries,  6  novembre.  Hook,  Lives  of  the  Arch- 
bishops  of  Canterbury.  Vol.  XI.  London,  Bentley  (Samuel  R.  Gardiner  :  art. 
extrêmement  défavorable).  —  Missale  ad  Usum  insignis  Ecclesiae  Eboracensis. 
Surtees  Society,  Missale  ad  Usum  percelebris  Ecclesiae  Herefordensis.  Privately 
printed  (J.  T.  Micklethwaite  :  Péditeur  est  M.  Henderson;  il  faut  le  remercier 
pour  ces  publications,  très-utiles  à  ceux  qui  étudient  l'histoire  de  l'Église  d'An- 
gleterre). —  German  Letter  (C.  Aldenhoven  :  nouvelles  littéraires).  —  Corres- 
pondence.  The  Lion  of  Chaeronea  (J.  P.  Mahaffy  :  a  visité  l'endroit  où  se 
trouvent  les  débris  de  ce  lion;  on  pourrait  le  restaurer,  et  M.  M.  espère  que  le 
public  anglais  fera  quelque  chose  pour  sauver  d'une  destruction  totale  ces  restes 
vénérables).  —  Michel  Angelo's  «  Création  of  Adam  »  (W.  Sanday).  —  Prince 
L.-L.  Bonaparte  and  M.  Van  Eys  (W,  van  Eys  :  répond  à  l'article  du  prince 
Bonaparte  (Acad.  n"  174)  dans  lequel  celui-ci  critiquait  plusieurs  opinions 
exprimées  par  le  signataire  dans  son  «  Étude  sur  l'origine  et  la  formation  des 
))  verbes  auxiliaires  basques  »).  —  Bruyn  Andrews,  Essai  de  Grammaire  du 
dialecte  Mentonais.  Avec  quelques  contes,  chansons  et  musique  du  pays  (Jules 
Andrieu;  article  incompétent).  —  A  Visit  to  Pompei  (C.  I.  Hemans). 

The  Athenaeum,  n**  2  506,  6  novembre.  Southworth,  Four  Thousand  Miles 
of  African  Travel  :  a  Personal  Record  of  a  Journey  up  the  Nile  and  through  the 
Soudan  to  the  Confines  of  Central  Africa.  Sampson  Low  and  Co.  (sans  valeur). 
—  BoNAMY  Price,  Oxford  Reform.  Parker  and  Co.  (l'auteur  suggère  de  bonnes 
idées  pour  la  réforme  de  l'enseignement  à  Oxford).  —  The  Stone  of  Foundation 
and  the  Site  of  the  Temple  (Thomas  Chaplin  :  identifie  la  pierre  de  fondation 
du  temple  de  Jérusalem  dont  il  est  parlé  dans  le  Talmud  et  dans  les  traditions 
rabbiniques  avec  le  sommet  de  la  Sakhrah,  et  montre  les  conclusions  qu'on  en 
peut  tirer  pour  déterminer  le  site  de  plusieurs  parties  du  temple).  —  Fedor 
Dostoevsky  (notice  sur  sa  vie  et  ses  travaux).  —  «  A  Winter's  Taie))  (Stanislaus 
KozMiAN  :  croit  avec  Caro,  le  continuateur  des  Annales  de  Pologne  de  Roepell, 
que  Shakspeare  a  tiré  ce  drame  d'un  épisode  de  l'histoire  de  Pologne).  —  Sir 
John  Gardner  Wilkinson  (not.  nécrologique).  ~-  The  Sinaitic  Inscriptions  (Samuel 
Sharp  :  donne  un  intéressant  spécimen  de  la  façon  dont  il  déchiffre  et  interprète 
ces  inscriptions). 

Iiiterarisches  Centralbîatt,  n°  45,  6  novembre.  Cahn,  Pirke  Aboth  sprach- 
lich  und  sachlich  erlaeutert.  i.  Perek.  Berlin,  Benzian.  In-8°,  xv-65  p.  (l'auteur 
est  bien  préparé  pour  le  travail  qu'il  a  entrepris,  et  on  l'engage  vivement  à  le 
continuer).  —  Eisler,  Vorlesungen  ùber  die  jûdischen  Philosophen  des  Mittel- 
alters.  i.  Abth.  Wien,  Brûder  Winter.  In-8°,  x-128  p.  (la  seconde  partie  de  ces 
leçons,  traitant  de  Maïmonides,  a  paru  en  1870;  la  i  ""^  partie  expose  les  systèmes 
des  précurseurs  de  Maïmonides,  comme  Saadia,  Ibn  Gebirol,  etc.  ;  la  3^  et  der- 
nière partie  traitera  de  la  philosophie  juive  après  Maïmonides  :  cet  ouvrage 
donne  une  idée  claire  et  précise  ae  la  philosophie  juive  du  moyen-âge  à  ceux  qui 
ne  peuvent  aborder  les  ouvrages  originaux).  —  Busolt,  Die  Grundzûge  der 
Erkenntnisstheorie  und  Metaphysik  Spinoza's.  Berlin,  Mittleru.  S.  In-8°,  186  p. 
(très-remarquable  dissertation,  qui  d'ailleurs  a  été  couronnée  par  l'Université  de 
Kœnigsberg).  —  Fortlage,  Beitraege  zur  Psychologie  als  Wissenschaft.  Leipzig, 
Brockhaus.  In-8°,  xv-488  p.  (ouvrage  plein  de  talent  et  de  science,  mais  dont 
les  conclusions  ne  s'imposent  pas).  —  Loserth,  Studien  zu  bœhmischen 
Geschichtsquellen.  Wien,  Gerold's  S.  In-S'',  42  p.  (essai  critique  sur  la  Vita 
Karoli  ÎV  Imperaîoris).  —  Joachim,  Johannes  Nauclerus  und  seine  Chronik. 
Gœttingen.  In-8",  70  p.  (bonne  contribution  à  l'histoire  de  l'humanisme).  — 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  48  —  27  Novembre  —  1875 


Sommaire  :  226.  Monier  Williams,  La  Sagesse  des  Hindous.  —  227.  De  Schulte, 
Histoire  de  la  Littérature  canonique,  t.  L  —  228.  Dœbner,  Histoire  des  négociations 
de  1325  entre  Louis  IV  de  Bavière  et  Frédéric  le  Beau  d'Autriche.  —  229.  Duval, 
Introduction  à  l'histoire  de  la  Révolution  dans  la  Creuse,  etc.  —  Variétés  :  Revue  des 
dialectes  allemands,  p.  p.  Frommann.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 


226.  —  Monier  Williams;  Indian  VTisdom  or  Examples  of  the  Religions, 
philosophical  and  ethical  doctrines  of  the  Hindûs  :  with  a  brief  history  of  the  chief 
departments  of  sanskrit  literature  and  some  account  of  the  past  and  présent  condition 
of  India,  moral  and  intellectual.  London,  Allen  and  Co.  1875.  In-8",  xlviij-542  p. 

M.  Monier  Williams  caractérise  lui-même  sa  publication  dans  les  termes 
suivants  :  <c  Le  présent  volume  a  pour  objet  de  répondre  à  un  besoin  dont  j'ai 
))  pu  reconnaître  l'existence,  à  une  question  qui  m'a  été  souvent  adressée  dans 
»  le  cours  de  mon  professorat  :  Y  a-t-il  un  livre  qui  donne  une  bonne  idée 
»  générale  du  caractère  et  du  contenu  de  la  littérature  sanscrite  ?  —  Il  est 
))  destiné  en  outre  à  mettre  tout  Anglais  instruit  en  état,  par  le  moyen  de  traduc- 
»  tions  et  d'explications  de  morceaux  de  la  littérature  sacrée  et  philosophique  de 
))  l'Inde,  de  pénétrer  dans  l'esprit,  dans  les  habitudes  de  pensée,  dans  les  cou- 
»  tûmes  du  peuple  hindou,  et  d'arriver  à  une  connaissance  correcte  d'un  système 
»  de  croyances  et  de  pratiques  qui  s'est  maintenu  pendant  au  moins  3000  ans  et 
»  qui  continue  de  former  une  des  principales  religions  du  monde  non-chrétien. 
))  ....  Je  me  propose,  dans  ces  leçons,  de  donner  des  exemples  des  plus  remar- 
»  quables  enseignements  religieux,  philosophiques  et  moraux  des  anciens 
))  auteurs  hindous,  en  les  disposant  de  façon  à  former  une  suite  réguHère  confor- 
))  mément  aux  époques  successives  de  la  littérature  sanscrite.  » 

Ces  explications,  rapprochées  de  celles  que  renferme  le  titre,  donnent  en  effet 
une  idée  fort  juste  de  l'ouvrage.  Ce  n'est  pas  une  histoire  de  la  littérature,  ni 
même  une  histoire  des  idées  et  des  croyances;  ce  n'est  pas  non  plus  un  simple 
manuel,  ni  un  recueil  de  morceaux  choisis,  ni  une  suite  d'études  sur  un  certain 
nombre  de  points  saillants.  Mais  c'est  un  peu  tout  cela.  Il  en  est  résulté  peut- 
être  pour  le  livre  quelques  légères  disparates  et  un  certain  manque  de  proportion; 
mais  ces  défauts  sont  amplement  compensés  par  la  liberté  d'allure  qu'ils  lais- 
saient à  l'auteur,  et,  à  tout  prendre,  nous  ne  pensons  pas  qu'il  y  ait  un  autre 
ouvrage  à  l'usage  du  grand  public  offrant  un  aperçu  général  aussi  satisfaisant  et 
en  somme  aussi  exact  de  la  part  qui  revient  à  l'Inde  dans  l'histoire  intellectuelle 
de  l'humanité.  Plus  également  complète  que  les  chapitres  correspondants  du 

XVI  22 


3^8  REVUE   CRITIQUE 

livre  de  M.  de  Bohlen,  moins  sèche  et  moins  érudite  que  les  Vorlesungen,  de 
M.  Vv^eber,  plus  générale  que  VAncient  sanskrit  Liîerature  de  M.  Max-Mùiler  qui 
ne  traite  que  de  Pépoque  védique,  la  publication  de  M.  W.  est  une  œuvre  de 
vulgarisation  excellente,  d'une  lecture  agréable  et  substantielle,  et  que  le  spécia- 
liste lui-même  ne  consultera  pas  sans  profit. 

Dans  une  introduction  destinée  à  orienter  le  lecteur,  M.  W.  esquisse  à  grands 
traits  la  condition  présente  et  passée  de  Pinde.  Il  passe  en  revue  les  religions, 
les  langues,  les  institutions  et  cherche  à  dégager  de  cet  examen  rétrospectif 
quelques  leçons  pour  Pavenir.  Les  considérations  dans  lesquelles  il  entre  au  sujet 
des  religions  hindoues  comparées  au  christianisme,  bien  que  faites  dans  un  esprit 
parfaitement  libéral,  paraîtront  peut-être  au  lecteur  du  continent  empreintes 
d'une  saveur  anglaise  un  peu  trop  prononcée.  Nous  sommes  en  ceci  moins 
préoccupés'du  côté  pratique  que  nos  voisins;  nous  n'avons  pas  le  tempérament 
aussi  porté  à  la  controverse  et  le  vieux  préjugé  contre  «  les  payens  »  a  en  général 
moins  de  prise  sur  notre  public.  On  n'en  goûtera  pas  moins  cet  exposé  nourri  de 
faits  et  plein  d'aperçus  intéressants.  Le  jugement  réservé  et  même  sévère  que,  ici 
et  encore  plus  loin,  M.  W.  a  porté  du  Buddhisme  nous  paraît  en  particulier 
d^une  grande  justesse.  Il  y  a  toujours  du  danger  à  formuler  une  opinion 
sommaire  sur  un  ensemble  de  faits  aussi  complexe  qu'une  religion;  nous  nous 
permettrons  cependant  de  dire  qu'à  notre  avis,  celle-ci  a  été  trop  vantée  et  dans 
ses  principes  et  dans  ses  résultats.  On  l'a  trop  représentée  comme  une  doctrine  de 
liberté,  comme  une  émancipation  sociale  et  intellectuelle.  On  Pa  assimilée  à  la 
réforme,  à  la  lutte  de  Pempire  contre  le  sacerdoce,  à  d'autres  choses  encore,  et 
en  Allemagne,  depuis  quelque  temps,  on  semble  y  chercher  un  précédent  du  Culîur- 
kampf.  Ce  sont  là  des  théories  que  les  faits  ne  justifient  guère.  Pour  nous,  ce  qu'il 
y  a  eu  de  vraiment  noble  et  grand  dans  le  Buddhisme,  c'est,  autant  qu'il  nous  est 
donné  de  l'entrevoir,  la  personne  du  Buddha  ;  c'est  sa  charité  vraiment  humaine 
et  sa  conception  d'une  religion  uniquement  fondée  sur  la  pureté  morale.  On  n'en 
saurait  douter,  les  bords  du  Gange  ont  vu  alors  se  passer  des  scènes,  ont  entendu 
prononcer  des  paroles  de  mansuétude  et  d'amour  vraiment  dignes  de  la  Galilée. 
Mais  les  reflets  de  cette  première  aurore  ne  doivent  pas  nous  donner  le  change. 
Pour  l'historien  il  y  a  dans  une  religion  encore  autre  chose  que  le  rêve  d'une  belle 
et  grande  âme  :  il  est  obligé  de  la  prendre  dans  ses  dogmes  et  dans  ses  institutions. 
Or  que  nous  offre  le  Buddhisme  à  ce  double  point  de  vue .?  Le  nihilisme  en  spécu- 
lation et  le  monachisme  en  pratique.  Par  l'un  et  par  l'autre  il  a  dû  agir,  et  il  a  agi 
en  eff'et,  à  la  façon  d'un  narcotique  et  d'un  dissolvant.  Aussi,  dans  tout  ce  qu'il 
nous  a  laissé,  c'est  à  peine  si  nous  pouvons  entrevoir  une  période  de  véritable 
jeunesse,  et  toute  son  histoire  ressemble  à  une  longue  décadence.  Dans  l'Inde 
même  il  paraît  s'être  éteint  d'épuisement  et  il  ne  s'est  perpétué  au  dehors  que 
chez  des  races  sans  imagination  et  sans  idéal. 

Après  ces  considérations  préliminaires,  M.  W.  entre  dans  le  détail  de  son 
sujet  :  Pétude  de  Pesprit  hindou,  tel  qu'il  se  révèle  dans  les  principales  œuvres 
de  la  littérature.  Dans  les  2  premières  leçons,  il  passe  rapidement  en  revue  les 
écrits  védiques.  Les  5  suivantes  sont  consacrées  à  l'examen  des  systèmes  philo- 


d'histoire  kt  de  littérature.  339 

sophiques.  La  littérature  technique  des  Vedângas,  les  écrits  tant  anciens  que 
modernes  qui  traitent  du  rituel,  de  l'exégèse,  de  la  grammaire,  de  l'astronomie, 
de  la  coutume  et  du  droit,  forment  la  matière  des  4  leçons  suivantes.  3  autres 
contiennent  l'analyse  des  deux  grands  poèmes  épiques;  enfin,  dans  la  dernière, 
l'auteur  examine  successivement  les  productions  de  la  poésie  artificielle  classées 
sous  le  nom  de  Kâvyas,  la  littérature  dramatique,  les  Purânas,  les  Tantras,  la 
poésie  gnomique  et  les  recueils  de  contes  et  d'apologues. 

Comme  il  fallait  s'y  attendre,  M.  W.  n'a  pas  développé  également  toutes  les 
parties  de  ce  programme.  Le  désir  de  ne  pas  répéter  ce  qui  a  été  dit  et  bien  dit 
ailleurs,  le  caractère  même  de  son  livre  qui  excluait  toute  enquête  trop  spéciale, 
enfin  l'abondance  extraordinaire  des  matériaux  l'obligeaient  à  se  renfermer  sur 
certains  points  dans  des  limites  plus  étroites.  C'est  ainsi  que  certaines  branches 
de  la  littérature  technique,  par  exemple  les  écrits  relatifs  à  l'astronomie,  aux 
mathématiques,  à  la  médecine,  ont  été  traités  très-sommairement,  tandis  que 
d'autres,  tels  que  le  Code  de  Manu,  ont  été  l'objet  de  véritables  monographies. 
Ces  inégalités  auraient  pu  être  moindres;  mais  puisque,  dans  une  certaine  mesure, 
elles  étaient  inévitables  çt  que  les  préférences  de  l'auteur  ont  en  somme  porté 
sur  l'essentiel,  nous  les  admettons  volontiers,  et  nous  ne  ferons  de  ce  chef  à 
M.  W.  qu'un  seul  reproche  :  la  place  qu'il  a  faite  à  la  littérature  védique  (47  pages) 
est  décidément  insuffisante. 

Par  contre,  nous  citerons  comme  morceaux  particulièrement  réussis  les  analyses 
du  Mahâbhârata,  du  Râmâya/za,  du  Code  de  Manu  et  surtout  l'exposé  des 
systèmes  philosophiques,  la  partie  la  plus  remarquable  du  livre  et  celle  où  l'au- 
teur a  le  plus  mis  du  sien.  Le  premier,  que  nous  sachions,  M.  W.  a  essayé,,  avant 
de  s'engager  dans  l'examen  des  diverses  écoles,  de  recueillir  les  doctrines  qui 
leur  sont  communes  à  toutes,  et  d'esquisser  ainsi  une  sorte  de  philosophie  hindoue 
générale.  L'idée  en  elle-même  était  certainement  heureuse.  Mais,  dans  l'exécu- 
tion, elle  exigeait  des  précautions  et  des  développements  spéciaux  dont  M.  W. 
s'est  peut-être  trop  dispensé,  et  cela  au  risque  d'exposer  un  lecteur  peu  préparé 
à  toute  sorte  d'équivoques  et  de  malentendus.  Ainsi  il  est  parfaitement  exact 
que  la  doctrine  de  la  conséquence,  ou  du  «  lien  »  de  nos  actes,  celle  de  la  trans- 
migration, de  la  destinée,  de  la  délivrance  finale  sont  communes  à  toutes  ou  à 
presque  toutes  les  écoles.  Les  termes  qui  correspondent  à  ces  notions  sont  une 
sorte  de  monnaie  dont  la  valeur  subit  des  variations  locales,  mais  qui  a  cours  sur 
tous  les  marchés  du  pays.  Mais  en  est-il  de  même  de  l'éternité  des  âmes,  de 
l'éternité  de  la  matière  et  de  la  doctrine  quasi-hégilienne  que  l'esprit  n'arrive  à 
la  connaissance  que  dans  un  corps  "^  Est-il  vrai  qu'à  ces  questions  comprises 
dans  le  sens  qu'elles  ont  pour  nous  d'après  toutes  les  habitudes  et  traditions  de 
la  langue  philosophique  de  l'Occident,  les  sectes  hindoues  fassent  la  même 
réponse  ?  Et  si  le  lecteur  doit  d'abord  les  traduire  dans  la  langue  technique  de 
Pinde,  ne  faut-il  pas  qu'il  soit  déjà  initié  à  sa  philosophie  ?  M.  W.  remarque 
lui-même  que  notre  notion  de  la  matière  n'a  pas  d'équivalent  exact  en  sans- 
crit. Le  fait  est  que  toutes  les  écoles  hindoues  ignorent  la  création  ex  nihilo, 
qu'il  s'agisse  du  monde  matériel  ou  du  monde  spirituel.  Mais,  passé  ce  point, 


^40  REVUE   CRITIQUE 

leurs  solutions  du  problème  ontologique  sont  aussi  divergentes  que  celles  qu'on 
trouve  chez  tout  autre  peuple,  et  il  suffit  de  parcourir  l'exposé  de  M.  W.  pour 
se  convaincre  qu'elles  vont  en  effet  de  l'extrême  idéalisme  jusqu'au  matérialisme 
le  plus  brutal. 

Comme  méthode  d'exposition,  M.  W.  a  choisi  avec  raison  la  plus  directe  :  il 
analyse  et  cite  le  plus  possible.  Un  grand  nombre  des  passages  extraits  sont 
traduits  en  vers  blancs  d'une  très-belle  facture.  Aussi  plusieurs  chapitres  du 
livre  forment-ils  un  digne  pendant  au  recueil  de  M.  J.  Muir  que  nous  annoncions 
récemment.  Des  notes  abondantes  placées  au  bas  des  pages  renvoient  le  lecteur 
aux  ouvrages  où  il  trouvera  des  informations  plus  complètes,  ainsi  qu'aux 
éditions  et  traductions  faites  jusqu'ici  des  principales  œuvres  de  la  littérature 
sanscrite.  Dans  le  choix  de  ces  dernières  indications  toutefois,  il  y  a  un  peu 
d'arbitraire.  Tantôt  l'auteur  semble  exclure  les  éditions  qui  ne  donnent  que  le 
texte,  tantôt  il  les  admet  :  il  en  agit  de  même  avec  les  traductions  dans  une 
langue  autre  que  la  sienne,  et  sans  qu'on  voie  toujours  bien  pourquoi.  Ainsi 
p.  i6i  il  ne  fait  pas  mention  du  Rigveda-Prâtiçâkhya  de  M.  Régnier,  ni  p.  21 1 
deVApastamba-Dharmasûtra  de  M.  Bùhler,  le  seul  texte  que  nous  ayons  de  cette 
classe  d'écrits.  Ce  sont  là  des  inconséquences  :  l'omission  du  Taiîtinya-Pràtiçâkhya 
de  M.  Whitney,  p.  116,  paraît  être  plutôt  le  fait  d'un  oubli. 

M.  W.  annonce  sur  sa  i''*'  page  qu'il  suivra  dans  son  exposé  l'ordre  des  époques 
))  successives  de  la  littérature  sanscrite  ».  Il  est  à  regretter  qu'il  ne  se  soit 
pas  expliqué  en  même  temps  sur  ce  qu'il  faut  entendre  par  là.  Un  lecteur  inexpé- 
rimenté pourrait  croire  en  effet  que  le  livre,  dans  son  ensemble,  reproduit  un 
ordre  historique,  tandis  qu'en  réalité  il  ne  reproduit  que  la  classification  systé- 
matique dont  la  littérature  sanscrite  a  été  de  bonne  heure  l'objet.  Or  celle-ci  est 
avant  tout  descriptive  et  n'a  qu'exceptionnellement  une  valeur  chronologique. 
Ses  divisions  correspondent  à  des  classes  d'écrits,  rarement  à  des  époques.  C'est 
ainsi,  pour  prendre  une  des  plus  tranchées  de  ces  divisions,  qu'on  a  composé 
des  5ufra5  peut-être  5  siècles  et  plus  avant  notre  ère  et  que,  10  siècles  après 
cette  ère,  on  en  composait  encore.  Uy  adonc  une  classe  d'écrits  appelés  sûtras, 
il  n'y  a  pas  à  proprement  parler  une  «:  époque  des  sûtras  )>.  Ce  n'est  pas  que 
dans  ces  classes  on  ne  puisse  découvrir  une  certaine  succession,  ni  même 
qu'en  passant  de  l'une  à  l'autre  on  n'arrive  à  distinguer  des  œuvres  plus 
anciennes  et  d'autres  plus  modernes.  Mais  que  d'incertitude  dans  la  plupart  de 
ces  déterminations  et  combien  de  lacunes  !  Que  faire  de  ces  nombreux  écrits  qui 
ont  eu  pour  véritable  auteur  l'école  ou  la  secte  dont  ils  contenaient  la  doctrine, 
qui  se  citent  tous  les  uns  les  autres,  et  dont  la  composition  a  duré  pour  ainsi  dire 
tout  le  temps  qu'ils  ont  été  en  faveur }  Non-seulement  pour  une  bonne  partie  de 
cette  littérature  nous  n'avons  pas  de  dates  précises,,  mais  les  déterminations  rela- 
tives même  nous  font  défaut  et,  là  où  celles-ci  manquent,  il  y  a  bien  encore  des 
problèmes  historiques^  il  n'y  a  pas,  à  proprement  parler,  d'histoire. 

M.  W.  n'a  certainement  pas  méconnu  ces  difficultés;  ils  les  a  même  indiquées 
plusieurs  fois  chemin  faisant;  mais  il  n'en  a  pas  assez  prévenu  le  lecteur.  D'autre 
part,  il  est  juste  de  reconnaître  qu'il  a  mis  à  profit,  autant  que  le  comportait  le 


d'histoire  et  de  littérature.  341 

caractère  élémentaire  de  son  livre,  tout  ce  qui  pouvait  introduire  un  peu  d'ordre 
dans  cette  confusion.  Il  l'a  fait  avec  prudence,  évitant  de  soulever  des  questions 
insolubles  et  se  défiant  des  nouveautés  en  un  sujet  où  il  est  plus  facile  d'ébranler 
les  opinions  reçues  que  d'en  établir  de  meilleures.  Sa  critique  en  général  est 
conservatrice  :  dans  certains  cas  toutefois  elle  l'est  avec  excès,  par  exemple 
quand  il  place  la  rédaction  du  Code  de  Manu  5  siècles  avant  l'ère  chrétienne. 

Sa  principale  raison  pour  admettre  une  date  aussi  reculée  paraît  avoir  été  le 
caractère  archaïque  que  présentent  en  général  les  données  de  cet  ouvrage.  Et 
en  effet,  à  ne  juger  que  d'après  le  contenu,  on  est  tenté]de  regarder  le  livre  comme 
très-ancien.  Il  suffit  pour  cela  d'éliminer,  comme  autant  d'additions  faites  après 
coup,  certains  éléments  qui  trahissent  une  origine  plus  moderne  (mention  des 
Chinois,  des  Grecs,  de  l'écriture,  la  théorie  complète  des  yugas  et  des  manvan- 
îaraSj  les  passages  à  tendance  encyclopédique,  etc.,  etc.),  opération  toujours 
permise  à  priori  quand  il  s'agit  d'un  ouvrage  sanscrit.  Mais,  depuis  que  la  litté- 
rature vraiment  ancienne  de  l'Inde  est  mieux  connue,  on  a  pu  s'apercevoir  que  la 
position  du  Code  de  Manu  par  rapport  à  cette  littérature  est  bien  différente  de 
celle  d'autres  ouvrages  qui  ont  eu  également  à  subir  des  additions  et  de  bien 
plus  considérables,  le  Mahâbhârata  par  exemple,  dont  la  masse  a,  de  ce  chef, 
peut-être  décuplé.  En  effet,  la  littérature  védique,  laquelle  dès  Vorigine  est  toute 
sacerdotale,  est  remplie  d'allusions  à  une  poésie  héroïque  et  profane.  Quelle  était 
au  juste  cette  poésie }  Nous  n'en  savons  rien  ;  mais  nous  ne  pouvons  pas  douter 
que  le  grand  poème  épique  n'en  soit  le  dernier  écho  et  qu'après  bien  des  trans- 
formations, les  diverses  branches  de  la  légende  nationale  ne  soient  venues  se 
réunir  dans  cette  immense  encyclopédie  • .  La  question  d'origine  est  donc  ici  essen- 
tiellement indéterminée.  On  discutera  l'âge  de  certaines  additions,  on  cherchera 
à  distinguer  les  remaniements  successifs  :  mais  à  quelqu'époque  qu'on  remonte, 
il  y  aura  dans  la  littérature  une  place  pour  une  œuvre  plus  ou  moins  sem- 
blable. 

Le  cas  est  tout  autre  pour  le  Code  de  Manu.  Il  n'en  est  fait  mention  nulle  part; 
aucune  œuvre  ancienne  ne  le  suppose;  sa  place  est  prise  au  contraire  par  une 
littérature  bien  plus  authentique,  et  c'est  à  celle-ci  sans  doute  que  se  rapportent 
les  expressions  si  fréquentes  de  çâsîram,  çâstrâni^  quand  elles  ne  désignent  pas 
simplement  «  la  loi,  les  ordonnances  »  d'une  façon  toute  générale.  Du  moins 
ne  les  trouve-t-on  pas  associées  au  nom  de  Manu.  Sur  Manu  lui-même,  les  ren- 
seignements, les  légendes  abondent  :  tantôt  il  n'y  en  a  qu'un,  tantôt  ils  sont 
plusieurs;  de  bonne  heure  on  lui  attribue  plusieurs  hymnes  du  Rig-Veda;  il  est 
le  père  et  le  premier  législateur  des  hommes  et,  en  celte  qualité,  on  fait  remonter 


I .  Les  renseignements  sur  la  façon  dont  le  Mahâbhârata  s'est  transmis,  sont  très-rares. 
En  voici  un  qui  se  rapporte  au  X^  siècle.  Une  chronique  des  rois  d'Anhillavâ^â  dans  le 
Gujarat,  le  Dvaiâsharàya  (XII°  siècle)  raconte  que  le  jeune  prince  Châmand  Râjâ  se  plai- 
sait à  se  rendre  dans  le  temple  de  Rudra  à  Siddhapur,  où  les  anciens  se  rassemblaient, 
afin  qu'il  pût  y  entendre  le  Mahâbhârata.  Indian  Anti^uary,  IV,  1 10.  Ainsi,  encore  à  cette 
époque,  on  ne  le  lisait  guère. 


342  REVUE    CRITIQUE 

à  lui  certains  rits,  certaines  institutions  ;  on  cite  de  lui  des  ordonnances,  des 
décisions  détachées;  des  çlokas,  des  vers  mnémoniques  courent  sous  son  nom; 
mais  nulle  part  il  ne  figure  comme  l'auteur  d'un  Code.  Un  ouvrage  sur  la  même 
matière,  le  Dharmasûtra  d'Apastamba,  de  date  indéterminée,  mais  certainement 
postérieur  de  beaucoup  au  v^  siècle  av.  J.-C,  et  qui  cite  ses  autorités  presqu'à 
chaque  page,  nomme  Manu  2  fois  :  II,  14,  11  où  est  rappelée  une  légende  de 
la  Taiîîirîya-Samhiîâ  qui  le  montre  donnant,  comme  père  de  famille,  le  premier 
exemple  de  la  loi  d'héritage,  et  II,  16,  i  o\i  lui  est  attribuée  l'institution  des 
offrandes  funèbres.  Ailleurs,  I,  14,  13  et  25;  I,  19,  13-16;  II,  4,  14,  des 
stances  qui  font  partie  de  notre  texte  de  Manu  sont  citées  sans  autre  mention 
que  «  on  dit  »,  «  il  est  dit  dans  un  Purâ/2a  ».  Tout  cela  ne  s'accorde  guère  avec 
l'existence  d'un  code  de  Manu  5  siècles  avant  notre  ère.  Il  y  a  plus  :  on  peut 
affirmer  que  la  présence,  à  cette  date  et  sous  ce  nom  vénéré  entre  tous,  d'un 
livre  pareil  embrassant  l'encyclopédie  entière  du  droit  et  de  la  coutume,  rendrait 
toute  l'ancienne  littérature  juridique  à  peu  près  inexplicable.  Cette  littérature 
écrite  en  sûtras,  et  dont  nous  n'avons  que  des  débris,  est  elle-même  très- 
probablement  de  beaucoup  postérieure  à  la  date  que  M.  W.  revendique  pour 
Manu.  Mais  elle  est  authentique,  ses  œuvres  appartiennent  à  des  écoles  connues 
et  relèvent  d'œuvres  antérieures  également  connues  ;  ses  auteurs  enfin  sont  des 
personnages  historiques,  des  hommes  qui  ont  vécu  et  enseigné.  En  face  d'elle  le 
Code  de  Manu  ouvre  la  longue  série  de  ces  compositions  apocryphes  et 
pseudonymes,  sans  attache  dans  le  passé,  et  dont  l'unique  objet  semble  avoir 
été  de  réduire  en  matière  de  littérature  courante  les  vieilles  traditions  brah- 
maniques. 

Pour  atténuer  le  caractère  apocryphe  du  livre,  on  a  essayé,  il  est  vrai,  de  le 
rattacher  directement  à  une  école  védique.  On  a  transformé  le  Code  de  Manu  en 
Code  des  Mânavas,  en  le  donnant  pour  une  rédaction  poétique  des  sûtras  de  l'école 
qui  a  porté  ce  nom.  Cette  explication  nous  paraît  peu  probable,  en  raison  même 
du  caractère  éclectique  du  Code  et,  en  tous  les  cas,  elle  n'avancerait  guère  la  thèse 
de  M.  W.  Tout  ce  que  nous  savons  de  ces  Mânavasûtras,  c'est  que  la  partie 
relative  au  rituel  a  été  commentée  par  Kumârila  Bha«a  au  vii^  siècle,  et  il  n'est 
pas  certain  du  tout  qu'ils  aient  aussi  traité  du  droit  et  des  coutumes.  Nous 
ignorons  du  reste  la  nature  précise  du  rapport  qui  les  rattache  au  nom  de  Manu. 
Mais  si  ce  rapport  devait  être  aussi  explicite  que  celui  qui  a  valu  son  titre  au  Code, 
si  ces  sûtras  eux-mêmes  étaient  par  conséquent  apocryphes  à  priori,  nous 
n'hésiterions  pas  à  voir  dans  ce  fait  exceptionnel  parmi  cette  classe  d'écrits,  un 
argument  décisif  contre  leur  antiquité.  En  résumé,  nous  estimons  que  la  date 
proposée  pour  le  Code  de  Manu  par  M.  W.  est  insoutenable  et  que,  dans  l'état 
actuel  de  nos  connaissances,  toute  détermination  précise  à  ce  sujet  est  préma- 
turée. On  a  p^rlé  des  premiers  siècles  de  notre  ère,  et  il  se  peut  qu'on  soit  tombé 
juste.  Les  premiers  écrivains  qui  le  citent  d'une  façon  certaine  paraissent  être 
jusqu'ici  les  Mimansistes. 

L'usage  peu  critique  qu'on  fait  souvent  de  ce  livre  célèbre,  particulièrement 
dans  des  ouvrages  de  droit  comparé,  doit  nous  servir  d'excuse  pour  cette  longue 


d'histoire  et  de  littérature.  345 

discussion.  Nous  serons  plus  brefs  dans  l'indication  de  quelques  inexactitudes 
de  détail  qui  ont  échappé  à  M.  W.  et  qu'il  aura  sans  doute  l'occasion  de  corriger 
dans  une  prochaine  édition.  P.  19  :  Il  est  peu  probable  que  les  7  chevaux  de 
Sûrya  aient  désigné  les  7  jours  de  la  semaine  que  les  Hindous  ne  paraissent  avoir 
connus  qu'assez  tard.  —  P.  23.  L'hymne  cité  est  du  dernier  livre  du  Rig  Veda. 

—  P.  28.  Le  Tânàya  et  le  Praudha  ou  Pancavimça-brâhmana  sont  un  seul  et 
même  ouvrage.  —  P.  31.  La  classification  des  sacrifices  donnée  en  note  est 
inexacte  au  point  de  vue  hindou  et  insuffisante  au  nôtre.  —  P.  3  5  et  182.  L'opi- 
nion émise  dans  l'Aïtareya-brâhma/ia  que  le  soleil  ne  descend  en  réalité  jamais 
sous  l'horizon,  mais  que  jour  et  nuit  il  va  et  vient  au-dessus  de  nos  têtes  en  nous 
présentant  successivement  ses  2  faces,  l'une  brillante  et  l'autre  obscure,  est  une 
explication  grossière  et  enfantine  qui  ne  fait  nullement  honneur  à  ceux  qui  l'ont 
imaginée,  fût-ce  «  2000  ans  avant  Copernic  )>.  —  Ibid.  L'explication  d'Upanishad 
par  «  ce  qui  gît  sous  la  (surface),  un  mystère  »  n'est  pas  probable  :  dans  un 
livre  élémentaire,  il  eût  fallu  indiquer  au  moins  qu'il  y  en  a  une  autre.  La  même 
observation  s'applique  à  l'étymologie  d'^ry^  rapproché  de  arare  p.  234.  —  P.  37. 
<(  Les  âranyakas  sont  si  obscurs  et  empreints  d'une  majesté  si  auguste,  qu'il 
n'était  permis  de  les  lire  que  dans  les  solitudes  des  forêts  ».  Je  ne  comprends 
pas  ce  que  M.  W.  veut  dire  par  là.  —  P.  38.  La  Taittirîya'Upanishad  fait  partie 
de  VAranyaka  et  non  de  la  Samhitâ.  —  P.  49.  En  faisant  de  Zoroastre  le  contem- 
porain du  Buddha,  de  Pythagore  et  de  Confucius,  il  eût  été  convenable  de 
prévenir  que  c'est  là  une  opinion  de  minorité.  —  P.  1 58.  La  règle  générale  que 
plus  un  sûtra  est  vieux,  plus  il  est  concis,  est  certainement  inexacte,  même  avec 
les  restrictions  dont  M.  W.  l'entoure.  La  concision  des  Sûtras  est  très-arti- 
ficielle; on  n'a  pas  dû  y  arriver  du  premier  coup,  et  nous  assistons  au  dévelop- 
pement graduel  de  ce  style  dans  certaines  parties  des  Brâhma/zas.  D'ailleurs  la 
règle  de  M.  W.  est  en  contradiction  avec  la  priorité  qu'il  assigne  lui-même  aux 
Kàlpa-sûtras  ;  ceux-ci  sont  bien  moins  concis  que  ceux  de  Pânini  et  que  les 
Sûtras  philosophiques.  Les  Sûtras  bouddhiques  n'ont  rien  à  faire  ici.  —  P.  1 59. 
Le  mot  râjanya  est  employé  encore  ailleurs  pour  désigner  les  xatriyas  ;  c'est  le 
terme  usuel  dans  lesbrâhma/ias.  —  P.  160.  La  classe  des  écrits  qualifiés  de  Çixâ 
est  bien  plus  nombreuse;  on  en  connaît  déjà  plus  d'une  douzaine.  —  P.  182. 
La  légende  des  27  Naxaîras^  filles  de  Daxa  et  épouses  de  Soma,  n'est  pas  parti- 
culière à  la  «  later  mythology  »  ;  elle  est  védique.  Cf.  par  ex.  T.  S.  II,  3,5,  i . 

—  P.  183.  Il  y  a  longtemps  que  M.  Whitney  ne  défend  plus  l'opinion  de  Biot 
d'après  laquelle  les  Naxatras  auraient  été  empruntés  aux  Chinois  et,  dans  ces 
derniers  temps,  il  l'a  formellement  combattue  :  Linguistic  and  Orient.  Siudies  II, 
38$.  —  P.  185  et  542.  Aryabha/a  n'est  l'auteur  que  d'un  seul  ouvrage, 
VAryabhalîya;  les  deux  autres  titres  désignent  des  subdivisions.  La  tradition 
hindoue  ne  sait  rien  d'un  auteur  de  ce  nom  qui  aurait  vécu  au  iir  siècle. 

A.  Barth. 


544  REVUE   CRITIQUE 

227.  —  Die  Geschichte  der  Quellen  und  Literatur  des  canonischen 
Rechts  von  Gratian  bis  auf  die  Gegenwart,  von  D'  Joh.  Friedrich  von  Sghulte. 
Drei  Baende.  Erster  Band.  Einleitung.  —  Die  Geschichte  der  Quellen  und  Literatur 
von  Gratian  bis  auf  Papst  Gregor  IX.  Stuttgart,  Ferd.  Enke.  1875.  '  vol.  in-8'  de 
vj-264  p.  —  Prix  :  10  fr.  75. 

Le  D^  Schulte,  dont  les  travaux  sur  les  sources  canoniques  du  Moyen  Age  ne 
sont  point  inconnus  parmi  nous,  mais  n'y  jouissent  pas  encore  de  la  grande 
réputation  qu'ils  méritent,  a  entrepris  de  résumer  et  de  fondre  en  un  tout  com- 
plet ses  vastes  recherches  :  il  vient  de  faire  paraître  le  premier  volume  d'une 
histoire  générale  de  la  littérature  canonique  depuis  Gratien  jusqu'à  nos  jours.  Ce 
premier  volume  embrasse  la  période  comprise  entre  Gratien  et  Grégoire  IX; 
après  une  sobre  introduction  dans  laquelle  l'auteur  expose  la  méthode  qu'il  a 
suivie  et  fournit  au  lecteur  les  renseignements  bibliographiques  indispensables, 
M.  Sch.  aborde  directement  son  sujet.  L'ouvrage,  dont  le  plan  me  paraît  simple 
et  très-naturel,  est  divisé  en  deux  parties. 

La  première  partie  est  consacrée  aux  recueils  de  textes,  en  tête  desquels  figure 
le  Décret  de  Gratien  que  son  auteur  n'a  pu  compiler  directement  sur  les  sources, 
mais  bien  à  l'aide  des  nombreuses  collections  qui  avaient  précédé  la  sienne.  (Ici 
M.  Sch.  énumère  les  modernes  éditions  scientifiques  de  quelques-uns  des  recueils 
que  Gratien  a  utilisés  :  cette  énumération  est  également  élogieuse  pour  les  divers 
éditeurs  dont  les  mérites  sont  pourtant  fort  inégaux').  Après  le  Décret  de  Gratien, 
M.  Sch.  passe  en  revue  les  compilations  comprises  entre  Gratien  et  Bernard  de 
Pavie  ou  Circa,  compilations  qu'il  a  déjà  étudiées  dans  une  intéressante  mono- 
graphie publiée  à  Vienne,  en  1873  ;  il  arrive  ensuite  à  la  compilation  de  Bernard 
de  Pavie  ou  Compilatîo  prima,  aux  Compilationes  secunda,  tertia,  quarta  et 
quinta  qui  précédèrent  les  travaux  de  Pennafort  et  de  Grégoire  IX.  Quelques 
renseignements  sur  la  science  en  droit  civil  des  compilateurs  canoniques  terminent 
cette  première  partie. 

La  seconde  est  consacrée  non  plus  aux  recueils  de  textes,  mais  aux  gloses, 
aux  commentaires  et  aux  travaux  personnels  des  canonistes.  M.  Sch.  étudie 
d'abord  les  décrétistes  ou  commentateurs  du  Décret  de  Gratien,  l'Italien  Pauca- 
palea  (d'où  l'expression  Paleae),  Omnibonus,  Rufinus  dont  il  cite  quelques  extraits 
inédits  des  plus  précieux  et  des  plus  intéressants,  Laborans,  le  célèbre  Huguccio, 
etc.,  etc.  Les  commentateurs  des  Décrétales,  ou  Décrétalistes ,  Richardus 
Anglicus,  Gratia,  Tancrède  etc.,  viennent  à  leur  tour  et  forment  chacun  l'objet 
d'un  chapitre  spécial.  Arrivé  au  terme  de  cette  étude,  M.  Sch.  expose,  en 
quelques  pages ,  le  système  d'enseignement  oral  du  droit  canonique  au  moyen 
âge  et  la  méthode  des  auteurs  dont  il  vient  d'énumérer  et  de  résumer  les 
travaux. 

Quelques  extraits  très-heureusement  choisis  forment  un  appendice  qui  sera  lu, 
je  n'en  doute  pas,  avec  un  véritable  intérêt. 


I.  Voyez  le  compte-rendu  de  l'édition  de  Deusdedit  publié  par  la  Revue  critique  du 
14  septembre  1872. 


d'histoire  et  de  littérature.  345 

Si  on  veut  bien  se  rappeler  que  la  plus  grande  partie  des  œuvres  canoniques 
du  moyen  âge  analysées  par  M.  Sch.  sont  encore  inédites,  si,  de  plus,  on 
tient  compte  de  ce  fait  que  presque  toutes  ces  compilations  ont  été  étudiées  par 
M.  Sch.  d'après  un  nombre  considérable  d'exemplaires,  on  mesurera  facilement 
toute  l'importance  de  l'ouvrage  que  je  viens  d'analyser. 

Je  regrette  que  l'auteur  n'ait  pas  toujours  indiqué  les  manuscrits  qu'il  a  utilisés. 
Il  se  contente,  dès  que  ce  renvoi  est  possible,  de  viser  ses  travaux  antérieurs, 
tandis  que,  sur  d'autres  recueils,  il  fournit  d'assez  amples  indications.  Le  lecteur 
eût  été  heureux  de  trouver,  sous  chaque  paragraphe,  la  liste  des  manuscrits  étudiés 
par  M.  Sch.  et  même  la  cote  de  ceux  dont  ce  dernier  connaît  l'existence,  mais 
qu'il  n'a  pu  aborder.  Ces  renseignements  ajouteraient  au  livre  une  grande  valeur 
pratique  :  mais  il  règne,  au  contraire,  à  ce  point  de  vue,  dans  tout  l'ouvrage, 
une  certaine  inégalité  :  ainsi,  M.  Sch.  cite  deux  manuscrits  d'Huguccio  de  la 
Bibliothèque  Nationale  ',  et  ne  mentionne  pas  les  manuscrits  d'Etienne  de  Tournai 
que  possède  la  même  bibliothèque 2;  aussi  bien,  M.  Sch.  (je  ne  puis  taire  ici  mon 
étonnement)  est  fort  mal  renseigné  sur  les  catalogues  de  la  Bibliothèque 
Nationale.  Il  s'exprime  ainsi  à  la  p.  lo  de  son  livre  :  «  le  catalogue  de  la  Biblio- 
))  thèque  de  Paris  ne  s'étend  pas  encore  jusqu'aux  ouvrages  de  droit;  quant 
»  aux  anciens  catalogues  ils  ne  sont  pas  complets;  et  les  cotes  ont  été  modi- 
))  fiées.  ))  Double  erreur,  les  cotes  de  l'ancien  catalogue  sont  toujours  vraies  et  le 
catalogue  des  nouveaux  fonds  latins  (le  seul  qui  intéresse  M.  Sch.)  a  été  entière- 
ment terminé  et  publié  par  l'infatigable  M.  Léopold  Delisle?.  Si,  comme  je  le 
crains,  M.  Sch.  n'a  pas  longuement  étudié  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque 
Nationale,  il  ne  saurait,  du  moins,  accuser  les  catalogues. 

Avant  de  quitter  le  chapitre  des  manuscrits,  je  signalerai  un  manuscrit  de  la 
Bibliothèque  du  Vatican  dont  M.  Sch.  ne  parle  pas,  et  qui  contient,  relative- 
ment à  la  date  de  \a^Compilatio prima,  la  même  note  que  le  Codex  1 105  deGiessen4. 
(Il  peut  être  utile  de  relever  ce  fait  pour  l'étude  comparative  des  manuscrits  de 
Bernard  de  Pavie.) 

Je  puise  cette  indication  dans  un  travail  de  la  Porte  du  Theil  que  M.  Sch. 
paraît  avoir  négligé  :  le  mémoire  en  question  lui  aurait,  de  plus,  fourni  les  indi- 
cations précises  sur  la  date  de  l'épiscopat  du  même  Bernard  de  Pavie  ;  il  n'est 
pas  suffisant  de  dire,  après  Laspeyres,  que  Bernard  fut  prévôt  de  l'Eglise  de  Pavie 
jusqu'en  1 191  et,  depuis  lors,  évêque  de  Faenza  s.  La  Porte  du  Theil  a  prouvé 
que  Bernard  ne  devint  évêque  de  Faenza  qu'un  certain  temps  après  le  29 
mars  1191'^. 

Mais  je  ne  veux  pas  tomber  d^ns  l'infiniment  petit.  Qu'il  me  suffise  de  dire  que 


1.  P.  1 57,  note  6. 

2.  P.  133,  note  4. 

3.  Bibl.  de  l'Ecole  des  chartes ^  V*  série,  t.  III,  p.  277  et  suiv.,  t.  IV,  p.  185  et  suiv. 
VI*  série,  t.  I,  p.  185  et  volumes  suivants. 

4.  P.  82,  note  17.  Conf.  Notices  et  extraits  des  manuscrits,  VI,  $2. 

K     S.  P.  177. 

K^     6.  Notices  et  extraits^  VI,  54. 

I 


346  REVUE   CRITIQUE 

ce  beau  livre  est  à   la  hauteur  de  ceux  qui  Pont  précédé  ;  il  les  coordonne,  les 
résume  et  les  complète.  Nous  n'attendions  pas  moins  du  savant  D"^  Schulte. 

Les  préoccupations  militantes  qui,  en  des  temps  très-divers,  ont  suivi  l'érudit 
canoniste  jusque  sur  le  domaine,  en  apparence,  très-pacifique,  de  la  science,  se 
laissent  bien  apercevoir  ici,  mais  d'une  façon  relativement  discrète  :  je  n'ai 
pas  à  m'en  préoccuper.  Je  dirai  seulement  qu'elles  ont  inspiré  à  l'auteur  une 
observation  trop  sévère  '  à  l'endroit  des  Correctores  Romani.  Les  Correctores  pou- 
vaient-ils se  placer  au  point  de  vue  historique  qui  nous  dirigerait  aujourd'hui  dans 
une  édition  du  Corpus  jaris?  Ils  ont  corrigé  le  Décret,  sans  se  préoccuper,  comme 
nous  le  ferions  nous-mêmes,  de  savoir  si  tel  recueil  utilisé  par  Gratien  était 
déjà  fautif,  cas  auquel,  avec  beaucoup  de  raison,  nous  maintiendrons  l'erreur 
dans  le  texte  d'une  édition  savante.  Devons-nous  leur  reprocher  avec  amertume 
cette  conduite  ?  Je  ne  le  pense  pas  :  une  sage  critique  évite  de  se  montrer  rétros- 
pectivement trop  exigeante. 

Paul  ViOLLET. 


228.  —  Dœbner,  Richard,  Die  Auseinandersetzung  ZT^ischen  Lud-wig  IV 
dem  Bayer  und  Friedrich  dem  Schœnen  von  Œsterreich  im  Jahre 

1325.  Gœttingen,  R.  Peppmùller.  1875.  In-8',  64  p.  —  Prix  :  2  fr.  15. 

La  présente  brochure  a  pour  but  d'examiner  de  plus  près  les  négociations  qui 
suivirent  la  bataille  de  Mùhldorf,  gagnée  le  28  septembre  1322  par  Louis  de 
Bavière  sur  l'anti-césar  Frédéric  le  Beau  d'Autriche.  Cette  victoire  mit,  comme 
on  sait,  le  prétendant  de  la  famille  des  Habsbourg  entre  les  mains  du  Bavarois 
triomphant,  qui  l'enferma  dans  le  château  de  Trausnitz.  Des  querelles  subsé- 
quentes avec  le  pape  Jean  XXII,  un  échec  assez  grave  qu'il  éprouva  au  siège 
de  la  ville  de  Burgau  engagèrent  Louis  à  se  réconcilier  avec  son  adversaire 
vaincu.  C'est  la  série  des  actes  débattus  et  finalement  conclus  entre  les  deux 
rivaux,  que  discute  M.  Doebner,  c.-à-d.  le  traité  de  Trausnitz,  du  1 3  mars  1325, 
celui  de  Munich,  du  5  septembre  de  la  même  année,  la  déclaration  d'Ulm,  du 
7  janvier  1326,  ainsi  que  les  circonstances  se  rattachant  à  ces  négociations, 
telles  que  la  tentative  de  Charles  le  Bel  pour  obtenir  la  couronne  impériale,  grâce 
au  concours  de  la  papauté  d'Avignon.  M.  D.  a  judicieusement  combiné  les 
rares  documents  authentiques  que  nous  possédons  aujourd'hui  sur  cette  époque 
passablement  obscure  de  l'histoire  d'Allemagne  ;  il  a  utilisé  les  données,  trop 
souvent  inexactes  ou  trompeuses,  des  chroniques  allemandes  et  même  étran- 
gères, des  sources  italiennes  surtout,  Marino  Sanudo,  Villani,  etc.  Ce  n'est  pas 
à  dire  qu'il  ait  réussi  à  porter  la  lumière  sur  toutes  les  questions  de  détail,  passa- 
blement embrouillées  parfois,  qui  se  rattachaient  à  son  sujet;  et  s'il  a  su,  sur 
quelques  points,  arriver  à  des  résultats  plus  exacts,  à  des  conclusions  plus 
probables  que  Kopp,  de  Weech,  ou  que  Kurz  par  exemple,  qui  ont  traité  le  sujet 
avec  le  plus  de  détails  avant  lui,  il  reste  encore  plus  d'un  problème  à  résoudre. 

1.  P.  74. 


d'histoire  et  de  littérature.  347 

Néanmoins  la  lecture  et  l'étude  du  travail  de  M.  D.  s'impose  à  qui  voudra 
étudier  ou  écrire  l'histoire  du  règne  de  Louis  de  Bavière,  et  marque  un  progrès 
dans  la  connaissance  de  la  question  spéciale  dont  il  s'occupe. 

Un  appendice  fort  court  traite  de  la  chronologie  de  quelques  lettres  du  pape 
Jean  XXII,  écrites  en  1 325  et  relatives  aux  négociations  avec  Frédéric  d'Au- 
triche. Nous  avons  été  frappé  de  voir  que,  citant  Villani  et  d'autres  auteurs 
étrangers,  M.  D.  n'ait  pas  trouvé  sous  sa  main  certains  chroniqueurs  français 
ou  flamands,  comme  la  Chronique  des  comtes  de  Flandre  ou  le  continuateur  de 
Guillaume  de  Nangis.  Il  semble  étrange  qu'un  candidat  au  doctorat  de  Goettingue 
—  car  le  présent  travail  n'est  sans  doute  qu'une  thèse  universitaire,  bien  que  le 
titre  n'en  dise  rien  —  n'ait  pu  se  procurer  à  la  bibliothèque  de  l'Université  des 
ouvrages  qui  ne  sauraient  y  manquer. 

R. 


229.  —  Introduction  à  Thistoire  de  la  Révolution  dans  la  Creuse.  Cahiers 
de  la  Marche  et  Assemblée  du  département  deGuéret,  1788- 1789;  par  Louis  Duval, 
archiviste  du  département  de  la  Creuse.  Paris,  Dumoulin.  1873,  In- 12,  197  et  147  p. 
—  Prix  :  5  fr. 

Le  volume  de  M.  D.  se  compose  de  deux  parties  :  une  introduction  et  un 
recueil  de  pièces.  L'introduction  elle-même  comprend  deux  sections  consacrées, 
l'une  à  l'histoire  générale  et  à  la  provinciale,  antérieures  à  la  convocation  des 
Etats  généraux  (i  à  171);  l'autre  à  un  récit  des  circonstances  qui  ont  accompagné 
ou  suivi  cet  événement  dans  la  Marche,  à  l'appréciation  des  espérances  ou  des 
craintes  qu'il  y  a  fait  naître,  au  tableau  des  opérations  électorales  auxquelles  il  y 
a  donné  lieu,  à  l'analyse  enfin  des  vœux  et  des  cahiers  que  les  trois  ordres  y  ont 
remis  à  leurs  députés. 

^  Avant  de  faire  de  ce  travail,  qui  doit  être  regardé  comme  le  prologue  d'une 
œuvre  plus  vaste,  l'éloge  qu'il  mérite,  je  suis  obligé  d'insister  sur  un  principe  que 
j'ai  déjà  eu  trop  souvent  l'occasion  de  poser. 

Les  histoires  locales  doivent,  pour  être  utiles,  conserver  leur  caractère  de 
monographie.  Il  ne  leur  est  permis  de  toucher  à  l'histoire  générale  que  discrè- 
tement, par  allusions  rapides,  qui  ont  pour  objet  de  rappeler  à  la  mémoire 
des  faits  présumés  connus,  en  tant  du  moins  que  ces  faits  sont  nécessaires  à  l'in- 
telligence des  circonstances  locales. 

Ce  principe  a  été  violé  par  M.  D.  Sans  doute  les  données  de  son  introduction 
ne  sont  pas  radicalement  fausses,  et  il  est  permis  d'adhérer  dans  une  certaine 
mesure  aux  conclusions  qu'elle  comporte.  Mais  comment,  rassemblée  en  170  pages, 
l'histoire  des  institutions  de  la  France  ne  serait-elle  pas  superficielle  ^.  Ainsi  conçue 
elle  ne  peut  être  que  le  reflet  d'opinions  déterminées;  elle  ne  va  point  au  fond 
des  choses,  elle  les  effleure  et  n'en  présente  point  les  différents  aspects.  L'esprit 
qui  a  animé  M.  D.  est  l'esprit  démocratique.  C'est  son  droit  d'avoir  celui-là. 
Mais  il  faut  bien  admettre  les  prérogatives  de  l'esprit  contraire  qui,  dans  un  tout 
autre  ordre  d'idées,  peut  inspirer  la  même  histoire. 


M^  REVUE  CRITIQUE 

Ce  que  doit  se  proposer  l'auteur  d'une  monographie,  c'est  l'étude  complète, 
détaillée,  voire  minutieuse  d'un  sujet  déterminé.  Si  M.  D.  s'était  borné  à  recher- 
cher dans  l'examen  des  institutions  propres  à  la  Marche  les  traits  qui  leur  étaient 
communs  avec  celles  de  la  France  et  les  traits  qui  en  diversifiaient  la  physionomie, 
il  eût  accompli  très-utilement  sa  tâche. 

Sous  cette  réserve,  je  n'ai  guère  que  des  éloges  à  donner  au  travail  de  M.  D. 
Il  est  composé  avec  soin,  rédigé  avec  conscience,  écrit  avec  modération,  au 
moins  dans  la  forme,  même  quand  la  pensée  est  excessive.  L'auteur  a  parfaite- 
ment résumé  les  pièces  qu'il  publie,  et  en  donne  très-exactement  l'esprit.  Ayant 
commencé,  je  l'avoue,  la  lecture  de  l'ouvrage  par  celle  des  documents,  et  ayant 
eu  occasion  d'y  faire  quelques  remarques,  j'ai  été  très-agréablement  frappé  de 
voir  que  les  points  notés  par  moi  n'avaient  nullement  échappé  à  l'attention  de 
M.  D.  et  qu'il  en  avait  tiré  tout  le  parti  désirable. 

Il  ne  me  sied  point  d'esquisser  ici  l'histoire  de  la  Marche;  je  la  résume  en  deux 
mots.  Pays  pauvre,  deshérité  des  biens  de  la  terre,  assez  négligé  et  comme 
perdu  dans  ses  limites  étroites,  au  milieu  de  riches  provinces,  la  Marche  souffrit 
plus  encore  que  ses  voisines  du  vice  d'une  administration  défectueuse,  mal  con- 
trôlée, souvent  insouciante  et  toujours  besogneuse.  Le  peu  qu'elle  arrachait  à  la 
misère  lui  était  disputé  par  les  contrées  limitrophes,  qui  employaient  à  la  cons- 
truction ou  à  l'entretien  de  leurs  routes  et  de  leurs  édifices  la  totahté  des  sommes 
votées  dans  l'intérêt  de  la  généralité.  De  là  une  lutte  incessante,  notamment 
avec  le  Bourbonnais,  qui  remplit  les  xvii^  et  xviii^  siècles;  lutte  où  la  Marche 
eut  régulièrement  le  dessous,  faute  d'influence  auprès  de  l'Intendant  et  à  la 
cour.  La  misère  et  le  conflit^  ces  deux  incurables  fléaux  de  l'ancien  régime 
dans  les  campagnes  et  les  petites  villes,  ont  particulièrement  sévi  en  Marche, 
avant  1789. 

Je  renonce,  j'ai  expliqué  pourquoi,  à  critiquer  la  partie  de  l'introduction 
oti  M.  D.  trace  le  tableau  de  ce  régime.  Je  dirai  quelques  mots  de  la  seconde, 
celle  où  il  s'agit  du  mouvement  que  marque  la  convocation  des  états  géné- 
raux; je  signalerai  d'abord  ce  que  j'y  veux  louer,  puis  ce  qui  m'y  paraît 
discutable. 

Des  assemblées  provinciales  de  1787,  M.  D.  a  raison,  je  crois,  de  dire  avec 
Tocqueville  et  contre  M.  de  Lavergne  qu'elles  étaient  condamnées  à  l'impuis- 
sance (p.  1 34).  Leur  institution  présentait  en  effet  tous  les  inconvénients  attachés 
aux  demi-mesures  politiques;  elles  agitent  les  esprits,  et  leur  refusent  l'aliment 
propre  à  les  calmer.  Alors,  la  nation  était  un  enfant  auquel  on  donne  une  part 
de  gâteau,  en  lui  laissant  le  reste  sous  les  yeux.  Aucun  ordre  de  l'Etat,  ni  la 
noblesse,  ni  le  clergé  lui-même  ne  devait  se  contenter  de  miettes,  après  qu'on 
eut  eu  l'imprévoyance  de  placer  à  sa  portée  l'objet  éternel  de  l'universelle  con- 
voitise :  le  pouvoir.  M.  D.  me  paraît  également  dans  le  vrai,  quand  il  signale 
(p.  160)  le  rôle  prépondérant  des  assemblées  de  département  de  1789  à  1791. 
Ce  fut  en  effet  la  seule  force  locale  qui  exerça  efficacement  l'autorité,  après  la 
disparition  des  administrations  de  l'ancien  régime,  et  jusqu'à  l'usurpation  factieuse 
des  municipalités  qui,  timide  encore  en  1792,  atteint  son  apogée  l'année  suivante. 


d'histoire  et  de  littérature.  349 

En  observant  que  nulles  entraves  ne  furent  apportées  à  la  libre  manifestation  de 
la  pensée  des  électeurs  en  1789  (p.  177),  M.  D.  fait  encore  une  remarque,  non 
pas  neuve,  mais  qu'on  omet  trop  souvent  :  jamais  depuis  cette  époque,  la  nation 
n'a  été  invitée  à  parler  d'abondance,  comme  elle  le  fut  dans  ce  moment  là.  Il 
importe  toutefois  de  ne  pas  oublier  que  dans  les  petites  villes,  et  dans  les  loca- 
lités, non  pas  les  moindres,  mais  celles  de  médiocre  étendue,  le  mouvement  fut 
conduit  parles  détenteurs  de  charges  judiciaires,  avocats  ou  officiers  subalternes 
qui  se  rapprochent  par  la  position  sociale  de  l'homme  d'affaires,  toujours  à  l'affût 
des  aubaines  ou  des  occasions  de  se  produire;  ils  s'emparèrent  de  la  direction 
des  assemblées  préliminaires,  et  en  rédigèrent  les  cahiers.  Selon  M.  D.  cette 
spontanéité  des  vœux  locaux  se  traduisit  par  une  communion  absolue  des  idées 
générales  (p.  17$))  ^^  il  cite  à  l'appui  de  son  opinion  celle  de  M.  Carnot  fils. 
Précaution  superflue  !  car  c'est  bien  là,  aujourd'hui  encore,  l'opinion  dominante. 
L'assertion  comporte  cependant  des  réserves.  Les  trois  ordres  n'ont  pas  eu  autant 
de  vues  communes  qu'on  l'a  dit  et  répété.  Il  est  certain  par  exemple  que,  presque 
dans  tous  les  bailliages,  le  clergé  a  revendiqué  le  monopole  de  l'éducation  et  de 
l'instruction  publique  (surtout  dans  les  campagnes,  point  à  noter)  et  la  noblesse 
l'exemption  de  la  taille,  de  l'impôt  personnel:  les  vœux  du  Tiers  furent  en 
général  absolument  contraires  à  ces  deux  prétentions  là.  Je  signale  des  traits 
d'ensemble.  Dans  le  détail,  la  diversité  des  cahiers  fut  telle  que  Rondonneau,  qui 
s'était  chargé  pour  le  compte  de  la  chancellerie  d'en  dresser  la  rédaction,  renonça 
à  sa  tentative  ;  elle  n'a  pas  été  reprise  depuis. 

M.  D.  excuse  les  rivalités  de  clocher,  ce  patriotisme  étant  au  fond,  dit-il,  une 
chose  fort  respectable  (p.  182).  Au  mot  de  respectable  j'en  substituerais  volon- 
tiers un  autre,  celui  de  regrettable  par  exemple.  Quand,  il  y  quinze  ans,  j'abordai 
pour  la  première  fois,  avec  tous  les  préjugés  de  l'instruction  puisée  dans  nos 
historiens  de  la  Révolution,  l'étude  des  Etats  généraux  de  1789,  le  spectacle  des 
luttes  engendrées  par  ce  genre  de  patriotisme  fut  une  des  révélations  qui  me 
causèrent  le  plus  de  désenchantement  et  de  dégoût.  Les  rivalités  de  ville  à  ville, 
les  conflits  d'attributions  de  corporation  à  corporation,  de  magistrat  à  magistrat 
remplissent  les  trois  quarts  de  la  correspondance  administrative  motivée  par 
la  réunion  des  Assemblées  primaires  et  secondaires.  Ce  n'est  pas  trop  s'avancer 
que  d'affirmer  que  les  franchises  locales  et  les  institutions  provinciales  d'avant 
1789  ont  tristement  abouti,  dans  la  période  finale,  à  l'explosion  des  passions  les 
plus  mesquines,  au  débordement  des  haines  et  des  colères  les  plus  frivoles.  Un 
égoisme  étroit  et  le  plus  mal  entendu  en  est  l'expression. 

M.  D.  approuve  le  doublement  du  Tiers;  mais,  il  le  déclare  avec  franchise, 
c'est  parce  qu'il  est  partisan  de  la  Révolution.  Il  est  impossible  denier,  ajoute-t-il, 
que  les  cahiers  du  Tiers,  en  demandant  le  vote  par  tête  et  non  par  ordre,  ont 
ouvert  la  carrière  à  la  Révolution  (p.  193,  conf.  p.  1 54).  Cette  opinion  me  paraît 
inattaquable.  Ce  que  je  conteste,  c'est  la  légitimité  du  droit  qui  fut  concédé  au 
tiers.  Céder  à  sa  prétention,  c'était  annuler  les  deux  autres  ordres.  Le  tiers,  selon 
moi,  obéissait  à  la  loi  de  tout  organisme,  qui  est  la  recherche  de  sa  conservation, 
partant  de  son  accroissement  indéfini.  Car  tout  ce  qui  ne  se  développe  pas,  indi- 


^JO  REVUE   CRITIQUE 

vidu,  corps,  ou  nation,  tend  nécessairement  à  l'amoindrissement  et  dépérit.  Ce 
qui  occupa  le  Tiers  en  1789  plus  encore  qu'en  d'autres  temps,  parce  qu'alors  il 
parvint  à  son  complet  épanouissement  (non  qu'il  ne  fût  rien  auparavant  ainsi  que 
l'a  écrit  Sieyès;  depuis  deux  siècles,  il  avait  très-grande  place  à  tout  dans 
l'Etat),  c'est  le  souci  de  ses  intérêts  propres.  Ce  qui  le  choquait  dans  les  privilèges 
du  Clergé  et  de  la  Noblesse,  c'était  de  n'y  point  participer.  Il  trouvait  mauvaises 
les  exemptions  du  Clergé  et  de  la  Noblesse;  il  aurait  trouvé  très-bon  d'en  jouir,  à 
l'exclusion  des  classes  qu'il  jugeait  inférieures  à  la  sienne,  celles  des  ouvriers  et  des 
paysans.  Ce  sentiment  éclate  dans  certains  cahiers  dont  M.  D.  a  très-heureuse- 
ment relevé  des  passages  significatifs.  Les  bourgeois  de  la  Marche  revendiquent 
l'accession  à  tous  les  emplois  militaires  (l'interdiction  des  grades  supérieurs  étant, 
disent-ils,  l'affront  le  plus  sensible  à  un  Français)  de  la  même  main  qu'ils  repous- 
sent, comme  une  sanglante  injure,  l'humiliation  de  tirer  au  sort  pour  la  milice 
avec  les  enfants  de  leurs  meuniers,  de  leurs  métayers  et  de  leurs  propres  domes- 
tiques (p.  86,  177  et  108  des  pièces). 

Il  est  encore  deux  points  que  je  tiens  à  louer  dans  le  travail  de  M.  D.  Dans 
la  série  des  documents  qu'il  met  au  jour,  il  fait  suivre  la  liste  des  membres  du 
clergé  de  la  Marche  qui  ont  pris  part  à  l'Assemblée  de  l'ordre  et  à  la  rédaction 
du  cahier,  de  l'indication  de  leurs  fonctions  précédentes  et  ultérieures;  il  donne 
la  date  de  leur  mort,  il  fait  savoir  quels  sont  ceux  qui  accordèrent  ou  refusèrent 
le  serment  (p.  48  des  pièces).  Cette  recherche  aussi  intéressante  que  difficile 
est  du  meilleur^exemple. 

Enfin  il  signale  très-judicieusement  comme  des  sources  d'informations  pré- 
cieuses certains  registres  d'état-civil  où  les  curés  de  campagne  inscrivaient  à  côté 
des  actes  de  baptême,  de  mariage  et  d'enterrement,  nombre  de  particularités 
concernant  l'histoire  locale^  sortes  d'annales  intimes  du  village,  de  la  cure  et  de 
l'église,  où  l'on  trouve  des  comptes,  des  situations  de  revenus,  des  descriptions 
topographiques,  voire  des  généalogies  de  famille  (p.  63). 

H.  Lot. 


VARIÉTÉS. 


Die  deutschen  Mundarten.  Zeitschrift  fur  Dichtung,  Forschung  und  Kritik,  hgg. 
von  D'G.  Karl  Frommann.  Siebenter  Band  (NeueFolge,  ersterBand).  I.  Heft.  In-8*. 
Halle,  Verlag  der  Buchhandlung  des  Waisenhauses,  1875.  128  p.  — Prix  :  5  fr.  35. 

Nous  nous  empressons  d'annoncer  la  réapparition  de  cette  revue,  dont  la 
publication  était  interrompue  depuis  14  ans.  Inutile  d'insister  ici  sur  Pà-propos 
et  l'importance  de  l'étude  des  dialectes  ;  non-seulement  on  y  trouve  bien  souvent 
l'explication  la  plus  sûre  des  particularités  que  présente  la  langue  littéraire,  mais 
encore  ils  offrent  pour  la  philologie  générale  et  la  grammaire  comparée  les  rensei- 
gnements les  plus  précieux.  Alors  que  les  Anglais  ont  fondé  une  société  pour  l'étude 
des  dialectes  de  la  Grande-Bretagne ,  que  nous  avons  celle  des  langues  romanes 
et  qu'Ascoli  et  son  école  poursuivent  leurs  publications,  il  eût  été  étrange  que 
l'Allemagne  n'eût  point  de  périodique  destiné  à  consigner  et  à  encourager  les 


d'histoire  et  de  littérature.  551 

recherches  dont  ses  dialectes  si  variés  continuent  à  être  l'objet,  même  après  les 
travaux  des  Schmeller  et  des  Weinhold.  A  en  juger  par  le  premier  numéro  le 
journal  de  M.  K.  Fr.  répond  parfaitement  à  ce  qu'on  attend  d'une  publication 
de  cette  nature,  et  les  auteurs  se  sont  fait  une  idée  fort  exacte  du  programme 
qu'ils  avaient  à  remplir;  le  mode  de  transcription  proposé  par  M.  Schroer  en 
particulier  mérite  d'être  médité  et  en  général  approuvé  ;  on  peut  regretter  seule- 
ment que  certains  sons,  communs  à  presque  toutes  les  langues  indo-européennes, 
soient  représentés  par  des  signes  autres  que  ceux  qu'on  admet  d'ordinaire  :  c'est 
le  cas  par  exemple  pour  y,  sonore  de  scli,  figuré  ici  par  s,  bien  que  ce  signe  soit 
le  plus  souvent  celui  de  la  sourde  sch  elle-même. 

Mais  je  ne  voudrais  pas  trop  insister  sur  ces  critiques  de  détail ,  quoiqu'elles 
aient  aussi  leur  importance,  et  j'arrive  à  la  composition  du  premier  numéro  de  la 
nouvelle  revue.  Après  un  exposé  des  devoirs  qui  incombent  à  celui  qui  veut 
étudier  scientifiquement  les  dialectes  allemands,  et  des  exigences  qu'on  est  en 
droit  de  réclamer  pour  l'édition  et  l'orthographe  des  textes,  on  y  trouve  trois 
articles  de  fond  d'un  grand  intérêt.  Le  premier,  du  D""  Staub  de  Zurich,  est  con- 
sacré à  l'examen  d'une  particularité  phonétique  non  encore  signalée  du  dialecte 
suisse  alémanique,  la  suppression  de  n  devant  une  consonne,  suppression  que 
connaissait  aussi  le  latin  de  la  décadence,  et  qui,  par  suite,  s'observe  également 
dans  les  langues  romanes.  Le  second  article,  du  D""  H.  Rœttsches,  est  une  étude 
approfondie  du  dialecte  de  Krefeld  dans  ses  rapports  avec  l'ancien  saxon, 
l'anglo-saxon  et  l'ancien  haut-allemand.  Dans  le  troisième  article  enfin  le  profes- 
seur A.  Birlinger  de  Bonn  donne  des  renseignements  nouveaux  et  curieux  sur  les 
termes  de  chasse  et  de  pêche  dans  le  dialecte  bavarois.  Un  épithalame  de  1670, 
écrit  dans  le  dialecte  de  la  Marche,  nous  ramène  au  bas-allemand  et  termine 
dignement  le  premier  fascicule  de  cette  revue  à  laquelle  nous  souhaitons  la  bien- 
venue, en  appelant  de  nos  vœux  le  jour,  puisse-t-il  n'être  pas  éloigné!  où  un 
recueil  semblable  se  fondera  chez  nous  pour  l'étude  des  patois  parlés  au  nord 
de  la  Loire.  C.  J. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 
ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  1 9  novembre  1 87  5 . 

M.  de  Saulcy  rend  compte  du  troisième  rapport  de  M.  V.  Guérin  au  ministre 
de  l'instruction  publique  sur  sa  mission  en  Palestine.  Ce  rapport  est  daté  du 
20  septembre  187$.  M.  Guérin,  à  cette  date,  avait  visité  les  régions  de  la  haute 
Galilée  et  la  ville  de  S.  Jean  d'Acre.  Un  accès  de  fièvre  pernicieuse,  qui  avait 
mis  sa  vie  en  danger,  l'avait  arrêté  quelque  temps.  Parmi  les  résultats  nouveaux 
consignés  dans  ce  rapport  de  M.  Guérin,  M.  de  Saulcy  signale  la  découverte  de 
l'emplacement  de  la  ville  d'Asochis,  mentionnée  dans  Joseph. 

M.  F.  Liger  écrit  pour  se  porter  candidat  à  la  place  de  membre  ordinaire 
vacante  par  la  mort  de  M.  Brunet  de  Presle  (v.  ci-après,  ouvrages  déposés). 


3^2  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

M.  Heuzey  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la  ville  de  Dyrrhachium 
ou  Épidamne.  Après  avoir  achevé  de  montrer  que  pendant  presque  toute  la  durée 
des  temps  antiques  ces  deux  noms  furent  tenus  pour  synonymes,  et  que  si  sous 
l'empire  quelques  personnes  ont  voulu  les  distinguer,  la  différence  qu'ils  faisaient 
entre  Épidamne  et  Dyrrhachium  n'était  que  celle  d'une  ville  haute  et  d'une  ville 
basse,  de  la  citadelle  et  du  port  d'une  même  localité,  M.  Heuzey  donne  une 
description  détaillée  des  lieux  où  était  située  cette  ville  et  des"  ruines  qui  en 
restent.  ïl  donne  en  même  temps  au  tableau  la  carte  des  lieux  qu'il  décrit.  L'en- 
ceinte ancienne  de  Dyrrhachium  formait  un  vaste  quadrilatère,  dont  la  ville 
moderne  de  Durazzo  n'occupe  aujourd'hui  qu'un  angle.  La  grande  enceinte 
existait  encore  au  moyen-âge;  en  123$  elle  fut  renforcée  d'une  tour,  comme  le 
prouve  une  inscription  que  cite  M.  Heuzey.  Cette  inscription,  écrite  en  vers 
grecs,  indique  que  la  tour  a  été  bâtie  par  Théodore  Ducas  Comnène,  c'est  à  dire 
par  Théodore  L'Ange,  second  despote  d'Épire  et  de  Thessalie,  qui  prétendait 
descendre  des  Comnènes. 

M.  Desjardins  continue  la  lecture  du  mémoire  de  M.  Charles  Tissot  sur  la 
géographie  ancienne  de  la  Maurétanie  Tingitane.  Il  annonce  que  M.  Tissot  est 
reparti  pour  le  Maroc,  d'où  il  se  propose  d'envoyer  une  nouvelle  carte  à  l'appui 
de  son  mémoire. 

Ouvrages  déposés  :  —  L.  Deschamps  de  Pas  :  Essai  sur  l'histoire  monétaire  des  comtes 
de  Flandre  de  la  maison  d'Autriche  (i 482-1 556);  Paris,  1874,  et  Bruxelles,  1875,  2  vol. 
in-8°.  —  A.  Franklin  :  La  Sorbonne;  Paris,  187^,  in-8".  —  L.  Gilliodts  van 
Severen  :  Coutumes  du  pays  et  comté  de  Flandre,  quartier  de  Bruges,  t.  2  :  coutumes 
de  la  ville  de  Bruges;  Bruxelles,  1875,  in-40.  —  F.  Liger  :  Notice  sur  les  titres  et  les 
travaux  de  M.  F.  Liger,  Paris,  187^,  in-4*;  La  ferronnerie  ancienne  et  moderne,  Paris, 
187^-75,  2  vol.  in-8o;  Fosses  d'aisance,  latrines,  urinoirs  et  vidanges,  Paris,  1875, 
in-8°  ;  etc.  —  C.  de  Longe  :  Coutumes  du  pays  et  duché  de  Brabant,  quartier  d'Anvers, 
tome  5  :  coutumes  du  Kiel,  de  Deurne  et  de  Lierre;  Bruxelles,  1875,  in-40. 

M.  Jules  Girard  présente  de  la  part  de  M.  Dufour  la  relation  du  siège  de  Paris  par 
Henri  IV  en  1590,  par  Filippo  Pigafetta ,  traduite  de  l'italien  par  M.  Dutour  (extrait 
des  mémoires  de  la  Société  de  l'histoire  de  Paris  et  de  l'Ile  de  France).  Cette  relation 
tire  un  intérêt  particulier  des  détails  qu'elle  donne  sur  la  ville  de  Paris  au  temps  de 
Henri  IV.  —  M.  Delisle  annonce  que,  depuis  la  publication  de  la  traduction  de  M.  Dufour, 
il  a  été  trouvé  à  la  bibliothèque  de  l'institut  un  exemplaire  de  la  relation  de  Pigafetta 

3ui  présente,  de  plus  que  les  autres,  un  plan  de  Paris,  ce  qui  augmente  encore  l'intérêt 
e  cet  ouvrage. 

M.  Garcin  de  Tassy  présente,  de  la  part  de  M.  Paul  Bataillard,  un  travail  sur  les 
origines  des  Bohémiens  ou  Tsiganes,  qui  a  paru  cette  année  dans  la  Revue  critiaue,  et  de 
la  part  du  Rév.  M.  Hughes,  missionnaire  à  Peschaw^ar,  un  ouvrage  '\niiiu\e  Notes  on 
Muhamadamsm.  Cet  ouvrage  a  pour  but  de  faire  connaître  exactement  les  dogmes  de  la 
religion  musulmane,  afin  de  guider  les  missionnaires  chrétiens  dans  leurs  controverses 
avec  les  Musulmans.  M.  Hughes  a  publié  ces  Notes  en  attendant  un  ouvrage  plus  consi- 
dérable qu'il  prépare  sur  le  même  sujet;  il  y  a  joint  un  utile  index  des  mots  techniques. 

Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


SoNDERMÛHLEN,  Aliso  und  die  Gegend  der  Hermannschlacht.  Berlin,  Gûlker  u. 
Go.  In-8",  117  p.  (sans  rigueur  scientifique).  —  Hunziker,  Wallenstein. 
Zurich,  Schabeiitz.  In-8",  100  p.  (excellente  biographie  de  Wallenstein  en  tant 
qu'homme  d'État  et  duc  de  Meklenbourg).  —  Keil,  Vor  hundert  Jahren.  2  Bde. 
Leipzig,  Veit  u.  Go.  In-8",  viij-260  p.  ;  iv-296  p.  (Communications  sur  le  séjour 
de  Goethe  à  Weimar  et  sur  Gorona  Schrœter).  —  Hinrichs,  De  Homericae 
elocutionis  vestigiis  aeolicis.  Jena,  Frommann.  ln-8'*,  175  p.  (article  favorable). 
—  Titi  Livii  historiarum  Romanorum  libriqui  supersunt.  Iterum  edd.  Madvigius 
et  Ussingius  Ccf.  Rev.  criî.  1875,  I,  p.  11).  —  Faidherbe,  Essai  sur  la  langue 
Poul.  Paris,  Maisonneuve.  In-8°,  129  p.  (art.  favorable).  —  Archivio  glottolo- 
gico  italiano  diretto  da  Ascoli.  Vol.  III,  punt.  I;  Vol.  IV,  punt.  I.  Turin, 
Lœscher.  In-8%  120;  116  p.  (ces  fasc.  contiennent  d'importants  travaux).  — 
RiESE,  Die  Idealisirung  der  Naturvœlker,  etc.  (cf.  Rev.  crit.,  187$,  I,  p.  373). 

Anzeiger  fur  Kunde  der  deutschen  Vorzeit,  n°  10,  octobre  1875.  Mit- 
theilungen  liber  einen  Sammelband  des  Stadtarchives  zu  Rotenburg  an  der 
Tauber  (Vogel).  —  Ueber  das  Doppelwappen  auf  dem  Schwerte  des  heiligen 
Mauritius  (Fûrst  Hohenlohe).  —  De  quodam  iuvene  (W.  Wattenbach).  — 
Zur  Schafzucht  (Ê.  Dùmmler). — Beilage  zum  N"  10.  Ghronik  des  germanischen 
Muséums.  —  Schriften  der  Akademieen  und  historischen  Vereine.  —  Nach- 
richten. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINGIPALES   PUBLIGATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES, 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Berthelot  (S.).  Notice  sur  les  caractères 
hiéroglyphiques  gravés  sur  des  roches 
volcaniques  aux  îles  Ganaries.  In-8°, 
16  p.  Paris  (imp.  Martinet). 

Bouteiller  (de).  Dictionnaire  topogra- 
phique de  l'ancien  département  de  la 
Moselle,  comprenant  les  noms  de  lieu 
anciens  et  modernes,  rédigé  en  1868  sous 
les  auspices  de  la  Société  d'archéologie 
et  d'histoire  de  la  Moselle.  In-4°,  Iv-  320  p. 
Paris  (Imp.  nationale). 

Brûsztle  (J.).  Recensio  universi  cleri 
dioecesis  Quinque-Ecclesiensis,  distincte  a 
tempore  amotas  cum  exitu  seculi  XVII 
tyrannidis  Turcicae,  restitutaeque  in  his 
partibus  tranquillitatis,  ad  jectis  quibusdam 
aetatem  hanc  antecedentibus,  commenta- 
riis  historicis  illustrata.  T.  i.  Gr.  in-8°, 
660  p.  Buda-Pest  (Tettey  et  G«).  1 0  f.  7  s 

Comptes  rendus  de  la  Société  française 
de  numismatique  et  d'archéologie.  T.  4 
Année    1873.    Gr.    in-8**,    xviij-546 
Paris  (Rue  de  l'Université).  12 


t: 


Curti  (P.  A.).  Pompei  e  le  sue  rovine. 
Vol.  2  e  3.  2  vol.  in-16,  8^6  p.  con 
incis.  Milano  (Sanvito).  16  fr. 

Curtius  (G.).  Studien  zur  griechischen  u. 
lateinischen  Grammatik.  7.  Bd.  2  Heft. 
Mit  d.  Indices  zu  allen  7  Bdn.  S.  273- 
518.  In-8°.  Leipzig  (Hirzel).  8  fr. 

Desmaze  (G.).  Le  Reliquaire  de  M.  Q^. 
de  La  Tour,  peintre  du  roi  Louis  XV; 
sa  correspondance  et  son  œuvre.  In- 12, 
88  p.  Paris  (Leroux). 

Diari  délia  città  di  Palermo  dal  secolo 
XVI  al  XIX  pubblicati  su'  manoscritti 
délia  Biblioteca  comunale,  preceduti  da 
prefazioni  e  corredati  di  note  per  cura  di 
G.  Di  Marzo.  Vol.  XIV.  In-S»,  334  P. 
Palermo  (Pedone-Lauriel).  12  fr. 

Dodsley's  Old  English  Plays.  4th  Edit., 
by  W.  G.  Haziitt.  Vol.  2.  In-8-,  cart. 
580  p.  London  (Reeves  et  T.).  13  fr.  15 

Doehner  (T.).  Satura  critica.  In-8',  ^6 p. 
Plauen  (Neupert).  4  ir. 


k 


Douen  (0.).  L'Intolérance  de  Fénelon. 
Études  historiques  d'après  des  documents 
pour  la  plupart  inédits.  Nouvelle  édit., 
augmentée  d'une  préface  et  de  plusieurs 
appendices.  In-i8  jésus,  xxxvj-342  p. 
Paris  (Sandoz  et  Fischbacher). 

Ehlers  (J.).  De  Graecorum  aenigmatis  et 
griphis.  In-4°,  24  p.  Prenziau  (Mieck). 

2  fr. 

Encyclopaedia  Britannica.  9th  Edit., 
edited  by  T.  Spencer  Baynes.  Parts  2  and 

3.  In-4°.  London  (Simpkin).  Chaque 
partie.  9  fr.  50 

Fiabe,  novelle  e  racconti  popolari  Siciiiani 
raccolti  ed  illustrate  da  G.  Pitre,  con 
discorso  preliminare,  grammatica  del  dia- 
letto  e  délie  parlate  siciliane,  saggio  di 
novelline  Albanesi  di  Sicilia,  e  glossario. 
4  vol.  in- 16,  CCXXX-1692  p.  Palermo 
(Pedone-Lauriel).  25  fr. 

Forschnngen,  morgenlasndische.  Fest- 
schrift  Herrn  Prof.  D'  H.  L.  Fleischer 
zu  seinem  50  jaehr.  Doctorjubilasum  am 

4.  Maerz  gewidniet  v.  seinen  Schùlern 
H.  Derenbourg,  H.  Ethé,  0.  Loth,  A. 
Mùller,  F.  Philippi,  B.  Stade,  H.  Thor- 
becke.  In-8*,  3 10  S.  Leipzig  (Brockhaus). 

16  fr. 

Frout  de  Fontpertuis  (A.).  L'état 
économique,  moral  et  intellectuel  de  l'Inde 
anglaise.  In-8%  40  p.  Paris  (Guiilaumin 
et  G'). 

Gregorovius  (F.).  Storia  délia  Città  di 
Roma  nel  Medio  Evo  dal  secolo  V  al  XVI. 
Vol.  Vî.  In- 16,  852  p.  Venezia  (tip.  An- 
tonelli).  10  fr.  50 

Heman  (C.  F.).  Eduard  v.  Hartmann's. 
Religion  der  Zukunft  in  ihrer  Selbstzer- 
setzung  nachgewiesen.  In-8°,  68  S. 
Leipzig  (Hinrichs).  i  fr.  75 

Hengstenberg  (E.  W.).  Das  Buch 
Hiob  eriseutert.  2.  Th.  In-8*,  364  S. 
Leipzig  (Hinrichs).  8  fr. 

Joyce  (P.  W.).  The  Origin  and  History 
of  Irish  Names  of  Places.  2nd  Séries. 
In-i2,  cart.    500  p.  London  (Simpkin). 

9  fr.  ^0 

KircliDmnn  (J.  H.  v.).  Ueber  das  Prin- 
zip  d.  Realismus.  In-8%  60  S.  Leipzig 
(Koschny).  i  fr-  7$ 

Lectures  on  Literature  and  Art,  delivered 
in  the  Théâtre  of  the  Royal  Gollege  of 
Science,  St.  Stephen's  Green ,  Dublin. 
By  J.   P.    Mahaffy,    Jellett,  Dowden , 


Héron,  Ruskin,  Whately,  Graves,  Bishop 
of  Derry,  Sherlock.  In-12,  cart.  350  p. 
London  (Simpkin).  6  fr.  25 

Liower  (M.  A.).  English  Surnames  :  an 
Essay  on  Family  Nomenclature,  Histo- 
rical,  Etymological,  and  Humorus.  4th 
edit.,  enlarged.  2  vol.  in-8'',  cart.  Lon- 
don (J.  R.  Smith).  1 5  tr. 

Malleson  (G.  B.).  Studies  from  Genoese 
History.  In-8',  cart.  346  p.  London 
(Longmans).  13  fr.  2  s 

Myers  (P.  V.  N.).  Remains  of  lors  Em- 
pires :  Sketches  of  the  Ruins  of  Palmyra, 
Nineveh,  Babylon  and  Persepolis.  With 
some  Notes  on  India  and  the  Cashmerian 
Himalayas.  With  Illustrations.  In-S* 
cart.  522  p.  London  (Low).  20  fr' 

Paris  (L.).  Les  papiers  de  Noailles  de  la 
bibliothèque  du  Louvre.  Dépouillement 
de  toutes  les  pièces  qui  composaient  cette 
précieuse  collection ,  brûlée  dans  la  nuit 
du  23  au  24  mai  1871,  avec  le  texte 
même  d'un  grand  nombre  de  documents 
relatifs  aux  guerres  civiles  du  XVI«  siècle. 
2  vol.  in-80,  xxxj-508  p.  Paris  (Dentu). 

Proudhon  (P.-J.).  Correspondance.  T.  8. 
In-8°,  392  p.  Paris  (Lib.  internationale). 

Sfr. 

Raleigh  (W.).  Poems.  Collected  and 
Authenticated  with  those  of  Sir  H.  Wot- 
ton  and  other  Courtly  Poets,  from  1 54c 
to  1650.  Edited,  with  an  Introduction 
and  Notes,  by  J.  Hannah.  In-12,  cart. 
300  p.  London  (Bell  et  S.).       6  fr.  25 

Rosny  (L.  de).  San-Tsaï-Tou-Hoei.  Les 
peuples  de  l'Indo-Chine  et  des  pays  voi- 
sins. Notices  ethnographiques  traduites 
du  chinois.  In-8°,  13  p.  Poissy  (imp. 
Lejay  et  Ce). 

Roth  (K.).  Der  Atharvavedain  Kaschmir. 
In-4*,  25  S.  Tùbingen  (Eues),      i  fr.  75 

Shelburne.  Life  of  William,  Earl  of 
Shelburne  (afterwards  first  Marquess  ot 
Lansdowne).  With  Extracts  from  ,  his 
Papers  and  Correspondence.  By  Lord  E. 
Fitzmaurice.  Vol.  1.  1737-1766.  In-8", 
cart.  422  p.  London  (Macmillan-.  15  fr. 

Tissandier  (G.).  Histoire  de  la  gravure 
typographique.  Conférence  faite  au  cercle 
de  la  librairie.  In-40,  14  p.  Paris  (imp. 
Pillet). 

"Wilisch  (E.  G.).  Ueber  die  Fragmente 
d.  Epikers  Eumelos.  In-8*,  41  S.  Leipzig 
(Teubner).  '  fr-  75 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N<»  49  Neuvième  année.  4  Décembre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE   PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d'abonnement  : 

.     Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 
Ip,  suivant  le  pays. 

î„,  ■  

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 


Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 


ANNONCES 


AVIS. 

A  partir  du  i*""  janvier  1876,  la  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature  paraîtra 
chez  M.  Ernest  Leroux,  libraire-éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  où  Ton  devra 
remettre  les  ouvrages  et  publications  périodiques  destinés  à  la  Revue,  et  adresser 
toutes  les  communications. 


En  vente  chez  F.  Vieweg,  libraire-éditeur  (librairie  A.  Franck), 
67,  rue  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

25e  ET  26e  fascicules. 

CHEREF-EDDIN  RAMI    <ochcht 

Traité  des  termes  figurés  relatifs  à  la  description  de  !a  beauté.  Traduit  du  persan 
et  annoté  par  C.  Huart.  5  fr-  $0 


P-p  T  T-i  Q  Q  T-^  rp     Vocabulaire   hiéroglyphique   comprenant 
•      1    1  Ci  IV  rv  Ci    1       les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement.  3"»^  fascicule. 

6fr. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n°  184,  new  séries,  13  novembre.  The  Aeneids  (sic)  of 
Virgil,  done  into  English  Verse.  By  W.  Morris.  London,  Ellis  and  White 
(H.  Nettleship  :  traduction  d'une  grande  beauté  et  en  même  temps  d'une 
grande  fidélité).  —  Kuenen,  The  ReHgion  of  Israël  to  the  Fall  of  the  Jewish 
State.  Transi,  from  the  Dutch  by  Heath  May.  In  Three  Vols.  London,  Williams 
and  Norgate  (Philip  H.  Wicksteed  :  s'applaudit  que  l'Angleterre  ait  devancé 
l'Allemagne  et  la  France  dans  la  traduction  d'un  ouvrage  de  cette  importance). 

—  Paris  Letter  G.  Monod  :  nouvelles  littéraires).  — Correspondence  :  The  Trojan 
Antiquities  (Henry  Schliemann  dément  l'assertion  d'un  collaborateur  de  La 
Liberté  que  M.  Schl.  aurait  offert  à  plusieurs  gouvernements  de  l'Europe  de 
vendre  sa  collection).  —  The  Discovery  of  the  Lake-Dwellings  (D.  B.  Monro  : 
cette  découverte  est  due  non  pas  au  D'^Keller,  de  Zurich,  mais  à  un  maître 
d'école  d'Ober-Meilen,  du  nom  d'Aeppli).  —  On  Freewill  (Francis  Lloyd; 
observations  d'une  grande  justesse  sur  l'article  de  M.  Hinton  relatif  au  libre 
arbitre;  cf.  Academy  du  23  octobre).  —  Smee,  The  Mind  of  Man  (James  Hinton; 
d'après  le  compte-rendu  qui  en  est  donné ,  cet  ouvrage  paraît  contenir  de  fort 
curieux  passages  :  l'auteur  reproduit  artificiellem.ent  certains  organes,  des 
muscles,  etc.,  et  les  fait  agir  au  moyen  de  l'électricité).  —  Max  Mùller,  Chips 
from  a  German  Workshop.  Vol.  IV.  London,  Longmans,  Green  and  Go.  (A.  H. 
Sayce  rarticle  extrêmement  élogieux). 

The  AthensBum,  n°  2507,  13  novembre.  R.  F.  Burton,  Two  Trips  to 
Gorilla  Land  and  the  Gataracts  of  the  Gongo.  2  Vols.  Sampson  Low  and  Go. 
(relation  du  plus  haut  intérêt).  —  The  Indian  Song  of  Songs.  Transi,  by  E. 
Arnold.  Trùbner  (art.  défavorable).  —  Manuscripts  of  the  Hebrew  Scriptures 
(on  a  découvert  à  Alep  le  ms.  de  l'Ancien  Testament  révisé  par  R.  Aaron  ben 
Asher;  M.  Ginsburg  doit  aller  le  collationner,  ainsi  que  le  ms.  incomplet  qui  se 
trouve  au  Gaire  dans  la  synagogue  Karaïte).  —  Early  Allusions  to  Shakspeare 
(G.  Elliot-Browne).  —  Inscriptions  in  Geylon  (détails  sur  les  résultats  qu'a 
obtenus  M.  P.  Goldschmidt,  chargé  comme  on  sait,  de  relever  les  inscriptions 
de  Geylan).  —  Milton's  Gopy  of  Gooper's  «  Thésaurus  »  (J.  Payne  Gollier  : 
a  trouvé  sur  les  marges  du  volume  1 500  annotations  de  la  main  de  Milton).  — 
The  Prince's  Visit  to  India.  —  Miscellanea.  To  Miche  (Edmund  Venables  :  c'est 
ainsi  qu'il  faut  écrire  ce  verbe  et  non  Minch). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  46,  13  novembre.  Bach,  Die  Dogmen- 
geschichte  des  Mittelalters.  2.  Th.  Wien,  Braumùller.  In-8°,  xvj-767  p. — 
ToLLiN,  Luther  und,  Servet.  In-8°,  61  p.  (l'auteur  est  le  savant  qui  connaît  le 
mieux  Servet  et  ses  ouvrages).  —  Frohschammer,  Der  Primat  Pétri  und  des 
Papstes.  Elberfeld,  Loll.  In-8",  30  p.  (l'auteur  se  propose  de  démontrer  que  les 
Papes  n'ont  aucun  droit  à  s'intituler  successeurs  de  saint  Pierre).  —  Grotefend, 
Stammtafeln  der  schlesischen  Fùrsten  biszum  Jahre  1740.  Breslau,  Max.  In-4'*, 
65  p.  (L'article,  louangeur,  paraît  avoir  été  écrit  par  l'auteur  lui-même).  — 
Reinisch,  Aegyptische  Ghrestomathie.  2.  Lief.  Wien,  Braumùller.  In-fol.  28  pi. 

—  DuFOUR,  Les  dialectes  grecs.  Genève,  Jullien.  ln-8'',  77  p.  (sans  valeur). — 
Acta  Societatis  Lipsiensis,  éd.  Ritschl.  T.  IV.  Leipzig,  Teubner.  In-8%  vj- 
380  p.  (contient  d'intéressants  travaux  des  élèves  de  M.  R.,  lesquels  font  hon- 
neur à  leur  maître).  —  Wehrmann,  Fasti  Praetorii  ab  a.  u.  DLXXXVIII  ad  a. 
u.  DGGX.  Berlin,  Weidmann.  In-8%  88  p.  (travail  soigné).  —  Lucianus  Samo- 
satensis.  Fritzschius  recensuit.  Vol.  III,  pars  I.  Rostock.  Leopold's  Buchh. 
In-S"*,  xl-3 26  p.  —  loannis  Zonarae  epitome  historiarum.  Gum  Gar.  Ducangii 
suisque  annotationibus  éd.  Lud.   Dindorf.  Vol.  V.  Leipzig,  Teubner.  In-8", 


i 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N-  49  —  4  Décembre  —  1875 


Sommaire  :  230.  Études  de  grammaire  grecque  et  latine,  p.  p.  Curtius,  t.  VI, 
cah.  I.  —  231.  Mannhardt,  Le  Culte  des  Arbres  chez  les  Germains.  —  232. 
Feret,  Henri  IV  et  l'Église  Catholique.  —  233.  Schmidt,  Leibnitz  et  Baumgarten, 
étude  d'Esthétique.  —  234.  Les  Co/?rej  de  Perrault,  p.  p.  Lefèvre.  —  235.  De 
GuBERNATis,  Dali'  Ongaro.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 


230.  —  Studien  zur  griechischen  und  lateinischen  Grammatik.  Heraus- 
gegeben  von  G.  Curtius.  VI,  1.  Leipzig,  Hirzel.  1873.  In-8*,  276  p.  — Prix  :  8  fr. 

Ce  premier  cahier  du  VI^  volume  des  études  de  grammaire  grecque  et  latine 
faites  et  publiées  sous  la  direction  de  M.  G.  Curtius  comprend  les  travaux  déve- 
loppés de  M.  Forssmann  sur  l'emploi  des  temps  de  l'infinitif  dans  Thucydide,  de 
M.  Fritsch  sur  VHyphaeresis  des  voyelles  en  grec  (Sorfiéç  pour  ôzrfiéoq),  de 
M.  Mangold  sur  la  Diectasis  homérique  (uir^coovTaç,  cpcwvTa)  considérée  princi- 
palement dans  les  verbes  en  ao),  des  observations  de  M.  Jolly  sur  la  forme  la 
plus  simple  de  la  subordination  dans  les  langues  indo-germaniques,  de  M.  G. 
Meyer  sur  la  composition  des  noms  en  grec,  quelques  étymologies  de  M.  Win- 
disch,  et  quatre  courtes  remarques  de  M.  Curtius. 

Je  ne  dissimulerai  pas  que  les  résultats  obtenus  par  MM.  Fritsch  et  Mangold 
ne  me  paraissent  que  possibles,  et  que  la  méthode  qu'ils  ont  suivie  et  qui  est 
aujourd'hui  communément  appliquée  au  grec  et  au  latin  est  sans  rigueur.  Les 
recherches  ainsi  dirigées  me  font  l'impression  que  Montesquieu  a  si  bien  exprimée 
en  parlant  de  l'établissement  de  la  monarchie  française  par  l'abbé  Dubos  (Esprit 
des  lois,  XXX,  23)  :  «  Plus  on  y  manque  de  preuves,  plus  on  y  muhiplie  les 

»  probabilités une  infinité  de  conjectures  sont  mises  en  principe  et  on  en 

»  tire  comme  conséquences  d'autres  conjectures.  Le  lecteur  oublie  qu'il  a  douté 
»  pour  commencer  à  croire.  «  Par  exemple  voici  comment  M.  Curtius,  en  partie 
suivi  par  M.  Mangold,  a  rendu  compte  de  la  diectasis  homérique  :  Les  verbes 
contractes  grecs  ont  la  même  origine  que  les  verbes  sanscrits  en  ajâmi,  et  le 
radical  était  primitivement  suivi  d'un  jod,  première  hypothèse  déjà  proposée  par 
Bopp  ;  la  chute  du  jod  »  allonge  tantôt  la  voyelle  précédente,  seconde  hypothèse, 
tantôt  la  voyelle  suivante,  troisième  hypothèse,  à  laquelle  M.  Curtius  a  ensuite 
renoncé  2,  préférant  admettre  une  transposition  de  quantité  comme  dans  'ATpst- 
Bso),  ÀTpetSao,  ce  qui  n'est  qu'une  autre  hypothèse.  M.  Mangold  n'en  est  pas 


1.  Curtius,  Erlaiiterungen  zu  meiner  griechischen  Schulgrammatik.    1870.  P.   100.  Cf. 
Mangold,  p.  160. 

2.  Studien  zur  griechischen  und  lateinischen  Grammatik ^  III,  398. 

XVI  23 


i 


354  REVUE   CRITIQUE 

satisfait;  il  avoue  qu^on  n'a  pas  réussi  à  expliquer  l'origine  de  formes  comme 
ôpcwvxa;  au  lieu  de  renoncer  à  une  explication,  ce  qui  est  évidemment  le  plus 
sage,  il  préfère  imaginer,  lui  aussi,  une  hypothèse  :  c'est  qu'en  un  temps  relative- 
ment moderne,  lorsque  les  formes  contractes  étaient  seules  usitées,  les  formes 
opéwvxa,  etc.,  ont  été  introduites  par  des  rhapsodes  qui  ne  se  rendaient  plus 
compte  des  anciennes  formes  et  qui  les  croyaient  nées  des  formes  contractes. 
Ainsi  il  supprime  le  fait  qu'il  s'agit  d'expliquer.  De  même  M.  Fritsch  suppose  que 
dans  0îou8'/;ç,  ou,  qu'il  ne  peut  expliquer,  «  errori  tantum  librariorum  et  critico- 
»  rum  anliquorum  deberi  (92).  »  On  ne  sort  donc  pas  des  conjectures;  et  par 
une  conséquence  fort  naturelle,  pour  établir  une  conjecture,  on  tire  un  argument 
de  l'impossibilité,  assurément  fort  relative,  d'en  proposer  une  autre  qui  soit  plus 
probable,  comme  le  fait  M.  Mangold  pour  l'hypothèse  de  Bopp  qui  rattache  les 
verbes  contractes  grecs  aux  verbes  sanscrits  en  ajâmi  (157):  «  Jam  vero,  ut 
»  concedamus  Boppi  hypothesin  non  esse  satis  probatam,  tum  demum  ea  nobis 
»  missa  facienda  erat,  si  aliam  Savelsbergius  Çqui  rattache  ces  verbes  à  des  verbes 
»  en  avàmi)  protulisset,  quae  melius  rationibus  fulta  esset.  » 

Les  règles  elles-mêmes  de  phonétique  sur  lesquelles  on  s'appuie  dans  ces 
recherches  sont  fort  incertaines.  Elles  laissent  en  dehors  beaucoup  d'exceptions, 
et  comme  ces  règles  reposent  sur  des  hypothèses,  une  hypothèse  qui  laisse  en 
dehors  une  grande  partie  des  faits  qu'elle  doit  unir  manque  son  but.  La  loi  de 
l'allongement  d'une  voyelle  par  compensation  de  la  chute  d'une  consonne  ne 
peut  passer  pour  une  loi,  quand  on  est  obligé  de  reconnaître  que  le  F  est  syn- 
copé tantôt  avec  compensation  tantôt  sans  compensation  (94,  cf.  98),  que  la 
syncope  du  jod  qui  allonge  par  compensation  la  voyelle  dans  les  verbes  en  aw 
et  en  ow  ne  l'allonge  pas  dans  les  verbes  en  £w.  M.  Curtius  lui-même,  qui  pose 
en  règle  dans  une  grammaire  élémentaire  (§  42)  que  dans  l'allongement  par 
compensation,  a  bref  devient  a  long,  iraç  de  -ira-viç,  qu'e  devient  et,  d\tX  de  èa- 
p.i,  que  0  devient  ou,  l(box>q  de  Bioovtç,  laisse  en  dehors  bien  des  exceptions  et 
est  forcé  de  reconnaître  que  s  devient  iq  dans  Tuoijj.'/iv  de  TOqxevç,  que  0  devient 
(I)  dans  YjY£^wv  de  yjycij.ovç^  dans  Xuwv  pour  Xuovtç  (ce  qui  a  encore  une  autre 
exception  dans  è3o6ç)  et  que  a  devient  yj  dans  l^'/jva  pour  èçavaa.  Il  faut  ima- 
giner d'autres  hypothèses  pour  rendre  raison  de  ces  allongements;  et  on  est 
conduit  ainsi  à  oublier  que  l'hypothèse,  qui  peut  servir  à  lier  les  faits,  ne  doit 
pas  les  remplacer.  Malheureusement  les  faits  manquent  pour  l'étude  delà  forma- 
tion de  la  langue  grecque.  Le  grammairien  qui  s'en  occupe  n'est  pas  dans  une 
situation  aussi  favorable  que  le  romaniste.  Quand  le  romaniste  observe  qu'au 
xv!*"  et  encore  au  xvii*"  siècle  on  disait  très-souvent  dine  pour  digne,  cyne  pour 
cygne  y  assine  pour  assigne  (nous  disons  encore  sinet)^  jamais  vigne,  ligne,  il 
remonte  comme  l'a  fait  M.  G.  Paris  {Revue  critique,  1874,  II,  p.  1 59),  au  latin, 
et  il  constate  que  le  g  de  dine,  etc.  est  étymologique  et  que  celui  de  ligne,  vigne 
est  orthographique  et  ne  sert  qu'à  la  représentation  de  Vn  mouillée  (yinea,  linea). 
Nous  n'avons  pas  cette  ressource  pour  le  grec  et  le  latin;  nous  ne  pouvons 
atteindre  cette  évidence. 

Tout  en  constatant  que  les  problèmes  qu'offre  la  formation  des  langues  anciennes 


d'histoire  et  de  littérature.  5S$ 

sont  de  Pespèce  de  ceux  que  les  mathématiciens  appellent  indéterminés  et  ont 
beaucoup  plus  d'inconnues  que  d'équations,  il  faut  reconnaître  qu'un  grand 
nombre  d'explications  qu'on  donnait  autrefois  des  formes  des  mots  sont  devenues 
inadmissibles.  Ainsi  M.  Fritsch  a  raison  de  ne  pas  accorder  à  Lobeck  {Patho- 
logiae  graecae  eUmenta  I,  259)  que  opo|xÉci,  Toy.éai,  Si^aéai  viennent  des  nomi- 
natifs Spo[.»i£<;,  etc.  avec  syncope  de  l'e,  ni  à  Krûger  que  les  datifs  ïzzaci, 
àsixécat,  etc.,  soient  pour  èxéeaai,  etc.,  par  syncope  de  Ve.  Malheureusement 
nous  sommes  plus  sûrs  de  ce  qui  est  faux  que  de  ce  qui  est  vrai  ;  et  pour  combler 
les  lacunes  de  notre  savoir,  nous  sommes  induits  insensiblement  à  confondre  le 
possible  avec  le  probable  et  le  probable  avec  le  certain. 

Le  travail  de  M.  Jolly  a  pour  objet  d'établir  que  des  propositions  subordonnées 
construites  comme  (.<  naturam  expellas  furca,  tamen  usque  recurret  »  «  ducas 
»  volo  hodie  uxorem  «  «  the  man  I  saw  »  «  ils  n'ont  espée,  ne  soit  bien  acéré  » 
ne  doivent  pas  être  expliquées  par  l'ellipse  d'une  conjonction  ou  d'un  pronom 
relatif,  mais  sont  le  reste  d'une  période  primitive  du  langage,  où  la  subordination 
n'était  pas  encore  marquée.  J'accorderais  à  M.  Jolly  la  partie  négative  de  sa 
thèse,  mais  je  ne  puis  être  de  son  avis  sur  la  partie  affirmative.  L'ellipse  doit 
être  rejetée,  mais  pour  d'autres  raisons.  En  général  on  ne  doit  pas  admettre 
facilement  Pellipse  des  mots  qui  signifient  des  rapports.  On  sous-entend  souvent 
le  verbe,  «  ici,  Médor,  »  le  substantif  «  ferina  vesci;  »  mais  on  ne  sous-entend 
pas  la  conjonction  dans  «  le  fer,  le  bandeau,  la  flamme  est  toute  prête,  »  ni  le 
pronom  démonstratif  dans  «  qui  m'aime  me  suive,  »  ni  la  préposition  dans 
«  j'habite  rue  de  Vaugirard.  »  L'usage  autorise  tantôt  à  exprimer  le  rapport  qui 
unit  les  termes  tantôt  à  le  laisser  entendre.  Mais  on  ne  peut  pas  dire  que  pendant 
un  certain  temps  on  aurait  dit  «j'habite  rue  de  Vaugirard))  et  plus  tard  «j'habite 
»  dans  la  rue  de  Vaugirard.  n  En  syntaxe  où  les  constructions  les  plus  impor- 
tantes se  montrent  simultanément,  comme  Diez  l'a  fait  remarquer  dans  les  langues 
romanes,  la  chronologie  est  à  peu  près  impossible  à  établir  rigoureusement.  Il 
est  évident  que  çtXéœv  est  antérieur  à  (piXfôv  ;  mais  non-seulement  il  n'est  pas 
évident,  mais  il  n'est  pas  même  probable  (M.  Jolly  soupçonne  lui-même  (p.  221) 
que  son  assertion  paraîtra  hasardée  «  gewagt  )))  qu'on  ait  commencé  par  laisser 
entendre  la  subordination  des  propositions  sans  l'exprimer,  qu'ensuite  au  bout 
d'un  certain  temps  on  ait  senti  le  besoin  de  l'exprimer  par  des  pronoms  et  des 
particules  pronominales  placées  dans  la  proposition  subordonnée,  et  qu'enfin, 
encore  après  un  certain  intervalle,  on  ait  senti  le  besoin  de  marquer  la  subordi- 
nation dans  les  deux  propositions  (tantum  quantum).   M.  Jolly  place  en 

dernier  cette  troisième  manière  d'exprimer  la  subordination,  parce  qu'elle  serait 
la  plus  compliquée,  «  die  complicirteste,  ))  et  il  place  en  premier  lieu  la  construc- 
tion où  on  laisse  entendre  la  subordination,  parce  qu'elle  porterait  le  caractère 
d'une  période  très-antérieure  du  langage  où  l'on  n'avait  pas  encore  une  percep- 
tion très-nette  de  la  distinction  entre  les  idées  plus  importantes  et  celles  qui  le 
sont  moins ,  entre  les  propositions  principales  et  les  propositions  dépendantes  ' . 


1.  P.  222  :  «  Endlich  entspricht  die  erste,  einfachste  Uebergangsform  afn  meisten  dem 


i 


3  56  REVUE   CRITIQUE 

Je  vois  plusieurs  objections  à  ces  hypothèses.  D'abord  ce  qui  paraît  simple  ou 
compliqué  à  des  esprits  qui  procèdent  par  voie  de  réflexion,  d'abstraction  et 
d'analyse,  n'est  pas  également  simple  ou  compliqué  pour  le  peuple  qui  parle  par 
instinct  ou  plutôt  par  une  habitude  devenue  instinctive;  et  on  sait  que  le  propre 
de  l'instinct  est  d'exécuter  avec  sûreté  des  opérations  qui  semblent  très-compli- 
quées à  la  réflexion,  que  tout  langage  est  plus  ou  moins  compliqué  et  peut  être 
d'autant  plus  compliqué  qu'on  le  prend  à  une  période  plus  ancienne  de  son  his- 
toire. En  second  lieu  ce  procédé  si  simple  et  si  primitif  de  subordination  se  ren- 
contre dans  des  langues  de  formation  très-récente,  dans  les  langues  romanes, 
«  ils  n'ont  espée,  ne  soit  bien  acéré  »  «  or  n'a  baron,  ne  li  envoit  son  fil.  » 
M.  Jolly  dit  bien  d'une  manière  générale  que  la  forme  la  plus  simple  de  la  subor- 
dination qui  est  rare  chez  les  écrivains  latins  reparaît  dans  les  langues  romanes 
qui  dérivent  de  la  langue  populaire.  Mais  il  faudrait  montrer  dans  la  langue 
populaire  latine  des  constructions  semblables  à  celles  que  nous  venons  de  citer; 
et  il  faudrait  prouver  que  ces  constructions  étaient  anciennes.  On  en  trouve  dans 
les  langues  germaniques  ;  et  c'est  là  une  de  ces  coïncidences  comme  la  syntaxe 
en  offre  tant. 

M.  Forssmann  a  rassemblé  patiemment  toutes  les  constructions  de  l'infinitif 
dans  Thucydide,  et  (exemple  remarquable  de  la  préoccupation)  il  persiste  à 
trouver  partout  la  distinction  entre  l'infinitif  présent  comme  marquant  la  durée 
de  l'action  et  l'infinitif  aoriste  comme  désignant  l'action,  abstraction  faite  de  sa 
durée.  Il  est  bien  un  peu  embarrassé  par  les  textes  où  Thucydide  dit  de  Périclès 
qu'il  était  Xé^s^v  ts  /.al  -Kpaaaeiv  Buvaiwiaxoç  (i,  139,  4),  et  de  Brasidas,  r^v 
Se  oùy.  aBuvaToç,  o)ç  Aax£oai[jLovioç  £i7:£tv  (4,  84,  2)  :  Voici  comment  il  se  tire 
d'affaire  (16):  «  Qui  diligentius  rem  perpenderit  in  una  re  variam  rationem 
»  cogitandi  et  dicendi  scriptorem  secutum  esse  non  negabit.  Nam  verbis  o-jva- 
»  T(i)TaToç  Xé^etv  in  universum  magnam  eloquentiam  contendit  fuisse  in  Pericle; 
»  cum  vero  Brasidam  ou/,  àoùvaTov  eittsÏv  dicit,  eum  occasione  oblata  non  im- 
»  peritum  dicendi  fuisse  narrât.  Alterum  sic  fortasse  verteris  (.<  Pericles  praestan- 
;)  tissimus  erat  orator,  »  alterum  jam  compositis  verbis  circumscribere  oportet 
«  Brasidas,  ubi  res  postulaverunt,  non  indiserte  loqui  solitus  est,  Brasidas  ver- 
»  stand,  wenn  es  darauf  ankam,  gut  zu  sprechen.  »  Mais  Périclès  ne  parlait 
»  sans  doute  que  «  oblata  occasione  »  (.<  ubi  res  postulaverunt  »  «  wenn  es 
»  darauf  ankam,  »  et  l'on  sait  que  le  présent  ne  marque  pas  seulement  la  durée, 
mais  la  répétition  fréquente,  habituelle  de  l'action.  Il  faut  en  arriver  à  cette 
conclusion  que  si  le  présent  et  l'aoriste  ne  sont  pas  synonymes  dans  les  verbes 
qui  signifient  un  état,  une  manière  d'être,  si,  comme  le  dit  Aristote  dans  un 
passage  sur  lequel  Bonitz  dans  son  index  a  le  premier  appelé  l'attention  (Eth, 


»  Charakter  einer  sehr  frûhen  Sprachstufe,  welche  den  Unterschied  zwischen  wichtigeren 

»  und  minder  wichtigen  Gedanken ,  Haupt  und  Nebensastzen  noch  nicht  zu  deutlichem 

»  Bewustsein  gebracht  halte  und  daher  nur  durch  die  Betonung  oder  vielmehr  Tonlosig- 

»  keit  gewisser  Ssetze  ausdrûckte,  dass  dieselben  im  Geiste  des  Sprechenden  sich  hinter 

»  andere,  bedeutungsvollere  Saetze  gleichsam  zurùckschoben.  » 


d'histoire  et  de  littérature.  3  57 

Nicom.  X,  2.  1173  I  et  suiv.),  -fiosaSai  signifie  èvep^eiv  /.axà  ty;v  -^iScvïiv,  et 
YjcÔYJvai,  |j.£Ta6a>sX£tv  elç  r^ocvriv,  cette  distinction  n'est  pas  applicable  aux  verbes 
qui  signifient  une  action  ;  on  rencontre  alors  à  chaque  page  des  exemples  comme 
XéY£iv,  EiTTeTv,  comme  Xé^s,  àvà^vwOi,  où  les  deux  temps  deviennent  absolument 
synonymes. 

Charles  Thurot. 


231.  —  Der  Baumkultus  der  Germanen  und  ihrer  Nachbarstœmme. 

Mythologische  Untersuchungen  von  WilhelmMANNHARDT.  Berlin,  Borntraeger.  1875. 
In-8°,  xx-646  p.  —  Prix  :  18  fr.  yj. 

Ce  livre  n'est  que  la  première  partie  d'un  travail  considérable  sur  «  les  cultes 
))  des  bois  et  des  champs  »  ;  il  a  déjà  été  préparé  par  diverses  publications  de 
l'auteur  '.  Il  est  difficile  de  rendre  compte  d'un  pareil  ouvrage,  qui  contient  une 
masse  vraiment  énorme  de  faits,  rassemblés  avec  patience  et  classés  d'après  les 
points  de  vue  de  l'auteur.  Vidée  générale  du  livre  est  ainsi  exposée  par  M.  Mann- 
hardt  lui-même  dans  le  sommaire  :  «  De  l'observation  de  la  végétation  l'homme 
))  primitif  a  conclu  à  une  identité  essentielle  entre  lui  et  la  plante  ;  il  a  attribué 
))  au  végétal  une  âme  semblable  à  la  sienne  propre  ;  c'est  sur  cette  conception 
»  fondamentale  que  repose  le  culte  des  arbres  chez  les  peuples  du  Nord  de 
))  l'Europe  ».  Nous  acceptons  très- volontiers,  pour  notre  part,  cette  formule 
générale,  parfaitement  conforme  aux  résultats  obtenus  dans  d'autres  directions 
sur  l'état  psychologique  de  l'humanité  non  civilisée,  mais  l'auteur,  comme  on 
devait  s'y  attendre,  lui  a  donné  une  portée  trop  étendue  et  trop  exclusive.  Elle 
est  souvent  opposée  aux  systèmes  d'interprétation  mythique  qui  prévalent 
aujourd'hui,  et  tout  en  reconnaissant  avec  l'auteur  qu'elle  rend  compte  de  plus 
d'un  fait  que  ne  saurait  expliquer  la  mythologie  comparée  telle  qu'on  la  pratique 
ordinairement,  nous  ne  pouvons  accorder  qu'elle  suffise  à  expliquer  tous  ceux 
dont  il  s'occupe.  Les  concepts,  à  la  fois  religieux  et  scientifiques,  qui  forment  la 
base  de  toute  mythologie  se  compliquent  et  s'enchevêtrent  singulièrement  chez 
tous  les  peuples  :  à  côté  de  la  conception  qui  fait  regarder  l'arbre  d'abord  comme 
un  être  animé,  puis  comme  un  être  surnaturel,  mille  autres  influences  peuvent 
faire  donner  une  importance  religieuse  à  telle  espèce  oh  même  à  tel  individu.  Si 
l'on  joint  à  cette  première  complication  les  emprunts  et  les  imitations  d'un  peuple 
à  l'autre  qui  jouent  un  si  grand  rôle  dans  l'histoire  des  religions  et  des  cultes, 
on  se  convaincra  que  tout  système  qui  prétend  soumettre  à  une  explication  unique 
un  ordre  de  faits  religieux  aussi  vaste  que  les  cultes  des  bois  et  des  champs  est 
par  là  même  condamné  à  bien  des  interprétations  subtiles  ou  aventureuses. 
M.  M.  n'a  pas  échappé  à  ce  danger,  mais  ses  quelques  erreurs  n'empêchent 
pas  qu'on  ne  doive  reconnaître  le  mérite  exceptionnel  de  son  livre,  admirer, 
outre  l'immensité  des  recherches,  la  clarté  et  l'ordre  qui  y  régnent,  et  le 
regarder  comme  un  très-grand  enrichissement  de  la  science  mythologique.  — 


1.  Voy.  par  exemple  Rev.  ait.  1868,  t.  II,  art.  171, 


^^8  REVUE    CRITIQUE 

Il  se  divise  en  sept  chapitres,  dont  nous  allons  donner  les  titres  en  y  joignant 
ca  et  là  quelques  observations. 

Ch.  I  (p.  $-7  0-  ^^'^^^  ^^  l' arbre.  L'auteur  établit  ici  sa  thèse  fondamentale,  en 
Tappuyant  des  témoignages  les  plus  divers  et  les  plus  intéressants.  Un  paragraphe 
particulièrement  curieux  est  celui  qui  concerne  l'influence  attribuée  à  l'arbre  sur 
les  maladies  de  l'homme  :  on  regarde  celles-ci  comme  causées  par  des  vers 
(conçus  plus  ou  moins  eux-mêmes  comme  des  êtres  surnaturels),  et  on  pense 
que  Parbre  peut  les  envoyer  ou  les  rappeler,  parce  qu'on  les  assimile  aux  vers 
et  aux  insectes  rampants  qu'on  trouve  sous  Pécorce  de  l'arbre.  —  Le§  1 5,  sur 
le  frêne  Yggdrasill,  contient  une  hypothèse  qu'il  serait  trop  long  d'expliquer  ici, 
mais  qui  paraît  tomber  dans  le  défaut  indiqué  plus  haut  :  l'arbre  cosmique 
appartient  à  une  conception  d'un  tout  autre  ordre,  autant  qu'on  peut  en  juger 
d'après  tout  ce  que  nous  en  savons  (M.  M.  montre  d'ailleurs,  soit  dit  en 
passant,  pour  l'appréciation  des  textes  eddiques,  d'une  valeur  et  d'une  date  si 
différentes,  beaucoup  de  critique  et  la  connaissance  approfondie  des  derniers 
travaux).  —  Le  sujet  de  M.  Mannhardt  était  en  lui-même  bien  assez  étendu 
pour  qu'on  ne  puisse  songer  à  lui  reprocher  de  ne  pas  l'avoir  agrandi  encore. 
Cependant  il  est  certain  que  tout  ce  chapitre  aurait  gagné  à  ne  pas  se  restreindre 
aux  «  Germains  et  à  leurs  voisins»,  et  que  sans  parler  de  l'antiquité,  on  trou- 
verait les  rapprochements  les  plus  frappants  à  faire  à  chaque  page  avec  les 
croyances  des  peuples  sauvages  de  toutes  les  parties  du  monde  ' .  C'est  qu'en  effet 
ce  qu'on  pourrait  appeler  la  basse  mythologie,  la  mythologie  sans  dieux  nettement 
individualisés,  tend  de  plus  en  plus  à  apparaître,  non  plus  comme  le  débris  de 
l'ancienne  religion  germanique,  ainsi  que  le  voulait  Grimm,  non  plus  même 
simplement,  d'après  les  théories  aujourd'hui  dominantes,  comme  le  reste  d'un 
fonds  aryo- européen  primitif,  mais  comme  le  patrimoine  commun  (avec  des 
variantes  locales  innombrables)  de  l'humanité  primitive  presque  entière.  Cette 
idée  est  loin  de  contredire  l'opinion  essentielle  de  M.  Mannhardt,  et  le  résultat 
de  ses  recherches  viendra  fort  utilement  prendre  sa  place  dans  l'ensemble  des 
investigations  qui  ont  pour  but  principal  de  reconstituer  pour  nous,  autant  que 
faire  se  peut,  l'état  intellectuel  de  la  race  humaine  à  une  époque  bien  antérieure 
à  toute  histoire. 

Ch.  II  (p.  72-1 54).  Les  esprits  des  bois.  «  De  la  foule  des  âmes  des  arbres  se 
»  dégagent  leurs  représentants  collectifs,  les  esprits  des  bois,  êtres  doués  d'un 
»  mouvement  libre,  mais  dont  la  vie  est  cependant  liée  au  sort  des  arbres;  ils 
»  manifestent  leur  existence  dans  le  vent,  et  finissent  pas  agrandir  leur  notion  en 
»  celle  de  génie  de  la  végétation.  »  L'auteur  passe  en  revue  toutes  les  croyances 
germaniques,  slaves  et  celtiques  aux  «hommes  des  bois»,  à  la  «gente  selvatica», 
aux  «  dames  blanches,  vertes»,  etc.,  et  montre  partout  ces  êtres  fantastiques 
intimement  associés  soit  aux  arbres,  soit  en  général  à  la  végétation. 


I.  L'auteur  ne  se  les  est  pas  tout  à  fait  interdits;  mais  il  s'excuse  d'en  faire  çà  et  là. 
Ce  n'est  pas  assurément  la  science  qui  lui  fait  défaut;  il  a  suivi  rigoureusement  le  plan 
qu'il  s'était  prescrit. 


d'histoire  et  de  littérature.  3  59 

Ch.  III  (p.  154-310).  L'âme  de  l'arbre  comme  génie  de  la  végétation.  Poursui- 
vant cette  nouvelle  idée  dans  tous  ses  développements,  M.  M.  y  rattache  une 
foule  d'usages,  parmi  lesquels  le  plus  répandu  est  celui  de  la  plantation  du  maiy 
qui,  avec  tous  ses  congénères,  est  étudié  ici  d'une  façon  absolument  satisfaisante. 
L'un  de  ces  congénères  est  l'arbre  de  Noël,  planté  au  solstice  d'hiver,  et  dont 
la  bûche  de  Noël  n'est  qu'une  variante'.  M.  M.  nous  donne  des  renseignements 
fort  curieux  sur  la  propagation  de  cet  usage  de  l'arbre  de  Noël,  presque  iden- 
tifié aujourd'hui  avec  la  nationalité  germanique,  et  que  les  Allemands 
portent  avec  eux  dans  tous  les  pays  où  ils  se  répandent.  Ces  renseignements  se 
résument  ainsi  :  «  Au  commencement  du  xix«  siècle  il  n'était  connu  que  d'un 
»  petit  nombre  d'Allemands  ;  c'est  la  réaction  religieuse  qui  suivit  la  guerre  de 
»  l'indépendance  et  qui  succéda  à  l'empire  d'un  rationalisme  par  trop  sec  qui  en 
»  favorisa  l'extension....  Elle  a  marché  de  pair  avec  l'idée  nationale....  Schleier- 
))  mâcher  dans  sa  Fête  de  Noël,  parue  en  1805 ,  Tieck  dans  la  nouvelle  la  Nuit 
»  de  No'él,  ne  parlent  pas  encore  de  l'arbre  comme  d'un  élément  de  la  fête  à 
»  Berlin,  i)  —  On  remarquera  dans  ce  chapitre  une  dissertation  intéressante , 
mais  peu  concluante,  sur  les  Irminsûl. 

Ch.  IV  (p.  31 1-42 1).  Les  esprits  des  bois  conçus  comme  génie  de  la  végétation 
sous  forme  humaine.  Il  s'agit  ici  des  représentations  du  génie  de  la  végétation  par 
des  personnages  humains,  et  entre  autres  des  rois  et  reines  de  mai.  Un  grand 
nombre  d'usages  en  apparence  fort  éloignés  sont  à  bon  droit  rapprochés  et 
s'expliquent  l'un  par  l'autre.  Cependant  l'auteur  paraît  avoir  été,  ici,  notamment 
en  ce  qui  concerne  les  représentations  symboliques  où  on  emporte,  où  on  noie, 
où  on  brûle  le  personnage  qui  représente  la  végétation  épuisée  (ou  l'hiver),  moins 
complet  que  pour  d'autres  parties. 

Ch.  V  (p.  422-496).  Génies  de  la  végétation;  les  noces  de  mai.  Sous  cette 
rubrique  sont  rangés  tous  les  usages  où  les  génies  de  la  végétation  sont  repré- 
sentés par  un  couple  ;  on  y  remarquera  le  curieux  paragraphe  sur  l'imitation  par 
des  couples  humains  de  l'union  symbolique  du  couple  surnaturel,  celui  qui 
concerne  la  Saint-Valentin^,  et  les  nombreux  usages  relatifs  aux  nouveaux 
mariés. 

Ch.  VI  (p.  497-566).  Génies  de  la  végétation  :  feux.  Il  s'agit  du  feu  de  Pâques, 
de  Mai,  de  la  Saint-Jean,  etc.  L'auteur  rattache  à  ce  groupe,  —  comme  l'avait 
déjà  fait  M.  Liebrecht  en  maintenant  la  puissance  de  l'usage  sous  une  forme 
adoucie  jusqu'à  nos  jours,  —  les  sacrifices  humains  offerts  par  les  Gaulois  sous 
forme  de  mannequins  d'osier  brûlés  avec  les  hommes  qu'ils  contenaient,  et  dis- 
cute à  ce  propos  minutieusement  le  témoignage  des  anciens  sur  ces  sacrifices.  Il 
revient  ainsi  sur  un  sujet  qu'il  avait  déjà  traité,  mais  avec  moins  de  détails  (voy. 
Rev.  crit.  1868,  t.  II,  p.  121). 


1.  Du  moins  d'après  l'auteur;  nous  aurions  des  réserves  à  faire  à  ce  sujet.  ^ 

2.  Nous  ne  savons  si  M.  M.  a  raison  de  regarder  les  usages  relatifs  à  cette  fête  comme 
exclusivement  anglaise  d'origine  et  de  considérer  ceux  qu'on  trouve  en  France  comme 
des  emprunts  faits  à  l'Angleterre.  Nous  croyons  qu'on  pourrait  soutenir  la  thèse  contraire. 


360  REVUE    CRITIQUE 

Ch.  VII  (p.  $67-640).  Génies  de  la  végétation  :  Nerîhus.  Dans  ce  chapitre, 
M.  M.  essaie  de  montrer  que  le  fameux  culte  de  Nerthus,  qu'on  ne  connaît  que 
par  un  passage  de  Tacite,  appartient  au  cycle  des  fêtes  du  printemps.  Il  discute 
avec  soin  toutes  les  explications  données  avant  lui,  et  soumet  à  son  tour  le  texte 
de  la  Germanie  à  toutes  les  investigations  possibles.  Ce  texte,  —  comme  tant 
d'autres  analogues,  surtout  chez  Tacite,  —  est  quelquefois  obscur  et  vague. 
Cependant,  quand  on  a  pesé  avec  M.  M.  toutes  les  conjectures  auxquelles  chaque 
mot  peut  donner  lieu,  et  qu'on  relit  ensuite  dans  son  ensemble  la  description  de 
l'historien  romain,  on  ressent  une  impression  très-différente  de  celle  qu'il  vou- 
drait donner.  La  discussion  de  ce  point  spécial  entraînerait  trop  loin;  remarquons 
seulement  qu'il  est  impossible  de  ne  pas  conclure  des  expressions  de  Tacite  que 
Nerthus  était  une  déesse,  et  que  la  promenade  mystique  qu'il  décrit  avait  lieu  non 
à  époque  fixe  mais  suivant  l'inspiration  du  prêtre. 

Nous  ferons  une  dernière  remarque  en  fermant  ce  livre  important,  fruit  de  tant 
de  recherches  et  de  tant  de  réflexions.  L'auteur  a  rapporté  un  très-grand  nombre 
de  croyances  et  d'usages  français  ;  il  a  pris  les  uns  dans  les  livres  ;  quant  aux 
autres,  «  ils  sont  extraits,  nous  dit-il,  d'une  grande  collection  qu'il  m'a  été  donné 
de  puiser  en  1870  dans  mes  entretiens  personnels  avec  des  prisonniers  de 
guerre.  »  Ainsi  tandis  que  nous  négligeons  ces  recherches,  qui  intéressent  pour- 
tant l'histoire  de  notre  culture  nationale,  un  savant  allemand  trouvait  moyen  de 
profiter  de  nos  malheurs  pour  s'instruire  sur  des  points  que  nos  propres  savants 
ignorent.  On  croit  trop  en  France  que  la  source  des  contes,  des  croyances,  des 
coutumes  populaires  est  tarie  ;  il  suffit  de  regarder  attentivement  pour  la  voir 
ruisseler  encore  sur  le  vieux  sol  celtique.  Espérons  que  l'exemple  de  M.  M.  nous 
piquera  d'honneur  et  nous  vaudra  prochainement  en  abondance  des  recueils  de 
matériaux  bien  choisis  pour  notre  mythologie  populaire. 


232.  —  Les  grandes  figures  de  l'histoire.  Henri  IV  et  l'Eglise  catholique  par 
M.  l'abbé  P.  Feret,  docteur  en  théologie,  chanoine  honoraire  d'Evreux,  aumônier 
du  lycée  Saint-Louis.  Paris,  Victor  Palmé.  187$.  In-8*  de  x\-/\S^  p. 

M.  l'abbé  Feret  déclare,  à  la  fin  de  son  Avant-propos  j  qu'il  s'est  pro- 
posé de  faire  «  une  œuvre  consciencieuse  ».  Ses  lecteurs  ne  lui  refuseront 
pas  l'éloge  d'avoir  sérieusement  étudié  le  sujet  qu'il  a  choisi,  et  d'avoir  sincère- 
ment exposé,  dans  son  récit  et  dans  sa  discussion,  ce  qu'il  a  cru  être  la  vérité. 
Je  ne  serai  pas  d'accord  avec  lui  sur  tous  les  points,  mais  moins  que  personne  je 
méconnaîtrai  le  zèle  du  chercheur  et  la  bonne  foi  de  l'historien. 

M.  F.,  pour  écrire  les  deux  parties  de  son  livre  :  Retour  de  Henri  IV  à  V église 
catholique  (p.  1-28 1)  et  Henri  IV  dans  V église  catholique  (p.  285-459)  a  consulté 
presque  tous  les  ouvrages  imprimés  relatifs  à  la  thèse  qu'il  a  entrepris  de  soutenir, 
en  commençant  par  VHistoire  du  président  de  Thou  et  en  finissant  par  celle  de 
M.  Guizot'.  Il  a  consulté  aussi  un  certain  nombre  de  recueils  manuscrits  de  la 

I.  Voir  la  liste  des  principaux  ouvrages  consultés,  p.  xiv  et  xv.  M.  F.  ne  paraît  pas 


d'histoire  et  de  littérature.  361 

Bibliothèque  Nationale,  particulièrement  ceux  de  la  collection  Brienne'.  En 
dehors  même  des  documents  qui  concernent  directement  la  question  religieuse, 
il  en  a  interrogé  beaucoup  d'autres  qui  lui  ont  fourni  des  citations  assez  curieuses, 
notamment  celles  (soit  en  vers,  soit  en  prose)  qui  sont  tirées  (p.  450-459  et 
475-480)  de  rares  plaquettes  publiées  en  16 10  et  en  161 1,  à  l'occasion  de  la 
mort  de  Henri  IV 2. 

Pour  M.  F.,  l'abjuration  du  fils  de  Jeanne  d'Albret  a  été  plus  religieuse  que 
politique.  Pour  la  plupart  des  historiens,  cette  abjuration  a  été,  au  contraire, 
plus  politique  que  religieuse.  En  d'aussi  délicates  matières,  quand  les  preuves  déci- 
sives font  défaut,  toute  affirmation  devient  souverainement  imprudente.  Seulement, 
si  l'on  s'en  tient  à  ce  qui  est  le  plus  vraisemblable,  si  l'on  examine  d'un  œil  non 
prévenu  toutes.les  circonstances,  si  l'on  se  préoccupe  surtout  du  caractère  du  roi 
Gascon,  on  est  amené  à  croire  que  l'opinion  de  M.  l'abbé  F.  est  erronée  et  à 
redire,  avec  M.  Guizot,  «  que  la  part  du  patriotisme  a  été  la  plus  grande  dans 
»  l'âme  de  Henri  IV,  et  que  le  sentiment  de  ses  devoirs  de  roi  envers  la  France 
)>  en  proie  à  tous  les  maux  de  la  guerre  civile  et  de  la  guerre  étrangère  a  été  le 
»  mobile  déterminant  de  sa  résolution.  »  Le  grand  bon  sens  et  le  grand  bon 
cœur  de  Henri  IV  avaient  merveilleusement  compris  que  le  changement  de  reli- 
gion, c'était  le  salut  du  pays.  D'autres  motifs,  d'un  ordre  moins  relevé,  ont  pu 
se  joindre  à  celui-là,  et  la  noble  ambition  de  faire  cesser  les  malheurs  de  la 
patrie  a  pu  très-bien  être  accompagnée  du  vif  désir  de  garder  une  couronne, 
sans  cela,  toujours  vacillante^,  mais  de  telles  considérations  ne  sont  entrées  dans 
la  décision  prise  le  23  juillet  1 593  ^  que  comme  quelques  grains  d'alliage  entrent 
dans  une  pièce  d'or. 

Un  autre  point  que  je  ne  saurais  concéder  à  M.  F.,  c'est  que  Henri  IV  ait 
jamais  eu  la  pensée  d'instituer  sur  les  ruines  de  la  vieille  Europe  une  république 
chrétienne  (p.  345  et  suiv.).  Ce  ne  sont  pas  les  esprits  à  la  fois  aussi  fortement 
et  aussi  finement  trempés  que  l'était  celui  du  Béarnais,  qui  se  lancent  ainsi  dans 
les  illusions  et  les  utopies.  Les  rêveries  qui  nous  ont  été  conservées  par  les 
(Economies  royales  ont  pu  charmer  les  longs  ennuis  de  Sully  disgracié  :  j'ose 


avoir  connu  un  travail  spécial  de  l'ingénieux  historien  de  Louis  XIII,  M.  A.  Bazin,  travail 
intitulé  :  L'abjuration  de  Henri  IV  (Etudes  d'histoire  et  de  biographie,  1844).  Il  ne  cite  non 
plus  nulle  part  les  remarquables  pages  des  Causeries  du  Lundi  sur  Henri  IV  et  sur  Sully. 
Enfin ,  je  constate  avec  regret  qu'il  n'a  pas  songé  à  uliliser  l'important  ouvrage  sur  le 
pape  Sixte-Quint  par  M.  le  baron  de  Hùbner  (1869,  librairie  Franck,  3  vol.  in-8°). 

1.  M.  F.  n'aurait-il  pas  trouvé  quelque  avantage  à  rapprocher  du  volume  137  de  la 
collection  Brienne  le  volume  10198  du  Fonds  français,  qui  est  rempli  de  pièces  sur  la 
conversion  de  Henri  IV.?  ces  pièces  (à  l'état  de  copie)  s'étendent  de  1 572  à  1 595. 

2.  M.  F.  emprunte  aussi  de  piquants  passages  (p.  108-112)  au  pamphlet  qui  parut  à 
Paris,  le  19  août  1 593,  sous  ce  titre  :  Le  bantjuet  et  après-disnée  du  conte  d'Arlte,  où  il  se 
traictc  de  la  dissimulation  du  roi  de  Navarre ,  et  des  mœurs  de  ses  partisans  (in-8*).  M.  F. 
ajoute  que  le  volume  est  «  attribué  au  ligueur  Louis  d'Orléans.  »  Le  virulent  pamphlet 
lui  est  attribué  avec  d'autant  plus  de  raison ,  que  son  nom  se  lit  en  tète  de  l'édition 
d'Arras  (même  année). 

3.  M.  F.  établit  très-bien  cette  date  et  quelques  autres  dates  qui  ont  été  mal  indiquées 
par  Pierre  de  L'Estoile,  Davila,  M.  Poirson,  M.  Henri  Martin,  etc.  Voir  les  notes  des 
pages  67,  81,  etc. 


:^62  REVUE  CRITIQUE 

assurer  qu'elles  n'ont  jamais  séduit  un  prince  qui  connaissait  trop  les  difficultés 
de  la  politique  pour  se  risquer  dans  de  chimériques  entreprises.  De  même  qu'il 
faut,  paraît-il,  laisser  à  Sully  la  responsabilité  du  bon  mot  sur  Paris  et  la 
messe  tant  de  fois  cité  comme  étant  de  Henri  IV,  de  même  il  faut  lui  laisser 
la  responsabilité  des  vastes  et  irréalisables  plans  qu'il  attribue  à  son  héros. 

Ces  réserves  faites,  je  louerai  dans  le  livre  de  M.  F.  de  bonnes  pages  sur  le 
cardinal  du  Perron,  sur  le  cardinal  d'Ossat,  sur  le  cardinal  de  Joyeuse,  princi- 
palement de  bonnes  pages  sur  Henri  IV.  Même  après  tous  les  recommandables 
travaux  dont  ce  prince  a  été  l'objet,  le  travail  de  M.  F.  est  digne  d'attention, 
et  je  ne  voudrais  pas  que  les  contestables  théories  de  l'auteur  empêchassent 
qui  que  ce  fût  d'apprécier  ce  que  le  reste  du  livre  a  d'utile  et  d'intéressant. 

T.  De  L. 


233.  —  Leibnitz  und  Baumgarten,  ein  Beitrag  zur  Geschichte  der  deutschen 
jEsthetik  von  Johannes  ScHMiDT,  D' phil.  (Hierin  eine  ausfùhriiche  Kritik  aesthetischer 
Grundanschauungen  Lotze's  und  Zimmermann's).  Halle,  Lippert'sche  Buchhandlung. 
187J.  In-8°,  viij-122  p.  —  Prix  :  3  fr.  80. 

On  sait  comment  Baumgarten,  en  étabHssant  une  distinction  tranchée  entre  la 
connaissance  inférieure  ou  sensible  et  la  connaissance  supérieure  ou  rationnelle,  a 
jeté  les  bases  de  l'esthétique;  M.  Joh.  Schmidt  s'est  proposé  de  rechercher  en 
quoi  le  fondateur  de  cette  science  nouvelle  avait  été  devancé  par  Leibnitz  et  ce 
qu'il  devait  au  célèbre  philosophe.  C'est  seulement  après  une  analyse  des 
ouvrages  où  se  trouvent  exposées  les  idées  de  Baumgarten  sur  l'art,  —  ouvrages 
moins  inconnus  qu'il  ne  le  suppose,  —  que  l'auteur  aborde  la  question  qu'il  s'est 
proposé  d'élucider.  Il  montre  que  non-seulement  l'idée  de  forme  a  été  introduite 
d'abord  par  Leibnitz  dans  la  philosophie  moderne,  mais  que  c'est  lui  aussi  qui 
le  premier  a  assigné  au  beau  son  domaine  propre  dans  l'esprit  humain.  Puis 
vient  l'examen  des  emprunts  que  Baumgarten  a  faits  aux  doctrines  de  Leibnitz 
ou  du  profit  qu'il  en  a  su  tirer.  Dans  toute  cette  recherche  M.  J.  Schmidt  fait 
preuve  d'une  pénétration  incontestable.  Il  me  semble  cependant  qu'il  tend  trop 
à  augmenter,  aux  dépens  de  son  successeur,  le  mérite  de  Leibnitz,  non  en  lui 
attribuant  des  opinions  qu'il  n'aurait  point  eues,  mais  en  supposant  que  Baum- 
garten en  ait  plus  profité  qu'il  ne  l'a  fait  réellement.  Que  l'idée  première  de 
«  notions  obscures  »  se  retrouve  déjà  dans  Leibnitz,  cela  est  parfaitement  vrai, 
mais  il  ne  l'est  pas  moins  qu'à  Baumgarten  revient  le  mérite  d'avoir  opposé  à  la 
connaissance  rationnelle  la  gnoseologia  inferior,  ce  qui  est  la  base  même  de  son 
système  esthétique. 

Dans  le  cours  de  son  étude,  M.  Schmidt  apprécie  les  théories  de  R.  Zimmer- 
mann  et  de  Lotze,  dont  il  fait,  surtout  de  celles  du  premier,  une  critique  sévère. 
Son  travail  se  termine  par  l'examen  de  la  différence  qui  existe  entre  le  réalisme 
qu'il  condamne  et  le  naturalisme  qu'il  approuve.  Sa  doctrine  se  résume  dans 
cette  proposition  exposée,  p.  115,  que  «  le  besoin  esthétique  n'est  satisfait  que 


d'histoire  et  de  littérature.  363 

par  la  représentation  d'une  réalité  déterminée»,  point  de  vue  d'où  il  approuve 
et  justifie  le  précepte  de  l'imitation  de  la  nature  repris  par  Zimmermann.  Si  ce 
petit  ouvrage  manque  parfois  de  clarté  dans  l'exposition,  si  les  questions  s'y 
mêlent  aussi  souvent  d'une  manière  fatigante  pour  l'esprit  du  lecteur,  il  n'en 
témoigne  pas  moins  d'une  connaissance  approfondie  du  sujet  et  d'un  véritable 
talent  d'analyse.  On  sent  que  c'est  un  début,  mais  c'est  un  début  qui  promet. 

C.  J. 


234.  —  Les  Contes  de  Charles  Perrault,  avec  deux  Essais  sur  la  Vie  et  les 

Œuvres  de  Perrault  et  sur  la  Mythologie  dans  ses  Contes,  des  Notes  et  Variantes  et 
une  Notice  bibliographique  par  André  Lefèvre.  Paris,  Lemerre.  1875.  In- 12,  Ixxx- 
182  p.  —  Prix  :  2  fr.  Jo. 

La  charmante  collection  Jannet,  qui  est  maintenant  entre  les  mains  de  l'éditeur 
Lemerre,  vient  de  s'enrichir  d'un  de  ses  meilleurs  volumes.  Malgré  les  soins  que 
M.  Giraud  avait  apportés  à  son  édition  des  Contes  de  Perrault,  le  texte  n'avait  pas 
été  revu  avec  l'exactitude  minutieuse  qu'a  apportée  à  cette  tâche  M.  André  Lefèvre, 
et  il  n'avait  pas  été  accompagné  des  variantes,  souvent  intéressantes,  des  éditions 
originales.  A  ce  texte  excellent  et  qu'il  n'est  pas  téméraire  d'appeler  avec  l'édi- 
teur «  définitif  »,  M.  L.  a  joint  une  double  introduction'.  La  première  est  une 
biographie  de  Perrault,  écrite  avec  esprit,  avec  sobriété,  et  donnant  de  cette 
agréable  et  honnête  figure  une  idée  parfaitement  exacte,  en  même  temps  qu'elle 
«  dispense  de  la  lecture  de  ses  œuvres  choisies  ».  La  seconde  est  un  Essai  sur 
la  mythologie  dans  les  Contes  de  Perrault.  M.  L.  rappelle  en  commençant  le  livre 
de  M.  Husson,  la  Chaîne  traditionnelle^.  «  Ce  livre»,  dit-il,  «  bien  qu'amicale- 
»  ment  malmené  dans  la  rigoureuse  Revue  critique  (nous  ne  contestons  pas  la 
»  justesse  des  objections),  a  pleinement  réussi;  succès  qui  nous  rassure  et  nous 
»  encourage.  Dans  une  champ  plus  restreint,  avec  une  allure  plus  dégagée 
»  encore  et  plus  mondaine,  nous  encourons  volontiers  les  mêmes  critiques, 
»  compétentes  et  d'avance  acceptées.  Il  s  agit  ici  d'être  lu.  »  Nous  avouons  ne  pas 
bien  comprendre  le  sens  de  cette  dernière  phrase,  ni  comment  on  a  plus  de 
chances  d'être  lu  en  s'en  tenant  à  des  généralités  assez  vagues  qu'en  donnant 
des  renseignements  précis  ;  mais  la  bonne  grâce  avec  laquelle  l'auteur  va  au  devant 
de  la  critique  est  faite  pour  la  désarmer,  et  nous  n'aurons  pas  le  pédantisme  de  lui 
dire  qu'il  met  en  pratique  le  Video  meliora  proboque,  Détériora  sequor.  Les  défauts 
et  les  mérites  du  livre  de  M.  Husson  se  retrouvent  en  effet  dans  cet  essai,  et 
nous  pouvons  nous  borner  à  renvoyer  nos  lecteurs  à  ce  que  nous  en  avons  dit. 
Nous  insisterons  seulement  sur  une  observation  que  nous  avons  présentée  déjà 
ît  à  laquelle  on  ne  saurait  accorder  trop  d'importance.  C'est  la  nécessité  de 


1 .  N'oublions  pas  une  notice  bibliographique,  très-complète  pour  les  anciennes  éditions, 
fqui  termine  le  volume. 

2.  Voy.  Rev.  ait.  1874,  t.  II,  art.  145. 


564  REVUE    CRITIQUE 

distinguer  dans  une  suite  entre  les  éléments  qui  la  constituent  réellement  et  les 
traits  qui  n'y  sont  qu'accessoires,  récents  et  fortuits.  M.  L.,  comme  M.  Husson, 
à  complètement  négligé  ce  travail  de  critique.  Il  s'étend  par  exemple  sur  le 
caractère  mythique  du  chat,  à  propos  du  Chat  botté  ;  mais  le  héros  de  ce  conte 
n'est  un  chat  que  dans  un  certain  nombre  de  versions  ;  dans  les  plus  anciennes 
il  est  remplacé  par  un  renard,  dans  d'autres  par  un  chien,  etc.  '  Tout  ce  qui  est 
dit  sur  le  nom  de  Barbe-Bleue  est  également  inopportun  :  ce  n'est  qu'un  des  noms 
très-nombreux  par  lesquels  on  désigne  chez  vingt  peuples  différents  le  héros  de 
cette  histoire,  très-altérée  dans  sa  forme  française.  Le  seul  moyen  de  reconnaître 
dans  un  conte  le  fond  traditionnel  des  altérations  postérieures  est  de  le  comparer 
avec  ses  congénères  chez  les  autres  peuples.  M.  L.  a  à  peine  essayé  ce  travail  qui, 
si  nous  ne  nous  trompons,  aurait  été  plus  intéressant  pour  le  lecteur  que  les 
rapprochements  plus  ou  moins  ingénieux  de  la  haute  mythologie.  Il  n'a  pas  été 
toujours  très-heureux  quand  il  a  tenté  quelque  recherche  de  ce  genre.  Ainsi  le  conte 
russe  qu'il  compare  avec  Griselidis  est  visiblement  sorti  de  la  nouvelle  de  Boccace, 
dont  jusqu'à  présent  on  ne  connaît  pas  les  origines.  M.  L.  dit  à  deux  reprises 
que  Boccace  a  pris  ce  récit  «  dans  nos  fabliaux  ».  S'il  pouvait  dire  dans  lequel, 
il  aurait  fait  une  jolie  trouvaille  d'histoire  littéraire.  —  A  côté  de  l'explication 
mythique,  plus  ou  moins  solide,  des  contes  de  Perrault,  on  voudrait  que  M.  L. 
eût  plus  insisté  sur  l'histoire  de  ces  contes  en  France  avant  Perrault,  sur  les 
traces  de  leur  existence  au  moyen-âge,  à  la  renaissance,  au  xvii^  siècle  2,  sur 
les  voies  par  lesquelles  ils  sont  arrivés  à  l'auteur,  et  surtout  sur  la  part  person- 
nelle qui  lui  revient  dans  leur  rédaction.  On  est  étonné  de  ne  trouver  nulle  part 
la  critique  des  contes  à  ce  dernier  point  de  vue.  Perrault  a  eu  le  rare  et  grand 
mérite  de  sentir  instinctivement  le  charme  des  contes  d'enfants,  et  de  reproduire, 
quelquefois  avec  une  fidélité  et  un  bonheur  qu'on  n'a  pas  surpassés,  les  formules 
traditionnelles  et  les  expressions  naïves  dont  ils  sont  pleins,  mais  en  même  temps 
il  y  a  mis  du  sien,  comme  dans  les  scènes  d'amour,  dans  les  descriptions,  dans 
des  plaisanteries  souvent  fort  plates  et  toujours  parfaitement  déplacées.  M.  L.  a 
parfaitement  vu  ce  mélange  et  l'a  en  passant  finement  apprécié,  mais  nous  pen- 
sons qu'il  aurait  pu  en  analyser  les  éléments  d'une  façon  instructive  et  avec  grand 
profit  pour  le  goût  du  public,  qui,  en  France,  n'a  pas  encore  appris  suffisamment 
à  apprécier  dans  leur  vrai  caractère  les  traditions  populaires,  et  qui  notamment 
dans  les  contes  de  Perrault  est  trop  porté  à  admirer  en  bloc  ce  qui  est  bon  et 
vieux  et  ce  qui  est  médiocre  et  ajouté. 

Il  résulte  de  ces  observations  qu'il  reste  encore  place  pour  un  commentateur 


1.  Voy.  Rev.  cr'it.  1874,  t.  II,  p.  2. 

2.  En  parlant  du  goût  pour  les  contes  qui  régna  dans  les  dernières  années  du  XVIIe  s. 
M.  L.  dit:  «  Les  manuscrits  enfouis  par  Conrart  dans  un  silence  prudent,  et  qui  dorment 
»  à  l'Arsenal,  sont  pleins  de  ces  exercices.  »  Il  doit  y  avoir  là  une  méprise,  Conrart  étant 
mort  une  trentaine  d'années  avant  la  publication  des  Contes  de  Perrault,  qui  furent  le 
premier  essai  dans  ce  genre.  Si  M.  L.  connaissait  réellement  des  contes  dans  les  manu- 
scrits de  Conrart,  il  aurait  bien  dû  les  indiquer. 


d'histoire  et  de  littérature.  365 

de  Perrault.  Mais  nous  laisserions  à  nos  lecteurs  une  impression  très-fausse  si 
nous  ne  disions  pas  expressément  en  terminant  que  l'essai  de  M.  Lefèvre  offre 
une  lecture  fort  agréable,  semée  d'idées  heureuses  très-bien  exprimées  et  de  vues 
presque  toujours  justes,  et  qu'il  ajoute  un  véritable  prix  à  cette  jolie  édition  que 
recommande,  —  outre  son  exécution  si  élégante  et  son  prix  si  modique,  — 
l'excellente  constitution  du  texte  et  la  notice  littéraire  qui  le  précède. 

G.  P. 


235.  —  A.  DE  GuBERNATis,  P.  DalP  Ongaro  e  il  suc  epistolario  scelto. 

Firenze.  1875.  In-8%  400  p.  —  Prix  :  6  tr. 

François  Dali'  Ongaro  est  une  des  figures  intéressantes  de  l'Italie  moderne. 
Né  en  1808  dans  la  province  de  Trévise,  il  fut  élevé  au  séminaire  et  se  destina 
à  l'état  ecclésiastique  ;  mais  ayant  voulu  se  servir  de  la  chaire  pour  y  prêcher 
des  idées  libérales  et  humanitaires,  il  se  vit  interdire  la  prédication  et  il  dut 
gagner  sa  vie  en  donnant  des  leçons  dans  diverses  familles.  Pendant  ce  temps, 
son  talent  d'écrivain  et  de  poète  s'était  révélé  ;  il  s'exerçait  avec  une  égale 
facilité  dans  la  ballade,  la  canzone,  le  stornello,  la  nouvelle,  le  drame.  En  1838 
il  devint  directeur  de  la  Favilla,  journal  littérairede  Trieste  et  passa  dans  cette  ville 
les  huit  années  les  plus  heureuses  de  sa  vie.  La  Favilla  cessa  de  paraître  en  1 846. 
Peu  de  temps  après,  le  mouvement  révolutionnaire  en  Italie,  commencé  par  Pie  IX 
et  qui  bientôt  devait  se  retourner  contre  lui,  éclatait.  Dali'  Ongaro  s'y  jeta  avec 
toute  l'impétuosité  d'une  nature  naïve  et  enthousiaste.  D'abord  à  Rome,  où  il  fut  un 
des  admirateurs  des  réformes  pontificales,  il  passa  à  Venise  quand  celle-ci  se 
souleva  contre  l'Autriche.  Expulsé  peu  après  par  ordre  de  Manin  pour  un  article 
imprudent,  il  retourna  à  Rome  où  il  partagea  l'héroïque  et  malheureuse  destinée 
de  l'éphémère  République  de  Mazzini  et  de  Garibaldi.  Il  dirigea  le  Moniteur  du 
gouvernement  révolutionnaire.  Pendant  les  années  qui  suivirent,  sa  destinée  fut 
celle  de  la  plupart  des  patriotes  italiens  :  l'exil  souvent  accompagné  de  la  misère. 
Il  résida  successivement  en  Suisse,  en  Belgique,  en  France.  Mais  dès  que  le  gou- 
vernement piémontais  indiqua  clairement  son  intention  de  se  mettre  à  la  tête  du 
mouvement  unitaire,  Dali'  Ongaro  se  rallia  à  lui.  Il  rentra  en  Italie  en  18 $8,  et 
depuis  lors  partagea  son  temps  entre  la  poésie,  les  beaux  arts  et  ses  fonctions  de 
professeur  de  littérature  dramatique,  d'abord  à  Florence,  puis  à  Naples.  Cette 
dernière  période  de  sa  vie,  où  les  rêves  de  sa  jeunesse  semblaient  enfin  réalisés, 
fut  empoisonnée  par  les  attaques  dont  il  fut  l'objet,  tantôt  comme  ancien  mazzinien 
tantôt  comme  républicain  rallié  à  la  monarchie,  et  par  l'insuccès  de  ses  cours. 
Il  mourut  le  10  janvier  1873. 

Le  volume  que  vient  de  publier  M.  deGubernatis  se  divise  en  deux  parties;  la 
première  est  une  sorte  d'essai  biographique  pour  lequel  M.  de  G.  a  tiré  un  heureux 
parti  des  lettres  et  des  poésies  de  Dali'  Ongaro  ;  la  seconde  contient  un  choix 
des  lettres  de  Dali'  Ongaro  et  de  celles  qui  lui  furent  adressées  par  des  hommes 
de  lettres,  par  des  hommes  politiques,  par  des  amis  et  par  des  amies.  Quand  je 


I 


^66  REVUE    CRITIQUE 

dis  :  un  choix,  cela  veut  dire  simplement  que  la  correspondance  n'est  pas  com- 
plète ;  carie  triage  ne  paraît  pas  avoir  été  fait  avec  une  grande  rigueur.  Beaucoup 
de  lettres  insignifiantes  sont  publiées;  et  M.  de  G.  nous  avertit  lui-même  que 
d'autres  beaucoup  plus  intéressantes  sont  restées  inédites.  Des  lettres  à  Nina, 
l'amour  le  plus  profond  et  le  plus  vif  qu'ait  ressenti  Dali'  Ongaro,  deux  seulement, 
très-belles  il  est  vrai,  nous  sont  données.  —  Néanmoins  cette  correspondance 
est  du  plus  vif  intérêt.  —  Nous  y  avons  surtout  remarqué  les  lettres  deN.  Tom- 
maseo,  le  philologue  patriote,  l'ami  le  plus  ancien  et  le  plus  fidèle  de  Dali'  Ongaro, 
esprit  supérieur,  plein  de  pénétration  et  de  finesse,  qui  modère  par  son  sage 
scepticisme  l'enthousiasme  trop  crédule  du  poète;  et  une  série  de  lettres  de 
Mazzini  (n°^  167  à  177)  qui  donnent  la  plus  vivante  image  de  l'activité  infati- 
gable, du  désintéressement  héroïque  de  l'homme  extraordinaire  en  qui  s'était 
incarnée  l'idée  de  l'unité  italienne.  La  lettre  172,  consacrée  à  l'exposition  de  ses 
idées  religieuses,  est  une  des  plus  remarquables.  Quant  aux  lettres  de  Dali'  Ongaro, 
on  y  retrouve  cette  facilité  harmonieuse,  cette  bonne  grâce  spirituelle  qu'on 
admire  dans  ses  canzoni  et  dans  ses  stornelli,  mais  aussi  quelque  chose  d'un  peu 
banal  et  superficiel,  peu  d'énergie  et  de  profondeur  dans  la  pensée.  M.  de  G., 
que  sa  bienveillance  naturelle  et  son  rôle  de  biographe  disposaient  plus  à  l'éloge 
qu'au  blâme,  n'a  pas  assez  indiqué,  à  notre  avis,  les  lacunes  graves  du  talent  et 
du  caractère  de  Dali'  Ongaro.  H  va  jusqu'à  lui  faire  un  mérite  de  ses  faiblesses, 
en  particulier  de  ce  qu'il  appelle  dans  une  élégante  périphrase  «  son  admiration 
pour  toutes  les  formes  du  beau  »,  et  sur  d'autres  points  il  donne  à  la  pensée  de 
l'écrivain  une  netteté  qu'elle  n'a  jamais  eue.  Il  le  tire  à  lui  avec  un  zèle  par  trop 
ingénieux.  Il  voudrait  effacer  de  la  vie  de  son  héros  Padmiration  enthousiaste 
que  le  poète  patriote  a  eue  pour  Pie  IX,  et  faire  croire  que  Dali'  Ongaro  n'a  jamais 
admiré  Pie  IX  lui-même,  mais  les  idées  de  liberté  que  le  pape  représentait  pour 
les  Italiens  dans  les  premiers  mois  de  1 848.  La  lettre  3  3  suffit  à  lui  répondre.  Elle 
témoigne  des  vrais  sentiments  de  Dali'  Ongaro  qui  était  heureux  de  recevoir  les 
encouragements  et  la  bénédiction  du  pape  et  qui,  même  après  sa  fuite  à  Gaëte, 
conservait  pour  Pie  IX  on  ne  sait  quelle  affectueuse  vénération  (voy.  lettres  43, 

44). 

Dans  le  chapitre  intitulé  :  Sentiments  religieux,  M.  de  G.  veut  que  Dali'  Ongaro 
en  soit  arrivé  à  ne  pas  reconnaître  d'autre  Dieu  que  la  conscience  individuelle. 
Cette  opinion  est  contredite  par  plusieurs  passages  de  la  correspondance  et  surtout 
par  la  lettre  très-intéressante  citée  presqu'en  entier  par  son  biographe  (p.  26-32) 
et  dans  laquelle  Dali'  Ongaro  exprime  des  convictions  spiritualistes  très-nettes, 
tout-à-fait  analogues  à  celles  de  Mazzini  dont  nous  parlions  tout-à-l'heure,  la  foi 
dans  une  révélation  progressive  de  Dieu  par  l'humanité.  Ce  qui  est  vrai  c'est  que 
Dali'  Ongaro  n'avait  pas  une  grande  consistance  dans  ses  idées,  qu'il  subissait 
un  peu  l'influence  de  ceux  qui  l'entouraient,  et  surtout  qu'il  ne  voulait  pas 
scandaliser  ses  amis  libres-penseurs  sans  pour  cela  renoncer  aux  idées  qui  char- 
maient son  imagination  et  son  cœur.  Mais  le  matérialisme  et  l'athéisme  lui  ont 
toujours  été  antipathiques. 

Je  crois  que  M.  de  G.  n'aurait  pas  diminué  Dali' Ongaro  en  accentuant  davan- 


d'histoire  et  de  littérature.  367 

tage  ses  côtés  faibles.  Il  aurait  donné  de  lui  une  image  plus  vivante.  Ce  sont  les 
critiques  qui  donnent  du  prix  aux  éloges.  Une  bienveillance  trop  universelle  leur 
ôte  toute  valeur.  M.  de  G.  dit  quelque  part  qu'avec  Monîanelli  et  Dall'Ongaro 
l'Italie  n'a  rien  à  envier  à  la  gloire  de  Kœrner  et  de  Byron.  Ce  sont  là  des  exagéra- 
tions qui  diminuent,  au  lieu  de  les  grandir,  ceux  qui  en  sont  l'objet.  Passe  encore 
pour  Kœrner;  mais  évoquer  le  nom  de  Byron  à  propos  de  Dali'  Ongaro! 

M.  de  G.  nous  trouvera  peut-être  bien  sévère  et  nous  accusera  de  séche- 
resse. Récemment  dans  un  article  de  la  Perseveranza,  tout  en  donnante  la  Revue 
Critique  et  à  ses  rédacteurs  des  éloges  auxquels  nous  avons  été  très-sensibles,  il 
leur  a  reproché  de  manquer  d'enthousiasme,  presque  de  manquer  de  coeur.  Il 
les  compare  à  des  botanistes  qui  ne  se  sont  jamais  oubliés  à  respirer  le  parfum 
d'une  fleur,  à  des  naturalistes  qui  connaissent  à  merveille  l'anatomie  du  rossignol, 
mais  n'ont  jamais  écouté  son  chant.  Que  M.  de  G.  se  rassure  :  les  rédacteurs  de  la 
Revue  Critique  ne  sont  pas  si  insensibles;  mais  ils  pensent  qu'il  n'est  pas  très-utile 
d'exprimer  longuement  le  plaisir  que  leur  cause  un  chant  ou  un  parfum,  car  cela 
n'apprend  rien  ni  à  ceux  qui  le  connaissent  ni  à  ceux  qui  ne  le  connaissent  pas.  Ils 
jugent  plus  utile  d'analyser,  de  définir,  de  comparer  ce  qui  est  susceptible 
d'analyse,  de  définition  et  de  comparaison,  et  puis  de  dire  :  sentez  et  écoutez; 
lisez  et  admirez  !  C'est  ce  que  nous  disons  aujourd'hui  :  Lisez  le  volume 
que  M.  4e  G.  vient  de  publier,  vous  y  apprendrez  à  connaître  une  âme 
noble  et  chaleureuse  qui  a  contribué  pour  sa  part  à  donner  à  sa  patrie  la 
liberté  et  l'unité,  qui  par  son  drame  //  povero  Forneretto  a  rendu  plus  rare  l'appli- 
cation de  la  peine  de  mort;  qui,  s'il  n'a  pas  réussi,  comme  il  l'espérait,  à  donner 
une  Marseillaise  à  l'Italie,  a  du  moins  laissé  quelques  petits  poëmes,  d'une  forme 
vive  et  légère  sans  doute,  mais  animés  d'un  vrai  souffle  poétique  et  qui  méritent 
de  lui  survivre'. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 
ACADÉMIE   DES   INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  26  novembre  1875. 

M.  Léopold  Delisle,  faisant  fonction  de  secrétaire  en  l'absence  de  M.  Wallon, 
lit  les  lettres  des  candidats  à  la  place  de  membre  ordinaire  laissée  vacante  par 
la  mort  de  M.  Brunet  de  Presle.  Ces  candidats  sont  au  nombre  de  quatre, 
MM.  Barbier  de  Meynard,  Boutaric,  Bréal  et  Liger.  MM.  Boutaric  et  Bréal 
s'étaient  déjà  présentés  précédemment;  M.  Br^al,  aux  titres  qu'il  avait  fait  valoir, 
ajoute  son  ouvrage  nouveau  sur  les  tables  eugubines.  M.  Barbier  de  Meynard 


I.  Voy.  la  ballade  VUsca^  les  pièces  à  Nina.  Dans  sa  lettre  à  M"'  Ida  de  Duringsfeld 
(n°222),  Dair  Ongaro  donne  de  son  activité  littéraire  un  aperçu  très-intéressant  et  où  il 
indique  avec  justesse  la  valeur  de  ses  œuvres  et  l'influence  qu'elles  ont  exercée. 


^68  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE   LITTÉRATURE. 

énumère  ses  travaux  relatifs  à  l'orient,  dans  lesquels  il  a  étudié  de  préférence 
les  textes  arabes  et  persans  qui  intéressent  l'histoire  des  états  et  de  la  civilisation. 
M.  Liger  a  joint  ses  ouvrages  à  sa  lettre  (v.  la  dernière  séance).  L'académie  se 
forme  en  comité  secret  pour  discuter  les  titres  de  ces  candidats. 

M.  Casati,  de  Lille,  se  porte  candidat  à  une  place  de  correspondant  de 
l'académie. 

M.  Duruy  commence  la  lecture  d'un  mémoire  sur  le  régime  municipal  romain 
pendant  les  deux  premiers  siècles  de  l'empire.  Les  textes  insérés  au  Digeste  ne 
font  connaître  que  l'administration  romaine  de  la  fin  de  l'empire,  après  le  3^  siècle. 
Le  régime  municipal  en  vigueur  pendant  les  deux  premiers  siècles  n'a  été  révélé 
que  par  l'étude  des  inscriptions.  Ce  qui  caractérise  le  régime  de  cette  époque, 
c'est  la  grande  part  d'indépendance  qui  était  laissée  aux  cités.  La  plupart  éli- 
saient librement  leurs  magistrats,  qui  exerçaient  la  juridiction.  Il  y  avait  seule- 
ment un  droit  d'appel  des  magistrats  municipaux  aux  gouverneurs  des  provinces. 
Mais  ceux-ci  même  n'étaient  que  des  citoyens  chargés  d'une  mission  temporaire, 
non  des  fonctionnaires  de  profession.  Jusqu'au  5*^  siècle,  dit  M.  Duruy,  les 
Romains  n'ont  pas  connu  ce  que  nous  appelons  des  fonctionnaires. 

Ouvrages  déposés  :  Roudaire  ,  Sur  les  travaux  de  la  commission  chargée  d'étudier  le 
projet  de  mer  intérieure  en  Algérie;  Paris,  1875,  brochure  in-8«.  —  Michel  Bréal,  Les 
tables  eugubines  (26"  fascicule  de  la  Bibliothèque  des  hautes  études,  sciences  historiques 
et  philologiques);  Paris,  1875,  in-S"  et  in-folio.  —  Gilbert  de  Mons,  Chronique  de 
Hainaut,  traduite  par  le  marguis  de  Godefroy  Ménilglaize;  Tournai,  1874,  in-8*. 
—  Perrot,  Inscriptions  inédites  d'Asie-Mineure  (extrait  de  la  Revue  archéologique). 

Ouvrages  présentés  de  la  part  des  auteurs  :  —  par  M.  Renan  :  I  diplomi  greci  ed  arabi  di 
Sicilia  pubblicati  nel  testo  originale,  tradotti  ed  illustrât!  da  Salvatore  Cusa,  Palermo, 
1868,  in-folio  (!'  partie  du  t.  I,  contenant  seulement  des  textes,  dont  la  traduction  et  le 
commentaire  seront  donnés  plus  tard  ;  cette  publication  doit  comprendre  toutes  les  pièces 
de  l'époque  normande  et  de  l'époque  souabe,  écrites  en  grec  ou  en  arabe,  conservées  aux 
archives  des  églises  de  Palerme,  Montréal,  Messine  et  Cefalù);  —  par  M.  de  Wailly  : 
Recueil  de  poésies  françoises  du  XV' et  du  XVI°  siècle,  morales,  facétieuses  et  historiques, 
réunies  et  annotées  par  MM,  Anatole  de  Montaiglon  et  James  de  Rothschild  (  1  o"  vo- 
lume d'une  collection  commencée  par  M.  A.  de  M.  et  continuée  avec  la  collaboration  de 
M.  J.  de  R.;  contient  plusieurs  pièces  d'un  intérêt  historique);  —  par  M.  Derenbourg  : 
J.  Halévy,  La  prétendue  langue  d'Accad,  brochure  in-8';  —  par  M.  de  Roz'âre  :  E. 
BouTARic,  Des  origines  et  de  l'établissement  du  régime  féodal,  et  particulièrement  de 
l'immunité  (mémoire  lu  à  l'académie,  revu  et  augmenté). 

Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou, 


ccciij  p.  (ce  volume,  le  dernier,  contient  Tappareil  critique  de  l'édition).  —  Der 
Vetâlapancavinçati.  Uebers.  von  Luber.  i.  Abth.  Gôrz,  Wokulat.  In-S",  69  p. 
(note  favorable  ;  cette  traduction,  l'introduction  et  les  notes  s'adressent  au  grand 
public). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  ^6,  4  septembre.  Harnoch,  Wegweiser  in  der 

Kirchen  und  Dogmengeschichte.  Eisenach,  Bacmeister.  In-8°,  xvj-251  p.  (H. 
Weingarten).  —  Teichmûller,  Studien  zur  Geschichte  der  Begriffe.  Berhn, 
Weidmann'sche  B.  In-8°,  ix-667  p.  (Walter).  —  Schmidt,  Richardson,  Rous- 
seau und  Goethe.  Jena,  Frommann.  In-8°,  viij-5^  i  p.;  Ders.,  Heinrich  Leopold 
Wagner  Goethes  Jugendgenosse.  Daselbst,  Ders.  In-S",  x-128  p.  (A.  Schôll). 

—  Arnobii  adversus  nationes  libri  VII  recens,  et  comm.  critico  instr.  Reiffer- 
scheid.  Vindob.,  ap.  Geroldii  filium.  In-8",  xviij-352  p.  (Ernst  Klussmann). 

—  Waltharius,  mit  deutscher  Uebertragung,  von  Scheffel  und  Holder.  Stutt- 
gart, Metzler'sche  B.  In-8",  vj-i8o  p.  (Rudolph  Peiper). 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Baudouin  (A.).  Pamphile  ou  l'art  d'être 
aimé,  comédie  latine  du  X*  siècle,  pré- 
cédée d'une  étude  critique  et  d'une  para- 
phrase. In-i2,  250  p.  Paris  (Lib. 
Moderne). 

Baumefort  (V.  de).  Épisodes  de  la 
Terreur.  Tribunal  révolutionnaire  d'O- 
range. In-8',  411  p.  Avignon  (Seguin). 

Benoit  (A.).  Description  des  drapeaux  et 
étendards  des  régiments  français  des 
anciennes  provinces  d'Alsace,  de  Franche- 
Comté  et  de  Lorraine.  In-S",  20  p. 
Mulhouse  (imp,  V^  Bader  et  C"). 

Bolsec  (H. -H.).  Histoire  de  la  vie, 
mœurs,  actes,  doctrines,  constance  et 
mort  de  Jean  Calvin,  jadis  ministre  à 
Genève.  Publiée  à  Lyon  en  1577  et  ré- 
éditée avec  une  introduction,  des  extraits 
de  la  vie  de  Théod.  de  Bèze,  par  le 
même,  et  des  notes  à  l'appui,  par  P.-L. 
Chastel.  in-B»,  xxxj-354  p.  et  port.  Lyon 
(Scheuring). 

Bourgeois  (L,).  Les  six  couches  de  Marie 
de  Médicis,  reine  de  France  et  de  Navarre. 
Étude  biographique,  notes,  éclaircisse- 
ments par  le  docteur  A.  Chereau.  Orné 
de  2  port,  gravés  sur  cuivre.  In- 16, 
165  p.  Paris  (Daffis).  6  fr. 

Chardon  (H.).  Les  Débuts  au  Mans  de 
Marin  Cureau  de  La  Chambre,  médecin 


de  Louis  XIIÎ,  de  Louis  XIV  et  du  Chan- 
celier Séguier,  membre  de  l'Académie 
française;  ses  relations  de  famille  et  les 
héritiers  de  son  nom  dans  le  Maine  jus- 
qu'au commencement  de  ce  siècle.  In-8% 
55  p.  Le  Mans  limp.  Monnoyer). 

Desbarreaux-Bernard.  L'Inquisition 
des  livres  à  Toulouse  au  XVII^  siècle. 
In-8*,  54  p.  Toulouse  (imp.  Douladoure). 

Desjardins  (E.).  Desiderata  du  Corpus 
inscriptionum  latinarum  de  l'Académie  de 
Berlin.  T.  3.  3"  fascicule.  Notice  pouvant 
servir  de  3'  supplément.  Les  Balles  de 
fronde  de  la  république.  2*  série.  In-fol. 
p.  28  à  50  et  3  pi.  photograv.  Paris 
(F.  Vieweg).  12  fr. 

Des  Périers  (B.).  Nouvelles  récréations 
et  joyeux  devis,  suivis  du  Cymbalum 
Mundi.  Réimprimés  par  les  soins  de  P. 
Jouaust.  Avec  une  notice,  des  notes  et 
un  glossaire  par  L.  Lacour.  T.  2.  In-8*, 
3J0    p.    Paris  (Lib.    des  Bibliophiles). 

10  fr. 

Du  Fail  (N.).  Contes  et  discours  d'Eu- 
trapel,  réimprimés  par  les  soins  de  D. 
Jouaust  avec  une  notice,  des  notes  et  un 
glossaire  par  C.  Hippeau.  T.  i.  In-8«>, 
xij-318  p.  Paris  iLib.  des  Bibliophiles). 

10  h. 

Dulac  (J.).  Autel  épigraphique  désenfoui 


à  l'arsenal  de  Tarbes,  le  i"  septembre 
1873,  avec  la  critique  de  l'inscription 
funéraire  de  Tarbes  (article  du  général 
Creuly).    In-S»,   62   p.   et  vign.    Paris 

(Aubry). 

Duvergey  (H.).  Conférences  sur  les  rap- 
ports entre  la  littérature  et  les  mœurs. 
In-S",  142  p.  Paris  (Marescq  aîné).  3  f. 

Etienne  (L.).  Histoire  de  la  littérature 
italienne  depuis  ses  origines  jusqu'à  nos 
jours.  In- 18  Jésus,  x-608  p.  Paris 
(Hachette  et  C«),  4  fr. 

Études  égyptologiques.  4*  livraison.  Le 
Mythe  osirien,  par  E.  Lefebure.  2*  partie. 
Osiris.  In-4°,  p.  129-256.  Paris  (A. 
Franck).  20  fr. 

Favre  (J.).  Gouvernement  de  la  Défense 
nationale  du  29  janvier  au  22  juillet 
[871.  Derniers  actes  du  gouvernement 
de  la  Défense  nationale.  M.  Thiers,  chef 
du  pouvoir  exécutif  de  la  République 
française.  Négociations  de  Versailles. 
Traité  de  préliminaires.  L'armée  alle- 
mande à  Paris.  Journée  du  18  Mars.  La 
Commune.  Négociation  et  traité  de  Franc- 
fort. Prise  de  Paris.  L'Internationale. 
5*  partie.  In-8°,  601  p.  Paris  (Pion  et 
C-).  8  fr. 

Gasté  (A.).  Étude  critique  et  historique 
sur  Jean  Le  Houx  et  le  Vau  de  Vire  à  la 
fm  du  XVIe  siècle.  In-80,  241  p.  et  portr. 
Paris  (Thorin). 

Guérin  (V.).  Description  géographique, 
historique  et  archéologique  de  la  Pales- 
tine, accompagnée  de  cartes  détaillées. 
Seconde  partie.  Samarie.  2  vol.  gr.  in-8*, 
915  p.  et  5  pi.  Paris  (Challamel). 

Harrisse  (H.).  Histoire  du  chevalier  Des 
Grieux  et  de  Manon  Lescaut.  Bibliogra- 
phie et  notes  pour  servir  à  l'histoire  du 
livre,  1728-1731-1753.  In-8°,  65  p.  Paris 
(Rouquette). 

Historique  du  8'  régiment  de  cuirassiers. 
1665-1874.  In-8%  1 10  p.  Paris  (Tanera). 

2  fr.  jo 

du  49'  régiment  d'infanterie  de  ligne. 

In-8*,  24  p.  Paris  (Le  même).         75  c. 

du  103*  régiment  d'infanterie  de  ligne. 

In-8*,  64  p.  Paris  (Le  même),     i  fr.  25 

Inventaire  des  manuscrits  latins  de  la 
Bibliothèque  nationale  insérés  au  fonds 
des  nouvelles  acquisitions  du  i"  août 
1871  au  i"  mars  1874.  In-8%  16  p. 
Nogent-le-Rotrou  (imp.  Gouverneur). 


La  Baume  (C.-J.  de).  Relation  historique 
de  la  révolte  des  fanatiques  ou  des  cami- 
sards.  Ouvrage  édité  et  annoté  d'après 
les  principales  relations  contemporaines, 
par  M.  l'abbé  GoifFon.  2^  édit.  In- 12, 
v-391  p.  Nîmes  (Bedot). 

Lalore  (C).  Chartes  de  l'abbaye  de  Mores 
(Aube).  In-8",  109  p.  et  plan.  Troyes 
(imp.  Dufour-Bouquot). 

Legrand  (L.).  Étude  historique  sur  les 
corporations  d'arts  et  métiers,  compre- 
nant l'histoire  des  communautés  et  con- 
fréries de  marchands  et  d'artisans  jusqu'à 
leur  abolition  en  France  en  '791.  In-8*, 
viij-341  p.  Roubaix  (Béghin). 

Maspero  (G.).  La  Stèle  égyptienne  du 
Musée  de  Rennes.  Lettre  adressée  à  M.  le 
commandant  Mowat.  ln-8%  13  p.  Paris 
(lib.  A.  Franck). 

Moisant  de  Brieux.  Origines  de  quel- 
ques coutumes  anciennes  et  de  plusieurs 
façons  de  parler  triviales.  Avec  une  intro- 
duction biographique  et  littéraire  par 
M.  E.  de  Beaurepaire,  un  commentaire 
et  une  table  analytique  par  M.  G.  Gar- 
nier  et  un  portr.  de  l'auteur  gravé  par 
M.  L.  de  Merval.  2  vol.  in-8'.  520  p. 
Caen  (Le  Gost  Clérisse). 

Montesquieu.  Le  Temple  de  Gnide, 
suivi  de  Céphise  et  l'Amour,  et  de  Arsace 
et  Isménie.  Introduction  par  F.  de  Mares- 
cot.  In- 16,  xviij-127  p.  Paris  (Lib.  des 
Bibliophiles).  3  fr.  50 

Mo'wat  (R.).  Notice  de  quelques  inscrip- 
tions grecques  observées  dans  diverses 
collections.  In-8*,  38  p.  et  pi.  Paris  (lib. 
A.  Franck).  3  fr.  60 

Pouy  (F.).  Anecdotes  historiques  sur  Des- 
champs de  Charmelieu,  marquis  de  Saint- 
Bris,  receveur  des  tailles  à  Auxerre 
(1763-1784).  In-8°,  15  p.  Auxerre  (imp. 
Perriquet). 

Susane.  Histoire  de  la  cavalerie  fran- 
çaise. T.  3.  In- 18  Jésus,  346  p.  Paris 
(Hetzel  et  C^). 

Trivolis  (J.).  Histoire  de  Tagiapiera,sur- 
comite  vénitien.  Poème  grec  en  vers 
trochaïques  rimes.  Publié  avec  une  tra- 
duction française,  une  introduction  et- 
des  notes  par  E.  Legrand.  In-8°,  63  p. 
Paris  (Maisonneuve  et  C'), 

Waddington  (C).  De  la  science  du  bien. 
In-8°,  19  p.  Paris  (imp.  Meyrueis). 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N»  50  Neuvième  année.  11  Décembre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÊAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  G u yard. 


Prix  d'abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK. 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  U 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 


AVIS. 

A  partir  du  i^'  janvier  1876,  la  Revue  critique  d^histoire  et  de  littérature  paraîtra 
chez  M.  Ernest  Leroux,  libraire-éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  où  l'on  devra 
remettre  les  ouvrages  et  publications  périodiques  destinés  à  la  Revue,  et  adresser 
toutes  les  communications. 


En  vente  chez  F.  Vieweg,  libraire-éditeur  (librairie  A.  Franck), 
67,  rue  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

25^  ET  26^  fascicules. 

CHEREF-EDDIN  RAMI    .ochcht 

Traité  des  termes  figurés  relatifs  à  la  description  de  la  beauté.  Traduit  du  persan 
et  annoté  par  C.  Huart.  5  fr-  5° 


P-pv  j  T-^  T^  Q  T-i  r-r-s     Vocabulaire   hiéroglyphique   comprenant 
•      1     1  Ci  rv  Iv  Lu    1       les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement.  3"^^  fascicule. 

6fr. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n°  1 85 ,  new  séries,  20 novembre.  Memorials  of  Saint  Dunstan, 
ArchbishopofCanterbury.  Ed.  by  W.  Stubbs,  Masterof  the  Rolls'  Séries  (James 
Raine  :  excellent  travail,  qui  montre  S.  Duncan  sous  son  vrai  jour).  — Gleanings 
from  the  Venetian  archives  1628-1637  (Samuel  R.  Gardiner).  —  Correspon- 
dence.  Prince  L.-L.  Bonaparte  and  M.  Van  Eys  (L.-L.  Bonaparte,  suite  de  la 
discussion  entre  le  prince  Bonaparte  et  M.  Van  Eys).  —  Shakspere's  «Richard 
»  II  »  (J.  W.  Hales  :  apporte  un  nouvel  argument  en  faveur  de  l'opinion  que  le 
Richard  Ily  qui  fut  joué  la  veille  de  l'élévation  au  pouvoir  d'Essex,  est  celui  de 
Shakspere  ;  il  prouve,  en  effet  que  c'est  un  des  comédiens  de  Shakspere  qui  fut 
chargé  de  monter  la  pièce).  —  «  Legends  and  Folk-Lore  of  North  Wales  »  : 
The  Sin-Eater  (David  Fitzgerald).  —  Sayce,  An  Elementary  Grammar;  with 
full  Syllabary  and  Progressive  Reading-book  of  the  Assyrian  Language  in  the 
Cuneifom  Type.  London,  Bagster  and  Sons  (Ed.  Schrader  :  article  favorable). 

—  Di"  Goldschmidt's  report  on  Ceylon  inscriptions  (P.Goldschmidt).  —Science 
Notes  (Philology  :  notes  sur  deux  lectures  intéressantes  de  M.  Cov/per  intitulées 
«  Résurrection  of  Assyria  »  et  «  The  Heroines  of  the  Past  »,  sur  le  Ç  vol.  des 
«  Records  of  the  Past  »,  sur  la  brochure  de  Giuseppe  Cozza  relative  au  ms.  de 
la  géographie  de  Strabon  qu'on  a  découvert  dans  l'abbaye  de  Grottaferrata,  sur 
la  brochure  de  M.  Halévy  «  la  prétendue  langue  d'Accad  est-elle  Touranienne?  », 
sur  l'introduction  au  Prâkrit  des  drames,  par  M.  Cowell,  enfin  sur  l'ouvrage  de 
M.  Bourke  :  «  The  Aryan  Origin  of  the  Gaelic  Race  and  Language  »). 

The  AthenaBum,  n®  2508,  20  novembre.  Rink,  Taies  and  Traditions  of  the 
Eskimo.  Transi,  from  the  Danish  by  the  Author.  Ed.  by  R.  Brown.  Blackvood 
and  Sons  (ouvrage  capital).  —  Lives  of  the  archbishops  of  Canterbury.  By  Walter 
Farquhar  Hook.  Vol.  xi.  Bentley  and  Sons  (ce  vol.  contient  la  vie  des  archevê- 
ques Laud  et  Juxon).  —  Sir  Robert  Collier,  the  Oration  of  Demosthenes  on 
the  Crown.  Longmans  ànd  Co.  (sans  valeur).  —  R.  K.  Douglas,  the  Language 
and  Literature  of  China.  Trùbner  and  Co.  (Deux  excellentes  lectures).  —  The 
Prince's  Visit  to  India.  —  A.  W.  Ward,  a  History  of  English  Dramatic  Lite- 
rature to  the  Death  of  Queen  Anne.  2  vol.  Macmillan  and  Co.  (ne  répond  pas  à 
l'attente).  — Miscellanea.  An  Emendation  (F.  G.  Fleag  :  restaure  le  texte  cor- 
rompu des  vers  latins  placés  en  tête  de  la  vieille  tragédie  d'Appius  et  Virginie). 

—  Wily  beguiled  (Walter  W.  Skeat). 

Literarisches  Centralblatt,  n°  47,  20  novembre.  Prager,  De  Veteris  Tes- 
tamenti  versione  Syriaca  quam  Peschittho  vocant  quaestiones  criticae.  Pars  I. 
Gôttingen,  Dieterich,  in8°,  75  p.  (important  art.  de  Nœldeke).  —  Pietschker_, 
Die  lutherische  Reformation  in  Genf.  Côthen,  Schettler,  in-8°,  vij-96  p.  (cette 
brochure  sert  d'introduction  à  un  ouvrage  plus  considérable  que  l'auteur  publiera 
sous  le  titre  de  «  Calvin  und  die  Genfer  Libertiner»  :  l'auteur  se  montre  des 
plus  compétents;. —  Schmoller,  Redeûber  Strassburg  zurZeit  des  Zunftkampfe. 
Strassburg,  Trùbner,  in-80,  88  p.  (excellente  dissertation  contenant  des  choses 
très-nouvelles).  —  Grassmann,  Wôrterbuch  zum  Rig-Veda.  Leipzig,  Brock- 
haus,  in-80,  viij-1776  p.  (ce  dictionnaire  peut  servir  de  modèle  aux  publications 
de  ce  genre).  —  Bulgarski  narodni  pèsni,  p.  ettr.  p.  A.  Dozon.  Paris.  Maison- 
neuve,  in  8°,  xlvij-427  p.  (recueil  de  88  chansons  populaires  bulgares  inédites). 
Schmidt,  Richardson,  Rousseau  und  Goethe  (v.  Rev.  crit.j  1875,  II,  p.  1 56). 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N*  50  —  11  Décembre  —  1875 


Sommaire  :  236.  Hymnes  du  Rigveda,  tr.  p.  Geldner  et  Kaegi,  avec  le  concours 
de  RoTH.  —  2]-].  Brissaud,  l'Administration  anglaise  et  le  mouvement  communal 
dans  le  Bordelais.  —  Correspondance  :  Lettre  de  M.  Magnabal.  —  Variétés  :  P.  P. 
Dobrée.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 


236.  -tSiebenzig  Lieder  des  Rigveda,  ùbersetzt  von  Karl  Geldner  und  Ado! 
Kaegi,  mit  Beitraegen  von  R.  Roth.  Tùbingen,  Laupp.  1875.  '  vol.  in- 12,  xiv  et 
176  p.  —  Prix  :  4  fr. 

Soixante-dix  hymnes  formant  seulement  la  quatorzième  partie  environ  du 
Rig-Véda,  mais  choisis  de  façon  à  donner  une  idée  du  livre  entier,  et,  sous 
réserve  des  difficultés  que  présente  encore  l'intelligence  du  texte,  rendus  avec 
une  fidélité  remarquable  dans  une  traduction  imitant  les  mètres  mêmes  de 
l'original  et  accompagnée  de  commentaires  concis  donnant  le  nécessaire,  aux 
indianistes  d'une  part,  et  de  l'autre  au  grand  public,  telle  est  la  matière  de  cette 
publication'.  Elle  est  de  celles  qu'il  serait  superflu  de  louer  longuement  et  que 
recommande  assez  le  nom  de  leur  auteur.  Car  pour  un  étranger  qui  ne  peut  bien 
apprécier  le  mérite  littéraire  des  traductions  métriques  exécutées  pour  la  plus 
grande  partie  par  les  deux  élèves  de  M.  Roth,  leur  maître  est  le  véritable  auteur 
de  la  publication  entière  dont  il  paraît  prendre  du  reste,  en  signant  seul  la  pré- 
face, toute  la  responsabilité.  Or  on  sait  ce  qu'a  fait  M.  R.  pour  les  études  védiques. 
En  disant  (p.  vj)  qu'il  a  voulu  montrer  à  quel  point  étaient  arrivées  l'exégèse 
et  la  critique  du  Véda,  il  n'ajoute  pas,  mais  il  aurait  eu  le  droit,  et  nous  avons 
le  devoir  de  le  faire,  que  c'est  à  lui  que  ces  résultats  sont  dus  pour  la  plus  forte 
part.  Quand  on  songe  à  ce  qu'était  l'interprétation  védique  lorsqu'à  commencé  la 
collaboration  de  M.  R.  au  dictionnaire  de  Pétersbourg,  et  quand  on  constate  l'état 
où  il  la  laisse  au  moment  où  cette  grande  tâche  touche  à  sa  fm,  le  sentiment 
qu'on  éprouve  est  celui  d'une  admiration  et  aussi  d'une  gratitude  qui,  sans 
méconnaître  les  contributions  des  autres  védistes  ses  contemporains,  MM.  Max 
Mûller,  Benfey,  Aufrecht,  Weber,  Haug,  Muir,  Whitney,  Ad.  Régnier,  et 
les  autres 2,  à  l'œuvre  à  laquelle  il  s'était  presque  exclusivement  voué,  lui 
fait  honneur  d'avance  des  progrès  qu'une  génération  nouvelle  peut  espérer 
réaliser  après  lui,  et  rattache  comme  élèves  à  son  enseignement  écrit  ceux  mêmes 


1.  Elle  avait  été  préparée  par  un  article  de  M.  Roth  dans  la  Zeitschrift  der  deutschen 
morgenUndischen  GesellschafL  XXIV,  p.  305. 

2.  M.  Grassmann  appartient  plutôt,  au  moins  par  la  date  de  l'apparition  de  son  lexique, 
à  la  génération  nouvelle. 

xvi  24 


370  REVUE    CRITIQUE 

qui  n'ont  pas  eu  l'honneur  et  le  profit  d'entendre  sa  parole  vivante.  En  faisant 
l'entreprise  aventureuse  de  critiquer  en  détail  l'œuvre  où  les  résultats  de  ce  long 
labeur  sont  enfin  mis  à  la  portée  du  grand  public,  je  tenais  avant  tout  à  rendre 
cet  hommage  au  maître  :  j'ose  espérer  qu'il  excusera  la  hardiesse  d'un  disciple 
ignoré ,  s'il  pense  que  la  fidélité  de  l'élève  doit  s'attacher,  moins  aux  résultats 
obtenus  qu'à  la  méthode  qui  a  permis  de  les  atteindre  et  qui  peut  servir  encore  à 
les  perfectionner. 

Cette  méthode,  indépendante  de  la  prétendue  tradition  hindoue,  sans  négliger 
les  données  que  peuvent  fournir,  —  en  deçà  de  la  période  védique  la  linguistique 
et,  à  la  condition  d'une  extrême  prudence,  vu  l'état  rudimentaire  de  cette 
science ,  la  mythologie  indo-européenne ,  —  au  delà  l'étude  des  rites  et  des 
mœurs  brahmaniques,  —  consiste  avant  tout  dans  la  comparaison  de  tous  les 
passages  des  hymnes  où  se  rencontre  un  même  mot,  où  se  devinent  des  concep- 
tions analogues.  Il  est  clair  d'ailleurs  qu'on  ne  peut  avoir  pratiqué  longuement 
cette  méthode  sans  avoir  aussi  conçu  sur  le  caractère  général  du  livre  qu'on 
cherche  à  expliquer  une  théorie  quelconque,  qui  devient  à  son  tour,  et  très- 
légitimement,  un  facteur  important  de  l'exégèse  dans  les  cas  particuliers.  Entre 
plusieurs  interprétations  du  Rig-Véda,  différentes  mais  également  systématiques 
dans  le  bon  sens  du  mot,  la  critique  définitive  d'une  génération,  qui  ne  sera  peut- 
être  pas  encore  la  prochaine,  choisira  plus  aisément  qu'entre  des  collections 
bigarrées  d'explications  restées  sans  cohésion  entre  elles.  Il  sera  temps  alors 
d'ailleurs  de  les  corriger  s'il  y  a  lieu  l'une  par  l'autre,  et  le  rôle  de  l'éclectisme 
est  de  clore  un  développement  scientifique,  et  non  de  le  commencer  ou  même 
de  le  poursuivre.  L'important  est  que  les  applications  de  la  théorie  favorite  ne 
dépassent  jamais  les  limites  imposées  par  la  méthode  commune  qui  relie  entre 
elles  nos  recherches  indépendantes,  et  qui  nous  juge  plus  sûrement  encore 
qu'elle  ne  nous  conduit  :  car  si  nous  ne  sommes  pas  toujours  certains  en  la  sui- 
vant d'arriver  au  but,  nous  le  sommes  du  moins  d'errer  en  l'abandonnant. 

Pour  M.  R.,  comme,  il  faut  le  dire,  pour  la  plupart  des  védistes  dont  l'idée 
a  d'ailleurs  été  souvent  exagérée  jusqu'à  la  caricature  par  les  purs  mythologues, 
le  meilleur  sens  qu'on  puisse  trouver  à  un  passage  védique  sera  toujours  le  plus 
simple,  —  s'il  s'agit  de  mythologie,  le  plus  strictement  naturaliste,  —  et  en 
général  le  plus  universellement  «  humain.  )>  J'ai  le  regret,  car  je  sens  ce  qu'a  dé 
dangereux  un  isolement,  moins  complet  pourtant  qu'on  ne  pourrait  le  croire', 
de  ne  pas  partager  sur  ce  point  l'opinion  dominante.  Le  Rig-Véda  me  semble 
imprégné  dans  presque  toutes. ses  parties  de  spéculations  théosophiques^  portant 
principalement  sur  l'idée  de  la  toute-puissance  du  sacrifice,  laquelle  revêt  toutes 
les  formes,  même  la  forme  décidément  mythologique.  Peut-être  vais-je  me  classer 
moi-même  aux  yeux  de  M.  R.  parmi  ces  v  originaux  »  (Sonderlinge  p.  vij)  qui 
aiment  ce  qui  est  «  embrouillé  et  rebutant  »,  non  pas  pourtant  comme  nécessai- 


1.  Sans  parler  de  M.  Haug,  avec  lequel  je  ne  suis  pas  sûr  du  reste  de  m'entendre 
beaucoup  mieux ,  je  citerai  certains  passages  des  articles  de  M.  Barth  dans  la  Revue  : 
1872,  II,  p.  51,  280,  etc. 


d'histoire  et  de  littérature.  371 

rement  plus  «  antique,  »  mais  comme  spécialement  védique.  H  semble  cependant 
que  pour  quiconque  cherche  moins  dans  le  Rig-Véda  des  jouissances  esthétiques 
qu'un  enseignement  historique,  en  prenant  le  mot  histoire  au  sens  le  plus  large, 
ce  qui  est  spécialement  védique  doit  offrir  plus  d'intérêt  que  ce  qui  serait  univer- 
sellement «  humain.  »  Aussi  bien,  et  quoiqu'une  interprétation  qui  ne  révélerait 
rien  de  nouveau  à  son  propre  auteur  aurait  toujours  quelque  chance  d'avoir  été 
tirée  de  son  fonds  antérieur,  plutôt  que  du  texte  même,  il  est  clair  que  l'intérêt 
plus  ou  moins  grand  qu'elle  peut  offrir  n'est  pas  un  critérium  suffisant  pour  en 
éprouver  la  justesse.  Ne  pouvant  prendre  occasion  de  cet  article  pour  exposer 
et  défendre  une  théorie  personnelle,  j'éviterai,  autant  que  faire  se  pourra,  de 
porter  la  polémique  sur  le  domaine  des  systèmes,  et  tâcherai  de  la  maintenir  sur 
celui  de  la  méthode  où  je  suis  plus  sûr  d'être,  d'abord  compris,  et  quelquefois 
peut-être  approuvé.  On  peut,  ce  semble,  reprochera  M.  R.  d'avoir,  — soit 
pour  retrouver  dans  un  hymne  entier  ou  dans  un  passage  isolé  la  simplicité  de 
pensée  qu'il  y  cherche,  soit  même  sans  ce  motif,  —  recouru  trop  facilement  aux 
moyens  suivants. 

Les  sens  ou  les  modes  d'emploi  d'un  même  mot  sont  multipliés  à  l'excès, 
quelquefois  même  un  sens  est  supposé  pour  un  seul  passage.  Le  cas  est  surtout 
grave  lorsque  par  exemple  dans  le  vers  VII.  87.  4  l'attribution  au  mol  padd  du 
sens,  d'ailleurs  inconnu  aux  hymnes,  de  «  mot,  parole  )>  (sans  parler  de  l'inter- 
prétation, proposée  il  est  vrai  sous  forme  dubitative,  du  mot  dghnyâ,  fixé  comme 
nom  de  la  vache,  dans  le  sens  étymologique  d'  «  indestructible,  éternelle,  »)  défi- 
gure un  mythe  aussi  arrêté  que  celui  de  la  «  place  cachée  de  la  vache»  paddmgâr 
dpagûlham.  IV.  5 .  5 ,  cf.  10,  appelée  ailleurs  la  place  de  l'oiseau  IV.  $ .  8  et  passlm, 
(et  celui  de  la  vache  aux  trois  fois  sept  formes  IV.  i .  16,  évidemment  équivalent 
à  celui  des  trois  fois  sept  vaches*  IX.  70.  i,  et  des  trois  fois  sept  rivières  IX. 
86.  21,  X.  64.  8).  —  Voici  maintenant  un  exemple  assez  frappant  qui  montrera 
comment  la  préoccupation  de  trouver  un  sens  qui  se  rapporte  à  la  vie  ordinaire 
a  pu  obscurcir  la  signification  d'un  mot  et  d'une  phrase  parfaitement  clairs  si  l'on 
s'en  tient  à  la  notion  du  culte.  Il  s'agit  du  mot  admasdd  I.  124.  4  et  de  l'inter- 
prétation déjà  critiquée  par  M.  Haug  (Gci«.  Anz.  1875,  p.  79  2)  qui  du  reste 
veut  en  substituer  une  moins  heureuse  encore,  le  sens  qu'il  propose  d'après  le 
Nirukta  étant  sans  autre  application  védique,  et  paraissant  d'ailleurs  étymologi- 
quement  inadmissible.  Admasdd  signifie  bien  <c  convive  «  mais  l'application  de  ce 
motàAgni  VIII.  44.  29  (cf.  VI.  4.  4  et  VIII.  45.  19),  et  à  ceux  dont  la  prière  a 
été  exaucée  VII.  83.  7,  montre  que  le  festin  dont  il  s'agit  est  celui  du  sacrifice, 
en  sorte  que  le  mot  peut  passer  pour  synonyme  de  «  prêtre  ».  L'aurore  réveille 


1 .  Cf.  encore  les  vaches  qui  ont  beaucoup  de  cornes  (expression  équivalente  à  beau- 
coup de  vaches),  dont  on  veut  faire  des  étoiles  scintillantes  (!)  I,  1  ^4,  6. 

2.  A  propos  du  même  hymne,  I,  124,  M.  Haug  dont  la  critique  atteint  M.  R.  en 
passant  par  dessus  son  disciple  M.  Delbrùck,  propose  aussi  des  interprétations  nouvelles 
de  7  ^  et  de  7  6  ;  la  coutume  à  laquelle  ferait  allusion  le  premier  pâda  a  plus  de  chances 
que  l'autre  d'être  védique  ou  généralement  aryenne.  D'ailleurs  le  mot  g^rfa,  quoique  assez 
obscur,  a  trop  d'emplois  dans  la  mythologie  védique  pour  qu'on  puisse  les  négliger  ici. 


^y2  REVUE   CRITIQUE 

donc  ceux  qui  dorment,  non  comme  un  hôte  (qui  arrive  le  matin!)  mais  comme 
le  prêtre  qui  appelle  au  sacrifice.  C'est  une  raison  de  plus  d'accepter  le  sens 
littéral  du  premier  pâda  :  «  Elle  a  fait  apparaître  des  trésors  comme  Nodhas,  » 
^^dont  on  propose  de  faire  par  une  hypothèse  gratuite  «  le  marchand  »),  c'est-à- 
dire  comme  le  prêtre  Nodhas  a  comblé,  lui  aussi,  le  sacrifiant  de  biens,  grâce  à 
l'efficacité  de  ses  sacrifices.  —  Passons  en  revue  quelques  autres  mots.  Au  vers 
I.  "152.  6,  âsâvivâsan  ne  saurait  signifier  que  :  «  honorant  avec  la  bouche  » 
c.-à-d.  avec  une  prière.  —  Le  mot  asuryà  semblerait  mieux  traduit  par  le  terme 
de  «  souveraineté  divine  »  (cf  VI.  20.  2)  que  par  les  expressions  vagues  de 
«  Gottheit  »  IV.  42.  2,  VI.  74.  i,  ou  de  «  Lebensfùlle  »  II.  33.  9.  Encore 
moins  admettrais-je  le  sens  proposé  II.  27.  4;  je  comprends  «  conservant  leur 
))  pouvoir  suprême  »  (cf.  II.  33.  9  et  VI.  74.  i).  —  Pourquoi  donner  pour  un 
seul  passage  VII.  61.  2  le  sens  d'enthousiasme  au  mot  kràtvâ  si  souvent  employé 
au  commencement  d'une  phrase  qu'il  est  devenu  une  sorte  de  cheville,  comme 
encore  au  vers  VII.  76.  i  où  je  rapporterais  devânâm  à  cdkshuh^ —  Le  mot 
vavrl  <c  enveloppe  »  ne  paraît  pas  avoir  pris  le  sens  de  corps,  même  au  vers  I. 
1 16.  10  (p.  44,  note  4')  et  encore  moins  au  vers  IV.  42.  i  où  l'on  veut  pré- 
ciser ce  sens  par  l'adjectif  «/?^ma  «l'enveloppe  la  plus  voisine»  (de  l'âme?)  Varuna 
(ou  Indra  s'identifiant  à  ce  dieu,  voir  plus  bas)  dit  qu'il  règne  sur  la  race  2  de 
l'enveloppe  supérieure,  c.-à-d.  du  ciel  (cf.  l'enveloppe  des  eaux  I.  54.  10,  de 
l'éclair  I.  164.  29,  des  vaches  I.  164.  7).  —  Pourquoi  supposer  au  vers  V. 
8$.  4  un  emploi  exceptionnel  du  moyen  çrathayanta  au  sens  actif,  surtout  étant 
donnée  l'opposition  avec  tavish'iydntah  ?  Les  héros  dont  il  s'agit  ne  sont-ils  pas 
les  Maruts  dont  l'éclat  est  voilé  (V.  59.  1)  ou  le  souffle  abattu  par  la  pluie.?  — 
Comment  donner,  pour  l'explication  du  seul  passage  VII.  87.  i,  un  régime 
direct  à  ritây,  et  admettre  que  sârga  désigne,  même  métaphoriquement,  le  cocher? 
Ne  vaut-il  pas  mieux  admettre  un  enjambement  sur  le  second  hémistiche,  que  de 
pareilles  dérogations  à  l'usage  de  la  langue,  et  rapporter  ntâydn  au  dernier  pâda 
en  rattachant  les  mots  précédents  au  second  ?  —  Au  vers  I,  154.  2  traduirait-on 
adhikshiydnti  «  demeurent  sous  (les  trois  pas  de  Vish/iu),  »  si  on  n'avait  pas  l'arrière- 
pensée,  non  exprimée  du  reste,  que  ces  trois  pas  doivent  être  les  trois  positions  du 
soleil  au  levant,  au  zénith  et  au  couchant,  plutôt  que  les  trois  places  du  feu  dans 
le  ciel,  dans  l'atmosphère  et  sur  la  terre? — VII.  76.  2  ddhi  harmyébhyah  signifie 
évidemment  «  de  ses  demeures  »  et  non  «  sur  nos  demeures.  »  —  Au  vers  VII. 


1.  Les  Açvins,  pour  rajeunir  Cyavâna,  ne  lui  enlèvent  pas  son  corps,  ce  qui  serait 
peu  intelligible,  mais  ils  le  tirent  d'une  enveloppe  qui  désigne  métaphoriquement  sa  vieil- 
lesse même  (cf.  VII,  71,5  rapproché  de  I,  140,  8)  et  qui  rappelle  en  même  temps  l'en- 
veloppe d'Agni  ou  de  tout  personnage  divin  analogue  que  Cyavâna  symbolise.  —  Anvers 
V,  19,  I,  l'enveloppe  qui  sort  de  l'enveloppe  est  sans  doute  la  matrice,  c.-à-d.  la  mère 
qui  sort  de  sa  retraite  pour  enfanter  (cf.  l'enveloppe  des  vaches  I,  164,  7  et  le  rajeunis- 
sement des  femelles  équivalent  à  leur  sortie  de  l'enveloppe  I,  140,  8). 

2.  C'est  la  cinquième  des  cinq  races  appelées  si  souvent  du  même  nom  krishiâyah. 
Telle  est  selon  nous,  et  contre  l'opinion  de  M.  R.  (p.  18),  l'origine  de  cette  conception. 
Les  cinq  races  sont  celles  des  cinq  points  cardinaux,  c.-à-d.  des  quatre  points  cardinaux 
et  du  ciel,  comme  les  deux  races,  IX,  70,  3,  sont  celles  de  la  terre  et  du  ciel.  L'applica- 
tion de  la  formule  à  cinq  races  humaines  paraît  secondaire. 


d'histoire  et  de  littérature.  373 

83.  4,  triîsïïnâm  purôhitih  peut-il  signifier  autre  chose  que  «le  sacerdoce  des 
))  Tritsus  »  (cf.  8)?  —  M.  Grassmann  a  donné  le  vrai  sens  des  mots  asutrip  X. 
14.  2  (cf.  Barth.  Revue,  1873,  I,  101)  et  vimuco  napât  I.  42.  i  (cf.  les  fils 
d'Aditi,  nom  dont  l'un  des  sens  est  «  liberté  »).  —  Je  réserve  les  mots  dhàman 
et  vratà,  (domaine!  III.  59.  3  et  ailleurs)  qui  exigeraient  une  dissertation 
spéciale  ' . 

On  peut  regretter  aussi  quelquefois  que  le  sens  propre  des  mots  soit  abandonné 
pour  des  sens  figurés,  de  telle  façon  que  les  angles  de  la  pensée  védique ,  si  on 
veut  pardonner  cette  expression,  se  trouvent  adoucis,  selon  nous,  aux  dépens 
de  l'interprétation  vraie.  En  voici  un  exemple  frappant  :  au  vers  X.  125.  7 
l'opposition  de  suve  et  de  pitdram,  le  goût  des  poètes  védiques  pour  les  formules 
paradoxales,  et  le  précédent  d'Aditi,  mère  et  fille  de  Daksha,  me  laissent  en 
toute  sécurité  sur  la  traduction  :  «  y  enfante  mon  père  au  sommet  (ou  mieux  au 
»  commencement)  de  ce  monde.  2»  Le  traducteur,  évidemment  effrayé  du 
paradoxe ,  préfère  :  «  Je  place  mon  père  au  sommet  du  monde.  «  Le  sens 
d'  «  enfanter  »  peut  même  sans  doute  être  également  gardé  pour  bibharmi  au 
vers  I,  la  Parole,  que  M.  R.  reconnaît  avec  la  tradition  pour  la  divinité  de  cet 
hymne,  ou  ce  qui  revient  au  même  la  prière  des  ancêtres  piîryâ  dh'ih,  étant 
ailleurs  III.  39.  2  et  3  appelée  la  mère  àes  jumeaux  qui  se  place  sur  l'extrémité 
agitée  de  la  langue.  Mais  n'allons  pas  plus  loin  pour  aujourd'hui  sur  ce  terrain 
brûlant 3.  —Au  vers  IV.  50.  6  pitre  viçvâdevaya  est  vraisemblablement  le  «  père 


1.  La  J7°  livraison  du  dictionnaire  que  je  reçois  à  l'instant  me  prouve  qu'il  faut  mettre 
au  compte  de  M.  Geldner  la  traduction  de  hav^a  «  Wort  »  VII,  86,  2,  et  à  celui  de 
M.  Kaegi  l'interprétation  de  ut-han  III,  33,  n-  Ce  n'est  sans  doute  pas  non  plus  M.  R. 
qui  renonce  au  sens  parfaitement  établi  par  lui-même  pour  ni-marj  avec  un  locatif  X , 

39,  14- 

2.  M.  Weber,  en  traduisant  (Indische  Studien  IX,  475)  :  «  J'enfante  dans  ma  tête  le 
»  père  de  ce  monde,  »  garde  à  suve  sa  signification  propre.  Mais  dans  ce  sens  on  atten- 
drait l'ablatif  de  niûrdhân  plutôt  que  le  locatif. 

3.  Je  signalerai  seulement  encore  à  propos  de  la  Parole  la  violence  faite  dans  le  dic- 
tionnaire au  mot  vip  «  enthousiasme,  prière  «  auquel  on  attribue  dans  plusieurs  passages  le 
sens  de  rameau,  tige  allongée,  hampe  de  javelot,  etc.  Les  trois  passages  qui  ont  le  plus 
contribué  à  cette  erreur  sont  :  1°  VI.  44.  6  oii  la  ramification  des  faveurs  d'Indra  est 
comparée  à  celle  des  prières,  parce  que  les  prières  sont  elles-mêmes  comparées  à  des 
branches  qui  se  divisent  VU.  43.  1  ;  2°  VIII.  (9.  33  qui  signifie  :  «  J'aitelle  comme  des 
»  prières  les  richesses  des  hommes,  »  les  prières  étant  comparées  elles-mêmes  à  des  atte- 
lages (VI.  35.  3),  c.-à-d.  :  «  Moi,  prêtre  et  cocher  des  prières,  je  suis  aussi  le  cocher 
»  des  richesses,  j'en  dispose  à  mon  gré;  »  3°  X.  99.  6,  dont  le  sens  est  :  «  Trita  (prêtre 
»  céleste)  a  frappé  le  sanglier  avec  une  prière,  une  formule,  à  pointe  de  fer  (cf.  Vl.  47. 
»  10  la  prière  aiguisée  comme  le  tranchant  du  fer),  ou  peut-être  simplement  faisant  l'office 
»  de  fer.  »  On  peut  comparer  au  dernier  passage  cette  expression  vi  daro  grinTshcWl.  35. 
5  «  Tu  ouvres  les  portes  par  le  chant  ».  Il  s'agit  d'Indra  aidé  du  chant  des  Angiras. 
M.  Grassmann  propose  d'y  prendre  durah,  paroxyton,  pour  le  nominatif  d'un  mot  dura 
que  M.  R.  a  cru  trouver  déjà  au  vers  I.  ^3,2  avec  une  autre  accentuation  durah,  oxy- 
ton. Dans  ce  dernier  vers  la  méprise  est  d'un  autre  ordre,  elle  est  bien  bizarre;  le  sens 
est:  ((  tu  es  le  maître  de  la  porte  du  cheval,  de  la  porte  de  la  vache,  etc.,  c.-à-d.  de  toutes 
»  les  portes  divines  dvâro  devTh,  par  lesquelles  passent  tous  les  dons  que  les  dieux  font  aux 
»  hommes.  »  Les  vers  VI.  3^.  \  et  X.  99.  6  sont  des  exemples  frappants  du  rôle  que 
joue  la  Parole  dans  la  mythologie  védique  et  de  la  hardiesse  des  formules  où  ce  rôle  est 
indiqué. 


374  REVUE  CRITIQUE 

»  de  tous  les  dieux  »  cf.  II.  26.  3.  —  Pourquoi  ne  pas  respecter  au  vers  I.  115. 
6  cette  conception  des  deux  formes  du  soleil,  la  brillante  et  la  noire,  qui  se 
retrouve  ailleurs  X.  37.  3,  et  en  effacer  le  relief  dans  l'opposition  pure  et  simple 
de  «  Tageshelle  »  et  «  Dunkel  »  ?  —  Un  dernier  exemple  sera  précisément  celui 
que  M.  R.  cite  dans  sa  préface  (p.  vij)  pour  montrer  comment  l'interprétation 
la  plus  simple  peut  venir  après  bien  des  discussions  départager  les  amateurs 
d'interprétations  «  merveilleuses  »,  et  qui  pourrait  être  plus  heureusement  choisi. 
Sans  proposer  une  interprétation  personnelle  de  ce  passage  I.  104.  4,  quoiqu'il 
n'y  ait  que  l'embarras  du  choix  (mais  c'en  est  un  sérieux  en  pareille  matière), 
je  n'hésite  pas  pourtant  à  repousser  celle  de  M.  R.  Indépendamment  de  l'oppo- 
sition de  ûparasya  à  pûrvâbhih  qui  se  reproduit  dans  une  formule  analogue  entre 
dparâh  et  le  même  mot  V.  48.  2,  et  dont  on  ne  tient  pas  compte,  il  n'y  a  pas 
pour  nabhi,  comme  pour  yôni  (X.  34.  1 1),  d'autres  exemples  du  sens  pur  et 
simple  de  «  maison  ».  Dans  tous  les  cas  où  on  le  traduit  «  séjour  »  il  signifie  en 
réalité  «  point  d'origine  »  toujours  avec  allusion  au  sens  primitif  de  u  nombril  » 
(comme  dans  d'autres  cas  à  celui  de  «  moyeu  »),  si  l'on  tient  compte  de  la 
conception  védique  qui  rattache  le  fils  au  nombril  du  père  par  lequel  celui-ci 
se  rattache  lui-même  à  son  ancêtre,  pour  aboutir  en  haut  de  l'arbre  généalogique 
à  ce  paradoxe  analogue  à  celui  qui  a  été  relevé  plus  haut  :  le  nombril  du  non  né, 
c.-à-d.  de  celui  qui  n'a  pas  eu  de  parents  X.  82.  6.  On  s'explique  très-bien  que 
yâni  «  matrice  »  ait  pris  le  sens  de  «  demeure  ».  Le  même  développement  de 
sens  était  impossible  pour  nâbhi  «  nombril  ». 

M.  R.  dédouble  aussi  trop  souvent  les  mots  en  posant  des  homonymes  d'éty- 
mologie  différente.  M.  Grassmann  a  déjà  réagi  contre  cette  tendance,  mais  peut- 
être  moins  encore  qu'il  n'aurait  fallu.  Je  ne  crois  pas  plus  que  lui  par  exemple 
au  double  çûbh  (I.  165.  i)  et  au  double  gravas  (I.  165.  12).  Il  ne  semble  même 
pas  qu'il  y  ait  dans  le  Rig-Véda  aucun  exemple  certain  de  la  confusion,  plus 
tard  fréquente,  des  racines  ^ruet  cru;  car  de  ceux  qu'admet  M.  Gr.,  l'un  I.  127. 
3  est  obscur  et  exigerait  à  cause  de  la  comparaison  vdneva  un  sens  étranger  à 
l'emploi  du  véritable  sru,  et  les  deux  autres  IL  13.  12,  X.  49.  8,  s'expliquent  très- 
bien  dans  le  sens  de  VIL  62.  5.  —  Est-il  bien  nécessaire  aussi  de  poser  un  jar 
«  aller  »  pour  expliquer  des  passages  comme  I.  123.  5,  IV.  51.  8,  VIL  76.  6 
(cf.  aussi  X.  3 1,  7  et  peut-être  I.  124.  10),  où  le  sens  de  s'éveiller  conviendrait 
si  bien,  puisqu'il  s'agit  de  l'aurore  :  prathamâ  jarasva!  On  aurait  là  le  simple  dont 
jUgar  est  l'intensif.  Le  verbe  serait  pris  au  figuré  VI IL  70.  9.  Dans  les  autres 
passages  cités  (B.  R.),  on  ay^r  «chanter,  faire  du  bruit»  (IL  39.  i  grâvâneva, 
et  sans  doute  X.  40.  3.  cf.  d'ailleurs  la  voix  divine  des  Açvins  VIII.  9.  16). 

Passons  à  un  autre  expédient  dont  M.  R.  paraît  abuser  un  peu.  Il  s'agit  de  la 
critique  du  texte.  Pour  une  critique  qui  ne  peut  être  que  conjecturale  il  n'y  a 
naturellement  pas  d'autre  règle  à  observer  que  celle  d'une  extrême  prudence.  Il 
faut  se  garder  surtout,  avant  d'avoir  définitivement  achevé  l'inventaire  des  idées 
védiques,  de  biffer  d'un  trait  de  plume  les  droits  de  nos  poètes  à  la  propriété  de 
telle  ou  telle  conception  plus  ou  moins  bizarre.  Or  à  côté  de  corrections  à  peu 
près  sûres  comme  nripatJ  VIL  69.  i  et  dipsaîo  IL  27.  3,  et  d'autres  au  moins 


D^HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE.  375 

vraisemblables,  M.  R.  en  propose  de  plus  douteuses.  Ainsi  :  IV.  42.  ?  indra  pour 
indro.  Mais  si  c'était  Indra,  qui,  après  avoir  supplanté  Varu/za,  s'attribuait  en  sa 
présence  (7)  son  nom  et  ses  prérogatives  ?  Le  début  du  vers  6  ahdm  ta  viçvâ 
cakaram  s'explique  mal  s'il  ne  se  rapporte  qu'à  ces  deux  actes  du  vers  5  qui 
d'ailleurs  n'en  font  qu'un  :  krinômy  âjim  et  iyarmi  renùm.  M.  R.  n'entend-il  pas 
lui-même  que  dans  les  vers  V.  8 1 .  4  et  5  les  mots  :  «  tu  es  Mitra,  tu  es  POshan,  » 
adressés  à  Savitar,  signifient  «tu  remplis  leur  rôle»? — I.  165.  14.  duvasyâ=z 
duvoyâ  est  ingénieux.  Mais  duvds  opposé  à  dû  vas  ne  peut  être  mieux  interprété 
que  comme  signifiant  «  pieux  »,  sens  qu'il  a  en  effet  I.  168.  5  (les  gouttes  de 
Soma  reçues  dans  le  sein  de  l'homme  pieux),  et  qu'il  doit  avoir  également  ici, 
dans  un  hymne  attribué  précisément  au  même  poète.  L'opposition  de  duvasyàt 
et  duvdse  semble  d'ailleurs  promettre  mieux  que  ce  qu'on  en  tire.  Ne  pourrait-on 
pas  traduire  sans  correction,  en  faisant  de  duvasyàt  un  subjonctif  ^na/  sans  con- 
jonction (cf.  VII.  81.  5)  ou  mieux  en  admettant  que  la  conjonction  ydt  sert  pour 
les  deux  propositions  :  «  Puisque  la  sagesse  de  Mânya  nous  a  rassemblés  afin 
»  que  le  poète  témoigne  en  quelque  sorte  sa  piété  au  pieux  »,  le  pieux  désignant 
les  Maruts,  prêtres  célestes  (cf.  1 1)  ?  (M.  Max  Millier  tire  de  la  même  construction 
un  sens  différent).  —  X.  97.  7.  açvâvatim  qu'on  remplace  par  apyâvaîlm  dans 
le  sens  de  dpyâm  ne  ferait-il  pas  allusion  à  un  mythe  semblable  à  celui  de 
l'açvattha  (Kuhn.  Herabkunft,  p.  198)?  —  Pourquoi  douter  des  leçons  ddite  et 
indra  II.  27.  14  (cf.  II.  29.  3),  et  bhrigdvo  X.  39.  14  et  IV.  16.  20  (les  per- 
sonnages considérés  dans  le  Rig-Véda  comme  d'anciens  sacrificateurs  pouvant 
tous  passer  pour  des  charrons  puisque  le  char  est  leur  prière  ')  ?  D'autres  cor- 
rections encore  seront  discutées  plus  loin. 

La  critique  de  M.  R.  porte  non-seulement  sur  les  mots  isolés,  mais  sur  l'en- 
semble des  hymnes.  L'addition  postérieure  d'un  vers  à  la  fin  d'un  hymne,  les 
interpolations  même  à  l'intérieur  d'un  morceau  n'ont  en  elles-mêmes  rien-  d'in- 
vraisemblable, et  peuvent  devenir  probables  dans  tel  ou  tel  cas  particulier. 
L'hypothèse  de  transpositions  de  vers  appartenant  tous  originairement  à  l'hymne 
où  on  les  retrouve  est  déjà  plus  inquiétante ,  surtout  quand  on  en  use  avec  la 
prodigalité  que  nous  constaterons  plus  loin.  Il  est  vrai  qu'ici  M,  R.  prétend,  au 
moins  dans  certains  cas,  n'en  être  plus  réduit  à  des  conjectures  sans  contrôle 
possible  :  le  contrôle  est  pour  lui  dans  la  construction  des  hymnes  qui  seraient, 
«  beaucoup  plus  souvent  qu'on  n'a  été  jusqu'ici  disposé  à  le  croire»  »  (p.  viij), 


1.  Cf.  I,  94,  I  ;  X,  135,  3;  IV,  36,  2  (mânasas  pari  f/A)/^)'»,  des  Ribhus  eux-mêmes), 
les  expressions  gtrvâhas  «  qui  a  pour  véhicule  le  chant  »  (cf.  surtout  I,  61,  3  et  sindhu- 
vdhas,  V,  7$,  2  «qui  est  porté  par  les  flots»)  ukthâvâhas,  etc.,  et  ce  vers  :  III,  30,  20. 
Les  prêtres  Kuçikas  désirant  la  lumière  t'ont  fait  un  véhicule  avec  leurs  prières,  ô  Indra! 
etc.,  etc. 

2.  Un  examen  attentif  de  tous  les  hymnes  que  M.  R.  croit  devoir  diviser  en  stances 
me  laisse  des  doutes  à  cet  égard.  Sauf  dans  l'hymne  X.  119  et  dans  deux  ou  trois  autres, 
la  liaison  des  vers  ainsi  réunis  est  souvent  bien  peu  frappante,  quelquefois  même  le 
groupement  me  paraît  méconnaître  ou  le  sens  général  de  l'hymne  ou  le  sens  parti- 
culier des  différents  vers.  Mais  l'espace  me  manque  pour  discuter  en  détail  toutes  ces 
questions. 


37^  REVUE    CRITIQUE 

divisés  en  strophes  de  deux  ou  de  trois  vers.  Dès  lors  les  transpositions  qui 
rétabliraient  à  la  fois  la  construction  métrique  et  l'ordre  naturel  des  pensées 
prendraient  un  caractère  de  vraisemblance  voisin  de  la  certitude.  L'exemple  le 
plus  frappant  de  ce  fait  est  la  transposition  du  vers  i  replacé  après  $  dans 
l'hymne  X.  119.  Nous  examinerons  tout  à  l'henre  si  dans  beaucoup  d'autres  cas 
les  transpositions  proposées  ne  rompent  pas  au  contraire  le  cours  naturel  de  la 
pensée  et  ne  dénaturent  pas  le  caractère  général  des  hymnes.  Signalons  dès 
maintenant  dans  l'hymne  IX.  1 1 2,  où  il  n'est  pas  question  d'ailleurs  de  construc- 
tion métrique,  le  vers  4  qu'il  vaudrait  mieux  encore  regarder  comme  ajouté  que 
de  l'intercaler  après  le  vers  2,  puisqu'il  se  rapporte  mal  au  sujet,  traitant  des 
désirs  (voyez  surtout  le  ^^  pâda)  et  non  des  métiers  différents.  —  Dans  l'hymne  IV. 
24,  les  vers  9  et  10  malgré  la  différence  du  mètre  pourraient  bien  former  une 
seule  et  même  annexe.  Elle  ferait  le  pendant  des  Dânastutis  si  fréquentes  à  la  fm 
des  hymnes.  Un  prêtre,  mécontent  du  prix  qu'on  lui  a  proposé  pour  le  sacrifice, 
offre  son  dieu  à  un  autre,  par  une  hardiesse  de  langage  à  laquelle  nous  prépare 
le  vers  VIII.  i .  5 ,  et  sans  qu'il  soit  nécessaire  d'ailleurs  de  supposer  une  allusion 
à  une  image  ou  à  un  symbole. 

Il  n'y  a  à  faire  que  très-peu  d'observations  purement  grammaticales.  Les 
collaborateurs  de  M.  R.  sont  évidemment  seuls  responsables  de  quelques  inad- 
vertances comme  la  substitution  d'indicatifs  à  des  subjonctifs  I.  124.  11,  et  réci- 
proquement, ibid.  13,  et  d'autres  négligences  peu  graves  où  la  grammaire  est 
plus  ou  moins  intéressée.  Je  voudrais  seulement  attirer  l'attention  sur  un  fait  de 
syntaxe  qui  paraît  n'avoir  pas  été  encore  observé.  Au  vers  I.  143.  3,  M.  R. 
propose  d'interpréter  la  comparaison  akîûr  nd  sindhavah  en  faisant  de  sindhavah 
un  génitif.  La  forme  serait  très-acceptable  au  point  de  vue  de  la  linguistique , 
mais  je  ne  crois  pas  qu'il  y  en  ait  d'autre  exemple  védique.  D'ailleurs  des 
constructions  analogues  ont  déjà  suggéré  d'autres  expédients.  Ainsi  I.  6$.  5  girir 
nâ  bhûjma  appelle,  selon  M.  R.  lui-même  dans  son  dictionnaire,  la  correction 
bhujmâf  avec  laquelle  on  reproduit,  il  est  vrai,  la  formule  de  Vâl.  2.2.  Dans  sa 
traduction  de  l'hymne  I.  66  (Orient  und  Occident  I),  M.  Benfey,  luttant  contre 
deux  difficultés  du  même  genre  âyur  nd  prândh  (i)  et  pdyo  nd  dhenûh  (2),  croit 
lever  la  première  en  donnant  au  mot  âyu*\e  sens  adjectif  de  «  vivant  »  contraire 
à  son  accentuation,  et  la  seconde  par  l'hypothèse  d'une  tmèse  dont  il  ne  cite 
qu'un  seul  exemple  analogue  (avec  /2a),  exemple  que  supprime  l'existence  au- 
jourd'hui reconnue  d'un  thème  ûsh  I.  69.  i .  Ce  n'est  pas  tout,  et  la  même  construc- 
tion se  retrouve  I.  6$.  6  et  66.  10  sindhur  nd  kshôdah,  et  V.  59.  3  sùryo  nd 
cdkshuh.  Dira-t-on  que  kshâdah  et  cdkshuh  sont  à  l'instrumental  sans  désinence 
comme  vdcah  I.  26.  2^  Mais  dans  ce  nouvel  exemple  :  nadyèva  rJtih  II.  39.  5, 
cette  ressource  fera  défaut ,  aussi  bien  que  toutes  les  subtilités  de  construction 
qu'on  aurait  pu  imaginer  dans  les  précédents  ;  car  il  est  isolé  au  milieu  d'une 
litanie  de  duels  adressée  aux  Açvins.  Il  faut  donc  renoncer  aux  expédients  de 
toute  sorte,  et  reconnaître  que  dans  tous  ces  exemples  (et  dans  d'autres  encore 
que  je  n'ai  pas  actuellement  sous  la  main),  par  une  application  de  la  construction 
dite  paratactique j  le  terme  auquel  on  compare,  et  le  tertium  comparationis  sont 


d'histoire  et  de  littérature.  377 

construits  tous  les  deux  au  même  cas,  celui  naturellement  du  terme  comparé.  On 
pourrait  évidemment  dire  à  volonté  dans  toute  langue  sindhur  nd  kshôdasâ  ou 
sindhor  nd  ksfiôdah,  en  mettant  tour  à  tour  l'un  et  l'autre  mot  au  nominatif.  La 
langue  védique  les  y  met  tous  deux  ensemble.  Notre  exemple  I.  143.  3  a  seule- 
ment ceci  de  particulier  que  le  terme  principal  suit,  tandis  qu'il  précède  dans  les 
autres. 

Abel  Bergaigne. 
(La  fin  au  prochain  N°.) 


237.  —  L^Administration  anglaise  et  le  mouvement  communal  dans  le 
Bordelais.  Les  Anglais  en  Guyenne,  par  D.  Brissaud,  agrégé  de  l'Université,  pro- 
fesseur d'histoire  au  Lycée  Chârlemagne.  Paris,  Dumoulin.  1875.  Gr.  in-S"  de  viij- 
302  p. 

Le  livre  de  M.  Brissaud  est  tiré  presque  entièrement  de  deux  documents 
manuscrits  qui  appartiennent  aux  archives  de  la  mairie  de  Bordeaux,  le  Livre  des 
Bouillons  et  le  Registre  des  délibérations  de  la  Jurade^  de  141 4  ^"1416.  Quand 
M.  B.  étudia  ces  documents,  il  y  a  déjà  plusieurs  années  (avant  1862),  ils  étaient 
inédits.  Une  commission  nommée  par  l'administration  municipale  de  Bordeaux, 
et  formée  des  érudits  les  plus  compétents  du  chef-lieu  du  département  de  la 
Gironde,  a  publié,  en  1867,  le  livre  des  Bouillons,  et,  en  1873,  les  Registres  de  la 
Jurade  de  1406  à  1409  (2  volumes  grand  in-40).  Les  Registres  de  la  Jurade  de 
1414  a  141 6  ne  paraîtront  qu'un  peu  plus  tard.  Ainsi,  distancé  par  la  commis- 
sion pour  une  partie  de  son  travail,  M.  B.  la  distance,  au  contraire,  pour  une 
autre  partie,  et  la  moitié  de  son  livre  reste,  pour  ainsi  dire,  toute  nouvelle. 
Hâtons-nous  d'ajouter  que,  même  en  ce  qui  regarde  les  renseignements  fournis  à 
l'auteur  par  le  dépouillement  du  plus  important  des  registres  municipaux  de  la 
ville  de  Bordeaux,  la  belle  publication  de  1867  ne  les  rend  pas  inutiles,  car,  à 
côté  d'un  recueil  de  textes  reproduits  avec  la  plus  admirable  fidélité,  on  aime  à 
posséder  un  ouvrage  où  ces  textes  sont  clairement  analysés  et  judicieusement 
commentés. 

A  l'aide  du  Livre  des  Bouillons  et  du  Registre  de  1414  ^  141 6,  et  sans  négliger 
divers  autres  recueils',  M.  B.  a  composé  une  très-bonne  histoire  de  Bordeaux 


I .  Les  Actes  de  Rymer,  les  Rôles  gascons,  la  Notice  d'un  manuscrit  de  la  bibliothïque  de 
Wolfenbuttel  par  MM.  Martial  et  Jules  Delpit,  la  Collection  générale  des  documents  français 
qui  se  trouvent  en  Angleterre  par  M.  Jules  Delpit,  La  Chronique  bourdcloise  de  G.  deLurbe, 
Les  Variétés  bordelaises  de  l'abbé  Baurein,  etc.  Je  constate  avec  plaisir  que  M.  B.  juge  le 
superficiel  dom  Devienne  (et  non  de  Vienne)  et  le  savant  abbé  Baurein  (p.  vj  et  vij), 
comme  j'ai  eu  l'occasion  de  les  juger  moi-même  autrefois  {Observations  sur  l'histoire  d'Ëlèo- 
nore  de  Guyenne,  1864;  Louis  de  Poix  et  la  tour  de  Cordouan^,  1864).  C'est  probablement 
par  suite  d'une  faute  d'impression  que  la  publication  de  la  Chronique  bourdcloise  de  G.  de 
Lurbe  est  mise  (p.  vij)  en  1 574,  au  lieu  de  1 594.  Je  parle  bien  entendu  de  la  traduction, 
car  le  texte  latin  est  antérieur  de  quelques  années  '1^89).  Relevons  encore  une  toute 
petite  erreur  de  l'Avertissement  :  M.  B.  donne  à  l'abbé  Baurein  (p.  iij)  le  titre  de  «  feudiste 
»  de  la  ville.  »  Les  éditeurs  du  Livre  des  Bouillon^'  nous  apprennent  (p.  xxxviij)  que  l'abbé 
Baurein  fut  seulement  adjoint,  en  sa  qualité  de  paléographe,  au  feudiste  de  la  ville. 


578  REVUE   CRITIQUE 

et  du  Bordelais  pendant  la  période  de  la  domination  anglaise.  Sur  l'administra- 
tion, «c'est-à-dire  la  nature,  les  limites,  les  agents  de  la  souveraineté  exercée 
))  par  les  monarques  anglais,  »  (p.  vij),  sur  le  mouvement  communal,  depuis  son 
origine  jusqu'à  son  plus  large  développement,  et,  en  un  mot,  sur  tout  ce  qui  se 
rattache  à  la  vie  municipale  dans  Bordeaux  er  dans  les  villes  environnantes 
(Saint-Emilion,  Libourne,  La  Sauve,  Saint-Macaire,  etc.),  depuis  les  premières 
années  du  xiii^  siècle  jusqu'au  milieu  du  xv°  siècle,  le  livre  de  M,  B.  renferme 
les  plus  abondantes  et  les  plus  précises  indications.  Peut-être  sur  quelques  points, 
les  Registres  delaJurade  de  1406  à  1409,  où  l'on  remarque  une  excellente  intro- 
duction ',  auraient-ils  fourni  un  peu  plus  de  lumière  au  consciencieux  historien 
des  Anglais  en  Guyenne!  Espérons  qu'il  reviendra  sur  un  sujet  aussi  intéressant 
et  qu'alors,  profitant  non-seulement  des  documents  du  volume  de  1873,  ^^^^ 
encore  des  divers  autres  documents  qui  auront  été  publiés,  soit  par  la  commission 
des  Archives  municipales  de  Bordeaux,  soit  par  la  société  des  Archives  histo- 
riques du  département  de  la  Gironde,  il  obtiendra  l'éloge  d'avoir  épuisé  le  sujet 
qu'il  a  déjà  eu  le  mérite  de  traiter  le  premier. 

T.  DE  L. 


CORRESPONDANCE. 
Monsieur  le  Directeur, 

Je  viens  de  lire  l'article  dû  à  la  plume  de  M.  Morel  Fatio  sur  l'édition  annotée 
que  j'ai  donnée  du  Mdgico  prodigioso  de  Caldéron.  Permettez-moi  de  remercier 
d'abord  cet  éminent  critique  d'avoir  bien  voulu  me  prendre  au  sérieux.  Il  m'a 
fait  en  me  critiquant  beaucoup  d'honneur.  Je  ne  voudrais  pas  toutefois  qu'il 
jugeât  par  mon  travail  de  toute  la  méthode  de  l'université  de  France,  parce  que 
je  suis  membre  de  cette  université,  surtout  quand  il  avoue  lui-même  (^Revae 
critique  n^  39  p.  198)  «  que  nous  manquons  de  renseignements  précis  sur  l'état 
»  de  l'enseignement  de  la  littérature  espagnole  dans  nos  établissements  d'instruc- 
»  tion  secondaire,  etc..  »  C'est  un  premier  point  que  je  tiens  à  établir. 

«  Le  résumé  de  la  vie  du  poète  a  été  traduit  par  M.  M.,  sauf  quelques  détails 
»  pris  ailleurs,  de  la  biographie  de  Caldéron  )>  etc.  (ib.  p.  194),  et  M.  Fatio  ajoute 
en  note  «  pourvu  que  l'on  n'omette  point  de  rendre  à  César  «.  C'est  un  grand 
crime  de  ma  part  de  n'avoir  pas  dit  que  j'empruntais  d'un  auteur  espagnol  une 
biographie  résumée  et  que  j'y  ajoutais  d'autres  détails,  pris  ailleurs.  Mais  puisque 
M.  Fatio  a  si  bien  reconnu  cette  source  non  indiquée,  pourquoi,  dans  son  ardent 
amour  de  la  justice,  omet-il  de  dire  que,  dans  toutes  les  autres  circonstances,  je 
rends  à  César  ce  qui  est  à  César  ?  Je  n'ai  pas  la  prétention  d'avoir  la  science 
infuse,  ni  de  posséder  même  le  quart  du  savoir  de  M.  Fatio;  aussi  quand  j'ai  pris 


I.  Voir  les  pages  iv-xiij  consacrées  à  rorganisation  du  corps  municipal  de  Bordeaux 
au  XVe  siècle,  au  rôle  politique  qu'il  joua  de  1406  à  1409,  et  à  son  activité  administra- 
tive pendant  les  mêmes  années. 


d'histoire  et  de  littérature.  379 

chez  MM.  Philarète  Chasles,  le  comte  Lafond,  Antoine  de  Latour,  chez  Ticknor, 
Hartzenbusch,  les  Bollandistes,  je  ne  manque  pas  de  le  reconnaître  et  les  lecteurs 
de  mon  introduction  peuvent  facilement  s'en  convaincre.  Le  reproche  n'est  donc 
pas  sérieux.  Passons' . 

M.  Fatio  dit  bien  qu'il  ne  sait  pas  pourquoi  j'écris  toujours  Caldéron  en  con- 
servant à  Vé  la  prononciation  qu'il  tient  de  l'espagnol,  mais  il  n'ajoute  pas  pour- 
quoi il  écrit  toujours,  lui,  Caldéron^.  Si  Ton  acceptait  la  traduction  de  a  titulo 
de  par  à  cause  de,  sous  prétexte  de,  comme  le  voudrait  M.  Fatio,  la  phrase  n'au- 
rait pas  de  sensî.  Si  j'avais  donné  le  fragment  de  romance  que  M.  Fatio  n'a  pas 
découvert  le  premier,  dans  les  comedias  escogidas  de  Lope  de  Vega^,  je  suis 
certain  qu'il  n'aurait  pas  manqué  de  m'accuser  de  relever  quelques  traits  inté- 
ressants de  la  physionomie  du  poète,  mais  qui  sont  loin  de  le  faire  connaître 
dans  son  entier.  Je  tire  des  Bollandistes  la  légende  de  St  Cyprien,  pourquoi  ne 
pas  me  borner  à  en  donner  une  analyse  ?  J'aurais  donné  cette  analyse;  n'eût-il 
pas  été  plus  simple  de  reproduire  l'abrégé  des  Bollandistes?  «  Il  était  tout  fait  et 
il  nous  aurait  plus  instruit  que  l'analyse  pour  laquelle  M.  M.  s'est  donné  tant  de 
peine  ».  Voilà  ce  que  n'aurait  pas  hésité  de  remarquer  M.  Fatio  par  suite  de  son 
système  de  critique  5 . 

Je  lui  en  demande  bien  pardon,  je  n'ai  jamais  eu  la  pensée  de  faire  entamer 
une  discussion  sérieuse  entre  Philarète  Chasles  et  Ochoa  sur  le  parallèle  entre  le 
Mdgico  prodigioso  de  Caldéron  et  le  Faust  de  Gœthe.  La  page  de  Philarète  Chasles 
m'a  paru  résumer  suffisamment  les  divers  points  de  la  comparaison  et  je  l'ai 
reproduite  de  préférence  à  la  longue  dissertation  de  Karl  de  Rosenkranz. 
Cette  dernière  n'a  pas  moins  de  cent  quarante-quatre  pages  in-octavo 6.   Il 

1.  [Le  reproche  est  très-sérieux  au  contraire.  Quand  on  reproduit  le  travail  d'un  érudit 
tel  que  La  Barrera,  qu'on  le  copie  au  point  que  plusieurs  passages  du  calque  ne  peuvent 
être  compris  qu'à  l'aide  de  l'original,  c'est  un  oubli  rare  que  de  ne  pas  citer  le  livre  d'où 
l'on  tire  tout  son  savoir.  L'auteur  de  la  nouvelle  édition  du  Mâgico  prétend  qu'il  a  cité 
ses  sources  «  dans  toutes  les  autres  circonstances  ».  Ajoutez-y  les  rames  de  M.  de  Latour, 
que  celui-ci  se  gardera  d'ailleurs  de  réclamer.] 

2.  [Il  y  a  deux  manières  d'écrire  les  noms  propres  étrangers  en  français  :  il  faut  ou  les 
reproduire  tels  qu'ils  s'écrivent  dans  la  langue  originale,  ou  les  franciser  complètement. 
M.  M.  peut  choisir  entre  Pedro  Caldéron  de  la  Barca ,  ou  Pierre  Chauderon  de  la  Barbue. 
Ensuite  quelle  raison  d'accentuer  Vé  du  seul  mot  Caldéron  pour  indiquer  la  prononciation 
de  cette  voyelle  en  castillan.?  Les  élèves  qui  expliquent  le  Mâgico  ne  seraient-ils  pas  tenus 
de  savoir  que  le  son  de  Ve  muet  français  n'existe  pas  dans  la  langue  sœur.?J 

3.  [Ce  n'est  pas  l'avis  de  ceux  qui  savent  le  castillan.] 

4.  [Je  n'avais  pas  à  le  découvrir,  le  livre  qui  le  contient  étant  dans  le  domaine  public 
depuis  une  quinzaine  d'années.] 

5.  [M.  Magnabal  est  à  côté  de  la  question,  et  il  ne  s'agit  point  ici  d'analyse.  Je  lui  ai 
reproché  de  n'avoir  pas  indiqué  les  procédés  dont  a  usé  Caldéron  pour  tirer  sa  comedia 
des  versions  latines  de  la  légende  de  S.  Cyprien.  Pour  obtenir  ce  résultat  il  fallait  étudier 
ces  textes  et  s'enquérir  soigneusement  des  travaux  critiques  dont  ils  ont  été  l'objet.  Mais 
M.  M.  n'a  rien  fait  de  tout  cela.] 

6.  [Puisque  M.  M.  était  bien  décidé  à  ne  rien  nous  donner  de  son  crû  dans  cette 
notice,  je  comprends  à  merveille  qu'il  ait  mieux  aimé  copier  Philarète  Chasles  que  de 
résumer  le  mémoire  de  M.  K.  Rosenkranz;  car  pour  le  résumer  il  eût  fallu  le  lire  et  non 
se  borner  à  en  compter  les  pages;  or,  nous  avons  vu  naguère  (vov.  Revue  critique,  1873, 
t.  II,  p.  70)  que  M.  M.  ne  possède  de  la  langue  allemande  qu  une  connaissance  fort 
sommaire.] 


380  ^  REVUE   CRITIQUE 

est  vrai  qu'elle  est  en  allemand.  Ne  serait-ce  pas  là  son  plus  grand  mérite 
aux  yeux  de  ceux  qui  professent  que  toute  science  nous  vient  aujourd'hui 
de  l'Allemagne?  Et  il  ne  faut  croire,  comme  M.  Fatio,  que  si  l'on  indique 
que  cette  dissertation  a  été  publiée  à  Leipzig,  il  faut  lire  Halle.  L'édition  que  j'ai 
sous  les  yeux  porte  :  Halle  und  Leipzig  1829.  Donc  il  n'y  a  pas  erreur  dans 
mon  indication'.  Je  me  suis  bien  gardé  de  parler  de  la  versification  de  la 
comedia  espagnole.  Je  n'avais  pas  à  faire  une  anthologie  des  poètes  drama- 
tiques. D'autre  part  je  n'ai  jamais  pensé,  et  je  ne  pense  pas  encore,  qu'il  faille 
mettre  en  tête  de  chaque  pièce  en  vers,  éditée  séparément,  une  étude  sur  la 
versification.  Je  persiste  à  croire  que  ceux  qui  lisent  ce  genre  de  compositions 
dramatiques  se  sont  instruits  dans  les  traités  spéciaux  des  règles  de  la  versifica- 
tion. Libre  à  M.  Fatio  d'être  d'une  opinion  contraire 2. 

Quand  il  passe  à  la  critique  du  texte,  il  veut  bien,  M.  Fatio,  me  savoir  gré 
d'avoir  donné  une  preuve  de  modestie  en  me  contentant  de  reproduire  le  texte 
établi  par  M.  Harzenbusch.  Je  vous  avoue,  M.  le  Directeur,  que  si,  dans  tout 
son  article  critique,  il  avait  apporté  cette  politesse  et  cette  urbanité  qui  ne  con- 
vient pas,  il  est  vrai,  à  tout  le  monde,  mais  qui  donne  au  jugement  une  force 
d'autant  plus  grande  qu'il  frappe  avec  plus  de  modération,  j'aurais  accepté, 
sans  y  répondre,  les  critiques  peu  justes  ou  erronées  sorties  de  sa  plume. 

Mais  on  affirme  tout  savoir,  tout  tirer  de  son  crû,  être  un  Pic  delà  Mirandole, 
et  l'on  vient  dire  à  des  lecteurs  aussi  choisis  que  ceux  de  la  Revue  critique,  en 
parlant  d'un  commentaire  philologique  :  «  ce  commentaire  est  conçu  de  telle 
»  manière  qu'on  ne  voit  point  à  quelle  catégorie  de  lecteurs  il  s'adresse  »  (ib. 
p.  195).  Que  faites-vous,  M.  Fatio,  de  votre  loupe  critique?  Elle  vous  fait 
reconnaître  que  la  date  traditionnelle  du  pontificat  d'un  pape,  sur  l'existence 
duquel  vous  me  reprochez  de  ne  pas  m'être  appesanti,  est  sans  valeur  historique 
(ib.  197).  Elle  vous  fait  voir  dans  Antioche  une  ville  peu  connue  (ib.);  dans  Pline 
l'ancien,  un  personnage  énigmatique  (ib)5.  Elle  vous  montre  Philarète  Chasles 

1.  [Voici  la  phrase  de  M.  M.  concernant  le  mémoire  en  question  :  «  En  1829,  Karl 
Rosenkranz,  à  Leipzick,  s'occupe  du  Magicien  prodigieux  dans  une  dissertation  des  plus 
intéressantes,  quoique  un  peu  trop  métaphysique  ».  En  1829  M.  K.  Rosenkranz  était 
Privat-docent  à  Halle  et  c'est  dans  cette  ville,  oii  il  a  professé  jusqu'en  1833,  qu'il  a  écrit, 
sinon  publié,  celte  dissertation  (voy.  le  Conversations-Lexicon  de  Brockhaus  s.  v,).  Au 
reste  M.  M.  a  tort  de  prendre  la  responsabilité  de  cette  légère  inexactitude,  car  il  sait 
bien  qu'il  n'a  fait  ici  que  copier  Ticknor.] 

2.  fM.  M.,  qui  veut  bien  nous  exposer  ces  principes  sur  le  commentaire  des  poètes 
dramatiques  espagnols,  aurait  dû  pousser  le  condescendance  jusqu'à  nous  indiquer  le  titre 
du  traité  spécial  de  versification,  écrit  en  français,  —  car  nous  avons  vu  que  ses  lecteurs 
ne  sont  pas  tenus  de  savoir  le  castillan  —  à  l'aide  duquel  nos  collégiens,  qui  en  fait  de 
vers  dramatiques  ne  connaissent  guère  que  l'alexandrin,  pourront  s'orienter  dans  la  rhyt- 
mique  si  variée  de  la  comedia.  Quant  à  moi  je  ne  connais  qu'un  traité  de  versification  qui 
mérite  ce  nom,  c'est  VArte  poetica  de  Juan  Diaz  Rengifo,  mais  ce  livre  est  écrit  en  espa- 
gnol et  ne  peut  être  mis  entre  les  mains  de  commençants.] 

3.  [M.  Magnabai  semble  ne  pas  connaître  une  figure  de  rhétorique,  qu'on  nomme 
ironie  ou  contre-vérité,  laquelle  «  s'emploie  lorsqu'on  dit  précisément  le  contraire  de  ce 
»  qu'on  pense  et  de  ce  qu'on  veut  faire  entendre  ».  C'est  cette  figure  que  j'ai  employée 
en  parlant  d' Antioche  et  de  Pline,  avec  peu  de  succès,  paraît-il,  puisqu'elle  n'a  pas  été 
saisie.] 


d'histoire  et  de  littérature.  381 

comme  un  souffleur  (ib.  p.  19$);  M.  Bouillet  et  les  auteurs  de  précieux  diction- 
naires où  ceux  qui  n'ont  pas  la  prétention  de  tout  savoir,  ni  de  tout  inventer, 
puisent  d'utiles  renseignements,  comme  des  compilateurs  ejusdem  farinae 
(ib.  p.  197).  Vous  appelez  un  calepin  quelconque  le  Dictionnaire  de  l'Académie 
espagnole  ',  d'où  est  extraite  l'explication  du  mol  jornada  (ib.)  Vous  lisez  mal  la 
note  de  la  page  1 1 8  et  vous  appliquez  à  alcazar  estrellado  l'observation  qui  ne 
porte  que  sur  alcazar^,  vous  donnant  le  malin  plaisir  de  commettre  une  bévue 
pour  la  mettre  sur  mon  compte  aux  yeux  de  vos  lecteurs.  Sans  collationner  vous 
lisez  remos,  là  où  les  textes  reproduisent  r^mo^  que  veulent  la  rime  et  l'assonance, 
contrairement  à  votre  assertion  î.  Veuillez  relire  le  passage  page  128,  et  vous 
verrez  qu'il  faut  u  et  non  pas  0  ainsi  que  vous  le  prétendez;  rendez-vous  compte 
de  la  manière  dont  le  sens  est  coupé,  page  166,  et  vous  trouverez  qu'on  a  ici 
raison  de  mettre  0  et  non  pas  u,  sans  qu'il  y  ait  contradiction  avec  la  règle 
grammaticale,  ainsi  que  vous  le  soutenez  4. 

Je  suis  loin  de  méconnaître  qu'il  ne  s'est  pas  glissé  des  fautes  d'impression  dans 
mon  édition  du  Mdgico  prodigioso;  qu'iln'y  a  pas  quelques  virgules  mal  placées, 
quelques  accents  mal  mis  ;  que  pour  s'est  imprimé  au  lieu  de  par;  celle  au  lieu  de 
celui  i,  en  parlant  du  sang  qui  est  du  féminin  en  espagnol  et  du  masculin  en 
français.  Vous  avez  raison  ici,  M.  Fatio,  comme  pour  volver  d  las  espadas;  et  je 
vous  remercie  bien  sincèrement  d'avoir  signalé  ces  quelques  erreurs,  prouvant  à 
vos  yeux  que  je  suis  aussi  peu  compétent  en  langue  castillane  qu'en  langue  fran- 
çaise ;  erreurs  qui  disparaîtront  prochainement  ;  pas  toutes  :  il  en  est  que  je  con- 
serverai, malgré  vos  critiques  qui  ne  sont  pas  acceptables^. 

1.  [Non  pas,  je  l'estime  fort  au  contraire;  mais  je  prétends  que  M.  M.  a  pu  tirer  son 
article  sur  les  divers  sens  du  mot  jornada  d'un  de  ces  nombreux  calepins  espagnol-français 
qui  tous  vivent  sur  le  fond  du  dictionnaire  de  l'Académie  espagnole,  auquel  M.  M.  n'avait 
pas  à  recourir  en  cette  occurrence.] 

2.  [Ici  M.  M.  a  raison,  son  observation  ne  porte  en  effet  que  sur  le  mot  alcàzar.  Il 
est  donc  bien  entendu  que  les  vers  Este  monte  elevado  En  si  mismo  al  alcazar  estrellado  se 
traduiront  désormais  par  :  «  Ce  mont  élevé  sur  sa  base  même  au  palais  des  rois  étoile  ».] 

3.  [M.  M.  continue  à  ne  pas  comprendre,  ou,  ce  qui  est  plus  grave,  à  ne  pas  vouloir 
comprendre.  Pour  s'expliquer  comment  M.  de  Latour,  qui,  lui,  sait  le  castillan,  a  été 
amené  à  écrire  le  non-sens  en  question,  il  faut  nécessairement  admettre  qu'il  a  lu,  par 
inadvertance,  remos  pour  ramos.  M.  M.  qui  est  coupable  d'avoir  reproduit  la  bévue  de  son 
devancier,  croit  se  justifier  en  nous  répondant  par  la  phrase  qu'on  vient  de  lire  où  il  y 
a  plus,  à  la  lettre,  d'erreurs  que  de  mots.  Le  lecteur  me  dispensera  d'insister.] 

4.  [A  la  page  145,  note  6.  M.  M.  s'exprime  ainsi  :  «  Notez  l'emploi  de  u  pour  0  toutes 
»  les  fois  que  le  mot  précédent  ou  le  mot  suivant  commence  par  un  0  ».  Je  ne  veux  pas 
abuser  de  la  situation  et  je  corrige  d'abord  :  «  toutes  les  fois  aue  le  mot  précédent  se 
»  termme,  ou  que  le  mot  suivant  commence  par  un  0.  »  Telle  qu'elle  est  énoncée  cette  règle 
est  beaucoup  trop  générale,  et  ne  s'applique  pas  en  tous  cas  à  la  langue  du  XVII*  siècle. 
Mais  là  n'est  pas  la  question;  j'ai  dit  que  les  leçons  des  p.  128  :  Pârate,  inconstante  flor, 
U  decid,  et  166  :  Al  otro,  ô  saniido,  etc.,  admises  par  M.  M.,  étaient  en  contradiction 
avec  la  règle  qu'il  donnait  ailleurs,  et  je  le  maintiens  encore.] 

5.  [En  remplaçant  celle  par  celui ,  M.  M.  supprime  le  barbarisme,  mais  conserve  le 
solécisme.  C'est  un  progrès.] 

6.  [M.  M.  se  fait  d'étranges  illusions  s'il  pense  que  les  «  quelques  »  erreurs  c^ue  j'ai 
relevées  sont  les  seules  qui  puissent  être  recueillies  dans  son  travail.  J'avais  eu  un  instant 
la  pensée  d'accompagner  cette  réponse  d'un  errata  à  peu  près  complet  de  la  nouvelle 
édition  du  Mâgico;  mais  voyant  que  M.  M.  nous  promet  de  l'expurger,  je  ne  crois  pas 
devoir  le  priver  du  plaisir  de  se  corriger  lui-même.] 


382  REVUE   CRITIQUE 

Ceci  soit  dit,  M.  le  directeur,  pour  prouver  à  M.  Fatio  que  je  ne  suis  ni  impec- 
cable, ni  infaillible,  ni  incorrigible,  mais  que  je  ne  saurais  être  aussi  affirmatif 
que  lui  quand  il  assure  à  vos  lecteurs  qu'il  existe  une  copie  manuscrite  du 
Mdgico  chez  le  duc  d'Osuna,  mais  qu'on  n'en  a  point  tiré  parti  (ib.  p.  195  note). 
Qu'en  sait-il'?  Quand  il  répète  l'erreur  qu'il  a  déjà  commise  dans  le  n°  30  de  la 
Revue  critique  de  1873,  en  soutenant  (ib.  p.  19$,  note  i)  que  j'ai  publié  la  traduc- 
tion espagnole  de  Ticknor,  alors  que  j'ai  directement  traduit  du  texte  anglais  2; 
et  il  lui  eût  été  facile  de  s'en  convaincre  par  la  comparaison  du  texte  original  avec 
la  traduction.  Sans  prétendre  connaître  par  moi-même  tous  les  idiotismes  de  la 
langue  castillane,  que  M.  Fatio  peut  comprendre  mieux  que  personne,  je  continue 
de  croire,  dût-il  recommander  mes  observations  philologiques  aux  romanistes  de 
toutes  les  écoles,  que  jusqu'à  preuve  du  contraire,  j'ai  raison  dans  mes  notes 
sur  1'//;  sur  Vo  changé  en  ue;  sur  la  contraction  de  ae  en  ai^  etc.,  etc.  Je  pense 
enfin  qu'il  me  serait  plus  facile  de  faire  comprendre  à  des  élèves  ou  à  des  collé- 
giens qui  ne  savent  pas  un  mot  d'espagnol  que  fatio  dérive  defacetioso,  ou  repré- 
sente fat  +  io  que  de  leur  faire  admettre,  comme  il  le  veut  lui-même  (ib.  p.  1 96), 
que  la  forme  hay  du  verbe  /za^^r  représente  habet  -f-  ibiK 

1 .  [Voilà  une  question  au  moins  maladroite  ;  le  fait  qu'une  copie  manuscrite  du  Magico  se 
trouve  au  palais  de  l'infantado  est  connu  depuis  plus  de  vingt  ans  (voy.  l'éd.  de  Hartzen- 
busch,  t.  IV,  p.  672  et  A.  F.  von  Schack,  Geschichte  der  dramadschen  Lltcratur  and  Kunst 
inSpanien,  t.  lll,  p.  88  de  l'appendice);  ce  qui  l'est  beaucoup  moins,  c'est  que  ce  manus- 
crit^ loin  d'être  une  copie  sans  valeur,  ou  simplem.ent  médiocre,  contient  l'autographe 
même  de  Calderon.  Je  dois  ce  précieux  renseignement  à  l'obligeance  de  M.  A.  M.  Fabié, 
membre  de  TAcadémie  de  l'Histoire  et  l'un  des  érudits  les  plus  distingués  de  l'Espagne 
contemporaine,  qui  a  bien  voulu  m'écrire  à  ce  sujet  une  lettre  fort  détaillée  dont  je  me 
permets  d'extraire  le  passage  suivant  parce  qu'il  peut  intéresser  plusieurs  érudits  en 
Europe:  «  Examinado  el  ms.  de  Osuna  con  atencion  por  los  s»'"  Sancho  Rayon,  Zabal- 
»  buru,  y  por  mi,  y  comparandolo  con  los  autôgrafos  indubitados  que  en  la  misma  biblio- 
»  teca  existen,  es  indudablemente  tambien  autôgrafo,  con  la  desgraciada  particularidad 
»  de  faltarle  el  fin,  probablemente  la  ultima  hoja,  donde  estaria  la  firma  de  Calderon; 
»  esto,  que  ya  es  importante,  no  lo  es  sin  embargo  tanto  como  la  circunstancia  de  ser 
»  el  ms.  mucho  mas  correcto  y  puro,  como  era  natural,  que  todos  los  textos  publicados, 
»  en  los  cuales  faltan  ademas  versos  y  tiradas  ô  fragmentos  de  alguna  consideracion.  » 
On  le  voit,  M.  Magnabal  aurait  agi  dans  son  intérêt  en  gardant  un  silence  prudent  sur 
des  choses  qu'il  ignore  aussi  profondément.  Quant  aux  lecteurs  de  la  Revue^Ws  lui  sauront 
gré  de  m'avoir  posé  cette  question  :  j'ai  été  amené  par  là  à  produire  un  document,  qui 
constitue  le  seul  appoint  que  cette  discussion  rebutante  apporte  au  progrès  de  nos 
études.] 

2.  [Je  n'ai  jamais  soutenu  que  M,  M.  avait  «  publié  la  traduction  espagnole  de  Tick- 
»  nor  »,  qui  est  l'œuvre  de  MM.  de  Gayangos  et  de  Vedia,  j'ai  dit  que  M.  M.  avait  fait 
sa  traduction  française  sur  cette  traduction  espagnole  au  lieu  de  prendre  le  texte  original  ; 
j'ai  fait  mieux,  je  l'ai  prouvé,  comme  chacun  peut  s'en  convaincre  en  recourant  au  n°  30 
de  la  Revue  de  1873.] 

3.  [Que  M.  M.  ne  sente  pas  le  ridicule  qu'il  y  a  à  parler  de  la  contraction  de  ae  en  ai, 
à  faire  de  la  diphthongaison  de  l'a  bref  ou  en  position  une  caractéristique  de  certaines 
formes  verbales,  etc.,  etc.,  ce  n'est  point  là  ce  qui  m'étonne.  On  n'est  pas  tenu  de 
savoir  ce  qu'on  n'a  pas  appris.  Je  m'étonne  seulement  que  ces  choses  s'impriment  dans 
une  édition  classiaue,  car,  pour  peu  qu'on  ne  réagisse  pas  énergiquement  contre  ce  genre 
d'explications  philologiques,  on  peut  s'attendre  à  lire  bientôt  dans  le  commentaire,  d'un 
auteur  français  cette  fois,  une  note  ainsi  conçue  :  «  Remarquez  cette  forme  //  y  a  du 
»  verbe  avoir ^  dont  l'indicatif  présent  est  j'ai,  ta  as ^  il  a  ».  Alors  on  reconnaîtra  peut- 
être  que  la  critique  a  le  devoir  de  s'occuper  de  publications,  qui,  tout  insignifiantes 
qu'elles  soient  en  elles-mêmes,  peuvent  exercer  une  influence  déplorable  dans  le  milieu  où 
elles  sont  lues  et  recommandées.  Alfred  Morel-Fatic] 


d'histoire  et  de  littérature.  583 

Veuillez  me  permettre  de  croire,  Monsieur  le  Directeur,  que  votre  haute 
impartialité  ne  m'obligera  pas  à  recourir  à  une  réquisition  et  que  vous  voudrez 
bien  insérer  cette  lettre  dans  un  des  prochains  numéros  de  la  Revue  critique. 
Veuillez  agréer  aussi  l'expression  de  mes  sentiments  les  meilleurs. 
Paris,  ce  12  novembre  1875. 

J.-B.  Macnabal. 


VARIÉTÉS. 


M.  Julien  Havet  nous  communique  les  renseignements  suivants  qui  ajoutent 
des  détails  peu  connus  à  ce  que  l'on  sait  de  la  vie  du  philologue  anglais  Dobrée. 
(Revue  critique  1875,  ^^  P-  321). 

«  Le  nom  du  philologue  guernesiais  Pierre  Paul  Dobrée  doit  s'écrire 
»  avec  un  accent  aigu  sur  le  premier  des  deux  e.  Du  moins  c'est  l'orthographe 
»  usitée  à  Guernesey,  où  il  y  a  encore  aujourd'hui  des  membres  de  la  famille 
»  Dobrée. 

»  Cette  famille  était,  à  ce  qu'il  paraît,  d'origine  française.  Je  trouve  en  tête 
»  d'une  biographie  de  P.  P.  Dobrée,  placée  à  la  suite  du  livre  intitulé  The 
))  history  ofGuernsey,  by  Jonathan  Duncan,  London,  1841,  p.  616:  «  This  emi- 
»  nent  scholar  was  born  in  Guernsey,  on  the  26  th.  of  June,  1782,  of  a  family 
»  which  had  corne  from  France,  upon  the  massacre  of  St  Bartholemew.  » 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 
ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  3  décembre  1875. 

M.  Renier  annonce  qu'il  a  reçu  une  lettre  de  M.  Masqueray,  professeur  au 
lycée  d'Alger,  qui  a  été  envoyé  en  mission  archéologique  dans  la  région  de 
l'Aurès.  M.  Masqueray  a  commencé  l'exploration  des  ruines  de  Timgad.  Il  a  levé 
le  plan  du  grand  temple  de  Jupiter  CapitoHn,  et  découvert  18  inscriptions  nou- 
velles, dont  il  a  pris  des  estampages;  il  espère  en  trouver  encore  d'autres. 

L'académie  procède  à  l'élection  d'un  membre  ordinaire  en  remplacement  de 
M.  Brunet  de  Presle.  Est  élu,  M.  Michel  Bréal,  professeur  au  collège  de  France, 
directeur  d'études  à  l'école  pratique  des  hautes  études. 

M.  Ravaisson  annonce  que  la  stèle  moabite  du  roi  Mésa  est  exposée  à  la  vue 
du  public  au  musée  du  Louvre,  dans  la  salle  des  antiquités  judaïques.  On  a 
réuni  les  fragments  qui  avaient  été  achetés  par  le  musée  et  ceux  qui  lui  ont  été 
donnés  par  la  société  palestinienne  de  Londres  ;  on  a  complété  les  lacunes  au 
moyen  de  l'estampage  qui  avait  été  pris  avant  que  la  stèle  ne  fût  brisée,  ainsi 
qu'à  l'aide  d'une  copie  faite  par  un  arabe  à  la  même  époque.  Cet  estampage  et 
cette  copie  sont  exposés  à  côté  de  la  stèle. 

L'académie  se  forme  en  comité  secret. 


384  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

Après  la  reprise  de  la  séance  publique,  M.  Duruy  lit  la  suite  de  son  mémoire 
sur  le  régime  municipal  romain  pendant  les  deux  premiers  siècles  de  Pempire. 
Ce  régime  variait  d'une  cité  à  l'autre;  l'uniformité  ne  s'établit  que  plus  tard. 
Certains  territoires  étaient  entièrement  soumis  aux  magistrats  romains,  tandis 
qu'ailleurs  se  trouvaient  des  cités  qui  jouissaient  d'une  grande  indépendance. 
Ainsi,  en  ce  qui  concerne  la  juridiction,  les  jurisconsultes  du  troisième  siècle 
reconnaissent  aux  magistrats  municipaux  le  pouvoir  de  rendre  la  justice,  mais  ils 
l'enferment  dans  des  limites  fort  étroites,,  au  civil  comm.e  au  criminel.  Dans  le 
haut  empire  au  contraire  il  y  avait  des  endroits  où  l'autorité  locale  exerçait 
jusqu'au  droit  de  vie  et  de  mort.  Ainsi  les  évangiles  montrent  Jésus  condamné  à 
mort  par  les  Juifs,  et  ceux-ci  ne  demandent  à  Pilate  que  la  permission  d'exécuter 
la  sentence  qu'ils  ont  eux-mêmes  prononcée.  Aux  témoignages  directs  que  nous 
avons  sur  la  juridiction  des  magistrats  municipaux,  s'ajoutent  des  témoignages 
indirects  tirés  de  l'histoire,  qui  nous  montrent  l'étendue  d'action  de  cette  juri- 
diction. Ainsi  Claude,  pour  donner  le  spectacle  d'un  combat  naval  sur  le  lac 
Fucin,  rassembla  à  la  fois  19000  condamnés  à  mort,  —  et  dans  le  même  temps 
il  devait  y  avoir  encore  un  grand  nombre  de  condamnés  qui  se  trouvaient  im- 
propres à  être  ainsi  employés;  M.  Duruy  ne  pense  pas  que  les  gouverneurs 
romains  aient  suffi  à  prononcer  toutes  ces  sentences  de  mort;  beaucoup  de  ces 
hommes,  sans  doute,  avaient  été  condamnés  par  les  juridictions  municipales.  — 
Aux  cités  indépendantes  s'ajoutaient  en  beaucoup  d'endroits  des  confédérations 
de  cités,  qui  elles  aussi  jouissaient  de  privilèges  importants.  En  résumé,  dit 
M.  Duruy,  l'empire  romain,  durant  les  deux  premiers  siècles,  ne  fut  pas  un  état 
au  sens  que  nous  attachons  aujourd'hui  à  ce  mot.  C'était  une  aggrégation  de 
communautés  républicaines,  séparées  pour  l'administration j  unies  sous  un  gou- 
vernement central  seulement  en  ce  qui  concerne  la  souveraineté  politique  et  de 
l'impôt. 

Ouvrages  déposés  :  —  F.  de  Lâsteyrie,  Histoire  de  l'orfèvrerie;  —  Hende,  Histoire 
de  Lille.  —  Présenté  par  M.  Renan  :  Mémoire  sur  le  Site  de  la  ville  d'Adouilam ,  par 
M.  Clermont-Ganneau. 

Julien  Havet. 


LIVRES  DÉPOSÉS  AU   BUREAU   DE  LA  REVUE. 

Bernhardi,  Geschichte  Russland's  (Leipzig,  Hirzei).  —  Boudrot,  Le  Jugement  der- 
nier, rétable  de  l'hôtel-Dieu  de  Beaune  (Beaune,  Batault-Morct).  —  Busolt,  Spinoza 
(Berlin,  Mittler).  —  Caldwell,  A  Comparative  Grammar  of  the  Dravidian  or  South- 
Indian  Family  of  Languages,  2d  Ed.  (London,  Strassburg,  Trùbner;  Paris,  E.  Leroux). 
—  Childers  ,  A  Dictionary  of  the  Pâli  Language.  Part  II  completing  the  Work  (Lon- 
don, Strassburg,  Triibner;  Paris,  E.  Leroux). 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Banchi  (L.).  Contributo  alla  storia  delio 
studio  di  Perugia  nei  sec.  XIV  e  XV  di 
G.  Padelletti.  Rassegna  bibliografica. 
In-S",  i6  p.  Firenze  (tip.  Cellini  e  C«). 

Blackie  (C).  Etymological  Geography. 
With  an  Introduction.  In-8%  cart,  230  p. 
London  (Daldy  et  L.).  7  fr.  50 

Busolt  (G.).  Der  zweite  Athenische  Bund 
u.  die  auf  der  Autonomie  beruh.,  hellen. 
Politik  von  der  Schlacht  bei  Knidos  bis 
zum  Frieden  d.  Eubulos.  Mit  e.  Ein- 
leitg,,  zur  Bedeutg.  d.  Autonomie  in 
hellen.  Bundesverfassgn.  In-8*,  228  S. 
Leipzig  (Teubner).  7  fr.  50 

Gaix  de  Saint-Aymour(A.  de).  Études 
sur  quelques  monuments  mégalithiques 
de  la  vallée  de  l'Oise.  In-8°,  39  p.  et 
50  fig,  sur  bois,  Paris  (Indicateur  de 
l'archéologue).  j  fr. 

Cahier  (C).  Nouveaux  mélanges  d'archéo- 
logie, d'histoire  et  de  littérature  sur  le 
moyen-âge ,  par  les  auteurs  de  la  mono- 
graphie des  vitraux  de  Bourges  (C.  Ca- 
hier et  feu  A.  Martin  de  la  compagnie  de 
Jésus).  Collection  publiée  par  le  P.  C. 
Cahier.  Décorations  d'églises.  Gr.  in-40, 
xvj-294  p.  et  nombreuses  gravures.  Paris 
(F.  Didot  frères,  fils  et  C). 

Caspari.  A  Grammar  of  the  Arabie  Lan- 
guage.  Translated  from  the  German, 
with  numerous  additions,  by  W.  Wright. 
2d  edit,  revised  and  greatly  enlarged. 
Vol.  2.  In-S",  cart.  496  p.  London  (F. 
Norgate).  i  j  fr.  65 

Codex  diplomaticus  Cavensis.  Tomus  II. 
In-4°.  Mediolani  (Hœpli). 

Codrington  (E.).  Memoirs.  With  Sélec- 
tions from  his  Public  and  Private  Corres- 
pondence.  Edited  and  abridged  from  the 
larger  Work,  by  his  Daughter,  Lady 
Bourchier.  With  Portrait  and  other 
Illustrations.  In-S",  cart.  550  p.  London 
(Longmans).  9  fr.  50 

Cnrteis  (A.  M.).  History  of  the  Roman 
Empire  from  the  Death  of  Theodosius 
the  Great  to  the  Coronation  of  Charles 


the  Great.  A.  D.  390-800.  With  Maps. 
In- 12,  cart.  292  p.  London  (Rivingtons). 

4  fr.  so 

Dupont  (G.).  Histoire  du  Cotentin  et  de 
ses  îles.  T.  2.  In-8',  676  p.  Caen  (Le 
Blanc-Hardel). 

Fick  (A.).  Die  Gœttinger  Familiennamen. 
In-4°,  iv-3 1  S.  Gœttingen  (Vandenhœck 
et  Ruprecht).  i  fr.  7$ 

Gourdon  de  Genouillac  (H.).  Histoire 
de  l'abbaye  de  Fécamp  et  de  ses  abbés. 
Nouv.  édit.  avec  pi.  In-8%  294  p.  Fé- 
camp (Marinier).  $  fr. 

Griffiths  (R.  T.  H.).  Ramayan  of  Val- 

miki.  Translated  into  English  Verse.  Vol. 

5.    In-8°,    cart.    London    (Trùbner). 

i8fr.7S 

Guibal(G.).  Histoire  du  sentiment  national 
en  France  pendant  la  guerre  de  cent  ans. 
In-8°,  536  p.  Paris  (Sandoz  et  Fisch- 
bacher). 

Hafîz.  Century  of  Ghazels,  or  a  Hundred 
Odes.  Selected  and  translated  from  the 
Diwan.  In-i6.  London  (Williams et N.). 

2  fr.  50 

Jonson  (Ben).  Works.  With  Notes  and 
a  Biographical  Memoir,  by  W.  Gifford. 
With  Introduction  by  Lient. -Col.  Cun- 
ningham.  9  vol.  In-8°,  cart.  London 
(Bickers).  131  fr.  25 

Jullien  (A.).  La  Comédie  à  la  cour  de 
Louis  XVI.  Le  théâtre  de  la  reine  à 
Trianon,  d'après  des  documents  nouveaux 
et  inédits.  In-8»,  47  p.  Paris  (Baur). 

Kœrting  (G.).  Wilhelm's  von  Poitiers. 
Gesta  Guilelmi  ducis  Normannorum  et 
régis  Anglorum.  Ein  Beitrag  zur  anglo- 
Normann.  Historiographie.  In-4*,  41  S. 
Dresden  (v.  Zahn).  i  fr.  $0 

Kretschmann.  Die  Kaempfe  zwischen 
Heraclius  I.  u.  Chosroes  II.  1.  Thl.  In- 
4',  20  S.  Berlin  (Calvary  et  C*).  i  f.  S© 

Kuhl  (J.).  Die  Anfaenge  d.  Menschenge- 
schlechts  u.  sein  einheitlicher  Ursprung. 


I.  Thl.  Arier,  Aramaeer  und  Kuschiten. 
In-8«,  266  S.  Bonn  (Habicht).     $  fr.  35 

Le  Coultre  (J.).  De  l'ordre  des  mots 
dans  Crestien  de  Troyes.  In-8",  88  p. 
Dresden  (v.  Zahn).  2  fr.  25 

Marco  Polo.  The  Book  of  Marco  Polo, 
the  Venetian,  concerning  the  Kingdoms 
and  Marvels  of  the  East.  Newly  trans- 
lated  by  Col.  H.  Yule.  2d  Edit.  revised. 
with  the  addition  ot  new  matter  and 
many  new  Illustrations.  2  vol.  In-S»,  cart. 
1300  p.  London  (Murray).       78  fr.  75 

Masson  (F.).  La  Révolte  Je  Toulon  en 
Prairial  an  III.  In-8%  95  p.  Paris  (Lib. 
des  Bibliophiles).  5  fr. 

Matscheg  (A.).  Storia  politica  di  Euro- 
pa  dal  chiudersi  del  regno  di  Carlo  VI 
al  Trattato  di  Aquisgrana,  illustrata  coi 
dispacci  degli  ambasciatori  délia  repub- 
blica  di  Venezia.  Vol.  i.  In-8*,  284  p. 
Venezia  (tip.  Grimaldo  e  C').  4  fr. 

Mémoires  de  la  Société  des  antiquaires 
delaMorinie.  T.  14.(1872-1874).  In-8% 
vij-706  p.  Paris  (Derache). 

Nicolay  (N.  de).  Description  générale  du 
Bourbonnais  en  1569,  ou  Histoire  de 
province  (villes,  bourgs,  châteaux,  fiefs, 
monastères,  familles  anciennes,  etc.). 
Publiée  et  annotée  par  les  soins  de  M.  le 
comte  Maurice  d'Irisson  d'Hérisson.  In-4', 
210  p.  et  carte.  Moulins  (Desrosiers). 

25  fr. 

Petit  de  JuUeville  (L.).  Histoire  de  la 
Grèce  sous  la  domination  romaine.  In-8°, 
viij-400  p.  Paris  (Sandoz  et Fischbacher). 

7  fr.  $0 

Poésies  populaires  en  langue  d'oc,  recueil- 
lies par  A.  Atger,  In-8',  69  p.  Mont- 
pellier (imp.  Ricateau,  Hamelin  et  C). 

Porter  (J.  L.).  Science  and  Révélation: 
their  Distinctive  Provinces.  With  a  Re- 
view  of  the  Théories  of  Tyndall,  Huxley, 
Darwin,  and  Herbert  Spencer.  In-8*, 
40  p.  London  (Simpkin).  5  fr. 

Recueil  des  historiens  des  croisades, 
publié  par  les  soins  de  l'Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres.  Historiens 
grecs.  In-fol.  xxiv-772  p.  Paris  (Klincks- 
seck).  45  fr- 

de  notices  et  mémoires  de  la  Société 

archéologique  de  la  province  de  Contan- 
tine.  6"  vol.  de  la  2'  série.  1873-1874. 
16°  vol.  de  la  collection.  In-S",  478  p. 
et  20  pi.  Paris  (Challamel). 


Rus  (J.).  Œuvres  de  J.  Rus,  poète  bor- 
delais de  la  première  moitié  du  XVI®  s.  ; 
publiées  d'après  l'unique  exemplaire  qui 
paraisse  subsister  par  P.  Tamizey  de 
Larroque.  In-8*,  77  p.  Paris  (Claudin). 

Sales  (Sant  Frances  de).  Introduction  dar 
vuez  dévot.  Moullet  hervez  edision  guenta 
ar  bloag  17 10.  In- 18,  470  p.  C^uimper 
(Salaun). 

Schmidt  (J.).  De  Herodotea  quae  fertur 
vita  Homeri.  In-8°,  vj-126  S.  Halle 
(Lippert).  3  fr.  80 

Schuchardt  (H.).  Ritornell  und  Terzine. 
In-4'*,  iv-i46S.  Halle  (Lippert).  lof.  75 

Tholin  (G.).  Études  sur  l'architecture  re- 
ligieuse de  l'Agenais,  du  X*  au  XVI'  s., 
suivies  d'une  notice  sur  les  sépultures  du 
moyen-âge.  In-S»,  xvj-364  p.  et  32  pi. 
Paris  (Didron). 

Thomson  (E.).  Select  Monuments  of  the 
Catholic  (ihurch  in  England  before  the 
Norman  Conquest;  consisting  of  vElfrie's 
Paschal  Homily,  etc.  2d  edit.  In- 1 2,  cart. 
London  (J.  R.  Smith).  6  fr.  25 

Thorpe  (B.).  Anglo-Saxon  Poems  of 
Beowulf,  etc.  With  Translation,  Notes, 
etc.  2d  Edit.  In-8%  cart.  London  (J.  R. 
Smith).  9  fr.  50 

Tonetti  (F.).  Storia  délia  Vallesesia  e 
deir  alto  Novarese  con  note  e  documenti. 
Parte  la,  fasc.  i.  In-8%  xij-52  p.  Va- 
rallo  (tip.  Colleoni). 

Uhrig  (A.  J.).  Bedenken  gegen  die  Aechteit 
der  mittelalterlichen  Sage  v.  der  Ent- 
throng.  d.  Merowingischen  Kœnigshauses 
durch  den  Papst  Zacharias.  In-S»,-  viij- 
81  S.  Leipzig  (Veit  et  C').  2  fr.  75 

Ujfalvy  (C,-E.  de).  Étude  comparée  des 
langues  ougro-finnoises.  1"  partie.  Gr. 
in-8',  xx-i  1 1  p.  Paris  (Leroux). 

Watt  (Vadian)  (J.  v.).  Deutsche  histori- 
sch'e  Schriften.  i.  Bd.  Chronik  der  Aebte 
d.  KIosters  St.  Gallen.  i .  Haslfte.  Hrsg. 
V.  E.  Gœtzinger.  In-4°,  565  S.  St.  Gallen 
(Huber  et  C«).  1 3  fr.  3  5 

Zumpt  (A.  W.).  De  imperatoris  Augusti 
die  natali  fastisque  ab  dictatore  Caesare 
emendatis  commentatio  chronologica. 
Acced.  tabulae  parallelae  annorum  Ro- 
manorum  et  Julianorum.  In-8',  65  p. 
Leipzig  (Teubner).  '  fr-  75 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"  51  Neuvième  année.  18  Décembre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET    DE    LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  F'UBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 


Prix  d^abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —   Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 
LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

ANNONCES 

AVIS. 

A  partir  du  i^""  janvier  1876,  la  Revue  critique  d^histoire  et  de  littérature  paraîtra 
chez  M.  Ernest  Leroux,  libraire-éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  oh  l'on  devra 
remettre  les  ouvrages  et  publications  périodiques  destinés  à  la  Revue,  et  adresser 
toutes  les  communications. 


En  vente  chez  F.  Vieweg,  libraire-éditeur  (librairie  A.  Franck), 
67,  rue  Richelieu. 

BIBLIOTHÈQUE  DE  L'ÉCOLE  DES  HAUTES  ÉTUDES. 

25e  ET  26^  FASCICULES.  » 

CHEREF-EDDIN  RAMI    fôlht 

Traité  des  termes  figurés  relatifs  à  la  description  de  la  beauté.  Traduit  du  persan 
et  annoté  par  C.  Huart.  $  fr-  5° 


PO  T  t7  O  D  17  T^     Vocabulaire  hiéroglyphique  comprenant 
•      Jr  1  Cj  rv  rv  iL   1       les  mots  de  la  langue,  les  noms  géogra- 
phiques, divins,  royaux  et  historiques  classés  alphabétiquement.  3'""  fascicule. 

6fr. 


PÉRIODIQUES. 

The  Academy,  n"  i86,  new  séries,  27  novembre.  Hillebrand,  Waelsches 
und  beutsches.  Berlin,  Oppenheim  (G.  A.  Simcox  :  art.  favorable).  —  Matthaei 
Parisiensis  Monachi  Sancti  Albani  Chronica  Majora.  Ed.  by  R.  Luards.  Vol.  II. 
London,  Rolls  Séries  (George  F.  Warner  :  édition  irréprochable).  — Gleanings 
from  the  Venetian  Archives,  1628- 16 37  (Samuel  R.  Gardiner  :  fm).  —  Corres- 
pondence.  The  Chaldaean  Origin  of  the  Sabbath  (A.  H.  Sayce  :  note  intéressante 
dans  laquelle  l'auteur  établit  d'après  les  travaux  de  MM.  Oppert,  Schrader, 
Smith,  etc.  l'origine  du  jour  de  repos  qui  termine  chaque  semaine;  chez  les 
Assyriens,  le  7,  le  14,  le  21  et  le  28  du  mois  était  des  jours  néfastes  pendant 
lesquels  on  ne  devait  rien  entreprendre).  —  The  Sin-Eater  (The  Author  of  a 
Paper  on  «  Legends  and  Folk-Lore  of  North-Wales  »  in  Blackwood's  Magazine 
for  November).  —  Shakspere's  Richard  II  (J.  W.  Hales).  —  Gerland,  Anthro- 
pologische  Beitraege.  Vol.  I.  Halle,  Lippert'sche  B.  (Edward  B.  Tylor  :  recom- 
mande chaudement  cet  ouvrage).  —  Schleicher,  A  Compendium  of  the  Com- 
parative Grammar  of  the  Indo-European,  etc.  Languages.  Transi,  by  Herbert 
Bendall.  Part  I.  London,  Trùbner  (Augustus  S.  Wilkins  :  cette  traduction 
laisse  fort  à  désirer).  —  The  Text  of  Tabari  (R.  Dozy  :  lettre  de  M.  Dozy  con- 
tenant quelques  détails  sur  l'édition  projetée  du  Tabarî  arabe,  donnant  les  noms 
des  savants  qui  se  partageront  la  tâche  et  demandant  qu'une  souscription  soit 
ouverte  pour  couvrir  les  frais  de  la  publication). 

The  AthensBum,  rf  2509,  27  novembre.  Anthropological  Notes.  —  Pales- 
tine Explorations  (Selah  Merrill  :  détails  sur  une  reconnaissance  poussée  dans 
le  Hauran).  —  Mr.  Stanley's  Expédition  (Richard  F.  Burton).  —  Geographical 
Notes.  —  Lapidarium  Septentrionale.  London,  Quaritch  (magnifique  volume 
publié  par  la  Société  des  Antiquaires  de  Newcastle ,  où  sont  décrites  les  anti- 
quités romaines  du  nord  de  l'Angleterre;  ce  vol.  contient  plus  de  mille  gravures 
sur  bois  et  cartes). 

Literarisches  Gentralblatt,  rf  48,  27  novembre.  Lorimer,  John  Knox  and 
the  Church  of  England.  London,  King,  in-8°  (ouvrage  capital,  contenant  d'im- 
portants documents  inédits).  —  Monumenta  hoicaj  éd.  Academia  scient,  boica, 
vol.  XLII;  Munich,  in-4°.  —  Mehlis,  Bemerkungen  zur  praehistorischen 
Karte  der  Rheinpfalz.  Munich,  Straub,  in-8°.  —  Ljubic,  Opis  jugoslavenskih 
novaca,  nouv.  éd.  Agram  (ouvrage  de  numismatique  jougoslave,  notamment 
bulgare  et  serbe).  —  Mûller,  Politische  Geschichte  der  Gegenwart.  VIII  : 
das  Jahr  1874.  Berlin,  Springer,  5  fr.  25.  — Zermelo,  A.  L.  Schlœzer. 
Berlin,  Weber,  i  fr.  75.  —  Der  deutsch-franzœsische  Krieg,  I,  9.  Berlin, 
Mittler,  7  fr.  50  (le  critique  reproche  à  l'état-major  allemand  trop  d'indulgence 
pour  Bazaine).  —  Wengen,  Die  Kaempfe  von  Belfort  im  Januar  1871.  Leipzig, 
Brockhaus,  1 5  fr.  (récit  détaillé,  peu  favorable  au  général  de  Werder).— Dùhring, 
Kritische  Geschichte  der  Nationalœkonomie  und  des  Socialismus,  2^  éd.  Berlin, 
Grieben,  1 1  fr.  25  (ouvrage  sans  méthode,  mais  intéressant  et  personnel).  — 
Kull,  Zur  Statistik  der  Bevœlkerung  von  Wurtemberg.  Stuttgart,  Lindemann, 
3  fr.  75  (important).  —  Nœldeke,  Mandaeische  Grammatik.  Halle,  Buchhdl. 
des  Waisenhauses,  18  fr.  75  (ouvrage  tel  qu'on  devait  l'attendre  de  l'auteur  sur 
ce  point  important  de  la  philologie  sémitique).  —  Schmidt,  Zur  Geschichte  des 
indogermanischen  Vokalismus,  II.  Weimar,  Bœhlau,  16  fr.  25  (travail  de  pre- 
mier ordre).  —  Pott,  Ueber  vaskische  Familiennamen.  Detmold ,  Meyer.  — 
Pierson,  Altpreussisches  Wœrterschatz  mit  Erlaûterungen.  Berlin,  Mittler,  i  fr. 
(rapprochements  extravagants). — Massmann,  Die  Orgelbauten  in  Meklenburg- 
Schwerin,  I.  Wismar,  HinstorfF.  —  Luchs,  Culturhistorische  Wandtafeln ,  1-2. 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N'  51  —  18  Décembre  —  1875 


Sommaire  :  238.  Hymnes  du  Rigveda,  tr.  p.  Geldner  et  Kaegi,  avec  le  concours 
de  RoTH  (suite  et  fin).  —  239.  Gantrelle,  Nouvelle  grammaire  de  la  langue  latine, 
10*^  éd.  —  Variétés  :  Un  pamphlet  à  propos  du  Pamphile.  —  Sociétés  savantes  :  Aca- 
démie des  inscriptions. 


238.  —  Siebenzig  Lieder  des  Rigveda,  ûbersetzt  von  Karl  Geldner  und  Adolf 
Kaegi,  mit  Beitraegen  von  R.  Roth.  Tùbingen,  Laupp.  1875.  i  vol.  in- 12,  xiv  et 
176  p.  —  Prix  :  4  fr. 

II. 

J'en  demande  pardon  à  ceux  de  nos  lecteurs  qui  ne  sont  pas  indianistes,  mais 
tout  en  négligeant  un  bon  nombre  d'observations,  les  unes  moins  importantes, 
les  autres  qui  exigeraient  de  trop  longs  développements,  je  ne  suis  qu'à  moitié 
de  ma  tâche.  Les  indianistes  voudront  bien  continuer  à  me  suivre  avec  le  texte 
et  la  traduction  en  main  :  il  m'aurait  fallu  tripler  le  volume  de  cet  article  pour 
suppléer  à  l'un  et  à  l'autre.  J'ai  réservé  les  hymnes  qui  m'ont  suggéré  le  plus 
grand  nombre  de  remarques  afin  de  simplifier,  en  ne  dispersant  pas  ces  remarques, 
mon  propre  travail  et  celui  du  lecteur.  Mais  avant  de  les  aborder,  examinons 
encore  la  traduction  d'un  certain  nombre  de  passages  isolés. 

II.  27.  II.  Rien  n'indique  qu'il  s'agisse  de  la  droite  ou  de  la  gauche  des 
Adityas.  Le  poète  dit  qu'il  ne  distingue  pas  les  points  cardinaux  (parce  qu'il  est 
dans  les  ténèbres),  et  demande  la  lumière  (qui  les  lui  fera  distinguer).  Ici  c'est 
le  traducteur  qui  s'écarte  du  sens  le  plus  simple  que  la  comparaison  de  I.  31.  14 
et  de  IX.  70.  9  met  hors  de  doute.  —  VII.  76.  3.  L'idée  qu'il  y  a  eu  beaucoup 
de  jours  avant  le  soleil ,  et  que  l'aurore  une  fois  apparue  ne  s'éloigne  plus ,  ne 
semble  ni  védique,  ni  «  humaine  ».  L'aurore  n'est  pas  comparée  non  plus  à  un 
fiancé  comme  dans  la  Bible,  mais  à  son  amant,  le  soleil.  Je  traduirais  ce  vers  à 
construction  un  peu  embarrassée  en  admettant  un  pléonasme  de  mots  compa- 
ratifs (nd  avec  dadrikshé  et  iva  avec  pûnar  yatî),  dont  il  y  a  d'autres  exemples , 
et  en  donnant  à  pûnar  i  comme  à  pûnar  ail.  124.  4  le  sens  de  «revenir»  pour 
lequel  pûnar  paraît  suffire  sans  à  :  «  Ils  ont  été  nombreux  les  jours  (cf.  I.  113. 
»  8,  II,  1 24.  2.  9)  qui  (ont  commencé)  à  l'orient  au  lever  du  soleil,  à  l'endroit, 
»  d'oti  arrivant  comme  ton  amant,  tu  as  été  vue  ô  Aurore  !  pareille  à  une  reve- 
»  nante  ».  —  I.  41.  9.  Au  lieu  de  bâtir  un  sens  sur  le  seul  mot  catûrah  qui 
devrait  désigner  les  quatre  dés ,  si  on  s'attache  à  l'infinitif  ablatif  nidhâtoh  qui 
dans  un  hymne  aux  Adityas  et  dans  un  vers  où  il  ne  peut  être  question  que  de 
Varuna  doit  nécessairement  signifier  «  lier  »  (cf.  nidhâ  lien  et  le  nom  de  nidha- 
pati  donné  au  Gandharva),  on  arrive  au  sens  :  «  Qu'on  craigne  d'être  lié  par 
»  celui  qui  en  retient  même  quatre  ».  —  X.  1 17.  8.  Il  est  difficile  de  voir  en 
XVI  25 


3 86  REVUE   CRITIQUE 

quoi  la  désignation  du  vieillard  par  tripâd  serait  plus  vraisemblable  que  celle  de 
Penfant  par  cdtushpâdy  ou  pourquoi  si  ékapâd  désignait  le  dieu  Aja  ainsi  nommé, 
tripâd  ne  s'appliquerait  pas  à  Vish/zu  et  cdtushpâd  au  Purusha.  La  solution  de  la 
difficulté  paraît  devoir  être  cherchée  dans  le  quatrième  pâda.  Si  l'on  prend 
pankti  dans  celui  de  ses  sens  qui  peut  être  le  plus  vraisemblablement  védique, 
et  sam-paç  dans  le  sens  de  «  récapituler,  embrasser  »  qu'il  a  dans  les  Brâhma/zas, 
(en  admettant  d'ailleurs  avec  M.  R.  le  sens  que  le  contexte  paraît  en  effet  imposer 
pour  abhy  èti  paçcât,  et  en  passant  sur  le  dvipâdâm  au  lieu  duquel  on  attendrait 
plutôt  îripddâm)  on  aboutit  à  un  aphorisme  sur  les  mètres  comme  il  y  en  a  tant 
dans  le  Rig-Véda  :  les  mètres  vont  d'autant  plus  vite  qu'ils  ont  moins  de  pieds, 

—  au  dernier  pâda  :  celui  qui  se  compose  de  panktis ,  ou  séries  de  cinq  pieds , 
va  en  s'approchant  (des  autres,  sans  les  atteindre).  —  IV.  35.  1  et  V.  8$.  i 
rapprochés  semblent  signifier  :  «Je  les  prie  d'étendre  la  vache  brillante»,  et  «  Lui 
»  qui  a  fendu  en  quelque  sorte  la  peau  (les  ténèbres,  VII.  63.  i)  comme  un 
»  boucher  pour  étendre  la  terre  sous  le  soleil.  »  —  VII.  82.  6.  La  traduction  ne 
tient  pas  compte  de  asya,  et  tvish,  ordinairement  «  violence  »,  ne  s'oppose  pas 
nécessairement  à  çulkd.  Je  comprends  :  «  Tous  les  deux  déploient  pour  l'action 
»  et  pour  un  grand  profit  la  force  durable  qui  appartient  en  propre  à  Varu//a.  » 

—  J.- 1 15.  5., Non  «  devant  l'œil  de  Mitra  et  de  Varu;za  »,  mais  «  pour  qu'ils 
«  voient.  »  —  X.  18.  5.  Le  sens  de  l'allemand  m'échappe;  celui  du  texte  paraît 
être  :  «  comme  la  postérieure  ne  prend  pas  les  devants  sur  l'antérieure  Qiâ  cf. 
vi-fiâ  X.  71.  8).  Au  vers  7  il  faut  joindre  ânjanena  à  sdm  viçantu  (Gr.)  et  au 
vers  6  séparer  a  rohata  de  ayuh  (cf.  7).  —  IV.  33.  11,  voyez  Gr.  —  X.  117.  i . 
En  tenant  compte  de  it  on  traduira  :  «  La  faim  n'est  pas  le  seul  genre  de  mort 
»  qu'aient  fixé  les  dieux.  »  C'est  une  menace  au  riche  :  «  il  y  a  des  genres  de 
»  mort  pour  celui  qui  est  repu.  »  —  VII.  86.  i.  Est-il  sûr  que  l'idée  de  la 
révolution  du  ciel  lui-même  en  tant  que  voûte  solide  soit  védique  ?  Pourquoi  ne 
pas  traduire  :  «  Il  a  poussé  l'astre  (le  soleil,  ndkshatra)  dans  le  ciel?  »  —  IV.  42. 
4.  <c  J'ai  fixé  le  ciel  dans  la  place  du  vitd,  »  (cf.  l'aurore  suivant  le  chemin  du  ritd 
I.  124.  3). — I.  143.  2  asyd  krdtvâ  samidhândsya  peut  se  rapporter  à  Agni  (asya 
se  rapportant  au  sujet  dans  la  même  locution  I.  190.  3,  V.  29.  7,  cf.  aussi  I. 
152.  3).  — VII.  86.  2.  «  Je  me  dis  à  moi-même.  »  —  IV.  30.  16.  «  Indra  lui  a 
»  donné  part  aux  hymnes;  »  c.-à-d.  l'a  rendu  glorieux,  cf.  II.  13.  12,  prd  çra- 
vdyan.  Il  s'agit  d'ailleurs  d'un  personnage  mythologique'.  —  IX.  112.  4.  «Ceux 
»  qui  adressent  la  parole  (à  quelqu'un)  aiment  un  sourire  (de  lui).  »  —  VII.  83. 
Z.ydtra Le  tour  est  le  même  qu'au  vers  6. 

Nous  passons  maintenant  aux  hymnes  réservés. 

II.  38.  Le  vers  10  est-il  une  interpolation,  ou  le  nom  de  ndrâçdmsa,  ailleurs 
donné  non-seulement  à  Agni,  mais  aussi  à  Pûshan,  l'est-il  ici  à  Savitar  qui  serait 

I.  Le  fils  de  la  vierge.  A  propos  des  vierges  mythologiques,  le  second  hémistiche  du 
vers  IV,  19,  7,  permet-il  de  douter  que  celles  qui  sont  nommées  au  premier  ne  soient, 
en  dépit  du  nâ  comparatif  qui  est  un  peu  inattendu,  les  eaux  du  ciel.?  L'observation  est 
faite  pour  l'épithète  vitajmii  qu'il  ne  faudrait  plus  traduire  0  vertueuses  »  mais  prendre 
dans  le  sens  de  II,  28,  4. 


d'histoire  et  de  littérature.  387 

de  plus  appelé  gnâspàii  en  qualité  de  Tvash/ar  Savitar  ?  —  Au  vers  8  le  sens  de 
«  soir  »  (clignement  d'oeil  du  soleil)  donné  à  nimishi  est  supposé  pour  ce  seul 
passage,  et  on  s'appuie  sur  cette  prétendue  mention  du  soir  pour  préférer  le  vers 
en  question  au  vers  7  qui  ne  serait  qu'une  variation  de  la  même  pensée  et  n'aurait 
pu  exister  originairement  à  côté  de  lui.  Mais  cette  similitude  des  deux  vers  semble 
elle-même  moindre  qu'on  ne  le  prétend.  Dans  7  a,  avec  ou  sans  la  correction 
dpyâ  (l'existence  d'un  féminin  dp~i,  génitif  àpyâs  est-elle  suffisamment  prouvée 
par  un  passage  peut-être  corrompu  lui-même,  VI.  67.  9  où  d'ailleurs  le  génitif 
serait  en  as?)  l'accusatif  bhâgdm  ne  peut  être  que  le  régime  de  à  vi  tasthuh,  ou 
si  le  premier  pâda  doit  rester  distinct  du  second,  d'un  verbe  analogue  sous- 
entendu.  Dans  7  b  mrigayds  ne  peut  d'après  sa  formation  (de  mrigay  assimilé  à 
une  racine  avec  le  suffixe  as  accentué)  signifier  que  «  chasseur  »  et  non  «  gibier  » . 
Je  traduirais  donc,  sans  correction  aucune  :  «  On  (les  pêcheurs)  cherche  le 
»  trésor  aquatique  que  tu  as  déposé  dans  les  eaux  ;  les  chasseurs  (de  gros  gibier) 
»  se  répandent  dans  les  plaines;  on  va  dans  les  bois  pour  les  oiseaux  '  :  personne 
»  ne  viole  les  lois  du  dieu  Savitar.  »  Après  ce  vers  relatif  aux  différents  genres 
de  vie  des  hommes  (cf.  vers  6),  en  vient  un  autre  sur  les  mœurs  des  animaux, 
construit  d'une  façon  très-analogue,  avec  un  seul  verbe  gât  pour  trois  phrases, 
et  un  enjambement  de  cinq  syllabes  au  commencement  du  troisième  pâda  :  car 
je  traduis  :  «  tous  les  oiseaux  remuent  à  chaque  instant  et  sans  repos.  »  La 
correction  vârund  au  premier  pâda  est  vraisemblable.  Mais  à  part  ce  seul  mot, 
nous  accepterions  sans  aucun  changement  les  vers  7-1 1.  —  Dans  les  six  pre- 
miers vers,  il  faut  relever  d'abord  la  traduction  inadmissible  de  ardmatih  par 
«  rastet  nie  ».  Quoique  le  mot  pris  une  fois  dans  le  sens  concret  de  «  pieux  »  VIII. 
31.  12,  puisse  dans  ce  sens  s'appliquer  à  Savitar,  j'aime  mieux  en  faire  comme 
autrefois  M.  R.  lui-même  dans  son  dictionnaire,  en  admettant  un  nouvel  enjam- 
bement, le  sujet  de  adardhar  :  «  le  génie  de  la  piété  a  distingué  les  temps.  » 
Mais  alors  ce  génie  n'est-il  pas  au  vers  5,  la  «  mère  »  qui  donne  la  meilleure 
part  au  «  fils  »  (Agni;  cf.  I.  164.  8,  la  mère  qui  donne  au  père  sa  part  du 
sacrifice).'*  M.  R.  lui  rapportait  aussi  autrefois  4  a.  Mais  je  crois  que  les  mytho- 
logues ont  décidément  raison  de  voir  dans  cet  autre  passage  la  nuit  (môkl,  vers  3) 
confondant  les  deux  mondes  qui  sont  séparés  pendant  le  jour  :  le  sage  qui  dépose 
sa  puissance  au  milieu  de  son  œuvre  serait  alors  Savitar  lui-même.  A  cet  égard 
la  comparaison  du  vers  4  de  l'hymne  I.  115,  où  une  allusion  aux  travaux  ter- 
restres serait  tout  à  fait  isolée,  paraît  décisive.  Dès  lors  il  sera  naturel  de  ne 
voir  dans  le  vers  II.  38.  3,  qu'une  allusion  aux  chevaux  du  Soleil,  en  sorte  que 
la  première  mention  des  travaux  des  hommes  se  trouverait  au  vers  6,  servant 
de  transition  à  la  seconde  partie  de  l'hymne. 

IV.  18.  Les  vers  7  et  8  attribuant  expressément  des  naissances  diverses  à 
Indra,  on  ne  voit  pas  comment  les  détails,  prétendus  contradictoires,  renfermés 


I .  Si  dure  que  puisse  paraître  ici  notre  construction ,  elle  semble  encore  grammatica- 
lement plus  satisfaisante  que  celle  qui  aboutit  à  la  traduction  «  les  bois  sont  aux  oiseaux  »; 
dans  ce  sens  en  effet  on  attendrait  plutôt  le  génitif. 


'j88  REVUE   CRITIQUE 

dans  cet  hymne,  pourraient  prouver  qu'il  est  composé  de  fragments.  D'abord  les 
vers  i-$  forment  un  seul  tout  que  le  traducteur  a  tort  de  rompre  en  supprimant 
4  comme  interpolé,  et  en  détachant  5  pour  le  joindre  à  6  et  7.  Indra,  quoi  qu'en 
dise  la  note,  n'a  pas  suivi  le  conseil  qui  lui  était  donné  au  vers  i .  Il  a  bel  et 
bien  fait  mourir  sa  mère,  et  le  vers  4  le  justifie  :  «  Qu'aurait-il  fait  (et  il  avait 
»  beaucoup  à  faire,  vers  2)  dans  sa  cachette  (ridhak,  ainsi  probablement  VII. 
»  61 .  3  et  en  tout  cas  X.  79.  2  à  côté  de  gùhâ  cf.  vers  5),  lui  que  sa  mère  avait 
»  porté  déjà  tant  de  mois  et  tant  d'années .?  »  Cette  cachette  était  le  sein  de  la 
mauvaise  mère  qui  méprisait  son  enfant  (vers  $)  et  ne  lui  laissait  pas  voir  le  jour. 
—  Au  contraire  les  vers  6  et  7  dont  le  premier  commence  par  un  mouvement 
qui  rappelle  celui  du  vers  i ,  nous  montrent  la  mère  d'Indra  faisant  son  éloge 
devant  les  eaux  qui  le  méprisent.  —  La  même  opposition  se  retrouve  entre  les 
vers  10  et  11,  si  on  ne  la  supprime  pas,  comme  le  fait  le  traducteur  par  la  cor- 
rection dret  îdm  qui  le  contraint  au  quatrième  pâda  à  ajouter  un  «  doch  »,  et  à 
condamner  ainsi  lui-même  sa  correction  :  cette  fois  là  Indra  n'avait  pas  été  léché 
par  sa  mère,  et  se  frayait  lui-même  sa  voie  (à  peu  près  comme  aux  vers  2  et  3). 
C'est  qu'en  effet,  d'après  le  vers  8,  de  même  que  les  eaux  qui  aux  vers'6  et  7 
insultaient  Indra  le  caressent  quelquefois,  de  même  celle  que  nous  trouvons 
bonne  mère  aux  vers  7  et  1 1  est  quelquefois  mauvaise  comme  aux  vers  5  et 
10  :  «  Tantôt  la  jeune  femme  t'a  rejeté;  tantôt  la  mauvaise  mère  (kushdva)  t'a 
»  dévoré.  »  Remarquons  en  passant  qu'Indra  rejeté  par  sa  mère,  Indra  le 
quatrième  âditya  (Vâl.  4.  7)  si  souvent  nommé  avec  les  trois  autres,  rappelle  de 
la  manière  la  plus  frappante  Mârtâ/z^a,  le  huitième  âditya,  rejeté  par  Aditi.  — 
La  mention  du  faucon  apportant  le  Soma  dans  le  vers  1 3  qui  est  d'ailleurs  une 
réponse  nécessaire  au  précédent,  ne  permet  guère  de  douter  que  ce  vers  ne  se 
rapporte  à  Indra.  La  femme  ne  peut  être  que  la  veuve,  c'est-à-dire  la  mère.  Quant 
au  chien  qui  joue  ailleurs  (I.  161.  13,  sans  parler  des  fils  de  Saramâ)  un  rôle  mytho- 
logique, ne  désignerait-il  pas  le  gardien  du  Soma ,  et  ne  serait-il  pas  le  même 
que  ce  père  tué  par  Indra,  ce  personnage  nommé  Dâsa  au  vers  9  et  Tvash/ar  au 
vers  3,  Tvashfar  étant  lui-même  un  personnage  équivoque,  moitié  dieu,  moitié 
démon  (cf.  la  victoire  qu'Indra  remporte  sur  lui  III.  48.  4,  et  son  hostilité  contre 
les  Ribhus) }  En  somme  les  vers  10-13  fournissent  le  développement  des  vers 
8  et  9.  Ce  développement,  il  est  vrai,  avait  déjà  commencé  dans  les  vers  1-7; 
mais  qui  reprochera  à  un  poète  de  n'avoir  pas  choisi  comme  début  la  division  de 
son  sujet,  et  d'avoir  préféré  le  mouvement  si  remarquable  auquel  il  a  déjà  été 
fait  allusion  :  aydm  pdnthahj  etc.  ?  —  Au  vers  1 1  est-il  possible  que  vi  kramasva 
ne  désigne  point  les  trois  pas  de  Vish/zu  (cf.  VIII.  12.  27).? 

VI.  9.  Le  vers  6  est  intercalé  entre  3  et  4  en  vue  d'une  interprétation  d'en- 
semble qui  paraît  souffrir  bien  des  difficultés.  Que  fait-on  de  dvarena  en  cherchant 
dans  pitrà  l'ancêtre  du  poète,  et  qu'est-ce  que  ce  titre  de  amriîasya  gopâh  qu'il 
se  donnerait  à  lui-même .?  De  plus  le  rapprochement  de  dvarena  pitrà  et  de  avdç 
câran  ne  semble-t-il  pas  s'imposer.?  Ce  père  inférieur  paraît  être  Agni»,  et  Agni 

i.  Agni  reçoit  ailleurs  l'épithète  avama  IV.  i.  j.  Le  premier  pâda  du  vers  I.  104,  4 


d'histoire  et  de  littérature.  389 

aussi  le  gardien  de  l'immortalité  qui  vivant  en  bas  en  sait  plus  qu'u/i  autre,  ou 
plus  que  /'autre  (le  père  supérieur,  son  père  à  lui,  qui  passe  aussi  pour  son  fils 
V.  3.  9 cf.  III.  1 .  10),  Agni  qui  seul  connaît  le  sacrifice,  d'où  le  commencement 
du  vers  4  qu'on  sépare  à  tort  de  3  :  «  Le  voici,  le  premier  sacrificateur.  »  Le 
vers  6  n'annonce  pas  sans  doute  une  inspiration ,  qui  même  si  on  place  ce  vers 
avant  4  semblerait  bien  courte  après  avoir  été  si  pompeusement  décrite,  mai? 
plutôt  le  trouble  d'un  esprit  inquiet  :  vi  me  mànaç  carati  (cf.  I.  105%  6,  7)^ 
passim)\  et  en  effet  le  poète  ne  sait  que  dire  :  km  svid  vakshyamL  Mais  devant 
Agni  les  dieux  eux-mêmes  sont  saisis  de  crainte  (7)  :  c'est  là  le  lien  des  deux 
vers  que  le  traducteur  sépare.  L'hymne  entier  n'est  qu'un  aveu  de  l'ignorance 
du  poète  opposée  à  la  sagesse  d'Agni. 

IX.  1 1 3.  Le  mouvement  du  vers  6  ne  le  rattache-t-il  pas  à  la  seconde  partie 
de  l'hymne  plutôt  qu'à  la  première.?  Pourquoi  brahmâ  ne  désignerait-il  pas  le 
prêtre  céleste .?  Le  vers  4  a  déjà  parlé  du  Soma  préparé  (et  non  vaguement  crée) 
par  le  créateur  dliâîrâ.  Au  vers  5  je  traduirais  en  tout  cas  «  purifié  p^r  la  prière» 
et  non  «  traûfelnd  zum  Gebet  »,  si  même  hrâhman  malgré  son  accent  n'est  pas 
ici  concret  (cf.  IV.  50.  8).  Sans  songer  encore  au  Brahmâ  classique,  il  ne 
faudrait  pas  méconnaître  la  portée  mythologique  de  tout  ce  passage. 

I.  161.  Sans  prétendre  trouver  un  lien  évident  entre  toutes  les  parties  de  cet 
hymne,  on  se  demandera  si  l'incohérence  d'un  morceau  reproduisant  des 
traditions  dont  le  sens  pouvait  échapper,  au  moins  en  partie,  au  poète  lui-même, 
est  un  argument  suffisant  contre  l'unité  de  composition.  Laissant  même  de  côté 
cette  question  on  peut  douter  que  l'intercalation  du  vers  centre  $  et  6  soit  bien 
heureuse.  Au  vers  3  les  Ribhus  annoncent  des  œuvres  dont  l'accomplissement 
est  constaté  aux  vers  6  et  7.  Le  char  des  Açvins,  la  vache  de  Brihaspati,  les 
chevaux  d'Indra  sont  ceux  qu'ont  faits  les  Ribhus,  et  si  le  poète  ajoute  que 
ceux-ci  ont  été  rejoindre  les  dieux ,  c'est  pour  constater  leur  récompense ,  et 
il  n''entend  pas  que  les  dieux  les  aient  pris  sur  leurs  véhicules.  Le  vers  14  inter- 
rompt donc  mal  à  propos  le  développement  des  vers  1-7.  Au  contraire,  célébrant 
seulement  l'amour  des  dieux  pour  ces  pieux  serviteurs  (/c/z^'n/ah,  cf.  VIII.  2.  18), 
il  est  très-bien  placé  à  la  fin  de  l'hymne.  —  Le  vers  12  semble  bien  à  sa  place 
entre  11  et  1 3.  Dire  des  /^ibhus  qu'ils  parcourent  les  mondes  (ou  qu'ils  se  glissent 
parmi  les  êtres)  les  yeux  fermés  (sammilya,  selon  la  construction  la  plus  ordinaire, 
doit  se  rapporter  au  sujet),  c'est  la  même  chose  en  langage  mythologique  que  de 
dire  qu'ils  dorment  dans  la  maison  de  Savitar  (qui  règne  aussi  sur  la  nuit).  De 
plus  le  second  hémistiche  semble  faire  allusion  au  réveil  des  Ribhus  et  servir  de 
transition  au  vers  suivant.  —  Je  fais  toutes  mes  réserves  sur  la  construction  de 
1 1  et  sur  le  sens  de  i\  d  ei  i-^  d.  —  L'intervention  du  bouc  bastd  ne  résulterait- 
elle  pas  d'un  jeu  de  mots  sur  ajd  «  bouc  »  et  «  non  né  »  qui  dans  le  second  sens 
aurait  pu  désigner  Savitar  ? 

doit  être  traduit  sans  doute  :  «  J'interroge  l'inférieur  (Agni)  sur  le  sacrifice,  »  et  en  tout 
cas  c'est  A^ni  qui  doit  répondre  :  «  Que  le  messager  le  dise!  »  Au  vers  I.  144.  i  c'est 
encore  Agni  qu'on  interroge  comme  le  plus  sage.  Cf.  aussi  I.  164.  37.  Sur  l'essence  in- 
férieure et  l'essence  supérieure  (et  la  3'  essence)  du  père,  voyez  I.  1 5  j.  3. 


'390  REVUE  CRITIQUE 

V.  84.  Cet  hymne  de  trois  vers  est  difficile,  tant  parce  qu^adressé  à  Prithivî 
seule ,  il  est  unique  de  son  espèce  dans  le  Rig-Véda ,  que  parce  qu'il  renferme 
en  deux  vers  deux  «TcaÇ  stpvjixéva  et  un  autre  mot  obscur.  Le  traducteur  admet, 
comme  j'ai  eu  l'occasion  de  le  soutenir  contre  M.  de  Gubematis  (^Revue,  1875. 
I,  p.  52),  que  Prithivî  est  bien  ici  le  génie  de  la  terre.  L'interprétation  de 
khidrâ  «  charge  »  proposée  par  M.  Grassmann  semble  plus  vraisemblable  que 
celle  qui  a  été  suggérée  à  M.  R.  par  le  Nirukta.  —  Il  paraît  impossible,  à  la  place 
où  est  aktûbhih  de  le  traduire  autrement  que  «le  soir»  ou  peut-être  «de  jour  en 
«  jour  »  (cf.  IV.  53.  I  et  ^  et  ailleurs).  —  L'explication  de  vicârini  (/Owv  eupu6- 
§£ia)  est  une  hypothèse  contraire  à  la  formation  la  plus  vraisemblable  du  mot 
(formation  primaire  et  non  dérivation).  L'idée  d'un  mouvement  de  la  terre  (rien  de 
Galilée)  est  impliquée  par  le  vers  X.  1 49.  i .  De  plus  le  ciel  et  la  terre  disparaissent 
(pendant  la  nuit)  puisqu'Indra  VIII.  8ç.  16  ou  les  anciens  prêtres  III.  54.  4 
(cf.  I.  161.  12)  les  retrouvent.  Mais  je  chercherais  plutôt  le  sens  de  vicârini  en 
le  supposant  synonyme  d'un  vivartini  qui  d'après  les  vers  VI.  8.  3,  I.  185.  i 
ferait  allusion  au  phénomène  de  la  séparation  au  lever  du  jour  du  ciel  et  de  la  terre 
confondus  pendant  la  nuit,  ou  peut-être  du  développement,  du  déroulement  de  la 
terre.  —  Quant  à  perû  qui  ne  doit  pas  être  distingué  de  péru  (cf.  X.  36.  8  et  V.  S. 
6.  10,  cf.  encore  VII.  35.  12),  il  semble  formé  comme /?g^zi  (pour /j^pa^/i),  le  piéton 
auquel  les  Açvins  donnent  un  cheval,  l'est  de  pad  «  marcher,  )>  —  c'est-à-dire 
de  par,  prâ  «remplir»  avec  le  redoublement /^a,  tandis  que  le  nom  du  démon  pipru 
(qui  semble  au  premier  abord  une  antiphrase)  a  le  redoublement  pi.  Ce  mot  perû 
ou  péru  (f  libéral  »  semble  appliqué  IX.  74.  4  à  ceux  qui  pressent  le  Soma  dans 
le  ciel.  Il  l'est  au  Soma  lui-même  X.  36.  8,  et  paraît  désigner  T.  S.  3.1.  11.  8, 
non  un  membre  (B.  R.),  mais  encore  le  Soma  comparé  au  sperme  (cf.,  à  cause 
du  verbe  tuj,  I.  105.2).  Je  crois  qu'il  désigne  ici  le  Soma  céleste  (comme  déjà 
peut-être  dans  la  T.  S.)  La  comparaison  du  Soma  avec  un  cheval  hennissant.est 
banale,  et  fournirait  peut-être  une  explication  du  vers  i.  i  $8.  3  qui  a  suggéré 
pour  perû  le  sens  de  «  sauveur  »  (de  par,  franchir,  B.  R.;  le  sens  étymologique 
est  d'ailleurs  assez  indifférent).  Quant  au  sens  de  notre  hémistiche  il  serait  analogue 
à  celui  de  I.  185.  5,  VII.  1 01.  3,  et  pourrait  être  précisé  par  celui  de  I.  105.  2. 

X.  127.  Le  vers  7  est  intercalé  entre  2  et  3  en  vue  d'une  division  de  l'hymne 
en  strophes  de  deux  vers.  Mais  si  le  rapport  des  vers  4  et  5  est  frappant,  celui 
des  vers  2  et  3,  dans  l'ordre  traditionnel  ne  l'est  pas  moins.  Or  ce  sont  eux  pré- 
cisément qu'on  sépare.  Le  rapprochement  de  7  et  3  ne  semble  pas  mieux  justifié 
par  le  sens  de  7  c  :  car  celui  qu'on  propose  est  bien  bizarre.  Il  ne  semble  pas 
d'ailleurs  que  ushds  désigne  le  crépuscule  du  soir  ni  dans  l'un  ni  dans  l'autre 
vers.  Au  vers  3  ushds  est  le  jour  (comme  dans  le  duel  ushdsândkîa)  que  la  nuit 
chasse,  tout  en  éloignant  en  même  temps  l'obscurité  par  son  propre  éclat,  puis- 
que c'est  d'une  nuit  brillante  qu'il  s'agit.  Au  vers*  7  je  crois  que  le  même  mot  au 
vocatif  désigne  bien  la  divinité  de  l'hymne^  c'est-à-dire  la  nuit  elle-même.  On 
dit  en  effet  les  deux  ushds  dissemblables  V.  1.4,  comme  on  dit  les  deux  jours 
V.  82.  8,  nommés  ailleurs  le  jour  noir  et  le  jour  blanc  VI.  9.  i,  et  l'apparition 
de  la  nuit  est  exprimée  par  le  même  verbe  que  celle  de  l'aurore  :  aûchat  sa  ràîr'i 


d'histoire  et  de  littérature.  391 

V.  30.  14  (cf.  1 3  :  aktàr  vyùslilau).  Je  traduirais  donc  :  «  0  nuit,  fais  '  en  quelque 
))  sorte  payer  les  dettes,  »  c.-à-d.  «  punis  les  méchants.  »  Le  vers  7  forme 
ainsi  la  suite  naturelle  du  vers  6  :  «  Écarte  la  louve,  le  loup,  le  voleur.  »-— Les 
vaches  dont  il  s'agit  au  vers  8  semblent  n'être  que  les  louanges  mêmes,  et  on  peut 
traduire  littéralement,  sans  interversion  de  pâdas  :  «Je  t'ai  offert  fn  quelcjue  sorte 
»  des  vaches  :  accepte-les,  ô fille  du  ciel!  comme  l'éloge  qu'on  adresse  au  vain- 
»  queur.  «  (Ainsi  Muir,  Sanskrit  Texts,  IV.  498.)  La  nuit  est  en  effet  en  ce 
moment  victorieuse  du  jour.  —  Ne  faudrait-il  pas  garder  à  Urmye  et  sutdrâ 
rapprochés  leur  sens  étymologique  ? 

j     X.  10.  La  traduction  de  M.  Muir  semble  préférable  pour  les  vers  i  c  d,  2  b, 
.9  d  (cf.  la  note  du  traducteur  lui-même  i  o  b).  Le  vers  du  Sâma-Véda  ayant  une 
tout  autre  application ,  je  garderais  aussi  la  leçon  jayanvân  i  b  :  quoique  Yama 
soit  considéré  comme  le  premier  homme,  l'union  dont  il  s'agit  entre  lui  et  Yamî 
.  n'en  devait  pas  moins  être  à  l'origine  une  union  mythologique ,  et  probable- 
ment comme  celle  de  Purûravas  et  d'Urvaçî  l'union  d'un  mâle  terrestre,  tel 
:.que  le  feu  du  sacrifice,  avec  une  femelle  céleste  telle  que  la  nuée  ou  l'aurore, 
ill  ne  serait  pas  impossible  que  9  c  comme  i  b  contînt  une  allusion  à  un  mythe 
de  ce  genre.  Ces  traits  d'une  légende  ancienne  pouvaient  s'imposer  au  poète  en 
.  dépit  de  la  tendance  qu'il  montre  ici  à  la  modifier  dans  un  sens  moral.  —  Au 
vers  4  rapema  s'explique.  Yamî  a  prétendu  (?)  suivre  la  volonté  des  dieux  : 
^  c'est ,  en  disant  (en  apparence)  ce  qui  est  légitime ,  dire  (en  réalité)  ce  qui  est 
, illégitime.  —  Le  sens  de  «  se  fermer  »  proprement  «  s'effacer,  disparaître» 
^  donné  à  ut-mi  (9)  ne  peut  être  confirmé  par  Chând.  Up.  8.  6.   5  où  ce  verbe 
est  au  passif.  Yamî  veut  dire  que  le  soleil  violerait  la  loi.  Cette  interprétation 
suggère  pour  le  premier  pâda  où  asmai  s'explique  mal  dans  la  traduction 
.  critiquée ,  ce  sens  :  «  Si  on  lui  faisait  des  dons  jour  et  nuit.  »  —  Au  vers  i  o 
.  ne  pourrait-on  pas  aussi  traduire  les  subjonctifs  par  des  conditionnels ,  Yama 
redoutant   avant  tout  les  conséquences  qu'entraînerait  son   exemple?  —  Au 
vers  1 1 ,  à  un  sens  qui  suppose  une  construction  embarrassée  et  qui  semblerait 
:.de  plus  exiger  un  sd  au  premier  pâda  et  un  ^a  au  second,  je  n'hésiterais 
.pas  à  substituer  :  «  Y  a-t-il  encore  un  frère  en  l'absence  de  toute  protection; 
-»  y  a-t-il  encore  une  sœur  quand  la  destruction  est  proche.''  »  En  d'autres 
i termes,  il  n'y  a  plus  de  scrupules  à  garder  au  sujet  de  l'union  d'un  frère 
avec  sa  sœur.  C'est  la  théorie  des  cas  de  détresse,  admise  plus  tard  sur 
d'autres  points  par  les  lois  de  Manu.  —  Au  vers  5  pourquoi  (sinon  pour  le 
besoin  du  vers  ?)  «derLebengeber  Tvash/ar,  »  plutôt  que  :  «  Savitar  l'Artisan.  » 
Je  tiendrais  davantage  à  garder  la  formule  :  Savitar  Tvash/ar.  —  Au  vers  2 
pourquoi  préciser  (en  note)  le  sens  d'dsura  et  appliquer  ce  terme  à  Varu/za.?  Ces 
fils  de  l'Asura  ne  sont-ils  pas  les  Âdityas  (cf.  IlL  j6.  8  les  trois  fils  de  l'Asura) .? 
Or  ceux-ci  ne  passent  pas  pour  les  fils  de  Varuna.  —  Au  vers  12,  faute  d'impres- 
sion pour  der  Bruder. 


1 .  Le  verbe  causal  yâtay  ne  paraît  pas  avoir  jamais  pris  le  sens  de  «  payer  »  que  lui 
donne  le  traducteur. 


592  REVUE    CRITIQUE 

X.  34.  Le  vers  1 5  est  rejeté  à  la  fin  comme  interpolé.  Mais  le  roi  des  dés  dont 
parle  le  vers  1 2  ne  serait-il  pas  Savitar  ?  C'est  à  son  œuvre  que  déjà  l'œuvre  des 
dés  a  été  comparée  (8).  Le  joueur  offre  des  trésors  à  ce  roi  des  c^és  pour  obtenir 
ses  faveurs  (cf.  X.  42.  9).  S'il  n'est  autre  que  Savitar,  la  réponse  du  dieu  est 
très-bien  placée  à  la  suite.  —  Si  on  suppose  qu'au  vers  10  le  joueur  ruiné  part 
pour  chercher  fortune  et  non  pour  voler  (l'idée  du  vol  n'est  pas  impliquée  par 
les  termes),  et  si  on  substitue  à  l'interprétation  douteuse  de  agnér  date  «  à 
))  la  fin  du  feu,  c.-à-d.  la  nuit  »,  celle  de  M.  Grassmann  «  près  du  feu,  »  on 
reconnaît  une  liaison  plus  étroite  entre  10  et  11.  Le  joueur  qui  s'expatrie,  en 
venant  demander  l'hospitalité  dans  une  maison  étrangère,  est  saisi  de  remords  à 
la  vue  de  la  femme  de  la  maison,  plus  heureuse  que  la  sienne,  et  de  cette  maison 
bien  ordonnée  :  c'est  que  le  matin  il  a  joué,  et  maintenant  il  tombe  comme  un 
misérable  près  du  foyer  de  son  hôte  (en  suppliant .?).  ^L'interprétation  de  4  ^  est 
très-ingénieuse  :  je  préfère  cependant  celle  de  M.  Muir,  plus  conforme  au  rôle 
attribué  aux  dés  dans  tout  l'hymne  :  d'ailleurs  le  joueur  n'emporte  pas  les  dés, 
mais  court  à  leur  appel  (^).  — -  Au  vers  9  «  todt  »  faute  d'impression  pour 
«  kalt  »  ?  Sur  9  a  cf.  Revue,  1875,  I,  p.  19. 

X.  7 1 .  L'interversion  des  vers  2  et  3 ,  6  €t  7,  8  et  9,  1 0  et  11,  outre  ce  qu'elle 
a  d'inquiétant  en  elle-même,  ne  semble  pas  très-favorable  à  une  interprétation 
satisfaisante  de  l'hymne.  La  sincérité  que  célèbre  le  vers  2  n'est  restée  entière 
qu'entre  les  premiers  inventeurs  de  la  Parole  dont  il  était  question  au  vers  i .  Le 
vers  3  ne  nous  entretient  pas  comme  le  vers  i  de  l'invention,  mais  de  la  diffu- 
sion de  la  Parole.  Les  effets  de  cette  diffusion,  de  cette  vulgarisatiorij  sont  indi- 
qués dans  les  vers  qui  suivent.  On  n'y  a  voulu  voir  qu'une  seule  idée,  l'inégalité 
des  aptitudes  à  comprendre  la  parole  et  à  en  user,  et  on  est  ainsi  arrivé  pour  le 
premier  hémistiche  du  vers  6,  d'ailleurs  déplacé,  à  ce  sens  bizarre  :  «  Celui  qui 
»  a  abandonné  un  ami  perd  sa  part  de  la  parole.  »  Dans  $  a  on  sous-entend 
avec  sakhyé  sans  autre  raison,  ce  semble,  que  l'exemple  de  Sâya/za,  un  génitif 
vâcdh^  et  on  oppose  eshâ  dans  le  sens  de  «  l'autre  »  au  mot  îvam  auquel  il  paraît 
devoir  être  rapporté  comme  pronom  anaphorique.  Laissons  au  contraire  le  vers 
6  à  sa  place  et  opposons  5  et  6  à  2  c  ^.  Là  il  était  dit  :  «  Les  amis  apprennent 
»  leur  amitié  mutuelle  :  un  bien  précieux  est  déposé  dans  leur  parole.  »  Il  semble 
naturel  de  traduire  ici  :  «  On  assure  à  un  autre  (cf.  4)  qu'il  est  fermement 
»  établi  dans  l'amitié  (qu'il  peut  compter  sur  elle),  et  on  ne  l'aide  même  pas 
»  dans  ses  luttes  (ou  à  déployer  sa  force);  il  s'en  va  avec  une  illusion,  et  non 
»  avec  une  vache  féconde,  ayant  entendu  une  parole  sans  fleur  et  sans  fruit.  — 
»  Celui  qui  abandonne  un  ami,  un  compagnon,  //  n'y  a  pas  de  bien  (bhâgd  '  com- 
»  paré  à  lakshmi)  dans  sa  parole.  Ce  qu'on  entend  (de  lui) ,  on  l'entend  en  vain , 
»  car  il  ne  connaît  pas  le  chemin  de  l'honnêteté.  »  Ces  deux  vers  nous  montre- 
raient donc  la  fausseté  succédant  à  la  sincérité  des  premiers  temps.  —  A  partir 
du  vers  7  il  est  question  des  aptitudes  diverses  auxquelles  a  fait  allusion  déjà  le 

I.  Je  ne  veux  pas  toutefois  passer  sous  silence  l'emploi  de  bhâgà  au  vers  l.  164.  57 
qui  serait  en  faveur  de  l'interprétation  critiquée.  Aussi  bien  n'entends-je  donner  la  mienne 
que  pour  une  tentative  nouvelle,  et  non  pour  une  solution  définitive. 


d'histoire  et  de  littérature.  393 

vers  4,  qu'on  ne  peut  déplacer  d'ailleurs  à  cause  du  tyam  du  vers  suivant  qui 
resterait  isolé.  Mais  un  écho  des  vers  5  et  6  se  retrouve  également  au  vers  10 
qui  parle  de  l'ami  utile  et  prêt  à  la  lutte  (ou  à  l'héroïsme  cf.  5  b).  Nous  conclu- 
rons de  là  seulement  qu'il  ne  faut  pas  imposer  aux  poètes  védiques  une  trop 
grande  fidélité  à  un  plan  et  à  des  divisions  rigoureuses.  Remarquons  encore  que 
l'interversion  de  8  et  9  semble  ôter  tout  sens  à  9  a  qui  ne  s'explique  que  comme 
faisant  suite  kScd  :  après  ceux  qui  sont  dépassés  et  ceux  qui  prennent  les  devants, 
on  nomme  ceux  qui  ne  vont  ni  près  ni  loin,  c'est-à-dire  probablement  qui 
restent  en  place.  —  Enfin  le  vers  1 1  qui  ne  parle  plus  des  aptitudes ,  mais  des 
fonctions  diverses  des  prêtres  dans  le  sacrifice,  semble  très-bien  où  il  est,  si  même 
ce  n'est  pas  là  une  addition  postérieure.  Peut-être  fait-il  allusion  aux  quatre 
places  de  la  parole,  par  une  application  secondaire  d'une  formule  dont  le  sens 
était  d'abord  différent  (I.  164.  45). 

X.  129.  Y  a-t-il  réellement  une  lacune  dans  la  suite  des  pensées  entre  les  vers 
4  et  5  ?  Je  crois  que  eshâm  (5)  se  rapporte  à  kavâyah  (4)  et  que  le  «  fil  tendu  à 
travers  »  est  le  sacrifice  qui  unit  le  ciel  à  la  terre.  Au  dernier  pâda  svadhâ  et 
prdyatih  opposés  paraissent  signifier,  le  premier  la  jouissance  (IX.  113.  10),  le 
second  l'oblation.  Actuellement  l'oblation  est  en  bas  et  la  jouissance  en  haut.  Le 
poète  semble  se  demander  dans  ce  vers  obscur  s'il  en  a  toujours  été  ainsi,  si  le 
sacrifice,  considéré  comme  une  des  causes  créatrices  du  monde,  a  commencé 
sur  terre  ou  dans  le  ciel  (voyez  b;  où  prend-on  ici  un  was^).  La  question  n'est  pas 
sans  analogie  avec  celle  du  vers  L  185.  i  :  Quel  a  été  le  premier  du  ciel  ou  de 
la  terre  .?  (cf.  encore  plus  haut  VI.  9.  2,  3,  le  père  inférieur  opposé  à  l'autre). 

VII.  103.  Je  crois  comme  M.  de  Gubernatis  (^Mythologie  zoologique,  trad.  fr.  II 
p.  392),  avec  lequel  je  suis  heureux  de  me  rencontrer  cette  fois  (sans  accepter 
pourtant  l'étrange  interprétation  du  vers  IX.  11 2.  4,  p.  396),  que  les  grenouilles 
dont  il  s'agit  ici  sont  des  grenouilles  mythiques.  La  raison  de  mon  adhésion  est 
principalement  dans  le  dernier  pâda  du  vers  9  qui  rapproché  de  gharminah  (8) 
et  de  apâm  prasargé  (4)  ne  paraît  pouvoir  signifier  que  :  «  Les  vases  de  lait 
»  chauffés  (V.  30.  15)  sont  répandus.  »  Or  ces  vases  de  lait  répandus  par  des 
adiivaryus  qui  ne  sont  autres  que  les  grenouilles  ne  pourraient  guère  être  que 
les  pluies  tièdes  de  l'été.  Les  grenouilles  célestes  formeraient  une  troupe  ana- 
logue à  celle  des  Angiras,  et  généralement  des  sacrificateurs  divins  confondus 
avec  les  âmes  des  ancêtres.  Dans  le  vers  de  l'A.  V.  XVIII.  3.  60  dont  les  leçons 
semblent  préférables  à  celles  de  R.  V.  X.  16.  14,  n'est-ce  pas  au  sein  des  eaux 
célestes  que  le  mort  doit  se  trouver  à  l'aise  comme  une  grenouille,  éteindre  l'ar- 
deur du  feu  du  bûcher  qui  Ta  brûlé  ?  —  On  remarquera  en  outre  que  l'interpré- 
tation mythologique  rend  compte  du  vers  1 0  que  le  traducteur  considère  comme 
ajouté  postérieurement  ' . 


I .  Il  y  aurait  à  voir  encore  s'il  ne  faut  pas  rapprocher  du  mot  bhcka  «  grenouille  »  le 
mot  bekurâ  nom  de  vàc  (la  voix  des  grenouilles  célestes?)  par  l'intermédiaire  des  mots  bekuri, 
bhekuri,  bhdkuri  qui  présentent  la  permutation  du  b  et  du  bh.  Ce  rapprochement  conduirait 
à  donner  le  sens  de  «  grenouille  »  au  mot  bakura  que  le  parallélisme  de  vrika  traduit  sans 
bonnes  raisons  «  charrue  »  conduit  à  considérer  comme  un  nom  d'animal  I.  1 17.  21.  Au 
vers  IX.  1.8  bdkura  driti  serait  la  peau  de  la  grenouille  céleste,  cf.  VII.  103.  2. 


394  REVUE   CRITIQUE 

La  réserve  que  je  garde  sur  les  questions  proprement  mythologiques  dans 
tous  les  cas  où  la  traduction  littérale  ou  la  défense  de  l'intégrité  du  texte 
n'y  est  pas  gravement  intéressée,  m'est  imposée  par  les  dimensions  déjà  exces- 
sives de  cet  article.  Je  n'en  sortirai  que  sur  deux  points.  D'abord  pour  protester 
contre  la  tendance  à  substituer  la  lune  au  dieu  Soma.  Ce  n'est  pas  par  là  qu'on 
expliquera  les  hautes  fonctions  cosmiques  attribuées  à  ce  dieu  (cf.  Muir,  Sanscrit 
îexîs,  V.  p.  266  et  suivantes).  Mais  en  tout  cas  peut-on  douter  que  la  divinité  du 
vers  VIII.  29.  I  ne  soit  le  dieu  du  breuvage  sacré,  auquel  l'épithète  babhrâ 
appartient  tout  spécialement,  et  qui  peut  recevoir  aussi  celle  de  vishuna  puisqu'il 
est  trishadhasîhd  (ce  qui  ne  se  rapporte  pas  apparemment  aux  phases  de  la  lune)  ? 
Est-ce  ce  dieu  ou  la  lune  qui  doit  figurer  dans  une  énumération  des  principales 
divinités  du  Rig-Véda,  et  être  rapproché  d'Agni  nommé  au  vers  2  ?  De  même  si 
c'est  Soma  et  non  la  lune  qui  dans  le  vers  I.  91.  12  reçoit  les  épithètes  de 
gayasphâna  et  amJvahdn,  pourquoi  chercher  la  lune  et  non  Soma  dans  cet  Indu 
identifié  à  Vâstoshpati  VII.  $4.  2  qu^on  appelle  aussi  gayasphâna  et  anarnlvà^ 
surtout  si  l'on  songe  que  la  première  des  deux  épithètes  ne  figure  que  dans  ces 
deux  seuls  passages,  et  que  la  seconde  n'a  pu  être  suggérée  que  par  l'idée  du  breu- 
vage? Soma,  comme  Agni,  en  qualité  de  dieu  terrestre  et  domestique  ne  devait- 
il  pas  devenir  tout  naturellement  le  gardien  de  la  demeure  ?  Je  profite  de  l'occa- 
sion pour  dire,  ce  qu'on  devine  sans  doute,  que  dans  mon  système  d'interpréta- 
tion je  ne  partage  pas  le  dégoût  qu'inspire  à  M.  R.  le  IX^  Ma/z^ala  (p.  vj).  — 
D'autre  part  c'est  sacrifier  un  peu  trop  à  l'abstraction  pure  que  d'expliquer  les 
fonctions  cosmiques  de  Vâc  X.  125  en  disant  :  «  La  parole,  comme  première 
))  manifestation  de  l'esprit,  représente  l'esprit  lui-même.  »  Il  ne  faudrait  pas 
oublier ,  quand  il  s'agit  de  la  Parole  védique ,  la  toute-puissance  attribuée  à  la 
prière  des  ancêtres  en  vertu  de  l'idée  que  les  chantres  védiques  se  faisaient  du 
sacrifice  (cf.  Weber,  Indische  Sîudien,  IX,  479). 

Il  est  plus  que  temps  de  finir.  Est-il  nécessaire  de  dire  que  je  ne  prétends 
nullement  donner  pour  certaines  toutes  les  interprétations  que  j'ai  proposées  ? 
Quoique  j'aie  prodigué  les  points  d'interrogation,  je  suis  prêt  à  en  ajouter  autant 
qu'on  voudra.  Les  critiques  du  moins  ne  portent  pas  toutes  à  faux,  et  il  en 
restera  toujours  assez  pour  prouver,  sans  diminuer  l'autorité  du  maître  incontesté 
des  études  védiques,  qu'une  traduction  actuelle  du  Rig-Véda,  même  émanant 
plus  ou  moins  directement  de  lui,  ne  saurait  être  définitive. 

Abel  Bergaigne. 


239.  —  Nouvelle  grammaire  de  la  langue  latine  d'après  les  principes  de  la 
grammaire  historique  par  J.  Gantrelle,  docteur  ès-lettres,  professeur  à  l'Université 
de  Gand,  ancien  inspecteur  de  l'enseignement  moyen.  Dixième  édition,  revue  et  corrigée. 
Paris,  Garnier.  Gand,  Hoste.  1875.  In-8',  iij  et  348  p. 

La  grammaire  latine  publiée  par  M.  Gantrelle  a  eu  en  Belgique  un  succès 
mérité  par  la  bonne  disposition  des  matières,  la  sagesse  de  la  méthode  et  l'usage 
de  ce  que  les  travaux  des  philologues  ont  ajouté  à  nos  connaissances. 

Dans  la  partie  où  il  est  traité  des  déclinaisons  et  des  conjugaisons,  M.  G.  «  a 


d'histoire  et  de  littérature.  395 

»  tenu  compte  »  et  s'est  servi  avec  discrétion  «  des  résultats  les  plus  sûrs  de 
»  l'étude  de  la  grammaire  historique.  »  Il  paraît  craindre  qu'on  ne  lui  fasse  «  le 
»  reproche  d'avoir  procédé  ici  avec  trop  de  réserve.  »  Nous  ne  serons  pas  de 
ceux  qui  lui  feront  ce  reproche.  On  ne  saurait  être  trop  réservé  à  introduire  des 
conjectures ,  souvent  chimériques  et  arbitraires ,  dans  un  livre  qui  doit  plutôt 
enseigner  l'usage  de  la  langue  qu'en  rendre  raison.  Nous  n'avons  pas  examiné  en 
détail  cette  partie  du  livre.  Nous  remarquerons  seulement  que  la  dénomination 
d'accent  tonique  a  l'inconvénient  sérieux  d'induire  en  erreur  sur  l'accentuation 
des  Latins  qu'elle  confond  avec  notre  accentuation  moderne ,  et  qui  en  était 
essentiellement  différente  par  la  variété  musicale  de  ses  modulations. 

La  syntaxe  est,  comme  il  le  faut,  très-développée  ;  elle  occupe  près  des  deux 
tiers  du  volume,  pages  120-31 5.  Nous  n'y  avons  pas  trouvé  d'erreurs  graves. 
On  pourrait  relever  çà  et  là  quelques  imperfections  de  rédaction,  par  exemple  : 
P.  126.  «  Souvent  l'apposition  n'a  lieu  que  par  rapport  au  cas  spécial  exprimé 
»  par  le  verbe  aedem  quam  consul  voverat dictator  decavit.  »  Je  pré- 
férerais dire  que  le  substantif  est  construit  en  apposition  à  l'idée  exprimée  par  la 
désinence  personnelle  du  verbe ,  et  en  français  au  pronom  qui  est  exprimé  à 
part  :  «  nous  ne  pouvons  rien,  faibles  orateurs,  pour  la  gloire  des  hommes  extra- 
»  ordinaires.  »  —  P.  127.  «  Quelquefois  l'attribut  s'accorde  avec  le  substantif 

»  lié  au  sujet  par  ut,  nisi,  tanquam,  si  ce  substantif  en  est  le  plus  rapproché 

»  Quis  illum  consulem,  nisi  latrones  putant?  «  Lisez  :  «  précède.  »  —  P.  127. 
«  Si  le  relatif  est  accompagné  d'un  autre  substantif  et  du  verbe  esse  ou  des 
»  verbes  qui  signifient  appeler,  etc.,  il  prend  ordinairement  le  genre,  le  nombre 

»  et  le  cas  du  substantif  avec  lequel  il  se  trouve domicilia  conjuncta,  quas 

»  urbes  dicimus »  M.  G.  aurait  dû  dire  ici  ce  qu'il  ne  dit  qu'un  peu  plus 

loin;  à  savoir  que  lorsque  l'antécédent  est  suffisamment  déterminé  par  lui-même, 
le  relatif  s'accorde  souvent  avec  l'attribut  du  verbe.  —  P.  130.  «Avec  les 
»  verbes  transitifs,  il  (l'accusatif)  désigne  l'objet  vers  lequel  l'action  est  dirigée.  » 
D^abord,  ici  comme  dans  toute  la  théorie  des  cas,  il  semble  préférable  de  dire 
«  le  substantif  construit  à  l'accusatif  désigne  etc.  »  L'accusatif  en  lui-même,  la 
désinence  casuelle  en  général ,  ne  désigne  pas  un  objet.  Ensuite  c'est  l'objet 
«  direct  et  immédiat  de  l'action  »  qu'il  faudrait  dire.  Dans  «  dedi  librum  Petro  » 
le  substantif  construit  au  datif  ne  désigne-t-il  pas  aussi  x  l'objet  vers  lequel 
»  l'action  est  dirigée  ?»  —  P.  175.  «  On  met  «  in  pour  appuyer  sur  iidée  «  en 
»  combien  de  temps  »  :  legati  in  diebus  proximis  decem  Italia  décèdent.  »  Lisez 
«  pour  exprimer  dans  quelles  limites  de  temps  une  chose  a  lieu.  »  —  P.  1 84. 
Dans  les  exemples  oh  le  nominatif  serait  employé  pour  le  vocatif,  il  est  à  remar- 
quer qu'il  est  construit  en  apposition  à  tu,  qu'il  faut  absolument  rétablir  dans  le 
texte  de  Juvénal  (4,  23)  «  hoc  tu  succinctus  patria  Crispine  papiro  ».  —  P.  187. 
Quand  on  emploie  le  présent  de  narration  «  l'événement  est  présenté  comme  se 
»  passant  sous  les  yeux  du  lecteur,  et  la  narration  devient  description  ou  tableau.  » 
Quand  on  emploie  l'imparfait,  la  narration  devient  aussi  description.  D'ailleurs 
le  présent  de  narration  est  souvent  employé,  et  il  l'est  précisément  dans  l'exemple 
cité,  pour  exprimer  des  faits  qui  se  succèdent,  et  non  des  circonstances  simul- 


396  REVUE   CRITIQUE 

tanées,  ce  qui  est  le  propre  d'une  description.  —  P.  189.  «  On  met  le  parfait 

»  avec  cum  etc pour  exprimer  une  action  habituelle  ou  répétée  qui  est  censée 

»  précéder  l'action  principale dum  lego,  assentior,  cum  posui  (pose  plutôt 

»  que  dépose)  librum,  omnis  assensio  elabitur.  »  P.  191.  «  Le  plus-que- 
»  parfait  se  met  surtout  avec  ubi,  ut,  simulac,  lorsqu'il  s'agit  d'une  action 

»  répétée,  le  verbe  principal  étant  à  l'imparfait  simulac  se   remiserat 

»  intemperans  reperiebatur.  »  Il  me  semble  plus  exact  de  dire  que  dans  ces 
deux  constructions,  le  latin,  au  lieu  d'exprimer,  comme  le  français,  par  le  pré- 
sent et  l'imparfait,  que  l'action  est  habituelle,  exprime  qu'elle  est  antérieure  à 
l'action  principale,  en  laissant  entendre  par  le  sens  général  qu'elle  est  habituelle. 
~  P.  193.  Dico  quid  egeris  ne  répond  pas  seulement  à  «  je  dis  ce  que  vous 
»  avez  fait,  »  mais  encore  à  «  je  dis  ce  que  vous  faisiez,  »  ce  qu'il  est  essentiel 
d'ajouter;  les  commençants  s'y  trompent  toujours.  —  P.  197.  «  L'indicatif  sert 
»  à  exprimer  un  fait  positif  et  réel,  comme  en  français.  ^)  Quand  je  dis  «  peut- 
»  être  vient-il,  viendra-t-il,  est-il  venu  »  je  n'exprime  pas  un  fait  positif.  Il  est 
préférable  de  dire  que  l'indicatif  énonce.par  lui-même  la  chose  purement  et  sim- 
plement; ce  qu'on  ajoute  lui  donne  toutes  sortes  de  modalités.  Il  en  est  de  même 
de  l'indicatif  avec  si  (p.  220).  Il  n'exprime  pas  nécessairement  un  fait  réel;  il 
n'ajoute  par  lui-même  aucune  idée  à  celle  de  supposition.  —  P.  198.  Je  douté 
qu'oportebat  signifia  jamais  «  il  aurait  fallu.  »  Dans  «  ad  mortem  te  jampridem 

»  duci  oportebat  »  il  faut  rendre  par  «  il  y  a  longtemps  qu'il  faudrait »  — 

P.  203.  Les  interrogations  comme  «quid  facerem.?»  seraient  plus  justement 
appelées  délibératives  que  dubitatives,  et  se  traduiraient  par  «  que  pouvais-je, 
»  devais-je  faire.''  »  plutôt  que  par  «  qu'aurais-je  fait.?  y>  —  P.  221.  On  ne  peut 
pas  dire  que  dans  «  nemo  fere  saltat  sobrius,  nisi  forte  insanit  »  la  proposition 
subordonnée  explique  «  un  fait  invraisemblable.  »  —  Même  page.  «  En  disant 

»  si  vellet,  posset ou  si  voluisset,  potuisset  j'exprime  le  fait  de  vouloir 

))  comme  étant  ou  ayant  été  impossible.  «  Il  me  semble  qu'ici  l'imparfait  et  le 
plus-que-parfait  du  subjonctif  expriment  seulement  que  la  supposition  ne  répond 
pas  ou  ne  répondait  pas  à  la  réalité,  ce  qu'on  rendrait  par  la  proposition  inci- 
dente «  s'il  voulait,  mais  il  ne  veut  pas.... ^  »  «  s'il  avait  voulu,  mais  il  n'a  pas 
»  voulu,  ne  voulait  pas.  w  «  Si  Latine  scirem,  Virgilium  legerem  )>  «  si  je  savais 
»  le  Latin,  mais  je  ne  le  sais  pas »  Ce  qui  ne  veut  pas  dire  qu'il  est  impos- 
sible qu'on  le  sache.  —  P.  237.  i(  Le  participe  en  rus  avec  esse  exprime le 

))  conditionnel  français.  »  Lisez  «  répond  au »  —  P.  249.  «  A  l'actif  il  y  a 

»  un  participe  pour  marquer  la  durée,  legens au  passif  il  y  en  a  un  pour 

;)  marquer  V accomplissement,  lectus »  Je  crois  plus  exact  de  dire  «pour 

))  marquer  la  simultanéité l'antériorité.  »  La  définition  de  M.   G.,  qui  est 

d'ailleurs  aujourd'hui  très-répandue,  a  l'inconvénient  de  ne  pas  s'appliquer  à 
une  action  très-rapide  et  instantanée.  —  P.  273.  Les  articles  relatifs  à  quisquam, 
quisque  sont  à  refaire  à  l'aide  de  Madvig.  —  P.  277.   «  Dans  les  propositions 

»  subordonnées,  sui,  sibi,  se  et  suus se  rapportent  au  sujet  de  la  proposition 

»  principale ,  si  les  propositions  subordonnées  sont  avec  elle  dans  un  rapport 
»  intime  et  nécessaire  ;  telles  sont  par  exemple  celles  qui  expriment  une  inten- 


d'histoire  et  de  littérature.  397 

»  tion,  une  interrogation  indirecte,  etc.,  et  toutes  celles  qui  énoncent  la  pensée 
»  du  sujet  de  la  proposition  principale.  »  Il  est  à  peu  près  impossible  de  définir 
avec  précision  l'emploi  du  pronom  réfléchi  dans  les  propositions  subordonnées.  Il 
vaut  mieux  énumérer,  comme  l'a  fait  Madvig,  toutes  les  espèces  de  proposition 
où  sui,  sibiy  se,  suus  sont  employés.  Par  conséquent  un  etc.  n'est  nullement  à  sa 
place  ici.  —  P.  285.  L'emploi  de  an  dans  les  interrogations  autres  que  les 
disjonctives  n'est  pas  nettement  présenté.  Toule  cette  partie  me  semble  à  refaire. 
On  peut  profiter  de  ce  que  Seyffert  a  dit  et  très-bien  dit  sur  ce  sujet  dans  ses 
Scholae  Latinae.  Par  exemple  il  est  très-utile  de  considérer  an  en  beaucoup  de 
cas  comme  ayant  la  valeur  de  num  enim  (qui  est  inusité)  et  se  rapportant  à  une 
proposition  exprimée  ou  sous-entendue,  -r-  P.  287.  «  nescio  an,  haud  scio  an 

»  peuvent  quelquefois  se  rendre  par  peut-être.  »  Lisez  «  se  rendre  presque 

»  toujours  »  dans  les  écrivains  de  l'âge  classique.  Cf.  Madvig  §  453.  — 

P.  289.  «  nec  signifie  rarement  «  pas  même.  »  Lisez  «  souvent  dans  les  auteurs 
»  du  temps  de  l'empire.  »  —  P.  292.  Non  magis  quam  a  aussi  le  sens  négatif 
de  non  plus  que  comme  en  français.  —  P.  297.  L'article  relatif  à  l'emploi  de 
quidem  avec  ille  aurait  besoin  d'être  complété  et  rectifié  à  l'aide  de  Madvig.  — 
—  P.  306.  L'auteur  aurait  dû  profiter  pour  ce  qu'il  dit  de  l'ordre  des  mots  du 
travail  de  M.  Weil,  qui  est  fort  supérieur  à  tout  ce  que  les  autres  ont  dit  sur  ce 
sujet  important  '.  f-  P.  310.  Ce  que  M.  G.  dit  de  la  place  de  non  est  tout  à  fait 
insuffisant,  comme  ce  qu'on  trouve  d'ailleurs  dans  toutes  les  autres  grammaires. 
Le  sujet  a  été  traité  avec  détail  dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  linguistique  de 
Paris,  I,  223  et  suiv.  —  P.  31 1.  La  liaison  des  propositions  en  latin  n'a  pas 
encore  été  suffisamment  étudiée  par  les  grammairiens.  Naegelsbach  (Lateinische 
Stilistik)  a  donné  une  bonne  classification  des  différentes  espèces  d'asyndètes, 
dont  M.  G.  aurait  pu  profiter.  Au  reste  si  l'on  étudie  au  point  de  vue  de  l'emploi 
des  conjonctions  de  coordination  un  texte  latin  d'une  certaine  étendue,  on 
constate  bientôt  que  si  ces  conjonctions  sont  employées  plus  souvent  qu'en 
français,  il  n'en  est  pas  comme  du  grec  où  il  est  de  règle  de  lier  les  phrases  par 
des  conjonctions  :  le  latin  se  contente  souvent  de  les  lier  par  le  sens,  et  fait  de 
l'asyndète  un  usage  incomparablement  plus  fréquent  que  le  grec. 

Il  est  difficile,  en  grammaire,  de  rapprocher  les  exemples  suivant  les  véritables 
analogies.  On  peut  contester  que  ce  soit  dans  les  mêmes  conditions  que  le  pluriel 

est  employé  dans  «  magna  pars  vulnerati »  et  «  pro  se  quisque  ...  amplexi 

»  sunt  »  (p.  12$),  que  la  préposition  est  supprimée  dans  «  silvis  ...  corpora 
))  foeda  jacent  »  et  «  aequo  dimicatur  campo  »  (p.  176);  l'interrogation  «  tibi 
»  inimicus  cur  esset  ?  »  ne  semble  pas  de  même  espèce  que  «  quid  facerem  » 
(p.  203).  Les  textes  où  le  subjonctif  est  employé  à  la  seconde  personne  du 
singulier  dans  le  sens  de  on,  comme  «  quem  laeseris  »  (p.  211),  «  priusquam 
»  aggrediare,  incipias  »  (p.  234),  ne  peuvent  servir  pour  l'emploi  du  subjonctif 
avec  le  relatif  et/?  n'us^u^m.  L'exemple  de  Cicéron  «  nobis  ista  quaesita,  a  nobis 

I .  De  l'ordre  des  mots  dans  les  langues  anciennes  comparées  aux  langues  modernes.  Ques- 
tion de  grammaire  générale  par  H.  "Weil.  Paris,  Vieweg.  1869.  In-8».  Cf.  Revue  critique  y 
1869,11,  113. 


398  REVUE   CRITIQUE 

»  praecepta  sunt  »  (148)  est  sans  doute  incorrect,  comme  l'a  montré  Madvig 
(De  finibus,  4,  22). 

Je  n'en  ai  pas  fini  avec  mes  chicanes.  Je  chercherai  encore  querelle  à  M.  Gan- 
trelle  sur  deux  points,  où  du  reste  il  a  suivi  le  commun  des  grammairiens,  sur 
la  langue  poétique  et  sur  les  héllénismes.  Il  ne  me  semble  pas  qu'on  se  fasse  une 
idée  bien  exacte  de  la  langue  poétique  des  Latins,  quand  on  dit  par  exemple 
que  des  constructions  comme  «  promontorium  Miseni  »  «  se  rencontrent  surtout 
»  chez  les  poètes  »  (p.  126),  que  le  génitif  «  montes  auri  »  «  n'est  guère  usité 
»  en  prose  »  (p.  151),  qu'  «  en  poésie  et  dans  h  prose  poétique  (les  Latins  avaient- 
»  ils  une  prose  poétique  ?)  on  emploie  quelquefois  Paccusatif  au  lieu  de  l'ablatif 
»  ...  vite  caput  tegitur  «  (p.  166).  Si  l'on  entend  par  prose  les  ouvrages  qui 
nous  sont  restés  de  Cicéron,  ces  observations  seraient  justes.  Mais  ce  serait 
donner  de  la  prose  latine  une  définition  bien  étroite,  et  il  me  paraît  dur  d'exclure 
Tite  Live  du  nombre  des  prosateurs  classiques'.  Quant  aux  héllénismes,  je  doute 
fort  qu'une  langue  emprunte  à  une  autre  des  constructions.  L'attraction  «  judice 
»  quo  nosti  populo  »  n'est  certainement  pas  imitée  du  grec  (p.  295)2,  non  plus 
que  la  locution  française  «  et  vous  ne  pouvez  pas  que  vous  n'ayez  raison  » 
(Molière)  n'est  «  imitée  »  du  latin  (p.  201);  cette  locution  est  familière,  comme 
on  peut  le  voir  dans  les  exemples  cités  par  M.  Littré,  et  c'est  par  l'effet  d'un 
pur  hasard  qu'elle  se  rencontre  avec  le  latin  «non  possum  quin;  »  une  locution 
familière  française  ne  peut  guère  être  empruntée  au  latin. 

Charles  Thurot. 


VARIÉTÉS. 
Un  pamphlet  à  propos  de  Pamphile. 

M.  Baudouin,  voulant  sans  doute  justifier  mon  étymologie  de  pamphlet  (voy. 
Rev.  criî.  1874,  t.  II,  art.  167;,  vient  de  faire  imprimer  sous  ce  titre.  Le  Pamphilus 
et  M.  Gaston  Paris  (Toulouse,  chez  Privât)  douze  pages  qui  me  paraissent  devoir 
compter  parmi  les  plus  inutiles  qui  aient  jamais  fait  gémir  la  presse.  Les  person- 
nalités qu'il  se  permet  de  m'adresser  me  touchent  d'autant  moins  que  l'auteur 
n'a  même  pas  su  arriver  à  être  méchant.  Sa  diatribe  est  parfaitement  inoffensive  ; 
mais  en  outre  elle  est  incohérente.  Ancien  élève  de  l'École  des  chartes,  archi- 
viste d'un  de  nos  principaux  départements,  éditeur  du  Pamphilas,  M.  Baudouin 

1.  M.  G.  dit  ailleurs  (p.  212)  que  «  dans  Plaute  et  dans  Térence  on  trouve  «  sein' 
»  Quae  ego  te  volebam?  »  mais  le  subjonctif  est  de  règle  dans  la  prose.  »  On  peut  opposer 
la  langue  de  la  prose  à  celle  de  Virgile  et  d'Horace,  mais  non  à  celle  de  Plaute  et  de 
Térence  qui  est  la  langue  de  la  conversation.  L'emploi  de  l'indicatii  à  l'interrogation  in- 
directe paraît  avoir  été  un  archaïsme,  qui  a  peut-être  persisté  dans  la  langue  populaire, 
et  qui  reparaît  à  la  fin  de  l'empire.  Cf.  Diomède  (389  Putsch.  395,  15  Keil)  :  «  relativa 
»  species  verbi  dicta  videtur  cum  ad  eum  sermonem  sequentia  referuntur  quo  dependet 
»  sequens.  Hanc  speciem  in  consuetudine  parum  multi  observant  imperitia  lapsi ,  cum 
»  dicunt  nescio  quid  facis^  nescio  quid  fecisti.  Eruditius  enim  d'iceiiirnescio  qaïd  fadas ,  nescio 
»  quid  feceris.  »> 

2.  M.  Fœrster  a  approfondi  la  question  de  l'attraction  du  relatif  en  latin  dans  Quaes- 
tiones  d6  attractione  enuntiationum  relativarum.  Berolini.  1868,  In-8'.  Cf.  Revue  critique, 
1869,  I,  401. 


d'histoire  et  de  littérature.  399 

trouve  qu'il  n'y  a  rien  de  plus  ridicule  que  les  «  scoliastes,  compilateur?,  grabe- 
»  leurs  de  vieux  livres  et  de  manuscrits.  »  Il  avoue  son  ignorance;  bien  plus, 
il  s'en  vante,  ce  qui  ne  l'empêche  pas,  deux  pages  plus  loin,  de  prétendre  parler 
au  nom  de  «  la  vraie  science.  »  De  moi,  qui  lui  cite  de  nombreux  manuscrits  du 
Pamphilus  remontant  jusqu'au  xii'=  siècle,  et  de  lui  qui  déclare  qu'il  n'en  existe 
pas  de  manuscrits  antérieurs  au  xv"  siècle  ;  de  moi  qui  lui  signale  de  nombreuses 
imitations  et  traductions  de  ce  poème  dans  diverses  langues,  et  de  lui  qui  affirme 
qu'il  n'a  été  «  ni  imité  ni  traduit,  »  il  trouve  que  c'est  moi  qui  prête  à  rire.  Il 
me  reproche  de  l'^^^omm^r  de  «  mon  savoir,  »  lui  qui  ne  se  pique  pas  d'être 
instruit,  et  il  oppose  à  mon  pédantisme  la  modestie  de  mon  bottier,  qui  ne 
))  prend  pas  avec  moi  des  airs  dédaigneux  parce  que  je  ne  sais  pas  seulement 
»  faire  des  bottes.  »  Mais  si  je  me  mêlais  de  faire  des  bottes,  mon  bottier  aurait 
le  droit  de  hausser  les  épaules,  et  si  je  me  posais  comme  le  représentant  de  la 
cordonnerie  française  en  face  de  l'étranger ,  il  devrait  prévenir  ses  confrères 
allemands  de  ne  pas  me  prendre  au  sérieux.  C'est  tout  bonnement  ce  que  j'ai 
fait.  Là-dessus  M.  Baudouin  me  traite  d'  «  Allemand.  »  C'est  trop  naturel.  J'ai 
même  été  agréablement  surpris  :  je  m'attendais  à  i<  Prussien.  »  Quant  à  lui,  il  a 
publié  le  Pamphilus  «  par  pur  patriotisme.  )>  Ce  motif,  auquel  on  ne  s'attendait 
guère,  est  assurément  fort  respectable  :  un  patriotisme  non  moins  pur,  mais 
plus  éclairé,  engagera  désormais  M.  Baudouin,  j'en  ai  la  confiance,  à  ne  rien 
publier  du  tout.  G.  P. 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES    INSCRIPTIONS   ET   BELLES-LETTRES. 

Séance  du  lo  décembre  187$. 

Il  est  donné  lecture  d'un  décret  par  lequel  le  président  de  la  république 
approuve  l'élection  de  M.  Michel  Bréal  en  remplacement  de  M.  Brunet  de  Presle; 
M.  Bréal  est  introduit  et  reçu. 

Des  estampages  d'inscriptions  sémitiques  sont  envoyés  par  M.  de  Sainte  Marie. 
M.  le  président  annonce  que  déjà  plusieurs  des  pierres  portant  des  inscriptions 
sémitiques,  dont  était  chargé  le  vaisseau  Magenta,  récemment  détruit  par  un 
incendie,  ont  été  retrouvées  et  ramenées  à  terre. 

L'académie  constate  qu'il  y  a  trois  places  vacantes  parmi  ses  correspondants 
français.  Une  commission  de  quatre  membres  est  nommée  pour  examiner  les 
titres  des  candidats.  Sont  élus  membres  de  cette  commission  MM.  de  Longpérier, 
L.  Renier,  Delisle  et  Defrémery. 

M.  de  Longpérier  lit  une  note  de  M.  le  commandant  Robert  Mowat,  intitulée 
Détermination  de  la  divinité  représentée  sous  une  forme  tricéphale  sur  des  bas-reliefs 
gaulois.  Cette  divinité  est  celle  qui  a  fait  l'objet  d'une  communication  de  M.  de 
Witte  lue  à  la  séance  de  Pacadémie  (ies  inscriptions  du  29  octobre  1875.  M.  de 
Witte  a  considéré  la  figure  tricéphale,  ou  plus  exactement  à  trois  visages,  qu'on 
a  trouvée  sur  divers  monuments  de  la  Gaule,  comme  la  représentation  d'une 
divinité  spécialement  gauloise.  M.  Mowat  combat  cette  manière  de  voir.  Quand 


400  REVUE    CRITIQUE    D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

Auguste  réorganisa  le  culte  des  Lares,  il  rangea  les  dieux  étrangers,  adorés  dans 
les  diverses  provinces,  au  nombre  des  Lares  Augusti;  cette  mesure  mit  fm  à  l'an- 
cienne religion  gauloise  en  l'absorbant  dans  la  religion  romaine,  et  dès  lors  il  ne 
fut  plus  permis  de  représenter  aucune  divinité  sous  une  autre  forme  que  celle  qui 
était  consacrée  par  le  culte  romain.  On  ne  peut  donc  supposer  que  la  figure 
tricéphale  en  question  fût  particulière  à  la  Gaule,  et  l'on  doit  en  chercher  l'ana- 
logue dans  la  religion  des  Romains.  Tel  est  le  raisonnement  qui  amène  M.  Mowat 
à  identifier  le  dieu  gaulois,  dit  tricéphale,  avec  le  Janus  Quadrifrons  des  Romains. 
Selon  lui  les  figures  de  ce  dieu  représentent  en  réalité  un  personnage  à  quatre 
visages,  quadrifrons;  seulement  sur  les  objets  où  l'on  a  trouvé  cette  figure,  qui 
sont  ou  des  bas-reliefs  ou  des  cippes  destinés  à  être  adossés  aux  murs,  l'un  des 
quatre  visages  n'a  pu  être  figuré;  ainsi  Janus  Quadrifrons  est  représenté  avec 
trois  visages  apparents  seulement  sur  des  monnaies  d'Hadrien.  La  figure  gauloise 
dite  tricéphale  est  souvent  accompagnée  d'une  tête  de  bélier,  animal  qui  était 
chez  les  Romains  aussi  un  attribut  de  Janus.  —  Après  avoir  lu  cette  note,  M.  de 
Longpérier  déclare  qu'il  ne  peut  en  accepter  les  conclusions.  La  divinité  gauloise 
en  question  a  certainement  trois  visages  et  non  quatre.  On  la  trouve  représentée 
avec  trois  visages  seulement  :  sur  un  cippe  cylindrique  de  Reims,  où  les  trois 
visages  occupent  chacun  le  tiers  de  la  circonférence  du  cylindre ,  en  sorte  que 
chacun  des  trois  touche  aux  deux  autres;  sur  un  bas-relief  des  environs  de  Laon, 
où  les  trois  visages  sont  également  tournés  vers  le  spectateur,  au  lieu  que  si 
l'on  devait  supposer  un  quatrième  visage  par  derrière  il  ne  devrait  y  avoir  qu'un 
visage  de  face,  au  milieu,  avec  deux  visages  latéraux  de  profil;  sur  un  bronze 
du  musée  de  S.  Germain,  sculpté  en  ronde-bosse  de  tous  les  côtés  également, 
où  les  trois  visages  n'occupent  pas  toute  la  circonférence*  mais  où  la  place  que 
devrait  occuper,  dans  le  système  de  M.  Mowat,  le  quatrième  visage,  ne  présente 
aucune  sculpture;  etc.,  etc.  M.  de  Longpérier  met  sous  les  yeux  de  ses  confrères 
les  moulages  de  quelques-uns  des  objets  dont  il  parle.  Il  ajoute  que  si  quelques- 
unes  de  ces  figures  sont  accompagnées  d'une  tête  de  bélier,  dans  Tune  d'entre 
elles  au  lieu  d'une  simple  tête  on  voit  figuré  en  entier  l'animal  qui  sert  d'attribut 
au  dieu,  et  que  cet  animal  n'est  pas  un  bélier,  mais  un  monstre  à  tête  de  bélier 
avec  le  corps  d'un  poisson.  Ces  raisons  font  que  M.  de  Longpérier  refuse  de 
reconnaître  dans  les  figures  en  question  une  représentation  du  dieu  romain  Janus. 

M.  Ravaisson  annonce  une  acquisition  intéressante  que  vient  de  faire  le  musée 
du  Louvre.  Ce  sont  quatre  statues  de  bois  égyptiennes.  Elles  remontent  toutes 
à  l'ancien  empire,  et  trois  d'entre  elles  au  temps  de  la  6^  dynastie,  époque  dont 
il  nous  reste  très-peu  de  monuments  semblables.  Cette  acquisition  est  due  à 
M.  Pierret,  auquel  est  confiée  la  garde  des  antiquités  égyptiennes  au  musée  du 
Louvre. 

M.  Heuzey  continue  la  lecture  de  son  mémoire  sur  la  ville  de  Dyrrhachium 
ou  Épidamne,  aujourd'hui  Durazzo.  Julien  Havet. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


j]reslau,  1875,  20  planches,  27  fr.  $0  Ctentative  digne  de  tout  éloge).  — 
A'.7'j';iT(a  BaGiXéiraiç.  Athènes,  187$  (traduction  par  trois  Grecs  du  roman 
connu  de  G.  Ebers;  le  critique  relève  quelques  erreurs). 

Jenaer  Literaturzeitung,  n°  38,  18  septembre.  —  Kœhler,  Lehrbuch  der 
biblischen  Geschichte ,  I.  Erlangen,  Deichert,  10  fr.  (E.  Schrader  :  estimable). 
—  Gengler,  Glossar  zu  den  germanischen  Rechtsdenkmselern.  Erlangen, 
Deichert  (K.  Schulz  :  fait  avec  soin;  l'auteur  n'est  pas  assez  philologue).  — 
Lange,  Geschichte  des  Materialismus,  2''  éd.  Il  (E.  Pfleiderer).  —  Die  Klage, 
hgg.  von  Bartsch.  Leipzig,  Brockhaus,  5  fr.  ;  die  Klage,  hgg.  von  Edzardi. 
Hannover,  Rupler,  1 2  fr.  $0  (H.  Paul  :  les  deux  éditeurs  ont  à  peu  près  le  même 
système;  Bartsch  est  généralement  supérieur).  —  Schlùter,  Die  mit  dem  Suffixe 
ja  gebildeten  deutschen  Nomina.  Gœttingen,  Deuerlich,.  5  fr.  75  (E.  Sievers  : 
beaucoup  à  reprendre).  —  Meyer,  Zur  Geschichte  der  indo-germanischen 
Stammbildung  und  Declination.  Leipzig,  Hirzel,  2  fr.  50  (H.  Osthoff:  plus  que 
téméraire).  —  Studien  zur  griech.  und  lat.  Grammatik,  hgg.  von  Curtius,  V. 
Leipzig,  Hirzel,  i  ^  fr.  (J.  Schmidt  :  long  article  avec  beaucoup  de  critiques  de 
détail).  —  Curtius,  Die  griechische  Gœtterlehre  vom  geschichtlichen  Siand- 
punkt.  Berlin,  Reimer  (H.  Gelzer  :  l'auteur  s'efforce  avec  bonheur  de  rattacher 
à  l'Asie  sémitique  les  divinités  grecques;  il  s'occupe  ici  uniquement  des  déesses; 
ce  n'est  d'ailleurs  qu'un  essai,  qui  a  paru  dans  les  Preussische  Jahrbiichef).  — 
IIoAiT-/;^,  MekixTi  £7:1  xou  6(cu  twv  vewTépœv  'EXX'r;vo)v,  I.  Athènes,  Wilberg , 
7  fr.  50;  Aouxaç,  <b'.\o'ko^iY.0L\  Ir^TAé^ziç  twv  èv  toj  êtw  tôW  vswTÉptov  Ku7:p((ov 
lJ.VY)[j.£ia)v  Tûv  àpy^a{(i)v.  Athènes,  Rousopoulo,  3  fr.  (B.  Schmidt;  l'article  est 
plus  intéressant  que  les  ouvrages).  —  Merwart,  Erster  Zusammenstoss  Polens 
mit  Deutschland.  Graz,  Leykam,  2  fr.  50  (J.  Caro  :  sans  aucune  espèce  de 
valeur). 

La  Rivista  Europea.  Novembre  1875.  G.  Negri,  Gesù  a  Cesarea  di 
Filippo.  —  F.  DiNi,  L.  Anelli  vecchio  cattolico,  e  la  sua  storia  délia  chiesa.  — 
P.  Selvatico,  a  proposito  di  Michel  Angelo.  —  V.  Valeriani,  I  metodi  del 
Duhamel  e  la  logica  del  Condillac  (fm).  —  G.  Piazzoli,  1  pubblicisti  délia  rivo- 
luzione  francese  :  G.  Desmoulins  (fin).  —  Bulletin  littéraire  et  bibliographique 
français  et  italien. 


BULLETIN    BIBLIOGRAPHIQUE 
DES  PRINCIPALES   PUBLICATIONS   FRANÇAISES   ET    ÉTRANGÈRES. 


AVIS.  —  On  peut  se  procurer  à  la  librairie  A.  Franck  tous  les  ouvrages 
annoncés  dans  ce  bulletin,  ainsi  que  ceux  qui  font  l'objet  d'articles  dans  la 
Revue  critique.  Elle  se  charge  en  outre  de  fournir  très-promptement  et  sans 
frais  tous  les  ouvrages  qui  lui  seront  demandés  et  qu'elle  ne  posséderait  pas  en 
magasin. 


Acta  societatis  philologae  Lipsiensis  éd. 

F.  Ritschelius.  T.  V.  In-8*,  iv-344  S. 

Leipzig  (Teubner).  12  fr. 

Les  Tomes  I  à  III  et  V.         $6  fr.  60 

Alberti  Stadensis  Troilus,  primum  ex. 
unico  Guelferbytano  codice  editus  a  T. 
Merzdorf.  In-8*,  xix-210  p.  Leipzig 
(Teubner).  4  fr. 


Album  studiosorum  academiaï  Lugduno- 
Batavae  157^-1875.  Accedunt  nomina 
curatorum  et  professorum  per  eadem 
secula.  Gr.  in-4*,  lxxij-1723  p.  Haag 
(Nijhoff).  53  fr.  3$ 

Annuaire  de  la  Société  américaine, 
publié  avec  le  concours  de  la  commission 
du  comité  de  rédaction,  par  E.  Madier 


de  Montjau  et  E.  Burnouf.  T.  j.  1874. 
In-8*,  48  p.  Paris  (20,  rue  Bonaparte). 

I  fr.  50 

Bouillier  (F.).  Morale  et  progrès.  In- 12, 
iv-342  p.  Paris  (Didier  et  C'}.    3  fr,  50 

Boutroux  (E.).  La  Grèce  vaincue  et  les 
premiers  stoïciens.  In-B",  29  p.  Paris 
(G.  Baillière). 

Bulletin  et  mémoires  de  la  Société  ar- 
chéologique du  département  d'Ille-et- 
Vilaine.  T.  9.  In-8',  lxvij-328  p.  et  1 1  pi. 
Rennes  (imp.  Catel  et  G*). 

Dieterich  (K.).  Philosophie  und  Natur- 
wissenschaft,  ihr  neuestes  Bundniss  u.  d. 
monist,  Waltanschang.  In-S^',  x-190  S. 
Tùbingen  (Laupp).  3  fr.  50 

Di-wàn  poëtae  Abu-'l-Walid  Mosiim  ibno- 
'l-Waiid  al-Ançârî  cognonime  Çarîo-'l- 
ghawani,  quem  e  codice  Leidensi  éd., 
multis  additamentis  auxit,  et  glossario 
instruxit  M.  J.  de  Goeje.  In-4®,  Ixxix- 
320  p.  Leiden  (Brill).  26  fr.  75 

Dobree  (P.  P.).  Adversaria  critica.  Ed. 
in  Germania  prima  cum  praefatione  G. 
Wagneri.  2  vol.  in-8".  Berlin  (Calvary 
et  Ce).  16  fr. 

Dreher  (E.).  Die  Kunst  in  ihrer  Bezie- 
hung  zur  Psychologie  u.  zur  Naturwis- 
senschaft.  In-S»,  60  S.  Berlin  (Hempel). 

3  fr.  2S 

Euting  (J.).  Sechs  phœnikische  Inschriften 
aus  Idalion.  Mit  3  Taf.  In-4*,  17  S. 
Strassburg  (Trùbner).  $  fr.  35 

Friesen  (H.  v.).  Shakspeare.  Studien.  II. 
Bd.  Will.  Shakspeare's  Dramen  vom 
Beginn  seiner  Laufbahn  bis  1601.  In-8*, 
390  S.  Wien  (Braumùller)        10  fr.  75 

Gallia  christiana  in  provincias  ecclesias- 
ticas  distributa,  qua  séries  et  historia 
archiepiscorum,  episcoporum  et  abbatum 
Francise  vicinarumque  ditionum  ab  origine 
ecclesiarum  ad  nostra  tempora  deducitur 
et  probatur  ex  authenticis  instrumentis 
ad  calcem  positis,  opéra  et  studio  D.  D. 
Sammarthani,  monachi  ordinis  Sancti 
Benedicti  e  congregatione  Sancti  Mauri , 
necnon  monachorum  ejusdem  congrega- 
tionis.  Editio  altéra,  labore  et  curis  D. 
P.  Piolin  ejusdem  congregationis  recensita 
et  aucta.  T.  13.  In-tol.  iv-579  p.  Paris 
(Palmé). 

Jahrbûcher  fur  classische  Philologie. 
Hrsg.  V.  A.  T.  H.  Fleckeisen.  7.  Suppl.- 


Bd.  4.  Heft.  In-80,  S.  J4 1-866.  Leipzig 
(Teubner).  10  fr.  75 

Jordan  (A.).  De  Codicum  Platonicorum 
auctoritate.In-8**,  36p.  Leipzig  (Teubner). 

2  fr.  25 

Longnon  (A.).  L'Ile-de-France,  son  ori- 
gine, ses  limites,  ses  gouverneurs.  In-8°, 
43  p.  Nogent-le-Rotrou  (imp.  Gouver- 
neur). 

Mareschal  (A. -A.').  Iconographie  de  la 
science.  Dictionnaire  illustré  de  planches 
reproduisant  en  couleur  la  note  domi- 
nante des  principales  fabriques,  le  nom 
des  artistes  céramistes  et  les  localités  où 
ils  ont  travaillé,  enfin  les  marques  qui  se 
rencontrent  le  plus  ordinairement  sous 
les  faïences  de  tous  les  pays  et  les  font 
le  mieux  connaître.  Dessins  inédits.  In-8" 
carré,  vj-139  p.  Paris  (Baur).        10  fr. 

MinjoUat  de  la  Porte  (J.-E.).  Histoire  de 

l'Aubespin-en-Jarez  (Forez),  aujourd'hui 
paroisse  de  l'Aubépin ,  diocèse  de  Lyon, 
renfermant  des  notes  généalogiques  sur 
les  familles  de  l'Aubespin  de  Saint-Amour, 
d'Harcourt,  de  Roussillon,  de  Grolée, 
qui  ont  possédé  ce  fief.  Blasons  gravés 
par  A.  Bondoux,  In-8%  184  p.  Grenoble 
(imp.  Prudhomme). 

Neue  (F.).  Formenlehre  der  lateinischen 
Sprache.  2.  Thl.  2.  gaenziich  umgearb. 
u.  erweit.  Auflage  in  \  Lfgn.  Gr.  in-S" 
(I.  Lfg.),  160  S.  Berlin  (Calvary  et  C«). 

20  fr. 

Pannier  (L.).  Méry-sur-Oise  et  ses  sei- 
gneurs au  moyen-âge.  In-8%  66  p. 
Nogent-le-Rotrou  (imp.  Gouverneur). 

Picot  (G.).  Recherches  sur  les  quartiniers, 
cinquanteniers  et  dixainiersde  la  ville  de 
Paris.  In-8°,  39  p.  Nogent-le-Rotrou 
(imp.  Gouverneur). 

Pûnjer  (G.  C.  B.).  Die  Religionslehre 
Kant's.  Im  Zusammenhang  seines  Systems 
dargestellt  u.  Kritisch  beleuchtet.  In-8% 
viij-112  S.  Jena  (Dufft).  2  fr. 

Spicker  (G.).  Kant,  Hume  u.  Berkeley. 
Eine  Kritik  der  Erkenntnisstheorie.  In.8°, 
210  S.  Berlin  (Duncker).  6  fr. 

"Walter  (J.).  DieLehrev.  der  praktischen 
Vernunft  in  der  griechischen  Philosophie. 
In-8%  xviij-573  S.  Jena  (Dufft).  14  fr.  75 

^Werfer  (A.).  Die  Poésie  derBibel.  In-8% 
iij-337  S.  Tùbingen  (Laupp).     4  fr.  85 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


N"  52  Neuvième  année.  25  Décembre  1875 


REVUE  CRITIQUE 

D'HISTOIRE   ET   DE   LITTÉRATURE 

RECUEIL  HEBDOMADAIRE  PUBLIÉ  SOUS  LA  DIRECTION 

DE  MM.  C.  DE  LA  BERGE,  M.  BRÉAL,  G.  MONOD,  G.  PARIS. 
Secrétaire  de  la  Rédaction  :  M.  Stanislas  Guyard. 

Prix  d'Abonnement  : 

Un  an,  Paris,  20  fr.  —  Départements,   22  fr.  —  Étranger,  le  port  en  sus 

suivant  le  pays. 

PARIS 

LIBRAIRIE    A.    FRANCK 

F.    VIEWEG,    PROPRIÉTAIRE 
67,  RUE  RICHELIEU,  67 

Adresser  toutes  les  communications  à  M.  Stanislas  Guyard,  Secrétaire  de  la 
Rédaction  (au  bureau  de  la  Revue  :  67,  rue  Richelieu). 

AVIS. 
A  partir  du  i'^'' janvier  1876,  la  Revue  critique  d'histoire  et  de  littérature  paraîtra 
chez  M.  Ernest  Leroux,  libraire-éditeur,  28,  rue  Bonaparte,  011  Ton  devra 
remettre  les  ouvrages  et  publications  périodiques  destinés  à  la  Revue,  et  adresser 
toutes  les  communications. 

REVUE    CELTIQUE 

»  PUBLIÉE 

AVEC   LE    CONCOURS    DES    PRINCIPAUX   SAVANTS    DES    ILES    BRITANNIQUES 
ET    DU    CONTINENT 

ET 
DIRIGÉE    PAR 

H.   GAIDOZ 

Professeur  de  géographie  et  d'ethnographie  à  VÉcole  des  Sciences  Politiques  de  Paris, 
Secrétaire  correspondant  de  la  Cambrian  ArchaologicahAssociation, }Jlemhrede\a  Royal 
Archaological  Association  of  Ireland  et  de  la  Société  archéologique  du  Finistère,  etc. 


L^étude  des  langues,  des  littératures  et  des  antiquités  celtiques  appelle 
Pattention  du  philologue,  du  lettré  et  de  l'historien  par  l'importance  du 
rôle  que  les  Celtes  ont  joué  dans  l'ancienne  histoire  d'Europe  et  aussi 
par  les  richesses  des  littératures  néo-celtiques.  La  période  gauloise  de 
notre  histoire  n'est  pas  la  moins  importante  pour  être  la  moins  connue  ; 
Arthur  et  les  Romans  de  la  Table-Ronde  défrayent  une  bonne  partie  de 
la  littérature  du  moyen-âge;  le  Purgatoire  de  saint  Patrice  et  le  Voyage 
de  saint  Brendan  ont  été  racontés  dans  presque  toutes  les  langues  de 
l'Europe  ;  on  sait  quelle  vogue,  au  commencement  de  ce  siècle,  s'attacha 


pour  un  temps  au  nom  d'Ossian.  La  vive  et  charmante  îmagmation  des 
races  Celtiques  a  laissé  dans  leur  littérature  des  trésors  inappréciés  de 
poésie.  Des  écrivains  de  talent  ont  levé  en  partie  le  voile  qui  dérobait  à 
nos  regards  la  Bretagne  Française  ;  mais  par  la  date  récente  et  par  le 
petit  nombre  de  ses  monuments,  la  littérature  Bretonne  est  debeaucoup*^" 
inférieure   en  importance  aux  littératures  Irlandaise   et   Galloise.   Les/ 
langues  Celtiques  n'ont  pas  une  moindre  valeur   pour  la  Grammaicei.-^ 
Comparée;  il  suffit  de  citer  les  grands  travaux  que  leur  consacrent  les,.,,, 
philologues  de  la  savante  Allemagne,  et  de  rappeler  que  Penseignement    . 
de  la  philologie  celtique  commence  à  figurer  dans  le  programme  des 
Universités  allemandes,  et  cela  même  à  Strasbourg. 

Il  existe  pourtant  un  grand  obstacle  au  progrès  des  Etudes  Celtiques, 
c'est  l'absence  d'union  entre  les  savants  qui  les  cultivent.  On  travaille 
isolément  et  comme  dans  l'obscurité.  Pour  les  savants  du  continent,  les 
Iles  Britanniques,  ce  principal  refuge  des  races  celtiques,  sont  presque 
en  dehors  du  monde.  Le  vers  de  Virgile  est  encore  vrai  : 

Et  penitus  toto  divisas  orbe  Briîannos. 
Sur  le  continent  on  ne  peut  que  difficilement  savoir  quels  textes  se 
publient,  quels  travaux  se  poursuivent  là-bas.  De  leur  côté,  les  savants 
des  pays  celtiques  qui  ont  à  leur  disposition  les  monuments,  les  manus- 
crits, les  traditions  et  la  langue  de  leurs  pays,  cherchent  souvent  en  vain 
des  points  de  repère  et  de  comparaison;  les  travaux  les  plus  importants 
de  l'Europe  savante  n'arrivent  qu'à  grand'peine  jusqu'à  eux.  Vienne 
une  alhance  entre  les  celtistes  de  tous  les  pays,  et  le  jour  se  fera  peu  à 
peu  sur  l'histoire  et  la  littérature  d'une  grande  race.  Cette  aUiance,  la 
Revue  Celtique  la.  réalise,  et  la  rend  tous  les  jours  plus  forte  et  plus 
fructueuse. 

A  côté  de  travaux  originaux  dont  on  peut  apprécier  la  valeur  par  la 
table  qui  suit,  la  Revue  Celtique  donne  dans  chaque  numéro  : 

Des  comptes-rendus  des  ouvrages  relatifs  aux  études  celtiques  ; 

Le  sommaire  analytique  et  critique  des  revues  françaises  et  étrangères 
s'occupant  spécialement  ou  occasionnellement  de  quelque  objet  de  nos 
études  ; 

Une  chronique  tenant  le  lecteur  au  courant  des  principaux  faits  qui 
se  produisent  dans  le  monde  de  l'érudition  celtique. 

Deux  volumes  ont  paru.  Le  troisième  est  en  cours  de  publication. 

Les  numéros  de  la  Revue  Celtique  ne  se  vendent  pas  séparément  ;  on 
s'abonne  pour  un  volume  qui  paraît  en  plusieurs  livraisons  formant 
ensemble  environ  520  pages.  —  Prix  d'abonnement:  Paris,  20  fr.; 
Départements,  22  fr.;  Étranger,  le  port  en  sus. —  On  souscrit:  Pour  la 
France,  en  envoyant  un  mandat-poste  payable  au  nom  de  M.  F.  Vieweg, 
Libraire-Éditeur  (Librairie  A.  Franck),  67,  rue  de  Richelieu,  à  Paris; 
pour  l'étranger,  par  l'intermédiaire  d'un  libraire  ' . 

Une  liste  des  souscripteurs  est  publiée  avec  chaque  volume. 

Il  est  tiré  quelques  exemplaires  sur  papier  de  HoHande  portant  sur  le  titre  le 
nom  imprimé  du  souscripteur.  Le  prix  d'abonnement  à  ces  exemplaires  est  double, 
c'est-à-dire  40  fr.  pour  Paris,  44  fr.  pour  les  départements. 

Toutes  les  communications,  correspondances,  etc.,  doivent  être 
adressées  franc  de  port  à  M.  H.  Gaidoz,  aux  soins  de  M.  F.  Vieweg, 
Libraire-Éditeur  (Librairie  A.  Franck),  rue  de  Richelieu,  67,  Paris. 

La  direction  de  la  Revue  ne  s'engage  pas  à  renvoyer  aux  auteurs  les 
manuscrits  non  insérés. 


I .  Subscriptions  for  îhe  British  Islands  (pne  pound)  are  received  by  Messrs 
Triibner  and  C°,  $7  and  59  Ludgate  Hill,  E.  C.  London. 


I 


REVUE  CRITIQ^UE 

D'HISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE 

N'  52  —  25  Décembre  —  1875 

Sommaire  :  240.  Chaignet,  La  philosophie  de  la  science  du  langage. —  241 .  Wallon, 

Saint  Louis  et  son  temps.  —  Sociétés  savantes  :  Académie  des  inscriptions. 

240.  —  La  philosophie  de  la  science  du  langage  étudiée  dans  la  for- 
mation des  mots,  par  A.  Ed.  Chaignet,  professeur  à  la  Faculté  des  lettres  de 
Poitiers.  Paris,  Didier.  1875.  U"  vol.  in- 12,  xj-360  p.  —  Prix  :  5  fr.  50. 

La  publication  de  ce  livre  est  de  bon  augure  pour  le  progrès  des  études 
philologiques.  Jusqu'ici  dans  la  grammaire  comparée,  on  voyait  surtout  la  science 
qui,  par  l'étude  des  sons,  des  formes,  était  arrivée  à  faire  revivre  des  idiomes 
disparus,  à  ressusciter  des  civilisations  éteintes,  à  renouveler  l'histoire  des  idées 
et  des  croyances  préhistoriques.  Ce  n'est  là  que  le  côté  spécial  de  ces*études;  on 
commence  à  soupçonner  chez  nous  que,  puisque  le  langage  a  pour  but  d'expri- 
mer la  pensée,  on  peut  suivre  dans  les  progrès  des  langues  les  progrès  de 
l'esprit  humain,  et  que  la  philosophie  est  directement  intéressée  aux  recherches 
philologiques.  On  n'a  pas  tort  de  le  croire.  En  fait,  la  grammaire  comparée  ouvre 
aux  philosophes  tout  un  domaine  riche  en  découvertes. 

M.  Chaignet  est  un  métaphysicien,  philologue  à  ses  heures.  On  lui  doit  des 
travaux  distingués  sur  Platon,  Aristote  et  les  Pythagoriciens,  et  une  Théorie  de  la 
déclinaison  dans  les  deux  langues  classiques.  C'est  un  bon  helléniste  ;  il  a  quelque 
teinture  du  sanscrit  et  de  l'hébreu;  il  a  lu  Schleicher,  Max  Millier  et  Curtius. 
Persuadé  qu'il  y  avait  intérêt  à  porter  dans  les  investigations  philologiques  la 
lumière  des  principes  à  priori,  il  s'est  mis  à  étudier  en  philosophe  la  formation 
du  nom  et  du  verbe  dans  les  langues  indo-européennes  ;  et  c'est  le  résultat  de 
ces  recherches  qu'il  a  consigné  dans  le  livre  que  nous  annonçons.  C'est  l'œuvre 
d'un  esprit  curieux,  ouvert,  qui,  jetant  un  regard  éveillé  sur  un  monde  nouveau, 
retrouve  avec  plaisir  ou  croit  retrouver  dans  des  faits  superficiellement  observés 
les  lois  métaphysiques,  les  catégories  aristotéliciennes  de  l'esprit,  objets  de  ses 
méditations  habituelles. 

Si  l'on  parvient  à  surmonter  les  difficultés  d'un  style  académique,  solennel, 
par  suite  diffus  et  vague,  qui  par  l'abus  des  synonymes,  des  épithètes,  des  méta- 
phores, se  prête  fort  mal  à  l'expression  d'une  pensée  elle-même  souvent  nuageuse 
ou  raffinée;  si  on  parvient  à  saisir  l'ensemble  d'un  ouvrage  où  les  divisions  sont 
mal  indiquées,  sans  titres  de  chapitre,  ni  tables  analytiques  des  matières  qui 
viennent  en  aide  au  lecteur,  on  arrivera  à  une  théorie  que  nous  croyons  résumer 
fidèlement  comme  il  suit^ 

i .  Dans  ce  résumé  succinct ,  nous  ne  reproduisons  naturellement  que  les  grands  traits 
de  l'ouvrage;  autant  que  possible  nous  conservons  les  expressions  mêmes  de  l'auteur. 
Toutefois  comme  l'auteur  souvent  ne  songe  pas  à  donner  à  sa  pensée  une  expression  pré- 
cise et  rigoureuse,  il  se  peut  qu'il  nous  arrive  çà  et  là  de  lui  prêter  une  netteté  qu  elle 
n'a  pas  toujours.  Voir  un  exemple  à  la  note  suivante. 

XVI  26 


402  ,:àRUTKfiMYP^^^^^m^OTèm'G  ■ 

«  La  phrase  est  un  organisme  dont  l'unité  reproduit  Punité  de  la  pensée  et  qui 
a  pour  élément  constitutif  le  mot.  Le  mot  lui-même  n'est  pas  simple,  mais  c'est 
le  signe  d'un  groupe  d'idées  simples,  associées  par  un  lien  naturel  et  si  intime 
que  l'ensemble  forme  un  tout  nouveau  :  c'est  en  même  temps  un  groupe  de  sons 
fondus  dans  une  unité  réelle,  objective,  qui  répond  à  l'unité  subjective  des  idées 
qu'il  exprime.  Comme  son  et  comme  expression  d'idées,  le  mot,  avec  ses  éléments 
multiples,  doit  avoir  un  noyau,  un  centre  autour  duquel  se  groupent  ces  éléments; 
c'est  la  racine.  Il  y  a  quatre  sortes  de  racines,  irréductibles  les  unes  aux  autres', 
et  qui  sont  les  premiers  efforts  de  l'esprit  pour  sortir  du  chaos  de  l'indétermi- 
nation :  les  racines  interjectionnelles  ;  les  racines  démonstratives  ^  ;  les  racines 
pronominales,  et  les  racines  nominales.  Les  racines  pronominales  doivent  être 
séparées  des  racines  démonstratives,  avec  lesquelles  les  confondent  les  philolo- 
gues. La  nature  du  pronom  personnel  n'est  pas  en  effet  la  notion  d'un  rapport 
dans  l'espace.  Loin  que  la  notion  du  moi  suppose  celle  d'une  relation  dans 
l'espace  ou  le  temps,  c'est  l'espace  et  le  temps  qui  supposent  le  moi  :  'ASuvaTov 
sTvai  xp6vôv,  ^ux'')?  W'^  oikjy];,  Aristote  l'a  dit.  La  notion  du  pronom  personnel 
est  donc  primitive.  L'homme  en  prenant  conscience  de  son  moi  reconnaît  dans 
les  autres  hommes  un  moi  identique  au  sien.  L'activité  humaine  et  le  drame 
grammatical  supposent  donc  deux  acteurs,  et  n'en  supposent  que  deux.  De  là  le 
duel.  La  3^  personne,  à  proprement  parler,  n'existe  pas;  ou  elle  se  confond  avec 
les  démonstratifs  de  lieu,  ou  elle  est  étroitement  unie  à  la  seconde  personne. 
Entre  ces  deux  racines,  si  semblables  qu'on  peut  douter  qu'il  y  en  ait  réellement 
deux,  il  se  fait  un  échange  de  signification  qui  a  évidemment  sa  raison  d'être 
dans  ce  fait  que  la  distinction  essentielle  et  primitive  est  de  deux  personnes, 
et  de  deux  personnes  seulement. 

^  «  Le  pronom  a  pour  fonction  d'exprimer  l'idée  de  la  personne.  Joint  à  la  racine 
nominale,  il  a  aussi  le  pouvoir  de  la  changer  en  verbe,  et  la  notion  du  verbe  est 
sinon  renfermée  explicitement  dans  le  pronom,  du  moins  introduite  dans  le  dis- 
cours, grâce  à  lui  ;  dadàmi  «  je  donne  »  est  donnant  moi,  le  don  de  moi.  Les 
racines  sont  des  sons  articulés  ;  l'articulation  est  le  phénomène  primitif  du  lan- 
gage. Les  voyelles  et  les  consonnes  sont  inséparables,  et  l'analyse  seule  peut  les 
distinguer.  Suit  une  analyse  des  consonnes  et  des  voyelles  et  des  changements 
auxquels  elles  sont  soumises. 

«  D'où  viennent  les  altérations  phonétiques .?  De  la  loi  du  moindre  effort,  disent 
les  philologues.  Mais  cette  loi  elle-même  ?  De  l'instinct  du  beau,  du  besoin  d'har- 
monie, de  rhythme,  de  clarté.  Un  petit  enfant  essayait  de  prononcer  sœur,  et 
pour  triompher  de  la  difficulté  que  lui  offrait  ce  mot,  redoublait  la  syllabe  : 
seseur;  c'est  là  le  thème  slave  seser^  et,  avec  un  lé^er  changement  dans  le  procédé, 
l'allemand  schwesîer,  l'anglais  sisîer  (page  84). 

«  C'est  une  chimère  de  chercher  les  sons  primitifs  du  langage;  il  n'y  en  a  pas. 

1 .  «  L'analyse  nous  mène  à  établir  trois  ou  quatre  genres  de  racines,  irréductibles  l'un 
»  à  l'autre  »  (p.  25). 

2.  C'est  ce  que  les  philologues  appellent  racines  pronomitiales.  -    

:  j.jlÀre  sestra.  ._.:. -i^:  .vJ.  j  ::-:■  iï:.t.  i^irijij^^ûii  noiauîiîoc 


d'histoirr  et  de  littérature.  405 

A  l'origine,  il  existe  des  sons  indistincts  et  confus  qui  par  le  progrès  du  langage 
se  précisent,  et  donnent  naissance  aux  autres  sons  qu'ils  contiennent  en  germe. 
C'est  donc  par  l'identité  primitive,  que  doivent  s'expliquer  ces  permutations, 
dont  les  philologues  ont  découvert  les  lois,  mais  non  saisi  les  causes.  Le  son 
français  oi  était  à  l'origine  ouaij  se  différenciant  dans  le  temps  et  l'espace,  il 
devient  ai  par  la  chute  de  ou,  oua  par  la  chute  de  /  (p.  89). 

«  Comment  les  racines  monosyllabiques  deviennent-elles  des  mots?  On  croit  que 
la  racine  peut  exister  dépouillée  de  tout  élément  formel  ;  erreur.  Ce  qui  se  pense 
a  forme  et  les  notions  primitives  les  plus  simples  ont  un  double  élément,  la 
matière  et  la  forme,  toutes  deux  nécessaires,  simultanées,  inséparables.  La  racine 
qui  est  monosyllabique,  doit  toujours  même  dans  les  langues  monosyllabiques, 
comme  le  chinois,  si  indéterminée  qu'elle  soit  dans  sa  forme  extérieure,  corres- 
pondre à  une  catégorie  précise  de  l'esprit  humain,  nom,  adjectif,  verbe,  etc.,  ce 
qui  ruine  par  la  base  les  théories  de  M.  Max-Muller  sur  le  processus  des  langues 
d'abord  monosyllabiques,  puis  agglutinantes,  et  enfin  flexionnelles.  Comment, 
en  effet,  concevoir  à  l'origine  des  racines  nues,  d'où  l'élément  formel  soit 
absent  ^  l'esprit  crée  la  racine  avec  l'élément  formel,  c.-à-d.  le  mot  en  entier. 
Le  mot  était  à  sa  naissance  ce  qu'il  devait  être  plus  tard  ;  germe  des  mots 
futurs,    il  doit  être  de  même  nature  qu'eux  :  èÇ  àpyriÇ  cuvicTYjai  to  ç6(7£i 

«  La  nature  du  mot  établie,  comment  entre-t-il  dans  les  catégories  de  l'esprit? 
Il  n'y  a  dans  la  nature  que  des  êtres  et  des  manières  d'être;  de  là  deux  catégo- 
ries primitives,  pronoms  exprimant  la  personne,  adjectifs  ou  participes  exprimant 
les  qualités.  L'homme,  portant  dans  la  nature  l'idée  de  substance  qu'il  trouve 
dans  sa  conscience,  conçoit  le  substantif  qui  sort  de  l'adjectif.  Quand  je  dis  l'or 
brillej  comme  or  veut  dire  brillant  Jâis-je  une  tautologie:  Le  brillant  (est)  brillante 
Non,  car  le  premier  mot,  pose  la  substance  individuelle,  tandis  que  le  second 
garde  toute  sa  généralité.  L'un  est  un  sujet  immobile,  l'autre  a  l'action,  la  vie. 
L'article,  ce  pronom  de  la  3**  personne,  a  précisément  pour  fonction  d'individua- 
liser, de  substantialiser.  Voilà  pourquoi  1'^,  pronom  de  la  ^^  personne,  est  la 
caractéristique  du  nominatif  (p.  i  $  3"). 

«  Le  verbe  naît  lorsque  la  fusion  du  pronom  personnel  et  de  l'adjectif  s'est 
opérée  de  façon  à  rendre  possible  l'expression  de  la  modalité  et  des  temps. 
L'affirmation  n'est  donc  pas  contenue  explicitement  dans  le  verbe,  comme  le 
croit  Port-Royal  ;  elle  n'existe  que  dans  la  pensée  de  celui  qui  parle  ;  le  verbe 
en  somme  est  un  prédicat  dont  la  copule  qui  le  rattache  au  sujet  est  le  plus  sou- 
vent sous-entendue  par  l'ellipse. 

«  Au  verbe  viennent  s'imposer  les  deux  conditions  de  modes  et  de  temps;  les 
temps  qui  expriment  la  situation  du  prédicat  par  rapport  au  sujet  actuel,  les 
modes  qui  expriment  les  rapports  que  le  sujet  conçoit  entre  lui  et  le  prédicat.  Il 
y  a  affinité  naturelle  entre  les  temps  et  les  modes,  parce  que  le  mode  indicatif, 
comme  le  temps  présent,  exprime  la  nécessité  actuelle,  et  les  modes  subjonctifs 
et  optatifs,  comme  le  temps  futur,  expriment  la  contingence  et  la, possibilité. 
De  là  confusion  fréquente  entre  ces  deux  modifications  du  verbe  qu'on  remarque 


404  c3q!îTAïT|[ïVt,|.  36kffîlQf®ÎOT2IHM 

dans  certaines  langues.  L'hébreu  a  plus  de  modes  que  de  tetnpàf  «i^fesanscrit  plus 
de  temps  que  de  modes^.     '--'•'  ■'■-'■■  -'  ^  ^  '^'';  ^^    ■    '•■?  .''fii'^..-^    3    :     : 

«  Pour  achever  la  forme  âfûm'ci^i^nWitf -ou  veréèj^l^oâl'  llndîvi'duàl^ér,'  an  thème 
^'ajoutent  les  suffixes.  Les  suffixes  sont-ils  d'anciennes  racines  atténuées,  et  par 
Pagglutination  accollées  au  mot  de  manière  à  pouvoir  exprimer  nombre  et 
cas  ?  C'est  l'opinion  des  Max  MùUer,  des  Schleicher;  mais  cette  opinion  est  con- 
tredite par  tous  les  principes  qu'on  vient  d'exposer.  On  ne  peut  y  voir  qu'un 
développement  organique  de  la  racine  même.  Ces  suffixes  usuels  sont  en  effet 
des  modifications  si  légères  du  thème  qu'il  est  impossible  d'y  voir  d'anciens 
mots,  morts  depuis:  dominos ,  domino-i,  domino-m:  dans  ces  mots  ï; -ïy M, 
sont  à  peine  des  sons  vivants  :  ce  sont  des  nuances  presque  insensibles  de  pro- 
nonciation, utilisées  après  coup  pour  la  détermination  des  rapports. 

«  Quant  aux  autres  suffixes,  ils  viennent  d'un  renforcement,  d'un  allongement, 
d'une  modification  de  la  racine,  s/  Xitu  devenant  Xsitî  ;  v/  §r/.  =  Sctvt  et  5£17,vu-(|jli)  . 
Ces  modifications  ont-elles  des  valeurs  significatives  .?  Non.  La  science  s'égarerait 
dans  d'obscures  recherches  à  déterminer  ces  valeurs.  Ces  suffixes  sont  dus  à  des 
besoins  d'euphonie.  Les  philologues  ne  font  pas  la  part  assez  grande  au  côté 
artistique  du  langage,  à  l'action  instinctive  de  l^harmonie.  Ces  sons  de  liaison ^ 
ces  lettres  formatives,  par  leur  insignifiance  logique  même,  servent  mieux  4i 
souder  ensemble  le  radical  et  la  désinence  et  à  établir  l'unité  du  mot. 

«  L'auteur  donne  ensuite  quelques  exemples  de  la  dérivation  nominale  et  verbale, 
d'après  Curtius,  Schleicher,  etc.,  en  émettant  toutefois  de  prudentes  réserves  sur 
les  théories  de  la  dérivation  qui  régnent  en  Allemagne?.  ^ 

«  Le  mot  avec  ses  suffixes  est-il  complet  ?  Pas  encore.  L'accent  tonique  vient 
l'achever,  lui  donner  la  perfection  désirable.  L'auteur  cherche  à  démêler  le 
chaos  des  assertions  contradictoires  qu'offrent  les  grammairiens  anciens  grecs  et 
latins;  entrevoit,  sans  en  saisir  toutes  les  conséquences,  la  distinction  de 
l'accent  d'intensité  et  de  l'accent  d'acuité,  mais  a  le  tort  de  croire  que  l'accent 


1.  M.  Ch.  fait  souvent  des  rapprochements  avec  les  langues  sémitiques  ou  du  moins 
avec  Thébreu  dont  il  a  quelque  connaissance.  P.  240-242 ,  il  oppose  la  fixité  des  racines 
trilitères  sémitiques  à  la  mobilité  des  racines  monosyllabiques  indo-européennes,  et  en 
conclut  que  les  races  sémitiques  auraient  senti  plus  vivement  Tidentité  de  la  substance 
persistant  au  milieu  de  tous  ses  accidents;  les  races  aryennes  auraient  vu  surtout  la  mo- 
bilité de  l'être  et  ses  transformations.  Cette  vue  est  ingénieuse;  est-elle  vraie?  Si  les  langues 
sémitiques  conservent  plus  fidèlement  la  racine,  c'est  qu'elles  sont  moins  soumises  aux 
altérations  phonétiques  que  les  langues  indo-européennes  ;  mais  les  mots  contenant  des 
lettres  facilement  altérables,  n'en  sont  pas  moins  déformés.  Où  retrouver  les  trois  lettres 
racines  dans  ef,  futur  de  natôh  (pencher)?  dans  çèh  impératif  de  yaçoh  (sortir),  etc.?  — 
Inversement  l'allemand  geheiiy  gab^  ^ib,-  schwellen,  schwoll^  schwill;  sprcchcn,  sprachy 
sprich,  gesprochen,  ne  nous  montre-t-il  pas  quelque  chose  d'analogue  au  trilitérisme  sémi- 
tique? En  faudrait-il  conclure  que  les  races  germaniques  ont  «  plus  profondément  senti 
»  la  persistance,  l'identité  de  la  substance  qui  demeure  au  milieu  de  tous  les  changements 
»  de  ses  propriétés  et  de  ses  accidents?  »  Cf.  St.  Guyard,  Nouvel  essai  sur  la  formation 
du  pluriel  brisé  en  arabe,  p.  6  et  7. 

2.  Vient  ici  une  longue  discussion,  interrompant  quelque  peu  l'enchaînement  des  idées, 
pour  établir  que  les  modalités  sont  subies  non  par  le  sujet,  mais  par  le  prédicat,  sont 
objectives  et  non  subjectives. 

j.  Ou  plutôt  qui  régnaient.  Car  M.  Ch.  ne  connaît  pas  les  travaux  de  Ludwig. 


d'histoire  et  de  littérature.  40| 

tonique  est  resté  identique  à  lui-même,  depuis  les  Grecs  jusqu'à  nos  jours '..^ 

Dans  ce  résumé,  que  nous  avons  fait  aussi  exact  que  possible,  quel  mélange 
de  vues  justes  et  de  vues  fausses  !  Et  comme  une  bonne  partie  de  ces  considéra- 
tions est  stérile  pour  la  science  !  Sans  parler  de  la  fantastique  phonétique  de 
l'auteur  2,  que  d'hypothèses  gratuites,  inspirées  par  des  vues  a  priori,  sans  fon- 
dement !  Quelle  est  l'origine  des  suffixes  ?  des  désinences  casuelles  ?  du  duel  ?  des 
pronoms?  des  formes  verbales?  Les  racines  primitives  sont-elles  longues  ou 
brèves?  M.  Ch.  a  réponse  à  tout.  Ses  théories  métaphysiques  lui  permettent  de 
triompher  de  l'ignorance  des  philologues.  Mais  ceux-ci  auront  beau  admirer  ses 
réponses  triomphantes,  ils  continueront  à  dire  jusqu'à  nouvel  ordre  que  sur  toutes 
ces  questions  d'origine  ils  ne  savent  rien. 

L'auteur  veut  étudier  la  formation  des  mots,  et  commence  par  établir  à  l'on- 
gine  des  langues  indo-européennes  des  racines  toutes  créées  spontanément,  con- 
tenant en  elles-mêmes  déjà  des  éléments  formels,  des  principes  de  suffixe.  Cette 
hypothèse  donnée  a  priori  comme  chose  évidente,  c'est  Vinconcussum  quid  sur  lequel 
il  bâtit  l'édifice  du  langage.  Voilà  un  postulat  bien  hardi,  et  posé  bien  lestement. 
Ainsi  seule  de  toutes  les  sciences  expérimentales,  la  science  du  langage  aurait  son 
principe  premier  au  delà  duquel  il  n'y  a  plus  rien  à  chercher,  et  tandis  que 
la  physiologie,  par  exemple,  part  modestement  du  dernier  terme  qui  tom.be  sous 
l'expérience  directe,  la  cellule^  dont  elle  ignore  actuellement  la  formation, 
quitte  plus  tard  à  la  soumettre  à  nouvelles  recherches,  la  philologie  aurait  la 
prétention  de  partir  d'une  création  première  parfaitement  déterminée  :  la  racine 
formelle  !  Mais  n'est-il  pas  clair  que  cette  langue  indo-européenne,  que  la  science 
reconstruit,  n'est  pas  une  langue  primitive  ;  qu'elle  a  derrière  elle  un  long  passé 
et  que  chacun  des  mots  qui  la  constituent  n'est  que  le  dernier  terme  à  nous 
accessible  d'une  série  infinie  de  transformations  qui  échappent  à  notre  expé- 
rience? Les  racines  que  le  philologue  tire  par  abstraction  de  ces  mots,  n'ont 
donc  qu'une  valeur  de  convention,  valeur  temporaire  et  relative  seulement  à  la 
période  étudiée  par  le  philologue,  puisque  ces  mots  ne  sont  vraisemblablement 
que  les  résidus  de  mots  avec  radicaux  et  suffixes  ayant  vécu  une  longue  existence 
antérieure,  durant  des  dizaines,  des  centaines  de  siècles.  Si  nous  ne  connaissions 
que  le  groupe  des  langues  romanes,  nous  poserions  une  racine  bon  abstraite  de 
hontéj  bonità,  bondad,  buono,  etc.  Or  dans  cette  racine,  venue  du  latin  b-onus, 
du-onus,  on  est  suffixe,  et  la  racine  ancienne  du  n'est  plus  représentée  que  par 
le  b  transformé  de  Vu.  C'est  une  prétention  singulière  de  croire  que  la  science 
puisse  atteindre  un  point  de  départ  originel;  comme  elle  n'agit  que  sur  des  suc- 
cessions de  phénomènes,  elle  ne  peut  remonter  qu'à  des  phénomènes  antérieurs, 

1.  Un  appendice  contient  une  étude  sur  la  philosophie  du  langage  dans  Aristote. 
Notre  incompétence  nous  force  à  décliner  la  discussion  sur  ce  point. 

2.  On  a  vu  plus  haut  quelques  exemples  de  cette  phonéticjue  :  se-seur  identifié  avec 
schwester,  sister,  seser;  les  sons  oua  et  oi  sortis  d'un  primitif  ou^i;  les  exemples  d'affirmation 
de  ce  genre  abondent.  Je  me  contenterai  de  citer  seulement  encore  une  ligne.  «  A  l'aide 
»  d'un  redoublement  de  la  racine  et  d'un  suffixe  féminin ,  cette  même  racine  (aur)  donnera 
»  en  latin  aur-or-a  (pour  anr-aur-a  ou  ûr-ûr-a)  l'aurore,  en  sanskrit  ush-as  dont  \'s  lin- 
»  guale  {sh)  se  change  régulièrement  dans  la  langue  latine  en  r  :  changement  que  nous 
»  retrouvons  dans  l'intérieur  de  notre  langue,  qui  fait  également  de  mum,  le  ris  et  le 
B  rire.  »  (p.  140). 


406  ^^'^'''^'     REVUE  CRITIQUE 

et  de  ceux-ci  à  d'autres,  sans  arrêt,  sans  fin.  L'absolu  lui  échappera  toujours. 
Nulla  est  nisi  fluxorum  scientia. 

Admettons  cependant  le  point  de  départ  posé  par  M.  Ch.  comme  provisoire  ;  que 
la  racine  avec  son  élément  formel  soit  pour  le  philologue  ce  que  la  cellule  est  au 
physiologiste  ;  ici  nous  entrons  dans  le  domaine  de  l'expérience  ;  voyons  ce  qu'elle 
devient  entre  les  mains  de  M.  Ch.  Préoccupé  de  retrouver  ses  principes  méta- 
physiques dans  les  faits  du  langage,  il  les  modifie  sous  cette  influence.  Il  cherche 
à  retrouver  dans  le  langage  les  formes  mêmes  de  la  pensée,  parce  qu'il  croit  que 
le  langage  est  l^ expression  de  la  pensée;  c'est  une  grave  erreur;  le  langage  n'est 
qu'un  ejfort  vers  ^expression  de  la  pensée^  ce  qui  est  bien  différent.  Que  la  pensée 
ait  ses  lois  formelles,  nous  l'accordons  volontiers;  qu'on  les  retrouve  dans  le 
langage  primitif,  c'est  autre  chose  ;  le  progrès  du  langage  consistant  précisément 
à  en  prendre  peu  à  peu  possession,  et  à  finir  par  exprimer  toutes  les  idées, 
toutes  les  nuances  d'idées,  que  renferme  la  pensée  humaine'. 

Si  M.  Ch.  avait  bien  compris  ce  fait,  il  n'aurait  pas  affirmé  si  hardiment  l'exis- 
tence de  racines  pronominales  primitives ,  sous  prétexte  que  l'homme  primitif  a 
dû  avoir  conscience  de  sa  personnalité.  Au  lieu  de  supposer  à  l'origine  un  cr^ 
articulé,  compris  immédiatement  comme  signifiant  ego,  il  suffit  d'admettre  un  cri 
indéterminé  accompagné  d'un  geste  qui  lui  donne  cette  signification,  par  ex.,  un 
coup  de  la  main  sur  la  poitrine.  Il  est  plus  conforme  aux  procédés  du  langage 
de  ramener  le  pronom  personnel  à  une  racine  démonstrative  :  «  ici  ». 

Dans  les  créations  des  formes,  comme  dans  les  constructions  syntactiques, 
comme  dans  les  significations  des  mots,  on  assiste  à  ce  progrès  de  la  langue 
qui,  cherchant  à  saisir  la  pensée,  s'empare  d'elle  par  un  détour,  et  finit  plus  ou 
moins  par  la  posséder  pleinement.  Quand  Bopp  expliquait  l'augment  par  l'^  privatif, 
et  l'aoriste  par  la  négation  du  présent,  Lassen  s'écriait  :  «  Comment  !  je  ne  vois  pas 
»  veut  dire  'fai  vu!  »;  Lassen  avait  tort.  Que  l'explication  de  Bopp  soit  vraie  ou 
non,  elle  est  conforme  aux  lois  du  langage.  Je  ne  vois  paSy  outre  la  négation  du 
présent,  renferme  deux  idées  :  je  ne  vois  plus,  c.-à-d.  j'ai  vu,  et  je  ne  vois  pas 
ENCORE,  c.-à-d.  je  verrai.  Les  philosophes  demanderont  peut-être  pourquoi  plus, 
encore,  qui  sont  ici  les  idées  essentielles,  ne  sont  pas  exprimées.  Les  philologues 
répondront  que  le  langage  n'y  regarde  pas  de  si  près,  et  qu'il  lui  suffit  qu'une  idée 
setrouve  vaguement  comprise  dans  une  expression,  pour  qu'il  attache  l'expression  à 
l'idée,  et,  par  la  force  de  l'usage  et  des  circonstances,  la  rende  adéquate  l'une  à  l'autre. 


I .  La  pensée  est  un  langage  intérieur  auquel  correspond  le  langage  extérieur,  le  lan- 
gage parle.  Si  l'un  était  l'expression  adéquate  de  l'autre  la  science,  du  langage  serait  exac- 
tement celle  de  la  pensée.  Mais,  tandis  que  le  langage  parlé  ne  se  compose  que  de  mots, 
le  langage  parlé  renferme  aussi  des  images,  représentations  directes  des  objets.  Les  progrès 
du  langage  consistent  précisément  à  réduire  la  part  de  l'image,  et  c'est  en  cela  qu'il  est 
un  effort  vers  l'expression  extérieure  de  la  pensée.  Ajoutons  que  les  mots  qui  constituent  le 
langage  parlé,  ne  sont  autre  chose  que  des  termes  généraux,  c.-à-d.  des  genres  et  des 
espèces,  et  que  dans  les  langues  non  encore  laites,  ces  genres  ont  une  extension  trop 
vaste.  Là  encore  le  progrès  du  langage  consiste  à  rabattre  de  cette  extension,  et  par  suite 
à  serrer  de  plus  près  la  pensée.  Enfin,  comme  la  pensée  elle-même  subit  des  évolutions 
diverses,  qu'elle  s'analyse,  devient  plus  rigoureuse,  le  langage  en  même  temps  reflète  cette 
marche  de  l'esprit,  de  sorte  que  le  philosophe  doit  y  retrouver  et  cet  effort  vers  l'expres- 
sion de  la  pensée,  et  les  progrès  de  la  pensée  elle-même. 


D*HlSTOIi^E   ET   DE   LITTÉRATURE.  4O7 

Il  est  constant  que  le  langage,  dans  ses  transformations  graduelles,  tend  à 
Panalyse.  Plus  on  remonte  vers  les  origines,  plus  des  catégories  diverses  de 
la  pensée  on  voit  confondues  dans  un  même  mot;  c'est  qu'en  effet  le  langage,  non 
encore  maître  de  lui,  est  forcé  de  faire  entrer  dans  une  seule  expression  des 
idées  multiples;  et  pour  achever  sa  pensée  et  la  rendre  sensible,  -de  s'aider  de 
moyens  extérieurs,  le  geste,  le  jeu  de  la  physionomie.  Tel  est  encore  le  procédé 
de  l'enfant,  impuissant  à  rendre  ses  idées,  ou  de  l'homme  à  qui  une  violente 
émotion  enlève  une  partie  de  ses  ressources  intellectuelles.  Le  langage  devient 
plus  sûr  de  lui  ;  il  se  débarrasse  de  ses  procédés  extérieurs,  pénètre  plus  pro- 
fondément dans  Panalyse  de  la  pensée,  la  rend  plus  sensible  ;  et  l'idéal  pour  lui 
sera  atteint,  si  jamais  il  l'est,  le  jour  où  il  deviendra  le  calque  fidèle  d'une  pensée 
rigoureuse  et  précise. 

,  U'erreur  première  que  nous  constatons  chez  M.  Ch.  a  pour  résultat  de  fausser 
les  vues  les  plus  justes  et  de  présenter  sous  un  faux  jour  des  idées  en  elles- 
mêmes  exactes.  Par  exemple,  son  analyse  du  substantif  et  de  l'adjectif  est  fine  et 
vraie;  elle  montre  bien  comment  l'adjectif  est  antérieur  au  substantif.  Dans  l'or 
brille^  le  mot  or  avant  d'être  substantif  a  été  adjectif  (le  brillanty.  Mais  où  l'au- 
teur, préoccupé  de  ses  théories  métaphysiques,  a  tort,  c'est  quand  il  croit  que 
le  langage  a  cherché  à  individualiser,  à  substantialiser  le  mot  or  en  le  faisant 
passer  du  rôle  d'adjectif  (brillant)  au  rôle  de  substantif.  Les  choses  ne  se  passent 
pas  ainsi  en  fait.  L'esprit  est  frappé  d'une  qualité  dominante  dans  un  objet,  il 
désigne  cet  objet  par  cette  qualité,  puis  il  attache  graduellement  à  cette  désigna- 
tion, étymologiquement  spéciale,  les  autres  qualités  dont  l'ensemble  constitue 
l'image  une  de  l'objet.  Ici  M.  Ch.,  au  lieu  de  considérer  le  progrès  historique  du 
langage,  n'a  vu  que  le  résultat  final  d'une  lente  opération,  c.-à-d.  un  subs- 
tantif, une  forme  grammaticale  répondant:  à  une  catégorie i^Çtfc'^spçfejJ'i^^e 
d'individu2.  f;',';,;/."  ..,-r,   ^^r^t  t;<  v  V-t  '^*'  ^n-b  riy-f  « 

Pourquoi  M.  Ch.  combat-il  les  théories  de  Max-Muller  et  de  Schleicher  sur 
les  trois  formes  des  langues  monosyllabiques,  agglutinantes,  flexionnelles  ?  Parce 
tue  ce  ne  sont  que  des  hypothèses,  indémontrées,  et  jusqu'ici  indémontrables  ? 
ndlement  ;  parce  qu'elles  contredisent  les  théories  philosophiques  de  l'auteur. 
Al  fond,  et  en  nous  plaçant  à  son  point  de  vue,  nous  ne  serions  pas  très- 
élognés  de  partager  ses  idées  :  mais  sur  cette  question  des  origines,  nous  ne 
pou'ons  que  suivre  l'opinion  des  spécialistes  qui  déclarent  n'y  rien  connaître. 

C^-st  la  même  conception  du  langage,  où  le  sens  historique  fait  généralement 
défau3,  qui  inspire  à  l'auteur  sa  commode  théorie  des  suffixes.  Heureusement 

1.  Dns  quelle  langue  M.  Ch.  prend-il  ce  mot?  En  français,  or  n'a  jamais  signifié 
brillant^  \  en  latin;  mais  ne  chicanons  pas  l'auteur  sur  cette  minutie,  car  il  suffit  pour 
sa  démomration  que  le  radical  de  amum  ait  eu  à  l'origine  le  sens  de  brillant j  ce  qui  est 
exact. 

2.  Et  ei-ore ,  les  métaphysiciens  pourraient  trouver  à  redire,  car  le  nom  commun 
désigne  un  gnre,  et  en  transformant  l'adjectif  en  substantif,  bien  loin  de  l'individualiser, 
on  le  générase,  puisqu'on  change  un  phénomène  en  un  fait  général. 

3.  Çà  et  Lie  vrai  sens  des  choses  du  langage  se  dégage  avec  tant  de  force  des  faits 
observés  qu'il  'impose  à  l'auteur.  Dans  plusieurs  passages  l'auteur  voit  bien  que  l'ellipse 
joue  un  rôle  Ci,ital  et  que  le  langage  dit  plus  par  ce  qu'il  donne  à  entendre  que  par  ce  qu'il 
exprime.  Signa.ns  spécialement  la  p.  183  ce  passage  très- juste  et  très- fer  me:  «Lesrapports 


408  ^^îj'UT/^  REVUE   GRITlQlfiÇJï-T^.irû 

que  les  philologues  continueront  à  «  s^égarer  dans  ces  recherches  obscures  »  où 
ils  sauront  tôt  ou  tard  apporter  quelque  lumière,  je  n'en  veux  pour  garant  que  les 
études  de  M.  Bergaigne  sur  la  dérivation  casuelle'.  A  quoi  ont  donc  servi  les 
théories  métaphysiques  de  M.  Ch.  ?  A  vouloir  trancher  des  questions  queJes 
philologues  abordent  à  peine,  et  à  tirer  des  conclusions  générales  que  renver- 
seront les  découvertes  quotidiennes  des  patients  chercheurs. 

Des  remarques  qui  précèdent,  il  semble  découler  cette  conclusion  que  la  philo- 
sophie n'a  rien  à  voir  avec  la  philologie.  Pour  la  question  des  origines,  oui,  jusqu'à 
nouvel  ordre  du  moins.  Laissons  les  philologues,  par  une  longue  et  minutieuse  inves- 
tigation, nous  débrouiller  le  chaos  de  la  dérivation  et  des  racines;  ce  travail  achevé, 
les  philosophes  auront  assez  de  matériaux  pour  élever  leurs  constructions,  ou  plutôt 
les  vues  générales  se  dégageront  assez  d'elles-mêmes  des  faits  amassés  par  les 
savants.  Pour  le  moment,  un  seul  terrain  est  ouvert  à  la  philosophie  du  langage, 
celui  de  V histoire  des  idiomes.  Les  transformations  de  la  syntaxe,  des  formes 
grammaticales,  des  significations  des  mots  apportent  d'innombrables  documents 
et  de  longtemps  inépuisables,  à  l'histoire  de  l'esprit  humain. 

Quelles  sont  les  causes  qui  agissent  sur  les  mots,  pour  en  modifier  la  signifi- 
cation ?  Comment  tels  vocables,  transformés  depuis  l'origine  par  les  altérations 
phonétiques,  restent-ils  immobiles  quant  à  leur  valeur,  alors  que  d'autres  voient 
l'idée  qu'ils  représentent  s'étendre  ou  se  rétrécir,  se  déformer,  et  se  prêtent  à 
l'expression  de  nouveaux  concepts?  Dans  cette  histoire  des  significations  des 
mots,  n'y  a-t-il  pas  à  suivre  l'histoire  des  idées  humaines  ï  Les  formes  gramma- 
ticales, désinences  flexionnelles,  suffixes  de  dérivation,  temps  et  modes,  etc., 
peuvent  également  fournir  des  indications  précieuses  sur  les  conceptions  des 
peuples,  et  la  manière  dont  ils  saisissent  les  rapports  des  idées.  Si  l'allemand 
a  emprunté  son  pronom  relatif  à  un  adjectif  démonstratif  (der),  n'a-t-on  pas  le 
droit  de  conclure  de  ce  fait  à  une  conception  particulière  primitive  de  l'idée  de 
relation  ?  L'histoire  de  la  syntaxe  enfin  offre  d'abondants  matériaux  pour  une 
histoire  de  la  pensée  humaine.  Les  belles  études  de  M.  Bergaigne  sur  l'ordre  des 
mots  dans  les  langues  indo-européennes^  nous  montrent  déjà  que  l'ordre  logique 
à  l'origine  était  absolument  l'opposé  de  ce  que  nous  désignons  aujourd'hui  par  ç 
nom,   d'où  il  semble  résulter  que  les  lois  formelles  de  l'intelligence  ne  so^t 
que  des  habitudes  de  la  pensée.   Les  philosophes  étudient  généralement  ,^s 
lois  de  l'esprit  humain  dans  des  conditions  qui  sont  en  dehors  de  l'ordinare, 
c'est  sur  eux-mêmes  qu'ils  expérimentent,  c.-à-d.  sur  des  intelligences  d'^ite, 
et  ils  considèrent  l'esprit  poursuivant  un  but  précis,  la  recherche  d'une  vrité^ 
ce  qui  est  l'exception  ;  mais  les  procédés  que  met  en  usage  l'esprit  dans  son  a-'tivité 
journalière  et  banale,  mais  les  lois  qu'il  suit  inconsciemment  dans  son  dvelop- 
pement  instinctif,  l'étude  du  langage  les  enseignera,  parce  qu'une  lanfie  à  un 

»  grammaticaux  sont  pour  la  plupart  des  relations  subjectives,  que  l'esprit  é/hlit  spon- 
»  tanément  entre  les  idées.  C'est  une  grande  erreur  de  croire  que  tout  s'ex-jr^m^  et  doit 
»  être  exprimé,  que  tout  ce  qui  est  pensée  ait  besoin  d'avoir  dans  le  langag  ""^  repré- 
»  sentation  spéciale,  etc....  »  Si  l'auteur  s'était  partout  inspiré  de  cette  ic^  si  juste,  il 
aurait  refondu  son  livre. 

1.  Dans  les  Mémoires  de  la  Société  de  linguistiijue  de  Paris  y  t.  IL 

2.  Mémoires  de  la  Société  de  linguistique  de  Paris,  t.  IIL 


d'histoire  et  de  littérature.  409 

moment  donné  nous  représente  Pétat  d'esprit  d'une  nation,  et,  dans  son  déve- 
loppement historique,  l'histoire  intellectuelle  de  cette  nation. 

Les  affirmations  qui  précèdent  ne  sont  pas  téméraires.  Déjà  l'étude  générale 
des  faits  du  langage  permet  de  constater  quelques  lois.  Les  grammairiens  ont 
depuis  longtemps  noté  sous  le  nom  de  catachrèses,  synecdoques^  métaphores,  etc., 
toutes  les  figures  de  mots  par  lesquelles  les  sens  se  transforment.  Ces  figures  exis- 
tent également  dans  les  formes  grammaticales  et  dans  les  constructions  syntacti- 
ques  et  elles  reposent  toutes  sur  le  raisonnement  suivant  :  L'esprit  se  porte  sur 
une  qualité  spéciale  dans  un  objet  ou  sur  un  point  particulier  dans  une  conception 
quelconque,  y  attache  une  expression,  une  forme  grammaticale,  ou  une  construc- 
tion syntactique  adéquate^  perd  ensuite  de  vue  la  qualité  première,  le  point 
spécial  de  la  conception  pour  se  porter  sur  une  qualité  secondaire,  sur 
une  seconde  conception ,  que  le  hasard  a  faite  voisine  des  premières ,  et 
cependant,  au  mépris  de  la  logique,  il  continue  d'y  attacher  la  première 
expression,  la  première  forme  grammaticale,  la  première  construction  syntac- 
tique, qui  dès  lors  cesse  d'être  adéquate.  Il  y  a  là  un  passage  d'un  point 
à  un  autre,  qui  consiste  à  dire  cum  hoc,  ergo  per  hoc  :  telle  idée  se  trouve  con- 
jointe à  une  autre,  donc  elle  sera  naturellement  rendue  par  le  terme  qui  exprime 
cette  autre.  Les  philosophes  ont  des  noms  pour  désigner  cette  déviation  de 
raisonnement,  ce  raisonnement  oblique;  ils  l'appellent  paralogisme.  Eh  bien!  on 
peut  déjà  l'affirmer,  les  transformations  des  idiomes  reposent  pour  la  plus  grande 
partie  sur  ce  raisonnement  oblique,  et  le  langage,  ce  grand  fait  de  l'humanité,  a 
pour  principe  premier  un  paralogisme.  A.  Darmesteter. 


241.  —  Saint  Louis  et  son  temps  par  H.  Wallon,  membre  de  l'Institut,  profes- 
seur d'histoire  moderne  à  la  Faculté  des  lettres  de  Paris.  Paris,  Hachette.  1875. 
2  volumes  in-8%  xxxvj-492  et  $56  p.  —  Prix  :  1 5  fr. 

De  tous  les  Capétiens  directs,  saint  Louis  est  celui  dont  le  règne  a  été  l'objet 
du  plus  grand  nombre  de  travaux  importants  dans  ces  dernières  années.  Les 
ouvrages  de  M.  Boutaric  sur  l'administration  féodale  et  royale  au  xiu^  siècle,,  les 
études  de  M.  Viollet  sur  les  rapports  de  saint  Louis  et  du  clergé,  et  l'authen- 
ticité de  la  trop  célèbre  Pragmatique  Sanction,  les  grandes  éditions  de  Joinville, 
par  M.  de  Wailly,  enfin  la  publication  de  l'histoire  de  Lenain  de  Tillemont,  tels 
sont  les  principaux  événements  littéraires  qui  ont  ramené  l'attention  des  érudits 
sur  cette  partie  de  l'histoire  de  France.  Le  sujet  d'ailleurs  est  des  plus  intéres- 
sants. Grâce  à  l'existence  de  nombreuses  sources  contemporaines  dont  plusieurs 
sont  d'une  haute  valeur,  grâce  à  l'abondance  des  documents  diplomatiques,  saint 
Louis  est  le  premier  des  rois  Capétiens  dans  l'intimité  duquel  on  puisse  vivre, 
dont  on  puisse  connaître  suffisamment  la  vie  et  l'esprit. 

Ce  sont  ces  notions  nouvellement  acquises  sur  l'histoire  de  saint  Louis,  que 
M.  Wallon  a  voulu  faire  pénétrer  dans  le  grand  public.  Son  livre  est  avant  tout 
une  œuvre  de  vulgarisation  ;  il  en  a  les  qualités  et  les  défauts.  Les  principaux 
inconvénients  d'un  travail  de  cette  espèce  sont  l'obligation  de  négliger  presque 
entièrement  les  sources  diplomatiques,  la  nécessité  de  remplacer  par  des  géné- 
ralisations vagues  des  faits  précis,  enfin  la  suppression  de  toute  discussion 


410  "  '         REVUE   CRITIQUE 

critique.  Toutes  ces  imperfections  peuvent  certainement  être  atténuées  dans  une 
certaine  mesure,  mais  la  plus  grande  de  toutes,  celle  qu'il  est  à  peu  près  impos- 
sible d'éviter  complètement,  c'est  l'influence  d'une  idée  générale  préconçue,  qui 
imprime  à  tout  l'ouvrage  une  couleur  arbitraire.  Les  qualités  d'un  pareil  livre  sont 
d'un  autre  ordre;  il  transporte  dans  le  grand  public  des  idées,  des  notions 
nouvelles,  qu'il  n'aurait  point  été  chercher  dans  les  ouvrages  de  pure  érudition 
et  remplace  des  idées,  des  notions  plus  anciennes  qui  n'ont  plus  raison  d'être 
devant  les  progrès  de  la  science  historique. 

Quels  sont  donc  les  défauts  de  ce  genre  que  nous  pourrons  reprocher  à  l'histoire 
de  S.  Louis  ?  L'auteur  a  dû  employer  les  ouvrages  d'érudition  récemment  publiés  sur 
les  matières  spéciales  qu'il  avait  à  traiter,  de  là  dans  les  diverses  parties  du  livre 
une  grande  inégalité,  on  peut  dire  en  général  que  tant  vaut  l'ouvrage  mis  à  contri- 
bution, tant  vaut  le  récit.  Pour  la  suite  des  événements  politiques,  M.  W.  avait  un 
guide  qu'il  a  largement  employé,  Lenain  de  Tillemont,  dont  la  volumineuse  Vie  de 
Saint  Louis  donne  le  résumé  non  seulement  de  la  plupart  des  documents  que  nous 
possédons  aujourd'hui,  mais  encore  de  beaucoup  qui  ont  disparu  depuis  sa  rédac- 
tion. Mais  ce  guide  généralement  exact  ne  laisse  pas  d'avoir  certains  défauts;  ce 
n'est  point  par  l'esprit  critique  que  brille  l'ouvrage  du  vénérable  érudit,  et  là 
comme  dans  la  plupart  de  ses  travaux,  il  a  trop  peu  distingué  entre  les  sources 
qu'il  employait  ;  tout  lui  a  semblé  bon  à  prendre,  et  il  a  mis  sur  le  même  rang 
chroniques  contemporaines  et  compilations  postérieures,  chartes  authentiques  et 
légendes  monastiques.  Ce  n'est  donc  un  guide  sûr  qu'à  la  condition  de  le  contrôler 
constamment,  c'est  un  répertoire  de  faits  et  de  renseignements.  Disons  d'ail- 
leurs tout  de  suite  que  M.  W.  y  a  joint  des  sources  d'un  emploi  plus  facile; 
la  collection  du  Trésor  des  Chartes,  publiée  par  l'administration  des  Archives 
Nationales,  les  excursus  des  nouveaux  éditeurs  des  historiens  de  France  et  ceux 
de  la  collection  anglaise  du  Maître  des  Rôles,  enfin  le  grand  travail  de  M.  Huillard- 
Bréholles  sur  les  actes  de  Frédéric  II.  Ce  sont  là  des  ouvrages  excellents  et  dont 
l'auteur  a  tiré  tout  le  parti  possible. 

Le  plan  de  l'ouvrage  est  extrêmement  étendu  ;  il  embrasse  non-seulement 
l'histoire  politique  de  saint  Louis,  mais  encore  celle  de  l'administration,  des 
arts  et  des  lettres  à  son  époque;  or  pour  la  première  de  ces  parties  supplémen- 
taires, il  n'existe  aucun  livre  qui  se  rapporte  spécialement  à  cette  époque  ;  en 
effet  on  a  bien  étudié  l'administration  soit  de  Philippe  Auguste,  soit  de  Philippe 
le  Bel,  mais  nullement  celle  de  saint  Louis,  et  l'ouvrage  de  M.  Boutaric  sur 
Alfonse  de  Poitiers,  malgré  sa  grande  valeur,  ne  fournit  que  peu  de  renseigne- 
ments sur  le  gouvernement  personnel  du  roi  ;  tout  au  plus  pourrait-il  servir  de 
guide  pour  une  étude  directe  des  actes  de  l'administration  royale  à  cette  époque. 
Pour  les  arts,  M.  W.  avait  heureusement  des  guides  excellents,  et  ses  chapitres 
sur  l'architecture  et  les  arts  du  dessin  ne  sont  guère  qu'un  résumé  fidèle  des 
ouvrages  de  M.  VioUet  le  Duc,  entremêlé  de  longues  citations  du  même  auteur. 
Mais  pour  les  lettres,  il  nous  a  paru  extrêmement  insuffisant,  cette  partie  de 
l'histoire  du  xiir  siècle  n'ayant  encore  été  l'objet  d'aucun  travail  d'ensemble 
véritablement  scientifique. 

L'idée  générale,  à  laquelle  M.  W.  rapporte  tous  les  faits  de  l'histoire  de 


d'histoire  et  de  littérature.  41  ! 

Louis  IX,  est  exprimée  par  lui  dès  la  première  ligne  du  livre  :  Saint  Louis  fut  un 
saint  sur  le  trône.  Ce  principe  une  fois  posé,  il  devient  impossible  à  l'auteur  de 
juger  équitablement  les  actes  d'un  roi  canonisé  par  l'Eglise;  Saint  Louis  n'a  pu 
faire  une  faute,  commettre  une  injustice,  avoir  un  défaut.  Certes  nous  avons  pour 
le  saint  roi  tout  autant  d'admiration  que  M.  W.,  m.ais  cette  admiration  a  d'autres 
causes.  Ce  n'est  pas  le  saint  que  nous  admirons  en  lui,  mais  le  roi,  le  meilleur 
que  la  France  ait  jamais  eu,  le  plus  réellement  soucieux  du  bonheur  de  ses  sujets, 
l'observateur  le  plus  exact,  le  seul  exact  peut-être  de  la  parole  donnée.  M.  W. 
dit  que  saint  Louis  dut  toutes  ces  qualités  à  sa  piété,  nous  le  lui  accorderons 
sans  peine  ;  mais  pourquoi  ne  pas  admettre  que  cette  même  piété  ait  pu  l'entraîner 
à  quelques  excès  de  rigueur  et  même  de  fanatisme.  Sa  sévérité  à  l'égard  des 
blasphémateurs,  contraire  aux  mœurs  de  son  temps,  son  hostilité  envers  les 
Juifs,  sont  là  pour  prouver  que  toute  chose,  même  bonne,  peut  avoir  ses  défauts, 
quand  elle  est  poussée  à  l'excès;  plusieurs  anecdotes  racontées  par  Joinville 
prouvent  que  dans  certains  cas  saint  Louis  pouvait  devenir  fanatique,  et  il  est 
difficile  de  soutenir  que  même  en  se  mettant  au  point  de  vue  des  idées  du  temps, 
ses  deux  croisades  n'aient  été  de  grandes  fautes  politiques,  suite  d'une  éducation 
trop  cléricale. 

Un  autre  point  que  M.  W.  a  mal  saisi  à  cause  de  cette  même  idée  préconçue, 
c'est  le  caractère  particulier  de  la  politique  intérieure  de  saint  Louis.  Sans  entrer 
dans  de  trop  longs  détails  sur  cette  politique  et  cette  administration,  rappelons 
que  pour  bien  la  connaître,  il  faut  joindre  aux  récits  de  Joinville  les  documents 
diplomatiques.  On  y  verra  que  saint  Louis  ne  fut  pas  toujours  le  roi  facile  et  de 
débonnaire  humeur  que  nous  peint  le  chroniqueur,  que  son  règne  fut  le  dévelop- 
pement naturel ,  le  véritable  trait  d'union  entre  ceux  de  Philippe  Auguste  et  de 
Philippe  le  Bel;  qu'il  sut  aussi  bien  que  ces  deux  princes  sauvegarder  les  droits 
de  sa  couronne,  et  leur  donner  toute  l'extension  possible.  Sans  doute  il  apporta 
dans  cette  tâche  plus  de  modération  que  Philippe  Auguste,  plus  d'honnêteté  que 
Philippe  le  Bel,  mais  il  ne  faut  pas  oubHer  que  s'il  rendit  les  provinces  de  l'ouest 
à  Henri  IH,  il  garda  celles  du  midi,  dont  l'origine  n'était  guère  plus  légitime,  et 
qu'il  s'arrangea  toujours  pour  empêcher  Raimond  VII  de  réahser  ses  projets  de 
mariage ,  qui  auraient  pu  détruire  les  espérances  de  son  frère,  Alfonse  de  Poitiers. 

Nous  ne  voulons  pas  relever  toutes  les  erreurs  de  détail  qui  peuvent  se  ren- 
contrer dans  l'ouvrage  ;  elles  sont  nombreuses,  mais  elles  étaient  pour  ainsi  dire 
inévitables,  à  cause  du  nombre  des  documents  employés,  de  la  multiplicité  des 
personnages  et  de  l'étendue  du  sujet.  Nous  allons  seulement,  à  propos  d'un  certain 
nombre  de  passages,  indiquer  les  erreurs  les  plus  importantes  et  les  appréciations 
qui  nous  semblent  hasardées. 

Tome  L  —  La  préface  se  compose  d'une  histoire  résumée  de  la  dynastie 
capétienne  jusqu'à  saint  Louis,  d'un  tableau  géographique  de  la  France  en  1226, 
enfin  de  qq.  notices  sur  les  historiens  de  ce  règne.  Dès  la  première  page,  nous 
relevons  une  assertion  singulière;  M.  W.  a  l'air  de  mettre  Charlemagne  au 
nombre  des  saints  ;  ce  prince  n'a  jamais  été  canonisé  que  par  Frédéric-Barbe- 
rousse,  et  il  faut  avouer  qu'à  part  les  services  rendus  par  lui  au  Saint-Siège, 
nous  ne  voyons  rien  dans  sa  vie  qui  lui  mérite  ce  suprême  honneur. 


41^  .a^îUTAflltivusraEiiiTîQilgîîOTZîH'a 

îP.  viij  et  suiV;lLefirésumé  de  la  guerre  des  Albigeois,  que  fôfl'AifeU^ê^îbîf 
fourmille  d'erreurs,  la  suite  des  événements  y  est  incompréhensible  efM'.  W."rië 
dit  pas  un  mot  de  la  conduite  des  légats  à  Pégard  du  comte  de  Toulouse.  Dans 
cette  affaire  déplorable,  pour  être  indulgent  envers  Innocent  II l y* il' fatit'sûp-^ 
poser  qu'il  a  été -trompé.  Quant  à  la  conduite  du  roi  de  France,  elle  fut  toute 
différente  de  ce  que  suppose  l'auteur;  dès  1208-9,  Philippe  Auguste  émettait 
des  doutes  sur  la  légalité  de  la  sentence  du  Saint-Siège  contre  Raimond  VI,  et 
peut-être,  s'il  eût  vécu,  n'eût-il  jamais  accepté  les  offres  séduisantes  des  Montfort. 

Dès  les  premières  pages  du  récit,  nous  voyons  apparaître  la  tendance  générale 
que  nous  signalions  plus  haut;  M.  W.  répugne  au  blâme;  il  lui  paraît  difficile,* 
impossible  même  d'admettre  que  du  temps  de  saint  Louis  il  se  soit  commis  des 
injustices  en  France,  ou  que  le  pouvoir  ait  pu  être  oppresseur.  De  là  une  appré- 
ciation singulière  de  certains  faits;  nous  en  citerons  deux  exemples  :  d'abord  l'affaire 
de  l'université  de  Paris,  dans  laquelle  Blanche  de  Castille  avait  évidemment  tort; 
elle  ne  voulut  cependant  ni  céder  ni  réparer  les  violences  de  ses  agents  ;  il  fallut 
que  les  maîtres  de  l'université  reconnussent  des  torts  qu'ils  n'avaient  point 
(p.  46).  Nous  rappellerons  encore  l'intervention  dans  les  affaires  intérieures  de 
Beauvais,  intervention  qui  constituait  une  véritable  violation  du  droit  de  l'époque^ 
et  politique  que  saint  Louis  lui-même  n'imita  que  trop  dans  ses  rapports  avec 
les  municipalités  du  royaume  (p.  48).  En  général,  M.  W.  montre  pour  Blanche 
de  Castille  une  admiration  réellement  excessive  ;  elle  ne  manquait  pas  de  fermeté, 
mais  elle  poussait  quelquefois  cette  fermeté  jusqu'à  l'obstination  et  à  la  tyrannie,' 
et  dans  son  administration,  qui  dura  réellement  jusqu'en  1253,  on  sent  une 
violence,  une  dureté,  dont  saint  Louis  se  départit  heureusement.  De  plus  ôii 
peut  lui  reprocher  d'avoir  cherché  à  prolonger  son  pouvoir  au  delà  du  nécessaire; 
elle  fut  maîtresse  jusqu'à  sa  mort  et  ce  n'est  qu'après  elle  que  saint  Louis  put, 
affranchi  de  cette  tutelle  ombrageuse  et  souvent  tracassière,  procéder  à  des 
réformes  devenues  urgentes.  .:;.  :  .^.j  ^L;.;  c^:^  ij..:j1  j;^..j   o!  .'! 

Le  chapitre  II  (p.  50  et  suivantes)  eât'Mtuié  vFirtb<î/ïr^rfèn^^ 
Louis.  M.  W.  y  a  peut-être  attaché  trop  d'importance  aux  historiettes  édifiantes- 
de  ses  biographes  ;  il  remarque  lui-même  (p.  5  s)  que  leurs  indications  sur  la 
simplicité  de  costume  de  saint  Louis  sont  en  contradiction  avec  les  renseigne^ 
ments  fournis  par  les  comptes  officiels.  Quant  aux  menus  faits  qu'ils  raconteîifti 
pour  l'édification  des  fidèles,  il  faut,  croyons-nous,  beaucoup  en  rabattre.  Dans 
leur  respect  pour  le  saint  roi,  ils  lui  ont  prêté  toutes  les  perfections  du  moine, 
du  chrétien  par  excellence  selon  eux;  ces  faits  sont  peut-être  vrais  en  eux-mêmes, 
mais  il  faut  tenir  compte  de  l'exagération  toute  naturelle  et  parfaitement  incons- 
ciente du  panégyriste.  Remarquons  de  plus  que  ces  mêmes  auteurs  donnent  à 
ces  pieux  exercices  une  telle  place  dans  la  vie  de  saint  Louis,  que  l'on  se 
figure  avec  peine  comment  il  pouvait  suffire  à  tant  d'occupations,  car  enfin  que 
d'affaires  il  régla  par  lui-même  pendant  les  vingt  années  que  durèrent  son  gou- 
vernement personnel,  que  de  chartes  expédiées  en  son  nom  et  certainement 
par  ses  soins  !  il  faut  choisir  :  admettre  que  saint  Louis  s'était  désintéressé  de 
toutes  les  affaires  du  siècle,  ou  rabattre  un  peu  des  exagérations  de  ses  biographes. 

Avec  la  majorité  de  saint  Louis  devait  commencer  son  gouvernement  per- 


d'histoire  bt  de  littérature.  41  j 

sonnel;  il  n'en  fut  pas  ainsi;  il  resta  longtemps  encore  soumis  à  Tautorité  mater- 
nelle, et  en  1 240  c'était  encore  à  Blanche  que  s'adressaient  les  rapports  militaires 
(p.  77).  Pourquoi  donc  M.  W.  met-il  immédiatement  le  roi  en  scène  et  lui 
attribue-t-il  une  part  dans  des  affaires  dont  il  n'eut  probablement  pas  à  s'occuper, 
telles  que  le  projet  de  mariage  entre  Simon  de  Montfort  et  la  comtesse  de  Flandre 
(p.  84),  le  règlement  des  affaires  de  Beauvais  (p.  87). 

P.  175,  nous  trouvons  une  singulière  appréciation  du  traité  de  Lorris,  imposé 
au  comte  de  Toulouse  en  1243.  M.  W.  trouve  ce  traité  fort  doux;  il  nous  semble 
à  nous  extrêmement  onéreux  ;  il  est  vrai  que  le  roi  laissa  tous  ses  états  au  comte, 
mais  il  ne  pouvait  pas  y  toucher,  puisque  ces  états  formaient  l'héritage  de  sa 
belle-sœur,  la  comtesse  de  Poitiers.  M.  W.  suppose  à  ce  sujet  que  si  le  roi 
retint  pour  lui  l'hommage  du  comte  de  Foix,  pour  la  durée  de  la  vie  de 
Raimond  VII,  ce  fut  afin  d'épargner  à  Roger  l'obligation  de  servir  un  suzeraia 
qu'il  avait  abandonné.  N'y  a-t-il  pas  plutôt  là  une  raison  politique,  un  désir 
manifeste  d'affaiblir  le  comte  de  Toulouse,  tant  que  ce  comte  serait  Raimond  VII  ?• 

P.  179-180.  Après  avoir  transcrit  tout  au  long  un  récit  romanesque  de 
Mathieu  Paris,  M.  W.  remarque  en  note  que  cet  auteur  est  suspect  d'exagération 
et  affectionne  les  anecdotes  à  effet;  pourquoi  alors  lui  emprunter  un  récit  si  pea 
digne  de  foi?  (^Même  remarque,  p.  2 1 5-6). 

Partant  de  ce  principe  que  toutes  les  qualités  morales  de  saint  Louis  sont  la 
conséquence  de  sa  piété,  M.  W.  ne  suppose  nulle  part  que  cette  même  piété  ait 
pu  l'entraîner  à  des  entreprises  fâcheuses;  telle  est  cependant  la  croisade  de 
1248  (p.  194-5).  On  peut  dire  de  cette  expédition  qu'elle  fut  impolitique, 
funeste  au  royaume  et  au  roi,  et  enfin  qu'elle  n'était  plus  dans  les  idées  du  temps./ 
A  ce  moment  bien  des  affaires  retenaient  le  roi  en  France  ;  les  démêlés  entre, 
Frédéric  II  et  Innocent  IV,  qui  étaient  encore  loin  de  finir,  les  affaires  de 
Flandre^^HeîÇi -La  croisade  retarda  l'œuvre  d'apaisement  et  de  réparation  que 
le  roi  devait  tenter  plus  tard,  compromit  sa  santé,  et  laissa  pendant  6  ans  la 
France  abandonnée  à  la  main  souvent  trop  dure  de  la  reine-mère.  Pour  prouver 
que  la  croisade  n'était  plus  dans  les  idées  du  temps,  nous  citerons  Joinville,  la. 
chronique  de  Reims  (p.  244),  les  résistances  du  clergé  qui  seul  retirait  quelques 
avantages  de  pareilles  aventures  et  qui  refusait  énergiquement  d'y  contribuer 
pécuniairement.  Enfin  rappelons  la  composition  de  ces  armées  de  croisés,  qui) 
comptaient  tant  d'aventuriers  et  de  débiteurs  récalcitrants,  heureux  de  saisir  cette 
occasion  de  se  débarrasser  de  leurs  créanciers. 

P.  223  et  suivantes.  Nous  serions  curieux  de  savoir  de  laquelle  de  ses  vertus- 
chrétiennes  s'inspira  saint  Louis  dans  l'affaire  du  mariage  du  comte  de  Toulouse  ? 
A  tout  prendre,  Raimond  VII  avait  bien  le  droit  de  se  marier,  et  saint  Louis,  en 
entravant  ses  projets  d'union  avec  Béatrix  de  Provence,  obéit  apparemment 
plutôt  à  des  vues  de  politique  qu'à  un  sentiment  de  charité. 

P.  228.  Parlant  de  la  réforme  du  cathoHcisme,  tentée  au  13°  siècle  par  les 
ordres  mendiants,  M.  W.  hasarde  l'expression  de  pauvreté  évangélique.  Le  mot 
est  mal  choisi;  car  pour  avoir  renoncé  en  principe  à  la  propriété  individuelle, 
ces  ordres  ne  nous  paraissent  point  avoir  dédaigné  la  propriété  collective.  Il  n'y 
eut  jamais  de  plus  beaux  couvents  que  ceux  des  dominicains,  de  maisons  plus 


414  ''^^'  REVUE   CRITIQUE 'p'î'2IH*a 

richement  dotées  que  celles  des  carmes  ou  des  frères  mineurs;  nous  citerons 
notamment  les  couvents  de  Montpellier,  de  Toulouse,  de  Paris  et  tant  d'autres, 
dont  beaucoup  sont  restés  comme  preuves  du  bon  goût  et  de  l'opulence  de  leurs 
habitants. 

P.  269  et  suivantes.  Si  pendant  toute  la  croisade,  le  roi  déploie  toutes  les 
vertus,  et  unit  au  plus  grand  courage  la  charité  la  plus  ardente,  l'héroïsme  le 
plus  admirable,  il  faut  reconnaître  qu'il  n'y  déploya  les  qualités  ni  d'un  grand 
capitaine,  ni  d'un  grand  politique.  Ce  séjour  prolongé  à  Chypre,  ces  retards  à 
Damiette,  cette  marche  inopportune  sur  le  Caire,  tout  prouve  qu'il  n'était  pas  fait 
pour  diriger  à  lui  seul  une  aussi  difficile  expédition. 

Le  tableau  de  l'administration  de  saint  Louis,  qui  remplit  une  bonne  partie 
du  second  volume  de  M.  W.,  est  moins  une  étude  sur  le  règne  de  ce  prince 
qu'un  aperçu  sommaire  des  institutions  politiques  et  judiciaires  de  la  France 
depuis  Philippe  Auguste  jusqu'à  Philippe  le  Bel.  Nous  avons  déjà  fait  remarquer 
que  cela  tient  à  la  nature  des  ouvrages  de  première  main  employés  par  M.  W.  ; 
nous  n'avons  pas  du  reste  à  étudier  ici  cette  partie  de  l'ouvrage  ;  elle  fera  ailleurs 
l'objet  d'un  article  spécial.  Remarquons  seulement  qu'il  est  regrettable,  même  en 
adoptant  les  idées  de  M.  W.,  qu'il  n'ait  pas  pu  étudier  le  gouvernement  de  saint 
Louis  à  ce  point  de  vue;  il  y  aurait  trouvé  des  sujet  d'admiration  plus  nombreux 
et  souvent  plus  réels.  Une  autre  partie  du  même  volume  est  occupée  par  un  long 
tableau  des  arts,  des  sciences  et  des  lettres  à  l'époque  de  saint  Louis.  C'est  un 
résumé  généralement  exact  des  ouvrages  les  plus  autorisés  sur  la  matière  ;  le 
chapitre  sur  les  arts  est  de  beaucoup  le  meilleur,  à  cause  de  l'état  même  des 
études  historiques,  rien  de  véritablement  définitif  n'ayant  encore  été  écrit  sur  la 
littérature  de  cette  époque  prise  en  général. 

P.  424  et  suivantes,  M.  W.  à  propos  du  traité  de  1259  oublie  de  mentionner 
parmi  ses  causes  l'influence  de  Marguerite  de  Provence.  Ce  rôle  de  la  reine  a 
été  cependant  mis  en  lumière  par  lui  à  propos  des  luttes  entre  Henri  111  et  les 
barons  anglais.  Ne  peut-on  supposer  raisonnablement  qu'elle  ait  poussé  saint 
Louis  à  cette  restitution  si  peu  politique,  en  la  lui  présentant  comme  un  devoir 
de  conscience.  Le  rôle  joué  par  Marguerite  dans  les  dernières  années  du  règne 
de  son  mari  est  de  plus  en  plus  grand,  elle  se  prépare  à  obtenir  après  sa  mort 
le  même  pouvoir  que  sa  belle-mère  Blanche,  fait  prêter  à  son  fils  Philippe  un 
serment  que  le  pape  est  obligé  de  rompre  comme  indiscret  et  excessif,  et  cherche 
de  tous  les  côtés  des  appuis  au  dehors. 

Outre  la  reine  Marguerite,  saint  Louis  avait  alors  un  conseiller  plus  dangereux 
et  plus  violent;  c'était  son  frère,  Charles  d'Anjou,  le  conquérant  de  Naples  et  de 
la  Sicile.  C'est  lui  qui,  réveillant  malgré  les  efforts  du  pape  le  désir  de  saint 
Louis  de  faire  une  nouvelle  croisade,  l'entraîne  à  Tunis,  pour  assurer  à  la  cou- 
ronne de  Sicile  la  continuation  du  tribut  dont  le  souverain  musulman  s'était  pré- 
tendu affranchi.  Tout  le  monde  désapprouvait  cette  expédition,  qui  même  victo- 
rieuse n'aurait  pas  hâté  d'un  seul  jour  la  délivrance  de  la  Palestine;  la  noblesse 
répugnait  à  partir,  Joinville  refusa  nettement,  et  le  roi  dut  enrôler  des  chevaliers 
pauvres  et  user  de  toute  son  influence  auprès  des  grands  pour  en  entraîner 
quelques-uns   dans  cette  aventure.  Celui  pour  lequel  se  faisait  la  croisade 


d'histoire  et  de  littérature.  415 

y  prit  lui-même  la  moindre  part;  Charles  d'Anjou  arriva  si  tard  et  montra  si 
peu  de  désir  de  venger  son  frère,  il  veilla  de  si  près  à  ses  intérêts  personnels 
lors  de  la  conclusion  du  traité,  que  les  soupçons  les  plus  graves  ont  pu  planer 
sur  lui,  soupçons  faux  certainement,  mais  qui  n'en  avaient  pas  moins  pour  eux 
une  certaine  vraisemblance. 

Nous  terminerons  ici  cet  article  long,  trop  long  peut-être  ;  la  plupart  des  défauts 
que  nous  avons  eu  à  reprocher  à  l'ouvrage  de  M.  Wallon  tiennent  à  la  précipitation 
avec  laquelle  a  été  rédigé  son  livre;  l'auteur  n'a  pu  contrôler  les  affirmations  des 
ouvrages  de  seconde  main  qu'il  employait;  aussi  son  histoire  est-elle  souvent 
confuse,  monotone  et  aussi  difficile  à  lire  qu'un  ouvrage  d'érudition,  dont  elle 
n'a  ni  l'exactitude,  ni  l'intérêt  spécial.  A.  Molinier. 


I 


SOCIÉTÉS  SAVANTES. 

ACADÉMIE    DES   INSCRIPTIONS    ET    BELLES-LETTRES'. 

Séance  du  17  décembre  1875. 
/M.  Heuzey  lit  la  suite  de  son  mémoire  sur  la  ville  de  Dyrrhachium.  —  Il 
achève  d'étudier  ce  qui  concerne  la  ville  de  Dyrrhachium  dans  l'antiquité.  Il 
rappelle  qu'Auguste  en  fit  une  colonie  romaine.  Puis  il  recherche  quel  devait  être 
l'état  des  fortifications  de  Dyrrhachium  pendant  la  période  antique,  et  s'attache 
à'  concilier  et  à  interpréter  les  témoignages  peu  explicites  que  nous  ont  laissés 
sur  ce  sujet  les  anciens.  —  Ensuite  M.  Heuzey  indique  quelques  monuments 
anciens  découverts  par  lui  à  Dyrrhachium  ou  dans  les  environs.  Il  signale  parti- 
culièrement une  inscription  dédiée  à  un  personnage  qui  porte  pour  cognomen  le 
nom  d'Epidamnus,  qui  avait  été  autrefois  le  nom  de  la  ville  même. 

M.  Alexandre  Bertrand  commence  la  lecture  d'un  Mémoire  sur  la  valeur  des 
expressions  Kzk-zoi  et  TaXàiai,  K£XTr/,Yj  et  TaXaiia  dans  Polybe.  —  M.  Bertrand 
a  déjà  présenté  à  l'académie  un  mémoire  destiné  à  établir  que  les  termes  de 
Celtes  d'une  part  et  de  Gaulois  ou  Galates  de  l'autre  ne  doivent  point  être  con- 
sidérés comme  synonymes,  et  que  c'étaient,  pour  la  plupart  des  auteurs  anciens 
et  notamment  pour  Polybe,  les  noms  de  deux  peuples  différents.  Cette  conclu- 
sion a  été  combattue  par  M.  d'Arbois  de  Jubainville,  correspondant  de  l'aca- 

I .  Supplément  au  compte-rendu  de  la  séance  du  i  o  décembre  1875.  —  Ouvrages  présentés 
de  la  part  des  auteurs  :  —  par  M.  de'Saulcy  :  G.  Maspero,  Mémoire  sur  quelques 
papyrus  du  Louvre,  in -4*;  —  par  M.  Ad.  Régnier:  Emile  Picot,  Bibliographie 
cornélienne;  —  par  M.  Miller  :  Les  exploits  de  Digénis  Akritas,  épopée  byzantine 
du  dixième  siècle,  publiée  pour  la  première  fois  d'après  le  manuscrit  unique  de  Tré- 
bizonde,  par  C.  Sathas  et  Ém.  Legrand,  Paris,  in-8*  (depuis  cette  publication  un 
autre  ms.  a  été  trouvé;  une  nouvelle  édition  est  en  préparation) ,  et  plusieurs  poèmes 
grecs  publiés  par  M.  Ém.  Legrand  :  Les  oracles  de  Léon  le  Sage,  La  bataille  de  Varna, 
La  prise  de  Constantinople  en  1453  ;' —  par  M.  Egger  :  SAPIIÏOAOS,  IIpaytiaTEta  toù 
auvTaytxaTixovi  ôixaiou  (traité  de  droit  constitutionnel),  2' édition,  t.  2,  3,  4,  5,  Athènes, 
in-S»;  —  par  M.  Hauréau  :  Négociations  diplomatiques  de  la  France  avec  la  Toscane, 
publiées  par  Abel  Desjardins,  t.  5  (i  589-1610),  impr.  nationale,  in-4*; — par  M.  Pavet 
de  Courtedle:  les  ouvrages  suivants  de  M.  de  Ujfalvy  :  Éléments  de  grammaire  magyare; 
Essai  de  grammaire  de  la  langue  vespe  ou  tchoude  du  nord  ;  Principes  de  phonétique 
dans  la  langue  finnoise,  suivis  d'un  essai  de  traduction  du  Kalevala;  —  par  M.  de  Long' 
périer  :  A.  de  Caix  de  S.  Aymour,  Musée  archéologique,  2'  fascicule. 


41 6  REVUE   CRITIQUE    D'hISTOIRE    ET    DE    LITTÉRATURE. 

demie,  qui  a  soutenu  que  Polybe  et  les  autres  auteurs  ne  faisaient  pas  de  diffé- 
rence entre  ces  noms,  qu'ils  les  employaient  indifféremment  l'un  ou  l'autre. 
M.  Bertrand  répond  aujourd'hui  à  cette  assertion.  Il  commence  par  faire  remar- 
quer que,  selon  M.  d'Arbois  de  Jubainville  lui-même,  le  nom  des  Celtes  et  celui 
des  Gaulois  ou  Galates  n'ont  point  la  même  étymologie,  et  qu'ils  n'apparaissent 
pas  dans  l'histoire  à  la  même  époque.  Le  terme  de  Celtes,  Ksatci,  est  le  plus 
ancien;  celui  de  raXaiai  ne  se  rencontre  presque  dans  aucun  auteur  avant 
Polybe.  M.  Bertrand  cite  ensuite  divers  textes  d'où  il  résulte  que  chez  les  anciens 
on  croyait  nécessaire  de  distinguer  entre  ces  deux  noms,  quoiqu'on  n'en  sût  pas 
toujours  exactement  la  différence.  Ainsi  Diodore  de  Sicile  dit  que  les  Celtes 
habitent  la  région  comprise  entre  les  Alpes  et  les  Pyrénées ,  et  les  Gaulois  plus 
au  nord  et  dans  la  forêt  Hercynienne,  mais  que  les  Romains  confondent  les  uns 
et  les  autres  sous  le  nom  de  Gaulois  (raXâiaç;  Diod.  $.  32).  Cette  confusion, 
selon  M.  Bertrand,  vient  de  ce  que  les  Gaulois  auraient  envahi  la  Cisalpine  pri- 
mitivement habitée  par  les  Celtes,  puis  ils  se  seraient  mêlés  à  ceux-ci,  et  leurs 
troupes  réunies  auraient  formé  les  armées  qui  envahirent  l'Italie  à  plusieurs 
reprises.  Les  Romains,  qui  apprirent  surtout  par  ces  invasions  à  connaître  les 
Celtes  et  les  Gaulois,  furent  naturellement  portés  à  confondre  les  deux  peuples 
qui  s'étaient  unis  pour  les  combattre.  —  Après  ces  observations  préliminaires, 
M.  Bertrand  passe  à  l'examen  du  texte  de  Polybe,  qui  doit  lui  fournir  la  confir- 
mation de  sa  théorie.  Il  commence  par  montrer  que  si  dans  le  texte  entier  de 
Polybe  les  deux  mots  KeX-zoi  et  TcCkoLicn  se  rencontrent  à  peu  près  le  même 
nombre  de  fois,  ils  sont  fort  inégalement  distribués  entre  les  divers  livres  :  dans 
les  trois  premiers  on  trouve  bien  plus  souvent  KsXxoi,  dans  les  suivants  presque 
uniquement  TaXaTai,  et  jamais  ces  deux  mots  ne  se  rencontrent  à  la  fois  dans 
le  même  chapitre.  Déjà  donc  a  priori  il  est  peu  probable  que  ces  deux  noms 
fussent  termes  synonymes  et  qu'on  pût  les  employer  indifféremment  l'un  pour 
l'autre.  C'est  ce  que  M.  Bertrand  se  propose  de  démontrer  plus  directement 
dans  la  suite  de  son  mémoire.  —  L'académie  se  forme  en  comité  secret. 

Ouvrages  déposés  :  —  A.  Allmer  et  A.  de  Terrebasse,  Inscriptions  antiques  et  du 
moyen-âge  de  Vienne  en.Dauphiné,  5  vol.  in-8°;  —  G.  d'EspiNAV,  Notices  archéolo- 
giques, et  Les  enceintes  d'Angers,  2  vol.  in-8',  Angers;  —  G.  Tourdes,  Origines  de 
l'enseignement  médical  en  Lorraine,  la  faculté  de  médecine  de  Pont-à-Mousson  (1572- 
1768),  gr.  in-8°.  —  Ouvrages  présentés  de  la  part  des  auteurs  :  —  par  M.  de  Wailly  : 
H.  Wallon,  Jeanne  d'Arc,  nouvelle  édition,  illustrée,  Paris,  Didot,  gr.  in-40;  —  par 
M.  P.  Paris  :  Romans  de  la  table  ronde,  t.  4;  — par  M.  Renan  :  1°  Amari,  Recueil  des 
inscriptions  arabes  de  Sicile,  i'  partie;  2'  Ernest  Mercier,  Histoire  de  l'établissement 
des  Arabes  dans  l'Afrique  septentrionale;  —  par  M.  Perrot  :  Ch.  Lucas,  C.  Mucius  et 
les  temples  de  l'Honneur  et  de  la  Vertu  à  Rome.  Julien  Havet. 


Erratum.  N°  47,  p.  324,  n.  4,  effacez  :  de  même  l,  885,  etc.  (c'était  trouvé 
depuis  longtemps  par  Howard  et  Munro).  M.  B. 


Le  propriétaire-gérant  :  F.  VIEWEG. 


Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


I 


LISTE  DES  PRINCIPAUX  ARTICLES     ,._^,^^,^^  ^  .^^  .^ 

CONTENUS    DANS   LES   DEUX   PREMIERS    VOLUMES   DE  LA  REVUE   CELTIQUE 

H.  d'Ardois  de  Jubainville,  correspondant  de  l'Institut  :  Etude  phonétique 
sur  le  breton  de  Vannes,  I,  8$,  211;  Zeuss  et  le  manuscrit  de  Cambrai  de 
l'histoire  ecclésiastique  des  P>ancs,  I,  269;  Influence  de  la  déclmaison  gau- 
loise sur  la  déclinaison  latine  dans  les  documents  latins  de  l'époque  mérovin- 
gienne, I,  320;  Recherches  sur  l'histoire  de  l'article  dans  le  breton  armori- 
cain, II,  204;  Durnacos,  II,  104;  un  /gaulois  valant  dh;  II,  m  ;  le  couteau 
de  bronze  de  Besançon,  II,  112;  le  mystère  des  Trois  Rois  à  Vannes,  II, 
248;  l'accent  gallois,  II,  341  ;  les  noms  propres  francs  et  les  noms  propres 
bretons  duCartulaire  de  Redon,  II,  404;  étymologiedu  nom  de  Chaource,  II, 

Anatole  de  ÊAimiétEMY,  secrétaire  de  la  Commission  de  la  Topographie  des 
Gaules:  De  la  divinité  gauloise  assimilée  à  Dis-Pater  à  l'époque  gallo-romaine, 

I,  1  ;  légendes  des  monnaies  gauloises,  I,  291,  II,  94,  245. 

Bdlliot,  président  delà  Société  Eduenne  :  Un  Ex-voto  de  la  Dea-Bibracte,  1, 306  ; 

II,  21. 

J.-F.  Campbell  :  Fionn's  Enchantment,  a  popular  taie  of  the  Highlands  of 

Scotland,  I,  193. 
D.  Silvan  Evans,  ProfessorofCeltic  Philology  at  the  University  of  Aberystywyth  : 

Attodiad  i  Lyfryddiaeth  y  Cymry,  I,  376;  II,  30,  346. 

H.  Ebel,  professeur  à  l'Université  de  Berlin:  Les  accusatifs  gaulois  en  -as^  II, 
403  ;  observation  sur  le  glossaire  d'O'Davoren,  II,  453. 

Henri  Gaidoz.  Du  prétendu  nom  d'Ile  Sacrée  donné  à  l'Irlande,  II,  351  ;  Pilgri- 
mage  of  an  Hungarian  Nobleman  to  St  Patrick's  Purgatory,  II,  482;  les 
Celtes  et  les  éléphants,  II,  486. 

Louis  Havet  :  ch  breton  armoricain,  II,  217. 

W.  M.  Hennessy,  member  of  the  Royal  Irish  Academy  :  The  Ancient  Irish 
Goddess  of  War,  I,  32;  The  Battleof  Cnucha,  a  médiéval  Irish  Text,  II,  86. 

Eug.  Hucher:  Les  légendes  des  monnaies  gauloises,  II,  94  ;  Durnacos,  II,  104; 
sur  le  médaillon  de  M.  Soldi  représentant  la  Gaule,  II,  121. 

H.  Kern,  professeur  à  l'Université  de  Leyde  :  Nehalennia,II,  10;  Noms  germa- 
niques dans  des  inscriptions  latines  du  Rhin  inférieur,  II,  153. 

Reinhold  Koehler  :  Observations  sur  des  contes  bretons,  I,  132  ;  Sainte  Tryphine 
et  Hirlande,  I,  222.       ,,^^^^, 

Guillaume  Lejean  :  La  poésie  populaire  en  Basse-Bretagne,  II,  44. 

R.-F,  Le  Men,  archiviste  du^Finistère  :  Traditions  et  superstitions  de  la  Basse- 
Bretagne,  I,  226;  Noms  propres  bretons  commençant  par  Ab  ou  Ap^  II,  71. 

LiEBREGHT  :  Le  vraï  nom  de  Gargantua,  I,  136. 

C.  LoTTNER,  professeur  de  sanscrit  à  l'Université  de  Dublin  :  The  Ancient  Irish 
Goddess  of  War,  1,55. 

F. -M.  LuzEL  :  Koadalan,  conte  populaire  breton,  I,  106;  La  femme  du  Soleil, 
conte  populaire  breton,  II,  289;  chansonnettes  bretonnes,  II,  245,  495. 

Max  MuLLER,  Professor  of  Comparative  Philology  at  Oxford  :  TheName  of  the 
Danube,  I,  13$.    -^  j  ^^.,v 

A.-H.  MuRRAY  :  Présent  limits  of  the  Celtic  language  in  Scotland,  II,  178. 

C.  NiGRA,  ministre  d'Italie  à  Paris  :  Un  manuscrit  irlandais  de  Vienne,  I,  $8  ; 
Les  gloses  irlandaises  de  Milan,  I,  60;  les  gloses  irlandaises  du  manuscrit  de 
Berne,  II,  446. 

Georges  Perrot,  membre  de  l'Institut  :  De  la  disparition  de  la  langue  gauloise 
en  Galatie,  I,  17^.  


John  Peter  :  Welsh  Phonology,  I,  203. 

Adolphe  PiGTET  :  La  racine  dru  dans  les  noms  celtiques  des  rivières,  I,  299  ;  De 
quelques  noms  celtiques  de  rivières  qui  se  lient  au  culte  des  eaux,  II,  i  ;  Une 
énigme  d'onomastique  fluviale,  II,  437. 

Ernest  Renan,  membre  de  l'Institut  :  Le  nom  d'Abélard,  I,  265. 

Albert  Réville  :  Un  autel  de  Nehalennia  trouvé  près  de  Dombourg  (Zélande), 
II,  18. 

John  Rhys  :  The  Luxembourg  Folio,  I,  346,  II,  119;  Etymological  Scraps,  II, 
115,  (88;  The  loss  of  Indo-European  P  in  the  Celtic  languages,  II,  321. 

Sauv^  :  Proverbes  et  dictons  de  la  Basse-Bretagne,  I,  243,  400;  II,  78,  218,361. 

Whitley  Stokes,  secretary  to  the  Government  of  India  for  the  Législative 
Department:  Mythological  Notes,  I,  256,  II,  197;  The  manumissions  in  the 
Bodmin  Gospels,  I,  332;  Le  Catholicon  de  J.  Lagadeuc,  I,  395  ;  The  Klos- 
terneuburg  Incantation,  II,  112;  A  middle-Irish  Homily  of  S.  Martin  of 
Tours,  II,  381;  A  conjectural  Emendation  of  Pliny,  II,  407;  The  ancient 
Irish  Goddess  of  War,  II,  489. 

Ch.  Thurot,  membre  de  l'Institut:  Un  opuscule  grammatical  de  Sedulius,  I, 
264. 

Unger,  professeur  à  l'Université  de  Gœttingue  :  La  miniature  irlandaise,  son 
origine  et  son  développement,  I,  9. 

Wattenbagii,  professeur  à  l'Université  de  Berlin  :  Un  évangéliaire  à  miniatures 
d'origine  irlandaise,  I,  27;  Un  autographe  de  Marianus  Scottus,  I,  262. 


SOMMAIRE  DU  PREMIER  NUMÉRO  DU  TOME  III. 

JANVIER    1876. 

I.  L'orographie  de  la  Gaule  à  l'époque  romaine,  par  M.  Ern.  Desjardins, 
membre  de  l'Institut. 

II.  On  the  Celtic  Comparisons  in  Bopp's  Comparative  Grammar,  by  Whitley 
Stokes,  Esq.,  secretary  to  the  Government  of  Inaia. 

III.  Le  Celtique  et  l'Ombrien,  par  M.  H.  d'Arbois  de  Jubainville,  correspon- 
dant de  l'Institut. 

IV.  Le  dialecte  vannetais  de  Sarzeau,  par  M.  Emile  Ernault,  professeur  à 
l'Ecole  Saint-Charles,  à  Saint-Brieuc. 

V.  Proverbes  et  dictons  de  la  Basse-Bretagne  (7»  série,  Les  Mois)  ;  recueillis 
et  traduits  par  M.  L.-F.  Sauvé. 

Mélanges  :  Cornica,  by  Whitley  Stokes  Esq., —  Corrigenda  et  Addenda,  by 
John  Rhys,  Esq.,  late  feilow  of  Merton  Collège  (Oxford). 

Bfbliographie  :  O'Curry  and  "Sullivan  :  On  the  Manners  and  Customs  of 
the  Ancient  Irish  (W.  S.).  —  Beauvois  :  La  découverte  de  l'Amérique  par  les 
Irlandais  (H.  G.).  —  The  book  ofFenagh,  éd.  by  Kelly  andHennessy  (H.  G.). 
—  Transactions  of  the  Gaelic  Society  o{  Inverness  (H.  G.).  —  Brueyre  :  Contes 
populaires  de  la  Grande-Bretagne  (H.  G.).  —  G.  Perrot  :  Mélanges  d'ar- 
chéologie, d'épigraphie  et  d'histoire  (H.  G.)  —  Le  Men  :  Etudes  archéologi- 
ques sur  le  Finistère  (H.  G.).  —  Bulliot  et  de  Fontenay  :  L'art  de  l'émaillerie 
chez  les  Eduens  avant  l'ère  chrétienne.  —  Kerslake  :  The  Celt  and  the  Teuton 
in  Exeter;  Saint-Ewen,  Bristol  and  the  Welsh  Border. 

Reyue  des  périodiques. 

Nécrologie  :  MM.  Ebel,  Evander  W.  Evans,  O'Beirne  Crowe. 

Chronique,  par  M.  H.  Gaidoz. 

Imprimerie  Gouverneur,  G.  Daupeley  à  Nogent-le-Rotrou. 


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