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REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION DE
MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
NEUVIÈME ANNÉE
DEUXIÈME SEMESTRE.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
RUE RICHELIEU, 67
1875
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ANNEE 1875
TABLE DU DEUXIÈME SEMESTRE
Art. Pages
Académie des inscriptions et belles-lettres. Voy. Sociétés savantes.
Agenais. Voy. Tamizey de Larroque.
Aidions. Voy. Boos.
Allemand (Vieux haut-). Voy. Hahn.
Allemandes (Guide dans les Archives). Voy. Burkhardt.
Allemands (Revue des dialectes). Voy. Variétés.
Amérique (Découverte de T) par les Buddhistes. Voy. Leland.
Anabase. Voy. Xénophon.
Analecta Terentiana. Voy. Umpfenbach.
Ancien Testament. Voy. Kuenen.
Ancona (D'). Voy. Chants.
Andrée, Géographie du commerce universel (H. Gaidoz) 137 12
Anglaises (Légendes) du moyen-âge. Voy. Horstmann.
Annales Bertiniennes. Voy. Girgensohn.
Anthologie d'Horace. Voy. Loiseleur.
Arbres (Culte des) chez les Germains. Voy. Mannhardt.
Archives allemandes (Guide dans les). Voy. Burkhardt.
AssÉZAT. Voy. Œuvres complètes de Diderot.
Athènes (L'ancienne). Voy. Wachsmuth.
Attiques (Inscriptions) du Musée Britannique. Voy. Inscriptions.
Autrichienne (Politique) pendant la Révolution française. Voy. Docu-
ments.
AvoLio. Voy. Chants.
Ayer, Phonologie de la langue française; Scheler, Exposé des lois
qui régissent la transformation française des mots latins (A. Dar-
mesteter) 205 262
yj TABLE DES MATIERES.
Art. Pages
BATAiLtARD (BPfP^^^^^rrespondanœii^ 'àonom d db srrlqoaoliriq bJ .laMOiAHp
Baumgarten. Voy. Schmidt (J.). '..t.r>^iiO\-iaVjomWr.YoV .•40ujO'--îmahD
Beal, La Légende de Sâkya Buddha. . . '/.a .q ,?n3bhoVl ^mi^lucp^mt^^
Becclde FouQiTiÈRES, Documents îiouveaux suF André Chénicr ssixiODi^Dj -+27
Begemann, Le Prétérit faible des langues germaniques (C. J.) v /I 3:54 "^ 9
Benecke, Dictionnaire de Vlwein de Hartmann, p. p. Wilken(^*')*-A;I 57 8ï
Bersot. Voy. Saint Marc Girardin. upnoma '^jnomuoou sbxïodO ^^îauAvaHD
Bertiniennes (Annales). Voy. GiROENSOttW; ^ '^ " ■ - •■(A àh i-^iicoiili ah xjoj\0
Bibliographie géographique de la Palestine. Voy. Tobler. m'ih uV^ Vu\ti;imoti^^\\0
— des historiens et érudits de la Suisse. Voy. Mûlinen. l) iMXîx^iWa'^AO
BiRCH, L'Egypte depuis les temps les plus reculés jusqu'en ^ooiav^fa :iJi^sno-\i\0
J.-C. (G. Maspero) '\\. 1^)1^7—241
Bluhme, La langue des Lombards (C. J.) .1 ^i4âGLiA45
Erratum ,.....•..,,.:. . ././...., O-T/iOMiiaSD
BocKEMÛLLER. Voy. LUCRÈCE. . . (ioiuflT asherO) M ^£ jESJnEhfiV jTsaoD
Bohémiens. Voy. Correspondance. .HOH^iOîàX .voV —
Boos, Les Lites et les Aidions (Julien H avet). . . . . . . "i .^ . vîtoi^^m^SRi
Bordelais (l'Administration anglaise et le mouvement communal dans au ^•^•^^itwuv. ^
le). Voy. Brissaud. oD
BoswoRTH Smith, Mahomet et le Mahométisme (Cl. Huart). ..-,..., 14J ,.. rj^
Bouché-Leclerccl, Giacomo Leopardi (g. P.). ..iûî2îl;l).îiï\Vi5;i\ûr\0î!iîsavir4$
Boucher, William Cowper (***) .!..{.} -.q^îliiûno^l b^j\n.<5C7
BraUNE. Voy. HaHN. ' ./rr-,Hr;rf ^-Viln'i-rr,- —
Brissaud, l'Administration anglaise et le mouvement communal -oO
dans le Bordelais (T. de L.) 237 377
Brunet.^ Voy. Mémoires-journaux.
Buddha. Voy. Beal.
Buddhisîes (Découverte de l'Amérique par les). Voy. Leland.
BuRKHARDT, Guidc dans les Archives allemandes ......... 209 277
Burnell, Éléments de Paléographie indienne (A. Barth) .... - ,o\i69nutjT)3
— Suite et fin ^ùj2 :^L . . . 175 12^
.voV /f .0
Caix de Saint- Aymour (De), Études sur quelques monuments mé- ,_
galithiques de la vallée de l'Oise (Y.) . . . 135 ' J o
Calderon, El Mdgico prodigioso , p. p. Magnabal (Alfred Morel- / , .',-\
l'atio) éuhThrfim^'^^ '^^
— Voy. Correspondance. " i* ,,
C<2/2om^ue (Littérature). Voy. Schulte. ,.;, ,^ ,, .
Carrière. Voy. Kuenen. '~
Casaubon (Isaac). Voy. Pattison.
Cassel, Les combats contre des lions .^/tiib^^mcmJooe)1^^r^
Catalogue des Mss. de la bibliothèque de Tours. Voy. Dorange.
Chabouillet, Notice sur une médaille inédite de Ronsard paf;
Jacques Pfimavera (C. de la Berge) -449;^^)%^ 57
TABLE DES MATIÈRES. Vlj
.if,^ '•- Art. Pages
Chaignet, La philosophie de la science du langage (A. Darmesteter). 240 401
Champollion. Voy. Mémoires-journaux. .nîAOf^UAa
C/zd/2r5 populaires Noticiens, p. p. Avolio (Th. de Puymaigre) ., . ii^i 91^
^4- ^contes populaires italiens, p. p. Comparetti et D'ANCOHA,r.;^ -;
(Th. de Puymaigre) 19$ 210
Chénier (André). Voy. Becq_de Fouquières.
Chevalier, Choix de Documents historiques inédits sur le Dauphiné. 201 2^2
Choix de discours de Lysias, p. p. Frohberger (Charles Graux) . . 190 180
Chresîomatliie du vieux haut- allemand. Voy. Braune.
Chrétiennes (Mosaïques) de Rome. Voy. Rossi.
Chronicjue àe Flersheim, p. p. V^alzÇK.). :^?j[j;;;.j;2^
— du L/W fi/^/zc. Voy. Vaucher. .^ -^ 7
Claudien, VEnlèvement de Proserpine, p. p. Jeep (Max Bonnet). .153 $
Clermont-G ANNEAU. Voy. Variétés.
Cobet, Variantes, 2*' éd. (Charles Thurot) . ............. 153 70
— Voy. XÉNOPHON. .^:^f\XiVmQ^'3!^^io':)
Combats contre des lions. Voy. Cassel. ' '"^
Commerce universel (Géographie du). Voy. Andrée.
Comparetti. Voy. Chants.
Comtes et Vicomtes de Limoges. Voy. Lasteyrie.
<Constantinopolitana (Historia), Voy. Gunther.
Contes de Perrault, p. p. Lefèvre (G. P.) 234 363
— populaires italiens. Voy. Chants.
Correspondance : Lettre de M. T. de L 46
' — Sur les Origines des Bohémiens ou Tsiganes, avec
l'explication du nom Tsigane (Paul Bataillard)^ / . , 1 98
— Suite '.'^^Yj: 213
— Suite et fin. aU"îjwoj. .... 228
r-- i-rxj^ Lettre de M. Magnabal . . . . . v-'.-': i-;..; -,^78
Cours historique de langue française. Voy. Marty-Laveaux. ^jj.'ïm.huÔ
Courtozé (Prieuré de) et ses peintures murales. Voy. Rochambeau,
Cowper (William). Voy. Boucher.
^ox, Histoire de la Grèce (G. ï'ërr^t)^^j^?^fL;i^^
èreuse (Histoire de la Révolution dans '
.Crm^uç5. Voy. Maiorescu. ' ' '^ ^'^
— ' ' (Remarques). Voy. Dobree.
Culte des Arbres chez les Germains. Voy. Mannhardt.
Curtius. Voy. Études de grammaire grecque et latine.
..■1 Ci ,W..:.i :Ùu)in '■,;.;. .,\/v U
..>. ,w...v.^.J
DaLL' ONGARO. Voy. GUBERNATIS. .'l,(vv ....
Dauphiné (Documents inédits sur le). Voy. CHEVkiltiWP 2lBdmoD.83Ja^ija2EAD
Découverte de l'Amérique par les Buddhistes. Voy. Leland. ■' -'^■'^-'^'^ ^-'
Despois, Poésies françaises, latines et grecques, p. j>. DHit!^BRΧ- ■ -^
(GÇ4^.) .•■^^^l'^'I ^'^ ?^. •?\f^Py^.'Tfb>] 8î1^^^
^jj TABLE DES MATIÈRES.
,,;,gq ^^^ Art. Pages
Dezeimeris. Vop DBSP01SP eisimsiq 29b lusîEîimi 3Dn9ièT.^(.A-.a; ;
Dialectes BWemsinds (Revue des). Voj. Variétés.. ... ..,,.;.., . .^.i^;
— grecs. Voy. Dufour. n^V/ .yoV .(sb aupin^riD) «\mteV\
Dictionnaire biographique et bibliographique des historiens et éruditsns. zîs\sm^Rf ^
l.'y ^( i de la Suisse. Voy. Mûlinen. - ■. w. «^:..y,.<..;
— de l'Iwein de Hartmann. Voy. BENECKEJ-iDnfi ns/ a^îxai
Diderot, Voy. Œuvres complètes, .\o'J .^un-j^nï^l ^b aupr )) ^uû:iAîiï»\
Diplomatique (Histoire) de la guerre Irancè-aHemande';^ Voy. Sorel* ') —
Dobree, Remarques critiques, p. p. Wagner (Charles Thurot). '';ÔQi)^i©Xi:)î^^
— Voy. Variétés. ' ^'^
Documg/z/^ pour l'histoire du droit germanique. Voy. Mo/2umé/2f5. , ■'^'^
— pour servir à l'histoire de la politique autrichienne pendant -lï^Q .yaV
la Révolution française, p. p. De Vivenot, De Vive- -^'^
NOT, Genèse du second partage de la Pologne (Albert /^''i
Sorel) 141 24
-^ sur<îùl^i8^sar^âcalîgèf^tsyMrnîne?P?^'?mêi:W^^ < ;;'^
?%fémèi7) . . . . . . . . . . . . .. . . . •. . . \ . . \ . \ . . ' i^-^s
Errata . . i^'^J ;^.^ !<^.' j î^nûfil,9tJ^nBJ elab. 3;iiBcnm£i^ sliavijo
Dœbner, Histoire des négociations de 1 32 5 entre Louis ÏV- de Ba- • OP'^^^'iT
vièu-e et Frédéric le Beau d'Autriche (R.) :'v'^'j^,'\^hM^^^
Dorange, Catalogue des Mss. de la bibliothèque de Tô\iVs''(:P:'%.-)C'^'^2-iig-^'-jfî^
DoWden V Shakspere (PaurStàpfer) . . . . .^'1 ^k no^LjliôiA ^^lu^^^vrj^p)
DR.EGER, Syntaxe historique de la langue latiiteV^'tfi'^f.^-^^pVtîe^^'^ ^*^^'i^"^^^^^^
(Charles Thurot) . . :^^^ . 'X^J ^m^^^!:^ A^^ i . . . . .^^^Q ^^l^fÀ^-a«^
Drame musical. Voy. SchUR^.'"^^'^^^ '^^^(j^ ssrio z...... ... eojIuD) inu.miyO
Droit germanique. Voy. Monumenîé?'^^^^ -YoV .(asupibiiuj aJnaraunoM) -
DuFOUR, Les Dialectes grecs (Charles Graux) . ..9'^HaHqMiV/..xoV,^RîY;^
DuvAL, Introduction à l'histoire de la Révolutic^'^dlliis^îa^iiéë*^^- —
(H.Lot) -n'¥WH-iq".-V^9'^^0^^»s^
:.iDaiJ .T^oV .(a3Li§fifil 23{ ansb slqÎBVliiijJ^'iq sJ) liiiYinijratâO
Egypte (Histoire d'), Voy.BiRûanaininsa aaknnA 23! J9 sofiâbu-i^ ^HHoa^dOiiiO
Ehlers, Des énigmes des GreâsboD 2J0cyK2 23j ,(aQ)35iAJQJivijM-r.52r'iai9^
Engel. Voy. Pièces allemandes. ,..............'.... .(aiul
Enigmes des Grecs. Voy. '^)\L^KS. . , . , . .^uxû'î «jd lil nsionsU ,(30) aiaoO
Enlèvement de Proserpine. Voy. Claudien. *aJMHD2 ."^oV .aaïaîO
Ëpître aux Romains. Voy. Saint PaiîmthaO .^{oV .^rni^i augnai ^ oîf aViRmraïnD
Esthétique. Voy. Schmidt (J.). .4HaH .voV .bmirnoIk-JUBd xudîv.ub —
Etudes de grammaire grecque et latine, p. p. GuRTiUs.^ti;iVl;„.(ad^DciS —
(Charles Thurot) . . r»'i250 — 355
Ewald, Grammaire hébraïque, 4^ éd. (Philippe Berger). . ,,.....;(' 176—134
Erratum /i^/jvmiM\yûV -si. 240
,xo3 .^ûV .(fil ab bia >.:.'; y ;i:jTO
Feret, Henri IV et l'Église catholique Xïi*.^^;)/ -hupmm ^mioiMî^his^l^
Fischer (H,), Les travaux sur les Nibelungen depuis Lachman^,fnfn.til1^5 io3
TABLE DES MATIÈRES. ix.
. ,; Art. Pages
Fischer (L.-A.), Térence imitateur des premiers comiques latins .^msunsiCl
(T.) iy iLcwnolio8al:>47É\
Flerskeim (Chronique de). Voy. Walz. .voV .p-osig —
Fragments en vieil allemand du traité d'Isidore de Séville De fidel ';>'\ji>î\nQmiU
catholica contra Judsos, p. p. Weinhold (C. J.). . . . 1 54 74
— et textes en ancien latin. Voy. Wordsworth.
Française (Cours historique de langue). Voy. Marty-Laveaux.
— (Phonologie de la langue). Voy. Ayer.
Françaises (Poésies) de Despois. Voy. Despois. .1
Frank. Voy. Marguerite. '.v.v'^ .i^oV —
Frédéric (le Beau). Ses négociations avec ^ouis^JV de BaviÔreyoq i\j\amu;>oa
Voy. Dœbner. 0'. ovo: v luoq —
Frison (Lexique). Voy. Halbertsma. ncil noiîulovèH bI
Frommann. Voy. Variétés. ^ "*• ^^n^î) ,TOvr
. (l9102
Galien, Opuscule sur les médecins, p. p. Mueller, 2®édr (Glia^Jf^^og
Thurot) ; . . ^tî^mS
Gantrelle, Nouvelle grammaire de la langue latine, 10' éd. (Ch. ^jutT'^î
Thurot) i-ôB.«H©a*iî>o*^tflf8t^r,' • 239 394
Geldner. Voy. //^'/n/zw. , . , ..i) srioiimA^b tiBoOsI on..... . .,- ....,
Gengler. Voy. Monuments, [j suwdioMéél^M^iA zsbmnôkt^O i^omnod
Gentili, Sur la fabrication des tapisseries (Eug. Mûntz) ..... \2%uv^j
Géographie du commerce universel. Woy. AiiDREE. ..,..,.i ^i'AOshaQ
Géographique (Bibliographie) de la Palestine. Voy. Tobler. mj^j. zeh^dD)
Germains (Cultes des Arbres chez les). Voy. Mannhardt. , àmji-\ç\
— (Monuments juridiques). Voy. Gengler. .....y \io"\C\
Germania. Voy. Wimpheling. ,„e^o gâheriD) «oai^ gaîDelBiQ 2>J ^i\m'\\}Q
— nova. Voy. Murner. ,^ij^i ^i ^5 aiioîèiriM i nerJoiiboUnl .javuG
Germam^u^ (Droit). Voy. Monuments. ' ;..... /' . .(loA .V^
Germaniques (Le prétérit faible dans les langues). Voy. Begemann.
Girgensohn, Prudence et les Annales Bertiniennes '.vM.-ifSy )u|66i
Godefroy-Ménilglaize (De); Les savants Godefroy (Léonce Cioi»-/i?0 ,^«3jhH
ture) :^w;i^S. .Yacr6..ia26^
Goeje (De), L'ancien lit de l'Oxus •. >i.i.drw'i..Aoy' -i^àiû îiSiij\vi4^
Gœthe. Voy. Schmidt. ksiquaj^ .yoV .^ni^i^zoïS. ab lî^smsvj^jln^
Grammaire de la langue latine. Voy. Gantrelle. '. .pV .mvsiîîioH xiii>ô-^%H
— du vieux haut-allemand. Voy. Hahn. -.-•••/.!•>> .r.-y .'jui^î\3i\u^5.
— grecque et latine. Voy. Études. ^:^^h î%^u\j\
:i\ — ur hébraïque. Voy. Ewald. aohsdvO)
' 1 — ~ mexicaine. Voy. Olmos. îO ^ojav/jI
— pâlie. Voy. Minayef. mutena
Grèce (Histoire de la). Voy. Cox.
Grfc^ue (Ancienne musique). Voy. Ruelle. . . '.-ï^Vlhj:.
— (Grammaire). Voy. Études. ^'^^^^'^'^^^'^ 2'ji 1U2 xufivsir ^^J t(. H) Si^mzi^.
•■x iMWëts^'4^kTiMÈi.
io^ù'l jîA . . . , Art. Pages
?8Ç— ^^çphilosophie). Voy. Walter. ,...,, ,ntt id ohu'd —
Grecques (Poésies) de Despois. Voy. Despois.
Grecs (Dialectes). Voy. Dufour. -^^rm^iuH .^^7 .(siriqB^gc^Bq) m^ii.î.1
i<^_ "(ÉTiigmes des)i Voy. EHilETià;^ ,:)is|^mnîiina tiazuM iih i3ii^mïi:ij\oiîqi'î:)is\\
GuBERNATis (De), Dali' Ongaro . . . . ■î-n^^Vâi^^? /t^^^ ^
Guerre de Cent ans (Histoire du Sentiment national en Francë^)>érâiftit''^<^'^' -■' • '''^
la). Voy. GuiBAL.
— franco-allemande. Voy. Sorel. . .^i.i:.ijAa.j ./o/ .Maai
GUIBAL, Histoire du Sentiment natiotiS ëi^vM^ëfmMM^I^ v^^^y\^
de Cent ans (Siméon Luce) '^^^ -X^^^ 't^P^^h
GuNTHER, Historia Consîanùnopoliîana, p. p. le comte Riant (G. P.). 159 85
GUYARD. Voy. MiNAYEF. , "-^--^^'^H .voV .^i^^K
Hahn, Grammaire du vieux haut-allemand, p. p. JEiTTELfesp^J^/.;.! jU tHifj:^
Braune, Chrestomathie de vieux haut-allemand. (C Jv)^. .liJ/i 'ù'hat'ài^/^'^À^
HalbeRtsm A, -Lexique Frison . .. .. .. .......*., v^ri^^. .,..^ ., ./.. .. (.%60)i03
Halphen. YojiMemoiresr-journaux?--'^''^^h'{oz?>m sîzer cb p^^n'-ho eijJ ^/rdVi'du-j{
Hanoteau et Letourneux, La Kabylie-et les coutumes kabytesAD .q .lî
(G. Maspero) .:V.y'aM-.x;oY&9îH[i^8
Hartmann. Voy. Benecke.
Hébraïque (Grammaire). Voy. Ewald. .(.H) ;ï3HD2i'^' .^oV .whamhdaJ
Henri IV et l'Église catholique. Voy. Feret. . 'i\j>'A-\iio\-'i5^\csubU .^oV .xiohoaJ
Hérodote (Vie d'Homère' attribué^ à). vVoyaoSQHiHiûrr3|a2)dqo2oiiri<î)îf5û5,j\û^
HicKS.Yoy.'Inscripiiùàs?3'i^ooh 13 23jmoD aai luz abuîà ,(aG .H) awYataàJ
Hiéroglyphique (Vocabulaire). Voy. Pierret. . , ; . . . (isiniloM .A)
Hindous (Sagesse des). Voy. Moni.e;r Wi.luams. ;;) 29JX9J î3 zîrramgBi"^) nhjid
Histoire. Voy. Chevalier, Lasteyrib.t^aO ^.z^^iiiiâ .^oV .^ôif£ramBiO)Wit&A
— d'Egypte. Voy. BiRCH. ' ■■ ' "ri > ;' -b ouphojzirf sxBîniçS) ~
— de l'Agenais. Voy. Tamizey de= LAJ\ROQiœoq23Û sb (29i8ào<^I) ismiiid
— de lâ''Qîièô^i^V28)^ç^3à noij£KnoÎ2nBiî £i Jns22igèi iup 2ioJ) iJ\ittid
— de la littérature canonique. Voy. Schulte. .:a3jaHD2 .^oV
— de la Révolution dans la Creuse. Voy. Duval. jVs z'^im.u'S) ,\oY ,viUAd
\Ti. _ù; l des négociations de 1 32 $ entre Louis IV de Bavière «S aa YOoaJ
C^^i. ^iL Frédéric le Beau d'Autriche. Voy. Dq&bner. —
àoi ^j£ du droit germanique Voy. Monuments. —
qoz 4... du Sentiment national en France pendant la guerre •4eç3-Tuaà'ï3j
Cent ans. Voy. Guibal. .^.i^^u.> .^oV .a^iVâ-^aJ
— Constantinopolitaine. Voy. GuNTHm^..YoV .ïi'^.hsiua îiy;:^û^ ah siina;^^!
— diplomatique de la guerre franco-allemaiîdeî.('Voy^V'SoRBt^s\Ji ishnsi^U
Homère (Vie d'). Voy. Schmidt. .^.l) TCiivjiDa .^oV .STiwaïaJ
HoRAGÉ. Voy. LoiSELEtiï[?ifib,bua 23l iBq suphèrnAM ab anavuooàQ <a>îAjaJ
Horstmann, Légendes anglaises du moyen-âg-e.o4.I.-.^H::ji]p;3 ,^^7. .101,^031125
Hymnes du Rigveda, tr. p. Geldner et KAEGfyAa^îfgiMâMtiofe.deavi^iUOTaJ
Roth (Abel Bergaigne) ■/^j-.;huj^^ .yQV.,5o;n'^3j6lx:ij^9
TABLE DES MATIÈRES. XJ
«a^'I .HA . , Art Pages
— Suite et fin ^iiAqozoMl^^^-^^S
Indienne (Paléographit). Voy. Burnell. .înjo-rrin .70'/ /?oî09!f!irr ' -.-^
Inscriptions attiques du Musée Britannique j p. p,,H,v:KS (Ç/PÉ;^qT^.,;^j8 8 1
Isidore (de Séville). Voy. FragmenU. _ . oicgnO 'IIêQ .(hQ) aiTAw'^
/jV^i/Z. Voy.BENECKE.,.'. '■: , : ;f;;rî îmmi^rî',? 'fh viinr^iH) int \î\'3"> "A
Jeep. Voy. Claudien. .^ , '" _
Juridiques (Monuments) germains. Voy. Monum&n^^^^^-^^^^^^ .,.^^
JuvÉ^ji^L. Voy. Ki^R. "(9ùi/J^froàmr2 'L
>3 0 ' 1 . : '/.i/i cjJinoD si .q .q ^ï.r;LUio<\omiî\RhtibO îinoUiwi ./laHn"/. jD
Kabylie. Voy. Hanoteau. ■ •:j,-3-i-.-iT;: voV g^i'yjO
Kaegi. Voy. Hymnes.
Ki^R, La Langue de Juvénal (Charles Thurot) .,>^4....^.S8
/•KiDNiG, Étude sur l'autlienticité des poésies de Clotilde de SurYille,3viirA;i9
(G. P.) ... .. . . . . . -i., .f^:2-?41nj/^3
Kuenen, Les origines du texte masoréthique .de l'Ancien XeslAm^/ .H2HqjAH
tr. p. Carrière (Jv;D.).LO «si îo âilYde:;^ .êJ- .^xua««^woir3J.î9 uA-^mAh^
(T^^^HIfw/.VOy. MlNAYEF. .... . . .' . , .(oisqzBM .0)
::J.D3L>îaa .^oV .kwamt^taH
Lachmann. Voy. Fischer (H.). • .ojawS .'^oV .(ammrnfiiD) au^.MlH
Lacroix. Voy. Mémoires-journaux. ::i>i^^ .yoV •■:'" 'vo ^lU^^tH^Afl hntiH
Langage (Philosophie de la science du). yQ^.i!CHAiGNET..ii'h^ dîV^^ sTOOO^àH
Lasteyrie (R. De), Étude sur les comtes et vicomtes de Limoges 76V. 2^61 H
(A. Molinier) . >I .... ...,,,. . . ' 200 250
Latin (Fragments et textes en ancien).. Voy.. Wqrdswoïith^ ^ \. '.
Laf//2e (Grammaire). Voy. Études, Gantrelle. aJ ,;î3îjaV3h3 .^oV .biibUsH
— (Syntaxe historique de la langue). Voy. DRiEGm^oV .'^îqygH'b —
' Latines (Poésies) de Despois. Voy. Despois. / .grGno-A^I 5b —
Latins (Lois qui régissent la transformation française d.es mots).,;.
Voy. Scheler. .iUHj^ .^ov ,3ijpinow!.u 'j'^.uhn-jnd bi 5d —
Laun. Voy. Œuvres de Molièrs. .yoV .eeUaiD rJ ?nGb norîoIovàH fil sb —
Lecoy de la MARCHE,Leroi=Reîié. I (G. Fagniez).^no^fibo§èn. 29b 21a, 277
— -ni ./ovll (A. Giry) *j,vc.fl si ahèbài'^. 214 289
— — />yAvmSuite et fin. if/pinera-fâs.JÎoib t • 217 306
Lefébure, Le Mythe Osirien, l'^^p. (G. Maspero) . a. în^fniîneg m i94 209
Lefèvre. Voy. Contes. ..^p.z.-j'j .^oV .zns însD
Légende de Sâkya Buddha. Voy. Beal. :iO .^oV .snifiîïloqonrînfiiafroD —
Légendes anglaises du moyen-âge; Voy. HoïiSTMAHifcS 5b,9upij*£moIqib —
Leibnitz. Voy. Schmidt (J.). -■ -^^ .^oV .('b olV) 3^'*-^}]
Leland, Découverte de l'Amérique par les Buddhiste$3«i:^^i(ftJ. .^oV .ftli ^5
^vLeopardi. Voy. Bouché-Leclerq^jY^*« ub da^iti^ne «abnaj^èJ //.vîAMTèHoH
Letourneux. .Voy4:HAHûTEAVv, i- ">» f-^ ''HMajaQ .q .u ^jiWi^iH ''■ï -^^^"^^'
Lm^^^ Fmo/z. Voy. Halbertsma. .rsngiB^isa bdA) htO'
Xij TABLE DES MATIERES.
Art. Pages
Limoges (Comtes et Vicomtes de). Voy. LASTEYRiE;j*:b nsmJDàcj? ^(aa) M3viijijM
Lions (Les Combats contre des). Voy. Cassel. > J3 anshojard zsb Dupir!
Liîes. Voy. Boos. .muiZH3mW^,\Q'^ .n.
Livre Blanc. Voy. Vaucher. .inQiîqimnV .^{OY .au^\VM\&m8
Lœrsch. Voy. Monuments. . .3>îUijp^, ■ -"^^^ ' ■ ' ^' '■
LoiSELEUR, Anthologie d'Horace (T. de L'.y..^^oY »s; 171 124
Lombards (Langue des). Voy. Bluhme. nuaa'iiiJ .^oV .nanuO am^M
Louis IV (de Bavière). Ses négociations avec Frédéric le Beau. ' '
Voy. Dœbner. ^HD^l^ .^oV .^y
Lucrèce, De la Nature des choses, p.p. Bockemûller (Max Bonnet3f.^'^'ïl2¥^"^^^î2>i(^
Lysias. Voy. Frohberger.
!adourio2 .H) muâJ .q ,qi^9iéi!oM.9b,m«lwï^
Madvig, Opuscules philologiques (Charles thurot) ........ 198 241
Magen. Voy. Documents sur Jules-César Scaliger.
Mdgico Prodigioso. Voy. Calderon.
Magnabal. Voy. Calderon. - •'>^~'i> y;»imfnr.i0.j
Mahomet et le Mahométisme. Voy. Bosworth SmitH; • -
Maiorescu, Critiques . i/|5 45
M ANNHARDT, Le Culte des Arbres chez les Germains 231 357
Manuscrits de la Bibliothèque de Tours. Voy. Dorange.
Marguerites de la Marguerite des Princesses, p. p. Frank (T. de L.). 212 284
Marty-Laveaux, Cours historique de langue française (A. Darme-
steter) 199 24$
Médaille inédite de Ronsard. Voy. Chabouillet.
Médecins (Opuscule sur les). Voy. Galien.
Mémoires-journaux de Pierre de l'Estoile, p. p. Brunet, Cham-
POLLioN, Halphen, Lacroix, Read, Tamizey de Larroque et
Tricotel, t. I i68 m
Merzdorf, Voy. Stade.
MÉSA (Stèle de). Voy. Variétés.
Mexicaine (Grammaire). Voy. Olmos.
MiNAYEF, Grammaire Pâlie; tr. p. Guyard; Kuhn, Contributions à
la grammaire Pâlie (E. Senart) 142 33
Molière. Voy. Œuvres. , .—--..
Monier V^illiams, L^ Sagesse des Hindous (A. Barth). . :'S^.i^'i)iV^"^iWi6^■V^^^h
Monuments juridiques germains p. p. Gengler; Documents pour
l'histoire du droit germanique, p. p. Lœrsch, Schrœder
et Reifferscheid (Marcel Thévenin) 147 $0
— mégalithiques de la vallée de l'Oise. Voy. Caix de Saint-
Aymour.
Mosaïques chrétiennes de Rome. Voy. Rossl •' .^oV .aDv;.
Mueller (L). Voy. Galien.
MuiR, Choix de sentences religieuses et morales, traduites du sajisi^V^i^^'^^-
krit (A. Barth) 2o^ 273
TABLE DES MATIÈRES. X^j^
-, rn .»tA Art. Pages
MuLiNEN (De), Spécimen d'un dictionnaire biographique et biblio- oD) Ztj^wma
graphique des historiens et érudits de la Suisse (G. M.) 192 19O'
MURNER. Voy. WlMPHELING.
Musée Britannique. Voy. Inscriptions.
Musical (Le Drame). Voy. Schuré.
Musique (Ancienne) grecque. Voy. Ruelle.
Mythe Osirien. Voy. Lefébure.
Nibelungen. Voy. Fischer.
Noiiciens (ChâTils populaires). Voy. Chants, q ^moibitifa
Œuvras de Molière, p. p. Laun (H. Schuchardt) 178 139
— complètes de Diderot, p. p. Assézat 174 126]
Oise (Monuments mégalithiques de la vallée de P). Voy. Caix de -,
Saint- Aymour.
Olmos (De), Grammaire de la langue mexicaine, p. p. Siméon (G. ^
Maspero) -f^.. -vV 188 177^
Osirien (Le Mythe). Voy. Lefébure.
Oxus (L'ancien lit de V). Voy. Goeje.
Paléographie indienne. Voy. Burnell. 'n/^ut^-^j^ill^ r\ :ih Z3Vn^iJÎ^-u;\.i
Palestine. Voy. Tobler. ;v| ^p Qiipviomd aiuop >^u/..t- '' ^ '
Pâ/i^ (Grammaire). Voy. Minayef. ...... , . . , -. .- . .
Pamphile. Voy. Variétés. .\jdiimi/MD:,XoV -^^
Pattison, Isaac Casaubon (Charles Thurot) i .---." 160 88-
Peintures murales du prieuré de Gourtozé. Voy. Rochambeau.
Perrault. Voy. Contes.. iVAr ,7ia.^>î ^jc!o>i3aJ ^hhh ijAh e^cuuon
Philosophie de la science du langage. Voy. Chaignet. ^ i j .
— grecque. Voy, Walter. at8 .yov
Phonologie de la langue française. Voy. Ayer.
Pièces allemandes à marionnettes, p. p. Ei^GEhÇ**) ..:a,.>^02 ^'J3
Pierre de L'^s;rpiLE. : Voy ,;-/l/e/no/rç5-/ournaux. arnBiiO ,^
PiERRET, Vocabulaire hiéroglyphique, fasc. I (G. Maspero). . .■jtji^rfifèlK.^Sl
Poésies françaises, latines et grecques. Voy. Despois. ,j .70V .^i^'
Politique autrichienne pendant la Révolution française. Voy. Dqcuïrt^nMMJi'^J
Pologne (Genèse du second partage de la). Voy. Documents.
Prétérit faible des langues germaniques. Voy. Begemann.
Prieuré de Courtozé et ses peintures murales. Voy. Rochambeau.
Primavera (Jacques). Voy. Ghabouillet.
Proserpine. Voy. Claudien.
Prudence. Voy. Girgensohn.
Rawonpraî/<|ue (Doctrine de J3) danis la philosophie grecque. Voy. i/i
-Walter. ■ dîua .A) Jn:l
Xiv TA&tÉ^ ÛËS ftîAi-lÈkES.
/.. • Art, Pages
Read. Voy. Mémoires-journaux. ^'
Keifferscheid. Voj. Monuments. "'
René (Le roi). Voy. Lecoy de la Marche.
Révolution (Histoire de la) dans la Creuse. Voy. Duval.
— française (Politique autrichienne pendant la). Voy. Dociz-
' menîs.
Revue des dialectes allemands. Voy. Variétés.
Riant (Le Comte). Voy. GuNTHER. -
RiCHARDSON. Voy. SCHMIDT (E.). '"^^ ^ ~"
Rigveda. Voy. Hymnes.
RocHAMBEAU (De) , Prieuré de Courtozé et ses peintures murales
(A. Gii-y) i|5 75
Rome (Mosaïques chrétiennes dé). Yoj. Rossi.
Ronsard. Voy. Chabouillet. ' ^ ' ' "*
Rossi (G. B. de), Mosaïques chrétiennes de Rome antérieures au
xv^ siècle (Eug. Mûntz) . ......... 7' Tôy 104
ROTH. Voy. Hymnes. "" ~
Rousseau (Jean- Jacques). Voy. Saint Marc Girardin, Schmidt
(E.). _ .
Ruelle^ Études sur l'ancienne musique grecque (Charles Graux) . 186 162
Sagesse des Hindous. Voy. Monier Williams.
Saint Louis. Voy. Wallon.
Saint Marc Girardin et Bersot, Jean-Jacques Rousseau (0/0) . . 144 40
Erratum ; . . . .> ;i.i^, . " 80
Saint Paul, Épître aux Romains, p. p. VolkmâH' (A. Sabatier) . . 138 17
Sanskrit (Sentences traduites du). Voy. Muml ^^ ^up'mmoiqib âiioîziii > Ja>î0c'
Scaliger (Jules-César). Voy. Z)ocum^/2?^. ......••.• . (^ida.nsb
Scheler. Voy. Ayer. .x>l^M .q .q .îuVifiVY .(abnsdiA) 30at2
ScHLEGEL (Lettre inédite de). Voy. Variétés. ^ -V^^ •^■'''
Schmidt (E.), Richardson, Rousseau et Gœthe (C. J.) . :''P P^'J^- 1&4 i-j^S
Schmidt (J.), De la Vie d'Homère attribuée à Hérodote (Henri '^-f^W 2»^
Weil) .^v^^'ï^/xPY -X^ P^^l^',^) ïSf'^
— Leibnitz et Baumgarten , étude' d^ésthéïfci\ié'^(è. J.) v ^> ' '^'^f - '"5^2
Schrœder. Voy. Monuments.
ScHULTE (DE), Histoire' de^ IrH'ttératùre canonique/ 1. ^-^--(^111'^ Y:i.Mi^.Ai
Viollet). ........:;;;:: rV . . . .': ...... 227 344
SCHURÉ, Le Drame musical (Eg\^^^r'".^V:^^^^^^ » r • 1 •'- 225 350
Sentences religieuses et morales traMAés dif^nsé^. %f?WÉ^. '^^^^ c,u.u.^ »
Shakspere. Voy. Dowden. ^''- <^'''^hd2i'^ .^oV .aDwanàT
SiMÉON. Voy. Olmos. .viaî^au^i .^oY .(n3iDnA)^n^wfcUâT
Sociétés savantes :Ac^détt&mÉ&^^WÈm\^m^^ ^^^'^^^'^
^^^^ '- -;,: '1875 (Julien Havet).'.-^^^" 14
__ .2iQKA>ioa .Y.oV .(ob aup^i ^ j^iUg^' jir.82Mjpl> 3ii8okîfiD),iiiio|
table: PES MATlÈRpiS. XV
Art. Pages
-- — 9 » .xlJSiJ\1lîc^^a^wmbVl .'{oV .aA4â
— . ~ ^3i/..M A.^?.n YODaa .'{oV-.(4o-i3J) 3H79
■~ ..jAVuCr.yoV. .dWoiD i^thtiBh (eI %b aiiolztH) noMo^i^^
— ' — 15 » »... ^^^^^.27
— — 20 »//.i\iî\R5^> • • • 143
^ — 3 septembre » .'.>v..no2a>îAHn74
— — 10 » »... 195
~ ..llJiïi c'Qi;jT:irjf~)r .;j. '^I^M^^^-jO -iuJi^n 208
— ^ ."7 . . ^7, , », ...» • • • 207
— -• 24 »o'23nn3i^ • • 223
— - I octobre.^3jj, •>) . . . .„._238
UE 20iiJo"nèJnn ornôTl sb Esnnsîîàii^D asupicec ■ • • ; .0) ïzM4
,^,. "" ~ ^5 ^^ . .rxîn^M .§u-a)3b3i2^vt7i
" — — 22 » ^ >>a'^mT\^ .^OV .HT%
— — S novembre » ... 318
— •• — ._. 1,2. » » ... ;m
— — 19 ».))... 351
— — ,,-. .26 ' »->ioM .x;o% .c;i^jU.uu:i5. ^1^3567
— — 3 décembre.^- i.;/jnf/ .70V . ^;'îoJ ---^83
~" . .(o\o) Ui:iD22uoitT3upDt. 10 » ^> • • • 399
— T- . . Supplément; ...... .. .. ., .. .. niu.ih,;i4i5
SoREL , Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande (Van
den Berg) • ni^o^fi ^^^oV .^iizv:>~<yjiiii:2i^,. .^i^
Stade (Albert de), Troilus, p. p. Merzdorf . . . . . . ,>isyA ^^^V l4Qùdh2^
Stèle de Mésa. Voy. Variétés. ,^:,\^;\^,iN .^{cf/ .sb oïihhai oimJ) J303JHD2
Suisse (Spécimen d'un dictionnaire biographique ce| ^ÔgrdpblqwéL3) tqimhd?:
des historiens etérudits delà). Voy. MùLiNEN^Cb ^iV ^i aG ^(.L) ramno?.
Surville (Clotilde de). Voy. Kœnig. . . /lisW
.^ynîaxe.historique de la langue latine. Voy. DRvEgejUi js sîmdiaJ —
Tamizey de Larroque, Documents inédits pour sqrvyr..à|,JJhistoir^\ a^junog
:,.-, ,.. . . d^ l'Agenais. ..... .". ,'!'./;.;, , .(^aoi^^55
o?P ;rs ~ Voy. M^'mozr^^-yW/2^ux^^) l^^igy^ 3ç,g^a 3j ^à^yj,:;.'
tapisseries (Sur la fabrication des). Voy. C;e^^:^^^ ^, m^,ûi^\^^ i,-,^,iv
Térence. Voy. Fischer, Umpfenbach. y^r^uoG .voV .3^a<^.^"-^'
Testament (Ancien). Voy. Kuenen. ^oWiO voV
Tobler, Biblip^r^phje^gép^raphi^jjie^^j^,^
, Ganneau) . ••..,', iri-n^ilni/ -f,r- • '• 213 286
Tours (Catalogue des Mss. de la Bibliothèque de). Voy. Dorange. _
Xvi TABLE DES MATIÈRES.
' Art. Pages
'Tricotel. Voy. Mémoires-journaux.
Troilus. Voy. Stade. \.
Tsiganes. Voy. Correspondance. . ' * ' V'^^
UMPFENBACH, Analecta Terentiana (■-. T -).ÇP^.^-:]?¥ l^ .-'(iriJ) 4f^"¥|é
Variantes. Voy. Cobet.
F^nVfé'^ : Une lettre inédite de Schlegel (T. de L.). i ,(^dT),iiziipmA nzilst^
— Voy. Correspondance. VJX
...; — La Stèle de Mésa (G. Clermont-Ganneau) : '; . ^nuîi^swifiiaîU " î^
.-. — Revue des dialectes allemands, p. p. Frommann (C. J.). _. . 350
— P. P. Dobrée. 38?
— Un pamphlet à propos de Pamphile (G. P.) 398
Vaucher, La Chronique du L/vr^ fî/d[/2C (r.) 136 10
ViVENOT (De). Voy. Documents.
Vocabulaire hiéroglyphique. Voy. Pierret. ^^
Volkmar. Voy. Saint Paul.
jWBldkunsD 29ria2ÎiBi3liJ
Wachsmuth, L'ancienne Atiiènçs. (p.. Dechâpu^). ijo 119
Wagner. Voy. Dobree. ^nriK ''HI .luîfiioîJiJ tiddozlioUid loh 2ub nagnuIbriîîiM
Wallon, Saint Louis et son temps (A. Molinier) 241 409
Walter, La doctrine de la raison pratiiiJUfi.dans,-lf.phibso!pMe.:;:A.u^bn3m'/i
grecque (Ém. Boutroux) . . . ^iîiFW£un*-lhv£-»2i£M .?^8.î <^II)^ioi^'%ijq(66l
Walz. Voy. Chronique de Fier sheim. 7A.i\Si .3om\i\'h 'jiïv^H
Weinhold. Voy. Fragments. ,„ .^ ,_ ^. .iuqnoiîDmianl'l sb suvsH
WiLKEN. Voy. Benecke. . .ivii % ^illVX .î ^phbz .vuqVI
WiMPHELWG y Germania; MuRHEK, Germania nova (E.) 211 282
WORDSWORTH, Fragments et textes en ancien latin (M. B.). . . . 164 . loi
Xénophon, VAnahase, p. p. Cobet (Charles Thurot) 132 2
a'IiUy/Of
PERIODIQUES ETRANGERS
ANALYSÉS SUR LA COUVERTURE.
Academy (The). New séries, N"' 162-186 N°'27-si
Anzeiger fur Kunde der deutschen Vorzeit. 1875.
N-5 27
6 30
TABLE DES MATIÈRES. XVJ)
7 •.xûjiMfcol-Moih'^W.YoV .jrr^'^^^P
9 45
10 48
Athenaeum (The). N"* 2485-2509 ••.-.;, 27-51
Germania. Neue Reihe, achter Jahrg. Heft II 38
in 4?
Indian Antiquary (The). Part XLVI 44
XLVII 46
Jenaer Literaturzeitung. iSyj^^.N"^ 1 5-22. , j' ; ,. 27-52
:'yo}:'^ . 2^-24. .rvdlh '-;'*: 34-35
r' ■■ 25 37
27-28 38-39
30-32 41-42
34-3 5 47
3^ t u»v •.o»j\*in»^,: «^r« i,fm 44. •..49
38 JUA*3 .THÎA^ ^VOV .H 51
Literarisches Centralblatt, N°^ 26-32 de 1875. 27-34
33-48. . . Aiv^^ilJKw. . . 36-51
Mittheilungen aus der historischen Litteratur. IIP année. N** 3.'..*ioV .;i3mo/jj^
Nittende Aarhundrede. 1874. Octobre rj ^h 35
Propugnatore (II) 1875. Mars-avril-mai-juin 35
Revue d'Alsace. 1875. Avril-mai-juin, juillet-août-septembre • • • 39
Revue de l'Instruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique.
Nouv. série, t. XVIII, 4Mivr ogn^g^v 38
5Mivr. .. . .' <;,;^;H,!rii ^Kùn^^WCiD.^ 45
Rivista Europea (La), 1875. Avril ?.U^e; t;? 2îî:3Cr':îrr'î.,v 37
Mai, juin 38
" Juillet, août . , ; r * i.- i i.--. v i^ t^ <' ' '* ' '■ 39
Septembre 40
Octobre 45
Novembre 51
^>i?îDHA^Tà aauoiaoïiiHq
. à8r-£ôi '"W. (291132 wsW .(sriT) Yfnabfi^A
hMx-J
N* 27 Neuvième année. 3 Juillet 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE F>UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
Prix d^abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
MÉMOIRES
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
En vente à la librairie A. Franck, F. Vieweg propriétaire,
67, rue de Richelieu.
de la Société de linguistique. T. II. 5e fasci-
cule (complément du volume). 4 fr.
Contenu: H. Kern, le suffixe ya du sanscrit classique, ia de l'arien. — L.Havet,
Note sur l'article précédent. — D'Arbois de Jubainville, les thèmes celtiques en 5.
— M. Bréal, Umbrica. — L. Havet, sur les palatales sanscrites. — A.Bergaigne,
du rôle de la dérivation dans la déclinaison indo-européenne. — Variétés :
M. Bréal, Frères jumeaux dans le vocabulaire latin. — Caro, carnis. — Vilis. —
Masticare. — Kakéq. — Latin sus, sur. Ombrien sururont, surur. — Indulgere. —
Sanscrit sva pour su « bien ». — A. Bauer, de la double origine de rarticle alle-
mand. — L. Havet, sur la déclinaison des thèmes féminins en a. — Le locatif
ombrien. — F. Baudry, Notice sur le suffixe participial -anî. — J. Darmestettr,
Nomen, nâman. — Index.
COLLECTION PHILOLOGIQUE (ANCIENNE SÉRIE)
5e FASCICULE.
^ • tv 111 ;JCl4 jTv Les noms de famille. 3 fr. 50
G. PARIS
Les Contes orientaux dans la littérature française du
moyen-âge. Broch. in-S^. i fr.
PERIODIQUES.
The Academy, N° 162, new séries, 12 juin. Poetical and Dramatic Works
of Thomas Randolph. Ed. by W. Carew Hazlitt. London, Reeves and Tumer
(Edward Dowden). — Monumental Inscriptions of the British West Indies, etc.
By Capt. J. H. Lawrence- Archer. London, Chatto and Windus (Joseph
Lemuel Chester: recueil d'épitaphes, avec des annotations généalogiques et
historiques). — E. Reuss, History of Christian Theology in the Apostolic Age.
Transi, by Annie Harwood. With a Préface and Notes b}^ R. w. Dale. 2 vols.
London, Hodder and Stoughton (Albert Réville : félicite les Anglais d'avoir
fait passer dans leur langue un ouvrage de l'importance de celui de M. Reuss).
— Feugère, Erasme; Pennington, The Life and Character of Erasmus. With
a Préface by the Bishop of Lincoln. London, Seely, Jackson and Halliday
(Robert B. Drummond; sur le premier ouvrage, cf. Revue crit., 1875, I, p. 267;
le second mérite à peine d'être signalé). — Worksop, « The Dukery, » and
Sherwood Forest. London, Simpkin, Marshall and Co. (Edward Peacock: utile
contribution à l'étude des généalogies). — Ritter, Briefe und Acten zur
Geschichte des dreissigjaehrigen Krieges, etc. (A. Gindely; cf. Rev. crit., 1875,
I, p. 296). — Notes and News. — Notes of Travel. — Charles de Rémusat (not.
nécrol. p. G. Monod). — German Letter (C. Aldenhoven). — Correspondence.
The late sir Goldsworthy Gurney (C. Patmore). — On Wentworth's Un-
published Speech (Samuel R. Gardiner). — Pepys' Diary (Mynors Bright).
-— Sidgwick, The Methods of Ethics. London, Macmillan and Co. (Edward
Caird). — Meetings of Societies (Soc. royale de littérature, d'archéologie biblique,
d'anthropologie).
The AthensBum, N°2485, 12 juin. The Quarrel between the Earl of Man-
chester and Olivier Cromwell. By John Bruce, and Masson. Camden Society
(documents inédits relatifs à cet épisode avec fragments d'une préface historique
par Bruce et des annotations de M. Masson). — The Dramatic works of Molière.
Rendered into English by Henry Van Laun. Edinburgh, Paterson (excellente
traduction). — De Gubernatis, Letture sopra la Mitologia Vedica (cf. Rev.
cm., 1875, I, p. 49). — Mr. Charles de Rémusat. — « The Interior of New
)) Guinea» (réplique de M. Lawson au capit. Moresby). — Literary Gossip. —
Anthropological Notes. — Societies (Institut archéologique, soc. d'archéol.
biblique). — Miscellanea. Is Aetion Shakspeare? (F. G. Fleay).
Jenaer Literaturzeitung, 1875, ^"^ ^S? ^^ avril. Jahrbùcher fiir protes-
tantische Théologie herausg. v. Hase, Lipsius, Pleiderer, Schrader.
Jahrg. 1875. Leipzig, Barth(G. Franck). — Krûger, Des Ptolomseus Lucensis
Leben u. Werke. Gœttingen, Peppmuller. In-8°, 84 p. (Wilhelm Bernhardi).
— Rùckert, Grammatik, Poetikund Rhetoric der Perser. Neu hrsg. v. Pertsch.
Gotha, Perthes. In-8°, xx, 414 p. (Stickel). — Comicorum Romanorumpraeter
Plautum et Terentium fragmenta secundis curis recens. Otto Ribbeck. Lipsiae,
Teubner. In-8°, cxxxvj-508 p. (Karl Dziatzko). — Hertz, Vindiciae Gellianae
alterae. Leipzig, Teubner. In-8% 91 p. (Adam Eussner). — Geitler, Litauische
Studien. Prag, Mourek. In-8°, 123 p.; Bezzenberger, Litauische und lettische
Drucke des 16. Jahrh. I. Gœttingen, Peppmuller. In-8°, xiv-36 p. (Hugo
Weber).
— - N** 16, 17 avril. Keil, Biblischer Commentar ûber die prophetischen
Geschichtbûcher des alten Testaments. Bd. 2. Dis Bûcher Samuels. ZweiteAufl.
Leipzig, Dœrfflingu. Francke. In-8% 398 p. (Ad. Kamphausen). — Kuenen,
Les origines du texte Masoréthique de l'Ancien Testament. Tr. du hollandais
p. Carrière (cf. le présent n" de la Rev. crit.). — Deutsch, Der Islam. Aus
dem Enghschen ùbertragen. Berlin, Dûmmler's Verlagsb. (H. Steiner). ■—
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 27 — 3 Juillet — 1875
Sommaire: 131.KUENEN, Les origines du texte masoréthique de l'Ancien Testament,
tr. p. Carrière. — 132. Xénophon, VAnabase, p. p. Cobet. — 133. Claudien,
L'Enlèvement de Proserpine, p. p. Jeep. — 134. Begemann, Le Prétérit faible des
langues germaniaues. — 135. De Caix de Saint-Aymour, Études sur quelques
monuments mégalithiques de la vallée de TOise. — 136. Vaucher, La Chronique du
Livre Blanc. — 137. Andrée, Géographie du commerce universel. — Sociétés savantes :
Académie des inscriptions.
131. — Les origines da texte masoréthique de T Ancien Testament, exa^
men d'une récente hypothèse, par A. Kuenen , professeur à l'Université de Leyde,
traduit du hollandais, par A. Carrière, répétiteur à l'École des Hautes-Études. Paris,
!875.In-8%viij-$3 p.
Le titre général de ce mémoire, bien que corrigé quelque peu par la seconde
partie, n'indique qu^imparfaitement Pobjet qui y est traité. Les questions: quandy
par qui et comment notre texte masoréthique a-t-il été constitué, non-seulement
n'y obtiennent pas « une réponse absolument satisfaisante » (p. 53), mais elles
n'y sont pas même discutées. Pour l'époque seule au-dessous de laquelle une
bonne critique interdit de descendre, le savant professeur de Leyde adopte avec
raison, mais sans se livrer à de nouvelles recherches, l'opinion établie aujour-
d'hui que la fin du 11" siècle est le terminus ad qnem qu'il est impossible de
dépasser. Le vrai but que se propose M. Kuenen dans ce mémoire est de réfuter
une hypothèse, proposée avec une certaine désinvolture par M. Paul de Lagarde,
professeur à Gœttingue, pour expliquer les différences considérables qui existent
pour la vie des patriarches antérieurs au déluge (Genèse, chap. V), et celle des
ancêtres d'Abraham (Genèse, XI, 10-26), entre le texte hébreu de la Bible et la
version des Septante. M. de Lagarde propose de considérer comme une vérité la
tradition, conservée dans l'introduction d^une version arabe de la Genèse et
complétée dans le commentaire d'une autre version du même livre, d'après
laquelle les grands prêtres Hanan et Kaïafa se seraient mis d'accord pour retran-
cher mille ans des années de la vie des patriarches, afin de pouvoir nier l'appa-
rition du Messie, promise par Dieu à Abraham au bout de cinq jours et demi, en
d'autres termes pour l'année 5500 «.
En prenant comme point de départ la thèse qu'aucun changement n'a été fait
au texte masoréthique depuis l'an 200 après J.-Ch., M. K. prouve qu'aucune
trace de la prédiction, donnée par le texte arabe, ne se trouve dans'les premiers
siècles de l'ère chrétienne, et que, par conséquent, aucune controverse n'a pu
engager jusqu'à cette époque les Juifs à une falsification des chiffres dans les
deux chapitres de la Genèse. L'auteur prodigue dans cette démonstration toutes
I. Voyez sur la divergence des textes, le travail de A. Geiger, Wissenschajtl. Zeit-
schrift, I, 98-121, 174-18S (cité par M. K., p. 49, note 2), et sur l'hypothèse de
M. Lagarde, VII, p. 312-313.
XVI I
2 REVUE CRITIQUE
les ressources de sa vaste science et de sa dialectique fine et serrée. On regrette-
rait peut-être une sorte de gaspillage dans ce déploiement prodigieux de raisons
pour battre en brèche une hypothèse aussi peu sérieuse, si les études de
M. K. n'étaient pas toujours pleines de renseignements et d'aperçus utiles.
M. Carrière a donc bien fait de rendre accessible aux Français ce beau mé-
moire, écrit en hollandais, langue que peu de savants comprennent. Le tra-
ducteur, en publiant cette brochure, a voulu du reste rendre hommage à
l'université de Leyde, qui allait célébrer le 300» anniversaire de sa fondation,
et en particulier à cette faculté de théologie si admirablement constituée et qui
compte dans son sein des hommes comme MM. Kuenen et Scholten. Les
« Verslagen » de l'Académie royale des sciences contiennent encore bien d'au-
tres mémoires qui mériteraient les honneurs d'une traduction : nous citerons
entre autres le travail remarquable de M. Kuenen sur les Sanhédrin. M. Car-
rière rendrait un vrai service à la science, en leur consacrant la connaissance
parfaite qu'il a de la langue hollandaise, pour les faire passer dans la nôtre.
J. D.
132. — Xenophontis expeditio Cyri, in usum scholarum edidit C. G. Cobet.
Editio secunda emendatior, Lugduni-Batavorum, Brili, 1873. xx et 295 p. — Prix :
4fr.
M. Cobet avait publié en 1859 une première édition du texte de l'Anabase de
Xénophon destinée à l'usage des classes. Cette seconde édition repose sur les
mêmes principes. « Nihil esse arbitror » dit M. C. dans la préface « quod sit
» simul et verius et evidentius quam Quintiliani praeceptum : interpretationem
^VPRAECEDERE DEBET EMENDATA LECTio. Ncmo potest et ipsc intclligere et alteri
f^f^terpretari id qupd non est sanum et integrum. Diligenter igitur videndum,
» ne quis, dum scripturas aegras et maie sanas utcumque explicare nititur, pau-
» latim ingenium obtundat suum iudicioque vim afferat, et quae olim in linguae
jj^iXatione et usu certa et stabilia fuerunt, ea nunc librariorum vitio incerta
» esse et fluxa et varia videantur. In hac quoque re maxima debetur pueris rêve-
)) rentiay qui primis doctrinae démentis imbuuntur récentes, ne quid videant et
» imbibant quod vitiosum sit ac falsum , nam diu servant errorem et perversae
» interpretationis consuetudinem non facile dediscunt. » Ce désir de ne rien
proposer à des jeunes gens qui ne soit d'une pureté irréprochable a conduit
M. C. hors des limites où il faudrait se renfermer dans une édition à l'usage des
savants. Il a supprimé tout ce qui paraissait redondant et oiseux à la sévérité de
son jugement, et il a changé tout ce qu'il trouvait contraire à l'analogie du dialecte
attique qu'il aime si passionnément et qu'il connaît si bien. La destination de son
livre excluait l'expression du doute et ne souffrait pas qu'on restât dans l'incer-
titude : ce qui, comme l'on sait, répugne d'ailleurs au caractère de l'illustre
helléniste.
Nous discuterons ici quelques-unes des modifications que M. C. a apportées
au texte de sa première édition.
Quelque danger qu'il y ait à admettre qu'un texte est interpolé, quelque abus
d'histoire et de littérature. I
que les critiques de notre temps aient fait de cette hypothèse, en général très-
difficile à établir, on ne peut s'empêcher d'accorder à M. C. que le texte de
VAnabase n'ait, en un certain nombre de passages, subi cette sorte d'altération.
L'une des plus importantes et en même temps des plus probables que M. C. ait
signalées se rencontre dans II, ^ 23. Cléarque dit à Tissapherne, après la mort
de Cyrus : yjjjlsTç ouïe auvYjXOojxev wç ^oLQiXeX TroXsix-^aovTsç cW £7:op£u5[X£Ôa
èiul èoLcikia àxel §£ Kupoç TéOvr;/.£v, out£ êaaiA£Ï dtvTt7coic6[A£0a ty;ç àpXr^^
oui' Igtiv 5tou £V£y.a êouXoijisO' av ty;v éaciXéwç /a)pav xaT-wç ';:oi£Tv cùo' auxcv
à7roxx£Tvai âv è6é>voi{j.£V. La pensée exprimée dans la dernière proposition cio'...
èO£Xot[jL£v se rencontre, sous forme affirmative, dans III, i, 17 et VII, i, 27;
mais, comme le fait remarquer avec raison M. C, « recte haec dicuntur de eo
» tempore quum Cyrus fratri et regnum et vitam ereptum iret, sed Cyro mortuo
)) Graecos negare se regem occidere velle quam fatuum est! » Ajoutons que
l'interpolation n'est pas placée où elle devrait être, c'est-à-dire immédiatement
après TY)^ oLpyTiÇ. Il est probable qu'un réviseur aura cru compléter la pensée en
mettant à la marge ce qu'il avait tiré des deux autres passages. Il me semble que
M. C. a eu raison d'être choqué des mots mis entre crochets dans les passages
suivants : I, 8, 23 èxTou àvTtou [où'b'k toÏç T£TaYiAévot.<; IjjLirpoaôev]. II, 6, 1 1 to
(JTUYVcv aÙTOÎ) [âv toTç Tupocroixoiç]. IV, 2, 2 ûtcwç xauTY) [zr^ ôBto]. VII, 3, 37
vc[;.oç ToTç EXXyjgiv Y]Y£T36ai [lait] to 6paouTaTov. Je conserve des doutes sur les
passages où un mot, qui n'est ni nuisible au sens ni contraire à l'usage, est sup-
primé comme inutile, par exemple sur I, 2, 18 xà tovia [IçuyHi ^> h ^ tvcavbç
£Tvai [oTi;.ai], I, 4, 14 [liXécv] ':rpOTi[j.Yja£aÔ£ et aTuoxpivoJVxai [Kupw], I, 8, 5
icTYjaav [èv tw â£?iw], I, 8, 24 hpe^z [toùç e^ci.y.Kr/j'kiouq]^ I, 8, 28 7:£7:T(i)xcTa
£TB£ [KDpcv], IV, 2, 10 ouç [t] àxoy,ot]>ai àva^xY). Si ces interpolations sont
possibles, elles ne sont guères démontrables. Les Grecs de l'âge classique
n'avaient pas sur le style les mêmes idées que nous. Nous serions choqués des
répétitions que Xénophon s'est permises (4, 4, 21) -î^ Xwaav ÉaXw, (4, 5, 2)
£:rop£uÔr((7av £TOp£6ovTo : nous n'admettrions pas une parenthèse, comme
celle que Xénophon ouvre (4, 7, 16) w £açaTTOv £[jl£XXov.
Il n'est pas moins difficile de décider sur les particularités de la langue de
Xénophon. Il est incontestable qu'à cet égard les manuscrits sont sans autorité,
puisque les copistes ont substitué de bonne heure les formes et les locutions du
dialecte commun à celles du dialecte attique. D'autre part l'analogie est un guide
trompeur. Dans le passage que nous venons de citer (4, 4, 21)-, nous voyons
'J^Xwcav avec contraction, kàXiù sans contraction, employés l'un à côté de l'autre.
M. C. se fonde sur l'analogie de 4, 6, 12, et de 7, 3, 37 pour substituer vuxTwp
à TY)v vuxTa et ^.£6' YjjjLépav à xr^v 5a Yjjjipav dans le passage suivant (5,8, 24)
TGÎJiov TavavTi'a '::oiyjc£T£ ri xouç xùvaç TroioDai * toùç tJi.£V vàp /.uvaç toùç y^oCke-
xoùç xàç jj.£V inképaq Sioéaai, xàç âà vuxxaç àçiact, toutov Se, yjv a(i)çpovY5T£, tyjv
vuxia iJL£v ^T^^dETE, TY)v §£ Yj[xépav à^iQaETc. Il me semble que dans les passages
rapprochés par M. C. vuxxwp et {ji£6' -^{xépav conviennent pour exprimer ce que
nous rendrions en français par de nuit, de jour, et que dans le texte ($.8, 24),
l'accusatif exprime mieux pendant la durée de la nuit, du jour.
i ^ REVUE CRITIQUE
.L'emploi des temps était, chez les Grecs, fort différent de ce qu'il est dans nos
langues modernes ; et Pusage ne mettait pas entre l'aoriste et le plus que parfait
ou l'imparfait la différence que notre langue observe entre notre prétérit défini
et notre plus que parfait ou notre imparfait. Faut-il lire TuaosfTxeuaaTo au lieu de
7uap£GX£uac7aTO (i, lo, i8), Yj^aYsç au lieu de ti^eç (3, 4, 40), u7:é|/£VcV au lieu
de u7U£iJ.£iV£V (4, I, 1 5)j TrpoYjYaYov au lieu de 'irpoffYÎ^ov (6, i, 14), M au lieu
de £Ô£i (7, i, 18), zepi'K'keX au lieu de izepiiTzkei (7, i, 19)? Il est malaisé de le
décider.
L'emploi de l'article est, comme on sait, une des difficultés et des délicatesses
de la langue grecque. M. G. l'a rétabli, où il manquait, dans I, 2, 20 aùiY] (wjç)
oTpaTtwTaç, IV, 7, 2$ àXXYjXouç -/.cà (xohq) GTpaxYJYOuç, VII, 4, 16 ècpaivsTO
(xb) Tîup, et supprimé, où il était de trop, dans IV, 8, 25 xtô Ail [xà] awTYjpta, V,
5, 20 u7uat6piot èv [xY]] xa?£L Je ne l'aurais pas ajouté dans II, 4, 6 xcv S' o5v
Eu^pax'/jv r(T{/,£V oxi àSuvaxov 8ia6^vai y.wXucvxtov (xô)v) 7roX£p.i(ov. Il me semble
qu'il s'agit ici d'ennemis en général, ce que nous rendrions en français par
tt quand des ennemis s'opposent au passage. » L'article était-il nécessaire devant
un nom de peuple dans VI, i, 14 ij.y)x' àâi/,£tv (xoùç) HaçXaYcvaç? D'autre part
je le laisserais dans V, 2, 17 £X£Yov cxi axpa xé èaxiv £v5ov xal [ol] 7:oX£[jmoi
TuoXXoi, o'i TiaiouCTiv £xB£Bpa[j.Y)y,6x£ç xoùç evBov àv6pa)7:ouç. Je crois que la propo-
sition relative ajoute ici une idée à celle qui est exprimée par l'article : « les
» ennemis sont nombreux et ils frappent, etc. »
M. G. a le sentiment très-juste et très-délicat sur la valeur des prépositions
que les copistes ont si souvent confondues. Il me semble avoir raison de substi-
tuer £v à Guv dans (6, 5, 3) èxvjpu^av àptcxYjaavxaç èçi£vai xoùç axpaxiwxaç aùv
xoîç oxXotç, où le sens serait rendu par le français en armes. Mais je ne pense
pas que ce texte puisse autoriser la même substitution dans (7, 3, 40) 7:apr,v
"Zeû^Tiq l^wv XOUÇ iTnuéaç x£0ci)pay,ta^£vouç v.cà xouç 7C£Xxaaxàç aùv xoîç otcXûiç,
où le sens est avec les Hoplites; car on lit immédiatement après /.ai 01 ij.£v
6'!:XTxai yj^ouvxo, 01 Bè 7U£Xxa(jxai eittovxo, ol S' itutuy^ç wTUiaSoçuXàxouv.
On sait que les écrivains grecs lient par des conjonctions les propositions co-
ordonnées, habitude que n'ont pas les écrivains latins. Gependant l'asyndète et
l'asyndète sans figure oratoire n'est pas rare chez Xénophon, particulièrement
avec le démonstratif xouxo, xauxa, qui n'est même pas toujours en tête de la
proposition, par exemple dans 4, 4, 19; 4, 6, 4; 5, 6, 14. Je n'aurais pas
ajouté 3' après xouxo dans j, 2, 7. M. G. n'ajoute pas ouv après 01 |jl£v dans i,
2, 2$ ; mais il l'ajoute après 01 [xkv dans 2, 1,6, xy)v \)kv dans 6, 5 , i . On trouve
aussi dans 3, i, 26 ô [x£v xaux' £X£?£v, mais ce passage rentre peut-être dans
l'analogie de ceux où le démonstratif est employé sans conjonction de coordina-
tion. Gependant l'article suivi de jj^àv est trop de fois employé sans xal ou ouv
pour ne pas autoriser à penser que Xénophon s'est permis l'asyndète.
Le texte de l'Anabase ne comporte pas beaucoup de corrections qui intéressent
le sens. M. G. en a fait une qui me semble heureuse dans 2, 2, 13 où il est dit
que 'Apiatoç èxuYxav£ èç' (ZjjlûcÇyîç ':rop£UO[j.evoç, Btéxi èxéxpwxo. Sur quoi
M. G. fait la remarque suivante : « absurdum est principem virum eumque vul-
d'histoire et de littérature. 5
» neratum plaustro vehi. Imo vero è^' àp[LOL[jA^r,ç èiropsûsTo, ut Atheniensiuiti
» legati in Perside iter faciunt è:p' àp{j.a|j.a?ûv [j.aX0axG3ç >taTax£([;.£v5i, apud
» Aristophanem Acliarnens. vs. 71, et rex Persarum in Graeciam contenderià
» [jL£T£7.6aiv£G/.£ cîxwc wv XoYOÇ aiûéoi ijt ToD apaaxoç ic àpui.auLa5av, teste Her6^
» doto VII, 41,'^"'' "": '';-i'^'»^^nlo JiifiT:r}T3pimqi.iion J^
Nous croyons en avoir assez dit pour montrer que Sédition de M. Cobet
n'est pas bonne seulement pour des élèves ; les philologues trouveront aussi à
profiter dans l'œuvre du plus fin connaisseur en langue grecque que nous ayons.
Charles Thurot.
,^^. — Cl. Claudiani teàptîis Proserpinae. Recensuit D' LndoVîcus Jeep, Lip-
siensis. Augustae Taurinorum, Arminius Lœscher. 1875 (1874). xxv et 59 p. —
Prix : 4 fr. , ,
M. L. Jeep a etitrepris un travail considérable et bien méfitôîfe'j c'est d'établir
pour la première fois par une critique méthodique le texte de Claudien. Depuis
1869, il a consacré une série d'écrits aux questions qui s'y rapportent'. Ses
conclusions ayant été adoptées, sauf quelques réserves, par plusieurs savants
(Teuffel, Baehrens, Vitelli), il ne fait que les énoncer, avec de légères modifica-
tions, dans la préface de son édition du de raptu Proserpinae^.
M. Jeep connaît une cinquantaine de mss. de ce poème, qu'il classe d'après
les signes suivants : "^" moz zmvjaa^ «
I texte (relativement) complet; subdivisée en : s .D M
la la leqonfusis « conservée » dans 1. I v. 53. ^^'^' 2-*' sup
l'b pensis au lieu àefusis, 1. IV/ 5^. -^
II lacune 1. III v. 280-360.
III lacune 1. III 280-360; absence de la prétendue préface du 1. III; omission
des vers III 438 à 448 (derniers vers existants du poème). -^X^ jjvOôsw
IV lacune 1. III v. 280-360; omission des vers III 438-448; lacUftë^l ^Ij^
212. .^--T '--'vAr:
V lacune 1. III v. 280-360; absence de la préface du 1. III; omission de III
438-448, et lacune 1. I v. 139-212.
La filiation de ces classes serait la suivante :
h vix] h '":!
la I b '(Mqm:» t?fl\l IV i)l L'o V/t)D 3b 91^
1 . Voir surtout, pour le poème de raptu P., Die Handschriften von Claudian's Raptus
P., dans les Acta Societatis philologac Lips. éd. Ritschl, Lips. 1872, vol. I,fasc. 2, p. 345
à 387-, ■ -^- - '..,. . iû ,fr... vM
2. C'est la forme du titre que M. Jeep approuve en note, tandis qu'on lit sur la cou-
verture Raptus Proscrpïnae, etaù haut de la p. i. Carmen dé raptu P.
(5 .a;iu REVUE critique
i' "En outre : '''
îiiiuc [A«] [A(rchetypus)] [A a]
Dr: -j I
,n: I [a] .
nu icodices panegyricorum ^ |
codices raptus Proserpinae,
c'est-à-dire que [a] n'était autre que la copie d'une liasse de 4 feuilles de 8 pages
à 29 lignes, détachée de l'archétype unique, et depuis longtemps perdu, par
lequel Claudien nous a été conservé. La conséquence saute aux yeux: la critique
du poème doit se fonder sur les mss. I a, subsidiairement sur I b, et elle doit
laisser de côté entièrement II à V; car lors même que [x] eût conservé de
bonnes leçons de [z], perdues dans I b, il serait plus que probable qu'on les
retrouverait dans I a.
M. Jeep décrit ensuite les trois mss. qu'il a pris pour base unique, le Lauren-
tianus plut. XXIV sin. cod. 12 ' (L) et le Vossianus n° 294 (V) de la classe I a,
et le Gudianus n° 228 (G) de la classe I b. Enfin, il discute quelques leçons
-nouvelles admises dans son texte.
Il est difficile de contrôler la classification des mss. faite par M. Jeep, et il
serait encore plus difficile de la refaire, sans avoir à sa disposition tous les maté-
riaux que lui seul possède. Cependant il suffit de parcourir les quelques mss. de
Paris, que malheureusement M. Jeep n'a pas vus lui-même 2, pour s'assurer que
cette classification n'est pas à tous égards définitive.
Nous laissons de côté les n°' 8081, 8297 et 1 1^24 de la Bibl. nat., qui ne
sont que des copies récentes et sans valeur de mss, de la classe I b (mais non
du n° 7892). Les autres répondent à l'attente de M. Jeep ? en ce qu'ils séparent
le poème de rapîa P. du reste du recueil; et les n°' 8080 et 8082 rentrent même
dans une de ses classes (la IV®) 4. Mais voici les n°* 8295 et 8296 qui ont en
commun une lacune de 12 vers au lieu de 66, de I 201 à 212 (Religiosa silex
— specalaîus ah arce), sans être pourtant de la même famille; en effet, 829$ a la
préface 1. III, 8296 ne l'a pas; les 30 premiers vers du poème à eux seuls ont
8 variantes, sans parler des différences d'orthographe ; enfin il y a des vers
entiers (de remplissage) qui diffèrent; p. ex., après III 279: 8295 Omnishos (sic)
recti nobis sicfaîa recéda ; 8296 Hec ait et lectura faces intrat nenius alîum.
^. !,:Mais une observation bien plus importante, c'est que le n** 7892, que M. Jeep
attribue à la classe I a, n'en est pas du tout. Le mot fusis (I 53) s'y voit à la
place d'un autre mot qui a été gratté, et qui était sans aucun doute pensiss. La
4^f>r-&-
1. Et non 1 12, comme portent les Acta p. 355 et la préf. de l'éd. p. viij, etc.
2. Acta, p. 351; praef. p. viij.
3. Acta, p. 351 suiv.
4. Le n" 8080 omet le vers III 361 ; le n* 8082 possède ce vers. Ce qui suit le v. III
437 dans 8080 est de seconde main.
j. En outre, un collationnement très-attentif de tout le 1. I nous a convaincu que ce
ms. n'a presque aucune valeur à côté de L, et même de V. Le ms. 7892, de petit for-
mat, en parchemin, se compose de deux parties (f. 1-122 et 123-148), d'écriture et de
dimension différentes, mais toutes deux du XV siècle, et portant au f. i r le nom de
d'histoire et de littérature. 7
classe I a se trouve donc réduite à deux mss., L et V. Mais il y a plus, son
existence même est fort douteuse; en tous cas, la leçon du vers I 53 ne suffit
pas pour justifier la subdivision de la classe I en I a et I b. En effet, V et G
(représentant de I b) ont en commun tant de fautes de copie et d'interpolations ',
qu'il ne saurait être question de rencontres fortuites. Évidemment, s'il y a eu un
intermédiaire [z] entre [a] et G, il a servi aussi à V. Mais il a servi aussi à L,
s'il existe ; car L et G ont la même interpolation ou la même erreur en quelques
endroits où la vraie leçon n'était pas perdue dans [a], V certainement ne l'ayant
pas retrouvée par conjecture, mais ayant dû la tirer d'[a]2. Or, si tous les textes
ont passé par le même intermédiaire, autant identifier celui-ci avec [a]. Seule-
ment, il faut alors supposer [a] déjà chargé de variantes et de gloses interlinéaires
ou marginales?, que L aurait mises de temps en temps dans le texte, et que
d'autres auraient adoptées plus ou moins régulièrement, sans renoncer pour cela
au droit de faire des changements de leur propre chef. De cette manière, la
présence de fusis dans quatre mss. 4 s'expliquerait assez naturellement 5.
Mais il est évident que ce ne peut être là qu'une hypothèse très-hasardée pour
qui ne connaît les mss. I b à V que par le fatras de Burmann. Il se peut aussi
qu'en étudiant à nouveau toute la classe I, on découvre la vraie filiation (car
évidemment tous les mss. de cette classe ne remontent pas directement à [a])^ et
que cette filiation donne le mot de toutes les énigmes. On pourrait regretter^ à ce
point de vue, que M. Jeep n'ait pas fait connaître quelques mss. de plus. En tous
cas, d'après ce qu'on connaît, on ne peut que féliciter M. Jeep de s'être attaché
principalement à L pour constituer son texte. L n'est pas, à la vérité, entièrement
exempt de gloses mises à la place du texte, ni même de conjectures <^. Mais, en
« Claudii Puteani. » Les f. 123 r à 141 v contiennent le poème de Claudien. Les f. 125
et 126 (1. II 157-284) se trouvent à la place qu'ils occupent par une erreur du relieur;
ils devraient suivre le f. 152; mais il n'y a pas de lacune. Presque toutes les leçons qui
diffèrent de L V G se retrouvent dans le « cod. Mediolan. » de Burmann.
1. En voici quelques exemples : I 66 illicitas p. incestis; 145 rapta (?) et trisulca p.
rupîam et trisulcam; 146 opponit p. opposait; 172 offensa rimosa rmt p. offensus rimaîa
furit; 215 nudat p. pandit; 276 arces p. auras; etc., etc.
2. I 129 cornua p. germina; II 3 ardentes p. errantes; 83 longeua colonis p. longaeuus
harenis; III 62 saucius p. languidus; etc.
3. C'est ce que M. Jeep doit faire aussi, dans une certaine mesure, puisaue, dans II
171 et III 137, il explique la leçon de I b (et de V) par une scolie de L, qu ils n'ont pu
connaître que par [a], et puisqu'il a observé dans L des corrections de première main
telles que III 231 wmpo5 p. colles. Voy. aussi E. Baehrens, Jahrbb. f. Philol. 1. 105 (1872)
p. 636.
4. L et V de première main, Palat. 1573 (Jeep, Acta, p. 368) et Paris. 7892 de
seconde main. Du reste, fusis était facile à trouver aussi par conjecture (Catull. 64,
Virg., etc.)
5. Le système de M. Jeep est entièrement renversé, semble-t-il, par le v. II 118, s'il
est authentique. Comment, en effet, L et V, en copiant [a], et plusieurs mss. I b en
copiant [z], auraient-ils omis le même vers indépendamment les uns des autres? Voudra-
t-on croire qu'il se trouvait en marge et dans [a] et dans [z]?— Mais ce vers est suspect.
Voy. plus bas.
6. Voy. ci-dessus note 8, et 1. I 201 obumbrat p. opacat; 267 tek p. texti\ II 6 iussere
p. uoluere; 132 legunt p. metunt; 183 se soluit p. dissiluit; 297 eciam p. pariter; III 98
fuluos leoncs p. fuluas lecnas\ 108 tantum p. saltcm\ etc.
8 REVUE CRITIQUE
général, on reçoit l'impression, en l'étudiant d'après M. Jeep, qu'il offre une
tradition relativement très-pure '. Il y a même quelques passages où l'on voudrait
que M. Jeep lui fût resté plus fidèle. Ainsi I 127 uitulum — qui (uiîulam est une
interpolation; qu'importait le sexePV, III 103 indulgens (excellente correction de
M. Jeep) Phrygias uel nunc p. indulges Phrygiasque eîiamnum; 41 ^ferebar p.
uidebar; etc.
Si, sauf ces quelques points, la critique diplomatique exercée par M. Jeep doit
être pleinement approuvée , la partie divinatoire de son œuvre provoquera pro-
bablement plus d'objections, parce qu'elle est, de sa nature, plus subjective.
Plusieurs de ses conjectures paraîtront inutiles, comme II 75 aruum pour annum;
jtMSs flammisque pour damnisque (conjecture pour conjecture, nutriî au lieu de
miîtit est bien préférable); II 331 uanescere pour rarescere; III 281 estis ipour itis.
D'autres donnent un texte positivement inférieur à celui des mss. ou des éditions
précédentes; ainsi I 203 coniferi modulanîur (L) rami au lieu de coniferis mo-
dulatur ramis^. I 218 peragi est îempus pour peragi îempus; le t de peragit (L V G)
n'est qu'une répétition de celui de îempus, et peragi est nécessite l'élision d'une
Toyelle longue, extrêmement rare chez Claudien (L. Mùller, dere meir. p. 282);
enfin v. Virg. Mn. V 638 et Stat. Theb. V 140 cités par Heinsius, et in Rufin. II
i^i I. II 44 natum p. nasci; nasci est bien plus épique. II 86 foue ut p. foue; ut
affaiblit la phrase et l'élision de foue ut, malgré la consonne qui suit, est encore
plus inadmissible que celle de I 218, surtout dans une conjecture î. Mais il y a
une série d'excellentes corrections : l 6 solum p. îotum; 21 foribus p. opibus;
III 103 (v. plus haut); etc. ''■- i^^ .i»
: M. Jeep pense que son opinion sur l'histoire dtf texte suffit à expliquer que la
fin de notre épopée soit tronquée, et il trouve très-probable que le poème a été
achevé. C'est très-possible, sinon très-probable; mais cela reste toujours une
question ouverte. Des lacunes dans le récit sans aucune incohérence grammaticale
sont plutôt de nature à faire naître des doutes. M. Jeep lui-même a découvert
une lacune de cette espèce entre I 273 et 274. Mais il y en a une presque aussi
manifeste entre II 203 et 204, où le sujet même de l'épopée, l'enlèvement de
Proserpine, est passé sous silence. Il est dit, sans doute : rapitur Proserpina curru;
mais avant qu'elle fût entraînée sur le char, il fallait que le dieu l'eût prise et l'y
eût fait monter 4. Enfin, le vers II 1 18, que L V G et plusieurs autres omettent,
ressemble fort à ceux au moyen desquels certains mss. essaient de dissimuler la
lacune III 280-360, et pourrait bien n'être qu'un remplissage de même nature.
A partir du v. III 332, M. Jeep fait commencer un 4Mivre. Il est fort possible
qu'il ait raison, mais c'est peu important. Ce qui est bien regrettable, au contraire,
1 . Le copiste se montre souvent ignorant et peu intelligent, tellement qu'on a peine à
lui attribuer la moindre altération volontaire.
2. Praef. p. xxj, M. Jeep dit que dans la vulgate il faudrait tirer de quani le sujet de
modulatur, qui serait quae. C'est une inadvertance. Le sujet de modulatur est pinus^ la
construction est la même que I 17 suiv. (tigris colligit).
3. Caui II 126, en note, ne peut être qu'un lapsus calami; cauae serait bien oiseux.
4. Même dans le petit récit de l'hymne homérique sk A7i|jLr,Tpav,v. 19, il y a au moins
ces deux mots : àpuà|a; S'àéxouaav (eTct xP^^^Éoicriv oyoïaiv yjy' ôXotpupojxévr.v).
d'histoire et de littérature. 9
c'est que M. Jeep, dans chacun des trois livres, ait changé le compte des vers.
Quiconque a étudié les principaux poètes grecs ou latins a dû voir combien sont
minimes les inconvénients qui résultent de ce que l'on continue à compter les
vers reconnus inauthentiques, auprès des ennuis infinis que cause un numérotage
différent d'édition à édition. Espérons que M. Jeep, en publiant les œuvres com-
plètes de Claudien, rendra à chaque vers son numéro de la vulgate.
L'impression du livre est très-agréable à la vue, en types elzéviriens, sur
grand papier teinté; mais elle est très-incorrecte. Dans une quinzaine de pas-
sages les notes critiques en deviennent inintelligibles. La ponctuation laisse aussi
à désirer'.
En somme, le poème de Claudien a gagné considérablement par les soins de
son nouvel éditeur, et l'on ne peut que se réjouir de voir bientôt le recueil de
Claudien tout entier restauré de la même main.
Max Bonnet.
1^4. — Das schxvache Prœteritum der germanischen Sprachen. Ein Bei-
trag zur Geschichte der deutschen Sprache von Wilhelm Bbgemann. In-8®. Berlin,
Weidmann'sche Buchhandlung. 1872. — Prix; j fr. 55.
Je ne sais quelle impression pénible on éprouve à la lecture de ce livre; on
ne peut du moins en le parcourant ne pas se prendre à regretter que l'auteur
ait perdu tant de travail et de temps pour essayer de renverser une théorie à
laquelle on peut bien encore faire plus d'une objection, mais qu'il n'est plus possible
de remettre en question. Si, au lieu de rompre en visière à tous les germani-
sants qui l'ont précédé, M. B. s'était uniquement attaché à compléter leurs
explications bien plus qu'à les contester, il aurait pu faire une œuvre utile ;
celle qu'il a entreprise, au contraire, si elle a servi peut-être à son instruction
particulière, est restée sans profit pour les progrès de la science. On n'était pas
accoutumé de l'autre côté du Rhin à voir un débutant s'affranchir ainsi de l'autorité
des maîtres et prétendre refaire à nouveau des théories depuis longtemps accep-
tées; la tentative a été si malheureuse qu'il faut espérer qu'on ne la recommencera
pas.
L'auteur veut prouver que le prétérit des verbes faibles en allemand n'est
point formé, comme on l'admet depuis Grimm, à l'aide du verbe îun soudé
comme suffixe à la racine; mais il n'aborde pas son sujet sans de longs détours.
Après avoir posé la question et étudié en quelque sorte le prétérit de tun en
lui-même, il s'occupe d'abord (p. 26-66) des prétérits faibles sans voyelle de
liaison en gothique, puis vient une digression de vingt-deux pages (67-99) ^^^
le prétérit défectif iddja. C'est alors seulement que nous arrivons à « l'origine
)) et à la formation du prétérit faible » (i 06-1 71), c'est-à-dire au sujet même
de cet ouvrage; l'examen des désinences de ce même prétérit le termine (172-
186). Cette longue étude fatigue plus qu'elle n'éclaire. M. B. relève bien
quelques-unes des difficultés que soulève la théorie de Grimm ; mais l'identifica-
I. I praef. 4 il faut une virgule après uias {qui pracbiiit, [ille] se credidit); I 218 pour-
quoi la parenthèse? 11 131 te maerensN etc., etc.
10 REVUE CRITIQUE
tion qu'il propose du suffixe du prétérit faible avec le suffixe du participe
passé indo-européen ta(s) n'en présente-t-elie pas de plus grandes encore ?
Comment, par exemple, rendre compte dans cette hypothèse de la terminaison
jAurïel dêdum y déduîh, dédun du prétérit gothique? M. B. reste muet sur ce
point, comme sur beaucoup d'autres ; cependant s'il n'atteint point le but qu'il
se propose, son livre n'est point sans valeur et témoigne d'un véritable talent
d'analyse, qu'on doit souhaiter seulement de lui voir mieux employer qu'il ne
l'a fait ici.
C. J.
155. — Études sur quelques monuments mégalithiques de la vallée de
rOise, par Am. DE Caix DE Saint-AymouRj 39 p. in-8° avec 50 fig. sur bois
(Extrait de la Revue d'anthropologie 1874). Pans, Leroux. 1875. — Prix : 5 fr.
M. de Caix de Saint -Aymour a débuté dans la littérature par un ouvrage de
linguistique sur lequel a été porté ici-même un jugement sévère {Rev. Criî. du
30 mai 1868). Il s'occupe maintenant d'archéologie et nous désirons que ce soit
avec plus de succès. La présente brochure est l'inventaire de quelques monu-
ments mégalithiques de la vallée de l'Oise et des fouilles que M. de C. y a fait
exécuter. C'est une pierre levée à Jancy, commune de Cergy, appelée dans le
pays pierre du F omet ou Palet de Gargantua ; c'est une autre pierre levée dans
la commune de Jouy-le-Moutier, près de laquelle existe un amas d'énormes
blocs de grès ; ce sont enfin les débris d'une allée couverte sise à Vauréal et
appelée dans le pays cimeticre des Anglais. Les fouilles pratiquées par M. de C.
y ont fait découvrir un certain nombre d'ornements et d'objets laissés avec les
morts, hachettes, haches, pointes de lances, fragments de couteaux en silex,
dents d'animaux percées pour être suspendues, etc. M. de C. décrit avec soin
ces objets, et les nombreuses gravures qui font le principal mérite de son
opuscule permettent de se faire une idée nette de ces objets préhistoriques.
Y.
136. — La Chronique du Livre Blanc, notes communiquées le 29 sept. 1874, à
Soleure à l'Assemblée générale de la Société d'histoire suisse, par M. P. Vaucher.
1 1 p. in-4*.
ht Livre blanc d'Obwalden (unt des deux moitiés du canton d'Unterwalden,
chéf-Iieu Sarnen) a est une sorte de manuel officiel, commencé un peu après
» le milieu du xv° s. et renfermant des copies de documents relatifs au droit
» public suisse, ainsi qu'une courte chronique où l'on a réuni un certain nombre
» de notices et de récits relatifs à l'histoire ancienne de la Confédération. »
Cette chronique connue sous le nom de Chronik des weissen Bûches a été publiée
par M. Meyer von Knonau dans le t. XIII du Geschichtsfreund et par M. de
Wyss à Zurich en 1856. M. Vaucher, professeur d'histoire et directeur d'un
séminaire historique à l'Université de Genève ', bien connu par ses recherches
I . M. Pierre Vaucher s'est beaucoup occupé de l'histoire du XVI° s. et de celle du
d'histoire et de littérature. I I
sur les traditions relatives aux origines de la Confédération suisse (Genève 1868),
a entrepris Pexamen critique de la chronique du Livre blanc. Il promet pour
plus tard l'étude des légendes contenues dans le corps de l'ouvrage, et n'aborde
dans les notes lues à l'Assemblée générale d'Histoire suisse que deux ou trois
points préliminaires. -— Le fait que les documents connus par l'auteur de la
chronique sont ceux-là même qui sont transcrits dans le Liber Albus lui fait
croire que c'est le copiste du Liber Albus qui a composé la chronique. Sans
décider qui est ce copiste, M. V. cite une note du P. Martin Kréus, auteur de
l'Histoire de la paroisse de Sarnen, d'après laquelle ce serait vraisemblablement
un certain Schselly, secrétaire d'État d'Obwalden de 1445-1480. M. V. examine
ensuite le prologue de la chronique qui a déjà souvent exercé la sagacité des
commentateurs. D'après ce prologue, les pays d'Uri, de Schwyz et d'Unter-
walden se seraient volontairement soumis au roi Rodolphe de Habsbourg à la
condition de ne jamais dépendre que de l'empire. Mais la famille du roi Rodolphe
de Habsbourg, qui s'était emparé violemment du Thurgau, du Zùrichgau et de
l'Aargau, s'éteint, tous ses biens passent aux comtes de Tyrol alliés par des
mariages aux comtes de Habsbourg. Ces comtes cèdent à des nobles du Thurgau
et de l'Aargau les bailliages des Waldstaetten et les exactions de ces baillis sont
l'origine de toutes les discordes qui suivirent.
M. V. croit, et il appuie son opinion sur d'assez fortes présomptions, que le
chroniqueur de Sarnen avait sous les yeux la grande chronique bernoise de
Conrad Justinger, mais que trouvant que l'indépendance primitive de Walds-
taetten n'était pas assez bien établie par le récit de Justinger, qui admettait dès
l'origine une certaine dépendance vis-à-vis de l'empire et prétendait que les
seigneurs d'Autriche avaient acheté aux Habsbourg leurs droits sur les trois
cantons, il imagina la fable de leur soumission volontaire à Rodolphe et de la
dévolution des biens des Habsbourg aux comtes de Tyrol par suite de mariages,
ignorant que si la Suisse a eu affaire à des comtes de Tyrol, c'est que les archi-
ducs d'Autriche, descendants directs de Rodolphe, avaient hérité du Tyrol.
Nous espérons que M. V. poursuivra ses recherches, selon sa promesse, et
publiera bientôt une critique complète et détaillée du Livre blanc.
r.
XVIII«. Nous avons réça, en même temps que la rrotice sur le Livre Blanc, une courte mais
intéressante note sur les Souvenirs d'Etienne Dumont (tirée de l'Indicateur d'Histoire
suisse). Tout en protestant qu'il ne veut en rien diminuer la valeur historique des Souve-
nirs de son compatriote, M. V. montre avec raison qu'Etienne Dumont a exagéré invo-
lontairement l'importance du rôle joué par les 4 Genevois qui ont servi à Mirabeau de
collaborateurs ou plutôt de secrétaires et d'ouvriers. Il montre même que Dumont, qui
écrivait plusieurs années après les événements qu'il raconte, pourrait bien n'avoir pas eu
toujours la mémoire très-fidèle, et qu'en particulier le projet qu'il prête à Mirabeau en
nov. 1789 de taire fuir le roi à Metz, de casser les décrets de l'Assemblée, de rappeler
les parlements (Dumont, p. 206 ss.) est directement contredit par le mémoire de Mirabeau
remis le 1 5 oct. par La Marck au comte de Provence et imprimé dans la Correspondance
de Mirabeau avec La Marck, I, p. 364 ss.
1.2 .v>:u!A>f^VUE CRITIQUP
^2. — Géographie des "Welthandels. Mit geschichtlichen Erlaeuterungen , von
^^D* Karl Andrée. 2 vol. gr. in-8» de 668 et 674 p. Stuttgart, Maier.
-îpv/' - ■ ' : :' ^ ,:-■; '■'] 'jm^m
Nous venons un peu tard annoncer cette Géographie du commerce universel
qui forme deux volumes de la « Bibliothèque des sciences commerciales »
publiée par l'éditeur Jules Maier de Stuttgart. Au surplus ce nouvel ouvrage
de M. Karl Andrée, bien connu des géographes comme directeur du Globus, n'a
besoin que d'être signalé au public français auprès duquel il mérite de trouver
le même succès qu'auprès du public allemand. De ces deux volumes, le premier
traite de l'histoire du commerce de peuple à peuple depuis les temps les plus
reculés jusqu'à nos jours, histoire qui à bien des égards est celle de la civilisa-
tion. Les foires, les marchés, les caravanes, la navigation, la distribution géogra-
phique des principaux objets de commerce forment la matière principale de ce
volume. Le second volume traite de l'Afrique, de l'Asie, de l'Australie et de
l'Amérique. La plupart des géographies comm.erciales se bornent à décrire l'état
présent; M. K. Andrée élargit ce cadre pour y faire entrer l'histoire et l'ethno-
graphie, pour montrer les rapports du commerce avec le génie et la vie des
peuples, avec l'histoire de leur industrie : il entre même dans des détails lin-
guistiques, par exemple sur ces jargons, nombreux sur notre globe, qu'on peut
appeler après lui les « langues commerciales. » En un mot, d'un sujet généra-
lement traité avec sécheresse et d'une lecture plus instructive qu'attrayante,
M. B. a su faire, par le mélange de la géographie commerciale avec l'histoire
de ce commerce, avec la vie de la civilisation, un ouvrage à la fois scientifique
et curieux. Bien des points touchés dans cet ouvrage échappent à notre com-
pétence, mais la méthode semble mériter tout éloge. Sur une question que nos
études spéciales nous ont rendue familière, l'histoire et l'emploi des éléphants,
nous avons trouvé M. A. bien informé. — Un troisième volume sera consacré à
l'Europe.. ^^^^:r.,-.;,
Dans le cours de ces études M. A. s'occupe beaucoup (et cela est naturel) du
commerce allemand. « Nous Allemands, dit-il, au point de vue de la navigation
«5 et du commerce maritime nous tenons le troisième rang parmi les peuples :
» seuls les Anglais et les Américains passent avant nous. » Préoccupés de la
question militaire dans nos rapports avec nos voisins de l'est, nous ne prenons
pas assez garde à leur développement maritime et commercial. Les Anglais ne
s'y laissent pas tromper. Lorsqu'en janvier 1874, sir Bartle Frère, ancien gou-
verneur de Bombay, fit à Glasgow deux lectures sur sa mission à Zanzibar, il
parla dès le début de la concurrence que les négociants allemands font aujour-
d'hui aux négociants anglais et écossais dans l'Afrique orientale. « Pendant mon
» dernier voyage, dit-il, je trouvai partout chez mes vieilles connaissances écos-
5f-,saises et anglaises cette conviction que les Allemands sont devenus dans le
^, commerce une nation aussi formidable que dans la guerre. Je crois pouvoir
f> jsssurer que cette puissance grandissante et incontestable de l'Allemagne dans
^le commerce est en rapport immédiat avec l'admirable instruction que reçoit
» un grand nombre d'Allemands. En Allemagne, les jeunes gens qui se desti-
d'histoire et de littérature. ij
)) nent au commerce parlent et écrivent grammaticalement au moins une langue
)) étrangère, en comprennent plusieurs et beaucoup d'entre eux connaissent
» même les langues classiques. Ils ont aussi étudié l'histoire, les sciences physi-
)) ques et naturelles; beaucoup d'entre eux savent même la musique... Ajoutez à
» cela que ces jeunes gens bien élevés et instruits mènent une vie laborieuse et
» régulière, toute à leurs affaires. «Ces mérites auxquels sir Bartle Frère attribue
le succès des négociants allemands tiennent à des causes bien diverses : leur
esprit d'économie est la vertu ordinaire des peuples pauvres qui se passent
d'autant plus aisément des raffinements de la vie qu'ils n'y sont pas habitués ;
leur talent commercial tient à l'instruction multiple qu'ils ont reçue et dans
laquelle domine l'étude du monde étranger. Cette situation avantageuse de
l'Allemagne a même inspiré à M. A. une réflexion trop naïve pour un ouvrage
sérieux; il s'agit du commerce allemand sur les côtes de Chine. La plus grande
partie des échanges se fait par navires allemands; les maisons chinoises ont des
navires allemands à leur service. Entre Hong-Kong, Canton et Shang-haï, une
centaine de navires allemands font leur transport pour le compte de maisons
chinoises. On pourrait attribuer ce fait à la modicité de leurs conditions ou à la
régularité de leur service; mais M. A. donne une autre raison de ce fait. « Les
» négociants chinois, dit-il (§ II, p. 309), préfèrent ces navires à tousles autres
» parce que leurs capitaines ne s'occupent pas seulement de leur propre intérêt,
» mais aussi de celui de leurs clients. » Aurait-on cru trouver autant de senti-
mentalité chez des négociants chinois et chez des caboteurs allemands ^ Nous
ne nous scandalisons pas trop de rencontrer ces panégyriques chez un auteur
allemand (bien qu'un ouvrage d'un caractère scientifique dût être dépourvu de
ces puérilités), mais nous pourrions rappeler qu'un de nos collaborateurs (qui ne
passe pas pour haïr l'Allemagne) a parlé de l'honnêteté du commerce allemand
en termes un peu différents ' .
Pour en revenir à la question d'enseignement, et plus particulièrement à la
géographie commerciale, nous ne pouvons nous empêcher de faire une com-
paraison qui n'est pas à notre avantage. Nous n'avons pas en France d'ouvrages
à opposer à des livres comme celui de M. Andrée, mais n'est-ce pas la faute de
notre public plus que de nos écrivains ? Honos dit artes. Un des professeurs les
plus compétents en cette matière, M. Bainier, sous-directeur de l'École de
commerce de Marseille, a écrit une volumineuse géographie commerciale. S'il eût
fait un ouvrage abrégé répondant strictement au programme des collèges, il eût
trouvé un éditeur ; ayant fait un ouvrage développé et scientifique, il n'en a pas
trouvé et a dû faire lithographier son livre. Heureusement tout annonce de plus
heureux jours à cette branche de la géographie qui tient par tant de liens au
développement de notre industrie et de notre commerce. Il s'est fondé à Bor-
deaux une Société de géographie commerciale : la Société de Géographie de
Paris a organisé une commission de géographie commerciale et sous les auspices
de cette commission s'est fondée une revue, l'Explorateur, rédigée de façon à
I. Cf. Rev. crit. du 17 octobre 1874, p. 251.
1^ REVUE CRITIQUE
intéresser à la fois les géographes et les négociants, quoique ses articles soient
de valeur inégale. A cet égard nous pourrons bientôt nous suffire à nous-mêmes ;
mais jusqu'à ce que notre littérature ait produit des œuvres aussi étendues et où
soient condensées tant de recherches, nous devons faire notre profit d'ouvrages
comme celui de M. Karl Andrée. H. Gaidoz.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 2 5 juin 1875.
Le ministre de l'instruction publique transmet à l'académie :
1° les travaux suivants des membres de l'école française d'Athènes : — Ca-
talogue des vases peints conservés au musée de la société archéologique
d'Athènes, par M. CoUignon;— Inscriptions chrétiennes de l'Attique antérieures
au 8e siècle, par M. Bayet; — Analecta : miniatures de mss. byzantins, lampes
chrétiennes, fioles en terre cuite, plombs byzantins, estampages, par M. Bayet;
p;,,20 une lettre par laquelle M. de S^^ Marie demande l'autorisation défaire des
fouilles pour le musée d'Alger en même temps qu'il s'occupe de la mission qui
lui a été confiée en Tunisie (renvoyé à Pexamen en comité secret).
^1 Une commission composée de MM. de Saulcy, Renan, de Slane et Pavet de
Courteille est chargé de prendre connaissance d'une communication de
M. V. Guérin.
L'académie reçoit l'avis que l'académie des beaux arts a désigné M. Guil-
laume pour faire partie de la commission du prix Fould.
M. Hucher écrit qu'il retire jusqu'à nouvel ordre son édition du S. Graal des
concours de l'académie (v. la dernière séance).
M. Castan écrit pour se porter candidat à une place de correspondant.
— En présentant à l'académie une brochure de M. Chabouillet sur Ronsard
(v. plus bas), M. de Saulcy communique quelques observations sur la famille
et la naissance de Ronsard, auxquelles l'ont conduit ses propres recherches. On
trouve en 141 8 un maître particulier de la monnaie de Bourges du nom de
Pierre Ronsard. En 1491 le même office est rempli par un Thomas Ronsard,
auquel succède en 1 506 son fils, nommé encore Pierre Ronsard. M. de Saulcy
pense que ce dernier est le père du poète : celui-ci s'appelait aussi Pierre Ron-
sard. Les monnoyers étaient exempts d'impôts et formaient en cela une sorte de
noblesse, qui pouvait même se transmettre par les femmes ; plusieurs familles de
Champagne qui ont compté depuis parmi les plus nobles n'ont pas eu d'autre
origine. On s'explique donc que Ronsard ait eu des prétentions à la noblesse,
et que, brodant sur ce fond, il en soit venu à prendre le titre de marquis et à
se faire une généalogie de son invention.
M. Naudet demande que M. de Saulcy fasse de cette communication un mémoire
écrit et développé ; M. de Saulcy dit qu'il compte seulement en rédiger un
résumé pour le compte rendu officiel des séances.
d'histoire et de littérature. ij
— M. L. Renier communique le texte d^une inscription découverte en 1872
à Grèzes le Cliâteau (Lozère) dans les fondations d'une maison où elle a été
replacée depuis. Un estampage et une copie en ont été pris par M. le D^ Pru-
nières et envoyés par lui à M. de Rozière, qui les a transmis à M. Renier.
L'inscription est intéressante en ce qu'elle donne le nom d'un fonctionnaire de la
cité des Gabali, qui n'était encore connue que par 4 inscriptions sans impor-
tance. En voici le texte : L. SEVERL SEV^ | RVS. L. SEV. F. Om \ NIBVS.
HONORIS I VS. IN CIVITATE. FVNc | TVS. QVIQ. HANC. V/7 | LAM. A.
SOLO.INSTITV// I FIL. EIVS. MAJOR. AEDe | M.I.O.M.INSTITV | ERVNT.
PRO SALV/s I SVA.ET SVORVM ; « L. Seuerius Seuerus, L. Seueri filius,
» omnibus honoribus in ciuitate functus, quique hanc uillam a solo instituit,
» filius eius maior, aedem loui Optimo Maximo instituerunt pro salute sua et
» suorum. »
— M. Desjardins, répondant aux observations de M. Naudet (v. la séance
précédente), reconnaît que le plus ordinairement, en latin classique, le mot de
fmmentarias a le sens que lui donne M. Naudet. Mais, dans l'inscription du
corps de garde de la 7^ cohorte des vigiles de Rome, la seule dont il s'occupât
dans son mémoire, frumentar'ms désigne selon lui un vigile qui a déjà été admis
à participer à des distributions de blé; nous avons un autre témoignage de ces
distributions faites aux vigiles, après un certain temps de service, dans une
inscription du règne de Septime Sévère, Caracalla et Geta, qui contient le
remerciement de 16 vigiles inscrits sur les rôles de ces distributions, qvi
FRVMENT(o) PVBLfico) INCISI SVNT.
M. Naudet lit une note développée dans laquelle il soutient son opinion. Il
pense que les frumentaires mentionnés dans l'histoire auguste et dans les
inscriptions de l'empire sont toujours des centurions et soldats chargés des
doubles fonctions de commissaires aux vivres et d'inspecteurs de la police géné-
rale. Quant au frumentarius du corps de garde de la 7° cohorte des vigiles, cène
peut être qu'un fourrier de cette cohorte. L'inscription de l'Aventin parle de
vigiles qui, étant arrivés à la cité romaine, sont inscrits, comme citoyens et non
comme soldats, au rôle des distributions que l'assistance publique faisait à Rome
à 200,000 plébéiens. C'est là le sens propre du mot Incisus. Quant à frumenta-
rius^ il signifie toujours, non pourvu, mais pourvoyeur de blé.
— L'académie se forme en comité secret.
— A la reprise de la séance publique, M. de Longpérier lit une lettre de
M. le commandant Mowat, qui signale un monument curieux en ce qu'il peut
nous donner une idée de la statue colossale de Mercure qui se trouvait suivant
Pline l'ancien, l. 34, ch. 18 (7, ou 45), dans le temple de Mercure sur le Puy
de Dôme, et qui avait été exécutée par l'artiste Zénodore. C'est un autel votif
trouvé à Horn en Hollande et conservé maintenant à Ruremonde. Il est dédié
au Mercure arverne, mercvrio arverno, et porte un bas relief qui représente
le dieu assis. C'est jusqu'ici le seul exemple d'un Mercure assis dans un monu-
ment gaulois. Il est probable que celui qui a consacré cet autel à Mercure, et
qui a pris soin d'ajouter au nom du dieu l'épithète d'Arverne, aura tenu à ce
16 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
qu'il fût représenté tel qu'on le voyait dans son grand temple du Puy de Dôme.
On est donc fondé à croire que le Mercure de Zénodore était assis. L'artiste a
dû emprunter ce type à la Grèce, où on le rencontre, à Corinthe notamment,
d'une manière assez fréquente.
Ouvrages présentés de la part des auteurs : — Par M. de Saulcy : L'étalon des mesures
assyriennes fixé par les textes cunéiformes, par M. Oppert, et Notice sur une médaille
inédite de Ronsard, par M. Chaboùillet; — Par M. Le Blant : Histoire des persécu-
tions de l'église jusqu'à la fin des Antonins, par M. B. Aube; Par M. Léon Renier :
Rapport sur une mission archéologique en Algérie, par M. Héron de Villefosse (c'est
un rapport sur la première mission de M. H. de V. en Algérie; le rapport sur sa seconde
mission est sous presse); — Par M. L. Delisle : Catalogue descriptifet raisonné des mss.
de la bibliothèque de Tours, par M. Dorange, 4*. — M. Gustave d'Eichthal adresse
à l'académie son Mémoire sur le texte primitif du i" récit de la création, Genèse, Ch. I-
II, 4, (lu par lui aux séances des 8 et 13 août 1873) suivi du texte du 2* récit, Paris,
8-.
Julien Havet.
ERRATA.
N° 26. P. 414, 1. 22, lire Ernest Kapp au lien de Ernest Kopp.
P. 416, 1. 7-9, lisez où M. Desjardins, rencontrant dans une inscription le
mot frumenîarius, l'expliquait comme désignant un soldat admis à prendre part
à des distributions publiques de blé, M. Naudet...
Même page, 1. 2 avant la signature, au lieu de d'égyptien, lisez d'Eugyppius.
Après M. J. Desnoyers, ajoutez Paris, 187$, gr. in-4'^, 1 5 p. de texte et 6 plan-
ches de fac simile en photogravure avec la transcription en regard.
a s^ îo
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
Acta Societatis Philologae Lipsiensis, éd. Ritschl (Lipsiae, Teubner). — Altenglische
Legenden, herausg. v. Horstmann (Paderborn, Schœningh). — Aulularia sive Querolus
Theodosiani aevi comœdia Rvtilio dedicata, edid. Peiper (Lipsiae, Teubner). — Beth-
MANN-HoLLWEa, Der Civilprozess des gemeinen Rechts. VI. Bd. i. Abth. (Bonn, Mar-
cus). — BoEHMER, Rcgcsta Imperii. Die Regesten des Kaiserreichs unter Kaiser Karl IV.
1346-1378. Herausg. v. Huber (Innsbruck, Wagner'sche Univ.-B.).— Boos, Die Liten
und Aldionen (Gœttingen, Peppmûller). — Busolt, Der zweite athenische Bund (Leip-
zig, Teubner). — Caix de Saint-Aymour, Études sur quelques monuments mégalithiques
(Paris, E. Leroux). •— Cassel, Lœwenkasmpfe von Nemea bis Golgatha (Berlin, Cal-
vary). — Claudiani Raptus Proserpinae, recens. Jeep (Augustae Taurinorum, Lœscher)^
— Contes et Discours d'Eutrapel, de Noël du Fail, p. p. Hippeau, t.I (Paris, Jouaust).
— Cortambert, Histoire des Progrès de la Géographie de 1857 à 1874. — G. D'Eich-
thal, Mémoire sur le texte primitif du i" récit de la Création (Paris, Sandoz et Fisch-
bacher). — Der Mensch eine Maschine, von De la Mettrie. Uebers. v. Ritter (Leipzig,
Koschny). — Des (^. Horatius Flaccus Sermonen, herausg. v. Fritzsche, i. Bd.
(Leipzig, Teubner). — Die Flersheimer Chronik, herausg. v. Waltz (Leipzig, Hirzel).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
Franz Delitzsch, Jùdisches Handwerkerleben zur Zeit Jesu. 2. Aufl. Erlangen,
Deichert. In-8°, 85 p. (C. Siegfried). — Gallenkamp, Die Reform der hœheren
Lehranstalten. Berlin, Lûderitz'sche Verlagsb, In-8% 40 p. (W. Hollenberg).
— Laas, Gymnasium und Realschule. Berlin, Lùderitz'sche Verlagsb. In-8",
95 p. (C. Peter). — Jahresbericht des k. k. Ministeriums fur Cultus und Un-
terricht fur 1874. Wien, Druck v. Gorischek. In-8'*, iv-195-lxxxiv p. — K.
ScHLOTTMANN, Das Vergsengliche und Unvergaengliche in der menschlichen Seele
nach Aristoteles. Halle, B. d. Waisenhauses. In-8°, 57 p.; Schulz, Depoetices
Aristoleleae Principiis. Berolini, typ. Draegerianis. In-4% 24 p. (Walter). —
'AptcTOTÉXouç TTspl TCoir^Tiy.YJç. Iterum recens. I. Vahlen. Berol., Franciscus
Vahlen. In-8% xv-246 p. (cf. Rev. crit., 1875, 1, p. 129); Spengel, Aristo-
teles' Poetik u. Joh. Vahlen's neueste Bearbeitung derselben. Leipzig, Teubner.
In-8°, 50 p. (Fr. Susemihl). — Volkmann, Die Rhetorik der Griechen und
Rœmer. Leipzig, Teubner. In-8% viij-^oSp. (F. Blass). — Teuffel, Geschichte
derrœmischen Literatur (M. Hertz; cf. Rev. crit., 1875, 1, p. 2$4).— Corssen,
Ueber die Sprache der Etrusker (Sophus Bugge; cf. R^i'. cn7., 1874, II, p. 321).
Anzeiger fttr Kunde der deutschen Vorzeit, N*» 5, Mai 187$. Buntgla-
sierte Thonwaaren des 1 5.-18. Jahrh. im germ. Muséum. XII. (A. Essenwein).
Zur Darstellung der « Heiligen Famille » (Dr. Florian Romer). — Urkundliche
Beitrsege zur Kùnstlergeschichte Schlesiens (suite : Wernicke). — Parodie des
Doctrinale (W. Wattenbach). — Die Prioren des ehemaligen Augustinerklosters
in Nûrnberg (Lochner). — Weiern ^Wattenbach). — Beilage zum iV° $.
Chronik des germ. Muséums. — Schnften der Akademien und historischen
Vereine. — Nachrichten.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
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dramatiques et la Comédie-Française au
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venirs de voyage. In-B**, 553 p. et carte.
Paris (Berger-Levrault).
Gérés. Notes archéologiques. Compte-
rendu sur les fouilles pratiquées à la villa
romaine de Mas-Marcou. Rapport sur les
fouilles archéologiques faites à Cavayrac,
à Souyri et au couvent de la Providence
(1865). In-S", 36 p. et pI. Rodez (imp.
Ratery).-!-jr'l $jG ^- .- ^-..r ^-, -., ,
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des noms en grec et en latin , d'après les
principes de la philologie comparée. In-
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tères cunéiformes bab)[loniens et ninivites.
In-4°, xij-261 p, Paris (imp. Barousse).
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King and Commonwealth : a History of
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Cougny (E.). Études historiques sur le
X Vie siècle. Théories politiques. François
Hotoman. La France-Gaule. In-8', 86 p.
Paris (Thorin).
Davis (E. J.). Autolica; or, the Journal
of a Visit to some of the Ancient Ruined
Cities of Caria, Phrygia, Lycia and Pi-
sidia. In-8*, 362 p. cart. London (Grant).
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les documents épigraphiques. L'empereur
Trajan. In-S», 32 p. Paris (imp. Claye).
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du X- au XVP siècle. In-8°, 39 p. Mon-
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Michel. Notes historiques et archéolo-
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Léotard (E.). Tableau de la Société ro-
maine au IV* siècle. In-8*, 24 p. Lyon
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Loménie (de). Mirabeau et son père à la
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Paris (Firmin Didot, frère, fils et C*).
Marlot. Note archéologique sur des sépul-
tures mérovingiennes découvertes dans la
commune de Vic-de-Chassenay (Côte-
d'Or). In-8*, 12 p. Dijon (Manière-Loc-
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Mémoires de l'Institut national de France.
Académie des Inscriptions et belles-lettres.
T. 22. Table alphabétique des matières
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Ménard (R.). Entretiens sur la peinture
avec 50 eaux-fortes. Gr. in-4', 243 p.
Paris (Heymann).
Miller (E.). Un poète de la cour des
Comnènes. In-4% 20 p. Paris (Firmin
Didot, frères, fils et C^).
Tomlinson (C). The Sonnet : its Origin,
Structure and Place in Poetry. With
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Dante, Petrarch, etc., and Remarks on
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Zimmermann (G. A.). Ephesos im ersten
christlichen Jahrhundert. Ein Beitrag zur
neutestamentl. Zeitgeschichte. Mit einem
Plane v. Ephesos u. Umgebg. In-8% iv-
1 57 S. Leipzig (Brockhaus). 4 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou. ,
N* 28 Neuvième année. 10 Juillet 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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Contenu: H. Kern, le suffixe ya du sanscrit classique, ia de l'arien. — L.Havet,
Note sur l'article précédent. ■ — D'Arbois de Juhainviile, les thèmes celtiques en 5.
— M. Bréal, Umbrica. — L. Havet, sur les palatales sanscrites. — A.Bergaigne,
du rôle de la dérivation dans la déclinaison indo-européenne. — Variétés :
M. Bréal, Frères jumeaux dans le vocabulaire latin. — Caro, carnis. — Vilis. —
Masticare. — KaXcç. — Latin sus, sur. Ombrien sururonî, surur. — Indulgere. —
Sanscrit sva pour su « bien ». — A. Bauer, de la double origine de l'article alle-
mand. — L. Havet, sur la déclinaison des thèmes féminins en a. — Le locatif
ombrien. — F. Baudry, Notice sur le suffixe participial -ant. — J. Darmesteter,
Nomen, nâman. — Index.
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PÉRIODIQUES.
- The Academy, N° 1 6 3 , ne w séries, 1 9 juin . The Dramatic Works of Molière.
Rendered into English by H. van Laun. Vol. I. Edinburgh, Paterson (George
Saintsbury). — Mémoires posthumes de Odilon Barrot. T. I. Paris, Charpen-
tier (G. MoNOD : ces mémoires présentent un tableau fidèle de l'époque à lacjuelle
appartenait l'auteur). — Clodd, The Childhood of Religions; embracing a Simple
Account of the Birth and Growth of Myths and Legends. London, King and Co.
(T. W. Rhys Davids : charmant ouvrage destiné aux enfants). — Rae, The
Land of the North Wind; Travels among the Laplanders and the Samoyeds.
London, Murray (Robert Michell). — The Historians of Scotland. Vols. V.
and VI. SS, Ninian, Kentigern, and Columba (James Raine). — A^of^5 and News.
— Notes of Travel. — Notes of a Tour in the Cyclades and Crète. VII. Naxos
and los (H. F. Tozer). — Correspondence. Blake's Songs of Innocence (Richard
Herne SHepherd). — Pythagoras (Karl Blind : répond à VAcademy qui lui
reprochait de dériver de Buddha la première partie du nom Pythagoras). — An
English View of M. de Rémusat (G. A. Simcox). — Smart and Crofton, The
Dialect of the EngHsh Gipsies. 2d Ed. London, Asher and Co. (Charles G. Le-
land : non sans valeur). — Zimmermann, Kant und die Positive Philosophie.
jv-Wien (Max Mûller : intéressant travail sur la question de savoir si la philosophie
^ .de Kant a exercé quelque influence sur Comte; la conclusion est négative). —
" Science Notes (la. première partie du Commentaire, écrit en hébreu, de feu Frankel
sur le Talmud de Jérusalem vient de paraître à Vienne). — Meetings of Societies
(Institut anthropologique, Soc. des antiquaires).
, The Athenaeum, W2486, 19 juin. English-Gipsy Songs. In Rommany,
with metrical English Translations. By Leland, Palmer, and Janet Tuckey.
Trùbner (on recommande la lecture de cet ouvrage à tous ceux qu'intéressent les
Gipsies). — Thornton, Indian Public Works; and Cognate Indian Topics.
Macmillan and Co. — The Memoirs of Sir John Reresby, of Trybergh, Bart.,
M. P. for York, etc. 1634-1689. Written by Himself. Ed.byJ. J. Cartwright.
Longmans and Co. (on est désappointé en parcourant cette édition qui ne fait
guère que reproduire celle de 182 1). — Vaux, Ancient History from the Monu-
ments. Persia (excellent ouvrage). — Sei Cento Lezioni délia Divina Com-
media. Tratte dall' Edizione di Napoli del M.CCCCLXXVII, etc. Per opéra e
cura del Dottore E. Barlow. Williams and Norgate (cette édition serait anté-
rieure à l'autre édition de Naples qui n'est pas datée). — The Palaeographical
Society. — The Royal Cloister-Herod's Temple (C. Warren). — Liîerary
Gossip. — Geographical notes. — Societies (Soc. de géographie, association
britannique d'archéologie, institut anthropologie, Soc. nouvelle Shakespea-
réenne). — Miscellanea. The Meaning of Action (J. W. Hales).
Literarisches Centralblatt, N°26, 26 juin (Le n*' 25 ne nous est pas par-
venu). HoLL^NDER, Die Kriege der Alamannen mit den Rœmern im 3. Jahrh.
n. Chr. Karlsruhe, Braun. In-8", 47 p. (bon travail). — Krones, Die Herr-
schaft Kœnig Ottokar's II von Bœhmen in Steiermark. Graz, Selbstverl. In-8%
108 p. (travail soigné). — Sax, Beitrag zur Geschichte der Abtei und Stadt
Echternach. Luxemburg, Brûck. In-8% 77 p. — Herquet, Kristan von Muhl-
hausen. Halle, B. d. Waisenhauses. In-8% vj-62 p. — Kiepert, Neue Wand-
karte von Palaestina. BerHn, Reimer (cette nouvelle carte est en progrès sur
toutes celles qui l'ont précédée). — H. Von Schlagintweit-Sakûlùnski, Die
Passe ùber die Kammlinien des Karakorûm und des Kùnlùn. Mùnchen, Franz
in Comm. In-4^ 1 16 p. (partie détachée du futur 4" vol. des Voyages dans l'Inde
et dans la Haute-Asie). — Venjukow, Die russisch-asiatischen Grenzlande. Aus
dem Russ. ùbertr. v. Haupt. Krahner. 3. u. 4. Lief. Leipzig, Grunow. In-8%
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 28 — 10 Juillet — 1875
Sommaire : 138. Saint Paul, Epître aux Romains^ p. p. Volkmar. ~ 139. Boos,
Les Lites et les Aidions. — 140. Albert de Stade, Troilus, p. p. Merzdohf. —
141. Documents pour servir à l'histoire de la politique autrichienne pendant la Révo-
lution française, p. p. De Vivenot; De Vivenot, Genèse du second partage de la
Pologne. — Variétés : Une lettre inédite de Schlegel. — Sociétés savantes : Académie
des inscriptions.
138. — Paulus Rœmerbrief. Der aelteste Text deutsch und im Zusammenhang er-
klaert, von G. Volkmar, mit dem Wortabdruck der vaticanischen Urkunde. Zurich,
Schabelitz, 1875. In-8°, xxj- 164-24 p. — Prix : 6 fr. ^0.
L'intérêt scientifique de ce nouveau commentaire sur Pépître aux Romains est
tout entier dans une révision critique nouvelle du texte et dans une tentative
ingénieuse et originale de retrouver la forme première et authentique de la
lettre de Paul.
On nous permettra donc de négliger l'introduction historique, qui ne renferme
rien de nouveau, la traduction allemande du texte grec, qui est étrange et
bizarre à force de vouloir être archaïque et littérale, l'exposition logique des
idées de saint Paul, qui n'intéresserait que les théologiens de profession, pour
nous arrêter seulement aux recherches et aux solutions critiques et philologiques
présentées par l'auteur.
M. V. se trouvait tout d'abord en présence d'une question de manuscrits. Il
a fait choix de celui du Vatican qu'il a mis à la base de son travail. Le texte du
Codex Vaîicanus, au moins pour l'épître aux Romains, lui paraît à bon droit la
reproduction la plus ancienne et la plus fidèle de l'original apostolique. M. V. a
cru devoir nous donner ce texte à la fin de son commentaire. Mais ce n'est pas
une édition nouvelle faite sur le manuscrit même. C'est un fragment emprunté
directement au N. Tesîamentum Vaîicanum (Lipsiae 1871) de Tischendorf. M. V.
a essayé de lui donner un air d'antiquité en supprimant les accents, les lettres
majuscules, en conservant la vieille orthographe et les erreurs du copiste corri-
gées par Tischendorf. Mais d^un autre côté, il a distingué et séparé les mots,
ponctué les phrases, replacé les esprits doux et rudes, marqué les alinéas,
donné, en un mot, toutes les indications nécessaires pour en rendre la lecture
facile à ceux qui ne sont pas familiarisés avec la paléographie grecque. Cette
demi-mesure paraîtra passablement arbitraire. C'est trop' ou trop peu : trop,
pour ceux qui voudraient discuter la manière de lire le manuscrit, trop peu
pour ceux qui se seraient contentés d'une bonne édition critique du texte de
l'épître aux Romains.
Le texte des quatorze premiers chapitres est très-sûrement étabh. Pour
aucune autre partie du N. Testament nous n'avons des moyens de contrôle plus
XVI 2
l8 REVUE CRITIQUE
nombreux et plus décisifs. L'épître aux Romains eût-elle été perdue, nous
aurions pu la reconstruire entièrement avec les citations des pères des trois pre-
miers siècles. La fidélité du texte du manuscrit du Vatican ressort éclatante d*une
comparaison attentive avec ces citations, et M. V. a pleinement raison de lui
donner la préférence.
Ce n'est pas à dire qu'il ne le corrige jamais. Quand ces corrections sont fon-
dées sur des témoignages historiques, on peut les discuter et les approuver.
Mais il en est qui ne sont justifiées que par des appréciations purement subjectives
et littéraires, et celles-là n'ont pas de chance d'être admises. Par exemple,
M. V. propose, au chap. vu, de supprimer les versets 19 et 20, parce qu'ils ne
sont qu'une répétition inutile, interrompant malencontreusement le raisonnement
de l'auteur. (( Si ces versets sont de Paul, ajoute-t-il, il faut avouer que Paul
» s'endort quelquefois. » Cette sorte de critique appliquée à un texte ancien ou
moderne mènerait bien loin. Tous les manuscrits sans exception ont ces deux
versets. Ils peuvent vous paraître redondants. Vous pouvez dire que Paul
s'endort, mais est-ce là une raison suffisante ?
Si le texte des quatorze premiers chapitres est fermement arrêté et ne peut
donner lieu à de bien graves discussions, il n'en est pas de même des deux
derniers. Ici nous retombons dans l'incertitude et la confusion, et le champ est
ouvert aux conjectures et aux hypothèses. L'imagination inventive de M. V.
devait se trouver à l'aise. Mais avant de faire connaître la solution qu'il propose,
i),importe de faire connaître l'état réel de la question.
î,,,En lisant avec attention ces deux chapitres, on s'aperçoit que l'épître aux
Romains a quatre finales bien distinctes qui semblent non-seulement se contrarier,
mais même se contredire et s'exclure.
1° D'abord il y a une solution de continuité étonnante entre le chapitre xiv
et le chap. xv. Nous trouvons là une place vide où le Codex Alexandrinus et,
avec lui, plus de 220 manuscrits byzantins et les anciennes versions arménienne,
gothique et autres placent la Doxologie XVI, 2 $-27 qui termine actuellement
notre épître.
2° Au chap. XV, 33, nous trouvons une nouvelle formule finale bien caracté-
risée, le vœu par lequel Paul a l'habitude de clore ses lettres : 6 oï ôsbç tqz
3° Retour d'une formule semblable, XVI, 20.
4° Variante nouvelle reparaissant, XVI, 24.
Ainsi l'épître aux Romains finit quatre fois et même cinq fois dans certains
manuscrits, comme V Alexandrinus. Cela est contraire à la concision et à la netteté
habituelles de Paul, et même au sens commun. Il y a donc là un désordre
évident que la critique devait essayer d'expliquer et de réparer.
Baur a cru découvrir dans ces deux chapitres l'intention d'adoucir la doctrine
de Paul en la rapprochant du judéo-christianisme. Voyez l'épithète assez singu-
lière en effet appliquée à Jésus-Christ : Btàxovov TuepiTOixYJç (XV, 8). Il les a
donc rejetés comme une addition postérieure faite à l'épître dans un esprit de
conciliation. Mais alors la lettre de Paul reste sans conclusion. D'un autre côté
d'histoire et de littérature. 19
ces observations ingénieuses ne sont pas assez évidentes ni assez incontestées
pour appuyer une solution scientifique. Ce qui parait plus décisif, c'est le ifait
remarquable que Marcion, dans son recueil apostolique, n'avait point ces deux
chapitres, que Irénée et Tertulien, qui citent des passages fort abondants de tous
les précédents, n'ont aucune citation empruntée à ces deux derniers. Par contre
le canon de Muratori, qui date de la même époque, les a connus. L'état incertain
et la diversité incroyable des manuscrits à cet endroit expliqueraient peut-être
ces phénomènes contraires.
M. V. porte sur l'ensemble de ces deux chapitres à peu près le même juge-
ment que Baur. Mais il s'efforce d'aller plus loin ; il ne veut pas s^arrêter à une
solution purement négative ; il a l'ambition de démêler la vraie et authentique
conclusion de la lettre de Paul, et d'expliquer la provenance des diverses addi-
tions postérieures au milieu desquelles elle est restée enveloppée. Il trouve cette
conclusion dans les versets ^3 du chap. XV, 1-2 et 20-25 du chap. XVI. Mais
cette solution souffre de plusieurs difficultés. D'abord, il est impossible de ratta-
cher par un lien quelconque XV, 33 à XIV, 23. Si l'épître finit ainsi, on peut
dire qu'elle finit d'une façon abrupte autant qu'imprévue. C'est une chute à pic.
En second lieu, cette salutation XV, 33 qu'on veut mettre après XIV, 23 auquel
elle ne tient nullement, est au contraire la conclusion et le terme naturel du déve-
loppement XV, 30-33 que l'on supprime. Enfin dans cette nouvelle reconstruc-
tion du texte, il reste toujours deux ou trois formules finales XV, 33, XVI, 20
et XVI, 24. On voit que nous n'y gagnons pas grand'chose, et qu'il est permis
de douter en bonne critique qu'une telle hypothèse obtienne jamais grand
crédit.
Quant à ce qui reste des deux chapitres après cette opération hasardeuse, M.V.
y distingue deux fragments de nature et de provenance diverses ; un premier
morceau, la doxologie des versets XVI, 25-27, imitée de Jude, 24, serait un
produit de l'église orientale, rédigé contre Marcion après l'an 138, et dans les
Bibles de cette église aurait été toujours placé à la fin du chap. XIV. Le second
fragment comprenant XV, 1-32 et XVI, 3-20 aurait été écrit à Rome après l'an
1 70 et maintenu non moins ënergîquement dans les Bibles de l'église latine après
XIV, 2^. M. V. se plaît à montrer jusque dans la formation de ces textes le
conflit antique et permanent de l'orthodoxie grecque et de l'orthodoxie catho-
lique.
Nous en sommes fâché pour le savant théologien. Ce n'est là qu'une pure
fantasmagorie qui ne soutient pas un instant l'examen. Remarquez que tous les
manuscrits, sauf deux ou trois qu'on peut négliger ici, et toutes les anciennes
versions, sans en excepter la version d'Ulfilas ', ont tous ces divers fragments.
Ils ne diffèrent que par l'ordre dans lequel ils les rangent. Or cet ordre varie,
non pas suivant que ces manuscrits appartiennent à l'Eglise d'Occident ou à
.-^'^l^ibçi^li L.^^\!ài^ll.>. :- - !^^p nclrfi'^ [ -]/
1. La doxologie XVI, 25-27 manque dans le Codex Bcernerianus, mais un espace blanc
est laissé après le ch. XIV pour la recevoir. Elle manque aussi dans la version d'Ulfilas,
mais elle se trouvait sans doute à la fin du ch. XIV où présentement existe une lacune.
20 REVUE CRITlQyE
celle d'Orient, mais suivant qu'ils proviennent d'Alexandrie ou de Byzance. En
d'autres termes, nous n'avons pas ici l'opposition de deux orthodoxies ecclé-
siastiques, mais l'opposition, qui se constate dans bien d'autres endroits du
N. Testament, entre deux familles de manuscrits : la famille des manuscrits byzan-
tins et celle des manuscrits alexandrins. Il y a quelque chose de singulier à
soutenir que le Vaticanus, le Sinaïîicus, la Peschito, la traduction copte etc.
représentent plutôt l'Église latine que l'Église grecque. ' '^
En résumé, cette nouvelle solution de l'énigme qu'offre le texte de la fmUè
l'épître aux Romains nous paraît aussi hasardée qu'elle est ingénieuse, et nous
nous demandons si la meilleure solution n'est pas encore celle qu'a présentée
M. Renan; elle est en tout cas beaucoup plus simple et plus naturelle ' : admettre
que Paul après avoir écrit sa lettre en a fait faire plusieurs copies pour diverses
églises, en ajoutant à chacune une conclusion et des salutations particulières.
Plus tard les copistes auraient réuni ces diverses finales dans Tordre où elles
parvenaient à leur connaissance, sans s'inquiéter de l'amalgame singulier qu'elles
faisaient ensemble.
A. Sabatier.
139. — Die liten und aldionen nach den volksrechten von H. Boos, Dr. phil. —
Gœttingen, Robert Peppmûller. 1874. 70 p. 8*. — Prix: 2 fr. 25.
On trouve dans plusieurs des anciennes législations germaniques des personnes
dont la condition juridique est intermédiaire entre celle des esclaves et celle des
hommes libres. Les lois des Francs, des Saxons, des Frisons les nomment lites
Qeti, liîij Udi), celles des Lombards aldii ou aldiones. La condition de ces per-
sonnes a déjà été étudiée par la plupart des auteurs qui ont écrit sur l'ancien
droit germanique, et leurs travaux ont élucidé les points les plus essentiels du
sujet. '
La monographie que M. le D"" Boos consacre aux mêmes questions n'appcfète
guère de résultats nouveaux. L'auteur s'est borné à donner un résumé clair et
méthodique des travaux antérieurs, et surtout de ceux de son maître, M. Waitz
(auquel il rend hommage dans sa préface). Il a fait en outre le relevé de tous
les passages des sources législatives qui donnent quelque renseignement sur la
matière. Ce relevé, qui paraît complet, forme un répertoire commode : c'est là
ce qui donne à la brochure sa principale utilité.
Au lieu de faire de la condition des lites un tableau d'ensemble, en groupant
les dispositions éparses dans les diverses législations germaniques, M. B.
étudie à part et successivement la condition de ces personnes dans le droit de
chaque peuple. Il traite, dans des chapitres distincts, des lites chez les Francs,
chez les Frisons, chez les Saxons, chez les Alamans, des classes analogues que
mentionnent les textes bavarois, et enfin des aidions lombards. Ce n'est que dans
un chapitre de conclusion qu'il en vient à des considérations générales,
qui portent principalement sur Tongine des lites et des aidions 2. Ce système
1. E. Renan, Saint Paul. Introduction, p. Ixviij-lxxiv.: ici' ib aiij:>î-.';iq£.
2. Il aurait fallu donner une table dé ces divers chapitres.'
d'histoire et de littérature. 21
de division par nations, qui dans un sujet moins restreint, et sur lequel
les sources fourniraient plus de renseignements, entraînerait trop de redites, est
ici sans inconvénient sérieux; il a l'avantage de laisser strictement à chaque
renseignement sa juste valeur et de mettre en garde contre les généralisations
hasardées. ' ' ' ' ^'' ;
Il est regrettable qu'en un point assez important l'auteur lui-même s'en soit
écarté. Dans son chapitre sur la condition des lites chez les Francs, M. B. ne
distingue pas entre la législation des Francs Saliens et celle des Francs Ripuaires,
parce qu'il admet a priori que le droit en cette matière devait être le même chez
les deux peuples (p. 8). Sous l'influence de cette idée préconçue, il déclare un
passage de la loi ripuaire inexplicable (p. 1 2 n. 2), parce que ce passage ne
s'accorde pas avec les dispositions correspondantes de la loi salique : dans la loi
salique le wergeld du lite est de 100 sous (26. i, 42. 3, etc.), dans la loi
ripuaire le lite n'a que le wergeld des esclaves, 36 sous (64. i). Il n'y a pas là
de contradiction, cela prouve seulement que sur ce point les Ripuaires n'avaient
pas la même législation que les Saliens. Ailleurs (p. 10), il pose en principe que
chez les Francs, en général, l'esclave affranchi devenait lite, et il croit donner
une preuve suffisante de son assertion en citant un article de la loi ripuaire qui
suppose qu'un maître confère à son esclave la qualité de lite (64. i); il ne se
demande pas si la législation ripuaire, étant la seulç qui prévoie ce cas, n'était
pas aussi la seule dans laquelle il pût se présenter. — La loi salique contient de
nombreuses dispositions sur les lites; la loi ripuaire les mentionne à peine '. Si la
condition des lites était la même chez les Saliens et chez les Ripuaires, comment
se fait-il que la loi des Saliens en parle tant et celle des Ripuaires si peu .?
M. B., pour répondre à cette objection, suppose que le silence de la loi
ripuaire vient de ce que cette loi est d'une date trop récente. A l'époque où elle
fut écrite, les lites n'étaient déjà plus assez nombreux pour arrêter l'attention
des rédacteurs (p. 8). Cette explication n'est pas satisfaisante. Il n'y a pas là
de question de date ; longtemps encore après la rédaction de la loi ripuaire, la
classe des lites conserva son importance. Ce qui le prouve, c'est qu'il fallut après
coup réparer le silence de cette loi à leur sujet : un capitulaire de 803, qui sur
plusieurs points modifie la loi ripuaire , y introduit une disposition nouvelle sur
les lites 2.
Voilà les objections qui s'opposent à l'hypothèse de M. B. Faut-il écarter
celle-ci simplement, et laisser sans explication les textes que je viens de citer?
Je crois qu'on peut aller un peu plus loin, et qu'à cette théorie on peut en sub-
stituer une autre. Ce n'est, à vrai dire, qu'une hypothèse encore; mais, sans
prétendre lui donner d'autre valeur, il me semble qu'elle rend compte, d'une
manière plus satisfaisante que la théorie de M. B., des diverses données des
textes. Elle consiste à admettre que les lites, tels qu'on les trouve dans la loi
salique, — jouissant de droits définis, et formant dans l'état, entre les hommes
^--(^'^-' ■■.- ^- '■ ^^ ^^i^: ^v:^ 3^^^^-. ■■• .:..:— - ■ '
•^ I. Deux. -fois feulement, 38. ^ et 64. 1, et la prcmicro fois d-wie façoft-très-vague.
2. 4e capitulaire de 803, chYiaiç.-Moni Germ. leg. i ipj 117.
,..L
22 REVUE CRITIQUE
libres et les esclaves, une classe nettement distincte, — n'existaient que chez les
Saliens, que les Ripuaires n'avaient chez eux rien de pareil. Si la loi ripuaire
mentionne à deux reprises des « lites'», ceux qu'elle nomme ainsi ne sont que
des esclaves auxquels leur maître a accordé, sans modifier leur état juridique,
une certaine hberté de fait '. L'esclave qui reçoit cette faveur ne sort pas de la
condition servile; il a toujours le wergeld des simples esclaves : « Si quis seruum
» suum tributarium aut litum fecerit, si quis eum interfecerit, triginta sex solidis
» culpabilis iudicetur (1. Rip. 64. i)^. » Si la loi ne parle pas davantage de ces
lites, c'est que leur condition est réglée par les dispositions relatives aux esclaves.
— Mais plus tard la société ripuaire subit l'influence salienne. Les lites de condi-
tion demi-libre, ceux qu'on ne trouvait autrefois que chez les Saliens, se ren-
contrent maintenant jusque parmi les Ripuaires. La loi était muette à l'égard de
ces nouveaux venus; on ne pouvait sans doute leur appliquer le wergeld servile
des lites de la vieille loi. Alors le capitulaire de 803 intervient pour leur donner
le wergeld de 100 sous comme dans la loi salique. On insère le nom des lites
dans un passage qui donnait déjà ce wergeld aux homines regii et ecclesiastici
(I. Rip. 9, ici), et l'on écrit : « Homo regius, id est fiscalinus, et aeclesias-
)) ticus uel ///U5 interfectus centum solidis conponatur (cap. 803, ch. 2). j) —
Ainsi disparaissent les difficultés qui ont embarrassé M. B.
En plusieurs endroits de sa brochure, M. B. donne pour un fait certain que
Fesclave affranchi prenait, par l'effet de l'affranchissement, la condition de lite
(p. 9, 10, 41, 59). C'est l'opinion qui est généralement admise. Il me semble
pourtant que ce n'est qu'une hypothèse, et qu'elle s'accorde assez mal. avec les
données des sources. L'identité des lites et des affranchis n'est établie nulle part?.
Au contraire, chez les Francs au moins, beaucoup de textes paraissent assimiler
l'affranchi à l'homme pleinement libre, //2^^/zizu^ 4. Il y a d'autres peuples dont
les lois n'accordent aux affranchis qu'une condition inférieure à celle des ingénus :
mais alors on les appelle des affranchis et non des lites 5 .
Quant à l'origine des lites^ M. B. Voit en eux des peuples vaincus, réduits
à cette condition inférieure par les conquérants. C'est une hypothèse qu'il est
permis de trouver vraisemblable, mais qu'il ne faudrait pas présenter comme une
^ If ?1(m>'.(ii'r
1. C'est l'opinion de M. Gaupp (Lex Francorum Chamavorum, Breslau i85'5v-^l'(?r]
en note). _ _ ...■-■ ,.-•: ,^:;.). i .: .■•:■(•:'- /■;): -itioV
2. Le tributarius est probablement un esclave que son maître a dispensé de tout service
moyennant une redevance fixe, suivant un usage déjà constaté' par Tacite (Germ. 25). —
On peut se demander si Htus ne serait pas ici un simple synonyme de tributarius, et tribu-
tarium aut litum une tautologie comme on en trouve souvent dans les lois barbares. La
rubrique de ce titre 64 dit seulement : « De homine qui seruum tributarium facit. »
3. Le passage que cite M. Waitz (Verfassungsgesch. I' p. 175), lex Alam. pact. 2.
48, n'est rien moins que clair.
4. L. Sal. 26. 2, Rip. 59. I, 64. 2, Cham. 11, 15, form. de Roz. 55-61 (cf. aussi
Roz. 94). Il est bien entendu que les affranchis ^ecu/z^um legem romanam^qm sont romains,
restent en dehors de la question.
5. Lex Angl. et Werin. 9 (Merkel IV) : « De liberto occiso. Seruus a domino per
» manumissionem libertate donatus si occisus fuerit, LXXX sol. conponat. » L. Baiuu.
text. I tit. 5 (Mon. Germ. leg. 3 p. 295; dans Walter tit. IV) : « De libe'ris qui per
» manum dimissi sunt liberi, quod frilaz uocant. »
d'histoire et de LITTÉRAIURE. 2J
certitude (p. 5). — Une discussion relativement étendue (p. 66-69) est consacrée à
soutenir, d'une manière assez plausible, l'opinion que la plupart des aldii devaient
être des Romains réduits à cette condition par les envahisseurs lombards.
M. B. s'est sagement abstenu de mêler les spéculations philologiques aux
questions de droit. Il ne discute pas l'étymologie des mots litus et aldius (ou
selon certains auteurs haldius), et se borne à renvoyer le lecteur aux travaux
spéciaux sur ces questions (p. 46 n. i et 63 n. 2).
Julien Havet.
140. — Troilus Alberti Stadensis, primum ex unico codice editus a D'T. Merz-
DORF. Leipzig, Teubner. 1875. In- 12, xix-210 p. — Prix : 4 fr.
Ce volume porte sur le titre la mention suivante : Bibliotheca scripîorum
medii aevi Teubneriana, et une note au verso nous avertit en effet qu'à sa célèbre
collection des classiques grecs et latins la librairie Teubner va en joindre une
d'auteurs du moyen-âge (également dans les deux langues). Cette nouvelle sera
certainement très-bien accueillie dans le monde savant, et nous ne doutons pas
que cette entreprise, qui fait grand honneur à la maison Teubner, ne soit cou-
ronnée de succès. On ne peut se procurer qu'avec peine, et généralement dans
des textes défectueux, 'les œuvres du moyen-âge qui ne sont pas purement histo-
riques ; beaucoup d'entre elles sont encore manuscrites. Il est vrai que la plupart
sont d'une lecture peu attrayante ; mais on apprécie de plus en plus leur intérêt
pour l'histoire de la littérature, des idées ou des mœurs, et une série d'éditions
soignées et peu coûteuses contribuera beaucoup à les faire mieux connaître et
comprendre.
On aurait pu, à vrai dire, mieux débuter que par le présent volume. Le Troilus
de l'abbé Albert de Stade, écrit en 1249, est une paraphase de Darès avec
quelques morceaux empruntés à d'autres auteurs. Ce long poème (5320 vers)
en distiques est écrit dans un style fatigant et affecté qui ne compense pas le
peu d'intérêt du sujet, bien que l'auteur y montre une certaine virtuosité, et
surtout y fasse preuve d'une lecture étendue et d'une étonnante mémoire. Ses
vers sont absolument farcis d'emprunts faits aux poètes de l'antiquité et du
xiie siècle, au point de faire parfois ressembler son poème à un centon. L'éditeur
a recherché, avec l'aide des gloses marginales du manuscrit, l'origine de ces
emprunts, et il l'a en effet déterminée pour un grand nombre ; d'autres lui ont
échappé. Le texte est conservé dans un manuscrit unique, et quoiqu'il soit
presque contemporain, la langue d'Albert est trop difficile pour que le copiste
n'ait pas commis de nombreuses erreurs. On pourrait facilement en redresser
plus et les mieux réparer que ne l'a fait M. M., qui s'est fréquemment
résigné, sans le dire_, à imprimer ce qu'il ne comprenait pas : la ponctuation,
trop souvent défectueuse, en est la preuve irrécusable. — Une courte introduc-
tion contient le peu qu'il y a à dire sur le poète et son œuvre. — Le Troilus
n'offre guère d'intérêt qu'au critique qui veut déterminer ses sources et sa place
dans l'ensemble du cycle troyen au moyen-âge ; mais ce travail a déjà été fait
24 REVUE CRITIQUE
suffisamment (notamment par M. Dunger), et la lecture du poème complet
n'ajoute à peu près rien à ce qu'on avait besoin d'en savoir.
Espérons que la nouvelle collection s'enrichira bientôt d'ouvrages plus impor-
tants et dont le texte sera établi avec critique. Sans cette dernière condition,
l'entreprise à laquelle nous applaudissons serait plus nuisible qu'utile. Parmi les
œuvres latines qui nous viennent à la pensée comme devant être réimprimées
des premières, nous signalerons l'anonyme de Nevelet, le de Gemmis de Marbode,
VHistoria septem Sapientiuniy la chronique de Turpin, et surtout, si on trouve un
éditeur qui veuille entreprendre cette grande tâche, un recueil général des
poésjes latines rhythmiques.
ziTBb ^abnÊrnsflfi i. ■
141. — Quellen zur Geschichte der deutschen Kaiserpolitik Œsterreichs
wsehrend der franzœsischen Revolutionskriege 1790-1801, von Alfred
RiTTER VON VivENOT. Wicn , W. Braumùller. In-8'. B. I. xvij-618 S. B. IL vij-
608 S. — Prix : 42 fr. 70. , , ^ . , -,/•,,v,^ (•
?ur Genesis der zweiten Theilung Polens, y^ A.^iVpt' V^ï^not. Id,, id. In-8",
La mort de M. de Viveiiot a été regrettée par toutes les personnes qui s'occupent
de l'histoire diplomatique de l'Europe pendant la Révolution française. M. de V.
était un contradicteur ardent et convaincu de M. de Sybel et de toute l'école
prussienne. Il n'était pas plus favorable que M. de Sybel à la France et à la
Révolution; mais il tenait pour l'Autriche contre la Prusse. Ses livres sont
une longue apologie de la politique autrichienne. Ils peuvent se diviser en
deux séries. La première comprend des écrits historiques, la seconde des
recueils de documents inédits. A tous égards la seconde série nous paraît
supérieure à la première. M. de V. quand il écrit est un polémiste plutôt
qu'un historien. Il se préoccupe moins d'établir les faits et d'en montrer
l'enchaînement que de réfuter ses adversaires et de soutenir sa thèse. La
composition et le style en soufïrent : ses ouvrages manquent de suite, son style
manque de clarté : la passion tient trop de place en tout cela, et il en résulte de
la confusion. Il n'empêche que dans les lourds volumes que M. de V. a con-
sacrés au duc Albrecht de Saxe-Teschen, le curieux, s'il est patient^ découvre
nombre de faits nouveaux et de documents inconnus ; mais les faits sont noyés
et les documents sont tronqués. M. de V. a pris plus tard le meilleur parti, il
s'est mis à publier purement et simplement les documents, en se bornant à les
accompagner d'introductions plus ou moins étendues. C'est ainsi qu'il nous avait
donné en 1871 des pièces intéressantes sur le congrès de Rastadt, puis deux
volumes très-importants contenantes lettres de Thugut. Enfin en 1 873 et comme
pour mettre fin aux polémiques, M. de V. s'était décidé à publier le texte
même des dépêches de la chancellerie autrichienne pendant les guerres de la Ré-
volution. Le gouvernement austro-hongrois s'y était prêté avec une libéralité que
l'on ne saurait trop louer.
L'ouvrage de M. de V. devait s'étendre de 1790 à 1801 ; deux volumes seu-
lement ont paru, et le second s'arrête au mois de mars 1795. Ce sont des
d'histoire et de littérature. 25
volumes très-remplis, un peu trop remplis même à notre gré, car le caractère
en est si serré, les lignes en sont si rapprochées que la lecture un peu suivie en
devient très-vite pénible. Les dépêches y sont classées par ordre de date, et des
répertoires bien disposés permettent aisément de trouver les documents dont on
a besoin. Il n'y a guère que les dépêches émanant de la chancellerie de Vienne; les
rapports des ambassadeurs et envoyés autrichiens n'y ont pas été joints. L'ouvrage
ne nous éclaire donc, à proprement parler, que sur la politique de l'Autriche : il ne
nous renseigne qu'indirectement sur les faits qui s'accomplissaient dans les autres
Etats. Mais la politique de l'Autriche pendant cette période, c'est presque la poli-
tique de l'Europe, et les documents publiés par M. deV. sont à cet égard d'un prix
inestimable. Il les donne, suivant l'excellent usage des éditeurs allemands, dans
la langue dans laquelle ils ont été écrits : il y en a donc en français, en allemand
et même quelques-uns en latin. M. de V. a joint aux dépêches parties de
Vienne, des pièces communiquées à l'Autriche par les autres cours, que Pon
envoyait en annexe avec ces dépêches, et qui sont nécessaires à l'intelligence des
événements. Enfm des mémoires sur des faits spéciaux complètent le recueil!
Nous y aurions désiré plus d'éclaircissements; des notes biographiques surtout
eussent été fort utiles. Nous savons que M. deV. avait donné ailleurs, et surtout
dans sa correspondance de Thugut, des notices sur la plupart des personnages
qui figurent dans son recueil ; mais en ces matières, il ne faut pas craindre de se
répéter, et un ouvrage, destiné, comme celui-ci, à devenir classique, aurait dû
être édité d'une manière plus critique. Cette observation ne se rapporte pas
seulement à l'organisation de la chancellerie autrichienne, qu'il est indispensable
de connaître, aux noms des agents de cette chancellerie ou des envoyés autri-
chiens en Europe, elle se rapporte aussi aux documents. En voici un exemple.
M. de V. reproduit (I, p. 218) le texte français de la dépêche prussienne du
28 juillet 1791 sur les affaires de France. Cette dépêche, une des plus impor-
tantes dans toute l'histoire des préliminaires de la guerre de 1792, avait été
communiquée à la chancellerie autrichienne. M. de V. la donne telle qu'elle a
dû être remise par Jacobi à Kaunitz; mais dans le document original, qu'Herr-
mann a publié en allemand, il se trouve un post-scriptum confidentiel, destiné
à l'envoyé prussien seul, dans lequel la question des indemnités et notamment
des indemnités en Alsace et en Lorraine est posée et discutée. Sans doute Jacobi,
s'inspirant de ce passage réservé dans ses conversations diplomatiques, n'eut
point à le remettre en copie avec le corps de la dépêche ; mais pourquoi M. de
V. ne le dit-il pas ? Une note eût été ici très- nécessaire, et on ne voit pas en
quoi la reproduction de ce post-scriptum au bas de la page, en caractères diffé-
rents, aurait nui au recueil. L'omission est fâcheuse au contraire : elle peut
induire en erreur ceux qui n'ont pas dépouillé M. de Sybel avec assez d'attention
ou qui n'ont pas entre les mains le précieux recueil d'Herrmann. — Il nous
paraît aussi qu'avec un peu de travail l'éditeur aurait pu s'éviter des répétitions
inutiles, qui risquent d'arrêter le lecteur et de décourager les curieux. On se
répète très-souvent en diplomatie; sur un même fond, les rédacteurs de chan-
cellerie brodent des dépêches destinées à diverses puissances : elles ne diffèrent
26 REVUE CRITIQUE
que par les nuances. Ces nuances seules sont intéressantes, et, au lieu de repro-
duire intégralement plusieurs dépêches relatives au même sujet, M. de V. aurait
pu se contenter de reproduire celle qui a servi de type et de ne rapporter des
autres que les passages caractéristiques. Cette observation en appelle naturelle-
ment une autre : malgré ces longueurs, le recueil de M. de V. est-il complet?
contient-il toutes les correspondances de la chancellerie autrichienne de 1 790 à
179^ relatives aux affaires de la Révolution? Nous nous garderons bien de
répondre affirmativement. Les archives de Vienne ont été si libérales que nous
aurions mauvaise grâce à leur poser des questions peut-être indiscrètes. Mais la
diplomatie était alors un art si subtil, les combinaisons en étaient si compliquées,
les sentiers qu'elle suivait étaient tellement sinueux, il y avait tant de
tours, de détours, de chemins couverts, de mines et même de chausse-
trappes dans le labyrinthe où elle se mouvait, les édifices qu'elle construisait
étaient si pleins de mystères et de surprises, ils contenaient tant de cabinets
secrets et d'armoires à double fond que le chercheur le plus patient ne peut
jamais être sûr d'avoir fouillé partout et d'avoir tout découvert. Il nous semble,
par exemple, qu'en ce qui concerne les affaires de Pologne et la question des
indemnités à prendre en France, M. de V., bien que déjà très-prolixe, ne doit
pas avoir tout dit.
Nous ne prétendons point donner ici un résumé de ces deux volumes; la
lecture de la table des matières en dira plus que l'article le plus consciencieux.
Il n'y a pas non plus à discuter des textes dont l'authenticité est certaine. Nous
croyons devoir nous borner à signaler l'importance de l'ouvrage et à indiquer,
dans la terrible confusion des affaires européennes en 1790- 179 5, les points
principaux sur lesquels les nouveaux documents autrichiens peuvent jeter de la
lumière. — Tome I. Avant tout ce sont les affaires de la Belgique et les affaires
d'Orient qui jouèrent à cette époque un rôle si considérable; les historiens fran-
çais n'ont point, en général, paru en sentir l'importance ; l'auteur des Mémoires
tirés des papiers d'un homme d'Etat, est le seul qui en ait parlé d'une manière suivie,
et ceux qui sont venus après lui se sont contentés, pour la plupart, de puiser
dans ses récits sans en vérifier les sources ; encore ne les ont-ils reproduits que
très-incomplètement. Il faut bien le dire, c'est aux Allemands, et en première
ligne à M. de Sybel, que revient le mérite d'avoir nettement montré les rapports
des événements de la Révolution avec ceux qui se passaient dans le reste de
l'Europe. M. de V. apporte un contingent des plus précieux à cette étude qui
modifie entièrement le point de vue auquel on se plaçait d'habitude en France pour
juger cette époque. Il semblait que la Révolution fût un phénomène de l'ordre
métaphysique : les écrivains qui en racontaient l'histoire, faisant abstraction de
l'Europe ou se forgeant une Europe abstraite pour la plus grande commodité
de leurs travaux, l'Europe disparaissait devant la majesté de la Révolution ;
les événements de la Révolution ne s'expliquent plus par des causes naturelles,
tombaient dans le domaine de la légende et du merveilleux. Il est temps qu'ils
rentrent dans le domaine de la science. Les documents de M. de V. aideront
beaucoup les écrivains qui tâcheront de refaire l'histoire de l'Europe durant
d'histoire et de littérature. 27
cette grande crise des temps modernes. Les conférences de Reichenbach, celles
de Mantoue, celles de Pillnitz, et en général, tout ce qui a trait au rapproche-
ment et à Palliance de la Prusse et de l'Autriche se trouve singulièrement éclairé
par ces pièces. On y trouve aussi les choses les plus instructives sur les origines
du second partage de la Pologne. Les affaires polonaises n'occupaient pas
moins les cours que celles de la France : c'est un fait qu'il ne faut pas un instant
perdre de vue quand on veut comprendre les causes de la guerre de 1792 et
les raisons pour lesquelles cette guerre fut conduite comme elle l'a été. M. de V.
a consacré à ce sujet une dissertation qui a été publiée à part, en même temps
que le Tome II de son recueil : elle est destinée à innocenter l'Autriche de cette
seconde spoliation. L'affaire des princes possessionnés en Alsace est aussi
l'objet de nombreuses dépêches. Le Tome I s'arrête à la déclaration de guerre.
Le Tome II nous conduit jusqu'au mois de mars 1793 : il ne contient pas de
renseignements bien nouveaux sur Dumouriez ; mais il en présente un très-grand
nombre et de très-importants sur les divergences qui existaient entre les alliés
au moment de la guerre, qui ne cessèrent de s'accentuer avec le temps, et que le
second partage de la Pologne ne fit qu'envenimer.
Sur les rapports secrets de la cour de Vienne avec la cour de France, M. de
V. ne nous apprend rien de nouveau et n'ajoute que fort peu de chose à ce que
M. d'Ameth et M. Béer nous avaient appris. Au contraire, sur les rapports des
cours avec les émigrés et sur les véritables dispositions des puissances au sujet de
la Révolution française, les documents autrichiens sont du plus haut intérêt. Nous
citerons, à titre d'exemple, quelques passages d'une dépêche confidentielle du 12
novembre 1791; cette dépêche est adressée au représentant de l'Autriche en
Russie, elle traite la question de savoir s'il faut considérer comme sérieuse l'accepta-
tion de la Constitution de 1 79 1 par Louis XVI et si, cette Constitution étant acceptée,
il y a encore lieu d'établir un concert entre les puissances afin d'intervenir dans
les affaires françaises. Kaunitz est d'avis que sans abandonner la négociation
d'un concert, il convient d'observer, d'attendre, de suivre avec attention les
affaires de France, de se tenir en garde contre la propagande; mais, tant que
la Révolution ne devient pas menaçante et tant que la France s'en tient
à la Constitution, il y a plutôt lieu de se féliciter 'que de s'alarmer. Le lan-
gage du vieux chancelier est sur ce point d'une remarquable clarté, et quand
on a lu cette pièce, quand on la rapproche de toutes celles qui furent écrites à
ce sujet à la même époque, on se demande ce qui subsiste de la légende qui
continue à nous montrer la France de 1791, c'est-à-dire la France
de la Révolution accomplie et consacrée, comme menacée par l'Autriche.
Kaunitz écrit (Tome I, p. 275) : « L'expérience de plus d'un siècle qui fit
» éprouver souvent à toute l'Europe la prépondérance que la situation physique
)) et les ressources infinies de la France procuraient à ce royaume dans la
» balance générale sous le gouvernement d'un monarque absolu, a convaincu
» spécialement l'Autriche que rien n'était plus combinable avec la sûreté
)) complète et durable de ses propres états épars et entourés d'ennemis puissants,
» qu'un relâchement et une complication des ressorts internes de cette formidable
28 REVUE CRITIQUE
» monarchie, qui détourneraient à l'avenir son énergie des entreprises étrangères. »
Kaunitz ajoute que « sans doute il a été et il restera essentiel de combiner cette
)) considération politique avec les soins nécessaires pour que Pexemple et les
)) principes de la Révolution française ne se communiquent de proche en proche
» aux autres Etats de l'Europe. » Dans ce dessein les puissances doivent conti-
nuer à échanger des communications; il est de leur intérêt « d'empêcher
)) l'anéantissement ou l'abaissement total de la royauté et l'introduction d'un
» gouvernement ou plutôt d'une anarchie populaire en France » ; mais, ajoute-
t-il, « on est fondé à s'attendre que les inconvénients sans nombre d'une
» constitution métaphysique, incompatible avec l'ordre moral des choses
)) humaines, joints aux maux causés au peuple français par les terribles boule-
» versements qu'il a éprouvés et par le poids énorme de sa dette nationale,
» amortissant de plus en plus son propre enthousiasme, détourneront de l'imita-
» tion d'un funeste exemple les peuples voisins. » Enfin s'il faut absolument
prendre des mesures de précaution, Kaunitz ne pense pas que la guerre soit le
meilleur moyen d'atteindre le but « si la nouveauté et des circonstances fâcheuses
» particulières ont accru dans les premiers moments le danger de la séduction,
)) ce n'est pas au milieu des troubles d'une nouvelle guerre mais en préser-
)) vant soigneusement le repos général... qu'on peut espérer d'en guérir radi-
» calement l'influence. » Cette citation suffit à montrer l'importance des docu-
ments que contiennent les deux volumes de M. de V., et la nécessité oii seront
les futurs historiens de la Révolution d'en tenir très-sérieusement compte.
Espérons qu'un des collaborateurs de M. de V. ou un de ceux de M. d'Arneth
dans les dépôts d'archives de Vienne, continuera ce grand travail. Il est trop
important pour que l'on se résigne à le voir inachevé. Une dernière réflexion :
en lisant ce passage de Kaunitz et maint autre où les mêmes sentiments sont
exprimés, on ne peut se défendre de songer aux dépêches, également confiden-
tielles, que le récent procès du comte d'Arnim livra à l'étonnement de l'Europe.
Mutatis mutandis, c'est la même façon de concevoir les affaires de France; les
raisons qui conseillaient en 1872 au prince chancelier de l'Empire allemand de
soutenir en France le système qui la régissait alors, ressemblent presque
mot pour mot à celles qui faisaient considérer au prince chancelier de Cour et
d'Etat le maintien de la Constitution de 1791 comme un événement favorable
à la politique autrichienne. Cela ne prouve point que les deux chanceliers aient
vu clair ni que la situation fût la même dans les deux époques — nous n'entrons
point ici et en ce moment dans ces discussions purement politiques; nous
voulons seulement indiquer une fois de plus et par un exemple assez frappant,
la permanence d'un même fond sous les apparences différentes que revêtent les
combinaisons diplomatiques. Montrer que ce fond existe, qu'on peut l'étudier,
qu'il est possible de déterminer ce qu'il y a de fixe et ce qu'il y a de changeant
dans les choses européennes, c'est apporter un argument à ceux qui pensent qu'il
est possible d'appliquer à l'histoire les méthodes des sciences expérimentales et
ijfPf H®^ les éléments d'une science de la politique.
^ Albert Sorel.
d'histoire et de littérature. 29
VAitlêTÉS.
Une lettt»6 inédite dé Schlegel.
M. E. Egger, qui possède tant et de si beaux livres, et qui, loin d'être jaloux
de ses trésors, en fait gracieusement profiter ses confrères en bibliophilie, a bien
voulu m'autoriser à publier ici une curieuse lettre autographe de Schlegel, placée
en tête d'un magnifique exemplaire de la dissertation du célèbre critique :
Comparaison entre la Phèdre de Racine et celle d'Euripide (Paris, 1807, gr. in-8"),
exemplaire qui provient de la bibliothèque de l'orientaliste Langlès. On remar-
quera dans cette lettre le touchant hommage rendu par Schlegel à Madame de
Staël, qu'il venait de voir mourir. On savait déjà qu'il avait beaucoup admiré et
beaucoup aimé l'éloquent auteur de V Allemagne^ mais peut-être rien n'avait encore
autant donné la mesure de son affection et de ses regrets, que ces ^impies lignes
où éclate toute l'émotion d'un cœur véritablement brisé. ît:/;, .;,,.. 1 , <
T. EFÇ L,
.'ti jno c'jijiiïïjiJ'iiiq «
« Monsieur,
Foudroyé par la perte immense que j'ai faite quelque précoce (^fc) qu'elle fût,
je suis incapable de voir personne, autrement j'aurois assurément été chez vous,
pour vous témoigner ma reconnoissance de toutes vos bontés, et surtout de l'in-
térêt que vous avez toujours pris à la maladie de mon illustre et immortelle pror
tectrice. Devant partir ce soir pour la Suisse pour remplir un devoir triste gt
sacré, je vous fais mes adieux par écrit. ?.
Je vous renvoyé les livres que vous m'avez si libéralement communiqués, et
j'espère que vous les trouverez soigneusement conservés.. J'en joins la note A
cette lettre. .^
Je ne sais pas quand je reviendrai à Paris. Veuillez me conserver un bon souj-
venir et croire à l'assurance de mes sentimens les plus empressés.
J'ai l'honneur d'être
16 juillet. !'^''''' '''V '"' '"Monsieur,
^:'^:^^P^f?tfilettr. obi. serviteur,
O 3D ie?ii3JUfiiip.3uanq,i;i^ i3i3bi2noDJn3ifi8i4 xir t)E Schlegel
A Monmur Monsieur Langlèsycheyalifii[,^e^^y{^^^ à la BibliothèqueMoyaU, Ci-joint
3 vo/izm^,.^)_„ ,iDi!L jqà Xij^b a-jj èimb s>fném £i lui
. çjjjpijiioq ;njia:iioq ^'^\'-"' .-H. --v >;t. ' „.._.. ,^ ...^ _, .,
ma-û s52aB slqmoxa ni^oCIÉTÉS SAVANTES.'^"P^^^^^^^^^^^^
j: • AfiAP^MJgj^MS inscriptions ET BELLES-LETTRES.
HiKiÎD pb^ X li\up 00 i^ Séance du 2 juillet 1 87 5 .
Le ministre de l'instruction publique transmet à l'académie un rapport de
M. Alb. Dumont sur les travaux des membres de l'école archéologique de Rome,
et un mémoire de M. HomoUe, membre de cette école, intitulé : Essai sur
.^0 REVUE CRITIQUE
l'histoire des institutions et la topographie d'Ostie, d'après de récentes décou-
vertes.
Sur la demande de la commission de l'école d'Athènes, M. Thurot est adjoint
à cette commission.
— M. Êm. Burnouf, directeur de l'école française d'Athènes, présente à
l'académie :
i'' des photographies du nouveau bâtiment de l'école d'Athènes;
2° un mémoire sur l'île de Minoa, près de Mégare, mentionnée par Thucydide
(3. 51 ; 4. 67, 118) : on avait cru que depuis l'antiquité cette île avait disparu
ou avait été unie au continent; M. Burnouf a reconnu au contraire que l'état
actuel des lieux concorde encore parfaitement avec le témoignage de Thucydide;
3** des plans et desseins des déblaiements opérés en avant de l'acropole
d'Athènes, qui ont mis à découvert la plus ancienne montée de l'acropole, dite
escalier de Pan (entre autres découvertes, on a trouvé le trou, cû-/;, par où une
femme s'échappe de l'acropole dans la Lysistrata d'Aristophane, v. 720);
4° des dessins de vases dits aryballeSy tirés d'une importante collection de vases
de cette espèce, qui ont été trouvés à Tanagre et qui appartiennent à l'école
d'Athènes; M. Burnouf signale parmi les figures représentées sur ces vases celle
d'une femme ailée tenant deux oies dans ses mains : on avait considéré des
figures semblables comme des images d'Artémis : cette opinion est contredite
par le fait que la figure est accompagnée d'une chouette, attribut de Minerve;
5^ les dessins de 4 statuettes de Junon, dont 3 montrent la déesse avec une
tête humaine couronnée, tandis que la 4^ a une tête de cheval : M. Burnouf
signale à ce sujet l'intérêt que présenterait un travail d'ensemble sur les divinités
à têtes d'animaux ;
6° enfin, un grand nombre de dessins et de photographies représentant des
objets découverts à Santorin en 1872 par MM. Gorceix et Mamet, membres de
l'école d'Athènes. Ces objets remontent au delà des temps historiques de la
Grèce. Ils ont été trouvés au dessous d'une couche épaisse de pierre ponce dont
l'île entière est couverte par suite d'une ancienne éruption volcanique. Des
fouilles faites en trois endroits différents ont amené la découverte de trois maisons
bâties avec des pierres non taillées unies par de la boue : ces constructions sont
analogues à celles que M. Schliemann a trouvées à Hissarlik en Troade, dans la
couche la plus profonde du terrain, au dessous des plus anciennes antiquités
helléniques. A Santorin les murs sont revêtus à l'intérieur d'un enduit de chaux
peint de diverses couleurs. Parmi les objets trouvés dans ces maisons figure une
scie en bronze, mais aucun objet en fer n'a été découvert jusqu'ici. Un grand
nombre de ces objets rappellent encore ceux qu'a trouvés M. Schliemann : ce
sont des fusaioles, des boules d'un usage inconnu, peut être mystiques (quelques
unes portent le signe composé d'un trait vertical entre deux points, que M. Schlie-
mann a appelé le monogramme de la chouette), des vases tournés ou pétris à la
main, faits en terre grossière lissée au polissoir, etc., etc.
Une observation que suggère à M. Waddington la vue des dessins qui repré-
r
d'histoire et de littérature. 3 1
sentent ces vases amène une discussion, à laquelle prennent part plusieurs
membres de Pacadémie, sur la date des objets trouvés à Santorin. M. Bumouf,
s'appuyant sur des considérations géologiques, regardait ces objets comme anté-
rieurs à l'ère chrétienne de i8 à 20 siècles. M. Waddington les trouve d'un
travail trop perfectionné pour admettre cette date : il est porté à les croire du
6° ou 7^ s. av. J. C. M. de Longpérier dit que la perfection du travail de ces
objets n'est pas un motif suffisant pour croire qu'ils ne puissent pas remonter à
une très haute antiquité : les monuments égyptiens de la 18^ dynastie montrent
à quel degré de perfection était déjà parvenue l'industrie de ces temps reculés.
Il cite notamment les vases qui figurent au nombre des présents envoyés à
Thotmès III par les gens des îles de la mer du nord, c. à d. de la Méditerranée,
et qui ressemblent à ceux que MM. Gorceix et Mamet ont trouvés à Santorin.
M. Heuzey demande que les dessins et photographies que M. Burnouf a fait
passer sous les yeux des membres de l'académie soient publiés. M. de Longpérier
dit qu'une partie de ces reproductions sont destinées à être publiées dans les
Archives des missions scientifiques et littéraires. M. Burnouf exprime le désir que
la Revue archéologique reproduise aussi quelques uns de ces monuments.
— M. Ernest Desjardins termine la seconde lecture de son mémoire sur les
inscriptions du corps de garde de la 7^ cohorte des vigiles à Rome.
Ouvrages déposés : — Marguerite de Surville (Clotilde de Surville) par Eug. Ville-
dieu, Paris, 187^, 8*; — Secundam synodum ephesinam ... edidit Samuel G. F. Perry,
Oxonii, 1875, ^' } — présentés de la part des auteurs : — par M. Egger : Études sur l'an-
cienne musique grecque , rapport au ministre de i'instr. publique sur une mission en Es-
pagne, par Ém. Ruelle; Géographie du départ, de la Seine-Inférieure, ouvrage posthume
de l'abbé Bunel, publié par l'abbé Tougard ; — par M. Hauréau : De la substitution
de l'épiscopat germain à l'épiscopat romain en Gaule, par Lud. Drapeyron. —
M. Waddington présente de la part de M. le c^e de Mérode un dessin des figures de
Pétronille et de Veneranda, trouvées dans la crypte de S« Pétronille à Rome.
Julien Havet.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
Die philosophischen Schriften von Leibniz, i. Bd. (Berlin, Weidmann). — Th. Dœh-
neri Satura Critica (Piaviae, Neupertus). — Ehlers, De Graecorum aenigmatis et gry-
phis (Prenzlau, Mieck). — Elliot, History of India. Vol. VI. Ed. by Dowson (London,
Trûbner). — Ellis, Peruvia Scythica (London, Trûbner). — Frohlberger, Ausge-
waehite Reden des Lysias (Leipzig, Teubner). — Germanische Rechtsdenkmaeler, Leges,
Capitularia, Formulae, herausg. v. Gengler (Erlangen, Deichert). — Hentsghel,
Quaestionum de Lysiae Oratione Epicratea (XXVII) Capita duo (Misenae, Klinkicht).—
HoNEGGER, Kritische Geschichte der franzœsischen Cultureinflûsse in den letzten Jahrh.
(Berlin, Oppenheim). — Hume, Eine Untersuchung in Betreffdes menschlichen Verstandes.
Uebers. v. Von Kirchmann (Leipzig, Koschny). — Hyde Clarke, Researches in Prae-
historic and Protohistoric comparative Philology (London, Trûbner). — Iuliani Impera-
toris quae supersunt praeter reliquias apud Cyrilium Omnia recens. Hertlein, Vol. I.
(Lipsiae, Teubner). — Jagoby, Die Idée der Entwickelung. i. Th. (Berlin, Oliven). —
JoRET, Herder et la renaissance littéraire en Allemagne au XVIII* s. (Paris, Hachette).
ï2 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— Krumbholz, Quaestionum Theocritarum Spécimen primum (Berlin, Mayer u. Mûller).
KuENEN, De Profeten en de Profetie onder Israël. I. Deel (Leiden, Engels). — Lel.ind,
Fusang, or the discovery of America (London, Trûbner). — Leland, E. H. Palmer,
Janet Tuckey, English Gipsy Songs (London, Trûbner). — Les plaidoyers civils de
Démosthène, tr. p. Dareste. 2 vol. (Paris, Pion). — T. Lucreti Cari De rerum natura
libri sex redig. und erkl. v. Bogkemùller, 2 Liefgn. {Stade, Stendel). — Mannhart,
Der Baumkultus der Germanen (Berlin, Gebr. Borntrasger). ~ Luc. Mulleri de Phae-
dri et Aviani Fabulis Libellus (Lipsiae, Teubner). — Œuvres complètes de Diderot, p.
p. ASSÉ7AT. i"et 2* vol. (Paris, Garnier). — Pûnjer, Die Religionslehre Kant's (lena,
Maucke's Verl.). — E. Reglus, Nouvelle Géographie, livr. i, 2 et 3. (Paris, Hachette).
— Ritter, Les noms de famille, avec une préface par M. Bréal (Paris, Franck). —
Spengel, Aristoteles' Poetik und Vahlen's Neueste Bearbeitung derselben (Leipzig,
Teubner). — Stumpf-Brentano, Die Wirtzburger Immunitaet-Urkunden des X. und XL
Jahrh. (Innsbriick, Wagner'sche Univ.-Buchh.). — The Romantic Legend of Sâkya
Buddha from the Chinese-sanscrit, by Beal (London, Trûbner). — Troilus Alberti Sta-
densis primum éd. a Merzdorf (Lipsiae, Teubner), — Urkunden zur Geschichte des
deutschen Rechtes, herausg. v. Lœrsgh u. Schrceder. L (Bonn, Marcus). — G. Valeri
Flacci Sesini Balbi Argonauticon libri octo recogn. Baehrens (Lipsiae, Teubner). —
Vergilis Georgica nach Plan und Motiven erkl. v. Bockemùller (Stade, Stendel). —
Walter, Die Lehre von der praktischen Vernunft in der griechischen Philosophie (lena,
Mauke's Verl.). — Warren, De Jainas (Zwolle, Tjeenk Willink). — Wœrterbuch zu
Hartmann's Iwein, von Benegke. Zweite Ausg. v. Wilken, Lief. 2, 3 u. 4 (Gœttingen,
Dieterich). — Zumpt, De Imperatoris Augusti die natali fastisque ab dictatore Caesare
emendatis commentatio (Lipsiae, Teubner).
AuBÉ, Histoire des persécutions de l'Église jusqu'à la fin des Antonins (Paris, Didier).
— Dorange, Catalogue des mss. de la Bibliothèque de Tours. — Du Fresne de Beau-
GOURT, Charles VIL Son caractère. 2* partie (Paris, Palmé). — Glauning, Der fran-
zœsische Schulunterricht und der nationale Interesse (Nœrdlingen, Beck'sche B.). —
GuiBAL, Histoire du sentiment national en France pendant la guerre de cent ans (Paris,
Sandoz et Fischbacher). — Jahrbûcher des deutschen Reiches unter Heinrich II. Von
Siegfried Hirsgh. Dritter Bd. herausg. v. Breslau (Leipzig, Duncker u. Humblot). —
KuHN (E.), Beitraege zur Pâli Grammatik (Berlin, Dûmmler). — Miklosigh, Ueber die
Mundarten und die Wanderungen der Zigeuner Europa's (Wien, Gerold's S.); Beitraege
zur Kentniss der Zigeunermundarten (ibid.).~Tabulae codicum manu scriptorum prae-
ter Graecos et Orientales in Bibl. Palat. Vindobonensi asservatorum. Vol. VII. (Vindob.,
Gerold's S.). — Von Kirchmann, Erlaeuterungen zu Kant's kleinern Schriften zur Ethik
und Religionsphiiosophie (Leipzig, Koschny); Erlaeuterungen zu Kant's Grundiegung
zur Metaphysik der Sitten, etc. (ibid.).
Le propriétaire-gérant : F. VIEV^EG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
p. 289-512. — Von Thielmann, Streifzùge im Kaukasus. Leipzig, Duncker u.
Humblot. In-8°, viij-493 p. (une analyse de cette relation a récemment paru
dans la Revue de France). — Zenker, Tùrkisch-arabisch-persisches Handwœrter-
buch. 21. u. 22. Heft. Leipzig, Engelmann. — Christ, Metrik der Griechen
und Rœmer (cf. Rev. criî., 1875, I, p. 146). — Cadovius-Muller, Memoriale
linguae Frisicae. Herausg. v. Kùkelhahn. Leer, Leendertz. In-S**, 120 p. (im-
portante contribution à l'histoire de l'allemand). — Legge, The life and vvorks
of Mencius. London, Trùbner. In-8°, v-402 p. (forme le volume II de la magni-
fique et savante édition des Classiquts Chinois). — Dùtschke, Antike Bildwerke
in Oberitalien. I. Leipzig, Engelmann. In-8", viij-132 p. (contient les monu-
ments du Campo Santo de Pise).
Jenaer Literaturzeitung, 1875, i^°'<7i 24 avril. Seyerlen, Entstehung
und erste Schicksale der Christengemeinde in Rom. Tùbingen, Eues. In-8°, iv-
67 p. (Lipsius). — Siegfried, Philo von Alexandria. Jena, Dufft (Schrader).
~ Flammer, Le droit civil de Genève, ses principes et son histoire. Genève.
In-8°, 304 p. (A, Rivier). — Fischer, Francis Bacon und seine Nachfolger.
Leipzig, Brockhaus. In-8% xx-788 p. (Erdmann). — Hennés, Fischenich und
Charlotte von Schiller. Frankfurta. M., Sauerlaender. In-8°, 167 p. (G. Warren-
TRAPP;. — WOLFF, Muhammedanischc Eschatologie. Leipzig, Brockhaus. ln-8",
xiv-214-i 10 p. (H. Steiner). — Morgenlaendische Forschungen (Schrader;
cf. Rev. crit.y 1875, I, p. 289). — Roth, Der Atharvaveda in Kaschmir. Tù-
bingen, Laupp. In-4°, 29 p.; Benfey, Einleitung in die Grammatik der vedi-
•schen Sprache. Gœttingen, Dieterich'sche B. In-4*^, 40 p. ; Ders., Die Quantitaets-
verschiedenheiten in den Samhitâ- und Pada-Texten der Veden. In- 4°, 44 p.
(Delbrùck). — Hebler, Aufsaetze ùber Shakespeare. 2. Ausg. Bern, Dalp'sche
B. ln-8°, xij-294p.; Werder, Vorlesungen ùber Shakespeare's Hamlet. Berlin,
Hertz. In-8°, 252 p. (Richard Wùlcker). — Dœhler, Entstehung und Ent-
wickelung der religiœsen Kunst bei den Griechen. Berlin, Lùderitz'sche Verlagsb.
In-8% 47 p. (R. Gaedechens).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISESi^T , JÊTRANGÊRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin , ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
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arabes de Sevilla. Precedidas de una
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Madrid (Murillo).
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noologiche. In-4». Pisa (tip. Nestri).
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Aymard CA.), Antiquités préhistoriques,
gauloises et gallo-romaines du Cheylounet.
In-8', 98 p. et - pi. Le Puy (imp. Mar-
chessou).
Baguenault de Puchesse(G.). Tombes
mérovingiennes trouvées à Bazoches-lès-
In-
p. et pi.
Gallerandes (Loiret).
Orléans (Herluison).
Barton (J. A. G.). Bengal : An Account
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With full Information with regard to the
Manners, Customs, Religion, etc. of the
Inhabitants, and the Effects ot British
Tule There. In- 12, 250 p. cart. London
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Boutiot (T.) et Socard (E.). Diction-
naire topographique du département de
l'Aube comprenant les noms de lieu an-
ciens et modernes; rédigé sous les aus-
pices de ia Société académique de l'Aube.
In-40, ixvij-234p. Paris (Imp. nationale).
Carlson (F. F.). Geschichte Schwedens.
5. Bd, Bis zum Tode Caris XI. In-8»^,
xxxvi-616 S. Gotha (F. A. Perthes).
16 fn
Comte (Le) de Plélo, Louis-Robert-Hip-
polyte de Bréhan, ambassadeur de France
en Danemark. 1699-1734 par N. de B.
In-S", 28 p. Nantes (imp. -Forest et Gri-
moud).
Gruzada Villa-AmiL Rubens, diplo-
mâlico espanol. Sur viajes a Espana y
noticia de sus cuadros, segun los inven-
tarios de las casas de Austria y de Bor-
bon. En 8, 386 p. Madrid (Muriilo).
Feurnier (A.). Abt Johann v. Viktring
u. sein Liber certarum historiarum. Ein
Beitrag zur Quellenkunde deutscher Ge-
schichte. In-8*, xij- 1 $4 S. Berlin (Vahien).
S fr-
Lepage (A.). Les Cafés politiques et lit-
téraires de Paris. Le Procope , La Re-
naissance, Mad.id, Suède, Le Rat-Mort,
Buci, Frontin, Brasserie Saint-Séverin,
Foy, Le Coup-du-Milieu, etc. In- 16,
1 14 p. Paris (Dentu). 2 fr.
Liverani (F.). La chiave vera e le chiavi
faise délia lingua etrusca. Saggio. In- 16,
98 p. Siena (tip. Lazzeri). 3 fr. 50
Loiseau (A.). Histoire des progrès de la
grammaire en France, depuis l'époque
de la renaissance jusqu'à nos jours. 2'
fascicule (adjectif, pronom, verbe). In-8%
I n p. Paris (Thorin).
Magnieu (E. de) et Prat (H.). Corres-
pondance inédite de la comtesse de Sabran
et du chevalier deBoufflers, 1778- 1788.
In-8°, xvj-73 1 p. et port. Pans (Pion et
C-). 8 fr.
Mandon (L.). De l'influence française en
Espagne sous Philippe V (1700-1713).
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fils).
Marchant (L.). Ampoules de pèlerinages
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12 p. et pi. Dijon (Manière-Loquin).
Monod. Suite des mémoires de Guillaume
Monod. In-8°, iv-320 p. Paris (Thorin).
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Recueil de poésies françaises et latines
dédiées à Jacques de (fostentin. Petit
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Papato (II) ai tempi dell' impero da Cos-
tantino a (jiustiniano e il papato ai tempi
nostri con alcurie njdfe illustr^tive. In-8*,
no p. Ronra (tip. Eredi Botta), ji^fr.
Perrot (G.). L'enlèvement d'Orithyie'par
Borée œndchoé du Musée du Louvre.
In-4', 28 p. et I pi. Paris (imp. Cha-
merot;. .
Philipps (J.R.). Memoirs of the CivilWar
in Wales and the Marches 1642-1649.
2 vol. in-S" cart. London (Longmans).
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Planck(M.).Karthagou.seineHeerfùhrer.
In-4*, 26 S. Tùbingen (Fues). i fr. 75
Pouy (F.). Recherches sur les almanachs
et calendriers artistiques, à estampes, à
vignettes, à caricatures, etc. principale-
ment du XVI* au XIX* siècle, avec notices
bibliographiques sur les almanachs divers,
notamment à l'époque de la Révolution.
In-8*, 147 p. Amiens (imp. Glorieux.;5t
Ce). : .-
Proudhon (P. J.). Correspondance; pré-
cédée d'une notice par J.-A. Langlois.
T. 2. In-80, 391 p. Paris (Lib. inter-
nationale). 5 fr,
Quinet (E.). L'Esprit nouveau. In-S»,
iv-359 p. Paris (Dentu). 6 fr.
Rosseeu^v Saint-Hilaire. Disgrâce de
la princesse des Ursins 1714-17 15. In-4%
23 p. Paris (Firmin Didot, frères, fils et
C-).
Schmidt (O.). The Doctrine of Descent
and Darwinism. With 26 Woodents.
In-8°, 336 p. cart. London (King).
6 fr. 2 $
Stuart (J.). A Lost Chapter in the His-
tory of Mary Queen of Scots Recovered ;
Notices of James Earl of Bothwell and
Lady Jane Gordon, and of the Dispensa-
tion for their Marriage; Remarks on the
Law and Practice of Scotland relative
to marriage Dispensations ; and an Ap-
pendix of Documents. In-4', 116 p. cart.
London (Hamilton). i^ fr. 65
Taine (H.). Essai sur Tite-Live. Nouv.
édit. In-i8 Jésus, viij-368 p. Paris (Ha-
chette et C«). } fr. so
Veuillot (L.). Jésus-Christ. Avec une
étude sur l'art chrétien, par E. Cartier.
Ouvrage illustré de 16 chromolith. et de
200 grav. exécutées par Huyot père et
fils, d'après les monuments de l'art depuis
les catacombes jusqu'à nos jours. In-4*,
viij-572 p. Paris (Firmin Didot frères,
fils et C-). 2S fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N» 29 Neuvième année. 17 Juillet 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard»
Prix d^abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Etranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
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MÉMOIRES
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
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Contenu: H. Kern, le suffixe ya du sanscrit classique, ia de l'arien. — L.Havet,
Note sur l'article précédent. -^ D^Arbois de Jubainville, les thèmes celtiques eus.
— M. Bréal, Umbrica. — L. Havet, sur les palatales sanscrites. — A.Bergaigne^
du rôle de la dérivation dans la déclinaison indo-européenne. — Variétés ;
M. Bréal, Frères jumeaux dans le vocabulaire latin. — Caro, carnis. — Vilis. — *
Masîicare. — KaXcç. — Latin sus, sur. Ombrien sururont, surur. — Indulgere. —
Sanscrit sva pour su « bien ». — A. Bauer, de la double origine de l'article alle-
mand. — L. Havet, sur la déclinaison des thèmes.féminins en a. — Le locatif
ombrien. — F. Baudry, Notice sur le suffixe participial -ant. — J. Darmesteter,
Nomen, nâman. — Index.
COLLECTION PHILOLOGIQUE (ANCIENNE SÉRIE)
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• 1 A rvl O moyen-âge. Broch. in-S^. i fr.
PÉRIODIQUES.
The Academy, N*' 164, new séries, 1(3 juin. Lanfrey, Histoire de Napo-
léon P^ T. V. Paris, Charpentier (Etienne Coquerel). — Leland, Fusang,
or the Discovery of America by Chinese Buddhist Priests in the Fifth Ceiitary
j^. H. Major; la Kevm criî. |5ubliera prochainement un article sur cet ouvrage).
H Calendar of the State Papers relating to Ireland, 1608-1610. Ed. by the
Rev. C. W. RussELL and J. P. Prendergast. London, Longmans and Co.
(Samuel R. Gardiner). — Notes and News. — Notes of Travel. — New Guinea
(Lettre d'un missionnaire, M. N. G. Lawes). — Boston Letter (Thomas Ser-
GEANT Perry : nouvelles littéraires). — Archeological News from Greece (J. P.
Mahaffy). — Science Notes (Anthropology). — Meetings of Societies (Soc. royale
de géographie, de philologie). — Etruscan Antiquities. Tarquinii and Caere (C, I.
Hem AN s).
The Athenœum, N°2487, 26 juin. The Périls of Criticism (on se souvient
que VAthen£um avait été condamné, en Ecosse, pour un article sévère sur
VEdiicational Atlas de T. B. Johnston, à payer à l'auteur une somme énorme
1 ,275 livres; cette décision a produit en Angleterre une vive émotion, et la Cour
écossaise, réprouvant le verdict du Jury, était disposée à recommencer le juge-
ment, quand le plaignant a consenti à laisser aux juges le soin de fixer le mon-
.tant des dommages et intérêts : on lui a accordé 100 livres). — Mansel, The
Gnostic Hérésies of the First and Second Centuries. Murray (résume les travaux
des Français et des Allemands). — Heckethorn, The History of the Secret
Societies of ail Ages and Countries. 2 vols. Bentley and Sons (refonte considé-
rablement augmentée du Mondo secreto de De Castro). — Cairnes, Character
and Logical Method of Political Economy. Macmillan and Co. (cet ouvrage est
l'un des plus importants qui aient paru depuis un demi-siècle sur l'économre
politique). — The Palaeographical Society (2^ art.). — The Site of Pisgah (J.
A. Paine). — When was Burke born? (E. J. Payne). — The Interior of New
Guinea (réplique de J. Moresby). — The Temple of Jérusalem (James Fergus-
son). — Literary Gossip. — Geographical Notes. — Societies (Soc. asiatique,
royale dç littérature, dé numismatique, de philologie.
Literarisches Centralblatt, N° 27, 3 juillet. Lôw, Die Lebensalter in der
jûdischen Literatur. Szegedin, Selbstverl. In-8°, xvj-459 P- (cette importante
histoire des mœurs juives depuis l'antiquité jusqu'à nos jours forme le 2*^ volume
des Beitr£ge zur jûdischen Aterthumskunde de l'auteur). — Gr^fe, Die 70 Jahr-
wochen des Propheten Daniel, cap. 9, 24-27, in ihrer Beziehung auf Jesum
Christum. Leipzig, Hinrichs. In-S", vij-56 p. (sans valeur). — Teichmûller,
Studien zur Geschichte der Begriffe. Berlin. Weidmann. In-8% ix-667 p. (disser-
tations sur les divers systèmes de philosophie en Grèce). — Urkundenbuch des
Klosters Drùbeck. Vom Jahr 877-1 594. Bearb. v. Jacobs. Halle, B. d. \Vaiseri-
hauses. In-8°, xxxviij-344 P- (forme le $° volume de la belle publication de
l'auteur : Geschichtsquellen der Provinz Sachsen). — Ranke, Ursprung und Beginn
der Revolutionskriege 1791 u. 1792. Leipzig, Duncker u. Humblot. In-S''^
^^i-'379 P- (d'après les archives prussiennes et autrichiennes). — Recueil général
de traités, etc. Continuation du grand recueil de De Martens par Samwer et
HoPF : T. 6. Gœttingen, Dieterich. In-8", viij-733 p. — Levy, Neuhebraeisches
und chaldaeisches Wœrterbuch. Nebst Beitraegen v. Fleischer. 3 Bde in 12-15
Lief. I. Lief. Leipzig, Brockhaus. In-4", 112 p. (l'auteur n'a pas de méthode;
la partie étymologique est déplorablement faible). — Schrœder, Ueber die
formelle Unterscheidung der Redetheile im Griechischen und Lateinischen.
Leipzig, Kœhler in Comm. In-8°, viij-$62 p. (très-superficiel). — The romantic
legend of Sâkya-Buddha. ^rom the Chinese-Sanscrit. By Beal. London,
? ■vx
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 29 — 17 Juillet — 1875
Sommaire: 142. Minayef, Grammaire Pâlie, tr. p. Guyard; Kuhn, Contributions
à la grammaire pâlie. — 143. Bosworth Smith, Mahomet et le Mahomélisme. —
144. Saint-Marc Girardin et Bersot, Jean-Jacques Rousseau. — 145. Maio-
REScu, Critiques. — Correspondance : Lettre de M. T. de L. — Sociétés savantes :
Académie des inscriptions.
142. — Minayef, Grammaire Pâlie, traduite du russe par M. Stanislas Guyard.
Paris, Ernest Leroux. 1874. — Prix : 7 fr. 50.
Ernst W. A. Kuhn, Beitrœge zur Pâli-Grammatik. Berlin, Dûmmler. 187$.
— Prix : $ fr. }j.
L'inventaire philologique du Pâli se poursuit avec ardeur de divers côtés. En
attendant la grammaire promise par M. Childers, M. Minayef et M. Kuhn vien-
nent coup sur coup de nous donner le tableau de sa phonétique et de ses flexions.
Les deux ouvrages ont exactement le même objet, l'un et l'autre laissent de
côté la syntaxe; mais ils sont assez différents de caractère. Le premier, plus riche
de faits nouveaux, philologiques ou autres, plus tourné vers l'aspect historique
des questions, s'apphque surtout à nous enrichir de données empruntées à la
Rûpasiddhi, d'observations recueillies dans des livres inédits; il ne s'effraie pas
d'un peu de confusion ni d'une allure parfois un peu trop indienne. Le second,
qui a pu profiter de son devancier, exact et méthodique, s'attache tout spécia-
lement au point de vue linguistique et comparatif, et se préoccupe surtout de la
constitution et de la dérivation des formes. Cette différence de méthode est
dominée par une divergence dans les vues générales sur la nature même et le
caractère propre de la langue pâlie. L'arrière-pensée d'exposer et de soutenir
une certaine opinion sur ces questions d'ensemble est évidemment pour beaucoup
dans ces essais successifs d'exposition grammaticale ; fondés sur un cercle de
publications si restreint, ils sont nécessairement moins intéressants par les faits
pour la plupart assez accessibles qu'ils rappellent que par les théories qu'ils
défendent ou qu'ils manifestent.
. Le Pâli est-il un dialecte local, strictement populaire, ou un idiome artificiel
et savant ? Quelque solution que l'on donne au problème, M. Kuhn a tort à coup
sûr de le prendre si légèrement. Selon lui, la seconde solution, celle pour laquelle
M. Kern s'est décidé avec le plus de vivacité, ne ferait que «reculer la question»
(p. 9). Il est bien vrai, comme il le remarque, que toute langue, si artificielle
qu'elle soit, repose nécessairement en dernière analyse sur un fonds populaire et
local. Mais qu'est-ce à dire si l'on prend, par exemple, que le Pâli représente un
travail réfléchi, appliqué à des dialectes peut-être divers, ayant pour but d'en
effacer les caractères locaux, d'en régulariser les formes suivant des analogies
XVI 3
34 REVUE CRITIQUE
plus OU moins décevantes, de les rapprocher enfin par l'orthographe des appa-
rences et de la physionomie d'une langue savante, inspirée du Sanskrit? Le fonds
dialectal peut dès lors être aussi indifférent qu'insaisissable. La question relative
à la place du Pâli dans la série du développement linguistique de l'Inde serait encore
plus directement affectée par une semblable solution. On s'accoutume à consi-
dérer le Pâli comme une étape intermédiaire entre le Sanskrit et les dialectes
prâkrits '; on a même fondé là-dessus des conjectures relativement à son ancien-
neté. Toutes ces hypothèses sont ruinées par la base, dès que l'on considère ces
caractères archaïques comme obtenus par un travail conscient de reconstitution arti-
ficielleetérudite. Parune conséquence forcée, les formations singulières ou insolites
transmises par les grammairiens perdraient beaucoup de leur intérêt comparatif
et historique : si la thèse dont il s'agit laisse parfaitement possible que des formes
réellement populaires et authentiques, venues même d'une haute antiquité, se
soient perpétuées dans cet idiome, elle permet aussi d'admettre qu'il a pu s'y
introduire des créations plus ou moins arbitraires, fondées sur l'analogie ou
inspirées par le désir de combler des lacunes. La question est donc capitale. La
réponse qu'on y fait doit influer puissamment tant sur l'idée que l'on prend et
de l'âge et des lieux d'origine du Pâli, que sur la façon d'en traiter la gram-
maire. A cette question les deux livres répondent en sens opposé ; et sans y être
examinée au complet ni suivant une méthode rigoureuse, elle fait le sujet prin-
cipal de l'une et l'autre introduction.
Pour M. Kuhn, le Pâli est, sauf quelques mélanges accidentels, un dialecte
populaire appliqué aux besoins religieux d'une certaine école buddhique
(p. 9, etc.). Reprenant la conjecture ou développant les suggestions de
MM. Lassen 2 et Westergaard, il y reconnaît l'idiome très-peu altéré du Malwa;
le nom de Mâgadhî lui viendrait de l'importance historique et religieuse du
Magadha. Il signale son affinité spéciale avec le dialecte de l'inscription de
Girnar; M. Minayef, au contraire (p. xxvii, p. xliv), invoque en faveur de son
point de vue des affinités avec les dialectes orientaux des inscriptions ; on a
signalé aussi une parenté prétendue avec le Mahârâsh/rî et le Çaurasenî des
grammairiens. Cela revient à constater que le Pâli n'a aucun des traits réputés
caractéristiques des dialectes locaux, et qu'il a d'autant plus de similitude avec
un idiome prâkrit que celui-ci par son orthographe se rapproche plus de la forme
sanskrite et savante. M. Kuhn attache une importance bien surprenante
aux considérations qu'il fonde sur la personne de Mahendra. Acceptons
un instant le point de vue orthodoxe singhalais où il se place (p. 6, etc.).
Mais nulle part Mahendra n'est donné comme l'auteur d'une rédaction nouvelle
1. Seul M. Kern (p. i^) considère le Pâli comme marquant une période postérieure
aux dialectes de Piyadassi; mais ce jugement n'est soutenable qu'autant que l'on récuse
l'autorité implicite et absolue des apparences orthographiques, c'est-à-dire autant qu'on
reconnaît le caractère artificiel du Pâli.
2. Seulement M. Lassen (Ind. Alterth. II, 490 et suiv.) part de ce point de vue non
justifié que Kâtyâyana serait le véritable inventeur du Pâli; il aurait d'abord codifié
le dialecte du Malwa, qui, transporté à Ceylan, aurait été appliqué seulement au V siècle
de notre ère à la traduction du canon.
D'HISTOIRB ET DE LITTÉRATURE. 35
des écritures ni même d'une « transcription )>, comme parle M. Kuhn. Ce rôle
exorbitant qu'il lui prête, de son autorité, est d'autant plus inadmissible que l'on
accepte plus complètement la tradition méridionale et que l'on admet l'existence
dès cette époque d'un recueil canonique et autorisé des écritures. Si, malgré
tout, Mahendra eût été en position de « choisir » arbitrairement un dialecte'/]
n'est-il pas vraisemblable que, suivant l'exemple de son père, il se serait décidé
pour celui dans lequel Piyadassi s'adressait aux religieux du Magadha, qu'il eût
accordé cette gloire officielle à l'idiome de la capitale, que son Pâli enfin, son
« texte )), eût mérité effectivement son nom de Mâgadhî ? M. Kuhn fait bien, je
pense, de chercher dans l'importance du Magadha pour le buddhisme la raison
d'être d'une dénomination que ne justifient point les caractères linguistiques. Ne
peut-on aller un peu plus loin, et penser qu'on n'aurait pas donné, par une
application historique, en somme arbitraire, un nom tout régional à un idiome
qui aurait réellement reflété les particularités dialectales d'une autre région
quelconque de l'Inde ?
Pour repousser le système auquel nous ramène cette considération, M. Kuhn
se fonde surtout sur l'insuffisance des preuves produites par M. Kern. Fidèle à
son point de départ, M. K., dans l'important chapitre du Verbe, accepte en géné-
ral comme légitimes et historiques toutes les flexions admises dans les paradigmes
des grammairiens et il s'efforce d'en montrer l'origine. Cependant, en ce qui
concerne, par exemple, l'imparfait (p. io8), il observe lui-même que les gram-
mairiens n'ont rétabli qu'au prix d'un mélange de formes hétérogènes l'appa-
rente intégrité du tableau. Il importerait de déterminer si le même fait ne s'est
pas produit dans nombre d'autres cas. Nous manquons sur ce point d^un élément
d'information essentiel : il faudrait pouvoir comparer aux décrets des écoles
l'usage dûment constaté des textes des différents âges. Il faudrait voir si les
formes exceptionnelles et suspectes qui resteraient après ce premier départ sont
ou non des accommodations arbitraires, si elles représentent les vivants organes
d'une langue populaire ou les approximations d'une science plus ou moins
éclairée. En attendant qu'une pareille tentative devienne possible, il me semble
que l'extrême instabilité de certaines voyelles finales^ tantôt longues, tantôt
brèves, tantôt nasalisées', le caractère anormal des modifications phoniques que
supposent certaines formes 2, l'abondance même des flexions verbales, dès main-
tenant retrouvées dans les livres, comparée à l'indigence des Prâkrits dramatiques
et du Mâgadhî jaina, doivent nous mettre d'abord en défiance. Plusieurs flexions
ont une apparence bien étrange pour ne pas dire barbare, si large d'ailleurs que
l'on fasse la part de l'analogie. M. Kuhn dénonce lui-même la deuxième pers.
sing. de l'imparfait et de l'aoriste âtmanepadam en ase et ise. La première pers.
1.^ Par exemple dans les désinences eyya et eyyam du potentiel, i* pers. sing. (p. 105),
la désinence a ou â de la 3* sing. de l'imparfait, amhâ et imhâ, û et iim de l'imparfait et
de l'aoriste comparées aux désinences mha et u du parlait, les désinences / et / de la 2' et
3* sing. de l'aoriste (p. 112). Les différenciations arbitraires et les besoins métriques
paraissent avoir dans ces variations une part excessive. ■ ,
2. Je citerai les désinences vho de l'impératif et du potentiel, correspondant au sanskrit'
dhvam, la 2° pers. sing. du potentiel en tho pour sanskrit îhds.
3 6 REVUE CRITIQUE
plur. de l'imparfait âtmanepadam en âmhase est tout aussi extraordinaire, et je
ne suis pas moins porté à douter de l'authenticité de la première pers. plur. en
ma5g, de l'impératif âtmanepadam qui lui fait pendant et à laquelle M. Kuhn
prête une si haute antiquité ' (p. loi). L'une et Pautre forme sont pourtant
attestées par des exemples. Que dire de diverses flexions, encore plus douteuses,
du parfait âtmanepadam ? Je ne puis m'empêcher de regretter que M. Kuhn n'ait
point recherché avec son exactitude et sa méthode ordinaires si ces faits et bien
d'autres encore ne fournissent pas un appoint notable de force et d'arguments
à la thèse de M. Kern 2.
Quoi qu'il en soit, cette thèse est aussi celle de M. Minayef. A son avis
(p. XLv) le Pâli (c n'est pas un dialecte local du Magadha, mais la langue de la
» culture buddhique, c'est-à-dire une langue littéraire » ; il représente d'ailleurs,
« comme les dialectes prâkrits, une forme du langage aryen, très-voisine du
» sanskrit, mais n'en dérivant pas. » Toute l'introduction de M. M., pleine de
fragments inédits et d'intéressantes suggestions, est consacrée à des considéra-
tions, presque toutes plus historiques que philologiques, aboutissant à cette double
conclusion. M. M. nous montre (p. xxxvi et suiv.) dans la composition même
du sangha tous les éléments d'un mélange de dialectes qui devait aboutir à des
compromis et à une régularisation assez factice?. Reprenant les vues de M. Weber
sur l'histoire des langues indiennes, M. M. isole complètement le Pâli du
Sanskrit. Il s'applique surtout à établir entre le développement linguistique et le
développement religieux un parallélisme étroit : le buddhisme serait la religion
et le Pâli la langue savante des Dasyus et des Vrâtyas, comme le brahmanisme
1. Pour M. Kuhn (p. 101-102), cette formation est directement issue de la désinence
la plus ancienne, perdue déjà dans les Védas; c'est une de celles qui démontrent l'entière
indépendance du Pâli vis-à-vis de l'idiome védique. Le cas serait étrangement isolé parmi
les flexions verbales du Pâli, et je préfère m'associer à M. Kuhn quand il revendique
comme des créations secondaires, inspirées par l'analogie, diverses formes (comme celles
du potentiel, par exemple, p. 106) où l'on a cherché des restes d'une haute antiquité. —
J'opposerais des scrupules analogues à une observation semblable que M. Kuhn applique
à la forme en c de l'accusatif pluriel des thèmes masculins en a (p. 72). Cette désinence,
suivant lui, ne serait pas un effet de l'analogie de la déclinaison pronominale; elle
représenterait « simplement un renforcement du thème sans suffixe casuel ». Il est tout à
fait antipathique à la nature de Vc pâli de fonctionner comme renforcement de a; en Pâli
comme dans les dialectes prâkrits, c tend à perdre de son poids et à s'atténuer: quand il
ne représente pas un e antérieur, il ne peut représenter qu'un affaiblissement. Il faudrait
donc démontrer, ce qui est impossible, que cette formation se serait consommée et son
emploi généralisé dans une période antérieure au Pâli.
2. Plus d'une considération paraît la confirmer. C'est d'abord l'absence de tout carac-
tère dialectique et local constaté; c'est ensuite la position mixte et complexe du Pâli vis-
à-vis des dialectes connus, que rend manifeste la divergence des opinions relativement à
son ancienneté et à sa place dans la série linguistique. J'ajoute l'analogie de la formation
assignée par M. Kern à la langue des gâthâs.
3. M. M. (p. xliij et suiv.), par une conjecture peu conciliable semble-t-il, avec ses
conclusions d'ensemble, paraît attribuer dans la constitution de cette langue littéraire une
part fondamentale au dialecte du Magadha. Le Pâli n'ayant aucun des traits réputés carac-
téristiques du Mâgadhî, et sensibles dans les inscriptions rédigées dans le dialecte supposé
du Magadha, M. M. ne se peut fonder que sur le nom de Mâgadhî donné au pâli, ce qui
est évidemment bien insuffisant, ou sur les ressemblances qu'il signale entre le Pâli et les
dialectes orientaux de Piyadassi; il eût bien fait d'être plus explicite sur ce point où il
prend, à mon avis sans motif suffisant, le contrepied du sentiment ordinaire.
d'histoire et de littérature. 37
serait la religion et le Sanskrit l'idiome littéraire des Indiens brahmaniques (p.xiv
et suiv.). M. M. pousse, je pense, la thèse à l'exagération ; il insiste trop sur la
distinction par religions, point assez sur la distinction par castes. Que le
buddhisme ait recueilli l'alliance et l'héritage de vieilles oppositions populaires
contre l'institut brahmanique, qu'il ait fondé son action sur les tendances propres
et les traditions ou les aspirations méconnues et comprimées des couches de la
population non réduites, je suis loin d'y contredire, ayant essayé moi-même d'en
faire la preuve sur un terrain différent. Mais il ne faut pas exagérer cette indé-
pendance du buddhisme, considéré dans sa constitution complète, dans ses moyens
d'action spéculatifs et littéraires. C'est, à mon avis, aller trop loin que de
comparer directement et immédiatement au mythe éranien la légende buddhique
de Mâra (p. iv et suiv.), d'attribuer aux légendes sur la généalogie des Çâkyas
(p. X et suiv.) la valeur d'un souvenir historique et authentique, indépendant des
traditions de l'épopée. De même pour la langue pâlie; s'il la faut vraiment
considérer comme en grande partie artificielle et arbitrairement régularisée, il
me paraît certain qu'un pareil travail n'a été entreprisqu'à l'imitation de ce que les
brahmanes avaient fait antérieurement pour le Sanskrit, et avec l'intention de se
rapprocher du type qu'ils avaient d'abord arrêté et fixé. Quoi qu'il en soit de
ces réserves, cette introduction est un morceau curieux qui eût à lui seul rendu
une traduction fort désirable et méritoire.
La partie technique du livre se recommande surtout par quelques formes nou-
velles et quelques exemples curieux. La phonétique se ressent de l'influence
indigène par des lacunes et le manque de précision. Je signalerai le para-
graphe relatif aux voyelles et le vague «quelquefois» des §§ 9 et 12. Le
§ 41 présente l'r, dans des locutions telles que jîvarera, jalantariva^ megharivay'^
comme une transformation de n, etc. Il est pourtant évident que, si ces formes ne
sont pas simplement des aberrations d'un sandhi tout artificiel et arbitraire, l'r
s'y doit expliquer comme dérivé de l'y qui dans plusieurs cas s'est fixé devant
la voyelle initiale des particules eva, iva^ absolument comme dans y^//zanVa, etc.
Suivant le § 4$, « le niggahita correspond quelquefois au skr. r », avec les
exemples cakkhum^ ukkamsa. Il est clair que le premier représente une forme
nouvelle dérivée de l'analogie des thèmes en ^;dans le second le niggahita attaché
à la voyelle est un simple équivalent de la longue substituée à la brève après la
simplification du groupe ss : ukkamsa, pour ukkâsa, pour ukkassa. Tout préoccupé
des faits l'auteur en néglige parfois un peu trop peut-être l'ordonnance et
l'exposition. Moins original et moins neuf, le travail de M. Kuhn reprend à ce
point de vue ses avantages; plus méthodique, mieux équilibré, il est plus fourni
en exemples qui, pour n'être point inédits, sont bons à trouver rassemblés.
L'étymologie des formes, quelquefois trop confiante à mon gré^ y est attentive
et bien informée. Je signalerai à ce propos un détail. M. Kuhn analyse
en siyà + atha l'adverbe seyyatha. La seconde place qui serait ainsi
attribué^ à: fl,(i^a dans la locution première et la comparaison de la forme très-
ordinaire seyyathidam, rendent cette explication insuffisante. Il me paraît que
c'est yaîbâ et non atha que recèle cette forme. Le sens en devient plus satisfai-
^8 .3;iUTA;!?î'Smji(t^fl.I(^,ipT2IH'a
èant ; la première syllabe s'explique aisément comme représentam la forme assa
du subjonctif avec apocope de Va initial comme dans beaucoup de cas analogues
Çssa, 'iij 'pi). Cette analyse rend bien compte de la forme sayyatliidam^ tandis
que la substitution de e pour Va de la première syllabe s'explique d'elle-même
par le voisinage de y.
P. 99 et suiv. M. K. s'associe avec trop de confiance au sentiment de
MM. Childers et Pischel en niant absolument l'emploi actif des formes gheppati
et kayirati Je n'en conteste pas l'Usage au sens passif. Mais cela n'exclut point,
surtout en une langue telle que le Pâli, un usage parallèle au sens actif. Il est
certain que les grammairiens en général considèrent ces formes comme actives
(p. ex., la Cullasaddanîîl : gahâdiganato ppanhâppaccayâ honti kattari, tanâdi-
ga/zato oyirappaccayâ honti kattari); la place que les ss. VI, 2, 19-20 occu-
pent dans la grammaire de Kaccâyana prouve que l'auteur partageait ce point de
vue, et des formes comme l'actif dajjati suffisent à démontrer la parfaite possibi-
lité de pareilles confusions.
'^ilhU pilMû puplsUp nt;/j E. Senart.
143. — Mohammed and Mohammedanism. Lectures delivered at the Roy. Insti-
tution of Great-Britain, by R. Bosworth Smith. London, Smith aîné a^d Q®.:.t§J4.
^^,-,In-8', xxj-252 p. — Prix: 7 fr. 50.
: iJicLes quatre conférences que M. Bosworth Smith, attaché au collège de Harrow
en qualité à'assistanî-master, a réunies en un volume avaient d'abord été des-
tinées à être lues devant une réunion d'amis ; puis, sur l'avis de plusieurs de ses
auditeurs, elles furent, considérablement accrues, prononcées devant l'Institut
Royal de la Grande-Bretagne en février et mars 1874. Le but que s'est proposé
M. B. S. en les écrivant et en les publiant est, non point de présenter quelques
faits nouveaux, ou de nouveaux aperçus sur l'histoire et les dogmes de l'isla-
misme, mais bien de mettre à la portée des gens du monde un résumé succinct
des opinions que l'on doit avoir de cette religion, et surtout de chercher à faire
disparaître certains préjugés légués par les siècles passés et trop communément
répandus. M. B. S. n'est point orientaliste; mais, outre qu'il a des connaissances
étendues dans l'histoire des religions, il s'est entouré pour ce travail des ouvrages
les plus récents et les plus autorisés ; il a surtout profité de la Vie de Mahomet
de Sprenger, dont il se plaît à reconnaître la valeur, bien qu'il en condamne
certaines conclusions : point que je discuterai tout à l'heure. Le soin que l'auteur
; a pris de s'instruire aux meilleures sources, et l'impartialité qu'il fait voir dans ses
jugements, me dispensent d'examiner en détail ce volume; mais je ferai briève-
ment connaître le point de vue où il se place pour juger de l'islamisme, et les
aperçus originaux qu'il en tire.
M. B. S. débute par des considérations générales sur l'histoire des religions,
sur leurs caractères primitifs, leur tendance commune à passer d'un enseignement
: moral, qui était leur forme première, à un enseignement théologique et théocra-
tique; enfin il fait remarquer avec raison que, tandis que le berceau des autres
religions est entouré de ténèbres, le mahométisme seul nous présente l'histoire
d'histoire et de littérature. 39
de sa formation de la façon la plus claire, et nous permet par là de juger de la
formation d'autres croyances où les renseignements historiques nous font défaut.
Pour M. B. S., l'islamisme est notoirement inférieur au christianisme, dont
il n'a pas la pure morale et les enseignements; mais il semble, précisément
pour cette raison, mieux adapté à l'esprit des peuples de l'Asie et de
l'Afrique, à peine civilisés, et d'une race inférieure à celle des Occiden-
taux : l'islamisme doit devenir la religion de cette partie du monde, comme le
christianisme doit être celle de l'Europe et de l'Amérique ; et ses doctrines étant
celles qui se rapprochent le plus du christianisme, par conséquent elles méritent
de renverser d'autres croyances moins pures et moins élevées. Il est de fait que
ses progrès incessants semblent justifier cette opinion ; et n'eût-il pour lui que
les éléments de civilisation introduits par sa marche au coeur de l'Afrique sau-
vage, cela suffirait à le faire regarder avec respect. M. B. S. ne fait aucune diffi-
culté d'avouer que les progrès du christianisme chez les peuplades nègres sont
presque nuls, tandis que l'enseignement du Koran se propage assez rapidement,
grâce au zèle de missionnaires dévoués, mais cela rentre en quelque sorte dans
sa théorie et la confirme, savoir que l'islamisme est plus approprié à l'état de
demi-civilisation auquel on peut prétendre amener des tribus jusqu'alors entière-
ment sauvages.
L'auteur est naturellement conduit à étudier la vie et le caractère du prophète
arabe ; et là se pose devant lui ce problème historique qui n'est pas encore résolu :
quelle fut la part réelle de Mahomet dans la grande rénovation du vii^ siècle?
L'influence du milieu où vivait le prophète est indéniable, et les instigateurs
de sa mission nous sont connus ; mais il y a deux manières d'envisager son
rôle : 1° ou bien Mahomet était un imposteur, un menteur qui ne croyait pas un
mot à ses prédications, forgeait à tête reposée les contes qu'il débitait ensuite
devant le peuple, tels que son voyage nocturne, etc. et servait pour ainsi dire
d^homme de paille derrière lequel s'abritaient les desseins ambitieux de Khadidja,
ou les projets de réforme religieuse des hanïfs, de Zéïd et de Waraqa; 2" ou le
prophète était de bonne foi, profondément convaincu de la vérité de sa mission,
dont il avait puisé l'idée dans le commerce des sociétés secrètes (sans pour cela
nier les instigations occultes dont il fut certainement l'objet), et enfin devait ses
visions, auxquelles il était le premier à croire, d'abord à l'idée fixe qui le pré-
occupait, ensuite et surtout à son tempérament maladif, comme l'a si bien établi
Sprenger (il était sujet à des attaques de nerfs). La première opinion est partagée
par l'éminent historien que je viens de citer, ainsi que par M. Renan, au moins
dans sa partie essentielle ; mais elle a l'inconvénient d^annihiler complètement le
rôle de Mahomet, à qui incombait, en définitive, toute la responsabilité de la
rénovation; je veux bien que Zéïd et Ali, de son vivant, qu'Omar, après sa
mort, aient plus fait pour la propagation des nouvelles doctrines que Mahomet
lui-même; mais pourquoi aurait-il été choisi, de préférence à tout autre, pour
les enseigner aux Arabes, pour leur donner de la publicité, s'il avait été cet
homme nul et insipide que l'on se plaît à nous représenter? M. B. S. s'élève
contre cette opinion, et tout en ayant égard au savoir et à l'autorité de l'illustre
40 ÎT'fr-^ftl^VTM CRITIQUE ^^•^^mVl
orientaliste qui Ta accréditée, il cherche à relever le rôle du prophète, et surtout
à établir sa sincérité. "-? *i- ■■■ ^u> ^JiiJÙà
Le reste de Pouvrage est consacré à l'examen' des doctrines de l'islanï, fflu
Koran et de son histoire, de son influence sur la civilisation arabe, etc. ; enfin
des destinées futures du mahométisme, des modifications qu'il est possible d'y
introduire, de sa vitalité permanente, prouvée par les récentes tentatives de
réformes dont il a été l'objet. Il est difficile d'être plus favorable à l'islamisme
que M. B. S., bien qu'il ait soin de tenir toujours la balance égale entre les deux
religions qu'il met continuellement en présence.
Il y a peu d'inexactitudes à reprocher au travail de M. B. S., même dans la
transcription des noms orientaux, qu'il est si facile d'estropier dans une langue
européenne. Je relèverai seulement deux ou trois légères erreurs qui lui sont
échappées, sans doute par inadvertance :
P. 28. Les mots « Atalik ghazee », qui sont un titre donné par l'émir de
Bokhara au souverain actuel de Kachgar, Ya qoûb-beg, ne peuvent signifier
« gardien des champions de la Religion. » Le mot turk oriental atâliqy qui est
passé en persan avec le sens de (.< précepteur », désigne dans le Turkestan une
dignité particulière, correspondant vaguement à celle de prince ou de chef de.
tribu. Cf. le dictionnaire turk-oriental de M. P. de Courteille, v° âîâ. Quanl'^*
ghâzi, chacun sait qu'il veut dire victorieux (contre les infidèles). '
P. 233. Mahomet II n'a pas été appelé ainsi pour le distinguer du prophète,
comme paraît le croire M. B. S., mais simplement à cause d'un Mahomet I"
qui avait régné avant lui, et qui n'est autre que Mohammed fils de Bâyézid
Ildirim. <">
P. 249. « Omar, the third Kaliph »; lisez « the second ».
Cl. HUART.
— xm ,no^
144. ■— Saint-Marc Girardin de l'Académie française. Jean- Jacques Rousseau,
sa vie et ses ouvrages avec une introduction par M. Ernest Bersot de l'Institut.
2 vol. in-i2. Paris, Charpentier. 1875. — Prix : 7 fr.
<c Lorsqu'en 1 848 je me décidais à faire un cours à la Sorbonne sur les œuvres
» de Jean-Jacques Rousseau, c'était surtout le Contrat social que je voulais
» examiner, afin d'attaquer dans son principe la plus funeste erreur de toutes
» celles qui égaraient à ce moment la société, je veux dire la doctrine du pou-
» voir absolu de l'État et l'anéantissement des droits de la conscience indivi-
» duelle » Cet aveu fait par l'éminent professeur nous explique non-seule-
ment l'origine de son livre, mais il nous donne la clef des défauts et des lacunes
qu'on y trouve, comme du caractère général qu'il revêt. Quand de 1852 à
18$ 6, en effet, il prit la résolution de publier dans la Revue des Deux-Mondes les
leçons qu'au lendemain de la Révolution de février il avait faites sur Rousseau,
M. S. -M. G. n'en changea pas essentiellement, à ce qu'il semble, la nature et le
fond, et, si la forme en devint peut-être moins oratoire, cette étude resta dans
son ensemble ce qu'elle avait été dans son intention première, une œuvre de
d'histoire et de littérature. 41
polémique, adoucie seulement par l'intérêt que lui inspira, en avançant dans sa
tâche, un sujet si bien fait pour séduire une nature littéraire comme la sienne.
Il ne faut donc pas s'attendre à trouver ici un travail complet sur Rousseau,
mais seulement un examen curieux de ceux de ses ouvrages ou des parties de
sa vie qui ont le plus frappé M. S.-M. G. C'est ainsi qu'après quelques pages à
peine, consacrées à la jeunesse du grand écrivain, l'auteur aborde sans préam-
bule le Discours sur les sciences et les arts, qui rendit Rousseau célèbre et inaugura
sa carrière de réformateur. A partir de ce moment (1749;, il est vrai, et jusqu'à
la publication du Contrat social (1762), nous trouvons dans son livre un examen
étendu de chacune des œuvres les plus importantes qui marquent cette période
de près de treize ans, mais c'est en vain qu'on y chercherait rien qui ait trait
aux seize dernières années de Rousseau. Les chapitres qui retracent son histoire
pendant celles qui précèdent n'en offrent pas moins un intérêt puissant.
Après le premier, consacré au Discours sur les sciences, vient une étude sur
la vie et les écrits de Rousseau de 1750 à 1754, suivie elle-même d'une analyse
du Discours sur Vinégalité des conditions. Un autre chapitre, qui traite des rapports
de Rousseau avec Voltaire et de son établissement à l'Hermitage, sert comme de
prélude à l'examen de la Nouvelle Héloïse; l'histoire de son séjour chez M"'^ d'Epi-
nay et de sa passion pour M""*^ d'Houdetot en complète l'explication, tandis que
le récit de sa rupture avec sa bienfaitrice, qui suit la rupture plus importante
avec Grimm, Diderot et le parti philosophique, en est comme l'épilogue. Puis
vient la Lettre à d'Alemberty point culminant du chapitre intitulé : « Rousseau et
» le théâtre, » par lequel s'ouvre le second volume. Jusqu'ici la critique domine,
et la sévérité est le caractère saillant des chapitres dont je viens de parler; ceux
qui suivent, au contraire, en particulier les pages consacrées aux théories de
Rousseau sur l'éducation, témoignent d'une indulgence, je devrais dire d'une
prédilection, manifeste.
C'est, comme je l'ai remarqué, après l'examen du Contrat social et au moment
oii Rousseau s'exile de France que s'arrête Tétude qui lui est consacrée. On
pourrait se demander ce qui a déterminé M. S.-M. G. à laisser ainsi son œuvre
imparfaite; s'il est assez difficile de répondre à cette question, il semble cepen-
dant que la raison principale en est qu'il n'avait point fait de cours sur cette
partie de la vie du réformateur; or, à part quelques articles de journaux, le fond
et la matière de tous les écrits du savant professeur, ce sont, personne ne l'ignore,
ses cours de la Sorbonne; il ne savait point, — et c'est le charme et le défaut
de ceux qu'il a laissés — faire de livres qu'il n'eût point parlés; il devait donc
lui être difficile, sinon impossible, d'en continuer un dont il n'avait point en
quelque sorte achevé l'élaboration devant son auditoire.
Quoi qu'il en soit, dans son étude sur Rousseau, avec les qualités du célèbre
critique, on retrouve encore exagérés les défauts inhérents à son système de
composition; les digressions abondent et l'emportent parfois sur le fond, aucune
idée générale ne relie les diverses parties de son livre ; l'unité qui a fait la gran-
deur et la force des théories du novateur genevois ne paraît pas même avoir été
soupçonnée et rien n'établit l'importance relative qui revient dans son œuvre de
42 .nnuTAP.^jŒWiJZ cRItIQyr■'T^m^(^
réformateur à chacun de ses écrits. L'éditeur de M. S.-M.96.9ltt<l^'ïeproché de
s'être trop appesanti sur les deux Discours qui inaugurent la carrière littéraire
de Rousseau, il aurait pu avec plus de raison lui faire un reproche de n'avoir pas
montré comment ils préparaient et annonçaient les oeuvres qui suivirent. Mais que dire
de l'oubli où sont laissées les influences si nombreuses et si diverses qui ont agi sur
le grand écrivain ? Croirait-on que Locke n'est cité qu'une fois et encore d'après
Rousseau lui-même, comme si on ne trouvait pas dans le philosophe anglais le
point de départ et comme le germe de tout ce que l'écrivain français a dit de
l'éducation et du gouvernement ? Les tendances spiritualistes et le théisme chré-
tien de Rousseau, qui ont fini par lui gagner les sympathies de son historien,
auraient pu aussi être mieux indiquées et étudiées; M. S. -M. G. n'aurait point
dû non plus, comme il l'a fait, s'attacher presque exclusivement aux côtés par
lesquels Rousseau lui semblait être plus dans le vrai pour négliger ou passer sous
silence les autres ; mais il n'eût point fallu surtout le louer des erreurs qu'il a
commises. Comment expliquer par exemple l'approbation sans réserve donnée à
la théorie du réformateur sur l'origine divine du langage, théorie victorieusement
réfutée depuis plus d'un siècle par Herder et qui ne soutient pas même l'examen ?
Cette tendance à louer et à blâmer bien plus par penchant que par raison nuit
singulièrement, je ne dirai pas à l'impartialité, mais à l'exactitude des jugements
de M. S. -M. G. Avec lui on passe d'une critique exagérée à une approbation
qui n'est guère plus légitime, et qui prouve seulement que les opinions qu'il
apprécie sont plus en rapport avec les siennes. Faut-il voir là une marque d'in-
conséquence ou de singularité .? Nullement, tout cela tient uniquement, je crois,
à l'absence de sens philosophique et historique, qui est le propre de l'auteur du
J.'J. Rousseau, et à l'erreur de sa critique qui fait de la prétendue valeur morale
des œuvres de l'esprit le critérium de leur valeur littéraire, comme si le bon et
le beau étaient choses identiques. Il est certain aussi qu'avec sa manière de
penser personne n'était moins propre que M. S. -M. G. à être l'historien de
Rousseau; la nature toute de sentiment du philosophe genevois, qui explique si
bien les erreurs et les contradictions de sa conduite et parfois de ses opinions,
échappait à sa critique rationaliste et à son esprit positif, j'allais presque dire
prosaïque ; c'est cette étroitesse de conception et de pensée qui l'a en particulier
empêché de comprendre l'admiration de Rousseau pour la nature, et ne lui a pas
permis de voir quelle influence ce sentiment nouveau allait prendre désormais
dans la littérature. Quant à la méthode générale, on peut regretter que M. S. -M. G.
n'ait point mis à contribution tous les documents contemporains, et qu'il n'ait
pas toujours apporté une critique assez sévère dans le choix de ceux qu'il a con-
sultés; les Mémoires de M"^° d'Epinay entre autres demandaient à être contrôlés
avec plus de rigueur qu'il ne l'a fait. Ji22r>q si si/p jafBbfi ii^;^fiIIîO'
A ces critiques générales, j'ajouterai, comme complément '^ confirmation de
ce qui précède, quelques critiques particulières. Dans l'étude qu'il a faite des
Discours sur les sciences et sur l'Inégalité des conditions, M. S.-M. G. considère
ces écrits comme un manifeste isolé , un paradoxe brillant , jeté en défi au siècle
des lumières ; c'est là une erreur qui lui a fait méconnaître ce qu'ils ont été en
d'histoire et de littérature. 43
réalité, le prélude de l'Emile et du Contrat social. S'ils sapent, en effet, les fon-
dements de la société , c'est pour la réédifier sur des bases nouvelles et plus
solides. Dans cette œuvre de rénovation, le paradoxe, cela se comprend,
convenait à merveille à Rousseau, et son esprit, incapable de comprendre le
développement historique de l'humanité, ne s'y portait que trop facilement.
M. S. -M. G. a eu le tort de croire que tous les sophismes qu'on rencontre dans
les deux premiers discours étaient voulus ou prémédités; ils répondent bien plu-
tôt à un état d'esprit du novateur, ils sont la condition de son œuvre réforma-
trice, et si Rousseau parut se contredire dans les explications qu'il fut amené à
donner par la polémique qu'ils soulevèrent, c'est que là il devançait et annonçait
les théories qu'il devait développer plus tard.
On saura gré à M. S.~M. G., bien que plus d'un de ses aperçus puisse être
contesté, des détails et des traits ingénieux qui remplissent le chapitre consacré
aux petits écrits de Rousseau, publiés de 1750 à 1754; — ^^ ^^^^^^ ^^ ^^^^^
l'histoire de la polémique relative à la musique française et à la musique italienne;
— mais sans m'arrêter à ce sujet secondaire, et sans revenir non plus sur le
chapitre du Discours sur l'inégalité, je passe à la partie du livre de M. S.-M. G.
qui commence au moment où Rousseau revient de Genève à Paris, retour suivi
presque aussitôt, sinon de la publication, du moins de la composition de la
Nouvelle Héloïse. Avant d'aborder l'étude du célèbre roman, l'auteur a, dans
quelques pages pleines d'intérêt, retracé les péripéties des rapports entre Rous-
seau et Voltaire, rapports que devait bientôt terminer une rupture si éclatante.
C'est le premier pas du divorce du premier avec le parti philosophique; mais
n'est-ce point rapetisser singulièrement cet événement que d'y voir, comme le
fait M. S.-M. G., le simple résultat de la rivalité de deux esprits également altiers
et orgueilleux, tandis que leur rupture est bien plutôt la conséquence fatale de
l'opposition qui régnait entre leurs tendances et leur manière de concevoir le
monde et la société .''
Bien qu'à dater du retour de Rousseau à Paris, la sympathie de M. S.-M. G.
semble, comme je l'ai dit, augmenter, on ne peut s'empêcher de trouver que les
relations du réformateur avec M'"*" d'Epinay ne sont pas toujours racontées avec
une entière impartialité, et que la balance n'est pas tenue égale entre le protégé
d'une part, la protectrice et Grimm de l'autre. Il me semble aussi que jamais
peut-être les défauts et les qualités du critique ne se sont montrés d'une manière
plus manifeste que dans les pages consacrées à l'étude de la Nouvelle Héloïse,
conçue et écrite presque en entier, nous l'avons vu, après l'installation de Rousseau
à l'Hermitage. Esprit peu curieux, M. S.-M. G. ne s'est pas donné la peine de
rechercher l'origine, ni de montrer quelle a été véritablement la genèse du célèbre
roman; il admet que la passion inspirée à Rousseau par M'"*^ d'Houdetot en a été
l'occasion, erreur d'autant moins explicable que, les Confessions nous l'apprennent,
les deux premiers livres du roman furent écrits avant que l'auteur connût la
belle-sœur de M""^ d'Epinay. Il y a, au contraire, beaucoup de vrai dans la
critique que M. S.-M. G. fait des portraits de femme de Rousseau; l'ami de
M"»» de Warrens, cela est incontestable, ne pouvait ni éprouver ni peindre un
44 REVUE CRITIQUE
amour chaste, et il fallait la corruption du xviii° siècle pour que ce qu'il y a de
sensuel dans ses descriptions n'ait point choqué les contemporains. Mais je ne
saurais souscrire au jugement porté sur Pensemble de l'œuvre de Rousseau,
ni comprendre que, après en avoir condamné ouvertement la première partie,
M. S. -M. G. en approuve presque sans restriction la seconde. C'était, à son
insu, revenir à l'opinion de Mendelssohn, qui avait si fort scandalisé les
contemporains. Qu'il y ait dans la Nouvelle Héloïse des pages d'une morale
élevée et pure, personne ne le nie, mais comme œuvre d'art en est-elle moins
défectueuse? M. S.-M. G. se demande comment, après avoir passionné le
xviii^ siècle, le roman de Rousseau nous laisse froids et indifférents ; la raison en
est bien simple, et elle se trouve précisément dans le caractère moral de la seconde
partie qu'il loue, mais qui est un contre-sens dans une œuvre pareille.
Je ne dirai rien des chapitres VII et VIII , qui racontent les amours de Rous-
seau et de M™^ d'Houdetot et achèvent l'histoire de ses relations avec M™'' d'Epinay,
ainsi qu'avec Grimm et Diderot; j'avoue cependant que j^aurais préféré les voir
placés avant le chapitre VI consacré à la Nouvelle Héloïse; il y a dans la dispo-
sition adoptée par l'auteur quelque chose qui rompt l'unité et nuit à la clarté du
récit. On ne peut pas trouver non plus, malgré l'importance réelle du sujet, que
tout ce qui a trait à l'éducation n'ait atteint des proportions exagérées, ce qui
n'exclut point de singulières lacunes dans cette grave question. Au lieu de
prendre, en effet, son sujet corps à corps, M. S.-M. G. s'est trop souvent jeté
dans d'interminables digressions, et a ainsi plus d'une fois perdu de vue la
question qu'il traitait. Mais en dépit de ces fautes on ne peut méconnaître tout
ce qu'offre d'intérêt et souvent d'aperçus nouveaux, non moins que de justes
critiques, les trois chapitres consacrés à l'Emile. Les deux suivants aussi, qui
nous montrent Rousseau à Montmorency et dans ses rapports avec M. de Males-
herbes, nous offrent la lecture la plus attrayante. Aussi me bornant à y renvoyer
le lecteur, j'arrive au dernier chapitre du livre de M. S.-M. G., à celui qui traité,
du Contrat social. > '^
Dans l'introduction qu'il a mise en tête de l'ouvrage dont il se faisait l'éditeur,
M. Bersot paraît s'étonner de l'indulgence avec laquelle M. S.-M. G. a jugé
cette dernière grande œuvre de Rousseau ; je ne saurais partager cette manière
de voir; ce qui est vrai, bien plutôt, c'est que M. S.-M. G. n'a point embrasse*'
dans leur ensemble les écrits politiques du novateur, circonstance qui l'a empêché
de les juger avec une entière impartialité. Il faut l'approuver sans doute quand
il prend en main la défense des droits de l'individu contre l'omnipotence' '^'ë",
l'État, quand il s'élève contre la théorie oppressive d'une religion imposée, encore
que la religion de Rousseau se borne à une simple profession de foi peu faite
pour embarrasser ses adhérents, mais qui n'en doit pas moins être repoussée
comme une atteinte à la liberté individuelle. Ce sont là des erreurs que Rous-
seau devait à une admiration trop grande pour les théories sociales de l'antiquité.
Mais là aussi doit s'arrêter le blâme, et M. S.-M. G. ne me paraît pas fondé dans
les autres critiques qu'il fait de l'ouvrage de Rousseau, dont il ne paraît pas avoir
toujours bien compris le système politique. Le principe de la souveraineté popu-
d'histoire et de littérature. 45
laire et de son inaliénabilité, emprunté à Locke par Rousseau, ne saurait, je
crois, être attaqué; il serait seulement à souhaiter qu^il eût été mieux compris.
Quant à la prédilection que Rousseau semble affecter pour les petits États, ellç
s'explique sans peine par cette circonstance qu'il avait, en écrivant, ainsi qu'il
nous l'apprend lui-même, Genève devant les yeux; mais elle n'infirme nullement,
comme paraît le croire M. S.-M. G., son principe; tout au plus indique-t-elle
qu'il faut, suivant les dimensions des divers États, en modifier Papplication.
Je m'arrête ici, après cet examen un peu long et peut-être un peu sévère;
mais quand les œuvres se recommandent par le nom de leur auteur, si elles ont
droit à plus de respect, elles réclament aussi une appréciation plus froide et plus
rigoureuse de leurs qualités comme de leurs défauts. C'était aussi un devoir pour
moi de signaler ce qu'il y a d'inégal dans l'œuvre de M. S.-M. G. et de faire
ressortir, bien qu'elle n'ait pas trouvé d'imitateurs, ce qu'il y a de défectueux
dans sa méthode; faite au jour le jour, son œuvre porte tous les caractères de
son origine; on y sent trop, avec le peu de souci d'approfondir les questions, le
désir de frapper les esprits; les pensées brillantes, les détails charmants y
abondent; mais les vues générales y font défaut; je ne dirai pas que le livre a
vieilli; — M. S.-M. G. ne l'eût probablement pas fait d'une manière bien
différente, à la veille de sa mort, — mais il est insuffisant; on le lira avec
plaisir sans doute, comme tout ce qui est sorti de la plume du célèbre critique,
mais sans rien apprendre de bien nouveau ; ce n'est pas là, c'est dans Brockerhoiï
qu'on ira chercher la connaissance véritable de Rousseau.
i]l 9UV sb ubidq ziût anu b o/o
145.-— T. Maiorescu. Critice. Bucuresti, Socecu. 1874, in«i2, xv-466 p.
M. Titu Maiorescu, écrivain justement réputé dans son pays et aujourd'hui
ministre de l'instruction publique, a réuni dans ce volume des articles critiques
déjà publiés séparément. On lira avec intérêt le long morceau intitulé : la Direction
nouvelle dans la prose et la poésie roumaines et plusieurs autres; mais nous appelons
surtout l'attention de nos lecteurs sur le mémoire consacré à l'orthographe du
roumain. Sur ce terrain où il s'est déjà livré tant de combats, M. M. a pris
une position toute personnelle, également éloigné des partisans de l'orthographe
purement étymologique et de ceux de l'orthographe purement phonétique. Ses
théories linguistiques sont parfois discutables, mais ses idées en matière d^or-
thographe sont très-dignes d'intérêt ; M. Schuchardt (auquel l'auteur répond ici)
les a combattues dans un article de la Romania, et il est certain qu'il a sur son
adversaire l'avantage d'une logique plus rigoureuse ; mais, comme on a déjà eu
l'occasion de le remarquer ici ', en fait d'orthographe la logique à outrance est
souvent dangereuse. La question de l'orthographe roumaine est si complexe que
nous ne voulons émettre ici, pour le moment, aucune opinion personnelle, mais
— . [j j'bnoUnqliJJlpq j —
1. Rev. criu 1873, ^^ 329-
46 REVUE CRITIQUE
nous signalons le mémoire de M. M. à ceux qu'intéresse la question, et le livre
entier à toutes les personnes qui peuvent lire le roumain ; elles y trouveront une
des plus remarquables expressions de Pétat actuel du mouvement intellectuel en
Roumanie. ■ ' '^ ^'
CORRESPONDANCE.
Paris, ce 1 2 juillet.
A Messieurs les Directeurs de la Revue Critique.
Messieurs ,
Je viens humblement faire mon mea culpa. Dans la Lettre inédite de Schlegel ici
reproduite (p. 29), j'ai eu tort de lire précoce au lieu de prévue. Vous aviez deviné
la vérité, et je ne m'explique pas comment j'ai pu, d'abord, me tromper, et,
ensuite, persévérer dans mon erreur. Il y a là, selon l'antique dicton, quelque
chose de diabolique dont je demande mille fois pardon à vous et à nos chers
lecteurs. La morale de ceci, c'est que, même dans les travaux les plus faciles, il
faut procéder avec une extrême attention, et ne jamais oublier que, vu Vhumana
fragiliîas, on doit se méfier de deux grands dangers, l'inadvertance et le trop de
confiance en soi.
Agréez , Messieurs , avec tous mes regrets et tous mes repentirs , l'assurance
de mes plus dévoués sentiments.
T. DE L.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
: ; :^; Séance du c} juillet iSj^.
M. Mohl présente à l'académie des empreintes des inscriptions phéniciennes
conservées au musée britannique. Ces empreintes ont été envoyées, sur la
demande de la commission des inscriptions sémitiques, par M. Birch, sous la
direction duquel sont placés les originaux. Des remercîments seront adressés à
M. Birch.
M. G. Perrot lit un mémoire sur une inscription grecque dont une copie lui a
été envoyée par M. Titus Karabéla. Cette inscription a été trouvée par M. Kara-
béla à Cyzique, près des murailles, à l'est. M. Perrot la lit et la traduit ainsi :
« ['E'î:]\ Eùcp'^p.ou Tou A£a)Ba[[Aa]vTOç i7:7:ap-/£(i), Trapà GTpa[TiQ]Ytov v.cà çuXap^wv
tG)[x [ji.£[Tà] 'Ep[jLoBi7.ou ToD Aiovuatou [y.a]l Twpi. [xeià 'AptaToXoy^ou tou ••• a^ôpou
y,ai TsixoTCOiou ...cwç tou 'Ov^Topoç, è[;.ia[ô(î)](7aT0 Tsuxpoç AïooéTOU to^ji. irup^ov
...aajjLOV oiy,ooo[x^(7ai, GxaTYjpwv TSTpaxociwv [TjscaepaxovTa • h{^(uoq ...ccâoT..w n
« Euphémos, fils de Léodamas, étant hipparque, Teucros, fils de Diodote, a
traité avec le collège des stratèges, que préside Hermodikos, fils de Dionysios,
avec le collège des phylarques, que préside Aristolochos, fils de ..., et avec ...,
fils d'Onétor, chargé de diriger la construction des murs de la cité; il a entrepris
d'histoire et de littérature. 47
pour 440 statères la construction de la tour .... Garant [de l'exécution], .... «
M. Perrot commente celte inscription par des rapprochements avec d'autres
textes. L'usage de passer marché, pour les travaux publics, avec un entrepreneur
particulier, paraît avoir été pratiqué presque universellement par les cités
antiques. On ne demandait pas à l'entrepreneur de verser un cautionnement,
mais de fournir des cautions ou répondants, auxquels on donnait les noms
d'è-ffUTirr;;, e'ffjoç. — Les statères de Cyzique, mentionnés à la fin de l'inscrip-
tion, étaient probablement des statères d'or; 440 de ces pièces faisaient
24640 drachmes de Cyzique, somme considérable, mais qui s'accorde avec les
données fournies par d'autres documents sur le coût de ce genre de construction.
— L'inscription remonte, à ce que pense M. Perrot, au milieu du 4° siècle avant
notre ère : c'est l'époque où il semble qu'ont été construites les fortifications de
Cyzique.
M. L. Renier communique le texte d'une inscription grecque trouvée à Soulou
Serai dans l'Asie Mineure et publiée par le SuXXcyoç de Constantinople, année
1874, p. 4. La copie imprimée est très-incorrecte, mais les fautes sont faciles à
reconnaître et à corriger. L'inscription est faite en l'honneur d'Hadrien et de
son fils adoptif le césar Aelius Verus, par les archontes, le sénat et le peuple des
Sébastopolitains aussi appelés HéracléopoUîains (SsêaaxoTroAsiTwv twv xal 'Hpay.-
XsotoXitwv) , Flavius Arrianus étant legaîas Augusîi pro praeîore (Tupscrêeuiou xal
àvTttj7caTYj7ou Tou ZzîoLaici)) ou gouverneur de la province de Cappadoce, en
l'an 1 39 de l'ère locale de la ville (Itouç 0AP'). La mention de la 2 1^ puissance
tribunitienne d'Hadrien (BY]ixapxiy,Y)ç è^ouaiaç xb KA') donne la date de 1 37 après
J. C. Ce Flavius Arrien n'est autre que le célèbre historien de ce nom. Dans son
Périple du Pont Euxin^ adressé à Hadrien^ Arrien dit avoir restauré à Trapézonte
des autels où se trouvaient des inscriptions en l'honneur de l'empereur, qui
étaient mal gravées et difficiles à lire. L'inscription de Soulou Serai constate
probablement une restauration semblable. — Nous savons par Dion Cassius
qu'Arrien fut légat de Cappadoce dès l'an 1 34. Il eut pour successeur, sans doute
en juillet 1 37, le légat Burbuleius, qui a fait l'objet d'un travail célèbre de Bor-
ghesi. — Cette inscription semble identifier les deux villes d'Héracléopolis et
de Sébastopolis, jusqu'ici considérées comme distinctes. Il faut en conclure quci
les deux villes formaient une seule cité, ou bien qu'il n'y avait qu'une ville por-'-
tant deux noms. Celui de Sébastopolis n'est peut être qu'une traduction grecque
du nom d'Augiista, dont furent honorées un grand nombre de villes sous l'em^j
pire. On se servait dans cette cité d'une ère qui commençait en l'an 2 av. J. C. :-
en effet on voit par l'inscription que l'an 1 39 de cette ère correspond à 1 37 de
la nôtre. Ce fait donne lieu de supposer qu'en cette année 2 av. J. C. la cité
avait été constituée par Auguste, et que ce fut depuis lors qu'elle porta le nom
de l'empereur et qu'on y commença une ère nouvelle.
M. Perrot continue la lecture (commencée par M. de Longpérier à la séance
du 18 juin) d'un mémoire de M. Robiou sur la date du règne de Phraorte et sur
les faits d'histoire politique racontés dans le livre de Judith, où l'auteur cherche
à éclaircir ces faits à l'aide des inscriptions du roi de Ninive Assurbanipal.
48 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
M. Bergaigne termine la lecture de son mémoire sur l'arithmétique mytholo-
gique du Rig-Veda (v. les séances des 26 février et 23 avril 1875, Rev. crit.
1875, I, p. 159 et 288). — M. Bergaigne avait indiqué deux procédés de for-
mation des nombres mythologiques, qui formaient ce qu'il appelait la loi de
multiplication des nombres et la loi d'addition d'une unité. Les phénomènes
compris dans cette seconde classe peuvent se produire encore d'une autre façon
que celle qu'il avait développée dans sa dernière lecture. Les nombres qui
représentent primitivement les différentes parties de l'univers, la terre comprise,
ont été souvent dans la suite, en vertu d'une tendance résultant de leur caractère
sacré, attribués tout entiers aux espaces supra-terrestres. L'addition qu'on peut
y faire alors d'une unité a un objet diamétralement opposé à celui qui a été pré-
cédemment reconnu : elle sert à rendre à la terre la part qui lui appartient dans
le système du monde. — Une 5^ loi dont il faut tenir compte est la loi d'équiva-
lence des nombres. Si les nombres mythologiques doivent être interprétés le plus
souvent, par l'application des deux lois déjà étudiées, comme correspondant aux
divisions de l'espace, ils doivent s'équivaloir en tant qu'exprimant, dans différents
systèmes de division, l'ensemble des parties d'un même tout. Cette nouvelle loi,
conséquence des deux premières , se vérifie aussi directement. C'est ainsi
qu'Agni et Soma ont tantôt 3, tantôt 7, tantôt 21 formes ou demeures, etc.,
etc. — L'équivalence des différents nombres et leur signification comme expri-
mant toutes les parties du monde, la terre comprise, dans divers systèmes de
division, est plus manifeste encore quand ils sont appliqués, non plus successi-
vement, mais simultanément à la supputation des parties d'un même être,
comme dans le vers où il est djt de l'être unique et omnipotent, du taureau,
représentant sans doute Agni ou Soma : « Il a quatre cornes, trois pieds, deux
têtes et sept mains : lié triplement, le taureau mugit : le grand dieu a pénétré
chez les mortels. »
Ouvrages présentés de la part des auteurs : par M. Maury : G. Perrot, Mémoires d'ar-
chéologie, d'épigraphie et d'histoire, Paris, 8"; Vivien de S. Martin, L'Ilion d'Homère
et rilium des Romains (extr. de la Revue archéologique); —par M. Pavet de Courteille:
(A. Picot), Les Serbes de Hongrie, leur histoire, leurs privilèges, leur église, leur état
politique et social : Prague et Paris, 8".
Julien Havet.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
De Goeje, Das alte Bett des Oxus, Amû Darja (Leiden, Brill). — Hahn's Althoch-
deutsche Grammatik hrsg. v. Jeitteles (Prag, Tempsky). — J. Halbertsma, Lexicon
Frisicum éd. T. Halbertsma (Hagas Comitis, Nijhoff). — Peschel, Vœlkerkunde
(Leipzig, Duncker u. Humblot). — Sprenger, Die alte Géographie Arabiens (Bern,
Huber).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
Trùbner. In-8", xij-39$ p. (ce roman présente de surprenantes ressemblances
avec les Évangiles),
Jenaer Literaturzeitung, 1875, n° 1 8, i^'mai. Dyserinck, De apocriefe
boeken des ouden verbonds. Met inleiding van Kuenen. Haarlem, de erven
Loosjes. In-8°, lv-423 p. (0. F. Fritzsche). — Von Bunge, Geschichte des
Gerichtswesens und Gerichtsverfahrens in Liv-, Est-, und Curland. Reval, Kluge.
In-8°, x-337 p. (A. Stôlzel). — Dùhring, Kritische Geschichte der National-
ôkonomie und des Socialismus. 2. Aufl. Berlin, Grieben. In-8", xij-595 p. (H.
Rœsler). — Geographisches Jahrbuch herausg, v. Behm. Bd. V (Kirch-
HOFF Cf. Rev. criî.y 187$, I, p. 218). — Lindner, Geschichte des deutschen
Reiches vom Ende des vierzehnten Jahrhunderts bis zur Reformation. Abth. I.
Bd. I. Braunschweig, Schwetschke u. Sohn. In-8°, xv-436 p. (Wilhelm Bern-
hardi). — Haug, Ueber das Wesen und den Werth des wedischen Accents.
Mùnchen, Franz. In-^", 107 p. (A. Weber). — E. Kuhn, Beitraege zur Pâli-
Grammatik (B. Pischel; cf. le présent n° de la Rev. crit.). — Holtzmann, Alt-
deutsche Grammatik. Bd. I. Abth. 2. Leipzig, Brockhaus. In-8*', vj-78 p. (E.
Sievers). — ScHMiDT, Lcxicon zu Shakespeares Werken. Th. I. Berlin, Rei-
mer; London, Williams and Norgate. In-8'% viij-678 p. (Julius Zupitza).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin , ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revae critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Beuecke (G. F.). Wœrterbuch zu Hart-
manns Iwein. 2. Ausg. besorgt v. E.
Wiiken. 2. Lfg. In-8*, S. 129-256.
Gœttingen (Dieterich's Verlag). 3 fr. 2$
Book (The) of Arda Virai. Glossary a.
index of the Pahlavi text of the book of
Arda Viraf, the taie of Gosht-i Fryano,
the HaddokhtNask, a. to some extracts
from the Din-Kard a. Nirangistan; pre-
pared from Destur Hoshangji Jamaspji
Asa's glossary of the Arda Viraf Namak,
a. from the original texts with Notes on
Pahlavi grammar by D' E. W. West.
Revised by Prof. D' M. Haug. In-8%
viij-3 so p. Mùnchen (Ackermann). 3 5 fr.
Text a. Glossary. 69 fr. 50
Campbell (A. G.). La Vita di Fra Paolo
Sarpi da mss. original!. In-8*, 318 p.
Firenze (E. Lœscher).
Curiosità e ricerche di storia Subalpina,
pubbhcate da una società di studiosi di
patrie memorie. Puntata II. In-8*, 400 p.
Torino (Bocca), 6 fr. 50
Friederichsen (L.). Erster Jahresbericht
d. geographischen Gesellschaft in Ham-
burg. 187^-1874. In-8*, 77 S. mit e.
Karte. Hamburg (Friederischen et C).
4fr.
Halbertsma (J.). Lexicon Frisicum. A.-
Feer. Post auctoris mortem éd. et indices
adjecit T. Halbertsma. In-80, xj-1044 S.
m. I. Stahlst. Haag (Nijhoff). 18 fr. 7$
Hammerich (F.). iElteste christliche
Epik der Angelsachsen , Deutschen und
Nordlasnder. Ein Beitrag z. Kirchen-
geschichte. Aus dem Dasn. v. A. Michel-
sen. Mit 6 Holzschn. In-8*, viii-280 S.
Gùtersioh (Bertelsmann). 6 fr.
Hœrschelmann (W.). De Dionysi^
Thracis interpretibus veteribus. Partiel.
De Melampode et Choerobosco. In-8",
85 S. Leipzig (Teubner). 2 fr. 75
Jervis (G.). I tesori sotterranei dell'
Italia : repertorio d'informazioni utili.
Parte II. In-8'*, xx-624 p. Firenze (E.
Lœscher). 17 fr. ^o
Krûger (K.). Ptolomaeus Lucensis Leben
und Werke. In-8*, 84 S. Gœttingen
(Peppmùller). 2 fr. 25
liumbroso (G.). Aneddoti di archeologia
Yoiw;i.j;ji,iJ .0 j'îijj.T-
Alessandrina. In-S**, 32 p. Firenze (E.
Lœscher).
Mayer (F.). Geschichte Œsterreichs m.
besond. Rucksî'cht auf Culturgeschichte.
2 Bde. xvj-ô^éS.u.Sgenealog Tabellen.
Wien (Braumùller). 1 3 fr. 3 5
Meyer (J.-J.). La Chronique strasbour-
geoise. Publiée pour la première fois
d'après le manuscrit de la Collection Heitz
par R. Reuss. In-8*, viij-179 p. Stras-
bourg (Noiriel). 4 fr.
Pescheh (A. A.). Grosses Wœrterbuch
der europaeischen modernen Sprachen.
Deutsch-lranzœsisch, italienisch, spa-
nisch, lateinisch, englisch , hollaendisch,
schwedisch, bœhmisch, slovakisch, slove-
nisch, polnisch, serbisch-kroatisch und
ungar. Thl. i. Lief. In-8% 16 S. Prag
Grégr et Dattel). 60 c.
Petrarca (F.)- Le Vite degli uomini il-
lustri : volgarizzate da Donato degli Al-
banzani da Pratovecchio, ora per la prima
volta messe in luce per cura di L. Raz-
zolini. In-8*, 896 p. Bologna (Romagnoli).
Pio (0.). Storia popolare d'Italia dalla
sua origine fino ail acquisto di Roma.
Vol. VIL In-8-,8oop. Milano (Pûletti).
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Radenhausen (C). Osiris. Weltgesetze
in der Erdgeschichte. i. Ed. i. Haelfte.
In-8°, 368 S. Hamburg(0.Meissner).6f.
Reuss (R.)- Zwei Lieder ûb. den Diebs-
krieg od, Durchzug d. navarr. Kriegs-
volkes im Elsass (1587). Mit histor.
Einleitg. u. ungedr. Beilagen. In-8°,
xv-151 S. Strassburg (Noiriel). 4 fr.
Reynaud (G.). Guillaume Du Vair, pre-
mier président du Parlement de Provence.
In-8% 64 p. Aix (imp. V* Remondet-
Aubin).
Rœnsch (H.). Itala u. Vulgata. Das
Sprachidiom der urchristl. Itala u. der
kathol. Vulgata unter Berùcksicht. der
rœm. Volkssprache durch Beispiele er-
laeutert. 2. bericht. und verm. Ausgabe.
In-8', xvj-526 S. Marburg (Elwert).
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Seguin. La Dentelle. Histoire, descrip-
tion, fabrication, bibliographie; ornée de
50 pi. phototypographiques, fac-similé
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maîtres des XVIe XVII^ siècles. Gr. in-
4*, xix-214 p. et 50 pi. Paris (Roth-
schild). 100 f..
Statuti (Gli) de Chianciano dell' anno
MCCLXXXVII ora per la prima volta
messi in luce a cura di L. Fumi. In-S*,
civ-i94p. Orvieto (tip. Già Tofani).
Ternas (A. de). La châtellenie d'Oisy,
vente et démembrement de son domaine
par Henri IV, avec les généalogies des
familles de Tournay dit Longhet, de
Tournay d'Assignies et Plotho d'Ingel-
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kasien, in Persien und in der asiatischen
Tùrkei. Mit 5 Holzschntaf., illustr. im
Text u, e. Uebersichtskarte. In-8*, viij-
493 S. Leipzig (Duncker et H.). 1 5 fr.
Vian (L.-K.). Histoire du village de St.-
Cheron. T. 3. La topographie et la sta-
tisticjue. In-8', 443 p. Evreux (imp.
Hérisson).
Ville-Hardouin (G. de). Conquête de
Constantinople. Avec la contmuation
d'Henri de Valenciennes. Texte original,
accompagné d'une traduction. 2« édit.
contenant une chromolith. représentant
l'intérieur de l'église Saint -Marc de
Venise, des lettres initiales et bordures
empruntées aux manuscrits du XII' et du
XlIIe siècle , et une carte géographique. |
Gr. in-8', xxiv-620 p. Paris (Firmin
Didot frères, fils et C"). 20 fr.
Vincent (F.). Mademoiselle de Montpen-
sier à Saint-Germain-Beaupré, réfutation
d'une erreur historique. In-8', 1 1 p.
Guéret (imp. Dugenest).
Wittich (K.). Magdeburg, Gustav Adolf
u. Tiliy. I. Bd. Kritische Untersuchgn.
zur Geschichte d, 30. jaehr. Krieges m.
Benutzung meistens ungedr. Quellen.
In-80, xxv-777 u. Nachtrag xxiv S. Ber-
lin (Duncker). 20 fr.
Dasselbe. 2. (Quellen-) Bd. i. Haelfte,
In-80, 64 S. m. e. Plan. Ibid. i fr. so
\^olf (A.). Die Fûrstin Eleonore Liech-
tenstein, 1745-1812. Nach Briefen und
Memoiren ihrer Zeit. Mit Portr. In-8<»,
vij-344S. Wien(Gerolû'sSohn). lof. 75
Wolf (J. W.). Die deutsche Gotterlehre.
Ein Hand- u. Lesebuch f. Schule u. Haus.
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xviij-148 S. Gœttingen (Dieterich's Ver-
lag). 3 fr. 25
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N» 30 Neuvième année. 24 Juillet 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
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Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LtêkAÎRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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En vente à la librairie A. Franck, F. Vieweg propriétaire,
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Fj->. T T7' T Grammaire des langues romanes. 3e édition refondue et
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réduit à 30 centimes). A Sélection of Papers on Arctic Geogràphy and Ethào-
logy, reprinted and presented to the Arctic Expédition of 1875 by the Président,
Council and Fellows of the Royal Geographical Society. London, Murray (John
Rae). — Thomas Wright, A History of Caricature and Grotesque in Literature
and Art. The Illustrations by the late F. W. Fairholt. London, Chatto and
Windus (William B. Scott : depuis les temps les plus reculés jusqu'en i8ia;
ouvrage recommandable, malgré quelques défaillances). — Autobiography of
Thomas Guthrie, D. D., and Memoir, by his Sons, Rev. David K. Guthrie
and Charles J. Guthrie. In two vols. Vol. II. London, Daldy, Isbister and Co.
(Robert B. Drummond). — F. de Sanctis, Storia délia Letteratura Italiana.
2 Tom. Napoli, Morano (M. Creighton : admire sans réserves ce petit ouvrage).
— Notes and News. — Notes of Travel. — Sélections from the Hatton Papers.
■ — Paris Letter (G. Monod : nouvelles littéraires), — Correspondence. The Grave
of a Scotch Poet (G. B. Fraser). — The Judge who committed Prince Henry
(Alfred Cutbill). — The Number of Landowners in Britain (Edward Peacock).
; — « Many A — » (Frederick J. Furnivall : dans cet idiotisme many est resté
adjectif). — Charlton Bastian, Evolution and Origin of Life. London, Mac-
millan (J. Burdon Sanderson, i"art. On sait que l'auteur est partisan de la
génération spontanée). — Wordsworth, Fragments and Spécimens of Early
Latin, with Introduction and Notes. Oxford, Clarendon Press (H. A. J. Munro;
la Rev. crit. appréciera bientôt ce volume). — Meetings of Societies (Soc. asiar-
tique, institut anthropologique, soc. de numismatique, des antiquaires).
.. The Athenseum, N°2488, 3 juillet. Isabel Burton, The Inner Life of Syria^
Palestine, and the Holy Land. 2 vols. King and Co. (le revlewer dit plaisamment
que ce livre est un ouvrage dangereux écrit par une femme dangereuse, car
toutes les Anglaises voudront courir le désert à la suite de la belle héroïne). —
The Temple of Jérusalem (Charles Warren). — The Discovery of Australia
(R. H. Major). — Literary Gossip. — Societies (Spç.'jde géographiey^des^anti'*
quaires, institut anthropologique). ...r.-. ■ v- ; ^'h'^'^!'^?'!r
• Literarisches Centralblatt, N° 28, 10 juillet. Scriptores rerum Prussica-
rum. Herausg. v. Hirsch, Tôppen u. Strehlke. 5. Bd. Leipzig, Hirzel. In-S",
viii-738 p. (ce volume, qui est suivi d'un index des tomes 3, 4 et $, termine la
collection). — Bouché-Leclercq_ , Giacomo Leopardi. Sa vie et ses œuvres,
(cf. le présent n°de la Revue crit.). — Gottschall, Der neue Plutarch. 2. Thj
Leipzig, Brockhaus. In-S*", viij-337 p. (ce vol. contient les biographies de
Robespierre, de Marie-Thérèse et de Cavour). — J. H. H. Schmidt, Zur
Sprachgeschichte. Wismar, Hinstorff. In-4", 21 p. (annonce d'un grand travail
qui doit réformer la science du langage; art. peu favorable). — $iebelis, Wœr-
terbuch zuOvid's Metamorphosen. 2. Aufl. besorgtv. Polle. Leipzig, Teubner.
In-8°, VJ-378P. (bon travail, malgré quelques défauts). — Mayers, The Chinese
reader^s manual. Shanghai; London, Trùbner and Co. In-8°, xxiv-440 p. (art.
extrêmement favorable sur ce iç^î^iiçl ^e biQg?*^hie, d'histoire, de mythologie et
de littérature chinoise). ;;,„ j:;.^ T-,^^^,,
Jenaer ïl.iteraturzeitung, 187 5, n" 19, 8 mai. Leimbach, Beitrsege zur
Abendmahlslehre Tertullians. Gotha, Perthes. In-8% xij-ioo p. (Lipsius). —
Corpus reformatorum. Vol. XLI. Calvini opéra quae supersunt omnia, edidfiji^
Baum, Ed. CuNiTZ, Ed. Reuss, vol. 13. Brunsvigae, Schwetschke et fil. In-4V
684 p. (Gass). — Erskine Holland, An Inaugural Lecture on Albericus Gen-
tîlis. London, Macmillan and Co. In-8°, 47 p. (Alph. Rivier). — Petzholdt,
Turkestan. Leipzig, Schlicke. In-S*", vj-88 p. (Kirchhoff), — * Seiff, Reisen
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 30 — 24 Juillet — 1875
Sommaire : 146. Bluhme, La langue des Lombards. — 147. Monuments juridiques
germains, p. p. Gengler ; Documents pour l'histoire du droit germanique, p. p.
Lœrsch, êcHRŒDER et Reifferscheid. — 148. GuiBAL, Histoire du sentiment
national en France pendant la guerre de Cent ans. — 149. Chabouillet, Notice sur
une médaille inédite de Ronsard par Jacques Primavera. — 1 50. Bouché-Leclercq,
Giacomo Leopardi. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
146. — Die gens Langobardorum. Zweites Heft : ihre Sprache. Von Friedrich
Bluhme, Doctor d. Philosophie, d. Théologie u. beider Rechte. Bonn, Ad. Marcus.
1874. In-8', vj-54 p. — Prix : 2 fr.
La langue des Lombards a péri sans laisser d'autres traces que quelques noms
propres assez peu nombreux et quelques noms communs moins nombreux encore;
c'est en comparant ces éléments incomplets que Grimm s'est efForcé d'en recon-
naître la nature et de lui assigner sa place parmi les autres idiomes germaniques.
Est-ce une réfutation des résultats et des conclusions auxquels est arrivé l'histo-
rien de la langue allemande que M. B. a entrepris d'écrire? A-t-il eu la bonne
fortune de trouver des faits jusque-là inconnus et de compléter ainsi ce qu'avait
découvert son prédécesseur.? Nullement; ce qu'il dit de l'idiome des anciens
Lombards se réduit à fort peu de chose, et ce peu, moins complet que ce qui
se trouve dans Grimm, est aussi moins exact '. Comment donc M. B. a-t-il pu
écrire cinquante-quatre pages sur un sujet auquel l'auteur de la Grammaire
allemande en avait consacré moins de trois .f" C'est que par une singulière méprise
il a traité ce sujet à un tout autre point de vue que son devancier.? Par langue
des Lombards il entend bien moins l'idiome allemand que cette tribu parlait
avant de pénétrer en Italie, — et auquel, comme il le reconnaît lui-même, elle
renonça bientôt, — que le dialecte roman, adopté par elle ; c'est donc de la langue
du Centre et du Nord de la Péninsule qu'il s'agit surtout ici ou plutôt des trans-
formations que cette langue des vaincus aurait subies dans la bouche ou au
contact des vainqueurs.
Rien, on le voit, n'est plus loin du titre du livre que nous annonçons; mais la
manière dont M. B. a cherché à remplir sa tâche ne répond guère mieux à l'idée
qu'on est en droit de s'en faire. Que l'établissement des Germains au milieu des
populations latines ait contribué à hâter la transformation de l'idiome qu'elles
parlaient, c'est là un fait incontestable; mais il n'en faudrait pas conclure que
tous les changements par suite desquels le latin vulgaire transformé a donné
naissance aux langues de l'Europe orientale soient la conséquence directe de
cette influence, et il faut encore moins chercher dans ces transformations à
1 . C'est ainsi que le lombard est donné ici comme un dfalecte bas-allemand , tandis
qu'il est vraiment par ses caractères généraux, ainsi que Grimm l'avait reconnu, un dia-
lecte du haut-allemand.
XVI A
50 ' REVUE CRITIQUE
deviner le caractère de l'idiome étranger qui les aurait produites. En le faisant
M. B. s'est exposé aux plus étranges confusions de faits et de dates. Comment
voir par exemple dans l'incertitude qu'il signale dans l'emploi de Vh le résultat
d'une influence étrangère, quand cette incertitude se faisait sentir, ainsi que
Corssen l'a montré, longtemps avant l'invasion .? L'emploi de l'accusatif à la
place des autres cas indirects et même du nominatif, emploi pour lequel l'auteur
va, idée singulière, chercher des analogies dans le dialecte populaire du Slesvig,
n'est aussi que le résultat de la confusion des désinences du latin par la chute en
particulier des consonnes finales m et s; la construction du participe passé avec les
modes personnels d'iiabere, d'où devaient sortir les temps composés de la conju-
gaison néo-latine, et de l'infinitif avec le présent du même verbe, qui devait
donner le futur roman, sont également des faits indépendants de toute influence
germanique, et qui en tous cas ne seraient pas plus le résuhat d'une influence
lombarde que franque, bourguignonne ou gothique, puisqu'on les retrouve indif-
féremment dans tous les dialectes romans.: '..q 920003^311''!
On peut juger par là de la confusion d'idées qui a présidé à la composition de
l'ouvrage de M. B. et l'on voit quelles erreurs le déparent; défectueux dans la
partie germanique, il offre dans la partie romane les vues les plus fausses ; une
chose le recommande toutefois, c'est le grand nombre d'exemples qu'on y trouve
réunis ; par là il peut être utile à consulter, et peut servir indirectement à faire
mieux connaître les transformations qu'a subies le latin vulgaire pour donner
naissance aux diverses langues romanes et en particulier à l'italien.
ÎU. ..:.; : . . . . C. J.
"V47. — Germanische Rechtsdenkmaeler, von D' Heinrich Gottfried Gengler.
1 Erlangen, Deichert. 1875. — Prix : 12 fr.
iCTrkunden zur Geschichte des deutschen Rechtes fur den Gebrauch bei Vor-
- lesungen und Uebungen, herausgegeben von D' Hugo Lgersch und D' Richard Schrœ-
], DER, unter Mitwirkung von D' Alexander Reifferscheid. I. Privatrecht. Bonn,
'■' Marcus. 1874. — Prix : 6 fr. 7J.
nu £■:?.. . ■ '- i.^i •■ : '-i t-njm Jï oinui;,
3 'A l'imitation des Semm^i/rgs historiques destinés, comme l'on sait, à familia-
;;riser les élèves des Universités avec les sources d'une période donnée de l'histoire
nationale ou étrangère, un certain nombre de professeurs ont établi, en Alle-
rinagne, concurremment avec les cours d'exposition sur l'histoire du droit, des
conférences ayant un caractère privé où les élèves, par l'étude directe de textes
^choisis, acquièrent une plus exacte connaissance des origines et du développe-
jipent du droit germanique. Rien n'est plus profitable que cette méthode d'ensei-
gnement; tandis que l'exposition suivie et abstraite propose simplement à l'atten-
tion et à la mémoire de l'auditeur la somme de connaissances générales exigée
j)our les examens, les exercices pratiques ont l'avantage de présenter à l'élève
gljhistoif€ sous une forme, vivante et pleine d'attraits^ d'éveiller et de développer
^^on sens critique en l'invitant à contrôler par lui-même les résultats qu'on lui
savait tout d'abord en quelque sorte imposés. Ces exercices pratiques ont toute-
fois l'inconvénient d'exiger des matériaux considérables et fort coûteux. Il est
d'histoire et de littérature. 5 J
très-difficile, on peut même dire impossible à un étudiant de se procurer, pour
ne citer ici que les recueils indispensables, les Monumenta de Pertz, les diplômes
de Bréquigny-Pardessus, de Beyer, de Lacomblet, les Âcîa de Bœhmer, etc., et
aussi les nombreuses éditions des différentes Leges; de là pour le professeur, la
nécessité de faire ces conférences pratiques chez lui et d'emprunter ces ouvrages
volumineux et coûteux à la bibliothèque de PUniversité; même dans ces condi-
tions, le travail n'est pas chose aisée, ainsi qu'ont pu s'en convaincre ceux qui
ont suivi les séminaires allemands; d'ailleurs ce qui, à la rigueur, est possible
dans une petite ville, est impraticable à Berlin, à Vienne ou à Leipzig; .... ../j
C'est donc à une pensée toute pratique que les deux recueils de MM. Gengler,
Lœrsch et Schrœder doivent leur existence. Bien que destinés spécialement aux
étudiants, ils rendront l'un et l'autre des services aux historiens des institutions
de l'Europe occidentale pendant le moyen-âge.
M. G. s'occupe principalement des périodes mérovingienne et carolingienne.
Il ne propose pas à ses élèves une loi entière ou un ensemble de capitulaires à
étudier, mais seulement des extraits choisis avec intelligence qui, réunis, donnent
une idée complète de la vie juridique à cette époque. Ce sont ces extraits, dont
le texte est puisé aux meilleures sources, que l'auteur a systématiquement groupés
en un beau et fort volume. Une introduction consciencieusement rédigée esquisse
à grands traits l'histoire politique des peuples germaniques dès leur apparition
en Europe jusqu'au x^ siècle. Pour chacun de ces peuples, l'histoire de la légis-
lation suit l'histoire politique. D'abondantes notes mettent le lecteur au courant
des travaux les plus récents; les points délicats ou controversés sont sobrement
indiqués. J'avoue ne pas voir l'utilité de cette partie de l'introduction qui a trait
à l'histoire politique. Outre qu'elle serait mieux à sa place dans un ouvrage
d'histoire proprement dit, depuis quelques années on est abondamment pourvu
de ces sortes de résumés. Il y en a de fort bien faits; je me contenterai de citer
les annales de Richter dont il a été question dans la Revue. Pressé d'ailleurs par
la nécessité de présenter en raccourci un très-grand nombre de faits, l'auteur n'a
pas toujours su éviter l'obscurité et même l'inexactitude, défaut notable dans un
recueil de ce genre (p. 21 et s. 24. 32 et s.). Les paragraphes qui traitent des
Celtes (§ 33), des peuples slaves etwendes (§§ 46 et s.) m'ont paru également
déplacés dans une introduction aux institutions germaniques. L'histoire des
sources juridiques est d'ailleurs bien traitée et tous les renseignements désirables
sont donnés en note. 0^ èvnq aiéJpgiso rru ifiBYG 2^on5i0iaco
Le choix des textes de ce recueil est très-judicieux ; Tacite ouvre la série des
historiens ; l'auteur a donné les chapitres les plus importants et su éviter la
confusion qui est à craindre avec la bibliographie si nombreuse à laquelle la
Germania a donné naissance. La Germania est suivie d'extraits de Grégoire de
Tours, d'Einhart, de Thegan, Nithard, Cassiodore, P. Diaconus, etc. C'est le
complément nécessaire des textes juridiques. — Une seconde division présente
à peu près complètes les Leges à l'exception des Leges Anglo-Saxonicae, ainsi que
des extraits des Leges Romanae. Parmi les capitulaires franks que contient la
troisième division, ieS uns sont reproduits en entier, les autres en partie seule-
52 .3iïUTA;ï|lïVWE3nilTaiÛIBÎ0T21H*a
m&WiM. G. a très-bien fait d'y joindre la lettre d'Hincmar de ordine palaîii, Vn
choix de formules, à mon avis trop restreint, forme une quatrième division. Ce
choix est suivi d'un formulaire d'Ordalia et, en appendice, de fragments du traité
de Réginon de synodalibus causis et du Polyptychum Irminonmiooiq iiauosi sD
Tous ces textes sont donnés d'après les meilleures éditioiisj^'Uiv seul'fait
exception , la Lex Wisigothorum , pour laquelle une édition critique fait
encore défaut. Les variantes sont soigneusement indiquées. Un nombre con-
sidérable de notices historiques et géographiques, l'explication sommaire d'un
bon nombre de passages obscurs témoignent assez du consciencieux labeur de
M. G. L'auteur nous fait en outre espérer la publication prochaine d'un glossaire
des expressions juridiques; avec ce supplément, je ne connais pas de livre publié
en vue des jeunes historiens qui soit destiné à produire dans un avenir prochain
de plus féconds résultats. - '"" -'
Nous devons également le recueil de MM. L.etSchr.' aux exercices pratiques
sur l'histoire du droit allemand dirigés par ces deux savants professeurs. Il est
d'ailleurs le complément nécessaire de l'ouvrage de M. G. Tandis qu'avec ce
dernier, les élèves se familiariseront avec le droit théorique proprement dit, avec
le présent recueil ils se feront une idée exacte de la mise en pratique de ce droit
et de son adaptation aux différents cas qui pouvaient se présenter. MM. L.etSchr.
ont réuni dans une première partie les documents , chartes et pièces judiciaires
de tout genre ayant seulement trait au droit privé. Ils annoncent la publication
d'une seconde partie qui contiendra les documents de droit public. Les auteurs
se sont avec raison imposé la règle de ne présenter que des espèces concrètes,
facilement saisissables , de reproduire les documents tout au long, enfin de
s'arrêter au moment (xv* siècle environ) où le droit romain pénétrant en Alle-
magne, «le développement propre et original du droit germanique s'arrête ou du
'^sîj moins abandonne la conscience populaire pour se continuer dans le cabinet du
3Kî juriste ».
£ Les formules, chartes, documents judiciaires, etc., sont empruntés aux
recueils les plus autorisés tels que ceux de de Rozière, de Beyer, de Dronke, de
Wartmann, de Lacomblet, etc., ou aux travaux si justement estimés de Ficker,
de Ennen et Eckertz, de Mone, de Merkel, etc., etc. L'indication du contenu
de chaque document, faite en termes précis, est suivie de la mention de l'ouvrage
dans lequel ce document a été étudié. Le corps de textes est suivi de trois
tableaux très-commodes. Le premier indique la date des documents au moyen
d'un numéro d'ordre correspondant à chacun d'eux; le second est un aperçu
géographique ; il les groupe par régions ; le troisième les distribue suivant l'ordre
systématique suivi dans l'enseignement du droit. L'idée de cette répartition géo-
graphique et systématique est excellente. Pour trouver Vespèce désirée, il suffit
au lecteur de la chercher sous U rubrique <iui le renvoie au numéro^ cherché d^uis
le corps de textes, "aan ?.uon .eènoTia give fji.tofî é noi,tift.226 sltao ^ur>2
m .' ,; ~ ' '~~" — ' ~^~ — '
., I. Par la date de sa publication, ce recueil se place avant celui de M. G. — Ils sont
'parvenus en même temps au bureau de la Revue critique, ce qui explique pourquoi ils font
tous les deux l'objet d'un seul article. ' .<: tTntP'irî; ;• ' -i^fiibyià '
d'histoirEi et de littérature. 53
r! La plupart des textes allemands présentant les plus grandes difficultés aux
étudiants qui ne sont point philologues, l'établissement du texte et l'explication
des termes les plus difficiles ont été confiés à M. Alexandre Reifferscheid. yn^h
Ce recueil produira certainement dans l'enseignement de l'histoire du droit
germanique les heureux résultats qu'en attendent les auteurs. Il est dédié à
M. Waitz en souvenir du vingt-cinquième anniversaire de l'inauguration des
exercices historiques de Gœttingen; on voit que MM. L. et Schr. ont été initiés,
par les leçons du maître.re^ecté,..^ 4f jscience.iÊ.i'hisîoirjî.ea ca/ème .temp«
qu'à l'art de l'enseigner, ub s522b in^ti^iombl ziuoiéozo-^Bzzza 5b sTdmon tiod
Marcel Thévenj^j 0 1(1
148. -*<* Histoire du sentiment national en France pendant la guerre de
Cent ans, par Georges Guibal, professeur à la Faculté des lettres de Ppi^ers. Paris,
Sandoz et Fischbacher. 1875. In-8" de j-532 p. — Prix : 7 fr. '^
j?",<^ L'érudition, dit dans son avant-propos l'auteur de ce livre, a pris de nos
» jours dans les études historiques une importance qui a été le résultat d'une
X réaction légitime contre les généralités ambitieuses ou prématurées.
ùoih L'attention, les sympathies, les encouragements du public sont réservés,
» d'une façon à peu près exclusive, aux patientes investigations qui découvrent
,^> dans le fond de nos archives ou de nos bibliothèques des documents inédits
m et des textes manuscrits. j ïioib ub mil însasnôfijaa îris^e 3in9^ moî sb
'c » Nous nous garderons bien d'accuser cette tendance. Nous voulons seufé-
.» ment nous demander si elle ne pourrait pas avoir ses exagérations et avec ses
» exagérations, ses dangers, muDob zal aiiubo'iqai 3b ^ESldszzîzîBZ înëraaiÎDfii
» Ne pourrait-elle pas porter atteinte à P4«B^Èic6idfgiritériièri5histoire et refe-
a>. treindre son utilité féconde ? 'r/:o'i V' ^-t:-^' 1 vè' m
ub)K L'histoire n'est pas seulement un aliment pour une curiosité qui risque de
)) s'égarer dans les infiniment petits : elle est et doit être, surtout dans les temps
» comme les nôtres, un enseignement pour la raison qu'elle éclaire, pour la
» volonté qu'elle redresse, pour le cœur qu'elle fortifie. Écrite par les Français,
» il faut qu'elle apporte son concours au relèvement de la France : elle ne se
» doit pas seulement à la vérité, comme toutes les forces morales, elle se doit
» aussi à la patrie., j^eI sb aiviua izd fZiDàiq i'ormaj na sjieî ,jn9fnL':)r'û 3i:psfi3 sb
Oii M. Guibal a-t-il-yo q^e k-pubKc'fésefve^à peti-près exclusivement' s^
■encouragements aux travaux d'érudition ? C'est le contraire qu'il faudrait dire.
Il n'y a pas de public, dans notre pays du moins, pour les recherches savantes,
même quand elles s'appliquent à l'histoire nationale. Si M. Guibal, malgré son
talent et sa situation dans le haut enseignement universitaire, demande jamais à
l'industrie privée de faire les frais d'un volume où l'on trouve plus ou moins
l'appareil scientifique, il ne tardera pas à s'apercevoir de sa méprise.
Sauf cette assertion à notre avis erronée, nous apprécions la mission de
l'histoire exactement comme le savant professeur de la Faculté des lettres de
. Poitiers, et nous partageons ses inquiétudes. Il faut bien reconnaître que, si
l'érudition vouée spécialement à l'étude de nos annales n'a cessé de faire. des
54 '^^^-^^^^È^ifE iiRltlQtfè^^'^21H^0
progrès depuis trente ans, l'histoire proprement dite est loin d'avoir marché du
même pas et de se trouver dans des conditions aussi prospères. On publie sans
cesse, et l'on a raison, des documents inédits ou des éditions moins imparfaites
de nos chroniqueurs, des dissertations, même des volumes relatifs aux institutions
ou aux actes diplomatiques de tel ou tel règne; mais, pendant ce temps, la véri-
table histoire, Phistoire narrative, celle qui embrasse dans une vue d'ensemble
toutes les faces du passé, celle qui éclaire les faits par l'étude des institutions et
contrôle en même temps les institutions par les faits, afin de s'assurer si les lois
ont réellement agi sur les mœurs et dans quelle mesure, l'histoire narrative,
dis-je, perd les uns après les autres la plupart des écrivains qui l'ont illustrée,
les Augustin Thierry, les Barante, les Guizot, et personne ne se présente pour
continuer avec autorité la double tradition, à la fois littéraire et scientifique,
que représentent ces noms.
C'est aux professeurs éminents de l'Université qu'il appartient surtout d'avoir
cette ambition. Au talent dont ils ne sauraient manquer, puisque, comme le
disait naguère M. Bersot, c'est le passeport indispensable sans lequel on n'entre
point à l'École normale où se recrute l'élite du corps enseignant, il leur suffit
îde joindre, pour être des historiens complets, cette science et cette conscience
•de l'érudit que l'on acquiert facilement par le travail. '-*
' L'ouvrage de M. Guibal se recommande principalement par la consciéhcël
Personne n'ignore combien sont misérables et insuffisantes les ressources que
nos bibliothèques de province offrent aux travailleurs. On ne saurait donc trop
féliciter le professeur de Poitiers du soin avec lequel il s'est tenu au courant de
loutes les publications relatives à son sujet. Il n'est point, je ne din(î pas de
dissertation, mais de simple note perdue dans de volumineux recueils, qu'il n'ait
connue et mise à profit. Il a demandé des lumières à la science étrangère aussi
fcien qu'à l'érudition nationale, et cela lui a mainte fois porté bonheur. En
'combinant, par exemple, les renseignements rassemblés par M. Kervyn de Let-
tenhove dans les notes de sa belle édition des Chroniques de Froissart, M. Guibal
'est le premier historien français qui ait raconté avec exactitude les diverses
""phases de la bataille de Poitiers.
y L'auteur de V Histoire du sentiment national n'a pas voulu, à proprement parler,
faire œuvre d'érudition. Cependant, son livre est fort supérieur, si on le consi*-
dère sous cet aspect, à l'ouvrage publié par M. Perrens sur le même sujet et
^dont nous avons rendu compte '. On ne peut raconter en un volume une période
de près d^un siècle sans commettre un certain nombre d'erreurs de détail. Nous
en signalerons seulement quelques-unes à M. Guibal, pour lui prouver que nous
avons étudié son travail avec une attention scrupuleuse. .8 ia X-'
Il n'est pas exact de dire que la chevalerie du xiv^ siècle, frappée de déca-
dence, donnait un démenti aux réminiscences de la Table ronde ^. Les romans de
la Table ronde ont eux-mêmes un caractère marqué de décadence.
1. Revue critique, n° du 2 août 1873
2. P. 4.
Si un traité d'économie rurale publié en Angleterre au :ciu" siècle recommande
aux bouviers d'être joyeux et doux avec leurs bœufs et de les charmer par le,u,r^
chants,,,^> Çipibal a tort d'en conclure que la sollicitude pqur 4^S| ^119^
domestiques est un des traits du caractère anglais». Ces recommandations so^
d'origine normande et se retrouvent d'ailleurs plus ou moins dans tous les pay;^
où l'on attelle les bêtes à cornes. ^
Charles le Mauvais adresse des sermons aux Parisiens pour les soulever contre
le dauphin ; et lorsque celui-ci, réduit à accepter la lutte sur le terrain oii ses
adversaires l'ont placée, fait à son tour des discours en plein vent, est-il ju^tjç
d'insinuer que sa parole est perfide et qu'il cherche à émouvoir les passions dg
la multitude 2 ? ^1
Robert de Clermont, tué le 22 février 1358, n'était pas maréchal de France?,
mais de Normandie.
Marcel ne paraît pas avoir jamais eu de correspondance avec le comte de
Flandre 4. La leltrç dont M. Guibal cjte un fragment est adressée aux communes
de Flandre.
Affirmer que le cœur du régent Charles ne put jamais complètement oublier
ni pardonnera, n'est-ce pas aller bien loin? Le futur Charles V savait si bien
oublier les injures qu'il rendit ses bonnes grâces à maître Robert de Corbie et
permit à son échanson, Pierre de Dormans, d'épouser la veuve de Charles
Toussac . ^oiJii^îï\u^m :ô ^L'l6in^^inl :îrTo^ ''-i-::nc:) rnon^iVi ^ririons^
M. Guibal prétend que le dauphin, après l'exécution de Marcel, ri'osak bouggr
de Paris, tant il savait la population de la capitale dévouée au roi de Navarre 7w
Rien n'est moins exact. Après les scènes du mois de juillet, Charles le Mauvais
ne conserva que des partisans isolés; il inspira dès lors à la plupart des Parisiens
june véritable horreur. L'année suivante, lorsque le régent conclut la paix avec
son beau-frère et l'invita à se rendre à Paris, il jugea prudent de faire jurer au
prévôt des marchands et aux échevins que personne n'attenterait à la vie du roi
de Navarre.
D'après l'auteur de V Histoire du sentiment national, Charles, pendant sa
régence, serait resté au-dessous de sa tâche 8. Nous savons bien que telle est
depuis longtemps l'opinion régnante, mais nous espérons prouver bientôt qu'elle
repose sur une étude incomplète de cettç période, l'une des plus curieu,s^;j^
des moins connues de notre histoire. /! , a
Le 24 juillet 1 369, le bailli de Caen s'appelait Renier le Coutelier, et non ^e
Bouteliçr^. Le prénom du père de Bertrand du Guesclin est Robert, no^
I. P. 7 et 8.
2 P ^4
* p* ]T vix h'ù r .i -jup 9iib 3b VjBim 2Bq j23'n II
4. P. 61. jT £{ ôb i _ iji yiJG iJnsmèh nu lisanob .«donsb
6. Cette veuve s appelait Marguerite. Arcn. nat., sect. jud., Xia 20 f» 381 v^a 383.
l' £• ^7-
8. P. 99. . ,
$6 àflUTAHÎTOyEagRtT4QyE:oT2IH^d
Regnault'. C'est en 1359 que Robert Knolles faisait graver sur ses armoiries la
devise rapportée par M. Guibal à l'année 1370*. A cette dernière date, l'ancien
chef de bande était devenu un trop grand personnage pour avoir besoin de
frapper l'imagination par cette bravade.
, Louis, duc d'Anjou, avait épousé Marie, et non Marguerite de Bretagne, fi\\e
^e Charles de Blois et de Jeanne de Penthièvre ?. hip S^êif Jrob ôfl nievhoè
Enfin, c'est commettre une erreur plus grave que d'avancer, à propos dés
Cabochiens, qu'on méprisait les bouchers et que la bonne bourgeoisie ne frayait
pas avec eux 4. Un acte nous montre, au contraire, des membres de cette cor-
poration assistant aux noces d'un fils du prévôt des marchands Jean Culdoe en
compagnie d'un La Trémouille et de la fine fleur de l'aristocratie 5.
La conscience que M. Guibal a presque toujours apportée dans ses recherches
n'a refroidi ni son cœur ni sa plume. Toutes les pages de son livre sont animées
d'un souffle vraiment généreux et respirent le plus ardent patriotisme. L'auteur
de VHistoire du sentiment national porte même un peu trop peut-être dans l'étude
du passé les préoccupations actuelles. Le souvenir de nos désastres l'obsède
comme une idée fixe. La défense de Strasbourg, la perte de l'Alsace, l'éloge de
M. Thiers interviennent plus d'une fois dans ce récit des principaux événements
survenus pendant la guerre de Cent ans. Mais quand on sait que M. Guibal,
ancien professeur à la Faculté des lettres de Strasbourg, a été violemment arra-
ché de l'Alsace, sa patrie d'adoption, par la conquête prussienne, quand on sent
qu'il y a là une plaie encore saignante, il répugne de trouver dans ces rappro-
chements la matière d'un reproche. Tout au plus exprimerions-nous un regret.
C'est précisément parce que nos récents malheurs rappellent à tant de points de
vue la situation où se trouvait la France au lendemain de Poitiers, qu'il est inu-
tile de faire ressortir ces analogies : le lecteur en est d'autant plus frappé qu'on
le laisse les saisir de lui-même. ù'ino^nr iii: 511^.^1!/.'-^
L'art délicat de la composition et du style est une -des maîtresses parties -de
l'historien et aussi du vulgarisateur. A ce point de vue, nous avons éprouvé
quelque mécompte en lisant l'ouvrage que nous analysons. On reproche avec
ïaison aux érudits de reléguer trop souvent dans les notes ce qui devrait figurçj
dans le texte. M. Guibal tombe dans le défaut contraire. Parlant de Marcel ^
de la commune parisienne en 1356 et 1357, il écrit : « Ce sujet a été plus
» d'une fois traité; il a été repris au lendemain des désastres de 1870-1 871,
» par M. Charies Giraud, qui lui a consacré deux articles publiés dans la Revue
» des Deux-Mondes (i^"" et 15 juin 1871), sous le titre de Traité de Brétigny^. »
Si importants que soient les articles de M. Giraud, il suffisait, de les mentionner
dans une note placée au bas de la page. On est surpris de voir M.jGuibal intro-
1. P. m.
2. P. 117. .ni ^âîs\^h'\^Qj\D:A .DÎ9 ^îwj\o?\ sVj 5^
î.i -et: P- 2:^9- 3 „(uKSc[rni,d30/i .v) nlfimsrionsia .M s JnBnaJuqqs ottki
5. Arch. nat., sect. hist., JJ loj, n* $23.
6. P. 38. 40s ,hB ,çc)8i ^aupiîn
Qi ■
d'histoire ET^^^liE'-L'lWlRATUaE. 57
.duire une simple indication bibliographique, comme celle que nous venons de
rapporter, dans le cours de sa narration. Le style n'est dépourvu ni de mouve-
ment ni de chaleur; il est néanmoins dans son ensemble d'une qualité médiocre.
L'auteur prodigue la répétition, l'accumulation et autres figures de rhétorique
qui peuvent être de mise dans une chaire ou à la tribune, mais dont un véritable
écrivain ne doit user qu'avec une extrême réserve. En revanche, la propriété
de l'expression, la précision, la netteté font parfois défaut. Décrivant le Paris
du xiV-' siècle, M. Guibal nous parle « de maisons obscures qui semblaient jeter
» un perpétuel défi aux plus simples notions d'alignement • » ; puis, il ajoute
quelques lignes plus loin que, dans ces maisons, « notre organisation moderne
T) aurait mal résisté à quelque accès de spleen ^ ». Certains j[ournalistes n'ont
donc pas seuls le secret de cette langue étrange! :up sonaioefloo fiJ
Que M. Guibal nous pardonne ces observations un peu sévères. Il s^èst' plaint
dans son avant-propos de la prépondérance de l'érudition, de la décadence de
dfhistoire. Le savant professeur de Poitiers a la conscience d'un érudit; 'iP'a
l'âme d'un patriote. Le jour où il voudra bien joindre à un fonds riche Tàft
sans lequel on ne peut dans les lettres élever un monument durable, il sera lui^
même un de ces historiens qui deviennent de jour en jour plus rares.
/';s.v^ ^ > . i î.^ Siméon LucE.^ -
^P|^."— ^Ai tnABOUiLLET. Noticc sur une médaille inédite de Ronsard par
► Jacques Primavera, suivie de recherches sur la vie et les œuvres de cet artiste.
Orléans, imprimerie de Georges Jacob. 1875. In-8*. : j
3^ Àtix portraits de Ronsard signalés par M. de Rochambeau dans son étude sur
la famille du grand poète?, M. G. vient ajouter une médaille dont, malheureu-
sement, l'original a disparu et n'est plus représenté que par un moulage de
plâtre, tiré, à une époque inconnue, sur un exemplaire assez médiocre 4. Autour
du buste du poète, tourné à droite, revêtu d'un pourpoint et d'un manteau, et
"la tête nue, on lit : Peîrus de Ronssardo. ae. s. Ixi. Ce portrait a donc été exécuté
en 1 585, dans la dernière année delà vie de Ronsard. L'inscription lA. PRIMA\^
placée sous le bras, est la signature de Jacques Primavera, artiste dont on con-
naissait déjà plusieurs médailles. A l'occasion de celle qui vient enrichir une suite
encore peu nombreuse, M/Ç. a rassemblé ce qu'il a pu découvrir sur la vje'et
sur les œuvres de cti artiste. Ce travail forme la deuxième partie de l'opùsèuîè
que nous annonçons : dans la première, consacrée à Ronsard, plusieurs asser-
tions de M. de Rochambeau sont rectifiées, et le lecteur y trouvera un^ utifë
complément aux remarques publiées ici à propos des Recherches y, • \
I. P. 39. -
i. P. 40.. '" -^ •!
3. La famille de Ronsart, etc. Iconographie, III. V^^ -^ •*
4. Une autre médaille représentant Ronsard à 42 ans n'était également 'représentée
que par un plâtre appartenant à M. Blanchemain (v. Rochambeau). Ce plâtre n'existe
plus. ^"^ - x^ -• - ; -
5. Revue critique, 1869, art. 203. • ■ - -
jS .afiUTA/îèEVUE CRITIQŒEîOTZIH^C
On ne connaît ni la ville où naquit J. Primavera, ni la date de sa naissance
ni celle de sa mort : son nom n'est cité dans aucun document écrit du xvi'' siècle.
M. C. énumère i6 médailles signées par le maître italien : encore, dans le
nombre^ deux ne sont-elles connues que par les planches d'Heraeus ', deux sont
citées par Bolzenthal2 qui ne dit pas s'il les a vues, une cinquième enfin n'est
connue, aussi bien que celle de Ronsard, que par un plâtre. Les plus anciennes
ne remontent pas au delà de i $68, les plus récentes ne descendent pas au dessous
de i$8j. Parmi les pièces que nous possédons, on remarque le portrait de
Primavera lui-même, à l'âge de 36 ans, celui d'Hélène Nisselys (sa femme.?),
ceux des poètes Dorât et Baïf. Ces deux médailles ont été exécutées en 1585
dans le même temps que celle de Ronsard. Cette circonstance ne nous permet
guère d'espérer qu'on retrouve représentés par Primavera les sept poètes de
la Pléiade, car plusieurs étaient morts bien avant cette date.
Un dessin élégant et facile distingue les médailles sorties des mains de Prima-
vera. Par leur peu de relief, par l'habile agencement des parures, par le jet
ample et heureux des draperies, elles rappellent plutôt la manière d'un peintre
que celle d'un sculpteur ou d'un orfèvre, et on ne voit guère sur quels indices
Bolzenthal a voulu faire de Primavera un élève de Jacques Trezzo ou d'Antonio
de' Rossi.
L'histoire de la gravure en médailles est encore à faire. On ne peut même pas
dire qu'elle ait été ébauchée, car l'esquisse, très-utile, de Bolzenthal n'est qu'un
cadre à remplir. Le Trésor de Numismatique donne un grand nombre de pièces
ciselées à la belle époque de l'art, mais elles ne sont nullement classées et le
texte, souvent inexact, est muet sur les artistes. M. Alex. Pinchart n'a traité
qu'une petite partie de ce vaste sujets. Cette pénurie contraste assurément avec
l'embarrassante profusion d'ouvrages publiés sur les autres branches de l'art du
dessin : mais avant que l'on puisse songer à y porter remède, il faut attendre
que les principales écoles aient été bien définies, et ce travail préliminaire, lui-
même, exige que nous soyons en possession de monographies consacrées aux
maîtres les plus féconds et les plus célèbres. L'intéressant travail que M. C. vient
de publier sur Primavera prend naturellement sa place à côté des études ana-
logues de M. Friedlœnder sur Benvenuto Cellini et Andréa Guacialoti, et de
M. Ad. de Longpérier sur Jean-Paul Poggini4.
C. DE LA Berge. ^
1. Bildnisse der regierenden Fûrsten und berûhmter Maenner. Wien. MDCCCXXVII^.
In-fol. pi. 22 et 62 (et non 67 comme le fait dire à M. C. une faute d'impression, p. 41-)
note I"). ,j -n£
2. Skizzen zur Kunstsgeschichte der modernen Medaillen-Arbeit. Berlin. 1840, p. 160.
3. Histoire de la gravure des médailles en Belgique depuis le XV' siècle jusqu'en 1794.
Bruxelles. 1870. In-8*.
4. Revue Numismatique, 1858 (89-104). M. L. Pigarini (Periodico diNumismatica, 1872,
p. 16) fait honneur à Pastorino de Sienne de plusieurs pièces que M. Ad. de L. attribue
à Poggini.
d'histoire et de littérature. 59
1 50. — Giappmo Leopardi, ?a vie etses œuvrçs^ Mr,A..^ûuc^^^rL^G^R(ff3^j
la Faculté (les lettres de Montpellier. Paris, bidier et C*. 1874. in-12, viii-jiy p.
Prix: î fr. ' -' '• ''^-'M ^^! v/i-m!^^^ .:0
Malgré un remarquable article de Sainte-Beuve, malgré les strophes célèbres
d'Alfred de Musset, Leopardi n'est pas suffisamment connu en France. Ceux qui
ont lu ses poésies se compteraient sans peine; ceux qui les goûtent pleinement
sont plus rares encore; son nom même est étranger à la masse du public.
Il ne faut pas croire que la gloire du poète de Recanati deviendra jamais
populaire: il n'a écrit que pour le petit nombre, et en Italie même, où il est
maintenant admis parmi les grands hommes, plus d'un en parle qui n'a pas
ouvert son livre ou qui l'a bien vite fermé. Mais un ouvrage comme celui que
nous annonçons contribuera certainement à révéler à ceux qui sont faits pour s'y
abreuver une source jusqu'à présent trop cachée. Dans un tableau composé et
exécuté avec l'art le plus délicat, M. Bouché-Leclercq suit le poète de son ber-
ceau à sa tombe, entremêlant au triste et monotone récit de ses souffrances
l'analyse et la traduction fragmentaire de ses plus belles œuvres '. A vrai dirç,
l'analyse, appliquée aux Opérette morali, n'en donne qu'une bien faible idée, et
des poésies comme celles de Leopardi, où l'apparente simplicité du style est le
produit d'une industrie merveilleuse et patiente, perdent dans une traduction une
bien grande part de leur valeur. Nous n'en devons du reste que rendre plus plei-
nement justice au talent tout à fait remarquable que M. B.-L. a montré dans les
siennes. Sa prose, qui sait être au besoin hardie et courte, est surtout habile en
longues périodes heureusement soutenues, et se plie avec souplesse aux contours
sévères ou gracieux du modèle 2. Mais il sent assurément lui-même combien
ces intelligentes copies restent loin de Poriginal. Le style savant de Leopardi,
qui reproduit les mouvements et les tours des lyriques grecs avec les expressions
et les phrases des Toscans du xiv° siècle, n'est appréciable que dans sa langue,
et, même ainsi, ne l'est pleinement que pour des lecteurs doublement érudits.
André Chénier d'un côté, Courier de l'autre ne donnent chez nous qu'une idée
fort imparfaite de ce procédé. M. B.-L., à notre avis,, ne s'est pas assez arrêté à
cette question de forme, qu'il abandonne sommairement aux critiques italiens. En
qualifiant lui-même son livre d'étude littéraire avant tout, il s'imposait l'obli-
gation d'étudier de plus près cette partie de son sujet, plus importante chez
l'auteur qu'il avait choisi que chez la plupart des autres.
C'est en définissant ainsi son œuvre que M. B.-L. s'est dispensé d'entrer dans
des recherches biographiques, pour lesquelles il est cette fois en droit de renvoyer
aux compatriotes de Pauteur. Ceux-ci n'ont à peu près rien fait pour remplir cette
1 . Quelques-unes sont omises qui devraient figurer, par exemple le Risorgimento.
2. Le sens m'a semblé d'ordinaire très-bien saisi. Cependant, sans parler des nuances,
il y a quelques passages qui ne sont pas exactement rendus. La version de l'admirable
pièce A se stesso, dont M. B.-L. fait avec raison « la véritable épitaphe » du poète, laisse
particulièrement à désirer. Le Perl dont la répétition fait tant d'effet n'est traduit qu'une
fois. In mi di cari in^anni non che la speme, il desiderio é spento, est tout autre chose que :
« De ces chères illusions il ne me reste pas même une espérance, pas même un désir. »
6o .a^^^iŒWE^irRitiQuÉ'^^^^»'^
tâche. Il semble que Leopardi, comme homme aussi bien que comme écrivain,
inspire une admiration où il entre plus d'étonnement que d'attraction. Son ami
dévoué, celui qui a consolé ses derniers jours et qui Pa connu mieux que per-
sonne, Antonio Ranieri , n'a su mettre en tête de ses œuvres qu'une notice
de quelques pages où les formules d'un enthousiasme naïf tiennent beau-
coup plus de place que les renseignements utiles. Sur sa famille, sur ses
premières années, sur ses véritables rapports avec son père, on ne nous a rien
communiqué d'authentique ; ceux qui l'ont connu se sont contentés de le louer
sans le caractériser. Il est vrai que la publication des lettres a jeté sur son histoire
intérieure un jour extrêmement vif; mais ces lettres se font de plus en plus rares
et de moins en moins intimes à mesure qu'il avance en âge, et nous ne connais-
sons à peu près rien du développement de ses pensées et de ses sentiments, à
partir de son premier retour à Recanati, que par ses ouvrages destinés au public.
Il n'est que temps, pour ceux qui peuvent combler cette lacune, de le faire;
chaque année emporte un de ceux qui ont vu de près le poète mort il y a bientôt
quarante ans, et l'ensemble de son œuvre offre plus d'une énigme dont leur
témoignage pourrait faciliter la solution. La forme concise et impersonnelle
adoptée par Leopardi n'empêche pas, comme le dit "W." te(.-i..^i^que toiîs sei
écrits ne soient, suivant le mot de Gœthe, des fragments d'^uhe confession géné-
rale; aussi, tout ce qui concerne l'homme profite à l'intelligence de l'œuvre : l'un
est absolument inséparable dé l*atitre.^ -b'âHâ^iuW^ïeftainsefis, Leopardi n'aura
jamais de biographie, car, en vérité, on peut dire qu'il n'a pas vécu; mais les
modifications de son être intime, sous l'influence de certaines circonstances exté-
i^VeS'/^rtè tibtrs'^'antpàs encore suffisamment clairesV^^T&r'cVqùe 'W!'b.-L.'
pouvait faire, en renonçant à des découvertes hors de àa pc)ffe,'ît l'a fait : il a
reconstitué aussi bien qu'il l'a pu, à l'aide des poésies, des œuvres morales, des
lettres et des rares témoignages contemporains, l'histoire de cette grande âme si
malheureuse, et il n'existe ni en italien ni en allemand un livre qui, pour l'en^'
chaînement des faits, l'intérêt de l'exposition et la justesse de l'impression eéné-
raie, puisse se comparer au sien. "-^^"^ J>j->y-i -^^^ ^ *' i
A côté de l'histoire du poète, MV'1g;l1^^Vl^c^l*S])lMîSïdfffe œâvY^^^^^^
appréciation, nous l'avons déjà vu, n'est pas suffisamment approfondie au point
de vue littéraire. L'auteur a surtout insisté sur le côté psychologique et philoso-
phique du sujet. Il a montré dans l'analyse des idées de Leopardi beaucoup de
clarté et parfois de finesse ; mais, à notre avis, il manque à son livre, pour satisfaire
complètement le lecteur, une certaine puissance et une certaine chaleur. Il nous
assure dans sa préface qu'il a eu à se défendre « contre les entraînements d'une
» sympathie profonde »; il s'est si bien défendu qu'on se prend parfois â'sç
demander si cette sympathie a été réellement bien profonde et bien entraînante.^
Avec une insistance que n'arrêtent pas les protestations du poète lui-même,"
M. B.-L. se plaît à nous répéter sans cesse que le pessimisme de Leopardi nW
attribuable qu'à sa mauvaise santé et à sa laideur, qu'il aurait pensé tout autre-
ment s'il avait été bien portant et aimé des femmes, et que son désespoir philo-
sophique n'est qu'un phénomène pathologique et « l'agacement nerveux d'un
D'HlSTOip^^f.,Pl ,:,C\E ,^14J:T^ RATURE . 6 1
» enfant en colère (p. 175). » On trouve dans des pages trop nombreuses, à
Kendroit des noires théorie? ,d^. ^eppardi,, I.9 ton 4'une sorte de compassion
presque dédaigneuse .qui^,^l^,véritérjfroÂS5|5q,U<5lciuç :pj^^jççi^ quiont sondé U
profondeur des abîmes d'où partent les cris douloureux du poète. M. B.-L»
assure que Leopardi n'est pas un vrai philosophe, et il a raison si on réserve ce
nom aux penseurs qui essaient une exphcation de Punivers ; mais il est singuliè-
rement mal venu à lui reprocher comme il le fait de ne pas avoir eu le courage
d'aller jusqu'au fond de sa pensée. « La raison, dit-il avec un dogmatisme dont
» la solennité ne cache pas le vague ', se doit à elle-même d'aller jusqu'au bout
» de ses forces ; il ne lui est pas permis de se reposer après un premier effort
)> et de s'endormir, avec le calme de la certitude absolue, au sein d'un matéria-
» lisme bâtard, etc. (p. 54). » Que veut dire matérialisme « bâtard », et qu'au-»
rait donc trouvé la raison de Leopardi en allant au delà .? Il s'est si peu reposé (!)
dans une certitude absolue que dans un passage cité par l'auteur lui-même, il
écrit à Bunsen : « Ma propre expérience m'enseigne que le progrès de l'âge,
)) parmi tant de changements qu'il opère dans l'homme, altère encore notable-
)) ment son système de philosophie. » M. B.-L. ne se contente pas de démontrer,
plus qu'il n'était peut-être nécessaire , que le pessimisme de Leopardi provenait
âe sa situation personnelle : il en conclut implicitement qu'il n'a aucune valeur
objective, et en cela il va trop loin. Chaque homme est amené aux idées qu'il
embrasse par son développement propre et les circonstances où il vit; mais il ne
s'ensuit pas que ces idées n'aient de vérité que pour lui. Leopardi écrit, dans
une lettre célèbre : « L'on a voulu considérer mes opinions philosophiques
» comme le résultat de mes souffrances particulières, et l'on s'obstine à attribuer
)) à mes circonstances matérielles ce qu'on ne doit qu'à mon entendement.
)) Avant de mourir, je vais protester contre cette invention de la faiblesse et de
>) la vulgarité, et prier mes lecteurs de s'attacher à détruire mes observations
» et mes raisonnements plutôt que d'accuser mes maladies.» Qu'il se fît illusion
en n'attribuant pas à ses maux le tour qu'avaient pris ses pensées, c'est ce que
nous ne contesterons pas à M. Bouché-Leclercq; mais que cela suffise pour
« détruire ses observations et ses raisonnements, » nous ne l'accordons pas
aussi aisément. De tous les problèmes insolubles que le monde pose au philoT^.
sophe, Leopardi n'en a vu et abordé qu'un seul : celui de la destinée humaine
et spécialement du bonheur. A mesure que la philosophie se rapproche de la
sciencç^ on peut dire que ce problème perd de l'importance et descend peu à
peu du rang où l'avaient mis les anciens sages. Mais si on s'attache à le sonder
en lui-même, les solutions désespérantes du poète italien ne sont pas faciles à
réfuter. Elles peuvent même soutenir l'examen de ceux qui abordent l'ensemble
des questions philosophiques. Depuis Leopardi, et à un point de vue sensi-
blement différent, le pessimisme absolu a été soutenu par Schopenhauer
et p?ir d'autres J_^ Jp^^ ^d'être absurde ipso facto, comme semble l'admettre
I. Il étonne d'autant plus qu'en général l'auteur fait preuve de l'esprit le plus libre,
•îu'b xusvian JndmsDBgfiM » J3 aupigoloriJBq snémonèriq nu'up iz^'a dupidqoz
62 .i/iùT.. REVUE CRITIQUE
M. B.-L., il est un des pôles entre lesquels oscille nécessairement la pensée
humaine, et il y a dans Peffort douloureux avec lequel le poète de Recanati l'a
atteint du premier bond une grandeur philosophique, en même temps qu'une
puissance d'émotion, que le critique ne paraît pas, il faut bien le dire, avoir
suffisamment senties '. C'est ce qui explique que son livre, où on trouve beau-
coup de goût, des idées fines, un style extrêmement élégant et un grand bonheur
d'expression, laisse en somme une impression irès-mélangée et reste au dessous
de ce que le sujet fait attendre.
Nous terminerons par une dernière critique, qui sera en même temps un éloge.
M. B.-L. n'est nullement un simple commentateur; à propos de chacune des
manières de penser ou de sentir qu'il rencontre dans son auteur, il intervient
personnellement, les reprend à son tour, les discute, les suit chez d'autres, et
se montre dans toutes ces petites digressions penseur ingénieux et habile écrivain.
Mais je ne sais si le livre, que l'auteur, avec toute raison, a voulu réduire à des
proportions modestes, n'aurait pas gagné à être un peu autrement conçà.^ Eâ
littérature, la philosophie, la politique, la société en Italie, à l'époque où vécùt
Leopardi, sont fort mal connues en France : en accompagnant son héros de
Recanati à Rome, à Bologne, à Florence, à Naples, on aurait aimé que M. B.-L.
dessinât avec plus de détails le cadre dans lequel se placent les épisodes succes-
sifs dont se compose son livre. Les jugements qu'on a portés sur Leopardi
auraient aussi fourni un secours pour aider à le comprendre ; l'impression qu'un
grand esprit a produit sur ses contemporains est un élément indispensable pour
son appréciation 2. En accordant moins de place à ses réflexions personnelles,
M. B.-L. en aurait gagné pour ces utiles compléments.
En résumé, écrit avec beaucoup d'agrément et de talent, le livre de M. Bouché-
Leclercq est le meilleur qu'on ait sur Leopardi ; il le fera connaître à un public
nombreux et invitera sans doute plus d'un lecteur à entrer en commerce direct
avec le poète. On pourrait souhaiter que l'auteur eût pénétré plus profondément
dans cette âme alta^ genîile e pur a; mais peut-être, en se laissant trop aller à
l'admiration émue qu'inspirent les poèmes de Leopardi, serait-il devenu moins
facilement abordable pour ceux qui ne les connaissent pas encore, et n'aurait-il
pas été un guide aussi aimable et aussi bienvenu pour les mener jusqu'au pied
de ces austères sommets.
G. P.
-, . iiinq t^in ?mvA\\
■- i; Il va jusqu'à lui reprocher (p. 187) de n'être pas « un causeur aimable qui insinue
¥ sa pensée sans l'imposer, » et de « laisser voir qu'il tient beaucoup à convaincre. »
2. Une lacune nous a irappé. M. B.-L., dont les études spéciales concernent le monde
antique, passe très-rapidement sur les travaux d'érudition de Leopardi. Nous aurions été
heureux d'avoir son appréciation sur ce point, d'autant que la façon dont Leopardi a
compris et l'antiquité et la science n'est nullement indifférente pour l'intelligence de sa
philosophie et de sa poésie, .^.^.j gj^îjpyfiH i 21;. ^^qa ^^iz-^^ml^M
iup ,J9mui.a ;M yt^^X-^^^. nuqulq fil.iL'oq îiîgï;;2f.oiiqiiaani 29D InaxnsauâiuariUM
d'histoire et de littérature. 63
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 1 6 juillet 1 87 $ .
L'académie reçoit l'avis que l'académie des sciences a désigné M. le baron
Ploquet pour faire partie de la commission du prix Fould (histoire des arts du
dessin chez les différents peuples de l'antiquité jusqu'au siècle de Périclès).
M. de Longpérier lit au nom de M. P. P. Mathieu, de Clermont-Ferrand, une
note d'où il résulte que le bas-relief trouvé en Hollande et représentant Mercure
arverne, qui a fait l'objet d'une lettre de M. R. Mowat lue à la séance du 2 5 juin
dernier (ci-dessus p. 15), avait déjà été signalé, à l'académie de Clermont-
Ferrand, par M. Mathieu; celui-ci en avait tiré la conclusion qu'il a dû y avoir
au Puy de Dôme une statue de Mercure assis. Mais le Mercure de Zénodore ne
devait pas avoir cette attitude ; ce point sera traité dans un travail qui doit
paraître prochainement sous ce titre : Le Puy de Dôme, ses ruines, Mercures et les
Matrones.
M. de Longpérier met sous les yeux des membres de l'académie un petit vase
grec qui lui a été communiqué par M. G. Perrot, auquel il a été envoyé par
M. Karabéla, de Constantinople. C'est un vase de l'espèce dite oenochoe. Il a
cette particularité que le potier s'en est servi pour écrire à la pointe, sur le pied,
la note d'une commande qu'on lui avait faite : des vases de petite dimension,
[j.ixpâ, savoir, 90 lisses, Xeta, et 90 striés ou cannelés, pa6âa)Tà; cela faisait en
tout 1 80 ou quinze douzaines. Rien n'indique que les vases commandés dussent
être pareils à celui où a été écrite cette note, et il y a lieu de penser, au contraire,
que ce n'était pas des oenochoés; en effet l'emploi du neutre dans l'inscription,
X-:îa, pa6o(i)Tà, indique qu'on a sous-entendu un nom neutre, tandis qu'oivoxcYj
est du féminin.
M. Heuzey lit un travail intitulé : Découverte de la ville d'Oricum en Épire; le
sanctuaire des Dioscures dans les monts Acrocérauniens. — On ne connaissait pas
exactemen;^ Ja . situation de l'ancienne ville d'Oricum ou Oricus en Épire.
M. Heuzey, accompagné de M. Daumet, en a reconnu les ruines, au fond du
golfe d'Avlona, dans l'angle formé par la bifurcation des montagnes de Khimara,
auprès des points d'ancrage appelés Port-Doukhataes et Pacha- Limani. L'état
des lieux correspond exactement avec la description d'Oricum dans César. Il n'y
a donc plus de doute sur la situation de cette place. — Non loin de ce lieu est
une crique qui interrompt la muraille à pic des monts Acrocérauniens et forme
un lieu de refuge précieux dans les mauvais temps. Sur les parois du roc se
î;rouvent environ un millier d'inscriptions , gravées par ceux que la tempête a
retenus là à toutes les époques, depuis l'antiquité jusqu'à nos jours : de là le nom
de Grammata [dq xà -^pimxoLTx) sous lequel est connu ce petit port de refuge.
Malheureusement ces inscriptions sont pour la plupart effacées. M. Daumet, qui
64 REVUE CRITIQUE d'histoire ET DE LITTÉRATURE.
a tenté d'en prendre des empreintes et des copies, n'en a trouvé que bien peu
qui fussent encore déchiffrables. Les unes remontent à l'antiquité, et témoignent
que le lieu était consacré aux Dioscures (toTç y.upiotç Aiocxoupotç, dans une de
ces inscriptions); on y venait parfois en pèlerinage. D'autres ont été écrites par
des chrétiens au moyen âge, comme celle-ci : Kupts, goY]Ô£i abv cojXcv :
« Seigneur, secours ton serviteur! » Il en est une qui mentionne le passage de
l'empereur Jean Paléologue, en l'an du monde 6877, c'est à dire après J. C,
1 369 : en cette année en effet l'empereur visita les chrétiens de l'Occident pour
obtenir leur assistance contre les progrès croissants des Turcs ; il est naturel
qu'il ait passé à Grammata au retour de ce voyage.
M. Egger signale à l'attention de l'académie un vol. récemment publié par
M. Domenico Comparetti sous ce titre : Papiro ercolanese inedito , Turin, 1875,
8° (extr, de la Rivista di filologia e dHsîmzione classica). M. Comparetti a tiré d'un
ms. retrouvé à Herculanum des fragments d'un ouvrage anonyme sur les succes-
sions ou BiaBoxai des philosophes grecs. Il y a là des listes de noms qui peuvent
servir à combler les lacunes des mss. de Diogène Laerce.
M. Desjardins commence la lecture d'un travail de M. Ch. Tissot, intitulé :
Recherches sur la géographie comparée de la Mauritanie^ Tingitane; impartie, le
littoral maurétanien de V embouchure de la M alva jusqu'à Tingis^. M. Tissot signale
le petit nombre des renseignements que les géographes anciens nous ont laissés
sur cette contrée. Pline, Ptolémée et l'Itinéraire d'Antonin, qui en parlent,
semblent n'avoir connu que la côte même; ils ignorent, non seulement la géo-
graphie intérieure du pays, mais aussi les noms indigènes des promontoires et
autres accidents de la côte qu'ils signalent. — Après ces considérations prélimi-
naires, M. Tissot étudie en détail la côte maurétanienne et s'attache à établir
l'identification des localités mentionnées par ces trois auteurs. La partie lue à
cette séance traite : de la rivière Mlouïa, désignée par les anciens, comme deux
cours d'eau distincts, sous les noms de Malva et Mulucha ou Mo^oy^aO; des îles
Zafarines, indiquées dans l'itinéraire d'Antonin parcetie simple mention, ad très
insulas; et du promontoire de Rusaddir. :^b Jnoi^a iul iup 83§£ivîic z^i z\
M. Perrot continue la lecture du mémoire de M. Robiou sur le règne -de
Phraorte et les faits rapportés dans le livre de Judith. "^ hî vr- *
Ouvrage offert à l'académie (présenté par M. Egger) : Mémoires de la société de linguis-
tique de Paris, t. 2, dernier fascicule; Paris, 8«. ^
î'^ ''" ^ Julien HÀVÉti' •' '
1. M. Desjardins fait remarquer que la véritable orthographe est en effet e, et non i,
à la seconde syllabe de ce nom.
2. M. Desjardins avait annoncé ce travail et en avait signalé l'importance à la séance,
du 7 mai dernier (Rev. crit., 1875, I, p. 318).
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Notent- le-Rotrqu.
in der asiatischen Tûrkei. Leipzig, Hinrichs'sthe B. In-8", vj-553 p. (Kirch-
hoff). ■ — H. Kern, Grundriss der Paedagogik. Berlin, Weidmann'sche B.
In-8", viij-295 p. (Kirchhoff), — Bohmer, Regesta imperii. VIII. Die Regesten
des Kaiserreichs unter Kaiser Karl IV. 1 346-1 378. Herausg. v. Huber. Lief.
I. Innsbruck, Vv^agner'sche Univers. -B. In-4°, p. 1-160 (Winkelmann). Von
LoHER, Geschichte des Kampfesum Paderborn 1 597 bis 1604. Berlin, Hofinann.
ln-8% xvj-372 p. (H. Ulmann). — Levy, Neuhebraeisches und chaldaeisches
Wœrterbuch ùber die Talmudim und Midraschim. Nebst Beitr. v. Fleischer.
Lief. I. Leipzig, Brockhaus, ln-4% p. i-i 12 (G. Siegfried). — Records of the
Past : being English translations of the Assyrian and Egyptian monuments. Vpf.
III. Assyrian texts. London, Bagster and Sons. In-S'*, ij-162 p. (SchraderY
— Emst CuRTius, Johannes Brandis. Berlin, Reimer. In-8°, 24 p. (Schrader;.
— Apici Caeli de re coquinaria libri decem. Novem codicum ope adiutus auxij,
restituit ... Schuch. Ed. sec. Heidelbergae, Winter. In-8°, 202 p. (Gustav
Becker). — Distichorum proverbialium sententiarum elegantissimus Jibei^ ^aiiû-
tore Glandorpio, etc. éd. Suringar (cf. Rev. crit., 1874, ^^ P- ^90'^^' '
Anzeiger fur Kunde der deutscîien Vorzeit, N° 6, juin 1875. Buntgla-
sierte Thonwaaren des 1 5. -18. Jahrh. im germ. Muséum. XIII. (A. Essenwein).
• — Der Zehent der Pfarrei Orlamùnde (Lommer). — Ein deutscher Herbarius
(W. Wattenbach). — Kalendergedichte des Walahfrid Strabo (E. Dùmmler).
— Sùhne fur einen Todtschlag im Jahre 1406 (Dr. Baur). — Missgeburten
(Dr. Baur), — Die Prioren des ehemaligen Augustinerklosters in Nûrnberg
(Lochner : fin). — Israelitische Grabsteine in Nûrnberg (Dr. Frommann). —
Aus einer Wolfenbùttler Handschrift (0. v. Heinemann). — Nachtraeglichè
Bemerkungen zu Nr. 12 des Anzeigers v. J. 1874, Sp. 373 (Fr. Latendorf)!
r— Beilage zum N^ 6. Chronik d. germ. Muséums. — Schriften der Akademieôn
und historischen Vereine. — Nachrichten. . . , j2
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de ses amours, stances et odes. Publiées
pour la première fois, d'après un manu-
scrit de l'auteur ayant appartenu à
M- de Maintenon ; avec une notice pré-
-liminaire par M. G. Read. In-16, xxx-
149 p. Paris (Lib. dfes Bibliophiles). 8 f.
BarraL Les États généraux de 1576 et
noble (imp. Baratier frères et Dardelet)
Bavelier (A.). Essai historique sur le
droit d'élection et sur les anciennes as-
semblées représentatives de la France.
In-8°, viij-437 p. Paris X^'i^'ï"'" 1^'^°^
frères, fils et G"). .4 ^-.u,,,.;^. .-5
Beitrsege zur Geschichte der deutschen
Spracheund Literatur. Hrsg. v. H. Paul
u. W. Braune. 2. Bd. i Hft. In-8°,
176 S. Halle (Lippert). 5 fr.
Benoit (A.). Enseignes et insignes. Mé-
dailles et décorations se rattachant à la
Lorraine (suite). "Tn^TlT p. NaffCy
(Grosjean-MaupinP'''q'^^
Bruel (A.). Les chapitres généraux de
Tordre de Cluny, depuis le XIII^ jusqu'au
XVIII' siècle, avec la liste des actes des
chapitres qui se sont conservés jusqu'à
nous. In-8', 40 p. Nogent-le-Rotrou
(imp. Gouverneur).
Closmadeuc (G. de). Les Celtae ou haches
en pierre des Dolmens armoricains. In-8°,
51 p. Vannes (imp. Galles).
Cocheris (H.). Dictionnaire des anciens
noms des communes du département de
Seine-et-Oise, précédé d'une notice sur
l'origine des noms de lieux de l'arrondis-
sement de Corbeil. In-8", j6 p. et une
carte. Versailles (imp. Cerf et fils).
Exercices pratiques de philologie com-
parée. Le premier livre des fables de La
Fontaine (texte de 1668) accompagné
d'une version latine interlinéaire calquée
sur le texte français établissant la généa-
logie des mots français et les différentes
phases de leur transformation, précédé
de la théorie des lois qui régissent la
formation de la langue française. In-8',
80 p. (Lib. de l'Écho de la Sorbonne).
Coët (E.). Tillolo)^, ses seigneurs, son
château, son église. In-8°, ^9 p. Saint-
Quentin (Lib. du Vermandois).
Cohendy (M.). Céramique arverne et
faïence de Clermont. Atlas de planches
par M. Tamizier. I,n-8*, 48 p. Clermqnt-
Ferrand (lib. Thibaud). "
Desmaze (C). L'Abbaye de Saint-Quen-
tin en risle (de Tordre de Saint-Benoît)
fondée à Saint-(^entin en Vermandois.
Étude historique. In-8', 44 p. Saint-
(^enlin (imp. Poette).
Durand de Laur (H.). Mouvement de
la pensée philosophique à Rome, depuis
Cicéron jusqu'à Tacite. In-8°, 79 p.
Versailles (imp. Aubert).
Dutilleux (A.). Topographie ecclésias-
tique du département de Seine-et-Oise,
accompagnée d'une carte du diocèse de
Versailles indiquant les divisions ecclé-
siastiques anciennes. In-S", 99 p. Ver-
sailles (Cerf et fils).
Étude diplomatique sur la guerre de
Crimée (18^2-18^6) par un ancien diplo-
mate. 2 vol. in-8', vij-967 p. Paris
(Tanera).
- — archéologique sur le manuscrit bilingue
de Montpellier désigné sous le nom d'An-
tiphonaire de Saint Grégoire, par un
supérieur de séminaire, L. G. C. In-8',
48 p. Paris (Lecoffre fils et C*).
Fétis (F.-J.). Histoire générale de la mu-
sique depuis les temps les plus anciens
jusqu'à nos jours. T. 4. In-8", 559 p.
Paris Firmin Didot frères, fils et C«).
12 fr.
Galeni (C). Libellum qui inscribitur ITepl
TTjç Ta^ctoç TÔiv lôiojv PipXtœv,rec.etexpla-
navit J. Mueller. In-4°, 27 p. Erlangen
(Deichert). i fr. 2J
Galles (L.). Comment les dolmens pour-
raient bien avoir été construits par les
Gaulois. In-80, 7 p. Vannes (imp. Galles).
Gerhohi Reichersbergensis praepositi
opéra hactenus inedita. Curavit F. Schei-
belberger. T. i. Libri III de investiga-
tione antichristi unacum tractatu adver-
sus Graecos. Pars I. In-8", vj-224 p.
Linz (Quirein). 9 fr. 75
Geitler (L.). Litauische Studien, Ausvi^ahl
aus den aeltesten Denkmaelern, dialect.
Beispiele, lexical, u. sprachwissenschafti.
Beitraege. Gr. in-8°, iv-125 S. Prag
(Mourek). 9 fr. 75
Graecus Venutus. Pentateuchi, Pro-
verbiorum, Ruth, Cantici, Ecclesiastae,
Threnorum, Danielis versio graeca. Ex
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nunc primum uno volumine comprehensam
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est Delitzsch. Cum imagine duplicis scrip-
turae codicis lithogr. In-8*, lxx-592 p.
Leipzig (Brockhaus). 20 fr.
Hûbschmann (H.). Zur Casuslehre. In-
8% viij-338 S. Mùnchen (Ackermann).
9fr. 25
Indes. Les monuments préhistoriques des
environs de Dreux. Deuxième lettre à
M. d'Alvimare de Feuquières. In-12,
p. 25-46. Chartres (imp. Durand frères).
Jaffé (P.) et Wattenbach (G.). Eccle-
siae metropolitanae Coloniensis codices
manuscripti descripti. In-4*, x-i66 p.
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1\/T t^ IV/T r^ î O HT c ^^^^ Société de linguistique.^. H. 5^ fasci-
cule (complément du volume). 4 fr.
(J^IHÉWODIQUHS
TJtie Ap^d,emy,.çi°^J,6i3L, Jiew seçks^io juUkstj A Ghronicle-of England during
the Heîgnâof Itfe Xbdbrs^ ffom A. n)>-^48$ fo+5 $9. By Charles*WRiOTHESLEY,
Windsor Herald. Ed. by William Douglas Hamilton. Vol. I.,^Camden Society
(Nichotàs PocoCk : importante' publication; l'auteur de la chronique, inconnu
jusqu'à présent, était contemporain des faits qu'il relate). — Westminster Drol-
leries, both Parts, of 1671, 1672; being a Choice Collection' of Songs and
Poems, sung at Court and Théâtres, with Additions made by « a Person of
» Quality. » Ed., etc. by J. Woodfall Ebsworth. Boston, Roberts (R. G.
Browne : contient de curieux morceaux).— Baring-Gould, The Lost and
Hostile Gospels. London, William and Norgates (W. Sanday : intéressant, mais
plein d'erreurs de détail). — Miklosich, Ueber die Mundarten und die Wande-
rungen der Zigeuner Europa's. Part IV. Wien, Gerold's S. (W. R. S. Ralston:
ce fascicule contient des chants et des contes tsiganes, qui paraissent empruntés
aux Slaves). -^ Elliot, The Hiàtory of India as told by its bWh ' Historians :
The Muhammadan Period. Ed. and continuéd by J. Dôwson. Vol. VI. London,
Trùbner (F. J. Goldsmid : analyse des historiens des règnes d'Akbar et de
Djehângîr). — Current Historical Literature (notes de FÉditeuit'sur ['Histoire
de Rome de M. Creï^\\ton,,V H istoine de l'empire romain depuis Théodose jusqu'à
'Chaflemàgnej par M". Curteis, le vol. V du Poïychronicon Ranulphi Higden, publié
^'ar le Rév. Rawson Lumby, l'Ancien Monde de M. Barton, Le Parlement et
l^ Église d'Angleterre, de M. Montagu Burrov/s). — Notes and News. — ï^otes
of Travel. — Letter from Athens (H. T. Scott : fait connaître les résultats des
fouilles de la Société archéologique d'Athènes). — Corrcspondence. Etymoiogy
of the names Baigorry and Bayonne (L.-L. Bonaparte). — « Jefwellig »
(William L. R. Gates).— The Royal Irish Academy and Dr. Whitley Stokes
(^Robert Atkinson), ^ — « Historié and Monuhiental Rome « (C. I. Hemans). —
Gharlton: Bastian, Evolution aUd Grigin of Life. London, Maemillàn and Go.
(^. BurdonSanderson : z''- art.), — • Burnelu, Eléments.. of>. South Indian
Palaeography. Mangalore (R. G. Childers : on peut dire que M. Burnell.est le
fondateur de la paléographie du Dekhar^^^^j^.j ^^^^.^ .^ ^.^^^^^ .^p / ,^
The Athense uni, n° 2489, 10 juillet. The Temple atJetUsalehî (Jas:fFBf&-
gusson). — sir John Reresby (James J. Cartwright : réponse à une critique
àeVAthen£um). — Literary Gossip. — Geographical Notes. — Sùcieties (Institut
archéologique. Soc. de paléographie). '"'*' "''
J..,, .,-,.,■:■■ ■ '''Si c "-u-^ jq i<^ •;
' Literarisches Çentralblatt, n° zc), 17 juillet. Kayser^^ DaSr.vorexilische
Ëuch'der Urgeschichte Israels. Strassburg, Schmidti In-8'°, vj-198 'p. (l'auteur
place la rédaction des parties historiques du Pentateuqûe après' le retour de
Babylone).. — Brôcker, Untersuchungen ùber die Evangelien und das Leben
Jesu. Hamburg, Grùning. In-8°, iv-202 p. Cdiscussions chronologiques, princi-
palement). — r Wiedemeister, Der Caesarenwahnsjnn der . Jiilisch-Glaudischen
Imperatorenfamilie. Hannover, Rùmpler. In-8'\ xij-joé p, (l'auteur voit des
maniaques dans Tibère, Calîgula, Claude et Néron; ces empereurs seraient des
victimes du mariage entre consanguins). — Archiv fur die schweizerische Refor-
mations-Geschichte. 2. Bd. Freiburg i. Br., Herdef. ^ri-^8'', xij-557 p. — G,
MoNOD, Jules Michelet (art. favorable; cf. Rev. crit., iSjy, I, p. 107). — Zur-
BORG, De Xenophontis libello q.ui Ilof 01 inscribitur. Berlin, Weber.,In-8% 46 p.
-^ Kôrén, Qusesîiones Symmachianae. Wien , Gerold's S. In-8°, 46 p. —
WORDSWORTH, Fragments and Spécimens ofearly Latin '(la Revl crit. publiera
prochainement un article sur cet ouvrage). — Hodgson, Essays on the lan-
guages, etc. of Népal and Tibet (cf. Rev. çriî., 187$, I, p. .177,)'
<i<P«iikër, iL5^èp^ttiiîfzél^^^,iW* '2^^, r'j'ftaWPTHOMÀsiu^,' bie'christliche Dog-
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 31 — 31 Juillet — 1875
Sommaire: iji. Leland, Découverte de l'Amérique par les Buddhistes. — 152.
Walter, La doctrine de la raison pratique dans la philosophie grecoue, — 1J3.
CoBET, Variantes, 2» éd. — 1 54. Fragments en vieil allemand du traite d'Isidore de
Séville De fide catholica contra Jadceos, p. p. Weinhold. — ijj. De Rochambeau,
Prieuré de Courtozé et ses peintures murales. — 1 56. Boucher, William Cowper.
— Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
151. — Fusang, or the Discovery of America by chinese buddhist priests in the fifth
century, by C. G. Lexand. London, Trùbner. 187J. In- 12, xjx eti:^j2 p. — Prix :
Les Chinois ont-ils découvert l'Amérique mille ans avant Christophe Colomb.?
Ont-ils donné le nom de la plante fusang soit à la Californie , soit au Mexique ?
Ont-ils transporté dans ces contrées lointaines une partie de leur civilisation, et
peut-on y retrouver des traces du Buddhisme.? M. Leland le croit fermement,
mais il reconnaît lui-même que cela n'a pas encore été prouvé. Ce n'est pas pour
fournir cette démonstration qu'il a pris la plume, ce n'est même pas pour con-
vaincre ses lecteurs. Sans quoi il n'eût pas négligé d'invoquer Pautorité de
Lassen, qui a consacré plusieurs pages du quatrième volume de son Indische
Alterthumskunde à' énumérer les diverses circonstances qui rendent probable à ses
yeux une influence chinoise et buddhique sur les prédécesseurs des Aztèques au
Mexique.
M. L., qui connaît si bien la littérature allemande, et qui s'intéresse presque
autant à l'Inde qu'à l'Amérique, n'a sans doute pas voulu se servir de ce témoi-
gnage, parce qu'il ne représente qu'une opinion personnelle et n'a pas de valeur
démonstrative. Son but en rédigeant ce volume a été surtout de mettre entre les
mains du public éclairé et curieux les principaux documents à l'aide desquels on
peut commencer à se former une opinion. Il indique bien quelques arguments
nouveaux, mais sans se faire illusion sur leur valeur, et il compte beaucoup sur
l'avenir pour amener les preuves qui font encore défaut; il recommande aux
chercheurs les statuettes du Buddha, qu'on ne saurait manquer de découvrir en
Amérique, si effectivement le Buddhisme y a été jadis florissant. En attendant,
il nous offre, sous un format et dans un style également élégants, un résumé de
tout ce qui a été dit sur cette obscure et attrayante question , depuis Deguignes
jusqu'aux récents articles qui ont paru dans les Notes and Queries on China and
Japan, et dans le Times de Londres.
Il commence par réimprimer la traduction déjà publiée par lui du Mémoire de
Neumann contenant la relation de Hoei-shin, pèlerin buddhiste du v^ siècle,
auquel on doit la première mention et la description du pays de Fusang. L'au-
thenticité de cette relation ne saurait, croyons-nous, être attaquée ou défendue
que par des sinologues. Tout ce que peut dire un profane sur ce sujet, c'est que
XVI 5
()<^ REVUE CRITIQUE
les récits les plus véridiques des pèlerins chinois renferment des faits évidemment
fabuleux, dont ils affirment avoir été témoins; circonstance certainement difficile
à expliquer, mais qui, loin d'exclure la bonne foi des narrateurs, a quelquefois
servi à la confirmer. A défaut du contrôle extérieur que fourniraient des docu-
ments empruntés à une autre source, il n'est rien de tel que l'habitude des textes,
la connaissance de la littérature et de l'histoire en général, et des circonstances
particulières dans lesquelles a vécu et écrit un auteur oriental , pour juger si sa
narration est ou n'est pas digne de foi. Les objections de M. Bretschneider
reproduites également in extenso par M. Leland, ne peuvent être considérées
comme une réfutation du travail de Neumann, dont ce sinologue, résidant en
Chine, ne connaissait que le titre. Quant à la double discussion posthume de
Klaproth contre Deguignes et de M. G. d'Eichthal contre Klaproth, elle est
simplement résumée par M. Leland, qui engage vivement ses lecteurs à se
reporter à la Revue archéologique de 1 864, oi^ a paru le mémoire de M. G. d'Eich-
thal. M. L. publie *en outre une lettre fort compétente du colonel américain
Barclay Kennon sur la possibihté de la traversée de Chine en Amérique même
sur de très-petits vaisseaux. Enfin l'ouvrage se termine par un index détaillé.
''Eii'sortimé, grâce à la circonspection de l'auteur, qualité rare et méritoire
chez un homme convaincu, son ouvrage ne peut qu'être utile à la fois à ceux qui
connaissaient déjà cette thèse ingénieuse, et à ceux qui désirent la connaître. Il
pourra engager quelques ^mg'nc^/zwf^^ à diriger spécialement leurs recherches
de ce côté. Pour aspirer à résoudre définitivement le problème il est nécessaire
et suffisant de joindre à la connaissance des antiquités américaines une étude
sérieuse du buddhisme chinois. Quand même Hoei-shin serait convaincu de
mensonge, quand même les diverses identifications proposées entre la plante
nommée par les Œmoisfusang et telle ou telle plante américaine seraient reconnues
inadmissibles, si l'on venait à trouver au Mexique ou ailleurs des monuments
]5résentant les caractères irrécusables d'une dérivation buddhique, il faudrait bien
se rendre à l'évidence. Resterait alors à éclaircir un point important de chrono-
logie; car on n'admettra pas sans de très-bonnes raisons que l'Amérique ait été
convertie au buddhisme avant le Japon. '^ '
' Notons, en terminant, que l'apparition du livre de Mï'^rf'éo'incide avec le
Congrès international des américanistes, qui doit avoir lieu en ce moment à
Nancy, et qui a mis en tête de son programme la question suivante : Rapports
de l^Europe, de l'Afrique, de l'Asie et de VOcéanie avec V Amérique avant Christophe
'àolomb. Mais y aurait-il des sinologues au Congrès des américanistes ?
na ;,9î^i8d U2 ; 9Jo î^ii A sibfi.ei c, rnoo ^b piip/g&m, aii^a . î^j è 3;:^ t§||ij ,|ii) <
152. — Die Leiire von der praktîschen Vêrnunft în der grîechischen
Philosophie, par le D' Julius Walter, Privatdocent der Philosophie an der Uni-
Sfi v^rsit^t^lew. Jena, Mauke's Verlag.., 1,^74^ »;>Y<^nk<§i»j>>i^^ i^niÊniS^^Ôc/^ ^fn^J-
^'^•'Quël rapport existe-t-il entre la théorie et la" pratique, entre la sdence et la
iSiorale.? Celle-ci n'est-elle que l'application de celle-là, ou bien le monde de
l'action' •à-t'^il se^ principes et ses lois propres, parallèles, et non subordonnés,
d'histoibe et de littérature. 67
aux principes et aux lois du monde des essences ? La philosophie de Kant enseigne
la seconde; de ces deux solutions; elle voit, dans l'impératif catégorique, la
Ubertéji.pi^M et l'immortalité, des concepts irréductibles à^ jce,u}Ç-.,qui régissent
la spéculation ; et admet, sous le nom de raison pratique, une source de fp(q^
naissance radicalement distincte de la raison spéculative proprement dite, f ..-rf
h5'if>tl fe. nom de raison pratique, voDç -Tupay.Tv/.^ç, se trouve déjà dans Aristote.
C'est d'ailleurs Aristote qui a le premier distingué nettement la pratique de la
théorie. Dès lors ne serait-ce pas chez Aristote lui-même qu'il faudrait rechercher
l'origine de celte théorie, rapportée d'ordinaire à Kant comme à son auteur?
Quelques critiques modernes, parmi lesquels Trendelenburg et Heinze, ont pror
fessé cette opinion, et ont ainsi jeté un pont entre le iv*-' siècle avant Jésus-Christ
et le xviii'' après la fondation du christianisme. Cette assimilation du point de
vue aristotélique au point de vue kantien est-elle exacte; ou bien plutôt l'identité
àes termes ne recouvre-t-elle pas une différence radicale de point de vue et de
doctrine? Telle est la question extrêmement importante que traite M-.Julius
•Walter dans le livre dont il s'agit. ,,; ■: <^
Ce livre se divise en trois chapitres d'étendue très-inégale. . ,,
Le premier (p. 1-85) est une exposition historique et critique des différentes
j):hases pa.r^ Je^quçjlçs, ^^ pa$5é l'interprétation de la théorie aristotélique du vov^
Le second (p. 85-555), qui forme le corps de l'ouvrage, après avoir fait
<:onnaîtrç Içs .antécédents historiques de la théorie aristotélique, approfondit^,^
i'îside d$istçxt«is,t9usiles détails de cette théorie. ,3
. Le troisième (p. 5 55-573) expose les principales solutions données, après
:^r.ist,ote, auproblèmç des rapports de la spéculation et de la pratique.
?DiJ^?rfffamrArist<)te,lai-j:RêrTîe).il£Pj'x, î^î p<^%;m» passage contenant les mots vp^ç
flTpavvTixQç qui ne se puisse appliquer également à la çpcvr^ji; (p. 6). Or la çpsvr^aiç
fl'estnullenient une source spéciale de connaissance. Elle est simplement, dit
.^rj^tpte (3\hMk}^h.M)yM^^:^\'*^k^m ^^^?- >^^T9«5P^.^^'^ï3.'^^'^^^^
«Y-aGà xai xa>t». Les témoignages anciens, comme ceux d'Andronicvis,(j^ f^p4fi?
et d'Alexandre, ne distinguent pas le vojç 7:pay,Tix6c; de la '^pGVY^aiç. ,, , .I...">>
;ii C'est aH,moy,en-âge, avec Albert le Grand, que l'on voit apparaître une fausse
interprétation du vou; 7up7-y.Tty.6ç,aristotéhque, lequel commence à être distingué
/de la (ppcvYjŒiç et rapproché du voDç 0£ojpr^Tiy,cç : d'après cette interprétation, le
■voOç a deux objets : le général et l'individuel, les essences et les fins : il a, par
suite, deux usages parallèles : le gouvernement de la science et le gouvernement
de la pratique. S. Thomas subit, dans cette question, comme dans les autres,
l'ascendant de son maître ; et cette manière de comprendre Aristote subsiste, en
somme, jusqu'aux temps modernes. Aujourd'hui, Ritter, Trendelenburg, Bran^ijs
exposent encore dans ce sens l'Ethique aristotélique.
H. Pour connaître exactement la pensée d'Aristote sur cette matière, il ne
suffit pas de rassembler des textes : il faut encore considérer les antécédents
(historiques de la doctrine, les caractères généraux de l'esprit grec, qui se réflé-
chit si fidèlement dans les couvres ^'AfÇi&to^ei.jBijgni^t-sur^OjULt^ Jf ensemble du
système de ce philosophe.
68 REVUE CRITIQUE
Xénophane et Parménide ont entièrement retranché la pratique, fondée selon
eux sur l'illusion, de la philosophie proprement dite, tournée exclusivement vers
être (^p. ici;. ,n(;^4\Y g! jryf ^uQq ^ut. oYiioi .°>rjfi^?Yzpoz .
Heraclite ne voit dans la loi morale qu'urf cas particuher vie la loi cosmique
universelle, ou Xo-foç, laquelle consiste dans la sép^aration ^t la réunion des
contraires. Bien vivre, c'est vivre y.aTà tcv X6-(o^ ](^\o6^ iel%6^ç^^jéiLmt
opposé, comme un contraire, à Viola (^pôrriaiq (p. 1 1 1). ^ . .^
Anaxagore attribue la transcendance au premier principe, .qu'il appelle vouç ;
mais il continue à n'en considérer que le côté objectif r(oràÈe,,4e l!univers)
(p. II o). ,^. ; ' '^ '"''';/ ■ ; ^
Socrate, le premier, en considère le côté subjectif et i^j^arjl^^'.fqT^d^^ Téléo-
logie. Mais l'individuel n'est pour lui qu'un point de départ pour marcher à la
connaissance du général; et, réciproquement, le général est, non-seulement
norme, mais causCj par rapport à l'individuel. La vertu est le résultat de la
science, ou même ne fait qu'un avec elle (p. 1 1 2\ '•' ' 7 •'"
^';2plnnirïr
Platon distingue radicalement le général du particulier. Le général réside dans
les Idées, lesquelles sont des réalités transcendantes. Le particulier est la matière
sensible. Entre ces deux mondes existe un rapport de participation (jj^éOs^tç).
C'est seulement en vertu de leur participation aux Idées que les choses sensibles
sont connaissables. La téléologie socratique est ici remplacée, en morale, par le
rapport esthétique de la copie au modèle (p. 117 sq.). L'individuel n'a de
valeur qu'en tant qu'il réfléchit le général , qu'il est ordonné conformément
(/.aTà)-au général. Platon s'est, il est vrai, souvent servi du mot [xzm au lieu
du mot xaxà, modification qui, prise à la lettre, implique l'intervention de l'élé-
ment individuel comme facteur actif; il a dit dans le Politique (294, 299), qyé
le règne exclusif de la. loi aurait pour effet d'anéantir les arts parce qu'il abolirait
toute <iiversité et par suite tout travail individuel ; mais il n'a pas poursuivi les
conséquences de cette idée, dans laquelle il ng ^.Qy^it g u'unejobjection, possible
contre son système (p. 139). ^ ^^ ni^tq^oaoa atL^'Ç^^iPhA sé^^ î^' ;
Aristote, au contraire, attache tant d'importance à cei considéî;^wns^^fl.u'il
en fait le point de départ même de ses déductions morales. .....:... '•.^r
,i^p,^ toutes les différences qui existent entre les choses, la plus importante,
selon lui, est celle qui distingue le nécessaire du contingent {iv'bex^\xe^o^ àXXw;)
(p. 242). Le nécessaire seul est objet de science; le contingent est objet d'art
(Téx,vYî). Le nécessaire est connu par le vojç ôsiop-^îTr/iç, le contingent par le
vojç Tcpay.Tiy.oc;. Or la distinction du vouç Tpay.-r/.cc; et du vojç Occapr^iac; n'a pas
sa raison dans l'essence même du vouç, lequel, à ce compte , renfermerait deux ordres
de principes. Elle tient uniquement à cette circonstance que le vojç s'exerce ,
tantôt seul, tantôt de concert avec les facultés inférieures. Le vou; 7:pay,Ti%6ç.pu
çpdvr^Œiç est le vouç combiné avec la volonté ou faculté de réaliser une idée. .
Il n'y a qu'une faculté de savoir; et cette faculté est le vojç ôitopYj-ciT-cç, Tout
ce qui n'est pas l'objet immédiat de cette faculté s'en distingue, non comme un
ordre de vérités peut différer 4*un autre ordre de vérités, mais comme un
mélange de théorie et d'application diffère de la théorie pure.
On ne doit donc pas prendre trop à la lettre les passages où Aristote parle
d'histoire et de littérature. 69
d'une philosophie , d'une scièficje tour à'iôur ^iopTQTixifj , ^paxii/.'/) , TroiY^xar^.
D'abord' il n'a pas réalisé cëtté'(îiVisi&n dànsl'e^'p'oifttciii de s^a philosophie. Ensuite
l'ensemble de son système prouve que, pour lui, la théorie seule est science
■j.; ')\j 'IÙÛU'jC'U. 2t3llij jp 3iÊlOfn lOi J^i 'àil,.
proprement di^e. .^ • t .- i?
Vm n'est po\ir ÀMo\èquéTi0^^^ monde des faits
diffère de celui de la pensée pure non par l'hétérogénéité de ses principes, mais
seulement par l'intervention du hasard, de l'indétermination, du non-être au sein
des principes de la raison théorétique. C'est Kant, c'est l'esprit moderne qui,
fondant l'individualité sur la liberté, faisant de celle-ci, considérée précisément
comme puissance, un principe d'une dignité infinie, et en déterminant l'idée par
le concept de l'obligation morale, émancipera là vie pratique .et S'efforcera de
l'élever même au-dessus de la vie spéculative. ^ ; ■ u
Les recherches de M. Julius Walter montrent d'ailleurs que l'opposition que
l'on établit souvent entre le vcj; r.o'.r-.rAcq et le vcjç TaOr^T-.y.cç est peu conforme
à la terminologie d'Aristote lui-même (p. 280). Ce n'est pas l'expression
7:oiY]Ti7,6;,' c'est l'expression ty^ cùa(a wv èvspYsia qui dans le passage en question
(de. an. Ill, $,3) est opposée à TraO-rjxr/.cç -Le mot Toir^Taéç, joint au mot
ar-èfoç qui en détermine le sens, désigne ici une propriété, non l'essence, du vou?
éternel, dont le vrai nom est voue 6£o)p-r]Tr/.oç. Partout ailleurs, Aristote" réserve
l'expression Trcir^Tr/iç pour caractériser l'activité productrice (liyyr^ , laquelle se
rattache Vl'kctivité pratique (vqjç r.pT/'VAéq). L'altération du sens de 'juét^feîêç
'sîîènl d'Alexandre d'Aphrodisias (p. 282).
' En somme la pensée de l'auteur, c'est que le rapport de la théorie et de la
pratiq,iii^,*fé^ifù5îf1à été conçu par Aristote, qui en cela fut l'interprète ^du génie
grec; éslprfcisémértt celui qui est assigné dans le passage suivant de l'Ethique
(Eth.' Nie. VI, 13, 8) : « IvArr^q [vr,q ccçiaç) oOv Ivëy.a ir^rA-czzi (f/ çpfvr^^iç),
» iTCiTaTTsi TTôpi ::avTa là Iv ty] TcéXei. » '
III. Après Aristote, cette conception de la çpcvYjciiç ou raison pratique est
'successiveniènt modifiée par l'Académie, les Péripatéticîens, le Portique, les
Epicuriens, l'éclectisme stolco-péripatéticien, Alexandre et Jamblique.
L'a difficulté qu'avait créée la philosophie d'Aristote était cette sorte d'harmonie
prëétalDlie'qu'elle supposait entre la vér^a',; et Vffioq, en plaçant le critérium dû
bîerï tour à tour dans le \6-(oq et dans la nature non viciée. Aristote faisait à la
finalitë, à l'individu, une plaèe â côté de la loi, de l'absolu. Mais en même temps
il ne justifiait que les fins conformes à la loi. Or quelle assurance avons-nous
que les tendances individuelles sont, par elles-mêmes, conformes à la loi?
Les Stoïciens virent la difficulté et identifièrent V^fioq et le X^yoç, confondant
ainsi tout ce qù'Aristote avait distingué. Le propre de leur système, et le point
par oh il fait un pas vers les doctrines modernes, c'est précisément ce panthéisme
en vertu duquel' l'individuel est mis au même rang que le général, la pratique au
même rang que la théorie. ' ■^''/ /'" '
La dissociation de ces deux éléments, ayant '^Jâr coiïséquence "^d'ériger la
pratique elle-même en science spéciale, se suffisant à elle-mêniëV'sCTâ 'l'œuvre
de l'âge chrétien.
^à REVUE "CRITÎQU E
Tel est le sujet du livre de M. Julius Walter. On y trouvera des discussions
approfondies, ^indication et l'interprétation de beaucoup de textes remarquables,
rexamen de plusieurs questions capitales au point de vue historique et au
j)oîntWvue dogmatique. Si l'exposition est parfois confuse et le style pénible,
'ce défaiit tient sans doute à la diffrculté du sujet.
" ^'' ■'' ^ ' Ém. BouTROUx.
153. — Variae lectiones quibus continentur observationes criticae in scriptores
graecos. Scripsit C. G. Cobet. Editio secunda auctior. Lugduni-Batavorum. Brill.
1875. In.8«, XXXV et 681 p. — Prix : 18 fr. -f>
Cette publication de M. Cobet comprend deux parties : la première est une
réimpression sans aucun changement' des Variae lectiones publiées en 1874, et
occupe les 400 premières pages; la seconde, sous le titre de Epimetrum, offre un
grand nombre de corrections aux textes d'Hérodote, Thucydide, Démosthène
de falsa legationej Eschine dans les trois discours^ Ispcrate, Plato de republica,
rrEuripide, et même Cicéron panïculïèvemçntàans^lèd^divinatione. Dans ]^s
Variae lectiones M. C. s'était surtout proposé de montrer combien la langue
grecque avait dégénéré de la pureté atîique dans les écrivains appelés atticistes,
comme Lucien et Alciphron, et en général dans les temps de la décadence; dans
. V Epimetrum il a cherché à établir dans quelles conditions les manuscrits nous ont
transmis les œuvres de l'antiquité : il a voulu montrer par des exemples multi-
pliés qu'il n^est pas de manuscrit, si ancien et si çprÇi^V <lu.1l,S9i^, c^ui^çe |Qp|--
mille d'altérations de toute espèce. .,.'.. ^
L'espèce d'altération que M. C. poursuit principalement est celle qui consiste
dans l'intrusion de mots, de groupes de mots ou de phrases qui n'ap parti ennept
point à l'auteur lui-même. « Fallere haec )> dit M. C. (p. 655) « aliquem inter
» legendum possunt, et scriptae lectionis auctoritas potissimum in libro typis
» edito et ab editoribus correcto caliginem menti ofîundit. Nil suspicamur mallet
» sic stomacho tam duro plerique sumus ut lapides et saxa concoquamus. Sed
» qui codicibus legendis assuetus per medios errores mendaque omne genus et
» per absurda emblemata incedere se. videt et suspicatur semper fraudis aliquid
» et cautus et semper hoc agens deprehendit et praesertim admonitus statim
» verum videbit et agnoscet.» M. C, dans cette chasse aux interpolations, n'est
pas seulement servi par sa grande expérience des manuscrits; il a un flair pro-
digieusement délicat de la langue grecque de l'époque Attique, qui lui fait suppo-
ser un changement de langue là où le vulgaire ne sent rien ou ne sent pas grand
chose même après avoir été averti. ^ .. .. • ,-..
Il y a deux espèces très-distinctes d'interpolations fréquentes dans les textes
I . C'est une inadvertance que de signaler (p. 1 84) les vers de 1 2 syllabes qui forment la fable
Esopique i 22 comme n'étant fondés que sur le nombre des syllabes. Je ne crois pas qu'on
ait un exemple d'une semblable versification. Ces vers ont tous l'accent sur la pénurtièm'e,
et par conséquent il faut corriger le vers de 13 syllabes ôanç èueJ.Ôwv el-ç ëva tûv (i,\jps-
^louvrcov. en substituant non pas (xups^^tôv à (Jt-upeil^oùvxwv, mais è)>6wv à èTteXôtov. Il y a une
grosse faute d'impression p. 390, 1. 1 « rant. Idem error etc. » et 280, 1. 12 (du bas)
« quam arte valeret. »
d'histoire et de littérature. 71
d'auteurs qui étaient très-lus. Les unes sont des explications marginales ou inter-
linéaires que le copiste a prises pour le supplément de mots omis; les autres sont
un délayage du texte de l'auteur.
En ce qui touche la prem.ière espèce d'interpolations, on ne peut s'empêcher
d'accorder à M. C. qu'Eschine n'a pas dû répéter à satiété (de fais. kg. § 28,
32, 33) qu'Amyntas était père de Philippe ni dire ô ^CkiizTzo^i zaTYjp au § 33
où il adresse la parole à Philippe à la seconde personne. Il me semble avoir
également raison quand il supprime dans Thucydide I, 6 xepi Ta atooTa, I, 126
iv toT; êwtJLoTç, dans Eschine contra Timarchum S$ uit^ToO -SYjj/iôtî, ^ y:cà èçtcà
Xezxà et èx^épouciav. Il a signalé (p. 510) une curieuse altération de cette espèce
dans Démosthène de fais. kg. 402, 1 3. Après avoir raconté comment l'acteur
Satyrus avait demandé et obtenu de Philippe dans le festin par lequel le roi célé-
brait une grande fête, la liberté de captives olynthiennes, Démosthène passe à la
conduite tenue par Eschine et ses amis à l'égard d'une captive olynthienne dans
un repas : içeTaffw [xev cy; irpbç to tou Saxapou toîjto cup.TOatov eispov c^^JKàziO')
TouTo)v £v May.eâovia Y£véiJ(.£vov. M. C. fait remarquer avec raison que sTspov
(ju[jx6ff'.ov était une sorte d'annonce placée, comme nous dirions aujourd'hui, en
manchette, et qui a été intercalée dans le texte. Les mots toOto to toO liaiypou
signifient ce trait de Satyrus; ce repas de Satyrus ne pourrait- -signifier- que- kfCpàs
donné par Satyrus. '--^^ ^^ noÎDU J ârnmo^
Il est constant que le texte des orateurs est plus concis dans certains manus-
crits, et plus développé, ou pour parler plus exactement, plus délayé dans d'autres.
Ainsi au § 3 3 du discours contre Timarque, le manuscrit Coislin donne : OjasTç
S' £Ti 'ïï:pOG'éO£<70£ y.aivcv v6|;.ov \Kexà %o *ÂaXcv TraY^pàxtcv 0 ouxoç èTua^y-paTtacTev
èv XY) èxxXyjçta Gz£paicr/uvÔ£VX£(; èicl xw 7upaYpi.axi %aô' êy.aaxYjv èyaXr^at'av àizo-
»X7;pouv çuXy)v èri xb êt^j^a -r^xiç 7rpo£Bp£6<7£i. Les autres manuscrits donnent
ey.y-Xr^aia • uizspoLia'/uyM'neç "^àp km xw Tup. y.a6' ex. èy.y.X. vé]j.o'^ èOf^xaTt
•/.atvbv à'::oxXY]poijv A la fm de ce même discours, après èv yàp xaTç u[j.£xépaiç
7va>ixaiç •?) irpa^içitaxaXet'nctai, trois manuscrits ajoutent : el cov 6ouX*/;(7£a6£,
xà Ôi'y.ata xal xà (7U[j.Ç£povxa uf^.wv xor/^aavxwv, çtXoxt[;ix£pov 'rjij.sTç £Ço;x£V xoùç
7capavo{;.ouvxaç £^£xa^£iv. Il est malaisé de démontrer par des arguments intrin-
sèques cette espèce d'interpolations : on n'a pas toujours, on n'a même que
rarement les moyens que donnent le sens et la langue pour dénoncer ce genre
d'altérations. M. C. fait remarquer que eÔYjxaxc pour £6£a6£ est contraire à
l'usage attique, mais le copiste pourrait avoir substitué, comme il arrive si
souvent, une forme du dialecte commun à une forme du dialecte attique. Le
jugement de l'oreille, auquel M. C. se réfère plusieurs fois p. 433 (I, 98), 928
(127), 630 (136), 631 (143), « auri permolestum» « laedit aurem » etc., n'a
pas d'autorité, quand il s'agit d'une langue morte. Est-on autorisé à changer un
texte, parce qu'autrement il sera plus dégagé, plus rapide, plus élégant .? Sommes-
nous de bons juges de l'élégance dans une langue étrangère ^ Tout ce qu'on
peut accorder à ce genre de corrections, c'est que le délayage est possible.
Un philologue, qui aurait un goût moins délicat et moins sûr que M. C,
pourrait se tromper gravement en s'engageant dans cette direction. Il n'est arrivé
72 REVUE CRITIQUE
que bien rarement à M. C. de supprimer ce qui paraîtrait devoir être conservé.
Pourtant je défendrai résolument contre lui le texte de Démosthène défais, kg.
421, i8: ou XéY^iv eÏGO) ty)v yu^' ey^ovî', AtaX^'^AY), Beî^rOU, àXXà xpecêeusiv [sl'do)
rr)v X^^pa l^ovia]. « Maie sit » dit M. C. (p. 511) « inepto magistello, qui prae-
» clarum locum sic corrupiti Recita locum et senties pannum esse assutum. »
Je relis le passage et je crois sentir qu'il y a quelqije chose de piquant à répéter
avec TupsaêeOeiv la locution el'aw %. t. k. pour exprimer une autre idée, celle de
ne pas tendre la main, idée importante, ici principale, dont l'expression ne me
paraît pas pouvoir être sovis-^ntendye.. Je, conserverais le mot Ip^ov dans Eschine
contra Tim. § 137 : 6p(l^o|;,ai B'sTva'. xb |;,£v èpav xm -AcCkm xai aw^pévwv (^Ckcn^-
6pwxou Tcaôoç.y.al eù^vcoi^covoç 4''^X"^Çî '^'^ ^'^ àce^Y^iVEiv ...... uêpiatou y.al aTiat-
BeuTou dcv^pbç ^pyov. Eschine n'oppose- t-il pas les actes du débauché à l'amour
purement moral et, comme nous disons aujourd'hui, platonique de l'homme ver-
tueux et cultivé? fj-T .
Faut-il voir une absurdité (p. 495) dan^,E^nÇr.^g/a/^. leg. 113 : 01 Aoîtpol
oî 'A[j.çt(7<7rjÇ [j.aAXov Ç£ pLTupocCxr^yi.Tsç aùiwv avSpsç TCapavo[j.o)TaTOi èTTstpYal^ovTO
Tb TréSwv. Sans doute les magistrats des Locriens n'avaient pas labouré eux-
mêmes la plaine sacrée, non plus que Cyrus n'avait coupé lui-même les arbres
du parc royal, ni mis le feu de sa main au palais de son frère, Kîipoç aÙTcv
èÇéxotl^s y,ai xà ôaciXeia y.ax£y,aua£V (Xénophon, Anab, i, 4, 10). Je réclamerais
encore contre ]es suppressions proposées dans Eschine contra Timarchum 96 :
où [JLûvoy '/.axéçaYe xà xaxpîoa, àXX\ d oC6v x' eaxlv eiiceïv, xai /.axé-Tuiev. Kai Y^p
ouSè x^ç à^iaç sxaaxov xôv 7,xy){j.axwv. dicéBoxo [où^MBuvax' àvai^éveiv xb xXéov
xa\ xb XuaixeXouv] àXXà xou yj^yj eOptdxovxoç [aTre^i'Soxo]. Ouxcoç r^Tcei'Yexo cç6Spa
-jupbç xàç YjBovaç. « Et maie compositum » dit M. C. (p. 62^) « et xaxoçwvov
» est dcxéBoxo — fcStSûxo, et si quis praedia ai^/gdije dicitur, inepte additur,
» non exspectasse eum dum melius venderet, neque id ipsum graece dici potest,
» xb TcXéov y,al xo XuatxeXojv. Deletis additamentis optime sic procedit oratio... »
Si l'on supprime le membre de phrase où il est dit que Timarque ne pouvait pas
attendre qu'on lui offrît davantage, le sens particulier qu'Eschine attache à
y.axé7ri£v ne me semble plus suffisamment expliqué*^ il faudra alors bien de la
sagacité pour deviner qu'Eschine a voulu dire que Timarque a non pas mangé,
mais bu son bien, parce qu'il l'a vendu aussi rapidement qu'un liquide descend
dans l'estomac, ta.ndi^,,c^u'il faut plus de temps pour manger un aliment solide
de même volume^; 4^^;nç sais si l'idée est exprimée en grec, comme elle devait
l'être (l'assertion de M. C. m'intimide sans me persuader), mais je crois nécessaire
qu'elle soit exprimée. Peut-être la proposition cùS' èBuvocx'... XuatxeXouv est-elle
hors de sa place, et doit-elle être, transposée à la, placide àreStâoxo, que l'on sup-
primerait. Ailleurs (contra Timarchum 91) M. C. a raison de trouver absurde de
faire dire à Eschine à propos des voleurs, des adultères, des meurtriers : xouxwv
01 (JL£V Itu' aùxoçwpw àXdvx£ç, [^ày ^iàv .©[/.oXo^wai] ^Y5[;^,onvxai, oî Bà Xa66vx£ç xal
IÇapvoi '^z'^à\iz'^o\y,^i'^0'^':oLi èv xoTç Bty.aaxr<piotç, que ceux qui sont pris en flagrant
délit, sont punis, s^ils l'avouent; mais je ne sais s'il faut voir ici une interpolation
tirée de (11 ^) ot 8e v6t«.oi xe^eù^ouat tûv xX^tç^ûv xoùç [;.èv bixoXoYouvxaç ôavaxw
d'histoire et de littérature. 73
CY)i;-touff6a'., Toùç S' àp-i^ouiiivcn^^'xjïfVèweài. Il semble qu^Esciihe distingue trois
classes de criminels : cétix (îjtiî sont pris en flagrant délit, ceux qui ne sont pas
pris en flagrant délit et qui avouent, ceux qui ne sont pas pris en flagrant délit
et qui nient. Peut-être manque-t-il xal z\ AaOivT^ç devant èàv ;;.W èlraVrp'^&fftv.
En ce qui touche des altérations d'autre espèce, M. C. a propose des resti-
tutions fort heureuses. Il en a mis une fort brillante en tête de son Epimeîram
(p. 401). Plutarque (de adulaîore et arnica 57 A) cité tlu K6Xa? de Ménandre
un vers qui se lit ainsi dans les manuscrits -(éXonc -lirpbç TcvK'jxpcov £vr^Ôc6[j.£vo;.
Wyttenbach a substitué èxOavouixr^oç à èvr^eou]>:évûç, mais, comme le fait remar-
quer M. C. i( quis credat Plutarchum ita Menahdri locum attulisse ut omitterét "
» ea sine quibus intelligi non posset? )> M. G. s'est rappelé que Térence avait '^
tiré son Eunuchus du Colax et du miles gloriosus de Ménandre et qu'on lit darià^^^
cette pièce (3, 2, 44) : --^^ ,ii:n iJiiJO(U£ enoiiiD ^ucil tjiunioD ,itj :iy^o.u urjui-iU a
Gn. Ha, ha, hé! Thr. quid rides? Gn. îstud quod dixti moâà^:^^^"^/^ ^^-
et illud de Rhodio dictum cum in rnemem venifj^^^^^f ^ ^""^^^^J ^'^f'^'^J
Il en tire la restitution suivante : v^Xw to 'izpc-q'- tcv Kî^r^ié^ ^vèéi^ifel.'^fl'a ,
rétabli la vraie ponctuation dans Démosthène de fais. l'èg. %S^^ i^'^'toTov^'VuV/
èpeTç 6icv; bv ou êc6i(j)xaç,'l¥£i')(. t. £.420, 2 £Tt' eu ah acçicr^^ç; y.al r,0Yr^^6q\
Y£. ou eu XoYOYpaçoç; xai 0£oTç i^Qp^ç Y£, la vraie leçon dans 447, 26 -Kaym^^
àXYjOfi au Heu de Trdvta TaXr^O^. Le discours. d'Eschine à Ctésiphon lui doit éMèC'^'
Ypa^^ au lieu de lia. Yfi*aç-^;^ ('90^ «T^^à £ipYac7[jivou au lieu de y,aT£tpYaéixiiiâ?^J
(229). Je signalerai particulièrement dans le discours contre Timarque Tt[j<apxob,/
(où) 9£ÙYo)v (i $8), 7:apao7Yjo-£tv au Ifeu de TUE^dîffTV^irEiv (ï70>. ^c^ov {xaXiv) o^^"''^
v£u (178), ^^<!>^ au- lieu de Xg^^Çrfgjyxvj^L^^^^:^^ tt>b^(^|^>^<iu;''_^
lieu de 7rpoTp£tî/aaG£(f9i). Il iàyn'^Té'S^à^J^piïi^m^ lî^ 1^ u^'a^?"^~
7.. T. £. (^190). M. G. fait une remarque juste sur le passage suivant de ce dis-
cours oti Eschine annonce d'avance que Démosthène cherchera à détruire \eà "
arguments que les accusateurs de Timarque tirent de sa mauvaise réputatioti
(126) : 7:ap(Z^£p£t S' autov h rr/.M[j.\i7.'oq \JÀpzi'^ &ç -^l^uç àvY]p y.aV TzspX tàç t^faç
Siaxptêàç -^eko^èq-^'n d '^:r^ v,à\iz ozï » or^z'.v <( u'irr/ousiv tgTç o/Xoiç [X'}] Ay;[j.ô-
» <t6^viqv x'àXouîXevé^^ àXXà BaTaAcv, oti TauTr^v è? uircxopicfjiaTOç Ttiôiqç ty]v £:rw-" '
» vup.i'av l^w- »''tl^ïTi\xoLpyoq (^patoç è^éVèTO y.al (7y.w7:T£Tai'Tfj tou r^pi-^ixaiof
c'.a^oXvi y,al iJtvj ToTç auTOu IpYocç, où B'/î'kOU 3tà tout' auTév çv^crt ^sTv au-jj^çopa
z£pi7U£(7£Tv. Eyà) 3e, to Ar^pcécr^svsç, y., t. L M. C. fait observer (p. 627) que les
derniers mots evw Sa se rapportent à un discours direct précédent, et il propoisè
d'écrire vxùxbv hzX <:u|i.*popa. Il me semble qu'il reste une difficulté, c'est que ki,
{j/}) y.àixè, qui répond au latîn nisi forte, ne se rapporte à rien. On a un très-bon
sens en transposant sans changeaient zl oï Ti[iy.pxz; r.zci-iGtiv avant Trapa-.
çEpîi Se. Alors un discours direct de Démosthène se trouve rapproché de l'apos-^^^
trophed'Eschine. ^'^^^
Les^remarque^^è^M-:^<Î.^S9?ùif»"èîcér6n ne sont pas Tnblfe'lJignes'd^âttëirtioh^^ j,^
que celles qui se rapportent aux auteurs grecs. Il a restauré "aussi ingénieusemenil;
qu'évidemment un bon mot de Gicéron perdu depuisdes siècles. Cicéron dit à' ^
Atticus (XIV, 18) en parlant de Dblabdla : 't^tôttittl'iè'^ab te abalienavit Dola-
74 '^^'= ■ REVUE CRITIQUE
» bella ea de causa qua me quoque sibi inimicissimum reddidit. O hominem pu-
)) dentem! Kal. Jan. debuit, adhuc non solvit, praesertim quum se maximoaere
)) alieno Faberii manu liberarit et opéra ab eo petierit. Licet enim jocari ne me
)) valde conturbatum putes. » M. C. fait remarquer d'abord que le sens exige
libet au lieu de licet, ensuite que dans ce qui précède il n'y a pas le moindre mot
pour rire, mais il signale divers textes oij il est dit qu'Antoine avait dissipé
700 millions de sesterces déposés par César dans le temple de la déesse Ops
(Vell. Paterc. 2, 60, 4 Cic. Phil. $, § 1 1 etc.), et il substitue « opem ab Ope
» petierit » à « opem ab eo petierit. »
La réputation de M. Cobet me dispense d'insister sur les mérites de sa critique
qui unit « l'esprit de finesse » à « l'esprit .de^ géométrie, » le goût à la connais-
sance de la langue et des manuscrits, on nor''
Charles Thurot.
1 54. — Die altdeutschen Bruchstûcke des Tractats des Bischofs Isidorus von
Sevilla de fide catholica contra Judaeos. Nach der Pariser und Wiener Handschrift mit
Abhandlung und Glossar, hgg. von Karl Weinhold. Paderborn, Ferd. Schœning.
1874. In-8°.
Ce volume, le sixième de la Bibliothèque des plus anciens monuments de la litté-
rature allemande, dont j'ai eu plus d'une fois déjà occasion d'entretenir les lecteurs
de h Revue, est édité avec le soin qui est un des caractères de cette publication, 1
et avec une exactitude et une compétence dont le nom de M. Weinhold est à lui
seul une garantie. La traduction du traité d'Isidore avait déjà été publiée plu-
sieurs fois d'après le manuscrit de Paris, entre autres en 1836 par Graff et par
Holtzmann; des fragments assez nombreux du même ouvrage avaient été égale-
ment reproduits par Massmann (1834- 1840); en comparant attentivement les tra-
vaux de ses devanciers et en corrigeant les fautes manifestes des manuscrits,
M. W. nous donne aujourd'hui une édition vraiment critique de ce texte ipr^ojêux
pour l'histoire et la connaissance de l'ancien allemand. ; M-i.--:
-yOîMais ce n'est pas par cela seul que se recommande cette publication. Comme
dans toutes celles de la même collection , une étude phonétique et grammaticale
et un glossaire, qui renvoie à tous les passages du texte où se rencontrent les
mots qui le composent, la complètent et en facilitent l'emploi. M. W. y a joint
encore une recherche pleine d'intérêt sur l'époque et la patrie du traducteur
d'Isidore. L'étude soigneuse qu'il a faite du vocalisme et du consonantisme de
la traduction du de fide l'a mis en état d'arriver à une solution précise, sinon
définitive sur ce point délicat. Tout d'abord le savant éditeur prouve que le
vocalisme du manuscrit de Paris n'est ni bas ni moyen-allemand, mais qu'il a
tous les caractères du haut-allemand ; puis il montre qu'entre tous les dialectes
présentés par cet idiome c'est du bavarois qu'il se rapproche le plus. Les résultats
donnés par l'étude des consonnes sont tout différents, Si le changement de t en
2; et de ^ en cfi nous ramènent encore, en effet, au haut-allemand, le traitement
des labiales, la présence de d à côté de dh ainsi que l'emploi de gh pour g devant
e et i indiquent évidemment un dialecte franc. De tous ces faits M. W. conclut avec
d'histoire et de littérature. 75
raison que nous n*avons point ici un idiome vivant et populaire, itiais une langue
factice, produit des modifications successives apportées au texte primitif par des
transcriptions différentes. C'est le cas, on le sait, pour un certain nombre des
plus anciens monuments germaniques, où les formes du haut et du bas-allemand
se mêlent si étroitement qu'il est difficile de dire auquel des deux dialectes ils
ont appartenu originairement. Cette circonstance permet déjà de conclure à la
haute antiquité de la traduction du De fide cathoUca; M. W. la place à la fin du
viiie ou au commencement du ix'' siècle. Là s'arrêtent les suppositions qu'il a
faites ; et il s'est bien gardé par exemple de chercher à deviner le nom de l'auteur
de cette traduction, ne voulant point s'exposer à l'erreur de Holtzmann, qui
l'attribuait à saint Firmin, fondateur du monastère de Reichenau, ou de Scherer,
qui a cru, sans beaucoup plus de raison, pouvoir en identifier l'auteur avec l'évêque
de Cologne, Hildbold, grand-aumônier de Charlemagne. Le doute est le com-
mencement de la vraie science, il faut féliciter M. W. de s'en être souvenu.
155. — Prieuré de Courtozé et ses peintures murales du XII® siècle, par
Achille DE RoGHAMBEAu, avcc six planches chromolithographiées. In-8*, 24 p. Paris,
Aubry. ,^ ^^-y- v..-, ,>■■',_:;:- y-\ ,; :_j r:;::^;. .: ..[
Les ruines de l'ancien pPîétft-éidë Gôûitôzé ^ï situéek^à- quelques kilomètres
N.-^O. de Vendôme près de la routé -de Vendôme à Blois. Mi de Rochambeau a
donné le plan des quatre bâtiments qui subsi'stent; le bâtiment central auquel
il assigne pour date le xi* s., mais qui a été défiguré par des réparations modernes
contenait à Tétàge- trois pièces ; c'est dans celle du milieu, l'ancien réfectoire des
moines, que sous un badigeon à la chaux ont été découvertes les peintures dont
la reproduction, d'apparence fort exacte, accompagne sa brochure.
Une faible partie seulement de la décoration de cette salle â pu être retrouvée.
Sur le mur de gauche le seul groupé conservé représente une femme vêtue d'une
robe bleue causant avec un tailleur de pierres. La coiffure de la dame, une toque
avec un 'bâïideau^isèssouHers à pointe, son aumônière suspendue à une lanière
qui lui sert de ceîmure éf surtout son surcot à longues manches caractérisent le
costume des dames nobles de l'époque de Saint Louis. La décoration du mur qui
fait face à la porte est mieux conservée, elle me semble aussi mieux peinte et
plus ancienne. Un demi-cercle, limité par une bordure, contient dans sa partie
supérieure la représentation d'une forêt, indiquée par trois arbres, peuplée d'oi-
seaux, d'un écureuil (que M. de R. appelle un dragon), d'un porc épie, d'un
renard qui emporte un volatile, et d'un chasseur tirant de l'arc. Trois groupes
occupent la partie inférieure séparée de la précédente par uîi bandeau : i** un
personnage, auquel par malheur manque la partie supérieure du corps, à chevaj
sur une monture qiii offre une lointaine ressemblance avec le chameau; 2° au
milieu, 'ùrt personnage nimbé paraissant combattre une bête fauve qui pourrait
bien être un lion, ce que M. de R. interprète par une scène de la vie de David;
:;"un guerrier aux prises avec un animal qui doit être un tigre. La tunique flot-
tarite que porte sous son grand haubert ce guerrier, tunique appelée à^-tort par
j6 REVUE CRITIQUE
M. de R. Gambison (le gambison était une espèce de gilet matelassé), peut servir
à fixer approximativement Fépoque de la composition. On voit cette tunique
figurée sur les sceaux depuis 1170 environ, le dernier exemple signalé par
M. Demay est^le sceau de Jean de Montchevreuil de 1203 '.""A la même époque
apparaît la cotte qui recouvre le haubert et dont l'emploi ne tarde pas à devenir
général. Le casque hémisphérique à nasal, que porte le même guerrier, n'a pas
tardé à se compliquer au commencement du xiii^ siècle 2.
M. de R. qui a vu, avec assez de vraisemblance, dans la peinture du mur de
gauche un souvenir de l'histoire du prieuré, a essayé d'interpréter celle du fond
de la salle à l'aide des bestiaires, et de lui trouver un sens symbolique; ses
recherches dans ce sens me paraissent sans valeur ; je verrais plus volontiers
dans ces trois groupes quelque représentation d'aventures de la croisade, et dans
le paysage qui les surmonte une scène toute de fantaisie.
Il est regrettable que M. de R. n'ait pas fait sur ces peintures intéressantes
quelques observations de technique que ne permettent pas ses reproductions. Il
aurait dû tout mu moins donner les dimensions des surfaces couvertes par ces
peintures. Il les appelle des fresques, mais il eût mieux valu préciser et donner
quelques indications sur la nature et Pépaisseur de l'enduit, la composition des
couleurs, etc. Les figures s'enlèvent sur un fond où sont dessinées par un trait
brun des assises de pierre; il est impossible de savoir d'après les chromolitho-
graphies si le fond est l'enduit qui apparaît, oU' j&'il. est touvert d'un^fr teînte
blanche uniforme. Comme dans les peintures de Saint-Savin l'ébauche a été faite
par un trait brun hardiment tracé au pinceau, où Fon ne voit aucune retouche.
Les couleurs sont peu nombreuses: le jaune, plusieurs nuances de fougue et de brun,
et un bleu qui, si les chromolithographies ne sont pas trompeuses, se serait conservé
très-frais et très-tendre contrairement aux bleus de la même époque. La pein-
ture estappliquée par teintes plates sans aucun essai de modelé, sans souci de
la lumière; cependant, dans la fresque la plus récente, quelques touches bleues
sur la robe rouge clair du tailleur de pierres, quelques traits plus foncés sUr le
surcot de la dame indiquent des plis et des ombres. Le paysage qui surmonte
l'autre peinture ne dénote aucune recherche d'imitation de la nature, et surtout,
bien entendu, aucune préoccupation de la perspective.
En somme ces peintures très-intéressantes et très-curieuses sont fort gros-
sières, les personnages sont gauches et sans vie; elles n'ont aucune trace des
traditions qui avaient inspiré les peintres de Saint-Savin, rien de la majesté et du
caractère que l'on trouve dans les fresques peu antérieures d'une petite église
de la même région que Courtozé, l'église de Montoire, qu'il serait bien désirable
de connaître mieux que par les quelques croquis qu'a donnés M. de Pétigny dans
son histoire du Vendômois. L'intérêt des peintures de Courtozé est précisément
d'être dépouillées de toutes les traditions, leur mérite est dans leur appropriation
à Parchitecture et dans leur convenance décorative. Il faut savoir gré à M. de R.
de les avoir fait connaître. > A. Giry.
1. Demay. Le costume de guerre et d'apparat, p. 9. — 2. Ibid., p. 19.
d'histoire et de littérature. 77
I j6. — Léon Boucher. 'William p^'wper^ sa CQcr^popdai^fe et ses poésies. Paris,
Sandoz et Fischbacher. 1874. Ii*-i2, 437 p. — Prii.: i fr. 50.
Parmi les poètes qui inaugurent une ère nouvelle dans la littérature anglaise
au siècle dernier, W. Cowper est au premier rang avec Burns; c'est là sans
doute avant tout la raison qui a fondé la réputation de ce précurseur de l'école
romantique, mais il en est une toute différente, qui n'a guère moins contribué à atti-
rer sur lui l'attention, je veux parler de la folie dont il sentit les premières
atteintes presque à ses débuts dans la vie, et qui a fait de lui une énigme pour
le philosophe psychologiste non moins que pour l'historien littéraire. Aussi
Cowper fut-il de bonne heure l'objet de nombreux écrits. Cependant à part deux
excellents articles de la Bibliothèque universelle de Genève (1854) et une étude
de Sainte-Beuve dans le onzième volume de ses Causeries du lundi, écrite la
même année, nous n'avions dans notre langue aucun ouvrage un peu étendu
consacré au poète de: la Tâche; il faut remercier M. L. Boucher d'avoir
entrepris de combler cetie lacune, en nous donnant une biographie complète de
cet écrivain charmant.
Rien 4^ plus simplement uniforme que la vie de Cowper; mais cette vie, il
n'importe pas moins de la bien connaître, si l'on veut comprendre ce qu'il y a
d'original dans la poésie nouvelle qu'il inaugure. Les renseignements, par bon-
heur, ne font pas, défaut, et c'est Cowper lui-même qui s'est le plus souvent
chargé de les donner; sa correspondance est la mine féconde, en effet, où ses
biographes ont puisé sans la tarir, et où ils ont trouvé les traits les plus sûrs
pour peindre son génie étrange et gracieux. Les nombreux emprunts qu'avec
grande raison il y a faits à son tour ont permis à M. B. de nous donner un
portrait fidèle de cette nature maladive et sensible qu'un rien séduisait et char-
mait, mais qu'un rien aussi était capable de troubler et de pousser au désespoir.
Ce fut la crainte d'avoir à parler en public qui détermina chez Cowper son
premier accès de folie; alors commence pour lui cette sombre existence égayée
parfois par des éclaircies de raison et par le bonheur d'amitiés tendres et dévouées,
mais qui devait se terminer par dix ans de mélancolie et de délire. H avait alors
trente-deux ans. Jusque-là il n'avait écrit que par passe-temps ; désormais, chose
singulière, produire deviendra pour lui un besoin irrésistible; mais n'était-ce pas
aussi le moyen le plus sûr d'échapper aux idées fixes qui hantaient son imagi-
nation troublée ? Pris d'un dégoût profond pour le séjour de Londres, « le
» théâtre de ses abominations, « Cowper avait résolu de se fixer à la campagne;
il trouva dans la famille du pasteur de Huntington, M. Unwin, l'asile et les con-
solations) (dont il avait besoin. Il était pour ainsi dire redevenu lui; 'Ce'ne fut
toutefois que deux ans plus tard, quand, après la mort de M. Unwin, il eut suivi
sa veuve à Olney, qu'il entra décidément dans la carrière littéraire.
La religion joue un grand rôle dans la vie de Cowper» mais elle fut pour lui
moins une consolatrice qu'une cause d'effroi et d'épouvante; il lui dut pourtant ses
premières inspirations. Le -pasteur d'Olney, M. J. Newton, dont il était devenu le
disciple, l'avait d'abord fait membre des « réunions de prière» » qu'il avait insti-
yS REVUE CRITIQUE
tuées; bientôt il le prit pour auxiliaire dans la composition d'un livre d'hymnes
religieuses, dont il projetait la publication. Cowper se mit à l'œuvre, mais la
sombre exaltation qu'il porta dans cette tâche singulière devait lui être fatale :
sa raison y sombra une seconde fois. On comprit alors, mais trop tard, qu'il
fallait l'arracher à l'inflexible discipline de M. Newton. Cependant le mal finit
encore par céder et la joie de ce second retour à la vie devait être pour le poète
une source d'inspirations inconnues; le collaborateur de l'austère pasteur d'Olney
allait s'exercer dans la satire et dans la poésie légère : bizarre transformation
dont il faut lire dans M. B. le piquant récitiiwsilOOr
Cowper avait cinquante ans, quand à la gravité de ses premiers écrits succéda
ainsi l'enjouement des nouveaux essais. Cette tendance, qui se révèle d'abord
dans les Propos de table, se manifeste davantage encore dans la Conversation et
dans VEspérance. Il semblait que rien ne fût resté en lui de ce qu'il avait été autre-
fois; la connaissance qu'il fit vers cette époque de lady Austen devait compléter
la transformation : VHistoire étonnante de John Giipin en est le monument durable.
Pourquoi cette liaison qui avait achevé de rasséréner la vie du poète fut-elle
brusquement interrompue? On l'ignore, mais il semble, comme M . B. le pense avec
raison, qu'en cette occasion l'amie de la veille fut sacrifiée à l'amie des jeunes
années. Quoi qu'il en soit, c'est à cette époque que fut écrite l'œuvre capitale de
Cowper, la Tâche, en qui se résument et se confondent en quelque sorte ses
différentes manières, et où brille au suprême degré ce talent, où il était passé
maître, de donner du prix aux plus petites choses. Mais ce poème se recommande
encore par d'autres qualités, et l'accent de vérité qui y règne, la variété de ton,
la sincérité de pensée et d'expression en font un des joyaux de la littérature
anglaise. On ne peut aussi que savoir gré à M. B. du soin avec lequel il a étudié
ce chef-d'œuvre du poète, et que le féliciter de l'avoir jugé si finement.
"if.Sans le vouloir Cowper était arrivé à la gloire; en même temps s'accroissait
fë^hombre de ses relations; et une amie de jeunesse depuis longtemps perdue de
vue, lady Hesketh, venait remplir le vide que la rupture avec lady Austen avait
laissé dans sa vie et dans son cœur. Mais les jours de bonheur du poète tou-
chaient à leur fin. Peu de temps après son installation à Weston, la mort du fils
de M"*^ Unwin lui porta un premier coup. Il chercha à s'étourdir par le travail.
Il avait entrepris, résolution qui surprend de la part d'une nature primesautière
comme la sienne, de traduire. Homère; malgré un retour de son mal, il se donna
tout à cette tâche ingrate, et -en 17^1 , après six ans de travail, parut l'Iliade. Je
ne dirai rien de cette œuvre de Cowper dont M. B. a parfaitement saisi le
caractère et apprécié le mérite. C'est à son hvre que je renvoie.
Cette longue entreprise avait épuisé Cowper; sa vie ne touchait pas encore à
son terme, mais la maladie fatale dont il portait le germe en lui allait bientôt le
ressaisir, pour ne plus cette fois lâcher sa proie. Désormais son intelligence
affaiblie baisse sans retour; sa muse cependant se réveillait parfois encore soit
en plaintes attristées, comme dans cette pièce de vers A Marie, adressée à sa
vieille amie, M"^'' Unwin, soit en accents désespérés, comme dans Uhomme à la
mer, où il chantait en quelque sorte le naufrage de sa raison et sa fin prochaine.
d'histoire et de littérature. 79
M. B. a fait de ces dernières années, comme de toute la vie de Cowper, un
tableau aussi saisissant que véridique; écrite d'une plume allègre, l'histoire qu'il
en a donnée, résumé fidèle. de tout ce qui a été dit sur lui, le fait connaître à
merveille dans l'inconsistance de sa nature et le charme de son talent; à ce titre
on ne saurait trop la recommander aux amis que la littérature anglaise compte
parmi nous.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS it BElTES-LÊttRES.
j •£^^ miib Di/S^^^^^ ^" 25 juillet 1875. .;, L^ ao^a.^3i ztiLD
M. Egger ayante la dernière séance signalé à l'attention de l'académie un
volume récemment publié par M. D. Comparetti, où sont donnés des fragments
grecs tirés d'un ms. trouvé à Herculanum, M. Ravaisson rappelle à ce propos
qu'il existe à la bibliothèque de l'institut des rouleaux manuscrits provenant
également d'Herculanum, dont il n'a encore été tiré aucun parti. Ces rouleaux
furent envoyés au premier consul, en 1802, par le gouvernement napolitain;
il y en avait alors six. L'institut, auquel ils furent confiés, nomma une commis-
sion chargée tj'en- ,te];îter le déroulement et le déchiffrement. Les expériences qui
eurent lieu, avec le concours d'un savant anglais, n'amenèrent d'autre résultat
queja, destruction de plusieurs des rouleaux : il n'en reste plus aujourd'hui qu^
deux.et ,1a moiûé d'^n, troisième. Mais depuis cette époque l'art de dérouler e|
de lire ces mss. paraît avoir fait des progrès, à en juger par les résuhats qu'il a
donnés; peut-être y aurait-il moyen aujourd'hui de tirer parti des rouleaux qui
restent. M^ Ravaisson propose de nommer une commission pour rechercher çç
qu'il y a à faire. — M. Egger, sans croire que les progrès aient été assez réels
pour faire espérer des résultats bien satisfaisants, estime pourtant que l'opération
peut être tentée avec quelque chance de succès ; il appuie la proposition de
M. Ravaisson. — Une commission composée de MM. Ravaisson, Egger, Miller,
A. de Longpérier et L. Delisle est chargée d'examiner la question.
Le ministre de l'instruction publique transmet à l'académie, pour la commis-
sion des inscriptions sémitiques, les/ic simile de 5 inscriptions arabes d'Algérie,
envoyés par M. Cherbonneau. Trois de ces inscriptions sont des épitaphes, les
deux autres sont relatives à la construction d'une mosquée. - f,jQj
Le mandat du directeur de l'école française d'Athènes, nommé, aux termes
du règlement, pour six ans, expirant cette année, le ministre de l'instruction
publique demande à l'académie de lui présenter deux candidats pour ces fonctions.
Renvoyé à la commission de l'école d'Athènes.
M. de Longpérier termine la lecture du mémoire de M. Chabas sur les
monnaies, poids et mesures des anciens Égyptiens (v. les séances des 4 et 1 1 juin
1875). ^^ partie lue à cette séance traite de la valeur des monnaies en usage
dans l'ancienne Egypte, et de celle de quelques objets dont les prix nous sont
parvenus.
8o REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
M. Desjardins continue la lecture du travail de M. Ch. Tissot sur la géogra-
phie de la Maurétanie Tingitane (v. la dernière séance). La partie lue aujourd'hui
traite de la côte qui s'étend entre le promontoire Rusaddi et la presqu'île de
Ceuta. M. Tissot s'attache à identifier avec précision les différents points de
cette côte mentionnés par les anciens géographes; cette étude a pour résultat
de constater le plus souvent une grande exactitude dans les indications des
distances que donne l'itinéraire d'Antonin. — Le promontorium cannarum est,
suivant M. Tissot, la pointe d'Abdoun; le lieu appelé ad sex insulas, la baie d'Al-
Hésumas; \q promontorium Barbari, le cap situé auprès de l'embouchure de VOued
Laou {flumen Laud dans Pline) : ce point forme la limite du pays maure et du
pays berbère, de là a pu lui venir dans l'antiquité le nom de pr. Barbari; les
caps désignés par les mots ad aquilam maiorem et ad aquilam minorem sont le c.
Negro et la pointe de Castillejos. — Arrivant à la presqu'île de Ceuta, M. Tissot
étudie la question de la situation des colonnes d^Hercule, déjà controversée parmi
les anciens. Il pense que ce nom a désigné à l'origine deux montagnes qui
s'élèvent à l'entrée du détroit de Gibrahar, celle de Capne sur la côte euro-
péenne et celle d'Abyle en Afrique : celle-ci n'est autre, selon M. Tissot, que le
mont Acho, le point culminant de la presqu'île de Ceuta.
M. le D"" Lagneau lit la première partie d'un mémoire sur les Ligures. Il com-
mence par énumérer les différentes régions de l'Europe occidentale où les écri-
vains anciens mentionnent des peuples ligures. On en trouve au N. jusque dans
les îles Sorlingues, dans la péninsule ibérique, en Gaule, en Italie non seulement
dans la Ligurie propre (Gènes, Monaco, Luna) mais aussi dans le Samnium,
etc., etc. — Il montre ensuite qu'outre ces Ligures d'Europe, les auteurs men-
tionnent un peuple du même nom en Asie, dans la Colchide, où leur ville prin-
cipale portait le nom de Cytala. Il est remarquable que ces Ligures d'Asie,
comme ceux d'Europe, ont pour voisins des peuples appelés Ibères et Bébrykes.
Les Bébrykes d'Europe habitaient, comme les Ibères, la péninsule à laquelle
ceux-ci ont donné leur nom. En Asie on trouve des Ibères au S. E. du Caucase,
des Bébrykes entre la Troade et le Pont. M. Lagneau pense qu'il doit y avoir une
parenté de race entre ces peuples européens et asiatiques de même nom : mais
il est difficile de déterminer dans quel sens aura eu lieu la migration, d'orient en
occident ou d'occident en orient.
Ouvrages présentés : — par M. Delisle : Combier, Le bailliage de Vermandois et siège
présidial de Laon (dernière partie) ; — par M. Maury : Cerquand, Légendes et récits
populaires du pays basque; — par M. de Witte : Mommsen, Histoire de la monnaie
romaine, traduite par le duc de Blacas, 4' vol., publié et complété par M. de Witte :
ce vol. contient les planches, et deux notices de M. de Witte, l'une sur la vie du duc de
Blacas, l'autre sur les collections qu'il avait formées.
Julien Havet.
ERRATA.
No 29, p. 40, 1 3« ligne avant la fm, au lieu de décidais, lisez décidai.
No 30, p. 49, G" ligne avant la fin, au lieu d'orientale, lisez occidentale.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
mengeschichte aïs Entwicklungs-Geschichte des kirchlichen Lehrbegriffs. Bd. I.
Erlangen, Deichert. In-8", xij-$94p. (F. Nitzsch). — Hilgenfeld, Historisch-
kritische Einleitung in das neue Testament. Leipzig, Fues's Verl. In-8", viij-
828 p. (H. Lùdemann). — DODEL, Die neuere Schœpfungsgeschichte. Leipzig,
Brockhaus. In-8°, xxvj-$i8 p. (B. Wetter). — Anleitung zu wissenschaft-
lichen Beobachtungen auf Reisen. Verf. v, Ascherson, Bastian, Fôrster,
Friedel, Fritsch, etc. und hrsg. v. Neumayer. In-8% viij-696 p. (Kirchhoff).
— Lang, Die Religion im Zeitalter Darwin's. Berlin, Lûderitz'sche Verlagsb.
In-S*", 56 p. (Edmund Pfleiderer). — Gerland, Anthropologische Beitraege.
Bd. I. Halle a. S., Lippert'sche B. In-S^, V-424P. (Fritz Schulze). — Krohn,
Sokrates und Xenophon. Halle, Mùhlivîann. Iu-^", X'r'179 p. (Arnold Hue). —
Bernard, William Langland. A ^rapin^^gal l^g^U^^^^^Çp^^ Strauss. In-8",
04 p. (Richard Wûlcker). ' \ .'^ . , ^' ',
^^ ^ ^ ■' ■ 1 :,b imav inl uq s AI S!.
N° 21, 22 mai. J. Delitzch, Das Lehrsystera ^er rœmischen Kirche.
Th. I. Gotha, Besser. In-8", iv-415 p. (Lipsius). — Bagehot, Der Ursprung
der Nationen. Leipzig, Brockhaus. In-8°, vj-255 p. (Georg Gerland). — Von
Hellwald, Centralasien. In-S'*, viij-446 p. (Kirchhoff). — Von Kremer,
Culturgeschichte des Orients unter den Khalifen (cf. R^j^u^ crït., 1 875 ,;I, p. 5 5 3);
Semitische Culturentlehnungen aus dem Pflanzen- und Thierreiche. Stuttgart,
Cotta, In-8°, 70 p. (G. Weil). — Hartmann, Weihnachtlied und Weihnacht-
spiel in Oberbayern. Mûnchen, Kaiser. In-8", 189 p. (Alfred Schottmùller).
— EuTiNG, Sechs phœnikische Inschriften aus Idalion. Strassburg, Triibner.
In-4°, 17 p. (Bernhard Stade). — Fick, VergleichendesWœrterbuch der Indo-
germanischen Sprachen. 3. Aufl. Bd. I. III. Gœttingen, Vandenhoeck und
Ruprecht. In-8% 843; 372 p. (B. Delbrùgk). — Beneçke, Wœrterbuch zu
Hartmanns Iwein. Zw. Ausg. v. Wilken. Gœttingen, Dieteriçh'sche Verlagsb,
In-8°, viij-391 p. (Ignaz Harczyk). — Xll Panegyrici Latînffecrèns.''Biï:HRENS.
Lipsiae, Teubner. In-8", xxvj-324 p. (Eyssenhardt). •"^'^î '
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS F^RANÇAISÈS"'!^ ÉTRANGÈRES.
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annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge, en çnitre de fournir très-promptement et sans
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Halléguen. Géographie historique de la
péninsule armoricaine, de la conquête de
César au V' siècle. Communication au
congrès breton de Quimper de 1873,
revue et augmentée. In-S», 24 p. Quim-
per (imp. Kérangal).
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dagogik. Hrsg. v. A. Fleckeisen u. H.
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Lair (J.). Fragment inédit de la vie de
Louis VII préparée par Suger. In-8',
i6 p. Nogent'le-Rotrou (imp. Gouver-
neur).
Lalore (C). Le Trésor de Clairvaux du
XII- au XVIII- siècle. In-8', xxiv.283 p.
Troyes (imp. Brunard).
Lapierre (E.). Le fonds judiciaire des
archives départementales de la Haute-
Garonne. In-4*, 20 p. Toulouse (imp.
Chauvin et fils).
Lartet (L.) et Chaplaîn-Duparc. Une
sépulture des anciens troglodytes des
Pyrénées superposée à un foyer conte-
nant des débris humains associés à des
dents de lion et d'ours. In-8*, 67 p. et
fig. Paris (G. Masson).
Le Clerc de Bussy. Les Prévôts royaux
de Saint-Riquier depuis 1500, avec des
notes pour servir à l'histoire de leurs
familles et de celles qui en descendent.
In-8°, 20 p. Amiens (imp. Lenoël Hé-
rouart).
Lecocq (J.). Études sur la Céramique
picarde, impartie. Une plaque en faïence
de Sinceny. In-8', 13 p. et grav. Paris
(Rouveyre).
Liîeutaud (V.). Lettres inédites deL. A.
Ruffi à P. J. de Haitze. Discours prodi-
gieux de ce qui est arriué en la comté
d'Avignon. In-8°, 20 p. Marseille (Boy
fils).
Notes pour servir à l'histoire de Pro-
vence. N* 9. Proverbes topographiques
provençaux. N* 10. Les Péages du comté
deForcalquierauXIlI'siècle. In-8«>, 24 p.
Marseille (Le même).
Liindau (P.). Gesammelte Aufsaetze. Bei-
traege zur Literaturgeschichte d. Gegen-
wart. In-8'', vj-4$3 S. Berlin (Stilke).
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Menjot d'EIbenne (S.). Pierre tombale
de Catherine d'Illiers, damede.Montreuil, ,
à Duneau. In-8% 12 p. et pi. Le Mans
(imp. Monnoyer).
Mommsen (T.). Étude sur Pline le jeune.
Traduit par C. Morel. In-S», 122 p.
Paris (lib. A. Franck). 4 fr.
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30. Bd. (Jahrg. 1875). 4 Hfte. Frank-
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Chatten, Hersen , Menapier, Bataver,
Alemannen, Franken, Schotten, Kathag-
Gaelen, Enakim, Aditin, Chatan-Araber,
(^hetiter, Cadusen u. Arsaciden. Histo-
risch-sprachl. Forsch. 1. Hft. In-8*,
124 S. Cassel (Jungklaus). 2 fr.
Paucker (C. v,). Beitraege zur latein.
Lexicographie u. Wortbildungsgeschichte
I-III. In-8«, 261 S. Mitau (Behre).
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Spicilegium addendorum lexicis latinis.
In-8', iv-315 p. Mitau (Behre). 9 fr. 50
Preger (W.). Geschichte der deutschen
Mystik im Mittelalter. Nach den C^ellen
untersucht und dargestellt. 1. Th. Ge-
schichte der deutschen Mystik bis zum
Tode Meisters Eckhart's. In-S» , viij-
488 S. Leipzig (Dœrffling et Franke).
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Proudhon (P. J.). Correspondance, pré-
cédée d'une notice sur P. J. Proudhon
par J. A. Langlois. T. i. In-8', xlviij-
364 p. Paris (Lib. internationale). 5 fr.
Restif de la Bretenne. Monument du
costume physique et moral de la fin du
XVIII* siècle, ou tableaux de la vie, ornés
de 26 figures dessinées et gravées par
Moreau le jeune et d'autres célèbres ar-
tistes avec texte par Restif de la Bretonne
revu et corrigé par C. Brunet. Préface
de A. de Montaiglon. Fasc. i à 7. In-f*,
40 p. et 9 pi. Paris (Willem). La livrai-
son. 10 fr.
Rosenzv/eig (L.). Étude sur les an-
ciennes circonscriptions territoriales du
Morbihan. In-8', 23 p. Vannes (imp.
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Rutebœuf. Œuvres complètes. Recueil-
lies et mises au jouc^pojir la première fois
par A. Jubinal. Ti Q^ïîwi6V39é p.
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Salmon (C). Trois reines chez les Car-
mélites d'Amiens (imp. Glorieux et C).
Scriptores rerum germanicarum in usum
scholarum ex monumentis Germaniae
historicis recudi fecit G. H. Pertz, Bur-
chardi et Cuonradi Urspergensium chro-
nicon ex rec. 0. Abel et L. Weiland.
Iil^", xij-118 p. Hannover (Hahn).
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W. Arndt. ^-8", xxiv-223 p. (Le même).
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Zeller (E.). Die Philosophie derGriechen
in ihrer geschichtlichen Entwicklung
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die Sokratiker. Plato u. die alte Akade-
mie. I. Haelfte. 3. Aufl. In-8*', 640 S.
Leipzig (Fues). 16 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou,
N** 32 Neuvième année. 5 Août 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE r>UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction: M. Stanislas Guyard.
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rp ^ r?T^ r^ ^ r^ T? Q critiques de la conférence de philologie
I-^-A. L-j IVV^ 1 V--< L^ kj grecque, recueillis et rédigés par E. Tour-
nier, directeur d'études adjoint. 1 2Mivraison (fin). i fr. 50
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Le 4e fascicule est sous presse.
w,^ V>
V
FÉHl5îpT5»yg.U[V3^
The Academy, n**'To7, new séries, 17 juillet. Three Northern Love Stories,
and other Tales; Transi, fro m the' îçêlandigijg EiriKr MAci^uVsçit^îiî'Q''.
Mordis. London, Ellis and Whlte (Ëdmund W. Gosse; charmants récits). —
FuRLEY, 4,,History ûf the Weald of -fc;enti Voli 11.'^ London-pRtisiggihgiYiiTfr
(C. yTrice Martin). — Von Kremer, Gulturgeschichte des Orients uiilër ff^n
Chah'fen. Bd. I. (Stanley Lane Pûole; ci. Rev. crit , iSfy,'ï,-'p.'^)j). — '
Current Liîerature (notes de Péditeur sur les ouvrages suivants : The j^arli^m^Qz
îary History of the Act of Uniformiîy, par Canon Swainson; Florentlner Studien^
par SchefFer-Boichorst ; IsWria délia Republica di Firenze, par le marquis Gino
Capponi ; Qaellen und Forschungen zur dîesten Geschichte der Stadt Florenz, par
0. Hartwig; The History of Proîestantisniy par Wylie; Geschichte der christlich-
lateinischen Literatur, par Ebert, cf. Rev. crit., 1875, I, p. ^^6). — Notes and.
News. — The late Professer Cairnes (T. Ë. Cliffe Leslie). — Wilhelm Corssen
(not. nécroL). — A venitian View of Some English affairs (J. J. CARtWRiGHT):
— New- York Letter (J. L. Gilder : nouvelles littéraires). — Correspondence.
The Tombs of Ch. Lenormant and Otfried Mùller at Colonus (J. P. Mahaffy).
— Ancient Greek Inscriptions of the British Muséum. Part I. Ed. by Hicxs
(John Wordsworth : i*""" art. ; cf. le présent n" de la Rev. crit.). — Science Notes. ,^
Philology. — Meetings of Societies (Soc. d'archéologie biblique). — British' Ar^-^*
chaeologists in Rome (G. I. Hemans).^ v, o-.; ; jjjhi^/
The Athenœum, n* 2490, 17 juillet/ Thï*€e Northern Love Stories, efè.^*^—^
RoBSON, Hinduism and its Relation to Christianity. Edinburg, Oliphant and t2ô?-
(plein de détails intéressants). — Memoirs of General William T. Sherman, B^
Himself. 2 vols. King and Co. (cet ouvrage, si important pour l'histoire de la
guerre civile d'Amérique, est malheureusement déparé par des personnalités).
— Shakespearean Imitations (J. W. Hales).' — Prof. Cairnes (not. nécrol.). —
The British Muséum. IL— The Temple of Jérusalem (Charles Warren : disc'ùs;-
sion avec M. Fergusson). — Literary Gossip. —Ceographical Notes. — Socté/i^ir
(Soc. d'archéologie biblique). — J. Quic.he|îjAT^ Histoire du Costume en France.
Paris, Hachette (art. très- favorable). ..; ,_.
Literarisches Centralbîatt, n° 3o> 24 juillet. H.iLDEBRANDT,Juda'sVerhaete-o
niss zu Assyrien in Jesaja's Zeit. Marburg, Ehrhardt. In-8% 84 p. (contributJQrt^
à l'exégèse d'Isaïe; l'auteur se sert habilement des inscriptions cunéiformes). r^r^^
LuTHARDT, Der johanneische Ursprung des vierten Evangeliums.. Leipzrg.
pœrffling u. Franke. In-8°, viij-224 p. (résumé dés plus récents travaux 'ëdn^J^
cluant à l'authenticité du quatrième évangile). — Keim, Geschichte Jesu. 2. Auf]'.'
Zurich, Orell, Fûssh u. Co. In-8°, xij-398 p. (édition augmentée d'une conclu-
sion). — Bloch, Die Juden in Spanien. Leipzig, Leiner. In-8°, 135 p. (com-r,.
pilàtion sans valeur). — Osthoff, Forschungen im Gebiete der indogerma- -
nischen nominalen Stammbildung. i. Th. Jena, Co^tenoble, In-8^ xiv-2 1 2 p.''"'
(l'un des plus importants travaux de grammaire comparative qui ait paru sur la
question). — Sprachwissenschaftliche Abhandlmrgen , hervorg. aus G. Curtius
grammatischer Gesellschaft zu Leipzig. Leipzig, Hirzel. . Jn-S° , 175 p. (les.
nombreux travaux que contient ce volume témoignent de l'excellence de l'eri^^'
gnement de Curtius). — Pietschmann, Hermès Trismegistos. Leip74g,Éng,e!-
mânn. In-S", 58 p. (l'auteur a soigneusement réuni toutes les traditions, égyp-
tiennes, grecques et orientales). — Weihnachtlied und Weinachtspiel in Ober-
baiern. Von Hartmann. Mûnchen, Kaiser. In-8'', 190 p. ''^
Jenaer Literaturzeitung, n° 22, 29 mai. PuTT, Grundriss der Symbolîl^. '
Erlangen, Deichert. In-8% viij-169 p. (Gass). — BteHM und' Wagner, Die-Bè^^
vœlkerung der Erde. III. Ergaenzungsheft., Gotha, Per thés. In-4% viij-i2a:.ug9b
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 32 — 7 Août — 1875
Sommaire : 1 57. Benecke, Dictionnaire de Vlwein de Hartmann, p. p. Wilken. —
ij8. Inscriptions attiques du Musée Britannique, p. p. Hicks. — 159. Gunther,
Historia Constantinopohtana, p. p. le comte Riant. — 160. Pattison, Isaac Casau-
bon. — 161. Chants populaires Noticiens, p. p. Avolio. — Sociétés savantes : Aca-
démie des inscriptions.
I J7. — "Wœrterbuch zu Hartmanns Iwein von G. F. Benecke. Zweite Aus-
gabe besorgt von E. Wilken. Gœttingen, Dieterich'sche Verlags-Buchhandlung. 1874.
In-8', viij-391 p. — Prix : 3 fr. 25.
C'est en 1833 que Benecke publia son dictionnaire d* Iwein, il le destinait à la
fois au linguiste érudit et à l'étudiant à ses débuts ; de là l'abondance et la
variété des renseignements qu'on trouve dans chaque article; jamais vocabulaire
aussi étendu n'avait encore, je crois, été fait pour l'interprétation d'un seul
texte ; aussi, les services que ce travail sans précédent a rendus à la connaissance
de l'allemand du moyen-âge sont plus faciles à deviner qu'à apprécier. Le succès
ne pouvait manquer à une telle publication, et, on peut le prévoir, le
remaniement que M. Wilken vient d'en faire n'en rencontrera pas un moins
grand. Les éditions nouvelles de Vlwein avaient d'ailleurs, sinon ôté quelque
chose de son à-propos au dictionnaire de Benecke, du moins elles l'avaient fait
paraître arriéré; M. Wilken, en le revoyant avec soin, sur le texte nouvelle-
ment constitué, ainsi qu'en s'aidant des travaux dont Vlwein a été l'objet dans
ces dernières années, a remis à jour l'œuvre un peu vieillie de Benecke. Les
citations ont été revues et mises d'accord avec les leçons les plus récemment
établies, les travaux de M. H. Paul et de Benecke lui-même utilisés, enfin le
concours de M. W. Mùller, en soutenant M. Wilken dans sa tâche, lui a permis
d'en venir plus sûrement à bout. Tout se réunit donc pour donner à cette seconde
édition du dictionnaire d'Iwein la valeur scientifique et l'exactitude qui font le
prix de ce genre de publications et qui assurent à celle-ci une place dans la
bibliothèque de tous les germanisants.
158. — The collection of ancient Greek inscriptions in the Britîsh
Muséum, edited by C. T. Newton, Keeper of the Greek and Roman antiquities.
Part I. Attika, edited by the Rev. E. L. Hicks, M. A. Printed by order ot the
trustées, at the Clarendon press, Oxford, 1874. Petit in-fol. 160 p.
Entre autres richesses, le Musée Britannique possède un millier environ
d'inscriptions grecques, qui ont été acquises en diverses fois et proviennent de
différents points du monde oriental. Le comité qui administre le Musée en avait
depuis longtemps décidé la publication ; pour garder au recueil qu'il préparait
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82 REVUE CRITIQUE
sa valeur et son importance, il avait même cru devoir refuser à l'Académie de
Berlin, dans ces derniers temps, la permission de faire estamper et copier à
nouveau les textes que celle-ci voulait faire entrer dans son Corpus inscriptionum
AtticarumK M. Kirchhoff, dans la première livraison de ce précieux recueil, a
donc été forcé, bien malgré lui, de publier d'après les copies anciennes, sans
nouvelle vérification et révision, celles des inscriptions attiques antérieures à
l'archontat d'Euclide dont l'original était à Londres. Si l'ouvrage anglais avait
dû se faire longtemps désirer, on aurait pu juger sévèrement ce refus, que les
savants allemands paraissent avoir pris avec une patience qui ne leur est point
ordinaire ; mais, un an environ après la première livraison du nouveau Corpus,
paraissait le premier fascicule de la belle publication projetée et annoncée par le
savant conservateur des antiquités grecques et romaines du Musée britannique,
par M. Newton. Ceux qui s'occupent de la langue et de l'histoire d'Athènes
n'ont donc pas beaucoup souffert du retard, et d'ailleurs ce que contient ce
remarquable volume est de nature à leur ôter tout regret ; comme on dit, ils
n'auront pas perdu pour attendre. Quant au Corpus, il en sera quitte pour donner,
dans une de ses prochaines livraisons, les additions et corrections que rend
nécessaires le soin avec lequel les textes ont été édités par M. Hicks, plus
corrects et plus complets qu'ils n'avaient été transcrits par les premiers éditeurs 2.
Ceux-ci s'étaient souvent trop pressés, ou leurs études antérieures les avaient
mal préparés à cette tâche.
Le cahier que nous avons sous les yeux renferme toutes les inscriptions du
Musée qui proviennent de l'Attique, il comprend 1 5 j numéros, d'importance et
de dimensions très-inégales. Ces textes se partagent entre les catégories suivantes.
L Décrets. II. Finances. III. Service militaire. IV. Gymnases. V. Les empereurs.
VI. Statues et dédicaces. VII. Rites religieux. VIII. Epitaphes: Les caractères em-
ployés ne sont autres que ceux qui ont été gravés pour le Voyage archéologique
de Le Bas; ils se prêtent, autant que cela est possible sans fac-similé, en typo-
graphie, à reproduire les principales variétés paléographiques des caractères
employés sur les marbres aux diverses époques. Je me permettrai seulement une
observation. Pourquoi, dans le texte en majuscules, introduire les lettres qui ne
se lisent plus sur le marbre, qui sont des restitutions .? Pourquoi les y faire
figurer, fût-ce entre crochets, dans le même caractère que celles qui ont subsisté
sur la pierre.? Cela trompe, au premier moment, sur l'état du texte, sur la
physionomie que les siècles ont faite à telle ou telle stèle. Les lettres restituées,
quelque certaines que soient ces restitutions, ne doivent jamais paraître que dans
la transcription en petit texte; c'est ainsi qu'ont fait Bœckh et Kirchhoff. Tous
les épigraphistes leur donneront raison contre M. Newton.
Sous cette légère réserve, nous ne pouvons qu'approuver la manière dont a
1 . Corpus inscriptionum Auicârum , consilio et auctoritate Académies Utterarum régime Bô-
russica editum. Volumen I. Inscriptiones Euclidis anno vetustiores. Edidit Adolphus Kirch-
hoff. Berlin, Reimer, 1873, P^^^^ ^"'^" viij-243 p. et une carte.
2. Les textes édités ici ont tous été revus deux fois sur les marbres, une première fois
par M. Hicks, une deuxième fois par M. Newton lui-même.
d'histoire et de LITTÉRAIURE. 83
été conçue, ordonnée et exécutée la publication; elle est digne à tous égards et
du grand établissement dont elle met les trésors à notre portée et des savants
qui donnent leurs soins à cette entreprise. Il serait superflu de vanter la beauté
du papier, la netteté des caractères, la correction de l'impression; tous
les amateurs de beaux livres connaissent les presses de l'Université d'Oxford et
savent par quel aspect de simple et sévère élégance elles relèvent encore la
valeur des textes qu'elles se chargent de répandre et de multiplier. Ce qui doit
surtout attirer notre attention, c'est le commentaire : il importe d'indiquer dans.
quel esprit il a été rédigé et d'insister sur les qualités qui le distinguent. ;:■
Le nombre total des inscriptions que renferme le Musée britannique est
aujourd'hui d'environ un millier; en admettant que l'activité des trustées, aidée
des libéralités du budget et secondée par la hardiesse des voyageurs anglais,
l'augmente encore avant que ne soit terminée l'entière publication du recueil, le
chiffre ne dépassera guère onze cents tout au plus, d'ici à quelques années. On
ne fait point souvent des fouilles qui, comme celles de M. Wood à Éphèse,
mettent au jour en neuf ans 462 textes épigraphiques. Les éditeurs ont donc pu
se donner libre carrière; les ressources dont ils disposent, grâce à la munificence
éclairée des chambres anglaises , sont très-considérables pour le nombre très-
restreint des textes qu^ils ont à publier. L'Académie de Berlin doit faire tenir
plusieurs milliers d'inscriptions dans un seul volume; il faut que le format de ce
volume le rende d'un usage commode, et que le prix en soit assez modéré, pour
que les savants n'aient point à s'interdire l'espérance de jamais le posséder dans
leur modeste bibliothèque privée. Dans le nouveau Corpus, le commentaire a
donc été réduit au strict nécessaire, à une bibliographie minutieusement com-
plète, à une transcription en caractères courants qui comprend toutes les resti-
tutions vraisemblables, et à une brève indication de la date probable, du sens
général et du caractère du document. Des tableaux placés à la fm de la livraison
résument et réunissent les renseignements que concourent à fournir différentes
catégories d'inscriptions ; ainsi nous trouvons là une liste des trésoriers d'Athéné,
une table des tributs payés par les villes confédérées, groupées par régions,
comme sur les marbres. M. Kirchhoff, qui connaît si bien les antiquités athé-
niennes, aurait pu, presque à chaque ligne, s'arrêter pour nous faire profiter du
trésor de sa riche et sûre érudition; mais il n'a pas cédé, même une fois, à une
tentation dont Bœckh se défendait mal; il a eu toujours, et nous ne pouvons
nous empêcher de le regretter, le courage de se renfermer dans le programme
que lui avait tracé l'Académie. Les éclaircissements qui eussent été si souvent
les bien venus, il les a réservés pour son enseignement, qui ne peut par malheur
profiter qu'à un petit nombre d'élèves, et pour quelques-unes de ces dissertations
magistrales qu'il donne de temps en temps au Bulletin et aux Mémoires de l^Aca-
démie de Berlin ou bien à l'Hermès. M. Hicks n'était point tenu de se mettre
ainsi à la gêne, de se réduire à la portion congrue; il a pu s'étendre à son aise
sur tout ce qui lui a semblé obscur, sur tout ce qui lui a paru mériter quelque
attention. Chaque inscription est traitée comme si elle faisait l'objet d'un travail
spécial : ce n'est pas nous qui nous en plaindrons. Les admirables recherches
84 REVUE CRITIQUE
de Bœckh sont en effet, par suite de la découverte de tant de textes nouveaux,
à compléter et à corriger aujourd'hui sur bien des points, et c'est une précieuse
ressource pour celui qui étudie les institutions d'Athènes qu'un commentaire mis
au courant de tous les résultats obtenus depuis une trentaine d'années. M. Hicks
paraît avoir été très-bien préparé à cette tâche et par une forte éducation
d'helléniste et par une lecture attentive, un dépouillement soigneux de tout ce
qui s'est écrit sur ces matières, de Bœckh et de Sauppe à Kirchhoff età Kœhler;
il a aussi sous les yeux toute la collection du Journal archéologique d'Athènes et
l'excellent ouvrage de M. Koumanoudis sur les inscriptions funéraires de l'At-
tique. Il est un recueil périodique d'Athènes qu'il ne paraît point connaître et
que je prendrai la liberté de lui signaler, P'AGr^vaioç, qui paraît depuis plus de
trois ans sous l'intelligente direction de MM. Koumanoudis et Kastorchis. Celte
revue a déjà publié bien des textes intéressants. Dans le dernier numéro qui nous
soit arrivé, à la page 687 du t. III, M. Hicks trouvera une bien curieuse inscrip-
tion, qu'il rapprocherait tout de suite du n** I de son ouvrage. C'est aussi un
règlement sur l'organisation et l'administration d'un dème attique, sur la manière
dont doit se célébrer son culte officiel et sur les serments que doivent prêter, en
entrant en fonctions, les différents magistrats du dème. Le nom du dème manque,
avec le commencement du décret; mais le reste est bien plus complet; :que
l'inscription relative au dème des Scambonides. •. - ^<-y^
Une étude qui ajoute beaucoup au mérite et au profit de l'ouvrage, c'est
l'excellent commentaire que M. Newton a donné du n° 35 (160 du Corpus ôq
Bœckh, 322 de Kirchhoff). Il s'agit de la célèbre inscription qui nous a conservé
l'inventaire dressé, en 409, par une commission d'èiciaTiTai^ chargée de constater
oii en étaient les travaux de l'Erechtéion. M. Newton a eu l'idée très-heureuse
de joindre à cette inscription trois planches exécutées avec le plus grand soin et
représentant l'Erechtéion restauré. Sur ces planches, des lettres très-fines, raar>*
quées à l'encre rouge, renvoient au texte et permettent au lecteur de retrouver,
sur l'édifice même, la place de chacun des membres d'architecture mentionnés
dans l'inventaire des commissaires athéniens. Cette élucidation du texte par des
planches d'architecture, Bœckh en avait donné l'exemple, que n'a point suivi
Kirchhoff; mais Bœckh n'était point archéologue, il n'avait point, comme
M. Newton, vécu au milieu des ruines des plus beaux monuments de l'antiquité,
il ne les avait point mesurés et décrits avec le concours d'architectes érudits, il
n'avait point dirigé de grandes fouilles comme celles d'Halicarnasse et réuûi
tous les éléments d'une restauration comme celle du mausolée. L'expérience
archéologique du nouvel éditeur a donné à ses explications plus de précision^ à
ses conjectures, là où il n'arrive point à la certitude, une plus grande vraisem-
blance; ses planches, dessinées et gravées avec plus de soin, laissent bien
mieux voir les divers éléments auxquels renvoie ^inventaire. Ce commentaire
rendra les plus grands services à tous ceux qui étudient l'histoire de Parchitec*-
ture et de la construction grecque, à ceux qui désirent connaître les termes du
métier et en fixer le sens. ^ '"
Il ne nous reste qu'un vœu à' former, c'est que l'œuvre entreprise sous la
d'histoire ET DE LITTÉRATURE. 85
direction de M. Newton se poursuive avec activité et s'achève promptement.
Certains des textes retrouvés par M. Wood à Éphèse ont été, si nous ne nous
trompons, communiqués par lui à M. Waddington et publiés dans le Voyage
archéologique; mais un bien plus grand nombre doivent être encore inédits. Les
inscriptions de Priène, d'Iasos et de Rhodes mentionnées dans l'introduction
n'ont pas non plus, à notre connaissance du moins, été encore livrées aux savants.
Personne ne connaît mieux que M. Newton les monuments architectoniques, la
numismatique, les dialectes, Phistoire des côtes de l'Asie-Mineure et de ces îles
voisines qu'il a pourcourues en tous sens pendant son séjour en Orient; — nous
souhaitons vivement que ses occupations lui laissent le temps d'éditer et de
commenter lui-même les textes provenant de la région qui a été, pendant plusieurs
années si bien remplies, le théâtre de ses voyages, de ses travaux et de ses
âécouverteiS'/iiùu ibiniab ^i iiniiû ..;.
-qiij^.a jcuùïiiso nsid ônw £i9vuoil c. .,, . G. Per^çt. ,, , ^^^ ^
nu i22UB J23'3 .9JJG17U0 HO? dh I "n isb 3J: ■ riqcT ii'lip .fTO T
159, ^— Gtintheri Alemaùni sbholastici, monachi et prioris Parisiensis, de ex-
pugnatione urbis Constantinopolitane seu Historia Constantinopolitana, ad fidem
cbaicutn' manuscriptorum.recognita. Genevae (Fick), 1875.
9 uGe" volume, exécuté avec le soin le plus élégant par l'habile typographe qui
s'est nommé à la fm, n'est pas mis dans le commerce, et nous ne pourrions, en
en parlant^ qu'inspirer à nos lecteurs de l'envie, si le texte qu'il contient ne
devait pas reparaître dans un Recueil, plus accessible, des documents historiques
nés du transport en Occident des dépouilles religieuses de Constanîinople. L'éditeur
de. l'un et de l'autre est M. le comte Paul Riant, qui s'est fait connaître il y a
quelques années par son excellent livre sur les Scandinaves aux Croisades, et qui
s'occupe avec l'intérêt le plus heureux, depuis quelque temps, d'éclaircir l'his-
toire singulière de l'expédition qui, réunie pour délivrer la Terre-Sainte, com-
mença par détruire Zara et finit par s'emparer de Constantinople. La relation de
Gunther, moine de Pairis en Alsace, écrite d'après les souvenirs de l'abbé Martin,
qui avait assisté à tous les événements et qui avait rapporté à son monastère des
reliques et des joyaux enlevés à une église grecque, n'est pas à dédaigner
comme document pour cette histoire. L'auteur écrit d'un style affecté, mais
élégant et suffisamment clair, et les faits qu'il relate ne sont pas tous sans impor-
tance; il arrange bien quelque peu son récit à la plus grande gloire de l'abbé
Martin , mais il est véridique, et parfois bien informé, en tout ce qui touche le
reste. M. Riant n'est peut-être pas tout à fait juste en lui attribuant « un esprit
» bien plus élevé que celui de l'abbé sous l'inspiration duquel il déclare modes-
» tement écrire; n il me semble que les appréciations et les observations judi-
cieuses dont il fait honneur à Gunther ont dû lui être communiquées par Martin.
Quoi qu'il en soit, il a le grand mérite, comme le dit M. R., d'être « tout à la
» fois le témoignage allemand presque unique, et le seul historien cistercien d'une
» expédition où, d'un côté, l'influence germanique a joué un rôle indiscutable,
)) et à laquelle, de l'autre, l'ordre de Cîteaux a pris une part considérable. »
Entre autres circonstances qui rendent son témoignage digne d'attention, M. R.
86 REVUE CRITIQUE
fait ressortir que « seul de tous les historiens occidentaux, il semble avoir péné-
» tré l'entente qui se tramait alors entre Venise et le sultan d'Egypte. » On sait
que cette question d'un traité secret entre le soudan et les Vénitiens, promettant
à ceux-ci de grands privilèges s'ils réussissaient à éloigner les Croisés de l'Egypte,
a été dans ces derniers temps vivement débattue; M. Riant vient de publier sur
ce point, dans la Revue des Questions historiques, des recherches fort importantes
et après lesquelles on peut la regarder comm.e tranchée. Mais ce n'est que par
ses connaissances acquises d'autre part sur cette ténébreuse machination qu'il
a été induit à interpréter le passage de Gunther comme y faisant allusion :
Gunther, ou plutôt Martin a très-bien pu signaler «la fraude et la méchanceté»
des Vénitiens, qui forcèrent les croisés à aller prendre Zara, sans pour cela soup-
çonner leur accord secret avec les infidèles. Il s'agit avant tout pour l'abbé de
Pairis de se disculper, ainsi que les croisés en général, d'avoir pris part à cette
expédition contre une ville chrétienne, si criminelle aux yeux des chrétiens sin-
cères; il rejette donc, et non sans raison, la faute sur les Vénitiens, mais il ne
paraît pas savoir combien ils 'étaient coupables. Au reste, comme on l'a vu,
M. Riant ne présente son explication du passage de VHisîoria Consîanîinopolitana
que comme une hypothèse.
La relation de Gunther a été publiée une première fois par Canisius en 1604,
d'après un manuscrit d'Ingolstadt, aujourd'hui à Munich, et, d'après Canisius,
réimprimée par Basnage et insérée dans la Patrologie de Migne. M. Riant al
trouvé à Munich un second manuscrit, qui, écrit seulement en 1425, reproduit
fidèlement, d'après une note du scribe, le manuscrit conservé dans l'abbaye de
Pairis; il a eu également à sa disposition un manuscrit du xv^ siècle, appartenant
à la bibliothèque de Côlmar. Ces deux derniers manuscrits, M (Munich) et C
(Colmar), ont sur le premier (I) un avantage notable, c'est de renfermer après
chacun des chapitres une sorte de répétition ou de digression en vers, qui
manque dans le ms. d'Ingolstadt et par conséquent dans les éditions antérieures.
Celle de M. Riant ne l'emporte donc pas seulement sur les autres par la supé-
riorité du texte, où les fautes de lecture de Canisius s'ajoutaient jusqu'ici aux
erreurs du copiste'; elle donne toute une partie inédite, qui n'est pas entièrement
dépourvue de valeur historique, et qui a surtout de l'intérêt pour une question
littéraire dont j'ai à plusieurs reprises entretenu les lecteurs de la Revue. Ils se
souviennent peut-être que M. Pannenborg, se fondant sur le nom de Gunther
donné par les éditeurs du xvi^ siècle à l'auteur du Ligurinus, attribuait' ce poème
à notre moine, auquel appartient sûrement le traité De oratione, etc., et lui
àoTmd\\ tnzoïtVHistoria peregrinoruïïij relation de la croisade de Frédéric F"";
j'ai combattu ici cette attribution (Rev. crit., 1873, I, p. 32). Depuis lors,
I . Citons-en deux : Léo lu pour loco avait passé pour un surnom de Foulcon de
Neuilly, et Litz lu pour licet pour un surnom de l'abbé Martin. — M. R. est tenté
(p. xviij) de croire que Canisius a eu sous les yeux, sans en parler, quelque autre
manuscrit que celui d'Ingolstadt; mais les arguments qu'il fait valoir ne sont pas con-
vaincants, et ne paraissent même pas clairs d'après la disposition des variantes dans les
passages auxquels il renvoie. .»,wiui t,ai.'
d'histoire et de littérature. 87
M. Pannenborg a renoncé à une partie de sa thèse, mais pour soutenir plus
vivement ce qu'il en garde ' : il abandonne VHistoria peregrinorum, mais reven-
dique énergiquement le Ligurinus pour Gunther de Pairis. Je dois reconnaître
que les arguments de M. Pannenborg sont cette fois plus solides, et quelques-uns
très-dignes d'attention : la découverte de vers qui sont incontestablement de
Gunther ne peut qu'engager à lui faire honneur aussi du Ligurinus et du SoUma-
rius 2 et apporte en tout cas un nouvel élément à une discussion dans laquelle je
ne veux pas rentrer. Au premier abord, Paspect des morceaux poétiques inter-
calés dans VHistoria n'est pas favorable à l'opinion de M. Pannenborg : tandis
que le Ligurinus est en hexamètres imités des vers classiques, et dont quelques-uns
seulement, de loin en loin, sont léonins, les morceaux poétiques insérés par
Gunther dans sa chronique 3 offrent un grand nombre des variétés souvent les
plus bizarres des hexamètres et distiques rimes du moyen-âge. Cependant une
certaine parenté de style et de manière se laisse reconnaître, et dans les quel-
ques pièces oh Gunther renonce à la rime, elle est frappante : il y a notamment
un passage (ch. XIX) où Gunther célèbre la victoire des Latins et la compare à
celle des Grecs sur Troie, avec un enthousiasme, des expressions et des tour-
nures qui rappellent étonnamment des morceaux semblables du Ligurinus. Mais
n'est -il pas possible que les éditeurs de ce poème aient connu l'ouvrage de Gun-
ther et lui aient attribué le Ligurinus précisément à cause de cette ressemblance ?
Quoi qu'il en soit, vu l'intérêt de ces pièces de vers, où Gunther déploie un
genre de talent que ses contemporains durent apprécier beaucoup mieux que
nous, je me permets de soumettre à M. Riant quelques corrections que m'a
suggérées la lecture de la partie poétique de sa publication ; peut-être pourra-t-il
en tirer parti pour la réimpression qu'il annonce.
I, 17 noloj 1. volo avec M pour le sens et la mesure. — II, 3 decerta, 1. de
certa; $ nec esse, 1. necesse. — III, 9 velle, 1. nolle avec M (ceux qui portent la
croix par devant indiquent qu'ils ne veulent pas revenir, ceux qui la portent par
derrière qu'ils espèrent le retour); 1 1 estraîio, faute d'impression pour est ratio.
— IV (cette pièce devrait, comme d'autres, être divisée en strophes monorimes
de cinq vers), 5 a ireumlenîi, 1. nil ou veL — V, 1 1 Sic, 1. Sit et suppr. la vir-
gule. — VII, 7, 8 suppr. la virgule après vir; v. 17 Hic, 1. Hoc, et dans le
même vers, pour l'arrangement des rimes 4 ipse pater pius. — IX, 4 certa, 1. certi
avec G. — X, 3 suppr. la virgule après scribimus; 4 dénota, 1. devota; 5 vitare,
1. mirare avec G. — XII, 12 ditasti, 1. dicasti. — XIII, 3 reportez le point d'in-
1. Noch einmal Magistcr Guntherus {Forschungen zur deutschen Geschichte, t. XIV, 1874,
p. 185 ss.).
2. M. Riant dit à propos de ce poème : « Le Soly marias pourrait bien ne pas être
» aussi parfaitement perdu que le pensent MM. Paris et Pannenborg. » Cette insinuation
pique vivement la curiosité : il serait à souhaiter que le savant éditeur la développât.
3. M. Riant présume que les vers ont été composés avant la prose; mais comme il
remarque lui-même qu'ils n'ont jamais formé une œuvre suivie, on ne voit pas bien com-
ment ils auraient pu exister isolément.
4. Il serait utile de faire ressortir par des blancs ou toute autre disposition typogra-
phique ces rimes intérieures qui coupent les vers en tronçons.
88 REVUE CRITIQUE
terrogation à la fin du vers suivant. — XVI, 14 sudes de C est préférable à rudes.
— XIX, ^ falliiy 1. fallat; 1 1 rempl. après Atrides le point d'interrogation par
une virgule; 21 l. Illafefellit equus tune menia; 23 detenîi, 1. decenni; iSpreclare,
1. predari avec G. — XXI, 17-18 suppr. les signes de ponctuation après ipsa et
suo.—XXU, 4 suppr. la virgule après tua et 1. fine au lieu de summe avec ï M;
14 cerîamina est certainement une faute. — XXIII, 12 rede, 1. sede, et suppr. la
virgule après prede et sede. — XXIV, 8 suppr. le point d'interrogation après--
faîeri; 9 vocabulo, 1. vocabula; 34 iste,\. isti,— XXV (outre plusieurs signes-déb
ponctuation à changer) 4 que, 1. cum; 8 urk, l. orbe, : '15* J
^ , _ -i. bp ,nodufi2B3 ^îbM .laviàijiiuj si â quoDUEsd inaisnaî ziovanèO
160.— Isaac Casaubon. » 599-1614; By MarJ^f j^jççsg^^I^^ c^^yi^lçj^Oq
lege. London, Longmans. 1875. In-8\ 54? P- .. . ,
'b î/'i jii.:'Lfoiî Dfi II nnom3Jî&'îî sfa
^^(I.Pattison ne s'est pas contenté des documents imprimés pour faire cette q
biographie détaillée de Casaubon; il s'est servi des Adversaria de Casaubon con-
servés à'ia Bibliothèque Bodléienne, des lettres adressées à Casaubon qui 5e
trouvent dans la collection Burney au British Muséum, des lettres de Casaubon 3
à de Thou qui sont à notre Bibliothèque nationale, enfin des archives de Genèvevi^
Il a su tirer de toutes ses recherches un tableau vivant de la personne de notre
grand helléniste et des circonstances où il a vécu ; sa biographie est particulière-
ment intéressante pour l'histoire de l'enseignement, et c'est à ce point de vue que
nous nous placerons pour en rendre compte.
Isaac Casaubon était né le 18 février 1 559, à Genève, o\x ses parents « s'es-
» toient » comme il le dit lui-même (ep. 453) « retirez de Gascongne, ayaiit^
» failli d'estre bruslez à Bourdeaux. » Son père rentra en France en 1 561 ét«
accepta une place de pasteur à Crest en Dauphiné. Casaubon fut d'abord instnnt«
par son père « homme très-capable, mais très-occupé des affaires de l'Église i. . </
» quelquefois ... absent de sa famille deux ou trois ans, chassé, pillé presque
» toutes les années, je puis dire avoir commencé mes estudes, lors que âgé de
«vingt ans je fus par luy renvoyé à Genève » (Casaubon, ep. 453). Il y apprit.^
le grec de François Portus, et le 5 juin 1582 après la mort de Portus, il fats
présenté au petit conseil « par M. de la Paie recteur, pour estre professeur deu
» la langue grecque, suyvant l'advis de tous les ministres et professeurs » etn
accepté. Il y avait à Genève deux établissements d'enseignement, l'un d'ensei-
gnement secondaire, la scliola privata divisée en sept classes, l'autre d-'instruction ;
supérieure, la schola publica, qui n'avait d'abord que trois chaires, hébreu, grec, [
arts, plus tard lois et médecine. Bèze et Calvin enseignaient la théologie, mais
sans prendre le titre de professeurs. La journée commençait pour les professeurs
à 5 heures en été, à 6 _ heures en hiver par un sermon. d'une heure. Ensuite le
professeur d'hébreu faisait leçon ^ puis le professeur rde grec expliquait un texte -
de philosophie ou de quelque auteur chrétien ; dîner à 10 heures; après le dîner
le professeur de grec expliquait un poète, un orateur ou un. historien. Il n'avait'^
pas de leçon le matin du mercredi ni du vendredi^ ni dexlouteila journée du
d'histoire et de littérature. 89
samedi. Les leçons étaient d'une heure. Il fallait assister le jeudi à la conférence
des ministres et le dimanche au prêche. Les professeurs étaient entre les mains
de la « vénérable compagnie » des pasteurs qui les présentait au petit conseil,
autorisait les textes des auteurs qu'ils devaient expliquer, et leur donnait la per-
mission d'imprimer ce qu'ils voulaient publier. Casaubon, qui au bout de quelque
temps joignit l'enseignement du latin à celui du grec, voulut expliquer Tertullien,
de PzilLio; la « vénérable compagnie » ne trouva pas le livre assez édifiant; mais
elle lui permit d'imprimer ses notae in Laerîium.
L'enseignement de Casaubon eut du succès, et ses publications « lui donnèrent
une réputation confirmée par le suffrage imposant du grand Joseph Scaliger. Les
Genevois tenaient beaucoup à le conserver. Mais Casaubon, qui avait épousé la
fille d'Henri Estienne, en 1 586, et dont la famille s'augmentait tous les ans, ne
pouvait obtenir d'une ville, dont les finances étaient épuisées, une augmentation
de traitement; il ne trouvait plus d'ailleurs à Genève des ressources suffisantes
pwîr poursuivre ses études^ il accepta en 1595 les offres des magistrats et du
consistoire de la ville de Montpellier.
La célèbre école de médecine de cette ville était redevenue florissante. L€S
examens y étaient plus sévères que partout ailleurs, plus même qu'à Padoue; la
dispute y était cultivée assidûment; les chaires étaient données au concours;
l'une de ces chaires avait été disputée par 11 candidats pendant 13 mois; les
six professeurs royaux n'avaient pas le privilège exclusif de l'enseignement; tout
docteur en médecine pouvait faire des leçons 2. Les consuls de Montpellier vou-
lurent restaurer l'enseignement des lettres; ils obtinrent en 1 596 des lettres
patentes d'Henri IV qui leur enjoignait « de faire remettre et rétablir le collège
»!qui jadis souloit estre en ladite ville avec suffisant nombre de régents pour
» '^instruction de la jeunesse es dits arts libéraux et lettres humaines et ez
)>; langues grecque et latiney- de Jtelïe sorte qu'on la puisse rendre capable des
». autres sciences?. » ^^.î!!>'
t)Lja commission mi-partie de quatre protestants et quatre catholiques, chargée
de la réorganisation de l'école, proposa à Casaubon de venir à Montpellier «lire
)):publicquement et faire exercice publicq de ses langues et bonnes lettres »
avec le titre de conseiller du roi et professeur stipendié aux langues et bonnes lettres,
un traitement de 266 écus, le logement et le bois 4. Casaubon fut reçu en grande
pompe avec toutes les marques publiques de la plus respectueuse considération.
Il faisait 4 leçons d'une heure par semaine à quatre heures de l'après-midi
devant un auditoire qui n'était pas composé seulement de jeunes gens, mais de
professeurs de droit et de magistrats. Il traita des magistrats de la république
romain^, tde'L'hètoire romaine, des lois des XIi; tables, de quelques fragments
1. Les principales sont l'édition de Strabon (1587), animadversiones in Dionysii Hali-
carnassei antiquitatum romanarum libros (1 588), une édition de Polyen (1 589), une édi-
tioTi des Caractères de Théophrast-e (1 592), de Suétone (1 595).
2. M. P. a tiré tous ces détails de notes manuscrites du docteur Primrose qui fut
étudiant à Montpellier au commencement du XVII* siècle.
3. Mémoires de la Société archéologique de Montpellier IV (et non I), 27 j.
4- M. P. doaneJetfixte même du contrat, (p. I46>ii3i5m ub fuJjim si no _
CfO REVUE CRITIQUE
d'Ulpien dans le Digeste; il expliqua Perse, Plaute (Captifs), le serment d'Hippo-
crate, la morale d'Aristote. Casaubon fit en outre pour les jeunes gens un cours
élémentaire de grec où il expliqua Homère et Pindare. Il est évident que la
littérature latine et les antiquités romaines intéressaient plus le public lettré de
la France que la littérature et les antiquités grecques. M. P. paraît tenté d'attri-
buer ces préférences à la prédominance du catholicisme. Mais c'était partout que
le latin avait cette prépondérance; il l'a conservée jusqu'au commencement de
notre siècle. Le grec n'était cultivé qu'en vue de la théologie et de l'érudition
pure, principalement de l'érudition historique. Non-seulement le latin avait plus
d'intérêt littéraire; mais les antiquités romaines avaient, à cause de la perpétuité
du droit romain, une importance que ne pouvaient avoir les antiquités grecques '.
La civilisation occidentale est essentiellement d'origine latine.
Casaubon avait de grands admirateurs de son savoir dans le cercle qu'avait
présidé Pierre Pithou, et qui était composé de l'historien de Thou, de Rapin, Pas-
serai, Servin, Gillot, François Pithou 2. Us parlèrent de Casaubon à Henri IV, qui,
lors du passage de Casaubon à Paris en 1 598, entretint le savant de ses projets
sur l'Université de Paris. En 1 599, le 24 janvier, Casaubon reçut à Montpellier une
lettre d'Henri IV qui l'appelait en ces termes : « Ayant délibéré de remettre sus
» l'Université de Paris, et d'y attirer pour cest effect le plus de savans person-
» nages qu'il me sera possible, sachant le bruit que vous avez d'estre aujour-
» dhuy des premiers de ce nombre, je me suis résolu de me servir de vous pour
» la profession des bonnes lettres, en laditte Université. » Casaubon ne se pressa
pas de venir à Paris ; il différa sous différents prétextes, et n'arriva que le
28 février 1600.
Le 12 avril 1600, il écrivait à Scaliger (ep. 208) : « Crabrones quos nosii
» irritare non est animus, etsi non semel demonstrarit nobis 6 uTuspévBoHcç prin-
» ceps noster voluntatem suam opéra nostra- utendi in restauranda hac schola.
» Nos contra ab eo consilio sumus quam alienissimi : ea fme in remotissimam
» ab ea quae fuit olim Academia urbis partem concessimus : ut, si fieri possit,
» inter accpcùç illos ne nomen quidem nostrum audiatur. » Casaubon fait ici
allusion aux professeurs de la facuhé des arts, à ces hommes de collège, paedagogi,
comme les appelle Scaliger î, qui paraissent avoir considéré le nouveau venu
avec une jalousie inquiète. Casaubon fit au mois de septembre 1601 quelques
leçons particulières où il expliqua Hérodote; mais il fut obhgé d'y renoncer 4. Il
1 . Casaubon reprochait à Juste Lipse d'avoir dit en parlant des lettres grecques « décoras
» esse, non necessarias » (ep. 294).
2. L'admiration que Scaliger exprimait en toute occasion pour Causabon avait tait
beaucoup d'impression sur eux. Pendant son séjour à Montpellier Casaubon publia le
texte d'Athénée (1 597); le commentaire (animadversionum in Athenaei deipnosophistas
libri XV) parut en 1600.
3. Scaliger désigne plusieurs fois (ep. I, 53, 57, 58) ainsi les professeurs qui ensei-
gnaient dans les collèges de Paris, et il écrit à Casaubon en lui parlant de Sully et des
gens de finance (ep. I, 58) : « Quo génère hominum nuUum tibi infensius fore post pae-
» dagogos augurabar. »
4. Il donna quelques leçons en particulier (ep. 294) : « Proximo septembri (il écrit au
» mois de juillet 1602), cum amicorum rogatu in privatis aedibus Herodoti interpretatio-
d'histoire et de littérature. 91
est probable, comme le conjecture M. P., que l'abjuration était la condition
qu'Henri IV exigeait pour donner une place à Casaubon dans l'Université de
Paris. Il était difficile en ce temps d'intolérance universelle ' de confier à un
protestant une chaire dans une ville alors très-catholique. M. P. ne me paraît
pas tout à fait juste quand il voit dans la réforme de l'Université promulguée le
18 septembre 1600 le triomphe du parti catholique et obscurantiste : une réforme
à laquelle de Thou l'historien et Richer le père du gallicanisme du xvii*" siècle
avaient présidé ne pouvait pas avoir et n'avait pas ce caractère. M. P. exagère
quand il dit (p. 292) que, d'après les statuts, aucun dissident ne pouvait être
non-seulement professeur, mais même écolier 2. Enfin il est inexact d'avancer
que l'Université s'était opiniâtrée au xv!*" siècle dans les traditions de la scolas-
tique : la Renaissance avait trouvé de très-bonne heure, dès le xv* siècle, accès
dans l'enseignement de la faculté des arts?.
Casaubon, qui, comme nous venons de le voir, se souciait d'ailleurs fort peu
d'avoir un enseignement et d'être en rapport avec les professeurs, eut le titre de
« lecteur du roi » sans fonction, et fut « garde de la librairie du roi 4. » H pro-
fita de cette position pour lire, pour dévorer tout ce qu'il put dans cette collec-
tion déjà fort riche de manuscrits : il ne s'inquiéta ni de faire des collations ni
de dresser un catalogue î. L'assassinat d'Henri IV (16 10), qui inspira les craintes
les plus vives aux protestants français et qui fit en particulier sur Casaubon une
» nem suscepissemus horis succisivis, initio convenere sex septem, quorum gratia atque
» adeo rogatu, ut dixi, res instituebatur : deinde ubi rumor emanavit, concurrere omnes
» qui literas hic amant, etiam viri graves omnis et dignitatis et aetatis. Sensi rem apud
» bonos gratam, apud malos invidiosam; qui praetextu religionis non me, sed xpiafAsytc-Tov
» Maecenatem meum obtrectabant. Ille quidem, ut est benignissimus, et quod istis (de
» ludimagistris e trivio non loquor) dolet mei amans, meum arbitrium esse voluit, docerem
» an non. Sed causas graves habui cur valetudini meae consulerem et abslinerem. »
1. Casaubon lui-même, qui était un homme fort doux, félicita Jacques I" d'avoir fait
brûler vif un Arien, dans ce passage que cite M. P. (Exercitationes in Baronium. ded.) :
« Arianum in sua perfidia obstinatissimum, qui in vinculis diu detentus, revocari ad sa-
» nam mentem nulla ratione potuerat, flammis ultricibus tua majestas impatiens injuriae
» factae domino nostro Jesu Christo, Deo àxTiarw, jussit tradi. »
2. L'article 5 des statuts de la Faculté des arts porte : « Nemo a gymnasiarchis in
» collegia admittatur et hospitio excipiatur, qui religionem catholicam et apostolicam non
» âmplectatur. Exteri qui adeunt collegia studii causa, moneantur ne de nova religione
» inter condiscipulos aut alios omnino conférant. Quod si neglexerint aditu collegii pro-
» hibeantur. » Les dissidents ne pouvaient donc pas être internes; mais ils étaient admis
comme externes. Je ne trouve rien de spécial relativement aux professeurs.
3 . De l'organisation de l'enseignement dans l'Université de Paris au moyen-âge par Charles
Thurot (Pans, 18 50), p. 83-85.
4. Il était obligé, comme Scaliger le lui avait prédit (I, 50), de se débattre pour les
appointements avec Sully. M. P. cite le passage suivant du journal de Casaubon (Is.
Casauboni, Ephemerides. Ed. Russel Oxonii. 1850. II. 8*. I, 338) « III Eid. mar. (i6or).
» Et hic dies funditus periit, veni ad Ronium, qui non obscuram significationem dédit
» ejus quod ab ipso possum sperare. Deserunt nimirum omnia undique humana praesidia,
i) nisi tu, 0 Pater âuo-jpàvts, nos respicis : quod et spero faciès (XIV Kal. Apr.;
» Prodimur a Ronio, deserimur ab aliis. Thuanus ô uàvu et si qui alii nobis serio cupiunt
» apud ilium barbarum irap' oùosv eîat. » Scaliger console Casaubon à ce sujet dans plu-
sieurs de ses lettres, I, s^, \^-
$. Dans son séjour à Paris il publia une édition des historiens de l'histoire Auguste
(1603), de Perse (1605), la traduction latine de Polybe (1609).
92 REVUE CRITIQUE
impression profonde, le décida à accepter les ofFres qu'on lui faisait de se rendre
en Angleterre auprès du roi Jacques I".
Il fut accueilli avec beaucoup de considération et reçut une prébende à Can*-
torbery/; il fut tourné du côté de la théologie ^^ qui était dans les goûts du roi
et que les prélats anglais cultivaient suivant des principes tout à fait d'accord
avec ses propres prédilections, en s'attachant à la tradition des Pères des quatre
premiers siècles. Il ne remplit aucune fonction d'enseignement, et n'accepta pas
même de titre honorifique à Oxford, où il fit une visite en 1613, l'année qui
précéda sa mort : a inveni » écrit-il (ep. 899) « omnia exspectatione mea majora;
» coUegia et plurima et pleraque eorum longe ditissima 3 ; studiosorum qui
» publico sumptu aluntur, hoc est e reditibus ipsorum collegiorum, magnam
» copiam; nam superant duo millia, plerique omnes honesto loco nati, quidam
» ex nobilitate etiam primaria. Abest enim e coUegiis Anglorum illa quam vocant
» nostri paedagogicam 4 vitae rationem. Hic literae coluntur nobiliter; capita
» collegiorum instar nobilium virorum splendide vivunt, imo magnifiée (sunt inter
y> illos qui decem millia librarum Gallicarum in annum expendant); res studio-
» sorum et rationes separatae sunt, quod valde probavi. « M. P. retrouve dans
ce que dit Casaubon de son séjour à Oxford tous les traits caractéristiques de
cette Université (p. 417), le temps des maîtres absorbé par les formalités de
leurs devoirs officiels et le soin de-leurs affaires, pas d'intérêt pour la haute cul-
ture, l'intérêt ecclésiastique primant tout dans un corps composé de clercs qui
dépendaient pour leur avenir des évêques et du gouvernement et dans un éta-
blissement que l'État considérait comme un instrument de combat contre les
deux oppositions, catholique et puritaine. « Cette Université » dît M. P. « est
» ainsi un organe de la vie nationale; elle partage toutes les passions, les pré-
» jugés, les sentiments religieux qui ont cours dans la nation anglaise, mais eîlé
» est destituée de tout pouvoir pour vivifier, redresser, instruire, éclâirerl » ^
M. P. caractérise et apprécie très-bien les travaux philologiques et ihéolo-^
giques de Casaubon. Mais il ne me paraît pas équitable, quand il attribue àla"
prédominance du catholicisme le déclin des études classiques en France et quand'
1 . La prébende de Westminster fut promise, comme on le voit par le jpurn«^^^j^
Casaubon; mais elle ne fut pas donnée, comme le montrent les registres du chapitre, ou..
il n'y a aucune trace de Casaubon comme prébende fp. 360). '"''^'^
2. Dans son séjour en Angleterre il publia k ad Frontonem Ducaeum S. J. Theologum
» epistola » (i6ii), «ad epistolam illustr. et reverendiss. cardinalis Perronii responsio))j
(1612), « de rébus sacris et ecclesiasticis exercitationes XVI ad Baronii annales » (1614)';'
3 . Il avait été frappé de l'orgueil que cette richesse et cette magnificence inspiraient^
alors aux universitaires anglais (ep. 831) : « est insitum hinc nationi ut sua amet, aliéna
R ne admittat quidem ad comparationem. Florentissima enim et ditissima sua collegia
» ipsis animes faciunt ut omnes non vereantur prae se contemnere.vHoc^iyitio! qui non
» laborant inter Anglos sunt viri admirandi. » •-•^: ■:
4. Je crois que Casaubon entend par cette expression ce qu'on aurait appelé au
XVIII' siècle « la vie de collège, » telle que la menait alors les professeurs (paedagogi,
voir ci-dessus p. 90 n. 3) des collèges de Paris, qui étaient devenus ce que sont nos
lycées, tandis que les collèges d'Oxford étaient restés des établissements d'instruction
supérieure. L'interprétation que M. P. donne ici au texte de Casaubon (p. 403 > ne mei
paraît pas tout à fait exacte, et il cite le texte même d'une façon fautive, f^io.-:."; ];&iuê
d'histoire kt de littérature. 95
il refuse à Sirmond et à Pétau l'amour de la vérité. Scaliger et Casaubon étaient
protestants, mais Budé, Turnèbe et Lambin étaient catholiques. Je ne vois rien
qui autorise à penser que Sirmond et Pétau n'aient pas respecté la vérité ; et si
PétaU ne peut être mis sur la même ligne que Scaliger, il était loin d'être sans
mérite. Le fait est que les protestants comme les catholiques n'étaient pas plus
disposés les uns que les autres à respecter la vérité quand leurs passions étaient
engagées. Ce n'est pas seulement en France que la philologie classique a décliné
au xvii'' siècle ; c'est dans toute l'Europe; et on s'explique pourquoi, quand on
songe que c'est dans ce siècle qu'ont vécu Galilée, Torricelli, Kepler, Leibniz,
Descartes, Fermât, Pascal, Harvey, Wallis, Newton,'*' liés lesprits étaient
ailleurs. j i;
Je dissimulerais, si je ne disais pas que M. Pattison ne me paraît pas exempt
de toute prévention en ce qui touche la France et le catholicisme. Il fait néan-
moins preuve en général d'une grande indépendance d'esprit, et il garde partout
cette sincérité noble, ce franc parler, l'un des fruits les plus heureux que pro-
duisent des institutions libres; il exprime sans réserves et sans ambages ce qui lui
paraît vrai comme il le lui paraît. Ses recherches sont d'ailleurs approfondies et
présentées avec beaucoup de talent et d'intérêt '.'isî m^ àb aodu^^Cj Jib 3Up -xj
sb 23lili.miot a:)i 'im^ [)&vjciii. 20i;ji:ia ^.-u i^aisl :)! ,:§h^lef T^CROlinU e>n:/:j.
-luo sîupfî K' T.ioa t'^nôîiirb d^d .t^iiUlu' ^yJ'3i 'jh nioa si iv ?j':ioiî1o aiicvsb 2iu3Î
1^/— ^anti popolari di Note. Studîî e raccolta di Corrada Àvoliq»^ Natoî tJPw
-f^^FVi Zarrimit. 1875. i mj^iin^'ée^^i^p^^^V^^ f^i nwq ^h'Mi^u^jqBù
Après tous les recueils de poésies populaires qui depuis peu ont été publiés
en .Italie avçc une si remarquable activité, on pouvait penser qu'il ne devait pas
Yj^yl^i^ jà matière à d'autres collections de ce genre. Voici un volume qui prouve
le contraire. Il est intéressant par les chants qu'il contient et plus encore peut-
être par les recherches qu'ils .o,nt provoquées, mais qui auraient pu être présentées
sj^ej; ^j^i^v^^^jiffi^^^gf^^^^^^ commence par une étude çpmparatiy^.^r
le sous-dialecte 4e r^oto. Cette étude précède un glossaire assez développé
contenant les mots de ce dialecte qui manquent au sicilien. Vient ensuite sous ce
titre trop modeste : Nota allô studio comparativo del soîto dialetîo noticiano, une
éttide qui a paru en partie dans le Nuove effemeridi sidUane. M. Avolio y fait
bien connaître la physionomie particulière d'un peuple de deux cent mille âmes
répandu dans vingt-quatre communes et entre de nouveau dans des détails sur
la langue des Noticiens qui semble s'être encore moins éloignée du latin que le
sicilien. Ce travail offre sur divers points des observations fort judicieuses. L'au-
bn'y.W: ,i'};n(> ^u^ l.i ,n^Jii>i: vni:! luutur.: ;.:j 1. : s;^^ .q.; :.:^^^:\^ .:j:.r ;:::-. -vm:; x:.;; ■:■.;.
niu Lenom de la ville de Lyon doit s'écrire sans 5 (p. 92 et passimV, lisez (p. no)
« président à mortier » ; (p. ^29 dernière ligne) consiliario au lieu de comitiario, (p. 530,
Lie) ne sont au lieu àe ni font et (i. 13) voulu au lieu de vouler. — Il y a des fautes de
lecture dans le contrat passé par la ville de Montpellier avec Casaubon (p. 146). Il est
probable qu'il faut lire (l. 3) au lieu de « erg" droicts » « Dr (Docteur) es droicts, »
(l. 4 et 5) au lieu de « Anthonie » « Anthoine, » (1. 1 1) au lieu de « demeurans » peut-
être « demeurance; » il faut supprimer (1. i j} la virgule apiès « teneues.»- Tout- l'acte
aurait besoin d'être revu sur Toriginallî^m ojx-jt s. 'jUj u J3 ,:>JDiVi;o Ji£î l luot zuq Ji>:;
04 REVUE CRITIQUE
teur sait dans un jeu populaire, dans des paroles adressées à des enfants, décou-
vrir des vestiges antiques très-curieux. Il comprend enfin tout ce que peuvent
offrir des études du genre de celles auxquelles il s'est livré et dont il explique
ainsi l'importance : « La scienza ha compreso oramai che in ogni parola di
» dialetto e in ogni fiaba, esiste una forza che puô essere utilizzata nello studio
» storico délia lingua e dei popoli. Spesso in un proverbio 0 in una panzana,
» c' è un palinsesto prezioso. Ed oggi siva in un villaggio a raccor canti e
» racconti, voci e frasi, come il botanico ed il geologo vanno in campagna, a
» far collezione di plante e di rocce. »
A la suite de cette note on lit la préface des chants populaires que l'auteur a
recueillis non sans difficultés, rencontrant chez les paysans auxquels il s'adressait
ces mêmes sentiments de méfiance que, en occurrence semblable, ses confrères de
France ont eu souvent tant de peine à vaincre. M. Avolio ne prétend pas, du
reste, que les vers recueillis par lui aient tous été composés par des Noticiens.
La paternité lui paraît aussi très-difficile à prouver en fait de chants populaires.
En moins d'un mois un chant né à Palerme fait le tour de l'île, subissant dans
son voyage des changements qui semblent le naturaliser dans vingt lieux diffé-
rents. Plusieurs de ces vers sont, suivant l'auteur, très-anciens et remonteraient
à l'époque de la domination des Arabes. M. AvoHo croit que de ceux-ci ont pu
provenir les images grandioses employées par les poètes populaires. Il pense
encore que ces derniers ont eu une vive influence sur la poésie érudite de la
cour de l'empereur Frédéric II. Mais à cela il y a peut-être une objection
dans le caractère même de cette poésie. On peut y remarquer — et c'est
ce qu'a fait M. di Giovanni — quelques comparaisons, qui après tout ne
rappellent pas plus les Orientaux que les Provençaux, mais on n'y trouve vrai-
ment pas ces excès de couleur, ce luxe d'hyperboles qui appartiennent bien
réellement à la poésie populaire dont M. Avolio voudrait faire descendre la
poésie érudite. L'auteur a classé les chants qu'il a réunis dans diverses catégories
semblables à celles qu'ont adoptées ses prédécesseurs et comme ton, comme
inspiration générale, les poésies noticiennes ne diffèrent guère de celles qu'ont
rassemblées Vigo, Pitre, Marino, Lizio Bruno; mais quelques-unes d'entre elles
renferment des allusions que l'auteur a expliquées dans des notes curieuses ayant
trait à d'anciens usages, à des superstitions, à des êtres surnaturels dont les uns,
comme les Vaviîini, les Mammatraj, ont sans doute une origine septentrionale;
dont les autres paraissent remonter au paganisme comme les Ronni-di-Casa dans
lesquelles l'auteur croit reconnaître les Lares et les Pénates. Le volume est ter-
miné par la Vie de saint Corradu, texte du xiv^ siècle, dont un fragment avait
paru dans le Nuove effemeridi. Bien qu'écrite par un Noticien, cette œuvre est en
sicilien, ce qui prouverait qu'à cette époque ce dialecte était déjà usité dans
toute l'île et avait une sorie de supériorité.
Th. de Puymaigre.
d'histoire et de littérature. 95
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du ^o juillet 1875.
M. Brunet de Presle, en raison de l'état de sa santé, adresse à l'académie sa
démission des fonctions de membre de la commission centrale administrative et
de la commission des fonds de l'académie. Il n'est point, jusqu'à nouvel ordre,
donné suite à cette communication.
MM, Deloche et Thurot sont réélus membres de la commission des comptes.
M. le comte de Soultrait se porte candidat à une place de correspondant de
l'académie, et envoie à Fappui de sa demande ses diverses publications (v. plus
bas).
M. Levasseur offre à l'académie le premier exemplaire d'une nouvelle carte de
France, publiée parle ministère de l'instruction publique, commencée en 1871
et terminée en 1875, ^^ exécutée par les soins d'une commission composée de
MM. Levasseur, membre de l'institut, président, Rouby, chef d'escadron d'état
major, Prudent, capitaine du génie, Grenet et Fontaine, ingénieurs en chef des
ponts et chaussées, Germain, ingénieur hydrographe, Ernest Desjardins, membre
de l'institut. La commission s'est attachée à dresser cette carte uniquement
d'après les sources les plus sûres ; les données de la carte de l'état major ont été
corrigées en partie au moyen des mjnutes qui avaient servi à faire cette carte,
et aussi, pour les noms de lieu, à l'aide des Dictionnaires topographiques qui ont
été publiés pour quelques déparlements. Pour les portions des pays étrangers
visibles sur cette carte, on s'est servi des cartes officielles étrangères, et l'on a
reproduit les noms tels qu'ils figurent sur ces cartes sans les traduire.
M. Perrot termine la lecture du mémoire de M. Robiou sur la date du règne
de Phraorte et sur les faits d'histoire politique racontés dans le livre de Judith, faits
que l'auteur s'est attaché à éclaircir à l'aide des inscriptions du roi de Ninive
Assurbanipal, publiées et traduites en 1871 par M. Smith. Dans la première
partie de ce mémoire, lue à la séance du 18 juin 1875, ^- Robiou avait signalé
le roi des Élamites Arioch, Erioch ou Ariuch du livre de Judith (1.6) comme
identique avec Urtaki, roi d'Êlam, contre lequel Assurbanipal eut à soutenir une
lutte dont parlent les annales assyriennes. Ce rapprochement, qui explique un
verset jusqu'ici presque inintelligible, est le fait auquel M. R. s'attache principa-
lement pour établir le synchronisme du récit biblique et du récit assyrien. Il
signale aussi l'accord qui existe entre l'énumération des vassaux de l'Assyrie,
donnée dans le livre de Judith, et ce que nous savons d'ailleurs de la géographie
politique de ces contrées au temps d'Assurbanipal. — L'auteur explique ensuite
les divers détails du récit du livre de Judith, l'origine aryenne d'Holopherne, le
caractère peu assyrien de son langage, la chronologie et la géographie de l'in-
vasion conduite par lui en Asie Mineure, le surnom de Nabuchodonosor qu'Assur-
banipal paraît avoir pris chez les Assyriens à une certaine époque de son règne,
l'identité de Béthulie et de Sassour, reconnue par M. V. Guérin, etc. Il se pro-
C)6 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
nonce enfin contre l'hypothèse de sir Henry Rawlinson qu'il a signalée au com-
mencement de son mémoire. — Dans sa conclusion, M. Robiou, invoquant les
synchronismes accumulés que fournissent les sources étudiées par lui, se pro-
nonce très-décidément en faveur du caractère historique du livre de Judith et
contre le système de ceux qui ont voulu l'interpréter symboliquement. Cette
réunion de synchronismes est, dit l'auteur, unique dans l'histoire, et si elle n'a
pas été remarquée, c'est que le texte exact du livre n'a pas été bien connu, la
collation des différentes versions ayant été négligée jusqu'ici comme peu intéres-
sante pour l'étude des questions théologiques.
M. Desjardins achève la lecture de la i^ partie du mémoire de M. Ch. Tissot
sur la géographie ancienne de la Maurétanie Tingitane. Avec cette partie se ter-
mine la description de la côte Maurétanienne depuis l'embouchure de la Malva
jusqu'à Tingis. M. Tissot conclut par quelques considérations sur l'histoire du
détroit de Gibraltar, qui s'est, dit-il, notablement élargi depuis l'antiquité, grâce
à l'empiétement de la mer sur la côte espagnole. De là ont pu venir en partie
les légendes suivant lesquelles l'Espagne tenait autrefois à l'Afrique, et en aurait
été séparée de main d'homme.
M. le d*" Lagneau termine la lecture de son mémoire sur les Ligures. Il exa-
mine les différents systèmes qui ont été soutenus sur la question de savoir à quelle
race les Ligures doivent être rattachés. Les uns leur ont attribué une origine
africaine, d'autres les ont confondus, soit avec les Ibères, soit avec les Celtes.
La première opinion est inadmissible : les Africains se distinguent nettement des
Ligures par la configuration de leur crâne, qui est dolichocéphale, tandis que
celui des Ligures est brachycéphale. Aucun argument anthropologique ne s'op-
pose à admettre la parenté des Ligures, soit avec les Ibères, soit avec les Cehes,
mais le témoignage des auteurs anciens prouve qu'ils doivent être néanmoins
distingués de ces deux peuples.
Ouvrages déposés: — Le comte de Soultrait : Abrégé de la statistique monumentale
de l'arr. de Nevers, Paris 185 1 ; Essai sur la numismatique nivernaise, 1854; Essai sur
la numismatique bourbonnaise, 18^8; Abrégé de la statistique archéologiaue de l'arr. de
Moulins (Allier), 1860; Notice sur quelques jetons du Forez, Lyon 1863; Répertoire
archéologique du dép. de la Nièvre, Paris 1865, 4*; Dictionnaire topographique du dép.
de l'a
de la Nièvre, Paris 1865, 4°; Inventaire des titres de Nevers de l'abbé de Marolles
Nevers 1873, 4°; etc.; — A. Herculano, Opusculos : questôes publicas; 2a éd.
Lisboa 1873 , 2 vol. — Présentés de la part des auteurs : — par M. Defrémery : Ch. CleR'
Nevers 1873, 4°; etc.; — A. Herculano, Opusculos: questôes publicas; 2a éd.
Lisboa 1873 , 2 vol. — Présentés de la part des auteurs : — par M. Defrémery : Ch. Cler
mont-Ganneau, Où était Hippos de la Décapole? (mémoire lu à l'académie, séance du
4 juin 1875 ; ^^^^- ^^ ^^ Revue archéologique); — par M. Desnoyers : Hamy, Documents
inédits sur les Bougors du gouvernement de Tourks (Sibérie) (extr. du i" cahier du Musée
archéologique, 1875, 8*); — par M. L. Delisle : Peigné Delacourt, Tableau des
abbayes et des monastères d'hommes en France à l'époque de l'édit de 1768 relatif à
l'assemblée générale du clergé, Paris, 4* (cartes).
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-Ie-Rotrou,
(p. Kollmann). — Von Thielmann, Streifzûge im Kaukasus, in Persien und
in der asiatischen Tùrkei. Leipzig, Duncker und Humblot. In-8°, viij-493 p.
(Kirchhoff). — Glauning, Der franzœsische Schulunterricht und das nationale
Interesse. Nœrdlingen. Beck'sche B. In-S*", 91 p. (W. Hollenberg). —
Deutsche Reichstagsakten. Bd. II : Deutsche Reichstagsakten unter Kœnig
Wenzel, herausg. v. Julius WeizS/ECKEr. Abth. 2. 1 388-1 397. Munchen,
Oldenbourg. In-8°, xx-544 p. (Wilhelm Bernhardi). — Birlinger, Aus
Schwaben. Sagen, Legenden, Aberglauben, Sitten, etc. Neue Sammlung. Bd. 2.
Wiesbaden, Killinger. In-8% 53$ p- (Alfred Schottmùller). — Erich Schmidt,
Reinmar von Hagenau und Heinnch von Rugge, herausg. v. Brink und W.
Scherer. Strassburg, Trûbner. In-8", 122 p. (H. Paul). — Osthoff, For-
schungen im Gebiete der indogermanischen nominalen Stammbildung. Th.
L (Gustav Meyer). — Ley, Grundzùge des Rhythmus, des Vers- und Strophen-
baues in der hebraeischen Poésie. Halle, B. d. Waisenhauses. In-8°, ix-266 p.
Ce. Siegfried).
'1'} •'in-
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ETRANGERES.
AVIS, -r. On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
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puis le Xlle siècle jusqu'à nos jours; pré-
cédée d'une introduction historique sur
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Baschet (A.). Histoire du dépôt des ar-
chives des affaires étrangères à Paris au
Louvre en 17 10, à Versailles en 1763 et
'de nouveau à Pans en divers endroits
^depuis 1796. In-80, xxviij-j90 p. Paris
;;(Pipn etp). lofr.
Blanc (C). L'art dans la parure et dans
le vêtement. In-8', 375 p. et vignettes.
Paris (Loones). . •,
Bonnassieux(P.). Observations sur cette
.Question : Le Lyonnais faisait-il partie
de la France en 1259. In-8*, 11 p.
Nogent-le-Rotrou (imp. Gouverneur).
Bouillet (J.-B.). Antiquités gallo-romaines
■découvertes au village de Manson, le 12
janvier 1873. In-8*,4p. et 6 pi. Clermont-
Ferrand (Thibaud).
Boutiot (T.). Des anciennes fortifieations-
et de l'ancien beffroi de la^villedeTroyes.
In-8«, 38 p. et I pi. Troyes (imp. Dufour-
, Bouquet).
Carre (L.). L'ancien Orient. Études his-
toriques, religieuses et philosophiques
sur l'Egypte, la Chine, l'Inde, la Perse,
la Chaldée et la Palestine. T. i . Egypte-
Chine. T. 2. Inde-Perse-Chaldée. In-S",
xvj-ioi6p. Paris (M. Lévy frères). i2f.
Gassîodore. De l'âme. Traduction fran-
çaise par Steph. de Rouville. In-32^ iv-
160 p. Paris (Rouquette).
Chifflet (J.). Saint-Omer assiégé et déli-
vré l'an 1638. Traduit par L. Moland.
Augmenté du registre du siège et de la
correspondance du maréchal deChâtillon.',
In-8°, xvj-367 p. Saint-Omer (imp."
Fleury-Lemaire).
Constant (B.). Œuvres politiques, avec
introduction , notes et index par Ch.
Louandre. In-i8 Jésus, xxviij-436 p.
Paris (Charpentier). 3 fr. 50
Desjardins (G.). Recherches sur les
drapeaux français. Oriflamme, bannière
de France, marques nationales, couleurs
du roi, drapeaux de l'armée, pavillons
de la marine. Gr. in-8*, vj-171 p. et 42
pi. Paris (V Morel et C»). $0 fr.
Duhn (F. de). De Menelai itinere Aegyptio
Odysseae carminis IV episodio quaes-
tiones criticae. In-8", 4 5 p. Bonn (Weber).
I fr. 3 s
Dumas (E.-R.). Beaumarchais d'après ses
drames et sa correspondance. In-12,
i.4$ P- Marseille (imp. Barlatier-Feissat).
Fieury (E.). Note sommaire sur l'excur-
sion archéologique du 20 juin 1873 aux
villages souterrains de Comin, Paissy,
Neuville. In-8*, 27 p. Laon (imp. Coquet
et Ce).
Frémy (A.). Les pensées dé tout le monde.
In- 18 Jésus, iv-281 p. Paris (M. Lévy
frères). 3 fr. $0
Froment (T.). L'Éloquence et le Barreau
dans la première moitié du XVI' siècle.
In-8-, 95 p. Paris (Thorin).
Gouriet (E.). Bibliographie poitevine.
Relation de J. Bujault et de P. L. Cou-
rier. In-8', 8 p. Niort (imp. Favre)^ .,:
Gras (L.-P.). Filigranes recueillis dans
quelques anciens terriers de Forez. In-8",
6 p. et 5 pi. S. -Etienne (Benevent).
Guérouît (E.). Analyse sommaire"^ de/l
quatre manuscrits concernant l'abbaye
de Jumiéges. Premier manuscrit. Abbayes
de France (T. 5 de la collection Gai-
gnières). In-8", 17 p. Le Havre (imp.
Lepelletier).
Hanriot (C). Introduction à l'étude du
théâtre de Molière. In-8% 3 $ p. Troyes
(Bertrand Hû).
Hunfalvy. Les Provinces russes de la
Baltique. Voyages et observations.
Compte-rendu par E. Sayous. In-8',
16 p. Paris (Delagrave et C*).
Jaîoustre (E.). Lettres archéologiques
sur le Forez. Le Prieuré de Saint-Sau-
veur. ^-8% 26 p. Lyon (imp. Vingtri-
nier).
Loudun (E.). Les précurseurs de la Ré-
volution. In-8*, iij-3 5S p. Paris (Palmé).
Merruau (C). Souvenirs de l'Hôtel-de-
Ville de Paris. 1848-1852. In-8», xv-
509 p. Paris (Pion et C').
Monumenta Germaniae historica inde
ab a. Christi 500 usque ad a. 1 500 aus-
piciis societatis aperiendis fontibus rerum
germanicarum medii aevi éd. G. H. Pertz.
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Petrus de Ebu!o d. Magisters, liber ad
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Handschrift f. akadem. Uebgn. hrsg. v.
E. Winkelmann. In-8°, x-96 S. Leipzig
(Duiicker et Humblot). 2 fr. 75
Posner (M.). Quibus auctoribus in bello
Hannibalico enarrando usus sit Dio Cas-
sius. Symbola ad cognoscendam ratio-
nem , quae inter Livium et Polybium
hujus belli scriptores intercédât. In-80,
82 p. Bonn (Weber),. \ if, j^
Prarond (E.). Les poètes historiens
Ronsard et d'Aubigné sous Henri III.
In-8^, 49 p. Paris (Thorm)/ J ] ['({
Proudhon (P. J.). Correspondance. T. 3.
In-8*, 398 p. Paris (Lib. internationale).
Savelsberg (J.). Beitraege zur Entziffe-
rung der lykischen Sprachdenkmaeler.
I. Thl, Die lykisch-griech. Inschriften.
In- 8% 64 S. Bonn (Weber). 2 fr. 50
Stender (J.). De Argonautorum ad CoU
chos usque expeditione fabulae historia
.cjJtLca,. In-S", 68 p. Kiel (v. Wechmar).
2 fr. 7 c
/ q '
^tumpf-Brentano (K. F.). Die Wirz-
burger Immunitast-Urkunden d. X. u. XI.
Jahrhunderts. Ein Beitrag zur Diploma-
tik. Mit 3 facsimile Taf. In-8', 76 S.
Innsbruck (Wagner). $ Ir. 35
Tabari. Chronique d'Abou-Djafâr-Mo'-
hammed-Ben-Djarir-Ben-Yezid Tabari ,
traduite sur la version persane d'Abou-
Ali-Mo'hammed-Bel'ami , d'après les
manuscrits de Paris, de Londres et de
Canterbury, par H. Zotenberg. T. 4^ et
dernier. In-8°, iij-669 p. Nogent-le-Rotrou
(imp. Gouverneur).
Waltz(0.). Die Flersheimer Chronik. Zur
Geschichte d. 15. u. 16. Jahrhunderts.
Zum ersten Mal nach vollstaend. Hand-
schrifteahrsg. Inr8'*,xxiv-i24 S. Leipzig
(Hirzei). '' i ^ J fr.-jj
WarDkœnig(L.A.), 'Warnkœiiig(T.
A.)u.Stein(L.).FranzœsischeStaats-u.
Rechtsgeschichte. 2. wohlf. (Titel) Ausg.
3 Bde. In-8«. Basel (1848) (Schweie-
hauser). i , , 32 rr.
Wiedemeister. Der Caesarenwahnsinn
der Julisch-Claudischen Imperatorenfa-
milie geschildert an den Kaisern Tibe-
rius, Caligula, Claudius, Nero. In-8°, xij-
306 S. m. e. Stammtaf. Hannover
(Rùmpler). 8 fr.
Zeitschrift (numismatische). Hrsg. von
der numismat. Geselischaft in Wien, red.
v. J. Karabacek. 4. Jahrg. i. Halbjahr
(Jan.-Juni) 1872. Mit 7. Taf. Mùnzab-
bildgn. u. 4 Holzschn. In-8'. Wien
(Braumùller). 8 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N° 33 Neuvième année. 14 Août 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédac'tion : M. Stanislas Guyard.
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Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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^ Ujj^ipÉRrODIQUES. ^^
The Academy, n° i68, new séries, 24 juillet. Thepapersofa Critic. Selected
from the Writings of the late Charles Wentworth Dilke. With a biographical
Sketch by his Granson, sir Charles Wentworth Dilke. London, Murray, 2 vd.
in-8" (W. ElwiiN : article intéressant, où sont analysées les études de M. Dilke
sur Junius et sur Pope et louées, à juste titre, les rares qualités dont il fit preuve
comme directeur de VAthen£um de 1830 à 1846). — Jahrbuch der Deutschen
Shakspeare-Gesellschaft. Zehnter Jahrgang. Weimar (Edw. Dodden). — W. F.
B. Laurie. Sketches of some distinguished Anglo-Indians, with an Account of
Anglo-Indian Periodical Literature. London, Day (W. W. Knollys : ouvrage
médiocre). — Marie-Antoinette. Correspondance secrète entre Marie-Thérèse et
le comte de Mercy-Argenteau, avec les lettres de Marie-Thérèse et de Marie-
Antoinette. Publiée avec une introduction et des notes par MM. le chevalier
d'Arneth et A. Geffroy. Paris, Didot (H. Wallon, article analytique). —
Litton FoRBES, Two Years in Fiji. London, Longmans and Co. J. H. de Ricci.
Fiji; our new province in the South Seas. London, Stanford and Co. (Arth. W.
Stiffe : ouvrages recommandés. Le premier est une relation de voyage, le
deuxième un recueil de documents officiels). — Carrent Literature (Notes de
l'éditeur sur les ouvrages suivants : Protection and Free Trade par Is. Butts; Rise
and Development of Judaism from Moses to our days par A. Benisch ; EssaySy cri-
tical and biographical par H. Rogers). — Notes and News. — Notes of Travel. —
The new french law on the higher éducation (G. Monod : développement de
vues du même ordre que celles qu'ont présentées MM. Renan et Bréal). —
Ancient Greek Inscriptions of the British Muséum. Part L Ed. by Hicks (J.
WORDSWORTH ! deuxième article). — Science Notes. Philology.
The Athenœum, n® 2491 , 24 juillet. Annals and Correspondence of the Vis-
count and the First and second Earls of Stairs by John Murray Graham. Black-
wood and Sons, 2 vol. (recueil intéressant, mais qui révèle peu de faits nou-
veaux). — F. Jagor, Travels in the Philippines. Chapman and Hall (relation
intéressante). — W. Lord Watts, Snjoland or Iceland : its Jokulls and Fjalls.
Longmans and Co. (peu de choses nouvelles). — Rotomahana, and the boiling
Springs of New Zealand. Sampson Low and Co. (voyage pittoresque). — Frag-
ments and Spécimens of Early Latin, by J. Wordsworth. Clarendon Press (cf.
le présent n** de la Revue critique). — 0. Clery. The history of the Italian Ré-
volution. First Period : the Révolution of the Barricades. 1796- 1849. Wash-
bourne (Apologie du pouvoir temporel de la papauté. L'auteur s'attaque ici
spécialement aux carbonari. Dans le second volume qui sera intitulé : the Révo-
lution of the Bureaux, il montrera « les crimes de Cavour et de ses collègues »).
— The New Testament translated from the critical Text of Tischendorf by
Samuel Davidson. King and Co. (ouvrage très-recommandé, bien qu'on reproche
à l'auteur un respect un peu trop superstitieux pour le texte de Tischendorf, et
une tendance à changer sans utilité démontrée les mots de l'ancienne version
anglaise). — The earliest english théâtral Companies (E. G. Fleay). — The
inscriptions near Mont Sinai (Samuel Sharpe : traduction de neuf inscriptions
choisies dans une série de deux cents publiée en 1832 dans les Transactions de
la Société royale de littérature). — The temple of Jérusalem (J. Ferguson :
clôture de la polémique entre le signataire et le capitaine Warren). — Literary
Gossip. — Geographical Notes.
Literarisches Centralblatt, n" 3 1 , 31 juillet. Die Religion des Zweiflers.
Leipzig, Haessel. In-8**, 280 p. (ouvrage anonyme, bien écrit et peu susceptible
d'utilité). — Preger, Geschichte der deutschen Mystik im Mittelalter. i Th. :
Geschichte der deutschen Mystik bis zum Tode Meister Eckart's. Leipzig,
3;^.?îî>- 33 TM y.gl ?.^è?/(Ifinr.-4.nl4 Aoù^-^-i^isini sloinr. : 7.17/^3 V/^^^ï^ni
Sommaire : 162. Cassel, Les combats contre cfes lions. — 165. Cox, Histoire de
la Grèce. — 164. Wobdsworth, Fragments et textes, en ancien latin. — 165..
P'iscHEK, Les travaux sur les Nlcbdiingm depuis Lachmann. — 166. HALBfc:RTSMA,
Lexique P'rison.—i 167. G'. B. de Rossi
au XVi«:siede. -^ r68. Mémoires' '
Rossi, Mosaïques chrétiennes de ^ome antérieures
savantes : '.^c^idémi^ 4es inscriptions^
162. — Lœtvenksempfe von Neméa bis Golgatha. Eine wissens/^Witliche Ab
/^/haiidiïu'ng.wiïP»albs4A8SËD.-Berlini Calvâry. 1875, In-8° -x.e)7 b.^ " 1 U
ainsi dire de la mythologie théologique. Ses explications symboliques ne sont
_pas ^tqti|cnuiç^ ^^tfès-assuréesi/ i|iais çUçs sont toujours ingénieuses,tast^:iti'>gr6tipJè
d'une manière intéressante les faits nombreux qu'il recueille. Ce ^elîi livre "est
digne en tout point de ses aînés. L'auteur a-t-il raison de nous présenter le lion
de Némée comme symbolisant la;nuit et par là le mal, Hçrculeicomme représeuf
tant la lumière, c'est-à-dire le bien ? Sans doute ce dualisme est au fond de tous
les combats mythiques de ce genre, mais la mythologie comparée nous en pré-
sente l'histoire sous une forme assez différente. — En se revêtant de la peau diji
lion. Hercule, devient lui-même, pour ainsi dire, un lion, seulement un lion lumi-
neux et bon, à la place du symbole des ténèbres physiques et morales: C'est par
pe conception analogue, d'après M. C;, que le Christ est souvent appelé Uontl
représenté ainsi par l'art du moyen-âge. Gela est fort douteux,, et l'auteUr, ici
cotnme ailleurs, tombe d$tîs.i|n défaut fréquent : c'est de transporter chez les
autres l'esprit systématique qui lui, appartient. Des expressions isolées de la
§ible ou des Pères, qui n'ont qu'une valeur absolument relative et momentanée^
«ont pesées, comparées, coordonnées et finalement systématisées. Le lectet^
s'intéresse volontiers à ces laborieux châteaux de cartes, mais un souffla les abaU
-— Quelle que soit la valeur des idées fondamentales de l'auteur, son livre se
lit avec beaucoup d'agrément et d'intérêt. \\ passe en : revue tous les combats
pontre des lions dont parlent les légendes de tous les peuples (il a oublié, chose
curieuse, celui de Pépin ; un trait attribué au landgrave Louis de Thuringe s^
retrouve presque pareil dans le Poemd del Cid), — En admirant la façon dont Homèri^
et. Hésiode >ont peint le lion, l'auteur confond deux époques distinctes ; le poète
de L'Iliade, a çertainet?)envvu d^ç^ lion^ se jeter, sur des troupeaux et déchirer des
bœufs, celui du Bouclier d'Hercule ne fait que répéter dès formules connues 'klrattf
lui; dans son poème géorgique,.qui repose ^^^J'c^^gyatipi? réçlle,,, Hésiode,
,tîaturellement. ne dit pas un mot des lionÇr-^rV.^ a n8s: *X •'■ • ■ ■ -•
: .flT 1 .i^îlBbJiiM cni :>Ii)2YM nsdpgrugb i3b snbidozaD »>!303^«ï — .(
.glsqisJ .j^^jiE^I^H ^alzisM aboT nijs 2Îd ililayM nsriozîusb 19b 9?r -
9| . 3^U TA^â^VUE CRITIÇiU^ioTaiH^a
il^^.^li^% history of Greece, hy Geo^'gëW;'W¥f^!^'A?^onâfes, Longmans.
Après ses compatriotes Thirlwall et Grote, après E. Curtius, M. Cox, déjà
connu par sa Myîhology of Aryan nations^, a entrepris une histoire générale de
la Grèce. Il se propose même de la pousser plus loin que ses prédécesseurs.
Ceux-ci s'étaient arrêtés qui à la mort d'Alexandre, qui à la réduction de la Grèce
en province romaine. M. G. entend nous donner une histoire complète de. la
race grecque, depuis Pantiquité la plus reculée jusqu'à nos jours. Les deux pr^T-.;
miers volumes, que nous avons sous les yeux, conduisent cette histoire jusqu'à
la fin de la guerre du Péloponnèse; le troisième la mènera jusqu'à la mort
d'Alexandre le Grand; un quatrième suffira, du moins l'auteur l'espère, à suivre,
le peuple grec, dans ses fortunes diverses, depuis ce moment jusqu'à la fin du
règne du bavarois Othon. Nous craignons que ce dernier volume, embrassant ^
ainsi plus de deux mille années, ne nous offre que des tableaux bien incomple^^,
des résumés bien rapides. Ce cadre est peut-être trop vaste; pour le remplir tout
entier en ne se contentant point d'à-peu-près, il faudrait — ce serait à peine
^|Sifi;«,7r- toute la vie d'un homme, et M. Cox a déjà consacré une partie de i%^
sienne à d'autres travaux.
A chaque jour suffit sa peine. Sans nous préoccuper, en ce moment, de ce
que pourra être la suite annoncée de ces récits, nous avons à juger la portion
déjà publiée de cette œuvre considérable, deux volumes qui ont chacun plus de
600 pages. Nous ne pouvons, on le comprendra aisément, entrer dans de grands
détails et discuter page par page un travail d'une pareille étendue ; nous devons
donc nous borner à quelques observations que nous suggère une rapide lectuc^
du livre. .,j
! Le premier chapitre décrit la configuration et le climat de la Grèce, explique
l'influence que ce milieu a dû exercer sur la race qui s'y est développée. Or ,il
est bien insuffisant; je préfère de beaucoup celui que M. V. Duruy a écrit sur
le même sujet ou celui par lequel s'ouvre l'histoire de la littérature grecque de
Bergk et qui a pour titre : Das griechische Land and Volk. Le chapitre II, Origine
et croissance de la civilisation hellénique^ me semble, comme l'auteur le laisse
deviner lui-même d'après ses notes, tout inspiré de la première partie du beau
livre de M. Fustel de Coulanges, la Cité antique. Dans le troisième, la Mythologie
des Grecs et les légendes des tribus, M. G. ne fait guère que résumer les théories
de M. Max Mûller et les interprétations des mythes principaux que lui-même,
dans sa Mythology of Aryan nations, a exposées sur les traces du maître; ce
résumé est heureux et brillant; nous ne savons pourtant pas si M. C. ne va pas
bien loin quand il déclare que les récits sur le retour des Héraclides et sur la
fondation des colonies ioniennes en Asie-Mineure ne contiennent pas plus d'élé-
ments historiques ou du moins ne les laissent pas plus facilement et plus sûre-
ment dégager que la Gigantomachie ou le mythe de Prométhée. Pour loi,
D'HlSTOIie^fî^k 'litt^ÉlRATURE. 99
l'histoire, ^e l^,.Or,èce jne com^iiepce m.êroç pas^^ av^PiJ^?) Ojympiades, mais ne
date guère que du vu® ou plutôt du vi" siècle avant notre ère. Nulle part il
n'essaye de nous décrire, à l'aide de l'épopée et des fragments de quelques
lyrique^,' là société grecque du î** et'duviii* sîèôlè; C'est ^ôurluîim terrain sUr
lequel l'historien ne doit pas s'aventurer. Nous préférons ce scej^ticisme au
procédé arbitraire par lequel on essayait autrefois de donner au mythe un carac-
tère historique, de le réduire en histoire; mais n'y a-t-il pas aussi excès de pru-
dence dans ce parti pris? Ne peut-on, sans prétendre fixer de dates ni rétablir
la série des faits, combiner les renseignements épars que nous fournissent les
traditions et la poésie, la langue et les monuments figurés, l'étude des lois et
Jes institutions, de manière à présenter un tableau vraisemblable de périodes que
l'auteur laisse ici tout à fait en dehors de ses récits? M. C. ne tire, pour son
histoire de la Grèce, aucun parti de l'Iliade ou de l'Odyssée, aucun d'Hésiode;
or est-il admissible, à priori, que les idées, les sentiments, les mœurs des poètes
qui ont composé ces œuvres et des auditeurs qu'elles charmaient ne se soient pas
réfléchies dans le brillant miroir de l'épopée ? Dans tout monument qu'une géné-
ration humaine laisse d'elle-même aux générations qui la suivent, n'y a-t-il pas,
à le bien prendre, de l'histoire ? Tout ce qui nous révèle la forme et comme la
couleur de l'âme d'un peuple, à un moment donné, est un document historique;
en refusant de considérer comme tel l'épopée grecque, le nouvel historien de la
Grèce nous paraît avoir volontairement rétréci les abords de l'édifice qu'il pré-^
tend élever, en avoir rendu la base moins solide et moins large qu'il n'aurait ptif
le faire. ;'
Nous ne' prouvons contîniieFâ le suivre pas à pas dans ce lent et pénible travaîf'
de construction. Seulement quelques remarques encore, au hasard de la lecture.
Le chapitre intitulé l'Éducation intellectuelle des Grecs perd beaucoup à cette
omission, on pourrait presque dire à' Cette suppression de l'épopée' et 'de la
lyrique : on n'y voit pas ce qu'il importait de montrer, comment la longue durée
et la fécondité brillante de cette période toute poétique eurent sur le génie grec
litre influence dont la trace ^ive'ké' retrouve même dans les oeuvres des époqueâ'
de réflexion et d'analyse. Pour expliquer comment la Grèce a créé et conçu
l'histoire, il faut remonter à l'épopée, pour rendre compte du drame attique,
avoir étudié la lyrique; Hérodote suppose Homère ', Stésichore et Pindare soîit
lés prédécesseurs nécessaires d'Eschyle et de Sophocle. Dans le chapitre en
question nous ne saisissons pas la suite naturelle de ce développement organique,
qui ne fut nulle part aussi régulier qu*eri Grèce. M. C. ne fait d'ailleurs, dans soiï
plan, pour ainsi dire point de place aux lettres et aux arts; d'un bout à l'autre
de ces deux énormes volumes, pas un chapitre n'est consacré à ces manifestations
du génie grec. Or est-il admissible aujourd'hui qu'un historien entende sa tâche
d'une manière aussi étroite, aussi incomplète? Réduite, comme elle l'est ici, au
récit des événements politiques, l'histoire, quand il s'aeit surtout de la Grèce,
1 . Ces rapports d'Hérodote et d'Homère, M. C. les a indiqués dans le ch. I du livre II,
mais il n'avait pas commencé par étudier et définir l'épopée grecque.
100 REVUE CRITIQUE
prend quelque chose de sec et de monotone, défaut qu'il était bien facile d^éviter
en cette matière. Le seul des grands écrivains grecs que Pauteur cherche à nous
faire connaître, c'est Hérodote; il l'étudié, dans le premier chapitre de son
second livre, comme la principale source de l'histoire des guerres médiques et
cherche à établir dans quelle mesure son témoignage est recevable. Cette critique
d'Hérodote est judicieuse et intéressante; mais là encore la proportion, la suite
des faits ne sont pas bien observées; des historiens antérieurs à Hérodote, l'au-
teur ne nous dit rien, et plus loin, quand il arrive à la guerre du Péloponnèse,
il ne fait pas pour Thucydide ce qu'il avait entrepris pour Hérodote, il ne le
soumet pas au même examen et au même contrôle. Le chapitre intitulé l'empire
perse sous Cyrus et Cambyse explique, d'une manière plus ou moins plausible,
divers récits, divers personnages de l'histoire des Mèdes, des Perses et des
Lydiens. Ces explications sont tout inspirées de l'esprit et de la méthode de Max
MùUer; M. C. retrouve partout des héros solaires, et la lutte éternelle entre les
puissances du jour et celles de la nuit. Quelques-unes de ces interprétations
sont fort ingénieuses; mais, puisqu'il s'agit de l'histoire grecque, nous aimerions
mieux trouver ici une étude sur les relations des Grecs de l'Asie-Mineure avec
les populations au milieu desquelles ils vivaient. L'Assyrie, par l'intermédiaire
des Phrygiens et des Lydiens, a certainement exercé une très-grande influence
sur les origines de la civilisation grecque, lui a transmis un certain nombre
d'instruments et de méthodes, des procédés de construction, des motifs de déco-
ration; c'est en Asie surtout que, grâce à ces exemples et à ces secours, est né
cet art grec qui devait atteindre à Athènes sa perfection. A ce sujet, pas un mot
chez M. Cox. La seule observation qui rentre dans cet ordre d'idées, c'est Ce
qu'il dit de la musique phrygienne et lydienne, des emprunts que lui a faits la
musique grecque; mais de l'architecture et de la sculpture, rien, pas une ligne.
Quoiqu'il ait à sa disposition les collections du British Muséum, si riches en frag-
ments d'édifices et en bas-reliefs ou statues qui proviennent de PAsie-Mineure,
M. C. ne parait même pas se douter des lumières que l'archéologie peut jeter
aujourd'hui sur beaucoup de problèmes historiques. Le chapitre suivant, Vempire
perse sous Darius, entre, ce nous semble, dans trop de détails sur les expéditions
et les conquêtes de Darius en Orient; l'auteur paraît oublier que c'est l'histoire
de la Grèce qu^il a promis d'écrire. Le récit de la révolte de Plonie et celui des
deux guerres médiques est intéressant ; avec un esprit critique et une pénétration
dont les preuves abondent, M. C. contrôle, page par page, la narration d'Héro-
dote et montre combien ses assertions et la manière dont il représente les faits
impliquent encore de contradictions partielles et d'invraisemblances, quelle
obscurité enveloppe encore bien des événements importants. - '' ^^'^'•'ïîioi Z'ilh > •
Dans le tome II, nous signalerons la même lacune que dans le tome I; rien
sur le brillant essor que prennent les arts et les lettres à Athènes au temps de
Périclès, rien ni sur les constructions de l'Acropole ni sur le drame attique, cette
grande nouveauté. Est-ce écrire l'histoire d'Athènes que de ne pas nous montrer
à quoi elle emploie les tributs de cet empire maritime dont vous nous retracez
la naissance, les progrès et l'organisation ? Pour ce qui est de cette organisation,
d'histoire et de littérature. ioi
M. C. n'a pour ainsi dire tiré aucun parti des listes des tributs retr,o^vées dans
l'Acropole d'Athènes, et reconstituées, expliquées, commentées, ayec tant de
patience et de sagacité par Bœckh, Kœhler et KirchhofF. Pour discuter les
questions qui se rattachent à la répartition du tribut, M. C. ne cite que les
assertions de Thucydide et d'Aristophane (p. 67 et suiv.); il n'a pas l'air de
soupçonner l'importance ni même l'existence de ces documents authentiques qui
forment aujourd'hui, dans le Corpus inscriptionum aîticamm, une si riche série.
On peut dire que les méthodes et les résultats de l'épigraphie lui sont aussi
étrangers que ceux de l'archéologie.
Nous arrêterons là cette revue; aussi bien ces remarques suffisent-elles pour
donner une idée de l'ouvrage, de ses qualités et de ses défauts. L'étude prolongée
qu'a faite l'auteur de toute la période mythique de la Grèce et des rapports de
ces mythes avec ceux des autres peuples de même race, le soin et la sagacité
critique avec laquelle il a lu les principaux auteurs de l'antiquité donnent une
réelle valeur à bien des pages de son livre; nous recommandons surtout l'essai
sur le génie et les idées d'Hérodote qui est partout mêlé au récit des guerres
médiques. En revanche, rien de plus incomplet, nous l'avons montré, que cette
histoire. Non-seulement les idées religieuses et philosophiques, les lettres et les
^rtsn'y tiennent aucune place; mais encore, même pour cette histoire toute
politique dans laquelle, nous ignorons pourquoi, M. C. se renferme à l'exemple
des anciens, il n'a pas su mettre à profit toutes les ressources que l'érudition
pr!ép«^re;;j^tjliv,re aujourd'hui à qui veut présenter un tableau fidèle et complet du
passé. Nous espérons qu'une seconde édition lui permettra d'élargir son cadre
ou tout au moins, même sur le terrain très-arbitrairement restreint où il s'est
placé, de ne néghger aucune source d'information.
G. Perrot.
164. — John WoRDSwoRTH, M. A. Fragments and spécimens of early latin, with in-
troductions and notes. Oxford,, Clarendon press. 1874. In-8', xxx-679 p. — Prix :
22 fr. 50.
L'auteur, dans sa Préface, dit qu'il s'est proposé à peu près le même but
qu'avait en vue, il y a trente-deux ans, M. Egger, quand il publia ses Latini
sermonis veîustioris reliquU, et, en effet, le plan des deux ouvrages présente
d'assez grandes analogies. M. Wordsworth commence par une grammaire du
vieux latin ; puis il donne un choix des plus anciennes inscriptions ; la troisième
partie contient une série de textes empruntés à la Loi des douze tables, aux
vieilles formules de droit, aux poètes et aux orateurs antérieurs à l'époque de
Sylla, et enfin des extraits de Varron; M. W. a accompagné ces textes de notes
nombreuses et étendues (p. 385-662), ainsi que de plusieurs index.
Nous ne pouvons que louer l'idée et le plan du livre. Entre les mains d'un étu-
diant, cet ouvrage forme une sorte d'encyclopédie du vieux latin. Quant à l'exé-
cution, elle nous a paru en général non moins digne d'éloge. L'auteur est au
courant de la science et se sert des meilleurs textes. Parmi les inscriptions, M. W.
a placé avec raison un certain nombre de monnaies, des tessères, des grafitti
102 .3iîUT^;iàfffl:v4je5î:RmQirBOT2iH'a
de Pompéï. Pour ceux qui ne peuvent se procurer |e^^Cp^«5
ouvrage est un Htpe et instructif inanuel, fait principalement ^u point de vi^^ de
la grammaire. • :
M. W. s'appuie ordinairement, pour la partie phonétique et grammaticale,
sur Schleicher, Ritschl et Corssen. Un reproche qu'on pourrait lui faire, c'est de
trop se défier de lui-même et de suivre ses guides sur des points où il n'était pas
défendu de songer à mieux. Mais le succès de ce livre, qui aura certainement
de nouvelles éditions, enhardira l'auteur. Nous sommes loin de méconnaître
d'ailleurs qu'il a déjà donné son opinion en maint endroit, soit pour proposer
une explication, soit pour marquer un doute. Ainsi, tout en reproduisant, après
le texte du chant des Arvales, la traduction de Mommsen, il laisse voir qu'il
n'en est pas absolument satisfait. Voici à propos du vers ENOS LASES lyVAlÇE
sa note sur enos (p. 391) : « l'expHcation de l'eest loin d'être certaine. ,On.n',^n
» trouve aucune trace dans les pronoms latins, quoique les formes grecquies
ï> comme è^AOJ, r^'^âq (ce dernier exemple est de trop) présentent quelque ^na-
» logie. Le mieux sans doute est de regarder e comme l'interjection qui sç trouve
» dans Ecasîor, Edepol. Nous devons peut-être écrire E nos. » Je crois que le
modèle d'où ce chant a été copié portait ENOM, qui est un ajdyerlpe fréquep:^-
ment employé en osque et en ombrien, et qui signifi^j,;::<f ,,pujr)if;^jyç^a^'»,<^oiis
supposons, en effet, que la corporation des Arvales avait conservé une vieille
inscription sur pierre ou sur bronze, et que le chant dont on remettait le livret
aux prêtres (libellis acceptis... tripodaverui)t) était copié; sur cette tal3l^.(^i5^jjÇe
même chant des Arvales, que M. W. reproduit d'après le texte de Mommsen,
il eût été bon de joindre les variantes fournies par Henzen (^Acta fraîram Arva-
lium, p. cciv). Ainsi la phrase trois fois répétée LIMEN iSALI STA est écrite la
troisième fois : LIMEN SALISTA, ce qui prouve que le modèle était peu lisible,
et que le texte est probablement altéré. Une autre corruption est le mot BERBER,
''au lieu duquel il faut sans doute lire HERBER, datif pluriel de herba : la forme
de la lettre H dans certains alphabets italiques explique la confusion. Un autre
exemple de rhotacisme à la fm d'un mot est SATVR, qui est, à ce que je crois,
le nominatif pluriel masculin (à la manière osque et ombrienne) du partidpe
satus. Les deux mots IN PLEORES doivent, selon nous, être réunis : c'est'le
subjonctif implores. En effet, le primitif de plorare est un substantif plevosy pleos
'« pleur » (cf. Pott. Wurzel Lexlcon, I, 1 1 35). Ce subjonctif ne fait pas partie du
chant : on y a mêlé les prescriptions du rituel, comme cela se voit clairement
par la phrase Semants alîernei advocapit conctos « il invoquera à tour de rôle tôiis
» les Semones. » i;ir/^;jiv'j.jJi .1 i*>| olu/r;
Nous ne voulons pas, en présence d'un si grand et: hbi riche ■recueil, nous
arrêter plus longtemps à des points de détail, et nous finissons en souhaitant un
heureux succès à ce livre qui ne peut manquer de répandre en Angleterre le
goût de la saine philologie. ^ . -^
■r^v.^ : ■[;■ vi; ;u^,> .jùnÂQ h' ■ — ^ ■■ — 1- ■ ^
d'histoire et de littérature. 103
i65.--Die Forsiéhnngen ûber das Nibelangenlied seit Karl Lachmann.
Eine gekrœnte Preisschrift, v. D' Hermann Fischer. Leipzig, Vogel. 1874. In-8',
iv-272 p. — Prix : 6 tr. 75.
Ce livre est un résumé clair, suffisamment détaillé, à peu près complet, et
généralement impersonnel, des travaux faits sur les Nibeîungen depuis Lachmann.
L'auteur ne montre pas toujours une grande aptitude à saisir et à mettre en
relief les points capitaux des discussions qu'il résume. Dans ses conclusions, il
se rallie au système de M. Bartsch, qui a été exposé ici; ce qui est plus impor-
tant que son adhésion personnelle, c'est que la Faculté de philosophie de Tu-
bingue, qui avait mis le sujet au concours, a couronné son livre. Il réfute dans
ses dernières pages, — sans un succès définitif, — les dernières objections
adressées à cette théorie par MM. Vollmœller et Scherer (M. Vollmœller notam-
ment a à peu près renversé la théorie de Pfeiffer d'après laquelle les lieder de
Kûrenberger et les Nibeîungen, étant composés dans les mêmes strophes, auraient
le même auteur; M. Bartsch lui-même, dans la Gemania, a reconnu le peu de
solidité de cet argument, auquel pour sa part, ajoute-t-il, il n'avait jamais
accordé un grand poids). — Le livre de M. Fischer peut être recommandé à
ceux qui désirent s'orienter sur ce terrain si disputé et comprendre les positions
diverses qu'ont occupées depuis quarante ans les combattants pour le trésor des
Nibeîungen. Il est probable que l'histoire de cette guerre ne tardera pas à
compter de nouveaux chapitres : pour les comprendre il faut s'instruire de ce
qui a été fait jusqu'ici, et cet ouvrage permet de le faire assez bien sans peine.
166. — Lexicon frisicum. Composuit Justus Halbertsma. Post auctoris mortem
.çdidit et indices acljecit,Ti4l|ingii).5.;H.Ai<ftS:%TSM a. La Haye, NijhofF. 1874. In-8°. —
, Une élégante préface latine, rédigée par l'éditeur de ce livre, nous apprend
que l'auteur, après avoir entrepris dès sa jeunesse un lexique frison, est mort à
quatre-vingts ans sans en avoir poussé l'impression plus loin que la lettre F. Le
respect filial n'empêche pas M. T. Halbertsma de reconnaître que. si son père
avait choisi un meilleur plan il aurait eu plus de chances de mener à bonne fin
sa grande œuvre ; il ne l'aveugle pas non plus sur les défauts de la partie publiée,
dont les plus saillants sont le désordre dans l'arrangement des mots et le peu de
valeur (on pourrait dire le manque de toute valeur) de la partie étymologique.
Mais nous reconnaîtrons aussi avec lui que les trésors d'érudition spéciale accu-
mulés par J. Halbertsma ne pourraient plus guère être recueillis par un autre,
et que ce volume contient, à côté de ses richesses lexicographiques, une foule
de renseignements piquants ou intéressants. Tel qu'il est, \tLexicon frisicum n^est
assurément pas à la hauteur des progrès actuels de la philologie germanique,
mais c'est un précieux auxiliaire qu'aucun germaniste ne négligera. Il est à
souhaiter qu'on tire des papiers d'Halbertsma, qui ont été légués à la province
de Frise, soit la continuation de son lexique, soit plutôt, comme on paraît y
songer, un nouveau lexique, établi sur un autre plan.
104 REVUE CRITIQUE
167. — Musaici cristiani e saggi dei Pavimenti deile Chiese di Roma
anteriori al secolo XV, tavole cromo-litografiche, con cenni storici e critici del
com^G. B, DE Rossi (avec traduction française). Livraisons MV. iRome, Spithœver.
1872 et années suiv. — Prix de l'ouvrage complet (25 .livraisons^):. ijZipir...
L'illustre épigraphiste et archéologue romain qui dans ce dernier quart de
siècle a si complètement renouvelé la science des antiquités chrétiennes, a com-
mencé, il y a maintenant trois ans, la publication d'un ouvrage somptueux destiné
à « illustrer » les mosaïques de sa ville natale. Pour tous ceux qui connaissent
son érudition si sûre et si variée, sa critique pénétrante et féconde, son amour si
profond pour les études auxquelles il a consacré sa vie, il n'y avait pas de doute
que ce travail ne fût digne de ses aînés, qu'on n'y trouvât réunies les rares
qualités qui ont valu à M. de Rossi une réputation européenne.
Ce qui est plutôt un sujet de surprise et d-'admiration c'est l'activité, l'ardeur,
avec laquelle il explore toutes les parties de son vaste empire. Au moment même
où s'imprime le troisième volume de sa Roma Sotterranea ', où de sérieuses
mesures ont été prises pour la continuation des Inscripîiones christians, si lentes
à paraître au gré du monde savant, où enfin le Bulleîtino nous apporte périodi-
quement une ample moisson de découvertes de premier ordre, M. de Rossi a
encore trouvé le temps nécessaire à une nouvelle entreprise, non moins consi-
dérable que les autres. Il s'est sans doute décidé à se charger de ce nouveau
fardeau en voyant les discussions auxquelles les mosaïques de l'Italie, ce produit
si brillant de l'art chrétien primitif, donnent lieu tous les jours, ainsi que la
gravité des questions soulevées et l'abondance des problèmes à résoudre.
Dans les quinze dernières années les travaux n'ont pas fait défaut sur ces
matières si dignes d'intérêt. Il nous suffira de citer les principaux d'entre eux.
M. Barbet de Jouy a eu l'honneur d'ouvrir la voie^ et ses descriptions des
mosaïques romaines se recommandent par leur exactitude autant que par leur
élégance. L'introduction de son livre est un vrai modèle d'érudition et de bon
goût. M. Vitet, à la suite de ce travail, a publié dans kJournaldes Savants (1862-
1863) des articles qui abondent en aperçus ingénieux, en appréciations témoi-
gnant de la finesse et de la rectitude de sa critique. M. Labarte, dans son
Histoire des arts industriels, a consacré toute une section, très-nourrie, très-
savante, à l'examen des mosaïques chrétiennes soit de l'Orient, soit de l'Occident.
En Allemagne où les études relatives aux monuments figurés du christianisme
primitif sont tellement négligées en ce moment, il faut signaler quelques pages
excellentes de l'Histoire des arts plastiques, de Schnaase (vol. III, 1869. Dussel-
dorf) et la monographie très-remarquable qu'un Suisse, M. Rahn, professeur à
l'université de Zurich, a donnée de Ravenne; les mosaïques de cette ville occu-
pent une place considérable dans ce dernier éci^itîloiifiJnaaëiqsn ôibJiyics^.dibJ
Les Italiens peuvent revendiquer, non sans orgueil, VHisîoire de la Peinture
1 . Nous avons le plaisir d'annoncer à nos lecteurs que ce volume paraîtra vers la fin
de la présente année.
2. Les mosaïques chrétiennes de Rome. Paris. 1857.
3. Jahrbiicher fur Kanstwisscnschaft. 1868.
D'HISTOIREi^^BT DE LITTÉRATURE. I05
italienne, de MM. Çayalcaselle et CrcLwe, Ces deux savants, y ont surtout étudié
les mosaïques au point de vue technique, et ont réussi à déterminer, avec assez
de précision, la date de plusieurs d'entre elles, ainsi qu'à distinguer les parties
restaurées des parties intactes.
Enfm deux autres publications, celle de M. Parker ' en Angleterre, et à Rome
celle de M. Fontana^ n'offrent guère que le résumé des opinions émises par
Ciampini dans ses ouvrages célèbres : Vetera monimenta (Rome, 1690- 1699) et
de sacris £dificus (R. 1693"). On n'y trouve pas plus d'observations ou de
faits nouveaux que dans les compilations anciennes, sans originalité aucune, de
Furietti, de Leviel et de Spreti.
Telle est, malgré tant d'efforts divers, l'incertitude qui règne sur une des
questions capitales, l'âge des monuments, que les attributions varient de cinq,
six, huit et même neuf cents années. La mosaïque de Sainte- Pudentienne, par
exemple, appartient selon le dernier historien de Rome, M. Gregorovius ?, au
iv«^, voire au iii'^ siècle (!); selon MM. de Reumont4, Parker, Fontana, etc., etc.
au viii^ ou ix". Celle des absidioles de Sainte-Constance date d'après les uns du
temps de Constantin, d'après d'autres du temps de Charlemagne, d'après d'autres
encore de celui d'Alexandre IV (12 $4-1 261). Mêmes divergences pour les com-
positions du Portique de S. Venance, de S. Théodore, de S. Maria in Cosmedin,
de la Sancta Sanctorum au Latran, de la Confession de S. Pierre, etc., etc.
En dehors de Rome des difficultés analogues se présentent à propos des
mosaïques de Milan (chapelle de S. Aquilino, dans la basilique de S. Laurent,
et abside de S. Ambroise), de Naples (baptistère), Pesaro (pavement de la
cathédrale) et d'autres villes encore.
A Ravenne, où cependant la production s'est arrêtée de si bonne heure, et où
les données historiques abondent, on n'échappe qu'en partie à ces inconvénients.
La Madone de la chapelle archiépiscopale, les différentes zones de la décoration
de S. Apollinare Nuovo et de S. Apollinare in Classe, les fragments barbares de
S. Jean rÉvangéHste.dPPnjçot lieu à des controverses qui sont loin d'être ter-
minées. ; ff5 .^l}^
Mais ce n'est pas tout que de fixer la chronologie des œuvres qui sont par-
venues jusqu'à nous. Pour tracer un tableau fidèle et complet de l'état de l'art
aijx différentes périodes de son histoire, il faut ajouter aux monuments conservés
la liste des monuments perdus qu'il est possible de reconstituer dans une mesure
assez large. (J'ai pu me convaincre qu'avec le secours des chroniques, des vies
dies saints, et des notes manuscrites laissées par les archéologues des xvi^ et xvii^ s.
on peut arriver à doubler le nombre des mosaïques connues.) Ainsi seulement
on se rendra compte du degré de productivité de chaque époque, de la fréquence
de telle ou telle représentation et d'une foule d'autres questions essentielles.
1. Mosa'ic Picîures in Rome and Ravenna. Oxford et Londres. 1866.
2. Mosaici dclla primitiva epoca délie chiese di Roma. R. 1870. In-fol.
3. Storia délia città di Roma. Venise. 1872. T. I, p. 92 : il corretto e bello stile fa
credere che appartengano»al quarto ed anche al terzo secolo.
4. Geschichte Roms. II, p. 162.
I06 REVUE CRITIQUE /^^'H'a
Si de notre temps ces questions n'ont pas. été toutes abordées, c'est, il faut le
croire, que l'étude exclusive des monuments a trop souvent fait oublier celle des
sources écrites, et que les trésors des bibliothèques italiennes, surtout de
celles de Rome, n'ont pas suffisamment attiré l'attention de nos archéologues
modernes, M. de Rossi seul excepté.
Le savant auquel on est habitué à demander les renseignements littéraires
indispensables, celui sur lequel on se repose pour tout ce qui concerne la recherche
et la discussion des textes, l'historique des restaurations ou des mutilations, et
même la signification symbolique des mosaïques, c'est l'auteur des deux ouvrages
déjà cités, les Veîera Monimenta et le de Sacrls adificiis, Jean Ciampini, mort en
1698. Ses travaux sont restés classiques, malgré les erreurs dont ils sont
remplis', malgré les progrès de la science. On recourt même encore à ses
planches, les plus inexactes qui aient jamais été gravées, alors que les collections
de photographies de M. Parker, à Rome, de M. Ricci, à Ravenne, mettent entre
les mains de tous des reproductions aussi fidèles que possible.
Sans méconnaître les services que Ciampini a rendus, eu égard à son temps,
on ne saurait trop mettre en garde contre un guide si dangereux. Il faut désor-
mais recourir directement aux documents avec lesquels le prélat romain a com-
posé ses livres et qui pour la plupart sont encore à notre disposition. On y trou-
vera des descriptions plus précises, des dessins plus exacts, bref on arrivera
autant que possible à remplacer, grâce à eux, les originaux dont ils nous ont
conservé l'image. 3t snoa
Au premier rang figurent deux recueils célèbres de dessins, que d'Agincourt
et bien d'autres ont examinés, mais sans en tirer tout le parti désirable. L'un
d'eux se trouve à la Vaticane (n*** 5407-5409), au catalogue de laquelle il est
inscrit sous le nom de François Penia, quoiqu'il ait été réellement formé par les
soins d'Alphonse Ciacconio (f 1 599), ainsi que M. de Rossi l'a prouvé^. Il se
compose de trois volumes in-folio, remplis de dessins coloriés qui représentent
non-seulement des mosaïques, mais encore des peintures muraks.
L'autre, infiniment plus riche, date de la première moitié du xvii® s. et doit
son existence à l'illustre cardinal François Barberini, le fondateur de la Biblio-
thèque de ce nom. Il comprend une quinzaine de volumes, vraiment inappré-
ciables pour l'abondance et généralement aussi la sûreté des informations 3.
' '' r. « t)ès' erreurs analogues, » cfîîiMg'r.'Êàrbier déMontaûIt, à propos de la mosaïque
du dôme d'Aix-la-Chapelle, « fourmillent par centaines dans cet ouvrage mal fait, que la
» librairie ancienne s'obstine encore à coter à des prix très-élévés, sans doute à cause de
» sa rareté. Qu'on se persuade donc une fois pour toutes que son texte ne vaut pas mieux
» que ses dessins. » Annales archéologiques. 1869. P. 296.
2. Roma Sotterranea, I, 16-17. — Bullettino di arch. crist. 1864. SB...- './J 3I ?.n
3. Bunsen, dans la grande description allemande de Rome {Beschreibung der Stadt
Rom), qu'il faut toujours consulter avec circonspection, s'est demandé si Ciampini avait
connu ces deux collections , et réflexion faite il a déclaré que nous n'étions pas en état
de décider la question (I, p. lix). Il n'en est absolument rien. A propos de la mosaïque,
aujourd'hui détruite, de Se Agathe in Suburra, Ciampini avoue lui-même qu'il s'est servi
d'un dessin de la Bibl. du Vatican, ayant appartenu à Penia iVct. mon. I, 271). En ce
qui concerne la collection Barberini il suffit de comparer les planches L à LXIV du t. I.
d'histoire et de littérature. 107
^ jJRarmi ces reproductions anciennes, il faut encore citer la copie de l'ancienne
mosaïque absidale de S. Pierre, copie certifiée conforme par un notaire aposto-
lique, et conservée aujourd'hui dans les Archives de la basilique en question.
Ciampini, je puis lui rendre cette justice, l'a publiée exactement, tandis que
Torrigio {Sacre Grotte Vaticane. R. 16^9, p. 63) et les BoUandistes (^Acta Sancî.
Juniij VII, p. 135) en ont rapporté d'une manière arbitraire les inscriptions,
très-curieuses au point de vue de la forme des caractères. .-fi
En étudiant ces dessins nous rencontrons d'abord plusieurs monuments négli-
gés par Ciampini : les fragments d'une mosaïque, depuis longtemps ruinée, de
S^" Pudentienne ', puis ceux, encore inédits, du portique de S. Venance, le por-
trait de Grégoire IX tiré de l'ancienne mosaïque de la façade de S. Pierre, etc.
Mais ces dessins ont encore un autre avantage plus considérable, comme je l'ai
déjà dit, celui de reproduire plus fidèlement que les Veîera Monimenta le caractère
des compositions primitives, la forme des attributs, bref une foule de détails
dont l'étude est indispensable à l'archéologue.
Grâce aux documents écrits disséminés dans les bibliothèques italiennes, nous
pouvons faire plus ample connaissance encore avec tant de chefs-d'œuvre ruinés,
-ou, ce qui revient au même, altérés pendant la longue période de vandalisme
dont le début se place sous Sixte-Quint et dont la fin n'est pas encore bien
éloignée de nous. Au lieu d'être obligés de passer par l'intermédiaire gênant et
dangereux de Ciampini, il nous est donné de rétablir, mieux que lui, les monuments
sacrifiés, de contempler et de faire en quelque sorte revivre la Rome chrétienne
primitive telle qu'on la voyait encore dans les dernières années du xvi« siècle.
En effet les savants de la Renaissance, auteurs des notes en question, se sont
occupés de cette partie de la ville éternelle avec une sollicitude qu'on n'aurait
pas soupçonnée chez des admirateurs aussi enthousiastes de l'antiquité classique;
ils l'ont décrite avec un véritable amour, et ce qui surprend davantage, ils l'ont
j infiniment mieux comprise que leurs successeurs du xvii'^ et du xviii^ s. Leur
instinct n'est pas encore faussé par le goût académique et loin d'apercevoir dans
les productions qui vont du pontificat de S. Sylvestre à celui de Jules II une
série uniforme d'œuvres barbares, ils sentent fort bien la différence des styles et
trouvent dans l'examen des nuances. de^ces.œuvceSj le nwyen . de_ leur assigner
des dates relativement précises. :w& m^m^k-ihab-^ ia oo^nèbnods'I ii/oq asldcio
« Parmi ces savants nous en citerons surtout trois dont les écrits forment une
3mjii^q^,^e renseignements tout à. fait inappréciable. Le premier est Onofrio Pan-
£iv*iïiQ,.tigon;ttrajté iie 5S* BasilUa, Baptisterio et PûtPi<;rchio Lateranensi, dont il
"existe des copies nombreuses (Bibl. Barberini, n° 106^, Bibl. nat. de Paris,
n° $ 179, etc.), son de Pr<&sîantia Basilics S. Pétri, publié, en partie seulement,
dans le IX® vol; é\i Spicilegium de Mai, abondent en données faites pour com-
pléter son livre si précieux : ig Sepîem Urbis Ecchsiis (R.^nyjp), Dans l'exemplaire
des V6t. mon. aux dessins dujns. XLIX, n® 14, pour acquérir la certitude d'un véritable
plagiat. , ,:
I. Publiés par M. de Rossi dans le Bidlettino 1867, p.- 44 et 56.
108 REVUE CRITIQUE
du de Pmstantia Bas. S. Pétri conservé à la Vaticane (n" 6780) se trouvent
beaucoup de notes prises par l'illustre moine véronais dans ses visites aux églises.
Beaucoup d'entre elles sont encore inédites. Malheureusement elles sont souvent
d'une lecture fort difficile et M. de Rossi, malgré son habileté consommée de
paléographe, a dû renoncer à les déchiffrer entièrement '. r ,^
Les mss. de Pompeo Ugonio, le docte auteur de Vlstoria délie Stationi di Roma
(R. 1 589), présentent un inconvénient analogue, et peut-être plus grand encore,
surtout le plus intéressant d'entre eux, le Theatrum Urbis Roms^. Pour en tirer
un parti satisfaisant il faudrait les étudier pendant de longues semaines et la
bibliothèque qui les possède n'est ouverte que le jeudi !
Le troisième de ces chercheurs est Jacques Grimaldi, notaire apostolique,
bénéficier et archiviste de la basilique du Vatican, mort en 1623. Ce travailleur
consciencieux et infatigable, touché par le spectacle de tant de démolitions sacri-
lèges, résolut de sauver de l'oubli le plus grand nombre possible de monuments,
soit en les décrivant avec toute la minutie d'un tabellion, soit en les faisant des-
siner. Nous lui devons une connaissance bien autrement parfaite de l'ancienne
basilique de S. Pierre (dont des fragments si considérables subsistaient encore
de son temps), qu'à un autre auteur, trop souvent cité, Tib. Alpharanusî. On
lui pardonne en faveur de son zèle et de son exactitude la lourdeui;rçi^%opJ^jtyle,
le manque d'élévation de ses idées, ses redites continuelles.
Les travaux archéologiques de Grimaldi attendent encore un éditeur et quoi-
qu'ils aient été utilisés par plus d'un savant, ils offrent un butin des plus riches à
l'érudition moderne, pourvue de méthodes de synthèse nouvelles. Pour donner
une idée de leur valeur il faudrait passer en revue les nombreux mss. 4 de cet
archéologue que nous avons trouvés, en originaux ou en copies (ces dernières
généralement de la main même de l'auteur), à Milan, à Florence et surtout à
Rome. Mais une pareille entreprise nous ferait sortir du cadre de cet article.
Contentons-nous de signaler parmi les dessins inédits, servant d'illustration au
texte, ceux des mosaïques, aujourd'hui détruites, de l'Oratoire de Jean VII au
1. Voir ce qu'il en dit dans les Annales de l'Institut archéologique. 1862, p. 230 et dans
le Bullettino di arch. crist. 1867, p. 63.
2. BibL Barberini XXX. 67. Voici un exemple des ressources qu'on peut tirer de ces
mss. : Ugonio a encore vu à SS. Nérée et Achillée un monogramme signifiant LEO PAPA
et analogue, comme il nous l'apprend, à celui du Triclinium du Latran; la présence de
ce monogramme prouve que la mosaïque de cette église a été réellement exécutée sous
Léon III, fait jusqu'ici douteux, le passage souvent cité du Liber Pontificalis s'appliquant
seulement à la restauration de l'église, non à l'exécution de la mosaïque (XXXI, n' 45,
fol. 144 v°).
3. Son Commentarius de SS. BasiHca B. Pétri in Valicano antiquissima et nova structura
(dédié à Grégoire Xill) ne contient pas de détails intéressants sur les mosaïques, du moins
si j'en juge par les copies de la Vallicelliana G. 30 et de la Casanatense XX. VI.
^o. L'original se trouve dans les Archives, d'un accès très-difficile, de la basilique du
Vatican. — Un autre opuscule d'Alpharanus (Bibl. Barberini XXXII. 1^3 etBibl. Bran-
cacciana, de Naples, 3. C. 21) ne paraît être qu'une sorte d'explication du plan de la
basilique du Vatican gravé par les soins de cet auteur.
4. M. de Rossi n'en cite qu'une demi-douzaine appartenant uniquement à la Biblio-
thèque ou aux Archives de la basilique du Vatican {Inscriptwnes christiana, préface xx,
note 5.
d'histoire et de littérature. 109
Vatican', de Paul I" dans la même basilique, du célèbre Triclinium de Léon III
(avec le portrait de ce pape et celui de Charlemagne) avant la restauration de
1625^, des peintures de la nef de S. Pierre, de la fresque du Pérugin (selon
Torrigio, Sac. Grotte, de Balthasar Peruzzi) dans la chapelle démolie de
Sixte IV, etc., etc. Je ne parle pas des oeuvres d'art, d'un intérêt plus secon-
daire, que décrit Grimaldi : l'énumération en serait trop longuet
En dehors de Rome ce genre de renseignements ne nous fait pas non plus
défaut. Pour les mosaïques détruites du royaume de Naples et plus spécialement
pour celles de Capoue nous trouvons des indications précieuses dans les ouvrages
de Monaco, dé Granata. Les mss. de Mazzocchi, qu'il ne m'a pas encore été
donné de consulter, semblent aussi devoir promettre une moisson abondante.
Pour Ravenne les ouvrages imprimés, depuis le Liber Pontificalis d'Agnelli
jusqu'au Guide de Bellrami, nous donnent des renseignements suffisants 4. En
outre les mosaïques parvenues jusqu'à nous sont pour la plupart d^une conserva-
tion satisfaisante; la race pernicieuse des restaurateurs n'y a pas exercé des
ravages aussi grands que dans les autres villes d'Italie. Aussi serait-il bon de
commencer toujours par l'ancienne résidence des exarques l'étude des mosaïques
chrétiennes : l'œil se formerait par la vue de types ayant gardé leur pureté primi-
tive et acquerrait une sûreté bien plus grande qu'à Rome.
Enfin en dépouillant les Scriptores de Muratori et les Acta Sanctorum on
découvre la description d'une foule de peintures en mosaïque perdues, qui jusqu'ici
n'ont pas été remarquées par les historiens de cet art.
M. de Rossi ne s'est occupé que des mosaïques romaines. Le plan de son
ouvrage, comme on le voit par le titre, est à la fois plus étendu et plus spécial
que celui de Ciampini; il n'admet que les monuments de la ville éternelle, mais
il les admet tous, du moins ceux qui existent encore, depuis le iV s. jusqu'au xv".
Ciampini au contraire s'était occupé de ceux de l'Orient et de l'Occident, mais
sans aller au delà de l'ère carolingienne 5 .
i. Ciampini a négligé ce dessin pour reproduire un petit croquis, tout à fait insigni-
fiant, insère dans le même ms.
2. Ce dessin est aujourd'hui le plus ancien de ceux qui nous montrent la composition
originale. En effet le dessin de Ciacconio (Vatic. $407) n'en donne qu'un fragment, celui
de Marc Welser (Gretser, de S. Cruce, p. 452) a disparu, ainsi que le dessin mystérieux
d'après lequel a été faite la restauration de 1625. Dans la correspondance manuscrite de
Peiresc avec Aleander conservée à la Barberine on lit ce passage curieux : Ho caro d'in-
tendere che si repari il mosaico délia Basilica Leoniana, ma vorrei ben che non guastas-
sero l'antiquo si corne hanno guasto quello délia chiesa di Santa Susanna del quale pure
io ho ancora il dissegno. Et lo uoleuo publicare con quello che dice V. S. ... Lettre du
6 février 162^. — Peut-être ces derniers existent-ils encore parmi les papiers, si volumi-
neux, de Peiresc que conservent les Bibliothèques d'Aix, de Carpentras, ou de Paris.
3. Un contemporain de Grimaldi, Mancini, médecin d'Urbain VIII, (f 1630), se dis-
tingue par la justesse de son coup-d'œil. Dans son Viaggio per Roma per veder le Pitture
(Vaticane, fonds Capponi, n* 231 , Barberine XLVIII, n* 67, Chigienne G III, n' 66,
Venise, Bibl. St. Marc, etc.), on lira, non sans intérêt, ce qu'il dit de l'âge de la mo-
saïque de S« Pudentienne, de celle du Portique de S. Venance, etc.
4. J'ai vainement cherché à Ravenne le ms. de Malazappi que M. Cavalcaselle y avait
encore vu à S. Apollinare nuovo. Il a disparu depuis la suppression des couvents.
5. D'une note de la Correspondance de Mabillon et Montfaucon, par Valéry, t. II, p. 121,
rrô" 3^'' REVUE CRITIQUE
Le savant moderne ne s*est pas proposé de nous donner des descriptions
détaillées; ses planches sont là pour cela. Il n'a voulu, nous dit-il, qu'accompa-
gner ces dernières de simples notices historiques. Mais il faut bien se garder de
prendre cette déclaration au pied de la lettre. Ces notices contiennent en réalité
une quantité considérable de faits et d'aperçus nouveaux, non-seulement sur
l'art de la mosaïque, mais sur l'archéologie chrétienne tout entière. M. de Rossi
y touche à chaque instant aux plus graves problèmes et déploie pour les résoudre
toutes les ressources de son érudition. Il y fait successivement passer devant nos
yeux les mosaïques de la Bibl. Chigi, de S**" Sabine, de S. Laurent hors les murs,
de S^** Agnès, de S*" Françoise Romaine, de la façade de S*** Marie Majeure, etC>»
Sa découverte la plus brillante est celle de l'âge réel de la décoration absidâle
de S^^ Françoise Romaine que, d'après un passage mal compris du Liber Ponti-
ficaHs, on attribuait généralement jusqu'ici au ix'^s. bien qu'elle portât tous les
caractères d'une œuvre du xii®. M. de Rossi, en recourant aux anciennes repro-
ductions ou descriptions, est parvenu à restituer l'inscription mutilée de cette
mosaïque, ainsi qu'à établir sa ressemblance et sa parenté avec celle de l'abside
de S^* Marie dans le Transtévère. Il a fait cesser par là une des comradictions
les plus choquantes de l'histoire de l'art. ;'ôbifKHJD*bo"j
Sans entrer dans le détail de toutes ses recherches, nous nous contenterons de-
dire que son ouvrage se distingue surtout par la pleine possession de tous les •
éléments propres à fixer la chronologie des mosaïques : inscriptions, actes des
martyrs, chroniques, etc. Le savant archéologue a compulsé jusqu'aux moindres
plaquettes avec un soin faisant le plus grand honneur à ses connaissances biblio-
graphiques, qui sont vraiment exceptionnelles et qui ont joué un si grand r6l«
dans l'histoire de ses découvertes. Ces matériaux sont discutés avec la critique
la plus rigoureuse et la méthode est aussi sûre que les résultats sont brillants.
On peut affirmer sans témérité qu'an point de vue historique les- Musaici cristiàhi^
ne laissent rien, absolument rien à désirer. ''''^
Il nous reste à parler des planches qui complètent cette publication, la phw^
somptueuse, à coup sûr, que la ville éternelle ait vue sortir de ses presses. Elles
font l'éloge de l'ancien atelier pontifical de chromolithographie, appartenant
aujourd'hui à M. Spithôver. Exécutées avec un soin extrême elles rendent le
caractère des originaux, autant que des reproductions de ce genre peuvent le
rendre. J'y ai cependant relevé quelques inexactitudes : dans la bordure de la
mosaïque de S^^ Sabine, les croix d'or formées par l'assemblage de quatre
losanges chacune ont été remplacées par des figures' semblables à des X- ^
propos de cette bordure il aurait peut-être aussi fallu ajouter que dans roriginâl
elle est peinte, non incrustée, dans sa partie inférieure. Dans la planche consa-
crée à S*^ Agnès, l'artiste a rendu par des carrés blancs les peries de la bande
gemmée qui dans l'original sont rondes, comme doivent l'être les perles, etc.
Aux reproductions des mosaïques sont jointes des planches représentant àéi
^ ■ ' ■ ■ ■ I ■ n ■ ■ - Il
il^'semblë'resùTter'qûe'Cïanipini aft composé deux autres parties des Vetera monimenta qui
n'auraient pas été publiées. J'ignore où elles se trouvent. ' ' ' '' ' ' ' "'■'
d'histoire et de littérature. I î I
pavements en opus alexandrinum, ou, comme les appelle M. de Rossi, en opus
sectile marmoreum. N'aurait-il pas mieux valu renoncer à s'occuper de ce genre
d'incrustation dont bien des échantillons ont déjà été publiés, même en couleur^ •
et qui n'offre pas un intérêt bien considérable ? On aurait pu ainsi diminuer le
prix de l'ouvrage qui est vraiment énorme et hâter la publication de ce magnifique
volume dont les amis de l'art n'attendront sans doute l'achèvement que pendant
de trop longues années encore.
Eug. MÛNTZ.
i6S. — Mémoires-journaux de Pierre de TEstoile, édition pour la première
fois complète et entièrement conforme aux manuscrits originaux, publiée avec de nom-
breux documents inédits et un commentaire historique, biographique et bibliographique,
par MM. G. Brunet, A. Champollion, E. Halphen, Paul Lacroix, Charles
Read, Tamizey de LARR0Q.UE et Ed. Tricotel. t. premier. Journal de Henri III.
1 574-1 580. Paris, Librairie des Bibliophiles. 1875. In-8«, viij-400 p. — Prix : 1 5 fr.
:; Nous; ne pouvons aujourd'hui qu'annoncer cette publication capitale, pour
laquelle des érudits diversement distingués ont associé leurs forces. Le premier
volume, comme exécution matérielle (vraiment splendide) et comme soin apporté
à la reproduction du texte, donne de l'ensemble l'idée la plus favorable. Nous
avons été généralement très-satisfait de la correction, sauf peut-être quelques
rares lapsus dans les textes latins. Dans ces mêmes textes, nous avons remarqué
un certain nombre de négligences dans la ponctuation, à laquelle les éditeurs
ont en général apporté un grand soin, car, disent-ils fort justement, c'est le
premier commentaire de tout texte ancien qu'on imprime. Nous reviendrons lon-
guement sur cette édition, qui contiendra le seul texte complet, et vraiment défi4(_
nitif, de ces mémoires inestimables. Elle comprendra douze ou quinze volumes,
dont les derniers seront remplis par le commentaire. A en juger par les noms des
collaborateurs qui se sont chargés de cette tâche, ce ne sera pas la partie la moins
précieuse de l'œuvre. Espérons que cette belle entreprise, dig^ie de tout notre
intérêt, marchera aussi rapidement que bien.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 6 août 1875.
, L'ordre du jour appelle la présentation de deux c^idats pour les fonctions
de directeur de Pécole française d'Athènes. L'académie se forme en comité
secret pour entendre le rapport de la commission de l'école d'Athènes; à la
reprise de la séance publique, elle désigne, ex aequoy MM. Albert Dumont et
Foucart.
M. de Longpérier, au nom de la commission du concours des antiquités de la
France, annonce que cette commission a décerné 3 médailles et 6 mentions
honorables aux auteurs des ouvrages suivants :
Médailles : — i . Robert de Lasteyrie, Étude sur les comtes et vicomtes de
Limoges antérieurs à l'an 1 000 ; — 2. Tholin, Études sur l'architecture reli-
112 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
.gieuse de l'Agenais ; — 3. L'abbé Hautcœur, Histoire et.x:artttîàire; de l^àbbayfe
de Flines, 3 volumes* —--. - • ,-■;;. ...;! :.»:■:. :.i
- Mentions honorabki^l^^'^Y. Rivière, Histoire des iristitutiori^';âè' l'Attye^ï,
'i'l\'(itly^-yï^^^^ Le trésor de Clairvaux et onze autres mémoires'^
%-r'^5. Harolp de Fontenay, Inscriptions céramiques <i?Autun; -^14. /L'abbé
U. Chevalier, Recueils de chartes, Visites pastorales à Grenobley^ Ghohc'de
monuments diplomatiques inédits; — 5. Pierre Bonnassieux, De la réunion 'de
Lyon à la France; — ^. Duplès Agier, Chroniques de S, Martial de Limog^s^.
M. Desnoyers lit uiie note sur une mappemonde manuscrite faite par Salomop
de Caus, qui figure actuellement à l'exposition du congrès des sciences géogra-
phiques. Cette mappemonde est tracée sur parchemin. Elle est certainement
exécutée de la main même de Salomon de Caus, qui y prend le titre de « géQ-
» graphe du Roy. » Elle a dû être faite pendant les années. 1624 à 'i626)aKuO
M. Desjardins continue la lecture du mémoire de M. Charles Tissot 'StHr^h
Maurétanie Tingitane. Dans les chapitres ^précédents M. Tissot avait étudié 18
côte de la Maurétanie depuis l'embouchure de la Malva jusqu'à Tingis; dans Ta
'partie lue aujourd'hui il établit la position d^,la ville de Tingis, qui jci'.^st^^^^^
selon lui, que Tanger, tandis qu'on av3i^l^î>50U^Ujla placer à 2 miii^rpioft>teifl»^ftfp
l'est, au lieu appelé Tandja el Balia. Puis il étudie les localités qu'on reiicontrè
en partant de Tanger et en pénétrant dans l'intérieur.— Dans ce chapitre;
M. Tiésot signale trois inscriptions relevées par lui dans le voisinage de Tanger.
%42i première est une épitaphe. La seconde, qui présente quelques lacunes, faciles
d'ailleurs à combler, est une dédicace à Dioclétien, de l'année 291 : u imp.
)X caes. c. AVREL. VAL. [ diocleîianO GERMANICÛ j MAX. PIÛ. FELI.a
» INVICTO AVQ\p. M; TRIBVNICIAÇ:^^QTE^X.j YUlrjv^S IIII PATRI
» PATRIAE PR0C05 )) : « [Imperatori Caesâri C'.j Âuréfiô vaferio [Diocletian]o
;»^-Germanico Maxîmo Pio Felici Inuicto Augusto; [pôm'ifid^nJaximo; tribùnicîàe
)) potestatis octauum, [conjsuli quartum, patri patriae, prfoconsulij. » La
^^inscription, plus ancienne, est intéressante en ce qu^ellè confirme rm passage
de Pline « (l. 5, chl î) )>, relatif à là colonie fondée par Claude à Tingis. Pline
dit que cette colonie reçut le nom de Trqducîa .11111(1,: On l'avait accusé de s',être
trompé et d'avoir confondu la colonie de Tingis avec une autre. L'inscription
découverte par M. Tissot est un fragment mutiléoù il ne reste que des rnoitié|^
de mots, mais on peut y distinguer le nom -de la colonie,' qui commence par les
lettres IVLI ; cette inscription donne donc raison à Pline côntfe les auteurs
modernes qui avaient contesté son assertiort^J,^';,^;^;^^^^^;:;^;;^^
Ouvrages offerts à l'académie : — Envoi de /^■'•50îf^^'ift-^(/^z^Q^-^&ii7/fr7f^^?''^AÏnafilie
societatei academice romane,. 1869-75, 7 vol.; Gramatec'a lirtibei romane, partea I, ana-
litica, de Tim. Cipariu, 1870; Diclionarîuiu limbei romane, de A. Lauriano si J. C.
Massimu, tomu I, A-H, 18755 Operele principelui Demetriu Cantemiru, tomu I, Des-
criplio Moldaviae, 1872 : Bucuresci, 4*. — Présenté par M: Maury : Xe comte J: Goz-
ZADiNi, De quelques, mors 4e cheval italiques et deTépéé de Ronzano en bronze, Bologne,
^^'^'''k^Ê:xxi.^^tiii^nm^■ : :ri;::n:.i.^ >iHJ^.JttJiere*|lAVBT;': S^yrA
V-
r
.■(miaîffïmprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Roti^dt?.'''^ .msb&^lA
Dœrffling und Francke. In-8", viij-488 p. (abondance de détails biographiques
et anecdotiques, absence de méthode et de vues d'ensemble). — Witte, Bei-
traege zum Verstandniss Kant's. Berlin. Mecklenburg. In-8°, ix-io6 p. (note
assez favorable). — Kôrner, Instinkt und Freier Wille. Leipzig, Scholtze.
In-8'*, iv-209 p. (beaucoup de généralités, peu de précision). — Bancroft,
History ofthe United States; vol. X. Leipzig, Brockhaus. In-8'\ 593 p. Der-
selbe, Geschichte der vereinigten Staaten, etc. Deutsch von A. Bartels, vol.
IX et X. Leipzig, Wigand. In-8% viij-392 et x-4$o p. (Le dixième volume de
cet ouvrage magistral s'arrête à la signature des préliminaires de paix le 30 no-
vembre 1782. La traduction allemande laisse peu à désirer). — Jalger, Ge-
schichte der neuesten Zeit vom Wiener-Congresz bis zum frankfurter Frieden.
Oberhausen, Spaarmann. 3 vol. in-8", vj, 568, 570, 549 p. (article très-favo-
rable. L'ouvrage donne plus que ne promet le titre, car il ne s'arrête qu'à
l'année 1873. Le compte-rendu laisse voir que M. J. n'a dissimulé ni ses haines
ni ses prédilections politiques, ce dont l'auteur de l'article lui sait bon gré). —
GuNDERT. Vier Jahre in Asante. Basel, Verlag d. Missions-Comptoir. In-8", iv-
256 p. (ouvrage composé d'après le journal du missionnaire Ramseyer, prison-
nier des Ashantees depuis 1869 jusqu'à 1873 : intéressants détails de mœurs).
— Uhle, Griechische Elementargrammatik. Dresden, Wolf. In-S*", iv-ioi p.
(recommandée). — Lysias, ausgewaehlte Reden, fiir den Schulgebrauch erklaert
von Frohberger. Leipzig, Teubner. In-8°, 411p. (excellent travail). — Juliani
Imperatoris quae supersunt praeter reliquias apud Cyrillum omnia recens Fr.
Car. Hertlein. Vol. L Leipzig, Teubner. In-8", vij-432 p. Tbonne édition). —
Ludvvig Uhland's Leben. Stuttgart, Cotta. In-8", 479 p. (biographie intéres-
sante, composée par la veuve du grand poète d'après ses souvenirs personnels
et des papiers de famille). — Engl, Franz Stelzhamer. Wien, Beck. In-S",
99 p. (deuxième édition d'une biographie simplement et naïvement écrite du
poète populaire de Piêsenham).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Acta genuina ss. œcumenici concilii Tri-
dentini sub Paulo III, Julio III et Pic IV.
pp. mm., ab A. Massarello episcopo
Thelesino ejusdem concilii secretario
conscripta, nunc primum intégra édita ab
A. Theiner. Accedunt acta e)usdem con-
cilii sub Pio IV. a cardinale G. Paleotto
archiep. Bononiensi digesta, secundis
curis expolitiora. T. I et II. In-4*, xxij-
1423 p. Leipzig (Breitkopf u. Hartel).
J06 fr. 75
Acta nova regiae societatis scientiarum
Upsaliensis séries III. Vol. IX, fasc. 1.
In-4% 224 S. m. 3 Steintaf. Upsala
(Akadem. Buchh.). 20 fr.
Archiv fur das Studium der neueren
Sprachen und Literaturen. Hrsg. v. L.
Herrig. 53. Bd. 4 Hfte. Braunschweig
(Westermann). 8 fr.
Becker. Rœmische Militasr-Verhaeltnisse.
In-80, 30 S. Berlin (Mitller und Sohn).
7S c.
Gurtius (E.). Wappengebrauch u. Wap-
penstil im griechischen Alterthum. Mit
I Taf. Gr. in-4', 42 S. Berlin (Dùmm-
1er). 2 fr. 75
Dankô (J.). Divum Hieronymum oppido
Stridonis in regione interamna Murakœz
Hungariae anno 331p. Christum natum
esse. Accedit tabula veteris Pannoniae.
In-4", 87 p. Mainz (Kirchheim), S f • 3 5
Fick(A.). Die griechischen Personennamen
nach ihrer Bildung erklaert, mit den
Namensystem verwandter Sprachen ver-
glichen u. Systematisch geordnet. In-S",
ccxix-2 36 S. Gœttingen (Vandenhœck et
Ruprecht). lo tr. 75
Friedlsender (L.). Darstellungen aus der
Sittengeschichte Roms in der Zeit von
August bis zum Ausgang der Antonine.
2. Thl. 3. umgearb. u. sehr verm. Aufl.
In-8% xvj-640 S. Leipzig (Hirzel).
13 fr. 35
Gerlach (F. D.). Die Verfassung der
rœmischen Republik von den Gracchen
bis auf Jul. Cassar. In-4", 61 S. Basel
(Schneider). 2 fr.
Geschichte der europaeischen Staaten.
Hrsg. V. A. H. L. Heeren, F. A. Ru-
ckert u. W. v. Giesebrecht. 36. Lfg. 2.
Abth. In-8', x-501 S. Gotha (F. A.
Perthes). ^ 13 fr. 35
Contenu : Geschichte Polens v. J. Caro
IV. Thl. 1430-1455. ...
Grassmann (H.). Wœrterbuch -z. Rig~
Veda. 4. Lfg. Gr. in-8% Sp. 865-1152.
Leipzig (Brockhaus). 6 fr. 75
Hertzberg (G. F.). Die Geschichte Grie-
chenlands unter d. Herrschaftd. Rœmer.
Nach den Quellen dargestelit. 5. Thl.
Von SeptimJus Severus bis auf Justinian L
In-8;, viij-571 S. Halle (Buchh. d.
Waisenh.). 12 fr.
Hilgenfeld (A.). Historisch-kritische Ein-
leitung in das Neue Testament. In-S»,
viij-828 S. Leipzig (Fues). 17 fr. 35
Jseger (0.). Die Geschichte der Rœmer.
3. Aufl. In-8-, xvj-588 S. Gûtersioh
(Bertelsmann). 8 fr.
Jahn (A.). Die Geschichte der Burgun-
dionen u. Burgundiens bis zum Ende d.
I. Dynastie, in Prùfg. der (Quellen u. d.
Ansichten aelterer u. neuerer Historiker
dargestelit. 2 Bde mit 4 Abbildgn u. e.
Karte Burgundiens. In-S", lxv-1120 S.
Halle (Buchh. d. Waisenh.). 32 fr.
Keller (L.). Der 2. punische Krieg und
seine (^ellen. Eine histor. Untersuchg.
In-8', viij-223 S. Marburg (Elwert).
6 fr.
Kremer (A. v.). Culturgeschichte des
Orients unter den Châlifen. i. Bd. In-8',
•xj-547 S. Wien (Braumùller). 16 fr.
Kriechenbauer (A.). Beitraege zur ho-
merischen Uranologie. A. Das tropische
. u. natùrl. Jahr in d. Ilias. B. Das Nord-
gestirn in d. Odyssée. G. Die Merkmale
d. Sirius : xa)6i; u. vuxto; ày-oXyl^. D.
Poséidon als Sternbild. In-8', 9} S.
Wien (Gerold). 2 fr. 75
liehmann (J. A. 0. L.). Kandbuch der
deutschen Literatur. Eine Sammlung aus-
gewaehlter Stûcke deutscher Dichter und
Prosaiker, von der asltesten Zeit bis auf
die Gegenwart, nebst literargeschichtl. u.
biograph. Notizen , fur hœhere Unter-
richtsanstalten u. Freunde der deutschen
Literatur. 2. unvera?nd. Aufl. 2 Thle in
1 Bd. In-8«,xxix-io89S. Leipzig (T. 0.
Weigel). 6 fr.
Marquardt (J.) und Mommsen (T.).
Handbuch der rœmischen Alterthùmer.
2. Bd. 1. Abthlg. ^-8", xvj-697 S.
Leipzig (Hirzel). 16 fr.
Contenu : Rœmisches Staatsrecht von
T. Mommsen. 2. Bd. i. Abth.
Metternich (Fùrst). Ueber Napoléon
Bonaparte. In-8", 39 S. Wien (Brau-
mùller). I fr- 3 5
Miklosich (F.). Beitraege zur Kenntniss
der Zigeunermundarten. I-IL Gr. in-8',
36 S. Wien (Gerold). 85 c.
Overbeck (J.). Pompeij in seinen Ge-
bseuden, Alterthùmern und Kunstwerken
fur Kunst- und Alterthumsfreunde darge-
stelit. 3., abermals durchgearb. u. verm.
Aufl. Mit 26 grœsseren zum Theil farb.
Ansichten, u, 3 1 5 Holzschn. im Texte,
sowie e. grossen Plane. Gr. in-S^, xiv-
580 p. Leipzig (Engelmann). 26 fr. 75
Rabbinovicz (R.). Variae lectiones in
Mischnam et in Talmud babylonicum
quum ex aliis libris antiquissimis et
scriptis et impressis tum e codice Mona-
censi praestantissimo collectae, annota-
tionibus instructae. Pars V. Tract.
Erubin. In-8*^jVJ-4i9 p. Mùnchen (Rosen-
thal). 10 fr.
Stein (H. v.). Sieben Bûcher zur Ge-
schichte der Platonismus. Untersuchungen
ûber das System d. Plato und sein Ver-
haeltniss zur spaeteren Théologie und
Philosophie. 3. u. letzter Thl. A. u. d.
T. : Verhseltniss des Platonismus zur
Philosophie d. christ. Zeiten. In-8*, viij-
415 S. Gœttingen (Vandenhœck u. Ru-
precht). 10 fr. 75
Complet. 26 fr. 75
"Wustenfeld (F\). Bahrein und Jemâma,
nach arab. Geographen beschrieben. Mit
e. Karte. In-4', 50 S. Gœttingen (Die-
terich). 3 fr. 80
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N*' 34 Neuvième année. 21 Août 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
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Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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67, rue de Richelieu.
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PERIODIQUES.
The Academy, n° 169, new séries, 3 1 juillet. J. Addington Symonds, Renais-
sance in Italy ; the âge df Despots. London, Smith Elder and Co. (W. A. Pater,
article très-favorable. L'ouvrage aura trois parties : le tableau de la Renaissance
en Italie est rattaché à l'ensemble de la vie sociale en Europe aux xv^ et xvi° s.
L'auteur appelle the âge of despotes Pépoque où des individualités énergiques,
François Sforza, Savonarole, Alexandre VI, Machiavel, surgirent au sein des
communes italiennes. Il déploie des qualités de style très-puissantes). — Haz-
litt's Shakespeare's library. London, Reeves and Turner. 6 vol. (H. B.
Wheatley, recueil très-utile des pièces, romans, nouvelles, poèmes, histoires
où Shakespeare a puisé. Pourtant on reproche à Pauteur d'avoir systématique-
ment laissé hors de son plan la reproduction des Chroniques d'Holinshed, alors
qu'il donne de longs extraits du Plutarque de North). — An Historical Atlas of
Ancient Geography, Biblical and Classical. London, Murray (Ch. W. Boase:
excellent travail, à l'exécution duquel ont présidé MM. W. Smith et Grove.
Les cartes, sauf celles de la Bretagne et de l'Inde, ont été dressées par Ch.
MÛLLER, l'éditeur de Strabon et des Geographi Minores dans la collection Didot;
la carte de Bretagne est le résumé des Historical Maps of England de Pearsons,
celle de l'Inde est basée sur les travaux du colonel Yule, l'éditeur de Marco
Po/o).— J. KôsTLiN, Martin Luther. Sein Leben und seine Schriften. Elberfeld.
2 vol. (Alf. Stern, article très- favorable. L'auteur fait justice de mainte anec-
dote controuvée, répétée depuis longtemps sur Luther. Il s'est heureusement
servi du journal, publié en 1872, d'Antoine Lauterbach, un des commensaux du
réformateur). — Notes and News. Extraits de lettres adressées par Hume et par
J.-J. Rousseau à Davenport, au sujet de leur querelle. — Notes of Travel. —
Bishop Thirlwall (notice nécrologique). — Athanase Coquerel fils (id.). —
Congrès international des sciences géographiqnes : deuxième session, Paris,
187$ (Compte-rendu détaillé). — Correspondence : Etruscan antiquities (A. H.
Sayce), Cuneiform Inscriptions in Rom (Enrico Fabiani), The Story of Genesis
and Exodus (W. A. Skeat : VHistoria Scholastica de Pierre Comestor est l'une
des sources du poème anglais). — Spécimens of the Languages of India, inclu-
ding those Aboriginal Tribes of Bengal, the Central Provinces, and the Eastern
Frontier. Calcutta. Bengal-Secretariat Press. (E. L. Branreth : ces spécimens,
au nombre de 120, sont classés géographiquement, sans tenir compte de l'affinité
des idiomes, et le système de transcription adopté n'est pas uniforme; néan-
moins l'auteur de l'article montre que les philologues peuvent y trouver du
profit). — Science Notes. Philology.
The Athenaeum, n° 2492, 31 juillet. Recollections of Colonel de Gonne-
viLLE. Published bis his daughter, the Countess de Mirabeau. With an intro-
ductory sketch by General Baron Ambert. Edited from the French by Charlotte.
M. YoNGE. 2 vols. Hurst and Blacket (article favorable, donnant une analyse
étendue et quelques extraits intéressants). — The poetics of Aristotle. Vahlen's
text, with Notes by the Rev. Edward Moore. Parker and Co. (article sévère.
Pour le texte de Vahlen v. Revue critique^ 1875, n° 9, art. 40). — Ecclesiastes
for English Readers, newly translated with Introduction, Analysis and Notes by
the Rev. W. H. B. Prqby. Rivingtons. The Ten Canticles of the Old Testament
Canon, newly translated, with Notes and Remarks on their Drift and Use.^ By
THE SAME. Same Publishers (article défavorable). — Monumental Inscriptions
of the British West Indies from the Earliest Date chiefly collected on the Spot
by Capt. J. H. Lawrence-Archer. Chatto and Windus (Inscriptions tumulaires
des xyii'^ et xviii^ siècles, recueillies à la Jamaïque et à la Barbade : l'auteur du
recueil aurait dû donner des commentaires historiques plus étendus). — Cursor
Mundi (The Cursor 0 the World) : a Northumbrian Poem of the Fourteenth
Century. Edited for the Early English Text Society by the Rev. Richard Morris
LL. D. Parts I. II. Trùbner. First Notice (Publication très-importante. Elle
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 34 — 21 Août — 1875
Sommaire: 169. Burnell, Éléments de Paléographie Indienne. — 170. Wachsmuth,
L'ancienne Athènes. — 171. Loiseleur, Anthologie d'HoRACE. — 172. Horst-
MANN, Légendes Anglaises du Moyen-Age. — 173. Martin Despois, Poésies françaises,
latines et grecques. — 174. Œuvres complètes de Diderot, p. p. Assézat. — 175.
Becq. de F0UQ.U1ÈRES, Documents nouveaux sur André Chénier. — Sociétés
savantes : Académie des inscriptions.
169. — A. C. Burnell, Eléments of South-Indian Palœography from the
4th to the i7th century A. D.; being an Introduction to the study of south-indian
Inscriptions and MSS. Mangalore, Basel Mission Book and Tract Depository. London,
Trùbner and Co. Gr. in-4', viij-98 p. i carte et 32 pi. lithogr.
Les études épigraphiques et paléographiques ' remontent, pour l'Inde septen-
trionale, à la fondation même de la Société de Calcutta. Elles sont par consé-
quent déjà vieilles de près d'un siècle. Depuis les admirables découvertes de
J. Prinsep, elles sont de plus en possession d'une base et d'une méthode scien-
tifiques et, durant les 40 années qui ont suivi, elles n'ont pas cessé de fournir à
l'histoire des résultats précieux. A peu près tout ce que nous savons de positif
en fait de chronologie ancienne de l'Inde, nous le devons aux travaux épigra-
phiques de cette période, travaux auxquels se rattachent, entre beaucoup d'autres,
les noms de Burnouf, de Lassen, de Westergaard_, de Stevenson, de J. et H.
Wilson, W. et A. West, E. Norris, Bhau-Dâji, E. Thomas, Alex. Cunningham,
J. Dowson, H. Kern, J. Burgess et de ses collaborateurs de Vindian Antiquary.
Mais le domaine de la plupart de ces recherches n'a guère dépassé vers le
Sud les derniers massifs du Vindhya. L'Inde méridionale demeurait exclue et
déshéritée. Ce n'est pas toutefois que les matériaux y fissent défaut. Depuis
longtemps on la savait riche en inscriptions, plus riche même, à ne regarder
qu'au nombre, que les contrées du Nord : de bonne heure aussi on s'était appli-
qué à y recueillir les documents épigraphiques. D'importantes collections furent
ainsi recueillies par Buchanan (copies peu exactes), par Mackenzie, par Sir W.
Elliot et d'autres. Mais bien peu de ces documents ont vu le jour : ce n'est que
dans ces derniers temps que M. Eggeling en a entrepris une étude suivie et qu'il
en a communiqué quelques-uns des plus importants. La grande masse dormira
peut-être encore longtemps dans les bibliothèques de Londres. Dans l'Inde
même, il a paru quelques publications de luxe sous les auspices du gouverne-
ment : mais à l'exception de quelques notices dues à MM. Elliot et Burnell et,
I. La paléographie dans l'Inde n'est pour ainsi dire qu'une branche de l'épigraphie et
de la numismatique. Comme il n'y a pas de MSS. bien anciens, elle n'a pas d'autres ma-
tériaux que ceux qui lui sont fournis par les inscriptions et par les monnaies. Dans l'Inde
du Sud toutefois, oi!i coexistent des alphabets peu connus et d'origines diverses, ces con-
ditions ne sont pas tout à fait les mêmes : l'écriture des MSS. y a aussi son histoire.
XVI 8
^tir4 .aflUTA>îàsit6#«^fi(@S0TEiH*a
ïMa#t ëâM^iftn'feiÉe'^avant enlevé prématurémerît'à la' science, F. W. Ellis, il
'i'y est fàîf peu de chose pour l'étude véritable. -
- Cette infériorité du Sud vis-à-vis du Nord tient à des causes diverses. Non^
seulement la science européenne dut régler sa marche sur le développement
même de la puissance britannique, mais elle trouva encore dans les contrées du
Midi le terrain moins bien préparé que dans PHindoustan. A Fheure qu'il est,
?elle n'y a pas encore le même accès, elle n'y dispose pas des mêmes ressources
et le petit nombre d'hommes dévoués comme M. Burnell, qui travaillent à son
avancement, s'y trouvent dans des conditions à bien des égards semblables à
■ celles oi^ se trouvaient dans la vallée du Gange les contemporains de Colebrooke.
En second lieu il faut bien se dire que le foyer politique et intellectuel de Tlnde
■ n'a jamais été placé dans le Dékhan et qu'à première vue, le passé de ce pays
doit paraître pâle en comparaison de celui des riches contrées du Nord, siège
antique de la civilisation et de la puissance, de la religion et de là littérature. Il
est vrai qu'à y regarder de près, lés choses se présentent sous un aspect un peu
-différent. Au moyen-âge les contrées méridionales réagirent à leur tour puissam-
•ment sur le Nord : Kûmârila, Çamkara, Râmânuja, Madhvâcârya étaient des
hommes du Sud. Mais ce n'est qu'assez tard qu'on a pu se rendre compte ée la
ivraie portée de leur rôle et de l'influence profonde exercée par quelques-uns
id'entre eux. A priori les antiquités de ce pays manquaient de prestige. Il S'est
eainsi trouvé que le « vague sentimentalisme » qui, selon la remarque très-juste
de M. Burnell, « a infecté dès le début les études indiennes », a rencontré dans
le Sud moins d'aliments que dans le Nord. La recherche y a été mise de suite à
un régime plus sobre; mais, si de ce chef elle a été moins exposée aux décep-
tions, par contre elle a été atteinte de langueur. Nous sommes ainsi faits qu'à
, l'étude la plus sévère, il s'allie toujours un grain d'enthousiasme chimérique.
çPersoTîne, sans doute, ne s'attend plus à la découverte d''une inscription authen-
tique de Yudhisht/iira ou de quelque autre héros du Mahâbhârata; mais on n'en
,a pas fini ayec l^s his^torj^ns qui se servent de ce poème comme d'une sorte de
i chroniquènÇI çej'^?«$lt||aajiB0n plus le sang-froid précisément qui caractérise ks
études védiques. ■';;
; Une autre cause du peu de progrès qu'ont fait jusqu'ici ces recherches dan^le
Sud, tient aux difficultés toutes particulières qu'elles présentent. Les peuples au
'Dékhan appartiennent à une autre race que ceux du Nord et leurs idiomes sont
.Tadicalement différents des langues indo-européennes. Bien que les inscriptions
xies plus importantes soient, enmajeure partie, rédigées eh sanscrit, elles renféï"-
^'itient un grand nombre de termes, surtout des noms de lieux, empruntés aux
-dialectes nationaux. L'étude de ces documents exige donc, outre la connaissance
»?<Ju sanscrit, celle des langues dravidiennes, c'est-à-dire d'une famille d'idiomes
"âôtit l'investigation historique est à peine commencée et qui, malgré les problèmes
ï ethnographiques de premier ordre qui s'y rattachent, n'ont été étudiés générale-
ment jusqu'ici que dans un but strictement professionnel. M. Burnell, qui possède
^ ces langues presque aussi bien qu'il possède le sanscrit, a parfaitement fait sentir
cette difficulté et montré combien il reste encore à faire sur ce terrain.
d'histoire et de littérature. I I 5
Enfin il était à cet abandon une dernière cause et celle-là M. Burnell a fait
mieux que la signaler; il l'a supprimée. Il manquait en effet jusqu'ici un ouvrage
d'ensemble qui, au point de vue d'une science plus avancée, fût pour le Sud ce
que les Essais de Prinsep ont été pour le Nord, une introduction et un guide
dans l'étude des textes épigraphiques; un ouvrage qui donnât la série des alpha-
bets, leur filiation, leur distribution géographique, et qui, pour les documents
eux-mêmes, précisât les particularités de forme, de langue, de rédaction et tous
les caractères variables selon les temps et les lieux qui permettent de dater une
pièce et d'en affirmer ou d'en nier l'authenticité ' . Cet ouvrage, nous l'avons
maintenant dans les Éléments de Paléographie de M. B. ; son livre n'est pas seule-
ment un traité complet de déchiffrement; c'est en même temps une sorte de
chrestomathie épigraphique qui résume et précise les résultats acquis, qui sur
bien des points les élargit et qui surtout, par des exemples bien choisis, enseigne
la façon de manier cette sorte de documents afin d'en exprimer pour ainsi dire
tout le contenu. Le chercheur qui s'occupe de recueillir des inscriptions, y trou-
vera des conseils, le savant qui les interprète, des moyens de contrôle et l'india-
niste qui ne fait pas une étude spéciale de cette sorte de documents, toute une
moisson de remarques neuves et ingénieuses portant sur toutes les branches de
l'archéologie. Des inscriptions l'auteur passe aux manuscrits ; il en décrit les
conditions et les particularités et n'abandonne la mine qu'il a été le premier à
ouvrir, qu'après en avoir sondé jusqu'au dernier filon. En un mot, pour aucune
partie de l'Inde il n'a été fait jusqu'ici sur cette matière rien d'aussi complet,
d'aussi méthodique ni d'aussi commode que cette magistrale publication ^.
La partie figurée de l'ouvrage de M. B. se, compose : i^jde 19 tableaux litho-
graphies donnant la série complète des alphabets qui ont été en usage dans l'Inde
du Sud depuis le iV-' siècle. Autant que les documents originaux le permettaient,
ces tableaux donnent chaque fois tous les signes, tant simples (voyelle initiale,
.- ^.Liil-
1 . Les fraudes ont dû s'exercer surtout sur les actes de donation, qui sont précisément
de toutes les inscriptions celles qui ont la plus grande valeur historique. Une chroniqiie
tamoule, le Kongudesarâjakkal, est en grande partie faite avec des documents de ce genfe.
Suspectée par M. Dowson, elle a été défendue par MM. Lassen et Eggeling. Ce dernier,
qui est probablement le savant d'Europe le plus compétent en cette matière, s'appuyait
surtout sur un acte de donation du roi Arivarman, de 247 ap. J.-C, acte que le chro-
niqueur a eu peut-être sous les yeux, tant il s'accorde bien avec les données de son récit,
et qui s'est retrouvé dans les collections de M. Elliot. Or M. Burnell n'hésite pas à dé-
clarer que cette pièce a été forgée au plus tôt au X' siècle, et il est plus que proba^b'le
Que beaucoup d'autres documents de ce genre mentionnés dans la chronique, ne sont pas
de meilleur aloi. Par cet exemple on pourra juger et des perplexités réservées à l'historien
dans ces recherches, et de l'urgente utilité d'un ouvrage comme celui de M. B. — M. B.
a traité en détail des actes de donation, de leurs différentes espèces , de leur libellé, 4e
leurs conditions et marques extérieures telles que sceaux, sigles, signatures, etc., ai^i
que des décisions des jurisconsultes à cet égard. Presque tout son V* chapitre est cop-
sacré à cette matière.
2. Avant ce dernier ouvrage, M. Bravait -publié sur la matière ^4 /cî»' suggestions as
to thc best way of making and uiilizing copies of Indian Inscriptions. In-S'. Madras, 1.870,
et 0/2 some Pahlavi Inscriptions of Soutfi-India, Mangalore, 1873 (printed for private dis-
tribution). Pour ce dernier et d'autres publications irécentes de M. B. cf. Rcv. crit. du
I" nov. 1873, 21 et 28 mars i^y^* •; . . i -.. > ".
I l6 REVUE CRITIQUE
èonsonne + voyelle), que composés (groupé d^e 'C'onsonnes + voyelle). Un
tâM^'â^ 'spécial' est en outre affecté au» caractères numériqtiesët iiné darrfe riefpré-
sente, par une heureuse combinaison de teintes plates et de lignes en couleurs,
la distribution géographique dés alphabets primaires dû iv' au x* Siècle envîmn,
aînsi que celle de leurs dérivés vers la fin du xvI^ Toutes celles de ces planches
qui se rapportent à des documents épigraphiques sont, à l'exception de 2, exé^
cutées d'après des estampages. — 2® de 12 planches reproduisant en fac-simile
soit des inscriptions, soit des manuscrits de diverses époques du iv^ au xvîii^s.
Sur une de ces planches est figuré un choix de sceaux royaux empruntés à dfes
actes de donation.! ^»^ jiipa\':ûz:^j:i.:iiïu îmli^jih ^i.^oii ^lu-iiti.i 'l ■
L'ouvrage lui-mériiè-'ëit <îh^sé en 5 'fchapitifes. Dîans le I^^ M B. examinées
son tour le problème tant de fois débattu de l'origine de l'écriture dans l'Inde et
présente en quelques pages le résumé, à notre avis, le plus substantiel que nous
ayons de cette question compliquée. M. B. est un partisan décidé de l'impor-
tation étrangère. Il montre que les plus anciens alphabets indiens dont nous ayons
connaissance paraissent avoir été adaptés à la langue sanscrite, plutôt qu'inventés
pour elle et, à l'hypothèse de M. E. Thomas, qui soutient une origine dravi-
dienne,' il oppose le fait décisif que le seul alphabet propre au Dékhan découvert
jusqu'ici trahit lui-même une provenance étrangère et ne représente que très-
imparfaitement les caractères phonétiques des langues dravidiennes. Dans un-
appendice spécial consacré à cette question, il poursuit l'histoire de ces langues
bien plus haut qu'on n'a fait jusqu'ici. A l'aide des mots, particulièrement des
noms de lieux transcrits par les géographes grecs, des termes conservés par des
écrivains sanscrits et pâlis, et surtout à l'aide des inscriptions, il essaie' =^ë
reconstituer les systèmes phonétiques que présentaient ces idiomes à une époque
antérieure de plusieurs siècles à l'apparition des premières œuvres littéraires. Il
résulte de son examen que ce n'est que par des' études poursuivies -étï^éé^^ââ^
qu'on peut espérer de reconstruire non-seulement l'histoire de cette partie dé
Pinde, mais encore son ancienne géographie ', et les premiers fondements de sa
grammaire.^ r^'^ti^èrîgine- indigène des alphabets indiens une fois écartée, M.^'Bî'
en cherche naturellement la provenance chez les peuples qui ont écrit pour aitiïi
dire de temps immémorial, chez les Sémites. Mais il ne se prononce qu'avec
réSét^'^'S^Plé'^^nt-aë 'savoir par'^Hè voie se serait faite l'importation.- Âiki
déùx'hypbthésës principales émisés jusqu'ici; celle de l'importation directe pa'r
les Phéniciens et celle de l'importation indirecte par l'intermédiaire des popula-
tions commerçantes de l'Arabie du Sud, il en ajoute une 3® qu'il semble préférer
et qui consiste à voir dans les alphabets d'Açoka une dérivation d'une écriture
cursive araméenne qui a été en usage à Babylone, concurremment avec les
caractères cunéiformes, dès le temps des Achéménides et peut-être déjà avant
eux 2; Tant que les preuves paléographiques ne seront pas plus précises, on ne
;*"' *
■Try [ ^ ■ r- : " . :
1. M. B. espère pouvoir publier bientôt une carte de l'Inde du Sud où seront enre-
gistrées les données des géographes classiques qu'il lui a été possible d'identifier. A en
juger par quelques exemples, elle rectifiera en bien des points les résultats de M. Lassen.
2. L'écriture est appelée Upi en sanscrit et dipi en vieux perse. Ces deux mots sont
SypITIflD 3UV3^
,,oyov + 2.nnofl?ff^s^?'^^ ET DE LiTTÉ,RATUï\fj. ^rsil^vov -^ 3n.To.M7
pourra rien affirmer à cet égard. Peut-être aussi convient-il de ne- pas admettre
une provenance unique,, comme M. B. est amené lui-même à le penser relative-
ment à l'alphabet indépendant qu'il a signalé dans l'Inde méridionale, ucin^git ^[
Quant à l'époque à laquelle l'écriture a commencé à être usitée dansPlndej
M. B. est plus affirmatif. Il pense que cet usage ne remonte pas plus haut que
la Un du iv^' siècle avant notre ère et que, dans les inscriptions d'Açoka (environ
250 av. J,-C.), nous touchons de biçp|îrès,^.SÇ$.Qrjgii>^^ J/^Xftt^ç.^g k.Y^iS
à cette solution plus d'une difficulté. 4nf\^ m m^^^ ^^zb à^f\'>(ifil^ i>^'y *>t> offif v.t?.
D'abord ces documents nous mettent immédiatement en présence de deux
alphabets distincts qui, bien que d'origine sémitique, montrent déjà toutes les
habitudes restées jusqu'à ce jour caractéristiques des écritures indiennes, et qu)
l'un et l'autre ont eu le temps de s'adapter d'une façon parfaite et définitive aux
idiomes sanscrits. L'un d'eux, celui des inscriptions méridionales, a même déjà
changé sa direction primitive de droite à gauche en celle de gauche à droite etj^
parmi les indices relevés par M. B. lui-même, il en est qui semblent montr^^
d'une façon non équivoque que ce changement s'est fait sur le sol indien. L'ortho-
graphe de ce? textes est très-irrégulière; mais elle ne l'est guère davantage que
oçlle de bien des documents postérieurs, et rien ne prouve qu'il faille voir là les,
tâtonnements d'un procédé dans l'enfance. Plusieurs de ces irrégularités parais-^;
sent dues à la négligence des lapicides (Açoka ;S'en plaint et 3'en explique lui-
même dans l'inscription de Girnar, n'^XIV); d'autres reviennent si fréquemment,
qu'il est permis d'y voir des habitudes vicieuses, mais tolérées; quelques-unes
tiennent certainement à des différences dialectales; enfin il ne faut pas oublier
que ces édits sont rédigés dans des idiomes populaires qui n'avaient peut-être
jamais été écrits jusque-là ni grammaticalement cultivés. Le silence presque
absolu gardé longtemps par la littérature sur tout. ce qui de près ou de loin
rappelle les procédés graphiques, si singulier qu'il soit, n'est cependant pas^
ifiexplicable. En tous les cas il prouverait trop, en particulier pour M. B., quij
n'admet pas, avec raison selon moi, que, sans l'écriture, il puisse se produire
une littérature technique. Il faudrait donc faire descendre jusqu'au iii^ siècle av^
J.-C. tous les ouvrages en prose de cette catégorie, c'est-à-dire plusieurs,
hrâhma/zas et la grande masse des sûtras. Mais on admettrait cette conclusion^
que la difficulté ne serait pas tranchée pour cela. Pâmni par exemple, qui men-i^
tienne l'écriture ', peut à la rigueur être ramené à cette époque. Mais une théoriç|
rapportés d'ordinaire à la t2lc. lip «oindre», qui nie fournit pourtant pas d'autre dérivj^
analogue et qui, comme verbe, n'est pas non plus employée dans le sens d'écrire. A sa
place est usitée la rac. likh qui signifie rayer , gratter (cf. scrib. ypa?- xapa^'^^ip, etc.).**
Comme les premiers textes écrits paraissent avoir été dans l'Inde, aussi bien qu'ailleurs y
des textes gravés (cf. cependant le témoignage de Néarj^ue chezStrabon ci-après), M. B^,
se demande si les mots lipi et dipi ne seraient pas, aussi bien que la chose qu'ils désignent,
d'importation étrangère et sémitique, et il pense à la rac. ktb. L'embarras presque égal
qu'on éprouve, soit à séparer ces deux mots, soit à les rattacher légitimement l'un à
l'autre, semble en effet les désigner comme des intrus que chacune des deux langues se
serait assimilés de son mieux et à sa façon.
1. Çâkafâyana la mentionne aussi et presque dans les mêmes termes. Ce grammairien
est antérieur à Pânini et même à Yâska. Mais M. B. a des raisons de croire que l'ou-
Miô wz ^ùzofpi jnroq sd n^ o i^vuE critique j _, ^^^^
G^mwé'teîienfténèittpfdvhe pas : la perfection raènfre cfe-ison oeuvre oWige
d'admettre qu'elle est le résumé d'un très-long travail antérieur accorapli dans la
même direction et que, bien des générations avant lui, on concevait déjà la
grammaire comme il la conçoit lui-même, c'est-à-dire comme la réduction de
tous les faits grammaticaux aux sons élémentaires de la langue. Or cette concep-
tion seule me semble supposer aussi forcément l'existence d'une notation alpha-
bétique, que le calcul suppose celle d'un système chiffré. Et ce qui peut se dire
de la grammaire, s'applique, dans une moindre mesure il est vrai, à d'autres
doctrines, telles que l'exégèse, le rituel, etc. Quel que soit l'âge des traités qui
représentent maintenant ces doctrines, quelques changements qu'ils aient subis,
il reste toujours le fait, pour nous indubitable, de l'existence dans l'Inde d'une
littérature technique en prose bien avant le m" siècle. Cette littérature était
destinée à être apprise par coeur : elle n'était probablement pas écrite, en ce
sens qu'elle se conservait et se transmettait de mémoire y'jJfii'' Renseignement
pral, conformément à l'ancien usage soutenu par le préjugé et par l'intérêt.
Mais le développement en serait inexplicable, si ses promoteurs n'avaient pas su
noter leur pensée.
keste le témoignage des écrivains grecs qui est formel, mais qui, dans sa
brièveté, ne laisse pas d'être embarrassant. Néarque, dont les informations se
rapportent aux années 326-325 et au bassin del'Indus, rapporte que les Indiéhs
n'ont pas de lois écrites ', mais il dit positivement qu'ils écrivent des lettres sur
des pièces de coton apprêtées par une sorte de foulage 2. Par contre Mégasthène,
dont le témoignage est postérieur d'une trentaine d'années et s'étend à Vlrid^
orientale, après avoir confirmé le rapport de Néarque quant aux lois, ajouté
« car ils ignorent l'écriture et tout se traite chez eux de mémoire, d'après là
» tradition 3 )). Cette assertion s'accorde assez mal avec ce qu'il dit ailleurs 4 du
détail de l'administration et en particulier, comme le remarque M. B., de ces
stèles érigées le long des routes tous les i o stades et « indiquant les localités
> riveraines et les distances )>. Mais indépendamment de cela, elle est invrai-
semblable, au point que Schwanbeck et, après lui, un savant qui n'est certai-
nement pas tenté de surfaire l'antiquité des choses indiennes, M. Weber, ont
soutenu que Strabon n'avait pas compris son auteur 5. Je n'ose aller jusque-là :
vrage qui court sous ce nom et sur lequel il a été, avec M. Bûhler, le premier à donner
«des informations précises, est, dans son état actuel, postérieur non-seulement à la grain*
maire de Pàn'inï, mais même au Mahdbhdshya. Cf. Vamçabrdhmana, Préf. p. xlj. ' al
I. Apud Strab. XV, 1, 66, éd. Didot.
' 2. Ibid. XV, I, 67. A première vue il semble que Néarque ait compté l'écriture au
nombre des procédés que les Indiens prirent immédiatement des Macédoniens. Mais en f
■cours longtemps dans une partie du pays) , prouve qu'ils en possédaient un en propre et
que l'usage en était solidement établi.
- 3. Ibid. XV, I, n.
4. Ibid. XV, 1, 50. _,
5. Megasth, India,yi^yt-i^^ traduisent OùSè yàp YWM-aTa
elôévai auTouç par « ils ignorent l'usage de pièces écrites (dans les procès) ». Que Strabon
d'histoire et de littérature. 119
je croirais plutôt que le témoignage de Mégasthène en ce point repose sur une
observation superficielle; que, n'ayant vu nulle part l'écriture intervenir dans la
vie publique des Indiens, il en aura conclu qu'elle était absolument ignorée.
Cette méprise de sa part semblera naturelle, si on admet que les pays du Gangen
où il a surtout séjourné, étaient moins avancés sous ce rapport que ceux ^
rOuestS ouverts depuis longtemps à l'influence étrangère et où Darius, plus det
deux siècles auparavant, avait établi une satrapie. ?, ^m 'A.:
{La fin au prccfiain-ho,}- -iu:.;., . -- - ..: j.. ^,:..,, ,^., .w.A4^.Bl^8lrj».,:n;wM-a
170. — Die Stadt Athen im Alterthum, von Curt Wachsmuth. Erster Bantfi
: Leipzig, Teubner. 1874. In-8°, 768 p. 2 pi. -«Prix : 26 lr,-f^^i^:.i j . ,. . ,f^7
M. C. Wachsmuth, professeur à runiversité de Gœttîngen et l'un des cqiIaDo-^
rateurs du Rheinisches Muséum, connu des philologues par ses travaux sur les sillorr
graphes grecs, les Eclogs de Stobée et le Florilegium de Jean de Damas, à qui
l'on doit en outre une intéressante étude sur les coutumes des Grecs moderne^
rapprochées de celles de leurs ancêtres 2, nous a donné, vers la fin de l'anri^ç
dernière, la première partie d'un ouvrage considérable qui a pour objet la restî;
tutipn d'Athènes antique. Ce volume est consacré à la topographie et à l'histoire
de cette ville ; entendez l'histoire de sa formation, de son développement, et
des mo.difications qu'elle a subies depuis les Pélasges jusqu'au temps de Justinien.
La topographie d'Athènes a été, en notre siècle et depuis Leake, l'objet d'un
grand nombre d'ouvrages, de mémoires, de dissertations spéciales dont les con-
clusions, souvent divergentes ou contradictoires, n'avaient pas encore été soumisies
à une critique d'ensemble. M. W. rend donc un service important à la science,
en réunissant en un corps d'ouvrage les résultats de tant de travaux épars
auxquels il ajoute lui-même des lumières nouvelles. Les fouilles qui se poursuivent
sur le sol d'Athènes et les découvertes qui peuvent en sortir modifieront peut-
être bientôt certains détails de son œuvre; mais cette œuvre renferme un bon
,'■ ■ •' ■ -• »
nombre de parties solides qui ne peuvent être entamées, et l'on ne saurait trop
remercier M. W. d'avoir entrepris un tel travail, qui est un exposé aussi exact
et aussi complet que possible de tout qdàu'il est permis de savoir actuellement
sur la matière. ,,.,,,,.; .... - , .,
Dans une vaste introduction j^'^'j^^^^ 19Hr^^s
•■ • "^ ■■ ■ ■ ■' '- "^ " ~~' '■ '■ '■■ '■■- ^ww ':■ :-i' - :'-'■; -'i, :^;.ziv
lui-même ne l'entendait pas ainsi, ressort de la remarque dont il fait suivre, au cHâp. 6.7^,
le témoignage de Néarque : iiiKJTokàq ôè ypoçeiv...., twv àXXwv Ypàt^fj-acrtv aùxoù; (J.1P1 xp^^^^*'
çafjLÉvwv.
1. Eratosthène, chez Strabon XV, 1,11, nous apprend que les mesures itinéraires
n'étaient plus indiquées à l'Est de Pâfaliputra. — M. B. voit une preuve de l'introduc-
tion récente de l'écriture dans l'uniformité des caractères employés dans les inscriptions
méridionales d'Açoka, le même alphabet n'ayant pas pu se maintenir longtemps sans la
moindre variation locale, du golte de Cutche à l'embouchure de la Mahânadî. J'explique-
rais plutôt ce fait par l'emploi d'un alphabet officiel, correspondant à la langue officielle
que nous sommes bien obligés d'admettre pour une partie de ces édits, à moins de sup-
poser l'existence d'un idiome populaire uniforme depuis les frontières du Penjab jusqu'à
la côte d'Orissa. , ;
2, L'ouvrage a pour titre : Das altc Griechcnhnd im Ncuen. Bonn, 1864,.. . -" '
diverses de notre connaissance de Pancienne Athènes, et en critique la valeur.
Peut-être aurait-on pu souhaiter, pour ce premier chapitre, un ordre plus mé-
thodique. Les pages qui, au début du livre,, sont consacrées à l'examen des plans
et des dessins modernes, eussent été, à ce qu'il semble, rejetées avantageusement
à la dernière division du chapitre, laquelle comprend l'énumération et l'appré-
ciation des travaux de topographie et d'archéologie athéniennes, depuis Cyriaque
d'Ancône jusqu'à Ernest Curtius. Il eût été évidemment plus logique de com-
mencer par l'examen des témoignages des auteurs anciens. Mais on passe
facilement sur ce défaut de composition en songeant à la précision et à l'abon-
dance des renseignements qui sont accumulés dans cette introduction. M. W.
insiste avec raison, au point de vue topographique, sur les modifications que
les ruines d'Athènes ont subies depuis le milieu du xv^ siècle; étude déjà faite
en partie par M. de Laborde, mais que M. W. continue jusqu'à nos jours.-à
l'histoire des fouilles exécutées depuis 1833 sur le sol d'Athènes, histoire où
nous n'avons pu relever qu'une erreur de détail ', devra s'ajouter désormais la
mention des travaux récemment entrepris par M. E. Burnouf, qui, en déblayant
le bastion d'Odyssée à l'Acropole, a mis au jour l'appareil de la Clepsydre et
l'escalier de Pan 2. — Dans le chapitre qui suit, nous avons vu avec plaisir
M. W. réduire à leur juste valeur les conclusions que certains archéologues,
athéniens surtout, avaient cru pouvoir tirer, pour la topographie, de la prove>-
•nance des inscriptions, de l'emplacement des églises chrétiennes, et de la tradi-
tion locale. Nous croyons avec lui que les inscriptions ne peuvent fournir de
sûrs renseignements topographiques qu'à la condition d'avoir été trouvées enfouies
à une assez grande profondeur du sol et d'y avoir été trouvées en nombre.
Quant aux églises chrétiennes, le travail approfondi d'Aug. Mommsen 5 et celui
moins complet, mais encore intéressant de M. de Julleville4 ont suffisamment
démontré que leur emplacement et leurs vocables fournissent rarement des
données topographiques vraiment rigoureuses. Que dire enfin de cette tradition
locale à laquelle on doit la lanterne de Démosthène, la prison de Socrate et
autres imaginations semblables ?
Avant d'aborder les questions de topographie proprement dite, l'auteur replace
la ville d'Athènes dans son cadre naturel et étudie avec soin les différentes con-
ditions physiques qui ont pu influer sur le génie de ses habitants. Ce qui fait la
valeur et la nouveauté de ce chapitre, c'est qu'aux textes des anciens et aux
descriptions des modernes M. W. ajoute des témoignages d'un ordre purement
scientifique. La météorologie et la géologie lui apportent leur contingent d'obser-
vations utiles. On a mille fois célébré, depuis l'antiquité, la pureté de l'atmos-
1. D'après M. W. (p. 27, not. i) les membres de rÉcoie française auraient commencé
des fouilles en 1845, près du monument d'Agrippa. Qr, l'École d'Athènes n'était pas
encore fondée à cette date. , '
2. Comptes-rendus de l'Acad. des inscr. i874j^{3fi '^liv'fèfej-'ibT;
-Àiiqy:>Athence christiana. Leipzig, 1868. i- m ■;' ; '
,^,..^ Recherches sur le vocable et l'emplacement des églises chrétunncs ^n Attiaue (Archives des
Missions, t. V, 2^ Série; 1869), M. #., dont la bibliographie 'est' dWiriaii-e si dtâtiEé,
ne le cite pas. 't^zoqquz na Ji.n] yj tjl' j:. , ; / , -, ,;/..■.. j/.v jiKVti ^u^i[uJ .^D/iOi'j Vb
D'HISTOmE^iri>)W:.tjTTJ?RATURE. 121
phère de l'Attique et sa clarté iumineusQ^iOr,. nous apprenons panrMirtW/y .qui
emprunte ces renseignements aux publications de l'Observatoire dirigé par
M. J. Schmidt, qu'à Athènes il n'y a pas en moyenne deux jours par an où le
soteil -soit complètement invisible, et que le nombre des jours simplement nébu-
leux y est à peine de 24. Quant aux nuits, il n'y en a pas plus de 5 à 6 par
année qui soient sans étoiles. De tels faits valent mieux que les phrases les plus
poétiques en l'honneur du ciel attique. — L'étude du sol de la ville et de la
campagne d'Athènes sert à Pauteur à expliquer comment l'activité des habitants
devait nécessairement se porter du côté de la mer. Bien qu'il n'y eût pas à
insérer là un traité de géologie, on aurait désiré cependant sur ce point quelques
détails de plus. M. W. les aurait trouvés dans un ouvrage qu'il ne paraît pas
connaître : la Géologie de l' Attique de M. Gaudry. — Sur la question de climat,
les observations du D'' Schmidt, et l'ouvrage spécial du Dr Mathiessen fournis-
iSaient des données précises dont M. W. a su tirer profit et qu'il a heureusement
rapprochées des témoignages des anciens. Il en résulte que le climat d'Athènes
s'est certainement modifié depuis l'antiquité, mais qu'il ne s'est pas modifié d'une
façon aussi sensible qu'on le croit généralement. Il est incontestable cependant
que la sécheresse de l'atmosphère est plus grande aujourd'hui en Attique qu'elle
,n'était autrefois, comme le prouvent l'extrême rareté et l'insignifiance de la rosée
en été. Pour ne citer qu'un exemple, en 1862, du mois de juin au mois de sep-
tembre, il n'y a pas eu trace de rosée dans la campagne d'Athènes. M.fr\M.
établit qu'il n'en était pas de même dans l'antiquité. Aux raisons qu'il donne il
faut ajouter, je crois, une preuve tirée de la mythologie. On sait l'importance
qu'avaient à Athènes les légendes des filles de Cécrops : Hersè, Pandrosos,
Aglauros. De telles fables auraient-elles pris naissance dans un pays où la rosée
eût été, primitivement comme aujourd'hui, un phénomène presque inconnu.''
La description de Pausanias est évidemment le fondement de toute étude
^scientifique sur la topographie athénienne, M. W. prend donc Pausanias pour
jguide dans la première partie de ses recherches (p. 1 30-28$). Mais le texte du
periégète soulève des difficultés de plus d'un genre. On est loin de s'accorder,
par exemple, sur la porte par où il est entré et sur la route qu'il a suivie dans
ses promenades artistiques à travers Athènes. On lui a souvent reproché un
manque d'ordre et de méthode, des digressions, des allées et venues capricieuses
qui déconcertent les topographes modernes. M. W. essaye de prouver que ces
critiques sont sans fondement, que Pausanias, loin d'aller au hasard, suit dans
sa description un plan simple, assez rationnel, et dont les différentes parties se
lient entre elles. Il observe justement que Pausanias a fait un choix parmi les
milliers d'objets qui pouvaient solliciter son attention, que ce choix implique
nécessairement des lacunes dans sa description, mais que ces lacunes volontaires
ne peuvent le faire accuser de manquer de plan. Sur la méthode suivie par Pau-
sanias, M. W. se sépare nettement d'E. Curtius. Il arrive souvent que le periégète
rapproche et énumère au même endroit des édifices similaires, qui n'étaient pas
groupés ensemble dans la réalité, mais au contraire dispersés sur plusieurs points
d'Athènes. Curtius avait cherché à expliquer ce fait en supposant qu'à chaque
12(2 REVUE CRITIQUE
groupe d'édifices de mêiti'e nature étaient attachés deis exégètes, des cicérones
spéciaux que Pausanias a pris pour guides. Sans doute les sanctuaires avaient^
leurs mystagogues, qui mettaient les étrangers au courant des légendes qui s'j.^
rattachaient et des objets d'art qui y étaient enfermés. Mais pourquoi les mond^
ments d'Adrien auraient-ils eu des exégètes particuliers ? Il est bien naturel,-
comme le remarque M. W., que Pausanias, après avoir décrit l'Olympeion, parle
des autres édifices dus à la munificence d'Adrien, de même que le sanctuaire^
mystique d'Agra le fait pensera l'Eleusinion, et que l'Aréopage lui est une occâ-"
sion de citer les autres tribunaux d'Athènes. Les digressions de Pausanias sont
des digressions d'antiquaire et d'historien et ne correspondent pas à des excursus
réels. Sur tous ces points, nous sommes complètement d'accord avec M. W. Il
nous semble aussi que sion fait entrer Pausanias à Athènes, non par le DipyloWp
comme le veut Curtius, mais par la porte du Pirée^ sa description de l'agora tel
comprend et s'explique plus facilement. En un mot, la démonstration de M. W. j
très-logique et sans cesse appuyée de preuves solides, nous paraît entraîner
presque toujours la conviction. Sur un seul point, le plan de Pausanias, heureu-
sement rétabli dans son ensemble, paraît complètement bouleversé. La descrip-
tion du quartier d'Athènes situé sur la rive gauche de l'ilissus se trouve, on le
sait, coupée en deux parties que sépare un assez grand intervalle, et d'une façon
si malheureuse que le passage du chapitre 19 qui a trait aux monuments d'Agrai^'
au lieu d'être la suite naturelle des passages analogues des chapitres 8 et il(}
semble devoir au contraire les précéder. Il y a là un désordre qui est en coff-if
tradiction formelle avec le plan méthodique attribué à Pausanias par M. W.,^?
l^o-n n'accepte pas l'hypothèse, assez vraisemblable, d'une interversion ' ééf
feuilles dans un manuscrit ancien d'oti dériveraient tous ceux que nous possé-^
dons. s^i
Une source -non moins précieuse de renseignements, ce sont les indicatiori^
que nous fournissent les textes anciens sur la route que suivaient, à travers lés
rues d'Athènes, les processions religieuses. Cette question avait été déjà étudiée
parAug. Mommsen dam %on Heortôlogie : en la traîtàttt' â son 'tôtffPMi^M^^J*
ajoute un surcroît de précision et d'exactitude et il arrive à déterminer, ' avëè
une grande vraisemblance, la place controversée du Pélasgikon, celle du Pythion,
telle de l'Eleusinion. La topographie d'Athènes se termine- et'^i^ complète par
une série de monographies : sur le Pirée, où il n'avait que peu de chose à
ajouter à l'excellent travail d'Ulrichs ; sur les Longs Murs, les portes, les faubourgs,
les quartiers d'Athènes ; sur le Théseion, dont il n'accepte pas la dénomination
et oi^ il reconnaît, par des raisons qui ne nous ont pas entièrement convaincu,
l'Hérakleion du quartier Mélitè; sur l'Eridan; sur le Museion; sur le Pnyx qu'if
place près de l'Aréopage, sur la pente occidentale de l'Acropole, tout en décla^^
Tant sagement que la question appartient encore à la controverse et ne saurai
être tranchée d'une façon définitive. En tout cela, M.W. fait preuve d'un véri^
table esprit critique, ferme et prudent tout à la fois, qui sait pousser les recher-
ches aussi loin que possible, qui serre de près et discute tous les témoignages
pour en tirer des conclusions, mais qui n'a garde de nous donner comme des
iupiTiiiD au van
d'histoire et de littérature. 123
vérités acquises ce qui est seulennent vraisemblable ou probable. Ceux-là mêmf,
qui ne tomberont pas d'accord avec lui sur plusieurs points, malheureusemeoti
encore bien incertains, de la topographie athénienne^ seront forcés de rendre,
hommage aux qualités supérieures de sa méthode.
^!^*histoire de la ville d'Athènes, qui occupe une place importante dans l'ouvrage
de M. W. (p. 381-724), mériterait un examen approfondi. Forcés de nous
borner et de choisir, nous nous contenterons de quelques courtes observations
sur la partie la plus controversable de cette histoire : celle qui concerne les
origines. .u
L'auteyr met tout d'abord en relief cette remarque de Thucydide (II, 15,3.4)
que la place des premiers établissements sur le sol d'Athènes semble indiquée
par celle des plus anciens sanctuaires. Généralisant cette observation, il en fait
un principe qu'il formule de la manière suivante : « Quand on trouve sur un
» point déterminé de la ville un groupe d'anciens sanctuaires consacrés au^
)) divinités de telle ou telle race, on peut en conclure que les peuplades appar-
» tenant à cette race se sont fixées dans ces limites. » Nous croyons le principe
vrai, mais l'application en est souvent difficile. S'il paraît certain, par exemple,
que le culte d'Apollon Delphinien et celui de Poséidon Heliconios danS: le
quartier d'Agra y impliquent l'établissement des Ioniens, comment la présence du
culte d'Héphaistos et son association à celui d'Athénè sur la citadelle d'Athènes,,
peuvent-elles prouver, ce qu'on induit d'ailleurs d'une autre façon, que les
Pélasges ont occupé d'abord l'Acropole ? Il faudrait établir auparavant qu'Hé-
phaistos est une divinité d'origine pélasgique ; ce qui est possible, mais ce qui
n'est pas démontré. De même, la place du sanctuaire des Euménides entre. Ig
rocher de l'Acropole et l'Aréopage ne prouve pas nécessairement que ces dw4^
nités aient été apportées par les Pélasges. De ce que les Pélasges ont rendu un
culte à Gè, nous ne pouvons en conclure qu'ils ont connu les Euménides, filles
de la Terre d'après la croyance hellénique. M, W. nous paraît également aller
trop loin quand il prétend trouver dans le nom du Museion et dans la position
du temple de Dionysos du quartier de Umnae des indices d'établissements thraces
à Athènes. Le culte de Dionysos et celui des Muses sont à coup sûr d'origine
thrace : mais ont-ils été apportés directement en Attique par une invasion ou
une migration .? N'ont-ils pu s'y introduire plutôt par l'intermédiaire de la Béotie,
alors que les peuplades thraces s'étaient depuis longtemps mêlées dans ce pays
aux tribus éoliennes ? L'expédition du roi thrace Eumolpos contre Erechtée est
une légende où il est difficile, malgré l'autorité de Thucydide, de démêler un
fondement historique*; j^rrilÇ^ ^^^serves faites, la méthode vraiment neuve suivie
par M. W. nous paraît avoir été féconde en heureux résultats. La présence
d'établissements phéniciens dans le . qua^^^ est surtout très-nettement
démontrée*5Yii3iq nâ .V/.M.jBbDiuoma .sv aï -iiià
Le volume se termine par un appendice renfermant plusieurs pièces rares et
curieuses sur les ruines d'Athènes. C'est d'abord la notice de Cyriaque d'Ancône
extraite des Epigrammata reperta per Illyricum ; ce sont deux traités anonymes
provenant, l'un d'un ms. de la bibliothèque de Vienne, l'autre d'un ms. de notre
^,^1 .HflUTA^ïàTTiJ .aa Ta a>îiOT2iH a
^Hxm^ idbhy/3 cn?.z Knm '^^^"^ critique ^^p ^^ .,,3^ ^„oq ^^^^ ggq non
bibliothèque nationale ^. c'est; la lettre écrite de Smyrtier '^■■: rf6^2 ^iar '^^le sjékiiler
Babin à l'abbé Pécoil à Lyon. ; Un plaiir;d'Athènes, un autre du Pirée,'qui
apportent quelques modifications utiles aux cartes de Leake et de ;CiirtiuSi acbèt*
vent de donner du prix à ce volume. > , n^ lit.'!
^ En somme, l'ouvrage de M. W. est le plus complet et lé meilleur qui ait été
publié jusqu'alors sur la topographie et l'histoire de la ville d'Athènes. Il ne
deviendra pas seulement le manuel indispensable des membres de notre Ecole
française, des membres de l'Institut archéologique fondé l'année dernière à
Athènes par le gouvernement prussien, et de tous ceux qui vont étudier la Grèce
chez elle : il pourra être consulté avec profit, et en toute confiance, par d'autres-
encore que par les archéologues et les topographeçi^uns îftomùîoaài :rioL alla^iip
P. Decharme.
i-^il/:-*^ Une anthologie d'Horace, précédée d'6bservatîoril'^stfi^^ft"!^Wfi dont il
convient de traduire aujourd'hui les poètes, par M. Jules Loiseleur , bibliothécaire
de la ville d'Orléans. Orléans, Herluison; Paris, Lemerre. 187$. In-8° de 120 p. tiré
à 80 exemplaires. — Prix : 5 fr. v .. ^ ^,>
?-;v!; :^r > ■, v:-;! ?vj ^!; 5idmonliijg(ï tt5rd rru lup{ UBeim insaèiq é'upztrf E-nO
Voici une publication qui ne manque ni d'aUdace ni d^originalité. M; Loisi5fi[:i
leur, contraint, par la fatigue de sa vue, à s'abstenir pour quelque temps deSl
travaux historiques qui l'ont fait connaître si avantageusement, a consacré ses
loisirs forcés à une traduction en vers des plus belles odes d'Horace, réalisée
dans des conditions de sobriété et d'exactitude tout à fait nouvelles. Ainsi qu'it
le dit dans une introduction fort intéressante, morceau de critique littéraire plein)
d'idées et d'idées accompagnées de preuves, la traduction en vers est loin d'avoir
suivi les progrès accomplis depuis vingt ans par la traduction en prose : elle en
est restée à peu près au point où Delille l'avait laissée. Les traducteurs même
les plus vantés ne sont jusqu'à ce jour que de libres imitateurs, procédant par
périphrases, fuyant le mot propre, énervant leur modèle, l'altérant par des-i
retranchements et des additions également déplorables, habillant enfin la statue
antique à la moderne ' . Voilà les défauts que l'auteur de V Anthologie d'Horace enlre-
prend d'éviter, sans se dissimuler les difficultés de la tentative, ni se flatter de.
les avoir toujours vaincues. Dans son introduction, il établit avec sa netteté;
habituelle la somme et la limite des concessions qu'un lecteur intelligent et équi«
table doit accorder au traducteur, eu égard au génie différent des deux langues
et aux entraves résuhant de cette quantité d'articles, de prépositions et de verbes
auxiliaires dojiX l^ nôtre est hérissée, mais il ajoute qu'il ,est : possible de rendre
les poètes anciens avec plus de sobriété et de concision qu'on ne l'a fait jusqu'ici.
Joignant l'exemple au précepte, il traduit les trente-trois plus belles odes d'Horace,
nr.iM:.:'!;.; |xâSsé sùceièsàivénierit en réviiie (pitiS^ï^) les principales traductions- eW ^fê^
des odes d'Horace, et il signale spirituellement les infidélités de MM. d'Autroche (1789)41
de Wailly, Pierre Daru, Goupy, Emile Boulard, baron Doyen, comte Henri Siméon; la.^
devise de tous ces traducteurs semble avoir été : mutilation ou amplification. Quand le
malheureux Horace n'est pas écharpé par eux {disjecti membra potla)^ il est par eux noyé
"[|f[>"^*^Çff[^;5^^u L luyii fil iiTjjÙQg iio. i3. ^ïy^mî SD L MhYj({ mn îiitinianii^Mj'
d'histoire et de littérature. 125
non pas vers pour vers, ce qui serait inexécutable, mais sans excéder jamais le
nombre devers de l'original. Bien plus, il reproduit maintes fois jusqu'au rhythm^,'
c'est-à-dire que son vers présente la même mesure, le même nombre de syllabes
que le vers d'Horace. C'était certes là un problème aussi difficile que ceux qù¥
l'auteur s'est souvent proposés dans le domaine de l'histoire et qu'il a presque^
toujours résolus. Et si l'on songe qu'il l'aborde avec le secours d'un vers souvent
heureux, toujours plein et bien sonnant, on ne refusera pas de s'associer i^
l'approbation que je lui donne ici. « J'ai surtout entendu indiquer la voie a
» suivre, dit-il modestement dans une note finale : de plus habiles se chargerortï'
)) de l'élargir. » Et, en effet, si la traduction en vers veut se relever du discrédit
oh les paraphraseurs l'ont fait tomber, c'est dans la voie tracée par M. Loiseleur
qu'elle doit résolument entrer^-sriq^iaW^, 2^ is^ ^âuaolo,^riais asli^q 9up. aïoona
T. de L.
i!72»,rr^ Altenglische Legenden. Ans den yerschiedenen:>MsscfîZUffli jersten Maie
herausgegeben von P'-Carl Hqrstmann. Paderborn, Schœningh. 1875. In-8*, xliv-
240 p. — Prix; :5 fr. 35. 1
On a jusqu'à présent mis au jour un bien petit nombre de ces légendes pieuses
qui constituent une part notable de la littérature anglaise au moyen-âge. M. C.
Horstmann s'est donné la tâche de les faire connaître. Après en avoir imprimé
plusieurs dans divers recueils périodiques, il en donne aujourd'hui quatre;iBtt ,tiïî^
volume, VEnfance de Jésus, la Naissance de Jésus (en partie dans un double texte),'
Barlaam et Josaphat (deux versions complètes, dont l'une fort abrégée, et un
fragment) et lé Purgatoire de saint Paîrm.UM. estime que ces poèmes remon^^
tent au milieu du xiii^ siècle, mais ne nous sont pour la plupart parvenus que^
sous une forme remaniée au siècle suivant. Dans son introduction, il se livre à
une classification fort utile des compilations manuscrites qui nous ont conservé'
.ces légendes avec beaucoup d'autres. La publication est faite avec soin et criti-
que, mais sans aucune note. Dans l'état actuel de la lexicographie du moyen-
anglais, un lexique des mots intéressants n'aurait pas été superflu. L'éditeur est
également fort sobre de renseignements littéraires. On peut se demander si telle
ou telle de ces compositions n'a pas une source française plutôt que latine. Mais
le volume de M. H. n'en sera pas moins le bien venu auprès de ceux qui étitr"
dient-l'histoiï^ de- k langue anglaise et la littérature religieuse du moyen-âge. * '
i^^. ^ Fèéi^és ff^ix^ïsés,1à%iheé <it grecques de Màiiîtt èespois, avec
une introduction et des notes, par Reinhold Dezeimeris. Bordeaux, Gounouiihou.
1875. ln-8', 142 p. (tiré à 112 exemplaires). ., . ,, ...
Martin Despois, jurisconsulte, érudit et poète bordelais, mourut à Bordeaux'
vjers 1623, âgé de moins de quarante ans. Il avait préparé pour l'impression un
recueil de poésies en français, en latin et en grec, qui est resté inédit. Ce ma-
nuscrit étant venu entre les m^ir;^,4e M. Reinhold Dezeimeris, il en a tiré Iç^
choix qui remplit ce volume, -r-rhuawçinquièrae environ du tout. L'auteur n^i
certainement rien perdu à ce triage, et on goûtera la fleur d'un panier qui,
rempli, aurait effrayé plus d^une bonne volonté. Comme représentant des goûts
et des études d'une certaine élite provinciale au sortir des guerres de religion et
avant Richelieu, entre la Pléiade et le siècle de Louis XIV, Despois est inté-
ressâ?nt f il a trouvé dans M. D. le meilleur éditeur qu'il pût souhaiter. La réserve
wêm« avec laquelle, dans sa préface, il fait Péloge de son client dispose le lecteur
à trouver qu'il reste en deçà de la mesure plutôt qu'il ne va au-delà. En réalité
il rend pleine justice à la valeur du poète bordelais; cette valeur est, bien
entendu, historique plus qu'esthétique, et cependant on lit avec plaisir la plupart
de ces pièces légères, surtout des latines, imitées avec adresse de Catulle,
^e Martial, d'Ausone, de Marulle, de Jean Second ou de l'Anthologie, et où
■souvent sont heureusement exprimés des sentiments plus délicats et plus origi-
naux qu'on ne s'y attendrait. M. D. a commenté Despois ayec l'érudition sûre
et variée dont il a donné mainte preuve depuis son excellente édition de Pierre
de Brach. Il a extrait dans son introduction, soit de ce qu'il a publié, soit de ce
qu'il a laissé dans le manuscrit, tous les renseignements qui peuvent servir à
tîaire bien connaître l'époque et le milieu de l'auteur. C'est en partie grâce à
¥es fines remarques que le joli volume où Despois a la bonne fortune de revivre
■^evra de prendre une place honorable dans nos bibliothèques : agréable en lui-
même, il vient s'ajouter utilement à tous les matériaux, jusqu'ici peu mis en
œuvre, qui permettront d'écrire l'histoire littéraire de la période de transition, â
laquelle il appartientP^iïqfn^^K^ÎAcn ifc 9liBnit)'M>^d--ri^9Jéoq ub zbK^/^^'^biRH é
0? 3n:^).UD iv. ' ^— '^■^■^-— ■ — ^' ' -.h
rsnrj'îî-în "rrr/rr;: 'h
^.174. — Œuvres complètes de Diderot, revues sur les éditions originales, compre-
nant ce qui a été publié à diverses époques et les manuscrits inédits conservés à îa
^■^ bibliothèque de l'Ermitage. Notices, notes, table analytique; étude sur Diderot et^le
ij, mouvement philosophique au XV1II« siècle. Par J. Assézat, Paris, Gar.nier. 1874.
s^ "Nous ftbiisbôfnons pour aujourd'hui à annoncer cette pobîica^oftînif)oftinte,
-isiir laquelle nous reviendrons en détail avant qu'elle soit terminée. Disons tout
Se suite qu'elle fait honneur à la librairie qui l'entreprend et à l'éditeur qui
l'exécute. Le texte est établi avec une grande attention etime correaion très-
remarquable ; les notices sont brèves et substantielles, les notes bien placées et
utiles. Déjà dans ces deux volumes on trouve d'importants ouvrages inédits :
M. Assézat a eu le bonheur d'avoir à sa disposition la copie de tous les papiers
de Diderot qui se trouvent à Saint-Pétersbourg : cela suffirait pour donner à
son édition une valeur hors ligne. M. A. a disposé les -œuvres si variées de
i<Diderotpar ordre de matières : Philosophie, Belles-Lsîtres, Sciences, Beaux-Arts j
iiEncyclopédiej Correspondance. Nous aurions préféré l'ordre biographique, et M. A.
l'aurait, semble-t-il, préféré lui-même; il dit, en pariant de cette disposition :
« Cela donne une plus juste idée de l'auteur, mais cela dérange les habitudes. »
L'inconvénient est assurément peu de chose en comparaison de l'avantage ;
sPintérêt personnel qu'inspire Diderot est souvent plus grand que la valeur absolue
■^e ses œuvres, et pour lui particulièrement cette innovation se recommandait.
\»Mais -ce -léger défaut n'est sensible que parce que l'éditeur l'a signalé lui-même,
^ il n'empêchera pas que le monument ^levé enfin à Diderot ne soit digne de lui.
I
D'HISTOIRlPfiT^DET LITTÉRATURE. '^'27
<=l'^V''-^^KCQ Dfi Fouc^uièRi:s. Documents nouveaux sur André Chénier/tt
V. Examen critique de la nouveile)é(lUio&4ejiCS«eit'yre&^ PiriS) Chii^eatier. 1875. In-ini^
xiH72 p. - Prix : 3 fr. jo.- ,,._ ^..^i, ^j tv' ^bf^\m ^i ^--t h- ;r
Nous annonçons bien tardivement un livre qui, dès son apparition, a été rais
au rang qu'il mérite. Consacré presque tout entier à critiquer ou à compléter
rl^édition que M. Gabriel de Chénier a récemment donnée des œuvres de son
oncle, il est tout le temps, malgré cette allure polémique, intéressant et instruc-
,tif. Depuis qu'il a donné ses belles éditions du poète, M. Becq de Fouquières,
Qil le voit, n'a pas cessé de s'en occuper ; la pjjblication de M. de Chénier, si
précieuse comme fond, si malheureuse comme forme, lui a donné l'occasion de
traiter à nouveau une foule de points. D'ailleurs cette publication révélait tant
jijcx^ioses nouvelles qu'il était nécessaire de les trier et de les apprécier : personne
,ne pouvait le faire mieux que M. Becq de Fouquières. Son livre se divise en
c4eux parties relatives, l'une à la personne, l'autre aux œuvres de Chénier; l'une
/et i'autre. abondent en renseignements nouveaux, en explications lucides, ^
remarques judicieuses. La dernière édition est soumise à une critique impitoyable,
mais juste, et dont le ton parfois un peu dur s'explique par celui qu'a pris sans
aucune raison, envers le précédent éditeur, M. Gabriel de Chénier. La sagacité
et l'attention de M. B. de F. lui ont permis de tirer le meilleur parti des richesses
,qui viennent d'être communiquées au public; il a surtout parfaitement reconstruit,
à l'aide des notes du poète, — d'ordinaire si mal comprises par son neveu, — le
développement des pensées et des travaux d'André. La restitution du texte en
des endroits corrompus lui a permis de montrer la perspicacité d'un vrai critique:
son plus beau succès est le déchiffrement de deux vers des ïambes, inédits jusqu'à
M. de Chénier : Comme sont les discours des sept cents plats bélîtres, Dont Barère est
le plus savant. Il faut lire dans le livre comment il est arrivé à arracher ce sens au
texte, où les mots compromettants sont ou écrits ou traduits en persan ou en
arabe. Nous recommanderions vivement cet excellent livre si tous les amis de
Chénier ne le possédaient déjà ; nous souhaitons que M. B. de F. nous donne pro-
chainement, ce qui est devenu possible, une édition définitive, avec commentaire,
des œuvres. dit g^and^pQète^aUîtnom duquel il^,4^jà indissQiuMement lié le sien.
iiJii):>rti ESgfiivfio •3îniinoq;fSOCIÉTÊS SAVANTES.^'t/sfa'sai znste £[00 .«shm
il^hsq ZSi 2UÛÎ^Jfet^jE DES INSCRIPTIONS ET BELfÊS^ti-f-RES; " *• ' " ^ M
^ '^■'-' ■-:•■: -^uoQ Ui-r:- Séance du u août iS7<). "'^
■'^ Le ministre de l'instruction pubHque transmet à l'académie pour la commissioin
•dès inscriptions sémitiques deux inscriptions arabes envoyées d'Algérie par
M. Chèrbonneau. L'une est une inscription commémorative de la construction
d'une mosquée; l'autre est une épitaphe.^- De nouveaux estampages d'inscrip-
^tions pui*iiques sont envoyés de Tunisie par M. de Sainte Marie.
M. Collenot, ancien maire d'Amance, près Nancy, adresse à l'académie la
photographie d'une plaque de fonte armoriée qui a été trouvée appliquée à une
chetoinée dans une ancienne maison à Amance.
— M. Egger lit une note de M. Th. H. Martin sur V origine et le sens primitif
du mot DiCTATOR chez les Romains. M. H. Martin rappelle que primitivement les
dictateurs de Rome portèrent le titre de magisier populi; plus tard ce nom fut
128 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
remplacé par celui de dicîator. M. Martin cherche l'origine de cette appellation
nouvelle. Les anciens en ont donné deux étymologies; suivant l'une le dictateur
était ainsi appelé parce qu'il était nommé dictuSy par le consul, suivant l'autre,
parce qu'il avait pour mission de rendre des édits, edicere, ou parce qu'on devait
obéir à sa parole, dicîo. La première explication est inadmissible parce qu'elle
attribue au suffixe -tor une signification passive qu'il n'a jamais en latin ; la seconde
a le tort de confondre dictarCj d'où vient dicîator, avec dicere. On ne peut sup-
poser que dictare ait été pris au sens de iuhere, car ce mot n'a pris ce sens qu'au
temps de Quintilien. Dictator ne peut signifier que celui qui dicte, au sens propre
de ce mot. Or dicter aux enfants était la besogne ordinaire des maîtres d'école,
qui portaient, comme le magister .populi, le nom de magister. On peut supposer
que le peuple, jouant sur ce mot, aura par plaisanterie attribué au magister populi
une qualification propre aux magistri qui dictaient aux enfants ; puis ce nom
introduit squs forme de plaisanterie sera devenu habituel et enfin officiel.
M. Martin voit une allusion à cette origine du nom des dictateurs dans le mot
de César sur Sylla, « Sullam nesciuisse litteras, qui dictaturam deposuerit ».
M. Naudet trouve cette théorie peu vraisemblable. Les Romains de la
république craignaient trop l'autorité des dictateurs pour oser se moquer d'eux
de la sorte. Le mot de César sur Sylla n'est qu'un calembour, il ne faut pas y
chercher une théorie étymologique. Le dictateur était ainsi nommé parce qu'il
dictait ses ordres, qu'il les prononçait formellement. Quand après Hadrien furent
organisés les offices palatins, divisés en trois sections, ab epistolis, a libellis, a
memoria, chacune dirigée par un magister, les fonctions de ces magistri étaient
exprimées par le mot dictare : ainsi être chef de la section a memoria se disait
dictare ad memoriam. C'est dans le même sens que le magister populi, qui com-
mandait à tous dans la république, fut appelé par excellence dictator.
— M. Maury commence la lecture d'un mémoire intitulé, Nouvelles observations
sur la langue étrusque. C'est un examen critique du livre de M. Corssen sur le
même sujet ^ M. Maury rend hommage à la méthode sévère qui distingue le livre
de M. Corssen. Il signale les principaux monuments, peu connus jusqu'à présent,
que ce livre fait connaître et met en lumière. Mais plusieurs interprétations pro-
posées par M. Corssen, notamment ses théories sur les noms de nombre, lui
paraissent être en contradiction avec les témoignages que fournissent les inscrip-
tions. Il s'attache à combattre ces théories, et il appuie par des arguments nou-
veaux les identifications proposées par les archéologues qui se sont déjà occupés
de ces questions, comme M. Fabretti.
Ouvrages déposés : — Aug. Castan, J. Priorat de Besançon, poète français de la fin
du XIII' siècle (extr. de la Bibliothèque de l'école des chartes); — les publications de la
société littéraire «Le Parnasse» {(pt.lQloyiy.bc (juXXoyoç ïlapvao-doç), à Athènes. — Présente
par M. Renier : « Iscrizioni antiche Vercellesi, raccolte ed illustrate », par le P. E.
Bruzza, de l'ordre des Barnabites, Rome, 1874, g'*- ^' • ce volume comprend une intro-
duction sur l'histoire de l'antique Verceil, et environ 200 inscriptions.
Julien Havet.
I. Ueber die Sprache der Etrusker. Leipzig, 1874, 8°. — Cf. Revue critique, J874,
2, p. 321.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
présente, imprimées sur quatre colonnes paratlèies, quatre Verrions du poème
tirées de manuscrits appartenant le l'-'à la collection Cotton, au British Museumi,')!
le 2<^ à la Bibliothèque Bodléienne, le y' à l'Université de Gœttingen, le 4^ ajU(,j
Trinity Collège, à Cambridge. Après quelques remarques philologiques, l'auteur^
de Particle donne une analyse étendue du Cursor Munii lequel n'est autre chose '
que l'Histoire Sainte, où le récit biblique est fortement mêlé de légendes. Le
premier volume se termine par l'arrestation des frères de Joseph accusés du vol
de la coupe). — Nalopâkyânam. By the Rev. Thomas Jarrett M. A. Cambridge
University Press (Le texte, imprimé en caractères romains, est accompagné d'un
vocabulaire et d'une courte grammaire). — The British Muséum. III. — Henry
H. HowoRTH. Saro Grammaticus. IL — Bishop Thirlwall (Notice nécrologique). '■
— Litcrary Gossip. — J. B. Waring, Ceramic Art in remote âges. Illustrated. -'
Day (beaucoup de rêveries). — The archaeological Institute at Canterburyb
(compte-rendu très-détaillé du meeting annuel des archéologues).
Literarisches Centralblatt, n" 32, 7 août. Zunz, Gesammelte Schriften,
herausg. vom Curatorium der Zunzstiftung. I. Bd. Berlin, Gerschel, in-S**,
354 p. (réimpression utile; pourtant le IP morceau, bibel critisches^ composé
lui-même de plusieurs études relatives à l'âge des textes bibliques, est bien
arriéré). — Die tirolischen Weisthùmer, herausg. v. Ign. v. Zingerlé und K.
Th. V. Inama Sternegg. i Th. Unter-Innthal. Wien, BraumùUer, in-8", viij-
298 p. (publication dirigée par l'Académie des sciences. Ces antiquités juridiques
du Tyroi formeront 4 volumes). — Geffcken, Staat- und Kirche in ihren
Verhaeltnissen geschichtlich entwickelt. Berlin, Hertz, in-8°, viij-673 p. (ouvrage
médiocre). — Egli, Die Schlacht von Cappel. Zurich, Schulthess, in-8", 88 p.
(excellente monographie accompagnée de deux plans et de relations inédites de
la bataille dues à des témoins oculaires). — Heigel, Andréas Hofer. Mùnchen,
Ackermann, in-8°, 24 p. (conférence intéressante). — Des Q^ Horatius Flaccus
Sermonen, herausg. und erklaert von Ad. Th. H. Fritzsche. I Bd. : der ser-
monen Buch I. Leipzig, Teubner, in-8°, vj-252 p. (le commentaire est riche et"'
détaillé). — Freudenthal, Hellenistische Studien. IL Th. Alexander Polyhistor. j
Breslau, Skutsch, in-8°, 258 p. (bonne édition critique, accompagnée d'une étude, ,,
approfondie des sources de Polyhistor). — Kœnig, Étude sur l'authenticité des; ^,
poésies de Clotilde de Surville. Halle, Schwabe, in-8", 173 p. (monographie
très-détaillée, qui n'ajoute rien cependant aux résultats acquis. V. Revue critique^
1873, n'' 9). — Briefe von Gœthe, Schiller, Wieland, Kant, Bœttiger, Dyk und
Falk, an Karl Morgenstern. Herausg. von F. Sintenis. Dorpat, Glaeser, in-8°, -
50 p. (Parmi ces lettres, léguées par Morgenstern, avec tous ses papiers, àla
bibliothèque de l'Université de Dorpat, celles de Falk présentent le plus
d'intérêt). ;:■.;., jl'- ::'.i^: .-n-;*î:.Ji r:i j- ;,'■ -"
Jenaer Literaturzeituiièf'ïi°l'^V 5 M*^-' G^^^ Gommentar ùber dié'I
Bûcher der Makkabâer. Leipzig, Dœrffling und Francke, in-8% iv-428 p.
fW. Grimm). — F. H. Geffcken, Staat und Kirche. Berlin, Besser, in-8**, .
viij-675 p. (0. Meyer). — G. Kretschmar, Die Natur des Praelegats nach
rœmischem Recht. Leipzig, Rossberg, in-8**, viij-297 p. (G. Hartmann). — '
ErnstHyECKEL, Anthropogenie. Leipzig, Engelmann, in-8'',xvj-732 p. (A. Gôtte).^^'
— J. Freudenthal. Hellenistische Studien. II Th. Alexander Polyhistor. Breslau,'
Skutsch, in-S", 238 p. (C. Mendelssohn\ — Alb. Jahn, Die Geschichte der' ''
Burgundionen und Burgundiens bis zum Ende der I. Dynastie. Halle, 2 vol.
in-8<>, xxxvj-$6o p. ix-560 p. (W. Arndt). — J. Schmidt, De Herodotea quae
fertur vita Homeri. Halle, Lippert, in-8% vj-12? p. (R. Volkmann). — Frag-^ .
ments and Spécimens of early Latin. By John Wordworth. Oxford^ Clarendon
Press, in-8% xxx-679 P- i^- Bùcheler. Cf. Revue critique, 1875 , n° 33). —
Auguatin Tùngers facetiae, herausg. von Ad. von Keller. Tùbingen, in-8°,
163 p. (R. Peiper). — Ch. JORET, Du C dans les langues romanes. Paris,
Franck, in-8% xx-344 ?• (H- Stengel). — Briefe von und an Gottf. Aug.
BùRGER, herausg. von Ad. Strodtmann. Berlin, Paetel, 4yoL4n-^»(H.PRÔHLE).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et s^ns
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
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Bibliotheca philologica. Od. geordnete
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Biicher. Hrsg. v. W. Mûidener. 27.
Jahrg. I. Htt. Jan.-Juni 1874. In-S",
1 1 5 S. Gœttingen (Vandenhoeck et Ru-
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historica. Od. Systematisch geordnete
Uebersicht der in Deutschiand und dem
Auslande auf dem Gebiete der gesammten
Geschichte neu erschienenen Bûcher. Hrsg.
V. W. MùIdener. 22. Jahrg. i . Hft. Jan.-
Juni 1874. In-8°, 146 S. Gœttingen
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philologica classica. Verzeichniss der
aut dem Gebiete d. class. Alterthums-
wissenschaft erschienenen Bûcher, Zeit-
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Eckenbrecher (G. v.). Die Lage d. ho-
merischen Troja. Mit 2 Karten u. e.
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Hillebrand (J.). Die deutsche National-
literatur im 18. u. 19. Jahrhundert.
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der Sidonier. Urtext u. Uebersetzg. nebst
sprachl. u. sachl. Erklaerg. Mit e. Bei-
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Philosophie, i . Bd. A. u. d. T. Grund-
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Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N» 35 Neuvième année. 28 Août 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
¥
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
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F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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En vente à la librairie A. Franck, F. Vieweg propriétaire,
67, rue de Richelieu.
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The Academy, n" 170, new séries, 7 août. "Phe History of Protestant Mis-
sions in India from their commencement in 1706 to 1871, by Rev. M. A. Sher-
RiNG. London, Trùbner (R. S. Copleston). — The Quarrel between the Earl
of Manchester and Oliver Cromweli, unpublished Documents relating theretOj^^
collected by the late J. Bruce, with an historical Préface, annotated and com-
pleted by David Masson. London printed for the Camden Society (J. J. Cart-
WRiGHT : ces importants documents originaux sont précédés d'une excellente
préface, donnant le tableau le plus fidèle qui ait été tracé jusqu'ici de l'état
militaire et religieux de l'Angleterre au début de la guerre civile). — Couat,
Etude sur Catulle, thèse présentée à la Faculté des lettres de Paris. Paris, 1875
(appréciation bienveillante et favorable de R. Ellis, si compétent à ce sujet).
— The Chinese Classics, translated by J. Legge. Vol. II : the Life and Works
of Mencius. London, Trùbner (J. Edkins : article très-favorable). — The
Genealogist, edited by G. W. Marshall. N*" i- London, Mitchell and Hughes.
(E. Chester Wates souhaite la bienvenue à cette nouvelle revue généalogique et
héraldique, mais trouve mauvais le premier numéro.) — Carrent Literature. —
Notes and News. — Notes of Travel. — Congrès des sciences géographiques
(2 '^ article). — Paris-Letter (G. Monod : parle des Lettres à une autre inconnue
de Mérimée, de Sainte-Beuve, de M. d'Haussonville, etc.). — Correspondence :
M. Broca on Basque (réclamation de M. L. -Lucien Bonaparte). — Essays
moral, political and hterary by D. Hume, éd. by T. H. Green and T. H. Grose.
2 vol. London, Longman (H, Sidgwick : édition soignée avec de bonnes intro-
ductions). — H. Fischer, Die Forschungen ùber das Niebelunglied seit Karl
Lachmann. Leipzig, Vogel (H. Sweet : bon résumé de la controverse sur les
origines de l'épopée germanique. Cf. Revue critique, 1875, ^° H» art.^jréif)^:)
The Athenœum, n** 2493, 7 août. J. Balfour Pau^, Thq Hjstpry of the
Royal Company of Archers, the Queen's-Body Guard for Scotland. Blackwood
and Sons (peu intéressant). — The Holy Bible according to the Authorized
Version. With an explanatory and critical Commentary, and a Revision of the
Translation, by Bishops and other Clergy of the Anglican Church. Vol. IV and
V. Murray. (Continuation du Speakefs Commentary . Le 4^ volume contient Job,
les Psaumes, les Proverbes, l'Ecclésiaste et le Cantique, le ^^ Isaie, Jérémie et
les Lamentations. Très-attachés aux interprétations des rabbins et des pères, l.e;^^
éditeurs ont peu profité des résultats conquis par la critique contemporaine.) —
Mémoires du maréchal de Grouchy. Tome cinquième. Paris, Dentu (développe-
ments apologétiques). — Church Memorials and Caracteristics ; being a Church
History of the First Six Centuries, by the late W. Roberts. Rivingtons (article
favorable). — F. Lenormant, La Langue primitive de la Chaldée et les Idiomes
Touraniens. Paris, Maisonneuve (article favorable, approbation des vues émises
par l'auteur sur l'idiome accadien). — N.B. Dennys, A Handbook of the Canton
Vernacular of the Chinese Language. Trùbner and Co. (application de la méthode
Ollendorf). — The Psalms. With Introductions and critical Notes by A. C,
Jennings and W. H. Lowe. Books III and IV. Macmillan and Co. — Rev. H.,
T. Armfield, The Graduai Psalms : a Treatise on the fifteen Songs of Degrees.
With Commentary. Hayes (appréciation très-sévère du premier ouvrage; celui
de M. Armfield est loué, avec quelques réserves). -^ A. H. Sayce , Grammar
of Assyrian Language. Bagster (recommandée). — A. F. Didot, Aide Manuce.
et l'Hellénisme à Venise. Paris, Didot (article favorable, on signale quelques
fautes de traduction). — The public Libraries of London : the free library of
the Corporation of the City of London. — Literary Gossip. — The geographical
Congress at Paris (i''' article). — The Government scientific Expédition (voyage
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 35 — 28 Août — 1875
.'f
Sommaire: 175. Burnell, Éléments de paléographie Indienne (fin). — 176. Ewald,
Grammaire hébraïque, 4^ éd. — 177. Umpfenbach, Analecta Terentiana. — 178.
Œuvres de Molière, éd. Laun. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
175. — A. C. Burnell, Eléments of South-Indian Palaeography from the
4th to the i7th century A. D,; being an Introduction to the study of south-indian
Inscriptions and MSS. Mangalore, Basel Mission Book and Tract Depository. London,
Trùbner and Co. Gr. in-4', viij-98 p. 1 carte et 32 pi. lithogr.
(Fin.)
Dans le IP chapitre, M. B. aborde Tétude des alphabets du Dékhan. Il en
donne la filiation et la distribution, et les examine en détail au point de vue
paléographique. Cette division, qui est la partie essentielle et la plus neuve de
Touvrage, en est aussi la moins susceptible d'être analysée. Voici le résumé des
principaux résultats de l'étude de M. B. — Tous les alphabets de l'Inde du Sud,
à l'exception d'un seul dont il sera parlé plus loin, dérivent du type dit « des
» cavernes )>, lequel est lui-même une modification du caractère méridional
d'Açoka et paraît avoir été en usage du i'"" siècle avant au ii^ siècle après notre
ère. A partir du iv*^ siècle au plus tôt, on trouve ce type représenté dans le
Dékhan par trois variétés que M. B. désigne par les noms de Cera, Câlukya et
Vengi. La T"^ apparaît dans la 2^ moitié du V siècle sur les incriptions du royaume
Cera, un des rares états dravidiens mentionné dans les édits d'Açoka. On la
trouve dans le Mysore, sur la côte occidentale de Cochin à Mangalore et sur \à>
côte orientale de Tanjore à Madras. D'elle proviennent les alphabets modernes
malayâlam et tamoul ', ainsi que le caractère appelé plus spécialement granîha,
qui est proprement l'alphabet sanscrit du Dékhan. Enfin c'est d'une forme orien-
tale de ce même type que M. B. fait dériver (du viii*^ au xi^ siècle) les alphabets
qui figurent dans les anciennes inscriptions de Java et de l'Indo-Chine. — Au Nord
de l'alphabet Cera dominent ceux du 2® et du 3'' groupe, qu'on peut réunir en
un seul, le groupe septentrional. Les plus anciens spécimens sont ceux que M. B.
désigne par le nom de Vengi, du pays de leur provenance, la partie du Kalingana
comprise entre la Kr/shnâ et la Godâvarî. Ils émanent d'une dynastie peu connue
qui paraît avoir régné sur cette contrée du 11^ au vu" siècle 2, époque où elle fut
1 . Aux XI" et XII' siècles l'alphabet tamoul s'étendit vers l^î^ord- sur tout leCamatic]-
jusqu'au delà de l'embouchure de la Godâvarî. ■ , ■'
2. M. B. estime que nous n'avons sur ce pays aucune information antérieure à ces
inscriptions et que le nom d'Andhra en particulier ne lui fut appliqué que plus tard
(1" exemple chez Hiouen-Thsang). Ce n'est pas loin de là, cependant, que nous avons à
XVI 9
1^0 - ; REVUE CRITIQUE
supplantée par une branche de ses voisins de l'Ouest, les Càlukyas de Kalyâ/za.
C'est à ces derniers, la r^ dynastie historique (à noms et à dates connus) du
Dékhan qu'appartient l'alphabet appelé Câlukya par M. B., et dont le plus
ancien spécimen est du commencement du v'' siècle. A partir du vii% le groupe
septentrional est représenté par deux types Càlukyas, celui de l'Ouest et celui de
l'Est. Au XI*" il n'y en a plus qu'un seul, issu du type oriental et que M. B.
appelle transitoire. Ce dernier est la source des alphabets modernes telugu et
canara.
De ces divers alphabets issus des caractères d'Açoka et du type des cavernes,
il faut distinguer nettement le Valtelutta, ou alphabet tamoul primitif, dont
l'origine tout à fait indépendante de celle des précédents se rattacherait, d'après
M. B., au caractère des inscriptions sassanides. Toute l'ancienne littérature
tamoule paraît avoir été écrite avec ce caractère, dont les i*^""^ spécimens connus
remontent au viii^ siècle. En usage autrefois dans tout l'ancien royaume Pâ/z^ya,
c'est-à-dire au Sud d'une ligne tirée de Cochin à l'embouchure de la Kaverî, il
a été peu à peu refoulé par les alphabets d'origine Cera et il ne subsiste plus,
dans une forme moderne, que dans quelques districts aux environs de Travan-
core. — Ce sont là les alphabets nationaux du Dékhan. A côté d'eux, l'alphabet
nâgarî du Nord s'est im.planté à diverses époques et plus ou moins sporadique-
ment, sous la forme du Nandinâgarî. Enfin des variétés des alphabets arabe,
persan et syriaque ont été adaptées aux langues dravidiennes par plusieurs petites
colonies étrangères qui se sont fixées à l'extrémité méridionale de la Péninsule.
Ce résumé sommaire ne peut donner aucune idée de l'abondance d'érudition
avec laquelle M. B. a rempli ce vaste cadre, ni de la quantité de vues neuves et
ingénieuses portant sur tous les points de l'archéologie indienne, qu'il a eu
occasion de développer chemin faisant. De ces observations épisodiques je ne
relèverai qu'une seule, moins à cause du résultat inattendu auquel elle aboutit,
que parce qu'elle est un exemple de la tendance de M. B. à accorder une valeur,
à mon sens parfois exagérée, à un certain ordre de preuves. Jusqu'ici on était
d'accord pour voir dans les Kambojas un peuple du Caboul ou de l'Afghanistan :
M. B. y reconnaît au contraire les habitants du Camboje, de l'Indo-Chine. Il en
résulte que ce nom ne saurait être antérieur au x* siècle et que tous les passages
d'œuvres sanscrites où il se rencontre , à partir du Nirukta de Yâska , sont des
interpolations postérieures à cette époque. Ses principaux arguments sont que la
lecture de ce nom dans les édits d'Açoka n'est pas sûre, que les écrivains clas-
chercher les Andarae de Pline (VI, 19 et s. ce catalogue est, en partie du moins, tiré de
Mégasthène), que cet auteur appelle une nation puissante et qui possédaient 30 villes
fortifiées. Il les place près des Modogalingae , dans lesquels M. B. reconnaît lui-même les
peuples du Telingana. Non-seulement les noms de ce catalogue ont extrêmement souffert,
mais on n'y découvre aucun ordre général et les groupes de peuples qu'il énumère,
paraissent se suivre au hasard. Ces groupes eux-mêmes toutefois ne semblent pas formés
arbitrairement. Or parmi les voisins de ces Andarae, Pline nomme les Modubae, les
Molindae, lesUberae (ce dernier nom est une restitution moderne). Serait-il téméraire de
faire subir à ce passage une correction de plus en le rapprochant de l'énumération quisc
lit dans l'Aitoreya-Brâhmana VII, 18 : Andhra..... Çabara, Pulinda, Mûtiba?
d'histoire et de littérature. I 5 I
siques ne le mentionnent pas, ênfm que dans deux gahas de Pânini et de Câka-
/âyana où ce nom figure et où celui de Pân^ya devrait figurer au même titre, ce
dernier ne se trouve pas; ce qui indique que la rédaction actuelle de ces ganas
et l'introduction du nom de Kamboja datent d'une époque où il n'y avait plus
de roi de Pâw^ya, c'est-à-dire du x*" siècle au plus tôt. Ce raisonnement est cer-
tainement ingénieux : mais est-il besoin de faire ressortir qu'il s'appuie entière-
ment sur des preuves négatives ? De pareilles preuves nous autorisent-elles à
admettre un nombre aussi considérable d'interpolations modernes portant sur le
même point dans les ouvrages les plus divers, sanscrits et pâlis, brahmaniques et
bouddhiques, sans que, dans la plupart des cas, on voie la moindre raison qui les
aurait fait commettre ? Car si elles se conçoivent dans des traités grammaticaux
qui doivent, autant que possible, embrasser tous les faits du langage, quel motif
peut-on y supposer dans des poèmes tels que le Raghuvamça? Enfin ne serait-il
pas étrange qu'à l'époque même où ces Kambojas de l'Indo-Chine auraient paru
assez importants pour qu'on les mît partout, on eût été les chercher précisément
dans la direction opposée à celle où ils se trouvaient? Car, malgré la confusion
de la géographie poétique de l'Inde, en comparaison de laquelle celle de nos
romans du moyen-âge est un modèle de clarté, il n'est pas douteux que, pour la
majorité des auteurs, les Kambojas ne soient un peuple du Nord-Ouest.
Dans le IIP chapitre, M. B. étudie les signes numériques usités dans l'Inde
méridionale. Mais d'abord, dans un paragraphe introductoire, il reprend au point
où Wœpcke ' l'a laissée, la question de l'origine de ce système que nous appe-
lons les chiffres arabes, que les Arabes appellent les chiffres indiens et qui est
devenu la notation numérique de tous les peuples civilisés. Mieux que ce savant
n'avait pu le faire, il montre que le problème, au début du moins, se compose
de deux questions bien distinctes : l'origine des signes eux-mêmes et celle de
l'usage du zéro. Pour la i*"® M. B. n'a pas de peine à réfuter l'opinion commune,
qui était aussi celle de Wœpcke, que nos chiffres sont les lettres initiales des
mots sanscrits désignant les nombres de i à 9. Les documents découverts depuis
ne permettent plus de maintenir cette explication. Mais il fait un pas de plus, et
un pas décisif, en signalant la ressemblance frappante des signes numériques
indiens des premiers siècles, d'où dérivent évidemment ceux qu'ont adoptés plus
tard les Arabeâ, avéd les signes employés '^r les anciens Égyptiens^. Cette
ressemblance s'impose bien autrement que celle qu'on a observée pour l'alphabet
et, si l'origine sémitique des lettres indiennes a paru probable, une origine pre-
mière égyptienne des symboles numériques doit paraître à peu près certaine. Je
puis dire que, pour mon compte, je n'en ai jamais douté, depuis le jour où j'ai
ouvert pour la r^fois la grammaire de Champollion.
1. Le mémoire de Wœpcke se trouve dans le Journ. asiat. janvier-juin 1863. Dans le
cahier d'octobre de la même année M. E. Thomas a donné une note sur les signes numé-
riques qui se lisent sur les parois des cavernes et que Wœpcke n'avait pas connus.
2. Cette ressemblance ne s'arrête pas aux signes; elle s'étend au système, en tant qu'il
admet des caractères spéciaux pour 10, 20, 30, etc. Ce système figure dans les inscrip-
tions du Nord de l'Inde jusque vers la fin du IV siècle. Dans le Dékhan il s'est conservé
bien plus longtemps; dans le pays tamoul, avec quelques modifications, jusqu'à nos jours.
132 .3I1UT.' REVUE CRITIQUE
Quant à la 2^ question, celle de l'origine de la valeur de position assignée aux
chiffres et de l'usage du zéro, M. B. incline visiblement vers l'opinion opposée
de celle à laquelle était arrivé Wœpcke : il cherche cette origine en Occident,
chez les néo-pythagoriciens. Il est incontestable que plusieurs des raisons qui
avaient décidé Wœpcke à attribuer cette invention aux Indiens, n'ont plus la
même valeur aujourd'hui qu'il y a 1 2 ans. Il en est deux, toutefois, qui me
semblent être restées debout. Wœpcke soutenait que c'étaient uniquement les
exigences du mètre et de la brièveté qui avaient déterminé Aryabha/a à choisir
sa numération littérale, laquelle n'implique pas la connaissance de la valeur de
position, en lieu et place de la méthode plus longue d'énoncer les nombres par
des mots symboliques ', que nous voyons employée dans le Sûrya-Siddhânta et
chez Varâha-Mihira, et qui, elle, suppose bien cette connaissance. En second
lieu il attachait une grande importance au fait que, de très-bonne heure, les
Indiens ont eu des noms pour désigner, dans des limites très-étendues, la série
complète des puissances de 10. M. B. n'accorde pas une grande valeur à ce der-
nier argument; mais je doute que les mathématiciens soient sur ce point de son
avis. Il n'accepte pas non plus l'explication que Wœpcke donne du procédé
d'Aryabha/a , et cependant elle est incontestablement exacte. Aryabha/a a em-
ployé cette méthode de numération dans sa Daçagîtikâ, où il avait à énoncer
beaucoup de nombres et de très-élevés, et où, plus que dans le reste de son
traité, il lutta de concision avec le style des sûtras. Or il est difficile d'imaginer
quel autre procédé lui aurait permis d'énoncer en un seul distique, comme il le
fait par exemple I, 10, 24 nombres la plupart de 3 chiffres. M. B., sans toute-
fois se prononcer absolument, préfère conclure de là qu'Aryabhafa a ignoré la
valeur de position et, comme cet auteur emploie deux manières d'énoncer les
nombres dont aucune n'implique la connaissance de cette valeur, la preuve
négative paraît en effet complète. Heureusement qu'Aryabha/a s'est chargé lui-
même de nous donner la preuve contraire, et cela dans le sûtra même où il
expose sa numération et dont voici la traduction : « Les lettres de â: à m expri-"
» ment des unités carrées (c'est-à-dire des unités d'ordre impair, qui sont des
» carrés parfaits, des unités, des centaines, des dizaines de mille, etc.); les
» lettres de y à /z expriment des unités non carrées (c'est-à-dire d'ordre pair,
» des dizaines, des milles, des centaines de mille, etc.); on compte à partir de
» ka (lequel = 0; ya égale na -]-ma (c'est-à-dire 30) : 18 zéros , khadvinavaka
)) (c'est-à-dire 18 ordres d'unités), s'expriment par les 9 voyelles, selon qu'on
» les emploie avec les lettres du i^' ou du 2^ groupe ». Si on songe qu'Arya-
bha/a ne nous devait pas cette démonstration et qu'il aurait pu s'exprimer tout
autrement, on verra là un exemple de ce que valent quelquefois les preuves
négatives. Il est donc établi que l'usage du zéro ou du moins de la valeur de
position était connu dans l'Inde avant la fin du v^ siècle. Depuis combien de
temps l'était-il et à quel peuple, des Grecs ou des Indiens, en faut-il attribuer
l'invention? Tant que nous n'aurons pas d'autres documents, nous ne saurons
I. Par exemple : flèche (5), montagne (7), serpent (8), iunè (i) — 1875.
I
d'histoire et de littérature. l}^
rien de positif à cet égard ' . Actuellement tout ce qu'on peut faire valoir en
faveur des Indiens, c'est la richesse de leur numération parlée, l'originalité pro-
bable de leur algèbre (jusqu'ici les Grecs n'ont rien à opposer à l'analyse indé-
terminée d'Aryabhafa) et la passion presque maladive de ce peuple à jouer aVèc
les nombres.
Dans deux notes placées à la fin de ce chapitre, M. B. traite des différentes
manières symboliques d'énoncer les nombres à l'aide de mots ou de lettres, et
des ères qui ont été en usage dans le Dékhan. Il estime que Père Çâka (78 ap:
J.-C), qui n'est pas partout la même, n'a été fixée qu'assez tard et il attribue
la grande extension qu'elle a fini par prendre à l'influence exercée par les écrits
des astronomes, en particulier par ceux de Varâha-Mihira. La i" mention
expresse qu'on en trouve dans les inscriptions est du v^ siècle; ce n'est cepen-
dant que vers le x^ que l'usage en devint général. Quant à l'ère samvat ($6 av.'
J.-C), qui n'a jamais été reçue dans le Dékhan, il la tient, comme M. Kerrf,'
pour une fiction relativement moderne ^s'^-Q -M .oî -ôfo B3DnR28iyq 23b rih\(imo'i
Dans le chapitre IV«, M. B. examine au point de vue paîéographique les signes
en usage pour marquer l'accent, la ponctuation, les corrections, etc. Les résul-
tats auxquels il arrive ne sont pas de nature à corroborer la thèse soutenue
récemment encore par M. Delhrûck (Liter. Cenîralbl. 17 octobre 1874) que la
théorie des Prâtiçâkhya relative à l'accent n'est que la reproduction de la nota-
tion traditionnelle usitée dans les MSS. D'après M. B. cette notation n'a jamais^
».c,jjfAt pHR? . J7 ^y\ PS'itlir]'"; ? 0^) .t'<^/'fj!f7 f.l '^3". i">'0 IJÎO ïlû
. 1. L'usage dans les inscriptions d'un système numérique différent n'est pas une preuve*
bien décisive, car le même fait se reproduit en Occident, avec cette différence toutefois.,^,
que nous possédons sur les Grecs une masse d'informations parfois du genre le plus intime
et que tout cela nous manque pour l'Inde. ''"'"' '■' ' : 'orr
2. Cette question des ères a été beaucoup agitée dans ces derniers temps. M. J. Fer-
gusson, entre autres, vient de l'examiner à nouveau dans une brochure très-intéressante,
Notes on the Saka, Samvat and Gupta eras ; printed for private distribution. London,
March, 1875. Il cherche à y établir les points suivants : i» Les princes dits turushkai'^
Huvishka, Kanishka, etc., ont daté d'après l'ère Çâka et Kanishka lui-même a été le
fondateur de cette ère. M. F. montre très-bien que rien n'empêche de placer ce dernier
prince un demi-siècle plus bas qu'on ne fait d'ordinaire. Son explication a cependant
l'inconvénient de renverser l'ordre de succession de cette dynastie et surtout de ne pas
serrer d'assez près le texte des documents. Ainsi l'inscription de Mathurâ n' i ne dit pas;
« en l'an 47, sous le règne de Huvishka... » ; mais, comme l'a fait M. Kern (Over eenigc
Tijdstippen, etc., p. 15), il faut traduire : <' en l'an 47, au monastère du roi Huvishka
» il est fait don ... ». — 2° l'ère d'après laquelle datent les Guptas commence en j 19 ap.
J.-C. Pour cela, il faudrait admettre qu'entre les premières inscriptions de cette dynastie
et celles de Mathurâ dont il vient d'être question, il s'est écoulé environ 2 1/2 siècles, ce
oui semble difficile au point de vue paléographique. — 3" l'ère Samvat a été établie vers
lan 1000. On choisit pour point d'origine une grande victoire du roi Çrî Harsha Vikra-
mâditya, laquelle on plaçait en 544 ap. J.-C. Mais comme cette date eût été trop rappro-
chée, on ajouta 10 cycles de Jupiter, soit 600 ans, ce qui donna le Samvat de Vikramâ-
ditya de 56 av. J.-C. En même temps, comme d'une bonne chose on ne saurait trop
avoir, on ajouta à cette même date de ^4, 10 siècles et on obtint ainsi une autre ère
fabuleuse, celle de Çrî Harsha, de 456 av. J.-C. Qu'il y ait à la base de ces ères quelque
combinaison de ce genre, semble assez probable; mais que ce soit précisément cette
combinaison et non une autre, comment le savoir.? Ce qui n'empêche pas qu'à titre d'hy-,
pothèse, la solution proposée et très-habilement proposée par ^. F. ne mérite d'être
prise en sérieuse considération. - iri-nTj/ , -'! :^. l'n-^n ^i}) ^fi^^rt : 9lqrno7:i u4 . :
134 e3;;uT revue critique
été fixe ni uniforme et il n'y a pas d'apparence que celle qui prévaut maintenant
soit fort ancienne.
Enfin le chapitre V^ est consacré à l'étude diplomatique des documents origi-
naux. Il en a été parlé plus haut. Un appendice spécial donne la transcription
des pièces communiquées en fac-similé.
Cet ouvrage, destiné à faire époque dans l'histoire des études indiennes, est
dédié par M. B. à la faculté de philosophie de l'Université de Strasbourg, qui lui
a décerné récemment le titre de docteur honoraire. Certes jamais distinction
conférée par un corps savant n'a été mieux méritée que celle-là. Et pourtant je
ne puis, à cette occasion, me défendre d'une impression pénible. Où sont chez
nous les corps enseignants qui pourraient en faire autant .f* Et notre pauvre
Académie de Strasbourg se serait-elle jamais permis rien de semblable.? Officiel-
lement elle eût ignoré toujours , et de fait peut-être longtemps, qu'il y avait, au
fond d'une province perdue de l'Inde, un savant de premier ordre, un pionnier
de la race des Colebrooke et des Ellis, occupant ses rares loisirs à élucider et
quelquefois à refaire de toutes pièces le passé de ce pays qui nous touche de
près, malgré son éloignement. C'est un triste spectacle que de voir l'intrus faire
les honneurs de notre maison : c'en est un encore plus triste de l'en voir tirer
parti mieux que nous n'avons su faire nous-mêmes.
A. Barth.
176. — H. EwALD^ Hebrseische Sprachlehre fur Anfœnger. 4. Ausgabe.
Gœttingen, Dieterich. In-S», iv-2M p. — Prix: 5 fr. 2^.
Nous avons reçu la quatrième édition de la grammaire élémentaire d'Ewald,
dans le même temps que nous apprenions la mort de son auteur. Voici donc la
dernière forme, sinon la plus parfaite, qu'Ewald aura donnée à son œuvre gram-
maticale. L'édition que nous avons sous les yeux n'est guère qu'un abrégé, son
titre l'annonce. Ewald y a pourtant ajouté, sous forme d'appendice, une gram-
maire du chaldéen biblique, c'est-à-dire des formes de ce dialecte araméen que
l'on rencontre à différents endroits de l'Ancien Testament. C'est là ce qui en
fait la nouveauté et l'intérêt. Ce chapitre comble une lacune que présentent
presque toutes les grammaires hébraïques; il était même le complément en
quelque sorte nécessaire de celle d'Ewald, qu'il a toujours intitulée, quelque
forme qu'il lui ait donnée, « grammaire de la langue de l'Ancien Testament. »
C'est aussi le seul point sur lequel Ewald insiste dans sa préface. Dans d'autres
circonstances, nous aurions fait comme lui. On nous pardonnera d'envisager
aujourd'hui son œuvre d'un point de vue un peu plus général. Nous le pouvons
d'autant mieux qu'on retrouve dans cet abrégé la même méthode, les mêmes
divisions, nous ajouterons, les mêmes défauts que dans son « Ausfùhrliches
» Lehrbuch. »
Il est peu d'œuvres qui aient été aussi souvent remaniées par leur auteur que
la grammaire d'Ewald, en conservant un fonds de doctrine aussi invariable. C'est
en 1826 que parut la première édition de 1' « Ausfùhrliches Lehrbuch der
d'histoire et de littérature. 135
» hebrseischen Sprache des Alten Testaments. » C'était un traité scientifique et
complet de l'hébreu classique.
A peine deux ans plus tard, Ewald compose, cette fois directement en vue de
Renseignement, une nouvelle grammaire conçue d'après un plan moins savant,
surtout moins étendue. C'est la « Grammatik der hebraeischen Sprache, n qui
eut trois éditions consécutives, en 1828, 1835 et 1857. Mais insensiblement,
dans les modifications successives qu'il y introduisait, Ewald avait suivi la même
marche qui l'avait guidé dans ses premiers travaux, et quand il voulut en donner
une quatrième édition, il s'aperçut qu'elle ferait double emploi avec son premier
ouvrage et il les fondit en un seul qui parut en 1844 sous le titre de cinquième
édition. C'est cette grammaire ainsi augmentée qui est devenue, si l'on peut
s'exprimer de la sorte, la grammaire classique d'Ewald, et qu'il a depuis rééditée
trois fois, en 18$ $, en 1863 et en 1870.
Toutefois, en même temps qu'il en faisait paraître la cinquième édition, et à
cause des dimensions mêmes qu'elle avait atteintes, Ewald comprit la nécessité
d'une grammaire élémentaire, et il publia en 1842 sa grammaire à l'usage des
commençants dont nous venons de recevoir la quatrième édition. Seulement, il
est arrivé à sa grammaire élémentaire ce qui était arrivé à son Ausfùhrliches
Lehrbuch et à son Hebrseische Gram.matik; elle a été en se compliquant de
plus en plus. Il semble qu'Ewald, qui était un grand théoricien, ait manqué de
souplesse ; à force de vouloir tout faire rentrer dans les cadres de son système,
il l'a compliqué outre mesure et lui a fait perdre de sa clarté et peut-être même
de sa solidité. â^i^J'^^^^ 'J"-"i ■•^liCsîrioisoqS ùno^'..^
Nous ne disons pas cela pour diminuer la gloire d'Ewald ; son mérite est
ailleurs : il consiste à avoir introduit un principe nouveau dans l'étude de la
langue hébraïque ; mais ce principe était posé dès 1826. Ewald est le représen-
tant de l'école systématique comme Gesenius celui de l'école empirique. Ce n'est
pas que l'idée d'une reconstruction de la langue hébraïque fût étrangère à
Gesenius; le titre du Lehrgebsude suffirait à écarter cette erreur. Quand cet
ouvrage parut en 181 7, il fit époque. Il se distinguait de tout ce que l'on avait
vu jusqu'alors par un ordre rigoureux, par une grande profondeur d'analyse, et
par un emploi judicieux de toutes les ressources qui ont été utilisées depuis par
Ewald. Mais si Gesenius faisait usage de l'arabe et des autres langues de la
même famille, c'était uniquement pour arriver à saisir les caractères propres et
distinctifs de l'hébreu; on peut dire qu'il étudie les formes grammaticales, il
n'en recherche pas l'origine. Aussi, les différents chapitres de sa grammaire,
pris isolément, sont d'une grande clarté, toute la syntaxe y est traitée de main
de maître, et pourtant, dans son ensemble elle est restée bien au-dessous de celle
d'Ewald. La grande œuvre de Gesenius est moins encore sa grammaire que
le « Thésaurus philologicus criticus linguae Hebraeae et Chaldseae » dont le pre-
mier fascicule parut en 1829. Ewald, au contraire, a fait de la comparaison de
l'hébreu avec les autres langues sémitiques le pivot même de la grammaire.
Il s'en sert pour remonter jusqu'à la forme primitive qui leur a donné naissance
à toutes, et c'est de cette forme plus ancienne de la pensée qu'il déduit les
I?6 REVUE CRITIQUE
modifications successives qu'a subies la langue hébraïque. Pour Ewald, la
grammaire n'est pas la simple analyse d'un état de choses existant, elle
consiste à en expliquer l'origine et à en montrer le développement. C'est une
déduction historique reposant sur l'analyse systématique des parties constitutives
du langage. Aussi nous a-t-il fait pénétrer bien plus avant que Gesenius dans
l'intelligence de l'hébreu ; il est le premier qui ait entièrement rompu avec les
catégories souvent très-artificielles des grammairiens Juifs et Arabes du moyen-
âge, et leur ait substitué un ordre rationnel.
''Toutefois, ce n'est pas la seule réforme qu'Ewald ait introduite dans la
grammaire. On lui doit aussi la place capitale qu'a prise la phonétique dans
l'explication des phénomènes grammaticaux. Il ne suffit pas en effet d'étudier les
éléments dont se compose le langage et d'en fixer la dérivation, il faut encore
expliquer pourquoi ces éléments ont donné naissance à certaines formes plutôt
qu'à toute autre. C'est le rôle de la phonétique. Car presque toutes les variations
que l'on rencontre d'un verbe à, un autre dans la conjugaison, ou d'une classe
de substantifs à une autre, ou dans la même racine, suivant qu'elle sert à dési-
gner un verbe ou un substantif, proviennent soit de l'accentuation, soit de la ren-
contre de certaines consonnes avec certaines voyelles. De là vient que l'étude des
sons occupe près d'un tiers de la grammaire d'Ewald aussi bien de la petite que
de la grande.
Les progrès que cette manière d'envisager l'hébreu a fait faire à la grammaire
sont tellement sensibles que Rœdiger, remaniant la grammaire de Gesenius, y a fait
passer toute une partie de celle d'Ewald. Aussi étions-nous impatients de voir appli-
quer à l'étude des rudiments non plus quelques-uns des résultats de la nouvelle
méthode, mais cette méthode elle-même avec toutes ses conséquences. — Le dirons-
nous pourtant, nous avons été déçu. C'est que cette méthode, la seule qui puisse
nous initier à la manière de penser des Hébreux, présente, au point de vue de
l'enseignement, des difficultés réelles ; et ces difficultés, qui disparaissent plus
ou moins dans un traité complet de la langue hébraïque écrit pour des hommes
ayant déjà quelque connaissance de ces matières, deviennent plus sensibles dans
une grammaire élémentaire qui n'en a guère conservé que le squelette. On y
trouve bien les mêmes divisions et les mêmes cadres, mais privés des développe-
ments et des exemples qui les illustraient et permettaient d'en saisir le lien; on
se perd dans les distinctions innombrables qu'Ewald étabht entre les différentes
classes de substantifs, et nous craignons que des commençants n'aient beaucoup
de peine à les retenir. Il faut, dans une grammaire élémentaire, réduire autant
que possible le nombre des règles et non pas des exemples, multiplier les
tableaux, et mettre sous les yeux d'un seul coup tout ce qui a rapport à un
même mot. Nous voudrions qu'un commençant pût trouver réunies en un même
endroit toutes les irrégularités qu'amène dans la conjugaison la présence de
certaines consonnes au radical, et qu'il n'ait pas besoin, pour étudier les verbes
lamed-hé par exemple, d'ouvrir successivement les chapitres qui traitent de la
racine, des temps, des personnes et des modes.
La façon dont Ewald comprend la grammaire présente pour des commençants
d'histoire et de littérature. 157
encore un autre inconvénient. Certaines parties de son système ont déjà reçu ou
sont destinées à recevoir d'importantes modifications. Sa classification des con-
jugaisons dérivées a été en grande partie transformée. Sa théorie de l'accent
tonique, celle de la formation du pluriel construit sont fort contestées. Or il nous
semble qu'il y a un certain danger à inculquer aux élèves des théories et des
classifications qui auront perdu leur valeur au bout de quelques années. Ce ne
sont là toutefois des défauts qu'au point de vue des commençants, et ces théories
grammaticales, même quand on les aura dépassées, seront toujours une des
gloires les plus solides d'Ewald. Si l'on veut mesurer en effet la portée des
réformes qu'il a introduites dans la grammaire, il faut considérer non-seulement
les progrès qu'il a réalisés, mais ceux dont il a été le promoteur, car Ewald a
fait école. Par ses travaux il a ouvert la voie à une nouvelle science : la gram-
maire comparée des langues sémitiques.
Qu'est-ce en effet que la grammaire comparée, sinon l'explication des analo-
gies comme aussi des différences grammaticales qui existent entre plusieurs
langues. Ewald lui-même en a esquissé les traits dans trois articles d'une impor-
tance capitale qui ont paru dans les Mémoires del'Académie de Gœttingue en 1860,
1862 et 1870. D'autres ont poussé plus avant dans la même voie. C'est ainsi
que M. Renan a donné, en 1871, dans les Mémoires de la Société de linguisti-
que, une étude sur la conjugaison dans les verbes sémitiques, un chapitre détaché
ou plutôt un paragraphe de cette grammaire comparée que nous attendons avec
impatience. En même temps, M. H. Derenbourg étudiait l'état construit,
M. S. Guyard la formation du pluriel brisé en arabe; enfin la grammaire d'Ols-
hausen et les travaux du D»- Philippi ont marqué une tendance encore plus accen-
tuée à traiter l'hébreu comme l'une des langues sémitiques encore vivantes.
D'autre part, les travaux de M. Maspéro sur le verbe égyptien et sur le
pronom personnel dans les langues sémitiques assimilent de plus en plus l'égyptien
aux langues sémitiques proprement dites.
Si l'on passe en revue tous ces travaux, on y reconnaîtra un double courant,
tendant, d'une part, à briser les cadres dans lesquels les massorètes avaient
emprisonné la langue hébraïque et à la rapprocher des autres langues sémitiques;
de l'autre, à élargir le cercle de ces langues en y faisant rentrer non -seulement
l'assyrien, qui est strictement sémitique, et le phénicien, mais même l'égyptien.
Et, de fait, rien n'empêche qu'on élargisse ce cercle, pourvu qu'en étudiant les
points par où ces langues se touchent, on ne perde pas de vue ceux par où elles
diffèrent. Qu'on leur conserve, après cela, le nom de sémitiques, ou de proto-,
sémitiques, ou de sémito-chamites, nous ne nous plaindrons jamais qu'on élar-
gisse notre domaine, tout en ' reconnaissant que c'est au fond une affaire de
définition de mots, un peu, du reste, comme la politique des nationalités.
Philippe Berger.
1^8 .SHUT. REVUE CRITIQUE '>T5ÎW'<Î
177. — Analecta Terentiana vom Gymnasiallehrer D' Umpfenbach (Programm
des grossherzogl. Gymnasiums zu Mainz, Schuljahr 1873-74). Mainz, Buchdruckerei
V. H. Prickarts. 1874. — Prix : i tr. 35.
On sait que M. Umpfenbach est le premier qui ait fait connaître, d'une
manière satisfaisante, la tradition manuscrite du texte de Térence '. Son édition
de 1870 donne la leçon du Bembinus avec une exactitude garantie par un colla-
tionnement quadruple et souvent quintuple. On y trouve, en outre, les variantes
des principaux mss. de la recension de Calliopius, celles que fournit Donat et
celles que présentent les citations de Térence chez d'autres auteurs. Enfin,
quoique M. U. prétendît publier les œuvres de Térence, emendandas potins quant
emendatas, il avait fait, en plusieurs endroits, des corrections aussi simples qu'in-
génieuses 2. Néanmoins, cette excellente édition, indispensable pour tout travail
sérieux sur Térence, n'a pas eu, dans le monde savant, tout le succès qu'elle
méritait. Elle n'a pas même provoqué, comme elle semblait destinée à le faire,
en dehors de tout parti à prendre vis-à-vis de l'auteur et de son œuvre, ce tra-
vail d'exploitation qui suit d'ordinaire les moindres publications de documents
inédits, et que M, U. attendait pour constituer son texte définitivement. C^est là
ce qu'il constate dans les premières lignes du présent opuscule, sans laisser
paraître d'amertume, mais non sans un légitime regret. S'étant décidé à mettre
la main à l'œuvre lui-même, il soumet ensuite à un examen critique approfondi
une vingtaine de passages, les uns déjà traités par d'autres savants, les autres
dans lesquels il est le premier à signaler des fautes. Plusieurs de ses démonstra-
tions pourront ne pas convaincre entièrement ? (lui-même d'ailleurs suspend son
jugement en quelques cas) ; mais partout on reconnaîtra une grande finesse
d'analyse, et l'observation la plus exacte des nuances du langage comique propres
à Térence, comme en général de la manière de ce poète si délicat.
C'est la discussion plus encore que les conclusions de M. U. qui fait le mérite
de ses Analecta. Mais ne pouvant ici entrer dans cette discussion, nous citerons
au moins, comme spécimen, quelques-uns des résultats les plus intéressants.
Dans le prologue des Adelphes, entre les v. 3 et 4, M. U. découvre une lacune
à combler « huncfere in modum » : [sarreptam clamitantes Plauti fabulam]. Ad. V,
1. M. Fleckeisen, dans son édition justement estimée (Lips. 1857), et M. W. Wagner
(Cambridge, 1869) n'avaient de collations nouvelles du Bembinus que celles de Victorius et
de Politien!
2. P. ex. celle-ci, qui est justifiée d'une manière intéressante et instructive dans le
« programme » ci-dessus cité, quoique, à la vérité, elle n'en eût guère besoin : Andr. II,
3, 21 et 22 (= 395, 396) : Nam ^uod tu s pères : v( propulsabo facile uxorem his moribus :
Dabit nemo » ; inueniet inopem potius quam te corrumpi sinat. Un simple changement de
ponctuation qui illumine tout d'un coup une obscurité jusque-là impénétrable.
3. Dans cinq passages où M, U. suspecte l'intégrité du texte reçu, parce que la sortie
de scène des personnages n'est pas indiquée, le nombre mêm.e de ces cas doit rendre fort
prudent. Il faudrait peut-être chercher à expliquer plutôt pourquoi Térence s'est quelque-
fois départi de son habitude de marquer Vexit. — Heaut. II, 3, 48 (= 289) la correction
de Bentley est bien plus acceptable que celle que propose, avec une grande réserve, il
est vrai, M. U. : Nulla ar te faciès expoUta mulieris. — Il y aurait encore d'autres réserves
à faire, en particulier sur Andr. II, 3, 1 (= 375) suiv.
d'histoire et de littérature. 139
5j 57 (— 823) Duo cutn idem faciunty [tamen idem non esse idem, Quod uterque
faciunt], s<zpe ut possis dicere, etc. Il donne du premier prologue de l'Hécyre
une explication qui dispense d'admettre une lacune, et il en corrige les v. i et
7. Il rétablit le mètre et le sens du v. \\yij 4,.(f=î2oO de l'Hécyre, par la
seule répétition d'un mot : Itaque adeo utib dnlmoomnes socrus oderunt, [oderunt]
nurus.
_T —
178. — Moliére's "Werke mit deutischein Gommentar, Einleitungen und Ex-
cursen, herausgegeben y. D' Adolf Laun. Berlin, Van Muyden. 1873 et aa. ss.*
La critique allemande s'est prononcée, sans exception que je sache, favora-
blement sur le Molière de M. Laun. A cela je vois deux raisons : d'abord on s'est
contenté d'un examen très-superficiel, ensuite, en fait d'éditions d'écrivains
français, les Allemands ne sont pas gâtés. A mon avis, l'édition dont il s'agit
n'est pas bonne : bien loin de marquer un progrès dans l'ensemble des travaux
sur Molière, elle ne satisfait même pas aux exigences qu'a le droit d'élever un
lecteur allemand. Les appréciations et les éclaircissements qu'on trouve dans les
introductions et les appendices sont entièrement extraits des éditions françaises
ou des biographies connues de Molière : je m'abstiens donc de tout jugement sur
cette partie de l'ouvrage, dont la forme laisse d'ailleurs beaucoup à désirer 2. Je
m'en tiens au texte et aux remarques, que je veux faire apprécier par un échan-
tillon ; je choisis à cet effet les deux premiers actes du Misanthrope : car si on
peut s'attendre à voir l'éditeur faire de son mieux, c'est assurément pour cette
comédie, qui occupe un rang capital dans l'œuvre du poète et par laquelle
M. Laun a voulu ouvrir son édition.
Texte. — Fautes d'impression. I, 293 tout (1. toutes), 377 sous (1. vous)^ 432
encense, 435 He! Il, 10 che moi, 25 leurs (1. leur), 30 Citandre, 36 éclataut, $4
voyez (}. voyiez), 54-55 Alcfste, 64 personne, 107 qnoi, 164 lienx, 217 cœurs (I.
cœur), 234 Assitôt, 237 véritnble, 264 persounes, 300 port (1. porté), ^16 bon (J.
bons). Aucune de ces fautes n'est indiquée dans V Errata.
Orthographe. — I, 12 coeurs, 36. 61. 70. coeur; cette notation tout à fait
inconnue en français persiste dans les remarques , tandis que plus tard elle est
dans le texte remplacée par œu. — M. L. écrit tantôt Eh! tantôt Hé! Quand
même ce seraient là deux interjections différentes, et non deux orthographes
différentes d'un seul et même mot, il ne faudrait pas écrire Eh bien! I, 439. II,
112, et Hé bien! III, 349. — I, 201 nous lisons grand chose, et M. L. remarque
qu' ce il ne faut pas ici d'apostrophe, car il n'y a pas d'g muet élidé; » mais en
1 . [Bien que la Revue ait déjà donné sur cet ouvrage un article de M. Joret, qui avec
quelques réserves en fait une appréciation généralement favorable, nous pensons que nos
lecteurs liront avec intérêt l'article suivant, dont l'auteur étudie l'ouvrage de plus près et
à un point de vue spécialement allemand. — Réd.]
2. L'auteur ne manie pas toujours bien sa langue et commet plus d'urre néglijgence dans
ses citations.
140 .FPin REVUE CRITIQUE
admettant qu'on réforme ainsi sur un point une orthographe qu'on respecte dans
bien d'autres bizarreries, il ne faudrait pas écrire ailleurs grand' ville (I, 394,
406); II, 300 on lit grandbasques en un seul mot (et de même dans la remarque
sur ce vers). Voilà trois orthographes différentes pour la même chose. — II,
249 avoûraij mais p. ex. III, 305 emploierai. -^- - ^ '''\' ' ''"'" " '^•'
Ponctuation. — On retrouve, aux vers I, 2$, 204^ 300. ipyj^Ij^ 24,^^^6,
58, 172, etc., les négligences relevées dans le texte. ' '.''' " ' V , ' ^ ^^^, ^
Leçons. — M. L. relève dans son commentaire même des variantes sans im-
portance. Cependant I, 171 il admet dans le texte de vilains bruits sans signaler
la leçon ordinaire, accueillie aussi par Moland, de méchants bruits. De même I,
282 on lit // nous faut bien connaître, et la leçon meilleure il faut nous mieux con^
naître n'est pas mentionnée. — II, 324. M. L. lit ne vienne au lieu de me vienne;
la leçon reçue, qui est la bonne, ne figure même pas en note. — II, 327. La
leçon de l'édition de 1682, par lesangbleu, aurait dû servir de texte à une petite
note, où on aurait montré que c'est là la forme primitive (d'où est sorti palsam-
bleu), et comment l'article féminin s'est glus tard substitué au masçujin.
C0MMENTAiRE?'^^5\^r^iw fp.*? » ^WrîB uc ':u9nno2ioqfn9 » Jiubsiî .J .M .^f^
I, 10. (c Nach dem Charakter, den sie mir gezeigî haben y> est une mauvaise
traduction de Après ce qu^en vous je viens de voir paraître; car après signifie /?05f,
tandis que nach dans ce contexte ne peut signifier que secundum.'\-\'- '^^^''''»^^- •
20. (.< Sie iiberhaiifen ihrefeurigen Umarmungen mit Freundschaft betheurungen »
n'est pas de l'allemand.
22. Les deux citations sur comme et comment sont séparées par une citation de
La Bruyère, qui n'a rien à faire avec la question. ' ■•">^' 1 ■■ ■ r'' ■ '
52, ic Faquin, — de l'ital. facchino, ht. fascis. » Mâtivaî*àè'étyrtîoiagîé.
vil jjt m' Encore en est-il bien, avec inversion, doch giebt es aber noch. » La par-
ticule adversative n'est pas dans le français, et rend mal la relation de la phrase
avec la précédente. — « Ici Ve à' encore n'avait pas besoin d'être élidé, parce que
)) le mot suivant commence par une voyelle. » Ainsi cet e s'éliderait nécessaire-
ment devant les consonnes et facultativement devant les voyelles? Il est vrai qu'on
rencontre, bien que fort rarement, encor devant une voyelle; mais c'est une
simple négligence. Au reste, l'expression élider ne convient pas ici, car elle prête
au malentendu entre la chute de Ve dans l'écriture et sa chute dans la pronon-
ciation.
■wi 29, iL'expression pied-plat ne vient ni des chevaux qui ne valent rien à
cause de leurs pieds larges et plats, ni des pieds sans cambrure des vilains, mais
de la chaussure plate portée par les gens du peuple (cf. talon rouge, qui en est
l'antithèse)i9i;pèil Î23 .xuîÊÎrlM laîivèiuoq ,nîiVh-\si ii 'luoq n^hm û ^s\oxoN )> .~(c
1 97. Plaîdoierie, i. pîaidoirie.'Te ne prétend'siiitillèîrféfit téWèi tôiitè féS^iftes
d'impression dont fourmille le commentaire.
202. « Pour la beauté du fait; ironiquement, équivaut ici à pour le principe. »
Sans doute c'est par exagération de ses principes qu'Alceste souhaite de perdre
sa cause, mais ce n'est pas ce qu'il dit : il dit que la perte de son procès serait
d'histoire et de littérature. 141
pour lui un fait intéressant, qui enrichirait son recueil de faits analogues et don-
nerait raison à son système.
22G. Treuve, « Wou des infinitifs passait le plus souvent à eu, comme mourir
n meurs, pouvoir peux, mouvoir meus. )> Et avouer, louer, coàter, aboutir, courir,
etc. ? C'est le latin 0 qui devient eu. L'origine de treuve n'est pas assurée, mais
il répond à l'it. trova avec 0 ouvert, anciennement aussi îruova. Trouve a pris la
place de treuve, comme prouve celle de preuve, ^^1^,.^ srjn'j^^iUèii 20! ./jîo .tX^t^ï
227. (.( Quelque ardeur qu'elle m'ait pu donner n*est pas admissible; il faudrait
» amour (mais ce mot est déjà deux vers plus haut). » Pourquoi donc .?
264. D'après M. Laun 1'^ de reçois et autres formes analogues a été d'abord
ajoutée au mot par les poètes pour éviter un hiatus. Tout ce que M. L. ne
comprend pas bien, il le met sur le compte de la rime et du vers. ^ i ",••
282. « Avant que nous lier = avant que de, ou avant de; les poètes élidaient
» souvent le de, maintenant on élide d'ordinaire le que. » Il est impossible de
penser et de s'exprimer d'une façon moins scientifique.
2C}2. (.( Avecque moi, pour avec, à cause du vers. » M. L. semble ignore^-
qu'avec^zi^ se rencontre souvent en prose. '
334. M. L. traduit « empoisonneur au diable » par verfluchter Geschmacksver-
gifler, et remarque que « c'est là un aparté qu'Oronte n'entend pas. » Il est
inconcevable qu'on puisse appliquer ces mots à Oronte : ils s'adressent à Philinte,
et Alceste l'appelle empoisonneur à cause des flatteries dont il lui reproche d'em-
poisonner Oronte. ,.^,,. A H ; , vyn^ii>-\r .^^U i.-:^iU). - ;..
433. « Prenez-le un peu moins haut. Il faut, pour le vers, prononcer le et un en
» un seul motw » Gela veut dire sans doute en une seule syllabe; mais comment
pourrait-on, chez un poète, les prononcer en deux.? le français — depuis le
xvi^ siècle — ne tolère pas cet hiatus. Mais d'autre part l'élision de Ve dans ce
cas et d'autres seml?lables (Mis. 11, 302, faites-le entrer) choque quelque peu
l'oreille, parce que le porte ici l'accent. Il faudrait en faire la remarque dans une
édition allemande de Molière, d'autant plus que dans beaucoup d'écoles alle-
mandes on enseigne à prononcer prenéz-le, aiméz-le. Il vaudrait mieux traduire v'
Schlagen Sic einen eîwas bescheideneren Ton an que einen etwas sanfteren Ton.
II, 30. (.( L'heur, = bonheur, de hora.» On sait aujourd'hui sur les bancs de l'école
d'où vient ce mot « qui se prête si bien au vers.o»N ,0^251 uA .aonsgiigèn siqmis
37. « Canon du gr. Kavva; » pourquoi pas àulat: ctinnà^"*"'' .•.^^ctr^«!rrrt yr,
40. « En faisant votre esclave = en se faisant. Molière omet si souvent, pouph^
t» besoin du vers, le pronom personnel qu'il est inutile de signaler désormais ce
» trait. >).(;^ci,j^§iiin^ monstruosité- ^ufi laquelle il est. inutile de perdre des
paroles. - ..^-uc*^ ^^rh' .b> x-^^'-^r^ ub ^;T*^^ «••' •=.■•' o^noa oir.ln ^iiizz^i^ny d 00
8$. « Voyons d'arrêter pour à arrêter, pour éviter l'hiatus, est fréquent. » Alors
c'est pour éviter l'hiatus que Malherbe écrit : « Voyez de tirer ce profit de votre
» dommage, » et J.-J. Rousseau : « Voyez de cacheter plus soigneusement vos
)) lettres? » . .-• ^ ; . , :ij:_.^ /rn:}rr:M:.;i^>'
92. Si l'édition originale porte^ regards au lieu ô'égardsy il faut l'admettre dans
le texte, à moins que ce ne soit une faute d'impression. M. L. ne semble pas
l'envisager ainsi, mais il n'en lit pas moins égards.
lj^2 «vTWl/ REVUE CRITIQUE fOTÎîH*0
102. « Braillear, — de braire, ail. briiUen^ souabe brûllen, angl. brawl. )> Avant
tout brailleur vient de brailler. Il vaut mieux s'abstenir complètement de recher-
ches étymologiques que d'en fournir de cette valeur.
i^^L'l2. (c Loisible = permis, vieilli. » Ce mot était vieilli, mais il est de nouveau
usité: voy. Littré.
1 16. « Faire expliquer votre âme; un vous ajouté rendrait certainement cette
» phrase plus claire, mais on pourrait aussi la comprendre en sous-entendant
)) se, souvent omis avec faire. Ich will Ihre Seele sich erkUren lassen, ou Ich will
)) Sie Ihre Gesinnung erkkren lassen. )) La première explication, proposée acces-
soirement, est seule admissible. Il faut alors remarquer que ce n'est pas avec
faire, mais avec un infinitif dépendant défaire que le réfléchi se est souvent omis.
M. L. pourra s'éclairer sur ce point dans Godefroy, Lex. comp. de la langue de
Corneille, II, 185-206. aQfn '^upisijp
125. a Se barbouiller, de barbuk';"%e' couvrir le visage, la barbe de farine
» comme les farceurs. Ital. barbuglirse (corr. barbugliare). » Si M. L. avait jeté
un coup-d'œil dans le Dict. Etym. de Diez, il aurait vu que cette étymologie ne
soutient pas l'examen. Le sens (c se rendre ridicule )> ne dérive sûrement pas de
celui de « s'enfariner le visage » (à propos duquel on eût d'ailleurs pu rappeler
la Jalousie du Barbouillé, farce de Molière); barbouiller signifie « salir, souiller, »
d'où le sens figuré. L'ital. barbugliare est de l'érudition mal à propos; il n'a avec
barbouiller qu'un sens en commun^ celui de « parler indistinctement, bredouiller, »
et il est probablement sorti de la forme vraiment italienne borbogliare par assimi-
lation au français.
132. (c Chaise, chaise à porteurs; ce véhicule venait de Londres et était fort
» à la mode; le nom anglais sedan (de Sedan) fait supposer qu'il est d'origine
» française. » Eh bien! qui a la priorité de l'Angleterre ou de la France .f*
147. {( Kg7///e = bagatelle, lat. veiilla. » Diez et autres se cassent la tête pour
découvrir l'origine de ce mot; M. L. s'en tire à moins de peine, et enrichit du
coup la langue latine d'un mot jusqu'à lui inconnu.
'j'ji<jj^^v Tutoyer vient de tu et toi; aussi est-ce à tort qu'on dit quelquefois tu-
» tayer. » Cette étymologie est mauvaise, bien qu'adoptée par Littré et Scheler.
Tutoyer est pour tu-oyer (comme dit Montaigne); le t est intercalé comme dans
abriter de abri, numéroter de numéro, etc. Si on a dit vouvoyer pùur vousoyer, cela
vient précisément de la fausse idée qu'on se faisait sur la formation du premier
mot. Enfin c'est une idée bizarre de prêter à Molière l'intention de ridiculiser,
en écrivant tutaye, la prononciation usitée à la cour. •vi>fifiE »
180. « C'est à sa table à qui l'on rend visite. » La meilleure expîicairôri de cette
locution est dans la confusion des deux constructions « C'est à sa table que « et
« C'est sa table à qui. » "" à.^iiivuu aos i|jqkj ,00,
247-8. Non-seulement les àëîxxWpètihfd; mâîè ils doivent être rapportés à la
même ou aux mêmes personnes; cf. I, 219 ss.
Indépendamment des erreurs où M. Laun est tombé, il me serait facile de
signaler dans son commentaire un grand nombre de lacunes, d'indiquer par
exemple plusieurs passages difficiles à entendre ou intéressants pour la langue ou
la littérature qui n'ont été l'objet d'aucune remarque (je citerai seulement, dans
d'histoire et de littérature. 145
le morceau que j'ai choisi, les vers I, 23, 29, 209, ^58, 396; H, 55, 59, 84,
98); mais je ne veux pas faire un supplément au travail de M. Laun. D'ailleurs
on pourrait contester le bien fondé de cette critique. Il est certain que bien des
endroits où l'éditeur n'a rien noté appelaient des observations au moins à aussi
juste titre que d'autres oi^ il a mis des notes; mais il n'est pas aisé de tracer la
ligne de démarcation entre ce qu'un commentaire peut donner et ce qu'il doit
donner.
Nous sommes fiers depuis longtemps, en Allemagne, de l'exactitude et du soin
que nous apportons à nos éditions. Pour un écrivain français moderne, il ne
s'agit pas d'établir la classification des manuscrits, ni de retrouver la bonne leçon
au milieu de corruptions diverses, ni de surmonter des difficultés de premier
ordre de forme ou de fond. Et spécialement pour Molière, où ce qui se trouve
de remarquable ou de singulier en quelque manière a généralement déjà été
relevé, un éditeur a une tâche aisée, mais nous avons le droit d'exiger qu'il s'en
acquitte d'autant plus consciencieusement. M. Laun ne satisfait point à cette
exigence; son édition est défigurée par des négligences souvent très-graves, il
n'est pas parfaitement maître de sa propre langue, et ce qu'il donne comme
linguistique fait dresser les cheveux sur la tète '.
De tous les poètes français c'est Molière que nous aimons le plus en Alle-
magne, et relativement nous le lisons beaucoup. Le besoin d'une édition alle-
mande de Molière est réel; mais je proteste de nouveau contre le jugement porté
par la critique allemande, d'après lequel il lui serait donné satisfaction par l'édj*.
tion de M. Laun. :[
, ^u/^I^ H* Schuchardt.
•Ji u .y . 1 -
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du. 20 août 1875.
M. de Longpérier lit un rapport au nom de la commission du prix Fould. Ce
prix, de 20000 fr., est destiné à récompenser la meilleure histoire des arts du
dessin (architecture, sculpture, peinture) depuis les temps les plus reculés
jusqu'au siècle de Périclès. La commission chargée de le décerner est composée
de trois membres de l'académie des inscriptions, un membre de l'académie des
sciences et un membre de l'académie des beaux-arts. La commission n'ayant
reçu cette année aucun ouvrage écrit en vue de ce prix et où le sujet fût traité
complètement, proroge le concours à trois ans, conformément au règlement.
Elle décerne à titre d'accessit une somme égale à 7, années du revenu du capital
du prix à M. James Fergusson, pour son ouvrage intitulé A history of architecture
(histoire de l'architecture de tous les peuples depuis les temps les plus anciens
jusqu'à la période actuelle : partie antique), en prenant aussi en considération
I . Ne croit-il pas possible {Mis. V, 242) (jue dire dans « troiwe
desiderare?. j^ ^j^^,^ ^înG^^t)^^l^î uo oihnolïvj i : 'jiioriîib i^r^zzm
dans « troiwer à dire » vienne de
Mè Ino'n :
144 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
5 autres écrits du même auteur, relatifs à l'histoire des arts (monuments de pierres
brutes dans toutes les contrées ; les palais de Ninive et de Persépolis ; explica-
tion des temples taillés dans le roc de l'Inde; illustrations de l'ancienne architec-
ture de l'Hindoustan; le culte de l'arbre et du serpent, ou explications sur la
mythologie de l'Inde d'après les sculptures des monuments bouddhistes de
Santchi et d'Amravati).
M. Maury continue la lecture de son mémoire intitulé Nouvelles observations
sur la langue étrusque, où il examine les théories exposées dans le livre de M. W.
Corssen, Ueber die Sprache der Etrusker. Il étudie plusieurs mots des inscriptions
étrusques, que M. Corssen a pris pour des noms propres; M. Maury les consi-
dère comme des noms communs, et pense qu'on peut en déterminer le sens, du
moins d'une manière approximative.
M. Desjardins continue la lecture du mémoire de M. Charles Tissot sur la
géographie de la Maurétanie Tingitane. Dans cette partie, M. Tissot étudie la
côte occidentale de la Maurétanie, sur la mer extérieure ou océan atlantique. On
trouve dans Scylax une description très-détaillée et très-précise de cette côte.
Les commentateurs modernes, s'étant mal rendu compte de la configuration des
lieux, avaient accusé la description de Scylax de contenir plusieurs erreurs et
voulaient en corriger le texte. Cette opinion était généralement admise. Seul,
M. Vivien de Saint Martin avait exprimé la conviction qu'une étude plus atten-
tive des localités montrerait que l'erreur est du côté des modernes. C'est ce qui
est arrivé. M. Tissot, en explorant le littoral, a reconnu l'exactitude de la
description de Scylax. Il donne l'identification moderne des divers points men-
tionnés par le géographe grec, depuis les colonnes d'Hercule jusqu'au fleuve
'Avio-rjç, aujourd'hui Oued el Aïacha, et à la ville de Zilis ou Zilia {colonia Iulia
Constantia Zilis, dans Pline, aujourd'hui en berbère Azila), au nord du fleuve et
de la ville de Lixus.
Ouvrages offerts à l'académie, déposés sur le bureau : — Société académique de S. Quentin,
sujets mis au concours : concours de l'année 1876 (4 p.); — Neue kritisch-exegetische
Bearbeitung eines Siegesgesanges aus Pindar, v. Prof. D' Joh. Jos. Schwickert (pro-
gramme du progymnase royal grand-ducal de Diekirch, 1875, 4*)'' — ouvrages envoyés au
concours des antitjuités de la France : — D. Brissaud, Les Anglais en Guyenne, Paris,
1875 , 8°; — E. Cauvet, Étude historique sur Fonfroide, Montpellier et Paris, 1875,
8*; — L'abbé J. Corblet, Hagiographie du diocèse d'Amiens, tome 5, Paris et Amiens,
187s, 8-.
Présenté, de la part de l'auteur, par M. de Longpérier : — Alexandre Bertrand, Rap-
port au ministre de l'instruction publique sur les questions d'archéologie discutées au
congrès de Stockholm en 1874.
^'K^ . o 3^ 9-fôqo 5ti3b m&iKW Julien Havet.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
Beame, a comparative Grammar of the modem Aryan Languages of India. Vol. II
(London, Trùbner). — Chaignet, La Philosophie de la Science du Langage (Paris,
Didier). — Deutsche Puppenkomœdien hrsg. v. Engel. Fasc. II, III (Oldenburg,
Schuize). -- LiNDAU, Gesammelte Aufsaetze (Berlin, Stilke).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-Ie-Rotrou.
en Océanie). — J. A. Symonds, Renaissance in Italy : the Age of the Despots.
Smith, Elder and Co. — Japanese Antiquities.
Jenaer Literaturzeitung, n° 24, 12 juin. H. VoiGT, Fundaniental Dogma-
tik. Gotha, Perthes, in-S", xxxij-684 p. (Lipsius). — H. Gottf. Gengler, Ger-
manische Rechtsdenkmaeler. Erlangen, Deichert, in-8*,xiij-778p.(ScHULz). —
0. BoHTLiNGK und R. RoTH, Sanskrit Wœrterbuch. Th.I-VII. 57. Lieferungen.
St. Petersburg, Eggers und Comp. Leipzig, Voss, in-4" (Fr. Spiegel). —
B. Delbrùck, Das Sprachstudium auf den Deuischen Universitaeten. lena,
DufFt, in-8% 24 p. (G. Curtius). — Rig Veda-Sanhita éd. by F. Max
MùLLER. Vol. VI. London, Allen, in-4° (B. Delbrùck). — A. G. Burnell,
Eléments of South-Indian Palaeography. London, Trubner, in-4", viij-98 p.,
30 pi. I carte (A. VVeber. Cf. le présent n° de la Revue critique). — Vâmana'.s.
Lehrbuch der Poetik, zum ersten Maleherausg. v. Cari Cappeller. lena, Dufft, '
in-8°, xj-87 p. (R. Pischel). — Ad. Fr. Stenzler, Elementarbuch der Sanskrît-
Sprache. 3, verm. Auflage. Breslau, Maelzer, in-8°, iv-126 p. (C. Cappeller).
— Bharatae responsa Tibetice, cum versione latina. Petropoli, typis imper.
Acad. se, in-4°, iv-46 p. (W. D. Whitney). — S. Beal, The romantic legend
of Sâkya-Buddha. London, Trubner, in-8°, xij-596 p. (A. Schiefner).~B. H.
HODGSON, Essays on the languages literature and religion of Népal and Tibet.
London, Trubner, in-8°, xj-145, 124 p. (Ern. W. A. Kuhn). — E. W. West,
Glossary and Index of the Pahlavi Texts of the book Arda-Viraf. London,
Trubner, in-8", viij-^^o p. (H. Hùbschmann). — J. Halevy, Mélanges d'épi-
graphie et d'archéologie sémitiques. Paris, Maisonneuve, in-8", ij-183 p. (K.
Schlottmann). — G. Smith, Assyrian discoveries. London, Sampson Low,
Marston, Low and Searbe, in-8°, xvj-461 p. (Schrader). — Fr. Miklosich,
Altslovenische Formenlehre in Paradigmen. VV'ien, Braumûller, in-S", xxxv-.
96 p. (J. Schmidt). — Greg. Krek, Einleitung in die slavische Litteratur-.
geschichte. Th. I,. Graz, Leuschner und Lubensky, in-8°, vij-336 p. (Fr.
Miklosich). — A. Fried. Pott. Ueber vaskische Familiennamen. Detmold,
Meyer, in-8'\ v-41 p. (E. Windisch). — R. Ellis, Peruvia Scythica. London,
Trubner and Co., in-8°, xj-219 p. (Pott). — Aug. Bœckh's gesammelte kleine
Schriften. Band IV. Leipzig, Teubner, in-8°, viij-547 p. (R. Schôll). -^ O.
Benndorf, Die Metopen von Selinunt. Berlin, Guttentag, in-4°, iij-8i p. 3 pi.
(R. Gaedechens).
Il Propugnatore. Disp. 2 e 3. Marzo, Aprile, Maggio, Giugno 1875. Giov>.f
Sforza, Lettere inédite di Carraresi illustri (Lettres de F. Berrettari, poète latin
du xvii^ s.). — Imbriani, Natanar II, lettera a Francesco Zambrini sul testo del
candelaio di Giordano Bruno. — Salomone Marino, Storie popolari siciliane.'-
— G. Ghivizzani, g. Giusti e i suoi tempi. F. Corazzini, Una questione sulla'
storia délia Lingua (discussion entre MM. Amari et Baudi de Vesme sur l'ancien
dialecte sicilien. — (C. Coronedi Berti. Novelle popolari bolognesi. — T.
Zambrini e A. Bacçhilega, Le edizioni délie opère de G. Boccacio.
Det nittende Aarhundrede (Le xix° siècle , revue mensuelle de littérature
et de critique). Copenhague. Octobre 1874. G. Brandes, Paul Heyse(i'^" partie).
— J. P. Jacobsen, L'enfance de Maria Grubbe. — E. Brandes, Le récit du
déluge dans les inscriptions babyloniennes. — Le Théâtre national danois et sa
direction. — Littérature : poésie du Nord.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
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Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-proraptement et sans
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xxxij-82 5 p. Paris (Maisonneuve et C').
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ÉvangéliairedeCharlemagne. In-8°, 21 p.
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(1220' 166 5), publiés pour la première
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f)our la plupart dans le département de
a Creuse. In-4% 43 p. Guéret (imp.
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Cambodge, Voyages et notices historiques,
accompagnées d'une carte géographique.
In-S", 548 p. Paris (Palmé).
Casimir (P.). Notice sur le duc et la du-
chesse de Navailles. In-8*, 18 p. Niort
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Choix de lettres adressées à M. de Nicolay,
évêque de Verdun , par le Dauphin , la
Dauphine et divers princes, princesses ou
personnages de la Cour (1750-1769).
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leur nationalité. In-8*, 56 p. Lyon (imp.
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département de la Creuse (1789-1794).
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Fouillée (A.). Histoire de la philosophie.
In-8<». xvij-j54 p. Paris (Delagrave).
Imbert. Le mariage de Nicolas d'Anjou,
seigneur de Mézières , avec Gabrielle de
Mareuil. In-8', 63 p. Niort (Clouzot).
Lettres de Catherine de Parthenay,
dame de Rohan-Soubise et de ses deux
filles Henriette et Anne, à Charlotte-
Brabantine de Nassau, duchesse de La
Trémoïlle; publiées d'après les originaux.
In-S», 124 p. Niort (le même).
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phie de tous les ouvrages de Restif de la
Bretonne, comprenant la description rai-
sonnée des éditions originales, des réim-
pressions, des contrefaçons, des traduc-
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détail des estampes, et la notice sut la
vie et les ouvrages de l'auteur, par son
amiCubières Palmézeaux, avec des notes
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Lecoy de la Marche (A.). Le roi René,
sa vie, son administration, ses travaux
artistiques et littéraires d'après les docu-
ments inédits des Archives de France et
d'Italie. 2 vol. in-S", xvj-1056 p. Paris
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Miklosich (F.). Ueber die Mundarten u.
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Pasquier (F.). Grands jours de Poitiers
de 1454 à 1634. In-8*, 140 p. Paris
(Thorin).
Taillandier (Saint-René). Dix ans de
l'histoire d'Allemagne. Origine du nouvel
empire, d'après la correspondance de
Frédéric-Guillaume IV et du baron de
Bunsen. 1847-18^7. In-8°, xx-442 p.
Paris (Didier et C*). 7 tr. 50
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N» 36 Neuvième année. 4 Septembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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Le 4e fascicule est sous presse.
TT îIAT^^Iriodiques
The Academy, n° 171, new séries, 14 août. H. Sumner Maine, The EflFect
of Observation of India on modem European Thought. London, Murray (E. de
Laveleye : dans ce remarquable essai, M. S. M. montre comment la connais-
sance des langues et des institutions de l'Inde a donné naissance à la philologie
et à la mythologie comparées, et a fourni des points importants de comparaison
pour l'étude du droit et des idées sociales. M. de L. sur ce dernier point, hésite
à se prononcer avec M. S. M. en faveur de la supériorité des conceptions euro-
péennes). — GiNO Capponi, Storia délia Repubblica di Firenze. Firenze, Bar-
bera, 2 vol. (Creighton : éloge banal et exagéré de cet ouvrage remarquable
sans doute, mais singulièrement insuffisant). — Allies, The Formation of
Christendom. Part III. London, Longmans and Co. (J. Wordsworth : ouvrage
consciencieux d'un anglican converti au catholicisme). — K. J. Schrôer, Die
deutsche Dichtung des 19. Jahrhunderts in ihren bedeutenderen Erscheinungen.
Leipzig, Vogel (F. Hueffer : réunion intéressante des noms et des faits, mais
appréciations critiques très-médiocres). — A. Jobez, La France sous Louis XV.
Paris, Didier (Et. Coquerel : article favorable). — Current Literatur. — Notes
and News (notes sur un ms. très-important de Wycliffe, datant de 1 390; sur la
découverte, à Grotta Ferrata, d'un ms. palimpseste de Strabon renfermant des
passages des 7^ et 8*" livres jusqu'ici perdus). — Hans Christian Andersen (Ed.
W. Gosse : très-intéressante notice nécrologique. — Congrès international des
sciences géographiques. 3'' article. (L'auteur trouve avec raison que les meilleures
cartes murales exécutées jusqu'ici en France sont celles de M. Delaerave. Celles
de M. Ehrard (Hachette) sont plus belles et plus fines, mais celles Je M"" Klein-
hans (Delagrave) sont préférables pour l'enseignement. — Congrès de géogra-
phie. — Correspondence (L.-L. Bonaparte : sur les noms basques; A. Cutbill:
sur un ms. juridique anglo-normand de l'époque du roi Jean appartenant au duc
de Northumberland; H. Schliemann : antiquités préhistoriques du musée de
Leyde). Science Notes : Philology.
The Athenaeum, n° 2494, 14 août. The Speeches and Public Letters of the
Liberator. With Préface and Historical Notes by Miss F. Cusack. Dublin,
M' Glashan and Gill, 2 vol. (Les incidents qui ont signalé la célébration du
centenaire d'O'Connell ajoutent à l'intérêt de ce recueil : on n'y trouve pourtant
rien de bien nouveau sur le grand agitateur; ses discours au peuple irlandais,
ses plaidoyers, ses lettres tout à fait privées, donneraient de lui une idée bien
plus saisissante et plus vive que les lettres politiques et les discours parlemen-
taires ici rassemblés). — J. S. Stuart-Glennie. Pilgrim Memories or Travel
and Discussion in the Birth-Countries of Christianity with the late Henry Thomas
Buckle. Longmans and Co. (Souvenirs de conversations que M. S. G. entretint
avec l'auteur de VHistoire de la Civilisation pendant un voyage en Egypte et en
Palestine. D'après les passages cités, il semble bien que ces conversations las-
saient parfois M. Buckle. Article défavorable). — S. Paul's Epistles to the Colos-
sians and to Philemon. A revised Text with Introduction, Notes and Disserta-
tions, by J. B. LiGHTFOOT. Macmillan and Co. (L'auteur fait preuve d'une grande
lecture, mais le théologien domine trop l'historien). — Guizot, L'Histoire de
France depuis les temps les plus reculés jusqu'en 1789, racontée à mes petits
enfants. 4 vols. Hachette — The hlstory of France, etc., translated by R. Black.
5 vols. Sampson Low and Co. (En rendant justice au talent et au patriotisme de
M. G. et en reconnaissant le caractère tout patriarcal de son livre, l'auteur de
l'article ne peut s'empêcher de remarquer combien l'ouvrage devenait plus faible
à mesure qu'il avançait). — Origenis Hexaplorum quae supersunt; sive veterum
interpretum Graecorum in totum Vêtus Testamentum fragmenta post Flaminiuni
Nobilium, Drusium, et Montefalconium, adhibita etiam versione Syro-Hexaplari
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 36 — 4 Septembre — 1875
Sommaire : 179. Beal, La Légende de Sâkya Buddha. — 180. L. Dufoub, Les
Dialectes grecs. — 181. J. de Goeje, L'ancien Lit de l'Oxus.— 182. Ed. Dowden,
Shakspere. — 183. Ph. Tamizey de Larroque, Documents inédits pour servir à
l'histoire de l'Agenais. — 184. E. Schmidt, Richardson, Rousseau et Gœlhe. —
Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
179. — The Romantic Legend of Sàkya Buddha : from the Chinese-Sanscrit.
By Samuel Beal, London, Trùbner. 1875. In-S", xij-395 p.
« Cet ouvrage, dit M. Beal au commencement de l'Introduction, est la tra-
)) duction de la version chinoise de VAbhinishkramanaSàtra faite par Djnanakuta,
» prêtre buddhiste de l'Inde septentrionale, vers la fin du vi** siècle de notre
» ère. )) Le titre chinois est Fo-pen-hing-tsi-King et signifie, d'après M. Wassil-
jew cité par M. B. : Biographie de Çâkyamuni et de ses disciples; le sens du
titre sanskrit est : Livre de la Sortie, et M. B. remarque très-justement qu^il ne
devrait s'appliquer proprement qu'au dix-septième chapitre de l'ouvrage, où l'on
raconte la sortie du Buddha du palais paternel pour se consacrer à la vie religieuse.
C'était là, semble-t-il, une raison suffisante pour ne pas admettre si facilement,
sur la foi de M. Wassiljew, qu'un ouvrage intitulé en chinois Vie du Buddha,
était intitulé en sanskrit : Livre de la Sortie. Nous croyons que l'assertion du
savant russe est le résultat d'une erreur ou d'une confusion quelconque. Voici
en effet ce que nous lisons dans la Concordance Sinico-Samskriîe ' de feu Stan.
Julien sous le n" 167 : Fo-pen-hing-tsi-King^^ 60 liv. (Bouddhatcharitra). Traduit
par Djnânagoupta.
On voit que le titre chinois est le même que celui du livre traduit par M. B.
Le sens du titre sanskrit, vie du Buddha, en reproduit la partie essentielle; le
nombre de soixante livres ou cahiers est précisément celui des chapitres du
présent ouvrage. Enfin le nom du traducteur Jnanakuta, suivant M. B., Jnâna-
Goupta, suivant Julien, doit être le même. C'est un nom indien, dont la transcrip-
tion chinoise se lit Che-na-kiu-to , et que les deux sinologues ont restitué d'une
façon légèrement différente. On serait tenté de donner la préférence à la resti-
tution de Julien; d'aboi d c'est d'après l'analogie du n*' 1 19 de la Méthode^ de
1. Journal asiatique, quatrième série. Tome XIV, 1849, p. 353-446.
2. Nous n'hésitons pas, malgré notre ignorance absolue de la langue chinoise, à cor-
riger Kortg, faute d'impression évidente, en King. Ce dernier mot signifie en chinois
Soûtra, comme on peut le voir ibid. p. 368 et 373, et il termine régulièrement les titres
de tous les ouvrages appartenant à cette division du canon buddhique. D'un autre côté
la présence du mot Kong deux lignes plus haut dans un autre titre explique l'erreur du
typographe. , . .
3 . Méthode pour déchiffrer et transcrire les noms sanscrits qui se rencontrent dans les livres
chinois^ inventée et démontrée par M. Stanislas Julien. Paris, Imprimerie impériale, 1861.
XVI 10
146 REVUE CRITIQUE
Julien que M. B. a essayé de constituer son Jnana-Kuta, qui pourrait signifier
masse ou sommet de science (ou même, d'après une acception spéciale du mot
Kùxa^ fausse science) mais qui présente comme nom propre une forme inusitée,
tandis que Jnâna Gupla, protégé par la science est un nom d'aspect tout à fait
buddhique. De plus on voit d'après la même Méthode, p. 69, que K'iu-to corres-
pond kgupta dans Ngo-tO'K^iu-to = Atigupta^ . Enfin il est naturel de supposer que
Julien savait mieux se servir de sa Méthode que M. B. Il subsiste cependant un
doute sur l'exactitude des deux restitutions, parce que ni l'une ni l'autre ne
reproduit le sens attribué par le commentateur chinois au nom Che-na-Kiu-to^ à
savoir : esprit vertueux (tih-chj^, d'après M. B. p. 2 n. Mais en tout cas il reste
très-vraisemblable que le véritable titre sanskrit du Fo-pen-hing-tsi-King est
plutôt Buddhacaritra que Abhinishkramanasûtra.
C'est du reste bien le même ouvrage que celui dont a parlé M. Wassiljew,
car on y trouve à la fin la curieuse note déjà signalée par ce savant, et d'après
laquelle différentes sectes auraient appliqué chacune un nom différent à un seul
et même ouvrage. M. B. voudrait tirer de cette note un argument chronologique
relativement à l'époque où la légende du Buddha était répandue dans l'Inde.
Nous partageons l'opinion de M. B. sur l'antiquité de cette légende, mais nous
croyons que son argument ne saurait avoir de valeur tant que les sinologues ne
se seront pas mis d'accord sur la date des premières traductions de livres
buddhiques en chinois. M. Wassiljew, le savant le plus versé dans la littérature
'sinico-buddhique, s'exprime ainsi ^ : « L'histoire de la première introduction du
» buddhisme en Chine en l'an 64 ap. J.-C. est une invention; le buddhisme ne
» commença à se répandre qu'au iv^ siècle. » Or tant qu'il n'y a pas eu de
buddhisme, il n'a pas pu y avoir de traductions ni du Buddhacaritra ni du
Lalitavistara ni d'aucun ouvrage buddhique. Userait donc important d'être fixé
une bonne fois sur un fait qui intéresse à la fois Phistoire de Pinde et celle de la
Chine, et sur lequel les opinions des hommes compétents sont si divergentes.
Quand à l'assertion contenue dans la note finale du Fo-pen-hing-tsi-King elle
ïie saurait être prise à la lettre. M. B. a remarqué que l'un des titres mentionnés
Ta-choang-yen signifiant, paraît-il, grande magnificence, était, suivant M. Was-
siljew, celui d'une version chinoise du Lalitavistara. On trouve en effet les mêmes
mots composant, en totalité ou en partie, les titres de quatre numéros (147, 605,
655 et 705) de la Concordance sinico-sanskrite, tous donnés par Julien comme
des traductions de cet ouvrage. Il est possible qu'elles aient été faites sur des
rédactions différentes de celle, que nous connaissons tant par le texte sanskrit
publié à Calcutta que par la version tibétaine éditée et traduite par .M. Foucaux.
Car, d'une part, le nombre de livres ou chapitres ne correspond pas, et d'un
autre côté la susdite Concordance mentionne encore trois autres titres tout à fait
1. Cf. Vie de Hloaeng-Thsang , p. xxj n., où l'on voit que Kiou-to rend Gupîa dans
Buddhagupta et Tathdgatagupta.
2. Tdrhndtha's, Geschichte des Buddhismus in Indien ans dem Tibetischen ûbersetzt von A.
Schiefner, p. 313, note de M. Wasjiljew; cf. ibid. 285.
I
d'histoire et de littérature. 147
différents n"" 97, 1 5 1 et 46 3^) comme ceux de traductions de cette célèbre bio-
graphie du Buddha.
Mais à en juger d'après le seul point de comparaison qui nous soit accessible,
il n'y a pas grand rapport entre le Lalitavistara et le Fo-pen-hing-îsi-King. Le
sujet est en partie le même, le plan également, mais la mise en œuvre diffère
beaucoup; les récits en vers, qui forment le fond du Lalitavistara, sont bien plus
rares dans le second ouvrage; ils ne sont souvent cités que par les premières
stances, et même, autant que l'on peut entrevoir à travers une double traduc-
tion, celles-ci ne sont que rarement les mêmes. Celles que M. B. a signalées
(p. 189) ne sont pas propres au Lalitavistara, on les retrouve notamment en
pâli dans le Padhânasutta, d'où elles ont été extraites par M. Minayef '.
Un autre ouvrage qui d'après la note en question serait identique au Fo-pen-
hing-tsi-King, est le Ta-King, que M. B. croit n'être autre que le Mahâvastu^
« volumineux recueil des légendes relatives à la vie religieuse de Càkya, »
suivant la définition de Burnouf^. Le texte que nous en connaissons appartient
à l'école des Mahâsânghikas (comme le Ta-Kirtg) et est rédigé en prâkrit. Mais
il ne saurait en aucun cas être confondu avec le Fo-pen-hing-tsi-King ; bien que
les deux ouvrages renferment un certain nombre d'épisodes et de légendes, dont
'le fond est le même, ils s'écartent dans la manière de les traiter. On peut citer,
comme un exemple offrant un intérêt littéraire particulier, la fable du Dauphin,
qui forme le cadre du quatrième livre du Panchatantra : elle se rapproche beau-
coup dans le Mahâvastu de la forme que M. Benfey3 considère comme la plus
ancienne, elle s'en éloigne au contraire notablement dans la version chinoise
traduite par M. B.
On voit que l'identification affirmée à la fin du Fo-pen-hing-tsi-King n'a pas la
valeur qu'on serait tenté de lui attribuer à première vue. Elle signifie simple-
ment que le rédacteur croyait, ou voulait faire croire, que cet ouvrage devait
avoir la même autorité que ceux plus fameux auxquels il l'assimile. Il n'est pas
à croire qu'aucune personne au courant de la littérature buddhique ratifie ce
jugement. Cette vie du Buddha présente tous les caractères d'une œuvre de
compilation secondaire, telle qu'il était facile d'en fabriquer beaucoup. Le canon
buddhique tout entier, en ce sens qu'il est censé composé de discours et de
préceptes émanant directement de Çâkyamuni et accompagnés comme tels de la
mention des circonstances dans lesquelles ils auraient été prononcés, le canon
buddhique tout entier peut lui-même être considéré comme une immense biogra-
phie du Buddha. Dans cette vaste matière on pouvait tailler à loisir, et, une fois
les événements principaux racontés avec plus ou moins de détails, choisir les
circonstances qui paraissaient les plus dignes d'être mises en relief, par exemple
dans un intérêt de secte. Il ne serait pas étonnant qu'on ait eu plusieurs fois
recours à ce procédé dans l'Inde, en Chine et ailleurs.
Nous ne pensons pas qu'il y ait lieu, à propos de cette biographie de date
inconnue, mais à coup sûr postérieure à celles déjà publiées, d'aborder, à la suite
1. Grammaire pdlie^ traduction Guyard, p. vj.
2. Introduction à l'hiitoire du Buddhismc indien, p. 452.
3 . Pantschatantra l, 420 suiv.
148 REVUE CRITIQUE
de M. B., la question, si attrayante pour les Anglais, d'emprunts plus ou moins
possibles de la légende du Buddha à celle du Christ, ou réciproquement,
M. M. Mùller avait, bien avant M. B., signalé le rapprochement à faire entre la
scène du Buddha à l'école et un passage de VEvangelium înfant'u^. Quant aux
autres analogies, il sera bon d'attendre la fm de la publication du travail d'un
de nos collaborateurs, destiné à faire voir la légende du Buddha sous un aspect
plus nouveau et plus vrai 2.
Nous sommes tout à fait incompétent pour apprécier l'œuvre même de M. B.,
c'est-à-dire la traduction anglaise du texte chinois, qui est d'ailleurs inédit. Une
phrase de la Dédicace nous apprend que cette traduction est abrégée, et les
différences dans le type d'impression sont sans doute destinées à distinguer les
passages rendus littéralement de ceux qui sont seulement analysés. Ce qui reste
est encore considérable et mérite toute notre reconnaissance.
180. — Les dialectes grecs dans leurs formes de mots. Manuel pour aider
à l'étude des auteurs grecs, par Louis Dufour. Genève, John Juilien. 1875. In-8°,
77 p. — Prix :
L'auteur a eu pour but, à ce qu'il dit dans un Avant-propos j « de faciliter le
» travail des jeunes gens pour l'étude d'auteurs grecs d'un dialecte spécial. » Il
a tenu à leur enseigner d'abord les modifications subies par le français dans les
a rues-basses » de Genève, où il a entendu prononcer, entre autres façons
horribles de parler : vouiy les annetons, m'sieu, y (pour ils), etc., etc. M. D. ne
veut pas qu'on dise y : nous ne prétendons point lui en faire un crime, encore
que le Parisien lui donne tort dans le langage familier. Mais certaines personnes,
nous le croyons, trouveront qu'il s'avance beaucoup, lorsqu'il affirme que,
« dans les temps préhistoriques, jusqu'à l'an 1200 environ avant J.-C, les
» idiomes de ces peuplades (les peuplades qui occupaient la Grèce) ne différaient
;) pas encore beaucoup entre eux, » et qu'elles étaient « venues de l'Asie avec
»Aq sanscrit pour la langue. » M. D. croit aussi que « les poètes tragiques em-
» ployaient dans leurs dialogues l'ionien mis à la mode pour ce genre par les
;>) auteurs épiques, » et non pas le dialecte attique, comme on se l'imagine assez
généralement ; que c'était « pour empêcher le hiatus » que les Éoliens se ser-
vaient de la lettre F, et que s'ils prononçaient vanax (FavaÇ, c'était par l'effet
de ce sentiment « naturel à l'homme », qui faisait dire au Genevois des rues-
basses voui, au lieu de oui. M. D. a encore bien d'autres idées, qui, nous l'es-
pérons, lui appartiennent en propre. Il a rassemblé dans son travail un certain
nombre de particularités que présentent les dialectes éolien, dorien, ionien ou
attique, et il les a distribuées un peu pêle-mêle sous trois ou quatre rubriques.
Son livre eût pu rendre des services, s'il avait été une Morphologie élémentaire
des dialectes. Tel qu'il est, ce n'est ni un exposé didactique, propre à fournir des
notions claires et exactes aux élèves, ni une étude scientifique : les maîtres, —
1. History of ancient Sanskrit Literatare, 2d éd. 1860, p. 517 n.
2. Essai sur la Légende du Buddha, son caractère et ses origines, par M. Senart (Journal
asiatique, septième série, t. II et III). ..^ ^^^^^^ minmm(OMt'm^^
d'histoire et de littérature. 149
Pauteur a eu soin de nous avertir — n'ont rien à y apprendre. Nous passons
sous silence les fautes d'impression dans les mots grecs; celles d'accent surtout
sont nombreuses. « Les dialectes grecs » ressemblent, à s'y méprendre, à un livre
fait par quelque amateur instruit.
Charles Graux.
181. — Das alte Bett des Oxus Amû-Darja, von M. J. de Goeje, mit einer
Karte. Leiden, Brill. 1875. In-8*, 115 p. — Prix : 3 fr. 40.
Ce travail contribue dans une notable mesure à circonscrire le terrain de la
discussion historique relative à l'ancien lit de l'Oxus. Il rend excessivement
vraisemblable, pour ne pas dire certain, que ce lit desséché, débouchant dans la
mer Caspienne entre les deux monts Balkhân, était déjà dans son état présent il
y a plus de mille ans, et n'a jamais depuis lors servi à l'écoulement de l'Amû-
darjâ. Quelle que soit donc la cause encore incertaine qui a changé la direction
primitive de ce vaste cours d'eau, elle doit être cherchée à une époque antérieure
à l'ère musulmane, et ses effets n'ont pas plus au moyen-âge que dans les temps
modernes été interrompus, soit par la nature soit par la main des hommes,
comme on avait pu le croire d'après des textes mal interprétés.
M. de Goeje est arrivé à ce résultat intéressant, bien que négatif, d'abord par
la découverte d'un témoignage plus ancien ou plus précis que ceux que l'on avait
jusqu'à présent, et ensuite par une critique judicieuse de tous les autres témoi-
gnages émanant de géographes et d'historiens musulmans.
Le texte inédit apporté par M. de G. appartient à l'ouvrage du célèbre géo-
graphe Mokaddasi, dont cet habile arabisant prépare la publication, et consiste
en une légende qui peut se résumer ainsi : à une époque reculée un roi de
l'Orient exila quatre cents hommes dans le Khowârizm, qui était alors un désert,
et il dériva un canal de l'Oxus afin de leur permettre de cultiver la terre. Un
jour le prince de Balkhân, sur la Caspienne à l'endroit où débouchait le fleuve,
étant venu visiter cette colonie, joua avec le roi et perdit une partie dont l'enjeu
était l'autorisation pour celui-ci de laisser le canal ouvert pendant un jour et une
nuit. L'eau se précipita dans le canal avec une telle violence que la direction du
fleuve fut définitivement changée et qu^il abandonna son cours vers la Caspienne
pour se jeter dans l'Aral, et la conséquence fut que le Khowârizm devint floris-
sant aux dépens de Balkhân, qui fut ruiné. — M. de G. nous paraît disposé à
exagérer la valeur historique et surtout chronologique de cette tradition locale
en admettant qu'elle contient un souvenir précis de la première colonisation du
Khowârizm, c'est-à-dire d'un événement antérieur à la domination des Aché-
ménides. Pour nous elle ne vaut que ce que valent toutes les légendes, lorsqu'on
ne peut les contrôler à l'aide de documents plus sérieux. Elle se compose de
traits qu'il n'est pas difficile de retrouver ailleurs. Ainsi la partie de dés rappelle
certaines légendes indiennes; le reste du récit de Mokaddasi présente plusieurs
points de ressemblance avec ce que dit Hérodote (III, 117) du grand fleuve
Aces, dont les eaux, nécessaires aux Chorasmiens pour la culture de leur pays,
étaient retenues par un endiguement, et n'étaient distribuées sur les ordres du
roi de Perse que moyennant un lourd impôt. Sainte-Croix, le premier, croyons-
I 50 REVUE CRITIQUE
nous, n'hésita pas à identifier l'Aces avec l'Oxus, ce qui n'est qu'en partie
conciliable avec les détails topographiques donnés par Hérodote. Nous ignorons
si M. de G. verrait dans ce curieux passage un argument en faveur de son opinion,
mais en tout cas nous ne sommes nullement disposé à admettre comme lui que
POxus ait pu dès l'époque des Achéménides être réduit à son embouchure dans
la mer d'Aral, et que «les dires des anciens sur l'embouchure dans la Caspienne
ne soient que des preuves de leur ignorance )>. L'existence parfaitement constatée,
vers le commencement de notre ère, d'une route commerciale qui descendait le
cours de FOxus et remontait celui du Cyrus, suppose nécessairement que ces
deux fleuves se jetaient dans le même bassin; et d'un autre côté, on est mainte-
nant d'accord pour reconnaître l'impossibilité d'une communication par le Nord,
dans les temps historiques, entre l'Aral et la Caspienne, qui sont séparées par
un plateau élevé d'environ 200 mètres, sorte de prolongation de la chaîne de
l'Oural.
Mais si nous laissons de côté l'histoire ancienne, nous devons reconnaître que
le fragment de Mokaddasi publié par M. de G. a une importance historique très-
réelle; il prouve qu'au moment où il écrivait, c'est-à-dire vers l'an 1000, la
distribution du delta de l'Oxus n'était pas sensiblement différente de ce qu'elle
est de nos jours, et que les habitants, tout en ayant conservé la tradition, qui
subsiste du reste encore aujourd'hui, d'un changement de cours, le faisaient
remonter à une époque reculée, c'est-à-dire pour nous anté-islamique : car les
prédécesseurs de Mokaddasi, à l'exception d'ibn Khordâdbeh et de Jakûbî, ne
connaissaient pas d'autre embouchure que celles de l'Aral. Mais ces deux géo-
graphes, qui ne parlaient pas comme Mokaddasi en témoins oculaires, auront,
nous dit M. de Goeje, commis une confusion très-fréquente entre l'Aral et la
Caspienne. Cette confusion était d'autant plus facile, pour ceux qui travaillaient
sur des documents écrits, que la Caspienne était souvent nommée merde Djordjân,
et l'Aral mer de Djordjânijah. De ces deux noms si semblables le premier est la
forme arabe du persan Gurgân dérivé lui-même de l'ancien Velnkana, Hyrcanie;
l'autre est une prononciation également arabisée du nom de la ville d'Urgandj,
ancienne capitale du Khowârizm. On peut donc considérer le témoignage de
Mokaddasi comme décisif non-seulement pour son époque, mais encore pour
toute la période musulmane qui l'avait précédé. Quant à la période suivante,
M. de G. s'attache à montrer que les arguments empruntés aux écrivains posté-
rieurs à Mokaddasi en faveur d'une bifurcation même momentanée de l'Oxus,
sont, pour une raison ou pour une autre, dénués de valeur. Ainsi Jacût, qui avait
visité le Khowârizm, dit bien, mais dans un seul endroit, que l'Amû se déverse
dans la Caspienne; partout ailleurs il contredit lui-même cette assertion : elle se
sera sans doute glissée dans sa vaste compilation sous la forme d'une nbte,que l'auteur
aura oublié ensuite de corriger et de mettre d'accord avec la réalité. Hamdollah
Mostaufi Kazwînî a reproduit la même opinion, mais outre qu'il ne parlait pas
de visUj il est réfuté par ses contemporains Abulfedâ, Dimashkî, Ibn-fadhloUah.
Pour Djordjânî, M. de G. montre que son texte a été mal compris et qu'il prouve
précisément le contraire de ce qu'on lui a fait dire; car d'après un usage local,
que cet écrivain signale à plusieurs reprises, il se sert du mot djeihun, non pas
d'histoire et de littérature. IJI
seulement comme d'un nom propre, synonyme bien connu d'Amû-darjâ, mais
aussi comme d'un nom commun signifiant grand fleuve, et il l'emploie même au
pluriel djeihûniîâ, mais il atteste positivement que le Djeihûn proprement dit, qui
passe à Tîrmidh (Termez près de Balkh), se jette dans le lac de Djend, c'est-à-
dire dans l'Aral. La description anonyme du Khorasan, exhumée il y a quelques
années par Sir Henry Rawlinson, n'a absolument aucune valeur historique et on
peut hardiment tenir son témoignage pour non avenu. Mais celui d"Abulghâzî
n'était pas aussi facile à écarter. Cet historien, en sa qualité de Khan du Kho-
wârizm, était admirablement placé tant pour voir de ses yeux que pour obtenir
tous les renseignements dont il pouvait avoir besoin. Or Abulghâzi croyait ferme-
ment que l'Oxus avant 1575 se jetait dans la Caspienne, il décrit son cours et
Pétat de ses rives, désigne l'emplacement des tribus turcomannes qui les habi-
taient et expose leur genre de vie. S'agit-il d'un personnage qui antérieurement
à cette date a eu à traverser la contrée dans un sens ou dans l'autre, Abulghâzi
n'oublie pas de mentionner le passage de l'Oxus et l'endroit où il s'est effectué;
enfin il connaît l'événement qui avait déterminé le changement du cours du
fleuve, et la date précise à laquelle il s'était produit. Cependant Abulghâzi se
trompait, M. de G. l'établit très-clairement; mais nous ne pouvons analyser ici
la discussion très-serrée qui fait le principal intérêt de ce travail; indiquons-en
sommairement les principaux points. Abulghâzi avait vu de ses yeux l'ancien lit
desséché de l'Amû, il avait entendu de ses oreilles les traditions qui couraient
chez les Turcomans, et qui faisaient remonter l'époque où le fleuve suivait cette
route pour se jeter dans la Caspienne à 100 ans, chiffre rond, expression toute
faite, qui dans une tradition orale indique seulement un espace de temps consi-
dérable, mais qu'Abulghâzi a eu le tort de prendre à la lettre. Tous les détails
qu'il a ajoutés à cette date sont une reconstruction dont les matériaux sont tirés
soit de son imagination et de son goût pour la rhétorique, soit des récits des
Turcomans. L'historien des Tatars a lui-même prévenu ses lecteurs qu'il n'avait
pas consulté les livres pour les deux siècles qui l'avaient immédiatement précédé,
mais qu'il avait rédigé d'après ses propres souvenirs ou ceux de sa famille. On
conçoit d'après cela que les récits et les descriptions d'Abulghâzi, tout en étant
faits de bonne foi, soient sujets à caution; ceux qui sont relatifs à l'Oxus pré-
sentent en outre beaucoup de contradictions, que M. de G. signale sans y insister.
Il tire enfin un dernier argument du voyage de l'Anglais Jenkinson en 1 548, à
une époque où, si Abulghâzi avait dit vrai, il aurait dû traverser l'Oxus à l'aller
et au retour sur la route de Mangishlak à Urgendj. Abulghâzi était le dernier et
le plus important témoin en faveur d'une bifurcation de l'Oxus; depuis le moment
où il écrivait (1665) nous savons qu'il n'y a eu aucun changement important
dans le régime hydrographique du Khowârizm; la thèse de M. de G. est donc
démontrée. Il appartenait à un savant aussi versé dans l'histoire et la littérature
de l'Orient de débrouiller le chaos d'assertions contradictoires qui obscurcissaient
ce problème compliqué. M. de G., bien connu parmi les arabisants comme un
éditeur consciencieux et infatigable, n'avait encore guère eu l'occasion de faire
apprécier son talent de critique à un cercle de lecteurs moins restreint; nous
croyons qu'il aura lieu de se féliciter d'avoir renoncé pour cette publication à sa
1^2 REVUE CRITIQUE
langue maternelle qui n*a pas de chance d'être jamais bien comprise en dehors
de la Hollande.
La carte qui accompagne ce volume nous paraît un luxe inutile; c'est la
reproduction d'une partie de la Carte des routes conduisant à Khiwa publiée en
1873 par M. Kiepert; seulement les routes sont supprimées, ainsi qu'un grand
nombre de détails topographiques et presque tous les noms; même ceux dont il
est question dans le livre sont distribués avec une extrême parcimonie; bref la
carte est à peu près vide. Si l'on songe que la carte de M. Kiepert, mêm.e en
dehors de ces mutilations, n'est déjà plus au courant, comme il est facile de s'en
convaincre en la comparant avec la nouvelle carte de l'Asie centrale éditée tout
dernièrement par l'Institut géographique militaire de Vienne, où cependant les
plus récents résultats des expéditions scientifiques russes n'ont pu encore être
utilisés, on ne peut s'empêcher de trouver que cette addition n'ajoute absolument
aucun prix à l'intéressant travail de M. de Goeje.
182. — Shakspere : A critical study of his mind and art. By Edward
DowDEN, LL. D., professer of English literature in the university of Dublin, vice-
président of 'The new Shakspere Society'. Henry S. King et Co., 65 Cornhill, and
12 Paternoster Row. London. 1875. ix-430 p.
Il y a en littérature beaucoup d'idées qui n'ont point de valeur objective et ne
peuvent en avoir; leur fortune dépend uniquement du plus ou moins d'esprit et
de talent qu'on met à les soutenir. De ce nombre sont toutes les théories qu'on
a faites et qu'on fera sur le caractère de Shakespeare. Il est naturel que ce pro-
blème irritant pique la curiosité des critiques, on ne saurait trouver mauvais que
leur sagacité s'y exerce, mais il est clair qu'en l'absence de documents péremp-
toires il ne peut obtenir une solution définitive.
On oppose généralement aux tentatives faites pour reconstruire , d'après son
théâtre, la personne morale du grand poète anglais, une fin de non-recevoir pure
et simple, par cette raison que l'art dramatique est impersonnel de sa nature, et
que si Shakespeare est le plus grand des poètes dramatiques, c'est parce qu'il est
le plus impersonnel de tous, parce que, mieux qu'aucun autre, il a prodigué,
comme en se jouant, une variété infinie de caractères, au-dessus desquels il
plane avec le sourire tranquille d'un créateur étranger à son œuvre. « Jamais
» génie, écrit par exemple M. Scherer, ne se livra à l'art avec une plus suprême
» indifférence pour toute autre chose que l'art même. Aux yeux de Shakespeare,
» c'est lui-même qui nous l'a dit, le drame est tout simplement un miroir placé
» devant la nature, et où elle se réfléchit sous ses aspects les plus divers. Et
» telle est, en effet, l'impersonnalité du théâtre de notre poète, qu'il nous est
» impossible d'en tirer le moindre renseignement sur ses idées, ses passions, son
)) caractère. » Coleridge appelle Shakespeare « l'homme aux dix mille âmes, »
et il le compare à l'océan , non moins pour la continuelle mobilité que pour la
vaste étendue de son génie. Emerson dit que Shakespeare n'a rien de distinctif,
rien de particulier, point de cachet individuel, et il ajoute avec un grand bonheur
d'expression : « Un lecteur intelligent peut à la rigueur faire son nid dans le
» cerveau de Platon et se mettre à penser de là ; dans le cerveau de Shakespeare
d'histoire et de littérature. 155
» cela est impossible, nous resterons toujours à la porte. » Schiller proteste
contre toute prétention de chercher la personne de Shakespeare dans ses oeuvres :
« De même que la Divinité, écrit-il, se cache derrière l'édifice de cet univers,
» ainsi le poète objectif se cache derrière son œuvre il faut déjà n'être plus
» digne de l'œuvre, ne la point comprendre ou en être rassasié, pour être seule-
» ment tenté de s'inquiéter de l'auteur. Tel nous apparaît, par exemple, Homère
» dans l'antiquité et Shakespeare parmi les modernes. »
A cette manière de voir, qui est la plus sûre, quelques commentateurs répli-
quent : — Shakespeare était homme, et rien d'humain ne lui fut, sans doute,
étranger. Cette sorte de dieu que vous supposez, créateur impossible et indiffé-
rent, est un être supérieur à l'humanité, ou inférieur. En tout cas, c'est un
mythe, un personnage de convention, une simple figure du langage. Dans la
réalité, on n'est pas olympien à ce point. On a ses faiblesses, ses entraînements,
ses passions, ses préférences, son idéal. Vous avez beau dire que le théâtre est
impersonnel, il est inadmissible que la personnalité de l'auteur ne s'y trahisse
pas, ne fût-ce que dans le choix des sujets. Pourquoi, à un moment de sa vie,
Shakespeare écrit-il une suite presque ininterrompue de comédies gaies et bril-
lantes? pourquoi, dans une autre période, ne compose-t-il que des tragédies?
N'est-il pas naturel de supposer que ces choix correspondaient à deux états
différents et particuliers de son âme? Qu'on soit Homère lui-même ou Shakes-
peare, on ne sort point de sa propre nature par je ne sais quelle vertu transcen-
dante du génie '. L'homme est toujours présent au fond de toutes les œuvres de
l'artiste; il ne s'agit que de le découvrir. Nous convenons qu'en ce qui touche
Shakespeare la chose est singulièrement difficile et demande un degré exceptionnel
de pénétration ; mais il suffit qu'elle soit légitime et possible à force de soin et
de peine, pour qu'on soit en droit de la tenter.
Tel est, dans la question, le second avis; moins sûr que le premier, il est plus
spécieux et plus séduisant. En principe, on peut admettre que le théâtre de
Shakespeare doit contenir des révélations sur sa personne; en fait, il faut recon-
naître qu'on n'a rien trouvé de certain. Toutes les inductions sur son caractère,
ses goûts, ses idées, sur les différentes phases et les incidents de sa vie, sont
hypothétiques à tel point qu'il serait déraisonnable à leurs auteurs de les donner
pour autre chose que pour des théories ingénieuses, d'élégantes élucubrations
de l'esprit, qu'on écoute avec un sensible plaisir si elles sont logiquement
construites et soutenues avec talent, mais auxquelles personne ne saurait être
sérieusement requis d'ajouter foi. ^a a., i:/. > .
La plus connue et la plus commune de toutes ces conjectures est <*él!e qui
identifie Hamlet et Shakespeare. Hamlet est un idéaliste. C'est pourquoi Ger-
vinus, esprit élevé, mais pratique et positif, épris avant tout de réalité, de poli-
tique et d'histoire, a cru devoir protester contre cette assimilation. Il a vu le
danger de proposer à la race germanique le prince de Danemark comme l'idéal
du poète, et, prenant hardiment le contre-pied de l'opinion reçue, il a prétendu
que les préférences personnelles de Shakespeare étaient, non pour un rêveur.
nfOiii 3rj:£! •:/?>
Evm Shakspere cannot transcend himself, p. 164.
I 54 REVUE CRITIQUE
mais pour un homme d^action, non pour Hamlet, mais pour le grand roi
Henry V.
Voici maintenant un nouveau commentateur, M. Edward Dowden, professeur
de littérature anglaise à l'Université de Dublin , vice-président de la nouvelle
société de Shakespeare, qui, dans un livre publié cette année, présente sur les
prédilections de Shakespeare et sur son caractère une théorie de juste milieu,
extrêmement jolie, plausible et bien faite. On sera bien aise de la lire, et on y
croira, si Pon veut.
M. Dowden commence par écarter, comme également fausses, deux opinions
extrêmes sur le caractère de Shakespeare. L'une est celle de M. Taine, qui,
toujours heureux de montrer la bête dans l'homme, se plaît à peindre le poète
comme une espèce d'étalon sauvage, « délivré des entraves de la raison et de la
;> morale, n livré à toute la fougue des sens, de l'imagination et des passions.
D'après l'autre paradoxe, opposé à celui-ci, Shakespeare aurait été au contraire
une sorte de marchand de poésie, prudent et habile en affaires, s'étant mis dans
le théâtre pour faire sa fortune, comme d'autres, avec un tour de génie un peu
différent, se mettent dans les sucres ou dans les laines, et sans autre souci en
ce monde que celui de l'argent que lui rapportaient ses pièces. M. Dowden
concilie ces deux manières de voir. H remarque qu'en 1604, Shakespeare, déjà
devenu riche, intenta un procès contre un certain Philip Rogers qui lui devait
I livre, 15 s., 10 d. — ; incident caractéristique, car il prouve, d'une part,
que Shakespeare savait apprécier la valeur en soi, pour cette vie temporelle,
de I livre, 15 s., 10 d. ; d'autre part, qu'il avait la conviction bien arrêtée que,
dans tout cet univers, il n'y avait qu'une place légitime pour la somme en ques-
tion, et que cette place se trouvait dans la poche de William Shakespeare. Mais,
ajoute M. Dowden, dans cette même année 1604 Shakespeare écrit Othello et
songe au Roi Lear. Dirons-nous qu'il se préoccupait de son argent plus que de
ses drames.? Non, cela serait trop invraisemblable. Quelque attentif qu'il fût à
sa petite créance, il n'est pas possible de mettre en doute que toute sa nature
ne fût incomparablement plus remuée par la vision du roi Lear errant sur la
bruyère et d'Othello lentement enveloppé dans les replis d'Iago. La conclusion
de M. Dowden est que Shakespeare vivait à la fois dans deux mondes, un monde
limité, pratique, positif, et un monde idéal et infini. Il n'a pas sacrifié l'une des
deux existences à l'autre, il a su les accorder et, par une résolution énergique,
maintenir cet accord qu'il jugeait nécessaire.
Car la tendance naturelle de Shakespeare, continue M. Dowden, était de se
perdre dans l'infini de la pensée et dans l'infini de la passion. La prose de la vie
pratique n'exerçait aucune séduction sur lui, et ce n'est que par un effort de
raison et de volonté qu'il en est venu à lui faire sa juste part. Nous voyons cela
dans ses œuvres. Tout son théâtre n'est qu'un long apprentissage, une sorte de
méditation et d'étude personnelle par laquelle il se fait à lui-même la leçon, pour
ainsi dire^ opposant aux idéahstes, aux rêveurs, aux natures exaltées ou pas-
sionnées, dont la destinée est de périr, les hommes de pratique et d'action aux-
quels le succès est assuré dans ce monde. Il ne faut pas dire, comme Gervinus,
que Shakespeare aime mieux Henry V qu'Hamlet; non, sa préférence de cœur
d'histoire et de littérature. 155
est pour Hamlet, mais il estime Henry V davantage. Les favoris secrets de
Shakespeare sont Hamlet, Roméo, Brutus, Timon d'Athènes, et toutes les vic-
times de l'idéal; ses admirations avouées sont Henry V, Thésée, Hector, For-
tinbras, Alcibiade, et tous les héros de la réalité. Si Shakespeare se montre
sévère pour les idéalistes qu'il aime, c'est parce qu'il avait conscience de sa
propre faiblesse qui le faisait pencher de ce côté-là; s'il témoigne, au contraire,
pour les grands hommes d'action cette admiration haute, mais un peu froide,
qui ressemble à de l'estime plus qu'à de l'amour, c'est parce que, de sa nature,
il n'était pas lui-même un homme pratique. C'est passionnément et du fond du
cœur qu'il aime Timon d'Athènes et Hamlet, parce que ces deux hommes sont
ce qu'il est; c'est par des considérations rationnelles et, en quelque sorte, du
dehors, qu'il admire Alcibiade et Fortinbras, parce que ces deux hommes sont
ce qu'il s'efforce d'être.
Telle est la théorie la plus récente sur le caractère de Shakespeare, tel qu'on
croit pouvoir l'inférer de son théâtre. Elle est jolie, mais on en fera d'autres, car
il est de la nature des œuvres d'imagination de se renouveler sans fm pour le
charme de l'humanité.
Il y a bien d'autres idées et de meilleures idées dans le livre de M. Dowden
que cette spirituelle hypothèse psychologique et morale. C'est une œuvre de
haute critique, chose assez rare chez les Anglais, de critique vraiment esthétique.
L'auteur a beaucoup étudié les Allemands, mais en disciple indépendant et ori-
ginal. Toute la partie relative à l'appréciation de l'art du poète révèle un juge-
ment supérieur. Point de ces puérilités biographiques ou critiques, de ces menus
faits, de ces petites querelles sans signification et sans portée, où se complaît
l'érudition de ses compatriotes; partout une grande élévation de vues qui n'ex-
clut ni la profondeur, ni la fmesse. On peut signaler, comme particulièrement
intéressantes et neuves, les pages 165 et 224 sur la différence éthique des pièces
historiques et des tragédies; ^4, 22G et suivantes sur les dénouements de
Shakespeare, et 99 sur son étude patiente de la réalité et le développement
tranquille et régulier de son art. — Dans la préface de la traduction anglaise des
commentaires de Gervinus, M. Furnivall exprimait vivement le regret que la
patrie de Shakespeare n'eût rien produit de comparable à ce grand ouvrage.
Cette plainte a cessé d'être juste depuis la publication du livre de M. Dowden.
C'est, à notre connaissance, la production la plus distinguée de la littérature
shakespearienne en Angleterre, sans excepter les notes de Coleridge, excellentes
sans contredit, mais un peu surfaites, et qui doivent peut-être à leur rareté et à
leur brièveté l'honneur d'avoir été com-mentées comme des oracles.
Paul Stapfer.
18^. — Documents inédits pour servir à PHistoire de TAgenais, publiés
et annotés par Ph. Tamizky de Larroque (Extrait du t. IV de la deuxième série
du Recueil des travaux de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen). Paris,
Aubry, et Bordeaux, Leiebvre. 1875. 1 vol. in-8°, ^ 1 5 p.
Voici encore un nouveau volume dû à l'infatigable et judicieuse activité de
M. Tamizey de Larroque. En même temps qu'il publiait une réédition des
156 REVUE CRITIQUE
poésies de Rus, il donnait à la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen un
recueil de documents conservés à la Bibliothèque nationale et aux Archives de
Paris et qui ont ce trait commun, de se rapporter tous à l'histoire de l'Agenais.
— Le document le plus ancien est du 18 février 1254, le plus récent est de la
fin de l'année 1687. Les dix-huit premiers documents sont de l'époque de la
domination anglaise antérieurement à la guerre de Cent ans, et quatorze émanent
des rois d'Angleterre eux-mêmes; ils sont tous tirés de la collection Bréquigny;
les pièces XIX à XXVI appartiennent au temps de la guerre de Cent ans de
1538a 1 389, nous y trouvons trois lettres de Philippe VI et une de Charles VL
Le groupe le plus considérable de documents (no' XXVII à LXXVIl) est relatif au
XVI® siècle et en particulier aux guerres de religion. On y saisit sur le fait et avec
la réalité que donnent les détails minutieux et précis la lutte incessante et atroce
que protestants et catholiques se faisaient dans le Midi de la France, lutte qu'il
est si difficile de comprendre et de juger avec équité quand on ne considère que
les grandes lignes de l'histoire et les faits principaux. Rien n'est plus curieux
par exemple que de lire la double relation d'un même fait sous la plume du
ministre protestant Barelles et sous celle des magistrats catholiques de la ville
d'Agen (n"' XXXI V et XXXV). Les protestants qui dans la première lettre
sont des victimes qui réclament vengeance, dans la seconde deviennent des
criminels dont on demande la punition. La mort du capitaine Ragot et de ses
quatre-vingts compagnons à Sainte-Foy, qui dans le récit de Th. de Bèze est
la juste punition d'un lâche guet-apens, devient pour le baron de Lauzun dans
sa lettre à Charles IX (n" XXXIV) un guet-apens des protestants. Les 29 derniers
numéros sont consacrés à des pièces du xvii^ siècle. Les affaires religieuses y
tiennent encore une très-grande place. On y trouve deux actes de partage rendus
par les commissaires pour l'exécution de l'Êdit de Nantes au sujet de difficultés
sans cesse renaissantes causées par l'exercice du culte réformé (n°^ XCIX et C),
et un arrêt du Parlement de Bordeaux au sujet d'un malheureux nommé Bourges,
assassiné par les protestants et probablement par ses propres parents, parce qu'il
avait abjuré et s'était fait catholique.
Les documents publiés par M. T. de L. sont accompagnés de notes excellentes,
telles qu'on peut les attendre de son érudition exacte et abondante. Un index
très-bien fait permet de profiter facilement des richesses accumulées dans ce
petit volume. Une table des pièces par ordre chronologique fait malheureuse-
ment défaut. L'impression du volume est très-correcte'. Cette publication fait
honneur à une Société provinciale qui, sans être spécialement vouée aux travaux
d'érudition, a déjà montré à plusieurs reprises qu'elle savait en apprécier la valeur.
184. — Richardson, Rousseau und Gœthe. Ein Beitrag zur Geschichte des
Romans im 18. Jahrhundert, von Erich Schmidt. lena, Ed. Frommann. 1875. In-8®,
viij-331 p. — Prix : 8 fr.
Le rapprochement de ces trois noms dans une même étude n'est point arbi-
traire; ils marquent trois phases successives dans l'histoire du roman en lettres
I. P. 208, au lieu de 1862, lisez 1602.
d'histoire et de littérature. 1 57
au siècle dernier et nous montrent les progrès que ce genre littéraire a faits de
Paméla à Werther. Le roman de Goethe ne saurait, en effet, s'expliquer sans la
Nouvelle Héloise et celui de Rousseau ne se comprend guère davantage sans
Clarisse Harlowe; c'est le mérite de M. E. Schmidt d'avoir mieux vu qu'on ne
l'avait fait avant lui, et mieux mis en lumière l'étroite parenté qui existe entre
ces œuvres si dissemblables.
On sait sous quelle influence ont pris naissance les romans de Richardson, on
n'ignore pas non plus ce qui en fait le caractère distinctif; M. E. Schmidt a
résumé, en le présentant sous un jour nouveau, ce qui a été dit d'essentiel sur
ce sujet; mais c'est plus tard que commence le véritable intérêt de son livre,
quand il étudie l'influence que l'imitation des romans anglais a exercée sur la
littérature du continent, en particulier sur la littérature allemande. La Paméla de
Richardson avait à peine paru que Gellert écrivait la Com^g55g5i/gWo/5^, née évidem-
ment du désir qu'il avait de rivaliser avec lui. Hermès allait bientôt s'en inspirer à
son tour. C'était surtout le côté moral des romans de l'écrivain anglais que ces pre-
miers imitateurs avaient voulu reproduire; cette tendance est déjà moins sensible
chez Knigge, qui relève, il est vrai, encore plus peut-être de Fielding, ainsi
que dans la Clémentine de Poretta de Wieland; c'est le côté sentimental, au con-
traire, qui prédomine dans Mademoiselle de Sternheim de M™^ de la Roche. Mais
ici une autre influence se fait encore sentir, c'est celle de la Nouvelle Héloïse.
Avec quelque soin qu'on ait étudié jusqu'à présent le roman de Rousseau, son
origine offre encore plus d'un point obscur à éclaircir. M. E. Schmidt a essayé
de résoudre quelques-unes des questions qu'il soulève; et on ne lui contestera
pas d'avoir montré dans cette tâche délicate une réelle sagacité; du moins on
n'avait point encore recherché avec autant de soin les influences diverses qui
ont donné naissance au célèbre roman. L'auteur insiste avec raison sur ce fait
que, loin d'avoir eu pour occasion la passion de Rousseau pour M""'' d'Houdetot,
la Nouvelle Héloïse était commencée longtemps avant la rencontre à l'Hermitage
du romancier et de la belle-sœur de M"'*" d'Epinay ; il faut, en effet, en attribuer la
conception première, les Confessions nous l'apprennent, à la douce ivresse dans
laquelle les quelques mois passés dans ce séjour délicieux plongèrent Rousseau,
aux souvenirs de sa première jeunesse et aux regrets attristés d'une vie qui me-
naçait de finir sans qu'il eût véritablement connu l'amour. Ce sont ces senti-
ments empruntés à la vie réelle, qui font, malgré le ton moralisateur qui y règne,
la vérité et l'intérêt de son œuvre. Saint-Preux est Rousseau, Julie et Claire
ont pour originaux M''^^ Galley et de Graffenried, avec je ne sais quel air de
sentimentalité emprunté à la Clarisse de Richardson. Il n'est point jusqu'à l'espa-
gnol d'Altuna qui ne semble avoir fourni quelques traits au portrait de Wolmar.
A ces réminiscences du passé se joignit bientôt le souvenir présent de M"^^ d'Hou-
detot. C'est un nouvellement, qui, en s'ajoutantaux précédents, devait transfor-
mer le roman de Rousseau, mais ne l'a ni déterminé, ni produit. Tout cela a
été fort bien vu, et, encore qu'un peu longuement, fort bien exposé par M. E.
Schmidt dans la première partie de son livre.
Personne ne conteste aujourd'hui l'influence de Rousseau sur le développe-
ment de la littérature allemande; mais cette influence est loin encore d'avoir été
1^8 REVUE CRITIQUE
jusqu'ici mesurée à sa juste valeur; M. E. Schmidta montré celle que la Nouvelle
Héloïse surtout a exercée de l'autre côté du Rhin, en particulier sur l'auteur de
Werther. La troisième et dernière partie de son livre non-seulement expose avec
une conscience extrême tout ce que le poète allemand doit à son devancier, mais
elle renferme une étude approfondie des ressemblances qu'on peut signaler entre
les deux écrivains. Le mode de composition, les digressions et les épisodes, les
tendances propres à l'auteur de la Nouvelle-Héloïse et à celui de Werther, la
manière dont ils ont conçu l'amour, le vif sentiment qu'ils ont eu de la nature,
leurs théories poétiques et leur style, enfin le suicide qui joue un rôle si impor-
tant et si différent dans leurs œuvres sont ici l'objet d'une étude faite avec autant
de soin qu'elle offre d'intérêt. C'est là la meilleure, comme la plus complète,
partie de son livre et une étude qu'on peut regarder à bien des égards comme
définitive.
Mais si la supériorité de Werther sur la Nouvelle Héloïse au point de vue de
la composition, l'inutilité des digressions de Rousseau, l'heureux choix des épi-
sodes chez Goethe, sont mis en lumière avec beaucoup de tact et de goût, les
deux chapitres les plus importants de cette dernière partie n'en sont pas moins
ceux qui sont consacrés à l'examen de la manière dont les deux écrivains ont
conçu l'amour et le sentiment de la nature. C'est un point sur lequel M. E.
Schmidt a insisté avec beaucoup de raison. Il a très-bien fait voir, il faut le
reconnaître, quelle forme nouvelle l'amour a prise dans l'œuvre de Rousseau et
dans celle de Goethe, quel langage encore inconnu il y parle, quelle couleur de
sentimentalité il y revêt. C'est une ère nouvelle dans le roman qui commence.
Cette transformation est encore plus sensible dans l'idée que les deux écrivains
se sont faite de la nature. Dans une étude fort bien faite, M. Friedlsender ', il y
a deux ans, a montré que le sentiment de la nature, tel qu'on le connaît aujour-
d'hui, est une conception toute moderne et qu'à Rousseau revient l'honneur de
l'avoir introduit dans la littérature. M. E. Schmidt poursuit et développe, en les
rectifiant parfois, les vues de son devancier, et étudie ce sentiment nouveau sous
les formes diverses où il se présente dans le roman de Rousseau et dans celui
de Goethe, soit qu'il s'agisse des beautés de la nature, de l'amour de la vie
champêtre, si chère aux deux écrivains, de l'affection pour les enfants, de ce
qu'ils ont pensé de la société ou de l'estime qu'ils ont eue pour la science. Je ne
crois pas qu'on eût encore mis en lumière aussi bien que l'auteur l'a fait ici le
mépris profond que, en vrai disciple de Rousseau, Werther éprouve pour la
science et les livres, ainsi que pour les conventions sociales. Un autre caractère
du roman de Goethe non moins bien étudié, ce sont les théories novatrices qu'il
renferme au point de vue du style et de la composition, théories qui en font en
même temps que le chef-d'œuvre, le programme de la période d'Orage, la mise en
pratique des idées de réforme préconisées par Herder. Le chapitre sur le suicide,
qui vient ensuite, renferme, avec une étude toute nouvelle de la question, une
justification complète, comme il fallait s'y attendre, de l'emploi que Gœthe en a
fait pour son dénouement. Enfin un examen des principales critiques dont la
I. Voir Revue critique^ 1873, art. 222.
d'histoire et de littérature. 159
Nouvelle Héloïse et Werther ont été l'objet termine ce travail consciencieux et
étendu sur le roman au siècle dernier. On y trouve encore comme supplément
un certain nombre de notes sur Mlle Roussillon et Lila de Ziegler, Anton Reiser,
Siegwart, sur l'origine et le développement de l'expression de « Belle âme », etc.
Ces recherches secondaires témoignent des mêmes qualités que l'ouvrage auquel
elles font suite et d'une critique sûre à la fois et pénétrante; M. E. Schmidt me
paraît en particulier avoir prouvé d'une manière irréfutable que l'amie dont Wer-
ther pleure la perte n'est autre que Lila von Ziegler.
C. .1.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 2j août 1875.
Le ministre de l'instruction publique envoie à l'académie un rapport qui lui a
été adressé de Palestine par M.Victor Guérin, et deux lettres de M. de Sainte-
Marie : ces dernières sont accompagnées des estampages de deux inscriptions
latines trouvées en Tunisie.
M. de Longpérier fait un rapport au nom de la commission du prix de numis-
matique Allier de Hauteroche. Ce prix n'a pas été décerné en 1874. Cette année,
la commission décerne le prix double (comprenant les sommes affectées à ce
prix pour les deux années 1874 et 1875) à ^- Barclay Vincent Head, conser-
vateur adjoint des médailles du musée britannique, pour son ouvrage sur la série
chronologique des monnaies de Syracuse, 1874, 8", 14 planches. L'auteur ne fait
pas connaître de monuments nouveaux, mais il donne un classement excellent
des monuments déjà connus. Il a remplacé par une classification historique l'an-
cienne méthode de la classification suivant les métaux employés ou le module des
pièces. Les planches qui accompagnent l'ouvrage sont exécutées au moyen d'un
procédé nouveau, Vautoîypie ou héliogravure, qui donne mieux qu'aucun autre
une idée exacte des pièces représentées. — Cet ouvrage n'est du reste pas le
seul travail de numismatique important qu'on doive à M. Head, il a aussi colla-
boré pour une part notable au catalogue des médailles antiques du musée britan-
nique, publié par le conservateur en chef des médailles du musée, M. Stuart Poole.
M. de Saulcy rend compte du premier rapport de M. Guérin au ministre de
l'instruction publique sur sa mission en Palestine, qui avait été communiqué par
le ministre à l'académie à la séance du 2 5 juin dernier et confié par l'académie
à l'examen d'une commission spéciale. Ce mémoire est consacré aux tombeaux
des Machabées, déjà autrefois reconnus par M. Guérin, à Modeïm (aujourd'hui
El Madyeh, près d'El Louda, l'ancienne Lydda). M. ClermontGanneau avait con-
testé que les monuments reconnus par M. Guérin fussent réellement les tombeaux
des princes Machabées. M. Guérin s'est attaché à établir l'authenticité de ces
tombeaux, et il l'a démontrée, suivant M. de Saulcy, d'une manière incontestable.
M. Derenbourg présente le rapport de la commission du prix ordinaire de
l'académie. Le sujet de ce concours était [^histoire de la lutte entre les écoles philo-
sophiques et les écoles théologiques sous les Abbassides. Un seul mémoire a été
déposé. Sur les conclusions de la commission, l'académie décide que le prix
n'est pas décerné celte année, et retire le sujet du concours.
l60 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
M. L. Renier lit un mémoire sur une inscription latine qui paraît relative à
rhistorien Velleius Paterculus. Cette inscription, dont une copie et un estampage
ont été adressés à M. Renier par M. Roger, conservateur du musée de Philippe-
ville, se lit sur une ancienne borne milliaire trouvée à El Arrouch, l'ancienne
uilla Sele de la table de Peutinger. Elle est ainsi conçue : C. VELLEIO |
PATERCVLO I LEG. AVG | LEO. III. AVG | XXIX. w C. Velleio Paterculo,
» legato Augusti legionis tertiae Augustae. (Milliarium) uigesimum nonum. »
Cette inscription ne peut être postérieure à l'an 36, car en cette année le légat
de l'empereur qui commandait les troupes de la province d'Afrique ayant cessé
d'être subordonné au proconsul de la province pour être placé sous la dépen-
dance immédiate de l'empereur, ajouta comme les légats des autres provinces à
son titre de legaîus Augusti les mots pro praetore : or ces mots ne se trouvent pas
dans l'inscription d'El Arrouch. Celle-ci, d'autre part, ne peut être antérieure à
l'an 50, qui est l'époque où Velleius Paterculus termina son Histoire : en effet si
lui ou un membre de sa famille avait exercé avant cette époque les fonctions de
légat des troupes d'Afrique, il n'eût pas manqué de mentionner ce fait comme il
a fait des autres distinctions dont sa famille fut honorée. — Le C. Velleius Pater-
culus de cette inscription ne peut être ni le frère de l'historien, qui ayant été
adopté par un parent de sa mère s'appelait Magius Celer Velleianus et non Velleius,
ni son fils, car celui-ci n'aurait pu parvenir en 36 au commandement de la légion
d'Afrique sans avoir exercé dès avant l'an 30 d'autres fonctions dont son père
n'eût pas manqué de parler. Il faut donc croire que ce C. Velleius Paterculus est
l'historien lui-même, qui aura exercé les fonctions de légat entre les années 30
et 36; dès lors l'inscription qui le mentionne est intéressante : r en ce qu'elle
nous apprend son véritable prénom qui n'était pas connu avec certitude ; 2° en
ce qu'elle montre que Velleius vécut encore après la mort de Séjan et qu'il fut
même investi de fonctions assez importantes.
Ouvrages déposés : — H. d'ARBOis de Jubainville, Les Celtes, les Galates et les
Gaulois*; — A. du Bouetiz de Kekorguen, Recherches sur les États de Bretagne,
2 vol. in-8*, Paris; — J. Brun-Dukand, Notes pour l'histoire de Die, Valence, in-8';
— Siméon Luge, Guillaume Laloue (extrait du bulletin delà société de l'histoire de France);
— Aristide Marre : Code des successions et du mariage en usage à Java, Paris, 1874;
Histoire des rois malais de Malâka, Paris, 1874; De l'arithmétique dans l'archipel indien
(extrait de l'Histoire de l'archipel indien de John Crawturd, traduit et annoté), Rome,
1874; — Paul MiTzscHKE, c|)uaestiones tironianae (en latin), Marcus Tullius Tiro (en
allemand), 2 brochures in-8*, Berlin; — Félix Robiou, Deux questions de chronologie et
d'histoire éclaircies par les annales d'Assurbanipal (extrait de la Revue archéologique;
mémoire lu à l'académie). — Envoyé de la part des auteurs par M. Egger : L'expédition
du duc de Guise à Naples : lettres et instructions diplomatiques de la cour de France
(1647-1648), documents inédits publiés par MM. J. Loiseleur et G. Baguenault de
Puchesse; Paris, in-8-. julien Havet.
I. Dans cet article, extrait de la Revue archéologique, sont examinées les théories
soutenues par M. Alexandre Bertrand dans son mémoire sur les Gaulois (académie des
inscriptions, séances des 23 et 30 avril et 7 mai 1875). En l'adressant à l'académie,
M. d'Arbois de Jubainville, qui est un de ses correspondants, y a joint une lettre dans
laquelle il reprend quelques uns des points de la discussion et donne les motifs de son
opinion.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
multis partibus auxit Fr. Field. Oxford Clarendon Press. 2 vols. (Article très-
favorable. Prolégomènes développés et instructifs, textes correctement établis,
index commodes; publication magistrale faisant honneur à l'érudition anglaise).
— Ed. MoHR, Nach den Victoriafaellen des Zambesi. Leipzig, Hirt, 2 vols.
(Relation particulièrement intéressante pour les sportsmen. L'auteur de l'article
relève avec fierté plusieurs passages où M. M. accorde de grands éloges à la
mission civilisatrice et à la puissance coloniale de l'Angleterre et lui donne
moralement raison dans son différend avec le Portugal). — P. W. Joyce, The
origin and history of Irish Names of Places. Sec. Séries. Dublin, M'Glashanand
Gill. (Article analytique accompagné de citations.) — Indian Inscriptions (A.
CuNNiNGHAM : nouvelles inscriptions d'Açoka). — Literary Gossip. — Science :
the geographical Congress at Paris (deuxième article).
liiterarisches Centralblatt, n° 3^, 14 août. RiEL, Das Sonnen- und Sirius-
jahr der Ramessiden. Leipzig, Brockhaus, in- 4°, xxiv-370 p. 9 planches (article
très-favorable). — Urkundenbuch des Herzogthums Steiermark, bearbeitet von
Ji Zahn. L Bd. Graz, Leuschner und Lubensky, in-8", lvj-984 p. (Les docu-
ments publiés dans ce volume, au nombre de 732, dont 3 5 5 inédits, commencent
à Pannée 798 et s'arrêtent à 1 192, date de la réunion delà Styrie à l'archiduché
d'Autriche. La date de plusieurs pièces papales n'est pas déterminée avec la pré-
cision qu'on pouvait atteindre en consultant Jaffé). — Schwicker, Zur Geschichte
der kirchlichen Union in der croatischen Militargraenze. Wien, Gerold's S. In-S",
126 p. (recueil recommandé). — Kleinschmidt, Jakob III, Markgraf zu Baden
und Hochberg, der erste regierende Convertit in Deutschland. Frankfurt a. M.,
Winter. In-8°, 167 p. (récit bien traité d'un épisode intéressant). — Schwert-
ZELL, Helius Cobanus Hessus. Halle, Lippert. In-8°, 128 p. (utile contribution
kVhïslo'ire de V humanisme). — Bœhmer, Spanish reformers of two centuries
from 1 520. Their lifes und writings, according to the late Benj. Wiffen's plan.
I vol. Strassburg, Trùbner. In -8% xvj-216 p. (vaste recueil biographique et
bibliographique : publication projetée par B. Wiffen et interrompue par sa mort
en 1867). — Briefwechsel zwischen Varnhagen und Rahel. Leipzig, Brock-
haus. In-8° 2 vol. xij-336 et 509 p. (Les lettres reproduites ici vont de 1808 à
181 2). — Fr. Lenormant, La Magie chez les Chaldéens et les origines Acca-
diennes. Paris, Maisonneuve. In-8% x-562 p. — Le même. Études Accadiennes,
t. II, repart. In-4", 382 p. Ibid. — Le même, La langue primitive de la Chaldée
et les idiomes Touraniens. In-8", viij-455 p. (malgré quelques divergences sur
les détails, l'auteur de l'article adopte pleinement les vues fondamentales de
M. L. et considère comme un fait acquis à la science la parenté de l'Accadien et
des idiomes touraniens). — Lycurgos' Rede gegen Leocrates erk. v. Ad. Nicolai.
Berlin, Weidman. In-8", vj-78 p. (bon travail; les notes, en allemand, se réfèrent
à la grammaire grecque de Krùger). — L. Spengel, Aristoteles Poetik und Joh.
Vahlen's neueste Bearbeitung derselben. Leipzig, Teubner. In-8°, ^0 p. (écrit
polémique). — Ritter, Recherches sur le patois de Genève. Genève. In-8'',
23 p. (insuffisant). — G. Wachsmuth, Die Stadt Athen im Alterthum. 1 Bd.
Leipzig, Teubner. In-S**, 767 p. (appréciation favorable, analyse étendue. Cf.
Revue critique, 187$, n° 34, art. 170). — F. Adler, Die Stoa des Kœnigs
Attalos II zu Athen. Berlin, Ernst und Korn. In-fol., 7 pi. et 3 grav. sur bois
(belle publication). — Aug. Schultz, De Theseo. Breslau, Trewendt und Gra-
lîier. In-8°, 79 p. (monographie soignée du Theseion : quelques détails erronés
ou contestables).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés clans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Mathieu (P. -P.). L'Auvergne anté-his-
torique. In-8', 95 p. et 2 pi. Clermont-
Ferrand (Thibaud).
Charveriat (E.). L'Allemagne et sa lit-
térature jugées avant et après la guerre.
In-8% 48 p. Paris (Douniol et C').
Ghassaîng (A.). Notice historique sur
un sceau de Jeanne de Jambes, dam.e du
Luguet, veuve de Jean de Poiignac, sei-
gneur de Beaumont. In-8°, 12 p. et pi.
Le Puy (imp. Marchessou).
Déy (A. Études historique sur l'établisse-
sement des communes au Xll^ siècle dans
la province ecclésiastique de Reims. In-
8% 71 p. Reims (Giret). i fr. 50
Dourif. Le Terrier de la seigneurie de
Ravel. In-8°, 12 p. Clermont (Thibaud).
Eichthal (G. d') et Perrot (G.). Le
Site de Troie selon M. Lechevalier ou
selon M. Schliemann. Excursion à Troie
et aux sources du Menderé. In-S». 79 p.
Paris (Durand et Pedone-Lauriel).
Frossard (C.-L.). De la vie future dans
l'Ancien Testament, ou de la croyance
chez les Hébreux à l'immortalité de l'âme.
In-8% 26 p. Paris (Grassart).
Hautcœur (E.). Histoire de l'abbaye de
Flines. In-8**, xj-523 p. et 20 pi. Paris
(Dumoulin).
Leibniz, œuvres, publiées pour la pre-
mière fois d'après les manuscrits origi-
naux, avec notes et introductions par A.
Foucher de Careil. T. 7. Leibniz et les
Académies. Leibniz et Pierre le Grand,
Iri-S*, xxxvj-656 p. Paris (F. Didot
frères, fils et C*).
Le Proux (F.). Lettres du cardinal
Mazarin à la ville de Saint-C^uentin ;
publiées avec d'autres lettres et docu-
ments tirés des archives municipales.
In-8°, 3 1 p. Saint-Quentin (Lib. du
Vermandois).
Littré (E.). Littérature et histoire. In-8*,
viij-464 p. Paris (Didier et C»). 7 f. 50
Marre (A.). Sumatra. Histoire des rois
de Pasey, traduite du malay et annotée.
In-80, 127 p. Paris (MaisonneuveetC*).
Pinson (P.). Essai de bibliographie étam-
poise, avec notes historiques, biogra-
phiques et littéraires. In-8°, 59 p. Paris
Willem).
Prévost. Histoire de Manon Lescaut et
du chevalier Des Grieux. Précédée d'une
préface par A. Dumas fils. In-8', xlix-
375 p. 2 portr. et 10 grav. Paris
(Glady frères). 30 fr.
Puymaigre (De). Chants populaires re-
cueillis dans la vallée d'Ossau. In-8*,
16 p. Nogent-le-Rotrou (imp. Gouver-
neur).
Racine (J.)- Théâtre. Orné de vignettes
gravées à l'eau forte sur les dessins de
E. Hillemacher, par F. Hillemacher.
T. 4. In-8*, 305 p. Paris (Lib. des
Bibliophiles). 20 f r
Recueil des Historiens des Gaules et de
la France. Nouv. édit. publiée sous la
direction de M. L. Delisle, membre de
l'Institut. T. 9 et 10. In-fol. ccc-1654 p.
Paris (Palmé). Chaque vol. 50 tr.
Réveil (H.). Fouilles archéologiques.
N* 4. Vase antique, prix donné à des
bestiaires, Phalères en bronze. Objets
trouvés dans l'amphithéâtre romain de
Nîmes. In-8', 11 p. et pi. Paris (V*
Morel).
Rocquain (F.). Études sur l'ancienne
France, histoire, mœurs, institutions,
d'après les documents conservés dans les
dépôts d'archives. In-i2,xj-343 p. Paris
(Didier et C^). 3 fr. 50
Sayous (E.). Les origines et l'époque
païenne de l'histoire des Hongrois. In-8»,
133 p. Paris (Leroux).
Tamizey de Larroque (P.). Lettres
inédites du cardinal d'Armagnac, publiées
avec une introduction et des notes. In-8°,
138 p. Paris (Claudin).
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N" 37 Neuvième année. 11 Septembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE F'UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
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suivant le pays.
PARIS
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
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BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES.
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|--, ^TT- T7 "T) /^ T /^ T7 o critiques de la conférence de philologie
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Er^ 17 D r^ T î /^ 17 Chrestomathie égyptienne. Abrégé
• U EL IXVJ U Vjr ti grammatical. 3'' fascicule. 20 fr.
Le 4e fascicule est sous presse.
PÉRIODIQUES.
The Academy, n" 172, new séries, 21 août. Bristol (J. Taylor : très-inté-
ressant article historique et descriptif sur les antiquités de Bristol). — Ch. de
Mazade, La Guerre de France 1870-71. Paris, Pion, 2 vol. in-8° (R. Horne :
la meilleure histoire générale de la guerre publiée jusqu'ici). — Isabel Burton :
The Inner Life of Syria, Palestine and the Holy Land. London, King (E. H.
Palmer : livre instructif, amusant et sincère). — Colonel Malleson , An histo-
rical Sketch of the Native States of India in subsidiary Alliance with the british
Government; with a notice of the mediated and minor States. London, Long-
mans (F. J. Goldsmid : compilation insuffisante, mais qui renferme des matériaux
utiles). — L. Léger, Études slaves : Voyages et Littérature. Paris, Ern. Leroux
(Ralston : article favorable). — Notes and News. — Notes of Travel (détails sur
le voyage du D"" Nachtigall dans le pays des Tibbos sur les confins du Fezzan).
— Congrès international des sciences géographiques (4^ et dernier article). —
Boston Letter. — Correspondence : Wentworth Webster, M. Broca on Basque;
Douglas W. Freshfield, A forgotten Campaign of Charles the Great (indique
deux inscriptions mentionnant une campagne de Charlemagne dans le val Ren-
dena, et donne les noms Episcopus Turpinus, etc., qu'on y lit et qui suffisent à
prouver la fausseté des monuments). — A. F. Mehren. Manuel de la Cosmo-
graphie du moyen-âge, traduit de l'arabe de Shems ed-Din Abou Abdallah
Moh'ammed de Damas et accompagné d'éclaircissements. Copenhague. 1874
(Ad. Neubauer: excellente publication). — Royal Commission on scientific
instruction and the advancement of science, 6th 7th 8th reports, it Notice (J. S.
CoTTON : La partie la plus importante du 7^ rapport est consacrée aux Univer-
sités écossaises d'Edimbourg, Glasgow, St. Andrews et Abeerdeen qui comptent
plus de 4000 étudiants). — Science Notes. Philology. — J. van Vloten, Neder-
lands Schilderkunst van de i4notde iS^eeuw. Amsterdam, Van Kampen (Mary
H EATON : ce livre renferme beaucoup de détails nouveaux et peu connus, mais
il est déparé par de graves lacunes).
The AthenaBum, n° 2495, 21 août. The British Association at Bristol, 1875
(esquisse l'histoire de Bristol, à propos de la 45* session de l'association britan-
nique pour l'avancement des sciences, qui s'y est tenue cette semaine). — En-
cyclop£dia Britannica. 9th éd. Vol. 11. Edinburgh. Black (analyses des articles
Anthropology par le D"" E. B.Tylor, Army parle colonel Colley, Astronomy, dont
l'auteur n'est pas nommé. Appréciation généralement favorable). — C. Blackie,
Etymological geography. Daldy, Isbister and Co. (explication des terminaisons
et des préfixes qui entrent dans les noms géographiques de l'Europe et de l'Asie :
on loue la partie germanique et celtique; la partie orientale est m.oins satisfai-
sante). — Shakespeare's Library : a collection of the Plays employed by
Shakespeare in the Composition of his Works. 6 vol. Reeves and Turner (article
sévère). — Cursor Mundi edited by D"" Rich. Morris. Early English Text
Society. Trûbner and Co. (Deuxième article, aussi favorable que le premier). —
Herm. Rœnsch, Itala und Vulgata. Marburg, Elwert (ouvrage parvenu à sa
deuxième édition, utile pour la connaissance du latin vulgaire aux iii^ et iv^ s.).
— R. C. Childers, a dictionary of the Pâli Language. In two parts. Trùbner
and Co. (ce premier dictionnaire du langage pâli ne renferme pas moins de
14000 mots et de 45000 références. C'est le résultat d'un travail immense qui
fait autant d'honneur à la persévérance qu'à la science de son auteur). — Lite-
rary Gossip. — Brash, The ecclesiastical Architecture of Ireland, to the Close
of the Twelfth Century. Illustrated. Dublin, Kelly (ouvrage recommandé. Néan-
moins l'auteur de l'article n'admet pas avec M. B. l'originalité de l'art décoratif
dont l'Irlande offre les spécimens, il leur assigne une origine byzantine). — The
british archaeological Association at Evesham (i*'' article).
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 37 — 11 Septembre — 1875
Sommaire : i8^. Schmidt, De la Vie d'Homère attribuée à Hérodote. — i86.
Ruelle, Études sur l'ancienne musique grecque. — 187. Girgensohn, Prudence
et les Annales Bertiniennes. — Variétés^: La Stèle de Mésa. — Sociétés savantes :
Académie des inscriptions.
185. — De Herodotea qusB fertur vita Homeri disputavit loannes Schmidt.
Commentatio ex dissertationibus Halensibus seorsim édita. Halle. 1875. In-8% 123 p.
— Prix : 4 fr.
L'auteur de cette monographie prouve que le pastiche en dialecte ionien sur la
Vie d'Homère n'est pas de la main d'Hérodote. Tout le monde est d'accord
sur ce point, et il n'était pas nécessaire de s'y étendre aussi longuement qu'il le
fait. Il cherche à établir que ce petit écrit a été composé au deuxième siècle
après J.-C. par un grammairien opposé aux vues d'Aristarque et fortement
attaché à l'opinion qu'Homère était Êolien de naissance. Cela nous semble, en
effet, assez probable.
D'où viennent les détails fournis par cette vie d'Homère et parles autres vies
du poète, réunis dans les Bic^pàçoi de Westermann ? La critique s'est souvent
posé cette question. M. Schmidt essaye à son tour de la résoudre en suivant pas
à pas son auteur, dont il donne en quelque sorte un commentaire perpétuel au
point de vue historique, sans se refuser la polémique et les digressions de toute
espèce. Heureusement, on trouve en tête du livre une table des matières assez
détaillée. Cependant, le lecteur a beau être muni de ce fil, il lui faut un grand
courage pour s'engager dans ce dédale de questions enchevêtrées les unes dans les
autres. Nous aurions mieux aimé une autre méthode d'exposition. On pouvait
commencer par dégager de ce fatras ce qui semble provenir de traditions
anciennes ; marquer ensuite comment ces traditions ont été amplifiées ou altérées
par la vanité des villes et les vues personnelles de certains écrivains; réunir
dans un chapitre les inventions oiseuses qui veulent expliquer la science histo-
rique et géographique d'Homère par des voyages que le jeune poète aurait
entrepris afin d'amasser les matériaux de ses poèmes, ou qui font de lui le
contemporain, l'ami ou l'ennemi, de Phémios, de Mentes, de Tychios, de Péné-
lope, de Thersite et d'autres personnages qui figurent dans ses vers ; traiter à
part des poésies populaires ou des vers détachés qui furent d'assez bonne heure
attribués à Homère et rapprochés de certaines circonstances de sa vie. Quant
à cette dernière catégorie, M. Schm. soutient avec raison que les vers n'ont pas
été composés pour donner plus d'intérêt aux détails de la vie du poète; mais, au
contraire, que ces détails ont été imaginés pour expliquer l'origine obscure de
vers qui couraient sans nom d'auteur. En effet, il en est de ces vers comme de
tant de vieux noms et d'anciens monuments qui ont donné lieu à des légendes
XVI I 1
l62 REVUE CRITIQUE
OU à des anecdotes, et qui sont cités comme preuves à l'appui de récits qu'ils
ont fait naître. Ces vues ne sont pas nouvelles; mais M. Schm. les a parfaitement
appliquées et s'en est heureusement servi pour réfuter de doctes chimères. Le
vieux poète est dans l'île d'Ios, assis sur la plage, quand de jeunes pêcheurs y
abordent. Il leur demande :
"AvBpeç aTu' 'Apy-aBiYjç 0Y)p'riTop£ç, fi p £/opL£v Tt ;
On s'est donné beaucoup de peine pour expliquer, au moyen de je ne sais
quelles anciennes migrations, comment des pêcheurs d'Ios peuvent être appelés
chasseurs (ou pêcheurs : car il y a une variante àXi-riTopeç) arcadiens. M. Schm.
répond simplement que ce vers, qui faisait partie d'une énigme populaire, vient
primitivement de l'Arcadie, qu'il a été attribué, comme beaucoup d'autres, au
grand Homère et enchâssé, tant bien que mal, dans la légende de ce poète.
Puisque nous en sommes à ces petites pièces, vulgairement appelées épigrammes
homériques, relevons la rédaction défectueuse de celle qui porte le n^ V.
{Vie.$i6):
ôecTTopiBY], 6vY)X0Ïaiv àv(i)iaT(i)v -juoXewv ■luap,
ouBkv àçpaaTCTspov icéXsTat v6ou àv6pw7:oiffiv.
On s'attendrait à voou àvépoç àvBpi.
Signalons, en finissant, une application ingénieuse, qu'on trouvera à la page
95, d'un passage de Platon (Rép. X^ p. 600) relatif à Homère et à Créophilos.
M. Schmidt ne manque ni de méthode critique, ni de jugement. Qu'il les
applique à des sujets moins ingrats, susceptibles de conclusions plus rigoureuses,
et qu'il' expose le résultat de ses recherches de manière à ne pas rebuter les
lecteurs. Henri Weil.
186. — Études sur l'ancienne musique- grecque. Rapports à M. le Ministre de
l'Instruction publique sur une mission littéraire en Espagne, par Ch. -Emile Ruelle.
Paris, Imprimerie nationale. 1875. i vol. in-8' de 1 3 5 pages (Extrait des Archives des
missions scientifiques et littéraires j y série, tome 2*}, suivi de la traduction de quelques
textes grecs inédits, par le même, 31p. — Prix : 5 fr.
Chargé de mission par M. le Ministre de l'Instruction publique, M. R. a fait,
pendant l'automne de 187 1, un séjour de quatre semaines en Espagne. Il a,
dans ce court espace de temps, visité plusieurs bibliothèques de Madrid, celle de
l'Escurial et celle de Tolède. Chercher, premièrement, s'il ne restait rien
d'inédit, dans les manuscrits péninsulaires, concernant l'ancienne musique
grecque; collationner, en second lieu, ceux des manuscrits grecs, de contenu
musical, qui paraîtraient en valoir la peine : tel était le double but de la mission.
Les recherches de M. R. n'ont pas été infructueuses au point de vue musical.
Comme, d'autre part, il a eu le bon esprit de ne pas les borner à l'objet spécial
de la mission, son exploration a fourni, de plus, des résultats intéressants à d'autres
égards.
Dans un premier rapport, adressé au ministre presque aussitôt après son retour,
mais dont l'impression, sur la demande de son auteur, avait été différée jusqu'à
la publication du deuxième , M. R. a résumé les principaux résultats de ses
d'histoire et de littérature. iSj
recherches à l'Escurial, à Madrid et à Tolède. Le second rapport est venu com-
pléter ces premières et rapides indications : on y trouve la description, plus ou
moins détaillée, d'une quarantaine de manuscrits, grecs pour la plupart, ainsi
que les extraits inédits et les nombreuses collations rapportés par le laborieux
voyageur. Les textes inédits sont tous en grec. En voici la liste : i°Un fragment
anonyme sur la musique (d'après Bacchius l'Ancien); 2** un autre fragment
anonyme sur divers intervalles mélodiques; 3° trois lettres de Psellus qui ont
trait à la musique; 4** un fragment anonyme sur les accents; 5° la table du Dyna-
méron, ouvrage encore inédit du médecin Aelius Promotus. M. R. avait publié
d'avance une traduction française de ces morceaiuxdsins l'Annuaire de P Association
pour l'encouragement des études grecques en France, année 1874. Il vient de réunir
dans un même volume les deux tirages à part de cette traduction et de ses rapports.
D'autre part, il a collationné, en tout ou en partie, sur différents manuscrits,
quelques-uns des auteurs qui font partie du Corps des musicographes grecs. Un
certain nombre de variantes qu'il a relevées contribueront, à ce qu'il assure, à
améliorer leur texte. Enfin M. R. a joint à son livre plusieurs tableaux de nota-
tion musicale ancienne et de transcriptions dans le système moderne, qui sont,
si nous ne nous en exagérons pas l'importance , la partie capitale des Études sur
l'ancienne musique grecque.
Mais, nous l'avons dit, l'intérêt de ces Rapports ne réside pas uniquement dans
la partie musicale. Ils renferment une grande abondance de renseignements de
toute sorte, où viendront puiser ceux qui s'occupent de bibliographie et d'histoire
littéraire. On y trouve, en effet, d'utiles suppléments à l'excellent Catalogue des
manuscrits grecs de l'Escurial, dressé par M. Miller; par exemple, des notices ou
plus complètes ou plus détaillées des manuscrits dont les marques suivent :
T-I-14; O-II-22; <ï)-III-i5; r-1-3; W-IV-6; Q-IV-4 (voir, chez M. R.,
aux pages 61, 70, 59, 38, 58 et 19). Puis, des additions et rectifications,
toujours bien venues , au travail inachevé d'Iriarte (Regiae bibliothecae matri-
tensis codicum graecorum manuscriptorum vol. I (seul paru), 1769, in-fol.).
Puis, — et ceci a beaucoup de prix — la description de manuscrits tolédans,
sur lesquels, avant M. R., on n'avait aucune espèce de données. Plus loin, nous
assistons, dans la bibliothèque, si riche en manuscrits latins, des ducs d'Osuna
(il faut écrire, à l'espagnole, Osuna, et non Ossuna), à la découverte de mss.
en langue romane et d'un César, du xii'^ ou xiii^ siècle, portant la souscription
« Julius Constantinus emendavit », auquel, M. R., à tort ou à raison, attribue
de l'importance. Enfin, les philologues accueilleront avec une reconnaissance
particulière la publication de la liste complète des manuscrits grecs, au nombre
de quarante-trois, conservés à l'Archivo historico de Tolède. Cette liste est loin
de contenir tous les renseignements désirables ou ceux, au moins, qu'on serait
en droit de demander à un catalogue. Ce n'est, en fait, qu'une très-sèche nomen-
clature des principaux traités renfermés dans chaque manuscrit : sans indication
bien exacte du contenu, sans indication même approximative de l'âge des mss.
Aussi M. R. a-t-il soin de nous avertir que nous n'avons pas affaire ici à un travail
original de sa part : il n'a fait que donner la traduction pure et simple « de l'extrait
164 REVUE CRITIQUE
» du catalogue général, écrit en espagnol, qui lui a été communiqué par le biblio-
» thécaire en chef de V Archiva. » Telle qu'elle est, cette liste ne nous en révèle
pas moins l'existence de trente-trois manuscrits, dont n'avaient fait mention ni
Haenel, ni Heine, ni Valentinelli, ni personne, que nous sachions, de ceux qui
ont écrit sur les bibliothèques d'Espagne.
Voici maintenant quelques observations mêlées se rapportant au livre de
M. R.
Rapports, etc., p. 13. La traduction grecque des Provisions de voyage, dont
l'original (en arabe) est attribué au médecin Abou-Djaïar, et que M. R. a
retrouvée à Madrid, existe aussi dans les manuscrits de l'Escurial T-III-5 et
Q-I-8, ainsi que dans le manuscrit de Paris 2441 ; elle porte dans ces manuscrits,
au dire de M. Miller, le nom d'Isaac le Médecin (Miller, Escurial, p. 217-8 et
459)-
Ibid., p. 55. Le manuscrit de l'Escurial <T>-III-i, du xvi" siècle, présente, au
rapport de M. R., une particularité paléographique qui est fort singulière. « Le
» groupe de lettres e\ y est remplacé par le groupe p-.. Exemples : epi^o) pour
)) 6éAYa), cpttpCcjt pour cù.<^ici, etc. » Cette confusion s'explique. Qu'on ouvre
la Commentatio palaeographica de Bast à la planche IIP : on trouvera, vers la fin
de la ligne 9, un exemple qui se lit èv -zfi ^^yri. Si nous y supprimons par la
pensée le second trait du v, ne conservant de cette lettre que l'autre trait qui est
quasi vertical, ce qui restera du groupe £v pourra se lire, soit £A, soit ci. Il est
probable que eX présentait cette forme équivoque dans l'original ou chez quel-
que ancêtre de <T>-III-i. On n'avait pas signalé, croyons-nous, avant M. Ruelle,
la confusion, très-intéressante, de e\ et de pi.
Ibid., p. 62-63. Il est possible de répondre avec certitude aux questions posées
par M. R. à propos du commentateur anonyme de la TeipâgijSXoç de Claude
Ptolémée. Nous connaissons l'existence de ce commentateur, non-seulement dans
le manuscrit de l'Escurial T-I-14, mais aussi dans le 314 de la bibliothèque
S.-Marc, à Venise, et dans le CoisUn 171, à la bibliothèque nationale de Paris;
il a été publié à Bâle en 1559 chez H. Pétri, avec la traduction latine de Jérôme
Wolf, dans un volume in-folio qui renferme aussi l'EicavwYYî ou Introduction de
Porphyre au même traité de Ptolémée. Ces deux commentaires sont distincts, à
leur tour, de la paraphrase, due à Proclus, qui est contenue dans le Marcianus
303 et qui a été pubHée à Bâle en i $54, apad Johannem Oporinum, en un très-
petit in-folio,* avec une préface de Phihppe Mélanchthon.
Ibid., p. 63. Le tableau qui est en tête du « fragment peut-être inédit » se
voit, mais sans être suivi du fragment, dans le manuscrit grec de Bâle A-N-II-
14 (fol.).
Ibid., p. 64, 1. 8. L^édition de Paul d'Alexandrie ne porte pas pour titre
(i Introductio, etc. » Voici le titre exact: Paulus Alexandrinus. Vhyy^Lù-fy elq ty;v
dcTcoTsXea^j.aTixrjV sive Rudimenta in doctrinam de praedictis nataliciis. Ex Ranzovii
bibliotheca primani graece et latine édita. Witeberg (Lehmann], 1 588, in-4°.
Ibid., p. 68. Le « fragment de Jules l'Africain sur les poids et mesures (au
» point de vue médical) » doit être l'original grec du fragment publié par
d'histoire et de littérature. 165
M. Hultsch dans la traduction latine de Calvus (voir Metrologici scriptores, t. II,
p. 142. Cp. même tome, pp. 14 et 39). Il existe, à notre connaissance, au moins
trois autres manuscrits du même texte grec, dont Pun, du x'' siècle, a été
retrouvé en Orient par M. l'abbé Duchesne, qui publiera prochainement cet
anecdoton, en compagnie d'autres trouvailles.
Ibid.j p. 70. Ce n'est pas seulement dans les quatre manuscrits mentionnés
par M. R. que le IV^ livre de Philon (l'Ingénieur) est acéphale et commence
aux mots îxav klq IXaaaov. La même particularité se retrouve dans un grand
nombre d'autres manuscrits; nous citerons les Parisini 244 du supplément grec,
2437 et 2441 de l'ancien fonds, Vaticanus 2\ç)^ Urbinas -jc^, Monacensis 195,
Basilensis A-N-II-i4(fol.), Taurinensis 60, Baroccianus 187, Neapolitani III-
C-18 et III-C-21, Guelferbytensis 35, Lugdunensis Vossianus 3 (fol.), Vindobo-
nensis 24 (4" classe) et probablement Vindobonensis 55 (même classe).
Ibid.j p. 8$, note 3. « Peut-être le Zosime auteur, dans le manuscrit de Madrid^
» se confond-il avec le copiste de celui de Venise. » La souscription Z(ùav^.oq S'.wpOou
h KwvffTavTivouréXei euxu^wç ne signifie pas que Zosime a copié le Marcianus IV,
3 qui la porte. Cette erreur, commise par M. Marquardt [Aristoxeni fragmenta ^
p. xij), aurait pu être redressée par M. R. AubpÔou veut dire : a relu et corrigé.
L'hypothèse que le nom du copiste (lisez diorthôte) Zosime a pu être pris pour
un nom d'auteur est d'ailleurs ingénieuse. « Une confrontation des deux écritures
)) trancherait sans doute cette question «, ajoute M. R. Il est permis d'en douter.
Ibid.^p. 100. C'est M. P. A. de Lagarde, et non de Lagara, qui a retraduit en
grec, d'après la version syriaque, le izepl èp^aaiaç, ouvrage d'Aristote dont le
texte original est perdu.
Ibid., p. 10 1. M. R., qui le sait évidemment aussi bien que personne, aurait
dû ajouter que Theodulus magister est le même grammairien que l'on connaît plus
communément sous le nom de Thomas magister.
Ibid., p. 105, note i. Swjxaxa signifiant corps, dans le sens que les physi-
ciens attachent à ce mot, n'est pas une «expression à remarquer». Le Thésaurus
en cite de nombreux exemples, appartenant à la période classique (v. t. VII, col.
17 10, éd. Didot).
Ibid., p. 105, note 2. La traduction des Pneumatiques de Héron imprimée à
Urbin en 1 57$ n'est pas une traduction italienne; c'est l'édition princeps de la
version latine faite par Comraandini. Celle qui parut à Paris en 1583 n'est pas
davantage en italien; c'est la répétition de l'édition latine de 1 57*5. Enfin, il a
été publié à Londres, en 18$ i, une traduction en anglais du même ouvrage de
Héron, due à M. Woodcroft.
Quelques inexactitudes de détail, comme celles que nous avons pu relever, ne
détruisent pas le mérite du livre de M. R. Ses Rapports prouvent qu'il reste,
encore aujourd'hui, beaucoup à faire en ce qui concerne la connaissance des
manuscrits grecs d'Espagne. Tolède en possédait d'absolument ignorés. On ne
sait point s'il n'y a pas de découvertes semblables à faire dans d'autres biblio-
thèques. Celles du Midi n'ont pas de catalogues, ou ils ne sont pas publiés. On
en est réduit, pour tout renseignement sur leurs manuscrits grecs, aux relevés
l66 REVUE CRITIQUE
fautifs et si incomplets de Haenel. Plusieurs d'entre elles sont presque inconnues.
Si M. R. eût pu demeurer plus longtemps dans la Péninsule, sa mission eût, sans
aucun doute, dissipé bien des obscurités. Au demeurant, eu égard à sa durée,
on ne peut nier qu'elle n'ait produit des résultats satisfaisants. En mettant à part
la partie musicale, qui présente un intérêt spécial, on vient de voir que les
Rapports de M. R. contiennent beaucoup de renseignements entièrement nouveaux.
C'est un livre que les philologues consulteront.
Charles Graux.
187. — D' J. GiRGENsoHN, Prudentius und die Bertinianîschen Annalen.
Kiga, Kymniel, 1875. In-8*, 38 p.
Cette brochure est ce qu'on appelle en Allemagne un travail de séminaire,
c'est-à-dire une dissertation composée pour les réunions dans lesquelles les
professeurs d'Université font travailler sous leurs yeux les meilleurs de leurs
élèves et les exercent à la pratique de la science. Ces travaux, qui parfois sont
d'excellents exercices et témoignent d'heureuses dispositions , sont le plus sou-
vent trop peu importants par leurs résuhats pour mériter l'impression, et ce
n'est pas sans dépit que nous nous voyons inondés de petits mémoires qu'on est
obligé de lire par conscience et qui n'apprennent rien de nouveau. M. Girgen-
sohn a cru utile de soumettre à un nouvel examen les Annales Bertiniennes de
l'année 835 à l'année 861, pour savoir: 1° si ces annales ont un caractère
officiel ; 2° si elles sont l'œuvre de Prudence de Troyes. Comme on pouvait s'y
attendre, il a répondu par Paffirmation à ces deux questions. Il y a un siècle que
Pabbé Lebeuf avait mis la chose hors de doute et quiconque avait un peu
examiné les Annales Bertiniennes trouvait irréprochables les pages que Watien-
bach leur a consacrées. — M. G. nous paraît donc avoir eu tort de publier un
travail qui n'est qu'un bon exercice d'écolier. Son excuse est le jubilé séculaire
du Gymnase de Mitau à l'occasion duquel il a publié cette brochure comme
Fest-Schrift.
VARIÉTÉS.
La Stèle de Mésa.
Observations et lectures nouvelles.
Des circonstances indépendantes de ma volonté m'ont forcé, à mon grand
regret, de retarder jusqu'à ce jour la restauration de la Stèle de Mésa qui fait
maintenant partie de nos collections du Louvre et que sont venus compléter les
fragments si libéralement offerts par le Palestine Exploration Fund. J'ai pu
reprendre il y a quelques mois ce travail interrompu par ma dernière mission en
Palestine, et il est à la veille d'être terminé.
Les manipulations délicates et minutieuses nécessitées par cette reconstruction
m'ont permis d'ajouter , à mes premiers déchiffrements, de nouvelles lectures
dérivées d'un examen répété des fragments originaux et de l'estampage.
d'histoire et de littérature. 167
En attendant la publication du texte dont j'achève la préparation et qui four-
nira à la science une reproduction fidèle du monument, je crois opportun, pour
satisfaire certaines impatiences, de faire connaître brièvement les nouvelles leçons
dont il s'est enrichi; quelques-unes sont d'une haute importance et je me réserve
d'y insister dans le Commentaire qui accompagnera l'édition définitive.
Mais peut-être ne sera-t-il pas hors de propos de donner préalablement quel-
ques détails sur la méthode suivie pour la restauration du monument et sur les
résultats obtenus.
La stèle a, comme je l'ai déjà dit, la forme habituelle de ce genre de monu-
ments, dont le type est un bloc allongé, carré par en bas et s'arrondissant par
en haut suivant une courbe surbaissée. On ne saurait mieux la comparer qu'à nos
bornes-fontaines. Seulement la juxtaposition des fragments a établi nettement
que les côtés de notre stèle, au lieu d'être verticaux, étaient sensiblement obliques
et s'écartaient en dehors en donnant à l'ensemble un aspect légèrement trapé-
zoïde. Cette particularité est peu favorable à l'hypothèse qui veut faire du monu-
ment un bloc symétriquement arrondi à ses deux extrémités, puisqu'au contraire
il était plus large à la base qu'au sommet. De plus, la face postérieure dont nous
possédons une section était polie : il est donc assez invraisemblable que le
monument, comme le veulent les partisans de cette hypothèse, fût destiné à être
encastré dans une paroi; il devait être plutôt placé isolé, debout sur sa base
stable. Un croquis arabe que je possède le représente avec deux crossettes; je
démontrerai, en le reproduisant, que ce détail est de pure fantaisie.
La surface écrite est très-inégalement dressée; il y a des régions bombées,
d'autres concaves. Ces inégalités tiennent, je pense, à ce que le bloc, trop dur
pour être taillé au ciseau , a été façonné à l'aide de molettes de pierre dont le
frottement a agi inégalement. Les deux faces antérieure et postérieure sont
reliées, non par un plan perpendiculaire avec elles, mais par une surface forte-
ment convexe au moins dans la partie supérieure la seule qui ait été préservée;
peut-être cette convexité s'atténuait-elle sur les prolongements latéraux de cette
surface.
Le tracé des lignes est fait avec négligence ou maladresse ; il est supposable
que le lapicide avait réglé la pierre pour aligner ses caractères ; mais il m'a été
impossible de déterminer si cette ligne passait par le centre moyen des lettres —
ce qui est le plus naturel, — par leur base ou par leur sommet. Il ne faut pas
oublier d'ailleurs que nous avons affaire à une écriture non lapidaire, presque
cursive, fille du kalatn et non du ciseau. Les lettres qui sont de grandeur variable,
tantôt montent, tantôt descendent, sont plus ou moins serrées ; certaines lignes
sont courbes et non droites, d'autres obliques entre elles ; aucune équidistance
rigoureuse ne saurait être calculée : il n'y a peut-être pas deux interlignes sem-
blables. J'ai supposé un moment que le graveur, au lieu de régler ligne par ligne
la surface de la stèle, s'était contenté de la diviser en un certain nombre de
parties égales, contenant chacune plusieurs lignes dont le parallélisme était tout
approximatif.
Ces irrégularités d'exécution ont rendu la restauration singulièrement difficile
l68 REVUE CRITIQUE
et nécessité de longs et nombreux tâtonnements ; l'estampage permettait, il est
vrai, de combler la majeure partie des lacunes, mais la superficie du papier qui
s'était contracté par places, dilaté ailleurs, et qui de plus avait été lacéré, n'était
pas mathématiquement adéquate à la superficie de l'original.
On a dû commencer par réunir tous les fragments , petits et grands , qui se
touchaient, en procédant de bas en haut, et en tenant compte non-seulement du
contact des lettres, mais du contact des morceaux eux-mêmes dont quelques-uns
étaient fort épais. Puis, après avoir encastré ce premier groupe dans une pierre
de taille, et l'avoir noyé dans du plâtre venant affleurer à la surface écrite, l'es-
tampage a été pour ainsi dire superposé à cette page moitié plâtre, moitié basalte,
et alors les morceaux isolés ont été insérés à leur place. Après quoi les lacunes
ont été remplies par la transcription de l'estampage, dont les lettres ont été
reproduites avec soin, sans cependant viser au fac-similé et au trompe-l'œil '.
Enfin, cette masse hétérogène formée de basalte, de pierre calcaire et de plâtre
a été retaillée suivant les indications fournies par les parties originales mêmes
qui y étaient contenues : la surface écrite une fois obtenue, la courbure du haut
et le côté de droite ont été prolongés et ont, combinés avec l'alignement de
l'encadrement, engendré la forme générale du monument; le repère de la face
postérieure a limité l'épaisseur totale.
Le monument avait déjà perdu son angle droit avant le dernier accident qui
avait failli le détruire à tout jamais 2; un morceau de cet antique fragment,
fournissant le commencement de trois lignes, a été recueilli; c'est le seul dont
la position quoique bien probable ne soit pas absolument sûre, l'estampage étant
forcément muet sur ce point. Tous les autres fragments écrits ont été mis en
place avec certitude, bien que quelques-uns (d'une lettre, d'une m.oitié de lettre
même) fussent fort petits. J'ai échoué pour deux seulement : l'un contient un
-û précédé peut-être d'un point, ce qui indiquerait 12 initial ; l'autre une ou deux
hastes de lettres indéterminées. Il y a de plus un certain nombre de morceaux
anépigraphes appartenant au noyau même de la stèle.
J'ajouterai que, avant même sa mise en pièces par les Bédouins, le monument
avait souffert des injures du temps, mais inégalement; toute la partie de gauche
par exemple, c'est-à-dire la fin des lignes, était fruste, comme le prouve l'estam-
page. Le gros bloc supérieur a de plus été martelé, de sorte que les caractères
y sont moins visibles que sur le gros bloc inférieur.
Ce basalte est extrêmement dur, mais fragile en proportion ; un léger choc
à faux l'étonné ou l'exfolie. Il dégage quand on le frotte vivement une odeur
sulfureuse très-prononcée.
Pour ce qui concerne la révision du texte, je prends comme point de départ
celui qui est donné dans mes lettres à M. de Vogué, imprimées en 1870. J'in-
1 . Les bords des fragments encastrés ont été soigneusement déchaussés, pour que le
plâtre ne vînt pas masquer les points précis où les lettres originales étaient cassées.
2. C'est probablement la disparition de cet angle qui avait fait croire que le monument
était arrondi en haut et en bas.
d'histoire et de littérature. 169
dique par (E) les observations faites sur l'estampage, et par (B) celles faites sur
les fragments du basalte.
Ligne i . — Le point séparatif du nom du père de Mésa ^auj^s semble être
sous le "1 (E). Des deux dernières lettres qui commencent le mot 'lan-'-in, on
distingue le n (E) ; l'angle gauche inférieur du ^i est conservé (B).
L. 2. — On croirait voir un point à la fin de la ligne après sba (B); mais ce
n'est pas sûr, la pierre présentant plusieurs petits trous dans cette région ; d'ail-
leurs ce point est philologiquement invraisemblable. Dans plusieurs autres mots,
il y a des apparences de points, plus petits que les points ordinaires, mais qui
peuvent fort bien être le résultat d'accidents de la pierre; je les noterai néanmoins
à mesure que je les rencontrerai. Les vrais points sont des trous francs, larges,
faits à ce qu'il semble avec une mèche mue circulairement, et sont constamment
placés au bas des mots.
L. 3. — Il y a comme un petit point entre n et nai (B). Après ntr^p il y a
seulement une barre disjonctive et pas de point, ce qui ferait double emploi (E).
La lettre à queue qui suit le s à la fin de la ligne représente 3 ou « (E) ; il y
aurait encore place pour deux caractères , conformément aux restitutions pro-
posées : 2)tt3-[i.n73]n ou : ri5-[?3.nn]n.
L. 4. — isbu : le 1 est en partie visible, la dernière lettre paraît être plutôt
•j que d (B). A la fin, après le ) ou le ^, dont on distingue la queue (E), il y a
place pour une lettre, ce qui tend à autoriser la restitution i.[^^]3>.
L. 5. — Le point après nx n'est pas nettement marqué; le •; de pi pourrait
être à la rigueur un d. Entre le point de .^n et le groupe tiDx, il y a un espace
suffisant pour loger une lettre qui semble bien être un n (E). Le « final s'entre-
voit; il y a place ensuite pour une lettre : =;ha_[i]ï< (E).
L. 6. — Le groupe nsn est difficile à distinguer; apparence de petit point
entre x et iss? (B). La lettre qui suit ^^ïî à la fin est peut-être un 5, bien que
l'on n'en voie pas les branches supérieures (E); il y a place ensuite pour une
lettre, p. e. pour deux, ce qui, dans ce dernier cas, conduirait à restituer iî2d ou
même nta plutôt que dd (E).
L. 7. — Le 'i et la queue horizontale du •» dans le nom de Omri sont conservés
(B). Après nx à la fin, il y a juste la place pour loger les deux premières lettres
restituées de y-["iî<].
L. 8. — Le y et le point qui suit , au début de la ligne, sont en partie
visibles : c'est le commencement certain de la ligne; le point qui sépare 5<ai.n:û
en deux parties est très-douteux (B). La lacune qui s'étend entre nn et i^'^ doit
être ainsi comblée : .i^jni .^îs.''. (E et B). Le second mot semble former avec
n3S."'î:i une expression signifiant : « la part des jours de son fils », c'est-à-dire
la portion de vie que la destinée lui avait dévolue. Le point qui isole de 'la le 1
déjà séparé de ii2 (E), n'est rien moins que certain; s'il n'était pas accidentel
on ne pourrait guère l'expliquer qu'en tenant le yod pour un signe numérique.
lyo REVUE CRITIQUE
chose bien improbable à cette époque. Si, comme je le pense, il nous faut lire
'i^'i, nous aurions affaire au verbe ^^72, « durer, rester longtemps. « Le y de
i::n est obscur sur l'estampage, mais très-clair sur un petit éclat de la pierre qui
donne aussi le haste gauche du n et la queue horizontale de l'autre 1. La dernière
lettre visible de la ligne semble être un 1 (E). Il y a place ensuite pour deux
lettres ; à ce compte, si nous avions affaire à un 1 conversif, la première de ces
deux lettres devrait être un ^ suivi de la première radicale d'un verbe défectueux
se terminant par le i qui commence la ligne suivante. La restitution de M. Nôl-
decke s'adapterait à merveille : nn_[ttJ'i]i.
L. 9. — On lit sans aucun doute i^Jab^JS . n5<, expression d'ailleurs parallèle à
'jni'np , nx ; la correction de n.s en nn proposée par M. Nôldecke est donc toute
gratuite, bien qu'à la ligne 3 cil y ait tout aussi sûrement : 'p-a b:?:^ .tns (B). Dans
ces deux cas il n'y a pas de point pour séparer Baal Meon en deux mots. Le
J:< de n^.)S3i< est entre deux petits points, de sorte que par moments on serait tenté
de lire myj.i<n , nn. Après 5<% à la fm, il y a place pour deux lettres : [p],
L. 10. — Le n de Ataroth, le 73 de db^-a et le point qui sépare ces deux mots
sont sur un fragment (B). Le têt est impossible à saisir sur l'estampage : par
instant on croirait apercevoir un grand cercle ou un caractère polygonal; il
devait avoir disparu depuis fort longtemps; le ^ est difficile à bien distinguer; le
1 de "^ba, à la fin offre des traces légères (E).
L. II. — Le mot Aîaroîh répété ici existe sur l'estampage et sur le basalte :
malheureusement le têt y est toujours à l'état fruste; là encore il présente, vu
sous un certain angle, les rudiments d'un cercle plus grand que le :y ; d'autres
fois au contraire on croirait démêler des traits rectilignes. A la fm, le mot qui
suit hj débute par un n précédé d'un point (E) , il y a place ensuite pour deux
lettres.
L. 12. — nii est sûr, ainsi que a^^^bi , ^a^^b (E); la correction ^iixîbi< de
M. Schlottmann, d'ailleurs superflue, doit donc être décidément rejetée. Après
Dttja.nujx-, il faut lire mil , bî<-i5< . n&t (E). J'ai consacré à l'interprétation de ce
passage très-important une note lue devant l'Académie des inscriptions et belles-
lettres en 1872. On distingue à la fin après le i les vestiges d'un i< (E); il y a
place encore pour une lettre, probablement d : nan. [bjxi.
L. 13. — Il y a un point isolant le suffixe n de nnn TE); ce fait qui n'est pas
constant dans notre texte est d'un vif intérêt grammatical, -p^a est certain (E).
A la fm, après le jt il y a place pour une lettre et un point : [.^]x.
L. 14. — Le 73 est sûr dans I n^n?3 (B). A la fm, le point après bx'nia'^ est
douteux. On aperçoit ensuite une haste verticale et peut-être les traces d'un
&< ou d'un 1 (E). Si cette haste est une barre disjonctive, le point après ?î<-iwi ne
doit pas exister, et la barre doit encore être suivie de 5<i, pour que la construction
soit possible avec -]bn-[&t]. Dans ce cas, il faudrait lire : -|bn-[xil]Kx'iu5i,
exactement comme à la ligne 32 nous avons, à propos d'un ordre analogue, mis
d'histoire et de littérature. 171
dans la bouche de Chamos : . ki I lï'nina . ûnnbh . «r^. Cette restitution serait,
également au point de vue de la longueur de la lacune , préférable à celle-ci :
L. I $. — Au lieu de »p*i, il faut lire 5>pa (E), qui offre un sens bien plus
approprié aux idées sémitiques pour indiquer le lever de l'aurore; cf. Isaie 58,
8 : ^naa ypn*» ti<. Avant nin^a il faut rétablir le n de l'article qui a été omis dans
la planche.
L. 16. — Le t très-bien conservé (B) est accompagné, en bas, à gauche,
d'un petit trait qui rappelle l'appendice que cette lettre présente à droite dans des
inscriptions hébraeo-phéniciennes (p. ex., sur un cachet antique de ma collection
avec le nom d^Azariahou, dans l'un des textes de Siloam, etc.). Ce trait, non
adhérent et qui ne se retrouve pas dans les autres t de la stèle, est apparemment
fortuit. Le mot "jabî^ a beaucoup souffert (B), mais l'estampage le donne claire-
ment. Tout ce qui suit jusqu'à la phrase n^iaai I a presque entièrement disparu
de l'original et est très-confus sur l'estampage à cause de l'empâtement du papier
dans cette région. En remontant à partir de n^niil, l'estampage nous montre
successivement : r une lettre à queue qui peut être ■) ou ?a ; 2° ^ ou a ; 3° un
caractère à haste verticale n, ou x, ou "i, précédé d'un point ; 4° les traces d'un
n (^); 5° a (J). Le basalte, en allant en sens inverse, à partir de ",sb5< montre un
point, ou un trou, après le b; le ■) a disparu, sauf sa queue; tout ce qui suit est
très-maltraité ; on aperçoit, correspondant à 3°, une base de haste précédée d'une .
autre trace analogue.
L. 17. — Le n par lequel débute la ligne est sur le basalte, suit son point,
ainsi que la naissance du t ; le 'i a disparu (B). Après nnn^y il y a une barre
séparative très-importante pour s'orienter dans la marche de la phrase commen-
çant par .13 (B). Le -^ de ^n«::> a sa queue inclinée presque comme un c), mais
elle est rectiligne et non pas courbe, ce qui empêche de le confondre avec cette
dernière lettre (B). a^nn doit être ainsi complété : In.na^nn, « je les ai
vouées » (E et B).
L. 18. — J'ai proposé de restituer au début '«^-[a], ou i^.[nK] ; on pourrait
à la rigueur songer à 'ib- [itiî<], si l'étendue. de la lacune finale à la ligne précé-
dente comportait trois lettres '. Le n de . nnDN est indubitable ainsi que le point;
le a est fruste (B). Entre h et ^:t}, il y a un assez grand intervalle, mais qui n*a
jamais dû recevoir de lettre. Le basalte a conservé la tige du \> avec le point et
une trace du -i, dans ^!!<i\i5'i,^b73. A la fin 33 est sûr (E); reste la place de deux
ou trois lettres, p. e. : [n.x.njîn?
L. 19. — A la fin, à partir de s^, l'estampage, ayant été arraché, fait défaut.
L. 20. — Le î^ de npî< a disparu (B); après ntnîti, il y a un point et non
une barre (E).
L. 2 1 . — Entre le n et le » de n»n, il y a un semblant de point, mais haut
I. Dans ce cas il faudrait supposer *ib-[3,nï<].
172 REVUE CRITIQUE
placé (B). La dernière lettre de û-isj'i est empâtée (E). Le n du second n^n ne
se distingue pas.
L. 2 2 . — Dans le premier mot, B2?n sont certains sur l'estampage et le basalte ;
la lettre suivante est fort maltraitée; il est possible que ce soit un h comme l'a
admis M. de Vogué, mais ce n'est pas certain; un pli accidentel du papier vient
en outre augmenter cette incertitude. La barre séparative avant -(îki n'est pas
nettement marquée. Dans ïi'i'nisJ^::, apparence de petit point entre les deux der-
nières lettres (B).
L. 23. — Apparence de point entre n et 1 dans "iwa (B). Après isa^n, immé-
diatement avant la petite cassure primitive, je crois voir un point sur le basalte,
mais je ne parviens pas à le saisir sur l'estampage ; le 1 de -p est sûr, La lacune
entre 11 et .ujxn est de trois lettres. Le ,td de .ujïtn semble avoir été suivi d'un
autre v dont il reste le trait de droite (B). Il faudrait donc traduire « les prisons
)) des hommes » Il se peut que le nom suivant soit un nom propre, p. e. un
ethnique : le 1 de finale -p indiquerait une radicale ou une diphthongue; p. e.
avons-nous affaire à une épithète dérivée d'un verbe défectif.
L. 24. — Le n initial, marqué douteux, est sûr (E et B). ibias? est suivi d'un
point (E et B); il y a place ensuite pour une lettre.
L. 2 j. — Apparence de point dans nn^a,:: (B). Même remarque pour i.n'is.
A la fin, le mot qui suit nnnp commence certainement par ï<a (E); après îo,
il y a place pour trois lettres (E). Conformément à la suggestion consignée
p. 39 de mon mémoire, je proposerai de restituer: [i-*ib&<] ('in'iD5<) « les prison-
» niers [d'Israël] » .
L. 26. — Avant bi^'n^'i qui commence la ligne, il nous faut une lettre qui
devrait être suivie d'un point : le *' final du dernier mot de la ligne précédente
*''nbN ferait juste l'affaire. Le second •) de -p^ït n'offre plus que des traces.
L. 27. — Le premier mot est certainement -j35< (É et B). La lecture D-nn est
confirmée (E et B), bien que le n soit martelé sur le basalte. A la fin •^y.'^a est
évident (E et B). Il y a ensuite place pour une lettre. Il faut probablement lire
[, n] 'is? . "^D « qui était ruinée » . m:? offre un sens strictement parallèle à celui de
D'nn. Peut-être au lieu du n, avons-nous un n à cause d'un trait oblique sur
l'estampage.
L. 28. — Il reste avant le .^j qui précède p*»*! un trait oblique (B) qui semble
appartenir à un jt ou à un ^^ ; faudrait-il restituer )y^^ , titx, « les hommes de
» Dibon », ou bien considérer ce ;2J comme la dernière radicale d'un verbe à la
première personne du singulier combiné avec le ", conversif.? La lacune initiale
devait comprendre quatre lettres; la troisième de ces lettres était p. e. n ou s
à en juger par deux traces de hastes verticales. Il semble que nous avons affaire
à une phrase très-courte sans lien avec celle où figure Beser, et à laquelle se
rapporte la proposition explicative pii.ÎJD.'^s. A la fin après bîQ il y a place
plutôt pour deux lettres que pour une.
d'histoire et de littérature. 175
L. 29. — C'est ici que je propose de placer le fragment nous donnant le début
de trois lignes qui seraient 29, 30, 31; la contiguïté du gros bloc empêche de
faire remonter ce fragment plus haut, mais il pourrait à la rigueur descendre plus
bas. Le premier caractère est assez ambigu : il a Tallure d'un r ; on pourrait le
considérer comme appartenant à une terminaison ^n et le rattacher au verbe de
la ligne précédente : ["^Jn-b^ ou [ijn.'/b^a. Cependant on pourrait admettre
que cette ligne se terminant par [in]b:o et que la première lettre de la ligne 29
n'a rien de commun avec ce mot. Cette première lettre a par moments l'air d'un
K : après nouvel examen du basalte le caractère qui la suit n'était pas un ■>, ce
qui exclut la restitution ^n ; ce caractère était une lettre à haste verticale. Puis
vient une lacune de trois lettres dont la médiale a son emplacement marqué par
un petit fragment de basalte malheureusement fruste. Avec le groupe nxia com-
mence l'estampage; est-ce le mot « cent » ou la terminaison d'un autre mot?
•j-ipn .'nxTan présenterait une singulière ressemblance avec n^-^pn ni^i(2Chron.
4 : 3). Il y a p. e. quelque rapport entre -j^Tan de la phrase antérieure et ni<B,
si tous deux sont des noms de nombre. Il y a sûrement •^pstj'^ (E) et non tsdx
comme le veut M. Noldecke. A la fin p est très-visible; le r\ se dérobe, mais il
y a l'espace nécessaire pour le loger.
L. 30. — Le fragment nous fournit un "^ initial, suivi d'un point qui complé-
terait à merveille le mot précédent : i-[n]33. A partir de cette lettre s'étend une
lacune allant jusqu'à un k qui précède immédiatement irbm . rai ; j'évalue cette
lacune à environ six lettres (B) , et je propose , m'appuyant sur l'existence de
cet î< et sur l'analogie, de restituer un nom de ville : i^mnia, p. e. précédé de rï<
pour parfaire le nombre de lettres nécessaires. La répétition de Madeba déjà
mentionné à la ligne 8 n'a rien qui doive surprendre; c'est exactement le cas de
Baalmeon qui figure à la ligne 9 et à la 1. 30. La cassure primitive devait com-
mencer à cet fit. Après le dernier 53 de la ligne, il y a un n ou un n (E) qui doit
la terminer.
L. 31. — Le fragment isolé semble donner un ^ pour la première lettre de la
ligne, puis vient une lacune d'environ six ou sept lettres. Ensuite (B) trois
caractères qui paraissent être "jî^s, précédant immédiatement -pxn ; p. e. au lieu
de :£ avons-nous un n ; le •) est douteux ; -,ït:£ serait-il « les troupeaux » et
aurait-il quelque rapport avec -ppn = û-'ipn ? On attendrait plutôt un mot ayant
le sens de « limite ». La lacune après nn.ni!:'! contient d'abord un n (E), suivi
d'un vide oii deux lettres peuvent tenir; puis un t (E et B) précédé d'un point
(très-douteux); puis les vestiges d'un "i ou d'un n (J). Serait-ce un nom propre:
"n . . n ? Le n indiquerait-il un patronymique ? Ensuite des traces où je crois
reconnaître i3î<[i?].
L. 32. — Il faut lire '^b.'-iTSX'^l (E); auparavant s'étend une lacune de huit ou
neuf lettres; si nous avons bien -|3î< à la fin de la ligne précédente, il est suppo-
sable que celle qui nous occupe débutait par un verbe à la première personne du
174 REVUE CRITIQUE
parfait. A la fin ï<i doit apparemment se compléter en iij^i ou t3nnî)i<i p. e. suivi
de nn (en rejetant bien entendu l'excédant de cette restitution au commencement
de la ligne suivante); la lacune qui suit 5^1 est d'environ trois lettres.
L. 33. — .ujTSD.n est précédé d'un n (E), ce qui rapproche tout à fait ce
passage de celui de la ligne 9 : ^^^^ , ujaa »nn ; là commençait la cassure ancienne.
Il manque environ quatorze lettres. bsJi . 'i^s'^m est suivi (E et B) de traces où je
crois saisir les éléments d'un n; puis 1 suivi d'un point; puis d^a (E et B) :
« Et je montai, ou je fis monter de là. » inbs? correspond bien à ^n: «descends»
et tendrait à indiquer que Mésa revient de son expédition de Horonaïm par le
même chemin, par ce nma dont parle Jérémie (48 : 5). D'après ce que nous
avons vu précédemment à Ataroth et à Nébo , il est admissible que Mésa après
avoir pris Horonaïm en rapporte quelque trophée désigné par un mot dont il
nous reste les deux premières lettres \î::} suivies d'une haste verticale appartenant
p. e. à un n ou à un n : = 1^5? (d'^'iitts?, etc.) .?
L. 34. — Le papier de l'estampage étant trop court coupe obliquement par
son bord inférieur la trente-quatrième ligne et n'en donne que la fm. Le basalte et
l'estampage combinés fournissent avec presque certitude : xi I pi^ , niu. Je suppose
que p^^ = p"i:£ ; cette variante orthographique est tout à fait dans les habitudes
sémitiques; elle repose sur le principe de la réaction des lettres fortes sur les
douces (spécialement sur les sifflantes), qui permet par exemple d'écrire j^-^**'!
à côté de pns^ et ^iXsr'^ à côté de pn:£ ; la tonalité dominante pour ainsi dire
étant réglée par la lettre forte p, il est indifférent d^ écrire la sifflante par un •*!) ou
un y. p^i2j = p. e. p-^n^ (p^'^'-^) ^o^s offre une foule de sens : « victoire,
prospérité, justice, salut, etc » qui sont bien en situation à la fin de cette
proclamation d'un roi vainqueur, nw, s'il n'est la fm d^un mot, peut signifier
« année »; s'il s'agit d'un monument commémoratif, « colonne ». Ensuite (E)
vient une barre séparative suivie de t^i où il me paraît difficile de voir des
chiffres et qui appartiennent p. e. au traditionnel [-^3] î<% ce qui impliquerait
que le monument avait au moins une trente-cinquième ligne.
C. Clermont-Ganneau.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 3 septembre 1 87 5 .
Le ministre de l'instruction publique transmet à l'académie, pour la commis-
sion des inscriptions sémitiques, divers documents envoyés par M. Cherbonneau.
M. Léon Renier rend compte de quelques inscriptions latines dont des copies
ou des estampages ont été envoyés par M. de Sainte Marie. Une de ces inscrip-
tions paraît intéressante, elle contient le cursus honorum d'un sénateur romain :
mais la copie envoyée est insuffisante, il faudrait avoir un estampage. Trois autres
d'histoire et de littérature. 175
sont des inscriptions funéraires. Enfin, M. de Sainte Marie a aussi envoyé
l'estampage d'une inscription bilingue, latine et néopunique. Il n'en reste que
des fragments, mais les lacunes du latin peuvent être comblées à l'aide de la
partie punique, et réciproquement. M. Derenbourg, qui a étudié spécialement
cette partie, présente à ce sujet quelques observations : jointes à celles de
M. Renier, elles établissent que l'inscription est la dédicace d'un temple, consa-
cré par un certain Azrubal, en mémoire de son père Arsimelec.
M. de Longpérier fait une communication sur le vers :
Indocti discant, et ament meminisse periti.
Ce vers est souvent cité, mais on ignore généralement quel en est l'auteur, et
on le croit antique. Il est du président Hénault, qui l'a mis en épigraphe en tête
de son Nouvel abrégé chronologique de l'histoire de France, avec cette indica-
tion : Traduit des vers 741 et 742 de l'Essai sur la critique de Pope. On trouve
en effet dans Pope à l'endroit indiqué deux vers qui expriment la même idée :
Content, if hence th' unlearn'd their wants may view,
The learn'd reflect on what before they knew.
Dans l'édition du Nouvel abrégé chronologique publiée en 1768, la dernière qui
ait paru du vivant de l'auteur, le renvoi à Pope ne se trouve plus, le vers latin
seul est resté ; il a été aussi seul reproduit dans les éditions postérieures, en sorte
que l'origine en a été vite oubliée. — Cherchant ensuite ob. Pope avait pu
prendre cette pensée, M. de Longpérier la rapproche d'un passage de Boccace,
Décaméron, 3'' journée, 6^ nouvelle : « H che ad una ora a voi presterrà cautela
» nelle cose che possono avvenire, e daravvi diletto délie avvenute. » M. de
Longpérier pense que peut-être c'est ce passage qui aura inspiré à la fois Pope
et Hénault, mais que celui-ci aura ensuite trouvé mieux séant de citer Pope que
Boccace.
M. Derenbourg fait une communication sur une inscription néopunique trouvée
en février dernier dans un champ près de Cherchell par un habitant du pays,
M. Schmitter. La pierre qui la porte, un bloc cubique de marbre blanc, a été
acquise par le m.usée du Louvre. M. Derenbourg traduit ainsi cette inscription :
« Un souvenir durable pour la femme bonne, intelligente! A érigé ce monument
« Rosch, fille de Abdaschmoun, fils de Azrouba'al, à sa mère, à cause de son
» affliction : après qu'eût fait (auparavant déjà) un signe pour les vivants le mari
» d'elle, Azrouba*al, le jeune (ou : le gendre). Elle était partie, Hodba'al,
» fille de Schaklan, sa mère, pour se soumettre pendant cinquante ans, sur l'île
» de Haschbar, à la purification prescrite, et elle s'est gardée de voir les eaux
» du roseau et l'île de Dara, afin de se conserver heureuse, comme aussi elle a
)) eu la récompense de la perfection de son œuvre, elle qui s'est endormie à l'âge
» de quatre vingts ans. » On voit qu'il s'agit de deux îles voisines, dont l'une
était bénie et servait de lieu de purification et de retraite, tandis que l'autre était
maudite au point qu'il suffisait de l'apercevoir pour être profané. M. Desjardins,
qui a été consulté par M. Derenbourg sur l'identification des lieux mentionnés
dans cette inscription, pense que le nom de Haschbar doit désigner une des îles
176 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
Fortunées; Dara serait une autre île du même archipel, elle pourrait avoir pris
son nom du peuple des Darades, qui vivaient sur la côte voisine (de même que
les Canarii, peuple de la côte, ont donné leur nom à l'île de Canada , la princi-
pale des Fortunées, nom qui s'est ensuite étendu à l'archipel entier).
M. Desjardins commence la lecture d'un rapport de M. Guérin au ministre de
l'instruction publique sur sa mission en Palestine , qui a été communiqué par le
ministre à l'académie. Dans ce rapport, M. Guérin indique l'itinéraire qu'il a
suivi, les difficultés qu'il a rencontrées, les ruines qu'il a visitées. Il a parcouru
une partie de la Galilée, fait le tour du lac de Tibériade et visité les villes de la
Décapole. Il a trouvé dans l'ancienne ville de Gadara les ruines de deux théâtres,
non loin de là des sources thermales déjà mentionnées par les anciens et qui sont
encore fréquentées aujourd'hui, ailleurs encore des ruines antiques, à Caphar-
naùm les restes d'un monument qu'il regarde comme la synagogue qui existait
dans cette ville au temps de Jésus. Mais il a pu constater la détérioration crois-
sante de tout ce qui reste de monuments antiques en ces contrées : on exploite
les ruines pour en tirer des matériaux de construction; ou bien les Arabes,
voyant l'intérêt avec lequel les Européens recherchent les ruines antiques, pensent
qu'elles renferment des trésors, et vont jusqu'à briser les blocs de marbre sculptés
pour y trouver les objets précieux qu'ils y croient enfouis. — MM. Derenbourg
et L. Renier expriment le regret que M. Guérin ne donne pas plus de détails sur
les monuments antiques qu'il a vus. Il est étonnant qu'il n'ait trouvé aucune
inscription à y relever. M. Derenbourg voudrait que M. Guérin se fût mis plus
en peine de justifier ses assertions; on ne voit pas à quel signe il peut reconnaître
l'ancienne synagogue de Capharnaùm , ni pourquoi le monument qu'il appelle
ainsi ne serait pas aussi bien un oratoire musulman , ou tout autre édifice. —
M. le président fait observer que M. Guérin n'a envoyé encore qu'un rapport
sommaire destiné à indiquer les points sur lesquels se sont portées ses recherches,
et qu'il se réserve sans doute d'en exposer les résultats avec plus de détails dans
un rapport ultérieur.
Ouvrages déposés : Le Blant, Tablai égyptiennes à inscriptions grecques (mémoire
extrait de la Revue archéologique); — A. Léger, Les travaux publics, les mines et la
métallurgie aux temps des Romains, Paris, 1875, gr. 8* (ouvrage envoyé au concours
des antiquités de la France); — présentés de la part des auteurs par M. L. Renier : —
Rossi, Bullettino di archeologia cristiana, 2* fascicule; — Daremberg et Saglio,
Dictionnaire des antiquités grecques et romaines, 4* fascicule.
Julien Havet.
LIVRES DÉPOSES AU BUREAU DE LA REVUE.
Herbart's Paedagogische Schriften hrsg. v. Willmann, 2 Bde (Leipzig, Voss). —
Ley, Grundziige des Rhythmus, des Vers- und Strophenbaues in der hebraeischen Poésie
(Halle, Buchhdlg des Waisenhauses). — G. Meyer, Zur Geschichte der Indogermani-
schen Stammbildung und Declination (Leipzig, Hirzel). — Œuvres complètes de Mon-
tesquieu, par E. Laboulaye. T. I. Lettres Persanes (Paris, Garnier frères).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
l
Literarîsches Centralblatt, n" 54, 21 août. Kuenen, Les Origines du texte
masoréthique de PAncien Testament, tr. p. Carrière (cf. Rev. crit., 1875, II,
.1). — HouTSMA, De Strijd over het dogma in den Islam. Leiden, Van Does-
urgh. In-S", 14^ p. (écrit de valeur et qu'on voudrait voir traduit en une
langue plus accessible que le hollandais). — Schum, Ein thùringisch-bairischer
Briefsteller des xv. Jahrh., herausg. und erl. Halle, B. des Waisenhauses. In-8%
vj.56 p. — LiLiENCRON, Mittheilungen aus dem Gebiete der œffentlichen Meinung
in Deutschland waehrend der zweiten Haelfte des 16. Jahrh. Mùnchen, Franz in
Comm. In-4", 66 p. (travail estimable, malgré quelques omissions). — Wie-
GAND, Die Vorreden Friedrich's des Grossen zur « Histoire de mon temps ».
Strassburg, Trùbner. In-8", 86 p. (cet écrit tend à montrer que Frédéric le
Grand n'a pas été apprécié à sa juste valeur comme historien). — Hillebrand,
Zeiten, Vœlker und Menschen. 2. Bd. Waelsches und Deutsches. Berlin, Oppen-
heim. In-8°, xij-46? p. (réimpression d^articles publiés dans divers recueils). —
ScHULTE, Die Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen Rechts von
Gratian bis auf die Gegenwart. 3 Bde. i. Bd. Einleitung. Stuttgart, Enke.
In-8°, viij-264 p. (cette introduction s'étend jusqu'à l'époqye de Grégoire IX).
— EuTiNG, Sechs phœnikische Inschriften aus Idalion. Strassburg, Trùbner.
In-4", 17 p. (le déchiffrement laisse peu à désirer. — Suhle u. Schneidewin,
Uebersichtliches griechisch-deutsches Wœrterbuch. Leipzig, Hahn. In-8", x p.-
1928 col. -31 p. (on recommande chaudement ce dictionnaire aux savants). —
P. Vergili Maronis opéra ed Forbiger. Pars III. Ed. IV. Leipzig,
Hinrichs. In-8°, xxxix-843 p. — Bûcher, Geschichte der technischen Kûnste.
2. Lief. Stuttgart, Spemann. In-8°, 63 p. (peinture sur verre et mosaïque).
Jenaer Literaturzeitung, n" 2 $, 19 juin. Grill, Die Erzvaeter der Mensch-
heit. Abth. i. Leipzig, Fues's Verl. In-8°, xvj-362 p. (Schrader). — Henke's
Neuere Kirchengeschichte. Herausg. v. Gass. Bd. I. Halle a. S., Lippert'sche
B. In-8% xvj-448 p. (Nippold). — Petermann, N. Sewerzow's Erforschung
des Thian-Schan-Gebirgs Systems 1867. Erste Haelfte. Gotha, Perthes. In-4",
vj-$o p. (Kirchhoff). — Von Arneth, Geschichte Maria Theresia's. Bd. 5. 6.
Wien, Braumûller. In-8°, xij-541 ; xij-5i4p. (Arnold Sch^efer). — Kelch,
Lieflaendische Historia. Von Lossius. Lief. 1. Dorpat, Glaesers Verl. (Winkel-
mann). — Verzeichniss der Handschriften der Stiftsbibliothek von St. Gallen.
Halle, B. d. Waisenh. In-8°, xij-650 p. (W. Arndt). — Herbst, Johann
Heinrich Voss. Bd. I. II, i. Leipzig, Teubner. In-8°, x-342; vj-i-364 p.
(Conrad Bursian). — Acta Societatis philologae Lipsiensis ed. Ritschelius.
T. II, 2. V. Lipsiae, Teubner (0. Ribbeck). — Commentationes philologae.
Scripserunt seminarii philologici regii Lipsiensis Sodales. Lipsiae, Giesecke
u. Devrient. In-8", 286 p. (W. Teuffel). — Sprachwissenschaftliche Abhand-
lungen hervorg. aus Georg Curtius' grammatischer Gesellschaft in Leipzig.
Leipzig, Hirzel. In-8°, 175 p. (B. Delbrùck).
La Hivista Europea. Avril 1875. P. Boborykin, Del criticismo russo. —
B. Paulovic', La stregoneria nel rinascimento e sotto la riforma (montre que la
persécution des sorciers a été plus forte aux xv^ et xvi'- siècles que pendant le
moyen-âge). — B. Tanari, Degli Archivi e di quello di Siena in particolare
(fragment du livre inédit de la marquise Tanari sur les sceaux de la ville et de
la province de Sienne). — Alcune lettere dantesche di Gaetano Trevisani a
Michel Angelo Caetani. — Patuzzi, Cesare Betteloni (suite). — G. Sforza,
Rassegna degli studii storici in Italia (fait l'historique des sociétés d'histoire
nationale. Ce premier article est consacré à l'Académie de Lucques). — Biblio-
graphie et nouvelles littéraires italiennes, françaises, roumaines, slaves, alle-
mandes et orientales.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-proroptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Bonnassies (J.). La Comédie française,
histoire administrative lé^-iyjy. In- 12,
xiv-38op. Paris (Didier et C"). 3 fr. 50
Brives- Gazes (E.) La Chambre de
justice de Guyenne en i ^03-1 ^84. In-8*,
126 p. Bordeaux (imp. Gounouilhou).
Chambre des Comptes de Paris. Essais
historiques et chronologiques, privilèges
et attributions nobiliaires et armoriai;
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9" fascicule. In-4°, 857-1032 p. Paris
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ments historiques inédits sur le Dauphiné,
publiés d'après les originaux conservés à
la Bibliothèque de Grenoble et aux Ar-
chives de l'Isère. In-8°, viij-400 p. Lyon
(Brun). 9 fr.
Courtat. Les vraies lettres de Voltaire à
l'abbé Moussinot, publiées pour la pre-
mière fois sur les autographes de la
Bibliothèque nationale. In-8*, xliv-243 p.
Paris (Laine). 5 fr.
Demmin (A.). Encyclopédie historique,
archéologique, biographique, chronolo-
gique et monogrammatique des beaux-
arts plastiques. Architecture et mosaïque,
céramique , sculpture, peinture et gravure.
T. 3. L'art de la gravure, son histoire
et sa technologie. Caractères typogra-
phiques. Médailles et monnaies. Estampes.
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In-S", p. 2437-2866. Paris (Furne,
Jouvet et C«).
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romaines d'après les textes et les monu-
ments, contenant l'explication des termes
qui se rapportent aux mœurs, aux insti-
tutions, à la religion, aux arts, aux
sciences, au costume, au mobilier, à la
guerre, à la marine, aux métiers, aux
monnaies, poids et mesures, etc., et en
général à la vie privée et publique des
anciens. Ouvrage rédigé par une société
d'écrivains spéciaux, d'archéologues et de
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Daremberg et E. Saglio. Avec 3000 fig.
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Diez (F.). Grammaire des langues ro-
manes. 3* édit. refondue et augmentée.
Traduit par G. Paris et A. Morel-Fatio.
T. 2. 2' fascicule. In-8*, p. 225-460.
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Domenech. La prophétie de Daniel, phi-
losophie de l'histoire depuis la création
juscju'à la fin des temps. 2 vol. in-8",
xxij-1036 p. Paris (Palmé).
Espagne (A.). Proverbes et dictons re-
cueillis à Aspiran. In-8*, 46 p. Mont-
pellier (Coulet).
Guillemin (J.). Une fausse résurrection
littéraire. Clotilde de Surville et ses nou-
veaux apologistes, ln-8% 46 p. Chalon-
sur-Saône (imp. Landa).
Hyver. Maldonat et les commencements
de l'Université de Pont-à-Mousson (i 572-
1582) avec pièces justificatives. In-8',
xxxviij-62 p. Nancy (imp. Collin).
Lalore. Collection des principaux cartu-
laires du diocèse de Troyes. T. 1. Car-
tulaire de l'abbaye de Saint-Loup de
Troyes. In-8% xlij-365 p. Paris (Thorin).
Maunoir (C). Rapport sur les travaux
de la Société de géographie et sur les
progrès des sciences géographiques pen-
dant l'année 1872. ^-8", 72 p. Abbeville
(imp. Briez, Paillart et Retaux).
Saint-Simon. Mémoires publiés par
MM. Chéruel et A. Régnier fils et colla-
tionnés de nouveau pour cette édition sur
le manuscrit autographe, avec une notice
de M. Sainte-Beuve. T. 17. In- 18 jésus,
456 p. Paris (Hachette et C'). 3 fr. 50
Toustain de Billy (R.). Histoire ec-
clésiastique du diocèse de Coutances.
Publiée pour la première fois par F.
Dolbet. T. I. In-8*, 404 p. Rouen
(Métérie).
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N° 38 Neuvième année. 18 Septembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE F>UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
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Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
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suivant le pays.
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BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES ÉTUDES.
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TTji -yr T7 T) /^ T /^ 17 C critiques de la conférence de philologie
il' -A. lL JL\V^ 1 v>< Ci O grecque, recueillis et rédigés par E. Tour-
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J\. iVlArvlLl ICi DtLI cueillis en Egypte et en
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P-Q T T-^ Q r-\ r^ rp Vocabulaire hiéroglyphique comprenant
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phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement, i ^'' fascicule.
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Le 4e fascicule est sous presse.
PÉRIODIQUES.
Revue de l'Instruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique.
Nouv. série. T. XVIII, 4^ livr. Observations sur le Programme des cours des
Athénées royaux (J. Gantrelle et A. Wagener). — Le Codex Bruxellensis du
Florilège de Stobée (P. Thomas, suite). — Note sur un passage d'Horace (E.
Jopken). — Le caractère légendaire de Phistoire liégeoise jusqu'au xiii*" s. (G.
Kurth). — De quelques parisianismes populaires, etc. (Ch. Nisard, 8^ suite et
fin). — Comptes-rendus : Remarques sur le Querolus (P. Thomas).
The Academy, n° 17^, new séries, 28 août. Reisen in der asiatischen
Turkei, von J. Seiff. Leipzig, Hinrichs, iSyj (C. H. Bunburg : bonnes obser-
vations sans mérite littéraire).— Memoirs of sir John Reresby of Thryberg(i634-
1689), editedby James Cartwright. London, Longmans. 1875 (R. C. Browne:
ces Mémoires d'un courtisan des Stuarts très-importants pour les règnes de
Charles II et de Jacques II sont édités par M. C. d'après un manuscrit du British
Muséum beaucoup plus complet que ceux précédemment connus. Malheureuse-
ment M. C. n'a pas toujours absolument respecté le texte de son auteur). —
L'Histoire de France, par M. Guizot, t. IV (S. R. Gardiner : agréable lecture,
mais mauvais livre d'histoire). — A visit to Bristol and Bath a century ago (récit
inédit d'un prêtre irlandais en l'année 1772). — Higher éducation in the sou-
thern states of America. — German Letter (Aldenhoven : traite des récents livres
d'art et de philologie). — Correspondance (E. W. West: Détermination du
sens du mot pehlvi Hômâst qui indique la répétition quotidienne d'une partie du
Zend-Avesta pendant une certaine période de temps). — The Copenhagen
Muséum of prehistoric antiquities (H. Schliemann). — Meeting of the British
Association. — Royal Commission on scientific instruction and the advancement
of science, 6th, 7th, 8th report (S. Cotton, 2*= article). — Ceramic Art in remote
Ages, by J. B. Waring. London, Day. 187$. (Bury Palliser : article favo-
rable). — British Archaeologists at Evesham (Ch. Robinson). — Meeting of the
Cambrian Archaeologist at Carmarthen (J. Davies).
The Athenœum, n* 2496, 28 août. A. Wilson. TheAbode ofSnow : Obser-
vations on a Journey from Chinese Tibet to the Indian Caucasus, etc. Black-
wood and Sons (l'auteur a franchi l'Himalaya par des routes peu connues; son
ouvrage, d'une lecture agréable, contient de précieux renseignements géogra-
phiques et autres). — The Establishment of the British Muséum (détails sur
l'administration de cet établissement, qui n'emploie pas moins de ^16 personnes).
— « Renout van Montalbaen » (intéressant article sur cette édition du texte
hollandais du Renaud de Montauban). — Geographical Notes (compte-rendu
d'une nouvelle carte de la frontière Nord-Est de Perse dressée d'après les obser-
vations du Col. V. Baker et du Lieut. Gill). — The Outfall of LakeTanganyika.
— The British Archaeological Association (2'' art.). — W. Chappell , The
History of Music. Vol. I. Chappell and Co.; Gevaert, Histoire et Théorie de
la Musique de l'Antiquité (appréciation assez sévère du i*"" de ces deux ouvrages;
le second est jugé favorablement : cf. Rev. crit.^ 1875, I, p. 282).
Literarisches Centralblatt, n° 3 $ , 28 août. B^deker, Palaestina und
Syrien. Leipzig, Baedeker. In-8°, xiv-585 p. (ce manuel du voyageur rédigé par
M. Socin fait honneur à la science allemande). — Seiff, Reisen in der asiati-
schen Turkei. Leipzig, Hinrichs. In-8°, vj-533 p. (contient beaucoup de rensei-
gnements nouveaux). — Vitae Catonis fragmenta Marburgensia nuper reperta
praemisit Henr. Nissen. In-4°, 23 p. (cette vie inédite paraît être une traduction
libre de Plutarque, faite au moyen-âge, plutôt qu'une compilation de sources
romaines, comme le croit l'éditeur). — Schiller's Briefwechsel mit seiner
Schwester Christophine und seinem Schwager Reinwald. Herausg. v. Vv^end. v.
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 38 ' --18 Septembre — 1875
Sommaire : i88. De Olmos, Grammaire de la langue mexicaine, p. p. Siméon. —
189. Hanoteau et Letourneux, La Kabylie et les coutumes kabyles. — 190.
Choix de discours de Lysias, p. p. Frohberger. — 191. Dr^ger, Syntaxe histo-
rique de la langue latine, t. I, 2' partie. — ic)2. De Mulinen, Spécimen d'un
dictionnaire biographiaue et bibliographique des historiens et érudits de la Suisse. —
Sociétés savantes : Acaaémie des inscriptions.
188. — Grammaire de la langue Nahuatl ou Mexicaine, composée, en 1 547,
par le Franciscain André de Olmos et publiée avec notes, éclaircissements, etc., par
Rémi SiMÉON. In-8°. Paris, Imprimerie Nationale. 1875. xv-274 p.
Né en 1491 au village de Ona, province de Burgos, l'auteur de la grammaire
mexicaine publiée par M. Rémi Siméon prit son nom du bourg de Olmos près
Valladolid où il fit ses premières études. Moine à vingt ans, il s'attacha à Fr. Juan
de Zumarraga et le suivit dans tous ses voyages en Biscaye d'abord et plus tard
quand son patron fut promu à Pévèché de Mexico (i 528) dans les régions nou-
vellement découvertes de l'Amérique. Il y apprit plusieurs des langues du
Mexique, le nahuatl y le huaztèque, le îoîonaque, le tepehua et ne cessa pendant
quarante-trois années consécutives de prêcher la foi chrétienne aux indigènes.
Durant les quelques instants de repos que lui laissaient ces pénibles prédications,
il trouva moyen de fonder sept couvents , d'enseigner le latin au collège de la
Santa-Cruz à Mexico ', de composer dans les différents idiomes du Mexique des
grammaires et des livres de piété. Il mourut à Tampico le 8 octobre 1571, à
l'âge de quatre-vingts ans.
Aucun des ouvrages qu'il avait composés ne fut publié de son vivant : d'abord
conservés en manuscrit dans les couvents de son ordre, ils ont fini par disparaître.
Cent années après sa mort on ne connaissait plus de lui que la Grammaire
Nahuatl, la grammaire, le vocabulaire, la doctrine chrétienne et le confession-
naire en langue huaztèque déposés à Ozoloama, près de Tampico. VArte para
aprender la lengua Mexicana est le seul que nous possédions aujourd'hui. Il vient
d'être publié par M. Rémi Siméon d'après deux manuscrits appartenant l'un à la
Bibliothèque nationale (fonds espagnol, n*» 259, ancien 8172), l'autre à M. Mai-
sonneuve, libraire-éditeur à Paris. Ces deux manuscrits, qui se contrôlent et se
complètent mutuellement, permettent de rétablir le texte du Franciscain avec
une entière certitude : il est cependant à regretter que l'éditeur n'ait pu colla-
tionner ni le manuscrit conservé à la Bibliothèque nationale de Madrid, ni le
manuscrit appartenant à M. Aubin. Ce dernier a d'autant plus de valeur qu'il a,
dit-on, appartenu successivement à Barthélémy de Las Cases et à Torquemada.
La grammaire mexicaine n'est ni meilleure ni plus mauvaise que les gram-
i. Il y succédait à un Français, Fr. Arnauld de Bassace.
XVI 12
lyS REVUE CRITIQyEu,fr|.JÎ :/
maires des langues américaines dues aux moines du xvi^ et du xviie siècle. Elle
est conçue comme les autres sur le plan de la grammaire latine d'Antoine de
Nebrija, c'est-à-dire qu'on y trouve des gérondifs, des impératifs vétatifs et tout
le cortège des temps et modes classiques. M. Rémi Siméon s'est acquitté avec
tout le soin désirable de sa tâche d'éditeur : peut-être a-t-il poussé un peu loin
le scrupule en reproduisant jusqu'aux fautes d'orthographe des manuscrits origi-
naux. Je comprends qu'il ait tenu à garder les mots et les formes vieillies : agir
autrement eût été altérer le texte de son auteur. Mais à quoi bon imprimer
bueluerij etc. .'' — Ajoutons pour terminer que M. Rémi Siméon nous promet une
grammaire du Nahuatl rédigée d'une manière plus scientifique et dépouillée de
tout cet appareil grotesque de conjugaisons et de déclinaisons qui fait de l'étud^ç
des langues américaines un travail des plus difficiles. - jfî
G. Maspero.
189. — La Kabylie et les coutumes Kabyles, par A. Hanoteau, général de
brigade et A. Letourneux, conseiller à la Cour d'appel d'Alger. Paris, Imprimerie
nationale. 1872- 1874 (T. I, II-515 p. carte; t. II, $60 p.; t. III, ^64 p.). — Prix,^;
30 fr. /
L'ouvrage de MM. Hanoteau et Letourneux renferme : i*» la description génlw
graphique et scientifique du pays (t. I); 2*» un exposé de l'organisation politique
et de l'administration (t. II, p. i-nO*5 3°^^s principes du droit civil (t. Il,
p. 135 — t. III, p. $1), du droit criminel et pénal (t. III, p. 135-327) de la
Kabylie, rangés par livres, titres et chapitres; enfin 4" toute une série de pièces
justificatives d'où sont extraits en partie les renseignements et les formules donnés
dans les sections précédentes de l'ouvrage. Les pages consacrées au droit
échappent par la nature même du sujet à une analyse exacte : je me bornerai à
résumer ce que MM. Hanoteau et Letourneux nous apprennent sur l'organisation
politique et sur l'administration.
Campées dans les montagnes du littoral algérien depuis une haute antiquité,
les tribus berbères de la Kabylie ont toutes subi l'influence de l'islamisme. Les
unes ont perdu leurs coutumes propres , l'usage de leur langue nationale et
jusqu'au souvenir de leur origine : elles croient être de sang arabe et obéissent
aux prescriptions de la loi musulmane. D'autres n'ont pris qu'une partie du
code étranger, d'autres enfin ont pu conserver jusqu'à nos jours leur com-
plète indépendance : elles sont soumises aux mêmes lois qui régissent encore
les nations berbères de l'Afrique entière et la régissaient déjà sans doute dès
l'antiquité, non-seulement à l'époque grecque ou romaine, mais au temps où les
Loubou, les Tahennou et les Tamahou de l'Est se mesuraient avec les armées
égyptiennes de Ménephtah et de Ramsès III. Sans doute les vieilles coutumes
ont dû se modifier profondément au cours des siècles et au contact des différentes
civilisations étrangères qui ont passé sur l'Afrique : elles n'en sont pas moins
restées assez fidèles à l'esprit antique de la race pour nous permettre dès
aujourd'hui de constater que les chefs de la grande invasion berbère, dirigée
contre l'Egypte il y a plus de trois mille ans, agissaient au fond d'après le& mêmes
principes que les Kabyles de MM. Hanoteau et Letourneux. ,rF ub oimq in- '
d'histoire et de littérature. 179
a L'organisation politique et administrative du peuple kabyle est une des plus
» démocratiques et, en même temps, une des plus simples qui se puissent ima-
» giner. Jamais, peut-être, le système de self-governmenî n'a été mis en pratique
» d'une manière plus complète et plus radicale; jamais administration n'a
» compté un nombre aussi restreint de fonctionnaires et n'a occasionné moins
» de dépenses à ses subordonnés. » L'unité du monde kabyle est le village
(Thaddarth) : il nomme ses chefs, fait ou modifie ses lois. S'il est assez fort pour
se passer de ses voisins, il garde son indépendance et vit isolé du reste de la
nation ; sinon, il se joint à un ou deux villages voisins et forme avec eux une
tribu (a^rch). Plusieurs tribus s'assemblent en confédération (jhak'ebilt) : il est
rare que plusieurs confédérations s'unissent par des liens permanents et forment
autre chose que des alliances momentanées.
La seule autorité du village est l'assemblée générale des citoyens (thadjemaïî
ou djemâ^a). Elle émet en matières politiques, administratives et même judiciaires,
des décisions souveraines qu'elle exécute elle-même ou fait exécuter par ses
délégués. Son autorité s'étend sur tout et n'a d'autres limites que celles qu'il lui
plaît de se donner, d'autre tempérament que le respect inné des coutumes antiques.
Elle délègue son pouvoir à une sorte d'officier municipal qui se nomme, selon
les endroits, amiriy amek'k'eran Cgrand, chef), ou amfà'f (vieillard). L'amin se
choisit pour coadjuteurs dans chaque fraction du village des t'amen qui doivent
le prévenir des moindres délits venus à leur connaissance, mais n'ont qualité
pour rien réprimer. L'amin lui-même ne peut prendre de décision sur aucune
affaire importante sans l'avis de la djema'at- Sa responsabilité disparaît alors
devant celle de l'assemblée générale. • >^^".^^!^ ■ .-^f^^'
La population de chaque village est divisée en çof. Ce sont « des associations
)) d'assistance mutuelle pour la défense et pour l'attaque dans toutes les éven-
» tualités de la vie. Leur but est assez bien défini par le vieil adage : Ouinnek
» aïoun ith idhelem nif medhloum, « aide les tiens, qu'ils aient tort ou raison. »
Une fois admis dans un çof, l'individu n'est pas obligé d'y rester toute sa vie :
il en peut changer sans scrupule, au gré de son caprice ou de son intérêt. Sa
fidélité est une question de passion, plus souvent une question d'argent : « quel-
» ques douros, un sac de figues, une provision d'huile, un bon dîner même,
« suffisent pour conquérir au çof un défenseur. Ces transactions honteuses sont
)) réprouvées par l'opinion publique; aucun parti, néanmoins, ne se fait scrupule
» d'y avoir recours. La vénalité n'est pas restreinte, malheureusement, à ces cas
» particuliers : en général, chez les Kabyles, partout où la corruption est pos-
» sible, elle existe. » Malgré cette versatilité, ils se donnent à leur parti, quel
qu'il soit, avec passion, et ne reculent devant rien pour soutenir son honneur et
ses intérêts. Le p/, de son côté, n'abandonne jamais ses partisans : il venge leurs
injures, leur porte secours en cas de besoin ou de danger, adopte leurs enfants
et les nourrit à ses frais. L'extension du fo/ n'est pas bornée au village, ni même
à la tribu : elle gagne les tribus étrangères, qui entrent réciproquement dans le
fo/les unes des autres. C'est alors, de la part des gens de tribus différentes, qui
font partie du même çofj un échange constant de bons offices et de secours. Les
|80 REVUE CRITIQUE
finances de l'association s'alimentent de cotisations volontaires proportionnées
aux ressources de chaque individu. « Cet impôt est celui que les Kabyles paient
» le plus volontiers, et le seul qu'ils acquittent sans l'avoir consenti, sans cher-
» cher même à en connaître l'emploi. Lorsque les chefs ont besoin d'argent pour
» nouer des intrigues, acheter des consciences, préparer une trahison, négocier
» l'assassinat d'un ennemi dangereux, ils se concertent entre eux, contractent
» des emprunts, soldent les dépenses et ne font connaître à la foule que la
» somme à payer. Le secret reste entre trois ou quatre personnes au plus. Les
» dépenses plus avouables, et qui ne demandent pas de mystère, sont débattues
» et contrôlées par le çof tout entier. »
Afin d'obvier autant que possible aux inconvénients que la guerre ou les
intrigues des çof pourraient avoir pour les personnes étrangères, la législation
kabyle a recours à Va^nàia. « Va^ndia, dans sa forme la plus habituelle, est la
» protection accordée à une ou plusieurs personnes, par un particulier, un çof,
» un village, une tribu. Le Kabyle qui accorde son a'naïa doit, sous peine
» d'infamie, y faire honneur, dût-il s'exposer à tous les dangers. On dit prover-
» bialement, Ouin fa iddoun d'el-a^naïa, meh'asoul d'el-meggeîh alemma; « celui
» qui accompagne son a^naïa (son protégé) est censé mort, jusqu'à ce qu'il l'ait
» conduit en lieu sûr. » Va^naïa, ai celui-ci qui l'accorde ne peut seul la faire
» respecter, impose les mêmes obligations à sa famille d'abord, puis à son çof,
» à son village, à sa tribu et, dans certains cas, à la confédération tout entière. »
L'ordre systématique adopté par MM. Hanoleau et Letourneux permet d'étu-
dier jusque dans ses moindres particularités la législation et la constitution des
tribus kabyles. Le résumé rapide que je viens de donner suffit à montrer jusqu'à
quel point le régime politique de ces peuples a conservé les habitudes et les
instincts des races primitives de l'Afrique septentrionale. Pour le détail des cou-
tumes et des institutions, je ne puis que renvoyer le lecteur au texte même de
MM. Hanoteau et Letourneux : il y admirera la patience et la sagacité vraiment
merveilleuses avec lesquelles les traditions du droit oral et coutumier, les déli-
bérations des djema^a, les actes des tribus, ont été rassemblés et inter-
- prêtés. Il fallait, pour mener à bonne fin pareille entreprise, un philologue et un
juriste qui eussent longtemps vécu dans le pays et connussent le caractère de ses
habitants. Mettant en commun leur science et leurs études, ils ont réussi à faire,
;sur la Kabylie contemporaine, une des monographies les plus intéressantes qui
;;aient paru dans ces derniers temps.
G. Maspero. .,.♦
,î6lf,
190. — Ausgewsehlte Rfedteii''det3 Lysilas." Fûr-den'Schulgebrauch erklasrt von
Hermann Frohberger. Kleinere Ausgabe. i vol. in-8* de 411 p. — Prix : 4 fr.
Il faudrait qu'on ne pût jamais dire, avec mépris, d'un livre « classique » ',
qu'il est « bon pour les élèves. » Le vrai principe, c'est que rien ne peut être
I . Disons pour les étrangers que le caprice des libraires français a attribué au mot
u classique » la signification de « scolaire. »
d'histoire et de littérature. i8i
assez bon pour eux. Mais, plus que tout le reste, une édition destinée à Pusage
des classes mérite que celui qui la revoit apporte tous ses soins à cette tâche.
Si le Choix de discours de Lysias, que M. F. a donné, en trois fascicules, de 1866
à 1873, dans la collection (Teubner) d'auteurs grecs et latins avec notes expli-
catives en allemand, a été si bien accueilli que son auteur se voit obligé d'en
préparer déjà une seconde édition', cela tient sans doute à ce que ce travail a été
composé, à l'origine, en vue de servir également au professeur et à l'élève,
M. F. en extrait aujourd'hui une « petite édition » en un seul volume — c'est
celle dont nous venons rendre compte — qu'il a dégagée, en grande partie, de
l'appareil scientifique et qu'il destine spécialement à l'élève. Ne notant point les
leçons des manuscrits, elle ne saurait servir à une lecture critique de Lysias.
Elle renferme, néanmoins, quelques conjectures nouvelles, et témoigne, sans
contredit, d'un effort sérieux de la part de son auteur pour nous offrir un texte
aussi épuré que possible. Le présent volume est le précurseur de la seconde
« grande édition », qui est annoncée. Il la devance, probablement, de peu :
cependant, dans l'intervalle, M. F. pourra encore se raviser, corriger et amé-
liorer. Nous lui soumettrons donc notre sentiment sur plusieurs points sur lesquels
nous ne tombons point d'accord avec lui , dans l'espoir que si nos observations
ne portent pas à faux, la réimpression prochaine en profitera.
Le nouveau « Choix de discours de Lysias » comprend les quatorze discours
suivants dans l'ordre suivant : Contre Eraîosthène {XII), Agoraîos (XIII), Renver-
sement de la démocratie [XXV], Mantithée {XVI), Philon (XXXI), Alcibiade i et 2
(XIV-XV), Nicomaque {XXX), Biens d'Aristophane (XIX), Olivier sacré (VII), Acca-
pareurs (XXII), Théomneste (X), Invalide (XXIV), Diogiton (XXXII). Seul le discours
« sur le meurtre d'Eratosthène )>, admis dans la précédente édition, n*a pas été
réimprimé; mais, par compensation, les discours VII et XXII ont été appelés,
cette fois, à faire partie du « Choix ». Ils présentent l'un et l'autre un grand
intérêt et méritaient certainement d'être choisis ; nous espérons qu'ils ne seront
pas exclus, à l'avenir, de la grande édition. C'est surtout à la lecture de ces deux
derniers discours que nous nous sommes attaché , parce que les autres, déjà
publiés, il n'y a pas bien longtemps, par M. F., contiennent relativement peu de
nouveautés.
VII I. C'est évidemment à tort que M. F. conserve la leçon du manuscrit,
à7rp(7Bo/.YjTO)ç. (On sait qu'il n'existe, à proprement parler, qu'un seul manuscrit
de Lysias, le Palatinus 88, duquel tous les autres dérivent.) Il faut lire, avec
tous les éditeurs, àTCpocBoy.-^Totç. Le sens est alors : « Je suis tombé dans des
» procès si imprévus et entre les mains de sycophantes si méchants que, etc. »
Dans le système de M. F., irovr^poîç devient une épithète de nature tout à fait
1 . Cet article était déposé depuis longtemps au bureau de la Revue^ quand nous avons
trouvé dans le Cenîralblatî la fâcheuse nouvelle de la mort de M. Frohberger. Nous
laissons tel quel notre article, qu'il nous serait difficile de modifier à l'heure qu'il est.
Disons seulement que nous aurions relevé moins sévèrement certaines négligences, si
nous avions soupçonné qu'il avait pu être impossible à l'auteur de revoir lui-même les
épreuves de son œuvre.
l82 REVUE CRITIQUE
redondante. Quant à la faute dcTupocBcx-/] t w ç , elle s'explique par ouxwç qui pré-
cède immédiatement. — Au contraire, au chap. XXXI, § 34, M. F. fait bien de
défendre la leçon b\Laq du manuscrit contre la conjecture û^àTv, généralement
adoptée.
VII 2. A Pappui de la restitution <(pa(7tv> * à^avi^siv, on peut citer, au § 11 :
<pY;al S' ô y.cuv'q'^opoq. — Ibid. au lieu de à7:opa)TdTY]v, M. Tournier a proposé,
avec raison, ce semble, (XTOpwxépav dans les Exercices critiques, n° 100 (Biblio-
thèque de l'École des Hautes-Études, fascicule X^) .
VII 4. La conjecture de M. Cobet BY]iJ.£u6évTa)v Bè iwv èxeîvou nous paraît
préférable à celle de M. F. — Ibid. (et XIII, 71). Les fragments du décret
athénien dans lequel il est fait mention d'Agoratos sont reproduits au Corpus
Inscriptionum Atîicarum, t. I, sous le n° 59. Il est à désirer que, dans la prochaine
réimpression, M. F. convertisse une partie de ses renvois et, pour toutes les
inscriptions athéniennes antérieures à l'archontat d'EucHde, cite le n° sous lequel
elles sont classées au Corpus attique. Il nous semble même que cette dernière
publication avait vu le jour assez à temps, pour qu'il eût été possible de faire
ce changement déjà dans la petite édition.
VII 5. Nous croyons qu'il faut lire : ouB' d 'KoXkcà èvtjaav [xopCai, et non :
cuâ' £t TTdtXai èv^aav (jLupiai. MopCai est la leçon du manuscrit; TuoXXai (MS. TzâXai)
a été conjecturé successivement par un copiste du xvi^ siècle (le copiste du
manuscrit C), par Reiske et par nous, avant que nous sussions que la correction
avait été proposée. (Voir les raisons daîis Tournier, Exercices critiques, n° 42.)
Nous conseillons, par suite, à M. F. de supprimer la note : « {xupiat] Ein kecker
» Ausdruck : etc. » — Ibid. (et XXV, 9). Est-il bien sûr qu'il faille changer
icepi en uxep ?
VII 6. "Oti nous paraît bon, mais nous lirions : àXXwç ts /.at <oti> touto
TO xwpCov. Cp. § 28 : ly, toutou xou ywpiou.
VII 7. Il faudrait adopter l'excellente correction de M. Meutzner offw [Kokiaza.
(C'est par erreur que M. F. écrit toujours Mentzner, et cela dans ses deux
éditions.)
VII 10. La conjecture de M. Meutzner — ^ç TéôVYjxe • <v.cà> xoluto. <Tà>
Tpîa ETY] — étant plus méthodique que celle de M. F., est à préférer. !*— /tirf.
'É|X£[jia8o)To, au lieu de ij;.ia8a)aaT0, ne nous paraît pas nécessaire.'"' '' '* ^^^'
VII 1 1 . La priorité de la conjecture <pav£p(i)Tepov doit appartenir à Mark-
land.
VII 1 5. L'addition de te n'est sûre, ni ici, ni au discours X, § 3.
' VII 14. Il vaut mieux lire, comme M. Cobet, tou ayjîtou <£V>6vtoç : Cp.
§§5 et 42.
VII 15. Kal d [fhf aiff/pcv 9iv {Aévov to 'Kpot^]xa!. ^ i^wç àv Ttç twv TcapiévTWV
r^{jt.£Xr^Œ£ • vuv â' ou x£pl aia^uvr^ç àWà ty^ç t;.£Yi<TTr;ç t,'q\)Aaç £*xivB6v£uov. Ce
passage a été mal compris, si nous ne nous trompons, par plusieurs interprètes
qui ont suivi la traduction latine : « praetereuntium forsan unus vel alter (eam
I. Nous plaçons entre crochets obliques les suppléments destinés à combler les lacunes.
d'histoire et de littérature. 181
» rem) neglexisset. » Pour nous, en comparant, au § 17, d twv oîy.£xG>v
îrapéaiT) \).oi [j.Yjoàv çpovii^eiv, nous entendrions plutôt : « Si l'acte n'était que
» honteux, on comprendrait que j'eusse pu le commettre sans m'inquiéter des
» passants. » Si cette interprétation est la bonne, il faudrait avertir l'élève, par
une note, que twv TrapicvTwv ne dépend pas de tiç, mais de '^^ixéX-^ae.
VII 19 note. Nous demandons qu'on attelle à la voiture, non pas des enfants
(Kinder) , mais des bœufs (Rlnder) .
VII 23. M. F. conjecture inutilement, à notre avis : Beivé-caT' ojv xaa^^a)
<u7cb T0UT0Ut>, Sç, £1 xtX. ; car la correction de M. Scheibe — BavcTax' ouv
Tziaxiùi Sffo), d xtX. — nous semble tout à fait plausible.
VII 25. .rva)[jLovaç. Il faudrait, suivant nous, corriger èTuri^cûpLOvaç, en se fon-
dant sur l'autorité d'Harpocration (s. v. eTuiYvtop.ovaç), qui ne connaissait pas,
quoi qu'en dise M. F. (voir Einleitungy p. 316, note 21), la variante -^(ùixo^aç.
rva)iJt.a)v, dans le sens spécial qu'on lui attribue ici, est un aTcaJ £'!pr<{xévov, et
l'autre leçon est préférable à plusieurs égards. — Ibid. 'EÇYî[;.(a)ffé <\i> wç.
M' (ou plutôt [JL£), puisque Lysias n'évitait pas l'hiatus) est une excellente addi-
tion. Elle est de Meutzner, ce dont il aurait fallu prévenir le lecteur.
VII 41 note. Nous ne voyons pas comment « on pourrait conclure de ^evo-
» {Jiévou que l'accusé avait perdu femme et enfants ». Eût-il éprouvé un semblable
malheur, sa maison, au moment où il parle, n'est pas déserte : elle le deviendrait,
seulement, par le fait de sa condamnation à l'exil, car il est sans enfants et il
n'y a pas d'autre mâle que lui dans la maison (àiuaiç wv xat [kô^oç] . — Dans le
texte, l'insertion de ouarjç nous paraît au moins inutile.
XII 3j. AtaT£ivo^£vouç est une mauvaise conjecture. M. F. n'a pas tenu
compte de l'observation de M. Kayser.
XXII $. C'est avec raison que M. F., revenant à la leçon des manuscrits,
supprime y.ai devant dr.i. Mais nous ne changerions pas hd^Ti^i en àvâgiQTs./,.
XXII 7. Il faut supprimer ty]v, avec Dobree. Cp. VII 2] zxjvr(^ l^y)ii.{av oiEiat
Xp'^jVai Yevé<TÔai, XXV 1 3, TauTY^v Tuap' r^\km tcigtiv £tXr^(péT£ç et la note de M. F.
sur ce dernier passage. Nous nous permettrons de faire observer, en passant,
que beaucoup de bonnes conjectures de l'éminent critique Dobree n'ont pas été
remarquées, jusqu'ici, par les éditeurs. Il y a encore un grand parti à tirer de
ses « Adversaria critica ». Ce livre, qui vient d'être réimprimé, est désormais
accessible à tout le monde.
XXII 8. n£pi nous semble oiseux : nous ne l'ajouterions pas. — îbid. « Il est
» de l'intérêt des Athéniens, qui achètent le blé aux marchands de grains, que
» ceux-ci l'acquièrent au meilleur compte possible : car il faut qu'ils le leur
» revendent seulement une obole plus cher au médimne (ou boisseau) . » Cette
traduction, conforme au texte du manuscrit et de toutes les éditions, rend sen-
sible une altération, qui n'avait pas échappé à Dobree. Nous ne croyons pas
cependant qu'il ait reconnu la vraie nature du mal. A notre avis, le sens qu'on
attend est le suivant : « — car il faut que ceux-ci le leur revendent plus cher,
» ne fût-ce que d'une obole au médimne. » Nous serions tenté de proposer : S£Îv
YopaÙTouç, <y.àv> o^oXo) [agvov, '::a)X£Îv Tt|x'.a)'çepoy. Sur cet emploi de xàv,
184 ; ' '" REVUE CRITIQUE
cp., par exemple, Aristophane, Acharniens^ v. 102 1 : {i-éTpYjGov zlpri^iriq -ci |jloi,
XXII 18. La conjecture èTCi0u|;.oît£ est bjonne, A l'insu de M. F., elle
appartient à Dobree. amiîiO);
XXII 20. Nous retrancherions , pour notre part, TzoiçxxM-^iKaToq heY.y., Déjà
Dobree voulait éliminer du texte r,oi.pc(.zBi-^[X(xzoq. On a le choix entre les deux
corrections. — Ibld. Il serait bon de lire avec MM. Cobet et Hirschig : <x.al>
XXX 2. Il y aurait lieu, selon nous, de tenir compte de la conjecture de
Dobree : wv aùxoç èirsT-^Seucre. — Au § 8, Dobree retranche avec raison, ce
semble, 5x1. — Nous conserverions ivé^paçe, au § 3, et èYïpa?£iç, au § $ ;
aUToîç, au § 28. — Au § 19, nous lirions : Trpûxov [asv v.cLià xà Tuaxpia ôueiv à
jj.aXXov ffU[ji,(pép£i TY) iréXei, liusiB' a ô Sy)[jloç èt);Y)9(caT0 xat âuv"^(76iJi.£Ôa Sa-irocvav èx
xwv TupoGicvTwv xpr^[jLaTO)v. — § 28 note. M. H. Droysen fils a fait remarquer,
dans un bon travail intitulé De Demophanti Paîrodidis Tisameni popuUscitis, etc.
(Berlin, 1873), ^^^ ^'^^^ se livrer à une supposition gratuite que de considérer
comme un seul et même personnage : i** Tisamène qui fut questeur d'Athénée
en Pan 414 av. J.-C. (voir Corp. Inscr. Attic, t. I, n° 133) ; 2° Tisamène auteur
du décret cité chez Andocide, M y stères j au § 83 ; et 3** Tisamène fils de Mécha-
nion.
Quoi que nous puissions penser d'un certain nombre de conjectures qui nous
paraissent bien hasardeuses, nous n'hésitons pas à reconnaître que le nouveau
texte de Lysias est en progrès sur les éditions précédentes. Plusieurs corrections
de M. F. peuvent passer pour définitives. Les additions suivantes nous paraissent
bonnes : ay.07C£Îv<aiv> (VII 12); <0auiJ,aaT6v> (VII 35); <è>po6X£(:0£
(XXII 17); <'irave'>6[;.oO (XXV2); c[L&q <l'>d (XXXI 3); <àXX'> ou^
(XIV 41); G/£Bbv <Yàp> (X 5). Mais, après avoir parlé des changements
volontairement apportés au texte, nous ne pouvons faire autrement que de dire
un mot de ceux que l'inadvertance a laissés s'y introduire. VII 2 : àYwvî^EGÔai
est un lapsus ^o\ir dtYwviaacôai ; § 14, dans la note (ligne 2 d'en bas) : outoç
est un autre lapsus pour xoîixov; § 17 : [)^h a été omis après gpa/,éo;; § 26 :
xaixou est pour xaixoi; § 33 : ouxoç |x6voç pour {j.6voç ouxoç. XXII i : xapà
pour7:£pi; § 2 : ^ouXàv pour pouX')]v; § 9 ' xouxouç manque après ^ouXyjç;
g 19, dans la note : £(pY3cpi(7|j.6oi pour ètJ^YjçiciAévot ; § 22, dans la note : hiv.d-
l^wvxai pour $iy.aÇovxai. Ces fautes sont beaucoup trop fréquentes pour que
l'indulgence soit ici de mise. On a pu constater qu'elles tendent à se perpétuer.
Dans le discours XXX, que M. F. édite pour la seconde fois, les mots à
àvSp£ç ct7,aaxat, après xoivuv (§12), manquent également dans les deux éditions.
Il en est de même de b\xdiq (après xou jjib y^p au § 16), dont l'omission
rend la phrase à peu près inintelligible. Nous signalerons encore 7r£tpà-6ai,
qui a pris la place de zapaxai, au discours XXIV, § 15. Il serait bon que
M. F. ne réimprimât pas son « Choix de discours de Lysias », avant d'avoir
collationné minutieusement son texte sur quelque autre édition. Car alors on
n'éprouvera plus aucun sentiment de défiance en se servant de son livre. On
d'histoire et de littérature. 185
n'aura plus égard qu'à la richesse d'informations, à la science grammaticale qui
donnent tant de prix à son commentaire, ainsi qu'à l'intelligence avec laquelle il
a su établir son texte ; et l'on pourra dès lors recommander à tous, sans scru-
pule, le Lysias de M. F. comme une étude consciencieuse et un ouvrage de
fond.
Charles Graux.
191. — Historische Syntax der lateinischen Sprache, von D' A. Dr^eger,
Director des kœnigl. Gymnasiums zu Aurich. Erster Band. Zweiter Theil. Leipzig,
Teubner. 1872 et 1874. In-8% 147-626 p/— Prix : 13 fr. 3 s.
Nous avons rendu compte dans la Revue critique (1872, II, p. 36) de la
première partie de cette syntaxe historique de la langue latine par M. Draeger.
Dans cette seconde partie l'auteur traite de ce que nous appelons en français la
syntaxe d'accord, de l'emploi des temps et des modes, mais incomplètement (il
renvoie, on ne sait trop pourquoi, beaucoup de détails à une troisième et une
quatrième partie qui n'ont pas encore paru), des formes de l'interrogation
directe, de la construction de l'adjectif comme attribut, de l'emploi des cas, de
l'emploi des prépositions, de la construction de l'adjectif épithète et du substantif
en apposition.
Le titre de « syntaxe historique » ne répond pas très-exactement à l'ouvrage.
M. D. ne descend guère au-dessous du second siècle de l'empire; il touche à
peine à la syntaxe des bas temps, qui est encore mal connue et dont l'étude im-
porterait beaucoup à la connaissance des langues romanes. Au fond il ne s'est
occupé que de la langue littéraire, dont la syntaxe n'a pas éprouvé de variations
importantes. La plupart de celles que relève M. D. me paraissent devoir être
attribuées au hasard, surtout en ce qui touche la période archaïque dont il nous
reste si peu de monuments. M. D. remarque lui-même que c'est un hasard si on
ne cite pas des auteurs antérieurs à Cicéron d'exemple du double génitif « propter
» bellum Italiae fugitivorum » (p. 434), de l'ellipse des noms de parenté
« Caecilia Metelli » (p. 447), de l'emploi de pro dans le sens qu'il a en « pro
» rostris, contione, tribunali, etc. » (p. 599). Il aurait pu faire la même remarque
sur toutes les constatations négatives, sur les exemples uniques ou peu nombreux
d'une construction qui ne se rencontre qu'une fois ou rarement en certains
auteurs, tandis qu'elle est plus fréquente chez d'autres. Je ne vois là que l'effet
du hasard. Par exemple, la construction de habere avec un participe passé
passif « senatum inclusum habuerunt » devient de plus en plus rare après Cicé-
ron (p. 269); circumfluere n'est pas construit transitivement avant Ovide
(p. 350); obamhulare n'est construit transitivement que dans Plaute et dans
Ovide; dans César, dont il ne nous reste qu'une petite partie, on ne rencontre
que deux fois la construction pro certo, pro explorato (p. 355). Salluste, dont
nous n'avons que deux opuscules très-courts et quelques fragments, n'offre pas
de construction de l'accusatif analogue à « nihil, aliquid commoveri » (p. 362).
Recens adverbe n'est pas dans Cicéron ni dans César (p. 363). Avant Salluste
(Fr. 4, 21) on ne trouve que dans Plaute un exemple de la construction de
l86 REVUE CRITIQUE
l'accusatif d'un nom de fleuve sans préposition « propinquantes iam amnem Tar-
)) tanium » (p. 36$). Les formes composées eccum, eccam, eccos, eccas, eccillum,
eccillatrij eccisîudj eccisîam ne se rencontrent plus après Plaute (p. 368). On ne
trouve pas dans César un seul exemple de la construction du datif « nobis est
» expositum » (p. 396). Cicéron n'a qu'une fois (Verr. 3, 31) la construction
« cui Pyragro nomen est, » elle n'est pas dans César (p. 400), et dans Tite
Live le nominatif est plus rare que le datif en cette construction (p. 401).
César n'a qu'une fois (B. C. 3, 105) la construction de l'adjectif neutre « in
» occultis ac reconditis templi » (p. 417). Catulle est le premier auteur oh l'on
rencontre les génitifs de prix assis et pili (p. 427). On ne trouve d'exemple de
ducere construit avec un génitif de prix que dans Cicéron de fin. 2, 8, 84 « quia
)) parvi id duceret » (p. 428). Exsors n'est pas construit avec le génitif avant
Virgile, Horace, Tite Live (p. 438). César n'offre qu'un exemple du participe
présent construit avec le génitif B. C. i, 69 «fugiens laboris)) (p. 446). Abdere
n'est construit avec l'ablatif sans préposition qu'une fois en prose (Cicéron pro
Arch. 6, se litteris abdiderunt) avant Tacite et Suétone (p. 509). Humi ne se
rencontre pas une seule fois avant Cicéron Catil. i, 10 (p. 530-531); César
n'emploie apud que deux fois avec des noms de villes (p. $42). Il n'y a qu'un
exemple d'infra dans la période archaïque (p. 570), ce que M. D. a tort de
trouver étonnant; ce n'est pas plus singulier que de ne trouver qu'une fois super
dans le sens propre de circonstance de lieu (Ennius ann. 14, 2, volât super
impetus undas) dans la même période.
S'il n'y a rien à conclure de ces faits, à plus forte raison ne peut-on tirer
aucun parti de statistiques comme celles-ci : dans le VP livre de Tite Live, au
style indirect, après un temps passé, l'imparfait et le plus-que-parfait du sub-
jonctif sont employés 160 fois et le présent et le parfait du même mode 89 fois
(p. 215); Quinte Curce construit indui -j fois avec l'accusatif, et 5 fois avec
l'ablatif (p. 336).
Il me paraît à peu près impossible de fonder des règles sur des proportions
numériques, et en général sur ce qu'on appelle la fréquence ou la rareté d'une
construction, indépendamment de toute autre considération. Ainsi de ce que
Tite Live dit à l'accusatif sans préposition (8, 24) « Epirum devecta, » 31, 43
« iEgytum, » 37, 31 « Hellespontum, » 36, 42; 42, 44; 45, 10 « Pelopon-
» nesum » on ne saurait conclure qu'on construisait ainsi en prose les noms
grecs de pays, ou les noms de pays qui ont un grand développement de côtes;
M. D. a raison de ne voir là qu'un hasard (p. 384). On a avancé que le datif est
plus rare que le génitif avec superstes; M. D. fait remarquer que l'usage paraît
avoir été flottant (p. 409). On a dit qu'avec similis on construit presque toujours
au génitif les noms d'êtres vivants, particulièrement de dieux et d'hommes; mais
M. D. relève (p. 410) 7 exemples du datif de ces noms dans Cicéron.
Ainsi l'observation toute seule des faits, sans le raisonnement, ne peut con-
duire à aucune conclusion relativement à l'histoire ou à la légitimité d'une
construction. En ce qui touche le vocabulaire et les formes des mots, on a plus
de moyens de déterminer l'histoire de leur emploi. Le mot « guillotine )> porte
d'histoire et de littérature. 187
sa date avec lui; on peut prouver que «frêle» doit être plus ancien que «fragile. »
Mais en syntaxe, on ne dispose plus des mêmes ressources. Comment établir
qu'une construction du substantif comme « indomptable taureau , dragon impé-
» tueux, sa croupe se recourbe en replis tortueux » « fille de Henri le Grand,
» son grand cœur a surpassé sa naissance » n'est pas antérieure au xvii« siècle ?
Cet embarras où nous nous trouvons si souvent pour constater l'usage rend
la correction des textes bien délicate. Si l'on s'appuie sur le grand nombre des
exemples pour corriger le plus petit, on court risque de faire un cercle vicieux.
Il serait bien possible que in fût tombé après eum dans César (B. C. 5, 106)
« conjectans eum ^gyptum iter habere; » on peut même trouver la chose
probable; mais est-elle certaine? L'accusatif masculin me semble suspect dans
ce passage d'une lettre de Plancus à Cicéron (10, 21, 5) « mortuo non modo
)) honorem sed misericordiam quoque defuturum; » Va et Vu se ressemblent tant
dans les manuscrits du ix'' siècle qu'on pourrait lire aussi bien defuturam et
« graîam fuisse » dans pro Sestio 53. Faut-il conserver (jBruf. 75) ^^ o"^"^ ornatu
» orationis tanquam veste ^gfracfa .'' » J'en doute. M. D. admet (p. 177, 202)
une ellipse épistolaire de mitîerem dans ce passage de Servius (Cic. ep. ad Fam.
4, 12, 2) «se a Marcello ad me missum esse qui rogaret uti medicos.
» Coegi. » Mais aujourd'hui le manuscrit de Tours ' montre qu'il manquait « uti
» medicos ei mitîerem. Itaque medicos coegi. » Le texte des lettres familières n'est
pas jusqu'à présent assez bien établi pour donner de l'autorité aux singularités
qui s'y rencontrent. Ainsi je n'admettrais pas avec M. D. (p. 1 87) l'ellipse, de
« possent » après « uti » dans 4, $ ; il est plus probable que « in republica —
» uti » doit être transposé avant « honores. » On a raison, comme l'accorde
d'ailleurs (p. 469) M. D., d'ajouter la préposition dans i, 9, 17 « a pristina
» causa desciscere. » Le présent du subjonctif me paraît difficile à défendre dans
Cic. Verr. 5,6, 14 « comprehendi jussit; quisnon pertimescat .? » Cependant on
peut y voir avec M. D. (p. 215) l'équivalent d'un présent de narration. Mais ce
serait bien dur dans pro 5^rt/o 14, 32 « etiamne edicere audeas ne maererent
» homines meam, suam, reip. calamitatem? » L'imparfait du subjonctif
a maererent » appelle « aude^as, » correction de Lambin d'ailleurs facile à
justifier paléographiquement. Il ne me paraît guère possible de justifier (p. 228)
le présent du subjonctif dans Cicéron pro Murena 25, $0 « quibus rébus qui timor
» bonis omnibus iniectus sit si ille factus esset (consul), nolite a me com-
» moneri velle. » Il est trop facile de substituer « esset » à « sit. » La correc-
tion de Halm « dicerem » par « dixerim ;> me semble nécessaire dans Cic. Phil.
14, 6, 17; elle est, en tout cas, plus probable et plus naturelle que l'emploi du
parfait du subjonaif, sur lequel M. D. a d'ailleurs quelque scrupule (p. 240).
J'avoue ne pas soupçonner comment on corrigerait le texte de Properce 1,16,
24 « frigidaque eoo me dolet aura gelu; » mais il me semble qu'il faut admettre
une altération du texte plutôt que la construction transitive de « dolet » comme
^aufii rntdiiiryM 1
I. Cicéron. epistolae ad Familiares. Notice sur un manuscrit du XII« siècle (Bîbîiô-
thèque de l'École des Hautes études. XVII' fascicule). 1874. In-8». p. 12. ''^--'^
l88 '«^^^; REVUE CRITIQUE
synonyme de « dolore afficit » (p. 528). M. D. ne pense pas (p. 396) que
Madvig et Wesenberg aient eu des raisons suffisantes d'ajouter avec Lambin «a»
devant « nobis enim » dans Cic. Fin. 4, 22 « nobis enim ista quaesita, a nobis
» descripta, notata, praecepta sunt. » Pourtant Madvig dit, ce semble, avec
raison : « nec hic uUo modo dativus hic ferendus erat, quoniam non se haec
)) quaesita habere significat, sed sua opéra ad aliorum usum quaesita esse. »
L'ellipse de « viris » (p. 426) est bien dure dans Suétone Nero 1 5 « trium-
)) phalia ornamenta et quaestoriae dignitatis et nonnullis ex equestri ordine
» tribuit. » Tite Live emploie bien, elliptiquement, des ablatifs de qualité dans
deux passages que cite (p. 501) M. D. : 3, 57, 9 a non iuniores modo, sed
» emeritis etiam stipendiis ad nomina danda praesto fuere. » 21, 62, 5
« multis locis hominum specie procul candida veste visos; » mais ils sont
construits comme sujets, ce qui ne prouve rien pour une construction d'un génitif
de qualité comme complément indirect. Il me semble plus probable qu'il manque
un mot dans le texte de Suétone. On ne saurait du reste reprocher à M. D. de
ne pas s'inquiéter en général de la correction du texte. Ainsi il a raison de
suspecter Florus 2, 7, 8 « aderant Rhodii, nauticus populus, quitus a mari,
» consul a terris omnia equis virisque quatiebat. )> Suppléer « omnia quatienti-
» bus » après « mari » est bien dur; M. D. propose « qui » au lieu de « quibus; »
on se rapprocherait plus du manuscrit en lisant « qui [navi] bus » ou quelque
chose de semblable.
jirUne autre difficulté que rencontre le grammairien, c'est celle qu'il éprouve à
classer les exemples, à les unir suivant leurs analogies et à les séparer suivant
leurs différences. Je n'aurais sur ce point qu'un petit nombre d'objections à faire
à M. D. L'ellipse du verbe dans des propositions comparatives (p. 191, 195';
196, 197, 202, 203) comme «nec dierum numerum, ut nos, sed noctium
» computant (Tacite G. 1 1) » ne me semble pas de la même espèce que a ipsa
» novas vestes (feram), dura vir arma ferat (Ovide Her. 13, 40). » Si dans
l'exemple cité de Tacite on peut sous-entendre « computamus, « on ne peut pas
se contenter de cette ellipse dans l'exemple suivant « neque enim ego, ut multi,
» invideo aliis bono quo ipse careo (Pline ep. i, 10, 12); » ici il ne suffit pas
de sous-entendre «invident; » il faut encore sous-entendre tous les compléments
d' « invideo. » L'ellipse est au fond dans ces propositions celle du verbe
facere, dont le sens est contenu implicitement dans la proposition principale.
L'ellipse de l'infinitif avec les verbes possum, debeo, exisîimOy puto, etc., me
semble aussi d'une autre espèce que celles qui se rencontrent avec d'autres
verbes (197, 200). Le verbe possum a, comme on sait à l'indicatif (j)oîui signifie
souvent « j'aurais pu », poteram, « je pourrais »), une valeur trop particulière
pour que le subjonctif puisse être expliqué comme celui des autres verbes
(p. 202, 203, 214, 219) : ainsi (p. 294) dans l'exemple de Cicéron (Verr. 2, i,
75) « in illa re quid facere potueriî, non habebat, » le parfait du subjonctif
paraîtra peut-être moins singulier, si l'on songe au sens du parfait de l'indicatif
poîui. Les constructions des pronoms neutres, id, quid, quod, etc., comme com-
pléments directs avec les verbes doivent évidemment être séparées de celles des
d'histoire et de littérature. 189
autres noms (p. 332, 345, 347, 348). Le datif dans « neque insidiae consuli
)) procedebant (Salluste Cat. 3 2) » est réellement construit avec le substantif
seul, si le texte est correct; mais on peut contester (p. 406) qu'il soit ainsi
construit dans « Tegimenta galeis facere iubet » (César B. C. 3, 62), « id
» remedium timori fuit » (Tite Live 3, 3), et ailleurs. M. D. rapproche (p. 425)
la construction « omnis juventus, omnes etiam gravions aetatis (César B. G. 3,
» 16) » de « vir et consilii magni et virtutis (César B. G. 3, 5); » elle me
semble devoir être rapprochée plutôt des exemples très-remarquables cités par
M. D. (p. 420), où om/2w est construit comme un substantif, « omnes Tarquiniae
» stirpis (Tite Live 2, 2). »
Une question importante et délicate de la syntaxe latine, est celle des héllé-
nismes. Il me semble peu probable en général qu'une langue emprunte à une
autre des constructions; elle peut lui prendre des mots, des formes, des suffixes:
mais en général elle suit ses voies propres dans la syntaxe et n'y marche avec
d'autres langues que par suite de la communauté d'intelligence qui est entre les
hommes : des rencontres ne sont pas des emprunts. M. D. a raison de ne pas
admettre (p. 1 56) d'hellénisme dans « Juno cum Minerva tristes (Apulée, Met.
10,33)' )) ni (p. 171) dans « sub imperio fideliter atque obedienter futuros (Liv.
8, 19 » ni (p. 375) dans «dicto audientem esse alicui, » ni (p. 433) dans « bac
» vestrum frequentia (Cic. kg. agr. 2, 21). » Je ne reconnais pas davantage
l'influence du grec dans (p. 330) « quid tibi hanc curatiost rem.? (Plaute Amph,
I,. 3, 21), » dans (p. 375) la construction du datif avec « certare, iuctari,
» pugnare, » dans (p. 399) celle du datif « sita Anticyra est laeva parte
» sinum Corinthiacura intrantibus » (Liv. 26, 26), dans (p. 402) le datif « quo
» tibi, Tilli, sumere depositum clavum fierique tribunal » (Horace Saî. i, 6,
24), dans (p. 41$) le génitif « ut quisque audentiae habuisset, accurrerunt
(Tacite Ann. 15, 53),» dans (p. 448, 453) les génitifs « voti liberari, facti pur-
» gare, etc. » « cupiunt tui, studeat tui, desipiebam mentis, » dans (p. 608)
« in una urbe universam ceperitis Hispaniam (Liv. 26, 43). »
Une autre question, fort difficile à résoudre pour nous, est celle des différences
qui séparaient en latin la langue poétique de la langue de la prose. Ces diffé-
rences sont évidentes en grec ; mais en latin la langue des poètes semble avoir
été le produit d'une sorte d'industrie personnelle, et elle me paraît avoir différé
de la langue de la prose surtout par le choix, Pordre et l'association des mots,
et aussi (comme toutes les langues poétiques) par l'archaïsme. Ainsi je ne crois
pas que les poètes aient imaginé les premiers de construire sans préposition des
noms de lieux autres que les noms de villes, « devenere locos, Laviniaque litora
» venit; » et je crois encore moins que «l'imitation (die Nachahmung, p. 365)»
de ce tour « commence déjà avec Salluste (fr. 4, 2 1) « propinquantes iam amnera
» Tartanium. » Si nous avions conservé un plus grand nombre de monuments
delà prose la.tine>.le§ différences qui séparent la langue de la prose de celle de
iMwjiiiui'i Jb JuihiiO iib uni • -^
'1. On lit dans La Fontaine (Fables y 9, 3) : « Le singe avec le léopard gagnaient de
♦:}X»:gent.à la foire. »
190 ,'3Pmh REVUE CRITIQUE
la poésie nous paraîtraient sans doute moins considérables; si nous n'avions pas
Tite Live, beaucoup de constructions sembleraient particulières à Virgile.
L'ouvrage de M. Draeger offrirait sans doute plus de résultats nouveaux, si
l'auteur ne s'était pas renfermé dans un cercle d'auteurs dont la langue a déjà
été fort étudiée. Il n'est pourtant pas sans utilité par les exemples qui sont
rassemblés en grand nombre, en général convenablement disposés, et, à l'occa-
sion, discutés avec un esprit droit. c^i\i^^ï/. â i' «.
Charles Thorot.
192. — Egb. Friedrich v. Mulinen. Prodromus einer sch^vtreizerischen His-
toriographie. Bern, Huber. 1874. In-4°, x-240 p.
M. de Mulinen, l'auteur de VHelvetia sacra ', a formé le projet d'un Dictionnaire
biographique et bibliographique de tous les chroniqueurs, annalistes, historiens
et érudits suisses. Pour sonder les dispositions du public, il donne aujourd'hui
une esquisse de son travail, sous le titre de Prodromus einer schwelzerischen Histo-
riographie. Sans doute les matériaux rassemblés dans ce volume sont loin d'être
sans valeur et nous y trouvons des renseignements intéressants et utiles en par-
ticulier sur les érudits suisses contemporains et sur la bibliographie de leurs
écrits; mais d'un autre côté, au point de vue de la méthode et de l'exactitude,
le livre de M. de M. laisse singulièrement à désirer. Je n'insisterais pas sur
la disproportion entre les notices de la première partie du Dictionnaire, qui n'ont
qu'une à deux lignes souvent insignifiantes, et celles de la seconde partie, qui
renferment des détails parfois excessifs, si l'on ne remarquait pas que c'est en
approchant de la lettre M que M. de M. a jugé nécessaire de donner plus de
développement à ses articles. — A côté de ce défaut qui donne au livre l'appa-
rence d'une ébauche encore informe, et que M. de M. a lui-même déploré dans
sa préface, nous pourrions signaler une foule d'inexactitudes de détail. On est
étonné de voir un érudit suisse, auteur d'une Helvetia sacra, écrire « Fredegarius,
» Scholasticus , aus Avenches, (?) lebte um 649, schrieb ein Leben des S* Co-
» lumban. » — Il n'y a que le point d'interrogation que nous puissions approuver
dans cette ligne qui renferme autant d'erreurs que de mots 2. L'auteur anonyme
qu'on a nommé Frédégaire n'a jamais écrit de vie de S* Colomban, mais a
transcrit dans sa chronique plusieurs chapitres de la Vie de S* Colomban par
Jonas. On pourrait peut-être supposer que Jonas serait l'auteur de la compilation
dite de Frédégaire, mais non pas faire de Frédégaire l'hagiographe de Colom-
ban. La notice sur M. Bordier « Henri Bordier, aus Genf » est un peu sèche.
Nous avons été heureux de voir que pour Marius d'Avenches, M. de M. a
adopté les dates que nous avons cherché à établir dans nos études sur les sources
de l'Époque Mérovingienne. A l'article sur Raîpert, l'auteur des Casus S. Galli,
nous lisons que ce moine commença son ouvrage vers 885, et mourut vers 900,
i. Berne, i8$8-i86i. 2 v. in-4'.ivj'.y»-' :i'î^u.<,<*:>^h. v..v. \uk ,*
2. Voyez à ce sujet Rev. crit. 1875, n. 42, art.t^$è,'^l^'2tj6'2j8;
d'histoire et de littérature. 191
quand M. Meyer von Knonau dans son excellente édition de Ratpert' a montré
qu'il cessa de travailler en 884 et probablement mourut peu après. Chose plus
étrange, M. de M. cite les éditions de Goldart et de Pertz (en réalité d'I. v. Arx
dans Pertz) et ne cite pas la dernière et la meilleure, celle de Meyer v. Knonau.
Nous ne multiplierons pas ces exemples qui suffiront à montrer que M. de M.
devra apporter à la confection de son grand dictionnaire des soins plus attentifs
que ceux qu'il a donnés à son Prodromus.
G. M.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 1 0 septembre 1 87 $ .
M. de Longpérier déclare qu'à propos de sa communication de vendredi dernier
sur le vers Indocti discant et ament meminisse periti, il a reçu une lettre de
M. Langlacé qui lui dit que l'attribution de ce vers au président Hénault se trouve
déjà dans un livre de M. Ed. Fournier, L'esprit des autres. M. Langlacé émet en
outre l'opinion que vraisemblablement Hénault a trouvé le genre de son vers
dans le passage de Quintilien : docti rationem componendi intelligunt, etiam indocti
uoluptatem (Inst. or. 9. 4. 116): M. de Longpérier reconnaît seulement qu' « ii
)) est évident que le mot indocti est commun aux deux textes ». ^'^
M. de Wailly lit une note au sujet d'un article de M. le comte Riant, sur la
4* croisade , qui a paru dans la Revue des questions historiques. Dans cet article
M. Riant porte sur le chroniqueur Ville-Hardouin les jugements les plus sévères,
et, dit M. de Wailly, les moins justifiés; il conteste l'exactitude et même la
sincérité de Ville-Hardouin, et aussi la loyauté de sa conduite dans la croisade :
il va jusqu'à l'accuser d^avoir vendu à prix d'argent son influence ou son silence.
M. de Wailly regrette que ses travaux ne lui laissent pas le temps de défendre la
réputation de l'historien dont il est le dernier éditeur. Mais il ne veut pas laisser
passer sans faire ses réserves l'article de M. Riant, afin que son silence ne
puisse pas être pris pour une adhésion. — Il ajoute que du reste M. Riant n'a
apporté à l'appui de sa thèse aucun texte nouveau; il invoque pour prouver que
les Vénitiens avaient trahi la cause des croisés un traité de commerce du 1 5 mai
1202, entre Malek Adel et Venise, qui aurait été le prix de la trahison; mais
dans ce texte il n^y a de nouveau que la date, et cette date prétendue n'est
qu'une conjecture de M. Hopf. D'ailleurs le texte du traité, qui était déjà connu,
ne prouve aucune trahison de la part des Vénitiens; ceux-ci ont fait des traités
semblables à d'autres époques où ils se prêtaient aussi à servir des entreprises
de croisades, par exemple en 12 18.
Le ministre de l'instruction publique transmet à l'académie pour la commis-
sion des inscriptions. sémitiques les fac simile de deux épitaphes arabes, avec
I. Dans ks Mittheilungen zur vaterUndischen Geschichtc, neue Folge, 3 Heft. 1872.
Voy. Rfv. cm. 1873, n* $2, art. 228.. :: _•.
IC)2 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
transcription et commentaire, et une notice sur le pacha Abdy, qui administra
la régence d'Alger de 1724 à 1732, le tout envoyé par M. Cherbonneau.
M. de Sainte Marie écrit à l'académie qu'il s'occupe de faire emballer les
inscriptions puniques recueillies par lui, pour les envoyer à la Bibliothèque
nationale, où le ministre a décidé qu'elles seront placées. Ces inscriptions sont
au nombre de 208 ^ M. de Sainte Marie demande qu'on emploie, pour les
exposer à la vue du public, le procédé qui consiste à encastrer les inscriptions
dans les murailles. — Il annonce en même temps que par décision du gouver-
neur général de l'Algérie une somme de 500 fr. a été mise à sa disposition pour
des recherches d'objets antiques en Tunisie.
M. Clermont Ganneau écrit pour faire ses réserves sur ce qui a été dit à
l'académie à propos du premier rapport de M. Guérin. Ce rapport traitait de la
question du tombeau des Machabées, et le nom de M. Clermont Ganneau s'est
trouvé mêlé dans la discussion de cette question. Sa lettre est renvoyée à M. de
Saulcy, qui avait rendu compte à l'académie du rapport de M. Guérin (séance
du 27 août).
M. Maury continue la lecture de ses observations sur la langue étrusque, à
propos du livre de M. Corssen Ueber die Sprache der Etrusker. — Il étudie le mot
lupuce, que M. Corssen a voulu expliquer à l'aide du grec et traduire, soit par
e^Xu^l^E, (un tel) a sculpté, soit par ^Xu^suç, sculpteur. M. Maury pense que dans
les inscriptions où l'on trouve ce mot, qui sont toutes des épitaphes, il a toujours
pour sujet le nom du mort et non pas le nom de l'artiste auteur du monument,
que l'emploi de ce mot dans les inscriptions funéraires répond à la formule latine
siBi vivvs FECiT, et que quant à sa forme il correspond au latin locauit.
M. Thurot termine la lecture du second rapport de M. Guérin sur sa mission
en Palestine.
Rien n'étant plus à l'ordre du jour, la séance est levée à quatre heures et
demie.
Ouvrages déposés : — Notices et extraits des manuscrits, t. 25, 2' partie; Paris, 1875,
in.4»; — Aristide Marre, Kata-kata malayou ou recueil des mots malais francisés;
Paris, 1875, in-i2 ; —présenté par M. Maury : Angelo de Gubernatis, Storia dei viag-
giatori italiani nelle Indie orientali; Livorno, 1875, in- 12.
Julien Havet.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
Nqeldeke, Mandaeische Grammatik (Halle, Buchhdlg des Waisenhauses). — Pascal's
Gedanken ûber die Religion. Untersuchung v. Dreydorff (Leipzig, Hirzel). — Th.
Wrkjht, The Celt, the Roman and the Saxon. 3d éd. (London, Trùbner).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
Maltzahn. Leipzig, Veit u. Co. In-8^ xliij-354 p. (contient 78 lettres de
Schiller, 60 de son beau-frère, 19 de sa sœur). — J. Hillebrand, Die deutsche
Nationalliteratur im 18. u. 19. Jahrh. 3. Aufl. v. K. Hillebrand (cf. Rev. crit.j
1875. l P- 317).
Jenaer Literatarzeitung, n" 27, 3 juillet (le n° 26 ne nous est point par-
venu). Von Schulte, Die Geschichte derQuellen und Literatur des canonischen
Rechts von Gratian bis auf die Gegenwart. Drei Bde. Bd. i : Einleitung. Stutt-
gart, Enke. In-8", viij-264 p. (P. Hinschius). — Loserth, Studien zu bœhmi-
schen Geschichtsquellen. Wien,'Gerold's S. In-8°, 42 p. (SigmundRiEZLER). —
Von Dalwigk, Das Leben und die Schriften des François de la Noue. Coburg,
Druck. d. Dietz'schen Hofb. In-4°, 24 p. (Theodor Schott). — Zumptius, De
imperatoris Augusti die natali fastisque ab dictatore Caesare emendatis commen-
tatiochronologica. Lipsiae, Teubner. ln-8", 66 p. (Constantin John). — Weske,
Ueber die historische Entwickelung der finnischen Sprachen. Dorpat, Gedr. bei
Laakmann. In-8°, 16 p. (Hermann Suchier).
Germania, herausg. v. K. BartscH. Neue Reihe. Achter Jahrg. Zweites Heft.
Althochdeutsche Glossen (Nolte). — Zu Konrads Trojanerkriege (K. Bartsch).
— Zur Thidrekssaga (Hugo Treutler). — Die Stuttgarter Oswaltprosa (A.
Edzardi). — Ueber islaendische Apokrypha (K. Maurer). — Bruchstùcke aus
Meister Eckhart (Fedor Bech). — Liîteratur : Zu selteren romantischen Litte-
ratur im Norden. I. (E. Kœlbing). — W. Wilmans, Die Entwicklung der
Kudrundichtung (E. Wilken). — Miscellen : Altdeutsche Frescobilder. — Hand-
schriften in Olmûtz. — 30. Versammlung deutscher Philologen und Schul-
maenner.
La Rivista Europea. Mai. — P. Tedeschi, Sulla cronaca di Dino
Compagni (M. T. cherche à défendre l'authenticité de Dino — ce premier
article ne renferme que des remarques de langues sans grande importance). —
P. ViGO, Il palazzo comunale e la repubblica di Siena. — P. Boborykin, Del
criticismo russo (fm). — B. Paulowic, La Stregoneria nel Rinascimento e sotto
la Riforma (fm : ne renferme rien d'original). — Patuzzi, Cesare Betteloni
(fm). — Bibliographie et nouvelles littéraires d'Italie, de France, de Russie et
de Hongrie.
■ Juin. — G. BiASUTTi, Gli apologisti del Cesarismo. — V. de
Tivoli , Sonneito inedito di Michel Angelo (sonnet écrit sur le dos d'une feuille
de croquis de la collection Lawrence à Oxford et resté jusqu'ici indéchiffrable).
— Lettere inédite d'illustri italiani (entre autres trois lettres de Borsieri, le
compagnon de captivité de Silvio Pellico). — P. Tedeschi, Sulla cronaca di
Dino Compagni (s'attaque à Fanfani et non à Scheffer-Boichorst qu'il appelle
toujours Schœffer). — P. L. Cecchi, Il progresso del pensiero nelle lettere del
Rinascimento. — G. Sforza, Rassegna degli studii storici in Italia (sur les
publications de la R. Depatazione plemonîese di sîoria patria). — Bibliographie et
nouvelles littéraires françaises, italiennes et slaves.
■ j diit^miv
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DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
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Guigue, Albrier, Arcelin, les archives et
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714. Lyon (imp. Vingtrinier).
Robert (U.). Zacharie le Chrysopolitain.
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Sorgenfrey. Zur Charakteristik d. Otto
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Sforza (G.). Saggio di una bibliografia
storica délia Lunigiana. Tomo i. In-40,
266 p. Modena (Vincenzi).
Steyert (A.) et Relie (F.). Inventaire-
sommaire des archives hospitalières an*
térieures à 1790. Ville de Lyon. La
charité ou aumône générale. Séries A et
B. T. I". In-4', 41 1 p. Lyon (Brun).
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Pâli with Introduction and notes by M.
Coomâra Swâmy. In-S®, xxxvj-i6o p.
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Zumpt. De dictatoris Caesaris die et anno
natali.
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N° 39 Neuvième année. 25 Septembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
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suivant le pays.
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• Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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En vente à la librairie A. Franck, F. Vieweg propriétaire,
67, rue de Richelieu.
TU TV yf A O nn T NÎ ^^ Prométhéide. Étude sur la pensée
• Il • iVl /\ iV 1 1 iN et la structure de cette trilogie
d'Eschyle. In-4*. 4 fr.
Histoire de la Monnaie romaine, tra-
duite de l'allemand par le duc de Blacaî
Institut. Tome IV et dernier, i vol.
gr. in-80, orné de 20 planches. 10 fr.
T'a yr x->. \ Ji \ /f Q T7 XT Histoire de la Monnaie romame, tra-
. IVl U M M O EL IN duite de l'allemand par le duc de Blacas
et publiée par J. de Witte, membre de l'Institut. Tome IV et dernier, i vol.
PTD T T7 D D ET T^ Vocabulaire hiéroglyphique comprenant
• 1 1 JCj rV rv IL 1 les mots de la langue, les noms géogra-
phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement, i" fascicule.
Gr. in-8°. 6 fr.
ET-N T-1 r\ /-x T T /^ T7 Chrestomathie égyptienne. Abrégé
• lJ i-J WkJ U VJT lL grammatical. 3^ fascicule. 20 fr.
Le 4e fascicule est sous presse.
En vente chez Rollin et Feuardent, 4, rue de Louvois.
Pr) T T-i Q Q T7I ryi Dictionnaire d'archéologie égyptienne.
• r 1 ELi rvrvll. 1 i vol. in-i8jésus. 6fr.
PÉRIODIQUES,
' <l
Revue d'Alsace. Avril-Mai-Juin 187$. X. Mossmann, Matériaux pour servir
à l'histoire de l'invasion des Armagnacs en Alsace (ces matériaux tirés des
archives de Colmar, 1435-1445, ajoutent de nombreux renseignements à ceux
qu'a recueillis M. Tuetey dans son histoire des Écorcheurs sous Charles VII). —
Arth. Benoit, Collections et collectionneurs alsaciens 1600- 1820 (suite). — Ed.
Casser, Les Archives de Belfort (inventaire officiel dressé en 173 1). — P. E.
TuEFFERD, Curiosités de l'histoire de Montbéliard (suite). — D. Fischer, Les
revenus de l'évêché de Strasbourg (ils étaient en 1787 de 520,054 livres, 7 sous,
7 deniers). — Bulletin bibliographique (Tuetey, Les Ecorcheurs. — D. Fischer,
Geschichte der Stadt Zabern).
Juiilet-Août-Septembre. — D. Fischer, La dissolution de l'ordre des
Jésuites en Alsace (historique intéressant des collèges de Jésuites). — P. E.
Tuefferd, Curiosités de l'histoire de Montbéliard (fin). — A. Duvernoy, Les-
Montbéliards en Palestine (étude sur la part assez importante prise par les comtes
de Montbéliard aux croisades). — Arth. Benoit, Collections et collectionneurs
alsaciens 1600-1820 (fin). — Ch. Grad, Le foyer alsacien (légende de la chasse
maudite). — X. Mossmann, Matériaux pour servir à l'histoire de l'invasion des
Armagnacs (suite).
The Academy, n" 174, new séries, 4 septembre. Liber Protocollorum
M. Cuthberti Simonis, Notarii publici et Scribae Capituli Glasguensis, A. D.
1499-1 5 1 3, etc. Ed. by J. Bain and Rev. Ch. Rogers. London (James Raine:
contient de forts curieux renseignements sur les mœurs de l'époque). — W. Lord
Watts, Snioland, or Iceland, its Jôkulls and Fjalls. London, Longmans and Co.
(C. P. Ilbert : mal rédigé et peu instructif). — German Letter (C. Alden-
HOVEN : revue d'ouvrages d'histoire). — Correspondence. M. W. J. Van Eys's
« Étude sur l'origine et la formation des verbes auxiliaires basques » (L.-L.
Bonaparte: expose la vraie formation du nom verbal eroan, et combat l'opinion
de M. Van Eys). — Mohammad's Condemnation of Pictures (Stanley Lane
PooLE : redresse plusieurs erreurs contenues dans un article récent de V Academy
sur le travail de M. Lavoix relatif à l'art musulman). — Shakspere and Richard III
(F. J. Furnivall : cite la source historique sur laquelle Shakspere s'est fondé
pour attribuer le meurtre du duc de Clarence à son frère Richard). — Prehistoric
Antiquities in the Stockholm Muséum (Henry Schliemann). — Vicomte Henry
Delaborde, Le Département des Estampes à la Bibliothèque nationale. Paris,
Pion (Frederick Wedmore : art. très-favorable).
The Athenœum, n® 2497, 4 septembre. Ch. Merivale, A General History
of Rome B. C. 753-A. D. 476. Longmans and Co. (le meilleur résumé
d'histoire romaine qu'on puisse trouver; volume compacte de 691 pages). —
W. D. Whitney, The Life and Growth of Language. King and Co. (résumé
des Lectures on Language de l'auteur).
Literarisches Centralblatt, n*» 36, 4 septembre. Grill, Die Erzvaeter der
Menschheit. i. Abth. Leipzig, Fues's Verl. In-8°, xvj-362 p. (l'auteur voit dans
les Hébreux des Aryens et cherche à expliquer les noms propres de la Bible par
le sanscrit). — Uhrig, Bedenken gegen die ^Echtheit der mittelalterl. Sage von
der Entthronung des merowingischen Kœnigshauses durch den Papst Zacharias.
Leipzig, Veit und Co. In-8**, viij-8i p. {on recommande la lecture de cette bro-
chure comme spécimen de la méthode historique qui prévaut en Allemagne dans
les séminaires catholiques). — Reuter, Geschichte der religiœsen Aufklaerung
im Mittelalter. i. Bd. Berlin, Hertz. In-8% xx-335 p. (ouvrage d'une lecture
difficile, mais très-savant). — C. Valeri Flacci Setini Balbi Argonauticon libri
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 39 — 25 Septembre — 1875
Sommaire : 192. Ehlers, Des énigmes des Grecs. — 193. Calderon, Le Magicien
prodigieux, p. p. Magnabal. — Correspondance : Sur les origines des Bohémiens ou
Tsiganes, avec l'explication du nom Tsigane. — Sociétés savantes : Académie des
inscriptions.
y^ ,\.ny,c,
192. — De Graecorum aenîgmàtis et griphis. Von D' Johannes Ehlers.
Prenzlau^ Mieck. 1875. In-4°, 23 p.
L'auteur de cette petite dissertation s'est proposé de compléter et de mieux
ordonner les recherches de Morawski sur ce sujet. Il classe les énigmes et les
griphes que nous ont laissés les poètes grecs suivant leur époque, leur caractère
et leur provenance, et il apporte çà et là des corrections au texte. « Quo et ad
» litterarum historiam, » dit-il, « et ad vitam privatam Graecorum cognoscendam
» paulum conferre, quantulumcunque erit, cupimus. » En effet cet opuscule
contient diverses remarques intéressantes (voy. notamment ce qui est dit p. 4
sur la différence des énigmes grecques et des modernes). L'auteur remarque avec
raison que les Grecs paraissent avoir emprunté l'usage des énigmes aux Égyp-
tiens; mais il n'a sans doute pas raison de dire que le Sphinx est venu d'Egypte
en Grèce : il paraît plus probable que les Grecs ont donné aux étranges figures
qu'ils voyaient devant les temples égyptiens le nom du sphinx thébain : pourquoi .?
c'est ce qu'il est assez difficile de deviner. — M. Ehlers a enrichi sa dissertation
par le rapprochement de certaines énigmes grecques avec des énigmes populaires
chez divers peuples germaniques ; il aurait trouvé une moisson au moins aussi
riche dans les littératures populaires romanes. La fameuse énigme dont la solu-
tion fit, d'après une légende, mourir Homère de rire, "Oca £Xo[;.£v Xi7uc;j.£«T6(3f
off' QUI êXoiJLev cp£p6^£G6a, par exemple, se retrouve en France et ailleurs. >
193. — El mâgico prodigioso, comedia en très jornadas, por D. Pedro Calderon
de la Barca. Nouvelle édition publiée avec une notice, un argument analytique et des
notes en français, par J. G. Magnabal, agrégé des lettres. Paris, Hachette et çi.
1875. In-i2, xxiij et 177 p. — Prix : 1 fr. 50.
C'est la première fois , croyons-nous , qu'un drame de Calderon paraît en
France, dans le texte original, accompagné d'un commentaire grammatical et
historique. Il peut donc sembler intéressant d'étudier la manière dont l'éditeur
s'est acquitté d'une tâche, qui, pour être accomplie d'une façon quelque peu
satisfaisante, suppose chez celui qui l'entreprend une préparation philologique et
littéraire plus étendue et plus approfondie que ne sont généralement portés à le
croire les érudits qui ne font pas de la littérature castillane leur étude spéciale.
Cette publication réclame au reste, à un autre point de vue, l'attention de la
critique. Nous avons affaire ici à une édition classique; c'est du moins ce
XVI ,j
I 94 REVUE CRITIQUE
qui semble ressortir de ces mots qui terminent l'introduction de l'éditeur :
(c Tant par la notice qui précède que par les notes que nous avons ajoutées au
» texte, nous espérons avoir mis les lecteurs du Mdgico prodlgioso à même de
» comprendre l'esprit et la lettre d'une composition des plus originales de don
» Pedro Caldéron ', désignée comme sujet d'étude de la langue poétique espa-
» gnole par le Conseil supérieur de l'instruction publique ». M. Magnabal étant
membre de l'Université de France, son travail s'adressant spécialement à des
professeurs et à des étudiants de cette université, nous nous croyons autorisé à
juger par cette édition, et de la méthode que ce corps enseignant laisse appliquer
à l'étude de la langue et de la littérature castillane, et du degré de compétence
qu'il exige de ceux de ses membres qui se vouent à cette branche de l'enseigne-
ment des langues modernes. Nous allons examiner les trois parties de la nou-
velle édition du célèbre drame espagnol , c'est-à-dire la Notice sur Don Pedro
Caldéron et sur le Mdgico prodlgioso, le texte de la comedla et le commentaire de
l'éditeur.
Notice. — Le résumé de la vie du poète a été traduit par M. M., sauf quelques
détails pris ailleurs, de la biographie de Caldéron insérée par le regrettable et
regretté Cayetano Alberto de la Barrera dans son excellent Catdlogo blbllogrdfico
y blogrdfico del teatro antlguo espanol. Sans doute il n'est pas défendu de repro-
duire ce qui a été dit, et bien dit, par un autre 2, mais au moins doit-on copier
avec discernement. M. M., qui calque le castillan de La Barrera, plutôt qu'il ne
le traduit, nous enseigne, entre autres choses, que Caldéron a appris « les rudi-
» ments de la grammaire au collège impérial de Madrid ». Cette épithète d'Im-
périal n'indique pas aux lecteurs français de Caldéron, qui ne connaissent pas
Madrid, qu'il s'agit ici du célèbre collège de la Société de Jésus, et cepen-
dant il importe beaucoup à ces mêmes lecteurs de savoir que l'un des plus
grands poètes de l'Espagne a été élevé par les Jésuites. La phrase suivante est
tout à fait inintelligible : « il (Caldéron) se fit ordonner prêtre, avec l'autorisa-
» tion royale, en 165 1, et avec le titre d'un patronat de famille, fondé dans la
» paroisse de San Salvador ». A tltulo de en castillan signifie « à cause de, sous
prétexte de ». La Barrera a voulu dire qu'une fondation pieuse de la famille
de Caldéron dans la paroisse en question avait motivé le changement de carrière
du poète. M. M. s'entend à prendre des précautions : il déclare qu'il n'a pas
voulu « donner une biographie étendue et complète de son auteur » ; mais il lui
eût été facile d'être plus complet, sans être plus étendu ; il devait parler en tous
cas de ce curieux et trop court fragment de romance ? où Caldéron se décrit lui-
même à une dame, au physique et au moral, avec infiniment d'esprit et de
grâce. C'est, malheureusement, la seule autobiographie que nous possédions du
poète. — La partie de la notice qui concerne le Mdgico prodlgioso satisfait encore
moins aux légitimes exigences de la critique. Sans doute il ne s'agissait point de
1. Pourquoi M. M. écrit-il toujours Caldéron.?
2. Pourvu toutefois qu'on n'omette point de rendre à César ce qui est à César.
3 . Découvert par M. Jorge Diaz, et publié par M. Hartzenbusch dans le tome I", p. 58 $•
586, des Comedias escogidas de Lope ae Vega.
d'histoire et de littérature. 195
discuter ici Porigine de la légende de S* Cyprien, la confusion du Cyprien
d'Antioche et du Cyprien de Carthage, les rapports des textes latins entre eux et
la source directe du drame de Calderon. Ces recherches, M. M. devait les faire
pour lui, et devait en présenter au lecteur un résumé nourri et bien coordonné.
Au lieu de cela, M. M. s'est borné à transcrire « un abrégé des Actes authene
» tiques publiés par les Bollandistes )>. Que dire ensuite de la manière doiit
M. M. traite des rapports de la vie de Cyprien avec la légende de Faust ? Bien
qu'il ait lu ' une dissertation spéciale sur ce sujet de K. Rosenkranz, c'est Phi-
larète Chasles que M. M. a pris cette fois pour souffleur, Philarète Chasles qui
entame une discussion sérieuse avec Eugenio de Ochoa (!) sur cette question de
littérature comparée. On nous dispensera d'insister davantage sur cette partie du
travail de M. M. 2. Une remarque toutefois avant de finir. Dans l'introduction de
cette édition classique destinée surtout à être lue dans des collèges français, on
ne trouve pas un mot sur la versification de la comedia espagnole.
Texte. — Les recensions du Mdgico prodigioso qui doivent servir l'établissement
d'un texte correct, — je ne dis pas critique — sont celles de la Parte XX de
comedias varias (1663) et de la Sexta parte de l'édition de Vera Tassis (1682)?.
Il faut en outre consulter les éditions modernes de Keil et de Hartzenbusch.
M. M. s'est contenté de reproduire le texte établi par Hartzenbusch, et il faut
lui savoir gré de cette preuve de modestie 4.
Commentaire philologique. — Ce commentaire est conçu de telle manière qu'on
ne voit point à quelle catégorie de lecteurs il s'adresse. Tantôt le commentateur
croit évidemment parler à des collégiens qui ne savent pas un mot d'espagnol :
quand il enseigne, par exemple, que la forme elija est le subjonctif du verbe
eligir; tantôt d'importants idiotismes de la langue castillane ne sont même pas
signalés à l'attention du lecteur français : à la vérité c'est un peu parce que
M. M. ne les entend pas lui-même. Que penser en effet d'un éditeur de Calderon
qui traduit (p. 7) Que va que par « Qu'arrive-t-il c'est que », au lieu de « Com-
1. Puisqu'il la cite et l'apprécie en ces termes : a En 1829 Karl Rosenkranz à Leip-
» zick (lisez : Halle) s' occupe du Magicien prodigieux dans une dissertation des plus intéres-
» santés ijuoique un peu trop métaphysique ». Ce jugement, un peu vague, ne serait-il point
celui de Ticknor.? M. M. doit savoir cela mieux que personne, lui qui a traduit la tra-
duction espagnole de l'ouvrage du savant américain. Voy. Revue critique, 1873, n* 30.
2. Vaut-il la peine de signaler les fautes d'impression Riano (partout) pour Riano,
Flandres (p. vj) pour Flandre ou dans les Flandres; Charles /K (p. xv) pour Charles lîl\
Criés (p. xvij) pour Cries j etc.? L'édition de Hartzenbusch a été publiée non en 1866,
mais en 1848.
3 . Il y a bien une copie manuscrite du Mâgico chez le duc d'Osuna, mais on n'en a point
encore tiré parti.
4. La correction laisse à désirer. P. 29, v. 7 supprimez en; p. 30, v. 12 mettez la virgule
après pudiera; p. 37, v. 2 du bas consangre, lis. con sangre; p. 92, I. 2 eboza, lis. em-
hoza; p. 108, v. \ du bas santo, lis. tanto\ p. 119, v. 16 Asombraos, lis. Asombrâos\
p. 120, V. 7 du bas mettez une virgule après dccir\ p. 128, 11 du bas V, lis. 0; p. 131,
V. 1 du bas Forzârale, lis. Forzarâle; p. 140, I. 4 du bas Aparecé, lis. Aparcce; p. 156,
V. 6 Dejàrete, lis. Dejaréte; p. 166, v. 8 Al otro^ 0 sanudo^ lis. us. (pour être conséquent
avec la règle donnée p. 14^, note 6); p. 169, v. 12 Confia, lis. Confia. — M. M. a ré-
tabli avec raison à la se. XIV du III^ acte (p. 143) l'indication scénique supprimée, très
à tort, par Hartzenbusch. Pourquoi n'a-t-il pas procédé de même à la scène XI (p. 140).?
196 REVUE CRITIQUE
» bien paries-tu que »; Esa es la ignorancia (p. 12) par « Telle est, etc. )>, au
lieu de « C'est en cela précisément que consiste, etc. »; no hay traza (p. 26) par
« il n'y a pas d'exemple », au lieu de u aucun moyen n'existe »; no ha nacido
de (p. 34) par « il n'est pas naturel » pour « cela ne vient pas de » ; Bueno es
eso (p. $7) par « C'est bien » pour « Voilà qui est fort! ». Nous en passons, et
des meilleures. Le côté de l'interprétation, on le voit, laisse à désirer dans ce
nouveau commentaire. Examinons maintenant les notes grammaticales. Ici
quelques citations suffiront. — P. 3, note 6 : « Que hay, qu'il y a; remarquez
)) cette forme hay, du verbe avoir, dont l'indicatif présent est he, has, ha. »
Ainsi M. M. n'a pas vu que hay représente habet -f- ibi! — P. 4, note 6. On nous
dit ici à propos du mot puedo « qu'il faut remarquer ce changement de l'o du
» radical en ue, qui forme en espagnol toute une série de verbes irréguliers » ;
Il faut encore signaler aux romanistes une note précieuse (p. 3) sur l'origine de
// en castillan. Parlerons-nous enfin de « l'introduction du g dans tengo » (p. 4),
de « l'accent tonique ou orthographique » en castillan (p. 8), de « visto, parti-
» cipe passé irrégulier de ver, voir » (p. 33), de la « contraction de ae en ai »
(p. 49), etc., etc.?
Mais tout cela n'est rien à côté des énormités que notre métier de critique
nous fait un devoir de citer. Que ceux de nos lecteurs qui ont lu le Mdgico
prodigioso veuillent bien se reporter à la scène V du premier acte, au
moment où Lelio refuse le moyen que lui propose Cipriano pour éviter de
se battre avec son rival Floro, et veut vider sa querelle sur le champ :
Hemos en apelacion De volver d las espadas (il faut en revenir aux épées),
dit-il, El querido por su honor, y el oîro por su venganza (p. 29). Le
deuxième vers de ce passage porte correctement dans la nouvelle édition
espadas, dans la note au contraire ce mot s'est changé en espaldas. Le com-
mentateur, loin de s'étonner de cette bizarre leçon, a préféré forger un sens
grotesque avec cet intrus que de reporter les yeux au haut de la page. Aussi
M. M. a-t-il pris sur lui d'empêcher l'amant de Justine de ressaisir son épée; il
lui conseille prudemment « de tourner les épaules, de se retirer pour son hon-
» neur »! ! Mais nous avons mieux encore. — P. 113. Ici c'est le démon qui
est en scène, il conjure en ces termes la montagne, — qu'il avait transportée à
travers l'espace pour donner à Cyprien une preuve de sa puissance , — de
reprendre sa place : Pdjaro, que al viento vuelas, siendo tus plumas, tus ramos, etc.
M. Antoine de Latour dans sa traduction de Calderon", qui a été faite un peu
trop au courant de la plume, interprète ainsi ces deux vers : « Oiseau que le
» vent emporte et dont les plumes sont les rames. » Il est clair qu'il a lu, par
inadvertance, remos au lieu de ramos. On ne peut pas toujours copier les autres
impunément; ces malencontreuses rames de M. de Latour qui ont passé dans le
commentaire de M. M. nous en fournissent la preuve. Du reste une raison ex-
cellente aurait dû empêcher M. M. de reproduire ce ridicule non-sens'. Le
I. Œuvres dramatiques de Calderon. Paris, Didier. 1875. T. I, p. 330.
d'histoire et de littérature. 197
passage est écrit en vers de romance, l'assonance est en a-o, et porte précisé-
ment sur le mot qui nous occupe.
En voilà assez, pensons-nous, sur la compétence de l'éditeur en matière de
castillan.
M. Magnabal, qui est agrégé des lettres, sait-il mieux le français ? On en dou-
tera peut-être après avoir jeté un coup-d'œil sur les quelques passages de son
commentaire que nous réunissons ici. — P. 151, note \ \ A su cargo îuvo est
traduit par « eût pris » (pour <c a pris »); p. 142, note 5 : w ce qu'on désigne
)) vulgairement pour le mot abatis j) ; p. 157, note i : « avec quelle alarme ils
» m'ont tenue (en parlant d'un homme) »; p. 122, note 5 : v. froide par son em-
» pressemenî à se rendre aux désirs de Clarin » ; p. 40, note i : El sol saliese est
traduit par « que le soleil sortit, c.-à-d. parut, reparut )> ; p. 37, note 12 : Su
sed apaga con sangre De la que à martires vierte, etc. Le second vers est rendu
par : « de celle (!) qui verse, qui répand les martyrs, qui fait les martyrs » ;
etc., etc.
Commentaire historique et littéraire. — Parmi les allusions à la géographie ou à
l'histoire ancienne, il n'y en a guère qu'une qui puisse présenter au premier
abord quelque difficulté, et c'est aussi la seule que M. M. n'a pas expliquée.
Lisandro (acte V, se. VII) parle d'un pape Alexandre, qui, évidemment, ne
peut être qu'Alexandre V\ Au reste l'anachronisme est d'autant moins choquant,
comme l'a observé V. Schmidt^, que la date traditionnelle du pontificat de ce pape
est sans valeur historique. Au contraire les allusions à Antioche, ville peu connue,
à Pline l'Ancien, personnage énigmatique, ont suscité des notices développées,
où M. Bouillet, ou quelque autre compilateur ejusdem farinae, ne manquera pas
de reconnaître une bonne partie de sa prose. Quant à l'explication des termes
techniques du théâtre de la Péninsule, des locutions de la langue familière ou du
jargon de collège, des tournures propres au style poétique de Calderon, M. M.
s'en est tiré à bon marché. — P. i : a Jornada^ journée, chemin que l'on fait
)) pendant une journée; — expédition, bataille; dans le théâtre espagnol, acte
)) d'une pièce «. Comme cet article tiré d'un calepin quelconque vous renseigne
bien sur l'historique du terme! M. M. n'en connaîtrait-il pas l'origine, ne
saurait-il pas au moins le nom du poète espagnol qui l'a le premier appliqué à la
comedia? — P. 14: vaya de argumento. Cette locution, qui revient si souvent
dans les disputes entre gens d'école, est rendue par « que (l'objet de vos études)
» devienne un sujet de discussion ». — P. 118 : el alcdzar estrellado (la forte-
resse étoilée, c.-à-d. le ciel) « se prend en poésie », d'après notre éditeur,
« pour le palais des rois ». Et nous ne parlons pas ici, bien entendu, des pas-
sages vraiment difficiles qui, pour être entendus, exigent une connaissance
approfondie de la culture espagnole au temps de Calderon, du milieu intellectuel
). En 1816 le littérateur allemand J. D. Cries traduisait correctement les mêmes vers:
Vogel, der die Luft durchfliegct, Dem ah Flûgel diencn Zweige, etc. Schaaspielevon D. Pedro
Calderon de la Barca, ûbersetit v. J. D. Gries. Berlin. 1816. T. II, p. 112.
2. Die Schauspielc Calderon s. Elberfeld. 1857, p. 441, ouvrage inconnu à notre com-
mentateur.
1^8 REVUE CRITIQUE
et moral dans lequel s'est développé ce poète érudit; ces passages, est-il besoin
de le dire, M. M. les laisse se présenter d'eux-mêmes au lecteur, sans com-
mentaire d'aucune sorte '.
Nous manquons de renseignements précis sur l'état de l'enseignement de la
littérature espagnole dans nos établissements d'instruction secondaire. Il faudrait
avoir pratiqué des professeurs de cette spécialité, ou avoir assisté à leurs leçons,
pour se rendre compte de quelle manière les instructions ministérielles y sont
interprétées. Mais puisque le Conseil de l'instruction publique juge que nos
collégiens sont de force à expliquer des drames de la difficulté du Mdgico prodi-
giosOj il ne serait pas sans intérêt de savoir s'il pense aussi que des éditions, où
l'exégèse est faite à coups de dictionnaire , soient de nature à être mises entre
leurs mains. Alfred Morel-Fatio.
La Revue critique a récemment publié un article sur le Mémoire de M. de Goeje relatif
à rorigine des Bohémiens. Notre collaborateur, M. Bataillard, qui a naguère traité dans
la Revue ces mêmes questions , ayant à présenter à ce sujet quelques explications et à
établir des droits de priorité sur certains points, nous n'hésitons pas à lui ouvrir notre
Recueil. L'intérêt du sujet et la compétence de l'auteur nous y invitent également. Mais
nous tenons à lui laisser l'entière responsabilité de ses vues; car, sans avoir fait une étude
spéciale de la question, nous n'ignorons pas que sa thèse est en opposition avec les idées
admises par les savants les plus autorisés, et soulève des objections sérieuses.
La Rédaction.
CORRESPONDANCE.
Sur les origines des Bohémiens ou Tsiganes ,
AVEC l'explication DU NOM TSIGANE.
Lettre à la Revue critique.
La Revue critique, dans son n* du 22 mai dernier, a publié sur la récente
brochure de M. de Goeje, intitulée : Contribution à l'histoire des Tsiganes (en
hollandais), un article de M. E. Fagnan, qui m'a d'autant plus intéressé que
cette substantielle analyse peut suppléer jusqu'à un certain point à l'écrit original.
Or je ne puis pas dire que je connaisse celui-ci, bien que le savant professeur
de Leyde ait eu la bonté de me l'envoyer; car je ne lis pas le hollandais, et je
n'ai pu jusqu'ici m'en faire traduire que quelques passages.
Il m'a été facile toutefois de m'assurer que M. de Goeje y traitait très-savam-
ment une question intéressante, celle de l'identité (assez probable dans une
certaine mesure) des Bohémiens et des Djatt, que j'ai déjà abordée il y a 2$ ans
dans un travail sur lequel je reviendrai tout à l'heure; et j'ai vu avec quelque
surprise que l'auteur hollandais, qui connaît et qui cite assez souvent les longs
articles que j'ai publiés dans la Revue critique, 2' semestre de l'année 1 870-1 871 2,
1. Les fautes d'impression dans les notes de M. M. sont nombreuses et parfois de
nature à troubler les lecteurs inexpérimentés. P. 4, note 7 libras, lis. libres; p. 11, note
9 prenez, lis. preniez ; p. 51, note i s( — si, lis. si — si; p. 63 , note 8 en ella, lis. alla ; p. 64,
note I por fin, lis. porfia; p. 71, note 2 idololatra, lis. idolâtra ] p. 73, note 12 hu-ja, lis.
hu-je\ p. 131, note 7 esfuerzo, lis. esjuerza, etc.
2. Les derniers travaux relatifs aux Bohémiens dans l'Europe orientale, dont le tirage à
part forme un vol, de 80 p., Paris, Franck, 1872.
d'histoire et de littérature. 199
ne disait pas un mot de mon travail de 1849, et qu'il attribuait (p. 16) la pre-
mière idée de l'identification des Bohémiens et des Djatt à M. Pott, dans un
passage de la Zeiîschrift der D. Morg. Gesellschaft (vol. Vil, 1853, p. 39?), où
pourtant M. Pott lui-même renvoie à mon « exposé étendu » (weitere Ausein-
andersetzung) de la question.
Cette omission, que je ne prétends pas d'ailleurs reprocher à M. de Goeje, —
car sa bonne foi n'est pas plus en cause ici que sa science, à laquelle j'aime
à rendre hommage», — s'est naturellement reproduite dans les comptes-rendus
de son récent et intéressant mémoire : sur la foi des indications qu'il contient,
l'initiative de l'identification des Bohémiens et des Djatt est attribuée à M. Pott
et à quelques autres, parmi lesquels mon nom brille par son absence. — C'est
pour réclamer contre cette injustice involontaire que j'ai pris d'abord la plume.
Il me sera du reste facile d'abréger un peu cette première partie de ma longue
lettre ; car je viens précisément d'adresser une pareille réclamation au journal
anglais VAcademy ^, et je me bornerai à résumer ici les explications que j'ai
données dans cette lettre qui a déjà quelque étendue , en y renvoyant pour plus
de détails le lecteur que la question peut intéresser.
La Revue critique voulant bien m'accorder une large place très-exceptionnelle,
je diviserai ma lettre en trois parties : — La première contiendra , avec ma
réclamation, un résumé et un examen critique de la thèse de M. de Goeje. —
Dans la seconde, j'exposerai sommairement mes idées personnelles sur l'origine
des Bohémiens. — Dans la troisième, je donnerai, comme complément de l'ex-
posé qui remplit la seconde, une explication que je crois certaine et définitive du
nom des Tsiganes ; puis je terminerai par quelques réflexions sur les directions
nouvelles que les indications fournies tant par les données de M. de Goeje que
par les miennes doivent donner aux recherches philologiques, anthropologiques
et ethnographiques relatives à l'origine des Bohémiens , et sur les conséquences
diverses que pourront avoir les résultats de ces recherches.
I.
VAcademy, dans un court article de son n" du 27 février dernier , avait
signalé la brochure de M. de Goeje, en attribuant, comme l'a fait depuis la
Revue critique ^ à M. Pott en 1853, l'initiative de l'idée qui y est développée?.
1. Ce qui précède et même tout ce qui suit était écrit, lorsque j'ai reçu de M. de
Goeje une bonne et aimable lettre (en date du 13 juin) en réponse à celle que je lui avais
adressée en lui envoyant le n* de VAcademy qui contient ma 1" réclamation. Il y recon-
naît pleinement mes droits, et il m'explique qu'obligé à un peu de hâte pour fournira
l'Académie de Hollande la contribution qu'il avait promise pour la séance de janvier, il
n'avait pu se procurer ni mes anciens mémoires, dans l'un desquels se trouve le petit
travail spécial dont d'ailleurs l'indication par Pott lui avait échappé, ni les ouvrages de
Paspati qu'il a dû citer d'après les analyses que j'en ai données.
2. Voy. le n' du ^ juin 1875, p. ^83-585.
3. A M. Pott, VAcademy, d'après M. de Goeje (p. 15-16 et 25), adjoignait le
D' Trumpp, pour un passage de son article publié dans la Zeitschrift der D. Morgenl.
Gesellschaft de 1861, p. 690-695. A ces deux auteurs, M. Fagnan, dans la Revue critique,
ajoute H. Elliot {History of Itidia, t. i , Lond. 1867, p. 507 et surtout 465 , cité par
M. de Goeje, p. 1 5 et 18-19), ^^ M. Burton , mentionné ci-dessous. — A ce compte,
200 REVUE CRITIQUE
Puis, dans le n° du 27 mars du même recueil anglais, avait paru une longue et
intéressante lettre de M. Burton, de la Société royale de géographie, qui réclamait
la priorité dans ^identification des Bohémiens et des Jat, Djat ou Juth des bords
de Findus (dont le nom, dit-il, se prononce Dyaî) ', en citant un passage, d'ail-
leurs assez court, de son ouvrage publié en 1 8$ i , Sindh and the Races thaï inhabit
îhe valley of the Indus (p. 246-7), où l'idée d'un rapport de consanguinité entre
les Jat et les Gypsies est en effet donnée comme probable. M. Burton rappelait
en même temps qu'il a beaucoup vécu parmi les Jat, qu'il a publié en 1 849 une
grammaire de leur langue, etc.
La question de priorité dans l'identification des Bohémiens et des Djatt étant
ainsi soulevée dans VAcademy, je ne pouvais me laisser tout à fait oublier, moi
qui ai consacré tant d'années à l'étude des Bohémiens, et qui, bien que n'ayant
publié jusqu'ici sur eux que des travaux fragmentaires (dans lesquels du reste
ont puisé presque tous ceux qui se sont occupés de leur histoire), me trouve
avoir le premier traité cette question de l'identité probable des Tsiganes et des
Djatt.
Je me suis donc appliqué, dans ma lettre à VAcademy, à marquer exactement
les parts de chacun. Voici un résumé de la filiation de l'idée développée par
M. de Goeje. Pour en trouver le point de départ, il faut s'adresser en effet à
M. Pott, mais non à son article de 1853, il faut remonter à celui qu'il a publié
dans le même Zeitschrift en 1849 (vol. III, p. 326) : là, M. Pott revient sur une
tradition rapportée par Ferdoussy, par le Modjmel-al-Tevarykh et par le Tarikh-
Guzydeh, d'après laquelle Bahram-Gur, roi de Perse (420-440 de notre ère)
avait fait venir de l'Inde 2 dix ou douze mille musiciens, désignés sous le nom de
Luri, tradition qu'il avait déjà mentionnée dans son grand ouvrage, Die Zigeaner
(t. P', 1844, p. 62), en faisant remarquer dès lors que les Louri, qui ont encore
des descendants en Perse, paraissent être identiques aux Bohémiens; et, aux
témoignages précédents il ajoute, dans son article de 1849, celui de Hamza
Ispahani, qui rapporte le même fait dans un passage de ses Annales où les musi-
ciens en question sont désignés sous le nom de Zuth. M. Pott a soin de dire du
reste que c'est M. Fleischer qui lui a communiqué ce document, et qui lui a
fourni en même temps l'explication de ce nom de Zuth, qui était pour lui com-
plètement énigmatique, en ajoutant à sa communication un passage du Kâmûs
qui identifie Zoth, forme arabe, à Djatt, nom d'une race de l'Inde, et le passage
c'est-à-dire en prenant tous ceux qui, en s'occupant des habitants des bords de l'Indus,
ont pensé à un rapport possible ou probable entre eux et les Bohémiens, il serait certai-
nement facile d'accroître cette liste.
1. Le capit. Newbold, dans un court passage de son précieux mémoire posthume, The
Gypsies of Egypt (Journal of the R. Asiat. Society, vol. XVI, Part. 2, London, 1856,
p. 507-308), où il signale aussi les ressemblances qui l'avaient frappé entre les Bohémiens
et les Jats, et où il renvoie déjà sur ce point au passage du Sindh etc. de M. Burton, alors
lieutenant dans l'armée de Bombay, dit en terminant : « Il ne faut pas confondre les Jats
» avec les Jats, autre tribu qui habite le Scinde. » J'avoue que la distinction m'échappe :
c'est un point à éclaircir, sur lequel j'appelle les explications des personnes compétentes.
2. Ferdoussy dit que Bahram-Gur s'adressa au roi de Kanodje pour se faire envoyer
ces musiciens; les autres disent simplement : « au roi de l'Inde. » On aimerait à savoir
au juste de quelle partie de l'Inde ils vinrent.
d'histoire et de littérature. 201
du Dict. français-arabe d'Ellious Bocthor, qui est ainsi conçu : «Bohémien, Arabe
» vagabond, Tchinghiané, qui dit la bonne aventure, vole, etc. ; se dit à Damas
)) Zotty, au pi. Zott. » — Rien de plus. On voit que, dans l'identification des
Djatt de l'Inde et des Tsiganes, la part de M. Pott est jusqu'ici fort petite. Le
grand philologue de Halle est assez riche de son propre fonds pour se contenter
de ce qui lui appartient; et mon respect pour lui comme sa bienveillance pour
moi me sont un sûr garant qu'il ne sera pas blessé de ma réclamation.
Là pourtant, dans cette communication de M. Fleischer, publiée par M. Pott,
se trouve le vrai point de départ et le premier anneau d'une identification sérieuse
des Tsiganes et des Djatt. C'est ce que comprit le savant et regrettable M. Rei-
naud , qui appela mon attention sur ce point, au moment même où je publiais
dans la Biblioîhèque de VÉcole des chartes (année 1 849) mon 2^ mémoire sur
V Apparition des Bohémiens en Europe^, et qui, avec une bienveillance que je ne
saurais trop reconnaître, m'aida dans une tâche o\i le concours d'un orientaliste
était nécessaire. De là, la Note additionnelle qui termine ce 2'' mémoire. Or cette
note de 10 grandes pages assez compactes a précisément pour objet d'établir
l'identité probable des Tsiganes et des Djatt. Après y avoir réuni les récits, que
M. Pott n'avait fait qu'indiquer, de Ferdoussy (vers l'an 1000), du Modjmel-al-
Tevarykh (vers 1 126), — je n^ai pu me procurer la relation textuelle du Tarik-
Giizydeh (vers 1329), — et celui de Hamza-Ispahani , que M. Pott avait cru
postérieur à Ferdoussy, tandis que cet auteur arabe-persan est le plus ancien de
tous, puisqu'il écrivait au x^ siècle, — j'ai encore pu, avec l'aide de M. Reinaud,
retrouver un cinquième récit du même fait par le persan Mirkhond (xv^ siècle),
où le nom qui sert à désigner les musiciens, écrit dans certains manuscrits Khani
ou Kheny, est écrit dans d'autres Djatt et Djatty, au pi. Djattan, qui, au juge-
ment de M. Reinaud, est beaucoup plus vraisemblable. Je compare ces récits,
j'indique leurs dates et la part d'originalité de chacun; je fais ressortir l'impor-
tance du nom donné par Hamza et probablement par Mirkhond, rapproché des
indications fournies par le Kâmûs et par Ellious Bocthor; et finalement je pars
de là pour recueillir quelques données historiques sur ces Djatt de l'Inde, qui
paraissent avoir des affinités si étroites avec nos Bohémiens.
Il ne me semble pas bien nécessaire après cela de revenir sur le passage de
l'article de M. Pott, dans la même Zeitschrift de iSj^, qui est donné, par M. de
Goeje et par les auteurs des comptes-rendus de son ouvrage, comme le point de
départ de l'identification des Bohémiens et des Djatt, et dans lequel M. Pott
lui-même renvoie à mon travail. On trouvera du reste ce passage, comme celui
de l'article de 1849, textuellement reproduit dans ma lettre à VAcademy, aussi
bien que celui d'un article de la Zeitschrift de 1850, où M. Fleischer, l'éminent
orientaliste de Leipzig, le véritable initiateur du rapprochement qui nous occupe,
signale mon travail, en disant que « Bataillard a, avec l'aide de Reinaud,
)) porté à une grande vraisemblance, l'opinion que les Zigeuner descendent des
1 . Ce 2e mémoire , dont le tirage à part (beaucoup plus complet que le texte de la
Biblioth. dans la Note addit. qui nous occupe) n'est pas encore épuisé, comme l'est depuis
longtemps celui du i", se trouve à la librairie Franck, 1849, gr. in-B* de 48 p.
202 REVUE CRITIQUE
» G' at OU G^et, les plus anciens habitants du Nord-Ouest de Pinde » Je
pourrais même citer la lettre que M. Fleischer a bien voulu m^écrire à ce
sujet, et dont je suis heureux de le remercier à 25 ans de distance, ce qui est,
j'en conviens, un peu tardif.
Mais j'ai hâte d'aborder quelques questions moins personnelles.
Comme je le remarque dans ma lettre à VAcademy^ la question de l'identité
originelle des Bohémiens et des Djatt , telle qu'elle se pose ici , c'est-à-dire en
tant que les Bohémiens dériveraient de migrations ou de transportations djattes
datant du moyen-âge, se subdivise en plusieurs branches d'études. — Il y a la
part de l'érudition orientale, qui, une fois le lien entrevu, doit nous renseigner
sur les migrations ou transportations de Djatt, rechercher les Bohémiens sous le
nom de Djatt hors de l'Inde, et relever tout ce qui peut, surtout historiquement y
justifier et expliquer cette identification. C'est par ce côté que j'ai abordé la
question il y a 25 ans; c'est par ce côté que M. de Goeje vient de la traiter plus
à fond, avec sa compétence d'orientaliste et surtout d'arabisant. Il faut noter
toutefois que la base sur laquelle repose l'identification des Bohémiens et des
Djatt reste exactement celle que M. Fleischer et M. Pott m'avaient fournie en
1849, ^^^ M- ^^ Goeje ne l'a, je crois, ni élargie ni fortifiée (il a même ignoré,
si je ne me trompe, le petit étai nouveau que lui apporte le texte de Mirkhond),
que seulement il a éclairci la thèse elle-même et ajouté à sa vraisemblance en
complétant l'histoire des migrations et des transportations de Djatt vers l'Occi-
dent', et particulièrement vers les régions de l'Asie antérieure et de l'Europe
orientale où se retrouvent les Bohémiens, notamment en Syrie, où les Bohémiens
seraient connus sous ce nom de Zott, qui a servi de point de départ à l'identifi-
cation. — Mais, sans parler de l'extrême opportunité qu'il y aurait à mieux con-
naître ces Zott-Bohémiens de la Syrie 2, il reste d'autres côtés de la question,
qui sont encore obscurs ou inexplorés, même après la communication de
M. Burton, et qui ont une grande importance.
Je veux parler des côtés ethnographiques , anthropologiques et philologiques
1. M. de Goeje ne mentionne pas de colonies djattes plus anciennes que celles qu'on
trouve sur les côtes de l'Arabie et de la Perse au VII" siècle, et que j'avais déjà mention-
nées dans mon mémoire de 1849, p. 46. Mais il fait connaître des transportations de
Zott, en Syrie en 670, vers le Khouzistân en 710, etc., tandis que la première que j'ai
indiquée était celle du IX' siècle.
2. Une identification qui repose sur un nom tout local, qui peut d'ailleurs être mal
pris ou mal appliqué, demande bien des vérifications. — Par exemple, les Boh. de la
région de S.-Jean-de-Luz, dans notre pays basque, sont appelés Cascarots : doit-on voir
là un souvenir de cette ville et province de l'Asie antérieure, Kaskar, où les Zott déportés
firent une longue station (v. de Goeje, p. 8-1 1 et 13)? C'est à la rigueur possible; mais
je me garderais bien de l'affirmer. — D'un autre côté, M. Pott, dans un passage que je
ne retrouve pas en ce moment, a noté une identification qui lui était proposée entre les
Bohémiens et les Dom^ peuple qui a son siège au pied de l'Himalaya du côté de l'Inde.
A l'appui de cette hypothèse, je pourrais citer le nom de Damans que porte une tribu des
Boh. de la Syrie qui paraît importante (Newbold, Journal of the R. Asiatic Society, vol.
XVI, Part. 2, Lond. 1856, in-8*, p. 302, 303-307), et celui de Doum que les Bohémiens
de Syrie se donneraient eux-mêmes (ibid. p. 312). Mais avant de fonder un système
d'identification sur de pareils rapprochements, il faut y regarder de plus près. — Je ne
vois pas le nom de Zott parmi ceux que Newbold a relevés en Syrie, et cette remarque
m'inquiète un peu.
d'histoire et de littérature. 205
de la question, qui forment eux-mêmes autant de branches connexes, mais dis-
tinctes, et qui, pour une grande part au moins, comme je l'explique dans ma
lettre à lMca^gm_y, exigeraient des recherches spéciales faites dans l'Inde par une
personne connaissant très-bien les Bohémiens d'Europe , et aussi ceux de l'Asie
occidentale et de l'Egypte. J'aurais plus d'une observation à faire sur chacune
de ces parties. Je m'arrêterai seulement un instant sur la question des rapports
particuliers entre la langue des Bohémiens et celle des Djatt.
Cette question, comme celle qui fait l'objet du travail de M. de Goeje, pour-
rait être traitée aussi en Europe, pourvu qu'elle le fût par un indianiste et îsigano-
logue disposant d'éléments de comparaison suffisants, c'est-à-dire qui, d'une part,
connaîtrait bien la langue des Djatt jusque dans les moindres dialectes popu-
laires, dont tel ou tel peut avoir ici une importance particulière, qui, de l'autre,
connaîtrait bien la langue de nos Bohémiens d'Europe (qui est la plus pure,
qu'on ne l'oublie pas), mais aussi les dialectes des Bohémiens de Perse, de Syrie,
de l'Asie-Mineure et de l'Egypte, qui peuvent fournir un chaînon nécessaire, et
particulièrement ceux des Bohémiens qui se sont présentés ou qui se présentent
encore sous des noms ethniques rappelant celui des Djatt, ou que les données
historiques et ethnographiques signaleraient tout spécialement comme dérivant
des migrations djattes. — Mais ici qu'on me permette une question à l'adresse
des indianistes, et peut-être aussi des sémitisanîs qui se sont occupés spéciale-
ment des idiomes chamitiques et kouschites, et qui pourraient avoir eu la pensée
de rechercher les traces qu'ils ont dû laisser dans certaines langues populaires
de l'Inde, aussi bien que dans certaines langues des inscriptions cunéiformes, etc.
Dans quelle mesure connaît-on la langue des Djatt et les divers dialectes qu'elle
peut présenter encore, et qui tous sans doute, comme la langue bohémienne
elle-même, ne sont plus depuis longtemps que des branches ou des rameaux de
la famille des langues aryennes de l'Inde? J'avoue, dans mon ignorance en ces
matières déhcates, que l'article de M. Fagnan ne m'a laissé sur ce point que des
idées confuses. Jusqu'ici, j'ai cru que la langue des Djatt était une langue à part
qu'on ne connaissait guère, et j'en étais encore là lorsque j'ai écrit ma lettre à
VAcademy. M. Pott, dans son article de 1853, écrit quatre ans après que
M. Burton avait publié, dans le Journal de la branche de Bombay de VAsiatic
Society (janvier 1849), sa « Grammar of the Jâtaki (locally called) Belochki
» Dialect ' )>, disait en parlant des Djatt : « Avant tout il serait très-important
)) pour nous d'avoir des détails sur leur langue » ; il la considérait donc comme
peu ou point connue ». Cependant, M. Fagnan, dans son article sur le travail de
M. de Goeje (p. 321 et 323) identifie le sindhi et le djatt, ce que fait aussi, je
crois, M. de Goeje lui-même. Or il est certain, que même avant le récent
1. Academy du 27 mars, p. 524, col. 2.
2. A la vérité M. Pott pouvait ne pas connaître la grammaire de M. Burton, sans
que cette ignorance préjuge rien contre la valeur de ce travail; car il paraît que les
publications de l'Inde arrivent très-difficilement en Europe, même en Angleterre. — Dans
tous les cas on aurait besoin de savoir aussi ce qu'est au juste cette langue Jataki (sur
laquelle M. Burton donne d'ailleurs quelques indications utiles, v. Acad. du 27 mars) par
rapport au Sindhi et à la vraie langue des Djatt, si elle existe.
204 REVUE CRITIQUE
ouvrage de M. Trumpp (Grammar of the Sindhi language, 1872) qui à la vérité,
au dire des personnes compétentes, jette un jour tout nouveau sur cette langue,
la langue sindhi n'était pas complètement ignorée; et je remarque qu'elle a été
un des principaux éléments de comparaison employés par M. Ascoli dans son
étude sur la langue des Bohémiens {Zigennerisches , Halle, 1865), dont la con-
clusion, toute provisoire il est vrai, était que les Bohémiens seraient « des Sin-
)) dhiens ayant fait un long séjour sous les Afghans '. » Mais si le djatt n'est rien
autre que le sindhi, il me semble qu'il n'y a pas grand' chose de plus à attendre
de sa comparaison avec le bohémien, que ce que M. Ascoli et plus récemment
M. Miklosich^en ont tiré, c'est-à-dire une indentification déjà intéressante,
mais vague et lointaine, comme toutes celles que la philologie, l'anthropologie 3
et l'ethnologie ont fournies jusqu'ici, lorsqu'elles ont cherché dans Pinde ce
qu'elles n'ont pas encore trouvé, la peuplade particulière d^oi^ sont sortis nos
Bohémiens, celle qui représente véritablement et spécialement les Bohémiens dans
l'Inde. Je conviens pourtant, toujours dans l'hypothèse de l'identité du djatt et
du sindhi , qu'il est à souhaiter, maintenant que cette dernière langue est de
mieux en mieux connue, que la comparaison du bohémien avec elle soit reprise
et coulée à fond ; mais, sans fermer les yeux aux traits de lumière qui peuvent
jailHr comme par hasard et d'une manière inattendue, je crois que, pour une
pareille étude comparée, il vaut mieux attendre les scrupuleuses analyses de
savants qui soient à la fois indianistes et tsiganologues consommés, et ne pas
faire trop de fonds sur des rapports fugitifs, saisis à la volée par des savants ou
des voyageurs qui n'ont pas cette double compétence.
Mais l'identité du djatt et du sindhi est-elle un fait clairement établi ? Voilà la
question que je renouvelle, et à laquelle l'identification proposée des Bohém.iens
et des Djatt, avec les données historiques et les dates de migrations ou de trans-
portations sur lesquelles elle s'appuie , donne un intérêt tout particulier et un
objet parfaitement précis. Y a-t-il une langue des Djatt, connue ou non connue,
qui soit distincte du sindhi, et qui puisse servir à vérifier l'hypothèse vraisem-
blable que j'ai établie il y a 25 ans, et que M. de Goeje vient de développer et
1. Voy. les derniers travaux, etc., dans Revue crit., Vol. indiqué plus haut, p. 204;
tirage à p., p. 14; et ma communication à h Société d'anihr. (Bal letins, 19 février 1874,
p. 129-130) sur l'état actuel de la question des affinités du boh. avec les langues de
l'Inde. On trouvera aussi dans ces deux endroits les conclusions plus anciennes de
M. Pott.
2. J'indique plus loin les conclusions de celui-ci, rectifiées par lui-même. Quant à
M. Ascoli, j'espère arriver aussi à lui persuader que probablement la langue à trouver
dans rinde est plutôt un ancien prâcrit qu'une langue populaire moderne {Bulletins de la
Société d'anthr,, ibid., p. i?i et 138).
3. C'est M. Isid. Kopernicki qui a en quelque sorte inauguré les recherches anthropo-
logiques sur les Boh. dans son important mémoire sur la conformation du crâne tsigane
(en allem.), extrait de Archiv fur Anthropologie, vol. V, Braunschweig, 1872, in-4',
p. 267-324, avec trois grands tableaux et 4 pi., — travail dont l'analyse a été donnée
dans h Revue d'anthr. du D' Broca, t. II, 1873, p. 161 -170. Il fournit une base excellente
dans les mensurations prises sur 20 crânes boh. de Roumanie (j'aurais seulement souhaité
que l'auteur indiquât exactement, toutes les fois qu'il le pouvait, la classe de Boh. à la-
quelle se rapportait chaque crâne); mais il est nécessairement insuffisant dans la partie
relative à la comparaison des crânes boh. et des crânes « indiens. »
d'histoire et de littérature. 205
de fortifier ? Si cette langue existe, c'est à elle et à tous ses dialectes qu'il faut
s'adresser, en même temps que l'ethnographie fera de son côté son enquête.
Dans tous les cas, soit qu'il s'agisse du sindhi ou d'une autre langue, il serait
bien extraordinaire, lorsque les Bohémiens, surtout ceux de l'Europe orientale
et centrale, ont si merveilleusement conservé leur langue après bien des siècles
de vie errante loin de leur première patrie, que les (populations plus ou moins
compactes dont ils seraient issus, et dont ils ne seraient séparés, d'après les
données historiques recueillies par M. de Goeje, que depuis les vii^ et vin® siècles
de notre ère, ne pussent pas fournir un langage tout particulièrement apparenté
à la langue romani K — Si cette preuve faisait défaut, la thèse de M. de Goeje
en serait, non pas nécessairement ruinée, mais singulièrement amoindrie; et, à
supposer même qu'elle trouve l'appui qui lui manque encore dans l'enquête qui
reste à faire auprès des groupes bohémiens qu'on a des raisons particulières de
rattacher aux émigrations relativement modernes des Djatt, il faudrait bien
admettre, comme on peut du reste le présumer déjà d'après les données que j'ex-
pose plus loin, que les Djatt des migrations signalées par M. de Goeje ne forment
dans la race bohémienne qu'une infime minorité, qui (à quelques exceptions
près peut-être) se serait fondue dans la masse , et dont la langue n'aurait pas
laissé de traces appréciables dans la langue bohémienne prise en bloc.
En attendant que la philologie réponde à ces questions, voici une petite con-
tribution ethnographique que je crois pouvoir apporter à la thèse de l'identifi-
cation des Bohémiens et des Djatt, et qui me paraît avoir son prix. C'est un
passage d'une lettre que le D"" Paspati, l'auteur des Tchinghianés , dont j'ai lon-
guement parlé dans mes articles déjà indiqués de la Revue critique, a adressée
vers le commencement de décembre dernier, à MM. Smart et Crofton, de
Manchester 2, et dont M. Crofton, à qui je dois une foule de communications
précieuses, a bien voulu m'envoyer l'extrait qui suit; M. Paspati, à qui je n'ai
pas le temps d'en référer, me pardonnera sans doute de la publier sans son
autorisation.
« A l'ouest de Tchorlu (à 70 milles au N.-O. de Constantinople) est un grand
1. M. Fagnan (note 2 de la p. 321) signale, d'après plusieurs sources, des inscriptions
des IV* et V* siècles « sur les Djatt. » Elles seraient « en caractères bouddhiques »,
mais on ne dit pas en quelle langue. Si elles étaient en langue djatte, on aurait là, ce
semble, un admirable critérium pour la vérification de la thèse de M. de Goeje.
2. Auteurs de l'important ouvrage The dialect of thcEngUshCypsies (grammaire, voca-
bulaire, nombreux textes gypsy, etc.), London, 107^, in-S" de xxiij et 302 p., qui méri-
terait un compte-rendu spécial; car, malgré la publication en 1874, par M. Borrow et
M. Leland, de deux ouvrages sur le même sujet qui ont aussi leur importance, il est cer-
tainement la meilleure étude qui existe sur la langue des Boh. d'Angleterre. Mais l'appré-
ciation détaillée d'un pareil ouvrage ne saurait être bien faite que par une personne fami-
lière avec le dialecte gjfpsy. A ce titre, je renvoie à un article de The Saturday Review ,
du 16 janvier 1875, qui n'est pas signé, mais qui, d'après ce qui m'est revenu, serait
d'un M. R. C. Caldwell qui écrit dans diverses Revues sur les sujets relatifs à l'Inde, et
qui paraît avoir une certaine compétence sur la langue gypsy; puis à un article de The
Examiner du 10 avril, qui pourrait bien être de M. Leland; enfin à un article signé de
celui-ci, dans The Academy du 19 juin 1875, dont je n'ai pu encore prendre connaissance.
— On peut ajouter un article publié dans The Nation de New-York du 18 février 1875 ,
que je ne connais pas, mais qui m'a été signalé comme étant de M, Fitz Edward Hall,
examinateur pour le service civil dans l'Inde, et comme écrit avec la compétence que
donneraient à son auteur des études faites dans l'Inde sur les Gypsies.
206 REVUE CRITIQUE
» endroit nommé Hariupol (XaptouiroXtç), par les Turcs Hariampôl, et Herepoli.
» Un grand nombre de Bohémiens demeurent dans cet endroit. Ils ont un très-
» grand nombre de buffles, les meilleurs de la Roumélie. Au commencement du
» printemps, ils quittent l'endroit, dans de grands chariots traînés par des
» buffles; et, voyageant dans les vallées humides, ils continuent leur marche
» jusqu'à ce qu'ils aient vendu toutes leurs bêtes. Leurs familles et tous leurs
» ustensiles de cuisine sont dans les chariots. Ils sont tous musulmans et la
» plupart sont riches. Les chariots sont généralement au nombre de cinq à dix.
)) En automne ils retournent dans leurs quartiers d'hiver à Hariupol. Cet endroit
» contient 6$o familles, dont $00 turques. »
Si l'on rapproche ce passage de celui où M. deGoeje(p. 9-1 5 ; Rev. crit. p. 322-
323) signale la transportation, en 714, vers Antioche et Mopsueste, d'un certain
nombre de Zott et autres Indiens, avec leurs buffles au nombre de 4000, en vue
de débarrasser le territoire des lions qui l'infestaient (les lions fuient devant
le buffle), puis les transportations ultérieures des mêmes Zott, et finalement leur
introduction en 855 sur le territoire de l'empire byzantin, on sera autorisé à
supposer que les Bohémiens de Hariupol sont un reste authentique et tout parti-
culièrement bien conservé de ces Zott ou Jatt. Il serait très-intéressant de les
étudier de près, de recueillir leurs traditions, les noms ethniques qu'ils se donnent
et ceux qu'on peut leur donner autour de cette localité, et de noter toutes les
particularités qui peuvent les distinguer des autres Tsiganes en ce qui regarde le
type, le langage, les mœurs et coutumes. — Les buffles sont du reste très-
répandus jusqu'en Roumanie, où leur lait est très-estimé. Dans ce pays les
Bohémiens n'ont pas de buffles; mais on y rencontre de loin en loin quelque
famille de Bohémiens de Roumélie traînant assez souvent un de ces animaux-
femelles à sa suite pour se nourrir de son lait. Il pourrait y avoir aussi de ce côté
quelques informations à prendre.
Mais je dois remarquer que l'élevage des buffles est un genre d'occupation
tout à fait exceptionnel parmi les Bohémiens, et qui par conséquent ne peut
servir à appuyer l'identificatioh proposée qu'en tant qu'elle concernerait quelques
petits groupes spéciaux de Bohémiens, qui demandent d'ailleurs à être étudiés
de plus près. — Je remarquerai aussi que même certaines occupations beaucoup
plus répandues parmi les Bohémiens, comme celles de maquignons, de musi-
ciens, etc. , si elles se retrouvaient chez les Djatt de Syrie ou d'ailleurs aux moments
où nous sommes certains qu'il s'agit bien d'eux, c'est-à-dire vers les époques de
leurs transplantations en Occident, n'auraient une grande signification que si
elles formaient un certain ensemble, car chacune d'elles n'est pas exclusivement
propre aux Bohémiens. Celle qui les caractérise avant toutes autres en Orient,
c'est la profession de travailleurs en métaux de diverses catégories, presque
toujours unie à celle de devins, ou plutôt de devineresses — car la divination
est le lot des femmes. Or je ne crois pas que les documents relatifs aux Djatt
transportés vers l'Occident fassent mention de ces deux occupations; ce qui me
paraît prouver clairement que nous n'avons pas là la souche de la généralité des
Bohémiens d'Europe.
(La suite au prochain n''.) Paul Bataillard.
d'histoire et de littérature. 207
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 17 septembre 1875.
M. de Wailly, vice-président, présidant la séance en l'absence de M. Maury,
annonce la perte que l'académie vient de faire en la personne d'un de ses membres
ordinaires, M. Brunet de Presle, et exprime en quelques mots les regrets que
sa mort laisse à l'académie.
M. Thurot commence la lecture d'un travail sur les historiens de la première
croisade, qui doit faire partie de la préface du 4® volume des historiens occiden-
taux, dans la collection des historiens des croisades publiée par l'académie. Dans
le chapitre lu à cette séance, M. Thurot s'occupe de l'auteur anonyme de la
relation intitulée Gesta Francorum et aliorum Hierosolymitanorum. Cette relation a
été publiée pour la première fois par Bongars , qui crut que l'auteur était un
italien et un témoin oculaire des faits qu'il racontait. Ensuite parut une autre
rédaction du même récit, dont l'auteur se nomme : c'est Pierre Tudebode, prêtre
de Civray. Celui qui la publia le premier, dans le recueil de Duchesne, le poite-
vin Besly, vit dans la rédaction de son compatriote Tudebode l'ouvrage original,
copié par l'anonyme, et accusa celui-ci de plagiat. M. de Sybel, en 1841, émit
au contraire l'opinion que c'était l'anonyme qui était l'original, que Pierre Tude-
bode avait copié en ajoutant quelques détails nouveaux. Depuis cette époque la
question a encore été examinée et résolue en sens divers par plusieurs savants,
MM. de Saulcy et Paulin Paris en France, en Allemagne M. Gurewitsch.
M. Thurot, sans reconnaître la même valeur à tous les arguments présentés par
M. de Sybel, croit cependant avec lui et MM. de Saulcy et Gurewitsch que c'est
l'anonyme qui est l'original copié et amplifié par Tudebode. Il ajoute qu'on doit
toujours, dans un sens ou dans l'autre, écarter l'accusation de plagiat, qui repose
sur la notion de la propriété littéraire, étrangère aux hommes du moyen-âge.
— Cherchant ensuite à déterminer la profession et la nationalité de l'auteur des
Gesta Francorum, M. Thurot cite un passage d'un poème français du 12^ siècle
(Bibl. Bodl. ms. Hatton 77) qui dit en parlant de l'histoire de la croisade (dont
toutes les rédactions postérieures paraissent dérivées du récit de l'anonyme) :
Uns clers provencel Vad premiers latimée (écrite en latin). Soit qu'il faille voir là
une tradition véritable ou une heureuse conjecture du poète, il est assez vrai-
semblable en effet que l'auteur des Gesta Francorum était un prêtre provençal.
Les passages qu'on a cités pour établir qu'il était au nombre des combattants de
la croisade ne vont pas là-contre, car il est certain que beaucoup de prêtres ont
combattu dans les rangs des croisés. D'ailleurs un autre qu'un clerc n'aurait pas
'SU inventer, par exemple, les discours, composés entièrement d'imagination, que
l'auteur des Gesta Francorum met dans la bouche des Musulmans. On n'est pas
fondé non plus à le croire italien , sur ce qu'on trouve dans son texte des mots
prétendus italiens, ou sur ce qu'il parle en termes injurieux des Français (Franci
tumebant superbia, et autres phrases analogues). Les mots qu'on a relevés sont
plutôt encore provençaux qu'italiens; le nom de Franci à cette époque ne désigne
que les Français du nord , non les Provençaux , qui montraient au contraire en
208 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
général pour les habitants de la France du nord une antipathie prononcée.
M. Bouley, de Facadémie des sciences, inspecteur général des écoles vétéri-
naires, demande à Pacadémie de faire rédiger des inscriptions pour le piédestal
d'une statue de Claude Bourgelat, fondateur des écoles vétérinaires de Lyon et
d'Alfort, qui doit être inaugurée à l'école de Lyon le 2 j octobre prochain. Claude
Bourgelat, né en 171 2 , mort en 1779, ^^^ d'abord avocat, puis, ayant gagné
une mauvaise cause, renonça par scrupule à cette profession. La passion qu'il
avait pour les chevaux l'amena à s'occuper de l'enseignement de l'art vétérinaire,
qui était alors abandonné à des praticiens empiriques et ignorants. En 1762 il
obtint, avec l'appui de Bertin (intendant de la généralité de Lyon, puis lieutenant
général de police), la création d'une école vétérinaire à Lyon. En 1765 il put
créer une école semblable, plus richement dotée, à Alfort. Aujourd'hui l'école
d'Alfort se prépare, aussi bien que celle de Lyon, à lui consacrer une statue,
mais c'est une statue de marbre qui ne pourra être achevée avant l'année pro-
chaine, tandis que celle de Lyon, coulée en bronze, est déjà terminée.
M. Desjardins lit la suite du travail de M. Ch. Tissot sur la géographie
ancienne de la Maurétanie Tingitane. La partie lue à cette séance est consacrée
à la ville de Lixus, située sur le fleuve du même nom, qui s'appelle aujourd'hui
Loukkos et se jette dans la mer près de la ville moderne d'El Araich. Les ruines
de la ville renferment de curieuses antiquités puniques, notamment des restes
importants de murailles phéniciennes de grand appareil. A cette contrée se
rapportaient d'anciennes traditions mythologiques : « là, dit Pline ($. i . y, trad.
Littré), fut le palais d'Antée et son combat avec Hercule; là furent les jardins
des Hespérides. La mer se répand en un estuaire à trajets sinueux; aujourd'hui
on explique le dragon et sa garde par cette disposition des lieux. Dans cet
estuaire est une île, qui, bien qu'un peu plus basse que le reste du terrain, n'est
cependant pas inondée à la marée montante; on y voit un autel d'Hercule, et du
célèbre bois qui produisait les pommes d'or il ne reste que des oliviers sau-
vages. » La configuration de l'estuaire a changé depuis le temps de Pline; le
fleuve a couvert son ancien lit d'un dépôt d'alluvion et s'en est créé un nouveau.
Dans l'ancien lit on remarque une éminence évidemment plus ancienne que le
terrain d'alluvion qui l'environne, appelée Rekada, que M. Tissot reconnaît pour
l'île dont parle Pline.
L'académie se forme en comité secret.
Ouvrages déposés : — Fr. Morand : Lettres inédites du pape Alexandre III (extrait
de la Revue des sociétés savantes); Lettre à M. Aug. Huguet, maire de Boulogne-sur-
Mer, en réponse à son Pamphlet contre l'ancienne administration du musée de cette ville,
Boulogne, 1875, in-8*; — présenté par M. de Longpérier de la part de M. François Lenor-
mand : Die Anfenge der Cultur, geschichtliche und archaeologische Studien (traduction
allemande de plusieurs mémoires de M. Lenormand), Jena,^ '875) ^ vol. in-8°.
Julien Havet.
ERRATUM.
N° 38, p. 191, 1. 16, au lieu de genre, lire germe.
Le propriétaire-gérant : F. VIEW EG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
octo. Recogn. Baehrens. Leipzig, Teubner. In-8°, lviij-i8o p. (art. défavorable).
— Hanslick, Die moderne Oper. Berlin, Hofmann u. Co. In-8°, viij-?4i p.
(ouvrage plein d'intérêt et écrit par un homme très-compétent : l'auteur se
montre très-favorable à l'Opéra français).
Jenaer Literaturzeitung, n° 28, 10 juillet Hengstenberg, Das Buch Hiob
erlaeutert. Theil i. 2. Leipzig, Hinrichs'sche B. In-8", 31 1 ; 364 p. (Ad. Kamp-
hausen). — Heydecke, Dissertatio qua Barnabae epistola interpolata demon-
stretur. Brunsvigae, Bruhn. In-8^, 79 p. (Lipsius). — Du Bois-Reymond, La
Mettrie. Rede Berlin, Hirschwald. In-S**, 37 p. (W. Leube). — Well-
hausen, Die Pharisaeer und die Sadducaeer. Greifswaîd, Bamberg. In-8°, 164 p.
(E. Schùrer\ — GiNO Capponi, Storia délia repubblica di Firenze T. i. 2.
Firenze, Barbera. In-8°, xxiij-667; xix-652 p. (0. Hartwig). — Hahns, Alt-
hochdeutsche Grammatik Herausg. v. Jeitteles. 4. Aufl. Prag, Tempsky.
In-8°, XV- 15 2 p. (E. SiEVERs).
Anzeiger fur Kunde der deutschen Vorzeit, n** 7, juillet. Ergebnis e
einer im Jahre 1 874 geschehenen Nachgrabung auf der Ruine der Klosterkirche
von Bosau (jetzt Posa) bei Zeitz (Gustav Sommer). — Aus Breslauer Formel-
bûchern (Alwin Schultz). — Ueber Glockenraeder in polnischen Kirchen (Prof.
D' Messmer). — De apostolicis. De tribus Sociis (W. Wattenbach). — Zur
Geschichte der Heilkunde (D' Baur). — Beilage zum iV° 7. Chronik des germ.
Muséums. — Schriften der Akademieen und historischen Vereine. — Nach-
richten.
La Rivista Europea. Juillet 1875. — Camille Desmoulins (Pauteur de cet
article ne semble pas connaître l'ouvrage de M. Claretie, la plus complète des
biographies de G. Desmoulins). — G. Kuun, Délia migrazione dei miti e dei
racconti degli indiani ai popoli semitici e vice versa. — A. de Gubernatis,
Ricordi Biografici : Paolo Mantegazza, Gaetano Trezza. — P. Tedeschi, Sulla
cronaca di D. Compagni(fm. M. T. essaie enfin de réfuter M. Scheffer-Boichorst,
mais il ne touche qu'à deux ou trois objections auxquelles il répond d'une manière
superficielle). — Bulletins littéraires italiens, français, slaves.
Août 1875. — A. Malmignati, Dell' Ariosto e de' suoi tempi. — G.
Berarducci, Nuovi poeti Umbri : Leopoldo Tiberi. — E. Piccolomini, Sulla
essenza e sul metodo délia filologia classica. — R. de Miracourt, Les Études
préhistoriques. — G. Kuun, Délia migrazione dei miti, etc. (fin). —G. Piazzoli,
G. Desmoulins (travail sans critique écrit dans un esprit ultra révolutionnaire).
— P. L. Gecchi, Il progresso dei pensiero nelle lettere dei rinascimento (suite).
— Bulletins littéraires français, italiens, roumains.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
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logische Untersuchung. In-40, 25 S.
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sunt omnia. Edid. G. Baum, E. Cunitz.
E. Reuss. Vol. XIIÎ.
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XVI al XIX pubblicati su' manoscritti
della Biblioteca comunale, preceduti da
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gaenz. Geschichtszeugnissen, Anmerkgn.
u. Glossar zum academ. Gebrauche. In-
8', viij-778 S. Erlangen (Deichert). 16 f.
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niger nordgermanischer Rechte. In-4*.
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rio, Countess of Chinchon. By G. R.
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Perceval (P.). Tamil Proverbs. With
theirEnglish Translations. 3dEdit. In-8*.
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lations of the Assyrian and Egyptian
Monuments. Vol. 3 : Assyrian Texts.
In-8°, cart. London (Bagster). 4 fr. jo
Rohr (A.). De Philolai Pythagorei frag-
ments Tcspl «î^ux^ç. In-8o, 40 S. Berlin
(Calvary et C*). 2 fr.
Sanzio (R.). Sonetti : dichiarati e per la
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dal dott. A. Marianni. In-8*, 24 p. Forls
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Smith (G.). Assyrian Discoveries : an
Account of Explorations and Discoveries
on the Site of Nineveh during 1875 and
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Story of the Trojan War : An Epitome
(from Classic Writers) of Incidents,
Actions and Events which occurred be-
fore, at, and after the Siège of Troy.
With a Préface by the Lord Bishop of
Gloucester and Bristol. In- 12, 378 p.
cart. London (Blackwood). 6 fr. 25
Sweet (H.). History of English Sonnets,
from the Earliest Period. In-8°, cart.
London (Trûbner). 5 fr. 65
Totâ Kahânî (The) ; or taies of a Parrot.
Translated from Saiyid Haidar Bakhsh's
HindûstânT Version of Muhammad Kâ-
dirï's Persian Abridgment of Nakhsahi's
TDti Nâma by G. Small. In-8°, 256 p.
cart. London (Allen). 10 tr.
Tyler (T.). Philosophy of Hamlet. In-8°,
cart. London (Williams et N.). 3 fr. i j
Waring (J. B.). Ceramic Art in Remote
Ages. In-4°, cart. London (Day). 105 f.
"Whitney (D. T.). Oriental and Linguistic
Studies. Second séries. The East and
West Religion and Mythology, Ortho-
graphy and Phonology, Hindu Astrono-
my. In- 12, cart. New-York. 15 fr. 40
Wyld (R. S.). The Physics and Philoso-
phy of the Sensés; or, the Mental and
the Physical in iheir Mutual Relation.
With Diagrams and Engravings. In-8*,
572 p. cart. London (King). 20 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N*> 40 Neuvième année. 2 Octobre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
LIBRAIRIE A. FRANCK,
67, rue Richelieu.
Pour paraître très-prochainement :
LES TABLES EUGUBINES
TRADUCTION, COMMENTAIRE, GRAMMAIRE
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PAR
M. M. BRÉAL,
Professeur au Collège de France , directeur-adjoint à
l'École des Hautes-Études.
Un fort volume gr. in-8° de 28 a 30 feuilles d'impression accompagné d'un
album petit in-f contenant le fac-similé des tables Eugubines. 1 3 planches
gravées.
' ' PÉRIODIQUES. ^
The Academy, n° 175 , new séries, 1 1 septembre. A. Wilson, The Abode
of Snow. London, Blackwood and Sons (F. J. Goldsmid : intéressant récit
d'un voyage du Tibet chinois au Caucase indien, par les vallées supérieures de
l'Himalaya). — Straatman, Paulus de Apostel, etc. Amsterdam, Loman (A. M.
Fairbairn : ouvrage de mérite, mais rempli de vues hasardées). — Chevalier
0' Clery, The History of the Italian Révolution. I. London, Washbourne
(G. A. SiMCOX : ce i^"" volume est intitulé « histoire de la révolution des barri-
» cades, 1796-1849 » ; il est écrit, dit M. Simcox, pour montrer non ce qui a
été fait, mais ce qui suivant l'auteur, aurait dû être fait). — Joyce, The Origin
and History of Irish Names of Places. Second Séries. London, Whittaker and
Co. (David Fitzgerald : ce volume est inférieur au précédent). — Gervinus,
Shakespeare Commentaries. Transi, by F. E. Bunnètt. New Ed. London,
Smith, Elder and Co. (R. Simpson : avec une introduction par M. Furnivall).
— Notes from Boston (T. S. Perry : nouvelles littéraires). — Paris Letter
(G. MoNOD : nouvelles Httéraires). — Correspondence. Professer Whitney on
language (W. D. Whitney : déclare inexacte l'assertion de V Academy que dans
son nouveau résumé de ses lectures sur le langage il a changé d'avis sur plusieurs
points). — The Judge who committed Prince Henry (Cléments R. Markham).
~- Shaksperiana. Sonnet CXLVI. L. 2 (F. J. Furnivall). — Guhl and Koner,
Life of the Greeks and Romans. Transi, from the German by Hùffer. London,
Chapman and Hall (A. S. Murrey. Sur l'original, cf. Revue critique, 1873, I,
p. 201).
The Athenœum, n* 2498, 1 1 septembre. Drew, The Jummoo and Kashmir
Territories. Stanford (l'auteur a résidé pendant dix années dans le pays qu'il
décrit; son ouvrage est rempli d'utiles informations). — A complète collection
of the Protests of the Lords, with Historical Introduction. Ed. by Thorold
RoGERS. 3 vols. Oxford, Clarendon Press (contribution importante à l'Histoire
d'Angleterre; excellente édition). — Gotti, Vita di Michel Angelo Buonarotti.
2 vols. Florence (A. deGubernatis : remarquable ouvrage; M. Gotti était bien
placé pour l'entreprendre : il est directeur des Galeries de Florence). — Lite-
rary Gossip. (S. E. Iwakura Tomomi, envoyé extraordinaire du Japon en Angle-
terre , il y a quelques années , vient d'offrir à la Bibliothèque de l'India Office
un exemplaire de la version chinoise du Tripitaka).
liiterarisches Centralblatt, n° 37, 1 1 septembre. Hengstenberg, DasBuch
Hiob. I. u. 2. Th. Leipzig, Hinrichs. In-8°, 309; 364 p. (on a imprimé tel
quel le manuscrit de Hengstenberg, qui renfermait ses leçons : c'est dire que le
nouvel ouvrage laisse à désirer au point de vue du style,' des citations, etc. Il
renferme néanmoins des observations de quelque valeur). — Cronholm,
Gustav II, Adolf in Deutschland. Aus dem Schwed. von Helms. i. Bd. Leipzig,
Fues's Verl. In-8°, viij-378 p. (on est heureux de voir traduit l'important ou-
vrage de Cronholm). — Hagen, Jacobus Bongarsius. Bern, Dalp. In-4", 76 p.
(cette étude, complète sur certains points, est assez défectueuse en ce qui con-
cerne les éditions de Bongars). — Steffenhacen , Deutsche Rechtsquellen in
Preussen vom xiii. bis zum xvi. Jahrh. Leipzig, Duncker u. Humblot. In-S",
viij-248 p. (art. très-favorable). — NcOsXXr^viy.à 'AvaXsxTa TCEpiccixûç ixSiBd-
[jLsva 67:0 Tou cptXoXo-yr/oîj ZuXké'^ou « ITapvaffaoîj )>. T. B'. çuXXaS. a' y.ai ^'.
Athen. ln-8°, 138 p. Ao^cBoata tûv xaxà 10 S-' Itoç (tou çtX. ÉuXX. Ilapv.) ^evo-
{j.£V(i)v, uTcb M. n. Aa[j.Trpou. Athen. In-8% 142 p. (les deux fasc. des Analecta
contiennent des contes de Naxos et de Paros). — Hartel, Homerische Studien,
IH. Wien, Gerold's S. In-8°, 84 p. (l'auteur étudie les changements que subit
Viota chez Homère, après quoi il passe au Digammà).
1^^
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 40 — 2 Octobre — 1875
Sommaire : 194. Lefébure, Le Mythe Osirien, i"p. — 195. Chûnts et contes popu-
laires italiens, p. p. Comparetti et D'Ancona, t. IV et V. — Correspondance : Sur
les origines des Bohémiens ou Tsiganes (suite). — Sociétés savantes : Académie des
inscriptions.
194. — Le Mythe Osirien, par Eugène Lefébure. Première partie : Les Yeux
d^Horus. Paris. 1874. Franck. In-4°, 128 p. — Prix : 20 tr.
M. Lefébure a entrepris d'exposer dans une série de mémoires l'origine et les
développements du mythe Osirien. La tâche n'est pas des plus faciles : trop de
documents nous manquent encore pour qu'on puisse arriver à des solutions de
tout point satisfaisantes. Il en reste assez néanmoins pour qu'on sache quelles
étaient les idées théologiques des Égyptiens de la décadence, ce qu'ils enten-
daient par Osiris, Isis, Horus et le reste, quelles explications ils donnaient des
vieux mythes. L'Egypte chrétienne a toujours eu des conceptions bizarres en
matière de religion : l'Egypte païenne ne lui cédait en rien de ce côté.
La théorie de M. Lefébure repose sur plusieurs jeux de mots mythologiques.
Il suppose que les Égyptiens ont identifié le dieu Hor avec le ciel, her-t, et le
dieu Set avec le sol, Set : l'hypothèse est dans le goût de l'antiquité et n'a rien
que de vraisemblable. La lutte entre Hor et Set est donc une lutte entre le Ciel
et la Terre, prise sous son aspect malfaisant. M. Lefébure développe cette thèse
dans le dernier chapitre de son mémoire {VI, Horus, Set et les pleurs des yeux
d^ Horus) avec beaucoup de finesse et nombre de détails. Il est bien certain qu'à
partir d'une certaine époque, plusieurs écoles de théologie égyptienne, dont les
Grecs se sont fait l'écho, ont envisagé ainsi la question; mais faut-il en conclure
qu'en tous temps les prêtres et les dévots ont adoré le ciel dans Horus et maudit
la terre malfaisante dans Set? M. Lefébure serait, je crois, bien embarrassé de le
prouver. L'explication naturaliste qu'il adopte ne s'applique guère qu'à un des
derniers états du mythe : elle aurait peut-être étonné les théologiens des siècles
antérieurs.
Poussant le jeu de mots à l'extrême, les Égyptiens auraient encore identifié le
ciel (her-t) «face divine», et, par suite le dieu Hor, avec le mot her, qui signifie
la face. Les deux yeux de la face céleste, le soleil et la lune, devinrent de la sorte
les yeux d'Horus. Le mythe Osirien est rempli d'allusions à ces deux yeux per-
sonnifiés. Set essaie de les détruire par tous les moyens possibles. Il se change
en pourceau pour les dévorer ; mais Horus se défend en brûlant son ennemi et
institue en mémoire de cet exploit le sacrifice du porc. C'est le sujet d'un cha-
pitre du Livre des Morts, le cent douzième, que M. Lefébure a traduit après
M. Goodwin. Au chapitre suivant (CXIII), Horus, surpris par Set, est démembré
XVI 14
210 REVUE CRITIQUE
et jeté à Peau, d'où le dieu Sevek le retire avec un filet. M. Lefébure voit dans
ces deux mythes deux descriptions allégoriques des phénomènes de l'éclipsé. Le
porc, qui prétend dévorer l'œil d'Horus, est, comme le dragon des superstitions
chinoises et hindoues, l'emblème de l'obscurité qui menace d'engloutir le soleil
ou la lune : le feu, qui dévore le pourceau, n'est que la lumière triomphant des
ténèbres après une défaite de quelques instants. De même pour le démembrement
d'Horus : c'est un symbole de la faiblesse qui semble s'emparer de l'astre et le
livrer sans défense aux outrages de son ennemi, jusqu'au moment où un dieu
bienfaisant le tire du danger et lui rend sa splendeur première.
Je ne sais si j'ai toujours bien compris la pensée de M. Lefébure. Il m'a semblé
qu'elle flottait quelquefois et prêtait à double entente. Aussi bien, les Égyptiens
n'avaient pas qu'une seule manière d'expliquer un mythe : on conçoit aisément
que l'interprète moderne hésite à comprendre les allusions contradictoires que
nous fournissent les monuments. Je crois que M. Lefébure aurait rendu sa
démonstration plus claire, s'il avait joint à l'exposé dogmatique de sa doctrine
une sorte d'histoire du mythe, nous montrant, sinon ce que chaque génération
pensait des Yeux d^Horus, au moins les allusions qu'elle fait et les documents
qu'elle nous a laissés sur ce point de religion. Le culte des yeux d'Horus remonte
haut. Nous avons au Musée du Louvre un fragment, daté du règne de Sevek-
hotep IV(XIII^ dynastie), qui nous parle de ses vertus et lui donne des épithètes
qu'il eût été curieux d'étudier (C, i o) : peut-être nous permettent-elles de con-
jecturer l'explication qu'on donnait alors dans les sanctuaires de la Basse-Egypte.
M. Lefébure établit de nombreux rapprochements entre les idées religieuses
de l'Egypte et celles des nations indiennes ou chinoises. La comparaison des
mythes est certes un des moyens les plus puissants d'en approfondir le sens;
mais encore faut-il attendre pour comparer que l'une au moins des formes
soit dégagée entièrement, ce qui n'est pas le cas pour les Yeux d'Horus.
Les citations empruntées aux sources lointaines prouvent l'érudition de l'auteur,
mais n'ajoutent rien à la force de sa démonstration. Le mérite du livre de
M. Lefébure n'est pas dans ces agréments tout extérieurs au sujet : il est dans
l'exactitude de ses traductions, dans le soin et dans la patience avec lesquels
il a étudié les textes, dans le nombre des citations et des allusions qu'il a
recueillies et expliquées l'une par l'autre.
G. Maspero.
195. — Ganti e raccontî del popolo italiano publicati per cura di D. Compa-
RETTi ed A. d'Ancona. Vol. IV. Canû Mûrt/z/^wni un tomedexxviij-304 p. Vol. VI.
Novelline popolari italiane un tome de vj-310 p. Rome, Turin, Florence, Ermanno
Lœscher. 187$.
Deux volumes se sont ajoutés à la collection entreprise par MM. Comparetti
et d'Ancona. Le tome IV contient les chants populaires de la Marche d'Ancône,
le tome V — indiqué, sans doute par erreur, comme le sixième — inaugure la
série des contes populaires. Les Canti Marchigiani ont été réunis par M. Gianan-
drea. Ils sont précédés d'une préface assez longue, renfermant des détails sur la
d'histoire et de LITTÉRAIURK. 211
contrée, sur la population qui les ont fournis, sur le dialecte dans lequel ils ont
été composés et sur leur caractère. Ces canzoni, au nombre de près de 1 300, ne
sont pas toutes inédites, beaucoup d'entre elles avaient été publiées par Tom-
maseo, par Marcoaldi et par Rumori. La poésie narrative, moins en faveur dans
les Marches que la poésie lyrique, est représentée dans ce volume par quelques
pièces dont la plupart avaient aussi paru, tels sont VAnello caduto nel mare,
Cecilia, la pasiorella, la prova d^amore, la ragazza guerriera et enfin Donna Lom^
barda dont le chevalier Nigra a recueilli plusieurs versions. On trouve dans les
Canîi Marchigiani deux situations qui ont eu grand succès dans toute l'Italie, que
l'on retrouve également en France, et qui tiennent une place importante dans la
légende sicilienne la princesse de Carini : l'amant errant sous les fenêtres de sa
maîtresse et apprenant que celle-ci n'est plus ; Pâmant descendu vivant en Enfer
et y voyant sa maîtresse damnée. M. Gianandrea s'est borné pour tous ces chants
à indiquer les ressemblances découvertes seulement en Italie. Pour la partie nar-
rative, on en apercevrait de très-nombreuses en France, pour la partie lyrique
l'Espagne pourrait offrir quelques parallèles, ainsi ce scherzo :
L'amor del soldatino dura un' ora,
al sono del tamburo; addio, Signora.
est l'original ou la traduction de ce quatrain andaloux :
El amor del soldado
es de una hora,
en tocando la marcha :
adios, Senora.
Ces autres vers dont on retrouve la pensée dans toute l'Italie :
L'amor comenza con canti e con soni
e po' finisce con pianti e dolori.
font souvenir encore d'un couplet andaloux :
Yendo y veniendo,
fuime enamorando,
empeze riendo,
y acabe llorando.
On pourrait multiplier les comparaisons de ce genre. Au reste les chants
recueillis par M. Gianandrea ne semblent pas plus appartenir aux Marches que
les chants récoltés en Sicile ou en Toscane n'appartiennent aux environs de
Florence ou de Palerme. On retrouve dans les Canîi Marchigiani à peu près toutes
les idées, toutes les images qu'on a vues déjà ailleurs, mais on les y retrouve
avec plaisir, car elles sont en général bien exprimées. Ces Canti Marchigiani, par
leur grâce et même par leur langue, ne sont pas indignes de la prédilection que
leur avaient témoignée Tommaseo et le grand poète Leopardi. k?.u£. ua li.o
Le novelline popolari sont publiées par M. Comparetti avec l'aide de divers
collaborateurs parmi lesquels on retrouve M. Gianandrea et M. Ferraro; à ce der-
nier est due la collection des Canti Monferrini. C'est M. Comparetti qui a
recueilli en personne tous les contes qui portent le nom de Pise comme lieu de
provenance. Ces récits sont en général bien narrés, ils sont en langue italienne
à l'exception de quelques-uns auxquels on a conservé leur dialecte original. Si
212 REVUE CRITIQUE
les personnes qui s'occupent d'études philologiques peuvent regretter que l'on
n'ait pas gardé à chaque conte son patois local, la plupart des lecteurs étrangers
ne se plaindront pas qu'une langue plus intelligible pour eux ait été presque
universellement adoptée. Les contes publiés dans ce premier volume n'offrent
guère plus d'originalité que les chants populaires épiques, ce qui ne les empêche
pas d'être fort intéressants comme variantes ou comme termes de comparaison.
Le premier récit, // pappagallo, qui est à peu près le même que celui que Pitre a
recueilli en Sicile sous le titre de Pappagaddu, remonte évidemment ainsi
que beaucoup de ces fables à la plus grande antiquité. Quantité d'autres novelUne
reproduisent des situations, des personnages communs pour ainsi dire à tous les
pays. Le tre sorelle. Il drago, Margheritina rentrent dans le cycle de la femme per-
sécutée, de la mère dont, pendant l'absence de son mari, on remplace l'enfant
par un chien, ou qu'on prétend être accouchée d'un monstre. Geppone, Giovanni
sema paura possèdent une table qui, à un mot magique, se couvrent des mets les
plus succulents, tout comme dans un conte andalous, un conte anglais, un conte
allemand et un conte de la Norwège. La bella dei capelli d'oro, Granodoro, repro-
duisent cette donnée d'une jeune fille, d'un jeune homme, à qui un roi, sur le
conseil d'envieux, demande l'accomplissement de choses qui semblent impossibles
et dont, par des protections surnaturelles, on vient toutefois à bout. Le conte
intitulé Occhi Marci commence comme la Gardeuse de Dindons des contes de
l'Agenois, de Bladé, comme Vacqua e lu sali de Pitre, comme la Fustots du Ron-
dallayre, comme une innombrable quantité d'autres récits parmi lesquels on peut
placer une anecdote du Moyen de parvenir. La Cenerenîola, c'est Cendrillon, la
Venîafochs de Maspons y Labros, la Gratîala Beddattecla de Pitre. Ces aventures
de Cendrillon deviennent encore, dans Bladé, celles de la Gardeuse de Dindons;
dans Comparetti celles de Zuccacia; dans Maspons y Labros, celles de Pell d^ase.
Ces deux derniers récits débutent exactement comme notre conte de Peau d'âne,
de même que la Piluredda de Pitre, que la Gavia d'or du Rondallayre, que la
légende de Santa Uliva, que celle du Vicîorial sur Éléonore de Guyenne, que la
Storia del re di Dacia, que le livre catalan la Historia del rey de Hungria, que la
Mannekine. Il peut sembler probable que c'est des romans que cette situation a
passé aux récits populaires, et bien des fois des transmissions de ce genre ont dû
avoir lieu; ainsi dans Comparetti : Federica, la Moglie calunniata, ont le même
point de départ que VHistoire du roi Flores et de la belle Jehanne, la nouvelle
de la seconde journée du Decameron, nouvelle imitée par Timoneda dans le
Patranuelo, le Roman de la Violette, l'aventure racontée par Holinshed et qui a
donné à Shakspeare sa pièce de Cymbeline Quelquefois les contes populaires
ont pu aussi faire des emprunts aux poésies de même origine. Dans un chant
piémontais {Canzoni popolari del Piemonte, fasc. III, p. 92) comme dans une
romance portugaise (Cancioneiro de Almeida Garret, t. III, p. 65) on soumet à
diverses épreuves un jeune soldat que l'on soupçonne être une fille. Il y a quel-
que chose de cette situation dans // drago. — C'est au hasard que nous venons
d'indiquer ces ressemblances. Il n'y a pas un conte dans les NovelUne popolari qui
ne puisse donner lieu à de nombreux rapprochements. Ce travail comparatif sera
fOITÎH'.) .■5' 0 73'^
d'histoire ET DE LITTÉRATURE. 21 J
fait seulement à la fin de la publication et bien fait, on en a l'assurance quand
on se rappelle toute l'érudition que M. Comparelti a mise dans son Virgilio çt
dans son Libro di Sindibad.
Th. DE PUYMAIGRE.
CORRESPONDANCE.
Sur les origines des Bohémiens ou Tsiganes,
AVEC l'explication DU NOM TSIGANE.
Lettre à la Revue critique.
(^Suite.)
H.
Maintenant que j'ai considéré sous ses diverses faces, et même étayé d'un
petit rapprochement nouveau, la thèse de M. de Goeje, qui fut la mienne il y a
2 5 ans, mais que dès cette époque je ne présentais pas sans l'entourer de notables
réserves", je dois dire que j'ai encore bien plus de raisons aujourd'hui qu'alors,
d'affirmer que , quelles que soient les réponses de la philologie orientale et des
autres investigations sur cette thèse, et en supposant que celle-ci prenne une
consistance définitive, la clef de la question si complexe des origines bohémiennes
n'est certainement pas là tout entière, et que même, très-vraisemblablement, la
porte ouverte de ce côté aux migrations bohémiennes vers l'Europe n'est pas la
principale ni la plus intéressante. Ce n'est pas en 885, comme le supposent
M. de Goeje (p. 12-13 ^^ ^4) ^t M. Fagnan (^Rev. crit., 1875, I, p. 323), que
les Bohémiens mirent pour la première fois le pied dans l'Europe orientale. Ils y
existaient de temps immémorial j ma conviction est entière à cet égard depuis
10 ou 15 ans.
Je ne fais aucun doute en effet que les Sigynes ou Sigynnes (quelquefois
Sigymnes) et les Sinti ou Sindi, que plusieurs auteurs de l'antiquité grecque
signalent , quelquefois côte à côte , dans les régions du Caucase , dans l'Asie-
Mineure, en Thrace, dans certaines îles de la Méditerranée orientale, dans les
contrées du bas Danube et jusqu'au voisinage de l'Adriatique, c'est-à-dire dans
les contrées qui sont restées les centres principaux de la race bohémienne, pe
fussent des ancêtres de nos Bohémiens. Les deux noms de Sigynes et de Sinti,
surtout réunis, ont déjà une grande valeur; car, d'une part, l'identification du
premier avec celui de Tsiganes, qui, sous diverses modifications, est le nom
donné aux Bohémiens dans tous les pays de l'Europe orientale, ne peut faire
aucune difficulté; et, de l'autre, le nom de Sinti est encore aujourd'hui un des
principaux noms ethniques que les Bohémiens se donnent dans leur langue
secrète en plusieurs contrées de l'Europe, et celui qu'ils gardent avec le plus de
mystère. L'existence de ce nom de Sinti chez les Bohémiens a été contestée,
même dernièrement par M. Paspati (Les Tchinghianés, p. 21); mais j'ai déjà
sommairement répondu à cette dénégation mal fondée 2; et je promets de donner
j. I. Voy. les deux dernières pages de mon mémoire de 1849. . ,,-., i -T^f^ff-,^
2. Voy. les Derniers travaux, Rev. crit.^ 2« vol. de 1870-71, p." 287;!. à.' p., p. 38.
2 14 REVUE CRITIQUE
ailleurs sur ce point important les preuves les plus précises et les plus concluantes.
Ce qui est décisif pour celui qui connaît bien les Bohémiens, c'est ce que
l'antiquité nous apprend sur ces Sigynes et surtout sur ces Sinti , sur ceux de
Lemnos en particulier. Je ne puis entrer ici dans des citations, qu'on trouvera
du reste pour la plupart dans les deux écrits que j'indiquerai tout à l'heure. Je
reviendrai d'ailleurs plus loin sur ces Sinti (Sivxisç) de Lemnos. Je remarquerai
seulement ici qu'Homère, qui les représente comme un peuple favori de Vulcain ',
c'est-à-dire adonné au travail des métaux, les appelle dans POdyssée gens au
langage barbare (aYptctpwvoi), ce qui paraît indiquer qu'ils avaient, comme les
Bohémiens d'aujourd'hui, une langue particulière; et que Hellanicus deLesbos»,
historien un peu antérieur à Hérodote, dit positivement qu'ils étaient venus de
la Thrace. — Les indications géographiques que je compte relever avec soin
sont aussi très-significatives, et il en est qui ont une extrême importance histo-
rique. — Quant à la lacune qui semblait infranchissable entre les Sigynes et les
Sinti de l'antiquité et nos Bohémiens modernes, elle est en grande partie comblée
par ces hérétiques du moyen-âge byzantin dont le nom d'Athingans ou Azingans
est identique à celui des Bohémiens, tel qu'il se retrouve dans d'anciens docu-
ments roumains des xiv* et xv® siècles et jusque dans la forme actuelle du nom
des Tsiganes en Grèce?; et l'histoire de ces hérétiques rentrera beaucoup plus
aisément qu'on ne Pimagine dans celle des Tsiganes 4. — On ne doit pas d'ail-
leurs perdre de vue les divers indices de l'ancienneté des Bohémiens en Europe
que fournissent déjà la philologie et l'ethnographie 5, et qui, je n'en doute pas, se
multiplieront et se préciseront lorsque les recherches seront enfin dirigées dans
ce sens.
Cette thèse de l'identification des Bohémiens avec les Sigynes et les Sinti de
l'antiquité n'est pas nouvelle ; ce qui sera nouveau, ce sera de la rendre évidente
et de la faire accepter généralement, en y rattachant des corollaires historiques
qu'on n'a pas aperçus jusqu'ici et qui ne manquent pas d'importance. Elle a été
soutenue, principalement par un Allemand, le D' Johann Gottfr. Hâsse (Die Zigeuner
im Herodoî, Kœnigsberg, 1803, pet. in-8° de 46 p.), et, 44 ans plus tard, par
M. Vivien de Saint-Martin^, qui savait l'existence de l'écrit de Hasse, mais qui
, 1. ll'iad. I, 594; Od-js. VIII, 294, Yoy. aussi quelques vers plus haut.
2. Cité par M. Vivien de S. -Martin, dans le Mémoire indiqué plus loin, p. 64.
i' j. M. Paspati {Les Tchinghianès , p. iS) conteste l'identité des deux noms, en s'ap-
-puyant sur l'autorité de Coraï; mais je ne désespère pas de le convertir lui-même.
4. M. Boethlingk {Mélanges asiat. St.-Peters. T. II, 1" livr. 1852, p. 4-7) a fourni,
d'après M. Brosset, un curieux passage d'une chronique géorgienne du XI** siècle, relatif
à une tribu d' Atsincans , qui habitait les environs deConstantinople, et en qui on ne peut
s'empêcher de reconnaître à la fois les hérétiques en question et les Bohémiens. — Je
renvoie aussi à une importante remarque de M. Paspati sur l'ancien christianisme des
Tchinghianès musulmans (L« derniers travaux, ibid., p. 293; t. à p. p. 44), à mes
remarques sommaires sur les légendes pseudo-chrétiennes des Boh. (ibid. p. 317-318; t.
à p. 67-68), etc.
' 5. Les derniers travaux: Rev. crit. ibid. : voy. divers endroits des p. 296-303 ; t. à p.,
p. 47- S4; 6t passim.
;, 6. Dans son Mémoire hist. sur la géographie ancienne du Caucase (Paris, 1847, in-8')
depuis la p. 49, et surtout depuis la p. 57, jusqu'à la p. 69.
d'histoire et de littérature. 215
n'avait pu en prendre connaissance' ; en sorte que nous avons là deux travaux
originaux, qui concordent parfaitement dans leurs conclusions générales et même
dans la plupart des autorités invoquées, tout en se complétant sur quelques points
l'un par l'autre. Mais ni l'un ni l'autre de ces érudits n'ayant fait une étude
spéciale des Bohémiens ne les connaissait assez pour appuyer son opinion de
rapprochements décisifs; ils n'avaient pas non plus assez creusé le sujet pour
aller au devant des objections qui devaient se présenter, et notamment pour
combler cette lacune, en apparence infranchissable, que je signalais tout à l'heure
entre l'antiquité et l'époque assez moderne à laquelle presque tous les auteurs
autorisés rapportaient l'apparition des Bohémiens en Europe. Aussi leur opinion
fut-elle à peu près unanimement repoussée, et est-elle restée enfouie dans deux
écrits dont on ne tient pas compte 2. Moi-même, qui, le premier, dans mes deux
Mémoires de 1844 et 1849, ai nettement séparé deux faits jusque-là confondus,
celui de l'apparition des Bohémiens en Occident, dont j'ai donné l'histoire, et
celui de l'apparition des Bohémiens dans l'Europe orientale, dont l'histoire
paraît impossible, à prendre le mot apparition à la lettre, — qui ai, le premier,
établi sans conteste, dans le second de ces deux Mémoires, que les Bohémiens
existaient dans le Sud-Est de l'Europe bien avant de se répandre en Occident 3,
1. Ibid. p. 65, note 2.
2. Pour ce qui regarde M. Vivien de Saint-Martin, il est bien entendu que je ne parle
ainsi que de la partie de son mémoire qui concerne les Bohémiens.
3. J'ai pourtant eu la mauvaise chance de commettre deux erreurs matérielles en deux
des endroits les plus importants de ce mémoire de 1849, Nouvelles recherches sur l'appa-
rition, etc. — La première (p. 12 et suiv.) ne m'est pas imputable, et je n'ai pu la recti-
fier qu'en rencontrant dans une vente l'ouvrage de Symon Simeon, que je n'avais trouvé
dans aucune bibliothèque, comme j'avais eu soin d'en prévenir le lecteur : le précieux
passage en question se rapporte, non à l'île de Chypre en 1332, mais à l'île de Crète en
1322 (et non 1422, comme je l'ai machinalement et sottement écrit dans ma recf/^c<ïr/on (!)
delà Revue crit., 1. c. p. 322; t. à p., p. 72). — Quant au 1" des deux documents
valaques de 1386 et de 1387, mentionnés p. 20, il est, d'après la traduction roumaine
du texte slavon, que j'ai, tout entière écrite de la main de mon regretté ami Nicolas
Balcesco (mort en 1852, et qui, jeune encore, était déjà historien aussi distingué qu'émi-
nent citoyen), il est, dis-je, non de Vlad ou Vladislav (auquel d'ailleurs la date de 1386
ne peut se rapporter), mais de Dan, qui y confirme les donations faites par son père Rada
(1366-1376?) et non par son oncle Vladislav; et je ne puis m'expliquer à demi la double
erreur que j'ai commise sur un texte que j'avais entre les mains, et dont j'avais même
préparé un long commentaire, qui est resté inédit, qu'en remarquant que la date de 1386
ne cadre pas non plus avec le règne de Dan II ou d'un Dan quelconque (c'est déjà
Mircea I" qui régnait certainement alors). C'est donc sur cette date que paraît finalement
porter l'erreur qui reste à rectifier; et elle pourrait s'expliquer aisément par une inad-
vertance dans la transcription de la date, exprimée dans l'original en lettres slavones
numérales se rapportant à l'ère de Cp. La date de ma charte a été transcrite 6894
(3 octob.), qui répond bien à 1386 : on aurait peut-être dû lire 6,884 (1376), qui se
rapporterait en effet au commencement du règne de Dan II , d'après la chronologie cou-
rante (telle que la donne Ubicini par exemple;; mais cette chronologie est encore si dou-
teuse en beaucoup de points, et notamment pour ce qui regarde ce Dan, que je n'ose
point donner cette rectification pour certaine, quelque vraisemblable qu'elle paraisse. —
Il faut espérer que M. Hasdeu (dont le nom s'écrit aussi Hajdeu), qui a déjà éclairci tant
de détails chronologiques dans les fascicules parus de son îstoria critica a Romaniloru, com-
mencée il y a plusieurs années (Bucarest, in-4'), nous donnera bientôt un tableau général
de la chronologie roumaine, aussi exact que peut l'établir actuellement la critique, avec ren.
2l6 REVUE CRITIQUE
et que, contrairement à de prétendus documents qui n'existent pas, personne ne
les y avait jamais vus arriver, — moi-même, je n'étais pas alors armé de preuves
suffisantes pour m'éloigner des idées reçues, au point de passer du xv^ siècle de
notre ère à l'antiquité historique la plus reculée. Aujourd'hui je puis dire
qu'aucune des objections qu'on opposait autrefois à la thèse de Hasse et de
M. Vivien de S. -M. ne subsiste plus pour moi. A la vérité la philologie paraît
disposée à en apporter de nouvelles, et je dois m'y arrêter un instant.
Il en est une d'abord que je n'ai vue formulée nulle part, mais qui peut se
présenter à l'esprit de ceux-là mêmes qui ne sont pas philologues, qui s'est pré-
sentée au mien, et qui autrefois m'aurait paru assez forte : On pourra dire que,
si les Bohémiens existent dans le Sud-Est de l'Europe depuis une antiquité im-
mémoriale, la conservation de leur langue qui est certainement apparentée
aux langues de la région de l'Indus, et qui s'est en effet mieux conservée en
Europe que partout ailleurs, est un phénomène inouï, inexplicable. Je conviens
que le fait est étonnant. Mais il y a bien des choses plus extraordinaires et vrai-
ment impossibles à expliquer, non-seulement dans les données de l'opinion cou-
rante qui faisait sortir les Bohémiens de l'Inde à la fin du xiv^ siècle, mais dans
les données de M. de Goeje qui nous font remonter quelques siècles plus haut ;^
telle serait l'impossibilité, si elle persiste, d'identifier positivement les Bohémiens
et leur langue à aucune population et à aucune langue actuelles de l'Inde; telle
est aussi, dans les mêmes données, l'obscurité qui enveloppe ce nom de Tsiganes,
répandu dans toutes les contrées si étendues et si diverses de l'Europe orien-
tale, et qui n'a pénétré qu'accidentellement dans l'Europe occidentale". Je
remarque, d'ailleurs, que le fait incontestable de la conservation d'une langue
bohémienne incomparablement plus pure en Europe que dans l'Asie antérieure
et en Egypte, paraît étonnant aussi au premier abord, et que, loin d'être défa-
vorable à ma thèse, il vient à son appui; je remarque que les Bohémiens sont
groupés en masses beaucoup plus considérables dans le Sud-Est de l'Europe que
partout ailleurs, que leurs antiques ancêtres y ont formé soit de véritables peu-
plades , soit des corporations d'artisans nomades fortement constituées , dont je
pourrais signaler des restes encore très-remarquables, et que ces circonstances
suffiraient peut-être à expliquer le phénomène qu'on m'oppose comme une objec-
tion. Faut-il, pour en compléter l'explication, faire intervenir des immigrations
bohémiennes plus récentes, comme celles que M. de Goeje croit avoir trouvées.
voi aux textes et aux dissertations contenus dans son Istoria critica et dans d'autres recueils,
et avec mention de tous les points qui restent incertains. — Quoi qu'il en soit, ma charte
de 1387, gui est bien de Mircea, fils aussi de Radu et frère de Dan (desquels Mircea
rappelle ici les donations faites au même monastère de Tismana), et qui a été publiée
depuis, texte et trad. roumaine, par M. Hajdeu, dans l'Archiva istorica, t. III, 1867,
P- '9 '"'931 garde toute sa valeur. — J'aurais maintenant d'autres documents précieux
à ajouter à ceux-là; mais je ne puis prolonger cette note. Je dirai seulement que, l'année
suivante (1388), le même Mircea donnait d'un coup à un autre monastère, celui de Cozia,
^00 familles de Atsigani.
I. Sur les divers noms des Boh. et sur leur répartition géographique, j'aurai à faire
ailleurs bien des observations utiles. ,
d'histoire et de littérature. 217
et dont je suis loin de repousser Tidée, puisque j'ai moi-même mis en avant la
thèse qu'il vient de développer? Je ne sais. Je ne prétends pas affirmer, ni que
tous nos Bohémiens modernes descendent des Sigynes et des Sinti de l'antiquité
et des autres peuplades anciennes qu'on pourra sans doute rattacher à celles-là,
ni que la langue des Bohémiens modernes dérive directement et exclusivement
de la langue qu'ils parlaient. Mais je crois pourtant qu'on peut se demander si
les nouvelles recrues, djattes ou autres, qui ont pu se joindre aux anciens groupes
tsiganes du Sud-Est de l'Europe, et qui n'avaient sans doute pas la cohésion, la
forte organisation corporative de ceux-ci, qui d'ailleurs avaient déjà subi plusieurs
transportations avant d'être déportées sur le territoire byzantin, n'ont pas plus
contribué au dépérissement de la langue dans l'Asie-Mineure, en Perse'et ailleurs,
qu'à son ravivement dans l'Europe orientale, où ces nouveaux venus durent se
fondre dans l'ancienne masse. Car ici, dans la péninsule des Balkans et les régions
circonvoisines, est vraiment la seconde patrie des Tsiganes (je devrais peut-être
dire la troisième, en tenant compte de l'Egypte pour une partie de nos Tsiganes
mêmes d'Europe), ou plutôt leur vraie patrie en tant que Tsiganes, à peu près
(toute proportion gardée entre la civilisation sédentaire et la barbarie nomade)
comme notre France est notre patrie à nous, en dépit de nos origines asiatiques.
Mais ce sont là des questions sur lesquelles il serait oiseux quant à présent de
disserter longuement : nous ne savons et ne saurons sans doute jamais rien de
la langue des anciens Sigynes et Sinti ; et ce n'est que par de délicates analyses
dont les éléments paraissent faire encore défaut, qu'on pourra peut-être un jour
asseoir quelques données plausibles sur la proportion des diverses immigrations
bohémiennes qui peuvent s'être succédé en Europe. Ce que je crois pouvoir
affirmer, c'est que les premières, et probablement les principales, remontent à
une antiquité trop reculée pour qu'il soit possible, dans l'état actuel de nos con-
naissances, d'en fixer les dates même approximatives.
En attendant les preuves détaillées que je me crois en mesure de donner de
ce fait capital, je ne dois pas oublier une autre objection qu'on ne manquera pas
de me faire, et qui serait tirée de la nature même de l'idiome bohémien et de
ses rapports avec les langues populaires modernes de l'Inde. J'ai réfuté ailleurs',
d'après des autorités qu'on jugera sans doute suffisantes, l'opinion, encore assez
répandue 2, que le bohémien aurait des affinités toutes particulières avec l'hin-
doustani. Mais à côté de cette langue bâtarde et moderne, qui est d'un usage
général dans l'Inde, il y a des idiomes locaux, des langues populaires de souche
aryenne, qu'on a aussi tout naturellement comparées au bohémien, et qui, tout
naturellement aussi, ont toutes fourni, concurremment avec le sanscrit et avec
l'hindoustani, des éléments lexicaux et grammaticaux d'une grande utilité pour
l'explication étymologique de la langue bohémienne. Faut-il en induire que le
bohémien soit lui-même une langue moderne de l'Inde , c'est-à-dire une langue
I. Bulletins de la Société d'anthropologie. Séance du 19 fév. 1874.
2._Cette opinion se retrouve encore dans le récent ouvrage de M. Ch. Leland, The
English Gipsics and their Language. Lond. 1874.
2l8 " - ' REVUE CRITIQUE
qui fixait pu se former que dans l'Inde et à des époques plus ou moins modernes, telle
à peu près qu'elle existe aujourd'hui là où elle s'est le mieux conservée? C'est là
une question que l'exposé sommaire de ma thèse engagera, je l'espère, les
savants compétents à examiner de plus près qu'ils ne l'ont fait jusqu'à présen't.
En réalité plusieurs d'entre eux ont considéré cette question comme tranchée
d'avance dans le sens de l'affirmative. C'est ce qui paraît résulter notamment de
l'importance particulière que M. Ascoli' et M. Miklosich^ ont attachée aux
langues néo-aryennes de l'Inde pour la recherche des origines de la langue
bohémienne et pour la constatation de ses étymologies. On remarquera toutefois
que leur préoccupation à cet égard n'implique pas nécessairement l'opinion
arrêtée qu'on leur attribue. En fait M. Ascoli a laissé présumer cette opinion,
qui était bien, je crois, au fond de sa pensée, mais il ne l'a formulée nulle part;
et quant à M. Miklosich, qui a été plus explicite, j'aurai occasion, en rendant
compte de ses travaux, d'enregistrer la loyale rétractation qu'il a bien voulu
m'adresser 3 au sujet du passage, en vérité trop aventuré, oh il exprimait l'opi-
nion que les Bohémiens avaient dû quitter l'Inde après l'an iooo4. Il reste
toutefois de la marge entre l'an looo de notre ère et l'antiquité reculée où se
placent les Sigynes et les Sinti; et M. Miklosich n'avait aucun motif pour revenir
sur le passage où il dit, en se fondant sur quelques observations philologiques,
que l'émigration des Bohémiens ne paraît en aucun cas pouvoir être placée au
temps d'Hérodote 5. Mais le fait est que la question, que beaucoup de gens
regardent comme résolue, n'a jamais été sérieusement posée ni encore moins
traitée à fond. Il était tout naturel que cette question parût presque oiseuse,
lorsque les savants compétents étaient d'accord pour considérer l'apparition des
Bohémiens en Europe comme toute moderne, et il était impossible que la philo-
logie ne se laissât pas influencer à cet égard par les idées reçues. Ce que je
demande maintenant aux indianistes qui ont fait une étude approfondie du bohé-
mien, c'est de se dégager de toute opinion préconçue, c'est de préciser, de
grouper et de présenter sous une forme accessible aux profanes toutes les
preuves qu'ils croiraient avoir de la modernité de cet idiome, et de rechercher
aussi en toute impartialité si ces éléments modernes ne pourraient pas s'expli-
quer, soit par un travail interne et spontané de la langue, comparable, par
exemple, à ce qui s'est passé dans le roumain par rapport aux autres langues
romanes, soit par les influences des milieux modernes étrangers, soit enfin par
l'adjonction aux anciens groupes bohémiens de quelques nouvelles recrues, djattes
1. Zigeunerisches, Halle, 1865.
2. Ueber die Mundarten und die Wanderungen der Zigeuner Europa's (série d'importants
Mémoires qui réclament un compte-rendu spécial, pour lequel j'attends le concours d'un
linguiste et particulièrement d'un slaviste) : Voy. le 3* grand Mémoire in-4°, extrait des
Denkschriften de l'Acad. de Vienne, Wien, 1873, p. 1-4.
3. Dans une lettre du 26 novembre 1874.
4. 3* Mémoire déjà cité, p. 3. — Il me sera du reste permis de remarquer que M. Mi-
klosich, qui a une grande autorité comme slaviste, comme linguiste, et qui a fait aussi
une étude spéciale de la langue bohémienne, n'est pas indianiste.
j, Ibid.
d'histoire et de littérature. 219
ou autres, émigrées de Pinde à des époques plus ou moins modernes'. Cette
dernière hypothèse permettrait toujours, ce semble, de concilier mon système
avec les données de la philologie, à supposer même que celle-ci fit des consta-
tations réellement incompatibles avec une séparation absolue de la race tsigane
et des populations indiennes dès les temps antiques. Dans tous les cas, la philo-
logie n'est pas plus infaillible que les autres branches de l'érudition , et je lui
demande de ne pas s'attribuer une autorité exclusive dans une question aussi
complexe que celle dont il s'agit. Si elle a ses droits, les rapprochements histo-
riques et ethnographiques sur lesquels je me fonde ont les leurs aussi ; et, en
attendant que la conciliation se fasse clairement entre les données de l'une et de
l'autre provenance, je demande à la philologie de tenir quelque compte de celles
que je lui apporte et surtout de celles que je lui apporterai dans un travail plus
développé, comme je m'engage à tenir compte, de mon côté, des objections et
des indications contradictoires qu'elle pourra me fournir. — Je renouvelle en
même temps la prière, qu« j'ai déjà adressée ailleurs aux savants qui sont à la
fois hellénistes et tsiganologues, de rechercher dans le bohémien les traces que
le grec ancien a pu y laisser. M. Miklosich , dans le court aperçu général qu'il
avait publié en 1872 dans les Sitzungsberichte de l'Académie de Vienne et dont
j'ai parlé dans les Derniers travaux, etc. 2, disait, p. 3, que les éléments grecs
qu'il avait relevés dans le bohémien appartenaient au grec des xiv' et xv^ siècles.
Si l'on peut reconnaître dans le bohémien du grec d'une date si précise , il doit
être encore plus facile d'y reconnaître du grec ancien; et dans ce cas je ne doute
pas qu'en cherchant bien, on n'en trouve, ce qui serait une confirmation de ma
thèse, irrécusable pour la philologie.
Puisque j'ai eu à faire allusion à une communication personnelle de M. Miklo-
sich, j'ajouterai que pour ce qui regarde les rapports particuliers du bohémien
avec telles ou telles langues de l'Inde, ce savant, à la différence de M. Ascoli,
qui inclinait à donner la prédominance au sindhi, maintient dans la même lettre
l'opinion qu'il avait exprimée dans le mémoire déjà cité (p. 2) : il m'écrit en
effet : « Je ne crois pas que le bohémien puisse être mis en rapport plus intime
)) avec l'une quelconque des sept langues néo-indiennes (hindi, mahratte, pend-
» jabique, sindhi, guzerate, bengali, orija); nous savons seulement que le
» bohémien est une langue parente de quelqu'une de celles-là, et j'aimerais mieux
» l'y ajouter comme huitième. » Ici, sur une question qui ne peut être débattue
qu'entre indianistes, je n'ai plus d'objections; je remarque seulement que l'opi-
nion de M. Miklosich paraît encore moins favorable que celle de M. Ascoli à la
confirmation philologique de la thèse de M. de Goeje, surtout dans l'hypothèse
de l'identité du sindhi et du djatt.
1. Feu le colonel Colombari , qui avait été assez longtemps au service de la Perse,
m'a assuré autrefois que de petites migrations d'Hindous, paraissant avoir les plus grandes
analogies avec nos Bohémiens , se faisaient encore de nos jours de l'Inde en Perse et
paraissaient se continuer au delà. Voyez aussi ce que dit des Tchangars le D' Trumpp,
cité par Miklosich, p. 2 de son 3' Mémoire in-4'' de 1873 déjà indiqué.
2. Rev. crit.j 1. c, p. 320-323; t. à p., p. 70-74.
220 .-,.. REVUE CRITIQUE
Mais je reviens à ma thèse , pour dire quelques mots des corollaires impor-
tants qui en découlent : j'indiquerai seulement les deux ou trois principaux.
Si les Bohémiens peuvent être identifiés aux anciens Sigynes et aux anciens
Sinti, ils se rattachent nécessairement aussi aux Cabires, Telchines, etc., qui
eurent leur centre dans les îles de la Méditerranée orientale, mais qui laissèrent
aussi des embranchements en Thrace, dans l'Asie occidentale (notamment les
Chalybes ') et probablement en Egypte. Car c'est un fait reconnu par tout le
monde que les Sigynes et surtout les Sinti de l'antiquité faisaient partie des
peuplades cabiriques. La chose est de toute évidence pour les Sinti, et je n*ai
qu'à renvoyer sur ce point aux pages substantielles de M. Rossignol * sur les
Sinti de Lemnos. Si elle apparaît moins clairement d'abord pour les Sigynes,
sur lesquels l'antiquité ne nous a laissé que de rares témoignages assez vagues,
parce que ceux qui étaient plus particulièrement connus sous ce nom de Sigynes,
et qui avaient conservé des habitudes plus nomades, avaient leur principal siège
dans des régions du bas Danube et du Caucase que les écrivains grecs ont mal
connues, — elle est cependant attestée par l'explication même de leur nom
(telle que je la donnerai plus loin), explication dont les éléments nous viennent
précisément de ces îles de la Méditerranée orientale qu'habitaient les Cabires, et
qui s'appHque merveilleusement à cette branche essentielle des produits fabriqués
par les Sinti ou Simiens, les armes de guerre et particulièrement le javelot. Ce
rapprochement entre les ancêtres de nos Bohémiens et les peuplades cabiriques
est de première importance, et il trouve sa pleine confirmation dans ce qui
constitue encore aujourd'hui les traits les plus saillants de cette étrange race
bohémienne. Si on voulait en effet la caractériser en quelques mots, il faudrait
rappeler une race de travailleurs en métaux, de devins et de musiciens, ce qui
est aussi la caractéristique des Cabires et des Telchines?. Je pourrais ajouter
bien des traits secondaires; mais ceux-là, joints à l'identité du nom des Sinti et
à la signification du nom des Sigynes, telle qu'elle apparaîtra plus loin, me
semblent déjà suffisants pour établir, à travers les siècles, un lien étroit entre
nos modernes Tsiganes et les mystérieux métallurges de l'antiquité cabirique et
pélasgique.
Et les Sibylles que l'antiquité classique a connues en Thrace, en Asie-Mineure,
en Egypte, en Grèce, c'est-à-dire partout oh étaient les principaux centres des
ancêtres de nos Bohémiens, partout où leur race est encore la plus répandue,
comment ne pas reconnaître en elles des Tsiganes ? Leur nom même me paraît
attester cette identité : il me semble permis de ne voir dans ZéùXkoi qu'une
forme particulière de ci66vr^, at^uvY), Sî^uvoç, cjiyuvvoç, at'Yut'.voç^, qui se pren-
1. Dont le nom s'expliquera peut-être par la langue bohémienne.
2. Les métaux dans rantiquité. Paris, i86^, in-8*, p. 50-55.
3. Voy. Rossignol, Les métaux dans l'antiquité^ passim.
4. Cf. aussi SiaêoXia employé quelquefois avec le sens de javelot, et certaines formes
du même mot dans le grec ancien et le grec moderne, ésloç, <ji6e),o;.
d'histoire et de littérature. 221
nent Pun pour l'autre en grec, et qui sont eux-mêmes identiques au nom des
Sigynes ou Tsiganes, comme nous le verrons encore mieux tout-à-l'heure. Le mot
se retrouve du reste dans la basse latinité sous une autre forme, encore identique au
nom des Bohémiens : « Sagana^ incantatrix, vates » (Du C. Glos. lut. au mot
Saganà). Cette étymologie n'est pas, à la vérité, conforme à l'opinion
générale : d'après celle-ci, Si6uXXa serait un mot composé de Zi6q (forme
dorienne, tant du génitif de Zsuç, Jupiter, que du nominatif 0£éç, Dieu) et de
6ouXy] ou 6cXXa, volonté '. Je ne suis pas linguiste; mais je ne désespère pas
que l'étymologie beaucoup plus simple que je propose n'obtienne l'adhésion des
savants compétents. Je l'ai déjà du reste rencontrée ailleurs, incomplète il est
vrai, chez tel ou tel auteur qui ne pouvait penser aux Bohémiennes dans cette
antiquité reculée, qui n'avait pas cherché et trouvé l'explication de leur nom, et
qui rattachait directement 2i66XXa à (ji6uvy) par le sens étymologique de irait de
la parole prophétique, parole-dard pour ainsi dire, figure toute naturelle qui se
retrouve sous bien des formes, dans les traiîs de la calomnie, par exemple, et
dans le nom même de la calomnie, en grec SiaêoA-^, rattaché à une autre
forme du nom du javelot, otaêoXia. Mais cette explication étymologique
qui me paraît déjà bien meilleure que l'étymologie abstraite et composée
indiquée plus haut, se simplifie encore et se concrète, lorsqu'on remarque
que le nom de Sibylle n'est qu'une forme particulière du nom ethnique
de celles qui rendaient les oracles. L'évidence alors me paraît complète, mais
elle dépend en grande partie de l'explication même du nom de Tsiganes, qui
ne viendra que plus loin. — Du reste même en commençant par écarter la
question d'étymologie, s'il devient certain que les Tsiganes, et surtout les
Tsiganes anciens affiliés aux devins et aux dieux cabiriques, existaient dès ces
époques reculées dans les contrées mêmes où se rencontrent les antres des
Sibylles, qui peut douter que ces étranges prophétesses ne fussent, sinon toutes,
du moins la plupart, des Tsiganes .? — Les deux Egyptiennes, dont la légende
fait des colombes noires, et qui, d'après le récit d'Hérodote (II, 54-58) fondè-
rent deux des sanctuaires prophétiques les plus vénérés de l'antiquité (tous les
deux consacrés à Jupiter), celui de Lybie et celui de Dodone, ont aussi une
couleur assez tsigane; et j'aurais particulièrement quelques remarques à faire
sur celle de Dodone (en Epire). Mais je ne veux pas m'y arrêter ici. Ce sont les
Sibylles troglodytes qui appellent avant toutes autres l'identification bohémienne:
Quelques-unes seulement parvinrent à fonder des sanctuaires prophéti-
ques qui ont obtenu une célébrité universelle ; mais celles-ci ne peuvent être
1. Voy. Thés, graecae linguae ab H. Stéphane, revu par Hase et les frères Dindorf,
1848-54; Chassang, Dict. grec classiaue; Littré au mot Sibylle, etc. Je remarque cepen-
dant que dans le Thés., comme dans la grande Encyclop. du XVIIi« siècle, on mentionne
aussi l'opinion de « quelques-uns » qui veulent que ce nom de Sibylle ait été d'abord celui
d'une certaine prophétesse, et qu'il ait été ensuite étendu à celles qui marchèrent sur ses
traces. L'étymologie que je propose substitue à ce prétendu nom propre un nom ethnique
légèrement modifié en raison de sa signification spéciale.
222 REVUE CRITIQUE
que des exceptions au milieu d'une foule d'autres, qui, dans leurs antres et sur
un trépied plus modeste, distribuaient leurs prédictions au commun des
mortels.
J'aurais bien quelques autres aperçus à ouvrir. J'aurais, par exemple, à faire
remarquer que les Bohémiens, qui doivent déjà se rattacher à l'Egypte ' par
leurs origines cabiriques, se retrouvent aujourd'hui dans ce pays, non-seulement
à peu près tels que nous les connaissons en Europe, mais aussi comme charmeurs
de serpents, ce qui rappelle déjà d'antiques souvenirs, puis sous la forme plus
gracieuse que pudique des Aimées, qui paraissent remonter elles-mêmes à
l'antiquité la plus reculée, et sous les traits assez divers et moins séduisants des
meschaéli, sur lesquels M. Quatremère 2, après M. Silvestre de Sacy, a recueilli
quelques données historiques qui permettent de remonter déjà au xiii*^ siècle (je
retrouverai les meschaéli jusqueparmi les Bohémiens de Roumanie), enfin sous d'au-
tres aspects encore, comme celui de derviches mendiants, qui n'est pas sans quel-
que analogie avec le rôle de pèlerins et de pénitents chrétiens que les Bohémiens
se donnèrent en arrivant en Occident. — Tout cela peut faire présumer que ce
n'est pas d'hier que les Tsiganes ont fait connaissance avec l'Egypte.
J'aurais, d'autre part, à rappeler l'attention sur les Sicanes de Sicile, dont
j'ai dit un mot ailleurs?... Mais je ne puis avoir la prétention d'entrer ici dans
toutes les ramifications du sujet.
Telles sont les données principales du livre dont je recueille les éléments
depuis bien des années, et dans lequel seront refondus mes anciens mémoires de
1844 et 1849 sur l'apparition des Bohémiens en Europe (complétés d'ailleurs
et éclairés, dans la partie qu'ils traitent, par des documents nouveaux), de
manière à former une histoire générale des Bohémiens depuis l'antiquité jusqu'au
xv'' siècle, c'est-à-dire jusqu'à l'époque qui était naguère, et qui est encore
aujourd'hui pour beaucoup d'auteurs, le point de départ de nos connaissances
sur cette race : livre retardé d'année en année par des empêchements de toute
sorte, mais surtout, je le confesse, par mon ignorance en beaucoup de choses
qu'il me faudrait savoir pour traiter aisément et dignement un sujet que j'aime,
et que je trouve très-beau, mais bien vaste pour ma très-petite érudition. Faute
de mieux, j'espère du moins, pendant que ma santé fort ébranlée me le permet
encore, fixer la chaîne de l'œuvre dont je tiens les fils, et que d'autres recou-
vriront d'une trame plus riche et plus serrée.
Paul Bataillard.
(Ldf fin au prochain /z®.)
1 . Je ne puis entrer ici dans les explications qu'appellent le nom d'Égyptiens donné aux
Bohémiens dans plusieurs pays et la tradition d'origme égyptienne qui s'est conservée
parmi eux. Je puis seulement affirmer que ce nom et cette tradition se retrouvent en
Orient comme en Occident, qu'ils sont plus anciens qu'on ne l'a cru, et qu'ils méritent
une sérieuse attention.
2. Hist. des Sultans mamlouks de Makrisi, trad. en français, Paris, in-4*, t. I,
i8j7, 2' partie, p. 4-6.
3. Les derniers travaux, etc., Rev. crit.^ 1. c, p. 213-214; t. à p., p. 23-24.
d'histoire et de littérature. 225
SOCIÉTÉS SAVANTES.
académie des inscriptions et belles-lettres.
Séance du 24 septembre 1875.
M. Ermakow, de Trébizonde, qui a déjà envoyé à l'académie des photo-
graphies de monuments de l'orient, écrit que l'académie des sciences de
S. Pétersbourg l'a chargé d'une mission archéologique dans l'Asie Mineure, la
Géorgie, la Turquie, le Caucase, etc. : il offre à cette occasion ses services à
l'académie pour lui procurer des vues photographiques des localités et des
monuments qu'il doit visiter, ou des reproductions d'inscriptions.
L'académie, ayant à nommer un lecteur pour la séance publique annuelle des
cinq académies, qui doit avoir lieu le 2j octobre, désigne M. Desjardins, qui
lira son mémoire sur les inscriptions du corps de garde de la 7^ cohorte des
vigiles de Rome.
M. Thurot lit la suite de son étude sur les historiens de la i^ croisade. Il parle
de Baudri de Bourgueil, auteur d'un remaniement du récit anonyme connu sous
le nom de Gesta Francorum, dont il a été question à la dernière séance. Ce
Baudri fut moine, puis abbé de Bourgueil, enfin (i 108) archevêque de Dol; il
mourut en 1 1 30. Il se piquait de littérature ; il a laissé divers ouvrages en prose
et en vers. Parmi ses œuvres en vers on remarque des poésies erotiques, imitées
des Bucoliques de Virgile ou des Héroïdes d'Ovide : il a soin, au reste, pour que
son caractère religieux n'en soit point compromis, de proclamer qu'il n'y a là
qu'un simple jeu d'esprit. Ses œuvres en prose, toutes écrites après qu'il eut
été nommé archevêque, sont d'une nature plus sévère, et se rapportent presque
toutes à l'hagiographie. Ce sont diverses vies de Saints, une description du
monastère de Fécamp, une histoire des évêquesde Dol, Gesîa pontificum Dolensium,
et l'histoire de la croisade. Baudri se pique peu d'exactitude historique, et se
préoccupe surtout de mettre en beau style ce que d'autres avaient écrit avant
lui avec moins d'art. Ainsi il a composé l'histoire de la croisade en paraphrasant
les Gesîa Francorum. Il n'a point cherché à corriger la langue de l'auteur anonyme;
la sienne est tout aussi incorrecte : mais il s'est attaché à rendre le style du
récit plus noble et plus harmonieux. Ainsi il substitue des expressions poétiques
à celles qui lui semblent trop simples: summo diluculo devient sol terris illuxeraî;
il fait souvent rimer ensemble les divers membres d'une même phrase. Il amplifie
ou refait les discours prêtés par l'anonyme à ses personnages. Il développe
l'analyse des sentiments, ou l'introduit là 0^ le premier rédacteur n'avait pas cru
devoir la mettre : ainsi là où l'anonyme met simplement egressi sunty Baudri
ajoute non sine remanenîium lacrimis. Il ajoute des détails pittoresques ; l'anonyme
parlant d'un château bien muni de vivres, castellum plénum omnibus bonis, Baudri
spécifie, frumento, caseo, oleo. Quand l'anonyme rapporte sans commentaire
quelque excès commis par les croisés ou quelque perfidie d'un de leurs chefs,
Baudri s'efforce de voiler le fait, de l'atténuer ou de l'excuser. Si l'on n'avait
pas le texte des Gesta Francorum pour le contrôler, il serait souvent difficile de
distinguer dans Baudri oe qu'il a su et ce qu'il a inventé. Il faut ajouter que
224 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
Baudri a aussi intercalé dans le récit quelques faits vrais, omis par Panonyme,
et qu'il avait appris d'ailleurs.
M. Germain, doyen de la faculté des lettres de Montpellier, correspondant de
l'académie, commence une lecture sur le Liber procuratoris studiosorum des
archives de la faculté de médecine de Montpellier. Le procureur des étudiants,
appelé Busslprocuratorbaccakureorum et studentium, était, dans l'ancienne université
de médecine de Montpellier, un mandataire élu des étudiants, chargé de les repré-
senter dans toutes les affaires où leurintérêt collectif était en jeu. Il ne représentait
que ceux qui n'étaient pas arrivés encore à la licence, et devait lui-même n'être
pas licencié. Le livre dont M. Germain entretient l'académie est un registre de
la gestion des procureurs des étudiants du 26 mars 1 526 au 15 décembre M 3 5.
Pendant ce temps 26 procureurs différents se sont succédé : il y en a de tous
pays, du midi de la France, de Bourgogne, de Bretagne, de Paris, de Flandre,
de Suisse, d'Italie. On trouve dans ce registre des procureurs plusieurs mentions
relatives à Rabelais, qui étudia la médecine à Montpellier durant l'année scolaire
1 5^0-1 5^1 et y fut reçu bachelier en décembre 1Ç30; la signature même de
Rabelais se trouve plusieurs fois dans le livre. Le même registre donne des
détails sur les nombreux banquets dans lesquels les étudiants se réunissaient à
toute occasion, pour les grandes fêtes, pour fêter un grade nouveau donné à un
camarade, pour l'arrivée ou le départ d'un étudiant. Le 21 nov. i $ 34 le procu-
reur des étudiants marque qu'un de leurs camarades, autorisé à commencer un
cours à l'université, ne leur a offert qu'un maigre repas où l'on n'avait ni la
place de s'asseoir ni assez à manger, et se plaint vivement de cette lésinerie : il
ajoute qu'on aurait pu dire comme dans l'évangile : Il y a ici un petit garçon qui a
cinq pains d'orge et deux poissons, mais qu'est-ce que cela pour tant de gens? —
Le liber procuratoris, dans les premières années, n'est presque rempli que de
comptes de cuisine et de menus de banquets. — M. Germain accompagne cette
communication de diverses indications sur l'organisation de l'université de
médecine de Montpellier au 16^ siècle. — A propos du terme de baccalaureus,
bachelier, que M. Germain expliquait comme signifiant celui qui reçoit une baie
du laurier doctoral, M. Thurot fait remarquer que ce mot n'est qu'une défor-
mation, faite en vue de cette étymologie, du nom primitif, qui est baccalarius :
dans les registres de l'université de Paris le grade du baccalauréat ne s'appelle
jamais autrement que baccalariatus. M. Germain dit qu'il n'ignore point ce fait,
mais que l'expression baccalaureus et le symbole de la baie de laurier étaient con-
sacrés à l'université de Montpellier depuis le 14® siècle.
Ouvrage dépose : — Etienne de Campos Leyza, Analyse étymologique des racines de
la langue grecque pour servir à l'histoire de l'origine et formation {sic) de la langue,
Bordeaux, 1874, in-S^.
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
Mittheilungen aus der historischen Litteratur. III' année. ^^ Fasc. —
H^DicKE, Kurrecht und Erzamt der Laienfùrsten. Programm von Pforte 1872.
— F. ScHiRRMACHER, Die Entstchung des Kurfùrstencollegiums. 140 p. in-8".
Berlin, Janke. 1874. — W. Wilmanns, Die Réorganisation des Kurfùrsten-
collegiums unter Otto IV u. Innocenz III. viij-i 16 p. in-S". Berlin, Weidmann.
1873 (Meyer). — K. Krùger, Des Ptolomaeus Lucensis Leben und Werke.
84 p. in-8". Gœttingen, Peppmûller. 1874 (Meyer). — W. Vogt, Antheil der
Reichsstadt Weissenburg a. Nordgau an der reformatorischen Bewegung in den
Jahren 1 524-1 530. 64 p. in-8". Erlangen, Deichert. i874(Brecher). — Hehle,
Der schwaebische Humanist Jakob Locher Philomusus 1471-1528. 2 parties,
1873. 1874. Ehingen (Brecher). — Th. Henner, Die Herzogliche Gewalt der
Bischœfe von Wirzburg. i $0 p. in-8°. Wurzbourg, Stuber. 1874 (Feldner).
— Mittheilungen des historischen Vereines fur Steiermark. XXI Heft. Graz.
1873. — Beitraege zur Kunde steiermaerkischer Geschichtsquellen. lo*' année.
Graz. 1873 (Ilwof).
Anzeiger fur Kunde der deutschen Vorzeit, n° 8, août. Buntglasierte
Thonwaaren des 1 5.-18. Jahrh. im germanischen Muséum. XIV. (A. Essenwein).
— Kurtzes Diarium (D'" Baur). — Ein unediertes Gedicht des Mœnches Geve-
hardus zu Grafschaft (Nolte. — W. Wattenbach). — Das Bippappspiel
TD*" Baur. — D' Frommann). — Bemerkung zu dem Spruch « De ebriosis »
(Wattenbach). — Beilage zutn N° 8. Chronik des germ. Muséums. — Schriften
der Akademieen und historischen Vereine. — Nachrichten.
La Rivista Europea. Septembre 1875. — J. Taffiorelli, I Giardini d'in-
fanzia nella scienza pedagogica. — V. Valeriani, I metodi del Duhamel e la
logica del Condillac. — G. Piazzoli, Camillo Desmoulins (suite). — E. Picco-
LOMiNi, Sulla essenza e sul metodo délia filologia classica (fm). — P. L. Cecchi,
Il progresse del pensiero nelle lettere del rinascimento (fm). — Nouvelles litté-
raires et bibliographie italiennes, françaises, anglaises et slaves.
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xliij-395 p. Paris (Imp. nationale). 30 f.
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nérale (1831-1874). In-8° à 2 col., viij-
483 p. Paris (Bureaux de la Revue des
Deux-Mondes).
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Schroer (K. J.). Die deutsche Dichtung
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(Vogel). 12 fr.
Sha-w (C). Malta Sixty Years ago, also
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John of Jérusalem, from its first Forma-
tion till the Evacuation of Malta; to
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Knights Templar. In-16 cart. 150 p.
London (S. Tinsley). 13 fr. 15
Spencer (H.). The Study of Sociology.
4th Edit. In-8", cart. 426 p. London
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peare's Hamlet geh. an der Universitaet
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1860, zuletzt 1870-1871'. In-80, 2^2 S.
Berlin (Hertz). 6 fr. 25
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N° 41 Neuvième année. 9 Octobre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE F'UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, propriétaire
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
LIBRAIRIE A. FRANCK,
67, RUE RICHELIEU.
Pour paraître très-prochainement :
LES TABLES EUGUBINES
TRADUCTION, COMMENTAIRE, GRAMMAIRE
ET INTRODUCTION HISTORIQUE,
PAR
M. M. BRÊAL,
Professeur au Collège de France , directeur-adjoint à
l'École des Hautes-Études.
Un fort volume gr. in-8° de 28 à 30 feuilles d'impression accompagné d'un
album petit in-f° contenant le fac-similé des tables Eugubines. 1 3 planches
gravées.
PERIODIQUES.
The Academy, n" 176, new séries, 18 septembre. Denton, A Commentary
on the Acls of the Apostles. Vol. I. London, Bell and Sons (W. Sanday : Fau-
teur ignore les travaux allemands). — MsXsty] i-izi tcO ^lou twv Vôco-répoiv 'EaX'/j-
vwv, uTïb N. r. noXiTcu. Vol. I, Part 2. Athens, Wilberg (H. F. Tozer : ce
volume, intitulé Mythologie des Grecs modernes s'occupe des idées populaires sur
la destinée et la condition des morts; il ne fournit guère plus de détails qu'on
n'en trouve dans l'ouvrage de B. Schmidt, Das Volksleben der Neugriechen). —
Watkiss Lloyd, The Age of Pericles. London, Macmillan and Co. (J. P. Ma-
HAFFY : article favorable, malgré d'assez nombreuses critiques), ■— New York
Letter (J. L. Gilder : nouvelles littéraires). — Correspondeijce. Michel Angelo's
« Création of Adam » (Alfred Higgins analyse l'article de Richter, paru dans la
Zeitschr. fur bildende Kunst, lequel jette une vive lumière sur la signification de la
peinture de Michel Ange). — Lucretius and his Editors (A. H. J. Munro :
répond à une phrase dirigée contre lui par Brieger dans la préface de sa récente
édition de Lucrèce et à un article du même, paru dans le Jahresbericht iiber die
Forîschritîe der classischen Alîerthumswissenschaft). — Shakspere and Queen Eli-
zabeth's Favourites (F. J. Furnivall). — The Prehistoric Collections of Lûbeck,
Schwerin and Berlin (Henry Schliemann). — Whitney, The Life and Growth
of Language. London, King and Co. (A. H. Sayce : n'est pas d'accord avec
l'auteur sur la question des racines monosyllabiques). — Greek Etymology (John
Rhys : revue des ouvrages suivants : Grundziige der griechischen Etymologie, von
G. Curtius, 4** éd.; Some Remarks on the Celtic Additions to Curtius' Greek
Etymology, by Whitley Stokes; Principles of Greek Etymology, By G. Curtius,
transi, by A. S. Wilkins, vol. I).
The AthensBum, n** 2499, 18 septembre. Vambéry, Der Islam im Neun-
zehnten Jahrhundert. Leipzig (tableau fidèle de l'islamisme actuel). — Extracts
from the Records ofthe Burgh of Eidinburgh, A. D. i5$7-i$7i. Edinburgh,
printed for the Scottish Burgh Records Society. — Cumbriana; or. Fragments
of Cumbrian Life. London, Whittaker and Co. (intéressant ouvrage). — An
Account ofthe Primitive Tribes and Monuments of the Nilagiris. By the late
James Wilkinson Breeks. Ed. by his Widow. Allen and Co. (importante publi-
cation). — Othello and Sampiero (C. Elliot Browne : rappelle qu'un anonyme
a signalé, il y a plus d'un siècle, la ressemblance frappante qu'offre l'histoire
d'Othello avec celle du Corse Sampiero). — The Centenary of Michel Angelo.
— Remains of Moorish Art (Trovey Blackmore : décrit une ruine splendide
qu'il a visitée à Salée près de Rabat dans le Maroc).
Literarisches Centralblatt, n° 38, 18 septembre. Weizs^cker, Das Neue
Testament. Uebersetzt. Tùbingen, Laupp'sche B. In-8% viij-528 p. (traduction
au courant de la science). — Lindner, Geschichte des deutschen Reiches vom
Ende des 14. Jahrh. bis zur Reformation. 1. Abth. i. Ed. Braunschweig,
Schwetschke u. S. In-8°, xv p. 456 (ce volume traite de l'histoire de l'Allemagne
sous le roi Wenzel). — Ennen, Geschichte der Stadt Cœln. 4. Bd. 9.-14. Lief.
Kœln u. Neuss, Schwann. In-8°, viij-s 1 3-889 p. (ce volume embrasse les années
1513 a 1577). — Troilus Alberti Stadensis éd. A. Merzdorf (cf. Rev.
cht., 187$, II, p. 25).
Jenaer Literaturzeitung, n° 30, 24 juillet. Uhrig, Bedenken gegen die
iEchtheit der mittelalterlichen Sage von der Entthronung des Merowingischen
Kœnigshauses durch den Papst Zacharius. Leipzig, Veit u. Co. ln-8% viij-Si p.
(H. Hahn). — Belgrano, Délia vita privata dei Genovesi. Sec. Ed. Genova,
f
C(
i
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 41 — 9 Octobre — 1875
Sommaire : 196. Documents sur Jules-César Scaliger et sa famille, p. p. Magen. —
Correspondance : Sur les origines des Bohémiens ou Tsiganes, avec l'explication du nom
■ Tsigane (suite et fin). — Sociétés savarites : Académie des inscriptions.
196. — Documents sur Jules -César Scaliger et sa famille, publiés par
M. Adolphe Magen. Agen, imprimerie de Prosper Noubel. 1873. In-8* de 122 p.
(Extrait du Recueil des travaux de la Société d'agriculture, sciences et arts d'Agen).
Pendant la Révolution, vers le milieu de 1792, l'église des RR. PP. Augustins
d'Agen, où reposaient les restes de Jules-César Scaliger, fut vendue, puis démolie.
La sépulture du savant médecin et critique, dont la gloire, déjà grande de son
temps, fut renouvelée et bien dépassée par celle de son fils, n'échappa point à la
profanation. Mais du moins ses os furent pieusement recueillis par un jeune
citoyen agenais et conservés, pour la majeure partie, par les héritiers de ce
jeune homme, mort en 1 810, en Espagne, où il exerçait les fonctions de médecin
militaire. En 1867, ces héritiers remirent les ossements de Jules-César Scaliger
entre les mains des membres du bureau de la Société d'agriculture, sciences et
arts d'Agen, pour être gardés soigneusement par elle jusqu'à l'époque où il lui
serait possible de les déposer à jamais dans un monument public. Cette circon-
stance a inspiré à un savant littérateur agenais l'idée de réunir et de publier un
assez grand nombre de documents concernant le chef de la famille Scaliger et ses
descendants. La publication de M. Ad. Magen comprend d'abord une traduction
de la longue et intéressante lettre latine adressée par Joseph Scaliger à Janus
Douza, lettre publiée originairement à Leyde, en i $94, dans le format in-4°, et
réimprimée ensuite en tête de la correspondance de son savant auteur. M. M. a
cru devoir supprimer, et nous ne saurions l'en blâmer, la fabuleuse généalogie
qui occupe les premières pages de ce morceau. Mais il y a joint un grand nombre
de notes historiques, biographiques et littéraires, dont plusieurs fort développées
et fort curieuses. Viennent ensuite, sous forme d^appendice, diverses pièces con-
cernant Jules-César Scaliger, ses enfants et ses descendants. Parmi ces docu-
inents, on remarquera surtout le testament de Jules-César et celui de Joseph
caliger.
La traduction de M. M. est écrite avec beaucoup de facilité et d'agrément;
peut-être en certains cas aurait-elle pu serrer le texte de plus près. Nous allons
soumettre au savant et laborieux écrivain quelques observations que nous a sug-
gérées une lecture attentive de son précieux recueil.
Page 10. On lit ce qui suit, à propos de Jules-César Scaliger : <^ Présenté
» ensuite par son père à l'Empereur Maximilien, son aîné de dix ans, etc. »
M. M. fait observer en note qu'il y a là une erreur évidente, et que Maximilien
XVI 15
226 "^V T l/^î- REVUE CRITIQUE ") l^f '^ Çf
étant né en 1459, ce n^ëst pas de dix ans, mais de vingt-cinq qu^il était l'aîné
de Scaliger. Mais le texte de Joseph Scaliger est ainsi conçu : « Annorum duo-
» decim minor Maximiliano Caesari à pâtre Benedicto oblatus' », ce qui nous
paraît devoir se traduire de cette sorte : « à l'âge de moins de douze ans , il fut
» présenté par son père Benoît à l'empereur Maximilien. » Immédiatement avant
les mots qu'on vient de lire, il est dit que Jules-César Scaliger, avec Tite, son
frère, apprit les éléments de la grammaire et des lettres d'un client de sa famille,
Jean Joconde de Vérone, très-savant homme et très-honnête, qui se fit plus tard
moine franciscain. Dans une note relative à ce passage, M. M., après avoir fait
observer qu'il s'agit du célèbre F rate Giovanni Giocondo, ajoute ces mots :
« D'après une note dont je ne retrouve plus la source, il s'appelait Jean Gaillard
» et il aurait construit le Pont-Neuf à Paris. » Il y a ici trois remarques à faire :
i*» Gaillard est une version un peu libre de Giocondo, nom qu'un vieux traduc-
teur du xvi*' siècle a rendu plus-exactement par le joyeulx ; 2" ce n'est pas le Pont-
Neuf que Fra Giocondo a fait construire, mais bien le pont Notre-Dame 2;
3° Giocondo embrassa de bonne heure la vie monastique, dans l'ordre des frères
prêcheurs, et non dans celui des franciscains.
Page 29, après avoir raconté très-longuement les prouesses de son père,
Joseph Scaliger s'emporte contre ceux qui s'étaient permis de blâmer de tels
actes d'adresse, de force ou d'agilité, et notamment contre un certain Lucumon
Beccelenus, « l'homme du monde qui a fait de son talent et de ses loisirs l'usage
» le plus indigne et qui, avec une grossièreté sans exemple, cherche à tourner
» mon père en ridicule, pour avoir, en armes, dansé la Pyrrhique devant l'em-
» pereur Maximilien. Oh! la stupide, l'étrange impudence! Mais le Maruccin, si
)) enclin à critiquer les talents et les goûts des personnages les plus distingués,
» ne s'est-il pas moqué de Moïse qui a eu, selon lui, le tort d'écrire les noms
» des patriarches en hébreu plutôt qu'en flamand ? Et cependant ses Origines,
» plus absurdes peut-être qu'impies , ont été publiées sur le permis de gens qui
» prétendent au droit de contrôle en tout ordre de productions. »
Sur ce passage M. M. a fait une note ainsi conçue : « Le nom de Beccelenus
» et celui de Maruccin, qu'on rencontre un peu plus bas, manquent à tous les
» Recueils biographiques, y compris celui d'Antoine Teissier {Les Éloges des
» hommes savants, etc.), si bien informé sur cette époque?. » Il nous paraît
certain que les mots Marrucin (Marrucinus) et Lucumon 4 Becceselenus (car c'est
1. Josephi Scaligeri Epistola de vetusîate et splendore gentis Scaligerae et Jul. Caes,
vita, p. 3 1 ; Illustriss. viri Josephi Scaligeri, Julii Caes. a Barden f. epistolae. Lugduni Bata-
vorum, ex pfficina Bonaventurae et Abrahami Elzevir. 1627. In-8°, p. 28.
2. Cf. la Bibliothèque de l'École des chartes, 2" série. J. II, 1845-1846, p. 58 suiv.,
article de Le Roux de Lincy; la Biographie universelle de Michaud, article Giocondo, par
Éméric-David; la Biographie générale de Didot, Art. Giocondo, par feu Ern. Breton;
et Martin Hylacomylus Waltzemiiller, ses ouvrages et ses collaborateurs,.... par un géographe-
bibliophile (leu M. d'Avezac). Paris, 1867, in-80, p. 89. Voyez encore les Prima Scali'
gerana, dans le recueil de Des Maizeaux, Scaligerana^ Thaana, Perroniana, etc., t. II,
p. 120, 121.
3. M. M., p. 29, note 2.
4. Lucumo = Fou, monomane, mélancolique.
d'histoire et de littérature. 227
ainsi que porte le texte de Joseph Scaliger ») désignent une seule et même per-
sonne, et que ce sont des épithètes outrageantes appliquées à cette personne,
plutôt que son nom véritable. J'ai déjà expliqué ici même, à propos d'un passage
de Balzac relatif à Rocolet, ce qu'il fallait entendre par Marrucin ^. Lorsque je
lus pour la première fois, au commencement de septembre 1874, l'opuscule de
M. M., je me trouvais à Granville (Manche), c'est-à-dire, loin de mes livres et
de presque toute espèce de livres. Mais je supposai aussitôt qu'il devait être
question du savant et systématique Goropius Becanus, et je communiquai par
lettre ma conjecture à un des amis de M. M., qui est en même temps un des
principaux collaborateurs de la Revue critique. Toutefois ce n'était qu'une pure
supposition, fondée uniquement sur les railleries adressées par Joseph Scaliger
aux rêveries étymologiques du censeur de son père, et sur le titre à^Origines
donné au livre qui les renferme. Mais en recourant plus tard aux longues élucu-
brations du médecin anversois, j'y trouvai ce passage, relatif justement à Jules-
César Scaliger : « Quid enim ille non possit, qui puer adhuc cùm esset, in pano-
» plia coram Maximiliano pyrrichen saltarit ? ? » Plus récemment encore, en
feuilletant le curieux petit volume intitulé : PauU Colomesii opuscula^, à l'article
intitulé : Clavis epistolarum Josephi Justi Scaligeri Aginnensis, j'ai vu que le savant
critique et bibliographe avait reconnu, il y a plus de deux siècles, qui était Lu-
cumo Becceselenus. Il s'était contenté d'énoncer le fait, en promettant de parler
avec détail de Jean Goropius Becanus, dans un ouvrage qui devait porter le titre
de Belgium Orientale, mais qui n'a point vu le jour. Il est à peine besoin d'ajouter
que Joseph Scaliger s'est complu malignement à donner à Goropius Becanus un
nom qui ne diffère que par une seule lettre et par la désinence du sous-titre de son
livre. En effet, Becceselenus « grand niais, imbécille » rappelle aussitôt le Becce-
selana qui figure dans le titre de l'in-folio du médecin anversois, et que celui-ci
traduit par « panes quibus pueri nutriuntur5. »
Page 40, Joseph Scaliger dit que son père ayant éprouvé un violent échauffe-
ment, fit usage, pour se soulager, du suc d'une plante qu'on appelle albaîeca
en Espagne. M. M. suppose qu'il pourrait être question ici de la Fabrègue,
espèce de basilic qu'en Espagne on appelle : alhahaca, alfabega; et il renvoie au
Glossaire des mots espagnols {et portugais) dérivés de Varahe, par R. Dozy et le C
(W) H. Engelmann, 2^ édition, p. C)!, v° albahaca, etc. Mais cette conjecture
est contredite par ce qu'on lit immédiatement après, et qui prouve qu'il s'agit
d'un fruit et non simplement d'une plante^. Je crois donc que Joseph Scaliger a
1. Page 41 de l'édition elzévirienne.
2. Revue critique, n* du 8 août 1874, p. 91.
3. Joan. Goropii Becani Origines antwerpianae, sive Cimmeriorum Becceselana novem libros
complexa. Antverpiae, ex officina Christophori Plantini, 1569, in-folio. Antiquitates Anî-
werpianae, p. 295.
4. Ultrajecti, apud Petrum Elzevirium, 1669, in-12; page 145.
5. Opus suprà laudatum, p. 1054. — 11 est ainsi fait mention de Goropius Becanus
dans le Scaligerana : « Goropius Becanus dicebat linguam Adam! fuisse Brabantinam
» Goropius Becanus a esté fort estimé, mais on n'en fait plus d'estat maintenant; il ne
» vaut rien. )) Scaligerana, Thuana, etc., t. II, p. 223-224.
6. Ex adstricta ob cruditatem \\Ï\ms jructas vesica; p. 47, éd. elzévirienne.
228 •^>' REVUE CRITIQUE "-(H^C!
voulu parler de la pastèque ou melon d'eau (cucnrbita citrullus), appelée en
espagnol albudega ou alhudeca, et en portugais paîeca ' .
Dans le testament de Joseph Scaliger (p. 76) on rencontre l'expression : tout
arroy de cuisine. M. M. a supposé qu'il y avait là une erreur de copiste et qu'il
fallait lire harnoy (harnais). Je ne partage pas cette opinion : le mot arroy me
paraît la vraie leçon et s'interprète très-bien ici par « attirail. »
La correction typographique laisse trop à désirer. P. 20, n. 3, il est dit que
François I*"" était neveu du frère de Charles III, duc de Savoie. C'est neveu du
père qu'on doit lire. A la page 34, n. 2, il faut sans doute changer Quivini en
Quirini, comalatoria en consolatoria, comporta en composta. — P. 43, n. i, la date
1521 doit être remplacée par 1541.
En résumé, malgré quelques taches, la plupart légères, la publication de
M. M. est un précieux service rendu à l'histoire du xvi^ siècle. Elle mérite de
prendre place à la suite des deux intéressantes études biographiques consacrées
à Jules-César Scaliger et à son fils, par M. Charles Nisard, dans les ouvrages
intitulés : Les gladiateurs de la république des lettres et Le Triumvirat littéraire au
xvi^ siècle. Quand notre savant et laborieux collaborateur, M. Tamizey de
Larroque, aura publié le travail qu'il prépare sur Joseph Scaliger, il restera sans
doute bien peu de chose à apprendre sur les deux grands érudits, et nous aurons
moins lieu de regretter que Ruhnkenius n'ait pas mis à exécution le projet qu'il
avait formé d'écrire la vie de Joseph Scaliger, afin de l'ajouter à l'éloge d'Hem-
sterhuys^. C. Defrémery.
CORRESPONDANCE. sTîîi
Sur les origines des Bohémiens ou Tsiganes ,
AVEC l'explication DU NOM TSIGANE.
Lettre à la Revue critique. ^^"^
{Suite et fin.)
En attendant, je ne crois pas devoir retenir plus longtemps l'explication du
mot Tsigane, qu'on a vainement cherchée jusqu'ici, que M. de Goeje, M. Burton
et M. Fagnan viennent encore de tenter sans beaucoup de succès, et que je me
crois en mesure de donner d'une manière définitive. Si je ne l'ai pas publiée
plus tôt, c'est qu'elle me paraît être la preuve topique et comme la confirmation
matérielle de tout mon système, et qu'il m'en coûtait, soit d'affaiblir cette expli-
1. Cf. Dozy et Engelmann, opus suprà laudatum, p. 74; et la savante dissertation in-
titulée : B. C. D. Abattichim sive melones yEgyptiij ah israèlitis dcsïderatij qmnam et quaks
fucrint, brevi SiaexeTi lei ostendere co/i<3iu/' Olavus Celsius. Lugduni-Batavorum, 1726, in-S",
passim et surtout p. 4 et 5. — Le chevalier d'Arvieux , parlant des pastèques d'Alep et
de l'eau qu'elles renferment en abondance, ajoute : C'est la ptysanne ordinaire des malades.
Mémoires du chevalier d'Arvieux, recueillis par le R. P. Jean-Baptiste Labat, t. VI, p. 413,
4'4-
2. Vita Davidis Ruhnkenii a Daniele Wyttenbachiû scripta cdidit Carolus Henncus
Frotscher. Fribergae, 1846, in-8*, p. 162.
f
d'histoire et de littérature. 229
cation et sa portée en Pisolant, soit d'affaiblir ma thèse elle-même et de déflorer
le livre que je prépare, en donnant de celui-ci une ébauche informe et sans
étais, comme je viens de le faire dans les quelques pages qui précèdent. Malgré
les inconvénients d'un résumé fait un peu à la hâte, sur une masse de matériaux
et de notes que je ne puis songer à passer en revue, c^est à ce dernier parti que
je me suis cependant arrêté. Je répète que l'explication du mot Tsigane et ma
thèse sont inséparables : c'est ce qui m'excusera, je l'espère, d'avoir osé parler
si longuement, et dans un recueil comme celui-ci, d'un livre qui n'existe pas
encore. On voudra peut-être bien reconnaître aussi que les vues que j'ai
indiquées n'étaient pas inutiles à mettre en regard de celles exposées par
M. de Goeje.
A la fin du précieux passage où Hérodote (V, 9) parle des Sigynes, qu'il dit
occuper, au nord de la Thrace, un grand pays désert au delà de l'Ister, et qui
s'étendent aussi, suivant lui, jusqu'au pays des Venètes établis sur les bords de
l'Adriatique, se trouve une glose, certainement fort ancienne, et que des savants
autorisés' pensent être d'Hérodote lui-même. Cette glose, la voici : « Les
Ligiens (Ligures) qui demeurent auprès de Massalie donnent aux marchands le
nom de Sigynnes (ZiY'Jvvaç); mais les Cypriotes appellent ainsi les lances ou
javelots (âopaTa)^. » Cette note, d'où l'on peut induire que des troupes de colpor-
teurs ou artisans sigynes, c'est-à-dire Tsiganes, étendaient dès lors leurs courses
jusqu'à l'ancienne Marseille, est déjà par là fort précieuse. Quant à la remarque
relative au nom particulier que les Cypriotes donnaient au javelot ou à la pique,
et qui de chez eux (et de chez les Macédoniens ?) a apparemment passé dans la
langue grecque sous les diverses formes4 dont j'ai déjà indiqué les principales en
parlant des Sibylles, elle ne me disait rien de clair; mais elle m'était cepen-
dant restée dans la mémoire comme pouvant contenir la matière de quelque
rapprochement utile, lorsqu'un heureux hasard me donna la clef de l'énigme.
J'avais un jeune parent Cypriote, Eugène Santi (mort depuis), qui, après avoir
fait ses études classiques à Paris, y était revenu de Chypre pour suivre les cours
de l'école des langues orientales vivantes. Il s'y trouvait ainsi en 1866. Je ne
pouvais manquer de profiter de cette occasion pour m'enquérir des Bohémiens
de ces îles de la Méditerranée orientale, où leur étude offrirait un intérêt tout
particulier; car, d'une part, c'est dans ces îles qu'était le principal siège
de ces peuplades ou corporations cabiriques, parmi lesquelles les Sinti de
Lemnos occupent une place importante; et, de l'autre, cette région est
une de celles où les documents modernes connus jusqu'ici permettent d'entrevoir
la présence très-ancienne des Bohémiens les plus incontestables J. Mon jeune
r. Entre autres Diefenbach, Origines europaa, 1861, p. 419; cf. p. 86.
2. Une glose assez voisine de celle-là est donnée par un scholiasted'Apoll. de Rhodes.
V. Diefenb., ibid, p. 419. — 11 n'est pas sans intérêt de remarquer que, d'après Suidas,
le nom de CTtyuvri s'appliquait particulièrement aussi au javelot en usage chez les Macé-
doniens.
3. Voy. la dernière note.
4. Voy. du reste Diefenbach, ibid., et aussi p. 287.
5. Sur les Bohémiens de Crète en 1322, voy. dans mon mémoire de 1849, tirage à
IfO REVUE CRITIQUE
parent ne put me renseigner que sur ceux de Chypre, qui sont encore dans
cette île au nombre de cinq cents à mille environ, et il me donna sur eux
(en mai et juin 1866) des détails qu'il serait trop long de reproduire ici. Le
point important, c'est que le nom sous lequel ils sont actuellement connus en
Chypre est Kilindjindès. C'était la première fois que j'entendais ce nom', qui
n'a jamais été recueilli par aucun auteur ayant traité des Bohémiens, et il
m'intrigua tout d'abord. Mon jeune parent m^expliqua aussitôt que ce nom est
évidemment d'origine turque, avec une terminaison grecque, et que la finale
turque dji, aussi bien que la terminaison grecque idès, qui a été ajoutée à la pre-
mière, servent généralement toutes les deux à désigner des métiers. Quant à la
partie essentielle du nom, elle concorde parfaitement, sauf addition d'un /z, avec
le mot Qylidj^ qui en turc signifie sabre ou épée. Le mot signifierait donc
marchands ou fabricants d'épées ou de sabres. Pourquoi cette qualification ?
Evidemment elle se rapportait aux industries métallurgiques des Bohémiens : la
remarque faite par Hérodote ou un de ses très-anciens scholiastes, à propos des
Slgynes, que le nom qu'on leur donne est aussi celui qu'on donne au javelot
en Chypre, me revint aussitôt en mémoire, et il me sembla clair que le nom de
Kilindjiridès n'était qu'une traduction, légèrement modifiée en raison des diffé-
rences survenues dans les armes les plus usuelles, du nom des Tsiganes, traduc-
tion faite par les Turcs établis dans l'île, à une époque, évidemment, oti
l'ancienne synonymie de leur nom et des armes qu'ils fabriquaient ne s'y était
pas encore perdue, mais où de fabricants de javelots ou de lances ils s'étaient
faits fabricants de sabres ou d'épées. Cette interprétation n'a rien que de con-
forme à ce que l'on sait des fréquentes modifications que la transformation des
usages apporte au sens des mots, et elle se trouve particulièrement justifiée par
un exemple pris dans la langue" même des Bohémiens et s'appliquant au même
mot : chez ceux de l'Asie Mineure, Kilidj signifie maintenant faulx (Paspati, Les
part, p. 11-12, le passage de Symon Simeon, rectifié comme il est dit plus haut (note 3
de la p. 21 5); sur ceux de Chypre, voy. ibid., p. 10-11, les passages de Lusignan et de
Florio Bustron; sur ceux des îles de la Méditerranée orientale en général, voy. ibid.,
p. 8-10, les passages d'André Thevetet de Pierre Belon. On remarquera les occupations
métallurgiques auxquelles ces Boh., quoique isolés et comme perdus dans ces îles, se
livrent encore, d'après Lusignan, Thevet et Belon. — A ces documents, il faut ajouter
maintenant ceux, relatifs aux Boh. des côtes de la Grèce, que feu M. Cari Hopf a mis
en œuvre (il est bien regrettable qu'il ne les ait pas donnés textuellement et qu'il n'ait
pas même exactement indiqué ses sources toutes manuscrites) dans les p. 11-23 de sa
brochure, Die Einwanderung der Zigeuner (Gotha, 1870, pet. in-S» de 47 p.). Le reste
n'est généralement qu'un résumé de mes deux mémoires de 1844 et 1849, à l'exception
toutefois de la plus grande partie des p. 23-26, qui contiennent des choses très-contes-
tables (que le savant M. Rœsler a relevées dans VAusland du 22 avril 1872, p. 106-107).
Là aussi, au moins p. 20, les Bohémiens (qu'un voyageur allemand de la fin du XV' s.,
parlant de ceux de Modone, appelle Suyginer, p. 1 5), apparaissent comme chaudronniers
et forgerons.
I. Je ne l'ai retrouvé depuis, comme nom ethnique des Boh., qu'à Rhodes, sous la
forme Kaldji : ce nom m'a été fourni, en octobre 1866, par Auguste Salzmann, qui
depuis 1857 avait sa principale résidence dans cette île, où il taisait alors ses fouilles bien
connues de Kamiros. Salzmann, qui était pour moi une vieille connaissance, est aussi
mort depuis.
d'histoire et de littérature. 231
Tchinghianés, p. 121)'. D'un autre côté, hsagaris des Amazones (voy. plus loin
en note) n'est plus un javelot, mais, paraît-il, une hache en fer. Il serait facile de
multiplier les exemples de ce genre.
Cependant il pourrait encore rester quelques doutes sur la valeur et la portée
de ce rapprochement, mais en voici une confirmation, qui paraîtra, je pense,
sans réplique. Un des trois noms ethniques qui sont donnés aux Bohémiens en
Grèce, est celui de Kai^iêeXoç, pi. ci, (Paspati, Les Tching., p; 19), qui est
connu dans une grande partie de la péninsule du Balkan, et jusqu'en Roumanie,
où l'usage de la langue grecque, apportée par les princes phanariotes, était
encore très-répandu il y a une trentaine d'années. M. Paspati, qui est Grec
pourtant, mais qui vit à Constantinople, et qui d'ailleurs n'avait pas les mêmes
raisons que moi pour s'arrêter sur ce nom 2, est allé en chercher l'explication
dans le Vocabulaire grec vulgaire-italien de Somavera (en ital., Parigi, 1709),
et dans Pott, t. II, p. 259, où le savant professeur de Halle fait dériver le
mot grec d'un mot roumain, cacivel, et le mot roumain du latin captivas, capti-
vellus 5. Cette explication peut paraître d'autant plus séduisante au premier
abord, que les Bohémiens ont été longtemps esclaves en Roumanie; mais elle
est inadmissible. D'abord cacivel ne paraît pas exister dans la langue valaque;
je le cherche en vain dans les Dictionnaires de cette langue, et les Roumains
que j'ai consultés à cet égard connaissent le mot grec, mais non la prétendue
forme roumaine qu'on a mise en avant. De plus, la première personne sachant
le grec moderne, à laquelle j'ai demandé, sans aucune explication préalable qui
pût la mettre sur la voie, ce que pouvait signifier littéralement le mot KaT^iccXoç
(c'était précisément un Roumain bien connu, mon vieil ami C. A. Rosetti), m'a
répondu sans hésiter : « 6éXoç, C^êéXo;, Javelot» ! Ce qui apparaît si clairement
dans le grec moderne s'explique du reste tout aussi bien par le grec ancien : il
n'est déjà pas difficile de retrouver dans les trois dernières syllabes de Ka-^icsXoç
le ai66vr^ ancien, qui s'écrit même quelquefois 'C,l%Tr^^, qui, pour signifier Sibylle,
prend la forme aiêuXXa, et qui apparaît aussi sous la forme $ia6o/a'a en conser-
vant la signification de javelot 5. Mais il n'y a pas besoin de chercher si loin :
6€koq n'appartient pas seulement au grec moderne, il se retrouve exactement
dans le grec ancien 6, comme un mot très-usité: « êéXoç, trait, flèche, lance,
1 . Il est curieux de noter qu'une des castes modernes de l'Inde porte « sur un éten-
» dard rouge l'effigie d'une espèce de sabre nommé Sangaracoày. » E. Roubaud, Contri-
bution à l'anthropologie de l'Inde (travail couronné par la Société d'anthr. en 1869), p. 43.
Je remarque en passant, ibid. p. 67, une caste appelée Singara\d\\o\i, etc.
2. Depuis, cependant, M. Paspati lui-même a eu l'obligeance de me fournir une indi-
cation de laquelle il résulte que le nom de xaxJiigeXoç, comme servante désigner les Bohé-
miens, se trouve déjà chez un poète byzantin du milieu du XIV' siècle.
3. Paspati, Les Tchinghianès, p. 19.
4. La forme intermédiaire « ZiêuXot, teli genus n (Nov. de Justinien) se retrouve chez
J. Meursius, Clos, gracco-barbarum, Lugd. Bat. 1614, in-40. — Cf. BeXopaSeç, acuarii.
5. Cf. SiaêàXXœ, transpercer; SàXXw, jeter, lancer contre; xaraSàXÀto, jeter à bas,
renverser.
6. Et même très-ancien : il occupe plus de deux colonnes dans le J. Morisbnii Dancani
Novum Lexicon gr., ex Ch. Tob. Dammii Lexico Homerico-Pindarico retract., corrigé
et aug. par Chr. Frid. Rost, Lipsiae, 1836, in-4', où je remarque que les mots aiouvri,
232 REVUE CRITIQUE
épée.... )) (Dict. de Chassang) nous donne le mot textuel, même avec la signi-
fication secondaire d^épée, qui s'offre à nous dans Kilindjiridès, l'équivalent turco-
grec de KaT^iêeXoç. — Resterait à trouver la valeur précise de la syllabe initiale
y,aT. Ce préfixe vient-il de xaî^w, orner, décorer, ajuster, ou de^caTTUG), raccom-
moder? N'est-ce pas plutôt tout simplement la préposition /.axa, qui a, comme
chacun sait, des sens très divers et souvent difficiles à préciser ? Ici elle signifie-
rait adonné à, s'occupant de, comme dans -^axeiBoXoç, adonné au culte des idoles.
Mais c'est là un détail secondaire dont je laisse l'explication dernière aux hellé-
nistes. Kax^iâsXo; est évidemment dans tous les cas un ouvrier en javelots , un
fabricant d'armes de ce genre, et c'est une autre forme des mots Sigyne et
Tsigane, qui ont le même sens.
En résumé Si^uvoç, ancienne forme grecque du nom que les Tsiganes portent
encore aujourd'hui dans tous les pays de l'Europe orientale, d'où il a rayonné un
peu au delà et un peu en deçà', signifiait simplement y^re/of, pique, etc., soit
que le nom de la chose ait passé à ceux qui la fabriquaient, soit que le nom
ethnique des fabricants ait passé à la chose.. Puis ce nom ethnique, qui, en
tant que nom commun, avait en grec ancien des formes assez diverses,
notamment celles de ci6uvy) et de 6éXoç, est devenu en grec du moyen-âge
Kax^têsXoç, qui signifie un peu plus explicitement fabricant de javelots,
flèches, lances, épées ; et c'est là encore aujourd'hui le nom grec des Bohémiens
le plus répandu, non-seulement en Grèce (où on les appelle aussi 'A-c^iYv.avsç
ou 'A6iYT^voç, et Tuozoq, Egyptien), mais en diverses régions de la péninsule
des Balkans où le grec a pénétré. Enfin ce nom, que les Turcs ont trouvé en
Chypre, soit sous sa forme ancienne de K^uvoç, déjà sans doute transformé en
Cingani que nous y rencontrons au xv^ siècle, soit sous la forme plus moderne de
KaTÎ^iêôXoç, soit plus probablement sous l'une et l'autre forme qui s'expliquaient
l'une par l'autre, a été traduit dans cette île par Kilindjiridès, mot turc flanqué
d'une terminaison grecque, qui signifie plus particulièrement fabricant d'épiés.
La même chose est arrivée à Rhodes, avec cette seule différence que le mot
Kaldji est demeuré purement turc sans addition de finale grecque.
Ainsi se trouve tout à la fois expliqué le nom mystérieux des Tsiganes, et
prouvée leur identité originelle avec les anciens Siyuvoi ou Sqijvvai, et par suite
aussi celle des Sinti actuels avec les anciens Sivxisç, en même temps que le
rapport des uns et des autres avec les anciens métallurges cabiriques se trouve
aussi confirmé par la signification même du nom des premiers.
oriYwoç, etc. (qui occupent une grande place dans les Dict. généraux de la langue grecque),
font entièrement défaut, ce qui indique que leur usage est postérieur à Homère et à Pin-
dare. Quant au mot 2iêO>Xa, il y est mentionné (toujours avec la même étymoiogie), dans
ces termes : « nomen mulierum fatidicarum , recentiorum Homero. » — De son côté le
Thésaurus d'Henri Etienne consacre au mot BéXo; plus d'une colonne; et, après le sens
courant de « teium, jaculum, sagitta, hasta missilis », qui devient la foudre entre les
mains de Jupiter, il donne aussi le sens de « gladium », etc.
I . Ce nom a pris d'ailleurs dans quelques endroits une forme un peu différente , celle
de Singari, Cingari ou Zingari et même Tsangari, qui se trouve aussi en rapport avec des
modifications analogues du nom de l'arme en question, qui se rencontrent de ci et de là;
et il a passé aussi, à certaines époques et dans certaines contrées, par la forme un peu
altérée à!Athingans, Atsincans, Atsigani.
d'histoire et de littérature. 233
Mais d'où vient-il ce nom de Sigy ne ou Tsigane^ On entre ki dans un domaine
plus ou moins hypothétique, où je dois m'arrêter d'autant moins que ma lettre
est déjà beaucoup trop longue. Je remarquerai cependant que ce nom, qui a
perdu sa signification ethnique dans la langue bohémienne, et qui peut même n'y
avoir jamais eu droit de cité avec cette signification (car les Tsiganes ont des
noms ethniques qu'ils gardent secrets autant qu'ils peuvent), qui ne paraît pas
non plus se retrouver chez eux avec le sens de javelot, lance, pique, sabre ou
épée, ce qui peut s'expliquer suffisamment peut-être par la désuétude où le pre-
mier de ces engins est tombé en Europe, est pourtant reconnaissable dans les
mots de leur idiome qui signifient piquer, couper ^ tuer, chasseur, battre^ se quereller,
querelle j et aussi graver, écrireÇà la pointe évidemment), cracher (lancer sa salive) •;
en sorte que le mot de la même famille qui signifiait javelot, lance, etc., a dû, ce
semble, exister aussi dans leur langue. Je suis donc tenté de supposer qu'il a
été apporté par eux. Il est très-supposable, dans tous les cas, que le nom d'un
objet aussi précieux que l'arme de bronze ou de fer qu'ils étaient probablement
seuls alors à fabriquer dans certaines régions ^, leur a été appliqué par les popu-
lations auxquelles ils en fournissaient, et qu'ils ont eux-mêmes accepté ce nom
vis-à-vis des étrangers, comme ils font encore aujourd'hui (et bien plus volon-
tiers même qu'aujourd'hui, à une époque où ce nomdésignaitleur noble industrie,
et où ils avaient un prestige qu'ils ont perdu), tout en conservant, comme
aujourd'hui, d'autres noms pour se désigner eux-mêmes dans leur langue ?. Il
paraît aussi que le nom, d'abord employé pour désigner le javelot, et qui était
devenu ethnique, a servi ensuite à désigner, comme nous l'avons vu précédem-
ment, des armes autres que le javelot, fabriquées sans doute par les Sigynes.
Ce qui est clair, c'est que dans le principe ce nom ne dut être donné qu'aux
Bohémiens travaillant le cuivre ou le fer, lesquels sont du reste encore aujour-
d'hui en grande majorité.
Mais, dans le principe même, ce nom, que je suppose avoir été apporté dans
l'Europe orientale par les Tsiganes et les Sinti de l'antiquité, plutôt comme
signifiant javelot, lance, etc. , que comme nom ethnique, ne leur appartenait sans
doute pas exclusivement en tant que servant à désigner l'arme en question ; car
il se retrouve, sous des formes plus ou moins rapprochées du mot zagaie, non
1 . Il serait trop long de relever ici les diverses formes de ces noms dans tous les voca-
bulaires boh. de quelque valeur.
2. Us sont encore aujourd'hui les seuls forgerons, maréchaux-ferrants, chaudronniers,
etc. du peuple des campagnes en Roumanie et dans beaucoup de contrées de l'Europe
orientale; et il ne faudrait pas reinonter bien haut pour les trouver seuls ou à peu près
seuls à exercer ces industries même dans les villes de ces régions. On les voit même
chargés en Hongrie, aux XV» et XVI« siècles, de fondre des boulets pour la guerre contre
les Turcs (Grellmann, 2^ éd. allem., 1787, p. 169); et je pourrais sans doute trouver
d'autres exemples significatifs.
). Celui de Sinti notamment, qui était alors public, du moins en quelques localités, et
qui est devenu secret. J'aurais bien des remarques à faire sur les noms que les, Bohémiens
se donnent et sur ceux qui leur sont donnés^ mais je ne puis les aborder ici : ce sera une
partie importante du travail que je prépare.
2 34 REVUE CRITIQUE
seulement dans les régions du nord de l'Afrique oiiils ont très-bien pu l'importer»,
et d'où nous serait venu notre mot sagaie ou zagaie *, mais dans des contrées
beaucoup plus éloignées où il n'est guère supposable que les armes qu'ils fabri-
quaient aient pénétré avec le nom qui désignait ces engins. Mais comme je le
remarque dans une petite communication spéciale que j'ai faite à ce sujet à la
Société d'anthropologie ?, on ne connaîtra bien l'histoire de ce nom sagaie tides
autres noms qui s'en rapprochent, que lorsque les voyageurs auront pris la peine
de les relever exactement chez les divers peuples ou peuplades où ils peuvent
se rencontrer, au lieu d'appliquer, comme ils le font trop souvent, notre mot
sagaie aux armes piquantes et de jet qui s'offrent à eux. Provisoirement je pense
que le mot et la chose pourraient bien avoir été originairement répandus par
cette race chamite qui a formé des couches si importantes de la population dans
les parties méridionales de l'ancien continent, depuis l'Inde jusqu'aux extrémités
de l'Afrique, et à laquelle se rattachent certainement les Bohémiens. Je ne puis
douter en effet que les Tsiganes ne soient des Chamites, et plus particulièrement
des Kouschites, qui auraient vécu sous les Aryas dans la région de l'Indus
assez longtemps pour perdre leur langue kouschite et adopter une langue
aryenne, mais dont les premières et très-probablement les plus importantes
émigrations vers l'Occident remonteraient cependant à une antiquité très-reculée.
Tel est sans doute le point de vue où, de leur côté, les recherches philolo-
giques, anthropologiques et ethnographiques devraient se placer pour aboutir,
s'il se peut, à des résultats précis. Jusqu'ici le vague des conclusions qu'on peut
légitimement tirer des comparaisons instituées entre les Bohémiens et telles ou
telles tribus de l'Inde, vient à l'appui des observations que j'ai déjà présentées
plus haut 4 : On saisit des rapports philologiques, anthropologiques et ethnogra-
phiques généraux, qui ne font guère que confirmer ce que l'on savait déjà d'une
parenté évidente entre les Bohémiens et les populations de l'Inde, plus particu-
lièrement celles de la région de l'Indus; mais, en fm de compte, l'Inde, d'où
les Bohémiens ont dû nous venir^, est précisément la contrée où jusqu'ici on ne
les a pas encore retrouvés avec certitude : d'où l'on serait autorisé à conclure
1. Il y a des Bohémiens jusqu'en Algérie : Voy. mes Notes et questions sur les Bohé-
miens m Algérie^ Paris, 1874. Extrait des Bulletins de la Soc. d'anthr., séance du 17 juillet
1873.
2. Voy. \t% mhmts Bulletins , séance du 21 mai 1874, p. 406-409. — On pourrait
peut-être cependant se demander si le mot français, espagnol et portugais, ne nous vien-
drait pas plus anciennement des Tsiganes et des Grecs. — Quoi qu'il en soit, la pre-
mière partie du mot paraît se retrouver dans le mot latin Sagitta et les autres mots qui
lui sont apparentés en diverses langues, même en gaélique (Voy. Littré au mot Sagette),
et la seconde dans le gais des Gaulois. — J'ose appeler l'attention des linguistes sur cette
famille de mots évidemment très-intéressante. — Ce qui est peut-être plus important à
noter ici, c'est le S^g^m des Amazones (Strabon , lib. XI , ch. V, i.), arme (hache en
fer, dit-on) dont le nom reproduit une autre forme moins usitée du nom des Tsiganes,
Cingari, Tsangari, etc.
3. Séance du 21 mai 1874. Voy. note précédente.
4. Et précédemment aussi dans Les derniers travaux etc., Rev. crit., 1. c, p. 303 en
note; t. à p., p. S4-
d'histoire et de littérature. 235
que la parenté entre nos Bohémiens et les populations hindoues qui ont avec
eux le plus d'affinités, remonte trop haut pour être bien définie et pour
donner un résultat d'identification particulière et certaine : conclusion qui, pour
être fort différente de celle qu*on a cherchée et qu'on a souvent prétendu
trouver, n'en aurait pas moins sa grande importance, si elle était définitive (elle
serait une nouvelle confirmation de ma thèse, qui pourtant peut s'en passer).
Mais il ne faut jamais se presser d'adopter de telles solutions négatives. Il y a
encore dans l'Inde bien des peuplades mal connues, notamment quant à leurs
langues. D'ailleurs, comme je l'ai déjà dit, l'identification des Djatt avec une
partie des Bohémiens donne aux recherches un objet précis; et, déplus, en
raison des dates relativement modernes auxquelles se rapporte cette identification,
il semble que ces recherches devraient aboutir. Il est seulement à désirer, comme
je l'explique à la fin de ma lettre à VAcademy, qu'elles soient faites dans des
conditions de pleine compétence qui sont malheureusement difficiles à réunir. —
Il va de soi d'ailleurs qu'une enquête si bien préparée ne devrait pas négliger
telles ou telles autres peuplades de l'Inde dont l'identification avec les Bohémiens
a pu être proposée avec quelque apparence de vraisemblance, ou que des rappro-
chements nouveaux et inattendus signaleraient à l'attention.
En résumé, ma thèse principale et celle de M. de Goeje, à laquelle, comme
on l'a vu, je ne suis pas non plus étranger, mais que j'ai encore plus de raisons
qu'autrefois de considérer comme secondaire, ne sont pas inconciliables. Il
s'agira seulement de faire leurs parts ; mais en attendant les nouvelles investiga-
tions qui permettront sans doute de faire ces parts plus exactes, je crois pouvoir
dès maintenant réclamer la plus grosse de beaucoup pour le système que j'ai
sommairement exposé ici pour la première fois.
Il est assez présumable en effet que les Djatt signalés par M. de Goeje',
surtout ceux qui devinrent habitants de la Syrie et de l'empire byzantin, ont dû,
en partie du moins, se transformer en Bohémiens; et s'il en est ainsi, il peut y
avoir là un fait important de nature à éclairer l'ethnologie bohémienne, et à rendre
compte des caractères particuliers de certains groupes Tsiganes.
. I. >f
I. Je ne crois pas inutile de résumer ici, d'après l'analyse de M. Fagnan, les données
historiques que M. de Goeje a recueillies sur les migrations ou transportations des Djatt
vers l'Occident. — Leurs premières colonies sont trouvées au VII' siècle « chez les Per-
» sans, chez les Arabes et ailleurs encore. » Leurs traces apparaissent aussi dans le
« canal des Zott » près de Babylone, et dans le territoire des Zott entre Râmhormouz
et Arradjân à l'époque des premières conquêtes de l'Islam. — En 670, des familles de
Zott sont transportées par les Arabes musulmans de Basra en Syrie. — Vers 710, les
mêmes conquérants en transportent d'autres, tant Zott qu'autres Indiens, de l'Inde sur
les bords du Tigre vers le Khouzistan ; un certain nombre de ceux-ci sont ensuite
transportés, en 714 et 720, avec leurs buffles au nombre de quatre mille, vers Antioche
et Mopsueste, où, groupés principalement à Kaskar, ils avaient acquis, au siècle suivant,
assez d'indépendance pour lutter contre le Khalifat; cette lutte dura depuis 820 jusqu'à
834, époque où ils furent vaincus et amenés à Bagdad au nombre de 27,000 : on les
déporta d'abord à Khânikin (au N.-E. de Bagdad); puis la plus grande partie d'entre
eux fut transportée à Ainzarba en Syrie; enfin les Byzantins, ayant pris Ainzarba en
855, emmenèrent les Zott avec tous leurs biens, et c'est ainsi que ces étrangers furent
introduits sur le territoire de l'empire byzantin.
2^6 REVUE CRITIQUE
Mais cela n'est encore que vraisemblable, cela reste à prouver; et il y a
d'abord des études toutes spéciales à faire dans ce sens sur les Bohémiens de
diverses régions, notamment sur ceux de Syrie, chez qui l'on croit que le nom
de Zott s'est conservé, ce qui demande aussi à être établi. Car il est parfaitement
certain, pour moi du moins, que la race entière des Bohémiens ne dérive pas
de là, que cette race nombreuse (que je crois d'ailleurs de souche Kouschite, et
qui pouvait être conséquemment plus ou moins étroitement apparentée aux
Djatt), existait dans le sud-est de l'Europe et dans les contrées voisines
dès l'antiquité la plus reculée, et que finalement les Djatt des migrations
signalées par M. de Goeje ne peuvent y être entrés que comme un faible et
tardif appoint.
Il reste ensuite à faire dans l'Inde des études comparatives, très-complètes et
très-approfondies^ entre les Bohémiens et les Djatt, entre les deux langues
notamment, qui pourraient toutefois être étudiées aussi en Europe et dans le
cabinet si l'on disposait d'éléments suffisants. Mais, de quelque façon qu'on
procède, et pour ne parler que de la langue, qui n'est pourtant pas, il s'en faut,
l'unique élément de la question, je crois, à vrai dire, qu'on a peu de chances
d'aboutir de ce côté à l'identification cherchée, si l'on ne commence par étudier
tout particulièrement la langue de ceux des Bohémiens de Syrie ou d'ailleurs
qu'on serait autorisé, soit en raison de leur nom de Zott, soit par suite de quelque
autre rapprochement topique, à rattacher spécialement aux Djatt des migrations
ou transportations signalées plus haut, et par recueillir, non pas exclusivement
bien entendu, mais avec un soin particulier, tout ce qu'elle peut offrir aussi de
spécifique.
Ici trois alternatives se présentent :
Ou l'on ne trouvera, entre la langue générale des Bohémiens (qu'il faut prendre
surtout dans le sud-est et le centre de l'Europe) et la langue des Djatt (sindhi
ou autre), que des rapports de parenté plus ou moins lointains, comme ceux
qui ont été déjà très-bien constatés entre la romani tchih et telles ou telles
langues aryennes de l'Inde ; et ce sera une éclatante confirmation de ma thèse,
qui pourtant, comme je l'explique plus loin, ne saurait être mise à néant par la
solution contraire.
Ou l'on trouvera entre la langue romani et la langue des Djatt des rapports
assez étroits pour donner un appui nouveau à la thèse de M. de Goeje prise
dans sa généralité (non dans son universalité, ce que je crois pouvoir déclarer
d'avance impossible). Et alors, suivant le degré d'importance des rapproche-
ments établis, je pourrai être forcé de reconnaître, contre mon attente, que la
langue des Djatt des migrations ou transportations du moyen-âge a apporté un
élément notable dans la langue des Bohémiens en général, qu'elle l'a probable-
ment ravivée, et que sans doute aussi la proportion, dans la race bohémienne
aujourd'hui si nombreuse, de la petite population djatte ainsi déportée au moyen-
âge, a été plus considérable qu'il ne me paraissait raisonnable de le présumer.
Mais, à supposer même, contre mon attente, que ma thèse perdît ainsi un peu
de terrain, il ne pourrait y avoir là qu'une question de proportion à discuter;
d'histoire et de littérature. 237
car, dans ma conviction, cette thèse est indestructible (je crois du reste qu'elle
peut déjà passer pour telle après mon explication du mot Tsigane). Et c'est ici
que l'ethnologie, après la philologie, reprendrait ses droits : Il faudrait, par
exemple, que M. de Goeje ou tout autre m'expliquât avec ses quelques milliers
de Djatt du moyen-âge, éleveurs de buffles ou adonnés à d'autres occupations
étrangères à la généralité des Bohémiens, comment, sur les 600,000 Tsiganes,
plus ou moins, qui existent actuellement dans le sud-est de l'Europe et dans
l'Asie Mineure, sans parler des autres régions, il y en a certainement plus de la
moitié et très-probablement plus des trois quarts', qui sont travailleurs en
métaux, forgerons, maréchaux-ferrants, serruriers, cloutiers, armuriers, chau-
dronniers, orpailleurs, etc. : on remarquera en passant que ces industries prati-
quées très-habilement avec des procédés et des instruments tout-à-fait primitifs^
viennent certainement d'une antiquité reculée, et qu'elles ne peuvent pas avoir
été adoptées en Europe, à des époques plus ou moins modernes, par des nomades
qui ne les auraient pas apportées avec eux. Il ne faudrait pas oublier non plus
la divination, la musique, la profession de meneurs d'ours, celle de fabricants
d'ustensiles de bois et d'osier, celle de conteurs, etc.
Ou l'on trouvera quelque rapport particulier entre la langue des Djatt et celle
des groupes bohémiens de Syrie ou d'ailleurs qui sont spécialement désignés
pour cette étude comparative, mais de ceux-là seulement. Ce serait à la fois la
confirmation de ma thèse principale et celle de la thèse de M. de Goeje (qui est
un peu la mienne aussi, je désire qu'on ne l'oublie pas), mais de cette dernière
thèse réduite, comme je crois qu'elle doit l'être, à de très-minimes proportions.
Ou, enfin, on ne trouvera pas même ce rapport particulier (ce qui n'est qu'un
autre aspect de la première alternative) ; et dans ce cas l'appui philologique
manquera à la thèse que nous avons présentée, M. de Goeje et moi, à des époques
et dans des mesures différentes. Mais je m'empresse d'ajouter que cette thèse ne
sera pas, par ce seul fait, annulée. Sans doute il se peut que les Djatt transportés
au moyen-âge vers l'Occident ne soient pas entrés dans le giron bohémien,
qu'ils aient dépéri, ou qu'ils se soient fondus dans des populations quelconques,
ou même qu'on en retrouve des groupes restés étrangers aux Bohémiens, ce qui
serait le plus fort argument contre l'identification même partielle. Mais il se peut
aussi très-bien qu'en se fondant avec les Bohémiens, ils aient perdu ce que leur
langue avait de spécifique et adopté la langue de ceux-ci; et l'ethnologie
devrait alors intervenir de nouveau pour appuyer ou démolir cette dernière
hypothèse.
Dans tous les cas, et c'est un point sur lequel je tiens d'autant plus à insister
que je ne l'ai pas mis en lumière dans ma lettre à VAcademy, on voit combien il
1. Il serait juste de ne pas faire entrer en ligne de compte ceux assez nombreux qui
ont été astreints en Roumanie à l'esclavage domestique, ni ceux que l'on a obligés, en
Hongrie ou ailleurs, à quitter leurs occupations favorites pour se faire sédentaires.
2. Par exemple, le soufflet de forge à jet continu, composé de deux outres. Voy. ma
communication à la Société d'ânthr., déjà citée. Bulletins, 21 mai 1874, p. 409-41 1.
2^8 REVUE CRITIQUE
importe d'étudier d'abord de près les groupes bohémiens de Syrie ou d'ailleurs
qu'on a des raisons particulières de croire apparentés aux Djatt des migrations
du moyen-âge.
Paul Bataillard.
Paris, 2 juillet 1875.
Posî-Scriptum, 1 3 août. — Je demande la permission d'ajouter quelques mots
au sujet de la note que les directeurs de la Revue critique ont placée en
tête de ma lettre et qu'ils ont bien voulu me communiquer avant l'impression.
Je n'ai pas besoin de dire que cette note inattendue m'a chagriné, en m'appre-
nant que l'exposé sommaire de ma thèse , que je croyais avoir rendue évidente
par mon explication du nom des Tsiganes , ne les avait pas convaincus. La note
en question a du moins pour moi cette utilité de m'averlir que l'inconvénient est
encore plus grand que je ne l'avais prévu, de publier un simple aperçu de ses
idées, quand elles heurtent les opinions généralement admises En présence de
cette note, j'ai songé un instant à supprimer de ma lettre tout ce qui a rapport
à l'exposé sommaire de mon système, et de la réduire à la simple réclamation
que je ne pouvais me dispenser de faire. A la réflexion, et après quelques expli-
cations échangées avec la Direction de la Revue, je suis revenu sur cette première
détermination. Outre que ma critique de la thèse de M. de Goeje, et celle que je
pourrai avoir à faire ultérieurement d'autres travaux relatifs aux Bohémiens,
doivent s'éclairer tout naturellement de l'exposé de ma propre pensée , je crois
qu'il est bon que mon système, même sous la forme de simple ébauche, subisse
l'épreuve de la publicité : je me suis dit que mon travail définitif ne pourrait que
profiter des critiques et des objections que ma lettre provoquera sans doute. Tout
mon désir est que ces critiques et ces objections aillent au fond des choses et
qu'elles se formulent nettement; je renvoie à cet égard aux observations que j'ai
déjà présentées plus haut (voy. p. 218-219).
' P. B.
^gogpitools!
^" " SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du i^"" octobre 1875.
01 -Le directeur de l'enseignement supérieur, au ministère de l'instruction publique,
écrit à l'académie pour lui demander de s'occuper du programme de l'examen
imposé aux candidats à l'école d'Athènes. Renvoyé à la commission de l'école
d'Athènes.
Le secrétaire général du ministère de l'instruction publique transmet à l'aca-
démie, pour la commission des inscriptions sémitiques, divers documents épigra-
phiques de date moderne, envoyés par M. Cherbonneau. M. Derenbourg fait
observer que la commission ne compte admettre dans le recueil qu'elle prépare
aucune inscription postérieure au 8'" siècle.
— M. Thurot termine la lecture de son étude sur plusieurs des historiens de
d'histoire et de littérature. 239
la première croisade'. Il traite de Guibert de Nogent, auteur de la relation qui
porte le titre célèbre : Gesîa Dei per Francos. Guibert, né près de Beauvais, en
105 3, d'une famille noble, moine au couvent de Fiers, puis abbé de Nogent-sous-
Couci (auj. dép^ de l'Aisne), mort vers 1121, fut un lettré, un poète et un
savant. Il a laissé, outre la relation de la croisade, quelques écrits théologiques,
tels que son Traité de ^incarnation contre les Juifs, et une autobiographie imitée
des Confessions de S. Augustin. Sa relation de la première croisade est, aussi bien
que son Traité de l'incarnation, un ouvrage écrit principalement contre les Juifs,
pour la glorification du christianisme. Il a voulu, en écrivant l'histoire de la
croisade, montrer combien cette guerre, entreprise pour Dieu seul, et conduite
par Dieu lui-même {Gesta Dei per Francos) était au dessus de toutes les guerres
de l'ancien testament. Il a composé son récit d'après les Gesta Francornm, mais,
en récrivant la relation de l'anonyme, il l'a mise en un style prétentieux, bizarre
et souvent obscur, qui lui semblait plus digne de la gravité de l'histoire. Il
montre son érudition étendue, quoiqu'incomplète, par de fréquentes allusions
aux auteurs classiques, au point que souvent ce qu'il dit est inintelligible si l'on
ne connaît les passages auxquels il a pensé. Il a ajouté au récit des Gesta Fran-
corum un assez grand nombre de faits qui lui ont été rapportés par diverses
personnes, notamment par le comte Robert de Flandre et l'archevêque de Reims
Manassès. A l'occasion de ces récits, il fait preuve d'un certain mélange de cri-
tique et de crédulité; lorsqu'on lui rapporte un miracle, il n'est disposé, ni à
l'admettre, ni à le rejeter, sans examen. Les additions qu'il a faites au récit
original ne sont du reste pas bien fondues avec le reste, et l'ouvrage est dans
son ensemble assez mal composé.
— M. Germain lit la fin de son mémoire sur le liber procuratoris studiosorum
de l'université de médecine de Montpellier. Il indique les détails que ce manuscrit
donne sur les banquets que les étudiants organisaient entre eux , et sur leurs
autres réjouissances communes à l'occasion des fêtes, telles que des représenta-
tions de soties ou de moralités. On trouverait là, dit-il^ des renseignements
curieux pour l'histoire du théâtre en France. Les étudiants en droit aussi don-
naient des représentations, et les deux écoles ne se ménageaient pas l'une l'autre :
plusieurs fois les étudiants en médecine s'assemblent et décident de s'armer pour
tenir tète aux légistes, si ceux-ci veulent les jouer sur leur théâtre. — Le liber
procuratoris fournit aussi de curieux détails sur les dissections anatomiques. Elles
étaient rares alors, 2, 3 ou 4 seulement par an : les étudiants ne trouvaient pas
souvent l'occasion de se procurer le cadavre d'un supplicié, ou d'un pauvre mort
à l'hôpital. M. Germain cite le compte d'une de ces anatomies, dans lequel
figurent les frais de l'enterrement, et une messe à l'intention du disséqué. Pour
[çubvenir aux frais de ces dissections, tous les étudiants qui y assistaient devaient
payer un droit.
1. En rendant compte de la première partie de cette étude, lue à la séance du 17 sep-
tembre (n* 39, p. 207), j'ai omis de dire que le poème français du 12* siècle, où se trouve
le vers cité par M. Thurot, Uns clers pravencel l'ad premiers latimée^ est encore inédit, et
que le renseignement dont M. Thurot a tiré parti fui a été fourni par M. Paul Meyer,
qui a examiné le manuscrit en Angleterre.
24© REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
— M. de Longpérier communique, d'après M. Ch. Roessler, du Havre, la
nouvelle d'une découverte qui vient d'être faite dans l'ancienne église abbatiale
de Fécamp. On a trouvé le sarcophage du 5*^ abbé de Fécamp, Guillaume de
Ros, mort en 1107. Sur une plaque de plomb qui y était jointe se voit une
inscription, dont M. de Longpérier donne la lecture suivante :
HIC lACET ABBAS WILLELMVS, PRIMVM ECÇLESIE
BAIOCENSIS CANTOR ET ARCHIDIACONVS, DEINDE CADOMI MONACHVS,
AD EXTREMVM FISCANNENSIS CENOBII ABBAS TERCIVS, QVOD PER XXVII ANNOS
ET DIMIDIVM OPTIME REXIT I ET ECCLESIAM ATQVE OFFICINAS
INTVS ET FORIS RENOVAVIT, VIR IN OMNIBVS BONI
TESTIMONII . HIC OBIIT VII KAL' APRILIS M^ C" ET VII^ ANNO AB
INCARNATIONE DOMINI SALVATORIS.
Cette inscription est écrite avec un grand nombre de ligatures ; l'usage de lier
les lettres n'était pas seulement pratiqué par manière d'abréviation, c'était une
recherche d'élégance, qui remonte au temps de l'empire romain. On a trouvé
aussi dans le cercueil quelques fragments des ornements sacerdotaux de l'abbé,
notamment deux anneaux de sa crosse, qui portent les inscriptions virga correc-
TIONIS et BACVL9 (baculus) CONSOLATIONIS.
M. Delisle annonce une découverte analogue qui a été faite au mont S. Michel,
oi^ l'on a trouvé la tombe de deux abbés du mont, Robert de Thorigny et son
successeur Martin, avec leurs épitaphes. Le premier est connu comme historien;
l'inscription qu'on a trouvée nous donne sur lui un détail de plus, elle nous
apprend que lors de sa mort, en 1 187, il était âgé de 80 ans. Quant à son suc-
cesseur Martin, son épitaphe ajoute à son nom les mots de fvrmideio, ou plutôt
probablement de fvrmineio, qui paraissent indiquer qu^il était du village de
Formigny.
— M. Desjardins continue la lecture du mémoire de M. Ch. Tissot sur la
Maurétanie Tingitane. La partie qu'il lit traite du fleuve et de la ville de Subur,
au Sud de Lixus. M. Tissot a joint à cette partie de son mémoire divers croquis
des lieux, et le dessin d'une tête sculptée trouvée en cette contrée , qui paraît
être une œuvre grecque de l'époque d'Auguste.
Ouvrage déposé : — Souvenirs de la vieille France. Les sociétés de tir avant 1789.
Amiens, 1875, in-S» (sans nom d'auteur).
Julien Havet.
ERRATUM.
N° 3 $) P- ï ?7> 1- 22. Au lieu de l'état construit, lisez : les formes de pluriels en
arabe et la déclinaison dans les langues sémitiques.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
f
Tip. del R. Istituto Sordomuti. In-8", 438 p. (0. Hartwig). — Heyse, Beitraege
zur Kentniss des Harzes, seiner Geschichte, Literatur und seines Mùnzwesens.
2. Ausg. Ascherleben u. Leipzig, Schnock. In-8°, vj-içôp. (Heinrich Prôhle).
— Frey, .^.schylus-Studien. Schaffhausen , Baader. In-8^ 67 p. (Joh. Ober-
dick). — Les plaidoyers civils de Démosthène tr. p. Dareste, T. 1.2. Paris,
Pion. In-8^ xliv-387; 566 p. (Arnold Sch/EFEr). — Schreyer, Untersuchungen
ùber das Leben und die Dichtungen Hartmanns von Aue. Berlin, Caivary. In-4'',
56 p. (Reinhold Kôhler). — Keller, « Le Siège de Barbastre » und die
Bearbeitung von Adenet le Roi. lena, Verl. von Deistung. In-4°, 27 p. (Her-
mann Suchier).
N" 31, 31 juillet. Q. Asconii Pediani orationum Ciceronis quinque enar-
ratio, recenss. Kiessling u. Schoell. Berolini, apud Weidmannos. In-8", xlij-
123 p. (Franz Bûcheler). — Troilus Alberti Stadensis éd. A. Merzdorf
(R. Peiper). — Jehan von Journi, la dîme de pénitance. Herausg. v. Brey-
MANN. Tùbingen, Fues. In-8*', 144 p. (Hermann Suchier).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUK
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie \. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Allighieri (Dante). Il Convito réintégra to
nel teste con nuovo commente da G. Giu-
liani. 2 vel. In- 16, xl-878 p. Firenze
(Lemennier). 8 fr.
Astié (J.-F.). La théologie allemande con-
temporaine, avec une lettre-préface à la
jeunesse théologique des pays de langue
française. In-8», 745 p. Bâle (Geerg).
lofr. 75
Averroes. Philosophie u. Théologie. Aus
dem arab. ùbers. v. M. J. MûIIer. In-4%
122 S. Mùnchen (Franz). 6 fr. 50
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Veranlassg. u. m. Unterstùtzg. d. histor.
Commission bei d. k. Akademie der
Wissenschaften in Mùnchen, hrsg. v. R.
V. Liliencron u. F. X. Wegele (In circa
100 Lfgn.). I. Lfg. Gr, in-S*», 160 S.
Leipzig (Duncker et H.). 3 fr. 25
Cancionero de S. de Horozco, poeta
toledane del sigle XVI. In-4», Ixxij-
288 p. Sevilla (Tarascô).
Chansons hebraïce-provençales des Juifs
comtadins; réunies et transcrites par E.
Sabatier In- 12, 22 p. Nîmes (Catélan).
Claudiani (C). Raptus Proserpinae rec
D' L. Jeep. In-8% xxv-59 S. Turin
(Lœscher). 3 fr. 80
Codera y Zaidin (F.). Çecas arabigo-
espaiiolas. In-8*, 54 p. Madrid (Murillo).
Congrès archéologique de France. XL®
session. Séances générales tenues à Châ-
teauroux en 1873 par la Société française
d'archéologie pour la conservation et la
description des monuments. In-S», Ixij-
731 p. et grav. Paris (Dumoulin).
Desmazes (C). Le Bailliage du Palais-
Royal de Paris. In- 16, 85 p. Paris
(Daffis). S fr.
Dodsley's sélect Collection ef Old English
Plays. 4th Edit. by W. C. Hazlitt.
Vol. 10. In-8°, 562 p. cart. London
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Duncker (M.). Historiade la Antiguedad.
Traducida por A. Garcia Moreno y J.
Ruvira. T. i . Les Egipcios. Las nacione.
semîticas. En 4., 370 p. Madrid (Iraves
dra y Novo).
Dupond (A.). De dictatura et de magis-
terio equitum. In-8% x-50 p. Paris
(Thorin).
Fabre (E.). De l'accusation publique chez
les anciens peuples, à Rome, et dans le
droit français. In-8*, 504 p. Paris (Ma-
rescq aîné).
Fiorelli (G.). Descrizione di Pompei.
In- 16, 462 p. con una carta. Napoli
(tip. Italiana).
Gianandrea (A.). Canti popolari Mar-
chigiani raccolti ed annotati. Torino
(Lœscher).
Hanserecesse. Hrsg. durch die histor.
Commission bei der kœnigl. (bayer.)
Akademie der Wissenschaften. 3. Bd. A.
u. d. T. : Die Recesse u. andere Akten
der Hansetage v. 12 ^6- 1430. 3. Bd.
Gr. in-4', XV-564S. Leipzig (Duncker et
H.). 21 fr. 3 s
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Hartmann (E. v.). Kritische Grundle-
gung d. transcendentalen Realismus. 2.
erweit. Aufl. von : Das Ding an sich u.
seine Beschaffenheit. In-8', xx-172 S.
Berlin (Duncker). 5 fr. 3 $
Wahrheit u. Irrthum im Darwinismus-
Eine krit. Darstellg. d. organ. Entwicke-
lungstheorie. In-8*, 177 S. Berlin (Dun-
cker). S fr. 3Î
Hentschel (J. M.). Quaestionum de Ly-
siae oratione Epicratea (XXVII) capita
duo. In-8°, 55 S. Leipzig (Krùger).
I fr. 25.
Hook (W. F.). Lives ot the Archbishops
of Canterbury. Vol. V. New séries.
Reformation Period. In-8*, 316 p. cart.
London (Bentley). 17 fr. 50
Jousset. Histoire de la commune du Theil
sous la Révolution. In-8*, 107 p. Alen-
çon (imp. de Broise).
Joyneville (C). Life and Times of
Alexander I, Emperor ofall the Russias.
3 vol. in-8', cart. London (Tinsley).
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Klage Diu, mit den Lesarten saemmtlicher
Handschriften, hrsg. v. K. Bartsch. In-8*,
xxiij-224 S. Leipzig (Brockhaus). $ f . 3 5
Kroehnert (K.). De Rhetoricis apud
Herennium. In-8', 44 S. Leipzig (Kessler).
2 fr.
Laudien (C. F.). Ueber die (^uellen zur
Geschichte Alexanders d. Grossen in
Diodor, Curtius u. Plutarch. In-8°, iv-
40 S. Kœnigsberg (Akad. Buchh.-).
2 fr. 75
Le'wes (G. H.). Problems of Life and
Mind. I. Séries : The Foundations ot a
Creed. Vol. 2. In-8°, 550 p. London
(Trùbner et C°). 20 fr.
Lieutaud (V.). Notes pour servir à l'his-
toire de Provence. N" 1 1 . La Reddition
du chasteau de Gavy (Var), XVI' siècle.
In-8°, 1 1 p. Marseille (Boy fils). 2 fr.
Literaturzeitung , Jenaer. Im Auftrage
der Universitaet lena, hrsg. v. A, Klette.
2. Jahrg. 187$. 52 Nrn. lena (Dufft).
32 fr.
Marolles (de). Inventaire des titres de
Nevers. Suivi d'extraits des titres de
Bourgogne et de Nivernois, d'extraits des
inventaires des Archives de l'église de
Nevers et de l'inventaire des Archives
des Bordes, publié et annoté par le comte
de Soultrait. In-4°, xiij- 1 060 p. et 2 cartes .
Nevers (imp. Fay).
Note sur Mademoiselle de Maures, plus
connue sous les noms de Manon Lartigues
ou de Nanon de Lartigue. In-8°, i $ p.
Paris (imp. Pillet).
Poulet-Maîassis (A.). Les Ex-Iibris
français, depuis leur origine jusqu'à nos
jours. Nouvelle édit., revue, très-augmen-
tée et ornée de 24 pi. In-8', viij-79 p.
Paris (Rouquette). . 18 fr.
Proudhon (P.-J.). Correspondance. T. 4
et 5. In-8", 767 p. (Lib. Internationale).
Chaque vol. 5 fr.
Ranke(L. v.). Geschichten d. romanischen
u. germanischen Vœlker v. 149^ b. 1 5 14.
2. Aufl, In-8', xxx-325 S. Zur Kritik
neuererGeschichtschreiber. 2. Aufl. In-8*,
viij-174 S. Leipzig (Duncker u. H.).
1 3 fr. 3 5
Rémusat (C. de). Histoire de la philo-
sophie en Angleterre, depuis Bacon jus-
qu'à Locke. 2 vol. in-8°, vij-844 p. Paris
(Didier et C'). 14 fr.
Robiou (F.). Les classes populaires en
France pendant le moyen âge. In-8',
44 p. Paris (Douniol et C').
Sachot (0.). La France et l'empire des
Indes. Les fondateurs de la domination
française dans la péninsule indienne.
Officiers de fortune européens chez les
princes hindous contemporains. In- 18
jésus, xj-276 p. et 12 grav. Paris (Sarlit).
2 fr.
Vergili Maronis 'P.). Opéra ad opti-
morum librorum fidem éd., perpétua et
aliorum et sua adnotatione illustravit,
dissertationem de Vergili vita et carmi-
nibus atque indicem rerum locupletissi-
mum adjecit A. Forbiger. Pars III.
yEneidos liber VII-XII, carmina minora,
dissertatio de Vergili vita et carminibus
atque indices. Edit. 4. retractata et valde
aucta. In-8*, xxxix-843 S. Leipzig
(Hinrichs). 12 fr.
Complet. 32 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N° 42 Neuvième année. 16 Octobre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE F'UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
Prix d'abonnement :
'Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 11 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
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Professeur au Collège de France , directeur-adjoint à
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gravées.
PERIODIQUES.
The Academy, n° 177, new séries, 2$ septembre. Somers Bellâmy, The
New Shaksperian Dictionary of Quotations. London, Charing Cross Company
(R. Simpson : ne voit pas de quelle utilité peut être cet ouvrage). — Lewin, The
Life and Epistles of St. Paul. London, Bell and Sons (William Henry Simcox :
c'est l'édition de 1851 reproduite et augmentée; elle n'ajoute rien à la science).
— JoRET, Herder et la Renaissance littéraire en Allemagne au xviii^ siècle. Paris,
Hachette; Schmidt, Richardson, Rousseau und Gœthe. lena, Frommann (Edith
Simcox : pense que l'auteur du premier ouvrage connaît mieux ce qui a été écrit
sur Herder que ce qu'il a écrit lui-même; donne à entendre que M. Schmidt a
perdu son temps). — Carrent historical Literatur (notes de l'éditeur sur les ou-
vrages suivants : Dean Merivale, General History of Rome, sans grande valeur;
Die Altdeutschen Bruchstiicke des Tractâtes des Bischof Isidorus von Sevilla de Fide
Catholica contra Judaeos, cf. Rev. crit., 1875, II, p. 74; Bernheim ; Lothaire III.
and the Concordat ofWorms, excellent travail; Wittich, Magdehurg, Giisîav Adolf
und Tilly : ce ne sont ni Tilly, ni Gustave-Adolphe qui ont brûlé Magdebourg, ce
sont les habitants même de la ville; Weber, Zur Geschichte der Reformations-
Zeitalter : appréciation favorable). — Notes of a Tour in the Cyclades and Crète.
VIII. Sikinos and Santorin (H. F. Tozer). — Venetian State Papers bearing on
the Reign of Charles II. — Correspondence. The Révérend Titus Oates (H. C.
CooTE : le titre de Révérend était déjà courant en 1689). — An Original Drawing
by Michel Angelo (Louis Fagan : M. Holmes a découvert à Florence le dessin
original de l'enlèvement de Ganymède). — Shakspere and Queen Elizabeth's
Favourites (R. Simpson, à propos de la dernière communication de M. Furni-
vall). — Palmer, A Grammar of the Arabie Language. London, Allen (Stanley
Lane Poole : ce manuel rendra de grands services en Angleterre; la métrique
est très-bien traitée, d'après le système arabe. Il faut faire ses réserves sur la
théorie des voyelles longues qu'expose M. P. La correction typographique laisse
fort à désirer). — • Science Notes. Philology (A. N. : parle de l'inscription chal-
déenne publiée et traduite par M. Boscawen; reproduit les spécimens de déchif-
frement d'inscriptions cypriotes publiés par M. I. H. Hall dans Vindependent de
New-York; annonce l'apparition de la dernière partie des Hexapla, éd. Field;
rend compte des MorgenUndische Forschungenj cf. Rev. crit.j 1875, I, p. 289).
The AthensBum, n* 2500, 25 septembre. The Troubles of our Catholic
Forefathers related by themselves. Ed. by J. Morris. First and Second Séries.
Burns and Oates (importante contribution à l'histoire du conflit qui se produisit
au xvi^ siècle en Angleterre entre la reine Elisabeth et le Pape). — Frédéricq_,
Essai sur le rôle politique et social des ducs de Bourgogne dans les Pays-Bas.
Ghent, Hoste (ouvrage de beaucoup de valeur). — The Historians of Scotland.
Vol. V : Lives of S. Ninian and S. Kentigern, compiled in the Twelfth Century.
Ed. by A. P. Forbes. Edinburgh , Edmonston and Douglas (édition magistrale
avec traduction anglaise). — Pijnappel, Maleisch-Hollandsch Woordenboek.
Tweede uitgaaf. Amsterdam, Mûller; l'abbé Favre, Dictionnaire malais-français.
Paris, Maisonneuve (le premier de ces dictionnaires est une seconde édition très-
améliorée ; le second contient beaucoup de mots et d'expressions qui manquent
dans les autres; on désapprouve l'ordre alphabétique adopté par l'auteur; les
rapprochements qu'il établit entre quelques mots malais et sanscrits sont souvent
fautifs; plusieurs erreurs contenues dans le supplément de Klinkert, et signalées
par Von Dewall, ont été reproduites). — Merle d'Aubigné, History of the
Reformation in Europe in the Time of Calvin. Transi, by Cates. Vol. VI.
Longmans and Co.
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 42 — 16 Octobre — 1875
Sommaire : 197. Birch, l'Egypte depuis les temps les plus recules jusqu'en 300 av.
J,-C. — 198. Madvig, Opuscules philologiques. — 199. Marty-Laveaux, Cours
historique de langue française. — 200. R. de Lasteyrie, Étude sur les comtes et
vicomtes de Limoges antérieurs à l'an 1000. — 201. Chevalier, Choix de Docu-
f ments historiques inédits sur le Dauphiné. — 202. Pièces allemandes à marionnettes,
p. p. Engel. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
197. — Egypt from the earliest times to B. G. 300, by S. Birch, LLD.,
etc. published under the direction of the Committee of gênerai Literature and Educa-
tion, appointed by the Society for promoting Christian Knowledge. London. 1875.
In- 16, xxi)-i92 p.
L'histoire d'Egypte publiée par M. Birch fait partie d'une collection destinée
à répandre en Angleterre la connaissance de l'histoire ancienne d'après les mo-
numents. Elle donne dans un format commode et sous un petit volume tous les
renseignements qu'on a dans la grande Histoire de Brugsch et bien d'autres
qu'on y cherche sans pouvoir les y trouver. Quelques bois intercalés dans le
texte font passer sous les yeux du lecteur soit des vues de l'Egypte moderne,
soit des monuments, soit des scènes de la vie privée et religieuse empruntées
aux bas-reliefs antiques. Le livre est bien fait pour intéresser les personnes qui
sans rien entendre à la pratique du déchiffrement, désirent con-naître les résultats
auxquels on est arrivé et se représenter ce que pouvait être le pays d'Egypte
dans l'antiquité. G. Maspero.
198. — Kleine philologische Schriften von Joh. Nikolai Madvig, Professor an
der Universitset in Kopenhagen. Vom Verfasser Deutsch bearbeitet. Leipzig, Teubner.
1875. In-8% vij et ^60 p. — Prix : 18 fr. 75.
M. Madvig a réuni dans ce volume la traduction allemande de différents
opuscules qu'il avait publiés en danois en 1836, 1842, i8ç6, 1857, 1859, 1863,
1864, 1866, 1871. Les premiers dans ce volume (i 836-1 857 et 1871) et les
plus anciens en date se rapportent à ce que nous appelons en France la gram-
maire générale : M. M. y expose ses vues sur la nature, les lois et le dévelop-
pement du langage, particulièrement des formes grammaticales (genre, nombre,
cas, voix, temps, personnes, modes); c'est plus de la moitié du volume (i-
^77). Dans le reste M. M. traite des sujets suivants : remarque sur la yp^?^1
7:apav6[j.a)v — de Granius Licinianus — remarques d'exégèse sur Platon, Virgile,
Horace — remarques sur la fécondité de la poésie dramatique chez les Athé-
niens et sur ses conditions. — De l'avancement dans l'armée romaine. Ces deux
dernières dissertations sont les plus développées (421-560).
XVI 16
242 REVUE CRITIQUE ^ , y ,-^ ^~, ■
M. M. demande grâce pour le peu d'aisance et de sûreté avec lequel il se sert
de la langue allemande; et en effet la longueur démesurée de certaines périodes,
en outre surchargées de parenthèses, montre que l'instrument, d'ailleurs fort
bon (à mon avis), n'est pas facile à manier, -surtout pour un auteur, qui, en lisant
assidûment les classiques grecs et latins, paraît avoir été plus sensible au fond
qu'à la forme. Le style est particulièrement pénible, comme il est naturel, dans
l'expression des idées générales, dans la partie grammaticale du volume. Mais
comme l'esprit de M. M. a autant de solidité que de finesse, on ne doit pas se
laisser rebuter par ces imperfections ; on sera récompensé de sa peine. Nous
nous bornerons ici à indiquer quelques-unes des vues de l'auteur sur le langage
et la grammaire générale.
M. M. insiste avec raison sur ce fait essentiel que le langage est parlé par des
individus pour les besoins du commerce social, qu'il n'a pas une existence indé-
pendante de ceux qui le parlent et qui le parlent non pour eux-mêmes, mais
pour se faire entendre des autres. Il en conclut qu'il ne faut pas attribuer à une
langue de ces finesses imaginaires que la subtilité des grammairiens a cru trouver
dans les langues anciennes. La supériorité du grec et du latin sur les langues
modernes lui paraît un préjugé de philologue : il trouve ni plus ni moins de
finesse en grec et en latin qu'en danois, en allemand et en anglais. M. M. place
à bon droit la perfection d'une langue dans la souplesse avec laquelle elle se
prête à une expression claire et aisée de la pensée; et à ce point de vue, il ne
voit pas (p. 278) qu'il y ait de grandes différences entre des langues qui appar-
tiennent à la même famille et qui sont parvenues à un développement complet,
par exemple entre l'allemand, le français et l'anglais. Il pense (et je ne puis être
que de son avis) que la structure grammaticale d'une langue n'a pas de rapport
avec l'état intellectuel d'un peuple (p. 6-8), que, par exemple, si une langue
ne distingue pas les genres, on ne saurait en conclure que ceux qui la parlent
manquent d'imagination poétique (p. 20). M. M. n'est pas satisfait de ce qui se
dit vulgairement sur les différences qui distinguent l'agglutination d'avec la
flexion et sur la supériorité de la flexion relativement à l'autre procédé (p. 168-
173). Il trouve que la distinction est difficile à maintenir, et que les avantages
de la flexion ont été vaguement présentés.
M. M. a appliqué ces vues générales à l'appréciation de l'étude des langues
grecque et latine considérées comme objet d'enseignement (p. 285-290), et ce
qu'il dit à ce sujet, quoique accessoire dans son plan, est trop intéressant pour
que nous ne nous y arrêtions pas. M. M. ne pense pas que le grec et le latin ni
aucune autre langue ait par elle-même des qualités telles qu'elle doive servir
plus qu'une autre à exercer l'esprit et à le préparer à d'autres travaux. D'autre
part il trouve qu'on a beaucoup exagéré et la grandeur morale du monde antique
et la supériorité artistique de ses monuments littéraires'. Ce qui, à ses yeux,
I. P. 288 : « Aber wieder laesst sich die Nothwendigkeit dièses Eléments weder mit
» dem Satze begrùnden , das Alterthum sei eine ethisch bessere und grœssere Zeit , noch
» mit der Anpreisung der alten Litteraturwerke als der unerreichten und unerreichbaren
d'histoire et de littérature. 243
recommande l'étude des langues anciennes, c'est qu'elle est le seul moyen de
nous faire par nous-mêmes une idée personnelle et directe de la civilisation
antique, dont la nôtre est sortie, et par conséquent de nous rendre mieux compte
de la civilisation où nous vivons. Avec nos habitudes, peut-être avec nos pré-
jugés français, nous ne pouvons nous empêcher d'être surpris du peu d'impor-
tance que M. M. donne dans l'éducation à l'art d'exprimer sa pensée avec ordre
et clarté. Il n'en parle même pas; et il ne croit pas qu'Homère, Platon, Xéno-
phon, Démosthène, Cicéron, Virgile aient comme poètes et comme prosateurs
le rang qu'on leur attribue et puissent passer pour des modèles incomparables et
toujours utiles à étudier et à imiter. Le développement de notre langue et de
notre littérature donne, dans notre enseignement, aux lettres anciennes et parti-
culièrement aux lettres latines une importance qu'elles ne peuvent avoir pour
des Anglais, des Danois, des Allemands, des Russes, dont la langue ne se rattache
pas au latin et dont la littérature ne s'est pas développée sous l'influence de
l'antiquité. Pour nous la connaissance du latin est absolument nécessaire, je ne
dirai pas seulement pour goûter nos classiques, mais même pour comprendre
une partie considérable de notre vocabulaire.
M. M. prémunit à plusieurs reprises (p. 200-201, 215-216, 345-351) contre
l'abus de la phonétique et de l'étymologie en grammaire, particulièrement dans
l'enseignement. « La recherche des lois phonétiques, » dit-il (p. 201) « a une
» grande importance pour les études d'histoire du langage et d'étymologie;
» mais quand il s'agit de savoir une langue en particulier il faut posséder plei-
» nement l'ensemble des faits, savoir les acceptions des mots et les poursuivre
» dans leurs ramifications, saisir avec précision les lois de la syntaxe dans toutes
» leurs nuances. » Il développe à plusieurs reprises que le sens primitif des
mots et surtout des éléments qui constituent les formes grammaticales venant à
s'effacer, l'étymologie n'est pas d'un aussi grand secours qu'on le croit commu-
nément pour l'intelligence d'une langue complètement formée. Sur ce point
M. M. est peut-être trop absolu. Je distinguerais entre les langues anciennes dont
l'histoire ne peut être restaurée que par conjecture et les langues modernes, en
particulier les langues romanes, dont l'histoire peut être étudiée dans les faits,
et pour l'étude des langues modernes entre la spéculation et la pratique. Une
étymologie conjecturale comme celle du grec et du latin est plus nuisible qu'utile
à la connaissance de ces langues prises en elles-mêmes et indépendamment de
leurs rapports originaires ; elle peut donner les idées les plus fausses sur les
analogies des formes, les acceptions des mots, et surtout l'emploi des formes
grammaticales. Ainsi une théorie de l'infinitif qui reposerait sur l'hypothèse fort
incertaine que l'infinitif est un locatif ou un datif devient facilement monstrueuse '.
Muster der Darstellung und der Kunst; denn ûber beide Behauptungen, die gar zu oft
» ohne aile wahre Kenntniss und Prùfung, mit merkwùrdigem Vergessen der Schatten-
» seiten und Masngel deklamatorisch ausgetùhrt werden, laesst sich wenigstens ins Unend-
» liche streiten. »
1. Cf. Revue criti(]ue 1872 ,11, 27 et suiv., 129 et suiv. Ces critiques sont tout à fait
d'accord avec la remarque essentielle de M. M. sur l'effacement du sens étymologique.
^44 REVUE CRITIQUE
Il en est tout autrement des langues romanes , où beaucoup d'étymologies de
mots et en particulier les origines des formes grammaticales sont absolument
certaines. «Le grammairien français,)) dit M. M. (p. 216), «doit décrire
» (beschreiben) les différents emplois du conditionnel avant de rechercher com-
» ment il est formé, quelque intéressante que soit d'ailleurs cette étude au point
» de vue de l'histoire de la langue et quelque jour qu'elle jette sur les procédés
» du langage. )) L^exemple cité ici par M. M. est très-propre à montrer qu'il est
à peu près impossible de « décrire )) méthodiquement les emplois d'une forme
grammaticale dont on ne connaît pas l'origine, et même de définir cette forme
elle-même. Les formes grammaticales sont comme les mots; elles ont leur signi-
fication primitive et leurs significations dérivées. Si cette signification primitive
n'est pas évidente par elle-même, comme elle l'est pour le genre, le nombre,
Pimpératif, ou si l'étymologie et la forme ne l'indiquent pas, comme dans les
cas, dans le subjonctif, dans l'optatif, on se trouve dans le plus grand embarras.
Mais quand on a présent à l'esprit que je viendrais est formé de venire fiabebam,
on n^hésite pas à considérer la forme mal à propos appelée conditionnel , non pas
comme un mode, mais comme un temps de l'indicatif, et comme un temps dont
la fonction propre est de marquer qu'une action passée est postérieure à une
autre action passée, « j'ai deviné qu'il viendrait, » et dont la fonction dérivée est
de marquer que la chose énoncée est considérée comme possible, d'abord en
tant que conséquence d'une supposition, «s'il le voulait, il viendrait, )) puis
indépendamment de l'idée de supposition, « je viendrais volontiers, )) etc. Faute
de se reporter à l'origine de cette forme, nos grammairiens ont tenu pour un
mode ce qui est proprement un temps qui a pris par dérivation une signification
modale, et ils l'ont mal défini en disant que le conditionnel affirme avec l'idée
accessoire d'une condition énoncée ou sous-entendue : définition qui ne convient
pas à la fonction temporelle du conditionnel et qui ne s'applique même pas
exactement à la fonction modale '. Au point de vue de la pratique il suffit sans
doute d'énumérer dans un ordre quelconque les différents emplois du condi-
tionnel ; mais dès que le grammairien veut, je ne dirai même pas en rendre
raison, mais seulement savoir de quoi il parle, il est obligé de remonter à l'ori-
gine. Un autre exemple non moins frappant de cette nécessité de remonter au
latin pour donner les règles du français, c'est la distinction, aujourd'hui pure-
1. Meigret (i^5o)etR. Estienne (i 557) l'appellent « optatif présent, » Maupas( 162 5),
Oudin (16^5), Chifflet (1659), « second imparfait de l'optatif, » De la Touche (1696)
« second imparfait du conjonctif (subjonctif) qu'on appelle aussi imparfait conditionnel, »
Régnier Desmarais (1706), « futur du subjonctif. )> Butfier (1709) le range parmi les
temps de l'indicatif sous le nom de «l'incertain,» Restant (1730], de Wailly (1763), sous
celui de conditionnel. Au fond tous ces auteurs le définissaient comme un mode. L'abbé
Girard {Principes, 1747) le range au nombre des modes et l'appelle « supositif » en dé-
clarant (II, 1 1) qu'il aimerait mieux l'appeler « conditionnel. » Levizac (1797) hésite sur
la question de savoir si le conditionnel est un mode ou un temps, et la tient pour indif-
férente. Giraut Duvivier (1811) le rangea parmi les modes dans sa déplorable compilation
(Grammaire des grammaires) , dont le succès fit loi pour les autres grammairiens, qui, à
son exemple, ne citent pas parmi les emplois du conditionnel son emploi propre et pri-
mitif, « j'ai prédit qu'il viendrait. »
d'histoire et de littérature. 245
ment conventionnelle, des cas où / suivi d'une autre voyelle est monosyllabe ou
disyllabe, chien, historien, premier, lier, nous aimions, les passions, etc. Qu'on
ouvre les traités de versification française antérieurs à celui de M. L. Quicherat
(1850), on y verra des énumérations énormes qui ne permettent guère de retenir
une distinction que notre prononciation n'observe plus. M. Quicherat a introduit
la lumière dans ce chaos en faisant remarquer qu'en général 1'/ ne compte
pour une syllabe que dans les mots où il est représenté en latin. Ces exemples
font vivement sentir combien notre science du grec et du latin est imparfaite :
car ce que l'on a conjecturé sur leurs origines est à ce que l'on sait des origines
des langues romanes dans le rapport du roman à l'histoire; et en ce qui concerne
ces langues, je ne puis que donner raison à M. M.
Au reste je ne sais si M. M. lui-même ne se fait pas quelque illusion sur le
degré de sûreté et de délicatesse que nous pouvons atteindre dans la connais-
sance ou plutôt dans le sentiment d'une langue morte, et dans l'appréciation de
la manière dont un ouvrage est écrit en cette langue. Quelle que soit pour moi
l'autorité de M. Madvig comme latiniste (et je n'en connais pas aujourd'hui qu'on
puisse mettre à côté de lui), je me refuse à le suivre quand il trouve que Tite
Live est un écrivain parfois pesant, peu naturel et incorrect'. La réputation de
Tite Live chez les Romains était trop grande pour qu'on puisse lui imputer vrai-
semblablement ces défauts; et il les aurait eus que le latiniste le plus consommé
ne saurait les reconnaître. Sa langue présente sans doute beaucoup de particu-
larités; mais comment établir qu'elles n'étaient pas conformes à l'usage de son
temps, qui n'est guère représenté pour nous que par des poètes ? et d'ailleurs
avons-nous assez de monuments de la langue latine pour affirmer qu'elles ne lui
sont pas antérieures ? La langue de César est-elle celle de Cicéron ? Et si tout
ce qu'a écrit César nous était parvenu , ne trouverions-nous pas beaucoup de
tours et de locutions qui ne se recontrent pas dans les commentaires ? En langues
anciennes, comme en antiquités, il faut se résigner à beaucoup ignorer.
Charles Thurot.
99. — Cours historique de langue française : i* De l'enseignement de notre
langue : i fr. ; 2* Grammaire élémentaire : 75 c; 3* Grammaire historique: i fr. 50,
par Ch. Marty-Laveaux, trois volumes, petit in- 12. Paris, Lemerre. 1874-1875.
Du Cours historiijue de la langue française, dont M. M.-L. a entrepris la publica-
ion, les trois petits livres dont les titres précèdent forment un tout assez
ïmplet, pour pouvoir être ici examinés d'ensemble.
P. 358 : « Livius ist nicht nur der Repraesentant der vœllig ausgepraegten
» Schriftsprache, sondern seine SchriftsprHche neigt sich in ihrem methodischen, berech-
» neten Fortschreiten zum Schwerfaelligen , ja wird durch ihre Kunst bisweilen im Ver-
» haeltniss des Baues der Période zum Gedanken incorrekt und unnatûrlich und hat hin
» und wieder Ausdrùcke und Redeweisen , worin die Vorstellungen ûber die natùrliche
» Grasnze hinaus zusammengedraengt und verschraenkt sind. »
2^6 REVUE CRITIQUE
Le premier opuscule est comme la préface du Cours. Après un rapide exposé
de l'histoire des études grammaticales en France, l'auteur trace avec netteté et
précision le programme d'un enseignement historique de la langue, enseigne-
ment qui doit comprendre, après la grammaire élémentaire, une grammaire
historique, et divers traités sur l'histoire de la prononciation, de l'orthographe,
de la ponctuation, du vocabulaire, etc. Cet opuscule est rempli d'observations
souvent neuves, toujours judicieuses et intéressantes, et chaque chapitre est
comme le sommaire d'un livre à écrire. M. M.-L. commence à réaliser son
vaste programme, en publiant la Grammaire élémentaire qui s'adresse aux
commençants et la Grammaire historique écrite pour les élèves plus avancés. Le
plan des deux livres est le même ; ils ne diffèrent que par l'étendue des déve-
loppements et des explications historiques données dans le second, qui quelque-
fois aussi apporte des corrections au premier.
Nous commençons notre analyse par la Grammaire élémentaire, parce qu'elle
sert de base à la Grammaire historique.
Les réformes hardies y abondent; réformes qui ne sont pas faites d'une
main téméraire, mais paraissent avoir été longuement pesées et mûries. Ce sont
ces nouveautés qui donnent à cette petite grammaire son originalité et son
cachet propre.
Nous remarquons d'abord l'introduction du neutre, à côté du masculin et du
féminin. M. M.-L. le retrouve dans cela, ceci, il (de il pleut, etc)., le (au sens décela),
quoi, etc. Nous croyons cette nouveauté utile, parce que, conforme en général à
l'histoire de la langue, elle simplifie l'exposition et l'explication de plusieurs
règles'. Toutefois, quand M. M.-L. voit un neutre dans le beau (ce qui est beau),
etc., peut-être va-t-il trop loin. Logiquement le neutre y est, historiquement et
grammaticalement non, à moins qu'on ne démontre que, pour la forme, le beau
neutre ait été, à un moment donné, distinct de le beau masculin, comme il l'est
en espagnol (e/ bello, lo bello).
La subdivision du nom commun en nom commun ordinaire, collectif, abstrait,
indéfini, diminutif et composé, quoique assez peu heureuse d'exposition, puis-
qu'elle réunit deux groupes divers de noms, fondés, l'un sur la signification
(noms collectifs, abstraits, indéfinis), l'autre sur la forme (diminutifs, composés),
est au fond juste et utile. Elle permet aussi de rattacher au nom certains
prétendus pronoms indéfinis, tels que on et personne.
L'adjectif est divisé en adj. qualificatif, adj. numéral et adj. pronominal; la
théorie de ce dernier est ramenée à celle du pronom qui se divise en pronom
personnel et adj. déterminatif (le, la, les), en pron. et adj. possessifs; pron. et
adj. démonstratifs, pron. et adj. relatifs et interrogatifs, pron. et adj. indéfinis. Cette
division est ingénieuse et simple. Ce qu'elle offre de plus révolutionnaire, c'est
la place qu'elle fait à l'article, rattaché intimement au pron. personnel le, la, les.
Cette manière de voir est discutable : étymologiquement elle est vraie, histori-
1. M. M-L. fait de on et de personne des neutres; c'est une erreur; ces mots sont
masculins ; le neutre ne peut désigner que des choses indéterminées, et non des personnes.
d'histoire et de littérature. 247
quement^ non. L'article et le pron. personnel viennent bien tous deux de illum,
lllam, illos; mais la langue, en conservant au pron. illum sa valeur latine, en a
d'un autre côté atténué la signification primitive pour en faire un démonstratif
très-effacé, emploi nouveau qu'ignorait le latin. Dans voyez-vous le roi? je le vois,
le a deux fonctions absolument distinctes. Il y a donc là en somme deux mots
différents, et ce n'est pas tenir compte de l'histoire de la langue que de chercher
à les rapprocher, sous prétexte qu'à l'origine ils étaient identiques. C'est commettre
l'erreur du lexicographe qui ne voudrait voir dans bureau (drap) et bureau (meuble
de travail) qu'une seule et même chose, parce que, étymologiquement, c'est
un seul et même mot. C'est l'écueil de la grammaire comparée d'oublier le déve-
loppement qu'ont pris les formes grammaticales, pour n'en voir que les points de
départ, sans songer que des formes, unes à l'origine, ont pu modifier leur
valeur, l'atténuer, l'étendre, s'adapter à l'expression de rapports nouveaux, se
soumettre à des fonctions nouvelles; et d'arriver ainsi, par la recherche d'une
simplification trop grande, à l'indétermination absolue. Cette tendance à laquelle
M. M.-L. cède encore volontiers dans d'autres parties de sa grammaire devait être
signalée. Remarquons en outre qu'il y a quelque chose d'artificiel à donner à
l'article le, la, les, le nom'd'adj. déterminatif, pour le séparer d'un côté des adji
démonstratifs dont il n'est qu'une forme atténuée, et le rapprocher de l'autre des
pron. personnels. Le terme de déterminatif est d'ailleurs universellement adopté
comme une expression générique qui embrasse dans ses divisions les démons-
tratifs, les relatifs, les indéfinis.
Quant à la théorie générale qui consiste à rapprocher les adjectifs des pro-
noms sans faire rentrer néanmoins les premiers dans les seconds , elle est
juste et simple. Toutefois, elle pourrait être plus creusée ; nous renvoyons sur ce
point à ce que nous écrivions ici-même l'année dernière {Revue critique, 1874,
2^ semestre, p. 392).
La théorie du verbe renferme deux nouveautés. Les quatre conjugaisons sont
conservées ; mais les paradigmes des temps composés avec les auxiliaires sont
séparés de ceux des simples, et donnés à part dans une section nouvelle après les
quatre conjugaisons. Ces locutions verbales ^ comme les appelle M. M.-L., formées
du verbe et d'un auxiliaire avoir, être (et même dans certaines expressions,
devoir, aller, venir), sont de la sorte étudiées d'ensemble. C-'est une simplification
très-utile et qui repose sur une vue très-juste; elle est également pratique ; car
déjà admise dans une remarquable grammaire française plus connue en Angle-
terre que chez nous • , elle a subi avec succès l'épreuve de l'enseignement public
à Londres depuis plusieurs années.
L'autre nouveauté est l'absence complète du passif. « Le verbe passif n'existe
pas en français, » dit M. M.-L. dans son opuscule De l'Enseignement de notre
langue (p. 38). Bien qu'il ne donne pas les raisons de son affirmation, il nous
parait être dans le vrai. En effet, le participe passé, que quelques grammairiens
I. Grammaire française par Antonin Roche, un vol in-12 , Paris et Londres, 6* édit.
1872.
248 REVUE CRITIQUE
appellent participe passif, mérite bien son nom de passé. Quand l'on dit :
« frappé par cet homme, je tombai, » frappé signifie ayant été frappé^ après avoir
été frappé. Or, cette signification de passé est précisément conservée dans le
prétendu passif ye suis frappé^ qui veut dire non dedor^ mais sum c<£sus, « je suis
ayant été frappé, ayant reçu un coup. » Le passif existe si peu chez nous que
l'on ne peut traduire cxdorj passif de cxdo, que par on me frappe. Le participe,
dans la locution verbale avec être, conserve donc toujours sa signification propre,
et je suis frappé ne dit pas plus dans son ensemble, que les termes séparés
je suis -\- frappé; il n'y a donc pas de locutions verbales passives, et par suite
de conjugaisons passives.
On voit par là qu'il n'en est pas du participe passé construit avec être comme
du participe passé construit avec avoir. Ce dernier a produit une locution ver-
bale. J'ai frappé est autre chose que j'ai -\- frappé. Le latin disait : Habeo scriptam
epistolam, « j'ai (je possède) écrite une lettre. » Le progrès du français a
consisté à détacher peu à peu le participe du substantif, en le dépouillant de sa
valeur d'adjectif, pour l'unir plus étroitement au verbe avoir., et faire dominer en
lui la signification verbale; et, partie de habeo — scriptam epistolam, la langue
est arrivée à habeo scriptum — epistolam. Voilà pourquoi le participe construit
avec avoirj qui s'accordait d'abord avec le substantif, a formé peu à peu avec le
verbe une locution composée, où il tend à devenir invariable. Le peuple aujour-
d'hui dit : Quelle grande lettre il a écrit! et non écrite; et vraisemblablement le
jour n'est pas loin où la grammaire française enseignera l'invariabilité absolue
du participe construit avec avoir.
L'auteur supprime en dernier lieu la syntaxe, dont il ne prononce pas même
le nom. Il en dissémine les principales règles dans le cours de la grammaire à la
suite de chaque section grammaticale. Pour une grammaire élémentaire qui
s'adresse à des enfants de 8 à 10 ans, je ne vois pas de mal à une simplification
de ce genre, si une grammaire plus étendue vient compléter l'enseignement
sur ce point et donner à la syntaxe la place qui lui revient. Toutefois
dans la grammaire historique de M. L.-M., il n'en est pas malheureusement
ainsi.
Telles sont, pour nous en tenir aux traits généraux, les principales innovations
de cette petite grammaire, neuve et originale en grande partie ; nous sommes
d'accord avec l'auteur sur la plupart des points. Toutefois, en entrant dans les
détails, nous aurions plusieurs erreurs à signaler; mais comme nous les retrou-
vons avec d'autres dans la Grammaire historique, nous arrivons à cet ouvrage.
Nous avouerons dès l'abord qu'il est tout à fait insuffisant. L'auteur, de parti
pris, a éliminé de la grammaire bien des règles et des faits qui devaient y avoir
place. La phonétique est supprimée, et la syntaxe, comme dans la grammaire
élémentaire, réduite à la portion congrue, est mêlée à la théorie des formes.
Pourtant une division plus rigoureuse s'imposait à la grammaire histori(jue qui,
étudiant scientifiquement la langue, devait en considérer d'abord les sons, puis
les mots, et enfin les phrases. Pour donner un exemple de celte insuffisance, je
prendrai au hasard un chapitre : Pronoms et adjectifs indéfinis (p. 10 $-107).
I
d'histoire et de L1TTÈRA1URE. 249
L'auteur cite les principaux pronoms et adjectifs, et oublie même. Sur les diffé-
rences d'emploi de chaque et chacun, sur l'emploi de l'adjectif possessif avec ces
deux mots, sur l'emploi de aucun au pluriel avec la valeur négative, sur la ques-
tion du nombre du verbe avec l'un et Vautre pour sujet, sur la différence de l^un
l'autre et Vun et Vautre, etc., pas un mot. C'est par principe que M. M.-L. a été
aussi peu explicite, cela ressort de l'ensemble de l'ouvrage; mais M. M.-L.
semble avoir suivi un principe erroné. Il n'a pas vu nettement à quelle sorte
d'élèves il s'adressait ; il a voulu, ce semble, écrire une grammaire à l'usage
des élèves de sixième ou de cinquième, sans songer qu'une grammaire historique
ne peut convenir qu'à ceux qui ont déjà de la langue une connaissance suffi-
sante, et que la grammaire historique doit être le complément et le couronnement
de la grammaire élémentaire.
Enfin, je signalerai dans ce livre des erreurs graves, dont quelques-unes se
trouvent déjà dans la petite grammaire. La théorie des voyelles, diphthongues
et consonnes est incomplète et fautive en plusieurs points; par exemple,
l'auteur dit que Ve bref, comme dans trompette est un e muet ou fermé (p. 6.);
que dans patricy ie fait diphthongue; que les gutturales sont ainsi nommées
parce qu'elles se prononcent à l'aide du gosier; le gosier n'a affaire spéciale-
ment dans la prononciation d'aucune lettre ; les gutturales sont émises à l'aide
du palais. L'auteur parle des deux valeurs du g et oublie de parler de celles
du c, etc. P. 19, le sujet est défini : « le mot représentant l'être qui fait une
action; » ex. Pierre a prêté un livre à Paul. Mais dans Pierre a été frappé, quelle
action exerce le sujet.? P. 21, on voit le tableau de la déclinaison romane au
ixe siècle : il en faut effacer les nominatifs pluriels rosae et pasîores. M. M.-L,
qui parle assez longuement du genre des noms, aurait pu dire un mot des plu-
riels neutres, devenus féminins parce qu'ils ont été considérés comme apparte-
nant à la première déclinaison : cette particularité lui aurait permis d'expliquer
quelques doubles genres, comme ceux de orge, orgue, etc. Les pages sur le
comparatif et le superlatif dans les adjectifs et les adverbes (p. 59-62 ; 17^-176)
sont inutiles (cf. Revue critique, 1874, 2^ semestre, p. 389). A la p. 64, on s'atten-
dait à une explication sur les deux orthographes mil et mille. Moi et toi et soi (p.
80), ne viennent pas de mihi^ de sibi et de sibi (cf. ibidem, p. 390). La théorie de
l'imparfait cantabam, chanîeve, chantois, chantois, chantais est inexacte; cf. Roma-
nia, II, 145. Les formes inchoatives en se des verbes de la seconde conjugaison
existent également aux trois personnes du singulier, finis àe finisc-o, finis de
finisc-is, fini{s)t de finisc-it^ etc. Ces observations montrent que l'ouvrage pour
la partie étymologique et historique doit être soumis à une révision sévère.
Cependant, pour être strictement juste, il faut signaler nombre de remarques
intéressantes et quelquefois neuves qui portent spécialement sur la langue du
xvi« et du xvii^ siècle, dont l'auteur a fait une étude approfondie, par exemple,
les observations sur le participe présent et le participe passé (p. 1 5 1 et 1 54).
En résumé, si la Grammaire historique ménage avec trop de parcimonie les
explications et les règles, et si elle n'a pas su éviter de graves erreurs, elle a des
détails intéressants et dans ses traits généraux elle présente les qualités qui font
250 REVUE CRITIQUE
l'originalité de la petite grammaire. Comme celle-ci, elle est écrite avec une
simplicité qui ne manque pas d'élégance et avec une grande clarté, et se lit
avec plaisir. La Grammaire élémentaire enfin, qui peut franchir les murs du collège
et pénétrer dans les écoles communales, avec les vues hardies et justes qui la
caractérisent, fait faire à l'enseignement grammatical un progrès réel.
A. Darmesteter.
200. — Étude sur les comtes et vicomtes de Limoges antérieurs à l'an
1000, par Robert de Lasteyrie, élève de l'École des Hautes-Études, ancien élève
de l'École des chartes (Bibliothèque de l'École des Hautes-Études, fascicule 18). Paris,
Vieweg. In-8", 152 p.— Prix : $ fr.
Il n'est guère de question plus difficile que celle de l'origine des premières
maisons féodales; pour la plupart des cités de la France, la suite chronologique
des comtes et des vicomtes est extrêmement malaisée à établir ; et l'on a besoin de
toutes les ressources de la critique et de la méthode inductive pour retrouver le
lien qui unit ces personnages la plupart sans histoire. C'est à la solution d'une
question de ce genre que M. de Lasteyrie a appliqué tous ses soins ; il a voulu
donner des anciens comtes et vicomtes de Limoges une liste aussi sûre que pos-
sible; le champ au premier abord semble assez étroit; mais si l'on songea
l'absence de tout travail véritablement critique sur la matière, à la nécessité
d'employer une multitude de chartes mal copiées, mal datées, souvent d'une
authenticité douteuse, on comprend la difficulté de la tâche et le mérite qu'il y
a à l'avoir accomplie. C'est ce que M. de L. a fait ou à peu près, et dans ce petit
volume, il y a plus de faits réellement nouveaux, plus d'aperçus vrais que dans
beaucoup de gros ouvrages. L'exposition est claire, concise, trop concise
quelquefois.
Sous ce titre : Les comtes de Limoges, M. de L. n'a pas compris l'histoire des
comtes de Poitiers , maîtres du Limousin depuis le commencement du x^ siècle ;
il ne s'est occupé que des plus anciens de ces princes. Naturellement il n'est pas
facile de rendre compte d'un pareil livre, qui vaut surtout par l'ensemble des
faits observés, par la méthode rigoureuse avec laquelle est menée la discussion;
car à vrai dire, tous ces faits n'ont presqu'aucune valeur en eux-mêmes; il faut les
grouper, en opérer pour ainsi dire la synthèse pour en composer une histoire.
Nous n'avons donc qu'une ressource, c'est de parcourir le livre en indiquant
les quelques endroits qui nous paraissent défectueux, en relevant quelques
menues erreurs et en mentionnant les faits nouveaux, que l'auteur a mis en
lumière.
P. 6-7. M. de L. supprime avec raison le comte Jocundus, que la plupart
des historiens placent en tête de la liste des premiers comtes de Limoges, et
démontre d'une façon péremptoire que les sources contemporaines, Grégoire
de Tours et les deux vies de saint Yrieix, ne lui donnant pas cette qualité, il est
difficile d'être aujourd'hui plus affirmatif que ces auteurs.
d'histoire et de littérature. 251
p. lo-i I . D'autre part, c'est croyons-nous àtort que lui-même fait entrer dans
la série un certain Barontus mentionné au vii^ siècle par un diplôme royal et par
quelques vies de saints ; en effet, nous lui ferons remarquer qu'il invoque ici les
arguments que tout-à-l'heure il repoussait à propos de Jocundus : aucun de ces
documents ne donne positivement à Barontus le titre de comte.
P. 14 et suiv. Nous trouvons ici une excellente dissertation sur la charte de
fondation de Charroux, les arguments sont concluants et bien présentés ; il est
impossible de ne pas admettre avec l'auteur la fausseté partielle de cet acte.
P. 20 et suiv. C'est ici que commence la meilleure partie du livre, l'article de
Gérard, comte de Limoges, que M. de L. raye de l'histoire en prouvant jusqu'à
l'évidence que c'est un personnage apocryphe, que tous les actes qu'on lui
a attribués , tous les faits qu'on a mis à son compte doivent être rapportés aux
autres comtes Gérard, qui vivaient à cette époque.
P. 26. Autre passage tout nouveau sur Raimond, comte de Limoges, que
l'auteur identifie avec le comte de Toulouse de même nom, souche de la famille
qui ne s'éteignit qu'au xiii^ siècle. Peut-être faut-il voir dans le Limousin le ber-
ceau de cette race , qui a joué un rôle si important dans l'histoire du moyen-
âge. Cette découverte, sur la trace de laquelle M. de L. a sans doute été mis
par l'histoire de Tulle de Baluze, change complètement l'histoire de cette partie
de la France et permet de comprendre le rôle joué au x*" siècle par les succes-
seurs de ce Raimond. De plus, ce seul fait de l'identité de ces deux Raimond
renverse tout le système de M. Deloche sur la transmission du comté de
Limoges à la famille de Poitiers ; il est vrai que ce dernier fait reste sans explica-
tion admissible; c'est à M. de L. que revient le devoir de combler cette lacune
en poursuivant plus loin l'histoire de ces premiers comtes.
P. 39, lignes 4 et 20. Nous relevons à deux reprises une petite faute d'or-
thographe; le comte de Gévaudan s'appelait Acfred et non pas Alfred; les textes
latins le nomment Aifredus, Acfredas, mais jamais Adalfredus ou Alfredus ; le
nom français est Aifroi et non Aufroi.
P. 47. M. de L. reprend la thèse de M. Sohm, en l'appuyant du reste sur
d'autres textes; il identifie le vicomte et le missus comitis; toutefois l'auteur
français n'a pas osé pousser cette doctrine jusqu'au bout et identifier le vicedominus
et le vicecomes; nous croyons pourtant qu'une étude attentive des textes l'y aurait
certainement conduit. M. de L. dit bien que si le vicedominus figure dans certains
actes, c'est parce que ces actes intéressent des personnes ecclésiastiques; nous lui
ferons remarquer que les actes du ix^ siècle ne devraient pas alors mentionner
d'autres officiers, puisque la plupart sont relatifs à des domaines de l'Eglise. Nous
serions disposés à prendre le mot de vicedominus dans son sens étymologique de
lieutenant du maître, le dominus étant ici le comte. Cette explication lèverait
toutes les difficultés.
P. 58-59. M. de L., dans quelques phrases fort ingénieuses, essaie de rap-
porter au comte Eudes de Toulouse l'institution des vicomtes de Limoges ; mais
il est obligé d'interpréter la chronique d'Adémar de Chabannes ou plutôt son
continuateur, et une affirmation appuyée sur l'interprétation d'un passage d'un
252 REVUE CRITIQUE
historien qui est aussi postérieur manque réellement de consistance.
P. 64-5. Sans vouloir ici trancher la question, nous ferons remarquer à
l'auteur qu'il attribue au vicomte Hildegaire un règne d'une longueur extraordi-
naire, près de $6 ans . Nous lui recommandons ce point, au cas d'une nouvelle
édition de son travail.
P. 89 et suiv. Là commence une belle série de pièces justificatives, publiées
avec un soin minutieux; nous ne ferons à M. de L. qu'une seule remarque. La
plupart des copies employées par lui sont du xviie et du xviii^ siècle ; il s'est
pourtant donné la peine de mettre en note toutes les variantes. Elles sont des
deux espèces : les unes de texte, il était bon de les noter, car elles peuvent
changer le sens, l'éclairer ou mettre sur la trace d'une correction utile ; les autres
d'orthographe, il était superflu de les donner, car jamais personne n'aura l'idée
d'employer ces copies la plupart fautives, pour reconstituer le texte original du
x^ siècle : ce serait s'exposer à autant d'erreurs que de mots. Pour des études
de cette nature, il faut un original ou une copie contemporaine ; toute autre source
doit être non avenue. A. Molinier.
201. — U. Chevalier, Choix de Documents historiques inédits sur le
Dauphiné, t. VI de la 3" série du bulletin de la Société de statisticjue du départ, de
l'Isère. Monlbéliard, imp. Hoffmann. 1874. In-S", viij-400 p. — Prix : 9 fr.
Ce volume forme le t. vu de la collection des Cartulaires Dauphinois entreprise
il y a huit ans par M. l'abbé U. Chevalier, et poursuivie avec une activité qui n'a
jamais nui à la conscience scrupuleuse avec laquelle les textes sont édités. Le
choix que nous offre aujourd'hui M. U.C. provient en majeure partie d'un recueil
de pièces tirées au siècle dernier par l'érudit Guy Allard des archives de la
Chambre des comptes de Grenoble et conservées aujourd'hui à la bibliothèque
publique de cette même ville; le reste du volume a été emprunté par M. U. C.
aux archives départementales de l'Isère. Ces cent dix pièces sont du plus haut
intérêt et ajoutent beaucoup à notre connaissance sur l'histoire du Dauphiné
pendant le xiv^ et le xv° s. '. Nous y trouvons en particulier des renseignements
nombreux et précis sur l'état politique, administratif, financier du Dauphiné
avant et après sa réunion à la France; l'énumération des seigneuries qui devaient
au Dauphin hommage et redevances (n"s 10, 76, 103), le montant des revenus
de la province (n°* 45, 80, etc.), la liste des officiers, baillis, châtelains du
Dauphin (n» 15); la valeur des monnaies de 1 345-1 3$o (no 43); les droits de
souveraineté conservés par l'Empire sur le Dauphiné (nos 44, 48, 51, $2, etc.),
plusieurs procès-verbaux de convocation des Etats du Dauphiné (no^ 6 5 , 66, etc.),
un compte très-détaillé des dépenses du Dauphin Guigues VIII de 1 327 à 1 329
(no 4) , un acte en langue hébraïque contenant une convention des communautés
juives du Graisivaudan pour le paiement de l'impôt au Dauphin en 1 346 (no 3 4) ;
I. Deux pièces seules sont du XIII« s., l'une de 1248, l'autre de 1298. -- La plus
récente est de 1483.
d'histoire et de littérature. 25^
un long mémoire de l'archevêque Henri de Villars, lieutenant de Humbert II,
pour rendre compte à ce Dauphin, alors en Orient, de l'administration de ses
Etats en février 1 346. Nous signalerons en outre des fragments de chroniques
intéressants. L'un d'eux (n° 107) conservé aux archives de l'Isère, relate avec
une grande exactitude les faits et gestes de Charles le Téméraire de 1471,
époque de la bataille de Bussy, à sa mort en 1477 (i 5 janvier). Un document
plus curieux encore est l'instruction du procès intenté en 1430 au nom de
de Charles VII à Louis d'Orange comte de Chalon, pour avoir attaqué le gou-
verneur du Dauphiné Raoul de Gaucourt (n° 97). On y trouve un récit détaillé
de la guerre dite d'Anthon, accompagné de toutes les pièces à l'appui. — Enfin
nous trouvons un fait entièrement nouveau mis en lumière par trois documents
tirés du recueil de Guy Allard (n"^' 18-20). « Débiteur de 16000 florins à la
chambre apostolique, Humbert II avait fait de vains efforts pour se libérer; c'est
alors que, pressé également par d'autres créanciers, il dut proposer au pape de
tenir en fief de l'Eglise romaine le marquisat de Césane, la principauté de
Briançonnais, le duché de Champsaur, le comté de Graisivaudan, le bailliage de
la terre de la Tour et labaronie de Faucigny. L'état des revenus de cette portion
du domaine delphinal, présenté aux cardinaux commis par Clément VI, fut con-
trôlé par des sous-commissaires (n» 18), qui établirent à leur tour la valeur
justifiée de ces six provinces (no 19]. Malgré les efforts des gens du Dauphin,
pour suppléer à la différence constatée (n" 20), ces pourparlers ne semblent pas
avoir eu d'autre suite. Humbert II se tourna vers Philippe de Valois, et le premier
traité de transport du Dauphiné à la couronne de France fut signé le 2 3 février
1343 ' ». Trois actes (n°s 21, 23) se rapportent à cette cession.
Nous ne pouvons pas ici faire autre chose qu'indiquer rapidement les pièces
qui ont le plus vivement attiré notre attention. Ce que nous venons de dire
suffit à montrer l'intérêt exceptionnel de cette publication pour l'histoire pro-
prement dite comme pour l'histoire du droit et des institutions. M. U. C. s'excuse
de n'avoir pu dresser un index pour des documents qui sont le plus souvent une
suite de noms propres. H nous semble qu'il aurait pu tout au moins donner une
table chronologique des documents. Le classement analytique donné dans la
préface (p. vu) est trop insuffisant. Les annotations sont pour la plupart des
variantes, ou des observations paléographiques et diplomatiques. La précision et
l'intérêt des notes historiques en petit nombre ajoutées par l'auteur font regretter
qu'elles ne soient pas plus multipliées. Mais si l'annotation avait glissé dans le
commentaire, le volume, déjà gros, aurait pris des proportions démesurées.
202. — Deutsche Puppenkomœdien , herausgegeben von Cari Engel. II. Der
Veriorene Sohn. Der Raubritter oder Adelheid von Staudenbùhel, — III. Don Juan.
Kœnig Cyrus. In-12. Oldenburg, Verlag der Schulzeschen Buchhandlung. 1875. —
Prix : 3 fr. 50.
Les pièces à marionnettes ont, pour l'histoire générale du théâtre et de la litté-
rature, une importance incontestable que M. Engel s'est attaché encore à faire
i. P. 73.
2 54 REVUE CRITIQUE
ressortir dans la préface de son second volume. Il est impossible de ne pas sous-
crire aux raisons qu'il apporte et de ne pas reconnaître avec lui que ces drames
naïfs prennent rang, bien qu'un peu au-dessous, à côté des légendes et des chan-
sons populaires. Aussi ne pouvons-nous qu'encourager le nouvel éditeur à conti-
nuer la publication, commencée par lui il y a deux ans avec le Faust', des pièces
à marionnettes allemandes sous leur forme traditionnelle et authentique.
Les quatre drames populaires qui remplissent les deux volumes que nous
annonçons : L'Enfant prodigue, le Chevalier Brigand ou Adélaïde de Sîaudenbiihel,
Don Juan et le Roi Cyrus, se recommandent à la fois par l'importance et la variété
des sujets. L'enfant prodigue était déjà célèbre au xvi« siècle, et on attribue à
Shakspeare un remaniement de cette légende, traduit et joué de bonne heure
en Allemagne, et qui fut une des pièces favorites de Lessing. Adélaïde de
Staudenbuhel est moins connue ; mais ce drame si court renferme des scènes
pleines de naïveté et d'un caractère vraiment national et allemand. Avec Don
Juan, au contraire, nous retrouvons un sujet cosmopolite sous son origine espa-
gnole. L'importance de cette légende et les remaniements dont elle a été l'objet
delà part des génies les plus divers, — il suffit de nommer Molière et Mozart —
expliquent assez l'intérêt qui s'y attache; aussi est-ce avec raison que M. Engel
en a suivi les transformations nombreuses depuis Tirso de Molina ; la pièce popu-
laire que nous avons ici ne fait pas trop mauvaise figure à côté de celles qui l'ont
précédée et inspirée; le personnage de Don Juan en particulier y revêt un
caractère de cruauté et de perversité sauvage qui contraste avec celui qui lui est
attribué d'ordinaire. Quant à Cyrus, « roi de Perse, » cette comédie, dans sa
forme essentiellement simple et naïve, nous montre sous un aspect nouveau le
drame populaire allemand. Tout se réunit donc pour que les deux volumes
que vient de publier M. Engel soient, comme celui qui les a précédés, les bien-
venus pour tous les amis du théâtre et de la littérature populaire.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 8 octobre 1875.
Le ministre de l'instruction publique communique à l'académie : i" plusieurs
documents envoyés par M. Cherbonneau pour la commission des inscriptions
sémitiques ; 2° un projet de décret sur l'école archéologique de Rome (renvoyé
à la commission de l'école d'Athènes).
M. Le Blant commence la lecture d'un mémoire intitulée : Polyeucte et le zèle
I. Voir Revue critique, 187$, I, p. 349.
d'histoire et de littérature. 255
téméraire. Selon les anciennes lois de U discipline religieuse, dit M. Le Blant, le
Polyeucte de Corneille n'aurait point été reconnu pour un martyr; la violence à
laquelle il se livre était un acte formellement réprouvé par l'église. Aussi n'est-ce
point dans un des récits que l'on tient pour authentiques, comme les Acta Sincera
de Ruinart, que Corneille a trouvé la donnée de sa pièce, mais dans une légende
sans autorité. M. Le Blant cherche comment s'est formée cette légende, qui
donne un acte condamné par l'église chrétienne pour une œuvre sainte et digne
de la palme du martyre. L'ancienne église n'admettait un nouveau nom sur la
liste des martyrs qu'après un examen préalable, et elle en refusait le titre et les
honneurs à ceux qui avaient désobéi à ses lois. Or s'il était du devoir des chré-
tiens de souffrir la persécution avec courage, ils ne devaient point la chercher.
Il n'y avait d'exception que pour ceux qui avaient faibli une première fois devant
la persécution ; ceux-là pouvaient se réhabiliter en retournant d'eux-mêmes aux
supplices. A tous les autres, il était défendu de s'offrir au martyre téméraire-
ment, comme de s'y refuser lâchement. Mais les chrétiens, emportés par leur
zèle, n'obéissaient pas tous à cette loi. Il y avait notamment une secte, dite des
circoncellions, dont les adhérents pensaient imiter suffisamment les martyrs s'ils
faisaient en sorte de mourir comme eux de mort violente, de quelque façon que
ce fût. Les uns recouraient au suicide, d'autres se faisaient tuer de force ou à
prix d'argent. Souvent la foule honorait ceux qui étaient morts ainsi à l'égal des
martyrs reconnus par l'église.
M. Th. H. Martin termine la lecture de son mémoire sur les hypothèses
astronomiques des philosophes grecs qui n'admettaient pas la sphéricité de la
terre (v. les séances des 5 et 12 février 1875, Revue critique, 1875, t. ^ P- i^^
et 126). Il expose le système cosmogonique et cosmographique d'Heraclite
d'Éphèse (v^ siècle avant notre ère), qui lui paraît contenir un certain nombre
d'emprunts au système d'Anaximandre. Suivant Heraclite tous les corps se
composaient d'une même substance, susceptible de prendre des formes diverses,
et le monde était dans un état de transformation perpétuelle. Le feu et l'eau
n'étaient point des éléments distincts, mais deux états contraires d'un même
élément. Les astres étaient, selon Heraclite, des feux alimentés par les exhalai-
sons des eaux de la mer, et contenus dans des nacelles obscures, qui les empê-
chaient de s'enlever. La nuit et l'hiver étaient dus à des diminutions diurnes et
annuelles des exhalaisons marines qui alimentaient le soleil, les éclipses à un
retournement accidentel de la nacelle de cet astre ou de celle de la lune. —
— M. Martin expose ce système dans le plus grand détail. Il conclut ensuite,
sur l'ensemble de son mémoire, en faisant remarquer combien était faible la
part d'idées vraiment scientifiques que contenaient les spéculations de ces philo-
sophes.
M. Michel Bréal fait une lecture sur diverses étymologies de mots latins.
Quelques-unes de ces étymologies lui ont été suggérées par l'étude des dialectes
italiques. D'autres sont les résultats d'un travail entrepris, sous la direction de
M. Bréal, par la conférence de grammaire comparée de Pécole pratique des
hautes études, qui a pour but de rassembler les éléments d'un dictionnaire éty-
256 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
mologique de la langue latine. Les étymologies exposées par M. Bréal à cette
séance sont les suivantes :
1° filius. Ce mot, comme on l'a déjà remarqué, signifie proprement nourris-
son, et il est parent du grec 0'/]Xy]. On le trouve employé au sens propre en
ombrien, dans les tables eugubines, qui mentionnent parmi les animaux désignés
pour servir de victimes dans les sacrifices des sues filios ou felios et des sues
gomias. Les premiers sont des cochons de lait. Les sues gomias sont des porcs
engraissés ; le mot se retrouve en latin sous la forme gumîas avec Pacception
dérivée de « gourmand » : on en a deux exemples en ce sens, tirés de Luci-
lius. — Il y a aussi en latin quelques mots analogues à filius où l'acception
primitive s'est conservée, comme felebris, qui désigne un animal nourri de lait.
2° mensa. Au 7^ livre de l'Enéide, les Troyens à la fin d^un repas mangent
des pains qui leur avaient servi pour poser les autres mets, et ainsi s'accomplit
l'oracle qui avait annoncé qu'ils mangeraient jusqu'à leurs tables, mensas. La
légende, sous cette forme, est étrange, et sans doute quelque peu défigurée. Les
tables d'Iguvium semblent en fournir l'explication. Parmi divers genres de
gâteaux, elles en mentionnent un appelé mefa. Or en ombrien «5 devient souvent
/. La forme latine correspondante serait donc mensa. M. Bréal pense que dans
la légende primitive l'oracle contenait un jeu de mots : il semblait parler de
tables, mensae, mais c'était des gâteaux du même nom qu'il fallait entendre.
3" inîerpres. M, Curtius a rapproché la seconde partie de ce m.ot du grec
çpdc^fo, parler, mais ce rapprochement ne convient ni pour la forme, ni pour le
sens. Par inîerpres on entendait autrefois non-seulement celui qui parle pour un
autre, mais toute espèce d'intermédiaire. M. Bréal pense qu'à l'origine ce mot
a dû signifier un courtier de commerce^ et que dans la dernière syllabe il faut
reconnaître la racine pra ou par, vendre, qui se trouve en grec dans TriTrpaoxw
et en latin dans preîium.
4° carmen. M. Bréal rapproche ce mot du sanskrit çasman, invocation (de la
racine çahs^ réciter, prononcer des formules). Le latin a changé Vs en r comme
dans ueternus de uetus, diurnus de dius^ etc. Le sens propre de carmen est
« formule » et non « poème >), comme M. Bréal le montre par divers exemples.
Ouvrage dépose : L. Lèques, Histoire de la gendarmerie, Paris, 1874, in-8'. — Pré-
senti de la part de l'auteur par M. Desjardins : Ch. Clermont Ganneau, Observations
sur quelques points des côtes de la Phénicie et de la Palestine.
Julien Havet.
ERRATA.
N° 41 . P. 228, 1. 1 3, rétablir le mot littéraire après l'histoire. — Ibid. note i ,
3, lisez AIASKEfll^EL
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
Literarisches Centralbîatt, n° 39> ^5 septembre. Bôhringer, Die alte
Kirche. 7. Theil : Das vierte Jahrhundert. I. Basilius von Câsarea. 2. Aufl.
Stuttgart, Meyer u. Zeller. In-8", viij-184 p. (la valeur de l'ouvrage de Bôhringer
n'est plus à établir). — Albert, Spinoza's Lehre ùber die Existenz Einer
Substanz. Dresden, Pierson. In-8°, 41 p. (broch. de vulgarisation). — Von
Hartmann, Wahrheit und Irrthum im Darwinismus. Berlin, Duncker. In-8°,
177 p. (examen approfondi). — Lieblein, Index zum Todtenbuche. Christiania.
Leipzig, Hinrichs (cette publication sera accueillie avec reconnaissance par les
égyptologues). — Ferrai, 1 dialoghi di Platone. Vol. I. Padova(le besoin d'une
traduction nouvelle de Platon se faisait sentir depuis longtemps en Italie; la
présente traduction y répondra).
Jenaer Literaturzeitung, n° 32, 7 août. Delitzsch (Franz), Jésus und
Hillel. 3. Aufl. Erlangen, Deichert. In-8", 44 p. (C. Siegfried). — Hegel,
Die Chronik des Dino Compagni. Versuch einer Rettung. Leipzig, Hirzel. In-8*^,
viij-ii2 p. (0. Hartwig). — Hillebrand, Zeiten, Vœlker und Menschen.
Bd. 2 : Waelsches und Deutsches. Berlin, Oppenheim. In-8'\ xij-463 p. (Wilhelm
Bernhardi). — Fahne, Livland. Dûsseldorf, Schaub'sche B. In-8°, 240 p.
(Konst. Hôhlbaum). — Busolt, Der zweite athenische Bund und die auf der
Autonomie beruhende hellenische Politik von der Schlacht von Kidnos bis zum
Frieden des Eubulos. Leipzig, Teubner. In-8% 223 p. (H. Gelzer). — Plotin's
Abhandlung r.tpl ^swpi'aç. Unters., ûbers. , und erlaeut. v. H. Fr. Mùller.
Berlin, Weidmannsche B. In-4°, 50 p. (Richard Volkmann). — Juliani impera-
toris quae supersunt praeter reliquias apud Cyrillum omnia. Recens. Hertlein.
Vol. L Lipsiae, Teubner. jn-8°, vij-432 p. (A. Eberhard). — T. Macci Plauti
Trinummus, recens. Spengel. Berolini, apud Calvary. In-S**, xvj-$8 p. (Georg
Gœtz).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Architecture de la Renaissance. I. Le
château de Blois, ensembles et détails,
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tes, cheminées, tentures, plafonds, carre-
lages (extérieur et intérieur). Texte his-
toriçiue et descriptif, i et 2. In-fol. 8 pi.
Paris (Ducher et C').
Backer (L. de). Bidasari, poème malais,
précédé des traditions poétiques de l'Orient
et de l'Occident. In-S», 272 p. Paris
(Pion et C-).
Cartulaire du chapitre de l'église cathé-
drale de Notre-Dame de Nîmes, publié et
annoté par E. Germer- Durand. In-8%
clxij-402 p. Nîmes (Catelan).
Castets (F.). Eschine, étude historique et
littéraire. In-8*, xlij-191 p. Paris (Tho-
rin).
Cauvet (E.). Étude historique sur Fon-
froide, abbaye de l'ordre de Citeaux si-
tuée dans le diocèse et le vicomte de
Narbonne (de 1093 à 1790). In-8*, xvj-
624 p. Paris (Durand et Pedone-Lau-
riel).
Ghampagny (de). Études sur l'empire
romain. T. 7. Les Antonins, ans de J.-C.
69-180. Suite des Césars et de Rome et
la Judée. 3* édit. revue et augmentée.
T. I et 2. In-8° et in- 18 Jésus, xj-933 p.
Paris (Bray et Retaux).
Gherest (A.). Les faïences de l'Auxerrois.
In-8', 63 p. et pi. Auxerre (imp. Perri-
quet).
Devic (G.) et Vaissette (J.). Histoire
générale du Languedoc, avec des notes
et des pièces justificatives. Edit. accomp.
de dissertations et de notes nouvelles,
contenant le recueil des inscriptions de la
province antique et du moyen âge, des
planches, des cartes géographiques et
des vues de monuments, publiée sous la
direction de M. E. Dulaurier, annotée
par MM. E. Mabille et E. Barry, conti-
nuée jusques en 1 790 par M. E. Roschach.
T. i" (2* partie). In-4', p. 161-1290.
Paris (Picard).
Du Fresne de Beaucourt (G.).
Gharles VII, son caractère. 2« partie,
p. 181-224. In-80. Paris (Palmé).
Feraud (R.). La Vida de Sant Honorât,
légende en vers provençaux. Publiée pour
la première fois en son entier par les soins
et aux frais de la Société des lettres,
sciences et arts des Alpes-Maritimes, avec
de nombreuses notes explicatives par
M. A L. Sardou. In-8«, xx-2i4p. Nice
(imp. Gaisson et Mignon).
Hartmann (E. v.). Die Selbstzersetzung
des Ghristenthums und die Religion der
Zukunft. 2. Aufl. In-8*, xvj-122 S. Ber-
lin (Duncker), 4 fr.
Haussonville (d'). Sainte-Beuve, étude
biographique. In-8*, 127 p. Paris (imp.
Glaye).
Kuenen (A.). Les origines du texte ma-
soréthiquedel'Ancien Testament. Examen
critique d'une récente hypothèse. Traduit
■ du hollandais par A. Garrière. In-8*,
viij-^3 p. Paris (Leroux).
Laisnel de La Salle. Groyances et
légendes du centre de la France. Souve-
nirs du vieux temps, coutumes et tradi-
tions populaires comparées à celles des
peuples anciens et modernes. Avec une
préface de G. Sand. 2 vol. in-8®, xxv-
748 p. Paris (Ghaix et G®). 12 fr.
X'Espine. La Macette du sieur de L'Es-
pine, poème satirique publié d'après le
nouveau recueil des plus beaux vers de
ce temps (Paris 1 609) ; avec une intro-
duction par E. Gourbet. In- 12, xxxiij-
25 p. Paris (Lemerre). 3 fr. 50
I^uther. La Conférence entre Luther et le
Diable au sujet de la messe, racontée par
lui-même. Traduction nouvelle en regard
du texte latin par J. Liseux avec les re-
marques et annotations des abbés de Gor-
demoy et Lenglet-Dufresnoy. Frontispice
gravé à l'eau-forte par J. Amiot. In- 18,
viij-93 p. Paris (5, rue Scribe). 4 fr.
Ordonnance faicte pour les funérailles
célébrées à Paris, le 24 avril 1498, pour
l'enterrement du corps du bon roy
Gharles huytiesme, que Dieu absoille,
avec son épitaphe et la piteuse complainte
de Dame Chrestienté, suivant les éditions
imprimées en 1498. Précédée d'une in-
troduction par A. Franklin. ^-8", 92 p.
Paris (Techener).
Peigné-Delacourt.Topographie archéo-
logique des cantons de la France. Dépar-
tement de l'Oise, arrondissement de Gom-
piègne, canton de Ribécourt. In-8', x-
123 p., 3 cartes et 37 vign. Noyon (imp.
Andrieux).
Saint -Marc Girardin. Jean -Jacques
Rousseau , sa vie et ses ouvrages. Avec
une introduction par M. E. Bersot. 2 vol.
in-18 Jésus, lvij-744 p. Paris (Charpen-
tier et G«). 7 fr.
Saint-Simon (duc de). Mémoires, publiés
par MM. Gheruel et A. Régnier fils, et
collationnés de nouveau pour cette édition,
sur le manuscrit autographe, avec une
notice de M. Sainte-Beuve. T. 18. In- 18
Jésus, 490 p. Paris (Hachette et G*),
3 fr- jo
Schmidt (E.). Richardson, Rousseau u.
Gœthe. Ein Beitrag zur Geschichte des
Romans im 18. Jahrh. In-8°, viij-331 S.
lena (Frommann). 8 fr.
Smith and Grove's Historical Atlas of
Ancient Geography, Biblical and Glassical.
Part J. In-fol. London (Murray). 26 f. 25
S-wiécicki (P.). DiemenschlicheSprache,
ihre Bildung u. ihr ursprùnglicher Bau.
In-8°, 106 S. Leipzig (Kasprowicz). 4/.
Tableau des crimes du comité révolution-
naire de Moulins, chef-lieu du départe-
ment de l'Allier, et des citoyens de Mou-
lins, membres de la commission tempo-
raire de Lyon. ^-8°, 60 p. Moulins (imp.
Desrosiers).
Talbot (E.). Histoire romaine. Petit in-
12, viij-234 p. Paris (Lemerre). 2 fr. 50
"Wallon (H.). Saint Louis et son temps.
2 vol. in-S*, xxxvj-1056 p. Paris (Ha-
chette et G*). 15 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N° 43 Neuvième année. 23 Octobre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR,
LIBRAIRIE A. FRANCK,
67, rue RICHELIEU.
Pour paraître très-prochainement :
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ET INTRODUCTION HISTORIQUE,
PAR
M. M. BRÉAL,
Professeur au Collège de France , directeur-adjoint à
l'École des Hautes-Études.
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The Academy, n* 178, new séries, 2 octobre. Mansel, The Gnostic Hérésies
of the First und Second Centuries. London, Murray (G. A. Simcox : à certains
égards l'ouvrage de Mansel est supérieur à la partie correspondante de Pouvrage
de Matter). — The Works of Ben Jonson, with Notes Critical and Explanatory,
and Biographical Memoir. By W. Gifford. With Introduction and Appendices
by Lieut.-Col. F. Cunningham. In nine vol. London, Bickers and Son (J. A.
Symonds : appréciation défavorable de cette réimpression de l'édition de 181 6).
— The Library Atlas. London and Glasgow, Collins, Sons, and Go. (G. W.
BoASE : cent cartes, bien faites, de géographie moderne, historique et classique,
avec introductions soignées). — Ficker, Forschungen zur Reichs- und Rechts-
geschichte Italiens. 4 Bde. Innsbruck, Wagner (A. de Reumont, i^"" article :
on peut reprocher à l'auteur de donner une collection de matériaux plutôt qu'une
histoire suivie). — The late D'' Bleek (A. H. Sayce). — Correspondence. Michel
Angelo's « Greation of Adam » (William B. Scott: réclame la priorité d'une
idée émise par M. Richter dans un article de la Zeiîschr. fur hildende Kunst sur
lequel M. Higgins a appelé l'attention dans V Academy du 18 septembre). —
Cypriote Inscriptions (Isaac H. Hall : rétablit deux mots cypriotes que V Aca-
demy du 2 $ sept, avait omis dans le spécimen qu'elle a publié du déchiffrement
par lui de quelques inscriptions de la collection Gesnola). — Shakspere
and Queen Elizabeth's Favourites (F. J. Furnivall). — Lenormant, La langue
primitive de la Chaldée et les Idiomes Touraniens. Paris, Maisonneuve (A. H.
Sayce : est d'avis que cet ouvrage fera époque dans la science, et qu'il fixe
définitivement la place que doit occuper l'idiome accadien dans les langues tou-
raniennes). — More Fragments of the Sculptures of the Parthenon (G. T.
Newton).
The Athenœum , n* 2$oi, 2 octobre. Registrum Palatinum Dunelmense.
Ed. by sir T. D. Hardy. Vol. III. Longmans and Go. (on regrette que l'éditeur,
qui fait preuve de tant de science et de talent, n'ait pas dirigé ses efforts vers la
publication d'un ouvrage historique d'un intérêt plus général). — Watkiss Lloyd,
The Age of Pericles. 2 vols. Macmillan and Go. (ouvrage d'un rare mérite, mais
d'un style déplorable). — Geltic or Gaelic Words in Shakspeare and his Gon-
temporaries. I (Charles Mackay : range les mots par ordre alphabétique et cite
les passages o\i ils se rencontrent). — Miscellanea. Shakspeare Emendations :
Sensé and Motion (B. Nicholson). — Rather (G. P. Mason : autorise avec raison
l'emploi de rather suivi de a, comme dans « that is rather a droU remark »).
liiterarisches Centralblatt, n"* 40, 2 octobre. Kôhler, Lehrbuch der
biblischen Geschichte Alten Testamentes. i . Haelfte. Erlangen , Deichert. In-8",
vj-498 p. (parle choix et l'agencement des matériaux ce manuel sera très-utile,
bien que l'auteur s'écarte souvent des principes de la critique moderne). —
ZscHOKKE, Das Buch Job ùbersetzt und erkl. Wien, Braumùller. In-8°, xxvj-
334 p. (bonne compilation des travaux les plus récents; la correction typogra-
phique ne laisse rien à désirer, non plus que l'agencement des matières). — De
GoEJE, Bijdrage tôt de Geschiedenis der Zigeuners (cf. Rev. crit., 1875, I,
p. 321). — EwALD, Die Eroberung Preussens durch die Deutschen. 2. Buch.
Halle, B. d. Waisenhauses. In-8", ix-337 p. (décrit le premier soulèvement des
Prussiens et les combats contre Swantopolk). — Meunier, Les ancêtres d'Adam.
Paris, Rothschild. ^-8*», xviij-282 p. (cet ouvrage est un panégyrique de
Boucher de Perthes). — Kuhl, Die Anfaenge des Menschengeschlechts. i . Theil.
Bonn, Habicht. In-8% 266 p. (sans valeur). — Levy, Neuhebraeisches und
chaldaeisches Wœrterbuch. Nebst Beitr. von Fleischer. 3 Bde in 12-1$ Lief.
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 43 — 23 Octobre — 1875
Sommaire : 205. Pierret, Vocabulaire hiéroglyphique, fasc. I. — 204. Ki^er, La
Langue de Juvénal" — 205. Ayer, Phonologie de la langue française; Scheler,
Exposé des lois qui régissent la transformation française des mots latins. — 206. De
Godefroy-Ménilglaize, Les savants Godefroy, — Sociétés savantes : Académie des
inscriptions.
203. — Vocabulaire hiéroglyphique comprenant les mots de la langue, les noms
géographiques, divins, royaux et historiques, classés alphabétiquement par Paul Pierret,
conservateur-adjoint des Antiquités égyptiennes au Musée du Louvre, i" fascicule.
\: In-8% ij-8o p. 1875. Paris, Franck. — Prix : 6 fr.
. Le Dictionnaire et la Grammaire de Birch font partie d'un ouvrage qui coûte
près de deux cents francs; le Dictionnaire de Brugsch vaut de cinq cents à six
cents francs : ce sont là des prix bien faits pour décourager l'étudiant et em-
pêcher le recrutement du personnel égyptologique. M. Pierret a voulu mettre à
la disposition de tous un manuel commode et surtout à bon marché qui permît aux
commençants d'aborder directement les textes et servît jusqu'à un certain point
de complément aux Dictionnaires publiés jusqu'à ce jour. Il a mis dans son
Vocabulaire non-seulement les mots déjà classés par Champollion, par Birch,
par Brugsch et par Chabas, non-seulement les noms royaux, géographiques et
divins, mais encore tous les mots nouveaux qu'il a rencontrés au cours de ses
études, tous ceux qu'il a trouvés épars dans les travaux des différents égypto-
logues. Son recueil sera évidemment ce qu'il y a de plus complet dans l'espèce.
M. P. n'a pu cependant ni tout contrôler, ni tout relever :
I" i4AF (p. 12, mot 5) est traduit d'après Devéria prix, récompense. Il signifie
tordre, tresser , faire la corde (Denkm. II, 126) et se rattache à une racine * AF,
qui donne ^AF, UAF et par adjonction de N, ÀFEN, AfENI, ÂFENN^.
2° Je prends dans mes notes un certain nombre de mots qui paraissent avoir
échappé à l'attention de M. Pierret et de ses devanciers.
AH, s'extasier (Mariette, Denderah, I, 19, ^ 4).
ATES, espèce de fleur {Anastasi III, 2, 1. 3-4).
/IPT, condamner [Anastasi II, 6, 1. $-6).
i4MMTI, ceux qui habitent le tombeau (.?) (Mariette, Monuments divers, I, 57
;l s-6).
UM-hAt-U, ancêtres (ChampolHon, Notices II, 51).
i4MAT, bouquetin fauve, femelle (Champollion, Notices II, 360).
f]4HTI, gosier {Papyrus de Boulaq, I, 10, 1. 21).
]i0^h pâteux, épais, visqueux (Papyrus de Boulaq, pi. 8, 1. 20; pi. 10,
[caA, taureau (.Denkm. II, 131).
2 $8 REVUE CRITIQUE
ÂA, affirmer {Papyrus de Berlin^ I, 145).
ÂRUI, pousse de palmier (Papyrus de Boulaq, I, 12, 1. 5).
ATAL, potier, mouleur (Mariette, Denderah, I, 28, 4^ règ. 1. 7).
On voit par le petit nombre des rectifications et des additions combien peu le
travail de M. Pierret laisse à désirer. J'espère qu'il sera terminé le plus promp-
tement possible et sera assez peu coûteux pour ne pas décourager les étudiants
de bonne volonté mais de bourse légère.
G. Maspero.
204. — Sermonem D. Junii Juvenalîs certis legibus astrictum ex accurata inqui-
sitione locorum atque interpretatione demonstrare conatus est Ludoiphus 0. Ki/ER.
Hauniae, Hoest. 1875. ^""^'^ 241 p. — Prix : 6 fr.
M. Kiaer traite d'abord des particularités de la métrique de Juvénal, ensuite
de celles qu'offre sa langue dans l'ordre des mots , l'emploi des conjonctions
copulatives, l'ellipse, l'interrogation, l'infinitif, l'impératif et le participe, l'accord
du sujet et de l'attribut, les changements de nombre, de sujet, de temps et de
mode, les cas, les tropes ; il termine par une liste des mots grecs employés par
Juvénal.
M. K. n'a pas suffisamment cherché à interpréter les faits qu'il a rassemblés
et dont bon nombre s'expliquent par le genre de poésie que Juvénal a cultivé et
par la manière dont il le comprenait. La satire était un genre qui se rapprochait
du ton de la conversation, sermoni propiora, comme dit Horace; et c'est ce qui
explique pourquoi la langue et la métrique de Virgile sont fort différentes de
celle de Juvénal : d'autre part Juvénal mettait, comme Perse lui en avait d'ail-
leurs donné l'exemple, plus d'imagination poétique dans la satire qu'Horace,
dont le ton est beaucoup plus familier. Il faut tenir compte aussi des exigences
de la métrique, quand on étudie la langue d'un poète. Si Juvénal a toujours em-
ployé famé, et les noms propres grecs en e^ Migale, Thymele, Tisiphone de telle
sorte que leur dernière syllabe soit la première d'un pied, il n'a pas suivi
(c certam regulam; » il ne pouvait pas les placer autrement dans un hexamètre.
Enfin le hasard est pour beaucoup dans la fréquence, la rareté ou l'absence d'un
mot, d'une locution, d'un tour. Je ne puis voir que quelque chose de purement
fortuit dans le fait que Juvénal n'emploie necjue que sept fois, et met nec partout
ailleurs; il faut songer que nous n'avons que 3 588 vers de Juvénal ». Dans l'en-
semble la langue de Juvénal n'offre pas de particularités caractéristiques, et je
ne vois rien d'important à conclure des faits rassemblés par M. K.
Les parties de l'ouvrage où M. K. a proposé une interprétation nouvelle ou
défendu une interprétation ancienne de bon nombre de passages de Juvénal me
paraissent meilleures. Je ne puis être de son avis sur quelques-unes; et pour
I . A plus forte raison quand il s'agit de Perse, qui n'a que 664 vers, ne peut-on rien
conclure de l'absence ou de la rareté d'une locution.
ï
d'histoire et de littérature. 259
commencer par cette partie désagréable de ma tâche, je ne saurais approuver la
manière dont M. K. ponctue et explique (p. 20-22) les vers (XI, 21-23) •
Refert ergo quis hase eadem paret ; in Rutilo nam
Luxuria est, in Ventidio laudabile nomen
Sumit et a censu famam trahit.
Il sépare « laudabile nomen » de « sumit » et le construit comme attribut de
« est » opposé à « luxuria, » ce qui semble forcé et inutile; mais il a raison de
trouver le sujet de « est », « sumit » dans « quis haec eadem paret » où il est
en effet contenu, «eadem agendi ratio. » Heinrich (qui, pour le dire en passant,
est un fort médiocre interprète) a eu tort de voir une tautologie dans « laudabile
i.... trahit, » qui est une manière de s'exprimer très-familière aux poètes latins.
'— Dans XI, 86 et suivants, M. K. met une virgule après (89) « ligonem », et
rattache à ce qui précède « quum tremerent autem tout en conservant
« autem, » ce qui pour moi est absolument inintelligible. — Dans VI, 87-90 :
« Et quando uberior vitiorum copia? quando
Maior avaritiae patuit sinus.? Aléa quando
Hos animes.? Neque enim locuiis comitantibus itur
Ad casum tabulae, posita sed luditur arca. »
M. K. sous-entend « habuit » avec « hos animos » en Pextrayant de « quando
)) maior avaritiae patuit sinus » qui serait l'équivalent de « quando avaritia sinum
» maiorem habuit. » Ne serait-il pas plus simple de sous-entendre « sustulit »
que le sens impose pour ainsi dire à l'esprit? — Dans la satire VIII après avoir
invectivé contre les rapines des gouverneurs de provinces, Juvénal ajoute (121-
^24) :
Curandum imprimis, ne magna injuria fiât
.:^^ __, Fortibus et miseris. Tollas licet omne quod usquam est
«^ '■ '';^ ''" ■ " Auri atque argenti : scutum gladiumque relinques
BO'jM'yfîxe ?ob ! Et jacula et gaieam : spoliatis arma supersunt.
M. K. croit que le poète a voulu dire : « il faut prendre garde de maltraiter des
» populations braves et de leur laisser leurs armes; » et il paraphrase ainsi :
« tollas licet aurum atque argentum, si scutum, gladium, jacula reliqueris, arma
» iis supersunt, et his armis injuriam ulcisci conabuntur. » Il préfère la leçon
relincjuas de quelques manuscrits. Il y a une sorte de naïveté à dire : « si oh leur
» laisse leurs armes, il leur restera des armes. » Le poète a voulu dire évidem-
ment : « on a beau leur enlever leur or et leur argent , on leur laissera le fer
» avec lequel ils peuvent fabriquer des armes. » La confection des armes de
guerre était alors chose moins compliquée qu'aujourd'hui. — Dans les vers (VI,
535-541), dont Madvig a rectifié le premier la ponctuation,
Ille petit veniam, quoties non abstinet uxor
Concubitu sacris observandisque diebus,
Magnaque debetur violato poena cadurco.
Et movisse caput visa est argentea serpens.
Illius lacrimae meditataque murmura praestant,
Ut veniam culpae non abnuat ansere magno
Scilicet et tenui popano corruptus osiris.
M. K. pense avec raison que les propositions « ille » « illius » se
I
rapportent au même fait, et qu'il ne faut pas de point après « serpens ; » et du
reste Hermann avait déjà mis un point et virgule. Mais il se trompe quand il
explique ainsi la suite des idées « quoties uxor concubitu non abstinet, ille veniam
» petit, et si magna poena visa est, illius lacrimae praestant ..... » Il me
paraît évident, comme le propose ensuite M. K. lui-même (140-141), que les
vers 5 57-$?8 « magnaque serpens» dépendent de «quoties,» et désignent
les prodiges par lesquels le dieu manifeste sa colère ; mais je ne vois pas la nécessité
de mettre alors un point après «petit veniam. » — Dans la satire VI, Juvénal par-
lant des inconvénients qu'il y a à être marié à une femme belle et honnête, mais
orgueilleuse comme Cornélie ou Niobe, ajoute (178-185) : . ;>uv'
Quae tanti gravitas, quae forma, ut se tibi semper '-^^"^
cn:;^ ^;:!. Impulet? Huius enim rari summique voluptas ibni
Nuila boni, quoties anime corrupta superbo^
*^" Plus aloes quam mellis habet. j '' "'■', *''''
C'est à tort que M. K. abandonne l'explication donnée par Ruperti et adoptée
par les autres commentateurs. Il entend par « gravitas » la fécondité de la
femme, prend « tibi » pour une apostrophe à l'épouse orgueilleuse, et, ne tenant
aucun compte (je ne sais pourquoi) de « semper, » il commente « se tibi im-
» putet » par « tuam contumaciam atque superbiam ferat, » ce que je ne puis
comprendre. Il ne me paraît pas douteux qu'il ne faille sous-entendre l'idée de
« morum » avec « gravitas, » que ces abstractions ne soient le sujet de « im-
)) putet, » que « tibi » ne se rapporte au mari, et que « imputare » ne doive être
pris dans le sens qu'il a très-souvent chez les écrivains de ce temps, « mettre
» sur le compte d'un autre une chose comme un bienfait dont il doit vous être
» reconnaissant; » par exemple dans Tacite TG^r/nart. 21) « Gaudent muneribus,
» sed nec data imputant, nec acceptis obligantur. » — Dans VI, 444-446,
Imponit finem sapiens et rébus honestis; Ad.
Nam quae docta nimis cupit et facunda videri
'^^ -' '' Crure tenus medio tunicas succingere débet,
; ^ , Caedere Sylvano porcum, quadrante lavari
la conjonction « nam » ne me semble pas employée elliptiquement , par forme
de prétermission comme elle l'est souvent : « je ne parle pas de car » elle
indique la cause pour laquelle une femme raisonnable garde une certaine mesure
dans la science et l'instruction; car celle qui n'en garde pas n'est plus une
femme. — Dans la satire VI, Juvénal parlant des superstitions des femmes,'
d'abord de celle qui ne fait rien sans consulter, comme nous dirions aujourd'hui,
l'almanach, continue ainsi (582) :
: - ^.. Si mediocris erit, spatium lustrabit utrinque
■''P ;■''<>■''' Metarum et sortes ducet, frontemque manumque
Praebebit vati crebrum poppysma roganti.
585 Divitibus responsa dabunt Phryx augur et Indus
Conductus, dabit astrorum mundique peritus
Atque aliquis senior, qui pubiica fulgura condit : .^'^^"L"*-.
Plebeium in Circo positum est et in aggere fatum. '' ' '^
Quae nudis longum ostendit cervicibus aurum
590 Consuiit ante phalas delphinorumque colijranas, . . ;
An saga vendenti nubat caupone relicto. '"■ l Ja/I*,*
I
D'HISTOlft^'-iiî'life "ïiTTÊRATURE. 261
Hae tamen et partus subeunt discrimen et omnes^^^"* UdMW^oqçui
Nutricis tolérant fortuna urgente labores;
Sed jacel aurato vix ulla puerpera lecto.
On a trouvé, non sans raison, du désordre dans ce développement. M. K. fait
remarquer que le poète parle d'abord de la femme pauvre qui consulte au cirque,
puis de la femme riche qui consulte chez elle, ensuite d'une femme riche du
peuple (divitem cauponam) qui consulte au cirque. Pour remédier à cet incon-
vénient, il propose de transposer les vers 582-584 après le vers 591 , réunissant
ainsi tout ce qui se rapporte aux consultations faites dans le cirque. Au point de
vue de la langue j'y vois un inconvénient : c'est que le futur employé dans les
vers 582-584 correspond au futur employé dans les vers 585-587 : ce qui semble
indiquer que ces groupes de vers ne peuvent être séparés. Reconnaissons que
l'ordre n'est pas rigoureux, que le poète après avoir opposé la femme, non pas
pauvre, mais de petite condition à la femme riche, reprend le premier membre
de l'antithèse sous une autre forme, et je crois, pour passer au développement
qui commence avec le vers 592. Il n'y a là rien qui ne puisse être toléré chez un
poète '. C'est à tort que M. K. et déjà avant lui Madvig^ considèrent les pen-
dants d'or comme une marque de richesse; les paysannes d'Italie en portent
encore aujourd'hui pour la plupart. Pourquoi une femme du petit commerce,
une femme « mediocris, » n'en aurait-elle pas porté du temps de Juvénal? Elles
ne les avaient pas sans doute en or massif. — M. K. propose aussi une transpo-
sition dans VI, 224-229 : ; '' ""'' ■""4:1^ ''- --i- -^ t •"-'•i ^^
.. ^ Imperat ergo vire, sed mox haec régna relinquit '^ ^
J3 2U0V .225 Permutatque domos et flammea conterit, inde
^^udiisnum ji) -Advoiat et spreti repetit vestigia lecti. - ç.wo...',u.jui'jjiM
^c)f^>|.^|. .^'l'^J' P'""° ^"^^ ^^':^^' pendentia linquit .^f^} ^.^^b Dsn hsz r
•Vêla domus et adhuc virides in limine rames. ^
Sic crescit numerus, sic fiunt octo mariti.
Rapportant les vers 227-228 à la célébration du second mariage avec le
premier mari, il les transpose après le vers 224 « relinquit, Ornatas, etc. »
Il me semble qu'alors il manquerait précisément ce que nous trouvons dans le
texte, l'indication de la rapidité avec laquelle la femme inconstante quitte le second
mari pour revenir au premier; « domus » se rapporte à la maison du second
mari. Je ne mettrais qu'un point et virgule après « lecti. »
1. Il y a bien d'autres incohérences dans Féneion. Condiilac a déjà remarqué (art
d'écrire, III, 2) qu'il y a peu de suite dans le tableau de l'avarice de Pygmalion, et qu'en
général « le tissu » du style de Bossuet « est mieux formé. » On trouve un exemple du
défaut d'ordre habituel à Féneion à la fin du IV* livre dans la description d'ailleurs poé-
tique de l'apparition d'Amphitrite : « Après eux (les Dauphins) venoient des Tritons, oui
» sonnoient de la trompette ils environnoient le char d'Amphitrite traîné par des che-
» vaux marins Une troupe de nymphes nageoient en foule derrière le char La
» déesse avoit un visage serein et une douce majesté qui faisoit fuir les vents sédi-
» tieux Les Tritons conduisaient les chevaux et tenaient les rênes dorés On voyoit au
» milieu des airs Eole son visage sa voix ses yeux tenaient en silence
» les fiers aquilons »
2. Opuscula Academica, II, 198. Je ne crois pas qu'on puisse entendre « longum
» aurum » d'un collier ; le mot me semble désigner de longs pendants d'oreille que l'on
voit de chaque côté du cou nu.
262 REVUE CRlTIQUEaiaT<îia-a
Il y a un certain nombre de passages que M. K. me paraît avoir très-heureu-
sement éclaircis. Il est certain que dans XV, 1^-1^6 « Plorare ergo jubet cau-
)) sam dicentes amici Squaloremque rei », il y a quelque chose qui ne peut se
construire; le sens est rétabli si on lit « atque rei, » construction semblable à
« coctae siliginis ofïas et madidae » (V, 71). — Dans la satire IX, Naevolus
après s'être écrié (139) « Quando ego figam aliquid , quo sit mihi tuta senectus
» A tegete et baculo? » exprime ses vœux, et ajoute (146) « sufficiunt haec,
)) Quando ego pauper ero. Votum miserabile, nec spes his saltem. » M. K. fait
remarquer quMl vaut mieux mettre un point après « haec, » et un point d'inter-
rogation après « ero. » Le poète fait dire à Naevolus : « quand aurai-je ce qui
» après tout n'est pour moi que de la pauvreté? » — M. K. rétablit aussi le
sens et la construction par le changement de la ponctuation dans XIV, 227-
232.
Nam quisquis magni census praecepit amorem
Et laevo monitu pueros producit avares
Et qui per fraudes patrimonia conduplicare
Dat libertatem et totas effundit habenas
Curriculo.
Il explique, comme l'avait fait déjà Ruperti, « et » (228) par « etiam, » sous-
entend « praecepit » avec « conduplicare, » et par conséquent met une virgule
après <( amorem, » et « conduplicare. » — Il y a une difficulté sérieuse dans X^^
173-178:
Creditur oiim
Velificatus Athos et quidquid Graecia mendax . <■ '
Audet in historia, constratum classibus isdem ;(?îl l-^^ .q)
Suppositumque rôtis solidum mare ; credimus altos ' *,
Defecisse amnes epotaque flumina Medo
Prandente, et madidis cantat quae Sostratus alis,
M. K. trouve avec raison que les mots ^ constratum mare » sont construits
et placés singulièrement. Il remédie à ce désordre très-simplement en supprimant
le point et virgule après «mare, » et en mettant une virgule après «credimus, »
avec lequel il construit «constratum..... » ou avec quelques manuscrits « quum
» stratura »
On voit que le travail de M. Kiaer ii'e;st p^5 inutile à l'interprétation de ce
poète difficile.
Charles Thurot.
205. — Phonologie de la langue française, par C. Ayer, directeur de l'Aca-
démie de Neuchâtel. Paris, Neuchâtel et Bruxelles. 187^. i vol. in-i2, viij-136 p.
Exposé des lois qui régissent la transformation française des mots
latins, par A. Scheler. Paris et Bruxelles. 1875. Un volume in- 16, viij-259 p.
Voici deux petits traités de phonétique française que nous envoient la Suisse
et la Belgique , preuve des progrès que fait au delà de nos frontières l'étude
scientifique de notre langue. Traitant le même sujet, il convient de les réunir
ensemble et de les étudier dans un même article.
d'histoire et de littérature. 265
La Phonologie de M. A. est composée de trois parties. La première {Nature
et formation des sons, p. 1-34") étudie les sons en général, les voyelles, les con-
sonnes et donne la théorie de l'accent tonique. Cette étude moitié physiolo-
gique, moitié philologique est en général exacte; elle pèche toutefois par le
manque de précision; ^analyse des sons n'est pas aussi approfondie qu'elle
pourrait l'être dans l'état actuel de la science. Le ch. IV de cette première
partie (De l'Euphonie en français) contient un singulier mélange de remarques
justes et neuves et d'assertions fausses. D'où l'auteur a-^t-il tiré ce principe
« général dans l'ancien français » que la syllabe finale ne peut être terminée
phonétiquement que par une voyelle (e muet ou voyelle sonore) et que par suite les
consonnes finales étaient muettes (p. 25-26) ? De même au ch. suivant {Quantité
et accent), l'auteur établit que l'accent porte sur la dernière syllabe, à moins
qu'elle ne soit muette; or, ajoute-t-il, comme cet emuet ne sonne pas et comme
d'un autre côté l'accent ne peut reposer que sur une syllabe terminée phonétiquement
par une voyelle, il suit de là que la consonne qui vient après la voyelle accentuée
ne se fait pas entendre (5û/u[t] park[r]) ou commence une nouvelle syllabe
(W-de, grosse; hau-X intérêt, etc.) et que dans les mots dont on fait sonner la
consonne finale sans qu'il y ait liaison, par exemple dans sec, mer, il y a en
réalité deux syllabes et non une (p. 31). Bizarre théorie qui repose sur une
fausse analyse des sons et l'ignorance de l'histoire de Ve féminin en vieux
français.
La deuxième partie a pour objet l'histoire des lettres latines. C'est de beau-
coup la plus importante, et elle embrasse plus de la moitié de l'ouvrage
(p. 34-123). Elle commence par des considérations remarquables sur la forma-
tion populaire et la formation savante et sur les principes généraux des modifi-
cations euphoniques (permutation, assimilation, contraction, métathèse, élision,
addition de lettres, etc.). La loi d'équilibre que l'auteur croit trouver entre
l'action de la syllabe initiale où domine la consonne et la syllabe accentuée où
domine la voyelle et à laquelle il attribue principalement la syncope des voyelles
et des consonnes (p. 42), n'est pas aussi apparente qu'il le pense. Il ne la fonde
guère que sur l'exemple de délié (delicatus) et comté (comitatus) (p. 51) où la
chute de la consonne c aurait pour résultat le maintien de la voyelle atone ï, et
réciproquement la chute de la voyelle atone ï, celui de la consonne m. Or
l'exemple de délié est faux , parce que la seule forme connue du vieux français
est delgié qui dérive régulièrement de delicatus par la chute de la protonique brève
r». Cette loi d'équilibre dont on ne saisit pas d'ailleurs nettement l'action et qui
en outre serait en contradiction avec la loi de la chute de la protonique , ne
nous paraît pas fondée.
Quand M. A. arrive à l'étude des voyelles (p. $8), il reproduit fidèlement Diez :
or Ton sait que la phonétique romane, et spécialement la phonétique française,
créée par l'illustre auteur de la Grammaire comparée des langues romanes, est restée
même dans la troisième édition de ce livre classique, en arrière des décou-
i . Délié date du XV^ siècle et semble dû à une confusion avec le participe dcsliè.
264 REVUE CRITIQUÉOTgfK^a •
vertes nouvelles ; d'ailleurs , depuis la publication de la troisième édition
(1870) la science a marché à grands pas; aussi la théorie des voyelles, malgré
le soin qu'y a apporté Pauteur, est insuffisante. Trop souvent M. A., suivant
en cela les errements du maître, fait une large part aux mots de formation
savante ou aux mots populaires dont l'orthographe a été rajeunie, et qu'il cite
comme des anomalies : par exemple il faut effacer (p. 62) clair, aile (vieux
français c/gr, éle), chandelle (v. fr. chandoilé), pèse (y. fr. poise); (p. 63) lac,
grave; (p. 64), modcy école, rade, etc., etc. La façon dont sont cités les exemples
oh entre le groupe oi («/), montre que l'auteur n'est pas au courant de la question
compliquée que soulève ce groupe. Le résumé que M. A. donne (p. 69) du
traitement des voyelles accentuées est en partie inexact : d par exemple ne se
confond pas avec 0 quoique tous deux aboutissent généralement à- eu. Pour les
voyelles dites en position, l'auteur ne paraît pas se douter de l'action de la quan-
tité sur l'altération phonétique. Des faits d'ordre divers sont groupés confusément
sans explication. Ainsi pour e en position latine ou romane, l'auteur dit qu'ilse
maintient. « Quelquefois cependant, ajoute-t-il (p. 66), il devient le : neptia,
» nièce ; — ei ou oi : sec(aye, seigle ; Stella, étoile ; — et même i ou a : despectus,
» dépit; lucerna, lucarne. » Quelle confiance dans la sûreté des lois phonétiques
peuvent inspirer au lecteur ces prétendues exceptions dont il ne se rend pas
compte .f* En somme, l'auteur, avec tout son talent d'exposition, n'a pas su
donner à cette théorie du vocalisme l'exactitude et la précision voulues.
La théorie des consonnes est plus approfondie, et l'auteur ajoute quelque
peu à Diez. La modification la plus importante consiste à séparer les groupes
de consonnes des consonnes simples, que Diez avait confondus. Cette division
éclaire d'un jour nouveau les lois qui régissent la phonétique des consonnes;
toutefois là encore l'auteur aurait pu aller plus loin qu'il n'a fait, et au lieu
de se contenter de constater les faits et de citer les exemples en détail, il
aurait pu formuler des lois générales qui ressortaient elles-mêmes des exemples
mieux groupés. Ainsi en considérant d'abord dans les consonnes simples toutes
les consonnes initiales; puis toutes les médiales; puis toutes les finales; il serait
arrivé à des formules plus nettes, plus propres à s'imprimer dans l'esprit du
lecteur, et qui offraient en outre cet avantage de reparaître dans la théorie des
groupes'. Reconnaissons toutefois que si dans la théorie des groupes, M. A.
n'a pas su arriver à des lois plus générales, et si souvent ses explications sont
contestables ^, cette partie offre l'avantage de réunir en quelques pages un en-
semble d'exemples dont on peut tirer bon parti.
La troisième partie (les Lettres françaises) ne contient que quelques pages
I . Voir plus bas, page 268'.
^ 2. L'u de coude (cubitus) ne vient pas du b (p. 116); c'est Vu de cubitus qui donne
régulièrement ou. El donne eau et non au (p. 112); dauphin vient de *dalphinus,^ aumône
de "alimosina; eau lui-même vient non pas du changement de el en al avec maintien d'un
e ét)rmologique non prononcé, mais du changement de cl en eal, éàl, eal, eau, avec e fémi-
nin jadis prononcé (cf. plus bas, p. 267). La théorie de la gutturale (p. 103 etsuiv.) est
en grande partie inexacte. Caisse (p. 120) est provençal; Capsa a donné en fr. châsse.
etc.. etc. ,:-'\'./:\ - ::': ) ,■;■ : :m^ siaîi:;^
d'histoire et de littérature. 265
(12 3-1 ^6). C'est un court et très-rapide exposé des principales règles établies
par Diez dans sa Grammaire (I, 356-435 de la traduction française). Nous y
trouvons quelques remarques nouvelles, entre autres celte observation très-juste
qu'il n'y a plus en français de diphthongues réelles et que dans ia de diable par
exemple Vi est consonne.
En somme ce petit livre a le grave inconvénient d'être en retard sur les der-
nières découvertes. Il est par trop insuffisant; c'est dommage, car il est fait avec
soin et travail; et l'auteur y fait preuve d'un talent réel d'exposition, surtout dans
les considérations générales. L'intérêt de ce livre, outre les vues d'ensemble,
est de présenter réunis commodément pour les lecteurs les traits les plus
importants de la phonétique française qu'il faudrait aller chercher dans tout le
premier volume de Diez. Signalons-y encore des rapprochements avec les dia-
lectes de la Suisse romande qui ont leur prix.
Le jugement que nous venons de porter sur le livre de M. A. peut s'appliquer
.dans ses traits généraux, et sauf quelques restrictions, à celui de M. Sch. Quoique
^ supérieur en bien des points à la Phonologie, V Exposé non plus ne satisfait pas
. les exigences d'une science devenue aujourd'hui sévère et rigoureuse. Et avec
M. Sch. la critique a d'autant plus le droit de se plaindre que l'auteur porte un
nom bien connu dans la philologie française. Noblesse oblige. L'auteur du
i Dictionnaire d'étymologie et de ces éditions de nos vieux textes si appréciées par
le public compétent, se devait à lui-même de mettre son œuvre au courant des
; derniers travaux. Aux faits réunis par Diez, l'auteur se contente d'ajouter géné-
.: ralement le résultat de ses propres recherches consignées pour la plupart dans
• son Dictionnaire. Mais celles de MM. Paris, Meyer, Schuchardt, Mussafia,
Ascoli, etc., qui ont dans ces dernières années transformé la phonétique romane,
;.quoi qu'il en dise dans sa préface, M. Sch. semble les avoir laissées de côté.
1; .liL'ouvrage de M. Sch. est plus développé que celui de M. A. Tandis que
-celui-ci consacre une soixantaine de pages (assez compactes, il est vrai) à
,- la théorie des sons latins (p. 56-123), M. Sch. étend son exposition sur plus de
; deux cent cinquante pages, et, malgré cela, il ne se permet aucune considéra-
; tion générale. A peine quelques lignes sur l'accent tonique, et il entre immédia-
< tement en matière, commençant par exposer la chute des atones (p. 3-5 $) pour
./arriver au traitement des toniques et des atones qui se maintiennent (75-141) et
j' terminer par l'étude des consonnes (143-259) gutturales (148), labiales (187),
: -dentales (210). Cet ouvrage est donc une collection de faits et d'exemples
groupés suivant certains principes que l'auteur expose d'un style parfois algé-
?: brique et avec la sévérité d'un formulaire de chimie. A cela je ne vois pas de
Kmal et la science ne perd rien à être présentée dans son austère nudité.
Mais si M. Sch., grâce à ce plan et à cette méthode, entre dans plus de détails
^que M. A.; s'il donne plus de développements aux questions, multiplie les
exemples anciens et modernes, signale parfois les difficultés spéciales, et essaie
des solutions; si en un mot il aspire à la rigueur et à la précision, il faut le
reconnaître avec regret, il est loin d'arriver au but qu'il se propose. Un rapide
aperçu du livre suffira pour s'en convaincre.
266 -^^^ REVUE CRITIQUE
L'auteur étudie d'abord les atones finales , lesquelles tombent ou sont rem-
placées par un e muet quand la dernière atone est a ou quand cette atone est
précédée de consonnances composées. « On trouve d'ailleurs, ajoute M. Sch.,
)) de nombreux vocables sous les deux formes avec ou sans e muet : avarus
» -avare et aver*y casa -case et chez; firmus -ferme etferm*; rigidus -roide et roit;
» tormentum -tourmente et tourment; granum -graine et grain; legumen -légume
)) et léun" ' . » Pourquoi rapprocher et donner comme des anomalies des formes
qui doivent leur explication à des causes diverses ? Avare, case, légume sont des
mots savants ou étrangers ; ferme, roide sont ferm, roit refaits, comme d'autres
adjectifs, sur les féminins; tourmente, graine sont tormenta, grana. — Dans les
proparoxytons, M. Sch. montre comment la première atone tombe, et comment
les deux consonnes tantôt restent avec un e muet final (ordinem , ordre) , tantôt
se réduisent à une consonne avec e muet (domina, dame), tantôt sont représentées
par une consonne simple (nitidus, net) (p. 6-8). Ces trois lois sont établies par
des exemples abondants et en général exacts ; mais qu'est-ce qui détermine pour
chacun de ces exemples l'application de l'une ou de l'autre de ces lois ^ Quel est
l'action de la voyelle finale ? des groupes de consonnes P Sans doute la plus grande
partie de ces explications doit être réservée pour la théorie des consonnes, mais
pourquoi M. Sch. entreprend-il dès le début, dans le chapitre des atones, la
théorie des groupes? Car il a cru utile d'étudier en détail les proparoxytons et
après avoir exposé les trois lois dont nous venons de parler, il prend un à un les
divers suffixes ïcus, ïcem^, ilis, ûlus, etc., et montre ce qu'ils ont donné dans la
formation populaire et dans la formation savante. On ne peut qu'approuver ces
développements qui , par le nombre considérable d'exemples mis sous les yeux
du lecteur, font toucher du doigt la différence radicale qui sépare les deux
systèmes de formation de mots; toutefois il suffit que l'auteur montre la chute des
voyelles atones dans les mots vulgaires et l'oppose au maintien des mêmes
voyelles dans les mots savants sans avoir besoin de s'occuper du sort des con-
sonnes et d'empiéter, comme il le fait durant vingt-cinq ou trente pages, sur la
théorie des consonnes. Mais ceci n'est qu'un défaut de composition. Ce qui est
plus grave ce sont les exemples mal choisis, mal groupés ou mal expliqués,
comme dans la page 3 5 où l'auteur étudie le groupe eus, lus dans des mots dans
lesquels « l'élément e, i disparaît sans trace, si ce n'est qu'il sauvegarde au î ou
)) au c qui précède , leur caractère sifflant qu'ils avaient déjà en latin (!) j) Et
l'auteur, à l'appui de cette règle, cite sans distinguer des mots savants et des
mots populaires, des mots où Vi agit sur la voyelle accentuée et des mots où il
agit sur la consonne, etc. ?.
1 . L'auteur ajoute en note : ^ C'est peut-être sous l'influence de leur pluriel en a que
» beaucoup de substantifs neutres ont revêtu la forme féminine. » Pourquoi peut-être?
2. Citons en passant le singulier lapsus ou la singulière faute d'impression qui, dans la
note I de la page 13, fait écrire ïcem dans perdTccm, radîcem, junTcem, cormcem.
^.Ab sterne, audace, factice, *omccide, justice, sanguin, superbe sont de formation savante;
postiche est italien; aur est ^agûrmm, aguirum, agûrum (û == ûi), agur, aiir; cil, fils, lis
ont 1'/ mouillée en vieux français cilz, filz, lilz; joie est gâudia, jauia, joie; etc., etc.
d'histoire et de littérature. 267
La théorie des voyelles accentuées laisse aussi à désirer. Tout ce qui concerne
a = ié (p. 62 et 69-73) est inexact et confus. Sur les rapports de e et /, de 0 et
û on ne trouve rien de satisfaisant. M. Sch. n'a pas fait remarquer que le latin
populaire avait ramené ^ et 0 à ^, 0 ouverts ; ^ et T à e fermé ; ô et iï à d fermé ;
que les voyelles en position devant deux consonnes ont conservé la valeur qu'elles
avaient en latin; que par exemple sex^ lêx se prononçaient sèx, léx; que vïrïdem
se prononçait vérede ou véfde; que de la sorte é et ô devaient donner et ont en
effet donné suivant leur nature, un è ou un é, un 0 ou un ô ; que i en position
n'a pu donner que é^ tandis que ï en position persistait, etc.'. De là des assertions
comme la suivante (p. 89) : « Devant les nasales complexes c est conservé et
» produit, avec Vm ou Vn qui suit, le son spécial qui caractérise notre pronon-
» ciation de in : ce son s'orthographie tantôt par in ou im comme dans cinq
» (quinque), prince (principem), simple (simplicem), quint (quintus), lynx v. fr. lins
» (lynx), quinze (quindecim); tantôt et c'est le cas surtout quand n est suivi
» d'une gutturale, par ein ou son équivalent ain : ainsi dans cingere, fin gère, pin-
» gère, tingere, sîringere, exsîinguere, fr. ceindre, feindre, peindre, teindre,
» estreindre, esteindre. » In est différent de ein; l'un s'est prononcé à l'origine
i-/z', l'autre éyn'; le premier vient de i long en position {quinque, quintus, quin-
decim, cf. quJnus; principem de prJmus-caput ; simple et lynx sont à discuter); le
second de e bref {cïngere,fïngere, etc.). Mêmes explications à donner aux divers
traitements de e, ë, ï en position devant la gutturale; ë, c.-à-d. è-\~\3L gutturale
aboutit à i par ièi; ë et ï, c.-à-d. é, aboutissent à éi, oi. — P. 78, M. Sch.
explique, comme Diez, le changement de el {ëllus) en eau par l'intermédiaire de
iel, ial, iau, eau; depuis longtemps M. G. Paris a démontré que cette série est
inexacte, que la diphthongaison de el en iel n'est pas admissible en français, que
le changement direct de e en a dans iel, ial est anormal, et que le passage de
iau en eau est sans exemple ; qu'au contraire la phonétique et les textes anciens
s'accordent à indiquer la série èl, èal, éàl, éau, eau (eo) d'où soit iau (iô, picard, etc.),
soit au (ô, français). — L'auteur résume comme il suit les transforma-
tions de û (p. 108)- « U bref se retrouve sous les formes diverses suivantes
» ou (couve, joug, ou, loup), eu {gueule, jeune, couleuvre), oi {noix, croix), ui
» {cuivre, *sui, suis), u {rude, due, sur, grue), n La science dans l'état actuel
exige et permet bien plus de rigueur et de précision. i.n^ia'i > .^i^^p23i
Dans la théorie des consonnes, l'auteur suit l'exposition de Diez et Se contente
en général d'ajouter des exemples nouveaux à ceux que donne la Grammaire.
Après l'examen de chaque consonne qu'il considère séparément comme initiale,
I . A cet égard les assonances et les rimes des vieux poètes français et le dictionnaire
de rimes provençales de Hugues Faidit sont singulièrement instructiis. Ainsi on voit
nettement distinguer les mots à e ouvert venant d'un é bref latin en position des mots à é
fermé venant d'un ï long ou d'un ï bref latin en position. Lettre de lïttera rimera avec
mettre de mïttcrc, mais non avec prestre dQ prësbyter ; regrette àe'grëttare (grëtan) rimera ou
assonera avec saéte de sagïtta ou avec le suffixe c'f/^ Cèttus ou plus vraisemblablement ittus),
mais non avec teste de testa. Vérd (vïridem) ne rimera jamais avec perd (perdit). Je ne puis
ici qu'indiquer ces observations.
268 '^^^'^'^^lévUÈ CRITIQUE ^'^^^ ^
comme médiale et comme finale, il étudie les groupes divers dans lesquels elle
peut entrer. Il eût été plus utile de considérer d'ensemble les consonnes initiales,
puis les médiales, puis les finales; de faire un chapitre à part pour les groupes
latins et pour les groupes romans et d'examiner ces groupes d'après la nature de
la consonne initiale. L'auteur serait arrivé à formuler quelques lois générales
comme les suivantes : Quand la première consonne est une liquide ou une spi-
rante, elle est traitée comme finale, et la seconde comme initiale (à moins que ce
ne soit une liquide); quand la première est une muette, elle s'assimile et tombe
et la seconde est traitée comme initiale (à moins que ce ne soit une liquide); la
gutturale dans tous les cas présente un traitement particulier. Faute d'avoir suivi
cette voie, M. Sch., à l'exemple de Diez, accumule les règles de détail; chaque
groupe présente sa règle et souvent ses règles particulières, et le lecteur se perd
dans un dénombrement pénible de faits qui ne semblent avoir aucun lien entre
eux. Cette exposition, qui était inévitable à l'époque où Diez créait de toutes
pièces le système de la phonétique romane, doit être remplacée par celle de lois
générales embrassant la multiplicité des faits. Plus la phonétique deviendra
rigoureuse et précise, plus elle pénétrera dans l'organisme physiologique des sons,
mieux elle saisira le mouvement de ces lois qui régissent dans leur action directe
ou dans leur entre-croisement multiple le système du vocalisme et du conson-
nantisme roman.
' Pour entrer dans le détail de cette troisième partie , il serait facile de relever
de nombreuses inexactitudes. — P. 187. a gn est transposé en ng : pugnusî
)) pungus, poing; signum, singum, seing; cognitus, congtus, cointe; vig(i)nti,
» vingti, vingt. » Dans poing, seing, cointe, Vi représente le g latin qui a été
ajouté à poing et à seing par des clercs désireux de rappeler l'étymologie latine.
Viginti a donné vi-inti, vint écrit postérieurement vingt. — P. 208. Dans le
groupe mn « en espagnol n devient r; » c'est n dans le groupe roman m'n et
non dans le groupe latin mn. — P. 21 1. « Le maintien du t ne 'èaract^rise pas
» toujours un mot comme appartenant à la couche savante; l'ancienne langue
)) offre un grand nombre de cas contraires à la règle de la syncope (du / médial),
)) ainsi : visiter, nature, quatorze^ citer., quite (quitte), noter, toute, béton, matière,
)) poète. Parfois le / primitif est redoublé : beta, bette, bletum, blette, carota,
» carotte. » M. Sch. paraît ici, comme aussi en d'autres passages de son livre,
porté à croire que la formation savante ne date que de l'époque moderne, tandis
qu'elle remonte jusqu'à la Cantilène de S^" Eulalie (yirginited). Dans la liste citée,
visiter, nature, citer, noter, matière, poète sont dus aux clercs; toute est le latin popu-
laire tutta ; il est douteux que béton vienne de biîumen ; quatorze est quatvordecim où
le t est maintenu par le v qui le suit ; la seule inspection des mots bette, blette,
carotte (où le / a été redoublé par suite d'une confusion avec les suffixes ette, otte)
montre qu'ils ne dérivent pas par voie populaire, de bëta, blïta, carota; car sans
parler du maintien du /, il faudrait bo'ie^ b\o\e, charoue, ou cheroue. Quitte seul
présente des difficultés, et le passage de quietus à quitte, comparé à coi, reste
obscur. —P. 213. aordière d'où ornière^ » ornière vient de orne, en vieux français
et encore dans les patois, ligne, sillon, de ordinem. — P. 217. « Le groupe st
d'histoire et de littérature. 269
» devenant final, perd le / : repastus, repas, conquis'tus, conquis, postea, puis,
)) ostium, huis, v. fr. tos pour îost (/ô/), os pour ost du latin liosîis. « Ces deux
lignes rapprochent des exemples qui jurent entre eux. Conquis ne vient pas de
conquisius (ou plus exactement con-quuestus qui a donné conquèst^ conquèste); mais
c'est, comme mis, une forme du participe passé refaite en vertu de l'analogie :
puis et huis viennent de postea, ostium par poskia, oskium, de sorte que le / est
représenté dans ces deux mots par i. Os est un affaiblissement de oz, forme régu-
lière pour osts; tos (si cette forme est authentique) sera de même îost plus 1'^ adver-
biale, d'où îostSy îoz^ /05.'— PV231. L'auteur est trop porté à exagérer la durée
de la prononciation de Vs devant une consonne, et il voit une anomalie dans l'ac-
centuation du mot côte (coste) comparé à coteau (au lieu de coteau, de costeau) ;
l'auteur ne voit pas que l'accent circonflexe en principe n'existe que sur les
syllabes portant l'accent tonique; cf. crête et écrire; dans le notre, 0 a l'accent
tonique, dans notre {enfant), notre est enclitique. — Il est inutile de multiplier
ces citations; elles suffisent à montrer que l'ouvrage de M. Sch. est loin de
répondre aux légitimes exigences de la science.
On était en droit d'attendre une œuvre d'un caractère plus sévère de la part
de l'auteur du Dictionnaire d^étymologie française. Reconnaissons toutefois que ce
traité a, comme celui, plus que celui de M. A., le mérite de réunir nombre de faits
intéressants; on y trouve quelques explications neuves' ou que l'auteur avait
indiquées pour la première fois, sans les développer, dans son dictionnaire. Tel
qu'il est, et malgré son insuffisance et ses erreurs, il sera utile cependant aux
commençants qui y pourront s'initier aux premiers principes de la philologie
française.
A. Darmesteter.
206. — Les savants Godefroy, mémoires d'une famille pendant les XVI', XVII* et
XVIII* siècles. 1 vol. in-8* de 420-ix p. Paris, Didier. 1873. — Prix : 7 fr. 50.
« L'auteur dé ces mémoires, dit une note imprimée au verso du titre, est le
marquis de Godefroy-Ménilglaize. Lui et son fils sont les seuls descendants mâles
des savants Godefroy. » On pressent un livre de famille^ et c'est bien cela ; mais il
ne reste pas moins curieux et utile pour les hommes studieux que l'intérêt du sang
n'attache pas au sujet. Il fallait un membre de la famille pour en retracer les
annales intimes, en dépit de la dispersion de la plupart des papiers, depuis le
XIV'' siècle jusqu'à la Révolution française. Et ce caractère domestique assure
une nouveauté réelle, un surcroît d'intérêt vivant à des biographies auxquelles
un lettré ne saurait être indifférent.
Le premier des illustres savants de cette noble famille, originaire de Mons,
I. Comme celle de de-struire (de "strucere), p. 41 , ti. 2. Les exemples en général sont
plus abond^aU^^uç dan$,Diez,.^t Tauteuc <*it«.a$sez.5ûaveat des formes intéressantes du
^' :■■?. ^J -«V -^is: ."^ — lîT^^^^^i^o 5h nol\5ï ^M^^^ >2!0lKq ?M '^^^^
t-jQ mnrmtHijsMM^ critiqué? O'^^iafia:
mais fixée à Paris dès le commencement du xvi^ siècle, c'est Denys I Godefroy,
dont le nom latin Dionysius Gothofredus est si connu de tous ceux qui ont étudié
le droit romain. Il embrasse la réforme, professe le droit à l'étranger, et meurt
à Heidelberg le 7 septembre 1622. Ses nombreux travaux de jurisconsulte,
d'humaniste et d'historien lui firent une renommée du meilleur aloi. Son fils
Jacques le surpasse encore et peut passer, au jugement de Gravina, pour le pre-
mier interprète du droit romain après Cujas. Théodore Godefroy, son aîné, nous
intéresse aujourd'hui davantage, parce qu'il est l'un des plus respectables ancêtres
de la vraie école historique, celle qui s'appuie toujours sur les documents et
qui s'alimente aux sources. Ses innombrables portefeuilles sont connus de tous
les chercheurs et ses éditions d^Histoires de divers règnes par des contemporains,
av€c des éclaircissements et des documents annexés, n'ont pas toutes été surpas-
sées par les travailleurs venus après lui. Converti au catholicisme, il jouit de la
faveur royale en même temps que de l'estime publique et put transmettre son
titre d'historiographe de France à son fils Denys II, diplomate, éditeur de textes
historiques, collectionneur de vieux titres comme lui. L'histoire littéraire réclame
encore dans sa descendance Denys III , mort en 17 19, à qui l'on doit quelques
éditions d'ouvrages historiques, et dont l'auteur de ce livre possède « un Alpha-
hetica, sorte d'encyclopédie en huit gros volumes, totalement de sa main, d'une
écriture serrée et régulière (p. 242); » et Jean Godefroy, qui publia beaucoup
de travaux et de documents curieux sur la Ligue, et dont M. de Godefroy-
Ménilglaize a dans ses cartons plusieurs mémoires sur des questions d'histoire et
de droit politiques. Au xviii^ siècle, la forte et généreuse race des Godefroy
fournit à la diplomatie, à l'armée, à l'église des noms dignes de mémoire, et qu^
ne font pas mauvaise figure à la suite des noms chers à la science et à l'érudition,
qu'elle avait donnés aux époques antérieures.
Ce livre se recommande, comme on le voit, aux amis de notre histoire litté-
raire. Qu'on n'y cherche pas ce que l'auteur n'a pas voulu y mettre. Il n'a pas
prétendu reprendre en sous-œuvre et juger par lui-même les travaux si multiples
de ses illustres ancêtres. A propos d'une discussion de théologie calviniste, ou
d'un commentaire sur le droit romain, ou d'une édition critique d'un auteur latin
ou d'un chroniqueur français, M. de Godefroy-Ménilglaize n'approfondit pas des
questions spéciales qui, d'ailleurs, auraient exigé plus de place que son plan n'en
comportait. Il a même quelques indications inexactes ou incomplètes : ainsi les
documents publiés par Annius de Viterbe ne sont pas repoussés assez nettement
(p. $9), et l'auteur de Port-Royal est substitué (p. 225) à son homonyme,
magistrat parisien qui n'était pas de ses amis. Mais^ si la critique des travaux
publiés par les aïeux de l'auteur ne gagne pas beaucoup à cette publication, il
en est tout autrement de leur biographie. Elle s'enrichit de mille particularités
sur leurs relations, leur fortune, leurs alliances, leurs affaires de famille, leur vie
littéraire même : car l'auteur a utilisé une masse de papiers d'affaires et de cor-
respondances où les faits inédits abondaient. Il s'excuse une fois de prodiguer
« les détails minutieux et quelque peu fastidieux (p. 99). » Tous les bons esprits
l'absoudront de ce reproche ; on pourra même regretter qu'il ne cite pas assez
d'histoire et de littérature. 271
souvent les lettres familières de ces vieux savants qu'il fait aimer ; ce qu'il en
révèle est plein d'intérêt et de charme et remet en mémoire l'excellent aphorisme
du cardinal Baronius : « Epistolari historia nulla fidelior atque tutior. »
En dehors de l'histoire littéraire, ce livre nous donne les annales d'une famille
pendant trois siècles, à travers des positions, des milieux et des états de fortune
très-divers. A ce nouveau point de vue, il est d'autant plus instructif qu'il unit
la sincérité la plus absolue à l'accent pénétrant de ce sentiment profond de la
famille qui est le plus précieux patrimoine légué par les générations passées aux
générations nouvelles. Cette étude de l'organisation intime de la famille d'autre-
fois est aujourd'hui en honneur; et, sans contester les illusions qu'elle peut créer
chez certains esprits trop tournés en arrière, elle doit assurément donner à
l'avenir plus d'une indication utile; elle renferme d'ailleurs pour l'histoire des
révélations d'un grand intérêt, non-seulement de curiosité, mais d'instruction.
Léonce Couture.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
académie des inscriptions et belles-lettres.
Séance du 1 5 octobre 1 87 5 .
M. de S*" Marie annonce que les inscriptions puniques découvertes par lui,
dont le ministre de l'instruction publique avait ordonné l'envoi à Paris et le
dépôt à la Bibliothèque nationale, sont parties de Tunis le 29 septembre, sur le
vaisseau amiral Magenta. *-
L'académie décide qu'il y a lieu de pourvoir au remplacement de M. Brunet
de Presle, et fixe la discussion des titres des candidats au 26 novembre prochain.
Le bureau, autorisé par l'académie à désigner les membres des commissions
qui devront lui proposer des sujets de concours pour le prix ordinaire et le prix
Bordin, nomme : pour le prix ordinaire, dont le sujet devra être pris dans les
études orientales, MM. Defrémery, Derenbourg, Mohl et de Slane; pour le prix
Bordin, dont le sujet devra appartenir aux études relatives au moyen âge,
MM. Delisle, Hauréau, Jourdain et Thurot.
L'académie n'ayant reçu aucun mémoire sur VHistoire de la piraterie dans les
pays méditerranéens depuis les temps les plus anciens jusqu'à la fin du règne de
Constantin le Grand, question mise au concours pour le prix ordinaire, proroge
le concours sur cette question jusqu'au 3 1 décembre 1876.
M. Th. H. Martin commence la lecture d'un second mémoire sur les hypo-
thèses astronomiques des philosophes grecs. Il étudie les théories de Xénophane,
qui fut à la fois un poète et un philosophe, et qui professa une sorte de pan-
théisme assez mal défmi. La doctrine cosmographique de Xénophane peut être
reconstituée à l'aide des indications éparses dans les auteurs anciens. Il professait
que la terre a ses racines dans l'infini, c'est à dire qu'elle s'étend indéfiniment
en profondeur au dessous du sol, tandis qu'au dessus l'air s'étend aussi indéfini-
ment en hauteur. La forme de la terre était, selon lui, un plan d'une étendue
horizontale infinie. Les astres sont des nuages embrasés, qui s'allument à leur
272 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
lever et s'éteignent à leur coucher. Le mouvement diurne de ces astres se fait
horizontalement en ligne droite : c'est une fausse apparence qui fait croire ce
mouvement circulaire. Cicéron confond probablement Xénophane et Xénocrate,
quand il dit que suivant Xénophane la lune était habitée comme la terre.
M. Desjardins, en faisant hommage à l'académie du 4" fascicule de ses Desi-
derata du Corpus Inscrlpîionum latinarum, qui contient la 3^ série des Balles de
fronde de la République, relève une attaque qui a été dirigée contre lui par
M. Th. Bergk, dans les Jahrbiicher des Vereins von Alterîhumsfreunde im Rhein-
lande, publiés à Bonn. Selon M. Bergk, toutes les balles de fronde publiées par
M. Desjardins sont fausses, et M. Desjardins a été dupe ou complice à'unt falsi-
fication impudente. Depuis que cet article a paru, M. Mommsen y a répondu, dans
la séance de l'académie de Berlin du 5 juin dernier, et a déclaré que l'examen
des originaux avait suffi, pour réfuter l'opinion que M. Bergk avait émise avec une
telle assurance.
M. Benloew, doyen de la faculté des lettres de Dijon, commence la lecture
d'un mémoire destiné à démontrer l'identité des anciens Pélasges et des Albanais
d'aujourd'hui , par la comparaison des anciens noms de lieux de la Grèce avec
les mots de la langue albanaise. Humboldt le premier a remarqué que les noms
anciens de beaucoup de villes espagnoles pouvaient s'expliquer au moyen de la
langue basque, et il en a conclu à l'identité des Basques et des anciens Ibères.
C'est la même méthode que M. Benloew se propose d'appliquer à la question
des Pélasges. Selon l'opinion dominante en Allemagne, les Pélasges seraient les
mêmes que les Grecs. Une opinion moins répandue les regarde comme un peuple
sémitique. Ces deux systèmes sont erronés, selon M. Benloew : les Pélasges
étaient un peuple autochthone, différent des Grecs, mais indoeuropéen. Hahn le
premier, il y a vingt ans, a vu l'identité des Albanais et des Pélasges. Il a sou-
tenu cette thèse par des arguments purement ethnographiques. Le mémoire de
M. Benloew a pour but d'apporter des preuves linguistiques à l'appui de la même
opinion.
Ouvrages déposés : C. Bursian. Ueber den reiigiœsen Charakter des griechischen
Mythos. Miinchen, 1875, i'^-4'' — Monumenta Boica, vol. 42. Edidit academia scien-
tiarum boica. Monachii, 1874, in-4°. — Diverses publications de l'académie des sciences
de Krakovie, en polonais. — J. Roulez. Les légats propréteurs et les procurateurs des
provinces de Belgique et de la Germanie inférieure. S. 1. n. d., in-4\ — Envoyés au
concours des antiquités de la France : Nicétas Périaux : i* Dictionnaire indicateur et
historique des rues et places de Rouen, 1871-2; 2* Histoire sommaire et chronologique
de la ville de Rouen, 1874; 2 vol. gr. in-8°, Rouen. — Présenté par T auteur {cf. ci-dessus):
E. Desjardins. Desiderata du Corpus inscriptionum latinarum de l'académie de Berlin.
Notice pouvant servir de IV* supplément. In-f", p. 53-87, pi. VII-XI. — Présentés par
M. de Longpérier : — Georges Rayet. Les cadrans solaires coniques. S. I. n. d., in-8'.
— Stanley Lane Poole. The coins of the eastern khaleefehs in the British muséum
(catalogue of oriental coins in the British muséum, vol. I). Edited by St. Poole. 1875,
in-8°.
Julien Havet.
'^^f .(.H .H' '
Le propriétaire-gérant : F. y lEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-Ie-Rotrou.
2. Lief. Leipzig, Brockhaus. In-4% p. 1 13-224 (on voudrait voir l'auteur sup-
primer les étymologies fantastiques qu'il donne à quantité de mots). — Leffler,
Nâgra Ijudfysiologiska undersôkningar rôrande konsonantljuden. i. afdel.
Upsala, Akadem. Bokh. In-8°, 120 p. (très-intéressant ouvrage sur la physio-
logie du langage; cette première partie traite du redoublement des consonnes et
de la différence des Media et des Tenues). — Kôstlin, Geschichte der Musik im
Umriss. Tùbingen, Laupp. In-8°, xiij-367 p. (on recommande chaudement cet
ouvrage).
Germania, herausg. v. K. Bartsch. Neue Reihe. Achter Jahrg. 3. Heft. Zur
Heimatfrage Walthers (J. V. Zingerle). — Zur Waltherfrage (J. Ficker). —
Die Quellen der Mâgussaga (H. Suchier). — Angelsaechsische Studien (J.
Strobl). — Zur Textkritik von vier romantischen Saga's (G. Cederschiôld).
— Ein litauisches Sigfridsmaerchen (A. Edzardi). — Nachtraegliches zum jùn-
geren Hildebrandsliede (Von dems.). — Allerlei aus Zeitzer Handschriften
(F. Bech). — Deutsche Handschriften in Paris (J. B^echtold). — Nieder-
saechsische Fastenandacht (H. Martens). — Volksthùmliches aus Nieder-
œsterreich ùber Thiere (G. M. Blaas). — Zum Fiôlsvinnsmâl (H. Môller). —
Lmer^/ur : Zupitza, Altenglisches Uebungsbuch. Wùlcker, Altenglisches Lese-
buch (E. Kôlbing; cf. Rev. criî., 1875, I, p. 360). — L. Schmidt, Des Minne-
sasngers Hartmann von Aue Stand, Heimat und Geschlecht (H. Fischer). —
Weinhold, Die altdeutschen Bruchstiicke des Tractats des Bischof Isidorus von
Sevilla de fide catholica contra Judaeos (E. Kôlbing; cf. Rev. crit.j 1875, II,
p. 74). — Mlscellen : Germanistische Vorlesungen an den Universitaeten Deutsch-
lands, Œsterreichs und der Schweiz sowie in Dorpat im Sommersemester 1875.
— X fur U (R. Kôhler). — Johann von Morssheim, der Dichter des Spiegels
des Régiments (Von dems.). — Zu « lûtbrechic » (Schrôer). — Personal-
notizen.
Anzeîger fur Kunde der deutschen Vorzeit, n° 9, septembre. Buntgla-
sierte Thonwaaren des 15. -18. Jahrh. im germ. Muséum. XV (A. Essenwein).
— Kurtzes Diarium, etc. (D*" Baur, fin). Bruchstiicke einer Pergamenthand-
sehrift des Schwabenspiegels (Rockinger), — Beilage zum N" c). Chronik des
germ. Muséums. — Schriften der Akademieen und historischen Vereine. —
Nachrichten.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
innoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
[evue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
rais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
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Edited by H. Reeve. 4th Edit. 3 vol.
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Liberalism and Sociaiism, considered in
their Fundamental Principles. Translated
from the Spanish by W". M. Donald.
In-80, 356 p. cart. London (Simpkin).
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Ducas Parapinace à Robert Guiscard,
rédigées par M. Psellus et publiées par
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tifs à l'Afrique et à l'Arabie. In-S", xij-
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Hamilton (C.). Oriental Zigzag; or,
Wanderings in Syria, Moab, Abyssinia,
and Egypt. With Illustrations by F.
Wallis, from original Sketches by the
Author. In-S", 308 p. cart. London
(Chapman et H.). 1 5 f..
Hauteclocque(G. de). Étude historique.
Arras et l'Artois sous le gouvernement
des archiducs Albert et Isabelle (1598-
1633). In-8", vj-307 p. Arras (imp.
Courtin).
Hume (D.). Essays Moral, Political, and
Literary. Edited, with preliminary Dis-
sertations and Notes by T. H. Greene
and T. H. Grose. 2 vol. in-S», 978 p.
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Jones (J. W.). Personal Réminiscences
Anecdotes, and Letters of General Robert
E. Lee. In-8«>, cart. New-York. 31 f. 25
Kinglake (A. W.). The Invasion of the
Crimea. Vol. 5. Battle of Inkermann.
In-8°, 548 p. cart. London (Longmans).
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Léger (L.). La langue russe : Leçon
d'ouverture du cours complémentaire de
langues slaves professé à l'école spéciale
des langues orientales vivantes. In-8*,
14 p. Florence (imp. de la Rivista Eu-
ropea).
Lettere (Tre) artistiche inédite (Canova,
Sabatelli^ Bezzuoli)» In-8", 75 p. Firenze
(tip. Suce. Le Monnier).
Luther's Commentary on St. Paul's
Epistle to the Galatians. With Life of
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corrected and revised. In-8', cart. Lon-
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Maine (H. S.). Lectures on the Early
History of Institutions. In-8*, 400
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Norton (C. E.). Catalogue of the Plates
of Turner's Liber Studiorum, With an
Introduction and Notes, With Heliotype
Facsimiles of three Etchings. In-40, cart.
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Ravaisson. (F\). Archives de la Bastille,
documents inédits. Règne de Louis XIV
(1681 et 1665 à 1674). In-8°, viij-507 p.
Paris (Durand et Pedone-Lauriel). 9 tr.
Sieurin (J.). Manuel de l'amateur d'illus-
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nement des livres français et étrangers.
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Southesk (Earl of). Saskatchewan and
the Rocky Mountains : A Diary and
Narrative of Travel, Sport and Adven-
ture during a Journey through the
Hudson's Bay and Company's Territo-
ries en 1859 et 1860. With Maps and
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Spencer (H.), The Study of Sociology.
4th Edit. In-8*', 426 p. cart. London
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Susane. Histoire de la cavalerie française.
T. i". In- 18 Jésus, 317 p. Paris (Hetzel
et C-).
S^v^ainson (C. A.). The Nicene and
Apostles' Creeds : their Literary History
together with an Account of the Growth
and Réception of the Sermon on the
Faith commonly called « the Creed of
» St. Athanasius. » In-8°, 542 p. cart.
London (Murray). 20 fr.
Thomas (I.). The History of Printing in'
America. With a Biography of Printers
and an Account of Newspapers , and a
Catalogue of American Publications
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Collection of Engravings, Harvard Uni-
versity. 24 Plates, with Titles and brief
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Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N" 44 Neuvième année. 30 Octobre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
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Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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G A A A C O ET* O r^ Mémoire sur quelques papyrus du Louvre.
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• 1 1 Ci rV fv Ci 1 les mots de la langue, les noms géogra-
phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement. 2*"^ fascicule.
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24^ FASCICULE.
FTD T î C? r^ Tj T-^ T TT' o Précis de la déclinaison latine.
• oU ELLiilCiLiCirV Traduit de l'allemand par M. L.
Havet, et enrichi d'additions communiquées par l'auteur.
Pour paraître incessamment :
Mr? TV /T r\ 1 r^ r-^ n De la Société de linguistique de Paris. T. III.
h MOIRES ,-feseicule. 4fr,
PÉRIODIQUES.
The Academy, n° 179, new séries, 9 octobre. Drew, The Jummoo and
Kashmir Territories. London, Stanford (F. J. Goldsmid : ouvrage capital; l'au-
teur a été pendant quelques années au service du Maharaja de Kashmir). —
Elze, Essays on Shakespeare. Transi, by Dora Schmitz. London, Macmillan
and Co. (J. W. Hales : recommande à ceux qui étudient Shakspere la lecture
de cet ouvrage; il contient cinq articles sur diverses pièces de Shakspere, un
art. sur ses voyages supposés, un sur Sir William Davenant, un autre sur l'or-
thographe du nom de Sh.). — Ficker, Forschungen zur Reichs- und Rechts-
geschichte Italiens. 4 Bde. Innsbruck, Wagner (A. de Reumont, 2^ art.). —
Scandinavian Literatur (Edmund W. Gosse : littér. moderne). — Halfpenny
Literature in France (M. Betham-Edwards : passe en revue les ouvrages publiés
dans les deux séries intit. L'Instruction républicaine et l'Éducation populaire). —
Correspondence. Michel Angelo's « Création of Adam » (Alfred Higgins : réplique
à M. W. B. Scott; cf. le dernier n°de VAcademy. — M. W. Sanday ajoute une
note pour dire qu'il croit que la figure de fem.me de la Création d'Adam n'est
pas Eve, mais la Sagesse Créatrice, So^fa). — The Judge who Committed Prince
Henry (Alfred Cutbill). — The German Urns with Human Faces (Henry
ScHLiEMANN '. ces vascs funéraires qu'on trouve près de Dantzig paraissent
remonter au commencement de notre ère). — English-Gipsy Songs in Rommany,
with Metrical English Translations. By Leland, E. H. Palmer, and Janet
TucKEY. London, Trùbner (H . T. Crofton ; cette publication n'est pas dépourvue
d'intérêt; mais on pouvait attendre mieux de la collaboration de ses trois édi-
teurs). — Récent Discoveries in a Roman Cemetery at York. I. (James Raine:
passe en revue quelques inscriptions dédicatoires et funéraires ; s'occupera pro-
chainement d'une autre inscription qui contiendrait le nom de la divinité perse
Ahriman).
The Athenœum, n" 2502, 9 octobre. Ingleby, Shakespeare Hermeneutics.
Trùbner (un des plus importants travaux d'exégèse Shaksperéenne qui aient
encore paru; l'auteur s'élève contre la facilité avec laquelle les commentateurs
admettent une corruption du texte quand ils ne comprennent pas un mot ou une
expression; l'étude des auteurs contemporains de Shaksp. donne le plus souvent
la clef de ces termes obscurs). — The Prince of Wales's Visit to India (inté-
ressants détails, à ce propos, sur l'Inde moderne, sur sa population, sur la façon
dont on recevra le Prince. Un poème en sanskrit a déjà paru, qui annonce la
venue dans l'Inde du dernier Avatar). — The Remonstrants' Library at Amster-
dam (F. A. signale la richesse en documents inédits de cette bibliothèque peu
connue). -— Celtic or Gaelic Words in Shakespeare and his Contemporaries. II.
(Charles Mackay).
liiterarisches Centralblatt, n° 41, 9 octobre. Vambéry, Der Islam im
neunzehnten Jahrhundert. Leipzig, Brockhaus. In-8", xj-321 p. (intéressant
tableau de la civilisation musulmane actuelle, réflexions sur ses destinées, sur
l'influence qu'a exercée sur elle et que devra exercer l'Europe, etc. On signale
dans quelques mots arabes cités par l'auteur de bien singulières erreurs). —
Codex diplomaticus Anhaltinus. Herausg. v. 0. von Heinemann. 2. Th. Dessau,
Barth in Comm. In-4°, xviij-622 p. (près de 900 documents de 1212 à 1500
nous sont oflferts; art. très-favorable). — Dutt, The peasantry of Bengal.
London, Triibner. In-8% xj-237 p. (l'auteur, avocat hindou, représente l'état
misérable des paysans du Bengal et suggère les moyens de l'améliorer). —
ScHMiDT, Ad., Pariser Zustaende wœhrend der Revolutionszeit von 1789-1800.
2. Th. Jena, Dufft. In-8°, viij-336 p. (on se souvient que l'auteur a en vue de
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 44 -- 30 Octobre — 1875
Sommaire : 207. Mum, Choix de sentences religieuses et morales, traduites du
sanskrit. — 208. Fischer, Térence imitateur des premiers comiques latins. — 209.
BuRKHARDT^ Guide dans les Archives allemandes. — 210. Lecoy de la Marche,
Le roi René {["article). — 211. Wimpheling, Germania; Murner, Gcrmania nova.
— 212. Les Marguerites de la Marguerite des Princesses, p. p. F. Frank. — 213.
ToBLER, Bibliographie géographique de la Palestine. — Sociétés savantes : Académie
des inscriptions.
207. — J. Muir; Religious and Moral Sentiments metrically rendered
from Sanskrit Writers, with an Introduction, and an Appendix containing exact
translations in prose. London, Williams and Norgate. 1875. ln-8*, 128 p. — Prix :
2 fr. 50.
Cette élégante petite anthologie • est une partie détachée d'un ouvrage plus
considérable dans lequel le savant auteur des Sanskrit Texts se propose de retracer
le développement religieux et moral du peuple hindou. Elle n'en forme pas
moins un ensemble si bien proportionné, si parfaitement arrondi, que l'impres-
sion qui en résulte ne rappelle en rien cette demi-satisfaction que nous laisse
d'ordinaire la lecture d'un fragment. Les 116 morceaux d'inégale longueur
(de 1 à 30 distiques) dont elle se compose, sont empruntés aux principaux
monuments de la littérature sanscrite, depuis l'Atharvaveda-Samhitâ et le
Çatapatha-Brâhma/za, jusqu'aux recueils modernes tels que le Subhâshitâr/iava
et le Bhâminîvilâsa, en passant par les Upanishads, Manu, les poèmes épiques
et les œuvres de la poésie raffinée et courtoise du moyen-âge. Aucune époque
du passé de l'Inde n'est donc absolument exclue de ce petit recueil et, par là, il
se distingue des publications analogues qui ont été faites jusqu'ici. Il s'en
distingue non moins nettement par la pensée une et bien définie qui a déterminé
le choix des morceaux. Les recueils de ce genre antérieurement publiés en
diverses langues de l'Europe sont avant tout des œuvres purement littéraires.
Dans celui de M. M. il y a quelque chose de plus. Bien qu'il porte au plus haut
point le cachet de la perfection littéraire et que, par les grâces de la diction, il
doive charmer les plus délicats, c'est avant tout un livre de doctrine, n'excluant
pas certaines tendances pratiques et inspiré d'un bout à l'autre par une aimable
,et sereine philosophie. Comment les Hindous, quand ils daignaient sortir des
[obscurités de leur théosophie ou de leur sèche casuistique, ont-ils parlé de Dieu
ît du devoir.'' Quelles expressions heureuses et d'un intérêt général ont-ils
rouvées pour ces grands problèmes de la pensée humaine ? C'est pour répondre
ces questions que l'auteur a réuni les matériaux de ce petit livre.
A première vue il semblera peut-être que c'a dû être là une tâche facile. Le
I . Publiée d'abord pour un nombre plus restreint de lecteurs en 2 petites brochures :
Idinburgh, November 1874 et April 1875.
XVI 18
274 REVUE CRITIQUE v r-» ,r^!
génie hindou qui montre relativement peu de vigueur et de souplesse dans la
conception concrète des sentiments moraux, qui est inhabile à leur donner la
réalité dramatique, à les nuancer et à les faire vivre sous la forme d'un caractère,
se montre en effet sans rival dans l'analyse abstraite de ces mêmes sentiments,
dans l'art de les réduire en sentences et de leur imposer des préceptes. D'autre
part, il a su exprimer le sentiment religieux avec une variété, une intensité et
une profondeur qui n'ont été égalées que dans les littératures chrétiennes.
M. M. n'a donc eu que l'embarras du choix : mais c'était là un embarras réel, et
il fallait toute sa vaste lecture au service d'un tact exquis, pour extraire de cette
richesse exubérante, et renfermer en un si petit nombre de pages, un recueil
aussi complet, aussi judicieux et surtout aussi vrai que le sien. En effet, M. M., au
risque de priver son livre de ce piquant que donne l'étrangeté, s'est abstenu des
hardiesses mystiques et des exagérations morales dont la littérature sanscrite
abonde. Il semble avoir évité, plutôt que recherché, une certaine espèce de
sublime, et cela avec d'autant plus d'équité, que la nature même de son livre
l'obligeait d'autre part à laisser dans l'ombre les côtés moins nobles de l'esprit
hindou. Réduit, comme il a soin d'en avertir le lecteur, à n'en donner qu'une
image partielle, et ne pouvant pas atteindre complètement à la vérité locale, il a
tenu du moins à ne pas sortir de la vérité humaine et, avec quelque abnégation
peut-être, il est resté dans une voie moyenne.
Les morceaux du recueil de M. M. sont traduits en vers. Dans notre langue
où il est si difficile de traduire exactement en prose, une pareille tentative est un
tour de force presque toujours funeste à l'audacieux qui l'entreprend. Il n'en
est pas de même dans la langue anglaise. Sans posséder sous ce rapport les
ressources de l'allemand , elle est assez souple dans son vocabulaire et dans
sa versification, pour que le traducteur qui s'impose le joug de la mesure
et de la rime, soit tenu d'être presque aussi irréprochable sous le rapport
de la fidélité que sous celui de l'élégance. Combien les traductions de
M. M. sont élégantes, ce n'est pas à nous d'en juger. Tout ce que nous
pouvons dire, c'est qu'elles nous ont charmé, c'est que, parmi ses compa-
triotes, M. M. est unanimement reconnu pour un maître dans cet art, et que
les imitations en vers d'hymnes védiques qu'il a données dans ses Sanskrit
Texîs sont regardées comme des modèles. Quant à l'exactitude avec laquelle
les originaux sont reproduits, M. M. a mis le lecteur le moins compétent
à même de l'apprécier. Il a donné en effet dans ses notes une traduction
littérale en prose de chaque morceau, et je ne doute pas qu'après quelques
comparaisons, les plus difficiles ne se déclarent satisfaits. — Les notes contien-
nent en outre un grand nombre de passages parallèles empruntés soit aux livres
de la Bible, soit aux auteurs grecs et latins, et ces rapprochements ne sont pas
un des moindres attraits du recueil.
D'après ce qui précède, on a pu voir que le livre de M. M. s'adresse au public
lettré en général. Mais avec l'auteur des Sanskrit Texts, la science, et la science
la plus spéciale, trouve toujours son compte. Sans parler des renseignements
divers que contiennent les notes, la préface est consacrée à un exposé très-
d'histoire et de littérature. 275
complet d'une des questions les plus intéressantes et les plus controversées de
l'histoire littéraire de l'Inde : l'influence exercée par le christianisme ou par
certaines idées chrétiennes sur plusieurs œuvres de la littérature sanscrite. Fidèle
ici encore à sa méthode habituelle de laisser la parole aux faits, M. M. met le
lecteur en état de se former un jugement plutôt qu'il ne cherche à lui imposer le
sien. Il se contente d'exposer les données de la question ainsi que les interpré-
tations diverses qu'on en a fournies; mais il le fait d'une manière si complète, si
impartiale et si lucide, que la conclusion est tout indiquée, sans même qu'il la
formule. Dans l'état présent denosconnaissances, cette conclusion est négative. Et
en effet, si l'on examine dans leur ensemble les preuves sur lesquelles s'appuie cette
prétendue influence, on est étonné de les trouver si légères. C'est ainsi que, voyant
apparaître, à une époque incertaine mais relativement moderne, dans les religions
de Çiva et de Vish/2u, le sentiment nouveau de la bhakti c'est-à-dire de la foi ou
plutôt de la dévotion absolue, passionnée, à un dieu suprême érigée en mérite
souverain et en unique moyen de salut, on ne s'est pas demandé si cette doctrine
ne trouvait pas son explication dans l'évolution normale des religions hindoues,
si le vieil et universel sentiment de la confiance en la divinité (la çraddhâ védique)
n'a pas dû prendre naturellement cette forme chez des sectes arrivées à un
certain monothéisme et qui voyaient leur dieu contesté par des sectes rivales'.
On s'en est emparé purement et simplement comme d'un fait chrétien, et on a
décidé qu'il fallait y voir une copie du dogme paulinien de la foi. La théorie
parfaitement indienne des Avatâras a dû subir des interprétations de même sorte,
et la Bhagavad-gîtâ a été réclamée comme un centon de l'Évangile; si bien qu'à
tout prendre, la religion officielle d'une grande partie de l'Inde n'aurait été, à
un certain moment, qu'une sorte de christianisme déguisé, quelque chose
d'analogue à ce qui s'est vu de nos jours chez les Taïpings de la Chine. Et
quand on s'enquiert des traces qu'auraient dû laisser dans la littérature les com-
munications qu'une influence pareille suppose , on est renvoyé à deux ou trois
récits qui sont à peine des légendes et qui portent tous les caractères de fictions
de remplissage, telles que la fantaisie dévote des brahmanes en a fabriqué à la
douzaine. C'est évidemment trop peu pour soutenir une aussi grosse thèse.
En pareille matière, les règles de la saine critique ne s'accommodent pas de
faits simplement possibles; elles en exigent de positifs.
Il est un point cependant où un contact entre les religions de l'Inde et la
tradition chrétienne est incontestable : les ressemblances qu'on observe entre
l'histoire de Krish/za et celle de Jésus. Après le savant mémoire de M. A. Weber
sur la Knslmajanmâshxamî^ on ne saurait douter qu'il n'y ait là de part et d'autre
iUn ensemble de récits communs. M. M. n'a pas cru devoir toucher à ce côté de
question, et c'est le seul reproche que j'aie à lui faire. En effet, c'est ici seule-
lent que nous nous trouvons en présence de faits positifs, sur lesquels la
I. Le même sentiment a certainement joué un grand rôle dans les religions d'Adonis,
le Sérapis, de Mithra, etc. Le XI* livre des Métamorphoses d'Apulée en est plein. S'en
[suit-il que tout cela soit chrétien?
276 REVUE CRITIQUE
critique ait prise, et, s'il était démontré que les éléments de la vie de Krishna
sont des emprunts faits à l'Évangile, toute la question de l'influence chrétienne
sur les religions et sur la littérature de l'Inde changerait de face. Cette démons-
tration est-elle faite? Je ne le pense pas. M. Weber, qui a soutenu l'affirmative
avec une science qu'on ne saurait assez admirer, ne paraît pas s'être assez
souvenu que ces récits répondent aux éléments les plus manifestement légendaires
de la vie du Christ, et qu'il n'est peut-être pas un seul Oebç SwxYjp ou simple-
ment 'AX£?iy,a7,oç dans la biographie duquel on ne les retrouve plus ou- moins.
Le savant professeur de Berlin croit-il à la réalité historique de l'adoration des
Mages, du massacre des Innocents, de la fuite en Egypte, etc. .? Et dans le cas
contraire, est-il en mesure de prouver que ces traditions se sont formées pour la
première fois en Judée, autour du nom de Jésus de Nazareth.? Je sais qu'il s'est
débité à ce sujet beaucoup de non-sens; mais la critique indépendante n'a pas à
s'occuper de ces excentricités simplement irrévérentes. En présence de ces
récits, elle sent qu'elle touche à un vieux fond mythique devant lequel la question
d'un emprunt direct se complique et tend à disparaître.
Il ne nous reste plus, en remerciant M. M., qu'à souhaiter à son gracieux
recueil un très-grand nombre de lecteurs, sûrs que nous sommes d'avance, que
tout homme lettré, pour peu qu'il aime suivre à travers les âges et chez les divers
peuples les grandes lignes de la pensée humaine, ne manquera pas d'y trouver
du plaisir et du profit.
A. Barth.
9Up Zfi.q
208. — L.-A. Fischer. De Terentio priorum comicorum latinorum imprimis Plauti
sectatore quaestiones selectae. Dissert, inaug. Halis Saxonum, formisKarrasianis. 187J.
ln-8°, 57 p. — Prix : 1 tr. 35. ' ..-^i^
Terentius in fabulis faciendls talem se praesîitit, ut priorum comicorum Latinorum
rationem haberet, quodque illi f eussent, ipse faceret, ita tamen instituit hanc imita-
tionem, ut hominibus graece doctis fabulas suas gratas reddere studeret. (P. 57). Ceux
même qui insistent le plus sur l'imitation de Ménandre dans Térence, et contre
lesquels M. T. a cru devoir soutenir la thèse que nous venons de citer, souscri-
ront sans hésiter à cette thèse; car personne, pensons-nous, n'a jamais voulu
dire que Térence, tout en s'efforçant de conserver mieux que ses prédécesseurs
l'atticisme de leurs communs modèles, n'ait pas eu pour point de départ le
théâtre latin, tel qu'il était en l'an 166. Mais il y a toujours quelque utilité à
étudier en détail ces appréciations de l'histoire littéraire, qui sont fondées sur
une certaine impression générale plutôt que sur l'observation exacte. —
M. T. traite du choix des sujets et des titres ; puis, très-brièvement du nombre
des acteurs et des prologues ; enfin du langage et de la versification. Il reconnaît,
du reste, que le sujet est loin d^être épuisé.
T.
d'histoire et de littérature. 277
20Q. — C. A. H. BuRKHARDT, Hand und Adressbuch der deutschen Archive
im Gebiete des deutschen Reiches, der œsterreichisch-ungarischen Monarchie, der rus-
sischen Ostsee Provinzen und der deutschen Schweiz. Leipzig, Grenow. 1875. In-8',
xiij-208 p. — Prix : 10 fr. 75.
Ce manuel, rédigé avec un véritable esprit scientifique, sera fort utile à ceux
qui auront à travailler dans les archives allemandes, aussi bien dans celles qui
se trouvent en Autriche, dans les provinces baltiques et dans la Suisse allemande,
que dans celles qui relèvent du nouvel Empire. Pour chaque archive nous trou-
vons l'indication, non-seulement des principaux fonctionnaires qui la dirigent et
de l'autorité compétente pour accorder des autorisations de travail, mais encore
la mention de tous les ouvrages qui ont parlé des archives et de leur contenu, et
une courte notice sur la nature des documents qui s'y trouvent renfermés.
210. — Le roi René; sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires
d'après les documents inédits des archives de France et d'Italie, par A. Lecoy de la
Marche. 1875. 2 vol. in-8', xvj-^59 et 548 p. Ouvrage auqueU'Académie des Inscrip-
tions a décerné le premier prix Gobert. — Prix : i j fr.
I.
L'intérêt sympathique que le roi René inspire à la postérité est plutôt dû aux
qualités séduisantes de l'homme qu'aux talents du souverain et du capitaine.
Toutefois, s'il brilla plus dans les lettres et les arts que dans les affaires publiques,
il ne s'ensuit pas que son rôle politique soit effacé et que l'histoire de ses négo-
ciations et de ses guerres soit dénuée d'intérêt. Pour qu'un personnage historique
soit intéressant il n'est pas nécessaire qu'il ait réussi, il suffit qu'il ait été mêlé à
de grands événements et qu'il ait déployé du courage et de l'énergie dans sa
lutte contre la destinée. La vie de René offre ces deux conditions d'intérêt. On
ne pourra plus, en effet, après avoir lu l'ouvrage de M. L. delà M., considérer
René comme un prince plus soucieux de son repos que de sa gloire. Il ne refusa
aucun des états que la fortune lui offrit; s'il se dépouilla de la Lorraine et du
Barrois en faveur de son fils Jean d'Anjou, ce fut seulement parce qu'il reconnut
que la multiplicité et l'éparpillement de ses possessions lui en rendait l'adminis-
tration presque impossible; deux fois il tenta le sort des armes en Italie ; enfin, à
une époque assez avancée de sa carrière, il accepta le trône d'Aragon. Tout cela
ne témoigne pas d'un amour exagéré du repos. Ce qui est vrai, c'est que les
circonstances lui imposèrent une tâche au-dessus de ses ressources et de ses
talents. — Le volume dont nous avons à rendre compte' se divise en deux
parties; la première est une biographie du roi René, la seconde un exposé de
son administration en Anjou. Chacun des chapitres de cette biographie correspond
à l'un des rôles politiques que René fut appelé à jouer et nous transporte dans
I. Un de nos collaborateurs rendra compte du second volume, consacré à l'influence
artistique et littéraire du roi René. iRéd.]
278 REVUE CRITIQUE
un des pays qu'il eut à gouverner et à conquérir. L'énumération des titres de ces
chapitres fera apprécier la clarté du plan : I René enfant CU09-1419), II René
duc de Bar et de Lorraine (141 9- 1458), III René roi de Sicile (143 5-1442),
IV René duc d'Anjou sous Charles VII (1442-1461), René duc d'Anjou sous
Louis XI (1461-1471), René comte de Provence (i 471 -1480).
L'auteur a mis en œuvre avec intelligence et habileté les matériaux nombreux
et pour la plupart inédits que lui ont fournis les Archives nationales, celles des
Bouches-du-Rhône, de Naples, de Milan et de Florence. Son récit est clair et
rapide, mais il ne reflète pas les mœurs, les passions au sein desquelles René a
vécu, en d'autres termes il manque de vie. Soit que la nature ait refusé à M. L.
de la M. ce tact historique qui saisit la différence des milieux, soit qu'avant de
traiter son sujet il ne se fût pas assez familiarisé avec les hommes et les choses
du xve siècle, soit enfin à cause de sa tendance à sacrifier parfois la vérité à la
convention, en présentant par exemple son héros comme un type constant de
fidélité et de loyauté, toujours est-il que son livre est dépourvu de cette couleur
locale qui, discrètement employée, fait le charme de l'histoire narrative. Le style
lui-même avec son élégance académique contribue à fausser l'impression géné-
rale et constitue un anachronisme perpétuel.
Telles sont les qualités et les défauts du volume pris dans son ensemble;
passons maintenant aux critiques de détail. P. 1 5 et 36, M. L. de la M. parle
d'un arrêt du Parlement rendu en 1395 et condamnant Pierre de Craon à aban-
donner à Louis II duc d'Anjou, en remboursement de 100,000 ducats qu'il avait
pris à Louis T"", la terre de la Ferté-Bernard. M. L. de la M., qui n'a pas vu
cet arrêt, s'est trompé sur sa date et sur son objet. Voici la vérité sur cette
affaire. Louis I" avait envoyé son chambellan Pierre de Craon auprès de Bernabo,
duc de Milan, et de Jean-Galeas, comte de Vertus, ses alliés, pour négocier un
emprunt. L'envoyé du duc d'Anjou obtint du duc de Milan 50,000 florins et du
comte de Vertus 40,000 florins ou ducats d'or. Rainaldo de' Orsini, comte de
Tagliacozzo (Reginaldo de Hurchinis, comité de Taillecote), lui remit aussi
10,000 florins. Pierre de Craon s'appropria ces 100,000 ducats. Ajourné au
Parlement en 1^91 après la mort de son maître, il ne comparut pas en personne
et la veuve de Louis d'Anjou obtint défaut contre lui. Il fut assigné de nouveau
pour le 4 avril 1 392. N'ayant comparu que par procureur, un second défaut fut
donné contre lui le 17 juin et il fut cité une troisième fois pour le 18 août
delà même année et pour le 25 février 1393 (n. s.) avec menace, s'il était
encore défaillant, d'être condamné au bannissement et à la confiscation. Il fit
défaut une quatrième fois. En conséquence, le 4 mars 1393 (n. s.) la cour
accorda à la duchesse le profit du défaut et condamna Pierre de Craon à perdre
les fiefs qu'il tenait de la duchesse d'Anjou, à lui rembourser 100,000 ducats et
à rester en prison jusqu'au paiement '. — Louis II n'était pas seulement resté
redevable envers le duc de Bourgogne de quelques objets du trousseau de
Catherine de Bourgogne (p. 27), mais aussi d'une partie de la dot en argent, car
I. Reg. crim. du Pari. X*a 13 f. 126.
d'histoire et de littérature. 279
le 12 mars 1432 (n. s.) René obtint décharge de cette dot en cédant au chan-
celier de Philippe le Bon, Nicolas Rolin, les châtellenies d'Aymeries, de Pont-
sur-Sambre, Raismes, Quartes et Dourlers en Hainaut'. La répartition des
impôts par les contribuables est moins rare au moyen-âge que M. L. de la M.
se le figure (p. 41). D'après une ordonnance de S. Louis, les tailles devaient
être assises dans les villes par des répartiteurs au nombre de six à douze
qui étaient élus au second degré par les habitants 2. — L'accord intervenu
entre Yolande d'Aragon et le cardinal-duc de Bar, et en vertu duquel René
devint héritier présomptif du duché de Bar, semble avoir échappé aux
recherches de M. L. de la M. Nous n'avons pas été plus heureux que lui.
Nous ne lui reprocherons pas non plus de n'avoir pas analysé les moyens pro-
duits par Yolande de Bar et par son frère dans un procès dont le dénouement
seul intéressait son héros. Nous profiterons seulement de cette occasion pour
signaler à ceux qui voudraient connaître les questions débattues entre la reine
d'Aragon et le cardinal, les conclusions motivées présentées par les parties le
12, i^, 19 et 22 décembre 141 8 3. — Nous parlions en commençant delà
partialité de M. L. de la M. pour le roi René. Il y a des cas où cette partialité se
révèle par l'omission de faits qui pourraient nuire au prestige de son héros.
Quand il mentionne le siège de Passavant par René en 1427 (p. 67-68), il ne
nous dit pas que cette place appartenait au dauphin et que René manquait à
cette fidélité qui, d'après son historien, inspira toujours sa conduite. M. L. de
la M. a complètement passé sous silence un autre acte d'hostilité du roi René
contre le parti dauphinois, rapporté par Monstrelet4. En 1428, pendant que
Guillaume de Flavy était assiégé dans Beaumont en Argonne par Jean de Luxem-
bourg, le duc de Bar fit démolir la place forte de Neuville-sur-Meuse, où ce
capitaine dauphinois tenait garnison et qui lui servait de retraite. M. L. de la M.
a craint de diminuer le mérite de René en rappelant les événements qui le déci-
dèrent à rejoindre le dauphin à Reims et à retirer l'hommage que son grand-
oncle le duc de Bar venait de faire en son nom et en vertu de son mandat au
duc de Bedford (70-74). Ni cet acte de foi et d'hommage, ni même le siège et
la démolition de places dauphinoises, n'autorisent, nous le reconnaissons, à
mettre en doute les sympathies de René pour la cause de son beau-frère; toutefois
il fallait dire qu'il attendit les succès de Jeanne d'Arc pour manifester ces sympa-
thies et se séparer franchement du parti auquel il se rattachait par son grand-
oncle et son beau-père. M. L. de la M. obéit à la même partialité en faveur de
son héros quand il se refuse à admettre sa participation au complot tramé à
Angers en 1437. Il se fonde sur ce que cette complicités n'est pas établie par
des preuves authentiques, et il explique l'intervention de René comme celle d'un
1. Bibl. nat. coll. Lorraine , 238, n» 3.
2. Ordon. du Louvre I, 291.
3. Matinées du Pari. X^a 4792 f. 93 V — 98.
4. Ed. Douet d'Arcq, IV, 291.
5. Elle est reconnue par le dernier historien de Charles VII. Beaucourt, Caracûre de
Charles VU, p. 88, 89.
28o REVUE CRITIQUE
conciliateur (p. 150-131). Mais, à défaut d'actes authentiques, toujours rares
quand il s'agit d'une conspiration, le témoignage de Perceval de Cagny, familier
du duc d'Alençon qui était l'un des conjurés, suffit pour prouver que René
trempa dans ces menées'. L'explication de sa conduite dans cette circonstance se
trouve peut-être dans le traité passé par lui avec Charles d'Anjou le 2 août 1437.
En échange du comté du Maine qui lui était constitué en apanage, le favori s'en-
gageait à employer son crédit au profit du chef de sa maison. Cette promesse
peut faire supposer que René avait trouvé son frère trop tiède pour ses intérêts
et s'était joint à ses adversaires pour le renverser ou peut-être seulement pour
l'effrayer. Puisque nous parlons de l'apanage de Charles d'Anjou, nous complé-
terons ce que M. L. de la M. dit de la façon dont il fut réglé par le traité du
5 avril 1441 (p. 2$ 1-2^2. Voy. aussi p. 131- 132). Ce n'est pas seulement le
comté du Maine que Charles d'Anjou reçut alors en apanage; René y joignit le
Château-du-Loir, la Ferté-Bernard, Mayenne-la-Juhel. Charles ne devait jouir
de la baronnie de Sablé qu'après la mort de Yolande d'Aragon à laquelle elle
avait été assignée en douaire 2. Dans le cas où le comte du Maine n'aurait pas
de postérité masculine, l'apanage ferait retour à René ou à ses hoirs mâles, la
descendance féminine de Charles devant se contenter de la seigneurie de la
Roche-sur-Yon et de 40,000 écus d'or. Ces conventions furent ratifiées par le
roi le 7 octobre 1441 ?. — Au sujet des négociations de Louis XI avec les am-
bassadeurs florentins en 1461 et 1462 (n. s.), M. L. de la M. aurait pu consulter
la relation du voyage de ces ambassadeurs écrite par le chancelier de l'ambas-
sade et publiée dans VArchivio storico (série III, tome I, part. i). Ce n'est pas
que ce secrétaire rende compte des conversations du roi et des ambassadeurs,
mais, tandis qu'il garde le silence sur l'audience secrète du 31 décembre 1461,
il nous apprend que le sire de Beau veau, sénéchal de Provence, et le sire de Préci-
gny assistèrent à l'audience privée du 2 janvier 1462 (n. s.). La présence des
ambassadeurs du roi René méritait d'être mentionnée. Elle ne s'explique pas
seulement par les réclamations de la république au sujet d'un corsaire angevin,
mais aussi par l'espoir de la gagner à la cause de leur maître (p. 335-336). Les
ambassadeurs florentins prirent congé du roi le 10 janvier. — M. L. de la M.
s'est trompé sur la date de l'ordonnance en vertu de laquelle les greffes de
l'Anjou durent être baillés à ferme; le roi René prit cette mesure en 1456 et non
en 1457. C'est ce qui résulte de la communication faite le 16 février 1457 (n. s.)
au conseil ducal par le président de la chambre des comptes4. Quant à l'ordonnance
royale rendue un peu auparavant dans le même dessein, et dont René s'inspira,
son existence n'est pas douteuse, puisqu'elle est mentionnée dans cette commu-
nication ; mais elle est restée inconnue aux éditeurs des recueils d'ordonnances
1. Bibl. nat. mss. Duchesne 48 f° 104 v. et 105.
2. M. L. de la M. ne nomme pas la baronnie de Sablé parmi les terres qui formaient
le douaire d'Yolande d'Aragon, p. 35, n. i.
3. Pari, ordonn. Xla 860$ f. 77 v".
4. « Sire il est vray que environ le mois d'aoust derren. passé vous ordonnastes, etc. •
Arch. nat. P 1334*' f. 14$.
d'histoire et de littérature. 281
et à M. Vallet de Viriville, et on serait curieux d'en connaître Tobjet d'une façon
précise. En effet la mise en adjudication des greffes n'était pas en 14^6 une
innovation en France, puisque dès le 10 novembre 1322 Charles le Bel ordonnait
aux baillis et sénéchaux d'affermer aux enchères les greffes, sceaux et geôlages
de leurs bailliages et sénéchaussées '. — Les noms de lieu ne sont pas toujours
ramenés à leur forme actuelle, ce qui déroute le lecteur. Il est question plusieurs
fois de la terre de Chailly en même temps que de celle de Longjumeau. Chailly
s'appelle aujourd'hui Chilly-Mazarin (Seine-et-Oise, arr. Corbeil, cant. Long-
jumeau). C'est en vain qu'on chercherait parmi les dépendances de la baronnie
de Berre une localité du nom d'Alanson (p. 38). Sous cette forme archaïque on
reconnaît sans peine Lançon 2, dans le voisinage d'Istre ou mieux Istres et de
Martigues qui dépendaient de la même baronnie. Le fief de Pocé, près Saumur
(p. 36) doit être identifié avec les localités du haut et bas Poçay que l'on
trouve sur la carte de Cassini dans le voisinage de Bagneux (arr. et cant. Sau-
mur). M. L. de la M. aurait dû déterminer d'une façon plus précise la situation
de la seigneurie de Vandale qu'il place en Provence, et que nous avons vainement
cherchée dans Cassini. Il a probablement reproduit les noms des villes du Bres-
cian occupées en 1453 par les forces réunies de René et de Sforza (p. 280-281)^
tels qu'il les a trouvés dans Simoneta; ces noms s'écrivent différemment
aujourd'hui. Pons-sur-Senne (p. 35, n. 3) est une mauvaise lecture, c'est Pont-
sur-Sambre qu'il faut lire. Doulers (ibid.) lisez Dourlers, Quarte lisez Quartes,
Raimes lisez Raismes, Attenay lisez Athenay (Sarthe, arr. le Mans, cant. la Suze,
com. Chemiré-le-Gaudin). Alluye lisez Alluyes (Eure-et-Loir, arr. Châteaudun,
cant. Bonneval). Auton lisez Authon, auj. Authon-du-Perche (Eure-et-Loir, arr.
Nogent-le-Rotrou). La Basoche lisez la Bazoche, auj. la Bazoche-Gouet. C'est
sans doute par suite d'une faute d'impression, qui devrait être rectifiée à Verrata,
qu'on lit Jehan Dannet au lieu de Dauvet parmi les noms des personnes qui
assistèrent au conseil royal du i^"" avril 146$ (II, 312). En effet le nom du
premier président du Parlement est bien connu de tous ceux qui se sont un peu
occupés du xv^ siècle, et on le trouve correctement écrit dans le premier volume
de l'ouvrage, à l'occasion de la demande que ce personnage, alors procureur
général au Parlement, adressa à René pour obtenir l'extradition de Jean de
Village (I, 295-297). Nicolas Rolin était seigneur d'Authume en Bourgogne et
non d'AAzthume (I, 123). Les conseillers du cardinal-duc de Bar en présence
desquels fut expédié l'acte de foi et hommage de celui-ci au duc de Bedford
s'appelaient Harou^'J et Bouillon et non Haroug ei Bruillon (II, 219)4. C'est
très-probablement ce dernier personnage qui figure dans un autre endroit de
l'ouvrage (I, 115) sous le nom également altéré de Breuillon.
On se tromperait sur l'opinion que nous avons du livre de M. L. de la M. si
1. Ord. du Louvre I, 773.
2. Bouches-du-Rhône, arr. Aix, cant. Salon.
3. Haroué (Meurthe, arr. Nancy).
4. Arch. nat.j Pari. Ordonn. X'a 8605 f. 12 v'
282 REVUE CRITIQUE
on la cherchait uniquement dans les observations qui précèdent. On s'explique
que M. L. de la M., absorbé par la recherche et la mise en œuvre de matériaux
aussi nombreux, n'ait pas eu le temps ou la patience d'identifier tous les noms
de lieu et de personne qu'il a rencontrés sur sa route. Nous devions relever
ces imperfections, mais nous ne pouvons passer sous silence les mérites d'un
livre qui, croyons-nous, résistera dans son ensemble à l'analyse dissolvante de
la critique. Il est substantiel, bien composé, bien écrit ' quoique avec un peu
d'apprêt. Il rectifie les nombreuses erreurs où est tombé le prédécesseur de
M. L. de la M., M. de Villeneuve-Bargemont. Il est enrichi de plus de cent
pièces justificatives inédites et d'un itinéraire, dressé à l'aide des actes officiels,
qui permettra de contrôler les historiens du roi René ; en somme, il est digne de
la haute récompense que l'Académie vient de lui décerner.
G. Fagniez.
211. — Jacobi "Wimpfelîngiî Germania ad Rempublicam Argentinensem.
— Thomae Murneri ad Rempublicam Argentinam Germania nova. — Impressum Ge-
nevae per Juiium Guill. Fick, anno Domini MDCCCLXXIV. (Strassburg, Bull. 1874).
In-4*, 20 p. — Prix : 4 fr.
La présente réimpression, chef-d'œuvre d'exactitude, en même temps que
modèle d'élégance typographique, remet entre les mains du public lettré un
opuscule que bien peu de personnes ont pu se vanter d'avoir jamais aperçu, et
dont la perte a été mainte fois déplorée par les bibliophiles. Il s'agit des pièces
d'une polémique, moitié scientifique et moitié politique, commencée aux débuts
du xv!*" siècle, et que des événements récents ont rendue plus acharnée, comme
aussi plus actuelle que jamais. La plaine entre les Vosges et le Rhin appartient-
elle à la France où à l'Allemagne ? Cette question, si souvent discutée dans les
pamphlets et si souvent tranchée, mais jamais sans appel, par le glaive ou le
canon, un savant alsacien, que ses mérites littéraires et pédagogiques ont placé
au premier rang des humanistes de la fin du xv*^ siècle, Jacques Wimpheling de
Sélestadt, la posait à ses concitoyens en 1 500. Il avait remarqué que dans
Strasbourg se formait un noyau, bien petit et bien caché encore, de sympathies
françaises, et il croyait de son devoir d'exhorter les Alsaciens et surtout Strasbourg
à rester fidèles au Saint-Empire Romain-Germanique, « afin d'y voir fleurir
toujours la liberté romaine et la vertu germaine. » A grand renfort de citations
et d'arguments, les uns plus sérieux, les autres d'une puérilité ridicule, il
démontrait à ses compatriotes que l'Alsace avait été toujours allemande, que
Clovis et Charlemagne avaient été Allemands, et que la France s'arrêtait aux
limites naturelles des Vosges.
Cet écrit publié à Strasbourg, par Jean Pruss, en janvier 1 501, excita quelque
1. Ces qualités brillent surtout dans répisode de la Fausse Pucclle, que l'auteur avait
déjà traité ailleurs.
d'histoire et de littérature. 283
peu Popinion publique, et un personnage bizarre, malheureusement aussi peu
recommandable par ses mœurs qu'il était remarquable par sa verve et son esprit
satirique, le dominicain Murner, entreprit de le réfuter et de prouver que
l'Alsace avait été française, c.-à-d. gauloise, dans le passé. C'était un jeu dan-
gereux pour l'auteur, car on ne plaisantait point à cette époque avec « les
ennemis de l'empire». Aussi Murner eut-il soin de déclarer que c'était au point
de vue de l'érudition seule qu'il attaquait l'écrit de Wimpheling, et de protester
de ses sentiments patriotiques allemands, dans une dédicace au magistrat de
Strasbourg. Mais les autorités de la petite république ne goûtèrent point ses
explications et, par ordre du Sénat, l'édition toute entière fut saisie chez l'impri-
meur Gruninger, au moment où elle allait être mise en vente. Six exemplaires
seulement avaient été déjà livrés à l'auteur ou vendus ; tous les autres furent
détruits. Que sont devenus ces six exemplaires .? L'un d'eux arriva au xvii* siècle
entre les mains du célèbre archiviste strasbourgeois Wencker, et passa avec ses
riches collections à la bibliothèque de la ville; il a péri dans le bombardement
de 1870. Incomplet comme lui, un autre exemplaire se trouve à la biblio-
thèque de Copenhague. Une seule des six plaquettes échappées à la destruction
ordonnée en i$oi, existe encore à la bibliothèque cantonale de Zurich. C'est
sur cet exemplaire qu'un savant strasbourgeois, qui a désiré garder l'anonyme,
a fait réimprimer, disons mieux, facsimiler la présente édition, par M. Fick,
l'éminent imprimeur de Genève; les vieux bois ont été reproduits par la photo-
lithographie, les types copiés avec la plus grande exactitude et une des plus
grandes raretés bibliographiques rendue ainsi à la circulation. Naturellement
Wimpheling n'avait point vu son travail détruit comme celui de son adversaire ;
aussi sa brochure est-elle moins rare, sinon dans l'édition originale, au moins
dans la seconde édition qu'en fit le célèbre satirique Moscherosch, en 1649,
alors que les tendances françaises s'affirmaient de plus en plus en Alsace. Quand
Wimpheling eut appris que Murner préparait un travail pour réfuter le sien, il
tâcha de s'en procurer le manuscrit et rédigea d'avance une réponse : Decla-
ratio... ad mitigandum adversarium. C'est une plaquette sans date ni lieu d'impres-
sion, dont un exemplaire se trouve à la bibliothèque Mazarine, et que Wimpheling
mit au jour malgré la suppression du factum contre lequel elle était dirigée. Des
amis de l'humaniste de Sélestadt, irrités de le voir attaqué par le dominicain,
publièrent également des brochures en faveur de sa thèse : Defensio Germaniae
Jacobi Wimphelingi, etc., auxquelles Murner répondit à son tour par des satires
fort violentes en prose et en vers. Ce qu'il y a d'amusant dans cette querelle,
c'est que, malgré le point de départ tout politique, il n'est plus parlé dans
aucun de ces pamphlets de la question des limites de la Gaule; sans doute on
craignait de voir l'autorité civile intervenir derechef dans une discussion si déli-
cate, et l'on aimait mieux se lancer de gros mots à la tête (cucullatus diaholus,
asinus plumbeus, etc.) que de risquer l'exil ou la prison. L'éditeur a donc bien
fait de ne pas joindre la suite de cette polémique aux deux pièces principales
réunies dans sa plaquette. On sera frappé, en les lisant, du peu d'originalité dans
le raisonnement, du respect servile pour les autorités scientifiques les moins
284 REVUE CRITIQUE
respectables qui s'y montre à chaque instant, chez l'un comme chez l'autre des
deux adversaires. Les polémiques dans le champ de l'ethnographie politique ne
sont pas aujourd'hui peut-être beaucoup plus loyales, ni plus scientifiques
qu'alors, mais du moins on tâche d'être moins puéril et pius correct dans ses
déductions logiques.
E.
212. — Les Marguerites de la Marguerite des Princesses. Texte de l'édi-
tion de 1^47 publié avec introduction, notes et glossaire par Félix Frank. Paris,
Jouaust, 1873-74, 4 vol. in-16 de xcix-i6o, 2J7, 250 et 313 p. — Prix : 10 fr.
le vol.
La Revue critique est fort en retard avec les Marguerites de la Marguerite des
Princesses. Heureusement que les bonnes publications font leur chemin toutes
seules et que, malgré le silence gardé, au sujet de la nouvelle édition des œuvres
poétiques de la reine de Navarre, par les journaux et par les revues, cette
édition est déjà presque épuisée ! Bien des choses expliquent ce grand succès :
la rareté des exemplaires du xvi" siècle (non réimprimés depuis 300 ans), l'in-
térêt du recueil, et, par-dessus tout, l'extrême soin avec lequel, soit typogra-
phiquement, soit littérairement, ont été édités les quatre volumes classés sous le
n* XVI dans la collection du Cabinet du Bibliophile.
MM. Jouaust et Frank ont reproduit le texte de l'édition princeps (Lyon, Jean
de Tournes, 1547 in-8"), mais sans négliger de recourir à l'édition de 15^4,
toutes les fois qu'une leçon leur a paru suspecte. Ils n'ont pas manqué non plus
de rapprocher des deux volumes de 1 547 les pièces qui avaient vu le jour isolé-
ment, avant d'être réunies dans l'écrin des Marguerites. Ils ont ainsi pu corriger
diverses fautes d'impression et nous donner un texte d'une incomparable pureté.
Ai-je besoin d'ajouter que l'orthographe du xvi^ siècle a été religieusement
respectée, et que, suivant la constante habitude de la librairie des Bibliophiles^ on
a seulement modifié l'accentuation et la ponctuation? Les gravures sur bois
intercalées dans le texte de l'édition originale ont été toutes exactement repro-
duites, et, de plus, on a placé, en tête du premier volume, un portrait authen-
tique de la reine de Navarre, gravé à l'eau forte d'après un dessin du temps que
l'on conserve au cabinet des Estampes.
Voici comment les poésies de la sœur de François i^"^ ont été réparties entre
les quatre volumes :
I. Le Miroir de l'âme pécheresse. — Discord estant en l'homme par la contrariété
de V Esprit et de la Chair et Paix par vie Spirituelle. — Oraison de l'âme fidèle à son
Seigneur Dieu. — Oraison à Nostre Seigneur Jésus-Christ.
II. Comédie de la Nativité de Jésus-Christ. — Comédie de l'Adoration des Trois
Roys à Jésus-Christ. — Comédie des Innocents. — Comédie du Désert.
III. Le Triomphe de l'Agneau. — Complainte pour un détenu prisonnier. — Chan-
sons spirituelles. — L'Histoire des Satyres et Nymphes de Dyane. — Epistres de
la Royne de Navarre au Roy Françoys^ son frère.
d'histoire et de littérature. 285
IV. Les quatre dames et les quatre gentilzhommes . — Comédie. — Farce de trop,
prou, peu, moins. — La Coche. — VUmhre. — La Mort et Résurrection d'Amour.
— Chanson faite à une dame. — Les adieu des Dames de chez la Reyne de Navarre
allant en Gascongne. — Enigmes.
Toutes ces poésies sont à étudier, soit quant à la langue, soit quant aux
idées, soit quant aux renseignements de biographie et d'histoire que l'on peut en
extraire. Le talent de l'auteur, qui a été très-discuté, est incontestable, mais il
n'est pas égal, et si quelques pièces sont écrites avec grâce et avec délicatesse,
si quelques-unes même sont vraiment délicieuses, d'autres et en assez grand
nombre sont des plus médiocres. La muse de Marguerite, parfois souriante et
ailée, se traîne parfois péniblement, musa pedesîris. En somme, tout est à lire
dans les Marguerites de la Marguerite, et certaines pages y doivent être relues
et savourées".
M. Fr. a groupé, à la fin de chaque volume, des notes d'une grande
utilité, et son glossaire (t. IV, p. 297-51 3) abonde en excellentes explications et
en curieux rapprochements. Mais ce qui, dans tout son travail, a le plus d'im-
portance et mérite le plus d'estime, c'est l'Introduction. Laissons-le nous dire
lui-même ce qu'il a voulu y mettre et ce qu'en effet il y a très-bien mis (p. ij
et iij) : « En résumant aussi brièvement que possible la biographie de Marguerite
d'Angoulême, j'ai cru devoir indiquer avec précision ce que son éducation, sa
vie, son caractère et ses opinions offrent de plus saillant. Signaler les principales
traces de ces divers éléments dans ses œuvres ; rectifier les assertions hasardées
au sujet de ses poésies; relever certaines erreurs matérielles qu'il importe de ne
pas laisser se perpétuer, voilà encore une tâche que m'imposait le souci d'une
critique impartiale ; enfin la partie bibliographique devait recevoir ici un déve-
loppement spécial. La Notice qu'on va lire n'est donc ni une reproduction ni un
simple abrégé des études antérieures; tout en profitant de leurs indications, elle
les complète et les corrige en plusieurs endroits; et peut-être la figure de
la reine de Navarre s'y dégage- t-elle avec plus de netteté de la réunion des
traits particuliers, recueillis partout avec le plus grand soin. »
M. Fr. a su beaucoup ajouter à ce qu'avaient écrit sur la vie de Marguerite et
sur ses ouvrages Bayle, Génin, Le Roux de Lincy, les frères Haag, M. Littré,
M. de Loménie, M. delà Ferrière-Percy, M. d'Héricault, M. Victor Luro , etc.
Je n'ose pas dire que la biographie de la séduisante princesse ne soit plus à faire,
mais du moins je crois pouvoir déclarer que nul n'aura autant contribué que le
jeune érudit à rendre possible cette définitive biographie. M. Fr. aime et admire
beaucoup Marguerite, mais il ne se laisse pas entraîner, pour cela, dans de
complaisantes exagérations. Le charme qu'après tant d'autres il a subi ne le
rend pas aveugle, mais semble lui donner, au contraire, une clairvoyance toute
particulière pour découvrir la vérité au milieu des récits dissemblables et des
jugements contradictoires. C'est surtout quand il s'agit de défendre son héroïne
1. Je ne m'éloigne pas trop, dans cette appréciation, du sentiment de l'éditeur. Cf.
p. Ivij et Ixxxv.
286 REVUE CRITIQUE
contre certains reproches immérités que sa passion l'inspire heureusement ; son
esprit, naturellement fin, s'aiguise encore dans cette lutte contre les adversaires
de Marguerite et principalement contre ceux qui, sans être des adversaires,
n'ont pas craint d'attribuer à la sœur de François l^'' de coupables amours.
Sans doute on avait déjà prouvé que la flamme incestueuse dont, d'après Génin
et Michelet, le cœur de Marguerite aurait été consumé, n'avait point existé,
mais la pressante et habile argumentation de M. Fr. (p. xxxj-xxxv) achève
de venger Marguerite d'une injure qui n'aurait jamais dû l'atteindre. Après avoir
loué les ingénieuses et sûres rectifications du biographe, je ne louerai pas moins
les observations du bibliographe (p. Ixxxv-xcvij), et, en finissant. Je deman-
derai à M. Fr. une publication qu'il est si capable de rendre excellente, le recueil
des poésies inédites de Marguerite», qu'il pourrait faire précéder du tableau
complet 2 d'une vie dont il a mis sous nos yeux la fidèle et brillante esquisse.
T. de L.
213. — Blbliographica geographica Palestinœ ab anno CCCXXXIII, usque
ad annum M. Auctore Tito Tobler. Dresdae, Libraria G. Schœnfeldia. 1875. In-8*,
27 p. — Prix : I fr. 35.
Cette plaquette, extraite du Neuer Anzeiger fiir Bibliographie u. Biblioîhekwis-
senschaft édité par Petzholdt (1875, fasc. 6, 7, 8, 9), contient la description
de tous les textes concernant la géographie de la Palestine, de l'an 3^3 à
l'an 1000. Déjà M. Tobler avait consacré à cette série, dans son ouvrage
d'ensemble: Bibliographia Geographica Palestine etc., publiée en 1867, sept
pages excellentes; une question posée en 1871 par l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres l'a engagé à refaire entièrement ce travail partiel, qui a mainte-
nant une étendue presque triple du premier ; ce qu'il nous donne aujourd'hui, c'est,
avec quelques légers changements et de rares additions, le mémoire envoyé par lui
au concours dans l'espoir d'obtenir une récompense qui ne lui a point été décernée.
Nul n'a plus que M. T. de compétence pour traiter pareil sujet; explorateur
émérite de la Terre-Sainte, il a été l'éditeur, et l'éditeur irréprochable, de plusieurs
de ces textes dont il entreprend de dresser le catalogue complet; c'est à ce savant
suisse que s'est adressée la Société récemment constituée chez nous, pour la publi-
cation des textes relatifs à l'histoire et à la géographie de l'Orient latin : il a été chargé
du volume I qui renfermera les Pèlerinages en Terre-Sainte (textes latins de 3 3 3 à
1 100). Ce choix heureux est un hommage bien fait pour consoler M. T. d'une
légère déception sur laquelle il eût peut-être mieux valu pour lui ne point insister.
1 , M. Fr. dit à ce sujet (p. Iviij, note i) : « Les manuscrits de la Bibliothèque nationale
» et de l'Arsenal contiennent de véritables richesses qui fourniraient la matière d'une très-
» belle publication. » Un peu plus loin (p. Ix), il rappelle que M. Le Roux de Lincy
goûtait beaucoup les poésies restées inédites et qu'il les appelait « le plus beau fleuron de
» la couronne poétique de notre princesse. »
2. Voir sur ce point le programme de l'auteur (p. xcix). Si, comme je l'espère, M. Fr.
ne laisse à personne l'honneur de réaliser ce programme, je lui recommanderai de cher-
cher dans les documents des archives de Pau tout ce qui est relatif au séjour de Margue-
rite à Nérac et en Béarn.
d'histoire et de littérature. 287
La présente monographie commence avec le Pèlerin de Bordeaux (533) et
finit avec Abou Abd Allah Mohammed el-Bachchâri (988). M. T. passe en revue,
pour chaque ouvrage, tous les mss. connus et les diverses éditions qui en ont
été imprimées, en accompagnant le tout d'observations critiques souvent fort
détaillées, parfois sévères.
Je crois qu'il sera difficile de trouver en défaut l'érudition vigilante et la clair-
voyance de l'auteur, et que cet opuscule est indispensable à quiconque s'occupe
de la Palestine. Peut-être pourrait-on lui reprocher d'avoir omis quelques textes
orientaux, par exemple le Livre des routes et des propinces d'Ibn Khordadbeh,
l'ouvrage d'Ibn Haukal et même celui de Mokaddesy, pour ne citer que ceux
qui me viennent à l'esprit; ces textes, qui renferment de précieux renseignements
sur la Palestine et ne dépassent pas le x^ siècle, rentraient tout naturellement
dans un cadre 011 figurent Istakhri et Bachchâri.
C. Clermont-Ganneau.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 22 octobre 1875.
L'académie met au concours les questions suivantes :
Prix ordinaire : Traiter un point quelconque touchant l'histoire de la civilisation
sous le khalifat;
Prix Bordin : Étude historique sur les Grandes chroniques de France. A quelle
époque, sous quelles influences et par qui les Grandes chroniques ont-elles été
commencées ? A quelles sources les éléments en ont-ils été puisés ? Quelles en
ont été les rédactions successives ?
La séance publique annuelle de l'académie est fixée au $ novembre. M. L.
Renier est désigné pour faire une lecture à cette séance. Il parlera des inscrip-
tions relatives aux historiens Arrien et Velleius Paterculus, dont il a entretenu
l'académie aux séances des 9 juillet et 27 août 1 87 5 .
M. Le Blant termine la lecture de son mémoire intitulé : Polyeucte et le zèle
téméraire. Il achève de montrer que la conduite attribuée à Polyeucte par le récit
qu'a suivi Corneille est contraire aux lois de l'ancienne église. Il cite à l'appui
de cette opinion des exemples tirés, tant de l'antiquité, que de ce qui se passa
en Espagne quand les Musulmans conquirent ce pays et en persécutèrent les
habitants chrétiens. Si le sacrifice de ceux qui allaient s'offrir d'eux-mêmes au
martyre a pu être discuté et a trouvé des défenseurs, les insultes contre la reli-
gion dominante et les actes de violence ont toujours été condamnés. Le concile
d'Elibéris, au commencement du 4° siècle, défendit d'admettre au nombre des
martyrs ceux qui briseraient les idoles païennes. Si donc le fait qui a servi de
thème à Corneille n'est pas apocryphe, le zèle de Polyeucte sortait de la condi-
tion commune, et il n'a pu être reçu au nombre des martyrs que par une déro-
gation aux règles ordinaires.
M. Benloew continue la lecture de son mémoire sur l'albanais et la langue
288 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
des Pélasges. Il expose un certain nombre de rapprochements étymologiques
entre plusieurs anciens noms de lieu de la Grèce et les mots de la langue alba-
naise. Ainsi les mots albanais èvosvtf, èvBep, j'habite, je repose, èvBeiToupa,
evSeiTiJLspa , l'habitation , lui paraissent fournir l'étymologie et le sens primitif du
nom de la ville d'Andanie, ancienne capitale des Léléges ou Pélasges, de plu-
sieurs autres noms tels qu'Andara, Andros, Kel-endéris, etc., d'un grand
nombre de noms de villes dont le mot anda forme la seconde partie (ceux-ci se
rencontrent dans la Troade, la Carie, la Lycie, la Lycaonie, dans toute l'étendue
de l'Asie mineure jusqu'à l'Halys et quelquefois encore au delà de cette rivière),
et des noms comme Nazianzus, Arianzus, etc. Ensuite M. Benloew étudie les
noms qui contiennent la désinence ^y) ((ia, go;), et il y retrouve l'albanais gevB,
lieu, endroit : il explique ainsi les noms de Aépê-/], Aupév;, "Ia6oç, Giaêr;, G-ZjêYj,
'Apiaêv], Aéaêoç, etc. Enfin il explique à l'aide de l'albanais ([j.i).£t, peuple; ter,
îra, tout) les noms de MtXr^xoÇ; TepiJLfXai, etc., et en rapproche d'autres noms
tels que Tpa^jir^Xoç, Tpoia, TpoiC*^v. Il ajoute à ces groupes de mots un certain
nombre d'étymologies isolées, parmi lesquelles on peut citer celles du nom de
l'Olympe, des noms de Pylos, de Dédale, etc., etc.
M. le marquis d'Hervey lit un mémoire sur le pays connu des anciens Chinois
sous le nom de Fousang. Ce pays, connu des Chinois dès le 5^ siècle, a été
identifié avec l'Amérique par Deguignes, dont l'opinion a été combattue par
Klaproth. M. d'Hervey soutient l'opinion de Deguignes, et il apporte à l'appui
des arguments nouveaux. Il cite divers auteurs chinois, inconnus aux savants qui
ont étudié la question jusqu'ici : ces auteurs parlent d'une terre située à une
grande distance à l'est de la Chine, qui ne peut être, selon M. d'Hervey, que
l'Amérique. Il est vrai que les récits chinois relatifs à ce pays contiennent des
faits évidemment fabuleux, mais ces faits peuvent avoir été intercalés après coup
dans une relation originale authentique. On a cité comme une légende fabuleuse
qui devait discréditer les récits des Chinois sur ce sujet la mention d'une nation
d'amazones établie dans une des contrées du Fousang : mais M. d'Hervey fait
remarquer que cette même tradition se retrouve dans les relations des Espagnols
et des Portugais qui ont visité l'Amérique au 16*" siècle, et cette concordance lui
paraît frappante. Quant au système de Klaproth qui voulait que le Fousang fût
le Japon, M. d'Hervey le déclare insoutenable; il y relève diverses sortes d'er-
reurs et de contradictions.
Ouvrages déposés : — Avesta, livre sacré des sectateurs de Zoroastre : traduction du
texte par C. de Harlez. Tome I : Introduction, Vendîdâd. Liège, 1875, in-8°. —
R. C. Childers : A dictionary of the Pâli language. London, 1875, in-4". — La guerre
de Metz en 1^4, poème du XIV* siècle, publié par E. de Bouteiller, suivi d'études
critiques sur le texte par F. Bonnardot. Paris, 1875, in-8°. — H. Vaschalde :
Anthologie patoise du Vivarais (documents inédits); Les poésies de François Valeton
d'Aubenas; Nos pères, proverbes et maximes populaires du Vivarais : trois brochures
in-S", Montpellier, 1875.
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
détruire la légende de la Révolution). — J^ger, Quae fides Tacito in Agricola
habenda sit exponitur, etc. Gœttingen, Dieterich. In-8% 56 p. (l'auteur reprend
la question tant débattue de la tendance de l'Agricola et du degré de confiance
qu'il faut accorder à Tacite, mais sans parvenir à des résultats bien concluants).
— RiUTEi Tanefico, Komatsu et Sakitsi, trad. du japonais p. Turrettini.
Genève, Georg. In-8®, 180 p. (note favorable). — Caix, Osservazioni sul Voca-
lismo italiano. Firenze. In-8°, 32 p. (résumé de la discussion qui s'est élevée
entre l'auteur et M. Storm, à propos des Remarques de ce dernier sur les voyelles
atones du latin, des dialectes italiques et de l'italien, parues dans les Mém. de la Soc.
deling., t. II). — Trùbner's American and Oriental literary Record. Spécial
Number London, Trùbner. In-8", 72 p. (c'est le compte-rendu des travaux du
Congrès international des orientalistes, tenu à Londres en 1 874). — The Ràmâyan
of Vâlmikî transi, into english Verse. By Griffith. 5 voll. London, Trubner
(traduction fidèle; M. Gr. a choisi la récension du Nord, dite de Bénarès).
Mittheîlungen aus der historischen Litteratur. HT année. 4'' Fasc. —
DuNCKER, Geschichtedes Alterthums. Bd. I u. II. Leipzig, 1874 (Th. Zermelo).
— GiTSCHMANN, De Aristidis cum Themistocle contentione politica. Breslau,
1874. 48 p. (Gitschmann). — Leske, Ueber die verschiedene Abfassungszeit
der Theile der Thukydideischen Geschichte des Peloponnesischen Krieges. —
Programm der kœnigl. Ritterakademie zu Liegnitz. 1875 (Bernhard). —
ScHMiDT, Das Leben Konons. Leipzig, 1873. ^^P- In-8"(MEYER). — Bôttger,
Hermann der Siéger. Hannover, 1874. xvj-289 p. In-8° (Abraham). — Beulé,
Tiberius u. das Erbe des Augustus; Das Blut des Germanicus, ùbersetzt v. E.
Dœhler. Halle, 1873-1874. 2 vol. i$o; 170 p. In-8" (Abraham). — Bûcher,
Die Aufstaende der unfreien Arbeiter. 143-129 v. Chr. Frankfurt. 1872. 132 p.
ln-8" (F. B.). — Hertzberg, Die Geschichte Griechenlands unter der Herr-
schaft der Rœmer. 3. Theil : Von Septimius Severus bis auf Justinian I. Halle.
1875. viij-570 p. In-8° (Brockerhoff). — Bestushew Rjumin, Geschichte
Russlands, ùbersetzt v. Schiemann. I. Bd. i. Lief. 160 p. In-8"(RETHWiscH).—
Wenzel, Heinrich's IV Sachsenkrieg. Langensalga. 1875.44p. In-8"(\VENZEL).
— Kœnig, Kritische Erœrterungen zu einigen italienischen Quellen fur die
Geschichtedes Rœmerzuges Kaiser Heinrich's VII. Gœttingen. 1874. ^^ P- ^""^°
(Ilgen). — Palacky, Urkundliche Beitraege zur Geschichte des Hussitenkrieges
V. J. 1419 an. Bd. I. 1419-1428. Bd. II. 1429-1436. Prag. 1873. xiv-5 56 et
547 p. In-8''. — Bezold, Kœnig Sigmund u. die Reichskriege gegen die Hussi-
ten. Mûnchen. 1872. 156 p. In-8°. — Zur Geschichte des Hussitenthums.
Mûnchen. 1874. 114 p. In-8° (Bœhm). — Hoffmann, Landgraf Philipp von
Hessen (Hoffmann). — Der Bauernkrieg um Weissenburg 1525. Nach einem
bei dem Brande der strassburger Bibliothek im Jahre 1870ZU Grunde gegangen
Ms. von Balthazar Bœll. Weissenburg. 1874. 130 p. In-8° (Brocher). —
Zermelo, August Ludwig Schlœzer. Berlin. 1875 (Z.). — Gœrlach, Fùrst
Bismark. Stuttgart. 1875. 207 p. In-8° (E. F.).
The Indian Antiquary, Part XLVI (vol. IV). September 1875. Ed. by Jas.
Burgess. Santâli Folklore (F. T. Cole). — The two Brothers : a Manipurî
Story (G. H. Damant). — Metrical Translation of Bhartrihari's Nîti Çatakam
(C. H. Tawney). — The Dvaiâsharaya (suite). — Religious and moral Senti-
ments freely rendered from sanskrit Writers (J. Muir). — Archaeological Notes
(J. Walhouse). — Sanskrit and old Cjnarese Inscriptions (J. F. Fleet). —
Miscellanea. Pknm. — Map of Ancient India by Col H. Yule. — The Romantic
Legend of Sakya Buddha, by the Rev. S. Beal. — The History of India, by J.
Dowson. — Indian Wisdom by Monier Williams. — The Book of Ser Marco
Polo, by Col. H. Yule.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
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sceaux, emblèmes, couleurs, devises,
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Bordone. L'armée des Vosges et la com-
mission d'enquête sur les actes du gou-
vernement de la défense nationale. Ré-
ponse au rapport de M. U. Perrot. In-8*,
399 p. et i carte. Paris (Le Chevalier).
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Cartier (E.). Étude sur l'art chrétien.
Gr. in-8», viij-99 p. et 8 pi. Paris (F.
Didot frères fils et C').
Correspondance de Charles VIII et de
ses conseillers avec Louis II de la Tré-
moille pendant la guerre de Bretagne
(1488); publiée d'après les originaux par
L. de la Trémoille. Gr. in-8% xij-287 p.
et 3 fac-similé. Nantes (imp. Forest et
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en regard, In- 18, xij-94 p. Paris (5, rue
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Lefèvre (E.). Notice sur la châtellenie
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In-80, xiij-297 p. Pau (Ribaut).
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remarquables, d'un portrait, de fac-similé,
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Montaigne (M. de). Essais, réimprimés
sur l'édition originale de i ^88, avec
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Motheau et D, Jouaust, et précédés d'une
note par M. S. de Sacy. Portrait gravé
à l'eau-forte par Gaucherel. T. 3. In-8",
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taire. In-8*, 28 p. Bourg (imp. Dufour).
Quantin (M.). Histoire des impôts aux
comté et élection d'Auxerre au XVIe s.
(1578-1585. In-8o, 53 p. Auxerre (imp.
Perriquet).
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N" 45 Neuvième année. 6 Novembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
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PARIS
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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FD T î 17 /^ Tj T-i y r7 o Précis de la déclinaison latine.
. t)UllL.rllliLitLrV Traduit de l'allemand par M. L.
Havet, et enrichf d'additions communiquées par l'auteur.
Pour paraître incessamment :
De la Société de linguistique de Paris. T. III,
Mt7TV/r/^Tr^r^C' De la Société de linguistique ae i^ans. 1 . iii.
bi MO IRES ."fascicule. 4fr.
PÉRIODIQUES.
Revue de Tlnstruction publique (supérieure et moyenne) en Belgique.
Nouv. série. T. XVIII. 5^ livr. Quelques réflexions sur la seconde révolution
anglaise de 1688 (Paul Frédériccl). — Explications sur Part poétique de
Boileau (Thil-Lorrain). — Le Codex Bruxellensis du Florilège de Stobée (P.
Thomas, suite). — Comptes-rendus. Historische Syntax der lateinischen Sprache,
von DR/EGEr (0. Riemann). — Les conspirations militaires en 1 83 1 , par Eenens
(Godefroid Kurth). — Cours de langue flamande, par Claes (J. Micheels). —
Varia.
The Academy, n** 180, new séries, 16 octobre. The Camden Miscellany.
Vol. VII. Camden Society (Edward Peacock : utile recueil de documents rela-
tifs à l'histoire de l'Angleterre). — Dutt, The Peasantry of Bengal. London,
Trûbner (James Innés Minchin : l'auteur suggère les moyens d'améliorer la
condition des paysans dans le Bengale). — Sorel, Histoire diplomatique de la
guerre franco-allemande (G. Monod; la Rev. crit. appréciera bientôt cet ouvrage).
— Correspondence. The Bruges M adonna (W. H. James Weale). — Julio Romano
a Sculptor (Hodder M. Westropp). — The Judge whocommitted Prince Henry
(Cléments R. Markham). — Alba Longa (Henry Schliemann : s'est rendu à
Albano, sur le désir de M. Fiorelli, directeur des fouilles d'Italie, pour s'assurer
si l'on trouve des terres cuites ou tout autre produit de l'industrie humaine au-
dessous des laves, et pour découvrir le site d'Albe la Longue : il esquisse la
topographie des lieux, et établit que les dernières éruptions volcaniques remon-
tent aux temps préhistoriques ; on ne doit par conséquent pas s'attendre à trouver
sous la lave aucun objet. M. Schl. croit que le site d'Albe la Longue est Albano
même). — The Jâtaka; with its Commentary. Published by Fausbôll, and
transi, by Childers. London, Trûbner (T. W. Rhys Davids (cette publication,
qui est appréciée à sa juste valeur par tous les indianistes, intéressera aussi les
mythographes ; car les Jâtakas nous offrent souvent le prototype des contes,
fables et récits qui sont devenus en quelque sorte le bien commun de tous les
Aryens. La partie I du vol. I du texte a seule encore paru).
The AthenaBum, n"2 503, 16 octobre. Rousselet, L'Inde des Rajas. Paris,
Hachette (Le prince de Galles doit offrir aux potentats et aux savants de Pinde,
entre autres ouvrages, une traduction anglaise du livre de M. Rousselet; l'auteur
de l'article espère que le prince se ravisera, le livre de M. Rousselet ne pouvant
qu'exalter l'amour-propre national des Hindous). — J. Creagh, Over the Bor-
ders of Christendom and Eslamiah. 2 vols. Tinsley (voyage en Hongrie, en
Servie, en Bosnie, dans l'Herzégovine, la Dalmatie et le Monténégro, et au nord
de l'Albanie, exécuté pendant l'été de 1875; pour servir à l'intelligence de la
question d'Orient). — The Dramatic Works of Molière. Rendered into English
by Van Laun. Vol. II. Edinburgh, Paterson. — The Historians of Scotland.
Vol. VI. Ed. by W. Reeves. Edinburg, Edmonston and Douglas (ce volume
contient la vie de St. Columban, écrite par l'un des abbés du monastère de Hy,
du nom d'Adamnan). — Plato's Phaedo. Transi, by the late M. Cope. Cam-
bridge, University Press (le mérite de cette traduction consiste en sa littéralité).
— The Prince of Wales Visit to India. — Punch (William Tegg : fait connaître
quelques détails inédits sur les commencements de ce journal). — Celtic or
Gaelic Words in Shakspeare and his Contemporaries (Charles Mackay, fin). --
The Gandhara Sculptures (James Fergusson). — The second pseudo-Sesostris
(Hyde Clarke).
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 45 — 6 Novembre — 1875
Sommaire : 214. Lecoy de la Marche, Le roi René (II« articlej. — 215. Gen.
TiLi, Sur la fabrication des tapisseries. —Sociétés savantes: Académie des inscriptions.
214. — Le roi René; sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires
d'après les documents inédits des archives de France et d'Italie, par A. Lecoy de la
Marche. 1875.2 vol. in-8', xvj-559 et 548 p. Ouvrage auquel l'Académie des Inscrip-
tions a décerné le premier prix Gobert. — Prix : 1 5 tr.
II.
Le roi René est resté célèbre et presque populaire surtout à cause de son goût
pour les arts qu'il pratiqua, aima et encouragea dans ses domaines. Nombre de
ceux auxquels sa renommée artistique, transmise jusqu'à nous par des traditions
et des légendes, était familière, ignoraient sa participation à presque tous les
événements de son temps, où, à dire vrai, il ne joua pas les premiers rôles qui
n'étaient à la hauteur ni de son caractère ni de ses talents. Aujourd'hui encore,
pour la plupart des lecteurs, et malgré tout l'attrait qu'elle peut acquérir sous la
plume d'un écrivain habile et disert, l'histoire proprement dite de René d'Anjou
a pour principal intérêt de le placer dans son milieu et d'expliquer son rôle
artistique.
Quel rôle eut réellement René dans le développement de l'art ? Quelle influence
exerça-t-il .? Telles sont les questions que M. L. de la M. avait à résoudre et aux-
quelles il a consacré environ la moitié de son second volume; le reste est occupé
par les pièces justificatives de l'ouvrage. Empressons-nous de dire qu'il apporte sur
ces points bon nombre d'éclaircissements, et que si après lui la discussion n'est
pas close, il aura eu du moins l'honneur d'ouvrir la voie et d'aborder la question
avec les documents et les textes qui seuls permettent une discussion sérieuse'.
Une précédente publication de M. L. de la M. avait déjà beaucoup contribué
à substituer une base certaine aux traditions vagues sur lesquelles s'étaient
appuyés les précédents historiens. Les Extraits des comptes et mémoriaux du roi
René n'avaient pas diminué l'idée qu'on pouvait se faire de l'influence artis-
I. Je n'ai garde d'oublier l'excellent mémoire de M. J. Renouvier, Les peintres et les en-
■lumineurs du roi René, publié en 1857 ^^"^ \es Mémoires de la Société archéologique de Mont-
pellier. Avec le peu de documents dont il disposait, M. R. a fait tout ce qui pouvait se
faire alors. Sa discussion est l'œuvre d'un esprit très- pénétrant et devra toujours être
consultée. Sans partager toutes ses opinions, je me piais à reconnaître l'autorité de sa
critique.
xvi 19
2O0 REVUE CRITIQUE
tique du roi de Sicile. Presque en tout point ils avaient confirmé la tradition
en montrant ses goûts, l'intérêt qu'il prenait aux travaux qu'il commandait,
la surveillance qu'il exerçait. Il avait apparu moins comme un artiste, il est
vrai, que comme un amateur, curieux des procédés des artistes et des artisans,
vivant dans leur familiarité, ne dédaignant pas de se mettre sous leur direction ,
cherchant à transporter dans ses domaines les pratiques des ouvriers de
l'Orient, désireux d'acclimater toutes les branches de l'art, et surtout de ce
que l'on a appelé depuis l'art industriel. Telle était l'impression générale;
-néanmoins ces documents si intéressants , si vivants , si féconds en révélations
sur les œuvres et les artistes, étaient loin de satisfaire la curiosité ; ils l'exci-
taient plutôt en proposant nombre de problèmes à résoudre, en mettant sur la
voie de nombre de recherches. C'est en grande partie le commentaire de ces
textes que présente la partie de l'ouvrage de M. L. de la M. que nous allons
examiner.
M. L. de la M. a suivi dans son travail le plan, excellent du reste, qu'il avait adopté
pour la classification des textes : Architecture, Peinture et sculpture. Objets mobiliers,
Musique et fêtes. Un 5° chapitre est dans son ouvrage consacré à h littérature. Il a
très-habilement tiré parti de ses documents , la lecture de ces cinq chapitres est
fort agréable, et son travail est une contribution importante à l'histoire de l'art au
xv^ siècle. Il est loin cependant de répondre complètement à l'attente du lecteur.
Si, trop souvent, on a témérairement entrepris l'histoire de l'art rien que par
l'interprétation et l'étude des monuments, il est clair cependant que c'est le
travail dont l'histoire de l'art saurait le moins se passer, or M. L. de la M. n'a guère
utilisé que les documents écrits et quelque habileté qu'il ait mise à les commenter,
on ne saurait s'étonner qu'il n'ait pas réussi à leur donner un nouvel intérêt.
Les deux premiers chapitres surtout {Architecture , Peinture et sculpture) sont restés
fort insuffisants. Ne cherchez pas dans son chapitre sur l'architecture quel a
été le caractère de ces manoirs de plaisance qu'a construits l'un des premiers
René d'Anjou, architecture d'un caractère nouveau, singulier mélange des carac-
tères traditionnels du château seigneurial et de la maison de ville, acheminement
vers le château de la renaissance et la villa moderne et qui méritait bien qu'on
l'étudié; n'y cherchez aucune donnée sur l'architecture religieuse des nombreuses
chapelles que le roi de Sicile fit bâtir ou restaurer, il ne vous indiquera même
que rarement les plans ou les vues qui en ont été publiées. Et cependant les
bases d'études étaient faciles, sur une trentaine d'édifices qu'a fait bâtir, amé-
nager, ou restaurer le roi René, il en est une dizaine qui subsistent, et parmi eux,
plusieurs de ces manoirs d'Anjou si intéressants et qui sont sa création la plus
originale. Mais M. L. de la M. qui «s'est élancé sur les traces de René en Provence
» et en Italie » ne les a point vus, et ne sait que rarement s'il en subsiste quelques
vestiges. Il traduit en langage académique ses documents d'archives, paraphrase
plus ou moins heureusement, les marchés et devis, fait avec eux le compte des
chambres, ajoute que les tourelles étaient élégantes, les boiseries ouvragées, les
demeures princières. Il connaît souvent les noms des constructeurs, l'époque de
construction des diverses parties des édifices, sait l'origine et la qualité des
d'histoire et de littérature. 291
matériaux; mais à tous ces renseignements précieux, il a manqué pour leur
donner la vie et les animer, la science de Tarchéologue et l'interprétation que
seule pouvait donner l'étude des monuments encore existants ou de leurs ana-
logues. Privée de cette lumière, son étude est moins attrayante que la lecture
des documents qu'il a mis en œuvre; son style est plus vague, moins exact, moins
piquant aussi que celui du xv« siècle, et de fait, c'est aux Extraits des comptes et
mémoriaux qu'il faudra toujours recourir lorsqu'on voudra sur ces questions des
renseignements exacts. Ajoutons que les détails sur le tombeau de René et sur
celui de la nourrice Typhaine seraient mieux à leur place dans le chapitre suivant
consacré à la sculpture, qu'on ne voit guère non plus comment se rattachent à
l'architecture les renseignements sur les animaux de ses ménageries , que les
digues et tous les travaux contre les inondations de la Loire n'y tiennent pas
non plus par un lien bien étroit. Tout cela occupe 26 pages des 60 du chapitre
sur VArchitecture et même dans le reste il est beaucoup plus question de répara-
tions et de consolidations que d'architecture véritable.
Le chapitre relatif à la peinture et à la sculpture est peut-être de tout le livre
celui qui a été le plus légèrement écrit. M. L. de la M. s'est tout d'abord occupé
de déterminer quelle part de vérité existe dans la tradition qui fait du roi René lui-
même un peintre et un enlumineur. Il a produit à cet égard des témoignages
concluants qui confirment la tradition, il les a rapprochés de ceux déjà produits,
mais il eût pu mettre davantage ceux-ci dans tout leur jour. La lettre de remer-
ciements qu'adressèrent à René vers 1456 les Frères mineurs de Laval, pour
qui il avait « prins tel labour de composer ung image de pitié', » les indices
tirés de ses achats 2, des instruments inventoriés dans son cabinet du château
d'Angers?, la mention de ses « petites et secrètes occupations » dans le Morîi-
fiement de vaine plaisance 4, sont des preuves suffisantes de ce fait. A côté de ces
témoignages M. L. de la M. a cité le passage souvent produit « d'une lettre de Sum-
)) monte. » Ce passage n'est pas tiré de Summonte dont l'histoire de Naples a paru
en 1601 5, mais de Summonzio napolitain qui l'écrivit le 20 mars 1 524 (moins
de $0 ans après la mort du roi René) dans une lettre qu'il adressait à Marcan-
tonio Michèle, gentilhomme vénitien, lettre communiquée par le Cav. Lazzara de
Padoue à Puccini qui en a publié des extraits dans ses mémoires sur Antonello
de Messine^. Il me paraît important d'établir toute la valeur de ce témoignage
qui indique la prédilection de René pour la peinture flamande et sur lequel nous
1 . Lettre publiée dans les Archives de l'art français. T. I, p. 321, rapprochée par M. L.
de la M, d'un article de compte de Jeanne de Laval. T. II, p. 77.
2. Achat de toile pour peindre une Madeleine (Comptes et Mèm. N* 469. Le roi René.
T. II, p. 76). Achat de parchemin pour faire des heures {Comptes et Mèm. N" 489).
3. Voy. entre autres les « fourmez d'oiseaux » et les tableaux représentant des oiseaux.
{Comptes et Mèm. N* 642).
4. Quatrebarbes, Œuvres complètes du roi René. T. IV, p. i.
j. îstoria délia citta e regno di Napoli. 4 vol. in-40. Naples. 1601-1643.
6. Memorie istorico-critiche di Antonello degli Antonj da il Cav. Tommaso Puccini con-
servatore degli stabilimenti délie arti, dell' archivio diplomatico, etc. Firenze. 1809.
In-8*.
292 REVUE CRITIQUE
aurons occasion de revenir'. Celui de Nostre-Dame quoique postérieur n'est pas
non plus à dédaigner, et en le citant, il est bon de ne pas oublier que César de
Nostre-Dame était arrière petit-fils de Pierre de Nostre-Dame, médecin juif, astro-
logue de René qui l'avait converti et lui avait accordé des lettres de noblesse 2.
La preuve faite que René fut peintre et enlumineur, restait à examiner les
œuvres que la tradition lui attribue. M. L. de la M. a fait cette revue trop rapide,
son excuse est qu'il ne les a pas vues. Dire que les raisons qu'on invoque contre
l'attribution au roi René ne sont pas plus probantes que la tradition?, c'est
paraître ignorer que la critique peut trouver quelques bases dans l'étude des
monuments. Même si cet examen doit dépouiller René, il est loin d'être sans
fruit, car, si l'histoire de ces œuvres d'art prouve qu'elles ont été faites à son
époque et dans ses états, elles restent comme éléments indispensables de l'appré-
ciation de son goût et de son rôle artistique. Aussi, au lieu de ne traiter que légère-
ment ce sujet, M. L. de la M. eût dû examiner et étudier les nombreux tableaux du
XV® siècle, conservés dans les églises et les collections de Provence et d'Anjou 4.
Il me paraît insuffisant de dire du Buisson ardent que c'est une « œuvre de
» mérite », et qu'elle a été attribuée à Jean Van EyckJ. Ce tableau souvent
décrit^, qui appartenait avant la révolution à l'église des Carmes et décorait
l'autel ob. était déposé le cœur de René, est incontestablement d'un maître fla-
mand. Si l'ordonnance de la composition et même certains personnages font
penser à Jean Van Eyck, l'attribution est néanmoins impossible, puisqu'on y voit
représentée sur un volet, comme donatrice, Jeanne de Laval reconnaissable à sa
figure pâle et sèche, que ne déridèrent jamais que les jeux grotesques de la Fête-
Dieu, et qu'elle ne fut la femme de René qu'en 1455, c'est-à-dire bien après la
mort de Jean Van Eyck 7. La critique moderne s'accorde en général à faire hon-
1 . Voici le passage : « Etiam de Soa mano pinse bene, et a questo studio fu somma-
» mente dedito, pero secundo la disciplina di Fiandra. » (Ibid., p. 37).
2. César de Nostre-Dame (i ^55-1629) dit entre autres choses que René enlumina une
donation du comté de Provence au roi Louis XI (Histoire et Chronique de Provence. 1614.
In-f*). Témoignage rapporté par M. L. (t. II, p. 86).
3. T. II, p. 70 n. I.
4. Il est à espérer que nous ne tarderons pas à avoir des éclaircissements à ce sujet.
En 1870, le ministre des beaux-arts avait chargé M. A. Michiels « d'explorer l'est et le
» midi de la France pour y chercher les origines de l'école Flamande et y apprécier les
» œuvres nombreuses de cette école qui ornent les églises méridionales. « Une partie du
rapport de M. Michiels qui doit paraître avec la collaboration de M. de Chennevières a
déjà été publiée dans le journal officiel {U art flamand à Dijon. N" des 13, 14, 17, 18,
20, 26 avril 1874).
5. T. II, p. 70.
6. Pour la première fois dans Pitton. Histoire de la ville d'Aix. 1666. P. 227. Puis
dans de Hailze, Les curiosités les plus remarquables de la ville d'Aïx. Aix. 1679. In-8°.
Décrit très-longuement et reproduit au trait dans Millin. Voyage dans les départements du
midi de la France. Paris. 1807-181 1. T. Il, p. 343 à 351 et Atlas pi. XLIX. — Décrit
et reproduit au trait dans Al. Lenoir. Monuments des arts libéraux de la France. Paris.
1840. P. 46 et pi. XLIV. Le meilleure reproduction est encore celle donnée par Quatre-
barbes. Œuvres complètes du roi René. T. I, p. 7. Tous ces auteurs l'attribuent à René
d'Anjou.
7. M. Renouvier (p. 1 2) maintient avec Waagen l'attribution à Jean Van Eyck, en sup-
posant que les volets sont l'œuvre postérieure d'un élève et imitateur. Cette hypothèse n'a été
d'histoire et de littérature. 295
neur de ce tableau au pinceau de Jean Memling qui a dû le peindre entre 1470
et 1475'.
Il eût été à propos d'observer que l'auteur de ce beau tableau, si finement
peint, ne pouvait être celui du panneau du musée dé Cluny {Prédication de la
Madeleine) d'une tout autre pratique, gouache pour ainsi dire, grossier, inhabile.
Ce dernier, au dire de M. de Chennevières^, se rapproche du tableau du cabinet
de M. Roux Alphéran {L'Adoration des Mages). Selon M. Michiels ce dernier tableau
(qui est sur une toile très-légère) serait au contraire un œuvre du xvi' siècle î.
Le tableau des Chartreux de Villeneuve-lez-Avignon {La divine comédie) bien
que je ne le connaisse que par la reproduction au trait qui se trouve dans les
Œuvres complètes du roi René^ ne me paraît pas non plus de la même main que
les précédents et M. Renouvier se trouve d'accord avec Boisserée pour l'attribuer
à Jean Fouquet, attribution vraisemblable J. Parmi les œuvres attribuées à René
et qui ne subsistent plus, M. L. de la M. cite les peintures murales de la chapelle du
Petit-Puy à Baugé^, des emblèmes dans la salle du roi à Arles?, et les attributs
et emblèmes des chambres des manoirs de Chanzé et de Reculée 8; il eut pu
ajouter un Ecce fiomo, que virent Millin et Lenoir chez les Observantins de Mar-
seille 9 et qui n'a plus, à ma connaissance, été mentionné depuis.
admise par aucun de ceux qui depuis ont vu le tableau et n'ont pu découvrir entre les
volets et le panneau principal les prétendues différences de touches signalées par M. Re-
nouvier.
1. Voy. de Chennevières. Recherches sur la vie et les ouvrages de quelques peintres provin-
ciaux de l'ancienne France. T. 1, p. 130. — Marius Chaumelin. Trésors d'art de la Provence
exposés à Marseille en 1861. Marseille. 1862. In-8*, p. 107 à 118. C'est la meilleure
description avec une discussion critique approfondie. — Notes et additions de M. Ruelens
aux Anciens peintres flamands de Crowe et Cavalcaselle. T. II, p. clviij. — M. Michiels
{Histoire de la peinture flamande^ t. III, p. 162 et 202) l'attribue à Jean Van der Meire
auquel il s'est efforcé de reconstituer un œuvre, mais sur des données absolument hypo-
thétiques.
2. Ouv. cit. t. I, p. 141. Une reproduction en couleur de ce tableau se trouve dans
du Sommerard. Les arts au moyen-âge. Album, i" série, p. 38.
3. Ouv. cit. t. III, p. 205. — Voici l'histoire de ce tableau : il appartenait avant la
révolution aux religieuses dominicaines de N.-D. de Nazareth d'Aix (dames de Saint-
Barthélémy); elles le donnèrent au P. Pouillard, grand carm.e d'Aix (qui fut conservateur
du musée du cardinal Fesch. (Voy. une notice sur lui d'Emeric David dans le Moniteur
universel du 23 août 1823). Celui-ci le vendit à M. Sallier, amateur d'Aix, qui le vendit
à M. Porte (auteur d'Aix ancien et moderne) qui le vendit à M. Alexandre de Lestang-
Parade (voy. la description de sa collection de tableaux par C. Gaszynski, Mémorial d'Aix
du 13 juin 1841). Ce dernier le donna à M. Roux-Alphéran (voy. Roux-Alphéran. Rues
d'Aix. 2 vol. in-8o, t. II, p. 241). — Il est reproduit dans les Œuvres complètes du roi
René, t. I, pi. 16.
4. T. I, pi. 13. .
5. Renouvier. Les peintres et enlumineurs du roi René, p. 1 5 , et Boisserée, Lettre sur
les anciennes écoles de peinture françaises, dans le Bulletin du comité historique des arts et
monuments, t. I, p. 106.
6. T. II, p. 77.
7. T. II, p. 78.
8. Extraits des Comptes et Mém. N" 643 et suiv.
9. Millin. Ouv. cit., t. II, p. 343. — Lenoir, Ouv. c/V., p. 46. Rapprochez I' « ymaige
» de crucifix » donnée par René aux Frères mineurs de Laval , et qui contrairement à
l'assertion de M. L. de la M. ne me paraît pas pouvoir s'identifier avec 1' « ymaige de
» pitié » dont il a été question plus haut (t. Il, p. 77).
i94 REVUE CRITIQUE '<>^''îf?'''
M. L. de la M. dit avoir trouvé l'auteur de la peinture qui « surmontait le grand
;) autel des Célestins d'Avignon » et qui représentait le cadavre d'une maîtresse du
roi René. C'est selon lui un Italien du nom de Francesco. M. L. de la M. a fait
ici une confusion. Si l'on se reporte aux documents qui lui ont fourni ce rensei-
gnement, on voit, d'une part, qu'en 1 478 « Francesco Laurens tailleur d'ymaige »» ,
c'est-à-dire sculpteur, présentait à René des «ouvrages d'ymaigerie en painture,»
c'est-à-dire des œuvres de sculpture peintes, suivant le goût de l'époque, et
d'autre part que ce même Francesco faisait pour les Célestins un retable de
marbre représentant la rencontre de J.-C. et des saintes femmes 2. Comment
a-t-il pu confondre ce bas-relief avec la peinture dont on a fait honneur à René ?
Le plus étrange, c'est que M. L. de la M. dit fort bien que ce retable est conservé
aujourd'hui dans l'église de Saint-Didier. Je ne sais en outre où il a puisé que
la peinture attribuée à René avait décoré le grand autel; il faut avouer que c'eût
été un sujet singulier à cette place. Elle n'y était plus au moins en 1739, époque
où la vit le président de Brosses, dont la description méritait d'être citée :
« Dans une de leurs salles (des Célestins) je trouvai le fameux tableau peint en
» détrempe par René d'Anjou, roi de Provence, leur fondateur C'est un
» grand squelette debout, coiffé à l'antique, à moitié couvert de son suaire dont
» les vers rongent le corps défiguré d'une manière affreuse; sa bière est ouverte,
» appuyée debout contre une croix de cimetière et pleine de toiles d'araignées
» fort bien imitées. Au diable soit l'animal qui de toutes les attitudes où il pou-
» vait peindre sa maîtresse en a choisi une d'un si horrible spectacle ! ? »
Cet horrible spectacle , était , paraît-il , du goût de René , et ceci nous amène
à parler de la peinture désignée sous le nom du Roi mort qui représentait le roi
de Sicile sous la forme d'un cadavre encore revêtu d'une partie de ses chairs,
avec la couronne et le manteau, laissant tomber le globe et le sceptre, et qui
ornait son tombeau à Angers. Cette peinture, on le sait, est détruite; M. L. de la M.
l'attribue hardiment à René, mais en l'absence de tout document précis, elle ne
peut servir que comme indice de son goût pour ces représentations allégoriques
assez frappantes, mais vulgaires. Il en faut rapprocher, ainsi que l'indique M. L.
de la M. (p. 84), une miniature d'un livre d'heures qui lui a appartenu, et qui
est non pas « une réduction du tableau du roi mort, » mais une peinture analogue
où l'on voit un squelette coiffé d'une couronne royale 4 ; et aussi ce titre d'un
tableau inventorié au manoir de la Ménitré : La mort qui pique Vamoureux. J
(P- 8i).
1. T. II.
2. Ce François Laurens des comptes du roi René fait songer à Francesco Laurana,
graveur en médaille assez célèbre, qui cisela en 1463 une belle médaille du roi René. Je
n'ai pas les éléments nécessaires pour vérifier ce rapprochement, il faudrait voir le retable
de l'église de Saint-Didier et rechercher ce que l'on sait des particularités de la vie de
Laurana.
3. Le Président de Brosses en Italie. Ed. Didier, t. I, p. 20.
4. Bibl. nat. ms. lat, 1 1 56 a f* 1 13, in-8'. — Cette miniature est gravée au trait dans
les Œuvres complètes du roi René, p. 68.
5. M. Renouvier, cite aussi une Image de la mort de l'église de Saint-Paul de Lyon
attribuée au roi René.
d'histoire et de littérature. 295
Nous savions déjà que, pour les contemporains même de René, « les painctres
» du roy de Cecille ' » avaient constitué un groupe renommé. Bien peu de noms
malheureusement étaient connus, aucun ne pouvait s'appliquer à une œuvre; les
textes mis au jour par M. L. de la M. en ont fait connaître un certain nombre, ont
fourni sur d'autres des renseignements importants, ont montré dans quelle intimité
avec René certains d'entre eux ont vécu. C'est avec raison qu'il a insisté sur l'origine
flamande de la plupart, quoiqu'il n'ait pas cependant mis dans tout son jour
l'influence de la peinture flamande. Dans ses tentatives de rapprochements et
d'identification il a été moins heureux. Il dit à deux reprises (p. 71 et 75) que
René a dû être en rapport avec Jean Van Eyck peu après 1448, mais cette
hypothèse, déjà plusieurs fois émise, ne peut plus se produire depuis que Pon
sait que Jean Van Eyck est mort en 1440 2. Elle n'avait du reste qu'une base
bien incertaine, c'était la lettre adressée par René, pour lui demander des peintres,
à (f maître Jehanot le Flament; ))3 mais les peintres flamands du nom de Jean, les
Jean de Flandre, sont nombreux dans les textes et il n'est guère possible avec ce
seul indice de songer à une identification. On a mis aussi en avant Jean Memling,
mais les premières œuvres connues de celui-ci datent de 1460 environ et en
1448 il devait être à peu près inconnu. Peut-être pourrait-on penser à Jean de
Boulogne qui devint en 1449 peintre et valet de chambre des comtes de Flandre^.
Un des peintres les plus employés à la cour de René était Coppin Delf, M. L.
de la M. a pu ajouter des détails curieux à ce que l'on savait déjà de lui. En disant
que Coppin était un surnom fréquent chez les artisans, M . L. de la M . a paru ignorer
que c'était un prénom, un diminutif de Jacques très-usité dans le Nord. Delf est
une indication d'origine , et à moins de le considérer comme parent de tous ses
concitoyens on ne saurait le rapprocher d'un orfèvre de Bruges nommé Clay de
Delf. Coppin avait orné de peintures et de dorures le tombeau de René, et un
groupe sculpté dit le Domine quo vadis, qu'on ne connaît que par une estampe
du xviii^ siècle. Quoique l'on ait la mention d'autres œuvres de lui, aucune n'a
survécu, ce qui n'empêche pas M. L. de la M. d'écrire avec naïveté : « Les ou-
» vrages de Coppin Delf ne sont pas perdus tout à fait. . . ils revivent en partie dans
)) les dessins qui nous ont été conservés du tombeau de René et du groupe de
» Saumur « {p. 95). Il convient, il est vrai, que ce sont là « des éléments bien
» faibles pour juger son talent,.... » en effet! Il est bon d'observer que toutes
les indications des travaux exécutés par ce peintre ne désignent que des pein-
tures d'attributs, d'ornements et de sculpture. Parmi les autres artistes, M. L. de
la M. me paraît identifier à tort (p. 90) le nom bien français de Georges Trubert,
avec Turlère ou Turlery qui semble être plutôt un Anglais. — « Maistre Gentil
)) paintre » auquel René commanda en 1476 une bannière pour les habitants
1. Jean Robertet à la fin du XV» s. (BibL de l'École des chartes, f série, t. III, p. 69).
2. « Pro Sepullura magistri Johannis de Eyck pictoris, XII. lib. par. » (Extrait du
compte de la fabrique de Bruges pour 144c, Carton, Les trois frères Van Eyck, p. 43).
3. Cette lettre si intéressante a été publiée d'abord par M. Renouvier, puis par M. de
Montaigion dans les Archives de l'art français, t. V, p. 214.
4. Sur Jean de Boulogne, voy. de Laborde. Les ducs de Bourgogne. T. I, n° 1437 et
passim.
296 REVUE CRITIQUE
d'Auriol (p. 96) fait songer à Bartolommeo di Gentile dont le Louvre possède un
tableau daté de 1497 (n° 66).
Tout en indiquant la prédilection de René pour la manière des peintres flamands,
M. L. de la M. dit qu'il eut aussi des sympathies pour «l'École d'Italie» (p. 7O
et il ajoute qu'il fut « à même d'apprécier » Colentino (lisez : Colantonio) del
Fiore, Angelo Franco et le Zingaro, mais précisément ces peintres n'ont été que
des imitateurs des Flamands et peut-être en partie sous l'influence de René. En
ce qui touche Colantonio du moins, nous avons un témoignage important que
M. L. delà M. n'a pas connu: un second passage, rapporté aussi par Puccini, delà
lettre de Summonzio de 1 524, citée plus haut, nous dit que Colantonio avait la
plus vive admiration pour la manière flamande et songeait à aller l'étudier en
Flandre, mais qu'il fut retenu par René qui lui en apprit les procédés ' . C'est à tort
que M. L. de la M. dit que René ne put pas connaître Antonello de Messine en
Italie (p. 72, n. i). Antonello né en 141 4 vint étudier sous Colantonio del Fiore
à Naples en 14382; c'est précisément l'année où René y arriva lui-même. Vasari
en disant qu'Antonello vit à Naples un tableau de Jean Van Eyck appartenant
au roi Alphonse (c'est peut-être le Saint Jérôme qui y est encore) a fort bien pu
ne pas savoir lequel d'Alphonse ou de René régnait à Naples au moment du
passage d'Antonello 3.
Entre Summonzio qui dit que René enseigna à Colantonio la méthode flamande
et Vasari qui raconte qu'Antonello alla en Flandre surprendre les secrets des
Van Eyck, semble exister une contradiction. Si l'on ajoute foi aux paroles de
Summonzio, elles indiquent trop nettement les procédés nouveaux, la peinture
à l'huile (la praîica et la tempera di tal coloré) 4 pour qu'on puisse croire avec
Crowe et Cavalcaselle que ce qui dans les œuvres flamandes faisait l'admiration
de l'artiste napolitain, ce que René lui enseigna, ce fut l'ordonnance, le style,
« les particularités de la composition et du dessin ; » à cet égard, les maîtres
n'auraient pas manqué en Italie, et je crois que le goût flamand n'y a pénétré au
contraire que comme conséquence de l'imitation du procédé , de la technique
flamande. Les témoignages contemporains ne manquent pas sur ce point;
Vasari 5, Fazio'^, Filarete? montrent quelle importance capitale les peintres
1. « La professione di Colantonio era, siccome portava quel tempo, in iavoro di
» Fiandra e lo colorire di quel paese, al che era tanto dedito che aveva deliberalo d'an-
» darvi, ma il re Raniero lo ritenne quà col mostrargli ipso la pratica e la tempera di
» tal colore » (Puccini. Ouv. cit., p. 37).
2. Crowe et Cavalcaselle. Les anciens peintres Flamands. Traduct. Delepierre. T. I,
p. 199 et 205.
3. Vasari. Edit. Lemonnier. T. IV, p. 78.
4. Crowe et Cavalcaselle traduisent ainsi ces mots : « les procédés de sa propre mé-
j) thode » (p. 201). C'est une interprétation impossible.
5. « Conoscevano gli artefici, che nelle pitture a tempera mancavano l'opère d'una
» certa morbidezza e vivacita, che arebbe potuto arrecare Molti avevano, sofisticando,
» cercato di tal cosa ; non pero aveva niuno trovato che buono fusse Fu una bellis-
» sima invenzione ed una gran comodita ail' nrte délia pittura il trovare il colorito a
» olio. »> Il faudrait citer toute la vie d'Antonello (Ed. Lemonnier, t. IV, p. 74-82).
6. « Joannes Gallicus (Jean Van Eyck) nostri seculi pictorum princeps judicatus est
» putaturque multa de colorum proprietatibus invenisse » {Liber de viris illustribus
rédigé en 1457. Ed. de 1745, in-4°, p. 46).
7. « Et anche a olio si possono mettere tutti questi colori. Ma questa e altra pratica
d'histoire et de littérature. 297
attachaient à la recherche des nouveaux procédés, et en même temps combien
l'on fut vivement frappé par les œuvres brillantes, d'une couleur pleine d'éclat et
de transparence, dont la perfection était due en grande partie à de nouvelles
méthodes, que produisirent, dans la première moitié du xv'^ siècle, les peintres
Brugeois. A l'époque où René devint roi de Naples, je ne vois rien d'extraordi-
naire à ce que lui, que nous savons à n'en pas douter par ses comptes, préoccupé
de détails de métier, ait connu, plus ou moins imparfaitement, les procédés
flamands. A ce moment ils n'étaient guère plus un secret, dès 1420 la réputation
des Van Eyck et de leur nouvelle méthode était fort répandue ', on a cité des
marchés pour des tableaux à l'huile commandés à d'autres peintres en 141 9 et
14^42; Cennini, qui écrivait en 1437 son Trattato délia piîtur a, 'âr\T\OT)CQ qu'il
enseigne à peindre à l'huile sur panneau comme le font beaucoup d'Allemands J.
Pourquoi René qui avait été à Lille en 1437» '^^^ ^vait vécu à la cour de Bour-
gogne, qui avait dû fréquenter alors familièrement tant d'artistes, n'aurait-il pas
connu ces nouveaux procédés 4? Rien d'extraordinaire aussi qu'il ne les ait
connus qu'imparfaitement il est vrai, comme Cennini, comme FilareteJ, et que
malgré son enseignement, on ait cru pouvoir découvrir à Bruges de bien autres
secrets, ce qui explique suffisamment le voyage d'Antonello en Flandre; ajoutons
qu'après avoir adopté, imité, les procédés matériels des maîtres flamands, on ne
tarda pas à en subir la manière et à désirer d'être dirigé par eux.
Ceci nous a entraîné bien loin du livre de M. L. de la M., mais je pense que
le témoignage de Summonzio valait la peine d'être discuté; le rôle qu'il attribue
à René dans la diffusion des procédés flamands, dans les relations entre les
peintres flamands et napolitains, méritait qu'on s'y arrêtât quelques instants.
On pouvait espérer que les indications de tableaux qui se trouvent dans les
inventaires ou les comptes de René apporteraient quelques lumières sur son goût ;
» et aitro modo, il quale e bello a chi lo sa fare. Nella Magna si lavora bene in çiuesta
» forma, maxime da questo maestro Giovanni da Bruggia et Maestro Ruggieri, i quali
» hanno adoperato oplimamente questi colori a olio. » (Citation du traité de Filarete dans
Vasari éd. Lemonnier. T. IV, p. 99).
1. Crowe et Cavaiçaselle, Oav. cit., t. I, p. 46.
2. Diericx, Mémoires sur la ville de Gand, t. II, p. 55 et 255.
3. Chapitres 89 à 94.
4. « On assure, dit M. L, de la M. p. 72, qu'il importa en Italie les goûts et les procédés
» flamands et qu'il contribua en particulier à y répandre l'invention ou plutôt le perfec-
» tionnement de la peinture à l'huile dont il recommandait en effet l'emploi à ses artistes
» d'Anjou. » Les deux exemples qu'il cite, les seuls qu'on trouve dans les Comptes et
Mémoriaux, ne sont pas concluants; ils sont l'un de 14^9, l'autre de 1472, encore faut-il
observer qu'il s'agit dans le premier de sculpture et dans le second d'attributs sur une
muraille, or on sait que bien avant les perfectionnements des Van Eyck on employait les
couleurs à l'huile en enduit ou teinte plate, qu'on en peinturait les sculptures et même
partiellement quelques tableaux.
$. « Dimmi in che modo si lavora con questo olio, e che olio e questo? — L'olio e di
» semé di lino. — Non e egli molto obscuro? — Si, ma se gli toglie. Il modo non so;
» se non mettilo intra una amoretta, et lasciavelo uno buono tempo, egli schiarisce »
{Commentario alla vita di Antonello. Vasari, éd. Lemonnier. T. IV, p. 99). Les citations
cju'en ont données les éditeurs de Vasari font bien désirer qn'on publie le traité de Filarete,
écrit à Florence vers 1460 et dont le ms. se trouve à la bibliothèque Magliabecchi.
2"9S REVUE CRITIQUE
jusqu^à présent aucun n'a pu être identifié avec une œuvre existant encore ; —
mais de ce côté tout espoir n'est pas perdu; M. Michiels a dû voir de nombreux
tableaux et quand le livre qu'il annonce paraîtra, il faudra examiner si aucunn^est
mentionné dans les documents publiés par M. L. de la M. loiinoi
(La fin au prochain n"" .) A. Giry.
21 j. — Sulla Manifattura degli Arazzi. Cenni storici raccolti e pubblicati dall'
arazziere Cav. Pietro Gentili romano. Rome, typog. Cuggiani, Santini et C«. 1874.
In-80, 109 p.
Sous le titre qu'on vient de lire, un artiste tapissier italien, M. P. Gëmïli,
naguère attaché à la manufacture pontificale des Gobelins de Rome, a réuni un
certain nombre de notices sur l'histoire de l'art qu'il cultive; il en étudie les
destinées en France, dans les Flandres, en Italie et dans d'autres pays encore, et
en décrit quelques-uns des spécimens les plus beaux.
Nous nous occuperons plus spécialement dans ce compte-rendu de la partie
de son travail qui concerne l'Italie : c'est la seule qui offre quelque nouveauté,
et c'est elle aussi qui renferme le plus de lacunes parce que l'auteur y est aban-
donné à ses propres forces.
La fabrication des tapisseries historiées ne paraît pas remonter bien haut chez
nos voisins, et très-certainement elle n'a pas pris naissance chez eux. Le nom
seul de tentures d'Arras (Arazzi) qu'ils appliquent à ses produits prouve qu'elle
est d'origine étrangère. Ce sont des Flamands de la Flandre française qui ont
importé cet art dans fa Péninsule ; les plus anciens documents connus en font
foi'.
La ville de Sienne a été, selon toute vraisemblance, la première qui ait donné
l'hospitalité aux maîtres venus de delà les monts. Les Documenti per la storia deW
arte senese, de M. Milanesi, nous apprennent en effet que sous la date du 19 no-
vembre 14^8 « Renaldo di Gualiieri de la Magna (ou Mangnia) Bassa, maestro
» di panni di Razo » , Flamand , demanda au conseil de la ville en question
« una provisioncella » pour enseigner son art, et que sa pétition eut un plein
succès. Il en fut de même d'une nouvelle demande faite en 143 9- 1440, à la suite
de laquelle l'artiste reçut, pour la durée de six ans, une indemnité annuelle de
vingt florins 2. Son successeur à Sienne fut « Giaghettus Benedicti de Razzo n
(Giachetto d'Arras). Le 27 octobre 1442 il conclut avec la commune un traité
par lequel il s'engageait à travailler pour elle pendant une période de dix ans,
moyennant un salaire de quatre-vingt-cinq florins par an. Il exécuta de nom-
i. Antérieurement à celte époque, en plein moyen-âge, on faisait déjà venir des tapis-
series de France. Nous en avons une preuve dans la lettre par laquelle un évêque itaijen,
du nom de Léon, prie Guillaume V, comte de Poitou, de lui envoyer un « tapetum
» mirabile » fabriqué à Poitiers (1025). Jubinal, Recherches sur l'usage et l'origine des
tapisseries à personnages dites historiées. Paris. 1840. P. 15-16.
2. T. II, p. 180. M. Gentili n'a connu ni cette pièce, ni les trois suivantes, car il
prétend que la première fabrique de tapisseries de l'Italie est celle de Ferrare.
d'histoire et de littérature. 299
breuses tapisseries pour le Palais public (on en trouvera la liste dans l'ouvrage
de M. Milanesi, II, 212), et fut également occupé par le pape Nicolas V. En
1456, après une absence de quelques mois, il demanda un sauf-conduit pour
rentrer à Sienne où il craignait d'être inquiété par ses créanciers et ce sauf-
conduit lui fut accordé '.
A la même époque (2 juillet 1457) nous trouvons à Florence un autre tapis-
sier flamand « Livinio Gigli de Burgis » ».
En 1463 le conseil des arts de Pérouse signe un traité avec M° « Jacobus,
» alias Jaconino, Filippi Birgieres de Lilla Flandrie, magister Nicholaus ejus
» filius et domina Johanna et domina Micheletta eorum uxores ad praesens com-
» morantes in civitate Perusie. » Ces artistes seront tenus v ad construendos
» pannos de razzo in civitate Perusie et debeant ipsam artem pannorum de
» razzo et modum illos construendi docere omnibus eum adiscere volentibus
» gratis, )) etc. J
En 1464 la ville de Ferrare engage maître Zoane Mille et maître Raynaldo
Grua de Franza « maestri solenni et perfectissimi de l'arte de la Tapezaria ad
ï) introdure in dicta citade epsa arte de Tapezaria 4; » en 1470, selon un témoi-
gnage qui n'est pas bien sûr, des artistes de Bruges auraient travaillé dans la
même ville, où cependant vers la fin du siècle, en 1490, nous ne trouvons plus
qu'un seul tapissier M^ Bernardin, fils du peintre Bongiovanni. Cet artiste ayant
voulu s'expatrier, la commune lui accorda pour le retenir une subvention de
'quatre livres par mois J .
C'est encore à un Flamand, Rinaido Duro, que l'on doit l'introduction à Cor-
tège de l'art de la tapisserie. Le 4 avril 1480 cet artiste reçut 57 ducats d'or
pour prix d'un de ses ouvrages, et en 1496 (27 avril) quelques lopins de terre
que la femme du seigneur du lieu lui céda en récompense de ses services. Il
,mourut entre 1 5 11 et 1 5 12 à Bologne où il avait fixé son domicile^.
Quelques années plus tard, vers 1488, Modène voit se fixer dans ses murs
Antoine Barbanti (peut-être Brabanti, du Brabant), fils de feu Gerardino de
Bruxelles; en 1 528 un autre Flamand, Jean de Gesulis s'établit dans la même
ville7. ^ -- ^^.ii;i...:j ,:..;;,:,i... > ,
La production de tapisseries- MtbHééî "paraît S*ètre bornée à ces quelques
localités pendant le xv^ siècle. A Rome, dans les registres des paiements de la
chambre apostolique, dont j'ai parcouru presque toute la série, je n'ai pas trouvé
1. Milanesi, Documenti, t. II, p. 210-214. M. Milanesi (p. 213) identifie ce Giachetto
avec le Giachetto dont parle Filarete (Gaye, Carteggio I, 205-209). M, de Montaigion
croit au contraire qu'il s'agit dans ce passage de Jean P'ouquet {Archives de l'art français.
2' série, I, 463).
2. Gaye, Carteggio I, 563.
- 3. Giornale di Erudizione artistica. 1873. P. 265-266.
4. Cittadella, Notizie relative a Ferrara. Ferrare. 1864. P. 650. — M. Gentili a puisé
à pleines mains dans le volume, si riche en renseignements de toute nature, du savant
bibliothécaire de Ferrare, sans même le citer.
5. Cittadella, loc. cit.
6. Campori, Gli artisti italiatii e stanieri negli stati estensi. Modène. 1855. P. 32 et 49 j.
7. Campori, Gli artisti P. 32 et 500.
300 REVUE CRITIQUE
jusqu'ici de traces de tapissiers ; les brodeurs par contre (ricamatori) abondent.
Au xvi^ siècle les tentatives d'acclimatation gagnent en étendue et en impor-
tance. Cependant c'est encore dans les Flandres que sont exécutées les tapis-
series du Vatican d'après les cartons de Raphaël '. Il en est de même des tapis-
series de Mantoue, du même maître, qui ont été transportées à Vienne en 1866.
M. d'Arco a montré qu'elles n'ont pas vu le jour dans le bourg de San Giorgio,
près de Mantoue, comme on le croyait, mais bien dans la cité d'Arras^.
Vers 1 5 30, on trouve au service du pape deux tapissiers dont l'un au moins
était Flamand , et dont la présence à Rome ne paraît pas avoir été signalée
jusqu'ici, Pierre Van Aist ou Aelst et Adrien. Le premier touche plusieurs sommes
importantes :
17 juin 1 531. D. Petro Van Aelst tapezario s™ D. N. papae florenos ducentos
pro totidem quos id. d. Petrus occ"" pannorum tapezariae praelibatorum s"'°
D. N. dat. consequi débet.
1 1 nov. 1532. D. Petro de Alst suae S^'' tapeziario duc. quinquaginta auri ...
ad bonum computum credili quod forsan habet seu habebit cum Cam^ occasione
laborariorumJ.
Adrien au contraire paraît surtout occupé de travaux de restauration.
26 juillet 1533- Mag- Adriano tapeziario s"" D. N. papae duc. quinque auri
et solidos decem pro ejus mercede resarciturae certorum tapetorum foreriae
s™* D. N. papae4, etc.
Ce Pierre Van Alst est sans doute le même que celui qui figure dans des
comptes de 1 5 14 et 1 522 publiés par M. Houdoy 5.
Ferrare et Florence sont pendant cette période les deux centres de produc-
tion les plus importants. Je ne m'occuperai aujourd'hui que de la première de
ces deux villes; l'autre aura son tour quand je rendrai compte d'un travail que
M. Conti vient de consacrer aux tapissiers employés par les Médicis et que je
n'ai encore pu me procurer.
Nous savons, grâce à M. Cittadella , qu'en 15 16 Ferrare possédait un
« arazziere » du nom de « Tomaxo de M. Girardino tapeziero; » cet artiste
mettait en gage un « razo a fojame » et un « razo a figure » ^. En 1 525-1 5 30
« Mag, Michael fil. Joannis de Combis de la Argenteria habitator Ferrariae » est
qualifié de u tapezerius » de la duchesse Renée?.
Vers le milieu de ce siècle a lieu l'exécution des huit tapisseries conservées
dans la cathédrale de Ferrare. L'une d'elles porte l'inscription :
1. Vasari, éd. Lemonnier, VIII, 67.
2. Notizïe intorno agli arazzi disegnati da Raffaello. Mantoue. 1867. In-S».
3. Archives d'État de Rome. Mandats de la chambre apostolique 1 530-1 534 i' 55 et
1531-1534, f- 59 V.
4. Mandats. 1 53 i-i 534, f° 93.
5. Les Tapisseries de Haute-Lisse. Histoire de la fabrication lilloise, Lille. 1871. P. 143
et 144.
6. Notizie. P. 651.
7. Ibid.
d'histoire et de littérature. 301
FACTVM
FERRARIiî:
MD
LUI
Elles n'ont pas été faites d'après les cartons des Dossi, comme on l'a cru pen-
dant longtemps et comme le prétend encore M. Gentili (p. 3 3), mais bien d'après
ceux du Garofalo et de Camille Filippi. M. Cittadella a publié le contrat relatif à
cette entreprise; il est en date du 1 5 octobre et nous apprend, outre les noms-
de ces deux peintres, celui du tapissier, qui était Flamand et qui s'appelait
Jean. Le dessin des bordures avait été fourni par un autre Flamand, M^ Lucas •.
M. Cittadella est disposé à voir dans ce Jean le célèbre Jean-Baptiste Rossi ou
Rost, le tapissier des Médicis, qui tissa pour le duc de Ferrare, avec Nicolas
Rossi, les cartons de Jules Romain 2. Sans chercher ici à approfondir cette
question, je me bornerai à faire remarquer qu'un des arguments invoqués par le
savant bibliothécaire est peu admissible. Je veux parler de ia présence dans le
musée de Ferrare de trois tapisseries signées lAN RAES et contenant en outre
un monogramme composé de deux B affrontés entre lesquels est figuré un écus-
son. M. Cittadella voudrait identifier ce Jean Raes avec Jea'n- Baptiste Rost,
mais en cela je me permettrai d'être d'un avis différent du sien. Il résulte en
effet de documents que j'ai publiés dans la Revue des Sociétés savantes^, qu'un
Jean Raes figurait vers 1630 parmi lés meilleurs tapissiers des Flandres, et
M. Darcel, dans le savant commentaire qu'il a joint à ces documents, cite une
tapisserie exposée en 1874 à l'Union Centrale et portant la signature E. RAES,
avec la marque que l'on croit être celle de Bruxelles, c'est-à-dire les deux B
séparés par un écu 4.
A l'exposition rétrospective de Milan (1874), j'ai vu une tapisserie apparte-
nant à la cathédrale de Côme et représentant, d'après le catalogue (n** 1 70), la
mort de la Vierge, avec l'inscription :
FACTVM
FERRARI.E
MDLXII.
Malgré ce certificat d'origine on s'est accordé à lui trouver un aspect flamand 5,
et ajoutons-le, rien ne s'oppose à ce qu'elle ait été exécutée à Ferrare par un
artiste des Flandres. Nous en trouvons en effet deux dans cette ville à Pépoque
à laquelle appartient la tapisserie de la cathédrale de Côme : Gérard Slot, fils de
1. Documenti ed Illustrazioni risguardanti la storia artistica ferrarese. Ferrare. 1868.
P. 164 et suiv.
2. Vasari, X, 110.
3. Cinquième série, t. VIII (nov.-déc. 1874), p. 519.
4. P. 507. Voir toutefois au sujet de cette attribution l'article du même auteur dans
la Chronique des arts du 16 janvier dernier.
5. Voir l'article précité de M. Darcel dans la Chron. des arts, p. î8. La tapisserie qui
s'y trouve mentionnée est probablement la même que la nôtre , bien que le sujet qu'elle
représente soit désigné sous le titre de Pentecôte. La personne qui en a donné une des-
cription à M. Darcel y a en outre découvert un monogramme lormé d'un H et d'un K
accolés (Hans Karcher.?).
■
^02 REVUE CRITIQUE
Jacques Slot de Flandre, qualifié de tapetiarius (i 560-1 $62), et Gérard Molinari,
fils de feu Aries de Bruxelles". En ce qui concerne « mag. Johanes q. Aloysii
» de Carcheria tapezarius illmi D. Ducis » établi à Ferrare en même temps que
Gérard Slot (i 562), nous manquons de renseignements précis sur ses travaux».
Au commencement du xvii^ siècle l'Italie est encore forcée de faire appel soit
à l'industrie, soit aux artistes de l'étranger. M. A. Baschet a publié dans le temps
une série de documents relatifs à des œuvres de tapisseries de Flandre et de
France négociées par le nonce Guido Bentivoglio pour le cardinal Borghèse,
16 10-1621 3. Le précieux Diarium manuscrit du voyage fait en France par le
cardinal F. Barberini en 16254, nous fournit une autre preuve de l'admiration
des Italiens pour les Gobelins qu'ils aperçurent au Louvre, à Notre-Dame, au
château de Fontainebleau et dans une foule de demeures royales ou particulières.
Le rédacteur de ce journal ne manque jamais de les décrire avec soin.
Il est à présumer que ce fut à la suite de cette légation que le cardinal Bar-
berini s'occupa d'établir à Rome une manufacture d' « arazzi » dont les produits
pussent rivaliser avec ceux qui l'avaient si fortement frappé pendant son séjour
en France. Ce projet n'eut pas de suite , mais la correspondance à laquelle il
donna lieu abonde en renseignements nouveaux sur l'état de la fabrication, tant
en Italie que de l'autre côté des Alpes J.
D'après M. Gentili ce n'est qu'en 1762, sous Clément XI, que Rome posséda
enfin un atelier de tapisseries. Je ne m'étendrai pas sur cet établissement qui
fonctionne encore, bien qu'il ait été enlevé au pape en 1870, lors de l'entrée des
Italiens, et je me contenterai de renvoyer à l'ouvrage de M. Gentili qui l'a étudié
avec assez de développements.
En ce qui concerne la plus jeune des manufactures italiennes de tapisseries,
celle de Naples , M. Gentili n'a fait que la mentionner, sans nous fournir ni
dates, ni renseignements positifs. Il lui aurait cependant été facile de se procurer
ces éléments. Les archives d'État de Naples les lui auraient fournis. Nous
y voyons par exemple que la manufacture de cette ville recruta une grande partie
des artistes de celle de Florence, supprimée à la mort du dernier des Médicis.
Les lettres ci-jointes, l'une écrite en italien, l'autre en espagnol, contiennent à ce
sujet quelques indications curieuses.
Essendo che il di 9 novembre 1737 partisse di Firenze Domenico del
Rosso, e Gio. Francesco Pieri , si come il di 1 2 dicembre partirono Ant. Luigi
Minchioni, Marco Gosier, Carlo Mugnai, Bastiano Pieroni, et Orlando Filippini,
i quali furono animati dal P. Rev. Ascanio, che gli douesse correre dal' di
suddo quel soldo, etc.
1. Cittadella, Documenti, p. 168.
2. Cittadella, loc. cit.
3. Gazette des beaux-arts. \" série. XI. 406-41 5. XII. 32-45.
^^'4. Bibl. nat. de Naples. E. 54.
5. Voir la Revue des Sociétés savantes. Cinq, série, t. VIII, p. 509-520. — M. Gentili
n'a pas connu cette correspondance qui est conservée à la Bibl. Barberini.
d'histoire et de littérature. ^03
Partiendo de esta ciudad para la de Napoles Domingo del Rosso, y Francisco
Pieri oficiales de la Tapizeria del Ser. S. Duque difunto, che per aver sido des-
pedidos de este servicio, passan a emplearse en el de Su Mag. Siciliana, etc.
(Florence, 6 nov. 1737 ').
Un autre document, postérieur de quelques années (il est joint à une lettre
du 3 février I740> "^us apprend quels étaient les appointements et les occu-
pations des différentes personnes attachées à la manufacture.
Relazione de Professori Arazzieri, Giovini e Persone impiegate con soldo nella
Reale Tappizzeria d'arazzi colla specificazione di loro salarii ed occupazioni che
anno presentemente.
Professori. Salario mensuale.
Domenico del Rozzo capo maestro, e direttore delli altri Professori e Giovini
lavora nelP arazzo rapresentante l'aria ad una figura di nudo che dénota un
vento. Ha di salario docati venti al mese ed il quartiere. d. 20
Cario Mugnai lavora nel sud. Arazzo ad una figura che dénota la notte
che sparisce (le logement). 17
Bastiano Pieroni di présente è amalato (le logt.). 17
Marco Gosier lavora nel sud. Arazzo al terreno, e sassi sottoposti a venti
(le logt.) ^ 17
Bernardino Cavalieri lavora nel sud. Arazzo alP aria e nuvole (logt.). 17
Antonio Luigi Minchioni lavora nel sud. Arazzo alla fregiatura (logt.). 17
Antonio Valenti lavo^a^ neli' Arazzo che ha a rapresentare l'acqua alla
fregiatura (logt.). 9, ,..-^ 15
Oriando Filippini lavora nel 3° Arazzo alla fregiatura (logt.). . . , ;iJ.J
Il y avait en outre six jeunes artistes avec des appointements variant de 3 à è
ducats par mois, quatre autres sans salaire, un comptable, un domestique et
enfin un modeleur en cire, Jean-François Pieri qui paraît avoir été une sorte
d'administrateur et qui recevait 2$ ducats par mois, outre le logement 2.
On voit par ce qui précède combien l'ouvrage de M. Gentili est incomplet;
on voit aussi combien il reste à faire pour composer une bonne histoire de la
tapisserie italienne. Eug. MiiNTZ.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 2^ octobre 1875.
Le ministre de l'instruction publique transmet à l'académie un troisième rap-
port de M. Victor Guérin sur sa mission en Palestine, et divers documents épi-
graphiques arabes envoyés par M. Cherbonneau.
M. Biehlen, de Berne, adresse à l'académie des photographies de plusieurs
gemmes qui lui appartiennent, et qui lui paraissent intéressantes au point de vue
archéologique.
1. Segretaria délia Casa Reale. Reali Musei. Quadreria lavoratorio di Pietredure,
scuola di disegno. Pittura; arazzeria. filza I 1737-1739 (n* 927).
2. Naples. Archives d'État. Segretaria délia Casa Reale. filza 928 (1741-1742).
^04 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
M. de Witte lit un mémoire sur le Mercure tricéphale gaulois. On a trouvé à
plusieurs reprises dans les environs de Reims de petits cippes de pierre qui
portent l'image d'une divinité barbue à trois visages, Pun de face et les deux
autres de profil ; on a considéré ce dieu comme un Mercure spécialement adoré
à Reims. Mais comme des images semblables ont été trouvées depuis dans
d'autres localités, à Laon, à Paris et dans le département de Saône-et-Loire, il
faut croire que ce dieu à trois visages n'était point une divinité locale des envi-
rons de Reims, mais une divinité nationale gauloise. M. de Witte présente divers
rapprochements entre ce dieu tricéphale de la Gaule et d'autres divinités à trois
têtes que l'on retrouve dans presque toutes les parties du monde connu des anciens.
L'académie se forme en comité secret pour entendre un rapport de la commis-
sion de l'école d'Athènes.
M. de Longpérier lit une note intitulée Les plus anciens bronzes du monde,
dans laquelle il signale deux statuettes égyptiennes de bronze qui sont parvenues
récemment à sa connaissance, et qui prouvent que l'industrie des bronzes d'art
remonte à une plus haute antiquité qu'on ne l'avait cru jusqu'ici. M. de Long-
périer rapporte l'une de ces deux statuettes au seizième siècle avant notre ère.
C'est certainement, dit-il, le plus ancien ouvrage d'art en bronze aujourd'hui connu.
M. de Wailly commence la lecture d'un mémoire intitulé Observations sur la
langue de Reims au treizième siècle. M. de Wailly a pris pour base de cette étude
le texte d'un registre du greffe de l'échevinage de Reims, commencé en 1248 et
terminé en 1299. Ce registre contient un grand nombre d'articles divers écrits
au jour le jour et par des mains différentes : on est donc bien sûr qu'il donne
exactement la langue de Reims à l'époque où il a été rédigé, sans perturbation
causée par les habitudes particulières d'un copiste. Ce registre a été publié par
M. Varin dans les Documents inédits sur l'iiistoire de France; en outre M. de
Wailly en a vérifié le texte sur le manuscrit, qui lui a été prêté par la ville à cet
effet. Le résultat de l'étude qu'il en a faite a été de constater une très-grande
ressemblance entre la langue de ce registre et celle des chartes de Joinville.
C'est pourquoi il a pris pour base de son présent travail son précédent Mémoire
sur la langue de Joinville, se bornant à indiquer les points par lesquels la langue
du registre de l'échevinage de Reims diffère de celle qu'il avait étudiée 'dans ce
mémoire.
Ouvrages déposés : — Histoire de la ville et de tout le diocèse de Paris, par l'abbé
Lebeuf, nouvelle édition par Cocheris, t. 4, i« livraison, in-S". — Le rituel brahma-
nique du respect social, traduit du sanscrit par Ch. Schœbel (extrait des mémoires du
congrès provincial des orientalistes). — XIOTHS, "laxopia xoù 'Itoviou xpàtouç, in-S».
Présentés : — par M. L. Renier : Edm. Blanc, Notice sur l'épigraphie grecque et
romaine de Vence et de ses environs (extrait des mémoires de la société des sciences
naturelles et historiques de Cannes, t. 4, p. 126-200); — par l'auteur : Ravaisson,
Projet d'un musée de plâtres (extrait de la Revue archéologique); — par M. de Long-
périer : P. PiERRET, Dictionnaire d'archéologie égyptienne; Paris^ imprimerie nationale.
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
Literarisches Centralblatt, n" 42, 16 oct(rt)re. Smend, Moses apud pro-
f)hetas. Halle, B. d. Waisenhauses. In-8°, 76 p. (thèse de licence en théologie;
'auteur se montre au courant de la science). — Kluckhohn, Beitraege zur
Geschichte des Schulwesens in Bayern vom 16. bis zum 18. Jahrh. Miinchen,
Franz in Comm. In-8°, 7 1 p. (excellente contribution à l'histoire de la pédagogie).
— De Goeje, Das alte Bett des Oxus (cf. Rev. crit., 187^, II, p. 149). —
MÙLLER, J. J., Nyon zur Rœmerzeit. Zurich, Attenhofer. In-4", 50 p., 5 pi.
(Histoire et antiquités de la colonie romaine de Julia Equestris Noviodunum).
— Elliot, The History of India. Ed. by Dowson. Vol. VI. London, Trùbner.
In-8", $74 p. (période musulmane; recueil des histoires d'Akbar et de Djahân-
ghîr). -— KuHN, Beitraege zur Pâli-Grammatik (cf. Rev. crit. 1875, II, p. 33).
— The Jâtaka published by Fausbôll and transi, by Childers. Text Vol I,
part I. London_, Trùbner. In-8% viij-224 p. (article très-favorable).
La Rivista Europea. Qctobre 1875. — V, de Tivoli, La Giudiîa de Michel
Angelo (attribue à Michel Ange une Judith de Londres attribuée jusqu'ici à
Bronzino). — F. Dini, Il cristianesimo e la critica moderna. — A. de Guber-
NATis, Bernardino Zendrini. — G. Ferraro, Curiosità Storiche (I. Marfisa :
ce personnage fantastique a pour original une Marfisi, fille naturelle de François
d'Esté, morte en 1608. II. Projet de partage de l'empire ottoman écrit au xvi* s.
et conservé en manuscrit à la bibliothèque municipale de Ferrare). -— V.
Valeriani, I metodi del Duhamel e la logica del Condillac (suite). — G. Piaz-
zoLi, Camille Desmoulins (suite). — F. Taffiorelli, I giardini d'infanzia nella
scienza pedagogica. — Lettere inédite di Carlo Troya (sur Dante, adressées au
duc de Sermoneta). — Bulletin littéraire français, italien et slave.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-proroptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Becq de Fouquîères (L.). Documents
nouveaux sur André Chénier et examen
critique de la nouvelle édition de ses
oeuvres, accompagnés d'appendices rela-
tifs aux marquis de Brazais, aux frères
Trudaine, à F. de Pange, à M- de
Bonneuil, à la duchesse de Fleury. In- 18
Jésus, xij-376 p. Paris (Charpentier).
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Boutaric (E.). Vincent de Beauvais et la
connaissance de l'antiquité classique au
XIII' siècle. In-8% jj p. Paris (Palmé).
Claretie (J.). Camille Desmoulins. Lucile
Desmoulins. Étude sur les dantonistes ,
d'après des documents nouveaux et iné-
dits. In-B', 496 p. et port. Paris (Pion
et Ce). 8fr.
Gurtius (E.). Griechische Geschichte.
Zeittafel u. Register zu Bd. Mil. In-S»,
107 S. Berlin (Weidmann). 2 fr. 15
Delitzsch (J.). Das Lehrsystem der rœ-
mische Kirche dargestellt u. beieuchtet.
I . ThI. Das Grunddogma d. Romanismus
oder die Lehre v. der Kirche. In-8*, vj-
413 S. Gotha (Besser). 10 fr. 75
Du Camp (M.). Paris, ses organes, ses
fonctions et sa vie dans la seconde moitié
du XIX' siècle. T. 6' et dernier. In-8',
$86 p. Paris (Hachette et C'). 7 fr. jo
Fleury (P. de). Inventaire sommaire des
sceaux originaux des archives de la
Haute-Marne. In-S", 23 p. Paris (Du-
moulin).
Gaullieur (E.). Les Gascons et l'artillerie
bordelaise au siège de Fontarabie (1521
à 1 524). Gr. in-S", 66 p. Bordeaux (imp.
Gounouilhou).
Orléans (G, d'). Poésies complètes, revues
sur les manuscrits, avec préface, notes et
glossaire par G. d'Hèricaut. T. 2. In-i6,
320 p. Paris (Lemerre). 2 fr. jo
Hahn (K. A.). Mittelhochdeutschè Gram-
matik. Neu aus^earb. v. F. Pfeif'^r. ;
Ausg. In-80, XYi]-2i I S. Frankfurta. M.
(Winter). 4 fr.
Horace, œuvres. Traduction en vers par
le comte Siméon. T. 3. Notes et com-
metitaires. In-8", xiij-464 p. et 1 port.
Paris (Lib. d. Bibliophiles).
Jellinek (A.). Abraham Ferkowitsch,
das religiœse Oberhaupt der Karaeer (In
hebr. Sprache). In-S», iv-15 S. Wien
(Winter). ' ^r. 3 5
Krumbholz (A.). Quaestionum Theocri-
tearum spécimen primum. In-8*, 33 S.
Berlin (Mayer et Muller). « "". 3 j
Labeyrie (E.). Étude historique sur la
vie du cardinal Pierre de F'oix, dit le
Jeune, évêque de Vannes et administra-
teur du diocèse d'Aire, 1449-1490. ln-8*,
42 p. Paris (imp. V* Vignancour).
Leibniz (G. W.). Philosophische Schrif-
ten, hrsg. v. G. J. Gerhardt). i. Bd.
In-4», xj-427 S. Berlin (Weidmann).
14 fr. 75
LemairefE.). Étude sur Tibère, impartie.
Vie de Tibère jusqu'à son avènement à
l'empire (de 42 av. J. -G. à i4ap.J.-G,).
In-8«, 38 p. Saint-Quentin (imp. Poette).
Lindner (T.). Geschichte d. deutschen
Reiches vom Ende d. 14. Jahrh. bis zur
Reformation, i. Abth. Geschichte d.
deutschen Reiches unter Kœnig Wenzel.
I. Bd. In-8% xvj-436 S. Braunschweig
(Schwetschke u. Sohn). 10 fr. 7 s
Marci diaconi vita Porphyrii episcopi
Gazensis éd. ex codice Vindobonensi
ms. hist. graec. III a M. Haupt. In-40,
47 S. Berlin (Dummler). 4 fr.
Michaelis (G. T.). De ordine vitarum
Êarallelarum Plutarchi. In-S», 54 S.
erlin (Weber). > fr- 3J
Paris (G.). Le Petit Poucet et la Grande-
Ourse. In-16, viij-95 p. Paris (lib.
Franck). 2 fr. 50
Patay. Répertoire archéologique du dé-
partement du Loiret , arrondissement
d'Orléans. Olivet, Saint-Hilaire-Saint-
Mesmin, Saint-Jean-le-Blanc, Saint Pra-
gné-Saint-Mesmin. In-8*, 16 p. Orléans
(imp. Jacob).
Pougeois (A.). L'antique et royale cité
de Moret-sur-Loing (Seine-et-Marne).
In-8', 230 p. et 4 pi. Paris (Pougeois).
Proudhon (P.-J.). Gorrespondance. T. 6.
In-8*, 407 p. Paris (Lib. internat.). 5 f.
Racine (J.). Œuvres. Texte original avec
variantes. Notice par A. France. T. 5.
In- 12, 234 p. Paris (Lemerre). 5 fr.
Restif dQ La Bretonne. Les Gontem-
poraines, ou aventures des plus jolies
femmes de l'âge présent. Choix des plus
caractéristiques de ces nouvelles pour
l'étude des mœurs à la fin du XVIII* s.
Vie de Restif. Restif écrivain, son œuvre
et sa portée. Bibliographie raisonnée des
ouvrages de Restit. Annotations tirées
surtout des autres écrits de l'auteur, par
J. Assézat. I. Les Contemporaines mêlées.
Vie de Restif. In- 16, xl-264 p. Paris
(Lemerre). 2 fr. 50
Reuter (H.). Geschichte d. religiœsen
Aufklaerung im Mittelalter vom Ende d.
8. Jahrh. bis zum Anfange d. 14, [In 2
Bdn]. I. Bd. In-8°, XX-33S S. Berlin
(Hertz). 9 fr. ? S
Riel (G.). Das Sonnen- u. Siriusjahr der
Ramassiden . mit dem Geheimniss der
Schaltung u. das Jahr d. Julius Gassar.
Untersuchungen ùb. das altaegypt. Nor-
maljahr u. die festen Jahre der griechisch-
rœm. Zeit. xxiv-371 S. mit9Taf. Leipzig
(Brockhaus). 40 fr.
Rosenkranz (K.). Neue Studien i. und
2. Bd. In-8°. Leipzig (Koschny). Le vol.
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Contenu : T. i. Studien zur Cultur-
geschichte (xv-548 S.). T. II. Studien
zur Literaturgeschichte (xiv-576 S.).
Schûtz (A. de). Historia alphabeti attici
sive quibus fere temporis punctis com-
positi sint, cum ceteri tituli attici anno
ol. 94,2 Vetustiores, tum ii qui Endoeum
et Aristoclem auctores profitenlur. In-8*,
64 S. mit I Tab. Berlin (Weber).
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Vambéry (H.). Der Islam im 19. Jahrh.
Eine cuiturgeschichtl. Studie. In-8", vij-
321 S. Leipzig (Brockhaus). 8 fr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N° 46 Neuvième année. 13 Novembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
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Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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13 >^ 1^ T T rr-i ry Platonische Studien. 2^ édition, i vol. in-8«.
• JBUIN 1 1 Zi 9fr. 35
Les commentaires sur le Gorgias, le Théétète, l'Euthymède, parus antérieu-
rement , forment dans cette seconde édition , grâce aux publications qui ont eu
leu sur ce sujet, un travail pour ainsi dire complètement nouveau. Elle est en
lutre augmentée de commentaires sur le Lâchés, le Phèdre, le Phédon, l'Euty-
)hron, le Charmide et le Protagoras.
PÉRIODIQUES.
The Academy, n° i8i, new séries, 25 octobre. Fustel de Coulanges,
Histoire des Institutions politiques de Tancienne France. Vol. I. Paris, Hachette
(H. S. Maine : reconnaît les brillantes qualités de cet ouvrage, mais lui fait un
procès de tendance : vouloir retrouver presque exclusivement des éléments
romains dans les institutions de la France féodale, c'est pousser un peu loin le
parti pris). — - Rousselet, India and its Native Princes : Travels in Central
India and in the Provinces of Bengal. Revised and edited by Lieut.-Col. Buckle.
London, Chapman and Hall (F. J. Goldsmid : loue beaucoup cet ouvrage et, à
ce propos, le Tour du Monde où a paru la relation originale). — Paris Letter
(G. MoNOD : nouvelles littéraires). — Correspondence. The Irish Word «Frass»
(Hector Maclean : montre qu'il y a deux mots distincts s'épelant frass, l'un
masc. signifiant graine, l'autre fém. signifiant pluie). — The Judge who committed
Prince Henry (Alfred Cutbill). — On Freewill (James Hinton). — J. C.
Southall, The Récent Origin of Man, as Illustrated by Geology and the Modem
Science of Prehistoric Archseology. Philadelphia , Lippincott and Co. London,
Trùbner (Joseph Anderson). — Goidelica : Old and Early Middle Irish Glosses,
Prose and Verse. Ed. by Whitley Stokes. 2. Ed. (J. Rhys : édition quelque
peu augmentée de cet ouvrage, dont la réputation est établie). — The Contest
of Poséidon and Athene in the Western Pediment of the Parthenon (C. T.
Newton : On a retrouvé près de Kertch un vase représentant le débat de Poséidon
et d'Athênê, vraisemblablement d'après le groupe perdu du Parthenon; cette
circonstance a permis à M. Stephani de reconstituer quelques détails de la com-
position de Phidias). — The Ruins on lona (Henry Dryden).
The AthensBum, n**2 504, 23 octobre. G. Smith, The Assyrian Eponym
Canon. Bagster and Sons (importante contribution à l'histoire d'Assyrie). —
Edward Hertslet, The Map of Europe by Treaty, etc. 3 vols. Butterworth
(cet ouvrage, accompagné de cartes nombreuses, forme une précieuse histoire
de la géographie politique de l'Europe depuis 1814). — Marquis deCompiègne,
L'Afrique Equatoriale : Gabonais Pahouins-Gallois. Paris, Pion (art. très-
défavorable). — Mihon's Copy of Cooper's « Thésaurus » (J. Payne Collier:
a découvert l'exemplaire que possédait Milton du Thésaurus linguae romanae et
britannicae, imprimé à Londres en 1 573 ; M. P. C. a reconnu sur les marges du
volume l'écriture de Milton). — The Prince of Wale's Visit to India. — Count
Alexis Tolstoï (not. nécrol.). — Gaelic Words in Shakespeare (observations de
MM. Walter W. Skeat, F. Chance et Norman Moore sur le travail de M. Charles
Mackay, récemment publié dans VAthenmm). — Miscellanea. Gramercy (J. H.
relève l'assertion erronée de M. Mackay que les Français ne disent jamais Grand
merci).
liiterarisches Centralblatt, n''43, 25 octobre. Zschimmer, Salvianus, der
Presbyter von Massilia. Halle, Lippert. In-8°, 90 p. (sur la vie et les écrits de
Salvianus, intéressante contribution à l'histoire de la littérature chrétienne latine
du je siècle). — Hùckst;Edt, Das pseudo-tertullianische Gedicht Adversus Mar-
cionem. Leipzig, Hinrichs. In-8°, 58 p. (cette excellente brochure fournit quel-
ques bonnes corrections au texte du poème, démontre qu'il est dirigé contre les
Marcionites, plutôt que contre Marcion, en place la composition dans les dix
dernières du 4^ siècle, à Rome, et l'attribue à Victorinus Afer). — Holder-
Egger, Ueber die Weltchronik des sogenannten Severus Sulpitius und sûdgal-
lische Annalen des 5. Jahrh. Gœttingen, Peppmûller. In-8°, 7$ p. (peu concluant).
— Hegel, Die Chronik des Dino Compagni. Leipzig, Hirzel. In-8% viij-i 12 p.
(tente sans succès de démontrer l'authenticité de cette chronique). —
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 46 ' — 13 Novembre — 1875
Sommaire : 216. Galien, Opuscule sur les médecins, p. p. Mueller, 2' éd. —
217. Lecoy de la. Marche, Le roi René dl" art., suite et fin). — 218. Kœnig,
Étude sur l'authenticité des poésies de Clotilde de Surviile. — 219. Sorel, Histoire
diplomatique de la guerre franco -allemande. — Sociétés savantes : Académie des
inscriptions.
216. — Galeni libellus quo demonstratur optimum medicum eundem esse phiioso-
phum. Recognovit et enarravit Iwanus Mueller, Litt. Graec. et Rom. in Universitate
Erlangensi Prof. P. 0. Editio altéra auctior et emendatior. Erlangae, Deichert. 1875.
In-8°, 52 p. — Prix : i fr. 75.
Cet opuscule de Galien avait déjà été édité par M. I. Mùller dans un pro-
gramme universitaire. Il a disposé pour cette seconde édition de la collation du
manuscrit du Vatican, Urbinas 67, faite par un de ses élèves feu Th. Karrer. Il
l'a jointe à celle d'un manuscrit de Florence, Laurentianus LXXIV, 3, d'un
manuscrit de Paris, 2164, ^^ ^"^ variantes consignées par Joseph Scaliger à la
marge de l'édition d'Aide. Il place au premier rang les leçons de seconde main
du Laurentianus , au second celles des autres manuscrits, au troisième celles de
l'édition d'Aide qui paraît avoir été (ici comme pour beaucoup d'autres ouvrages)
la reproduction fidèle d'un mauvais manuscrit.
Le texte est notablement amélioré soit au moyen des manuscrits qui fournis-
sent de meilleures leçons que l'édition d'Aide, seule base des textes jusqu'ici
publiés, soit au moyen des conjectures proposées par Coraï, excellent helléniste
et critique très-intelligent, et de celles qu'a trouvées M. M. lui-même, qui paraît
très-bien connaître les ouvrages et la langue souvent peu classique de Galien.
Je n'ai d'observations à présenter que sur un petit nombre de points.
M. M. corrige le texte en trois endroits, par retranchement : moyen toujours
contestable, quand on ne peut pas expliquer comment les mots que l'on supprime
se sont introduits dans le texte. Galien (57 Kùhn) dit : cuy. èv^éxeiat twXoûtov
àpsT^ç Ti[Aia)T£pov uTïoôépisvov v.cà TY]v liyyr^^ 0O7, susp^soriaç àvôptoxwv ?V£X£v,
QÙCkcL y^pY5[jLaTiap.ou p.aGévxa tou t^Xouç tou xax' aùxTjV èçieaGai. <p6à(7cuff', ^àp
ëT£poi TuXouTYJaai, irplv YjjjLaç èxl to xéXoç auTYÎç è^aéaôai. M. M. propose de
retrancher çOàaouci x. t. £. parce que « his verbis neque sententia probabilis
» subicitur neque apta est cum antecedentibus coniunctio. » Sa critique est tout
à fait fondée ; mais elle prouve seulement que le passage est altéré : comment
aurait-on ajouté quelque chose qui n'offre pas une « sententia probabilis .? » on
lit ailleurs (60 Kùhn): liq yj x^zicf. tû ^ww Ixaciou, Séov piàv àY£iv xat
xauxa p.Y) à6a(7av(c7Ta)ç, àXkk p,£T' à'7:o§£(5£Wç 'î:£'KiaT£ua6ai_, r.goc, t^ç XcYtxYJç
Byjtou BiBaax£(T6ai p.£G6§ou. Les mots p,£v «^£17 n'offrent aucun sens; mais pour-
quoi les aurait-on introduits dans le texte ? Il faudrait en rendre raison pour
XVI 20
^06 REVUE CRITIQUE
avoir le droit de les supprimer. Galien (62 K) après avoir dit que c'est disputer
sur les mots que de refuser le nom de philosophe au médecin qui a les qualités
du philosophe, ajoute : où ^àp By^ toîjxo y' av l/oiç sizeiv , wç ucpavxr^ç pi,év Ttç y;
axuTOTop.cç à-^CL^oç àv£U [Aaô'rjCTcWç T£ /.al àay.Yîcrewç ou/, àv tuots "/évoiTOU, oixaioç
Se Tiç (M. M. ajoute ici laxpéç) T^i acoçpwv y) àTuocsixiabç t^ oeivb; Tuspl çuaiv èÇai-
çviBiov avaçav^asTai [Ji'/jTe BiSaaxaXoiç /pwjjievoç [xyjt' aÙTOç èicaffx-^aaç lauxév.
ei Toivuv 7,ai tout' àvaicxuvTCV xat ôaTspov où -juepi -rupaYii-aTiûV èaTtv , àXX' uTuep
ovojJLdcTWV èpi^ovTOç, çiAoaoç^r^Téov 'r][jlv èaTiv TTpOTspov, elizep '[7:7:oxpaTOUç akr^-
Owç è(JiA£V ^-/jXwTai. Je ne pense pas qu'il faille retrancher TupéTspov, comme si
çiXoffctpr^Téov signifiait être philosophe, pratiquer la philosophie. Il me semble que
cette expression se rapporte à ce que GaHen vient de dire et signifie faire de la
philosophie, étudier la philosophie théoriquement et pratiquement. En somme le
raisonnement de Galien revient à ceci : on n'est pas un vrai médecin sans être
philosophe; on (je n'ajouterais pas laTpcç qui me semble contraire au sens, la
proposition est évidemment générale) ne devient pas philosophe sans étude et
sans exercice; donc il faut d'abord faire de la philosophie, des études philoso-
phiques, pour être un digne émule d'Hippocrate.
Au reste M. Mùller me paraît avoir en général bien entendu son texte. La
traduction est exacte. Elle ne me semble pas serrer le sens d'assez près dans ce
passage où Galien (54 Kûhn) reproduit à peu près textuellement Hippocrate
(Prognosî. c. i) : tou TupoYtvci^axeiv Ta tî -^apcvTa y,al xà TrpoYSYovoTa xal Ta
[jiXXovxa •yevYjcsaOai tû xajjivovTt rSkXr^ Zp^'^^i r^z'KO\.r^a^œ. Tupcvoiav 'Ixiro/.parirjç
çYjaiv. La traduction « cogitatione ac mente complectamur » ne rend pas exac-
tement le sens de 7:poYtvw(77.£tv, et les explications de Daremberg citées en note
n'expliquent pas clairement comment ce verbe est employé du passé et du pré-
sent. Il signifie sans doute deviner le passé, avant qu'on vous le dise, et le pré-
sent, avant qu'on vous le montre.
Une chose digne de remarque dans l'opuscule de Galien, c'est le contraste de
la méthode qu'il recommande aux médecins avec celle que les philosophes, dans
le même temps, pratiquaient en physique. Galien croit qu'on peut dépasser
Hippocrate et ajouter à ce qu'il a fait (57 et 63 Kùhn); il recommande de véri-
fier par l'expérience ce qu'on a appris par tradition, xptvsiv tî^ iretpa Ta èx Xo^ou
SiSaxOévxa (58 K.). Les philosophes mettaient l'autorité d'Aristote et le raison-
nement à priori au-dessus de l'étude directe des faits. Il est possible que l'obli-
gation que la pratique imposait aux médecins de se mettre en présence de la
réalité ait contribué à cette différence de procédés.
Charles Thurot.
217. — Le roi René; sa vie, son administration, ses travaux artistiques et littéraires
d'après les documents inédits des archives de France et d'Italie, par A. Lecoy de la
Marche. 1875. 2 vol. in-8', xvj-^59 et 548 p. Ouvrage auqueirAcadémie des Inscrip-
tions a décerné le premier prix Gobert. — Prix : 1 5 tr.
(Suite et fin.)
Un certain nombre de mss. à miniatures qui ont appartenu à René se sont
conservés ; leur examen devait figurer naturellement à côté de celui des autres
d'histoire et de littérature. 507
peintures, mais ici encore M. L. de la M. a été très-insuffisant. Il a fait la critique
des livres d'heures attribués à René et conservés à Paris et avec toute raison n'en
a retenu que deux, non pas comme exécutés par le roi de Sicile, mais qui ont été
faits pour lui. Ce sont les mss. de la Bibl. nat. 11 56a et 19^^ du fonds latin.
Ces deux mss. contiennent des notes historiques relatives à René et à sa famille,
qui, dit M. L. de la M., « n'ont guère pu être placées là que par le principal
» intéressé ou son secrétaire » (p. 84). Cette conjecture fait penser à des
notes d'écriture courante placées là après coup ; elles sont au contraire d'écri-
ture fort régulière et ont été écrites avant l'ornementation des mss. dont \et
encadrements ont été souvent reculés ou interrompus pour leur faire place.
Ajoutons que les charmantes peintures du ms. 11$ 6a ont tout le caractère
des productions flamandes. L'unique peinture du ms. 17532, une grande tête
de vierge, à peine modelée, raide de lignes, rappelle le type byzantin; les
encadrements du même ms. sont d'un très -habile enlumineur, mais ne sauraient
compter comme œuvres d'art.
Il existe à Aix, à Angers, à Poitiers et à Vienne, d'autres livres d'heures attri-
bués à René; M. L. de la M. ne les ayant pas vus n'a fait que les mentionner;
il a eu tort de dire qu'ils «n'offrent pas de caractères d'authenticité plus positifs, »
il eût fallu avant de produire cette affirmation en faire un examen, et même s'ils
ont seulement appartenu à René, ils valaient une description. Quant aux autres
mss. à peintures qu'a possédés René, ils ne sont l'objet d'aucune notice; il n'y a
que de vagues indications soit à propos des œuvres littéraires de René, soit
dans l'inventaire que M. L. de la M. a dressé de sa librairie^. Parmi les livres
de cette librairie il en est un que M. L. de la M. indique ainsi : « Livret orné de
» figures et commençant par ces mots : Pour tel ouvraige (m.anuel d'art) « (p. 1 90).
Un « manuel d'art » dans les livres de René serait certes une chose importante^
mais dans l'inventaire du château d'Angers où M. L. de la M. a puisé l'indication
de ce livre, rien n'autorise à en faire v un manuel d'art» et je ne sais où il a pu
prendre ce renseignement 2. Quinze miniatures extraites de manuscrits duxv^s.,
qui sont l'œuvre de différentes mains, et forment un recueil conservé au dép. des
Estampes de la Bibl. nat. (AD. 94; elles ont été acquises en 1 787), .ont.été
parfois, sans raison aucune, attribuées au roi René. > i f^q rjit
Toute une série d'œuvres d'art qui subsistent encore peuvent servir à juger
les artistes dont s'entoura le roi René : je veux parler de ses portraits et de ceux
de sa femme Jeanne de Laval?. Ces œuvres, est-il besoin de le dire, ont encore
1. Je signale entre autres la première traduction latine de Strabon par Guarini de
Vérone, envoyée à René par Marcello (Bibl. d'Albi, ms. 77). Deux grandes peintures,
représentent, l'une, le traducteur faisant hommage de son livre à Marcello, l'autre Mar-
cello en faisant hommage à René. Cette dernière est reproduite dans les Œuvres complètes
du roi René. T. IV, pi. 24.
2. Voici l'article de l'inventaire : « Item, ung meschant petit livret en papier, couvert
D de parchemin, ouquel a certaines figures, et se commance ou premier feuillet : Pour tel
» ouvraige » [Extrait des Comptes et Mémoriaux, p. 268).
3. Je ne crois pas qu'on connaisse les traits de sa première femme Isabelle de Lorraine
autrement (^ue par un dessin colorié de la collection Gaignières (t. XI, i0 d'après un
vitrail de l'église des Cordeliers d'Angers. Il a été reproduit par Montfaucon, Monuments
de la monarchie française, t. III, pi. 47.
308 REVUE CRITIQUE
un autre intérêt, celui âenous faire connaître la figure de personnages historiques,
ce qui a bien quelque importance; en outre, les types, étant bien établis, peu-
vent permettre d'attribuer aux artistes employés par René les œuvres de son
temps où l'on retrouverait ces représentations. M. L. de la M. n'en a parié
qu'incidemment, et, faute de les avoir bien classés, me paraît s'être absolument
mépris sur les traits de la physionomie de René.
Dans ces portraits contemporains, il y a des médailles, des ivoires et des
peintures. Incontestablement, les types authentiques, commandés par René,
faits sous sa direction, destinés à transmettre ses traits à la postérité, sont les
grandes médailles, fort belles, pour lesquelles il a employé des artistes célèbres.
M. L. de la M. n'est pas de cet avis, il préfère, sans préciser, les portraits des
miniaturistes; pour lui ceux des médailles sont imparfaits; la raison qu'il en donne
est cette énorme hérésie artistique : « L'instrument et la matière étaient plus rebelles
)) pour les graveurs que pour les peintres et il est à croire que l'artiste n'aura pas pu
» reproduire exactement son modèle. » Et cette observation est faite à propos de la
belle médaille de 86 millim. due à François Laurana, celui-là même dont on
connaît une belle médaille de Louis XI !
Ajoutons que les types des médailles se ressemblent entre eux , ressemblent
aux principaux portraits, ressemblent au portrait du volet du Buisson ardent oh
René, quoi qu'en dise M. L. de la M., est loin d'avoir le nez aquilin.
En dépit de sa mauvaise opinion sur les graveurs, M. L. de la M. déclare que
l'art de la gravure « fut réveillé par l'influence de René », c'est là une phrase
banale, ni les comptes, ni aucun document ne révélant rien de particulier à cet
égard. M. L. de la M. a décrit les trois médailles conservées au cabinet de la
Bibliothèque nationale. A propos de celle de Pierre de Milan datée de 1461, il
faut observer que le Trésor de numismatique qui Ta reproduite d'après un exem-
plaire du cabinet de Florence ' , dit que c'est la reproduction en bronze
d'un ivoire de cet artiste. En effet, ce médaillon d'ivoire faisait partie
du cabinet du président Fauris de Saint- Vincent à Aix^. Millin l'y vit et l'a
reproduit dans son Voyage dans les départements du midi de la France i. Une
quatrième médaille sans date ni signature, représentant René seul, profil à
gauche, revêtu d^une armure, est reproduite dans le Trésor de numismatique,
d'après un exemplaire du cabinet impérial de Vienne 4. H convient d'ajouter à
cette liste la mention d'un médaillon circulaire en bois sculpté, d'un travail alle-
mand de la fin du xv^ siècle, où René est représenté en buste de profil avec cette
légende : REGIS . SICELIDVM . EFFIGIES . EST . ISTA . RENATI. (Musée
du Louvre. Bois sculptés. B. 191.)
1. Médailles italiennes, 2" partie, pi. XIV. La médaille de Pierre de Milan de 1462 y
est aussi reproduite.
2. Il est décrit et reproduit dans le recueil de ses opuscules publié sous le titre de
Recueil de divers monuments d'antiquités trouvés en Provence, i vol. gr. in-4* avec 17 pi.
Paris. 180^. Reproduit aussi mais fort inexactement dans Les tournois du ro/K^n^ publiés
par ChampoUion-Figeac. In-f° maximo. Didot. 1826.
3. Atlas, pi. XXXII. Voy. aussi t. II, p. 231.
4. Trésor de numismatique. Loc. cit.
d'histoire et de littérature. 309
Parmi les portraits en peinture il en est un qui mérite de nous occuper quel-
ques instants. Dans la grande édition qu'a publiée Didot des Tournois du roi René
en 1826- 1827, se trouve reproduit en frontispice, un diptyque de la dimension
d'un petit in-octavo représentant, à gauche, le roi René, vu à mi-corps, et à droite,
un buste de femme que M. Champollion dit être Catherine Capelle, une
maîtresse du roi René, mais qui est à n'en pas douter la figure sèche et froide de
la reine Jeanne de Laval. Cette peinture, que l'éditeur attribue bien entendu à
René lui-même, aurait été donnée par celui-ci à Jean de Matheron, l'un des fami-
liers de René, et en effet, le revers de chaque peinture présente, sur un fonds
d'azur parsemé de fleurs de lys d'or, une tige de lys blanc enveloppée d'une
banderolle portant la devise : Ditat servata fides, tige, banderolle et devise qu'on
retrouve sur la médaille de Jean de Matheron, autre monument des artistes de
René, qu'a reproduite Millin d'après un exemplaire du cabinet Fauris de Saint-
Vincent". Millin vit une peinture semblable en 1807 chez les descendants de
Matheron 2. Elle est reproduite, fort grossièrement et fort inexactement du reste,
en tête du livre des tournois et était alors dans le cabinet de M. Revoil, profes-
seur à l'école des beaux-arts de Lyon ; elle est passée depuis dans la collection
de M. Didot, et on a pu la voir à l'exposition d'œuvres d'art faite à Paris en 1874
au profit des Alsaciens-Lorrains.
Mais , chose étrange , alors que cette peinture était dans le cabinet Revoil ,
M. Roux-Alphéran , dans son livre sur les rues d'Aix, publié en 1847, en
décrivait une semblable conservée à cette époque encore dans la famille Mathe-
ron : il connaissait cependant le tableau possédé par M. Revoil et déclarait que
ce devait être une copie faite par ce dernier pendant son séjour à Aix 3. M. Renou-
vier, peu avant 1857, vit encore ces portraits chez M. de Saint-Pons, de la
famille Matheron.
Depuis, M. Chazaud acquit le tableau des derniers descendants de Matheron,
et j'ai pu le voir dernièrement dans son cabinet à Paris. Il est exactement
pareil à celui de la collection Didot 4. Malheureusement je n'ai plus ce dernier
assez présent à la mémoire pour pouvoir discuter l'affirmation de Roux-Alphéran
et me déclarer sur l'authenticité de ces deux œuvres. Dans le diptyque de
M. Chazaud, René est très-finement peint, très-ressemblant au portrait du volet
du buisson ardent; c'est une œuvre flamande d'un artiste très-analogue à
Memling. Jeanne de Laval, moins expressive, paraît d'une autre main, moins
légère, d'une touche plus lourde. Lequel de ces deux tableaux est authentique P
Est-il possible de croire que l'un soit une répétition contemporaine de l'autre .'*
C'est là un problème que pour le moment je me contente de poser.
Il existe aux Archives nationales un aveu rendu au roi René par Jean de
1. Ouv. cit. Atlas, pi. XXXII. Voy. t. II, p. 232.
2. Ouv. cit., t. II, p. 343.
3. Roux-Alphéran, Les rues d'Aix. 2 vol. in-8". Aix. 1847. T"- h P- 47^*
4. Il n'y a pas jusqu'à une gaine de velours rouge du XVII' s. environ, figurée dans
la publication de M. Champollion, que j'ai retrouvée chez M. Chazaud.
51 rô REVUE CRITIQUE
Sainte-Maure pour la baronnie de la Haie-Joullain dont la première page est
ornée d'une miniature carrée, d'environ lo centimètres de côté, assez fine,
représentant le vassal faisant hommage à son suzerain'. Les auteurs du cata-
logue du musée des Archives (p. 279) et après eux M. L. de la M. ont voulu
voir naturellement dans le suzerain un portrait du roi de Sicile. M. L. de la M.
dit formellement que l'artiste lui a donné les traits du roi René (p. 86). Quiconque
examinera cette miniature sera tout d'abord frappé de l'insignifiance de cette
figure. Il y a d'autres personnages plus vivants, plus expressifs, celui à longue
robe fourrée, par exemple; mais on s'étonnera bien davantage encore en voyant
que ce prétendu roi René a suspendues au-dessus de sa tête les armes de France,
et que le dais sous lequel il siège est bordé d'un listel aux couleurs de la livrée
particulière des rois de France, bleu, blanc et rouge^. A n'en pas douter c'est un
hommage au roi de France que représente cette miniature. Est-ce là que M. L.
de la M. a vu René avec un nez aquilin ^ Le fait est étrange, mais absolument
certain, indiscutable. Reste à trouver son explication. Dans mon opinion, cette
peinture n'est qu'une œuvre d'art industriel, comme nous savons par ailleurs
qu'en faisaient à cette époque les enlumineurs; c'est un parchemin orné d'attri-
buts qu'a acheté le seigneur de la Haie-Joullain pour y faire transcrire son
hommage. Trop souvent on confond dans une admiration commune ces minia-
tures très-nombreuses dans les manuscrits de luxe, avec les rares œuvres de
grande valeur artistique que nous ont laissées les maîtres.
^;*'iPour en finir avec les portraits, mentionnons parmi ceux que n'a pas cités
'M. L. de la M. la reproduction par Willemin {Monuments français inédits, pi. 196)
d'une miniature représentant « le roi René d'Anjou dans son cabinet d'après un
ii-'ms. du fonds Saint-Germain » (Ribl. nat. ms. 19039 Fr. f° 201. C'est un ms.
au Mortifiement de vaine plaisance, écrit en 1514); un dessin colorié de la collec-
tion Gaignières (II, 15) d'après un vitrail des cordeliers d'Angers, représentant
*^fë foi René ; la copie par Gras du portrait du Buisson ardent (musée de Versailles
^^^3922); une miniature, d'un ms. du Pèlerinage de la vie /zurn^fZ/ze par Guillaume
de Guilleville, commencé au mois de février 1464, représentant l'auteur offrant
son livre à Jeanne de Laval et un ivoire du xv^s. représentant Jeanne de Laval,
possédé, je crois, par M.^Bonnafé.
' Je ne poursuivrai pas plus avant l'examen détaillé du livre de M. L. de la M.
On peut voir par ce qui précède qu'il n'a pas complètement épuisé son sujet. Je
n'ajoute que quelques notes sur ses derniers chapitres. Dans celui consacré aux
objets mobiliers, il s'est trouvé amené à mentionner la tapisserie de V Apocalypse que
Louis I" d'Anjou avait fait fabriquer d'après un ms. de l'Apocalypse que Charles V
lui avait prêté avant 1373 (p. 1 11). Ce m.s. n'est pas le m.s. Français 7013,
mais 403 de la Bibliothèque nationale; il est, non pas du xii«, mais du milieu du
;^ I. Cette miniature a été reproduite en couleur par du Sommerard. Les arts du moyen-
iage (Album, 9" série, pi. 35).
2. M. Douet d'Arcq dans un mémoire sur les Chartes à vignettes (Revue archéologique.
1847. P. 755) a voulu voir la maison d'Anjou désignée par la bordure rouge du man-
teau du suzerain.
d'histoire et de littérature. 311
XII i" siècle. Une comparaison entre les deux œuvres serait très-importante et
probablement très-féconde. Je crois que c'est l'unique exemple qu'on puisse
citer d'un modèle encore existant d'une tapisserie du xiv*' siècle. — Dans ce
chapitre consacré aux objets mobiliers, M. L. de la M. eût pu citer une
armoire ornée des armes et devises de René d'Anjou, dessin d'une tapisserie
conservée à Saint-Maurice d'Angers, donné par Willemin {Monuments français
pi. 209, texte p. 1 1). — P. 131. Trouvant dans l'inventaire du château d'Angers
la mention que les lits étaient recouverts de pavillons, de filets, de treillis, il
pense que c'était une « imitation des moustiquaires de Provence )>. Pourquoi
vouloir corriger l'inventaire qui dit lui-même que ces objets avaient pour but de
« garder que les chiens ne se couchent dessus ? ' »
M. L. de la M. n'a qu'à peine mentionné au cours de son travail quelques sceaux
et quelques monnaies du roi René ; ces monuments se rattachent cependant fort
étroitement à l'art. René a eu un grand nombre de sceaux différents, a fait
frapper un grand nombre de types de monnaies. Nous ne pouvons songer à
entreprendre ici le classement et la description de ces monuments; nous nous
contenterons d'indiquer, en dehors des collections qui en contiennent des
exemplaires, quelques ouvrages qui en ont donné des reproductions. M. Blancard
(Iconographie des sceaux et bulles du département des Bouches-du-Rhône, pi. 20 à 22)
a publié six sceaux différents de René, la plupart armoriaux • — sauf l'un d'eux,
très-beau, ayant d'un côté le type de majesté, René sur son trône soutenu par
des lions antiques ; au revers, le type équestre ; ce sceau pend à un document
de 1439. M. Douet d'Arcq {Collection de sceaux, n°' 809 à 811) a décrit
3 sceaux de René, comme duc de Bar, qui se trouvent aux Archives nationales;
2 sont armoriaux, un 3^ équestre de 98 millim. On en trouvera d'autres dans le
Trésor de numismatique et de glyptique (Grands feudataires^ pi. 22, n''^ 3 à 5), dans
Dom Calmet, Histoire de Lorraine (II, pi. 4, n°' 23 à 26, et V. pi. II, n» i), dans
Ruffi, Histoire de la ville de Marseille (t. I, p. 266, 267, 274, 496), dans Vredius
Généalogie des comtes de Flandre (p. 105 a 107 et pr. II p. 244). Un sceau
d'Isabelle de 143 5 se trouve dans Blancard (pi. 22, n** 2). On trouvera les prin-
cipales reproductions de ses monnaies dans Dom Calmet, Histoire de Lorraine
(t. II, pi. 2, n^s 22 à 26, et t. V, pi. 2, nos ^ et 6), 16 types différents dans de
Saulcy, Recherches sur les monnaies des ducs de Lorraine (pi. ion"' 10 à 14, et
pi. II n°* I à II), Recherches sur les monnaies des comtes et ducs de Bar (pi. 7
nos I et 2). Les monnaies de René comme souverain de Provence, se trouvent dans
Papon, Histoire générale de Provence (t. III, pi. 12, n°M à 3, pi. 1 3, n"'4 à 1 5);
dans Tobiesen Duby, Monnaies des barons (pi. 99, n^s i à 6). Les n°' 3 et 4
portent dans le cercle la représentation de la tarasque, cette bête chimérique qui
servit de prétexte aux jeux institués par René. — M. de Longpérier a publié
1 . Les chiens étaient très-nombreux dans les habitations princières du XV' s. et avaient
leurs entrées partout. Comparez un art. des comptes des ducs de Bourgogne mentionnant
un achat de toile « à faire ung sac pour porter les coussins de l'oratoire, pource que les
» chiens de mondit seigneur avoient mengié l'autre. » (De Laborde. T. I, p. 228.)
312 REVUE CRITIQUE
dans la Revue numismastique (1844, p. 286) une monnaie de René comme roi
d'Aragon, M. Voillemier, une autre, avec une monnaie comme roi de Navarre
(ibid., 1840, p. 347). On trouve ses monnaies comme roi de Sicile, dans Paruta,
Sicilia descritîaÇeà. de Maier, 1697, p. 126). Dans Vergara, Monete del regno di
NapoliÇp. 47 à 49) et dans Muratori, Antiquitates itaUc£ (I, pi. 3 1 n°^4 à 9). On
voit que toutes ces reproductions pouvaient servir à une étude des sceaux et des
monnaies de René; il est regrettable que M. L. de la M. ne Pait pas entreprise.
Les œuvres littéraires de René;, assez nombreuses, sont comme la plupart des
autres œuvres de l'époque un tissu d'allégories qu'il nous est aujourd'hui impos-
sible de goûter. Elles n'ont qu'un intérêt, mais capital, c'est de nous faire pénétrer
complètement dans le caractère du roi de Sicile et d'autant plus que toutes ont
été inspirées par une situation, une disposition d'esprit particulière. Veuf d'Isa-
belle de Lorraine, René écrit un traité de morale mystique, le Mortifiement de vaine
plaisance; en butte aux tracasseries de Louis XI il compose une sorte de satire,
ou plutôt un récit allégorique de ses malheurs, VAbuzé en court; au moment de
son mariage avec Jeanne de Laval, une pastorale, Regnault et Jeanneton où il altère
à peine les noms des deux héros. La chevalerie de l'époque jouait volontiers au
berger, témoin le pas d'armes de la bergère en 1449 à Tarascon, où Isabelle de
Lenoncourt présidait le tournoi habillée en pastourelle et où tous les chevaliers
et écuyers étaient en pastours avec des houlettes. Enfin quelque temps après son
mariage, il écrit Le cœur d'amour épris. M. L. de la M. a sagement analysé ces
ouvrages et a montré ce qu'on pouvait en tirer pour mieux connaître son héros.
Au sujet des œuvres du roi René, nous ne lui ferons qu'un seul reproche,
c'est d'avoir, sans examen, déclaré non authentique une pièce qui se trouve dans
un ms. de la bibliothèque de Troyes (n^ 763) tout en ayant ingénieusement
songé à la rapprocher de vers de René sur la passion indiqués par Lacroix du
Maine et qui ne se retrouvent plus (p. 173).
A propos des relations de René avec les hommes illustres de son temps,
M. L. de la M. a discuté la possibilité d'une rencontre avec Villon (p. 179); il
est certain que si Villon, parti pour Angers ,en 1456, y arriva^ il apu y trouver et
y voir René. Mais à cette époque et pour le poète,' partir et arriver étant choses
fort distinctes, nous continuerons à tenir avec M. Longnon le séjour de Villon
à Angers pour douteux.
Dans toute cette partie du livre, du reste, nous ne relèverons plus
que quelques phrases hyperboliques sur René : « Il est évident qu'il lisait
» les auteurs latins dans leur texte original. Pour les Grecs, c'est moins
» démontré puisqu'ils ne figurent dans sa bibliothèque que sous la forme de
» traduction latine (p. 191). » — « L'anglais ne pouvait lui être totalement
» étranger en raison de ses liens de parenté Vingt-quatre volumes en
» langue turque ou maure qui parurent aux rédacteurs de ses inventaires
» autant de grimoires indéchiffrables n'avaient pas été rassemblés pour rien....
» Les orientaux l'avaient sans doute familiarisé avec leurs dialectes» (p. 192).
« Si la découverte de l'Amérique était arrivée quelques années plus tôt, il n'est
» pas douteux que sa curiosité scientifique eût trouvé dans cet événement capital
d'histoire et de littérature. 313
.) un aliment et un essor nouveau » (p. 193). On pourrait multiplier les cita-
tions de cette nature; celles-ci suffisent pour montrer jusqu'à quel point
M. L. de la M. a poussé cette apologie constante du roi René qui est le défaut
le plus saillant de son livre.
A. GiRY.
215. — Étude sur Tauthenticité des poésies de Clotilde de Surville, par
Wilhelm Kœnig. Halle, Schwabe. 1875. ln-8*, 173 p. — Prix : 5 fr.
Après les publications de MM. Loquin, Guillemin et Merzon (voy. Rev. Crit.^
1874, t. I,art. 94), démontrer la supposition des poésies de Clotilde de Surville,
c'est véritablement enfoncer une porte ouverte. M. Kônig s'excuse en disant que
son livre a été écrit en grande partie il y a longtemps et remanié seulement à la
suite des récents ouvrages sur la question. Il ajoute qu'il a cherché à préciser
plus qu'on ne l'avait fait « les impossibilités tenant à la langue, aux idées, aux
)) connaissances, etc.» Il en a effectivement réuni un grand nombre et nous dirons
volontiers avec lui : « les simples résultats provenant d'un tel travail, qui est
» parfois difficile et aride, pèsent plus dans la balance que les résultats les
» plus brillants. )> Nous pouvons recommander la lecture de cette brochure,
écrite dans un français remarquablement aisé et presque toujours correct, à ceux
qui douteraient encore de la fabrication des œuvres de Clotilde. La partie philo-
logique pourrait être plus approfondie, mais elle contient cependant quelques
observations intéressantes. Dans une note finale, M. K. éprouve le besoin de
dire qu'il partage l'opinion de M. Loquin sur la collaboration d'un « feudiste >>
dans le travail du marquis de Surville. Sans ces quelques lignes, nous n'aurions
à relever dans sa dissertation aucune hypothèse aventurée. ' '' i i* ' '•'
i>i O-'vh .jn:;/i 'jb -Mi goqoiq A
-^-TT— -, :.q .,! ,^, ..... .M .:i ah .J M
219. —Histoire diplomatique de la guerre francb-aïlemiEUiplé^ Aloert'
SoREL. Paris, Pion. 1875. iz' vol. in-8°, 428-452 p. *J^^'' ^ ^'*'»^ -^^^''^ 'ft^' "'
« L'objet de ce livre est "de faire connaître les événements diplomatiques qui
» ont amené la guerre entre la France et l'Allemagne et qui l'ont accompagnée,
» de déterminer les rapports de ces événements avec l'état général de l'Europe,
» d'en indiquer les conséquences dans les traités qui ont consacré les résultats
)) de la guerre. » — M. Albert Sorel marque ainsi en termes précis, dès les
premiers mots de sa préface, le but de son Histoire diplomatique de la guerre
franco-allemande. L'ouvrage de M. S. embrasse les principales questions dont le
sujet lui imposait l'examen. Toutes ces questions ne sont pas, à dire vrai, trai-
tées avec la même étendue. Les rapports directs de la France et de l'Allemagne
tiennent la plus grande, place dans cette histoire. C'était là, en effet, le fonds du
sujet et la partie essentielle du travail. Les deux adversaires n'ont pas cessé un
instant, dans le combat et dans les négociations, de rester isolés l'un vis-à-vis
314 REVUE CRITIQUE
de Pautre. La guerre a été un duel quMls ont engagé, poursuivi et terminé sans
intervention de qui que ce soit. L'Europe a conservé une attitude toute passive,
et les efforts de la diplomatie, pour obtenir une médiation, ont complètement
échoué contre le parti pris de Pintérêt, de l'indifférence ou de la peur. M. S. a
constaté le fait et en a donné les raisons principales sans qu'il lui parût nécessaire
d'entrer dans le détail de la politique de chacun des états. Le Hvre a été préparé,
comme Patteste l'index bibliographique des ouvrages cités, d'après les sources les
plus autorisées. L'auteur s'est appliqué à suivre la méthode historique, comme
s'il écrivait l'histoire d'une époque éloignée au lieu de raconter les événements
dont nous avons été les contemporains. M. S. a composé son ouvrage avec
beaucoup d'art et de clarté. Le style a du mouvement et parfois de l'éclat. On
n'y sent jamais la froideur et la sécheresse qu'affectent les écrivains traitant
des questions diplomatiques. Le livre, en un mot, est un livre bien fait et bien
écrit.
Les chapitres consacrés à l'étude des origines de la guerre, à la candidature
Hohenzollern, aux négociations d'Ems, à la déclaration de guerre, sont la partie
la plus fortement étudiée de l'ouvrage de M. S. On se doutait déjà, surtout
depuis les explications fournies par M. le duc deCramont, que la guerre de 1870
avait été le résultat de la « maladresse » de notre gouvernement. M. S. a dit le
mot (préface, p. vij) et il a prouvé la chose. Sa démonstration ne laisse rien à
désirer pour la précision. Que M. de Bismark qui voulait la guerre se soit servi
de la candidature Hohenzollern pour nous entraîner à quelque démarche impru-
dente, cela prouve qu'il ne faisait pas grand cas de l'habileté de nos politiques.
Mais qu'un ministre qui prétendait connaître le terrain diplomatique et qui ne
voulait pas la guerre, ainsi qu'il l'a dit et répété, que M. de Gramont n'ait pas
vu aussitôt le piège, cela restera comme un exemple rare dans l'histoire de la
diplomatie. Or, il ne l'a pas vu : son livre France et Prusse^ ses dépositions
devant la commission parlementaire, sa polémique avec M. Benedetti démontrent
son erreur. De là sa déclaration du 6 juillet 1870, « le premier désastre de la
» France, dit M. S. Ce fut un Wœrth diplomatique. Il fallait que la Prusse
)) cédât, sinon c'était la guerre. » M. S. nous montre les effets de cette malen-
contreuse déclaration sur l'opinion publique à Paris, sur les cabinets de l'Europe,
sur le roi de Prusse. Elle nous interdit toute retraite honorable et nous mena à
la guerre. M. S. essaie d'expliquer enfin le mystère de la nuit du i4au 1$ juillet.
Dans le conseil qui se tint à St-Cloud, la mobilisation des troupes fut ajournée
vers onze heures du soir, et une demi-heure après la guerre fut résolue ! Que
renfermait donc la dépêche dont le maréchal Le Bœuf a parlé dans sa déposition,
et qui provoqua un si brusque revirement ? Il ne s'agissait pas du fameux télé-
gramme d'Ems imaginé par M. de Bismark : on le connaissait depuis le matin.
Ce télégramme d'ailleurs, bien qu'il fût un incident très-fâcheux, n'aurait pas
justifié les mots de « nouvelles désastreuses » dont M. de Gramont s'est servi
pour caractériser les renseignements qui produisirent tant d'effet sur le conseil
au dernier moment. Mais parmi les nouvelles qu'il reçut dans la soirée du 14 et
dans la nuit du 14 au 1 $, M. de Gramont parle d'un « compte-rendu très-exact
d'histoire et de littérature. 31 j
)) du langage tenu la veille par M. de Bismark à l'ambassadeur d'Angleterre et
» de l'attitude prise, à partir du 13, par le cabinet de Berlin. » Or, on sait,
d'après une dépêche de lord Loftus, que M. de Bismark se préparait à demander
« une rétractation ou une explication satisfaisante du langage menaçant tenu par
» M. le duc de Gramont. » Ainsi après avoir lancé un ultimatum à la Prusse,
notre gouvernement était dans une situation analogue à celle où se trouva placée
la Prusse vis-à-vis de l'Autriche en 1850. Et pour échapper à l'injonction de
M. de Bismark, on se précipita tête baissée dans la guerre. Si cette explication
est exacte, on voit que nous avons payé bien cher la « maladresse » du
6 juillet.
Il n'a point été facile de déterminer l'état réel de nos relations diplomatiques
au point de vue des alliances, soit avant soit après la déclaration de guerre.
« J'avais lieu de croire, a dit le maréchal Le Bœuf, que nous ne serions pas
)) isolés en Europe.» M. de Gramont a refusé de s'expliquer sur ce sujet délicat,
soit dans son mémoire France et Prusse j soit devant la commission d'enquête.
Sans une polémique qui s'engagea entre ce personnage et M. de Beust, sans la
publication d'une dépêche confidentielle adressée par le ministre autrichien à
M. de Metternich le 20 juillet, et sans quelques indications assez précises qu'a
fournies M. de Chaudordy, on ne saurait rien. Les documents relatifs aux négo-
ciations de la France furent enlevés du ministère, avant la révolution du
4 septembre. « Les précautions étaient prises depuis deux jours, » dit M. de
Gramont dans son livre (p. 347) et nous regrettons que M. S. n'ait pas signalé
ce fait qui n'a pas laissé d'avoir son importance lorsque l'on a tenté après le
4 septembre de nouvelles négociations avec l'Autriche et l'Italie. Depuis 1 867
il y avait eu des négociations très-confidentielles entre l'empereur Napoléon et
l'empereur d'Autriche d'une part et le roi d'Italie de l'autre. « Il n'y eut abso-
)) lument rien de signé, » dit M. S. Il est possible pourtant qu'un traité ait été
rédigé, et M. de Gramont nous le dira peut-être quelque jour. En tous cas, après
la déclaration de guerre, un traité fut conclu entre l'Autriche et l'Italie de con-
cert avec la France. Les deux puissances observeraient la neutralité armée
jusque vers le i $ septembre, — puis, leurs préparatifs étant achevés, elles
réclameraient de la Prusse, sous la forme d'un ultimatum, le statu quo défini par
le traité de Prague. Mais il y avait une condition expresse pour l'exécution du
traité, c'est que les troupes françaises entreraient en Allemagne. Tout était
arrêté et conclu à la date du 5 août, mais le 6 nous fûmes battus à Wœrth et à
Spickeren. L'Autriche et l'Italie se dégagèrent aussitôt. M. de Beust fit parvenir
à Londres l'assurance qu'il était « libre de tout engagement». Le cabinet italien
sollicita de l'Angleterre la conclusion d'une ligue de neutralité qui lui permit de
résister aux demandes pressantes de la France et l'obligeait à ne rien faire sans
l'avis des contractants. En même temps, en Danemark, une négociation en vue
d'une alliance fut interrompue. Si l'on ajoute que l'Angleterre avait désapprouvé
notre attitude, depuis la déclaration du 6 juillet, et que la Russie avait mani-
festé l'intention d'intervenir si l'Autriche agissait pour nous, — il est difficile de
contester que la France ne fût tout à fait isolée. « Ce ne fut pas la révolution du
3l6 REVUE CRITIQUE
» 4 septembre qui rompit les négociations d'alliances, dit M. S., ce furent les
» députés du 6 août. L'isolement diplomatique de la France était complet le
» jour de la capitulation de Sedan et les conditions de la Prusse étaient posées
» déjà. ))
A-t-il été possible, après la révolution du 4 septembre et bien que le gouver-
nement de la défense nationale n'eût point été reconnu par l'Europe, d'obtenir
une médiation entre la France et la Prusse? M. S. en s'appuyant sur le témoi-
gnage de M. de Chaudordy, se prononce pour l'affirmative. Il raconte en détail,
— et non peut-être sans quelque complaisance, — la négociation conduite avec
beaucoup d'habileté par M. de Chaudordy, en vue de faire sortir l'Angleterre
de son abstention. Notre délégué aux affaires étrangères obtint, en effet, de la
part de l'Angleterre la démarche la plus inattendue. Le 20 octobre, au moment
où M. Thiers revenait de sa mission près des cours de l'Europe, le cabinet de
Londres prit l'initiative d'une proposition d'armistice qu'il adressa en même
temps à la France et à la Prusse. Il demanda aussi à la Russie, à l'Autriche, à
l'Italie de faire aux belligérants des « représentations pressantes )> pour appuyer
celles qu'il leur adresserait de son côté. « Vous avez obtenu des choses extra-
» ordinaires, « dit M, Thiers à M. de Chaudordy. M. S. n'a point de peine à
démontrer, en effet, que M. Thiers avait moins obtenu de la Russie que M. de
Chaudordy de l'Angleterre, a La Russie, dit-il, s'était engagée à transmettre à
» la Prusse une demande d'armistice venant de la France; l'Angleterre propo-
» sait aux deux belligérants, en même temps, de se mettre en rapports. »
M. S. a parfaitement raison, au point de vue théorique, — mais au point de vue
pratique, il se fait peut-être illusion sur le succès de la proposition anglaise.
M. Thiers avait bien quelque raison de ne point trop compter sur le cabinet de
Londres, malgré tous les efforts d'un diplomate aussi avisé que M. de Chaudordy.
La proposition anglaise avait été accueillie avec dédain par le cabinet de Péters-
bourg. « Sa majesté, avait dit le prince Gortchakov, croit que tout arrangement
» entre les puissances neutres serait une œuvre stérile et sans résultat pra-
» tique. ))^ Eût-il suffi dès lors d'entraîner l'Autriche-Hongrie et l'Italie pour
imposer à la Prusse .f* Oui, peut-être, si les ministres anglais avaient montré la
résolution de se faire écouter. Mais il est bien clair que l'Angleterre n'agissait
qu'à la condition de ne se compromettre en aucune façon. Si M. Thiers eût
abandonné la proposition russe pour attendre l'effet de la proposition anglaise, il
est douteux que le cabinet anglais eût montré pour cela plus d'énergie et plus
d'activité pour faire triompher ses intentions. Il y a lieu de regretter que le voyage
de M. Thiers à Paris et ses pourparlers à Versailles aient retardé le mouvement
offensif de l'armée de la Loire, à la fin d'octobre, — mais si M. Thiers jugeait
nécessaire de conclure la paix, la proposition de la Russie lui donnait le
moyen de savoir ce que M. de Bismark voulait, tandis que la proposition
de l'Angleterre n'eût point tenu contre une fin de non-recevoir du cabinet
prussien.
M. S. insiste sur ce fait que M. Thiers n'a point essayé, lors des négociations
pour les préliminaires de Versailles, de faire intervenir les neutres dans la fixa-
d'histoire et de littérature. 317
tion des conditions de paix. «.Ce fut de parti-pris, dit-il, que M. Thiers évita
» d'en appeler à l'Europe. » Un autre écrivain très-judicieux, M. Valfrey, avait
signalé le même fait dans son Histoire de la diplomatie du gouvernement de la
défense nationale. « Le fait caractéristique de la procédure de M. Thiers, dit-il,
» est de n'avoir pas mis les puissances au courant des exigences territoriales de
» la Prusse. » Les deux écrivains se montrent très-surpris de cette façon d'agir
et n'hésitent point à la blâmer. M. S. établit qu'une intervention des neutres, en
dépit du mécontentement que M. de Bismark en eût ressenti, n'aurait point
aggravé les conditions de paix. M. Valfrey, même pour les cessions territoriales,
est d'avis qu'une autre procédure diplomatique aurait ramené M. de Bismark à
des conditions plus modérées que celles qui ont prévalu (I. 133). L'histoire
saura sans doute quelle réponse M. Thiers réserve à ces objections, mais nous
essaierons d'indiquer une explication de sa manière d'agir.
Ce fut l'une des difficultés les moins apparentes et peut-être les plus réelles
pour notre gouvernement, lorsqu'il engagea les négociations de paix, de déter-
miner dans quelle mesure et dans quel sens les grandes puissances seraient
disposées à faire prévaloir leur influence près des belligérants. La Prusse avait
dit bien haut qu'elle entendait faire la paix sans médiateur, et tout le monde
savait dès les premiers jours de la guerre à quelles conditions, au point de vue
des cessions territoriales, elle traiterait avec nous. Mais rien ne nous autorise à
penser que M. de Bismark n'eût pas su tirer au besoin grand profit d'une média-
tion offerte par les cabinets sans rien céder d'essentiel sur les conditions de paix.
Si les états de l'Europe avaient manifesté la préoccupation de maintenir un
certain équilibre, en dépit de la prépondérance conquise par la Prusse, M. de
Bismark eût cherché de son côté le moyen de garantir la durée de son traité de
paix avec la France. Ces deux tendances n'étaient pas sicontradictoires qu'un poli-
tique habile comme le ministre prussien n'eût trouvé le moyen de les concilier.
Il eût suffi pour cela de répondre aux conseils de modération qu'il aurait reçus
de Londres, de Vienne, de Pétersbourg, en réclamant de l'Europe la
garantie de la paix qu'il nous eût imposée. Or il y avait fort à craindre, dans
l'état d'isolement et de défiance où l'on voyait alors les grandes puissances, que
M. de Bismark n'obtînt cette précieuse garantie au prix de très-minimes conces-
sions. Ainsi la défaite de la France eût été sanctionnée par l'Europe. On comprend
donc que M. Thiers, qui avait. vu de près tous les hommes d'état de l'Europe,
n'ait pas voulu laisser faire de notre abaissement l'une des conditions d'un soi-
disant équilibre européen. Tous les peuples ont subi des défaites et traversé des
périodes de faiblesse et d'effacement. Ceux-là seuls ont mérité de tenir une
grande place dans l'histoire qui n'ont jamais désespéré de leur avenir. Or, c'eût
été désespérer que d'accepter, sous le nom de paix garantie par l'Europe, une
sorte de tutelle honteuse et dégradante. La paix de Francfort n'a eu d'autre
sanction que la force : — Nous ne voyons pas quel avantage c'eût été pour nous
de lui donner pour sanction un verdict européen, à moins que la médiation de
l'Europe nous eût sauvé du démembrement.
Nous n'avons touché qu'à quelques questions et nous sommes obligés de nous
3l8 REVUE CRITIQUE
borner. Le livre de M. S. n'est pas seulement une histoire, mais un traité de
diplomatie. Il expose toutes les parties d'une négociation de telle façon qu'on en
comprenne le fort et le faible. On trouve parfois qu'il a trop de confiance dans
cet art dont il connaît à fond la théorie et la pratique. L'infaillibilité de M. de
Bismark, qu'il est si facile d'opposer à la faiblesse de ses adversaires, a surtout
acquis toute sa valeur à cause de M. de Moltke. On serait tenté de penser que
M. S. l'oublie à certains moments. Mais, quoiqu'il en soit, le livre mérite d'être
étudié sérieusement et il atteste la profonde compétence de M. S. dans son
enseignement de l'École des sciences politiques. Nous ne voulons pas terminer
notre appréciation sans recommander la lecture de deux dissertations très-instruc-
tives, que M. S. a mises en appendice, sur le maréchal Niel et sur une comparaison
des événements de 1806 et de 1870. On y verra des faits qui fortifient singu-
lièrement les réflexions très-sages que nos désastres ont inspirées à M. S. sur les
conditions d'existence de notre pays.
Van den Berg.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance publique annuelle du $ novembre 1 87 5 .
M. Alfred Maury, président de l'académie, prononce un discours dans lequel
il fait connaître les prix décernés en 187$ et les sujets de prix proposés.
Les prix décernés cette année ont été annoncés par la Revue critique, 187c,
I p. 399, 2 p. II 1-2, 143-4, 159. En outre, le prix Stanislas Julien, pour le
meilleur ouvrage relatif à la Chine, a été décerné à M. James Legge, pour son
Recueil des classiques chinois avec traduction et commentaire en anglais, Hong-
Kong, 1861-72, gr. in-80. Aux sujets de concours déjà annoncés {Revue critique,
1873, 2, p. 342, et 1874, 2, p. 383), il faut ajouter les suivants' : — Prix
ordinaire (2000 fr.) : — 1877 (concours prorogé). Histoire de la piraterie dans
les pays méditerranéens depuis les temps les plus anciens jusqu'à la fin du règne
de Constantin le Grand. — 1878. Traiter un point quelconque touchant l'histoire
de la civilisation sous le Khalifat. — Prix Bordin (3000 fr.) : — 1877 (concours
prorogé). RecueilHr les noms des dieux mentionnés dans les inscriptions baby-
loniennes et assyriennes, tracées sur les statues, bas-reliefs des palais, cylindres,
amulettes, etc., et tâcher d'arriver à constituer, par le rapprochement de ces
textes, un panthéon assyrien. — 1878. Etude sur les Grandes Chroniques de
France. A quelle époque, sous quelles influences, et par qui les Grandes Chroni-
ques de France ont-elles été commencées .? A quelles sources les éléments en
ont-ils été puisés .? Quelles en ont été les rédactions successives ?
1. Les mémoires devront être déposés au secrétariat de l'institut, le 3 1 décembre 1876,
terme de rigueur, pour les concours de 1877, et le 3 1 décembre 1877, terme de rigueur,
pour les concours de 1878.
d'histoire et de littérature. 319
Dans le même discours, M. Maury indique les travaux que l'académie a reçus
des membres des écoles françaises d'Athènes et de Rome. M. Collignon a dressé
un catalogue des vases peints du musée d'Athènes. M. Bayet a recueilli les
inscriptions chrétiennes de l'Attique. M. Bloch a fait un travail sur le sénat romain.
M. Riemann a entrepris une étude sur les manuscrits de la première décade de
Tite-Live. M. Homolle poursuit des recherches sur le territoire d'Ostie. M. l'abbé
Duchesne a fait un travail sur le Liber pontificalis ; M. Clédat, un classement des
manuscrits de Bertrand de Born. M. Mùntz a commencé un livre sur l'histoire
de la mosaïque chrétienne en Italie.
M. Maury termine son discours en exprimant les regrets de l'académie pour
la perte de deux de ses membres, MM, d'Avezac et Brunet de Presle, qui sont
morts depuis la dernière séance publique. Enfin il proclame officiellement, au
nom de l'académie, les noms des élèves de l'école des chartes qui ont été
nommés archivistes paléographes pour l'année 1875 (v. Revue critique, 187s,
i,p. 158).
M. H. Wallon, secrétaire perpétuel de l'académie, lit une Notice sur la vie et
les travaux de Aignan-Stanislas Julien, membre ordinaire de ^académie des inscriptions
et belles-lettres. Après avoir raconté la vie de Stanislas Julien ' jusqu'à l'époque
où il fut nommé professeur de chinois au collège de France (1832), puis membre
de l'institut, et dit comment, doué d^une grande ardeur et d'une merveilleuse
facilité pour l'étude des langues, il avait appris en peu de temps et coup sur
coup presque toutes les langues de l'Europe et de l'Asie, M. Wallon s'attache à
faire connaître la méthode nouvelle qu'il a introduite dans l'étude du chinois, les
découvertes par lesquelles il a porté la lumière dans ce langage encore très-
obscur avant lui.
Il explique comment la langue chinoise n'ayant aucune espèce de flexions, ni
pour les noms ni pour les verbes, y supplée par les lois d'une syntaxe rigou-
reuse, qui attribue aux mêmes mots des valeurs diverses suivant la place qu'ils
occupent dans la phrase. Cette syntaxe avait été entrevue par les sinologues
antérieurs, mais Julien en a le premier déterminé les lois, et par là il a pu com-
prendre et traduire avec sûreté un grand nombre de textes réputés avant lui
inabordables, notamment les anciennes poésies, que souvent les Chinois même
ne pouvaient expliquer. — Fier des résultats de sa méthode, il la jugea si néces-
saire qu'il ne crut pas qu'on pût prétendre désormais s'en passer. Il ne put
souffrir que d'autres voulussent se hasarder sans lui sur un terrain dont
I. M. Wallon signale, relativement à ses prénoms, un fait jusqu'ici f)eu connu. Julien,
le sinologue, était né à Orléans le ij avril 1797, et son prénom était Noël; Aignan-
Stanislas était son frère, né le 20 sept. 1799, qui fut mécanicien, partit pour l'Amérique
à l'âge de 16 ou 17 ans, et ne reparut plus. Noël Julien porta ce prénom jusque passé
vingt ans : « Ce fut seulement quand il publia ses premiers livres qu'il les signa du nom
» de Stanislas, le trouvant sans doute plus sonore, plus large, plus imposant : en telle
» sorte qu'on se demande s'il n'aurait pas confondu l'acte de naissance de son frère avec
» le sien. » En effet dans une biographie publiée en 1834, que M. Wallon considère
comme une autobiographie, il est indiqué comme né en 1799.
3 20 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
il se sentait si bien maître. De là son différend si vif avec M. Pauthier,
son concurrent malheureux au Collège de France et à l'institut. Pauthier était
de ceux qui croyaient « que l'interprétation d'un texte chinois n'était que l'art de
» deviner une série d'énigmes, ou la mise au net d'une suite d'images indécises
» entre lesquelles le traducteur européen devait établir une liaison qui n'existait
» pas en chinois » ; JuUen qui avait montré que cette liaison existait dans les
textes et enseigné l'art de l'y découvrir, ne pardonna jamais à son rival d'avoir
dédaigné la méthode de traduction rigoureuse dont il était le créateur, et d'avoir
prétendu mettre au-dessus un procédé qui remplaçait l'intelligence exacte des
textes par une sorte de divination ingénieuse.
Toutefois ses querelles ne furent pas sans profit pour la science. Un différend
qu'il eut avec l'arabisant Reinaud sur la géographie indienne l'amena à faire des
livres chinois relatifs à l'Inde une étude approfondie, d'où il tira une découverte
des plus considérables, sa méthode pour déchiffrer et transcrire les noms sanscrits
qui se rencontrent dans les livres chinois. — Outre ses découvertes philologiques,
on lui doit un très-grand nombre de traductions du chinois, genre de travail
qu'il appréciait beaucoup plus que les dissertations les plus savantes. Parmi
celles de ces œuvres pour lesquelles il a montré le plus de goût, et qui ont rendu
le plus de services, M. Wallon signale ses traductions d'ouvrages relatifs aux
industries chinoises, et surtout à celles de la soie et de la porcelaine. Son Résumé
des principaux traités chinois sur la culture des mûriers et Véducation des vers à soie
(1857), fut estimé d'une telle importance qu'en très-peu d'années il fut traduit
en italien, en allemand, en anglais, en russe et en grec moderne. — Depuis ses
premiers débuts dans les études chinoises, Stanislas Julien s'y attacha vivement
et exclusivement. « Il fut, on peut le dire, l'homme d'une seule chose». Il
n'appréciait point les autres études; il Cï*ut-à pdrtie'âu'^'déchiffrement des hiéro-
glyphes, et point du tout à celui des inscriptions en caractères cunéiformes. Il
donna un dernier témoignage de son attachement aux études chinoises dans son
testament, par lequel il légua à l'académie des inscriptions une rente annuelle
de I $00 fr. pour être donnée en prix, tous les ans, au meilleur ouvrage publié
sur la Chine. — Il mourut le 14 février 1873, et fut remplacé à l'académie des
inscriptions par M j Jules Girard . ' 0 i J îri 1 H H 1 T HJ ^1 U S
Le programme de la séance annonçait la lecture d'une Explication de deux
inscriptions antiques relatives aux historiens Velleius Paterculus et Arrien, par M. Léon
Renier. M. Renier s'est borné à lire la partie de son travail qui se rapportait à
Velleius Paterculus. C'est la communication qu'il avait faite à l'académie à la
séance du 27 août 1875 (^^^"^ critique, 187^, 2, p. 160).
.,.ù .uoiji LL. Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : .F., VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
\
GiESEBRECHT, Geschichtc der deutschen Kaiserzeit. i. Bd. 4. Aufl. Braun-
schweig, Schwetschke u. Sohn. In-8", xlj-928 p. (contient quelques additions).
— Faber, a systematical digest of the doctrines of Confucius. Transi, from the
German of P. G. v. Môllendorf. Hongkong. London, Trubner. In-S", viij-
131 p. — 'A^aixéiAvovoç dcptŒTsia. Das zehnte Lied vom Zorne des Achilleus
nach K. Lachmann herausg. v. Benicken. Gùtersloh, Bertelsmann. In-8",
64 p. ; Benicken, K. Lachmann's Vorschlag im 10. Liede vom Zorne des Achil-
leus a 402-507 an A 557 zu fûgen als richtig erwiesen. Ebd. In-8°, x-72 p.
(n'emporte pas la conviction). — Nâgavarma's Canarese Prosody, éd. by Kittel.
London, Trubner. In-8°, lxxxij-160 p. (travail digne des précédents; l'intro-
duction contient des détails sur Pouvrage de Nâgavarma et un essai sur la litté-
rature Canara). — The Vikramânkadevacharita composed by his Vidyâpati
Bilhana. Ed. with an Introd. by G. Bùhler. Bombay, Government Central
Book Depot. In-S"*, 46-168 p. (importante publication; l'auteur hindou vivait
à la cour de Vikramânka, dans la seconde moitié du 1 1*" s. ; son ouvrage retrace
l'histoire de trois princes de la dynastie Câlukya, qui régna au 1 1^ s. dans le
Dekhan). — Klein, Geschichte aes Drama's. XI. i. Das spanische Drama.
4. Bd. I. Abth. Leipzig, Weigel. In-8°, 581 p. (le style de l'auteur est tel que
le signataire de l'article a dû fermer le livre après en avoir lu une demi-douzaine
de pages). — Mitford, Geschichten aus Alt-Japan. Aus d. Engl. ûbers. v. J. G.
KoHL.' 2 Bde. Leipzig, Grunow. In-8", xxxj-319; 308 p. — Bursian, Ueber
den religiôsen Charakter des griechischen Mythos. Mûnchen, Franz in Comm.
In-4°, 27 p. (pour l'auteur, les mythes grecs se sont formés par l'attribution des
phénomènes natqrels à l'action de divinités personnelles). — Lilienfeld, Die
antike Kunst. Magdeburg, Baensch. In-8°, xij-184 p. (sans valeur).
The Indian Antiquary, Ed. by Jas. Burgess. Part XLVII (vol. IV). October,
187$. Eight Arabie and Persian Inscriptions from Ahmadâbâd (H. Blochmann).
— Biography of Jellâl-al-Din Rûmi (E. Rehatsek). — On the Age and Country
of Bidyâpati (John Beames). — Archaeological Notes (J. Walhouse). — Notes
on the Antiquities found in Parts of upper Godâvari and Krischna Districts. —
Progress of Oriental Research, 1874-75. — Correspondence and Miscellanea.
Malabar Christians (Richard Collins). — Report on Sanskrit Mss. (G. Bùhler).
— Sufi Manzals. — Cape Comorin or Kumârî. — Religious Harmony in Jhelam
District. — Albîrûnî on the Déluge. — Book Notices. Census of the Bombay
Presidency. — The Principles of Comparative Philology, by A. H. Sayce.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
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Gr. in-8*, iv-1152 S. Leipzig (Haenel).
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Lallier (R.). De la condition de la femme
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VI' siècle. In-80, 299 p. Paris (Thorin).
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M"" V. de Lamartine. T. 5. 1834-1841.
In-8°, 595 p. Paris (Furne,Jouvet et C*).
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autographedu poète avec une introduction
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Lenormant (F.), Choix de textes cunéi-
formes inédits ou incbmplétement publiés
jusqu'à ce jour. 3* fascicule. In-4', 161-
270 p. Paris (Maisonneuve et C).
L^Epinois (H. de). Les Catacombes de
Rome, notes pour servir de complément
aux cours d'archéologie chrétienne, avec
dessins. In- 18 Jésus, 238 p. Paris (Soc.
bibliogr.). 2 fr. 50
Meaume (G.-E.). Les Assises de l'an-
cienne chevalerie lorraine. In-8% 73 p.
Nancy (Wiener).
Moulenq (F.). La Justice au XVII* siècle,
épisode de l'histoire d'Auvillars. In-S",
92 p. Agen (imp. Noubel).
Mûller (L.). De Phaedri et Aviani fabulis
libellus. In-8o, iij-34 p. Leipzig (Teubner).
I fr. 3 J
Petit de Julleville (L. ). Histoire
grecque. In-12, 310 p. Paris (Lemerre).
Thoemes (N.). Divi Thomae Aquinatis
opéra et praecepta , quid valeant ad res
ecclesiasticas politicas sociales. Pars I.
In-8", I so p. Berlin (Putkammer et M.).
4fr.
Valeri flacci Setini Balbi (C). Argonau-
ticon Libri VIII. Recogn. A. Baehrens.
In-80, lx-i8o p. Leipzig (Teubner). 2 tr.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N" 47 Neuvième année. 20 Novembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
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En vente chez F. Vieweg, libraire-éditeur (librairie A. Franck),
67, rue Richelieu.
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES.
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Traité des termes figurés relatifs à la description de la beauté. Traduit du persan
çt annoté par C. Huart. 5 fr. 50
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PÉRIODIQUES. •
The Academy, n° 182, new séries, 50 octobre. Marquis de CompièGNE,
L'Afrique équatoriale. Paris, Pion (Richard F. Burton : article défavorable).
— Sayous, Les Origines de l'Époque païenne de l'Histoire des Hongrois. Paris,
E. Leroux (Arthur J. Patterson; cf. Rev. crit., 1874, ^U P- 298). — Chro-
nicon Angliae ab A. D. 1328 usque ad Annum 1 388, auctore monacho quodam
Sancti Albani. Ed. by E. M. Thompson. Rolls Séries (C. W. Boase : excellente
édition; le ms. a été découvert par l'éditeur au British Muséum). — The English
Colonies during the Seventeenth Century (deux documents, l'un sur la traite des
blancs, l'autre sur la révolte de Bacon en Virginie). — Correspondence. The
Judge who Commited prince Henry (Cléments R. Markham). — Michel Angelo's
« Création of Adam » (William B. Scott). — Roby, A Grammar of the Latin
Language from Plautusto Suetonius. Part IL London, Macmillan (H. Nettle-
SHip : cette partie traite de la syntaxe; l'auteur s'y montre original ; les exemples
sont abondants et bien choisis).
The Athenœum, n**2$o$, 30 octobre. Hepworth Dixon, While Conquest.
2 vols. Chatto and Windus (très-intéressant ouvrage sur les États-Unis). — A.
Ch. Ewald, The Life and Times of the Prince Charles Stuart, Count of Albany,
commonly called the young Prétendant. 2 vols. Chapman and Hall (contient
quelques détails nouveaux, empruntés à des documents officiels et autres). —
Records ofthe Past. Vols IV, V. Bagster and Sons (monuments littéraires égyp-
tiens et assyriens traduits par les principaux égyptologues et assyriologues). —
CuNNiNGHAM, Report for the Year 1872- 187 3 on the Archaeological Survey of
India. Calcutta, Government P-rinting Office (c'est le V^ volume : il contient,
comme les précédents, une abondance de faits et d'observations; ces rapports
placent M. Cunningham au premier rang parmi les archéologues orientalistes;
on en regrette la forme un peu trop sèche). — Gaelic Word in Shakspeare. II
(Walter W. Skeat : continue sa critique du travail de M. Mackay). — The
Alban Lake (James Young : décrit les travaux qu'y avaient exécutés les Romains
pour en utiliser les eaux). — Moorish Antiquities (Trovey Blacmore : publie la
traduction faite par M. Rieu des inscriptions découvertes dans le mausolée des
Beni-Merin à Shella, près de Rabat, cf. VAîhenmm du 18 septembre). —
Miscellanea. — Mich. — Tirret (C. Godwin).
Literarisches Gentralblatt, n" 44, 30 octobre. Arnobii ad versus nationes
libri VII, recens, et commentario instruxit Reifferscheid. Wien, Gerold's S.
In-8°, xviij-3 52 p. (cette édition marque un progrès considérable dans la critique
du texte d'Arnobe). — Draper, Geschichte der Conflicte zwischen Religion und
Wissenschaft. Leipzig, Brockhaus. In-8°, xxiv-383 p. (bonne traduction de ce
très-intéressant ouvrage anglais). — Mehlis, Studien zur aeltesten Geschichte der
Rheinlande. i. Abth. Leipzig, Duncker u. Humblot. In-8% ix-75 P- (l'auteur
est bien aventureux, et ne fait pas preuve en un sujet aussi délicat de la minutie
et de la sûreté d'érudition voulues). — Celestin , Russland seit Aufhebung der
Leibeigenschaft. Laibach, v. Kleinmayr u. Bamberg. In-8°, 388 p. (ouvrage
instructif et d'une lecture agréable). — Zeitschrift fur Deutsches Alterthum und
Deutsche Litteratur. Unter Mitwirkung von K. Mûllenhof u. W. Scherer.
Herausg. v. E. Steinmeyer. Neue Folge. VII. Bd. i. Heft. Berlin, Weidmann.
In-8°, 112, 64 p. (paraît maintenant tous les trois mois). — Bernays, Der
junge Goethe. 3 Theile. Leipzig, Hirzel. In-8'', xcviij-41 1 ; 507; 720 p. (lettres
et poésies de Goethe, depuis 1764 jusqu'à 1776; h Revue crit. appréciera bientôt
cet ouvrage). — Oppert, L'étalon des augures assyriennes. Extrait du Journal
asiatique (les résultats de ce travail paraissent définitifs). — Klon Stephanos,
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 47 — 20 Novembre — 1875
Sommaire : 220. Dobree, Remarques critiques, p. p. Wagner. — 221. Lucrèce, De
la Nature des Choses, p. p. Bockemuller. — 222. Hahn, Grammaire du vieux haut-
allemand, p. p. Jeitteles, 4* éd.; Braune, Chrestomathie de vieux haut-allemand.
— 223. La Chronique de Flersheim, p. p. Walz. — 224. Dorange, Catalogue des
Mss. de la bibliothèque de Tours. — 225. Schuré, Le Drame musical. — Sociétés
savantes : Académie des inscriptions.
220. — Pétri Pauli Dobree adversaria critica. Editio inGermania prima cum
praefatione Guilelmi Wagneri. Berolini, S. Calvary, 1874- 187 5. 5 vol. in-8°, I, xij
et 352 p. ; II, 220 p. ; III, 147 p. ; IV, 298 p. ; V, 63 p. — Prix : (6 fr.
Dobree (Pierre-Paul) né dans l'île de Guernesey en 1783, fut fellow du Trinity
Collège à Cambridge et ami intime de Porson. Il édita en 1820 le Piutus d'Aris-
tophane avec les remarques de Porson et les siennes, et il procura en 1822
l'édition du Lexique de Photius que Porson avait préparée. Il fut nommé profes-
seur de grec à Cambridge en 1823 et mourut le 24 septembre 1825. Il laissait
dans ses papiers un très-grand nombre de remarques critiques sur les classiques
grecs. Elles furent publiées par son ami J. Scholefield, à Cambridge, en 1831,
sous le titre de Pétri Pauli Dobree adversaria critica. Elles placent leur auteur au
premier rang des hellénistes. M. Wagner, qui a conseillé cette réimpression et
qui y a présidé, semble même placer Dobree au-dessus de Porson : « ne que
)) tamen dixerim » dit-il dans sa préface p. iv, « Dobraeum ad solius Porsoni
» exemplum se totum fmxisse atque formasse, sed ut ingénue fatear, videtur mihi
» Porsoni timidam quandam sapientiam cautionemque haud iniuria abiecisse et
» in re critica factitanda ipsum magistrum audacia superasse. Quod non sum
» nescius Britannis longe aliter videri hominibus plerumque cautissimis nimiaque
» anxietate vulgatas quas dicunt lectiones conservantibus Itaque Porsonus
» maior fortasse fuisset si nonnumquamaudaciae indulgere voluisset, sed itacaute
» vestigia ponere solet, ut errores vix commiserit. Quid! nonne magnum est taies
» errores committere quales sunt Bentlei .?.... semper fere credimus Porsono
» summamque eius diligentiam et circumspectam cautionem laudamus; per-
» saepe non persuadet nobis Bentleius, at critices rationem ab hoc potiusdiscimus
» quam ab illo. »
Nous ne pouvons être de l'avis de M. Wagner: Bentley est un critique plus
ligne d'admiration que d'imitation. Il avait infiniment d'esprit et de lecture,
'mais moins de goût et de jugement. La circonspection que M. Wagner reproche
à Porson me paraît précisément une des marques les plus évidentes de son génie.
Quoi de plus fort que de ne pas abuser de sa force ! Quoi de plus grand et de
plus rare que de ne pas avoir les défauts de ses qualités et de réunir des mérites
aussi difficilement compatibles que le bon sens et la pénétration ! Au reste je
XVI - 21
322 REVUE CRITIQUE
puis invoquer l'autorité d'un homme qui peut être nommé à côté de Bentley
et de Porson; M. Madvig dit en parlant de la critique (^Adv^rsaria, i, 124) :
« Eam artem etsi non praeceptis comprehensam quidam naturali quadam pru-
dentia tenuerunt velut Richardus Porsonus, etsi in uno fere Graecorum scriptorum
génère ingenium exercuit, alii, qui magni critici haberi soient, aut ex aliqua parte
saepe eam violarunt, ut Bentleius in mendis coarguendis et in suspicione con-
tinenda^, aut prorsus ea caruerunt;, ut G. Hermannus, qui non maximum numerum
bonarum emendationum obruit innumerabili inanium et levium opinionum festi-
nanter iactarum multitudine. »
Charles Thurot.
221. — T. LucRETi Cari De rerum natura libri sex, redigirt und erkiaert von
Friedrich Bockemuller. Gedruckt als Handschrift. Stade, Verlag v. Fr. Steudei sen.
1873 (1. I et II), 1874 (1. III-Vl). 2 vol. in-8' (1. I à III et IV à VI), 255 et 279 p.
Il faut du courage pour faire une nouvelle édition de Lucrèce, en Allemagne,
du moins, dans la patrie de Lachmann. Et cependant, en voici deux en peu de
temps; une qui est annoncée pour paraître prochainement, de M. Brieger'; et
une autre qui a vu le jour l'année dernière, celle dont le titre figure en tête de
ces lignes. M. Brieger est aujourd'hui un des savants les mieux qualifiés pour ce
travail; ses études sur Lucrèce dans le Philologus, et ailleurs, l'ont prouvé. Au
contraire, ceux qui avaient lu l'opuscule intitulé : Lncretiana quae scripslt Fr.
Bockemuellerus (Stade, 1869), et un article des Grenzboîen, 1869, signé Fr. B.^,
ne pouvaient pas augurer aussi favorablement d'une édition de Lucrèce faite
par M. B. Et, en effet, cette édition est loin de marquer un progrès dans la
science ? .
Le texte de Lucrèce « rédigé » par M. B. est un texte remarquable, cela est
vrai, par sa nouveauté. On y compte par centaines les mots que M. B. a cru
devoir corriger 4 et les passages où il a élagué ou transposé un ou plusieurs vers.
Mais parmi plus de mille corrections, il en est bien peu qui soutiennent un
examen attentif, pas plus d'une quinzaine qu'on pourrait songer à adopter, et
quatre ou cinq qui sont à peu près évidentes 5. La grande majorité est de la nature
1. Mittheilungen der Veriagsbuchhandiung B. G. Teubner. 1875. N* 4, p. 55.
2. Ein Zeitgenosse Julius Ca?sars (Grenzboten. 1869. T. II, p. 129 suiv.).
?. M. B. dit, il est vrai (Lose Blaetter, N* 1, zu Lucrez, p. 3), qu'il n'a pas voulu
donner une édition de Lucrèce dans l'acception ordinaire de ce mot; il fait profession
d'avoir offert au public seulement : 'i» des matériaux pour une édition à venir; 2° le texte
de Lucrèce rétabli, avec preuves à l'appui ; 3° un commentaire suivi, divisé par chapitres.
Mais qu'est-ce donc que le texte d'un auteur, revu et accompagné d'un commentaire, si
ce n'est une édition dans l'acception ordinaire du mot?
4. J'avais noté environ 1060 corrections que M. B. paraissait donner comme étant
de lui. Mais j'ai vu qu'il y en avait plusieurs qui avaient déjà été proposées par d'autres.
5. I 450 (Lachm.) hamni; II 92 modoque (p. modoquesî); 617 ullam (p. muam)\ 802
coruscat; 812 cum nigrum; III 41 5 splendeat; -jjS et spedare; 702 dispertita rétro, le v. 702
devant précéder le 701 ; IV 406 ibi; 957 satur ac; V 697 et eo (seulement, il fallait expli-
quer eo = ideo)-j 1360 durarunt; VI 8$ qui fiant; 498 uideas.
d'histoire et de littérature. 323
de celles, absolument inutiles ou inadmissibles, qui se présentent à l'esprit la
première fois qu'on lit un auteur, sans connaître ni son style ni sa manière de
penser. Enfin, il y en a une multitude par lesquelles M. B. attribue à Lucrèce
des expressions qui ne sont pas latines, ou des idées si bizarres, qu'on se demande
quel auteur aurait songé à les énoncer en n'importe quelle langue". — M. B.
eût peut-être échappé à ces reproches, si, à défaut d'un certain tact critique, il
avait au moins de la méthode ; s'il fondait sa critique (et son interprétation) sur
l'observation lexicographique , grammaticale, métrique, etc. 3; s'il essayait de
justifier, aux yeux de la raison et du bon sens, les opérations auxquelles il sou-
met le texte; s'il se rappelait que la critique peut bien rarement trancher les
questions, qu'elle est, comme toute science, et plus que toute autre science, une
espèce de calcul des probabilités. Mais bien loin de là, M. B. semble se défier
de l'observation, ou la mépriser 3; il ne doute jamais; il affirme, et quand il
donne des raisons, ce sont trop souvent encore des affirmations qui ont besoin
de preuve à leur tour 4.
Les vers sont éliminés ou transposés avec non moins d'arbitraire. Il n'y a nul
doute que Lucrèce n'a pas terminé son poème, et que bien des passages n'occu-
pent pas la place oh Lucrèce les aurait rangés, s'il avait pu y mettre la dernière
main ; il y en a même qui ne trouvent leur place nulle part dans le poème tel que
nous le possédons. Tout le monde est d'accord là-dessus depuis Lachmann.
Mais cela ne suffit pas à M. B. Il prétend savoir dans quelle année chaque mor-
1. En voici un très-petit choix : I 476 turgidulus p. durateus {equus Troianus); II 173
blandrter (adv.); 934 hune (sensum) non fieri partum (« partie. ») : « que cette sensa-
» tion ne prend pas naissance; » III 460 in munis (corrigé par M. B. pour inmanis) :
« muniorum, gén, de munia, est attesté; l'abl. munis ne l'est pas ailleurs qu'ici; mais
» l'impropriété de i'épithète inmanis appliquée à morbos est une espèce de preuve (bat ihre
» Beweiskraft!) »; IV 123 suiv. quaecumqut ... expirant ... absinthia ... hahrotoniquc ...,
horum fp. quorum) unum ... si forte ciebis (p. duobus) ! « que de choses l'absinthe et i'aurone
» exhalent! » 662 pena erant (p. pénétrant) : « restaient en réserve, comme provision;
» pena, piur. de penum, qui est fréquent à tous les cas du singulier »; 843 manu pugnea
« avec la main qui fait le poing »; V 50 M. B. prouve que Lucrèce ne peut pas avoir
parlé des oiseaux du Stymphale, puis il corrige tymphala cokntcs (mss.) en tum prata co-
lentes; 300 esi (p. ei) exitium « l'épuisement de l'huile de lampe »; < cjum =: combustible,
» VJrg. Mn. V 683 » {lentusque carinas \ est uapor); 436 molisque cohum ortae p. molis-
que coortae. VI 1096 ea cum casu sunt corte (p. forte) coorta : a carte = cohorte^ en masse
» compacte ».
2. Il n'aurait pas l'idée, p. ex., en introduisant dans le texte de Lucrèce rébus ab (IV
91), tempore in (IV 794), et plusieurs tournures pareilles, de se demander quelles règles
Lucrèce observe dans l'emploi de cette figure. Il ne paraît pas seulement se servir d'un
index uerborum : « je n'ai pas remarqué, dit-il (es ist mir nicht aufgetallen) , que Lucrèce
» emploie les mots elementa ei figurae pour désigner les atomes dans le 1. I » (I, 109,
note).
3 . IV 740 animalis : « Il serait étrange qu'il n'eût pas été permis à Lucrèce d'employer
» au singulier un des mots les plus usités » (mss. anima, Lamb. animalis, Munro ani-
mantis, parce que Lucrèce, en effet, n'emploie qu'une seule fois animal, et huit fois ani-
mans)\ etc.
4. il 323 « magno cursu avait peut-être une acception technique spéciale ». 404 \t le
» mot uidere peut désigner n'importe quelle perception des sens chez Lucrèce ». V 260
« edens (p. ergo), sous-ent. partu, comme c'est le cas fréquemment chez les poètes ». 6jo
« ingenti ne peut pas servir d'épithète à caligine chez un poète tel que Lucrèce ». VI 52
« iaciunt animos peut se dire, comme on dit : Mcmmius iacet ».
324 REVUE CRITIQUE
ceau a été composé; combien de fois Lucrèce a remis son poème sur le métier;
quels vers il a ajoutés ou retranchés à chaque fois ' ; enfin, quelle était, dans la
pensée de l'auteur, la forme que devait adopter définitivement l'ensemble et
chacune des parties de son œuvre. C'est pour nous la présenter sous cette forme
que M. B. procède aux dislocations les plus surprenantes 2. Il a un cadre tout
fait, d'après des vues trop systématiques sur le plan du poème et la distribution
des matières, et, de gré ou de force, il fait tout rentrer dans ce cadre, même
les morceaux dont il est prouvé jusqu'à l'évidence que Lucrèce ne leur avait pas
encore trouvé de place?. Néanmoins, c'est peut-être le principal mérite de
l'ouvrage de M. B., d'attirer l'attention du lecteur sur les divisions, les transi-
tions, les récapitulations, en un mot sur les indices de l'ordre adopté par Lucrèce;
et pour ceux qui ne le suivront pas dans ses tours de force critiques , il aura
réussi tout au moins à révéler dans le texte de Lucrèce encore plus d'incohé-
rence qu'on n'en avait déjà reconnu. C'est quelque chose de constater le mal,
lors même qu'il n'y aurait pas de remède 4.
L' « explication « de Lucrèce offerte par M. B. se réduit à fort peu de chose.
On vient de voir qu'il s'applique particulièrement à rendre compte du plan du
poème et de l'enchaînement des idées; il faut lui en savoir gré, tout en regret-
tant les excès oîi cette préoccupation très-légitime l'a poussé. Mais à part cela,
l'interprétation de M. B. n'est guère qu'une espèce de paraphrase dont il serait
difficile de concevoir l'utilité 5, pour ne rien dire de certaines erreurs trop mani-
festes 6. Quelques notes, éparses çà et là, relatives aux antiquités, sont tirées de
Guhl et Koner7. Très-peu de chose, nous l'avons dit, sur la grammaire, le style,
la versification de Lucrèce. Presque rien sur la philosophie épicurienne. M. B.
1. Memmius joue un grand rôle dans tout cela. Or rien ne prouve que le Memmius
de Lucrèce soit celui que M. B. a en vue, le préteur de Bithynie de l'an 57. C'est pos-
sible, voilà tout ce qu'on peut affirmer.
2, Ainsi, dans le 1. III, où il est vrai que les arguments contre l'immortalité sont accu-
mulés sans beaucoup d'ordre, ils ont dû presque tous changer de place, sans que l'en-
chaînement logique y ait sensiblement gagné. Il en est de même de la seconde partie du
I. VI, oili M. B. établit deux catégories de phénomènes, terribilia et mirabilia. Ceci est
encore assez indifférent. Mais l'histoire du monde au 1. V est véritablement bouleversée.
Enfin, c'est dans d'innombrables transpositions de fragments moins étendus que le poème
a le plus souffert, chacune de ces transpositions ayant nécessité la transformation d'un
ou plusieurs vers.
5. II 167-183, vers que M. B. trouve tout à fait à leur place entre 166 et 184; IV
822 suiv., etc.
4. M. B. paraît cependant avoir trouvé le remède en quelques endroits; ainsi, quand
il place les v. 205 à 207 du 1. I après 214 (cf. Stuerenburg, de carminis Lucr. 1. 1. Lips.
1874, p. 23 suiv.); de même I 885 herbis quoque saepc decebat, \ 884 cum lapidi in lapidem
terimusj manare cruorem ; etc.
5. Je prends au hasard : II 71 1 nam, car — sua cuique corpora^ les atomes convenables
à chaque organisme passent — ex omnibus, de tous les aliments dans l'intérieur des
membres — 712 conexaque efficiunt, et après être entrés en rapport, ils contribuent, etc.
6. IV 9^3 « membra summittuntur, les membres sont relevés, redressés (I, 8 tellus flores
» summitlil) ». V 102 « fert proxima, conduit le plus vite — munita fidei (comme III 498
» munita niai) signifie la même chose que munitam fidem, une preuve certaine, suffisante. »
VI S^^ fons fertur^ une source jaillit. Etc., etc.
7. Non pas, p. ex., des erreurs telles que celle-ci : « Les Romains n'avaient ni le
» besoin ni l'habitude de boire des breuvages chauds dans des coupes » (VI 949, note).
d'histoire et de littérature. 325
cite fréquemment les commentaires et les monographies sur Lucrèce; mais ce
n'est pas, en général, pour en tirer ce qu'ils renferment de mieux, ni avec une
entière exactitude'.
Il est regrettable que M. B. ait pris la peine de faire imprimer son «manuscrit»,
et qu'il ait, par là, imposé la peine de le lire à ceux que des études spéciales
obligent à se tenir au courant des publications relatives à Lucrèce. Car si l'on a
pu dire de certains grands critiques qu'on apprend d'eux lors même qu'ils se
trompent, c'est le contraire de M. B. On n'apprend guère de lui, même quand
il a raison.
Max Bonnet.
222. — K. A. Hahns Althochdeutsche Grammatik, nebst einigen Lesestûcken
und einem Glossar. Hrsg. von Adalbert Jeitteles. Vierte wesentlich veraenderte und
vermehrte Auflage. Prag. In-12. 1875. Verlag von F. Tempsky. vx-152 p.
Althochdeutsches Lesebuch zusammengestellt und mit Glossar versehen von Wil-
helm Braune. Halle, Lippert'sche Buchhandlung. 1875. In-S», viij-225 p. — Prix :
4fr.
L'ancien haut- allemand a pour l'étude de la philologie germanique une
importance capitale et depuis longtemps reconnue; si les monuments qui nous
en restent, en effet, ne sont pas aussi nombreux que ceux de la plupart des autres
idiomes congénères, les différences profondes des dialectes qu'on y rencontre,
le mélange de la diversité des formes qu'ils présentent, formes tantôt plus récentes
et plus affaiblies, d'autres fois plus archaïques et partant plus complètes, en font
une mine unique et précieuse d'enseignements ou de comparaisons et expliquent
que cet idiome ait été de bonne heure l'objet d'une étude spéciale. Ce fut là ce qui
détermina K. A. Hahn à publier en 1852 sa Grammaire de l'ancien allemand.
Mais depuis cette époque la connaissance des dialectes germaniques a fait de
grands progrès et son livre avait besoin d'être soigneusement remanié. Les
morceaux choisis qui le terminent présentaient des lacunes évidentes, le diction-
naire était aussi par trop incomplet. C'étaient là des défauts qui pour être voulus
n'en étaient pas moins regrettables. M. Jeitteles, chargé après la mort de l'auteur
de publier son recueil, s'est attaché à les effacer dans deux éditions successives, et
l'accueil que, malgré quelques critiques, a reçu l'œuvre de Hahn ainsi modi-
fiée en fait assez l'éloge et en montre l'utilité. La quatrième édition qui nous en
est offerte aujourd'hui ne mérite pas un accueil moins empressé : les changements
apportés à la grammaire, la révision attentive du texte des morceaux qui la
suivent, les additions utiles faites au glossaire contribuent à faire de ce petit livre
un manuel excellent pour les jeunes germanisants, qui y trouvent à la fois tout ce
qui est nécessaire pour arriver à une connaissance générale de l'ancien haut-
allemand et une préparation suffisante pour en faire une étude plus approfondie
et plus complète.
I. IV 304 adurit p. ardurit; etc. IV 1034 M. B. n'a pas du tout compris ce que
Lachmann dit de Naugerius, ce qui prouve qu'il n'a pas consulté l'édition de ce dernier.
326 REVUE CRITIQUE
Cette étude plus complète, M. Braune s'est proposé de fournir ce qu'il fallait
pour l'entreprendre : une grammaire et un Lesebuch étendus. En attendant qu'il
publie la grammaire, il nous donne aujourd'hui le recueil dpnt elle doit être en
quelque sorte le commentaire. Ce choix, destiné à suppléer à ce qu'il y a d'incomplet
dans les Lesebuch de Wackernagel et de Schade renferme tous les petits monu-
ments en ancien haut-allemand de quelque importance pour l'étude de la langue
et de l'histoire littéraire, et de longs extraits des monuments plus considérables;
c'est ainsi qu'on y trouve un fragment de l'Harmonie des Evangiles d'Ottfried,
qui n'a pas moins de 2600 vers'. Cet important recueil est suivi d'un diction-
naire qui renferme tous les mots qui s'y rencontrent. Si on peut regretter que
l'auteur n'ait qu'exceptionnellement indiqué les passages d'où ils étaient tirés, on
ne trouve pas moins dans son glossaire tout ce qui est nécessaire à une intelli-
gence complète du texte. Le livre de M. Br. est ainsi appelé à rendre les plus
grands services à tous ceux qui voudront aborder l'étude difficile de l'ancien
haut-allemand, et on ne peut que le féliciter de s'être si bien acquitté de la tâche
qu'il s'était imposée et que l'encourager à l'achever en nous donnant prochaine-
ment la grammaire qu'il nous promet.
C. J.
223. — Die Flersheimer Chronik. Zur Gesqhichte des XV. u. XVI. Jahrhunderts.
Zum ersten mal nach volistasndigen Handschriften herausgegeben von D' Otto Walz,
a. o. Prof, der Geschichte an der Universitaet Heidelberg. Leipzig, S. Hirzel. 1874.
In-80, xxiv-124 p. — Prix : 5 fr. 3j.
Nous avons, une fois déjà, prononcé ici le nom de la Chronique de Flersheinif
en rendant compte de l'intéressante biographie de François de Sickingen due à
M. Ulmann(Rgj^. Crit. 1874, p. 261). En rédigeant son ouvrage, M. U. annon-
çait avec regret que , malgré toutes ses recherches , il n'avait point réussi à
retrouver le manuscrit de ce récit si important pour son sujet, et qu'il faudrait
se contenter désormais de la copie incomplète et fautive, publiée par le docteur
Ernest Mùnch, quarante ans auparavant. Mais par un de ces jeux du hasard qui
apprennent au savant à ne point désespérer trop tôt , c'est au moment même où
des autorités compétentes constataient ainsi devant le monde savant la perte
définitive de la Chronique, qu'un jeune professeur de Heidelberg, actuellement
à Dorpat, parvenait à retrouver notre écrit entre les mains d'un haut dignitaire
de l'Eglise, M. le chanoine Holger, de Trêves. Il vient de le livrer au public
dans une édition soigneusement établie.
C'est en effet un document des plus curieux pour l'histoire des troubles politi-
ques qui accompagnèrent les origines de la Réforme en Allemagne et précédèrent
la guerre des Paysans. Philippe de Flersheim, qui en a rédigé la majeure et la
plus intéressante partie, était le beau-frère de François de Sickingen; sa
Chronique a été composée pour défendre l'illustre chevalier contre les accusations
I. On y trouve aussi (p. i $o-i j8) quelques extraits de textes en ancien saxon.
d'histoire et de littérature. 327
d'ingratitude à l'égard de la Maison Palatine, et pour montrer qu'au contraire
c'est elle qui a fort mal reconnu les services de l'illustre condottiere germain. La
rédaction de la chronique ne remonte qu'à 1 547 environ, alors que Philippe de
Flersheim occupait le siège épiscopal de Spire; il dictait son récit à son secré-
taire, et quelques-unes de ses narrations, puisées dans des souvenirs assez
lointains déjà, restent sujettes à caution; quelques impressions se sont effacées,
et — curieuxexemple d'une influence anti-historique, très-compréhensible d'ailleurs
dans la position de l'évêque ! — d'autres sont systématiquement écartées : ainsi
l'auteur s'obstine à faire mourir Sickingen, ce fougueux champion de la Réforme,
en fervent catholique. L'édition de M. W. est faite avec un grand soin, et telle
qu'on devait l'attendre d'un connaisseur aussi compétent de la première moitié
du XVI* siècle. M. W. ne s'est pas contenté de nous donner le texte primitif de
la chronique; il a joint à son volume les additions qu'un neveu de l'évêque,
Frédéric de Flersheim, fit au manuscrit jusqu'en 1572, ainsi que celles par
lesquelles son petit-fils, Jean-Frédéric de Flersheim, continua le récit jusqu'à
l'année i $88. Le manuscrit de Trêves a été collationné avec une copie décou-
verte à Wùrzbourg, et un autre exemplaire, retrouvé par M. Walz à Heidelberg
même, que l'on croyait également depuis longtemps perdu. Un registre des
noms propres et des noms de lieux mentionnés dans la chronique termine cette
utile publication.
R.
224. — Catalogue descriptif et raisonné des manuscrits de la biblio-
thèque de Tours, par A. Dorange. Tours. 1873. Gr. in-4*, viij-^Bi p.
La bibliothèque de Tours est l'une des plus riches de nos bibliothèques pro-
vinciales. Ellecontient des monuments paléographiques que l'on peut dire uniques,
tels que l'évangéliaire en lettre d'or de Saint-Martin (n° 22), des mss. d'auteurs
classiques, de l'un desquels (n°688) M. Thurot a récemment montré l'impor-
tance dans la Bibliothèque de l^ Ecole des Hauîes-Ëtudes (^fasc. 1 7), des textes anciens
de plusieurs de nos anciens poëmes, tels que Gui de Bourgogne (dont on ne
connaît d'ailleurs qu'un autre ms., celui de Londres), Huon de Bordeaux, Ogier
le Danois (les meilleurs textes connus), etc.
Il n'est point surprenant qu'une bibliothèque où sont venues affluer les collec-
tions de Saint-Gatien, de Saint-Martin, de Marmoutiers, soit aussi riche : il
faut bien plutôt s'étonner et regretter qu'elle ne le soit pas davantage; et elle le
serait, sans l'état d'abandon où elle a été laissée pendant la première moitié
de ce siècle. Vaverîissement placé en tête du Catalogue dont nous allons rendre
compte contient à cet égard des témoignages précis, et dès l'instant que selon
l'expression de M. Dorange « les livres, les manuscrits même se promenaient
» dans les divers bureaux de la préfecture », on s'explique sans peine que quel-
ques uns des plus anciens et des plus beaux livres de Saint-Martin et de Saint-
Gatien aient été s'égarer dans la collection de feu Libri, pour aller de là trouver
un refuge dans la bibliothèque d'un riche bibliophile d'outre-Manche. .
328 REVUE CRITIQUE
La meilleure sauvegarde d'une collection de mss. est un catalogue imprimé.
Il est dangereux de faire passer en vente publique un ouvrage volé dont
l'identité est officiellement constatée et partant facile à démontrer. Or s'il
est souvent possible de déguiser la provenance d'un volume imprimé, il est
extrêmement difficile de tromper sur l'identité d'un ms., lorsqu'il a été bien
décrit. C'est qu'on peut toujours supposer l'existence de plusieurs exemplaires
d'un imprimé, si rare soit il, tandis que les mss. sont de leur nature des exem-
plaires uniques.
Le catalogue de M. Dorange, qui indique avec précision le contenu des mss.,
et fait connaître les incipiî ainsi que la page où commence chaque ouvrage,
suffit à constater l'identité des mss., et suffit aussi, ou à peu près, à renseigner
les travailleurs qui savent chercher, et que la connaissance du sujet met à même
de deviner ce qui n'est pas dit expressément. De sorte qu'en somme M. D. a fait
un travail utile et dont on doit lui savoir gré.
Mais si nous voulions examiner par le menu son travail, en tant qu'œuvre
d'érudition, nous y pourrions signaler bien des imperfections. Non pas qu'on y
rencontre beaucoup de grosses erreurs : M. D. a eu soin de soumettre les
épreuves de son catalogue à des personnes de la plus indiscutable compétence,
et la phrase dans laquelle il adresse ses sincères remerciements «à MM. L. Delisle,
» Michelant, H. Zotenberg, K. Wescheret A. Molinier », ne donne qu'une idée fort
inadéquate des obligations qu'il a contractées envers ces érudits,, envers le pre-
mier surtout. Mais tout dans ce catalogue, et ce qui s'y trouve, et ce qui ne s'y
trouve pas, et la rédaction même, tout trahit une grande inexpérience des choses
de l'érudition en général, de la bibliographie des mss. en particulier.
Examinons d'abord quelques points de la description matérielle des mss. :
M. D. indique les dimensions des volumes par les abréviations gr., moy., pet.
Ces désignations ont un sens pour les employés de la Bibliothèque nationale, car
dans cet établissement les mss. sont divisés dans chaque fonds en trois classes
selon leur hauteur : les grands ayant de C", 37 à C", 50, les moyens de o"", 27 à
o"i,37, les petits moins de 0^,27. Mais pour le public, qui n'est point initié à ces
détails d'administration, grand, moyen, petit, sont des termes sans précision; et
pourtant les dimensions exactes des mss. sont utiles à connaître, puisqu'elles
fournissent l'un des éléments d'identification les plus certains. C'est donc avec
toute raison que M. Delisle, dans une brochure dont nous avons rendu compte
ici même en son temps', recommandait « de mesurer en millimètres la hauteur et
» la largeur des volumes, en tenant compte du corps même du mss., et non
» pas des plats de bois ou de carton dont les dimensions peuvent être modifiées
)) par un changement de reliure. » Pour le dire en passant je remarque avec
satisfaction que cette méthode est celle qui prévaut depuis peu dans la rédaction
des catalogues à la Bibliothèque nationale.
Autre détail. M. D. a le soin d'indiquer le feuillet oi!i commence chaque
I. Rev, crit. 1873, art. 166.
d'histoire et de littérature. 329
ouvrage, mais il est fort rare qu'il donne le nombre total des feuillets du ms. Or
cette indication a une grande importance. D'abord parce qu'elle est l'un des
meilleurs moyens qu'on ait de constater, et par suite de prévenir, la mutilation
des livres; ensuite parce que dans le cas d'ouvrages peu connus ou dont
l'étendue varie selon les rédactions, la connaissance du nombre des feuillets est
un utile élément d'appréciation.
Passons à des critiques d'un autre ordre. M. D. est verbeux : il dit peu en
beaucoup de mots. Ayant à dire que le roman de Cliget (n° 942) est inédit, il
s'exprime ainsi : « Plusieurs travaux préparatoires ont été entrepris sur ce
» poëme. Quoique dans l'état actuel des nombreuses études qui se poursuivent
» sur l'ancien français, il soit assez difficile de pouvoir dire si une pièce quelconque
» est encore inédite ou non, nous sommes sûr que ce poëme n'a pas encore été
)) publié. » Nous sommes sûr, veut sans doute dire : « Nous avons appris de M. le
)) D'F , qui prépare une édition du Cliget » — Ailleurs (p. 46), après
avoir cité ces mots qui terminent le ms. 11 0: « Explicit glosa continua super
» Lucam et Johannem, édita a beato Thomas de Aquino, ordinis Predicatorum,
» compléta per manum Yvonis Mesnagier, canonici et penitenciarii Turonensis.
» A. D. 1443°. » M. D. croit devoir ajouter : « la note qui précède nous fait
» voir que ce volume a été achevé en 1443 par Yves Mesnagier, chanoine et
» pénitencier de l'église de Tours. » M. D. pense-t-il que les gens que cette note
peut intéresser ignorent le latin ? C'est à l'aide de développements de cette force
que l'auteur a élevé aux dimensions d'un grand in-4'* un catalogue qui aurait pu
sans dommage se maintenir dans les limites d'un simple in-8°. Si M. D. veut
bien prendre la peine de jeter les yeux sur le récent catalogue des mss. de
Vienne ' il apprendra comment on peut faire tenir beaucoup de matière en peu
d'espace.
Voici qui est plus grave. M. D. ne sait pas distinguer un ouvrage connu d'un
ouvrage qui ne l'est pas; ou, pour dire la même chose en d'autres termes, tous
les ouvrages lui paraissent rentrer dans la seconde de ces deux catégories. Ainsi,
il emploie une cinquantaine de lignes à faire connaître (d'une façon bien impar-
faite pour le dire en passant) le contenu du traité de G. de Saint-Amour Depericulis
novissimorum temporum (n° 1 12). Il ne paraît pas s'être douté que ce traité avait
en son temps excité quelque émotion, de sorte que le titre seul, et au besoin un
renvoi à l'Histoire littéraire^ eussent suffi au lecteur le plus exigeant. Du reste les
indications bibliographiques sont rares chez M. D., et ordinairement peu précises.
Ainsi, à propos du poëme de Barlaam et Josaphat (no 949), il indique qu'un
autre poëme sur le même sujet, celui de Gui de Cambrai, a été publié par
M. Zotenberg et par moi (toutefois sans rapporter le titre de notre publication),
il ajoute même que de la version contenue dans le ms. de Tours il existe un
»
1 . Tabulât codicum manu scriptorum , praeter graecos et orientales, in bibliothcca Palatina
Vindobonensi asservatorum , Edidit Academia Caesarea Vindobonensis. Vindobonae , j 864
et suiv., six vol. in-8°.
^50 REVUE CRITIQUE
autre ms. à Carpentras, mais il néglige absolument ce point essentiel que nous
avons donné à la suite du poëme de Gui de Cambrai, des extraits du ms. de
Tours. — Le dédain de M. D. pour les indications bibliographiques se mani-
feste surtout dans la description du ms. 927; cette description suit de très-
près (et il ne faut pas s'en plaindre) celle que M. Delisle a donnée du même
ms. dans la Romania, II, 91, et cependant la notice de M. Delisle n'est pas
mentionnée.
La table, qui renvoie aux pages, et non aux n^^des mss., ce qui est une faute,
laisse beaucoup à désirer.
J'en ai dit assez pour montrer qu'il n'y a pas lieu de soumettre ce travail à un
examen détaillé •. D'ailleurs, quelles qu'en soient les imperfections, il est évident
que M. Dorange a fait le mieux qu'il a pu.
P. M.
225. — Le Drame musicaL T. I. La musique et la poésie dans leur développement
historique. T. II. Richard Wagner, son œuvre et son idée, par Edouard Schuré.
Paris, Sandoz et Fischbacher. 1-XIII. 1-368 et 1-428. 15 fr.
Cet ouvrage ne renferme pas tout-à-fait ce qu'annonce son titre et notamment
le sous-titre du i" volume. Il semble que M. Schuré ait d'abord projeté de
traiter le sujet qu'il aborde dans son 2^ volume : « Richard Wagner, son œuvre et
son idée », puis, qu'une fois ce 2" volume conçu, il ait pensé que pour faire com-
prendre la révolution tentée dans l'art dramatique et lyrique par le moderne
novateur allemand , une analyse détaillée de ses œuvres — à la fois poétiques et
musicales — ne suffirait pas : M. S. a entrepris d'exposer l'enchaînement des
raisons qui expliquent et justifient les essais de réforme de l'auteur de Lohengrin
et des Niebelungen, et pour cela il est remonté jusqu'à l'origine du drame lyrique,
puis il en a suivi rapidement les transformations depuis l'antiquité jusqu'à nos
jours. Cette étude remplit le i^'' volume. Dès les premières pages l'auteur pose
une thèse dont l'ouvrage entier est le développement et que voici en deux
mots : A l'éclosion du drame, éclosion qui fut aussi en un sens un épanouisse-
ment, M. S. rencontre la tragédie grecque « la forme dramatique la plus élevée
» et la plus complète que l'art humain ait su créer », combinaison complexe à
laquelle concouraient les trois arts que les anciens désignaient sous le nom d'arfs
musiques^ la poésie, la musique proprement dite et la pantomime rhythmée
(Vorchestiqué). C'est à la tragédie grecque ainsi conçue comme le produit de
l'alliance des trois muses que M. S. rattache tout le système de son livre : « La
» loi supérieure, dit-il, qui domine le développement de l'art grec, c'est la
» primitive et profonde harmonie de la danse, de la musique et de la poésie.
» Cette harmonie persiste à travers toutes ses métamorphoses et produit enfin le
I. Disons pourtant à M. D. que le motSor, qui paraît l'avoir vivement intrigué (voy.
p. 209, note) doit se lire Sortes et signifie Socrate; voy. Thurot, Notices et extraits des
mss., XXII, 106, note i.
d'histoire et de littérature. ^31
» chef d'œuvre tragique. Le divorce des trois arts spontanés amène la décadence
» de la tragédie et de l'art grec tout entier. . . Rapide, brillante et unique évolution
» qui contient d'avance et résume les évolutions futures de l'art dans l'huma-
» nité... Les arts particuliers ne sont que les fragments d'un grand tout qu'on
» pourrait appeler l'art humain universel... Les muses sœurs autrefois unies
» sont maintenant séparées. Est-ce à dire qu'elles se suffisent à elles-mêmes ?
» Elles le croient, le disent, mais il n'en est rien. »
Nous nous attendions à trouver dans le livre de M. S. la démonstration en
règle des principes esthétiques posés sous cette forme un peu vague , et
nous avons ouvert avec curiosité les premiers chapitres : mais notre attente
a été déçue : M. S. n'a pas construit son ouvrage d'après les règles de la méthode
scientifique : on n'y constate nulle rigueur d'analyse. L'auteur fait preuve de
qualités d'un autre genre: l'élévation de la pensée, la noblesse des aspirations
esthétiques, la pureté du sentiment artistique animent d'un souffle vif et puissant
plus d'une page de son livre ; mais ces qualités ne suppléent pas celles dont
nous regrettons l'absence. M. S. revêt ses idées d'une forme sytématique et
absolue qui n'est pas toujours justifiée par l'examen rigoureux des faits. Cons-
tamment il classe ceux-ci en grandes catégories, puis bâtit sur ces catégories des
théories générales auxquelles ne manquent ni l'originalité ni l'éclat, mais qui
n'ont pas une base assez sûre. Le style même pèche par l'absence de précision :
il abonde en images brillantes, en frappantes antithèses; la phrase prend ainsi
de la couleur mais ne dit pas toujours ce qu'elle devrait dire. L'auteur déclare
lui-même dans sa préface «qu'il n'a pas fait un livre de critique». Nous ne sau-
rions mieux indiquer ce qui rend son ouvrage défectueux, ou plutôt ce qu'il n'y
faut pas chercher.
Dès le point de départ la précision fait défaut. C'est en vain qu'on voudrait
dans les chapitres consacrés à la Grèce apercevoir clairement ce que l'auteur
entend parla combinaison des trois arts dans la tragédie antique. M. S. néglige
absolument ce côté essentiel de son sujet. Il célèbre en termes enthousiastes les
merveilleux effets de l'union des trois muses, mais il oublie de nous dire comment
suivant lui se réalisait cette fusion magique. Pour ne parler que de deux de ces
muses, il semble que l'auteur parte d'un fait tout-à-fait clair lorsqu'il nous entre-
tient du mélange du chant et de la poésie helléniques : au fond c'est un point
fort obscur et qui méritait que l'auteur le traitât avec plus de soin. Les immenses
développements de la musique moderne sous le rapport de la polyphonie rendent
pour nous très-problématiques les conditions d'existence du drame lyrique antique.
Nous sommes obligés d'admettre, étant donnée la richesse du texte poétique, une
subordination constante de la musique à la poésie ; la première, malgré l'impor-
tance de l'élément rhythmique et mélodique, n'étant, même dans les chœurs et dans
les parties plus spécialement lyriques des chœurs, que, suivant l'expression
d'Aristote, un assaisonnement (-/jûuajjia) de l'œuvre du poète'. Au lieu de poser
I. Voy. Rossbach et Westphal, Griechischc Metrik, 2*édit. T. I, p. 18, qui résume les
332 REVUE CRITIQUE
nettement les termes du problème, M. S, s'en tient à des appréciations générales
d'un vague regrettable. Ses aperçus sur l'origine et la structure du drame grec
sont tout à fait insuffisants et même — ce qui est plus grave — pourraient faire
naître de singulières erreurs dans l'esprit d'un lecteur non au courant de la
matière. On pourrait croire qu'aux yeux de l'auteur, le drame, au moins dans
certaines de ses parties, consistait en une sorte d'action commune où la danse,
la musique et la poésie intervenaient simultanément et avec une égale impor-
tance, sans se nuire ni s'effacer mutuellement : résultat qui n'a jamais été
atteint à aucune époque et par aucun art. Si telle n'est pas au fond l'idée
de M. S. sur le théâtre d'Eschyle et de Sophocle, il a si peu éclairci un point
qui était pourtant le véritable nœud de son sujet, qu'une confusion de la part
du lecteur serait tout à fait excusable. Tant que ce doute peut subsister, tant
que l'auteur laisse planer des nuages sur ce qu'il veut désigner par l'alliance
de la musique et de la poésie dans le drame antique, sa formule qui suppose
cette alliance définie n'a pas de valeur.
Le livre entier se ressent du peu de précision des premiers chapitres.
Après avoir célébré l'antique alliance des muses, M. S. essaye de les suivre
dans leurs courses séparées à travers les siècles ; il montre la poésie se dévelop-
pant en des floraisons immenses, d'où la musique a disparu et avec elle la calme
perfection et l'harmonie complète des compositions antiques; la musique s'éclip-
sant pendant plusieurs siècles, puis surgissant de nouveau des ténèbres sous
forme de combinaisons harmoniques et mélodiques où la poésie et par suite
l'élément vivant et dramatique ne joue plus qu'un rôle secondaire. Tout cela est
un peu factice et superficiel. . ; zr.hb A:>u\D ab alôi si omjjgtn Irupzic
M. S. s'est tracé un vaste cadre qu'il remplit -d^Ine façon incomplète. Ses
chapitres d'histoire sont plutôt en réalité des digressions — dont plusieurs bril-
lantes et bien écrites — sur Dante et Byron, Gœthe et Shakspeare, Palestrina et
Beethoven. Le lien qui rattache un assez grand nombre de ces pages au sujet
même du livre est fragile et ne s'aperçoit pas clairement. Le chapitre relatif à
Beethoven, où l'auteur suppose qu'en introduisant dans le dernier morceau de sa
9« symphonie quelques strophes de Schiller, l'illustre compositeur a définitivement
démontré que pour atteindre à son apogée l'art devait unir la musique à la poésie,
ce chapitre pourrait soulever bien des objections. Beethoven fournit précisément
les plus puissants arguments contre la thèse favorite de M. S. Il a ouvert à la
symphonie purement instrumentale des horizons presque infinis : on pourrait
croire que les paroles lui paraissaient des chaînes et qu'il voulut prouver com-
ment la musique pouvait en s'en affranchissant s'élever jusqu'au ciel.
Nous regrettons que M. S. n'ait pas consacré un de ses chapitres à un sujet
qu'il eût cependant été pour lui bien intéressant de traiter : nous voulons parler
des essais scéniques du moyen-âge, des drames religieux, qui eussent offert de
rares témoignages anciens sur ce sujet, notamment sur le débit de certaines parties du dia-
logue avec accompagnement de musique instrumentale ( 7rapaxaTa>.o'pQ ) et dans le même
ouvrage t. Il, p. 296 : Die metrische Composition der dramatischcn Dichtungen.
d'histoire et de littérature. 33 3
curieux points de comparaison avec la tragédie antique sortie comme eux du culte
populaire. M. S. aurait pu trouver là et suivre ensuite jusqu'à la cantate d'église
et l'oratorio de Bach et de Haendel une veine féconde d'études sur les transfor-
mations qu'a subies l'alliance de la musique et de la poésie religieuses ' .
Le livre intitulé VOpéra est moins une histoire qu^une suite de critiques contre
les tendances de cette forme du drame lyrique durant son entier développement.
Ces critiques sont souvent justes : l'auteur est impitoyable pour les défauts de
l'école italienne et les exagérations ou les futilités qui par son influence ont
envahi nos scènes lyriques. Tout en reconnaissant de grandes beautés dans les
opéras de tant de maîtres illustres, italiens, allemands ou français, M. S. consi-
dère en somme leurs œuvres « comme une série de tâtonnements, d'essais plus
)) ou moins manques, de confusions ou de méprises. » C'est le genre lui-même
qui est ainsi condamné, et quoique sur plusieurs points nous acceptions le juge-
ment sévère de l'auteur, cette condanuiation en bloc nous paraît bien sommaire.
Nous aurions voulu de l'auteur une analyse quelque peu précise des systèmes
suivis par les grandes écoles des deux derniers siècles et du nôtre, depuis l'école
florentine qui, comme on sait, en créant l'opéra à la fin duxvi*' siècle, crut ressus-
citer la déclamation de la tragédie antique ^ jusqu'à l'opéra moderne qui, surtout
en France, est devenu comme une sorte de fusion entre les divers styles. L'au-
teur glisse sur ce sujet qui valait la peine d'être traité plus à fond : il ne s'arrête
un peu longuement qu'à Gluck. Celui-ci constitue en effet un point culminant dans
le développement du drame lyrique, et M. S. a raison de le représenter comme
un géant parmi ses contemporains ou ses successeurs. Mais il arrive à une conclu-
sion exagérée lorsqu'il résume le rôle de Gluck dans ces mots : « Les compositeurs
» qui viennent après lui ont contribué à développer les ressources de l'orchestre,
» mais ils n'ont pas fait faire un pas de plus à la tragédie lyrique : tout au con-
» traire ils l'ont fait reculer et Gluck les domine de toute sa hauteur. » Gluck a
le premier (en continuant cependant Lully et Rameau) posé la formule définitive
de l'art tragi-lyrique et créé par réaction contre le genre factice et conventionnel
de l'école italienne (à cette époque l'école napolitaine) ce drame mouvementé,
pathétique, respectueux de la vérité théâtrale et de la justesse de la déclamation,
qui n'a plus disparu de la scène. A ce point de vue les réformes de l'auteur d'Or-
phée et d^Alcesîe ont eu une portée immense : mais comment nier les progrès dus
à Mozart, Weber, Spontini et aux maîtres plus modernes, et les beautés nouvelles
dont malgré de fâcheux retours à de mauvaises traditions, ils ont doté le drame
musical .?
La nouvelle école dont M. R. Wagner est le chef incontesté et dont
M. S. défend chaleureusement les doctrines, a, on le sait, l'ambition d'opé-
1 . Voir entre autres Coussemaker, Drames liturgiques du moyen-dge (texte et musique).
2. Ce fut là le but poursuivi par l'école florentine au temps des Péri, des Caccini, des
Emilie de! Cavalière : « Nous avons voulu, disait Caccini dans ses Nuove Musiche^ faire
» une espèce de chant par lequel il fût possible de parler pour ainsi dire en musique. »
Voir Gevaert, Chefs-d'œuvre de la musique vocale italienne aux XVII'^ et XVIII* siècles. In-
troduction historique.
I
j^4 REVUE CRITIQUE
rer dans le drame lyrique une réforme complète. Cette réforme diaprés
le nouveau programme se rattacherait directement aux idées de Gluck.
Celui-ci, dit-on, avait entrevu une transformation de l'opéra encore plus profonde
que celle qu'il a réalisée, et cette transformation, il l'a indiquée dans le passage
bien connu de son épîtredédicatoire d'Alceste : «J'ai cherché à réduire la musique
» à sa véritable fonction, celle de seconder la poésie pour fortifier l'expression
» des sentiments et l'intérêt des situations sans interrompre l'action ni la refroidir
» par des ornements superflus, etc. » Si Gluck, ajoute-t-on, eût été fidèle à ce
programme, au lieu de conserver la coupe générale de l'opéra avec ses catégories
reçues, airs, récitatifs, morceaux d'ensemble; etc., il serait allé plus loin : il aurait
supprimé toutes les formes convenues comme autant de barrières qui arrêtent la
marche du drame, confondu la mélodie avec le récitatif, effacé les périodes rhyth-
miques régulières — qui sont dans la musique classique comme les assises de l'édi-
fice mélodique et harmonique — donné enfin au drame musical l'allure exacte d'un
drame shakspearien dont le chant aurait suivi tous les détours, tous les capri-
cieux élans. Gluck s'est arrêté en chemin ; l'école nouvelle pense qu'il s'est
arrêté trop tôt, et ce qu'il n'a pas fait, elle le tente. On ne saurait méconnaître le
talent considérable déployé dans ces tentatives : mais il ne s'en suit pas que
la voie si hardiment ouverte soit celle où l'art de l'avenir doit marcher.
C'est précisément à décrire cette voie nouvelle et les efforts du maître qui l'a
frayée que M. S. consacre son 2« vol. tout entier. Nous ne voulons pas le suivre
dans son analyse détaillée des ouvrages de M. Wagner. L'examen de ces longs
chapitres, d'ailleurs intéressants et bien écrits, nous entraînerait à des discussions
qui ne sont pas du domaine de cette Revue. L'avenir seul montrera la valeur
définitive de ces efforts dont nous ne nions pas la puissance, mais dont l'efficacité
nous paraît plus douteuse. Rien n'est moins certain à priori que le principe mis
en avant par la nouvelle école de la nécessité d'une constante et intime fusion de
là musique avec la poésie : rien ne prouve surtout que cette fusion soit possible :
chacun des deux arts a ses lois propres, et il faut pour qu'une alliance entre eux
puisse se réaliser que Pun des deux fasse des sacrifices. Le drame grec subordon-
nait le chant au texte poétique : l'opéra moderne a, sauf dans le récitatif, donné
la prépondérance à la musique : résultat tout-à-fait conforme à ce qu'exigeait le
développement de l'art musical. Vouloir arriver à un partage égal entre les
deux muses, c'est une chimère : ni l'antiquité, ni la renaissance n'y ont réussi,
et nous ne pensons pas que l'art moderne ait un meilleur succès dans cette
voie.
« Dans un opéra, écrivait Mozart', il faut absolument que la poésie soit la fille
» obéissante de la musique ; » ce qui ne veut pas dire que celle-ci doive en
mauvaise mère maltraiter sa compagne, comme les scènes lyriques en ont fourni
trop d'exemples. On comprend mieux aujourd'hui que jadis la nécessité pour le
compositeur de respecter le texte poétique et les lois du drame : à ce point de
Mozart ; lettres, traduites par Goschier ; lettre 209.
d'histoire et de littérature. 335
vue l'influence de la nouvelle école est et sera salutaire. — Mais quant au bou-
leversement absolu des principes auxquels nous devons en somme des types
musicaux et dramatiques admirables, bouleversement solennellement annoncé
dans de nombreuses préfaces et brochures et dont le théâtre de Bayreuth doit
prochainement montrer la réalisation complète — (les ouvrages jusqu'ici les plus
connus de R. Wagner n'étaient que de premiers pas faits dans la voie nouvelle
et les parties qui ont produit le plus d'impression se rapprochent plus ou moins
de l'ancienne forme) — peut-être est-il prématuré d'applaudir avec enthousiasme
à ces projets de révolution comme le fait M. S. Quelle que soit la puissance du
novateur, on peut conserver des doutes sur la valeur du genre qu'il a l'ambition
de créer.
E.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 12 novembre 1875.
Le ministère de l'instruction publique transmet à l'académie : 1° $0 estampages
d'inscriptions sémitiques, et l'estampage d'une inscription romaine, envoyés
par M. de Sainte-Marie; 2° un rapport de M. Emile Legrand sur une mission
en Grèce.
M . de Wailly termine la lecture de son mémoire sur la langue de Reims au 1 3 ' siècle.
Après avoir signalé l'emploi assez fréquent de l'article picard //pour/a, M. de Wailly
indique les principales particularités que les documents étudiés par lui pré-
sentent au point de vue de la phonétique. Va tonique latin devient généralement
ei et non e (sauf après un / qui ne compte pas pour une syllabe) : ainsi dans la
première conjugaison l'infinitif est en eir et le participe masculin en ei; le parti-
cipe féminin est en ee dans l'orthographe, mais M. Wailly pense que cet ee se
prononçait comme eie. Dans quelques mots seulement l'a tonique latin est repré-
senté par un simple e, père, mère, procurere; la 3^ personne du pluriel du passé
défini est quelquefois en erent et plus souvent en arent. On trouve aussi a pourvu,
par exemple acun. De même 0 et iz ahernent avec ou: le même scribe écrit tantôt
nos et tantôt nous, tantôt mainburnie et tantôt mainbournie ; selon M. de Wailly
ces diverses orthographes représentent également le son ou. Parfois aussi ce
même son est représenté par un 0 surmonté d'un trait horizontal : ô. On a cru
jusqu'ici que l'abréviation ô représentait toujours on ou cm. M, de Wailly pense
qu'elle représente également ou. Il en donne pour preuve un grand nombre de
mots que les scribes de Reims écrivent tantôt par d et tantôt par ou, jamais par
on : œuenance et couuenance., Thomas et Thoumas, etc. Il soutient, par de sem-
blables motifs, que le signe abréviatif en forme de 9 qui dans les textes latins
réprésente les lettres con ou corn peut aussi signifier en français cou : ainsi l'on
trouve c)uert pour couvert, et un même ms. écrit notre adverbe comment
indifféremment coumsAz/, côment et c)ment; de même \e p accompagné d'une ligne
sinueuse à gauche de la haste signifie, selon M. de Wailly, aussi bien prou que
336 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
pro. — En ce qui concerne les consonnes, M. de Wailly remarque seulement
que les consonnes sont tantôt redoublées et tantôt simples, et que le choix entre
ces deux manières d'écrire est tout à fait indépendant de l'orthographe latine.
Il relève aussi l'emploi de l'x pour le son ks dans axion pour action. Enfin il
signale Pusage des accents, non-seulement pour marquer les / (comme nous
employons aujourd'hui le point), mais aussi pour séparer des voyelles en contact
qui devaient se prononcer séparément : ainsi Pon trouve les participes féminins
receûéj véuéy ôié.
M. Le Blant met sous les yeux des membres de l'académie les photographies
de trois fragments du tombeau de S. Martin de Tours, qui ont été retrouvés
récemment.
M. Heuzey commence la lecture d'un mémoire intitulé Eludes sur la ville de
Dyrrhachium. Cette ville avait été fondée par les Corcyréens, qui lui avaient
donné le nom ô^Epidamnos; les commerçants étrangers l'appelaient plus souvent
Dyrrhachium du nom d'une colline voisine ; les Romains préférèrent ce dernier
nom, trouvant celui d'Epidamnos de mauvais augure parce qu'il semblait
contenir le mot damnum. Toutefois les anciens même avaient quelques doutes
sur l'identité du Dyrrhachium des Romains avec l'Epidamnos des Corcyréens ; et
Anne Comnène, au 12^ siècle, rapporte que les habitants de Durazzo ou
Dyrrhachium montraient hors de leurs remparts l'emplacement de l'ancienne
Epidamnos.
M. Chodzkiwick commence la lecture d'un mémoire dans lequel il se propose
de donner une nouvelle lecture d'une inscription cunéiforme, trouvée dans un
palais d'habitation bâti par Darius I à Persépolis, et qui, bien que très-courte
et écrite en trois langues, n'a pu encore être expliquée d'une manière satisfai-
sante.
Ouvrages présentés de la part des auteurs : — par M. G. de Tassy : « Antiquities et
» Orissa », par le Babou Rajendra Lala Mitra, de Calcutta, t. I, in-folio (magnifique
ouvrage publié sous le patronage du gouvernement de l'Inde, avec un grand nombre de
planches en photographie, en lithographie et en gravure sur bois); — par M. L. Renier
{de la part de M. Arïodante Fabretti) : le premier fascicule des Actes de la société d'ar-
chéologie et des beaux-arts de Turin ; — par M. Duruy : Biographie de Fr. Cailliaud
(explorateur de l'Afrique), par M. le baron de Girardot; — par M. Thurot {de la part
du traducteur) : Fr. BUcheler, Précis de la déclinaison latine, traduit de l'allemand par
L. Havet, enrichi d'additions communiquées par l'auteur (24^ fascicule de la Bibliothèque
de l'école des hautes études, sciences philologiques et historiques); — par M. Egger :
L. de Backer, Bidasari, poème malais (traduit du néerlandais); A. Dumont, Essai sur
l'éphébie attique, t. II ; — par M. Renan : Henri Fournel, Les Berbères, étude sur la
conquête de l'Afrique par les Arabes, t. I, Paris, imprimerie nationale.
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
'EtciyP^?*' ^'OÇ "^'^(Cro^ 26ccu. Athen, Wilberg. In-S*", 92 p. (ce recueil des
inscriptions de Syros est magistralement exécuté ; il en résulte quelques données
nouvelles pour l'histoire de cette île).
Jenaer Literaturzeitung, n° 34, 21 août. R. A. Lipsius, Die Quellen der
aeltesten Ketzergeschichte neu untersucht. Leipzig, Barth. ln-8", vj-2^8 p. (G.
Volkmar). — Tyndall, Religion und Wissenschaft. Autorisirte Uebersetzung.
Hamburg, Grùdener. ln-8", $7 p. (Rudolf Eucken). — E. Steindorff, Jahr-
bùcher des Deutschen Reichs unter Heinrich III. Bd. i. Leipzig, Duncker und
Hamblot. In-S**, xij-536 p. (Max Bùdinger). — Jaffé et Wattenbach, Eccle-
siae Metropolitanae Coloniensis codices manuscripti. Berolini, ap. Weidmannos.
In-8", X-166 p. (Karl Zangemeister). — Mehlis, Die Grundidee des Hermès
vom Standpunkte der vergleichenden Mythologie. Abth. I. Erlangen, Deichert.
In-8'', 65 p. (Wilhelm Heinr. Roscher). — Comparetti, Papiro Ercolanese
inedito. Firenze, Torino, Roma, Lœscher..In-4°, 112 p. (Th. Gomperz).
N° 35, 28 août. BiMBENET, Université d'Orléans. Orléans, Herluison.
In-8% 160 p. (Alph. Rivier). — Original sanskrit texts transi, and illustr.
by J. MuiR. Vol. 1-4, second édition. Vol. 5. London, Trûbner (Delbrûck).
— TzETZES, Ueber die altgriechische Musik in der griechischen Kirche. Mùn-
chen, Wolf u. Sohn. In-8°, 1^4 p. (Hermann Buchholtz). — Gomperz,
Beitraege zur Kritik und Erklaerung griechischer Schriftstel'er. I : Zu den Frag-
menten der Tragiker. Wien, Gerold's S. In-4°, 48 p. (;Otto Hense). — Aulu-
laria sive Querolus éd. Peiper (W. Studemund; cf. Rev. criî., 187^, I,
p. 374). — JoRET, Herder et la renaissance littéraire en Allemagne au j8'- s.
Paris, Hachette. In-8% xij-$64 p. (Bernhard Suphan). — Zeitschrift fur
deutsche Philologie, herausg. v. Hôpfner u. Zacher. Ergaenzungsband. Halle,
B. d. Waisenhauses. In-8", 622 p. (E. Sievers).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-pforoptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Adams (J. Q.). Memoirs edited by the
Hon. C. F. Adams. Vol. 4. In-8°, cart.
Philadelphia. 31 fr. 25
— — (C. K.). Democracy and Monarchy
in France. From the Inception of the
Great Révolution to the Overthrow of
the second Empire. In-8°. New York.
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en nostra lengua materna durante las
segles XIV, XV e XVI. En 4-, mayor,
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Escriu A. M. Pineda notari, a con son
gran amich nouamente casât, 8 p. cobles
noues sobre la presa d'Sact Quinti, etc.
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en la creu, 4 p. — Cobles en Lahor des
glorios pare Sact Domingo, 4 p. —
Cosells y bosaaisos dirigits a una noble
senyora, etc., 8 p.
French (B. F.). Historical Collections of
Louisiana and Florida. 2d séries. In-S®,
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suivi du catalogue de l'œuvre gravé de
Louis Le Mire. Portrait à l'eau-forte
^ par Gilbert. In-8*, viij-319 p. Paris
(Baur).
^Hignard. Les peintures antiques relatives
au mythe de Daphné, d'après M. W.
Helbig. In-8°, 20 p. Lyon (imp. Ristor).
Hozier (J. d'). L'Impôt du sang, ou la
noblesse de France sur les champs de
bataille. Publié par L. Paris, sur le manu-
scrit unique de la Bibliothèque du Louvre.
T. 2 (r* partie). In-8% 323 p. Paris
(Dumoulin).
Jones (C. H.). Africa : the Historj^ of
Exploration from Herodotus to Living-
stone. With Map and Illustrations. In-8',
cart. New York. 31 fr. 25
Lane (E. W.). An Arabic-English Lexicon.
Book I. Part 5. In-4°, cart, London
(Williams et N.). 31 fr. 25
Legenden, altengliche. Kindheit Jesu,
Geburt Jesu, Barlaam und Josaphat, St.
Patrik's Fegefeuer. Aus denverschiedenen
Mss. zum ersten Maie hrsg. v. C. Horst-
mann. In-8', xliv-240 S. Paderborn
(Schœningh). 5 fr. 35
Lieutaud (V.). Les criées municipales de
Marseille au mois de décembre 1319. La
Saint-Antoine à Mornas ( Vaucluse). In-8',
34 p. Marseille (Boy fils).
Liotard (G.), (peignes notes philolo-
giques et étymoTogiques. Fortune de
certains mots, subtilités et difficultés de
la langue française. In-S", 30 p. Nîmes
(imp. Clavel-Ballivet),
Mallet (J.). Cours élémentaire d'archéo-
logie chrétienne. In-8°, ix-244 p. Paris
(Poussielgue frères).
Marsy (A. de). Mélanges sur le Verman-
dois aux XlVe et XV^ siècles. In-S»,
28 p. Saint-C^entin (imp. Poette).
Merle d'Aubigré (J.-H.). Histoire de
la réformation en Europe au temps de
Calvin. T. 6. Ecosse, Suisse, Genève.
In-8°, xx-656 p. Paris (Michel Lévy
frères). 7 fr. jo
Millares (A.). Historia de la Inquisicion
en las Islas Canarias. 4 Tomos en 8.
Madrid (Murillo).
Monasterio de Sahagun. Indice de las
documentos del Monasterio de Sahagun,
de la orden de San Benito, y Glosario y
Diccionario geogrâfico de voces sacadas
de los mismos. Gr. en 4, xij-690 p.
Madrid (imp. de Aribau y C»).
Munoz Garnica (D. M.). San Juan de
la Cruz. Ensayo histôrico. En 4, xvj-
441 p. Madrid (Lopez).
Nieto (E.). El realismo en al arte contem-
peraneo. En 8, 126 p. Madrid (Murillo).
Oracles (Les) de Léon le Sage. La Ba-
taille de Varna. La Prise de Constanti-
nople. Poèmes en grec vulgaire publiés
pour la première fois d'après les manu-
scrits de la Bibliothèque nationale par E.
Legrand. In-8*, 112 p. Paris (Maison-
neuve et C').
Parkman (F.). The Old Régime in Ca-
nada. In-8', cart. 466 p. London (Low).
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Pfordten (L. v.). Studien zu Kaiser
Ludwigs oberbayerischen Stadt- u. Land-
rechte. In-8", vij-372 S. Mùnchen (Kai-
ser). 10 fr. 75
Proudhon (P.-J.). Correspondance. T. 7.
In-S®, 379 p. Paris (Lib. internat.), j fr.
Ranke (L. v.). Ursprung u. Beginn der
Revolutionskriege 1791 u. 1792. ln-S°,
x-'^-jc) S. Leipzig (Duncker u. H.).
Il fr. 2 J
Rawlinson (H.). England and Russia
in the East : A séries of papers on the
political and geographical condition of
Central Asia. With Map. In-8% cart.
410 p. London (Murray). 15 fr.
Siegfried (C). Philo von Alexandria als
Ausleger d. alten Testaments an sich
seibst u. nach seinem geschichtl. Einflusse
betrachtet. Nebst Untersuchgn. ùb. d.
Graecitaet Philo's. In-8", vj-418 S. Jena
(Dufft). 12 fr.
Spencer (H.). Essays scientific, Political
and spéculative. Vol. 3, new edit. con-
taining an Appendix. In-80, cart. 352 p.
London (Williams et N.). 9 fr. 40
Spengel (L.). Aristoteles Poetik und J.
Vahlen's neueste Bearbeitgn. derselben.
In-8°, 50 S. Leipzig (Teubner). i fr. jo
Tabulae codicum manu scriptorum praeter
Graecos et Orientales in bibliotheca Pala-
tina Vindobonensi asservatorum. Vol.
VII : cod. Il 501-14000. In-8*, 442 p.
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Vol. I-VIIj. 90 fr. 75
Teufifel (W. S.). Geschichted. rœmischen
Literatur. 3. Aufl. In-8', 1216 S. Leipzig
(Teubner). 14 fr. 75
Vivien de Saint -Martin. L'année
géographique, revue annuelle des voyages
de terre et de mer, des explorations,
missions, etc., relatives aux sciences
géographiques et ethnographiques. T. 12.
13e année. 1874. In- 18 Jésus, xij-429 p.
Paris (Hachette et C'). 3 fr- jo
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N"» 48 Neuvième année. 27 Novembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE l'UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
Prix d'abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
AVIS.
A partir du i'^'" janvier 1876, la Revue critique (Vhistoire et de littérature paraîtra
chez M. Ernest Leroux, libraire-éditeur, 28, rue Bonaparte, où l'on devra
remettre les ouvrages et publications périodiques destinés à la Reme, et adresser
toutes les communications.
En vente chez F. Vieweg, libraire-éditeur (librairie A. Franck),
67, rue Richelieu.
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES.
2$« ET 26e fascicules.
CHEREF-EDDÎN RAMI 'ocUt
Traité des termes figurés relatifs à la description de la beauté. Traduit du persan
et annoté par C. Huart. $ fr. 50
PID î t? O D 17 nn Vocabulaire hiéroglyphique comprenant
• 1 1 IL Iv iV EL 1 les mots de la langue, les noms géogra-
phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement. 5'"^ fascicule.
6fr.
PÉRIODIQUES.
The Academy, n° 183 , new séries, 6 novembre. Hook, Lives of the Arch-
bishops of Canterbury. Vol. XI. London, Bentley (Samuel R. Gardiner : art.
extrêmement défavorable). — Missale ad Usum insignis Ecclesiae Eboracensis.
Surtees Society, Missale ad Usum percelebris Ecclesiae Herefordensis. Privately
printed (J. T. Micklethwaite : Péditeur est M. Henderson; il faut le remercier
pour ces publications, très-utiles à ceux qui étudient l'histoire de l'Église d'An-
gleterre). — German Letter (C. Aldenhoven : nouvelles littéraires). — Corres-
pondence. The Lion of Chaeronea (J. P. Mahaffy : a visité l'endroit où se
trouvent les débris de ce lion; on pourrait le restaurer, et M. M. espère que le
public anglais fera quelque chose pour sauver d'une destruction totale ces restes
vénérables). — Michel Angelo's « Création of Adam » (W. Sanday). — Prince
L.-L. Bonaparte and M. Van Eys (W, van Eys : répond à l'article du prince
Bonaparte (Acad. n" 174) dans lequel celui-ci critiquait plusieurs opinions
exprimées par le signataire dans son « Étude sur l'origine et la formation des
)) verbes auxiliaires basques »). — Bruyn Andrews, Essai de Grammaire du
dialecte Mentonais. Avec quelques contes, chansons et musique du pays (Jules
Andrieu; article incompétent). — A Visit to Pompei (C. I. Hemans).
The Athenaeum, n** 2 506, 6 novembre. Southworth, Four Thousand Miles
of African Travel : a Personal Record of a Journey up the Nile and through the
Soudan to the Confines of Central Africa. Sampson Low and Co. (sans valeur).
— BoNAMY Price, Oxford Reform. Parker and Co. (l'auteur suggère de bonnes
idées pour la réforme de l'enseignement à Oxford). — The Stone of Foundation
and the Site of the Temple (Thomas Chaplin : identifie la pierre de fondation
du temple de Jérusalem dont il est parlé dans le Talmud et dans les traditions
rabbiniques avec le sommet de la Sakhrah, et montre les conclusions qu'on en
peut tirer pour déterminer le site de plusieurs parties du temple). — Fedor
Dostoevsky (notice sur sa vie et ses travaux). — « A Winter's Taie)) (Stanislaus
KozMiAN : croit avec Caro, le continuateur des Annales de Pologne de Roepell,
que Shakspeare a tiré ce drame d'un épisode de l'histoire de Pologne). — Sir
John Gardner Wilkinson (not. nécrologique). ~- The Sinaitic Inscriptions (Samuel
Sharp : donne un intéressant spécimen de la façon dont il déchiffre et interprète
ces inscriptions).
Iiiterarisches Centralbîatt, n° 45, 6 novembre. Cahn, Pirke Aboth sprach-
lich und sachlich erlaeutert. i. Perek. Berlin, Benzian. In-8°, xv-65 p. (l'auteur
est bien préparé pour le travail qu'il a entrepris, et on l'engage vivement à le
continuer). — Eisler, Vorlesungen ùber die jûdischen Philosophen des Mittel-
alters. i. Abth. Wien, Brûder Winter. In-8°, x-128 p. (la seconde partie de ces
leçons, traitant de Maïmonides, a paru en 1870; la i ""^ partie expose les systèmes
des précurseurs de Maïmonides, comme Saadia, Ibn Gebirol, etc. ; la 3^ et der-
nière partie traitera de la philosophie juive après Maïmonides : cet ouvrage
donne une idée claire et précise ae la philosophie juive du moyen-âge à ceux qui
ne peuvent aborder les ouvrages originaux). — Busolt, Die Grundzûge der
Erkenntnisstheorie und Metaphysik Spinoza's. Berlin, Mittleru. S. In-8°, 186 p.
(très-remarquable dissertation, qui d'ailleurs a été couronnée par l'Université de
Kœnigsberg). — Fortlage, Beitraege zur Psychologie als Wissenschaft. Leipzig,
Brockhaus. In-8°, xv-488 p. (ouvrage plein de talent et de science, mais dont
les conclusions ne s'imposent pas). — Loserth, Studien zu bœhmischen
Geschichtsquellen. Wien, Gerold's S. In-S'', 42 p. (essai critique sur la Vita
Karoli ÎV Imperaîoris). — Joachim, Johannes Nauclerus und seine Chronik.
Gœttingen. In-8", 70 p. (bonne contribution à l'histoire de l'humanisme). —
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 48 — 27 Novembre — 1875
Sommaire : 226. Monier Williams, La Sagesse des Hindous. — 227. De Schulte,
Histoire de la Littérature canonique, t. L — 228. Dœbner, Histoire des négociations
de 1325 entre Louis IV de Bavière et Frédéric le Beau d'Autriche. — 229. Duval,
Introduction à l'histoire de la Révolution dans la Creuse, etc. — Variétés : Revue des
dialectes allemands, p. p. Frommann. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
226. — Monier Williams; Indian VTisdom or Examples of the Religions,
philosophical and ethical doctrines of the Hindûs : with a brief history of the chief
departments of sanskrit literature and some account of the past and présent condition
of India, moral and intellectual. London, Allen and Co. 1875. In-8", xlviij-542 p.
M. Monier Williams caractérise lui-même sa publication dans les termes
suivants : <c Le présent volume a pour objet de répondre à un besoin dont j'ai
)) pu reconnaître l'existence, à une question qui m'a été souvent adressée dans
» le cours de mon professorat : Y a-t-il un livre qui donne une bonne idée
» générale du caractère et du contenu de la littérature sanscrite ? — Il est
)) destiné en outre à mettre tout Anglais instruit en état, par le moyen de traduc-
» tions et d'explications de morceaux de la littérature sacrée et philosophique de
)) l'Inde, de pénétrer dans l'esprit, dans les habitudes de pensée, dans les cou-
» tûmes du peuple hindou, et d'arriver à une connaissance correcte d'un système
» de croyances et de pratiques qui s'est maintenu pendant au moins 3000 ans et
» qui continue de former une des principales religions du monde non-chrétien.
)) .... Je me propose, dans ces leçons, de donner des exemples des plus remar-
» quables enseignements religieux, philosophiques et moraux des anciens
)) auteurs hindous, en les disposant de façon à former une suite réguHère confor-
)) mément aux époques successives de la littérature sanscrite. »
Ces explications, rapprochées de celles que renferme le titre, donnent en effet
une idée fort juste de l'ouvrage. Ce n'est pas une histoire de la littérature, ni
même une histoire des idées et des croyances; ce n'est pas non plus un simple
manuel, ni un recueil de morceaux choisis, ni une suite d'études sur un certain
nombre de points saillants. Mais c'est un peu tout cela. Il en est résulté peut-
être pour le livre quelques légères disparates et un certain manque de proportion;
mais ces défauts sont amplement compensés par la liberté d'allure qu'ils lais-
saient à l'auteur, et, à tout prendre, nous ne pensons pas qu'il y ait un autre
ouvrage à l'usage du grand public offrant un aperçu général aussi satisfaisant et
en somme aussi exact de la part qui revient à l'Inde dans l'histoire intellectuelle
de l'humanité. Plus également complète que les chapitres correspondants du
XVI 22
3^8 REVUE CRITIQUE
livre de M. de Bohlen, moins sèche et moins érudite que les Vorlesungen, de
M. Vv^eber, plus générale que VAncient sanskrit Liîerature de M. Max-Mùiler qui
ne traite que de Pépoque védique, la publication de M. W. est une œuvre de
vulgarisation excellente, d'une lecture agréable et substantielle, et que le spécia-
liste lui-même ne consultera pas sans profit.
Dans une introduction destinée à orienter le lecteur, M. W. esquisse à grands
traits la condition présente et passée de Pinde. Il passe en revue les religions,
les langues, les institutions et cherche à dégager de cet examen rétrospectif
quelques leçons pour Pavenir. Les considérations dans lesquelles il entre au sujet
des religions hindoues comparées au christianisme, bien que faites dans un esprit
parfaitement libéral, paraîtront peut-être au lecteur du continent empreintes
d'une saveur anglaise un peu trop prononcée. Nous sommes en ceci moins
préoccupés'du côté pratique que nos voisins; nous n'avons pas le tempérament
aussi porté à la controverse et le vieux préjugé contre « les payens » a en général
moins de prise sur notre public. On n'en goûtera pas moins cet exposé nourri de
faits et plein d'aperçus intéressants. Le jugement réservé et même sévère que, ici
et encore plus loin, M. W. a porté du Buddhisme nous paraît en particulier
d^une grande justesse. Il y a toujours du danger à formuler une opinion
sommaire sur un ensemble de faits aussi complexe qu'une religion; nous nous
permettrons cependant de dire qu'à notre avis, celle-ci a été trop vantée et dans
ses principes et dans ses résultats. On l'a trop représentée comme une doctrine de
liberté, comme une émancipation sociale et intellectuelle. On Pa assimilée à la
réforme, à la lutte de Pempire contre le sacerdoce, à d'autres choses encore, et
en Allemagne, depuis quelque temps, on semble y chercher un précédent du Culîur-
kampf. Ce sont là des théories que les faits ne justifient guère. Pour nous, ce qu'il
y a eu de vraiment noble et grand dans le Buddhisme, c'est, autant qu'il nous est
donné de l'entrevoir, la personne du Buddha ; c'est sa charité vraiment humaine
et sa conception d'une religion uniquement fondée sur la pureté morale. On n'en
saurait douter, les bords du Gange ont vu alors se passer des scènes, ont entendu
prononcer des paroles de mansuétude et d'amour vraiment dignes de la Galilée.
Mais les reflets de cette première aurore ne doivent pas nous donner le change.
Pour l'historien il y a dans une religion encore autre chose que le rêve d'une belle
et grande âme : il est obligé de la prendre dans ses dogmes et dans ses institutions.
Or que nous offre le Buddhisme à ce double point de vue .? Le nihilisme en spécu-
lation et le monachisme en pratique. Par l'un et par l'autre il a dû agir, et il a agi
en eff'et, à la façon d'un narcotique et d'un dissolvant. Aussi, dans tout ce qu'il
nous a laissé, c'est à peine si nous pouvons entrevoir une période de véritable
jeunesse, et toute son histoire ressemble à une longue décadence. Dans l'Inde
même il paraît s'être éteint d'épuisement et il ne s'est perpétué au dehors que
chez des races sans imagination et sans idéal.
Après ces considérations préliminaires, M. W. entre dans le détail de son
sujet : Pétude de Pesprit hindou, tel qu'il se révèle dans les principales œuvres
de la littérature. Dans les 2 premières leçons, il passe rapidement en revue les
écrits védiques. Les 5 suivantes sont consacrées à l'examen des systèmes philo-
d'histoire kt de littérature. 339
sophiques. La littérature technique des Vedângas, les écrits tant anciens que
modernes qui traitent du rituel, de l'exégèse, de la grammaire, de l'astronomie,
de la coutume et du droit, forment la matière des 4 leçons suivantes. 3 autres
contiennent l'analyse des deux grands poèmes épiques; enfin, dans la dernière,
l'auteur examine successivement les productions de la poésie artificielle classées
sous le nom de Kâvyas, la littérature dramatique, les Purânas, les Tantras, la
poésie gnomique et les recueils de contes et d'apologues.
Comme il fallait s'y attendre, M. W. n'a pas développé également toutes les
parties de ce programme. Le désir de ne pas répéter ce qui a été dit et bien dit
ailleurs, le caractère même de son livre qui excluait toute enquête trop spéciale,
enfin l'abondance extraordinaire des matériaux l'obligeaient à se renfermer sur
certains points dans des limites plus étroites. C'est ainsi que certaines branches
de la littérature technique, par exemple les écrits relatifs à l'astronomie, aux
mathématiques, à la médecine, ont été traités très-sommairement, tandis que
d'autres, tels que le Code de Manu, ont été l'objet de véritables monographies.
Ces inégalités auraient pu être moindres; mais puisque, dans une certaine mesure,
elles étaient inévitables çt que les préférences de l'auteur ont en somme porté
sur l'essentiel, nous les admettons volontiers, et nous ne ferons de ce chef à
M. W. qu'un seul reproche : la place qu'il a faite à la littérature védique (47 pages)
est décidément insuffisante.
Par contre, nous citerons comme morceaux particulièrement réussis les analyses
du Mahâbhârata, du Râmâya/za, du Code de Manu et surtout l'exposé des
systèmes philosophiques, la partie la plus remarquable du livre et celle où l'au-
teur a le plus mis du sien. Le premier, que nous sachions, M. W. a essayé,, avant
de s'engager dans l'examen des diverses écoles, de recueillir les doctrines qui
leur sont communes à toutes, et d'esquisser ainsi une sorte de philosophie hindoue
générale. L'idée en elle-même était certainement heureuse. Mais, dans l'exécu-
tion, elle exigeait des précautions et des développements spéciaux dont M. W.
s'est peut-être trop dispensé, et cela au risque d'exposer un lecteur peu préparé
à toute sorte d'équivoques et de malentendus. Ainsi il est parfaitement exact
que la doctrine de la conséquence, ou du « lien » de nos actes, celle de la trans-
migration, de la destinée, de la délivrance finale sont communes à toutes ou à
presque toutes les écoles. Les termes qui correspondent à ces notions sont une
sorte de monnaie dont la valeur subit des variations locales, mais qui a cours sur
tous les marchés du pays. Mais en est-il de même de l'éternité des âmes, de
l'éternité de la matière et de la doctrine quasi-hégilienne que l'esprit n'arrive à
la connaissance que dans un corps "^ Est-il vrai qu'à ces questions comprises
dans le sens qu'elles ont pour nous d'après toutes les habitudes et traditions de
la langue philosophique de l'Occident, les sectes hindoues fassent la même
réponse ? Et si le lecteur doit d'abord les traduire dans la langue technique de
Pinde, ne faut-il pas qu'il soit déjà initié à sa philosophie ? M. W. remarque
lui-même que notre notion de la matière n'a pas d'équivalent exact en sans-
crit. Le fait est que toutes les écoles hindoues ignorent la création ex nihilo,
qu'il s'agisse du monde matériel ou du monde spirituel. Mais, passé ce point,
^40 REVUE CRITIQUE
leurs solutions du problème ontologique sont aussi divergentes que celles qu'on
trouve chez tout autre peuple, et il suffit de parcourir l'exposé de M. W. pour
se convaincre qu'elles vont en effet de l'extrême idéalisme jusqu'au matérialisme
le plus brutal.
Comme méthode d'exposition, M. W. a choisi avec raison la plus directe : il
analyse et cite le plus possible. Un grand nombre des passages extraits sont
traduits en vers blancs d'une très-belle facture. Aussi plusieurs chapitres du
livre forment-ils un digne pendant au recueil de M. J. Muir que nous annoncions
récemment. Des notes abondantes placées au bas des pages renvoient le lecteur
aux ouvrages où il trouvera des informations plus complètes, ainsi qu'aux
éditions et traductions faites jusqu'ici des principales œuvres de la littérature
sanscrite. Dans le choix de ces dernières indications toutefois, il y a un peu
d'arbitraire. Tantôt l'auteur semble exclure les éditions qui ne donnent que le
texte, tantôt il les admet : il en agit de même avec les traductions dans une
langue autre que la sienne, et sans qu'on voie toujours bien pourquoi. Ainsi
p. i6i il ne fait pas mention du Rigveda-Prâtiçâkhya de M. Régnier, ni p. 21 1
deVApastamba-Dharmasûtra de M. Bùhler, le seul texte que nous ayons de cette
classe d'écrits. Ce sont là des inconséquences : l'omission du Taiîtinya-Pràtiçâkhya
de M. Whitney, p. 116, paraît être plutôt le fait d'un oubli.
M. W. annonce sur sa i''*' page qu'il suivra dans son exposé l'ordre des époques
)) successives de la littérature sanscrite ». Il est à regretter qu'il ne se soit
pas expliqué en même temps sur ce qu'il faut entendre par là. Un lecteur inexpé-
rimenté pourrait croire en effet que le livre, dans son ensemble, reproduit un
ordre historique, tandis qu'en réalité il ne reproduit que la classification systé-
matique dont la littérature sanscrite a été de bonne heure l'objet. Or celle-ci est
avant tout descriptive et n'a qu'exceptionnellement une valeur chronologique.
Ses divisions correspondent à des classes d'écrits, rarement à des époques. C'est
ainsi, pour prendre une des plus tranchées de ces divisions, qu'on a composé
des 5ufra5 peut-être 5 siècles et plus avant notre ère et que, 10 siècles après
cette ère, on en composait encore. Uy adonc une classe d'écrits appelés sûtras,
il n'y a pas à proprement parler une «: époque des sûtras )>. Ce n'est pas que
dans ces classes on ne puisse découvrir une certaine succession, ni même
qu'en passant de l'une à l'autre on n'arrive à distinguer des œuvres plus
anciennes et d'autres plus modernes. Mais que d'incertitude dans la plupart de
ces déterminations et combien de lacunes ! Que faire de ces nombreux écrits qui
ont eu pour véritable auteur l'école ou la secte dont ils contenaient la doctrine,
qui se citent tous les uns les autres, et dont la composition a duré pour ainsi dire
tout le temps qu'ils ont été en faveur } Non-seulement pour une bonne partie de
cette littérature nous n'avons pas de dates précises,, mais les déterminations rela-
tives même nous font défaut et, là où celles-ci manquent, il y a bien encore des
problèmes historiques^ il n'y a pas, à proprement parler, d'histoire.
M. W. n'a certainement pas méconnu ces difficultés; ils les a même indiquées
plusieurs fois chemin faisant; mais il n'en a pas assez prévenu le lecteur. D'autre
part, il est juste de reconnaître qu'il a mis à profit, autant que le comportait le
d'histoire et de littérature. 341
caractère élémentaire de son livre, tout ce qui pouvait introduire un peu d'ordre
dans cette confusion. Il l'a fait avec prudence, évitant de soulever des questions
insolubles et se défiant des nouveautés en un sujet où il est plus facile d'ébranler
les opinions reçues que d'en établir de meilleures. Sa critique en général est
conservatrice : dans certains cas toutefois elle l'est avec excès, par exemple
quand il place la rédaction du Code de Manu 5 siècles avant l'ère chrétienne.
Sa principale raison pour admettre une date aussi reculée paraît avoir été le
caractère archaïque que présentent en général les données de cet ouvrage. Et
en effet, à ne juger que d'après le contenu, on est tenté]de regarder le livre comme
très-ancien. Il suffit pour cela d'éliminer, comme autant d'additions faites après
coup, certains éléments qui trahissent une origine plus moderne (mention des
Chinois, des Grecs, de l'écriture, la théorie complète des yugas et des manvan-
îaraSj les passages à tendance encyclopédique, etc., etc.), opération toujours
permise à priori quand il s'agit d'un ouvrage sanscrit. Mais, depuis que la litté-
rature vraiment ancienne de l'Inde est mieux connue, on a pu s'apercevoir que la
position du Code de Manu par rapport à cette littérature est bien différente de
celle d'autres ouvrages qui ont eu également à subir des additions et de bien
plus considérables, le Mahâbhârata par exemple, dont la masse a, de ce chef,
peut-être décuplé. En effet, la littérature védique, laquelle dès Vorigine est toute
sacerdotale, est remplie d'allusions à une poésie héroïque et profane. Quelle était
au juste cette poésie } Nous n'en savons rien ; mais nous ne pouvons pas douter
que le grand poème épique n'en soit le dernier écho et qu'après bien des trans-
formations, les diverses branches de la légende nationale ne soient venues se
réunir dans cette immense encyclopédie • . La question d'origine est donc ici essen-
tiellement indéterminée. On discutera l'âge de certaines additions, on cherchera
à distinguer les remaniements successifs : mais à quelqu'époque qu'on remonte,
il y aura dans la littérature une place pour une œuvre plus ou moins sem-
blable.
Le cas est tout autre pour le Code de Manu. Il n'en est fait mention nulle part;
aucune œuvre ancienne ne le suppose; sa place est prise au contraire par une
littérature bien plus authentique, et c'est à celle-ci sans doute que se rapportent
les expressions si fréquentes de çâsîram, çâstrâni^ quand elles ne désignent pas
simplement « la loi, les ordonnances » d'une façon toute générale. Du moins
ne les trouve-t-on pas associées au nom de Manu. Sur Manu lui-même, les ren-
seignements, les légendes abondent : tantôt il n'y en a qu'un, tantôt ils sont
plusieurs; de bonne heure on lui attribue plusieurs hymnes du Rig-Veda; il est
le père et le premier législateur des hommes et, en celte qualité, on fait remonter
I . Les renseignements sur la façon dont le Mahâbhârata s'est transmis, sont très-rares.
En voici un qui se rapporte au X^ siècle. Une chronique des rois d'Anhillavâ^â dans le
Gujarat, le Dvaiâsharàya (XII° siècle) raconte que le jeune prince Châmand Râjâ se plai-
sait à se rendre dans le temple de Rudra à Siddhapur, où les anciens se rassemblaient,
afin qu'il pût y entendre le Mahâbhârata. Indian Anti^uary, IV, 1 10. Ainsi, encore à cette
époque, on ne le lisait guère.
342 REVUE CRITIQUE
à lui certains rits, certaines institutions ; on cite de lui des ordonnances, des
décisions détachées; des çlokas, des vers mnémoniques courent sous son nom;
mais nulle part il ne figure comme l'auteur d'un Code. Un ouvrage sur la même
matière, le Dharmasûtra d'Apastamba, de date indéterminée, mais certainement
postérieur de beaucoup au v^ siècle av. J.-C, et qui cite ses autorités presqu'à
chaque page, nomme Manu 2 fois : II, 14, 11 où est rappelée une légende de
la Taiîîirîya-Samhiîâ qui le montre donnant, comme père de famille, le premier
exemple de la loi d'héritage, et II, 16, i o\i lui est attribuée l'institution des
offrandes funèbres. Ailleurs, I, 14, 13 et 25; I, 19, 13-16; II, 4, 14, des
stances qui font partie de notre texte de Manu sont citées sans autre mention
que « on dit », « il est dit dans un Purâ/2a ». Tout cela ne s'accorde guère avec
l'existence d'un code de Manu 5 siècles avant notre ère. Il y a plus : on peut
affirmer que la présence, à cette date et sous ce nom vénéré entre tous, d'un
livre pareil embrassant l'encyclopédie entière du droit et de la coutume, rendrait
toute l'ancienne littérature juridique à peu près inexplicable. Cette littérature
écrite en sûtras, et dont nous n'avons que des débris, est elle-même très-
probablement de beaucoup postérieure à la date que M. W. revendique pour
Manu. Mais elle est authentique, ses œuvres appartiennent à des écoles connues
et relèvent d'œuvres antérieures également connues ; ses auteurs enfin sont des
personnages historiques, des hommes qui ont vécu et enseigné. En face d'elle le
Code de Manu ouvre la longue série de ces compositions apocryphes et
pseudonymes, sans attache dans le passé, et dont l'unique objet semble avoir
été de réduire en matière de littérature courante les vieilles traditions brah-
maniques.
Pour atténuer le caractère apocryphe du livre, on a essayé, il est vrai, de le
rattacher directement à une école védique. On a transformé le Code de Manu en
Code des Mânavas, en le donnant pour une rédaction poétique des sûtras de l'école
qui a porté ce nom. Cette explication nous paraît peu probable, en raison même
du caractère éclectique du Code et, en tous les cas, elle n'avancerait guère la thèse
de M. W. Tout ce que nous savons de ces Mânavasûtras, c'est que la partie
relative au rituel a été commentée par Kumârila Bha«a au vii^ siècle, et il n'est
pas certain du tout qu'ils aient aussi traité du droit et des coutumes. Nous
ignorons du reste la nature précise du rapport qui les rattache au nom de Manu.
Mais si ce rapport devait être aussi explicite que celui qui a valu son titre au Code,
si ces sûtras eux-mêmes étaient par conséquent apocryphes à priori, nous
n'hésiterions pas à voir dans ce fait exceptionnel parmi cette classe d'écrits, un
argument décisif contre leur antiquité. En résumé, nous estimons que la date
proposée pour le Code de Manu par M. W. est insoutenable et que, dans l'état
actuel de nos connaissances, toute détermination précise à ce sujet est préma-
turée. On a p^rlé des premiers siècles de notre ère, et il se peut qu'on soit tombé
juste. Les premiers écrivains qui le citent d'une façon certaine paraissent être
jusqu'ici les Mimansistes.
L'usage peu critique qu'on fait souvent de ce livre célèbre, particulièrement
dans des ouvrages de droit comparé, doit nous servir d'excuse pour cette longue
d'histoire et de littérature. 345
discussion. Nous serons plus brefs dans l'indication de quelques inexactitudes
de détail qui ont échappé à M. W. et qu'il aura sans doute l'occasion de corriger
dans une prochaine édition. P. 19 : Il est peu probable que les 7 chevaux de
Sûrya aient désigné les 7 jours de la semaine que les Hindous ne paraissent avoir
connus qu'assez tard. — P. 23. L'hymne cité est du dernier livre du Rig Veda.
— P. 28. Le Tânàya et le Praudha ou Pancavimça-brâhmana sont un seul et
même ouvrage. — P. 31. La classification des sacrifices donnée en note est
inexacte au point de vue hindou et insuffisante au nôtre. — P. 3 5 et 182. L'opi-
nion émise dans l'Aïtareya-brâhma/ia que le soleil ne descend en réalité jamais
sous l'horizon, mais que jour et nuit il va et vient au-dessus de nos têtes en nous
présentant successivement ses 2 faces, l'une brillante et l'autre obscure, est une
explication grossière et enfantine qui ne fait nullement honneur à ceux qui l'ont
imaginée, fût-ce « 2000 ans avant Copernic )>. — Ibid. L'explication d'Upanishad
par « ce qui gît sous la (surface), un mystère » n'est pas probable : dans un
livre élémentaire, il eût fallu indiquer au moins qu'il y en a une autre. La même
observation s'applique à l'étymologie d'^ry^ rapproché de arare p. 234. — P. 37.
<( Les âranyakas sont si obscurs et empreints d'une majesté si auguste, qu'il
n'était permis de les lire que dans les solitudes des forêts ». Je ne comprends
pas ce que M. W. veut dire par là. — P. 38. La Taittirîya'Upanishad fait partie
de VAranyaka et non de la Samhitâ. — P. 49. En faisant de Zoroastre le contem-
porain du Buddha, de Pythagore et de Confucius, il eût été convenable de
prévenir que c'est là une opinion de minorité. — P. 1 58. La règle générale que
plus un sûtra est vieux, plus il est concis, est certainement inexacte, même avec
les restrictions dont M. W. l'entoure. La concision des Sûtras est très-arti-
ficielle; on n'a pas dû y arriver du premier coup, et nous assistons au dévelop-
pement graduel de ce style dans certaines parties des Brâhma/zas. D'ailleurs la
règle de M. W. est en contradiction avec la priorité qu'il assigne lui-même aux
Kàlpa-sûtras ; ceux-ci sont bien moins concis que ceux de Pânini et que les
Sûtras philosophiques. Les Sûtras bouddhiques n'ont rien à faire ici. — P. 1 59.
Le mot râjanya est employé encore ailleurs pour désigner les xatriyas ; c'est le
terme usuel dans lesbrâhma/ias. — P. 160. La classe des écrits qualifiés de Çixâ
est bien plus nombreuse; on en connaît déjà plus d'une douzaine. — P. 182.
La légende des 27 Naxaîras^ filles de Daxa et épouses de Soma, n'est pas parti-
culière à la « later mythology » ; elle est védique. Cf. par ex. T. S. II, 3,5, i .
— P. 183. Il y a longtemps que M. Whitney ne défend plus l'opinion de Biot
d'après laquelle les Naxatras auraient été empruntés aux Chinois et, dans ces
derniers temps, il l'a formellement combattue : Linguistic and Orient. Siudies II,
38$. — P. 185 et 542. Aryabha/a n'est l'auteur que d'un seul ouvrage,
VAryabhalîya; les deux autres titres désignent des subdivisions. La tradition
hindoue ne sait rien d'un auteur de ce nom qui aurait vécu au iir siècle.
A. Barth.
544 REVUE CRITIQUE
227. — Die Geschichte der Quellen und Literatur des canonischen
Rechts von Gratian bis auf die Gegenwart, von D' Joh. Friedrich von Sghulte.
Drei Baende. Erster Band. Einleitung. — Die Geschichte der Quellen und Literatur
von Gratian bis auf Papst Gregor IX. Stuttgart, Ferd. Enke. 1875. ' vol. in-8' de
vj-264 p. — Prix : 10 fr. 75.
Le D^ Schulte, dont les travaux sur les sources canoniques du Moyen Age ne
sont point inconnus parmi nous, mais n'y jouissent pas encore de la grande
réputation qu'ils méritent, a entrepris de résumer et de fondre en un tout com-
plet ses vastes recherches : il vient de faire paraître le premier volume d'une
histoire générale de la littérature canonique depuis Gratien jusqu'à nos jours. Ce
premier volume embrasse la période comprise entre Gratien et Grégoire IX;
après une sobre introduction dans laquelle l'auteur expose la méthode qu'il a
suivie et fournit au lecteur les renseignements bibliographiques indispensables,
M. Sch. aborde directement son sujet. L'ouvrage, dont le plan me paraît simple
et très-naturel, est divisé en deux parties.
La première partie est consacrée aux recueils de textes, en tête desquels figure
le Décret de Gratien que son auteur n'a pu compiler directement sur les sources,
mais bien à l'aide des nombreuses collections qui avaient précédé la sienne. (Ici
M. Sch. énumère les modernes éditions scientifiques de quelques-uns des recueils
que Gratien a utilisés : cette énumération est également élogieuse pour les divers
éditeurs dont les mérites sont pourtant fort inégaux'). Après le Décret de Gratien,
M. Sch. passe en revue les compilations comprises entre Gratien et Bernard de
Pavie ou Circa, compilations qu'il a déjà étudiées dans une intéressante mono-
graphie publiée à Vienne, en 1873 ; il arrive ensuite à la compilation de Bernard
de Pavie ou Compilatîo prima, aux Compilationes secunda, tertia, quarta et
quinta qui précédèrent les travaux de Pennafort et de Grégoire IX. Quelques
renseignements sur la science en droit civil des compilateurs canoniques terminent
cette première partie.
La seconde est consacrée non plus aux recueils de textes, mais aux gloses,
aux commentaires et aux travaux personnels des canonistes. M. Sch. étudie
d'abord les décrétistes ou commentateurs du Décret de Gratien, l'Italien Pauca-
palea (d'où l'expression Paleae), Omnibonus, Rufinus dont il cite quelques extraits
inédits des plus précieux et des plus intéressants, Laborans, le célèbre Huguccio,
etc., etc. Les commentateurs des Décrétales, ou Décrétalistes , Richardus
Anglicus, Gratia, Tancrède etc., viennent à leur tour et forment chacun l'objet
d'un chapitre spécial. Arrivé au terme de cette étude, M. Sch. expose, en
quelques pages , le système d'enseignement oral du droit canonique au moyen
âge et la méthode des auteurs dont il vient d'énumérer et de résumer les
travaux.
Quelques extraits très-heureusement choisis forment un appendice qui sera lu,
je n'en doute pas, avec un véritable intérêt.
I. Voyez le compte-rendu de l'édition de Deusdedit publié par la Revue critique du
14 septembre 1872.
d'histoire et de littérature. 345
Si on veut bien se rappeler que la plus grande partie des œuvres canoniques
du moyen âge analysées par M. Sch. sont encore inédites, si, de plus, on
tient compte de ce fait que presque toutes ces compilations ont été étudiées par
M. Sch. d'après un nombre considérable d'exemplaires, on mesurera facilement
toute l'importance de l'ouvrage que je viens d'analyser.
Je regrette que l'auteur n'ait pas toujours indiqué les manuscrits qu'il a utilisés.
Il se contente, dès que ce renvoi est possible, de viser ses travaux antérieurs,
tandis que, sur d'autres recueils, il fournit d'assez amples indications. Le lecteur
eût été heureux de trouver, sous chaque paragraphe, la liste des manuscrits étudiés
par M. Sch. et même la cote de ceux dont ce dernier connaît l'existence, mais
qu'il n'a pu aborder. Ces renseignements ajouteraient au livre une grande valeur
pratique : mais il règne, au contraire, à ce point de vue, dans tout l'ouvrage,
une certaine inégalité : ainsi, M. Sch. cite deux manuscrits d'Huguccio de la
Bibliothèque Nationale ', et ne mentionne pas les manuscrits d'Etienne de Tournai
que possède la même bibliothèque 2; aussi bien, M. Sch. (je ne puis taire ici mon
étonnement) est fort mal renseigné sur les catalogues de la Bibliothèque
Nationale. Il s'exprime ainsi à la p. lo de son livre : « le catalogue de la Biblio-
)) thèque de Paris ne s'étend pas encore jusqu'aux ouvrages de droit; quant
» aux anciens catalogues ils ne sont pas complets; et les cotes ont été modi-
)) fiées. )) Double erreur, les cotes de l'ancien catalogue sont toujours vraies et le
catalogue des nouveaux fonds latins (le seul qui intéresse M. Sch.) a été entière-
ment terminé et publié par l'infatigable M. Léopold Delisle?. Si, comme je le
crains, M. Sch. n'a pas longuement étudié les manuscrits de la Bibliothèque
Nationale, il ne saurait, du moins, accuser les catalogues.
Avant de quitter le chapitre des manuscrits, je signalerai un manuscrit de la
Bibliothèque du Vatican dont M. Sch. ne parle pas, et qui contient, relative-
ment à la date de \a^Compilatio prima, la même note que le Codex 1 105 deGiessen4.
(Il peut être utile de relever ce fait pour l'étude comparative des manuscrits de
Bernard de Pavie.)
Je puise cette indication dans un travail de la Porte du Theil que M. Sch.
paraît avoir négligé : le mémoire en question lui aurait, de plus, fourni les indi-
cations précises sur la date de l'épiscopat du même Bernard de Pavie ; il n'est
pas suffisant de dire, après Laspeyres, que Bernard fut prévôt de l'Eglise de Pavie
jusqu'en 1 191 et, depuis lors, évêque de Faenza s. La Porte du Theil a prouvé
que Bernard ne devint évêque de Faenza qu'un certain temps après le 29
mars 1191'^.
Mais je ne veux pas tomber d^ns l'infiniment petit. Qu'il me suffise de dire que
1. P. 1 57, note 6.
2. P. 133, note 4.
3. Bibl. de l'Ecole des chartes ^ V* série, t. III, p. 277 et suiv., t. IV, p. 185 et suiv.
VI* série, t. I, p. 185 et volumes suivants.
4. P. 82, note 17. Conf. Notices et extraits des manuscrits, VI, $2.
K S. P. 177.
K^ 6. Notices et extraits^ VI, 54.
I
346 REVUE CRITIQUE
ce beau livre est à la hauteur de ceux qui Pont précédé ; il les coordonne, les
résume et les complète. Nous n'attendions pas moins du savant D"^ Schulte.
Les préoccupations militantes qui, en des temps très-divers, ont suivi l'érudit
canoniste jusque sur le domaine, en apparence, très-pacifique, de la science, se
laissent bien apercevoir ici, mais d'une façon relativement discrète : je n'ai
pas à m'en préoccuper. Je dirai seulement qu'elles ont inspiré à l'auteur une
observation trop sévère ' à l'endroit des Correctores Romani. Les Correctores pou-
vaient-ils se placer au point de vue historique qui nous dirigerait aujourd'hui dans
une édition du Corpus jaris? Ils ont corrigé le Décret, sans se préoccuper, comme
nous le ferions nous-mêmes, de savoir si tel recueil utilisé par Gratien était
déjà fautif, cas auquel, avec beaucoup de raison, nous maintiendrons l'erreur
dans le texte d'une édition savante. Devons-nous leur reprocher avec amertume
cette conduite ? Je ne le pense pas : une sage critique évite de se montrer rétros-
pectivement trop exigeante.
Paul ViOLLET.
228. — Dœbner, Richard, Die Auseinandersetzung ZT^ischen Lud-wig IV
dem Bayer und Friedrich dem Schœnen von Œsterreich im Jahre
1325. Gœttingen, R. Peppmùller. 1875. In-8', 64 p. — Prix : 2 fr. 15.
La présente brochure a pour but d'examiner de plus près les négociations qui
suivirent la bataille de Mùhldorf, gagnée le 28 septembre 1322 par Louis de
Bavière sur l'anti-césar Frédéric le Beau d'Autriche. Cette victoire mit, comme
on sait, le prétendant de la famille des Habsbourg entre les mains du Bavarois
triomphant, qui l'enferma dans le château de Trausnitz. Des querelles subsé-
quentes avec le pape Jean XXII, un échec assez grave qu'il éprouva au siège
de la ville de Burgau engagèrent Louis à se réconcilier avec son adversaire
vaincu. C'est la série des actes débattus et finalement conclus entre les deux
rivaux, que discute M. Doebner, c.-à-d. le traité de Trausnitz, du 1 3 mars 1325,
celui de Munich, du 5 septembre de la même année, la déclaration d'Ulm, du
7 janvier 1326, ainsi que les circonstances se rattachant à ces négociations,
telles que la tentative de Charles le Bel pour obtenir la couronne impériale, grâce
au concours de la papauté d'Avignon. M. D. a judicieusement combiné les
rares documents authentiques que nous possédons aujourd'hui sur cette époque
passablement obscure de l'histoire d'Allemagne ; il a utilisé les données, trop
souvent inexactes ou trompeuses, des chroniques allemandes et même étran-
gères, des sources italiennes surtout, Marino Sanudo, Villani, etc. Ce n'est pas
à dire qu'il ait réussi à porter la lumière sur toutes les questions de détail, passa-
blement embrouillées parfois, qui se rattachaient à son sujet; et s'il a su, sur
quelques points, arriver à des résultats plus exacts, à des conclusions plus
probables que Kopp, de Weech, ou que Kurz par exemple, qui ont traité le sujet
avec le plus de détails avant lui, il reste encore plus d'un problème à résoudre.
1. P. 74.
d'histoire et de littérature. 347
Néanmoins la lecture et l'étude du travail de M. D. s'impose à qui voudra
étudier ou écrire l'histoire du règne de Louis de Bavière, et marque un progrès
dans la connaissance de la question spéciale dont il s'occupe.
Un appendice fort court traite de la chronologie de quelques lettres du pape
Jean XXII, écrites en 1 325 et relatives aux négociations avec Frédéric d'Au-
triche. Nous avons été frappé de voir que, citant Villani et d'autres auteurs
étrangers, M. D. n'ait pas trouvé sous sa main certains chroniqueurs français
ou flamands, comme la Chronique des comtes de Flandre ou le continuateur de
Guillaume de Nangis. Il semble étrange qu'un candidat au doctorat de Goettingue
— car le présent travail n'est sans doute qu'une thèse universitaire, bien que le
titre n'en dise rien — n'ait pu se procurer à la bibliothèque de l'Université des
ouvrages qui ne sauraient y manquer.
R.
229. — Introduction à Thistoire de la Révolution dans la Creuse. Cahiers
de la Marche et Assemblée du département deGuéret, 1788- 1789; par Louis Duval,
archiviste du département de la Creuse. Paris, Dumoulin. 1873, In- 12, 197 et 147 p.
— Prix : 5 fr.
Le volume de M. D. se compose de deux parties : une introduction et un
recueil de pièces. L'introduction elle-même comprend deux sections consacrées,
l'une à l'histoire générale et à la provinciale, antérieures à la convocation des
Etats généraux (i à 171); l'autre à un récit des circonstances qui ont accompagné
ou suivi cet événement dans la Marche, à l'appréciation des espérances ou des
craintes qu'il y a fait naître, au tableau des opérations électorales auxquelles il y
a donné lieu, à l'analyse enfin des vœux et des cahiers que les trois ordres y ont
remis à leurs députés.
^ Avant de faire de ce travail, qui doit être regardé comme le prologue d'une
œuvre plus vaste, l'éloge qu'il mérite, je suis obligé d'insister sur un principe que
j'ai déjà eu trop souvent l'occasion de poser.
Les histoires locales doivent, pour être utiles, conserver leur caractère de
monographie. Il ne leur est permis de toucher à l'histoire générale que discrè-
tement, par allusions rapides, qui ont pour objet de rappeler à la mémoire
des faits présumés connus, en tant du moins que ces faits sont nécessaires à l'in-
telligence des circonstances locales.
Ce principe a été violé par M. D. Sans doute les données de son introduction
ne sont pas radicalement fausses, et il est permis d'adhérer dans une certaine
mesure aux conclusions qu'elle comporte. Mais comment, rassemblée en 170 pages,
l'histoire des institutions de la France ne serait-elle pas superficielle ^. Ainsi conçue
elle ne peut être que le reflet d'opinions déterminées; elle ne va point au fond
des choses, elle les effleure et n'en présente point les différents aspects. L'esprit
qui a animé M. D. est l'esprit démocratique. C'est son droit d'avoir celui-là.
Mais il faut bien admettre les prérogatives de l'esprit contraire qui, dans un tout
autre ordre d'idées, peut inspirer la même histoire.
M^ REVUE CRITIQUE
Ce que doit se proposer l'auteur d'une monographie, c'est l'étude complète,
détaillée, voire minutieuse d'un sujet déterminé. Si M. D. s'était borné à recher-
cher dans l'examen des institutions propres à la Marche les traits qui leur étaient
communs avec celles de la France et les traits qui en diversifiaient la physionomie,
il eût accompli très-utilement sa tâche.
Sous cette réserve, je n'ai guère que des éloges à donner au travail de M. D.
Il est composé avec soin, rédigé avec conscience, écrit avec modération, au
moins dans la forme, même quand la pensée est excessive. L'auteur a parfaite-
ment résumé les pièces qu'il publie, et en donne très-exactement l'esprit. Ayant
commencé, je l'avoue, la lecture de l'ouvrage par celle des documents, et ayant
eu occasion d'y faire quelques remarques, j'ai été très-agréablement frappé de
voir que les points notés par moi n'avaient nullement échappé à l'attention de
M. D. et qu'il en avait tiré tout le parti désirable.
Il ne me sied point d'esquisser ici l'histoire de la Marche; je la résume en deux
mots. Pays pauvre, deshérité des biens de la terre, assez négligé et comme
perdu dans ses limites étroites, au milieu de riches provinces, la Marche souffrit
plus encore que ses voisines du vice d'une administration défectueuse, mal con-
trôlée, souvent insouciante et toujours besogneuse. Le peu qu'elle arrachait à la
misère lui était disputé par les contrées limitrophes, qui employaient à la cons-
truction ou à l'entretien de leurs routes et de leurs édifices la totahté des sommes
votées dans l'intérêt de la généralité. De là une lutte incessante, notamment
avec le Bourbonnais, qui remplit les xvii^ et xviii^ siècles; lutte où la Marche
eut régulièrement le dessous, faute d'influence auprès de l'Intendant et à la
cour. La misère et le conflit^ ces deux incurables fléaux de l'ancien régime
dans les campagnes et les petites villes, ont particulièrement sévi en Marche,
avant 1789.
Je renonce, j'ai expliqué pourquoi, à critiquer la partie de l'introduction
oti M. D. trace le tableau de ce régime. Je dirai quelques mots de la seconde,
celle où il s'agit du mouvement que marque la convocation des états géné-
raux; je signalerai d'abord ce que j'y veux louer, puis ce qui m'y paraît
discutable.
Des assemblées provinciales de 1787, M. D. a raison, je crois, de dire avec
Tocqueville et contre M. de Lavergne qu'elles étaient condamnées à l'impuis-
sance (p. 1 34). Leur institution présentait en effet tous les inconvénients attachés
aux demi-mesures politiques; elles agitent les esprits, et leur refusent l'aliment
propre à les calmer. Alors, la nation était un enfant auquel on donne une part
de gâteau, en lui laissant le reste sous les yeux. Aucun ordre de l'Etat, ni la
noblesse, ni le clergé lui-même ne devait se contenter de miettes, après qu'on
eut eu l'imprévoyance de placer à sa portée l'objet éternel de l'universelle con-
voitise : le pouvoir. M. D. me paraît également dans le vrai, quand il signale
(p. 160) le rôle prépondérant des assemblées de département de 1789 à 1791.
Ce fut en effet la seule force locale qui exerça efficacement l'autorité, après la
disparition des administrations de l'ancien régime, et jusqu'à l'usurpation factieuse
des municipalités qui, timide encore en 1792, atteint son apogée l'année suivante.
d'histoire et de littérature. 349
En observant que nulles entraves ne furent apportées à la libre manifestation de
la pensée des électeurs en 1789 (p. 177), M. D. fait encore une remarque, non
pas neuve, mais qu'on omet trop souvent : jamais depuis cette époque, la nation
n'a été invitée à parler d'abondance, comme elle le fut dans ce moment là. Il
importe toutefois de ne pas oublier que dans les petites villes, et dans les loca-
lités, non pas les moindres, mais celles de médiocre étendue, le mouvement fut
conduit parles détenteurs de charges judiciaires, avocats ou officiers subalternes
qui se rapprochent par la position sociale de l'homme d'affaires, toujours à l'affût
des aubaines ou des occasions de se produire; ils s'emparèrent de la direction
des assemblées préliminaires, et en rédigèrent les cahiers. Selon M. D. cette
spontanéité des vœux locaux se traduisit par une communion absolue des idées
générales (p. 17$)) ^^ il cite à l'appui de son opinion celle de M. Carnot fils.
Précaution superflue ! car c'est bien là, aujourd'hui encore, l'opinion dominante.
L'assertion comporte cependant des réserves. Les trois ordres n'ont pas eu autant
de vues communes qu'on l'a dit et répété. Il est certain par exemple que, presque
dans tous les bailliages, le clergé a revendiqué le monopole de l'éducation et de
l'instruction publique (surtout dans les campagnes, point à noter) et la noblesse
l'exemption de la taille, de l'impôt personnel: les vœux du Tiers furent en
général absolument contraires à ces deux prétentions là. Je signale des traits
d'ensemble. Dans le détail, la diversité des cahiers fut telle que Rondonneau, qui
s'était chargé pour le compte de la chancellerie d'en dresser la rédaction, renonça
à sa tentative ; elle n'a pas été reprise depuis.
M. D. excuse les rivalités de clocher, ce patriotisme étant au fond, dit-il, une
chose fort respectable (p. 182). Au mot de respectable j'en substituerais volon-
tiers un autre, celui de regrettable par exemple. Quand, il y quinze ans, j'abordai
pour la première fois, avec tous les préjugés de l'instruction puisée dans nos
historiens de la Révolution, l'étude des Etats généraux de 1789, le spectacle des
luttes engendrées par ce genre de patriotisme fut une des révélations qui me
causèrent le plus de désenchantement et de dégoût. Les rivalités de ville à ville,
les conflits d'attributions de corporation à corporation, de magistrat à magistrat
remplissent les trois quarts de la correspondance administrative motivée par
la réunion des Assemblées primaires et secondaires. Ce n'est pas trop s'avancer
que d'affirmer que les franchises locales et les institutions provinciales d'avant
1789 ont tristement abouti, dans la période finale, à l'explosion des passions les
plus mesquines, au débordement des haines et des colères les plus frivoles. Un
égoisme étroit et le plus mal entendu en est l'expression.
M. D. approuve le doublement du Tiers; mais, il le déclare avec franchise,
c'est parce qu'il est partisan de la Révolution. Il est impossible denier, ajoute-t-il,
que les cahiers du Tiers, en demandant le vote par tête et non par ordre, ont
ouvert la carrière à la Révolution (p. 193, conf. p. 1 54). Cette opinion me paraît
inattaquable. Ce que je conteste, c'est la légitimité du droit qui fut concédé au
tiers. Céder à sa prétention, c'était annuler les deux autres ordres. Le tiers, selon
moi, obéissait à la loi de tout organisme, qui est la recherche de sa conservation,
partant de son accroissement indéfini. Car tout ce qui ne se développe pas, indi-
^JO REVUE CRITIQUE
vidu, corps, ou nation, tend nécessairement à l'amoindrissement et dépérit. Ce
qui occupa le Tiers en 1789 plus encore qu'en d'autres temps, parce qu'alors il
parvint à son complet épanouissement (non qu'il ne fût rien auparavant ainsi que
l'a écrit Sieyès; depuis deux siècles, il avait très-grande place à tout dans
l'Etat), c'est le souci de ses intérêts propres. Ce qui le choquait dans les privilèges
du Clergé et de la Noblesse, c'était de n'y point participer. Il trouvait mauvaises
les exemptions du Clergé et de la Noblesse; il aurait trouvé très-bon d'en jouir, à
l'exclusion des classes qu'il jugeait inférieures à la sienne, celles des ouvriers et des
paysans. Ce sentiment éclate dans certains cahiers dont M. D. a très-heureuse-
ment relevé des passages significatifs. Les bourgeois de la Marche revendiquent
l'accession à tous les emplois militaires (l'interdiction des grades supérieurs étant,
disent-ils, l'affront le plus sensible à un Français) de la même main qu'ils repous-
sent, comme une sanglante injure, l'humiliation de tirer au sort pour la milice
avec les enfants de leurs meuniers, de leurs métayers et de leurs propres domes-
tiques (p. 86, 177 et 108 des pièces).
Il est encore deux points que je tiens à louer dans le travail de M. D. Dans
la série des documents qu'il met au jour, il fait suivre la liste des membres du
clergé de la Marche qui ont pris part à l'Assemblée de l'ordre et à la rédaction
du cahier, de l'indication de leurs fonctions précédentes et ultérieures; il donne
la date de leur mort, il fait savoir quels sont ceux qui accordèrent ou refusèrent
le serment (p. 48 des pièces). Cette recherche aussi intéressante que difficile
est du meilleur^exemple.
Enfin il signale très-judicieusement comme des sources d'informations pré-
cieuses certains registres d'état-civil où les curés de campagne inscrivaient à côté
des actes de baptême, de mariage et d'enterrement, nombre de particularités
concernant l'histoire locale^ sortes d'annales intimes du village, de la cure et de
l'église, où l'on trouve des comptes, des situations de revenus, des descriptions
topographiques, voire des généalogies de famille (p. 63).
H. Lot.
VARIÉTÉS.
Die deutschen Mundarten. Zeitschrift fur Dichtung, Forschung und Kritik, hgg.
von D'G. Karl Frommann. Siebenter Band (NeueFolge, ersterBand). I. Heft. In-8*.
Halle, Verlag der Buchhandlung des Waisenhauses, 1875. 128 p. — Prix : 5 fr. 35.
Nous nous empressons d'annoncer la réapparition de cette revue, dont la
publication était interrompue depuis 14 ans. Inutile d'insister ici sur Pà-propos
et l'importance de l'étude des dialectes ; non-seulement on y trouve bien souvent
l'explication la plus sûre des particularités que présente la langue littéraire, mais
encore ils offrent pour la philologie générale et la grammaire comparée les rensei-
gnements les plus précieux. Alors que les Anglais ont fondé une société pour l'étude
des dialectes de la Grande-Bretagne , que nous avons celle des langues romanes
et qu'Ascoli et son école poursuivent leurs publications, il eût été étrange que
l'Allemagne n'eût point de périodique destiné à consigner et à encourager les
d'histoire et de littérature. 551
recherches dont ses dialectes si variés continuent à être l'objet, même après les
travaux des Schmeller et des Weinhold. A en juger par le premier numéro le
journal de M. K. Fr. répond parfaitement à ce qu'on attend d'une publication
de cette nature, et les auteurs se sont fait une idée fort exacte du programme
qu'ils avaient à remplir; le mode de transcription proposé par M. Schroer en
particulier mérite d'être médité et en général approuvé ; on peut regretter seule-
ment que certains sons, communs à presque toutes les langues indo-européennes,
soient représentés par des signes autres que ceux qu'on admet d'ordinaire : c'est
le cas par exemple pour y, sonore de scli, figuré ici par s, bien que ce signe soit
le plus souvent celui de la sourde sch elle-même.
Mais je ne voudrais pas trop insister sur ces critiques de détail , quoiqu'elles
aient aussi leur importance, et j'arrive à la composition du premier numéro de la
nouvelle revue. Après un exposé des devoirs qui incombent à celui qui veut
étudier scientifiquement les dialectes allemands, et des exigences qu'on est en
droit de réclamer pour l'édition et l'orthographe des textes, on y trouve trois
articles de fond d'un grand intérêt. Le premier, du D"" Staub de Zurich, est con-
sacré à l'examen d'une particularité phonétique non encore signalée du dialecte
suisse alémanique, la suppression de n devant une consonne, suppression que
connaissait aussi le latin de la décadence, et qui, par suite, s'observe également
dans les langues romanes. Le second article, du D"" H. Rœttsches, est une étude
approfondie du dialecte de Krefeld dans ses rapports avec l'ancien saxon,
l'anglo-saxon et l'ancien haut-allemand. Dans le troisième article enfin le profes-
seur A. Birlinger de Bonn donne des renseignements nouveaux et curieux sur les
termes de chasse et de pêche dans le dialecte bavarois. Un épithalame de 1670,
écrit dans le dialecte de la Marche, nous ramène au bas-allemand et termine
dignement le premier fascicule de cette revue à laquelle nous souhaitons la bien-
venue, en appelant de nos vœux le jour, puisse-t-il n'être pas éloigné! où un
recueil semblable se fondera chez nous pour l'étude des patois parlés au nord
de la Loire. C. J.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 1 9 novembre 1 87 5 .
M. de Saulcy rend compte du troisième rapport de M. V. Guérin au ministre
de l'instruction publique sur sa mission en Palestine. Ce rapport est daté du
20 septembre 187$. M. Guérin, à cette date, avait visité les régions de la haute
Galilée et la ville de S. Jean d'Acre. Un accès de fièvre pernicieuse, qui avait
mis sa vie en danger, l'avait arrêté quelque temps. Parmi les résultats nouveaux
consignés dans ce rapport de M. Guérin, M. de Saulcy signale la découverte de
l'emplacement de la ville d'Asochis, mentionnée dans Joseph.
M. F. Liger écrit pour se porter candidat à la place de membre ordinaire
vacante par la mort de M. Brunet de Presle (v. ci-après, ouvrages déposés).
3^2 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
M. Heuzey continue la lecture de son mémoire sur la ville de Dyrrhachium
ou Épidamne. Après avoir achevé de montrer que pendant presque toute la durée
des temps antiques ces deux noms furent tenus pour synonymes, et que si sous
l'empire quelques personnes ont voulu les distinguer, la différence qu'ils faisaient
entre Épidamne et Dyrrhachium n'était que celle d'une ville haute et d'une ville
basse, de la citadelle et du port d'une même localité, M. Heuzey donne une
description détaillée des lieux où était située cette ville et des" ruines qui en
restent. ïl donne en même temps au tableau la carte des lieux qu'il décrit. L'en-
ceinte ancienne de Dyrrhachium formait un vaste quadrilatère, dont la ville
moderne de Durazzo n'occupe aujourd'hui qu'un angle. La grande enceinte
existait encore au moyen-âge; en 123$ elle fut renforcée d'une tour, comme le
prouve une inscription que cite M. Heuzey. Cette inscription, écrite en vers
grecs, indique que la tour a été bâtie par Théodore Ducas Comnène, c'est à dire
par Théodore L'Ange, second despote d'Épire et de Thessalie, qui prétendait
descendre des Comnènes.
M. Desjardins continue la lecture du mémoire de M. Charles Tissot sur la
géographie ancienne de la Maurétanie Tingitane. Il annonce que M. Tissot est
reparti pour le Maroc, d'où il se propose d'envoyer une nouvelle carte à l'appui
de son mémoire.
Ouvrages déposés : — L. Deschamps de Pas : Essai sur l'histoire monétaire des comtes
de Flandre de la maison d'Autriche (i 482-1 556); Paris, 1874, et Bruxelles, 1875, 2 vol.
in-8°. — A. Franklin : La Sorbonne; Paris, 187^, in-8". — L. Gilliodts van
Severen : Coutumes du pays et comté de Flandre, quartier de Bruges, t. 2 : coutumes
de la ville de Bruges; Bruxelles, 1875, in-40. — F. Liger : Notice sur les titres et les
travaux de M. F. Liger, Paris, 187^, in-4*; La ferronnerie ancienne et moderne, Paris,
187^-75, 2 vol. in-8o; Fosses d'aisance, latrines, urinoirs et vidanges, Paris, 1875,
in-8° ; etc. — C. de Longe : Coutumes du pays et duché de Brabant, quartier d'Anvers,
tome 5 : coutumes du Kiel, de Deurne et de Lierre; Bruxelles, 1875, in-40.
M. Jules Girard présente de la part de M. Dufour la relation du siège de Paris par
Henri IV en 1590, par Filippo Pigafetta , traduite de l'italien par M. Dutour (extrait
des mémoires de la Société de l'histoire de Paris et de l'Ile de France). Cette relation
tire un intérêt particulier des détails qu'elle donne sur la ville de Paris au temps de
Henri IV. — M. Delisle annonce que, depuis la publication de la traduction de M. Dufour,
il a été trouvé à la bibliothèque de l'institut un exemplaire de la relation de Pigafetta
3ui présente, de plus que les autres, un plan de Paris, ce qui augmente encore l'intérêt
e cet ouvrage.
M. Garcin de Tassy présente, de la part de M. Paul Bataillard, un travail sur les
origines des Bohémiens ou Tsiganes, qui a paru cette année dans la Revue critiaue, et de
la part du Rév. M. Hughes, missionnaire à Peschaw^ar, un ouvrage '\niiiu\e Notes on
Muhamadamsm. Cet ouvrage a pour but de faire connaître exactement les dogmes de la
religion musulmane, afin de guider les missionnaires chrétiens dans leurs controverses
avec les Musulmans. M. Hughes a publié ces Notes en attendant un ouvrage plus consi-
dérable qu'il prépare sur le même sujet; il y a joint un utile index des mots techniques.
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
SoNDERMÛHLEN, Aliso und die Gegend der Hermannschlacht. Berlin, Gûlker u.
Go. In-8", 117 p. (sans rigueur scientifique). — Hunziker, Wallenstein.
Zurich, Schabeiitz. In-8", 100 p. (excellente biographie de Wallenstein en tant
qu'homme d'État et duc de Meklenbourg). — Keil, Vor hundert Jahren. 2 Bde.
Leipzig, Veit u. Go. In-8", viij-260 p. ; iv-296 p. (Communications sur le séjour
de Goethe à Weimar et sur Gorona Schrœter). — Hinrichs, De Homericae
elocutionis vestigiis aeolicis. Jena, Frommann. ln-8'*, 175 p. (article favorable).
— Titi Livii historiarum Romanorum libriqui supersunt. Iterum edd. Madvigius
et Ussingius Ccf. Rev. criî. 1875, I, p. 11). — Faidherbe, Essai sur la langue
Poul. Paris, Maisonneuve. In-8°, 129 p. (art. favorable). — Archivio glottolo-
gico italiano diretto da Ascoli. Vol. III, punt. I; Vol. IV, punt. I. Turin,
Lœscher. In-8% 120; 116 p. (ces fasc. contiennent d'importants travaux). —
RiESE, Die Idealisirung der Naturvœlker, etc. (cf. Rev. crit., 187$, I, p. 373).
Anzeiger fur Kunde der deutschen Vorzeit, n° 10, octobre 1875. Mit-
theilungen liber einen Sammelband des Stadtarchives zu Rotenburg an der
Tauber (Vogel). — Ueber das Doppelwappen auf dem Schwerte des heiligen
Mauritius (Fûrst Hohenlohe). — De quodam iuvene (W. Wattenbach). —
Zur Schafzucht (Ê. Dùmmler). — Beilage zum N" 10. Ghronik des germanischen
Muséums. — Schriften der Akademieen und historischen Vereine. — Nach-
richten.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINGIPALES PUBLIGATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES,
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Berthelot (S.). Notice sur les caractères
hiéroglyphiques gravés sur des roches
volcaniques aux îles Ganaries. In-8°,
16 p. Paris (imp. Martinet).
Bouteiller (de). Dictionnaire topogra-
phique de l'ancien département de la
Moselle, comprenant les noms de lieu
anciens et modernes, rédigé en 1868 sous
les auspices de la Société d'archéologie
et d'histoire de la Moselle. In-4°, Iv- 320 p.
Paris (Imp. nationale).
Brûsztle (J.). Recensio universi cleri
dioecesis Quinque-Ecclesiensis, distincte a
tempore amotas cum exitu seculi XVII
tyrannidis Turcicae, restitutaeque in his
partibus tranquillitatis, ad jectis quibusdam
aetatem hanc antecedentibus, commenta-
riis historicis illustrata. T. i. Gr. in-8°,
660 p. Buda-Pest (Tettey et G«). 1 0 f. 7 s
Comptes rendus de la Société française
de numismatique et d'archéologie. T. 4
Année 1873. Gr. in-8**, xviij-546
Paris (Rue de l'Université). 12
t:
Curti (P. A.). Pompei e le sue rovine.
Vol. 2 e 3. 2 vol. in-16, 8^6 p. con
incis. Milano (Sanvito). 16 fr.
Curtius (G.). Studien zur griechischen u.
lateinischen Grammatik. 7. Bd. 2 Heft.
Mit d. Indices zu allen 7 Bdn. S. 273-
518. In-8°. Leipzig (Hirzel). 8 fr.
Desmaze (G.). Le Reliquaire de M. Q^.
de La Tour, peintre du roi Louis XV;
sa correspondance et son œuvre. In- 12,
88 p. Paris (Leroux).
Diari délia città di Palermo dal secolo
XVI al XIX pubblicati su' manoscritti
délia Biblioteca comunale, preceduti da
prefazioni e corredati di note per cura di
G. Di Marzo. Vol. XIV. In-S», 334 P.
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Dodsley's Old English Plays. 4th Edit.,
by W. G. Haziitt. Vol. 2. In-8-, cart.
580 p. London (Reeves et T.). 13 fr. 15
Doehner (T.). Satura critica. In-8', ^6 p.
Plauen (Neupert). 4 ir.
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Douen (0.). L'Intolérance de Fénelon.
Études historiques d'après des documents
pour la plupart inédits. Nouvelle édit.,
augmentée d'une préface et de plusieurs
appendices. In-i8 jésus, xxxvj-342 p.
Paris (Sandoz et Fischbacher).
Ehlers (J.). De Graecorum aenigmatis et
griphis. In-4°, 24 p. Prenziau (Mieck).
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Encyclopaedia Britannica. 9th Edit.,
edited by T. Spencer Baynes. Parts 2 and
3. In-4°. London (Simpkin). Chaque
partie. 9 fr. 50
Fiabe, novelle e racconti popolari Siciiiani
raccolti ed illustrate da G. Pitre, con
discorso preliminare, grammatica del dia-
letto e délie parlate siciliane, saggio di
novelline Albanesi di Sicilia, e glossario.
4 vol. in- 16, CCXXX-1692 p. Palermo
(Pedone-Lauriel). 25 fr.
Forschnngen, morgenlasndische. Fest-
schrift Herrn Prof. D' H. L. Fleischer
zu seinem 50 jaehr. Doctorjubilasum am
4. Maerz gewidniet v. seinen Schùlern
H. Derenbourg, H. Ethé, 0. Loth, A.
Mùller, F. Philippi, B. Stade, H. Thor-
becke. In-8*, 3 10 S. Leipzig (Brockhaus).
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Frout de Fontpertuis (A.). L'état
économique, moral et intellectuel de l'Inde
anglaise. In-8% 40 p. Paris (Guiilaumin
et G').
Gregorovius (F.). Storia délia Città di
Roma nel Medio Evo dal secolo V al XVI.
Vol. Vî. In- 16, 852 p. Venezia (tip. An-
tonelli). 10 fr. 50
Heman (C. F.). Eduard v. Hartmann's.
Religion der Zukunft in ihrer Selbstzer-
setzung nachgewiesen. In-8°, 68 S.
Leipzig (Hinrichs). i fr. 75
Hengstenberg (E. W.). Das Buch
Hiob eriseutert. 2. Th. In-8*, 364 S.
Leipzig (Hinrichs). 8 fr.
Joyce (P. W.). The Origin and History
of Irish Names of Places. 2nd Séries.
In-i2, cart. 500 p. London (Simpkin).
9 fr. ^0
KircliDmnn (J. H. v.). Ueber das Prin-
zip d. Realismus. In-8% 60 S. Leipzig
(Koschny). i fr- 7$
Lectures on Literature and Art, delivered
in the Théâtre of the Royal Gollege of
Science, St. Stephen's Green , Dublin.
By J. P. Mahaffy, Jellett, Dowden ,
Héron, Ruskin, Whately, Graves, Bishop
of Derry, Sherlock. In-12, cart. 350 p.
London (Simpkin). 6 fr. 25
Liower (M. A.). English Surnames : an
Essay on Family Nomenclature, Histo-
rical, Etymological, and Humorus. 4th
edit., enlarged. 2 vol. in-8'', cart. Lon-
don (J. R. Smith). 1 5 tr.
Malleson (G. B.). Studies from Genoese
History. In-8', cart. 346 p. London
(Longmans). 13 fr. 2 s
Myers (P. V. N.). Remains of lors Em-
pires : Sketches of the Ruins of Palmyra,
Nineveh, Babylon and Persepolis. With
some Notes on India and the Cashmerian
Himalayas. With Illustrations. In-S*
cart. 522 p. London (Low). 20 fr'
Paris (L.). Les papiers de Noailles de la
bibliothèque du Louvre. Dépouillement
de toutes les pièces qui composaient cette
précieuse collection , brûlée dans la nuit
du 23 au 24 mai 1871, avec le texte
même d'un grand nombre de documents
relatifs aux guerres civiles du XVI« siècle.
2 vol. in-80, xxxj-508 p. Paris (Dentu).
Proudhon (P.-J.). Correspondance. T. 8.
In-8°, 392 p. Paris (Lib. internationale).
Sfr.
Raleigh (W.). Poems. Collected and
Authenticated with those of Sir H. Wot-
ton and other Courtly Poets, from 1 54c
to 1650. Edited, with an Introduction
and Notes, by J. Hannah. In-12, cart.
300 p. London (Bell et S.). 6 fr. 25
Rosny (L. de). San-Tsaï-Tou-Hoei. Les
peuples de l'Indo-Chine et des pays voi-
sins. Notices ethnographiques traduites
du chinois. In-8°, 13 p. Poissy (imp.
Lejay et Ce).
Roth (K.). Der Atharvavedain Kaschmir.
In-4*, 25 S. Tùbingen (Eues), i fr. 75
Shelburne. Life of William, Earl of
Shelburne (afterwards first Marquess ot
Lansdowne). With Extracts from , his
Papers and Correspondence. By Lord E.
Fitzmaurice. Vol. 1. 1737-1766. In-8",
cart. 422 p. London (Macmillan-. 15 fr.
Tissandier (G.). Histoire de la gravure
typographique. Conférence faite au cercle
de la librairie. In-40, 14 p. Paris (imp.
Pillet).
"Wilisch (E. G.). Ueber die Fragmente
d. Epikers Eumelos. In-8*, 41 S. Leipzig
(Teubner). ' fr- 75
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N<» 49 Neuvième année. 4 Décembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
Prix d'abonnement :
. Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
Ip, suivant le pays.
î„, ■
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
AVIS.
A partir du i*"" janvier 1876, la Revue critique d'histoire et de littérature paraîtra
chez M. Ernest Leroux, libraire-éditeur, 28, rue Bonaparte, où Ton devra
remettre les ouvrages et publications périodiques destinés à la Revue, et adresser
toutes les communications.
En vente chez F. Vieweg, libraire-éditeur (librairie A. Franck),
67, rue Richelieu.
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES.
25e ET 26e fascicules.
CHEREF-EDDIN RAMI <ochcht
Traité des termes figurés relatifs à la description de !a beauté. Traduit du persan
et annoté par C. Huart. 5 fr- $0
P-p T T-i Q Q T-^ rp Vocabulaire hiéroglyphique comprenant
• 1 1 Ci IV rv Ci 1 les mots de la langue, les noms géogra-
phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement. 3"»^ fascicule.
6fr.
PÉRIODIQUES.
The Academy, n° 184, new séries, 13 novembre. The Aeneids (sic) of
Virgil, done into English Verse. By W. Morris. London, Ellis and White
(H. Nettleship : traduction d'une grande beauté et en même temps d'une
grande fidélité). — Kuenen, The ReHgion of Israël to the Fall of the Jewish
State. Transi, from the Dutch by Heath May. In Three Vols. London, Williams
and Norgate (Philip H. Wicksteed : s'applaudit que l'Angleterre ait devancé
l'Allemagne et la France dans la traduction d'un ouvrage de cette importance).
— Paris Letter G. Monod : nouvelles littéraires). — Correspondence : The Trojan
Antiquities (Henry Schliemann dément l'assertion d'un collaborateur de La
Liberté que M. Schl. aurait offert à plusieurs gouvernements de l'Europe de
vendre sa collection). — The Discovery of the Lake-Dwellings (D. B. Monro :
cette découverte est due non pas au D'^Keller, de Zurich, mais à un maître
d'école d'Ober-Meilen, du nom d'Aeppli). — On Freewill (Francis Lloyd;
observations d'une grande justesse sur l'article de M. Hinton relatif au libre
arbitre; cf. Academy du 23 octobre). — Smee, The Mind of Man (James Hinton;
d'après le compte-rendu qui en est donné , cet ouvrage paraît contenir de fort
curieux passages : l'auteur reproduit artificiellem.ent certains organes, des
muscles, etc., et les fait agir au moyen de l'électricité). — Max Mùller, Chips
from a German Workshop. Vol. IV. London, Longmans, Green and Go. (A. H.
Sayce rarticle extrêmement élogieux).
The AthensBum, n° 2507, 13 novembre. R. F. Burton, Two Trips to
Gorilla Land and the Gataracts of the Gongo. 2 Vols. Sampson Low and Go.
(relation du plus haut intérêt). — The Indian Song of Songs. Transi, by E.
Arnold. Trùbner (art. défavorable). — Manuscripts of the Hebrew Scriptures
(on a découvert à Alep le ms. de l'Ancien Testament révisé par R. Aaron ben
Asher; M. Ginsburg doit aller le collationner, ainsi que le ms. incomplet qui se
trouve au Gaire dans la synagogue Karaïte). — Early Allusions to Shakspeare
(G. Elliot-Browne). — Inscriptions in Geylon (détails sur les résultats qu'a
obtenus M. P. Goldschmidt, chargé comme on sait, de relever les inscriptions
de Geylan). — Milton's Gopy of Gooper's « Thésaurus » (J. Payne Gollier :
a trouvé sur les marges du volume 1 500 annotations de la main de Milton). —
The Prince's Visit to India. — Miscellanea. To Miche (Edmund Venables : c'est
ainsi qu'il faut écrire ce verbe et non Minch).
Literarisches Centralblatt, n° 46, 13 novembre. Bach, Die Dogmen-
geschichte des Mittelalters. 2. Th. Wien, Braumùller. In-8°, xvj-767 p. —
ToLLiN, Luther und, Servet. In-8°, 61 p. (l'auteur est le savant qui connaît le
mieux Servet et ses ouvrages). — Frohschammer, Der Primat Pétri und des
Papstes. Elberfeld, Loll. In-8", 30 p. (l'auteur se propose de démontrer que les
Papes n'ont aucun droit à s'intituler successeurs de saint Pierre). — Grotefend,
Stammtafeln der schlesischen Fùrsten biszum Jahre 1740. Breslau, Max. In-4'*,
65 p. (L'article, louangeur, paraît avoir été écrit par l'auteur lui-même). —
Reinisch, Aegyptische Ghrestomathie. 2. Lief. Wien, Braumùller. In-fol. 28 pi.
— DuFOUR, Les dialectes grecs. Genève, Jullien. ln-8'', 77 p. (sans valeur). —
Acta Societatis Lipsiensis, éd. Ritschl. T. IV. Leipzig, Teubner. In-8% vj-
380 p. (contient d'intéressants travaux des élèves de M. R., lesquels font hon-
neur à leur maître). — Wehrmann, Fasti Praetorii ab a. u. DLXXXVIII ad a.
u. DGGX. Berlin, Weidmann. In-8% 88 p. (travail soigné). — Lucianus Samo-
satensis. Fritzschius recensuit. Vol. III, pars I. Rostock. Leopold's Buchh.
In-S"*, xl-3 26 p. — loannis Zonarae epitome historiarum. Gum Gar. Ducangii
suisque annotationibus éd. Lud. Dindorf. Vol. V. Leipzig, Teubner. In-8",
i
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N- 49 — 4 Décembre — 1875
Sommaire : 230. Études de grammaire grecque et latine, p. p. Curtius, t. VI,
cah. I. — 231. Mannhardt, Le Culte des Arbres chez les Germains. — 232.
Feret, Henri IV et l'Église Catholique. — 233. Schmidt, Leibnitz et Baumgarten,
étude d'Esthétique. — 234. Les Co/?rej de Perrault, p. p. Lefèvre. — 235. De
GuBERNATis, Dali' Ongaro. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
230. — Studien zur griechischen und lateinischen Grammatik. Heraus-
gegeben von G. Curtius. VI, 1. Leipzig, Hirzel. 1873. In-8*, 276 p. — Prix : 8 fr.
Ce premier cahier du VI^ volume des études de grammaire grecque et latine
faites et publiées sous la direction de M. G. Curtius comprend les travaux déve-
loppés de M. Forssmann sur l'emploi des temps de l'infinitif dans Thucydide, de
M. Fritsch sur VHyphaeresis des voyelles en grec (Sorfiéç pour ôzrfiéoq), de
M. Mangold sur la Diectasis homérique (uir^coovTaç, cpcwvTa) considérée princi-
palement dans les verbes en ao), des observations de M. Jolly sur la forme la
plus simple de la subordination dans les langues indo-germaniques, de M. G.
Meyer sur la composition des noms en grec, quelques étymologies de M. Win-
disch, et quatre courtes remarques de M. Curtius.
Je ne dissimulerai pas que les résultats obtenus par MM. Fritsch et Mangold
ne me paraissent que possibles, et que la méthode qu'ils ont suivie et qui est
aujourd'hui communément appliquée au grec et au latin est sans rigueur. Les
recherches ainsi dirigées me font l'impression que Montesquieu a si bien exprimée
en parlant de l'établissement de la monarchie française par l'abbé Dubos (Esprit
des lois, XXX, 23) : « Plus on y manque de preuves, plus on y muhiplie les
» probabilités une infinité de conjectures sont mises en principe et on en
» tire comme conséquences d'autres conjectures. Le lecteur oublie qu'il a douté
» pour commencer à croire. « Par exemple voici comment M. Curtius, en partie
suivi par M. Mangold, a rendu compte de la diectasis homérique : Les verbes
contractes grecs ont la même origine que les verbes sanscrits en ajâmi, et le
radical était primitivement suivi d'un jod, première hypothèse déjà proposée par
Bopp ; la chute du jod » allonge tantôt la voyelle précédente, seconde hypothèse,
tantôt la voyelle suivante, troisième hypothèse, à laquelle M. Curtius a ensuite
renoncé 2, préférant admettre une transposition de quantité comme dans 'ATpst-
Bso), ÀTpetSao, ce qui n'est qu'une autre hypothèse. M. Mangold n'en est pas
1. Curtius, Erlaiiterungen zu meiner griechischen Schulgrammatik. 1870. P. 100. Cf.
Mangold, p. 160.
2. Studien zur griechischen und lateinischen Grammatik ^ III, 398.
XVI 23
i
354 REVUE CRITIQUE
satisfait; il avoue qu^on n'a pas réussi à expliquer l'origine de formes comme
ôpcwvxa; au lieu de renoncer à une explication, ce qui est évidemment le plus
sage, il préfère imaginer, lui aussi, une hypothèse : c'est qu'en un temps relative-
ment moderne, lorsque les formes contractes étaient seules usitées, les formes
opéwvxa, etc., ont été introduites par des rhapsodes qui ne se rendaient plus
compte des anciennes formes et qui les croyaient nées des formes contractes.
Ainsi il supprime le fait qu'il s'agit d'expliquer. De même M. Fritsch suppose que
dans 0îou8'/;ç, ou, qu'il ne peut expliquer, « errori tantum librariorum et critico-
» rum anliquorum deberi (92). » On ne sort donc pas des conjectures; et par
une conséquence fort naturelle, pour établir une conjecture, on tire un argument
de l'impossibilité, assurément fort relative, d'en proposer une autre qui soit plus
probable, comme le fait M. Mangold pour l'hypothèse de Bopp qui rattache les
verbes contractes grecs aux verbes sanscrits en ajâmi (157): « Jam vero, ut
» concedamus Boppi hypothesin non esse satis probatam, tum demum ea nobis
» missa facienda erat, si aliam Savelsbergius Çqui rattache ces verbes à des verbes
» en avàmi) protulisset, quae melius rationibus fulta esset. »
Les règles elles-mêmes de phonétique sur lesquelles on s'appuie dans ces
recherches sont fort incertaines. Elles laissent en dehors beaucoup d'exceptions,
et comme ces règles reposent sur des hypothèses, une hypothèse qui laisse en
dehors une grande partie des faits qu'elle doit unir manque son but. La loi de
l'allongement d'une voyelle par compensation de la chute d'une consonne ne
peut passer pour une loi, quand on est obligé de reconnaître que le F est syn-
copé tantôt avec compensation tantôt sans compensation (94, cf. 98), que la
syncope du jod qui allonge par compensation la voyelle dans les verbes en aw
et en ow ne l'allonge pas dans les verbes en £w. M. Curtius lui-même, qui pose
en règle dans une grammaire élémentaire (§ 42) que dans l'allongement par
compensation, a bref devient a long, iraç de -ira-viç, qu'e devient et, d\tX de èa-
p.i, que 0 devient ou, l(box>q de Bioovtç, laisse en dehors bien des exceptions et
est forcé de reconnaître que s devient iq dans Tuoijj.'/iv de TOqxevç, que 0 devient
(I) dans YjY£^wv de yjycij.ovç^ dans Xuwv pour Xuovtç (ce qui a encore une autre
exception dans è3o6ç) et que a devient yj dans l^'/jva pour èçavaa. Il faut ima-
giner d'autres hypothèses pour rendre raison de ces allongements; et on est
conduit ainsi à oublier que l'hypothèse, qui peut servir à lier les faits, ne doit
pas les remplacer. Malheureusement les faits manquent pour l'étude delà forma-
tion de la langue grecque. Le grammairien qui s'en occupe n'est pas dans une
situation aussi favorable que le romaniste. Quand le romaniste observe qu'au
xv!*" et encore au xvii*" siècle on disait très-souvent dine pour digne, cyne pour
cygne y assine pour assigne (nous disons encore sinet)^ jamais vigne, ligne, il
remonte comme l'a fait M. G. Paris {Revue critique, 1874, II, p. 1 59), au latin,
et il constate que le g de dine, etc. est étymologique et que celui de ligne, vigne
est orthographique et ne sert qu'à la représentation de Vn mouillée (yinea, linea).
Nous n'avons pas cette ressource pour le grec et le latin; nous ne pouvons
atteindre cette évidence.
Tout en constatant que les problèmes qu'offre la formation des langues anciennes
d'histoire et de littérature. 5S$
sont de Pespèce de ceux que les mathématiciens appellent indéterminés et ont
beaucoup plus d'inconnues que d'équations, il faut reconnaître qu'un grand
nombre d'explications qu'on donnait autrefois des formes des mots sont devenues
inadmissibles. Ainsi M. Fritsch a raison de ne pas accorder à Lobeck {Patho-
logiae graecae eUmenta I, 259) que opo|xÉci, Toy.éai, Si^aéai viennent des nomi-
natifs Spo[.»i£<;, etc. avec syncope de l'e, ni à Krûger que les datifs ïzzaci,
àsixécat, etc., soient pour èxéeaai, etc., par syncope de Ve. Malheureusement
nous sommes plus sûrs de ce qui est faux que de ce qui est vrai ; et pour combler
les lacunes de notre savoir, nous sommes induits insensiblement à confondre le
possible avec le probable et le probable avec le certain.
Le travail de M. Jolly a pour objet d'établir que des propositions subordonnées
construites comme (.< naturam expellas furca, tamen usque recurret » « ducas
» volo hodie uxorem « « the man I saw » « ils n'ont espée, ne soit bien acéré »
ne doivent pas être expliquées par l'ellipse d'une conjonction ou d'un pronom
relatif, mais sont le reste d'une période primitive du langage, où la subordination
n'était pas encore marquée. J'accorderais à M. Jolly la partie négative de sa
thèse, mais je ne puis être de son avis sur la partie affirmative. L'ellipse doit
être rejetée, mais pour d'autres raisons. En général on ne doit pas admettre
facilement Pellipse des mots qui signifient des rapports. On sous-entend souvent
le verbe, « ici, Médor, » le substantif « ferina vesci; » mais on ne sous-entend
pas la conjonction dans « le fer, le bandeau, la flamme est toute prête, » ni le
pronom démonstratif dans « qui m'aime me suive, » ni la préposition dans
« j'habite rue de Vaugirard. » L'usage autorise tantôt à exprimer le rapport qui
unit les termes tantôt à le laisser entendre. Mais on ne peut pas dire que pendant
un certain temps on aurait dit «j'habite rue de Vaugirard)) et plus tard «j'habite
» dans la rue de Vaugirard. n En syntaxe où les constructions les plus impor-
tantes se montrent simultanément, comme Diez l'a fait remarquer dans les langues
romanes, la chronologie est à peu près impossible à établir rigoureusement. Il
est évident que çtXéœv est antérieur à (piXfôv ; mais non-seulement il n'est pas
évident, mais il n'est pas même probable (M. Jolly soupçonne lui-même (p. 221)
que son assertion paraîtra hasardée « gewagt ))) qu'on ait commencé par laisser
entendre la subordination des propositions sans l'exprimer, qu'ensuite au bout
d'un certain temps on ait senti le besoin de l'exprimer par des pronoms et des
particules pronominales placées dans la proposition subordonnée, et qu'enfin,
encore après un certain intervalle, on ait senti le besoin de marquer la subordi-
nation dans les deux propositions (tantum quantum). M. Jolly place en
dernier cette troisième manière d'exprimer la subordination, parce qu'elle serait
la plus compliquée, « die complicirteste, )) et il place en premier lieu la construc-
tion où on laisse entendre la subordination, parce qu'elle porterait le caractère
d'une période très-antérieure du langage où l'on n'avait pas encore une percep-
tion très-nette de la distinction entre les idées plus importantes et celles qui le
sont moins , entre les propositions principales et les propositions dépendantes ' .
1. P. 222 : « Endlich entspricht die erste, einfachste Uebergangsform afn meisten dem
i
3 56 REVUE CRITIQUE
Je vois plusieurs objections à ces hypothèses. D'abord ce qui paraît simple ou
compliqué à des esprits qui procèdent par voie de réflexion, d'abstraction et
d'analyse, n'est pas également simple ou compliqué pour le peuple qui parle par
instinct ou plutôt par une habitude devenue instinctive; et on sait que le propre
de l'instinct est d'exécuter avec sûreté des opérations qui semblent très-compli-
quées à la réflexion, que tout langage est plus ou moins compliqué et peut être
d'autant plus compliqué qu'on le prend à une période plus ancienne de son his-
toire. En second lieu ce procédé si simple et si primitif de subordination se ren-
contre dans des langues de formation très-récente, dans les langues romanes,
« ils n'ont espée, ne soit bien acéré » « or n'a baron, ne li envoit son fil. »
M. Jolly dit bien d'une manière générale que la forme la plus simple de la subor-
dination qui est rare chez les écrivains latins reparaît dans les langues romanes
qui dérivent de la langue populaire. Mais il faudrait montrer dans la langue
populaire latine des constructions semblables à celles que nous venons de citer;
et il faudrait prouver que ces constructions étaient anciennes. On en trouve dans
les langues germaniques ; et c'est là une de ces coïncidences comme la syntaxe
en offre tant.
M. Forssmann a rassemblé patiemment toutes les constructions de l'infinitif
dans Thucydide, et (exemple remarquable de la préoccupation) il persiste à
trouver partout la distinction entre l'infinitif présent comme marquant la durée
de l'action et l'infinitif aoriste comme désignant l'action, abstraction faite de sa
durée. Il est bien un peu embarrassé par les textes où Thucydide dit de Périclès
qu'il était Xé^s^v ts /.al -Kpaaaeiv Buvaiwiaxoç (i, 139, 4), et de Brasidas, r^v
Se oùy. aBuvaToç, o)ç Aax£oai[jLovioç £i7:£tv (4, 84, 2) : Voici comment il se tire
d'affaire (16): « Qui diligentius rem perpenderit in una re variam rationem
» cogitandi et dicendi scriptorem secutum esse non negabit. Nam verbis o-jva-
» T(i)TaToç Xé^etv in universum magnam eloquentiam contendit fuisse in Pericle;
» cum vero Brasidam ou/, àoùvaTov eittsÏv dicit, eum occasione oblata non im-
» peritum dicendi fuisse narrât. Alterum sic fortasse verteris (.< Pericles praestan-
;) tissimus erat orator, » alterum jam compositis verbis circumscribere oportet
« Brasidas, ubi res postulaverunt, non indiserte loqui solitus est, Brasidas ver-
» stand, wenn es darauf ankam, gut zu sprechen. » Mais Périclès ne parlait
» sans doute que « oblata occasione » (.< ubi res postulaverunt » « wenn es
» darauf ankam, » et l'on sait que le présent ne marque pas seulement la durée,
mais la répétition fréquente, habituelle de l'action. Il faut en arriver à cette
conclusion que si le présent et l'aoriste ne sont pas synonymes dans les verbes
qui signifient un état, une manière d'être, si, comme le dit Aristote dans un
passage sur lequel Bonitz dans son index a le premier appelé l'attention (Eth,
» Charakter einer sehr frûhen Sprachstufe, welche den Unterschied zwischen wichtigeren
» und minder wichtigen Gedanken , Haupt und Nebensastzen noch nicht zu deutlichem
» Bewustsein gebracht halte und daher nur durch die Betonung oder vielmehr Tonlosig-
» keit gewisser Ssetze ausdrûckte, dass dieselben im Geiste des Sprechenden sich hinter
» andere, bedeutungsvollere Saetze gleichsam zurùckschoben. »
d'histoire et de littérature. 3 57
Nicom. X, 2. 1173 I et suiv.), -fiosaSai signifie èvep^eiv /.axà ty;v -^iScvïiv, et
YjcÔYJvai, |j.£Ta6a>sX£tv elç r^ocvriv, cette distinction n'est pas applicable aux verbes
qui signifient une action ; on rencontre alors à chaque page des exemples comme
XéY£iv, EiTTeTv, comme Xé^s, àvà^vwOi, où les deux temps deviennent absolument
synonymes.
Charles Thurot.
231. — Der Baumkultus der Germanen und ihrer Nachbarstœmme.
Mythologische Untersuchungen von WilhelmMANNHARDT. Berlin, Borntraeger. 1875.
In-8°, xx-646 p. — Prix : 18 fr. yj.
Ce livre n'est que la première partie d'un travail considérable sur « les cultes
)) des bois et des champs » ; il a déjà été préparé par diverses publications de
l'auteur '. Il est difficile de rendre compte d'un pareil ouvrage, qui contient une
masse vraiment énorme de faits, rassemblés avec patience et classés d'après les
points de vue de l'auteur. Vidée générale du livre est ainsi exposée par M. Mann-
hardt lui-même dans le sommaire : « De l'observation de la végétation l'homme
)) primitif a conclu à une identité essentielle entre lui et la plante ; il a attribué
)) au végétal une âme semblable à la sienne propre ; c'est sur cette conception
» fondamentale que repose le culte des arbres chez les peuples du Nord de
)) l'Europe ». Nous acceptons très- volontiers, pour notre part, cette formule
générale, parfaitement conforme aux résultats obtenus dans d'autres directions
sur l'état psychologique de l'humanité non civilisée, mais l'auteur, comme on
devait s'y attendre, lui a donné une portée trop étendue et trop exclusive. Elle
est souvent opposée aux systèmes d'interprétation mythique qui prévalent
aujourd'hui, et tout en reconnaissant avec l'auteur qu'elle rend compte de plus
d'un fait que ne saurait expliquer la mythologie comparée telle qu'on la pratique
ordinairement, nous ne pouvons accorder qu'elle suffise à expliquer tous ceux
dont il s'occupe. Les concepts, à la fois religieux et scientifiques, qui forment la
base de toute mythologie se compliquent et s'enchevêtrent singulièrement chez
tous les peuples : à côté de la conception qui fait regarder l'arbre d'abord comme
un être animé, puis comme un être surnaturel, mille autres influences peuvent
faire donner une importance religieuse à telle espèce oh même à tel individu. Si
l'on joint à cette première complication les emprunts et les imitations d'un peuple
à l'autre qui jouent un si grand rôle dans l'histoire des religions et des cultes,
on se convaincra que tout système qui prétend soumettre à une explication unique
un ordre de faits religieux aussi vaste que les cultes des bois et des champs est
par là même condamné à bien des interprétations subtiles ou aventureuses.
M. M. n'a pas échappé à ce danger, mais ses quelques erreurs n'empêchent
pas qu'on ne doive reconnaître le mérite exceptionnel de son livre, admirer,
outre l'immensité des recherches, la clarté et l'ordre qui y régnent, et le
regarder comme un très-grand enrichissement de la science mythologique. —
1. Voy. par exemple Rev. ait. 1868, t. II, art. 171,
^^8 REVUE CRITIQUE
Il se divise en sept chapitres, dont nous allons donner les titres en y joignant
ca et là quelques observations.
Ch. I (p. $-7 0- ^^'^^^ ^^ l' arbre. L'auteur établit ici sa thèse fondamentale, en
Tappuyant des témoignages les plus divers et les plus intéressants. Un paragraphe
particulièrement curieux est celui qui concerne l'influence attribuée à l'arbre sur
les maladies de l'homme : on regarde celles-ci comme causées par des vers
(conçus plus ou moins eux-mêmes comme des êtres surnaturels), et on pense
que Parbre peut les envoyer ou les rappeler, parce qu'on les assimile aux vers
et aux insectes rampants qu'on trouve sous Pécorce de l'arbre. — Le§ 1 5, sur
le frêne Yggdrasill, contient une hypothèse qu'il serait trop long d'expliquer ici,
mais qui paraît tomber dans le défaut indiqué plus haut : l'arbre cosmique
appartient à une conception d'un tout autre ordre, autant qu'on peut en juger
d'après tout ce que nous en savons (M. M. montre d'ailleurs, soit dit en
passant, pour l'appréciation des textes eddiques, d'une valeur et d'une date si
différentes, beaucoup de critique et la connaissance approfondie des derniers
travaux). — Le sujet de M. Mannhardt était en lui-même bien assez étendu
pour qu'on ne puisse songer à lui reprocher de ne pas l'avoir agrandi encore.
Cependant il est certain que tout ce chapitre aurait gagné à ne pas se restreindre
aux « Germains et à leurs voisins», et que sans parler de l'antiquité, on trou-
verait les rapprochements les plus frappants à faire à chaque page avec les
croyances des peuples sauvages de toutes les parties du monde ' . C'est qu'en effet
ce qu'on pourrait appeler la basse mythologie, la mythologie sans dieux nettement
individualisés, tend de plus en plus à apparaître, non plus comme le débris de
l'ancienne religion germanique, ainsi que le voulait Grimm, non plus même
simplement, d'après les théories aujourd'hui dominantes, comme le reste d'un
fonds aryo- européen primitif, mais comme le patrimoine commun (avec des
variantes locales innombrables) de l'humanité primitive presque entière. Cette
idée est loin de contredire l'opinion essentielle de M. Mannhardt, et le résultat
de ses recherches viendra fort utilement prendre sa place dans l'ensemble des
investigations qui ont pour but principal de reconstituer pour nous, autant que
faire se peut, l'état intellectuel de la race humaine à une époque bien antérieure
à toute histoire.
Ch. II (p. 72-1 54). Les esprits des bois. « De la foule des âmes des arbres se
» dégagent leurs représentants collectifs, les esprits des bois, êtres doués d'un
» mouvement libre, mais dont la vie est cependant liée au sort des arbres; ils
» manifestent leur existence dans le vent, et finissent pas agrandir leur notion en
» celle de génie de la végétation. » L'auteur passe en revue toutes les croyances
germaniques, slaves et celtiques aux «hommes des bois», à la «gente selvatica»,
aux « dames blanches, vertes», etc., et montre partout ces êtres fantastiques
intimement associés soit aux arbres, soit en général à la végétation.
I. L'auteur ne se les est pas tout à fait interdits; mais il s'excuse d'en faire çà et là.
Ce n'est pas assurément la science qui lui fait défaut; il a suivi rigoureusement le plan
qu'il s'était prescrit.
d'histoire et de littérature. 3 59
Ch. III (p. 154-310). L'âme de l'arbre comme génie de la végétation. Poursui-
vant cette nouvelle idée dans tous ses développements, M. M. y rattache une
foule d'usages, parmi lesquels le plus répandu est celui de la plantation du maiy
qui, avec tous ses congénères, est étudié ici d'une façon absolument satisfaisante.
L'un de ces congénères est l'arbre de Noël, planté au solstice d'hiver, et dont
la bûche de Noël n'est qu'une variante'. M. M. nous donne des renseignements
fort curieux sur la propagation de cet usage de l'arbre de Noël, presque iden-
tifié aujourd'hui avec la nationalité germanique, et que les Allemands
portent avec eux dans tous les pays où ils se répandent. Ces renseignements se
résument ainsi : « Au commencement du xix« siècle il n'était connu que d'un
» petit nombre d'Allemands ; c'est la réaction religieuse qui suivit la guerre de
» l'indépendance et qui succéda à l'empire d'un rationalisme par trop sec qui en
» favorisa l'extension.... Elle a marché de pair avec l'idée nationale.... Schleier-
)) mâcher dans sa Fête de Noël, parue en 1805 , Tieck dans la nouvelle la Nuit
» de No'él, ne parlent pas encore de l'arbre comme d'un élément de la fête à
» Berlin, i) — On remarquera dans ce chapitre une dissertation intéressante ,
mais peu concluante, sur les Irminsûl.
Ch. IV (p. 31 1-42 1). Les esprits des bois conçus comme génie de la végétation
sous forme humaine. Il s'agit ici des représentations du génie de la végétation par
des personnages humains, et entre autres des rois et reines de mai. Un grand
nombre d'usages en apparence fort éloignés sont à bon droit rapprochés et
s'expliquent l'un par l'autre. Cependant l'auteur paraît avoir été, ici, notamment
en ce qui concerne les représentations symboliques où on emporte, où on noie,
où on brûle le personnage qui représente la végétation épuisée (ou l'hiver), moins
complet que pour d'autres parties.
Ch. V (p. 422-496). Génies de la végétation; les noces de mai. Sous cette
rubrique sont rangés tous les usages où les génies de la végétation sont repré-
sentés par un couple ; on y remarquera le curieux paragraphe sur l'imitation par
des couples humains de l'union symbolique du couple surnaturel, celui qui
concerne la Saint-Valentin^, et les nombreux usages relatifs aux nouveaux
mariés.
Ch. VI (p. 497-566). Génies de la végétation : feux. Il s'agit du feu de Pâques,
de Mai, de la Saint-Jean, etc. L'auteur rattache à ce groupe, — comme l'avait
déjà fait M. Liebrecht en maintenant la puissance de l'usage sous une forme
adoucie jusqu'à nos jours, — les sacrifices humains offerts par les Gaulois sous
forme de mannequins d'osier brûlés avec les hommes qu'ils contenaient, et dis-
cute à ce propos minutieusement le témoignage des anciens sur ces sacrifices. Il
revient ainsi sur un sujet qu'il avait déjà traité, mais avec moins de détails (voy.
Rev. crit. 1868, t. II, p. 121).
1. Du moins d'après l'auteur; nous aurions des réserves à faire à ce sujet. ^
2. Nous ne savons si M. M. a raison de regarder les usages relatifs à cette fête comme
exclusivement anglaise d'origine et de considérer ceux qu'on trouve en France comme
des emprunts faits à l'Angleterre. Nous croyons qu'on pourrait soutenir la thèse contraire.
360 REVUE CRITIQUE
Ch. VII (p. $67-640). Génies de la végétation : Nerîhus. Dans ce chapitre,
M. M. essaie de montrer que le fameux culte de Nerthus, qu'on ne connaît que
par un passage de Tacite, appartient au cycle des fêtes du printemps. Il discute
avec soin toutes les explications données avant lui, et soumet à son tour le texte
de la Germanie à toutes les investigations possibles. Ce texte, — comme tant
d'autres analogues, surtout chez Tacite, — est quelquefois obscur et vague.
Cependant, quand on a pesé avec M. M. toutes les conjectures auxquelles chaque
mot peut donner lieu, et qu'on relit ensuite dans son ensemble la description de
l'historien romain, on ressent une impression très-différente de celle qu'il vou-
drait donner. La discussion de ce point spécial entraînerait trop loin; remarquons
seulement qu'il est impossible de ne pas conclure des expressions de Tacite que
Nerthus était une déesse, et que la promenade mystique qu'il décrit avait lieu non
à époque fixe mais suivant l'inspiration du prêtre.
Nous ferons une dernière remarque en fermant ce livre important, fruit de tant
de recherches et de tant de réflexions. L'auteur a rapporté un très-grand nombre
de croyances et d'usages français ; il a pris les uns dans les livres ; quant aux
autres, « ils sont extraits, nous dit-il, d'une grande collection qu'il m'a été donné
de puiser en 1870 dans mes entretiens personnels avec des prisonniers de
guerre. » Ainsi tandis que nous négligeons ces recherches, qui intéressent pour-
tant l'histoire de notre culture nationale, un savant allemand trouvait moyen de
profiter de nos malheurs pour s'instruire sur des points que nos propres savants
ignorent. On croit trop en France que la source des contes, des croyances, des
coutumes populaires est tarie ; il suffit de regarder attentivement pour la voir
ruisseler encore sur le vieux sol celtique. Espérons que l'exemple de M. M. nous
piquera d'honneur et nous vaudra prochainement en abondance des recueils de
matériaux bien choisis pour notre mythologie populaire.
232. — Les grandes figures de l'histoire. Henri IV et l'Eglise catholique par
M. l'abbé P. Feret, docteur en théologie, chanoine honoraire d'Evreux, aumônier
du lycée Saint-Louis. Paris, Victor Palmé. 187$. In-8* de x\-/\S^ p.
M. l'abbé Feret déclare, à la fin de son Avant-propos j qu'il s'est pro-
posé de faire « une œuvre consciencieuse ». Ses lecteurs ne lui refuseront
pas l'éloge d'avoir sérieusement étudié le sujet qu'il a choisi, et d'avoir sincère-
ment exposé, dans son récit et dans sa discussion, ce qu'il a cru être la vérité.
Je ne serai pas d'accord avec lui sur tous les points, mais moins que personne je
méconnaîtrai le zèle du chercheur et la bonne foi de l'historien.
M. F., pour écrire les deux parties de son livre : Retour de Henri IV à V église
catholique (p. 1-28 1) et Henri IV dans V église catholique (p. 285-459) a consulté
presque tous les ouvrages imprimés relatifs à la thèse qu'il a entrepris de soutenir,
en commençant par VHistoire du président de Thou et en finissant par celle de
M. Guizot'. Il a consulté aussi un certain nombre de recueils manuscrits de la
I. Voir la liste des principaux ouvrages consultés, p. xiv et xv. M. F. ne paraît pas
d'histoire et de littérature. 361
Bibliothèque Nationale, particulièrement ceux de la collection Brienne'. En
dehors même des documents qui concernent directement la question religieuse,
il en a interrogé beaucoup d'autres qui lui ont fourni des citations assez curieuses,
notamment celles (soit en vers, soit en prose) qui sont tirées (p. 450-459 et
475-480) de rares plaquettes publiées en 16 10 et en 161 1, à l'occasion de la
mort de Henri IV 2.
Pour M. F., l'abjuration du fils de Jeanne d'Albret a été plus religieuse que
politique. Pour la plupart des historiens, cette abjuration a été, au contraire,
plus politique que religieuse. En d'aussi délicates matières, quand les preuves déci-
sives font défaut, toute affirmation devient souverainement imprudente. Seulement,
si l'on s'en tient à ce qui est le plus vraisemblable, si l'on examine d'un œil non
prévenu toutes.les circonstances, si l'on se préoccupe surtout du caractère du roi
Gascon, on est amené à croire que l'opinion de M. l'abbé F. est erronée et à
redire, avec M. Guizot, « que la part du patriotisme a été la plus grande dans
» l'âme de Henri IV, et que le sentiment de ses devoirs de roi envers la France
)> en proie à tous les maux de la guerre civile et de la guerre étrangère a été le
» mobile déterminant de sa résolution. » Le grand bon sens et le grand bon
cœur de Henri IV avaient merveilleusement compris que le changement de reli-
gion, c'était le salut du pays. D'autres motifs, d'un ordre moins relevé, ont pu
se joindre à celui-là, et la noble ambition de faire cesser les malheurs de la
patrie a pu très-bien être accompagnée du vif désir de garder une couronne,
sans cela, toujours vacillante^, mais de telles considérations ne sont entrées dans
la décision prise le 23 juillet 1 593 ^ que comme quelques grains d'alliage entrent
dans une pièce d'or.
Un autre point que je ne saurais concéder à M. F., c'est que Henri IV ait
jamais eu la pensée d'instituer sur les ruines de la vieille Europe une république
chrétienne (p. 345 et suiv.). Ce ne sont pas les esprits à la fois aussi fortement
et aussi finement trempés que l'était celui du Béarnais, qui se lancent ainsi dans
les illusions et les utopies. Les rêveries qui nous ont été conservées par les
(Economies royales ont pu charmer les longs ennuis de Sully disgracié : j'ose
avoir connu un travail spécial de l'ingénieux historien de Louis XIII, M. A. Bazin, travail
intitulé : L'abjuration de Henri IV (Etudes d'histoire et de biographie, 1844). Il ne cite non
plus nulle part les remarquables pages des Causeries du Lundi sur Henri IV et sur Sully.
Enfin , je constate avec regret qu'il n'a pas songé à uliliser l'important ouvrage sur le
pape Sixte-Quint par M. le baron de Hùbner (1869, librairie Franck, 3 vol. in-8°).
1. M. F. n'aurait-il pas trouvé quelque avantage à rapprocher du volume 137 de la
collection Brienne le volume 10198 du Fonds français, qui est rempli de pièces sur la
conversion de Henri IV.? ces pièces (à l'état de copie) s'étendent de 1 572 à 1 595.
2. M. F. emprunte aussi de piquants passages (p. 108-112) au pamphlet qui parut à
Paris, le 19 août 1 593, sous ce titre : Le bantjuet et après-disnée du conte d'Arlte, où il se
traictc de la dissimulation du roi de Navarre , et des mœurs de ses partisans (in-8*). M. F.
ajoute que le volume est « attribué au ligueur Louis d'Orléans. » Le virulent pamphlet
lui est attribué avec d'autant plus de raison , que son nom se lit en tète de l'édition
d'Arras (même année).
3. M. F. établit très-bien cette date et quelques autres dates qui ont été mal indiquées
par Pierre de L'Estoile, Davila, M. Poirson, M. Henri Martin, etc. Voir les notes des
pages 67, 81, etc.
:^62 REVUE CRITIQUE
assurer qu'elles n'ont jamais séduit un prince qui connaissait trop les difficultés
de la politique pour se risquer dans de chimériques entreprises. De même qu'il
faut, paraît-il, laisser à Sully la responsabilité du bon mot sur Paris et la
messe tant de fois cité comme étant de Henri IV, de même il faut lui laisser
la responsabilité des vastes et irréalisables plans qu'il attribue à son héros.
Ces réserves faites, je louerai dans le livre de M. F. de bonnes pages sur le
cardinal du Perron, sur le cardinal d'Ossat, sur le cardinal de Joyeuse, princi-
palement de bonnes pages sur Henri IV. Même après tous les recommandables
travaux dont ce prince a été l'objet, le travail de M. F. est digne d'attention,
et je ne voudrais pas que les contestables théories de l'auteur empêchassent
qui que ce fût d'apprécier ce que le reste du livre a d'utile et d'intéressant.
T. De L.
233. — Leibnitz und Baumgarten, ein Beitrag zur Geschichte der deutschen
jEsthetik von Johannes ScHMiDT, D' phil. (Hierin eine ausfùhriiche Kritik aesthetischer
Grundanschauungen Lotze's und Zimmermann's). Halle, Lippert'sche Buchhandlung.
187J. In-8°, viij-122 p. — Prix : 3 fr. 80.
On sait comment Baumgarten, en étabHssant une distinction tranchée entre la
connaissance inférieure ou sensible et la connaissance supérieure ou rationnelle, a
jeté les bases de l'esthétique; M. Joh. Schmidt s'est proposé de rechercher en
quoi le fondateur de cette science nouvelle avait été devancé par Leibnitz et ce
qu'il devait au célèbre philosophe. C'est seulement après une analyse des
ouvrages où se trouvent exposées les idées de Baumgarten sur l'art, — ouvrages
moins inconnus qu'il ne le suppose, — que l'auteur aborde la question qu'il s'est
proposé d'élucider. Il montre que non-seulement l'idée de forme a été introduite
d'abord par Leibnitz dans la philosophie moderne, mais que c'est lui aussi qui
le premier a assigné au beau son domaine propre dans l'esprit humain. Puis
vient l'examen des emprunts que Baumgarten a faits aux doctrines de Leibnitz
ou du profit qu'il en a su tirer. Dans toute cette recherche M. J. Schmidt fait
preuve d'une pénétration incontestable. Il me semble cependant qu'il tend trop
à augmenter, aux dépens de son successeur, le mérite de Leibnitz, non en lui
attribuant des opinions qu'il n'aurait point eues, mais en supposant que Baum-
garten en ait plus profité qu'il ne l'a fait réellement. Que l'idée première de
« notions obscures » se retrouve déjà dans Leibnitz, cela est parfaitement vrai,
mais il ne l'est pas moins qu'à Baumgarten revient le mérite d'avoir opposé à la
connaissance rationnelle la gnoseologia inferior, ce qui est la base même de son
système esthétique.
Dans le cours de son étude, M. Schmidt apprécie les théories de R. Zimmer-
mann et de Lotze, dont il fait, surtout de celles du premier, une critique sévère.
Son travail se termine par l'examen de la différence qui existe entre le réalisme
qu'il condamne et le naturalisme qu'il approuve. Sa doctrine se résume dans
cette proposition exposée, p. 115, que « le besoin esthétique n'est satisfait que
d'histoire et de littérature. 363
par la représentation d'une réalité déterminée», point de vue d'où il approuve
et justifie le précepte de l'imitation de la nature repris par Zimmermann. Si ce
petit ouvrage manque parfois de clarté dans l'exposition, si les questions s'y
mêlent aussi souvent d'une manière fatigante pour l'esprit du lecteur, il n'en
témoigne pas moins d'une connaissance approfondie du sujet et d'un véritable
talent d'analyse. On sent que c'est un début, mais c'est un début qui promet.
C. J.
234. — Les Contes de Charles Perrault, avec deux Essais sur la Vie et les
Œuvres de Perrault et sur la Mythologie dans ses Contes, des Notes et Variantes et
une Notice bibliographique par André Lefèvre. Paris, Lemerre. 1875. In- 12, Ixxx-
182 p. — Prix : 2 fr. Jo.
La charmante collection Jannet, qui est maintenant entre les mains de l'éditeur
Lemerre, vient de s'enrichir d'un de ses meilleurs volumes. Malgré les soins que
M. Giraud avait apportés à son édition des Contes de Perrault, le texte n'avait pas
été revu avec l'exactitude minutieuse qu'a apportée à cette tâche M. André Lefèvre,
et il n'avait pas été accompagné des variantes, souvent intéressantes, des éditions
originales. A ce texte excellent et qu'il n'est pas téméraire d'appeler avec l'édi-
teur « définitif », M. L. a joint une double introduction'. La première est une
biographie de Perrault, écrite avec esprit, avec sobriété, et donnant de cette
agréable et honnête figure une idée parfaitement exacte, en même temps qu'elle
« dispense de la lecture de ses œuvres choisies ». La seconde est un Essai sur
la mythologie dans les Contes de Perrault. M. L. rappelle en commençant le livre
de M. Husson, la Chaîne traditionnelle^. « Ce livre», dit-il, « bien qu'amicale-
» ment malmené dans la rigoureuse Revue critique (nous ne contestons pas la
» justesse des objections), a pleinement réussi; succès qui nous rassure et nous
» encourage. Dans une champ plus restreint, avec une allure plus dégagée
» encore et plus mondaine, nous encourons volontiers les mêmes critiques,
» compétentes et d'avance acceptées. Il s agit ici d'être lu. » Nous avouons ne pas
bien comprendre le sens de cette dernière phrase, ni comment on a plus de
chances d'être lu en s'en tenant à des généralités assez vagues qu'en donnant
des renseignements précis ; mais la bonne grâce avec laquelle l'auteur va au devant
de la critique est faite pour la désarmer, et nous n'aurons pas le pédantisme de lui
dire qu'il met en pratique le Video meliora proboque, Détériora sequor. Les défauts
et les mérites du livre de M. Husson se retrouvent en effet dans cet essai, et
nous pouvons nous borner à renvoyer nos lecteurs à ce que nous en avons dit.
Nous insisterons seulement sur une observation que nous avons présentée déjà
ît à laquelle on ne saurait accorder trop d'importance. C'est la nécessité de
1 . N'oublions pas une notice bibliographique, très-complète pour les anciennes éditions,
fqui termine le volume.
2. Voy. Rev. ait. 1874, t. II, art. 145.
564 REVUE CRITIQUE
distinguer dans une suite entre les éléments qui la constituent réellement et les
traits qui n'y sont qu'accessoires, récents et fortuits. M. L., comme M. Husson,
à complètement négligé ce travail de critique. Il s'étend par exemple sur le
caractère mythique du chat, à propos du Chat botté ; mais le héros de ce conte
n'est un chat que dans un certain nombre de versions ; dans les plus anciennes
il est remplacé par un renard, dans d'autres par un chien, etc. ' Tout ce qui est
dit sur le nom de Barbe-Bleue est également inopportun : ce n'est qu'un des noms
très-nombreux par lesquels on désigne chez vingt peuples différents le héros de
cette histoire, très-altérée dans sa forme française. Le seul moyen de reconnaître
dans un conte le fond traditionnel des altérations postérieures est de le comparer
avec ses congénères chez les autres peuples. M. L. a à peine essayé ce travail qui,
si nous ne nous trompons, aurait été plus intéressant pour le lecteur que les
rapprochements plus ou moins ingénieux de la haute mythologie. Il n'a pas été
toujours très-heureux quand il a tenté quelque recherche de ce genre. Ainsi le conte
russe qu'il compare avec Griselidis est visiblement sorti de la nouvelle de Boccace,
dont jusqu'à présent on ne connaît pas les origines. M. L. dit à deux reprises
que Boccace a pris ce récit « dans nos fabliaux ». S'il pouvait dire dans lequel,
il aurait fait une jolie trouvaille d'histoire littéraire. — A côté de l'explication
mythique, plus ou moins solide, des contes de Perrault, on voudrait que M. L.
eût plus insisté sur l'histoire de ces contes en France avant Perrault, sur les
traces de leur existence au moyen-âge, à la renaissance, au xvii^ siècle 2, sur
les voies par lesquelles ils sont arrivés à l'auteur, et surtout sur la part person-
nelle qui lui revient dans leur rédaction. On est étonné de ne trouver nulle part
la critique des contes à ce dernier point de vue. Perrault a eu le rare et grand
mérite de sentir instinctivement le charme des contes d'enfants, et de reproduire,
quelquefois avec une fidélité et un bonheur qu'on n'a pas surpassés, les formules
traditionnelles et les expressions naïves dont ils sont pleins, mais en même temps
il y a mis du sien, comme dans les scènes d'amour, dans les descriptions, dans
des plaisanteries souvent fort plates et toujours parfaitement déplacées. M. L. a
parfaitement vu ce mélange et l'a en passant finement apprécié, mais nous pen-
sons qu'il aurait pu en analyser les éléments d'une façon instructive et avec grand
profit pour le goût du public, qui, en France, n'a pas encore appris suffisamment
à apprécier dans leur vrai caractère les traditions populaires, et qui notamment
dans les contes de Perrault est trop porté à admirer en bloc ce qui est bon et
vieux et ce qui est médiocre et ajouté.
Il résulte de ces observations qu'il reste encore place pour un commentateur
1. Voy. Rev. cr'it. 1874, t. II, p. 2.
2. En parlant du goût pour les contes qui régna dans les dernières années du XVIIe s.
M. L. dit: « Les manuscrits enfouis par Conrart dans un silence prudent, et qui dorment
» à l'Arsenal, sont pleins de ces exercices. » Il doit y avoir là une méprise, Conrart étant
mort une trentaine d'années avant la publication des Contes de Perrault, qui furent le
premier essai dans ce genre. Si M. L. connaissait réellement des contes dans les manu-
scrits de Conrart, il aurait bien dû les indiquer.
d'histoire et de littérature. 365
de Perrault. Mais nous laisserions à nos lecteurs une impression très-fausse si
nous ne disions pas expressément en terminant que l'essai de M. Lefèvre offre
une lecture fort agréable, semée d'idées heureuses très-bien exprimées et de vues
presque toujours justes, et qu'il ajoute un véritable prix à cette jolie édition que
recommande, — outre son exécution si élégante et son prix si modique, —
l'excellente constitution du texte et la notice littéraire qui le précède.
G. P.
235. — A. DE GuBERNATis, P. DalP Ongaro e il suc epistolario scelto.
Firenze. 1875. In-8% 400 p. — Prix : 6 tr.
François Dali' Ongaro est une des figures intéressantes de l'Italie moderne.
Né en 1808 dans la province de Trévise, il fut élevé au séminaire et se destina
à l'état ecclésiastique ; mais ayant voulu se servir de la chaire pour y prêcher
des idées libérales et humanitaires, il se vit interdire la prédication et il dut
gagner sa vie en donnant des leçons dans diverses familles. Pendant ce temps,
son talent d'écrivain et de poète s'était révélé ; il s'exerçait avec une égale
facilité dans la ballade, la canzone, le stornello, la nouvelle, le drame. En 1838
il devint directeur de la Favilla, journal littérairede Trieste et passa dans cette ville
les huit années les plus heureuses de sa vie. La Favilla cessa de paraître en 1 846.
Peu de temps après, le mouvement révolutionnaire en Italie, commencé par Pie IX
et qui bientôt devait se retourner contre lui, éclatait. Dali' Ongaro s'y jeta avec
toute l'impétuosité d'une nature naïve et enthousiaste. D'abord à Rome, où il fut un
des admirateurs des réformes pontificales, il passa à Venise quand celle-ci se
souleva contre l'Autriche. Expulsé peu après par ordre de Manin pour un article
imprudent, il retourna à Rome où il partagea l'héroïque et malheureuse destinée
de l'éphémère République de Mazzini et de Garibaldi. Il dirigea le Moniteur du
gouvernement révolutionnaire. Pendant les années qui suivirent, sa destinée fut
celle de la plupart des patriotes italiens : l'exil souvent accompagné de la misère.
Il résida successivement en Suisse, en Belgique, en France. Mais dès que le gou-
vernement piémontais indiqua clairement son intention de se mettre à la tête du
mouvement unitaire, Dali' Ongaro se rallia à lui. Il rentra en Italie en 18 $8, et
depuis lors partagea son temps entre la poésie, les beaux arts et ses fonctions de
professeur de littérature dramatique, d'abord à Florence, puis à Naples. Cette
dernière période de sa vie, où les rêves de sa jeunesse semblaient enfin réalisés,
fut empoisonnée par les attaques dont il fut l'objet, tantôt comme ancien mazzinien
tantôt comme républicain rallié à la monarchie, et par l'insuccès de ses cours.
Il mourut le 10 janvier 1873.
Le volume que vient de publier M. deGubernatis se divise en deux parties; la
première est une sorte d'essai biographique pour lequel M. de G. a tiré un heureux
parti des lettres et des poésies de Dali' Ongaro ; la seconde contient un choix
des lettres de Dali' Ongaro et de celles qui lui furent adressées par des hommes
de lettres, par des hommes politiques, par des amis et par des amies. Quand je
I
^66 REVUE CRITIQUE
dis : un choix, cela veut dire simplement que la correspondance n'est pas com-
plète ; carie triage ne paraît pas avoir été fait avec une grande rigueur. Beaucoup
de lettres insignifiantes sont publiées; et M. de G. nous avertit lui-même que
d'autres beaucoup plus intéressantes sont restées inédites. Des lettres à Nina,
l'amour le plus profond et le plus vif qu'ait ressenti Dali' Ongaro, deux seulement,
très-belles il est vrai, nous sont données. — Néanmoins cette correspondance
est du plus vif intérêt. — Nous y avons surtout remarqué les lettres deN. Tom-
maseo, le philologue patriote, l'ami le plus ancien et le plus fidèle de Dali' Ongaro,
esprit supérieur, plein de pénétration et de finesse, qui modère par son sage
scepticisme l'enthousiasme trop crédule du poète; et une série de lettres de
Mazzini (n°^ 167 à 177) qui donnent la plus vivante image de l'activité infati-
gable, du désintéressement héroïque de l'homme extraordinaire en qui s'était
incarnée l'idée de l'unité italienne. La lettre 172, consacrée à l'exposition de ses
idées religieuses, est une des plus remarquables. Quant aux lettres de Dali' Ongaro,
on y retrouve cette facilité harmonieuse, cette bonne grâce spirituelle qu'on
admire dans ses canzoni et dans ses stornelli, mais aussi quelque chose d'un peu
banal et superficiel, peu d'énergie et de profondeur dans la pensée. M. de G.,
que sa bienveillance naturelle et son rôle de biographe disposaient plus à l'éloge
qu'au blâme, n'a pas assez indiqué, à notre avis, les lacunes graves du talent et
du caractère de Dali' Ongaro. H va jusqu'à lui faire un mérite de ses faiblesses,
en particulier de ce qu'il appelle dans une élégante périphrase « son admiration
pour toutes les formes du beau », et sur d'autres points il donne à la pensée de
l'écrivain une netteté qu'elle n'a jamais eue. Il le tire à lui avec un zèle par trop
ingénieux. Il voudrait effacer de la vie de son héros Padmiration enthousiaste
que le poète patriote a eue pour Pie IX, et faire croire que Dali' Ongaro n'a jamais
admiré Pie IX lui-même, mais les idées de liberté que le pape représentait pour
les Italiens dans les premiers mois de 1 848. La lettre 3 3 suffit à lui répondre. Elle
témoigne des vrais sentiments de Dali' Ongaro qui était heureux de recevoir les
encouragements et la bénédiction du pape et qui, même après sa fuite à Gaëte,
conservait pour Pie IX on ne sait quelle affectueuse vénération (voy. lettres 43,
44).
Dans le chapitre intitulé : Sentiments religieux, M. de G. veut que Dali' Ongaro
en soit arrivé à ne pas reconnaître d'autre Dieu que la conscience individuelle.
Cette opinion est contredite par plusieurs passages de la correspondance et surtout
par la lettre très-intéressante citée presqu'en entier par son biographe (p. 26-32)
et dans laquelle Dali' Ongaro exprime des convictions spiritualistes très-nettes,
tout-à-fait analogues à celles de Mazzini dont nous parlions tout-à-l'heure, la foi
dans une révélation progressive de Dieu par l'humanité. Ce qui est vrai c'est que
Dali' Ongaro n'avait pas une grande consistance dans ses idées, qu'il subissait
un peu l'influence de ceux qui l'entouraient, et surtout qu'il ne voulait pas
scandaliser ses amis libres-penseurs sans pour cela renoncer aux idées qui char-
maient son imagination et son cœur. Mais le matérialisme et l'athéisme lui ont
toujours été antipathiques.
Je crois que M. de G. n'aurait pas diminué Dali' Ongaro en accentuant davan-
d'histoire et de littérature. 367
tage ses côtés faibles. Il aurait donné de lui une image plus vivante. Ce sont les
critiques qui donnent du prix aux éloges. Une bienveillance trop universelle leur
ôte toute valeur. M. de G. dit quelque part qu'avec Monîanelli et Dall'Ongaro
l'Italie n'a rien à envier à la gloire de Kœrner et de Byron. Ce sont là des exagéra-
tions qui diminuent, au lieu de les grandir, ceux qui en sont l'objet. Passe encore
pour Kœrner; mais évoquer le nom de Byron à propos de Dali' Ongaro!
M. de G. nous trouvera peut-être bien sévère et nous accusera de séche-
resse. Récemment dans un article de la Perseveranza, tout en donnante la Revue
Critique et à ses rédacteurs des éloges auxquels nous avons été très-sensibles, il
leur a reproché de manquer d'enthousiasme, presque de manquer de coeur. Il
les compare à des botanistes qui ne se sont jamais oubliés à respirer le parfum
d'une fleur, à des naturalistes qui connaissent à merveille l'anatomie du rossignol,
mais n'ont jamais écouté son chant. Que M. de G. se rassure : les rédacteurs de la
Revue Critique ne sont pas si insensibles; mais ils pensent qu'il n'est pas très-utile
d'exprimer longuement le plaisir que leur cause un chant ou un parfum, car cela
n'apprend rien ni à ceux qui le connaissent ni à ceux qui ne le connaissent pas. Ils
jugent plus utile d'analyser, de définir, de comparer ce qui est susceptible
d'analyse, de définition et de comparaison, et puis de dire : sentez et écoutez;
lisez et admirez ! C'est ce que nous disons aujourd'hui : Lisez le volume
que M. 4e G. vient de publier, vous y apprendrez à connaître une âme
noble et chaleureuse qui a contribué pour sa part à donner à sa patrie la
liberté et l'unité, qui par son drame // povero Forneretto a rendu plus rare l'appli-
cation de la peine de mort; qui, s'il n'a pas réussi, comme il l'espérait, à donner
une Marseillaise à l'Italie, a du moins laissé quelques petits poëmes, d'une forme
vive et légère sans doute, mais animés d'un vrai souffle poétique et qui méritent
de lui survivre'.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 26 novembre 1875.
M. Léopold Delisle, faisant fonction de secrétaire en l'absence de M. Wallon,
lit les lettres des candidats à la place de membre ordinaire laissée vacante par
la mort de M. Brunet de Presle. Ces candidats sont au nombre de quatre,
MM. Barbier de Meynard, Boutaric, Bréal et Liger. MM. Boutaric et Bréal
s'étaient déjà présentés précédemment; M. Br^al, aux titres qu'il avait fait valoir,
ajoute son ouvrage nouveau sur les tables eugubines. M. Barbier de Meynard
I. Voy. la ballade VUsca^ les pièces à Nina. Dans sa lettre à M"' Ida de Duringsfeld
(n°222), Dair Ongaro donne de son activité littéraire un aperçu très-intéressant et où il
indique avec justesse la valeur de ses œuvres et l'influence qu'elles ont exercée.
^68 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
énumère ses travaux relatifs à l'orient, dans lesquels il a étudié de préférence
les textes arabes et persans qui intéressent l'histoire des états et de la civilisation.
M. Liger a joint ses ouvrages à sa lettre (v. la dernière séance). L'académie se
forme en comité secret pour discuter les titres de ces candidats.
M. Casati, de Lille, se porte candidat à une place de correspondant de
l'académie.
M. Duruy commence la lecture d'un mémoire sur le régime municipal romain
pendant les deux premiers siècles de l'empire. Les textes insérés au Digeste ne
font connaître que l'administration romaine de la fin de l'empire, après le 3^ siècle.
Le régime municipal en vigueur pendant les deux premiers siècles n'a été révélé
que par l'étude des inscriptions. Ce qui caractérise le régime de cette époque,
c'est la grande part d'indépendance qui était laissée aux cités. La plupart éli-
saient librement leurs magistrats, qui exerçaient la juridiction. Il y avait seule-
ment un droit d'appel des magistrats municipaux aux gouverneurs des provinces.
Mais ceux-ci même n'étaient que des citoyens chargés d'une mission temporaire,
non des fonctionnaires de profession. Jusqu'au 5*^ siècle, dit M. Duruy, les
Romains n'ont pas connu ce que nous appelons des fonctionnaires.
Ouvrages déposés : Roudaire , Sur les travaux de la commission chargée d'étudier le
projet de mer intérieure en Algérie; Paris, 1875, brochure in-8«. — Michel Bréal, Les
tables eugubines (26" fascicule de la Bibliothèque des hautes études, sciences historiques
et philologiques); Paris, 1875, in-S" et in-folio. — Gilbert de Mons, Chronique de
Hainaut, traduite par le marguis de Godefroy Ménilglaize; Tournai, 1874, in-8*.
— Perrot, Inscriptions inédites d'Asie-Mineure (extrait de la Revue archéologique).
Ouvrages présentés de la part des auteurs : — par M. Renan : I diplomi greci ed arabi di
Sicilia pubblicati nel testo originale, tradotti ed illustrât! da Salvatore Cusa, Palermo,
1868, in-folio (!' partie du t. I, contenant seulement des textes, dont la traduction et le
commentaire seront donnés plus tard ; cette publication doit comprendre toutes les pièces
de l'époque normande et de l'époque souabe, écrites en grec ou en arabe, conservées aux
archives des églises de Palerme, Montréal, Messine et Cefalù); — par M. de Wailly :
Recueil de poésies françoises du XV' et du XVI° siècle, morales, facétieuses et historiques,
réunies et annotées par MM, Anatole de Montaiglon et James de Rothschild ( 1 o" vo-
lume d'une collection commencée par M. A. de M. et continuée avec la collaboration de
M. J. de R.; contient plusieurs pièces d'un intérêt historique); — par M. Derenbourg :
J. Halévy, La prétendue langue d'Accad, brochure in-8'; — par M. de Roz'âre : E.
BouTARic, Des origines et de l'établissement du régime féodal, et particulièrement de
l'immunité (mémoire lu à l'académie, revu et augmenté).
Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou,
ccciij p. (ce volume, le dernier, contient Tappareil critique de l'édition). — Der
Vetâlapancavinçati. Uebers. von Luber. i. Abth. Gôrz, Wokulat. In-S", 69 p.
(note favorable ; cette traduction, l'introduction et les notes s'adressent au grand
public).
Jenaer Literaturzeitung, n° ^6, 4 septembre. Harnoch, Wegweiser in der
Kirchen und Dogmengeschichte. Eisenach, Bacmeister. In-8°, xvj-251 p. (H.
Weingarten). — Teichmûller, Studien zur Geschichte der Begriffe. Berhn,
Weidmann'sche B. In-8°, ix-667 p. (Walter). — Schmidt, Richardson, Rous-
seau und Goethe. Jena, Frommann. In-8°, viij-5^ i p.; Ders., Heinrich Leopold
Wagner Goethes Jugendgenosse. Daselbst, Ders. In-S", x-128 p. (A. Schôll).
— Arnobii adversus nationes libri VII recens, et comm. critico instr. Reiffer-
scheid. Vindob., ap. Geroldii filium. In-8", xviij-352 p. (Ernst Klussmann).
— Waltharius, mit deutscher Uebertragung, von Scheffel und Holder. Stutt-
gart, Metzler'sche B. In-8", vj-i8o p. (Rudolph Peiper).
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
magasin.
Baudouin (A.). Pamphile ou l'art d'être
aimé, comédie latine du X* siècle, pré-
cédée d'une étude critique et d'une para-
phrase. In-i2, 250 p. Paris (Lib.
Moderne).
Baumefort (V. de). Épisodes de la
Terreur. Tribunal révolutionnaire d'O-
range. In-8', 411 p. Avignon (Seguin).
Benoit (A.). Description des drapeaux et
étendards des régiments français des
anciennes provinces d'Alsace, de Franche-
Comté et de Lorraine. In-S", 20 p.
Mulhouse (imp, V^ Bader et C").
Bolsec (H. -H.). Histoire de la vie,
mœurs, actes, doctrines, constance et
mort de Jean Calvin, jadis ministre à
Genève. Publiée à Lyon en 1577 et ré-
éditée avec une introduction, des extraits
de la vie de Théod. de Bèze, par le
même, et des notes à l'appui, par P.-L.
Chastel. in-B», xxxj-354 p. et port. Lyon
(Scheuring).
Bourgeois (L,). Les six couches de Marie
de Médicis, reine de France et de Navarre.
Étude biographique, notes, éclaircisse-
ments par le docteur A. Chereau. Orné
de 2 port, gravés sur cuivre. In- 16,
165 p. Paris (Daffis). 6 fr.
Chardon (H.). Les Débuts au Mans de
Marin Cureau de La Chambre, médecin
de Louis XIIÎ, de Louis XIV et du Chan-
celier Séguier, membre de l'Académie
française; ses relations de famille et les
héritiers de son nom dans le Maine jus-
qu'au commencement de ce siècle. In-8%
55 p. Le Mans limp. Monnoyer).
Desbarreaux-Bernard. L'Inquisition
des livres à Toulouse au XVII^ siècle.
In-8*, 54 p. Toulouse (imp. Douladoure).
Desjardins (E.). Desiderata du Corpus
inscriptionum latinarum de l'Académie de
Berlin. T. 3. 3" fascicule. Notice pouvant
servir de 3' supplément. Les Balles de
fronde de la république. 2* série. In-fol.
p. 28 à 50 et 3 pi. photograv. Paris
(F. Vieweg). 12 fr.
Des Périers (B.). Nouvelles récréations
et joyeux devis, suivis du Cymbalum
Mundi. Réimprimés par les soins de P.
Jouaust. Avec une notice, des notes et
un glossaire par L. Lacour. T. 2. In-8*,
3J0 p. Paris (Lib. des Bibliophiles).
10 fr.
Du Fail (N.). Contes et discours d'Eu-
trapel, réimprimés par les soins de D.
Jouaust avec une notice, des notes et un
glossaire par C. Hippeau. T. i. In-8«>,
xij-318 p. Paris iLib. des Bibliophiles).
10 h.
Dulac (J.). Autel épigraphique désenfoui
à l'arsenal de Tarbes, le i" septembre
1873, avec la critique de l'inscription
funéraire de Tarbes (article du général
Creuly). In-S», 62 p. et vign. Paris
(Aubry).
Duvergey (H.). Conférences sur les rap-
ports entre la littérature et les mœurs.
In-S", 142 p. Paris (Marescq aîné). 3 f.
Etienne (L.). Histoire de la littérature
italienne depuis ses origines jusqu'à nos
jours. In- 18 Jésus, x-608 p. Paris
(Hachette et C«), 4 fr.
Études égyptologiques. 4* livraison. Le
Mythe osirien, par E. Lefebure. 2* partie.
Osiris. In-4°, p. 129-256. Paris (A.
Franck). 20 fr.
Favre (J.). Gouvernement de la Défense
nationale du 29 janvier au 22 juillet
[871. Derniers actes du gouvernement
de la Défense nationale. M. Thiers, chef
du pouvoir exécutif de la République
française. Négociations de Versailles.
Traité de préliminaires. L'armée alle-
mande à Paris. Journée du 18 Mars. La
Commune. Négociation et traité de Franc-
fort. Prise de Paris. L'Internationale.
5* partie. In-8°, 601 p. Paris (Pion et
C-). 8 fr.
Gasté (A.). Étude critique et historique
sur Jean Le Houx et le Vau de Vire à la
fm du XVIe siècle. In-80, 241 p. et portr.
Paris (Thorin).
Guérin (V.). Description géographique,
historique et archéologique de la Pales-
tine, accompagnée de cartes détaillées.
Seconde partie. Samarie. 2 vol. gr. in-8*,
915 p. et 5 pi. Paris (Challamel).
Harrisse (H.). Histoire du chevalier Des
Grieux et de Manon Lescaut. Bibliogra-
phie et notes pour servir à l'histoire du
livre, 1728-1731-1753. In-8°, 65 p. Paris
(Rouquette).
Historique du 8' régiment de cuirassiers.
1665-1874. In-8% 1 10 p. Paris (Tanera).
2 fr. jo
du 49' régiment d'infanterie de ligne.
In-8*, 24 p. Paris (Le même). 75 c.
du 103* régiment d'infanterie de ligne.
In-8*, 64 p. Paris (Le même), i fr. 25
Inventaire des manuscrits latins de la
Bibliothèque nationale insérés au fonds
des nouvelles acquisitions du i" août
1871 au i" mars 1874. In-8% 16 p.
Nogent-le-Rotrou (imp. Gouverneur).
La Baume (C.-J. de). Relation historique
de la révolte des fanatiques ou des cami-
sards. Ouvrage édité et annoté d'après
les principales relations contemporaines,
par M. l'abbé GoifFon. 2^ édit. In- 12,
v-391 p. Nîmes (Bedot).
Lalore (C). Chartes de l'abbaye de Mores
(Aube). In-8", 109 p. et plan. Troyes
(imp. Dufour-Bouquot).
Legrand (L.). Étude historique sur les
corporations d'arts et métiers, compre-
nant l'histoire des communautés et con-
fréries de marchands et d'artisans jusqu'à
leur abolition en France en '791. In-8*,
viij-341 p. Roubaix (Béghin).
Maspero (G.). La Stèle égyptienne du
Musée de Rennes. Lettre adressée à M. le
commandant Mowat. ln-8% 13 p. Paris
(lib. A. Franck).
Moisant de Brieux. Origines de quel-
ques coutumes anciennes et de plusieurs
façons de parler triviales. Avec une intro-
duction biographique et littéraire par
M. E. de Beaurepaire, un commentaire
et une table analytique par M. G. Gar-
nier et un portr. de l'auteur gravé par
M. L. de Merval. 2 vol. in-8'. 520 p.
Caen (Le Gost Clérisse).
Montesquieu. Le Temple de Gnide,
suivi de Céphise et l'Amour, et de Arsace
et Isménie. Introduction par F. de Mares-
cot. In- 16, xviij-127 p. Paris (Lib. des
Bibliophiles). 3 fr. 50
Mo'wat (R.). Notice de quelques inscrip-
tions grecques observées dans diverses
collections. In-8*, 38 p. et pi. Paris (lib.
A. Franck). 3 fr. 60
Pouy (F.). Anecdotes historiques sur Des-
champs de Charmelieu, marquis de Saint-
Bris, receveur des tailles à Auxerre
(1763-1784). In-8°, 15 p. Auxerre (imp.
Perriquet).
Susane. Histoire de la cavalerie fran-
çaise. T. 3. In- 18 Jésus, 346 p. Paris
(Hetzel et C^).
Trivolis (J.). Histoire de Tagiapiera,sur-
comite vénitien. Poème grec en vers
trochaïques rimes. Publié avec une tra-
duction française, une introduction et-
des notes par E. Legrand. In-8°, 63 p.
Paris (Maisonneuve et C'),
Waddington (C). De la science du bien.
In-8°, 19 p. Paris (imp. Meyrueis).
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N» 50 Neuvième année. 11 Décembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÊAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas G u yard.
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suivant le pays.
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F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
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Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de U
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
AVIS.
A partir du i^' janvier 1876, la Revue critique d^histoire et de littérature paraîtra
chez M. Ernest Leroux, libraire-éditeur, 28, rue Bonaparte, où l'on devra
remettre les ouvrages et publications périodiques destinés à la Revue, et adresser
toutes les communications.
En vente chez F. Vieweg, libraire-éditeur (librairie A. Franck),
67, rue Richelieu.
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES.
25^ ET 26^ fascicules.
CHEREF-EDDIN RAMI .ochcht
Traité des termes figurés relatifs à la description de la beauté. Traduit du persan
et annoté par C. Huart. 5 fr- 5°
P-pv j T-^ T^ Q T-i r-r-s Vocabulaire hiéroglyphique comprenant
• 1 1 Ci rv Iv Lu 1 les mots de la langue, les noms géogra-
phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement. 3"^^ fascicule.
6fr.
PÉRIODIQUES.
The Academy, n° 1 85 , new séries, 20 novembre. Memorials of Saint Dunstan,
ArchbishopofCanterbury. Ed. by W. Stubbs, Masterof the Rolls' Séries (James
Raine : excellent travail, qui montre S. Duncan sous son vrai jour). — Gleanings
from the Venetian archives 1628-1637 (Samuel R. Gardiner). — Correspon-
dence. Prince L.-L. Bonaparte and M. Van Eys (L.-L. Bonaparte, suite de la
discussion entre le prince Bonaparte et M. Van Eys). — Shakspere's «Richard
» II » (J. W. Hales : apporte un nouvel argument en faveur de l'opinion que le
Richard Ily qui fut joué la veille de l'élévation au pouvoir d'Essex, est celui de
Shakspere ; il prouve, en effet que c'est un des comédiens de Shakspere qui fut
chargé de monter la pièce). — « Legends and Folk-Lore of North Wales » :
The Sin-Eater (David Fitzgerald). — Sayce, An Elementary Grammar; with
full Syllabary and Progressive Reading-book of the Assyrian Language in the
Cuneifom Type. London, Bagster and Sons (Ed. Schrader : article favorable).
— Di" Goldschmidt's report on Ceylon inscriptions (P.Goldschmidt). —Science
Notes (Philology : notes sur deux lectures intéressantes de M. Cov/per intitulées
« Résurrection of Assyria » et « The Heroines of the Past », sur le Ç vol. des
« Records of the Past », sur la brochure de Giuseppe Cozza relative au ms. de
la géographie de Strabon qu'on a découvert dans l'abbaye de Grottaferrata, sur
la brochure de M. Halévy « la prétendue langue d'Accad est-elle Touranienne? »,
sur l'introduction au Prâkrit des drames, par M. Cowell, enfin sur l'ouvrage de
M. Bourke : « The Aryan Origin of the Gaelic Race and Language »).
The AthenaBum, n® 2508, 20 novembre. Rink, Taies and Traditions of the
Eskimo. Transi, from the Danish by the Author. Ed. by R. Brown. Blackvood
and Sons (ouvrage capital). — Lives of the archbishops of Canterbury. By Walter
Farquhar Hook. Vol. xi. Bentley and Sons (ce vol. contient la vie des archevê-
ques Laud et Juxon). — Sir Robert Collier, the Oration of Demosthenes on
the Crown. Longmans ànd Co. (sans valeur). — R. K. Douglas, the Language
and Literature of China. Trùbner and Co. (Deux excellentes lectures). — The
Prince's Visit to India. — A. W. Ward, a History of English Dramatic Lite-
rature to the Death of Queen Anne. 2 vol. Macmillan and Co. (ne répond pas à
l'attente). — Miscellanea. An Emendation (F. G. Fleag : restaure le texte cor-
rompu des vers latins placés en tête de la vieille tragédie d'Appius et Virginie).
— Wily beguiled (Walter W. Skeat).
Literarisches Centralblatt, n° 47, 20 novembre. Prager, De Veteris Tes-
tamenti versione Syriaca quam Peschittho vocant quaestiones criticae. Pars I.
Gôttingen, Dieterich, in8°, 75 p. (important art. de Nœldeke). — Pietschker_,
Die lutherische Reformation in Genf. Côthen, Schettler, in-8°, vij-96 p. (cette
brochure sert d'introduction à un ouvrage plus considérable que l'auteur publiera
sous le titre de « Calvin und die Genfer Libertiner» : l'auteur se montre des
plus compétents;. — Schmoller, Redeûber Strassburg zurZeit des Zunftkampfe.
Strassburg, Trùbner, in-80, 88 p. (excellente dissertation contenant des choses
très-nouvelles). — Grassmann, Wôrterbuch zum Rig-Veda. Leipzig, Brock-
haus, in-80, viij-1776 p. (ce dictionnaire peut servir de modèle aux publications
de ce genre). — Bulgarski narodni pèsni, p. ettr. p. A. Dozon. Paris. Maison-
neuve, in 8°, xlvij-427 p. (recueil de 88 chansons populaires bulgares inédites).
Schmidt, Richardson, Rousseau und Goethe (v. Rev. crit.j 1875, II, p. 1 56).
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N* 50 — 11 Décembre — 1875
Sommaire : 236. Hymnes du Rigveda, tr. p. Geldner et Kaegi, avec le concours
de RoTH. — 2]-]. Brissaud, l'Administration anglaise et le mouvement communal
dans le Bordelais. — Correspondance : Lettre de M. Magnabal. — Variétés : P. P.
Dobrée. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
236. -tSiebenzig Lieder des Rigveda, ùbersetzt von Karl Geldner und Ado!
Kaegi, mit Beitraegen von R. Roth. Tùbingen, Laupp. 1875. ' vol. in- 12, xiv et
176 p. — Prix : 4 fr.
Soixante-dix hymnes formant seulement la quatorzième partie environ du
Rig-Véda, mais choisis de façon à donner une idée du livre entier, et, sous
réserve des difficultés que présente encore l'intelligence du texte, rendus avec
une fidélité remarquable dans une traduction imitant les mètres mêmes de
l'original et accompagnée de commentaires concis donnant le nécessaire, aux
indianistes d'une part, et de l'autre au grand public, telle est la matière de cette
publication'. Elle est de celles qu'il serait superflu de louer longuement et que
recommande assez le nom de leur auteur. Car pour un étranger qui ne peut bien
apprécier le mérite littéraire des traductions métriques exécutées pour la plus
grande partie par les deux élèves de M. Roth, leur maître est le véritable auteur
de la publication entière dont il paraît prendre du reste, en signant seul la pré-
face, toute la responsabilité. Or on sait ce qu'a fait M. R. pour les études védiques.
En disant (p. vj) qu'il a voulu montrer à quel point étaient arrivées l'exégèse
et la critique du Véda, il n'ajoute pas, mais il aurait eu le droit, et nous avons
le devoir de le faire, que c'est à lui que ces résultats sont dus pour la plus forte
part. Quand on songe à ce qu'était l'interprétation védique lorsqu'à commencé la
collaboration de M. R. au dictionnaire de Pétersbourg, et quand on constate l'état
où il la laisse au moment où cette grande tâche touche à sa fm, le sentiment
qu'on éprouve est celui d'une admiration et aussi d'une gratitude qui, sans
méconnaître les contributions des autres védistes ses contemporains, MM. Max
Mûller, Benfey, Aufrecht, Weber, Haug, Muir, Whitney, Ad. Régnier, et
les autres 2, à l'œuvre à laquelle il s'était presque exclusivement voué, lui
fait honneur d'avance des progrès qu'une génération nouvelle peut espérer
réaliser après lui, et rattache comme élèves à son enseignement écrit ceux mêmes
1. Elle avait été préparée par un article de M. Roth dans la Zeitschrift der deutschen
morgenUndischen GesellschafL XXIV, p. 305.
2. M. Grassmann appartient plutôt, au moins par la date de l'apparition de son lexique,
à la génération nouvelle.
xvi 24
370 REVUE CRITIQUE
qui n'ont pas eu l'honneur et le profit d'entendre sa parole vivante. En faisant
l'entreprise aventureuse de critiquer en détail l'œuvre où les résultats de ce long
labeur sont enfin mis à la portée du grand public, je tenais avant tout à rendre
cet hommage au maître : j'ose espérer qu'il excusera la hardiesse d'un disciple
ignoré , s'il pense que la fidélité de l'élève doit s'attacher, moins aux résultats
obtenus qu'à la méthode qui a permis de les atteindre et qui peut servir encore à
les perfectionner.
Cette méthode, indépendante de la prétendue tradition hindoue, sans négliger
les données que peuvent fournir, — en deçà de la période védique la linguistique
et, à la condition d'une extrême prudence, vu l'état rudimentaire de cette
science , la mythologie indo-européenne , — au delà l'étude des rites et des
mœurs brahmaniques, — consiste avant tout dans la comparaison de tous les
passages des hymnes où se rencontre un même mot, où se devinent des concep-
tions analogues. Il est clair d'ailleurs qu'on ne peut avoir pratiqué longuement
cette méthode sans avoir aussi conçu sur le caractère général du livre qu'on
cherche à expliquer une théorie quelconque, qui devient à son tour, et très-
légitimement, un facteur important de l'exégèse dans les cas particuliers. Entre
plusieurs interprétations du Rig-Véda, différentes mais également systématiques
dans le bon sens du mot, la critique définitive d'une génération, qui ne sera peut-
être pas encore la prochaine, choisira plus aisément qu'entre des collections
bigarrées d'explications restées sans cohésion entre elles. Il sera temps alors
d'ailleurs de les corriger s'il y a lieu l'une par l'autre, et le rôle de l'éclectisme
est de clore un développement scientifique, et non de le commencer ou même
de le poursuivre. L'important est que les applications de la théorie favorite ne
dépassent jamais les limites imposées par la méthode commune qui relie entre
elles nos recherches indépendantes, et qui nous juge plus sûrement encore
qu'elle ne nous conduit : car si nous ne sommes pas toujours certains en la sui-
vant d'arriver au but, nous le sommes du moins d'errer en l'abandonnant.
Pour M. R., comme, il faut le dire, pour la plupart des védistes dont l'idée
a d'ailleurs été souvent exagérée jusqu'à la caricature par les purs mythologues,
le meilleur sens qu'on puisse trouver à un passage védique sera toujours le plus
simple, — s'il s'agit de mythologie, le plus strictement naturaliste, — et en
général le plus universellement « humain. )> J'ai le regret, car je sens ce qu'a dé
dangereux un isolement, moins complet pourtant qu'on ne pourrait le croire',
de ne pas partager sur ce point l'opinion dominante. Le Rig-Véda me semble
imprégné dans presque toutes. ses parties de spéculations théosophiques^ portant
principalement sur l'idée de la toute-puissance du sacrifice, laquelle revêt toutes
les formes, même la forme décidément mythologique. Peut-être vais-je me classer
moi-même aux yeux de M. R. parmi ces v originaux » (Sonderlinge p. vij) qui
aiment ce qui est « embrouillé et rebutant », non pas pourtant comme nécessai-
1. Sans parler de M. Haug, avec lequel je ne suis pas sûr du reste de m'entendre
beaucoup mieux , je citerai certains passages des articles de M. Barth dans la Revue :
1872, II, p. 51, 280, etc.
d'histoire et de littérature. 371
rement plus « antique, » mais comme spécialement védique. H semble cependant
que pour quiconque cherche moins dans le Rig-Véda des jouissances esthétiques
qu'un enseignement historique, en prenant le mot histoire au sens le plus large,
ce qui est spécialement védique doit offrir plus d'intérêt que ce qui serait univer-
sellement « humain. » Aussi bien, et quoiqu'une interprétation qui ne révélerait
rien de nouveau à son propre auteur aurait toujours quelque chance d'avoir été
tirée de son fonds antérieur, plutôt que du texte même, il est clair que l'intérêt
plus ou moins grand qu'elle peut offrir n'est pas un critérium suffisant pour en
éprouver la justesse. Ne pouvant prendre occasion de cet article pour exposer
et défendre une théorie personnelle, j'éviterai, autant que faire se pourra, de
porter la polémique sur le domaine des systèmes, et tâcherai de la maintenir sur
celui de la méthode où je suis plus sûr d'être, d'abord compris, et quelquefois
peut-être approuvé. On peut, ce semble, reprochera M. R. d'avoir, — soit
pour retrouver dans un hymne entier ou dans un passage isolé la simplicité de
pensée qu'il y cherche, soit même sans ce motif, — recouru trop facilement aux
moyens suivants.
Les sens ou les modes d'emploi d'un même mot sont multipliés à l'excès,
quelquefois même un sens est supposé pour un seul passage. Le cas est surtout
grave lorsque par exemple dans le vers VII. 87. 4 l'attribution au mol padd du
sens, d'ailleurs inconnu aux hymnes, de « mot, parole )> (sans parler de l'inter-
prétation, proposée il est vrai sous forme dubitative, du mot dghnyâ, fixé comme
nom de la vache, dans le sens étymologique d' « indestructible, éternelle, ») défi-
gure un mythe aussi arrêté que celui de la « place cachée de la vache» paddmgâr
dpagûlham. IV. 5 . 5 , cf. 10, appelée ailleurs la place de l'oiseau IV. $ . 8 et passlm,
(et celui de la vache aux trois fois sept formes IV. i . 16, évidemment équivalent
à celui des trois fois sept vaches* IX. 70. i, et des trois fois sept rivières IX.
86. 21, X. 64. 8). — Voici maintenant un exemple assez frappant qui montrera
comment la préoccupation de trouver un sens qui se rapporte à la vie ordinaire
a pu obscurcir la signification d'un mot et d'une phrase parfaitement clairs si l'on
s'en tient à la notion du culte. Il s'agit du mot admasdd I. 124. 4 et de l'inter-
prétation déjà critiquée par M. Haug (Gci«. Anz. 1875, p. 79 2) qui du reste
veut en substituer une moins heureuse encore, le sens qu'il propose d'après le
Nirukta étant sans autre application védique, et paraissant d'ailleurs étymologi-
quement inadmissible. Admasdd signifie bien <c convive « mais l'application de ce
motàAgni VIII. 44. 29 (cf. VI. 4. 4 et VIII. 45. 19), et à ceux dont la prière a
été exaucée VII. 83. 7, montre que le festin dont il s'agit est celui du sacrifice,
en sorte que le mot peut passer pour synonyme de « prêtre ». L'aurore réveille
1 . Cf. encore les vaches qui ont beaucoup de cornes (expression équivalente à beau-
coup de vaches), dont on veut faire des étoiles scintillantes (!) I, 1 ^4, 6.
2. A propos du même hymne, I, 124, M. Haug dont la critique atteint M. R. en
passant par dessus son disciple M. Delbrùck, propose aussi des interprétations nouvelles
de 7 ^ et de 7 6 ; la coutume à laquelle ferait allusion le premier pâda a plus de chances
que l'autre d'être védique ou généralement aryenne. D'ailleurs le mot g^rfa, quoique assez
obscur, a trop d'emplois dans la mythologie védique pour qu'on puisse les négliger ici.
^y2 REVUE CRITIQUE
donc ceux qui dorment, non comme un hôte (qui arrive le matin!) mais comme
le prêtre qui appelle au sacrifice. C'est une raison de plus d'accepter le sens
littéral du premier pâda : « Elle a fait apparaître des trésors comme Nodhas, »
^^dont on propose de faire par une hypothèse gratuite « le marchand »), c'est-à-
dire comme le prêtre Nodhas a comblé, lui aussi, le sacrifiant de biens, grâce à
l'efficacité de ses sacrifices. — Passons en revue quelques autres mots. Au vers
I. "152. 6, âsâvivâsan ne saurait signifier que : « honorant avec la bouche »
c.-à-d. avec une prière. — Le mot asuryà semblerait mieux traduit par le terme
de « souveraineté divine » (cf VI. 20. 2) que par les expressions vagues de
« Gottheit » IV. 42. 2, VI. 74. i, ou de « Lebensfùlle » II. 33. 9. Encore
moins admettrais-je le sens proposé II. 27. 4; je comprends « conservant leur
)) pouvoir suprême » (cf. II. 33. 9 et VI. 74. i). — Pourquoi donner pour un
seul passage VII. 61. 2 le sens d'enthousiasme au mot kràtvâ si souvent employé
au commencement d'une phrase qu'il est devenu une sorte de cheville, comme
encore au vers VII. 76. i où je rapporterais devânâm à cdkshuh^ — Le mot
vavrl <c enveloppe » ne paraît pas avoir pris le sens de corps, même au vers I.
1 16. 10 (p. 44, note 4') et encore moins au vers IV. 42. i où l'on veut pré-
ciser ce sens par l'adjectif «/?^ma «l'enveloppe la plus voisine» (de l'âme?) Varuna
(ou Indra s'identifiant à ce dieu, voir plus bas) dit qu'il règne sur la race 2 de
l'enveloppe supérieure, c.-à-d. du ciel (cf. l'enveloppe des eaux I. 54. 10, de
l'éclair I. 164. 29, des vaches I. 164. 7). — Pourquoi supposer au vers V.
8$. 4 un emploi exceptionnel du moyen çrathayanta au sens actif, surtout étant
donnée l'opposition avec tavish'iydntah ? Les héros dont il s'agit ne sont-ils pas
les Maruts dont l'éclat est voilé (V. 59. 1) ou le souffle abattu par la pluie.? —
Comment donner, pour l'explication du seul passage VII. 87. i, un régime
direct à ritây, et admettre que sârga désigne, même métaphoriquement, le cocher?
Ne vaut-il pas mieux admettre un enjambement sur le second hémistiche, que de
pareilles dérogations à l'usage de la langue, et rapporter ntâydn au dernier pâda
en rattachant les mots précédents au second ? — Au vers I, 154. 2 traduirait-on
adhikshiydnti « demeurent sous (les trois pas de Vish/iu), » si on n'avait pas l'arrière-
pensée, non exprimée du reste, que ces trois pas doivent être les trois positions du
soleil au levant, au zénith et au couchant, plutôt que les trois places du feu dans
le ciel, dans l'atmosphère et sur la terre? — VII. 76. 2 ddhi harmyébhyah signifie
évidemment « de ses demeures » et non « sur nos demeures. » — Au vers VII.
1. Les Açvins, pour rajeunir Cyavâna, ne lui enlèvent pas son corps, ce qui serait
peu intelligible, mais ils le tirent d'une enveloppe qui désigne métaphoriquement sa vieil-
lesse même (cf. VII, 71,5 rapproché de I, 140, 8) et qui rappelle en même temps l'en-
veloppe d'Agni ou de tout personnage divin analogue que Cyavâna symbolise. — Anvers
V, 19, I, l'enveloppe qui sort de l'enveloppe est sans doute la matrice, c.-à-d. la mère
qui sort de sa retraite pour enfanter (cf. l'enveloppe des vaches I, 164, 7 et le rajeunis-
sement des femelles équivalent à leur sortie de l'enveloppe I, 140, 8).
2. C'est la cinquième des cinq races appelées si souvent du même nom krishiâyah.
Telle est selon nous, et contre l'opinion de M. R. (p. 18), l'origine de cette conception.
Les cinq races sont celles des cinq points cardinaux, c.-à-d. des quatre points cardinaux
et du ciel, comme les deux races, IX, 70, 3, sont celles de la terre et du ciel. L'applica-
tion de la formule à cinq races humaines paraît secondaire.
d'histoire et de littérature. 373
83. 4, triîsïïnâm purôhitih peut-il signifier autre chose que «le sacerdoce des
)) Tritsus » (cf. 8)? — M. Grassmann a donné le vrai sens des mots asutrip X.
14. 2 (cf. Barth. Revue, 1873, I, 101) et vimuco napât I. 42. i (cf. les fils
d'Aditi, nom dont l'un des sens est « liberté »). — Je réserve les mots dhàman
et vratà, (domaine! III. 59. 3 et ailleurs) qui exigeraient une dissertation
spéciale ' .
On peut regretter aussi quelquefois que le sens propre des mots soit abandonné
pour des sens figurés, de telle façon que les angles de la pensée védique , si on
veut pardonner cette expression, se trouvent adoucis, selon nous, aux dépens
de l'interprétation vraie. En voici un exemple frappant : au vers X. 125. 7
l'opposition de suve et de pitdram, le goût des poètes védiques pour les formules
paradoxales, et le précédent d'Aditi, mère et fille de Daksha, me laissent en
toute sécurité sur la traduction : « y enfante mon père au sommet (ou mieux au
» commencement) de ce monde. 2» Le traducteur, évidemment effrayé du
paradoxe , préfère : « Je place mon père au sommet du monde. « Le sens
d' « enfanter » peut même sans doute être également gardé pour bibharmi au
vers I, la Parole, que M. R. reconnaît avec la tradition pour la divinité de cet
hymne, ou ce qui revient au même la prière des ancêtres piîryâ dh'ih, étant
ailleurs III. 39. 2 et 3 appelée la mère àes jumeaux qui se place sur l'extrémité
agitée de la langue. Mais n'allons pas plus loin pour aujourd'hui sur ce terrain
brûlant 3. —Au vers IV. 50. 6 pitre viçvâdevaya est vraisemblablement le « père
1. La J7° livraison du dictionnaire que je reçois à l'instant me prouve qu'il faut mettre
au compte de M. Geldner la traduction de hav^a « Wort » VII, 86, 2, et à celui de
M. Kaegi l'interprétation de ut-han III, 33, n- Ce n'est sans doute pas non plus M. R.
qui renonce au sens parfaitement établi par lui-même pour ni-marj avec un locatif X ,
39, 14-
2. M. Weber, en traduisant (Indische Studien IX, 475) : « J'enfante dans ma tête le
» père de ce monde, » garde à suve sa signification propre. Mais dans ce sens on atten-
drait l'ablatif de niûrdhân plutôt que le locatif.
3. Je signalerai seulement encore à propos de la Parole la violence faite dans le dic-
tionnaire au mot vip « enthousiasme, prière « auquel on attribue dans plusieurs passages le
sens de rameau, tige allongée, hampe de javelot, etc. Les trois passages qui ont le plus
contribué à cette erreur sont : 1° VI. 44. 6 oii la ramification des faveurs d'Indra est
comparée à celle des prières, parce que les prières sont elles-mêmes comparées à des
branches qui se divisent VU. 43. 1 ; 2° VIII. (9. 33 qui signifie : « J'aitelle comme des
» prières les richesses des hommes, » les prières étant comparées elles-mêmes à des atte-
lages (VI. 35. 3), c.-à-d. : « Moi, prêtre et cocher des prières, je suis aussi le cocher
» des richesses, j'en dispose à mon gré; » 3° X. 99. 6, dont le sens est : « Trita (prêtre
» céleste) a frappé le sanglier avec une prière, une formule, à pointe de fer (cf. Vl. 47.
» 10 la prière aiguisée comme le tranchant du fer), ou peut-être simplement faisant l'office
» de fer. » On peut comparer au dernier passage cette expression vi daro grinTshcWl. 35.
5 « Tu ouvres les portes par le chant ». Il s'agit d'Indra aidé du chant des Angiras.
M. Grassmann propose d'y prendre durah, paroxyton, pour le nominatif d'un mot dura
que M. R. a cru trouver déjà au vers I. ^3,2 avec une autre accentuation durah, oxy-
ton. Dans ce dernier vers la méprise est d'un autre ordre, elle est bien bizarre; le sens
est: (( tu es le maître de la porte du cheval, de la porte de la vache, etc., c.-à-d. de toutes
» les portes divines dvâro devTh, par lesquelles passent tous les dons que les dieux font aux
» hommes. » Les vers VI. 3^. \ et X. 99. 6 sont des exemples frappants du rôle que
joue la Parole dans la mythologie védique et de la hardiesse des formules où ce rôle est
indiqué.
374 REVUE CRITIQUE
» de tous les dieux » cf. II. 26. 3. — Pourquoi ne pas respecter au vers I. 115.
6 cette conception des deux formes du soleil, la brillante et la noire, qui se
retrouve ailleurs X. 37. 3, et en effacer le relief dans l'opposition pure et simple
de « Tageshelle » et « Dunkel » ? — Un dernier exemple sera précisément celui
que M. R. cite dans sa préface (p. vij) pour montrer comment l'interprétation
la plus simple peut venir après bien des discussions départager les amateurs
d'interprétations « merveilleuses », et qui pourrait être plus heureusement choisi.
Sans proposer une interprétation personnelle de ce passage I. 104. 4, quoiqu'il
n'y ait que l'embarras du choix (mais c'en est un sérieux en pareille matière),
je n'hésite pas pourtant à repousser celle de M. R. Indépendamment de l'oppo-
sition de ûparasya à pûrvâbhih qui se reproduit dans une formule analogue entre
dparâh et le même mot V. 48. 2, et dont on ne tient pas compte, il n'y a pas
pour nabhi, comme pour yôni (X. 34. 1 1), d'autres exemples du sens pur et
simple de « maison ». Dans tous les cas où on le traduit « séjour » il signifie en
réalité « point d'origine » toujours avec allusion au sens primitif de u nombril »
(comme dans d'autres cas à celui de « moyeu »), si l'on tient compte de la
conception védique qui rattache le fils au nombril du père par lequel celui-ci
se rattache lui-même à son ancêtre, pour aboutir en haut de l'arbre généalogique
à ce paradoxe analogue à celui qui a été relevé plus haut : le nombril du non né,
c.-à-d. de celui qui n'a pas eu de parents X. 82. 6. On s'explique très-bien que
yâni « matrice » ait pris le sens de « demeure ». Le même développement de
sens était impossible pour nâbhi « nombril ».
M. R. dédouble aussi trop souvent les mots en posant des homonymes d'éty-
mologie différente. M. Grassmann a déjà réagi contre cette tendance, mais peut-
être moins encore qu'il n'aurait fallu. Je ne crois pas plus que lui par exemple
au double çûbh (I. 165. i) et au double gravas (I. 165. 12). Il ne semble même
pas qu'il y ait dans le Rig-Véda aucun exemple certain de la confusion, plus
tard fréquente, des racines ^ruet cru; car de ceux qu'admet M. Gr., l'un I. 127.
3 est obscur et exigerait à cause de la comparaison vdneva un sens étranger à
l'emploi du véritable sru, et les deux autres IL 13. 12, X. 49. 8, s'expliquent très-
bien dans le sens de VIL 62. 5. — Est-il bien nécessaire aussi de poser un jar
« aller » pour expliquer des passages comme I. 123. 5, IV. 51. 8, VIL 76. 6
(cf. aussi X. 3 1, 7 et peut-être I. 124. 10), où le sens de s'éveiller conviendrait
si bien, puisqu'il s'agit de l'aurore : prathamâ jarasva! On aurait là le simple dont
jUgar est l'intensif. Le verbe serait pris au figuré VI IL 70. 9. Dans les autres
passages cités (B. R.), on ay^r «chanter, faire du bruit» (IL 39. i grâvâneva,
et sans doute X. 40. 3. cf. d'ailleurs la voix divine des Açvins VIII. 9. 16).
Passons à un autre expédient dont M. R. paraît abuser un peu. Il s'agit de la
critique du texte. Pour une critique qui ne peut être que conjecturale il n'y a
naturellement pas d'autre règle à observer que celle d'une extrême prudence. Il
faut se garder surtout, avant d'avoir définitivement achevé l'inventaire des idées
védiques, de biffer d'un trait de plume les droits de nos poètes à la propriété de
telle ou telle conception plus ou moins bizarre. Or à côté de corrections à peu
près sûres comme nripatJ VIL 69. i et dipsaîo IL 27. 3, et d'autres au moins
D^HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE. 375
vraisemblables, M. R. en propose de plus douteuses. Ainsi : IV. 42. ? indra pour
indro. Mais si c'était Indra, qui, après avoir supplanté Varu/za, s'attribuait en sa
présence (7) son nom et ses prérogatives ? Le début du vers 6 ahdm ta viçvâ
cakaram s'explique mal s'il ne se rapporte qu'à ces deux actes du vers 5 qui
d'ailleurs n'en font qu'un : krinômy âjim et iyarmi renùm. M. R. n'entend-il pas
lui-même que dans les vers V. 8 1 . 4 et 5 les mots : « tu es Mitra, tu es POshan, »
adressés à Savitar, signifient «tu remplis leur rôle»? — I. 165. 14. duvasyâ=z
duvoyâ est ingénieux. Mais duvds opposé à dû vas ne peut être mieux interprété
que comme signifiant « pieux », sens qu'il a en effet I. 168. 5 (les gouttes de
Soma reçues dans le sein de l'homme pieux), et qu'il doit avoir également ici,
dans un hymne attribué précisément au même poète. L'opposition de duvasyàt
et duvdse semble d'ailleurs promettre mieux que ce qu'on en tire. Ne pourrait-on
pas traduire sans correction, en faisant de duvasyàt un subjonctif ^na/ sans con-
jonction (cf. VII. 81. 5) ou mieux en admettant que la conjonction ydt sert pour
les deux propositions : « Puisque la sagesse de Mânya nous a rassemblés afin
» que le poète témoigne en quelque sorte sa piété au pieux », le pieux désignant
les Maruts, prêtres célestes (cf. 1 1) ? (M. Max Millier tire de la même construction
un sens différent). — X. 97. 7. açvâvatim qu'on remplace par apyâvaîlm dans
le sens de dpyâm ne ferait-il pas allusion à un mythe semblable à celui de
l'açvattha (Kuhn. Herabkunft, p. 198)? — Pourquoi douter des leçons ddite et
indra II. 27. 14 (cf. II. 29. 3), et bhrigdvo X. 39. 14 et IV. 16. 20 (les per-
sonnages considérés dans le Rig-Véda comme d'anciens sacrificateurs pouvant
tous passer pour des charrons puisque le char est leur prière ') ? D'autres cor-
rections encore seront discutées plus loin.
La critique de M. R. porte non-seulement sur les mots isolés, mais sur l'en-
semble des hymnes. L'addition postérieure d'un vers à la fin d'un hymne, les
interpolations même à l'intérieur d'un morceau n'ont en elles-mêmes rien- d'in-
vraisemblable, et peuvent devenir probables dans tel ou tel cas particulier.
L'hypothèse de transpositions de vers appartenant tous originairement à l'hymne
où on les retrouve est déjà plus inquiétante , surtout quand on en use avec la
prodigalité que nous constaterons plus loin. Il est vrai qu'ici M, R. prétend, au
moins dans certains cas, n'en être plus réduit à des conjectures sans contrôle
possible : le contrôle est pour lui dans la construction des hymnes qui seraient,
« beaucoup plus souvent qu'on n'a été jusqu'ici disposé à le croire» » (p. viij),
1. Cf. I, 94, I ; X, 135, 3; IV, 36, 2 (mânasas pari f/A)/^)'», des Ribhus eux-mêmes),
les expressions gtrvâhas « qui a pour véhicule le chant » (cf. surtout I, 61, 3 et sindhu-
vdhas, V, 7$, 2 «qui est porté par les flots») ukthâvâhas, etc., et ce vers : III, 30, 20.
Les prêtres Kuçikas désirant la lumière t'ont fait un véhicule avec leurs prières, ô Indra!
etc., etc.
2. Un examen attentif de tous les hymnes que M. R. croit devoir diviser en stances
me laisse des doutes à cet égard. Sauf dans l'hymne X. 119 et dans deux ou trois autres,
la liaison des vers ainsi réunis est souvent bien peu frappante, quelquefois même le
groupement me paraît méconnaître ou le sens général de l'hymne ou le sens parti-
culier des différents vers. Mais l'espace me manque pour discuter en détail toutes ces
questions.
37^ REVUE CRITIQUE
divisés en strophes de deux ou de trois vers. Dès lors les transpositions qui
rétabliraient à la fois la construction métrique et l'ordre naturel des pensées
prendraient un caractère de vraisemblance voisin de la certitude. L'exemple le
plus frappant de ce fait est la transposition du vers i replacé après $ dans
l'hymne X. 119. Nous examinerons tout à l'henre si dans beaucoup d'autres cas
les transpositions proposées ne rompent pas au contraire le cours naturel de la
pensée et ne dénaturent pas le caractère général des hymnes. Signalons dès
maintenant dans l'hymne IX. 1 1 2, où il n'est pas question d'ailleurs de construc-
tion métrique, le vers 4 qu'il vaudrait mieux encore regarder comme ajouté que
de l'intercaler après le vers 2, puisqu'il se rapporte mal au sujet, traitant des
désirs (voyez surtout le ^^ pâda) et non des métiers différents. — Dans l'hymne IV.
24, les vers 9 et 10 malgré la différence du mètre pourraient bien former une
seule et même annexe. Elle ferait le pendant des Dânastutis si fréquentes à la fm
des hymnes. Un prêtre, mécontent du prix qu'on lui a proposé pour le sacrifice,
offre son dieu à un autre, par une hardiesse de langage à laquelle nous prépare
le vers VIII. i . 5 , et sans qu'il soit nécessaire d'ailleurs de supposer une allusion
à une image ou à un symbole.
Il n'y a à faire que très-peu d'observations purement grammaticales. Les
collaborateurs de M. R. sont évidemment seuls responsables de quelques inad-
vertances comme la substitution d'indicatifs à des subjonctifs I. 124. 11, et réci-
proquement, ibid. 13, et d'autres négligences peu graves où la grammaire est
plus ou moins intéressée. Je voudrais seulement attirer l'attention sur un fait de
syntaxe qui paraît n'avoir pas été encore observé. Au vers I. 143. 3, M. R.
propose d'interpréter la comparaison akîûr nd sindhavah en faisant de sindhavah
un génitif. La forme serait très-acceptable au point de vue de la linguistique ,
mais je ne crois pas qu'il y en ait d'autre exemple védique. D'ailleurs des
constructions analogues ont déjà suggéré d'autres expédients. Ainsi I. 6$. 5 girir
nâ bhûjma appelle, selon M. R. lui-même dans son dictionnaire, la correction
bhujmâf avec laquelle on reproduit, il est vrai, la formule de Vâl. 2.2. Dans sa
traduction de l'hymne I. 66 (Orient und Occident I), M. Benfey, luttant contre
deux difficultés du même genre âyur nd prândh (i) et pdyo nd dhenûh (2), croit
lever la première en donnant au mot âyu*\e sens adjectif de « vivant » contraire
à son accentuation, et la seconde par l'hypothèse d'une tmèse dont il ne cite
qu'un seul exemple analogue (avec /2a), exemple que supprime l'existence au-
jourd'hui reconnue d'un thème ûsh I. 69. i . Ce n'est pas tout, et la même construc-
tion se retrouve I. 6$. 6 et 66. 10 sindhur nd kshôdah, et V. 59. 3 sùryo nd
cdkshuh. Dira-t-on que kshâdah et cdkshuh sont à l'instrumental sans désinence
comme vdcah I. 26. 2^ Mais dans ce nouvel exemple : nadyèva rJtih II. 39. 5,
cette ressource fera défaut , aussi bien que toutes les subtilités de construction
qu'on aurait pu imaginer dans les précédents ; car il est isolé au milieu d'une
litanie de duels adressée aux Açvins. Il faut donc renoncer aux expédients de
toute sorte, et reconnaître que dans tous ces exemples (et dans d'autres encore
que je n'ai pas actuellement sous la main), par une application de la construction
dite paratactique j le terme auquel on compare, et le tertium comparationis sont
d'histoire et de littérature. 377
construits tous les deux au même cas, celui naturellement du terme comparé. On
pourrait évidemment dire à volonté dans toute langue sindhur nd kshôdasâ ou
sindhor nd ksfiôdah, en mettant tour à tour l'un et l'autre mot au nominatif. La
langue védique les y met tous deux ensemble. Notre exemple I. 143. 3 a seule-
ment ceci de particulier que le terme principal suit, tandis qu'il précède dans les
autres.
Abel Bergaigne.
(La fin au prochain N°.)
237. — L^Administration anglaise et le mouvement communal dans le
Bordelais. Les Anglais en Guyenne, par D. Brissaud, agrégé de l'Université, pro-
fesseur d'histoire au Lycée Chârlemagne. Paris, Dumoulin. 1875. Gr. in-S" de viij-
302 p.
Le livre de M. Brissaud est tiré presque entièrement de deux documents
manuscrits qui appartiennent aux archives de la mairie de Bordeaux, le Livre des
Bouillons et le Registre des délibérations de la Jurade^ de 141 4 ^"1416. Quand
M. B. étudia ces documents, il y a déjà plusieurs années (avant 1862), ils étaient
inédits. Une commission nommée par l'administration municipale de Bordeaux,
et formée des érudits les plus compétents du chef-lieu du département de la
Gironde, a publié, en 1867, le livre des Bouillons, et, en 1873, les Registres de la
Jurade de 1406 à 1409 (2 volumes grand in-40). Les Registres de la Jurade de
1414 a 141 6 ne paraîtront qu'un peu plus tard. Ainsi, distancé par la commis-
sion pour une partie de son travail, M. B. la distance, au contraire, pour une
autre partie, et la moitié de son livre reste, pour ainsi dire, toute nouvelle.
Hâtons-nous d'ajouter que, même en ce qui regarde les renseignements fournis à
l'auteur par le dépouillement du plus important des registres municipaux de la
ville de Bordeaux, la belle publication de 1867 ne les rend pas inutiles, car, à
côté d'un recueil de textes reproduits avec la plus admirable fidélité, on aime à
posséder un ouvrage où ces textes sont clairement analysés et judicieusement
commentés.
A l'aide du Livre des Bouillons et du Registre de 1414 ^ 141 6, et sans négliger
divers autres recueils', M. B. a composé une très-bonne histoire de Bordeaux
I . Les Actes de Rymer, les Rôles gascons, la Notice d'un manuscrit de la bibliothïque de
Wolfenbuttel par MM. Martial et Jules Delpit, la Collection générale des documents français
qui se trouvent en Angleterre par M. Jules Delpit, La Chronique bourdcloise de G. deLurbe,
Les Variétés bordelaises de l'abbé Baurein, etc. Je constate avec plaisir que M. B. juge le
superficiel dom Devienne (et non de Vienne) et le savant abbé Baurein (p. vj et vij),
comme j'ai eu l'occasion de les juger moi-même autrefois {Observations sur l'histoire d'Ëlèo-
nore de Guyenne, 1864; Louis de Poix et la tour de Cordouan^, 1864). C'est probablement
par suite d'une faute d'impression que la publication de la Chronique bourdcloise de G. de
Lurbe est mise (p. vij) en 1 574, au lieu de 1 594. Je parle bien entendu de la traduction,
car le texte latin est antérieur de quelques années '1^89). Relevons encore une toute
petite erreur de l'Avertissement : M. B. donne à l'abbé Baurein (p. iij) le titre de « feudiste
» de la ville. » Les éditeurs du Livre des Bouillon^' nous apprennent (p. xxxviij) que l'abbé
Baurein fut seulement adjoint, en sa qualité de paléographe, au feudiste de la ville.
578 REVUE CRITIQUE
et du Bordelais pendant la période de la domination anglaise. Sur l'administra-
tion, «c'est-à-dire la nature, les limites, les agents de la souveraineté exercée
)) par les monarques anglais, » (p. vij), sur le mouvement communal, depuis son
origine jusqu'à son plus large développement, et, en un mot, sur tout ce qui se
rattache à la vie municipale dans Bordeaux er dans les villes environnantes
(Saint-Emilion, Libourne, La Sauve, Saint-Macaire, etc.), depuis les premières
années du xiii^ siècle jusqu'au milieu du xv° siècle, le livre de M, B. renferme
les plus abondantes et les plus précises indications. Peut-être sur quelques points,
les Registres delaJurade de 1406 à 1409, où l'on remarque une excellente intro-
duction ', auraient-ils fourni un peu plus de lumière au consciencieux historien
des Anglais en Guyenne! Espérons qu'il reviendra sur un sujet aussi intéressant
et qu'alors, profitant non-seulement des documents du volume de 1873, ^^^^
encore des divers autres documents qui auront été publiés, soit par la commission
des Archives municipales de Bordeaux, soit par la société des Archives histo-
riques du département de la Gironde, il obtiendra l'éloge d'avoir épuisé le sujet
qu'il a déjà eu le mérite de traiter le premier.
T. DE L.
CORRESPONDANCE.
Monsieur le Directeur,
Je viens de lire l'article dû à la plume de M. Morel Fatio sur l'édition annotée
que j'ai donnée du Mdgico prodigioso de Caldéron. Permettez-moi de remercier
d'abord cet éminent critique d'avoir bien voulu me prendre au sérieux. Il m'a
fait en me critiquant beaucoup d'honneur. Je ne voudrais pas toutefois qu'il
jugeât par mon travail de toute la méthode de l'université de France, parce que
je suis membre de cette université, surtout quand il avoue lui-même (^Revae
critique n^ 39 p. 198) « que nous manquons de renseignements précis sur l'état
» de l'enseignement de la littérature espagnole dans nos établissements d'instruc-
» tion secondaire, etc.. » C'est un premier point que je tiens à établir.
« Le résumé de la vie du poète a été traduit par M. M., sauf quelques détails
» pris ailleurs, de la biographie de Caldéron )> etc. (ib. p. 194), et M. Fatio ajoute
en note « pourvu que l'on n'omette point de rendre à César «. C'est un grand
crime de ma part de n'avoir pas dit que j'empruntais d'un auteur espagnol une
biographie résumée et que j'y ajoutais d'autres détails, pris ailleurs. Mais puisque
M. Fatio a si bien reconnu cette source non indiquée, pourquoi, dans son ardent
amour de la justice, omet-il de dire que, dans toutes les autres circonstances, je
rends à César ce qui est à César ? Je n'ai pas la prétention d'avoir la science
infuse, ni de posséder même le quart du savoir de M. Fatio; aussi quand j'ai pris
I. Voir les pages iv-xiij consacrées à rorganisation du corps municipal de Bordeaux
au XVe siècle, au rôle politique qu'il joua de 1406 à 1409, et à son activité administra-
tive pendant les mêmes années.
d'histoire et de littérature. 379
chez MM. Philarète Chasles, le comte Lafond, Antoine de Latour, chez Ticknor,
Hartzenbusch, les Bollandistes, je ne manque pas de le reconnaître et les lecteurs
de mon introduction peuvent facilement s'en convaincre. Le reproche n'est donc
pas sérieux. Passons' .
M. Fatio dit bien qu'il ne sait pas pourquoi j'écris toujours Caldéron en con-
servant à Vé la prononciation qu'il tient de l'espagnol, mais il n'ajoute pas pour-
quoi il écrit toujours, lui, Caldéron^. Si Ton acceptait la traduction de a titulo
de par à cause de, sous prétexte de, comme le voudrait M. Fatio, la phrase n'au-
rait pas de sensî. Si j'avais donné le fragment de romance que M. Fatio n'a pas
découvert le premier, dans les comedias escogidas de Lope de Vega^, je suis
certain qu'il n'aurait pas manqué de m'accuser de relever quelques traits inté-
ressants de la physionomie du poète, mais qui sont loin de le faire connaître
dans son entier. Je tire des Bollandistes la légende de St Cyprien, pourquoi ne
pas me borner à en donner une analyse ? J'aurais donné cette analyse; n'eût-il
pas été plus simple de reproduire l'abrégé des Bollandistes? « Il était tout fait et
il nous aurait plus instruit que l'analyse pour laquelle M. M. s'est donné tant de
peine ». Voilà ce que n'aurait pas hésité de remarquer M. Fatio par suite de son
système de critique 5 .
Je lui en demande bien pardon, je n'ai jamais eu la pensée de faire entamer
une discussion sérieuse entre Philarète Chasles et Ochoa sur le parallèle entre le
Mdgico prodigioso de Caldéron et le Faust de Gœthe. La page de Philarète Chasles
m'a paru résumer suffisamment les divers points de la comparaison et je l'ai
reproduite de préférence à la longue dissertation de Karl de Rosenkranz.
Cette dernière n'a pas moins de cent quarante-quatre pages in-octavo 6. Il
1. [Le reproche est très-sérieux au contraire. Quand on reproduit le travail d'un érudit
tel que La Barrera, qu'on le copie au point que plusieurs passages du calque ne peuvent
être compris qu'à l'aide de l'original, c'est un oubli rare que de ne pas citer le livre d'où
l'on tire tout son savoir. L'auteur de la nouvelle édition du Mâgico prétend qu'il a cité
ses sources « dans toutes les autres circonstances ». Ajoutez-y les rames de M. de Latour,
que celui-ci se gardera d'ailleurs de réclamer.]
2. [Il y a deux manières d'écrire les noms propres étrangers en français : il faut ou les
reproduire tels qu'ils s'écrivent dans la langue originale, ou les franciser complètement.
M. M. peut choisir entre Pedro Caldéron de la Barca , ou Pierre Chauderon de la Barbue.
Ensuite quelle raison d'accentuer Vé du seul mot Caldéron pour indiquer la prononciation
de cette voyelle en castillan.? Les élèves qui expliquent le Mâgico ne seraient-ils pas tenus
de savoir que le son de Ve muet français n'existe pas dans la langue sœur.?J
3. [Ce n'est pas l'avis de ceux qui savent le castillan.]
4. [Je n'avais pas à le découvrir, le livre qui le contient étant dans le domaine public
depuis une quinzaine d'années.]
5. [M. Magnabal est à côté de la question, et il ne s'agit point ici d'analyse. Je lui ai
reproché de n'avoir pas indiqué les procédés dont a usé Caldéron pour tirer sa comedia
des versions latines de la légende de S. Cyprien. Pour obtenir ce résultat il fallait étudier
ces textes et s'enquérir soigneusement des travaux critiques dont ils ont été l'objet. Mais
M. M. n'a rien fait de tout cela.]
6. [Puisque M. M. était bien décidé à ne rien nous donner de son crû dans cette
notice, je comprends à merveille qu'il ait mieux aimé copier Philarète Chasles que de
résumer le mémoire de M. K. Rosenkranz; car pour le résumer il eût fallu le lire et non
se borner à en compter les pages; or, nous avons vu naguère (vov. Revue critique, 1873,
t. II, p. 70) que M. M. ne possède de la langue allemande qu une connaissance fort
sommaire.]
380 ^ REVUE CRITIQUE
est vrai qu'elle est en allemand. Ne serait-ce pas là son plus grand mérite
aux yeux de ceux qui professent que toute science nous vient aujourd'hui
de l'Allemagne? Et il ne faut croire, comme M. Fatio, que si l'on indique
que cette dissertation a été publiée à Leipzig, il faut lire Halle. L'édition que j'ai
sous les yeux porte : Halle und Leipzig 1829. Donc il n'y a pas erreur dans
mon indication'. Je me suis bien gardé de parler de la versification de la
comedia espagnole. Je n'avais pas à faire une anthologie des poètes drama-
tiques. D'autre part je n'ai jamais pensé, et je ne pense pas encore, qu'il faille
mettre en tête de chaque pièce en vers, éditée séparément, une étude sur la
versification. Je persiste à croire que ceux qui lisent ce genre de compositions
dramatiques se sont instruits dans les traités spéciaux des règles de la versifica-
tion. Libre à M. Fatio d'être d'une opinion contraire 2.
Quand il passe à la critique du texte, il veut bien, M. Fatio, me savoir gré
d'avoir donné une preuve de modestie en me contentant de reproduire le texte
établi par M. Harzenbusch. Je vous avoue, M. le Directeur, que si, dans tout
son article critique, il avait apporté cette politesse et cette urbanité qui ne con-
vient pas, il est vrai, à tout le monde, mais qui donne au jugement une force
d'autant plus grande qu'il frappe avec plus de modération, j'aurais accepté,
sans y répondre, les critiques peu justes ou erronées sorties de sa plume.
Mais on affirme tout savoir, tout tirer de son crû, être un Pic delà Mirandole,
et l'on vient dire à des lecteurs aussi choisis que ceux de la Revue critique, en
parlant d'un commentaire philologique : « ce commentaire est conçu de telle
» manière qu'on ne voit point à quelle catégorie de lecteurs il s'adresse » (ib.
p. 195). Que faites-vous, M. Fatio, de votre loupe critique? Elle vous fait
reconnaître que la date traditionnelle du pontificat d'un pape, sur l'existence
duquel vous me reprochez de ne pas m'être appesanti, est sans valeur historique
(ib. 197). Elle vous fait voir dans Antioche une ville peu connue (ib.); dans Pline
l'ancien, un personnage énigmatique (ib)5. Elle vous montre Philarète Chasles
1. [Voici la phrase de M. M. concernant le mémoire en question : « En 1829, Karl
Rosenkranz, à Leipzick, s'occupe du Magicien prodigieux dans une dissertation des plus
intéressantes, quoique un peu trop métaphysique ». En 1829 M. K. Rosenkranz était
Privat-docent à Halle et c'est dans cette ville, oii il a professé jusqu'en 1833, qu'il a écrit,
sinon publié, celte dissertation (voy. le Conversations-Lexicon de Brockhaus s. v,). Au
reste M. M. a tort de prendre la responsabilité de cette légère inexactitude, car il sait
bien qu'il n'a fait ici que copier Ticknor.]
2. fM. M., qui veut bien nous exposer ces principes sur le commentaire des poètes
dramatiques espagnols, aurait dû pousser le condescendance jusqu'à nous indiquer le titre
du traité spécial de versification, écrit en français, — car nous avons vu que ses lecteurs
ne sont pas tenus de savoir le castillan — à l'aide duquel nos collégiens, qui en fait de
vers dramatiques ne connaissent guère que l'alexandrin, pourront s'orienter dans la rhyt-
mique si variée de la comedia. Quant à moi je ne connais qu'un traité de versification qui
mérite ce nom, c'est VArte poetica de Juan Diaz Rengifo, mais ce livre est écrit en espa-
gnol et ne peut être mis entre les mains de commençants.]
3. [M. Magnabai semble ne pas connaître une figure de rhétorique, qu'on nomme
ironie ou contre-vérité, laquelle « s'emploie lorsqu'on dit précisément le contraire de ce
» qu'on pense et de ce qu'on veut faire entendre ». C'est cette figure que j'ai employée
en parlant d' Antioche et de Pline, avec peu de succès, paraît-il, puisqu'elle n'a pas été
saisie.]
d'histoire et de littérature. 381
comme un souffleur (ib. p. 19$); M. Bouillet et les auteurs de précieux diction-
naires où ceux qui n'ont pas la prétention de tout savoir, ni de tout inventer,
puisent d'utiles renseignements, comme des compilateurs ejusdem farinae
(ib. p. 197). Vous appelez un calepin quelconque le Dictionnaire de l'Académie
espagnole ', d'où est extraite l'explication du mol jornada (ib.) Vous lisez mal la
note de la page 1 1 8 et vous appliquez à alcazar estrellado l'observation qui ne
porte que sur alcazar^, vous donnant le malin plaisir de commettre une bévue
pour la mettre sur mon compte aux yeux de vos lecteurs. Sans collationner vous
lisez remos, là où les textes reproduisent r^mo^ que veulent la rime et l'assonance,
contrairement à votre assertion î. Veuillez relire le passage page 128, et vous
verrez qu'il faut u et non pas 0 ainsi que vous le prétendez; rendez-vous compte
de la manière dont le sens est coupé, page 166, et vous trouverez qu'on a ici
raison de mettre 0 et non pas u, sans qu'il y ait contradiction avec la règle
grammaticale, ainsi que vous le soutenez 4.
Je suis loin de méconnaître qu'il ne s'est pas glissé des fautes d'impression dans
mon édition du Mdgico prodigioso; qu'iln'y a pas quelques virgules mal placées,
quelques accents mal mis ; que pour s'est imprimé au lieu de par; celle au lieu de
celui i, en parlant du sang qui est du féminin en espagnol et du masculin en
français. Vous avez raison ici, M. Fatio, comme pour volver d las espadas; et je
vous remercie bien sincèrement d'avoir signalé ces quelques erreurs, prouvant à
vos yeux que je suis aussi peu compétent en langue castillane qu'en langue fran-
çaise ; erreurs qui disparaîtront prochainement ; pas toutes : il en est que je con-
serverai, malgré vos critiques qui ne sont pas acceptables^.
1. [Non pas, je l'estime fort au contraire; mais je prétends que M. M. a pu tirer son
article sur les divers sens du mot jornada d'un de ces nombreux calepins espagnol-français
qui tous vivent sur le fond du dictionnaire de l'Académie espagnole, auquel M. M. n'avait
pas à recourir en cette occurrence.]
2. [Ici M. M. a raison, son observation ne porte en effet que sur le mot alcàzar. Il
est donc bien entendu que les vers Este monte elevado En si mismo al alcazar estrellado se
traduiront désormais par : « Ce mont élevé sur sa base même au palais des rois étoile ».]
3. [M. M. continue à ne pas comprendre, ou, ce qui est plus grave, à ne pas vouloir
comprendre. Pour s'expliquer comment M. de Latour, qui, lui, sait le castillan, a été
amené à écrire le non-sens en question, il faut nécessairement admettre qu'il a lu, par
inadvertance, remos pour ramos. M. M. qui est coupable d'avoir reproduit la bévue de son
devancier, croit se justifier en nous répondant par la phrase qu'on vient de lire où il y
a plus, à la lettre, d'erreurs que de mots. Le lecteur me dispensera d'insister.]
4. [A la page 145, note 6. M. M. s'exprime ainsi : « Notez l'emploi de u pour 0 toutes
» les fois que le mot précédent ou le mot suivant commence par un 0 ». Je ne veux pas
abuser de la situation et je corrige d'abord : « toutes les fois aue le mot précédent se
» termme, ou que le mot suivant commence par un 0. » Telle qu'elle est énoncée cette règle
est beaucoup trop générale, et ne s'applique pas en tous cas à la langue du XVII* siècle.
Mais là n'est pas la question; j'ai dit que les leçons des p. 128 : Pârate, inconstante flor,
U decid, et 166 : Al otro, ô saniido, etc., admises par M. M., étaient en contradiction
avec la règle qu'il donnait ailleurs, et je le maintiens encore.]
5. [En remplaçant celle par celui , M. M. supprime le barbarisme, mais conserve le
solécisme. C'est un progrès.]
6. [M. M. se fait d'étranges illusions s'il pense que les « quelques » erreurs c^ue j'ai
relevées sont les seules qui puissent être recueillies dans son travail. J'avais eu un instant
la pensée d'accompagner cette réponse d'un errata à peu près complet de la nouvelle
édition du Mâgico; mais voyant que M. M. nous promet de l'expurger, je ne crois pas
devoir le priver du plaisir de se corriger lui-même.]
382 REVUE CRITIQUE
Ceci soit dit, M. le directeur, pour prouver à M. Fatio que je ne suis ni impec-
cable, ni infaillible, ni incorrigible, mais que je ne saurais être aussi affirmatif
que lui quand il assure à vos lecteurs qu'il existe une copie manuscrite du
Mdgico chez le duc d'Osuna, mais qu'on n'en a point tiré parti (ib. p. 195 note).
Qu'en sait-il'? Quand il répète l'erreur qu'il a déjà commise dans le n° 30 de la
Revue critique de 1873, en soutenant (ib. p. 19$, note i) que j'ai publié la traduc-
tion espagnole de Ticknor, alors que j'ai directement traduit du texte anglais 2;
et il lui eût été facile de s'en convaincre par la comparaison du texte original avec
la traduction. Sans prétendre connaître par moi-même tous les idiotismes de la
langue castillane, que M. Fatio peut comprendre mieux que personne, je continue
de croire, dût-il recommander mes observations philologiques aux romanistes de
toutes les écoles, que jusqu'à preuve du contraire, j'ai raison dans mes notes
sur 1'//; sur Vo changé en ue; sur la contraction de ae en ai^ etc., etc. Je pense
enfin qu'il me serait plus facile de faire comprendre à des élèves ou à des collé-
giens qui ne savent pas un mot d'espagnol que fatio dérive defacetioso, ou repré-
sente fat + io que de leur faire admettre, comme il le veut lui-même (ib. p. 1 96),
que la forme hay du verbe /za^^r représente habet -f- ibiK
1 . [Voilà une question au moins maladroite ; le fait qu'une copie manuscrite du Magico se
trouve au palais de l'infantado est connu depuis plus de vingt ans (voy. l'éd. de Hartzen-
busch, t. IV, p. 672 et A. F. von Schack, Geschichte der dramadschen Lltcratur and Kunst
inSpanien, t. lll, p. 88 de l'appendice); ce qui l'est beaucoup moins, c'est que ce manus-
crit^ loin d'être une copie sans valeur, ou simplem.ent médiocre, contient l'autographe
même de Calderon. Je dois ce précieux renseignement à l'obligeance de M. A. M. Fabié,
membre de TAcadémie de l'Histoire et l'un des érudits les plus distingués de l'Espagne
contemporaine, qui a bien voulu m'écrire à ce sujet une lettre fort détaillée dont je me
permets d'extraire le passage suivant parce qu'il peut intéresser plusieurs érudits en
Europe: « Examinado el ms. de Osuna con atencion por los s»'" Sancho Rayon, Zabal-
» buru, y por mi, y comparandolo con los autôgrafos indubitados que en la misma biblio-
» teca existen, es indudablemente tambien autôgrafo, con la desgraciada particularidad
» de faltarle el fin, probablemente la ultima hoja, donde estaria la firma de Calderon;
» esto, que ya es importante, no lo es sin embargo tanto como la circunstancia de ser
» el ms. mucho mas correcto y puro, como era natural, que todos los textos publicados,
» en los cuales faltan ademas versos y tiradas ô fragmentos de alguna consideracion. »
On le voit, M. Magnabal aurait agi dans son intérêt en gardant un silence prudent sur
des choses qu'il ignore aussi profondément. Quant aux lecteurs de la Revue^Ws lui sauront
gré de m'avoir posé cette question : j'ai été amené par là à produire un document, qui
constitue le seul appoint que cette discussion rebutante apporte au progrès de nos
études.]
2. [Je n'ai jamais soutenu que M, M. avait « publié la traduction espagnole de Tick-
» nor », qui est l'œuvre de MM. de Gayangos et de Vedia, j'ai dit que M. M. avait fait
sa traduction française sur cette traduction espagnole au lieu de prendre le texte original ;
j'ai fait mieux, je l'ai prouvé, comme chacun peut s'en convaincre en recourant au n° 30
de la Revue de 1873.]
3. [Que M. M. ne sente pas le ridicule qu'il y a à parler de la contraction de ae en ai,
à faire de la diphthongaison de l'a bref ou en position une caractéristique de certaines
formes verbales, etc., etc., ce n'est point là ce qui m'étonne. On n'est pas tenu de
savoir ce qu'on n'a pas appris. Je m'étonne seulement que ces choses s'impriment dans
une édition classiaue, car, pour peu qu'on ne réagisse pas énergiquement contre ce genre
d'explications philologiques, on peut s'attendre à lire bientôt dans le commentaire, d'un
auteur français cette fois, une note ainsi conçue : « Remarquez cette forme // y a du
» verbe avoir ^ dont l'indicatif présent est j'ai, ta as ^ il a ». Alors on reconnaîtra peut-
être que la critique a le devoir de s'occuper de publications, qui, tout insignifiantes
qu'elles soient en elles-mêmes, peuvent exercer une influence déplorable dans le milieu où
elles sont lues et recommandées. Alfred Morel-Fatic]
d'histoire et de littérature. 583
Veuillez me permettre de croire, Monsieur le Directeur, que votre haute
impartialité ne m'obligera pas à recourir à une réquisition et que vous voudrez
bien insérer cette lettre dans un des prochains numéros de la Revue critique.
Veuillez agréer aussi l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Paris, ce 12 novembre 1875.
J.-B. Macnabal.
VARIÉTÉS.
M. Julien Havet nous communique les renseignements suivants qui ajoutent
des détails peu connus à ce que l'on sait de la vie du philologue anglais Dobrée.
(Revue critique 1875, ^^ P- 321).
« Le nom du philologue guernesiais Pierre Paul Dobrée doit s'écrire
» avec un accent aigu sur le premier des deux e. Du moins c'est l'orthographe
» usitée à Guernesey, où il y a encore aujourd'hui des membres de la famille
» Dobrée.
» Cette famille était, à ce qu'il paraît, d'origine française. Je trouve en tête
» d'une biographie de P. P. Dobrée, placée à la suite du livre intitulé The
)) history ofGuernsey, by Jonathan Duncan, London, 1841, p. 616: « This emi-
» nent scholar was born in Guernsey, on the 26 th. of June, 1782, of a family
» which had corne from France, upon the massacre of St Bartholemew. »
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du 3 décembre 1875.
M. Renier annonce qu'il a reçu une lettre de M. Masqueray, professeur au
lycée d'Alger, qui a été envoyé en mission archéologique dans la région de
l'Aurès. M. Masqueray a commencé l'exploration des ruines de Timgad. Il a levé
le plan du grand temple de Jupiter CapitoHn, et découvert 18 inscriptions nou-
velles, dont il a pris des estampages; il espère en trouver encore d'autres.
L'académie procède à l'élection d'un membre ordinaire en remplacement de
M. Brunet de Presle. Est élu, M. Michel Bréal, professeur au collège de France,
directeur d'études à l'école pratique des hautes études.
M. Ravaisson annonce que la stèle moabite du roi Mésa est exposée à la vue
du public au musée du Louvre, dans la salle des antiquités judaïques. On a
réuni les fragments qui avaient été achetés par le musée et ceux qui lui ont été
donnés par la société palestinienne de Londres ; on a complété les lacunes au
moyen de l'estampage qui avait été pris avant que la stèle ne fût brisée, ainsi
qu'à l'aide d'une copie faite par un arabe à la même époque. Cet estampage et
cette copie sont exposés à côté de la stèle.
L'académie se forme en comité secret.
384 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
Après la reprise de la séance publique, M. Duruy lit la suite de son mémoire
sur le régime municipal romain pendant les deux premiers siècles de Pempire.
Ce régime variait d'une cité à l'autre; l'uniformité ne s'établit que plus tard.
Certains territoires étaient entièrement soumis aux magistrats romains, tandis
qu'ailleurs se trouvaient des cités qui jouissaient d'une grande indépendance.
Ainsi, en ce qui concerne la juridiction, les jurisconsultes du troisième siècle
reconnaissent aux magistrats municipaux le pouvoir de rendre la justice, mais ils
l'enferment dans des limites fort étroites,, au civil comm.e au criminel. Dans le
haut empire au contraire il y avait des endroits où l'autorité locale exerçait
jusqu'au droit de vie et de mort. Ainsi les évangiles montrent Jésus condamné à
mort par les Juifs, et ceux-ci ne demandent à Pilate que la permission d'exécuter
la sentence qu'ils ont eux-mêmes prononcée. Aux témoignages directs que nous
avons sur la juridiction des magistrats municipaux, s'ajoutent des témoignages
indirects tirés de l'histoire, qui nous montrent l'étendue d'action de cette juri-
diction. Ainsi Claude, pour donner le spectacle d'un combat naval sur le lac
Fucin, rassembla à la fois 19000 condamnés à mort, — et dans le même temps
il devait y avoir encore un grand nombre de condamnés qui se trouvaient im-
propres à être ainsi employés; M. Duruy ne pense pas que les gouverneurs
romains aient suffi à prononcer toutes ces sentences de mort; beaucoup de ces
hommes, sans doute, avaient été condamnés par les juridictions municipales. —
Aux cités indépendantes s'ajoutaient en beaucoup d'endroits des confédérations
de cités, qui elles aussi jouissaient de privilèges importants. En résumé, dit
M. Duruy, l'empire romain, durant les deux premiers siècles, ne fut pas un état
au sens que nous attachons aujourd'hui à ce mot. C'était une aggrégation de
communautés républicaines, séparées pour l'administration j unies sous un gou-
vernement central seulement en ce qui concerne la souveraineté politique et de
l'impôt.
Ouvrages déposés : — F. de Lâsteyrie, Histoire de l'orfèvrerie; — Hende, Histoire
de Lille. — Présenté par M. Renan : Mémoire sur le Site de la ville d'Adouilam , par
M. Clermont-Ganneau.
Julien Havet.
LIVRES DÉPOSÉS AU BUREAU DE LA REVUE.
Bernhardi, Geschichte Russland's (Leipzig, Hirzei). — Boudrot, Le Jugement der-
nier, rétable de l'hôtel-Dieu de Beaune (Beaune, Batault-Morct). — Busolt, Spinoza
(Berlin, Mittler). — Caldwell, A Comparative Grammar of the Dravidian or South-
Indian Family of Languages, 2d Ed. (London, Strassburg, Trùbner; Paris, E. Leroux).
— Childers , A Dictionary of the Pâli Language. Part II completing the Work (Lon-
don, Strassburg, Triibner; Paris, E. Leroux).
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
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Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
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studio di Perugia nei sec. XIV e XV di
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u. die auf der Autonomie beruh., hellen.
Politik von der Schlacht bei Knidos bis
zum Frieden d. Eubulos. Mit e. Ein-
leitg,, zur Bedeutg. d. Autonomie in
hellen. Bundesverfassgn. In-8*, 228 S.
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Gaix de Saint-Aymour(A. de). Études
sur quelques monuments mégalithiques
de la vallée de l'Oise. In-8°, 39 p. et
50 fig, sur bois, Paris (Indicateur de
l'archéologue). j fr.
Cahier (C). Nouveaux mélanges d'archéo-
logie, d'histoire et de littérature sur le
moyen-âge , par les auteurs de la mono-
graphie des vitraux de Bourges (C. Ca-
hier et feu A. Martin de la compagnie de
Jésus). Collection publiée par le P. C.
Cahier. Décorations d'églises. Gr. in-40,
xvj-294 p. et nombreuses gravures. Paris
(F. Didot frères, fils et C).
Caspari. A Grammar of the Arabie Lan-
guage. Translated from the German,
with numerous additions, by W. Wright.
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larger Work, by his Daughter, Lady
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Empire from the Death of Theodosius
the Great to the Coronation of Charles
the Great. A. D. 390-800. With Maps.
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ses îles. T. 2. In-8', 676 p. Caen (Le
Blanc-Hardel).
Fick (A.). Die Gœttinger Familiennamen.
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de l'abbaye de Fécamp et de ses abbés.
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miki. Translated into English Verse. Vol.
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Guibal(G.). Histoire du sentiment national
en France pendant la guerre de cent ans.
In-8°, 536 p. Paris (Sandoz et Fisch-
bacher).
Hafîz. Century of Ghazels, or a Hundred
Odes. Selected and translated from the
Diwan. In-i6. London (Williams et N.).
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Louis XVI. Le théâtre de la reine à
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Gesta Guilelmi ducis Normannorum et
régis Anglorum. Ein Beitrag zur anglo-
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schlechts u. sein einheitlicher Ursprung.
I. Thl. Arier, Aramaeer und Kuschiten.
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Le Coultre (J.). De l'ordre des mots
dans Crestien de Troyes. In-8", 88 p.
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and Marvels of the East. Newly trans-
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Prairial an III. In-8% 95 p. Paris (Lib.
des Bibliophiles). 5 fr.
Matscheg (A.). Storia politica di Euro-
pa dal chiudersi del regno di Carlo VI
al Trattato di Aquisgrana, illustrata coi
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blica di Venezia. Vol. i. In-8*, 284 p.
Venezia (tip. Grimaldo e C'). 4 fr.
Mémoires de la Société des antiquaires
delaMorinie. T. 14.(1872-1874). In-8%
vij-706 p. Paris (Derache).
Nicolay (N. de). Description générale du
Bourbonnais en 1569, ou Histoire de
province (villes, bourgs, châteaux, fiefs,
monastères, familles anciennes, etc.).
Publiée et annotée par les soins de M. le
comte Maurice d'Irisson d'Hérisson. In-4',
210 p. et carte. Moulins (Desrosiers).
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Petit de JuUeville (L.). Histoire de la
Grèce sous la domination romaine. In-8°,
viij-400 p. Paris (Sandoz et Fischbacher).
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lies par A. Atger, In-8', 69 p. Mont-
pellier (imp. Ricateau, Hamelin et C).
Porter (J. L.). Science and Révélation:
their Distinctive Provinces. With a Re-
view of the Théories of Tyndall, Huxley,
Darwin, and Herbert Spencer. In-8*,
40 p. London (Simpkin). 5 fr.
Recueil des historiens des croisades,
publié par les soins de l'Académie des
inscriptions et belles-lettres. Historiens
grecs. In-fol. xxiv-772 p. Paris (Klincks-
seck). 45 fr-
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archéologique de la province de Contan-
tine. 6" vol. de la 2' série. 1873-1874.
16° vol. de la collection. In-S", 478 p.
et 20 pi. Paris (Challamel).
Rus (J.). Œuvres de J. Rus, poète bor-
delais de la première moitié du XVI® s. ;
publiées d'après l'unique exemplaire qui
paraisse subsister par P. Tamizey de
Larroque. In-8*, 77 p. Paris (Claudin).
Sales (Sant Frances de). Introduction dar
vuez dévot. Moullet hervez edision guenta
ar bloag 17 10. In- 18, 470 p. C^uimper
(Salaun).
Schmidt (J.). De Herodotea quae fertur
vita Homeri. In-8°, vj-126 S. Halle
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Schuchardt (H.). Ritornell und Terzine.
In-4'*, iv-i46S. Halle (Lippert). lof. 75
Tholin (G.). Études sur l'architecture re-
ligieuse de l'Agenais, du X* au XVI' s.,
suivies d'une notice sur les sépultures du
moyen-âge. In-S», xvj-364 p. et 32 pi.
Paris (Didron).
Thomson (E.). Select Monuments of the
Catholic (ihurch in England before the
Norman Conquest; consisting of vElfrie's
Paschal Homily, etc. 2d edit. In- 1 2, cart.
London (J. R. Smith). 6 fr. 25
Thorpe (B.). Anglo-Saxon Poems of
Beowulf, etc. With Translation, Notes,
etc. 2d Edit. In-8% cart. London (J. R.
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Tonetti (F.). Storia délia Vallesesia e
deir alto Novarese con note e documenti.
Parte la, fasc. i. In-8% xij-52 p. Va-
rallo (tip. Colleoni).
Uhrig (A. J.). Bedenken gegen die Aechteit
der mittelalterlichen Sage v. der Ent-
throng. d. Merowingischen Kœnigshauses
durch den Papst Zacharias. In-S»,- viij-
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Ujfalvy (C,-E. de). Étude comparée des
langues ougro-finnoises. 1" partie. Gr.
in-8', xx-i 1 1 p. Paris (Leroux).
Watt (Vadian) (J. v.). Deutsche histori-
sch'e Schriften. i. Bd. Chronik der Aebte
d. KIosters St. Gallen. i . Haslfte. Hrsg.
V. E. Gœtzinger. In-4°, 565 S. St. Gallen
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N" 51 Neuvième année. 18 Décembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE F'UBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
Prix d^abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
ANNONCES
AVIS.
A partir du i^"" janvier 1876, la Revue critique d^histoire et de littérature paraîtra
chez M. Ernest Leroux, libraire-éditeur, 28, rue Bonaparte, oh l'on devra
remettre les ouvrages et publications périodiques destinés à la Revue, et adresser
toutes les communications.
En vente chez F. Vieweg, libraire-éditeur (librairie A. Franck),
67, rue Richelieu.
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE DES HAUTES ÉTUDES.
25e ET 26^ FASCICULES. »
CHEREF-EDDIN RAMI fôlht
Traité des termes figurés relatifs à la description de la beauté. Traduit du persan
et annoté par C. Huart. $ fr- 5°
PO T t7 O D 17 T^ Vocabulaire hiéroglyphique comprenant
• Jr 1 Cj rv rv iL 1 les mots de la langue, les noms géogra-
phiques, divins, royaux et historiques classés alphabétiquement. 3'"" fascicule.
6fr.
PÉRIODIQUES.
The Academy, n" i86, new séries, 27 novembre. Hillebrand, Waelsches
und beutsches. Berlin, Oppenheim (G. A. Simcox : art. favorable). — Matthaei
Parisiensis Monachi Sancti Albani Chronica Majora. Ed. by R. Luards. Vol. II.
London, Rolls Séries (George F. Warner : édition irréprochable). — Gleanings
from the Venetian Archives, 1628- 16 37 (Samuel R. Gardiner : fm). — Corres-
pondence. The Chaldaean Origin of the Sabbath (A. H. Sayce : note intéressante
dans laquelle l'auteur établit d'après les travaux de MM. Oppert, Schrader,
Smith, etc. l'origine du jour de repos qui termine chaque semaine; chez les
Assyriens, le 7, le 14, le 21 et le 28 du mois était des jours néfastes pendant
lesquels on ne devait rien entreprendre). — The Sin-Eater (The Author of a
Paper on « Legends and Folk-Lore of North-Wales » in Blackwood's Magazine
for November). — Shakspere's Richard II (J. W. Hales). — Gerland, Anthro-
pologische Beitraege. Vol. I. Halle, Lippert'sche B. (Edward B. Tylor : recom-
mande chaudement cet ouvrage). — Schleicher, A Compendium of the Com-
parative Grammar of the Indo-European, etc. Languages. Transi, by Herbert
Bendall. Part I. London, Trùbner (Augustus S. Wilkins : cette traduction
laisse fort à désirer). — The Text of Tabari (R. Dozy : lettre de M. Dozy con-
tenant quelques détails sur l'édition projetée du Tabarî arabe, donnant les noms
des savants qui se partageront la tâche et demandant qu'une souscription soit
ouverte pour couvrir les frais de la publication).
The AthensBum, rf 2509, 27 novembre. Anthropological Notes. — Pales-
tine Explorations (Selah Merrill : détails sur une reconnaissance poussée dans
le Hauran). — Mr. Stanley's Expédition (Richard F. Burton). — Geographical
Notes. — Lapidarium Septentrionale. London, Quaritch (magnifique volume
publié par la Société des Antiquaires de Newcastle , où sont décrites les anti-
quités romaines du nord de l'Angleterre; ce vol. contient plus de mille gravures
sur bois et cartes).
Literarisches Gentralblatt, rf 48, 27 novembre. Lorimer, John Knox and
the Church of England. London, King, in-8° (ouvrage capital, contenant d'im-
portants documents inédits). — Monumenta hoicaj éd. Academia scient, boica,
vol. XLII; Munich, in-4°. — Mehlis, Bemerkungen zur praehistorischen
Karte der Rheinpfalz. Munich, Straub, in-8°. — Ljubic, Opis jugoslavenskih
novaca, nouv. éd. Agram (ouvrage de numismatique jougoslave, notamment
bulgare et serbe). — Mûller, Politische Geschichte der Gegenwart. VIII :
das Jahr 1874. Berlin, Springer, 5 fr. 25. — Zermelo, A. L. Schlœzer.
Berlin, Weber, i fr. 75. — Der deutsch-franzœsische Krieg, I, 9. Berlin,
Mittler, 7 fr. 50 (le critique reproche à l'état-major allemand trop d'indulgence
pour Bazaine). — Wengen, Die Kaempfe von Belfort im Januar 1871. Leipzig,
Brockhaus, 1 5 fr. (récit détaillé, peu favorable au général de Werder).— Dùhring,
Kritische Geschichte der Nationalœkonomie und des Socialismus, 2^ éd. Berlin,
Grieben, 1 1 fr. 25 (ouvrage sans méthode, mais intéressant et personnel). —
Kull, Zur Statistik der Bevœlkerung von Wurtemberg. Stuttgart, Lindemann,
3 fr. 75 (important). — Nœldeke, Mandaeische Grammatik. Halle, Buchhdl.
des Waisenhauses, 18 fr. 75 (ouvrage tel qu'on devait l'attendre de l'auteur sur
ce point important de la philologie sémitique). — Schmidt, Zur Geschichte des
indogermanischen Vokalismus, II. Weimar, Bœhlau, 16 fr. 25 (travail de pre-
mier ordre). — Pott, Ueber vaskische Familiennamen. Detmold , Meyer. —
Pierson, Altpreussisches Wœrterschatz mit Erlaûterungen. Berlin, Mittler, i fr.
(rapprochements extravagants). — Massmann, Die Orgelbauten in Meklenburg-
Schwerin, I. Wismar, HinstorfF. — Luchs, Culturhistorische Wandtafeln , 1-2.
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 51 — 18 Décembre — 1875
Sommaire : 238. Hymnes du Rigveda, tr. p. Geldner et Kaegi, avec le concours
de RoTH (suite et fin). — 239. Gantrelle, Nouvelle grammaire de la langue latine,
10*^ éd. — Variétés : Un pamphlet à propos du Pamphile. — Sociétés savantes : Aca-
démie des inscriptions.
238. — Siebenzig Lieder des Rigveda, ûbersetzt von Karl Geldner und Adolf
Kaegi, mit Beitraegen von R. Roth. Tùbingen, Laupp. 1875. i vol. in- 12, xiv et
176 p. — Prix : 4 fr.
II.
J'en demande pardon à ceux de nos lecteurs qui ne sont pas indianistes, mais
tout en négligeant un bon nombre d'observations, les unes moins importantes,
les autres qui exigeraient de trop longs développements, je ne suis qu'à moitié
de ma tâche. Les indianistes voudront bien continuer à me suivre avec le texte
et la traduction en main : il m'aurait fallu tripler le volume de cet article pour
suppléer à l'un et à l'autre. J'ai réservé les hymnes qui m'ont suggéré le plus
grand nombre de remarques afin de simplifier, en ne dispersant pas ces remarques,
mon propre travail et celui du lecteur. Mais avant de les aborder, examinons
encore la traduction d'un certain nombre de passages isolés.
II. 27. II. Rien n'indique qu'il s'agisse de la droite ou de la gauche des
Adityas. Le poète dit qu'il ne distingue pas les points cardinaux (parce qu'il est
dans les ténèbres), et demande la lumière (qui les lui fera distinguer). Ici c'est
le traducteur qui s'écarte du sens le plus simple que la comparaison de I. 31. 14
et de IX. 70. 9 met hors de doute. — VII. 76. 3. L'idée qu'il y a eu beaucoup
de jours avant le soleil , et que l'aurore une fois apparue ne s'éloigne plus , ne
semble ni védique, ni « humaine ». L'aurore n'est pas comparée non plus à un
fiancé comme dans la Bible, mais à son amant, le soleil. Je traduirais ce vers à
construction un peu embarrassée en admettant un pléonasme de mots compa-
ratifs (nd avec dadrikshé et iva avec pûnar yatî), dont il y a d'autres exemples ,
et en donnant à pûnar i comme à pûnar ail. 124. 4 le sens de «revenir» pour
lequel pûnar paraît suffire sans à : « Ils ont été nombreux les jours (cf. I. 113.
» 8, II, 1 24. 2. 9) qui (ont commencé) à l'orient au lever du soleil, à l'endroit,
» d'oti arrivant comme ton amant, tu as été vue ô Aurore ! pareille à une reve-
» nante ». — I. 41. 9. Au lieu de bâtir un sens sur le seul mot catûrah qui
devrait désigner les quatre dés , si on s'attache à l'infinitif ablatif nidhâtoh qui
dans un hymne aux Adityas et dans un vers où il ne peut être question que de
Varuna doit nécessairement signifier « lier » (cf. nidhâ lien et le nom de nidha-
pati donné au Gandharva), on arrive au sens : « Qu'on craigne d'être lié par
» celui qui en retient même quatre ». — X. 1 17. 8. Il est difficile de voir en
XVI 25
3 86 REVUE CRITIQUE
quoi la désignation du vieillard par tripâd serait plus vraisemblable que celle de
Penfant par cdtushpâdy ou pourquoi si ékapâd désignait le dieu Aja ainsi nommé,
tripâd ne s'appliquerait pas à Vish/zu et cdtushpâd au Purusha. La solution de la
difficulté paraît devoir être cherchée dans le quatrième pâda. Si l'on prend
pankti dans celui de ses sens qui peut être le plus vraisemblablement védique,
et sam-paç dans le sens de « récapituler, embrasser » qu'il a dans les Brâhma/zas,
(en admettant d'ailleurs avec M. R. le sens que le contexte paraît en effet imposer
pour abhy èti paçcât, et en passant sur le dvipâdâm au lieu duquel on attendrait
plutôt îripddâm) on aboutit à un aphorisme sur les mètres comme il y en a tant
dans le Rig-Véda : les mètres vont d'autant plus vite qu'ils ont moins de pieds,
— au dernier pâda : celui qui se compose de panktis , ou séries de cinq pieds ,
va en s'approchant (des autres, sans les atteindre). — IV. 35. 1 et V. 8$. i
rapprochés semblent signifier : «Je les prie d'étendre la vache brillante», et « Lui
» qui a fendu en quelque sorte la peau (les ténèbres, VII. 63. i) comme un
» boucher pour étendre la terre sous le soleil. » — VII. 82. 6. La traduction ne
tient pas compte de asya, et tvish, ordinairement « violence », ne s'oppose pas
nécessairement à çulkd. Je comprends : « Tous les deux déploient pour l'action
» et pour un grand profit la force durable qui appartient en propre à Varu//a. »
— J.- 1 15. 5., Non « devant l'œil de Mitra et de Varu;za », mais « pour qu'ils
« voient. » — X. 18. 5. Le sens de l'allemand m'échappe; celui du texte paraît
être : « comme la postérieure ne prend pas les devants sur l'antérieure Qiâ cf.
vi-fiâ X. 71. 8). Au vers 7 il faut joindre ânjanena à sdm viçantu (Gr.) et au
vers 6 séparer a rohata de ayuh (cf. 7). — IV. 33. 11, voyez Gr. — X. 117. i .
En tenant compte de it on traduira : « La faim n'est pas le seul genre de mort
» qu'aient fixé les dieux. » C'est une menace au riche : « il y a des genres de
» mort pour celui qui est repu. » — VII. 86. i. Est-il sûr que l'idée de la
révolution du ciel lui-même en tant que voûte solide soit védique ? Pourquoi ne
pas traduire : « Il a poussé l'astre (le soleil, ndkshatra) dans le ciel? » — IV. 42.
4. <c J'ai fixé le ciel dans la place du vitd, » (cf. l'aurore suivant le chemin du ritd
I. 124. 3). — I. 143. 2 asyd krdtvâ samidhândsya peut se rapporter à Agni (asya
se rapportant au sujet dans la même locution I. 190. 3, V. 29. 7, cf. aussi I.
152. 3). — VII. 86. 2. « Je me dis à moi-même. » — IV. 30. 16. « Indra lui a
» donné part aux hymnes; » c.-à-d. l'a rendu glorieux, cf. II. 13. 12, prd çra-
vdyan. Il s'agit d'ailleurs d'un personnage mythologique'. — IX. 112. 4. «Ceux
» qui adressent la parole (à quelqu'un) aiment un sourire (de lui). » — VII. 83.
Z.ydtra Le tour est le même qu'au vers 6.
Nous passons maintenant aux hymnes réservés.
II. 38. Le vers 10 est-il une interpolation, ou le nom de ndrâçdmsa, ailleurs
donné non-seulement à Agni, mais aussi à Pûshan, l'est-il ici à Savitar qui serait
I. Le fils de la vierge. A propos des vierges mythologiques, le second hémistiche du
vers IV, 19, 7, permet-il de douter que celles qui sont nommées au premier ne soient,
en dépit du nâ comparatif qui est un peu inattendu, les eaux du ciel.? L'observation est
faite pour l'épithète vitajmii qu'il ne faudrait plus traduire 0 vertueuses » mais prendre
dans le sens de II, 28, 4.
d'histoire et de littérature. 387
de plus appelé gnâspàii en qualité de Tvash/ar Savitar ? — Au vers 8 le sens de
« soir » (clignement d'oeil du soleil) donné à nimishi est supposé pour ce seul
passage, et on s'appuie sur cette prétendue mention du soir pour préférer le vers
en question au vers 7 qui ne serait qu'une variation de la même pensée et n'aurait
pu exister originairement à côté de lui. Mais cette similitude des deux vers semble
elle-même moindre qu'on ne le prétend. Dans 7 a, avec ou sans la correction
dpyâ (l'existence d'un féminin dp~i, génitif àpyâs est-elle suffisamment prouvée
par un passage peut-être corrompu lui-même, VI. 67. 9 où d'ailleurs le génitif
serait en as?) l'accusatif bhâgdm ne peut être que le régime de à vi tasthuh, ou
si le premier pâda doit rester distinct du second, d'un verbe analogue sous-
entendu. Dans 7 b mrigayds ne peut d'après sa formation (de mrigay assimilé à
une racine avec le suffixe as accentué) signifier que « chasseur » et non « gibier » .
Je traduirais donc, sans correction aucune : « On (les pêcheurs) cherche le
» trésor aquatique que tu as déposé dans les eaux ; les chasseurs (de gros gibier)
» se répandent dans les plaines; on va dans les bois pour les oiseaux ' : personne
» ne viole les lois du dieu Savitar. » Après ce vers relatif aux différents genres
de vie des hommes (cf. vers 6), en vient un autre sur les mœurs des animaux,
construit d'une façon très-analogue, avec un seul verbe gât pour trois phrases,
et un enjambement de cinq syllabes au commencement du troisième pâda : car
je traduis : « tous les oiseaux remuent à chaque instant et sans repos. » La
correction vârund au premier pâda est vraisemblable. Mais à part ce seul mot,
nous accepterions sans aucun changement les vers 7-1 1. — Dans les six pre-
miers vers, il faut relever d'abord la traduction inadmissible de ardmatih par
« rastet nie ». Quoique le mot pris une fois dans le sens concret de « pieux » VIII.
31. 12, puisse dans ce sens s'appliquer à Savitar, j'aime mieux en faire comme
autrefois M. R. lui-même dans son dictionnaire, en admettant un nouvel enjam-
bement, le sujet de adardhar : « le génie de la piété a distingué les temps. »
Mais alors ce génie n'est-il pas au vers 5, la « mère » qui donne la meilleure
part au « fils » (Agni; cf. I. 164. 8, la mère qui donne au père sa part du
sacrifice).'* M. R. lui rapportait aussi autrefois 4 a. Mais je crois que les mytho-
logues ont décidément raison de voir dans cet autre passage la nuit (môkl, vers 3)
confondant les deux mondes qui sont séparés pendant le jour : le sage qui dépose
sa puissance au milieu de son œuvre serait alors Savitar lui-même. A cet égard
la comparaison du vers 4 de l'hymne I. 115, où une allusion aux travaux ter-
restres serait tout à fait isolée, paraît décisive. Dès lors il sera naturel de ne
voir dans le vers II. 38. 3, qu'une allusion aux chevaux du Soleil, en sorte que
la première mention des travaux des hommes se trouverait au vers 6, servant
de transition à la seconde partie de l'hymne.
IV. 18. Les vers 7 et 8 attribuant expressément des naissances diverses à
Indra, on ne voit pas comment les détails, prétendus contradictoires, renfermés
I . Si dure que puisse paraître ici notre construction , elle semble encore grammatica-
lement plus satisfaisante que celle qui aboutit à la traduction « les bois sont aux oiseaux »;
dans ce sens en effet on attendrait plutôt le génitif.
'j88 REVUE CRITIQUE
dans cet hymne, pourraient prouver qu'il est composé de fragments. D'abord les
vers i-$ forment un seul tout que le traducteur a tort de rompre en supprimant
4 comme interpolé, et en détachant 5 pour le joindre à 6 et 7. Indra, quoi qu'en
dise la note, n'a pas suivi le conseil qui lui était donné au vers i . Il a bel et
bien fait mourir sa mère, et le vers 4 le justifie : « Qu'aurait-il fait (et il avait
» beaucoup à faire, vers 2) dans sa cachette (ridhak, ainsi probablement VII.
» 61 . 3 et en tout cas X. 79. 2 à côté de gùhâ cf. vers 5), lui que sa mère avait
» porté déjà tant de mois et tant d'années .? » Cette cachette était le sein de la
mauvaise mère qui méprisait son enfant (vers $) et ne lui laissait pas voir le jour.
— Au contraire les vers 6 et 7 dont le premier commence par un mouvement
qui rappelle celui du vers i , nous montrent la mère d'Indra faisant son éloge
devant les eaux qui le méprisent. — La même opposition se retrouve entre les
vers 10 et 11, si on ne la supprime pas, comme le fait le traducteur par la cor-
rection dret îdm qui le contraint au quatrième pâda à ajouter un « doch », et à
condamner ainsi lui-même sa correction : cette fois là Indra n'avait pas été léché
par sa mère, et se frayait lui-même sa voie (à peu près comme aux vers 2 et 3).
C'est qu'en effet, d'après le vers 8, de même que les eaux qui aux vers'6 et 7
insultaient Indra le caressent quelquefois, de même celle que nous trouvons
bonne mère aux vers 7 et 1 1 est quelquefois mauvaise comme aux vers 5 et
10 : « Tantôt la jeune femme t'a rejeté; tantôt la mauvaise mère (kushdva) t'a
» dévoré. » Remarquons en passant qu'Indra rejeté par sa mère, Indra le
quatrième âditya (Vâl. 4. 7) si souvent nommé avec les trois autres, rappelle de
la manière la plus frappante Mârtâ/z^a, le huitième âditya, rejeté par Aditi. —
La mention du faucon apportant le Soma dans le vers 1 3 qui est d'ailleurs une
réponse nécessaire au précédent, ne permet guère de douter que ce vers ne se
rapporte à Indra. La femme ne peut être que la veuve, c'est-à-dire la mère. Quant
au chien qui joue ailleurs (I. 161. 13, sans parler des fils de Saramâ) un rôle mytho-
logique, ne désignerait-il pas le gardien du Soma , et ne serait-il pas le même
que ce père tué par Indra, ce personnage nommé Dâsa au vers 9 et Tvash/ar au
vers 3, Tvashfar étant lui-même un personnage équivoque, moitié dieu, moitié
démon (cf. la victoire qu'Indra remporte sur lui III. 48. 4, et son hostilité contre
les Ribhus) } En somme les vers 10-13 fournissent le développement des vers
8 et 9. Ce développement, il est vrai, avait déjà commencé dans les vers 1-7;
mais qui reprochera à un poète de n'avoir pas choisi comme début la division de
son sujet, et d'avoir préféré le mouvement si remarquable auquel il a déjà été
fait allusion : aydm pdnthahj etc. ? — Au vers 1 1 est-il possible que vi kramasva
ne désigne point les trois pas de Vish/zu (cf. VIII. 12. 27).?
VI. 9. Le vers 6 est intercalé entre 3 et 4 en vue d'une interprétation d'en-
semble qui paraît souffrir bien des difficultés. Que fait-on de dvarena en cherchant
dans pitrà l'ancêtre du poète, et qu'est-ce que ce titre de amriîasya gopâh qu'il
se donnerait à lui-même .? De plus le rapprochement de dvarena pitrà et de avdç
câran ne semble-t-il pas s'imposer.? Ce père inférieur paraît être Agni», et Agni
i. Agni reçoit ailleurs l'épithète avama IV. i. j. Le premier pâda du vers I. 104, 4
d'histoire et de littérature. 389
aussi le gardien de l'immortalité qui vivant en bas en sait plus qu'u/i autre, ou
plus que /'autre (le père supérieur, son père à lui, qui passe aussi pour son fils
V. 3. 9 cf. III. 1 . 10), Agni qui seul connaît le sacrifice, d'où le commencement
du vers 4 qu'on sépare à tort de 3 : « Le voici, le premier sacrificateur. » Le
vers 6 n'annonce pas sans doute une inspiration , qui même si on place ce vers
avant 4 semblerait bien courte après avoir été si pompeusement décrite, mai?
plutôt le trouble d'un esprit inquiet : vi me mànaç carati (cf. I. 105% 6, 7)^
passim)\ et en effet le poète ne sait que dire : km svid vakshyamL Mais devant
Agni les dieux eux-mêmes sont saisis de crainte (7) : c'est là le lien des deux
vers que le traducteur sépare. L'hymne entier n'est qu'un aveu de l'ignorance
du poète opposée à la sagesse d'Agni.
IX. 1 1 3. Le mouvement du vers 6 ne le rattache-t-il pas à la seconde partie
de l'hymne plutôt qu'à la première.? Pourquoi brahmâ ne désignerait-il pas le
prêtre céleste .? Le vers 4 a déjà parlé du Soma préparé (et non vaguement crée)
par le créateur dliâîrâ. Au vers 5 je traduirais en tout cas « purifié p^r la prière»
et non « traûfelnd zum Gebet », si même hrâhman malgré son accent n'est pas
ici concret (cf. IV. 50. 8). Sans songer encore au Brahmâ classique, il ne
faudrait pas méconnaître la portée mythologique de tout ce passage.
I. 161. Sans prétendre trouver un lien évident entre toutes les parties de cet
hymne, on se demandera si l'incohérence d'un morceau reproduisant des
traditions dont le sens pouvait échapper, au moins en partie, au poète lui-même,
est un argument suffisant contre l'unité de composition. Laissant même de côté
cette question on peut douter que l'intercalation du vers centre $ et 6 soit bien
heureuse. Au vers 3 les Ribhus annoncent des œuvres dont l'accomplissement
est constaté aux vers 6 et 7. Le char des Açvins, la vache de Brihaspati, les
chevaux d'Indra sont ceux qu'ont faits les Ribhus, et si le poète ajoute que
ceux-ci ont été rejoindre les dieux , c'est pour constater leur récompense , et
il n''entend pas que les dieux les aient pris sur leurs véhicules. Le vers 14 inter-
rompt donc mal à propos le développement des vers 1-7. Au contraire, célébrant
seulement l'amour des dieux pour ces pieux serviteurs (/c/z^'n/ah, cf. VIII. 2. 18),
il est très-bien placé à la fin de l'hymne. — Le vers 12 semble bien à sa place
entre 11 et 1 3. Dire des /^ibhus qu'ils parcourent les mondes (ou qu'ils se glissent
parmi les êtres) les yeux fermés (sammilya, selon la construction la plus ordinaire,
doit se rapporter au sujet), c'est la même chose en langage mythologique que de
dire qu'ils dorment dans la maison de Savitar (qui règne aussi sur la nuit). De
plus le second hémistiche semble faire allusion au réveil des Ribhus et servir de
transition au vers suivant. — Je fais toutes mes réserves sur la construction de
1 1 et sur le sens de i\ d ei i-^ d. — L'intervention du bouc bastd ne résulterait-
elle pas d'un jeu de mots sur ajd « bouc » et « non né » qui dans le second sens
aurait pu désigner Savitar ?
doit être traduit sans doute : « J'interroge l'inférieur (Agni) sur le sacrifice, » et en tout
cas c'est A^ni qui doit répondre : « Que le messager le dise! » Au vers I. 144. i c'est
encore Agni qu'on interroge comme le plus sage. Cf. aussi I. 164. 37. Sur l'essence in-
férieure et l'essence supérieure (et la 3' essence) du père, voyez I. 1 5 j. 3.
'390 REVUE CRITIQUE
V. 84. Cet hymne de trois vers est difficile, tant parce qu^adressé à Prithivî
seule , il est unique de son espèce dans le Rig-Véda , que parce qu'il renferme
en deux vers deux «TcaÇ stpvjixéva et un autre mot obscur. Le traducteur admet,
comme j'ai eu l'occasion de le soutenir contre M. de Gubematis (^Revue, 1875.
I, p. 52), que Prithivî est bien ici le génie de la terre. L'interprétation de
khidrâ « charge » proposée par M. Grassmann semble plus vraisemblable que
celle qui a été suggérée à M. R. par le Nirukta. — Il paraît impossible, à la place
où est aktûbhih de le traduire autrement que «le soir» ou peut-être «de jour en
« jour » (cf. IV. 53. I et ^ et ailleurs). — L'explication de vicârini (/Owv eupu6-
§£ia) est une hypothèse contraire à la formation la plus vraisemblable du mot
(formation primaire et non dérivation). L'idée d'un mouvement de la terre (rien de
Galilée) est impliquée par le vers X. 1 49. i . De plus le ciel et la terre disparaissent
(pendant la nuit) puisqu'Indra VIII. 8ç. 16 ou les anciens prêtres III. 54. 4
(cf. I. 161. 12) les retrouvent. Mais je chercherais plutôt le sens de vicârini en
le supposant synonyme d'un vivartini qui d'après les vers VI. 8. 3, I. 185. i
ferait allusion au phénomène de la séparation au lever du jour du ciel et de la terre
confondus pendant la nuit, ou peut-être du développement, du déroulement de la
terre. — Quant à perû qui ne doit pas être distingué de péru (cf. X. 36. 8 et V. S.
6. 10, cf. encore VII. 35. 12), il semble formé comme /?g^zi (pour /j^pa^/i), le piéton
auquel les Açvins donnent un cheval, l'est de pad « marcher, )> — c'est-à-dire
de par, prâ «remplir» avec le redoublement /^a, tandis que le nom du démon pipru
(qui semble au premier abord une antiphrase) a le redoublement pi. Ce mot perû
ou péru (f libéral » semble appliqué IX. 74. 4 à ceux qui pressent le Soma dans
le ciel. Il l'est au Soma lui-même X. 36. 8, et paraît désigner T. S. 3.1. 11. 8,
non un membre (B. R.), mais encore le Soma comparé au sperme (cf., à cause
du verbe tuj, I. 105.2). Je crois qu'il désigne ici le Soma céleste (comme déjà
peut-être dans la T. S.) La comparaison du Soma avec un cheval hennissant.est
banale, et fournirait peut-être une explication du vers i. i $8. 3 qui a suggéré
pour perû le sens de « sauveur » (de par, franchir, B. R.; le sens étymologique
est d'ailleurs assez indifférent). Quant au sens de notre hémistiche il serait analogue
à celui de I. 185. 5, VII. 1 01. 3, et pourrait être précisé par celui de I. 105. 2.
X. 127. Le vers 7 est intercalé entre 2 et 3 en vue d'une division de l'hymne
en strophes de deux vers. Mais si le rapport des vers 4 et 5 est frappant, celui
des vers 2 et 3, dans l'ordre traditionnel ne l'est pas moins. Or ce sont eux pré-
cisément qu'on sépare. Le rapprochement de 7 et 3 ne semble pas mieux justifié
par le sens de 7 c : car celui qu'on propose est bien bizarre. Il ne semble pas
d'ailleurs que ushds désigne le crépuscule du soir ni dans l'un ni dans l'autre
vers. Au vers 3 ushds est le jour (comme dans le duel ushdsândkîa) que la nuit
chasse, tout en éloignant en même temps l'obscurité par son propre éclat, puis-
que c'est d'une nuit brillante qu'il s'agit. Au vers* 7 je crois que le même mot au
vocatif désigne bien la divinité de l'hymne^ c'est-à-dire la nuit elle-même. On
dit en effet les deux ushds dissemblables V. 1.4, comme on dit les deux jours
V. 82. 8, nommés ailleurs le jour noir et le jour blanc VI. 9. i, et l'apparition
de la nuit est exprimée par le même verbe que celle de l'aurore : aûchat sa ràîr'i
d'histoire et de littérature. 391
V. 30. 14 (cf. 1 3 : aktàr vyùslilau). Je traduirais donc : « 0 nuit, fais ' en quelque
)) sorte payer les dettes, » c.-à-d. « punis les méchants. » Le vers 7 forme
ainsi la suite naturelle du vers 6 : « Écarte la louve, le loup, le voleur. »-— Les
vaches dont il s'agit au vers 8 semblent n'être que les louanges mêmes, et on peut
traduire littéralement, sans interversion de pâdas : «Je t'ai offert fn quelcjue sorte
» des vaches : accepte-les, ô fille du ciel! comme l'éloge qu'on adresse au vain-
» queur. « (Ainsi Muir, Sanskrit Texts, IV. 498.) La nuit est en effet en ce
moment victorieuse du jour. — Ne faudrait-il pas garder à Urmye et sutdrâ
rapprochés leur sens étymologique ?
j X. 10. La traduction de M. Muir semble préférable pour les vers i c d, 2 b,
.9 d (cf. la note du traducteur lui-même i o b). Le vers du Sâma-Véda ayant une
tout autre application , je garderais aussi la leçon jayanvân i b : quoique Yama
soit considéré comme le premier homme, l'union dont il s'agit entre lui et Yamî
. n'en devait pas moins être à l'origine une union mythologique , et probable-
ment comme celle de Purûravas et d'Urvaçî l'union d'un mâle terrestre, tel
:.que le feu du sacrifice, avec une femelle céleste telle que la nuée ou l'aurore,
ill ne serait pas impossible que 9 c comme i b contînt une allusion à un mythe
de ce genre. Ces traits d'une légende ancienne pouvaient s'imposer au poète en
. dépit de la tendance qu'il montre ici à la modifier dans un sens moral. — Au
vers 4 rapema s'explique. Yamî a prétendu (?) suivre la volonté des dieux :
^ c'est , en disant (en apparence) ce qui est légitime , dire (en réalité) ce qui est
, illégitime. — Le sens de « se fermer » proprement « s'effacer, disparaître»
^ donné à ut-mi (9) ne peut être confirmé par Chând. Up. 8. 6. 5 où ce verbe
est au passif. Yamî veut dire que le soleil violerait la loi. Cette interprétation
suggère pour le premier pâda où asmai s'explique mal dans la traduction
. critiquée , ce sens : « Si on lui faisait des dons jour et nuit. » — Au vers i o
. ne pourrait-on pas aussi traduire les subjonctifs par des conditionnels , Yama
redoutant avant tout les conséquences qu'entraînerait son exemple? — Au
vers 1 1 , à un sens qui suppose une construction embarrassée et qui semblerait
:.de plus exiger un sd au premier pâda et un ^a au second, je n'hésiterais
.pas à substituer : « Y a-t-il encore un frère en l'absence de toute protection;
-» y a-t-il encore une sœur quand la destruction est proche.'' » En d'autres
i termes, il n'y a plus de scrupules à garder au sujet de l'union d'un frère
avec sa sœur. C'est la théorie des cas de détresse, admise plus tard sur
d'autres points par les lois de Manu. — Au vers 5 pourquoi (sinon pour le
besoin du vers ?) «derLebengeber Tvash/ar, » plutôt que : « Savitar l'Artisan. »
Je tiendrais davantage à garder la formule : Savitar Tvash/ar. — Au vers 2
pourquoi préciser (en note) le sens d'dsura et appliquer ce terme à Varu/za.? Ces
fils de l'Asura ne sont-ils pas les Âdityas (cf. IlL j6. 8 les trois fils de l'Asura) .?
Or ceux-ci ne passent pas pour les fils de Varuna. — Au vers 12, faute d'impres-
sion pour der Bruder.
1 . Le verbe causal yâtay ne paraît pas avoir jamais pris le sens de « payer » que lui
donne le traducteur.
592 REVUE CRITIQUE
X. 34. Le vers 1 5 est rejeté à la fin comme interpolé. Mais le roi des dés dont
parle le vers 1 2 ne serait-il pas Savitar ? C'est à son œuvre que déjà l'œuvre des
dés a été comparée (8). Le joueur offre des trésors à ce roi des c^és pour obtenir
ses faveurs (cf. X. 42. 9). S'il n'est autre que Savitar, la réponse du dieu est
très-bien placée à la suite. — Si on suppose qu'au vers 10 le joueur ruiné part
pour chercher fortune et non pour voler (l'idée du vol n'est pas impliquée par
les termes), et si on substitue à l'interprétation douteuse de agnér date « à
)) la fin du feu, c.-à-d. la nuit », celle de M. Grassmann « près du feu, » on
reconnaît une liaison plus étroite entre 10 et 11. Le joueur qui s'expatrie, en
venant demander l'hospitalité dans une maison étrangère, est saisi de remords à
la vue de la femme de la maison, plus heureuse que la sienne, et de cette maison
bien ordonnée : c'est que le matin il a joué, et maintenant il tombe comme un
misérable près du foyer de son hôte (en suppliant .?). ^L'interprétation de 4 ^ est
très-ingénieuse : je préfère cependant celle de M. Muir, plus conforme au rôle
attribué aux dés dans tout l'hymne : d'ailleurs le joueur n'emporte pas les dés,
mais court à leur appel (^). — - Au vers 9 « todt » faute d'impression pour
« kalt » ? Sur 9 a cf. Revue, 1875, I, p. 19.
X. 7 1 . L'interversion des vers 2 et 3 , 6 €t 7, 8 et 9, 1 0 et 11, outre ce qu'elle
a d'inquiétant en elle-même, ne semble pas très-favorable à une interprétation
satisfaisante de l'hymne. La sincérité que célèbre le vers 2 n'est restée entière
qu'entre les premiers inventeurs de la Parole dont il était question au vers i . Le
vers 3 ne nous entretient pas comme le vers i de l'invention, mais de la diffu-
sion de la Parole. Les effets de cette diffusion, de cette vulgarisatiorij sont indi-
qués dans les vers qui suivent. On n'y a voulu voir qu'une seule idée, l'inégalité
des aptitudes à comprendre la parole et à en user, et on est ainsi arrivé pour le
premier hémistiche du vers 6, d'ailleurs déplacé, à ce sens bizarre : « Celui qui
» a abandonné un ami perd sa part de la parole. » Dans $ a on sous-entend
avec sakhyé sans autre raison, ce semble, que l'exemple de Sâya/za, un génitif
vâcdh^ et on oppose eshâ dans le sens de « l'autre » au mot îvam auquel il paraît
devoir être rapporté comme pronom anaphorique. Laissons au contraire le vers
6 à sa place et opposons 5 et 6 à 2 c ^. Là il était dit : « Les amis apprennent
» leur amitié mutuelle : un bien précieux est déposé dans leur parole. » Il semble
naturel de traduire ici : « On assure à un autre (cf. 4) qu'il est fermement
» établi dans l'amitié (qu'il peut compter sur elle), et on ne l'aide même pas
» dans ses luttes (ou à déployer sa force); il s'en va avec une illusion, et non
» avec une vache féconde, ayant entendu une parole sans fleur et sans fruit. —
» Celui qui abandonne un ami, un compagnon, // n'y a pas de bien (bhâgd ' com-
» paré à lakshmi) dans sa parole. Ce qu'on entend (de lui) , on l'entend en vain ,
» car il ne connaît pas le chemin de l'honnêteté. » Ces deux vers nous montre-
raient donc la fausseté succédant à la sincérité des premiers temps. — A partir
du vers 7 il est question des aptitudes diverses auxquelles a fait allusion déjà le
I. Je ne veux pas toutefois passer sous silence l'emploi de bhâgà au vers l. 164. 57
qui serait en faveur de l'interprétation critiquée. Aussi bien n'entends-je donner la mienne
que pour une tentative nouvelle, et non pour une solution définitive.
d'histoire et de littérature. 393
vers 4, qu'on ne peut déplacer d'ailleurs à cause du tyam du vers suivant qui
resterait isolé. Mais un écho des vers 5 et 6 se retrouve également au vers 10
qui parle de l'ami utile et prêt à la lutte (ou à l'héroïsme cf. 5 b). Nous conclu-
rons de là seulement qu'il ne faut pas imposer aux poètes védiques une trop
grande fidélité à un plan et à des divisions rigoureuses. Remarquons encore que
l'interversion de 8 et 9 semble ôter tout sens à 9 a qui ne s'explique que comme
faisant suite kScd : après ceux qui sont dépassés et ceux qui prennent les devants,
on nomme ceux qui ne vont ni près ni loin, c'est-à-dire probablement qui
restent en place. — Enfin le vers 1 1 qui ne parle plus des aptitudes , mais des
fonctions diverses des prêtres dans le sacrifice, semble très-bien où il est, si même
ce n'est pas là une addition postérieure. Peut-être fait-il allusion aux quatre
places de la parole, par une application secondaire d'une formule dont le sens
était d'abord différent (I. 164. 45).
X. 129. Y a-t-il réellement une lacune dans la suite des pensées entre les vers
4 et 5 ? Je crois que eshâm (5) se rapporte à kavâyah (4) et que le « fil tendu à
travers » est le sacrifice qui unit le ciel à la terre. Au dernier pâda svadhâ et
prdyatih opposés paraissent signifier, le premier la jouissance (IX. 113. 10), le
second l'oblation. Actuellement l'oblation est en bas et la jouissance en haut. Le
poète semble se demander dans ce vers obscur s'il en a toujours été ainsi, si le
sacrifice, considéré comme une des causes créatrices du monde, a commencé
sur terre ou dans le ciel (voyez b; où prend-on ici un was^). La question n'est pas
sans analogie avec celle du vers L 185. i : Quel a été le premier du ciel ou de
la terre .? (cf. encore plus haut VI. 9. 2, 3, le père inférieur opposé à l'autre).
VII. 103. Je crois comme M. de Gubernatis (^Mythologie zoologique, trad. fr. II
p. 392), avec lequel je suis heureux de me rencontrer cette fois (sans accepter
pourtant l'étrange interprétation du vers IX. 11 2. 4, p. 396), que les grenouilles
dont il s'agit ici sont des grenouilles mythiques. La raison de mon adhésion est
principalement dans le dernier pâda du vers 9 qui rapproché de gharminah (8)
et de apâm prasargé (4) ne paraît pouvoir signifier que : « Les vases de lait
» chauffés (V. 30. 15) sont répandus. » Or ces vases de lait répandus par des
adiivaryus qui ne sont autres que les grenouilles ne pourraient guère être que
les pluies tièdes de l'été. Les grenouilles célestes formeraient une troupe ana-
logue à celle des Angiras, et généralement des sacrificateurs divins confondus
avec les âmes des ancêtres. Dans le vers de l'A. V. XVIII. 3. 60 dont les leçons
semblent préférables à celles de R. V. X. 16. 14, n'est-ce pas au sein des eaux
célestes que le mort doit se trouver à l'aise comme une grenouille, éteindre l'ar-
deur du feu du bûcher qui Ta brûlé ? — On remarquera en outre que l'interpré-
tation mythologique rend compte du vers 1 0 que le traducteur considère comme
ajouté postérieurement ' .
I . Il y aurait à voir encore s'il ne faut pas rapprocher du mot bhcka « grenouille » le
mot bekurâ nom de vàc (la voix des grenouilles célestes?) par l'intermédiaire des mots bekuri,
bhekuri, bhdkuri qui présentent la permutation du b et du bh. Ce rapprochement conduirait
à donner le sens de « grenouille » au mot bakura que le parallélisme de vrika traduit sans
bonnes raisons « charrue » conduit à considérer comme un nom d'animal I. 1 17. 21. Au
vers IX. 1.8 bdkura driti serait la peau de la grenouille céleste, cf. VII. 103. 2.
394 REVUE CRITIQUE
La réserve que je garde sur les questions proprement mythologiques dans
tous les cas où la traduction littérale ou la défense de l'intégrité du texte
n'y est pas gravement intéressée, m'est imposée par les dimensions déjà exces-
sives de cet article. Je n'en sortirai que sur deux points. D'abord pour protester
contre la tendance à substituer la lune au dieu Soma. Ce n'est pas par là qu'on
expliquera les hautes fonctions cosmiques attribuées à ce dieu (cf. Muir, Sanscrit
îexîs, V. p. 266 et suivantes). Mais en tout cas peut-on douter que la divinité du
vers VIII. 29. I ne soit le dieu du breuvage sacré, auquel l'épithète babhrâ
appartient tout spécialement, et qui peut recevoir aussi celle de vishuna puisqu'il
est trishadhasîhd (ce qui ne se rapporte pas apparemment aux phases de la lune) ?
Est-ce ce dieu ou la lune qui doit figurer dans une énumération des principales
divinités du Rig-Véda, et être rapproché d'Agni nommé au vers 2 ? De même si
c'est Soma et non la lune qui dans le vers I. 91. 12 reçoit les épithètes de
gayasphâna et amJvahdn, pourquoi chercher la lune et non Soma dans cet Indu
identifié à Vâstoshpati VII. $4. 2 qu^on appelle aussi gayasphâna et anarnlvà^
surtout si l'on songe que la première des deux épithètes ne figure que dans ces
deux seuls passages, et que la seconde n'a pu être suggérée que par l'idée du breu-
vage? Soma, comme Agni, en qualité de dieu terrestre et domestique ne devait-
il pas devenir tout naturellement le gardien de la demeure ? Je profite de l'occa-
sion pour dire, ce qu'on devine sans doute, que dans mon système d'interpréta-
tion je ne partage pas le dégoût qu'inspire à M. R. le IX^ Ma/z^ala (p. vj). —
D'autre part c'est sacrifier un peu trop à l'abstraction pure que d'expliquer les
fonctions cosmiques de Vâc X. 125 en disant : « La parole, comme première
)) manifestation de l'esprit, représente l'esprit lui-même. » Il ne faudrait pas
oublier , quand il s'agit de la Parole védique , la toute-puissance attribuée à la
prière des ancêtres en vertu de l'idée que les chantres védiques se faisaient du
sacrifice (cf. Weber, Indische Sîudien, IX, 479).
Il est plus que temps de finir. Est-il nécessaire de dire que je ne prétends
nullement donner pour certaines toutes les interprétations que j'ai proposées ?
Quoique j'aie prodigué les points d'interrogation, je suis prêt à en ajouter autant
qu'on voudra. Les critiques du moins ne portent pas toutes à faux, et il en
restera toujours assez pour prouver, sans diminuer l'autorité du maître incontesté
des études védiques, qu'une traduction actuelle du Rig-Véda, même émanant
plus ou moins directement de lui, ne saurait être définitive.
Abel Bergaigne.
239. — Nouvelle grammaire de la langue latine d'après les principes de la
grammaire historique par J. Gantrelle, docteur ès-lettres, professeur à l'Université
de Gand, ancien inspecteur de l'enseignement moyen. Dixième édition, revue et corrigée.
Paris, Garnier. Gand, Hoste. 1875. In-8', iij et 348 p.
La grammaire latine publiée par M. Gantrelle a eu en Belgique un succès
mérité par la bonne disposition des matières, la sagesse de la méthode et l'usage
de ce que les travaux des philologues ont ajouté à nos connaissances.
Dans la partie où il est traité des déclinaisons et des conjugaisons, M. G. « a
d'histoire et de littérature. 395
» tenu compte » et s'est servi avec discrétion « des résultats les plus sûrs de
» l'étude de la grammaire historique. » Il paraît craindre qu'on ne lui fasse « le
» reproche d'avoir procédé ici avec trop de réserve. » Nous ne serons pas de
ceux qui lui feront ce reproche. On ne saurait être trop réservé à introduire des
conjectures , souvent chimériques et arbitraires , dans un livre qui doit plutôt
enseigner l'usage de la langue qu'en rendre raison. Nous n'avons pas examiné en
détail cette partie du livre. Nous remarquerons seulement que la dénomination
d'accent tonique a l'inconvénient sérieux d'induire en erreur sur l'accentuation
des Latins qu'elle confond avec notre accentuation moderne , et qui en était
essentiellement différente par la variété musicale de ses modulations.
La syntaxe est, comme il le faut, très-développée ; elle occupe près des deux
tiers du volume, pages 120-31 5. Nous n'y avons pas trouvé d'erreurs graves.
On pourrait relever çà et là quelques imperfections de rédaction, par exemple :
P. 126. « Souvent l'apposition n'a lieu que par rapport au cas spécial exprimé
» par le verbe aedem quam consul voverat dictator decavit. » Je pré-
férerais dire que le substantif est construit en apposition à l'idée exprimée par la
désinence personnelle du verbe , et en français au pronom qui est exprimé à
part : « nous ne pouvons rien, faibles orateurs, pour la gloire des hommes extra-
» ordinaires. » — P. 127. « Quelquefois l'attribut s'accorde avec le substantif
» lié au sujet par ut, nisi, tanquam, si ce substantif en est le plus rapproché
» Quis illum consulem, nisi latrones putant? « Lisez : « précède. » — P. 127.
« Si le relatif est accompagné d'un autre substantif et du verbe esse ou des
» verbes qui signifient appeler, etc., il prend ordinairement le genre, le nombre
» et le cas du substantif avec lequel il se trouve domicilia conjuncta, quas
» urbes dicimus » M. G. aurait dû dire ici ce qu'il ne dit qu'un peu plus
loin; à savoir que lorsque l'antécédent est suffisamment déterminé par lui-même,
le relatif s'accorde souvent avec l'attribut du verbe. — P. 130. «Avec les
» verbes transitifs, il (l'accusatif) désigne l'objet vers lequel l'action est dirigée. »
D^abord, ici comme dans toute la théorie des cas, il semble préférable de dire
« le substantif construit à l'accusatif désigne etc. » L'accusatif en lui-même, la
désinence casuelle en général , ne désigne pas un objet. Ensuite c'est l'objet
« direct et immédiat de l'action » qu'il faudrait dire. Dans « dedi librum Petro »
le substantif construit au datif ne désigne-t-il pas aussi x l'objet vers lequel
» l'action est dirigée ?» — P. 175. « On met « in pour appuyer sur iidée « en
» combien de temps » : legati in diebus proximis decem Italia décèdent. » Lisez
« pour exprimer dans quelles limites de temps une chose a lieu. » — P. 1 84.
Dans les exemples oh le nominatif serait employé pour le vocatif, il est à remar-
quer qu'il est construit en apposition à tu, qu'il faut absolument rétablir dans le
texte de Juvénal (4, 23) « hoc tu succinctus patria Crispine papiro ». — P. 187.
Quand on emploie le présent de narration « l'événement est présenté comme se
» passant sous les yeux du lecteur, et la narration devient description ou tableau. »
Quand on emploie l'imparfait, la narration devient aussi description. D'ailleurs
le présent de narration est souvent employé, et il l'est précisément dans l'exemple
cité, pour exprimer des faits qui se succèdent, et non des circonstances simul-
396 REVUE CRITIQUE
tanées, ce qui est le propre d'une description. — P. 189. « On met le parfait
» avec cum etc pour exprimer une action habituelle ou répétée qui est censée
» précéder l'action principale dum lego, assentior, cum posui (pose plutôt
» que dépose) librum, omnis assensio elabitur. » P. 191. « Le plus-que-
» parfait se met surtout avec ubi, ut, simulac, lorsqu'il s'agit d'une action
» répétée, le verbe principal étant à l'imparfait simulac se remiserat
» intemperans reperiebatur. » Il me semble plus exact de dire que dans ces
deux constructions, le latin, au lieu d'exprimer, comme le français, par le pré-
sent et l'imparfait, que l'action est habituelle, exprime qu'elle est antérieure à
l'action principale, en laissant entendre par le sens général qu'elle est habituelle.
~ P. 193. Dico quid egeris ne répond pas seulement à « je dis ce que vous
» avez fait, » mais encore à « je dis ce que vous faisiez, » ce qu'il est essentiel
d'ajouter; les commençants s'y trompent toujours. — P. 197. « L'indicatif sert
» à exprimer un fait positif et réel, comme en français. ^) Quand je dis « peut-
» être vient-il, viendra-t-il, est-il venu » je n'exprime pas un fait positif. Il est
préférable de dire que l'indicatif énonce.par lui-même la chose purement et sim-
plement; ce qu'on ajoute lui donne toutes sortes de modalités. Il en est de même
de l'indicatif avec si (p. 220). Il n'exprime pas nécessairement un fait réel; il
n'ajoute par lui-même aucune idée à celle de supposition. — P. 198. Je douté
qu'oportebat signifia jamais « il aurait fallu. » Dans « ad mortem te jampridem
» duci oportebat » il faut rendre par « il y a longtemps qu'il faudrait » —
P. 203. Les interrogations comme «quid facerem.?» seraient plus justement
appelées délibératives que dubitatives, et se traduiraient par « que pouvais-je,
» devais-je faire.'' » plutôt que par « qu'aurais-je fait.? y> — P. 221. On ne peut
pas dire que dans « nemo fere saltat sobrius, nisi forte insanit » la proposition
subordonnée explique « un fait invraisemblable. » — Même page. « En disant
» si vellet, posset ou si voluisset, potuisset j'exprime le fait de vouloir
)) comme étant ou ayant été impossible. « Il me semble qu'ici l'imparfait et le
plus-que-parfait du subjonctif expriment seulement que la supposition ne répond
pas ou ne répondait pas à la réalité, ce qu'on rendrait par la proposition inci-
dente « s'il voulait, mais il ne veut pas.... ^ » « s'il avait voulu, mais il n'a pas
» voulu, ne voulait pas. w « Si Latine scirem, Virgilium legerem )> « si je savais
» le Latin, mais je ne le sais pas » Ce qui ne veut pas dire qu'il est impos-
sible qu'on le sache. — P. 237. i( Le participe en rus avec esse exprime le
)) conditionnel français. » Lisez « répond au » — P. 249. « A l'actif il y a
» un participe pour marquer la durée, legens au passif il y en a un pour
;) marquer V accomplissement, lectus » Je crois plus exact de dire «pour
)) marquer la simultanéité l'antériorité. » La définition de M. G., qui est
d'ailleurs aujourd'hui très-répandue, a l'inconvénient de ne pas s'appliquer à
une action très-rapide et instantanée. — P. 273. Les articles relatifs à quisquam,
quisque sont à refaire à l'aide de Madvig. — P. 277. « Dans les propositions
» subordonnées, sui, sibi, se et suus se rapportent au sujet de la proposition
» principale , si les propositions subordonnées sont avec elle dans un rapport
» intime et nécessaire ; telles sont par exemple celles qui expriment une inten-
d'histoire et de littérature. 397
» tion, une interrogation indirecte, etc., et toutes celles qui énoncent la pensée
» du sujet de la proposition principale. » Il est à peu près impossible de définir
avec précision l'emploi du pronom réfléchi dans les propositions subordonnées. Il
vaut mieux énumérer, comme l'a fait Madvig, toutes les espèces de proposition
où sui, sibiy se, suus sont employés. Par conséquent un etc. n'est nullement à sa
place ici. — P. 285. L'emploi de an dans les interrogations autres que les
disjonctives n'est pas nettement présenté. Toule cette partie me semble à refaire.
On peut profiter de ce que Seyffert a dit et très-bien dit sur ce sujet dans ses
Scholae Latinae. Par exemple il est très-utile de considérer an en beaucoup de
cas comme ayant la valeur de num enim (qui est inusité) et se rapportant à une
proposition exprimée ou sous-entendue, -r- P. 287. « nescio an, haud scio an
» peuvent quelquefois se rendre par peut-être. » Lisez « se rendre presque
» toujours » dans les écrivains de l'âge classique. Cf. Madvig § 453. —
P. 289. « nec signifie rarement « pas même. » Lisez « souvent dans les auteurs
» du temps de l'empire. » — P. 292. Non magis quam a aussi le sens négatif
de non plus que comme en français. — P. 297. L'article relatif à l'emploi de
quidem avec ille aurait besoin d'être complété et rectifié à l'aide de Madvig. —
— P. 306. L'auteur aurait dû profiter pour ce qu'il dit de l'ordre des mots du
travail de M. Weil, qui est fort supérieur à tout ce que les autres ont dit sur ce
sujet important '. f- P. 310. Ce que M. G. dit de la place de non est tout à fait
insuffisant, comme ce qu'on trouve d'ailleurs dans toutes les autres grammaires.
Le sujet a été traité avec détail dans les Mémoires de la Société de linguistique de
Paris, I, 223 et suiv. — P. 31 1. La liaison des propositions en latin n'a pas
encore été suffisamment étudiée par les grammairiens. Naegelsbach (Lateinische
Stilistik) a donné une bonne classification des différentes espèces d'asyndètes,
dont M. G. aurait pu profiter. Au reste si l'on étudie au point de vue de l'emploi
des conjonctions de coordination un texte latin d'une certaine étendue, on
constate bientôt que si ces conjonctions sont employées plus souvent qu'en
français, il n'en est pas comme du grec où il est de règle de lier les phrases par
des conjonctions : le latin se contente souvent de les lier par le sens, et fait de
l'asyndète un usage incomparablement plus fréquent que le grec.
Il est difficile, en grammaire, de rapprocher les exemples suivant les véritables
analogies. On peut contester que ce soit dans les mêmes conditions que le pluriel
est employé dans « magna pars vulnerati » et « pro se quisque ... amplexi
» sunt » (p. 12$), que la préposition est supprimée dans « silvis ... corpora
)) foeda jacent » et « aequo dimicatur campo » (p. 176); l'interrogation « tibi
» inimicus cur esset ? » ne semble pas de même espèce que « quid facerem »
(p. 203). Les textes où le subjonctif est employé à la seconde personne du
singulier dans le sens de on, comme « quem laeseris » (p. 211), « priusquam
» aggrediare, incipias » (p. 234), ne peuvent servir pour l'emploi du subjonctif
avec le relatif et/? n'us^u^m. L'exemple de Cicéron « nobis ista quaesita, a nobis
I . De l'ordre des mots dans les langues anciennes comparées aux langues modernes. Ques-
tion de grammaire générale par H. "Weil. Paris, Vieweg. 1869. In-8». Cf. Revue critique y
1869,11, 113.
398 REVUE CRITIQUE
» praecepta sunt » (148) est sans doute incorrect, comme l'a montré Madvig
(De finibus, 4, 22).
Je n'en ai pas fini avec mes chicanes. Je chercherai encore querelle à M. Gan-
trelle sur deux points, où du reste il a suivi le commun des grammairiens, sur
la langue poétique et sur les héllénismes. Il ne me semble pas qu'on se fasse une
idée bien exacte de la langue poétique des Latins, quand on dit par exemple
que des constructions comme « promontorium Miseni » « se rencontrent surtout
» chez les poètes » (p. 126), que le génitif « montes auri » « n'est guère usité
» en prose » (p. 151), qu' « en poésie et dans h prose poétique (les Latins avaient-
» ils une prose poétique ?) on emploie quelquefois Paccusatif au lieu de l'ablatif
» ... vite caput tegitur « (p. 166). Si l'on entend par prose les ouvrages qui
nous sont restés de Cicéron, ces observations seraient justes. Mais ce serait
donner de la prose latine une définition bien étroite, et il me paraît dur d'exclure
Tite Live du nombre des prosateurs classiques'. Quant aux héllénismes, je doute
fort qu'une langue emprunte à une autre des constructions. L'attraction « judice
» quo nosti populo » n'est certainement pas imitée du grec (p. 295)2, non plus
que la locution française « et vous ne pouvez pas que vous n'ayez raison »
(Molière) n'est « imitée » du latin (p. 201); cette locution est familière, comme
on peut le voir dans les exemples cités par M. Littré, et c'est par l'effet d'un
pur hasard qu'elle se rencontre avec le latin «non possum quin; » une locution
familière française ne peut guère être empruntée au latin.
Charles Thurot.
VARIÉTÉS.
Un pamphlet à propos de Pamphile.
M. Baudouin, voulant sans doute justifier mon étymologie de pamphlet (voy.
Rev. criî. 1874, t. II, art. 167;, vient de faire imprimer sous ce titre. Le Pamphilus
et M. Gaston Paris (Toulouse, chez Privât) douze pages qui me paraissent devoir
compter parmi les plus inutiles qui aient jamais fait gémir la presse. Les person-
nalités qu'il se permet de m'adresser me touchent d'autant moins que l'auteur
n'a même pas su arriver à être méchant. Sa diatribe est parfaitement inoffensive ;
mais en outre elle est incohérente. Ancien élève de l'École des chartes, archi-
viste d'un de nos principaux départements, éditeur du Pamphilas, M. Baudouin
1. M. G. dit ailleurs (p. 212) que « dans Plaute et dans Térence on trouve « sein'
» Quae ego te volebam? » mais le subjonctif est de règle dans la prose. » On peut opposer
la langue de la prose à celle de Virgile et d'Horace, mais non à celle de Plaute et de
Térence qui est la langue de la conversation. L'emploi de l'indicatii à l'interrogation in-
directe paraît avoir été un archaïsme, qui a peut-être persisté dans la langue populaire,
et qui reparaît à la fin de l'empire. Cf. Diomède (389 Putsch. 395, 15 Keil) : « relativa
» species verbi dicta videtur cum ad eum sermonem sequentia referuntur quo dependet
» sequens. Hanc speciem in consuetudine parum multi observant imperitia lapsi , cum
» dicunt nescio quid facis^ nescio quid fecisti. Eruditius enim d'iceiiirnescio qaïd fadas , nescio
» quid feceris. »>
2. M. Fœrster a approfondi la question de l'attraction du relatif en latin dans Quaes-
tiones d6 attractione enuntiationum relativarum. Berolini. 1868, In-8'. Cf. Revue critique,
1869, I, 401.
d'histoire et de littérature. 399
trouve qu'il n'y a rien de plus ridicule que les « scoliastes, compilateur?, grabe-
» leurs de vieux livres et de manuscrits. » Il avoue son ignorance; bien plus,
il s'en vante, ce qui ne l'empêche pas, deux pages plus loin, de prétendre parler
au nom de « la vraie science. » De moi, qui lui cite de nombreux manuscrits du
Pamphilus remontant jusqu'au xii'= siècle, et de lui qui déclare qu'il n'en existe
pas de manuscrits antérieurs au xv" siècle ; de moi qui lui signale de nombreuses
imitations et traductions de ce poème dans diverses langues, et de lui qui affirme
qu'il n'a été « ni imité ni traduit, » il trouve que c'est moi qui prête à rire. Il
me reproche de l'^^^omm^r de « mon savoir, » lui qui ne se pique pas d'être
instruit, et il oppose à mon pédantisme la modestie de mon bottier, qui ne
)) prend pas avec moi des airs dédaigneux parce que je ne sais pas seulement
» faire des bottes. » Mais si je me mêlais de faire des bottes, mon bottier aurait
le droit de hausser les épaules, et si je me posais comme le représentant de la
cordonnerie française en face de l'étranger , il devrait prévenir ses confrères
allemands de ne pas me prendre au sérieux. C'est tout bonnement ce que j'ai
fait. Là-dessus M. Baudouin me traite d' « Allemand. » C'est trop naturel. J'ai
même été agréablement surpris : je m'attendais à i< Prussien. » Quant à lui, il a
publié le Pamphilus « par pur patriotisme. )> Ce motif, auquel on ne s'attendait
guère, est assurément fort respectable : un patriotisme non moins pur, mais
plus éclairé, engagera désormais M. Baudouin, j'en ai la confiance, à ne rien
publier du tout. G. P.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES.
Séance du lo décembre 187$.
Il est donné lecture d'un décret par lequel le président de la république
approuve l'élection de M. Michel Bréal en remplacement de M. Brunet de Presle;
M. Bréal est introduit et reçu.
Des estampages d'inscriptions sémitiques sont envoyés par M. de Sainte Marie.
M. le président annonce que déjà plusieurs des pierres portant des inscriptions
sémitiques, dont était chargé le vaisseau Magenta, récemment détruit par un
incendie, ont été retrouvées et ramenées à terre.
L'académie constate qu'il y a trois places vacantes parmi ses correspondants
français. Une commission de quatre membres est nommée pour examiner les
titres des candidats. Sont élus membres de cette commission MM. de Longpérier,
L. Renier, Delisle et Defrémery.
M. de Longpérier lit une note de M. le commandant Robert Mowat, intitulée
Détermination de la divinité représentée sous une forme tricéphale sur des bas-reliefs
gaulois. Cette divinité est celle qui a fait l'objet d'une communication de M. de
Witte lue à la séance de Pacadémie (ies inscriptions du 29 octobre 1875. M. de
Witte a considéré la figure tricéphale, ou plus exactement à trois visages, qu'on
a trouvée sur divers monuments de la Gaule, comme la représentation d'une
divinité spécialement gauloise. M. Mowat combat cette manière de voir. Quand
400 REVUE CRITIQUE D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
Auguste réorganisa le culte des Lares, il rangea les dieux étrangers, adorés dans
les diverses provinces, au nombre des Lares Augusti; cette mesure mit fm à l'an-
cienne religion gauloise en l'absorbant dans la religion romaine, et dès lors il ne
fut plus permis de représenter aucune divinité sous une autre forme que celle qui
était consacrée par le culte romain. On ne peut donc supposer que la figure
tricéphale en question fût particulière à la Gaule, et l'on doit en chercher l'ana-
logue dans la religion des Romains. Tel est le raisonnement qui amène M. Mowat
à identifier le dieu gaulois, dit tricéphale, avec le Janus Quadrifrons des Romains.
Selon lui les figures de ce dieu représentent en réalité un personnage à quatre
visages, quadrifrons; seulement sur les objets où l'on a trouvé cette figure, qui
sont ou des bas-reliefs ou des cippes destinés à être adossés aux murs, l'un des
quatre visages n'a pu être figuré; ainsi Janus Quadrifrons est représenté avec
trois visages apparents seulement sur des monnaies d'Hadrien. La figure gauloise
dite tricéphale est souvent accompagnée d'une tête de bélier, animal qui était
chez les Romains aussi un attribut de Janus. — Après avoir lu cette note, M. de
Longpérier déclare qu'il ne peut en accepter les conclusions. La divinité gauloise
en question a certainement trois visages et non quatre. On la trouve représentée
avec trois visages seulement : sur un cippe cylindrique de Reims, où les trois
visages occupent chacun le tiers de la circonférence du cylindre , en sorte que
chacun des trois touche aux deux autres; sur un bas-relief des environs de Laon,
où les trois visages sont également tournés vers le spectateur, au lieu que si
l'on devait supposer un quatrième visage par derrière il ne devrait y avoir qu'un
visage de face, au milieu, avec deux visages latéraux de profil; sur un bronze
du musée de S. Germain, sculpté en ronde-bosse de tous les côtés également,
où les trois visages n'occupent pas toute la circonférence* mais où la place que
devrait occuper, dans le système de M. Mowat, le quatrième visage, ne présente
aucune sculpture; etc., etc. M. de Longpérier met sous les yeux de ses confrères
les moulages de quelques-uns des objets dont il parle. Il ajoute que si quelques-
unes de ces figures sont accompagnées d'une tête de bélier, dans Tune d'entre
elles au lieu d'une simple tête on voit figuré en entier l'animal qui sert d'attribut
au dieu, et que cet animal n'est pas un bélier, mais un monstre à tête de bélier
avec le corps d'un poisson. Ces raisons font que M. de Longpérier refuse de
reconnaître dans les figures en question une représentation du dieu romain Janus.
M. Ravaisson annonce une acquisition intéressante que vient de faire le musée
du Louvre. Ce sont quatre statues de bois égyptiennes. Elles remontent toutes
à l'ancien empire, et trois d'entre elles au temps de la 6^ dynastie, époque dont
il nous reste très-peu de monuments semblables. Cette acquisition est due à
M. Pierret, auquel est confiée la garde des antiquités égyptiennes au musée du
Louvre.
M. Heuzey continue la lecture de son mémoire sur la ville de Dyrrhachium
ou Épidamne, aujourd'hui Durazzo. Julien Havet.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
j]reslau, 1875, 20 planches, 27 fr. $0 Ctentative digne de tout éloge). —
A'.7'j';iT(a BaGiXéiraiç. Athènes, 187$ (traduction par trois Grecs du roman
connu de G. Ebers; le critique relève quelques erreurs).
Jenaer Literaturzeitung, n° 38, 18 septembre. — Kœhler, Lehrbuch der
biblischen Geschichte , I. Erlangen, Deichert, 10 fr. (E. Schrader : estimable).
— Gengler, Glossar zu den germanischen Rechtsdenkmselern. Erlangen,
Deichert (K. Schulz : fait avec soin; l'auteur n'est pas assez philologue). —
Lange, Geschichte des Materialismus, 2'' éd. Il (E. Pfleiderer). — Die Klage,
hgg. von Bartsch. Leipzig, Brockhaus, 5 fr. ; die Klage, hgg. von Edzardi.
Hannover, Rupler, 1 2 fr. $0 (H. Paul : les deux éditeurs ont à peu près le même
système; Bartsch est généralement supérieur). — Schlùter, Die mit dem Suffixe
ja gebildeten deutschen Nomina. Gœttingen, Deuerlich,. 5 fr. 75 (E. Sievers :
beaucoup à reprendre). — Meyer, Zur Geschichte der indo-germanischen
Stammbildung und Declination. Leipzig, Hirzel, 2 fr. 50 (H. Osthoff: plus que
téméraire). — Studien zur griech. und lat. Grammatik, hgg. von Curtius, V.
Leipzig, Hirzel, i ^ fr. (J. Schmidt : long article avec beaucoup de critiques de
détail). — Curtius, Die griechische Gœtterlehre vom geschichtlichen Siand-
punkt. Berlin, Reimer (H. Gelzer : l'auteur s'efforce avec bonheur de rattacher
à l'Asie sémitique les divinités grecques; il s'occupe ici uniquement des déesses;
ce n'est d'ailleurs qu'un essai, qui a paru dans les Preussische Jahrbiichef). —
IIoAiT-/;^, MekixTi £7:1 xou 6(cu twv vewTépœv 'EXX'r;vo)v, I. Athènes, Wilberg ,
7 fr. 50; Aouxaç, <b'.\o'ko^iY.0L\ Ir^TAé^ziç twv èv toj êtw tôW vswTÉptov Ku7:p((ov
lJ.VY)[j.£ia)v Tûv àpy^a{(i)v. Athènes, Rousopoulo, 3 fr. (B. Schmidt; l'article est
plus intéressant que les ouvrages). — Merwart, Erster Zusammenstoss Polens
mit Deutschland. Graz, Leykam, 2 fr. 50 (J. Caro : sans aucune espèce de
valeur).
La Rivista Europea. Novembre 1875. G. Negri, Gesù a Cesarea di
Filippo. — F. DiNi, L. Anelli vecchio cattolico, e la sua storia délia chiesa. —
P. Selvatico, a proposito di Michel Angelo. — V. Valeriani, I metodi del
Duhamel e la logica del Condillac (fm). — G. Piazzoli, 1 pubblicisti délia rivo-
luzione francese : G. Desmoulins (fin). — Bulletin littéraire et bibliographique
français et italien.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
DES PRINCIPALES PUBLICATIONS FRANÇAISES ET ÉTRANGÈRES.
AVIS. — On peut se procurer à la librairie A. Franck tous les ouvrages
annoncés dans ce bulletin, ainsi que ceux qui font l'objet d'articles dans la
Revue critique. Elle se charge en outre de fournir très-promptement et sans
frais tous les ouvrages qui lui seront demandés et qu'elle ne posséderait pas en
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Acta societatis philologae Lipsiensis éd.
F. Ritschelius. T. V. In-8*, iv-344 S.
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Batavae 157^-1875. Accedunt nomina
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iv-342 p. Paris (Didier et C'}. 3 fr, 50
Boutroux (E.). La Grèce vaincue et les
premiers stoïciens. In-B", 29 p. Paris
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Bulletin et mémoires de la Société ar-
chéologique du département d'Ille-et-
Vilaine. T. 9. In-8', lxvij-328 p. et 1 1 pi.
Rennes (imp. Catel et G*).
Dieterich (K.). Philosophie und Natur-
wissenschaft, ihr neuestes Bundniss u. d.
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'l-Waiid al-Ançârî cognonime Çarîo-'l-
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Dobree (P. P.). Adversaria critica. Ed.
in Germania prima cum praefatione G.
Wagneri. 2 vol. in-8". Berlin (Calvary
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Dreher (E.). Die Kunst in ihrer Bezie-
hung zur Psychologie u. zur Naturwis-
senschaft. In-S», 60 S. Berlin (Hempel).
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Euting (J.). Sechs phœnikische Inschriften
aus Idalion. Mit 3 Taf. In-4*, 17 S.
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Bd. Will. Shakspeare's Dramen vom
Beginn seiner Laufbahn bis 1601. In-8*,
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Sammarthani, monachi ordinis Sancti
Benedicti e congregatione Sancti Mauri ,
necnon monachorum ejusdem congrega-
tionis. Editio altéra, labore et curis D.
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Hrsg. V. A. T. H. Fleckeisen. 7. Suppl.-
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Jordan (A.). De Codicum Platonicorum
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gine, ses limites, ses gouverneurs. In-8°,
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l'Aubespin-en-Jarez (Forez), aujourd'hui
paroisse de l'Aubépin , diocèse de Lyon,
renfermant des notes généalogiques sur
les familles de l'Aubespin de Saint-Amour,
d'Harcourt, de Roussillon, de Grolée,
qui ont possédé ce fief. Blasons gravés
par A. Bondoux, In-8% 184 p. Grenoble
(imp. Prudhomme).
Neue (F.). Formenlehre der lateinischen
Sprache. 2. Thl. 2. gaenziich umgearb.
u. erweit. Auflage in \ Lfgn. Gr. in-S"
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Pannier (L.). Méry-sur-Oise et ses sei-
gneurs au moyen-âge. In-8% 66 p.
Nogent-le-Rotrou (imp. Gouverneur).
Picot (G.). Recherches sur les quartiniers,
cinquanteniers et dixainiersde la ville de
Paris. In-8°, 39 p. Nogent-le-Rotrou
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Pûnjer (G. C. B.). Die Religionslehre
Kant's. Im Zusammenhang seines Systems
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viij-112 S. Jena (Dufft). 2 fr.
Spicker (G.). Kant, Hume u. Berkeley.
Eine Kritik der Erkenntnisstheorie. In.8°,
210 S. Berlin (Duncker). 6 fr.
"Walter (J.). DieLehrev. der praktischen
Vernunft in der griechischen Philosophie.
In-8% xviij-573 S. Jena (Dufft). 14 fr. 75
^Werfer (A.). Die Poésie derBibel. In-8%
iij-337 S. Tùbingen (Laupp). 4 fr. 85
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
N" 52 Neuvième année. 25 Décembre 1875
REVUE CRITIQUE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
RECUEIL HEBDOMADAIRE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION
DE MM. C. DE LA BERGE, M. BRÉAL, G. MONOD, G. PARIS.
Secrétaire de la Rédaction : M. Stanislas Guyard.
Prix d'Abonnement :
Un an, Paris, 20 fr. — Départements, 22 fr. — Étranger, le port en sus
suivant le pays.
PARIS
LIBRAIRIE A. FRANCK
F. VIEWEG, PROPRIÉTAIRE
67, RUE RICHELIEU, 67
Adresser toutes les communications à M. Stanislas Guyard, Secrétaire de la
Rédaction (au bureau de la Revue : 67, rue Richelieu).
AVIS.
A partir du i'^'' janvier 1876, la Revue critique d'histoire et de littérature paraîtra
chez M. Ernest Leroux, libraire-éditeur, 28, rue Bonaparte, 011 Ton devra
remettre les ouvrages et publications périodiques destinés à la Revue, et adresser
toutes les communications.
REVUE CELTIQUE
» PUBLIÉE
AVEC LE CONCOURS DES PRINCIPAUX SAVANTS DES ILES BRITANNIQUES
ET DU CONTINENT
ET
DIRIGÉE PAR
H. GAIDOZ
Professeur de géographie et d'ethnographie à VÉcole des Sciences Politiques de Paris,
Secrétaire correspondant de la Cambrian ArchaologicahAssociation, }Jlemhrede\a Royal
Archaological Association of Ireland et de la Société archéologique du Finistère, etc.
L^étude des langues, des littératures et des antiquités celtiques appelle
Pattention du philologue, du lettré et de l'historien par l'importance du
rôle que les Celtes ont joué dans l'ancienne histoire d'Europe et aussi
par les richesses des littératures néo-celtiques. La période gauloise de
notre histoire n'est pas la moins importante pour être la moins connue ;
Arthur et les Romans de la Table-Ronde défrayent une bonne partie de
la littérature du moyen-âge; le Purgatoire de saint Patrice et le Voyage
de saint Brendan ont été racontés dans presque toutes les langues de
l'Europe ; on sait quelle vogue, au commencement de ce siècle, s'attacha
pour un temps au nom d'Ossian. La vive et charmante îmagmation des
races Celtiques a laissé dans leur littérature des trésors inappréciés de
poésie. Des écrivains de talent ont levé en partie le voile qui dérobait à
nos regards la Bretagne Française ; mais par la date récente et par le
petit nombre de ses monuments, la littérature Bretonne est debeaucoup*^"
inférieure en importance aux littératures Irlandaise et Galloise. Les/
langues Celtiques n'ont pas une moindre valeur pour la Grammaicei.-^
Comparée; il suffit de citer les grands travaux que leur consacrent les,.,,,
philologues de la savante Allemagne, et de rappeler que Penseignement .
de la philologie celtique commence à figurer dans le programme des
Universités allemandes, et cela même à Strasbourg.
Il existe pourtant un grand obstacle au progrès des Etudes Celtiques,
c'est l'absence d'union entre les savants qui les cultivent. On travaille
isolément et comme dans l'obscurité. Pour les savants du continent, les
Iles Britanniques, ce principal refuge des races celtiques, sont presque
en dehors du monde. Le vers de Virgile est encore vrai :
Et penitus toto divisas orbe Briîannos.
Sur le continent on ne peut que difficilement savoir quels textes se
publient, quels travaux se poursuivent là-bas. De leur côté, les savants
des pays celtiques qui ont à leur disposition les monuments, les manus-
crits, les traditions et la langue de leurs pays, cherchent souvent en vain
des points de repère et de comparaison; les travaux les plus importants
de l'Europe savante n'arrivent qu'à grand'peine jusqu'à eux. Vienne
une alhance entre les celtistes de tous les pays, et le jour se fera peu à
peu sur l'histoire et la littérature d'une grande race. Cette aUiance, la
Revue Celtique la. réalise, et la rend tous les jours plus forte et plus
fructueuse.
A côté de travaux originaux dont on peut apprécier la valeur par la
table qui suit, la Revue Celtique donne dans chaque numéro :
Des comptes-rendus des ouvrages relatifs aux études celtiques ;
Le sommaire analytique et critique des revues françaises et étrangères
s'occupant spécialement ou occasionnellement de quelque objet de nos
études ;
Une chronique tenant le lecteur au courant des principaux faits qui
se produisent dans le monde de l'érudition celtique.
Deux volumes ont paru. Le troisième est en cours de publication.
Les numéros de la Revue Celtique ne se vendent pas séparément ; on
s'abonne pour un volume qui paraît en plusieurs livraisons formant
ensemble environ 520 pages. — Prix d'abonnement: Paris, 20 fr.;
Départements, 22 fr.; Étranger, le port en sus. — On souscrit: Pour la
France, en envoyant un mandat-poste payable au nom de M. F. Vieweg,
Libraire-Éditeur (Librairie A. Franck), 67, rue de Richelieu, à Paris;
pour l'étranger, par l'intermédiaire d'un libraire ' .
Une liste des souscripteurs est publiée avec chaque volume.
Il est tiré quelques exemplaires sur papier de HoHande portant sur le titre le
nom imprimé du souscripteur. Le prix d'abonnement à ces exemplaires est double,
c'est-à-dire 40 fr. pour Paris, 44 fr. pour les départements.
Toutes les communications, correspondances, etc., doivent être
adressées franc de port à M. H. Gaidoz, aux soins de M. F. Vieweg,
Libraire-Éditeur (Librairie A. Franck), rue de Richelieu, 67, Paris.
La direction de la Revue ne s'engage pas à renvoyer aux auteurs les
manuscrits non insérés.
I . Subscriptions for îhe British Islands (pne pound) are received by Messrs
Triibner and C°, $7 and 59 Ludgate Hill, E. C. London.
I
REVUE CRITIQ^UE
D'HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE
N' 52 — 25 Décembre — 1875
Sommaire : 240. Chaignet, La philosophie de la science du langage. — 241 . Wallon,
Saint Louis et son temps. — Sociétés savantes : Académie des inscriptions.
240. — La philosophie de la science du langage étudiée dans la for-
mation des mots, par A. Ed. Chaignet, professeur à la Faculté des lettres de
Poitiers. Paris, Didier. 1875. U" vol. in- 12, xj-360 p. — Prix : 5 fr. 50.
La publication de ce livre est de bon augure pour le progrès des études
philologiques. Jusqu'ici dans la grammaire comparée, on voyait surtout la science
qui, par l'étude des sons, des formes, était arrivée à faire revivre des idiomes
disparus, à ressusciter des civilisations éteintes, à renouveler l'histoire des idées
et des croyances préhistoriques. Ce n'est là que le côté spécial de ces*études; on
commence à soupçonner chez nous que, puisque le langage a pour but d'expri-
mer la pensée, on peut suivre dans les progrès des langues les progrès de
l'esprit humain, et que la philosophie est directement intéressée aux recherches
philologiques. On n'a pas tort de le croire. En fait, la grammaire comparée ouvre
aux philosophes tout un domaine riche en découvertes.
M. Chaignet est un métaphysicien, philologue à ses heures. On lui doit des
travaux distingués sur Platon, Aristote et les Pythagoriciens, et une Théorie de la
déclinaison dans les deux langues classiques. C'est un bon helléniste ; il a quelque
teinture du sanscrit et de l'hébreu; il a lu Schleicher, Max Millier et Curtius.
Persuadé qu'il y avait intérêt à porter dans les investigations philologiques la
lumière des principes à priori, il s'est mis à étudier en philosophe la formation
du nom et du verbe dans les langues indo-européennes ; et c'est le résultat de
ces recherches qu'il a consigné dans le livre que nous annonçons. C'est l'œuvre
d'un esprit curieux, ouvert, qui, jetant un regard éveillé sur un monde nouveau,
retrouve avec plaisir ou croit retrouver dans des faits superficiellement observés
les lois métaphysiques, les catégories aristotéliciennes de l'esprit, objets de ses
méditations habituelles.
Si l'on parvient à surmonter les difficultés d'un style académique, solennel,
par suite diffus et vague, qui par l'abus des synonymes, des épithètes, des méta-
phores, se prête fort mal à l'expression d'une pensée elle-même souvent nuageuse
ou raffinée; si on parvient à saisir l'ensemble d'un ouvrage où les divisions sont
mal indiquées, sans titres de chapitre, ni tables analytiques des matières qui
viennent en aide au lecteur, on arrivera à une théorie que nous croyons résumer
fidèlement comme il suit^
i . Dans ce résumé succinct , nous ne reproduisons naturellement que les grands traits
de l'ouvrage; autant que possible nous conservons les expressions mêmes de l'auteur.
Toutefois comme l'auteur souvent ne songe pas à donner à sa pensée une expression pré-
cise et rigoureuse, il se peut qu'il nous arrive çà et là de lui prêter une netteté qu elle
n'a pas toujours. Voir un exemple à la note suivante.
XVI 26
402 ,:àRUTKfiMYP^^^^^m^OTèm'G ■
« La phrase est un organisme dont l'unité reproduit Punité de la pensée et qui
a pour élément constitutif le mot. Le mot lui-même n'est pas simple, mais c'est
le signe d'un groupe d'idées simples, associées par un lien naturel et si intime
que l'ensemble forme un tout nouveau : c'est en même temps un groupe de sons
fondus dans une unité réelle, objective, qui répond à l'unité subjective des idées
qu'il exprime. Comme son et comme expression d'idées, le mot, avec ses éléments
multiples, doit avoir un noyau, un centre autour duquel se groupent ces éléments;
c'est la racine. Il y a quatre sortes de racines, irréductibles les unes aux autres',
et qui sont les premiers efforts de l'esprit pour sortir du chaos de l'indétermi-
nation : les racines interjectionnelles ; les racines démonstratives ^ ; les racines
pronominales, et les racines nominales. Les racines pronominales doivent être
séparées des racines démonstratives, avec lesquelles les confondent les philolo-
gues. La nature du pronom personnel n'est pas en effet la notion d'un rapport
dans l'espace. Loin que la notion du moi suppose celle d'une relation dans
l'espace ou le temps, c'est l'espace et le temps qui supposent le moi : 'ASuvaTov
sTvai xp6vôv, ^ux'')? W'^ oikjy];, Aristote l'a dit. La notion du pronom personnel
est donc primitive. L'homme en prenant conscience de son moi reconnaît dans
les autres hommes un moi identique au sien. L'activité humaine et le drame
grammatical supposent donc deux acteurs, et n'en supposent que deux. De là le
duel. La 3^ personne, à proprement parler, n'existe pas; ou elle se confond avec
les démonstratifs de lieu, ou elle est étroitement unie à la seconde personne.
Entre ces deux racines, si semblables qu'on peut douter qu'il y en ait réellement
deux, il se fait un échange de signification qui a évidemment sa raison d'être
dans ce fait que la distinction essentielle et primitive est de deux personnes,
et de deux personnes seulement.
^ « Le pronom a pour fonction d'exprimer l'idée de la personne. Joint à la racine
nominale, il a aussi le pouvoir de la changer en verbe, et la notion du verbe est
sinon renfermée explicitement dans le pronom, du moins introduite dans le dis-
cours, grâce à lui ; dadàmi « je donne » est donnant moi, le don de moi. Les
racines sont des sons articulés ; l'articulation est le phénomène primitif du lan-
gage. Les voyelles et les consonnes sont inséparables, et l'analyse seule peut les
distinguer. Suit une analyse des consonnes et des voyelles et des changements
auxquels elles sont soumises.
« D'où viennent les altérations phonétiques .? De la loi du moindre effort, disent
les philologues. Mais cette loi elle-même ? De l'instinct du beau, du besoin d'har-
monie, de rhythme, de clarté. Un petit enfant essayait de prononcer sœur, et
pour triompher de la difficulté que lui offrait ce mot, redoublait la syllabe :
seseur; c'est là le thème slave seser^ et, avec un lé^er changement dans le procédé,
l'allemand schwesîer, l'anglais sisîer (page 84).
« C'est une chimère de chercher les sons primitifs du langage; il n'y en a pas.
1 . « L'analyse nous mène à établir trois ou quatre genres de racines, irréductibles l'un
» à l'autre » (p. 25).
2. C'est ce que les philologues appellent racines pronomitiales. -
: j.jlÀre sestra. ._.:. -i^: .vJ. j ::-:■ iï:.t. i^irijij^^ûii noiauîiîoc
d'histoirr et de littérature. 405
A l'origine, il existe des sons indistincts et confus qui par le progrès du langage
se précisent, et donnent naissance aux autres sons qu'ils contiennent en germe.
C'est donc par l'identité primitive, que doivent s'expliquer ces permutations,
dont les philologues ont découvert les lois, mais non saisi les causes. Le son
français oi était à l'origine ouaij se différenciant dans le temps et l'espace, il
devient ai par la chute de ou, oua par la chute de / (p. 89).
« Comment les racines monosyllabiques deviennent-elles des mots? On croit que
la racine peut exister dépouillée de tout élément formel ; erreur. Ce qui se pense
a forme et les notions primitives les plus simples ont un double élément, la
matière et la forme, toutes deux nécessaires, simultanées, inséparables. La racine
qui est monosyllabique, doit toujours même dans les langues monosyllabiques,
comme le chinois, si indéterminée qu'elle soit dans sa forme extérieure, corres-
pondre à une catégorie précise de l'esprit humain, nom, adjectif, verbe, etc., ce
qui ruine par la base les théories de M. Max-Muller sur le processus des langues
d'abord monosyllabiques, puis agglutinantes, et enfin flexionnelles. Comment,
en effet, concevoir à l'origine des racines nues, d'où l'élément formel soit
absent ^ l'esprit crée la racine avec l'élément formel, c.-à-d. le mot en entier.
Le mot était à sa naissance ce qu'il devait être plus tard ; germe des mots
futurs, il doit être de même nature qu'eux : èÇ àpyriÇ cuvicTYjai to ç6(7£i
« La nature du mot établie, comment entre-t-il dans les catégories de l'esprit?
Il n'y a dans la nature que des êtres et des manières d'être; de là deux catégo-
ries primitives, pronoms exprimant la personne, adjectifs ou participes exprimant
les qualités. L'homme, portant dans la nature l'idée de substance qu'il trouve
dans sa conscience, conçoit le substantif qui sort de l'adjectif. Quand je dis l'or
brillej comme or veut dire brillant Jâis-je une tautologie: Le brillant (est) brillante
Non, car le premier mot, pose la substance individuelle, tandis que le second
garde toute sa généralité. L'un est un sujet immobile, l'autre a l'action, la vie.
L'article, ce pronom de la 3** personne, a précisément pour fonction d'individua-
liser, de substantialiser. Voilà pourquoi 1'^, pronom de la ^^ personne, est la
caractéristique du nominatif (p. i $ 3").
« Le verbe naît lorsque la fusion du pronom personnel et de l'adjectif s'est
opérée de façon à rendre possible l'expression de la modalité et des temps.
L'affirmation n'est donc pas contenue explicitement dans le verbe, comme le
croit Port-Royal ; elle n'existe que dans la pensée de celui qui parle ; le verbe
en somme est un prédicat dont la copule qui le rattache au sujet est le plus sou-
vent sous-entendue par l'ellipse.
« Au verbe viennent s'imposer les deux conditions de modes et de temps; les
temps qui expriment la situation du prédicat par rapport au sujet actuel, les
modes qui expriment les rapports que le sujet conçoit entre lui et le prédicat. Il
y a affinité naturelle entre les temps et les modes, parce que le mode indicatif,
comme le temps présent, exprime la nécessité actuelle, et les modes subjonctifs
et optatifs, comme le temps futur, expriment la contingence et la, possibilité.
De là confusion fréquente entre ces deux modifications du verbe qu'on remarque
404 c3q!îTAïT|[ïVt,|. 36kffîlQf®ÎOT2IHM
dans certaines langues. L'hébreu a plus de modes que de tetnpàf «i^fesanscrit plus
de temps que de modes^. '--'•' ■'■-'■■ -' ^ ^ '^''; ^^ ■ '•■? .''fii'^..-^ 3 : :
« Pour achever la forme âfûm'ci^i^nWitf -ou veréèj^l^oâl' llndîvi'duàl^ér,' an thème
^'ajoutent les suffixes. Les suffixes sont-ils d'anciennes racines atténuées, et par
Pagglutination accollées au mot de manière à pouvoir exprimer nombre et
cas ? C'est l'opinion des Max MùUer, des Schleicher; mais cette opinion est con-
tredite par tous les principes qu'on vient d'exposer. On ne peut y voir qu'un
développement organique de la racine même. Ces suffixes usuels sont en effet
des modifications si légères du thème qu'il est impossible d'y voir d'anciens
mots, morts depuis: dominos , domino-i, domino-m: dans ces mots ï; -ïy M,
sont à peine des sons vivants : ce sont des nuances presque insensibles de pro-
nonciation, utilisées après coup pour la détermination des rapports.
« Quant aux autres suffixes, ils viennent d'un renforcement, d'un allongement,
d'une modification de la racine, s/ Xitu devenant Xsitî ; v/ §r/. = Sctvt et 5£17,vu-(|jli) .
Ces modifications ont-elles des valeurs significatives .? Non. La science s'égarerait
dans d'obscures recherches à déterminer ces valeurs. Ces suffixes sont dus à des
besoins d'euphonie. Les philologues ne font pas la part assez grande au côté
artistique du langage, à l'action instinctive de l^harmonie. Ces sons de liaison ^
ces lettres formatives, par leur insignifiance logique même, servent mieux 4i
souder ensemble le radical et la désinence et à établir l'unité du mot.
« L'auteur donne ensuite quelques exemples de la dérivation nominale et verbale,
d'après Curtius, Schleicher, etc., en émettant toutefois de prudentes réserves sur
les théories de la dérivation qui régnent en Allemagne?. ^
« Le mot avec ses suffixes est-il complet ? Pas encore. L'accent tonique vient
l'achever, lui donner la perfection désirable. L'auteur cherche à démêler le
chaos des assertions contradictoires qu'offrent les grammairiens anciens grecs et
latins; entrevoit, sans en saisir toutes les conséquences, la distinction de
l'accent d'intensité et de l'accent d'acuité, mais a le tort de croire que l'accent
1. M. Ch. fait souvent des rapprochements avec les langues sémitiques ou du moins
avec Thébreu dont il a quelque connaissance. P. 240-242 , il oppose la fixité des racines
trilitères sémitiques à la mobilité des racines monosyllabiques indo-européennes, et en
conclut que les races sémitiques auraient senti plus vivement Tidentité de la substance
persistant au milieu de tous ses accidents; les races aryennes auraient vu surtout la mo-
bilité de l'être et ses transformations. Cette vue est ingénieuse; est-elle vraie? Si les langues
sémitiques conservent plus fidèlement la racine, c'est qu'elles sont moins soumises aux
altérations phonétiques que les langues indo-européennes ; mais les mots contenant des
lettres facilement altérables, n'en sont pas moins déformés. Où retrouver les trois lettres
racines dans ef, futur de natôh (pencher)? dans çèh impératif de yaçoh (sortir), etc.? —
Inversement l'allemand geheiiy gab^ ^ib,- schwellen, schwoll^ schwill; sprcchcn, sprachy
sprich, gesprochen, ne nous montre-t-il pas quelque chose d'analogue au trilitérisme sémi-
tique? En faudrait-il conclure que les races germaniques ont « plus profondément senti
» la persistance, l'identité de la substance qui demeure au milieu de tous les changements
» de ses propriétés et de ses accidents? » Cf. St. Guyard, Nouvel essai sur la formation
du pluriel brisé en arabe, p. 6 et 7.
2. Vient ici une longue discussion, interrompant quelque peu l'enchaînement des idées,
pour établir que les modalités sont subies non par le sujet, mais par le prédicat, sont
objectives et non subjectives.
j. Ou plutôt qui régnaient. Car M. Ch. ne connaît pas les travaux de Ludwig.
d'histoire et de littérature. 40|
tonique est resté identique à lui-même, depuis les Grecs jusqu'à nos jours '..^
Dans ce résumé, que nous avons fait aussi exact que possible, quel mélange
de vues justes et de vues fausses ! Et comme une bonne partie de ces considéra-
tions est stérile pour la science ! Sans parler de la fantastique phonétique de
l'auteur 2, que d'hypothèses gratuites, inspirées par des vues a priori, sans fon-
dement ! Quelle est l'origine des suffixes ? des désinences casuelles ? du duel ? des
pronoms? des formes verbales? Les racines primitives sont-elles longues ou
brèves? M. Ch. a réponse à tout. Ses théories métaphysiques lui permettent de
triompher de l'ignorance des philologues. Mais ceux-ci auront beau admirer ses
réponses triomphantes, ils continueront à dire jusqu'à nouvel ordre que sur toutes
ces questions d'origine ils ne savent rien.
L'auteur veut étudier la formation des mots, et commence par établir à l'on-
gine des langues indo-européennes des racines toutes créées spontanément, con-
tenant en elles-mêmes déjà des éléments formels, des principes de suffixe. Cette
hypothèse donnée a priori comme chose évidente, c'est Vinconcussum quid sur lequel
il bâtit l'édifice du langage. Voilà un postulat bien hardi, et posé bien lestement.
Ainsi seule de toutes les sciences expérimentales, la science du langage aurait son
principe premier au delà duquel il n'y a plus rien à chercher, et tandis que
la physiologie, par exemple, part modestement du dernier terme qui tom.be sous
l'expérience directe, la cellule^ dont elle ignore actuellement la formation,
quitte plus tard à la soumettre à nouvelles recherches, la philologie aurait la
prétention de partir d'une création première parfaitement déterminée : la racine
formelle ! Mais n'est-il pas clair que cette langue indo-européenne, que la science
reconstruit, n'est pas une langue primitive ; qu'elle a derrière elle un long passé
et que chacun des mots qui la constituent n'est que le dernier terme à nous
accessible d'une série infinie de transformations qui échappent à notre expé-
rience? Les racines que le philologue tire par abstraction de ces mots, n'ont
donc qu'une valeur de convention, valeur temporaire et relative seulement à la
période étudiée par le philologue, puisque ces mots ne sont vraisemblablement
que les résidus de mots avec radicaux et suffixes ayant vécu une longue existence
antérieure, durant des dizaines, des centaines de siècles. Si nous ne connaissions
que le groupe des langues romanes, nous poserions une racine bon abstraite de
hontéj bonità, bondad, buono, etc. Or dans cette racine, venue du latin b-onus,
du-onus, on est suffixe, et la racine ancienne du n'est plus représentée que par
le b transformé de Vu. C'est une prétention singulière de croire que la science
puisse atteindre un point de départ originel; comme elle n'agit que sur des suc-
cessions de phénomènes, elle ne peut remonter qu'à des phénomènes antérieurs,
1. Un appendice contient une étude sur la philosophie du langage dans Aristote.
Notre incompétence nous force à décliner la discussion sur ce point.
2. On a vu plus haut quelques exemples de cette phonéticjue : se-seur identifié avec
schwester, sister, seser; les sons oua et oi sortis d'un primitif ou^i; les exemples d'affirmation
de ce genre abondent. Je me contenterai de citer seulement encore une ligne. « A l'aide
» d'un redoublement de la racine et d'un suffixe féminin , cette même racine (aur) donnera
» en latin aur-or-a (pour anr-aur-a ou ûr-ûr-a) l'aurore, en sanskrit ush-as dont \'s lin-
» guale {sh) se change régulièrement dans la langue latine en r : changement que nous
» retrouvons dans l'intérieur de notre langue, qui fait également de mum, le ris et le
B rire. » (p. 140).
406 ^^'^'''^' REVUE CRITIQUE
et de ceux-ci à d'autres, sans arrêt, sans fin. L'absolu lui échappera toujours.
Nulla est nisi fluxorum scientia.
Admettons cependant le point de départ posé par M. Ch. comme provisoire ; que
la racine avec son élément formel soit pour le philologue ce que la cellule est au
physiologiste ; ici nous entrons dans le domaine de l'expérience ; voyons ce qu'elle
devient entre les mains de M. Ch. Préoccupé de retrouver ses principes méta-
physiques dans les faits du langage, il les modifie sous cette influence. Il cherche
à retrouver dans le langage les formes mêmes de la pensée, parce qu'il croit que
le langage est l^ expression de la pensée; c'est une grave erreur; le langage n'est
qu'un ejfort vers ^expression de la pensée^ ce qui est bien différent. Que la pensée
ait ses lois formelles, nous l'accordons volontiers; qu'on les retrouve dans le
langage primitif, c'est autre chose ; le progrès du langage consistant précisément
à en prendre peu à peu possession, et à finir par exprimer toutes les idées,
toutes les nuances d'idées, que renferme la pensée humaine'.
Si M. Ch. avait bien compris ce fait, il n'aurait pas affirmé si hardiment l'exis-
tence de racines pronominales primitives , sous prétexte que l'homme primitif a
dû avoir conscience de sa personnalité. Au lieu de supposer à l'origine un cr^
articulé, compris immédiatement comme signifiant ego, il suffit d'admettre un cri
indéterminé accompagné d'un geste qui lui donne cette signification, par ex., un
coup de la main sur la poitrine. Il est plus conforme aux procédés du langage
de ramener le pronom personnel à une racine démonstrative : « ici ».
Dans les créations des formes, comme dans les constructions syntactiques,
comme dans les significations des mots, on assiste à ce progrès de la langue
qui, cherchant à saisir la pensée, s'empare d'elle par un détour, et finit plus ou
moins par la posséder pleinement. Quand Bopp expliquait l'augment par l'^ privatif,
et l'aoriste par la négation du présent, Lassen s'écriait : « Comment ! je ne vois pas
» veut dire 'fai vu! »; Lassen avait tort. Que l'explication de Bopp soit vraie ou
non, elle est conforme aux lois du langage. Je ne vois paSy outre la négation du
présent, renferme deux idées : je ne vois plus, c.-à-d. j'ai vu, et je ne vois pas
ENCORE, c.-à-d. je verrai. Les philosophes demanderont peut-être pourquoi plus,
encore, qui sont ici les idées essentielles, ne sont pas exprimées. Les philologues
répondront que le langage n'y regarde pas de si près, et qu'il lui suffit qu'une idée
setrouve vaguement comprise dans une expression, pour qu'il attache l'expression à
l'idée, et, par la force de l'usage et des circonstances, la rende adéquate l'une à l'autre.
I . La pensée est un langage intérieur auquel correspond le langage extérieur, le lan-
gage parle. Si l'un était l'expression adéquate de l'autre la science, du langage serait exac-
tement celle de la pensée. Mais, tandis que le langage parlé ne se compose que de mots,
le langage parlé renferme aussi des images, représentations directes des objets. Les progrès
du langage consistent précisément à réduire la part de l'image, et c'est en cela qu'il est
un effort vers l'expression extérieure de la pensée. Ajoutons que les mots qui constituent le
langage parlé, ne sont autre chose que des termes généraux, c.-à-d. des genres et des
espèces, et que dans les langues non encore laites, ces genres ont une extension trop
vaste. Là encore le progrès du langage consiste à rabattre de cette extension, et par suite
à serrer de plus près la pensée. Enfin, comme la pensée elle-même subit des évolutions
diverses, qu'elle s'analyse, devient plus rigoureuse, le langage en même temps reflète cette
marche de l'esprit, de sorte que le philosophe doit y retrouver et cet effort vers l'expres-
sion de la pensée, et les progrès de la pensée elle-même.
D*HlSTOIi^E ET DE LITTÉRATURE. 4O7
Il est constant que le langage, dans ses transformations graduelles, tend à
Panalyse. Plus on remonte vers les origines, plus des catégories diverses de
la pensée on voit confondues dans un même mot; c'est qu'en effet le langage, non
encore maître de lui, est forcé de faire entrer dans une seule expression des
idées multiples; et pour achever sa pensée et la rendre sensible, -de s'aider de
moyens extérieurs, le geste, le jeu de la physionomie. Tel est encore le procédé
de l'enfant, impuissant à rendre ses idées, ou de l'homme à qui une violente
émotion enlève une partie de ses ressources intellectuelles. Le langage devient
plus sûr de lui ; il se débarrasse de ses procédés extérieurs, pénètre plus pro-
fondément dans Panalyse de la pensée, la rend plus sensible ; et l'idéal pour lui
sera atteint, si jamais il l'est, le jour où il deviendra le calque fidèle d'une pensée
rigoureuse et précise.
, U'erreur première que nous constatons chez M. Ch. a pour résultat de fausser
les vues les plus justes et de présenter sous un faux jour des idées en elles-
mêmes exactes. Par exemple, son analyse du substantif et de l'adjectif est fine et
vraie; elle montre bien comment l'adjectif est antérieur au substantif. Dans l'or
brille^ le mot or avant d'être substantif a été adjectif (le brillanty. Mais où l'au-
teur, préoccupé de ses théories métaphysiques, a tort, c'est quand il croit que
le langage a cherché à individualiser, à substantialiser le mot or en le faisant
passer du rôle d'adjectif (brillant) au rôle de substantif. Les choses ne se passent
pas ainsi en fait. L'esprit est frappé d'une qualité dominante dans un objet, il
désigne cet objet par cette qualité, puis il attache graduellement à cette désigna-
tion, étymologiquement spéciale, les autres qualités dont l'ensemble constitue
l'image une de l'objet. Ici M. Ch., au lieu de considérer le progrès historique du
langage, n'a vu que le résultat final d'une lente opération, c.-à-d. un subs-
tantif, une forme grammaticale répondant: à une catégorie i^Çtfc'^spçfejJ'i^^e
d'individu2. f;',';,;/." ..,-r, ^^r^t t;< v V-t '^*' ^n-b riy-f «
Pourquoi M. Ch. combat-il les théories de Max-Muller et de Schleicher sur
les trois formes des langues monosyllabiques, agglutinantes, flexionnelles ? Parce
tue ce ne sont que des hypothèses, indémontrées, et jusqu'ici indémontrables ?
ndlement ; parce qu'elles contredisent les théories philosophiques de l'auteur.
Al fond, et en nous plaçant à son point de vue, nous ne serions pas très-
élognés de partager ses idées : mais sur cette question des origines, nous ne
pou'ons que suivre l'opinion des spécialistes qui déclarent n'y rien connaître.
C^-st la même conception du langage, où le sens historique fait généralement
défau3, qui inspire à l'auteur sa commode théorie des suffixes. Heureusement
1. Dns quelle langue M. Ch. prend-il ce mot? En français, or n'a jamais signifié
brillant^ \ en latin; mais ne chicanons pas l'auteur sur cette minutie, car il suffit pour
sa démomration que le radical de amum ait eu à l'origine le sens de brillant j ce qui est
exact.
2. Et ei-ore , les métaphysiciens pourraient trouver à redire, car le nom commun
désigne un gnre, et en transformant l'adjectif en substantif, bien loin de l'individualiser,
on le générase, puisqu'on change un phénomène en un fait général.
3. Çà et Lie vrai sens des choses du langage se dégage avec tant de force des faits
observés qu'il 'impose à l'auteur. Dans plusieurs passages l'auteur voit bien que l'ellipse
joue un rôle Ci,ital et que le langage dit plus par ce qu'il donne à entendre que par ce qu'il
exprime. Signa.ns spécialement la p. 183 ce passage très- juste et très- fer me: «Lesrapports
408 ^^îj'UT/^ REVUE GRITlQlfiÇJï-T^.irû
que les philologues continueront à « s^égarer dans ces recherches obscures » où
ils sauront tôt ou tard apporter quelque lumière, je n'en veux pour garant que les
études de M. Bergaigne sur la dérivation casuelle'. A quoi ont donc servi les
théories métaphysiques de M. Ch. ? A vouloir trancher des questions queJes
philologues abordent à peine, et à tirer des conclusions générales que renver-
seront les découvertes quotidiennes des patients chercheurs.
Des remarques qui précèdent, il semble découler cette conclusion que la philo-
sophie n'a rien à voir avec la philologie. Pour la question des origines, oui, jusqu'à
nouvel ordre du moins. Laissons les philologues, par une longue et minutieuse inves-
tigation, nous débrouiller le chaos de la dérivation et des racines; ce travail achevé,
les philosophes auront assez de matériaux pour élever leurs constructions, ou plutôt
les vues générales se dégageront assez d'elles-mêmes des faits amassés par les
savants. Pour le moment, un seul terrain est ouvert à la philosophie du langage,
celui de V histoire des idiomes. Les transformations de la syntaxe, des formes
grammaticales, des significations des mots apportent d'innombrables documents
et de longtemps inépuisables, à l'histoire de l'esprit humain.
Quelles sont les causes qui agissent sur les mots, pour en modifier la signifi-
cation ? Comment tels vocables, transformés depuis l'origine par les altérations
phonétiques, restent-ils immobiles quant à leur valeur, alors que d'autres voient
l'idée qu'ils représentent s'étendre ou se rétrécir, se déformer, et se prêtent à
l'expression de nouveaux concepts? Dans cette histoire des significations des
mots, n'y a-t-il pas à suivre l'histoire des idées humaines ï Les formes gramma-
ticales, désinences flexionnelles, suffixes de dérivation, temps et modes, etc.,
peuvent également fournir des indications précieuses sur les conceptions des
peuples, et la manière dont ils saisissent les rapports des idées. Si l'allemand
a emprunté son pronom relatif à un adjectif démonstratif (der), n'a-t-on pas le
droit de conclure de ce fait à une conception particulière primitive de l'idée de
relation ? L'histoire de la syntaxe enfin offre d'abondants matériaux pour une
histoire de la pensée humaine. Les belles études de M. Bergaigne sur l'ordre des
mots dans les langues indo-européennes^ nous montrent déjà que l'ordre logique
à l'origine était absolument l'opposé de ce que nous désignons aujourd'hui par ç
nom, d'où il semble résulter que les lois formelles de l'intelligence ne so^t
que des habitudes de la pensée. Les philosophes étudient généralement ,^s
lois de l'esprit humain dans des conditions qui sont en dehors de l'ordinare,
c'est sur eux-mêmes qu'ils expérimentent, c.-à-d. sur des intelligences d'^ite,
et ils considèrent l'esprit poursuivant un but précis, la recherche d'une vrité^
ce qui est l'exception ; mais les procédés que met en usage l'esprit dans son a-'tivité
journalière et banale, mais les lois qu'il suit inconsciemment dans son dvelop-
pement instinctif, l'étude du langage les enseignera, parce qu'une lanfie à un
» grammaticaux sont pour la plupart des relations subjectives, que l'esprit é/hlit spon-
» tanément entre les idées. C'est une grande erreur de croire que tout s'ex-jr^m^ et doit
» être exprimé, que tout ce qui est pensée ait besoin d'avoir dans le langag ""^ repré-
» sentation spéciale, etc.... » Si l'auteur s'était partout inspiré de cette ic^ si juste, il
aurait refondu son livre.
1. Dans les Mémoires de la Société de linguistiijue de Paris y t. IL
2. Mémoires de la Société de linguistique de Paris, t. IIL
d'histoire et de littérature. 409
moment donné nous représente Pétat d'esprit d'une nation, et, dans son déve-
loppement historique, l'histoire intellectuelle de cette nation.
Les affirmations qui précèdent ne sont pas téméraires. Déjà l'étude générale
des faits du langage permet de constater quelques lois. Les grammairiens ont
depuis longtemps noté sous le nom de catachrèses, synecdoques^ métaphores, etc.,
toutes les figures de mots par lesquelles les sens se transforment. Ces figures exis-
tent également dans les formes grammaticales et dans les constructions syntacti-
ques et elles reposent toutes sur le raisonnement suivant : L'esprit se porte sur
une qualité spéciale dans un objet ou sur un point particulier dans une conception
quelconque, y attache une expression, une forme grammaticale, ou une construc-
tion syntactique adéquate^ perd ensuite de vue la qualité première, le point
spécial de la conception pour se porter sur une qualité secondaire, sur
une seconde conception , que le hasard a faite voisine des premières , et
cependant, au mépris de la logique, il continue d'y attacher la première
expression, la première forme grammaticale, la première construction syntac-
tique, qui dès lors cesse d'être adéquate. Il y a là un passage d'un point
à un autre, qui consiste à dire cum hoc, ergo per hoc : telle idée se trouve con-
jointe à une autre, donc elle sera naturellement rendue par le terme qui exprime
cette autre. Les philosophes ont des noms pour désigner cette déviation de
raisonnement, ce raisonnement oblique; ils l'appellent paralogisme. Eh bien! on
peut déjà l'affirmer, les transformations des idiomes reposent pour la plus grande
partie sur ce raisonnement oblique, et le langage, ce grand fait de l'humanité, a
pour principe premier un paralogisme. A. Darmesteter.
241. — Saint Louis et son temps par H. Wallon, membre de l'Institut, profes-
seur d'histoire moderne à la Faculté des lettres de Paris. Paris, Hachette. 1875.
2 volumes in-8% xxxvj-492 et $56 p. — Prix : 1 5 fr.
De tous les Capétiens directs, saint Louis est celui dont le règne a été l'objet
du plus grand nombre de travaux importants dans ces dernières années. Les
ouvrages de M. Boutaric sur l'administration féodale et royale au xiu^ siècle,, les
études de M. Viollet sur les rapports de saint Louis et du clergé, et l'authen-
ticité de la trop célèbre Pragmatique Sanction, les grandes éditions de Joinville,
par M. de Wailly, enfin la publication de l'histoire de Lenain de Tillemont, tels
sont les principaux événements littéraires qui ont ramené l'attention des érudits
sur cette partie de l'histoire de France. Le sujet d'ailleurs est des plus intéres-
sants. Grâce à l'existence de nombreuses sources contemporaines dont plusieurs
sont d'une haute valeur, grâce à l'abondance des documents diplomatiques, saint
Louis est le premier des rois Capétiens dans l'intimité duquel on puisse vivre,
dont on puisse connaître suffisamment la vie et l'esprit.
Ce sont ces notions nouvellement acquises sur l'histoire de saint Louis, que
M. Wallon a voulu faire pénétrer dans le grand public. Son livre est avant tout
une œuvre de vulgarisation ; il en a les qualités et les défauts. Les principaux
inconvénients d'un travail de cette espèce sont l'obligation de négliger presque
entièrement les sources diplomatiques, la nécessité de remplacer par des géné-
ralisations vagues des faits précis, enfin la suppression de toute discussion
410 " ' REVUE CRITIQUE
critique. Toutes ces imperfections peuvent certainement être atténuées dans une
certaine mesure, mais la plus grande de toutes, celle qu'il est à peu près impos-
sible d'éviter complètement, c'est l'influence d'une idée générale préconçue, qui
imprime à tout l'ouvrage une couleur arbitraire. Les qualités d'un pareil livre sont
d'un autre ordre; il transporte dans le grand public des idées, des notions
nouvelles, qu'il n'aurait point été chercher dans les ouvrages de pure érudition
et remplace des idées, des notions plus anciennes qui n'ont plus raison d'être
devant les progrès de la science historique.
Quels sont donc les défauts de ce genre que nous pourrons reprocher à l'histoire
de S. Louis ? L'auteur a dû employer les ouvrages d'érudition récemment publiés sur
les matières spéciales qu'il avait à traiter, de là dans les diverses parties du livre
une grande inégalité, on peut dire en général que tant vaut l'ouvrage mis à contri-
bution, tant vaut le récit. Pour la suite des événements politiques, M. W. avait un
guide qu'il a largement employé, Lenain de Tillemont, dont la volumineuse Vie de
Saint Louis donne le résumé non seulement de la plupart des documents que nous
possédons aujourd'hui, mais encore de beaucoup qui ont disparu depuis sa rédac-
tion. Mais ce guide généralement exact ne laisse pas d'avoir certains défauts; ce
n'est point par l'esprit critique que brille l'ouvrage du vénérable érudit, et là
comme dans la plupart de ses travaux, il a trop peu distingué entre les sources
qu'il employait ; tout lui a semblé bon à prendre, et il a mis sur le même rang
chroniques contemporaines et compilations postérieures, chartes authentiques et
légendes monastiques. Ce n'est donc un guide sûr qu'à la condition de le contrôler
constamment, c'est un répertoire de faits et de renseignements. Disons d'ail-
leurs tout de suite que M. W. y a joint des sources d'un emploi plus facile;
la collection du Trésor des Chartes, publiée par l'administration des Archives
Nationales, les excursus des nouveaux éditeurs des historiens de France et ceux
de la collection anglaise du Maître des Rôles, enfin le grand travail de M. Huillard-
Bréholles sur les actes de Frédéric II. Ce sont là des ouvrages excellents et dont
l'auteur a tiré tout le parti possible.
Le plan de l'ouvrage est extrêmement étendu ; il embrasse non-seulement
l'histoire politique de saint Louis, mais encore celle de l'administration, des
arts et des lettres à son époque; or pour la première de ces parties supplémen-
taires, il n'existe aucun livre qui se rapporte spécialement à cette époque ; en
effet on a bien étudié l'administration soit de Philippe Auguste, soit de Philippe
le Bel, mais nullement celle de saint Louis, et l'ouvrage de M. Boutaric sur
Alfonse de Poitiers, malgré sa grande valeur, ne fournit que peu de renseigne-
ments sur le gouvernement personnel du roi ; tout au plus pourrait-il servir de
guide pour une étude directe des actes de l'administration royale à cette époque.
Pour les arts, M. W. avait heureusement des guides excellents, et ses chapitres
sur l'architecture et les arts du dessin ne sont guère qu'un résumé fidèle des
ouvrages de M. VioUet le Duc, entremêlé de longues citations du même auteur.
Mais pour les lettres, il nous a paru extrêmement insuffisant, cette partie de
l'histoire du xiir siècle n'ayant encore été l'objet d'aucun travail d'ensemble
véritablement scientifique.
L'idée générale, à laquelle M. W. rapporte tous les faits de l'histoire de
d'histoire et de littérature. 41 !
Louis IX, est exprimée par lui dès la première ligne du livre : Saint Louis fut un
saint sur le trône. Ce principe une fois posé, il devient impossible à l'auteur de
juger équitablement les actes d'un roi canonisé par l'Eglise; Saint Louis n'a pu
faire une faute, commettre une injustice, avoir un défaut. Certes nous avons pour
le saint roi tout autant d'admiration que M. W., m.ais cette admiration a d'autres
causes. Ce n'est pas le saint que nous admirons en lui, mais le roi, le meilleur
que la France ait jamais eu, le plus réellement soucieux du bonheur de ses sujets,
l'observateur le plus exact, le seul exact peut-être de la parole donnée. M. W.
dit que saint Louis dut toutes ces qualités à sa piété, nous le lui accorderons
sans peine ; mais pourquoi ne pas admettre que cette même piété ait pu l'entraîner
à quelques excès de rigueur et même de fanatisme. Sa sévérité à l'égard des
blasphémateurs, contraire aux mœurs de son temps, son hostilité envers les
Juifs, sont là pour prouver que toute chose, même bonne, peut avoir ses défauts,
quand elle est poussée à l'excès; plusieurs anecdotes racontées par Joinville
prouvent que dans certains cas saint Louis pouvait devenir fanatique, et il est
difficile de soutenir que même en se mettant au point de vue des idées du temps,
ses deux croisades n'aient été de grandes fautes politiques, suite d'une éducation
trop cléricale.
Un autre point que M. W. a mal saisi à cause de cette même idée préconçue,
c'est le caractère particulier de la politique intérieure de saint Louis. Sans entrer
dans de trop longs détails sur cette politique et cette administration, rappelons
que pour bien la connaître, il faut joindre aux récits de Joinville les documents
diplomatiques. On y verra que saint Louis ne fut pas toujours le roi facile et de
débonnaire humeur que nous peint le chroniqueur, que son règne fut le dévelop-
pement naturel , le véritable trait d'union entre ceux de Philippe Auguste et de
Philippe le Bel; qu'il sut aussi bien que ces deux princes sauvegarder les droits
de sa couronne, et leur donner toute l'extension possible. Sans doute il apporta
dans cette tâche plus de modération que Philippe Auguste, plus d'honnêteté que
Philippe le Bel, mais il ne faut pas oubHer que s'il rendit les provinces de l'ouest
à Henri IH, il garda celles du midi, dont l'origine n'était guère plus légitime, et
qu'il s'arrangea toujours pour empêcher Raimond VII de réahser ses projets de
mariage , qui auraient pu détruire les espérances de son frère, Alfonse de Poitiers.
Nous ne voulons pas relever toutes les erreurs de détail qui peuvent se ren-
contrer dans l'ouvrage ; elles sont nombreuses, mais elles étaient pour ainsi dire
inévitables, à cause du nombre des documents employés, de la multiplicité des
personnages et de l'étendue du sujet. Nous allons seulement, à propos d'un certain
nombre de passages, indiquer les erreurs les plus importantes et les appréciations
qui nous semblent hasardées.
Tome L — La préface se compose d'une histoire résumée de la dynastie
capétienne jusqu'à saint Louis, d'un tableau géographique de la France en 1226,
enfin de qq. notices sur les historiens de ce règne. Dès la première page, nous
relevons une assertion singulière; M. W. a l'air de mettre Charlemagne au
nombre des saints ; ce prince n'a jamais été canonisé que par Frédéric-Barbe-
rousse, et il faut avouer qu'à part les services rendus par lui au Saint-Siège,
nous ne voyons rien dans sa vie qui lui mérite ce suprême honneur.
41^ .a^îUTAflltivusraEiiiTîQilgîîOTZîH'a
îP. viij et suiV;lLefirésumé de la guerre des Albigeois, que fôfl'AifeU^ê^îbîf
fourmille d'erreurs, la suite des événements y est incompréhensible efM'. W."rië
dit pas un mot de la conduite des légats à Pégard du comte de Toulouse. Dans
cette affaire déplorable, pour être indulgent envers Innocent II l y* il' fatit'sûp-^
poser qu'il a été -trompé. Quant à la conduite du roi de France, elle fut toute
différente de ce que suppose l'auteur; dès 1208-9, Philippe Auguste émettait
des doutes sur la légalité de la sentence du Saint-Siège contre Raimond VI, et
peut-être, s'il eût vécu, n'eût-il jamais accepté les offres séduisantes des Montfort.
Dès les premières pages du récit, nous voyons apparaître la tendance générale
que nous signalions plus haut; M. W. répugne au blâme; il lui paraît difficile,*
impossible même d'admettre que du temps de saint Louis il se soit commis des
injustices en France, ou que le pouvoir ait pu être oppresseur. De là une appré-
ciation singulière de certains faits; nous en citerons deux exemples : d'abord l'affaire
de l'université de Paris, dans laquelle Blanche de Castille avait évidemment tort;
elle ne voulut cependant ni céder ni réparer les violences de ses agents ; il fallut
que les maîtres de l'université reconnussent des torts qu'ils n'avaient point
(p. 46). Nous rappellerons encore l'intervention dans les affaires intérieures de
Beauvais, intervention qui constituait une véritable violation du droit de l'époque^
et politique que saint Louis lui-même n'imita que trop dans ses rapports avec
les municipalités du royaume (p. 48). En général, M. W. montre pour Blanche
de Castille une admiration réellement excessive ; elle ne manquait pas de fermeté,
mais elle poussait quelquefois cette fermeté jusqu'à l'obstination et à la tyrannie,'
et dans son administration, qui dura réellement jusqu'en 1253, on sent une
violence, une dureté, dont saint Louis se départit heureusement. De plus ôii
peut lui reprocher d'avoir cherché à prolonger son pouvoir au delà du nécessaire;
elle fut maîtresse jusqu'à sa mort et ce n'est qu'après elle que saint Louis put,
affranchi de cette tutelle ombrageuse et souvent tracassière, procéder à des
réformes devenues urgentes. .:;. : .^.j ^L;.; c^:^ ij..:j1 j;^..j o! .'!
Le chapitre II (p. 50 et suivantes) eât'Mtuié vFirtb<î/ïr^rfèn^^
Louis. M. W. y a peut-être attaché trop d'importance aux historiettes édifiantes-
de ses biographes ; il remarque lui-même (p. 5 s) que leurs indications sur la
simplicité de costume de saint Louis sont en contradiction avec les renseigne^
ments fournis par les comptes officiels. Quant aux menus faits qu'ils raconteîifti
pour l'édification des fidèles, il faut, croyons-nous, beaucoup en rabattre. Dans
leur respect pour le saint roi, ils lui ont prêté toutes les perfections du moine,
du chrétien par excellence selon eux; ces faits sont peut-être vrais en eux-mêmes,
mais il faut tenir compte de l'exagération toute naturelle et parfaitement incons-
ciente du panégyriste. Remarquons de plus que ces mêmes auteurs donnent à
ces pieux exercices une telle place dans la vie de saint Louis, que l'on se
figure avec peine comment il pouvait suffire à tant d'occupations, car enfin que
d'affaires il régla par lui-même pendant les vingt années que durèrent son gou-
vernement personnel, que de chartes expédiées en son nom et certainement
par ses soins ! il faut choisir : admettre que saint Louis s'était désintéressé de
toutes les affaires du siècle, ou rabattre un peu des exagérations de ses biographes.
Avec la majorité de saint Louis devait commencer son gouvernement per-
d'histoire bt de littérature. 41 j
sonnel; il n'en fut pas ainsi; il resta longtemps encore soumis à Tautorité mater-
nelle, et en 1 240 c'était encore à Blanche que s'adressaient les rapports militaires
(p. 77). Pourquoi donc M. W. met-il immédiatement le roi en scène et lui
attribue-t-il une part dans des affaires dont il n'eut probablement pas à s'occuper,
telles que le projet de mariage entre Simon de Montfort et la comtesse de Flandre
(p. 84), le règlement des affaires de Beauvais (p. 87).
P. 175, nous trouvons une singulière appréciation du traité de Lorris, imposé
au comte de Toulouse en 1243. M. W. trouve ce traité fort doux; il nous semble
à nous extrêmement onéreux ; il est vrai que le roi laissa tous ses états au comte,
mais il ne pouvait pas y toucher, puisque ces états formaient l'héritage de sa
belle-sœur, la comtesse de Poitiers. M. W. suppose à ce sujet que si le roi
retint pour lui l'hommage du comte de Foix, pour la durée de la vie de
Raimond VII, ce fut afin d'épargner à Roger l'obligation de servir un suzeraia
qu'il avait abandonné. N'y a-t-il pas plutôt là une raison politique, un désir
manifeste d'affaiblir le comte de Toulouse, tant que ce comte serait Raimond VII ?•
P. 179-180. Après avoir transcrit tout au long un récit romanesque de
Mathieu Paris, M. W. remarque en note que cet auteur est suspect d'exagération
et affectionne les anecdotes à effet; pourquoi alors lui emprunter un récit si pea
digne de foi? (^Même remarque, p. 2 1 5-6).
Partant de ce principe que toutes les qualités morales de saint Louis sont la
conséquence de sa piété, M. W. ne suppose nulle part que cette même piété ait
pu l'entraîner à des entreprises fâcheuses; telle est cependant la croisade de
1248 (p. 194-5). On peut dire de cette expédition qu'elle fut impolitique,
funeste au royaume et au roi, et enfin qu'elle n'était plus dans les idées du temps./
A ce moment bien des affaires retenaient le roi en France ; les démêlés entre,
Frédéric II et Innocent IV, qui étaient encore loin de finir, les affaires de
Flandre^^HeîÇi -La croisade retarda l'œuvre d'apaisement et de réparation que
le roi devait tenter plus tard, compromit sa santé, et laissa pendant 6 ans la
France abandonnée à la main souvent trop dure de la reine-mère. Pour prouver
que la croisade n'était plus dans les idées du temps, nous citerons Joinville, la.
chronique de Reims (p. 244), les résistances du clergé qui seul retirait quelques
avantages de pareilles aventures et qui refusait énergiquement d'y contribuer
pécuniairement. Enfin rappelons la composition de ces armées de croisés, qui)
comptaient tant d'aventuriers et de débiteurs récalcitrants, heureux de saisir cette
occasion de se débarrasser de leurs créanciers.
P. 223 et suivantes. Nous serions curieux de savoir de laquelle de ses vertus-
chrétiennes s'inspira saint Louis dans l'affaire du mariage du comte de Toulouse ?
A tout prendre, Raimond VII avait bien le droit de se marier, et saint Louis, en
entravant ses projets d'union avec Béatrix de Provence, obéit apparemment
plutôt à des vues de politique qu'à un sentiment de charité.
P. 228. Parlant de la réforme du cathoHcisme, tentée au 13° siècle par les
ordres mendiants, M. W. hasarde l'expression de pauvreté évangélique. Le mot
est mal choisi; car pour avoir renoncé en principe à la propriété individuelle,
ces ordres ne nous paraissent point avoir dédaigné la propriété collective. Il n'y
eut jamais de plus beaux couvents que ceux des dominicains, de maisons plus
414 ''^^' REVUE CRITIQUE 'p'î'2IH*a
richement dotées que celles des carmes ou des frères mineurs; nous citerons
notamment les couvents de Montpellier, de Toulouse, de Paris et tant d'autres,
dont beaucoup sont restés comme preuves du bon goût et de l'opulence de leurs
habitants.
P. 269 et suivantes. Si pendant toute la croisade, le roi déploie toutes les
vertus, et unit au plus grand courage la charité la plus ardente, l'héroïsme le
plus admirable, il faut reconnaître qu'il n'y déploya les qualités ni d'un grand
capitaine, ni d'un grand politique. Ce séjour prolongé à Chypre, ces retards à
Damiette, cette marche inopportune sur le Caire, tout prouve qu'il n'était pas fait
pour diriger à lui seul une aussi difficile expédition.
Le tableau de l'administration de saint Louis, qui remplit une bonne partie
du second volume de M. W., est moins une étude sur le règne de ce prince
qu'un aperçu sommaire des institutions politiques et judiciaires de la France
depuis Philippe Auguste jusqu'à Philippe le Bel. Nous avons déjà fait remarquer
que cela tient à la nature des ouvrages de première main employés par M. W. ;
nous n'avons pas du reste à étudier ici cette partie de l'ouvrage ; elle fera ailleurs
l'objet d'un article spécial. Remarquons seulement qu'il est regrettable, même en
adoptant les idées de M. W., qu'il n'ait pas pu étudier le gouvernement de saint
Louis à ce point de vue; il y aurait trouvé des sujet d'admiration plus nombreux
et souvent plus réels. Une autre partie du même volume est occupée par un long
tableau des arts, des sciences et des lettres à l'époque de saint Louis. C'est un
résumé généralement exact des ouvrages les plus autorisés sur la matière ; le
chapitre sur les arts est de beaucoup le meilleur, à cause de l'état même des
études historiques, rien de véritablement définitif n'ayant encore été écrit sur la
littérature de cette époque prise en général.
P. 424 et suivantes, M. W. à propos du traité de 1259 oublie de mentionner
parmi ses causes l'influence de Marguerite de Provence. Ce rôle de la reine a
été cependant mis en lumière par lui à propos des luttes entre Henri 111 et les
barons anglais. Ne peut-on supposer raisonnablement qu'elle ait poussé saint
Louis à cette restitution si peu politique, en la lui présentant comme un devoir
de conscience. Le rôle joué par Marguerite dans les dernières années du règne
de son mari est de plus en plus grand, elle se prépare à obtenir après sa mort
le même pouvoir que sa belle-mère Blanche, fait prêter à son fils Philippe un
serment que le pape est obligé de rompre comme indiscret et excessif, et cherche
de tous les côtés des appuis au dehors.
Outre la reine Marguerite, saint Louis avait alors un conseiller plus dangereux
et plus violent; c'était son frère, Charles d'Anjou, le conquérant de Naples et de
la Sicile. C'est lui qui, réveillant malgré les efforts du pape le désir de saint
Louis de faire une nouvelle croisade, l'entraîne à Tunis, pour assurer à la cou-
ronne de Sicile la continuation du tribut dont le souverain musulman s'était pré-
tendu affranchi. Tout le monde désapprouvait cette expédition, qui même victo-
rieuse n'aurait pas hâté d'un seul jour la délivrance de la Palestine; la noblesse
répugnait à partir, Joinville refusa nettement, et le roi dut enrôler des chevaliers
pauvres et user de toute son influence auprès des grands pour en entraîner
quelques-uns dans cette aventure. Celui pour lequel se faisait la croisade
d'histoire et de littérature. 415
y prit lui-même la moindre part; Charles d'Anjou arriva si tard et montra si
peu de désir de venger son frère, il veilla de si près à ses intérêts personnels
lors de la conclusion du traité, que les soupçons les plus graves ont pu planer
sur lui, soupçons faux certainement, mais qui n'en avaient pas moins pour eux
une certaine vraisemblance.
Nous terminerons ici cet article long, trop long peut-être ; la plupart des défauts
que nous avons eu à reprocher à l'ouvrage de M. Wallon tiennent à la précipitation
avec laquelle a été rédigé son livre; l'auteur n'a pu contrôler les affirmations des
ouvrages de seconde main qu'il employait; aussi son histoire est-elle souvent
confuse, monotone et aussi difficile à lire qu'un ouvrage d'érudition, dont elle
n'a ni l'exactitude, ni l'intérêt spécial. A. Molinier.
I
SOCIÉTÉS SAVANTES.
ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS ET BELLES-LETTRES'.
Séance du 17 décembre 1875.
/M. Heuzey lit la suite de son mémoire sur la ville de Dyrrhachium. — Il
achève d'étudier ce qui concerne la ville de Dyrrhachium dans l'antiquité. Il
rappelle qu'Auguste en fit une colonie romaine. Puis il recherche quel devait être
l'état des fortifications de Dyrrhachium pendant la période antique, et s'attache
à' concilier et à interpréter les témoignages peu explicites que nous ont laissés
sur ce sujet les anciens. — Ensuite M. Heuzey indique quelques monuments
anciens découverts par lui à Dyrrhachium ou dans les environs. Il signale parti-
culièrement une inscription dédiée à un personnage qui porte pour cognomen le
nom d'Epidamnus, qui avait été autrefois le nom de la ville même.
M. Alexandre Bertrand commence la lecture d'un Mémoire sur la valeur des
expressions Kzk-zoi et TaXàiai, K£XTr/,Yj et TaXaiia dans Polybe. — M. Bertrand
a déjà présenté à l'académie un mémoire destiné à établir que les termes de
Celtes d'une part et de Gaulois ou Galates de l'autre ne doivent point être con-
sidérés comme synonymes, et que c'étaient, pour la plupart des auteurs anciens
et notamment pour Polybe, les noms de deux peuples différents. Cette conclu-
sion a été combattue par M. d'Arbois de Jubainville, correspondant de l'aca-
I . Supplément au compte-rendu de la séance du i o décembre 1875. — Ouvrages présentés
de la part des auteurs : — par M. de'Saulcy : G. Maspero, Mémoire sur quelques
papyrus du Louvre, in -4*; — par M. Ad. Régnier: Emile Picot, Bibliographie
cornélienne; — par M. Miller : Les exploits de Digénis Akritas, épopée byzantine
du dixième siècle, publiée pour la première fois d'après le manuscrit unique de Tré-
bizonde, par C. Sathas et Ém. Legrand, Paris, in-8* (depuis cette publication un
autre ms. a été trouvé; une nouvelle édition est en préparation) , et plusieurs poèmes
grecs publiés par M. Ém. Legrand : Les oracles de Léon le Sage, La bataille de Varna,
La prise de Constantinople en 1453 ;' — par M. Egger : SAPIIÏOAOS, IIpaytiaTEta toù
auvTaytxaTixovi ôixaiou (traité de droit constitutionnel), 2' édition, t. 2, 3, 4, 5, Athènes,
in-S»; — par M. Hauréau : Négociations diplomatiques de la France avec la Toscane,
publiées par Abel Desjardins, t. 5 (i 589-1610), impr. nationale, in-4*; — par M. Pavet
de Courtedle: les ouvrages suivants de M. de Ujfalvy : Éléments de grammaire magyare;
Essai de grammaire de la langue vespe ou tchoude du nord ; Principes de phonétique
dans la langue finnoise, suivis d'un essai de traduction du Kalevala; — par M. de Long'
périer : A. de Caix de S. Aymour, Musée archéologique, 2' fascicule.
41 6 REVUE CRITIQUE D'hISTOIRE ET DE LITTÉRATURE.
demie, qui a soutenu que Polybe et les autres auteurs ne faisaient pas de diffé-
rence entre ces noms, qu'ils les employaient indifféremment l'un ou l'autre.
M. Bertrand répond aujourd'hui à cette assertion. Il commence par faire remar-
quer que, selon M. d'Arbois de Jubainville lui-même, le nom des Celtes et celui
des Gaulois ou Galates n'ont point la même étymologie, et qu'ils n'apparaissent
pas dans l'histoire à la même époque. Le terme de Celtes, Ksatci, est le plus
ancien; celui de raXaiai ne se rencontre presque dans aucun auteur avant
Polybe. M. Bertrand cite ensuite divers textes d'où il résulte que chez les anciens
on croyait nécessaire de distinguer entre ces deux noms, quoiqu'on n'en sût pas
toujours exactement la différence. Ainsi Diodore de Sicile dit que les Celtes
habitent la région comprise entre les Alpes et les Pyrénées , et les Gaulois plus
au nord et dans la forêt Hercynienne, mais que les Romains confondent les uns
et les autres sous le nom de Gaulois (raXâiaç; Diod. $. 32). Cette confusion,
selon M. Bertrand, vient de ce que les Gaulois auraient envahi la Cisalpine pri-
mitivement habitée par les Celtes, puis ils se seraient mêlés à ceux-ci, et leurs
troupes réunies auraient formé les armées qui envahirent l'Italie à plusieurs
reprises. Les Romains, qui apprirent surtout par ces invasions à connaître les
Celtes et les Gaulois, furent naturellement portés à confondre les deux peuples
qui s'étaient unis pour les combattre. — Après ces observations préliminaires,
M. Bertrand passe à l'examen du texte de Polybe, qui doit lui fournir la confir-
mation de sa théorie. Il commence par montrer que si dans le texte entier de
Polybe les deux mots KeX-zoi et TcCkoLicn se rencontrent à peu près le même
nombre de fois, ils sont fort inégalement distribués entre les divers livres : dans
les trois premiers on trouve bien plus souvent KsXxoi, dans les suivants presque
uniquement TaXaTai, et jamais ces deux mots ne se rencontrent à la fois dans
le même chapitre. Déjà donc a priori il est peu probable que ces deux noms
fussent termes synonymes et qu'on pût les employer indifféremment l'un pour
l'autre. C'est ce que M. Bertrand se propose de démontrer plus directement
dans la suite de son mémoire. — L'académie se forme en comité secret.
Ouvrages déposés : — A. Allmer et A. de Terrebasse, Inscriptions antiques et du
moyen-âge de Vienne en.Dauphiné, 5 vol. in-8°; — G. d'EspiNAV, Notices archéolo-
giques, et Les enceintes d'Angers, 2 vol. in-8', Angers; — G. Tourdes, Origines de
l'enseignement médical en Lorraine, la faculté de médecine de Pont-à-Mousson (1572-
1768), gr. in-8°. — Ouvrages présentés de la part des auteurs : — par M. de Wailly :
H. Wallon, Jeanne d'Arc, nouvelle édition, illustrée, Paris, Didot, gr. in-40; — par
M. P. Paris : Romans de la table ronde, t. 4; — par M. Renan : 1° Amari, Recueil des
inscriptions arabes de Sicile, i' partie; 2' Ernest Mercier, Histoire de l'établissement
des Arabes dans l'Afrique septentrionale; — par M. Perrot : Ch. Lucas, C. Mucius et
les temples de l'Honneur et de la Vertu à Rome. Julien Havet.
Erratum. N° 47, p. 324, n. 4, effacez : de même l, 885, etc. (c'était trouvé
depuis longtemps par Howard et Munro). M. B.
Le propriétaire-gérant : F. VIEWEG.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
I
LISTE DES PRINCIPAUX ARTICLES ,._^,^^,^^ ^ .^^ .^
CONTENUS DANS LES DEUX PREMIERS VOLUMES DE LA REVUE CELTIQUE
H. d'Ardois de Jubainville, correspondant de l'Institut : Etude phonétique
sur le breton de Vannes, I, 8$, 211; Zeuss et le manuscrit de Cambrai de
l'histoire ecclésiastique des P>ancs, I, 269; Influence de la déclmaison gau-
loise sur la déclinaison latine dans les documents latins de l'époque mérovin-
gienne, I, 320; Recherches sur l'histoire de l'article dans le breton armori-
cain, II, 204; Durnacos, II, 104; un /gaulois valant dh; II, m ; le couteau
de bronze de Besançon, II, 112; le mystère des Trois Rois à Vannes, II,
248; l'accent gallois, II, 341 ; les noms propres francs et les noms propres
bretons duCartulaire de Redon, II, 404; étymologiedu nom de Chaource, II,
Anatole de ÊAimiétEMY, secrétaire de la Commission de la Topographie des
Gaules: De la divinité gauloise assimilée à Dis-Pater à l'époque gallo-romaine,
I, 1 ; légendes des monnaies gauloises, I, 291, II, 94, 245.
Bdlliot, président delà Société Eduenne : Un Ex-voto de la Dea-Bibracte, 1, 306 ;
II, 21.
J.-F. Campbell : Fionn's Enchantment, a popular taie of the Highlands of
Scotland, I, 193.
D. Silvan Evans, ProfessorofCeltic Philology at the University of Aberystywyth :
Attodiad i Lyfryddiaeth y Cymry, I, 376; II, 30, 346.
H. Ebel, professeur à l'Université de Berlin: Les accusatifs gaulois en -as^ II,
403 ; observation sur le glossaire d'O'Davoren, II, 453.
Henri Gaidoz. Du prétendu nom d'Ile Sacrée donné à l'Irlande, II, 351 ; Pilgri-
mage of an Hungarian Nobleman to St Patrick's Purgatory, II, 482; les
Celtes et les éléphants, II, 486.
Louis Havet : ch breton armoricain, II, 217.
W. M. Hennessy, member of the Royal Irish Academy : The Ancient Irish
Goddess of War, I, 32; The Battleof Cnucha, a médiéval Irish Text, II, 86.
Eug. Hucher: Les légendes des monnaies gauloises, II, 94 ; Durnacos, II, 104;
sur le médaillon de M. Soldi représentant la Gaule, II, 121.
H. Kern, professeur à l'Université de Leyde : Nehalennia,II, 10; Noms germa-
niques dans des inscriptions latines du Rhin inférieur, II, 153.
Reinhold Koehler : Observations sur des contes bretons, I, 132 ; Sainte Tryphine
et Hirlande, I, 222. ,,^^^^,
Guillaume Lejean : La poésie populaire en Basse-Bretagne, II, 44.
R.-F, Le Men, archiviste du^Finistère : Traditions et superstitions de la Basse-
Bretagne, I, 226; Noms propres bretons commençant par Ab ou Ap^ II, 71.
LiEBREGHT : Le vraï nom de Gargantua, I, 136.
C. LoTTNER, professeur de sanscrit à l'Université de Dublin : The Ancient Irish
Goddess of War, 1,55.
F. -M. LuzEL : Koadalan, conte populaire breton, I, 106; La femme du Soleil,
conte populaire breton, II, 289; chansonnettes bretonnes, II, 245, 495.
Max MuLLER, Professor of Comparative Philology at Oxford : TheName of the
Danube, I, 13$. -^ j ^^.,v
A.-H. MuRRAY : Présent limits of the Celtic language in Scotland, II, 178.
C. NiGRA, ministre d'Italie à Paris : Un manuscrit irlandais de Vienne, I, $8 ;
Les gloses irlandaises de Milan, I, 60; les gloses irlandaises du manuscrit de
Berne, II, 446.
Georges Perrot, membre de l'Institut : De la disparition de la langue gauloise
en Galatie, I, 17^.
John Peter : Welsh Phonology, I, 203.
Adolphe PiGTET : La racine dru dans les noms celtiques des rivières, I, 299 ; De
quelques noms celtiques de rivières qui se lient au culte des eaux, II, i ; Une
énigme d'onomastique fluviale, II, 437.
Ernest Renan, membre de l'Institut : Le nom d'Abélard, I, 265.
Albert Réville : Un autel de Nehalennia trouvé près de Dombourg (Zélande),
II, 18.
John Rhys : The Luxembourg Folio, I, 346, II, 119; Etymological Scraps, II,
115, (88; The loss of Indo-European P in the Celtic languages, II, 321.
Sauv^ : Proverbes et dictons de la Basse-Bretagne, I, 243, 400; II, 78, 218,361.
Whitley Stokes, secretary to the Government of India for the Législative
Department: Mythological Notes, I, 256, II, 197; The manumissions in the
Bodmin Gospels, I, 332; Le Catholicon de J. Lagadeuc, I, 395 ; The Klos-
terneuburg Incantation, II, 112; A middle-Irish Homily of S. Martin of
Tours, II, 381; A conjectural Emendation of Pliny, II, 407; The ancient
Irish Goddess of War, II, 489.
Ch. Thurot, membre de l'Institut: Un opuscule grammatical de Sedulius, I,
264.
Unger, professeur à l'Université de Gœttingue : La miniature irlandaise, son
origine et son développement, I, 9.
Wattenbagii, professeur à l'Université de Berlin : Un évangéliaire à miniatures
d'origine irlandaise, I, 27; Un autographe de Marianus Scottus, I, 262.
SOMMAIRE DU PREMIER NUMÉRO DU TOME III.
JANVIER 1876.
I. L'orographie de la Gaule à l'époque romaine, par M. Ern. Desjardins,
membre de l'Institut.
II. On the Celtic Comparisons in Bopp's Comparative Grammar, by Whitley
Stokes, Esq., secretary to the Government of Inaia.
III. Le Celtique et l'Ombrien, par M. H. d'Arbois de Jubainville, correspon-
dant de l'Institut.
IV. Le dialecte vannetais de Sarzeau, par M. Emile Ernault, professeur à
l'Ecole Saint-Charles, à Saint-Brieuc.
V. Proverbes et dictons de la Basse-Bretagne (7» série, Les Mois) ; recueillis
et traduits par M. L.-F. Sauvé.
Mélanges : Cornica, by Whitley Stokes Esq., — Corrigenda et Addenda, by
John Rhys, Esq., late feilow of Merton Collège (Oxford).
Bfbliographie : O'Curry and "Sullivan : On the Manners and Customs of
the Ancient Irish (W. S.). — Beauvois : La découverte de l'Amérique par les
Irlandais (H. G.). — The book ofFenagh, éd. by Kelly andHennessy (H. G.).
— Transactions of the Gaelic Society o{ Inverness (H. G.). — Brueyre : Contes
populaires de la Grande-Bretagne (H. G.). — G. Perrot : Mélanges d'ar-
chéologie, d'épigraphie et d'histoire (H. G.) — Le Men : Etudes archéologi-
ques sur le Finistère (H. G.). — Bulliot et de Fontenay : L'art de l'émaillerie
chez les Eduens avant l'ère chrétienne. — Kerslake : The Celt and the Teuton
in Exeter; Saint-Ewen, Bristol and the Welsh Border.
Reyue des périodiques.
Nécrologie : MM. Ebel, Evander W. Evans, O'Beirne Crowe.
Chronique, par M. H. Gaidoz.
Imprimerie Gouverneur, G. Daupeley à Nogent-le-Rotrou.
^À^
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1. 18
Revue critique d»hlstoire et
de littératiire
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